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Full text of "Revue générale des sciences pures et appliquées"

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SIR WILLIAM CROOKES, 0.M., LL.D,, F.R.S. 


kRevue générale 


DS Scrences 


pures el appliquées 


TOME VINGT-SIXIÈME 


kKReçvue générale 


PS Sciences 


1 
pures el appliquées 
PARAISSANT LE 15 ET LE 30 DE CHAQUE MOIS 


FONDATEUR : Louis OLIVIER, Docteur Ës SCIENCES 


Directeur : J.-P. LANGLOIS, Docteur ès Sciences, Professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris. 


COMITÉ DE RÉDACTION 


MM. Paul APPELL, Membre de l’Institut, Doyen de la Faculté des Sciences de Paris; &.-L. BOUVIER, Membre 


de l’Institut, Professeur au Muséum ‘d'Histoire naturelle; E. DEMENGE, Ingénieur civil; E. GLEY, Professeur au 
Collège de France: Ch.-Ed. GUILLAUME, Correspondant de l’Institut; À. HALLER, Membre de l'Institut, Professeur 


à la Sorbonne; E. HAUG, Professeur à la Sorbonne: L. MANGIN, Membre de l'Institut, Professeur au Muséum 
d'Histoire naturelle; Vice-Amiral PHILIBERT ; Em. PICARD, Membre de l’Institut, Professeur à la Sorbonne. 


Secrétaire de la Rédaction : Louis BRUNET. 


TOME VINGT-SIXIÈME 
1915 


AVEC NOMBREUSES FIGURES ORIGINALES DANS LE TEXTE 


PARIS 
Octave DOIN et Fils, Editeurs 


8, place de l'Odéon, 8. 


1915 


26° ANNÉE 


N° 1 


15 JANVIER 1915 


Revue générale 


des 


Scien 


pures et appliquées 


FONDATEUR : 


LOUIS OLIVIER 


DIRECTEUR : J.-P. LANGLOIS, Docteur ès Sciences. 


Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. J.-P. LANGLOIS, 8, Place de l'Odéon, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux 
publiés dans la Xevue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


$ 1. — Institutions scientifiques. 


Les effets de la guerre sur quelques ins- 
titutions scientifiques internationales. — 
La guerre actuelle, avec ses opérations militaires et 
navales, et l'interruption ou la limitation des moyens 
de communication qui ont été la conséquence, à eu 
des répercussions fâcheuses sur le fonctionnement de 
plusieurs institutions internationales qui intéressent 
au plus haut point les progres de la science. Notre 
confrère anglais Nature‘ en indique quelques-unes, 
ainsi que les moyens qui ont pu être employés dans 
un ou deux cas pour y remédier. 

On connaît par exemple le rôle que joue le Zentral- 
stelle fur astronomische Telegramme, de Kiel, qui, sous 
la direction du Prof. Kobold, éditeur des Astrono- 
mische Nachrichten, fait connaître rapidement à tous 
les observateurs du monde la nouvelle des découvertes 
astronomiques importantes. Ce bureau avait cessé de 
fonctionner depuis le commencement de la guerre, 
lorsqu'en novembre, à la suite d'un arrangement entre 
M. Kobold et lui, le Prof. E. Strümcgren, directeur de 
l'Observatoire de l'Université de Copenhague, a fait 
savoir qu'il assumait la responsabilité de ce service. 
C'est à lui que doivent maintenant être adressées 
toutes les communications relatives au Zentralstelle. 

Comme la /tevue l’a déjà annoncé dans ses «Nouvelles 
météorologiques », les Services d'avertissement et de 
prévision du temps des divers pays ont éprouvé des 
perturbations par suite de l'interruption d'une partie 
des communications télégraphiques : c'est ainsi que dès 
le 2 août l'Office météorologique anglais suspendait la 
publication des cartes synoptiques du temps de l'Eu- 
rope et de l'Atlantique nord, et le Bureau américain 
en faisait de même à partir du 6 août pour la carte 
météorologique de l'hémisphère nord. En France, le 
Bulletin international du Bureau central météorolo- 
gique continuait à paraître, avec des indications ré- 
duites; mais, afin d'empêcher les ennemis de se servir 
de ces indications pour la prévision du temps à courte 
EE , 


1 Tome XCIV, n° 2354, p. 402-403 MO déc. 1914). 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCIS, 1915. 


échéance, sa transmission est maintenant retardée, et 
les renseignements météorologiques, depuis le 27 oc- 
tobre, ne sont plus communiqués qu'aux services olfi- 
ciels. 

Un des moyens importants d'investigation de l'atmos- 
phère supérieure est constitué par les ascensions inter- 
nationales de ballons sondes, qui ont lieu chaque 
année dans un grand nombre de pays à des dates fixées 
à l'avance. Là aussi la guerre ne manquera pas d’ap- 
porter des perturbations, par suite de la difficulté de 
se procurer dans plusieurs contrées les petits ballons 
en caoutchouc et l'hydrogène nécessaire à leur gonfle- 
ment. Les résultats des ascensions qui pourraient être 
faites ne seront en tout cas pas connus avant long- 
temps. 

L'œuvre de l'Association sismologique internationale 
se trouve également entravée. La 5e réunion, qui devait 
avoir lieu en septembre à Petrograd sous la présidence 
du Prince Galitzine, n'a pu se tenir, et son Comité 
permanent, dont le siège est à Strasbourg, a dù sans 
doute interrompre son travail de centralisation et de 
classement des observations. Il en résultera un long 
délai dans la publication des prochains catalogues de 
tremblements de terre et ,probablement beaucoup 
d'imperfections dans la liste des secousses percep- 
übles. L'effet de la guerre sera moins sérieux sur l’en- 
reuistrement des observations sismologiques, car le 
réseau de stations établies dans les colonies britan- 
niques et dans les pays alliés ou neutres couvre prati- 
quement le monde entier. La décision du Prof. Milne 
de maintenir l’organisation qu'il avait créée en dehors 
du contrôle de l'Association internationale aura donc 
ici un résultat heureux. 

La fermeture de la mer du Nord et de la Baltique à 
la navigation et à la pêche portera un coup sensible 
aux recherches scientifiques internationales qui se 
poursuivent depuis une douzaine d'années dans ces 
mers sous l'inspiration du Conseil permanent interna- 
tional pour l'exploration de la mer, qui siège à Copen- 
hague, et qui ont donné déjà des résultats si impor- 
tants pour l’industrie des pêches. L'abandon du plan 
coordonné d'observations océanographiques, qui avait 


1 


19 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


été le résultat de nombreuses années de négociations 
laborieuses entre les puissances riveraines de ces mers, 
constitue une grande perte pour la science. 

Enfin, on doit signaler que l'avenir du « Catalogue 
international de Littérature scientifique », dont la 
Société Royale de Londres assume la publication, 
cause de graves soucis à cette institution. D'une part, 
la rédaction du prochain volume rencontrera un obs- 
tacle par suite de la difficulté de recenser les pério- 
diquesaustro-allemands; d'autre part, les souscriptions 
annuelles de l'Allemagne, de l'Autriche, de la Hongrie, 
de la Belgique et de la Pologne ne seront sans doute 
pas versées jusqu'à la fin de la guerre, ce qui repré- 
sente une perte annuelle de plus de 2% 000 francs, sans 
compter la diminution de recettes provenant de la ré- 
duction de la vente. Le déficit retombera sur la Société 
Royale de Londres; elle aura mérité la reconnaissance 
des savants du monde entier en assurant la continua- 
tion de cet instrument précieux de travail qu'’èst le 
« Catalogue international ». 

On pourrait développer des considérations analogues 
au sujet des « Tables annuelles de données et de cons- 
tantes numériques de Chimie, de Physique et de Phy- 
sico chimie », dont la publication des prochains volumes 
se heurtera à des obstacles encore plus grands. 

Nous reviendrons ultérieurement sur d’autres côtés 
de cette question de l’organisation scientifique inter- 
nationale en temps de guerre. 


$ 2. — Nécrologie. 


N. C. Dunér. — Un annonce d'Upsal la mort, dans 
sa soixante-seizième année, du grand astronome sué- 
dois N. C. Dunér. 

Après s'êlie engagé d’abord dans l'exploration géo- 
graphique, par sa participation, en 1861 et en 1864, à 
l'exploration du Spitzberg par Nordenskjüld, il assista 
ensuite ce dernier dans la préparation de la carte de 
l’île, ce qui l'orienta vers l’Astronomie, à laquelle il se 
voua ensuite entièrement. Assistant, puis professeur 
à l'Université de Lund jusqu’en 1888, il devint plus tard 
professeur d’'Astronomie à l’Université et directeur de 
l'Observatoire d'Upsal. 

Ses recherches portent sur quatre domaines princi- 
paux. | 

Dès l'ouverture de l'Observatoire de Lund en 1867, il 
commença son grand travail sur les étoiles doubles, 
dont les résultats sont résumés dans ses « Mesures 
micrométriques d étoiles doubles » (1836). Il consacra 
une grande partie de son temps au calcul des orbites 
des binaires et acquit la réputation d’un des meilleurs 
calculateurs de son époque 

Dans le domaine des étoiles variables, ses résultats 
ne furent pas moins importants. Il en découvrit un 
grand aombre et, dans deux cas, il parvint à élucider 
deux de ces systèmes stellaires — Y du Cygne et 
Z d'Hercule — qu'aucun œil humain n'a résolu ni ne 
résoudra jamais. « Y Cygni, dit-il, est composé de 
deux étoiles d'égal diamètre et d’éxal éclat, qui se 
meuvent autour d’un centre commun de gravité sui- 
vant une orbite elliptique dont le grand axe est égal à 
8 fois le rayon des étoiles. » Il mesura aussi la période 
de révolution et l’excentricité de l'orbite. Pour Z Her- 
eulis, il arriva à des résultats de même nature, l’une 
des deux étoiles étant deux fois plus brillante que 
l'autre. Dans cetie « astronomie de l'invisible », Dunér 
est devenu célèbre. 

La spectroscopie des étoiles doubles occupa Dunér 
de 1878 à 1884, époque où il publia son catalogue con- 
tenant la description détaillée de 352 étoiles avec 
spectre de bandes : 297 du 3° type de Secchi et 55 du 
4° type. Pour lui, ces deux types d'étoiles représentent 
des étapes alternatives pour les étoiles solaires dans 
leur déclin vers des corps sombres. 

Enfin, c'est vers 1888 que Dunér commença ses 
études classiques sur la rotation du Soleil. Il la me- 
surait au moyen du principe de Dôppler : choisissant 


deux lignes du fer dans la portion rouge du spectre 
solaire, il comparait leurs positions avec une paire de 
lignes de l'oxygène, qui, dues à l'atmosphère terrestre, 
n’élaient pas affectées par la période de rotation du 
Soleil. Le déplacement des lignes solaires par rapport 
aux lignes telluriques indiquait une période de rotation 
de 25 1/2 jours de chaque côté de l'équateur solaire et 
— découverte insoupconnée — de 38 1/2 jours au voi- 
sinage des pôles. Bien des théories ont été proposées 
pour l'explication de ce fait, qui reste toujours un 
problème à résoudre. 

Il n'échut pas à Dunér de faire une découverte écla- 
tante au cours de sa carrière, et son nom n’atteindra 
pas au niveau de ceux d'Huggins, de Schiaparelli ou de 
Vogel parmi les astronomes contemporains; mais il fut 
l’un des astronomes les plus capables de son époque, 
et sa série monumentale de recherches sur les étoiles 
doubles et variables et sur la spectroscopie solaire et 
stellaire conserve une valeur durable !,. 


$ 3. — Industrie et Commerce. 


Les conséquences industrielles et com- 
merciales de la guerre. — Quelle que soit l'issue 
de la guerre à laquelle nous assistons, il n’est pas dou- 
teux que ses conséquences industrielles et commer- 
ciales ne soient profondes et durables. Un ingénieur et 
chimiste anglais, M. John R.-C. Kershaw, qui jouit 
d'une compétence indiscutée dans les questions écono- 
miques, a essayé de tracer le tableau de ces consé- 
quences dans une série d’études dont la première vient 
d'être publiée par T'he Engineering Magazine®. I nous 
paraît intéressant d’en donner ici un résumé, en com- 
plétant de quelques chiffres relatifs à la France les 
données de M. Kershaw, qui envisage surtout la posi- 
tion de l'Angleterre et des Etats-Unis. 

L'auteur examine successivement les trois points 
suivants : 

4° Pertes et restrictions actuelles du commerce. — 
Le commerce extérieur total (importation et exporta- 
tion comprises) du Royaume-Uni en 1912 a été de 
26.880 millions de francs environ (dont #3 °/, à l'ex- 
portation), sur lesquels les principaux pays actuellement 
en guerre entrent pour un quart à peu près, soit : 

Allemagne. 2.518.810.000 francs. 
ETAT CE EN ENERE 1.576.605.000 — 
Russie. . . . . . 41.243 865 000 — 
Belgique. SRCATNE 839.455.000 — 
Autriche-Hongrie. . . . 502.725.000 — 
6.714.220.000 francs. 


Cette partie du commerce britannique, actuellement 
en danger, pourra se poursuivre partiellement, pendant 
la durée de la guerre, avec la France, la Russie et une 
plus où moins grande partie de la Belgique, suivant 
le résultat des opérations; mais elle sera certainement 
très réduite, par le fait de la mobilisation de la plus 
grande partie de la population mâle dans ces pays. 

A la fin de la guerre, quand les relations commer- 
ciales normales reprendront, le commerce avec les 
alliés reviendra sans doute à son niveau antérieur, et 
il le dépassera même, à cause des liens noués pendant 
la guerre. Cette augmentation pourra compenser en 
tout ou partie la diminution qui est à prévoir dans le 
commerce avec l'Allemagne et l’Autriche-Hongrie. 

Le commerce extérieur total de la France en 1907 a 
été de 15.130 millions de francs environ (dont 48 °/, à 
l'exportation); les pays belligérants y ont contribué 
pour 36 °/, environ, soit : 


Royaume-Uni . . . . . 2.277.100.000 francs. 
Belgique. . . . . . . . 1.344.900 000, — 
Allemagne. . . . . . . 1.307.400.000 — 
RUSSIE: 0 : 0e DCR 381.100.000 =-- 
Autriche-Hongrie. . . . 132.300.000  — 


5.442,800.000 francs. 


E) _u 
! The Observatory, &. XXVII, no 481, p. 446-448. 
2 T, XLVIIL, n° 3, p. 321-330 (déc. 1914). 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 3 


Seul, le commerce de la France avec l'Angleterre 
subsiste en partie; ilest à peu près complètement para- 
Aysé avec la Belgique et la Russie, et suspendu avec 
l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie. On peut escompter, 
après le rétablissement de la paix, la reprise des rela- 
tions normales avec les pays alliés, et même une aug- 
mentation sensible du commerce avec la Belgique et la 
Russie, qui viendra compenser la diminution des envois 
æn Allemagne et en Autriche-Hongrie. 

Les États-Unis, moins dépendants que l'Angleterre 
des autres pays pour les matières brutes de leurs indus- 
tries, le sont davantage au point de vue du placement 
des marchandises finies. Leur commerce total en 1912 
« été de 19.115 millions de francs(dont 57 °/, à l'expor- 
tation), sur lesquels les nations en guerre entrent 
pour 45 °/,, soit : 


Royaume-Uni , . . . . 4#.159.530.000 francs. 
Allemagne. . . . . . . 92.374.315.000 — 
France..." =. . .  1.278.405.000 — 
BEIBIQUE ANNE 459.675.000  — 
IG 0 EL IAE 223.575.000 — 
Autriche-Hongrie. . . . 194.240.000 — 


S.689.800.000 francs. 


On voit que le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France 
accaparent environ 90 °/, du commerce des Etats- 
Unis avec l'Europe et 40 °/, du commerce des Etats- 
Unis avec le monde entier. La guerre aura donc une 
grande influence sur l’industrie américaine, le com- 
merce avec l'Allemagne étant pratiquement interrompu 
par la domination de la flotte anglaise sur mer, et le 
commerce avec l'Angleterre et la France, quoique 
maintenu, devant être forcément réduit. 

20 Gains et développements. — La guerre ne provo- 
quera pas seulement des pertes et des restrictions 
dans le commerce, mais aussi des gains et des dévelop- 
pements. 

En premier lieu, l’agriculture et toutes les industries 
alimentaires bénéficieront d’une plus grande demande 
et de prix plus élevés, et il est certain qu’une plus 
grande quantité de terres seront mises en culture là 
où la main-d œuvre ne fera pas défaut. 

Ensuite, toutes les industries qui touchent à laguerre : 
habillement, armements, instruments de chirurgie, 
médicaments, etc..., bénéficieront matériellement de 
la guerre. 

Mais ce sont là des répercussions directes et locales. 
Quelques effets indirects et contingents seront infini- 
ment plus importants. Le commerce d'exportation des 
objets manufacturés d'Allemagne s’est accru très rapi- 
dement en ces dernières années, et les industriels et 
commerçants anglais, français, américains, se sont 
trouvés ainsi en face d'une concurrence de plus en plus 
vive, à la fois sur leur propre marché et sur les autres 
marchés du monde. 

En 1912, les exportations allemandes de produits 
manuficturés se sont élevées à 6.830 millions de francs, 
dont 3.866 millions pour les quatre branches princi- 
pales du commerce : fer et acier, produits chimiques, 
machines, fils et tissus de coton. Il y a là un champ 
énorme, sur lequel les autres grands pays manufactu- 
riers peuvent essayer de supplanter les marchandises 
allemandes. 

Les principaux clients de l'Allemagne étaient jusqu'à 
présent, par ordre d'importance, le Royaume-Uni, 
l’Autriche-Hongrie, la Russie, les Etats-Unis, la France, 
les Pays Bas, la Suisse, la Belgique, l'Italie, puis les 
grandes républiques sud-américaines. 

Il n’est pas douteux que la Grande-Bretagne et les 
Etats-Unis se trouvent actuellement les mieux placés 
pour prenilre la situation de l'Allemagne sur leur propre 
marché et sur les marchés des autres pays, les indus- 
tries de la France et de la Russie étant plus ou moins 
paralysées pendant la durée de la guerre par la mobi- 
lisation de la plus grande partie de leur personnel tech- 
nique et ouvrier. Il y a cependant là pour nous une occa- 
Sion magnifique de conquérir une position plus forte sur 


quelques marchés neutres du monde, en particulier 
dans le domaine des machines, des appareils élec- 
triques et des produits chimiques. 

39 La siluation après la querre. — Plusieurs questions 
peuvent se poser au sujet de ce qui se passera après le 
rétablissement de la paix : Le commerce reprendra-t- 
il lentement ou rapidement ? L'Allemagne conservera- 
t-elle sa position prédominante dans la science et la 
technologie appliquée- à l'industrie ? Le commerce 
reprendra-t-il ses anciennes voies ? 

En ce qui concerne la première question, — à moins 
que la guerre ne se prolonge à l'excès, et que les nations 
engagées ne soient paralysées financièrement et phy- 
siquement par les perles énormes qu'elles auront 
subies, — il est très probable que la reprise sera rapide 
et que l’industrie et le commerce européens montre- 
ront un essor remarquable. Cette opinion est basée sur 
une étude du commerce du Royaume-Uni depuis 185%, 
qui montre que les principales guerres de la seconde 
moitié du xix° siècle ont coïncidé avec, ou ont été sui- 
vies par des périodes de commerce actif et en progres- 
sion. 

Le meilleur exemple, d’ailleurs, de relèvement rapide 
des effets d’une grande guerre, à une époque récente, 
nous est fourni par la Russie, qui, depuis la fin du 
conflit russo-japonais en 1905, a vu ses industries et son 
commerce se développer d'une facon merveilleuse. De 
1905 à 1912, son commerce total a progressé de 
4.340 millions à 6.816 millions. ; 

Il en sera sans doute de même après la guerre 
actuelle pour la Russie et pour le Royaume-Uni, dont 
le vaste empire colonial fournira les hommes et les 
matières premières qui lui permettront de se relever 
rapidement des effets de la guerre dans laquelle il s'est 
engagé. La France, la Belgique, l'Allemagne et l’Au- 
triche-Hongrie ne se relèveront que plus lentement et 
plus laborieusement, suivant les pertes qu’elles auront 
subies en hommes et en trésors matériels. 

En ce qui concerne les répercussions de la guerre 
sur la future position de l'Allemagne sur les marchés 
du monde, il est peut-être prématuré d’en parler avec 
quelque certitude, mais les obstacles à l’œuvre scolaire 
et scientifique qui résulteront d’une guerre prolongée 
semblent devoir affecler sa prédominance dans cer- 
taines branches de l'industrie, spécialement celles qui 
dépendent des connaissances électrotechniques ou 
chimiques. Par contre, si la guerre se termine à brève 
échéance, l'Allemagne aura peu à souffrir de ce côté. 

En ce qui concerne les voies commerciales, il est 
probable que les relations de commerce entre les Alliés 
seront renforcées par la guerre, et que le flux des 
échanges entre le Royaume Uni, la France, la Russie et 
la Belgique augmentera plutôt qu'il ne diminuera après 
la signature de la paix. La position de la Grande-Bre- 
tagne et des Etats-Unis sera renforcée sur les marchés 
neutres du monde, et de nouvelles voies commerciales 
serout ouvertes, tandis que de vieilles seront élargies 
avant que les nations européennes ne s'engagent de 
nouveau dans les arts et les industries de la paix. 

Un seul point noir se montre à l'horizon : plusieurs 
branches de l’industrie qui devraient bénéficier de la 
guerre dans certains pays sont arrêtées par la fermeture 
de leurs sources habituelles d’approvisionnement en 
matières premières. Cette lecon servira à convaincre 
les industriels de l’imprudence qu'il y a à dépendre 
d'une seule contrée étrangère pour la fourniture des 
substances qu'ils travaillent. 


$ 4. — Agronomie. 


L'industrie sucrière française et Ia ques- 
tion des graines d- betterave. — Une question 
de la plus haute gravité se pose pour l’industrie su- 
crière et pour les cultivateurs francais : celle des ense- 
mencements de betterave à sucre, cn vue d'assurer la 
récolte de/1915. 

Les ensemencements ne se font qu'au mois d'avril 


5 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


et durent jusqu'au mois de juin. 11 semblerait donc 
qu'on ait largement le temps de tout préparer, mais un 
fait donne aux préparatifs un caractère d'extrême 
urgence : la graine de betteraves manque, pour ainsi 
dire, absolument à nos agriculteurs. 

Or, la production de cette graine constitue une 
industrie spéciale, localisée en France dans la région 
du Nord et pratiquée surtout en Allemagne et en 
Russie. 

Avant la guerre, l’approvisionnement en graines (en- 
viron 5 millions de kilogs, nécessaires à l’ensemence- 
ment de 230.000 hectares) provenait : pour 7 dizièmes 
de l'Allemagne, pour ? dizièmes de la Russie et pour 
un dixième seulement de notre propre territoire. 

Or, actuellement le marché allemand nous est fermé. 
La source francaise est considérablement restreinte par 
l'occupation allemande. D’après les renseignements 
fournis au journal Le Temps par M. Anthony Thouret, 
de la Station agronomique de La Cappelle, les stocks 
de graines, dans la région de Lille-Orchies, doivent, 
selon toute vraisemblance, être anéantis. Depuis le 
1e octobre, aucune nouvelle n'est parvenue des cul- 
tures de Cappelle, ni des maisons de commerce de 
cette région. 

Reste done, comme source principale d’approvision- 
nement, la Russie. M. Thouret affirme que le stock 
disponible y est considérable : le million de kilogs 
ordinairement prélevé par la culture française pourrait 
ètre porté à 20 millions. | 

Détail typique : au début de son organisation sucrière, 
la Russie achetait ses graines en Allemagne ; puis les 
Allemands vinrent s'installer dans les vallées du 
Dniester, dont ils avaient reconnu la fertilité extra- 
ordinaire. Dès lors, sachant que leurs propres graines 
de la Saxe commencaient à souffrir de la dégénéres- 
cence par surproduction, les principales maisons alle- 
mandes tentèrent de coloniser la Podolie et vendirent, 
comme graines de Saxe ou de Silésie, les produits du 
sol russe. Mais les Polonais finirent par se délivrer du 
joug allemand; instruits à notre Ecole de Grignon, ils 
savent appliquer, sur leur riche territoire, les méthodes 
de la sélection alternée. 

I! faut donc envisager l'approvisionnement er Russie. 
Mais par quelle voie? Tel est le problème qui se pose 
et auquel il faut espérer qu'une solution prochaine 
sera donnée. 


$ ». — Anthropologie, 


Existe-t-il un type physique du ériminel ? — 
En 4903, le Dr Grifliths, médecin de la prison de Par- 
khurst, en Angleterre, eut l’idée de soumettre à des 
mesures précises un grand nombre de prisonniers alin 
de voir si ceux-ci s'écartent du type normal des non 
criminels, conformément aux hypothèses des différentes 
écoles de criminologie, spécialement de l'Ecole ila- 
lienne. Ces mesures, complétées par son successeur, le 
D' Goring, et calculées par les méthodes statistiques en 
usage au Laboratoire de Biométrique de l'Université de 
Londres, ont fourni des résultats intéressants*. 

L'étude du type physique du criminel est fondée sur 
le résultat de l'examen des caractères physiques. Un 
caractère en relation avec la criminalité doit varier 
selon la nature du crime commis, et la comparaison 
des tables de fréquence dressées selon la nature du 
crime nous en avertira. La corrélation existant entre 
ces deux éléments : caractère examiné et nature du 
crime, sera mesurée par des coefficients : rapport de 
RE RP 

1 Cu. Gore : The english convict. Londres, 1913; analysé 
dans le Pull. de la statistique générale de la France, t. HW, 
p. 569-378 (juillet 4914). 


corrélation, coelficient de contingence. Mais les deux 
éléments peuvent aussi, indépendamment l’un de 
l'autre, être liés à d’autres faits, en particulier à la 
taille, à l’âge, à l'intelligence. Il convient de tenir 
compte de ces liaisons. Pour cela, il faut examiner la. 
répartition des criminels à la fois selon le caractère 
étudié et selon la taille, l'âge et l'intelligence. Il est 
alors possible de corriger la première appréciation, et 
de calculer de nouveaux rapports de corrélation entre 
le caractère étudié et la nature du crime pour des. 
groupes de criminels qui seraient composés de la même 
facon en ce qui concerne Îa taille, l’âge, l'intelli- 
gence. 

Poux les criminels, 37 caractères physiques diffé- 
rents, se répartissant en 5 groupes, ont été étudiés. 
Parmi les 37 rapports de corrélation ou coefficients de 
contingence calculés, dix seulement sont supérieurs à 
0,1. trois supérieurs à 0,2 et un seul supérieur à 0,3 
(tatouage). En étudiant de plus près les caractères qui 
fournissent les coefficients les plus élevés, on constate 
que, pour ceux-ci, la corrélation trouvée peut être due 
à la différence des classes sociales d’où sont issus les 
criminels. 

En somme, relativement aux 37 caractères physiques 
étudiés, les criminels se différencient entre eux, non 
parce qu'ils sont criminels, mais parce qu'ils se dis- 
tinguent par l’âge, la taille, l'intelligence, la position 
sociale, etc. La comparaison des criminels et des non 
crimine's confirme les résultats précédents, ce qui per— 
met à M. Goring de contester l'existence d'un type phy- 
sique du criminel tel que Lombroso et ses disciples. 
l'ont décrit. É 


S 6. — Sciences médicales. 


L'emploi de l'iode comme antiseptique 
sous forme solide. — En raison de l'importance 
de l’iode comme antiseptique, il y a intérêt à répandre 
son emploi sous une forme qui permette son utilisa 
tion en toute circonstance. 

La difficulté d'appliquer l'iode aussitôt après une 
blessure de guerre résulte : 4° de la difficulté de con- 
server l'iode à l'état de nature; 2° de la difficulté du 
transport des solutions d’iode. 

Si l’on arrivait à diluer l'iode — dans les mêmes 
proportions que la teinture d'iode, étendue de deux 
fois son volume d'alcool, c'est-à-dire à 4 pour 30 — 
sous la forme d'une poudre stérilisée contenant l'iode 
dans un état de dilution aussi parfait que dans le. 
liquide, le problème serait résolu, 

D'après une récente communication à l'Académie de 
Médecine, M. le Dr Tissot arrive à ce résultat en pre- 
nant 300 gr. de kaolin séché au four et stérilisé et 
10 gr. d'iode dissous dans une quantité suffisante 
d'éther. Le tout trituré ensemble donne une dilution 
sous la forme d’une poudre facilement transportable. 
soit dans de petits flacons, soit dans du papier parche- 
miné, soit dans des boîtes de bois ou de toute autre- 
facon. à e 

Cette poudre paraît pouvoir se conserver indéfini- 
ment; son application est facile, sans le secours: 
d'aucun liquide, toujours difficile à se procurer sur le: 
champ de bataille. 

Quoique ne présentant pas tous les avantages que 
peut contribuer à offrir l'état liquide des solutions, 
cette dilution solide d'iode n’en est pas moins suscep- 
tible de rendre de réels services, auxquels vient s’ajou- 
ter l'action topique, absorbante etisolante du véhicule. 

La poudre de kaolin pourrait, au besoin, être rem- 
placée par de la poudre de quinquina, dont l'influence: 
kératoplastique viendrait s'ajouter à l'action antisep— 
tique de l’iode. 


E. COLARDEAU — LOCALISATION DES PROJECTILES DANS LE CORPS DES BLESSÉS 5 


LA LOCALISATION PRÉCISE DES PROJECTILES 
DANS LE CORPS DES BLESSÉS 
PAR VOIE RADIOGRAPHIQUE OÙ RADIOSCOPIQUE 


La recherche de l'emplacement exact d'un corps 
élranger, tel qu'un projectile, dans l'organisme est 
une question que les circonstances actuelles rendent 
plus importante que jamais. Beaucoup de radio- 
graphes ont, depuis la découverte des rayons X, 
cherché à résoudre ce problème, et de nombreuses 
solutions, souvent très ingénieuses et d’une appli- 
cation plus ou moins facile, ont été proposées. 

Le plus souvent, c'est par deux radiographies 
prises de deux centres de projection différents, 
ordinairement dans deux directions rectangulaires, 
que s'obtient cette localisation. 

Quand le corps étranger se trouve dans un 
membre, tel que le bras, la jambe, etc., les deux 
radiographies rectangulaires, l’une antéro-posté- 
rieure, l'autre latérale, s'obtiennent généralement 
sans difficulté; mais, lorsque ce corps étranger se 
trouve dans le voisinage d’une épaule, dans le haut 
de la cuisse, dans le thorax ou dans l'abdomen, 
l'application de la méthode devient plus difficile et 
souvent impraticable. 

L'épreuve antéro-postérieure s'oblient assez faci- 
lement avec une pose suffisante. Mais l'épreuve 
prise dans une direction perpendiculaire à la pre- 
mière exigerait une pose de profil qui, à cause des 
grandes épaisseurs à traverser, serait généralement 
très défectueuse et souvent difficile à interpréter. 

De plus, à cause de la divergence des rayons X à 
partir de leur point d'émission, il y a lieu de tenir 
compte de déformations qui, acceptables à la 
rigueur dans le cas d’un membre de faible épais- 
seur (bras ou jambe, par exemple), deviennent, 
comme nous allons le voir, une cause d'erreurs 
graves pour les régions épaisses. 

On sait que les images données par les rayons X 
sont très différentes de celles fournies par l'objectif 
photographique ordinaire. Elles sont assimilables 
à de véritables ombres portées dessinant le contour 
des objets, et dont l'intensité est plus ou moins 
grande suivant que les corps intercalés sur le trajet 
des rayons X sont plus ou moins transparents 
pour ces rayons. 

Soit une ampoule radiographique donnant, par 
le point O, une émission de rayons X vers une 
plaque sensible photographique S (fig. 1). Inter- 
calons, entre l’ampoule et la plaque, des corps A, 
B, C non transparents aux rayons X, comme des 
balles de fusil, noyés dans des parties plus ou 


moins transparentes, telles que des chairs et des os. 
Leurs ombres se projetteront en A', B', C' sur la 


0 
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A 
Fig. 1. 


plaque sensible, qui restera inaltérée en ces points, 
alors qu’elle sera impressionnée partout ailleurs. 
Au développement, A’, B', C’ apparaîtront en clair 
sur lefond plus ou moins sombredes chairs et des os. 

Si les points À, B, C (nous les supposerons au 
nombre de 3 pour faciliter le langage) sont dans un 
même plan parallèle à la plaque sensible, le 
triangle A'B'C', formé par leur image sur la 
plaque, sera semblable à celui formé dans l'espace 
par les points À, B, C eux-mêmes. Mais il aura des 
dimensions plus grandes. À l'examen de l'épreuve 
radiographique, on jugera ces voints plus éloignés 


les uns des autres qu'ils ne le sont réellement. On 
aura une altération en grandeur de la figure ABC 
de l'espace. 


6 E. COLARDEAU -— LOCALISATION DES PROJECTILES 


DANS LE CORPS DES BLESSÉS 


Si le plan du triangle formé par les points A, 
B, C n’est pas Er à la surface sensible $, sa 
projection A’, B', fig. 2) sur cette surface sen- 
sible ne sera plus RE re à celle de la figure de 
l'espace. Ainsi, l'angle À, étant par exemple de 6(°, 
pourra, dans la figure projetée, être un angle droit, 
si l’inclinaison du plan de cet angle sur la plaque 
sensible a une valeur convenable. Il y aura, cette 
fois, une allération de forme qui se superposera à 
l'altération de grandeur dont on a parlé plus haut. 
La radiographie laissera croire que le projectile C 
est dans une direction perpendiculaire à la direc- 
tion AB, alors qu'il est dans une direction inclinée 
de 60° sur celle-là. Elle donnera aussi des indica- 
Uons inexactes sur la distance réelle AC qui sépare 
le projectile C de A. 

Ainsi, dans le cas général, une figure obtenue 


n 3 7 T T TI 
GPA NS NC OUI CIC IC NCIS 


Fig. 3. — Le projectile P,, qui se trouve au-dessus d'une 
côte C,. parail, d'après la radiographie, être entre les deux 
côtes C, et C., entre les images desquelles il se projette 
en P',. Au contraire P, qui est entre “eux côtes paraît être 
au-dessus de la côte C,, sur l'image de laquelle il se pro- 

jette. 


par voie radiographique est agrandie et déformée. 
On voit alors immédiatement les graves consé- 
quences de ce fait : 

Sur une radiographie, une balle placée dans le 
voisinage d’un os, mais ne le touchant pas, en 
parait plus éloignée qu'elle ne l’est réellement. 

De même, dans le cas d’un thorax, un projec- 
tile P, (fig. 3), qui se trouve au-dessus de la troi- 
sième côte C,, par exemple, apparaîtra, sur une 
radiographie prise du point O, au point P',, milieu 
de l'intervalle qui sépare la première de la seconde 
côte. I pourra paraître facile à atteindre par une 
opéralion tentée du côté du corps qui touche à la 
plaque sensible S, alors qu’il sera masqué par une 
côte. 

Inversement, on pourra hésiter à tenter l’extrac- 
tion du projectile P,, sous prétexte que la radio- 
graphie le montre derrière la côte C,, alors qu'en 
réalité il est dans l'intervalle qui sépare les 2 côtes 
consécutives C, et C.. 

Si, jugeant cette radiographie insuffisante, on 


venait à en prendre une nouvelle avec une position 
de l'ampoule un peu différente de la précédente, 
les images P', P/, des projectiles P,, P, apparai- 
traient elles-mêmes à des places différentes au 
milieu du système des côtes. On pourrait croire, à 
tort, que le projectile s'est déplacé dans l'organisme 
pendant l'intervalle d'exécution des deux radio- 
graphies. De là cette opinion que « /a TAHOE 
lait voyager les projectiles ». 

Une radiographie unique ordinaire donne done 
des indications qui, acceptées sans une discussion 
approfondie, peuvent fausser le jugement et en- 
trainer le chirurgien aux erreurs les plus graves. 

L'emploi de deux radiographies rectangulaires 
atténue ces inconvénients, mais ne supprime pas 
toute cause d'erreur. En particulier, e/le laisse sub- 
sister les allérations en grandeur, et je pourrais. 
citer nombre de cas où, même avec deux radio- 
graphies rectangulaires, des opérations d’extrac- 


F16. 4. — Le corps opaque À, interrompant les contours 
de B, parait être en avant de B par rapport à l'observa- 
teur. 


tion de projectiles n’ont abouti qu’à des insuccès. 

D'autre part, la radiographie ne donne pas, 
comme la photographie ordinaire, l'image des 
détails de la surface de l’objet, mais celle des con- 
tours apparents de leurs parties inégalement trans- 
parentes aux rayons X. 

Une radiographie ne doit donc pas être interprétée 
comme une photographie ordinaire. Quand, sur 
une photographie ordinaire, nous voyons un objet. 
opaque À interrompre les contours d'un autre 
objet B (fig. 4), nous en concluons immédiatement 
que À est intercalé entre B et notre œil, c'est-à-dire 
qu'il est en avant de B. 

Si, dans une radiographie, À est un objet opaque 
aux rayons X, comme un fragment de projectile 
logé dans un thorax, par exemple, son image inter- 
rompra les contours d'une côte B. On aura done 
tendance à admettre que A est en avant de B. Or il 
suffit de réfléchir un instant pour se rendre compte 
qu'en vertu des propriétés des rayons X, il peut 
aussi bien être en arrière. 

Ajoutons à cela que les contours des objets four- 
nis par la radiographie ne sont que de simples 


E. COLARDEAU —- 


LOCALISATION DES PROJECTILES DANS LE CORPS DES BLESSÉS 7 


silhouettes, ayant souvent une forme très différente 
de celle des objets: une balle ronde de shrapnell 
projelée obliquement par les rayons apparaitra plus 
ou moins allongée en ellipse ; la partie cylindrique 
d'une balle de Mauser apparaitra limitée par deux 
lignes convergentes si l'axe de cette balle n’est pas 
parallèle à la plaque sensible, etc. 

C'estévidemment à l'accumulation de ces diverses 
causes d'erreurs quil faut attribuer la méfiance 
d'un certain nombre de chirurgiens vis-à-vis de la 
radiographie. 

Nous nous proposons de montrer que celle 
manière de juger la radiographie est la consé- 
quence d’un malentendu et d’une interprétation 
insuffisante des épreuves qu'elle fournit, et qu'à 
la condition d'opérer convenablement on peut 
éviter loutes ces erreurs et donner sans ambiguité 
el avec une très grande précision la position du 
corps étranger à extraire. 


Nous allons décrire une méthode de localisation 
exacte des corps étrangers dans l'organisme, qui, 
bien que peu ancienne, à déjà recu la sanction de 
la pratique. Cette méthode est, à la fois, simple, 
sûre et rapide. Je l'ai appliquée à de nombreux 
blessés à l'Hôpital militaire de Trouville (1.200 lits). 
Divers radiographes des hôpitaux de Paris, qui ont 
bien voulu l’adopter, ont obtenu avec elle, dans des 
cas difficiles, des succès bien caractérisés. Son 
application ne nécessite que quelques accessoires 
à joindre au matériel radiographique courant. Ces 
accessoires sont suffisamment simples pour que 


Fi. 5. — Fil à plomb. — Le fil à plomb P peut glisser dans 
le piton A adapté à la barrette B, ajustée elle-même sur 
le cercle de base du globe protecteur de l'ampoule radio- 

graphique. 


chacun puisse les construire lui-même ou les faire 
construire partout. Grâce à eux, on peut trans- 
former en quelques instants l'installation radiogra- 
phique ou radioscopique la plus modeste en une 
installation de précision. 

Ces accessoires sont : 

4° Un fil à plomb P (fig. 5), tombant sur la ver- 
ticale du point d'émission des rayons X et dont le 
fil glisse dans un piton A, adapté à une barrette 


| 


| 


transversale B fixée au-dessous du support de l'am- 
poule et centré sur le cercle de base du globe pro 
tecteur. Le glissement du fil dans le piton permet 
d'amener le corps lourd fixé à son extrémité infé- 
rieure (corps lourd qui peut être lui-même un 
simple piton) à telle hauteur que l'on désire au- 
dessus de la table d'opération et du corps du blessé. 
La barrette B peut être enlevée facilement avec le 
fil à plomb au moment de la pose, ou bien, tournant 
autour d'une vis la fixant par une de ses extrémités, 
elle peut être écartée latéralement hors du champ 
d'émission des rayons X lorsque l'emploi du fil à 
plomb est terminé dans la période préparatoire qui 
précède la pose. 

2 Une boîte que nous appellerons boîte porte- 


Fi. 6. — Boîte porte-plaque. — La boite porte-plaque B 
porte deux fils métalliques fins tendus en croix sur son 
couvercle. Ces deux fils forment d:ux axes rectangulaires 
xx’, yy! qui se croisent au milieu O de la plaque photo- 

graphique. 


plaque (fig. 6), formée de deux planchettes de bois 
rigide À et B de 5 millimètres d'épaisseur, écartées 
l'une de l’autre de 5 millimètres environ par un 
cadre intercalé entre ces deux planchettes sur trois 
de leurs côtés. Par le quatrième côté libre, on peut 
introduire dans cette boîte porte-plaque la plaque 
sensible S, munie de ses enveloppes protectrices de 
papier noir et rouge. Une échancrure E permet de 
saisir la plaque et de la retirer facilement de la 
boîte. Aux quatre points xx! yy'sont plantés, dans 
le bois de l’une des planchettes, quatre petits clous 
qui ne dépassent pas à l’intérieur de la boîte. Ces 
quatre clous sont joints deux à deux par deux fils 
métalliques de quelques dixièmes de millimètre de 
diamètre, tendus en croix et noyés dans deux rai- 
nures creusées au canif dans le bois du couvercle. 
Ces deux fils, s'imprimant d'une facon très nette 
sur le cliché pendant la pose, forment un système 
de deux axes rectangulaires xx', y}', quise croisent 
au centre O de la plaque et dont on verra l'utilité 
tout à l'heure. 

Ces indications données sur les deux seuls acces- 
soires indispensables, examinons le principe fon- 
damental de la méthode : 

Choisissons, sur le corps du blessé, un point dont 
la position sera arbitraire entre des limites assez 
étendues et astreint seulement à se trouver dans la 
région du corps où l’on a quelque raison de sup- 
poser que se trouve le projectile. Marquons ce 
point, que nous appellerons repère origine, d'un 
signe tel qu'une petite croix tracée sur la peau à 
l’aide d'un crayon dermographique. Nous allons 


8 E. COLARDEAU — LOCALISATION DES PROJECTILES DANS LE CORPS DES BLESSÉS 


prendre ce point O comme origine de trois axes 
rectangulaires. L'axe des x sera parallèle à la direc- 
tion gauche-droite du blessé; l'axe des y sera 
parallèle à l'axe du corps (direction des pieds vers 
la tête); enfin l'axe des 7, perpendiculaire aux 
précédents, traversera le corps du blessé. 

Nous allons chercher, par voie radiographique ou 
radioscopique, à déterminer d’une manière précise 
les trois coordonnées X', Y', Z' du projectile par 
rapport à ce système d’axes. 

Les deux coordonnées X' et Y', portées à partir 
du repère origine O sur la surface du corps, indi- 
queront le point où le chirurgien devra attaquer le 
corps avec son bistouri pour y trouver le projectile 
à la profondeur Z'. 


Pour évaluer X’, Y', Z’, il suffit de prendre, dans | 


les conditions que je vais indiquer, deux radiogra- 


phies consécutives de la région du corps où se 
trouve le projectile. 

Soit S la plaque sensible (fig. 7) supposée vue de 
profil et Cle contour d’une région du corps (thorax 
par exemple) reposant sur cette plaque, le blessé 
étant supposé couché sur le dos. Un corps étranger, 
tel qu'un projectile, se trouve au point P dans cette 
région du corps. C’est la position exacte de ce pro- 
jectile qu'il s’agit de déterminer et d'indiquer d'une 
manière précise au chirurgien, dont la mission est 
de l’extraire. 

L'ampoule étant placée à une distance D —50 cen- 
timètres, par exemple, au-dessus de la plaque, on 
prend une première épreuve avec celte ampoule 
occupant la position À, : l'image du projectile se 
fait en P’,, à une distance x, de la ligne médiane O 
de la plaque. 

On prend ensuite une seconde épreuve, après 
avoir déplacé latéralement l'ampoule en A, d'une 
quantité à (égale, par exemple, à l’écartement 
moyen des yeux, soit 64 millimètres). Le projectile 
s'imprime alors en P', sur cette seconde épreuve, à 


une distance x, de la ligne médiane O de la plaque. 
Nous désignerons la distance P', P', égale à 
(x, — x), par décalage de l'image du projectile, et 
nous la désignerons par d. 

Ces deux épreuves prises, nous allons voir qu'il 
sera très simple de déterminer, par plusieurs mé- 
thodes entre lesquelles nous ferons un choix tout à 
l'heure, la distance Z à laquelle le projectile se 
trouve de la plaque sensible, c'est-à-dire la position 
de ce projectile en profondeur. 


IT 


1° Détermination de Z par le calcul. — Les deux 
triangles semblables de sommet P donnent la rela- 
tion : 


Î 
2 c'est-à-dire : Zô— Dd—Zd, 
Da 


Z(d+&)=Dd, d'où :Z= TE. (1) 


ZL= 


Mesurons en millimètres, par exemple, sur les 


Fig. S. 


deux clichés C et C,, représentés figure 8, les 
deux longueurs x, et x,. Retranchons la plus petite 
de ces longueurs x, de la plus grande x, et nous 
aurons le décalage d: 


d= Xe — Xy. 


Adoptons, d'autre part, des valeurs bien détermi- 
nées et toujours les mêmes pour D et 5; expri- 
mons-les aussi en millimètres et nous aurons alors, 
par l'application de la formule (1), la valeur de Z, 
également en millimètres. 

Avec les valeurs numériques proposées plus 
haut, pour D età, savoir : s 


D = 50cm — 500mm; & —64mm; 


, 


cette formule devient : 


500 d 


2e | 


2) 
ou mieux, pour la facilité du calcul numérique (par 
l'introduction du facteur 1.000 au lieu de 500) : 


1000 d 


25 pes" 


(21) 


E. COLARDEAU — LOCALISATION DES PROJECTILES DANS LE CORPS DES BLESSÉS 9 


En pratique, il sera commode d'indiquer la posi- 
tion en profondeur du projectile P, par sa distance 
Z' au point d'entrée F des rayons X. Si l'on à 
déterminé l'épaisseur e du membre en ce point, il 
suffira de retrancher Z de 6 pour avoir Z': 

1 L'=ce—Z, { 3) 


20 Methode géométrique. — Au bas d'une bande 
de papier d'une longueur de 55 centimètres envi- 
ron, tracons une ligne S, qui représentera la plaque 
sensible (fig. 7). A la distance de 50 centimètres, 
tracons une ligne parallèle L, qui représentera la 
ligne de déplacement latéral de l’ampoule, ou, 
d'une manière plus précise, la ligne de déplacement 
du point d'émission des rayons X. Joignons les 
milieux O et O' de ces deux lignes par la perpendi- 
culaire commune O0’. Portons, à droite et à 


gauche de 0’, deux longueurs O'A, et O'A, égales à 
32 millimètres. Les deux points À, et À, représen- 
teront les deux positions de l’ampoule, séparées 
par l'intervalle de 64 millimètres. 

Portons ensuite, à partir du point O, les deux 
longueurs x, et x, qui nous donneront en P’, P', les 
points correspondant aux deux images du projec- 
tile sur le système des deux clichés. Tirons ensuite, 
à l’aide d’un crayon et d'une règle, les deux lignes 
A,P', et A,P’,. Elles se croisent en un point P. On 
comprend immédiatement que ce point de croise- 
ment est la position exacte du projectile. Le gra- 
phique obtenu matérialise en effet, pour ainsi dire 


Tagcrau |. — Barème des profondeurs Z. 
DÉCALAGE l'ROFONDEUR | DÉCALAGE PROFONDEUR 
da Z d Z 
m/m mm mym 

Il $ | 31 

2 15 39 

3 22 | 33 

4 29 34 

5 36 3à 

6 45 36 

1 49 37 

8 59 38 

9 62 3 

10 67 40 

11 73 41 

12 19 42 

13 S# | 43 

14 89 | k4 

15 95 5 

16 100 | :6 

17 105 | #7 

18 109 | 48 

19 114 | 49 | 
20 119 50 | 
21 125 51 | 
22 128 | 52 

23 132 53 | 
2% 136 54 | | 
25 140 55 | 
26 144 56 

27 148 51 | 
28 152 58 

29 155 59 

30 159 60 


en vraie grandeur, la marche des rayons X à tra- 
vers le membre, vers la plaque sensible, Il suftit 
alors de mesurer, à l’aide d'un double décimétre, 
la distance du point P du graphique à la ligne 
pour avoir la valeur de Z, d'où l'on déduira immé- 
diatement Z'= e — 7. 

3° Emploi d'un barëme. — On pourra, à l’aide 
de la formule (2), calculer un barême donnant 
toutes les valeurs de Z pour les diverses valeurs 
de 4, variant de millimètre en millimètre. La con- 
sultation de ce tableau, pour la valeur de d oble- 
nue par les clichés, donnera immédiatement Z et, 
par suite, Z'. C’est, évidemment, la consultation 
du barème que l'on adoptera dans la pratique cou- 
ranle, puisqu'elle fournira instantanément le résul- 
tat cherché. On trouvera, ci-dessus,ce barème tout 
calculé (Barème des profondeurs). 


II 


Bien que la détermination de Z ou Z' soit un élé- 
ment capital dans le problème qui nous occupe, 
elle ne constitue pas à elle seule toute la solution 
de ce problème. Il faut, en effet, que le chirurgien 
connaisse d’une facon précise le point du corps à 
attaquer avec le bistouri pour y trouver le projec- 
tile à la profondeur Z’. Il nous reste donc à nous 
occuper de la recherche précise de ce point. C’est 
dans cette recherche que nous allons voir appa- 
raitre l'utilité du fil à plomb et de la boîte porte- 
plaque. 

Avant d'installer le blessé sur la table radiogra- 
phique, on à eu soin de poser sur cette table la 
boite porte-plaque munie d’une plaque sensible, et 
de la placer de manière que le fil à plomb tombant 
de l'’ampoule aboutisse au point de croisement des 
axes xx', yy' tracés sur cette boîte. On a eu soin 
également de régler la hauteur de l’ampoule, de 
manière que le point d'émission des rayons X se 
trouve à 50 centimètres au-dessus de la plaque 
sensible, el que cette ampoule soit placée de pré- 
férence dans la position moyenne entre les positions 
extrêmes À, À, adoptées pour les deux poses. 

Ceci fait, on installe le blessé en veillant à ce que 
la boîte porte-plaque reste bien à sa place pendant 
cette opération, et on place au-dessus du point 0, 
c'est-à-dire au milieu de la plaque, la région où 
l'on suppose que le projectile a quelque chance de 
se trouver. On à ordinairement un indice quel- 
conque donnant sur ce point un renseignement au 
moins approximatif : point d'entrée du projectile, 
radiographie antérieure jugée insuffisante, examen 
radioscopique rapide, ete. On dépose au point O de 
la boîte un petit morceau de papier enduit sur Sa 
face supérieure d’un adhésif tel que de la gomme ou 
de la seccotine, de manière que ce morceau dé 


10 E. COLARDEAU — LOCALISATION DES PROJECTILES DANS LE CORPS DES BLESSÉS 


papier, se collant de lui-même sur la peau du blessé 
quand celui-ci sera couché sur la plaque, y con- 
serve marquée la position du point O*. 

L'évaluation de cette région n’a d’ailleurs à être 
faite que d'une facon grossièrement approximative, 
et une erreur de plusieurs centimètres ne tire pas 
à conséquence. Ceci fait, on fait glisser le fil à 
plomb dans son piton de manière que sa pointe 
tombe, en l’effleurant, sur la peau du blessé, et on 
marque cet emplacement par une petite croix que 
nous appellerons «repère origine », dont on oriente 
les deux bras suivant les directions xx’. yy'. Le fil 
à plomb étant immobilisé dans cette position don- 
nerait immédiatement la valeur e de l'épaisseur de 
la partie du corps radiographiée, si l’on mesurait 
sa distance à la boîte porte-plaque. La présence du 
blessé étant un obstacle pour cette mesure, on la 
remettra à plus tard et on se contentera d'enlever 
la barrette B ou de l’écarter latéralement, de 
manière à mettre le fil à plomb hors du champ des 
rayons X. 

Le moment est alors venu de procéder à la pre- 
mière pose en plaçant l'ampoule dans une de ses 
positions extrêmes AÀ,. 

Cette première pose faite, on extrait la plaque 
impressionnée de la boïle porte-plaque, et on la 
remplace immédiatement par une plaque neuve, 
puis on déplace laléralement l’ampoule dans sa 
deuxième position extrême À.. On a eu soin, tout 
naturellement, de recommander au blessé de garder 
son immobilité pendant cette manipulation, qui ne 
dure d’ailleurs que quelques secondes. On procède 
«lors à la seconde pose. 

Aussitôt que le blessé a quitté la table radiogra- 
phique, on replace dans la position d’où on l’a 
enlevé tout à l'heure le fil à plomb, et on mesure e 
comme il a été dit plus haut. La séance radiogra- 
phique proprement dite est alors terminée. 

Les deux clichés une fois développés portent la 
trace bien nette des quatre repères et des deux 
axes xx',yy'; on les utilise, comme il a été indiqué 
ci-dessus, pour la recherche de Z et de Z' par l’in- 
termédiaire de x, et x... 

Quand cette opération est faite, on mesure, sur 
l'un ou l’autre cliché, la distance Y de l’image du 
projectile à l'axe xx’, parallèle à la ligne de dépla- 
<ement de l’ampoule. 

On évalue de même la distance X à l'axe rr' de 
la position moyenne des deux images du projec- 
tile ; comme on a déjà mesuré x, et x,, lorsqu'on a 


: On peut remplacer cette étiquelte par un lampon 
d'ouate imbibé d'encre violette, qu'on place dans une petite 
cavité creusée au centre de la boite, ou, plus simplement, 
par un morceau de diachylon roulé en boulette qui adhère 
bien à la peau et y laisse une trace suffisante s’il vient à 
s'en détacher par accider 


procédé, plus haut, à l'évaluation de Z, il suffit, 
pour avoir X, de faire la moyenne arithmétique 
X— Ts de ces deux nombres, dont on a déjà 
utilisé la différence (x, — x,) pour avoir Z. 

Remarquons que, si les rayons X tombaient nor- 
malement sur la plaque sensible, au lieu d’y tom- 
ber obliquement en divergeant à partir de leur 
point d'émission, X et Y représenteraient justement, 
en vraie grandeur, les rectifications qu'il faudrait 
apporter à la posilion du repère origine dans la 
direction de la ligne de déplacement de l’ampoule 
et dans la direction perpendiculaire. Notre pro- 
blème serait donc complètement résolu. 

La divergence des rayons X complique peu 
d’ailleurs la fin de l'opération. Il est facile, en 
effet, de déduire de X et de Y leurs valeurs corri- 
gées réelles X'et Y'(qui n’en diffèrent, d’ailleurs, 


A1 © Az 


2 


d'une manière un peu considérable que quand le 
projectile est loin du centre de la plaque sensible). 
On peut utiliser pour cela, soit le calcul, soit la 
construction graphique que l’on a déjà faite plus 
haut et que l'on va compléter. 
1° Ævaluation de X' et \' par le calcul. — Soit S 
la plaque sensible (fig. 9), À l’ampoule et P le pro- 
jectile qui, au lieu de se trouver sur la verticale 
élevée au milieu O de la plaque, s’en trouve à la 
distance X' dans la direction parallèle à celle du 
déplacement de l’ampoule. Les deux triangles sem- 
blables de la figure donnent : 
X'_D—Z 
X CD 


. op 
d'où DEN 0 


Comme nous connaissons la valeur de X, D, Z, 
cette formule nous donne immédiatement X'. 
Une formule tout à fait analogue donne Y. 


D —Z 
1 Y 
M D 


. 


Avec la valeur D —50 centimètres — 500 milli- 
mètres déjà adoptée, ces formules deviennent : 
500 — Z Vin y 5102 


XX 55 og SUD 


E. COLARDEAU — LOCALISATION DES PROJECTILES DANS LE CORPS DES BLESSÉS 11 


ou mieux, pour faciliter le calcul par l'introduction 
du facteur 1.000 au lieu de 500 : 


, 1000 — 2Z 


1000 — 27 
the = 
rires 1000 


Are WU 

2% Æmploi de la construction graphique. — Sur la 
construction graphique déjà faite pour la recherche 
de Z, la longueur PQ représente précisément X': il 
suffit alors de la mesurer au double décimètre sur 
la feuille de papier (fig. 40). 

Pour avoir Y’ on porte, à partir du point O, la 
longueur Y suivant OR’. On tire la ligne O'R' qui 
coupe en R l'horizontale PQ. On se rend facile- 
ment compte que la longueur QR est précisément Y’. 
On mesure directement cette distance, au double 
décimètre, sur le graphique. 

Les valeurs de X' et Y' une fois connues, rien 
n'est plus facile que de corriger la position du 
repère origine, sur la peau du blessé, en portant 
ces deux longueurs à partir de ce repère origine, la 
première parallèlement à la ligne de déplacement 
de l’ampoule, la seconde au bout de la première 
dans une direction perpendiculaire. Ces deux 
directions ont été repérées sur la peau du blessé 
par la petite croix qui y a été tracée. On marque 
alors, par un signe bien visible et définitif, tel que 
celui-ci ©, le point ainsi obtenu. On inscrit à côté 
de lui le nombre donnant la profondeur du projec- 
tile et, pour éviter toute erreur, on efface le repère 
origine primitif. Le blessé étant amené devant le 
chirurgien, celui-ci sait qu'il doit attaquer le corps 
avec son bistouri au point marqué par le signe 
conventionnel ci-dessus et qu'il trouvera le projec- 
tile à la profondeur indiquée par le chiffre inscrit 
à côté de lui. 

3 Emploi d'un baréme. — Les formules (4) qui 
fournissent les valeurs de X’et de Y’ peuvent don- 
ner lieu à l'établissement d’un barême à double 
entrée qui fait connaître instantanément ces 
valeurs à l'opérateur. On trouvera ci-dessous ce 
barême dont le mode d'emploi est le suivant : 

On cherche dans la première colonne verticale le 
nombre qui représente la valeur de Z trouvée plus 
haut (ou le nombre qui s'en approche le plus). Si 
l’on a trouvé, par exemple, Z — 67 millimètres, on 
prendra le nombre 70. 

On cherche ensuite dans la première ligne 
horizontale le nombre X ou celui qui s'en rapproche 
le plus. Pour X—23 millimètres par exemple, on 
prendra le nombre 25. La valeur de X’ est le nombre 
inscrit au point de croisement de la ligne et de la 
colonne utilisées. Avec l'exemple choisi, ce nombre 
serait 22 millimètres. 

On opérera exactement de la même manière pour 
Y’. Si l'on à trouvé, par exemple, dans la mesure 
faite sur le cliché, Y—98 millimètres, on prendra 


le nombre 30 dans la première ligne horizontale. 
La valeur de Y’ inscrite au point de croisement de 
la ligne 70 et de la colonne 30 sera ici 26 millimètres 

On saura alors que le repère exact sur lequel 
doit être donné le coup de bistouri est à 22 milli 
mètres du repère origine dans la direction x x' 
parallèle à la ligne de déplacement de l'ampoule 
et à 26 millimètres dans la direction perpendi- 
culaire. 

Par un simple coup d'œil jeté sur le cliché, on 
saura, d’ailleurs, de quel côté du repère origine 


TagLeau IL. — Barême de rectification des positions 
du repère-origine. 


——— Ligne des valeurs de X ou de Y 


of s [rol15/20/25 |s0/s5/40[45[s0[55/c0l6s[70[7s[80[8s[s0[05|100 


[of 5 o/15/20/25[30[34/40 ce 4159 5e 7a[7e[e3|88/93| 28] 
EE D 29/34/38|43/48]53/58/62/67|72]77|82|86|91196 
14/19/24/29|33/38/42/47| 52 66[71175|80|85 [80/94 
Ê 14/18/23/28[82/37|41 55]60/64/69|74/78|83|87|22 
[50] s | 9[14/18[23/27|31/36[40 54|59[63/68[72/77|81 |86|20 
[60] 4] 9h3h8 ENÉS 48/53[57[62|66|70/75|79|84[88 
Nfrofafoel [34/39/43/47[52/s6/60/54[69/73[77|82|86! 
CODE 42[46|50/55|se/63/67|71 [76/80/84 
JOBE 41/45 rer 74|7el82 
S 4|8 
sfaof< 0 afsz[asfse[sa(sr 
Sfaof [7] 1 [safe |s2fse pa 
R 7 47[50/54/57|61|65|68/72 
| 08 a een 
o 
D DEE He|s1|54158|61 |es/esl 
({mofs17] [50[58|56|60|63 
[este 
iso] 3 | 6 
fo] 3 J 6 


Barème. 


(au-dessus ou au-dessous pour Y', à droile ou à 
gauche pour X’) doivent être portées ces corrections 
X' et Y. 


IV 


Remarque I. — Nous avons supposé, dans tout 
ce qui précède, que les deux images du projectile 
sont du même côté de l'axe des y. Elles pourraient 
se trouver de part et d'autre. Dans ce cas, on aurait 


= . Era : « Sr 
— 2 | rauleude dx x et 


lieu de X— net 


Remarque II. — Les deux clichés obtenus à par- 
tir des deux points de vue À, À, forment un couple 
stéréoscopique. En les installant dans un stéréo- 
scope à miroirs du type Cazes ou Pigeon, par 
exemple, et en placant les yeux à la distance 
optique de 50 centimètres des épreuves, on verra 
le projectile se détacher à sa place dans l'intérieur 
du corps avec un effet de relief très agréable et très 
frappant. Bien que cet examen stéréoscopique ne 


. ï 


12 E. COLARDEAU — LOCALISATION DES PROJECTILES DANS LE CORPS DES BLESSÉS 
AU pp _. EE 


soit nullement nécessaire, il n'est pas inutile pour 
le chirurgien qui voit ainsi la position vraie du 
projectile dans le membre, comme si celui-ci était 
transparent. Il se rend alors mieux compte de ce 
qu'il a à faire. 

Cet examen stéréoscopique pourrait même être 
utilisé pour une nouvelle méthode d'évaluation 
précise des trois quantités, que nous avons dési- 
gnées par X', Y', Z'. Mais l'emploi des barêmes 
est si simple et si rapide, que je juge inutile 


& 
\ 
} 
: 

f 
n 
à 

al 

ci 


1] 
à 
4 


FiG. 11. — Zadiographie double d'un livre entre les feuil- 
lets duquel on à placé, en trois endroits différents, trois 
rondelles métalliques qui ont fourni trois images doubles 
avec trois décalages différents. 


d'insister et d'allonger encore un article bien 
développé. 

lemarque IIL — On peut encore simplifier les 
choses et faire une économie de 50°/, sur les 
plaques radiographiques, en suivant l'excellente 
idée que m'a suggérée le D' Lomon, et qui consiste 
à faire les deux poses sur la même plaque. Les 
deux images du projectile s'impriment l’une à 
côté de l’autre dans cette épreuve doublée et la 
mesure du décalage d se fait immédiatement sur 
celte épreuve”. 
A AU RER 

‘ Si l'on exécute les deux radiographies sur la même 
plaque, il est évident que la boite porte-plique devient inu- 


Nous donnons (fig. 11), à titre documentaire, 
la radiographie d'un livre entre les feuillets duquel 
on à introduit, à divers endroits, lrois petites 
rondelles métalliques percées d'un trou central 
de quelques millimètres de diamèlre. Les deux 
épreuves ont été faites sur la même plaque. Le 
décalage, qu'on perçoit directement sur cette 
épreuve, est très différent pour les trois rondelles 
et montre de suile, avant toute mesure, l’ordre 
dans lequel se succèdent ces trois rondelles à par- 
tir de la plaque photographique. En appliquant 
la méthode qui vient d'être décrite, on retrouve 
avec la plus grande facilité la position desrondelles 
dans l'épaisseur du livre et l'emplacement exact 
de chacune d'elles sur la page où elle se trouve. 
C'est là un exercice que nous ne saurions trop 
recommander aux débutants, afin qu'ils puissent 
vérifier s'ils ont convenablement opéré, et qu'ils 
acquièrent confiance dans leurs résultats. 

La figure 12 est la double radiographie d'un 
genou, dans la direction antéro-postérieure. Un 
fragment de projectile semble logé en pleine arti- 
culation, sur le plateau tibial. Un fil de plomb, 
recourbé en crochet et utilisé comme repère stéréo- 
scopique sur le membre, laisse voir aussi son image. 
On remarque nettement, sur ce couple d'épreuves, 
le décalage considérable des images du projectile, 
puisque ces images sont de part et d'autre de l'axe 
des y. Le décalige du repère est de même sens 
que celui du projectile et un peu plus grand. Cela 
montre, avant toute mesure faite sur les clichés, 
que le repère en fil de plomb était posé sur la face 
antérieure du genou, opposée à la plaque, et que, 
contrairement aux apparences, le projectile doit 
être à une faible profondeur à partir de cette face 
antérieure. : 

En éxécutant les mesures comme ila été indiqué 
ci-dessus, on trouve, pour le projectile: 


0: Ye —12. 


Les deux images du projectile étant de part et 


d'autre de l'axe des y, on aura, pour calculer le 
décalage, la formule 4= x, + x, —18 millimètres, 


tile puisqu'on n'a pas à changer cette plaque au cours de 
l'opération. On remplacera tout simplement cette boite par 
l'une des enveloppes extérieures de papier rouge qui ser- 
vent à protéger les plaques contre l'influence de la lumière 
du jour. On côflera sur sa surface (avec de la seccotine, par 
exemple) deux fils métalliques fins tendus en croix, et on 
opérera exactement comme ‘il a.été dit ci-dessus 

L'inconvénient des deux poses sur la même plaque est 
que l'épreuve n'est plus susceptible d'un examen stéréo- 
scopique. De plus, l'aspect de cette épreuv double est géné- 
ralement moins flatteur pour l'œil que celui ‘le deux 
radiographies distinctes, car tous ses contours étant doublés 
on éprouve, en l'examinant, la sensation que le sujet a 
« bougé » pendant la pose. s 

La radiographie de la figure 41 a été faite par M. Gallaud. 
Je ie remercie d'avoir bien voulu mettre le cliché à ma 


disposition. 


E. COLARDEAU — LOCALISATION DES PROJECTILES DANS LE CORPS DES BLESSÉS 


et, d'après le barême, Z —109 millimètres, ce 
qui correspond à 109 —5—104 millimètres à partir 
de la face du membre qui reposait sur la boite 
porte-plaque, puisque l'épaisseur de la  plan- 
chette supérieure de cette boite est de 5 milli- 
mètres. 

Le point choisi sur le projectile pour faire les 
mesures est done à 109 millimètres de la plaque 
sensible et à 104 millimètres des points de la partie 
postérieure du genou qui touchaient la boite porte- 


des y. On prendra donc, pour calculer leur déca- 
lage, la formule : 


d=x;—Xx,=31—22=15. 


Ce qui, d'après le barême des profondeurs, 
donne : 
Z— 95m, 
Ainsi, le projeclile élant à 109 millimètres de la 
plaque, le point À de la rotule en est à 95 milli- 
mètres. Le projectile est donc à 14 millimètres en 


x 52 
e e 
v 
JE 
F1G. 12. — Double radiographie d'un genou avec projectile paraissant engage dans l'articulation au-dessus du plateau 
tibial, — Au-dessus du projectile on voit l'image d'un fil de plomb recourbé en crochet et servant de repère. 


plaque. Or, l'épaisseur du membre au point radio- 
graphié était de 118 millimètres. 

Par suite, la profondeur du projectile, à partir 
de la face antérieure du genou, est 118 — 104 
— 14 millimètres. Le projectile ne se trouve done 
pas profondément engagé dans l’arliculation au- 
dessus du plateau tibial. Rien de plus facile, d'ail- 
leurs, que de repérer exactement sa position par 
rapport à un sommet osseux comme le point À de 
la rotule par exemple. Les mesures donnent, en 
effet, pour ce point A : 


X,— 22nm; Xe —= 


Ici les deux images sont du même côté de l’axe 


avant du point À de la rotule, relativement à la 
face antérieure du genou. 

D'autre part, les mesures faites sur les mêmes 
clichés donnent pour Y la valeur 34 millimètres : 
l'emploi du barème Il, avec ce nombre Y —34et 
le nombre Z —109 obtenu pius haut, donne le 
résultat Y'=—27 millimètres. Enfin, le même ba- 
rème II donne pour X' la valeur 4 millimètres. 

L'examen des deux clichés montre, d’ailleurs 
immédiatement, que le projectile est au-dessous et 
à gauche du repère origine 0". 


4 Nous disons : à gauche, car le décalage du projectile 
étant plus grand à gauche qu'à droite, sa position moyenne 


14 


E. COLARDEAU — LOCALISATION DES PROJECTILES DANS LE CORPS DES BLESSÉS 


Par suite, l'emplacement du point où on devra 
marquer le signe conventionnel définitif ©) destiné 
au chirurgien est à 27 millimètres au-dessous et à 
4 millimètres à gauche du repère origine fourni 
par le fil à plomb sur la peau du blessé. 

C'est à 18 millimètres de profondeur à partir de 
ce point que le chirurgien trouvera le projectile en 
question. 


V 


Le iecteur qui aura eu la patience de suivre jus- 
qu'au bout ce long exposé de la méthode de locali- 
sation des projectiles dont je fais usage aura sans 
doute l'impression que, contrairement à ce que je 
disais au début, l'emploi de celte méthode doit 
être long et compliqué. En réalité, la partie pra- 
tique se réduit à quelques tours de main très 
simples, et les accessoires nécessaires sont immé- 
diatement applicables à une installation existante 
quelconque. Mon expérience personnelle, qui porte 
déjà sur un bon nombre d'opérations, jointe à celle 
de plusieurs opérateurs radiographes qui ont bien 


voulu suivre mes indications, me permet de main- | 


tenir mon affirmation première. 

La prise des deux radiographies ne demande 
que quelques minutes : il en est de même des trois 
mesures à faire sur les deux clichés et des calculs, 
aussi simples qu'on peul le désirer, à effectuer 
d'après ces mesures. Une fois les clichés dévelop- 
pés, on peut avoir, en moins de cinq minutes, avec 
l'emploi des barêmes, sur la peau du blessé, l'em- 
placement exact du projectile avec l'indication de 
la profondeur à laquelle il se trouve. 

De plus, un seul couple d'épreuves permet de 
localiser un nombre quelconque de projectiles ou 
de corps étrangers qui y figurent simultanément 
et de faire cette localisation non seulement par rap- 
port à des repères culanés marqués sur la surface 
du corps, mais par rapport à des sommets osseux 
ou à des points de repère quelconques pris sur le 
squelette. 

La méthode précédente s'applique évidemment, 
d'une facon immédiate, à la radioscopie. On 
marque, une fois pour toutes, sur le verre qui 
protège l'écran radioscopique, les quatre repères 
en croix, ou les axes xx', yy'. Puis, placant sur 
cet écran une feuille mince de papier transpa- 


est bien à gauche de l'axe des y. Or, c'est en celle position 
moyenne que son image se serait formée si l'onavait laissé 
l'ampoule dans sa position initiale, c'est-à-dire sur la verti- 
cale élevée au centre de la plaque. 


rent à calquer, on y trace la position de ces 
quatre repères et les deux images du projectile 
pour les deux positions de l’ampoule. Tout opéra- 
teur ayant bien compris la méthode radiogra- 
phique qui vient d'être exposée aura compris par 
là même ce qu'il aura à faire pour la généraliser 
au procédé radioscopique. 

Il me semble résulter des nombreuses conversa- 
tions que j'ai eues dans ces derniers lemps avec 
divers opérateurs radiologistes qu'une division 
assez tranchée les sépare actuellement en deux 
camps. Les uns ne jurent que par la radiographie, 
les autres prétendent qu'en dehors de la radio- 
scopie il n’est point de salut! 

Il semble que la vérité doit, comme d'habitude, 
se trouver entre ces deux extrêmes. 

Un examen radioscopique sommaire fait voir 
immédiatement s'il y a ou non un projectile et 
donne, du premier coup, un renseignement au 
moins approximatif sur sa position. Nous avons 
vu plus haut que cet examen radioscopique som- 
maire, et ne demandant que quelques secondes, 
sera des plus précieux pour centrer sur la plaque 
radiographique la région du corps où se trouve 
le projectile. 

De plus, la manière dont se déplacera l’image 
du projectile, par rapport à celle des organes 
voisins, sous l'influence des mouvements respi- 
ratoires, dans le cas d'un projectile dans le thorax 
ou dans le ventre, par exemple, sera évidemment 
très utile à connaître et fournira au chirurgien 
des renseignements précieux. 

Quant à la radiographie, elle à incontestable- 
ment pour elle la supériorité que comporte tout 
document enregistré. Un couple de clichés radio- 
graphiques renferme une foule de renseignements 
qu'on peut ne pas songer à uliliser de suite et 
qu'on sera très heureux d'aller leur demander 
après coup : une localisation de projectile par 
rapport à un repère osseux, par exemple. 

Il n'y a donc aucune raison de voir deux rivales 
dans ces deux branches de la radiologie et de les 
séparer par une cloison étanche. Comme pour la 
plupart des branches de la science, les progrès de 
chacune d'elles ont leur répercussion sur ceux de 
l'autre, et elles doivent se prêter un mutuel appui 
pour venir en aide au traitement de nos courageux 
blessés. 

E. Colardeau, 


Professeur de Physique au Collège Rollin, 
Chargé du Service radiographique 
à l'Hôpital militaire de Trouville. 


HENRI JUMELLE — LA CULTURE DU 


LA CULTURE DU 


Personne certes n'ignore que la culture du riz 
n'est pas exclusivement tropicale et qu'elle s'étend 
jusque sous les climats tempérés de notre Europe 
méridionale; mais peut-être sait-on moins quelle 
est exactement l'importance de celle culture euro- 
péenne. Elle est pourtant assez grande pour que les 
intéressés, c'est-à-dire les riziculteurs el les pro- 
priélaires de rizeries, aient jugé utile, il y a une 
quinzaine d'années, d'instituer des Congrès inter- 
nalionaux uniquement consacrés à celte branche 
très spéciale de l’agriculture. 

Le premier de ces Congrès eut lieu à Novara en 
1901, le second à Mortara en 1903, le troisième à 
Pavie en 1906, le quatrième à Vercelli en 1912 ; et, 
en mai dernier, ce fut Valence, en Espagne, qui 
fut le siège du cinquième. Plusieurs centaines de 
congressistes y participèrent el en suivirent assi- 
dument les réunions. Sur notre proposition, faite 
au nom de l'Institut Colonial de Marseille, il fut 
décidé que le sixième serait tenu à Marseille, à 
l'occasion de l'Exposition coloniale que cette ville 
organise pour 1916 *. 

Il est donc à propos d'indiquer ce qu’est actuel- 
lement cette riziculture européenne. 


Les principaux pays qui s'y adonnent sont l'Ita- 
lie, l'Espagne, le Portugal et la Grèce. En France, 
notre seule région rizicole, et bien modeste, est la 
Camargue. 

Les rizières d'Italie occupent une superficie 
d'environ 146.500 hectares, correspondant à une 
production moyenne (de 1909 à 1912) de 458 mil- 
lions de kilogs de riz. Sur ces 146.500 hectares, il 
y en à, approximativement, 69.000 dans le Piémont, 
55.000 en Lombardie, 13.500 en Vénétie. De bien 
moindre importance sontensuitel'Emilie (8.000 hec- 
tares), la Toscane (640), les Abruzzes (2), la Cam- 
panie (10), et la Sicile (550). C'est donc l'Italie sep- 
tentrionale qui est la grande zone rizière italienne. 
En Sicile, où on compte un minimum de produc- 
tion de 22 quintaux par hectare, les 550 hectares 
{160 salmes 4, une salme correspondant à 3 hect. 43) 
de champs de riz sont répartis dans les provinces 


! Lorsque nous écrivions ces lignes, en juillet 4914, nous 
ne pouvions pressentir les événements, pourtant alors si 
proches, qui forceront sans doute l'Institut colonial à 
‘journer son projet et à renoncer au tour de faveur que nos 
confrères italiens avaient bien voulu nous accorder à Va- 
lence, en termes flatteurs pour la France et pour Marseille. 
1 avait été, en effet, antérieurement décidé que ce Congrès 
«le 1916 aurait lieu à Bologne. 


RIZ EN EUROPE 


RIZ EN EUROPE 


de Syracuse (communes de Lentini, de Carlentini, 
d’Augusta) et de Catania (communes de Ramacca, 
de Belpasso, de Paterno et de Catania). Sur le ter- 
riloire de Lentini et dans la plaine de Catania, la 
surface cultivée en riz était, il y a 20 ou 30 ans, de 
1.500 à 2.000 hectares. La diminution actuelle est 
due à plusieurs causes, notamment à l’'augmenta- 
tion des prix de la terre et de la main-d'œuvre, 
à l'insuffisance d’eau et à l'extension de la culture 
des primeurs, plus rémunératrice. 

En Espagne, la zone rizicole correspond au litto- 
ral oriental. Elle était représentée en 1912 par 
38.948 hectares, dont la production était de 
2%4.226.000 kilogs. La province où la culture du 
riz est surtout développée est celle de Valence 
(28.430 hectares en 1912). Vient au second rang 
la province de Tarragone (7.600 hectares), où l’em- 
bouchure de l’Ebre est une région propice à la 
végétation de Ia céréale aquatique. Les autres pro- 
vinces productrices sont celles de Castellon (790 hec- 
tares), de Géronte (470), d'Alicante (430), de Mur- 
cie (290), d’Albacete (198). Il y a 290 hectares aux 
Baléares. Dans la province de Valence, les rizières 
sont surtout situées entre le rio Turia (ou Guada- 
laviar), qui passe à Valence, et le rio Jucar; elles 
occupent les rives du lac de l'Albufera et descendent 
de là vers le Jucar. Il y à des rizières basses, en 
terrains marécageux, vers la côte, dans la région de 
Sueca, et des rizières hautes, en terres normale- 
ment plus sèches, mais bien irriguées, dans la 
région d'Albérique. 

C'est à Antella, près d'Albérique, que siège un de 
ces « tribunaux des eaux » dont la création re- 
monte à une époque très ancienne et qui fonction- 
nent encore aujourd'hui comme à l’origine. 

Les juges sont des cultivateurs élus par les rizi- 
culteurs eux-mêmes ; leurs décisions sont sans ap- 
pel et rendues séance tenante. L’amende est aussi 
immédiatement payée, sans paperasserie inutile. 
Et, nous affirmait au cours de notre visite à la 
« maison des eaux » le gouverneur civil de la pro- 
vince de Valence, jamais le jugementrendu ne sou- 
lève la moindre contestation. Tous les touristes qui 
passent à Valence savent que tousles jeudis un tri- 
bunal analogue y siège en plein air sur la Plaza de 
la Constitucion, devant la porte de los Apostoles. 

Au Portugal, la superficie des rizières est d’en- 
viron 5.200 hectares, avec une production de 
8 millions de kilogs environ. Les rizières sont ré- 
parties dans les districts de Lisbonne (3.900.000 ki- 
logs), deSantarem (2.300.000), de Coimbra (800.000), 
Aveiro (360.000), Faro (210.000), Portalègre (170.000), 


16 HENRI JUMELLE — LA CULTURE DU RIZ EN EUROPE 


Leiria (110.000), Evora (80.000) et Beja (70.000). 
Les deux plus importants sont done ceux de Lis- 
bonne et de Santarem, qui produisent à peu près 
les 8/10 de la récolte totale; et les communes les 
plus rizicoles de ces deux distriets sont celles d’AI- 
cacer do Sal (1.400 hectares) et de Grandola dans le 
district de Lisbonne, et de Coruche et de Chamuscea 
dans celui de Santarem. Il faut ciler encore le do- 
maine de Foja dans le bassin du Mondego, entre 
Coimbra et Figueira da Foz. 

En Grèce, la culture du riz a jadis occupé une 
surface plus grande que celle qui y est consacrée 
aujourd'hui. On s'y livrait alors, en Béotie par 
exemple, dans des parties basses et marécageuses, 
mais, sur l’ordre du Gouvernement, elle y a été 
abandonnée pour cause d’insalubrité. Elle est donc 
maintenant limitée aux terrains irrigables et assai- 
nis. Dans l'Ancien Royaume, le riz n’est guère cul- 
tivé qu'en Thessalie, sur le domaine de M. G. Zogra- 
phos, à Trikkala ; et la superficie occupée est de 
1.325 stremmes, c'est-à-dire (le stremme égalant 
10 ares) 133 hectares environ. Dans la Nouvelle- 
Grèce, les zones rizières sont en Epire et en Macé- 
doine. En Epire, la province de Paramythia produit 
annuellement 1.500.000 ockes, c'est-à-dire (un ocke 
égalant 1.276 gr. 8) 1.915.000 kilogs, et celle de 
Margatiou 700.000 ockes, soit 894.000 kilogs. En 
Macédoine, la production est de 115.000 kilogs 
dans le district de Vodena, de 64.000 dans celui de 
Karalzava, de 25.000 dans celui de Yannitza. Ce 
serait done un total, pour la Grèce, de 2.513.000 ki- 
logs, si nous admettons — approximativement — 
que la récolte de Thessalie est de 800.000 kilogs. 

En France, dans notre Camargue, les rizières 
sont disséminées par petites parcelles de quelques 
hectares (4, 10, 15, par exemple) au voisinage im- 
médiat des mas. C’est une culture tout à fait acces- 
soire, faite uniquement dans les lerres qu'on veut 
dessaler par submersion. La récolte du riz, qui est 
la seule plante qui puisse être semée sur ces sols 
inondés, couvre les frais de la submersion. Une ri- 
zière ne reste ainsi, en général, qu'une année sur 
le même terrain, rarement deux lorsqu'on pense 
que le dessalement de la première année n’est pas 
suffisant. La superficie totale couverte par le riz 
est, dans ces conditions, excessivement variable: 
elle a été, en certaines années, d'un millier d’hec- 
lares, alors qu'elle n’est, en d’autres, que de 300 ou 
200. Le rendement moyen est de 21 à 24 quintaux 
à l'hectare. 

Les plus fortes récoltes de riz en Europe sont ob- 
tenues en Espagne, où elles peuvent être de 60 à 
plus de 73 quintaux. Ainsi, en 1912, la produc- 
tion moyenne aurait été de 73 quint. 21. En cer- 
rizières et avec certaines variétés, nous 
avons entendu parler de 80 à 94 quintaux. 


laines 


EE à 


En Italie, les maxima seraient de 55 à 60 quintaux 
seulement; et encore ne les obtient-on que sur 
certains domaines, comme le domaine Saviolo que 
nous visitions dernièrement dans le Vercellèse, et 
avec des variélés particulièrement productives 
comme le Chinese originario. Le Bertone ne four- 
nit guère,au plus, que 30 à 35, et le Zanghino 35 à 
45. Ce sont, d’ailleurs, ces deux dernières variétés 
qui sont surtout cultivées en Camargue. 

Au Portugal, d’après le calcul que permettent 
d'établir la surface cultivée et la production totale 
que nous indiquions précédemment, le rendement 
moyen ne serait que de 15 quintaux 4/2. 

Cette faible moyenne est, toutefois, due à ce que 
certaines régions anciennes et permanentes, lrès 
mal cultivées, sont de rapport infime; et il y a, 
d'autre part, en d'autres rizières, des maxima qui 
atteignent parfois ceux d'Italie. On aurait obtenu 
45 quintaux avec le Pirmania. 

En Grèce, les rendements oscilleraient entre 100 
et 350 ockes par stremme, soit 12 à 45 quintaux 
par beclare. 

IT 


Les résultats merveilleux auxquels parviennent 
les arroceros espagnols sont la conséquence à la 
fois d’un emploi intensif des engrais el de la pra- 
pratique du repiquage. 

L'Espagne est peut-être, en effet, le seul pays à 
climat tempéré où les riz soient régulièrement 
repiqués. En Italie, en Grèce, en Portugal, les riz, 
comme aux Etats-Unis, sont semés directement. 

Celle opération du repiquage, qui est le procédé 


Fig. 1. — L'embourbage avant 1e repiquage à Silla (Espagne). 


le plus ordinaire dans les pays chauds où plusieurs 
cullures sont souvent faites sur le même terrain 
dans le cours d’une même année, a lieu en Espagne 
dans le courant de mai. 

Les plants à repiquer, qui ont alors 25 centi- 
mètres environ de bauteur, proviennent de pépi- 


HENRI JUMELLE — LA CULTURE DU RIZ EN EUROPE 17 


nières qui ont été élablies par le riziculteur lui- 
même, ou bien sont achetés par ce riziculteur à 
d'autres cultivateurs, qui, dans la région haute 
d'Albérique, notamment, font des pépinières 


Fig. 2. — Le repiquage du riz à Silla (Espagne). 


spécialement pour la vente de ces plants. 

Les semis dans la pépinière (campo de plantel) 
ont été effectués en mars. Pendant que les plan- 
tules germent, le terrain définitif (campo ar- 
rozal) a été préparé. Ce terrain, si c'est une 
rizière basse, est resté inondé pendant l’au- 
tomne et le commencement de l'hiver, servant 
de refuge à de nombreux oiseaux aquatiques que 
les Valenciens viennent chasser. Les travaux pré- 
paratoires consistent essentiellement en un premier 
embourbage, puis un labour à sec, puis un nouvel 
embourbage (fig. 1) sous l’eau. L'embourbage, 
ou fanquecha, a pour but d’émietter la terre et de 
rendre le sous-sol aussi imperméable que possible; 
il est pratiqué par le piétinage des chevaux ou bien 
avec des herses. 

Les pieds qu’on repique sont espacés de 25 cen- 
timètres à peu près (fig. 2 et 3). Le champ étant lé- 
gèrement inondé, ce repiquage est opéré, comme 
toujours, par le simple enfoncement dans la boue 
d’une touffe de 3 à 5 pieds. 

Dans la suite, on dessèche (aixugo) au moins 
une fois la rizière pour la sarcler. 

La moisson est faite à la main avec des faucilles. 
Elle peut déjà avoir lieu en août pour quelques 
variétés très hâtives, mais le vrai moment est du 
milieu de septembre au milieu d'octobre. 

L'égrenage est encore très souvent opéré par le 
piétinage des chevaux ou des hommes ; cependant, 
les riziculleurs espagnols emploient de plus en 
plus les machines. Le riz est enfin séché sur des 
aires et rentré dans les magasins. Dans la zone qui 
entoure le lac de l’Albufera, le transport des gerbes 
ou des sacs de riz est fait par eau sur les nombreux 


canaux qui sillonnent les rizières. Les barques 
(fig. 4) sont manœuvrées à la voile, ou poussées 
avec des perches, ou tirées avec des cordes, sur les 
petits chemins de halage. 

Les vieilles variétés espagnoles, Amonquili [et 
PBomba, sont aujourd'hui très délaissées ; la variété 
la plus communément cultivée est le Zenlloch, qui 
est dérivé du (Chinese originario des Italiens. 

La plupart de ces rizières espagnoles sont per- 
manentes. Dans toute la zone basse, le riz est indé- 
finiment la seule plante cultivée; dans la zone 
haute, on cultive bien aussi sur le même sol des 
légumineuses, mais c'est simplement, d'ordinaire, 
pour les enfouir en vert. 

En Italie, au contraire, la rizière assolée est celle 
qui prédomine, puisque les rizières du Piémont et 
de la Lombardie sont des rizières hautes, irriguées. 
Dans le Vercellèse, par exemple, le riz n'est ense- 
mencé sur un même terrain que pendant trois ou 
quatre ans, après lesquels on fait une culture de 
blé; puis on met pendant un ou deux ans en prairie. 

Ces rizières du Vercellèse, irriguées par le canal 
Cavour, sont divisées en pièces, ou appezamenti, 
de 6 hectares environ, que bordent des saules et 
des peupliers. Chaque pièce est subdivisée par des 
digues dont le nombre et la position dépendent de 
l'inclinaison des terres; enfin, chaque surface (ou 
piano) comprise entre deux digues est divisée 
encore, par de petites rigoles, en prosoni, qui 


sont des planches de 6 à 7 mètres de largeur. 


3. — Une rizière récemment repiquée, à Alberique 
(Espagne). 


La terre, dans le Vercellèse, est préparée en mars. 
L'eau est amenée en avril; puis on sème, et on 
élève ensuite progressivement la couche d’eau jus- 
qu'au maximum de 20 à 25 centimètres. Dans la 
suite, la rizière n'est mise à sec qu'au moment du 


+ 


18 HENRI JUMELLE — LA CULTURE DU RIZ EN EUROPE 


sarclage, qui a lieu dans le cours des trois der- 
nières semaines de juin. L'eau est ensuite ramenée 
et on ne la laisse s'écouler que huit jours avant la 
moisson. 

Celle-ci est faite à la fin d'août pour les variétés 
hâtives comme le Æertone, mais à la fin de sep- 
tembre pour l’Originario, qui est le plus tardif et 
qui est aujourd'hui la variélé la plus cultivée. 
Nous avons dit que c’est aussi la plus productive. 

Après battage, le riz peut être séché sur des aires 
en ciment ou bien en terre mélangée de goudron. 
Toutefois, alors que, sous le climat plus sec de 
Valence, ce séchage à l'air esl à peu près la seule 
méthode connue, le climat beaucoup plus pluvieux 
du Nord de l'Italie a amené les riziculteurs de ce 
pays à chercher à remplacer, au moins en partie, 


Fig. 4. — Un canal dans les rizières, près du lac dé l Albufera 
(Espagne). — Barque pour le transport des riz. 


le séchage naturel par le séchage artificiel; et 
l'usage des séchoirs est ainsi très répandu, à l'heure 
actuelle, en Ilalie septentrionale. Au Congrès de 
4912, à Vercelli, il n'y avait pas moins de 30 mo- 
dèles de séchoirs exposés. 

En plus du Bertone etdel Originario, les variétés 
de riz les plus cultivées sont le Ranghino, V'Osti- 
glia et le Nero di Vialone. En Sicile, on a à peu 
près complètement abandonné l’ancienne variété 
Nostrale, qui était très tardive (octobre), et on l’a 


remplacée par le Bertoneetl'Ostiglia qui mürissent | 


normalement en août. Toutefois, l'Ostiglia n'ayant 
pas été renouvelé, sa maturité est parfois retardée 
et n’a lieu qu'en septembre, d'après M. Lo-Jacono. 
En général, en Sicile, le riz ne revient sur un 
même terrain qu'à des intervalles de temps assez 
longs {sept à huit ans), et en alternance avec des 
pâturages, du blé, des artichauts, etc. 

Au Portugal, d’après des renseignements fournis 
au Congrès de Vercelli par M. J. Rasteiro, les pro- 


toute l'étendue du pays; les seules différences sont 
dues à la provenance et à l'abondance plus ou 
moins grande des eaux et aux conditions clima- 
tiques. À Foja, par exemple, dans les bassins du 
Mondego, les terrains consacrés au riz sont sub- 
mergés pendant cinq ou six mois; les labours ne 
peuvent donc être faits qu'immédiatement après la 
récolte, et encore parfois ne peut-on les terminer 
complètement et se contente-t-on d'un simple 
hersage. En d’autres endroits, au contraire, l’eau 
est si rare que les irrigations sont seulement 
périodiques. 

Les labours sont faits avec la charrue ou avec 
la bêche. Des digues longitudinales sont construites 
après le labourage; puis on fait pénétrer l’eau, et 
c'est d’après les inégalités de terrain qu’indique la 
surface de cette eau qu'on établit les digues trans- 
versales. Les semis ont lieu depuis février jusqu’à 
la fin d'avril suivant la région, avec des graines 
que, comme en Espagne, on a, au préalable, fait 
tremper. 

Comme en Italie, les semis sont directs. À Foja 
on les fait en bateau. 

Lorsqu'il y a possibilité, on met la rizière à sec 
quinze jours après les semailles, et on laisse ainsi 
les racines se bien fixer pendant quatre ou cinq 
jours. Entre mai et août on procède à un ou trois 
sarclages. La moisson est faite en septembre. On 
bat au fléau, ou par piétinage, ou avec des machines. 

Les variétés de riz cultivées sont assez nom- 
breuses, et semblent, du reste, assez imparfaite- 
ment déterminées. En général, on appelle arroz 
Carolino les riz sans barbes, et arroz da terra (ou 
du pays) les riz barbus. Dans les districts de Lis- 
bonne et de Santarem, on a essayé en ces dernières 
années des variétés étrangères, dont quelques-unes, 
comme le Pertone, le Ranghino, le Nero di Via- 
lone, l'Ostiglia, sont aujourd'hui régulièrement 
cultivées. 

Dans le district de Portalègre, on cultive beau- 
coup un riz barbu de Veneza. Dans le district 
d'Aveiro, la variété la plus commune est un arroz 
da Lerra. 

Sur les procédés employés en Grèce nous sommes 
assez mal renseignés. L’embourbage est effectué 
dans la rizière inondée, au moyen de planches en 
bois trainées par des animaux. On sème au prin- 
temps; les semis sont plus serrés en Epire et en 
Macédoine que dans le Vieux-Royaume. En Thes- 
salie, c’est la culture par rotation; le riz ne revient 
sur le même sol que tous les trois ou quatre ans, 
et les cultures alternantes sont du blé, du coton ou 
du maïs. On sarcle avec soin et on moissonne à la 
faucille en juillet, août ou au commencement de 
septembre. Les variétés indigènes sont un riz blane 


cédés culturaux sont à peu près les mêmes dans | (Aspro) et un riz rouge (Kokino). Le premier est le 


HENRI JUMELLE — LA CULTURE DU RIZ EN EUROPE 19 


‘meilleur, mais le plus hâtif et le moins productif. 


Les variétés espagnoles et italiennes qu'on à | 


essayées ont donné de bons résultats. 

in Camargue, on cullive principalement le Æer- 
tone, beaucoup moins le /anghino. Nous avons 
déjà vu que les rizières, là, ne restent le plus sou- 
vent qu'un an sur le même terrain, qu'il s'agit, 
avant tout, de dessaler par submersion; on y cul- 
tive ensuite du blé ou de la luzerne, ou on y plante 
des vignes. Si, plus tard, le sel réapparaît en trop 
grande quantité el gêne de nouveau la végétation 
de la Céréale ou de la Légumineuse, on remet pen- 
dant un an en rizière, pour « assainir ». 

Pour la submersion, l'eau du Rhône est amenée 
directement ou indirectement. Lorsque la ferme 
est sur le bord même du fleuve, comme au Mas de 
Grille, près du Petit Rhône, une seule machine 
suffit pour élever l’eau dans le champ. Lorsque la 
ferme est plus éloignée, comme au Mas Cabassole, 
qui, sur les bords de l'étang de Vaccarès, est à une 
certaine distance du Grand Rhône, une première 
machine élévatoire conduit l'eau du fleuve dans les 
canaux ou roubines, et c'est une seconde machine 
qui fait passer l'eau de cette roubine dans le champ. 
Évidemment les frais, dans ces conditions, sont 
assez grands. 

Les semis, dans le delta, ont lieu en avril ou au 
commencement de mai, selon que la saison est\plus 
ou moins favorable. Ils sont faits dans l’eau ou à 
sec avec des graines au préalable trempées. Au 
Mas Cabassole, on nous indiquait récemment qu’on 
semait environ un quintal de grain par hectare. En 
général on ne fume pas, et le sarclage est très rare. 
-On moissonne vers la fin de septembre, rarement 
plus tôt. Nous avons dit que le rendement moyen 
est de 21 à 24 quintaux. 

La récolte, après battage et séchage à l'air, est 
vendue à Arles; les courtiers en revendent la plus 
grande partie aux lusiniers de Marseille et de 
Modane. 


III 


Dans les autres pays où la culture du riz a une 
plus grande importance, on sait que le travail de 
préparation de ce riz est poussé plus ou moins loin 
suivant qu'il est fait dans de petites rizeries agri- 
-coles, pourvues elles-mêmes d’un outillage plus ou 
moins complet, ou dans de grandes rizeries indus- 
trielles. 

En Italie, certaines rizeries attenantes aux fermes 
se contentent de décortiquer et ‘de blanchir gros- 
sièrement, pour revendre ensuite aux grandes 
usines le produit obtenu; d'autres, déjà beaucoup 
mieux agencées, préparent non seulement des riz 
complètement blanchis, mais encore du riz camo- 
Jino et du riz glacé. Ce n’est donc, en somme, que 


par la moindre puissance de leur outillage que ces 
dernières rizeries diffèrent des grandes usines ‘où 
l'on travaille soit le riz encore cortiqué (paddy), soit 
le riz déjà grossièrement blanchi, quoique encore 
mélangé de riz cortiqué (r12 cargo). 

Les riz glacés ne sont d'ailleurs préparés en 
Italie que pour l'exportation à l'étranger ou pour la 
consommation dans les grandes villes du royaume 
comme Rome et Milan. Les Italiens consomment 
surtout du riz simplement blanchi (riso mercantile) 
ou du riz huilé (riso camolino). 

Pour ce camolinage, le riz blanchi est passé dans 
de grands tambours horizontaux avec addition 
d'une petite quantité d'huile, qui est de l'huile de 
noix ou de l'huile de vaseline ou, de préférence 
actuellement, de l'huile de ricin. 

Pour le glacage, le passage dans le tambour lus- 
treur a lieu au contact d’une faible quantité d’une 
solution glucosique diluée et de tale. 

En Espagne on glace rarement. La plupart des 
riz sont des riz blanchis, et ils proviennent!de 
petits moulins qui sont encore d'importance très 
variable, depuis celui qui, mû à bras, produit de 
15 à 20 kilogs par heure, ou celui qui, avec un 
petit moteur de 2 ou 3 chevaux, obtient de 80 à 
195 kilogs, jusqu'à celui qui fournit 300 kilogs. 

Au Portugal, il y a, dans toutes les régions 
rizières, beaucoup de moulins à vent ou à eau {où 
l’on se contente de décortiquer pour la consomma- 
tion locale; il y a aussi dans le district d’Aveiro des 
usines plus perfectionnées. Mais la plus grande 
partie de la récolte est traitée dans les magnifiques 
rizeries que la « Nova Campanhia Nacional de 
Moagem » possède à Lisbonne et dans les environs; 
le riz y est complètement blanchi, et même glacé. 

En Grèce, les riz sont aussi généralement décor- 
tiqués sur place dans de petites installations rudi- 
mentaires; en Thessalie seulement, à Trikkala, il 
y à une grande rizerie toute moderne. 

On sait, d’ailleurs, que toutes ces grandes rizeries 
sont aujourd'hui établies sur le même type; toutes 
sont pourvues du même outillage allemand. La 
décortication est opérée avec des meules horizon- 
tales ‘ou verticales; une table {à secousses sépare, 
après le passage à la meule, le riz décortiqué et 
celui qui ne l’est pas. Le riz décortiqué est ensuite 
blanchi dans les appareils à cônes, d'où il passe 
aux hélices, puis aux brosses. Il est classé dans des 
trieurs à alvéoles. 

Selon que l'usine est plus ou moins importante, 
il y a plus ou moins d'appareils à cônes, et il y a, 
ou non, des hélices ou des brosses, qui sont aussi, 
les unes et les autres, plus ou moins nombreuses. 

L'uniformité de cet outillage enlève beaucoup 
d'intérêt à la question industrielle dans les Congrès 
internationaux de riziculture. 


20 


A. MAILHE — REVUE DE CHIMIE MINÉRALE 


Au sujet de ces Congrès, il faut remarquer qu'ils 
ont été jusqu'alors surtout suivis par les cullivateurs 
et les spécialistes européens. 

L'originalité de celui qui aura lieu ultérieurement 
à Marseille sera la grande part qu'y prendront pour 


la première fois les riziculteurs et les techniciens. 


coloniaux. 


Henri Jumelle, 


À Professeur à la Faculté des Sciences, 
ÿ Directeur des Travaux scientifiques de l'Institut 
Colonial de Marseille. 


REVUE DE CHIMIE MINÉRALE 


Nous avons signalé, dans la précédente Revue 
de Chimie minérale, quelques-uns des travaux 
effectués par Moureu gaz 
rares présents dans les mélanges gazeux qui se 


et ses élèves sur les 


dégagent aux griflons des sources thermales. 
Sur 70 sources étudiées, presque toutes françaises, 
présentant une grande variété dans leur minéra- 
lisation comme dans leur origine géologique, on 
a observé la présence constante de l’azote, du gaz 
carbonique, et des cinq gaz rares: hélium, néon, 
argon, kryplon et xénon. En outre, lémanation du 
adium à élé trouvée dans loutes les sources où 
on l'a recherchée. Les proportions des gaz rares 
arient dans des limites assez grandes: depuis 
0,019 ?°/, à Vichy, jusqu'à 10,88 °/, à Santenay. 
Dans ces mélanges gazeux, on ne trouve que des 
traces de néon ; les quantités de xénon et de kryp- 
ton y extrémement faibles. Les 
proportions d'hélium, d'argon et de l'émanation 
du radium y sont très variables. Les plus fortes 
quantités d'émanalion de radium se rencontrent 
dans les gaz provenant des eaux de la Bourboule, 
de Bagnères-de-Luchon, de Plombières. Elant 
donné le débit de certaines d’entre elles (Bour- 


sont toujours 


boule), ces sources déversent sans cesse dans 
l'atmosphère des quantités relativement grandes 
de gaz rares, spécialement d'hélium et d’émana- 
tion. Moureu et Lepape ont montré que, si les vo- 
lumes des différents gaz sont variables, les rapports 
en volume du krypton à l'argon, du xénon à l’ar- 
gon, du kryplon au xénon, et de chacun de ces gaz 
à l'azote, présentent une constance remarquable, 
dont les valeurs moyennes respectives sont très 
voisines des valeurs des rapports correspondants 
dans l'air atmosphérique. 

Hs ont expliqué celle constance au moyen d'une 
hypothèse très simple, On sait que le caractère 
fondamental des gaz rares de l'air est leur inertie 
chimique; d'autre part, ils possèdent la faculté de 
conserver l’élal gazeux dans de très larges limites 
de température el de pression et, par suile, de 
lendre Loujours à se répartir d'une manière uni- 
forme dans l'espace offert à leur expansion. Or, si 
on se reporte par la pensée à l'histoire de la genèse 
du système solaire jusqu'à la nébuleuse généra- 


trice, Lous les corps sont à l'élal gazeux, et la masse 


y est vraisemblablement un mélange relativement 
homogène dans toutes ses parties. Le fragment 
constilulif de la Terre se détache, formant bientôt 
ses trois couches concentriques : masse incandes- 
cente en fusion, écorce solide hétérogène, atmo- 
sphère gazeuse. Les phénomènes géologiques, lents 
et continus où brusques et violents, se poursuivent 
sans interruption, et, pendant cetle évolution de la 
planète, tous les corps doués d’affinités chimiques 
se combinent. Seuls, les gaz rares, en raison de 
leur inactivité, sont demeurés totalement libres, et 
en perpéluel mouvement. On doit donc retrouver 
un peu de chacun d'eux dans les divers mélanges 
gazeux de la Nature. Ils existent, en effet, dans 
l'atmosphère, dans les gaz qui se dégagent au 
griflon des sources et vraisemblablement dans les 
grisous. 

Moureu el fLepape ont examiné les grisous les 
plus divers et ils ont constaté, en effet, qu'ils con- 
tiennent non seulement l'azote, mais les cinq gaz 
rares. Les proportions de ces derniers sont toujours 
beaucoup plus faibles que celle de l’azote. Le grisou 
des mines d’Anzin ne contient que 6,5 dix-millièmes 
de ces gaz. Ici, encore, les leneurs en krypton et 
xénon sont toujours infimes et négligeables devant 
celles d'argon ; la quantité de néon est également 
très faible. Les proportions d’argon sont comprises 
entre 3 cent-millièmes (grisou de Mons) et 4 dix- 


millièmes (grisou de Liévin). Celles d'hélium 
varient entre 3 millionièmes (Lens) et 5 dix- 


millièmes (Mons). Si l'on lient compte des forts 
débits qu'ils présentent généralement, il en résulte 
que des quantités considérables d’hélium sont 
déversées par celte voie dans l'atmosphère. Elles 
dépassent de beaucoup les quantités déversées par 
les sources thermales les plus riches. Mais, tandis 
que les dégagements gazeux de ces dernières sont 
constants et durables, les soufflards des grisous 
s'épuisent généralement en quelques années. Dans 
le cas des grisous comme dans le cas des gaz des 
sources, on trouve une constance dans les rapports 
kryplon et argon, xénon el argon, xénon et kryp- 
ton, et dans celui de chacun de ces gaz avec l'azote, 
el la valeur de ces rapports est encore voisine de 
celle des rapports de ces gaz avec l'azote dans l'air. 
Une telle coïncidence ne peut se comprendre que si 


A. MAILHE — REVUE DE CHIMIE MINÉRALE 


tous ces azotes bruts (azote et gaz ont une 
origine commune, el Moureu pense que ces gaz 
ont été ocelus dans les roches de l'écorce terrestre 
au moment de sa solidification, et ont dû se main- 
tenir peu différents de ce qu'ils étaient au début. 
Cette hypothèse, d’ailleurs très vraisemblable, 
montre que les gaz du grisou ne sont pas issus de 
la houille. 

Cette élude remarquabie de Moureu et Lepape 
montre toute la variété des problèmes que l’on est 
conduit à envisager, quand on éludie la dissémina- 
tion des gaz rares dans la Nature. 


ares) 


La préparation de l'hydrogène à bon marché 
devient à l'heure actuelle une des préoccupations 
les plus passionnantes du monde industriel. On 
sait, en effet, que les méthodes d'hydrogénation 
catalytique, en particulier la solidification des 
huiles, prennent un développement considérable. 
Elles exigent un hydrogène pur et à un prix de 
revient très bas. La fabrication directe de l’'ammo- 
niac par le procédé de la Badische nécessite égale- 
ment l'emploi de l'hydrogène à bon marché. D'autre 
part, les progrès réalisés par l'aéronautique mili- 
laire ont élé un des facteurs importants qui ont 
le plus contribué à diriger les recherches pour 
améliorer le prix de revient de la fabrication de 
l'hydrogène. 

Parmi les procédés actuellement connus, celui 
qui consiste à électrolyser l'eau ne peut convenir, 
en raison même du prix de revient du mètre cube 
d'hydrogène, qui est de 50 à 60 centimes. 

L'emploi du silicium, en présence de soude 
diluée constitue un procédé aisé de production 
d'hydrogène. Il permet de le fabriquer dans tel 
endroit qu'il convient, et cela est parliculièrement 
beureux pour le gonflement des aérostals et des 
dirigeables. Les usines de la Compagnie générale 
d'Electrochimie de Bozel, en Savoie, fournissent 
aujourd'hui du silicium à 95 °/, à 0 fr. 90 le kilo- 
gramme. 4 kilog de ce produit dégage environ 
1 mètre cube 1/2 d'hydrogène. 

Le procédé le plus économique consiste à utiliser 
la vieille réaction de la vapeur d’eau sur le fer 
chauffé au rouge. Le fer en limaille, les morceaux 
de fer, sont disposés sous forme de briquettes, à 
l’aide de matières infusibles, alumine, bauxite, etc. 
Sur ces briquettes, chauffées entre 600 et 800”, 
dans des tubes en fonte, on dirige un courant de 
vapeur d'eau. Il se produit de l'hydrogène et de 
l’oxyde magnétique de fer: 


3Fe+4#H°0=Fe:0" +4", 


Lorsque le fer est totalement transformé en oxyde, 
la réaction s'arrête. On revivifie le catalyseur, en 
dirigeant sur les briquettes, ou sur les masses 


Le 
fer régénéré peut recommencer la réaction ci-des- 
sus. Le prix de revient du mètre cube d'hydrogène 
serait de dix à douze centimes, el ce prix est très 
convenable pour l'industrie. 


d'oxyde de fer, un gaz réducteur à bon marché. 


1. — MÉTALLOÏDES. 


Dans la préparation classique de l'acide fluor- 
hydrique par le fluorure de calcium et l'acide sul- 
furique, on trouve toujours dans le résidu un peu 
de fluosulfonate de calcium, ce qui à pour effet 
d'abaisser le rendement en HF. Ruff et Braun ont 
montré que le rendement en acide fluorhydrique 
est maximum si l’on emploie un acide à 90 °/, de 
SO‘. Avec de l'acide à 97-100 °/, de SO'H*, le ren- 
dement est de 60 ?/,, et l'hydracide obtenu n'est 
jamais anhydre. Si l’on se sert d'acide sulfurique 
fumant, on obtient l'acide fuosulfonique, avec un 
rendement qui croit avec la richesse en SO”. La 
réaction a lieu suivant l'équation : CaF°+SO*H* 
+ 2S0° — 2FSO'H + SO'Ca, et le rendement est 
presque théorique l'acide sulfurique est à 
60 °/, de SO”. L'opération, qui peut être effectuée 
dans un 


si 


appareil en fer, fournit un liquide bouil- 
lant à 1622, très stable sous l’action de la chaleur, 
même à 900°, réagissant violemment sur le chlo- 
rure et le fluorure de sodium, en donnant le fluo- 
sulfonate de sodium. 
l'acide fluosulfonique en SO? et HF: par contre, il 
est sans action sur l'acide sulfurique. 

Mathews a préparé l'acide perchlorique en distil- 
lant 100 grammes de perchlorate de polassium avec 
60 centimètres cubes d'acide sulfurique concentré 
sous pression de 10 centimètres; la concentration 
de CIO'H obtenu varie de 88 à 98 °/,. En utilisant le 
perchlorate de sodium et l'acide chlorhydrique, on 
produit jusqu’à 95 °’ d'acide perchlorique. D'autre 
part, Willard aurait préparé à l'état pur le premier 
anhydride interne de l'acide perchlorique normal, 
CI(OH)’, soit CIO‘H.2H4°0, en faisant bouillir le per- 
chlorate d'ammonium avec la quantilé nécessaire 
d'acide azotique dilué, et ajoutant graduellement 
un peu d'acide chlorhydrique. Ce procédé simple, 
rapide et peu coûteux, ne fournit que de l'oxyde 
azoteux et du chlore pendant la réaction. L'acide 
ainsi obtenu n’est ni vénéneux, ni explosif. Très 
stable, il ne produit aucune oxydation au-dessus 
de son point d’ébullition qui est de 203° et il peut 
être employé à déplacer de leurs sels tous les acides 
volatils. 

Garcia Banus a décrit un dispositif permettant 
d'obtenir facilement des quantités importantes 
d'acide bromhydrique dans les laboratoires. Il 
consiste à faire couler du brome, régulièrement, 
sur une bouillie épaisse, faite de phosphore rouge 


Les réducteurs dédoublent 


29 
22 


A. MAILHE — REVUE DE CHIMIE MINÉRALE 


et d'une solution aqueuse de KBr. Le gaz est purifié 
dans un tube en U, contenant des cristaux de KBr 
mélangés de phosphore. Avec un appareil fonc- 
tionnant sans aucun joint de caoutchouc, on peut, 
en quelques minutes, préparer 250 grammes de Br. 

On sait que l’eau et le gaz sulfureux réagissent à 
des températures inférieures à 160°, et même à la 
température ordinaire. La réaction est d'autant 
plus lente que la solution sulfureuse est moins 
concentrée et la température moins élevée. On 
avait reconnu antérieurement qu'au-dessus de 160° 
la transformation produit du soulre et de l'acide 
sulfurique, selon l'équation : 3S0?+ 2H°0 —92$S0'H? 
==. | 

Jungfleisch et Brunel ont établi que ce sont là, 
en effet, des termes ultimes de la réaction et que 
cette production de soufre et d'acide se réalise en 
deux phases. Dans une première, l’eau et le gaz 
sulfureux réagissent en donnant naissance à de 
l'acide hydrosulfureux et de l'acide sulfurique; 
dans une seconde, l'acide hydrosulfureux se dé- 
double en soufre et acide sulfurique : 


3S0° + 2H°0 — SOI? + SO! ; 
SOS SO 


Ces transformations paraissent accompagnées d'’ac- 
tions secondaires, mais celles-ci ne portent que sur 
des quantités extrèmement faibles de matières. 

Si on connait l’oxychlorure de sélénium SeOCF, 
analogue au chlorure de thionyle SOCF, par contre, 
on n'avait pas préparé jusqu'ici le bromure SeOBr', 
analogue à SOBr”. Glauser l'a obtenu en distillant 
l’oxychlorure de sélénium avec du bromure de 
sodium SeOCF + 2NaBr—SeOBr <2Nacl. Le 
liquide rouge obtenu se solidifie en formant des 
aiguilles qui fondent entre 30 et 40° et se dissolvant 
dans l'acide sulfurique. Cet oxybromure de sélé- 
nium a été également obtenu par la méthode qui 
avait fourni l'oxychlorure, en faisant passer des 
vapeurs de SeBr° sur SeO* légèrement chauffé. 

La découverte du premier phosphure d’hydro- 
gène solide est due à Le Verrier. Thénard lui assi- 
gna la formule P°H et il le préparait par décompo- 
Sion du phosphure liquide très instable, P‘H*. 
Stock l’obtint en faisant passer sur un corps poreux 
soluble, tel que le chlorure de calcium desséché, le 
mélange des hydrures de phosphore PH° et P°H' 
obtenus par l’action de l’eau à 60° sur le phosphure 
de calcium. Hackspill ayant préparé les quatre 
phosphures alealins, de formule P°M°, par action 
directe des vapeurs de phosphore sur les métaux, il 
les a traités par HCI ou mieux par l'acide acétique 
dilué. I1s fournissent un composé jaune clair de 
composition P°H°. D'autre part, le phosphure de 
Stock, chauffé dans le vide à 80°, fournit d'abord 
un rapide dégagement de phosphure gazeux, qui 


se ralentit au bout de quelques heures, lorsque le 
corps restant dans la nacelle correspond à la for- 
mule P°H°. Ces faits démontrent l'existence d’un 
phosphure d'hydrogène solide P‘H°, sorte d’acide, 
donnant des phosphures métalliques de formule 
P°K°,P Rb°, ele., etauquel correspondent également 
des phosphures métalliques qui ne peuvent être 
groupés en une formule analogue. Bossuet et 
Hackspill se sont proposés de les identifier. Ils ont 
effectué tout d’abord la dissolution du phosphure 
de rubidium dans l’ammoniac liquéfié. Ayant 
obtenu des £ristaux jaunes transparents de formule 
P'RD°.5AZH*, ils ont fait réagir leur dissolution 
ammoniacale sur les nitrales des métaux lourds 
solubilisés également dans l’ammoniac liquide. 
Par double décomposition, ils ont oblenu des 
précipités jaunes pour les nitrates alcalino-terreux, 
brun pour l'argent, noirs pour les autres : 


PSRDE + (AzOS)®Ph — P5Ph + 2A70°Rb. 


Celui du plomb a été isolé, et l'analyse montre 
qu'il correspond au phosphure P°H°. Bien que la 
grande oxydabilité des autres phosphures n'ait pas 
permis l'analyse, on peut penser qu'ils dérivent du 
même phosphure d'hydrogène. Ces faits permettent 
de ramener actuellement la constitution des diffé- 
rents phosphures métalliques à deux groupes : les 
premiers, dérivés de PH°, sont les phosphures de 
sodium et de polassium, PNa° et PK°, décrits par 
Joannis; les seconds dérivent de P°H°. 

La question des hydrures de bore est encore bien 
obscure. Une combinaison de bore et d'hydrogène 
paraît avoir élé entrevue par Davy, parmi les 
produils de la décomposition par l’eau du borure 
de potassium impur. Les recherches de Jones et 
Taylor permettent de regarder comme vraisem- 
blable l'existence du composé BH°, dans les 
produits de l’action de HCI sur le borure de magné- 
sium, Mg'B. Les recherches de Jones et Taylor, 
reprises ultérieurement par Ramsay et Hatfield, 
ont conduit à assigner à ce gaz la formule B°'H°. 
Moissan et William auraient isolé un composé 
B'H, à partir des borures alcalino-terreux. Enfin, 
Gattermann, puis Winkler, admettent l'existence 
d'un hydrure solide B°H, qui se décompose au 
rouge sombre. En traitant par les acides étendus le 
produit de la réduction de l’anhydride borique par 
le magnésium, Slock et ses élèves ont obtenu un 
dégagement d'hydrogène, mélangé de certains gaz 
à odeur désagréable, brûlant avec une flamme 
verte, donnant un précipité noir dans le nitrate 
d'argent. Ces gaz sont condensables à basse tempé- 
rature. Pour avoir le meilleur rendement en borures 
d'hydrogène, il faut faire tomber le borure de 
magnésium dans l'acide, et non l'acide sur le 
borure, pour que le gaz dégagé se trouve au 


A. MAILHE — REVUE DE CHIMIE MINÉRALE 2} 


moment de sa formalion en milieu fortement 
acide. Après condensation par l'air liquide, on 
a isolé deux hydrures de bore, B‘'H"" et BH. 

Le premier, B‘H", bout à 10° et fond à — 112°. I 
est lentement décomposé par l'eau avec formation 
d'acide borique; les solutions alcalines l'absorbent 
immédiatement. Il se décompose lentement à la 
température ordinaire, rapidement à 400°, en 
fournissant de l'hydrogène et un nouvel hydrure 
de bore B°H°, bouillant à — 87° sous 760 millimètres, 
et fondant à — 460. À — 112%, température de 
fusion du sulfure de carbone, il possède une tension 
de 224 millimètres, ce qui permet de le séparer de 
H et de B'H!" non décomposé, ainsi que des autres 
composés borés non volatils à cette température. 
Ce borure, B°H°, qui serait en somme l’analogue de 
celui de Jones et Taylor, est ainsi bien défini par 
ses constantes physiques. Il est immédiatement 
décomposé par l’eau en acide borique et hydro- 
gène : 

B°H9 6 H°0 — 2B(OH)° + 6H. 


Il forme un mélange détonant avec l'hydrogène. 
La lumière ultra-violetle, les étincelles, la chaleur, 
le décomposent avec production d'un composé 
solide blanc, cristallisé en aiguilles volatiles dans 
le vide, fondant à 99,5. C’est un nouvel hydrure 
de bore B"H', à odeur très forte, rappelant celle 
de l'acide perosmique. Il est soluble dans l’alcool, 
l’éther, le benzène, le sulfure de carbone; il réduit 
le permanganate de potassium et n’est pas attaqué 
par l’eau. 

Le second borure d'hydrogène, B°H°, obtenu 
dans la décomposition du borure de magnésium 
par HCI, bout à 100°. Il est encore moins stable 
que l'hydrure B‘H°. Il prend feu spontanément à 
l'air et se décompose spontanément en laissant 
déposer un produit solide. Il dégage immédiate- 
ment H en présence des solutions alcalines. 

On peut dès lors considérer comme certaine 
l'existence de trois hydrures de bore bien définis : 
B°H°,B'H" et B°‘H°. On remarquera que les formules 
des deux premiers les rapprochent des carbures 
d'hydrogène saturés, éthane et butane, ce qui 
permettrait de supposer que le bore est tétravalent 
dans ses combinaisons avec l'hydrogène. 

J'ai signalé, dans les précédentes Revues, l'exis- 
tence du sous-azoture de carbone C'N°. Moureu et 
Bongrand ont montré qu'il jouit d’une remarquable 
activité chimique. Il réagit avec une grande nettelé 
et parfois avec violence sur les corps les plus 
divers : halogènes, ammoniac, amines, alcools, 
sels d'argent, etc. L'attaque du sous-azoture de 
carbone par le gaz ammoniac est immédiate et 
e xtrémement énergique; elle est encore très vive 
quand les deux substances antagonistes ont été 


au préalable diluées dans une grande quantité de 
solvant. 11 se fixe une molécule d'armmmoniac, el on 
obtient l'aminobutène-dinitrile : 


NH CIN3 — (CN.CNH® : CH.CN.). 


Les amines primaires el secondaires réagissent 
également violemment sur le sous-azoture en se 
fixant sur la liaison acétylénique de ce corps. On 
obtient ainsi les composés CN.CNHR : CH.CN et 
CN.CNR°: CH.CN, qui s'hydrolysent sous l'action 
des acides étendus, en régénérant la base, HON et 
l'acide-nitrile, CO*H.CH°.CN. 


CEN2.NHER + 2 H°0 — NHER + HON + CON. CHECN. 


En chauffant à 180° du létraiodoimidazol desséché, 
dans un tube, et faisant ensuite passer dans ce tube 
un courant de CO’, il se dégage des vapeurs d'iode 
etilse forme un iodoazoture de carbone (C'N°1)". En 
élevant ensuite rapidement la température jusqu à 
120°, tout l'iode est éliminé et il reste un sous- 
azoture de carbone (C°N°)" (Pauly et Waltzinger). 

Au cours de la préparation du tellurure de 
carbone CTe*, que nous avons signalée l’an dernier, 
Stock avait vu se former entre autres produits du 
sous-sulfure de carbone C'S*. En répétant l'expé- 
rience à l’aide d’électrodes de tellure plus fortes 
(12 millimètres de diamètre), où le tellure était 
additionné de graphite, cet auteur a obtenu le 
sulfotellurure de carbone CSTe, qui dans ses solu- 
tions se dédouble par la chaleur ou la lumière 
presque entièrement en sulfure de carbone et des 
substances noires, mal définies, dont la compo- 
sition est voisine de CTe’. Le sulfotellurure de 
carbone est liquide. Il présente une odeur alliacée, 
faiblement piquante. Au-dessous de — 54°, il forme 
des cristaux stables, orangés, fusibles à cette 
température en un liquide rouge vif, très altérable 
à la température ordinaire. Les solutions dans le 
sulfure de carbone ou le benzène sont rouges et 
assez stables. 


La préparation du sulfoséléniure de carbone 
(ê e est calquée sur la précédente. Les rende- 
Se 


ments sont meilleurs, parce que ce composé est 
plus stable que le sulfotellurure. C’est un liquide 
jaune foncé, stable à l'air, à odeur d’oignon, exci- 
tant les larmes. Il bout à 84° et fond à — 85°. IL 
est inattaqué par l’eau, mais altéré par la chaleur, 
la lumière, le mercure, en donnant CS*?. 

Dans son étude des carbures métalliques, Henri 
Moissan a montré que certains de ces composés 
donnaient sous l'action de l'eau des mélanges très 
complexes de carbures d'hydrogène. Les carbures 
des métaux des groupes cérique et yitrique, de 
l'uranium, du thorium, fournissent, en effet, outre 
des carbures d'hydrogène liquides et solides, des 


c 


A. 


produits gazeux formés par de l'hydrogène, du 
méthane, de l'éthylène et de l’acétylène. Dans le 
gaz provenant du carbure de thorium, il a signalé, 
en outre, la présence d'homologues supérieurs de 
l'éthylène. Lebeau et Damiens ont repris cette 
étude, en appliquant les méthodes d'analyse d'hy- 
drogène et des mélanges d'hydrocarbures saturés 
gazeux, et de dosage des carbures acétyléniques et 
éthyléniques dans ces mélanges gazeux. 

Dans la première, ils ont montré que l'on pou- 
vait facilement éliminer l'hydrogène et le méthane 
d'un mélange d'hydrocarbures gazeux, en faisant 
le vide sur les gaz liquéfiés maintenus à la tempé- 
rature de l'air liquide. Ensuite, en tenant compte 
des différences de tension des carbures d'hydrogène 
liquéfiés, ils ont établi qu'à certaines températures 
il était possible de les séparer en portions ne ren- 
fermant que deux carbures connus qui pouvaient 
être analysés par l'eudiomètre. Cette méthode 
fournit la solution d’un problème analytique jus- 
qu'ici très imparfaitement résolu. 

Pour la séparation des carbures acétyléniques et 
éthyléniques, ils ont substitué aux réactifs clas- 
siques (chlorure cuivreux ammoniacal et brome) 
deux liquides d'un usage plus commode, permet- 
tant d'effectuer l'analyse d'un mélange gazeux 
exclusivement sur la cuve à mercure. Pour l'absorp- 
tion des carbures acétyléniques, Lebeau et Damiens 
ont employé une solution alcaline d’iodo-mereu- 
rate de potassium, dont la sensibilité équivaut à 
celle du chlorure cuivreux ammoniacal, 
absorber ies carbures éthyléniques, ils ont utilisé 
une solution sulfurique d'acide vanadique à 4 °/, 

Par l'emploi de ces méthodes, les analyses des 
gaz provenant de la décomposition du carbure 
d'uranium ont montré qu'ils étaient formés d’'hydro- 
gène, de méthane et de ses homologues jusqu'au 
terme butane, d'éthylène et ses homologues et de 
carbures acétyléniques. Des résultats semblables 
ont été fournis par la décomposition du carbure de 


et pour 


thorium CTh, et des carbures des lerres rares 
(Ce, Nd, Pd,Sm). Mais, dans ces derniers, on à 


toujours constaté l'absence rigoureuse du méthane. 
Ces analyses conduisent à des résultats présentant 
une grande divergence avec ceux qui avaient été 
donnés antérieurement. 

Berthelot et Gaudechon ont effectué la synthèse 
photochimique d'un composé nouveau, l'oxycya- 
nure de carbone, à l’aide des rayons ultra-violets. 
Si le rapidement polymérisé en 
paracyanogène solide brun, par contre l'oxyde de 
carbone n'est nullement modifié par la lumière 
ultra-violette. Lorsque les deux gaz CO et (CN) sont 
mélangés, ils se combinent et disparaissent simul- 
tanément. Il se forme, sur les parois froides du tube 
qui les contient, un dépôt jaune d'oxycyanure de 


cyanogène esl 


MAILHE — REVUE DE CHIMIE MINÉRALE 


carbone, CN.CO.CN, rappelant par sa constitution 
l'oxychlorure de carbone CI. CO. CI. La combinaison 
est favorisée par des traces d’eau. Ce composé 
paraît se former à l'élat gazeux, un peu au-dessous 
de 100°, mais cette forme est fugace et il se con- 
dense bientôt en un solide. Ces faits rappellent 
ceux qui ont été observés dans la formation de 
l'aldéhyde formique HCOH, aux dépens de CO et H°. 
La formaldéhyde et l'oxycyanure de carbone sont 
des composés organiques simples qui n'existent à 
l'état gazeux que d'une manière transitoire, et ont 
une tendance à se condenser à l’état solide, surtout 
en présence des rayons ultra-violets. 
L'oxycyanure de carbone, chauffé à 200°, ne se 
volatilise pas, mais dégage de faibles quantités 
d'azote. Il est soluble dans les alcalis en un liquide 
jaune. Sa propriété chimique essentielle est son 
dédoublement par hydrolyse, suivant l'équation : 


/CN 
CO +IT.OH —2HCN + CO? 
CN 


Il ne prend pas naissance dans l’action de l’oxy- 
chlorure de carbone surle cyanure d'argent, ni par 
action de la chaleur sur le mélange de cyanogène 
et d'oxyde de carbone. 

Cette aptitude de CO à donner un composé 
d'addition avec le cyanogène, sous l’action des 
rayons ultra-violets, se manifeste encore vis-à-vis 
d'autres éléments, et, remarque assez curieuse, 
celte fixation est surtout prononcée avec les pre- 
miers termes des séries. Aisée avec le chlore, elle 
n'a pas lieu avec le brome et l'iode. L'’oxygène 
s'ajoute également pour donner CO*, tandis que 
r'on n'obtient pas COS. L'eau et l'ammoniac se fixent 
sur l'oxyde de carbone; l'hydrogène sulfuré et les 
hydrures de phosphore et d'arsenic n'ont aucune 
action. 

IL. — MÉraux. 

L'emploi de la méthode aluminothermique, con= 
venablement appliquée, à conduit Matignon à la 
préparation du magnésium. On sait que, dans cette 


méthode, la réduction des oxydes de chrome, de 
manganèse, etc., s'effectue dans des appareils 


brasqués en magnésie, seule matière réfractaire 
économique n'intervenant pas dans la réaction. 
Quoique les températures réalisées dans les réac- 
tions aluminothermiques aient été souvent fort 
élevées, on n'a jamais constaté jusqu'à présent la 
réduction des parois de magnésie. Matignon à pu 
mettre facilement cette réduction en évidence. 
Après avoir débarrassé la poudre d'aluminium des 

matières grasses qui la souillent, par des lavages 
répétés à la benzine et à l’éther, il l'a mélangée 
intimement avec de la magnésie lourde, dans les 


1 A. MAILHE — REVUE 


proportions de 1 molécule de magnésie pour 1/3 Al. 
Ce mélange est comprimé en paslilles, qui sont 
placées dans un tube d'acier chaufté lui-même dans 
un tube en porcelaine. Elles sont situées dans la 
région la plus chaude, au fond du tube, tandis que 
l'extrémité ouverte aboutit à une partie froide. 
Pendant l'opération, le vide est maintenu dans 
l'appareil; dans ces conditions, l'aluminium réduit 
facilement la magnésie à 1200°, et le magnésium 
mis en liberté vient se déposer en beaux cristaux 
dans les régions froides du tube d'acivr. La réduc- 
tion est praliquement complèle. Celle réaction 
nouvelle constitue une véritable méthode de prépa- 
ration du magnésium, susceptible d'entrer en lutte 
avec la méthode électrolytique, la seule actuelle- 
ment en usage. Elle est commode à réaliser et 
fournit un rendement théorique. 

Güntz a indiqué une bonne méthode de prépara- 
tion du baryum, basée sur la réduction de la baryte 
par l'aluminium. La réaction, quiestexothermique, 
est encore facilitée par la volatilisation du baryum. 
Matignon à pensé que le silicium devait pouvoir 
effectuer la même réduction, malgré l'écart consi- 
dérable, de 35 calories, entre les chaleurs de forma- 
tion des deux oxydes, baryte et silice, rapportées 
à un atome d'oxygène. 

En effet, lorsqu'on .opère en présence d’un excès 
de baryte, la silice formée va donner un silicate de 
baryum avec un notable dégagement de chaleur : 


3/2Ba0 + 1/28i —1/2Si0/Ba + Ba + 18 c. 5. 


Effectivement, en se Lenant dans ces proportions 
{héoriques, on constate qu'à la température de 
1.200° le silicium remplace une quantité équiva- 
lente de baryum. La technique de la préparation 
est la même que précédemment. Le mélange en 
pastilles est mis au fond d’un tube d'acier, fermé à 
un bout et chauffé dans un tube de porcelaine où 
l'on fait et maintient le vide pendant toute l'opéra- 
ration. Le baryum distille et vient se condenser 
dans une région moins chauffée du tube d'acier. 
On obtient ainsi du premier coup un métal titrant 
98,5 °/, de Ba. L'on peut employer, pour effectuer 
la réduction, soit le silicium amorphe pur, soit le 
ferrosilieium à 95 °/, ou 90 °/, de Si, qui sont 
livrés actuellement à bas prix par l'industrie. Il en 
résulte que cette méthode est su-ceptible de four- 
nir du baryum à bon marché et d’une manière tout 
à fait industrielle. 

Billy à apporté un perfectionnement dans la pré- 
paration de quelques métaux purs. On sait que l'on 
obtient des métaux réfractaires purs en réduisant 
leurs chlorures par l'hydrogène ou par le sodium. 
Mais la haute température exigée quand on emploie 
l'hydrogène, la difficulté d'employer du sodium 
sans oxydation, et d'autre part l'attaque des appa- 


DE CHIMIE MINÉRALE 25 


reils, ont élé la cause des impuretés introduites 
dans le métal. C'est ainsi que, pour préparer le 
titane, le métal le plus réfractaire, on s'est arrété à 
la méthode de Nilson et Petterson modifiée par 
Hunter, qui consiste à chauffer au rouge sombre 
du chlorure de titane liquide en présence du 
sodium dans une bombe en acier vissée el serrée. 
Une réaction extrêmement violente se produit el 
l’on obtient le métal presque pur. Dans le but d'ob- 
tenir des métaux parfaitement exempts de fer, de 
silicium et d'oxygène, Billy utilise l'hydrure de 
sodium pour réduire les chlorures. Cette réaction 
s'effectue à 400? : 


TiCIS Æ 4 Na = Ti + 4 NaCI + NH. : 

Tous les inconvénients des hautes températures, 
les réactions violentes, sont évilés, et l’on peul 
effectuer l'opération dans des appareils en 
fusible. On obtient ainsi du titane pur. Le vana- 
dium pur à élé obtenu de la même manière. C’est 
là une méthode générale de réduction des chlo- 
rures métalliques, qui permet d'obtenir des métaux 
purs tels que la Physicochimie l'exige aujourd'hui. 

Les travaux sur la préparation des chlorures 
métalliques se poursuivent de tous côlés. Nous 
avons indiqué dans les dernières revues les nou- 
velles méthodes de chloruration qui avaient été 
décrites. L'action du chlorure de thionyle, indiquée 
par Darzens et Bourion, a été reprise par North et 
Hagemann. Ils ont fait réagir ce composé sur la 
plupart des oxydes métalliques et métalloïdiques, 
en effectuant la réaction en tube scellé à 150-200°. 
L'action a lieu en général suivant l'équation : 


verre 


MO + SOCE — MCE + SO®, 


Dans le cas où l’un des métaux ou métalloïdes 
fournit deux chlorures, il se produit toujours le 
chlorure inférieur, qui se transforme ultérieure- 
ment par un excès de réactif en dérivé chloré maxi- 
mum : 


3 MC + 4 SOC = 


3MCI+2S0 + SC. : 


L'anhydride arsénieux fournit seulement AsCF ; 
mais l'oxyde d’antimoine réagit à la température 
ordinaire en donnant SbCI*, qu'un chauffage avec 
un excès de SOCF transforme en pentachlorure. Les 
oxydes de GI, Ca, Sr, Cr ne paraissent pas attaqués 
à 200° ; BaO° fournit au contraire BaCF et le pero- 
xyde de sodium est violemment attaqué dès la 
température ordinaire. 

Continuant l'étude des propriétés chlorurantes 
de l’oxychlorure de carbone, qu'il avait fait connai- 
tre, Chauvenet à montré que ce gaz convient par- 
faitement soit pour attaquer les silicates et les 
phosphates en vue de leur analyse, soit pour pré- 
parer la piupart des chlorures métalliques anhy- 


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A. MAILHE — REVUE DE CHIMIE MINÉRALE 


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dres en partant de ces minéraux. Ainsi, la vivianite 
et la pyromorphile sont attaqués à 350°; à 500°, 
la chloruration du fer et du plomb est presque ins- 
lantanée : 


P205.3 MO + 6 COCI* — 2POCF + 6 CO? + 3MCF. 


On peut séparer aisément le chlorure de fer ou 
celui de plomb. De même, les minerais d'urane, 
placés dans une nacelle et traités par COCF, four- 
nissent la réaction générale : 


P205,2U0°.Ca0 + 8COCE — 2POCI 
+ 8CO° + 2UCI' + CaCr. 
Le chlorure uraneux est volatil et se sépare ainsi 
du chlorure de caleium qui reste dans la nacelle. 
On pourra de même doser le thorium dans la mona- 
zite. Les silicates complexes, thorite, gadolinite, 
cérite, zircone, sont également attaqués à plus 
haute température (1000 à 1200°) par l'oxychlorure 
de carbone, et les métaux transformés en chlo- 
rures : 
SiO3M + COCE — MC + Si0? +CO®. 


Quelle que soit la combinaison métallique que 
l'on ait à sa disposition (oxyde, sulfure, silicate, 
nitrate, carbonate, sulfate), on pourra done au 
moyen de l'oxychlorure de carbone les transformer 
en chlorures anhydres. 

Conduché a eu l’idée de faire réagir le chloro- 
forme sur les sulfates métalliques, en vue de leur 
transformation en chlorures. Pour effectuer cette 
réaction, il est nécessaire de ne pas dépasser 400 à 
500°, température à laquelle le chloroforme se 
décompose par la chaleur en charbon et chlorure 
de Julin C'Cl°, le premier souillant le chlorure 
formé. La méthode ne permettra donc d'obtenir 
des chlorures purs que si l'on peut opérer à tempé- 
rature peu élevée. C'est le cas des sulfates de cuivre, 
de nickel, de fer qui se transforment en chlorures 
dès 250-300°, des sulfates de manganèse, de plomb 
et d'aluminium qui réagissent à 350° et 400°. Par 
contre, les sulfates de magnésium, de baryum et 
de calcium, exigeant pour se transformer en chlo- 
rures des températures supérieures ou égales à 
500°, ne donneront pas de produits purs. Dans cette 
méthode, il se fait nécessairement les chlorures de 
thionyle et de sulfuryle en même temps que de 
l'anhydride carbonique : 


SO'M + CCI — MCI + SO?CE + CO®. 


Hilpert et Ditmar ont fait une nouvelle méthode 
de synthèse des dérivés méthylés des métaux basée 


sur Ja méthylatien effectuée à l'aide du carbure 
d'aluminium sur les sels dissous. On sait que, lors- 
qu'on. fait réagir l’eau ou un acide dilué sur le 


carbure d'aluminium, il se forme du méthane sen-— 
siblement pur, suivant l'équation : 


AÏC3 + 12H.OH — 4ANOH)* + 3 CH*. 


En partant de cette réaclion, les auteurs ont 
fait réagir progressivement, sur une solution de 
25 grammes de bichlorure de mercure dans 130: 
grammes HCI à 10 °/,, 15 grammes de carbure d'a- 
luminium, en maintenant la température vers 90. 

CH 
Ils ont obtenu le composé ICI QR sous forme d'un 
13 


liquide bouillant à 170°, et pouvant être séparé 
par distillation des produits de la réaction. Le 
chlorure de bismuth a fourni dans les même con- 
ditions, au sein d’une atmosphère de CO’, le bis- 
muth-triméthyle, Bi(CH*)’, et le chlorure stannique, 


CF 
le composé mixte, sn Par ce nouveau pro- 
(CH)? 
cédé, il est possible de produire de nouveaux déri- 
vés méthylés métalliques, non seulement avec 
l'arsenic, mais aussi avec des métaux lourds tels 
que le cuivre. La réaction ne parait pas due à une 
ionisation, puisque le bichlorure de mercure, par 
exemple, peut être remplacé par le cyanure de 
mercure. 

L'oxydation directe des métaux alcalins, effectuée 
soit par Joannis, soit par Rengade, a conduit aux 
composés de la forme M°0, M°0?, M°0°, M‘0*. Seul 
dans le cas du sodium ce dernier type, le tétroxyde- 
Na°O*, n’a jamais été alleint. De Forcrand à mon- 
tré que cela pouvait s'expliquer par ce fait que l'on 
ne dispose, dans la peroxydation du composé 
Na0°, que de 29 cal. 3 pour la fixation de 3 atomes. 
d'oxygène supplémentaires. Or, on sait que le pas- 
sage de Na°O à Na°0° dégage 19 cal. 05. Il ne reste 
donc plus que 10 cal. 27 pour les deux autres 
atomes, soit une moyenne de 5 calories par atome 
d'oxygène. On comprend dès lors que la formation 
de Na°0* et Na°0' soit très difficile et qu'ils doivent 
être par suite très instables. Leur formation par 
oxydation directe, dans les conditions où se for- 
ment K°0*, Rb°0', Cs*0*, ne peut done avoir lieu. 

Les protosulfures anhydres des métaux alcalins- 
sont très mal connus et n’ont pas été jusqu'ici 
obtenus purs. La déshydratation des sulfures pré- 
parés par voie aqueuse entraîne toujours une 
attaque des récipients, ainsi que l’a montré Saba- 
tier. Le procédé plus récent de Hugot, qui consiste 
à faire agir le soufre sur un excès de métal alcalin 
dissous dans l’ammoniac liquéfié, conduit à de 
bien meilleurs résultats, mais il est impossible 
d'éviter la formation simultanée d'un peu d'ami- 
dure, et la présence, même en proportion très 
faible, d’une impureté aussi active, dans les corps 


A. MAILHE —— REVUE DE CHIMIE MINÉRALE 27 


obtenus, peut en modilier notablement les pro- | détruirait par l'action de l'eau, suivant l'équation : 


priélés. En outre, les sulfures ainsi préparés sont 
amorphes. Rengade et Costèanu ont pensé qu'il 
serait possible d'appliquer à la préparation des 
sulfures la méthode qui avait permis à l’un d'eux 
d'isoler les oxydes alcalins anhydres, savoir : la 
combinaison directe du soufre avec un grand excès 
de métal, excès dont on se débarrasse ensuite par 
distillation dans le vide. Si les sulfures sont, 
comme les oxydes, solubles dans un excès du 
métal, ils devront être obtenus cristallisés. Ils ont 
fait réagir la vapeur de soufre sur le métal fondu 
dans un tube de verre en U, maintenu entre 200- 
300, et dans lequel il est possible de faire le vide. 
La combinaison du soufre et du métal alcalin se 
fait intégralement dans la première branche; il ne 
reste plus qu'à distiller le métal en excès à travers 
une partie capillaire qui relie les deux branches 
du tube en U, la seconde branche étant maintenue 
froide. Les auteurs ont préparé ainsi les monosul- 
fures, Na°S, K°S, RP°'S, CS’S, sous forme de poudres 
blanches cristallines, virant au jaune par élévation 
de température. Si l’on se rappelle que le protoxyde 
de rubidium Rb°0 est jaune à froid et Cs'O rouge, on 
voit que les sulfures alcalins sont moins colorés 
que les oxydes. Ils sont également moins solubles 
dans le métal, ce qui explique qu'ils cristallisent 
difficilement. Ils paraissent plus stables que les 
oxydes correspondants; la lumière ne semble pas 
les altérer; la chaleur n’a d'action sur eux qu'au 
point de ramollissement du verre; ils se colorest 
alors en rouge, et se transforment en persulfures 
en dégageant des vapeurs métalliques. C'est une 
décomposition analogue à celle des protoxydes. 
Ces sulfures sont très oxydables, et il suffit de les 
toucher en un point avec une pointe de verre 
chauffée pour qu'ils deviennent incandescents et 
brülent comme de l’amadou. Lorsqu'on les projette 
dans l’eau, ils se dissolvent avec bruissement 
et dégagement de chaleur, mais sans explo- 
sion. 

Joannis avait obtenu autrefois les métaux-car- 
bonyles alealins, (KCO)’ et (NaCO)", par l’action de 
l’oxyde de carbone sur les métaux alcalins. Ces 
corps sont d'une extrême instabilité. Ils détonent 
ou déflagrent vivement en présence de l'air, de 
l'eau ou de la chaleur. Aussi, leurs formules molé- 
culaires n'avaient pu être établies. Joannis a repris 
récemment l'étude du potassium-carbonyle. Il l’a 
mis en suspension dans de l’ammoniac liquéfié. 
En y faisant arriver goutte à goutte de l'eau 
étendue d’ammoniac liquide, le potassium-carbo- 
nyle se décompose sans explosion. IL se forme un 
liquide jaune rougeätre, constitué par une solution 
de glycolate de potassium, ce qui montre que l’on 
a affaire à un composé de formule COK.COK, qui se 


KCO,.COK + 21H10 = CHOHCOSK + KOÏT. 


Par analogie, il semble que le sodium-carbonyle 
doit répondre à la même constitution. 

Le sodammonium a élé utilisé, avec succès, par 
Lebeau, pour réaliser l'hydrogénation du naphta- 
lène. On sait que les diverses méthodes d'hydrogé- 
nation actuellement connues, soit par voie sèche, 
soit par voie humide, fournissent, à côté des per- 
hydrures, des composés moins saturés dont la 
séparation est souvent pénible. L'emploi du so- 
dium-ammonium permet d’obteniruntermeunique. 
Sur le naphtalène, l’action de ce métal n’est pas 
instantanée, et, sous la pression ordinaire, vers 
-A0°, elle est encore incomplète après trois quarts 
d'heure, même en présence d’un grand excès de 
métal alcalin. Il est nécessaire de terminer la réac- 
tion à 15° dans un autoclave. On obtient ainsi, 
avec un rendement de 9/10, le tétrahydronaphta- 
lène, bouillant à 208°. Cette action hydrogénante 
du sodammonium, qui est accompagnée de la for- 
mation d'amidure AZH°Na : 


C10H5 -ÿ 4 AZHNa — C!'H'E + 4AZH°Na. 


sera vraisemblablement étendue à un grand nombre 
de composés organiques. 

Tout récemment, Lebeau et Picon ont appliqué 
cette méthode à l'hydrogénation de divers carbures 
polybenzéniques. Ils ont ainsi obtenu les tétra- 
hydrures de diphényle, d'acénaphtène, de phénan- 
thrène, et les hydrures d'anthracène et de stilbène. 
La méthode ne s'applique pas au benzène, au 
toluène, au cymèêne, ainsi qu'aux divers carbures 
terpéniques. 

Une préparation élégante des bromures de man- 
ganèse MnBr° et MnBr' a été réalisée par Ducelliez 
et Raynaud. On place un poids connu de manga- 
nèse, finement porphyrisé, au-dessous d’une couche 
d'éther ordinaire pur et anhydre, et on y fait 
tomber du brome en quantité calculée pour former 
le bromure manganeux. L'éther, d’abord forte- 
ment coloré, se décolore et ne présente qu'une 
légère teinte jaune, ce qui montre l'absorption du 
brome par le métal. Il se forme une huile jaune. 
dense, qui, après enlèvement de l’éther en excès, 
fume à l'air, et est très soluble dans l’eau. Placée 
sur une plaque poreuse, au-dessus de l'acide sulfu- 
rique, elle perd rapidement l'excès d'éther qu'elle 
contient, et fournit une substance cristallisée en 
belles aiguilles rose orangé, transparentes, de for- 
mule MnBr°.(C*H°)0. Après douze jours de séjour 
au-dessus de SO'H*, elle perd tout son éther, et 
laisse le bromure manganeux, MnBr°, absolument 
pur, de couleur blanche. résultat est 
atteint plus rapidement en chauffant la combi- 
naison éthérée vers 100°. Cette obtention du bro- 


Ce même 


28 


A. MAILHE — REVUE DE CHIMIE MINÉRALE 


mure manganeux semble être liée à la présence de 
l’éther, car, en faisant agir directement du brome 
rigoureusement sec sur du manganèse, on n’a 
aucune attaque à la température ordinaire, et ce 
n’est que vers 80° qu'il y a un commencement de 
réaction. D'autre part, lorsqu'on remplace l’éther 
par le sulfure de carbone ou la benzine, on n'ob- 
tient pas de combinaison. 

Si dans l'opération précédente, au moment où le 
composé MnBr°.(C*H°)0 est atteint, on continue à 
ajouter du brome par petites portions, on remarque 
la disparition du corps précédent, et il se sépare 
une couche liquide de couleur plus foncée. En 
ajoutant un excès de brome, pour provoquer une 
réaction complète, et en chauffant progressivement 
au bain-marie, pendant trois heures, on obtient une 
substance jaune-orange, amorphe, correspondant à 
la formule MnBr°.[(C°H°)OF. Au-dessous de 100°, 
celte combinaison se décompose en libérant de 
l'éther pur, et laissant le bromure manganique 
MoBr’. L'iodure manganeux, Mnl°, qui s'obtient 
généralement par déshydratation des sels hydratés, 
dans le vide, se prépare comme précédemment, en 
faisant réagir l’iode sur le manganèse porphyrisé, 
sous une couche d’éther. On refroidit au début, on 
chauffe au bain-marie à la fin de la réaction: 
l’iodure formé se dépose. Après lavages à l’éther 
pour le débarrasser des traces d'iode qu'il retient, 
on à un produit blanc, qui brunit peu à peu, et 
qui est entièrement soluble dans l’eau et se com- 
bine vivement avec le gaz ammoniac. Ces travaux 
de Ducelliez et Raynaud coustituent une contribu- 
tion importante à l'étude des combinaisons halo- 
génées du manganèse. Ils permettent d'espérer 
qu'ils pourront être étendus à d’autres métaux. 
Tout récemment, ils ont obtenu, en suivant la 
même technique, par action du brome sur le 
cobalt et sur le nickel, des combinaisons CoBr:. 
C'H"0 et NiBr°.C‘H"0 qui, décomposées par la cha- 
leur, fournissentle bromure de cobalt vert, anhydre, 
et le bromure de nickel. 

A la suite de nombreux travaux qui ont été faits 
sur l'hydrogénation des substances organiques en 
milieu liquide, la question de l'existence d’un sous- 
oxyde de nickel à été envisagée par un certain 
nombre d'auteurs. Un sous-oxyde de nickel.a été 
signalé à deux reprises : dans la réduction du 
protoxyde par l'hydrogène à 210° (Muller), et par 
l’'oxyde de carbone à 420° (Lowthian Bell). L'em- 
ploi de l’oxyde de nickel pour l'hydrogénation des 
huiles à une température de 270° a été préconisé 
par Bedford et Erdmann. Dans cette réaction, les 
auteurs admettent que l’oxyde éprouve une réduc- 
tion partielle qui le transforme en sous-oxyde, qui 
prend l'aspect colloïdal, et qui agir alors avec une 
grande énergie el à basse température, pour pro- 


voquer l'hydrogénalion. Le nickel métallique ne 
produirait qu'une réaclion extrêmement lente. 
Brochet aurait été conduit à une conclusion ana- 
logue, et ses recherches lui auraient montré que 
les impuretés du nickel doivent jouer un rôle 
important dans l'hydrogénation. Paul Sabatier et 
Espil ont étudié, avec précision, la réduction de 
l'oxyde de nickel par l'hydrogène; ils ont trouvé 
que, même à la température constante de 155°, un 
oxyde de nickel, issu de la calcination modérée du 
nitrate, a fourni une réduction totale à l'état de 
nickel métallique, sans production d’un sous-oxyde 
non réductible à cette température. D'autre part, 
Meigen et Bartels ont montré que les oxydes métal- 
liques, particulièrement les oxydes de nickel, ne 
peuvent êlre employés comme catalyseurs pour 
l'hydrogénation des huiles que s'ils sont préala- 
blement réduits à l’état de métal. La formalion de 
nickel métallique a été constatée : par l'analyse 
des masses catalytiques employées qui avaient une 
teneur en nickel plus élevée que celle qui corres- 
pond à un sous-oxyde; par la conductibilité élec- 
trique et par la formation du nickel-carbonyle au 
contact d'oxyde de carbone. Ils ont trouvé aussi 
que le durcissement des huiles a lieu par l'emploi 
du nickel métallique, très rapidement, dès le début 
de l'opération, à 180°, tandis qu’elle n'a lieu que 
très lentement, à 250°, avec l'oxyde de nickel. Ils 
ajoutent enfin que la formation du sous-oxyde de 
nickel hypothétique de Bedford et Edmann ne 
repose sur rien. Ces travaux semblent donc écarter 
l'existence d’un sous-oxyde de nickel. 

On pourrait encore examiner ici la question de 
savoir s’il est possible de pratiquer l'hydrogénation 
avec un oxyde de nickel, et si ce dernier n’est pas, 
dès le début du passage de l'hydrogène, transformé 
en métal. Cette discussion sortirait du cadre de 
cette Revue. Il nous semble cependant rationnel 
d'admettre — étant donnée la température de ré- 
duction de l’oxyde de nickel (155°) et les tempé- 
ratures nécessaires pour l’hydrogénation (170°- 
180°) — qu'il se forme du nickel métallique. Que 
devient alors la propriété catalytique de l’oxyde? 
On à bien dit que, si le nickel était catalyseur, 
c'est par l'oxyde qu'il retenait toujours, et par lui 
seul. Cependant, Sabatier et Espil ont réduit à 700°, 
pendant plusieurs heures, de l’oxyde de nickel, à 
l'aide d'hydrogène, et ce nickel s’est montré d’une 
activité très grande pour transformer le benzène 
en cyclohexane. Il m'est difficile d'admettre qu'à 
cette température et au bout d'un temps très long 
de réduction, tout l'oxyde de nickel n'ait pas été 
changé complètement en métal. 

Werner a décrit une nouvelle série de composés 
du cobalt optiquement actifs contenant deux 
atomes de cobalt asymétriques dans la molécule, 


A. MAILHE — REVUE DE CHIMIE MINÉRALE 29) 


et qui seraient analogues à l'acide lartrique, I en 
résulte, comme dans le cas de cet acide, que ces 
complexes coballiques à deux atomes de métal 
doivent exister sous trois formes distinctes : une 
droite, une gauche et une forme inactive par com- 
pensation intramoléculaire, les deux premières 
pouvant, d'ailleurs, fournir un racémique. Ces 
sels sontconstitués par le létra-éthylène-diamine-u- 
amino-nitro-dicobalt : 


NA? CH — N° 
En°Co CoEn® |X, ou En 
NI “ 


Al 
CH° — NH° 


et X un résidu électro-négatif. On les obtient par 
action de l'acide azotique sur les sels du tétra- 
éthylène-diamine-u-amino-peroxydicobalt : 


AZH® $ 
En°Co CoEn* IX*. 
0? | 


La synthèse ayant fourni le racémique, il à élé 
dédoublé à l’aide du d-bromocamphosulfonate 
d'argent. Le bromure, plus aisément soluble, cris- 
tallise avec SH°0, en aiguilles rouge orangé ; il est 
inactif par compensation. Le moins soluble est à 
6 molécules d’eau; il fournit le sel de pouvoir 
rotatoire (+ 160°), en solution à 0,25 °/,. C'est là 
un nouvel exemple très curieux de l'extension de 
l’activité optique moléculaire aux composés de la 
Chimie inorganique. 

Pascal a indiqué qu'un grand nombre de sels 
d'uranyle peuvent être transformés en complexes. 
On constate facilement cetle propriété en ajoutant 
à la solution d’un sel d'uranyle un excès de carbo- 
nate, de pyrophosphale, de sulfile, hyposulfite ou 
cyanure alcalin. L'’excès de sel alcalin stabilise le 
complexe. On constate, après cette addition, l’ap- 
parilion d’une couleur jaune orangé qui est, en 
général, assez intense, tandis que diminuent ou 


disparaissent les caractères analyliques de l’urane, 
L'auteur à déjà préparé des carbonates et des cya- 
nures du type UO*(CO')M"', UO*(CN M", l'uranyl- 
pyrophosphate normal (UO**(PO")'Na’, répondant 
aux formules de Werner, et qui rappelle celle des 
ferrocyanures et des ferropyrophosphates. En solu- 
tion, ces complexes se dissocient quand on les 
chauffe, et si l'on veut faire les sels non alealins 
par double décomposition, le précipité que l'on 
obtient peut être fractionné, mais il abandonne le 
pyrophosphate d'uranyle. Le mélange de deux 
solutions alcoolisées de cyanate de polassium el 
d'azotate d'uranyle donne un précipité microcris- 
tallin jaune, à fluorescence verte : 


UO{CNO}E + 2CNOK — [UOYCNO) KE. 


C'est un sel complexe, analogue au cobaltocya- 
nate anhydre Co(CNO)'M°, 

Ces exemples ne sont pas isolés, et Pascal in- 
dique que, suivant le radical acide qu'on y intro- 
duit, les complexes minéraux, dérivés de l’uranyle, 
affectent l’une des deux constitutions : 


(UO?X5)M* ou (UO?X!)ME. 


Le premier type, où le radical bivalent UO? pos- 
sède l'indice de coordination maximum, est tou- 
jours très stable ; il résiste, en effet, à l'hydrolyse, 
et les réactions de l'urane y sont complètement 
dissimulées. Le second type se comporte en solu- 
tion diluée comme un sel double el, pour en annuler 
la dissociation, il faut souvent ajouter un grand 
excès du sel alcalin correspondant. 

L'étude des sels complexes des différents métaux 
se poursuit avec activité de divers côtés; il n’est 
pas possible d'énumérer iei tous les travaux faits 
dans cette voie. 

A. Mailhe, 


Professeur adjoint à la Faculté des Sciences 
de l'Université de Toulouse. 


30 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


BIBLIOGRAPHIE 


ANALYSES ET INDEX 


4° Sciences mathématiques 


Borel (Em.), Professeur à la Faculté des Sciences de 
Paris. — Introduction géométrique à quelques 
théories physiques. — 1 vol. in-8° de 137 pages, 
avee 3 fig. (Prix : 5 fr.) Gauthier-Villars, éditeur, 
Paris, 1914. 

Ainsi que le remarque M. Borel dans la préface de 
ce livre, les grands progrès des théories physiques 
depuis vingt ans n'ont encore que peu réagi sur les 
Mathématiques pures. Et, cependant, la Physique et la 
Mathématique exercent l’une sur l’autre une mutuelle 
et certaine influence; les mathématiciens doivent donc 
s'efforcer d'étudier les concepts mathématiques qui 
sont suggérés par les théories physiques nouvelles : 
c'est le but que s'est proposé M. Borel. 

Son livre comprend deux parties : la première est 
un exposé élémentaire des théories de géométrie à 4 
et à » dimensions qui se rattachent à la théorie de la 
relativité et à la Mécanique statistique. Le premier 
chapitre. introductif, étudie analyliquement les dépla- 
cements de la Géométrie ordinaire à deux et à trois 
dimensions, et met en évidence la forme quadratique 
fondamentale, à laquelle se rattachent les notions 
invariantes de distance et d'angle. Le chapitre IH étend 
ce point de vue à la géométrie euclidienne à quatre 
dimensions, et le chapitre IT à une géométrie hyper- 
bolique à deux dimensions dans laquelle les déplace- 
ments conservent les points à l'infini des axes ox et oy. 
M. Borel applique ensuite cette dernière géométrie à 
la théorie physique de Ja relativité qui repose sur ce 
principe : la vitesse de la lumière est indépendante de 
la translation uniforme de l'observateur qui la mesure; 
et il arrive ainsi à montrer que, dans l hypothèse où 
la réalité physique est conforme à la théorie de la 
relativité, les règles de la Cinématique ordinaire sont 
très approchées, en ce qui concerne les vitesses habi- 
tuelles qui sont de l’ordre de quelques millionièmes 
de celle de la lumière. Le chapitre IV étend à trois et 
à quatre dimensions l'étude des déplacements hyper- 
boliques et en fait l’application à une représentation 
commode de l'Univers, considéré, avec Minkowsky, 
comme l’ensemble des événements qui ont lieu dans 
l'espace et le temps, et qui dépendent, par conséquent, 
de quatre variables. On admet alors, avec Einstein, 
que tout mouvement qui s'effectue avec la vitesse de la 
lumière, par rapport à un certain groupe d’observa- 
teurs, conservera la même vitesse par rapport à un 
autre groupe mobile par rapport au premier. On est 
ainsi conduit à une représentation de l'Univers dans 
l'espace hyperbolique à quatre dimensions, et le 
groupe de substitutions qui laisse invariante la forme 
fondamentale est celui qu’on rencontre dans la 
théorie électro-magnétique sous le nom de groupe de 
Lorentz. On peut alors étudier d'une facon précise le 
problème de la composition des vitesses, et lon 
arrive ainsi à une Cinématique nouvelle, issue du 
principe de relativité, et dont M. Borel étudie en 
détail les curieuses conséquences, parmi lesquelles on 
peut signaler celle-ci : l’espace cinématique, conforme 
au principe de relativité, est un espace à courbure 
constante negative. 

Le chapitre V est consacré aux fonctions à un très 
grand nombre » de variables qu'introduit la Physique 
moléculaire : par exemple, » est de l’ordre de 10%, 
nombre auquel conduisent les évaluations du nombre 
des molécules et des paramètres dont elles dépendent. 
M. Borel étudie l’espace euclidien ordinaire à n dimen- 


sions, il introduit les multiplicités linéaires succes- 
sives, leurs distances mutuelles, puis, passant aux 
multiplicités du second degré, évalue le volume 
et la surface de la sphère, l’aire de la zone, le volume 
du segment sphérique et celui de l’ellipsoïde. Il en tire 
d'intéressantes conséquences au point de vue des 
recherches de Mécanique statistique relatives aux 
systèmes d'un nombre très considérable de particules, 
dont les vitesses, ou d’autres grandeurs physiques, 
sont réparties d'après les lois du hasard. 

Cette première partie de l'ouvrage à été rédigée par 
M. Deltheil, élève à l'Ecole Normale Supérieure, d’après 
des leçons faites à la Sorbonne en décembre 1942 et 


janvier 1913. La seconde partie consiste en sept notes 


inspirées par lesidées qui ont amené l’auteur à publier 
ce livre et qui sont développées dans la dernière 
d’entre elles : Les théories moléculaires ét les Mathé- 
maliques, reproduction d'une conférence faite à 
l'inauguration de l'institut Rice à Houston (Texas), en 
octobre 1912, et publiée dans la ÆRevue générale des 
Seiences (novembre 1912). Dans cette conférence, 
l’auteur a fait un exposé très intéressant de l'influence 
des théories moléculaires sur le développement des 
Mathématiques; il y montre comment l'hypothèse 
moléculaire, dont la nécessité a été imposée par 
l'étude des radiations nouvelles et du mouvement 
brownien, a introduit en Mathématiques les spécula- 
tions statistiques qui se rattachent à la Physique du 
discontinu. Les autres notes se rapportent à la théorie 
cinétique des gaz, considérée dans ses rapports avec le 
calcul des probabilités, à la Mécanique statistique, à 
la relativité de l’espace et à la théorie des résona- 
teurs. 

Comme on le voit, cet ouvrage est très riche d'idées 
intéressantes et nouvelles, qui y sont exposées avec le 
talent mathématique, la largeur de vues et l'originalité 
habituels à l’auteur : il sera lu avec autant d'intérêt par 
les mathématiciens que par les physiciens qui y trou- 
veront l'application des théories mathématiques 
modernes. M. LELIEUVRE, 


Professeur au Lycée et à l'Ecole 
des Sciences de Rouen. 


2° Sciences physiques 


Londe (A.), Directeur honoraire des Services de pho- 
tographie et de radiographie de la Salpétrière. — 
La Photographie à la lumière artificielle. — 
4 vol. in-18 Jésus de 316 pages, avec 80 figures dans 
le texte. (Prix cartonné toile : 5 fr.) Octave Doin 
et fils, éditeurs. Paris, 1914. 


M. A. Londeétait tout particulièrement désigné pour 
rédiger ce volume üe l'Encyclopédie scientitique pu- 
bliée par MM. Doin sous la direction du D' Toulouse. 
A l’époque où il dirigeait le Service photographique de 
la Salpêtrière, l'auteur avait d'abord pratiqué la pho- 
tographie instantanée à la lumière diurne; il avait ima- 
giné des méthodes nouvelles pour mesurer le rende- 
ment des obturateurs, et il avait combiné divers ins- 
truments chronométriques très ingénieux, ainsi qu'un 
excellent obturateur, construit par M. Dessoudeix. Par 
une évolution toute naturelle, il avait été ensuite [con- 
duit à employer la lumière artificielle, et, dans la 
nouvelle voie qui s’offrait à ses travaux, il avait appli- 
qué des méthodes de contrôle analogues à celles qui 
lui avaient si bien réussi dans ses études précédentes. 

Les résultats de ces recherches se trouvent exposés 
d'abord dans les Comptes rendus de l'Académie des 
Sciences, en 1902, et dans le Bulletin de la Sociëté 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 31 


française de Photographie, ainsi que dans l'Annuaire 
général et international de la Photographie de 1903 
(p. 481-496), et nous y avions lu la description des 
appareils que l’auteur avait fait construire par M. Ri- 
chard et par M. Gaumont pour mesurer la rapidité de 
combustion des photopoudres el pour exécuter des 
chronophotographies à la lumière artilicielle. Un 
exposé plus complet en avait été ensuite publié dans 
une brochure éditée en 1905 par M. Gauthier-Villars 
sous ce titre : la Photographie à l'éclair magnésique. 

Depuis cette époque, l'application de la lumière arti- 
licielle à la photographie s'est singulièrement étendue, 
ainsi qu'en témoigne le travail très complet que nous 
offre aujourd'hui M. onde. 

La première partie passe en revue les diverses 
sources de lumière artiticielle susceptibles d'être uti- 
lisées en photographie pour l'obtention des négatifs : 
gaz de houille, acétylène, lampes électriques (arc à 
charbons, arc au mercure, incandescence, lumines- 
cence dans les gaz raréliés), préparations pvrotech- 
niques. Le magnésium y est étudié plus longuement 
que les autres luminaires, parce qu'il est plus généra- 
lement employé par les photographes, soit en fils, soit 
en poudre brûlant dans l'oxygène ou dans l'air, seule 
ou associée à diverses substances comburantes. Ces 
mélanges, désignés sous le nom de photopoudres et 
très en vogue depuis quelques années, font l'objet 
d'une analyse détaillée : les chapitres V à XIT sont 
consacrés à la composition des photopoudres, aux dif- 
férents modes d’inflammation, à la mesure de durée 
de l'éclair magnésique, à l’analyse de sa lumière et 
des produits de sa combustion. Un chapitre est réservé 
à l'emploi de l'aluminium dans la composition des 
photopoudres. 

La deuxième partie traile du tirage des positifs (pa- 
piers à noircissement direct, papiers à image la- 
tente, impressions photomécaniques) à la lumière 
artificielle : magnésium, arcs à charbons, lampes à 
mercure, gaz comprimé. 

La troisième partie analyse les applications photo- 
graphiques de la lumière artificielle, soit seule, soit 
combinée avec l'éclairage diurne : portrait dans des 
ateliers spécialement agencés, portrait à domicile, pho- 
tographie au théâtre; photographie desgrottes, cavernes, 
mines, etc.; endoscopieé à la lumiere artificielle ; 
photographie la nuit en plein air; chronophotographie 
nocturne, cinématographie à la lumière artificielle; 
autochromie instantanée; emploi de la lumière arti- 
ficielle dans les agrandissements, la microphotographie, 
l'enregistrement des dépèches o, tiques, etc. 

Un dernier chapitre met en évidence le rôle chaque 
jour plus important que joue la lumière artificielle dans 
le reportage photographique et la presse illustrée, pour 
obtenir le document graphique dans les circonstances 
les plus variées et le reproduire sans perte de temps 
par les procédés photomécaniques. 

Ce chapitre est suivi d’un index bibliographique que 
nous eussions souhaité un peu plus étendu : c'est une 
toute petite lacune, qu'il sera facile de combler à la 
prochaine édition. 

L'ouvrage se termine par une liste des brevets fran- 
çais se rattachant à la production et à l'emploi de la 
lumière artificielle en photographie. Il y avait là une 
grande quantité de documents à compulser. M. Lonide 
à su en extraire tout ce qu'ils contenaient d'utile et 
l'exposer avec beaucoup de méthode et de clarté. Son 
livre est de lecture facile et accessible à tous. 

ERNEST CousTEr. 


Jones(Walter), Professor of Physiologieal Chemistry 
in the Johns Hopkins medical School. — Nucleic 
Acids ; their chemical properties and physiolo- 
gical conduct. — 1 vol. 1n-8 de 118 pages (Prix : 
4 fr. 40). Longmans, Green and C°, 39, Paternoster 
Row, London, 1914. 


Dans la série des monographies consacrées à la 
Chimie biologique, collection de volumes d’une cen- 


taine de pages environ, M. R. H. Aders Plimmer, qui 
dirige cette publication, a confié à un spécialiste bien 
connu par ses recherches sur cet ordre de questions 
M. Walter Jones, le soin d'exposer le chapitre impor 
tant des acites nucléiniques. 

Dans une première partie, l'auteur définit son sujel 
et décrit avec soin la préparation et les propriétés des 
acides nucléiniques du thymus et de la levure. Il 
s'étend sur les produits de dédoublement (purines 
pyrimidines, groupe hydrocarboné) et établit la for- 
mule de constitution des acides nucléiniques. 

La seconde partie est consacrée à la physiologie de 
ces composés : formation desacides nucléiniques dans 
l'organisme, leur métabolisme; c'est, à ce pr'pos, 
l'étude complète de l'origine et de la tran formation 
des purines, du mode de formation de l'acide urique, 
du rôle et du mode d'action des ferments (adénase, 
guanase, xanthinoxydase, uricase, etc.). Le problème 
si attachant de l'uricogénèse et de l'uricolyse est 
étudié dans tous ses détails et à la lumière des décou- 
vertes les plus récentes. On sait que W. Jones à 
attaché son nom à quelques-unes d'entre elles. 

Le volume se termine par un chapitre consacré aux 
corps puriques de l'urine humaine et par un appen- 
dice où l’auteur donne des indications pratiques sur la 
préparation, l'extraction, les réactions des acides 
nucléiniques et de leurs dérivés puriques. Ces indica- 
tions techniques, complétées par des renseignements 
précis sur les procédés à suivre pour mettre en évi- 
dence les diastases qui réagissent sur les purines, 
seront très appréciées par les biochimistes qui pour- 
suivent des recherches sur ces sujets ou sont seule- 
ment désireux de reproduire quelques expériences 
aujourd'hui classiques. 

Un index bibliographique complète ce volume, clair, 
détaillé, précieux pour tous ceux qui s'occupent de 
Biochimie. 

D' L. HuGouNExQ, 
Professeur à l'Université de Lyon. 


3° Sciences naturelles 


Lanessan (J. L. de), Professeur agrégé d'Histoire 
naturelle à la Faculté de Médecine de Paris, ancien 
ministre de la Marine. — Transformisme et créa- 
tionnisme. CONTRIBUTION A L'HISTOIRE DU TRANSFORMISME 
DEPUIS L'ANTIQUITÉ JUSQU'A NOS JOURS. — 1 vol. in-8° de 
352 pages de la Bibliothèque scientilique internatio- 
nale. (Prix : 6 fr.). F. Alcan, 108, boulevard Saint- 
Germain, Paris, 1914. 

Dans ce livre, M. de Lanessan retrace à grands traits 
l'histoire de la lutte entre le créationnisme et le trans- 
formisme, les deux solutions des problèmes relatifs à 
l’origine de la vie, de l'univers, et des êtres vivants : 
le débat remonte à la plus haute antiquité, aux Juifs, 
aux philosophes grecs, à Galien, puis l’évolution des 
idées commencée par les philosophes de la Grèce s’ar- 
rête brusquement au me siècle par le retour à la bar- 
barie et aussi sous l'influence des théologiens, trop 
occupés des disputes scolastiques; l’époque de la 
Renaissance, là comme ailleurs, marque un renouveau 
de l'esprit humain, puis la doctrine transformiste 
reprend définitivement le dessus, malgré l’action con- 
servatrice de Linné et de Cuvier, grâce aux écrits de 
trois grands hommes, Buffon au xvur® siècle, Lamarck 
et Darwin au xix°. 

On a écrit déjà bien des fois l’histoire des doctrines 
transformistes, et il n’est pas facile de s’y montrer ori- 
ginal, puisque ce sont forcément les mêmes noms qui 
reviennent : M. de Lanessan élargit le sujet en ne se 
bornant pas à parler strictement des idées purement 
biologiques ; il mentionne également, et avec juste rai- 
son, les progrès de l'anatomie humaine, de l’astro- 
nomie, qui ont évidemment frayé la voie à l'avènement 
de la pensée indépendante; c’est ainsi qu'il parle de 
Bernard Palissy, de Van Helmont, de Descartes, etc. 
J'aurais aimé à trouver, au chapitre consacré à la 


32 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


Renaissance, le nom de l'Italien Vanini, dont les idées 
ont été vraiment en avance sur celles de son temps; il 
méritait d'être cité, ne fut-ce qu'en raison de sa mort 
tragique. 

M. de Lanessan parle très longuement de Buffon, 
qu'il regarde comme le premier naturaliste qui ait osé 
nier la création surnaturelle et l’immutabilité des 
espèces; il en fait non seulement le précurseur, mais le 
maître même de Lamarck.Je me permettrai den’être pas 
tout à fait de cet avis : à la vérité, on peut trouver dans 
les œuvres de Buffon nombre de phrases que ne désa- 
vouerait pas un transformiste moderne, mais il y en a 
aussi qui pourraient être écrites par un pur création- 
niste; en réalité, Buffon est plutôt le fondateur de cette 
école mixte, illustrée depuis par les Geoffroy Saint- 
Hilaire, qui admettait d'une part un transformisme 
limité, et d'autre part, l'unité de plan de composition 
des divers animaux. Le fait d'admettre, par exemple, 
que toutes les espèces d'Éléphants, actuelles ou dispa- 
rues, descendent d'un ancêtre commun, modifié par 
les conditions de milieu, était évidemment une ten- 
dance à détruire le fixisme étroit de Linné et de son 
école, mais ce n'est pas le transformisme intégral, que 
seuls Lamarck et Darwin me paraissent avoir concu 
dans toute son ampleur. L'idée d’une unité de plan de 
composition est un concept métaphysique, qui à évi- 
demment préparé la voie, très eflicac-ment, à la con- 
ceptiof de l'arbre généalogique des êlres, mais qui 
répondait plutôt au désir d'accorder des préoccupa- 
tions créationnistes avec l'évidence des faits morpho- 
logiques. Néanmoins, il est juste de reconnaître qur 
Buffon a très clairement compris et exposé la plupart 
des problèmes transformistes, et que son influence ne 
fut pas moins considérable que celle de Descartes. 

M. de Lanessan regarde l’œuvre de Darwin comme 
beaucoup plus importante par la somme des faits et 
des observations qu'il a réunis que par la contribution 
apportée à la doctrine du transformisme; c'est une 
appréciation qui me semble sévère: si toutes les idées 
de Darwin ne sont pas aussi absolument originales 
qu'on l’a cru pendant longtemps, la façon dont il les à 
comprises, exposées, jusüfie pleinement l'admiration 
que l’on a pour L'Origine des espèces et ses autres 
livres, mines de suggestions encore inépuisées. 

L. Cuénor, 


Professeur de Zoologie 
à la Faculté des Sciences de Nancy. 


4 Sciences diverses 


Souriau (Paul). — L'Esthétique de la Lumière. — 
1 vol. in-8° de 431 pages avec 76 fiqures dans le texte. 
(Prix : 40 fr.) Librairie Hachette. Paris, 1914. 
L'auteur s'est proposé de « déterminer les condi- 

tions de beauté de la lumière ». Une pareille étude 
touche à la science par plus d’un côté. .« L'œil'est 
comme tous nos organes, il veut vivre sa vie, remplir 
sa fonction physiologique. Il trouve son bien-être 
dans son activité normale. Toute l'esthétique des 
sensations lumineuses est là ». Aussi la première 
partie de l'ouvrage (Esthétique des Sensations lumi- 
neuses) est-elle consacrée à l'exposé des données fon- 
damentales relatives à la composition de la lumière, 
au mode d'action qui lui fait éveiller en nous des sen- 
sations si variées, et à la discussion des conséquences 
que l’on en peut tirer pour l'explication de l'effet 
esthétique. 

A l'exemple d'Hering, l'auteur admet six sensations 
primaires : le noir est pour lui une sensation positive, 
et non l'absence de sensation; par son mélange avec 
le blane, il donne tous les effets dans lesquels n'inter- 
vient pas la couleur et qui relèvent du sens de la 
clarté, tels que le clair-obscur; il y a quatre couleurs 
fondamentales : le bleu, le vert, le jaune, le pourpre. 
On peut passer par transitions insensibles du bleu au 
vert ou au pourpre, du jaune au vert ou au pourpre, 


mais non du jaune au bleu et du vert au pourpre; il y 
a ici antagonisme physiologique; «toute radiation 
tendant à produire l'une de ces sensations inhibe sa 
complémentaire ». L'harmonie ou le contraste de ces 
sensations, leur intensité, qu'il s'agisse de l’intensité 
générale ou des intensités relatives, détermineront 
l'effet esthétique. En ce qui concerne le rapport des 
sensations à leur excitant, qui joue un rôle important 
dans celte détermination, l’auteur repousse la loi de 
Fechner, comme reposant sur uu postulat arbitraire, 
à savoir que les sensations graduées de telle sorte 
que l'une d’entre elles nous semble former un juste 
milieu entre les deux autres se succèdent en progres- 
sion arithmétique; or, « si l'on cherche à mettre les 
degrés de clarté en progression géométrique », on 
arrive à cette conclusion que, pour un éclairage d'in- 
tensité moyenne, la clarté relative de diverses sur- 
faces simultanément perçues est proportionnelle à leur 
luminosité relative. 

La deuxième partie (L'éclairement esthétique) 
aborde le côté technique du sujet, avec une analyse 
très fouillée de l’éclairement par la lumière radiante 
et par la lumière diffuse, de la signification des 
ombres, et des conditions qui donnent la meilleure 
indication de la forme, de la distance et du relief des 
objets. Bien que «rien ne soit d'obligation stricte en 
esthétique », &n tire de cette analyse l'expression des 
principes généraux dont devraient s'inspirer les 
artistes dans le choix de leurs sujets, la composition, 
l'exécution et la mise en valeur de leurs œuvres, qu'il 
s'agisse de peinture, de sculpture ou d'architecture. 

La troisième partie (Représentation de la lumière) 
montre l'application de ces principes à l'étude d’un 
certain nombre d'œuvres picturales caractéristiques, 
et développe une ingénieuse critique de l'éclairage au 
théâtre. 

La quatrième (Expression de la lumière) est d'ordre 
moins technique et plus philosophique; on y traite de 
l'influence morale de la lumière, des sentiments qu’elle 
fait naître par son action « bienfaisante », ou « stimu- 
lante », par son expression dynamique, c'est à-dire 
l'impression de puissance produite par la lumière 
«des hauteurs du ciel bleu descendant sur la plaine 
comme un immense afflux d'énergie », l'impression de 
mouvement que nous donnent les jeux d'ombre et de 
lumière, et qu'ont rendue avec un rare bonheur quel- 
ques grands artistes. 

De nombreux diagrammes, dont l'auteur ne dissi- 
mule pas le caractère un peu arbitraire et personnel, 
de nombreuses photographies d'œuvres d'art, viennent 
fort à propos illustrer le texte. On peut accepter ou 
rejeter les théories et les conclusions développées 
dans cet ouvrage, mais on ne peut contester à 
M. Souriau le mérite d'avoir éerit un livre bien 
ordonné, plein de faits et d'idées, et faisant bien saisir 
l'intérêt de telles études. Trop de personnes pensent, 
en effet, qu'il y a entre la science et l’art un irréduc- 
tible antagonisme. Et combien l’auteur a raison de 
dire : « On accuse la science de fausser l'œil de l'artiste. 
Quelle erreur! Ce qui le fausse, c'est le préjugé, le 
parti pris, la routine. Un peu de science éloigne de la 
nature; beaucoup de science y ramène. Ainsi, l’'édu- 
cation du peintre devrait comprendre une étude sys- 
tématique des effets de lumière. Il est singulier que 
dans nos écoles des beaux-arts cet enseignement fasse 
à peu près défaut. » P. Lucoz, 

Professeur au Lycée Saint-Louis. 


1 Expérience citée : si l'on cherche à placer des écrans 
blanes à différentes distances d'un foyer lumineux de ma- 
nière que leurs clartés relatives paraissent être dans le 
mème rapport, on trouve que leurs distances croissent 
dans le même rapport, ce qui revient à dire que l'intensité 
de la sensation («clarté apparente »} est proportionnelle à 
l'éclairement (« luminosité réelle »). On pourrait peut-être 
objecter que l'arbitraire réside ici dans l'appréciation du 
rapport des clartés de deux surfaces voisines. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 23 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


Étant donnée la quantité croissante de communications qui sont présentées aux diverses Académies et 
Sociétés savantes dont nous donnons le compte rendu des séances, et l'espace limité dont nous disposons pour 
ces comptes rendus, force nous a été, depuis quelques années, de réduire l'analyse de la plupart des communi- 
cations à quelques lignes très brèves, souvent même à un titre. 

Nous avons pensé qu'il serait plus intéressant, à l'avenir, pour nos lecteurs, de renoncer à donner le 
compte rendu, forcément incomplet, des communications sur les sujets purement Spéciaux, pour consacrer 
une analyse plus détaillée à celles qui portent sur des questions d'intérêt général. 

Cependant, alin de conserver à la Revue son caractère d'information documentaire aussi complète que 
possible, on trouvera dorénavant, dans la partie « Sommaires des périodiques », la liste de toutes les commu- 
nications présentées aux Académies et Sociétés savantes et que celles-ci publient dans leurs organes. Le 
lecteur qu'une de ces communications intéresse pourra ainsi se reporter au mémoire original. : 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 


Séance du 23 Novembre 1914. 

19 SGIENGES PHYSIQUES. — MM. A. Kling' et H. Copaux: 
Les conserves de viande du camp retranché de Paris. 
Les auteurs indiquent dans quelles circonstances 
(menaces d'investissement, augmentation du rende- 
ment) ils ont été amenés à substituer au procédé tra- 
ditionnel de fabrication des conserves de viande un 
procédé plus expéditif. Dans le procédé traditionnel, 
dit de Chevallier-Appert, la viande est cuite à l’eau 
bouillante, puis réunie ultérieurement au bouillon 
fortement concentré à part, viande et bouillon étant 
enfin stérilisés ensemble à 115°-120°. Dans le nouveau 
procédé, dit de Billancourt amélioré, la viande crue, 
coupée en morceaux, est mélangée à du riz destiné à 
absorber la majeure partie de Teau provenant de la 
déshydratation de la viande, ainsi qu’à du sel et à un 
peu d’agar-agar qui gélifie le bouillon non absorbé par 
le riz. Ce mélange est immédiatement stérilisé à la 
même température, mais plus longtemps que dans le 
procédé Chevallier-Appert. Si cette seconde conserve 
renferme un peu plus d’eau que la première, par contre 
l’agar-agar est une substance inoffensive, sinon utile, 
et le riz réalise un appoint d'hydrocarbonés qui en aug- 
mente sensiblement le pouvoir calorifique. Le contrôle 
de la fabrication a montré qu'au point de vue stérili- 
sation le second procédé offre toute sécurité. — 
M. Marcel Rostaing : l'ype de sous-vélement mili- 
taire. L'auteur signale le type de sous-vêtement mili- 
taire fabriqué par la Société des Papeteries de Vidalon; 
il est constitué par du papier collé sur toile de mous- 
seline, et il est antiseptisé une fois terminé. Il est 
chaud, étant imperméable à l'air et à l'eau, léger, 
durable, hygiénique ef peu coûteux. 

20 SCIENCES NATURELLES. — M. A. Chauveau : La 
misère physiologique et la tuberculose dans les armées 
en campagne. L'auteur montre que, si la médecine 
expérimentale, par la réussite constante de l'infection 
tuberculeuse voulue, a démontré que les forts sont 
aussi bien doués que les faibles de l'aptitude à con- 
tracter la tuberculose, la médecine clinique — par 
l'exemple de la Première ambulance lyonnaise de 
1870-71 — complète cette notion par cette autre que 
les faibles peuvent aussi bien que les forts échapper 
aux chances de contagion créées par les semeurs de 
germes. Il ne reste comme attribut spécial aux débilités 
que leur triste avantage d’être beaucoup plus sensibles 
que les forts à l’action destructive des germes que la 
contagion a implantés dans leur organisme. 


Séance du 30 Novembre 1914. 
19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Fournier : Condi- 
tions générales de l'aptitude aux grandes vitesses 


rendre une carène apte aux grandes vitesses dans la 
navigation à l'air libre, il faut : 1° éviter, avant tout, 
de donner à son étrave et à sa poupe des tracés tendant 
systématiquement à faire canarder le navire; 2 placer 
son maitre couple sensiblement au milieu du plan de 
flottaison ; 3° ne pas lui donner de partie cylindrique. 
Ces trois conditions étant supposées remplies, l'auteur 
indique comment on obtient la longueur L, de son 
plan de flottaison qui lui permet d'atteindre le plus 
économiquement possible la vitesse maximum V,, qui 
lui est assignée. 

29 SCIENCES NATURELLES. — M. Paul Godin : L'ais- 
selle glabre, signe prémonitoire de tuberculose pulmo- 
naire chez ladolescent. L'auteur a observé, chez un 
certain nombre de jeunes gens qui présentèrent plus 
tard de la tuberculose pulmonaire, un retard de la 
pousse des poils au creux axillaire au moment de le 
puberté, soit des deux côtés, soit d'un seul côté. Ce 
signe de l’aisselle glabre, même s’il est exceptionnel, 
peut donc mettre sur la trace d’une tuberculose évo- 
luant sourdement et permettre d'instituer un traite- 
ment avant qu'elle ne soit décelable cliniquement. — 
MM. P. Carnot et B. Weill-Hallé : La biliculture au 
cours de la fièvre typhoïde. Les auteurs ont cherché, 
aux diverses phases de la fièvre typhoïde, à déceler le 
bacille typhique dans la bile, qui constitue à la fois 
une voie d'élimination importante et un bon milieu 
d'enrichissement pour ce bacille. a) Au début de la 
fièvre typhoide, la biliculture donne des résultats un 
peu plus tardifs, mais beaucoup plus prolongés que 
ceux fournis par l’hémoculture. b) Pendant toute l’évo- 
lution de la dothiénentérie, la biliculture reste posi- 
tive. c) Mais c'est surtout pendant la convalescence et 
après guérison clinique de la fièvre typhoïde que la 
biliculture peut rendre service pour établir la duré: 
de contagiosité de l'infection, pour dépister notam- 
ment les porteurs de germes au point de vue prophy- 
lactique. A ce point de vue, elle est bien supérieure à 
l'ensemencement des selles. — MM. F. Bordas et 
Brocq : L'alimentation en eau des armées en campagne. 
Etant donnée la difficulté de la filtration ou de la sté- 
vilisation en campagne, les auteurs posent en principe 
que les troupes ne devront boire que de l’eau bouillie, 
sous forme de thé en infusion légère. 12 à 15 grammes 
de thé noir sont suffisants pour aromatiser { litre 
d'eau, ce qui exigerait 15.000 kilogs de thé par jour 
pour une armée de { million d'hommes en donnant 
1 litre par soldat et par vingt-quatre heures. Les postes 
seraient ravitaillés par des camions automobiles por- 
tant des barriques de 228 litres, remplies à 12 ow 
15 litres près et ayant réçcu par leur bonde un petit 
sac allongé rempli de la quantité nécessaire de thé; 
ces barriques recevraient ensuite d’une locomobile de 
ferme, fournissant 200 kilogs de vapeur à l'heure, un 


d'une carène dans la navigation en air libre. Pour | courant de vapeur qui les porterait à l’ébullition en 


34 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


six minules à peine. Les camions partiraient alors 
immédiatement pour la tournée des postes, où ils lais- 
seraient une barrique pleine en échange d’une barrique 
vide. Le même dispositif pourrait être établi sur les 
trains sanitaires chauffés à la vapeur, où il donnerait, 
outre l'eau de boisson, une eau chaude et stérilisée 
pour les soins à donner aux blessés. — M. L.-G. Seurat: 
Sur l'accouplement précoce d'un Oxyure. L'auteur à 
constaté que la femelle de l'Oxyuris Hilgerti est 
fécondée de très bonne heure, immédiatement après la 
4° mue, bien avant la maturité des organes génitaux, 
alors que ses dimensions (3 à 5 millimètres) sont les 
mêmes que celles du mäle; sitôt l’accouplement 
accompli, le vagin s’extroverse, rendant tout rappro- 
chement ultérieur impossible. La femelle fécondée 
grandit et acquiert sa taille définitive: à ce moment, 
les ovaires ont atteint leur complet développement, 
mais aucun œuf n’est encore parvenu dans la matrice. 
Les œufs fécondés au passage envahissent ensuite gra- 
dueliement les utérus; ces derniers se sont allongés 
considérablement et, chez la femelle parvenue à matu- 
rité complèt-, ils sont bourrés d'œufs, disposés sur 
4 à 5 rangées, et occupent presque toute la cavité 
sénérale en arrière du bulbe œsophagien jusqu'au delà 
de la région anale. Ce phénomène d’accouplement pré- 
coce de la femelle immature, avec accroissement ulté- 
rieur et formation des œufs, pour lequel l’auteur pro- 
pose le nom de progamie, parait être très fréquent 
chez les Nématodes. — M. R. Régamey : Sur le 
cancer chez les végétaux. L'auteur à constaté l’exis- 
tence, chez les végétaux, d'une maladie cancéreuse 
différente de celle de Smith, spontanée chez le chène 
et inoculable au lierre et à la capucine. Elle est pro- 
duite par une bactérie qu'il a isolée et cultivée sur 
milieux artificiels; ce parasite est intracellulaire dans 
les tumeurs. — M. F. Kerforne : La position systéma- 
tique des couches de minerai de fer dans lOrdovicien 
inférieur de la région de Chäteaubriant. L'Ordivicien 
inférieur de la région de Châteaubriant est divisé en 
trois niveaux lithologiquement distincts et constants; 
ce sont de bas en haut : 1° Grès armoricain inférieur; 
20 Schistes intermédiaires, ressemblant aux schistes à 
Calymmènes; 3° Grès armoricain supérieur. Les 
courhes de minerais de fer sont interstratifiées dans 
le Grès armoricain inférieur et non pas près du contact 
des schistes; il y en a deux principales : T, située dans 
les grès, à quelques mètres au-dessous des schistes 
intermédiaires; M, à une distance d’une cinquantaine 
de mètres au mur de la première. 


Séance du 7 Décembre 1914. 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — MM. J. Bosler et H. 
G. Block : Observations de l'éclipse de Soleil du 21 
août faites à Strômsund (Suède). L'examen des clichés 
pris par les auteurs conduit aux conclusions suivan- 
tes : 4° Le spectre continu de la couronne est d’une 
parfaite régularité, de X 685 à À 395; il est tout à fait 
analogue à celui du bec Auer; 2° La célèbre raie verte 
du coronium À 530 est entièrement absente; à la place 
qu'elle devrait occuper, le spectre coronal continu ne 
présente aucun renforcement appréciable; 3° Par 
contre, on voit apparaître dans le rouge une raie bril- 
lante nouvelle fort intense : c'est la seule de tout le 
spectre coronal. Sa longueur d'onde approchée est 
6374,5 A. et ne semble correspondre à aucun corps 
connu. 

29 SGiENCFS PHYSIQUES. — M. M. Skossarewsky : Sur 
la dissociation électrolytique de l'acétylène et de ses de- 
rivés métalliques. L'auteur démontre par des mesures 
de conductibilité la dissociation électrolytique de l’acé- 
tylène et de son dérivé monosodé en solution dans 
NH® liquide. La dissociation de l’acétylène augmente 
avec la dilution de la solution. Le coefficient thermi- 
que de la conductibilité spécifique est égal à environ 
2°/, par degré et presque indépendant de la concen- 
tration. — M. M. Tiffeneau : /ransposition molécu- 
laire dans la série du cyclohexane; passage à la série 


du cvelonentane. En soumettant l'iodhydrine du cyclo- 
hexanediol à l'action de l'azotate d'argent, on obtient 
l'aldéhyde eyclopentane-carbonique. Il y a donc eu, 
consécutivement à l'élimination de HI, ouverture de 
la chaine cyclique, puis fermeture sur un nouvel atome 
de carbone; on réalise ainsi le passage de la série du 
cyclohexane à celle du cyclopentane. Cette rupture de 
la chaine cyclique ne s'explique que par une résis- 
tance particulière des H les rendant inaptes à émigrer 
sur le carbone devenu éthylidénique, celui-ci ne pou- 
vant alors se saturer que par une transposition molécu- 
laire. M. M. Le Brazidec, en opérant de la même 
facon avec l'iodhydrine du p-phénylméthyleyelohe- 
xène, a obtenu la m-phénylméthylcyclohexanone. 
Dans ce cas, la migration phénylique a suffi pour assu- 
rer la saturation du carbone éthylidénique; dès lors 
la rupture du noyau devient inutile, et il n'y a pas 
passage à la série du cyclopentane. 

39 SCIENCES NATURELLES. — M. F. Guéguen : Sur l'al- 
téralion dite piqüre des toiles de tente et des toiles à 
voile. Les tissus de toile exposés aux intempéries, 
notamment les toiles de tentes et les voiles de navires, 
deviennent promptement le siège d’une altération 
bien connue (piqûre), caractérisée par l'apparition, à 
leur surface, de nombreux points et taches noirûtres, 
ou mème de duvets foncés plus ou moins étendus. Le 
tissu piqué perd vite sa résistance, et parfois au bout 
de quelques mois se déchire au moindre effort. La pi- 
qûre, d'après l’auteur, est causée par le développement, 
au sein du tissu, de moisissures diverses, en partieu- 
lier les Pleospora infectoria et herbarium, qui pénè- 
trent la toile en tous sens et sécrètent des ferments 
qui disioquent la fibre. La piqure semble n'être jamais 
due à la contamination accidentelle; elle est causée 
par le développement, sous l'influence de la chaleur 
humide, des filaments de moisissure préexistant dans 
la toile neuve et introduits lors du tissage par les 
filasses qui constituent la matière première. La piqüre 
pourrait done être évitée par la stérilisation des filas- 
ses après le rouissage. Dans ce but, l'emploi de la va- 
peur semble être le procédé de choix; l'emploi des 
agents chimiques, dont l’action désorganisante sur la 
fiure risque de compromettre la solidité des tissus, 
sera limité à certains cas spéciaux. 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 


Séance du 1°* Décembre 1914. 


L'Académie termine l'examen du projet de revision 
de la loi Roussel, qui a donné lieu à une longue dis- 
cussion. La disposition principale, réduisant de sept à 
quatre mois le délai au bout duquel une femme peut 
se placer comme nourrice après la naissance de son 
enfant, est adoptée à la presque unanimité, en ces 
termes : «Toute personne qui veut se placer comme 
nourrice sur lieu est tenue de se munir d’un certificat 
du maire de sa résidence indiquant si son dernier 
enfant est vivant ou décédé et, s'il est vivant, consta- 
tant qu'il est âgé de quatre mois révolus. » — M. Paul 
Sainton : Sur le traitement du tétanos par la méthode 
de Baccelli. L'auteur tire de sa pratique à l'hôpital 
militaire de Cherbourg les conclusions suivantes : 
4° La méthode de Baccelli (injection phéniquée asso- 
ciée au chloral) a une action curative incontestable 
sur l’évolution du tétanos; 2° L’acide phénique à 2/100, 
introduit en injections sous-cutanées et intramuscu- 
laires, est retenu dans l'organisme et n’est éliminé 
que très lentement par les urines; 3° Pour que la 
méthode soit efficace, il est de toute nécessité que le 
traitement soit précoce et appliqué au premier symp- 
tôme d'alarme, tel que contracture localisée voisine 
du point d'inoculation ou dysphagie même légère; 
4° La médication par le chloral doit toujours être insti- 
tuée chez les tétaniques; elle constitue une médication 
symptomatique essentielle; tout tétanique qui dort est 
un tétanique en voie de guérison. — M. M. Letulle et 


ACADÉMIES ! 


T SOCIÉTÉS SAVANTES 35 


Mie Mage : Traitement de la fièvre typhoïde par l'or 
colloïdal en injections intra-veineuses. Les auteurs 
déduisent de lobservation d’une quarantaine de cas, 
tous terminés par la guérison, que : 1° au cours de la 
fièvre typhoïde, Por colloïdal, administré en injections 
intraveineuses, constitue une médication antither- 
mique puissante; elle est exempte de dangers; 2° en 
amenant une sédalion toujours manifeste et plus ou 
moins prolongée des phénomènes généraux, l'or col- 
loïdal semble posséder une action antitoxi-infec- 
tieuse; 3° cette médication par l'or offre l'avantage 
inestimable de diminuer, dans une proportion inouïe, 
le nombre des bains froids indispensables dans la cure 
méthodique de la dothiénentérie par la balnéation. 
M. Albert Robin ne croit pas à l'efficacité des métaux 
colloïdaux dans le traitement de la fièvre typhoïde; en 
outre, leur injection répétée peut être dangereuse. 


Séance du 8 Décembre 191%. 


MM. P. Delbet, Beauvy et Girode : /njections (he- 
rapeutiques de cultures vieillies. Les auteurs ont 
pensé que la diminution de toxicité qui se produit 
dans les vieilles cultures permettrait d’injecter des 
masses considérables de protoplasma microbien et 
d'obtenir ainsi les effets thérapeutiques de la vaccina- 
tion antimicrobienne. Pour lutter contre les infections 
banales d'ordre chirurgical, ils ont utilisé des cultures 
de streptocoque, slaphylocoque et bacilles pyocya- 
niques vieilles de quinze jours à un mois, qui sont 
mélangées après avoir été tuées par chauffage d’une 
demi-heure à 60°. Les injections intramusculaires de 
4 centimètres cubes de ce bouillon mixte dans les 
infections chirurgicales : furoncles, anthrax, phleg- 
mons, adéno-phlegmons, érysipèles, phlébites, septico- 
pyhémies, ont donné des résultats très nets : baisse 
de la température après hyperthermie momentanée, 
diminution de la douleur et de la suppuration. Dans 
les bacillémies, les injections ne donnent aucun 
résultat. 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Séance du 31 Octobre 1914. 


M. Fernand Moreau : Sur l'origine de l'anthocyane 
dans les divers organes des végétaux. Les recherches 
de l’auteur montrent qu'il n'y a qu'un seul procédé 
général pour la formation de l’anthocyane dans les 
divers organes des végétaux : les chondriocontes pren- 
nent part à la formation “de l’anthocyane aussi bien 
dans les fleurs que dans les appareils végétatifs; les 
corpuscules anthocyaniques se rencontrent dans des 
organes végétatifs comme dans les pièces florales ; dans 
tous les cas, l’anthocyane résulte du fonctionnement 
des éléments du chondriome. — M. M. Weinberg : 
Recherches bactériologiques sur la qangrène qazeuze. 
L'auteur à étudié bactériologiquement 29 cas de gan- 
grène gazeuse chez des blessés. Dans aucun cas, il n’a 
trouvé le vibrion septique de Pasteur. Dans tous les 
cas, il a trouvé le bacille de Welch (B. perfringens). 
Ce microbe anaérobie est toujours accompagné d’un 
seul ou de plusieurs microbes aérobies : diplocoque, 
B. proteus, staphylocoque, streptocoque. Ces microbes 
paraissent d’origine intestinale, la terre des tranchées 
d'où viennent le plus souvent les blessés atteints de 
gangrène gazeuse étant souvent souillée par des déjec- 
tions humaines et par les fumiers. MM. Doyen et Ya- 
manouchi ont observé les mêmes microbes dans la 
flore des plaies de guerre. 


Séance du 2$ Novembre 1914. 


MM. Ed. Zunz et P. Gyôrgy : À propos du pouvoir 
protéoclastique du sang au cours de l'anaphylaxie. Les 
auteurs ont constaté, 5 à 41 jours après une première 
injection intraveineuse de sérum de bœuf chez le chien, 
l'apparition dans le plasma sanguin d'un pouvoir pro- 
téoclastique spécial pour les protéines du sérum de 
bœuf. Il atteint son maximum 15 jours après la sensi- 


bilisation. A cette même époque, la réinjection du 
sérum bovin entraine le choc anaphylactique chez 
l'animal sensibilisé. Au cours du choc, le pouvoir 
protéoclastique spécial du plasma pour les protéines 
du sérum bovin disparait. Lorsque le chien survit au 
choc, le plasma possède, # à 10 jours après la réinjec- 
tion de sérum de bœuf, un pouvoir protéoclastique 
supérieur à celui noté avant la réinjection. — M, P. 
Mazé : Notes sur les chloroses des vegetaux. A existe 
plusieurs sortes de chloroses; la plus commune est 
due à la pénurie du fer. Cet élément estcependanttres 
répandu, mais le calcaire l’immobilise et empêche son 
absorption par un grand nombre d'espèces végétales 
en alcalinisant les excrétions de leurs racines. La 
transplantation favorise la chlorose en détruisant une 
grande partie des radicelles qui portent les poils absor- 
bants, dont les sécrétions sulubilisent les éléments 
minéraux nécessaires à la plante. Les infections cry- 
ptogamiques agissent de même, même lorsque les 
racines restent intactes, car les champignons sont de 
forts destructeurs d'acides organiques. Les carbonates 
alcalins (et les cendres qui en contiennent beaucoup, 
favorisent aussi la chlorose. 
Séance du 12 Décembre 19%. 

M. M. Weinberg : Premiers essais de vaceinothé- 
rapie des infections gazeuses. L'auteur a préparé un 
vaccin polyvalent avec quatre races de B. perfringens 
provenant de cas de gangrène gazeuse mortelle. Ce 
vaccin est constitué par une émulsion de microbes 
lavés en eau physiologique, chauffés deux jours de 
suite pendant une heure à 60°. Administré dans cinq 
cas de gangrène ou de phlegmon gazeux, ce vaccin à 
produit une amélioration rapide, même lorsque la 
plaie n'a pas été débridée. Ce vaccin est tout à fait 
inoffensif et paraît aider l’organisme à lutter contre 
l'infection, lorsqu'elle n’évolue pas très rapidement. 


SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE 


Séance du 20 Novembre 1914. 


M. Louis Ancel : Sur la photométrie des éclipses de 
Soleil des 17 avril 1912 et 21 août 1914 à l'aide d'une 
cellule de sélénium et d'un galvanomètre enregistreur 
photographique. La mesure de l'intensité lumineuse 
pendant la durée d’une éclipse a déjà été tentée à plu- 
sieurs reprises par divers expérimentateurs, soil par 
pointé, soit à l’aide d’un enregistrement photographi- 
que. Quelques observations intéressantes ont été faites 
en utilisant, pour ces mesures photométriques un peu 
spéciales, les propriétés bien connues du sélénium. 
Dans ce but, l’auteur s’est adressé d’une part à des cel- 
lules de sélénium spéciales, construites en vue de leur 
donner le maximum de sensibilité et le minimum 
d'inertie, et d'autre part à l'enregistrement photogra- 
phique, continu pour les intensités galvanométriques 
et discontinu pour le temps. On obtient ainsi des cour- 
bes complètes, représentant bien la marche du phéno- 
mène et facilitant beaucoup les mesures. Lors de 
l'éclipse du 17 avril 1942, M. Ancel avait installé des 
appareils à Saint-Germain, dans la station choisie par 
M. de la Baume-Pluvinel. Le matériel, très simple, 
comprenait une de ses nouvelles cellules de sélénium 
à couche mince et à inertie extra-réuite, éclairée par 
les rayons lumineux réfléchis par le jeu des miroirs 
d'un héliostat. La cellule était reliée à un galvanomètre 
photographique Chauvin et Arnoux de grande sensibi- 
lité et à un petit accumulateur de 4 volts. Un petit mil- 
liampèremètre ordinaire à lecture directe, intercalé 
dans le circuit, servait au tarage préalable du galvano- 
mètre. Ce dernier comportait deux miroirs éc'airés par 
une lampe Nernst à travers une fente. L'un des miroirs 
servait à la mise au point sur une échelle divisée fixée 
sur un verre rouge, l’autre à l'enregistrement photo- 
graphique. Les intensités ont été portées en ordonnées 
sur la courbe, et les temps en abscisses. Pour avoir les 


36 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


temps, l'auteur s'est servi des signaux horaires spé- 
ciaux émis ce jour-là par le poste radiotélégraphique 
de la Tour Eiffel. Il avait installé à proximité un poste 
récepteur « au son »,et au moment précis de chaque 
top horaire, un contact établi à la main formait pendant 
5 secondes un circuit comprenant une lampe de 
2 volts et un accumulateur. La lampe était fixée à l’in- 
térieur du galvanomètre, éclairait la fente du chässis 
photographique, et donnait sur la courbe une droite. 
La courbe ainsi obtenue esttrès bonne, surtout aux 
environs de la totalité; à ce moment, le rebroussement 
est très net, ce qui prouve la sensibilité de la cellule 
et son peu d'inertie, étant donnée la durée extrème- 
ment courte du phénomène. Cette année, vu les graves 
événements actuels, M. Ancel s’est contenté de faire le 
21 août une observation analogue à celle de 1912, avec 
le même matériel, légèrement simplifié en raison du 
temps nuageux. L'héliostat avait été supprimé, et la 
cellule était directementéclairée par les rayons solaires, 
assez rares du reste ce jour-là. Les tops horaires par 
pointés lumineux, au lieu d’être donnés par les signaux 
horaires de la Tour Eiffel, étaient obtenus à l’aide d'une 
pendule électrique à contact; le circuit de la petite 
lampe était ainsi fermé automatiquement au moment 
voulu. La courbe obtenue est peu intéressante, en rai- 
son des variations continuelles de luminosité provoquées 
par le passage des nuages devant le Soleil. Néanmoins, 
l'allure générale de la courbe donne une idée appro- 
chée du phénomène. Il est à souhaiter que de telles 
observations puissent être reprises lors des prochaines 
éclipses,car elles permettraient avec des appareils pré- 
cis, outre l'enregistrement photométrique, l’enregis- 
trement et la mesure exacte de la durée de la totalité. 


SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES 


Communications reçues pendant les vacances. 


MM. A. Parker et A. V. Rhead : Les vitesses des 
flammes dans les mélanges de méthane et d'air. Les 
auteurs ont déterminé les vitesses des flammes dans 
des mélanges de CH“ et air en diverses proportions, à 
divers points de tubes de verre, de cuivre, de fer et de 
plomb de 2,5 centimètres de diamètre. Comme indica- 
teur de flamme, on employait des bandes minces 
d’alliage de Wood (F. 72°), tendues au travers des tubes; 
ces ponts métalliques étaient reliés électriquement à 
un aimant, commandant un style sur un tambour 
tournant. La propagation de l'extrémité ouverte vers 
l'extrémité close a lieu en trois périodes : dans la pre- 
mière, la flamme se meut avec une vitesse constante et 
uniforme; dans la seconde, on observe des mouve- 
ments vibratoires et une augmentation soudaine de 
vilesse; dans la troisième, la vitesse revient à une 
valeur uniforme quand la flamme approche de l'extré- 
mité close. Dans des tubes de même diamètre, la 
vitesse est moindre lorsque la substance possède une 
haute conductibilité calorifique. Le mélange le plus 
explosif, contenant 10 °/, de méthane, présente une 
vitesse initiale de 70 centimètres par seconde. La 
vitesse diminue quand la proportion de CH“ varie en 
plus ou en moins; elle tombe à 0 pour 4,5 ou 13,1 °/, 
de méthane. — MM. H. B. Dixon, L. Bradshaw et 
C. Campbell : L’allumage des gaz par compression 
adiahalique. 1. Analyse photographique de la flamme. 
Les gaz, contenus dans un tube de verre, sont com- 
primés par un piston et les flammes produites sont 
photographiées sur une pellicule se déplaçant rapide- 
ment. Les photographies montrent : 10 que le piston ne 
s'arrête pas au moment où les gaz atteignent leur point 
d'inflammation, mais au moment où l’on enlève la 
pression; 2° que la nature de la flamme dépend en 
partie de la vitesse de compression du piston; 3° qu'il 
ne se produit pas de violentes ondes de compression, 
comme dans l'allumage par étincelle; 4° que les 
mélanges explosifs de gaz ne détonent pas quand on 
les allume par compression adiabatique et que le point 


d'inflammation réel n'est pas synchrone avec l'appari- 
tion de la flamme. — MM. H. B. Dixon et J. M. 
Crofts : L'allumage des gaz par compression adiaba- 
tique. II. Les points d'inflammation des mélanges con- 
tenant le gaz électrolytique. Les auteurs ont déterminé 
les points d'inflammation par compression adiabatique, 
suivant les indications de Nernst. Le point d'inflam- 
mation du gaz tonnant est de 526°. L’addition d'un 
excès d'O abaisse le point d'inflammation jusqu'à ce 
que la limite d’inflammabilité soit atteinte, ce qui est 
contraire aux résultats de Falk. L’addition d'azote ou 
d'hydrogène élève progressivement le point d’inflam- 
mation et agit apparemment comme un gaz inerte. 
Dans le premier cas, le point d'inflammation peut être 
calculé par la formule 4°, — (526 + 11 x}°, où x est le 
nombre de volumes de N ajoutés à trois volumes de 
gaz tonnant, le mélange étant noté : 2H? + 0? xN?, 
Pour le second mélange, 2H 0? xH°, le point 
d'inflammation est donné par la formule 404 — (526 
+18 x). La limite d'inflammabilité est atteinte pour 
le mélange contenant 1# volumes de gaz ajouté à 
3 volumes de gaz tonnant. — M. A. J. Daish : l’action 
de HCI concentré froid sur. lamidon et le maltose. 
Dans l'hydrolyse de l’amidon par HCI fumant froid 
(D— 1,21), il est probable qu'il se forme, comme avec 
les enzymes diastasiques, successivement de l’amidon 
soluble, de‘la dextrine et du maltose, mais ces stades 
se suivent si rapidement qu'au bout de cent trente- 
cinq minutes 86 °/, de la quantité théorique de dex- 
trose a été formée. Le maltose est hydrolysé en dex- 
trose beaucoup moins rapidement que l'amidon 
lui-même, de sorte que, quoique HCI fumant décom- 
pose très rapidement l’amidon en maltose, la produc- 
tion du dextrose est limitée par la vitesse d'hydrolyse 
du maltose. Contrairement à l'opinion de Willstætter 
et Zechmeister, quand le dextrose est dissous dans HCI 
concentré, il y a une légère action synthétique, même 
en présence de 1 °/, de sucre, ce que montre l'aug- 
mentation graduelle du pouvoir rotatoire spécifique. 
L'étude polarimétrique montre que le coefficient de 
vitesse de l’action de HCI fumant sur le maltose est 
pratiquement constant pendant toute la réaction 
(0,0103 à 0,0106); l’action est pratiquement monomo- 
léculaire. Avec l’amidon soluble, le coefficient de 
vitesse s'élève constamment pendant l'hydrolyse (0,0052 
à 0,0063). Ces résultats sont analogues à ceux qu'on à 
observés avec les enzymes. — M. B. M. Jones : La dis- 
sociation du trioxyde d'azote qazeux. L'auteur a déter- 
miné la densité de vapeur du trioxyde d'azote sec à 
une série de températures et de pressions variant de 
450 à 439° et de 106 à 818 millimètres. Les densités 
obtenues varient de 35,07 à 24 (H—-1). Les nombres 
trouvés concordent parfaitement avec l'hypothèse que 
le trioxyde d'azote « sec » se dissocie suivant l’équa- 
tion : N‘O6 2 N°0° E NO? HE NO, la dissociation étank 
à peu près complète à 140°. L'auteur a calculé la con- 
stante de dissociation à diverses températures. — 
M. E. Ch. Grey : Détermination volumétrique du car- 
bone dans les substances aliphatiques par voie humide. 
La méthode est basée sur l'oxydation de la substance 
par le bichromate de K et l'acide phosphorique en CO* 
ou en un mélange de CO et d'acide acétique. CO* est 
mesuré et l'acide acétique esi distillé du fluide résiduel 
et titré avec la baryte N/30. La méthode donne des. 
résultats exacts. Quand la substance est oxydée quan- 
titalivement en CO*, il suffit d'en prendre 2 à 3 centi- 
grammes; mais, pour déterminer l'acide acétique, il 
en faut au moins { décigramme. L’acide acétique est 
formé par les substances contenant un groupe méthyle 
dans la chaine; la méthode donne donc simultané- 
ment quelque indication sur la constitution de la 
substance. 


Le Gérant: A. MARETHEUX. 


a  ———— 
Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. 


96° ANNÉE 


No 2 


40 JANVIER 1915 


Revue générale 


des Sciences 


pures et appliquées 


FonpaATEUR 


: LOUIS OLIVIER 


DIRECTEUR : J.-P. LANGLOIS, Docteur ès Sciences, 


Aäresser tout ce qui concerne la rédaction à M. J.-P, LANGLOIS, 8, Place de l'Odéon, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux 
publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande, 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


$ 1. — Nécrologie 


Joseph Déchelette.— Mort au champ d'honneur 
dans l'Aisne, le 4 octobre 1914, à la tète d'une troupe 
d'infanterie territoriale, Joseph Déchelette s'était 
acquis un renom très mérité par ses savants tra- 
vaux d'archéologie ancienne. 

Né à Roanne en 1862, il était entré jeune dans l’in- 
dustrie et avait dirigé une importante usine de filage; 
c'est précisément au cours des voyages nécessités par 
les besoins de son industrie, qu'il se passionna pour 
la préhistoire et l’archéologie, et se mit à réunir de 
nombreux documents; s'étantretiré ensuite des affaires, 
il se consacra exclusivement à cet ordre d’études. 

Il fit paraître d’intéressants travaux d'archéologie 
locale, notamment, avec E. Brassart : Les peintures mu- 
rales du Moyen äge et dela Renaissance en Forez (avec 
gravures). Puis, ayant continué aprèsla mort de Bulliot, 
dont il était le neveu, les fouilles commencées par ce 
savant au mont Beuvray, sur l'emplacement de Bibracte, 
il publia : L'oppidum de Bibracte, Guide du touriste et 
de l'archéoloque au mont Beuvray et au Musée de l Hô- 
tel Rolin (1903, in-12, avec plan, carte et fig.); Les 
fouilles du mont Beuvray de 1897 à 1901. Compte rendu 
suivi de l'inventaire général des monnaies recueil- 
lies au Beuvray et au Hradischt de Stradonitz en 
Bohême ; étude d'archéologie comparée (1904, in-8, 
26 pl. hors texte et fig.). Un autre de ses ouvrages, 
Vases céramiques ornés de la Gaule romaine (Narbon- 
naise, Aquitaine et Lyonnaise), 2 vol. in-4°,1700 dessins 
et pl. hors texte), lui valut en 1905, de l’Académie des 
Inscriptions et Belles-Lettres, la première médaille des 
antiquités de la France. 

Mais l'œuvre la plus considérable de Déchelette, et 
qui lui vaut la plus haute notoriété, est son Manuel 
d'archéologie préhistorique celtique et gallo-romaine. 
Il s’est proposé d'y présenter une synthèse de toutes 
nos connaissances sur les antiquités de la Gaule depuis 
l'apparition de l’homme jusqu'à la chute de l'empire 
romain, entreprise que l'extrême dissémination des 
sources rendait particulièrement difficile et qui deve- 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1915, 


nait d'autant plus utile que les matériaux d'étude se 
multipliaient. 

Daus le tome Ier, Archéologie préhistorique (1908, in- 
8°, 249 fig. et pl.), l’auteur traite de ces temps primitifs, 
antérieurs à la connaissance des métaux, si Justement 
appelés préhistoriques, puisque aucune source histo- 
rique à proprement parler ne nous éclaire sur eux et 
que c'est aux sciences naturelles qu'il faut s'adresser 
pour être renseigné sur les conditions de la vie 
humaine; c'est donc par rapport aux âges géologiques 
et à l'apparition des diverses faunes successives qu'il 
y étudie les traces de l'existence de l'homme. 

Le tome IT, Archéologie celtique ou protohistorique, 
qui nous conduit jusqu'à la conquête de la Gaule par 
César, comprend deux parties formant chacune un 
volume: {re partie, Age du bronze (1910, in-8°, 212 fig., 
5 pl. hors texte) ; 2° partie, Premier äâge du fer ou 
époque de Hallstalt (1913, in-8°, 172 fig., 3 pl. hors 
texte, 1 carte). A ce tome II s'ajoutent deux volumes 
d'Appendices (1910) et Supplément (1913), contenant 
des inventaires des dépôts de l'âge du bronze, des 
moules de la même époque, des épées et poignards de 
fer de l'époque de Hallstatt, ainsi que des dépôts de 
nécropoles etsépultures, relevés avecindications biblio- 
graphiques et, qui s'étendant à tout le territoire, sont 
classés par départements et communes. 

Cette œuvre d'érudition est restée malheureusement 
inachevée, et en 1913 était annoncé un troisième 
tome : Second äge du fer ou époque de la Tène. Il faut 
espérer que celte partie se trouvait suffisamment 
avancée pour être en état de voir le jour. Quoi qu'il en 
soit, l'ouvrage de Joseph Déchelette demeurera fonda- 
mental en la matière, et il servira de base et de guide 
à tous les travaux ultérieurs. ; 

Déchelette était conservateur du Musée de Roanne, 
membre correspondant de l’Académie des Inscriptions 
et Belles-Lettres, chevalier de la Légion d'honneur. Il 
a fait des legs importants à sa ville natale et lui a 
laissé notamment sa bibliothèque et une riche collec- 
tions de tableaux. 

Gustave Regelsperger. 


2 


du vent 


Fa) 


10 


Pieds par sec. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


$ 2. — Physique. 


Les signaux sonores et leszones desilence. 
— On à observé depuis longtemps que dans certaines 
conditions un signal sonore peut être entendu près de 
la source et de nouveau à une distance considérable, 
tandis qu'il est imperceptible dans l'intervalle. 

G. Stokes a expliqué l'existence de ces zones de 
silence par l'effet du vent sur le son. La vitesse du 
vent, par suite du frottement superficiel surle sol, aug- 
mente avec la hauteur, et, comme la vitesse du son est 
constante, non par rapport au sol, mais par rapport à 
l'air qu'il traverse, le front de l'onde, vertical à un 
moment donné, s’'inclinera ensuite en arrière si le son 
se propage contre le vent, et en avant s'il va dans la 
direction du vent. En d'autres termes, le: son tend à 
quitter le sol dans le premier cas, età s’y maintenir dans 
le second. Si l'on peut employer le terme de « rayon » 
en parlant du son, le rayon contre le vent est dévié 
vers le haut, le rayon sous le vent vers le bas. 

Ce n’est pas tant la vitesse absolue du vent qui agit 
ici que son gradient, c'est-à-dire sa variation avec la 
hauteur. Pour qu'il existe une région de silence, des 
deux côtés de laquelle le son soit perceptible, il faut 
que le rayon sonore forme un arc au-dessus d'elle ; ce 
fait se produira naturellement si les gradients de 
vitesse du vent changent de signe à des niveaux appro- 
priés. 

Un calcul très simple, fait par M. A. Mallock ‘, per- 
met de déterminer quels gradients sont nécessaires 
pour qu'un rayon (c'est-à-dire la normale à l'onde fron- 


Vitesse 
Gradient du vent 


+5% 


A 


5 Ô 


Fig. 1. 


tale) suive une courbe harmonique d'amplitude et de 
longueur d'onde données. La figure 1 représente gra- 
phiquement les données relatives à une courbe har- 
monique dont la longueur d'onde est de 5 milles, et 
l'amplitude de 0;1 mille On voit, à gauche, que la vitesse 
du vent correspondant à ce trajet du son doit partir de 
0 au niveau du sol pour atteindre 8,05 pieds par seconde 
à la hauteur de 0,1 mille et revenir à 0 à une hauteur 
double. Dans ces conditions, le gradient du vent varie 
de —3,3 °/, à +3,3 °/, (voir à droite). 

Le trajet réel du son ne sera pas donné, toutefois, 
par la courbe harmonique, car il faut tenir compte de 
la diffraction du son dans l'espace vers le sol. Si l’on 
traite la diffraction du son comme celle d'une onde 
lumineuse plane passant sur le bord d'un écran, on 
obtieat, pour le premier minimum de diffraction, dans 
le cas d'une longueur d'onde sonore de 0,001 mille 
(celle des sirènes en temps de brouillard), la ligne poin- 
tillée de la figure. On voit que, dans cet exemple, il 
existera une zone de silence d'environ 3 milles de lar- 
geur, commençant à 3/4 de mille de la source sonore. 

Mais la variation de la vitesse du vent n’est pas la 
seule cause de déviation des rayons sonores. La vitesse 
du son est proportionnelle, entre autres, à la racine 
carrée de la température absolue, et un changement 
de température de 1° correspond en fait à une variation 
de vitesse d'environ 2 pieds par seconde. En règle géné- 
rale, la température de l'atmosphère s'abaisse à mesure 


a a 
! Proc. of the Royal Soc., t. XCI, p. 71-15. 


que l'altitude augmente, de sorte que tous les rayons 
sonores qui partent horizontalement d’une source 
proche du sol sont déviés vers le haut, quelle que soit 
leur direction azimuthale; c’est probablement à cause 
de cela que, même en temps calme, les sons intenses 
ne sont perçus à la mer qu'à des distances très modé- 
rées. À d'autres moments, par contre, on observe des 
reuversements du gradient de température, surtout le 
soir, quand l'air près du sol est refroidi par la radia- 
tion et forme un réservoir d’air froid sous une couche 
plus chaude. Dans ces cas, l'effet sur le son dans tous 
les azimuts est du même genre que celui qu'on observe 
sous le vent d'une source quand la vitesse du vent aug- 
mente avec la hauteur. C'est une explication probable 
de l'augmentation de perception des sons la nuit. 

Si l’on admet que la température de l'atmosphère 
près du sol diminue avec la hauteur d'environ 10° par 
mille, la vitesse du son dans cet intervalle diminuera 
d'environ 20 pieds par seconde. Le calcul montre qu'un 
rayon sonore qui part horizontalement, et suit le trajet 
du premier minimum de diffraction, ne sera pas per- 
ceptible, quelle que soit son intensité initiale, à une 
distance de plus de 8 milles environ, ce qui concorde 
assez bien avec l'expérience. 

Les sons qui ont leur origine à une hauteur considé- 
rable peuvent être entendus à de plus grandes dis- 
tances. Le tonnerre, par exemple, est quelquefois 
entendu quand l'éclair qui lui donne naissance ne se 
montre même pas à l'horizon, ce qui indique une dis- 
tance de l'ordre de 50 à 100 milles. 

Beaucoup d'expériences intéressantes sur la propa- 
gation des sons dans diverses conditions seraient à 
tenter ; malheureusement, elles dépassent les moyens 
d'un observateur privé et ne pourraient être entre- 
prises que par une Commission gouvernementale. 


$ 3. — Chimie. 


L'explosibilité des mélanges d’ammoniac 
et d'air.— H. Bunte a étudié les circonstances qui ont 
déterminé une explosion ayant produit des dommages 
importants dans une fabrique de glace, et il a reconnu 
que c'était un mélange d'air et d'ammoniac échappé 
du réfrigérateur qui avait dû prendre feu. 

Cette conclusion est en opposition avec toutes les 
expériences tentées précédemment, qui n'ont pu 
aboutir à faire exploser des mélanges d'ammoniac et: 
d'air. Aussi E. Schlumberger et W. Piotrowski ! ont-ils 
repris l'étude de ce sujet, dont l'importance pratique 
est considérable. 

Ils ont trouvé que la principale raison de l'échec 
signalé plus haut réside dans l'emploi de tubes très 
minces, dont l'effet réfrigérant des parois est relative- 
ment grand, surtout suivant le mode d’inflammation 
employé. Les auteurs se sont donc servis d’un vase 
sphérique, forme la plus favorable à une combustion 
complète, où l'inflammation avait lieu au centre. Pour: 
celle-ci, ils produisaient une étincelle toujours de 
même intensité par la décharge d'un accumu ateur 
de 10 volts avec une bobine d'induction de construc- 
tion spéciale et un interrupteur à pendule. Les élec- 
trodes dans le vase à explosion étaient formées par des 
fils de platine de 0,3 millimètre, distants de 6 milli- 
mètres. 

L'explosion se produit avec de l’ammoniac parfai- 
tement sec et de l'air desséché par passage sur de 
l'acide sulfurique concentré; si l'air est desséché, en 
outre, par passage sur P°05, l'explosion n’a plus lieu. 
Les auteurs assurèrent donc un état d'humidité con- 
stante par passage de l’air à travers de l'acide sulfu- 
rique dilué de densité 1,340, ayant une tension de 
vapeur d'eau de 8,494 millimètres à 20°. 

Dans ces conditions, en employant un vase d’explo- 
sion sphérique de 110 millimètres de diamètre, d’une 


‘{ Journ. Gas Liohting, t. CXXVIII, p. 365; 1914. 


| 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 39 


capacité d'environ un demi-litre, les limites d'explo- 
sibilité des mélanges d'air et d'ammoniac sont de 
46,5 et 26,8 °/, de NH'en volume. Dans une burette de 
Bunte de 149 millimètres de diamètre, avec une cou- 
pure à étincelle de 2 millimètres, on n'a pu obtenir 
aucune explosion, mais on a observé une combustion 
continue entre les limites de 19 et 25 °/, de NH°. Le 
mélange qui correspond à la combustion parfaite de 
l'ammoniac par l'oxygène de l'air renferme 21,9 °/, 
de NH' en volume. 


$ 4. — Photographie 


Pellicule de gélatine, souple et ininflamma- 
ble, pour la Radiologie. — M. Landouzy a pré- 
senté aux séances du 4 janvier de l’Académie des Scien- 
ces de Paris et du 5 janvier de l'Académie de Médecine 
des radiographies faites par le D' Maingot au Labora- 
toire de Radiologie de l'Hôpital Laennec, et dont l'inté- 
rêt réside surtout dans la matière impressionnable qui 
a fourni ces images. 

IL s’agit d’un substratum pour émulsion sensible 
présentant, au point de vue de la radiographie médicale, 
et particulièrement de la radiographie aux armées, des 
avantages très appréciables. 

La plaque de verre est remplacée par une mince 
feuille de gélatine parfaitement homogène et transpa- 
rente, suffisamment résistante pour les manipulations 
photographiques et les tirages en nombre indéfini. Ces 
pellicules se conservent aussi longtemps que les plaques 
ordinaires; elles ont toutes les commodités des pelli- 
cules en celluloïd, sur lesquelles elles l’'emportent en 
sécurité, étant ininflammables, et en bon marché. La 
finesse des images ne laisse rien à désirer. 

La pellicule « Securitas» se composepratiquementde 
trois parties : l’émulsion, le support en gélatine et une 
feuille de cartoline qui adhère à la gélatine par les 
bords. La cartoline soutient la gélatine pendant les 
opérations photographiques; sans elle, la pellicule, 
ramollie par les bains, se déformerait, se déchirerait. 
Après séchage, un coup de ciseau enlève les bords, la 
lame de cartoline tombe et la gélatine se présente abso- 
lument comme une pellicule de celluloïd. 

Les manipulations photographiques se font comme 
sur les papiers au bromure : on les surveille soit par 
transparence, soit par réflexion. 

Le grand intérêt, au point de vue médical, de la 
nouvelle pellicule, c'est d'abord la facilité d'avoir sous 
un volume réduit, sous un faible poids et sans danger 
de détérioration, les matériaux d’un grand nombre de 
radiographies. Comme les papiers photographiques, 
les pellicules sont susceptibles d’ètre épinglées à la 
feuille d'observation. 

La pellicule ne se brise jamais, comme il arrive avec 
les plaques quand elles sont un peu en porte à faux 
où quand la forte pression, soit d'une saillie osseuse, 
soit d’un appareil plâtré, se répartit sur une étroite 
surface. 

Une plaque de 40 >< 50 pèse en moyenne 995 gr. Une 
pellicule de mêmes dimensions pèse 80 gr. avant la 
Séparation de la lame de cartoline, et seulement 28 gr. 
après. 

Ainsi la substitution au verre lourd, encombrant, 
fragile et cher, d'un produit léger, souple, bon marché, 
suffisamment résistant, transparent et homogène, in- 
inflammable, constitue un sérieux perfectionnement 
de l'outillage des laboratoires de Radiologie. 


Modifications du pouvoir développateur de 
l'hydroquinone, résultant des substitutions 
effectuées dans le noyau aromatique. — On 
connaissait déjà l'influence qu'exercent, sur les pro- 
priétés révélatrices, l’éthérification ou la salification 
des groupes de la fonction développatrice, ainsi que 
l'introduction dans le noyau des groupes OH et CUOH*. 


‘ A. et L. Lumière: Bulletin de la Société française de 
Photographie, 1891. 


L'influence d'autres substitutions n'ayant pas été élu- 
diée, MM. Lumière et Seyewetz se sont proposé de 
combler cette lacune dans le cas du révélateur photo- 
graphique le plus simple, l'hydroquinone, en compa- 
rant son activité révélatrice et celle de ses dérivés 
chlorés, bromés, sulfonés, chlorosulfonés, bromosul- 
fonés, nitrés et hydrocarbonés 

Pour que les essais soient aussi comparables que pos- 
sible, on a utilisé une solution unique : 


He LUN. LEE 1.000 c.c, 
Carbonate de soude anhydre. . 59 gr. 
Sulfite de soude anhydre . . . 10 gr. 


dont on a prélevé 100 centimètres cubes pour consti- 
tuer chaque révélateur. On y a dissous des quantités 
équimoléculaires de diverses substances révélatrices 
correspondant à 1 gramme d'hydroquinone. Toutes les 
solutions ont été employées à une même température 
(18 degrés) pour développer les plaques d'une mème 
émulsion exposées dans des conditions identiques. Le 
cliché développé à l'hydroquinone a servi de type, et 
on lui a comparé les clichés développés avecses divers 
dérivés de substitution. Voici le résultat de ces expé- 
riences : 

Monochlorohydroquinone : 
que l'hydroquinone. 

Dichlorohydroquinone : un peu plus énergique que 
la monochlorohydroquinone. 

Tétrachlorohydroquinone : comme la dichlorohydro- 
quinone. 

Monobromohydroquinone : un peu plus énergique 
que la monochlorohydroquinone. 

Dibromohydroquinone : comme la monobromohy- 
droquinone. 

Hydroquinone-sulfonate de sodium : beaucoup moins 
énergique que l’hydroquinone. 

Hydroquinone-chlorosulfonate de sodium : plus éner- 
gique que l’hydroquinone sulfonique, mais moins que 
l'hydroquinone. 

Hydroquinone-bromosulfonate de sodium : plus 
énergique que l'hydroquinone chlorosulfonique, pres- 
que comparable à l’hydroquinone. 

Mononitrohydroquinone : se comporte comme l'hy- 
droquinone-monosulfonate de sodium. 

Dinitrohydroquinone : ne possède plus de propriétés 
révélatrices, même en présence des alcalis caustiques. 

Orthotoluhydroquinone : notablement plus énergique 
que l’hydroquinone. 

La même série d'essais a été faite en remplaçant les 
carbonates alcalins par les alcalis caustiques; on a 
dissous des poids équimoléculaires des diverses sub- 
stances révélatrices correspondant à 1 gramme d'hy- 
droquinone dans 100 centimètres cubes de solution 
suivante : - 


un peu plus énergique 


AU CENT dec era: 000NCNCS 
Sulfite de soude anhydre . . . 40 gr. 
Potasse caustique. . . . . . . 8 gr. 


et on a conduit les essais de développement compara- 
tifs comme précédemment. 

L'activité révélatrice de toutes les substances a été 
notablement augmentée, à l'exception decelle de ladini- 
trohydroquinone, qui est restée nulle, mais les rapports 
respectifs des pouvoirs développateurs des diverses 
substances étudiées sontrestés sensiblementles mêmes. 

En résumé, les halogènes substitués dans le noyau de 
l'hydroquinone tendent à en augmenter le pouvoir 
développateur. Le brome est plus actif que le chlore. 
Le groupement sulfonique et le groupement nitré atté- 
nuent notablement l'énergie développatrice de l'hy- 
droquinone. Deux groupes nitrés substitués dans le 
noyau de l’hydroquinone détruisent complètement les 
propriétés développatrices. Un groupe halogène sub- 
stitué en même temps qu'un groupement sulfonique 
atténue l'effet retardateur de ce groupe sulfonique, 
même quand on fait varier la position respective de 
ces deux groupes. Enfin, la substitution d’un groupe 


40 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


méthylé augmente d’une façon très appréciable le 
pouvoir révélateur de l’hydroquinone. 


$ 5. — Botanique 
Un hybride du blé sauvage et du blé ordi- 
naire. — M. G. Martinet, professeur et chef de la 


Station fédérale d'essais de semences de Mont Calme, 
a présenté, à l'une des dernières séances de la Société 
vaudoise des Sciences naturelles, une étude sur un 
croisement entre le blé ordinaire (Triticum vulgare) 
et le blé sauvage de Palestine (Triticum dicoccoï- 
des). 

Depuis fort longtemps, les savants se préoccupent 
de l’origine des céréales, mais jusqu'ici il n’a pas été 
possible de retrouver le froment à l’état sauvage. 

En 1834, Link trouvait une graminée sauvage que 
l’on rencontre dans les pays balkaniques, en Syrie et 
en Mésopotamie, le prototype de l’engrain (Triticum 
monococcum), et qu'on cultive dans la région de Bâle- 
Campagne, en particulier. 

En 1855, Koschy avait récolté au Mont-Hermon, en 
Palestine, un exemplaire d'une graminée que Küôr- 
nicke examina superficiellement en 1873, dont il 
reprit l'étude en 1889, et qu'il dénomma Triticum 
vulgare, du type dicoccum amidonnier. 

Le Professeur Aaronsohn ‘, de la Station d'essais de 
Haïfa, en Palestine, parvint à trouver quelques plants 
de blé sauvage du type dicoccoïdes, en compagnie de 
l’Hordeum spontaneum, l'orge spontané. Ces plantes, 
trouvées dans les rochers et les endroits secs, n'étaient 
pas pures, ainsi qu'on le reconnut plus tard, et l’on y 
rencontrait beaucoup d'hybrides. Aaronsohn envoya 
des graines à un cerlain nombre de stations expéri- 
mentales et de jardins botaniques. C'est ainsi que la 
Station de Mont-Calme, par l'intermédiaire du Profes- 
seur Schrôter, recut quatre de ces graines en 1910. 

A la station lausannoise, le blé du Mont-Hermon 
s'est montré comme une sorte de graminée sauvage ou 
de fenasse, ne rappelant en rien notre froment amé- 
lioré. En 1913, on eut l’idée d'essayer un croisement 
avec le froment ordinaire, et c’est l'assistant, M. Francey, 
qui tenta ces essais d'hybridation. Le résultat fut 
quatre grains assez ratatinés, qui, mis en terre à l’au- 
tomne, donnèrent quatre plantes dont trois plus grêles 
que l’autre. A l’épiage et plus tard, les épis de ces 
trois plantes se développèrent en forme d’épeautre. 
L'épi de cet hybride est, comme celui du parent dicoc- 
coides et de l'épeautre, extrêmement fragile. La qua- 
trième plante s’est développée normalement en fro- 
ment ordinaire. Le croisement n'aura probablement 
pas réussi. Les graines ont néanmoins été semées, 
comme celles des trois hybrides, afin de voir la 
suite. 

La découverte d’Aaronsohn devait conduire à la 
recherche, par sélections et croisements, de races plus 
endurantes et plus rustiques que nos froments. C'était 
là son avis, mais ce n’est pas celui de M. Martinet, 
qui ne croit pas à de tels résultats. IL est, en effet, 
difficile de réaliser, en quelques années, sur le type 
sauvage des améliorations qui ont coûté des siècles. 
D'autre part, on tend à abandonner les espèces et les 
races anciennes très robustes, sans doute, mais qui 
ne fournissent qu'un produit de qualité inférieure, 
tels l'engrain, l’'épeautre, la nonette et le seigle, pour 
préférer la culture de la céréale noble : le froment, 
perlectionné lui-même sous tous les rapports. 

Le Bureau of Plant Industry de Washington a 
obtenu les mêmes résultats que Mont-Calme. Ceux-ci 
permettent d'envisager une nouvelle classification, Au 
lieu de faire deux groupes ou séries, celle de l’ami- 
donnier, ou 1. dicoccum, avec prototype dicoccoïdes, 
et celle sans prototype sauvage, on peut admettre que 
tous les Tritieum dérivent de dicoccoïdes, qui serait 
ainsi le blé primitif ou le blé ancêtre. 


1 Voir la Revue, t. XX, p. 801. 


$S 6. — Sciences médicales. 


Les risques d'épidémie de typhus exanthé- 
matique et de typhus récurrent dans nos 
armées en campagne et les mesures à 
prendre pour les en préserver. — L'histoire 
prouve que presque toujours des épidémies des deux 
typhus ont accompagné les grandes guerres. Malgré 
les progrès de Ja civilisation, et bien que la France 
semble, depuis de longues années, indemne de ces 
deux maladies, les conditions ordinaires de leur déve- 
loppement peuvent se {rouver réalisées pendant la 
guerre actuelle. Ces conditions sont : Ja pullulation 
des poux, etl’existence du réservoir de virus, c’est-à-dire 
d'hommes malades et sur lesquels ces poux puissent 
s'infecter. 

On sait, en effet, — les travaux de Ch. Nicolle et de 
ses collaborateurs l'ont démontré, — que les poux sont 
les seuls agents de transmission du typhus exanthéma- 
tique et du typhus récurrent. Dans les deux cas, le 
malade, lavé et débarrassé de ses poux, n’est plus con- 
tagieux; ses vêtements, son linge, les locaux ne sont 
dangereux que par les poux qu'ils peuvent héberger. 

Le pou est le commensal habituel des contingents 
indigènes des armées alliées; il parasite les prisonniers 
allemands, se multiplie sur la population miséreuse des 
territoires envahis et chez nos soldats, dans la vie 
immobile des tranchées. 

Le réservoir de virus sera tôt ou tard importé, si 
l’on n'y prend garde, par les contingents indigènes, 
en particulier par ceux de l'Afrique du Nord, où les 
deux typhus sont endémiqueset sévissentactuellement, 
et par les prisonniers originaires de contrées notoire- 
ment contaminées: Silésie, Galicie, provinces slaves. 

L'hiver est précisément la saison où les épidémies 
débutent en Afrique; c'est aussi celle où les poux se 
multiplientsous les vêtements accumulés et que Le froid 
empêche de changer. 

Pour qui connait la gravité de ces maladies, capables 
de terrasser en quelques jours d'importantes fractions 
de troupes, des mesures prophylactiques s'imposent. 
Voicicellesque MM. NicolleetConseilontrecommandées 
à une récente séance de l’Académie de Médecine“ 
comme fruit d'une pratique de plusieurs années; elles 
ont amené en Tunisie l'extinction rapide de foyers per- 
manents de typhus exanthématique. 

Il faut, en premier lieu, empêcher l’apport du virus. 
Pour cela, surveiller sévèrement, au double point de 
vue état sanitaire et poux, les effectifs indigènes, sur- 
tout ceux de l'Afrique du Nord, répéter cette surveil- 
lance à leur arrivée en France, s’y outiller pour établir 
un diagnostic précoce. 

Il faut aussi s'opposer à la pullulation des poux. Les 
moyens sont connus : propreté corporelle, ébouillan- 
tement du linge usagé, linge propre; y joindre, pour 
tuer les insectes, les onctions à l'huile camphrée. Ces 
mesures seront appliquées, non seulement aux con- 
tingents ou prisonnierssuspects, mais à (ous: militaires 
et population civile des régions occupées. 

Si, malgré ces précautions, un cas de ces maladies 
étaitreconnu, c'est toujours du côté du pou qu'il faudrait 
diriger ses efforts : isolement et désinfection du malade 
(huile camphrée), de ses effets, des gens de l'entou- 
rage, sulfuration des locaux fermés, évacuation des 
tranchées contaminées, destruction par le feu des 
abris, matelas, paille, etc. Redoubler en même temps 
les mesures de propreté vis-à-vis de tout le corps de 
troupe; le personnel sanitaire, tou'ours plus frappé, 
sera l'objet de précaulions plus sévères. 

L'exécution intégrale de ces mesures pourra paraitre 
irréalisable. Mais, même incomplète, leur application 
a toujours un résultat favorable. Il a suffi parfois, 
dans la campagne tunisienne, du simple ébouillante- 
ment des linges des malades et de ceux de leur entou- 
rage pour éteiudre un foyer épidémique menaçant. 

Re nt à he re 


1 Bull. de l'Ac. de Médecine, t. LXXIII, n° 4, p. 37-39. 


A. PRENANT — LES CILS ET LEURS DÉRIVÉS 


LES CILS ET LEURS DÉRIVÉS 


Toutes les questions de morphogenèse se rédui- 
sent à chercher comment, aux dépens d’une forme 
primordiale et fondamentale, se produisent des 
formes dérivées et variées. La cytogenèse nous fait 
assister à de telles transformations el dérivations 
de la part des organites qui composent la cellule. 
Or le nombre de ces organites est relativement 
restreint : c'est le noyau; c'est la sphère cellulaire 
avec le centrosome ou le corpuscule central ; ce 
sont aussi les mitochondries ou chondriosomes, 
c'est-à-dire ces petits corps différenciés dans le 
cytoplasme, dont l'importance à de tout temps 
paru être en raison de leur pelitesse ; ce peuvent 
être diverses enclaves cellulaires; ce sont enfin les 
prolongements que le cytoplasme pousse au dehors. 
L'étude de la spermiogenèse, de la transformation 
d'une cellule spermatique en spermatozoïde, nous 
offre un exemple typique et classique des change- 
ments profonds que peuvent subir ces organites 
cellulaires. D'autres exemples pourraient être 
donnés, parmi lesquels l’un des plus intéressants 
est sans contredit celui des cellules ciliées. 

Le cil est en effet un de ces organites fondamen- 
taux de la cellule, susceptibles de prendre des 
formes variées en s’adaplant à des fonctions spé- 
ciales. C’est un petit prolongement du cytoplasme, 
que la cellule pousse de sa surface libre au dehors; 
mais la matière dont il est formé n'est pas du pro- 
toplasme ordinaire, puisqu'il est animé d'un mou- 
vement particulier, le mouvement vibratile. Quel- 
que primordial cependant que paraisse cet organite 
ciliaire, on peut se demander, puisqu'il n’est qu'un 
prolongement du protoplasma dont la substance 
s'est modifiée, s’il ne provient pas lui-même de 
quelqu'autre organite cellulaire plus primordial 
encore et plus général. D'autre part, nous pourrons 
voir ce eil se transformer comme tout autre organe 
cellulaire et devenir, par des modes variés, l’un 
des divers organes spécifiques de cellules morpho- 
logiquement très différenciées et à fonction spécia- 
lisée. Enfin, puisque le cil n’est qu’un prolonge- 
ment du protoplasma cellulaire, nous pourrons 
nous attendre à ce que la production des cils soil 
fortement contingente et dépendante des condi- 
tions extérieures et à ce: qu'ils disparaissent de la 
surface de la cellule, quand les conditions favo- 
rables à leur maintien auront disparu ou quand des 
conditions défavorables seront survenues; bref, la 
différenciation de la cellule ciliée n'est sans doute 
que très peu solide et le cil est une formalion 
probablement transitoire. 


Ce sont là les trois côtés de la question des cils ! 


qu'il est intéressant d'examiner au point de vue 
biologique général. Il sera nécessaire auparavant 
de donner un apercu de la morphologie générale 
des cils. 


I. — MORPHOLOGIE GÉNÉRALE DES FLAGELLES ET DES 
CILS. 


Les formations ciliaires se présentent sous deux 
formes principales. Tantôt la cellule ne porte qu'un 
ou quelques prolongements ciliformes, mais très 
forts ; ces prolongements sont les fouets ou flagelles; 
la cellule est dite alors f/agellée. Tantôt la surface 
de la cellule est hérissée d'un grand nombre de 
poils fins, les cils, dont l'ensemble forme un appa- 
reil cilié; la cellule est alors dite ciliée. La forme 
du mouvement, bien qu'un peu différente dans l'un 
et dans l’autre cas, est cependant essentiellement 
la même; c’est un mouvement de vibration plus 
ou moins rapide, un mouvement vibratile. 


$ 1. — Les Flagelles. 


Les flagelles représentent une forme de l’orga- 
nite ciliaire incontestablement plus primitive que 
le cil lui-même. 

Parmi ces flagelles, les expansions très particu- 
lières que portent 
les Bactéries mobi- 
les et qu'on appelle 
improprement les 
« cils » des Bacté- 
ries peuvent être 
considérées comme 
l'état le plus infé- 
rieur (fig. 1). Tantôt 
ces fouets sont en 
petit nombre et po- 
laires, placés à l’une 
des extrémités du 
corps bactérien ou 
aux deux (A); tantôt 
leur distribution est 
diffuse et ils cou- 
vrenten grand nom- 
bre toute la surface du corps (B). Après bien 
des controverses, où l’on a mis en doute la réalité 
même de leur existence, il a bien fallu convenir 
de leur authenticité et bien plus de la spécificité de 
leur nature, puisque des méthodes électives de colo- 
ration seules permettent de les voir. 

La singularité d’allure des fouets des Bactéries 
s'explique par la position tout à fait à part qu'oc- 


À B 


Fig. 1. — Cils des Bactéries. — A, 
Spirillum undula avec fouets po- 
laires (préparation originale). B, 
Bacille du vaccin 1 du charbon, 
avec fouets diffus sur tout le 

corps (d'après Dupond). 


rs 
© 


A. PRENANT — LES CILS ET LEURS DÉRIVÉS 


cupent les Bactéries dans l’ensemble des êtres 
organisés. Pour avoir des exemples de véritables 
flagelles, il faut s'adresser soit aux Infusoires 
Flagellates, soit aux zoospores 
des plantes, soit aux gamètes 
des végélaux et des animaux. 

De nombreux Protistes pré- 
sentent à l'état adulte ou végé- 
talif des fouets ou flagelles. Les 
Spirochætides, qui passent pour 
ètre la forme la plus simple et 
la plus inférieure du groupe des 
Flagellates, et dont le Tréponè- 
s me de la syphilis est l'exemple 
célèbre, peuvent être considérés 


D cu un 
= 


Fig. 2.— Spirochè- 
tes (Spirochæte 


dentium, d'après 
Hartmann et 
Mühlens, copié 
dans Doflein). — 
Le spirochète de 
gauche sans 
fouets distinéts:; 
celui du milieu 
terminé à cha- 
cune deses extré- 
mités par un 
fouet; celui de 
droite avec un fla- 


comme formés d'un corps cylin- 
drique ou aplati etsouvent bor- 
dé d’une membrane ondulante, 
toujours plusieurs fois tordu en 
hélice, qui se termine le plus 
souvent à chacune de ses extré- 
mités en une pointe flagelli- 
forme (fig. 2). 

Chez les vrais Infusoires Fla- 


‘pes de la série animale, on a l'im- | 


gelle seulement. : ; 
Feb ER gellates, il existe un ou plu- 


sieurs flagelles puissammentdé- 
veloppés. Ce sont, les Flagellés parasites surtout, 
des organismes en général allongés (fig. 3). Outre 
le noyau, on y apercoit un corps chromatique b, 
représentant le centroso- 
me des cellules ordinaires 
etnommé lépharoplaste, 
parce que les fouets f y 
prennent plus ou moins 
directement insertion et 
même se forment à ses 
dépens; au delà du blé- 
pharoplaste, le fouet peut 
se prolonger dans le corps 
cellulaire par un filament 
radiculaire r appelé rhi- 
zoplaste. Il faut encore 
signaler dans certains 
Flagellates parasites la 
présence d’une tige axiale 
ou « axostyle», qui va du 
noyau à l'extrémité du 
corpsopposée à l'insertion 
du ou des flagelles princi- 
paux. Des fouets que pos- 
sèdent les Infusoires Fla- 
gellates libres ainsi que 
les zoospores des végé- 
taux, il n’y a rien de parti- 
culier à noter, sinon que, 
dansles cas bien observés, 


Fig. 3.— f'lagellate (Bodo 
lacertæ), d'après Hart- 
mann. — f, fouets; b, 
blépharoplaste formé de 
deux corpuscules chro- 
matiques superposés; r, 
rhizoplaste; n, noyau. 


l'insertion des fouets se fait comme précédemment 
sur un ou plusieurs corpuscules chromatiques ou 
blépharoplastes. 

Les fouets des gamètes végétaux et animaux sont 
beaucoup plus intéressants. Le plus souvent, on le 
sait, les deux gamètes sont inégaux, et le gamète 
mâle seul est flagellé, et mobile. C'est ce que de 
nombreuses recherches ont établi pour les Pro- 
tistes. Chez les végétaux, le gamète mâle est le 
plus souvent le seul à avoir conservé les caractères. 
d'une cellule mobile et flagellée, 
d'un véritable animal flagellate ; c'est Œ 
un spermatozoïde. Mais c'est surtout 
chez les animaux que les gamètes 
mèàles, ou spermies, méritent le nom 
de spermalozoides par leur ressem- 
blance avec des Protistes flagellés. “4 
À parcourir les planches que Retzius 
a consacrées à l’iconographie des 
spermatozoïdes dans tous les grou- 


7e 


pression que ces spermatozoïdes 
reproduisent, avec quelques modifi- 
cations adaptatives, à peu près toutes At 
les formes essentielles représentées 
chez les Protistes Flagellates. Malgré 
des différences étroitement spécifi- 
ques, la constitution fondamentale 
du spermatozoïde demeure partout 
la même. Il se compose (fig. 4) de 
deux parties : la {ête et la queue. La 
tête /, qui représente le noyau de la 
cellule spermalique transformé, est 
surmontée à son extrémité anté- 
rieure par un corps de figure variée, 
l'«acrosome » ou «corps céphali- gaine qui 
que » 4. La queue ou filament caudal mm 
est le flagelle de la cellule. Elle  cules chro- 
; 5 matiques 
comprend plusieurs parties : la  proximal et 
« pièce moyenne » ou « d'union » distale 
pm, par laquelle la tête se relie au 
reste du flagelle; la « pièce principale » pp; 
la « pièce terminale » pt. Le filament caudal 
est formé dans toute sa longueur par une «fibre 
axile » /, qu'entoure, au niveau de la pièce 
principale et surtout de lapièce moyenne, une gaine 
plus ou moins épaisse g. Un corpuscule proximal 
chromatique cp plus ou moins distinct, qu'on peut 
appeler le bouton caudal, silué au pôle postérieur 
de la tête, marque l'insertion de la fibre axile; un 
autre distal cd est placé à l'union de la pièce 
moyenne et de la pièce principale. 

Plusieurs points de la structure des flagelles 
demandent à être précisés. L'un des plus essentiels, 
c’est la différenciation, dans l'intérieur et sur toute 
la longueur du fouet, d’une fibre axile plus solide, 


Fig. 4. — Sché- 
ma d'un sper- 
matozoide.— 
1, tête sur- 
montée de 
l'acrosome 4; 
pm, pp; Pt 
pièces mo- 
yennes, prin- 
cipale et ter- 
minale de la 
HDUENS à 0e 
fibre axile ; g. 


A. PRENANT — LES CILS ET LEURS DÉRIVÉS 43 


quipeutdevenirnue dans la partie terminale du fla- | grand nombre d'individus ciliaires, dont l'ensemble 


gelle et la constituer à lui seul; c'est, on vient 
de le voir, le cas pour la queue du spermatozoïde, 
mais c’estaussi celuidu fouet decertains Flagellates. 
Un second point intéressant est l'insertion du 
flagelle. Le fouet peut s'enfoncer purement el sim- 
plement dans le corps cellulaire, mais on l'a vu 
aussi se fixer au noyau; le plus souvent il s'insère 
sur un granule basal ou même sur un corps parti- 
culier et volumineux, le blépharoplaste, au delà 
duquel il se prolonge par une fibre radiculaire ou 
rhizoplaste (fig. 3). 


$ 2. Les Cils. 


Les cils sont de fins poils qui couvrent générale - 
ment en grand nombre la surface libre des Infu- 
soires Ciliés ou 
celle des cellules 
ciliées des Méta- 
zoaires. Chacun 
de ces cils ou 
mieux de ces orga- 
nites ciliés se com- 
pose de plusieurs 
parties, ,ainsiqu'on 
le sait surtout de- 
puislesrecherches 
d'Engelmann et de 
Frenzel (fig. 5). 
C'est d’abord le ci/ 
proprementdit(c), 
souvent renflé à 
son extrémité ba- 
sale en un bulbe 
(b);ilse meut dans 
le liquide ambiant 
d’un mouvement 
particulier, vibra- 
tile. Ensuite ce cil 
vibratile s'insère 
sur un grain ou 
corpuseule basal, 
très chromatique, 
simple ou double 
(ch, ch). Enfin du 
corpuseule basal 
partune fibre radi- 
culaire ou racine 
ciliaire (r), qui 
s'enfonce dans le 
cytoplasme où on 
peut la suivre plus 
ou moins loin. 
Tantôt la cellule ne porte qu'un seul de ces 
organites ciliés; elle est uniciliée. Tantôt et le plus 
souvent la cellule est multiciliée, couverte d’un 


Fig. 5. — Schéma d'une cellule à 
cils vibratiles. — c, cils: b, ren- 
flement ou bulbe de la base du 
cil; ch, cb. les deux rangées de 
corpuscules basaux ; , pièce inter- 
médiaire ou bätonnet pédieux 
unissant chaque corpuscule su- 
perficiel au corpuscule profond 
correspondant; r, racines conver- 
£eant en un faisceau conique qui 
se termine par un filament pointu 

dans le corps cellulaire. 


forme à la surface de la cellule une bordure vibra- 
Lile ou appareil cilié. 

Quelques points de la morphologie de l'organite 
cilié doivent être signalés. D'abord dans le cil lui- 
même, malgré sa lénuité, on a observé, comme 
dans le flagelle, la présence d'un filament axile 
plus solide. Quant au corpuseule basal, s'il est 
parfois simple, il est le plus souvent double (fig. 5), 
et l'on trouve deux grains superposés (ch, cb), soit 
très rapprochés l’un de l’autre.et presque confondus 
en un diplocoque ou diplosome, soit plus éloignés 
et réunis alors par une courte pièce intermédiaire 
ou bâtonnet pédieux (fig. 5, ). L'alignement, soit 
des corpuseules basaux, soit des diplocoques 
basaux, soit enfin des deux rangées corpus- 
culaires etdes pièces intermédiaires qui les relient, 
dessineàla surface de la cellule, vue à un grossisse- 
ment moyen, une sorte de « plateau », au-dessus 
duquel s'élèvent les cils eux-mêmes. Les racines 
ciliaires sont souvent très réduites et paraissent 
même manquer dans cerlains cas; d'autres fois 
elles sont très puissantes et forment souvent alors, 
en convergeant les unes versles autres, un faisceau 
radiculaire conique qui plonge profondément dans 
le cytoplasme (fig. 5, r). 


IT. — VALEUR MORPHOLOGIQUE DES FLAGELLES 
ET DES CILS ET DE LEURS PARTIES CONSTITUTIVES. 


Connaissant la constitution des flagelles et des 
cils, la question se pose de leur valeur morpholo- 
gique et de celle des diverses parties dont ils sont 
formés. Cette valeur morphologique ne pourra être 
regardée comme établie que quand ces organes 
cellulaires'et leurs parties constitutives: auront été 
homologués à d'autres parties fondamentales de 
l'organisme cellulaire. Car on à le devoir de sup- 
poser que les cils et les flagelles ne sont pas 
primordiaux dans la cellule et de rechercher de 
quels organites cellulaires essentiels et plus primi- 
tifs ils sont les dérivés. 

Pour établir ces homologies, on peut d’abord 
chercher à assister à l'évolution cytologique qui, à 
travers la série des êtres, a conduit à la constitu- 
tion des cils et des flagelles; on peut, autrement 
dit, tenter une étude phylogénétique de ces appen- 
dices cellulaires. Il faut tout de suite reconnaître 
qu'entre les cils et les flagelles il est impossible de 
tracer une ligne de démarcation tranchée. Si, en 
effet, le plus souvent la cellule est multiciliée, fré- 
quemment elle est uniciliée, ne porte qu'un indi- 
vidu ciliaire et alors devient tout à fait comparable 
à une cellule flagellée. De semblables cellules 
uniciliées sont connues dans les épithéliums de 
divers organes, et ont étédécriles pour la première 


A. PRENANT — LES CILS ET LEURS DÉRIVÉS 


fois par K. W. Zimmermann sous le nom de | formes différentes des prolongements mobiles du 


« cellules à fouet central » (Centralgeisselzellen, 
fig. 6). Ces cellules possèdent un seul diplosome « 
formé de deux granules colorables situés l'un 
au-dessous de l’autre; du granule superficiel part 
un filament extérieur a/(Aussen/aden), qui figure le 
cil ou fouet; au granule profond s'attache un fila- 
ment interne ;{ (/nnenfaden), qui plonge dans le 
cytoplasme et qui représente une racine ciliaire ou 
rhizoplaste. L'ensemble a recu de Zimmermann le 
nom de « fouet central » (Centralgeissel), parce 
que les deux granules colorables qu'il renferme 
sont certainement homologues aux corpuseules 
centraux (centrosome) des cellules épithéliales 
ordinaires. Ily atous les intermédiaires entre une 
telle cellule (Centralgeisselzelle) ne portant qu'un 
seul organite ciliaire, le fouet central, et semblable 
à une cellule flagellée, et les cellules multiciliées 
revêlues de 
nombreux in- 
dividus ciliai- 
res juxtapo- 
sésenunebor- 
dure ciliée. 
Les cils et les 
flagelles pou- 
vant donc être 
considérés 


Fig. 6.— Cellule à louct central (Central- 
geisselzelle) du rein du Lapin (d'après 
K. W. Zimmermann, un peu modifiée). 


— c, centrosome diplosomique; af, COMmMe mor- 
filament externe (Aussenfaden) ; if, $ S 
filament interne (/nnenfadeu); kl, phologique 


coupes du cadre cellulaire (Xittleiste). 
A droite et à gauche, cellules à cen- 
trosome diplosomique nu. 


ment équiva- 
lents, le pro- 
blème phylo- 
génétique que nous nous posons revient à se 
demander ce que les flagelles sont à leur tour. Or, 
divers fails autorisent à penser qu'ils ne sont que 
des pseudopodes transformés, dans lesquels la 
structure protoplasmique a changé en même temps 
que la modalité du mouvement. Dans l’évolution 
de certains êtres inférieurs se succèdent régulière- 
ment des formes flagellées et des formes amiboïdes 
à pseudopodes; on à pu alors assister à Ja trans- 
formation des pseudopodes en flagelles. Chez de 
nombreux Protozoaires, on peut trouver simultané- 
ment des pseudopodes et un ou plusieurs flagelles. 
De l'avis de plusieurs auteurs, si différents que 
paraissent être l’un de l’autre le mouvement pen- 
dulaire et vibratile d'un flagelle et l’expansion 
amiboïde d’un pseudopode, il n’y a entre les deux 
qu'une différence de rapidité; cerlains pseudo- 
rudes filiformes ou filipodes à mouvements rapides 
et rythmiques figurent des formes intermédiaires. 

Ainsi donc, les cils ne se distinguent pas essen- 
tiellement des flagelles ; ceux-ci ne sont manifeste- 
ment, à leur tour, que des pseudopodes transformés. 
Pseudopodes, fouets et cils ne sont donc que trois 


corps, formes qu'on peut considérer comme phylo- 
génétiquement successives. 

Pour se renseigner sur la valeur morphologique 
des flagelles et des cils, on dispose aussi de l’inves- 
tigalion histogénétique, de l'étude de leur mode de 
développement. Ce qu’on sait sur le développement 
du fouet se réduit à constater qu'il naît à partir 
de son corpuseule basal ou blépharoplaste, soit 
simplement sous l'influence, soit même aux dépens 
de la substance de ce dernier ; il en est ainsi pour 
le fouet des Flagellates et pour le filament caudal 
des spermatozoïdes. L'étude, tant de fois faite, et sur 
les objets les plus divers, de la spermiogénèse chez 
les animaux a mis le fait particulièrement en évi- 
dence. On a constaté, en effet, que les processus 
suivants conduisent à la différenciation de la 
cellule séminale ou spermatide en spermatozoïde 
définitif. 

La spermatide (fig.7, 1) possède, outre le noyau, 
outre des mitochondries ou chondriosomes, un 
centrosome ou diplosome €, formé de deux corpus- 
cules centraux et enfermé dans une sphère s. Les 
deux corpuseules se libèrent ensuite de la sphère et 
gagnent la périphérie de la cellule, en s'y plaçant 
de telle facon que l’un d'eux soit plus superficiel ou 
distal, l'autre plus profond ou proximal (2). Puis 
tandis que le noyau s'allonge pour former la tête 
du spermatozoïde et que la sphère se porte au pôle 
antérieur de la tête pour y devenir l’acrosome, il à 
poussé, à partir du corpuseule central distal etsans 
doute à ses dépens, un flagelle (2,3, /), qui fait de la 
spermatide dès ce moment une vraie cellule 
flagellée. En même temps, le corpuscule central 
proximal se rapproche du noyau, au pôle posté- 
rieur duquel il finit par s'appliquer. Entre les deux 
corpuseules centraux distal et proximal se dessine 
une fibre (4, fa), qui s'allonge à mesure de l’écar- 
tement des deux corpusecules, el dont la substance 
est probablement empruntée à l’un ou à l’autre 
de ces corpuscules ou à tous les deux. Le proto- 
plasma de la spermatide se condensera et se 
rétrécira de plus en plus, et les chondriosomes 
qu'il contient, en se confondant les uns avec les 
autres, formeront une gaine à cette fibre tendue 
entre les deux corpuscules. Le flagelle extérieur et 
la fibre intérieure qui lui fait suite représenteront 
dans le spermatozoïde définitif (5) les deux régions 
de la fibre axile de la queue, la première nue, 
correspondant à la pièce terminale (pt), la seconde 
engainée par le protoplasma et les chondriosomes, 
répondant à la pièce moyenne (pm) et peut-être 
aussi à la pièce principale (pp). Or, cette fibre 
axile, partie constitutive essentielle de la queue du 
spermatozoïde, véritable organe flagellaire, pro- 
vient, comme on vient de le voir, des corpuscules 


A. PRENANT — LES CILS ET LEURS DÉRIVÉS 45 


centraux de la spermatide qui fonctionnent donc 
comme de vrais blépharoplastes. 

Quant à la genèse des cils, bien que les résultats 
des observations soient quelque peu contradictoires, 
il semble bien probable d'abord que les cils naissent 
à partir des corpuscules basaux sur lesquels plus 
lard ils continueront à s’insérer. Ilest très vraisem- 
blable aussi, quoique la question ait été très 
débattue et le soit encore, que ces corpuscules 
basaux représentent les corpuscules centraux de 
toute cellule, qui se sont multipliés pour donner 
lieu à la double rangée corpusculaire basale des 
cils. Quant aux racines ciliaires, l'histogenèse n’a 
pu donner de renseignements exacts sur leur 
origine el par conséquent sur leur nalure. 

Pour élucider la signification morphologique des 
parties constitutives des fouets et des cils, on peut 
encore les comparer avec les organes fondamen- 
taux de toute cellule. 

Nous avons vu déjà que les cils et les fouets pro- 
prement dits peuvent être considérés comme des 
pseudopodes transformés. 

Quant aux blépharoplastes des fouets et aux 
corpuscules basaux, si la valeur morphologique 
des premiers n’est pas discutable, celle des seconds 
demeure encore un objet de litige. Il n’est pas 
douteux que les blépharoplastes des fouets ne 
représentent des corpuscules centraux dela cellule, 
adaptés à une autre fonction cinétique que celle 
d'organes directeurs de la division cellulaire. 
Chez les Flagellates, on voit les flagelles se déve- 
lopper à partir des corpuscules centraux alors 
que ceux ci occupent encore les pôles de la figure 
de division, et ces corpuscules centraux devenir 
ainsi les corpuscules basaux ou blépharoplastes de 
la cellule. Il en est de même pour les Centralgeis- 
selzellen (fig. 6); lediplosome qui supporte le fouet 
est manifestement le même que celui des cellules 
non flagellées et nues; or, ce dernier est consi- 
déré classiquement comme le représentant du 
centre cellulaire dans les cellules épithéliales. La 
genèse des fouets dans les zoospores et dans les 
spermatozoïdes végétaux nous fait assister aussi à 
la transformation des corpuscules centraux en 
blépharoplastes. Enfin et surtout l'étude de la 
spermiogénèse animale prouve surabondamment 
que les corpuscules centraux de la spermatide 
deviennent les blépharoplastes du flagelle caudal 
du spermatozoïde; et celle des phénomènes de 
fécondation montre que ces blépharoplastes de la 
queue spermatique redeviennent les corpuseules 
centraux de la figure de division dans la première 
cellule embryonnaire. 

Pour les corpuscules basaux des cils, leur homo- 
logie avec les corpuscules centraux est plus discu- 
table et a été très discutée. Cette homologie a été 


défendue par Henneguy et par Lenhossèk dans une 
théorie qui porte leurs noms et qui a eu depuis lors 
ses défenseurs et ses opposants. Les faits favora- 
bles ou défavorables à la théorie sont de divers 
ordres. Ce sont ceux du développement des corpus- 
cules basaux des cils; il résulte de certaines obser- 
vations (Benda, Moreaux) que les corpuscules se 
produisent par la division répétée, par l’essaimage 
des deux corpuscules du centrosome. Si les corpus- 
cules basaux des cils proviennent de ceux des cen- 


Fig. 7. — Figures schématiques de la spermiogenèse. — 
1. Spermatide, au début de l'evolution; n, noyau; s, sphère : 
c, centrosome bicorpusculaire (diplosome); », mitochon- 
dries ou chondriosomes. 

2. Spermatide, en voie de différenciation; n, noyau; 
s, Sphère qui émigre vers le pôle antérieur du noyau: 
e, centrosome ou diplosome, dont les deux corpuscules 
se sont orientés suivant une ligne radiée et sont ainsi 
devenus l’un proximal, l’autre distal; ce dernier a émis 
un flagelle f; m, milochondries. 

3. Spermatide, à un stade plus avancé de la différencia- 
tion; n, noyau déjà ovalaire; s, sphère coiïffant le pôle 
antérieur du noyau et devenue l’acrosome; cp, ed, corpus- 
cules proximal et distal s'éloignant l'un de l’autre; m, mi- 
tochoudries. 

4. Spermali le à une phase plus avancée encore; n, noyau 
allongé, ayant pris déjà la forme de la tête du 
spermatozoide; a, acrosome; cp, cd, corpuscules proximal 
et distal ; le premier a émigré au pôle postérieur du noyau: 
le second est demeuré en place; entre eux s'est développée 
une ligne sombre. le filament axile fa de la pièce moyenne; 
m, mitochondries appliquées le long du filament axile. 

5. Spermatozuide; t, tête, surmontée de l'acrosome a; 
pm, pièce moyenne de la queue contenant le filament 
axile fa tendu entre les deux corpuscules proximal et dis- 
tal à présent très effacés et entouré d'une gaine continue 
g formée par les mitochondries fusionnées; pp, pièce 
principale renfermant le filament axile enveloppé d'une 
gaine mince protoplasmique; pt, pièce terminale réduite 
au filament axile nu. 


trosomes et représentent ces derniers multipliés, 
les cellules vibratiles doivent être dépourvues de 


A6 A. PRENANT — LES CILS ET LEURS DÉRIVÉS 


centrosomes; c'est ce qui a été fréquemment cons- 
taté, tandis que certains auteurs, au contraire, ont 
trouvé simultanément dans des cellules vibratiles 
les corpuscules basaux des cils et le diplosome 
centrosomique. Comme corollaire de la présence ou 
de l'absence du centrosome dans les cellules vibra- 
tiles, ces cellules auront ou n'auront pas la faculté 
de se diviser; en fait, il y a des observations con- 
cluant à l'existence de figures de division dans les 
cellules vibratiles et il en est de contraires. Enfin 
les partisans de la valeur centrosomique des corpus- 


Fig. 8. — Spermatocytes flagellés de Bombyx mori (d'après 
Henneguy). — 1. Quatre flagelles disposés par paires et 
insérés sur autant de corpuseules basaux: 2. Quatre flagelles 
insérés par paires sur deux corpuscules basaux; 3. Les 
corpuscules basaux sont devenus, dans un spermatocyte 
en division, les corpuscules centraux de la figure de divi- 
sion et portent encore chacun la paire de flagelles des 
stades précédents. 


cules basaux des cils, et le promoteur de cette 
théorie M. Henneguy, se sont appuyés sur la com- 
paraison de ces corpuscules avec les formations 
similaires de cellules flagellées de toutes sortes, 
formations dont la nature centrosomique n’est pas 
douteuse. Les Centralgeisselzellen ne possèdent 
qu'un individu ciliaire ou flagellaire et sont par 
conséquent pourvues d’un unique diplosome, de 
nature indubitablement centrosomique ; mais ces 
cellules uniciliées sont reliées par toutes sortes 
d'intermédiairesaux cellules multiciliéesordinaires, 
à nombreux individus ciliaires, à nombreux diplo- 
somes ou corpuscules basaux (Joseph). Les sperma- 
tocytes de certains animaux peuvent porter des 


flagelles insérés sur les corps basaux ou blépharo- 
plastes ; or, ces corps basaux proviennent des cen- 
trosomes et redeviendront des centrosomes lors 
de la division cellulaire (Henneguy, Meves). 
L'étude de la spermiogénèse animale etmême végé- 
tale mène aussi à la conclusion que les blépharo- 
plastes des cellules spermatiques ne sont que des 
centrosomes, et par conséquent les corps basaux 
des cellules eiliées, identiques àces blépharoplastes, 
sont aussi de nature centrosomique. 

On peut conclure que la théorie d'Henneguy- 
Lenhossèk, affirmant la valeur centrosomique des 
corpuscules basaux des cils, n'a pas été ébranlée 
par les objections qui lui ont été faites. 

Quant aux racines ciliaires, leur valeur morpho- 
logique est très discutable ; c’est trop peu faire que 
de les considérer comme desfibrilles différenciées de 
la charpente cytoplasmique; c'est trop s’avancer 
que de les regarder comme la terminaison de 
fibrilles nerveuses aboutissant à la cellule ciliée, 
ou encore comme représentant des chondriosomes 
modifiés. 


IIT. — APPAREILS CILIÉS DÉRIVÉS. 


Les flagelles et les appareils ciliés peuvent subir 
des modifications plus ou moins importantes et 
donner ainsi naissance à des dérivés, dont on peut 
distinguer deux catégories principales. Tantôt la 
transformation est assez légère pour qu'il soit aisé 
de reconnaître la parenté de ces dérivés avec les 
appareils ciliés; se sont alors les dérivés directs. 
Tantôt, au contraire, les changements sont si pro- 
fonds qu'il en résulte des formations en apparence 
sans affinité avec les organes ciliés et dont seule 
l'étude du développement peut permettre de déceler 
la provenance et la nature ciliaires; il s’agit alors 
de dérivés éloignés ou indirects. 


$ 1. — Dérivés directs. 


Dans la première catégorie, celle des dérivés 
directs, rentrent un grand nombre de forma- 
tions. 

Ce sont d’abord des complexes ciliaires, qui 
prennent naissance par la coalescence plus ou 
moins complète d'individus ciliés. C’est ainsi que 
se produisent les soies tactiles, les cirrhes, les 
membranes ondulantes et les membranelles des 
Infusoires ciliés. La fusion peut porter à la fois 
sur les trois parties de l'élément ciliaire, sur le cil, 
sur le corpuscule basal, sur la racine ciliaire. De la 
soudure des cils résulterontdes poils épais tels que 
les cirrhes, ou des lames telles que les membra- 
nelles ; la fusion des corpuscules basaux de cils 
disposés en série donnera lieu à des lignes basales 
ou cordons basaux continus; celle des racines 


A. PRENANT — LES CILS ET LEURS DÉRIVÉS 


ciliaires produira des lames continues plongeant 
dans le cyteplasme. 

Des complexes ciliaires analogues ne manquent 
pas chez les Métazoaires. ILexiste dans les branchies 
des Mollusques Acéphales, dans celles des Ascidies, 
dans les tentacules des Bryozoaires ectoproctes, des 
membranelles très développées, formées comme 
celles des Infusoires ciliés par la coalescence d’indi- 
vidus ciliaires. Une étude détaillée de ces mem- 
branelles m'a révélé que, dans les cellules dont 
l'appareil cilié s'est transformé en membranelles, se 
passent de curieux phénomènes d'activité sécrétoire ; 
ils se traduisent par l'apparition de boules de sécré- 
tion, sans doute dues à de la substance nucléaire; ils 
sont certainement en rapport avec la très grande 
puissance du mouvement de ces membranelles. 

Les Clénophores se meuvent dans l'eau grâce à 
des palettes natatoires rangées le long de huit 
côtes, qui courent d’un pôle à l’autre du corps ; 
ces palettes ou rames sont dues à la coalescence 
de cils élémentaires. 

Plus souvent la fusion des éléments ciliés, au 
lieu de produire des appareils aplatis et membrani- 
formes, donne lieu à des faisceaux cylindriques ou 
coniques, d'aspect variable et caractéristique de 
diverses espèces cellulaires. On peut citer ainsi les 
« cellules à pointe » (Stiftchenzellen) del’'épendyme, 
où la cellule est surmontée d’une sorte de pointe 
formée par la soudure de plusieurs cils. Tout 
proche d'elles se placent les « cellules à poil » 
(Haarzellen) de l’épithélium auditif des Vertébrés : 
elles portent une sorte de gros poil souvent 
recourbé, dû à des cils agglutinés, qui repose sur 
une plaque basale produite par la fusion des cor- 
puscules basaux correspondant à ces cils, tandis 
que de cette plaque descend dans le cytoplasme un 
corps compact et colorable, de forme conique, qui 
représente sans doute les racines fusionnées de cet 
appareil ciliaire modifié. Les cellules du canal épi- 
didymaire des Mammifères sont pourvues à leur 
surface libre d'une sorte de pinceau de poils : « cel- 
lules à bouquet de poils » ({/aarbuschelzellen), que 
certains auteurs assimilent à un faisceau de cils 
modifiés, tandis que d’autres se refusent à cette 
assimilation ; cet appareil ciliaire transformé a, en 
tout cas, perdu la motilité et paraît être adapté à 
l'excrétion du produit sécrété par ces cellules. 
Enfin il faut ajouter à cette liste les « cellules à 
flamme vibratile » des néphridies des Platodes et 
celles du segment post-glomérulaire du tube rénal 
des Vertébrés inférieurs, où de longs cils sont juxta- 
posés, sinon soudés en un faisceau vibratile ou non. 

Vientmaintenant une catégorie dedérivésciliaires 
directs qui sont très répandus. Leur caractère com- 
mun el principal est que les cils, quelque bien 
individualisés qu’on les y trouve, sont toujours 


47 


immobiles, et que les diverses parties constitutives 
de l'appareil, cils, corpuscules basaux el racines, Y 
sont plus ou moins effacées. Ces dérivés peuvent 
être rangés en une série ininterrompue el dégradée, 
en prenant pour point de départ les appareils 
vibratiles ; la série commencerait aux bordures en 
brosse pour se continuer par les plateaux striés et 
se terminer par les plateaux cuticulaires et les cuti- 
cules. 

Un grand nombre de cellules épithéliales sont 
revêtues sur leur surface libre d’une bordure ciliée 
dont les poils sont immobiles et d'ordinaire plus 
courts que ceux des bordures vibratiles; c'est ce 
qu'on a appelé « bordure de poils » (aarchensaum), 
«bordure en brosse» (Bürstensaum, Bürstenbesatz). 
Les bordures en brosse ne manquent d'aucun 
des organites constituants qui composent un 
appareil vibratile : cils, corpuscules basaux et 
même racines ciliaires. Seulement ces divers orga- 
nites y sont, en général, moins distincts que dans 
les appareils vibratiles. Les bordures en brosse 
sont extrêmement fréquentes, surtout sur les cel- 
lules à fonction sécrétoire, et l’on a lout lieu de 
supposer qu'elles y fonctionnent, détournées de 
leur rôle primitif de motililé, comme des organes 
de l’excrétion cellulaire. 

Tandis que l'homologie des bordures en brosse 
avec les bordures vibraliles était indiscutable, celle 
des « plateaux à bâtonnets » ou « plateaux striés » 
devient déjà plus problématique et a été niée par 
quelques auteurs. Et cependant diverses raisons 
l’autorisent pleinement. Les plateaux striés, dont le 
type est celui qui revêt la surface libre de la cellule 
épithéliale intestinale, sont formés par une bande 
de substance claire, verticalement striée, qui 
ne présente, au premier abord, qu’une analogie 
assez lointaine d'aspect avec une bordure vibratile 
ou même avec une bordure en brosse. Mais l'étude 
minutieuse de ce plateau strié montre qu'aucune 
des parties constitutives de la bordure ciliée ne lui 
fait défaut. Les cils, habituellement noyés dans une 
substance interstitielle qui les rend indistincts, 
peuvent devenir apparents; suivant les espèces 
animales, selon les localités de l’épithélium 
intestinal, suivant les conditions physiologiques, la 
cellule épithéliale présente tantôt un plateau strié, 
tantôt une bordure parfaitement ciliée. Les corpus- 
cules basaux, quoique plus irréguliers de forme et 
de taille et moins distincts que ceux des appareils 
ciliés, n’en existent pas moins. Lesracines ciliaires 
elles-mêmes ne manquent pas. Aussi ai-je pu con- 
sidérer le plateau strié, celui de la cellule de l'in- 
testin, comme un appareil cilié vibratile dont les 
cils sont immobilisés par la substance interslitielle 
où ils sont plongés et, de ce fait, en quelque sorte 
atrophiés. 


48 A. PRENANT — LES CILS ET LEURS DÉRIVÉS 


Nous avons pu rattacher aux appareils ciliés 
vibratiles les bordures en brosse et les plateaux 
striés. Nous éloignant loujours davantage de la 
forme originelle, nous rencontrons des formations, 
les plateaux cuticulaires et les cuticules, qu'un 
examen altentif permet de rapprocher encore des 
appareils ciliés (Nils Holmgren). Ces plateaux cuti- 
culaires et cuticules, ceux, par exemple, du tégu- 
mentexterne et interne des Arthropodes, sont striés 
verticalement: les stries verticales sont l'expression 
de filaments; au-dessous du plateau cuticulaire et 
à la base de chaque filament se trouve un grain 
colorable. Il ne paraît pas douteux que ces filaments 
ne soient de véritables cils et que les grains 
ne représentent des corpuscules basaux. On a 
même vu que certains appendices ou phanères 
du tégument, les soies des Annélides Poly- 
chètes, par exemple, doivent leur origine à un 
faisceau de cils autour duquel se concrète la subs- 
tance chilineuse et qui est, pour ainsi dire, le mo- 
dèle premier de la soie définitive (Pruvot). 

Enfin les cellules épidermiques des Vertébrés 
inférieurs (Poissons, Batraciens) sont revêtues par 
un plateau alvéolaire qui, à première vue, parait 
assez comparable sinon identique au plateau strié 
et qui, par conséquent, serait lui aussi un dérivé 
ciliaire. Cependant cette assimilation n'est pas pos- 
sible, à cause du niveau même où siège le plateau 
alvéolaire. Tandis qu’en effet le plateau strié, étant 
un appareil cilié modifié, s'élève au-dessus de la 
surface cellulaire, le plateau alvéolaire n'est que la 
portion la plus superficielle du corps protoplas- 
mique, dans lequel il est en réalité compris et dont 
il est une zone différenciée. 


$ 2. — Dérivés éloignés. 


Les dérivés ciliaires que nous avons passés en 
revue jusqu'ici peuvent se rattacher directement 
aux appareils ciliés proprement dits, elilsuffit, pour 
se convaincre de leur provenance, d'en faire un 
examen cytologique attentif. D'autres dérivés 
ciliaires beaucoup plus éloignés que les précédents 
ne laissent soupconner leur origine que bien plus 
difficilement et, le plus souvent, par l'étude seule 
de leur développement. Le cil, organe primitif de 
la cellule, est en effet un organe très plastique, qui 
peut se modifier beaucoup, en réalisant des organes 
nouveaux très différents, qui sont au service de 
fonctions diverses. Les cils étant extrèmement 
fréquents dans les cellules, ou même sous la forme 
de bordure en brosse, il est vraisemblable qu'un 
rand nombre d'organes terminaux de la cellule, 
est-à-dire d'organes portés par elle à l’un de ses 
pôles, au pôle différencié, doivent leur origine à des 
cils. 

Dans un premier groupe de ces dérivés ciliaires 


oœ 
o 
C 


éloignés se rangent les organites sensoriels, qui 
surmontent les cellules sensorielles et fonctionnent 
comme récepteurs des diverses impressions. Tels 
sont les poils des cellules olfactives, les poils 
acoustiques, les cônes et les bätonnets de la rétine. 
Ce qui permet en général d'affirmer la nature 
ciliaire de ces organites sensoriels, c’est la présence, 
à leur base, d'un diplosome homologue au diplo- 
some basal du flagelle ou du cil et par conséquent 
aussi au centrosome. C'est ce que l'étude histogé- 
nique de la mu- 
queuse olfactive 
amontré à O.van 
der Stricht. Il en 
est demême pour 
les cellules des 
organes de la 
ligne latérale des 
Poissons et des 
Amphibiens, 
ainsi que pour 
les cellules gus- 
latives des Ver- 
ltébrés. 

Quant aux cel- 
lules auditives, 
nous savons que 
le poil qui les 
surmonte est en 
réalité un com- 
plexe, un fais- 
ceau de cils élé- 
mentaires (fig. 9, 
ä, p). Ce faisceau 
est implanté sur 
une plaque basa- 
le (pb), formée de 
corpuscules ba- 
saux alignés ou 
bien compacte et 
homogène. De 
celte plaque part 
un corps conique (c), très colorable, qui plonge par 
sa pointe dans le corps cellulaire, et dans lequel on 
a voulu voir un faisceau de racines ciliaires soudé. 
Cependant pour cerlains auteurs, par exemple 
R. Krause, Kolmer, N. van der Stricht, la cellule 
auditive n’est pas une véritable cellule ciliée, parce 
que les poils auditifs sont autre chose que les cils, 
parce que la plaque basale n’est qu'une formation 
cuticulaire, et parce qu'à côté de cette plaque et du 
poil auditif il existe un diplosome centrosomique 
portant un flagelle. Si les poils auditifs peuvent 
être considérés comme des cils, tout corps produit 
par ces poils aura, en dernière analyse, une prove- 
nance ciliaire. Or les otocystes et statocystes con- 


Fig. 9. — Coupe de l'épithélium au- 
ditif d’une crête acoustique et de 
l'otosome (cupule terminale) chez 
la Grenouille rousse, — a, cellules 
auditives; pb, plaque basale; €, 
corps conique; p. poils auditifs s'en- 
gageant dans l'otosome o (cupule 
terminale) qui en est sans doute 

le produit. 


A. PRENANT —- LES CILS ET LEURS DÉRIVÉS 


4) 


tiennent des corps variés, durs ou même calcifiés, 
auxquels on peut donner le nom générique d”° « oto- 
somes » (0); ces otosomes sont calcaires (otoconies 
et otolithes) ou de nature cuticulaire (cupule termi- 
nale des canaux semi-circulaires) ou enfin mem- 
braneux (membrana lecloria du limaçon). Les poils 
auditifs s’attachent sur ces divers otosomes, ou 
même y pénètrent (fig. 9), et il semble bien que 
les otosomes soient le produit d’une transformation 
des poils auditifs, c'est-à-dire soient en somme de 
provenance ciliaire (Studnicka). 

Les cellules visuelles sont, on le sait, porteurs, 
dans la plupart des groupes de la série animale, de 
prolongements particuliers, les bâtonnets. Dans les 
yeux de certains animaux (Gastéropodes, Myria- 
podes), on ne trouve, à la place de ces bâtonnets, 
qu'un pinceau de filaments ciliformes, ou qu'une 
bordure de poils, à la base desquels on peuttrouver 
autant de granules colorables. Lesbälonnets visuels 
que portent habituellement les cellules sensorielles 
sont, comme Hesse surtout l’a montré, le résultat 
de la transformation de ces filaments ciliformes, 
de ces poils, et, peut-on dire, de véritables cils. Les 
recherches comparatives de Hesse sur l'œil des 
Arthropodes l’ontconduitaux conclusions générales 
suivantes. Il existe typiquement à la surface libre 
de la cellule visuelle une bordure de poils ou de 
pointes (Stifichensaum), reposant sur une rangée 
de granules basaux; c'est le « rhabdomère » de 
Ray-Lankester. Plusieurs cellules visuelles, s'a- 
dossant l'une à l'autre par leurs rhabdomères, 


sécrètent entre elles, par l'intermédiaire de leur 


rhabdomère fonctionnant comme bordure en 
brosse, une tige cuticulaire, caractéristique de l'œil 
d’Arthropode, le « rhabdôme ». Dans un grand 
nombre d'animaux et particulièrement chez les 
Vertébrés, il existe un bâtonnet, de nature cuticu- 
laire (fig. 10), que traverse une fibre axiale (/, f"), 
connue depuis longtemps pour les cellules visuelles 
des Vertébrés. Des études plus récentes (Kolmer, 
Held, Retzius, Leboucq) ont montré que surle trajet 
de cette fibre existe un diplosome ou un corpuscule 
unique, d'origine centrosomique (cc). Lesrecherches 
histogéniques de Leboucq ont appris que les cel- 
lules visuelles embryonnaires possèdent toutes, à 
leurextrémitélibre,undiplosomequiémigre à l'inté- 
rieur d'un petit bourgeon protoplasmique poussé 
par la cellule. Le corpuseule distal émet un filament 
grêle, véritable cil; il est la fibre axiale du futur 
bälonnet et s'entourera d’une gaine cuticulaire 
d'origine mitochondriale ; le bâtonnet sera alors 
constitué. Sa provenance ciliaire est rendue incon- 
testable par les faits qu’on vient de lire. 

Si imprévue que soit l'affirmation, je puis assu- 
rer, d'après mes observations personnelles, que la 
formation de l'émail s’accomplit avec le concours 


d'un appareil cilié qui surmonte l’'adamantoblaste 
ou cellule génératrice de l'émail. Les images hislo- 
logiques que j'ai obtenues sont trop variables pour 
que je puisse les décrire dans cet article et songer 
à autre chose qu'à exprimer schémaliquement el 
sommairement le résultat de mes observations. Il 
se résume dans cette proposition : la cellule de 
l'émail est une cellule ciliée; c'est autour et sous 
l'influence de la bordure ciliée qui la surmonte que 
se produit la colonne cuticulaire qui constitue, sous 
le nom de prisme de l'émail, l'unité élémentaire de 
la substance adamantine. 

Certaines observations légitiment l'idée que les 


Fig. 10. — ARéline de supplicié (cône et bätonnelts). — 
e, articles externes du cône et des bâtonnets; 7, articles 
internes des bàtonnets; el, my, ellipsoïde et myoïde com- 
posant ensemble l’article interne du cône; c.ce, corpuscule 
centrosomique situé à l'union de l’article interne et de 
l’article externe du bàtonnet; f, f!, fibre axiale en deca et 
au delà du centrosome, c'est-à dire dans l’article interne 
et dans l’article externe du bäâtonnet.— En A, coupe trans- 
versale de l'article externe des bätonnets, avec la section 
de la fibrille axiale au centre de chacun d’eux. 


organes cellulaires de défense ou d'attaque qui 
caractérisent certains groupes d'animaux, que les 
nématocystes ou capsules urticantes des Coelen- 
térés par exemple, sont aussi des appareils ciliaires 
transformés. 

Les fouets et les cils peuvent encore être suscep- 
tibles d’une adaptation bien différente des précé- 
dentes; car ils peuvent se transformer chez les Pro- 
tozoaires, notamment chez les Infusoires Ciliés, 
en appareils de fixation de la cellule. D'après les 
études de Fauré-Frémiet, le pédoncule fixateur des 
Vorticellidés n'est qu'un appareil cilié transformé. 
Ce pédoncule provient d'une formation située à 
l'extrémité postérieure du corps, et désignée: 


50 A. PRENANT — LES CILS ET LEURS DÉRIVÉS 


par l’auteur du nom de scopula. Ce n’est autre 
qu'une bordure en brosse, composée d’un certain 
nombre de cils, reposant sur autant de corpuscules 
basaux, et prolongés au delà de ces corpuscules 
par autant de racines ciliaires. C'est par l’inter- 
médiaire de celte bordure en brosse et autour de 
chacun de ses cils qu'est sécrétée la substance chiti- 
tineuse du pédoncule. 

En résumé, le cil est morphologiquement un 
organe protéiforme, capable de multiples méta- 
morphoses; physiologiquement, il apparait comme 
un organe bon à tout faire ou du moins à beau- 
coup faire et certainement plus qu'on ne le croit. 


IV. — CARACTÈRE DE LA DIFFÉRENCIATION CILIAIRE. 


Les faits précédents, en montrant queles flagelles 
et les appareils ciliés sont susceptibles de variations 
morphologiques étendues et d’adaptations physio- 
logiques nouvelles, mettent en garde contre l’idée 
qu'il s'agit d'organes irrévocablement fixés dans 
leur forme et dans leur rôle. A cette première caté- 
gorie de faits s'en ajoutent d’autres, qui parlent 
dans le même sens et de facon plusdécisive encore; 
is apprennent que lescils ne sont pas des formations 
durables et permanentes et que les cellules ciliées 
ne sont pas définitivement différenciées. Les condi- 
tions variées, enfin, dans lesquelles se produisentles 
cils font pressentir qu'il y a dans leur production 
quelque chose de contingent et de dépendant des 
influences extérieures. La variation des cils, leur 
disparition possible de la cellule, la contingence de 
leur production menacent fortement la spécificité 
des cellules ciliées, qu'on ne peut pas à cet égard 
comparer aux cellules musculaires nerveuses et 
autres. 

La différenciation des appareils ciliésest,eneffet, 
secondaire et transitoire dans le développement 
ontogénique; les cellules nese couvrent de cils que 
secondairement et, loin de persister indéfiniment, 
peuvent évoluer en d’autres formes cellulaires, qui 
reprendront plus lard le caractère de cellules vibra- 
tiles,etainside suite.C’est ce dont l'étude du dévelop- 
pement de l’épiderme chez les larves de Batraciens, 
celle du tractus intestinal chez ces mêmes animaux 
et chez les Vertébrés supérieurs, nous fournissent 
des exemples. 

Chez l'adulte même, il existe une foule d’épithé- 
liums qu'on peut qualifier de mixtes, parce qu’ils 
comprennent un mélange de cellules ciliées et de 
cellules glandulaires. La liste en serait très longue ; 
qu'il suffise de citer l’épithélium intestinal ces 
Annélides, l’épithélium des canaux de la tête de 
l'épididyme et celui de l’oviducte des Mammifères, 
l’épithélium pharyngien et œsophagien des Batra- 
ciens, l’épithélium des voies respiratoires des 


Mammifères, ete. Sur tous ces objets, par exemple 
sur les deux derniers que j'ai spécialement étudiés, 
on assiste à la chute des cils et à la disparition des 
corpuscules basaux dans les cellules vibratiles, 
dont le cytoplasme se remplit d'autre part de 
mucus. La cellule vibratile se transforme en une 
cellule glandulaire muqueuse, qui plus tard 
sans doute pourra recouvrer son appareil cilié et 
redevenir cellule vibratile. Un exemple un peu 
différent de celui des épithéliums mixtes est donné 
par l’épithélium des séreuses, où des cils se diffé- 
rencient temporairement pour disparaître ensuite ; 
ainsi les cellules péritonéales des Amphibiens 
femelles se couvrent de cils lorsque l’abdomen se 
remplit d'œufs et sans doute sous l'action méca- 
nique deces œufs, tandis que chez les femelles à 
l'état de vacuité les cellules péritonéales ciliées 
sont très rares et qu’elles font totalement défaut 
chez les mâles. La différenciation de la cellule 
ciliée est donc transitoire. 

Elle est de plus contingente, c’est-à-dire dépen- 
dante d’influences extérieures encore mal déter- 
minées. 

Le caractère contingent des appareils ciliés est 
très manifeste, du fait que des cils peuvent se déve- 
lopper sur des parties de cellules ou sur des cellules 
qui n’en portent habituellement pas. J'ai observé 
qu'uneMyxosporidie,le Myxidium Lieberkübhnii,qui 
habite la cavité vésicale du Brochet, présente, sur 
toute l'étendue de la surface par laquelle l'animal 
se fixe à l’épithélium vésical, une bordure en 
brosse qui manque sur les autres points de la 
surface ainsi qu'aux animaux libres. M. Chatton 
a décrit et m'a montré des préparations de 
kyste de Gilruth du mouton, où la paroi du kyste 
offre une bordure de poils, bien que cetle paroi 
ne soil pas en contact avec l'air libre ou une cavité 
pleine de liquide, mais s’adosse aux tissus conjonc- 
tifs dans lesquels le kyste est plongé. Il est presque 
de règle de trouver, ainsi que l'ont fait beaucoup 
d'auteurs (Hammar, Dustin, par ex.), et moi-même, 
danslethymus,les parathyroïdesetlecorpspostbran- 
chial, des vésicules kystiques dont la paroi épithé- 
liale est totalement ou partiellement ciliée. Les 
histologistes, répugnant ou même étrangers à 
l'idée que l'épithélium de ces vésicules puisse difré- 
rencier des cils secondairement et par ses propres 
moyens, ont cherché, bien vainement, à expliquer 
la présence des cils en admettant que ces kystes 
provenaientde vésiculesembryonnaires déjà ciliées. 
On sait,enfin, combien est fréquente la présence de 
kystes pathologiques à paroi épithéliale vibratile, 
dans des organes qui normalement chez l'adulte 
ne renferment pas d'éléments ciliés. Les patholo- 
gistes ont fait souvent de pénibles efforts et inventé 
de véritables romans embryologiques pour ratta- 


P. VAYSSIÈRE — REVUE DE PHYTOPATHOLOGIE 51 


cher ces kystes ciliés à des reliquats d'ébauches 
embryonnaires. Point n’est besoin de recourir à ces 
expédients, puisqu'il est bien certain que, sous 
des influences encore inconnues, des cils, vibratiles 
ou non, peuvent apparaître secondairement et 
d’une facon contingente dans des organes tant 
normaux que pathologiques. 


V. — CoNCLUSIONS GÉNÉRALES. 


De cette étude se dégagent un certain nombre 
de résultats très généraux. 

C'est d’abord l’homologie établie entre un organe 
fondamental de la cellule, le cil, et des organes 
cellulaires variés, dont la valeur morphologique 
est voilée par une forme particulière due à l’adap- 
tation à un rôle spécial. La plus grande partie et 
même, peut-on supposer, la lotalité des organes 
superficiels de la cellule proviennent, en effet, de 
cils transformés. C’est la tâche la plus essentielle 
et la plus générale de la Cytologie de ramener à un 
type fondamental et commun les formes si diverses 
d'organes cellulaires propres à chaque variélé de 
cellules. Il est intéressant à cet égard de constater 
l'identité des processus qui, à partir de l’organite 


primitif, le cil, conduisent à des formations aussi 
éloignées en apparence l’une de l'autre que le sont 
la queue d'un spermatozoïde et le bâtonnetrélinien. 

Une autre notion importante ressort encore des 
faits qui viennent d’être exposés. C'est l'équivalence 
de la division cellulaire et de la différenciation 
ciliaire, comme d'ailleurs de toute différenciation. 
Dans l’une et dans l’autre,le centrosome joue un 
rôle prépondérant, fonctionnant soit comme centre 
cinétique interne, soit comme centre cinétique 
externe, comme pôle de la figure de division ou 
comme blépharoplaste et corps basal du cil, confor- 
mément à la théorie d'Henneguy-Lenhossèk. 

Enfin l'étude des appareils ciliés fournit une 
contribution intéressante à la notion de la différen- 
ciation cellulaire. Dans la cellule ciliée, cette diffé- 
renciation, quelque précise qu’elle soit, est toujours 
passagère, soit que l'appareil cilié se transforme 
comme dans l’ontogénèse, soit qu'il disparaisse 
comme à l'état adulte. Le cil est une production 
cellulaire transitoire et contingente que des con- 
ditions extérieures font apparaître et qui disparait 


avec elles. 
A. Prenant, 
Professeur à la Faculté de Médecine 
de l'Université de Paris. 


REVUE DE PHYTOPATHOLOGIE 


Il y a bien peu d'années ‘ que la Phytopathologie , organisatrices au progrès des sciences agronomi- 


a pris un rang parmi les branches de la Science agro- 
nomique, et pourtant on possède déjà un nombre 
considérable de travaux importants sur la biologie 
des ennemis des plantes et sur les moyens de les 
combattre.Nous ne pourrons donc, dans cette Revue, 
que nous limiter aux questions les plus à l’ordre du 
jour, tout au moins en Europe. 


I. — FAITS GÉNÉRAUX. 


Les faits généraux relatifs à la Phytopathologie 
se sont accumulés d’une facon extraordinaire ces 
derniers temps. Le plus saillant de tous est l'orga- 
nisation rationnelle, dans la plupart des pays, de 
la lutte contre les ennemis des cultures, la création, 
à l'exemple des États-Unis, de Services phytopa- 
thologiques devant surveiller les produits horticoles 
importés et exportés. En outre, la France a vu tout 
dernièrement, «grâce à l'initiative d’un chef qui, en 
sa double qualité de savant et d'administrateur, 
consacre avec une inlassable énergie ses facultés 


4 Cf, A. Vurccer : La Phytopathologie; son évolution 
récente. Æiev. Scient., 6 décembre 1913. 


ques » ‘, la transformation du Service des Maladies 
des plantes, auquel, par analogie avec le Service des 
Epidémies et celui des Epizooties, M. E. Roux a 
donné le nom de « Service des Epiphyties ». A côté 
de ce Service, le 19 février 1912, a été créé le Comité 
consultatif des Epiphyties, qui est appelé à se 
prononcer sur toutes les questions se rattachant à 
la protection des cultures. 

Enfin, en conformité des vœux émis par l’assem- 
blée de l'Institut international de Rome en 1943, 
des vœux émis par le Congrès de Pathologie 
comparée de Paris en 1912, le Gouvernement de la 
République francaise, d'accord avec le Gouverne- 
ment italien, a provoqué, au mois de février 1914, 
la réunion à Rome d'une assemblée de techniciens 
et de diplomates *. Cette Conférence, où trente-deux 
États furent représentés, était chargée d'établir le 
projet d'une entente internationale pour la protec- 
tion des végétaux. Ce sont les propositions des 
délégués français qui ont servi de base aux discus- 


4 P, Marcaz : « Introdnetion ». Annales du Serv. des 
Epiphyties, t. 1, 1913. 

2 Cf. L. MaxGns : La défense mondiale contre les ennemis 
des végétaux. J. Agric. praliq., n° 17, 18, 19, avril, mai 1914. 


C2 
b 


2 P. VAYSSIÈRE — REVUE DE PHYTOPATHOLOGIE 


sions et qui finalement ontconslitué, avec de légères 
modifications, le texte des principaux articles de 
la nouvelle Convention internationale (4mars 1914). 
La Conférence, qui complète ainsi l’œuvre de la Con- 
vention antiphylloxérique de Berne du 3 novembre 
1881, vise dans ses décisions seulement les plantes 
horticoles et les produits de pépinières, qui désor- 
mais ne seront admis à l'exportation que lors- 
qu'ils seront accompagnés d’un Certificat phytopa- 
thologique délivré par les agents officiels du pays 
exportateur. Chacun des États est libre de dresser 
la liste des ennemis et maladies qui devront figurer 
respectivement sur les certificats d'importation. 

Dans les différents pays, se sont créés dernière- 
ment des périodiques consacrés exclusivement 
à la Phytopathologie (par exemple, les Annales du 
Service des Epiphyties), et la France vient de voir 
se fonderchez elle la première « Société de Pathologie 
végétale », qui apour but, en resserrant les relations 
existantes entre les praticiens, les entomologistes 
et les cryptogamistes, « de concourir au progrès 
des études concernant les maladies des plantes, 
les insectes el autres animaux nuisibles aux 
végélaux, ainsi que les moyens de préservation 
contre ces ennemis ». Cette assemblée a tenu sa 
séance d'ouverture le 1° mai 1914 sous la présidence 
de L. Mangin. 


II. — L'ICERYA PURCHASI ET LE NOVIUS CARDINALIS. 


Il est inutile de s'étendre ici sur ce sujet pour- 
tant fort intéressant au point de vue de la lutte 
contre lesinsectes nuisibles. L'exemple de la lutte, 
dans les différents pays, de la petite coccinelle contre 
la terrible cochenille des orangers est classique en 
Entomologie appliquée et est d’ailleurs le plus 
remarquable à cet égard. Les différentes phases de 
leur odyssée ont été relatées ‘ par le D' P. Marchal 
en 14907, époque où l’Zcerya était implanté aux 
États-Unis, au Cap, en Nouvelle Zélande, aux îles 
Hawaï, au Portugal, en Italie. Les deux insectes 
ont depuis encore fait du chemin à travers notre 
planète, importés tous les deux par l'homme, l'un 
involontairement, l’autre volontairement (Syrie, 
Egypte, Archipel grec, Dalmatie, Sicile). En 1912, 
l’Zcer ya émotionnait les propriétaires du Cap Ferrat 
sur Ja Côte d'Azur. C'est alors qu'après l'introduction 
du Novius cardinalis et sa victoire, la plupart des 
publications françaises ont porté à la connaissance 
du public, d’une facon plus ou moins pittoresque et 
exacte, l'histoire des deux nouveaux hôtes de notre 
liltora . 


# P, MancuaL : Utilisation des Insectes auxiliaires ento- 
mophages dans la lutte contre les insectes nuisibles à l’agri- 
culture. Ann. de l'Inst. nat. Agron., 2° série, fasc. 2 (1907). 


Le D' P. Marchal, qui dirigea la lutte contre 
l’Zcerya, en donna d’autre part un compte rendu 
détaillé ‘, en ayant soin de le compléter par des 
notes descriptives et biologiques des deux insectes. 
MM. Poirault et Vuillet, qui, successivement, ont 
été chargés de surveiller les élevages de Novius 
et de disséminer ces derniers sur les arbres envahis 
par la cochenille, ont relaté les diverses phases de 
leurs opérations et leur manière de procéder *. 
L'élevage dans des cages spéciales fut remarquable- 
ment bien conduit par les expérimentateurs; les 
sept individus de ANovius (3 nymphes, 1 larve, 
3 adultes) constituant le premier envoi se repro- 
duisirent de telle facon que, trois semaines environ 
après leur arrivée, on pouvait compter, dans leur 
cage, 600 individus à tous les stades (non compris 
les œufs). Pour faire les colonisations, on suspen- 
dait aux arbres envahis par l’/cerya des boîtes en 
carton sans couvercle, ou des tubes en toile métal- 
lique, dans lesquels on mettait un certain nombre 
de Novius adultes ou à l'état de larve. À l'heure 
actuelle, depuis plusieurs mois, on peut dire que 
l’Zcer ya purchasi est pratiquement disparu du Cap 
Ferrat. 

Par contre, on vient de signaler, ces derniers 
temps, l'apparition de la cochenille dans l'ile de 
Malte *, où l’on prend les mesures nécessaires pour 
enrayer sa multiplication à l’aide de la précieuse 
coccinelle. 

Il est regrettable que le ANovius cardinalis 
paraisse dédaigner à peu près complètement les 
autres fléaux de nos cultures, même ceux qui sont 
les plus proches parents de l’Zcerya, et qu'il ne 
puisse être employé efficacement contre eux; 
toutefois, les vicloires qu'il remporte encouragent 
les recherches des expérimentateurs dans la voie 
de la « lutte naturelle ». Ilsemble bien, en effet,que 
« la vie seule peut contenir en puissance une force 
suffisante pour maîtriser la vie, lorsque celle-ci 
prend la forme d’une espèce nuisible se multipliant 
avec une activité débordante » (P. Marchal). 


III. — LE DIASPIS PENTAGONA. 


Ce redoutable ennemi des müriers et des arbres 
fruitiers a été l’objet de nombreux travaux francais 
et surtout italiens. Les Rapports de MM. Bouvier 


1 P, MarcuaL : L'Icerya purchasi en France et l’acclima- 
tation... Ann. ‘du Serv. des Epiphyties, t. 1 (1913). — 
P.Marcnaz: L'acclimatation du Vovius cardinalis en France. 
C. R. Ac. £c., séance du 13 octobre 1913. 

2 G. Pormaurr et A. Vuizcer : L'acclimatalion du Vovius 
cardinalis. Ann. du serv. Epiph., t. 1 (1913). — A. VuiLrer : 
La lutte contre les ennemis des plantes. La vie agric. et 
rurale, n° 4% (mars 1914). 

# Icerya purchasi and N. cardinalis in Malta. Colonial 
Reports, n° 186, Malta, 1912-1913. Londres, janvier 1914. 


P. VAYSSIÈRE — REVUE DE PHYTOPATHOLOGIE 


et Gastine, en particulier, ont montré tout le danger 
qu'il y aurait pour nos cultures méridionales à 
laisser introduire en France ce fléau qui est tout 
près de la frontière; el cela malgré tous les espoirs 
que l'on peut fonder sur la lutte naturelle, à l’aide, 
par exemple, de la ?rospaltella berlesei. C'est 
pourquoi, par un décret du 10 janvier 1912, le Pré- 
sident de la République avait décidé l'interdiction 
d'entrée dans notre pays de tous les végétaux à l’état 
ligneux autres que la vigne et les résineux, de pro- 
venance ilalienne. Ce décret, portant atteinte au 
commerce franco-italien, fut d'abord remplacé par 
un autre en date du 19 avril 1912, puis par un troi- 
sième, promulgué le 1° février 1913, qui autorisait 
l'entrée de la plupart des végétaux du 1°" novembre 
au 1% mars, à condition qu'ils aient été reconnus, 
à la frontière, non infectés par le D. pentagona. 
Ces dispositions ne donnèrent pas complète salis- 
faction aux horticulteurs francais et italiens; le 
Comité consultatif des Epiphyties se reposa alors, 
pour arriver à une solution définitive, sur une 
Commission technique, composée d'experts dé- 
signés à la fois par la France et l'Italie, qui s'est 
réunie en juin 1913, sous la présidence du Pro- 
fesseur E.-L. Bouvier. Un nouveau décret, pro- 
mulgué le 12 octobre 1913, fut basé sur les 
conclusions de cette Commission. Il élargit consi- 
dérablement les termes du décret précédent; en 
particulier, il autorise, du 15 novembre au 15 avril, 
l'importation et le transit des végétaux ligneux, 
exceplé de ceux qui sont en général les plus 
atteints par le Ziaspis (müriers, abricotiers, 
amandiers, cerisiers, fusains d'Europe, etc.). Il 
faut espérer que, par ses mesures de protection, la 
France n’aura pas encore à se préoccuper de la 
destruction de cette cochenille, dont la présence, 
malgré toutes les recherches sur la Côte d'Azur, 
n'a pu heureusement être encore reconnue. 


IV. — La Cocuyzis ET L'EunÉMIs. 


La Mission, instituée le 10 février 1911 par le 
Ministère de l'Agriculture, pour l'étude de la 
Cochylis (Conchylis ou Clysia ambiquella Hb.) et 
de l'Eudémis (Polychrosis botrana Schiff.), vient 
d'apporter un gros appoint à la connaissance de 
la biologie des deux Microlépidoptères et des 
moyens de lutie à employer contre eux. Les re- 
cherches faites en 1911 ont été jusqu'à maintenant 
les plus importantes". Les conditions climatiques 
(sécheresse et chaleur) de l’année suivante n’ont 
pas été favorables au développement de la Cochylis; 


1 P. MarCHAL : Rapport sur les travaux accomplis par la 
Mission d'étude de la Cochylis et de l’'Eudémis en 1911. 
In-80, 326 pages, 1912. 


par contre, l'Eudémis a étendu son aire de répar- 
lition‘. Très nombreuses sont les observations 
intéressantes au point de vue de Ja lutte à engager 
contre ces insectes. 

Il est bien démontré qu'à la différence d'un bon 
nombre de Bombycides et de Microlépidoptères, les 
deux papillons de la vigne ne se maintiennent en 
vie assez longtemps (dix jours à trois semaines, 
suivant les générations) pour effectuer leur ponte 
qu'à condition de recevoir une nourriture liquide 
(substances sucrées, eau pure). D'autre part, le 
polyphagisme remarquable de la Cochylis et de 
l'Eudémis permet d'expliquer en partie l'extension 
de ces deux ravageurs de proche en proche aux 
vignobles isolés et son maintien malgré les traite- 
ments. Les hôtes des deux tortricides peuvent être 
de natures fort diverses (Daphne gnidium, Zizyphus 
vulgaris, Ribes, elc.), mais ont, en général, des 
inflorescences présentant pour la chenille des con- 
ditions analogues à celles des inflorescences de la 
vigne. Il est à remarquer, en outre, que les cépages 
qui ont des inflorescences compactes et des grappes 
serrées sont, en général, de même que les cépages 
à floraison lente, plus ravagés que les autres par 
la Cochylis et l'Eudémis. Les hybrides paraissent 
jouir, par contre, d’une immunité beaucoup plus 
grande vis-à-vis des deux insectes que les cépages 
français. 

Les recherches des expérimentateurs ont porté 
tout particulièrement sur les relations qui inter- 
viennent entre l'insecte nuisible, ses ennemis et le 
milieu animé ou inerte dans lequel les uns ou les 
autres évoluent. Parmi les êtres vivants qui, par 
leur cycle biologique, peuvent avoir un retentisse- 
ment sur l’évolution des Microlépidoptères de la 
vigne, l'Oophthora semblidis Aurivillius est à si- 
gnaler. Ce Braconide n'avait pas encore été indiqué 
comme vivant aux dépens de la Cochylis et de l'Eu- 
démis : il détruit l'œuf en se développant à son 
intérieur. Les travaux de la Mission d'études 
donnent en détail le rôle de cet auxiliaire, ainsi 
que celui de différents insectes parasites ou pré- 
dateurs vivant aux dépens des deux ravageurs, el 
indiquent dans quelle mesure ils peuvent être pro- 
tégés ou utilisés. 

Les parasites végétaux du groupe des Isariées 
(en particulier le Spicaria verticilloides) déter- 


1 P. MarcuaL : La Cochylis et l'Eudémis en 1912. Ann- 
Serv. Epiph., t. 1 (4913); J. Feyraun : Recherches sur la 
Cochylis et l'Eudémis dans le Bordelais en 41912. /bid.; 


.Vezax et Gaumonr : La Cochylis et l'Eudémis dans la vallée 


de la Loire. /bid.; A. Parczor: Observations sur la Cochylis 
et l'Eudémis (en Bourgogne) en 1912. Zbid.; F. Prcano : 
Rapport sur la Cochylis et l'Eudémis dans le midi de la 
France. Zbid.; J. Cnaranay : Les essais de piégeage lumi- 
neux en Champagne en 1911-1912. Jhid.; G. Frox : Re- 
cherches sur les parasites végétaux de la Cochylis et de 
l'Eudémis. /bid. 


54 P. VAYSSIÈRE — REVUE DE PHYTOPATHOLOGIE 


a ——_—_—_—…—…—…———…—…"…"…"—…""—"—.….—"—— 


minent parmi les chrysalides une mortalité qui 
peut aller jusqu’à 80 °/,, surtout lorsque leur déve- 
loppementest favorisé par une fin d'automne et un 
commencement d'hiver relativement chauds el 
humides, comme en 1911-1912. Malheureusement, 
les essais de contamination sur le terrain n’ont pas 
élé suivis de succès. 

Les traitements chimiques par pulvérisations 
liquides pendant la période de végétation, princi- 
palement au printemps, restent, d'une facon gé- 
nérale, la base de la lutte contre la Cochylis et 
l’'Eudémis. Ceux qui se sont montrés les plus effi- 
caces sont les traitements à la nicotine et particu- 
lièrement à la bouillie bordelaise nicotinée. Cet 
extrait a à la fois une action insectifuge sur le pa- 
pillon, une action abortive sur les œufs (Feytaud), 
et une action insecticide interne el externe sur la 
chenille. La question du moment favorable pour 
l'application des traitements présente un intérêt 
capital : les recherches de ces dernières années ont 
montré que la periode de plus grande efficacité ne 
correspond pas toujours à la plus grande abon- 
dance des papillons, comme on l'avait pensé 
jusqu'ici, mais que l'état de la végétation est un 
élément dont il y a lieu de tenir compte à un haut 
degré. 

Les traitements arsenicaux (arséniate de plomb), 
bien appliqués, peuvent avoir une efficacité égale 
à celle des traitements nicotinés, mais leur action 
se limitant à une intoxication par les voies diges- 
tives, la période favorable pour l'application des 
traitements préventifs est plus limitée et plus dif- 
ficilement saisissable que pour la nicotine. 

Le pyrèthre doit être aussi retenu, comme cu- 
ratif, en poudrage insectifuge en été. 

La destruction des papillons qui a été pratiquée 
en 4911 et 1912, soit par la méthode des pièges lu- 
mineux (Champagne), soit par celle des pièges ali- 
mentaires (eau mélassée additionnée de lie de vin: 
Bordelais, environs de Paris), peut s'ajouter d’une 
façon fort utile à l’action des traitements insecti- 
cides de printemps sur les chenilles; mais leur 
emploi, pour donner des résultats satisfaisants, 
doit être fait sur une très grande échelle. 

Les abris-pièges à l'automne ont donné des ré- 
sultats encourageants en Bourgogne. Ce procédé a 
permis à M. Paillot de capturer un grand nombre 
de chrysalides, et la conservation des abris 
jusqu’au printemps permet l'éclosion et la mise en 
liberté des Hyménoptères parasites, qui pour la 
plupart abandonnent les cocons avant les papillons. 

Les traitements d'hiver (écorcage) sont ceux qui 
pratiquement paraissent avoir la plus grande efi- 
cacité dans le vignoble méridional, s'ils sont pra- 
tiqués sur de grandes surfaces. 

« D'une façon générale, de grandes espérances 


peuvent être fondées sur l’organisation de « la 
lutte naturelle » contre la Cochylis et l'Eudémis, 
soit en favorisant la multiplication des parasites, 
soit en créant artificiellement des foyers épidé- 
miques ; aussi, sans négliger la recherche de nou- 
velles formules insecticides, ou le perfectionne- 
ment des méthodes actuellement existantes, est-ce 
surtout dans cette direction qu'il nous semble dé- 
sirable d'orienter l’activité des expérimentateurs, » 
(P. Marchal). 


V.— LA LUTTE EN AMÉRIQUE CONTRE LIPARIS DISPA- 
ET L. CHRYSORRHÆA. 


Nous sommes entrés depuis peu dans la période 
des résultats de la gigantesque lutte entreprise, 
sous la direction de L.-0. Howard, aux Etats-Unis, 
contre les deux Bombyx, Liparis (Ocneria, Por- 
1hesia) dispar et L. (Porthesia, Euproctis) chr ysor- 
rhæa, à l'aide de leurs ennemis naturels en Europe 
et au Japon”. Un grand nombre de travaux améri- 
cains ont tenu le monde au courant des différentes 
phases de la lutte à laquelle avaient été appelés à 
prêter leur concours un grand nombre de nos com- 
patriotes. A. Vuillet, qui avait été chargé, étant à 
Rennes, de recevoir les matériaux parasités venant 
de toutes les régions de l’Europe et d'en assurer 
une réexpédition dans de bonnes conditions pour 
Boston, a exposé dans une série de notes les résul- 
tats obtenus par les Américains jusqu’en 1912*°. 
Afin d’avoir le plus de chances pour la réussite 
de l’entreprise, on importa simultanément une 
douzaine d'espèces parasites de chacun des conti- 
nents européen et asiatique. L'essentiel, en effet, 
pour espérer réaliser en Amérique un état d’équi- 
libre analogue à celui qui existe en Europe ou au 
Japon, est d'introduire une série d’ennemis des 
deux Bombyx, de facon à obtenir une «séquence», 
une succession d'attaque, pendant toute la durée du 
développement. 

Les parasites qui ont le plus attiré l'attention en 
1912 sont peu nombreux, mais paraissent être 
d'une grande importance* : les deux parasites des 
œufs des Bombyx, Anastatus bifasciatus el Sche- 


1 P. MarcaaL : Utilisation des Insectes auxiliaires ento- 
mophages. Ann. Inst. Nat. Agron., t. VI, fase. 2, 1907. 

? A. Vuiccer : La Station entomologique de la Faculté des 
Sciences de Rennes et l'exportation des parasites... C. A. 
Cong. Soc. sav., 1909; Comment se comportent en Amé- 
rique les parasites européens... Bull. Soc. se. et méd. de 
l'Ouest, t. XIX, 1910; Les parasites de L. dispar et L. chry- 
sorrhæa en Amérique. Bull. Soc. se. et méd. de l'Ouest, 
3e trim., 1911; Les parasites de L. dispar; leur importation 
aux Etats-Unis. Bull. Soc. Vulg. Zool. agric. Bordeaux, 1914; 
Les parasites de L. dispar et L. chrysorrhæa en Amérique. 
Bull. Soc. sc. et méd.de l'Ouest, 2e trim. 1912. 

3 I. PouiLraure : Les parasites de Porthesia dispar et de 
Euproctis chrysorrhæa aux Etats-Unis en 1912. Bull. Soc. 
sc. et méd. de l'Ouest, &. XXII, n° 3, 1913. 


P, VAYSSIÈRE — REVUE DE PHYTOPATHOLOGIE 55 


dius Kuwanæ, semblent s'acclimater normalement 
dans leur nouvelle patrie : jusqu'à 47°/, des pontes 
ont élé trouvées parasitées là où l'Anastatus à été 
introduit. Le tachinide Compsilura concinnala, 
parasile des deux lépidoptères, libéré à partir de 
1906 et qui avait été considéré comme un parasite 
secondaire, a été très abondant en 1912 : sur 
12.000 chenilles récoltées en divers endroits, 25 °/, 
étaient parasitées. Enfin, l'Apanteles lacteitolor 
s’est développé depuis 1912 d'une manière inalten- 
due sur une étendue considérable. 

Les parasites déjà acclimatés du Z. chrysorrhæa 
étendent leur action dans une direction N. et N-E., 
qui est précisément la direction primitive de l'in- 
vasion du Bombyx. 

Le Calosome s’est considérablement développé, 
au point d'attirer l’attention de personnes non pré- 
venues et de se répandre sur les trottoirs de la 
banlieue de Boston. 

« Comme conclusion, le résultat pratique le plus 
tangible de cette multiplication et de cette extension 
de tous les parasites acclimatés est que, sur un 
immense territoire dont le centre est un peu au 
nord de Boston, 50 °/, des œufs, chenilles ou chry- 
salides du Gipsy moth ont été détruits ». 

Des recherches sont continuées dans les labora- 
toires pour déterminer le meilleur mode de conta- 


mination de la flacherie. D'autre part, la maladie : 


due à l'Entomophtora aulicæ*, qui se propage de 
chenille à chenille pour le Z. chrysorrhæa, semble 
donner des résultats très satisfaisants. 


VI. — LA TEIGNE DE LA POMME DE TERRE. 


Le développement qu’a pris, ces dernières années, 
la teigne de la pomme de terre, Phthorimæz oper- 
culella (Zeller), sur le littoral du département du 
Var, producteur de primeurs, fit craindre un enva- 
hissement des régions françaises où diverses Sola- 
nées sont cultivées. F. Picard s’occupa spéciale- 
ment de la question et publia un important et fort 
intéressant mémoire sur les mœurs de la teigne et 
sur les mesures à prendre contre elle”. Le papillon, 
comme la plupart des Microlépidoptères, s'alimente 
avec des liquides (eau pure ou sucrée). Il est doué 
d'un géotropisme négatif, d'une photopathie et 
d’un phototropisme positifs. Cette dernière obser- 
vation a permis de constater qu'en présence des 
pièges lumineux, les deux sexes ne se comportent 
pas d’une façon identique, même à une très faible 
distance de la lampe; 30 °/, seulement des papillons 
capturés étaient des femelles (le nombre desinsectes 


4 A. VuiLcer : Entomophtora aulicæ contre L. chrysorrhæa. 
Bull. Soc. se. et méd. de l'Ouest, 4° trim., 1912. 

2F. Prcarn : La Teigne des pommes de terre. Ann. des 
Epiph., t. 1, p. 106-176, 1913. 


mis en expérience élant sensiblement le même pour 
les deux sexes); donc, si les prises aux lampes 
donnent toujours un pourcentage considérable de 
mâles chez la Cochylis et d’autres insectes, ce fait 
ne résulte pas uniquement d'une activité plus 
grande de l’un des sexes, mais d’une sensibilité à 
la lumière moindre chez la femelle. 

Lesaccouplements multiples sont assez fréquents 
chez les Phthorimæa et existent très probablement 
chez d’autres Tinéides (Cochylis). La chenille sort 
de l'œuf toujours par le côté libre, tandis que, par 
exemple, pour la Cochylis, l'éclosion peut se faire 
exceptionnellement par la face profonde, adhérente 
au substratum. Le nombre de chenilles dans un 
tubercule peut être très grand, mais une seule larve 
suffit pour gâter un tubercule. Celles qui vivent 
aux dépens des organes aériens entament aussi 
bien les nervures que les parties molles et sont 
ainsi d'une nocuité plus grande que les mineuses 
respectant les nervures (Lithocolletis platana). La 
nymphose se fait en général hors du tubercule 
dans toutes les anfractuosités possibles (loiles des 
sacs, murs des magasins, etc.). 

La durée de l'évolution est étroitement liée à la 
température (six générations dans le Midi et douze 
dans l'Inde). Picard constata d'autre part l'existence 
de la parthénogénèse chez le Phthorimæa, mode de 
reproduction non encore signalé dans le groupe des 
Microlépidoptères; il conclut toutefois que « l'acte 
de l’'accouplement a pour effet, chez le ?. operculella, 
non seulement de féconder les œufs, mais encore 
de faciliter la ponte et d'augmenter le nombre 
d'œufs émis par la femelle ». 

La teigne a pu être élevée sur différentes Solanées, 
ce qui intéresse grandement la pratique, soit direc- 
tement, soit indirectement. Au sujet du détermi- 
nisme de la ponte et de l'instinct alimentaire, 
Picard pense que, non seulement il n’y a pas 
d'harmonie entre les manifestations psychiques de 
l'adulte et celles de la larve, mais encore que leurs 
instincts se sont développés sous l'influence de 
facteurs indépendants et n'ayant ni les uns ni les 
autres rien à voir avec une utilité quelconque pour 
l'animal. D'autre part, à la différence de certains 
autres insectes (Bembex, Ammophiles, etc.), l’adap- 
tation de la larve de Phthorimæa est plus rigou- 
reuse que celle de l'insecte parfait. 

On ne peut utiliser les tubercules attaqués pour 
la nourriture des animaux, qui les refusent à 
cause de la présence d'organismes transformant la 
substance du tubercule, et le font pourrir, lui com- 
muniquant une odeur infecte. Ces commensaux de 
la teigne sont des champignons, des bactéries, des 
acariens (Æ#hizoglyphus echinopus), dont leshypopes 
sont fixées en des points déterminés du corps de la 
chenille et dont l’action nocive est souvent plus 


56 P. VAYSSIÈRE — REVUE DE PHYTOPATHOLOGIE 


grande que celle de la teigne, un staphylin (Afheta 
coriaria) qui se nourrit du précédent et est ainsi 
relativement un auxiliaire pour nous, divers dip- 
tères, etc. 

La teigne est un insecte presque cosmopolite et 
sa multiplication dans le Var, ces dernières années, 
aurait été favorisée par de mauvaises conditions 
culturales, particulières à la région envahie. Elle 
serait susceptible de vivre dans des contrées plus 
tempérées que le midi de la France (Bretagne), 
mais elle aurait toute chance de s’y montrer peu 
où pas nuisible. Néanmoins, il y a lieu de surveiller 
les expédilions de primeurs venant de la zone infes- 
tées. 

Un acarien très venimeux, Pediculoïdes ventri- 
cosus, est un auxiliaire très précieux dans la lutte 
contre la teigne; de nombreux champignons don- 
nérent dans les essais de contamination d'excellents 
résultats, de même que la pébrine et la maladie à 
polyèdre. Enfin Picard expose les divers moyens de 
lutte préconisés, mais à la base de ceux-ci doit être 
l'emmagasinement des tubercules sous une couche 
de sable opposant une barrière infranchissable à la 
femelle pondeuse. 


VII. — EMPLOI DES ARSENICAUX EN AGRICULTURE. 


D'une enquête entreprise par la Station entomo- 
logique de Paris auprès de ses correspondants fran- 
cais et étrangers, il résulte que « l'interdiction com- 
plète de l’arséniate de plomb priverait l'agriculture 
d'un insecticide efficace qui, dans bien des cas, ne 
pourrait pas, actuellement du moins, être remplacé 
par une substance équivalente et présentant les 
mêmes avantages économiques‘ ». On a pu dire à 
diverses reprises, par exemple, que « l’arséniate de 
plomb est un inefficace parasiticide contre le fléau 
le plus répandu, le plus redoutable de la vigne, la 
Cochylis et l'Eudémis” ». Or, il paraît bien dé- 
montré que celte inefficacité apparente provient 
uniquement de ce fait que l'application a été mal 
faite ou faite à un moment inopportun*. 

D'autre part, les exemples de l'efficacité des 
arséniates sont légion, non seulement en France 

Aude, Hérault, Pyrénées-Orientales), mais aussi à 
l'étranger. Pour Quaintance, « les arsenicaux sont 
réellement indispensables pour obtenir de bonnes 
récoltes, dans les conditions existant en Amé- 
rique... L'arséniate de plomb est jugé supérieur à 


1 P. Marcnaz : Opportunité de l'emploi des arsenicaux, 
et en particulier de l'arséniate de plomb, en Agriculture. 
Annales des Epiphyties (1913). 

2 Dr P, CazENEUVE : Le danger de l'intoxication arsenicale 
et saturnine en agriculture. {tev. de Vitie., n°1047 et 1048, 
anvier 1914. 

? A. TorreL : Les traitements arsenicaux en agriculture, 
Pev, de Vitie., n° 1051, février 1914. 


toutes les autres préparations d'arsenicaux, spécia- 
lement en ce qui concerne les arbres fruiliers 
(pommiers, pêchers, poiriers, vigne), et celle pré- 
paration a l'avantage de bien adhérer et de ne pas 
brüler le feuillage » *. 

Il est indiscutable que les arsenicaux sont des 
poisons; mais, lorsqu'ils sont appliqués avec les 
précautions indispensables (vêtements spéciaux, 
lavage des mains après les traitements, etc.), les 
ouvriers qui les utilisent ne courent aucun danger. 
Comme confirmalion, d'après une enquête offi- 
cielle, il n'existe pas un seul cas d'intoxication, 
même lent, dans les départements qui font la plus 
grande consommation d'arséniate de plomb. Bien 
plus, en Amérique, où les arsenicaux sont em- 
ployés dans tous les vergers et les vignobles, on 
ne cite aucun cas d’empoisonnement de personne, 
et «les recherches faites jusqu'ici permettent de 
conclure qu'il n'y a aucun danger à consommer 
les fruits qui ont été convenablement traités avec 
les arsenicaux *». Les expériences de Brioux et 
Griffon”, entre autres, confirment celte assertion 
de Quaintance à l’égard de l’arséniate de plomb : 
on avait traité avec succès de nombreux arbres 
fruitiers avec cet insecticide pour lutter contre le. 
Bombyx neustria, le Liparis chrysorrhæa, ete. En 
septembre, au moment de la cueillette, le plomb 


-n’était plus décelable, et les doses d’arsenic était 


très faibles (quelques 1 /100 de milligramme au plus 
par kilogramme de fruits). De plus, dans la consom- 
mation des fruits traités, il n'y eut aucun cas d'in 
toxication. 

D'autre part, Fabre‘, dans une série intéressante 
d'expériences sur la toxicité des arsenicaux, à 
voulu, en particulier, se rendre compte des dangers 
que pourraient présenter, au point de vue de la 
santé publique, les pulvérisations à l'arséniate de 
plomb sur les végétaux destinés à l'alimentation. 
En couvrant des asperges d’une pulvérisation arse- 
nicale de facon à les mouiller complètement, ce 
chimiste a trouvé, après une cuisson dans les con-. 
ditions ordinaires, À milligramme d’arsenie dans 
la partie comestible d'une botte de 35 asperges, 
pesant ensemble 700 grammes. 

Aussi, l'Académie de Médecine, après la lecture 
du Rapport fort documenté de M. Lucet, a voté, 
dans sa séance du 3 mars 1914, que les arsenicaux, 


RE 


1 QuavrancE : Emploi des arsenicaux en agriculture aux 
Etats-Unis (Extrait d'une lettre annexée au chapitre sur les 
arsenicaux). Annales des Epiphyties, 1913. 

2 QUAINTANCE : Loc. cit. 

3 Brroux et Grirron : Les traitements arsenicaux en ar- 
boriculture fruitière., Bull. des Seances Soc. nat. d'Agric., 
décembre 1910. 

4 FH, Fagre : Essais sur les toxicites de quelques composés 
arsenicaux utilisés en agriculture. Annales des Epiphyties 
(1913). 


P. VAYSSIÈRE — REVUE DE PHYTOPATHOLOGIE 57 


pourrraient être autorisés dans les emplois agri- 
coles. Elle laisse le soin au Ministère de l'Agricul- 
ture d'en réglementer la vente et l'emploi”. Il y a 
lieu d'espérer qu'il n’y aura plus d'obstacles doré- 
navant pour empêcher la Direction des Services 
scientifiques de ce Minislère d'en préconiser 
l'emploi, dans les cas où il parait indispensable, 


VIII. — LES GLANDINES. 


Peu de questions ont plus intéressé les horticul- 
teurs etles maraïîchers, ces derniers temps, que les 
essais d'acclimatation en France de la G/andina 
olivacea (GI. quitata). Ce mollusque se nourril 
exclusivement d'escargots et de limaces, et, par 
suite, son installation en Europe serait un grand 
bienfait pour nos cultures. Il est originaire de la 
région à Crotales du Mexique, c’est-à-dire d’une 
région à climat extrêmement chaud et sec, nette- 
ment différent de celui qui règne aux environs de 
Paris. Toutefois, la question de l’acclimatation en 
France n'est pas nouvelle, et a été plus ou moins 
éludiée par MM. Orozco, Gineste, Berthier, Bruyère, 
Renaudet, Lavergne”, etc.; pourtant, c’est en 1912 
qu'elle a paru nettement se poser. Le Professeur 
E.-L. Bouvier, ayant reçu un assez grand nombre 
de Glandines adressées de Puebla par A. Gineste 
et par l'abbé Hébert, les répartit en plusieurs lots 
qui furent distribués en différents points des en- 
virons de Paris et du midi de la France. 

Les différents observateurs (Bouvier *, P. Marchal, 
A. Vayssière, Ph. de Vilmorin*, etc.) ont nettement 
constaté que la Gl. quitala dédaigne totalement, 
même après un long jeûne, les produits végétaux 
et même la viande, les vers, les insectes qu'on a pu 
lui offrir. Ph. de Vilmorin, qui avait mis les glan- 
dines en liberté dans ses cultures de Verrières, a 
pu observer, en outre, l’accouplement et la ponte de 
ces mollusques. De plus, en octobre 1913, ïl 
constata qu'une vinglaine d'œufs avaientéclos dans 
son jardin; un seul jeune survécut quelques jours 
et s’est nourri. Donc les œufs pondus à l’automne 
ont pu passer l'hiver pour éclore au printemps 
sous le climat de Paris. Faute de matériaux d'étude, 
les essais n'ont pu être poursuivis depuis cette 
époque, mais il est très vraisemblable que l’accli- 
malation des Glandines, si elle ne peut être espérée 
dans le Nord ou le centre de la France, a toutes 


1 Cf. E. Roux : Note sur la nécessité de l'emploi des sub- 
stances vénéneuses, et notamment de l'arsémiate de plomb, 
en agriculture. Annales des Epiphyties (4913). 

? G. LaverRGNE : Les Glandines ennemies des limaces et 
des escargots. Rev. de Vilic., n° 993, décembre 1912. 

# E.-L. Bouvier : Bull. SFances Soc. nat. d'Agric. 

# Pa. »E ViLmonn : Observations sur les Glandines à Ver- 
rières-le-Buisson. C. R. Ac. Sc., p. 1189, 2 décembre 1912; 
Bull. Séances Soc. nat. d'Agric., 8 octobre 1943. 


chances de réussir dans la région méditerranéenne 
(Midi de la France et Afrique du Nord). 


IX. — LEs CamrAGNoLs. 


Les froids très rigoureux de l'hiver 1913-1944 ont 
dû détruire un assez grand nombre de Campagnols 
(Arvicola arvalis), et ce n’était que trop nécessaire. 
A la fin de 1913, d'après les divers rapports officiels, 
la situation était très alarmante pour un grand 
nombre de départements : on évalue à 24 le nombre 
de ceux qui ont été très éprouvés par les dépréda- 
tions de ces rongeurs, et la surface de territoire 
envahi est estimée à 500.000 hectares. Pour ces 
raisons, la Chambre des Députés, en décembre 1913, 
avoté un crédit de 750.000 francs destiné à donner 
des subventions aux communes, syndicats et asso- 
ciations agricoles qui combattraient les campa- 
gnols. Il faudrait toutefois, pour lutter efficacement, 
mettre la question sérieusement à l'étude et faire 
procéder, ainsi que l’a demandé la Commission du 
Budget, par la voix de son Rapporteur, à une étude 
d'ensemble sur les procédés de destruction ainsi 
que sur la marche de l'invasion depuis ses pre- 
mières manifestations, marche tantôt ralentie par 
les épidémies naturelles, ou les conditions atmo- 
sphériques, tantôt précipitée sans cause apparente. 
M.Grosjean et le Comité des Epiphyties,d’autre part, 
ont insisté surla grande importance qu'il y aurait, 
pour organiser la lutte d’une facon plus rationnelle, 
à dresser tous les ans une carte des foyers d'inva- 
sion et à rassembler ainsi des données précises sur 
les modifications que peuvent présenter la réparti- 
tion et le développement de ces foyers. 

Aucune culture n’est à l'abri de ces rongeurs : 
sur les 500.000 hectares évalués en 1913, 200.000 
étaient destinés à être ensemencés en blé et 100.000 
étaient en prairies artificielles. Les invasions se 
produisent en général d’une facon progressive au- 
tour d’un foyer initial, faisant « tache d'huile », 
jusqu'au jour où les campagnols émigrent en 
masse vers des points plus éloignés. Néanmoins, 
il résulle des indications qui ont été recueillies ces 
dernières années par la Stalion entomologique que 
certaines régions sont beaucoup plus sujettes que 
d’autres à être ravagées par lès Campagnols; les 
départements qui paraissent avoir élé les plus 
atteints sont le Nord, l'Aisne, la Meuse, la Meurthe- 
et-Moselle, le Haut-Rhin, la Haute-Marne, la Marne, 
l'Oise, la Charente, les Deux-Sèvres, la Vendée. 

La valeur des procédés de destruction est encore 
à l'étude; c'est pourquoi, dans la loi de décembre 
19143, le Gouvernement laisse la liberté complète 
dans le choix du procédé à employer. Les princi- 
paux traitements utilisés jusqu'à maintenant sont 
les virus microbiens et les grains empoisonnés par 


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Q 


la strychnine ou la noix vomique. Ce dernier pro- 
duit a été appliqué en grand et avec succès dans 
les Charentes; en Vendée, on a constaté par contre 
le peu d'action des appâts empoisonnés avec cette 
substance, lorsque les Campagnols ont en abon- 
dance à leur disposition des aliments plus attrac- 
tifs, tels que les pousses tendres de la luzerne et 
du blé. 

Les résultats avec les divers virus (virus Danysz, 
virus de Lüffler, v. le Ratin, ete.) ne sont pas aussi 
nets et aussi concluants qu’on pouvait le désirer. 
En particulier, pour le virus Danysz, les conclu- 
sions des Rapports des directeurs des Services 
agricoles des départements atteints attestent tous, 
ainsi que l’a constaté M. L. Perrier’, les résultats 
contradictoires auxquels on est parvenu, et en 
tout cas ne permettent point de conclure à l’effica- 
cité incontestable du virus. D'une fort intéressante 
étude sur les divers virus préconisés dans la lutte 
contre les Campagnols, L. Perrier conclut qu'il 
faut croire à leur valeur d’une facon générale, mal- 
gré les résultats très inconstants, dus vraisembla- 
blement à ce qu'ils ne sont pas toujours mis 
entre des mains expertes : ils (v. Danyszet de Lüf- 
fler) auraient donné de très bons résultats toutes 
les fois que leur application a été minutieusement 
faite. Ils n’agissent bien que si on les emploie sur 
des régions fortement infestées et ne présentent 
pas de supériorité sensible sur les poisons quand 
les rongeurs sont peu nombreux et leurs trous éloi- 
gnés les uns des autres. « En somme, ici comme 
ailleurs, le procédé vaut surtout par la facon d'opé- 
rer ». 


X. — LES MALADIES CRYPTOGAMIQUES DES CÉRÉALES”. 


1. La Rouille. — D'après de nombreuses obser- 
vations de ces dernières années (D' Barclay), il 
semble bien que le Puccinia graminis peut se 
maintenir sur le blé dans une région en l’absence 
des écidies et par suite de l'épine-vinette. Toutefois, 
on ne doit pas négliger la destruction de cette 
plante. D'une enquête faite par H. T. Gussow”, il 
résulte que, dans les régions du Danemark où 
la destruction de l'épine-vinette a été systématique, 
la rouille des blés a très sensiblement disparu 
quelques années après. Il est d’ailleurs très pro- 
bable que, si l’épine-vinette n’est pas un hôte in- 
dispensable au maintien du ?. graminis, sa pré- 
sence permet sans doute la production d'attaques 


1 L. Perrier : L'emploi des virus dans la lutte contre les 
Campagnols. Vie agrie. et rur., n° 14, mars 1914. 

2 Er. Foex : Rapport phytopathologique pour l’année 1913. 
Anv. du S. des Epiph., 1914. 

3 H. T. Gussow : L'épine-vinette (Berberis vulgaris) et 
ses rapports avec la rouille. Bull. Mens. de l'Inst. Intern. 
d'Agric. Rome, juin 1943, 


P. VAYSSIÈRE — REVUE DE PHYTOPATHOLOGIE 


particulièrement précoces et violentes de rouille. 

Comes Orazio' montre, dans un important mé- 
moire, la corrélation étroite qui existe entre l’aci- 
dité des sucs des blés et la résistance aux Rouilles. 
Il en conclut que, pour augmenter la résistance chez 
les plantes améliorées et conséquemment plus ré- 
ceptives aux parasites, l’agriculteur doit s'en tenir 
au moyen biologique, c'est-à-dire à la sélection et 
à l'hybridation dans une région donnée. En outre, 
la faumureazotée, rendant plus sucrés les sucs végé- 
taux et moins résistantes aux parasitesles céréales, 
doit être exelue et remplacée par l'emploi des phos- 
phates et superphosphates. 

Enfin, de fort intéressantes recherches sont 
poursuivies actuellement par Beauverie? d'une part 
et Eriksson‘ de l’autre. Le premier de ces expé- 
rimentateurs a montré, vérifiant ainsi de nom- 
breuses observations antérieures, que les spores 
de rouille sont fréquentes sur le péricarpe (dans le 
cas des grains nus), aussi bien que sur les glumel- 
les (lorsqu'il s’agit de grains vêtus). Il en conclut 
que ces formations doivent posséder une impor- 
tance primordiale au point de vue de la propaga- 
tion des Rouilles d’une année à l’autre. Toutefois 
ses essais de germinations (tardifs, il est vrai) 
n'ont pu encore vérifier cette assertion. D'autre 
part, Eriksson expose les raisons qui l'amènent à 
penser que « des groupes de spores et de mycelium, 
se trouvant à la surface des grains ou à leur inté- 
rieur, n'ont aucune portée essentielle dans l’écono- 
mie du champignon ». En somme « la question, si 
importante au point de vue pratique, de l'efficacité 
des germes de rouille contenus dans les semences 
des Graminées pour l'hibernation de la maladie, 
n'est point tranchée ». 


2, Le Piétin. — Aucune maladie n’a plus préoc- 
cupé les cryplogamistes français en ces dernières 
années que le, ou plutôt les piétins, dont le déve- 
loppement, grâce aux hivers doux de 1911-1912 
et 1912-1913, s'est considérablement accru dans 
les pays à céréales. On ne peut encore malheu- 
reusement définir avec netteté ces diverses affec- 
tions : en général, l'attaque par le Leptosphæ- 
ria herpotrichoides est suivie de la verse, tandis 
que l'atteinte par l'Ophiobolus graminis entraîne 
seulement un aspect d'échaudage. Prunet‘ attri- 
bue à l’'Ophiobolus herpotrichus la plupart des 
cas de piétin qui se manifestent dans le Sud- 
Ouest. 


1 Comes Orazio : Della resistenza dei frumenti alle rug- 
gini. Atti del R. Inst. Incoragg. Napoli, S. VI, vol. IX, 1913. 

2 J, BEAUVERIE : C. R. Ac. Se., 5 mai 1913, 3 nov. 1943 et 
27 avril 1914. 

8 J, Ertksson : C. R. Ac. Sc., 21 avril 1914. 

3 Proxer : Sur les champignons qui causent en France le 
piétin des céréales. C. R. Ac. Sc., t. CLVIT, décembre 1915. 


P. VAYSSIÈRE — REVUE DE PHYTOPATHOLOGIE 


59 


De nombreuses observations ont élé faites, 
en outre, sur la biologie et le développement 
des piétins, mais on est loin d’avoir un accord 
complet sur ces questions. Les engrais semblent 
avoir une action sur le développement de la 
maladie les fumures au fumier de ferme 
favoriseraient le piétin, tandis qu'un apport très 
précoce au printemps de superphosphates, ni- 
trates, sels de potasse parait avoir préservé cer- 
tains champs de l'attaque (Guerrapain”® et Demo- 
lon). Pour Hitier, la maladie se développerait 
bien en sols relativement pauvres”. Les assolements 
paraissent agir de différentes façons (modifications 
physiques et chimiques du sol) sur le piétin ; de 
même, l'époque des semis a une très grande action 
sur le développement: les blés semés en octobre 
sont beaucoup plus exposés à la maladie que ceux 
emblavés plus tard. Pour Fron et Foëx, un blé 
semé dru serait plus exposé qu'un autre plus clair. 
Schribaux ,‘ d'après ses dernières observations sur 
la maladie, estime que le remède doit être cherché 
moins dans le choix des varïélés que dans les me- 
sures visant la production de plantes robustes et 
la diminution des chances de contamination. Il a 
constaté, en outre, que toutes les circonstances qui 
aboutissent à l'obtention d'un blé peu développé et 
fortement éclairé, couvrant à peine le sol au début 
du printemps, sont nuisibles à l’évolution du piétin. 
Il conseille enfin l'emploi de l'acide sulfurique à 
10 ‘f,, à raison de 4000 litres au moins par hec- 
tare, ce qui détruit une partie des feuilles du blé, 
que l’on remplacera à l’aide d'un épandage de ni- 
trate, en particulier. 


XI. — L’OoïDIUM BRUN DU GROSEILLIER. 


En juillet 1913, G. Arnaud consacrait un article 
de la A#evue de Phytopatholoqgie appliquée à l'Oïdium 
brun du groseillier, le Sphærotheca mors-uvae, 
pour mettre en garde les horticulteurs contre cette 
maladie, non encore signalée en France, qu’il ne 
faut pas confondre avec l'Oïdium européen, causé 
par le Microsph:æra grossularia. Peu de temps 
après, cet inspecteur du Service phytopathologique 
découvrait l'oïdium américain dans des pépinières 
de la région d'Orléans. Sur l'avis du Comité con- 
sultatif des Epiphyties, le Préfet du Loiret prit un 
arrêté le 43 décembre 1913, prescrivant la destruc- 
tion du Sphærotheca dans son département. Enfin, 
tout récemment, la présence du même cryptogame 


1 GuerrapaA et DemoLon: Enquête sur la maladie du 
piétin. J. d'Ag. prat., 1913. 

2 Hrrier : Sur le piétin du blé. Bull. Séan. Soc. nat. 
Agric., juillet 1943. 

3 Scarisaux : Sur le piétin des céréales. Bull. Séan. Soc. 
Nat. d'Agr., avril 1914. 


a élé constatée dans le Calvados (Honfleur), d'où 
de nombreux plants de groseillier sont expédiés en 
Angleterre. 

Bien que la culture du groseillier à maquereaux 
(Ribes uva-crispa où 1. grossularia) soit beaucoup 
moins importante en France que dans les pays du 
Nord (où des mesures sévères ont été prises à l’en- 
contre de ce parasite), il est nécessaire que les Ser- 
vices compétents, secondés par les horticulteurs 
intéressés, fassent en sorte pour limiter l’extension 
du fléau. Il est d’ailleurs à remarquer que le 
Sphærotheca n’attaque pas seulement le groseil- 
lier épineux, mais la plupart des espèces du genre 
Ribes, entre autres le groseillier noir ou cassissier 
(A. nigrum) et le groseillier rouge ou à grappes 
(Æ. rubrum), qui sont beaucoup plus répandus en 
France que le premier. 

Les traitements employés actuellement en Russie, 
où la maladie est signalée depuis 1901, ont donné, 
sous la direction de À. de Jaczewski', des résultats 
assez probants pour éviter à la France des tâtonne- 
ments et de longues recherches. La lutle est des 
plus difficiles, le parasile étant très vivace; aussi 
est-il nécessaire de bien suivre toutes les instruc- 
tions du distingué pathologiste russe, dont le prin- 
cipe est la désinfeclion du sol auprès des groseil- 
liers et des pulvérisalions anticryptogamiques sur 
les plantes à des époques convenablement choisies. 
Les produits fongicides les plus recommandés 
dans le cas présent sont l’azurine en cristaux de 
Gmür (mélange d'ammoniac et de sulfate de cuivre) 
à 0,3 °/,, les polysulfures alcalins à 0,3 °/,. D'autre 
part Doroguine, assistant à l’Institut de Pathologie 
végétale de Saint-Pétersbourg, aurait constaté que 
la soude ordinaire du commerce constitue un pro- 
duit excellent contre le Sphærotheca; la destruc- 
tion serait dans ce cas beaucoup plus économique 
qu'elle ne l’est maintenant. 


XII. — LE MILDIOU DE LA VIGNE. 


Le grand développement qu'a pris ces dernières 
années, en 1913 en particulier, cette maladie a 
stimulé de nombreuses recherches qui ne sont pas 
sans être d’un grand intérêt pour la pratique. 

La germination des œufs du Plasmopora viticola 
avait été rarement obtenue; seuls Prillieux et 
Viala la décrivent. Ravaz el Verge* d’une part, 
Gregory* d’une autre, sont arrivés à établir les con- 
ditions dans lesquelles se produit ce phénomène 


1 DE Jaczewski: Quelques mots sur le traitement du 
Sphærotheca mors-uvae. Rev. de Phyto. appl.; aoùt-sep- 
tembre 1913. 

? Ravaz et VERGE : La germination des spores d'hiver de 
PI. viticola. C. R. Ac. Sc., n° 10, mars 1913. 

3 GReGory: Spore germination and infection with PI. viti- 


cola. Phylopatology, t. II, n° 6, décembre 1912. 


60 


P. VAYSSIÈRE — REVUE DE PHYTOPATHOLOGIE 


physiologique, et en ont fourni des descriptions 
parfaitement concordantes : les oospores donnent 
naissance à un zoosporange unique porté par un 
pédicelle assez court. 

D'autre part Ravaz et Verge, de même qu'ist- 
vanff et Palinkas', indiquent que les conidies ger- 
ment dans l’eau et dans l’eau seulement, c'est-à- 
dire ne peuvent germer dans un brouillard, la 
température optimum étant de 20 à 22°. Il semble 
bien besoin, en outre, pour le développement 
d'une invasion de mildiou, d'une journée ou d’une 
nuit entière de grande humidilé, sans que l’eau 
soit en excès, ce qui serait nuisible au champignon. 

Si Ravaz et Verge® confirment les résultats de 
Muller-Thurgau*, d'après lesquels l'infestation des 
feuilles se fait par pénétration des zoospores à 
travers les stomates de la face inférieure, Istvanffi et 
Palinkas ont montré que l'infestation peut se pro- 
duire aussi dans certains cas par la face supé- 
rieure; mais, contrairement à ce que pense Faes, 
il semble bien que dans les traitements on ne doit 
pas chercher à alteindre exclusivement la face 
inférieure. D'autre part, Istvanffi et Ravaz‘ ont 
chacun constaté l'immunité du grain lui-même 
vis-à-vis du mildiou : les bouillies légèrement 
mouillantes suffiront donc dans les traitements qui, 
tout en visant les feuilles, atteindront aussi les 
pédicelles et pédoncules, seules parties vulnérables 
d'une grappe. - 

Les Stations d'avertissement, dont l'idée est 
due à Cazeaux-Cazalet et à Capus, ont pris un grand 
prestige vis-à-vis des viliculteurs du Sud-Ouest ; 
elles prévoient l’arrivée des pluies et avertissent 
de leur approche les viticulteurs assez tôt pour 
qu'ils puissent traiter”. Ravaz et Istvanffi, d'un 
autre côté, préconisent des méthodes de prévision, 
supprimant ces Slations, comme en particulier 
l'emploi d'un cep témoin (très sensible à la ma- 
ladie) et la recherche de l'apparition des premières 
« taches d'huile ». 


XIII. — LE COURT-NOUÉ. 


L'origine de cette maladie, qui, dans certaine 


———_—_—_—_—_———_————_——_—_—— 


1 De Isrvanreri et Pazinas : Etude sur le Mildiou de la 
vigne. Ann. Inst. centr. ampélograph. R. Hongrois ; 1913. 

2 Ravaz et Vence : Les conditions de développement du 
Mildiou de la vigne; 1912. 

3 Murcer-TnurGau : Infektion der Weinrebe durch PJ. 
viticola. Centralbl. f. Bakter., t. I, 4911. 

# L, Ravaz : Recherches sur le Mildiou de la vigne. Ann. 
du Serv. des Epiph.: 1913. 

5 J. Carus : Les invasions de Mildiou dans la Gironde et 
dans l'Aude en 1912. An». du S. des Epiph.; 1913. 


région méridionale, fait assez de tort à la vigne, 
reste loujours bien mystérieuse. Dans le courant 
de 1913, L. Petri‘ a publié deux importants mé- 
moires sur la question, qu'il résout à son avis en 
grande partie. Une particularité histologique per- 
mettrait de définir cette affection: c’est la présence 
de cordons endocellulaires dans les tissus de vignes 
atteintes de court-noué. De nature hémicellulosique, 
les cordons s’élendent dans une ou plusieurs cel- 
lules; ils prennent naissance alors que le froid a 
frappé le cambium ou des tissus en voie de diffé- 
renciation. Il faut ajouter que la formation des 
cordons endocellulaires précède toujours d’une 
ou plusieurs années la manifestation caractéris- 
tique du court-noué. 

Par contre, les observations de Mameli Eva”, qui 
ont fait l’objet de deux notes et d’un travail d'en- 
semble, viennent en contradiction avec celles de 
Petri. La présence des cordons endocellulaires, 
même dans le bois de deux ans, serait un fait fré- 
quent non seulement chez les vignes atteintes de 
roncet, mais aussi chez les vignes saines (86 °/,), 
c'est-à-dire cultivées dans des endroits jusqu’à 
présent non contaminés par le court-noué et ne pré- 
senlant dans aucun organe de symptômes ex- 
térieurs ni de celte maladie, ni d'aucun dépéris- 
sement. D'ailleurs, ces cordons peuvent manquer 
ou être rares aussi bien chez les vignes saines que 
chez les vignes atteintes de roncet. Leur formation 
ne peut être due d'autre part à des abaissementsde 
température ; ils ne sont pas spéciaux à la vigne ; 
leur origine serait très probablement uniquement 
d'ordre mécanique. 

Enfin Paravino* d'une part, Montemartini" d'autre 
part, pensent que le court-noué serait dû à des 
causes parasitaires : ces auteurs ont isolé de vignes 
malades chacun un bacille, dont l'un, le Zacillus 
baccarinni, est la cause du « mal nero ». 


P. Vayssière, 
Chargé de Mission à la Station entomologique de Paris, 
Inspecteur du Service Phytopathologique. 


1 L. Petri : Ricerche sulla cause dei deperimenti delle 
Viti in Sicilia; 210 p., Rome, 1912, et Rendiconti delle sedute 
della R. Ac. Line., 5° série, vol. XXII et XXIII, Rome,1913 
et 1914, 

2 Maweur Eva : Rendic. delle sed. del. R. Ac. Lincei; 
3e série, Rome, 1913. et Atti dell 'Instit. botanico d. Univers. 
d. Pavia, 2e série, vol. XVI, Milan, 1913 et 1914. 

3 Paravino : Ricerche sul Roncet. Riv. Patol. 
t. IV, n° 6, août-septembre 1913. 

4 MonrewaRrINI : Un nuovo Schuzomicete della Viti. Riv. 
| Patol. Veget., t. IV, n° 6, août 1913. 


Veget., 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


61 


BIBLIOGRAPHIE 


ANALYSES 


1° Sciences mathématiques 


Bachelier (L.), Dr ès sciences. — Le jeu, la chance 
et le hasard. — 1 vol. iu-12, de 320 pages, de la Bi- 
bliothèque de Philosophie scientilique. (Prix 
à fr. 50). Æ. Flammarion, éditeur, Paris, 1914. 

Il est indéniable que le Calcul des probabilités ne 
réunit qu'un petit nombre d'adeptes. Selon l’auteur, 
«l'idée de probabilité semble en contradiction complète 
avec l’idée essentielle de la science exacte. La science 
exacte recherche l'absolu, son principe parait être 
l’antithèse de l'idée de probabilité. L'expression même 
de Calcul des probabilités semble impliquer une con- 
tradiction entre les termes, comme aussi l'expression 
analogue de : lois du hasard. Il à fallu un bel effort 
pour oser appliquer le Calcul, qui est la précision mê- 
me, à une question qui, par sa nature, lui semble tout 
à fait rebelle. » 

S'il n'y a pas lieu de s'étonner, d'après cela, de voir 
cette branche des Mathématiques cultivée seulement 
par quelques esprits supérieurs, tels que Huyghens, 
D. Bernoulli, Laplace, Carnot, Bertrand, Poincaré.….., 
il ne convient pas moins de louer et de faciliter la 
tâche des savants comme MM. Borel, Bachelier, qui 
s'efforcent aujourd’hui d'orienter les jeunes mathéma- 
ticiens dans une voie qui s'élargira indéfiniment et 
donnera des résultats féconds avec la mutualité qui 
est plus que jamais à la base de nos conventions 
sociales. 

« Le Calcul des probabilités n’est pas à proprement 
parler une application des Mathématiques pures, c'est 
une science autonome ayant un genre d'esthétique 
tout spécial. Pour en comprendre la beauté, il faut 
bannir les images vulgaires que la considération d'un 
jeu peut faire naître. » En 24 chapitres, présentés avec 
art, M. Bachelier s'efforce de convertir et convaincre 
son lecteur. 

D'abord, le hasard. Peut-on le définir? Peut-on par- 
ler de ses lois? Tel est le but du premier chapitre, où 
l'auteur conclut qu’ « on ne peut définir correctement 
le hasard, pour cette raison qu'én réalité le hasard 
n'existe pas »..…. « Le nombre des faits que nous attri- 
buons au hasard, cause fictive créée par notre igno- 
rance, doit varier comme celte ignorance, suivant les 
temps et suivant les individus. Ce qui est hasard pour 
l'ignorant n'est pas nécessairement hasard pour le 
savant. Ce qui est hasard aujourd'hui ne le sera peut- 
être plus demain. » 

La probabilité, au chapitre suivant, se définit exac- 
tement comme le rapport du nombre des cas favora- 
bles à l’arrivée d’un événement au nombre total des 
cas possibles. Ceci exige toutefois, pour les applica- 
tions, des commentaires que l'auteur expose très clai- 
rement. L’espérance mathématique, l'espérance mo- 
rale, la chance sont ensuite envisagées au point de vue 
visé dans l'ouvrage. L’espérance mathématique est la 
valeur d'une somme dont le gain n’est qu'éventuel, 
telle la valeur d’un billet de loterie. L'espérance mo- 
rale tient compte de la fortune de celui qui possède 
une espérance mathématique. Cette conception est 
due à Daniel Bernouilli : « Un individu a de la chance 
quand les hasards qui influent sur le cours de sa vie 
lui sont plus favorables qu'ils ne le sont d'ordinaire; il 
a de la chance dans la vie comme il en avait à un jeu. 
Si la chance est appréciée par l'intéressé, elle devient 
le bonheur ».Après ces définitions, qu'il fautrelire, les 
valeurs moyennes donnent une idée générale d’un en- 
semble de valeurs soumises aux aléas de l'existence, 


ET INDEX 


du hasard, de la chance, À remarquer les notions de 
Ja vie probable et de la vie moyenne qui servent de 
base à la théorie des assurances. Les martingales et 
les loteries mettent en relief les conditions avantageu- 
ses ou désavantageuses du jeu. Les réflexions de 
l'auteur sont pleines de bon sens La martingale 
est la cause unique des grosses fortunes; on ne leur 
connut jamais d'autre origine ; que la martingale 
preune la forme industrielle, commerciale ou finan- 
cière, c'est toujours, en réalité, d'un jeu qu'il s'agit. 

« Pour devenir très riche, il faut être favorisé par 
des concours de circonstances extraordinaires et par 
des hasards constamment heureux. 

« Jamais un homme n'est devenu très riche par sa 
valeur. » 

Avec les lois des grands nombres, le joueur peut 
supputer ses chances de gain ou de perte, connaissant 
les avantages et les désavantages du jeu. « A la longue 
on ne peut gagner à un jeu que s'il est avantageux ; 
s'il est désavantageux, on perd nécessairement. » 

Sous le titre : la ruine des joueurs et lesillusions des 


joueurs, l’auteur refait l'analyse du jeu en signalant 


tout particulièrement les écueils et les erreurs commu- 
nes à tous ceux qui s'abusent sur les moyens de faire 
fortune par ce procédé. « Quand un joueur est per- 
suadé d’avoir trouvé une combinaison assurant un 
bénéfice certain, ce n’est que par acquit de conscience 
que l'on doit essayer de le désabuser. Les raisonne- 
ments les plus probants n'ébranlent pas sa conviction 
et toutes les formules de l'algèbre ne peuvent altérer 
sa foi. » 

Après l'exposé des connaissances usuelles ou acqui- 
ses sur le Calcul des probabilités, M. Bachelier soumet 
une nouvelle théorie au lecteur. Quelques phrases 
typiques inviteront plus particulièrement celui-ci à en 
poursuivre l'étude : « La probabilité, qui est une abs- 
traction, raÿonne comme un pelit soleil. La probabilité, 
qui est une abstraction, se désagrège comme le mor- 
ceau de sucre que nous mettons dans un gros... La 
probabilité n’est nas seulement le rapport de deux 
nombres dont le premier est toujours plus petit que le 
second; c'est une sorte de matière, d'énergie, de 
chose qui se transforme et qui est, pour ainsi dire, 
animée et mouvante. Les analogies, les images, même 
vagues et indécises, présentent un intérêt très réel 
qu'elles ne tirent pas seulement de leur originalité ni 
de leur imprévu. Parlant à l'imagination, elles per- 
mettent souvent de mieux pénétrer un sujet trop abs- 
trait; parfois même, elles permettent d'entrevoir de 
nouvelles vérités. » 

La théorie des probabilités continues, qui constilue 
un apport propre à M. Bachelier, est exposée au «Trai- 
té sur le Calcul des Probabilités » (Gauthier-Villars, 
4912). I n'y à pas lieu d'en donner ici-même un 
aperçu d’après l’auteur lui-même, qui se borne aux 
applications. Effectivement « le Calcul des probabilités, 
qui n’est pas ce qu'il y a de plus difficile dams la 
science, est peut-être ce qui est compris par le moins 
de gens, el comme il ne présente rien qui soit visible 
ni tangible, comme il conserve pour beaucoup quelque 
chose de mystérieux, ses conclusions ne sont souvent 
accueillies qu'avec un profond scepticisme. L'expé- 
rience est le dernier moyen qui reste pour confondre 
les incrédules. » 

Aussi les vérifications illustrent-elles parfaitement 
les chapitres : le hasard et l'expérience, la spéculation, 
la probabilité des événements futurs,.… le tir à la cible. 
Après avoir fait ressortir la véritable simplicité de la 
loi des grands nombres, cette conclusion clôt l'ouvrage : 


ü2 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


« Ge ealeul, qui procède à la lois de la philosophie 
ot de la science, qui est en même temps très profond 
et très simple, qui exige beaucoup de réflexion et très 
eu de formules, devrait être étudié par tous les phi- 
osophes comme pur Lous les savants; les uns et les 
autres y trouveraient sans doute un très grand intérôt 
el un très grand charme, suivant le mot de Laplace : 
« I n'est pas de science plus digne de nos médita- 
Lions, » 

Telles sont les diverses matières de ce volume, qui 
résume otcondense un labeur considérable etest appelé 
sans doute à figurer parmi les plus distinguées des 
œuvres 81 variées et si bien inspirées de la collection 
du D'6G, Le Bon, A. Lunuur, 


Corrospondant de l'Institut, 
Dirocteur de l'Observatoire de Bosancon, 


Prignart (A), /nspectour à la CO PL... Table 
auxiliniro d'intérôts oomposés, /’rofuce de M, A. 
Bainion,, 1 broch, in-8° de 24 pages. (Prix : 2 fr,) 
Gauthier Villars, éditeur, Paris, A4. 


Les tables actuelles d'intérêts composés sont généra- 
lemont établies pour des taux variant de 0,107, (35 3,1; 
3,2 0/,..), Pour les taux intermédiaires, on l'ail usage 
de diverses méthodes d'interpolation; mais fort sou- 
vent dans la pratique les résultats obtenus ne sont pas 
suffisammentapprochés, I faut alors recourir au caleul 
direct, soit À la main, soit à l'aide de machines à 
calculer, 

M. Trignart a rechorehé un procédé qui permette de 
restreindre encore leehampd'interpolalion, de manière 
à reculer le plus possible le moment où l'on devra 
employer le caleul direct, I y est arrivé en partant 
d'un taux 7 très pelit et en caleulant les puissances 
successives du binôme (1-1) pour un nombre très 
grand de périodes, La valeur de : choisie est de 0,0001,. 
La double inégalité (1,000 CN (1,0001 tt, où N peut 
ôlre un nombre quelconque, permet, grâce à la lente 
croissance de l'exponentielle (1,0001)', de calculer les 
puissances et les racines avec une approximation plus 
grande qu'avec les logarithmes, et une plus grande 
facilité, 

Cette table à sa place toute marquée parmi les livres 
des actuaires, mais les ingénieurs trouveront égale- 
mont des avantages sérieux à son emploi, qui ne 
nécessite qu'un apprentissage très court 


2° Sciences physiques 


Kane (Albert), Docteur ès sciences, Chel des travaux à 
l'École des Hautes-Etudes à la Sorbonne, — Oontri- 
bution à l'étude des notions physiologiques de ln 
lumière. Aotion des rayons ultra-violels sur les 
hydratos do onrbone. Un vol, in-8° de 196 pages. 
(Prix : 10 franes), A, Leclerc, éditeur, 49, rue Mon- 
siour-le Prince, Paris, 1914. 


On sait que la lumière produit sur les organismes 
vivants une sûrie d'actions physiologiques, héliotro- 
pisme posiil ou négatif, excitation, abiotisme, ete, Le 
mécanisme intime de cos actions à ôt6 attribué par 
Lœb à une activation photochimique, du côté éclaire, 
de réactions d'oxydation, de réduction ou autres qui 
ant lou normalement dans la plante, ou encore à des 
réactions photochimiques spéciales, 

Losprocessus qui se produisent sont très complexes, 
Lo but du travail de M, Rance a 616 de tenter un essai 
d'analyse de cet ensemble de réactions en limitant à 
la fois La qualité et la quantité de lumière et le nombre 
des corps sur lesquels on la fait agir, Son étude porte 
sur quelques hydrates de carbone, substances très 
répandues dans les organismes, Les recherches ont 
été faites avec les rayons émis par la lampe en quartz 
à vapour de mercure, qui forment un ensemble con- 
Stant qu'on peut utiliser on Lotalité ou en partie, Voici 
les principaux résultats obtenus. 

L'action des rayons ultra-violets de la lampe en 
quarts sur la glycérine donne lou uniquement à des 


phénomènes d'oxydation, Suivant l'intensité du rayon- 
nement, celle oxydation peut être ménagée, avec for- 
mation de glycérose contenant de l'aldéhyde glycé- 
rique et de corps à fonctions acides où à fonctions 
aldéhydiques, où totale, avec formation d'aldéhyde 
lormique où d'acide carbonique, 

L'action des rayons ultra-violets sur le lévulose pur 
en solution aqueuse provoque une dégradation pro- 
fonde allant jusqu'à la formation d'aldéhyde formique 
et d'oxyde de carbone ; où trouve également de l'alcool 
méthylique parmi les produits de décomposition. La 
décomposition s'accompagne de phénomènes d oxy- 
dation aboutissant à la formation d'acidecarbonique et 
d'une série d'acides organiques. 

Entin l'action des rayons ultra-violets sur le saccha- 
rose en solution aqueuse se manifeste par une série de 
réactions d'hydrolyse, avec formalion de monoses, 
uis d'oxydation et de décomposition allant jusqu'à la 
Des tt d'un ensemble de corps parmi lesquels on 
trouve : l'aldéhyde formique, l'oxyde de carbone, des 
acides et des produits à fonction aldéhydique. 

M. Ranc lermine son ouvrage en montrant les rap- 
sorts des résultats précédents avec diverses questions 
iologiques importantes, 


3° Sciences naturelles 


Révil (Joseph), Doctour de l'Université de Grenoble, 
Président de l'Académie des Seiences, Belles-Lettres 
ot Arts de Savoie, — Géologie des chaines juras- 
sionnes et subalpines de la Savoie, {. 71. — 1 vol. 
in-8°, 30% pages, 3 planches phot., 6 planches de 
coupes géologiques, ? planches cartes, 4 planches 
fossiles, index géographique (Meém. de l'Acad. de 
Savoie, 8° série, t. 11. Reproduit dans les Travaux 
du Lab. de Géol. de la Faculté des Sciences de 
l'OUniv. de Grenoble, t. X). Imprimerie générale 
savoisienne, Chambéry, 4913. 

Les lecteurs de la Æevue générale des Sciences ont 
déjà appris à connaître l'auteur de cel ouvrage, puisque 
c'est précisément M, Révil qui expose ici chaque année 
les découvertes les plus importantes dans le domaine 
des sciences géologiques. Aussi salueront-ils tous avec 
joie l'achèvement du gros travail entrepris par notre 
éminent confrère : ee tome I, consacré à la Tectonique, 
fait suile au tome 1, où avaient été étudiées l'orogra- 
phie et la stratigraphie, et termine ainsi la description 
géologique des montagnes savoisiennes', Toute une 
vie luborieuse d'observations, de courses souvent 
pénibles, de longues réflexions, une belle vie de 
géologue consciencieux et toujours aelif, tient dans 
colle œuvre, 

Bien souvent les descriplions régionales ne sont 
pour leurs auteurs que des prétextes à développements 
généraux, des occasions d'examiner sous une certaine 
face des problèmes importants, devantl'intérèt desquels 
celui de la région disparaît, Ge n'est pas le cas ici: 
pour qui sait lire entre les lignes, etvoir combien de 
souvenirs se cachent derrière la précision et la séche- 
resse apparente du langage scientifique, il apparaît 
bien clairement que M, Révil aime ses montagnes sur- 
tout pour elles-mêmes : ilen suit avee la plusattentive 
minutie tous les synelinaux et antielinaux; pour lui, 
chacun d'eux à son individualité et son intérêt intrin- 
sèque, chaque dislocation des couches explique un 
paysage familier, chaque assise calcaire où marneuse 
donne sa physionomie spéciale à un de ces calmes 
prolils des monts savoisiens, Aussi, chose rare, sent-on 
qu'en écrivant cet ouvrage, l'auteur n'a point cherché 
d'autre récompense et d'autre plaisir que le plaisir 
même de l'écrire, 

En raison de la multiplicité des descriptions locales, 
les volumesde M. Révilsont appelésà devenir indispen- 
ables pour tout géologue qui veut étudier la Savoie : 


\ Voirda Aevne du 90 janvier 1919, p. S0, 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 63 


en outre des observations personnelles de l'auteur, on 
y lrouvera utilisés et cités à leur place tous les travaux 
antérieurs ; tout le monde sait combien est devenue 
touffue la bibliographie alpine, et ce n'est point là un 
mince service que M. Révil aura rendu aux géologues 
régiona 

Parmi les données les plus nouvelles, résultant des 
recherches personnelles de l'auteur, nous attirerons 
l'attention, entre autres, sur la carte où sont figurés 
tous les synelinaux et anticlinaux : l'allure de ces plis 
à l'extrémité nord du Massif de la Chartreuse est ici 
précisée pour la première lois dans tous ses détails, 
ainsi que la structure de la chaine Revard-Nivolet et 
ses relations avec les eaux thermales d'Aix-les-Bains. 
M. Révil a également alliré l'attention sur les phéno- 
mènes si curieux de torsion des plis au voisinage de 
la vallée de l'Isère entre Montmélian et Albertville. 
On trouvera surtout des données nouvelles au sujet 
des relations tectoniques entre les Bauges et le massif 
de la Chartreuse : la plupart des plis de la Chartreuse 
viennent se terminer « périclinalement » près de 
Chambéry, et ceux des Bauges ne font que Îles 
« relayer », sans en être la continuation directe. 

Une carte très sommaire des facies du Tithonique 
dans la Savoie nous fait regretter que l'auteur n'ait 
point prolité de sa parfaite connaissance de la région 
pour mulliplier et détailler davantage de pareilles 
synthèses cartographiques. Enfin, denombreuses coupes 
locales, un beau panorama des environs de Chambéry, 
et quelques planches de fossiles viennent compléter 
l'illustration. 

Tous les géologues ARE ne peuvent qu'être recon- 
naissants à M. Révil de leur avoir donné une monogra- 
hie aussi soigneuse et aussi détaillée; venant après 
EEE d'autres publications, après de nombreuses 
courses faites en commun avec plusieurs maîtres el 
fondateurs de la géologie alpine, cel ouvrage marque 
définitivement la place de l'auteur parmi ceux qui ont 
le plus contribué à faire avancer les études de tecto- 
nique régionale dans les Alpes françaises. 

M. GiGNoux, 
Préparateur à la Faculté des Sciences do Grenoble, 


Motteam (I. G.). — Controlled natural selection 
and value marking. — 1 vo/. in-8° de 130 pages. 
(Prix : 4 fr, 35). Longmans, Green and C°, London, 
1944. 


Lorsqu'on considère l'ensemble des individus d'une 
même espèce, il paraît évident que les mâles âgés ont 
moins de valeur que les femelles au point de vue de la 
perpétluation de l'espèce, et que les jeunes animaux 
ont plus de valeur que les mâles et les femelles âgés, 
qui ont déjà reproduit plusieurs fois. D'autre part, 
étant donné que, parmi les divers individus d'une 
espèce, un certain nombre doivent nécessairement 
ètre la proie des ennemis de l'espèce, il serait avanta- 
geux pour celle-ci que le sacrifice porte de préférence 
sur les individus de moindre valeur, c'est-à-dire en 
remière ligne sur les mâles, et en seconde ligne sur 
es femelles âgées, de façon à épargner le plus pos- 
siblelles jeunes des deux sexes et les femelles en âge 
de reproduire, Pour que les choses se passent ainsi, 
il faut que les individus de plus grande importance 
soient protégés de quelque façon par rapport à ceux 
de moindre valeur, par exemple que les jeunes et les 
femelles présentent une livrée protectrice (coloration 
cryplique), tandis que les mâles soient plus faciles à 
découvrir où à capturer en raison de leurs couleurs 
vives, de leurs ornements apparents; ou bien que les 
parents ‘possèdent des instincts qui les poussent à se 
sacrifier lors d'une attaque, permettant ainsi aux 
jeunes de se mettre à l'abri. 


Voilà, brièvement résumée, la théorie purement 
logique que propose M. Mottram dans son livre ; tout 
en l'exposant surtout comme une hypothèse de travail, 
il l'illustre d'assez nombreux exemples empruntés sur- 
tout aux Oiseaux d'Angleterre : il fait remarquer, par 
exemple, que les jeunes Oiseaux ont très générale- 
ment des colorations crypliques, tandis que les cou 
leurs brillantes, susceptibles d'attirer l'attention des 
Oiseaux de proie, sont l'apanage des adultes; que les 
mâles possèdent fréquemment des ornements, des 
couleurs tranchées (coloration attractive), qu'ils chan- 
tent, qu'ils ont un tempérament combatif, landis que 
les femelles, plus casanières, silencieuses, de plumage 
souvent terne, se cachent volontiers; enfin que les 
Oiseaux de proie, qui n'ont que peu ou point d'enne- 
mis à redouter, ne présentent que de faibles diffé- 
rences sexuelles, et ont très généralement des colora- 
tions peu apparentes. 

Comme on le voit, cette interprétation des faits est 
un essai partiel d'explication du problème si difficile 
de la coloration des animaux ; cette théorie du sacri- 
lice des individus les moins importants, réglé par la 
sélection naturelle qui fixe dans un sexe un caractère 
désavantageux pour celui-ci, mais avantageux pour 
l'espèce globale, tend à remplacer la théorie de la 
sélection sexuelle proposée par Darwin, qui attribue, 
pour les Oiseaux tout au moins, une influence créa- 
trice au choix esthétique des femelles. L'élimination 
d'un certain nombre de mâles, soit qu'ils se livrent 
entre eux des combats, soit qu'ils aient l'instinct de 
sacrifice lors de l'attaque du groupe qu'ils protègent, 
n'a pas d’inconvénient puisque le nombre des mâles 
dépasse généralement les besoins, et elle a des avan- 
ages puisqu'elle assure corrélativement la protection 
des femelles et des jeunes. 

Critique. — L'hypothèse paradoxale deM. Mottram, 
qui du reste rappelle par plusieurs traits les théories 
de Wallace et de Stolzmann, nous paraît accorder à la 
sélection une importance et une précision qui ne sont 
pas du tout démontrées. Si, à la rigueur, on peut la 
soutenir pour les Oiseaux, animaux évidemment 
chassés à la vue par leurs ennemis, elle paraît diflici- 
lement applicable aux Batraciens, aux Poissons et aux 
animaux de très petites dimensions, qui présentent 
cependant des différences et des colorations sexuelles 
tout à fait comparables à celles des Oiseaux. 

D'autre part, admetions même qu'une espèce à 
mâles très visibles a théoriquement plus de chances 
de prospérité qu'une autre espèce à mâles semblables 
aux femelles, toutes choses égales d'ailleurs, parce 
que la première conserve une plus grande proportion 
des individus qui importent à sa perpéluation; mais 
cela n'explique pas du tout la genèse du caractère 
sexuel tardif particulier au mâle et c'est là justement 
le point important à élucider. La théorie de la sélec- 
tion sexuelle de Darwin avait l'avantage de faire 
comprendre le processus de cette orthogénèse spé- 
ciale ; si on ne l'acceple pas, avec la majorité des bio- 
logistes modernes, il faut lui substituer une autre 
théorie orthogénétique, et il ne me semble pas que 
l'hypothèse ingénieuse de M. Mottram puisse être con- 
sidérée comme telle ; elle est plutôt d'ordre statique, 
comme les théories qui attribuent une valeur défen- 
sive aux colorations homochromiques et aux ressem- 
blances mimétiques ; le rôle de la sélection naturelle 
graduelle et prolongée dans la genèse de ces dernières 
paraît aujourd'hui difficilement acceptable, et à plus 
forte raison il en est de même pour le développement 
des ornements et couleurs des mâles et des,animaux 
adultes, considérés sous le point de vue de l'avantage 
pour l'espèce. L. Cuénor, 

Professeur de Zoologie à l'Universilé de Nancy. 


64 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 


Séance du 14 Décembre 1914. 


M. C. Jordan est élu vice-président de l'Académie 
pour 1915. 

1° SCIENCES PHYSIQUES. — M. Ed. Branly : Conducti- 
bilité intermittente des lames minces diélectriques. 
L'auteur à constaté qu'une lame diélectrique serrée 
entre deux disques métalliques, et formant condensa- 
teur avec eux, ne laisse passer qu'une fraction extrème- 
ment réduite du courant continu d'une pile; mais elle 
se comporte par rapport à deux courants interrompus 
de sens contraires comme si elle était conductrice, et 
la conductibilité apparente du diélectrique devient 
alors très considérable: En rétablissant le courant 
continu, la conductibilité reprend sa valeur antérieure 
et toute trace du passage des deux courants interrom- 
pus de sens contraires disparaît. Mais si, pendant l'in- 
tervalle de temps très court qui sépare le passage 
de deux courants de sens contraires, on fait passer un 
autre courant de pile de sens constant, on observe 
que la lame diélectrique est devenue conductrice pour 
ce courant. 

2° ScrENCES NATURELLES. — M. J. Amar : Sur l’ali- 
mentation et la force des Arabes. L'auteur rappelle les 
résultats d'expériences qu'il fit sur les Arabes de 
l'Afrique du nord au cours d'une mission ofticielle 
(1907-1909). Dans chaque série d'expériences, l'homme 
est mis en équilibre de nutrition par une ration d’en- 
tretien composée suivant les habitudes du pays (à base 
de couscous), ou suivant les habitudes européennes 
{sans couscous), et tantôt il est laissé en repos, tantôt il 
produit un travail plus ou moins dur, mais mesuré. 
Or, à nombre égal de calories, il y avait accroisse- 
ment de poids de l'organisme quand l’indigène s’ali- 
mentait selon ses traditions. Autrement dit, de telles 
rations assuraient l'invariabilité du poids du corps 
avec de moindres dépenses. Et surtout l’utilisation de 
ces aliments sous forme de travail musculaire bénéfi- 
ciait d’une plus-value de 7 à 10 °/,. C'est aux effets 
combinés de leur alimentation traditionnelle qu'il faut 
attribuer la résistance des Arabes à la fatigue, et la 
supériorité de leur rendement musculaire. — M. P. 
Mazé : Les échanges nutritifs chez les végétaux ; rôle 
du protoplasme. L'auteur établit par l'expérience que 
c'est le protoplasme vivant qui règle, chez les végétaux, 
les échanges nutritifs avec le milieu extérieur, indé- 
pendamment des lois de l’osmose. Il suffit pour cela 
de soumettre la cellule végétale à l'influence d'agents 
physiques ou anesthésiques, comme la chaleur ou le 
chloroforme, qui agissent sur le protoplasme sans 
modifier sensiblement l’état physique ou chimique de 
la membrane cellulosique. — M. O. Lignier : Les 
glandes staminales des F'umariées et leur signification. 
L'auteur a reconnu que les glandes staminales des 
Fumariées, qu'elles soient par paires ou isolées, 
représentent toujours d'anciennes étamines devenues 
sessiles et glandulaires. Ce sont donc de véritables 
staminodes. — M. le Dr Bazy : Note statistique sur le 
tétanos. La statistique, limitée au camp retranché de 
Paris, porte sur 10.896 blessés, ayant fourni 129 cas 
de tétanos, soit 1,184 °/,, avec 90 morts, soit 70 °/o 
des cas. Le tétanos peut apparaître très tardivement 
après la blessure (jusqu’à 27 jours après); le plus 
grand nombre de cas s’est déclaré six à huit jours 
après. Dans les formations sanitaires où les chirur- 
giens font systématiquement des injections préven- 


tives à tous les blessés au moment de leur entrée, la 
morbidité par le tétanos est de 0,418 °/,; dans les 
formations sanitaires où cette injection n’est faile 
qu'aux malades suspects, elle est de 1,279 °/,, soit 
trois fois plus forte. Sur les 129 cas de tétanos, il y en a 
eu 120 à la suite d’éclats d’obus ou de shrapnells, 9 à 
la suite de plaies par balles. I1 faut donc faire des 
injections préventives à tous les blessés. 


Séance du 28 Décembre 1914. 


4° SciENGEs PHysiQues. — MM. Ph.-A. Guye et 
F.-E.-E. Germann : /ufluence des impurelés gazeuses 
de l'argent sur les valeurs des poids atomiques déter- 
minées par les méthodes classiques ; poids atomique du 
chlore et du phosphore. Les auteurs montrent que le 
défaut de concordance des déterminations du poids 
atomique de l'argent faites à Harvard s'explique par le 
fait que les différents échantillons d'argent, fondus 
simplement dans une atmosphère d’H, contenaient 
vraisemblablement des quantités variables de gaz, 
puisque l'échantillon étudié par eux, purifié par bar- 
botage d'H dans le métal fondu, retenait encore un 
poids appréciable de gaz, soit #2 millionièmes. Tous 
les rapports atomiques directs avec l'argent doivent 
être diminués dans cette même proportion. Cette cor- 
rection, apportée au poids atomique du Cl, déterminé 
par le rapport Ag : CI, et à celui du P, déterminé par 
le rapport PCF : 3 Ag, donne respectivement pour ces 
deux éléments les valeurs 35,460 et 31,007. — M. R. 
Marcille : Détermination des indices d'iode de Hübl en 
liqueurs alcooliques. Indices diode des huiles essen- 
tielles. L'auteur a reconnu que la détermination de 
l'indice d'iode des huiles essentielles réclame les pré- 
cautions suivantes : 4° emploi d’un volume de solution 
alcoolique uniforme et de même degré dans tous les 
essais, par exemple 100 cm* de solution à 50°; 20 addi- 
tion de la solution chloroiodomercurique (30 cm) en 
chambre noire et maintien des flacons dans l'obscurité 
durant la durée du contact. 

20 SCIENCES NATURELLES. — M. D. Eginitis : Sur les 
derniers tremblements de terre de Thèbes. L'auteur a 
étudié les indications données par les sismographes de 
l'Observatoire d'Athènes sur le tremblement de terre 
qui a secoué la Béotie le 17 octobre et les jours sui- 
vants. Il y a eu une forte secousse le 17 à 6 h.22 m. 43s., 
suivie de deux autres à 10 h. 42 m. 21 s. et à 13 h. 20 m. 
22 s. L'épicentre se trouvait à environ 6 kilomètres au 
sud-est de Thèbes et la zone épicentrale, déduite des 
isosistes, a la forme d'une ellipse dont le grand axe, 
de direction EW, a une longueur de 50 kilomètres, et 
le petit axe de 30 kilomètres. A Thèbes, la première 
secousse, qui a ruiné 20 maisons et rendu inhabitables 
toutes les autres, avait une force de 9, une direction 
SN et une durée de 20-25 s.; elle était accompagnée 
d'un bruit souterrain. Jusqu'au milieu de décembre, 
on à enregistré environ 500 secousses venant du 
même épicentre. Les fréquents et violents tremble- 
ments de terre de la Béotie paraissent continuer les 
grands phénomènes géologiques qui, au commence- 
ment du Quaternaire, ou à la fin du Tertiaire, ont 
séparé l’île d'Eubée de la Grèce continentale, — M. E. 
A. Martel : Sur Mammoth Cave (Kentucky). L'auteur 
a pu explorer la célèbre caverne du Mammouth, la 
plus grande du monde, et en donner un essai de 
coupe synthétique générale, grâce à des observations 
barométriques. D'après lui, Mammoth Cave a évolué 
suivant trois niveaux principaux, sur une épaisseur 
moyenne de 90 à 100 mètres (20 à 30 mètres pour les 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 65 


grès et 70 mètres pour les calcaires). A l'époque plio- 
cène probablement, les puissants ruissellements des 
Alleghanys ravinèrent les plateaux, creusant les thal- 
wegs de l'Ohio et de ses affluents. Certains défauts des 
urès constituèrent des goules d'absorption, des pertes 
de rivières; les courants ainsi infiltrés creusèrent 
d'abord l'immense et subhorizontale Main Cave, que 
draina longtemps la Green River, alors plus élevée 
qu'aujourd'hui. L'approfondissement de cette der- 
nière abaissant le niveau de base, les fissures verti- 
cales du calcaire s'élargirent en puits qui soutirèrent 
les courants de Main Cave par des galeries intermé- 
diaires. L'évidement souterrain marcha toujours paral- 
lèlement à celui des vallées extérieures et tous deux 
sont de même âge. 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 
Séance du 22 Décembre 1914. 


M. le Vice-Président annonce à l'Académie la mort 
de M. Ch. Perier, président, de M. Lereboullet, 
membre associé libre, et de M. de Ranse, correspon- 
dant national. 


Séance du 29 Décembre 1914. 


M. le Président annonce à l’Académie le décès de 
M. Alfred Fournier, membre de l'Académie. 

M. Charles Monod est élu vice-président pour 1915; 
M. R. Blanchard est réélu secrétaire annuel. 

M. M. de Fleury : Un moyen de délassement pour 
les troupes en marche. L'auteur rappelle un procédé 
préconisé autrefois par le D' L. Jacquet Faire 
déchausser les hommes, si possible, les faire étendre 
à terre, la tête légèrement surélevée et appuyée sur 


leurs sacs, les membres inférieurs dressés, formant: 


avec le tronc un angle droit, et appuyés contre un 
mur, un arbre, une haie ou la paroi d’une tranchée. 
Cette attitude étant prise, on leur fait exécuter une 
série de mouvements, rapides et à fond, des doigts de 
pied, du cou-de-pied et, si possible, du genou, 
pendant 5, 10 ou 15 minutes. Le sentiment de gène 
articulaire, de courbature musculaire, de pesanteur, 
de meurtrissure, d'impotence douloureuse disparaît 
rapidement, si bien qu'une troupe paraissant exté- 
nuée, à bout de forces, peut recouvrer la possibilité de 
donner un effort supplémentaire et peut-être décisif. 
— MM. P. Sainton et Maille : Note sur le liquide 
teéphalo-rachidien dans le tétanos et son absence de 
coxicité. Les auteurs ont reconnu que : 1° le liquide 
éphalo-rachidien des télaniques n'est le siège 
d'aucune réaction lymphocytaire; il est absolument 
stérile ; 2° l'absence de réaction lymphocytaire coïn- 
cide avec l'absence d’albuminurie : il existe une pro- 
portion de glycose assez notable. Celle-ci parait dimi- 
nuer si la maladie s'aggrave ; 3° ce liquide n'est point 
toxique; son inoculation au cobaye ne provoque 
aucun accident ; 4° chez les tétaniques traités par les 
injections phéuiquées, suivant la méthode de Baccelli, 
l'acide phénique ne passe point dans la cavité arach- 
noïdienne. 
Séance du 5 Janvier 1945. 


M. F. Glénard : Discussion sur la fièvre typhoïde. 
A propos d’une précédente communication de M. Le- 
tulle sur l'emploi de l'or colloïdal dans la fièvre 
typhoïde, M. Glénard désire faire remarquer que la 
typhoïde est l’une des maladies que le médecin est lé 
plus puissant à combattre. Le traitement classique par 
les bains froids présente toutes les garanties d’effica- 
cité; s’il ne peut enrayer l’évolution de la maladie, du 
moins il lui impose une allure relativement bénigne. 
En fait, la mortalité naturelle de la fièvre typhoïde est 
de 19 à 20 °/,. Avec le traitement par les bains froids, 
elle tombe à 7-8 °/, dans les hôpitaux généraux, à 4-5 °/0 
dans les hôpitaux militaires en temps de paix, à 1-3°/, 
dans la pratique dela médecine de famille ; dans l’épi- 
démie actuelle de l'armée, elle ne dépasse pas 12 0/,. 
— M. Bazy : De la nécessité d’une installation radiolo- 


gique pour la chirurgie de querre. L'auteur montre 
qu'il est indispensable d'avoir une installation radiolo- 
gique à la fois dans les hôpitaux de l'arrière, où l’on 
opère en général, et dans les hôpitaux voisins du front 
pour l'ablation des projectiles. Celle-ci s'impose d'ur- 
gence, car bien des plaies ne peuvent être complète- 
ment désinfectées que si l’on joint aux incisions de 
débridement l'ablation des corps étrangers infectants ; 
or, la désinfection des plaies est une opération de la 
plus extrême urgence. — M. J. Pougnet : Le l'action 
des rayons de courtes longueurs d'onde sur les membres 
congelés. L'auteur a traité des engelures ulcérées par 
l'exposition à l’ultraviolet moyen, pendant plusieurs 
séances et pendant des temps très courts, et a obtenu 
un commencement de cicatrisation du 3° au 5° jour. 
Dans un cas de congélation des deux pieds, les membres 
étant tuméfiés, rouge violacé, couverts de phlyctènes 
et très douloureux, le même traitement amena la ces- 
sation des douleurs après la 10° séance, la diminution 
de l’enflure à partir du 6° jour, et la guérison au bout 
de quinze jours. 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Séance du 26 Décembre 1914. 


M. Ed. Retterer : Du développement et de la struc- 
ture du tissu adipeux. Le tissu adipeux est l’homo- 
logue du tissu tendineux ou fibreux et se développe 
comme ce dernier, avec cette différence que l’hyalo- 
plasma du tissu réticulé, au lieu de produire des 
fibrilles conjonctives, élabore des grains adipeux qui 
ne tardent pas à se transformer en gouttelettes grais- 
seuses. — M. A. Brachet : Dillérencialions spontanées, 
provoquées et leurs intermédiaires au cours du déve- 
loppement embryonnaire. Par un ensemble de faits 
tirés de l’embryologie expérimentale, l'autre montre 
que : 1° des formations qui, phylogénétiquement, ont 
pris naissance sous l'influence de causes extérieures à 
elles-mêmes, apparaissent, dans l’ontogénèse, comme 
de pures manifestations des propriétés héréditaires de 
l'embryon; 2° dans des espèces très voisines, un même 
organe qui, dans l’une, est acquis, c’est-à-dire provo- 
qué, s’édifie spontanément dans une autre. — M. J. 
Danysz : Essais de chimiothérapie dans la fièvre 
paratyphoide expérimentale. L'auteur a constaté 
1° que les souris, bien que les plus sensibles de tous 
les animaux, opposent une résistance nalurelle relati- 
vement considérable à la pénétration des paratyphiques 
à travers les muqueuses de la bouche et du tube diges- 
tif, 2° que cette résistance peut être augmentée d’une 
façon très appréciable par l'injection de phosphate ou 
de cacodylate de chaux; 3° que ces produits, qui favo- 
risent la pullulation des microbes in vitro, ne peuvent 
agir qu’en augmentant les moyens de défense de l’or- 
ganisme et notamment en excitaut l’activité phagocy- 
taire des leucocytes. Par le même moyen, on pourrait 
peut-être diminuer les cas d'infection chez l’homme. 
— MM. L. Martin, Salimbeni et Frasey : Essais sur 
la vaccination des chevaux par la toxine tétanique 
chauffée. Les auteurs ont essayé sur le cheval la 
méthode d'immunisation contre le tétanos préconisée 
par M. Vaillard pour les petits animaux de laboratoire. 
Ils injectaient dans la veine, à cinq jours d'intervalle, 
des doses massives de toxine tétanique chauffée 
pendant une heure à des températures progressi- 
vement décroissantes : 60°, 58°, 36°, 55°. Ils ont pu 
ainsi obtenir, en trois mois environ (avec le procédé 
classique : immunisation par des mélanges de toxine 
et de liqueur de Gram, la vaccination dure cinq mois), 
une immunisation assez rapide; mais ce procédé est 
chez le cheval d’une application délicate, et il faut être 
très prudent lorsqu'on passe de la toxine chauffée 
au-dessus de 56° aux toxines chauffées au-dessous, 


RÉUNION BIOLOGIQUE DE BUCAREST 
Séance du 3 Décembre 1914. 
M. G. Marinesco : Sur la nalure des neurofibrilles. 


66 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


L'auteur admet que le réticulum neurofibrillaire est 
constitué, non par des particules ultramicroscopiques 
comme le croyait Cajal, mais par des granules amicro- 
niques réunis entre eux par une substance visqueuse 
et associés en colonies linéaires, soit épaisses (filaments 
primaires), soit fines et pâles {trabécules secondaires). 
La tension superficielle, les oscillations de la pression 
osmotique, les variations de température, les altéra- 
tions du métabolisme intracellulaire et d’autres nom- 
breuses influences provoqueraient des variations dans 
l’arrangement colonial des neurobiones, lesquels 
laissent parfois les filaments secondaires pour s’accu- 
muler daus les filaments primaires. 


SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE 


Séance du 4 Décembre 1914. 


M. Félix Michaud : /nlerprétation concrète des 
potentiels thermodynamiques. Il est facile de réaliser 
une paroi imperméable à la matière, perméable à la 
chaleur. Une plaque métallique étanche suffit. Dans 
le cas où les transformations sont réversibles, l’entropie 
se conserve au même titre que la masse d’un consti- 
tuant déterminé et l’on peut dire qu'on a réalisé une 
paroi perméable à l'entropie, imperméable à la matière. 
Inversement on peut concevoir une paroi perméable à 
la matière, imperméable à l’entropie. Le principe de 
Nernst, joint au fait expérimental que les chaleurs 
spécifiques sont nulles au zéro absolu, conduit à cette 
conclusion, déjà formulée par Planck, qu'au zéro 
absolu l’entropie d'un corps est nulle. Sil’on concoitalors 
un ensemble de deux parois parallèles imperméables à 
la chaleur contenant entre elles une machine frigori- 
fique réversible, on a réalisé un ensemble qui fonc- 
tionne comme une paroi perméable à la matière, imper- 
méable à l’entropie, à la condition toutefois que : 4° le 
travail correspondant à l'extraction dela matière chaude 
à travers des fenêtres pratiquées dans la paroi qui se 
trouve du côté du système ; 2° le travail correspondant à 
l'expulsion de la matière froide à travers des fenêtres 
pratiquées dans l’autre paroi; 3° le travail nécessaire 
pour refroidir, au moyen de la machine frigorifique, la 
matière extraite jusqu'au zéro absolu, et refouler toute 
son entropie dans le système, forment un travail total 
algébriquement nul. Mais on peuttoujoursfaire qu'il en 
soit ainsi en réglant convenablementla pression exercée 
sur la matière froide rejetée. Le calcul montre alors 
que cette pression d'équilibre mesure le potentiel ther- 
modynamique du système. La notion de potentiel 
chimique d'un composant est susceptible d'une inter- 
prétation analogue. Les conceptions précédentes ren- 
dent intuitives les propriétés des potentiels thermody- 
‘namiques. Pour. les considérer comme absolument 
générales, il est nécessaire d'admettre qu'au zéro 
absolu le seul état possible de la matière est l’état 
solide, mais le fait que tous les gaz sont liquéfiables et 
même solidifiables tend à prouver qu'il en est très 
probablement ainsi. — M. A. Cotton: Appareil pour 
la comparaison des électro-aimants employés pour 
l'extraction des fragments de métaux magnétiques 
dans lorganisme, particulièrement dans l'œæ1l. Les ocu- 
listes utilisent assez souvent des électro-aimants, de 
divers modèles, pour extraire de l'œil des fragments 
de fer. M. le Dr Bazy, chirurgien en chef de l'uôpital 
Beaujon, et, indépendamment de lui, le D' Rollet, de 
Lyon, ont cherché à utiliser l’électro-aimant à l'extrac- 
tion des éclats d’obus ou même des balles allemandes 
(dont l'enveloppe seule est magnétique). A la demande 
du D' Bazy, MM. Weiss et Cotton avaient installé, à 
l'hôpital auxiliaire de la rue Oudinot, un électro-aimant 
destiné à de tels essais. A cette occasion, M. Cotton a 
cherché un procédé permettant de comparer rapide- 
ment, à ce point de vue, des instruments variés ou des 
dispositions différentes de pièces polaires. Le plus 
simple est de mesurer directement la force qui s'exerce 
sur un petit objet déterminé, de fer ou de nickel, 
placé à des distances connues du pôle attirant. On 


adoptera pour ce test objet une forme géométrique 
simple, telle qu'il n'existe pas, en outre, un couple ten- 
dant à l’orienter : la forme sphérique est tout indiquée. 
L'appareil à mesurer est constitué, en principe, par 
un pendule dont la déviation par rapport à la verticale 
permet de trouver aisément le rapport (plus grand ou 
plus petit que l'unité) entre la force à mesurer et un 
poids connu. L'objet attiré est une petite bille sphérique 
(bille d'acier pour bicyclette, employée après recuit) 
qui est fixée au milieu d’un tube de laiton non magné- 
tique (par exemple, le tube est coupé en deux et l’on 
soude la bille entre les deux moitiés rapprochées coaxia- 
lement). Le tube est attaché à ses deux bouts, par des fils 
égaux, à un support fixe horizontal, de sorte que le tube 
de laiton, avec la bille qui lui est fixée en son milieu, 
estlui-même horizontal. A ce tube est suspendu, d'autre 
part, un plateau dans lequel on mettra des poids mar- 
qués. Entre la bille et le pôle de l’aimant, on fixe une 
cale d'épaisseur connue. On excite l’électro-aimant, la 
bille vient toucher lacale et le pendule est dévié de la 
verticale. On ajoute alors, en évitant les secousses, des 
poids sur le plateau inférieur jusqu'à ce que la bille 
ne puisse rester au contact de la cale et que le pendule 
relombe. Avec un électro-aimant de 10 centimètres de 
diamètre de noyaux, où l’on dépensait 1,2 kilowatt, 
dont un seul noyau était muni d’une pièce polaire 
conique (pourvue d’une petite facette terminale), l'autre 
noyau perce d’un trou cylindrique en restant dépourvu, 
la force est plus de mille fois le poids de la bille lorsque 
le contact a lieu; mais cette force décroît très vite à 
mesure qu'on s'écarte du pôle. Les valeurs trouvées 
expliquent que l'on ne puisse utiliser ces forces, sauf 
dans des cas particuliers, à l’extraction directe des 
éclats d'obus : la place de ceux-ci, lorsqu'ils ne sont 
pas très profonds, est bien indiquée par un soulèvement 
visible de la peau qui se produit lorsque le courant est 
lancé dans l’électro-aimant, mais les forces en jeu sont 
trop faibles, avec les instruments employés jusqu’iei, 
pour que le fragment puisse traverser des épaisseurs 
un peu notables de tissus musculaires, beaucoup plus 
résistants que ceux que l’on rencontre en Chirurgie 
oculaire. — M. Cotton présente ensuite une expérience 
de coursserapportant à /a disparition rapide du ferro- 
magnétisme du fer à la température du rouge. On se 
sert encore d’un pendule : il est formé d’un long tube 
d'aluminium portant à son extrémité inférieure, au 
bont d’un fil de platine recourbé, une plaque de 
tôle, et vers le haut une plaque de métal munie de 
trois pointes. Deux de ces pointes reposent dans deux 
crapaudines fixes et délinissent l'axe d’oscillation; la 
troisième sert de butoiret limite l'amplitude des oscil- 
lations possibles. On approche un pôle d’aimant de façon 
que la lame de fer soit attirée et que le butoir l'empêche 
d'approcher davantage. La flamme d’un gros brûleur 
Meker est alors disposée de facon à envelopper com- 
plètement la lame dans la position, la plus voisine du 
pôle attirant, qu’elle occupe à ce moment. Le pendule 
retombe, la lame se refroidit, est attirée à nouveau, etc. 
Les oscillations se maintiennent ainsi, malgré les frot- 
tements, aussi longtemps qu'on le veut, et l'on voit 
ainsi qu'on peut effectivement utiliser cette propriété 
du fer pour réaliser un moteur (Edison), moteur bien 
peu puis-ant sans doute, mais dont le principe est 
intéressant. On ne peut, en effet, expliquer le fonction- 
nement qu'en admettant que la chaleur absorbée par 
le fer dans la source chaude située dans le champ est 
plus grande que celle qu’il restitue lorsqu'il se refroidit 
loin du pôle de l’aimant, autrement dit : /a chaleur spé- 
cifique du fer augmente lorsqu'on place ce métal dans 
un Champ magnétique. 


SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE FRANCE 


Séance du 48 Décembre 1914. 
M. Louis Ancel : Sur une variété de sélénium parti- 
culièrement sensible à la lumière. Application à Ja 
construction de cellules pour photométrie. L'auteur 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 67 


expose les résultats qu'il a obtenus dans l'étude du 
sélénium au point de vue de son emploi en photomé- 
trie pour l'étude de diverses radiations, L'action com- 
binée de la chaleur et de la pression permet d'obtenir 
une variété de sélénium particulièrement sensible à la 
lumière, et dont l'inertie est extrêmement réduite 
lorsque les supports métalliques conducteurs sont judi- 
cieusement choisis et suffisamment rapprochés. D'après 
l’auteur, ii se forme, au moment de l’étendage du sélé- 
nium par son procédé, une très faible quantité de sélé- 
niure métallique, quisemble jouer le rôle de sensibili- 
sateur. L'examen de la courbe photométrique obtenue 
lors de l'éclipse du 17 avril 1912 permet, en effet, de 
constater la grande sensibilité etle peu d'inertie de ces 
nouvelles cellules. Elles paraissent pouvoir convenir, 
non seulement aux observations photométriques du 
domaine de l'astronomie, mais encore à l’étude photo- 
métrique des rayons X ou du rayonnement des sub- 
stances radioactives. Mais, comme ces cellules sont aussi 
très sensibles aux radiations caloriliques, il est bon de 
les soustraire aux variations de température et d'opérer 
toujours dans les mêmes conditions lorsqu'on fait des 
mesures d'ordre photométrique. Les résultats encoura- 
geants obtenus par l’auteur dans cette voie l'ont engagé 
à poursuivre ses recherches dans le but de perfectionner 
encore cette méthode. — M. M. Tiffeneau : Action de 
l'anhydride acétique sur les alcaloïdes morphiniques. 
L'auteur déduit, en particulier de ses études sur la 
thébaïine, qu'on peut, au point de vue de leur aptitude 
à subir une ou deux ruptures par l'anhydride acétique, 
diviser les alcaloïdes morphiniques en deux groupes : 
I. Alcaloïdes isoquinoléiques (apomorphine, morphothé- 
baïne); chez ceux-ci, l’anhydride provoque exclusive- 
ment une rupture à l'azote et leur noyau phénanthré- 
nique conserve cet azote (à l'état d’amine). IL. Alcaloïdes 
non isoquinoléiques, dont la réactivité dépend de leur 
état d'hydrogénation:les alcaloïdestétrahydrocycliques 
(morphine, codéine, etc.) ne subissent aucune rupture ; 
pour les dihydrocyceliques, qui comprennent aussi les 
tétrahydrocycliques capables de devenir dihydro par 
énolisation, deux cas se présentent suivant qu'ils pos- 
sèdent ou non un oxygène pontal; quand celui-ci 
manque (thébaïnone, phénylthébaine), l'anhydride ne 
provoque aucune rupture; quand cet oxygène pontal 
existe (thébaïonne,codéinone, pseudo-codéinone), il y a 
à chaud scission azotée, puis carbonée, en même temps 
qu'il se produit une rupture du pont oxygéné. — M. A. 
Granger: Sur la purification de l'oxyde de cobalt du 
commerce. L'auteur communique le résultat de ses 
recherches poursuivies dans le but de trouver un 
mode de purification de l’oxyde de cobalt du commerce. 
11 donne les raisons qui lui ont fait adopter le procédé 
de l’azotite et indique comment l'opération doit être 
conduite pour être économique et s'effectuer dans de 
bonnes conditions. 


SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES 


Séance du 13 Novembre 1914. 


M. D. Owen : Un pont pour la mesure des self- 
inductions. L'auteur propose une méthode basée sur 
l'emploi d’un pont à courant alternatif pour la déter- 
mination de la self-induction en fonction de la capacité 
et de la résistance. L'inductance L est donnée par 
la relation L=K,r,R; il est également nécessaire pour 
balancer le pont de satisfaire la condition K,r,—K,r,. 
Les deux conditions d'équilibre peuvent être réalisées 
en pratique sans interférer mutuellement. La possibi- 
lité d'obtenir l'équilibre n'est pas limitée par la valeur 
inconnue de L. La méthode est indépendante de la 
fréquence; il n’est pas nécessaire non plus d'employer 
un voltage sinusoïdal pur. La sensibilité du pont reste 
élevée sur un grand intervalle de fréquence (100 à 
1.000 vibrations). Les effets de l'inductance résiduelle 
dans les bobines de résistance et les ‘plombs et de 
l'absorption dans les condensateurs peuvent être sim- 
plement corrigés, la formule devenantL=—K,r,(R—R,). 


Avec la mème paire de condensateurs, on peut effectuer 
des mesures depuis 1 mierohenry. Pour les induc- 
tances de l'ordre de 10 microhenrys, l'erreur ne dé- 
passe pas quelques millièmes; pour les inductances 
de quelques millihenrys, elle tombe à 1/10.000. - 
M. B. W. Clack : Sur le coefficient de diffusion dans 
Les solutions diluées. L'auteur décrit une modification 
de son appareil pour déterminer le coefficient de 
diffusion des sels dans l'eau, par laquelle l’état stable 
est hâté. Le large tube simple employé d’abord est 
remplacé par une batterie de tubes pius courts et plus 
étroits. L'auteur donne les résultats obtenus avec 
KCI, KNO® et NaCI pour diverses concentrations jus- 
qu'aux solutions très diluées. 


SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES 


Communications reçues pendant les vacances (fin). 


M. E. Newbery : Le survoltage. L'auteur montre 
que, pendant l’électrolyse d’une solution acide avec 
des électrodes métalliques, le gaz, avant libération, 
pénètre la surface du métal et la laisse ouverte en se 
dégageant. En présence d’un colloïde, une partie 
pénètre dans le métal avec le gaz. La présence d’un 
colloïde dans tous les cas élève le survoltage d'hydro- 
gène d'un métal et diminue le degré d'ionisation du 
gaz libéré. Le survoltage d’un métal est déterminé par 
trois facteurs : 1° la sursaturation des électrodes par le 
gaz à l’état moléculaire, l'accumulation de ce gaz résul- 
tant de la perméabilité du métal aux ions et de l'inca- 
pacité du gaz libre de s'échapper sinon par solution ou 
rupture de la surface métallique; 2° le défaut ou 
l’excès d'ions non hydralés au voisinage immédiat des 
électrodes; 3° l'action inductive du gaz ionisé libéré 
sur les électrodes. Dans certaines conditions, le troi- 
sième facteur est assez puissant pour réduire le survol- 
tage mesuré d'un métal à une quantité négative. — 
M. D. Tyrer : Les compressibilités adiabatique et iso- 
therme des liquides entre 1 et 2 atmosphères de pres- 
sion. Au moyen de sa méthode, modifiée et perfec- 
tionnée, l’auteur a fait des mesures sur divers liquides 
dans un grand intervalle de températures. De ces 
résultats, ja valeur de la compressibilité isotherme 
ordinaire $ a été calculée au moyen de l'équation 
thermodynamique : 


T(dv/dt® 


ÉTL Jv Cp ? 


où & est la compressibilité adiabatique, v le volume 
spécifique, J l’équivalent mécanique de la chaleur et 
C> la chaleur spécifique à pression constante. On a fait 
également des déterminations exactes du volume spé- 
cifique à diverses températures pour en déduire les 
valeurs de dv/dt employées dans l'équation ci-dessus. 
L'auteur à reconnu que les résultats de chercheurs 
antérieurs, comme Quincke et Grassi, sont en réalité 
adiabatiques, et non isothermes comme ils le sup- 
posaient. — M. R. Ch. Ray : Le borure de magyné- 
sium et le bore amorphe. Le bore amorphe a été préparé 
en chauffant dans un courant d'H un mélange de Me 
et de B°0* ou de borax fondu en proportions variables, 
Après avoir débarrassé le mélange chauffé de ses impu- 
retés, et après avoir lavé le résidu, puis l'avoir séché 
dans le vide, on obtient une poudre gris rouge. Cé 
prétendu bore amorphe contient toujours beaucoup 
d'oxygène, ce qui confirme les expériences de Weïin- 
traub. C’est probablement une solution dans le bore 
élémentaire d’un oxyde inférieur de bore et d'oxyde 
de magnésium, peut-être en combinaison à l’état de 
borite. Le bore ne peut être obtenu à l'état avoisinant 
la pureté que sous une seule forme, celle de substance 
cristalline presque insoluble dans l'acide nitrique. En 
chauffant le bore cristallisé avec le magnésium, il n'y 
a pas de réaction. Quand on chauffe un mélange de 
1 partie de B°0* avec 2 part. 1/4 de Mg en poudre au 
rouge dans un courant d'H pendant quarante-cinq mi- 
nutes, on obtient un mélange de Mg'B? et d'oxyde, Ce 


68 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


borure est le seul qui se forme au rouge sous pression 
normale. — MM. H. B. Baker et W. H. Watson : Le 
poids atomique du mercure. Hg a été converti en 
HgBr° par traitement direct avec Br liquide, l'excès de 
ce dernier étant éloigné par chauffage à 70°-80° dans 
un courant d'air sec. Une trace de brome adsorbé res- 
tant dans le produit pesé est éliminée par fusion et 
déterminée par passage dans une solution de KI et 
titrage avec le thiosulfate N/10. Neuf expériences ont 
donné des résultats variant de 200,50 à 200,62, avec 
une moyenne de 200,57 + 0,008. — MM. M.J. Burgess 
et R. V. Wheeler : Limites d'inflammabilité de me- 
langes de méthane et d'air. Voici les différentes limites 
d'inflammabilité des mélanges de méthane et d'air, 
suivant la direction dans laquelle la flamme se pro- 
page : 
MÉTHANE % 
OS 


limite limite 
inférieure supérieure 


Inflammation centrale dans un 


grand globe . . . 5,6 14,8 
Tube vertie al clos aux ‘deux extré- 

mités : 
a) Allumage au bas . . . . . . . 5,4 14,8 
b) Allumage au haut. . . . . . . 6,0 13,4 
Tube horizontal clos aux deux 


extrémités : 
Allumage à un bout . 


— MM.M.J. BurgesseltR. V. Wheeler : La propaga- 
tion de la {lamme dans les mélanges limites de méthane, 
oxygène el azote. Les auteurs ont fait une série de 
déterminations des quantités de méthane requises pour 
former des mélanges-limites avec diverses atmo- 
sphères comprises entre l'air et un mélange d'air et N 
contenant 13,45 °/09 d'O : 


14,3 


5,4 à 5,6 


ATMOSPHÈRE MÉTHANE %# 

EE De 0 CET Te 

oxygène azote limite infér. - limite supér. 
20,90 19,10 5,60 14,82 
19,22 80,78 ee 12,93 
18,30 s1,70 — 11,91 
17,00 83,00 5,80 10,55 
15,82 84,18 5,83 8,96 
14,86 85,1% 6,15 8,36 
13,90 86,10 6,39 1,26 
13,45 86,55 6,50 6,10 
13,25 86,75 Aueun mélange inflammable. 


Les analyses des gaz brülés montrent une relation 
régulière entre les rapports O*/CH° dans les mélanges 
originaux et les proportions de méthane qui brülent 
complètement pour former CO? et H°0. Il est probable 
que la réaction essentielle de la propagation de la 
flamme dans les mélanges-limites est : CH‘ +0?— 
CO + HE H°0. Dans ces conditions, la chaleur déga- 
gée Q et la chaleur perdue q sont pratiquement pro- 
portionnelles, la dernière étant en moyenne de 35 0}, 
de la chaleur totale dégagée pour chaque mélange. — 
M. R. V. Wheeler : La propagation de la flamme dans 
les mélanges de méthane et d'air. Le mouvement uni- 
forme. L'auteur a répété les déterminations de Mallard 
et Le Chatelier de la vitesse de propagation de la 
flamme pendant le « mouvement uniforme » dans les 
mélanges de méthane et d'air et les a trouvées incor- 
rectes, surtout parce que le méthane employé, préparé 
avec de l’acétate de sodium, était très impur. La 
courbe obtenue en portant les vitesses en ordonnées 
et les °/, de méthane en abscisses montre qu'il n'y a 
pratiquement aucune différence entre les vitesses 
atteintes dans des mélanges contenant 9,4 à 10,5 0}, de 
méthane; de chaque côté de ces pourcentages, les 
vitesses diminuent régulièreme nt, mais près des 


limites inférieure et supérieure d'inflammabilité l& 
courbe s'aplanit davantage vers la limite supérieure, 
en devenant enfin presque horizontale. La vitesse de 
propagation de la flamme est uniforme dans tout 
l'intervalle des mélanges-limites qui contiennent 5,4 
et 14,3 °/, de méthane (propagation horizontale) et 
égale pour les deux. — M. H. King : Possibilité d’un 
nouveau cas d'activité oplique sans.alome de carbone 
asymétrique. On sait que Cain et ses collaborateurs 
ont découvert deux o-dinitrobenzidines, deux «- et 
quatre m-dinitro-o-tolidines, et qu'ils expliquent l'exis- 
tence de ces isomères par la formule spatiale du diphé- 
nyle de Kaufler. Ainsi les deux sironenanss 
sont représentées par les configurations (1) et (IL), o 

les deux plans des noyaux benzéniques sont SEE 
posés, mais non nécessairement parallèles ; l'isomé- 
risme est attribué à la non-rotation d’un des noyaux 
benzéniques, et les auteurs n’ont pu, en effet, convertir 
les deux isomères l’un dans l’autre. L'auteur estime 
que chacune de ces paires d'isomères présente un 


nouvel exemple du type centro-asymétrique de composé 
énantiomorphe capable de résolution en ses consti- 
tuants optiquement actifs. Cette possibilité résulte de 
l'examen visuel dé la configuration de la 3:5'-dinitro- 
benzidine et de son image en miroir (Il et IV); ces 
configurations ne sont pas identiques, en ce qu'elles 
ne sont pas superposables. La 3:5/-dinitrobenzidine 
doit donc être capable de résolution en ses isomères 
optiquement actifs. Par contre, la 3:3'-dinitrobenzidine 
(1) est identique avec son image en miroir (II); elle 
n’est donc pas résoluble. — M!e G. M. Robinson : 
Une reaction de l'alcool homopipéronylique et de l'alcool 
hémovéralrylique. L'auteur a observé que l'alcool ho- 
mopipéronylique est très sensible à l’action des acides, 
qui le convertissent en un dérivé dihydro-anthracé- 
nique insoluble. L'alcool homovératrylique, dans les 
mêmes conditions, fournit une substance définie, le 
2:3:6:7- tétraméthoxydihydroanthracène, cristallisant 
du benzène en aiguilles incolores, F. 227°; on l’obtient 
également en condensant le vératrol avec l’aldéhyde 
formique en présence d'H*S0* à 60 °%. La déméthyla- 
tion par HI bouillant, suivie de la distillation du pro- 
duit avec la poudre de Zn, fournit le 9:10-dihydroan- 
thracène, tandis que l'oxydation par chauffage avec 
PhO* fournit le 2:3:6:7- iétraméthoxyanthracène, F. 
173. L'oxydation ultérieure de ce dernier par l'acide 
nitrique conduit à des dérivés du 3:4:3':4- tébram ee 
xydiphénylméthane. LE 


Le Gérant: A. MARETHEUX. 


Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. 


26° ANNÉE 


15 FEVRIER 1945 


Revue générale 


Scien ; LU 


pures el appliquées 


LOUIS OLIVIER 


FONDATEUR : 


Dinecreur : J.-P. LAN GLOIS, Docteur ès Sciences 


Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. J.-P. LANGLOIS, 8, place de l'Odéon, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des 
travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France eten pays étrangers y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


$ 4. — Nécrologie 


Léon Vaillant. — Le Professeur Léon Vaillant, 
qui vient de mourir récemment,aoccupé pendant trente- 
cinq années, au Muséum national d'Histoire naturelle, 
la chaire de Zoologie des Reptiles, Batraciens et Pois- 
sons (Herpétologie et Ichthyologie). Il y succéda à Au- 
guste Duméril, mort en 1870, pendant le siège de Paris. 

Léon Vaillant commença sa carrière scientilique par 
de sérieuses études anatomiques et médicales. Il soutint 
en 1861 sa thèse de médecine sur le système pileux de 
l’homme, ets’occupa ensuite de Zoologie. Il fit un voyage 
en Egypte, dont il rapporla les matériaux d’une thèse 
de Doctorat ès-sciences naturelles sur les 7ridacnes, 
Mollusques géants vulgairement désignés par le terme 
de Bénitiers (1865). Ce travail lui valut de l’Académie 
des Sciences, en 1807, le prix Bordin, et le désigna pour 
enseigner la Zoologie à la Faculté des Sciences de Mont- 
pellier. IL n'habita sa nouvelle résidence que pendant 
deux années, re tarda pas à revenir à Paris comme Ré- 
pétiteur à l'Ecole des Hautes études, obtint en 1830 un 
nouveau prix de l’Institut, et fut nommé Professeur au 
Muséum en 1875. 

A dater de cette époque, Léon Vaillant se spécialisa 
dans l’étude des animaux auxquels sa chaire était con- 
sacrée. Il installa dans les nouvelles Galeries de Zoolo- 
gie les considérables et précieuses collections dont la 
direction lui incombait. ILfit partie de la Commission em- 
barquée surle Travailleur et le Talisman, en 188r1et188, 
pour l'exploration des grandes profondeurs de l'Océan 
Atlantique, Observateur infatigable et laborieux, il pu- 
blia de nombreux travaux justement appréciés. On 
cite de lui, parmi les plus importants, ceux qu'il écrivit 
sur les Reptiles du Mexique et de Madagascar, sur les 
Poissons d'Amérique et d'Extrême-Orient, et principa- 
lement sur les Poissons des grands fonds océaniques. 
Son nom figure en excellente place parmi ceux des natu- 
ralistes qui ont fait connaître les espèces remarquables, 
et parfois étranges, qui peuplent les abimes marins. 

Mis à la retraite en 1910 et nommé professeur hono- 
raire, ilcessa d'enseigner et d’administrerles collections, 
mais ne cessa point d'étudier. Malgré son grand âge, il 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 


continua, comme par le passé, à partager chacune de ses 
journées entre son cabinet de travail et sonlaboratoire. 
C’est là que vint le surprendre, à 81 ans,une mort hâtée 
par les angoisses intimes que lui causaient la guerre 
actuelle, où l'un deses fils, otlicier de cavalerie, fut tué à 
l'ennemi vers la fin du mois d’août, tandis qu'un autre, 
médecin-major, obtenait la croix de la Légion d'honneur 
surle champ de bataille. Sa longue carrière scientifique au 
Muséum laissera un durable souvenir. Le professeur 
Léon Vaillant était oflicier de la Légion d'Honneur. 


Louis Roule, 


Professeur au Muséum national d'Histoire naturelle, 


Quelques savants anglais récemment dé- 
cédés : Gill, Poynting, Minchin,Swan,Burch. 
— L’Angleterre a perdu, au cours de l’année dernière, 
plusieurs savants éminents, auxquels les circonstances 
nous ont empêché de consacrer plus tôt des notices né- 
crologiques. À la dernière séance annuelle de la Société 
Royale de Londres, le Président, Sir William Crookes, 
a évoqué leur souvenir; nous sommes heureux de pou- 
voir reproduire ici quelques-unes de ses paroles : 

« Sir David Gill, le plus grand astronome praticien 
de notre époque el un travailleur scientifique à l'idéal 
particulièrement élevé, s’est éteint à Londres au com- 
mencement de l’année après une longue maladie, Son 
œuvre comme Astronome royal au Cap de Bonne Espé- 
rance lui a valu une grande renommée. Son énergie 
était surabondante et son enthousiasme sans limite. 
Par ses elforts, l'Observatoire du Cap est devenu l’un 
des premiers observatoires du monde. Il y attira un 
groupe habile de travailleurs, qui poursuivirent sous 
sa direction des recherches de valeur ; il a inspiré aussi 
d’autres astronomes plus jeunes, Son amour du travail 
exact, son habileté mécanique qui lui permit d’éliminer 
de très faibles erreurs systématiques, ont fait de son 
travail sur les parallaxes à l'aide de l’héliomètre un des 
sommets de l'astronomie pratique. Ses recherches se 
dirigèrent aussi vers les grands problèmes astronomi- 
ques, qu'il attaqua avec entrain el persévérance, 

L'œuvre géodésique qu'il a dirigée peut se comparer 


1 


70 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


avec les grands travaux de la Russie et des Indes. Son 
History and Description of the Royal Observatory, Cape 
of Good Hope est un témoin remarquable de son mer- 
veilleux pouvoir d'organisation, de sa détermination 
extraordinaire pour surmonter les diflicultés et de sa 
confiance en soi, pleinement justifiée par le succès de 
ses projets. Ses recherches les plus connues portent 
sur les parallaxes stellaires et solaire et sur la déter- 
mination de la masse de la Lune et de Jupiter. Sa sim- 
plicité et sa forte personnalité lui avaient gagné de 
nombreux amis et admirateuts, qui le pleurent sincè- 
remenL. 

« La mort de J/. H. Poynting a privé la science d’un 
physicien dont l’œuvre est difficile à apprécier en quel- 
ques mots, Professeur de Physique à l'Université de 
Birmingham depuis 1880 et membre de la Société Royale 
de Londres depuis 1888, il en fut président en 1905 etil 
reçut de cette société l’une des médailles Royales pour 
ses recherches de Physique, spécialement sur la con- 
stante de la gravitation et les théories de l’Electrody- 
namique et de la radiation. Sa détermination de Ja con- 
stante newtonienne par le procédé dit de « la pesée de 
la Terre » date de 1891. Le théorème qui porte son nom 
et qui relie le mouvement mécanique avec les forces 
électriques et magnétiques est une généralisation fon- 
damentale, et son œuvre, à la fois théorique et expéri- 
mentale, sur la pression de radiation n’est guère moins 
importante. Il prouva qu’un faisceau lumineux se com- 
porte sous tous les rapports comme un flux de moment, 
et il développa une méthode pour déterminer la tempé- 
rature absolue du Soleil, des planètes et de l’espace. Il 
est l’auteur d’une série bien connue de traités de Phy- 
sique, écrits en collaboration avec Sir J. J. Thomson, 
et il a aussi écrit quelques ouvrages populaires inté- 
ressants sur des sujets scientifiques. C'était un homme 
d’une charmante personnalité et d’une originalité remar- 
quable. 

« G. M. Minchin a été un homme d’une grande versa- 
tilité et qui s’est fait un renom dans plus d’une branche 
des connaissances naturelles. D'abord professeur de 
Mathématiques au Collège d'ingénieurs de Cooper's Hill, 
il écrivit, dans un style clair et graphique, plusieurs 
ouvrages originaux et très employés sur la Statique, la 
Cinématique etl' Hydrostatique. C'était d'ailleurs un maïi- 
tre de la plume, à la fois en prose et en vers.Son œuvre 
fondamentale sur la photo-électricité et les piles à sélé- 
nium commence en 1877, où il découvrit la production 
de courants électriques par l'action de la lumière sur 
des plaques d'argent couvertes d'émulsions de bromure 
ou d'autres sels du mêmemétal ; ces piles, qu'il nomma 
« piles d'impulsion », car leur sensibilité à la lumière 
est altérée par de simples impulsions où chocs, renfer- 
maient en germe le principe du cohéreur employé plus 
tard pour la réception des ondes hertziennes. Il observa 
ensuite que des résultats analogues peuvent être oble- 
nus en employant deux fils d'aluminium recouverts de 
sélénium et plongés dans certaines solutions. En 1908, 
il décrivitdenouvelles formes de piles photo-électriques 
et ses « ponts en séléno-aluminium », consistant en 
deux plaques d'aluminium séparées par une mince écaille 
de mica et portant une couche de sélénium sensible 
entre une extrémité du mica et les portions adjacentes 
des plaques d'aluminium. Il employa ces piles pour 
obtenir des f. é: m. mesurables avec la lumière des 
étoiles, et il détermina ainsi l'intensité lumineuse rela- 
tive de quelques étoiles fixes et planètes. Les résultats 
de ses recherches concordent pleinement avec ceux des 
mesures photométriques des grandeurs stellaires. 

« Sir Z. W. Sivan, mort à 86 ans, était un esprit d'une 
extraordinaire fertilité d'invention, en même temps 
qu'un homme d’affaires de grande capacité, — combi- 
naison fortunée, mais peu commune, de qualités, Sa 
jeunesse fut consacrée surtout aux recherches photo- 
graphiques. Il découvrit en 1862 le premier procédé pra- 
tique d'impression au carbone, puis la méthode de 
préparation des plaques sèches extra-rapides, qui révo- 


lulionna la photographie; enfin il inventa le procédé 
d'impression au bromure, Il se tourna ensuite vers les 
applications de l'électricité à l'éclairage. Déjà en 1860, 
il avait construit une lampe électrique à incandescence 
à filament de carbone; il la perfectionna plus tard et 
arriva à la forme qui, jusqu'à ces dernières années, 
était d’un usage général. Il découvrit une méthode de 
dépôt rapide du cuivre et perfectionna aussi la construc- 
lion des batteries d'accumulateurs, Par ses découvertes 
et inventions, Sir J. Swan a fait grandement bénéficier 
ce que nous appelons peut-être par erreur la « civilisa- 
tion »; la valeur pratique de ses recherches, surtout 
dans les applications de l'électricité, estsans égale dans 
l’histoire de la science. 

« Le D' G, J. Burch fut d'abord professeur de Physi- 
que à l'University College de Reading, puis « lecturer » 
à l'Université d'Oxford. Ses premières recherches por- 
térent sur l’électrophysiologie; il découvrit une méthode 
d'analyse des courbes de l’électromètre, Plus tard il se 
consacra à l’étude de la physiologie de la vision; il a 
publiéunintéressant mémorandumsur les essais visuels, 
ainsi qu’un livre décrivant les travaux pratiques faits 
sous sa direction au Laboratoire de Physiologie d'Oxford, 
et plein d'essais et d'exercices vraiment originaux. Sa 
connaissance de la physiologie visuelle était unique, et 
il obtint les succès les plus grands dans le sujet dont il 
avait fait sa spécialité. Dans la poursuite de ses recher- 
ches, il n’épargnait ni son énergie, ni sa peine; pour 
étudier la cécité colorée, il se rendit temporairement 
aveugle pour les couleurs en exposant ses yeux à la lu- 
mière solaire au foyer d’une lentille derrière différents 
verres colorés. » 


Sir W. Crookes. 
$ 2. — Art de l'Ingénieur 


Les projecteurs lumineux en temps de 
guerre. — L'Illuminating Engineering Society, de Lon- 
dres, avait mis ce sujet à l’ordre du jour de sa séance du 
19 janvier dernier; il a été introduit par M. P. G. Ledger, 
dont la communication a été suivie d’une discussion 
animée. Nous empruntons ànotre confrère Engineering 
quelques renseignements sur cette intéressante séance! 

M. Ledger fait d'abord une distinction nette entre 
les feux destinés à être visibles d'une grande distance 
et à servir de guides,et les projecteurs destinés à illu- 
miner et à révéler des objets éloignés. Les traits essen- 
tiels d’un projecteur sont une source de grande lumino- 
sitéintrinsèque etde petites dimensions.Théoriquement, 
il faut employer une source ponctuelle pour obtenir un 
faisceau parallèle; mais, dans la pratique, des faisceaux 
divergeant de moins de 2° ou 3° ne sont pas désirables, 
parce que l'exploration d'une région donnée prendrait 
beaucoup trop de temps. Ces conditions restreignent 
presque l'emploi des diverses sources lumineuses à 
celui de l'arc électrique, tandis que pour les projecteurs 
de locomotives et d'automobiles on peut utiliser les 
lampes à incandescence ou l'éclairage oxy-acétylénique. 
L'are est généralement placé au foyer du miroir, le cra- 
tère positif qui émet la plus grande portion de lumière 
faisant face au miroir dans le dispositif moderne qui 
favorise les charbons horizontaux. Dans les types 
antérieurs, les charbons étaient inclinés, et c’est tou- 
joursle cas pour certains petits modèles de projecteurs. 

Les projecteurs ont commencé à être utilisés pendant 
la guerre de 1890-1891 par les deux belligérants. Un 
faisceau parallèle nécessitait un miroir parabolique en 

verre ou en métal. Mangin a remplacé ce miroir en 
taillant les deux surfaces de verre avec deux rayons 
différents;mais l'inégale épaisseur du verre à rendu 
ces miroirs sujets aux fêlureset a introduit des couleurs 
prismatiques dans le faisceau. Aujourd’hui des ma- 
chines polissent les miroirs paraboliques à un prix 


1. Engineering, t. NCIX, n° 2560 (22 janv. 1915). 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 71 


modéré; c'est le principal perfectionnement dans la 
construction des projecteurs. l'adoption d'obturateurs 
iris à permis de rendre la lampe invisible sans inter- 
rompre l'arc. 

La puissance en bougies est diflicile à déterminer, 
pour plusieurs raisons, et il est préférable de mesurer 
le flux total de lumière. La portée d'un projecteur est 
une quantité encore plus diflicile à apprécier; elle varie 
suivant les régions et l'élat de l'atmosphère, D'après 
une formule de Nerz, le rayon d'action d'un projecteur 
serait proportionnel à la racine carrée du diamètre du 
miroirel à la racine quatrième de la luminosité intrin- 
sèque, Approximalivement, un projecteur utilisant un 
courant de 150 ampères porte jusqu’à 9.000 mètres, 

Jusqu'à une époque récente, les projecteurs n'ont élé 
employés qu'horizontalement ou suivant une faible 
inclinaison. L'apparition des navires aériens a obligé 
les projecteurs à opérer verticalement vers le haut ou 
vers le bas. Pour la projection en l'air, la cage du pro- 
jecteur doit pouvoir recevoir toutes les inclinaisons; 
mais, dans ce cas, des particules tombant du charbon 
incandescent peuvent endommager le miroir. On peut 
obvier à cet inconvénient en remplaçant le miroir der- 
rière l'arc par une lentille placée en avant. Le faisceau 
peut aussi être réfléchi par un grand miroir incliné 
à 45° et capable de rotation dans tous les plans. 

L'absorption atmosphérique étant particulièrement 
élevée pour la lumière bleue, on rend quelquefois le 
faisceau jaune ou rouge, au moyen d’un miroir rouge, 
ou d’un écran rouge devant la lumière, ou en employant 
des charbons imprégnés. D’autres améliorations pour- 
aient être réalisées en augmentant la luminosité de 
Vare, mais il y a une limite: jusqu'à 5 kw. la puissance 
en bougies augmente avec le courant, mais au-dessus le 
gain esl très faible. Le charbon négatif obstrue l’émis- 
sion lumineuse du cratère positif, spécialement avec 
l'arc long habituel, et pour cette raison et d'autres, le 
charbon négatif a été rendu plus mince, les diamètres 
des charbons, pour une lampe utilisant un courant de 
100 ampères, étant d'environ 13 et 27 mm. L’arc est 
rendu tranquille au moyen d’un souflleur magnélique. 

Les derniers perfectionnements concernent surtout 
le montage et le démontage rapides du projecteur et la 
facilité de ses opérations. Le fonctionnement doit être 
contrôlé à une certaine distance, pour prévenir l'éblouis- 
sement de l’œil; pour cette raison, l’oflicier observe 
généralement à travers un télescope joint au projecteur, 

Dans l'échange d'observations qui a suivi, M. J. Eck 
a attiré l'attention sur un type de projecteur qui a été 
essayé l'année dernière par la Marine des Etats-Unis?. 
Les charbons de la lampe Beck ont 15 et 11 mm. de 
diamètre pour un courant de 150 ampères (qui nécessite 
dans les types usuels des charbons de 38 et 16 mim.); 
ils sont placés à angle obtus et constamment mis en 
rotation par des leviers reliés au moteur qui alimente le 
projecteur. L'are est coloré par des vapeurs d'alcool 
méthylique, engendrées dans une sorte de carburateur 
par le courant de la lampe. Le cratère positif peut être 
centré exactement, et l'intensité de la flamme d'alcool, 
qui forme un nuage lumineux au-dessus du cratère, est 
trop faible pour troubler le centrage du cratère de l’are. 
Les charbons sont protégés, excepté aux extrémités, et 
le charbon négatif brûle moins rapidement que dans 
les autres arcs; le charbon positif brûle à raison de 
250 mm. par heure, mais il peut être remplacé en quel- 
ques secondes. Des courbes polaires de puissance en 
bougies, prises à des distances de 6.800 et 27.550 pieds, 
ont montré que l'éclairage donné par la nouvelle lampe 
à ces distances est 4, 2 et 5, 2 fois plus grand que celui 
qu'on peut obtenir avec les projecteurs ordinaires. 


1. Voir, au sujet du calcul de la portée des projecteurs, les 
récentes communications de M. A. Blondel à l’Académie des 
Sciences de Paris, séances des 11 et 25 janvier (voir p. 97 et 
dans notre prochain nnméro). 

2. Electrical World, 21 juillet 1914, 


ÿ 3. — Physique 


Les théories actuelles de la gravitation. 
— « Les progrès de la Physique moderne sont restés à 
peu près infructueux pour la théorie de la gravitation 
et celte force universelle est aujourd'hui aussi mysté- 
rieuse qu'elle l'était il y a deux siècies, Tandis que 
d’autres forces physiques, celles de l'électricité et du 
magnétisme par exemple, dépendent de la nature de la 
matière el peuvent être soumises à des influences qui en 
modifient l'intensité et les effets, l'attraction universelle, 
iumuable et intangible, se joue de l'art des expérimen- 
lateurs, Le poids d'un corps ne change pas quand la 
matière qui le compose passe d’un état à un autre, en 
subissant mème les transformations chimiques les plus 
profondes, et pour tous les corps l'accélération de la 
chute dans le vide est exactement la même. On n'a 
jamais découvert la moindre trace d’une influence d’un 
corps interposé el il faut bien admettre que la gravita- 
tion peut passer par la Terre tout entière sans être 
sensiblement affaiblie. En un mot, on ne peut rien 
changer à la gravité!. » Telles sont, magistralement 
résumées, les connaissances expérimentales que nous 
avons de la gravitation. Elles sont, comme on voit, très 
insuflisantes; pas assez pourtant pour décourager la 
bonne volonté des physiciens qui ont déjà proposé un 
grand nombre de théories. 

Parmi les autres phénomènes physiques, ce sont ceux 
de l'électricité et du magnétisme qui montrent le plus 
d'analogies avec la gravitation. Les attractions et les 
répulsions des corps électrisés et des pôles magnétiques 
suivent la loi de Newton. Aussi, les mêmes équations 
peuvent-elles servir pour tous ces phénomènes. Le po- 
tentiel de gravitation se définit tout comme le potentiel 
électrostatique et les mêmes relations de Laplace et de 
Poisson lui sont applicables. Mais peut-on pousser plus 
loin l’analogie? On connait le rôle important joué en 
électricité par le milieu dans lequel les actions électro- 
magnétiques se propagent avee une vitesse qui est la 
vitesse de la lumière. La gravitation se produit-elle d’une 
manière semblable et se propage-t-elle dans l’éther avec 
une vitesse finie, peut-être égale à celle de la lumière? 

Cette question est de première importance, car si l’on 
pouvait attribuer à la gravité la même vitesse de pro- 
pagalion qu'à la lumière il y aurait un commencement 
de rapprochement, 

H. À. Lorentz? a proposé il y a déjà bien des années 
une « théorie électromagnétique » de la gravitation, qui 
utilisaitlesdonnées alorsrécentes de l’électricitérelatives 
aux électrons. Dans les équations fondamentales de cette 
théorie, on voit figurer les vitesses qu'ont les particules 
chargées par rapport à l'éther. Tant que deux électrons 
sont en repos, leur action mutuelle est donnée par la loi 
de Coulomb. Mais, dès qu'ils se meuvent, il y a une 
modification qui dépend des rapports de leurs vitesses à 
celle de la lumière, 

La nouvelle loi d'attraction diffère de la loi de Newton 
par des termes accessoires qui dépendent du mouvement 
des corps et qui peuvent être développés en séries sui- 
vant les puissances croissantes des rapports = et Ÿ 
(, ets, désignant les vitesses des deux corps et V celle 
de la Tlumière). Les formules obtentes ne contiennent 


. A \:e Va À 
pas de termes du premier degré en - et LA Comme les 


termes de degré supérieur au deuxième ont une 
influence tout à fait négligeable, il reste à tenir compte 
des termes du second degré, 

Une question importante se pose alors: les phéno- 


mènes astronomiques nous permettent-ils de modifier 
1 


de : # : : 
ainsi la loi de Newton ? Le terme — est à peu près — 
\ 10.000 


1. H. A. Lorexrz : Scientia (juillet 1914). 
2. Proc, Acad. Amsterdam, t. 11, p. 559: 1900, 


72 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


pour la Terre, pour Vénus, et 


1 l M 
—— pour Mercure. 
8.500 6.200 F 

, 


L'influence des termes en 2} estloujours extrêmement 


faible et extrèmement difficile à mettre en évidence. 
Pour Mercure, on a constaté une variation séculaire de 
la longitude du périhélie qui ne semble pas attribuable 
à l’attraction des autres planètes. C’est là un des rares 
phénomènes qui révèlent un désaccord avec la loi de 
Newton. Les calculs de Lorentz donnent pour le mouve- 
ment séculaire du périhélie 4 secondes, soit environ le 
dixième du mouvement inexpliqué. Et encore pourrait- 
on voir dans ce mouvement un effet de l’attraction d’un 
essaim de pelits corps qui entoureraient le Soleil jusqu’à 
une certaine distance et qu'on fait quelquefois intervenir 
pour rendre compte de la lumière zodiacale ; la masse 
qu’il faudrait attribuer à ces corps n'aurait rien d’invrai- 
semblable. 

En sorte que la théorie de Lorentz ne reçoit aucune 
vérification sérieuse. Et son auteur l’a abandonnée sitôt 
que se sont fait jour les idées sur la relativité émises par 
Einstein en 1406, dont elle ne tenait pas compte : 
d’abord, en ce qu'elle faisait intervenir, non seulement 
le mouvement relatif de la planète par rapport au 
Soleil, mais aussi le mouvement du système planétaire 
tout entier par rapport à l’éther ; en second lieu, parce 
qu'elle n’introduisait pas les modifications dans les lois 
de la Mécanique que la relativité implique. 

Les lecteurs de cette Revue connaissent l’origine et la 
signification du principe de relativité. Nous n’insisterons 
donc pas là-dessus, Disons simplement quelques mots 
de la « Mécanique relativiste », dans laquelle quelques- 
unes des définitions de la Mécanique ordinaire sont 
modifiées. C’est ainsi que la quantité de mouvement d'un 
point matériel n’est plus définie par G— my, mais par 


3 
J \ Al ” se tes 
G==m v Vi —%r métantune constante caractéristique 


pour le point considéré et indépendante de la vitesse v, 
et V désignant la vitesse de la lumière ; la direction du 
vecteur G est celle de la vitesse, et le changement de G 
par unité de temps mesure la force qui agit sur le point 
matériel. Pour le travail d'une force, on s’en tient à la 
définition ordinaire, mais elle conduit à une nouvelle 
expression de l’énergie cinétique, à savoir : 


E— mV2/4/1 — !. 
He ME VE 


Le coeflicient m qui figure dans ces expressions peut 
être appelé la « masse constante ». Il y a souvent avan- 
tage à introduire une « masse variable » M, définie par 


M=1n) ARE à 


La quantité de mouvement est alors G—Mr et l'énergie 
E—MV?+ const. 

Une deuxième théorie de la gravitation, relativiste 
celte fois, a été développée par Poincaré! et Minkowski?, 
Supposons que l’on connaisse la force F4 avec laquelle 
un corps À agit sur un corps B quand A est au repos, 
B ayant une vitesse quelconque; le principe de relati- 
vilé permet de calculer la force F pour le cas général 
où les deux corps se trouvent en mouvement; on con- 
naîtra d’une manière analogue la force qui agit sur A 
et on déterminera le mouvement des deux corps en se 
servant des équations de la mécanique relativiste. 

On voit que le problème n’est pas entièrement déter- 
miné, parce que le principe ne nous dit rien de la ma- 
nière dont la force F, dépend de la vitesse du corps B,. 
Si l’on prend pour modèle l’action de deux électrons,on 


1. Rendiconti d. Cir. mat. d. Palermo, t. XXI, p. 129; 1906, 
2, Güttinger Nachr., Math. physik. KIl., p. 53; 1908. 


est conduit à admettre qu’elle est indépendante de cette 
vitesse et qu'elle se réduit à l'attraction newtonienne, 
En faisant cette hypothèse, M. de Sitter a calculé les 
variations des éléments des orbites planétaires et a 
trouvé 7 secondes pour le mouvement séculaire du pé= 
rihélie de Mercure. 

Il importe de remarquer, cette fois, que le résultat 
n’est pas dû à une modification de la loi de Newton en 
ce qui concerne la force qui agit sur la planète. En effet, 
le Soleil, dont la masse est fort supérieure à celle de 
Mercure, a été considéré comme restant au repos; si on 
lui avait supposé une certaine vitesse, le résultat eut 
été le même, l’essentiel dans la théorie relativiste étant 
précisément qu'un mouvement d'ensemble des deux 
corps ne peut avoir aucune influence, Or, d’après ce 
qu'on vient de dire, pour le cas où le Soleil est en repos 
la force qui agit sur Mercure se réduit à l'attraction de 
Newton. En fait, le mouvement du périhélie calculé par 
M. de Sitler provient entièrement de la nouvelle délini- 
tion de la quantité de mouvement. 

La troisième théorie de la gravitation, due à Einstein, 
se distingue de la précédente en ce que, même pour une 
planète en repos, elle conduit à une force un peu diffé- 
rente de l'attraction newtonienne.Son pointde départ est 
une conséquence extrêmement remarquable qu'Einstein 
a déduite du principe de relativité : La formule 
E—MV?—+ const. donne immédiatement la relation 
AE — V?AM entre les variations simultanées de l'éner- 
gie E et de la masse M d'un point matériel pour le cas 
où la vitesse vient à changer. Cette relation, qui est 
générale, s'applique non seulement à un point maté- 
riel, mais à un système matériel ou électromagnétique 
quelconque. Tout changement AE de l’énergie entraîne 


1 
un changement correspondant AM — v AE de la masse, 


ce qu'on peut exprimer en disant que l’énergie elle-même 
possède ou représente une certaine masse. 

Le théorème, déjà remarquable en lui-même, le devient 
encore davantage si on le combine avec la proposition 
que le poids d'un corps est proportionnel à sa masse. IL 
faut alors conclure que le poids d’un corps est, comme la 
masse, d'autant plus grand que son contenu d'énergie 
est plus considérable. L'énergie, par exemple celle du 
rayonnement, aura un certain poids. 

Aussi bien, dire qu'un point matériel est soumis à une 
force revient à dire que sa quantité de mouvement 
change d’un instant à l’autre. Comme cette notion de 
quantité de mouvement a été étendue aux ondes élec- 
tromagnétiques, il résulte des considérations précé- 
dentes que la vitesse de la lumiére ne doit pas être la 
même aux divers points d’un champ gravilique. 

Si « est la vitesse que prend un corps sous l’action des 
forces de la pesanteur en tombant d’un point P à un 


point P', les vitesses de la lumière en ces deux points 
4 


différeront, d'après Einsten, d'environ _ , Vydésignant 
) 

la vitesse de la lumière en l'absence d'un champ gra- 

vifique; dans un champ uniforme, cette différence sera 

proportionnelle à la hauteur PP'et, par conséquent, à la 

variation du potentiel gravilique. 

Ceci est la théorie d'Einstein sous sa première forme, 
Depuis il n’a cessé de la perfectionner et ses efforts ont 
abouti à une théorie « admirable », publiée il y a peu de 
temps en collaboration avec M. Grossmann!. «Ilest vrai, 
poursuit M. Lorentz, que la beauté de cette doctrine a 
été obtenue au prix d'une assez grande complication. 
Danslathéoriedélinitive d'Einstein, un champ gravifique 
quelconque est caractérisé, non pas par un seul poten- 
tiel, mais par dix grandeurs qui dépendent en général 
des coordonnées et du temps, et dont les dérivées déter- 
minent tous les effets de la gravitation. On voit que 
c’est bien compliqué; mais heureusement les applica- 
tions se simplifient, un grand nombre de termes étant 


1. Zeitschr. f. Math. u. Phys.,t. LXII, p. 225; 1914. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 73 


trop petits pour pouvoir produire des effets observables. 
Notons aussi que, parmi les grandeurs caractéristiques, 
il en est une qui prédomine, et qui joue le rôle de l'uni- 
que potentiel des anciennes théories et de la vitesse va- 
riable de la lumière de la théorie provisoire, » 

De ces équations on déduit que la gravitation se pro- 
page en l'absence d’un champ gravifique avec la vitesse 
Vs qui appartient à la lumière. — L'expression de la 
force exercée par le Soleil sur une planète contient, à 
côté des termes principaux qui correspondent à la loi de 
Newton, de petits termes accessoires qui dépendent du 
mouvement de la planète et qui sont du deuxième ordre 
de grandeur, 

Einstein a signalé quelques conséquences qui permet- 
tront peut-être d'observer presque directement la varia- 
tion de la vitesse lumineuse dans un champ gravifique : 
1° Un faisceau delumière doit être courbé sous l'influence 
de la pesanteur. Le changement de direction, absolu- 
mentinsensible quand ils'agit du champ terrestre, sera 
bien plus marqué dans celui du Soleil; Einstein calcule 
qu'un rayon de lumière venant d’une étoile et rasant la 
surface du Soleil devrait subir une déviation de 0”,83 qui 
éloignerait la position apparente de l'étoile du bord du 
Soleil. C’est là une prévision qu'on pourra songer à 
mettre à l'épreuve au moment d'une éclipse Lotale, mal- 
gré les sérieuses diflicultés expérimentales qui se pré- 
senteront sans doute; 2° Si, avec un même spectroscope, 
on examine la lumière de deux sources placées à des 
hauteurs différentes, les raies de celle qui occupe la po- 
sition la plus élevée seront déplacées par rapport aux 
raies de l'autre source dans la direction du violet, L'effet 
est absolument insensible dansle champ terrestre, mais 
non dans celui du Soleil : pour deux molécules identi- 
ques dont l’une se trouve à la surface de cet astre et 
l’autre à une grande distance, par exemple à la surface 
de la Terre, la différence est d'environ 0,01 unité 
Angstrom, C'est de cette quantité que les raies de 
Fraunhofer du spectre solaire devraient être déplacées 
vers le rouge par rapport aux raies correspondantes 
d’une source terrestre; il est curieux que des déplace- 
ments de cet ordre de grandeur aient été réellement ob- 
servés; ils ont été attribués à des effets de pression ou 
de mouvement, mais il se pourrait qu’ils fussent dus à la 
cause indiquée par Einstein. 

Peut-on continuer à parler, examine finalement 
M. Lorentz, d'un éther porteur des champs électroma- 
gnétique et gravifique? Iln'y a, semble-t-il, aucun incon- 
vénient à cela. Le champ gravifique présente une cer- 
taine ressemblance avec le champ électromagnétique. 
La seule différence importante, c’est que ce dernier est 
déterminé en chaque point par six paramètres (compo- 
santes de la force électrique et de la force magnétique) 
et le champ gravifique par dix paramètres; mais dans 
l’un et l’autre cas le champ est le siège d’une quan- 
tité de mouvement et d’une énergie qu’il peut céder ou 
emprunter à la matière. Et il n’y a aucune impossibilité, 
semble-t-il, à considérer les deux champs avec tout ce 
qui les caractérise (forces électrique et magnétique, 
paramètres caractéristiques, quantité de mouvement, 
énergie, tensions, courants d'énergie) comme consistant 
en des modilications différentes dans l’état intérieur du 
même éther. Nous ne savons sans doute rien de la nature 
de ces modifications; mais il suflit que nous puissions 
les représenter par des paramètres caractéristiques qui, 
introduits dans les formules de la théorie, nous per- 
mettent de calculer la propagation des forces électroma- 
gnétiques et les mouvements de la matière. 


A. Boutaric. 
$S 4. — Chimie industrielle 


Le traitement au four des phosphates natu- 
rels pour leur utilisation comme engrais. 
— Il ya deux ans, la Revue signalait le développement 
aux Etats-Unis d’un nouveau procédé consistant à trai- 
ter par la chaleur les phosphates naturels pour les 


rendre assimilables par les plantes!, Ce procédé a été 
précédé et suivi de toute une série d’autres méthodes 
analogues, dont M, J. H. Payne? vient de faire une étude 
comparative, qui l'a conduit à des conclusions intéres- 
santes, Il groupe les procédés étudiés en deux classes : 
1° ceux où l'acide phosphorique des phosphates est 
volatilisé avec production de P205 sous forme soluble 
dans l’eau ; 2° ceux par lesquels le phosphate tricaleique 
de la matière première est rendu soluble dans le citrate 
par calcination avec divers réactifs. 

1. Procédés par volatilisation. En chauffant des mir 
raux phosphatés à une température suflisamment élevée, 
et pendant assez longtemps, en présence d’une substance 
acide, comme la silice, et d’un réducteur tel que le car- 
bone, la totalité de l’anhydride phosphorique est vola- 
Lilisée et peut être absorbée par une solution alcaline 
avec formation de phosphates solubles, Comme il 
n'existe guère de fours à foyer intérieur capables de 
développer les températures requises, il faut se servir du 
four électrique ; l'emploi de la méthode dépend done du 
coùt de l'énergie électrique. En outre, le produit doit 
avoir une teneur en P20ÿ soluble dans l’eau de 30 à 50 °/, 
et au-dessus. Une usine utilisant cette méthode a été 
récemment construite près de Charlotte, dans la Caroline 
du Nord. 

2. Procédés par calcination. Un premier brevet, déjà 
expiré, a été celui de Dunne*; il produisait des phos- 
phates solubles dans l’eau et le citrate par traitementau 
four, voisin du point de fusion, avec des alcalis ou des 
sels alcalins, dans la proportion de 1/2 à 1 par rapport 
au phosphate; les sels employés étaient le sulfate de 
soude, seul ou mêlé avec du sulfate potassique; on ajou- 
tait du charbon pour décomposer les sulfates. 

Un autre brevet expiré est celui de Day #, relatif à un 
procédé de production des phosphates solubles dans 
l'acide citrique dilué par traitement en four, au-dessous 
du point de fusion partiel, du minerai phosphaté avec 
une quantité équivalente ou supérieure de carbonate de 
:alcium. 

Le procédé Wiborghÿ, qui va tomber dans le domaine 
publie en mars 1915, a été appliqué d’abord en Suède à 
la poudre d’apatite, qui est chauffée à la chaleur rouge 
ou jaune avec des substances contenant du sodium ou 
du potassium. Il donne un phosphate tétracaleiosodique 
ou potassique, soluble dans le réactif de Wagner, mais 
insoluble dans l’eau. Ce procédé ditfère du procédé Dunne 
par la quantité d’alcali employée : de 6 à 4o °/, et non de 
50 à 100 0/0. 

Les brevets Newberry et Fishburnef, appliqués le 
24 août 1908, et Connor’, appliqué le 31 octobre 1908, 
constituent un perfectionnement du procédé Day en ce 
qu'ils obtiennent d'aussi bons résultats, en employant 
moins de réactifs et des températures plus élevées. Dans 
le procédé Connor, pour cinq parties de phosphate on 
emploie une partie de soude caustique et deux de chaux 
vive ; dans le procédé Newberry, on emploie environ 
moitié moins de chaux et de carborate alcalin. 

Toute une série d’autres brevets ont proposé la calei- 
nation avec des réactifs alcalins ou acides à des tempé- 
ratures supérieures à la chaleur orange, En négligeant 
l'emploi des réactifs acides, on peut dire que tous les 
procédés basés sur l'emploi de chaux ou de fondants 
alcalins tendent à réduire l'emploi des réactifs et à 
augmenter la température, par suite de l'application du 
four rotatif à ciment. Le produit obtenu dans tous les cas 
est essentiellement celui du procédé Wiborgh. 

La valeur de ces produits pour la pratique agricole 


1. Voir la Revue du 15 février 1913,t. XXIVY, p. 87. 

2. The American Fertilizer,t. XVI, n° 7, p. 44; analysé dans 
le Bull. mensuel de l'Inst. internat. d'Agric., t. VI, n° 1, p.92, 
auquel nous empruntons les renseignements qui suivent. 

3. U. S. Patent n° 245 625; 1886. 

4. U. S. Patent n° 542 080; 1895, 

5. U. S. Patent n° 601 089; 1898. 

6 U. S. Patent n° 978 193; 1908. 

7. U. S. Patent n° 931 846 ; 1908. 


SI 
= 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


dépend: de leur coût de production, qui doit être infé- 
rieur à celui du superphosphate; de la teneur en 
substances assimilables par les plantes, qui doit être 
supérieure à celle du superphosphate ; de leur stabilité 
et de leur aptitude à se mélanger avec d’autres engrais. 

D'après les expériences de M. Payne, toutes ces condi- 
tions pourront être réalisées avec le temps, au plus grand 
avantage de l’industrie des engrais et aussi de l’agri- 
culture, Sauf des perfectionnements qu’on ne peut pré- 
voir, il n'y a pas de raisons de croire que la production 
de ces engrais puisse acquérir un caractère de monopole, 
d'autant plus que leur nature alcaline en limite l'emploi 
(leur usage avec le sulfate d'ammoniaque est, par 
exemple, exclu), de sorte que la tendance deviendra de 
plus en plus marquée à distinguer parmi les engrais 
deux groupes : acide et alcalin, ayant chacun son champ 
d'action propre. 

M. Payne a calculé le coût de production d’un produit 
obtenu par la formule de Wiborgh, aux Etats-Unis. Si 
la production a lieu à la mine et si le coût du phosphate 
naturel à 70°, est de fr. 1,98 par quintal, un produit 
contenant 30°/, de P20* assimilable reviendrait à 
fr. 3,63 le quintal, soitenviron fr. 0,12 par unité de P20ÿ 
assimilable ; si la production avait lieu dans une fabri- 
que d'engrais, l'unité reviendrait à environ fr. 0,15. 


S 5. — Agronomie 


La lutte contre le désert. — Dans un récent tra- 
vail!, un savant italien, M, C, Ulpiani, vient de discuter 
des questions dont la solution aurait une extrêémeimpor- 
tance au point de vue pratique et qui se résument en 
ceci : Est-il possible : 1° de s'opposer au progrès des dé- 
serts; 2° de les circonscrire; 3° de les ramener à leurs 
frontières préhistoriques naturelles; 4° de faire dispa- 
raître de la surface terrestre cette dégénérescence du sol 
qui dessèche toute manifestation de la vie végétale et 
animale. | 

L'auteur, en tenant compte des recherches agrologi- 
ques récemment effectuées dans la Libye italienne et de 
la pratique du dry-farming, conclut en aflirmant que 
l'initiative individuelle ne pourra jamais se risquer 
seule dans la lutie contre les déserts, IL est nécessaire 
que les Etats intéressés organisent et coordonnent ce 
mouvement par l'installation de fermes modèles, en vue 
de démontrer la possibilité de cultiver avec prolit, dans 
la zone aride, certaines plantes xéro-halophiles. Il est 
surtout nécessaire d'assurer les producteurs du facile 
écoulement de leurs produits, et cela par des lois pro- 
tectrices, Il est peut-être aussi opportun que l’action 
des Etats se déploie d'accord, suivant un plan syner- 
gique. 

L'auteur est d'avis qu'il faut constituer une conscience 
mondiale collective en faveur de la lutte contre les dé- 
serts, (Ceux-ci constituent une menace permanente 


1. Le Slazioni speriment. agrarte italiane, &. XLII, p. 637 
673, résumé dans le Bull. mensuel des rens. agric. de l'Inst. 
internat. d'Agric., t. IV, p. 43-44, auquel nous empruntons 
les renseignements ci-dessus. 


contre la civilisation et la vie. M, Caetani! a démontré 
que toute la série des migrations humaines de la préhis- 
toire et de l’histoire, jusqu'aux dernières invasions des 
Mongols et des Tures, doivent être regardées comme 
l'effet de la marche ininterrompue des déserts. 

Un institut de caractère international, tel que Institut 
international d’Agricullure, pourrait, selon l'auteur, 
contribuer d’une manière eflicace à la formation de cette 
conscience collective. Aujourd'hui l’agriculture de la 
petite ferme, qui devait fournir au propriétaire tous les 
produits nécessaires à la vie, ne peut plus se maintenir 
vis à-vis de la grande agriculture établie sur une 
échelle industrielle et visant à pratiquer les cultures 
réellement appropriées au elimat et au sol, pour obtenir 
le maximum de rendement. L'Institut international 
d'Agriculture, prenant comme point de départ la Géo- 
graphie botanique el les cartes agrogéologiques, devrait 
s'occuper de ceite répartition des cultures, dans le but 
d'atteindre un maximum de rendements par un minimum 
d'efforts. C'estaux zones sub-désertiques que reviendrait, 
par leur aridité et leur luminosité, la culture des plantes 
xéro-halophiles pouvant être utilisées dans certaines 
industries, comme celles de l'alcool, du papier, de l'acide 
tannique. 

Ces industries devraient être, d'ailleurs, protégées el 
encouragées. En ce qui concerne l'alcool, il ne faut pas 
oublier que, dans la fiévreuse consommation actuelle de 
pétrole et de charbon, on attaque sans relâche toutes 
les provisions existantes de combustibles, sans se préoe- 
cuper de leur épuisement, et sans se soucier de trouver 
un succédané possible, dont le large empioi puisse reeu- 
ler le jour redouté de la crise de l'énergie. En ce qui 
concerne, d'autre part, l'industrie du papier, qu’on réflé- 
chisse aux ravages auxquels on a condamné les forêts, 
pour faire face aux besoins de papier du monde entier, 
et l’on verra sans peine qu'une entente internalionale 
s'impose, en vue d'obliger tous les peuples au respeel 
des grands arbres, si utiles dans les régions humides 
par le fait qu'ils fixent les sols et préviennent les inon- 
dations, et aussi en vue de favoriser par tous les 
moyens, dans les régions arides, la couverture des 
steppes par l’alfa, le dis et plantes analogues. On peut 
en dire autant pour l’industrie de l’acide tannique; pour 
alimenter cette dernière, on pourrait, au lieu de détruire 
les chataigneraies de France et d'Italie, cultiver dans la 
zone aride le Ahus oxyacantha et peut-être aussi le 
sumac, 

A l'heure actuelle, la lutte contre les déserts doit. 
constituer un grand but à proposer à l'effort humain, 
Cette lutte intéresse dans une égale mesure tous les con- 
tinents, soit parce que la marche envahissante du désert 
constitue une grave menace, soit parce que, une fois 
les déserts enrayés et conquis, ils pourraient offrir un 
large espace à la libre expansion des peuples, 

Les suggestions de M. Ulpiani arrivent à un moment 
où, malheureusement, les préoccupations des nations 
civilisées sont tournées vers des questions beaucoup 
plus urgentes; mais il faut espérer que, vu leur intérêt 
durable, elles seront examinées dans un avenir pro- 
chain. 


1. Studi di Storia orientale, Milan, 1911. 


J. HAAG — SUR LES PRINCIPES DE LA MÉCANIQUE 75 


SUR LES PRINCIPES DE LA MÉCANIQUE 


La Mécanique est la science qui a pour but 
l'étude des phénomènes de mouvement (et, 
comme cas particulier, de repos) ou phénomènes 
mécaniques. À ce titre, c'est donc une science 
purement expérimentale. C'est, comme l'a fort 
bien dit M. Bouasse, le premier chapitre de la 
Physique. Les méthodes de cette dernière lui 
sont donc nécessairement applicables. 

Effectivement, les lois de la Mécanique actuelle 
doivent leur existence aux observations les plus 
vulgaires, interprétées par les esprits géniaux 
des Galilée, des Képler, des Newton. À cause de 
leur simplicité et de leur grande généralité, elles 
ont perdu, peu à peu, leur caractère expérimen- 
tal et ont fini par s'imposer, du moins jusqu’à 
nouvel ordre, comme des vérités inéluctables, 
comme des axiomes, analogues à ceux de la 
Géométrie, 

Ceci explique pourquoi la Mécanique a pénétré 
progressivement dans le domaine des mathéma- 
ticiens, qui sont actuellement chargés de son 
enseignement, du moins en France, sous la ru- 
brique : Mécanique rationnelle?. 

Sans rechercher si c’est là un bien ou un mal, 
nous nous contenterons de montrer comment on 
peut exposer la Mécanique d’un point de vue pu- 
rement mathématique, sans faire appel à aucun 
axiome d'ordre expérimental. Nous ferons voir 
ensuite comment la science abstraite ainsi con- 
struite se rattache à l’étude des phénomènes natu- 
rels de mouvement. 

Autrement dit, nous nous proposons de faire 
nettement la part du Physicien et la part du Ma- 
thématicien, tout en montrant qu'ils sont soli- 
daires l’un de l’autre. 

On objectera sans doute qu'une telle distinction 
est purement factice et qu'un bon mécaniste doit 
être à la fois physicien et mathématicien. C’est là 
une opinion à laquelle nous nous rangeons vo- 
lontiers. Malheureusement, il existe, croyons- 
nous, peu de mathématiciens ayant du goût et 
des aptitudes pour la pratique de l'expérience et 
du laboratoire. À part quelques troprares excep- 
tions, il ne nous semble pas qu’un mathémati- 
cien puisse diriger, avec compétence, des mani- 
pulations de Mécanique. Une collaboration entre 


1. En fait, celle analogie est loin d’être superficielle, si 
l'on veut bien observer que la Géométrie, tout au moins la 
Géométrie euclidienne, repose, elle aussi, sur un certain 
nombre de notions expérimentales, en nombre évidemment 
restreint, mais auxquelles la pure lozique nesaurait suppléer. 

2. La Mécanique n'est d’ail'eurs pas la seule branche de la 
Physique dont se soient occupés des 
Henri Poincaré en fut un illustre exemple. 


mathématiciens. 


physiciens et mathématiciens serait peul-être 
heureuse, mais diflicile à réaliser dans l'ensei- 
gnement. 


JL. — Pnixcipes DE LA MÉCANIQUE RATIONNELLE 


Arrivons à l'exposé logique du mathématicien, 
doutla théorie sera appelée Weécanique rationnelle 
ou Mécanique mathématique". 


$ r. — Cinématique 


Soit un trièdre de coordonnées Oxyz ou triè- 
dre (T),que nousappellerons /ricdre de reference. 
Soit maintepantun pointM, dontles coordonnées 
2,y, par rapport à ce trièdre sont des fonctions 
connues d’un certain paramètre {, que nous appel- 
lerons le emps, Lorsque { croit d'une manière 
continue, le point M occupe, relativement à (T), 
des positions successives déterminées. Nous con- 
viendrons de dire qu'il est ex mouvement par 
rapport à notre trièdrede référence, Les équations 
qui définissent x, y, = en fonction de £, soient 


Hz, yat = 7(); 


seront appelées les équations du mouvement. 
Nous appellerons vecteur vitesse du point M à 
l'instant {la dérivée géométrique du vecteur (OM) 
par rapport à £. Nous appellerons vecteur accele- 
ration la dérivée géométrique du vecteur vitesse, 
Les composantes de ces 
dx dy dz 


les axes sont PE Al 
d'y dz 


Au lieu d'un seul point mobile, on peut en 
envisager simultanément plusieurs; on obtient 
un système. Dans les raisonnements, il est com- 
mode de ne considérer que des points en nombre 
fini. Mais, on peut, en employant les procédés de 
définition des intégrales simples, doubles ou tri- 


deux vecteurs suivant 
dx 


© mier et ——: 
pour le premier e TE 


pour le second. 


ples, admettre l'extension des {lieux continus à 
une, deux ou trois dimensions. Chaque point M 
d'un tel milieu est individualisé par la connais- 
sance d’un, deux ou trois paramètres indépen- 
dants. On connaît le mouvement du milieu si l’on 
peut avoir, à chaque instant, la position du point 
qui correspond à un ensemble de valeurs nume- 
riques quelconques attribuées aux paramètres 
précédents. Pour cela, il faut connaître les coor- 
données x, y, = de M en fonction du tempset de 
ces paramètres. 


1. De même qu'on dit Physique mathématique. 


76 J. HAAG — SUR LES PRINCIPES DE LA MÉCANIQUE 


Il existe une catégorie de systèmes auxquels 
il convient d’attacher une importance particu- 
lière : ce sont les sys/èmes indeformables où corps 
solides. Is sont caractérisés par ce fait que la 
distance de deux quelconques de leurs points est 
constante, c’est-à-dire indépendante du temps.On 
peut représenter chacun d’eux par un trièdre qui 
lui est invariablement lié. D’où il résulte que le 
mouvement d'un corps solide est déterminé par 
la connaissance de six fonctions def. 

On peut imaginer aussi des systèmes exclu- 
sivement constitués par des corps solides, liés les 
uns aux autres de certaines manières. Leurs 
mouvements dépendent d’un nombre fini de 
fonctions de la seule variable #, tandis que ceux 
des milieux continus déformables introduisent 
des fonctions de deux, trois ou quatre variables, 
C'est pour cette raison que la mécanique des 
corps solides s'est révélée comme beaucoup plus 
simple et s'est développée davantage que la 
mécanique des systèmes continus déformables. 

Changement du trièdre de référence. — Soitun 
triède (T'}, de mouvement connu par rapport 
à (T). En vertu des formules du changement de 
coordonnées,on peut déduire le mouvement 
de M par rapport à (T) du mouvement de M par 
rapport à (T'). 

Il importe de savoir comment se transforment 
les vecteurs vitesse et accélération dans un tel 
changement du trièdre de référence. La réponse 
se traduit par des égalités géométriques de la 
forme : 

(2)(V)= (V') + (Va, 
(3) (y) = (7) + (ve) + (rc), 
où (V) et (;) sont les vecteurs vitesse et accéléra- 
tion par rapport à (T), (V')et (y) sont les mêmes 
vecteurs par rapport à (T'); enfin, (Ve), (4) et (y) 
sont certains vecteurs appelés vitesse d'’en- 
traîinement, accélération d'entrainement et accé- 
lération de Coriolis. Ils dépendent tous trois du 
mouvement de (T') par rapport à (T);en outre, 
les deux premiers dépendent seulement de la 
position et le troisième de la vitesse du point M. 
$ 2. — Dynamique 

En Dynamique s’introduit un élémentnouveau: 
la masse. À chaque point M, on convient d’affecter 
un coeflicient positif etessentiellement constant, 
qui est dit la masse de ce point. La masse d’un 
système est, par définition, la somme des masses 
de tous ses points; ce qui s'étend aux milieux 
continus, par les procédés du Calcul intégral. 

De la notion de masse dérivent certains 
éléments, tels que les centres de gravité et 
moments d'inertie, qui s’introduisent d’eux- 
méêémies dans l’étude détaillée de la Dynamique. 


Ils donnent lieu à des développements, qui 
constituent la Geomeétrie des masses. 


Force relative!. — Soit un point matériel M, 
de masse »2, mobile par rapport au trièdre (T). 
A chaque instant £, il a un certain vecteur accé- 
lération (). Nous appellerons force relative au 
trièdre (T), appliquée au point M à l'instant t, le 
vecteur (f) = 72 (y). 

Le mot force n'aura donc pour nous une signi- 
fication, du moins jusqu’à nouvel ordre,qu’autant 
qu'aura été spécifié le trièdre de référence. 

Si l’on change ce dernier, la force change éga- 
lement. D’après (3), si(f”) désigne la force relative 
à (T'},ona 


(8) 5 = (À) + (Ge) + (0), 


où (/) représente le vecteur — 7»? (y), ap- 
pelé force d'entrainement et (/.) le vecteur 
— m |}, appelé force de Coriolis. Ces deux vec- 
teurs correctifs ne dépendent, pour un mouve- 
ment donné de (T') par rapport à (T), que du 
temps, de la position de M et de sa vitesse. 

Il y a toutefois un cas où la force relative est 
la même par rapport aux deux trièdres; c'est le 
cas Où ceux-ci sont animés, l'un par rapport à 
l’autre, d'une translation rectiligne et uniforme. 


Familles de mouvements ; lois de force. — Parmi 
tous les mouvements que peut prendre le point 
M par rapport à (T), imaginons que l’on consi- 
dère une famille (A), telle que tout mouvement 
de la famille soit déterminé par ses conditions 
initiales, c'est-à-dire par la position et la vitesse 
du mobile à l’époque zéro. 

Une semblable famille est définie par des 
équations de la forme? 


| 


g f (É, To, 930; Lo, Y cr Z 0); 
(5) y = g (6, Lo; Yo 20 Lo Y 0 3 0)» 
D — UC ne co Lie Vo ol 


OÙ &o, Yo, z Sont les coordonnées initiales de M 
etx', yo, = o les composantes du vecteur vitesse 
initial. 

On peut dire que /e but de la Dynamique est 
l'étude des familles de la nature précédente. 

Une famille (A) étant donnée, imaginons que 
le point M ne puisse prendre que des mouvements 
de cette famille. Je dis que la force relative qui 
lui est appliquée est connue à un instant £ quel- 


1. Nous empruntons cette nolion à M. Painlevé, 
Ôf èg ôh 

,=—*—2; — doivent se réduire res- 
dé ot ot 


pectivement à Ze, Yo, Zo, Lo Ye» 20, Pour { — 0. 


2. Les fonctions /, 9, À 


J. HAAG — SUR LES PRINCIPES DE LA MECANIQUE 77 


conque, si l’on se donne la position et la vitesse 
du mobile à cet instant. En effet, ces données 
déterminent, par six équations qu'il est facile 
d'écrire‘, les six constantes æ6, Yo, 303 & 0; Yo; %'03 
et, par suite, le mouvement tout entier du point 
M. Le mouvement étant connu, le vecteur accélé- 
ration et par suite le vecteur force relative le sont 
aussià une époque quelconque et, en particulier, 
à l’époque { précédemment considérée. 

Ceci se traduit analytiquement de la manière 
suivante: 

Appelons X, Y, Z les composantes de la force 
relative, suivant les axes Oxyz. Ce sont des fonc- 
tions parfaitement déterminées des sept varia- 
Dies TN Y, 2 DAV ES SON: 

NN y "2 2h 7, 5!), 
MG yhs;r' gs"), 
DCE ae my si) 


(6) 


Une telle correspondance entre la force rela- 
tive et les conditions au temps 1? sera appelée une 
loi de force. Elle est définie par des équations 
telles que (6). 

Nous venons de voir qu'à toute famille (A) cor- 
respond une loi de force déterminée. Récipro- 
quement, à toute loi de force correspond une fa- 
mile (A). En effet, assujettissons le point Màne 
prendre que des mouvements obéissant à cette 
loi de force, c’est-à-dire tels qu’à chaque instant 
la force relative satisfasse aux équations (6). Cha- 
cun de ces mouvements vérifie les équations 
différentielles : 

MD LU, 
my —G|(#, x, y, 3 
EE y eme y si) 

où +, y, z, sont les coordonnées de Metx',y', 7, 
x”, y", =", les dérivées premières et secondes de 
ces coordonnées par rapport à £. Or, un théorème 
d'Analyse bien connu nous apprend que, sous 
certaines restrictions de continuité, ilexiste une 
solution et une seule vérifiant ce système, en 
même temps que des valeurs initiales données 
de x, y, 3, &',y', =. Il revient manifestement au 
même de dire que tout mouvement obéissant à la 
loi de force (6) est déterminé, quand on se donne 
ses conditions initiales. L'ensemble de tous les 
mouvements ainsi définis constitue donc bien 
une famille (A). 

Ce que nous venons de dire pour un point peut 
se répéter pour un système. La seule différence 
est que la famille (A) et la loi de force correspon- 


» © 


(7) | 


1. Nous ne nous préoccupons pas de savoir si ce système 
d'équations admet une ou plusieurs solutions. S'il y avait 
plusieurs solutions, on en conclurait simplement que les 
fonctions X, Y, Z sont multiformes, 


2. Nous appellerons ainsi la position et le vecteur vitesse 
à cet instant. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 


dante peuvent dépendre, dans ce cas, d’un nom- 
bre quelconque de paramètres!', caractérisant 
l’ensemble des conditions initiales de tous les 
points du système. 


Changement du tricdre de référence, — Soit 
une famille (A) de mouvements rapportés au 
triédre (T}) et soit (/) la loi de force relative cor- 
respondante. Prenons maintenant un autre trié- 
dre de référence (T'), de mouvement 
par rapport au premier. Si l’on se donne les 
conditions initiales de M par rapport à (T), on 
peut en déduire, en vertu de la formule (2), 
les conditions initiales par rapport à (T') et 
réciproquement. Il s'ensuit manifestement que 
les mouyements de la famille (A) deviennent, 
quand on les rapporte au trièdre (T'),les mouve- 
ments d’une nouvelle famille (A’). Conséquem- 
ment, la loi de force (jf) se transforme en une 
nouvelle loi de force (/')}. Ceci résulte d’ailleurs 
aussi de la formule (4) et du fait, signalé plus 
haut, que les forces d'entrainement et de Coriolis 
ne dépendent que des conditions au temps £ du 
point M. 


connu 


Forces absolues?. — Soient deux familles (A) 
et (A,), rapportées au même trièdre(T}. Soient (/) 
et (/,) les lois de force relative correspondantes. 
On peut passer de (f) à (/,), donc de (A)à (A,), en 
ajoutant à (f) la force (F)—(/,) — (). Je dis que 
cette force est indépendante du choix du trièdre 
de référence. 

En effet, prenons un nouveau trièdre (T'), animé 
d'un mouvement quelconque par rapport à (T). 
Les forces (f) et (f”,;) se transforment en (/')et 
(f',), par les formules : 


P=D+G) +) Pa = 6) + (fo) +), 
(fe) et (/c) étant les mêmes dans les deux formu- 
les. On en déduit immédiatement : 


Fi) —(f). 

Nous arrivons donc à cette conclusion fort 
importante que, pour passer d’une famille déter- 
mince à une autre famille détermince, il suffit 
d'ajouter à la première loi de force relative f) 
une autre loi de force (F), qui est indépendante 
du trièdre de référence. 


1. Il peut même y en avoir une infinité, s'il s'agit d'un sys- 
tème continu déformable, auquel cas les équations (7) doivent 
être remplacées par des équations aux dérivées partielles. 

2. Cette notion de force absolue est aussi empruntée à 
M. Painlevé. 

3. Cela ne veut pas dire que les composantes de (F) par 
rapport au trièdre de référence sont des invariants; c'est le 
vecteur qui est un invariant, c'est-à-dire ses composantes par 
rapport à un trièdre de coordonnées auxiliaire quelconque, 
choisi une fois pour toutes, indépendamment de tout trièdre 
de référence, et qui peut être, par exemple, le premier triè- 


dre (T). 


78 J. HAAG — SUR LES PRINCIPES DE LA MÉCANIQUE 


A cause de cette propriété fondamentale, la 
force (F) sera dite force absolue, par opposition 
à la force relative (/), qui, elle, dépend essentiel- 
lement du trièdre de référence. 


Addition des forces absolues. — Par définition, 
l'application simultanée de plusieurs forces abso- 
lues (K,), (F3), :.. (FA) au point M équivaut à l'ap- 
plication de la force absolue 


(F)=1(F,) +(B)3 + (Fa). 


Si (f) est la force relative au trièdre (T) qui 
était appliquée au point M avant l'introduction 
de ces forces absolues, la nouvelle force relative 


est (f1+(F,)+ (Fo. + (El: 


ftéactions. — Soit le point M, soumis à la loi 
de force relative (f), par rapport au trièdre (T). 
Introduisons, au voisinage de ce point, un autre 
point matériel M’. Nous conviendrons que cette 
introduction a pour effet de modifier la famille 
des mouvements qu'était susceptible de prendre 
le point M. De ce fait, la loi de force (f) est aussi 
modifiée. D'après ce qui a été vu précédemment, 
il s’est ajouté à cette force relative une force 
absolue (R), que nous appellerons la réaction 
exercée par M' sur M et qui sera, par conven- 
tion, dirigée suivant la droite MM’. 

De la même manière, M exerce sur M' une réac- 
tion (R’). Nous conviendrons encore que cette 
réaction est égale et opposée à la précédente. 
Cette nouvelle convention portera le nom de prin- 
cipe de l'egalite de l'action et de la réaction. 


Forces de liaison. — Imaginons un système (S) 
soumis à une certaine loi de forces relatives, par 
rapportau trièdre (T),ou, ce qui revientau même, 
ne pouvant prendre que les mouvements d’une 
certaine famille(A). Supposons maintenant qu’on 
impose à ce système de nouvelles liaisons, De ce 
fait, les mouvements qu'il peut prendre, d’une 
manière générale, sont modifiés. En particulier, 
les mouvements de la famille (A) ne sont plus 
possibles, sauf certains cas exceptionnels. Ils 
doivent être modifiés, de manière à former une 
nouvelle famille (A,), compatible avec toutes les 
liaisons, tant nouvelles qu’anciennes. De là ré- 
sulte que la loi de forces relatives à laquelle 
obéissait primitivement le système est nécessai- 
rement changée. On doit ajouter aux anciennes 
forces relatives certaines forces absolues, qu'on 
appelle des forces de liaison. 


Problème général de la Dynamique. — Le pro- 
blème qui est l’objet habituel de la Dynamique 
est le suivant : Etant donne un système soumis à 
une loi de forces et à des liaisons données, trouver 


la famille des mouvements qu'il peut prendre et, 
d'une façon plus précise, trouver celuide ces mou- 
vements qui correspond à des conditions initiales 
données. 

Lorsqu'il n’y a à ajouter à la loi de forces 
donnée ni réactions, ni forces de liaison, le pro- 
blème est toujours nettement défini au point de 
vue mathématique et revient à l’intégration d'un 
certain système différentiel. Mais, lorsque s’in- 
troduisent des réactions ou forces de liaison, les 
définitions et conventions que nous venons d’ex- 
poser sont souvent insuflisantes et doivent être 
complétées par des hypothèses supplémentaires, 
relatives à ces réactions et forces de liaison. 


IT. — Rapports ENTRE LA MÉCANIQUE RATIONNELLE 


ET LA MÉCANIQUE EXPÉRIMENTALE 


Partant des définitions et conventions géné- 
rales qui précèdent, le mathématicien construit 
toute une théorie, à laquelle nous avons donné 
le nom de Mécanique rationnelle. Il s’agit de 
montrer maintenant que ce n’est pas là un simple 
jeu de l'esprit, mais au contraire une théorie ma- 
thématique s’adaptant merveilleusement à l’étude 
des phénomènes naturels que nous avons appelés 
les phénomènes mécaniques. 

Nous allons reprendre toutes nos définitions et 
conventions et chercher à quoi elles correspon- 
dent, par abstraction, dans la réalité. Nous éta- 
blirons ainsi le lien entre la Mécanique ration- 
nelle et la Mécanique expérimentale. 


$ 1. — Cinématique 


: 

Voyons d’abord ce que devient notre point 
géométrique M. Il pourra représenter bien des 
choses, suivant le phénomène étudié. Ce sera, 
par exemple, un petit morceau d’un corps quel- 
conque !; ou bien la Terre, une planète, une 
comète, le Soleil, un astre quelconque ; ou bien 
une particule hypothétique aux dimensions ex- 
cessivement réduites parrappoñt à celles qui sont 
accessibles à nos sens et qu'on qualifiera de 
molécule, atome, corpuscule, électron, magné- 
ton, etc. 

Quoi qu'il en soit,on peutimaginer maintenant 
que notre point occupe différentes positions dans 
l’espace. Mais il nous est impossible de situer 


1. Nous employons ici le mot corps avec son sens vulgaire 
et imprécis et non plus avec le sens mathématique el précis 
attribué au corps solide, Quant au qualificatif petit, son sens 
est tout à fait relatif et signifie généralement de petites di- 
mensions par rapport aux distances que peut parcourir le 
point dont il est question. 


J. HAAG — SUR LES PRINCIPES DE 


l’une d'elles sans le secours d’un certain repère !, 
que nous symbolisons par un trièdre : le trièdre 
de référence. 

En second lieu, ces différentes positions ne 
peuvent ètre occupées simultanément par le 
même point, mais seulement les unes après les 
autres. Ici, s’introduit la notion de {emps. Quel 
rapport cette notion peut-elle présenteravec la va- 
riable que le mathématicien a qualifiée du même 
nom ? Ce rapport est tout à fait conventionnel. Il 
repose sur la considération de certains phéno- 
mènés naturels que l’on regarde, par définition, 
comme se reproduisant à des intervalles de temps 
équidistants ?, ou bien auxquels est liée la varia- 
tion continue d'une certaine grandeur mesurable, 
qu'on regarde, par définition, comme proportion- 
nelle au temps #. 

On conçoit très bien, d’après cela, qu'il soit 
possible d'imaginer des procédés de mesure du 
temps tout à fait arbitraires, assujettis seule- 
ment à la condition que, de deux événements non 
concomitants, celui qui est antérieur à l'autre 
corresponde à la plus petite valeur de {. Rien 
n'oblige logiquement à s'arrêter à un procédé 
plutôt qu’à un autre. C’est uniquement un besoin 
de simplicité qui a prévalu pour la mesure ac- 
tuelle du temps. Il répugnerait à l'esprit de con- 
sidérer comme non équidistants des phénomènes 
tels que les passages successifs d’une étoile au 
méridien d’un lieu etcomme non uniforme la va- 
riation de l’angle horaire de cette étoile. 

Comme conséquence naturelle de ce besoin de 
simplicité, il s'est trouvé que les lois mécaniques 
qui régissent les phénomènes astronomiques ont 
pris une forme très simple, condensée en un seul 
principe: la gravitation universelle. Il en va de 
même pour la plupart des phénomènes mécani- 
ques naturels, que nous observons quotidienne- 
ment à la surface de la Terre. Tout eût été, au 
contraire, d’une complication inextricable, qui 
eût arrêté, à elle seule, toute la Mécanique et 
toute l'Astronomie, si l’on s'était avisé de mesu- 
rer le temps par un procédé hétéroclite, comme 
on en imagine aisément‘. 


1. Le mot position n'a aucun sens absolu, mais seulement 
un sens relatif, On ne saurait concevoir la détermination d'un 
point dans l'espace, si ce point était unique dans l'Univers. 
Notre imagination nous permet peut-être de réaliser vague- 
ment cette conception; mais, en vérité, nous jouons, dans 
ce cas, nous-mêmes, le rôle de trièdres de référence; ou 
bien, nous attribuons inconsciemment ce rôle au souvenir 
d'objets étrangers à notre point, qui persistent en dépit de 
tout effort d'abstraction. 

2. Tels sont les oscillations d'un pendule, les passages 
d’une étoile déterminée au méridien d’un lieu déterminé, 
les mouvements vibratoires d’une radiation déterminée. 

3. Tel est l’angle horaire d'une étoile. 


4. CF. H. Poincaré: Revue de Métaphysique et de Morale 
(janvier 1898). 


LA MECANIQUE 79 


Possédant les notions de temps et d'espace 
relatif, nous arrivons aisément à celle de mou- 
vement. On reconnait expérimentalement qu'un 
point M est en mouvement à ce que la configura- 
tion qu'il forme avec certains objets environ- 
nants se modifie avec le temps. Ceci, toutefois, 
n'a un sens précis que si ces objets environnants 
forment ensemble une configuration invariable, 
ce que nous avons appelé un corps solide !. 

Il est donc indispensable, lorsqu'on prononce 
le mot mouvement, de fixer immédiatement le 
repère indéformable auquel on rapporte ce mou- 
vement. C’est ce repère que nous avons symbo- 
lisé par notre trièdre de référence. 

Comme on le voit, la notion de mouvement 
est essentiellement relative. Il est impossible de 
concevoir un mouvement absolu, pas plus qu’il 
n'est possible de localiser un point dans l’es- 
paäce absolu.Il faudrait, pour cela, arriver à 
nous représenter le mouvement d’un point isolé 
dans l'Univers, en faisant abstraction de notre 
propre personne. Or, cette dernière condition 
surtout sembleirréalisable. Quand nousessayons 
de concevoir des mouvements absolus, nous ne 
concevons que 
relatifs. 


des souvenirs de mouvements 


L'expression mouvement absolu peutavoir un 
sens, d’ailleurs entièrement conventionnel, si 
l'on imagine un trièdre de référence absolu, que 
l'on considère comme fixe, par définition. On 
peut être conduit à la notion d'un tel trièdre 
par des considérations empruntées à l’Astrono- 
mie ou à la Physique, comme nous le verrons 
plus loin. Mais il est bien clair que, malgré 
tout, au point de vue philosophique, ce trièdre, 
qu'il faudra définir, par exemple, par son mou- 
vement par rapport à la Terre, ne sera pas plus 
fixe, pas plus absolu qu’un autre. 

On peut s'étonner, après cela, que le nombre 
des personnes qui ont réfléchi sur la relativité 
de la notion de mouvement soit excessivement 
restreint. Cela tient à ce que, pour le vulgaire, 
tous les mouvements sont instincetivement rap- 
portés à la Terre et cela, probablement, pour 
l'unique raison que c'estle plus gros corps solide 
que nous ayons sous la main. Vous ne ferez pas 
admettre à un homme du peuple que, lorsqu'il 
est dans le train, ce sont les poteaux télégraphi- 
ques qui se déplacent. [l vous répondra certai- 
nement, sous une forme plus ou moins précise, 
que ce n’est là qu’une apparence. Il lui faudrait, 


1. C'est un lieu commun de dire que les corps solides 
n'existent pas dans la Nature, Mais il existe des corps soli- 
des approchés, dont les déformations ne tombent pas direc- 
tement sous nos sens et auxquels nous pouvons fort bien 
faire jouer le rôle du corps solide mathématique. 


50 J. HAAG — SUR LES PRINCIPES DE LA MECANIQUE 


en effet, s'il adoptaitle mouvement des poteaux 
télégraphiques, imaginer que eeux-ei entraînent 
avec eux toute la Terre, qui glisserait, de la 
sorte, sous le train. Mais une telle conception lui 
produirait l’effet d'une plaisanterie, vu la gros- 
seur de notre globe. 

Jusqu'à Galilée, personne, sauf peut-être quel- 
ques esprits précurseurs, n'avait jamais douté de 
l’immobilité absolue de la Terre. Et l’on sait 
quelle indignation fut soulevée par la négation 
de cette croyance. Il y avait cependant un moyen 
très simple de concilier tout le monde. On eût 
donné raison à Galilée en choisissant un trièdre 
de référence lié au Soleil et l’on eût satisfait ses 
contradicteurs en prenant un trièdre de réfé- 
rence lié à la Terre. 

Est-ce à dire que la découverte de Galilée se 
réduit à un jeu de mots? Non, et cela pour plu- 
sieurs raisons. D'abord, Galilée détruisait cette 
idée simpliste et vaine, d’après laquelle la Terre 
serait le centre du Monde, au milieu duquel elle 
Jouerait un rôle tout à fait fondamental. Ensuite 
il ouvrait la voie à Képler, qui n’eût jamais 
découvert les lois qui portent son nom, s’il n’eùût 
imaginé de rapporter au Soleil les mouvements 
des planètes. Ceux-ci ne devenaient simples qu’à 
cette condition, tandis que, rapportés à la Terre, 
ils demeuraient excessivement compliqués. 

On voit comment la croyance irréfléchie au 
mouvement absolu a failli être une entrave à la 
naissance de toute l'Astronomie moderne. 

Poursuivant l'interprétation de nos définitions 
mathématiques, nous arrivons aux vecteurs 
vitesse et accélération. 

On est conduit assez naturellement au pre- 
mier en partant de la notion vulgaire de vitesse, 
qui n’a de sens précis que pour un mouvement 
uniforme, mais que l’on étend sans peine à un 
mouvement quelconque, parun procédé qui rap- 
pelle la définition de la dérivée d’une fonction 
et qui lui est, au reste, intimement lié. 

Quant au vecteur accélération, il a pour but de 
renseigner sur la variation du vecteur vitesse. 

Les définitions relatives aux systèmes continus 
ont leur origine dans la considération des diffé- 
rentes portions de matière! que nous pouvons 
isoler par la pensée. Toutes sont à trois dimen- 
sions; mais, pratiquement, on en rencontre qui 
ressemblent beaucoup à une ligne ou à une sur- 
face géométriques et qu'il est avantageux, pour 
simplifier, d'assimiler à ces abstractions. 


1. Nous admettons ici la continuité de la matière, qui, du 
moins jusqu'à présent, a été une hypothèse commode pour 
les Mécanistes et Physiciens, bien que contradictoire avec les 
théories moléculaires. Ces dernières semblent actuellement 
reprendre de l’avantuge, grâce à la collaboration du Calcul 
des probabilités. 


De même, tous les milieux sont déformables ; 
mais il en existe dont les déformations sont 
inappréciables, du moins dans certaines condi- 
tions, et qu'il est commode de regarder comme 
des solides mathématiques. 


$ 2. — Dynamique 
Masse. — En Dynamique, nous devons, en 


premier lieu, interpréterla masse. Pour cela, nous 
copions notre définition mathématique. Nous 
convenons d’affecter, une fois pour toutes, à cha- 
que portion de matière de l'Univers un certain 
nombre positif, que nous appelons sa masse. Sur 
quoi nous baserons-nous pour faire cette affecta- 
tion ? Sera-t-elle arbitraire? Ou bien reposera-t- 
elle sur une loi déterminée et alors quelle sera 
cette loi? 

À cela, nous répondrons simplement que la 
masse d’un corps quelconque se mesure au moyen 
d’une balance. Quelle est la valeur logique d’un 
tel procédé ? I] revient à admettre qu'il est possi- 
ble d'effectuer la distribution des masses dans 
tout l'Univers, ou du moins dans celui qui nous 
est accessible, de telle manière que soient véri- 
fiées toutes les conséquences expérimentales de 
la Mécanique rationnelle. Une de ces conséquen- 
ces est la théorie de la balance. Elle est particu- 
lièrement commode pour l'évaluation pratique 
des masses, Mais on pourrait tout aussi bien 
utiliser, dans le même but, n'importe quel phé- 
nomène mécanique. C’est ce que font les astro- 
nomes qui, ne pouvant mettre la Lune sur le 
plateau d’une balance, calculent néanmoins sa 
masse, en comparant les données numériques de 
leurs observations avec les résultats théoriques 
de la Mécanique céleste. 

Il convient de dire iei que, quel que soit le 
procédé employé, les masses ne sont définies 
qu’à un faêteur près. Elles constituent un système 
de nombres proportionnels. Si l’on attribue une 
valeur numérique à l'une d’elles, par exemple si 
l’on choisit la masse unitaire, toutes les autres 
sont déterminées. 

Sur la Terre, l’unité est, comme on sait, le 
gramme. Plus exactement, on convient de donner 
la masse 1000 à un morceau de platine, que l’on 
conserve précieusement,en prenant bien garde de 
ne point l'user. En Astronomie, la masse unitaire 
est celle du Soleil ou de la Terre. Sa détermina- 
tion en grammes, basée sur le principe de la gra- 
vitation universelle, repose sur des expériences 
trés délicates et peu précises. 

Nous avons admis plus haut que les masses 
déterminées à l’aide d’un phénomène particulier 
convenaient à tous les phénomènes et devaient 


J. HAAG — SUR LES PRINCIPES DE LA MÉCANIQUE 81 


être regardées comme absolument immuables. 
Logiquement, aueune raison ne milite en faveur 
de cette hypothèse, qui doit donc être regardée 
comme un vérilable axiome expérimental 
l'axiome de la masse. 

Jusqu'à présent, auoun phénomène méçanique 
n'a été découvert, qui puisse en infirmer la certi- 
tude, Cependant, certaines théories de Physique 
moderne, qui mettent en jeu les mouvements de 
particules hypothétiques appelées électrons, ont 
conduit à la nécessité d'admettre que ces par- 
ticules ont des masses susceptibles de varier, 
lorsque leurs vitesses devignnent comparables à 
la vitesse de la lumière. Ces théories, qui, d’autre 
part, expliquent très bien tous les phénomènes 
électriques, magnétiques et lumineux actuelle- 
ment connus, ne sont donc légitimes qu’à la con- 
dition de sacrifier l’axiome de la masse ou tout 
au moins de le modifier en considérant cette der- 
nière comme fonction de la vitesse!. Doit-on 
conclure de là l’existence possible de phéno- 
mènes mécaniques, directement accessibles à nos 
observations et devant un jour nous obliger à 
jeter par-dessus bord celui des axiomes de la 
Dynamique qui, jusqu'à ces dernières années, 
semblait le plus solidement établi? C'est ce qui 
nous parait bien peu probable, 


force relative, — Notre définition de la force 
relative est purement conventionnelle et n'impli- 
que d'autre notion que celles de masse et d’accé- 
lération. À cause de sa relativité, elle ne corres- 
pond à aucune réalité physique, rappelant, de 
près ou de loin, la notion vulgaire d'effort mus- 
culaire, qui, pour la plupart des humains, symbo- 
lise la notion de force. 

Mais là où nous rentrons dans le domaine 
expérimental, c'est lorsque nous abordons la 
notion fondamentale des familles de mouvements. 
Ces familles existent réellement dans la Nature. 
C’est ainsi que, si nous lançons un point pesant 
dans le vide, à la surface de la Terre, à partir 
d’une position, dans une direction et avec une 
vitesse déterminées, nous savons fort bien pré- 
dire le mouvement qui va prendre naissance, Les 
expériences classiques sur les lois de la chute des 
corps nous ont fait connaitre une famille de 
mouvements des plus simples. A cette famille de 
mouvéments correspond une loi de force, qui 
porte le nom de pesanteur et qui est la force rela- 
tive devant servir de point de départ dans l’étude 


1. Encore est-il besoin de préciser à quel trièdre de réfé- 
rénce est rapportée cetle vitesse. Ce trièdre esi précisément 
le trièdre absolu, auquel il a été fait allusiun plus haut, I est 
invariablement lié à l'éther. 


mathématique de tous les phénoménes mécani- 
ques terrestres !. 

On obtient une autre famille de mouvements, 
et par suite une autre loi de force relative, si l'on 
étudie la chute des corps dans l'air, ou bien dans 
l'eau, ou si l’on produit, dans leur voisinage, des 
phénomènes électriques ou magnétiques, etc. 
Chacune de ces familles doit être étudiée expéri- 
mentalement, afin qu'on puisse en induire la loi 
de force relative. 

D'une manière générale, on admet 'que tout 
point matériel, placé dans un milieu déterminé 
et lancé, à partir d’une position déterminée, avec 
une vitesse et dans une direction déterminées, 
prend un mouvement ultérieur entierement 
déterminé. Autrement dit, si l'on recommence 
l'expérience autant de fois qu'on le veut, sans 
changer les conditions extérieures ni les condi- 
tions initiales, on doit toujours obtenir le même 
mouvement. 

C’est là un nouvel axiome expérimental, qu'on 
peut appeler l’axiome des conditions initiales. 

En faisant varier ces dernières, sans rien chan- 
ger au milieu environnant, on peut étudier la 
famille de mouvements propre à ce milieu et en 


conclure la loi de force relative correspondante ?. 


Forces absolues. — Reprenons notre point 
pesant M dans le vide. Nous avons constalé que 
ses mouvements appartenaient à une certaine 
famille (A), à laquelle correspond la loi de force 
(/), appelée pesanteur. Recommençons toutes 
nos expériences, mais en électrisant au préala- 
ble le point M et créant dans son voisinage un 
champ électrique déterminé. Nous constatons 
que les mouvements observés sont entièrement 
différents des précédents. Ils constituent néan- 
moins une nouvelle famille (A,), à laquelle cor- 
respond une nouvelle loi de force (/,), que l’on 
établira expérimentalement, comme on a établi la 
loi de force (/. 

lei, nous pouvons maintenant faire intervenir 
leraisonnement mathématique, qui nous apprend 
que la différence géométrique (/,)— (f) = (F)est 
indépendante du trièdre de référence. Nos expé- 
riences ont été faites par rapport à la Terre. 
Mais, nous pourrions les recommencer par rap- 
port à la Lune, ou par rapport au Soleil, où par 


1. On parle quelquelois de points matériels soustraits à 
l'action de la pesanteur. Mais c'est là une abstraction quin’a 
pas de sens. On doit entendre seulement par ces mots que 
l'on considère la pesanteur comme négligeable vis-à-vis des 
forces absolues qui entrent en jeu, à moins qu'elle ne soil 
neutralisée par une autre force, qu'on ne mentionne pas. 

2. Nous ne parlons pas du trièdre de référence, qui est 
laissé au choix de l'expérimentateur, mais qui est générale- 
ment un trièdre terrestre. 


[we] 
LD 


J. HAAG — SUR LES PRINCIPES DE LA MÉCANIQUE 


rapport à un véhicule quelconque. Nous trouve- 
rions des lois de force (f) et (/,) entièrement 
différentes des précédentes. Mais nous sommes 
assurés que le vecteur (F) — (/,) — (f) ne chan- 
gerait pas. C’est un vecteur absolu, c’est la force 
absolue exercée sur le point M par le champ élec- 
trique. 

Pour déterminer cette loi de force absolue, il 
nous suflit done de faire des expériences, en rap- 
portant nos mouvements à la Terre et faisant 
seulement varier leurs conditions initiales. La 
loi de force absolue ainsi obtenue sera valable 
quel que soit le trièdre de référence qu'il nous 
plaira ensuite de choisir, Mais, si nous voulons 
la nouvelle loi de force relative, il nous faudra 
modifierconvenablementla force relative initiale, 
qui était la pesanteur. 

Tout ce que nous venons de dire à propos du 
champ électrique pourrait se répéter en plaçant 
le point M non plus dans le vide, mais dans l'air. 
On arriverait ainsi à /a force absolue due à la 
résistance de l'air. 

D'une manière générale, imaginons qu'ayant 
étudié les mouvements du point M dans un milieu 
déterminé, par rapport à un certain trièdre (T), 
nous ayons obtenu une certaine loi de force rela- 
tive (/). Produisons une perturbation quelconque, 
ayant pour effet de modifier le milieu. Il pourra 
arriver que nos mouvements soient changés et 
obéissent à une nouvelle loi de force relative (/,). 
Le vecteur absolu (F) = {/,) — (/) sera appelé, 
dans ce cas, la force absolue exercée par la per- 
turbation sur le point M. Il y aura lieu d’en faire 
l'étude expérimentale pour chaque espèce de 
perturbation donnée. 

Quelques explications sont encore nécessaires 
au sujet du mot perturbation, employé à dessein, 
à cause de sa signification un peu vague. 

Comment reconnaissons-nous qu'une pertur- 
bation s’est produite? Devons-nous attendre que 
les apparences physiques du milieu aient subi 
une modification quelconque tombant sous nos 
sens? La réponse est assurément négative et 
l'exemple du champ électrique en est la meil- 
lcure preuve. Imaginons les circonstances sui- 
vantes ! : 

Nous voulons étudier les lois de la chute des 
corps dans le vide. Mais le point M sur lequel 
nous opérons a été électrisé à notre insu. Au 
milieu de notre expérimentation, un mauvais 
plaisant nous gratifie d’un champ électrique 
insoupçonné. Immediatement, nos mouvements 


À 


1. Il s'agit là d'une expérience loule théorique, dont la 
réalisation est peut-être impraticable; muis cela n'influe en 


rien sur nos considérations. 


changent et constituent une famille entière- 
ment différente de celle qui se présentait tout 
d’abord. La loi de force relative est, elle aussi, 
nettement modifiée. Allons-nous conclure à 
l’inexactitude de l’axiome des conditions initia- 
les ? Non, certes. Nous allons admettre, & priori, 
qu'il s’est produit une perturbation inconnue et 
nous nous mettrons en devoir d’en rechercher la 
nature, jusqu'à ce que nous ayons découvert la 
plaisanterie dont nous avons élé victimes. 

D'une façon générale, nous reconnaiïssons 
donc la perturbation, non pas à des apparences 
plus ou moins sensibles, mais à la modification 
qu’elle apporte à la loi de force relative, c’est-à- 
dire, en somme, à la force absolue qu'elle 
exerce. 

On conçoit, malgré le caractère facétieux que 
nous lui avons donné plus haut, combien peut 
être féconde, au point de vue scientifique, cette 
croyance «a priori en l’axiome des conditions ini- 
tiales. Au lieu de nous conduire à la découverte 
d’une mystification, elle peut nous conduire à la 
découverte fortuite d’un phénomène nouveau. 
C’est ainsi que Le Verrier, constatant des diver- 
gences entre les mouvements prévus par ses 
calculs pour la planète Uranus et les mouvements 
observés, entreprit, avec la foi du savant, la dé- 
termination de la force perturbatrice, calcula, 
sans l'avoir jamais vue, l'orbite de la planète 
productrice de cette force et annonça finalement, 
ce qui fut vérifié par l'expérience, que, tel jour, 
à telle heure, ladite planète devait se trouver 
dans telle direction. Il avait découvert Nep- 
tune. 


A ddition des forces absolues.— Le point M étant 
placé dans un milieu déterminé, produisons, 
dans ce milieu, une certaine perturbation P,. 
Elle se traduit par l'application, au point M,. 
d'une force absolue (F,). Supprimons cette per- 
turbation et, par conséquent, cette force abso- 
lue. Produisons maintenant une nouvelle per- 
turbation P,, d’où résulte une force absolue (F,). 
Revenons une nouvelle foisà notre ancien milieu 
et produisons simultanément les deux perturba- 
tions P, et P,. Il va prendre naissance une force 
absolue (F), dont nous ne pouvons logiquement 
rien dire a priori. Nous admettons néanmoins 
qu’elle est égale à la somme géométrique (F,) + 
(F,). C'est là un troisième axiome expéri- 
mental, que nous appellerons l’ariome de l'addi- 
tion (ou du parallélogramme) des forces. 

Ils’étend immédiatement àla production simul- 
tanée d’un nombre quelconque de perturbations, 
dont l'effet est toujours la création d'une force 
absolue égale à la somme géométrique des forces 


J. HAAG — SUR LES PRINCIPES DE LA MECANIQUE 83 


absolues obtenues en faisant agir successive- 
ment et séparément chacune des perturbations. 


Réactions. — Reprenons notre point M, placé 
dens un milieu déterminé et soumis, par consé- 
quent, à une certaine loi de force relative (/. 
Assujettissons-le maintenant à rester en contact 
avec certains autres points matériels, consti- 
tuant des obstacles extérieurs, fixes ou mobiles, 
déformables ou non. Les mouvements que peut 
alors prendre le point M ne sont plus les mêmes 
qu'auparavantetconstiltuentunenouvelle famille, 
Par suite, la loi de force (/) s'est nécessairement 
transformée. Autrement dit, les obstacles intro- 
duits constituent une perturbation du milieu, 
dont l'effet est la création d'une certaine force 
absolue, que nous appelons /a réaction exercée 
par ces obstacles sur le point M. 

Nous avons dit plus haut que nous assujettis- 
sions le point M à rester en contact avec d’au- 
tres points. Que faut-il exactement entendre 
par là ? Il ne peut s'agir évidemment d’une coin- 
cidence géométrique, puisque aussi bien nous 
n'avons pas affaire à des points géométriques. 
Pour préciser la significalion de ce contact phy- 
sique, il faudrait pénétrer, plus que nous ne 
l'avons fait, dans la constitution de la matière. 
L'étude approfondie de la nature des réactions 
est une question fort délicate, que nous ne pou- 
vons aborder ici. Contentons-nous de dire qu’on 
peut admettre, d’une façon générale, que deux 
points matériels M et M’ exercent l’un sur l’au- 
tre, quelle que soit leur position relative, une 
certaine force absolue, dirigée suivant MM’, 
mais qui ne devient sensible qu’à la condition 
que la distance MM soit suflisamment petite. 
En outre, ces deux réactions 
opposées. 


sont égales et 


Voilà un quatrième axiome : l'axiome (ou prin- 
cipe) de l'égalité de l'action et de la réaction. 


Forces de liaison. — Dans la pratique, les liai- 
sons sont toujours réalisées matériellement par 
des contacts entre points matériels. Les forces de 
liaison qui en sont la conséquence ne sont donc 
pas autre chose que des réactions. 

L'expression forces de liaison est surtout 
employée en Mécanique analytique, parce qu'elle 
dispense de préciser la nature et la distribution 
des réactions. 


Problème général de la Dynamique. — Voyons 
maintenant à quoi correspond pratiquement le 
problème général de la Dynamique. 

Imaginons un système matériel placé dans un 
milieu déterminé. On peut admettre que des 


expériences préliminaires, faites sur ce système, 
ou sur d’autres systèmes lui ressemblant plus ou 
moins, ont permis d'établir, tout au moins d'une 
manière approximative, la loi de forces relatives 
à laquelle obéit ce système. C’est ainsi que, si le 
système est seulement pesant, on s'appuiera sur 
les expériences relatives à la chute des corps (et 
à la résistance de l’air, si le système se meut dans 
l'air). S'il est soumis à des forces électriques ou 
magnétiques, on s’appuiera sur les lois expéri- 
mentales de l'électricité ou du magnétisme. 

Si, outre ces forces connues, il existe des réac- 
tions, on pourra être obligé de faire des hypo- 
thèses supplémentaires sur celles-ci, hypothèses 
qui seront d’ailleurs encore dictées par des expé- 
riences particulières et qui, en fait, sont les lois 
du frottement. 

Cela posé, on mettra le problème en équations. 
On intégrera, si on le peut, et l’on sera conduit 
à prévoir le mouvement que doit prendre le 
système, pour des conditions initiales données. 
Siles lois de forces sur lesquelles on s’est appuyé 
ne sont pas erronées, le mouvement prévu doït 
coïncider, dans une certaine approximation, avec 
le mouvement observé, si l’on réalise l’expérience. 

Toutes les fois qu'il existe des divergences 
entre les deux catégories de résultats, on admet, 
non pas que les principes de la Mécanique sont 
faux, mais que la loi de forces a été mal déter- 
minée. On cherche les forces étrangères qui ont 
pu être oubliées ou l’on corrige celles qui étaient 
inexactes. Jusqu'à présent, cette facon de pro- 
céder a toujours été couronnée de succès et c’est 
en cela qu’il faut voir l'unique vérification des 
axiomes de la Mecanique. 

Logiquement, il n'est pas impossible qu'on 
découvre un jour un phénomène qui soit rebelle 
à toute explication reposant sur les principes 
actuels. Ce jour-là, le Mathématicien devra chan- 
ver ses définitions et ses conventions, s'il ne veut 
pas poursuivre une science sans utilité pratique, 
etle Physicien devra changer ses lois. Mais c'est 
là le sort de toutes les théories qui veulent expli- 
quer une catégorie étendue de faits. Elles s'adap- 
tent, parfois merveilleusement, à la Nature, pen- 
dant plusieurs siècles, puis tombent dans 
l'oubli, parce qu’une expérience est venue arrêter 
leur essor. Elles n'en ont pas rendu 
d'immenses services et acquis le droit à la recon- 
naissance des savants futurs, quand bien même 


moins 


elles les feraient sourire. 

Toutefois, malgré les idées émises par quelques 
physiciens contemporains, il ne nous semble pas 
que la Mécanique classique soit sur le point de 
disparaître, du moins tant qu'il ne s’agira que 
de l'utiliser pour l’exnlication des phénomènes 


we] 
x 


J. HAAG — SUR LES PRINCIPES DE LA MÉCANIQUE 


tombant directement sous nos sens ou sous les 
sens de nos instruments. 


III. — AppLicATiON DE LA MÉCANIQUE À L'ASTRONOMIE 


Nous croyons devoir compléter ce qui précède, 
en montrant comment il convient d'appliquer nos 
définitions et conventions, quand on veut les uti- 
liser pour l'étude de l'Astronomie. 

Les principales observations et mesures ont 
porté sur les mouvements du Système solaire. Si 
l'on prend un trièdre de référence (T} ayant une 
orientation stellaire fixe et dont l’origine O soit 
au centre de gravité de ce système, une première 
approximation montre que, par rapport à ce 
trièdre, les mouvements des planètes obéissent 
aux lois de Képler. On peut en déduire une 
famille de mouvements comprenant ces derniers 
comme cas particuliers, la loi de force relative 
correspondante étant une attraction, émanant 
de O et inversement proportionnelle au carré de 
la distance à ce point. 

Mais, si l’on pousse plus loin l’'approximation, 
où bien si l'on observe le mouvement d’un satel- 
lite, on constate que cette loi de force ne convient 
plus. On peut la corriger par l'introduction d’au- 
tres attractions émanant des différentes planètes. 
D'une façon générale, on obtient des résultats 
théoriques absolument conformes, aux erreurs 
expérimentales près, avec ceux des observations 
astronomiques, si l’on admet la loi de forces sui- 
vante : 

Tout point matériel M de l'Univers est soumis, 
par rapport au trièdre précédent, à une force re- 
lative totale qui est la somme géométrique des 
attractions exercées sur ce point par tous les 
autrés points matériels de l'Univers, conformé- 
ment au principe de la gravitation universelle. 
C'est-à-dire que l'attraction réciproque qui 
existe entre deux points de masses 2 et »'et de 
MM 


distance mutuelle r est égale à Ÿ ——, j'dési- 
gnant une constante numérique, dont la valeur 
ne dépend que du choix des unités et qu'’on.ap- 
pelle la constante de la gravitation. 

Ces différentes attractions doivent être consi- 
dérées comme des forces absolues ; en sorte que 
si, par la pensée, on supprimait tout l'univers, 
sauf le point M, la force relative qui serait appli- 
quée à ce dernier serait nulle ; le mouvement 
qu'il prendrait serait rectiligne et uniforme. 

La même loi de force subsiste si l’on choisit 
un trièdre de référence animé, par rapport à (T', 
d’une translation rectiligne et uniforme. Un tel 
trièdre est appelé trièdre absolu par M. Painlevé. 

Existe-t-il un trièdre absolu parmi les trièdres 


absolus ? On peut être conduit à l’admettre par 
diverses considérations. 

Les unes sont d'ordre astronomique et se pré- 
sentent quand on étudie le mouvement d’ensem- 
ble du système solaire dans la Voie lactée ou 
d’une étoile dans sa nébuleuse. On peut aller 
plus loin et considérer les mouvements de la 
Voie lactée elle-même ou des différentes nébu- 
leuses. Pour que ces mouvements soient simples 
dans leur ensemble et soustraits à toute espèce 
de particularité, on conçoit qu'il soit nécessaire 
de les rapporter à un trièdre déterminé (T,), 
d’ailleurs absolu, au sens précédemment défini, 
de même que les mouvements dés planètes 
n'obéissent aux lois de Képler que si on les rap- 
porte au trièdre (T) mentionné plus haut. 

Ce trièdre (T,) doit être assez naturellement 
regardé comme jouant un rôle en quelque sorte 
plus absolu que le trièdre (T). Mais il est bien 
clair que, malgré tout, cet absolu est encore re- 
latif et conventionnel. 

On arrive à des conclusions analogues par des 
considérations qui ressortissent à la Physique. 

On a mesuré, comme on sait, la vitesse de 
propagation de la lumière. Il s’agit là, bien 
entendu, de la vitesse par rapport à la Terre. 
Logiquement, cette vitesse ne saurait être égale 
à la vitesse par rapport au Soleil. Mais il y a 
plus. Si l’on admet que la lumière se propage, 
par rapport à la Terre, avec la même vitesse dans 
toutes les directions, il ne saurait en être dé 
même par rapport au Soleil, ni par rapport à 
aucun trièdre qui ne soit invariablement lié à 
notre globe. Il ne peut logiquement exister qu'un 
seul trièdre de référence par rapport auquel la 
vitesse de la lumière soit la même dans toutes 
les directions. Ce triédre est-il le trièdre (T,) ? 

Nous n’en savons rien. En tout cas, il semble, 
a priori, assez peu probable qu'il soit lié à la 
Terre. Et s’il en est ainsi, le mouvement absolu 
du globe terrestre doit exercer une certaine 
influence sur la vitesse de la lumière à sa sur- 
face. Des expériences récentes et très précises 
ont montré que cette influence était nulle ou 
tout au moins inférieure à ce qu’elle devrait être 
théoriquement. Il y a là une contradiction, qui 
n’a pu être expliquée qu'avec le secours d’hypo- 
thèses très compliquées : temps local, principe 
de relativité, contraction des corps dans le sens 
de leur vitesse absolue. 

Les mêmes conclusions sont imposées par les 
théories modernes, construites en vue de donner 
une explication mécanique à tous les phéno- 
mènes lumineux, électriques, calorifiques actuel- 
lement connus. Dans toutes ces théories, le triè- 
dre de référence qui jouelerôle de trièdre absolu 


D: Y. SJOSTEDT — LA CONSTRUCTION DES NIDS CHEZ LES INSECTES 85 


est invariablement lié à l'éther. 
jamais à lui découvrir quelque parenté avec un 
trièdre absolu d'origine astronomique ? Ou bien 
la Nature est-elle ainsi faite que, par l'artifice 
du principe de relativité, elle puisse se dérober 


Arrivera-t-on 


éternellement à cette troublante énigme? C'est 
là une question à laquelle nous n'avons pas qua 
lité pour répondre. 

J. Haag, 


Professeur à la Facolte des Sciences 
de Clermont-Ferrand. 


LA CONSTRUCTION DES NIDS CHEZ LES INSECTES 


Parmi les animaux, qu'ils appartiennent aux 
espèces élevées ou inférieures, on rencontre 
des types qui savent suivant des procédés très 
différents, tantôt avec un grand art, tantôt avec 
les méthodes les plus simples, créer des abris 
protecteurs pour eux-mêmes ou pour leur des- 
cendance. 

Dans le monde des insectes, cet art prend les 
formes les plus diverses, mais nous ne pourrons 
donner ici que quelques exemples pris parmides 
milliers. 


I 


Le matériel de nidification a des origines 
multiples : tantôt il est tiré du règne végétal, 
tantôt du règne minéral, par exemple terre, ar- 
gile, etc. Enfin la masse totale du nid peut être 
aussi un produit de sécrétion de l'insecte, 
comme on le voit dans les cellules des abeilles, 
constituées entièrement de cire. 

Chez les abeilles d'Europe, toutes les cellules, 
qu'elles soient destinées à contenir les jeunes 
larves ou simplement le pollen, sont de la même 
forme, les cellules des bourdons étant simple- 
ment plus grandes. On trouve dans l'Amérique 
du Nord d’autres abeilles qui confectionnent des 
cellules telles qu'avec un travail moindre elles 
obtiennent des résultats pratiquesremarquables. 
Ces abeilles. (Mélipones) ne possédent pas d'’ai- 
guillons. Comme beaucoup d’autres abeilles sau- 
vages, elles font leur nid dans des troncs creux, 
où elles accumulent de la cire et du miel en 
grandes quantités. Les cellules destinées aux 
larves, placées au milieu de ces masses de cire, 
sont hexagonales et à peu près de la même forme 
que celles des abeilles communes; mais, à l'in- 
verse de celles-ci, qui sont construites dos à dos 
sur deuxrangs, avec ouverture horizontale, celles 
des Mélipones sont construites sur un seul rang, 
avec ouverture toujours dirigée vers le haut. 
Tout autour de ces cellules hexagonales,existent 
de grandes cellules de formes très différentes, 
à grandes ouvertures et exclusivement destinées 
arecevoir le pollen. Les Mélipones, seules dans la 


famille des abeilles avec les Frigones, ont réalisé 
des économies de construction : au lieu d’éta- 
blir laborieusement, avec une précision mathé- 
matique, des cellules hexagonales, quelle que 
soit leur destination, elles les réservent unique- 
ment à leurs larves,construisant des cellules plus 
simples pour les approvisionnements. Les nids 
des Mélipones construits dans l'intérieur des ar- 
bres peuvent atteindre une longueur de plus 
d'un mètre. Sile creux de l'arbre est trop grand, 
elles le limitent à l’une ou l’autre extrémité par 
la construction d’une paroi; mais au lieu d’em- 
ployer de la cire, toujours laborieusement pro- 
duite, elles utilisent de la terre, agglutinée avec 
un liquide qu'elles sécrètent. Ce même mélange 
est employé pour réduire l'entrée du nid à une 
simple ouverture ne permettant le passage que 
d'une seule abeille à la fois; la nuit, ce passage 
est fermé, Ces précautions sont justifiées par 
l’absence d’aiguillon, qui les laisse sans défense. 
Les cellules des larves, situées au centre du nid, 
toujours vis-à-vis de la sortie, sont spécialement 
protégées par des lamelles de cire fine, et, ainsi 
que nous l’avons dit plus haut, entourées par les 
cellules à provisionsen forme de pots. SilesMéli- 
pones ne trouvent pas d’arbres creux, eiles cons- 
truisent, à l’aidedu mélange dont nous avons déjà 
parlé — terre et sécrétion spéciale (propolis 
— un véritable nid, percé de couloirs irréguliè- 
rement ramifiés et qui a quelque ressemblance 
avec les nids de termites. 

Une particularité s’observe chez les « Xyloco- 
pes », espèce voisine des Mélipones. Ces Xylo- 
copes, les plus volumineux de tous les bourdons, 
sont répandus dans les régions les plus chaudes 
de l'Afrique, l'Asie et l'Amérique. Ils font leurs 
nids dans les vieux troncs et dans les bois morts 
qu'ils rongent avec leurs fortes mandibules. Dans 
le creux ainsi obtenu, la femelle réunit une 
masse de miel et de pollen destinée à la nourri- 
ture des larves. Sur cette masse, un œuf est dé- 
posé, puis la chambre est fermée par une lamelle 
de bois qui va constituer le fond de la chambre 


suivante. De cette facon, elle construit une 


86 Dr Y. SJOSTEDT — LA CONSTRUCTION DES NIDS CHEZ LES INSECTES 


colonne constituée par une série de cellules su- 
perposées. Après trois semaines environ, la larve 
devient adulte et se transforme en chrysalide à 
l’intérieur d'un cocon; la larve la plus basse et 
la plus âgée est par suite la première à sortir à 
l'état d’imago.Mais commentpourra-t-elle sortir? 
Devra-t-elle attendre que les autres larves, plus 
jeunes qu'elle, aient accompli leur évolution 
définitive, ou se fraiera-t-elle un passage à travers 
toutes les cellules situées au-dessus d'elle, ris- 
quant ainsi de luer tous ses frères et sœurs ? [ei, 


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Fig.1.— Nid de Chartergus Chartarius (Musée de Stockholm). 


Grandeur naturelle : 38 cm. 


l’insecte fait voir une accommodation toute parti- 
culière : comme s'il avait conscience du danger 
qu'il peut faire courir à d’autres larves, il adopte 
un autre chemin, Avec ses fortes mandibules, il] 
s'ouvre un passage à travers le tronc, etles autres 
suivent le même chemin, chacun rongeant le 
plancher de sa propre cellule; toute la colonie se 
trouve libérée, grâce à l'industrie dela première. 

Plus encore que les abeilles, les Vespidées su- 
ciales nous étonnent par leur nid artistement 
constitué, et il est rare de trouver des insectes 
aux mœurs si belliqueuses se livrer à un travail si 
consciencieux et si pacifique. On trouve encore 
ici des gâteaux simples, avec ouvertures dirigées 
vers le bas, qui ne sont pas fabriqués de cire, 
mais d’une masse principalement composée de 
substances végétales finement pulvérisées et 
agglutinées par un produit de sécrétion chiti- 
neuse., En examinant avec attention différents 


nids, on constate que la consistance des uns est 
élastique et résistante, tandis que celledes autres 
esttendre et fragile, suivantles matériauxutilisés 
par l'insecte. Dans le deuxième cas, la masse est 
constituée par de longues cellules de liber, 
et dans l’autre de cils végétaux. Le produit fra- 
gile, chez certaines espèces, est formé de paren- 
chyme d’écorces de bois différents et présente 
un aspect rubané. 

La forme de nid la plus simple se trouve chez 
les Belenogaster. Ces Vespidées, grandes, som- 
bres, au vol silencieux, habitent spécialement 
les régions chaudes de l'Afrique. Leurs nids sont 
constitués par des alvéoles réunies au sommet 
d'une tige commune sans protection extérieure. 
Mais un grand nombre de ces espèces ne se con- 
tentent pas de nids aussi rudimentaires, et 
ajoutent des systèmes de protection différents. 
Nous ne citeronsici que le Chartergus Chartariug, 
espèce qui habite l'Amérique tropicale; ses 
nids (fig. 1) atteignent un demi-mètre de lon- 
gueur, et se composent d'un grand nombre 
d'étages communiquant par un orifice central. 
A mesure que la colonie s'accroît, un étage nou- 
veau est édifié sous le précédent, la paroi enve- 
loppante étant démolie, puis reconstruite pour 
englober le nouvel étage. 


Il 


Dans tous les cas citésjusqu'ici, il n’a été ques- 
tion quede la protection assurée à leurslarves par 
des insectes arrivés à l’état adulte; mais certaines 
larves, qui mènent une vie libre et vagabonde, 
savent préparer l’abri nécessaire à la chrysalide 
qui, elle, est sans défense. Ainsi, chez les che- 
nilles processionnaires (Crethocampa, Anaphes, 
Hypsoïdes, ete). Les larves d’Anaphe, que j'ai eu 
l’occasion d'étudier en Afrique occidentale, 
envahissent en colonne un tronc d'arbre. Elles 
grimpent à la naissance d’une branche et y 
forment un gros cocon commun {fig. 2), cons- 
titué en partie par leurs longs poils. Dans 
l’intérieur de cette enveloppe, chaque larve 
s’entoure d'un cocon de soie, et dans le cocon 
de soie,elle construit une capsule à tissu parche- 
miné qui sera la dernière protection avant la 
peau même de la chrysalide, dans laquelle elle 
attendra le passage au stade imago. 

Tandis que, chez les Anaphes, les insectes 
quittent le nid au niveau de la branche de sou- 
tien, et sans qu’il reste de trace de leur sortie, 
chez les Ilypsoïdes, la sortie s'effectue par une 


PR JR te 


série de trous individuels, ce qui donne 
au nid abandonné l'aspect d'un crible 
(fig. 3). 

Dans les régions tropicales, on rencon- 
tre sur les murs, sur les pierres, des nids 
en terre de 0 m. 06 à 0 m. 10 environ de 
longueur, ayant une forme irrégulière- 
ment ovale, appartenant aux Sphégides 
(Sceliphron). 

D’autres nids, à formes plus rondes, 
établis sur les branches ou les troncs des 
arbres, sont construits par des guëpes 
(Eumenes). 

Les nids se trouvent en Afrique, prin- 
cipalement dans les lieux habités. Si nous 
examinons de près ces constructions de 
terre en apparence compactes, on voit 
qu'elles sont constituées par un certain 
nombre de cellules disposées parallèle- 
ment, à surface interne unie, qui, lorsque 
la sphégide les à remplies d'araignées 
destinées à l'alimentation des larves, sont 
fermées si soigneusement par un bou- 
chon de terre que l'entrée en devient invi- 
sible. 

Pour s'emparer de l’araignée, la sphé- 
gide doit souvent entreprendre une lutte 
acharnée, grâce à un aiguillon formida- 
ble : si l’insecte réussit à piquer sa proie, 


Vis. 3. — Nids d'Hypsoides de Madagascar (Musée de Stockholm). 
Le nid à gauche, grandeur naturelle : 4o em. 


Fig. 2, — Nid d'Anaphe infracta du Cameroun (Musée de Stockholm). 


Grandeur naturelle : 13 cm, 
il peut facilement en être maitre; mais l’arai- 
gnée n’est pas sans défense. Avec une rapidité 
étonnante, elle projette des fils gluants, et une 
lutte commence entre les deux adversaires. La 
sphégide s'approche avec prudence de la toile 
de l’araignée et, par une manœuvre habile, réus- 
sit souvent à piquer l’araignée; mais les fils sont 
gluants : une imprudence... et les ailes se col- 
lent; aussitôt l’araignée l’immobilise dans un 
réseau de fils et la dévore. Quand la sphégide 
réussit à toucher l’araignée, sa piqüre ne provo- 
que pas la mort immédiate, mais détermine un 
état paralytique ; si l’araignée en effet était tuée, 
elle ne pourrait être conservée comme réserve 
alimentaire, tandis que, simplement paralysée, 
elle survit sans se putréfier, tout en restant 
inoffensive pour la larve qui, à cette heure, est 
complètement désarmée. On trouve ordinaire- 
ment environ quinze araignées dans chaque cel- 
lule, dont la partie inférieure est occupée par 
la larve de la sphégide, qui se transforme en 
chrysalide, à l’intérieur d’une capsule brun 
rouge parcheminée, après avoir consommé la 
dernière araignée. 


88 D: Y. SJOSTEDT. —- LA CONSTRUCTION DES NIDS CHEZ LES INSECTES 


III 


Si certains insectes établissent leurs nids au- 
dessus du sol, d'autres cherchent à abriter leur 
descendance sous terre, Parmi ceux-ci, nous pou- 
vonsciterl'Ateuchus sacré, appartenantau groupe 
des Coprophages. 

Les Coprophagessontreprésentés parplusieurs 
espèces, dont quelques-unes sont caractérisées 
par des élytres aux couleurs brillantes et métalli- 
ques. Leur boule de provisions, d'origine connue, 
sert indifféremment à leur propre alimentation 
ou à celle de leurs larves, Dans le premier cas, la 
boule est poussée dans une cachette, pour y être 
consommée peu à peu; dans l’autre cas, le copro- 
phage y introduit un œuf et l'enterre. 


tout ce travail, il déploie une grande activité, 
mais c'est le moment où ses congénères cher- 
chent à s'emparer du fruit de ses peines : une 
lutte s'engage, pendant laquelle la boule peut 
changer plusieurs fois de propriétaire, et le vain- 
queur s'elforcealors de mettre sa boule en süreté, 
soit qu’il la destine à sa propre consommation, 
soit à celle de ses larves. 

Dans l'exemple précédent, ce sont les parents 
qui assurent un abri et une réserve alimentaire 
pour l’évolution de la larve; chez d’autres espè- 
ces, ce sont les larves elles-mêmes qui assurent 
leur alimentation et les voies de sortie quand leur 
transformation estterminée.Chezles Cicades, qui 
vivent sous les Tropiques et contribuent par leur 
chant au concert que l’on entend perpétuelle- 
ment pendant la saison 
sèche, les larves,au moment 
de se transformer en in- 
sectes parfaits, s'enfoncent 
dans la terre à 0 m. 40 en- 
viron. En creusant leur 
trou, elles sécrètent un li- 
quide qui, en amenant le 
dureissement des parois, as- 
sure le maintien permanent 
du passage. La quantité de 
liquide sécrété pour en- 
duire ce tube de près d’un 
demi-mètre de longueur 
estconsidérable,et l’insecte 
n'y pourrait suflire s'il ne 
trouvait des sources néces- 
saires à alimenter son ap- 


Fig. 4. — Le Scarabæus pustulalus roulant ses boules (Musée de Stockholm). 


Dans les plaines de l'Afrique orientale, on peut 
voir, à la fin de septembre et pendant le mois 
d'octobre, ces insectes, et surtout le grand sca- 
rabée noir (Scarabæus pustulatus) fabriquer et 
rouler leurs boules (fig. 4). Leurs facultés à dé- 
couvrir les matériaux qui leur sont nécessaires 
sontsurprenantes; ainsi, alorsque, pendant toute 
la journée, on n'a pas aperçu un seul dé ces 
insectes, on les voitaccourir autour des antilopes 
que les chasseurs viennent d'abattre. 

Il est fort curieux de voir un scarabée faconner 
sa boule, opération pendant laquelle il a souvent 
à lutter contre sa propre famille, Avec le bord 
antérieur, aplali et dentelé de sa tête, il détache 
en tournant un fragment suflisant pour consti- 
tuer la boule futuré ; puis, dans un mouvement 
rapide, il le libère et l'arrondit; et, s’appuyantsur 
ses pattes antérieures, il roule avec ses pattes 
postérieures la boule ainsi constituée. Pendant 


pareil sécréteur. L'examen 
attentif du nid montre 
l'existence de racines mises 
à nu, dans lesquelles la larve, avec sa trompe, 
puise la sève. Son puits, solidement macçonné, 
lui permet de se rapprocher de la surface du 
sol pendant les heures chaudes et de s'enfoncer 
au contraire pour éviter le froid. 0 


IV 


Une forme spéciale de nidification se ren- 
contre chez certaines fourmis qui forment leurs 
nids dans des galles. 

Dansles plaines de l'Afrique orientale, l’atten- 
tion est souvent attirée par des acacias de pe- 
tite taille, aux épines longues, qui de loin ont 
l'air d’être couverts d'un grand nombre de bou- 
les noires ressemblant à des pommes, et qui sont 
des galles creuses, habitées par de petites four- 
mis (Cremastogaster tricolor).Si on touche à ces 
galles, toutes les habitanies en sortent par une 


D' Y. SJOSTEDT. — LA CONSTRUCTION DES NIDS CHEZ LES INSECTES 89 


série de petits orifices; de l'extrémité de leur 
abdomen élevé verticalement, s'écoule un liquide 
blanc, malodorant, qui vient imprégner les gal- 
les, les feuilles et les branches. 

Les jeunes galles ont une couleur verte, et un 
intérieur solide, atteignant parfois la grosseur 
d'une noix; les fourmis enlèvent peu à peu la sub- 
stance médullaire, de telle sorte que l’intérieur 
de la galle constitue finalement une chambre 
aux parois lisses et polies. 

La galle offre alors une couleur de suie et une 
consistance ligneuse. Quand le vent souflle dans 
la plaine, les boules creuses, percées de trous, 
rendent des sons faibles, étranges, rappelant 
le murmure des agrès ou le son d’une harpe 
éolienne, d'où leur nom d’acacias-flûtes. 

Si les œufs, larves et chrysalides des fourmis 
étaient placés dans la cavité de la galle sans 
aucune précaution, ils se trouveraiènt exposés à 
chaque coup de vent à être projetés les uns 
contre les autres ; pour éviter ce danger, les 
fourmis ont constitué avec la substance intérieure 
de la galle, ayant l’aspeot de l’amadou, une série 
de rayons et de cases où sont placées les larves 
et les chrysalides. - 

Il existe réellement une sorte de symbiose 
entre les fourmis et les acacias, mais qui profite 
de cette symbiose? Dans les galles, les fourmis 
trouvent une protection pour leurs larves et pour 
elles-mêmes ; d'autre part, les fourmis ne causent 
aucun dommage aux acacias et assurent leur 
protection contre de nombreux ennemis. Les 
girafes, les antilopes et les gazelles sont éloi- 
gnées par la présence de ces fourmis aux sécré- 
tions nauséabondes. 


IV 


On trouve encore dans le monde des insectes 
des cas où l’animal adulte utilise ses larves pour 
la construction du nid: c’est chez certaines four- 
mis tisseuses ((Æ£cophylla, Camponotus et Poly- 
rhachis) qu’on trouve cette disposition singulière. 
Les Œcophylla, qui habitent l'Asie, l'Afrique 
et l’Australie, construisent leurs nids dans les 
feuilles de certains arbres en les réunissant à 
l’aide de fils de soie (fig. 5). 

L'étude de ces fourmis permet d'observer un 
des phénomènes les plus curieux de la biologie 
des êtres. 

Si le nid est déchiré de telle sorte que les 
feuilles soient écartées les unes des autres, on 
voit immédiatement les fourmis se précipiter au 
dehors : alors que les unes se chargent de la dé- 
fense contre l'ennemi présumé, les autres s’em- 
pressent de réparer le dommage causé. 


De l'an des bords de la déchirure,les ouvrières 
s'efforcent d'atteindre, avec leurs mandibules, les 
bords de la feuille voisine et de les attirer à elles 
pour fermer la déchirure. Mais la distance est 
souvent trop grande; elles forment alors entre 
elles une chaine vivante : une fourmi saisit avec 
ses mandibules une de ses camarades par la 
taille pour qu'elle puisse atteindre le bord de la 
feuille voisine; si la distance est encore trop 
grande, une troisième vient s'adjoindre aux deux 


Fig.5.— Nid d'Æcophylla de l'Australie (Musée de Stockholm.) 


Grandeur naturelle : 20 cm. 


autres, et parfois la chaine est constituée par 
cinq à six fourmis. Ce travail esttrès fatigant : il 
faut quelquefois plusieurs heures pour assurer 
le contact des deux feuilles; à ce moment les 
ouvrières s'efforcent de nettoyer et de polir les 
bords des feuilles, mais comment constituer les 
adhérences nécessaires pour maintenir l’accole- 
ment, puisque les fourmis adultes n’ont pas de 
glandes sétifères ? C’est alors que se produit une 
intervention tellement étonnante que les natura- 
listes mirent en douteles premières observations 
faites à Singapour en 1890. Quand le nettoyage 
est complètement terminé, plusieurs ouvrières 
arrivent de l'intérieur du nid portant une larve 
entre les mandibules; la larve est tenue par la 


90 LOUIS BRUNET. — L'ODYSSÉE DE L'EXPÉDITION ARCTIQUE CANADIENNE 


taille, la tête en haut; c’est donc leurs propres 
larves qui vont servir à la confection du réseau 
de soie qui réunira les feuilles. Sous la pression, 
sans doute, des mandibules, la larve excrète par 
la bouche un liquide qui en se solidifiant forme 
un fil de soie; en portant successivement la tête 
de la larve sur les bords des deux feuilles, la 
fourmi obtient un réseau qui en assure l’adhé- 
rence; par le même mécanisme sont formées les 
parois internes du nid, la larve fonctionnant 
ainsi comme rouet et comme bobine. 

L'examen anatomique de ces larves montre que 
les glandes sétifères atteignent chez elles des 
dimensions inconnues chez les autres Iyméno- 
ptères. 

VI 

Au point de vue scientifique, en présence de 
ces manifestations si complexes, la question 
se pose de savoir si elles sont des expressions de 
l'intelligence, les insectes agissant en ayant 
conscience de la valeur des procédés et du but à 
atteindre, ou si elles relèvent simplement de 
l'instinct, les insectes restant incapables de rai- 
sonnement. 


Si les animaux étaient de simples mécanismes, 
sans aucune spontanéité, on devrait toujours ob- 
server dans leurs constructions un ensemble de 
travaux rigoureusement identiques: or, chez 
certaines espèces tout au moins, on trouve une 
adaptation remarquable aux variations du milieu 
ambiant, ces adaptations pouvant, si les causes 
persistent, se transformer en caractères hérédi- 
taires. 

L’éminent myrmécologiste et psychologue 
Forel résume ainsi les observations poursuivies 
pendant plus de vingt ans sur la psychologie des 
insectes : 

« Tous les caractères de l’âme humaine peu- 
vent dériver des caractères des animaux supé- 
rieurs, et tous les caractères des animaux su- 
périeurs peuvent dériver des caractères des 
animauxinférieurs ; en d’autres termesla formule 
évolutionniste s'applique aussi bien au domaine 
psychologique qu’au domaine physiologique. » 

Prof. D' Y. Sjostedt, 


Conservateur de la Collection entomologique 
au Musée royal d'Histoire naturelle de Stockholm. 


L'ODYSSÉE DE L'EXPÉDITION ARCTIQUE CANADIENNE 


Il est peu d’explorations polaires qui aient 
passé par des péripéties aussi tragiques que l’Ex- 
pédition arctique canadienne, dirigée par V. Ste- 
fansson. Aussi nous a-t-il paru intéressant de 
donner ici quelques détails sur le but qu’elle se 
proposait et les sombres heures qu’elle a traver- 
sées !. 


Il 


L’idée première de cette expédition revient à 
V. Stefansson, voyageur déjà connu par ses ex- 
plorations du fleuve Mackenzie, des côtes septen- 
trionales du Canada et des iles qui les bordent, 
el par sa découverte, sur la Terre Victoria, d’une 
tribu d’Esquimaux d’un type très blond et à ca- 
ractères européens marqués. Six années de séjour 
parmi les Esquimaux de ces régions lui avaient 
permis de connaître à fond leur langue et leurs 
coutumes et de se rendre compte des ressources 
de ces solitudes glacées. 

Le plan général de Stefansson était d'explorer 
la mer de Beaufort et de rechercher de nouvelles 
terres qui, d’après lui, doivent exister au NW de 


1. Voir pour plus de détails le n° de juillet 1913 du Zulle- 
tin of the American Geographical Society. etB. M. Mc CoNNELL : 
The rescue of the Karluk Survivors. Harpers Monthly Maga- 
zine, n° 777, p. 349-360 (févr. 1913). 


la Terre Victoria. L'amiral Peary avait approuvé 
ce plan, et deux institutions américaines, la So- 
ciété américaine de Géographie et le Musée amé- 
ricain d'Histoire naturelle, avaient offert de 
couvrir par moitié les frais de l'Expédition. Mais 
le Gouvernement canadien, sur le territoire 
duquel l'exploration devait porter, exprima le 
désir d’en payer toutes les dépenses, et c’est ainsi 
que l'Expédition Stefansson devint l’'Expédition 
arctique canadienne. 

Stefansson fit appel, pour les recherches scien- 
tifiques, au concours de M. James Murray, de 
Glasgow, naturaliste de la première expédition 
antarctique Shackleton ; de M. W. L. Mc Kinlay, 
de Glasgow, ancien assistant du D' W.S8. Bruce; 
de M. Forbes Mackay, d'Edimbourg, chirurgien 
et membre de l'Expédition au mont Erebus et au 
pôle magnétique sud ; de M. Beauchat, anthro- 
pologiste, de Paris; de M. B.Mamen, topographe ; 
de M. G. Malloch, géologue, et de M. Me Connell, 
météorologiste. 

Il choisit comme navire un baleinier, le Xar- 
luk, qui avait déjà fait plusieurs croisières dans 
les mers polaires, dont on renforça la coque, et 
il en confia le commandement au capitaine Bart- 
lett, bien connu pour son expérience des glaces 


arctiques. 


LOUIS BRUNET. — L'ODYSSÉE DE L'EXPÉDITION ARCTIQUE CANADIENNE 91 


Le 4° juin 1913, le Xarluk quittait Vancouver 
pour Port-Esquimalt, puis pour Nome, dans 
l'Alaska, où il embarquait une troupe d'Esqui- 
maux {dont une femme avec ses deux enfants) 
destinés à aider l'Expédition dans les voyages sur 
la glace. Puis le 21 juillet le navire faisait route 
pour l'Océan arctique par le détroit de Behring. 

Un navire auxiliaire, le Mary Sachs, devait 
partir peu après pour ravitailler l'Expédition à 
Collinson Point, mais il fit naufrage en novembre 
sur la côte nord de l'Alaska, de sorte qu’il ne fut 
d'aucun secours pour Stefansson et ses compa- 
gnons. 

En août, tandis que le Xarluk se dirigeait vers 
la Terre du Prince Patrick, il fut entouré par les 
glaces près de Point Barrow, au nord de l'Alaska, 
et emprisonné. Dans l'impossibilité de se déga- 
ger, il fut entraîné le long de la côte septen- 
trionale de l’Alaska jusqu'au commencement de 
septembre, date où le champ de glaces qui le 
retenait devint stationnaire. 

Le navire paraissant en sûreté dans ses quar- 
tiers d'hiver forcés, Stefansson résolut de se 
rendre à la côte — distante d'environ 30 kilomèe- 
tres à travers la glace — pour y chasser le cari- 
bou, afin de prévenir le scorbut par une alimen- 
tation en vinnde fraiche. 

Une escouade de 6 personnes, comprenant le 
chef de l'expédition, le météorologiste Me Con- 
nell, deux Européens et deux Esquimaux, se mit 
en route. Deux jours après éclatait une furieuse 
tempête de NE, qui continua pendant 4 jours. A 
ce moment, l’escouade, réfugiée sur une bande 
de sable à 8 kilomètres du continent, s’aperçut 
que le Xarluk avait dérivé vers l'ouest avec la 
glace, et dans l'impossibilité de le rejoindre, elle 
gagna la terre d’où elle partit immédiatement à 
l’ouest vers Point Barrow. Arrivée là, après avoir 
franchi en 9 jours 280 kilomètres, elle apprit que 
le Xarluk, toujours emprisonné par les glaces, 
y avait passé une semaine auparavant. 

Il ne pouvait être question de le suivre. Aussi 
Stefansson, après s'être approvisionné et équipé 
complètement, repartit vers l’est avec Me Connell 
et Wilkins et, après un trajet de près de 500 kilo- 
mètres, il atteignit le 15 décembre Collinson 
Point. 

En janvier il fit une excursion jusqu’à Fort 
Macpherson, près du delta du fleuve Macken- 
zie, etil revint en mars pour préparer un voyage 
d'exploration sur la glace, au nord de Martin 
Point, à la recherche d’une terre nouvelle. Sa 
troupe, composée de lui-même et de six hommes, 
quitta Martin Point avec quatre traineaux à 
chiens le 22 mars 1914. 


Mc Connel l’accompagna vers le nord pendant 
16 jours, et le 6 avril ils arrivérent au bord du 
haut fond continental découvert par Leffingwell 
et Mikkelsen en 1907. Stefansson renvoya alors 
une partie de l'expédition 
sant à Me Connell qu'il marcherait droit devant 
lui pendant 15 jours avant de retourner, Il garda 
avec lui Storker Storkersen et Ole Anderson, 
hommes d’expérience, les six meilleurs chiens, 
le meilleur traineau, deux fusils, des rations 
pour 50 jours pour les chiens et pour 60 jours 
pour lui et ses compagnons. 

Depuis ce jour-là, on n’a plus eu de nouvelles 
de Stefansson. Peut-être les vents et les courants 
l’ont-ils norté assez près de la Terre de Banks 


à la côte, en di- 


Fig. 1. — Régions parcourues par l'Expédition arctique 
canadienne. 


pour tenter d'y atterrir. Mais l’eau libre l’en a 
probablement empêché, car deux baleiniers ont 
cherché sans succès sur la côte sud-ouest des 
feux ou des signaux desexplorateurs. Le problème 
de la nourriture ne s’est sans doute pas posé 
pour eux, car les animaux étaientnombreux dans 
cette région et les trois hommes étaient d'excél- 
lents tireurs; aussi, d'aprés Mc Connell, pour- 
ront-ils subsister même en étant forcés de vivre 
longtemps sur la banquise, et le devoir s'impose 
d'envoyer une expédition de secours à leur 
recherche. 


Il 


Pendant ce temps, le Xarluk continuait à déri- 
ver tranquillement dans la direction générale de 
l'ile Wrangel située au nord de la Sibérie. Le 
6 octobre, alors qu’il se trouvait à 40 kilomètres 
au nord de Point Barrow, la profondeur était 
encore de 20 brasses; après avoir dérivé pendant 
5 jours au nord, le fond se trouvait déjà à 
près de 2.000 mètres. Le plateau sous-marin 


92 LOUIS BRUNET. — L'ODYSSÉE DE L'EXPÉDITION ARCTIQUE CANADIENNE 


continental est donc très étroit au large de cette 
partie de l'Alaska. Le 11 novembre, par 162° de 
longitude et 73° de latitude, la profondeur 
n’était plus que de 90 mètres. 

Trois jours après Noël, les hommes restés à 
bord aperçurent de nouveau la terre, à une soixan- 
taine de kilomètres de distance, qu'ils prirent 
pour l'ile \WVrangel, alors que c'était en réalité 
lile Herald. 

Le capitaine Bartlett, qui en l'absence de Ste- 
fansson avait pris le commandement de l’expé- 
dition, avait fait retirer des cales du navire des 
provisions pour plusieurs mois, qui avaient été 
empilées sur la glace tout autour, recouvertes de 
toile, puis de neige, et cette construction for- 
mait un refuge confortable qui avait été nomméle 
« Camp du Naufrage ». 

Les ouragans du NE étaient fréquents, et le 
navire soumis à de fortes pressions. Le soir du 
11 janvier, pendant que les occupants écoutaient 
un concert de phonographe, des craquements 
sinistres se firent entendre. Les hommes sentant 
leur bateau condamné se mirent aussitôt à l’œu- 
vre pour sauver tout ce qu'ils purent, en premier 
lieu les 27 chiens dont l’aide seule devait per- 
mettre la retraite vers la terre la plus proche. 
Bientôt après, l’eau pénétrait dans la cale, et le 
Karluk: s’enfonçait lentement sous la glace. 

L'expédition se réfugia dansle « Camp du Nau- 
frage », précédemment établi et heureusement 
assez bien pourvu de tout le nécessaire. Quand 
les jours s’allongèrent après le retour du Soleil, 
le capitaine Bartlett envoya une avant-garde de 
7 hommes dans la direction de l'ile Wrangel pour 
préparer une piste destinée à faciliter le retour 
vers la terre ferme. Leur tâche fut des plus difli- 
ciles, par suite des aspérilés de la glace qui les 
obligeaient souvent à hisser les traineaux avec 
des cordes jusqu’au sommet et à les redescendre 
de l’autre côté de la même façon. Après avoir 
franchi environ 65 kilomètres, ils furent arrêtés 
par la mer libre à quelque distancede l'ile Herald 
— qu'ils prenaient pour l’ile Wrangel. Ils emma- 
gasinèrent sur la glace les provisions qu'ils ap- 
portaient, puis Mamen, l'assistant topographe, et 
deux Esquimaux retournèrent avec les chiens et 
les traineaux au « Camp du Naufrage », tandis 
que leurs quatre autres compagnons restaient là 
avec les provisions déchargées. 

Contre le désir du capitaine Bartlett et en op- 
position avec l'avis d'autres membres de l’Expé- 
dition, un autre groupe se décida à quitter le 
«Camp du Naufrage » peu après le départ du 
premier. Il comprenait MM. Mackay, Murray, 
Beuchat et un matelot. Une tempête terrible 


s’éleva quelque temps après, et on ne revit pas 
ce petit groupe, non plus que les quatre hom- 
mes qui étaient restés avec les provisions près 
de l’île Herald. L’ouragan détacha probablement 
la glace sur laquelle ils étaient campés et les en- 
voya à la dérive avant qu'ils eussent atteint au- 
cune terre. 

Le 18 février, les survivants commencerent leur 
retraite vers l’île Wrangel, qu'ils atteignirent le 
12 mars au prix de mille difficultés, à travers lés 
blocs de glace amoncelés, dont la hauteur aug- 
mentait à mesure qu’on se rapprochait de la 
terre jusqu’à atteindre 60 mètres. 


« Keruk, la femme esquimaude, — raconte 
Me Connell!, — gagna l'admiration générale. 


Chaque jour, elle traca la piste avec les hommes, 
et fit autant de travail qu'eux. Elle n’était jamais 
fatiguée et se plaignait rarement. Les vêtements 
en peau qu'elle fabriqua furent d’une valeur ines- 
timable, Son bébé était placé sur un traineau, 
tandis que sa fille de 4 ans cheminait à pied à 
côté d’elle. Quelquefois, cependant, sa mère dut 
la porter pendant des kilomètres. » 

Pendant qu'un camp confortable était établi 
et laissé sous la direction du mécanicien en chef 
Munro, le capitaine Bartlett, avec un jeune 
Esquimau, pourvus d'un traineau et de sept 
chiens, tentaient de gagner la côte sibérienne à 
travers le Long Sound pour chercher des secours. 
Là encore les tempêtes et la glace mouvante 
exposèrent les deux hommes à de terribles diffi- 
cultés. Après avoir atteint la terre ferme, où ils 
rencontrerent des natifs qui vinrent à leur aide, 
ils suivirent la côte jusqu'au Cap Deshnef (ou 
Cap Est), où ils rencontrèrent le baron Kleist 
qui les invita à l'accompagner à sa maison 
d'Emma Harbour, où les chances de trouver un 
baleinier étaient plus grandes. Ils y arrivèrent 
au milieu de mai,et y rencontrerent, en effet, 
l’'Herman, dont le capitaine, M. Pederson, se mit 
aussitôt à leur disposition pour les conduire à 
Nome. À cause de l’état des glaces, cette ville ne 
put être touchée, et l’Herman débarqua le capi- 
taine Bartlett à Saint-Michael, où il put se 
mettre en relations télégraphiques avec le Gou- 
vernement canadien. 

A larequête de ce dernier, le Gouvernementdes 
Etats-Unis envoyait en août le cutter des douanes 
Bear, commandé par le capitaine Cochran, 
prendre à son bord le capitaine Bartlett pour 
tenter ensuite de sauver les membres de l’Expé- 
dition restés à l’île Wrangel. Mais celui-ci ne put 
parvenir à moins de trente kilomètres de l'ile 
entourée de glaces. Le Gouvernement russe, à 


1. Loc. cit., p. 352. 


la demande du Canada, avait envoyé de son côté, 
par la mer de Kara, deux puissants brise-glaces, 
le Taimyr etle Wivgatch, capables de se frayer 
un chemin dans la banquise, mais l'ouverture 
des hostilités en Europe l'obligea à les rappeler 
par télégraphie sans fil. Un baleinier américain 
tenta également sans suecès d'approcher de l'ile 
Wrangel. 
II 


Tout espoir semblait perdu de parvenir dans 
l'été aux survivants de l’'Expédition Stefansson, 
condamnés à passer encore un hiver dans les 
glaces, lorsque le commandant du petit baleinier 
King and Winge, Olaf Swenson, qui se trouvait 
à Nome, ayant appris de Me Connell, météoro- 
logiste de l'Expédition, alors de retour du point 
oùilavait quitté Stefansson, la situation critique 
de ces hommes, se résolut à tenter l'aventure. 

Le 3 septembre, le Xing and Winge partait de 
Nome, avee Me Connell à son bord. Le lende- 
main, il atteignait le Cap Deshnef, où Swenson 
engageait 15 Esquimaux avec un wmiak: ou bateau 
en peau, destiné à servir au cas où le navire ne 
pourrait s'approcher de l'ile. L'umiak serait 
transporté sur la glace, puis relancé là où l’on 
retrouverait l’eau libre. 

Le navire reprit sa marche et bientôt les mon- 
tagnes de l’ile Wrangel apparurent à l'horizon. 
Mais la glace se faisait de plus en plus dense et 
le bateau n’avançait qu'avec peine. Il arriva enfin 
en vue des falaises de granit qui environnent 
Rodgers Harbor, point où les survivants devaient 
se trouver d’après le capitaine Bartlett. À 8 kilo- 
mètres de la baie, on retrouva l’eau libre et 
l'approche devint plus facile. 

Une petite tente fut signalée par la vigie, puis 
un mât de pavillon et une croix. À 800 mètres, 
on vit un homme émerger de la tente, et regar- 
der le navire comme s'il n’en croyait pas ses 
yeux; deux autres lerejoignirent, apportant un 
drapeau britannique, qu'ils hissèrent à mi-mût, 
en signe de deuil. Etait-ce donc tout ce qui res- 
tait de l’Expédition ? 

L’umiak fut mis à l’eau et bientôt Swenson, 
M. Connell et les Esquimaux abordaïent sur le 
rivage et s’empressaient à la rencontre des trois 
hommes. C’étaient le mécanicien en chef Munro, 
un chauffeur et le steward, les vêtements en lo- 
ques, les cheveux longs, le visage émacié, por- 
tant la trace de longues souffrances et de priva- 
tions. Ils avaient perdu tout espoir d’être sauvés. 
Il ne leur restait plus qu'un fusil et douze car- 
touches pour se procurer de la nourriture; ils 
avaient des allumettes et du bois flotté, mais 
leurs vêtements étaient insuflisants pour passer 


un autre hiver. Deux de leurs compagnons, Mal- 
loch le géologue et Mamen le topographe, étaient 
morts de maladie au printemps, et la croix recou- 
vrait leur tombe. 

Quant au reste de l'Expédition, il s'était séparé 
el se trouvait au Cap Waring, à environ 65 kilo- 
mètres à l'est. Les préparatifs de départ furent 
rapides, car il s'agissait de ne pas se laisser em- 
prisonner dans les glaces. Quand le Cap Waring 
fut en vue, on aperçut deux tentes et de petits 
points noirs courant sur le rivage en faisant des 
signaux. À trois kilomètres, le Xing and Winge 
dut stopper, mais l'équipage descendit sur la 
glace unie et se mit à courir au-devant des sur- 
vivants qui s'approchaient. Il y avait là Me Kin- 
lay, l’océanographe, avec quatre hommes d’équi- 
page, Kurraluk, un excellentchasseur esquimau, 
Keruk etses enfants. On n’avait eu qu’une seule 
mort à déplorer, celle d'un chauffeur, qui s'était 
tué par accident. 

Kurraluk et Hadley chassaient presque tous les 
jours, au moyen d’un kayak construit avec des 
peaux de phoques et du bois flotté, mais ne 
tuaient pas toujours assez de gibier, de sorte que 
parfois la faim tenaillait la petite troupe. Il ne 
restait plus que 3 chiens, un traineau et 40 car- 
touches. Là aussi on avait abandonné l'espoir 
d’être secouru, au moins avant l'hiver, et la troupe 
se disposait à transporter le camp au nord del’ile, 
où le bois flotté était beaucoup plus abondant. 

Bientôt le navire reprenait la mer dans la di- 
rection de l’ile Herald, à la recherche des 8 mem- 
bres de l’Expédition qui avaient disparu entre le 
lieu du naufrage et cette ile. Mais un banc de 
glace solide barrait la route. Après l'avoir suivi 
sans rien trouver pendant plus de 60 kilomètres, 
le Xing and Winge fut forcé de reprendre la di- 
rection de Nome. 

Le lendemain, il rencontrait le Bear, ayant à 
son bord le capitaine Bartlett, sur lequel iltrans- 
férait tous les survivants de l’expédition, et le 
13 septembre ceux-ci atteignaient enfin Nome. 


IV 


Telle est l’odyssée de l’Expédition arctique 
canadienne, l’une des plus tristes parmi toutes 
celles des explorations polaires. 

D'après Me Connell et Bartlett, les onze dispa- 
rus, presque tous familiers avec les régions gla- 
cées, sont probablement encore vivants et en état 
de subsister pendant l'hiver actuel. Une expédi- 
tion de recherche au commencement de l'été 
prochain s'impose donc. Puisse-t-elle être tentée, 
et sauver s’il en est temps encore Stefansson et 
ses compagnons! Louis Brunet. 


94 BIBLIOGRAPHIE — AN 


EN # ve. 

es mathématiques 

Annuaire pour l'an 1915 publié par le Bureau des 
Longitudes. — 1 vol. in-1ù de 1000 p. avec fig. et 
4 cartes en couleurs (Prix : 1 fr. 50). Gauthier-Villars, 
éditeurs, Paris, 1915. 


Ce recueil bien connu renferme, cette année, après 
les documents astronomiques qui en constituent la par- 
tié principale, des tableaux relatifs à la Métrologie. à 
la Géographie, à la Statistique, à la Météorologie et aux 
Monnaies. Les données physiques et chimiques seront 
réservées à l'annuaire de 1916. 

Ces tableaux sont suivis d’une intéressante notice de 
M. Bigourdan sur les méthodes d'examen des miroirs et 
objectifs, qui ne comprend pas moins de 173 pages il- 
lustrées de 78 figures. Après un court historique, l’au- 
teur y étudie les propriétés focales et extra-focales des 
faisceaux opliques convergents, puis les méthodes gé- 
nérales d'examen des faisceaux (méthodes du micros- 
cope oculaire, du réseau ou treillis, de l'écran ou cou- 
teau, des zones ou des diaphragmes, des franges, des 
retouches locales). Il montre ensuite l'application de 
ces méthodes générales à toutes les surfaces réfléchis- 
santes; puis il expose le mode d'examen des miroirs 
montés en télescopes et celui des objectifs de toute na- 
ture. Il termine par l'épreuve rapide des lunettes, en 
particulier de celles de petites dimensions, pour laquelle 
ik propose l'adoption d’une mire universelle très ingé- 
nieuse (voir p, 97). 


2° Sciences physiques 


Berget (A.), Professeur à l’Institut océanograplique 
de Paris.— Les problèmes de l'atmosphère. — 1 vol. 
in-18 de 343 p. avec 27 fig. de La Bibl. de Philosophie 
scientifique. (Prix : 3 fr. 50). Flammarion, éditeur, 
Paris, 1914. 


L'atmosphère sans laquelle nous ne pourrions vivre 
est devenu le domaine de l’homme qui, audacieusement, 
s’est transformé en animal aérien. Les diflicultés 
auxquelles se heurtent les pionniers de l'air attirent 
spécialement les chercheurs vers les questions com- 
plexes qui se posent chaque jour; c’est dans le but de 
guider leurs investigations et, au besoin, de les provo- 
quer, que l’auteur a écrit cet ouvrage, dans lequel il a 
groupé, suivant une classification rationnelle, toutes les 
recherches entreprises et les résultats obtenus. Outre 
les questions d'ordre général, comme la formation, la 
manière d'être, les transformations et la disparition de 
l'atmosphère, l’auteur a étudié les questions qui se rap- 
portent plus particulièrement à son étendue et à sa com- 
position, montrant ainsi, par un exemple très net, la 
connexité des deux questions, puisque la première est 
dans une dépendance directe de la seconde, la découverte 
des gaz légers ayant apporté des indications nouvelles 
sur la manière dont se comporte la surface externe de 
l'atmosphère, Toutes les questions relatives aux pous- 
sières et aux germes que l'atmosphère peut contenir, 
celles qui ont trait aux phénomènes optiques, acousti- 
ques et électriques dont il est le siège, ainsi que l'emploi 
que l'on peut faire de leurs propriétés pour délerminer 
les divers états inconnus de l'atmosphère sont étudiés 
minutieusement, L'auteur a examiné la manière dont les 
radiations se comportent dans l’air et la répartition de 
la température; il étudie la pression barométrique et ses 
dyerses variations ; il expose la somme de nos connais- 
sances sur la circulation atmosphérique etles problèmes 
nombreux que la discussion fait naitre. A toutes ces 


ALYSES ET INDEX 


BIBLIOGRAPHIE 
ANALYSES ET INDEX 


études vient se joindre celle de l’eau qui apparait sous 
toutes ses formes dans notre enveloppe gazeuse. Un 
chapitre spécial est consacré à la mécanique de l’atmos- 
phère, que la construction des aéroplanes a placée au 
premier rang, et dans le domaine de laquelle l'expéri- 
mentation a fait faire rapidement de grands progrès. 
Chaque chapitre contient un grand nombre d’aperçus 
nouveaux qui sont autant de problèmes dont la solution 
est encore à trouver malgré les nombreux travaux déjà 
effectués. 

Reconnaissant la nécessité de longues séries d’obser- 
vations consécutives à l'étude des climats et de leurs 
varialions, l’auteur pense que l’avenir dela Météorologie 
réside surtout dans les investigations de l'atmosphère 
par tous les moyens, soit directement avec le concours 
des aviateurs, des aéronautes, des cerfs-volants et des 
ballons pilotes, au moins dans les couches accessibles, 
soit au moyen des ballons sondes pour les couches plus 
élevées (12 à 25 kilomètres), soit indirectement par 
toutes les méthodes de la Physique moderne, en parti- 
culier par la polarisation de l’atmosphére pour les 
régions jusqu'à présent inaccessibles. 

Le but final serait, outre l’utilisation au profit de 
l'homme de toutes les énergies de l'atmosphère, la pré- 
vision à courte et à longue échéance des différents phé- 
nomènes météorologiques dont l’ensemble constitue le 
temps, aux variations duquel tous les êtres sont cons- 
tamment soumis. Malgré le peu de connaissances acqui- 
ses, on a déjà tenté le problème de la prévision du 
temps, et les services rendus ont été maintes fois recon- 
nus. Tous les efforts dans cette voie que l’auteur 
examine, comme ceux de la prévision des variations 
barométriques et des corrélations entre les phéno- 
mènes solaires et des phénomènes terrestres, méritent 
d'être poursuivis; ils ne sauraient atteindre une réelle 
valeur qu'autant qu'ils seront scientifiquement établis. 
Le Verrier a dit : « La Météorologie ne passera à l’état 
de science que le jour où elle pourra prédire longtemps 
à l’avance la hauteur de la colonne barométrique »; 
actuellement elle constitue une série considérable de 
recherches extrêmement attrayantes qu’il faut étendre 
et poursuivre par la méthode scientifique. 


G. BarBé, 


Météorologiste au Bureau Central météorologique. 


Duponchelle (J.), ancien Directeur de fonderie. — 
Manuel pratique de fonderie (CUIVRE, BRONZE, ALU» 
MINIUM, ALLIAGES DIVERS), — 1 vol. in-8° de x1v: 
258 pages, avec 201 fig. (Prix cart, : 6 fr.) H. Dunod 
et EË. Pinat, éditeurs, 47 et 49, quai des Grands- 
Augustins, Paris, 1914. 


Le manuel en question se rapporte non pas à la fon- 
derie de fer, mais à celle de certains métaux, cuivre, 
aluminium et sutout des alliages usuellement employés 
dans la construction mécanique et le matériel de 
guerre. 

Avec ces métaux les difficultés de fusion sont beau- 
coup moindres et, par suite, les appareils à employer 
moins compliqués; par contre, toutes les autres opéra- 
tions, qu’elles précèdent la coulée du métal ou qu’elles 
la suivent, ressemblent beaucoup à celles que l’on appli- 
que à la fabrication des pièces de fonte, et tout l outil- 
lage estsimilaire. 

L'ouvrage de M. Duponchelle ayant été conçu en vue 
de l'instruction spéciale dans les Ecoles industrielles et 
professionnelles, aussi bien que pour servir de guide 
aux patrons fondeurs et ouvriers, il était indispensable 


BIBLIOGRAHIE — ANALYSES ET INDEX 95 


de faire précéder la description du matériel et des pro- 
eédés de l'examen rapide des matières employées : le 
cuivre, l'étain, le zine, le plomb, le nickel, l'antimoine, 
le bismuth, le phosphore, le fer el le manganèse sont 
ainsi étudiés au point de vue de leur métallurgie, de 
leurs propriétés, de leurs usages et surtout des nom- 
breux alliages qu'ils forment. 

L'auteur entre ensuite dans le vif du sujet, D'abord 
le matériel et les machines formant l'outillage de la 
fonderie et de l'atelier de moulage : appareils de levage, 
de transport, fours à réverbère el à creusets, fours mé- 
caniques avec récupération, éluves, poches, châssis, 
machines à noyauter; puis le choix et la préparation 
des sables de moulage, qui jouent un grand rôle, comme 
l’on sait, dans la réussite des pièces; les procédés de 
moulage à vert el éluvés à la main, mais aussi et sur- 
tout l'emploi des machines à mouler qui se développe 

tous les jours davantage lorsqu'il s’agit de pièces en 
série. L'auteur s'étend avec raison sur ce côté de la ques- 
tion, en donnant de nombreux dessins qui feront la joie 
des intéressés. 

Enfin sont décrites toutes les opérations subséquen- 
tes à la fusion, l’abatage des masselottes, l'ébarbage, 
l'essablage, le soudage et les moyens d'effectuer tous 
ces travaux dans des conditions hygiéniques convena- 
bles, problème supplémentaire à résoudre et dont on 
ne peut plus esquiver la responsabilité, 

L'auteur termine son ouvrage par des considérations 
sur l'administration d’une fonderie, la tenue des livres 
d'atelier et l’'établissementdes prix de revient. Quelques 
données numériques générales sont mises en appendice 
à l'usage du lecteur, qui trouvera dans ce petit volume 
une foule de renseignements pratiques et commodes à 
repérer. 


Emile DEMENGE, 
Ingenieur civil. 
Ê 


Mouliney (Gérald). — Carrelages et faïences. 
TRGHANIQUE DE LA FABRICATION DES GCARREAUX DE GRÈS, 
— 1 vol. in-$° carré de 140 pages avec 157 fig. (Prix 
cart. : 9 fr.) H. Dunod et E. Pinat, éditeurs, 47 et 49 
quai des Grands Augustins, Paris, 1914. 


En lisani lelivre de M. Mouliney, je n'ai pu empècher 
une question de se poser dans mon esprit : Pourquoi 
l’auteur a-t-il choisi pour son ouvrage un titre si peu 
en rapport avec le texte? Un lecteur non prévenu, en 
jetant l’œil sur la couverture, croira se trouver en face 
d'un ouvrage technique traitant de la fabrication des 
carrelages et desfaïences. En adoptant comme litre uni- 
que le deuxième sous-litre, écrit en caractères un peu 
fins sur la première page, l’auteur eût donné à sonlivre 
sa véritable signification : Manuel du poseur de carreaux 
céramiques, du poseur de faiences de revêtement, du 
monteur faiencier, du monteur de cheminées. C’est, en 
effet, un manuel très bien compris au point de vue de 
l'emploi et de l’utilisation du carrelage céramique, mais 
ce n’est qu'un manuel, et cette erreur dans l'appellation 
ne peut que créer des mécomptes dans la vente et l’ap- 
préciation de l'ouvrage. 

Dans son premier chapitre, l’auteur nous décrit d'une 
manière bien sommaire la fabrication des carreaux de 
grès, et ce chapitre, malheureusemententaché d'erreurs, 
gâte le mérite du livre à la première lecture. On voil 
que l’auteur n'est familiarisé ni avec la Chimie, ni avec 
la Physique, ni avec la Minéralogie. Il commet d’étran- 
ges confusions dans la nomenclature des matières pre- 
mières el reproduit des inexactitudes excusables sous 
la plume des céramistes il y a cent ans, mais inaccep- 
tables en 1914. On trouve, en effet, dans de vieux trai- 
tés des évaluations fantastiques des températures des 
fours, mais ce qui élait permis au commencement du 
dix-neuvième siècle, où les appareils de mesure des 
températures élevées étaient défectueux, ne l’est plus 
au vingtième siècle où les pyromètres ont reçu de re- 
marquables perfectionnements. Aussi ai-je lu avec peine 
que l’auteur effectuait des cuissons à 1800°; ne sait-il 


done pas qu'à celle température les argiles les plus 
réfractaires sont complètement fondues? Enlevons 500" 
et nous serons plus près de la vérité. On ne trouve dans 
ce chapilre que des données extrémement écourlées sur 
la fabrication; la composition des mélanges, leur pré- 
paration etles appareils servant au travail préliminaire 
des matières premières el au façonnage des carreaux 
ayant élé passés sous silence, 

Le chapitre qui suit corrige heureusement la mauvaise 
impression du début et, si l’auteur s'élait borné à ne 
traiter que la partie pratique de l'emploi du carrelage, 
son livre eût été plus homogène et exempt decriliques. 
On y trouve décrits : les plans de pose, la préparation 
du sol, la mise en place des repères, le jalonnage au 
moyen de cordeaux, l'assemblage, la pose et les dispo- 
sitions à prendre pour que celte opération soit bien 
exéculée. Il y a là toute une série de données d'ordre 
pratique dont la réunion fait un tout utile et très inté- 
ressant pour celui qui s'occupe d'entreprises de carrela- 
ges. 

Le chapitre IIT commence par des considérations géo- 
métriques, bien inutiles à mon sens. L'auteur suppose-t-il 
done ses lecteurs si complètement dénués d'instruction 
qu'il eroie bon de leur faire passer en revue l'A B C de 
la géométrie plane, ainsi que des formules qu'on trouve 
partout si on vient à les oublier? A celte digression 
font suite des solutions très bien traitées de divers pro- 
blèmes d'installation de carrelage. Il y a là des exemples 
bien choisis et donnant des solutions applicables à des 
cas très variés. C'est évidemment dans ces considéra- 
tions pratiques que l'auteur est le plus intéressant. 

Ce que j'ai dit plus haut au sujet de la fabrication des 
carreaux de grès peut se reproduire ici lorsque l'auteur 
entame la question de la faïence. Quatre pages, dont 
une consacrée à l'historique de la découverte du kaolin, 
n'apprennent rien au lecteur sur la fabrication du car- 
reau de faïence. Il y a une confusion entre les différents 
genres qui est pénible à constater pour un technicien. 

Avec le chapitre qui suit nous rentrons dans le do- 
maine propre de l'auteur, c’est-à-dire dans l'application 
des produits fabriqués, et là le lecteur retrouve des don- 
nées qui peuvent lui servir, telles que la préparation 
des murs, l'emploi des cordeaux d’aplomb, le calibrage, 
la pose et le garnissage, les coupes, etc. 

Le dernier chapitre traite quelques questions prati- 
ques dont la solution est bonne à connaître pour le po- 
seur de carreaux; on y trouve la pose des cheminées, 
la taille et le montage des panneaux. Un appendice sur 
les appareils de chauffage et leur pose termine le tout. 

De nombreux dessins, des épures de montage et des 
plans complètent heureusementcetouvrage, à recomman- 
der évidemment à tous ceux qui ont besoin d'un manuel 
pratique de pose de carrelage, mais malheureusement 
ne pouvant rendre aucun service à ceux qui veulent se 
documenter sur la technique de la fabrication.L'ouvrage 
gagnerail même à se borner à l'application du carrelage, 
car, dégagé des inexactitudes qui le déparent au point 
de vue technique, il constitue un excellent manuel pra- 
tique. 

Albert GRANGER, 
Docteur ès Sciences, 
Professeur de Technologie céramique, 
Chef des Laboratoires d’Essais à la Manufacture de Sèvres. 


3° Sciences naturelles 


Choux (P.) Préparateur de Botanique agricole à la 
Faculté des Sciences de Marseille. — Etudes biolo- 
giques sur les Asclépiadacées de Madagascar 
(Thèse de la Fac. des Sciences de Paris). — 1 vol. in-8° 
de 26% p. avec 50 planches en photogr. et # figures 
dans le texte (Extrait des Annales du Musée colonial 
de Marseille, 3° sér., t. IT). Protat frères, imprimeurs, 
Mäcon, 1914. 


Les Asclépiadacées de Madagascar ont été étudiées 
par Decaisne, par MM. Costantin, Gallaud, Bois, 


96 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


Poisson, Jumelle et Perrier de la Bathie, mais il restait 
beaucoup à faire au point de vue biologique, et c’est à 
cela que s’est attaché M. Choux, 

M. Choux a étudié une cinquantaine d'espèces de 
Madagascar eten a décrit une vingtaine de nouvelles, 
Dans les Périplocées, les genres Pentopetia, Ischnolepis, 
Gonocrypha, Camptocarpus, Harpanema, Tanulepis, 
Baseonema sontreprésentés. Les Pentopelia glaberrima, 
linearifolia, Tanulepis acumicata, Baseonema lineare, 
multiflorum et acuminatum constituent des espèces 
nouvelles. Le genre Symphytonema doit disparaitre. 
Quant au genre anulepis, pas représenté jusqu'ici, il 
doit l'être par cinq espèces. 

Les Astéphanées ne sont représentés que par le genre 
Microstephanus (Pleurostelma Baïillon). 

Les Cynanchées constituent le groupe le plus intéres- 
sant, avec des formes aphylles ou pourvues de feuilles. 
Aux premières appartiennent des Cynanchum,les Deca- 
nema, Sarcostemma, Vohemaria, Platykeleba, Proso- 
postelma, Folotsia, Mahafalia. Le Drepanostemma 
luteum Jam. et Perr. est synonyme de Sarcostemma 
DecorseiCost.etGall. A signaler dans ce groupe, comme 
espèces nouvelles : Cynanchum Perrieri, ambositrense, 
bekinolense, compactum, aequilongum et Prosopostelma 
grandiflorum, et d’'intéressantes données biologiques 
fournies par l'anatomie ainsi quela répartition géogra- 
phique. 

Les Cynanchées à feuilles constituent d’intéressantes 
espèces, dont quelques-unes à tubercules, telles que 
Cynanchum Lineare N. E. Brown, comestible, C. napi- 
gerum et helicoideum, nouveaux. Le €. pycnonevroides, 
espèce nouvelle, a la souche rampante, A noter égale- 
ment le genre Pycnoneurum, 

Dans les Sécamonées, le genre Secamone est remar- 
quable par son polymorphisme foliaire et floral. Le S. 
Elliottii K. Sch. présente des tubercules. Le genre Seca- 
monopsis est intermédiaire entre les Secamone et les 
Marsdéniées; le genre Menabea établit la transition avec 
les Apocynacées., C'est à ce dernier genre qu’appartient 
le M. venenata Baillon, espèce vénéneuse, le Tanghena 
des Sakhalaves. Le Toxocarpus claudiclavus forme la 
transition entre les Toxocarpus et les Secamone que 
Baillon réunissait. 

Les Secamone toxocarpoides, pinnata et polyantha 
forment des espèces nouvelles. 

Les Céropégiées sont représentées par les genres Ce- 
ropegia et Leptadenia, ce dernier à polymorphisme 
foliaire au point de vue de la forme et des dimensions. 

Les Marsdéniées sont également polymorphes avec 
les genres Marsdenia, Gymnema et Telosma.Les Stepha- 
notis ne constituent qu'une section des Warsdenia. Les 
Telosma Coville ont pour synonymes Pergularia Le- 
mend. et Prageluria N. E. Brown. À signaler comme 
espèces nouvelles les Marsdenia cordifolia, quadrialata 
et cryplostemma. 

L'auteur de cetimportant travail a noté les conditions 
de végétation, l'habitat, la répartition géographique, la 
plus ou moins grande fréquence des espèces, Il a 
signalé à Madagascar la présence du genre Faseonema 
dont on ne connaissait qu’une espèce de l'Est africain 
anglais, et des Tanulepis, dont on n'avait jusqu'à ce 
jour signalé qu'un seul représentant de l'ile Rodrigue. 

Dans certaines espèces, l'adaptation au milieu est 
caractéristique, surtout dans les formes aphylles, où 
ellese manifeste dans l'aspect extérieur etdans la struc- 
ture interne qui peut se modifier. 

M. Choux insiste avec raison sur le polymorphisme 
très accusé dans certaines espèces; ces variations mor- 
phologiques sont nombreuses, tandis qu'elles n'avaient 
été qu'exceptionnellement et très rarement signalées 
jusqu'ici. 


Ce polymorphisme est réalisé suivant des modalités 
très différentes, dans l'appareil végétatif et surtout 
dans les feuilles. Dans les formes aphylles, le polymor- 
phisme est surtout saillant dans les fleurs. Quelquefois 
les feuilles et les fleurs sont atteintes. Tous les cas pos- 
sibles arrivent à être réalisés : dimensions des feuilles, 
formes et dimensions. Une seule des dimensions, la lar- 
geur, va varier. La pilosité seule du limbe peut varier, 
aussi bien que la pilosité et les dimensions, la forme et 
la texture. Dans certains cas, c'est la longueur du pétiole 
qui varie. 

Ces modifications se réalisent sur des individus diffé- 
rents, sur un seul et même individu, pour une même 
espèce sur le même pied ou sur des pieds différents. 

Les diverses formes du limbe dans une même espèce 
peuvent être assez voisines (Secamone obovata Decsne) 
ou très dissemblables (Gonocrypha Grevei Baill.; Mars- 
denia brevisquama Jum. et Perr.). Ces formes diverses 
peuvent être peu nombreuses (Secamone angustifolia 
Decsne) ou multiples (Gonocrypha Grevei Baïll; Mars- 
denia brevisquamua Jum. et Perr.) sur le mème individu, 
mélangées les unes aux autres sur les mêmes rameaux 
ou situées à la base ou versle sommet. 

Le polymorphisme floral est également varié: verti- 
cilles périanthiques seuls (Secamone deflexa Jum. et 
Perr.), couronne (Decanema Bojerianum Decsne), cou- 
ronne et androcée (Pentopetia androsemifolia Decsne), 
pollinies et stigmates (Cynanchum Perrieri Choux, 
Microstephanus cernuus N. E. Brown, corolle, mem- 
brane des anthères et stigmates (Secamone pachystigma 
Jum. et Perr.), calice, corolle, lames coronaires et 
stigmates. 

Toutes ces modifications rendent très difficile l'étude 
des plantes d’herbier. Telle est la cause de la « duperie 
des herbiers » qu’ilest impossible d'éviter, surtout quand 
on n’a affaire qu’à des fragments, Cette absence de fixité 
dans la structure se retrouve dans les Apocynacées : 
Landolphia, Mascarenhasia, Plectaneia et dans les Pal- 
miers de Madagascar. 

En prenant les termes extrêmes dans quelques cas, 
on pourrait créer des espèces ou des variétés, mais avec 
des échantillons nombreux et surtoutsur place on trouve 
toute une série d'intermédiaires et l'on arrive à suivre 
la transformation progressive des caractères. Sur quoi 
baser une distinction nette de ces plantes? peut-on vrai- 
ment faire autant d'espèces ou de variétés que d’indi- 
vidus? 

On pourrait concevoir ces espèces comme autant de 
larges groupements d'espèces élémentaires, que compli- 
quent de nombreux hybrides. Des essais culturaux 
permettraient seuls de répondre à la question. 

« Force nous est donc, conclut M. Choux, de n’envi- 
sager ici que l'espèce linnéenne, et c’est en se plaçant à 
ce point de vue, le seul possible pour nous, que nous 
avons constaté et décrit l'extraordinaire polymorphisme 
que présente souvent à Madagascar l’espèce ainsi com- 
prise, en même lemps que nous avons vu quelles difli- 
cultés présente sa délimitation exacte ». 

Le travail de M. Choux a été exécuté avec beaucoup 
de soins et mérite d’être loué sans restrictions; il ser- 
vira de modèle pour les travaux du même genre consa- 
crés aux plantes de nos colonies. Il a été entrepris à la 
Faculté des Sciences de Marseille, dans le Laboratoire 
de M. le professeur Jumelle et grâce aux échantillons 
récoltés avec soin et judicieusement annotés par 
M. Perrier de la Bathie. 


P. HARIOT, 


Assistant au Muséum. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 97 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 
Séance du 4h Janvier 1915 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — MM. Camichel, 
Eydoux et Lhériaud : Sur l'ajutage Venturi. Les au- 
teurs montrent que l'ajutage Venturi fournit un moyen 
très simple de mesurer les débits en hydraulique. Cet 
ajulage, qui peut s’intercaler en un point quelconque des 
conduites sous pression, est formé par la succession d’un 
convergent et d'un divergent, réunis entre eux par une 
surface de raccordement de révolution autour de l’axe de 
l'appareil et convexe vers cet axe. Si p, est la pression 
dans la section large de diamètre d,, p, la pression dans 
la section la plus étroite de diamètre d,, et q le débit, on 


a : q—)a Vpy—ps, où a est une fonction de d, et d,, et à 
est égal à l'unité, à moins de 1°/, près, d’après les expé- 
riences des auteurs, 

2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. G. Bigourdan : Sur 
l'épreuve rapide des lunettes d'approche. Description 
d'une mire universelle pour cette épreuve. L'auteur pro- 
pose, à la place des caractères d'imprimerie générale- 
ment employés, une mire qui peut être reproduite par- 
tout identique à elle-même et par suite devenir univer- 
selle. Elle se compose d’un certain nombre de groupes 
de raies noires sur fond blane, couvrant des carrés rela- 
tivement égaux, de 10 mm. de côté, et symétriquement 
distribués. Dans chaque groupe, les traits noirs et les 
intervalles blancs ont tous même largeur, et cette lar- 
geur varie régulièrement d’un groupe à l’autre. Les 
numéros qui désignent chaque carré expriment, en 
secondes d'are, l'angle sous-tendu par la somme des lar- 
geurs d’un blanc et d’un noir consécutifs quand la mire 
est placée à 10 m. de distance. L'auteur indique com- 
ment on détermine, au moyen de cette mire, le pouvoir 
séparateur et le champ d’une lunette. 


3° ScrENCES NATURELLES. — M. M. Tiffeneau : La 
destinée du chloralose dans l'organisme. Le chloralose, 
chez le chien, s’élimine partie en nature, partie sous 
forme d’un composé glycuronique nouveau, l'acide chlo- 
ralose-glycuronique. Cette formation n’est pas en faveur 
de l'hypothèse de Sundwick-Fischer sur le mécanisme de 
la conjugaison glycuronique. Le chloralose nese dédou- 
blant pas dans l'organisme en chloral et glucose, ses 
effets physiologiques lui appartiennent en propre et ne 
sont pas dus au chloral qu'il contient, — M.Ed. Heckel: 
Sur le Solanum Caldasii Kunth et la mutation gemmaire 
culturale de ses parties souterraines. L'auteur signale 
que le S. Caldasii, cultivé selon sa méthode, a montré 
en trois endroits (Marseille, Villeurbanne, Gap) des mu- 
tations gemmaires de ses parties souterraines, consis- 
tant dans la formation, à côté des tubercules normaux, 
devenant violets par exposition à l'air et pourvus de 
lenticelles saillantes, de tubercules jaunes stables, dé- 
pourvus en partie ou en totalité de lenticelles. 


Séance du 11 Janvier 1915 


1° SCIENCES PHYSIQUES. — M. A. Boutaric : Sur la 
polarisation et le pouvoir absorbant de l'atmosphère. 
K. Angstrôm a indiqué que le pouvoir absorbant de 
l'atmosphère doit dépendre à la fois de la diffusion et 
de la quantité de gaz absorbants (principalement de 
vapeur d’eau) qu’elle renferme. Les observations de 
l’auteur confirment ce point de vue et montrent que le 
facteur principal pour l’étude du pouvoir absorbant 
appartient à la diffusion. En une station déterminée, il 
suffirait de faire, pendant quelques années, des détermi- 


nations suivies de l'intensité calorifique, de la polarisa- 
tion et de l’état hygrométrique pour pouvoir ensuite, 
par des mesures de polarisation et de tension de 
vapeur, — et le plus souvent par une simple observa- 
tion polarimétrique, — prévoir la valeur de l'intensité 
calorifique reçue aux différentes heures d’une journée 
quelconque. — M. J. Cabannes : Sur la diffusion de 
la lumière par l'air. Les diverses théories imaginées 
pour expliquer la propagation et la dispersion des 
ondes lumineuses dans les milieux matériels permet- 
tent toutes de prévoir une diffusion latérale de lalumière. 
Elles conduisent, dans le cas d’un gaz transparent, à une 
formule établie par Lord Rayleigh. C’est à cette diffu- 
sion de la lumière par les molécules de l'air qu'on attri- 
bue actuellement le bleu du ciel. l’auteur est arrivé à 
montrer expérimentalement la diffusion des rayons 
visibles et ultraviolets par quelques em* d'air à la pres- 
sion atmosphérique. L'air, desséché et filtré, est intro- 
duit dans un récipient de fonte muni de deux regards 
en quartz. On y projette, à l’aide de deux lentilles de 
quartz, l'image d’une lampe à vapeur de mercure. On 
observe latéralement le faisceau lumineux, dans le voi- 
sinage de l’image, suivant une direction parallèle à 
l'axe de la lampe, Ce faisceau apparait en bleu sur le 
fond noir; il disparait lorsqu'on fait le vide dans le 
récipient. L'auteur a vérifié quantitaïivement la formule 
de Lord Rayleigh par une méthode de photométrie pho- 
tographique, — M. André Blondel : Calcul de la por- 
tée des projecteurs de guerre sur terre et sur mer. L'au- 
teur calcule successivement : 1° l’éclairement au but, 
qui est représenté par E —(1/x°)a*; 2° l’éclairement ap- 
parent, pour un observateur muni de jumelles, qui est 
E — Eau A(d?/p?); 3° acuité visuelle suflisant à la per- 
ception des formes V—B (log E—H); 4° l'équation 
générale des portées : 


log 1 En x log a) + (2 log x + x log a) LR, 


o 
D 


équations dans lesquelles I est l'intensité lumineuse en 
bougies d’une source équivalant au faisceau du projec- 
teur, x et x’ la distance du but au projecteur et à l’obser- 
vateur en kilomètres, E l’éclairement en lux à l’empla- 
cement du but, a le coeflicient de transparence atmos- 
phérique, g le grossissement des jumelles de l’observa- 
teur, Æ le coefficient de transmission à travers le verre 
des jumelles, d le diamètre de l'anneau oculaire, p le 
diamètre de la pupille, R—log kd?/p°, V l’acuité vi- 
suelle, B, H et L des constantes empiriques. 

20 SCIENCES NATURELLES. — M. V. Henri : Sur la pos- 
sibilité d'entrainement de phosphore dans les plaies pro- 
duites par les projectiles d'artillerie allemands. M. G. Ur- 
bain a reconnu que les obus strictement explosifs du 97 
et les obus à shrapnells allemands contiennent pour la 
plupart une grande quantité d’une poudre brun violacé, 
sentant fortement le phosphore blanc, et dont les 97°/ 
sont constitués par un mélange de diverses variétés de 
phosphore. Par conséquent les éclats d’obus allemands 
et les balles de shrapnells, par leurs irrégularités et 
leurs rugosités, peuvent entrainer dans les plaies une 
plus ou moins grande quantité de phosphore. Le phos- 
phore peut produire une mortification des tissus, qui 
favorise le développement des microbes; on devra done 
débrider largement et nettoyer avec soin ce genre de 
plaies. — M. F. Bordas : Nouveau dispositif pour la 
désinfection des effets d'habillement. L'auteur, ayant 
eu à pratiquer la désinfection rapide d’effets militaires, 
a employé le procédé suivant, qui lui a donné une désin- 
fection parfaite : Dans un tonneau ordinaire de 228 1., 
dont on a enlevé la partie supérieure, on enroule en 


JS ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


spirale un tuyau de plomb, terminé en bas par un orifice 
très petit, dans lequel on envoie de la vapeur d’un géné- 
rateur quelconque. On remplit le tonneau, sauf un es- 
pace vide central, de vètements ou de couvertures, et on 
le ferme par une couverture recouverte du couvercle 
préalablement enlevé, En faisant passer de la vapeur à 
la pression de 3 kg., on obtient en moins de 35 minu- 
tes la température de 105° à 108°. On peut brancher 
toute une série de tonneaux sur la même conduite de 
vapeur. — M. W. R. Thompson : Sur une Tachinaire 

arasile à stade intracuticulaire. L'auteur a trouvé, sur 
des chenilles du groupe des Noctuelles, un certain nom- 
bre de larves d’une Tachinaire, logées sans exception 
entre deux assises de la cuticule de l'hôte, la face dor- 
sale étant constamment dirigée vers l'extérieur. Le 
parasite n’a aucune communication libre, soitavec l'exté- 
rieur, soit avec l’haemocèle de son hôte. Le stade intra- 
cuticulaire parait done une phase normale et caracté- 
ristique du cycle de cette Tachinaire. — M. J. Chau- 
tard : L'origine des mounds pétrolifères du Texas et de 
la Louisiane. L'auteur estime que le processus de la for- 
mation de certains gisements de pétrole des mounds du 
Texas et de la Floride a été le suivant : 1° sédimenta- 
tion, dans une lagune intermittente, de formations 
halogènes diverses, de sables, argiles, ete., avec débris 
organiques ensevelis, et de niveaux d’anhydrite corres- 
pondant aux divers assèchements de la lagune; 2e dé- 
composition hydrocarbonée des débris organiques ense- 
velis dans les sédiments halogènes; 3° transformation 
de l'anhydrite en gypse, avec augmentation de volume 
qui fait bomber les couches supérieures; 4° migration 
des pétroles sous l'influence des compressions exercées 
sur leurs roches-mères. Accessoirement, l’action des 
hydrocarbures gazeux sur le gypse a donné naissance 
à des dépôts de soufre. 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 
Séance du 12 Janvier 1915 


M.F. Debat : Traitement des gelures par la méthode 
bic-kinétique du D' L. Jacquet. Le mécanisme habituel 
des gelures est le suivant : 1° le froid, par vaso-constric- 
tion intense, ralentit la circulation, en particulier à la 
périphérie; 29 à la faveur de ce ralentissement le froid 
abaisse progressivement la température du membre 
jusqu’à la congélation. Tous les facteurs qui ralentissent 
la circulation interviennent également, en particulier 
le repos. Or, régulièrement la première précaution des 
soldats atteints est de s’immobiliser : c’estlà le meilleur 
moyen d’aggraver le mal, Les bains chauds donnent des 
résultats déplorables dans le traitement des gelures: ils 
exagèrent la vaso-dilatation paralytique qui suit réguliè- 
ment la vaso-constriction primitive; celle ci, à son tour, 
exagère les lésions, augmente l’æœdème et lextravasion 
lymphatique et sanguine; elle exacerbe la douleur, Le 
traitement rationnel doit essayer de rétablir la circula- 
tion normale : on y arrive par des massages, compor- 
tant un pincement léger du tégument, puis l’effleurage, 
et par la gymnastique opératoire des extrémités : le ma- 
lade, étant couché sur le dos, élève la jambe au maxi- 
mum en la maintenant de ses deux mains ; puis il fléchit 
et étend alternativement les orteils et le pied; ces ma- 
nœuvres doivent être faites à fond, énergiquement et 
rapidement; elles doivent durer 5 minutes et êlre renou- 
velées toutes les heures. Entre temps, repos au lit, le 
pied légèrement surélevé. Nul pansement, sauf le cas 
d'ulcération. La guérison est rapide et certaine. 


Séance du 19 Janvier 1915 


M. le Président annonce le décès de M. Tilapus, asso- 
cié étranger, de MM. Notta et Gilbert, correspondants 
nationaux, et de M. Schaër, correspondant étranger 

M. Ed. Delorme : Sur les traumatismes des nerfs 
Par projectiles et les opérations qu'ils réclament. 
L'auteur expose sa pratique, qui se base sur les prin- 
cipes suivants : 1° remplacer, dans un nerf sectionné, 


perforé, sillonné ou contus, surtout dans les plaies pri- 
mitivement infectées, des masses detissufibreux, denses, 
épaisses, imperméables, qui interrompent la continuité 
des tubes nerveux, par une cicatrice chirurgicale li- 
néaire, plus perméable ; 2° rechercher, par des sections 
ou une dissection faites très attentivement, la limite la 
plus exacte possible du lissu fibreux el s'arrêter lorsque 
les coupes montrent un semis régulier de tubes sains 
ou d'apparence saine; 3° se garder d'imposer au nerf 
toute perte de substance inutile, mais ne pas hésiter à 
lui faire subir les sacrifices nécessaires pour obtenir 
des surfaces saines et ne pas se laisser trop dominer 
par la pensée des diflicultés qu'on pourrait éprouver à 
assurer l’affrontement ; 4° pour assurer le rapprochement 
des trones nerveux, après des pertes de substance éten- 
dues, recourir au dégagement médiat, à distance des 
segments, combiné avec la posilion du membre qui re- 
lâche le nérf à suturer. MM. J. Babinski, Pozzi et 
Déjerine font d'expresses réserves sur les principes 
qui servent de base à la méthode de M. Delorme et sur 
les résultats éloignés qu'elle pourra donner. — M. E. 
Quénu: Traitement des plaies gangréneuses par projec- 
iles de guerre. L'auteur préconise les débridements 
larges permettant l’étalement au grand jour des surfaces 
gangrenées, combinés, dans les cas graves, à la stérili- 
sation des plaies par l'air chaud à 500" ou 800°, faite 
sous l’anesthésie générale, Les injections d’eau oxy- 
génée sous la peau ou les insufllations d'oxygène ne 
doivent être employées que comme un complément des 
débridements. — M. R. Belbèze : L'or colloïdal en chi- 
rurgie de guerre. Pour l’auteur : 1° il y a indication 
d'employer thérapeutiquement l'or colloïdal électro- 
chimique toutes les fois que l’on a affaire, en chirurgie 
de guerre, à des infections sérieuses, opératoires ou 
non, généralisées ou localisées, et à des plaies suppu- 
rantes étendues; 2° il n'existe à l'usage de l’or colloïdal 
d’autres contre-indications que celles tirées d’une débi- 
lité extrême, d’un état préagonique ou de lésions orga- 
niques définitivement menaçantes; 3° l'or colloïdal doit 
être employé d’une manière précoce et de préférence en 
injections intraveineuses; 4° il agit comme agent anti- 
thermique rapide, comme agent antitoxi-infectieux 
énergique, comme agent réparateur des lésions des di- 
vers tissus. 


SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE 
Séance du 9 Janvier 1915 


M. E. Gley: Valeur physiologique de la glande surré- 
nale des animaux privés de pancréas. D'après la théorie, 
puisque le pancréas exerce normalement une influence 
modératrice continue sur le fonctionnement des surré- 
nales, la suppression de ce frein, par ablation de la 
glande, doit donner lieu à une augmentation d'activité 
de l'appareil chromafline; et cette activité accrue peut 
se révéler par un accroissement du pouvoir physiolo- 
gique de l’extrait des surrénales. Des expériences pra- 
tiquées sur le chien ont conduit aux résultats suivants : 
La teneur en adrénaline de toutes les glandes recueil 
lies, à en juger par l’action des extraits sur la pression 
artérielle, ne s’est pas montrée supérieure à celle des 
extraits des glandes normales; elle n’était pas inférieure 
non plus. — M. Ed. Retterer : //u tissu adipeux de 
l'homme. Le tissu adipeux est précédé par un tissu con- 
jonetif réticulé : cellules conjonctives dont le proto- 
plasma granuleux est anastomotique et dont les mailles 
sont remplies d’hyaloplasma. Ce tissuacquierLun réseau 
capillaire très serré; ses filaments chromophiles _se 
multiplient et l'hyaloplasma se transforme en grains 
adipogènes, puis en goutteleltes graisseuses. Celles-ci 
s'accumulent entre les cloisons chromophiles, devenues 
partiellement élastiques, d’où la production des vési- 
cules adipeuses qui nesont pas des cellules, mais corres- 
pondent à des territoires internucléaires chargés de 
graisse. — M, J. Nageotte : Note sur les fibres ner- 
veuses amyéliniques. L'auteur a observé dans les nerfs 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 99 


une formalion constante, qui parail normale et qu'il 
désigne sous le nom de boules homogènes; ce n’est pas 
une marque de sénilité, Il existe une analogie morpho- 
logique complète entre le cylindraxe des fibres sans 
myéline et celui des fibres à myéline, L'un et l'autre 
contiennent une quantité considérable de sérosité, et 
l’on peut dire qu'ils diffèrent seulement par leurs dimen- 
sions, si l’on met à part les étranglements, dont la pré- 
sence est liée à celle de la myéline, 


SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE 
Seance du 18 Décembre 1914 


M. E. Bouty indique quelques démonstrations élé- 
mentaires relatives au chemin moyen moléculaire. 
considère : 1° le cas d’une molécule sphérique, seule 
mobile parmi des molécules égales maintenues fixes; 
2" le cas de molécules sphériques toutes animées d’une 
même vitesse u (formule de Clausius); il donne, pour ce 
cas, deux démonstrations, l’une tout intuitive, dans 
laquelle on fait usage de la simplification de Krônig, 
l'autre dans laquelle on se passe decette simplification ; 
3° le cas d’une molécule animée d’une vitesse u, parmi 
des molécules toutes animées de la même vitesse 
u = uy. Il cherche ensuite la valeur du chemin moyen 
de Clausius en deuxième approximation, quand on tient 
compte du diamètre des molécules; il démontre que le 
covolume de la formule de van der Waals est bien égal 
à quatre fois le volume de l’ensemble des molécules. Il 
démontre enfin la formule de Sutherland relative à l’in- 
fluence des attractions moléculaires sur le chemin 
moyen. — M. Béclère : Zxploration radiologique des 
blessures de guerre. Celte exploration, conduite spécia- 
lement au point de vue de la recherche et de la locali- 
sation des projectiles, comprend deux procédés qui se 
complètent : la radioscopie et la radiographie, la pre- 
mière beaucoup plus importante que la seconde. Plus 
simple, plus facile, plus rapide, la radioscopie permet 
en quelques instants un examen complet du blessé sur 
son brancard posé au-dessus d’une table ou de deux 
tréteaux. On promène l'écran fluorescent au-dessus des 
régions à explorer, tandis qu'on déplace en tous sens 
au-dessous du brancard l’ampoule munie d’un diaphra- 
gme très bien centré. Souvent ainsi on découvre le pro- 
jectile à une grande distance de l’oriflice d'entrée. En 
quelques instants aussi on amène le foyer d'émission 
des rayons verticalement au-dessous du projectile; en 
d’autres termes on fait passer le rayon normal à l'écran 
par le projectile, et on repère sur la peau le point 
d'entrée et surtout le point de sortie de ce rayon nor- 
mal. La même opération, répétée dans une nouvelle 
position du membre, permet de repérer sur la peau deux 
nouveaux points qui, avec les précédents, déterminent 
deux droites à l'intersection desquelles se trouve le pro- 
jectile; quand le membre blessé ne peut pas être déplacé, 
on se contente de repérer sur la peau le point de sortie 
du rayon normal. Cest verticalement au-dessous de ce 
point que, dans la position considérée, setrouve le pro- 
jectile, mais à quelle profondeur? Un procédé très sim- 
ple, depuis longtemps en usage, consiste à appuyer un 
repère opaaue, une pointe horizontale de couteau par 
exemple, sur la face externe du membre explore, dans 
un plan vertical passant par le projectile et perpendi- 
culaire aux bords du brancard, puis à abaisser et à éle- 
ver ce repère tandis qu'on déplace l’ampoule parallèle- 
ment aux bords du brancard. La condition pour que, 
sur l’écran, l'ombre du projectile et l'ombre du repère 
se déplacent également, c’est que le repère soit exacte- 
ment au niveau du projectile, On connait ainsi la pro- 
fondeur de celui-ci au-dessous du point marqué sur la 
peau. Un autre procédé, plus récemment signalé par le 
docteur Haret et fondé, comme le précédent, sur les 
propriétés des triangles semblables, consiste à mesurer 
sur l’écran la distance entre les deux positions sueces- 
sives À et B de l’ombre du projectile P, obtenues, la 
première alors que le rayon normal passe par le 


projectile, la seconde, après que l'ampoule a été déplacée 
de F en F'd'une longueur déterminée et limitée par un 
arrêt, de 10°" par exemple, 
La distance FA du foyer à 
l'écran est facile à mesurer 
sur la tige verticale qui sup- 
porte l’ampoule. Un ruban 
inétrique de couturière, une 
équerre dont les bords à an- 
gle droit sont gradués en 
centimètres à partir du som- 
met de cet angle et un sim- 
ple fil constituent le matériel 
peu coûteux qui donne la 
profondeur cherchée.,  L'é- 
querre est placée sur le ruban 
métrique, comme l'indique 
la figure, de telle sorte que 
FA mesure la distance du 
foyer à l'écran. FF' par 
construction égale 10°n, AB 
représente la distance mesu- 
rée sur l'écran entre les 
deux positions successives de 
l'ombre du projectile, Le fil tendu entre B et F'coupeen 
P le bord de l’équerre; la longueur AP mesure la pro- 
fondeur du projectile au-dessous de l'écran; il est facile 
d'en déduire la profondeur du projectile au-dessous du 
point marqué sur la peau. Il y a d’ailleurs tout avan- 
tage, quand on dispose du temps et des ressources 
nécessaires, ce qui, en guerre, n'est pas toujours le cas, 
à compléter la radioscopie par la radiographie et même, 
s’il est possible, à obtenir deux images radiographiques 
sur deux plans perpendiculaires l’un à l’autre. Toute- 
fois c’est à la condition, pour chacune de ces radiogra- 
phies, de faire passer le rayon normal par le projectile. 
A cette condition seulement, on reproduit, sans défor- 
mation, les rapports exacts du corps étranger avec les 
organes avoisinants. Mais, pour la réaliser, ilest néces- 
saire que la radioscopie précède la radiographie. C’est 
done toujours par la radioscopie que doit débuter 
l'exploration radiologique des blessures de guerre et 
souvent c’est à la radioscopie qu'elle peut se borner. 
Mme Curie signale une précaution très simple et très 
utile à prendre contre les risques de radio-dermite dans 
les examens radioscopiques. Il suflit de diaphragmer le 
faisceau incident, ce qui, tout en augmentant la netteté, 
permet à l’observateur de se tenir plus facilement en 
dehors du champ dangereux, — M. E. Colardeau 
décrit une méthode de localisation précise des projec- 
tiles dans le corps des blessés (voir l’article de l’auteur 
dans la Revue du 15 janvier 1915, t, XXVI, p. 5). 


Fig. 1 


SOCIÈTÉ DE CHIMIE DE LONDRES 
Séance du 5 Novembre 1914 


MM. H-R. Le Sueur et J.-Ch. Vithers: /e méra- 
nisme de l'action des alcalis fondus. [ : Action de KOH 
fondue sur l'acide dihydroxystéa rique et l'acide dihydro- 
xybéhénique. L'acide C'8H%05, produit par fusion de 
l'acide dihydroxystéarique avee KOH, est l'acide #-hy- 
droxy-7-oetylsébacique : 


CSH!7. CH (OH). CH (OH), (CH2)7, COH. —> 
CO?H. C (OH) (CH). (CH2)T. COPH. 


Ce dernier, oxydé par le permanganate, donne l'acide 
-cétomargarique, CS8H!7. CO. (CH?}. CO?H. L’acide 
dihydroxybéhénique, fondu avec KOH, se comporte 
comme l'acide dihydroxystéarique et donne l'acide 
z-hydroxy-7-octyldodécanedicarbox ylique : 

CSH!7, CH (OH). CH (OH). (CH2?)!!. COH ——> 
CO?H. C (OH) (C8H!7). (CH?)!!. CO°H, 
Les deux réactions ci-dessus impliquent la migration 


du groupe CSH!T d’un atome de carbone à un autre adja- 
cent; la migration d'un groupe aussi lourd est tout à 


100 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


fait rare, sinon inconnue, dans la série aliphatique. 
— MM. H. Bradbury et Ch. Weizmann : Quelques 
homologues de l'alizarine. La condensation de l'anhy- 
dride hémipinique avec l'o-xylène fournit l'acide dihy- 
droxy-2-xyloylbenzoïque, F. 238°, qui conduit à la 
formation de deux diméthylalizarines, cristallisant en 
aiguilles jaunes, F. 296° et F. 1989, la première plus solu- 
ble dans l’acide acétique. La condensation de l’anhy- 
dride 4-méthoxyphtalique avec l’o-xylène fournit deux 
acides hydroxy-2-xyloylbenzoïques : l’un, F. 228°, con- 
duisant à une seule hydroxydiméthylanthraquinone, 
aiguilles vert pâle, F. 210°; l’autre, en petite quantité, 
F. 184°, plus soluble dans le benzène que le premier. 
— M. E.-A. Werner : La transformation isomérique 
des méthylsulfates d'ammonium et d’ammoniums substi- 
tués. Réaction des amines sur le sulfate de méthyle. 
L'auteur a montré antérieurement que le méthylsulfate 
d’ammonium peut subir une transformation isomérique 
suivant l'équation : NH‘CH#SO' — NH*CH*HSO!, IL a 
reconnu depuis que la propriété de subir cette transfor- 
mation isomérique est commune à tous les méthylsul- 
fates d'ammoniums substitués quand le changement de 
position d'un atome d'H et d’un groupe méthyle est pos- 
sible ; elle est représentée par les équations générales : 


NHSR. Me SO'— NH°R Me. HSO‘ 
NERR. Me SOi — NHRR'Me. HSO‘ 
NHRR'R'". Me SO' — NRR'R' Me. HSO:. 


Pour le méthylsulfate d’ammonium, la transformation 
est lente jusqu'à 220°, rapide au-dessus et complète 
à 2790 en 15 minutes, Les éthylsulfates et 7-propylsul- 
fates ne subissent pas ce changement isomérique. La 
préparalion simple des divers méthylsulfates d'ammo- 
niums substitués par l’action du sulfate de méthyle sur 
les amines a lieu strictement d'après les équations : 


NIH2R + Me?SOi — NH?RMe. Me SO‘ 
NHR? -! Me?SOi — NHR?Me. Me SO. 


Séance du 19 Novembre 1914 


M. C. C. Bissett : £limination du soufre de l'argent. 
Quand on ajoute des proportions variables de fer à de 
l'argent fondu contenant du sulfure d’argent en solu- 
tion, il se forme du sulfure ferreux, et tout l'argent en 
combinaison avec le soufre peut être déplacé par le fer 
s’il est en quantité suflisante; le sulfure ferreux est 
insoluble dans l'argent. Le cuivre se comporte différem- 
ment : c’est seulement quand une proportion considé- 
rable du cuivre s’est alliée à l’argent, que le sulfure est 
complètement éliminé de la solution ; mais, même dans 
ces conditions, la couche de sulfure contient encore une 
bonne quantité d'argent. — M. Al. Rule : Les polysul- 
fures alcalins. 11. Polysulfures de potassium. En faisant 
agir des proportions variables de soufre sur des solu- 
tions alcooliques de KOH anhydre pure, on obtient tou- 
jours le pentasulfure, qui a été obtenu à l’état pur, sous 
forme d'un composé cristallin rouge orange, fondant 
vers 220°, En déterminant la quantité de H°S dégagée 
par l’action de quantités variables de soufre sur une 
quantité constante de KHS, on voit également que le pen- 
tasulfure est le polysulfure prédominant en solution. 
La stabilité des polysulfures supérieurs paraît augmenter 
avec le poids atomique du métal : le polysulfure de Na 
le plus élevé stable est le tétrasulfure, tandis que pour 
K, Rb et Cs le pentasulfure est parfaitement défini : il 
est d'autant moins soluble que le poids atomique du 
métal est plus élevé. — M. G. Martin : Xecherches sur 
les composés du silicium. VI. L'auteur, en faisant réa- 
gir, dans un appareil approprié, 150 kilogs de chlore sur 
environ 20 kilogs de ferro-silicium à 50°/,,a obtenu faci- 
lement et à peu de frais 50 kilogs de Si C14, 3 kilogs de 
Si? CI° jusqu'alors très diflicile à préparer, 180 grammes 
de Si CIS et de petites quantités de chlorures supé- 
rieurs. L'auteur pense que, dans le Si élémentaire et les 
siliciures métalliques, les atomes de Si sont directement 
unis en chaines et que la premièrefaction du Cln’est pas 


de briser immédiatement ces chaînes, mais de produire 
d’abord des composés chlorés complexes contenant en- 
core des chaines d’atomes de Si directement chlorés. 
Ces chlorures complexes sont attaqués par un excès de 
chlore et se décomposent en chlorures simples, Si Cl‘ 
n'étant pas le premier produit de chloruration, mais 
plutôt le dernier. L'hypothèse inverse de Gattermann 
et Weinlig est erronée, car aux basses températures uti- 
lisées Si n’agit pas sur Si Cl‘ pour produire des quan- 
tités appréciables de Si CIS. — M. D. H. Peacock : 
Les pouvoirs rotaloires, réfractivités et volumes molécu- 
laires de solution de la cinchonicine et de quelques-uns 
de ses dérivés. L'auteur a déterminé les pouvoirs rota- 
toires, les réfractivités et les volumes moléculaires de 
solution de la cinchonicine et de quelques dérivés à 
25° dans l’alcool et dans l’acétone, en vue de voir s’il 
existe quelques relations entre ces propriétés. Comme 
pour la butylamine secondaire, l'introduction du groupe 
p-toluènesulfonylique abaisse considérablement le pou- 
voir rotatoire. L'introduction du groupe picrylique 
dans la cinchonicine provoque un changement du 
signe de la rotation, en même temps que la grandeur de 
cette rotation devient considérable. 


SOCIÉTÉ ANGLAISE DE CHIMIE 
INDUSTRIELLE 


SECTION DE LONDRES 


Séance du 7 Décembre 1914 


M. W. R. Schoeller : Réduction des oxydes d’anti- 
moine et de bismuth par leurs sulfures. L’auto-réduction, 
ou libération d’un métal par action de son oxyde sur 
son sulfure avec dégagement de SO?, a été appliquée sur 
une grande échelle dans la métallurgie du cuivre et du 
plomb. Pour l’antimoine, on ne possède que des indica- 
tions contradictoires. L'auteur a reconnu que Sb? Oÿ et 
Sb? S3, fondus ensemble dans un courant de CO?, for- 
ment de l’antimoine métallique et SO? (il en est de même 
de Sb? O, qui est d’abord réduit en Sb? Où). La réaction 
a lieu en présence d’un excès d'oxyde ou de sulfure; elle 
est rapide aux hautes températures, mais jamais com- 
plète à cause de la volatilisation du sulfure et de l’oxyde 
dans le courant gazeux. Il ne se forme pas d’antimoine 
métallique si le mélange oxyde-sulfure est fondu dans 
un creuset sous une couche de sel. Le sulfure et l'oxyde 
de bismuth réagissent de même, soit dans un courant de 
CO?, soit sous une couche de sel foudu; le dégagement 
de SO? commence déjà à très basse température et en 
chauffant davantage des globules de Bi métallique se 
rassemblent bientôt. Le rendement en métal est de 
90 0/, de la théorie; il se forme à côté un peu de sulfate 
basique de bismuth. — M. E. V. Evans : l'élimination 
du sulfure de carbone du gaz d'éclairage. Cette élimina- 
tion a lieu en général soit par l’action d’acalis ou d’alca- 
lino-terreux avec formation de thiocarbonates, soit par 
l’action d’amines aromatiques, avec formation de thio- 
carbanilides ou de thio-urées. L'auteur à spécialement 
étudié un troisième procédé, quiconsiste dans la décom- 
position par la chaleur vers 45o°en présence d'hydrogène 
et d’un catalyseur, suivant l'équation : 


CS2.+ 2H?—C—+2H2S 


Le gaz doit êlre préalablement débarrassé de I S; 
la ponce palladinée ou platinée, le fer, le nickel, le cobalt, 
le cuivre finement divisés, sont d'excellents catalyseurs. 
L'auteur décrit une grande installation, capable de trai- 
ter 15 millions de pieds cubes de gaz par jour, construite 
sur ce principe à East Greenwich; la substance de con- 
tact est formée par une brique très poreuse, imprégnée 
de nickel réduit du chlorure. Lorsque cette substance 
s’affaiblit, elle est revivifiée en faisant passer un courant 
d'air à basse température. 


Le Gérant : Octave Don. 


Sens. — Imp. Levi, 1, rue de la Bertauche. 


D 


26° ANNÉE 


N° 4 


28 FEVRIER 1915 


Revue générale 


Ds SCiences 


pures el appliquées 


Foxpareur : LOUIS OLIVIER 


Dinecreur : J.-P. LANGLOIS, Docteur ès Sciences 


Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. J.-P. LANGLOIS, 8, place de l'Odéon, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des 
travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France eten pays étrangets y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


$ 1. — Nécrologie 


Sir George Nares.— Le 15 janvierdernierest mort 
en Angleterre un homme dont le nom a été associé à 
plus d’une reprise aux explorations arctiques et aux 
recherches océanographiques, le vice-amiral Sir George 
Nares. 

Né à Aberdeen en 1831, il entra dans la Marine an- 
glaise à l’âge de 14 ans et fut promu lieutenant de 
vaisseau en 1851. Peu après il fut envoyé dans l'Arcti- 
que, sous les ordres du capitaine Belcher, à la recher- 
che de l’'Expédition Franklin. C’est là qu'il se familia- 
risa avec la navigation dans les glaces et avec les cour- 
ses en traineau, 

Après son retour de l'Arctique, il commanda pendant 
de longues années à bord des vaisseaux-écoles pour les 
cadets navals ; puis il dirigea en 1871 et 1872 le lever 
hydrographique du golfe de Suez et l'étude des courants 
du détroit de Gibraltar. La perfection de ces derniers 
travaux désignait Nares pour d’autres recherches scien- 
tifiques et lorsque, en 1872,l Amirauté britannique décida 
d'équiper un navire pour l'exploration des bassins océa- 
niques du monde, Nares fut choisi pour commander le 
Challenger, désigné à cet effet. 

On connait l'œuvre océanographique accomplie par 
ce navire, de décembre 1892 à novembre 1874, dans 
l'Océan atlantique, au sud de l'Océan indien, le 
long du cercle antarctique et dans les mers du Pacifi- 
que, œuvre où Nares prit une part importante et qui a 
renouvelé complètement nos connaissances dans ce do- 
maine. 

Avant la fin de la croisière, le capitaine Nares fut 
rappelé en Angleterre pour prendre le commandement 
d’une expédition arctique, formée de deux vaisseaux, 
l’Alert et la Discovery, et dont le but principal était de 
chercher à atteindre le pôle Nord. Partis d'Angleterre 
dans l’été de 18795, les deux navires s'avancèrent par le 
détroit de Davis dans le Smith Sound, où la Discovery 
jetta l’ancre dans un mouillage sûr, ponr former une 
base de retraite, tandis que l’Alert continuait le plus 
loin possible au nord. Mais il se heurta à des obstacles 
inattendus, les icebergs provenant du bassin polaire 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 


s’'empilant dans cette région de manière à empêcher 
toute navigation, excepté sur le bord des côtes. L'habi- 
leté de Nares lui permit de conduire l’Alert dans une 
position peu exposée, où il se prépara à hiverner, Pen- 
dant l'hiver, trois expéditions en traineaux furent orga- 
nisées : la première, sous la direction du Commandant 
Markham, directement vers le nord, fut arrêtée par des 
obstacles infranchissables, dus à l’état tourmenté des 
glaces ; la seconde, sous le lieutenant Aldrich, suivit la 
côte dans la direction du NW, et la troisième, avec Île 
lieutenant Beaumont, traversa le Smith Sound et suivit 
la côte du Groenland vers le nord; ces deux dernières 
purent avancer beaucoup plus facilement. A leur retour 
à la fin de l'été, Nares reconnut qu'il était inutile d’es- 
sayer d'atteindre le pôle par le Smith Sound, et il réso- 
lut de rentrer en Angleterre, La façon dont il sut tirer 
des glaces sains et saufs l’Alert et la Discovery fut un 
véritable exploit de marin. 

Son service actif à la mer se termina par un lever du 
détroit de Magellan en 1878, après lequel Nares fut 
nommé conseiller maritime du Board of Trade, poste 
qu'il occupa jusqu'à sa retraite en 1898!. 


$ 2. — Art de l'Ingénieur 


Le sauvetage des équipages après les ba- 
tailles navales. — Depuis le commencement de la 
guerre, la Marine anglaise a eu à supporter, en mème 
temps que la perte d’un certain nombre de navires, 
heureusement presque tous de types anciens, celle, 
beaucoup plus sensible, d’un grand nombre d’ofhciers 
et d'hommes d'équipage. Le cas du Formidable a montré 
la grande difficulté de mettre les embarcations à la mer 
par suiie de la tempête qui faisait rage, tandis que, 
dans celui du Cressy, de l’Aboukiret du Æogue, la plupart 
des hommes ne purent se maintenir à flot avant l'arrivée 
des secours. 

L’inconvénient des bouées et autres engins de sauve- 
tage analogues est que les hommes du bord ne peuvent 


1. D'après Nature, t. XCIV, p. 963 (21 janv. 1915). 


102 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


les avoir toujours sous la main, et les désastres arrivent 
en général si rapidement qu'on n’a pas le temps de s’en 
emparer. 

Un ingénieur naval anglais bien connu, M. A. F. Yar- 
row, s’est proposé de rechercher le meilleur moyen de 
réduire les pertes de vies dans les désastres navals, et 
le journal Engineering expose ainsi le résultat de ses 
essais, 

Pour lui, la condition essentielle d’un dispositif de 
sauvetage est d'être un vêtement propre à être toujours 
porté, de jour et de nuit, par tout l'équipage à bord, 
sans contrarier en aucune façon le travail des ofliciers 
et des hommes. Pour que ce vêtement soit toujours 
porté, il ne doit pas avoir l'apparence d’un appareil de 
sauvetage. 

Au point de vue pratique, l’autre condition essentielle 
est qu’il possède dans l’eau salée une force de flottaison 
d'au moins 9 kilogs; des expériences nombreuses ont 
démontré que c'était suflisant, 

M. Yarrow a pris le gilet comme la forme la plus 
convenable de dispositif de sauvetage, et comme subs- 
tance destinée à en assurer le soutien sur l'eau il a 
choisi une garniture de kapok, matière végétale de la 
famille du coton, commune à Java, aux Indes et aux 
Philippines. Le kapok estimprégné d’une huile végétale 
qui l'empêche d’absorber l’eau rapidement. Les fibres 
sont très fines et bien attachées les unes aux autres, et 
la tension superficielle de l’eau autour d’elles assure une 
compression de l’air suflisante pour donner la force de 
flottaison nécessaire. k 

Le gilet « Miranda » est du type tricot, sans manches, 
et se boutonne seulement un peu plus haut que le gilet 
normal. Il est d’une grande épaisseur, et tout en grossis- 
sant un peu le corps de celui qui le porte, il ne lui donne 
pas un aspect inaccoutumé; on ne le distingue guère du 
type normal de marin à bord. 

M. Yarrow a étudié le problème sous tous ses aspects, 
et fixé les détails, en particulier la disposition du kapok 
qui assure dans toutes les conditions le maintien dans 
une position verticale de la personne qui porte le gilet. 
Environ 1.500 de ces gilets ont été distribués déjà sur 
plusieurs vaisseaux de la flotte britannique, et ils sont 
portés constamment par les ofliciers et les marins, de 
sorte qu'un désastre provoqué par une mine OU un SOUS- 
marin n’entrainerait sans doute pas la sérieuse perte 
de vies qui a accompagné les premières catastrophes. 

Comme mesure accessoire, M. Yarrow recommande 
de frotter le corps avec de l'huile pour parer aux désa- 
gréments de l'immersion dans l’eau, M. Marriner a fait 
sur ce point de nombreuses expériences, qui établissent 
le grand avantage d’une onction sur tout le corps avec 
une huile animale ou avec du pétrole naturel filtré. 


$ 3. — Physique 


La structure de l'atome. — Les découvertes 
réalisées ces dernières années, particulièrement celles du 
domaine de la radioactivité, ne permettent plus de sup- 
poser que l'atome soit insécable et indivisible comme 
on l’imaginait autrefois. C’est là un point, semble-t-il, 
bien établi, mais c’est peut-être le seul ; et des difficultés 
ont surgi quand on a voulu préciser la structure de 
l'atome et en donner une image. 

J.-J. Thomson? envisage l’atome comme constitué par 
une sphère d'électricité positive homogène qui remplit 
tout le volume de l’atome et dans laquelle sont dis- 
posés d’une manière uniforme des électrons en nombre 
suffisant pour neutraliser lacharge positive. Ces électrons 
peuvent être distribués soit sur un seul plan, en anneaux 
concentriques. soit en coquilles sphériques analogues aux 
pelures d’un oignon. J.-J. Thomson a examiné mathéma- 
tiquement et en détail les distributions possibles stables 
d'électrons dans un plan et en a déduit les arrangements 


1. Engineering, t. XCIX, n° 2560, p. 113. 
2, Phil. Mag.,t. VII, p. 237; 1904, 


possibles des électrons pour un certain nombre de 
valeurs différentes de la charge positive. 

L’atome Thomson a incontestablement rendu un très 
grand service en donnant de la structure atomique une 
idée simple et facile à comprendre. Il rend assez bien 
compile des expériences relatives à la dispersion des 
rayons £ ou des rayons X par la matière. Néanmoins, un 
phénomène étudié en détail par Geiger et Marsden sou- 
lève une difficulté : si l’on fait tomber sur une lame 
métallique un pinceau de rayons, #, une portion de ces 
rayons subit une déviation de go’ et la fraction du nom- 
bre total des particules qui subit cette déviation est 
bien plus grande que ne l'indique le calcul des probabi- 
lités appliqué à l'hypothèse de Thomson. 

Alin d'expliquer cette dispersion des particules : sous 
un « grand angle », Rutherford f a été conduit à admettre 
que l'électricité positive à l’intérieur de l'atome est con- 
centrée dans une région excessivement petite. Pour que 
l'atome puisse être électriquement neutre, il suppose que 
la charge positive est entourée, à une certaine distance, 
d'électrons distribués d’une façon appropriée. Il admet 
enfin que le noyau positif est le siège de la plus grande 
partie de la masse de l’atome. 

Sur cette hypothèse Rutherford a édifié toute une théo- 
rie qu'il appelle rhéorie de la dipersion simple, par oppo- 
sition à la dispersion composée de J. J. Thomson, et qui 
rend compte des principales particularités observées 
dans les expériences relatives à la dispersion par la 
matière des rayons # et des rayons £; en particulier, 
Geiger et Marsden?, en comptant par la méthode des 
seintillations le nombre des rayons « dispersés sous les 
divers angles, ont obtenu des résultats entièrement con- 
formes aux prévisions théoriques. 

Certaines de ces expériences ont pu fournir des ren- 
seignements précieux sur les grandeurs des parties cons- 
titutives de l'atome et, plus particulièrement, de la 
partie centrale, du « noyau ». Ainsi, pour expliquer la 
vitesse donnée aux alomes d'hydrogène par le choc des 
particules , il faut admettre que les centres des noyaux 
d'hydrogène et d’hélium peuvent s'approcher jusqu’à une 
distance de1,7.10— 1% em. ; si l’on admet que les noyaux 
soient sphériques, il s'ensuit que la somme de leurs 
rayons ne doit pas dépasser 1,7.107 {% cm., valeur 
extrêmement faible, inférieure même à celle ordinaire- 
ment admise pour le diamètre de l'électron3 (2.107 !#). 
Aussi bien, la méthode ne pouvant fournir que des 
valeurs approchées par excès, il n’est pas impossible, 
pense Rutherford, que le noyau ait des dimensions 
encore plus faibles; il n’y a dès lors aucune impossibi- 
lité à supposer que sa masse puisse être, comme on 
l’'admet pour l’électron, d’origine purement électroma- 
gnétique. Le noyau d'hydrogène, possédant l'unité de 
charge électrique, serait, d'après Rutherford, l’électron 
positif. 

Electrons positifs et électrons négatifs sont les deux 
unités fondamentales dontse composent les éléments. 

Pour tous les atomes, on a done une partie centrale 
chargée d'électricité positive, autour de laquelle gravi- 
tent les électrons négatifs. La partie centrale doit être 
formée elle-même d’un assemblage d'électrons positifs, 
c’est-à-dire denoyaux d’atomes d'hydrogène; il se pour- 
rait que, dans certains cas, elle renferme en outre quel- 
ques électrons négatifs dont l’expulsion rendrait compte, 
d’après Bohr, des particules £ à très grandes vitesses 
émises par quelques corps radioactifs. 

De toute façon, la charge centrale, qui est positive, 
doit comprendre un excès d'électrons positifs. Les expé- 
riences de Geiger et Marsden semblent indiquer que la 


ne : : 1 
charge positive du noyau est approximativement = Ae, 


ou À représente le poids atomique et e l'unité de charge. 


1. Phil. Mag., t. XXI, p. 669; 1911. 

2. Phil. Mag., t. XXV, p. 604; 1913. : 

3. Le diamètre du noyau d'hydrogène serait environ la 
1800e partie du diamètre de l'électron. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


103 


Ceci signifierait que le nombre des électrons extérieurs 
dans un atome est représenté numériquement par la 
moitié environ de son poids atomique !. 

Dans la théorie de Rutherford, les propriélés de 
l'atome sont déterminées principalement par la grandeur 
de la charge du noyau, qui ne peut varier que par mul- 
tiples de e ; et, en effet, l'on conçoit qu'il puisse en être 
ainsi si le nombre, la distribution et le mode de vibration 
des électrons sont régis par des forces qui naissent de la 
charge centrale. Cette hypothèse permet de penser qu'il 
doit exister des éléments dont les propriélés sont à peu 
près, sinon complètement identiques, mais dont les 
poids atomiques diffèrent sensiblement; et, en effet, de 
nombreux élémentsradioactifs, paraissant identiques au 
point de vue de leurs propriétés physiques et chimiques 
ordinaires et inséparables les uns des autres, sont cepen- 
dant doués de propriétés radioactives distinctes. On peut 
citer, à titre d'exemple, les éléments ionium et thorium, 
le radium etle mésothorium ; ila été impossible d’obte- 
nir la preuve que l’ionium donne un spectre lumineux 
différent de celui du thorium. Tout récemment, 


J.-J. Thomson a indiqué que le néon paraît être composé 


de deux éléments dontles poids atomiques sont 20 el 2: 
effectivement, Aston a trouvé qu'il était possible d’effec- 
tuer, par les méthodes de diffusion, une séparation par- 
tielle du néon en deux gaz dont les densités sont difré- 
rentes ; ces deux gaz doivent être très voisins, car il est 
impossible de les séparer par la distillation fractionnée 
dans le charbon refroidi à la température de l'air liquide ; 
ils correspondraient à la même charge nucléaire, mais 
à des poids atomiques différents. 

Les éléments radioactifs nous fournissent également 
des exemples de variation de la charge centrale, L’expul- 
sion d’une particule # abaisse cette charge de deux uni- 
tés, tandis que l'expulsion d’une particule 8 portant une 
seule charge négative provenant du noyau la relève 
d'une unité, Ainsi, l'uranium 1, dont la charge nucléaire 
est supposée égale à 92 unités, expulse une particule « 
et donne naissance à l'uranium X, dont la charge est 90; 
celui-ci, à son tour, expulse deux particules 8 et donne 
naissance à l’uranium X, dont la charge est 92; à la suite 
de la perte d’une particule, ce dernier se transforme en 
ionium 90, lequel se transforme à son tour en radium 88, 
et ainsi de suite. 

La structure de l'atome imaginée par Rutherford 
suscite des recherches intéressantes. On vient de voir 
qu'il existe des éléments radioactifs ayant des poids ato- 
miques différents qui paraissent identiques au point de 
vue chimique. Ces isotopies, ainsi que les a appelées 
Soddy, semblent devoir se multiplier. On a émis l’hypo- 
thèse que le plomb est le produit Lerminal inactif aussi 
bien du radium que du thorium, et que ces deux types 
de plomb ont des poids atomiques qui diffèrent de deux 
unités ; la question de savoir si le plomb provenant de 
minéraux radioactifs a le même poids atomique que le 
plomb ordinaire est actuellement à l'étude. IL est possi- 
ble que d’autres corps considérés comme simples soient 
en réalité des mélanges d'éléments isotopes inséparables 
par les méthodes chimiques ordinaires, mais séparables 
sans doute par diffusion; le poids atomique du corps 
dépendrait de la proportion relative de ses composants, 
et il est possible que cette proportion varie selon les 
sources de provenance des matériaux, « Nous voyons, 
indique Rutherford, dans une intéressante élude?, que 
l'étude des poids atomiques des atomes entre dans une 
nouvelle phase et qu’elle nous apportera très probable- 
ment des conclusions importantes dans un avenir rap- 
proché ». 

Peut-être, cependant, la structure de l'atome sou- 
lève-t-elle encore quelques diflicultés. Aïnsi Bobr a 


1. Cette règle n’estqu’approximative, Van den Broek indique 
que la charge centrale peut être égale au nombre atomique 
de l'élément, c'est-à-dire à son numéro d'ordre dans la liste 
des atomes rangés snivant les poids atomiques croissants. 

2. Sctentia, novembre 1914, 


appelé l'attention sur ce fait que la distribution des 
électrons autour du noyau se rattache mal aux lois de 
la Mécanique classique, Il introduit une conception reliée 
à la théorie des quanta de Planck, qui complique gran- 
dement l'hypothèse simple de Rutherford, Aussi bien 
semble-til diflicile, sinon impossible, de connaître la 
nature intime des phénomènes ; il suflit que les théories 
que nous en donnons s'accordent avec tous les faits 
connus, et c’est le cas, jusqu'ici, de l’image de l’atome 
proposée par Rutherford. 
A. Boutaric. 


$ 4. — Electricité industrielle 


L’inauqguration de la téléphonie transcon- 
tinentale aux Etats-Unis!'. — De grandes céré- 
monies ont marqué, le 25 janvier dernier, l'inauguration 
publique du service téléphonique entre la côte atlan- 
tique et la côte pacifique des Etats-Unis. Le D' Al. 
Graham Bell, l'inventeur du téléphone, a parlé de New- 
York à San Francisco, à 5.600 kilomètres, à M. Th. A. 
Watson, qui construisit sous sa direction le premier 
appareil téléphonique en 1876. D'autre part, le Prési- 
dent Wilson s’est entretenu de Washington, sur 
5.900 kilomètres, avec M. Moore, président de l’Exposi- 
tion internationale Panama-Pacifique, à San Francisco. 

Dans une conférence faite à New-York, M. U.-N, Be- 
thell, président de la Compagnie des Téléphones de 
New-York, a donné une idée de l'énorme développement 
pris par les services téléphoniques aux Etats-Unis. 
Aujourd’hui, le système Bell compte, en nombres ronds, 
9.000.000 de postes d'abonnés, reliés par 34.500.000 ki- 
lomêtres de fils ayant coûté pour leur installation 
4.250.000.000 de francs. 160.000 hommes et femmes 
sont employés par les compagnies téléphoniques asso- 
ciées, desservant 25.000 villes et villages et 60,000 sta- 
tions de chemins de fer. L’échange moyen de communi- 
cations est de 26.000.000 par jour. A San Francisco et 
à New-York, il y a 685.000 stations téléphoniques, soit 
50.000 de plus qu'à Londres, Paris, Berlin, Vienne, 
Bruxelles, Amsterdam et Petrograd ensemble, quoique 
la population de ces dernières villes soit le triple de 
celle des deux premières. 

M. J. Carty a ensuite donné quelques renseignements 
sur la construction dela ligne transcontinentale, L’achè- 
vement du dernier tronçon entre Salt Lake City et San 
Francisco a pris deux années, mais des améliorations 
nombreuses ont été apportées en même temps à l’en- 
semble du réseau. L'un des perfectionnements les plus 
importants auquel est dû le succès du service transcon- 
tinental est dù à l'emploi des « bobines de charge » de 
Pupin. Leurs dimensions varient avec le caractère de la 
ligne où elles sont placées; on utilise dans le noyau de 
ces bobines du fil de fer isolé de 0,1 mm. de diamè- 
tre, dont 22.000 kilomètres sont employés sur la ligne 
New-York-San Francisco. 

Entre New-York et San Francisco, il y a actuellement 
en opération deux circuits physiques et un circuit fan- 
tome. Les circuits physiques sont formés de fil de cuivre 
étiré de 4,12 mm, de diamètre. Le poids total des 
quatre fils de cuivre de 5.600 kilomètres en service entre 
New-York et San Francisco est de 2.650.000 kilogs. Ces 
fils sont montés sur 130,000 poteaux; il n'y a pas plus 
de 16 kilomètres du circuit en câbles souterrains, Trois 
conversations peuvent être échangées simultanément 
entre les deux extrémités, en même temps que plusieurs 
messages télégraphiques sur des portions de la ligne. 

La ligne est surveillée continuellement par 1.200 hom- 
mes, chacun en relation avecle bureau central de New- 
York, Les dispositions sont prises pour que le point le 
plus inaccessible de la ligne soit atteint en moins de 
2 heures, par un des moyens suivants : cheval, voiture, 
traineau, ski ou automobile. 


1. Electrical Wortld,t. XLV, n° 5, p. 279 (30 janv. 1915). 


104 


S 5. — Chimie industrielle 

L'emploi de la viscose comme enveloppe 
pour les saucissons.— Jusqu'à présent on a utilisé 
comme enveloppe pour les saucissons le gros intestin, 
l'intestin moyen ou l'intestin grèle du bœuf, du mouton 
ou du porc, suivant le diamètre du produit ‘à obtenir. 
Rien ne s'oppose à celte pratique, pourvu que les ma- 
tières employées soient bien purifiées. C’est en général 
le cas, mais leur remplacement par une substance arti- 
ficielle ne serait pas sans présenter de grands avan- 
lages. 

Une enveloppe idéale pour saucisses devrait posséder 
les propriétés suivantes : La matière première doit être 
pure et uniforme. Le procédé de fabrication doitexclure 
toute possibilité de contamination par des germes pa- 
thogènes Le produit fini doit être de composition chi- 
mique uniforme, approprié au point de vue mécanique, 
d'aspect physique agréable, ne pasconstituer une surface 
sur laquelle les moisissures et d’autres organismes peu- 
vent se propager facilement, ne pas contenir de substan- 
ces nocives pour l'organisme humain, être comestible 
et si possible digestible ; enfin il doit pouvoir être con- 
servé,emmagasiné et transporté pendant un temps indé- 
fini sans détérioration. 

MM. W.-P. Cohoe, E.-C. Fox et A.-J. Acton! vien- 
nent de communiquer à la Section canadienne de la So- 
ciélé anglaise de Chimie industrielle des recherches 
faites avec l'hydrate de cellulose, en utilisant la réaction 
de la viscose de Cross et Bevan, et qui ont conduit à 
des résultats tout à fait satisfaisants. 

On utilise comme matière première la pulpe de bois 
sullitée blanchie, qui est mercerisée par l'action de la 
soude caustique, puis lavéeet traitée par le sulfure de 
carbone, L’addition d'eau produit une solution vis- 
queuse épaisse, sans trace de structure fibreuse. La sub- 
stance est ensuite manufacturée en lubes, et passe dans 
une solution saline quila transforme en unegelée jaune. 
Les sous-produits de la réaction sont enlevés par lavage 
avec des solutionssalines, puis à l’eau bouillante. Quand 
la quantité de cendres, déterminée par l’analyse, tombe 
à la proportion originale, le tube est séché, conditionné 
et enroulé pour l'expédition. 

Actuellement. on prépare déjà des enveloppes de deux 
dimensions : large et moyenne; des enveloppes plus 
pelites seront fabriquées ultérieurement. 

La pulpe sulfitée blanchie est pure et uniforme; le 
raitement chimique qu’elle subit la rend aseptique. 
L'hydrate de cellulose représente un composé chimique 
délini, renfermant un peu d’eau et une faible proportion 
de cendres, 0,53 °/,, surtout des alcalins et des alcalino- 
terreux, Ses propriétés mécaniques sont satisfaisantes, 
etilest presque impossible de le distinguer des ancien- 
nes enveloppes, La surface, lisse et brillante, ne fournit 
pas d'abri aux moisissures et aux bactéries, et en tout 
cas elle ne constitue pas une nourriture qui leur per- 
mette de croître. 

Au point de vue comestible, l'enveloppe ne se con- 
somme guère que pour les petites saucisses. Dans ce 
cas, la mastication de l’enveloppe de viscose donne une 
masse douce non irritante, qui n’est pas nuisible pour 
l'organisme et qui se digère peut-être même en partie, 
l'hydrate de cellulose qui la constitue étant plus facile- 
ment attaquable que la cellulose des légumes par les 
sucs digestifs. 

Enfin, les propriétés conservatrices de la nouvelle 
enveloppe sont excellentes. Dans les conditions ordi- 
naires d'emmagasinement, elle n’est attaquée par rien 
et se conserve indéfiniment comme le papier et le Lissu 
de coton. 

La nouvelle industrie se développe au Canada et aux 
Etats-Unis et porte déjà un coup sensible à l'emploi 
séculaire des intestins d'animaux, 


1. Journal of the Soc. of Chem. Ind., t. XXXIII, n° 19, 
p- 947; 1914. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


$ 6. — Botanique 


L'exsudation de glace par les tiges des 
plantes.— Dans les nuits claires, la surface terrestre 
rayonne une grande quantité de chaleur dans l’espace, 
quantité qui peut s'élever jusqu'à un dixième de la 
constante solaire. Cette perte de chaleur par radiation 
peut conduire à la formation de glace, soit à la surface 
du sol, soit à la surface des végétaux. 

Un physicien du Bureau des Poids et Mesures des 
Etats-Unis a repris l'étude de cette dernière question, 
tant à l’air libre qu’au laboratoire, et il est arrivé à des 
résultats intéressants!. 

Ses expériences ont porté sur le dictame (Cunilla 
mariana). Lorsqu'il estexposé à une température de (0°, 
des franges de glace se forment sur la plante, mais 
celles-ci ne sont pas fonction de la gelée blanche qui 
peut se produire sur le sol. 

Ces franges ne se forment pas sur le côté d’un mor- 
ceau de bois qui renferme la moelle, ni sur la ligne de 
fracture, mais sur la surface ligneuse extérieure, Cepen- 
dant la formation de la frange de glace n’est pas en 
rapport avec l’état superficiel de la tige; fréquemment 
cette tige est fendillée, mais la glace ne sort pas des 
fentes. 

La croissance des franges de glace cesse quand le sol 
est gelé à une profondeur de 2 à 3 cm., et quand lhumi- 
dité de la tige est gelée. 

La dimension des franges de glace et la hauteur à 
laquelle elles s'élèvent au-dessus du sol dépendent de 
la vitesse d'évaporation de la tige et de la quantité 
d'humidité dans le sol. Il peut se former plus de 5 gr. 
de glace sur une seule plante pendant une nuit. 

La glace peut se former sur des tiges séparées de leurs 
racines; la glace ne résulte donc pas de la pression 
hydrostatique exercée par les racines. Toutes les obser- 
valions s'accordent, au contraire, pour montrer que 
l'humidité monte dans la tige par attraction capillaire. 
La hauteur (1 à 5 cm.) à laquelle l'humidité peut s'élever 
dans la tige est contrôlée en partie par la vitesse d’éva- 
poration à la surface. 

On reconnait, par l'examen des coupes minces de 
plantes qui forment et d'autres qui ne forment pas de 
franges de glace, que les premières sont celles qui con- 
tiennent le plus de tubes de sève. 

La frange de glace est composée d’un certain nombre 
de rubans très minces. Au laboratoire, on peut observer 
sa formation dès l’origine. Elle commence par une sim- 
ple rangée de filaments de glace fins, semblables à des 
cheveux. Les filaments croissent en nombre et forment 
une dent de glace solide en forme de coin, qui constitue 
le second stade du développement. Dans le troisième 
stade, la dent de glace s’élargit et s’allonge par suite de 
la congélation de l’eau qui continue à sourdre de la 
tige, 

Il ne paraît pas y avoir de différence entre la forma- 
tion de ces franges de glace par les plantes et celle de 
la « glace du sol » surles terrains humides, excepté que, 
dans ce dernier cas, c’est un pelit caillou qui constitue 
le noyau d’où part la congélation. Dans les deux cas, 
l'humidité est amenée à la surface par action capillaire, 
et la glace se forme quand la vitesse d'arrivée à la sur- 
face est plus rapide que la perte par évaporation et que 
l'air est à une température suflisamment basse. 


S 7, — Physiologie 


La ration du soldat en temps de guerre. — 
Dans une récente communication à l’Académie des 
Sciences, M. Armand Gautier? a recherché si la ration 


1. Journ, of the Franklin Anstitule, t. CLXXVIHI, n° 5, 
p. 289-621 ; nov. 1914, 
2. C. R. Acad. des 
vrier 1915). 


Sciences, t. CLX, p. 159-167 (1% fé- 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 105 


actuellement fournie à nos soldats suflit à leurs besoins, 
particulièrement en hiver, 

On sait que les aliments se composent, à part les 
sels minéraux, de trois grandes classes de principes 
nutritifs : les substances albuminoïdes ou protéiques, 
les graisses et les hydrates de carbone (amidon, su- 
cres, etc.). L'analyse chimique permet de déterminer 
leur proportion dans chaque aliment, tandis que des 
expériences calorimétriques très précises indiquent la 
quantité d'énergie que chacun de ces principes nutri- 
tifs fournit à celui qui s’en nourrit. 

Pour connaître le régime alimentaire normal d’un 
individu sous nos climats — c'est-à-dire celui qui suflit 
à conserver sensiblement le poids, la santé et les for- 
ces — M. Armand (Grautier fait une moyenne entre ceux 
d'ouvriers laboureurs du Midi de la France, d'ouvriers 
du chemin de fer de Paris à Rouen et de campagnards 
des Flandres, qui ont été l’objet de mesures suivies, Il 
arrive ainsi à une ration apportant en moyenne 3.947 ca- 
lories par jour, pour des régimes adoptés après une 
longue série de tàätonnements antérieurs, régime ayant 
permis à ces ouvriers de fournir un bon travail d’une 
façon continue, Dans les pays plus froids du nord de 
l'Europe, on arrive à une moyenne de 4.349 calories, 
soit une différence de 4o2 calories, attribuable à la Lem- 
pérature plus basse du milieu ambiant et aussi au 
poids plus élevé des individus du nord de l'Europe. 

Si l’on calcule la valeur en calories de la ration de 
guerre du soldat français (pain 950 gr., viande fraiche 
brute 500 gr., potage condensé 50 gr., légumes secs 
100 gr., sucre 31 gr., lard ou graisse 30 gr., café tor- 
réfié 24 gr., vin à 10° 250 em* ou eau-de-vie 62 em‘), on 
arrive au chiffre de 3.190 calories, inférieur donc à 
celui de l’ouvrier de nos pays soumis à un travail fati- 
gant sans être excessif, et plus encore à celui de l’ou- 
vrier des pays froids du Nord. 

Cependant, nos soldats ont généralement paru assez 
satisfaits de leur alimentation, pendant la saison tem- 
pérée, et ils ont pu résister même en hiver, par des 
froids assez vifs, alors que la ration quileur est allouée 
semble en déficit d’un quart environ sur leurs besoins. 
Cela tient à deux causes principales : 

La première, c’est que ces 
soldats ne sont pas toujours 
en activité de combat; après 
3 ou 4 jours de tranchée ou 
de bataille, ils vont se reposer 
à l'arrière un temps presque 
égal. Ils n’ont plus besoin, 
dès lors, que d’une ration 
moindre et se refont sur la 
ration forte de travail qu'ils 
continuent de recevoir. 

La seconde, c'est l'envoi 
d'aliments supplémentaires 
par les familles, les Sociétés 
de secours et même l’Admi- 
nistration de la Guerre, qui 
viennent augmenter de {00 à 
500 calories le régime du sol- 
dat. Mais on ne saurait tabler 
sur ces conditions un peu 

aléatoires et irrégulières. 

M. Maurel et M. Lefèvre 
ont établi expérimentalement 
que, pour des hommes sufli- 
samment vêtus, le passage du 
régime d’été à celui d'hiver 
entraine une consommation 

supplémentaire d'aliments 
répondant à 800 à 1.000 calo- 
ries. Pour réaliser normale- 
ment et utilement ce supplé- 
ment indispensable actuelle- 
ment à la ration de guerre, 
on peut recourir à diverses 


additions. M. Armand Gautier estime que le mieux 
serait de donner à nos troupes un peu plus de corps 
gras, d'aliments amylacés ou sucrés et de vin, On pour- 
ait ajouter au régime actuel 30 gr, de graisses, 150 gr. 
de pain (ou 350 gr. de pommes de terre et 32 gr. de 
sucre) et 5o centilitres de vin à 10°, Ces additions 
représentent un appoint de 887 calories, qui serait suili- 
sant, 


$ 8. — Géographie et Colonisation 


Les communications de la Russie et de la 
Sibérie avec l'Europe. — On sait que la guerre 
actuelle, en particulier par la présence d'une partie de 
la flotte allemande dans la Baltique et la fermeture des 
Dardanelles, a presque isolé la Russie du reste de 
l'Europe. 

Une seule voie un peu directe restait ouverte : celle 
qui est formée par les chemins de fer de Finlande, de 
Saint-Pétersbourg à Tornéa, au nord du golfe de Both- 
nie, puis les chemins de fer suédois et norvégiens, de 
Karungi, sur la rive suédoise de la Tornea Alf, jusqu'à 
Trondhjem ou Bergen, et enfin les lignes régulières de 
navigation, protégées par la marine de guerre anglaise, 
de Trondjhem et Bergen à Leith ou à Newcastle, 

En fait, c’est celle qui est utilisée par la poste et par 
les voyageurs depuis le commencement des hostilités, 
Mais elle n’est guère propice au trafic des marchan- 
dises, à cause des nombreux transbordements qu’elle 
nécessite,et malgré l’amélioration qui lui a été apportée 
récemment par la construction d’un embranchement de 
15 kilomètres de Tornéa à un point situé directement 
en face de Karungi, sur la rive russe de la Tornéa Alf. 

D’autres moyens de communication, plus adaptés au 
transport des produits naturels, en particulier des cé- 
réales, de Russie et de Sibérie vers l'Europe, et au ravi- 
taillement de la Russie en produits manufacturés, ont 
dû être recherchés, et l'attention s’est portée en premier 
lieu sur la route maritime de la mer Blanche par le 
port d’Arkhangel. Cette roule a joué un rôle important 
dans le commerce de la Russie depuis le xvi‘ siècle ; 
elle fut même la seule porte de sortie sur l'Europe jusque 


Nüni Novgorod 


Fig. 1. — Votes de communication de la Russie avec l'Europe 


106 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


vers la fin du xvu' siècle, époque où Pétrograd com- 
mença à lui enlever son trafic, qui a été en déclinant 
depuis lors. 

Un regain d'activité lui est revenu depuis la construc- 
tion, à la fin du x1x' siècle, de la ligne ferrée Moscou- 
Vologda-Arkhangel, qui relie ce dernier port avec le 
centre de la Russie et le bassin de la Volga, et de la 
ligne Perm-Kotlas qui, prolongée par la Dvina, devait 
faciliter l'écoulement des céréales de Sibérie vers la mer 
Blanche. 

Cette voie d'Arkhangel a repris subitement, par les 
circonstances actuelles, une importance de premier 
ordre. Ce n’est pas qu'elle ne présente quelques points 
faibles. 

D'abord la ligne Vologda-Arkhangel n’a qu'une faible 
capacité de transport, parce qu'elle est à voie étroite 
et qu’elle ne possède qu'un matériel roulant limité. Pour 
augmenter le trafic, on a emprunté un certain nombre 
de voitures au chemin de fer Riazan-Oural, de même 
écartement ; mais cet appoint est encore insuflisant, et 
le Gouvernement a dû commander 30 locomotives Mal- 
let articulées et 00 wagons nouveaux. 

En même temps, on a entrepris la construction d’un 
chemin de fer à voie large, presque parallèle à la ligne 
à voie étroite, entre Vologda et Niandoma, située juste 
à mi-chemin entre la première ville et Arkhangel, Ce 
chemin de fer sera terminé en juillet 1915, et livré au 
trafic régulier; il sera alors possible de concentrer sur 
la section Niandoma-Arkhangel tout le matériel roulant 
à voie étroite actuellement en service entre Vologda et 
Arkhangel, ce qui doublera la capacité de transport de 
cette section. Pour la nouvelle voie large Vologda-Nian- 
doma, on dispose de tout le matériel roulant néces- 
saire. 

En second lieu, le port d’Arkhangel n’est pas équipé 
pour faire face à un trafic considérable. Il manque de 
quais, d'appareils de chargement et de déchargement, 
d’entrepôts. Le terminus du chemin defer est sur le côté 
de la Dvina opposé à la ville et est isolé du port. Par 
suite de la faible profondeur de la rivière près du wharf 
du chemin de fer, les vaisseaux à tirant d’eau un peu 
élevé ne peuvent approcher etondoit effectuer un trans- 
bordement au moyen de barges à faible tirant d’eau.On 
a calculé que le tralic du port ne pouvait dépasser 
400.000 tonnes en moyenne par an, sans compter les 
bois flottés qui descendent la Dvina et ses tributaires 
jusqu’à Arkhangel et sont exportés ensuite par cette 
ville ou d’autres ports de la mer Blanche. 

Malgré ces dificultés, ila transité à l'automne der- 
nier par le port d'Arkhangel, en deux mois environ, plus 
de marchandises que pendant toute l’année précédente, 
et grâce à des améliorations en cours d'exécution le 
port sera mis en état de supporter un trafic encore plus 
intense, dès que la capacité de transport du chemin de 
fer sera augmentée, 

Enfin, le dernier inconvénient de la voie de la mer 
Blanche, c’est qu'elle est fermée par les glaces pendant 
toute la saison froide. Mais l’emploi du puissant navire 
brise-glaces Canada, de 7.000 chevaux, permet de main- 
tenir un chenal ouvert au commencemeut et à la fin de 
la période des glaces, et d’après l'opinion de l'ingénieur 
russe Kasipov, il ne semble pas que l'interruption de la 
navigation cet hiver doive dépasser deux à trois mois. 


Pour décharger la ligne Vologda-Arkhangel, le Gou- 
vernement russe vient de décider la construction d’une 
autre voie ferrée, de Petrozavodsk, sur le lac Onéga 
(relié par voie d’eau à Saint-Pétershbourg et au centre 
de la Russie), à Kem, autre port de la mer Blanche. Le 
tracé de la ligne, d'environ 400 kilomètres, est actuelle- 
ment à l’étude et la construction commencera avant la 
fin de l'hiver, de façon à livrer la ligneau traficdanslhiver 
1915-1916. Il se peut que des diflicultés imprévues soient 
rencontrées dans les régions encore peu connues que le 
chemin de fer doit traverser; mais l’ordre a été donné 
de pousser les travaux rapidement, et l’on sait que les 
Russes ont acquis, par le Transsibérien et le chemin de 
fer du Turkestan, une grande pratique dans la con- 
struction de ce genre de lignes. 

Il a été à plusieurs reprises question, dans la presse, 
de la construction d’une autre voie ferrée, de Tornéa, 
point terminus deschemins de fer finlandais, à Alexan- 
drovsk, au nord de la péninsule de Kola, port qui aurait 
l'avantage d’être accessible à peu près en tout temps. Il 
est possible que la construction de cette ligne ait été 
envisagée, que des études préliminaires aient même été 
faites, mais toute autre information nous paraît préma- 
lurée. 

En ce qui concerne la possibilité de relations directes 
par mer de la Sibérie avec l'Europe, la Revue a déjà si- 
gnalé 1 les résultats obtenus par la Mission Nansen avec 
le vapeur Correct, dans l'été de 1913. Ce navire, parti le 
5 août de Tromsæ, après avoir franchi la mer de Ba- 
rents, le détroit de Kara et la mer de Kara, arriva le 27 
à l'embouchure de l'Iénisséi, où il se rencontra avec des 
bateaux venus de l’intérieur qui apportaient des mar- 
chandises sibériennes. 

Cet essai a été répété sur une beaucoup plus grande 
échelle pendant l'été dernier. Deux grands cargos, le 
Ragna et le Skule, quatre navires de rivière à faible ti- 
rant d’eau et deux grandes barges, frêtés parle Gouver- 
nement russe, quittèrent Tromsæ le16 août et arrivèrent 
le 30 à l'embouchure de l'Obi, où un navire de rivière et 
une barge se détachèrent pour remonter le fleuve jus- 
qu'à Tomsk. Le reste de la flotte continua sa route vers 
l'Iénisséi, qu'il remonta sur 320 kilomètres jusqu'à 
Nononovsky où il arriva le 4 septembre. Les deux car- 
gos procédèrent au déchargement de leur cargaison, 
composée surtout de ciment, et à l’'embarquement de 
produits sibériens : bois, chanvre, lin, peaux et beurre. 
Le 19, tandis que les bateaux de rivière se préparaient 
à remonter le fleuve jusqu'à 1.000 kilomètres plus loin 
dans l’intérieur, le ?agna et le Skule reprenaient le 
chemin de l’Europe; après avoir rencontré plus de 
glaces que l’année précédente, ils arrivaient cependant 
sans encombre à Tromsæ le 30 septembre. 

La preuve est done une fois de plus donnée de la pos- 
sibilité d'établir des relations annuelles par mer entre 
l'Europe et la Sibérie centrale. 


L. B. 


—__—____—__ ——————————_—————————————…—…—…—…—…—…——————… 


1. G. REGELSPERGER : 
rie. Revue gén. des Sciences du 15 août 1914, 
p. 704. 


La ronte de mer d'Europe en Sibé- 
LAC CE 


J. ECHEGARAY. -- SERIE DE NEGATIONS 107 


SÉRIE DE NÉGATIONS 


Comme dans l’évolution géologique il y a des 
périodes de calme et de stabilité relative et 
d’autres, succédant aux premières, de grande vio- 
lence, dans lesquelles nous pourrions dire que la 
courbe schématique de l’évolution ases tangentes 
presque perpendiculaires à l’axe des temps ; — 
comme dans la transformation des sociétés hu- 
maines il existe aussi des périodes où l’ordre éta- 
bli se conserve à peu près constant, comme si la 
société était parvenue à un état d'équilibre, et 
d'autres périodes de grande agitation révolution- 
naire, où le progrès ne se contente pas de monter 
lentement, mais prétend progresser par sauts 
pour s'élever à des niveaux supérieurs ; — comme 
dans la littérature les époques classiques, qui 
sont écalement des temps d'équilibre, sont sui- 
vies par les agitations romantiques et les extra- 
vagances modernistes; — de même, dans la 
science physique, à la stabilité et à l’équilibre 
succèdent à leur manière des éruptions volcani- 
ques, transformations révolutionnaires, et un 
certain genre de modernisme scientifique. 

Dans l’ordre intellectuel comme dans la société 
humaine, ces époques de bouleversement et de 
violences sont précédées par la critique, qui se 
montre toujours sévère pour le passé et cherche 
la perfection dans l’avenir. 

Cette critique procède par négations. Elle cher- 
che les piliers qui soutenaient l’ordre ancien et 
elle essaie de les saper un à un, de telle sorte 
que, si son objet était atteint, tout l'édifice 
s’écroulerait à la fois. 

La Physique, en particulier la Physique mathé- 
matique, traverse depuis quelques années une 
grande crise. La science classique, celle de Gali- 
lée, de Newton, de Laplace, de Lagrange, de 
Cauchy, de Gauss, de Coulon, d'Ampère et de 
tant d’autres — je m’arrête parce que la liste 
serait interminable — cette science fondée pres- 
que en entier sur l'hypothèse mécanique s’est 
vue etse voit soumise à une critique implacable ; 
sur ses prétendues ruines, totales ou partielles, 
des hommes de grand talent se sont efforcés 
d'édifier une science nouvelle: la science mo- 
derne; et après le moderne est venu le moder- 
nisme. 

La critique à laquelle nous faisons allusion, 
parfois si exagérée, mais digne toujours d'étude 
et de considération, a formulé et continue de 
formuler une série de négations qui ne parais- 
sent pas encore près d’arriver au terme et qui se 
poursuivent indéfiniment, 


C'est cette série de négations que nous avons 
l'intention d’énumerer dans le présent article, 
sans prétendre les juger, nous bornant tout au 
plus à faire sur elles quelques observations en 
passant, 


Il 


La première négation que nous rencontrons, 
le premier pilier de l'édifice classique que mine 
la critique, c’est celui de l’action à distance ou, 
mieux, de l’action instantanée à distance. 

La force, dans la vieille Mécanique, celle de 
Galilée et de Newton, pour le dire en un mot 
l'attraction universelle, était au-dessus du temps 
et de l’espace. 

Des portions infimes de matière, le dernier 
grain de sable d'une plage, laplus humble goutte 
d’eau de l'océan, un atome de l'air que nous res- 
pirons, sont en communication instantanée avec 
toute la matière de l'Univers; un tel élément si 
petit, si minime, attire tout le Soleil, toute la 
masse de Neptune, attire la dernière spire de la 
nébuleuse lointaine; et à leur tour ces éléments 
infimes de matière sont attirés par toutes les 
masses astronomiques. 

Tout attire tout. 

Et la loi de l’attraction est bien élémentaire, 
bien simple, bien docile au calcul mathématique : 
l'attraction est proportionnelle aux masses et va- 
rie en raison inverse du carré des distances. 

Mais si les enthousiastes ont dit et continuent 
à dire : la matière attire la matière suivant cette 
loi; les prudents ajoutent : les choses se passent, 
dans les phénomènes naturels, comme si la ma- 
tière attirait la matière proportionnellement aux 
masses et en raison inverse du carré des distan- 
ces. 

La foi en l’attraction universelle a créé des pro- 
diges, et l’attraction, réelle ou feinte, a servi de 
base à toute la science astronomique. 

De sorte que cette négation, quelque impor- 
tante qu’elle soit pour la philosophie scientifi- 
que, n’annule ni n’ébranle le grand monument 
de la Mécanique céleste. 

Il suffit que les faits justifient les formules et 
concordent avec elles jusqu'au degré d’approxi- 
mation désirable pour que la science classique 
subsiste indépendamment de toute interpréta- 
tion philosophique. : 

Mais la negation del'action à distance s’accom- 
pagne d'une autre, à savoir la négation de l'action 
instantanee, 


108 J. ECHEGARAY. — SÉRIE DE NÉGATIONS 


Le sens commun appliqué à la science con- 
corde avec la critique (que quelques-uns ont 
taxée de mesquine et de sensualiste) quand tous 
les deux affirment qu'aucun corps ne peut exercer 
une action là où il n’est pas, qu'une goutte de 
l’océan ne peut avoir prise sur Neptune et l'atti- 
rer à soi àtravers des milliards et des milliards de 
kilomètres, et que cette attraction ne peut tra- 
verser l’espace comme quelque chose de spirituel 
avec une vitesse infinie. 

Il est clair que les défenseurs de la métaphysi- 
que n’accepteront pas ces négations, qu'ils taxe- 
ront de grossières, sans lui opposer des affirma- 
tions aussitranchantes que le sont les négations. 

Pour un idéaliste, pour celui qui met en doute 
la réalité matérielle des phénomènes, ni l’action 
à distance, ni l’action instantanée ne sont si 
absurdes, ni si impossibles qu'elles paraissent à 
première vue. 

Pour nous, dans cet article, nous ne discutons 
pas le fond de la question; nous nous bornons, 
comme nous l’avons dit en commencant, à énu- 
merer des négalions. 

De toutes manières, même en admettant les 
négations comme fondées, elles ne substituent 
rien qui satisfasse absolument à la raison; car, 
si l'on dit que les forces attractives du monde 
astronomique, ou si l'on veut la gravitation, se 
transmettent dans l’espace pas à pas et avecune 
vitesse déterminée, qui sera celle de la lumiere 
ou une autre, la difficulté n’estaucunement réso- 
lue pour cela; en parlant de cette maniere, on 
n’a fait que la transporter de l'infiniment grand 
à l’infiniment petit. 

Si l’action à distance répugne, par exemple, 
entre le Soleil et la Terre, sans admettre une 
substance intermédiaire, la même difficulté existe 
pour admettre des attractions ou des répulsions 
entre deux atomes. Des millions de kilomètres 
importent autant que des millionièmes de milli- 
mètre. Pascal a déjà dit, sije ne me trompe : l’in- 
finiment petit est un masque de l'infiniment 
grand ; c’est le géant déguisé en nain. 

Il semble qu’on puisse trouver une solution à 
cette transmission de la force en acceptant la 
continuité de la matière; mais ce problème de 
la continuité et de la discontinuité, très profond 
avec son atmosphère métaphysique, est aujour- 
d'hui lui-même à l’ordre du jour et constitue 
une des négations de la série, que nous signale- 
rons plus loin. 

Nous résumons ce qui précède dans les deux 
négations suivantes : 

1° Négation de l’action à distance ; 

20 Négation de l'action instantanée. 


Nous y ajoutons que ni l’une ni l’autre ne di- 
minuent ce que la science classique possède de 
substantiel, ni ne détruisent son harmonie avec 
les faits, dans les limites de l’approximation que 
peut atteinare la science humaine. 

Les amateurs discutent de philosophie scien- 
tifique; mais l’astronome pratique et l’astronome 
mathématicien continuent, avec leurs observa- 
tions, leur mécanique céleste et leur action à dis- 
tance pour le moins presque instantanée. 


II 


Que l’action à distance existe ou non, qu’elle 
soit ou non instantanée, une autre négation 
s'ajoute aux deux précédentes, laquelle, à dire 
vrai, n'a pas autant d'importance : la négation, 
dans beaucoup de cas, des forces centrales. 

Pour appliquer les théories astronomiques, 
convenablement adaptées, à la Mécanique mo- 
léculaire, et pour appliquer surtout l'hypothèse 
mécanique dans toute sa pureté, plusieurs mathé- 
maticiens, entreautres Cauchy,ontréduittousles 
phénomènes de la Physique à l’adaptation des 
équations de la Dynamique à des systèmes de 
points matériels entre lesquels se développent 
des forces centrales : systèmes astronomiques en 
miniature. 

Mais l'expérience a démontréque c’étaitlà une 
hypothèse qu’on ne peut toujours admettre 
comme exacte. Il saute aux yeux qu'il existe dans 
la Nature des forces qui ne sont pas centrales. 
L'action entre un courant électriqueet un aimant 
n’est certainement pas une force centrale : l’ai- 
mant tend à tourner autour du courant ou le 
courant autour de l’aimant. 

Quand deux masses infiniment petites sont 
homogènes et entourées d’un milieu homo- 
gène, de sorte que la droite qui unit les deux 
points est un axe du système, il n’y a pas de raï= 
son pour que la force ne soit pas centrale, et le 
vieux principe de la raison suffisante s'impose à 
l'esprit humain. Mais si les deux centres d'action 
sont dissymétriques, et si le milieu où ils sont 
situés n’est pas tant soit peu symétrique, sans 
avoir besoin de recourir à aucun modernisme, la 
vieille Mécanique donnera des résultantes qui ne 
coiïncideront pas avec la ligne des centres. 

De telle sorte que cette négation des forces cen- 
trales a un pouvoir incontestable dans beaucoup 
de cas; ainsi le maitre Henri Poincaré, parmi ses 
œuvres admirables, a publiéune /hcorie de l'élas- 
ticité dans laquelle il fait complètement abstrac- 
tion des forces centrales, substituant à cette hy- 
pothèse le conceptfécond connu sous le nom de 


so te tnt te tete 


Le 


J. ECHEGARAY. — SÉRIE DE NÉGATIONS 109 


fonction de forces. En cela son œuvre se diffé- 
rencie fondamentalement de la théorie classique 
de Cauchy et de ses disciples. 

Nous ajoutons done aux deux premières cette 
nouvelle négation, bien qu'elle n’aitrien de révo- 
lutionnaire ni de dangereux; elle occupe modes- 
tement un numéro dans la liste générale. 


II] 


Nous continuons par la critique d’un concept 
qui domine toute la science classique : la force. 

Nous ne voyons pas la force par vision directe, 
mais nous la sentons quand nous exerçons une 
pression surun corps ou quand nous le tirons. 
Nous avons, en somme, conscience de la force, 
bien que sous une forme assez vague, la confon- 
dant plus ou moins avec l'énergie. 

La force domine toute la Mécanique classique, 
et nous sommes si accoutumés à la voir repré- 
sentée schématiquement par une ligne droite ter- 
minée par une flèche qu'il ne nous est pas facile 
de séparer l’idée pure de la représentation gra- 
phique. 

Nous la voyons presque matérialisée dans la 
réalité : dans le fil ou dans la corde quand les 
systèmes sont soumis à une tension, ou dans la 
barre quand on les comprime, ou dans les diffé- 
rentes pièces d’une armature de fer. Même en 
électricité, Faraday a imaginé les tubes de force, 
et nous parlons constamment des lignes de force 
et déterminons leurs équations. 

Cependant, certains critiques considèrent la 
force comme unpuridéalisme, mieux comme une 
pure abstraction, et il ne leur en faut pas davan- 
tage pour augmenter la série de négations de la 
philosophie moderne d’une négation de plus. 

La force, disent-ils, n’est pas une réalité; il 
faut donc la remplacer par la véritable réalité, 
qui est l'énergie; de là est résultée la théorie 
moderne de l'Energetique, avec ses ambitions 
juvéniles et aussi avec ses intransigeances, soit 
dit avec le respect qui lui est dû. 

A la rigueur, la force peut être une abstraction; 
rien ne sert de le nier, mais cela ne suffit pas 
pour détruire ce pilier sur lequei s'appuie, et 
solidement, la Mécanique classique. 

Car la science et même la pensée vulgaire se 
bâtissent avec des abstractions. Faut-il rejeter le 
pointmathématique, parce que c’est une abstrac- 
tion si on le compare à la ligne? Faut-il dépré- 
cier la ligne parce que c’est une abstraction en 
comparaison de la surface,ou la surface en com- 
paraison du volume ? 

Abstraction en science ne signifie ni nullité, ni 
négation. C’est que l'intelligence humaine ne 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 


peut pénétrer dans l'absolu, comme elle le dési- 
rerait, ni l'embrasser, comme elle le convoite- 
rait; elle doit se concentrer dans le fini. et pour 
atteindre le fini elle doit procéder par une série 
d’'abstractions. 

Si la force est une abstraction par rapport à 
l'énergie, dimension 
canique {si cette comparaison est 
pourquoi l'énergie ne 
une abstraction réalités 
d'ordre supérieur et plus compréhensives ? Mais 
arrêétons-nous dans ce chemin qui nous condui- 
rait fatalement au la Métaphy- 
sique. 


une de l'énergie mé- 
valable), 
serait-elle pas aussi 


en comparaison de 


domaine de 


Pour en revenir au terrain pratique, nous di- 
rons que la force, comme tout concept de la 
Physique, du moment que, passant de la qualité 
à la quantité, elle peut être mesurée, peut, par 
là même, se réduire en nombre, entrer, comme 
concept de quantité, dans les formules mathéma- 
tiques et prendre place dans la science théorique 
et dans la science expérimentale et dans leurs 
calculs, depuis les plus modestes jusqu'aux plus 
élevés. Arrivé à ce point, il n’est pas facile d’en 
faire abstraction, ni dans la science classique, 
ni dans la moderne. 

Ainsi encore dans les théories les plus moder- 
nes la force apparaît constamment avec sa direc- 
tion, sa grandeur et sa fleche caractéristique, et 
avec les formules mathématiques de ses com- 
posantes. 

Mais dans l’évolution, dans la crise pourrions- 
nous dire, de la vieille Mécanique et de la Phy- 
sique mathématique, si, jusqu’à aujourd'hui, elle 
a exercé une indiscutable hégémonie, celle-ci 
lui est disputée par un nouveau venu qui tend à 
la domination universelle et, sinon à annuler la 
force, du moins à la surbordonner, Nous faisons 
allusion au concept de l'énergie. 

On peut dire que la force même acréé ce rival 
puissant en créant le {ravail mécanique, qui est 
une forme de l'énergie, et en créant en Dyna- 
mique l'énergie cinématique, ou, si l’on veut, 
la force vive. Depuis lors, l'Energétique a peu- 
plé la Nature de beaucoup d’autres formes de 
l'Énergie, mais c’est une question danslaquelle 
nous ne pouvons entrer en passant. 

Il est certain que le concept de l'énergie est 
aujourd’hui dominant dans les théories moder- 
nes, surtout dans les théories électriques et ma- 
gnétiques, et qu'il parvient là où la force de la 
vieille Mécanique ne pouvait atteindre. 

Mais toute domination, même légitime, peut 
se transformer par l’abus en tyrannie fu- 
neste, et l’on n'aperçoit pas qu'aucune théorie 


110 J. ECHEGARAY. — SERIE DE NÉGATIONS 


nouvelle puisse faire abstraction du concept de 
force, qui, pour le moment, règne dans toute 
la Statique, c’est-à-dire dans tous les problèmes 
d'équilibre fondamentaux, quoique ce soient des 
problèmes abstraits et qu'ils n’atteindront 
jamais la réalité positive et absolue. La force 
domine aussi la dynamique des masses ponde- 
rables, qui est la Mécanique classique, et l’on y 
a constamment recours dans les théories les plus 
neuves de l’électricité et du magnétisme. 

Nous possédons donc, dans la série de néga- 
tions que nous enregistrons, une semi-négation 
de plus, qui se trouve dans le même cas que les 
négations précédentes : elle ne représente, nine 
peut représenter une ruine partielle de la science 
antique, mais plutôt une transformation ou une 
extension de celle-ci. 

Dans sa marche, la science ne progresse pas 
par destructions, mais en élevant de nouvelles 
constructions qui élargissent et complètent son 
vénérable monument. 


IV 


En parcourant notre série, nous arrivons à une 
autre négation, que nous n'hésiterions pas à qua- 
lifier de formidable si nous ne craignions pas 
d’épuiser avant le temps la grande abondance 
d’adjectifs destinés à exprimer l’'étonnement et 
la stupeur. 

Si quelque chose paraissait solide et inébran- 
lable dans l’ancienne Mécanique, c'était le con- 
cept de masse. 

La masse était invariable, éternelle, indestruc- 
tible : toujours la même. Elle pouvait se subdi- 
viser dans l’espace, mais la somme de ses par- 
ties était toujours égale à la masse primitive. 
Si, en choisissant des unités convenables, la 
masse s’exprimait par un nombre, ce nombre 
était inaltérable au siècle des siècles : la masse 
était éternelle. 

Sans le chercher, instinctivement, nous con- 
fondions la masse avec la matière même dans ce 
qu’elle possède de plus essentiel et permanent. 
La masse était la quantité de matiere, et plus il 
se concentrait de matière en elle, plus la masse 
était dense et s’exprimait par un nombre élevé. 

Ce sont des tendances de l'esprit, de la légiti- 
mité desquelles on peut douter, mais ce sont des 
tendances naturelles que les réalités de la vie et 
même les théories scientifiques fortifient chaque 
jour. 

Toute la Chimie part de ce postulat, et la Chi- 
mie classique s’écroulerait si on admettait la va- 
riabilité pratique de la masse. 

Qu'un corps soit immobile ou qu'il se mette 


en mouvement, qu'il chemine lentement ou qu'il 
se précipite avec la vitesse de la lumière, tout le 
monde croyait que sa masse demeurait invaria- 
ble. En un mot, la masse était indépendante de 
la vitesse. 

Or à cette affirmation catégorique de la science 
classique,je ne dirai pas la critique, mais la 
science moderne, les théories les plus presti- 
gieuses de celle-ci et les mêmes expérimenta- 
teurs de cabinet opposent une négation aussi 
catégorique. La masse n’est pas invariable: elle 
est fonction de la vitesse et aussi de la direction 
de la vitesse. Il y a une masse longitudinale, ct 
une autre transversale, dépendant toutes deux 
de la vitesse; généralisant cette idée, on est 
porté à croire qu’il y a une masse distincte pour 
chaque orientation; mais l'explication de ce 
point nous conduirait trop loin. 

La situation de la Mécanique classique devant 
de telles négations et de telles aflirmations est 
véritablement difficile. Elle avait compté jusqu’à 
présent avec une masse unique et constante; et 
subitementelleenrencontre, pourle moins, deux : 
la longitudinale etla transversale, et toutes deux 
sont variables avec la vitesse du mobile. 

Voici un exemple, une expérience imaginaire, 
qui nous permettra peut-être d'expliquer ce sin- 
gulier concept dela masse variable avec les con- 
cepts de la Mécanique classique. 

Imaginons un corps M dont nous prétendons 
trouver la masse 72 expérimentalement. Sou- 
mettons le corps M durant un temps #, et dans 
le sens de la ligne droite que doit parcourir son 
centre de gravité, à une force F que nous pou- 
vons mesurer et que nous supposerons constante 
durant le même temps 4. L’expérience consiste 
simplement à mesurer la vitesse » que la force 
a communiquée au corps. De l'équation élémen- 
taire 

me — F6, 
nous pourrons déduire l’inconnue 77, qui sera 
exprimée par 
F4 
M — TT ; 


Connaissant F et /, et ayant mesuré #, nous 
trouverons la valeur de ». Et si nous répétons 
l'expérience une, deux, cent fois, nous trouve- 
rons toujours la même valeur de "», en tenant 
compte des petites erreurs d'expérience. 

Nous avons prouvé une fois de plus la con- 
stance de la masse, quoique, dans la série des 
expériences, et de l’une à l’autre, F, £et v aient 
varié. 

Mais supposons qu'avant d'effectuer une autre 
expérience nouvelle un esprit malin unisse le 


J. ECHEGARAY. — SÉRIE DE NÉGATIONS 111 


corps M par un ressort subtil à un système élas- 
tique, à une espèce de dynamomètre, el que le 
dynamomètre et le ressort soient si subtils et si 
invisibles que nous ne les apercevions pas, et 
que nous croyions nous trouver pour la nouvelle 
expérience dans les mêmes conditions que pour 
les précédentes. 

Si l’élasticité de ce système de ressorts agit 
de façon à s’opposerau mouvement, en mesurant 
la vitesse nous trouverons une vitesse #’ moindre 
que la précédente, et la nouvelle valeur »+' de la 
masse sera 


Ft 


1 
M =) 
» 


évidemment supérieure à la valeur constante ob- 
tenue dans les expériences antérieures, puisque 
s'est moindre que p. 

Notre étonnement sera justifié si, avec la 
science classique, nous croyons à l’invariabilité 
de la masse et si nous ignorons que l'expérience 
s’est compliquée par l'addition d'un système 
élastique. 

Quelque chose de semblable s’est produit pour 
beaucoup de problèmes de la science d’autre- 
fois, depuis que les phénomènes électriques sont 
venus compliquer ceux de la vieille matière pon- 
dérable, cette matière traditionnelle, si simple 
et si ingénue. 

Quand une petite sphère se meut avec une 
charge électrique, le système élastique de notre 
exemple est constitué par celle charge et tout le 
champ électromagnétique qu'engendre la charge 
en mouvement au sein de l'éther, à savoir : le 
champ électrique radial et en plus les anneaux 
magnétiques qui entourent la ligne du mouve- 
ment. 

La dynamique de l’électron d'Abraham et la 
théorie des électrons de Lorentz, théories nou- 
velles vraiment admirables, ont contribué puis- 
samment à créer le nouveau concept des masses 
électromagnétiques variables avec la vitesse et 
avec l'orientation, théories toutes soumises au 
calcul. 

À première vue ces théories, en grande partie 
vérifiées par l'expérience, atténuent la crudité de 
la négation primitive, parce que ce n’est pas la 
masse pondérable qui change ; mais la substance 
pondérable classique s'accompagne d’un autre 
élément, l'électricité, qui, s'il n'a pas de masse, 
la figure, par le mouvement précisément: masse 
variable avec la vitesse, et de la variabilité de 
laquelle la matière pondérable se fait complice 
en quelque sorte, sans qu’elle soit la cause de ce 
bouleversement apparent de lois classiques de la 
Physique. 


Qu'on puisse étudier le mouvement du fluide 
électrique ou, plus concrètement, de l’électron ; 
qu'on lui attribue une masse, qui n’est pas con- 
centrée en lui comme dans les corps pondérables, 
mais qui est, d’une certaine façon, diffusée dans 
l’éther; enfin que les charges électriques en 
mouvement figurent, si le mot peut s'employer, 
des masses et des inerties que les maîtres expli- 
quent par des calculs aussi élégants que hardis : 
tout cela est digne d’admiration et de respect. 

Mais cela ne suflit pas pour altérer la lixité 
d'une des grandes lois de la science classique : 
l’invariabilité de la masse. Ainsi pourraient 
arguer les défenseurs de la Tradition en Méca- 
nique eten Physique mathématique, en essayant, 
pouraffaiblir la négation déconcertante, de créer 
une espèce de 77odus vivendi entre la masse pon- 
dérable invariable, entre la matière qui nous 
entoure et à laquelle nous sommes habitués, et 
les nouvelles lois de l'électricité en mouvement, 

Mais le modus vivendi court des risques, et la 
négation s'affirme etredouble, commenous allons 
le voir. 


y 


L'hypothèse de l’atome, qui n'était encore 
récemment qu’une hypothèse, est considérée au- 
jourd'hui par presque tous les physiciens, v 
compris l’illustre Poincaré, comme une réalité, 
grâce aux admirables expériences de Perrin. Les 
atomes se comptent, se mesurent, et l’enthou- 
siaste va jusqu'à dire : se voient, 

Aujourd'hui, cependant, où ils s’affirment 
comme une réalité, fond sur eux une négation 
terrible, on pourrait presque dire une sentence 
de mort. 

L’atome était, dans l'esprit des physiciens et 
des chimistes de la vieille Ecole, l'unité la plus 
simple, insécable, incorruptible, éternelle. 

Un atome de la matière pondérable, un atome 
d'oxygène, d'hydrogène, d'azote, en passant par 
nos laboratoires, venait, selon l'opinion unanime, 
des abimes du passé et des profondeurs de l’es- 
pace tel qu’il nous arrivait, et en sortant de nos 
appareils pourse lancer dans les nouveaux abimes 
de l’avenir, il continuait toujours le même. 

L'atome était éternel. Les philosophes de 
l'Ecole matérialiste pouvaient l'appeler un dieu: 
le Dieu atome. 

L'invariabilité de la masse dont nous venons 
de parler s’expliquait par l'invariabilité de 
l’atome. 

Et voici une nouvelle négation ou une nouvelle 
série de négations ! L’atome n’est pas invariable. 

Et ce n’est pas une théorie : la complexité de 
l’atome, sa décomposition, son éboulement, ses 


112 J. ECHEGARAY. — SÉRIE DE NÉGATIONS 


transformations, enfin, se voient et se suivent et 
mème se mesurent. C’est ce que nous disent les 
corps radio-actifs et toute la théorie de la radio- 
activité. 

Il est vrai qu’à l’origine les corps radio-actifs 
étaient des exceptions ; mais aujourd’huion con- 
sidère que la radio-activité est une propriété 
générale de la matière, qui s’exalte dans l'ura- 
nium, le radium et ses congénères. 

Aussi, des le moment où l’atome classique eut 
perdu son unité et son prestige, et où chaque 
atome fut considéré comme un système infini- 
ment petit, mais infiniment complexe, l'imagina- 
tion a bondi etles hypothèses se sont multipliées 
sur la constitution de ces êtres infinitésimaux. 

Nous avons l'atome de Thomson, avec son 
élément central d'électricité positive, dans lequel 
sont pour ainsi dire emboutis des électrons 
négatifs en forme d'anneaux; il s'établit ainsi, 
par le jeu des attractions et répulsions récipro- 
ques, un équilibre qui parfois dure, et alors 
l’atome reste invariable, et qui parfois se rompt, 
le nombre d’anneaux et le nombre d'électrons 
dans chaque anneau étant invariable !. 

Une nouvelle hypothèse convertit l’atome en 
une espèce de système planétaire, avec son élec- 
tron positif au centre et ses électrons négatifs 
non emboutis, mais tournant autour de lui à la 
manière de planètes. 

Sans respect pour le mystère de l'atome, on à 
encore augmenté sa complexité, en yintroduisant 
un nouveau système de magnétons. 

En somme, l'atome extrêmement simple, celui 
des anciennes théories atomiques, est devenu un 
complexe électrique dans lequel toutes les hypo- 
thèses ont une application et des défenseurs 
illustres. Sans prétendre les étudier pour le 
moment, et en les prenant toutes en bloc, il en 
résulte une tendance puissante à convertir 
l’atome traditionnel de la matière pondérable 
en un système electrique de complication extra- 
: atomes libres, anneaux, courants, 
magnétons, tout un monde électrique sans reste 
explicite de matière pondérable. 

Ainsi, dans cette nouvelle théorie, la matière 
pondérable disparait; tout est électricité dans 
l'Univers : l’électron négatif, l’électron positif, le 
courant électrique et le magnétisme qui, par 
l'hypothèse d'Ampère, se convertit en un sys- 
tème de courants. 

Si le »0dus vivendi que nous avions établi plus 


ordinaire 


haut pour conserver à la masse pondérable son 
invariabilité était bien ce qu'il prétendait, il 
reste en fait brisé et annulé, et de la manière la 


plus désastreuse pour la vieille matière de la tra- 
dition classique. 

IL est vrai que, si la matière pondérable n'existe 
pas comme substance spéciale etessentiellement 
distincte du fluide électrique ou des atomes élec- 
triques, il n’y a plus à se préoccuper de l’inva- 
riabilité de la masse de l’ancienne Mécanique. À 
la rigueur, elle est constante, puisque, n’existant 
pas, elle est égale à zéro. Beau triomphe! la con- 
stance du zéro, l'invariabilité du néant. 

Mais, si la masse pondérable n’existe pas, et si 
toute masse est électromagnétique, toute masse 
sera essentiellement variable et dépendra de sa 
vitesse. La négation que nous avons signalée pré- 
cédemment acquiert une force énorme, et les 
accommodements ni les palliatifs ne valent plus 
rien : la masse est essentiellement variable, et 
l’un des piliers de la Mécanique classique 
s'effondre complètement. 


VI 


Cela paraît ainsi à premiére vue, et cependant 
la crainte n’est pas fondée. Qu'il en soit ce que 
l’on voudra de la matière pondérable, qu’elle se 
réduise ou non à un ensemble de systèmes élec- 
triques, même en admettant pleinement les nou- 
velles théories, le fait est que, non seulement 
pour la pratique de la vie, mais même pour la 
science classique en apparence menacée, le dan- 
ger n’est pas si grand que nous l’imaginions, et 
la Mécanique des anciens maitres, à part des 
modifications de détail, en a encore pour quel- 
ques siècles d'existence. 

Il nous faut faire ici une observation fonda- 
mentale. 

Supposons que la seule masse est la masse élec- 
tromagnétique, et qu’il faille distinguer deux 
masses : la longitudinale et la transversale. Selon 
les admirables théories de Lorentz, les valeurs de 
ces masses, développées en séries, procèdent par 
termes ordonnés suivant les puissances de #/e, où 
# est la vitesse du mobile et c la vitesse de la 
lumière, et où le premier terme est indépendant 
de ». 

De sorte que, et ceci est capital, si la vitesse 
du mobile n’est pas comparable à la vitesse de la 
lumière, la fraction #/c sera suffisamment faible 
pour qu’on puisse négliger toutes ses puissances, 
et il restera un terme constant indépendant de ». 

Ainsi!, les deux masses »', m', pour des 
valeurs très petites de 8, peuvent être considérées 
comme égales : 


; ÿ ei 
M=Mm =; —- 
6rhRc 


1. Philosophical Magazine, n° 39 (mars 1904). 


1. LoreNTz : The Theory of Electrons, p. 39. 


G. BLONDEL. — ÉPUISEMENT DE L'ALLEMAGNE 113 


et indépendantes de # : il y a une masse unique 
et constante par rapport à la vitesse. 

Pour la majeure partie des théories nouvelles, 
on peut faire une observation analogue. 

En résumé, la Mécanique classique ne sera pas 
la vérité absolue; mais la vérité absolue n’est ni 
dans la science classique, ni dans la moderne, ni 
dans la modernissime. 

La science classique sera une approximation 
de la science absolue, le premier terme, pour 
ainsi dire, d'une série ; les termes suivants sont de 
nouvelles approrimations, qu'obtient une science 
plus récente, mais très petites en comparaison de 
la première, de même que + n’est pas comparable 
à c. 

La Mécanique classique tomberaiten ruines si, 
l'Univers étant pris de folie, les soleils, les pla- 
nètes, les nébuleuses, les atomes et tout ce qui 
existe commencçaient à s’agiter avec des vitesses # 
comparables à c. 

Et qui sait si même alors nous ne pourrions 
nous réfugier dans les vitesses relatives. Car tant 
que le Cosmos reste judicieux etse meut avec les 
vitesses relatives qu'il possède aujourd'hui, la 
vieille Mécanique, la science classique, celle de 
Newton, de Galilée, de Laplace et de Lagrange, 
ne court aucun danger sérieux. 

Cela ne diminue pas d’un atome, puisqu'il 
s'agitd’atomes, l’importancescientifiquedes nou- 
velles théories, ni la grande ingéniosité et le pro- 
fond talent que révèlent leurs auteurs. 


VII 


Mais nous n'en avons pas fini avec les nega- 
tions ; il nous reste encore une bonne partie de la 
série, et la plus belliqueuse. 

Nous n’avons rien dit de la négation qui se 
rapporte au principe d'égalité entre l’action et la 
réaction; rien non plus du principe de la Méca- 
nique classique qui fait dépendre l’action des 
forces seulement de l'état géométrique présent, 
sans tenir compte des vitesses actuelles, ou, plus 
généralement, de l’histoire dynamique du sys- 
tème, principe nié absolument par la critique. 


Nous n'avons pas parlé davantage du problème 
de la continuite et de la discontinuité, dans lequel 
beaucoup arrivent à nier jusqu’à la continuité de 
Planck 


discute sur les atomes d'énergie comme autrefois 


l'énergie, la convertissant en atomes 


l’on discutait sur les atomes d'oxygène ou d'hy- 
drogène. 

Et par cette voie on parvient à nier la légiti- 
mité de l’applicationdes équations différentielles 
à la Physique mathématique, degré extrême de 
négation qui a effrayé la puissante intelligence et 
le sévère esprit critique de H. Poincaré. 

Pour mettre un terme aujourd’hui à cette liste, 
nous signalerons l’un des problèmes les plus pro- 
fonds qui s’agitent à l'heure actuelle : le pro- 
blème de la relativité et la négation de la Ciné- 
matique classique, par exemple les admirables 
hardiesses d’Einstein. 

Tous ces problèmes restent pour plus tard. 
Mais nous ajouterons pour terminer que,quelque 
graves qu'ils soient, la vieille Mécanique, à notre 
avis, échappe à tous, pourvu que #, comme nous 
l’avons dit, ne soit pas comparable à c. La science 
du xixe siècle restera toujours le premier terme, 
et le plus important, d’une série d’approxima- 
tions ; les théories modernes en seront le second 
terme, et les plus récentes le troisième, tandis 
que la science future constituera les autres. 

Ce qui importe, c’est que la série soit conver- 


gente. 
VIII 


Ainsi la Mécanique, la Physique mathémati- 
que, la science classique sont dans une période 
de crise, Poincaré l’a dit. Mais cette crise n’est 
pas une crise de mort, c’est une crise de vie nou- 
velle. Les agitations prodigieuses de la période 
que nous traversons ne sont pas les derniers 
tremblements de l'agonie, mais les mouvements 
puissants de l’'enfantement". 

; J. Echegaray, 


Président de l’Académie des Sciences 
de Madrid. 


1. Traduit de l'espagnol par M. Louis Brunet. 


QUE FAUT-IL PENSER DE L'ÉPUISEMENT DE L'ALLEMAGNE ? 


Comme il est aujourd’hui certain que la guerre 
durera plus longtemps qu’on nese l'était d’abord 
imaginé, on est naturellement amené à se deman- 
der si nos adversaires, qui ont manifestement 
beaucoup de peine à se ravitailler, n'auront pas 
bientôt épuisé les ressources dont ils peuvent 
disposer. 


Lorsqu'on envisage dans leur ensemble l’acti-. 
vité économique et l'intensité de production 
de l'Allemagne et de l'Autriche (qui sont aujour- 
d’hui à tous égards si étroitement unies), on 
éprouve ce sentiment qu'il ne peut être ques- 
tion pour les populations de l’Europe centrale 
d'une véritable famine. Il faudrait, pour que 


114 G. BLONDEL. — ÉPUISEMENT DE L'ALLEMAGNE 


l'Allemagne füt réellement « réduite aux abois », 
que la guerre duràt deux ans au moins. 

Il faut cependant reconnaitre qu’elle est dès 
maintenant dans une situation diflicile. On peut 
parler de pénurie à un triple point de vue : pénu- 
rie en hommes, pénurie en denrées alimentai- 
res, pénurie en matières premières et spéciale- 
ment en métaux. 


l 


La pénurie en hommes se traduit par une di- 
minution considérable du nombre des ofliciers 
et surtout par une diminution très sensible dans 
la qualité des combattants. C’est une des raisons 
pour lesquelles les Allemands ne font plus main- 
tenant de progrès; on ne peut plus demander 
aux soldats actuels le même effort qu'aux troupes 
du mois d'août. 

Combien nos ennemis pourront-ils encore met- 
tre de milliers d'hommes en ligne, il n’est pas 
facile de le dire. Un publiciste américain, qui 
s’est livré dernièrement à Berlin à une conscien- 
cieuse enquête, estime qu’un pays aussi forte- 
ment militarisé que l’est l'Allemagne peut aisé- 
ment utiliser pour une guerre d’extermination 
comme celle où elle s’est engagée le dixième de 
sa population. Or, la population de l'Allemagne, 
il y a 18 ans (il faut nécessairement remonter à 
cette époque), n’atteignait pas encore 60 millions 
d'habitants. C’est donc sur un total de 6 millions 
de « combattants » qu’elle peutcompter:il est peu 
probable que ce chiffre puisse être sensiblement 
dépassé. D'après les rapports les plus dignes de 
foi, les Allemands ont perdu, sur les deux fronts 
où la lutte est engagée, 2 millions d'hommes au 
moins. [ls ont encore au moins 1.800.000 hommes 
sur leur frontoccidental : Belgique, France, Lor- 
raine et Alsace, et 1.200.000 ont été envoyés con- 
tre la Russie. Ils disposent donc d’une réserve 
d'un million de combattants, auxquels il faut 
ajouter les 6 ou 700.000 blessés qui pourront re- 
prendre leurposte de combat. ll convient en outre 
de remarquer qu’un assez grand nombre d’hom- 
mes de tout âge ontété mobilisés sur place, parce 
qu’on les a jugés aptes à rendre plus de services 
là où ils sont que dans l’armée proprement dite. 
Le Gouvernement a maintenu dans les usines qui 
fabriquent le matériel de guerre des ouvriers 
d'élite, des techniciens, des contre-maïîtres, des 
ingénieurs et des sous-ingénieurs, dont le nom- 
bre est difficile à déterminer. Ce qui me parait 
certain, c'est que l'Allemagne est encore en état, 
malgré les pertes qu’elle a subies, de mettre en 
ligne de gros effectifs. 

Il est incontestable néanmoins que ses possi- 


bilités sont moindres que celles de la Russie, 


qui a 170 millions d'habitants, et que celles de 
l’Angleterre, qui n’est pour ainsi dire qu'au dé- 
but de son effort et qui n’a tiré jusqu'ici de son 
immense empire colonial qu'un petit nombre de 
combattants. Chaque jour qui passe augmente 
l'usure de l’armée allemande : le flot tarira forcé- 
ment peu à peu. Un écrivain militaire distingué, 
le colonel Gatti, écrivait récemment que la vic- 
toire appartiendrait au dernier million de trou- 
pes fraîches « à condition que ce million apporte 
avec lui un moral supérieur ». Cette condition 
de moral supérieur, il est permis aujourd’hui de 
penser qu'elle se trouvera du côté des Alliés. 


Il 


La pénurie en denrées alimentaires n’est pas 
moins inquiétante pour nos adversaires que 
l'usure en hommes. L'Allemagne a aujourd’hui 
69 millionsd’habitants.Orellene peut,même dans 
les bonnes années, en nourrir plus de 50. L’an- 
née 1914 a été une année médiocre, et dans la 
Prusse orientale, que la Russie avait envahie au 
mois d'août, les récoltes n’ont pu être achevées. 
L'Allemagne est obligée d'acheter au dehors, 
pour une partie notable de sa population, ce qui 
est nécessaire pour qu’elle ne meure pas de faim, 
et les arrivages sont en ce moment singulière- 
ment réduits. 

Les provisions de blé s’épuisent. On recom- 
mande déjà de manger le moins de pain possi- 
ble, on interdit la fabrication des pâtisseries et 
des gâteaux, et on a constitué à Berlin une 
société dite des « céréales de guerre », chargée 
de régulariser la consommation. 

Puis on a fixé un maximum pour empêcher les 
spéculations, et le Gouvernement s’est décidé 
finalement à proclamer le monopole d'Etat en 
allouant à chaque habitant 2 kilogs par semaine. 

Le seigle est presque aussi rare que le blé et 
l’orge fait défaut. Le prix du maïs a doublé, le 
riz est presque introuvable. Le prix des légumes 
augmente. Quoique l'Allemagne produise beau- 
coup de pommes de terre, on recommande de 
ne pas les éplucher et on va probablement aussi 
organiser un monopole d’Etat.On invite les habi- 
tants à ne pas laisser le moindre bout de champ 
ou de jardin inutilisé; on plante des légumes 
dans les terrains urbains non bâtis, comme dans 
les landes et les friches; les cultivateurs rem- 
placent les betteraves par d’autres cultures pou- 
vant servir à l’alimentation. 

On va manquer de nourriture pour lesanimaux, 
car on recevait beaucoup de fourrages de l’étran- 
ger. Le Berliner Lokal Anzeiger donnait récem- 
mentun article qui portait ce titre significatif : 
Das drohende Futternot in Berlin. 


G. BLONDEL. 


ÉPUISEMENT DE L'ALLEMAGNE 11: 


C'est la pénurie de fourrage qui explique que 
le prix de la viande a peu augmenté, car on à 
tué beaucoup d'animaux. On à 
toirs, pendant le mois d'octobre dernier, 92.012 
bœufs et 487.476 pores, au lieu de 61.922 et 
394.551 pendant le mois d'octobre 1913. 

Ces faits provoquent beaucoup de mécontente- 
ment dans les classes populaires. Et malgré les 
efforts du Gouvernement pour tromper l'opinion 
publique, on se demande si l'Empereur n’a pas 
entraîné l'Allemagne dans une inquiétante aven- 
ture. 


mené aux abat- 


III 


La disette de métaux est plus grave encore. 
La guerre coûte très cher : près d’un milliard et 
demi de marks par mois. Si on réussit à acheter 
au dehors bien des choses, il faut les payer ordi- 
nairement en or, et les payer fort cher. 

Sans doute l'Allemagne avaitpréparé avec soin 
sa mobilisation financière. Après avoir obtenu 
pour l'accroissement deses effectifs de gros relè- 
vements de crédits, elle avait fait voter la contri- 
bution exceptionnelle connue sous le nom de 
IWVehrbeitrag qui, dès l’été dernier, lui avait 
donné plus d’un milliard de marks. Le Gouver- 
nement impérial avait en outre fait procéder à 
une frappe supplémentaire de monnaie, en 
même lemps qu'il avait augmenté la monnaie 
fiduciaire dans de fortes proportions. La Banque 
d'Empire s'est ingéniée depuis le mois de juillet 
à faire aflluer dans ses caisses l’or qui se trou- 
vait chez les particuliers ; son encaisse dépasse 
actuellement 2 milliards de marks (on sait que 
celui de la Banque de France est de 4 milliards). 
On avait aussi créé des caisses de prêts, autori- 
sées, pour se constituer un capital, à émettre des 
billets que la Reichsbank a été contrainte à rece- 
voir. Ce grand établissement a émis à son tour 
des bons de caisse impériale. La situation moné- 
taire n’eu est pas moins défectueuse. Elle a pour 
conséquence une forte dépréciation du mark, qui 
a perdu 12°/, de sa valeur. On s’est, par un em- 
prunt, procuré 4 milliards en recourant à une 
énorme pression. (Une bonne partie de cet em- 
prunt a été souscrite par les caisses d'épargne 
et les caisses de prêts.) On met en ce moment la 
main sur tout l'or qu'on peut se procurer, on va 
jusqu'à fouiller les voyageurs venant des pays 
neutres pour les obliger à échanger contre des 
billets l’or ou l'argent dont ils sont porteurs. La 
situation s'aggrave de jour en jour. 

Le fer n’est pas moins utile à l'Allemagne que 
l'or, et elle en trouve dans notre bassin français 
de Briey. Mais le cuivre manquera prochaine- 
ment. On confisque tousles objets en cuivre sur 


lesquels on peut mettre la main; on s'est emparé 
en Belgique et dans nos départements du nord 
des ustensiles de cuisine, de la plupart des appa- 
reils et même des œuvres d'art fabriqués avec ce 
métal. Le plomb aussi est devenu rare; on prend 
des « planches » chez les imprimeurs. Il n'y à 
plus de nickel ni d'aluminium. Si on a trouvé le 
moyen de fabriquer des explosifs avec du chlo- 
‘ate de potasse, le manque de nitrate et de sal- 
pêtre est une gène considérable. L'Allemagne ne 
peut plus compter sur le pétrole de la Galicie ; 
elle n'en recoit de Roumanie que de faibles 
quantités. 

Le manque de matières premières réagit sur 
beaucoup d'industries. La métallurgie qui tra- 
vaille pour la guerre est très active, mais ce sont 
les grandes maisons seules qui sont largement 
occupées. L'industrie minière ne peut donner, 
faute de bras, que les 2/3 de sa production. On 
fabrique du drap pour les troupes, mais l’indus- 
trie textile, qui occupe un grand nombre de fem- 
mes, est paralysée dans plusieurs régions par le 
manque de laine et de coton. L'industrie sucrière 
traverse une période critique, car une bonne par- 
tie de sa production était vendue aux Anglais. Une 
foule d'industries (porcelaine, jouet, librairie) 
sont dans le marasme. 


Le commerce, le commerce extérieur surtout, 
souffre encore davantage. Les trois quarts du 
commerce extérieur de l’Allemagne se faisaient 
par mer. Que peut-il er rester? Les transports 
qui se font encore dans la mer Baltique ne peu- 
vent dédommager les grandes compagnies de 
navigation des pertes qu'elles ont subies. La vie 
à Hambourg est paralysée. Le commerce inté- 
rieur, quoi que prétendent les journaux, laisse 
aussi fort à désirer. L'auteur d’un intéressant 
article de la revue Die neue Zeit avouait dernie- 
rement, à propos de la crise du bâtiment, que 
plus lä guerre se prolongeait, plus la situation de 
l'Allemagne devenait inquiétante (Je länger der 
Krieg dauert,um so trüber zeigt sich die Zukunft). 
Il prévoyait aussi qu’une partie des classes po- 
pulaires tomberait dans la misère. 


Ne nous faisons cependant pas trep d’illu- 
sions. L'Allemagne n’est pas encore à bout de 
forces. Le publiciste américain qui a fait une en- 
quête sur les forces militaires de l’Empire estime 
qu'il avait, l’été dernier, accumulé des provi- 
sions pour une durée de 8 à 10 mois. L'occupa- 
tion de la Belgique et de nos riches départements 
du nord prolongera de 2 mois au moins sa résis- 
tance. C’est done seulement en juin ou juillet 
que l'Allemagne, si les neutres se montrent fer- 
mes, sera vraiment très gênée. 


116 D. ZOLLA. — REVUE D'AGRONOMIE 


EN 


Ces constatations sont propres à nous récon- 
forter. Si la situation dans laquelle se trouvent 
nos populations du Nord est profondément aflli- 
geante, nous pouvons du moins nous dire que 
les forces de l'Allemagne diminuent plus vite que 
celles des Alliés. Chaque jour qui se passe est un 
avantage pour nous, une cause d’affaiblissement 
pour nos ennemis. La lecture de leurs journaux 
prouve à quel point ils sont irrités et inquiets. 
La prolongation des hostilités contribue à mettre 
en lumière leurs idées et leurs ambitions. Elle 
attire l'attention du monde civilisé tout entier 


sur leurs odieuses doctrines et.leurs procédés 
abominables. Elle prépare une paix plus solide, 
elle nous achemine plus sûrement vers cet équi- 
libre nouveau qui rendra la sécurité à l'Europe 
angoissée. 

La victoire que nous attendons tous avec con- 
fiance aura des effets d'autant plus durables que 
nos ennemis seront plus épuisés. Elle sera d’au- 
tant plus réconfortante, qu’elle sera le triomphe 
de la justice et du droit. 


Georges Blondel, 
Professeur à l’Ecole des Sciences 
politiques. 


REVUE D'AGRONOMIE 


[. — LA FATIGUE DU SOL ET SA STÉRILISATION 
S 1. — La fatigue du sol 


La productivité du sol dépend à coup sür de 
plusieurs faits que l’on est parvenu à déterminer 
et dont on a précisé successivement l’action. On 
peut citer: la constitution physique du sol, sa ri- 
chesse en éléments utiles capables d’être trans- 
formés, puis assimilés par les végétaux, l’activité 
chimique et microbienne de la terre arable, et 
les conditions atmosphériques qui agissent direc- 
tement sur l'état des sols ou sur les parties 
aériennes des végétaux. 

La /utigue des terres correspond bien à leur 
improductivité, mais c'est une improduclivité 
relative où momentanée : relative à une plante 
déterminée, et passagère, en ce sens que la fati- 
gue disparaît au bout de quelque temps, soit 
après une période de repos, sans culture, soit 
après l’incorporation au sol de certaines substan- 
ces qui lui rendent sa productivité, sans qu'on 
puisse affirmer qu’elles corrigent son épuise- 
ment en matériaux utiles. 

La fatigue est donc distincte de l’épuisement, 
distincte aussi de l’insuflisance de l'humidité ou 
même de l’aération. Les choses se passent comme 
si la terre subissait l'influence d’un poison dont 
l’action serait sensible à l'égard de certaines 
plantes et à peu près nulle à l'égard des autres. 
On a pu cultiver du mêmes 
terres pendant quinze ou vingt ans sans que le 
sol parût fatigué. D'autres plantes, comme les 
légumineuses, ne peuvent pas donner des résul- 
tats indéfiniment sur les mêmes champs! Il est 
alors nécessaire de retourner, par exemple, les 
vieilles luzernes, au bout de 4, 5, 6 ans et de 
laisser la terre se « reposer » avant de lui faire 


froment sur les 


porter à nouveau de la luzerne. On a observé 
que, sur les terres qui n'avaient jamais produit de 
la luzerne, cette légumineuse était capable de 
prospérer pendant 8 ou 10 ans, tandis que dans 
la suite la durée normale des luzernières devait 
être abaïssée à 4 ou 5 ans seulement. La légumi- 
neuse parait laisser dans le sol des résidus toxi- 
ques; cette toxicité est toute relative, puisque 
le blé, les betteraves, etc., donnent des récoltes 
abondantes sur la même parcelle en succédant 
immédiatement à la légumineuse. 

On connait l'expérience de Pouget et Chouchak 
qui a mis en évidence la fatigue des terres de 
luzernières. Ces deux auteurs (1907) ont lavé ces 
terres avec de l’eau distillée, de façon à séparer 
les toxines qui pouvaient s’y rencontrer. Ils ont 
ensuite évaporé le produit du lavage, sans dépas- 
ser la température de 40°, et, du produit ou 
extrait obtenu, ils ont fait deux parts. La pre- 
mière, non traitée, renfermait par suite toutes les 
substances organiques et les toxines contenues 
dans la terre de luzerne ; la seconde, calcinée, ne 
pouvait renfermer que des cendres, les matières 
organiques étant détruites. Or, quand on ajoute 
à une terre qui n’a pas porté de luzerne le 
produit intact du lavage, et qu’on lui fait porter 
précisément une récolte de cette légumineuse, 
la production est médiocre et reste bien infé- 
rieure à celle que l’on obtient en incorporant 4 
la même résidu calcine. Les matières 
organiques que renferme la terre d’une vieille 
luzernière constituent donc un poison pour cette 
plante ! 

En est-il de même dans d’autres cas et pour 
d’autres végétaux ? Certains auteurs l’affirment 
sans hésitation. Le Professeur Whitney, direc- 
teur du Bureau des Sols à Washington, a fait, 


terre le 


D. ZOLLA. — REVUE D'AGRONOMIE 117 


pour éclairer ce problème, des expériences reten- 
tissantes. 

Il combat l'opinion généralement acceptée et 
qui rattache la fertilité du sol à la présence ou à 
l'absence d’une quantité suffisante de matériaux 
utiles à la vie des plantes. Ainsi, pour prouver 
que les terres ne sont pas épuisees quand elles 
paraissent fatiguces, l'auteur cite les faits sui- 
vants : 

Un pot contenant une livre de terre porte six 
plants de blé en plein développement. En lais- 
sant ces plants de blé se développer librement 
pendant trois semaines, puis en les coupant pour 
les remplacer immédiatement par six autres 
plants, on verrait que le développement de cette 
seconde récolte serait moitié moindre que pour 
la première. La terre contenue dans le pot n’est 
pourtant pas épuisée, et, pour ie prouver, le Pro- 
fesseur Whitney soutient que les matériaux 
nutritifs ajoutés en vue de corriger le prétendu 
épuisement du sol ne permettent pas d'obtenir 
une seconde récolte égale à la première, si les 
plantes cultivées successivement sont de même es- 
pèce et si les récoltes se succèdent immédiatement. 

La raison de ce fait serait la présence de 
toxines sécrétées probablement par les racines 
et nuisibles aux plantes de la même espèce végé- 
tant sur le même sol. 

Notre collègue M. Dumont a montré, lui aussi, 
que la fatigue d’une terre ne correspond pas 
toujours à une insuffisance des éléments fertili- 
sants capables d'alimenter les plantes. Voici, 
par exemple, les résultats de l'analyse de deux 
terres, l’une fatiguée et l’autre productive : 


TancEau I 
Cr IQ TERRE TERRE 
ÉLÉMENTS fatiguce productive 
AOL EE ET iraoeete 16,95 14,38 
Acide phosphorique..... 8,10 8,26 
BOTASSÉ EE Rss. de : 3,60 3,50 
CAE LR : 46,65 40,32 


Il est clair que la terre devenue improductive 
par suite de fatigue est plus riche que la seconde 
dont la productivité n’a pas décliné! 

M. André prévient ses lecteurs contre l’exagé- 
ration des influences toxiques sur la fatigue des 
sols!, et il ajoute : « Cette exagération a porté 
certains auteurs à défendre cette idée que l’em- 
ploi des engrais était destiné, moins à nourrir 
les plantes, qu'à détruire dans le sol les matières 


1. ANDRÉ : Chimie agricole. Chimie du sol, — 1 vol, chez 
J. B. Baïllière, Paris, 1913, p. 489. 


vénéneuses produites par elles. Une pareille opi- 
nion nous semble difficile à soutenir.etles preu- 
ves expérimentales que l’on a fournies parfois à 
cet égard sont assez fragiles... Le sujet mérite 
néanmoins une étude approfondie. » 

Et précisément l’auteur cite des faits qui pa- 
raissent confirmer l'hypothèse d’une action anti- 
toxique exercée par certaines substances. 

Ainsi, l’on sait que l’addilion à certains sols 
de sels de fer, ou mieux de manganèse, produit 
une augmentation notable de récolte, Que ces 
sels métalliques jouent le rôle decoferments dans 
la constitution de certaines diastases dont ils 
renforcent ou provoquent l’action, la chose ne 
saurait être niée, depuis les travaux de G. Ber- 
trand notamment,mais on peut aussi se deman- 
der si ces sels — auxquels on pourrait ajouter 
les sels de zinc et l'acide borique, capables à 
l’état de traces de stimuler la végétation — n'in- 
terviendraient pas d’une façon plus ou moins 
directe en qualité d’antitoxiques!. 

C'est là un point de vue spécial et en partie 
nouveau qu'il était bon de signaler. 

Dans une étude intéressante qui a pour titre : 
La stérilisation des sols, M. E. Miège, chef de 
travaux à l'Ecole nationale d'Agriculture de Ren- 
nes, a relevé un grand nombre de travaux qui 
peuvent confirmer, par leurs conclusions, l’hy- 
pothèse de l'intoxication du sol?. 

Brugman, Plenck, de Humboldt,Liebig admet- 
taient, dit-il, des excreta végétaux. Macaire a 
vu que les haricots languissent dans de l’eau qui 
renferme la matière préalablement exsudée par 
les racines d’autres haricots, tandis que le blé 
prospérait dans cette même eau. De Candolle, et 
depuis de nombreux savants ont repris l’étude 
de cette question et sont parvenus aux mêmes 
constatations. Tout le monde sait que les racines 
et les micro-organismes du sol dégagent de 
l’'anhydride carbonique, mais certains expéri- 
mentateurs estiment qu'on trouve d'autres pro- 
duits de leur activité. L’excrétion des diastases, 
indiquée déjà par Molish et par Laurent (1887), 
a êté vérifiée; Raciborsky a montré la diffusion 
de peroxydiastases par la graine en germina- 
tion, de même que Gain et Brocq-Rousseu# ont 
constaté avec des fèves et des marrons d'Inde, 
et en s’entourant de toutes les précautions dési- 
rables, que les poils absorbants exosmosent 
des peroxydases. Schreiner et Reed ont égale- 
ment montré que les poils absorbants des raci- 
nes des plantes en croissance possèdent un 


l 
2. Mièce : loc. cit., p. 13. 
3. C.R. Ac. Sc. Paris, 1910, p. 1610. 


118 D. ZOLLA. — REVUE D'AGRONOMIE 


pouvoir oxydant extra-cellulaire, qui serait dû 
à l’activité d'une peroxydase produite par les 
racines. 

Ces recherches ne sont pas étrangères à la ques- 
tion de la fatigue des terres, parce que les excreta 
dont nous venons de parler pourraient fort bien 
être nuisibles à l'égard des vegetaux qui les ont 
produits. 

L'année dernière, Perilwin !, de Moscou, aflir- 
mait l'existence de toxines dans les terres por- 
tant des récoltes successives d'une même plante, 
et, suivant lui, l'alternance des récoltes et l'in- 
corporation de fumures nouvelles ne sont pas 
toujours capables de lutter contre l'influence 
nocive des poisons du sol. Ces poisons seraient 
produits par la décomposition des résidus radi- 
culaires plutôt que par une excrétion véritable. 

M. André cite? un certain nombre de sub- 
stances toxiques qui ont été isolées du sol. C’est 
ainsi que Schreiner et Shorey ont trouvé de 
l'acide picoline-carbonique (CH$CSHSN.CO?H) 
dans une terre riche, mais improductive. Cet 
acide serait toxique à l’égard des semences de 
blé. Les mêmes auteurs ont isolé de l'acide 
dioxystéarique (C'8H%60*). Dans une terre du 
Tenessee(Etats-Unis),on en aurait trouvé0 gr.05 
par kilog de terre. Or cet acide est toxique pour 
les grains de blé. 

M. André cite encore les recherches de Schrei- 
ner et Sullivan (1909), qui ont trouvé dans la 
terre d'un champ, longtemps cultivé en fèves, 
une substance cristalline vénéneuse à l'égard de 
cette légumineuse. 

Ilest clair que l’action de ces poisons amène ou 
accroit la fatigue des terres qui est, en mème 
temps, produite par d’autres causes. Parmi ces 
causes figure notamment l'activité bactérienne 
du sol, ralentie, semble-t-il, par la culture con- 
tinue d’une même plante. 

Enfin la fatigue du sol pourrait encore être at- 
tribuée à la multiplication de bactéries nuisibles, 
parasites de micro-organismes utiles, tels que 
fixatrices ou 


les bactéries transformatrices 


d'azote. 


$ 2. — Les expériences de stérilisation des sols 


1. Premières recherches. — On s’est demandé 
sila stérilisation des sols ne serait pas capable de 
lutter contre les toxines et les micro-organismes 
nuisibles. La pratique de l'écobuage, qui con- 
siste dans l'incinération lente de la couche su- 
perficielle du sol, devrait son efficacité reconnue 
à la destruction, par la chaleur, des susbstances 


1. Zsvertia moshov. selskok. Instit, moscova, 1913. 
2. ANDRÉ : loc. cit., p. 491. 


ou organismes qui provoquent l'apparition de la 
fatigue du sol. 

Les antiseptiques eux-mêmes exercent une 
action dès à présent connue. Aimé Girard a 
montré que l’incorporation au sol du sulfure de 
carbone détermine une augmentation de récolte, 
augmentation s'élevant à un tiers pour la pomme 
deterre, à la moitié pour le blé, et aux deux tiers 
pour le trèfle. On cite les essais suivants de 
Russel et Golding sur l’action de sulfure de car- 
bone injecté dans des terres portant des navets: 


Récoltes 
Parcelleftémoin, Arr rer ere 29 k. 6 
Parcelle écobuée........ 03516 


Parcelle avec sulfure de carbone... 36 k. 5 


On attribue également au pouvoir antiseptique 
du soufre son action désormais bien établie sur 
la végétation. 

La chaux elle-même serait également un anti- 
septique et agirait de cette façon et non comme 
aliment ou comme base capable de saturer les 
acides du sol en favorisant la nitrification. 
M. Miège a montré que sur des terres fortes la 
chaux permet d'obtenir des excédents de ré- 
colte plus considérables queles engrais complets. 
Voici un tableau qui résume les résultats de ces 
essais pour le sarrasin : 


Tagreau Il 


ANNÉES 
EE EL 


1909 1910 


nt 


Grain Paille | Grain | Paille Grain 


.200 


| 3.300 

.310! 1.370! 4.720 

.400! 1,160! 2,650 

660! 1.240! 2.980 

.780! 1.300! 3.540 

.980| 1.430! 3.700 
.810 » » 


1.090 
1.160 
0,800 
1.040 
0.920 
1.520 
1.090 


Témoin . 841) 
Engrais complet 
Sans azote 

Sans polasse ... 
Sans P205:.... 
Chaux 
Manganèse..... 


D 1 © & © 


12 


On a constaté qu’à petites doses soigneuse- 
ment déterminées la plupart des substances toxi- 
ques, telles que le nitrate d'argent, le fluorure de 
sodium, le chlorure de baryum, le chlorure de 
sodium jouent probablement le rôle d’anti- 
septiquesetstimulent la végétation .Le bichlorure 
de mercure, le sulfate de cuivre, le lysol, l’acide 
sulfurique n’exercent pas seulement une action 
sur les germes des champignons provoquant les 
maladies cryptogamiques ; on leur attribue une 
influence heureuse — à doses convenables — 
sur la germination des plantes cultivées, et 


D. ZOLLA. — REVUE D'AGRONOMIE 


119 


notamment ils la régularisent (essais de Bréal et 
Giustiniani en 1905). 


2, Expériences de M. Miège.—M.Miège, chef de 
travaux à l'Ecole d'Agriculture de Rennes, a fait 
récemment des essais intéressants sur la stérili- 
sation des sols arables par l'emploi des anti- 
septiques. Les expériences instituées ont porté 
sur la moutarde etl’orge cultivées, soit dans des 
caisses, soiten pleine terre. D'après l’auteur que 
nous citons, les résultats obtenus en 1912 et 
1912-1913 ont été les suivants 

a) Essais avec culture en caisses. — Sur la 
moutarde, le toluène à fourni les plus forts ren- 
dements en grain et en paille ; le sulfure de car- 
bone vient ensuite, bien que l’aldéhyde formique 
se soit montré, à faibles doses, plus actifque lui; 
le goudron et le chloroforme ont eu des effets à 
peu près semblables et toujours bienfaisants, le 
premier paraissant surtout agir sur la paille; 
l'acide phénique a été plutôt avantageux, tandis 
que l’action du sulfate de cuivre a été mauvaise, 
même en employant des quantités très faibles. 
Enfin, l’éther acétique et le sublimé ont agi à 
peu près de la même façon. 

D'autre part, la baryte, le naphtol et la créo- 
sote ont été franchement nuisibles. 

Sur l'orge, l'influence respective des antisepti- 
ques a peu varié. C’est encore le toluène qui a 
donné les meilleurs résultats, puis viennent 
ensuite le sulfure de carbone, l’aldéhyde formi- 
que, le chloroforme et le goudron. L’acide phé- 
nique à très petites doses s’est montré avanta- 
geux, mais est devenu vénéneux dès que ces doses 
atteignaient 2 grammes par caisse'. Le sulfate de 
cuivre se comporte de la même façon. 

Quant aux autres substances, elles sont nette- 
ment nocives, particulièrement le naphtol, la 
baryte et la créosote. Dans les limites de l’expé- 
rience, l'influence favorable du toluène, du sul- 
fure de carbone et du chloroforme est propor- 
tionnelle aux quantités employées, tandis qu'elle 
s'arrête dès que celles-ci atteignent 10 cc. pour 
le goudron et l'aldéhyde formique. 

b) Essais en pleine terre. — Dans l'ensemble, 
les résultats sont de même nature en pleins 
champs qu'en caisses, mais il existe cependant 
quelques différences. Sur les moutardes. c'est 
encore le {o/uène qui a donné les meilleurs résul- 
tats, mais toutes les autres substances ont été 
favorables ; et plus ou moins, selon les doses 
utilisées. Pour le toluène, le sulfure de carbone 
et l’aldéhyde formique, les excédents sont plus 


1 Caisse de 0 m. 43 sur 0 m. 43, dépourvue de fond et 
enfermée dans le sol en plein air, 


élevés avecles doses moyennes, mais pour l'acide 
phénique et le sulfate de cuivre, les quantités les 
plus petites sont les meilleures (5 gr.). 

IL est à remarquer que le sulfate de cuivre s'est 
montré avantageux pour la moutarde en pleine 
terre, tandis qu'il était nuisible pour la même 
plante en caisse. L'arséniate de soude et liodure 
de potassium ont été légèrement déprimants, 
sauf dans la proportion de 10 grammes où ils 
ont augmenté quelque peu les rendements. Les 
nitrites se sont également montrés favorables, 
sauf à la dose maxima de 20 grammes par par- 
celle. 

Pour l'orge, les résultats sont semblables, mais 
cette plante parait plus sensible que la moutarde 
à l'action des antiseptiques. C'est encore le 
toluène qui a fourni les meilleurs rendements, 
puis le sulfure de carbone, le premier aux doses 
les plus fortes, le deuxième aux doses moyennes. 
L'aldéhyde formique, l’acide phénique, le sul- 
fate de cuivre ne se sont montrés avantageux 
qu'en proportions très faibles. L'iodure de 
potassium a été utile ainsi que les nitrites. 

Les effets du sulfate de cuivre ont été moins 
satisfaisants que pour la moutarde, et, à des 
doses plus fortes que 10 grammes, ils ont été 
défavorables. De plus, ils paraissent agir plus 
fortement sur les rendements en paille que sur 
la récolte en grains. 

Tous ces faits, assez surprenants au premier 
abord, sont à coup sûr fort instructifs. Il est 
établi, tout au moins par cette série d'essais, 
que, dans les conditions où s’est placé M. Miège, 
certains antiseptiques employés à faibles doses 
peuvent fournir des excédents de rendement 
dépassant parfois 100°/,. L'auteur à d'ailleurs 
raison d'ajouter : 

« Il reste encore à déterminer le mode d’action 
de ces substances et les conditions les plus avan- 
tageuses de leur emploi dans des situations 
variées et pour des plantes différentes. 

« Néanmoins, comme on a pu le voir par ces 
premiers résultats, obtenus après des essais en 
pleine terre qui se rapprochent le plus possible 
des exigences de la pratique agricole, il est per- 
mis d’entrevoir la possibilité de l’utilisation des 
antiseptiques dans les jardins ou dans Îles 
fermes. » 

[l resterait maintenant à expliquer les modes 
d'action des antiseptiques, et, d’une façon plus 
générale encore, les raisons qui rendent eflicace 
la sténilisation du sol. Ce problème est encore 
assez obseur. Nous connaissons seulement la 
résultante et non point les faits multiples qui la 
déterminent, On pourrait, d'après M. Miège, 


120 D. ZOLLA. — REVUE D’AGRONOMIE 


ramener à trois les actions de la stérilisation sur 
la productivité du sol : 

1° L'action serait exclusivement destructive, 
c'est-à-dire antiparasilaire. 

20 Elle serait chimique : 

Soit en solubilisant certains composés du sol 
et en les rendant plus assimilables ; 

Soit en favorisant la fixation ou la minéralisa- 
tion de l'azote par suractivité microbienne; 

Soit en réduisant le milieu souterrain ou en 
libérant l'azote qu’il renferme et que des bac- 
téries pourraient fixer ensuite dans une autre 
forme. 

3° Elle serait biologique : 

Soit en favorisant, comme les substances 
catalytiques ou comme les hormones et les anes- 
thésiques, les phénomènes distasiques des vé- 
gétaux supérieurs et inférieurs, en stimulant 
leur activité fonctionnelle; 

Soit en neutralisant les toxines excrétées par 
les plantes ou les bactéries: 

Soit en fournissant, directement ou non, des 
aliments aux plantes, ou en favorisant leur déve- 
loppement et celui des microorganismes utiles. 


3. Expériences de M. Rolet à propos de l'em- 
ploi du sulfure de carbone. — M. Rolet, 
professeur à l'Ecole d'Agriculture d'Antibes, 
vient précisément de faire un essai sur l’em- 
ploi du sulfure de carbone pour désinfecter des 
sols fatigués qui portent des cultures florales. 
Ici l’action ‘de l’antiseptique est durable. Elle 
s’exerce contre les insectes, les cryptogames et 
contre la fatisue due aux toxines qui peuvent 
réduire la productivité de la terre arable. Il y a 
lieu de tenir compte à la fois de la nature du sol, 
compact ou léger, et de la plante cultivée pour 
varier les doses. Celles-ci passent de 200 kilo- 
grammes à 3.800 kilogrammes par hectare, ou 
par mètre carré de 20 à 380 grammes. La moyenne 
peut être de 100 grammes. Dans les sols légers 
la diffusion du sulfure est plus aisée, et son 
action plus prompte. La dose employée doit être 
également plus faible que dans les terres com- 
pactes. Les applications sont faites en sol nu, 
au printemps ou à l’automne, un peu avant les 
semis ou les plantations. 

On ne saurait se dispenser, cela est clair, de 
veiller à ne pas nuire aux plantes qui végéteront 
dans la terre injectée avec du sulfure de car- 
bone. 

Dans le but de les ménager, on ne sème que 
45 ou 20 jours après le traitement. La tolérance 
des végétaux est pourtant curieuse. M. Rolet cite 
l'exemple de tomates qui, transplantées deux 
jours seulement après incorporation au sol d’une 


4 


dose de 200 grammes par mètre carré, n’ont pas 
souffert et se sont développées d'une facon nor- 
male. Bien mieux, il est possible de procéder à 
un traitement lorsque les végétaux occupent 
encore le sol, si l'on est obligé d’enrayer le 
développement d’une race d'insectes ou d’une 
maladie cryptogamique. On opère alors à une 
certaine distance des racines, car l'introduction 
du sulfure de carbone a souvent pour effet de 
nuire à la vie végélative. Cependant M. Rolet dit à 
ce propos : « En général, les plantes sont plus 
résistantes qu'on ne le croit. Ainsi, on a constaté 
que 200 et même 400 grammes par mètre carré 
appliqués sur des œillets en végétation n'ont 
entrainé qu’un léger flétrissement des plantes, 
malaise qui disparait d’ailleurs à la suite d’un 
premier arrosage. Des salades furent à peine 
flétries quelque peu après avoir reçu 100 gram- 
mes de sulfure par mètre carré. Il y a lieu de 
supposer que les jeunes plants nouvellement 
mis en place doivent être plus sensibles. Toute- 
fois, 100 grammes appliqués à de jeunes œillets 
trois jours après leur plantation n'eurent pas 
d'effets nuisibles. Des tomates, des céleris, 
plantés depuis 4 ou à jours, supportent bien 
10 grammes par mètre carré !. » 

Quant à l'incorporation du sulfure au sol, elle 
est obtenue à l'aide d'un pal injecteur qui 
donne, par exemple, à chaque coup de pompe 
10 cc., ou bien de capsules gélatineuses conte- 
nant 2, 3,etc., grammes de sulfure etintroduites 
dans la terre au moyen d'un simple piquet de 
bois. 

Tous ces détails montrent bien que l'emploi 
d’un antiseptique tel que le sulfure de carbone 
estentré dès à présent dans la pratique horticole. 

Ilest vrai que le prix de revient d’un traite- 
ment peut s'élever à 500 ou 600 francs par hec- 
tare à cause des frais de main-d'œuvre et du 
prix considérable du sulfure. Toutefois, quand il 
s'agit de cultures maraîchères ou florales, cette 
dépense — qui ne se renouvelle pas — n’est pas 
trup élevée. 


IT. — [ACTION FERTILISANTE DU SOUFRE 
SUR LA VIGNE 


Notre collègue, M. Chauzit, professeur d'Agri- 
culture à Villefranche (Rhône), a faitrécemment 
des essais sur l’action fertilisante du soufre. Ces 
essais se rapportent à la vigne. Ils présentent un 
intérêt général et se rattachent, en outre, à la 
question traitée plus haut de l'emploi des anti- 
septiques. 


1. Rouet: Journ. d'Agriculture pralique, n° du 15 jan- 
vier 1914, 


D. ZOLLA. — REVUE D'AGRONOMIE 121 


L'auteur avait disposé son expérience de façon 
à mettre en lumière: 1° l'action du soufre surdes 
terres n'ayant pasrecçu de fumier depuis plusieurs 
années (2 à 5 ans), et renfermant, par suite, peu 
de matière organique ; 2° l’action du soufre mé- 
langé ou non au fumier, et employé à des doses 
variables. 

Les résultats relatifs à la première série d’es- 
sais sont consignés dans le tableau suivant : 


Taszeau III 


| RENDEMENT E Es 
2 . on hectolitres | 5 | $S= 
TEMPS ÉCOULÉ F; 2% | £ES 
L par hectare no oo 
depuis CS EE 

A te ES s =; æ: © 
la dernière fumure E = = ne 
sans avec 8 3 207 
soufre soufre « <T 
7 
PRET RES EUE ONE del 00 581400081200 
5) ÉNO OS VÉCNNMRR Se 000) Ie AU MIEL 4,6 8,4 
HÉANLSE AS 2 ee EN IE 12 NT. 3,9 
ATAD SM 0e Mec ete 42,2 | 44,8 2,0 6,2 
LAONE AT RRERR 183920184270 2,8 7,2 
BEN des lee aie 41,942 11 0,8 1,9 


La décroissance rapide des rendements à me- 
sure que la fumure est plus ancienne nous mon- 
tre clairement l'utilité de la matière organique. 
En outre, l’action du soufre reste bien visible 
dans tous les cas. 

Voici maintenantle résumé des résultats rela- 
tifs au mode d'emploi du soufre et aux doses 
qui paraissent exercer l’action la plus efficace : 


Tasceau IV 


RENDEMENT n 
en heetelitres È E 
par hectare ES £ 
a p> 
aus = 
ee  — 332 3 
sans avec DE = PCA 
soufre soufre CRE) 
Soufre mis par-dessus 
le fumier à raison de 
200 kilogs par hect. : 
4er champ d'essai ...... 47,52] 53,76! 6,24| 13,13 
2e EM DAS UM 45,60! 50,72] 5.12| 9,20 
3e ES SEX JRESE 46,08! 52.,96| 6,88| 14,94 
Soufre intimement mé- 
langé au fumier à rai- 
son de 200 kilogs à 
PhÉCLARE ACTE .| 55,95! 66,48| 10,52| 18,72 
Soufre intimement mé- 
langé au fumier à rai- 
son de 400 kilogs à 
l'hectare : 
1er champ d'essai... ....| 56,56| 76,72| 20,16| 35,64 
2e — arabe 59,60| 78.,68| 19,08| 32,01 


M. Chauzit concluten ces termes : 

1° Le soufre a une action d'autant plus forte 
que la quantité de matières organiques disponi- 
bles dans le sol est plus élevée. Lorsque la quan- 
tité de matières organiques décroit, l'effet du 
soufre diminue, pour être quasi nul lorsque les 
matières organiques n'existent pas; 

2 L'action du soufre est d’autant plus mani- 
feste que ce dernier est incorporé à la masse or- 
ganique sur laquelle il doit agir ; 

3° Le rendement augmente à mesure que la 
quantité de soufre employé est plus grande. 

Ce sont là des résultats précis et d'un singulier 
intérêt, pour la plupart de nos viticulteurs. Nous 
disons : la plupart, car il faut assurément tenir 
compte de deux faits : 1° de la nature des sols 
qui exerce certainement une influence sur lefli- 
cacité du soufre ; 2° des résultats économiques, 
c'est-à-dire de la différence entre les frais et les 
receltes correspondantes. 


III. — La CULTURE MÉCANIQUE AU POINT DE VUE 
DE L'AGRONOMIE 


On a fait depuis deux ans de très nombreux 
essais de culture mécanique, soit avec des appa- 
reils qui façonnent le sol entrainant simplement 
les instruments ordinaires tracteurs), soit avec 
des appareils qui font corps avec l'outil chargé 
d'exécuter le labour, le hersage, etc. Des per- 
fectionnements récents apportés aux deux genres 
de machines agricoles ont permis de les faire tra- 
vailler dans les grandes exploitations, les seules 
d’ailleurs où leur place fut marquée. L'expérience 
a montré quel pouvait être l'avantage de leur 
emploi au point de vue spécial de la bonne pré- 
paration de certaines terres. 

Tout dernièrement, un excellent praticien des 
environs de Paris signalait l'importance de la 
rapide exécution des façons culturales dans la 
ferme qu'il dirige à Champagne. La terre arable 
est argilo-calcaire, et comme la proportion d’ar- 
gile augmente avec la profondeur, les labours 
faits depuis longtemps avec de puissantes char- 
rues ont ramené à la surface et incorporé à la 
couche arable une plus grande quantité d'argile. 
Les mottes qui se forment passent de l’état de 
masse plastique à celui de blocs très durs que 
l’on ne peut alors briser et émietter. 

Pour obtenir le succès des façons culturales 
il faut saisir le moment opportun, lorsque la 
terre est assez ferme pour être retournée et 
ameublie, sans être encore trop dure. Cette 
nécessité de profiter rapidement d'un bon état 
physique a rendu très utiles les instruments à 
traction mécanique, qui exécutent rapidement la 


besogne et laissent disponibles les attelages 
pour d'autres travaux. Ainsi, après la moisson, 
les labours dits de déchaumage sont rapide- 
ment achevés à l’aide d’un « tracteur » fonction- 
nant par traction directe sur une charrue. Avec 
un seul homme, on peut travailler 10 hectares 
par jour. À l’automne, de fin septembre à fin 
octobre, ont lieu deslabours profonds qui enter- 
rent les fumiers apportés au même moment par 
les attelages. Or l'appareil mécanique employé, 
avec l’aide d’un mécanicien et de deux manœu- 
vres, remplace trois charrues, péngt-quatre bœufs 
et dix hommes. On voit de suite l’avantage au 
point de vue de la rapidité du travail et de l'uti- 
lisation possible de la main-d'œuvre ou des ani- 
maux, pendant que le tracteur fonctionne. 

Certains labours sont exécutés fin novembre 
et dans le courant de décembre. À ce moment 
la terre est lourde, compacte, et se travaille mal 
ordinairement. 

« Mais alors, dit M. Petit‘, en raison de la 
possibilité de disposer du tracteur à maguise et 
de la rapidité d'exécution des travaux, je préfère 
suspendre tout travail pour ne recommencer les 
derniers labours qu’au moment où la terre est 
suffisamment saine et se laisse bien travailler. 
De la sorte, plus de terres gâchées, plus jamais 
de ces bandes de labour qu'il fallait autrefois 
émietter à force de hersages et de roulages. » 

Les avantages de la culture mécanique sont 
ainsi révélés par un praticien en tenant compte 
de la bonne exécution des façons culturales. I 
fautassurément tenir pourcertains ces avantages, 
mais d’un autre côté nous sommes encore mal 
renseignés sur les inconvénients culturaux de 
l’emploi des lourdes machines substituées aux 
animaux. Le poids d'un appareil dépasse sou- 
vent 2.000 kg. Il tasse fortement le sol et nous ne 
savons pas comment lesplantess’accommoderont 
plus tard de cette modification physique de la 
terre arable. La circulation de l'air et de l’eau, 
l'allongement des radicelles, peuvent être com- 
plètement modifiés par le passage des instru- 
ments nouveaux. [l faudra que des expériences 
bien conduites nous éclairent sur les dangers ou 
sur l'innocuité des méthodes nouvelles. Jusque- 
là il est diflicile de se prononcer sur les résultats 
agronomiques de la culture mécanique. 

Voicimaintenantunautre problème à résoudre. 
Dans la communication signalée plus haut, 
M. Petit ajoutait: 

« Quelle répercussion la machine a-t-elle eue 
sur le cheptel de la ferme? 


/ 


1. Bulletin de la Soc. Nat. d'Agric., n° 5 de mai 1914, p. 527. 


122 D. ZOLLA. — REVUE D'AGRONOMIE 


« Autrefois avec 32 bœufs de trait les travaux 
étaient bien souvent en retard. Actuellement, 
avec 24 bœufs, toutes les façons culturales peu- 
vent être données au moment opportun. Tous les 
travaux pénibles sont faits par la machine; les 
bœufs n’exéeutent plus comme labours profonds 
que ceux des fourrières ou de quelques petites 
pièces dontla forme est trop contraire à la bonne 
utilisation du rendement de la machine... Les 
animaux conservent constamment un parfait élat 
de santé. Combien, dans ces conditions, leur 
engraissement devient plus facile! » 

C’est là assurément un résultat intéressant, 
mais en restant sur le terrain de l’agronomie, la 
réduction du nombre des animaux de trait fait 
prévoir une réduction équivalente d'engrais de 
ferme produit. D'autre part, faute d’un personnel 
suffisant et fidèle, beaucoup de cultivateurs 
diminuent leur cheptel de vaches laitières ou 
renoncent à l'élevage du mouton. En somme, la 
production du fumier de ferme tendrait à 
décroitre, et, par suite, la quantité de matière 
organique mise à la disposition des végétaux 
diminuerait aussi. N'est-ce pas là un danger? 

C’est ce que faisait remarquer un cultivateur, 
ingénieur agricole, M. Duval, qui disait à ce pro- 
pos! : «Dans beaucoup de fermes la production du 
fumier et, par suite, de la matière organique 
n’a cessé de diminuer depuis quelques années. 

« Quand l'emploi des engrais chimiques est 
devenu courant et que le commerce des pailles 
et des foins, en balles pressées notamment, a pris 
de l'extension, on s’est dit : nous allons faire 
un peu moins de fumier, nous vendrons du foin 
et de la paille, etavec le produit de la vente nous 
achèterons des engrais chimiques. Dans ces 
mêmes exploitations, au lieu de se contenter de 
diminuer les troupeaux de vaches ou de moutons, 
on les a supprimés tout à fait. 

« Aujourd’hui que le travail mécanique du sol 
commence à se développer, certains cultivateurs 
veulent aller plus loin encore : ils suppriment les 
attelages sans revenir au bétail de rente ; ils four- 
nissent bien un peu de matière organique sous 
les formes indiquées plus haut (résidus de céréa- 
les, légumineuses, ete., ete.), mais en quantités 
insuflisantes. Je crois que cette pratique ne tar- 
dera pas à donner, d'ici quelques années, de bien 
mauvais résultats, » 

M. Duval sisnale notamment l'utilité de l’hu- 
mus dans les terres consacrées à la culture de la 
luzerne, du trèfle, du sainfoin. En somme, la cul- 
ture mécanique aurait pour inconvénient de 


1. Journ. d'Agric. pratique,n° du 26 mars 1914. 


D. ZOLLA. — REVUE D'AGRONOMIE 


réduire les quantités disponibles de matières 
organiques au grand détriment de la fertilité du 
sol. 

L'auteur que nous citons a certainement rai- 
son dans la plupart des cas; mais, comme la di- 
versité des sols et des climats est extrême, il est 
possible que l’on puisse suppléer à l'insuflisance 
des fumiers par d’autres méthodes et notamment 
par les engrais verts, c'est-à-dire par des récoltes 
fourragères enfouies à l’état vert. 

Précisément l’article de M. Duval à provoqué 
une contradiction instructive, celle de M. Aguet, 
qui a réussi à obtenir de fort belles luzerneset de 
beaux trèfles avec des engrais minéraux répan- 
dus sur des terres pauvres nouvellement défri- 
chées. Son troupeau s’est accru dans des propor- 
tions considérables, de 4 à 100 têtes, et il ajoute 
à ce propos! : 

« La nourriture nécessaire a été créée, je le ré- 
péte, sans l’emploi d'aucun fumier. Je puis bien 
par conséquent m'inscrire en faux contre la dé- 
claration de M. Duval, que la luzerne et le trèfie 
ne viennent que dans les sols riches en humus. 
Mon exemple démontre d'une manière assez 
frappante, me semble-t-il, qu'avec les engrais 
chimiques et quelque intelligence on peut pro- 
duire, sans fumier, des légumineuses, dans les 
sols les plus pauvres. 

« Il ne faut donc pas combattre, sous prétexte 
de la nécessité des attelages pour la production 
du fumier, la culture mécanique du sol. » 

Nous enregistrons cette conclusion qui valait 
d'être mentionnée. Au fond, les deux praticiens 
qui ont été ainsi entendus sont plus près de 
s’entendre qu'ils ne le paraissent. Le second uti- 
lise les engrais verts et produit par suite de l’hu- 
mus. Voici un troisièmeagriculteur, M. Wagner, 
qui obtient, en effet, de très bons résultats et pro- 
duit de l’humus avec des engrais verts : « Depuis 
vingt-cinq ans, dit-il, je n’élève plus de bétail et 
ne fais par conséquent plus de fumier. Rien que 
l’engrais vert etles engrais chimiques, et pen- 
dant cette période assez longue, j'ai encore à 
subir un premier échec?. » 

Tous les faits offrent, au point de vue agrono- 
mique, le plus grand intérêt. 

Ce qu'il n’est pas permis d'oublier, c’est que 
la présence de l’'humus est utile. On peut rappe- 
ler à ce proposles expériences précises de Müntz 
et Lainé qui ont étudié le phénomène de la ni- 
trification dans des terres inégalement riches en 
humus. Ces auteurs avaient dosé (1906) l'azote 
nitrique produit par kilogramme de terre en 


1. Journ. d'Agric. pratique, n° du 11 juin 1914. 
2. Journ. d'Agric. pratique, n° du 23 juillet 1914. 


ajoutant une dose uniforme de 1 p. 1000 de sul- 
fate d’ammonium. Or, les quantités d'azote ni- 
trifié au bout de 2 et 7 jours ont toujours été 
supérieures avec les terres riches en matieres 
organiques carbonées; c'est ce que prouve le 
tableau suivant : 


Tavsugau V 


Terre 


£ |Terreau 
2 
T 


Terre silico- | 
calcaire 
Terre 
argileuse 


| 
| 
| 


Teneur °/, des terres en 


carbone..... (5%6 139 1,0 


Azole nitrifié par kilog 
de terre | 2 jours....|08" 046|0sr 417|08r 000 |0er 009 
Brera {7 jours....|0sr 090/0gr 209 |0er 037/|0gr 040, 


IL est clair que dans la terre de jardin et le ter- 
reau, tous deux très riches en humus, la nitrifi- 
cation est beaucoup plus active. C’est là toutefois 
un résultatrelatif aux premières journées. Lorsque 
l’on poursuit l’expérience, on s'aperçoit que la 
nitrification se produit même dans les terres 
moins riches en humus, si l'on ajoute, bien en- 

tendu, la même dose continue de sulfate d'ammo- 
nium, Les chiffres suivants,inserits dans l’ordre 
du tableau, le démontrent clairement : 


Tagceau VI 


L 
= 8 e 
o = NE 2 2 
£ à Ba = 2 
5 = Terreau ARE FE 
SG = "z EN 
S ANE s 


Azote nitrifié au boul 


de 32 jours .........|Our 543|1{er 316|0er 643|0gr 900 


Néanmoins le terreau conserve sa supériorité. 
En tous cas, dans la période de début, l’humus 
est certainement utile pour hâter et déterminer 
la nitrification. 

Les agriculteurs ont tout intérêt à ne pas ou- 
blier ce fait d'expérience et à ne pas négliger les 
fumures capables de produire de l'humus, soit 
en se servant du fumier, soit en utilisant les 
engrais verts de décomposition plus lente. 


IV. — La MÉTHODE DES ENGRAIS VERTS 


On a beaucoup parlé de cette question il y a 
quelques années,et nous croyons intéressant de 
rappeler les résultats obtenus, dans certaines 
terres, à la suite des expériences réalisées. 


124 


Un de ces essais bien connu est dù à un agri- 
culteur de la Saxe, Schultz, quia modifié rapide- 
ment la productivité de son domaine de Lupitz 
par l'emploi bien compris des engrais verts. 
Ceux-ci étaient représentés exclusivement par 
des plantes de la famille des légumineuses, 
semées, soit dans la récolte principale à titre de 


culture intercalaire, soit immédiatement après’ 


celte récolte, et enfouis à l’automne par un la- 
bour. L'activité végétale de la plante — engrais 
vert — est accrue par l’incorporation au sol d’en- 
grais minéraux renfermant de l’acide phospho- 
rique et de la potasse, sans adjonction d'engrais 
azotés ou de fumier. 

La quantité de matière organique et d’azote 
apportée par la récolte dérobée enfouie suflit à 
maintenir, dansles meilleures conditions, la fer- 
tilité d’une terre siliceuse, légère et naturellement 
pauvre. 

L'exemple fourni par la culture des pommes de 
terre est tout à fait instructif. Sur les champs 
fumés avec les engrais verts, la récolte de tuber- 
cules s’élève à 23.000 kilogs par hectare. Sur des 
parcelles de même composition chimique et de 
même nature physique du sol, avec une fumure 
de fumier de ferme, le rendement s’abaisse à 
14.000 kilogs. La supériorité de la premiere fu- 
mure se trouve ainsi démontrée. 

Il paraïitaussique certaines légumineusestelles 
que le lupin, employées comme engrais vert, 
exercent une influence favorable sur la récolte 
suivante en assurant, en quelque sorte, le pas- 
sage aux racines qui peuvent s'étendre et péné- 
trer plus profondément, de façon à trouver l’eau 
nécessaire à leur développement. 


Les racines du lupin s’enfoncent, en effet, 
jusqu'à un mètre. Or, pendant une année de sé- 
cheresse notamment, voici ce que l’on a observé 
a Lupitz. La récolte de pommes de terre a été 
toute différente suivant la nature de la fumure 
qui l’avait précédée. Dans la parcelle qui avait 
reçu du fumier de ferme, les plantes étaient peu 
vigoureuses, tandis qu'elles présentaient le plus 
bel aspect sur les champs fumés avec le lupin 
enfoui pour un engrais vert. 

M. Schultz a pensé que l’extension du système 
radiculaire des pommes de terre devait expli- 
quer le développement inégal des tubercules 
dans les deux champs différemment fumés. Pour 
vérifier l’exactitude de cette hypothèse, on dé- 
gagea soigneusement, sur place, les racines des 
plantes et l’on constata partout que les racines 
avaient pris un développement considérable de 
haut en bas, verticalement, dans les champs 
fumés au lupin. Les racines de cette légumineuse 


D. ZOLLA. — REVUE D'AGRONOMIE 


avaient laissé ouverts des canalicules que la 
pomme de terre utilisait pour pénétrer plus 
profondément et puiser de l’eau dans le sous-sol. 

Voici un autre exemple de l'influence exercée 
par le lupin enfoui comme un engrais vert. Il 
s'agissait d’une récolte de seigle dans laquelle on 
avait semé du lupin retourné après la moisson 
de la céréale. Au printemps suivant, on a cultivé 
des pommes de terre et les rendements ont été 
relevés, tant sur des parcelles témoins qui 
n'avaient pas reçu du lupin, que sur des champs 
fumés avec cette légumineuse enfouie à l’au- 
tomne. Les résultats constatés furent les sui- 
vants : 


Tasgzeau VII 


POIDS DES RÉCOLTES 
EE —_—__ 
Pommes de terre 
Seigle succédant au seigle 
l’année suivante 
kg. kg. 
Seigle seule 930 19,512 
SERIES EEETE 945 18.261 
Seigle seul ....... 968 19.961 
Seigleetlupin enfoui 924 22.263 


Il est clair que l'incorporation de l’engrais vert 
a augmenté le poids des tubercules récoltés et 
cependant la récolte de seigle n'avait pas été sen- 
siblement réduite par le semis intercalaire du 
lupin. L'avantage de l'engrais vert restait 
visible. : 

Une autre expérience faite aux Etats-Unis a 
permis de comparer l’action d’un engrais vert à 
celle du nitrate de soude. 

Le résumé de l’expérience est le suivant : 

Sur deux parcelles voisines on sema du mais à 
la fin de juin. L'une reçut 112 kilogrammes de 
nitrate de soude à l’hectare, l’autre nereçut rien, 
mais on y avait préalablement enfoui une récolte 
de trèfle incarnat évaluée à 21.000 kilogrammes 
par hectare. En comiparantles récoltes ainsi obte- 
nues à celles d’une terre sans aucun engrais, on a 
trouvé que l’engrais vert dont la semence avait 
coûté 12 fr. 50 donnait un excédent de récolte de 
8 h1. 7, soit environ 70 litres pour un franc de 
dépenses. 

D'autre part, un franc de nitrate de soude pro- 
duisait un excédent de récolte de 18 litres, c’est- 
à-dire quatre fois moins. 

Des résultats analogues ont été obtenus avec 
du seigle, et vert on avait 
employé des pois. 

Il ne faut pas d’ailleurs oublier que l'emploi 


comme engrais 


D. ZOLLA. — REVUE D'AGRONOMIE 


des engrais verts est connu depuis fort longtemps 
et a fait ses preuves sur certaines terres. L'usage 
du lupin,dont nous parlions tout à l'heure, était 
connu des Romains,qui le semaient en septembre 
pour l’enterrer au mois de mai suivant. Ils le 
ramassaient même et l’enterraient au pied des 
vignes. 

Cette pratique a été étudiée, il y a quelque 
temps, pour savoir si l’on pourrait remplacer le 
fumier en se servant simplement des engrais 
verts et de certains engrais minéraux non azotés. 
On a semé du trèfle incarnat entre des rangs de 
vigne, et sur quelques parcelles on a répandu 
des scories de déphosphoration dont l'effet sur 
la légumineuse a été très favorable. En recueil- 
lant le trèfle avec ses racines quand il fut bien 
développé, on a pu calculer le poids de la 
récolte par hectare. 

Voici l'analyse effectuée : 


Tasceau VIII 


Pour 1.000 | Pour 100 Pour 100 
de de de 
mat. fraiche! mat.sèche cendres 


870,70 
129,30 


Eau FPE DE 
Malière fraiche. ..... 


2,47 
7,90 


Potasse,. 
Acide P205,...... 


Ainsi le trèfle incarnat contenait — à l'état 
frais — 2,47 pour 1000 d'azote, ce qui correspon- 
dait à 418 kg. par hectare. Cette quantité d'azote 
est égale à celle que renferment 20.000 ou 
25.000 kilogrammes de fumier, et'en outre l’en- 
crais vert est capable d'améliorer la composition 
physique du sol. 

On pourrait, ilest vrai, opposer à une conclu- 
sion théorique les résultats financiers de l’en- 
treprise, 

L’objection est, paraît-il, sans valeur, car la 
substitution du trèfle au fumier est économique. 

Les frais par hectare seraient : 


RTC 

30 kgr graines de trèfle . . . . . . 23 25 
800 kgr scories à 20°/, de P20ÿ . . 72 00 
200 kgr de sulfate de potasse . . . 62 50 
Dotale RS 22157075 


En comptant le fumier à 12 francs la tonne, les 
20.090 ou 25.000 kgr remplacés par le trèfle au- 
raient coûté de 240 à 300 francs, et les frais néces- 
sités, soit par le transport, soit par l’incorpora- 
tion au sol, seraient plus grands. La méthode de 


l’enfouissement d'un engrais vert pour fumer les 
vignes est donc admissible. Au trèfle on peut 
d’ailleurs substituer d’autres plantes dites amé- 
liorantes, telles que la vesce. Des expériences 
faites, dans les mêmes circonstances que pour le 
trèfle, paraissent l'avoir prouvé. 

Ces conclusions ne sauraient d’ailleurs être 
étendues à toutes les vignes, dans tous les sols 
et dans tous les climats, Il est clair tout d’abord 
que l’on ne peut généraliser cette pratique qu’à 
la condition de pouvoir obtenir une récolte 
suffisamment abondante de l’engrais vert, qui 
doit être une légumineuse capable d'enrichir le 
sol en azote. Or tous les sols ou tous les climats 
ne se prêtent pas à cette culture, surtout s'il 
s'agit d’une récolte dérobée, c'est-à-dire réalisée 
entre la fin de l'été et le commencement de 
l'hiver. Enfin, il peut être plus avantageux finan- 
cièrement de faire consommer le fourrage par 
des animaux quand cette transformation leur 
donne une grande valeur. Le fumier produit est 
un résidu industriel qui augmente le bénéfice de 
la spéculation. 

Toutes ces considérations ne sont point nou- 
velles. Déjà M. de Gasparin les avait discutées 
dans son cours d’Agriculture!, quirenferme tant 
d'observations de la plus haute portée dont on a 
oublié les mérites divers. I] disait à ce propos: 

« Cependant il est des circonstances où les en- 
grais verts peuvent devenir une ressource d’une 
grande importance, et même où ilssont l'unique 
pivot sur lequel on peut faire rouler tout le sys- 
tème d’une amélioration du terrain. 

« Ainsi quand on se trouve en présence de terres 
négligées, maigres, sans pâturages pour y nour- 
rir les animaux, sans possibilité d'acheter des 
fumiers ou de se procurer des masses de végé- 
taux venus sans culture, on est naturellement 
amené à chercher dans les engrais verts cette 
première force qui donne l'impulsion à la ma- 
chine agricole... 

«Ne nous le dissimulons pas, cependant, l’en- 
grais ainsi obtenu coûte cher, et, sur des terres 
pauvres, il faut quelquefois plusieurs années 
d'attente et de travaux pour atteindre le but que 
l’on se propose. 

« Bannissons donc toute illusion, ne croyons 
pas que l’engrais vert soit un présent gratuit de 
la Nature ; elle aussi vend souvent ce qu'on croit 
qu'elle donne. » 


D. Zolla, 


Professeur à l'Ecole d’Agriculture de Grignon. 


1. De Gasparin : Cours d'agriculture, t. [, p. 568. 


126 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


BIBLIOGRAPHIE 
ANALYSES ET INDEX 


1° Sciences mathématiques 


Barriol (A.), Directeur de l’Institut des Finances et 
des Assurances. — Théorie et pratique des opéra- 
tions financières. ?° édition. — 1 vol. in-16 de 
15 p. avec Jig. de l'Encyclopédie scientifique. (Prix 
cart. : 5 fr.). O. Doin et fils, Paris, 1914. 


Nous avons signalé en son temps ! l'apparition de la 
première édition de cet ouvrage et les qualités par 
lesquelles il se recommandait au publie désireux de 
pénétrer le sens des opérations financières. L'accueil qui 
lui a été fait a nécessité la publication d'une nouvelle 
édition, qui difière de la première par de nombreux 
compléments et par la mise au point de la partie rela- 
tive aux impôts français qui ont été modifiés depuis 
lors, Le livre de M. Barriol, ainsi soigneusement revu, 
reste un des meilleurs qu’on puisse consulter sur ce 
genre de questions. 


r° Sciences physiques 


Trudelle (V.), électricien. — La lumière électrique 
et ses différentes applications au théâtre. Instal- 
lation et entretien. — 1 vol. in-5° de V1-295 pages 
avec S0 figures (Prix : 10 fr.) H. Duncd et E. Pinat, 
éditeurs, Paris, 1914. 


« Tout théâtre est fatalement voué à l'incendie », a dit 
Charles Garnier, à l’époque où l’on ne songeait encore 
que très vaguement à éclairer les salles -de spectacles 
par l'électricité. Il y avait alors à l'Opéra 3.200 becs de 
gaz, 25 kilomètres de canalisations, et le jeu d'orgue 
rappelait bien, en effet, un orgue avec tous ses tuyaux. 
Le gaz, autant que les chandelles et les lampes à huile 
qui l'avaient précédé, est une cause permanente de dan- 
ger, dans un édifice où les matières inflammables sem- 
blent accumulées à plaisir. Dans la salle, ce ne sont que 
tentureset boiseries lentement desséchées par la chaleur; 
sur la scène et dans les coulisses, les toiles enduites de 
peinture résinifiée, les châssis, les charpentes, les /ils 
(car il n'y faut point parler de cordes) sont autant 
d'aliments offerts au feu. 

C'est en 1887, quelques jours après l'incendie de 
l’'Opéra-Comique, que la lumière électrique fut rendue 
obligatoire dans tous les théàtres de Paris. Il serait exa- 
géré de prétendre que cette transformation du luminaire 
ait supprimé tout risque : un court-circuit, une étincelle 
de rupture peuvent encore provoquer des désastres; 
mais il faut reconnaitre que le danger n'est pas compa- 
rable à celui que l’on courait chaque jour, au milieu de 
tant de lampes à combustion. Du reste, la sécurité n’est 
pas le seul avantage que présente la lumière électrique, 
dans les enceintes où se presse un public nombreux : 
un bec de gaz ordinaire absorbe autant d'oxygène que 
la respiration de deux personnes et dégage beaucoup de 
chaleur, tandis que l'électricité ne vicie point l'atmos- 
phère et ne produit qu'un échauffement insensible. En 
outre, elle permet de réaliser aisément des effets très 
difliciles, sinon impossibles à obtenir avec les autres 
sources de lumière. 

L'importance croissante de l'éclairage au théâtre jus- 
tifie bien la publication d'un ouvrage tel que celui de 
M. Trudelle. Sources d'électricité, pose et isolement des 
conducteurs, appareillage dans la salle et sur la scène, 
herses, porlants, rampe, rhéostats, lampes à arc et à 


1. Revue gén. des Sciences du 15 juillet 1908, t. XIX, 
P- 546, 


incandescence, blanches et colorées, projections, etc.: 
tout est analysé avec beaucoup de détails pratiques el 
sérieusement documenté. Les dispositions adoptées dans 
l'installation et les manœuvres à effectuer au cours du 
spectacle sont exposées très clairement, et il est visible 
que l’auteur a une grande expérience du sujet qu'il a 
traité. 

Peut-être eùt-il mieux fait de ne point aborder les 
questions théoriques; en tout cas, ilserait bon de revoir 
attentivement la page131, où se trouve cettedéfinition: 
« La lumière est une matière impondérable qui existe 
partout, plus ou moins uniformément, que l’on peut 
diriger à volonté, avec plus ou moins d'éclat, suivant 
que l’on a affaire à la lumière du jour ou à une source 
artificielle d'intensité variable », 

Et, quelques lignes plus bas, dans cette phrase : « Ces 
corps lumineux sont nommés opaques s'ils ne sont pas 
perméables à la lumière... », il s’agit évidemment des 
corps non lumineux par eux-mêmes. Le lecteur rectifiera 
d’ailleurs sans peine, en attendant que quelques lignes 
soient ajoutées, lors du prochain tirage, au feuillet d’er- 
rata intercalé après l'introduction. 

Quoi qu’il en soit, le livre de M. Trudelle sera très 
utile aux entrepreneurs chargés de construire une salle 
de spectacle, aux électriciens qui devront y installer 
l'éclairage et aux metteurs en scène qui tiendront à tirer 
le meilleur parti du matériel dont ils disposent, Et les 
personnes étrangères au théâtre y trouveront des dé- 
tails fort intéressants sur divers effets de lumière qu'elles 
auront eu l’occasion de remarquer, sans pouvoir se 
rendre exactement compte des moyens mis en œuvre 
pour les produire. 


Ernest CousTET. 


3° Sciences naturelles 


Atlas graphique et statistique de la Suisse, 
publié par le BUREAU DE STATISTIQUE DU DÉPARTEMENT 
FÉDÉRAL DE L'INTÉRIEUR. — 1 vol, in-4° oblong com- 
prenant 51 cartes et tableaux avec 6 p. de texte. 
Département fédéral de l'Intérieur, Berne, 1914. 


A l’occasion de l'Exposition nationale suisse qui s’est 
tenue à Berne de mai à octobre dernier — manifesta- 
tion des plus intéressantes qui eût sans doute retenu 
davantage l'attention si la grande guerre européenne 
n’était venue détourner sur elle toutes les pensées et les 
préoccupations — le Bureau fédéral de Statistique a 
publié un Atlas graphique etstatistique de la Suisse qui 
réunit une foule de données précieuses sur l’économie 
nationale de ce pays. 

Cet Atlas comprend plus d’une cinquantaine de cartes 
et de graphiques, classés sous les rubriques suivantes : 
superficie, population, mouvement de la population, 
militaire, instruction, agriculture, industrie et com- 
merce, voies de communication et transports, finances, 
statistique politique. Il nous est impossible d'entrer ici 
dans l'examen détaillé de ces documents; nous donne- 
rons seulement de brèves indications sur quelques-uns 
de ceux qui nous ont paru plus spécialement intéres- 
sants. 

Le tableau 4 donne la répartition de la population 
d’après l'altitude des communes pour chaque canton et 
pour la Suisse entière. Sur 1.000 habitants de la Suisse, 
Goenviron vivent à l'altitude de 200-300 m., une cen- 
taine à 300-400 m., près de 400 à 400-500 m.,170 à 500- 
600 m., 92 à 600-700 m., puis la proportion va en décrois- 
sant graduellement jusqu'à 1.800 m., dernière altitude 
habitée toute l’année. 


PR 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 12" 


Le tableau 6 (étrangers par 1,000 habitants d’après 
leur nationalité de 1850 à 1900) montre un accroisse- 
ment rapide et continu des Allemands, un accroisse 
ment très rapide, mais discontinu, des Italiens, un ac- 
croissement rapide des Français de 1850 à 1870, suivi 
d'une diminution lente depuis lors, un accroissement 
faible des Austro-Hongrois et des autres nationalités. 

Une partie du tableau 9 est consacrée à l’excédent des 
naissances sur les décès de 1891 à 1911 par 1,000 habi- 
tants; de 1871 à 1872, il s'élève rapideme nt de 1 à plus 

79/00, et depuis lors il a varié de 5,5 à 11,50/,9 pour arri- 
Le en 1911 à 81/20/00. Cet excédent n'est pas dù à une 
augmentation du nombre des naissances qui à, au con- 
traire, diminué depuis la période 1871- -1880 (30,9°/00 par 
an) jusqu’ en 1901-1910 (26,90%/o0) (voir les cartes des ta- 
bleaux 12 et 13, donnant la fréquence des naissances 
par districts proportionnellement à la population rési- 
dente, au cours de ces deux périodes), mais à une dimi- 
nution du nombre des décès, de 23,50/, à 16,7°/, pen- 
dant les deux mêmes périodes (voir cartes analogues 
des tableaux 14 et 15). 

Une carte intéressante (tableau 18) est celle des décès 
par tuberculose, par districts, calculés proportionnelle- 
ment à la population d’après les résultats moyens des 
années 1901-1910. Le nombre annuel des décès s par 1.000 
varie de 0,5 dans le district d’'Hérens (Valais) à { dans 
celui de Genève-ville; la moyenne pour la Suisse entière 
est de 2,5. Les hautes régions alpestres fournissent le 
moins de décès, avec plusieurs exceptions tenant sans 
doute à la présence de sanatoriums ou de grandes ag- 
glomérations urbaines. Une carte analogue (tableau 19) 
sur les décès par cancer montre un maximum accusé 
dans la Suisse centrale el orientale. 

Les tableaux 22 à 25 sont relatifs aux résultats 
moyens de la visite sanitaire et des examens pédagogi- 
ques des recrues depuis 32 ans. L'aptitude au service, 
qui se chiffrait par 640 hommes pris Sur 1.000 recrues 
de 1888 à 1890, s’est élevée à plus de 700 dans la pé- 
riode 1908-1910; la taille moyenne, qui était de 1 m.635 
de 1888 à 1890, s'est élevée à 1 m. 657 en 1908-1910. Pour 
les examens pédagogiques, on sait que les recrues ob- 
tiennent, dans chacune des 4 branches d'examen (lec- 
ture, composition, calcul, connaissances civiques), l’une 
des notes 1, 2, 3, 4 ou 5, la note 1 étant la meilleure. 
Le meilleur résultat total d’une recrue est ainsi égal à 4, 
le plus mauvais à 20. Or, en 1880.la moyenne des notes 
obtenues par canton s’échelonnait de 9,3 pour Bäle-Ville 
et 7,7 pour Genève à 12,9 pour Uri et 13,7 pour Appen- 
zell (R. L.), tandis qu'en 1912, elle allait de 6,4 pour 
Genève à 8,0 pour Uri; il y a-une amélioration considé- 
rable, due à la grande diffusion de l’instruction publi- 
que. La répartition des notes par professions non libé- 
rales montre, en tête de la liste, les employés de ban- 
ques et d'assurances (4,55), les employés des postes et 
télégraphes (5,25), les employés de commerce (5,4), les 
typographes (5,85), les employés decheminsde fer (6,25), 
les électriciens (6,55), et en queue les manœuvres de 
l’industrie du bâtiment (10,/). 

La carte du tableau 36 fournit, d’après les résultats 
du recensement du bétail du 2ravril 1911, la répartition 
par district du nombre des têtes bovines par km? 
de territoire de plaine ou d'alpe utilisé. Ce nombre, 
qui est en moyenne de 62 pour la Suisse entière, 
est beaucoup plus faible pour les hautes régions 
alpestres, où il varie de 10 à 50; il se relève dans le 
Jura pour parvenir à son maximum sur le plateau 
suisse, où il atteint 145 dans le district de Konolfingen 
(Berne) et 165 dans le Mittelland appenzellois. 

Les tableaux 38 et 39 donnent d’intéressantes indica- 
tions sur la répartition de 1.000 personnes, hommes et 
femmes, travaillant à domicile, ou de 10.000 personnes 
travaillant au dehors entre les différents groupes d’en- 
treprises industrielles, commerciales et de transport. 
Occupent les premiers rangs, par le nombre de per- 
sonnes employées dans lesindustries à domicile : la bro- 
derie, le lissage d’étoffes de soie, l'horlogerie, le tissage 
de rubans de soie: dans la grande industrie : les voies 


ferrées, routes, ponts et bâtiments, la broderie, l'hor- 
logerie, la confection des vêtements; dans les entreprises 
commerciales, les hôtels et pensions, les restaurants, 
l'épicerie. 

Les tableaux 4r à 45, qui sont relatifs au commerce 
avec l'étranger, montrent dans quelle dépendance 
étroite la Suisse se trouve vis-à-vis des grandes nations 
pour la fourniture de ses matières premières (charbon, 
fer, soie, laine, coton, cuir) et de son alimentation (cé- 
réales, sucre, bétail de boucherie, vins), et pour l’expor- 
tation de ses produits (soieries, broderies, horlogerie, 
machines, lait condensé, fromage, chocolat), et per- 
mettront de comprendre dans quelle situation économi- 


que très diflicile elle se trouve du fait de la guerre 
actuelle, 


Nous arrêtons là ces exemples qui donnent une idée de 
la grande variété de documentation del’ Atlas graphique 
el statistique de la Suisse. Ajoutons que l’exécution 
des cartes et graphiques, confiée à l’Institut géogra- 
phique Kummerly et Frey et à l’Institut artistique 
Lips et C'', de Berne, est remarquable à tous points de 
vue, Aussi cette publication, qui porte le n° 191, fait- 
elle honneur au Bureau fédéral de Statistique. 


Louis BRUNET. 


4 Sciences médicales 


Bonnier (D' P.). — Défense organique et centres 
nerveux. — { vol. in-16 de 285 p. de la Bibliothèque 
de Philosophie scientifique. (Prix : 3 fr. 50). E. Flam- 
marion, éditeur, Paris, 1914. 


On connaît la théorie du D' P. Bonnier sur le rôle 
des centres nerveux bulbaires dans la défense de l’'orga- 
nisme. M. Martinet l’exposait récemment ici-même en 
analysant un autre ouvrage du même auteur : L'action 
directe sur les centres nerveux. Centrothérapie!. 

Dans le présent volume, l’auteur a cherché à mettre 
à la portée du grand publie les idées sur lesquelles il se 
base et les résultats que lui a donnés sa méthode de 
sollicitation physiologique des centres nerveux. On lira 
avec le plus grand intérêt l'exposé elair, simple et imagé 
du D'P. Bonnier. 


Bezault (B.), /ngénieur sanitaire expert. — Législa- 
tion de l'Hygiène publique en France (en ce qui 
concerne plus spécialement l'assainissement). —1 vol. 
in-6° de 124 p. (Prix : 4 fr.). Société générale d'épu- 
ration et d'assainissement, 28, rue de Châteaudun, 
Paris, 1914. 


Par législation sur l'hygiène publique, il faut enten- 
dre tous les lois, décrets et ordonnances relatifs aux 
mesures de prophylaxie générale prises dans l'intérêt 
de la Société. Ces lois, nécessairement vagues, parfois 
obscures, souvent contradictoires, sont d’une applica- 
tion délicate. 

C’est pourquoi l’auteur a pensé faire œuvre utile, 
d'abord en faisant connaître l’ensemble des lois, décrets 
et ordonnances concernant l'hygiène publiqneen France, 
puis en les accompagnant de quelques notes suggérées 
par une expérience de quinze années dans la pratique de 
ces questions. k 

Pour plus de clarté, il a procédé par ordre chrono- 
logique, en s'étendant plus spécialement sur la législa- 
tion se rattachant à l'assainissement des villes et à 
l'hygiène de l'habitation. Un chapitre relate les forma- 
lités nécessaires à l’aboutissement des projets d’assai- 
nissement, ainsi que certains renseignements sur les 
subventions allouées aux villes en vue de faciliter l’exé- 
cution de ces projets. 

Cet ouvrage sera particulièrement apprécié par les 
municipalités. 


1. Revue gén. des Sciences du 30 juillet 1914, t. XXV, p.691. 


128 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADEMIES DES SCIENCES DE PARIS 
Seance du 18 Janvier 1915 


° SCIENCES PHYSIQUES, — M, A. Angot: Paleur des 
éléments magnétiques à l'Observatoire du Val-Joyeux au 
1et janvier 1915. Voici ces valeurs: 


Valeurs Variation 


absolues séculaire 

Déclinaison 2." IS ton — 9',I1 
Inclinaison :........ ...  64°37,40 — 1,00 
Composante horizontale. 0,197 14 — 0,000 28 

» verticale... 0,415 61 — 0,000 92 

» nord ere. 0,191 49 — 0,000 14 

» ouest, _. 0,046 88 — 0,000 D7 
Rorcetotale Cr" rer" ,460 00 — 0,000 QD 


La diminution de la déclinaison en 1914 est à peu près 
la même qu’en 1912 et un peu inférieure à celle qui a été 
observée en 1913 ; en trois ans, la déclinaison a diminué 
de 28’, ce qui est sans précédent. La composante hori- 
zonlale paraît nettement entrée dans la période décrois- 
sante et a sensiblement la même valeur qu’il y a 11 ans. 
— M. J. Bougault et Mile R. Hemmerlé : l'automérie 
de l'acide phénylpyruvique. Les auteurs donnent de 
nouvelles preuves de la tautomérie de l'acide phényl- 
pyruvique, tirées de la différence de solubilité des deux 
formes tautomères (la forme cétonique étant soluble dans 
l’eau, la forme énolique presque pas), de leur manière 
d’être vis-à-vis de l’acide acétique, du permanganale de 
potassium et de la semicarbazide, Les alcalis, comme 
les acides et plus rapidement qu'eux, converlissent la 
forme cétonique en forme énolique. L’ébullition avec 
l'anhydride acétique donne un éther de la forme éno- 
lique. 


* SCIENCES NATURELLES, — M. J. Danysz : /raitement 
des plaies de guerre par les solutions de nitrate d argent 
à 1 pour 200.000 à 500.000. L'auteur déduit de ses expé- 
riences et de ses observations : 1° que les substances 
irritantes en solutions assez concentrées pour tuer les 
cellules des tissus lésés, non seulement n’arrêtent pas 
les infections, mais ont pour effet certain de les pro- 
longer et de retarder la guérison des plaies ; 2° quedans 
le choix des antiseptiques on doit donner la préférence 
à ceux qui, à une dose déterminée, sont encore anti- 
septiques, mais ne tuent plus les cellules et ont surtout 
pour rôle d'augmenter la défense de l'organisme en exci- 
tant la multiplication des cellules et la reconstitution 
des tissus ; 3° que, pour le moment, la combinaison de 
ces deux actions, reconstiluante et antiseptique, se 
trouve le mieux réalisée par l'emploi de l'azotate d’ar- 
gent en solution à 1 pour 200 000 à 500.000. On 
commencera le traitement par la solution la plus con- 
centrée, pour augmenter peu à peu la dilution. — 
M. Ch.-J. Gravier : Sur un phénomène de multiplica- 
tion par scissiparité longitudinale chez un Madréporaire. 
L'auteur a observé sur le Schizocyathus fissilis Pourtalès 
une multiplication du calice par scissiparité longitudi- 
nale avec régénération. Cet exemple de division longi- 
tudinale d’un être qui se partage spontanément en six 
fragments, dont chacun répare normalement la mutila- 
tion résultant de la division, est sans exemple, non 
seulement chez les Madréporaires, mais dans tout le 
monde vivant. 


Séance du 25 Janvier 1915 


° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M, G. Bigourdan : 
Description d'un nouvel instrument pour la comparaison 
différentietle des grandes distances angulaires célestes. 
L'auteur détermine différentiellement la distance angu- 


laire de deux astres situés dans des régions éloignées 
du ciel par l'emploi de deux lunettes dont les axes opti- 
ques font un angle variable, mais qui sont susceptibles 
d’être quelque temps liées invariablement l’une à 
l’autre. Cet appareil permet égalementla détermination 
directe et presque instantanée de la réfraction et de sa 
constante, la mesure de la constante de l'aberration 
annuelle, le perfectionnement des catalogues fonda- 
mentaux par la comparaison de grandes différences 
d’ascension droite, indépendamment de la marche des 
horloges. — M. J. Bosler : Sur la région rouge du 
spectre des étoiles de Wolf-Rayet. L' auteur a observé 
dans la région rouge du spectre de ces étoiles un certain 
nombre de lignes au-delà de Hz; l’une de ces raies 
(@ 6677) appartient à l’hélium. C’est une nouvelle simi- 
litude avec le spectre des Novae,et il semblebien démon- 
tré que les étoiles de Wolf-Rayet ne sont que les ves- 
tiges affaiblis d'anciennes Novae apparues au cours des 
siècles passés. 

29 SCIENCES PHYSIQUEES. — M, A. Blondel : Sur l'effet 
utile des projecteurs. Remarques complémentaires. 
L'auteur donne une autre forme de l'équation des por- 
tées : 


où les lettres ont la même signification que précédem- 
ment (voir p.99), eta —a/ (roll). Il étudie d'autre part 
l'influence de la nature de la lumière et dela coloration 
des objets. Les lumières monochromatiques donnent, 
par suite des défauts de correction de l'œil, une acuité 
visuelle supérieure aux lumières mélangées. Les draps 
gris bleu, donnant un minimum de visibilité pendant 
le jour, sont bien moins favorables pour la nuit que 
des draps brun ou bleu foncé, — MM. Rivier et Du- 
poux : Mouveau procédé pour l'obtention rapide, sur 
plaques métalliques, des épreuves radiographiques. Les 
auteurs préconisent, pour la radiogri aphie, l'emploi de 
plaques métalliques en tôle pour positifs directs. Ils 
emploient des rayonnements ext: êmement durs de faible 
intensité, avec des poses de 6 à 60 secondes. Les plaques 
sont développées avec des révélateurs au métol-hydro- 
quinone fortement bromurés; le négatif vient en géné- 
al en 2 minutes, et le fixage de ce négat:f dans la solu- 
tion d’hyposulfite le transforme immédiatement en 
positif,opération qui demande 10 à 20 secondes. Le pro- 
cédé est simple, sans danger pour le malade et très 
rapide. 


30 ScIENCES NATURELLES, — M. E. Delorme : Vou- 
vaux traitements des blessures des nerfs par projectiles 
(voir p.98). — MM. P. Carnot et B. Weill-Hallé : 
Cultures en « tubes de sable » pour le diagnostic rapide 
de la fièvre typhoïde et le dépistage des porteurs de 
germes. Les auteurs ont appliqué à l'examen bactério- 
logique dés selles typhiques la méthode générale de 
Carnot et Garnier pour l'isolement automatique des 
microorganismes les plus mobiles, ceux-ci traversant 
les premiers une couche de sable interposée entre les 
deux branches d’un tube en U. Si l’on ensemence d’un 
côté de la couche de sable les selles suspectes, les bacil- 
les typhiques, beaucoup plus mobiles que la plupart 
des germes intestinaux, traversent les premiers le sable 
interposé et peuvent être récoltés isolément dans le se- 
cond tube, Il suffit alors de les identifier par agglutina- 
tion au moyen d'un sérum spécifique pour avoir, en 
quelques heures seulement, le résultat cherché. — 
M. A. Trillat : Ztude sur les poussières aqueuses mi- 
crobiennes des locaux habités. L'auteur a reconnu que : 
19 Dans une atmesphère tranquille à 18°, les gouttelet- 
tes microbiennes tombent avee une vitesse de chute 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 129 


proportionnelle à leurs dimensions; ainsi les goutte- 
lettes de 14 (B. prodigiosus) pareouraient environ 1 em, 
en 3 minutes; 2° La vitesse de chute est accélérée par 
un refroidissement brusque et les gouttelettes micro- 
biennes se déposent sur les objets refroidis ; 39 Une dé- 
tente barométrique, surtout si elle esL accompagnée 
d’un abaissement notable de température, accélère la 
précipitation des goutteletles microbiennes, L'auteur 
décrit également l'effet de la ventilation sur le mouve- 
ment des gouttelettes, — MM. Ed. Gain et À. Jungel- 
son: Sur les grains de maïs issus de la végétation d'em- 
bryons libres. Les auteurs ont pu obtenir des mais 
adultes et fertiles en partant d'embryons libresextraitls 
du grain, débarrassés avec soin des réserves de l’albu- 
men et semés dans le sol naturel. Les grains produits 
présentent une élévation du taux de la substance sèche 
et une diminution du rapport du poids sec de l’albumen 
au poids see de l'embryon. Si cette sélection s'exagé- 
rait,elle pourraitconduire, au bout d’un certain nombre 
de générations, à la presque suppression de l’albumen 
normal, — MM. H. Jumelle et H. Perrier de la Ba- 
thie : Une cucurbitacée peu connue de Madagascar. Le 
voanoro où Ampelosicyos scandens est une plante grim- 
pante, monoïqueel à fleurs blanches.Elle donne des fruits 
obpiriformes, de 10 à 11 em. sur 7 em. Dans la pulpe 
sont loges d'assez nombreuses graines,quiontla forme 
de très gros haricots. Les indigènes consomment la 
pulpe des fruits qui, quoique parfumée, est médiocre, et 
aussi les graines, qui ont le goût de noisettes, L’amande 
contient une huile douce; au cas où celle-ci serait utili- 
sable, la culture de la plante deviendrait intéressante 
pour le centre de l'ile, où elle serait facile. 


Séance du 1* Féprier 1915 


1° SCIENCES PHYSIQUES, — MM. Brandt et Darmezin 
du Rousset: Sur une nouvelle forme d'extrémités polai- 
res pour électros à applications chirurgicales. Pour satis- 
faire aux besoins de la pratique chirurgicale et pour 
étendre le champ des applications, les auteurs ont songé 
à rendre mobiles, tout en conservant une très puissante 
action, les extrémités polaires de l’électro-aimant, leur 
donnant des formes pratiques pour les recherches opé- 
ratoires : sondes droites, coudées, lamellaires, pouvant 
se fixer sur une articulation magnétique spécialeou, en 
plus de cette dernière, sur un bras souple, On peut ainsi 
travailler à des distances de 5 à 30 cm. de l'appareil, 
la sonde subissant un eflort magnétique qui ne gêne 
en rien la souplesse de main. — M. M. Ménard : /ocu- 
lisation des projectiles et examen des blessés par les 
rayons X. L'auteur a été amené à rejeter complètement 
de sa pratique les différents procédés radioscopiques. 
La localisation des projectiles par la méthode de Hirtz, 
précise, d’une exécution facile et n’exigeant pas de per- 
sonnel spécial, lui a donné d'excellents résultats. 
L'examen des blessés par les rayons X estfail aisément, 
même au lit, avec une installation transportable, — 
M. J.-R. Mourelo : Sur la phototropie des systèmes 
inorganiques. Système du sulfure de strontium. L'auteur 
a préparé une série de systèmes phototropes contenant 
du sulfure de Sr avec un ou deux phosphorogènes, Mn 
el Mn + Bi, en quantités variables, Le Mn est un pho- 
totrope en même temps qu'un phosphorogène eflicace; 
mais il a été impossible de trouver une loi du phéno- 
mène, ni même d'établir des relations entre l'intensité 
de la phosphorescence et la phototropie. La phototro- 
pie est plus constante dans les systèmes à deux phos- 
phorogènes (Mn et Bi). — M.L. Liais : /mperméabili- 
sation des tissus par imprégnation des éléments 
constitutifs. Essais de résistance des tissus. Le meil- 
leur procédé d’imperméabilisation consiste à imprégner, 
avec une substance convenable, les éléments constitutifs 
du tissu (chaîne et trame). Les fils de trame, enroulés en 
cannettes. sont plongés dans un autoclave contenant 
une dissolution de caoutchouc ou autre et soumis à 
une pression produisant une imprégnation complète du 
fil. Le tissage s'effectue avec les canettes, alors que la 


dissolution est encore à l’état liquide. Par l’action du 
peigne du métier à tisser, le fil de trame subit des pres- 
sions et des dépressions alternatives faisant sortir de 
la trame l'excès de liquide, qui est transporté et réparti 
sur les fils de chaine par le frottement du peigne. Le 
prix de revient est très réduit. Pour l’auteur, la qualité 
d'un tissu est fonction de la résistance au frottement 
des fils de chaine et de trame entre eux, et non de la 
résistance dynamométrique ou du pourcentage d’allon- 
gement. L'auteur décrit une méthode de détermination 
de cette résistance au frottement. 

2° SCIENCES NATURELLES, — M, Armand Gautier : 
Sur la ration du soldat en temps de guerre (voir p. 104). 


ACADEMIE DE MÉDECINE 


Séance du 26 Janvier 1915 

M. Laurent (de Bruxelles) est élu Correspondant 
dans la Division de Chirurgie. 

M. À. Piédallu : Æmplor des corps gras pour éviter 
les gelures. L'auteur a fabriqué une graisse composée 
de : suif, 90; huile de pied de bœuf épurée, 8; pétrole, 
2, et l’a fait distribuer à certaines troupes pour éviter 
les accidents de gelure. Partout où les hommes se sont 
graissé les pieds avec cette composition, les gelures ont 
diminué en nombre, et les cas observés ont été moins 
graves, Cette graisse peut facilement être fabriquée par 
tonnes dans chaque centre d’abat. 


Séance du 2 Février 1915 


$. A. S. le Prince Albert de Monaco est élu Asso- 
cié étranger de l’Académie. 

M. Témoin : Les pieds gelés dans l'armée. L'auteur 
a examiné un très grand nombre de: soldats évacués 
sur les hopitaux avec la mention: pieds gelés, La 
grande fréquence de ces cas n’est pas en rapport avec 
la nature plutôt clémente de l'hiver, et il est surpre- 
nant que les gelures portent uniquement sur les pieds 
et non sur les mains, les oreilles et le nez comme en 
1870. L'auteur est arrivé à la conclusion qu'aucun des 
blessés n’a eu, en réalité, les pieds gelés. Les lésions 
qu'ils présentent sont uniquement des gangrènes 
par arrêt de circulation dû à la compression; plu- 
sieurs jours sont nécessaires pour qu'elles se pro- 
duisent ; on peul les éviter, soit en diminuant la lon- 
gueur du séjour dans les tranchées, soit et surtout en 
supprimant toute constricltion de la jambe ou du pied, 
et en forçant les hommes à se déchausser souvent ou à 
délacer leurs chaussures. L'Académie décide à l’una- 
nimité de transmeltre ces conclusions à M. le Ministre 
de la Guerre. 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 
Séance du 23 Janvier 1915 


Mlle E. Steinhardt-Harde : Communication prélimi- 
natre sur la gangrène gazeuse. L'auteur a pensé que 
l'intoxication aiguë du premier stade de la gangrène 
gazeuse avec production de gaz peut être due non seule- 
ment aux toxines solubles du 2. perfringens, mais aussi 
à l'absorption du gaz. Pour lutter contre la production 
de ce dernier, elle s’est adressée au nitrate de soude qui, 
d'après Veillon et Mazé, diminue considérablement la 
production de gaz des microbes anaérobiques dans les 
cultures. Ce corps, administré per os et localement dans 
deux cas graves, a arrêté la production de gaz et amené 
uneamélioration rapide de l’état général. — MM. C. De- 
lézenne et E. Pozerski : Action de l'aldéhyde formi- 
que injectée dans l'intestin sur la sécrétion pancréatique- 
Les auteurs ont observé que l’aldéhyde formique, intro- 
duite à faible dose dans le duodénum, détermine une 
abondante sécrétion pancréalique. Les concentrations 
optima sont situées entre 1 et 2 */,. La sécrétion com- 
mence au bout de 4 à 5 minutes, croit rapidement pour 


130 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


atteindre un maximum au bout de 10 à 15 minutes, 
puis décroît lentement pour ne cesser souvent que 30 à 
4o minutes après le début. A la concentration optimum, 
l'injection peut être répétée plusieurs fois sans que l’on 
observe d'atténuation par trop marquée de l'effet sécré- 
toire. — M. P. Mazé : Sur les phénomènes de combus- 
tion lente chez les végétaux morts. L'auteur a constaté 
que les valeurs du rapport CO?/0?, dans le cas des vé- 
gétaux morts, diffèrent beaucoup de celles que fournit 
la respiration. La combustion lente qui se poursuit 
dans la matière végétale morte ne présente done, dans 
son processus, aucune analogie avec la combustion res- 
piratoire. — M. A. Policard : #echerches histochimiques 
sur le métabolisme de l'urée dans le rein. L'auteur a 
décelé histochimiquement lurée dans le rein au moyen 
du réactif de Fosse, le xanthydrol, Les glomérules, les 
segments à bordure striée (tubuli contorti), les anses de 
Henle, les segments intermédiaires ne renferment jamais 
de cristaux, tant dans leurs cellules de revêtement que 
dans leurs lumières. Seuls les tubes de Bellini offrent 
d'importants cristaux de xanthylurée. Ces résultats 
tendraient à faire croire que l’urée traverse l’épithélium 
rénal, non sous forme libre comme on l’admet généra- 
lement, mais après combinaison avec le protoplasma 
cellulaire. Elle ne transite pas simplement à travers la 
cellule rénale; elle n’est pas excrétée, mais sécrétée. 


SOCIÈTÉ FRANCAISE DE PHYSIQUE 
Séance du 15 Janvier 1915 


M. E.-L. Dupuy décrit le mode opératoire qu'il a 
utilisé pour étudier les anomalies de dilatation des 
alliages. Les irrégularités de dilatation sont souvent 
très faibles, surtout dans la région correspondant au 
revenu des aciers spéciaux. La méthode de détermina- 
tion par points de la courbe longueur-température peut 
quelquefois les laisser échapper, et l'emploi de l'enre- 
gistrement direct s'impose. M. Broniewski avait déjà 
réalisé un dispositif permettant d'enregistrer les indi- 
cations du dilatomètre de M. Le Chatelier, Ce dispositif 
a donné de très bons résultats: cependant son réglage, 
assez délicat, ayant besoin d'être refait à chaque déter- 
mination, M. Dupuy a été amené à étudier un dispo- 
silif, basé sur le même principe, mais dans lequel ce 
réglage peut être effectué une fois pour toutes. L’appa- 
reil se compose d’une tige de silice horizontale fixée à 
une extrémité sur un pied servant de support à l'appa- 
reil, et munie à l’autre extrémité d’une butée. L'échan- 
tillon à étudier, pris sous forme de baguette de 5 €" à 
10°" de longueur, est placé, dans un tube de silice lui 
servant de guide,entre cette butée et une deuxième tige 
desilice qu'un ressort antagoniste appuie constamment 
contre lui. La partie de l'appareil renfermant l’échan- 
tillon étant placée dans un four, la différence entre la 
dilatation de l'échantillon et celle de la silice du support 
produit un déplacement relatif des deux tiges, déplace- 
ment qu'un miroir permet d'enregistrer. À cet effet, un 
rayon lumineux, issu d’une source convenablement 
disposée, est reçu d’abord sur le miroir du dilatomètre, 
disposé de telle sorte que son axe de rotation soit hori- 
zontal, puis est renvoyé sur un second miroir à axe 
vertical relié à un galvanomètre servant à recveillir les 
indications d'un couple thermo-électrique placé dans 
l'échantillon. Le mouvement résultant du rayon lumi- 
neux, reçu sur une plaque sensible, y tracera donc une 
courbe dont les abscisses correspondront aux tempéra- 
tures et les ordonnées aux variations de longueur, Dans 
l'appareil utilisé, l’amplification de la variation de lon- 
gueur de l'échantillon est de 80. Les expériences faites 
jusqu’iciont principalement portésurl’étudeiles transfor- 
mations d’aciernickel-chrome de diversescompositions,et 
ont permis de déterminer avec une grande précision le 
revenu partiel quecesalliages subissent à partir de 1 30°, 
lorsqu'onlesrecuit après trempe. Elles ont permis égale- 
ment de vérifier l'absence des transformations du nickel 
dans cesalliages, les propriétés propres dece métal yétant 


complètement masquées.—M. C.Raveau: Sur lathermo 
dynamique des phénomènes magnétiques. Parlant de 
l'expérience que M. Cotton a présentée à la séance du 
4 décembre 1914 (voir p.66), M. Raveau revient sur l'in- 
térêt qu'elle présente au point de vue didactique par la 
facilité qu’elle offre de définir des opéralions réversibles 
et de montrer que la réversibilité n’est liée ni à la sta- 
bilité, puisque l'équilibre mécanique est instable, ni 
d’une façon directe à l'absence de force vive.Il peut être 
ulile de noter que l'inégalité entre les chaleurs spéci- 
fiques du fer aimanté ou non aimanté, dont le fone- 
tionnement du cycle à 4 temps du moteur thermoma- 
gnétique donne la démonstration, ne rentre pas dans le 
type de celles que la Thermodynamique déduit de la 
considération de cycles triangulaires. Une transposition 
de la formule classique qui donne la valeur de C — ec 
montre que la chaleur spécifique du corps magnétique 
soumis à une force extérieure constante (comptée tan- 
gentiellement à l’arc qu'il décrit) est plus petite que si 
le corps est maintenu immobile, le renversement du 
sens ordinaire de l’inégalité étant la conséquence de 
l'instabilité mécanique. Les inégalités relatives à un 
corps uniformément aimanté, qu’on tienne compte ou 
non de la magnéto-striction, s’écrivent de la même 
façon. Enfin le travail nécessaire pour imposer un 
déplacement déterminé au corps magnétique est plus 
petit quand la température est maintenue constante 
que quand on supprime les échanges de chaleur avec 
l'extérieur (Gouy). Ici, la liaison adiabatique joue le 
rôle ordinaire, parce qu'il n'y a pas d’instabilité ther- 
mique. Quand les effets thermiques auxquels est liée 
l’inégalité précédente sont négligeables, on retrouve 
l'inégalité de M. Cotton. 


SOCIETE ROYALE DE LONDRES 
Séance du 5 Novembre 1914 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Ch. H. Lees : Sur 
le flux des liquides visqueux à travers des tubes circu- 
laires lisses. La différence de pression p, — p; en dynes 
par em.? entre deux sections distantes de / em. d’un 
tube de diamètre d cm. dans lequel coule avec une vi- 
tesse moyenne # un fluide dont la densité p peut être 
considérée comme constante sur la longueur / et dont 
la viscosité cinématique est », ne peut être représentée 
par une puissance simple de la vitesse, mais nécessite 
pour être exprimée une formule du lype : 

Pe — pi = (ev?[d) (a + b[>/vd|"), 

où a, b et n sont des constantes. Dans la mesure où 
le principe de similitude dynamique est applicable au 
flux des fluides dans un tube, «, b et n doivent être des 
constantes applicables à tous les fluides et à tous les 
tubes. Les expériences de Stanton et Pannell montrent 
qu'entre des limites étendues 4 —0,0018, b— 0,153 et 
n — 0,32. Quand la vitesse et le diamètre augmententet 
que la viscosité cinématique diminue, la différence de 
pression varie à peu près comme lpv?/d, et l’effet de la 
température sur la différence de pression diminue, 


2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. R. J. Strutt : Les 
vapeurs lumineuses distillées de l'arc, avec applications 
à l'étude des séries spectrales et de leur origine. L'auteur 
a étudié les propriétés d'un jet lumineux de vapeur de 
mercure dislillée de l’are dans le vide, Quand le courant 
de vapeur atteint d’abord l’anode et qu'on emploie un 
réseau comme cathode, tous les ions positifs peuvent 
être extraits de la vapeur qui traverse la cathode. La 
luminosité du jet n’est pas affectée par l'enlèvement des 
ions négatifs à l’anode, mais elle est éteinte par la 
soustraction des ions positifs à la cathode. Quoique 
l'enlèvement des ions négatifs dans le premier cas ne 
soit pas complet, il est suflisant pour montrer que la 
luminosité est indépendante du nombre d'ions négatifs 
présents. Elle n'est donc pas due à la recombinaison des 
ions. Les expériences sur d’autres métaux aussi bien que 
sur le mercure montrent que les diverses lignes d’un 


ACADÉMIES ET SOCIËTÉS SAVANTES 


131 


spectre ne sont pas, dans Lous les cas, également éteintes 
quand le jet de vapeur lumineuse passe à travers un 
réseau négativement électrisé, Ainsiies lignes des séries 
subordonnées du sodium perdent toutes leur intensilé 
dans le même rapport, mais la ligne D de la série prin- 
cipale est beaucoup moins affectée. Il en résulte que les 
centres lumineux émettant la série principale ne sont 
pas les mêmes que les centres lumineux émettant les sé- 
ries secondaires. On observe des différences analogues 
dans les spectres de lignes de Mg et Zn. Les jets formés 
par As et Sb, qui présentent des spectres de bandes for- 
més d'un grand nombre de bandes uniformément espa- 
cées, ne sont pas éleints par passage à travers un réseau 
négativement électrisé. Les centres lumineux paraissent 
donc non chargés dans ce cas. — M. F.-0. Rice : 
Mesures quantitatives de l'absorption de la lumière. 
1. Les extinctions moléculaires des cétones aliphatiques 
saturées. L'auteur a préparé à l'état de pureté optique 
14 cétones aliphatiques saturées. Les longueurs d'onde 
des centres des bandes d'absorption dépendent du nom- 
bre de groupes méthyle dans les positions z et £ relati- 
vement au groupe carbonyle. La substitution d’atomes 
d'H en position ou plus éloignée n’a pas d'effet sur la 
bande d'absorption. Les cétones de formule générale 
CHS#CO. CH?, CH?R ont le centre de la bande d’asorplion 
à 2990, et celles de formule générale RCH?CH?CO. CH? 
CHER à 2820, R étant un radical alkylique saturé quel- 
conque, La substitution d’un atome d’H en & par CH 
cause un déplacement du centre d'absorption vers le 
rouge de 20 unités Angstrôm pour chaque atome substi- 
tué. La substitution d’un atome d’H en z avec formation 
d'un groupe iso cause un déplacement de 50 unités, el 
quand la substitution en z forme un groupe tertiaire, le 
centre d'absorption se déplace de 30 unités, toujours 
vers le rouge. Ces résullats généraux concordent avec 
les observations de Perkin sur la rotation magnétique 
de ces composés : elle est normale pour la méthylpro- 
pylcétone etles homologues supérieurs, mais anormale 
pour la méthyléthylcétone et encore plus pour l'acétone. 
Les résultats des mesures d'absorption s'accordent éga- 
lement avec les propriétés chimiques des cétones. Le 
pouvoir d'absorption ou extinction moléculaire de 
toutes ces cétones, à l'exception de l’acétone et de la 
méthyléthylcétone, est de 21,2. En supposant que, si 
l’acétone n’était pas associée, elle se comporterait nor- 
malement, le caleul du facteur d’association d’aprè; 
l'extinction moléculaire donne 1,24, nombre très proche 
de celui trouvé par Ramsay et Shields (1,26). Pour la 
méthyléthylcétone, le facteur d'association calculé est 
de 1,09. La mesure de l'absorption lumineuse parait 
donc susceptible de donner un moyen de déterminer le 
facteur d'association d’un liquide. L'ensemble des 
mesures concorde avec la théorie générale que la bande 
d'absorption des cétones est due au champ électroma- 
gnétique du groupe carbonyle influencé par les substi- 
tuants immédiatement voisins, 


Séance du 12 Novembre 1915 


SCIENCES NATURELLES, — M, S.-W. Patterson : 
L'action antagoniste de l'acide carbonique et de l'adré- 
naline sur le cœur. Les expériences ont été effectuées 
principalement sur des chiens, quelques-unes sur des 
chats, ces animaux étant anesthésiés par inhalation 
d’un mélange d’éther et de chloroforme, les chiens après 
avoir reçu une injection hypodermique de morphine. 
Le système cœur-poumon était isolé par la méthode 
Knowlton-Starling. L’adrénaline était mélangée au 
sang dans le réservoir veineux, tandis que CO? était 
administré au moyen d’une poire à gaz. Voici les résul- 
tats obtenus: 1° CO? seul déprime toutes les fonctions 
du cœur isolé ; 2° L’adrénaline, tout en dilatant les vais- 
seaux coronaires, possède une action spécifique qui 
consiste dans l'augmentation de la vitesse et de la force 
de la contraction ventriculaire; 30 L'effet de CO? et de 
l’'adrénaline combiné est de permettre une contraction 
plus rapide et plus forte et une relaxation rapide, et 


“ 


aussi d'allonger la période diastolique. 11 y a ainsi un 
plus grand remplissage du cœur, et celui-ci se trouve 
dans une meilleure condition pour fournir un rende- 
ment maximum, — MM. J. Mc Intosh et P. Fildes : 
La fixation de l'arsenic par le cerveau après les injec- 
tions intraveineuses de salvarsan. Mouneyrat estime que 
le salvarsan est particulièrement neurotropique, tandis 
que l’auteur, Ullmann, Morel et Mouriquand n'ont 
jamais trouvé d’arsenie dans le cerveau après l'injec- 
tion de salvarsan. L'auteur a institué une nouvelle série 
d'expériences qui lui ont permis d'expliquer ces résul- 
tats contradictoires, Ses conclusions sontles suivantes : 
1° Après des injections intraveineuses de salvarsan et 
de néo-salvarsan chez l’homme etchez les animaux, on 
ne peut trouver d'arsenic dans le cerveau, 2° Ce phéno- 
mène n’est pas dù à un défaut d’aflinité entre le cerveau 
et le médicament, mais à une incapacité pour ce dernier 
de pénétrer dans la substance du cerveau, peut-être 
par suite d’une particularité des vaisseaux cérébraux. 
3° La fixation de l’arsenic par le cerveau a lieu aussi 
facilement que par le foie, comme le montrent les expé- 
riences 42 vitro et leseffets toxiques des injections intra- 
thécales. 4° La pénétration du néosalvarsan dans le cer- 
veau n'a pu être obtenue même par des injections 
intraveineuses fréquemment répétées. — MM. H.-M. 
Woodcock et G. Lapage : Observations sur le cycle 
évolutif d'un nouveau Flagellé, lHelkesimastix fæcicola ; 
remarques sur la question de la syngamie chez les 
Trypanosomes. Les auteurs ont observé dans les crottes 
de chèvre et de mouton un nouveau Flagellé qu'ils nom- 
ment {elkesimastix fæcicola. Le cycle évolutif est le 
suivant: Les kystes se développent pour former des 
individus flagellés; ceux-ci, après un certain temps 
d'activité, se meltent au repos, Ss’arrondissent, puis 
s'allongent et se divisent en deux suivant le mode 
usuel de scission binaire. Ensuite les individus se con- 
juguent par deux (syngamie) pour former un zygotle, 
qui s’enkyste à son tour et redonne le kyste primitif. 
Un phénomène très important a été observé sur cet 
organisme: Lorsqu'on en fait une série de sous-cultures 
successives, on constate au bout d’un certain temps que 
les Flagellés, tout en continuant à se multiplier active- 
ment à chaque passage, ne présentent plus la syngamie, 
suivie d’enkystement, et semblent avoir perdu entière- 
ment le pouvoir de les manifester. La cause de celte dis- 
parition de la syngamie et de l’enkystement résiderait 
dans la culture intensive, caractérisée par un excès 
d'alimentation et la non toxicité du milieu fréquemment 
renouvelé, où ne se trouverait plus l'excès de la ou des 
substances chimiques auxquelles les Flagellés réagis- 
sent normalement en cessant de se multiplier et en se 
conjuguant. Lesauteurs pensentqu'on peut expliquer de 
la même façon l'absence de conjugaison constatée chez 
les Trypanosomes, ces derniers vivant dans un riche 
milieu nutritif, le sang, qui se renouvelle en enlevant 
les produits toxiques. 


SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES 
Séance du 3 Decembre 1914 


M. H.-V.-A. Briscoe : Redétermination du poids ato- 
mique de l’étain. Le poids atomique de l'étain a été 
redéterminé par la mesure du rapport 4 Ag : Sn Cl‘. 
Le chlorure stannique était préparé avee Sn commer- 
cial pur et CI pur, puis soumis à la distillation fraction- 
née. Sa purification finale et son introduction dans des 
tubes pesés avaient lieu par décantation et distillation 
fractionnée dans un appareil scellé et où l’on avait fait 
le vide. La quantité d’Ag nécessaire pour réagir avec CI 
présent a été déterminée par une méthode gravi-volu- 
métrique, et le point final trouvé par des essais néphé- 
lométriques.| Quinze analyses concordantes ont donné 
pour poids atomique de l’étain la valeur moyenne 118,70. 
— M. W. N. Haworth : Nouvelle méthode de prépa- 
ration de sucres alkylés. La méthode habituelle d’alkyla- 
tion des sucres repose sur l'emploi des iodures d’alkyles 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


et de Ag?0O sec. L'auleur a reconnu que tous les dé- 
rivés méthylés des sucres peuvent être obtenus faci- 
lement par l’action du sulfate de méthyle et de NaOH 
ordinaire, dans des conditions bien déterminées. Il a 
constaté, en outre, que la méthylation des groupes OH 
des chaines sucrées procède par étapes définies, certains 
groupes ayant la tendance à subir l’éthérification de 
préférence à d’autres, On obtient ainsi, comme substan- 
ces intermédiaires, des sucres partiellement méthylés, 
bien caractérisés et homogènes, L'auteur a ainsi pré- 
paré un grand nombre de dérivés, connus ou nouveaux, 
du sucrose, du glucose, du mannose, du mannitol, du 
lactose. — M. 'T. V. Barker : ssais de résolution des 
sels métalliques des amino-acides et d’autres composés 
coordonnés. Un des plus remarquables succès de la 
théorie de la valence subsidiaire de Werner est l’inter- 
prétation théorique satisfaisante qu’elle a fournie du 
caractère anormal de beaucoup de sels complexes. La 
couleur bleu-violet des sels de cuivre de la glycine et de 
certains autres amino-acides est accompagnée d’une 
conductivité électrique anormalement basse en solu- 
tions aqueuses ; cetle dernière anomalie est aussi carac- 
téristique des sels du cobalt trivalent, et elle a conduit 
Ley à la conclusion que l'atome de N du groupe aminé 
est combiné au métal par le moyen d’une valence sub- 
sidiaire, avec production d’une structure cyclique. La 
formule graphique de la glycine cuprique peut donc 
être représentée par : 


NIL.CH2.CO?.Cu.CO?.CH2.NH2. 


elle n'offre pas de possibilité d’énantiomorphisme; mais 
si, comme il semble probable, les quatre points d’atta- 
che sont disposés tétraédriquement autour du cuivre, 
la configuration n’est pas identique avec son image en 
miroir. La résolution de la glycine cuprique en consti- 
tuants optiquement actifs prouverait que l’interpréta- 
tion de Ley est correcte. D'autre part, quoique énantio- 
morphe, la molécule ne contiendrait pas d’atome asymé- 
trique, puisque le cuivre posséderait un axe de symétrie 
binaire, Le même énantiomorphisme est théoriquement 
possible avec les sels de Cu (Ni, Pd, Pt) des homologues 
de la glycine; avec l’z-alanine, qui existe déjà elle-même 
sous deux formes droite et gauche, comme l’arrangement 
tétraédrique préviendrait la compensation interne, on 
obtiendrait deux paires de configurations énantiomor- 
phes. Les essais de résolution de l’auteur n’ont encore 
abouti à aucun résultat; on se trouve, en effet, en face 
de grosses diflicultés de technique, Les composés ci- 
dessus sont, en effet, parfaitement neutres, ce qui exclut 
l'emploi d’un acide où d’une base optiquement active 
pour leur dédoublement, Il ne reste que la méthode de 
la cristallisation spontanée; l’auteur poursuit ses tenta- 
tives par ce moyen. 


Séance du 17 Décembre 1914 


M. H.-L. Pyman : Composés aromatiques du sélé- 
nium, L'auteur a essayé de préparer l’analogue sélénié 
de l'acide arsanilique, ou acide p-aminophénylsélénique, 
dans le but d'étudier son action physiologique, L'acide 
phénylsélénieux fournit par nitration un nitro-acide 
NO?-CSH'.SeO?H, F. 156'"-157°, donnant successivement 
par réduction le diséléniure de nitrophényle, (NO?. 
C'H'.Se)?, F. 83°, puis le diséléniure d’aminophényle, Le 
dérivé acétylédece dernier, dissous dans l’acide nitrique 
concentré, forme l'acide acétylaminophénylsélénieux, 
F.209°,quiparoxydationaveclepermanganate de potasse 
conduit finalement à l’acide aminophénylsélénique NH°. 
CSHi.Se03H.2H20, aiguilles incolores fondant anhydres 
à 229°, Ilest probable qu'il s’agit ici du dérivé méta. — 
MM. Th. Gray et G.-S. Cruikshanks : Méthode de 
séparation des dihydroxy-benzènes. Les trois phénols 
sont dissous dans une faible quantité d’eau. On ajoute 
un excès d’une solution aqueuse d’acétate de plomb, et 


le sel de plomb du catéchol, presque insoluble dans 
l’eau, se précipite. Le filtrat, acidifié par H2SOi, est 
extrait à l’éther, et les phénols sont récupérés par éva- 
poration de la solution éthérée sèche. Le mélange, 
formé presque uniquement de résorcinol et de quinol, 
est converti en di-p-nitrobenzoates, et celui de quinol 
est séparé par cristallisation de l’acétone où il est très 
peu soluble. Les phénols peuvent être régénérés des 
nitrobenzoates par saponification avec KOH alcoolique 
dans une atmosphère d'H ou d’Az, et acidification. 


SOCIÉTÉ ANGLAISE 
DE CHIMIE INDUSTRIELLE 


SECTION DE NEW-YORK 
Séance 20 du Novembre 1914 


M. G.-F. Comstock: Le titane et ses effets sur l'acier. 
Le titane est le meilleur des désoxydants de lacier. 
L'oxyde de tilane agit ensuite comme un flux pour les 
silicates et les autres scories qui peuvent se trouver 
dans l’acier. Pratiquement, le titane est employé sous 
forme de carbure ou de ferrocarbure, et quelquefois 
sous forme d’alliage aluminothermique quand on ne 
désire pas introduire plus de carbone dans l’acier. Les 
aciers traités au titane ne sont pas de véritables aciers 
tilanés, caronn'y trouve pas plus de 0,025 °/, de ce mé- 
tal; leurs avantages consistent dans leur plus grande 
solidité, leur plus grande pureté et leur moindre ségré- 
gation. L’acier traité au titane est surtout employé aux 
Etats-Unis à la fabrication des rails; il présente sur 
l'acier ordinaire une augmentation de limite élastique, 
de résistance, d’élongalion, de dureté et d'endurance. 
La purification par le titane est également employée 
pour l'acier à essieux, l'acier coulé et l’acier doux en 
plaques eten feuilles minces. — M. J.-H. Hall: l'acier 
au manganèse, L'acier au manganèse, découvert il y a 
une trentaine d'années, contient généralement 10 à 14°, 
de Mn et 1 à 1,5 °/, de C, Sa propriété principale est sa 
grande dureté; aussi est-il aujourd'hui largement em- 
ployé pour les parties qui travaillent des broyeurs de 
pierres, des dragues et pelles à vapeur, des pompes 
centrifuges, pour les croisements et les aiguilles des 
voies ferrées, etc. Le moyen le plus simple et le plus 
économique de produire l’acier au manganèse est de 
mélanger du ferromanganèse fondu à 80 ‘/, avec de 
l'acier doux fondu contenant de 0,10 à 0,25 °/, de C. 
L'acier doux peut être fabriqué au four à sole, mais on 
emploie plus généralement le petit convertisseur Bes- 
semer, Le ferromanganèse est fondu en général au 
creuset; on a essayé le four à coupole : les dépenses 
sont moindres, mais les pertes sont plus grandes; le 
four électrique tend à s’introduire de plus en plus. 
L’acier au manganèse est trempé par chauffage entre 
1000 et 1100° etrefroidissement rapide dans l’eau froide. 
L'acier au manganèse fondu consiste en une masse 
fondamentale d'austénite, contenant de la cémentite 
manganifère dans un réseau et à l’état d’aiguilles et de 
plages dans les grains d’austénite; ces réseaux de cé- 
mentite sont bordés par une zone dans laquelle l’austé- 
nite est plus ou moins transformée en troostite ou sor- 
bite. A certains endroits la cémentite el l’austénite 
partiellement transformée forment un eutectique. Par 
chauffage, la cémentite est absorbée dans l'austénite, et 
elle n’est pas libérée par refroidissement si ce dernier 
est assez rapide ; pour cela, il faut que les blocs à trem- 
per ne soient pas trop épais; sinon ils sont moins durs 
que les blocs de plus petite dimension. La rechauffe 
vers 500° fait perdre complètement la dureté, parce que 
la cémentite est libérée de l’austénite sous forme d’un 
réseau très fin et de multiples petites aiguilles qui bri- 
sent la continuité de l’austénite et rendent l'acier cas- 
sant. 


Le Gérant : Octave Doix. 


Sens. —.Imp. Levé, 1, rue de la Bertauche. 


26° ANNEE 


15 MARS 1915 


Revue générale 


des 


Sences 


pures et appliquées 


Fonpareur : LOUIS OLIVIER 


Direcreur : J.-P. LANGLOIS, Docteur ès Sciences 


Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. J.-P. LANGLOIS, 8, place de l’Odeon, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des 
travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France eten pays étrangers y compris la Suède, la Norvève et la Hollande. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


$ 1. — Physique 


Les propriétés magnétiques et autres du 
fer électrolytique fondu dans le vide. — M.T. 
D, Yensen vient de se livrer à de très intéressantes expé- 
riences sur cette question!. 

Du fer électrolytique, d’une teneur de 99,97 à 99,98 °/, 
de fer, a été fondu dans des creusets de magnésie fon- 
due au moyen d’un four Arsem perfectionné, puis forgé 
en barres et recuit dans un four électrique suivant di- 
vers cycles calorifiques, Ses propriétés magnétiques ont 
été déterminées par la méthode du double barreau de 
Burrows, avec celles de quelques échantillons commer- 
ciaux de fer et d'acier comme terme de comparaison, 
On a déterminé également la résistance électrique, la 
composition chimique, la résistance à la traction, les 
températures critiques et la microstructure, 

L'auteur a obtenu les résultats suivants : 

1° Le fer pur, fondu dans une atmosphère d'oxyde de 
carbone à la pression atmosphérique, absorbe à la fois 
du carbone et de l'oxygène, en fournissant un fér d'une 
qualité magnétique inférieure. 

2° Du fer à faible teneur en carbone fondu dans le vide 
perd 50 à go °/, de sa teneur originale en carbone. 

30 La qualité magnétique du fer électrolytique fondu 
dans le vide est manifestement supérieure à celle de 
toutes les sortes de fer produites jusqu’à présent, la 
perméabilité maximum obtenue étant de 19.000 pour 
une densité de flux de 9.500 gauss. La perte par hysté- 
rèse moyenne est de plus de 50°/, inférieure à celle 
qu'on trouve pour les meilleures qualités de fer de trans- 
formateur, 

4° La résistance électrique spécifique du fer pur fondu 
dans le vide est de 9,96 microhms. 

A Le fer au charbon suédois fondu dans le vide pos- 
sède une qualité magnétique à peu près égale à celle du 
fer électrolytique fondu dans le vide, due principale- 
ment à la réduction de la teneur en carbone. 


1: Proc. of the American Institute of Electrical Engineers, 
t. XXXIV, n° 2, pp. 237-261; février 1915. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 


Il résulte des faits précédents qu'on peut obtenir, par 
fusion du fer électrolytique dans le vide, une qualité 
supérieure de fer pour les emplois magnétiques. Quoi- 
que la résistance électrique de ce fer soit très basse, 
on peut remédier à ce défaut par l'addition d'éléments 
tels que le silicium ou l'aluminium, qui sont connus 
pour augmenter beaucoup la résistance électrique sans 
affecter notablement la qualité magnétique. Des expé- 
riences dans cette voie sont en cours d'exécution. 

Le fer fondu dans le vide deviendra-t-il jamaisun pro- 
duit commercial? Cela dépendra de la possibilité de 
construire un appareil capable de le fabriquer sur une 
grande échelle à un prix qui ne soit pas prohibitif. 


S 2. — Chimie physique 


La couleur des corps et leur constitution 
chimique. — De toutes les propriétés d'un corps, 
c’est peut-être la couleur qui est le plus étroitement liée 
à sa constitution chimique. D'où le nombre considérable 
de recherches qui ont été faites dans ce domaine! 

Comme la couleur d’un corps dépend de l'absorption 
qu'il exerce sur la lumière, l'étude des spectres d’absor- 
ption est d'un grand secours pour préciser nos con- 
naissances sur la constitution chimique. 

Si l'on considère des corps ayant des propriétés 
chimiques voisines, l'augmentation du poids moléculaire 
est corrélative, en général, d’un déplacement de l’absor- 
ption vers les grandes longueurs d'onde et, par suite, 
d’un changement de couleur vers le violet. C'est ce qui 
se produit, par exemple, dans les métalloïdes de la pre- 
mière famille : fluor, chlore, brome et iode; à mesure que 
le poids atomique augmente, la couleur se fonce: le 
fluor est incolore; les autres éléments sont respective- 
ment vert-jaune, rouge et violet. 

Des résultats plus précis ont été fournis par l'étude 
des nombreuses matières colorantes organiques, pour 
lesquelles on a particulièrement examiné l'influence 
des différents radicaux. Les hydrocarbures colorés les 
plus simples (par exemple le fulvène) sont jaunes ou 


1. Voir Scéentia, novembre 1914. 


+ 


134 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


vert-jaune. Quand on remplace, dans la molécule, un 
atome d'hydrogène par l’un des radicaux OH, CH}, 
C5 H5, COOH, etc., la couleur des composés obtenus 
vire du jaune au violet, D’autres radicaux, comme NH, 
NO, etc., agissent en sens opposé. On désigne les 
premiers sous le nom de groupes bathochromes et les 
derniers sous celui de groupes hkypsochromes. Dans 
beaucoup de cas, le degré de l’action exercée par un 
groupement dépend grandement de la constitution de 
la molécule où s'opère la substitution : l'influence de 
cette inolécule peut, dans certains cas, par exemple 
quand elle renferme déjà certains groupes de nature 
bathochrome, devenir si forte que le groupement intro- 
duit perd son caractère bathochrome et devient hyp- 
sochrome. 

Pour qu'une substance organique soit colorée, elle 
doit contenir certains radicaux appelés chromophores, 
dont le caractère le plus net est qu’ils ne sont pas 
saturés : par exemple, le groupement constitué par deux 
atomes de carbone à liaison double C—C, le radical 
carbonyle C—O, le groupe azo N—N, le groupe nitro 
NO, ete. La coloration d’un composé se fonce de plus 
en plus à mesure qu’augmente le nombre des chromo- 
phores dans la molécule, surtout si la substitution 
s'effectue dans un composé à constitution cyclique 
comme la quinone etses dérivés. 

De ce qu'une substance est colorée, il ne résulte pas 
nécessairement qu’elle puisse être utilisée comme ma- 
tière colorante pour la teinture des fibres textiles. IL 
faut que la molécule du corps coloré renferme, outre 
les groupes chromophores, des groupes « auxochromes » 
parmi lesquels on peut citer les groupes OH, NH>, etc. 
Ainsi le nitrobenzène (C6H° NO?), qui est un corps 
coloré, ne devient matière colorante que par l'entrée 
dans la molécule d’un groupe NH? qui donne naissance 
à la p-nitraniline. 

La chimie des matières colorantes a été longtemps 
étudiée en vue des applicationsindustrielles et lon s’est 
borné en général à l’étude de la partie visible du spectre. 
Ces dernières années, les travaux d'Hartley ont indiqué 
que l'étude du spectre d'absorption dans l’ultraviolet, 
qu'il est possible de faire en utilisant des méthodes 
photographiques, pourra devenir très importante pour 
le progrès de nos connaissances sur la structure des 
molécules, Et de nombreux chercheurs sont actuelle- 
ment engagés dans cette voie. 


A propos du système des éléments chimi- 
ques. — Après avoir pris connaissance de l’article de 
M. J. R. Rydberg : Le système des éléments chimiques, 
paru dans la Æevue du 30 août-30 septembre 1914, 
M. Marcel Guignard, auteur lui-même d’une lable héli- 
coïdale des éléments, nous adresse une longue commu- 
nication, que nous ne pouvons reproduire #7 extenso, 
mais dont nous résumerons les principaux points : 

Pour M. Guignard comme pour M. Rydberg, « le sys- 
tème des éléments chimiques doit dépendre d’une seule 
variable indépendante, l’ordinal. Maïs la fonction qui 
permet de calculer chaque poids atomique peut être trop 
complexe pour que la seule considération de ces poids 
permette de la découvrir. Il faut compléter l'expérience 
en tenant compte de la vraie valence et des propriétés 
chimiques (basicité ou acidité). Comme la valence peut 
changer avec la température en modifiant la configura- 
tion de la table hélicoïdale des éléments, on considérera 
avant tout les valences stables à la température ordi- 
naire », 

M. Guignard a ainsi dressé une table hélicoïdale des 
éléments comportant 80 cases affectées des ordinaux 
1 à 80. Cette table ne renferme pas un certain nombre 
d'éléments du groupe des terres rares, et certains ordi- 
naux n’ont pas été affectés d'éléments connus. Si n est 
l’ordinal d’un élément, son poids atomique est À — cn 
+ x. Les éléments de la table ont été divisés par l’auteur 
en six groupes longitudinaux pour lesquels les poids 
atomiques moyens sont donnés par les formules : 


A—2n— 1 
A —2nou2n—+i: 
A—o2n—1—+}8 


A—2n-"20 
A —2n—- 32, ou 3n +20, ou 2n + 56 
A—3n, 


qui donnent une idée des modes d'accumulation de la 
matière dans chaque groupe. 

L'auteur revendique pour son système l'avantage 
d’exelure la nolion de valence négative, invoquée par 
M. Rydberg et qui semble en contradiction avec l’expé- 
rience, et celui de montrer plus clairement et plus rapi- 
dement les propriétés numériques existant dans la suite 
des poids atomiques, chacun de ses groupes longitudi- 
naux formant une suite analogue à une progression 
arithmétique. 


$ 3. — Chimie appliquée 


Exécution rapide des épreuves radiogra- 
phiques. — Dans une note présentée à l'Académie 
des Sciences le 25 janvier dernier, MM. Rivier et 
Dupoux ont préconisé l'emploi de plaques ferrotypes 
pour l'exécution rapide des radiographies, Le procédé 
ferrotype a, il est vrai, l'avantage de donner directe- 
ment, par simple développement et fixage, une image 
positive sur plaque de tôle. Cependant, jusqu'ici, il 
n'avait jamais eu qu'une application fort restreinte : 
c’est le très modeste gagne-pain d'artistes ambulants, 
qui vont de foire en foire et exécutent dans des ateliers 
bien précaires de petils portrails qui n'ont d'autre mérite 
que leur extrême bon marché et la rapidité avec laquelle 
ils sont livrés aux clients. II faut bien reconnaitre que, 
si ce procédé est simple, il ne fournit que de médiocres 
résultats : les blancs du modèle sont reproduits, non 
pas en blanc, mais en gris perle; la vigueur des con- 
trastes s’en trouve nécessairement affaiblie, et la gamme 
des valeurs est réduite d'autant; de plus, les demi- 
teintes, surtout les plus claires, ne sont que très impar- 
faitement rendues. 

Il ne manque d’ailleurs pas d’autres moyens d'obtenir 
une épreuve posilive sans passer par l'intermédiaire 
d'un cliché négatif. Le plus usité est le procédé d'inver- 
sion, tel qu'on le pratique en autochromie : on développe 
d'abord l’image négative, comme d'habitude, puis, au 
lieu de la fixer dans l’hyposulfite de soude, on la traite 
par un bain susceptible de dissoudre l'argent, par 
exemple une solution acidulée de bichromate ou de per- 
manganate de potasse. Un second développement, 
exécuté en pleine lumière, fournit alors la contre- 
partie de l’image négative initiale, c’est-à-dire un posi- 
tif, En soumettant à l’irradiation de l’ampoule de 
Crookes un papier au gélatinobromure (il en existe 
maintenant de très rapides), il est donc bien facile 
d'obtenir directement une épreuve radiographique. 

On pourrait encore obtenir l’inversion par simple 
développement dans un bain contenant de la thiosinna- 
mine ou de la thioearbamide. Voici, par exemple, la for- 
mule du révélateur combiné à cet effet par Waterhouse: 


Eau... Reese eee the-MIUDENL 
Iconogène..... bo Edo 0 INSD: 
Sulfite de soude.,...... US sie Mate fe 20 
Carbona e delithine........ 1» 


Solution” saturée de thiocarba- 
mide et de bromure d’ammo- 


LUN e- 15 à 20 gouttes 


On pousse le développement jusqu'à complet renver- 
sement. Si le positif est voilé, on le plonge, après 
fixage, dans un bain de bromure de cuivre, et on fixe de 
nouveau. 

On pourrait, enfin, utiliser l’antagonisme, découvert 
en 1899 par M. Villard, des rayons X et de la lumière, 
celle-ci détruisant l'impression produite par ceux-là. 

Cependant, ces deux dernières méthodes ne sont pas 
à conseiller : leur simplicité est plus apparente que 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 135 


réelle ; l'application est assez délicate, et les résultats un 
peu incerlains. Et puis, n'est-il pas Loujours préférable 
de garder un cliché, pour le cas où l'épreuve viendrait à 
êlre égarée ou détériorée ? D'autant plus qu'on a souvent 
besoin de plusieurs exemplaires de la même radiogra- 
phie, et il n’est pas bien diflicile de les exécuter en 
quelques instants, 

On a l'ait valoir, en faveur du procédé ferrotype, qu'il 
fournit une image en moins de dix minules. C'est, en 
elfel, possible; mais M. Charles Gravier a indiqué, 
dès 1898, le moyen d'obtenir un cliché et son épreuve en 
deux minutes. I suflit, à cet effet, d'appliquer contre le 
phototype développé, mais non fixé, une feuille de 
papier au gélatinobromure détendue dans l'eau. Voici, 
d’ailleurs, le détail des opérations : 

On plonge dans une cuvette pleine d’eau une feuille 
de papier au bromure rapide ; on verse, dans une autre 
cuvette, un révélateur de rapidité moyenne, et on place 
à côté un cahier de papier buvard blanc. Ceci préparé, 
comptons le Lemps nécessaire à chaque phase du tra- 
vail. . 

Développer le cliché : 30 à 4o secondes; 

Laver le cliché en l’agitant dans l’eau, sans le fixer : 
5 secondes ; 

Appliquer contre le négatif le papier au bromure et 
les presser légèrement dans le cahier de papier buvard, 
alin d'enlever l'excès d’eau : 5 secondes ; 

Exposer à la lumière d'un bec de gaz ou d’une lampe 
à pétrole (le papier mouillé adhère suffisamment au cli- 
ché, sans qu’il soit nécessaire d'employer un chässis- 
presse): 5 secondes ; 

Développer l'épreuve au bromure : 30 à 4o secondes ; 

Fixer l'épreuve dans un bain acide à 25 pour 100 
d'hyposulfite, en agitant le papier dans la cuvette : 
20 secondes ; 

Laver légèrement : 5 secondes. 

Total : 100 à 120 secondes, soit 2 minutes, 

La rapidité de cette méthode, souvent utilisée par les 
reporters photographes, tient à la suppression du fixage 
du cliché et des lavages prolongés qui s’ensuivent, 
lavages qui seraient indispensables pour éviter les 
taches sur le papier ; tandis que les traces de révélateur 
qui peuvent subsister dans la couche à la suite d’un 
lavage imparfait n’ont aucun inconvénient. 

Rien n'empêche de fixer le négatif, après le tirage des 
épreuves urgentes. E. C. 


$ 4. — Botanique 


Nouvelle méthode pour déterminer rapi- 
dement la vitalité des semences. — Jusqu'ici la 
vitalité des semences a été déterminée d’après le pour- 
centage de graines qui germent dans les lits de germi- 
nation. Ces épreuves sont assez simples lorsqu'il s'agit 
de graines qui germent en peu de temps ; mais si, même 
dans les conditions les plus favorables, il doit s'écouler 
deux semaines ou plus avant que l’on puisse connaître 
la qualité de la graine, c’est-à-dire sa faculté germina- 
tive, il faut employer une méthode plus rapide ; une ex- 
position de moindre durée entraine d’ailleurs un moins 
grand danger d’altération ou de perte par les crypto- 
games parasites et d’autres ennemis, 

M. G. Peirce a déjà démontré qu’en se servant de bal- 
lons Dewar argentés comme calorimètres, on peut faci- 
lement constater qu’il se dégage de la chaleur pendant 
la germination, et il a émis l’idée qu'il peut y avoir, 
entre les quantités de chaleur dégagées par des graines 
d’âges différents, des différences telles qu'elles peuvent 
servir à indiquer l'âge et la faculté germinative ou vita- 
lité des graines. Il vient de reprendre l’étude de cette 
question avec M, L. Darsie et Mile Ch. Elliot, et les au- 
teurs sont arrivés aux résultats suivants !. 


1. The Botanical Gazette,t. LVIII, n° 2, pp. 101-136; 
août 1914 ; analysé dans le Bull. mens. de l'Inst. international 
d'Agriculture, t.V n° 11, p. 1659, auquel nous empruntons les 


renseignements ci-dessus. 


Ils ont fait des essais de germination dans des ballons 
Dewar argentés et comparativement dans des lits de 
germination, avec des semences d'àâges divers el sûre- 
ment connus, d'orge, detrèfle, de maïs, d'avoine, de blé, 
Les résultats démontrèrent que, toutes choses égales 
d’ailleurs, le dégagement d'une haute température par 
les semences, dans une limite de temps raisonnable, est 
l'indice d’une grande énergie germinative et de la faculté 
de développer rapidement la radicule et la tigelle après 
la germination ; en d’autres Lermes, c'est un indice de 
vigueur, La quantité de chaleur dégagée pendant la ger- 
mination diminue avec l'augmentation de l’âge des 
graines (d’une espèce donnée; mais cette diminution 
n'est pas toujours parfaitement régulière, étant donnée 
l'influence des conditions climatiques dans lesquelles 
les différents échantillons ont été cultivés et récoltés, 
leur degré de maturation et les conditions dans lesquel- 
les ils ont été conservés. 

A l'instar des animaux supérieurs, les graines en ger- 
mination ont une température que l’on peut considérer 
comme normale ou caractéristique pour chaque espèce; 
tout écart sensible de cette température normale indique 
des conditions anormales de la semence. Toutes choses 
égales d’ailleurs, la température normale est dégagée 
par les graines les plus fraîches et les plus vigoureuses. 
Une température plus élevée que la normale indique la 
présence d’autres organismes (cryptogames, etc...) dé- 
gageant aussi de la chaleur ; une température inférieure 
à la normale indique une diminution de vitalité (due le 
plus souvent à une augmentation d'âge). 

Voici quelle est, pour quelques espèces, la tempéra- 
ture normale,soit l'augmentation journalière moyennne 
de température produite par 10 gr. de semence, 


(EE AN EMTEC 1°,82 C. 
TO IEEE SR ER SEEN 00,75 
BCP  C SUR E Sert à 0°,73 
ANOIRER NE, MUR APS A. 00,55 
MISES LENS RAA Re 0°,49 


$ 5. — Zoologie 


La sélection des couleurs par les mousti- 
ques. — M. A. E. Shipley vient de décrire d’intéres- 
santes expériences effectuées à Cambridge concernant 
l'influence des diverses lumières colorées sur les mous- 
tiques !. * 

Plusieurs observateurs ont déjà signalé que les mous- 
tiques fréquentent les surfaces sombres de préférence 
aux claires. Buchanan a noté que les hommes chargés 
de recueillir les moustiques dans un hôpital indien les 
capturaient le plus facilement en tendant un ou deux 
vêtements noirs sur les murs, tandis que les insectes évi- 
taient toujours les vêtements blancs. 2 

Voici le dispositif adopté par M. Shipley dans ses ex- 
périences : Dans la grande tente cubique en gaze où les 
moustiques (Anopheles maculipennis) étaient conservés, 
on empila un certain nombre de boîtes en carton sans 
couvercle mesurant 20 > 16 10 em, Ces boîtes étaient 
garnies de tissus de 17 couleurs différentes, et placées 
par rangées les unes au-dessus des autres, l’ordre étant 
modifié chaque jour de façon à éliminer toute influence 
de la hauteur au-dessus du plancher ou d’illumination 
variable. On a compté le nombre des moustiques réfu- 
giés dans chaque boîte pendant 17 jours consécutifs et 
on a obtenu les résultats suivants : 

Nombre de 
moustiques 
dans chaque boite 


Couleur de la boîte 


MBTEUIMATINE. Line ee nat cie cles c'e 108 
ROME CISOMMDTE ER ame le cie ce 90 
ÉD APE En ee te 81 
DONAOER AE RER COLE L'ONNRIEE 59 

Areporter.... 338 


1. British Medical Journal, n° 2824, p. 284 (13 févr. 1915). 


136 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


Couleur de la boite Nombre de 


moustiques 
dans chaque boite 
Report... 338 
NOT EAU... RUES AREAS EE Ê 49 
Gris ATOS re CeA EE LATE" 31 
Vert'olives:t..t AuMMaRR TAN 2 
Miole eee ee set efete ee 18 
MEStIRerDE TEE AE ESC TUE : 17 
Benne tnae as el ne 14 
GHISMER EEE EEE CCREÉCRSE : 9 
Mertipale "5 11e EME € 5 4 
Bleu myosotis Tee PA 3 
Ocre SES. ELA TORRES : 2 
Biant rene tent au Mono 0 0 2 
Orange errir.. SAC PHOTO 1 
Jaune... 105 MTS SSD o 
Lotale er Per ÉFEReR EE D12 


On remarquera qu'au niveau du gris perle il y a une 
chute marquée : les six dernières couleurs, spécialement 
l'orange et le jaune, semblent positivement repousser 
l’insecte. On voit que les vêtements de eouleur khaki 
ont d’autres avantages que d’être invisibles à l’ennemi. 

Ces expériences sont susceptibles d’une application 
pratique. Il doit être possible de construire des trappes à 
mouxtiques tendues en bleu marine; en vidant périodi- 
quement leur contenu, on pourrait détruire un nombre 
considérable de moustiques. Une solution visqueuse 
bleue serait peut-être encore plus eflicace. 


$ 6. — Physiologie 


Influence du timbre et de l’intensité sur 
la localisation des sons. — Un savant anglais, 
M. Ch. S. Myers, vient de se livrer à de très intéres- 
santes expériences sur ce sujet!. Il opérait dans une 
« chambre sourde », dont les parois, le plafond et le 
plancher, composés d’un mélange de pierre, de mousse 
de tourbe et de liège, et garnis intérieurement d’une 
couche épaisse de poils de cheval, amortissaient presque 
complètement les sons. Le sujet était assis, les yeux 
bandés et la tête appuyée, sur un siège au centre de la 
salle. Un appareil ingénieux, — formé d’une embou- 
chure, reliée par un tuyau flexible à l'appareil produc- 
teur de sons situé au dehors de la salle, et susceptible 
de prendre toutes les positions dans deux plans vertical 
et horizontal, — permettait de faire entendre des sons 
de timbre et d'intensité variables dans toutes les parties 
de la chambre. 

Dans l’analyse des facteurs qui déterminent la locali- 
sation des sons, l’auteur distingue la latéralité — c'est- 
à dire la position apparente du son par rapport au plan 
vertical médian ou sagittal du corps — de l'incidence — 
c’est-à-dire la position apparente par rapport au plan 
horizontal situé à la hauteur des deux oreilles, 

Voici les résultats que lui ont donnés les expériences 
faites sur 7 hommes et 4 femmes, aucun n’ayant dépassé 
l’âge de 40 ans. 

1° La latéralité d’un son est déterminée par des difré- 
rences binaurales ou l’égalité d'intensité de la sensation, 
Les changements expérimentaux d'intensité dans le 
timbre ou l'intensité d'un son ne provoquent aucune 
différence dans sa latéralité,. 

Dès qu’un enfant commence à prendre conscience des 
sons, il apprécie aussitôt leur latéralité. La réception par 
une oreille d'un stimulus plus fort que celui qui atteint 
l’autre oreille détermine aussitôt chez l’enfant un mou- 
vement de la tête et des yeux qui porte ces derniers vers 
la source du son, 

2° L’incidence d'un son est déterminée à la fois par 
son timbre et par son intensité. Des variations expéri- 


1. Proc. Royal Soc., London, série B, t. LXXXVIII, p. 267- 
284. 


mentales du timbre ou de l'intensité d’un son provoquent 
des changements marqués dans l’appréciation de son 
incidence, Les adultes mêmes commettent les plus 
grosses erreurs dans cette appréciation, On peut arriver 
cependant, par desexercices pratiques faits avec des sons 
de timbres et d’incidences différents, ou par des mouve- 
ments de la tête qui font varier le timbre et l’intensité 
d’un même son au moment de sa réception, à déterminer 
correctement l'incidence d’un son, 

3° La sensibilité tactile ou cutanée ne paraît jouer 
aucun rôle dans la localisation auditive. 


L'étude analytique du mécanisme de l’éeri- 
ture. — Les principaux mouvements de l'acte d'écrire 
sont ceux de l’avant-bras, de la main et des doigts. Les 
seuls dont l’analyse présente quelque difficulté sont ceux 
des doigts, et ce sont précisément ceux qui offrent le 
plus d'intérêt. M. J. Drever! a cherché à isoler ces mou- 
vements par un procédé d'élimination. L'écriture même 
est la résultante de tous les mouvements; le mou- 
vement de la main est la résultante de tous les mouve- 
inents, excepté ceux des doigts. Si l'on parvient à tra- 
cer séparément le mouvement de la main, la différence 
entre ce tracé et celui de l'écriture indiquera la part 
prise par les mouvements des doigts. 

Pour déterminer le mouvement de la main, M. Drever 
a apporté d'importantes modifications à un appareil 
proposé par Judd en 1907; la forme perfectionnée con- 
siste en une large bande de métal courbée qui prend le 
dos de la main; à celte bande est attaché tangentielle- 
ment un dispositif inscripteur terminé par une plume 
ou un crayon qui est appuyé par un ressort contre une 
bande de papier. 

Les résultats déduits par l’auteur de la comparaison 
des tracés sont les suivants : 

1° Normalement, dans l’écriture adulte soignée, spé- 
cialement dans l'écriture à la plume, les mouvements 
les plus fins de la formation des lettres sont dus aux 
doigts. Lorsque la vitesse de l’écriture augmente, la 
main prend une part de plus en plus grande au mouve- 
ment ; pour une écriture très rapide, les mouvements 
sont parfois presque uniquement ceux de la main. 

2° Le mouvement principal de la main dans l'écriture 
est alternativement une rotation autour d’un axe dans 
le poignet et autour d’un axe dans le coude pour l’écri- 
ture soignée; mais, lorsque la rapidité de l'écriture aug- 
mente, la rotation autour de l’axe du poignet tend à 
disparaitre. 

3° Dans l'écriture des enfants, le rôle joué par le 
mouvement des doigts est très variable. En général, 
le mouvement de la main prédomine, même dans la 
formation des lettres, mais ce n’est pas un principe uni- 
versel. 

Jusqu'à présent, on n’a pas essayé d'enregistrer la 
pression des doigts sur la plume (létreinte) pendant 
l'écriture M. Drever a construit, à cet effet, un petit 
appareil formé d’une double tétine en caoutchouc, l’une 
extérieure, l’autre intérieure, placée autour de la plume. 
L'espace qui existe entre leurs parois est rempli de mer- 
cure et scellé. Un tube très étroit pénètre dans cet es- 
pace et permet de transmettre la pression que prend le 
mercure sous les doigts qui serrent la tétine à un tam- 
bour enregistreur. Ce dispositif a l'inconvénient d’être 
un peu lourd; il donne cependant des résultats dignes 
de confiance. 

La pression de la pointe de la plume sur le papier, 
au contraire, a déjà été l’objet de nombreuses détermi- 
nations, dans toutes sortes de conditions; mais la ba- 
lance de Kraepelin, généralement employée, est sus- 
ceptible de diverses critiques. Aussi M. Drever at-il 
combiné un appareil beaucoup plus simple et plus exact. 
Son principe essentiel est d'enregistrer la pression exer- 
cée sur la pointe dela plume en faisant agir la pression 


1. Proc. of the Royal Soc. of Edinburgh, t. XXXIV, part. III 
p- 230-240. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 137 


de l'extrémité supérieure de la plume sur un tambour 
récepteur, 

Dans ce but, on glisse la plume (ou le crayon) dans 
un tube support. Au moyen d'un tube de guidage, la 
pression est dirigée normalement à la surface du tam- 
bour, Pour diminuer le frottement et pour prévenir les 
mouvements latéraux de la plume, on place un ou deux 
anneaux à l'intérieur du tube de guidage, ce qui permet 
à la plume de se mouvoir librement dans les deux sens. 
En reliant le tambour récepteur avec un tambour en- 
registreur, on obtient le tracé de la pression de la 
pointe. 

Avec ces deux appareils, M. Drever a obtenu de très 
intéressants résultats, dont les plus importants sont 
probablement ceux qui se rapportent aux différences 
entre l'écriture de l'adulte et celle de l'enfant (fig. 1). 

La pression des doigts sur la plume chez l'adulte 
montre presque toujours une élévation et une chute 
rythmiques de pression, à peu près aussi régulières dans 
le tracé que les vibrations d'un diapason, quoique, lors- 
que la vitesse d'écriture augmente, l'amplitude des chan- 
gements de pression diminue sensiblement, Ce rythme 
se retrouve dans l'écriture des enfants à partir de l’âge 
de dix ans, mais avec des irrégularités 
marquées. Il est diflicile d'obtenir avec 
l'appareil de l’auteur des résultats vala- 
bles chez des enfants plus jeunes. Un 
phénomène analogue se présente dans le 
cas de la pression sur la pointe. Chez 
l’adulte, letracé montre un sommet «ridé » 
caractéristique sur chaque onde de pres- 
sion, indiquant une augmentation et une 
diminution plus ou moins rythmiques de 
pression. Dans l'écriture de l'enfant, cette 
caractéristique fait totalement défaut 
avant l’âge de 11 ans, et le tracé de pres- 
sion consiste soit en une ligne plus ou 
moins continue, ou en une ligne qui est 
simplement « erochue », sans aucune ré- 
gularité dans ses sinuosilés. Ces phéno- 
mènes sont probablement en grande 
partie des phénomènes de coordination, 
mais ils ont aussi un intérêt psycholo- 
gique, comme nous allons le voir. 


Une seconde différence caractéristique 
entre l'écriture de l’adulte et de l’enfant, 
où le phénomène psychique se montre 
nettement à côté du phénomène de coordi- 
nation, est la suivante : On sait que le 
lecteur exercé ne reconnaît pas les diver- 
ses lettres d’un mot individuellement, 
ni ne les épelle individuellement en lisant 
un mot, mais lit le mot avec une seule 
impulsion totale, soit de reconnaissance, 
soit de parole. De même, l'écrivain aäulte 
écrit un mot, non avec une impulsion 


séparée pour chaque lettre, mais avec CADEPE 


Même lorsqu'on apprend dès l'origine à l'enfant à 
écrire d’une manière continue, les tracés peuvent être 
distingués par le défaut de variations rythmiques de 
pression. Cette différence, quoique en majeure partie un 
phénomène de coordination, indique en même temps la 
nature de l'impulsion psychique qui guide l'écriture. 
Elle est due en partie à ce que l'écriture est une forme 
de langage, et non le dessin, 

Peut-on aller plus loin? L'unité de langage est la 
phrase, et non le mot; on le reconnait en général clai- 
rement dans la parole et la lecture. En retrouve-t-on 
quelques traces dans l'écriture? Oui, jusqu'à un certain 
point. Dans l'écriture adulte, on peut souventdistinguer 
les phrases par la subordination des pressions indivi- 
duelles pour chaque mot à une pression maximum sim- 
ple surune partie, en général la fin, de la phrase. Puis- 
que l'enfant dessine et n'écrit pas, on chercherait en 
vain chez lui une semblable caractéristique. Toutefois, 
il faut noter que, chez les employés de bureaux, qui 
peuvent être considérés comme des écrivains profession- 
nels, l'écriture tend à perdre cette dernière marque du 
langage et à présenter une pression approximalivement 
uniforme. 


Fig. 1 — Tracés de pression de l'écriture. 


1 à IT. Tracés de pression sur la pointe chez des enfants. Enregistre- 
ment du temps en secondes par le chronographe Jacquet. 

Ï a. Enfant de six ans. Mots : « The cow gives us milk ». 

1 b. Enfant de six ans (premier essai d'écriture), Mots : & À man 


I c. Enfant de six ans (impression). Mots : « À man can run ». 


une seule impulsion pour le mot entier. 
Par contre, en apprenant à écrire, l'enfant 
apprend d’abord à dessiner les formes de 
lettres, et il existe une impulsion séparée 
pour chaque trait, ou lettre, ou groupe de 
lettres, suivant l'unité de dessin pour 
l’enfant, et celle-ci varie graduellement 
du trait à la lettre, de la lettre au 
groupe de lettres, du groupe de lettres au 
mot entier, à mesure que l’enfant pro- 
gresse. Ces différences sont bien indi- 
quées dans les tracés de pression de la 
pointe. Le tracé de l’adulte montre immé- 
diatement que chaque mot est écrit 
comme un tout. Le tracé de l'enfant qui 
apprend à écrire montre également, sans 
qu'on puisse se tromper, les unités pour 
lesquelles il y a une seule impulsion de 
dessin. 


IT a. Ecriture au crayon, et II 4. Ecriture à la plume d’un enfant de 
8 ans. Mots : « Moray House School », écrits deux fois dans chaque 
cas. 

IT. Enfant de 11 ans. Ecriture au crayon. Mots : « Moray House 
School », écrits deux fois. î 

IV et V. Tracés de pression sur la pointe chez des adultes. Enregis- 
trement du temps en cinquièmes de seconde par un diapason. : 

IVa. Ecriture au crayon, à la vitesse normale. Mots : « Moray House 
School », écrits deux fois. ; 

IVé. Ecriture au crayon par le même sujet, vitesse maximum. Mots : 
« Moray House School », écrits quatre fois. 

V. Ecriture à la plume, lente et rapide. Mots : « Moray louse School », 
écrits une fois lentement et deux fois rapidement. 

VI et VII, Tracés de la pression des doigts sur la plume, chez des adul- 
tes el des enfants de 11 ans. Enregistrement du temps en cinquièmes de 
seconde pour les adultes et en secondes pour les enfants. 

Vla. Ecriture d'adulte au crayon. Mots : ( Moray House School ». 

VI6. Ecriture d'adulte à la plume. Mots: « Moray House School 
Moray ». 

VIT. Ecriture d'enfant au crayon, Mots : (Moray House School », répé- 
tés une fois lentement, une fois rapidement, 


138 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


Dernière remarque: le tracé de la pression de la 
pointe est aussi caractéristique pour un individu que 
son écriture ou sa signature, et même dans l'écriture de 
la main gauche, sans exercice préalable,onretrouve ces 
caractéristiques individuelles. On peut cependant dis- 
tinguer des types généraux différents d'écrivains, Les 
auteurs précédents en avaient signalé deux: un type 
masculin, avec un seul maximum de pression pour cha- 
que mot ou chaque phrase écrite comme un tout, et une 
augmentation de la pression de la pointe quand la vi- 
tesse de l'écriture augmente; un Lype féminin, avec plu- 
sieurs maxima de pression dans le mot ou la phrase,ou 
avec une pression relativement uniforme, et avec une 
diminution de pression quand la rapidité de l'écriture 
augmente, M. Drever croit bon de séparer les deux va- 
riétés de ce dernier type, et de faire de la seconde un 
troisième type, le type d'écrivain où mécanique, qui se 
distingue encore par le fait que la vitesse de l'écriture 
est normalement très près du maximum, 

On voit quenotre connaissance des processus del’écri- 
ture prend un développement considérable et qu'une 
science réelle de la graphologie est en train dese fonder. 


$ 7. — Géographie et Colonisation 


Mission Audoin pourleravitaillement dela 
région orientale du Territoire du Tchad. — 
M. lelieutenant de vaisseau Audoin, qui, de 1902 à 1904, 
avait été lecollaborateur du colonel, aujourd'hui général 
Largeau comme commandant de la flottille du Tchad, 
puis avait fait partie, de 1906 à 1909,de la Mission Tilho 
pour la délimitation Niger-Tchad et avait spécialement 
exploré et étudié les contrées situées à l’est du Tchad, 
et qui enfin avait été appelé en 1910 à diriger la Mission 
hydrographique maritime du Gabon dont nous avons 
fait connaitre ici les résultats!, a été chargé, en 1913, 
d'aller étudier sur place les moyens de ravitaillement 
les plus rapides de la région orientale du Territoire du 
Tchad, dans laquelle d'importantes opérations militai- 
res nous avaient conduits jusqu'aux confins du Massa- 
lit et du Dar Four. Il s'agissait, dans cette mission, de 
reconnaître le cours de certains affluents de droite du 
Chari, d'étudier leur navigabilité et de voir si quelques- 
uns d’entre eux pouvaient être utilisés pour le trans- 
port des hommes et des marchandises, afin d'obtenir 
ainsi une voie de ravitaillement plus rapide. L'Afrique 
centrale française avait déjà, grâce au chemin de fer 
Lagos-Kano à travers la Nigéria, une route d'accès très 
favorable, mais elle ne pouvait se contenter de cette 
seule voie, si l’on tient compte que le nombre des ani- 
maux porteurs entre le Tchad et l'Ouadaï est limité et 
que dès maintenant les ressources qu'ils offrent dans la 
région sont utilisées au maximum, Il était done néces- 
saire de rechercher une autre voie de ravitaillement ve- 
nant du Congo, et cette route partant du sud pourra 
conserver son utilité quelles que soient les facilités nou- 
velles de pénétration que nous puissions rencontrer par 
la suite du côté du Cameroun. 

Secondé dans sa mission par l’adjudant Bonjour, de 
l'infanterie coloniale, M. le lieutenant de vaisseau Au- 
doin a remonté l’'Oubangui jusqu’à Bangui, et, faisant 
route par la voie de terre, il a gagné Batangafo, silué 
aux environs du confluent de la Fafa et du Bahr Sara, 
affluent gauche du Chari. Il a ensuite descendu le Babhr 
Sara jusqu'au confluent du Chari, puis celui-ci jusqu'au 
confluent du Bahr Salamat.Il a remonté ce dernier aussi 
loin qu’il lui a été possible et ensuite, de mars à juin 
1914, il a exploré et étudié un certain nombre d’autres 
affluents de droite du Chari, Bahr Korbol, Bahr Erguig, 
Babhr Gamkoul, Bahr Laïri, ete. Rentré en France à la 
fin d'octobre, le lieutenant Audoin a pris de suite un 
poste de combat. 

Ce voyage ne nous a pas seulement procuré d’utiles et 
pratiques indications sur les meilleures voies de ravi- 
taillement à adopter pour les territoires orientaux du 


1. Revue générale des Sciences du 15 décembre 1913, p. 872. 


Tchad, mais il a aussi fourni des renseignements géo” 
graphiques nouveaux sur cette région jusqu'ici impar- 
faitement connue. 

M. le lieutenant de vaisseau Audoin a pu entièrement 
rectifier ce que l’on savait du cours du Bahr Salamat,. 
Contrairement à ce qu'indiquent tous les documeuts car- 
tographiques parus jusqu'à ce jour, il ne vient pas du 
Dar Four, mais seulement du Dar Rachid, au sud du 
Ouadaï; c’est à tort que les cartes en font un cours d'eau 
unique avec le Bahr Mangari, vu par Nachtigal en 1871, 
car ce dernier bahr se perd dans les terres auprès d’Am 
Timane.M. Audoin remonta le Bahr Salamat jusqu’à un 
point situé à quelques kilomètres en amont du déver- 
soir du lac Iro, nappe d’eau qui, d’après M. Auguste 
Chevalier qui l'avait explorée en 1903, mesure 18 kilo- 
mètres de longueur sur 9 kilomètres dans sa plus grande 
largeur. En ce point la nappe liquide de la rivière pré- 
sentait des solutions de continuité et toute navigation 
y devenait impossible. M. Audoin suivit alors le lit du 
cours d’eau jusqu’en un point peu éloigné d’Am Timane, 
et reconnut la zone marécageuse dans laquelle se perd 
le Bahr Mangari. Il put se rendre compte que le Babr 
Salamat né saurait être navigable pour des baleinières 
que pendant quatre mois jusqu’au lac Iro et un peu en 
amont pendant trois mois jusqu’au village de Dadia 
dans les années moyennes. 

Les autres cours d'eau dont l'étude a suivi celle du 
Bahr Salamat ne pouvaient faire gagner pour accéder 
vers l’'Ouadaï qu'un petit nombre de kilomètres, et 
encore pendant quelques mois seulement dans les années 
moyennes. Quelques-uns d’entre eux coulent presque 
parallèlement au Chari ou bien en sont seulement des 
bras. Il en est ainsi du Bahr Erguig, ou Bahr M’hassa, 
qui n’est qu'un bras, en partie colmaté, du Chari; il a 
pour aflluent le Bahr Gamkoul. 

Toutes les régions comprises entre le Tchad et le 
Chari, et le Ouadaï sont extrêmement marécageuses, et, 
durant l'hivernage, elles sont entièrement submergées. 
Toute cette partie du Centre africain entre les 9° et 12e 
degrés de latitude a été oceupée à une époque géolo- 
gique antérieure par une sorle de mer intérieure dont le 
Chari et ses affluents représentent des lignes de plus 
grande pente, Certaines de ces lignes, d’ailleurs, n’attei- 
gnent pas le Chari et celle qui constitue le Bahr Lairi, 
par exemple, va conduire les eaux qu'elle charrie en 
hivernage dans la cuvette du lac Fittri, alors que le 
Chari porte les siennes au lac Tchad. Les cours d’eau 
de cètte région doivent donc être très anciens et nombre 
d’entre eux ont atteint leur niveau de base, tel le 
Salamat en aval du lac Iro. Dans ces conditions, leur 
navigabilité ne peut que devenir de jour en jour plus 
difficile sous l’action du colmatage. 

Ces constatations diverses devaient amener M. le lieu- 
tenant de vaisseau Audoin à cette conclusion que l’on 
ne doit pas compter sur la possibilité de faire sur les 
afluents de droite du Chari une navigation commer- 
ciale, Il convient done de créer une route se dirigeant 
vers nos possessions orientales du Centre-africain,et de 
lui donner comme point de départ une partie du cours 
du Chari qui soit accessible toute l’année par baleinière, 
etpendant plusieurs mois par vapeur, M. Audoin estime 
que l’endroit remplissant le mieux ces conditions est 
Miltou qui, en même temps, offre l'avantage d'être à la 
distance minima entre le Chari ét le Ouadaï, La voie 
d’eau pour le ravitaillement venant du Congo suivrait, 
après ce fleuve, son affluent lOubangui jusqu'à Ban- 
gui. Là il faudrait construire une voie ferrée pour 
atteindre le bassin du Chari, D'après le projet primitif, 
elle devait être conduite vers Fort-Crampel, sur le Gri- 
bingui; mais, considérant que le Bahr Sara offre des 
conditions de navigabilité bien supérieures à celles du 
Gribingui, M. Audoin propose de diriger ce chemin de 
fer vers un point du Bahr Sara situé en aval de son 
confluent avec la Fafa. La navigation serait reprise sur le 
Bahr Sara, puis sur le Chari jusqu’à Miltou, d'où parti- 
rait la route vers le nord-est 

Gustave Regelsperger. 


A. LEBEUF. — L'HISTOIRE DES DOCTRINES COSMOLOGIQUES 139 


L'HISTOIRE DES DOCTRINES COSMOLOGIQUES DE M. DUHEM' 


« L'œuvre dont nous entreprenons aujourd’hui 
la publication aura de vastes proportions, pourvu 
que Dieu nous donne la force de l'achever. » 
Ainsi débute le très court avant-propos qui pré- 
cède le premier volume de l'ouvrage remarquable 
que publie M. Duhem sur l’//istoire des doctrines 
cosmologiques de Platon à Copernic. Une seule 
phrase: « Peut-être ces pages apporteront-elles 
quelque utile renseignement au chercheur sou- 
cieux de connaître ce que les précurseurs de la 
Science moderne ont pensé du Monde, des corps 
qui le composent, des mouvements qui l'agitent, 
des forces qui l’entraïnent », indique brièvement 
le but de l'ouvrage. 

Autrefois, un discours préliminaire ou une in- 
troduction documentée aurait presque certaine- 
ment résumé les grandes lignes du travail, tout 
en guidant le lecteur désireux et capable de 
refaire le long voyage entrepris par l’auteur. Ces 
préliminaires, sous la plume experte et si pro- 
fondément érudite de M.Duhem, auraient éclairé 
l'horizon, fait Jjaillir le relief des principales 
étapes et entrainé le lecteur à goûter plus vive- 
ment la pensée grecque, à la fois si éloignée el 
si proche de nous. Mais peut-être n'y a-t-il là 
qu'une prudente et habile tactique, si l'on en 
juge par la lumineuse conclusion qui termine les 
Origines de la Statique, et l'on doit s'attendre 
pareillement, au dernier chapitre du Système du 
Monde, à une vue d'ensemble qui retracera ma- 
gistralement l’évolution de la pensée humaine 
dans les limites envisagées ci-dessus. 

Dans le passé, lorsque les ouvrages étaient re- 
lativement rares, une préface, habilement com- 
posée, engageait le lecteur à charmer ses loisirs 
par une patiente étude. Maintenant où, hélas, le 
temps manque presque toujours pour faire face à 
nos multiples préoccupations, on se contente 
trop souvent d’un aperçu général, lorsque celui- 
ci est parfaitement présenté dans l'Introduction; 
à peine s’arrèête-t-on, de ci, de là, sur quelques 
têtes de chapitre eton ignore le fond des choses, 
que l’on se borne à admirer sur la foi de l’auteur. 
Aujourd’hui, M. Duhem nous conduit à la terre 
promise par un chemin laborieux et hérissé de 
citations grecques et latines; dès les premières 
pages, on verra toutefois qu'il ne faut ni s’en 
effrayer ni le regretter. 


(1) Duuem (P.), Membre de l’Institut, Professeur à l'Univer- 
sité de Bordeaux : Le Système du Monde. Histoire des doc- 
trines cosmologiques de Platon à Copernic. Tome [. — T vol. 
in-8 de 512 pages avec 11 figures. (Prix . 18 fr. 50). Hermann 
et fils, éditeurs. Paris, 1913. 


Pythagore, Platon, Aristote sont, pour la plu- 
part d'entre nous, les noms qui s'associent le plus 
intimement à la science hellène et auxquels nous 
rapportons le plus justement le fondement de 
nos connaissances, M. Duhem va faire ressortir 
nettement, dans ce premier volume, ce qui re- 
vient à chacun d’eux, puis il éclairera le rôle, 
parfois de premier plan, de leurs disciples, de 
leurs commentateurs et contradicteurs, pour 
arriver à Hipparque et Ptolémée, en qui s’incar- 
nent, sous une forme pratique, les premières 
théories astronomiques. 

« Les idées les plus fausses ont cours depuis 
longtemps sur les doctrines astronomiques de 
Pythagore et les efforts des érudits parviennent 
malaisément à troubler et à ralentir ce cours. 
Fréquemment, par exemple, on entend attribuer 
à Pythagore l'hypothèse qui explique le mouve- 
ment diurne des astres par la rotation dela Terre, 
alors que rien n'autorise à croire qu'il ait admis 
cette hypothèse..... Des polygraphes, des com- 
pilateurs que de longs siècles séparaient de 
Pythagore, nous ont rapporté, sans critique, tout 
ce que l’on contait de leur temps sur ce philo- 
sophe, transformé en une sorte de personnage 
légendaire; et des historiens ont eu la naïveté 
d'accueillir ces propos comme s'ils venaient 
d'écrivains bien informés et dûment autorisés. » 

M. Duhem réduit les apports scientifiques fon- 
damentaux de Pythagore à leur juste mesure : 
« Il semble assuré en premierlieu que Pythagore 
enseignait que la Terre est sphérique et qu'elle 
est immobile au centre du Monde. 

« Le premier, il paraît avoir discerné la loi du 
mouvement du Soleil..... Il aurait compris que 
le mouvement du Soleil pouvait se décomposer 
en deux rotations ; de ces deux rotations, la pre- 
micre, dirigée d'Orient en Occident, s’accomplit 
autour des mêmes pôles et dans le même temps 
que la rotation diurne desétoiles,..... la seconde 
a lieu d'Occident en Orient autour des pôles 
autres que ceux du mouvement diurne et elle est 
parfaite en un an...» 

A-t-il fait la même découverte pour la Lune et 
les cinq planètes ? « Il est fort possible, répond 
M. Duhem, que l’Astronomie soit redevable à 
Pythagore de ce nouveau progrès. .... Si ce pro- 
grès n’est pas l’œuvre même de Pythagore, il 
semble en tout cas qu'il ait été accompli de son 
temps et au sein des Ecoles de la Grande Grèce. » 

Ce « bilan des connaissances astronomiques 


110 A. LEBEUF. — L'HISTOIRE DES DOCTRINES COSMOLOGIQUES 


que nous pouvons, avec quelque vraisemblance, 
attribuer au fondateur de l'Ecole italique et à ses 
premiers élèves, est beaucoup moins riche que 
celui qu'avaient dressé les historiens de la 
science, alors qu'ils recevaient, sans contrôle, les 
légendes les plus douteuses; en particulier, il ne 
permet aucunement de placer Pythagore au nom- 
bre des précurseurs de Copernic. » 

C'estauxsuccesseurset disciples de Pythagore, 
Philolaüs, Hicetas, Ecphantus, que l’on doit, 
d'après quelques auteurs, et à tort selon M. Du- 
hem, les premiers germes du Système de Co- 
pernic. Dans le Système de Copernic, la Terre 
est une planète qui tourne sur elle-même et au- 
tour du Soleil en même temps que les autres pla- 
nètes, astres errants. Dès qu’un philosophe 
ancien exprime tout ou partie de ces idées, rota- 
tion de la Terre, mouvement héliocentrique, il 
est regardé par quelques-uns comme un précur- 
seur de Copernic. Guidée par une critique péné- 
trante et la connaissance approfondie des textes, 
l'analyse de M. Duhem remet toutes choses au 
point, sans jamais cependant méconnaître la 
grandeur et l'importance des découvertes de 
l'Ecole italique, car, dit-il en terminant le cha- 
pitre premier consacré à l'Astronomie pythagori- 
cienne : « Le peu que nous savons, toutefois, des 
systèmes élaborés par les Pythagoriciens pour 
rendre compte des mouvements célestes suffit à 
éveiller en nous l’étonnement et l'admiration... 
sentiments qui ne cesseront de grandir tandis 
que nous continuerons à parcourir l’histoire de 
l’Astroncmie grecque. » 


Il 


Les Pythagoriciens, imbus d'idées arithmé- 
tiques, faisaient jouer à 10, nombre parfait, un 
rôle considérable, puisque, dit Aristote : « ils af- 
firment que 10 est le nombre des corps qui sont 
mus dans le Ciel ». Platon, plus géomètre que 
physicien, accentuera encore le caractère mathé- 
matique de sa Cosmologie, en recourant, de pré- 
férence, aux ressources de la Géométrie pour 
pénétrer les secrets de l'Univers. S'il parvient 
justement à imprimer profondément la marque 
de son puissant esprit sur ce sujet si complexe, 
ce n’est pas toujours sans péril pour le lecteur, 
mis en garde ainsi par M. Duhem : « Au moment 
d'aborder la Cosmologie de Platon, on ne saurait 
se défendre d'un sentiment de crainte; on est 
également effrayé et par la hauteur de la pensée 
qu'il s’agit d'interpréteret par les obscurités qui, 
trop souvent, en embrumentles contours... Don- 
ner, comme nous allons essayer de le faire, un 


, 


exposé systématique et résumé de la Cosmologie 


platonicienne, c’est courir le très grand risque 
de fausser et de forcer la pensée du Maître en la 
fixant dans un cadre trop rigide et trop étroit; 
nous espérons, toutefois, n'en pas défigurer à 
l’excésles lignes essentielles ». 

Une analyse forcément limitée risquerait en- 
core davantage de trahir à la fois Platon et 
M. Duhem; nous allons donc simplement tenter 
d'éveiller la curiosité du lecteur par quelques 
citations : 

« Dieu est bon ; sa bonté exclut tout sentiment 
d'envie, cette bonté le pousse à créer toutes cho- 
ses de telle sorte qu’elles lui ressemblent autant 
que possible. Comme Dieu, quiest l'être animé 
absolu, est unique, l'Univers, fait à l’image de 
Dieu, imite l’unité divine; il n’y a donc ni une 
infinité de Mondes, ni plusieurs Mondes; iln’ya, 
il n'y aura jamais qu’un seul Monde. » 

Une relation géométrique conduit Platon aux 
quatre éléments fondamentaux ou essences prin- 
cipales : le feu, la terre, l’air et l’eau; il y ajoutera 
une cinquième essence, l’éther, conformément 
au nombre des polyèdres réguliers alors connus. 
« Dans le domaine de chacun de ces corps, se 
produisent des êtres animés nombreux et variés ; 
chaque domaine a ses êtres particuliers. C’est 
ainsi, par exemple, qu’il existe des êtres vivants 
sur la Terre, tels que les plantes, les animaux et 
l'homme; ceux-là sont formés surtout de terre. 
Dans le domaine du feu, il faut admettre égale- 
ment l'existence d'êtres animés quisont les astres 
et qui tombent sous le sens de la vue. Les êtres 
animés de ce genre sont, pour la plus grande par- 
tie, formés de feu, mais ils renferment en outre 
de petites parties de terre, d’air et de tous les 
autres éléments. C’est pourquoi ces êtres vivants 
sont différents les uns des autres et tombent sous 
le sens de la vue. Nous devons penser que les 
corps célestes sont des êtres animés de ce 
genre. » 

Platon définit ainsi la pesanteur ou gravité : 
« On nomme gravité la tendance qui porte un 
corps [tel que la Terre placée au sein de l’air] 
vers l’ensemble des corps de même famille, pen- 
dant qu’il se meut, et lieu inférieur le lieu vers 
lequel ce corps se porte. » M.Duhem ajoute : Nous 
ne saurions remarquer avec trop d'attention cette 
interprétation de la gravité donnée par Platon. 
Aristote la combattra pour lui substituer sa 
théorie du lieu naturel qui, pendant de longs 
siècles, dominera toute la Mécanique des choses 
sublunaires. L'un des premiers efforts de la révo- 
lution copernicaine sera de remettre en faveur la 
théorie de la pesanteur proposée par Platon, de 
la modifier en l’étendant de la Terre aux divers 
astres et de ménager par là une sortedetransition 


La 


A. LEBEUF. — L'HISTOIRE DES DOCTRINES COSMOLOGIQUES 141 


entre la théorie péripatéticienne du lieu naturel 
et la théorie newtonienne de l'attraction univer- 
selle. » 

Nous passons sous silence la première discus- 
sion sur le plein et le vide et nous abrégeons 
l'exposé des conceptions de Platon sur la Phy- 
sique pour arriver à son Astronomie, où prédo- 
mine également son instinct de géomètre. 

« L'Univers étant formé des quatre éléments, 
le feu et la terre d’abord, puis l'air et l’eau qui 
les relient, Dieu lui a donné une figure; la figure 
qu'il lui a donnée est la plus parfaite, celle qui 
est toujours et partout semblable à elle-même, 
partant la plus belle, celle de la sphère; il a 
donc tourné le Monde en un globe exactement 
poli. 

« A ce monde sphérique il a attribué le mou- 
vement qui lui convenait le mieux... le mouve- 
ment de rotation sur lui-même qui convient à la 
figure sphérique. Ainsi fut donc formé un Ciel 
limité par deux sphères concentriques, destiné à 
se mouvoir du mouvement de rotation 
forme. » 

Ces deux sphères concentriques conduisent à 
deux mouvements principaux du Ciel selon des 
vues théologiques ainsi exprimées : « La révolu- 
tion du globe extérieur est la plus divine des 
deux; elle est la tête des mouvements: elle com- 
mande à tout ce qui existe autour de nous; réu- 
nissant l'ensemble des corps, les dieux les luiont 
livrés afin qu’ils en suivissent les lois. » 

L'étude du mouvement des Astres errants porte 
principalement sur le Soleil, les diflicultés rela- 
tives aux planètes ne sont naturellement pas élu- 
cidées, et c’est pour y parer que la Æépublique 
contient l’allégorie du fuseau de la nécessité 
qui sera commentée par les disciples du philo- 
sophe. 

Les idées de temps, lieu, espace ont profon- 
démentagité l'esprit des premiers penseurs.Nous 
les verrons longuement discutées et exposées par 
Aristote et ses disciples. 

La peinture de la création des Astres dans le 
Timée « évoque le souvenir du récit analogue 
qu’on lit en la Genèse : Le Monde mobile et vi- 
vant était formé à l’image des Dieux éternels; le 
Père qui l'avait créé, en ayant pris connaissance, 
admira son œuvre et, en sa joie, il concçut le des- 
sein de le rendre plus semblable encore à son 
modèle... En même temps donc qu'il met de 
l’ordre dans le Ciel, il y produit, de l'éternité 
qui persiste immobile dans l'unité, une image 
qui marche sans fin suivant un nombre perpé- 
tuel, et c’est cela que nous avons appelé letemps. 
Car les jours, les nuits, les mois, les années 
n'étaient pas avant que le Ciel fût né etce fut en 


uni- 


organisant le Ciel que Dieu même fabriqua leur 
naissance. » 

Indépendamment des révolutions périodiques 
des diverses planètes, on peut considérer une 
durée telle qu'à la fin les sept astres errants oc- 
cupent, dans le Ciel, par rapport aux étoiles fixes, 
des positions rigoureusement identiques à celles 
du début. Cette durée, c’est la Grande Année 
des Anciens; on l’a aussi appelée l'Année plato- 
nicienne, malgré qu'elle füt, d’après M. Duhem, 
connue bien avant Platon. Effectivement, « en 
beaucoup de très anciennes philosophies on ren- 
contre cette croyance que l'Univers est un être 
périodique: qu’au bout d’un temps suffisamment 
long, il reprendra exactement son état initial et 
qu’alors il recommencera à vivre une seconde 
phase identique à la première; que cette phase 
en précédera une troisième toute semblable, et 
ainsi sans fin. La Grande Année représente en 
une telle doctrine la durée de chacune des pé- 
riodes dont la succession constitue l'existence 
perpétuelle de l'Univers; la détermination de 
cette durée prend alors une importance sans 
égale. » 

C'est dans l'Inde, très probablement, que l’idée 
de périodicité de l'Univers, de la Grande Année, 
prit naissance. D’autres peuples antérieurs aux 
Grees, « les Chaldéens, admettaient, eux aussi, 
que le Monde était alternativement et d’une ma- 
nière périodique inondé et brulé; la période 
selon laquelle ces phénomènes se reproduisaient 
était celle qui ramenait tous les astres errants à 
occuper une même position par rapport au Ciel 
des étoiles fixes ». 

La Grande Année à vivement préoccupé les 
anciens philosophes. M. Duhem, après l'avoir 
décrite dans la Cosmologie de Platon, y revient 
de nouveau avec beaucoup de détails dans les 
théories du temps, du lieu et du vide après Aris- 
tote. 

La durée de la Grande Année, de l'Année par- 
faite, de l'Année du Monde est très variable se- 
lon les auteurs : « Iéraclite la compose de dix- 
huit mille années solaires; Diogène le Stoiïque 
l’évalue à trois cent soixante-cinq années dont 
chacune est aussi longue que l'Année considérée 
par Héraclite… 

« Il y a encore l'année qu'Aristote appelle tres 
grande plutôt que grande et qui est formée par 
les révolutions du Soleil, de la Lune et des cinq 
étoiles errantes, lorsque tous ces astres sont 
revenus à la fois au point céleste d’où ils étaient 
partis ensemble. Cette année a un grand hiver 
appelé par les Grecs #rondation et parles Latins 
diluvium; elle a aussi un été que les Grecs nom- 
ment #ncendie du Monde. Le Monde, en effet, 


142 A. LEBEUF. — L'HISTOIRE DES DOCTRINES COSMOLOGIQUES 


doit être tour à tour inondé ou embrasé à chacune 
de ces époques. Cette année-là, d’après l’opinion 
d’Aristarque, se compose de deux mille qua- 
tre cent quatre-vingt-quatre années solaires... » 

Cette idée de Grande Année, de périodicité de 
la vie de l'Univers, amène immédiatement cette 
question : 

« Lorsqu’au commencement d’une 
Année, on voit reparaître des choses toutes sem- 
blables à celles qui sont nées au commencement 
de la Grande Année précédente, doit-on penser 
que ces choses semblables sont numériquement 
identiques les unes aux autres? Doit-on croire 
seulement qu'elles sont de même espèce ? » 

On imagine sans peine que les deux opinions 
ontété soutenues par des philosophes également 
autorisés. 

Platon croyait « à l'identité numérique entre 
les êtres régénérés et les êtres qui avaient précé- 
demment existé » ; les Stoïciens « pensaient, 
comme Platon, que les mêmes âmes repren- 
draient un jour possession des mêmes corps »… 
« Zénon déclare qu'après l’embrasement les 
mêmes hommes s’adonneront aux mêmes beso- 
gnes, je veux dire qu'Anytus et Melytus feront 
encore des réquisitoires, que Bousiris recom- 
mencera à tuer ses hôtes, qu'Hercule de nouveau 
exécutera des travaux athlétiques. » 

Porphyre est l’un des principaux philosophes 
n’admettant pas pleinement la métempsychose 
éternelle, la réincarnation des âmes une infinité 
de fois. 

La philosophie chrétienne repoussa la thèse 
de la Grande Année, de la périodicité de l’éter- 
nité de l'Univers; le lecteur suivra néanmoins 
avec un très vif intérêt l'exposé de M. Duhem sur 
cette théorie admise sans objection parle Paga- 
nisme. 

Cette phrase du 7imée : « Dieu enfin a fabri- 
qué la Terre, notre nourrice; elle est enroulée 
autour de l’axe qui traverse l'Univers de part en 
part; elle est la gardienne et la productrice du 
jour et de la nuit; parmi les dieux qui sont dans 
le Ciel, elle est le plus ancien », a provoqué de 
longues discussions pour attribuer, ou non, à 
Platon le mouvement de rotation de la Terre 
comme explication du mouvement diurne. Les 
textes bien compris, d’après M. Duhem, incli- 
neraient plutôt à faire croire que la Terre « de- 
meure immobile » dans l'esprit de Platon. 

Il ne semble done pas que le grand philosophe 
aitajouté, aux connaissances ou hypothèses astro- 
nomiques de ses prédécesseurs, des découvertes 
tout à fait essentielles. C’est plutôt dans ses 
écrits et dans son enseignement qu'il exerce 
« une profonde et durable influence » en faveur 


Grande 


des études de l’Astronomie, car il montre mieux 
que personne « comment l’Astronomie doit être 
étudiée et enseignée si l’on veut que cette étude 
et cet enseignement soient utiles à la Cité ». 

En définissant successivement l’Astronomie 
selon les divers degrés de la connaissance, Pla- 
ton aboutit à cette conclusion suprême que le 
véritable but de cette science est l’étude de Dieu : 
« Préparé par l'étude des réalités permanentes, 
le véritable astronome devient, en quelque me- 
sure, participant de la Raison divine; il accède 
à l’Intelligence qui lui révèle une troisième et 
suprême Astronomie, l'Astronomie théologi- 
que. Voilà pourquoi le jeune homme doit étu- 
dier les théories les plus élevées de l’Arithméti- 
que, de la Géométrie, de l’Astronomie; enruinant 
les préjugés de l’Astronomie d’observation, en 
leur substituant les lois exactes et éternelles des 
mouvements des astres, l’Astronomie véritable 
l'empêche de porter sur les Dieux du Ciel des 
jugements faux et sacrilèges qui seraient néfas- 
tes à la Cité. » 


III 


Platon avait posé, aux mathématiciens, ce pro- 
blème : 

« Quels sont les mouvements circulaires et par- 
faitement réguliers qu'il convient de prendre 
pour hypothèses, afin que l’on puisse sauver les 
apparences présentées par les astres errants ? ». 

Or, comme Platon plaçait la Terre au centre 
des circulations célestes, qu’il la supposait im- 
mobile, le problème ci-dessus pouvait encore se 
formuler ainsi : « Émboiterles uns dans les au- 
tres plusieurs globes sphériques concentriques ; 
animer chacun d’eux d’une rotation uniforme 
autour d’un axe convenablement choisi ; suppo- 
ser que le mouvement de l’orbe intérieur se com- 
pose avec les mouvements de ceux qui l’entou- 
rent ; combiner enfin ces mouvements de telle 
sorte que la marche résultante d’un astre fixé à 
l’orbe le plus voisin du centre représente le mou- 
vement apparent de la planète observée. C'est 
sous cette forme que le problème astronomi- 
que donnera naissance aux divers systèmes de 
sphères homocentriques. » 

« Le premier des Grecs qui tenta la solution 
du problème posé par Platon fut Eudoxe de 
Cnide », nous dit Simplicius. 

La théorie des sphères homocentriques est 
fort compliquée; elle fut appliquée à la Lune, 
au Soleil et aux diverses planètes. Nous men- 
tionnerons seulement, à ce propos, la connais- 
sance, déjà très exacte, des révolutions synodi- 
ques des diverses planètes et de la durée des 


A. LEBEUF. — L'HISTOIRE DES 


DOCTRINES COSMOLOGIQUES 143 


saisons. La finale de ce chapitre mérite spécia- 
lement d'être reproduite : 

« L'attribution du titre de Créateur de la 
méthode des sciences physiques a donné lieu à 
bien des querelles; les uns ont voulu le donner à 
Galilée, les autres à Descartes, d’autres encore à 
François Bacon, qui est mort sans avoir jamais 
rien compris à cette méthode. En vérité, la mé- 
thode des sciences physiques à été définie par 
Platon et par les Pythagoriciens de son temps 
avec une netteté, une précision qui n'ont pas été 
surpassées; elle a été appliquée pour la pre- 
mière fois par Eudoxe lorsqu'il a tenté, en com- 
binant les rotations de sphères homocentriques, 
de sauver les mouvements apparents des astres. » 

Et cependant « le système des sphères homo- 
centriques était condamné dans son principe au 
moment où Eudoxe et Calippe s’efforçaient de le 
constituer; on savait déjà que plusieurs astres 
errants avaient des diamètres apparents varia- 
bles; on savait donc que ces astres ne demeurent 
pas toujours à la même distance de la Terre, 
qu'ils ne sont pas enchâssés dans des sphères 
solides ayant pour centre le centre de la Terre. 
Ce système, contredit par les faits dans la propo- 
sition même qui le domine tout entier, n’en 
trouvera pas moins des défenseurs pendant deux 
mille ans parce qu'il s’accorde seul avec la Phy- 
sique d’Aristote et parce que, pendant deux 
mille ans, et plus, y aura des hommes pour 
mettre la parole d'Aristote au-dessus du témor- 
gnage de leurs yeux ». 


IV 


Le chapitre 1V, Physique d'Aristote, explique 
comment s’est imposée cette autorité tyrannique 
du célèbre philosophe. Pour la plupart des lec- 
teurs privés des facilités de lire Aristote, cette 
partie de l’Ouvrage sera peut-être la plus inédite 
et celle qui sollicitera le plus vivement l’atten- 
tion. M. Duhem excelle à faire ressortir l'esprit 
du Maitre; il faudra lire et relire ces commen- 
taires de l’auteur associés aux citations directes. 

« C’est la perception sensible, au gré d’Aris- 
tote, qui, seule, imprime la marque de la certi- 
tude en la conclusion à laquelle aboutit le 
raisonnement du physicien; pour Platon, au con- 
traire, les apparences manifestées par les sens 
étaient incapables de certitude; seules pouvaient 
être tenues pour vraies les propositions que le 
géomètre leur substituait. Lorsque le mathéma- 
ticien, à l’aide d'une théorie, sauve les appa- 
rences, Platon pensait qu'il laisse découler 
jusqu’à ces apparences quelque chose de la 
certitude dont la méthode géométrique est capa- 


ble; Aristote croit, au contraire, qu'il fait 


remonter jusqu'à sa théorie une part de la vérité 
que les sens ont directement saisie. » 

Aussi, en toutes circonstances, Aristote attaque 
« l'opinion que Platon professait au sujet des 
Mathématiques ». 

« Les pages qui composent ce chapitre [IV] 
n’exposent pas toute la Physique d'’Aristote; 
elles n’en exposent mème pas, tant s’en faut, 
toutes les doctrines essentielles ; presque seules 
y ont été résumées les théories qui interviendront 
constamment dans les débats relatifs aux divers 
systèmes astronomiques. 

« Si incomplet cependant que soit cet exposé, 
il suflira peut-être à donner au lecteur une im- 
pression de ce qu’a été la philosophie péripaté- 
ticienne. L’humanité n'a jamais vu aucune 
synthèse dont l’ensemble ait autant d’unité, dont 
les diverses parties fussent aussi intimement 
reliées les unes aux autres. La partie logique de 
l'Œuvre d’Aristote étudie, avec une puissance 
de pénétration et une délicatesse d'analyse que 
l’on n’a pas dépassées, les règles selon lesquelles 
la Science doit être construite; puis, selon ces 
règles, le reste de l'(Euvre du Stagirite bâtit le 
prodigieux édifice où trouvent place les doctrines 
spéculatives : Mathématiques, Physique et Méta- 
physique : et’ les doctrines pratiques : Ethique, 
Economique et Politique. Le monument a l’iné- 
branlable solidité d’un blocetla pureté de lignes 
de la plus belle œuvre d’Art. 

« De la Physique d’Aristote, cependant, il ne 
restera pas pierre sur pierre... » 

Mais, en l’envisageant à son véritable point de 
vue, M. Duhem peut encore ajouter avec raison: 
« La Physique d’Aristote est l’un des plus éton- 
nants systèmes que la raison humaine ait jamais 
construits; à toutes les questions que les Anciens 
avaient accoutumé de poser sur les Cieux, sur 
leurs mouvements, sur les éléments, sur leurs 
transformations, elle donnait des réponses, les 
plus précises et les plus complètes qui eussent été 
formulées jusqu'alors, et toutes ces réponses, 
elle les coordonnait logiquement en une théorie 
auprès de laquelle toutes les doctrines précé- 
dentes semblaient de simples ébauches. » 


V 


Les chapitres V et VI : Les théories du temps, 
du lieu et du vide après Aristote; La dynamique 
des Hellènes après Aristote, exposent clairement 
et avec détails les commentaires et les travaux 
des successeurs d’Aristote sur les idées princi- 
pales de sa Physique rappelées ci-dessus. 

Nous citerons seulement la suggestion finale 
du chapitre VI : « Au sujet de la chute des graves, 


144 A. LEBEUF. — L'HISTOIRE DES DOCTRINES COSMOLOGIQUES 


la vérité n’était aucunement apparue aux philo- 
sophes grecs... Au sujet des deux autres pro- 
blèmes qui les ont préoccupés, du mouvement 
des corps dans le vide et du mouvement des pro- 
jectiles, ils ne sont pas demeurés dans une 
ignorance complète. Sans doute, la Physique 
péripatéticienne, qui, en d’autres circonstances, 
a eu de si pénétrantes et si prophétiques intui- 
tions, s’est égarée, ici, dans des erreurs grossiè- 
res. Nulle part, les méprises qui viciaient certains 
de ses principes n’ont produit des conséquences 
plus contraires aux enseignements de l’expé- 
rience. Nulle part, non plus, elle n’exercera une 
plus durable et plus pernicieuse influence; le 
joug de la Dynamique aristotélicienne est un de 
ceux que la science moderne aura le plus de peine 
à secouer. Cependant, hors des écoles péripaté- 
ticiennes, il s’est trouvé des mécaniciens hellènes 
pour formuler, au sujet du mouvement des corps, 
dans le vide ou en milieu plein, des principes 
sensés. Ces principes, c'est dans les écrits de 
Jean Philopon, et là seulement, que nous en 
trouvons l’énoncé formel. 

« De ces principes, Philopon était-il l’inven- 
teur ? Si oui, Jean d'Alexandrie, dit le Chrétien, 
mériterait d’être compté au nombre des grands 
génies de l'Antiquité, d'être célébré comme un 
des principaux précurseurs de la science mo- 
derne.…. » 

Nous arrivons aux Astronomies hcliocentriques 
(chapitre VIT). 

« Platon avait formulé, de la manière la plus 
précise et la plus générale, le problème de l'As- 
tronomie, tel qu’il a été compris jusqu’à Képler. Il 
faut, disait-il, prendre pour hypothèses un certain 
nombre de mouvements circulaires et uniformes, 
et ces mouvements, il faut les choisir de telle 
sorte que leur composition sauve le cours appa- 
rent des astres. » 

En conséquence, « Eudoxe et Calippe avaient 
construit le système astronomique des sphères 
homocentriques, et Aristote, impliquant cette 
Astronomie dans sa Physique, avait constitué 
une doctrine cosmologique d’une grandiose 
unité. Et cependant, l’Astronomie des sphères 
homocentriques ne résolvait pas, ne pouvait pas 
résoudre le problème posé par Platon; elle ne 
sauvait pas, elle était condamnée à ne jamais 
sauver la totalité des apparences célestes ». 

C’est Héraclide du Pont qui, en rejetant la doc- 
trine des sphères homocentriques, proposa des 
hypothèses astronomiques nouvelles, lesquelles 
« dessinaient la première esquisse du système 
de Copernic ». Il apparaît, en effet, qu'Héraclide 
doit être rangé, sans contestation possible, au 
nombre de ceux qui expliquaient le mouvement 


diurne en maintenant immobile le ciel des étoi- 
les fixes et en attribuant à la Terre, autour de 
l’Axe du Monde, une rotation uniforme d’Ocei- 
dent en Orient. 

L’Astronomie héliocentrique, aprèsavoir rallié 
quelques philosophes, dont Aristarque de Samos, 
fut ensuite abandonnée. « Après Seleucus, nous 
ne trouvons plus personne, durant l'Antiquité 
gréco-romaine, qui ait tenu pour l'hypothèse 
héliocentrique; cette hypothèse semble être 
tombée dans un profond oubli d'où nul, avant 
Copernic, n’a essayé de la tirer. » 

Outre une analyse délicate des textes, signa- 
lons encore, dans ce chapitre VII, que la rotation 
diurne, si fatale à Galilée, faillit également faire 
condamner Aristarque pour crime d'impiété, sur 
les instigations de Cléanthe. Il est au moins à 
propos et curieux de rapporter ici cette opinion 
de Paul Tannery, sur la condamnation de Gali- 
lée : « Si les partisans des anciennes doctrines 
purent le faire condamner par l'Eglise, les 
dogmes chrétiens ne lui opposaient en réalité 
aucun obstacle ; il eût probablement couru des 
dangers beaucoup plus sérieux s'il avait eu à lut- 
ter contre les superstitions astrolatriques de 
l'Antiquité. » 

Après cet examen des doctrines héliocentri- 
ques, M. Duhem ajoute : « Entre le physicien qui 
demande à la Cosmologie d’Aristote de lui faire 
connaître les mouvements réels, et l’astronome 
soucieux de sauver minutieusement les mouve- 
ments apparents par les hypothèses qui suppor- 
tent le système des excentriques et des épicycles, 
nous verrons s'engager un combat singulier; à 
travers l'Antiquité hellénique, le moyen âge 
islamique et le moyen âge chrétien, ce combat 
se prolongera jusqu'au milieu du xvi° siècle; 
mais, au cours de ce long débat, ni l’un ni l'autre 
des adversaires n'aura cure de l’Astronomie 
héliocentrique. » 


VI 


Nous avons dit plus haut comment le système 
des sphères homocentriques avait échoué. 
D'autre part, « le système héliocentrique sauvait 
de plus heureuse façon certaines des apparences 
qui échappaient aux représentations du système 
des sphères homocentriques; mais, comme une 
plante qui aurait germé trop tôt, il a disparu 
avant de s'être développé, pour nereparaître que 
dans les temps modernes. Le problème que Pla- 
ton et les Pythagoriciens ont posé aux géomètres 
et aux astronomes va recevoir une troisième 
solution; plus heureuse que les deux autres, 
cette solution, perfectionnée par des retouches 


plusieurs fois séculaires, semblera donner satis- 
faction aux désirs que ce problème formulait; 
par des combinaisons de mouvements circulaires 
et uniformes, elle sauvera les apparences avec 
une exactitude dont caleulateurs et observateurs 
se contenteront pendant de longs siceles. 

Cette solution est celle qui fait usage de mou- 
vements circulaires excentriques à la Terre ‘et 
aussi de mouvements épicycles. 

« L'histoire des efforts qui ont constitué le 
système astronomique des excentriques et des 
épicycles peut se partager en trois périodes 
(chap. VIT). 

« La première période comprendles tentatives 
qui ont précédé Hipparque. 

« La seconde embrasse les travaux d'Hippar- 
que et ceux, beaucoup moins importants, des 
astronomes qui se sont succédé d'Hipparque à 
Ptolémée. 

« La troisième retrace l’(Euvre de Ptolémée. » 

Les hypothèses de l’excentrique et de l'épi- 
cycle, dues aux astronomes géomètres qui en 
prouvèrent eux-mêmes l’équivalence, peuvent 
aussi découler de l'hypothèse du mouvement hé- 
liocentrique; c’est du moins l'opinion habile- 
ment motivée de M. Duhem. 

Hipparque compléta et précisa les théories des 
excentriques et des épicycles de ses prédéces- 
seurs, de telle sorte que Ptolémée dira de lui: 
« J'estime qu'Hipparque s’est montré très fidèle 
ami de la vérité en toutes choses. ». 

L'Œuvre de Ptolémée suggère à M. Duhem ces 
lignes remarquables : « Dans toutes lestentatives 
de ses prédécesseurs, mettre l’ordre et l'unité; 
reprendre sur de nouveaux frais et conduire 
jusqu’à l'achèvement les essais qui n'avaient été 
qu'ébauchés ; construire ainsi un système logi- 
quement agencé où la science astronomique tout 
entière se trouvât exposée : tel est le but que le 
géomètre de Péluse fixe à ses efforts ; il l’atteint 


aussi parfaitement qu'il est donné à l'esprit 
humain de réaliser un idéal. 

« Du u° siècle de notre ère au xvie siècle, les 
doctrines de Ptolémée ont fait régner l'ordre 
dans la science astronomique ; ordre provisoire, 
il est vrai, auquel la théorie de la gravitation 
universelle devait un jour substituer une elassi- 
fication différente et singulièrement plus par- 
faite; mais ordre indispensable, sans lequel la 
classification définitive ne füt, peut-être, jamais 
parvenue à s'établir. ». 

Rapportons encore,pour l'édification définitive 
du lecteur, cette pensée platonicienne de Pto- 
lémée sur l'étude de l’Astronomie: « Mieux que 
toute autre occupation, elle prépare des hommes 
qui sachent, dans la pratique et dans les mœurs, 
discerner ce qui est beau et ce qui est bien; par 
la contemplation de la constante similitude que 
présentent les choses célestes, de la parfaite 
ordonnance, de la symétrie, de la simplicité qui 
y règnent, elle rend aimables les objets où se 
rencontre cette même beauté divine; elle habi- 
tue l'âme à acquérir une constitution qui leur 
ressemble et, pour ainsi dire, elle lui rend natu- 
relle cette constitution ». 

Si long que soit cet exposé des principales 
questions abordées par M. Duhem, il est fort au- 
dessous du sujet; le lecteur nous excusera de 
lui-même lorsqu'il aura pris et gardé contact 
avec l'Œuvre si riche et si variée de M. Duhem, 
et nul doute qu’il n’attende avec impatience les 
volumes suivants. Souhaitons que MM. Hermann 
accordent à ceux-ci les mêmes soins qu'au pre- 
mier et associons, aux sentiments de gratitude 
que nous leur devons, ceux dont « la bienveil- 
lance permit à cet écrit de voir le jour », 


MM. Darboux et Ch. Bayet. 
A. Lebeuf, 


Correspondant de l'Institut, 
Directeur de l'Observatoire de Besançon 


146 E. MANCINI. — LE TREMBLEMENT DE TERRE DE LA MARSIQUE 


LE TREMBLEMENT DE TERRE DE LA MARSIQUE (Italie centrale 
DU 13 JANVIER 1915 


Le 13 janvier dernier, à 7 h. 53 du matin, un 
terrible iremblement de terre a secoué et ravagé 
une riche et florissante région italienne, la Mar- 
sique, dans la partie méridionale des Abruzzes 
aquiléennes, et les localités voisines des vallées 
du Salto, du Latium et du Liri. Le désastre a eu 
de terribles conséquences : il a causé le complet 
effondrement d’une quantité de petites villes, de 
bourgs et de villages, et la mort d’un très grand 
nombre de personnes. L’étendue du cataclysme 
et des circonstances météorologiques défavora- 
bles : pluie et neige abondantes, ont rendu les 
secours pénibles et difficiles. 

Depuis quelques semaines, on a commencé à 
recueillir, à coordonner et à discuter les obser- 
vations scientifiques faites sur les particularités 
de ce terrible phénomène. C’est d’après les 
observations préliminaires de plusieurs savants 
du Bureau météorologique et géodynamique de 
Rome, dirigé par M. Palazzo, qu'a été rédigée la 
notice qui suit. 


Si l’on essaie de tracer les courbes isosismiques 
de la secousse principale, on voit que l’aire la 
plus frappée (fig. 1) renferme les terrains allu- 
viaux du lac desséché de Fucino, et embrasse 
une zone éminemment sédimentaire et d’origine 


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Fig. 1. — Zone d'intensité maximum du séisme 
du 13 janvier 1915. 


karstique. Cela exclut toute cause volcanique du 
tremblement de terre; il est probable, au con- 
traire, que ce dernier. est dù à une soudaine 


Fig. 2. — Ruines d'Avezzano : les restes de la Banque de Naples. 


modification des stratifications profondes de la 
croûte terrestre. La région de la Marsique, où se 
trouve l’épicentre du tremblement de terre, 
quoique ayant un caractère sismique,n'avait pas 
été jusqu'ici le théâtre de bouleversements catas- 
trophiques. 

Le phénomène actuel, ajoute M. Martinelli, a 
eu d’ailleurs une sorte de prévision scientifique. 
En effet, M. Omori, dans une étude sur les 
grands tremblements de terre italiens de 1638 à 
1908, en Sicile, en Calabre et dans l'Italie cen- 
trale, arrive, par l'examen des aires frappées, à la 
conclusion que les tremblements de terre suivent 
une ligne déterminée et qu’une aire où un trem- 
blement de terre se produit ne coïncide jamais 
avec celle d'un tremblement précédent. Or, dans 
une carte tracée par l’illustre sismologue japonais 


pour l'Italie méridionale (fig. 3), on 
remarque que l'aire destructive du 
tremblement de verre du 13 janvier 
se trouve sur cette ligne et ne coïn- 
cide avec aucune autre localité sis- 
mique. Toutefois M. Martinelli, qui | 
a relevé avec une grande précision | 
l’histoire sismique des régions traver- | 
sées par la ligne axiale de M. Omori, 
pense qu'il s'agit d'une simple et 
curieuse coïncidence; en eflet, en 
traçant cette ligne, M. Omori n'a pas 
considéré d’autres tremblements de 
terre importants, qui en auraient 
déplacé la direction. 

Le sismogramme recueilli par le 
sismographe à pendules horizontaux 
de M. Agamennone est remarquable 
par son amplitude; l'appareil enre- 
gistreur du Collège Romain, sans la 
présence de vis latérales d’arrêt, au- 
rait été mis hors d'action par la se- 
cousse, comme il est arrivé au sismo- 
graphe de l'Observatoire de Rocca di 
Papa. Par la violence de la secousse, 
le grand sismographe de Strasbourg 
fut démonté; et le passage des ondes 


MANCINI. — LE TREMBLEMENT DE TERRE DE LA MARSIQUE 


147 


= 1805 
686 


3 M'Vulture 
ll 


Naples c 
1654 


M Vesuv 


© 


sismiques se trouva enregistré par 
tous les appareils sismographiques 
sensibles du monde, jusqu’au Japon, 
en Australie et au Canada. 

Le sismogramme que nous reproduisons 
ici (fig. 4) est celui qui a été tracé par un pen- 
dule bifilaire à l'Observatoire sismologique de 
Cartuja à Grenade; on aperçoit en P et en S le 
commencement des tremblements préliminaires. 


| 


etc 


Fig. 4. — Sismogramme du tremblement de terre du 13 Janvier 4915, 
recueilli à l'Observatoire sismologique de Cartuja, à Grenade 


COMP, W20°S —E20°N 


Fig. 3. — Répartition des tremblements de terre italiens sur une ligne 


déterminée, d'après M. Omort. 


La secousse a commencé exactement à 
7h. 52° 55”, dans la direction E-6°-N, direction 
qui va de Rome à la région frappée par le dé- 
sastre. Dans la journée et dans les jours sui- 
vants, on eut à signaler plusieurs petites répli- 
ques du phénomène. Pour ce qui 
touche aux répliques, M. Agamen- 
none à pu relever sur les appareils 
de l'Observatoire géodynamique 
de Rocca di Papa, jusqu’au 6 fé- 
| vrier, 750 secousses qui se sui- 
vaient quelquefois à la distance de 
moins d'une minute, et qui déce- 
laient l’état de convulsion continue 
du sol dans l’aire épicentrale. 

La position de l’épicentre du 
tremblement de terre n’a pu être 
encore exactement établie; cette 
incertitude et l’énormité des dé- 
gâts dans la vallée du Liri ont con- 
duit M. Agamennone à supposer 
l'existence de deux centres sis- 
miques séparés, au lieu d'un cen- 
tre unique, qui seraient entrés 
en action, ou ensemble au même 


148 E. MANCINI. — LE TREMBLEMENT DE TERRE DE LA MARSIQUE 


instant, ou immédiatement l’un après l’autre, 
comme il arrive pour les tremblements de terre 
dits « à relais ». Il se pourrait même que l'épi- 
centre ait eu une forme linéaire de longueur 
considérable, et que, pour des raisons de nature 
géologique, les dégâts se soient manifestés en 
deux localités très éloignées. 

Des recherches préliminaires exécutées par 
M. Oddone sur les lieux du désastre, relative- 
ment aux particularités des ondes sismiques, à 


bravant de grands dangers et avec une belle 
abnégation, au sauvetage des ensevelis. Une des 
villes où les secousses ont le p'us complètement 
accompli leur œuvre de destruction est celle 
d’Avezzano, comme le montrent les deux photo- 
graphies ci-jointes (fig. 2 et 5); sur une popula- 
tion de 13.000 habitants, 2.300 seulement ont 
réussi àse sauver. On a pu retirer encore vivantes 
plusieurs personnes après un long séjour sous 
terre ; le cas le plus extraordinaire est celui d'un 


Fig. 5. — Ruines d'Avezzano : le palais Torlonta. 


leur transmission, vitesse, hauteur, etc., il sem- 
ble que l’on puisse déduire déjà que la période 
complète des ondes a été de 0°,7; la longueur 
des ondes, de sommet à sommet, serait de 20 m., 
avec une hauteur de 20 cm. La vitesse moyenne 
de transmission, d’après M. Agamennone, aurait 
été de 7.690 mètres à la seconde. Le mouvement 
de houle du terrain a causé la destruction des 
murs des édifices, ruine qui est devenue plus 
grave encore à cause d’autres mouvements tour- 
billonnaires dus à la combinaison des vibrations 
longitudinales et transversales arrivant des pro- 
fondeurs de l’hypocentre à l’épicentre sur la 
surface du sol. 

Le nombre des victimes du tremblement de 
terre du 13 janvier semble être supérieur à 25.000. 
La plus grande partie des pays, bourgs et villa- 
ges se sont effondrés, se réduisant en énormes 
tas de ruines, parmi lesquelles on a procédé, en 


paysan qui, ayant trouvé un refuge sous un arceau 
de son étable effondrée, a vécu vingt-cinq jours 
en se nourrissant seulement d’un peu d’eau qui 
suintait à travers les ruines -— et il est sorti de 
sa prison en assez bonne condition! 

L’effroyable désastre qui a anéanti unedes plus 
artistiques et laborieuses régions italiennes a 
provoqué partout les plus chaleureuses manifes- 
tations de sympathie pour notre pays si doulou- 
reusement éprouvé; devant l'immensité de ce 
malheur, Gouvernement et citoyens d'Italie se 
sont trouvés unis dans un noble élan de charité, 
pour secourir les victimes de cette nouvelle cala- 
mité, et pour assurer le retour à la vie et l'avenir 
des localités détruites. 

Ernesto Mancini, 


Secrétaire de la Présidence 
de l’Académie Royale des Lincei. 


L. REVERCHON. — LA CHRONOMÉTRIE A L'EXPOSITION DE BERNE 149 


LA CHRONOMÉTRIE A L'EXPOSITION DE BERNE 


Au moment où la guerre éclatait, l'Exposition 
nationale suisse de Berne battait son plein. Cette 
intéressante manifestation de l’activité indus- 
trielle, commerciale etscientifique de nos voisins 
se poursuivit du reste sans aniceroche jusqu à son 
terme normal. 

C’est seulement le lundi 2 novembre que l'Ex- 
position fermait ofliciellement ses portes, et ce 
jour-là ses contrôles ont accusé le chiffre fort 
remarquable de 32.886 entrées, très supérieur à 
la moyenne. Le nombre total des entrées pour 
les six mois a été en effet de 3.196.025. 

Parmi les sections qui ont été visitées, sinon 
par le plus de monde, du moins avec le plus 
d'intérêt, il faut citer celle de l'horlogerie. 

Bien que le nombre des exposants de cette 
section ait été plutôt restreint — il y en avait 
seulement une centaine, alors que la Chaux-de- 
Fonds, à elle seule, compte plus de 300 fabricants 
de montres! — comme dans ce nombre figu- 


raient les maisons les plus notables, l’ensemble, 


donnait une idée tout à fait adéquate de ce qu’est 
aujourd’hui la fabrication suisse. 


I 


Pour juger de l'importance de cette fabrica- 
tion, il faut se reporter aux tableaux statistiques 
annuels fournis par le Gouvernement fédéral. Les 
derniers de ces tableaux sont ceux publiés dans 
le premier trimestre de 1914 et qui se réfèrent à 
l’année 1913. [ls accusaient une exportation totale 
de plus de 183 millions de francs, chiffre supé- 
rieur de près de 10 millions à celui de 1912, qui 
lui-même était déjà un record. Dans le courant 
de cet exercice financier, il était sorti de Suisse 
près de 14 millions de montres ou mouvements 
finis, représentant ensemble plus de 160 millions 
et demi de francs. 

Les principaux clients de la Suisse ont été 
en 1913 : 

L'Allemagne, qui a acheté pour près de 
La Grande-Bretagne qui a acheté pour 


35 millions 


DRE G EL tro dt LOS OMR One 32 — 
La Russie pour plus de............. 18 — 
L’Autriche-Hongrie pour plus de..... 1 — 
L'Italie pour plus de.............. SAN NO — 
Les Etats-Unis pour près de,........ 10 — 1/2 
La France venait ensuite avec un achat 

de plus de PAS RS AT ANS 6 = 


Ces chiffres démontrent avec une suffisante 
éloquence que l’industrie horlogère est une des 
industries capitales de nos voisins d’outre-Jura. 


Au point de vue exportation, elle oceupe même le 
premier rang !. 

On sait que la Suisse fabrique tous les genres 
de montres, depuis celles qui se vendent le 
meilleur marché jusqu'aux pièces de haute pré- 
cision et aux mouvements les plus chargés de 
complications. L'Exposition de Berne présentait 
de nombreux et excellents échantillons de tous 
ces types. 

Elle avait, d'autre part, groupé dans un pavil- 
lon voisin, celui de l’enseignement technique, les 
travaux de ses diverses écoles d’horlogerie, de 
sorte que le visiteur pouvait se rendre compte 
facilement et de la puissance de l’industrie et 
des efforts réalisés par les pouvoirs publics en 
vue d'assurer le recrutement de l’état-major de 
cette industrie. 

M. Fallet-Scheurer estimait, dans un ouvrage 
récent, à b7.000le nombre des personnes travail- 
lant en Suisse dans l'horlogerie. Sur ce nombre 
40.000 sont occupées dans les seuls cantons de 
Berne et Neuchâtel, 6.000 environ dans celui de 
Soleure et un peu plus de 5.000 dans celui de 
Vaud. Genève ne compte que 2.000 horlogers?. 

Pour donner l'instruction professionnelle à 
ceux qui doivent jouer le rôle des cadres dans 
cette armée, la Confédération a créé 10 écoles 
professionnelles d’horlogerie, instruisant bon an 
mal an 450 à 500 élèves en tout. 

Il existe trois de ces établissements dans le 
canton de Berne : à Bienne, à Saint-Imier et à 
Porrentruy ; quatre dans le canton de Neuchâtel : 
à Neuchâtel, à la Chaux-de-Fonds, au Locle et à 
Fleurier ; un à Soleure, un à Genève, et un au 
Chenit, dans la vallée de Joux (Vaud). 

Parmi les plus fréquentées de ces Ecoles figu- 
rent au premier rang la Chaux-de-Fonds, Le 


1. Voici les prix moyens d'exportation des divers types de 
montres en 1913: Métal : 5 fr. 22; Argent : 11 fr. 70; Or : 
54 fr. 41; Chronographes, répétitions, podomètres : 80 fr. 31, 
Sauf le dernier, ces prix sont en baisse sur ceux de 1912. Le 
chiffre relatif à la montre de métal est le plus bas qui ait 
encore été enregistré. Les statistiques nous apprennent qu'il 
est sorti de Suisse pendant l'année qui nous occupe 
46.052 montres ou mouvements de toute sorte par jour 
ouvrable. 

Le premier semestre de 1914 faisait prévoir une année 
aussi heureuse que 1913. Malheureusement, la guerre euro- 
péenne est venue frapper durement la fabrique suisse. 

2. Les villes suisses les plus peuplées en horlogers sont la 
Chaux-de-Fonds qui en compte près de 8.500, Bienne avec 
h.000, Le Locle avec 3.000, Saint-Imier et Granges près 
Soleure, chacune avec 2.300, Genève avec 1.900, Tramelan 
avec 1.500, Langendorf avec 1.100, Porrentruy avec 1.000, 
Toutes ces villes se trouvent réparties sur un croissant dont 
les deux pointes seraient Genève et Schaffhouse. 


150 


L. REVERCHON. — LA CHRONOMÉTRIE A L'EXPOSITION DE BERNE 


Locle et Genève, qui comptent chacune environ 
80 élèves en moyenne. 

Toutes ces écoles sont largement subvention- 
nées par les trois pouvoirs fédéral, cantonal et 
communal, qui se partagent à peu près par tiers 
les charges des établissements, dont l’administra- 
tion est confiée à des conseils composés d’indus- 
triels connus et compétents. Le contrôle officiel 
de l'emploi des fonds est très rigoureux. 

Si l’on totalisait les subventions accordées aux 
10 établissements, on trouverait que chaque élève 
revient à la Confédération à environ 1.000 francs 
par an. Ce chiffre peut sembler élevé, mais il se 
justifie facilement en mettanten regard du sacri- 
fice budgétaire le produit en exportation, qui 
s’est élevé en 1913 à plus de 3.000 francs pour 
chacun des 57.000 horlogers suisses. 

Les programmes de ces écoles ne sont pas uni- 
formes. Chaque établissement s'inspire, pour la 
rédaction de ceux qui Jui sont propres, des inté- 
rêts particuliers de la région qu'il dessert. C’est 
ainsi que l’école de la Vallée de Joux se propose 
essentiellement de former de bons praticiens 
pour la pièce compliquée, spécialité de la région, 
que Genèéve ne forme pas de techniciens-horlo- 
gers?, tandis que la Chaux-de-Fonds, Le Locle et 
Neuchâtel font à la fois des praticiens et des 
techniciens. C’est ainsi qu’à Genève tout l’ensei- 
gnement théorique est donné par un seul et 
unique professeur, alors que, au Locle et à la 
Chaux-de-Fonds, par exemple, chaque faculté a 
son professeur spécial. C’est ainsi encore que, ici, 
le cycle de l’enseivnement est constitué par une 
série de classes dans chacune desquelles l'élève 
peut demeurer plus ou moins longtemps suivant 
ses aptitudes et son intelligence, tandis qu'ail- 
leurs chaque élève est obligé de rester le même 
temps dans la même classe*. 

Les caractères distinctifs de chaque établisse- 
ments’accusaient naturellement dans leurs expo- 
sitions respectives qui, toutes, comprenaient des 
dessins et des appareils construits. Parmi ces 
appareils il y avait beaucoup de pièces de dé- 
monstration : engrenages, échappements, etc., 
servant à l’enseignement et permettant, beau- 
coup mieux que le froid dessin, de se rendre 


1. Ce chiffre se rapporte aux élèves réguliers. En dehors 
de ces élèves, certaines écoles ont un nombre respectable 
d'auditeurs libres suivant des cours du soir ou des cours de 
perfectionnement, 

2. Le diplôme d'Aorloger technicien équivaut à celui qui 
vient d'être institué à Besançon sous le titre d'ingénieur 
horloger. 

3. La valeur de l’enseignement est démontrée pratiquement 
par les succès des élèves des Ecoles du Locle, de la Chaux- 
de-Fonds et de Genève aux épreuves oflicielles des Obser- 
vatoires. 


compte des qualités des organes chronométri- 
ques et des défauts dont il convient de se défier. 
La mobilité de certaines pièces de ces modèles, 
en permettant d'introduire des défauts dans les 
relations des parties constituantes, montre d’une 
facon lumineuse aux intelligences les moins 
vives et les plus endormies la raison d’être des 
profils recommandés par l'expérience, dans un 
art où les règles générales de la Mécanique sont 
souvent inapplicables dans leur rigidité. 


IT 


Parmi les fabricants qui avaient répondu à 
l’appel ofliciel, j'ai dit qu’on pouvait heureuse- 
ment compter les principaux, les grands chefs 
de file. C’est ainsi que pour les pièces de luxe et 
de haute précision MM. Paul Ditisheim, Nardin, 
les Sociétés Patek-Philippe et Vacheron et Con- 
stantin, pour la belle fabrication mécanique en 
grandes séries les fabriques Zénith, Oméga, des 
Longines, pour les pièces ordinaires mais de 
bonne qualité, la Tavannes et diverses fabriques 
de montres Roskopf, se faisaient spécialement 
remarquer. 

De l’aveu unanime, celle de cesexpositions qui 
frappait le plus le visiteur à tous égards était 
celle de M. Paul Ditisheim, qu'on pouvait com- 
parer à une encyclopédie de l’art horloger, ency- 
clopédie embrassant le passé et le présent. 

On sait que M. Paul Ditisheim a été le pre- 
mier avec M. Nardin, du Locle, à expérimenter, 
pour la fabrication de ses balanciers de chrono- 
mètres, l’acier au nickel dont les curieuses pro- 
priétés venaient d’être mises en évidence par 
M. Charles-Edouard Guillaume, C'était à une 
époque où les fabricants français regardaient 
avec une indifférence dédaigneuse ce nouveau 
venu original qui menaçait de bouleverser les 
idées reçues sur les alliages et la compensation 
aux températures, 

Depuis, l'acier au nickel, par ses brillants suc- 
cès dans les observatoires, par la persistance de 


ses qualités réglantes lorsqu'il a été convenable- 


ment préparé, a emporté tous les obstacles et 
règne en maitre dans la chronométrie de poche 
comme dans l'horlogerie astronomique. Dans les 
chronomètres, on peut dire qu'il a presque an- 
nulé les erreurs résiduelles de réglage, qui 
avaient résisté un siècle aux efforts de tous les 
chronométriers !. 

Une des vitrines de M. Ditisheim représentait 
le processus de la fabrication des balanciers 
Guillaume, en six saisons différentes pour le 


1. Ce qu'on appelle l’erreur secondaire. 


L. REVERCHON. — LA CHRONOMETRIE A L'EXPOSITION DE BERNE 151 


chronomètre de marine comme pour le chrono- M. Paul Ditisheim a résumé, dans les graphi- 
mètre de poche, cependant que, dans la Section | ques de la figure 1, les progrès actuellement 
de l'Enseignement supérieur, on pouvait voir, | réalisés dans le domaine du réglage chronomé- 


CORRECTION DE L'ERREUR SECONDAIRE DE LA COMPENSATION DES CHRONOMÈTRES 


MOUVEMENT DE LA COMPENSATION 

SÉRIE MUNIE DU BALANCIER ACIER-NICKEL SYSTÈME GUILLAUME AVEC LE BALANCIER ACIER Ton 
N936173 936174 Ne3617S N° 36176 N9 36177 SD LS. 
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de In série de 5 chronomètres de bord PAUL DITISHEIM Ne 36173/36177 “Ne 17 + o21 Le rentele étdenu r 
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Compessateur acler-aickel système Guillaume 13e = mais mani de l'ancien modéle 
« 176 _ balancier ; l'erreur secondaite attetat 
Relevé des Marches à l'Observatoire de Neuchâtel pendant 9 périodes de 5 jours » 3677 + 030 witémauquement le chiffre de 2250. 
chacune, aux temperatures de 32-25-18-11-4:11-18:25.32v centigrades. Moyenne_+ 002 


Comme on le*roit par leu chiffres clidessus. le problème de l'erreur secondaire se trouve définitivement résolu par le balancier acier-nickel Guillasme, éprouve depuis 14 ans 
par la maison PAUL DITISHEIM, et adapté à tous ses chronometres. 
! 
————— 


Fig. 1. — Correction de l'erreur secondaire des chronomètres par le balancier Guillaume. 


exposés par M. Guillaume lui-même, des dia- | trique par l'introduction des alliages d'acier et 
urammes représentant les anomalies de dilata- | de nickel dans la bilame des balanciers cireu- 
tion et d’élasticité des aciers au nickel et diffé- | laires. Dans le graphique de droite sont repré- 
rentes pièces curieuses appartenant à l’histoire | sentées les marches de 0° à 30° d'un chronomètre 
de ces alliages singuliers, et dont l’une, un pen- | parfait, muni du balancier circulaire à bilame 
dule, remonte déjà à 18 ans! Comme le temps | laiton-acier. L'erreursecondaire, représentée par 
passe ! la flèche de la courbe parabolique des marches, 


Le 1 ERPRE Me LR « : ra 
Fig. 2. — Appareil Ditisheim pour étudier l'action de la pression barométrique sur la marche des chronomètres. 


152 


L. REVERCHON. — LA CHRONOMETRIE A L'EXPOSITION DE BERNE 


atteint 2 secondes et demie. Dansle graphique de 
gauche sont représentées les marches réelles d’un 
groupe de 5 chronomètres de bord, de la même 
série, observés officiellement à Neuchâtel. La 
plus forte erreur secondaire est négative et 
n’atteint que 31 centièmes de seconde. L’erreur 
moyenne pour les 5 pièces, en négligeant les 


Fig. 3. — Un chronomètre de bord dans sa boite 
de transport. 


signes, est treize fois plus faible que dans le 
graphique de droite. « Il serait illusoire de 
vouloir aller au delà, écrivait M. Guillaume 
dans le Journal suisse d'horlogerie!, car on sait 
que les marches des chronomètres sont la ré- 
sultante d’une foule de causes dont on n'est pas 


Fig. 4. — Chronomètre-chronographe petit format 
enregistrant le millième de seconde. 


le maître, telles que les variations de la pression 
et de l'humidité. » 

Les variations de la pression ont eu leur 
action mise en lumière d’une façon remarquable 
par M. Ditisheim, il y a quelques années, au 
moyen d'observations faites à diverses altitudes 
et d’expérimentations exécutées avec l'appareil 
de la figure 2, qui permettait de fairefonctionner 
les chronomètres sous une cloche où l’on pouvait 


1. Mars 1914, 


faire un vide partiel ou établir des surpres- 
sions. Ces expériences ont permis de dresser 
des tables de corrections aux altitudes. 

Grâce aux progrès réalisés parles fabricants 
en tenant compte des indications données par 


Fig. 5. — Chronomètre à complications : quantièmes, 


plases lunaires, etc. 


les savants, la chronométrie de précision est en 
mesure de donner aujourd’hui réponse à tous 
les problèmes scientifiques dans lesquels inter- 
vient la mesure du temps. C'est ainsi que le 
chronomètre de bord représenté par la figure 3, 
dans sa boite de transport, remplace le vieux 
chronomètre de marine à suspension sur nos 


Fig. 6. — Montre-chronographe avec repères pour les signaux 
horaires de T. S. F, 


L. REVERCHON. 


torpilleurs, en même temps qu'il assure la con- 
servation de l'heure dans les travaux astrono- 
miques et géodésiques, ou les voyages d’ex- 
ploration; que le chronomètre-chronographe 
enregistreur de la figure 4 peut enregistrer sur 
un ruban, se déroulant à raison de un centi- 
mètre ou d’un décimètre par seconde, la durée 
de phénomènes physiques ou physiologiques 
ou d'épreuves sportives centième ou au 


au 


Fig. 7. — Un ancètre du chronomèlre de marine : 
l'horloge marine Berthoud de 120 kilogs. 


millième de seconde près; que le chronomètre 
de la figure 5, outre ses quantièmes perpétuels 
et ses phases lunaires, peut encore répéter la 
minute, servir de chronographe, carillonner 
l'air de Westminster ou bien indiquer l'heure et 
la minute exacte du lever et du coucher du so- 
leil et l'équation du temps; que le chronographe 
compteur à rattrapante de la figure 6 peut se 
remettre à l'heure au moyen des notations in- 
scrites sur sa lunette et correspondant aux si- 
gnaux horaires de la tour Eiffel, etc. 


III 


C'est aussi grâce à cette collaboration des fa- 
bricants et des savants que nous pouvons enre- 
gistrer, dans les observatoires chronométriques, 
des résultats de plus en plus brillants et dont la 
persistance montre que les marches splendides 
réalisées par les chronomètres de petit format ne 
sont point dues à des hasards heureux ni à des 
tours de fabrication ou à des trucs de réglage. 

La Suisse possède, comme on sait, deux obser- 
vatoires de ce genre. De plus, elle participe à cer- 
tains concours officiels présentant un caractère 
international, commeceuxde Teddington(ancien- 
nement Kew) en Angleterre, ou de Washington. 

A l'Observatoire de Genève, l’année 1914 a été 


LA CHRONOMÉTRIE A L'EXPOSITION DE BERNE 


153 


particulièrement heureuse. Les deux premiers 
chronomètres classés ont obtenu des chiffres de 
points encore jamais atteints. Le premier, de la 
maison Haas et neveux, est monté à 879 points et 
le second, de la maison Patek-Philippe, à 875. 

A Neuchâtel, dont les chiffres de 1914 ne seront 
publiés qu'avec ceux de 1915, les records de 
marche, aussi bien pour les chronomètres de 
bord que pour ceux de poche, sont détenus par 
M. Paul Ditisheim. C’est également ce dernier 
constructeur qui, depuis une douzaine d'années, 
détient ceux des concours de Kew-Teddington 
avec une série de chiffres sensationnels. Ces con- 
cours sont nettement caractérisés par l’éclipse 
progressive de la chronométrie anglaise derrière 
la chronométrie suisse. Au dernier dont 
résultats aient été publiés, en 1914, sur les cin- 


les 


quante premiers résultals, quarante-cinqg appar- 
tenaient à des maisons suisses, et parmi ceux-ci 
les dix premiers. La première maison anglaise 
classée ne venait qu’au (rente-quatrième rang! 

A Washington, tous les chronomètres de bord 
classés par l'Observatoire naval, sauf deux, 
sont étrangers. L’immense majorité vient de 
Suisse, où la grande renommée de la maison 
Nardin, longtemps fournisseur de la Marine alle- 
mande, maintient hautement la vieille réputation 
du chronomètre de marine à suspension devant 
l’invasion progressive du chronomètre de bord, 
le chronomètre de l'avenir. 


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Fig. 8.— Un chronomètre de petit format au temps 


de F. Berthoud. 


L'histoire du chronomètre de marine se ratta- 
che d’ailleurs à deux noms suisses : ceux de Fer- 
dinand et de Louis Berthoud, les premiers four- 
nisseurs ofliciels du 
Tous deux sortaient, comme Abraham Bréguet, 
des montagnes neuchateloises.M. Paul Ditisheim 
a eu l’heureuse idée d'exposer dans sa collection 
rétrospective deux des ancêtres de nos chrono- 
mètres actuels, œuvre de Ferdinand Berthoud. 


Gouvernement français. 


EE 


154 L. REVERCHON. — LA CHRONOMÉTRIE A L'EXPOSITION DE BERNE 


Le premier, l’horloge n° 16, représentée par la 
figure 7, était à poids et ne pèse pas moins, tout 
équipé, de 120 kilogs! Il fut fourni en 1775 à la 
Marine espagnole. On le prendrait de loin volon- 
tiers pour un vieil obusier! Le second, construit 
en 1796 et portant le n°65, est moins impression- 
nant quoique encore de taille assez respectable 
(fig. 8); Ferdinand Berthoud avait un faible pour 
les machines à poids. Il serait sûrement suffo- 
qué s'il revenait aujourd’hui constater la mer- 
veilleuse précision de chronomètres de bord à 
ancre dont le poids n’atteint pas 250 grammes, 
c'est-à-dire le cirg centième de celui de ses hor- 
loges favorites. 


L’impression générale résultant d’une visite à 
l'Exposition nationale de 1914 en ce qui touche à 
la chronométrie, c’est que nos voisins d’outre- 
Jura ont été surpris par la guerre en pleine pros- 
périté!. Et il n’y a pas de doute que le rétablis- 
sement de la paix ne les trouve prêts à continuer 
leurs succès sur les grands marchés du monde, 


Léopold Reverchon. 


1. Une statistique publiée au moment de meltre sous 
presse nous apprend que les cinq derniers mois de 191% ont 
occasionné, à la fabrique suisse, une perte sèche de plus de 
62 millions de francs, 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


BIBLIOGRAPHIE 
ANALYSES ET INDEX 


1° Sciences mathématiques 


Sageret (Jules). — Le Système du monde des Chal- 
déens à Newton. — 1 vol. inh12 de 280 pages avec 
20 fig. (Prix: 3 fr, 50) l'élix Alcan, éditeur, Paris, 1914. 


Dans cet ouvrage, qui fait partie de la Nouvelle 
Collection scientifique dirigée par M. Emile Borel, l’'au- 
teur se propose de nous initier à la genèse du « système 
héliocentrique ». Autrement dit, son livre répond à la 
question : Pourquoi et comment est-on parvenu à dé- 
couvrir que la Terre tourne sur elle-même et autour du 
Soleil? 

Après avoir rapidement esquissé l’histoire de la Géo- 
métrie que Platon, Thalès de Millet, Pythagore et autres 
mathématiciens parviennent à élever au rang de science 
exacte, M. Sageret aborde les cosmologies des « sau- 
vages ». E - 

Les primitifs, manquant de termes abstraits et géné- 
raux, tiennent « un langage rempli de contradictions 
insoupçonnées par eux, mais flagrantes d’après le juge- 
ment de la logique rationnelle ». Il ne s’attarde donc 
pas longtemps sur ce point, afin d'examiner les étapes 
qu'il a fallu franchir pour arriver à la Cosmologie mo- 
derne : d'abord l'hypothèse de la Terre plate et limitée, 
puis les découvertes successives de son isolement dans 
l'espace, de sa sphéricité, de la ressemblance des astres 
avec elle, de sa rotation sur elle-même et autour du 
Soleil. 

La construction de cet édifice scientifique fut l’œuvre 
des siècles, et de nombreuses générations s’y attelè- 
rent successivement, Après avoir observé le ciel sans 
instruments, les astronomes imaginèrent peu à peu des 
appareils (gnomon, clepsydre, horloge solaire, lunette, 
etc.) qui leur permirent de sonder la voûte étoilée, Grâce 
à ce matériel perfectionné et à des méthodes de plus 
en plus précises, ils expliquèrent les éclipses, ils mesu- 
rèrentles rapports des distances des planètes à la Terre 
et les dimensions des astres, 

À la suite de Ptolémée, des Arabes et des savants du 
moyen âge que les travaux de M. Duhem ont mis ré- 
cemment en lumière, les Copernic, les Tycho-Brahé et 
les Képler préparèrent la voie à la merveilleuse Mécani- 
quenewtonnienne. SiNewton, en effet, a bien trouvé les 
lois dela gravitlation universelle, « tous iesmatériaux de 
cette découvertelui avaient été apportés parses prédéces- 
seurs ».Néanmoins, la gloire du grand analyste anglais 
reste entière, car il sut « créer son outillage scientifique 
et cet outillage reste le nôtre », en dépit des progrès 
accomplis depuis le xvm siècle. 

Enfin M. Sageret termine son original volume en 
montrant l'importance du système héliocentrique qui 
« est à la science ce que la clef de voûte est à un pont 
d’une seule arche ». Avant de le concevoir, on a dû édi- 
fier la Géométrie, la Dynamique, l’Astronomie, mais en 
revanche il forme à son tour « le centre de stabilité » 
du monument. Jacques BoYER, 


Compte rendu du 43° Congrès des Délégués et 
Ingénieurs de l'Union internationale des Asso- 
ciations de surveillance des chaudières à vapeur, 
tenu à Moscou les 3,4 et 5 juillet 1913. Traduit par 
M. L. Descrorx, /ngénieur. — 1 vol. in-8° de 240 p. 
avec 15 pl. hors texte. (Prix:8 fr.) H. Dunod et E, Pi- 
nat, éditeurs, Paris, 1914. 


A ce Congrès, présidé par M. le professeur de Doepp 
de Saint-Petersbourg, assistaient comme Français les 
représentants des Associations des propriétaires d'appa- 
reils à vapeur de la Somme, de l'Aisne, de l'Oise, ainsi 
que l’Ingénieur en chef de l'Association alsacienne, Le 


Congrès a tenu à honorer la mémoire de notre compa- 
triote M. Olry, ingénieur en chef des Mines,administra- 
teur délégué de l'Association des propriétaires d’appa- 
reils à vapeur de Lille, qui s'était depuis longtemps 
assuré une place prépondérante dans toutes les assem- 
blées de l'Union Internationale. Les principales ques- 
lions qui ont élé discutées sont-relatives à l’étude des 
tôles de chaudières avariées, à la modilicalion des 
règles pour les essais de rendement des chaudières et 
des machines à vapeur, aux chaudières modernes à 
faisceau tubulaire à grande inclinaison,aux matières nui- 
sibles contenues dans l’eau d'alimentation, à l'influence 
de la pression de marche sur l’action de ces matières, à 
l'influence de la nature du combustible sur la construc- 
tion des foyers et la conduite du feu, aux compteurs de 
vapeur, au fonctionnement en parallèle de chaudières 
marchant à des pressions différentes, aux soudures 
électrique et autogène appliquées aux chaudières, enfin 
aux cheminées en béton armé, toutes questions d’actua- 
lité qui ont été trai.ées à fond par de véritables spécia- 
listes. La très bonne traduction qu'a faite M. Descroix 
dé tous les travaux du 43° Congrès est un document 
plein de valeur pour tous les Ingénieurs ou Industriels. 


Emile DEMENGE. 
2° Sciences physiques 


Giolitti (Frédéric), Professeur de Métallurgie au Polry- 
technicum de Turin. — La Cémentation de l'Acier. 
Traduction française, revue par ALBERT PORTEVIN, 
Chef des Travaux de Métallurgie à l'Ecole Centrale. 
— 4 vol. in-8v de 548 pages avec 155 fig. (Prix cart. : 
16 fr.). A4. Hermann et fils, 6, rue de la Sorbonne, 
Paris, 1914. 


La cémentation du fer ou de l'acier consiste en une 
carburation partielle ou totale de l’un de ces métaux 
sans qu'il soit soumis à la fusion, c'est-à-dire par le 
chauffage au rouge de la surface de l’objet métallique 
au contact de matières carburées solides ou gazeuses, 
pendant un temps plus ou moins long. Ces matières 
carburées sont les céments. Tels sont le carbone pur, 
les charbons ordinaires, les cyanures, les gaz ou vapeurs 
renfermant du carbone, oxyde de carbone ou hydro- 
carbures. La quantité de carbone que le fer peut ainsi 
absorber n’est pas limitée par la solubilité du C dans le 
fer, et on a obtenu des carburations allant jusqu’à 8 et 
9 °/, de C, dont la plus grande partie à l’état de gra- 
phite. 

De nombreux chimistes ou métallurgistes ont cherché 
à expliquer le mécanisme par lequel s'opère la diffusion 
du carbone au travers du métal. Il y a, en effet, un très 
gros intérêt à résoudre cette question fondamentale, 
dontdépendentlesperfectionnementstechniques àappor- 
ter aux procédés. Aucun sujet n’a soulevé plus de polé- 
miques. Ce fut d’abord la théorie soutenue depuis 1867 
par Caron et adoptée par Guillet, suivant laquelle la 
cémentationne peut s'effectuer directement sous l’action 
du carbone à l’état solide, mais nécessite toujours la 
présence d’un carbure ou d’un cyanure formé par 
l’action de l'azote de l'air sur les alcalis contenus dans 
les cendres du charbon de bois employé comme cément. 
Par contre, Ledebur était d'avis que la cémentation 
peut avoir lieu sous l’action directe du carbone solide 
en contact avec le fer, en dehors de lintervention de 
substances carburantes volatiles ; il ne pouvait cepen- 
dant mettre en doute que de nombreux corps gazeux 
permettent un transport rapide du charbon sur le fer, 
sans contact direct des deux corps, puisque c’est surtout 
l'hypothèse fondée sur l'intervention des gaz, à laquelle 
s’est rallié Guillet, qui s'applique le plus souvent dans 


156 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


la pratique industrielle. On admettait aussi que la 
vitesse de pénétration du carbone croit avec la tempéra- 
ture, que la cémentation du fer commence à une tempé- 
rature inférieure à 700° C., et que la concentration du 
catbone ne s’abaisse pas d’une manière continue et régu- 
lière à partir de la surface en contact avec les matières 
carburées, 

Tel était l’état de la question, lorsquel’auteur, M. Fré- 
déric Giolitti, entreprit vers 905 ses recherches dont les 
résultats furent déjà exposés en partie par M. Portevin 
dansla Revue de Métallurgie (t. VI, p.865, octobre 1910). 
Ses expériences portèrent sur la vitesse de pénétration 
dans l’acier doux avec un même cément solide, à des 
températures variant depuis 9002 au delà de 1000°, sur 
la distribution du carbone dans les zones cémentées, à 
des températures et des pressions diverses, avec diffé- 
rents gaz comme céments appliqués à des aciers à basse 
teneur en carbone (0,06). Avec du CO en particulier, 
l’auteur se rendit compte que la concentration du Cest 
d'autant moindre que la température est plus élevée, 
que la pression est plus basse, et que la quantité de gaz 
pur arrivant au contact de l’unité de surface de l'acier 
est plus faible, Le fer exerce une action catalytique sur 
le CO dont le carbone se sépare suivant la formule : 

2ICO MAO’ C 
et se dissout tolalement dans les couches superficielles 
du fer, lequel, à une température supérieure à 85o° C., 
est à l’état de fer, jusqu'à y atteindre la concentration 
quicorrespond à l’état d'équilibre du système CO : CO?:C. 

D'après toutes les recherchesexpérimentales effectuées 
au cours de ces dernières années et jointes aux siennes, 
l'auteur note avec de nombreux développements l’état 
actuel de nos connaissances sur le sujet. Nous en don- 
nons les principales conclusions. L'action carburante 
directe que peut exercer sur le fer le carbone libre par 
simple contact et à haute température, en agissant seul 
et sans l'intervention d'aucun gaz, est, sinon nulle, du 
moins très faible. Le cas le plus fréquent dans l’indus- 
trie est celui où les gaz et le carbone agissent simulta- 
nément, Dans ce cas, les deux groupes de substances 
modifient respectivement leurs actions réciproques. La 
présence de l’azote pur n’augmente que dans une faible 
mesure l’action carburante du carbone libre. Les cya- 
nures intervenant à l’état de gaz ne produisent qu’un 
effet négligeable, Les hydrocarbures, très employés 
dans la pratique pour tous les genres de cémentation, 
agissent de deux facons différentes, Ou bien ils se 
décomposent totalement en mettant en liberté du car- 
bone qui se dissout dans la couche superficielle de l’acier 
et pénétre ensuite en se diffusant par différence de con- 
centration : dans ce cas, le gaz n’exerce aucune action 
spécilique sur la marche de la cémentation. Ou bien ces 
gaz ne se décomposent que partiellement à la surface et, 
à mesure qu'ils se diffusent dans la masse de l’acier, 
continuent à se décomposer en mettant en liberté dans 
les couches internes du métal de nouvelles quantités de 
carbone : dans ce second cas, la profondeur atteinte par 
la carburation dansun temps donné ainsi que la concen- 
tration augmentent avec la pression et l'intensité du 
gaz per unité de surface. Enfin, de tous les gaz, celui 
qui intervient le plus efficacement danslacémentation est 
l'oxyde de carbone. Or, cen’estqu’en dessous de 700° que 
CO, agissant seul sur le fer, y déposerait du carbone. Aux 
températures supérieures, c’est-à-dire à celles que l'on 
pratique pour la cémentation, CO ne provoque donc la 
carburation du fer que par son action spécifique en tant 
que gaz, et celte action, déjà considérable sans l’inter- 
vention du carbone libre, devient très intense par suite 
de la présence de cette matière. Quant à l'activité des 
céments qui, à côté du carbone libre, contiennent des 
carbonates des métaux alcalins ou alcalinoterreux, il 
faut l’attribuer non à la formation de cyanures volatiles 
par l'intervention de l'azote de l'air, mais à la produc- 
tion de CO par l’action du C sur le CO? provenant de 
la dissociation des carbonates. Si le charbon de bois est 
si souvent employé, et à juste raison, dans l’industrie, 


son action est due exclusivement à la formation de CO 
à laquelle donne lieu l'oxygène de l’air contenu dans 
les boîtes de cémentation. Nous avons vu plus haut 
qu'avec CO la cémentation n’atteint sa marche normale 
qu'aux températures où le fer est à l’état de fer; on 
explique ainsi en passant pourquoi les aciers spéciaux, 
dont les points de transformation sont notablement 
abaissés par rapport aux aciers ordinaires à teneur 
identique en carbone, peuvent être cémentés à tempé- 
rature plus basse. 

Ce sont là les principaux traits de la nouvelle théorie 
de la cémentation qu'a exposée l’auteur dans la pre- 
mière partie de son ouvrage, en combinant les résultats 
de ses nombreux essais aux multiples conclusions des 
autres expérimentateurs. 

M. Giolitti passe ensuite en revue les applications 
industrielles de la cémentation. On sait que cette opéra- 
tion a pour but ou de transformer totalement les fers et 
aciers doux en aciers durs, ou de carburer superficielle- 
ment les pièces métalliques qui peuvent subir ensuite 
divers traitements complémentaires, tels que la trempe 
et le recuit. 

La fabrication de l’acier cémenté est très ancienne et 
date des premières années du xviit siècle, mais elle se 
développe surtout vers 1740, lors de l'invention par Ben- 
jamin Hunstman du procédé de fusion de l'acier au 
creuset. Les fabricants prétendent que le produit obtenu 
en fondant le fer soudé, carburé auparavant par 
cémentation, est très supérieur, surtout pour les aciers 
extra-durs, à celui qui consiste à carburer l’acier pen- 
dant la fusion. On peut l'expliquer par le fait que la 
cémentation des fers soudés permet d'obtenir des aciers 
parfaitement sains, à très faible teneur en manganèse et 
en silicium, Quoi qu'il en soit, on cémente encore 
actuellement à Sheflield, et même en France, avec de la 
simple poudre de charbon de bois, des barres de fer de 
Suède ou de Russie, les barres forgées donnant de 
meilleurs produits que les barres laminées. La durée de 
l'opération varie de 20 à 30 jours. Les barres cémentées 
sont cassées et réparties en 7 groupes suivant leur car- 
buration appréciée par l'examen de la cassure, et qui 
varie de 0,5 à 2 °/,. Puis les mélanges convenablement 
dosés sont fondus dans les creusets. 

A côté de cette fabrication, les applications de beau- 
coup les plus importantes de la cémentation se rappor- 
tent à la transformation partielle des fers et aciers 
doux en aciers durs, 11 s’agit, en effet, d'obtenir des 
pièces où la dureté superficielle maximum est jointe au 
minimum de fragilité. On comprend quel puissant 
auxiliaire devient le procédé pour tous les organes de 
machines employés si fréquemment aujourd’hui dans la 
construction des moteurs et des automobiles, roues 
dentées pour engrenages, pivots, axes de roulement, 
cames de commande des soupapes, et dans un autre 
ordre d’idées, lorsqu'il s’agit d'accroître la résistance à 
la pénétration et à la rupture sous un grand choc, ce qui 
intéresse au premier chef le matériel de guerre, blin- 
dages, projectiles, etc. Les caisses de cémentation sont 
en tôles rivées ou en acier doux moulé. L'un des meilleurs 
céments solides employés est un mélange de 3/5 de 
charbon de bois pulvérisé et de 2/5 de carbonate de 
baryum, car il agit simultanément par le charbon et le 
CO formé et se régénère facilement par une exposition 
à l'air. Toutefois, ce cément est un peu trop intense 
pour les plaques de blindages, qu'il carburerait trop. 
En 8 heures, à goo°, on a trouvé une pénétration de 
2,75 millimètres. Ceriains fabricants lui préfèrent donc 
le charbon de bois pulvérisé. are 

L'auteur passe rapidement sur les céments liquides, 
qui sont tous des sels simples ou complexes de l’acide 
cyanhydrique, fondus ou rendus fluides à la chaleur et 
dans lesquels on trempe certaines pièces qui ne doivent 
être que durcies superficiellement sans déformation, 
comme les plaques d'acier pour gravure, et il arrive à 
l'emploi des céments gazeux appliqués seulement d'une 
façon suivie depuis ces dernières années. Le traité de 
M. Giolitti décrit en détails l’appareil de Machlet et le 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


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four à moufles verticaux du système Stein qui sont 
utilisés dans ce but, maisils'étend surtout sur la cémen- 
tation au moyen des céments mixtes résultant de l'union 
d'un cément solide et d’un cément gazeux. Nous avons 
vu que, lorsque ce cément gazeux est l’oxyde de carbone 
pur, la profondeur atteinte dans un temps donné par la 
partie carburée est maximum; comme, d'autre part, 
l'action carburante spécifique que ce gaz exerce sur le 
fer est connue avec précision, on peut en limiter la 
portée suivantles cas, en faisant varier tousles facteurs : 
quantité, température, pression, et mème en lui adjoi- 
gnant d'autres gaz pour le diluer. En pratique, on 
emploie des fours à moufles horizontaux et, mieux, ver- 
ticaux, dans lesquels les pièces à cémenter et le cément 
solide chaud sont introduits successivement par le haut, 
tandis qu'on fait arriver le gaz par le bas, généralement 
sous forme de CO?. Le cément est chaud pour éviter les 
différences de température qui provoquent les déforma- 
tions si préjudiciables aux pièces. Les appareils em- 
ployés et le mode d'utilisation sont indiqués dans l’ou- 
vrage avec de nombreuses illustrations à l'appui. Enfin 
vient le traitement thermique des produits cémentés, 
et les méthodes de contrôle de la cementalion, qui ne 
diffèrent pas sensiblement des opérations similaires 
pratiquées dans les autres procédés sidérurgiques. 

On peut voir, par ce long résumé, que M. Frédéric 
Giolitti n’a laissé de côté aucun détail, soit théorique, 
soit pratique, pour mettre la question au point, et son 
ouvrage, écrit très impartialement, servira à éclairer 
beaucoup de données un peu discutées et à indiquer la 
voie aux études et recherches ultérieures. Il doit à ce 
titre faire partie du bagage de tout métallurgiste. 

Emile DEMENGE. 


3° Sciences naturelles 


Hewitt (C. Gordon). — The House-Fly (usca do- 
mestica Linn.) : its structure, habits,development, 
relation to disease and control. (LA Moucue pes 
MAISONS (Musca domestica L.), SA STRUCTURE, SEs 
MŒURS, SON DÉVELOPPEMENT, SES RAPPORTS AVEC LES 
MALADIES ET LES MOYENS DE LA COMBATTRE)., — { vol. 
in-8° de 382 pages avec 43 fig. (Prix cart, : 48 fr. 75.) 
Cambridge University Press, 1914. 


Si l'esprit public n’était pas tout entier aux frontières, 
où se joue le sort du droit et de la justice, on pourrait 
dire sans exagération que l'ouvrage de M. Hewitt ar- 
rive à son heure, car la Mouche domestique est devenue, 
par le fait même du progrès scientifique, un insecte 
d'actualité : on ne la tient plus seulement pour un hôte 
désagréable, on la soupçonne à juste titre de méfaits 
nombreux et notamment de véhiculer en germes les 
maladies contagieuses. Elle était déjà suspecte, et voici 
queles travaux de laboratoire l'ont déclarée franchement 
coupable; il faut la traiter en ennemi public et on lui a 
bruyamment déclaré la guerre : delenda Musca! Qui 
n’a en mémoire la campagne menée par Le Matin contre 
ce fâcheux insecte ? 

Pour engager la lutle avec un adversaire de cette 
sorte, insidieux et pullulant, il faut en bien connaitre les 
habitudes, et c’est à quoi se sont employés de nombreux 
chercheurs, dont les travaux sont relevés dans l'index 
bibliographique très complet qui termine l'ouvrage de 
M. Hewitt. Ces travaux ont été mis à la portée du grand 
public dans un excellent opuseule de M. Howard inti- 
tulé : « The House-fly : Disease Carrier » et dans un 
petit volume publié par M. Hewitt lui-même. Il conve- 
nait toutefois de les présenter avec plus de détails, de 
les coordonner et d’en extraire la moelle scientifique,afin 
qu'ils pussent éclairer les biologistes, provoquer d’au- 
tresrecherches et produire tous les résultats qu'on est en 
droit d’en attendre. C’est ce qu'a voulu faire M. Hewitt 
et nul mieux que lui n’était indiqué pour entreprendre 
cette tâche, ainsi qu'en témoignent les trois savants 
mémoires qu'il a consacrés à la Mouche domestique dans 
le Quarterly Journal of Microscopical Science. 

La 1'° partie de l’ouvrage traite de la structure et des 


mœurs de la Mouche adulte, Au point de vue anatomi- 
que, elle présente la même rigueur que la volumineuse 
monographie de Lownesur la Mouche bleue (Calliphora 
erythrocephala), avec moins de menus détails,sans doute, 
mais avec une concision plus grande el un esprit plus 
moderne, Au point de vue biologique, elle offre le plus 
vif intérêt à cause des observations profondes qui la 
remplissent et qui ont toutes une portée des plus gran- 
des, Nous y apprenons que la Mouche domestique peut 
représenter à elle seule g00/, de la population dipté- 
rienne de nos demeures, — qu'elle se répandrait peu par 
son propre vol, mais qu’elle se dissémine par nos 
véhicules et surtout par l’action du vent, — que la struc- 
ture de sa trompe ne lui permet pas d’absorber des par- 
ticules solides supérieures à 45 y, mais qu'elle convient 
à merveille à la succion des liquides, — qu'elle dissout 
les substances solubles par un afflux de salive et que 
ces substances,absorbées en même temps que leliquide, 
s'accumulent dans le vaste jabot de l’insecte, d’où elles 
passent peu à peu dans le gésier, puis dans l'estomac, 
non sans un stage qui dure parfois plusieurs jours. 
M. Hewitt compare ce dernier phénomène à la rumina- 
tion, mais ilen est un autre qui présente bien plus ce 
caractère et que chacun, d'ailleurs, à pu souvent obser- 
ver. Une fois repue et tranquille, la Mouche dégurgite 
sa nourriture sous la forme d’une gouttelette qui se 
dilate au bout de la trompe et le plus souvent y rentre 
bientôt; c'est probablement pour ajouter au liquide un 
surplus de suc salivaire que l'insecte dégurgite, mais 
c’est parfois aussi pour libérer son jabot distendu à 
l'excès, et alors la gouttelette est rejetée sur le support 
qu'elle contamine, au même titre d’ailleurs que les excré- 
ments issus de la digestion finale. M. Hewitt étudie 
également l’action de la température sur la vie de l'in- 
secte : la Mouche abonde surtout en été, et alors sa vie 
ne dure guère plus de deux mois; un abaissement de 
température la met au repos et, plus grand, en torpeur: 
elle résiste encore un demi-jour à —6° et succombe assez 
vite à — 10°, A l'automne, la plupart des individus pé- 
rissent, mais les plus jeunes et les plus vigoureux cher- 
chent un refuge dans les habitations et s’y réveillent 
momentanément quand la température devient plus 
douce; ils reprennent leur activité au beau temps et 
deviennent alors procréateurs des générations nou- 
velles. 

La 2° partie de l'ouvrage est consacrée à la reproduc- 
lion et au développement de la Mouche. Outre une étute 
très poussée de l’œuf, des trois stades larvaires et de 
la pupe, elle renferme une histoire biologique complète 
de l'insecte à ses différents états, notamment de pré- 
cieux détails sur la ponte et les lieux de ponte. Les 
mâles sont à peu près en même nombre que les femel- 
les; quelques jours après l’accouplement, ces dernières 
choisissent un milieu convenable pour y déposer leurs 
œufs : le fumier de cheval principalement et les rebuts 
d’étable, mais aussi, à un moindre degré, tous les autres 
excréments et toutes les matières organiques en décom- 
position, Aux points les plus éclairés de ces matières, 
les œufs sont pondus en groupes, chaque ponte compre- 
nant environ 120 œufs et une femelle pouvant donner 
5 ou 6 pontes. C'est en été, surtout de juin à octobre, 
que les femelles se livrent à la ponte; les pontes hiver- 
nales sont rares et ne se produisent qu'aux endroits 
chauds. Suivant que la température est plus ou moins 
élevée, la durée du développement diminue ou augmente; 
depuis le moment où l'œuf est déposé jusqu'à l’éclosion 
de l’adulte, elle est de 9 jours au minimum, de 3 à 4 se- 
maines au maximum. Contrairement à une opinion ré- 
pandue, l’insecte ne passe jamais l'hiver à l’état de pupe 
et les générations de deux années successives se 
rattachent les unes aux autres par les Mouches hiver- 
nantes. Il est très difficile d'élever l’insecte en captivité ; 
pourtant, M. Hewitt a pu de la sorte obtenir deux géné- 
rations successives et il a vu que la maturité sexuelle 
est acquise de 10 à 15 jours après l'éclosion. 

Dans la troisième partie de son travaii, l’auteur passe 
en revue les parasites et les ennemis naturels de la 


158 


Mouche: les Acariens et notamment les 7Trombidium 
qui se fixent sur elle à l’état de larves rouges, les Scuti- 
géres, les Saltiques et les Insectes (Carabides, Mou- 
ches asile, ete.) qui lui font la chasse, les Nématodes 
qu’elle héberge (//abronema muscae) et les rares Hy- 
ménoptères qui lui confient leur dangereuse ponte, les 
Herpetomonas qui fréquentent son tube digestif, enfin 
le vulgaire champignon Æmpusa muscae qui la pénètre 
de son thalle, et la tue en la collant au support, en 
même temps qu'il projette tout autour la poussière 
blanche de ses conidies. Cetle partie n’est pas une de 
celles qui intéresseront le moins les biologistes, car elle 
présente de nombreux problèmes qui réclament leur 
concours et que l'auteur s’est efforcé de mettre en évi- 
dence. Quelle est, par exemple, la nature des relations 
qui existent entre les Chelifer où pseudo-scorpions et 
les Mouches quiles véhiculent? Et, s’il est vrai, comme 
le pense Brefeld, que l'Empusa muscae ne forme pas 
d’azygospores ou spores de résistance, par quel moyen 
ce champignon peut-il passer aux Mouches d’une année 
à l’autre ? 

Dans la quatrième partie, M. Hewitt signale les 
caractères distinctifs el décrit les mœurs des autres 
Mouches qui fréquentent les maisons. Ces Diptères ne 
laissent pas que d'être assez nombreux, mais l’auteur 
insiste particulièrement sur les Fannia, un peu plus 
petites que la Mouche domestique et souvent confondues 
avec elle, sur la Calliphora erythrocephala, grosse Mouche 
bleue qui confie sa ponte aux viandes crues ou cuites, 
sur la Muscina stabulans, très voisine de la Mouche par 
son faciès et ses habitudes, enfin sur le S{omoxys calci- 
trans, ou mouche des étables, qui se distingue des 
espèces précédentes par sa trompe transformée en un 
rostre capable de piquer et de sucer le sang. S'éloignant 
un peu du sujet principal, cette partie est moins fouillée 
que les autres ; elle était nécessaire toutefois, car la 
plupart des Mouches qui fréquentent les maisons doivent 
être suspectées au même titre que la Mouche domes- 
tique. 

Ayant ainsi groupé tous ces faits anatomiques et bio- 
logiques, l’auteur aborde en pleine lumière la partie la 
plus importante de son ouvrage, celle où. il traite du 
rôle des Mouches, surtout de la Mouche domestique, 
dans la dissémination des maladies contagieuses. Ce 
n’est point seulement parce qu’elles se posent partout 
et de préférence sur les sanies que les Mouches sont ca- 
pables de disséminer les microbes; sans doute elles les 
véhiculent avec leurs pattes, leurs ailes, leurs poils et 
leur trompe spongieuse; mais elles les introduisent par 
succion dans leur tube digestif et les rejettent ensuite, 
soit par la bouche quand elles dégurgitent leurs goutte- 
lettes, soit par l'anus au moment de la défécation, Les 
Bactéries sporulantes supportent très bien ce passage 
dans les viscères, et sûrement aussi beaucoup d espèces 
qui ne produisent jamais de spores, D’après les expé- 
riences de Graham Smith, la vitalité du Bacillus prodi- 
giosus persiste au moins 18 heures sur les ailes et les 
pattes des Mouches, { ou 5 jours dans la trompe, le ja- 
bot et l'intestin; le même biologiste a établi que le 
Bacillus typhosus reste vivant 6 jours au moins dans 
l'intestin des Mouches et que celles-ci peuvent ense- 
mencer les plaques où elles marchent 48 heures après 
leur infection. À ces moyens de contamination il faut 
peut-être en ajouter un autre singulièrement grave : les 
Bacilles ingurgités par les larves pourraient persister 
chez l'adulte; tel serait le cas du Bacillus typhosus 
d’après les expériences réalisées en 1909 par Faichnie, 
mais le fait 2 été contesté depuis lors et réclame de 
nouvelles observations. 

Ayant établi ces règles générales, l’auteur passe en 
revue les observations et expériences relatives au rôle 
des Mouches dans la propagation des diverses maladies 
contagieuses, 

En ce qui regarde la fièvre thyphoïde, ce rôle est de 
premier ordre et l’on ne saurait en être surpris si l'on 
songe quele Bacille typhique, d’après les recherches de 
Delépine, peut conserver un an sa virulence sur les pa- 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


rois des fosses à excréments.Pour Vaughan et pour Reed 
qui ont étudié les épidémies typhiques durant la guerre 
hispano-américaine, pour Dunne et pour Tooth qui ont 
travaillé dant le même sens au cours de la campagne 
contre les Boers, l'influence malfaisante des Mouches 
seraitbien supérieure à celle des eaux. Non moins funeste 
est le rôle des Mouches dans la propagation de la tuber- 
culose: attiré par les crachats, l’insecte en ingère les 
bacilles, que Lord a retrouvés très actifs dans leurs 
excréments après 15 jours. Les observations de Lord 
ontété justifiées par les infections artilicielles de Graham 
Smith. 

I1 semble bien aussi que les Mouches jouent un rôle 
essentiel dans la propagation de la diarrhée infantile 
estivale ; comme l’a montré Niven, la maladie progresse 
à mesure que les mouches se multiplient et les deux 
courbes se superposent à très peu près. Pourtant la 
courbe de la maladie commence à décroitre pendant que 
s'élève encore celle des mouches, et comme d’autre part 
on ne connait pas les microbes pathogènes qui sont les 
agents du fléau, ou ne saurait définitivement conclure. 

Laissant de côté les autres maladies passées en revue 
par M. Hewitt, les cas de myases qu’il signale, et le rôle 
de nos insectes dans la propagation des vers intesti- 
naux, j'arrive à la dernière partie de l'ouvrage, celle où 
l'auteur examine les methodes propres à se préserver 
des Mouches et à les combattre. Les Mouches ne sont 
pas moins dangereuses que les Glossines et les Mous- 
tiques, dit-il, et pour elles comme pour ces dernières,« la 
clef de toute la situation », dans la lutte entreprise, se 
trouve aux lieux de ponte, qu’il faut protéger contre 
le dépôt des œufs et traiter par des insecticides pour 
détruire la progéniture. La propreté des écuries, surtout 
de celles occupées par les chevaux, l'enlèvement du fu- 
mier avant ledéveloppement complet de l’insecte (avant 
Jjours), la distribution rapide du fumier sur les champs 
et, en tout cas, le traitement de ce fumier parle chlo- 
rure de chaux préconisé par Howard (bien préférable 
au kérosène), tels sont les moyens qui répondent le 
mieux au but poursuivi. Détruire tous les débris organi- 
ques, toutes les ordures, et, en ce qui concerne les dé- 
jections humaines, remplacer les latrines sèches par 
le tout à l'égout, voilà encore deux précautions néces- 
saires. 

La lutte contre les adultes est également recomman- 
dable, encore qu'elle soit beaucoup plus aléatoire et 
plus difficile; à ce point de vue, l’auteur examine les 
divers pièges à Mouches, l'emploi des papiers arséni- 
caux, les avantages de la formaldéhyde et les autres 
méthodes imaginées par divers biologistes. IL réclame 
surtout, et à juste titre, la protection des chambres et 
des salles hospitalières occupées par des malades. 

Lerésumé qui précède donnera peut-être au lecteur une 
idée suflisante de l’intérêtet de la variété des matériaux 
mis en œuvre par M. Hewitt, mais il ne peut montrer 
comme il convient la richesse de documentation, la 
rigoureuse méthode et la lucide clarté qui distinguent 
éminemment son ouvrage. L’exécution typographique de 
celui-ci estd’ailleurs irréprochable;les figures du texte, 
presquetoutes originales,ne laissent rien à désireret les 
planches en couleurs consacrées aux principales espèces 
de Mouchessontadmirablement réussies. C’est un beau 
livre, mais surtout un bon livre. L'auteur l’a écrit pour 
les entomologistes, les médecins, les ofliciers de santé et 
les biologistes ; il espère en outre le voir adopter par les 
étudiants. Je crois que ses espoirs ne seront pas déçus. 
Je le désire surtout bien sincèrement, car il est peu 
d'ouvrages qui soient mieux faits pour donner le goût 
de la science, pour favoriser les recherches et pour 
rendre des services à l'hygiène publique. C'est une 
œuvre longuement müûrie, méthodiquement composée, 
très précise et pleine d’aperçus nouveaux; elle fait 
honneur au talent de M. Hewitt. 


E. L. Bouvier, 


Membre de l’Institut, 
Professeur au Muséum d'Histoire naturelle. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 159 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 
Scance du 8 Février 1915 


19 SGIENGRS MATHÉMATIQUES. — M. G. Bigourdan : 
Application du comparateur angulaire céleste à la dé- 
termination de la réfraction astronomique et de sa 
constante, Supposons l'observateur placé dans de bas- 
ses latitudes, au voisinage de l'équateur terrestre, et 
choisissons deux étoiles situées près de la région E du 
premier vertical, l’une se trouvant près de l'horizon 
quand l’autre est vers le zénith. Les lunettes du com- 
parateur étant préalablement placées et fixées, dirigeons- 
les vers ces étoiles, le fil mobile de chacune des lunet- 
tes ayant une position connue et voisine de la 
perpendiculaire au même vertical. Le mouvement d'hor- 
logerie qui entraine le comparateur maintiendra cha- 
que étoile dans le champ dela lunette correspondante, 
et ainsi l’on pourra faire un grand nombre de pointés 
sur ces étoiles, qui s’éloigneront graduellement l’une de 
l'autre parce que la différence des réfractions va en di- 
minuant. Dans les latitudes moyennes, les couples étant 
convenablement choisis, la durée d’observation sera 
seulement un peu plus longue, les astres s’élevant obli- 
quement. On pourra ainsi obtenir rapidement un grand 
nombre de valeurs de la constante de la réfraction, et 
il sera alors possible de dire si elle est réellement inva- 
riable, ou si elle présente quelque inégalité pério- 
dique dans les diverses saisons de l’année. 


20 SCIENCES PHYSIQUES, — M. F. Bodroux : Sur la 
préparation de quelques éthers-sels. En distillant len- 
tement un mélange d'acide formique, d’alcool éth ylique 
et d’eau, on obtient du formiate d’éthyle. Le rendement 
en éther-sel dépend de la quantité d’eau employée, les 
proportions d'acide et d'alcool étant constantes. La 
même réaction se produit en faisant agir H Br. 5 H20 
sur les différents alcools, et le rendement en éther 
bromhydrique s'élève à 95-90 °/0 quand on ajoute au 
mélange : mol. d'acide sulfurique pour 2 de HBr. — 
MM. L. Grimbert et ©. Baïlly : Sur un procédé de 
diagnose des monoëthers glycéro-phosphoriques et sur la 
constitution du glycérophosphate de sodium cristallisé. 
On n’a puencore établir d'une façon formelle si c’est la 
fonction alcool primaire ou alcool secondaire de la gly- 
cérine qui participe à l’éthérification dans le glycéro- 
phosphate de sodium cristallisé, L’éther -monoglycéro- 
phosphorique, en l’absencedetoutehydrolyse, étant seul 
susceptible de fournir par oxydation un corps de for- 
mule générale R. CO. CH?OH, qu'on peut caractériser 
par les réactions de Denigès, les auteurs ont soumis à 
l’action de l’eau de brome à 2,5 °/, le glycérophosphate 
de Na cristallisé et le sel incristallisable. C’est ce der- 
nier qui est transformé par oxydation en un corps don- 
nant les réactions de Denigès; c'est donc l’>-glycéro- 
phosphate, tandis que le sel cristallisé de Poulenc est le 
8-glycérophosphate. — MM. Em. Bourquelot, M. Bri- 
del et A. Aubry : Synthèse biochimique, à l’aide de 
l'émulsine, du monoglucoside 8 du glycol proprlénique 
ordinaire. L'intérêt de cette synthèse réside dans le 
fait que le glycol propylénique ordinaire (propanedio! 
1:2)est un mélange de deux isomères optiques de 
signe contraire, La glucosidification a lieu par l’action 
de l’'émulsine en poudre sur une solution de glucose 
dans le glycol additionné d’un peu d’eau. On obtient 
finalement une masse blanche, dont le pouvoir rotatoire 
en solution aqueuse, ||» — — 30°,32.L'hydrolyse mon- 
tre qu'il s'agit d'un monoglucoside et le glycol propy- 
lénique récupéré est inactif. On peut en conclure que 
la glucosidification a porté en même temps sur les deux 
isomères optiques et que le monoglucoside obtenu est 


un racémique par la fonction alcoolique secondaire 
qui n’a pas été glucosidifiée. 

39 ScIENCES NATURELLES., — M, P. Mazé : Délermi- 
nation des éléments minéraux rares nécessaires au déve- 
loppement du maïs. L'auteur a cultivé le maïs jusqu'à 
maturation dans une solution minérale aseptique, pré- 
parée avec de l’eau de source additionnée de divers 
éléments, En faisant varier ceux-ci, l’auteur a reconnu 
que B, Al, Fet [sont nécessaires au développement du 
maïs; As luiest nuisible. Lorsque Je fluor manque, 
l'écart entre le témoin et les autres plantes est sensible, 
M. A.Gautier, à propos de celle communication, si- 
gnale que depuis 2 ans il étudie l'influence du fluor sur 
la végétation. Dans quelques cas, le fluor joue un rôle 
inhibitif, mais le plus souvent il active la végétation, la 
floraison et la production des graines. Les résultats 
complets seront publiés ultérieurement. — M, À. La- 
croix: Sur l'existence de roches néphéliniques grenues 
dans l'archipel volcanique de Kerguelen. L'auteur si- 
gnale la présence, au milieu des formations nettement 
volcaniques (basaltes) de l'archipel Kerguelen, d’intru- 
sions de roches alcalines grenues (syénites néphélini- 
ques, mieromonzonites) offrant une parenté magmati- 
que incontestable avec les phonolites et avec les 
trachytes épanchés. Des faits analogues ont été obser- 
vés à Tahiti et à La Réunion. Il semble que ces intru- 
sions de roches grenues soient un trait fréquent de la 
structure des iles volcaniques océaniques. 

Séance du 15 Février 1915 

1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. L. E. Bertin : Au 
sujet du transport des mines marines par les courants, 
sous l’action de la houle. Les mines automatiques ou 
torpilles de blocus, qui ont été mouillées en nombre 
énorme dans les guerres navales modernes, ont présenté 
une mobilité un peu imprévue, de laquelle ont résulté, 
surtout pour les bâtiments de commerce, de fréquentes 
catastrophes. L'origine de celte mobilité est dans l'in- 
suffisance certaine, lorsque la mer est agitée, de l'excès 
du poids p du crapaud qui sert d'ancrage sur latraction 
verticale fexercée par l’orin de la torpille. En s’en tenant 
aux profils de houle à prévoir, les calculs de M. Bertin 
montrent qu'il faudrait doubler le poids de 150 kilogs 
attribué au crapaud pour empêcher celui-ci d’être sou- 
levé par l’orin de la torpille. — M. B. Galitzine : Sur 
le tremblement de terre d'Italie du 13 janvier 1915. D'après 
les enregistrements de la Station sismique de Poulkovo, 
l’auteur a calculé, par sa méthode, les coordonnées de 
l'épicentre, qui se trouvent exactes à quelques kilomè- 
tres près. Il est donc possible de localiser l’épicentre 
d'un séisme au moyen d'observations faites à une seule 
station. Les observations montrent également que, pour 
les premiers grands maxima,le déplacement d'une par- 
ticule de la surface terrestre pour les ondes superticiel- 
les longues s'effectue presque perpendiculairement à la 
direction de la propagation de ces ondes. Enfin l’auteur 
a déterminé la vitesse moyenne de propagation des on- 
des sismiques longues, qui a été de 3,51 km. à la se- 
conde (3,53 pour le séisme de Messine).et le coeflicient 
correspondant À d'absorption de l'énergie sismique, qui 
a été de 0,000 38 (0,000 27 pour le séisme de Messine). 


2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. A. Guillet : Æoue à den- 
ture harmonique. Application à la construction d'un 
chronomètre de laboratoire à mouvement uniforme et 
continu. On conçoit sans effort qu’un chariot convena- 
blement disposé portant le profil y — « sin Lx sera en- 
traîné d’un mouvement uniforme suivant l’axe des x si 
ce profil, matérialisé soit par un sillon, soit par une 
saillie, est commandé par un doigt solidaire de l’organe 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


oscillant, animé suivant l’axe des y d’un mouvement 
harmonique de loi y —a sin wf. On rendra le mouve- 
ment permanent en substituant à la translation sui- 
vant l’axe des x une rotation autour de l’axe des z. 
L'auteur réalise un dispositif de ce genre au moyen 
d'une rone à denture harmonique, de profil Y — A sin 
N(s/r), commandée par un électro-diapason au moyen 
d'une sorte d'ancre oscillantharmoniquement. A chaque 
période T correspond le passage d’une dent de la roue, 
mais les pattes de l'ancre, alternativement menante et 
neutre, touchent constamment le profil : il n’y a jamais 
échappement. La roue conduite par celle des pattes de 
l'ancre qui s'engage dans la denture prend donc un 
mouvement uniforme el fait un tour dans le temps + — 
NT. Ce chronomètre fonctionne sans variation et d’une 
manière ininterrompue pendant plusieurs jours. — 
MM. E. Mathias, H. K. Onnes et C. A. Crommelin : 
Le diamètre rectiligne de l'azote. Les auteurs onttrouvé, 
pour l’ordonnée y du diamètre rectiligne de l'azote, des 
valeurs qui correspondent à la formule ÿ —0,022904 — 
0,001 99770 (8 étant la température en degrés C.). Le 
coeflicient angulaire du diamètre est #— — 0,001 957 7. 
La formule relative à y donne, avec la température cri- 
lique — 1/47°,13, pour la densité critique A — 0,31096. 
Le coeflicient critique est 3,421 ; il est done presque le 
même que celuide l'argon (3,424) et de l'oxygène (3,419). 
— M. L. Bouchet : Péformation du caoutchouc vulca- 
nisé sous l’action d'un champ électrostatique. L'auteur 
a soumis un manchon élastique en caoutchouc, sur ses 
deux parois, à des actions électrostatiques qui, en le 
déformant, produisaient une variation de volume inté- 
rieur. Deux minutes après l'excitation du champ, la dé- 
formation cesse de croître d’une façon appréciable. Les 
déformations sont toujours plus grandes que celles 
déduites des données mécaniques et électriques de 
l'échantillon. L'auteur admet que la déformation totale 
est due à induction électrostatique, proportionnelle à 
chaque instant à une constante diélectrique apparente. 
Ces constantes apparentes tendent vers une limite voi- 
sine de 4. 

3° SCIENCES NATURELLES, — M. J. Bergonié: Za mo- 
bilisation, dans les tissus, des projectiles magnétiques, 
par des séances répétées d'électromagnétisme. L'auteur, 
en étudiant l’utilisation rationnelle de l’électro-aimant 
en chirurgie de guerre, a reconnu la nécessité d’avoir 
un électro-aimant aussi puissant que possible. Ilne faut 
pas se décourager lorsque, dans les premières séances, 
on n’observe aucune action de l’électro-aimant sur des 
projectiles reconnus magnétiques. Des séances répétées, 
avec fermeture et rupture du circuit, amènent constam- 
ment la mobilisation du projectile magnétique, quipeut 
ensuite être facilement extrait. — MM. A. Sartory, 
L. Spillmann et Ph. Lasseur : Contribution à l'étude 
des états typhoïdes. Les auteurs ont pratiqué l’hémo- 
culture chez 200 malades à état typhoïdique ayant reçu 
le vaccin de Vincent, Ils ont trouvé, suivant les cas : 
du bacille d’Eberth légitime; des paratyphiques di- 
vers; un mélange de bacille d’'Eberth et de paratyphi- 
ques ; des associations de bacilles d’Eberth et Proteus 
vulgaris ; des associations de bacille d’'Eberth avec un 
microorganisme dont les éléments ronds sont le plus 
souvent groupés par deux (diplocoques); ce microorga- 
nisme seul, Les auteurs concluent que, si le plus sou- 
vent la fièvre typhoïde a pour origine causale le bacille 
d’Eberth, il est vraisemblable que le pouvoir pathogène 
de cet organisme peut être exalté par la présenced’autres 
éléments microbiens, tels quele Proteus vulgaris, le mi- 
crocoque décelé par eux ou, peut-être, d’autres espèces 
pathogènes encore insoupçonnées. Il est possible égale- 
ment que la guerre detranchées nous fasse connaître une 
infection nouvelle à type clinique voisin de la fièvre 
éberthienne. La présence constante et unique, dans le 
sang de certains malades, du micro-organisme cité plus 
haut peut laisser supposer qu’il joue un rôle détermi- 
nant dans la genèse de ces états typhoïdes. — M. F. 
Vuillemin: Za fleur. L'auteur montre que la fleur est 
formée de thalles rattachés par des formations méso- 


phytiques à des appendices homologues de la fronde. 
Les feuilles proprement dites n’interviennent qu’à titre 
de protection supplémentaire dans le pistil et le péri- 
gone; l'axe floral, portant à la fois des frondes et des 
feuilles, tient du stipe et de la tige. — M. Coquidé: Sur 
la nitrification dans les sols tourbeux des environs de 
Laon. Afin de reconnaitre si l’azote organique des ter- 
rains tourbeux nitrifie, l’auteur a recherché l’influence 
de certains engrais de couverture (KCI, caïnite, nitrate 
de soude, scories de déphosphoration) sur un terrain 
inculte portant une végétation naturelle, Chaque en- 
grais a mani‘esté isolément son action, en particulier le 
nitrate; même dans les mélanges d’où les nitrates sont 
exclus, la végétation est nettement inférieure à ce qu’elle 
est là où ils existent. Si le nitrate manifeste si claire- 
ment ses effets, c’est donc que les plantes n’en trouvent 
pas ou guère dans le sol vierge. Il n’y a donc pas de ni- 
trification, ou alors celle ci est yeu active, — M. H. Hu- 
bert: Esquisse préliminaire de la géologie de la Côte 
d'Ivoire. L'auteur a observé dans cette colonie trois 
sortes de formations : 1° schistes cristallins (gneiss) et 
types éruptifs associés (granit), de beaucoup les plus 
répandus; 2° roches sédimentaires métamorphisées 
(schistes micacés) et types éruptifs associés (diabases); 
3° terrains éocène et actuel (latérite). 


Séance du 22 Février 1915 


M. le Président annonce le décès de M, E. H. Ama- 
gat, membre de la Section de Physique. 


SCIENCES NATURELLES. — M. V. Lubimenko : Nouvelles 
recherches sur les pigments des chromoleucites. Pour 
l’auteur, l’évolution chimique des pigments contenus 
dans les chloroleucites au cours de leur transformation 
en chromoleucites aboutit à la formation d’un grand 
nombre de substances colorées qui se rattachent à la 
carotine, à la xanthophylle et à leurs deux isomères : 
la lycopine et la rhodoxanthine. L'apparition des subs- 
tances intermédiaires entre ces quatre formes prinei- 
pales ainsi que la formation des deux derniers pigments 
rouges, qui n'existent pas dans les chloroleucites, doit 
être attribuée aux deux processus chimiques opposés, 
l'oxydation et la réduction, qui se remplacent l’un l’au- 
tre au cours du développement du tissu chlorophyllien 
et qui attaquent l’appareil assimilateur. — M. D. Olaru : 
Action favorable du manganèse sur la bactérie des lé- 
gumineuses. L'auteur a ajouté des quantités variables 
de manganèse à des ballons contenant des cultures de 
microbes des nodosités des Légumineuses et a déterminé 


les quantités d'azote gagné par le milieu au bout d'un. 


certain temps. Le maximum d'azote gagné se trouvait 
dans les ballons additionnés d’une dose de Mn variant 
de 1/50 000 à 1/200 000°, Le manganèse a donc une in- 
fluence favorable sur l’activité des bactéries fixatrices 
d'azote, — M. L. Roule : Sur un nouveau genre de Pois- 
sons apodes et sur quelques particularités de la biolo- 
gie de ces êtres. L'auteur a découvert parmi les poissons 
recueillis en 1902 par le Prince de Monaco au nord de 
l'Ile Fayal, à 950 mètres de profondeur, deux exemplai- 
res appartenant à un genre nouveau, Pseudophichthys, 
voisin du genre Promyllanthor de la faune abyssale de 
l'Océan indien. Ces deux genres apportent un argument 
nouveau en faveur de la réalité du parallélisme établi 
entre les faunesichthyologiques, l'une occidentale, l’au- 
tre orientale, des mers qui baignent la moitié septen- 
trionale du massif africain et la bordure méridionale de 
l'Eurasie, — M. G. Daumézon : La pomme de terre subs- 
tratum et agent de dissémination du pneumobacille de 
Friedlaender dans la nature et particulièrement dans les 
eaux. L'auteur a isolé de nombreux tubercules de pomme 
de terre altérés, arrachés dans un même champ, un 
germe pathogène qui s’est montré identique au pneumo- 
bacille de Friedlaender. L'eau d’un puits situé dans le 
même champ renfermait le même bacille. Le champ de 
culture étudié constilüait par conséquent avec son sol 
et la nappe de son sous-sol un réservoir très riche en 


oo Éd 


ù ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SA 


TES 161 


pneumobacilles à virulence non abolie. — M, M. Bau- 
douin : Pécouverte et fouille d'un menhir trouvé debout 
et enfoui complètement dans une alluvion marine sur les 
côtes de la Vendée, L'auteur a observé en Vendée, près 
de l'embouchure de la rivière La Vie,un menhir debout, 
totalement caché dans des argiles à Scrobicularia plana, 
ce qui prouve qu'à un moment donné cette pierre dres- 
sée a été absolument sous-marine. La fouille a fourni 
des blocs de calage en place, constitués par des calcai- 
res tertiaires importés d'assez loin, ce qui confirme bien 
le caractère du monument. Ce menhir constilue donc 
un nouveau témoin des affaissements récents et lents des 
rivages au niveau des côtes atlantiques. 


ACADÉMIE DE MEDECINE 
Séance du 9 Fevrier 1915 


M. P.Marle: Des résultats fournis par l’électrisation 
directe des troncs nerveux dans la plaie opératoire chez 
les blessés atteints de traumatisme des nerfs. L'auteur 
recommande l'emploi de l'appareil du Dr H. Meige, à 
électrodes stérilisables, pour l'exploration électrique 
directe des nerfs dans la plaie au cours des interven- 
tions chirurgicales. Cet appareil permet : 1° de recon- 
naître et d’authentifier les cordons nerveux situés dans 
la piaie opératoire; 2° d'apprécier la valeur du nerf at- 
teint par le traumatisme: a) au point de vue du pro- 
nostic; b) au point de vue de la conduite à tenir vis-à- 
vis de ce nerf; 3° de déterminer par l’électrisation di- 
recte des localisations anatomiques et fonctionnelles 
dans les troncs nerveux périphériques, — M. E. De- 
lorme : Sur les gelures, Pour l’auteur, le principal agent 
des accidents de gelure observés sur les soldats est le 
froid humide, qui n’a pas besoin d'être aussi intensif 
que le froid sec pour produire une action nocive. La 
compression à distance, comme la station debout, l’im- 
mobilité relative ou absolue, la compression exercée 
par les chaussures auraient surtout agi à titre d'agents 
secondaires. Leremplacement plus fréquent des hommes 
dans les tranchées parait avoir été la meilleure mesure 
préventive. — M. A. Jousset : La bacillémie tubercu- 
leuse primitive du premier âge. L'auteur a prélevé asepti- 
quement le sang du cœur chez un grand nombre de 
nourrissons décédés dans diverses crèches des hôpi- 
taux parisiens et y a trouvé le bacille de Koch à main- 
tes reprises, À l’autopsie, aucune lésion tuberculeuse 
n’est apparue à l'examen le plus scrupuleux, Ces nour- 
rissons avaient présenté le tableau ordinaire de l’athre- 
psie, avec accompagnement de troubles gastro-intesti- 
naux vulgaires. Il paraît done exister une bacillémie 
tubereuleuse primitive du premier âge dont aucun 
symptôme clinique et aucune lésion anatomique ne révê- 
lent l'existence. — MM. F. Ramond et G. Goubert : 
L'autohémothérapie appliquée au traitement de La fièvre 
typhoïde. L'autohémothérapie est le traitement des 
maladies infectieuses par l'injection, dans le tissu cellu- 
laire sous-cutané, de sang complet pris dans les veines 
du malade. Les auteurs l'ont appliqué à tous les cas de 
fièvre typhoïde. Une seule injection suflit parfois à 
modifier le cours de la maladie; mais, le plus souvent, 
il est nécessaire de répéter l’autohémothérapie tous les 
jours. Si à la 6° injection aucun résultat n’a été obtenu, 
il est inutile de continuer. Dans la plupart des cas, on a 
noté une défervescence rapide et une amélioration no- 
table de l’état général; même dans les insuccès il y a 
presque toujours une amélioration partielle, 


Seance du 16 Février 1915 


M. A. Pinard : De la protection de l'enfance pendant 
les cinq premiers mois de guerre dans le camp retranché 
de Paris. M. Pinard rend compte des efforts faits pen- 
dant 5 mois par l'Office central d’Assistance maternelle 
et infantile, constilué au lendemain de la déclaration 
de guerre avec ce programme : Pendant toute la durée 
de la guerre et dans toute l’étendue du Gouvernement 


militaire de Paris, assurer à loute femme nécessileuse 
en état de gestation, ou ayant un enfant de moins de 
3 ans, la protection sociale, légale et médicale à laquelle 
elle a droit, dans une société civilisée. Ces efforts se 
sont traduits à la fin de 1914 par les résultats suivants : 
La mortalité des mères a diminué, Le nombre des en- 
fants morts-nés, au lieu d'augmenter comme on l'a tou- 
jours observé en temps de guerre ou de famine, a dimi- 
nué. La mortalité infantile a diminué. Le nombre des 
enfants abandonnés a diminué. Le nombre des enfants 
prématurés a diminué el le poids moyen des enfants a 
augmenté. En résumé, jamais on ne vil à Paris autant 
d'enfants aussi vigoureux, aussi beaux qu'aujourd'hui, 
et cela parce que jamais ils n’ont élé autant protégés 
avant et après leur naissance, 


SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE 
Séance du 6 Fevrier 1915 


M. G W. Crile : Kecherches expérimentales sur 
l'épuisement. L'épuisement est l’état dans lequel se 
trouve l'organisme lorsqu'il a complètement perdu son 
pouvoir de transformer l'énergie potentielle en énergie 
cinétique. Il résulte d’une altération d’un des organes 
du système cinétique, ou, comme c’est le cas le plus 
souvent, de lésions simultanées du cerveau, des glandes 
surrénales et du foie, L'épuisement aigu est hâté par 
une acidose aiguë (enrichissement du sang en ions H) 
comme on en observe à la suite d’une dépense muscu- 
laire excessive, par exemple chez les animaux qui se 
battent, ou au cours d’émotionsintenses(colère, frayeur), 
ou encore à la suite d’un traumatisme considérable, ou 
enfin dans l’anesthésie générale. L’acidité du sang 
inhibe la région motrice du cerveau; cette inhibition 
entraine une augmentation de l’acidité du sang. Par 
contre, cette acidité excile la moelle, notamiment le cen- 
tre respiratoire, dont l’action croisée diminue l'acidité. 
La réaction antithétique de l'écorce cérébrale et de la 
moelle à l'acidité du sang empêche les animaux de suc- 
comber par « suicide acide » lorsqu'ils courent ou se 
battent. Le sommeil naturel répare dans une très large 
mesure les effets de l’épuisement; le sommeil artificiel 
produit par le peroxyde d’azote les répare encore moitié 
mieux. Le sommeil est le meilleur réparateur de l’épui- 
sement des soldats en campagne, — M. S. Marbais : 
Disparition des spores du bacille d'Achalme des fèces 
des singes immunisés spécifiquement. 1° L’injection d’une 
culture abondante et pure de Bacillus perfringens ne 
produit sur le singe ni de la gangrène, ni des abcès ga- 
zeux, mais tout au plus uneirritation du gros intestin. 
2° L'injection de la culture d'Achalme sous la peau des 
singes bien portants est suivie d’un état d’immunité, 
caractérisé par la disparition des spores du bacille 
d'Achalme — et en général de toutes spores — des fèces 
de ces animaux. 4° La viabilité du bacille dans de l’eau 
physiologique aérobie est très diminuée; donc point 
n’est besoin de stériliser l’émulsion pour des essais de 
vaccination. 


Seance du 20 Février 1915 


MM. F. d’'Hérelle et L. Géry: Choc anaphylactique 
provoqué par le sang de femme chez des cobayes senst- 
bilisés par des albuminoïdes du placenta. Les cobayes 
sensibilisés par une injection d'extrait placentaire, in- 
différents à l'injection de sérum de sang d'homme, meu- 
rent dans une crise d’anaphylaxie caractéristique après 
injection intraveineuse de sérum de sang prélevé sur 
une femme enceinte ou l'ayant été quelque temps au- 
paravant; l’action est la même avec le sang de femmes 
normales et même de vierges. Il faudrait en conclure 
que le sang de femme contient durant toute la vie des 
albuminoïdes spéciaux identiques à ceux qui constituent 
le tissu placentaire. — M. Et. Rabaud: Sur une varia- 
tion héréditaire spéciale au sexe mâle : les souris grises 
blanchissant. L'auteur a observé des sourisgrises, issues 


162 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


d’un croisement gris >< blanc, chez lesquelles, au bout 
de quelques mois, la coloration grise fait partiellement 
place à la coloration blanche. La dépigmentation com- 
mence par l'extrémité du museau, puis elle gagne pro- 
gressivement en arrière, envahit la tête, le cou et la 
moilié antérieure de la région dorsale, où elle s'arrête. 
A vrai dire, les poils ne deviennent pas d’un blanc pur; 
ils prennent une teinte simplement argentée, mais très 
nette. Le phénomène ne se produit que chez les mâles ; 
il est héréditaire et n’est pas dû à la sénilité, C’est une 
nouvelle exceplion aux lois de Mendel. - M, A.M.Przes- 
mycky : Sur la coloration vitale du noyau. L'auteur est 
parvenu à colorer, en général par le rouge neutre, le 
noyau de certains Métazoaires et des Protozoaires; le 
noyau vit, puisqu'il peut accomplir, quoique coloré, sa 
principale fonction physiologique, la division, amenant 
la multiplication de la cellule, et puisqu'il se décolore 
après la mort, même siles organismes restent en liquide 
coloré. Les différentes substances dans un noyau vivant 
peuvent se colorer d’une manière distincte très nette, 
par exemplela chromatine (les chromosomes) etl’achro- 
matine. Le noyau vivant montre une aflinité vis-à-vis 
du rouge neutre plus grande que le protoplasma, puis- 
qu'il attire le colorant plus fortement que ce dernier et 
se décolore plus lentement. — M. S. Marbais: Dispa- 
rition des spores du bacille d'Achalme des fèces des 
hommes immunisés spécifiquement. L'homme peut rece- 
voir de grandes doses de bacilles d’'Achalme, isolés de 
malières fécales, sans présenter d’autres troubles, au 
niveau de la piqüre, qu'un empâtement vite résorbé, 
Les injections répétées de culture du bacille d’Achalme 
produisent un état d’immunité, caractérisé par l'absence 
de culture de ce bacille dans la gélose sucrée chauffée 
à 100°, ensemencéeavecles fèces des individus traités. Le 
bacille d’Achalme ne parait toutefois être qu’un agent 
accessoire dans le déterminisme de la colite chronique 
chez l’homme. 


SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE 
Séance du 5 Février 1915 


M. le D' M. Ménard : Localisation des projectiles et 
examen des blessés par les rayons X. La localisation 
des projectiles à l’aide des rayons X se fait par la radios- 
copie ou par la radiographie. Par la radioscopie, on 
détermine la profondeur du projectile par rapport à un 
ou plusieurs repères fixés sur la peau, Ce procédé, très 
précieux, permet souvent au chirurgien de découvrir le 
projectile, mais il est des cas cependant où celui-ci n’est 
pas atteint. Des causes multiples et indépendantes de 
l'habileté de l'opérateur l'entrainent souvent dans une 
direction autre que celle du corps étranger. Plusieurs 
observations permettent à l’auteur de dire que la locali- 
sation d’un projectile n’est complète et utile au blessé 
que si la méthode employée conduit à tout instant le 
bistouri du chirurgien dans la direction du projectile. 
M. Ménard a utilisé les différents procédés radiosco- 
piques et aucun d’eux ne lui a donné entière satisfac- 
tion, c’est-à-dire la certitude que le projectile sera 
découvert par le chirurgien. Enfin, la radioscopie est la 
cause pour l'opérateur de brélures très graves et l'usage 
du diaphragme n'est pas, comme on l’a dit, capable de 
protéger eflicacement le radiologue contre les attaques 
des rayons X. Il ne faut pas oublier, en effet, que les 
lésions produites par les rayons X apparaissent tardive- 
ment : après 8, 10, voire même 12 ans de pratique, 
L'auteur a donc rejeté de sa pratique la radioscopie 
pour la localisation des projectiles, et s’est adressé à la 
méthode de localisation inventée par M. le médecin 
major Hirtz. Cette méthode nécessite un appareillage 
trés simple, est d’une application très facile et donne 
pendant l'opération des résultats d’une précision rigou- 
reuse, de l’ordre du millimètre, Le radiologue doit, il 
est vrai, faire une épure, ou plutôt un graphique, épou- 
vantail pour bien des confrères, voire même pour des 
chirurgiens. S'il y a eu des critiques, elles ont une très 


faible portée auprès de ceux qui ont pu apprécier la pré- 
cision de la méthode du D' Hirtz et la simplicité de sa 
technique. Pour sa part, M. Ménard a localisé avec suc- 
cès 102 projectiles; il donne quelques-unes de ses obser- 
vations, qui suflisent à démontrer quelle sécurité le 
compas de Hirtz offre au blessé et au chirurgien pour la 
découverte des projectiles. À ses observations viennent 
s'ajouter 110 localisations faites à l'hôpital maritime de 
Rochefort-sur-Mer par M. Abel Perdrigeat, avec la 
même méthode, L'auteur ajoute enfin qu’il n’est pas 
besoin d’une installation radiographique très puissante 
pour obtenir la localisation précise d’un corps étranger. 
Certaines de ses localisations ont été faites avec une 
installation transportable Gallot-Gaiffe, qui a permis 
d'assurer le service radiographique d’un grand nombre 
d’ambulances. 


SOCIÈTÉ CHIMIQUE DE FRANCE 
Seance du 12 Février 1915 


M. Juéry : Sur deux oxalates de p-méthyleyclohexyle. 
La déshydratation du p-méthyleyelohexanol par l'acide 
oxalique exige toujours un excès de réactif. Dès que 
celui-ci est employé en proportions se rapprochant des 
quantités équimoléculaires, le rendement en carbure 
diminue et il y a formation de l’éther oxalique neutre 
(Eb. 198-200° sous 24 mm.). Le produit distillé laisse 
déposer spontanément un oxalate cristallisé, F. 98°, dont 
on sépare par essorage un oxualate liquide. Ces deux 
oxalates ont la même composition centésimale et le 
même indice de saponilication. L'isomère liquide n’est 
certainement pas constitué par l’oxalate cristallisé mé- 
langé d’une impureté abaissant son point de fusion; en 
effet, l’'oxalate liquide, dissous à chaud dans son volume 
d'alcool méthylique, ne fournit, même après amorçage, 
aucun produit eristallisé; par contre, un mélange à par- 
ties égales des deux produits solide et liquide dissous 
dans une partie d'alcool méthylique laisse cristalliser 
spontanément par refroidissement la majeure partie de 
l’oxalate cristallisé. Il s’agit vraisemblablement des deux 
isomères cts-trans que la théorie permet de prévoir; 
toutefois, les alcools régénérés de ces oxalates n’ont pas 
pu jusqu'ici être différenciés ; ils présentent sensible- 
ment les mêmes constantes et ils fournissent la même 
phényluréthane. L’oxydation de ces deux alcools four- 
nit le même acide £-méthyladipique, ce qui exclut la 
présence d’un méthylcyclohexanol isomère. 


SOCIETÉ ROYALE DE LONDRES 
Scance du 18 Novembre 1914 


SCIENCES PHYSIQUES. — M. G. Walker : Orbites élec- 
troniques approximativement permanentes et origine 
des séries spectrales. L'auteur cherche à trouver la base 
d’une explication strictement électrodynamique des 
séries spectrales. Son système consiste en un noyau 
sphérique de rayon x, avec une charge électrique posi- 
tive E et un moment magnétique lixé p. Il est assujetti 
d’une façon fixe et peut être considéré comme corres- 
pondant à un atome relativement massif, Un corpus- 
cule simple, avec une charge négative e et une masse m, 
se meut librement sous l'influence des forces exercées 
sur lui par le noyau. En négligeant l'effet de la radia- 
tion, on constate que des orbites circulaires sont possi- 
bles, soit extérieures, soitintérieures au noyau; seules 
ces dernières ont de l'importance pour le problème con- 
sidéré. L'auteur montre qu’il existe une classe d’orbites 
circulaires dans chacune desquelles le moment angu- 
laire du corpuscule est le même. Ce résultat a déjà été 
obtenu par Conway, qui a cherché à identifier cette 
valeur avec l’unité de Planck. L'auteur montre que ces 
orbites ne se présentent que si la charge du noyau est 
concentrée principalement à la surface, ou si la subs- 
tance du noyau possède un grand rapport diélectrique. 
En tous cas, pour obtenir une fréquence convenable, le 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 163 


moment angulaire ne doit être qu'une faible fraction 
de l’unilé de Planck. Il exite une autre classe d’orbites 
circulaires, qui se trouvent dans le plan équatorial du 
noyau el possèdent des moments angulaires différents, 
Leurs formules ont les mêmes traits généraux, mais ne 
sont pas si simples que celles des orbites äe Conway. 
Le mouvement du corpuseule donne naissance à une 
perturbation de la radiation à l’intérieur et à l'extérieur 
du noyau, tandis que le noyau produit une radiation de 
la manière décrite par Lamb, La perturbation peut être 
analysée en termes du type électrique et magnétique. 
Dans chaque cas, on louve une série de valeurs de 7/4 
(r élant le rayon de la sphère sur laquelle se trouve le 
corpuseule) pour lesquelles la réaction sur le corpuseule 
devient très faible ; on en déduit que l'orbite corpuscu- 
laire correspondanteestrelativement stable etdonneune 
ligne spectrale, En supposant avec Lamb que le rap- 
port diélectrique est grand, on trouve avec les orbites 
de Conway du type magnétique de perturbation la for- 
mule connue de Balmer, tandis qu'avec le type électri- 
que on arrive à une série ressemblant étroitement à la 
formule de Rydberg. En plus de ces séries, on obtient la 
série de Lamb avec le noyau ; mais, conformément à la 
théorie, elle se lrouve dans l’infra-rouge ou l’ultra- 
violet, — M. W. Jevons : /echerches spectroscopiques 
en rapport avec la modification active de l'azote. IV. Un 
spectre de bandes du triazoture de bore. 1 L'action de 
’azote actif sur BCI* ou le borate de méthyle fournit 
un spectre de bandes s'étendant de 2 6371 à au moins 
À 140, avec des têtes bien définies allant en se dégra- 
dant vers le rouge, 2° Le nouveau spectre consiste prin- 
cipalement en deux systèmes distincts. Dans le moins 
réfrangible, chaque bande se compose de { têles, for- 
mant > doublets rapprochés. Le système le plus réfran- 
gible a des têtes simples et ressemble au spectre de 
l’azolure de silicium décrit dans un mémoire antérieur. 
3° L'auteur a mesuré les longueurs d'ondes des têtes et 
classé les valeurs dans chaque système, en les repré- 
sentant par des formules. 4° Il est probable que le spec- 
tre est dû à l’azoture de bore. Les composés de B, Cet 
Si se ressemblent done en développant des spectres d’azo- 
tures dans la lueur résiduelle de l’azote. 5° Les bandes 
de l’azoture de bore, comme celles du cyanogène, sont 
produites dans le spectre de l’arc électrique, où elles se 
forment à côté des bandes de l’oxyde. 


Séance du 3 Decembre 1914 


SCIENCES PHYSIQUES. — M. G.S. Walpole : Le phéno- 
mène de Hermann. En 1887, Hermann a observé que, 
lorsqu'un courant passe d’une solution diluée d’un sel, 
tel que le sulfate de sodium, vers une solution plus con- 
centrée, une libération d'acide a lieu dans la couche li- 
mite entre les deux fluides ; quand le courant passe dans 
la direction opposée, de lPalcali est libéré au mème en- 
droit. L'auteur a repris l'étude de ce sujet et généralise 
les résultats obtenus de la façon suivante : A la limite 
entre deux solutions de conduetibilités spécifiques iné- 
gales, un changement de réaction se produit si l’on 
maintient entre elles une différence de potentiel; de l’al- 
cali est libéré si le courant passe de la solution la plus 
conductrice à la moins conductrice; de l'acide, dans le 
cas contraire. Les quantités peuvent être calculées 
d’après les gradients de potentiel dans les deux solu- 
tions de chaque côté de la limite, le temps pendant 
lequel la différence de potentiel est maintenue, la cons- 
tante de résistance du vasé employé, la constante de 
dissociation de l’eau et les vitesses connues de migra- 
tions des ions H et OH. 


SOCIËTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES 
Séance du 27 Novembre 1914 


M: A. F. Hallimond: Sur la conduction de l'électri- 
cité aux contacts de pointes. L’anteur a établi les cour- 
bes volt-ampère ou caractéristiques données par divers 


contacts de pointes quand on fait varier lentement le 
voltage. La courbe unilatérale connue du contaettype 
zincite-tellure se termine par une chute soudaine de 
résistance, après laquelle le contact a une caractérisli- 
que plus symétrique, à faible résistance, qu'à l'origine. 
En maintenant le contact sous un certain voltage avec 
la zincile positive, on peut généralement restaurer l’état 
de haute résistance, dans lequel il redonne la courbe 
unilatérale, Des expériences analogues ont élé faites sur 
45 contacts possibles entre 15 substances choisies. Dans 
tous les cas, les résultats sont similaires à ceux que 
donne le contact zincite-tellure, On ne peut tracer 
aucune ligne de démarcation entre les contacts métalli- 
ques et ceux dans lesquels un ou deux des conducteurs 
sont des cristaux. Les résultats obtenus sont exprimés 
par les termes d’une série dans laquelle chaque membre 
se comporte vis-à-vis des suivants comine la zineite par 
rapport au tellure : zincite, brookite, molybdénite, 
chrome, galène, insérite, chalcosite, cuivre, chalcopy- 
rite, tellure, Enfin, l'auteur montre que, dans lescontacts 
donnant une courbe unilatérale (à haute résistance), la 
résistance se trouve au-dessous de la surface du mem- 
bre le plus élevé de la série. Des mesures grossières 
montrentquele poids nécessaire pour ces contacts dimi- 
nue d'environ 1.000 gr. pour la zincite jusqu'à une 
valeur très légère pour les substances situées près du 
tellure. — M. T. Barratt : La conductibilité thermique 
des solides mauvais conducteurs. L'auteur a déterminé 
les conductibilités thermiques de plusieurs solides typi- 
ques à faible conduetibilité thermique par la même 
méthode et à peu près le mème appareil qu'il a employé 
récemment pour les métaux purs et les alliages(t. XXV, 
p. 803). Dans presque tous les cas, la formule simple 
k=— H?/p q h V2? a pu être utilisée. Les substances 
essayées comprennent les isolants électriques, comme 
le verre, la silice fondue et l’ébonite, diverses sortes de 
bois, el quelques conducteurs partiels de l'électricité, 
comme le carbone et le graphite. Pour la première fois, 
on à pu comparer directement la conductibilité d'un 
non-métal avec celle d’un métal, par exemple le bismuth, 
dont la conductibilité est à peu près du même ordre de 
grandeur. Les résultats concordent bien avec ceux obte- 
nus par la méthode du disque de Lees. 


Séance du 18 Decembre 1914 


M. H. R. Nettleton : Un anneau de garde au vide, 
et son application à la détermination de la conductibi- 
lité thermique du mercure. Un tube à vide de construc- 
tion spéciale, chauffé au sommet par de la vapeur et 
refroidi à la base par de l’eau courante, est utilisé par 
l’auteur pour trouver la conduectibilité thermique du 
mercure. Le vide agit comme anneau de garde, et 
échappe à l’objection de communiquer au calorimètre 
une quantité de chaleur diflicile à déterminer, Le vide 
est si eflicace que le gradient de température, mesuré 
par une simple thermo-jonction portée par un cathéto- 
mètre, n’est probablement pas erroné de plus de 1/500®. 
La calorimétrie est effectuée par la méthode à flux con- 
tinu, telle qu'elle est employée par Searle dans son 
appareil pour mesurer la conductibilité thermique du 
cuivre. La vitesse d'arrivée de la chaleur n’est que d'en- 
viron 1 calorie par seconde. La valeur moyenne obtenue 
pour la conductibilité thermique du mercure dans une 
série de 24 expériences est de 0,01960 unité C. G.S. 
entre 350 et 45° C. La nature remarquablement linéaire 
du gradient de température entre 35° et 65° indique 
qu’il n’y a pas de diminution de la conductibilité ther- 
mique quand la température s'élève, 


Seance du 22 Janvier 1915 


M. A. Russell : Analyse harmonique pratique. Le 
graphique d’une fonction périodique étant donné, quel 
est le meilleur moyen de déterminer les constantes de 
Fourier de l'équation en série qui la représente? La 


164 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


méthode ordinaire néglige toutes les harmoniques au- 
dessus d’un certain ordre et détermine les coeflicients 
des termes harmoniques en faisant passer la courbe que 
représente l'équation par un certain nombre de points 
arbitrairement choisis de la courbe donnée. Un défaut 
sérieux de cette solution, c’est que les valeurs trouvées 
pour les amplitudes des harmoniques, surtout supérieu- 
res, peuvent différer beaucoup de leurs vraies valeurs de 
Fourier, et la méthode ne donne aucune indication de la 
grandeur de ces erreurs: S. P. Thompson a suggéré une 
autre méthode, qui utilise certaines formules en séries 
pour trouver les constantes de Fourier. L'auteur propose 
d'autres formules en séries analogues. Si la courbe 
donnée est à peu près sinusoïdale, de sorte que les am- 
plitudes des harmoniques supérieures sont faibles, cette 
méthode est à la fois simple et exacte. Pour les ondes 
distordues, par contre, le défaut d’exactitude est notable, 
et une erreur commise en calculant la valeur d’une des 
constantes peut introduire des erreurs dans les valeurs 
calculées des autres. Par des exemples numériques, 
l'auteur montre l’exactitude qu'on peut obtenir en em- 
ployant des formules à séries infinies. Il conclut que, 
dans la grande majorité des cas, la meilleure façon de 
procéder pour déterminer les constantes est d'évaluer 
les intégrales de Fourier par les méthodes de quadrature 
mécanique ; la règle de Weddle, en particulier, s’y 
adapte admirablement, et par le moyen de celle-ci 
chaque constante est déterminée séparément avec un 
haut degré d’exactitude, Les formules en séries de 
Thompson pourront être utilisées soit pour vérifier les 
valeurs trouvées par quadratures mécaniques, soit pour 
indiquer quand les harmoniques supérieures ne peuvent 
être négligées, — M. T. Smith : Mesure de la longueur 
focale d'une lentille photographique. On obtient simple- 
ment la longueur focale d’une lentille composée en 
mettant au point sur l'écran de la chambre noire 
l’image d'un objet distant situé sur l’axe de la lentille, 
à la fois avec la lentille complète et avec chacun de ses 
constituants séparés. Une mise au point additionnelle 
du même objet en faisant varier la distance des lentilles 
constituantes permet de déterminer les longueurs focales 
de chaque constituant. La méthode’est rapide et exacte 
et nécessite seulement une chambre noire et la lentille. 
— M. À. W. Bickerton: Le polyscope. Cet instrument 
consiste en trois bandes étroites de verre de glace, 
d'environ 30 em. de longueur, arrangées sous forme de 
pyramide tronquée. L’extrémité objective a une surface 
d'environ 1,6 em?, tandis que l'extrémité oculaire est 
beaucoup plus étroite, environ 0,3 cem?, pour donner le 
nombre maximum de réflexions. On peut construire 
trois types de polyscope. Dans le premier, la section 
transversale est un triangle équilatéral: il donne les 
images les plus simples. Dans le second, la section est 
un triangle isocèle avec un angle droit : il fournit des 
images avec deux centres de symétrie réfléchies huit fois 
etavecun centre réfléchies quatre fois. Dans le troisième, 
les angles sont de 30°, 60° et go°: on obtient des images 
dans lesquelles un centre a 12 réflexions, un autre 6 et 
un autre 4. En regardant au travers un groupe d'objets 
irréguliers, par exemple des morceaux de gélatine 
colorée montés sur un porte-objet, on aperçoit une 
image symétrique magnifiquement colorée, dont le 
caractère change constamment à mesure que l'objet se 
déplace. Cet instrument constituera une aide précieuse 
pour les dessinateurs de carreaux céramiques, de tapis, 
d’étoffes, etc., car une série considérable de dessins 
peut être rapidement passée en revue par l'artiste, qui 
dessine ou photographie ceux qui lui donnent satis- 
faction. 
SOCIETE ANGLAISE DE CHIMIE 
INDUSTRIELLE 
SECTION DU YORKSHIRE 
Séance du 30 Novembre 1914 
MM. J. Hyland et L. L. Lloyd: L'oxydation des 


huiles et des acides gras. Les auteurs ont étudié l'oxy- 
dation des huiles et acides gras à 50° par l’air jusqu’au 
point où l’augmentation de poids est maximum; à ce 
point, l’augmentation correspond presque dans chaque 
cas à O — P. Une oxydation plus grande est possible, 
mais elle est accompagnée d'une perte de poids. L’acide 
oléique est oxydé beaucoup plus rapidement dans l'air 
humide que dans l'air sec; l’air humide, par contre, pa- 
raît empêcher l'oxydation complète des glycérides. Les 
auteurs ont également comparé la tendance à l’inflam- 
mation d'huiles de différents indices d'iode. Chez toutes 
les huiles qui dégagent une grande quantité de chaleur 
par chauffage, il y a une diminution considérable de 
l’indice d’iode. Toutefois l'oxydation n’est pas la seule 
cause de l’inflammation; la décomposition des produits 
d’oxydation doit jouer un grand rôle, L'humidité aug- 
mente la tendance des huiles à s’enflammer sur fibre, 
surtout celles riches en acide oléique. 


SECTION DE B1iRMINGHAM 
Seance du 10 Décembre 1914 


M. R. S. Morrell : Les huiles siccatives polymérisées. 
1° Les huiles de lin et d’œillette contiennent des gly- 
cérides mixtes de quantités variables d’acides non sa- 
turés, mélangés à de petites quantités de glycérides 
saturés, les acides étant interchangeables et leur quan- 
tité dépendant de l’origine et probablement de la matu- 
rité des graines, 2° L’épaississement par polymérisation, 
sans changement de la composition chimique, a lieu 
quand il existe au moins deux paires d’atomes de car- 
bone doublement liés dans les molécules des acides des 
glycérides, 3° Avant la polymérisation, il y a un dépla- 
cement des liaisons dans la molécule et, dans le cas de 
l'huile de bois de Chine, il y a peut-être formation d’an- 
neau, 4° L’épaississement est dù à la polymérisation des 
glycérides mixtes, et le premier stade est la formation 
d'un produit insoluble dans l’acétone, qui peut être une 
molécule double de glycérides liés dans le cas de l'huile 
de lin, ou une molécule quadruple pour l'huile d’œil- 
lette. 5° Le changement dépend de la température; il 
s'établit un équilibre quand 50°/, de la modification ont 
été formés. 6° À plus haute température, le stade final 
consiste dans la formation d’un polymère insoluble 
dans le pétrole léger qui semble déterminé dans l'huile 
de lin par le glycéride de l’acide linolénique, 


SECTION DE LONDRES 
Seance du 4 Janvier 1915 


M. E. K. Scott : La production des nitrates aux dé- 
pens de l'air, en particulier avec un nouveau four élec- 
trique. L'auteur déduit d'expériences poursuivies depuis 
plusieurs années que, dans la fabrication des nitrates 
aux dépens de l'air, on peut améliorer considérable- 
ment les rendements par les trois moyens suivants : 
10 travail régénératif; théoriquement, l'énergie économi- 
sée en employant la vapeur d’une chaudière (chauffée 
par les gaz d'échappement) pour engendrer l'électricité 
est d'environ 15 0/0 ; 2° oxygénation de l'air; en insuf- 
flant dans le four des parties égales d'oxygène et d'azote 
au lieu d’air, le rendement est accru de 20 0/0; 30 éléva- 
tion de température ; le rendement théorique s'élève de 
819 à 1850 kilogs par kw-an, ou de 225 0/0, quand la 
température des flammes de l'arc augmente de 3200 à 
4200° C., soit de 30 0/0 seulement. L'auteur a établi un 
four avec flamme d’arc triphasé, qui d’après lui est plus 
chaude et agit sur une plus grande quantité d’air que 
trois flammes monophasées dans trois fours séparés. Les 
gaz chauds qui se dégagent du four sont refroidis par 
une chaudière etla vapeur produite sert à engendrer de 
l'électricité. 


Le Gérant : Octave Don. 


——————————————————.—— 
Sens. — Imp. Levé, 1, rue de la Bertauche. 


26° ANNÉE 


N° G 


30 MARS 1915 


Revue générale 


de SCIences 


pures et appliquées 


Foxpareur : LOUIS OLIVIER 


Dinecreur : J.-P. LANGLOIS, Docteur ès Sciences 


Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. J.-P. LANGLOIS, 8, place de l'Odéon, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des 
travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France eten pays étrangers y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


$ 1. — Nécrologie 

E.-H. Amagat. — La Physique française vient de 
perdre, dans la personne de Emile Hilaire Amagat, 
l’une de ses illustrations, Amagat appartenait à une 
bonne famille du Berri (Saint-Satur); après avoir reçu 
une instruction très soignée, il suit pendant quelques 
années la conférence d’agrégation de Physique de la 
Sorbonne; maïs la passion des recherches l'emporte 
chez lui sur le goût du mandarinat. Dès 1867, à l’âge 
de 26 ans, il commence des travaux inspirés par le 
célèbre mémoire de Regnault sur la loi de Mariotte, 
mémoire qui paraît avoir fait impression sur lui. Cer- 
tains physiciens ayant interprété les expériences de 
Regnault en faisant de la loi de Mariotte une sorte de 
loi de passage observée pour chaque gaz à une distance 
déterminée de son point de liquéfaction sous la pres- 
sion atmosphérique, Amagat essaye d'établir qu'elle est 
une loi limite qui s’observe soit sous les pressions très 
faibles, soit sous les pressions moyennes, pourvu que la 
température soit suffisamment élevée. 

C’est le rôle de la température dans la compressibilité 
des gaz qu'Amagat étudie d'abord. 

De 1867 à 1877-78, tout en passant sa thèse de doc- 
lorat ès sciences, il cherche sa voie dans l’étude de la 
compressibilité des gaz, raréfiés ou non, et de sujets 
connexes tels que la compressibilité des liquides. Il 
reprend fidèlement la tradition de Regnault et s'entraine 
dans la recherche expérimentale de précision. Sa pro- 
digieuse habileté manuelle lui fait exécuter, seul ou 
avec l'aide d’un mécanicien intelligent, tous les appa- 
reils dont il a besoin; à part les appareils en verre, qui 
sortent tous de la maison Alvergniat (ou Chabaud) et 
quelques instruments dus à la maison Golaz, c’est le 
physicien qui est son propre constructeur. Ayant ainsi 
pris conscience de lui-même, Amagat aborde la grande 
œuvre qui devait l’illustrer. Le travail de 1878-1880 est 
relatif à la compressibilité des gaz à des pressions 
élevées. 

Emule de Regnault, il sait s'affranchir de toute servi- 
lité en suivant cet admirable modèle; il imite ses qua- 
lités et laisse ses défauts. Hardiment, Amagat reprend 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 


la méthode expérimentale de Dulong et Arago et néglige 
la compressibilité du mercure; lui qu'on avait vu, dans 
l'étude des gaz raréfiés, capable de mesurer une pres- 


I PRPISER : 
sion à moins de — de millimètre de mercure, ilse borne, 
50 


au puits Verpilleux, à mesurer des colonnes de mer- 
cure à 2 ou 3 centimètres près. Son admirable bon sens 
lui montre qu'il vaut mieux attaquer une question de 
front, en conservant une précision moyenne dont on 
peut être certain, que de la tourner par des artifices 
ingénieux, mais nuisibles à la certitude des résultats. 
Les expériences pénibles et même dangereuses du puits 
Verpilleux sont visiblement inspirées des expériences 
de la Butte-aux-Cailles; mais, s’il suit en cela Cailletet, 
il sait rester lui-même. 

Le résultat est une étude magistrale sur l'azote, dont 
la compressibilité est étudiée directement entre 75 et 
4302", et complétée à Lyon de 26 à 8o2t®, L’azote étu- 
dié, Amagat lui compare les autres gaz par un procédé 
qui rappelle celui de Pouillet. Les expériences sont 
poussées jusqu’à 400 *" sur l’air, l'oxygène, l'hydrogène, 
l'oxyde de carbone, le formène et l’éthylène. 

Aussitôt après, Amagat recommence le travail en 
mesurant directement la compressibilité de chacun des 
gaz précédents, les pressions étant mesurées à l’aide de 
manomètres à azote comprimé. Il représente les résul- 
tats en portant les pressions en abscisses et les produits 
p v en ordonnées. Il trouve ainsi que, pour l'hydrogène, 
les isothermes sont, à toutes les températures étudiées, 
des droites parallèles, d’où ps —#p + betp(v — x) — b. 

La compressibilité des gaz aux pressions inférieures 
(à 150 ou 2002") et aux températures allant jusqu’à 
300° présente des difficultés spéciales tenant à la ten- 
sion de vapeur mercurielle; cette partie n’est pas inte- 
ressante. Après s'être promis de la fouiller en détail, 
Amagat finira par s’en désintéresser. Il est, en effet, 
attiré par le très grand intérêt des hautes pressions. Il 
dit, dans l’un de ses mémoires, qu'il a peine à com- 
prendre comment le fameux travail de Natterer, sur la 
compressibilité des gaz permanents sous des pressions 
atteignant 2000", a passé inaperçu en France où il n'a 
excité, parmi les physiciens, qu’un intérêt très modéré. 


166 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


Utilisant ses expériences, Amagat étudie les propriétés 
géométriques des réseaux d’isothermes qu’il a cons- 
truits. Il reconnaît ainsi que les lignes d’égal volume 
(droites partout de l’origine) sont coupées en parties 
sensiblement égales par les isothermes équidistantes 
de 10° de l’acide carbonique et de l’éthylène, sauf les 
deux premières, et cela tout aussi bien dans la partie 
la plus compliquée du réseau qu'à travers les parties 
sensiblement parallèles et régulières des courbes. Il en 
déduit une équation d'état ? (p,v,t) —0, comprenant 
comme cas particulier la formule de Van der Waals, 
pouvant se réduire pourles grandes valeurs de p à la 
forme p (v— +) — b, et dont la concordance avec les 
données expérimentales esthbeaucoup plus grande dans 
l’ensemble que quand on prend les formules de Clausius 
ou de Van der Waals. 

Les recherches relatives à la compressibilité des 
fluides entraînent nécessairement celles de la déforma- 
tion des enveloppes. 11 y a là une difficulté analogue à 
celle de la dilatation des vases dans l’étude de la dila- 
tation absolue des liquides. La méthode généralement 
suivie consiste à déterminer la variation de volume 
intérieur d’un piézomètre comprimé par l'extérieur et à 
en déduire le coeflicient dé compressibilité au moyen de 
la formule théorique donnant la déformation dans ce 
cas. Malgré le mérite des formules de l’élasticité, il n’est 
pas superflu de les vérifier et, d'autre part, elles con- 
tiennent le coeflicient de Poisson auquel, depuis Wer- 
theim, on a souvent attribué une valeur erronée. D’autre 
part, enfin, la déformation des piézomètres deviendra 
un élément facile à déterminer si l’on connaït avec cer- 
titude le coeflicient de compressibilité du mercure. 

Amagat a consacré à l’élasticité des solides et à la 
eompressibilité du mercure un admirable mémoire mon- 
tram que, dès 1881-82, il s'était rendu maitre de la 
mesure exacte des pressions atteignant 20002", Après 
avoir vérifié, dans le cas du cylindre circulaire à bases 
planes, les formules de l’élasticité et avoir déterminé 
sur le verre, le cristal, l'acier, le cuivre, le laiton, le 
métal À et le plomb le coeflicient de Poisson et le coefli- 
cient de compressibilité, il reprend el pousse cette fois 
jusqu'à 20002" ]a détermination exacte du coeflicient de 
compressibilité du verre et du cristal par un procédé 
qui a l'avantage d’être indépendant de toute théorie et 
quirappelle la mesure de la dilatation cubique au moyen 
de la dilatation linéaire. Il constate que la diminution 
du coelicient de compressibilité du verre et du cristal 
est à peine sensible, ne se montrant guère que dans les 
moyennes, les nombres ainsi trouvés étant sensible- 
ment identiques aux nombres donnés par les méthodes 
qui reposent sur les formules de l’élasticité. Enfin, le 
coefficient de compressibilité du verre et du cristal est 
déterminé à 0°, 1000 et 200°. 

Pour avoir la compressibilité absolue du mercure, 
Amagat se sert de longs piézomètres en verre et en 
cristal chargés de mercure, qu’il comprime simultané- 
ment par l’intérieur et par l'extérieur pouravoir la com- 
pressibilité apparente; il en déduit la compressibilité 
du mercure par différence. 

Ainsi armé, Amagat publie en 1893 son grand mé- 
moire sur l'élaslicité et la dilatabilité des fluides jus- 
qu'aux très hautes pressions. Ces recherches complètent 
les études antérieures, dans lesquelles les limites de 
pression et de température étaient trop restreintes et 
les isothermes trop peu nombreuses pour apercevoir 
certaines propriétés qui ressortent clairement de ces 
nouvelles expériences faites surtout en vue des pressions 
très élevées. 

Grâce aux perfectionnements qu'il a apportés au 
manomètre de Gally-Cazalat, Amagatenseigne le moyen 
de mesurer correctementdes pressions pouvant dépasser 
3000", Pour étudier la compressibilité des gaz sous 
des pressions aussi formidables et éviter la rupture des 
piézomètres, il comprime ceux-ci intérieurement et éxté- 
rieurement enles enfermant dans un bloc suflisamment 
résistant. Les volumes sont alors mesurés par la mé- 
thode des contacts électriques de Tait. Au contraire, la 


méthode des regards lui permet d'opérer jusqu'à 3600 et 
10004, Ces deux méthodes sont maintenant classiques 
et enseignées dans tous les cours de spéciales. 

La masse de chaque fluide ayant été déterminée, 
Amagat réduit tous les volumes à ce qu'ils seraient si 
cette masse était celle de l’unité de volume à zéro sous 
la pression d’une atmosphère.Lestableaux, sans excep- 
tion, sont rapportés à cette unité, les coordonnées 
étant toujours PV et P. 


Amagat retrouve ainsi les traits généraux du mémoire 
de 1881. Le lieu du minimum de PV est une parabole à 
axe horizontal. La forme des isothermes, au delà de 
l’ordonnée minima, estlégèrementcourbeet correspond à 
un évasement du réseau dans la partie relative aux tem- 
pératures inférieures. Cet évasement disparaît graduel- 
lement quand la température s'élève. Les coeflicients 
AV AP I SVEMTRE annee : de ta lee 
Ar AE y sont l’objet d'une étude détaillée. 
L'anhydride carbonique est étudié très complètement 
quant aux élats saturés. La méthode des contacts élec- 
triques est appliquée à 12 liquides jusqu’à 3.000*!#" et 
entre 0° et 4o ou 50°; elle montre que, pour tous, le 
coeflicient de compressibilité diminue à température 
constante quand la pression augmente. 


L'eau faisant exception à la plupart des lois relatives 
à la compressibilité et à la dilatation, son étude forme 
un mémoire à part et les séries de mesures sont faites à 
10 températures différentes. Chose curieuse, pour l’eau 
comme pour les autres liquides, le coefficient de compres- 
sibilité décroit régulièrement quand la pression croît à 
température constante. D’autre part, sous l'influence de 
la pression, la température du maximum de densité ré= 
trograde; elle est déjà légèrement au-dessous de 0° sous 
la pression de 197 atmosphères. 


Les grands travaux expérimentaux d'Amagat étaient 
terminés. Ils lui avaient valu l’admiration unanime du 
monde scientifique, particulièrement à l’étranger. Les 
Sociétés royales de Londres et d’Edimbourg lui avaient 
ouvert leurs portes. L'Académie des Sciences de Paris 
le nomma Correspondant pour la Section de Physique et 
l'Ecole polytechnique le nomma répétiteur, l'astreignant 
ainsi au séjour de Paris. Professeur à l'Université catho- 
lique de Lyon, Amagat avait exécuté ses recherches 
dans cette ville ou dans les environs. Venant à Paris, il 
dut quitter son laboratoire ; en fait, cette séparation fut 
définitive, Il avait en main un nombre immense de 
données numériques dont iln’avait pas tiré tout le parti 
possible. Leur mise en valeur fut l’œuvre des 21 der 
nières années de sa vie, œuvre de coordination, de ré- 
daction, qui aura été singulièrement profitable à la Phy- 
sique. Il le sentait si bien qu'il lui a donné la forme 
d’une petite brochure de 146 pages intitulée : « Notes 
sur la Physique et la Thermodynamique ». Dans ces 
Notes un peu diverses, trois sujets se détachent nette- 
ment que l’auteur a traités avec une prédilection mar- 
quée : les chaleurs spécifiques des gaz, la pression inté- 
rieure des fluides et les états correspondants. Ils méritent 
qu'on s'y arrête un instant. 


G Lt 
Nos connaissances relatives aux valeurs de < ont ete 


longtemps bornées à quelques gaz sous la pression 
atmosphérique et à une température rarement supérieure 
à la température ambiante. M. Joly, de Dublin, ayant 
réussi, par une méthode ingénieuse, à mesurer la cha- 
leur spécilique à volume constant de l'acide carbonique 
entre o® et 100° et sous des pressions voisines de 100%, 
, 
Amagat a pu tirer = de la formule C—c— AT = . à 


l’aide de ses expériences et montrer l'énorme variation 


x 


de — à 5o° pour des pressions comprises entre 50 et 
c 


100%", Dans un autre travail, il met en évidence la dis- 
continuité de la chaleur spécifique quand on passe à sa- 
turation de la chaleur spécifique du liquide à celle de la 
vapeur saturée; la réfraction qui se produit pour les 


nat à fn. 


CHRONIQUE 


ET CORRESPONDANCE 


107 


isothermes et les adiabatiques quand on traverse la 
courbe de saturation se produit également pour les 
courbes d’égale chaleur spécifique. 

Dans une autre série de recherches, Amagat se pro 
pose, en s'appuyant uniquement sur les lois expérimen- 
tales, de trouver une expression du terme appelé pres- 
sion intérieure dans les diverses équations d'état. Il 
dp 
dt 
à représenter d’une façon très satisfaisante les iso- 
thermes de l'hydrogène; x ayant donné des valeurs né- 
gatives de la pression intérieure, il la remplace par la 


= en —p—= = » obtenue au moyen du 
viriel des forces intérieures. Or la différence 7 — II at- 
teint des valeurs énormes pour les grandes valeurs de 
la pression; on est donc conduit à une contradiction 
formelle. Pour y échapper, Amagat fait des efforts 
incroyables, Il remarque d’abord qu'à partir d’une cer- 
taine distance intermoléculaire, et pour des valeurs plus 
grandes, les valeurs de 7 sontrigoureusement en raison 
inverse des carrés des volumes. Il en est de même pour la 
fonction Il, mais pour des volumesinfiniment plus grands. 

Il parvient enfin à résoudre la difliculté au moyen 
d'une hypothèse telle que, quand la loi du carré du 
volume est observée, l'attraction intermoléculaire est 
en raison inverse de la 4° puissance de la distance, 
Enfin, en écrivant que la loi du carré du volume se véri- 
fie rigoureusement au zéro absolu, il obtient très sim- 
plement une détermination aussi précise qu'inattendue 
de ce point remarquable. 

Pour être moins considérable, l'effort fait par Amagat 
dans le domaine des états correspondants n’a pas été 
moins heureux. D'une manière indépendante de toute 
théorie et sans faire intervenir les constantes critiques, 
il a donné une vérification d'ensemble de la loi des 
états correspondants à l’aide de ses réseaux d’isother- 
mes. Transformer cés réseaux en réseaux réduits, cela 
revient à un changement d'échelle sur les axes de coor- 
données; par un changement convenable, on devra 
toujours pouvoir rendre l’un des réseaux semblable à 
l'autre ; il suflira alors d'agrandir ou de diminuer ce 
réseau demeurant semblable à lui-même pour que sa 
coïncidence avec l’autre soit possible. Les réseaux 
réduits de l'acide carbonique, de l’airet del’éther, d’une 
part, de l’acide carbonique et de l’éthylène, d'autre part, 
sont dans tous les livres de Physique. Ce travail est 
devenu classique à juste titre. 

Toutefois, la coïncidence des réseaux, très satisfai- 
sante à l'œil, n’est pas rigoureuse en fait, comme le 
montre le lieu du minimum de PV dans le cliché relatif 
à l'acide carbonique et à l’éthylène. Il s'ensuit que les 
applications qui supposent la coïncidence rigoureuse, 
comme la détermination des constantes critiques de l’un 
des corps, lesconstantescritiques de CO? étant supposées 
connues, peuvent donner des résultats simplement 
approchés,. 

Outre les trois sujets dont il vient d’être question, 
Amagat a traité bien des points des domaines de l’opti- 
que, de l'électricité, de lathermodynamique expérimen- 
tale. C’est ainsi qu'il a montré qu’on peut faire cristal- 
liser à la température ordinaire le bichlorure de carbone 
C? El sous l’action de la pression seule. Cette belle 
expérience, qui a eu du retentissement en son temps, 
apparaît maintenant comme une vérification des lois 
du déplacement de l'équilibre; quand on sait que C?2CI* 
solide est plus dense que le liquide de fusion, on 
peut prévoir le résultat et affirmer inversement que 
Peau comprimée, refroidie au-dessous de zéro et décom- 
primée lentement, doit cristalliser. 

Ce n’est qu'après la vérification par Amagat de la 
forme parfaitement droite du diamètre de la courbe des 
densités de CO?, entre o° et 31°, 3, que l’on a admis, en 
France, la réalité de la loi du diamètre rectiligne; pour 
cette seule raison, le tribut de reconnaissance que je 
dois à sa mémoire est infini, 


étudie d’abord la fonction 7 —T — p, qui le conduit 


fonction 


A la mort d'Alfred Cornu, l'Académie des Sciences de 
Paris lui ouvre ses portes, malgré les mérites exception- 
nels d’un concurrent qui n’est autre que Pierre Curie, 
Depuis cette époque, il partage son temps entre ses tra- 
vaux et ses fonctions d’examinateur d'admission à 
l'Ecole polytechnique, dans l'exercice desquelles la bien- 
veillance est sa vertu dominante. 


Au point de vue historique, Amag: it est en France le 
digne successeur de Regnault, c ’est-à-dire du physicien 
voué à l'étude des questions de Thermodynamique expé- 
rimentale, Lorsqu'on lit ses mémoires, on est {subjugué 
par sa poursuite obstinée de la précision des mesures, 
par son souci de vaincre des diflicultés matérielles en 
apparence insurmontables, par les précautions prises 
pour arriver à la certitude expérimentale, Il discute, 
avec une maîtrise que l’on sent sûre d'elle même, les 
recherches expérimentales les plus délicates. Dans 
l'étude de la compressibilité des gaz très raréfiés, une 


1 NE < 2 
erreur de Bu de millimètre dans la mesure de la pression 
0 


fait varier le produit PV de plusieurs millièmes de sa 
valeur; or, l’admirable concordance des mesures prouve 
qu'en général Amagat a su Lirer de ses appareils une 
précision qu’on ne pouvait pas en espérer, Constructeur 
admirable, il était un expérimentateur hors de pair. 

Dans la vie ordinaire, Amagat était la simplicité et 
la modestie mêmes; toujours accueillant aux jeunes, 
son intimité était exquise. À tous les points de vue, 
c'est une grande et belle figure qui s’en va, et le vide 
qu'elle laisse après elle sera malaisé à combler. 


E. Mathias, 


Doyen de la Faculté des Sciences de Clermont-Ferrand, 
Directeur de l'Observatoire du Puy de Dôme. 


@ 


Ÿ 2. — Art de l'Ingénieur 


A propos de l'incendie de ‘ la Touraine”: 
l'emploi des gaz brülés à l'extinction des 
incendies, et aussi à la fumigation. — Le feu 
qui s’est récemment déclaré dans l’une des cales de la 
Touraine, lors d’un de ses voyages de retour de New- 
York au Havre, a rappelé lattention sur les divers 
moyens qui ont été proposés pour éteindre les incendies 
à bord des navires, 

L'emploi de l’eau peut causer une grande détérioration 
des marchandises accumulées dans les cales ; quelqués- 
unes, comme le charbon, les grains, le coton, la laine, 
retardent la percolation de l’eau. L'effet de ce liquide est 
donc incertain, et quelquefois même dangereux si les 
conditions sont favorables à la production de gaz à 
l’eau. 

En général, on préfère recourir au moyen qui consiste 
à chasser l’air, en totalité ou en partie, de l’espace clos 
où le feu a pris naissance, On sait, en effet, que la plu- 
part des flammes s’éteignent dans une atmosphère où la 
proportion d'oxygène est tombée au-dessous de 15 °/,; 
seule la flamme du gaz d'éclairage se maintient encore 
dans une atmosphère contenant 11,4 °/, d'oxygène. 

Pour chasser l'air, on emploie soit la vapeur d’eau, 
soit un gaz non comburant comme l’anhydride carbo- 
nique ou sulfureux. La vapeur n’est pas un bon extinc- 
teur, parce qu’elle se condense rapidement et ne peut 
remplacer l'air d’un espace clos qu'à moins d’être fournie 
en grande quantité, ce qui élève considérablement la 
température des marchandises, Les gaz extincteurs, à 
bord des navires, sont généralement contenus dans un 
réservoir, situé dans la chambre des machines, d'où des 
tuyauteries peuvent les distribuer aux diverses cales, 
La capacité de ces installations doit être assez grande, 
car il faut fournir un courant continu de gaz non seule- 
ment pour éteindre l'incendie le plus rapidement possi- 
ble, mais encore pour refroidir la masse chauffée et 
empêcher l’accès de l’air jusqu’à ce qu'elle soit revenue 
à la température ordinaire, 

Pour se procurer ces grandes quantités de gaz, on a 


168 


"+ 
x 0 
= 1 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


proposé, il y a quelques années, de recourir aux gaz de 
la combustion des foyers de chaudières, qui se dégagent 
continuellement. En brülant du coke ou du charbon 
dans un foyer de chaudière ordinaire, le gaz des chemi- 
nées contient en général 9°/, d'oxygène au plus. Chaque 
tonne de charbon brûlé donne environ 12.000 m° de ce 
gaz, qu’il suflit de purifier et de refroidir pour l'utiliser. 
Uomme les autres gaz extincteurs, il n’entretient pas la 
vie animale et fournit par conséquent un excellent agent 
de fumigation; son action toxique sur les rats est 
augmentée par la petite quantité d'oxyde de carbone 
qu'il contient généralement. Enfin l'introduction dans 
ce gaz de vapeurs de formaldéhyde ou d’un autre 
désinfectant liquide lui confère des propriétés germi- 
cides. 

M. G. Harker a récemment décrit l'application de ce 
procédé sur les navires !, La première installation com- 
plète du système a été faite sur un bateau de 4.470 ton- 
neaux appartenant à la Colonial Sugar Refining Co. et 
faisant le commerce entre l'Australie et les îles Fidji. 
L'installation fournit 4o m° de gaz par minute à cha- 
cune des cales d'environ 2.000 m* dle capacité; en tenant 
compte des pertes par diffusion et fuites, il faut une 
heure pour remplir chaque cale d’un gaz extincteur ou 
toxique. Si la cale est pleine de marchandises, il faut 
déplacer moins d'air et l'opération est plus rapide. 

On a objecté à l'emploi des gaz de cheminées le fait 
qu'ils n’éteindraient pas les incendies de charbon, dans 
les soutes d’un navire. M. F. Edwards a récemment étu- 
dié cette question sur une installation expérimentale 
érigée à Londres, et il a éteint facilement de grandes 
masses de charbon incandescent au moyen d'un gaz de 
cheminées contenant environ g °/, d'oxygène. 

Le Service de l'Hygiène publique et des Hôpitaux 
marins des Etats-Unis vient, d'autre part, d'adopter ce 
système pour ses opérations de quarantaines. Deux de 
ses bateaux ont été munis d'installations pour la prise 
des gaz, leur purification et leur refroidissement. Ils les 
distribuent ensuite aux navires à désinfecter au moyen 
de tuyaux flexibles, après addition d’aldéhyde formique. 
Le gaz des cheminées, outre son faible prix, a l’avan- 
tage de ne contenir aûcun élément corrosif; les vaisseaux 
peuvent par conséquent être désinfectés avec les mar- 
chandises à bord sans crainte de détérioration, 


& 3. 


— Physique 


La précipitation électrique des particules 
suspendues dans les fluides.— Pour enlever les 
fumées ou les poussières en suspension dans les gaz ou 
les liquides, il faut communiquer à leurs particules une 
vitesse plus ou moins grande. Les gaz ou liquides tra- 
versent généralement une chambre de précipilation avec 
une certaine vitesse, dite vitesse longitudinale, V,; en 
donnant à la matière suspendue une vitesse transver- 
sale indépendante de la vitesse du fluide, on provoque 
sa précipitation. La précipitation résulte donc de lap- 
plication aux fumées ou aux poussières de forces diffé- 
rentielles. 

Des exemples de l’action de ces forces différentielles 
nous sont donnés par l’ « abattement » dû à la pesan- 
teur, à la force centrifuge (souvent appliquée dans les 
carneaux par l’emploi de changements brusques de 
direction des courants gazeux, ou dans les ventilateurs 
et machines centrifuges), à l’action directe de champs 
électriques ou magnétiques, ou aux méthodes d’ionisa- 
tion employées dans la précipitation électrique par effet 
« COorOona », 

M. W. W. Strong ? vient de montrer que, dans toutes 
ces méthodes de précipitation de la fumée et des pous- 
sières, l'énergie nécessaire peut être calculée au moyen 


1. Journ. of the Soc. of Chemical Ind., 1. XXXIV, n° 4, 
p. 157-159 (27 févr. 1915). 

2. Proc. of the American Inst. of Electrical Engineers, 
t. XXXIV, ne 2, pp. 229-236 ; février 1915, 


de la loi de Stokes, pourvu que l’on connaisse la dimen- 
sion des particules suspendues ou leur rayon a, leur 
densité d, leur vitesse V, et le coefficient de viscosité x 
du milieu, L'auteur arrive, pour une chambre de préci- 
pitation de longueur L et de hauteur l en em., à l'expres- 
sion suivante donnant en ergs par seconde l’énergie 
nécessaire à la précipitation: 
0,2 ld V® [0,16 x aV 
E, — ee — (SE — 6 ui «) 
Dans lecas de la fumée et de la plupart des poussières, 
a est faible, de sorte que le terme 0, 16 x a*V/3L est 
négligeable, La formule devient alors : 


1,2 rvalsdNVR 
L 


C’est dans ce cas que la précipitation électrique paraît 
spécialement adaptée. 

Dans la pratique, il serait désirable de faire la cham- 
bre de précipitation aussi grande que possible, mais 
l'équation ci-dessus montre que cela est impossible, 
car L y figure au cube. On voit également que V,, qui 
figure au carré, ne peut pas être augmenté beaucoup, 
mêmeenaccroissant L. La plus grande eflicacité s'obtient 
donc en réduisant / et V, autant que possible. En pra- 
tique, / ne devra pas excéder 12,5 à 15 em. et V, 2,5 à 
3 m. par seconde, Des expériences faites par l’auteur ont 
montré que, dans les conditions les plus favorables, 
environ 5 0/, de l'énergie électrique utilisée peuvent être 
convertis en E; le rendement électrique dans les 
réactions chimiques telles que l'oxydation de l'azote de 
l'air est du même ordre de grandeur. 

L'auteur a fait une étude particulière de la précipita- 
lion par effet « corona » autour d’un fil chargé électri- 
quement et fixé axialement dans un cylindre, Dans ce 
cas, il montre que 100/, de l'énergie de la décharge peu- 
vent être employés directement à la précipitation d’une 
fumée, et que ce rendement pourrait être accru. 


E,— 


$ 4. — Botanique 


L'œuvre du reboisement en Algérie. — Le 
Bulletin de la Station de recherches forestières du Nord 
de l'Afrique vient de publier les principaux résultats 
d’une enquête faite par ordre du Gouverneur général 
sur l’œuvre du reboisement en Algérie. 

Cette œuvre paraît avoir commencé en 1851 et 1852 
autour d’Orléansville, mais c’est surtout à partir de 
1880 qu’elle s’est poursuivie avec méthode et activité. 

De 1851 à 1910, on a dépensé en Algérie pour travaux 
de reboisement 1.797.602 francs, dont près de la moitié 
depuis 1901, date de l'émancipation financière de la 
colonie. Ces dépenses se sont traduites par 8.826 hecta- 
res de surfaces parcourues et 5.406 hectares de surfaces 
boisées, soit une réussite de 61°/, et une dépense uni- 
taire de 332 fr. 50 à l’hectare. 

Sur les 5,400 hectares ainsi acquis au boisement arti- 
ficiel, la moitié environ sont aujourd’hui couverts de 
peuplements mêlés. Parmi les essences à l’état pur qui 
constituent le surplus, deux dominent avec des chiffres 
notablement disproportionnés à ceux des autres espè- 
ces : le chène-liège, introduit sur environ 1.500 ha., et 
le pin d’Alep sur 1.100, contre 35 ha., par exemple, con- 
sacrés aux encalyptus, 20 aux acacias australiens, 
20 aux cèdres, 10 au frêne, à au chàlaignier. 

Cette préférence, accordée, semble-t-il, sans concert 
ni impulsion préalable, tient sans doute à deux causes 
simples : le pin d'Alep, d’une part, est l'essence à la fois 
la plus répandue et la plus complaisante de ce pays; 
elle permet de reboiser rapidement, presque toujours à 
bon compte, et en tout cas dans les conditions les plus 
diverses. Quant au chêne-liège, c’est l'essence la plus 
précieuse du Nord africain, la plus tentante, par consé- 
quent, pour un régisseur soucieux d'augmenter la valeur 
foncière et le rendement futur de son domaine. 

Les 5.400 ha. créés jusqu’en 1910 en Algérie font tous 


LA. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


169 


partie de forêts anciennement classées comme telles, et 
à part d’insignifiantesexceptions aucune de ces surfaces 
n'a élé traitée en vue de porter remède à un danger 
publie. En somme, on ne doit pas parler, jusqu'ici, de 
« périmètres de reboisement ». 

L'œuvre entreprise a surtout été de démonstration, et 
en cerlains cas d'agrément et d'esthétique. On estarrivé 
à prouver d’abord que la substitution de l’état boisé à 
l'état nu, indépendamment de la valeur économique que 
peut avoir celte opération, est possible dans tous les cas 
et malgré toutes les diflicultés. Puis un certain nombre 
de notions pratiques propres à l'éducation de chaque 
essence ont été dégagées. La précaution capitale est 
d'opérer les semis, aussi bien que les plantations, en 
automne, dès après les premières pluies. Ce n'est pas le 
sol qui est ingrat ici, c'est l'atmosphère, et il faut don- 
ner à l'organisme végétal le plus d'avance possible sur 
la dangereuse crise de l'été. Un 
autre préceple est la précaution 
d'installer chaque essence dans 


de Zoologie de l'Université de l'Illinois!, Ils sont partis 
de l’idée suivante : s’il y a une différence dans la quan- 
tité de chromatine reçue par les deux sortes de sperma- 
tozoïdes, il est naturel de s'attendre à une différence 
correspondante dans les dimensions des têtes des sf 
matozoïides complets, car celles-ci sont constituées pres- 
que entièrement de chromatine, 

Les auteurs ont done mesuré les longueurs des têtes des 
spermatozoïdes de quinzeespècesd'animaux,appartenant 
aux ordres des Diptères, des Hétéroptères, des Coléoptè- 
res, des Orthoptères, des Odonates, des Amphibies, des 
Reptiles et des Mammifères. Pour une seule détermina- 
tion,le nombre des mesures a varié de 322 à 1,008, avec 
unemoyenne de 523, en comprenantdans chaque cas les 
spermatozoïdes d’un seul testicule. On a constaté une 
grande variation de longueurs; mais, si l’on porte en 
courbes les variations des fréquences, on obtient, pour 


son sol choisi : il en est d’indifté- 


rentes, comme le pin d'Alep, 


mais la plupart des autres ont à 
ce point de vue des exigences 


qu'on ne méconnaîitra plus. 
Mais si l’œuvre passée a rendu 


de précieux services, il est pro- 
bable qu’elle va se poursuivre 


dans une direction différente. La 


question des « périmètres », à 


Nombre d'individus. 


peine eflleurée avant 1910, a pris 
depuis une ampleur que justilie 


l'inquiétante déforestation des 0 | | 
montagnes algériennes. Là est 
sans doute l’avenir presque illi- 
mité du reboisement. Régions 
généralement moins fertiles, de 
culture toujours diflicile, de 
moindre valeur par conséquent; 
nécessilé, pour éviter la dégra- 
dation progressive du sol, les éboulements, la divaga- 
Lion des cours d’eau, et les inondations en aval, de 
maintenir boisées les pentes supérieures; tout dé- 
montre que la forêt est mieux à sa place en mon- 
tagne qu'en plaine. Cette notion s’est imposée avec 
tant de force qu'une dotation de près de 800.000 franes 
a été mise à la disposition d'un service spécial, avec 
mission de réaliser un certain nombre de périmètres de 
reboisement déjà constitués au point de vue légal. 
L'avenir montrera les résultats de cette nouvelle période 
de l’œuvre du reboisement algérien !. 


Fig. 1. 


$ 5. — Zoologie 


Le dimorphisme dimensionnel des sper- 
matozoides et ses relations avec les chro- 
mosomes. — Les études cytologiques ont montré 
que, dans les divisions de maturation dun grand 
nombre d'espèces d'animaux, les cellules qui donnent 
naissance aux spermatozoïdes sont de deux sortes, dif- 
férant l'une de l’autre par la nature de leur teneur en 
chromatine. On en a déduit que les spermatozoïdes 
formés sont aussi de deux espèces, et on a supposé que 
les œufs fertilisés par une de ces espèces produisent 
seulement des mâles, tandis que les œufs fécondés par 
l’autre espèce produisent des femelles, La preuve expé- 
rimentale directe de cette hypothèse a été jusqu'à pré- 
sent impossible, parce que les différences signalées ne 
portaient que sur les spermatozoïdes immatures. 

Il était intéressant de savoir si deux espèces peuvent 
être mises en évidence chez les spermatozoïdes fonc- 
tionnels murs. Deux savants américains, MM. Ch. Zeleny 
et E. C. Faust, ont étudié ce problème au Laboratoire 


1. T.I, n° 2, p. 35 (30 décembre 1914). 


L | | | ER — l 
303314 320 325 331 336 342 347 353 358 364 363 375 880 386 391 397 402 408 43 419 #24 430-435 441 6 


Longueurs desftêles des spermatozoïdes en microns: 


Distribution de la fréquence! des longueurs des tèles de 444 spermatozoïdes 
du testicule 


droit de Musca domestica. 


1/4 espèces sur 15, des courbes distinectement bimodales; 
la figure 1 représente, comme exemple, la courbe rela- 
tive à la Musca domestica. On en conelut qu'au point 
de vue de la dimension il existe deux groupes de sper- 
matozoïdes fonctionnels chez les espèces étudiées, 

La relation étroite entre le dimorphisme chromoso- 
mien des spermatides et le dimorphisme dimensionnel 
des spermatozoïdes adultes résulte des considérations 
suivantes : si l’on connaît le volume de la substance 
chromosomique dans chacune des deux espèces de sper- 
matides, on peut en déduire par le calcul le rapport 
entre les longueurs des têtes des spermatozoïdes résul- 
tants, en supposant que le volume des têtes est directe- 
ment proportionnel à la quantité de chromatine recue, 
et que la forme est la même pour les diverses dimen- 
sions. Pour trois des espèces étudiées, Musca domestica, 
Alydus pilosulus, Anasa tristis, on possède de bonnes 
figures des chromosomes dans les divisions du sperma- 
tocyte, d’où l’on peut déduire assez approximativement 
le volume de lasubstance chromosomique chez les deux 
espèces de cellules; on en déduit par le calcul le rapport 
probable entre les longueurs des têtes des spermatozoi- 
des résultants. Or, les valeurs observées et calculées 
concordent remarquablement : 

Rapport 


calculé observé 
Musca#domestica"...""#100:11,08 1,00: 1,07 
Alydus pilosulus... 1,00 : 1,06 1,00 : 1,03 
AMASANTIStiS ee 1,00 : 1,11 1,00 : 1,09 


Il y a certainement des erreurs considérables dans 
les mesures de quantités aussi minimes; mais, d’une 
façon générale, l'existence d’un dimorphisme dimension- 
nel chez les spermatozoïdes murs et sa dépendance du 


1. Proc. ofthe National Acad. of Sciences, t. I, n° ?, p. 91- 
94 (févr. 1915). 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


dimorphisme chromosomique des spermatides ne sau- 
raient être niés. Si cette conclusion est correcte, l’'hypo- 
thèse que le dimorphisme chromosomique est en rela- 
tion avec la détermination du sexe pourra être soumise 
à l'épreuve directe dès qu'on aura trouvé une méthode 
pour séparer les différentes dimensions de spermato- 


zoïdes vivants. C'est à quoi MM. Zeleny et Faust 
s’emploient actuellement. 
$ 6. — Géographie et Colonisation 
Les colonies allemandes en Russie. — On 


sait que M. Maklakov a déposé devant le Conseil des 
ministres russes un projet de loi interdisant dorénavant 
aux Allemands et aux Autrichiens l’acquisition de ter- 
res dans les régions non urbaines des 25 provinces adja- 
centes à la mer Baltique, à la mer Noire et à la mer 
d’Azof. Dans les mêmes régions, les Allemands natura- 
lisés Russes et leurs descendants seront également 
expropriés des propriétés immobilières acquises depuis 
le 14 juin 1870, date de la loi allemande qui permet aux 
Germains naturalisés à l'étranger de conserver leur na- 
tionalité allemande. 

L'examen de la très intéressante carte ci-jointe (fig.1), 
reproduite d’après la St. Petersburger Zeitung, organe 
de la colonie allemande de Pétrograd, fait ressortir aus- 
sitôt à l'évidence les raisons de ces mesures au premier 
abord draconiennes. On voit, en effet, que non seule- 


Explication des signes 


Æ 3 Pronnces avec ous de WO 000 Mements 


SO000 3 100000 
ET 10000 à 50000 
| 10003 10000  » 
ÉE] » monsde/000  » 


2 
Sevastopok 


H 
1 


ms Colomes allemandes (colomes de paysans) 


Le] Wles envoyantdes deputes allemands à /a Doums 


[=] ) n » » au Conse/ de! Empire 

y Wlles avec 103 1000Alemsnds 

KZ On  » 1000310000 M £ AR 
KZ » » plusde 10000 : 


Echelle en kilometres 


A 


ment la région où se déroulent actuellement les opéra= 
tions militaires est parsemée de colonies allemandes, 
mais qu’à partir de la frontière prussienneet de la Pologne 
la « pénétration pacifique » teutonne a procédé vers l'Est 
comme une avalanche, en particulier tout le long de la 
ligne stratégique de Varsovie à Kiev, Odessa et Sébas- 
topol. 

{1 n’est pas douteux qu’on ne se trouve en face d'un 
plan arrêté d'avance et méthodiquement exécuté, proba- 
blement avec le concours financier du Gouvernement 
allemand, sous forme d’avances aux agriculteurs qui 
allaient s'établir dans les régions qui leur étaient recom- 
mandées et former des colonies propres à servir de 
bases militaires dans l'éventualité d'une invasion. 

En Bessarabie, en 1911-1912, plus de 12.000 hectares 
ont été acquis par des colonisateurs allemands, et on a 
noté les efforts de personnes de nationalité russe, mais 
d’origine allemande, pour acquérir des propriétés dans 
les localités importantes au point de vue stratégique. Le 
chemin de fer en construction dans cette province passe 
exclusivement par les colonies allemandes et évite les 
centres russes; cette étrange circonstance s'explique par 
le fait que le tracé de la ligne a été établi avec la coopé- 
ration du zemstvo local, qui est entièrement entre les 
mains des Allemands d’origine. 

Devant cet envahissement dont le but caché apparait 
maintenant au grand jour, on comprend que la Russie 
tienne à se défendre et recoure à des mesures éner- 
giques. 


Mo 


Fig. 1.— Densité de la population allemande et colonies allemandes en Russie. 


H. HARTMANN. — LES PREMIERS SOINS A DONNER AUX BLESSÉS 171 


LES PREMIERS SOINS A DONNER AUX BLESSÉS 
ET LEUR MODE D'ÉVACUATION 


Parmi les multiples questions qu'a eu à envi- 
sager la direction du Service de Santé, une des 
plus importantes et des plus complexes est assu- 
rément celle qui à trait aux premiers soins à 
donner aux blessés et à leur mode d'évacuation. 
Jamais on n’a vu une guerre mettant en présence 
des masses d'hommes aussi considérables que la 
guerre actuelle. Ce n’est plus par milliers, où par 
centaines de mille, c’est par millions que secomp- 
tent les effectifs. C’est donc un nombre énorme 
de blessés qu'il faut panser et évacuer. Le pro- 
blème est encore rendu plus complexe par la né- 
cessité où se trouve le service médical de ne pas 
entraver les transports des troupes combattantes 
et du matériel nécessaire à leur ravitaillement, 
tant en vivres qu'en munitions. Ces transports 
doivent passer avant tout, car c’est d’eux que dé- 
pend l'issue du combat. 


X 


Nous plaçant au seul point de vuechirurgical, 
n’envisageant que l'intérêt du blessé, nous pou- 
vons dire qu'il faut mettre celui-ci le plus rapi- 
dement possible entre les mains d’un chirurgien 
pourvu de ce qui est nécessaire pour le soigner. 
Plus tôt il sera pansé, plus vite et plus complè- 
tement il guérira, à une condition : c’est que par 
_ pansement nous n’entendions pas la simple ap- 
plication plus ou moins imparfaite,faite avec des 
mains sales, d’une compresse de gaze, füt-elle 
aseptique, sur une plaie non désinfectée. Les 
plaies de guerre sont presque toutes infectées, 
les unes souvent légèrement : celles par bal- 
les, les autres d’une manière à peu près cons- 
tante et plus ou moins gravement : les plaies par 
projectiles d'artillerie, ce qui est dû à l'irrégu- 
larité et à la contusion de ces plaies, à la pré- 
sence de projectiles et de débris de vêtements. 
Peut-être y a-t-il encore lieu d'attribuer un rôle 
à l’action du phosphore qui se trouve dans les 
obus et pourrait déterminer une véritable brù- 
lure chimique.C’est une hypothèse qu’a soulevée 
M. Guntz, professeur à la Faculté des Sciences 
de Nancy. 

Compter sur une évolution bénigne, parler 
comme on l’a fait du peu de gravité des plaies 
dans les guerres modernes {on a été jusqu'à em- 
ployer l’expression de balles humanitaires), es- 
pérer qu'on pourra, par un pansement aseptique 
simple, éviter l'infection ou tout au moins en re- 
tarder le développement et évacuer, très loin 


dans le territoire, les blessés après un simple 
empaquetage, de manière à déblayer immédia- 
tement le théâtre des opérations et à arriver le 
plus rapidement possible à l'hospitalisation défi- 
nitive, c'est une conception qu'on pouvait sou- 
tenir à la suite des relations faites après la guerre 
du Transvaal et après celle des Balkans. C’est 
celle qui a guidé, pendant la première période 
de la guerre actuelle, le Service de Santé. Les 
résultats ont été désastreux. 

L'évolution des plaies est très différente de 
celle que l’on avait supposée. Leur infection est 
rapide, presque immédiate.Les lésions produites 
par les projectiles d'artillerie, éclats d’obus, bal- 
les de plomb des shrapnells, sont contuses, com- 
pliquées de la présence de corps étrangers (frag- 
ments de vêtements, terre, débris de projectiles). 
L'irrégularité des projectiles d'artillerie, leur 
vitesse moins grande au moment de la pénétra- 
tion, le fait que souvent ils atteignent le soldat 
après avoir ricoché, tout se réunit pour nous 
éloigner de la plaie par balle qui, petite pointue, 
arrivant avec une grande vitesse, fait à travers les 
parties molles un petit trou rond relativement 
peu infecté. Impressionnés par les résultats des 
guerres du Transvaal et des Balkans, où les 
plaies ont été surtout des plaies par balles de 
fusil, les médecins militaires ont pensé que, dans 
les guerres modernes, les plaies évolueraient 
simplement. De là leur idée qu'il était inutile 
d’avoir des formations réellement chirurgicales 
pourvues d’un personnel spécialisé et du maté- 
riel nécessaire. Les ambulances devaient être 
toutes pareilles, aptes à soigner un jour des bles- 
sés, le lendemain des fiévreux; elles étaient, 
dans une pareille conception, toujours prêtes 
à se suppléer l’une l’autre; elles constituaient, 
pour employer l’expression consacrée, autant 
d'organismes interchangeables, ce qui permet- 
tait d’en tenir une partie en réserve et de pouvoir 
toujours remplacer les ambulances en activité, 
lorsque ce remplacement devenait nécessaire. 

Théoriquement, cette conception était par- 
faite : les blessés, pansés simplement, pouvaient 
être évacués immédiatement, un personnel non 
spécialisé était suflisant. Malheureusement, dans 
la pratique, les plaies aseptiques, produites par 
balies de fusil, n’ont pas été les plus nombreuses: 
plus des deux tiers des blessés de la bataille de la 
Marne ont été atteints par des projectiles d’artil- 
lerie; leurs plaies gravement infectées ont été 


172 


H. HARTMANN. — LES PREMIERS SOINS A DONNER AUX BLESSÉS 


traitées comme des plaies aseptiques ou légère- 
ment infectées ; les résultats ont été nettement 
inférieurs à ce qu'ils auraient dû être, une plaie 
infectée demandant immédiatement un traite- 
ment chirurgical actif si l’on veut sauver des 
vies et des membres. Les plaies que nous obser- 
yons à la suite des éclats d’obus ou des balles de 
plomb des shrapnells,sont infectées comme celles 
que l’on voyait dans les grandes guerres de la 
Révolution et du premier Empire ; on se trouve 
dès lors, comme à cette époque, dans l'obligation 
d'intervenir rapidement. Larrey, dont l’expé- 
rience en chirurgie de guerre était considérable, 
insistait sur la nécessité des amputations im- 
médiates; aujourd'hui nous n’amputons plus, 
nous avons des moyens de traitement conserva- 
teur; mais, tout en agissant d’une manière diffé- 
rente, nous devons suivre la règle posée par 
Larrey : faire le traitement immédiat et complet 
de la plaie et ne plus nous borner à un panse- 
ment provisoire. C’est le seul moyen que nous 
ayons d'arrêter les phénomènes infectieux. 

Pour la presque totalité des plaies par projec- 
tiles d’artillerie et pour un certain nombre de 
plaies par balles de fusil, il est indiqué de débri- 
der les foyers infectés, d'enlever les corps étran- 
gers, les esquilles mobiles, de laver et de drainer 
les trajets. Les résultats sont encore meïlleurs si 
l’on peut, dés l’arrivée du blessé, faire un examen 
radiologique qui permet de diriger les incisions 
avec un minimum de délabrements pour extraire 
les corps étrangers. 

Ces diverses conditions se sont trouvées réa- 
lisées d'emblée, au cours de la iguerre actuelle, 
dans un certain nombre de places où se trou- 
vaient tout installés des hôpitaux avec leur ma- 
tériel et qui, proches de la ligne de feu, ont pu 
recevoir rapidement, quelquefois même directe- 
ment du poste de secours, les blessés apportés 


par des voitures automobiles. À Nancy, à Verdun, 


à Epinal, etc., les blessés ont été amenés rapide- 
ment dans des installations chirurgicales où se 
trouvait un personnel habitué aux interventions 
opératoires. 

A la suite de la guerre de tranchées, véritable 
guerre de siège qui se poursuit depuis plusieurs 
mois, par la force des choses, de véritables for- 
mations chirurgicales se sont développées assez 
près de la ligne du feu. C'estce qui existe actuel- 
lement à Popperinghe pour les Français, à la 
Panne pour les Belges. C’est ce qui n’a malheu- 
reusement pas toujours lieu, soit par impossibi- 
lité matérielle, soit parce que certains chefs 
spécialisée, obéissant aux 
vieux errements, arrêtent pendantun temps plus 
ou moins long les blessés sans être à même de 


d’ambulance non 


les traiter convenablement, ou au contraire les 
expédient au loin sans avoir fait le nécessaire. Un 
blessé grave, infecté, ne doit être expédié au loin 
que lorsqu'il a passé par les mains d’un chirur- 
gien professionnel et même, si nécessaire, lors- 
qu'il a été hospitalisé pendant quelques jours de 
manière à être en état de supporter un transport 
prolongé. Ces conditions sont très facilement 
réalisables tant que durera la guerre actuelle de 
tranchées. Pour cela, il suffit qu'on réduise le 
rôle des ambulances mobiles actuelles et qu'on 
transporte le plus rapidement possible les bles- 
sés dans des ambulances immobilisées, pourvues 
de chirurgiens de métier et ayant la possibilité 
de déshabiller et de coucher les malades, ces 
deux conditions étant nécessaires pour assurer 
les soins indispensables. 

Lorsque la guerre changera d’allures et de- 
viendra une guerre de mouvements, la question 
sera un peu plus délicate; elle peut cependant 
être résolue en apportant simplement quelques 
modifications à l’organisation actuelle. Avant de 
les indiquer, nous croyons utile de rappeler brie- 
vement cette organisation. 


* 
* *% 

La formation sanitaire la plus rapprochée de 
la ligne de feu est le poste de secours; il se trouve 
à une distance variable, de 800 à 1800 mètres du 
front, à la hauteur des réserves de régiment. 
En avant de lui, on ne trouve que des groupes de 
médécins aides-majors et majors, de médecins 
auxiliaires, d’infirmiers et de brancardiers, qui 
accompagnent la troupe dans tous ses mouve- 
ments, lui apportent par leur présence un récon- 
fort moral, font sous le feu la relève des hommes 
atteints et les transportent jusqu’au poste de 
pansement, où sont donnésles soins de première 
urgence; autour de ces petits groupements vien- 
nent se réunir les blessés comme dans un nid, 
nids de blessés. De là ils sont transportés au 
poste de secours, soit dans des brancards à bras, 
soit sur des brouettes porte-brancards. 

D'après le règlement du Service de Santé, le 
poste de secours doit borner son rôle au panse- 
ment des plaies, aux secours immédiats, à l’ap- 
plication d'appareils simples et provisoires pour 
les fractures. Pratiquement, il est même encore 
plus réduit. L'impossibilité où se trouve le mé- 
decin d'y faire un pansement sérieux, l'idée fixe 
des blessés qui est de s'éloigner le plus vite pos- 
sible de la ligne de feu, font que bien souvent 
on se borne à y faire des pansements provisoires. 
Les hommes qui peuvent combattre sont ren- 
voyés à leur unité après pansement; les autres 
sont évacués, soit à pied, soit portés sur des 


H. HARTMANN. — LES PREMIERS SOINS A DONNER AUX BLESSES 173 


d’ 


44” Ligne de feu. 
e .Nids de blessés. 
©: Postes de secours. 
FE A a de / avant. 
HlAmbulance spécialisée chirurgicale 
A1 Y6pita/ d'évacuation. 7 
Echelle : 0"0025 p 1000" 


Fig. 1. — Disposition des divers échelons sanitaires 
de la ligne de feu à l'hôpital d'évacuation. 


brancards, soiten voiture, jusqu’à une formation 
plus stable, l’ambulance. Au nombre de 16 par 
corps d'armée, ces ambulances sont générale- 
ment partagées en deux groupes, chacun de $; 
8 ambulances sont dé- 
ployées, S sont tenues en 
réserves. Ces ambulances, 
qui se trouvent à une dis- 
tance de la ligne de feu 
variant de 8 à 10 kilo- 
mètres, sont dépourvues 
de matériel de literie. 

De ces ambulances, les 
blessés sont transportés à 
la gare la plus proche où 
ils sont placés dans les 
trains sanitaires, quelque- 
fois après avoir été pansés 
de nouveau à l’Adpital 
d'évacuation. Avec cette 
pratique, des blessés ont 
vu leur pansement renou- 
velé 3, 4 et même 5 fois 


sans qu'ils aient en réalité été pansés une seule 
fois comme ils auraient dû l'être. J'ai vu des bles- 
sés qui avaient tout d’abord mis leur pansement 
individuel, qui avaient éte repansés au poste de 
secours, à l’'ambulance, à l'hôpital d'évacuation, 
quelquefois même encore en cours de route, et 
qui, dans la réalité, n'étaient réellement nettoyés 
et pansés, dans le sens vrai du mot, qu'une fois 
arrivés à Paris. Jusqu'à ce moment on s'était con- 
tenté d'appliquer une série de fois des compresses 
plus ou moins aseptiques sur la plaie, sans jamais 
l'avoir drainée ni désinfectée. 

Dans le but de remédier à cet état de choses, la 
Commission supérieure consultative du Service 
de Santé vient de proposer à M. le Ministre de la 
Guerre de modifier l'organisation jusqu'ici exis- 
tante par l'augmentation du nombre des voitures 
automobiles affectées au transport des blessés et 
par la création de formations santilaires chirurgi- 
cales intermédiaires aux services de l'avant et à 
ceux de l'arrière. 

Ces formations sanitaires, à personnel exclust- 
vement chirurgical, comprendraient deux chirur- 
giens et trois aides, choisis parmi les chirurgiens 
de carrière, les prosecteurs, aides d’anatomie, 
chefs de clinique chirurgicale ou internes en chi- 
rurgie; elles comporteraient une section d’hospi- 
talisation de 100 lits et 5 tentes à double paroi, le 
tout transportable sur camion automobile. Une 
salle d'opération leur serait annexée. Le plus sim- 


-ple serait peut-être d'adopter pour ces forma- 


tions, en la modifiant légèrement, l'installation 
opératoire que le D° Marcille a réalisée et qui a 
déjà fait ses preuves. Cette formation mobile 
(fig. 2) est constituée par un camion de cinq 
tonnes chargé du matériel de pharmacie, d’ins- 
truments de pansement, camion trainé par une 


174 H. HARTMANN. — LES PREMIERS SOINS A DONNER AUX BLESSÉS 


remorque d'artillerie. La remorque comprend 
une cabane en bois pour les réserves de panse- 
ments, le garde-frein et une installation radio- 
graphique, un générateur de vapeur et un labo- 
ratoire de stérilisation à grand débit. Le 
vénérateur de vapeur permet en même temps de 
chauffer la salle d'opération constituée par une 
tente qui est dressée en arrière du laboratoire de 
stérilisation et dont l'éclairage est assuré par la 
source d'énergie électrogène du laboratoire de 
radiographie. 

Pour obtenir de semblables formations un 
grand rendement, il nous semble indispensable 
d’y placer des équipes d’infirmiers étudiants en 


des plaies, ce que ne peuvent faire, ce que ne 
font pas les ambulances mobiles actuelles avec 
leur installation insuffisante et leur personnel 
soi-disant bon à tout faire. 

Ces formations, exclusivement chirurgicales, 
seront placées assez loin de la ligne de feu, pour 
ne pas être soumises aux fluctuations du combat 
et, si possible, auprès d’une voie ferrée, de ma- 
nière à pouvoir évacuer immédiatement sur l’ar- 
rière les blessés qui auront reçu les soins indis- 
pensables et seront devenus transportables sans 
dangers. 

Leur éloignement, plus grand que celui des 
ambulances volantes actuelles, sera sans incon- 


Fig. 3. — Aspect de l'arrière du fourgon, formant le fond de l'intérieur de la salle d'opération. 


médecine, en état de préparer les blessés à l’opé- 
ration, de les déshabiller avec les précautions 
nécessaires, de les laver, de les raser, etc.; en 
un mot, de les mettre en état de subir l'acte 
opératoire, les préparatifs étant souvent plus 
longs que l’acte opératoire lui-même. 

En période d’immobilisation, ces formations 
chirurgicales seraient adjointes aux ambulances 
organes d'armée. La bataille engagée, le méde- 
cin chef d’armée, d'accord avec la Direction des 
étapes et services, fixe l'endroit où elle doit 
s'installer. Elles’ytransporterapidement, installe 
immédiatement sa salle d'opération et dresse 
ses tentes si elle ne trouve pas les locaux néces- 
saires à l’hospitalisation de ses blessés. En quel- 
ques heures elle est prête à fonctionner, à faire 
dans de bonnes conditions les opérations d’ur- 
gence et à assurer la désinfection méthodique 


vénients par suite de l’auymentation du nombre 
des voitures d’ambulance automobiles que la Com- 
mission a proposé de porter de 25 à 60 par corps 
d'armée. Avec ces voitures, les blessés mettront 
moins de temps pour se rendre du poste de se- 
cours à la formation sanitaire chirurgicale qu'ils! 
n’en mettaient pour aller en voiture hippomobile: 
aux ambulances de première ligne. 

Le rôle de cette dernière peut et doit être res- 
treint; il se bornera à trier les blessés, à les ré- 
chauffer, à les alimenter, à faire les injections 
de sérum antitétanique, au besoin des injec- 
tions de morphine, à reviser les pansements 
simples, à compléter et à parfaire quelques appa- 
reils à fractures, ne retenant que les blessés 
intransportables et se bornant au point de vue 
opératoire aux interventions d'extrême urgence 
(arrêt des hémorragies, trachéotomie, séparation 


J.-P. LANGLOIS. — LA FIÈVRE PARATYPHOÏDE 175 


de segments de membre qui ne tiennent plus 
que par quelques lambeaux de chair). Elle éva- 
cuera immédiatement sur des formations de l’ar- 
rière un grand nombre de blessés présentant des 
plaies sans gravité, dirigeant sur la formation 
chirurgicale spécialisée les blessés justiciables 
d'une intervention rapide. Son rôle étant dimi- 
nué, cette ambulance de première ligne pourra 
être allégée, devenir encore plus mobile qu’elle 
n’est, ce qui n’est pas à dédaigner. 

Nous avons l'espoir que M. le Ministre de la 
Guerre entrera dans les vues de la Commission 


et que les modifications nécessaires à apporter 
aux services sanitaires de l’avant seront rapide- 
ment réalisées, d'autant que la création des /or-- 
malions chirurgicales spécialisées, que nous 
demandons, est dans les vues d’un grand nombre 
de chirurgiens militaires, et qu’elle peut être 
réalisée en ne coûtant presque rien au budget. 
(A suivre). 
Dr Henri Hartmann, 
Professeur de Clinique chirurgicale, 
à la Faculté de Médecine de Paris, 
Membre de la Commission supérieure consultative 
du Service de Santé. 


LA FIÈVRE PARATYPHOÏDE 


Les circulaires du Service de Santé ne parlent 
plus de typhiques, mais de typhoïdiques, et cette 
expression paraît justifiée actuellement. Les 
maladies dites typhoïdiques sont, en effet, carac- 
térisées par des symptômes cliniques communs, 
mais diffèrent étiologiquement, leurs agents 
pathogènes, tout en appartenant au même groupe 
bacillaire, présentant des réactions suflisantes 
pour en faire des espèces distinctes. 

De tout temps, à côté de la fièvre typhoïde 
telle que l’a décrite si magistralement Louis 
en 1829, on a signalé des affections ayant les 
symptômes classiques de la maladie, mais pré- 
sentant toutefois une marche plus rapide, une 
évolution plus bénigne; courbature fébrile, em- 
barras gastrique fébrile, voire même fièvre mu- 
queuse légère rentraient dans ce cadre. 

La découverte du bacille d'Eberth, théorique- 
ment, devait permettre de serrer le problème : 


mais l'isolement du bacille restait encore une 
technique difficile, et c’est surtout Widal qui, 
avec son séro-diagnostic!, permit de limiter le 
champ de la fièvre typhoïde éberthienne. 

Alors qu'Homolle écrivait jadis : « Toute ma- 
ladie fébrile dans laquelle apparait du septième 
au dixième jour une éruption de taches rosées 
est une fièvre typhoïde; toute fièvre continue qui, 
après dix ou douze jours, ne s'accompagne pas 
de taches roses n’est vraisemblablement pas une 
fièvre typhoïde », après la découverte de Widal 
on posait en principe que tout sérum de malade 
atteint de fièvre continue,depuis 8 à 10 jours,qui 
provoque l’agglutination d’une culture de bacille 
d’Eberth appartient à un typhique, alors qu'il ne 
s'agit vraisemblablement pas de fièvre typhoïde 
si l’'agglutination ne se produit pas. 

Dans la grande majorité des cas, la clinique et 
les nouvelles données de laboratoire marechaïent 


1. Dans le cas d'une fièvre typhoïde, si on mélange une 
goutte du sérum du malade avec x gouttes d'une culture 


jeune (24 heures) en bouillon de bacille d’Eberth et qu'on 
examine le mélange au microscope, on voit rapidement les 


Fig. 1. 
Bacille d'Eberth. Séro-réaction négative. 
(Grossissement — 800 diamètres.) 


bacilles perdre leur mobilité, 
se réunir en amas, s’aggluti- 
ner (fig. 2).La réaction est 
dite alors positive; elle est 
négative quand les bacilles 
conservent leur mobilité ou 
restent disséminés (fig. 1). 
On désigne le degré de di- 
lution par le nombre » de 
gouttes de bouillon mélan- 
gées avec la goutte de sérum. 
Au-dessous de 50 gouttes, soit 


1 À 
au => la réaction peut être 


positive, même avec des sé- 
rums normaux. Certains sé- 
rums typhiques, par contre, 
ont pu agglutiner au Z0.000” 
Quant à la nature du prin- 
cipe agglutinant, des agglu- 
tinines, elle est encore réel- 
lement inconnue. 


Bacille d'Eberth Séro-réaction positive. 


176 J.-P. LANGLOIS. — LA FIÈVRE PARATYPHOÏDE 


de concert, mais cependant, comme toujours en 
médecine, un certain nombre d'observations je- 
taient le doute. Tel malade, avec tout le syn- 
drome classique de la fièvre typhoïde, ne four- 
nissait à aucun moment de son cycle un sérum 
agolutinant, ou bien encore on observait sur un 
malade ayant eu une fièvre typhoïde à une épo- 
que plus ou moins éloignée une nouvelle mala- 
die du même genre, fait contraire au dogme de 
l’immunité acquise par une fièvre antérieure. 

En 1896, un travail d'Achard et Bensaude mit 
sur la voie d’une série d'observations qui per- 
mirent de montrer que le désaccord entre la 
clinique et le laboratoire était simplement appa- 
rent. 

Sur deux malades ayant eu le syndrome type 
de la fièvre typhoïde, mais chez lesquels le séro- 
diagnostic étaittoujoursresté négatif, ces auteurs 
isolèrent un agent pathogène, très voisin du ba- 
cille d'Eberth, qu'ils désignèrent sous le nom 
de bacille paratyphique; la maladie elle-même 
prit le terme d’affection paratyphoïde. Widal et 
Nobécourt, isolant un bacille identique chez 
un typhoisant qui n'agglutinait pas l'Eberth, 
l’assimilerent aux paracolibacilles que Nocard, 
Gilbert, etc., venaient de décrire. 

Mais le bacille d'Achard devait rester le Bacil- 
lus paratyphus et désormais la nosologie comp- 
tait une maladie de plus, la paratyphoïde, ou 
plus exactement un groupe de plus, les para- 
typhoiïides. 


1. — Erupe cuiNiQuE 


Les paratyphoïdes représentent le type carac- 
téristique des maladies pour lesquelles la sym- 
ptomatologie ne permettra jamais un diagnostic 
précis sans la bactériologie, 

Celle-ci prenant nécessairement le pas sur la 
clinique incertaine, il en est résulté que l’on a 
fait rentrer dans le cadre des paratyphoïdes 
toutes les affections provoquées parles agents pa- 
thogènes du groupe des salmonelloses. 

Pour ne pas compliquer cette étude déjà si 
complexe, nous éliminerons immédiatement les 
maladies particulières aux animaux, et même les 
toxi-infections paratyphoïdes à type d’empoi- 
sonnements alimentaires, ne conservant que le 
type septicémique humain, celui qui prête à la 
confusion avec la fièvre typhoïde. 

Le type septicémique se présente parfois sous 
un aspect assez bénin, répondant à l’embarras 
gastrique fébrile, ou bien il prend les allures 
d’une véritable dothiénentérie. 

Quant aux accidents locaux, très fréquents 
avec le paratyphus, ils peuvent être localisés 
d'emblée principalement vers les voies biliaires, 


ou se produire au cours même de l’évolution 
septicémique. 


Type d'embarras gastrique febrile. — Ces for- 
mes sont surtout caractérisées par des troubles 
digestifs : langue saburrale, anoïrexie, diarrhée 
plus ou moins fétide ; latempérature s’élève rapi- 
dement au-dessus de 38 et se maintient avec de 
faibles oscillations pendant un septénaire ; la 
chute thermique est souvent brusque, mais par- 
fois la température restelégèrement au-dessus de 
la moyenne. 

Le pronostic est bénin ; toutefois l'apparition 
de taches rosées, assez rares d’ailleurs, peut tou- 
jours faire douter de la bénignité. 

L'évolution est souvent si rapide, que le séro- 
diagnostic ne devient positif qu'après la dispa- 
rition des symptômes morbides. 


Type dothienenteérique. — En général l’infec- 
tion à paratyphus B, même quand son évolution 
dépasse le type de l’embarras gastrique fébrile, a 
les allures d’une fièvre typhoïde atténuée:; c’est le 
type clinique de la fièvre muqueuse. Mais, si le 
pronostic est généralement favorable, il est tou- 
jours prudent de faire des réserves. 

Quant à la symptomatologie, il suffit de lire les 
observations cliniques des nombreux auteurs qui 
ont écrit sur ce sujet pour se convaincre de l’im- 
possibilité de formuler un diagnostic sur ces 
bases. 

Le débutserait plus brusque que pour la fièvre 
typhoïde ; la température monte brusquement à 
40 et même 41°, pour tomber ensuite assez rapi- 
dement à 39 et même 38%. Nos observations 
pendant cette campagne corroborent cette opi- 
nion; souvent, chez les hommes ayant eu un 
accès presque foudroyant, le diagnostic bactério- 
logique indiquait une paratyphoide. 

Le frisson, assez rare dans les débuts de la fie- 
vre typhoïde, est souvent observé avec l’ascen- 
sion brusque de la température. 

La diarrhée et les vomissements pendant la 
période initiale plaident encore pour une para- 
typhoïde. 

La rate, d'après Lentz, serait petite et dure, 
alors que nos observations, comme celles de Job 
etde beaucoup d’autres, ne permettent pas d’éta- 
blir une différenciation avec la fièvre typhoïde. 

Les taches rosées se rencontrent dans les deux 
affections ; peut-être dans la paratyphoïde sont- 
elles souvent peu abondantes, s’étendant parfois 
sur le tronc, voire même la face. On a partieu- 
Jièrement insisté sur leur apparition tardive, 
quelquefois même postérieure à la période d’hy- 
perthermie, ou tout au moins persistant après 
la chute de la température. 


J.-P. LANGLOIS. — LA FIÈVRE PARATYPHOÏDE 177 


Les symptômes nerveux, si nets parfois dans 
les fièvres typhoïdes graves, le tuphos, souvent si 
‘aractéristique de certaines épidémies, sont 
presque toujours très amendés dans la paraty- 
phoïde. 

Des deux complications si graves de la fièvre 
typhoïde, la perforation et l’hémorragie intesti- 
nale, la premiére est excessivement rare ; Thoi- 
not et Ribierre, en 1913, déclaraient n’en avoir 
trouvé aucune relation ; quant à la seconde, elle 
a été observée parfois, mais ne présente presque 
jamais la forme récidivante si redoutée avec la 
fièvre éberthienne. 

Parmi les complications, du même genre que 
celles observées dans la fièvre typhoïde : suppu- 
rations osseuses, séreuses, otites, parotidites, il 
y a lieu de signaler la fréquence des accidents 
biliaires, depuis l’ictère catarrhal bénin jusqu'aux 
cholécystites les plus graves. Dans certains cas, 
l'infection paratyphoïde reste d'emblée localisée 
dans cette région sans tendance à la septicémie. 
Mais il faut ajouter qu’une paratyphoïde peut 
débuter insidieusement par la constipation, pré- 
senter des taches rosées précoces abondantes, 
un état adynamique des plus graves, etc., alors 
qu'une fièvre éberthienne débutera par un fris- 
son violent, une température de 40°, sans trou- 
bles nerveux et des taches rosées ne devenant 
apparentes que dans le troisième septénaire ! 

Cette’ courte étude symptomatologique suflit 
pour montrer que la clinique est réellement 
impuissante pour établir un diagnostie certain 
entre la paratyphoïde et la typhoïde, et d'autre 
part le pronostic pour la première étant de beau- 
coup plus favorable, tant au point de vue de la 
gravité que de la marche même de la maladie, 
on comprend l'importance d’un diagnostic bacté- 
riologique précoce. 


II. — Dracxosric BACTÉRIOLOGIQUE 


Les bacilles paratyphiques appartiennent au 
genre Coli-Eberth. Ce sont de petits bâtonnets, 
non sporulés, très mobiles grâce aux flagelles 
ondulées quiles garnissent, fixant fortement les 
couleurs d’aniline et décolorés par la méthode 
de Gram. 

Pour reconnaître les paratyphiques des Eberth 
ct des coli, il faut recourir à deux méthodes : 

1° Isoler le bacille pathogène dans l'organisme 
même du malade on dans ses excreta, le cultiver 
et déterminer sa spécificité par ses réaclions 
biologiques ; 

2° Utiliser les caractères propres que prend le 
sérum du malade vis-à-vis de cultures micro- 
biennes nettement déterminées (Eberth, Para- 
typhus A et B). 


1° On peut chercher à isoler le bacille paraty- 
phique dans les selles, dans les urines, dans le 
sanget dans la bile; on a même pu le chercher 
dans les taches rosées. 

Nous ne pouvons nous étendre ici sur les 
techniques innombrables proposées pour obte- 
nir une culture pure avec les selles des malades 
ou leurs urines. 

L'hémoculture et la biliculture méritentcepen- 
dant quelques lignes. 

L'hémoculture est la méthode de choix: elle 
consiste à ensemencer un milieu approprié avec 
une certaine quantité de sangrecueilli aseptique- 
ment dans la veine du malade. Les insuccès sont 
venus très souvent de la petite quantité de sang 
prélevé; il faut puiser avec une seringue de 15 à 
20 cm et ensemencer dans des ballons de bouil- 
lon peptoné, ou mieux dans de la bile de bœuf, 
le milieu de culture de choix pour ces bacilles. 

La biliculture, préconisée récemment par 
Carnot, va chercher le bacille dans la bile même, 
soit en faisant ingérer au malade 100 grammes 
d'huile d’olive stérile, et en retirant cette huile 
par un tubage gastrique au bout d’une heure. 
L'huile a provoqué une régurgitation de la bile 
dans l'estomac, et le tube ramène ainsi un liquide 
devant renfermer le bacille. Une autre technique 
consiste à faire avaler au sujet une sonde molle 
d’un mètre de longueur, munie d’un embout de 
verre. Le tube est laissé trois heures; il y a des 
chances alors que son extrémité inférieure ait 
passé le pylore, comme un simple aliment. En 
tirant l'extrémité supérieure de la sonde main- 
tenue en dehors de la bouche, on peut recueillir 
de la bile presque pure qui servira aux ensemen- 
cements. 

Pour justifier une technique réellement péni- 
ble sur un malheureux typhoïsant, il faut savoir 
que l’hémoculture donne très souvent des résul- 
tats négalifs, parce que le bacille ne séjourne 
que fort peu de temps dans le sang; il disparait 
le plus souvent avec la chute de la température, 
quoique des auteurs autorisés affirment qu'une 
bonne technique permet de le déceler presque 
toujours jusque dans le troisième septénaire. 
Dans la bile, par contre, comme dans les fèces, 
le bacille persiste beaucoup plus longiemps. 
Quand l'hémoculture cesse de donner des résul- 
tats positifs, on peut encore retrouver le bacille 
dans la bile et la présence de ce dernier se cons- 
tate longtemps encore pendant la convalescence. 
C'est surtout pour dépister les porteurs de ger- 
mes, dont il sera question plus loin, que la bili- 
culture présente un intérêt réel. 


2 Le séro-diagnostic et le précipito-diagnostie 


178 J.-P. LANGLOIS. — LA FIÈVRE PARATYPHOÏDE 


utilisent les caractères propres que prend le 
sérum d’un malade de déterminer l'agglutination 
d'une culture de bacilles spécifiques de cette 
affection. 

Le séro-diagnostic est le procédé le plus com- 
mode, et par suite le plus fréquemment utilisé 
pour dépister le paratyphus. 

Toutefois, la lenteur avec laquelle se dévelop- 
pent les agglutinines dans le sang des malades 
est telle que c’est souvent vers le dixième ou 
quinzième jour seulement que la réaction devient 
positive, c’est-à-dire quand la maladie a fini son 
évolution clinique et que le sujet est en pleine 
convalescence. 

Le séro-diagnostie permet-il de faire la distinc- 
tion entre le bacille d’'Eberth, le paratyphus A, le 
paratyphus B et le Bacillus enteritis ? 

En fait, les réactions agglutinantes n’ont pas 
dans la pratique la netteté exigée pour une réac- 
tion spécifique; intervient en effet la coaggluti- 
nation, c’est-à-dire qu'un sérum d’un malade peut 
donner des agglutinations avecle bacille d’Eberth 
et avec le bacille paratyphique. 

Il faut alors recourir à des agglutinations en 
séries, en recherchant le maximum de dilution 
agissant sur chacun des bacilles. En vertu de la 
loi dite de Lentz, c'est le microbe qui agglutine 
à la plus grande dilution et le plus rapidement 
qui doit être considéré comme l'élément patho- 
gène. 


Un sérum actif à pour le paratyphus B et 


1 
500 
qui n'agit qu’au %o Pour l’'Eberth doit appartenir 


à un paratyphique; mais il faut encore faire de 
grosses réserves. 

Lorsqu'un sérum humain agglutine plus le ba- 
cille d’'Eberth que les bacilles paratyphiques, il 
ne s’agit pas d'infection paratyphoïde, et si le 
diagnostic ne peut se faire qu'entre ces deux 
maladies, on peut conclure en faveur d'une infec- 
tion éberthienne. Mais l'inverse n’a pas lieu : de 
ce qu’un sérum agglutine plus un paratyphique 
qu’un Eberth, on ne saurait conclure qu’on se 
trouve en présence d'une paratyphoïde. 

Pour remédier aux incertitudes du séro-dia- 
gnostic, Castellani a préconisé le procédé de la 
saturation des agglutinines. Soit un sérum éber- 
thien coagglutinant un paratyphique B; en faisant 
agir ce sérum jusqu à saturation sur le bacille 
d'Eberth, on fait disparaître l’aptitude aggluti- 
native pour les deux bacilles ; sature-t-on par le 
para À, les coagglutinines propres à ce bacille 
sont seules supprimées et l'agglutination de 
l'Eberth, spécifique en l'espèce, continue à se 
faire à son taux normal, 


Dans le cas d'infection mixte, la saturation 
par l’un des microbes ne toucherait que les 
agglutinines propres à ce microbe. 

Cette méthode n’a pas donné dans la pratique 
clinique les résultats que pouvaient faire espé- 
rer ceux réalisés avec les sérums expérimentaux. 

Le précipito-diagnostic repose sur le principe 
même de l’agglutination.Des cultures stérilisées 
par la chaleur ou le formol des divers microbes 
suspectés sont enfermées dans des tubes scellés 
à la lampe. Les corps bacillaires en suspension 
produisent un certain louche. Si on ajoute une 
goutte de sérum du typhoiïsant, le tube renfer- 
mant le microbe correspondant donne lieu à un 
précipité très visible, en même temps que le 
liquide s’éclaircit. La réaction se produit souvent 
en une heure; quelquefois il faut attendre davan- 
tage. 

La méthode très simple, évitant même l’em- 
ploi du microscope, a été très discutée. Dans 
notre hôpital de Clermont, le D' Caillé, en fai- 
sant systématiquement le séro et le précipito-dia- 
gnostic, a pu constater que presque toujours les 
deux réactions coïncident. 

Malgré les quelques incertitudes subsistantes, 
le procédé du précipito-diagnostic paraît devoir 
donner d’excellents résultats en campagne ou 
même pour le’praticien. 


III. — Typnoïne ET PArRATYPHOÏDES 


La fièvre typhoïde vraie n’immunise pas contre 
la paratyphoïde; c’est ainsi que Job signale 
deux malades ayant eu antérieurement la fièvre 
typhoïde et qui, en plein cours d’une paraty- 
phoiïde B, donnaient une réaction positive à 
, Ra 
l’'Eberth à 100’ 

Inversement, on signale des paratyphiques 
prenant au cours de leur convalescence une 
typhoïde {Levy et Gaethgens). 

Lesrécidives,observéesjadis, de fièvre typhoïde 
peuvent s'expliquer aujourd’hui assez facilement 
en supposant qu'ils’agissaitsuccessivement d’une 
fièvre éberthienne, puis d’une paratyphoïde, ou 
inversement. Les techniques bactériologiques 
permettront désormais de résoudre cette hypo- 
thèse. 

La vaccination contre l’Eberth reste donc sans 
effet sur la paratyphoïde, et l’on comprend alors 
les insuccès apparents observés à la suite de la 
vaccination antityphique. Les vaccinés peuvent 
faire une infection paratyphoiïdique À ou B, 
seule la bactériologie donnant la clef du pro- 
blème. 

La coexistence des deux bacilles typhoïdiques 
a été établie dans plusieurs cas. Gaethgens isole 


J.-P, LANGLOIS. — LA FIÈVRE PARATYPHOÏDE 


des selles d’un malade l’Eberth et le para- 
typhus B, et constate l'agglutination chez le 


nl | 
à To Pour le 


même sujet à _ pour l’Eberth, 
para. 

Les observations de ce genre sont déjà assez 
nombreuses; il serait utile cependant que des 
hémocultures positives pour les deux bacilles 
viennent corroborer ces observations. 

La paratyphoïdeB constitue-t-elle une affection 
nettement spécifique ? 

En faveur de la spécificité, il faut citer la pré- 
sence, chez des individus avec forme typhoïde, 
du bacille dans les selles, dans les urines, dans 
le sang, dans la bile, dans les taches rosées. On 
objecte alors que le para B peut se trouver chez 
des individus bien portants, ou encore dans des 
affections sans caractère typhoïdique : otite, épi- 
didymite, salpingite. Mais, pour d’autres affec- 
tions bien connues, on connaît également des 
manifestations locales : telle pneumocoque,pou- 
vant donner lieu à une septicémie généralisée 
comme à une otite. 

On sait les difficultés rencontrées pour repro- 
duire expérimentalement chez l'animal le syn- 
drometyphoïde;ilestdoncnaturelde comprendre 
les insuccès observés jusqu'ici dansles tentatives 
faites sur le lapin et la souris avec le paratyphus. 
Les animaux ayant été injectés ou nourris avec 
des cultures de ‘paratyphus meurent, mais sans 
présenter les troubles caractéristiques. Toutefois 
une véritable expérience sur l’homme a été des 
plus démonstratives, autant qu'une expérience 
unique peut l'être. 

Un étudiant en médecine ingère par mégarde 
quelques gouttes de culture de paratyphus; huit 
jours apres, il est atteint d’une paratyphoide 
nettement caractérisée. 

La différenciation des paratyphoïdes avec le 
bacille d'Eberth et le colibacille ne peut être 
réalisée qu’en utilisant leur réaction biologique. 

Ils font fermenterles hydrates de carbone (mal- 
tose, glucose, lévulose) et ils réduisent le rouge 
neutre; ces réactions les séparent du bacille 
d'Eberth. Pour les distinguer du coli, on a les 
caractères suivants : pas de coagulation avec le 
lait, pas de fermentation avec le lactose, pas de 
réaction de l'indol, attaque de la dulcite et dela 
mannite. 

Job, en quelques lignes, indique la différen- 
ciation rapide pour les bacilles du groupe Coli- 
Eberth, que l’on observe communément chez 
l’homme. 

Le sang recueilli aseptiquement est versé dans 
un ballon de bile; si, après 24 heures d’étuve, la 
culture est pure, on ensemence la bile en bouil- 


179 


lon au rouge neutre, en bouillon lactosé carbo- 
naté, en milieu de Petruschy et en lait; si la cul- 
ture était impure, on isole le bacille en milieu 
d'Endo. 

Si le bouillon au rouge neutre vire, on peut 
éliminer le bacille d'Eberth; si le bouillon lac- 
tosé fermente, c’est qu'il s’agit d’un colibacille; si 
le petit lait tournesolé rosit pour redevenir 
ensuite bleu (caméléonage), on a affaire au para 
B ; s’il reste rouge, à un para A. 

Sagement Job ajoute que ces observations éta- 
blissent simplement une présomption sérieuse 
et qu'il faut complèter par les réactions d’immu- 
nité. 

Le tableau suivant, emprunté à la notice 
publiée par le Service du professeur Vincent, 
présente un résumé très succinct du diagnostic 
différentiel des trois bacilles : 

TagLeau |. — Caractères différentiels principaux 
des cultures du bacille typhique et des bacilles 

paratyphiques À et B. 


Bac. para- 
typhique B 


ac.typhi Bac. para- 
RÉ PAIUE typhique A 
Lait (frais) tour- 
HÉBOÏE =... un peu aci- acide acide, puis 
difié alcalin 
Bouillon au rouge 
neutre #17 non modifié rendu rendu 
fluorescent | fluorescent 
ou jaune ou jaune 
Gélose glycosée à 
SLOOPEECEERES pas de fermenté fermenté 
production | (production | (production 
de gaz de gaz) de gaz) 
Gélose mannitée à 
3/100 .......... pas de gaz gaz gaz 
Gélose dulcitée à 
SAOOPPÉE ETC pas de gaz gaz gaz 
IV. — Eriococie Er ProPHYLAXIE 


Au point de vue étiologique, le paratyphus se 
comporte comme le bacille d'Eberth. 

Peut-être la contagion par les aliments, no- 
tamment par les viandes, est-elle plus fréquente 
que pour le bacille d’Eberth. La contagion 
directe, interhumaine, est également nettement 
établie, et dans la campagne actuelle, la conta- 
mination directe par les fèces parait être un des 
moyens le plus fréquents. 

L'existence des porteurs de germes de bacilles 
paratyphiques a été mise nettement en évidence, 
qu'il s'agisse de sujets en voie de convales- 
cence complète et prolongée ou de sujets n'ayant 
jamais manifesté de troubles caractéristiques et 
chez lesquels on trouve le parabacille dans les 
selles ou parfois même dans les sécrétions nasa- 
les ou pharyngées. 


180 J.-P. LANGLOIS. — LA FIÈVRE PARATYPHOÏDE 


L'examen des selles permet seul de dépister 
les porteurs de germes, mais cette recherche est 
laborieuse: peut-être le procédé imaginé tout 
récemment par Carnot et \Veill-Hallé facilitera- 
t-il les recherches. Dans un tube en U rempli de 
sable stérilisé, on verse d’un côté un bouillon 
stérile riche en bile, dans l’autre un bouillon de 
même nature, mais ensemencé avec les selles 
suspectes. Les bacilles typhoïdiques, grâce à leur 
mobilité, traversent les premiers la barrière de 
sable et viennent seuls ensemencer le bouillon 
stérile. L'étude de ce bouillon doit se faire avant 
que les autres microbes moins agiles n'aient 
traversé le filtre. 

La prophylaxie est évidemment la même que 
celle de la fièvre typhoïde. La seule question qui 
se pose est de savoir s’il faut faire la vaceino- 
thérapie paratyphoïdique chez les sujets déjà 
vaccinés contre la fièvre éberthienne! Castellani 
a proposé la vaccination simultanée contre les 
deux agents pathogènes par un mélange des trois 
vaccins. Nous ne connaissons pas encore les 
résultats de cette double vaccination; il y a lieu de 
faire des réserves sur l’abus des vaccinations mul- 
tiples : l’accumulation d’une masse d’anticorps 
différents est-elle inoffensive pour l’organisme ? 

Quant au traitement, il ne saurait différer de 
celui de la fièvre typhoïde, et varie nécessaire- 
ment avec la gravité et le gerre des symptômes 
et aussi avec l'esprit thérapeutique qui dirige le 
médecin. Il va de soi que, si on veut tenter un 
traitement spécifique : injection de sérum théra- 
peutique, d’autolysat, etc., la substance curatrice 
doit être obtenue avec le bacille reconnu comme 
l'agent pathogène du cas traité. 

Quant à l’action des métaux colloïdaux, si 
vantée par les uns, si décriée par les autres, elle 
nous a paru être indiscutable dans les cas de 
complications par associations microbiennes. 
L’électrargol a été un puissant agent thérapeu- 
tique dans les accidents pneumoniques ou strep- 
tococciques chez les typhoïdiques. 

Nous aurions voulu donner une statistique 
même approchée du pourcentage des maladies 
typhiques, paratyphiques A et B dans l'épidémie 
actuelle qui a si durement frappé nos troupes. 
Malheureusement, les chiffres recueillis sur dif- 
férents points sont trop contradictoires; quant 
aux documents officiels, il est impossible d’en 
avoir connaissance et il n’y a sans doute pas lieu 
de le regretter! 

Les observations faites à l'hôpital auxiliaire 15 
de Clermont (Oise), avec les ressources du labo- 
ratoire Pillet- Will annexé à l'hôpital, permettent 
de donner un aperçu du caractère de l'épidémie 
typhoïdique qui a ‘si durement frappé notre 


armée de novembre 1914 à mars 1915. Nous nous 
contenterons de donner des chiffres obtenus avec 
les méthodes les plus rigoureuses. 

Sur 302 malades hospitalisés, il y avait : 


Non typhoïdiques 156 dont 26 vaccinés contre ET, 


Typhoïdiques 12027 — — ET, 
: 53 1 
Soit une pr tion de — — -— accinés. 
ne proportion de 30 & de vaccinés 
TasLEau IL. — Classement dans la nature 


des typhoïdiques 


Sérieux | Légers Total 


vaccinés 


\ 
Eberth} non vacc. 


vaccinés 
non vacc. 


Para B} 


{ vaccinés 
ara À 
Para non vacc. 
Septicémies variées 
vaccinés 1 


Diagnostic\vacecin. 0 
simp! clin./n. vace. 1 


Pourcentage suivant l’état vaccinal : 


{ Eberth 64 73,6 °/0 
Non vaccinés ) Para A DA 24,1 
Para B 3) 2,3 

Eberth 1 5,6 °/e 
Vaccinés.... { Para B 3 72,2 


Septicémies 4 

Notre mortalité a été de 5,4°/, chiffre remar- 
quablement bas, puisque la mortalité moyenne 
paraît osciller autour de 14°/,. Pas un seul décédé 
n'avait été vacciné. 

Si avec cette statistique, intéressante non par 
le nombre des cas, mais par la rigueur scientifi- 
que avec laquelle, grâce aux circonstances favo- 
rables, elle a pu être conduite, on tient compte 
des résultats signalés de tous côtés, il est permis 
de conclure que la vaccination antityphoïdique 
exerce une action protectrice incontestable, les 
typhoïdes et les paratyphoïdes frappant les 
vaccinés présentant presque toujours un pro- 


nostic bénin. 
J.-P. Langlois, 
Professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris. 
Médecin chef de l'hôpital auxiliaire 
de Clermont (Oise). 


1. Malgré le zèle de M. le D' Caille, médecin chef adjoint, 
il a été impossible au début d'examiner tous les malades par 
les méthodes de laboratoire, 23 cas sur 127 ont donc été 
classés comme typhoïdiques, la clinique ne permettant pas 
de déterminer la nature exacte de la maladie. 

Quant aux autres malades, le diagnos ic a été établi par 
le précipito-diagnostie, le précipito et le séro-diagnostic 
combinés, et enfin pour beaucoup par les trois procédés : pré- 
cipito, séro-diagnostic et hémoculture. 

Nous ne comptons parmi les vaceines que les hommes ayant 
recu deux injections au moins; les 7, n'ayant reçu qu'une seule 
injection étant rangés parmi les non vaccinés. 


A. STEVENSON. — LES PÉCHERIES DE BALEINES DES ILES FALKLAND 


151 


LES PÊCHERIES DE BALEINES DES ILES FALKLAND 
ET DE LEURS DÉPENDANCES 


La brillante victoire de la flotte anglaise sur 
l'escadre de croiseurs allemands du Pacifique 
dans les eaux des Iles Falkland à ramené l’atten- 
tion sur cet archipel peu connu, 

Les Iles Falkland avec leurs dépendances, la 
Géorgie du Sud, les Sethlands du Sud et les 
Orcades du Sud, constituent un groupe d'iles 
montagneuses, situées à l'E et au S de la Terre 
de Feu, et occupées il y a une trentaine d'années 
par l'Angleterre. Les deux plus septentrionales : 
iles Falkland et Géorgie du Sud, jouissent d’un 
climat tempéré et sain. Leurs vastes pâturages y 
ont fait introduire l'élevage du mouton, qui s'y 
est rapidement développé; l’ensemble du trou- 
peau compte aujourd'hui plus d'un million de 
têtes, et l'exportation de la laine, des peaux et du 
suif dépasse 5 millions de francs. 

Plus récemment encore, une nouvelle source 
de richesses a été mise en exploitation dans 
toutes les iles du groupe etla mer qui les sépare: 
c'est la pêche de la baleine, et en dix années les 
Iles Falkland et leurs dépendances sont devenues 


le plus importantcentre de pêcheries de baleines 
du monde. M. Th. E. Salvesen vient de publier 
sur ce sujet, dans les Rapports scientifiques de 
l'Expédition antarctique nationale écossaise, un 
mémoire du plus hautintérêt!. Nous lui emprun- 
tons les éléments de cet article, que nous som- 
mes heureux de pouvoir illustrer de quelques- 
unes des figures du mémoire, grâce à l’obligeance 
de M. W. S. Bruce, directeur du Laboratoire 
océanographique d'Ecosse. 


Le sud de l'Atlantique est généralement fré- 
quenté par les espèces suivantes de baleines: 

La baleine franche australe (Balæna australis) 
(fig. 1), espèce sub-antarctique, d’une longueur 


i. Tu, E. Sazvesen : The Whale Fisheries of the Falkland 
Islands and Dependencies. Report of the scientific results of 
the Scottish national antartic Expedition, t. IV, pp. 475-486 
(avec 10 pl.). Scottish Oceanographical Laboratory, Edin- 
burgh, 191%. 


Fig. 1. — Baleine franche australe (Balæna australis). 


[en 
es) 
LD 


A. STEVENSON. — LES PÉÊCHERIES DE BALEINES DES ILES FALKLAND 


d'une quinzaine de mètres, dont les fanons me- 
surent jusqu'à 2 mètres. Un individu bien déve- 
loppé donne de 60 à 70 barils d'huile; mais le 
prix des fanons est maintenant si faible qu'on ne 
la chasse pas spécialement; 

La baleine bleue(Bal:rnopterasibbaldii), leplus 
grand animal vivant, qui peut atteindre 39 mètres 
de longueur et fournit en moyenne 70 à 80 barils 
d'huile; 


Le gibbar (Balænoptera musculus où physalus) 


les eaux des Falkland, car son habitat naturel 
se trouve dans des zones plus chaudes. 

Au point de vue de la pêche, ces animaux peu- 
vent être classés en deux groupes : la baleine 
franche et le cachalot, d’une part, qui furent 
pendant longtemps les seuls capturés, et les 
balénoptères et le mégaptère, dont la pêche 
industrielle remonte à une époque récente, faute 
d'avoir trouvé plus tôt une méthode de capture 
appropriée, 


Fig. 2. — Gibbar (Balænoptera musculus), 


(fig. 2) a une longueur de 15 à 20 mètres et donne 
35 à 50 barils d'huile; 

Le rorqual ou seihval (Balænoptera borealis), 
la plus petite des baleines tuées dans le Sud, 
mesurant seulement de 7 à 10 mètres et chassée 
lorsque les espèces plus grandes sont rares; 

La jubarte (WMegaptera boops), dont la lon- 
gueur varie de 12 à 15 mètres et le rendement 
en huile de 25 à 35 barils; 

Le cachalot (Physeter macrocephalus), long de 
15 à 18 mètres, qui ne possède pas de fanons, 
mais 58 à 64 dents à la mâchoire inférieure. Sa 
tête forme à peu près le tiers du volume de l’ani- 
mal et fournit environ 30 barils de spermaceti et 
d'huile, le reste du corps donnant à peu près 
autant d'huile. Cet animal est plutôt rare dans 


Le cachalot et la baleine franche restent géné- 
ralement un certain temps à la surface de l'eau, 
ce qui permet à une pirogue à rames, envoyée 
par un navire baleinier, de les approcher et au 
harponneur placé à l’avant de jeter à la main ou 
au moyen d’un petit canon un harpon auquel est 
attachée une ligne qui servira à tirer l’animal. 
. Les balénoptères, au contraire, sont beaucoup 
plus vifs et ne demeurent à fleur d’eau qu'un 
temps très court pour respirer. Cependant, un 
bateau à rames peut trouver l’occasion d’en 
approcher unet de le tuer, mais alors il devient 
impossible de capturer l'animal mort. En effet, 
les balénoptères s’enfoncent lorsqu'ils sont 
morts, tandis que le cachalot et la baleine 
franche flottent. Orle poids de la carcasse du 


A. STEVENSON. — LES PÉCHERIES DE 


balénoptère est beaucoup plus élevé que la force 
de flottaison d'un baleiner ordinaire, et tout 
essai de ramener l'animal mort 
n'aboutirait qu'à faire couler le bateau. 

C'est en 1866 seulement qu'un Norvégien, le 
capitaine Svend Foyn, parvint à poursuivre et à 
capturer avec succès les balénoptères, en substi- 
tuant à la rame la propulsion par la vapeur et en 
augmentant considérablement les dimensions 
des baleiniers. Ses méthodes, successivement 


à la surface 


BALEINES DES ILES FALKLAND 183 


cependant pousser les pècheurs à entreprendre 
la capture de ces animaux par les nouvelles mé- 
thodes utilisées avec succès par les Norvégiens 
dans les mers du Nord. Grâce aux efforts du 
capitaine C. À. Larsen, de Sandefjord, qui avait 
accompagné Nordenskiëld dans l'Antarctique, 
une société fut fondée à Buenos-Aires, sous le 
nom de « Compañia argentina de Pesca »; en 
décembre 1904, un baleinier moderne à vapeur 
et deux bateaux à voile plus petits, affrétés par 


Fig. 3. — Le baleinier à vapeur Sedna, de Leith. 


améliorées, sont aujourd’hui utilisées par les 
compagnies baleinières modernes dans le monde 
entier. 

La pêche du cachalot et de la baleine franche 
dans les mers du Sud remonte aucommencement 
du 18° siècle; dans la première moitié du 19e siè- 
cle, de 500 à 600 baleiniers à voiles y étaient em- 
ployés. Puis ce nombre à diminué progressive- 
ment, par suite de la chute de prix de l'huile de 
baleine et des fanons, de l'augmentation des 
dépenses de travail et de la diminution des cap- 
tures. Aujourd’hui ce genre de baleiniers est 
presque inconnu dans les régions antarctiques. 

L'existence d’une grande quantité de baléno- 
ptères dans les mers du Sud, signalée à diverses 
reprises par les expéditions antarctiques, devait 


elle en Norvège, arrivaient à la baie de Cumber- 
land, dans la Géorgie du Sud, et commençaient 
la pêche, tandis qu'on construisait à terre une 
usine pour la préparation des produits retirés de 
la baleine. 

L'impulsion était donnée; les beaux résultats 
obtenus amenèrent à la formation d’un grand 
nombre d’autres entreprises de pêche, etaujour- 
d’hui les Falkland et leurs dépendances cons- 
tituent le plus grand centre baleinier du monde. 


Il 


Voyons maintenant plus en détailles méthodes 
employées pour la capture des balénoptères. 

Un baleinier moderne à vapeur du type le plus 
perfectionné (fig. 3) est long de 30 à 35 m., avec 


184 A. STEVENSON. — LES PÉCHERIES DE BALEINES DES ILES FALKLAND 


un bau de 5, 5 à 6, 6 m. et un creux de 3, 3 à 
3, 8 m. Sa vitesse est de 11 à 12 nœuds. Il est 
pourvu d'un gouvernail à vapeur et d’un puissant 
treuil double pour tirer les baleines placé sur le 
pont en arrière du mât de misaine. 

A l'avant, un canon de 3 à 3 1/2 pouces, se 
chargeant par la bouche, avec frein à glycérine, 
pivote sans effort dans toutes les directions. Il 
lance, avee une charge de poudre, un harpon à 
4 dents, d'environ 14, 8 m. de longueur, en acier 
fin de Suède trempé. La pointe du harpon con- 
siste en une bombe conique en fonte, chargée de 
poudre, qui est allumée par une fusée trois 
secondes après que le harpon a été lancé par le 
canon. Un cable de 60 brasses et de 4 pouces de 
circonférence, en chanvre italien fin, est attaché 
par un anneau àlatige du harpon, et se continue 
par une épissure avec une ligne à baleines de 
120 brasses et de 5 à 5 1/2 pouces. La ligne passe 
sur des poulies à l’avant du bateau et elle est 
fixée par l'intermédiaire de puissants ressorts 
d'acier. 

La portée d’un canon à baleine n’est guere que 
de 25 mètres. Quand l’animal est atteïnt dans 
une partie vulnérable, la mort est en général 
instantanée. Le corps s'enfonce immédiatement, 
entrainant la ligne. Le navire estamené au repos, 
et quand le cable pend verticalement il est bossé 
à l'avant, puis l'animal est remonté lentement à 
la surface. L’élasticité des ressorts d’acier est 
destinée à compenser l'élévation et la chute du 
baleinier, causée par les vagues, sinon les ten- 
sions qui se produiraient sur le cable pourraient 
le rompre. 

Si la baleine n’est pas morte sur le coup, il 
faut la noyer, en procédant de la même façon que 
le pêcheur qui a accroché un saumon. Dans les 
deux cas, la ligne est beaucoup plus faible que la 
tension exercée à son extrémité, et il faut opérer 
avec prudence et adresse. Le baleinier fatigue 
l'animal en faisant manœuvrer le treuil à vapeur, 
et aussi en avancant et reculant, mais il arrive 
souvent qu'une secousse subite fait casser la 
corde. 

L'animal ayant été amené à la surface, on passe 
une chaîne autour de la queue et on la fixe à 
l'avant du navire; le câble est coupé au ras du 
harpon, et la baleine est remorquée à côté du 
vaisseau la queue en avant. Pour faire [flotter la 
carcasse et diminuer le poids à remorquer, on 
perce un trou à travers le corps jusqu'aux pou- 
mons ou à l’estomac, et on gonfle l’animal avec 
une pompe à air. 


Les baleiniers modernes, qui travaillent sui- 
vant la méthode précédente, ne peuvent traiter 


les baleines à bord; ils sont obligés de remorquer 
les carcasses jusqu'à un port où se trouve une 
usine de traitement. Ces usines sont de deux 
sortes : côtières ou flottantes. 

Quand la baleine est amenée à une usine 
côtière bien équipée (fig. 4), elle est halée par 
une glissière sur la plateforme de découpage. On 
retire d’abord les fanons, puis on enlève la 
graisse par bandes, qui sont envoyées dans une 
machine à découper; les morceaux sont trans- 
portés par un élévateur dans de grandes cuves en 
fer ouvertes, où l'huile est extraite au moyen de 
la vapeur. La graisse de la langue et des reins est 
traitée de la même façon; puis la carcasse est 
fendue et sciée en morceaux convenables, qui 
sont transportés et enlassés dans de grandes 
chaudières, où ils sont soumis à une pression de 
vapeur de 60 livres par pouce carré pendant 12 à 
15 heures. Pendant cette période, l'huile con- 
tenue dans les os et la chair s'écoule dans 
des réservoirs de clarification. 

Les digesteurs sont ensuite vidés de leur con- 
tenu, qui passe dans des fours de dessiccation 
chauffés au coke. Le résidu desséché est envoyé 
dans un désintégrateur, tamisé et mis en sacs à 
l’état de poudre. 

Les usines flottantes (fig. 5) consistent en un 
navire à vapeur ou à voile jaugeant jusqu'à 
7.000 tonneaux, et pourvu de toutes les installa- 
tions nécessaires et de réservoirs à huile. Ces 
vaisseaux doivent être amarrés dans un port, car 
une eau tranquille est nécessaire pour que les 
baleines puissent être dépecées le long du navire. 
La graisse et la carcasse sont ensuite montées à 
bord, où le traitement est tout à fait analogue à 
celui des usines côtières. Quelques navires ont 
été équipés avec des fours à dessiccation pour 
la fabrication du guano, mais les résultats ont 
été peu satisfaisants, et il est douteux que les 
dépenses de fabrication du guano à bord soient 
couvertes par les prix de vente. 


III 


Les produits retirés de la baleine sont done : 
les fanons, l'huile, et les tourteaux ou guanos pro- 
venant de la dessiccation de la chair et des os. 

La valeur des fanons des Balénoptères est 
aujourd'hui assez faible. Tandis que ceux de la 
baleine franche australe valent 18.750 francs la 
tonne, ceux du rorqual se vendent environ 
2.125 francs, ceux des baleines bleues et du 
gibbar 750 francs et ceux de la jubarte 250 francs 
la tonne. Ces prix sont si faibles qu'on peut se 
demander si la dépense n’est pas supérieure au 
prix de vente. Il n’est pas douteux que ce soit le 
cas pour les fanons de la jubarte. 


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A,.STEVENSON. — LES?PÈCHERIES DE BALEINES DES ILES FALKLAND 


185 


Fig. 5. — Usine flottante, à bord du steamer Restitution, dans la baie de la Possession [Géorgie du Sud). 


186 A. STEVENSON. — LES PÉCHERIES DE BALEINES DES ILES FALKLAND 


L'huile de baleine est généralement graduée 
en 4 qualités, représentées par les n° 1, I, IT et 
IV, auxquelles quelques compagnies ajoutent 
une cinquième, le n°0. Les qualités O et 1 sont 
préparées entièrement avec la graisse du corps, 
le n° Il avec la graisse de la langue et des reins, 
et avec les résidus d’ébullition de la précédente, 
le n° III avec la chair et les os, et le n° IV avec 
les déchets. 

On vend actuellement: les n9s 0 et 1 600 francs, 
le n° II 550 francs, le n° III 500 francs et le n° IV 
450 francs la tonne de poids net, rendue en 
Europe, barils compris. 

Enfin, on peut obtenir avec la chair et les os 
desséchés trois sortes de produits: 40 la farine de 
viande de baleine, préparée exclusivement avec 
la viande absolument fraiche. C’est un aliment 
nutritif et sain, contenant 17 1/2°/, de protéides, 
et très employé pour la nourriture du bétail; 
20 le guano de baleine, fabriqué avec le reste de 
la viande et un tiers d'os. Il contient à l'analyse 
$,5°, d'ammoniaque et 21°/, de phosphates 
tribasiques; 30 la farine d'os, faite exclusive- 
ment avec les os et renfermant 4°/, d’ammo- 
niaque et 50 /, de phosphates. 

L'ensemble de la carcasse desséchée peut éga- 
lement former un seul produit, constituant un 
riche guano contenant 10 à 12 % d'ammoniaque 
et 17 à 24 % de phosphates. 

La valeur actuelle de ces produits est d'environ 
17 francs par unité d’ammoniaque et de fr. 0,60 
par unité de phosphates par tonne rendue en 
Europe. 


IV 


Le nombre des sociétés qui pratiquent la pêche 
de la baleine aux îles Falkland et dépendances 
s'élève actuellement à 21, dont 1 pour les îles 


Falkland proprement dites, 7 pour la Géorgie du 
Sud, 10 pour les Shetlands du Sud et la Terre 
de Graham, et 3 pour les Orcades du Sud. 

Deux de ces compagnies sont argentines, les 
autres norvégiennes ou anglaises. Elles em- 
ploient 64 navires baleiniers. Il y a une usine 
côtière aux Iles Falkland et 5 dans la Géorgie du 
Sud, avec 2 usines flottantes; dans lesautres îles, 
il n’y a que des usines flottantes. 

La saison de pêche dure généralement du 
commencement de novembre à la fin d’avril dans 
la Géorgie du Sud; on y capture presque par 
moitiés des Jubartes et des gibbars et un peu de 
baleines bleues. 

La saison est plus courte aux Shetlands du 
Sud et à la Terre de Graham, où l’on ne trouve 
guère l’eau libre que pendant 4 mois et demi. 
On y rencontre surtout des gibbars, puis des 
baleines bleues et un peu moins de jubartes. 

Aux Orcades du Sud, où la saison est encore 
plus courte et ne dure guère que dela fin décem- 
bre au milieu de mars, on pêche les mêmes sortes 
de baleines. 

Enfin aux Iles Falkland on capture surtout le 
rorqual et le gibbar. 

La production totale desIles Falkland et dépen- 
dances pendant la saison 1912-1913 a été de 
430.000 barils d'huile {soit plus de la moitié de 
la production totale du monde) et de 8375 tonnes 
de guano, dont la valeur totale est d’environ 
33.750.000 francs. Cette industrie emploie envi- 
ron 3.500 personnes, composant les équipages 
des navires baleiniers et des transports, et les 
ouvriers des usines côtières et flottantes. 


A. Stevenson. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 157 


BIBLIOGRAPHIE 


ANALYSES ET INDEX 


1° Sciences mathématiques 


Véronnet(Alex.), Docteur ès Sciences. — Les Hypo- 
thèses cosmogoniques modernes. — 1 vol. in-8° de 
171 pages. (Prix : 4,fr.) A. Hermann et fils, éditeurs, 
Paris, 1914. 

Ce livre, réunion d'articles parus d'abord dans la 
Revue de Philosophie, suit à moins de trois ans de 
distance les Leçons sur les hypothèses cosmogoniques de 
H. Poincaré. Il s’en inspire directement; il y ajoute beau- 
coup de remarques intéressantes et de calculs judicieux, 
Le profond mathématicien qui a jelé tant d'éclat sur la 
science française eût accueilli cet essai d’un de ses élèves 
avec une bienveillance exempte de toute jalousie. Il n’y 
eût pas trouvé, croyons-nous, de motif pour quitter son 
attitude expectante. 

Deux états d'esprit très différents semblent avoir pré- 
sidé aux recherches faites depuis un siècle etdemi pour 
élucider l’origine de l'Univers. Les mystiques, suivant 
l'exemple donné avec éclat par Kant, veulent que le 
Monde ait été livré aux disputes des hommes pour ma- 
nifester la Pensée souveraine qui le dirige. C’est un 
devoir pour chacun de nous de se faire une représenta- 
tion de l'ensemble des choses, sans accepter de limite 
dans le temps ni dans l’espace. On devra placer à l’ori- 
gine un chaos aussi vaste, aussi inerte, aussi peu diffé- 
rencié que possible. Il faut que de cet état rudimentaire 
sorte, par le jeu de quelques lois simples, l'immense 
diversité que la Nature offre à nos regards. La Puis- 
sance créatrice sera ainsi révélée avec plus d'éclat, et 
l'intelligence qui aura reconstitué la chaine des trans- 
formations y trouvera une jouissance profonde, avant- 
goût de la félicité future dont notre existence terrestre 
doit être la préparation, 

Laplace et ses continuateurs,espritsanalytiques, procè- 
dent autrement.lls ne voient point de nécessité pour que 
le Monde ait jamais été beaucoup plus simple qu’il ne 
l’est aujourd’hui; mais il est certain, d'autre part, qu'il 
a changé. La méthode la plus sage consiste, pour eux, 
à représenter les phénomènes par des équations diffé- 
rentielles que l'expérience suggère et contrôle. On 
intègre ensuite ces équations en remontant dans le 
passé, aussi loin que le permettent la précision des 
données initiales et les ressources du calcul, Mais, quoi 
qu'on fasse, la limite est promptement atteinte et notre 
curiosité n’est pas satisfaite. On tente d'aller plus loin 
en s'inspirant des procédés des naturalistes. Le Ciel 
nous montre un certain nombre d’astres et de systèmes 
isolés. On les classe d'après leurs affinités apparentes, 
par ordre de complication croissante. On cherche à 
faire voir que la transition de l’un à l’autre est possible, 
On arrive même à présenter certaines de ces métamor- 
phoses comme nécessaires quand on a substitué aux 
objets réels des êtres fictifs, suflisamment simplifiés 
pour devenir justiciables du calcul. Les changements 
ainsi envisagés se sont-ils réellement accomplis, et dans 
quel sens? C'est à l'observation seule qu'il appartient 
de le dire. Or l’observation, consultée, reste muette ou 
ajourne sa réponse à plusieurs générations, Les physi- 
siens ne peuvent se mettre d'accord pour diresi, actuel- 
lement, la Terre se refroidit ou s’échauffe, si elle se 
dilate ou se contracte. C’est dire quel degré de confiance 
on peut accorder à la peinture de l’évolution d’une 
nébuleuse, Mais le temps consacré à de telles études 
n'aura pas été perdu si elles ont suggéré, chemin fai- 
sant, quelques beaux problèmes mathématiques, sus- 
ceptibles d’un énoncé net et d’un traitement élégant. 
Au fond Laplace et Poincaré n’ont jamais envisagé les 
cosmogonies sous un autre jour. Ils ne leur ont 


demandé que des satisfactions d'ordre esthétique, et 
l'on comprend très bien que Poincaré n'ait pas jugé 
utile d'ajouter un tableau d'ensemble à ceux qui avaient 
été tracés avant lui et qui fournissent déjà une ample 
matière aux spéculations, 

M. Véronnet, on le voit sans peine, se ratlache par 
son éducation et ses tendances, à l’école de Kant beau- 
coup plus qu’à celle de Laplace. La plus grande partie 
de son livre est une apologie de l'œuvre de jeunesse du 
philosophe de Kænigsberg, un essai pour la renouveler 
par l'introduction de données modernes, Avant tout, 
M. Véronnet voudrait disculper Kant du reproche que 
Poincaré lui adresse, d’avoir placé au début de sa syn- 
thèse une grave hérésie mathématique. En faisant évo- 
luer une nébuleuse primitivement immobile, Kant n'au- 
rait pas euen vue l’ensemble de la matièreexistante,mais 
seulement celle qui est aujourd’hui rassemblée dans le 
le système solaire. D’autres systèmes seront intervenus 
pour communiquer au premier le moment de rotation 
nécessaire. Cela est admissible, assurément. Mais que 
l'on y prenne garde : du moment que l’on fait réagir, 
dans une mesure importante, les systèmes les uns sur 
les autres, on perd le droit d’aflirmer, pour chacun d'eux, 
la conservation ultérieure de la masse, celle de l’éner- 
gie, celle du moment de rotation, la tendance constante 
à la dégradation de l'énergie. M. Véronnet ruine ainsi 
par avance à peu près tous les arguments qu'il opposera 
plus tard à l'hypothèse de Laplace et ceux dont il usera 
lui-même pour présenter certaines transformations 
comme plus vraisemblables que les autres. 

On sait que la naissance des anneaux et leur destruc- 
tion se sont toujours montrées rebelles au calcul. Pour 
Laplace et ses successeurs, les anneaux sont les préli- 
minaires habituels et réguliers de la naissance des pla- 
nètes et des satellites. Kant aimerait mieux voir dans 
ces appendices gênants un accident exceptionnel dont 
Saturne aurait offert l'unique exemple, Plus radical, 
M. Véronnet entreprend de démontrer que les anneaux 
ne peuvent ni prendre naissance ni se détruire, Il nous 
semble que l'observation suflit à rendre ces deux thèses 
suspectes. Les anneaux sont possibles, puisque Saturne 
et certaines nébuleuses en possèdent. On doit douter de 
leur stabilité puisqu'ils sont rares et il n’est pas diflicile 
d'imaginer des causes de perturbation qui les menacent. 
L'insuccès des traitements analytiques peut très bien 
tenir à ce que l’on a simplifié outre mesure les données 
du problème. Que, pour la commodité du caleul, on in- 
troduise seulement la gravitation et l'expansion des gaz, 
cela se comprend assez, Mais il ne faut pas perdre de vue 
que d’autres forces existent et font aux premières une 
concurrence victorieuse dans une matière très raréliée. 
On a beau jeu pour déclarer qu'un anneau tournanttout 
d’une pièce ou obéissant dans toutes ses parties aux lois 
de Kepler ne se condensera point en une masse unique. 
Toute capture est un phénomène de perturbation et si, 
de parti pris, on néglige les perturbations, il est clair 
que l’on n'aura point de capture. Les adversaires de 
Laplace montrent aussi peu de souci de la logique, 
quand ils aflirment la constance de l’énergie et du 
moment de rotation d’un système, tout en remarquant 
que ce système effectue sous forme de radiation une 
dépense colossale, qui a dû être encore plus grande dans 
le passé. Comment prouvera-t-on qu’une part de cette 
énergie dissipée n’a pas été empruntée au mouvement de 
rotation? 

Laplace savait très bien que l'on n'expliquerait pas 
les irrégularités actuelles du système solaire sans 
introduire quelques précisions dans l’esquisse extrême- 
ment sommaire qu’il a tracée. C’est volontairement qu'il 


188 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


ne l’a point fait. Des retouches dictées par le souci du 
résultat à obtenir auraient eu un caractère provisoire, 
subordonné au progrès des observations. Poincaré, très 
au courant des objections soulevées et des découvertes 
faites depuis, estimait facile une remise à neuf. Mais elle 
eût impliqué un choix arbitraire entre une multitude 
d'hypothèses possibles et, par suite, n'aurait point 
inspiré confiance. Laplace eût été plutôt tenté par l’idée 
de simplifier encore l’état initial, d'abandonner la cha- 
leur primitive, la forme sphérique, la rotation générale 
autour d’un même axe, de charger l'attraction seule 
d'organiser le chaos. Mais il eût demandé la preuve que, 
ce lest une fois jeté, les traits d'ensemble du système 
solaire devaient encore apparaître. Cette démonstration, 
Kant l’aurait donnée, si l’on en croit M. Véronnet. A 
notre avis, elle est encore à faire et même ne sera jamais 
faite. Comment croire qu'un soleil inexistant aurait vidé 
l’espace de son contenu homogène jusqu'aux distances 
stellaires, quand nous voyons le Soleil actuel, avec son 
énorme prépondérance de masse, incapable d’annexer 
les comèêtes qui viennent frôler sa surface ? 

Nous ne suivrons point M. Véronnet dans la revue, 
intéressante cependant, qu'il fait subir aux cosmogonies 
plus modernes. Il n’en adopte, en définitive, aucune, A 
l'égard des deux plus récentes, celles de MM. T. J. J. See 
et E. Belot, la critique aurait pu aisément, à ce qu'il 
nous semble, être accentuée, L'une réclame une évolu- 
tion prodigieusement longue, l’autre un cataclysme sou- 
dain, mais toutes deux sont dualistes, c’est-à-dire qu’elles 
mettent en présence, à un certain moment, deux systè- 
mes matériels qui, parleur origine, n’ontrien decommun. 
Or si l’on veut que, de cette rencontre, sortent planètes, 
anneaux et satellites, on ne peut que voiler plus ou 
moins habilement la nécessité d'attribuer à l’un au 
moins des deux corps en présence des caractères très 
spéciaux, très multipliés, et dont l'observation n'offre 
point d'exemple en dehors du système solaire. IL est 
dès lors plus simple d'accepter ce système tout fait!. 

En parlant, dans son Chapitre V, de l’évolution du 
Soleil et de celle dela Terre,M. Véronnet manœuvre sur 
un terrain plus sûr. Les expériences d'Amagat et de 
Van der Vaals sur les gaz fortement comprimés sont 
citées à propos et analysées dans leurs conséquences 
numériques. Ces conséquences sont alarmantes pour les 
naturalistes demeurés fidèles à la doctrine exclusive des 
causes actuelles. Les cent millions d'années que Lord 
Kelvin leur concédait à la rigueur pour la durée des 
temps géologiques leur sont refusés par M. Véronnet. 
Peu importe que la nébuleuse dilatée ait possédé une 
certaine dose de chaleur en plus de celle que la gravita- 
tion est capable d’engendrer. Cette provision, si elle a 
existé, s’est vite dissipée. Que l’on traite le Soleil comme 
un gaz parfait, commeun milieu adiabatique, comme un 
solide, comme un liquide, on ne peut douter qu'il ne se 
refroidisse, Ni les actions chimiques, ni la matière ra- 
diante, ni les météores, ni les contribulions des autres 
étoiles ne peuvent parer au danger. Seule la contraction 
agit utilement, mais déjà elle ne suffit plus, et son in- 
suflisance s’aggravera, car la densité moyenne du Soleil 
est devenue trop forte, Il y a deux millions d'années, le 
Soleil devait avoir un rayon double de son rayon actuel 
et la température de la Terre à sa surface dépassait 
100 degrés centigrades. Dans deux millions d'années, 
celte température sera tombée au-dessous de zéro, et 
notre globe ne saurait retarder que bien peu l'échéance 
en se rapprochant du Soleil, qui se sera refroidi encore 
plus vite, On doit donc se résoudre à considérer comme 
plus rapides l'adaptation des formes vivantes et le dé- 
pôt des sédiments. M. Véronnet ne craint pas, du reste, 


1. Nous avonsici en vue, pour ce qui concerne M. T. J.J. See, 
l'exposition qu’il semble avoir adoptée en dernier lieu (Bul- 
letin de la Société Astronomique de France, nov. 1914). Les 
thèses soutenues dans ses écrits antérieurs sont du caractère 
le plus ondoyant, et les résumés eux-mêmes auraient grand 
besoin d'être résumés. 


de passer à l'offensive et de montrer combien sont peu 
sûrs les chronomètres géologiques. 

Cédant à l'invitation, peut-être perfide, de Poincaré, 
l’auteur tente d’embrasser dans sa cosmogonie les nébu- 
leuses, Nous ne croyons pas qu’il trouve beaucoup de 
spectroscopistes pour le suivre quand il dit (p. 155) que 
les raies des nébuleuses gazeuses sont dues presque ex- 
clusivement à l'hydrogène et à l'hélium. 1l nous semble 
également hasardeux de supposer (comme il le fait 
p. 156) que les nébuleuses spirales sont formées de 
poussières non encore condensées, alors que beauconp 
d’entre elles englobent, d’une façon visible, de nom- 
breuses étoiles. Mais les idées émises au sujet des étoi- 
les nouvelles nous paraissent bien liées et dignes d’une 
grande attention, Nous aurions là une réalisation ap- 
prochée et exceptionnelle d’un cas évidemment fictif, 
celui d’une nébuleuse sphérique et homogène qui se 
contracte en partant du repos, de façon que ses élé- 
ments arrivent au centre au bout d’un temps très long, 
mais le même pour tous. Le dégagement d'une énorme 
quantité de chaleur dans l’espace de quelques jours est 
ainsi rendu vraisemblable. On devrait alors s'attendre 
à voir une étoile nouvelle éprouver des recrudescences, 
chacune étant, si l’on veut, séparée de la précédente par 
plusieurs siècles. Une fois de plus les observateurs sont 
invités à monter une garde assidue, avec l'espoir qu'un 
hasard favorable les aidera. Ce conseil est le plus sage 
que l’on puisse donner, mais on aura beau le faire en- 
tendre, les rôles d'historien du chaos, de prophète de 
la fin des temps, exerceront toujours leur dangereuse 
séduction. Ne le regrettons pas trop, s’il doit en résulter 
de temps à autre une belle œuvre littéraire, comme celle 
que nous devons à Kant. 


P, PuisEeux, 


Membre de l'Institut 
Asironome à l'Observatoire de Paris, 


De Grahl (G.)— Le fonctionnement économique du 
chauffage central. DiMENSIONS EXACTES, ÉTABLISSE- 
MENT ET MARCHE ÉCONOMIQUE DES INSTALLATIONS, 7ra- 
duit de l'allemand par A. ScuuserT, /ngénieur des 
Arts et Manufactures. Préface et annotations par 
G. DEBEssoN, ingénieur-conseil. — 1. vol. in-8° de 
XX11-9%38 pages, avec 96 fig. (Prix broché : 9 fr.; car- 
tonné : 10 fr. 50). H. Dunod etE. Pinat, éditeurs, 47 et 
49, quai des Grands-Augustins, Paris, 1914. 


Il s’agit ici de la traduction en bon français d’un 
ouvrage allemand. À priori, je serais enclin à en détour- 
ner le lecteur, estimant que la science et l’industrie de 
notre payssuflisent largement à nosbesoinsintellectuels 
et matériels, et que nous n'avons rien à apprendre des 
compilations confuses et toujours frelatées de nos voi- 
sins. Dans la circonstance toute spéciale où nous nous 
trouvons, je dois constater que nulle part le sujet du 
chauffage central n’a élé traité à fond et avec détails, et 
j'en conclus qu'il est de bonne guerre de mettre à profit 
la seule qualité quenous reconnaissions à nos ennemis, 
la patience et la minutie dans les recherches et les 
essais, et d'utiliser les très nombreuses expériences qui 
ont servi à l’un d'eux pour codilier les règles concernant 
l'établissement et la marche économique des installa- 
tions de chauffage si répandues aujourd’hui, 

Ce M. de Grahl est un expert en chauffage près des 
tribunaux de Berlin, 11 a publié le résultat de sesétudes 
pendant huit ans sur les casliligieux dont on lui a con- 
{ié l'examen. M. Schubert, ingénieur des Arts et Manu- 
factures, en offre aujourd’hui une traduction extrème- 
ment intéressante, et quirendra service à tous : aux 
experts, en leur montrant quelques-unes des méthodes 
employées, et les conclusions tirées ; aux entrepreneurs, 
en appelant leur attention sur les inconvénients des 
appareils trop faibles; aux fabricants, par une critique 
sévère des majorations excessives de la puissance 
« rationnelle » des appareils qu'ils vendent; aux ar- 
chitectes et à tous les propriétaires que le chauffage 
intéresse en leur apprenant une fois de plus qu'une 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


159 


installation qui consomme trop de charbon est une in- 
stallation insuflisante et mal faite, et que, lorsqu'ils 
achètent bon marché, ils paient en réalité trop cher, 
parce que la dépense d'achat ne se fait qu'une fois, 
tandis qu'un entretien onéreux est un supplément 
journalier de dépense. 

Le techniciensaura faire son profit des renseignements 
du livre, l'entrepreneur y puisera une crainte salutaire 
des coellicients majorés, l'architecte et le propriétaire 
comprendront pourquoi tant de leurs installations sont 
délectueuses, et pourquoi les frais de combustibles de 
leurs chauffages sont souvent ruineux, 

Malgré son origine première, ce travail recevra 
l'accueil qu'il mérite; entièrement basé sur les expé- 
riences faites au cours d’expertises judiciaires ou amia- 
bles, il confirme nombre de théories, Il est utile à tous 
ceux que la question du chauffage intéresse, mérite 
l'étude et les commentaires des Groupements d'Entre- 
preneurs et des Associations d'Ingénieurs et contribuera 
certainement à l'amélioration de la technique du chauf- 
fage. 


Emile DEMENGE. 


r° Sciences physiques 


Vennin (L.), /ngénieur principal des Poudres et Salpé- 
tres, et Chesneau (G.), /aspecteur général des 
Mines. — Les poudres et explosifs et les mesures 
de sécurité dans les mines de houille (7. V/7 de 
l'encyclopédie de Science chimique appliquée). — Un 
fort volume in-8° de 573 p. avec 114 figures. (Prix relié: 
25 fr.). Ch. Béranger, éditeur, 15, rue des Saints-Pères, 
Paris, 1914. 


L’excellent ouvrage de MM. Chesneau et Vennin com- 
ble une très importante lacune dans notre littérature 
scientifique. Bien que la science des explosifs soit en 
grande partie œuvre de savants français, parmi lesquels 
il convient de citer au premier plan les noms de Sarrau, 
de Berthelot et de Vieille, il n’existait jusqu’à ce jour 
aucun traité d'ensemble concernant les explosifs. Il n’en 
est plus ainsi aujourd’hui. Le traité de MM. Chesneau 
et Vennin comporte deux livres. 

Le livre I, rédigé par M. l'Ingénieur principal des 
Poudres et Salpêtres Vennin, concerne les poudres et 
explosifs, tandis que lelivre Il, dû à la plume autorisée 
de l’Inspecteur général des Mines Chesneau, traite des 
mesures de sécurité dansles mines de houille. 

Le livre I se subdivise lui-même en 5 parties : 

La première a trait à l'étude théorique des matières 
explosives. On sait que ce domaine de la science a sur- 
tout été exploré par Sarrau, à qui nous sommes non 
seulement redevables des moyens de calculer aisément 
les caractéristiques théoriquesdes explosifs, mais encore 
de la théorie des manomètres à écrasement. Le premier 
chapitre du livre Iest consacré à l’étude de ces notions 
fondamentales. La dynamique des matières explosives 
est étudiée dans le second chapitre, qui comprend, en 
outre, l'exposé des lois de la combustion des poudres de 
diverses natures et l’étude du phénomène de la délo- 
nation, 

Les essais pratiques des matières explosives consli- 
tuent le sujet du second livre. Sont étudiés en détail et 
avec compétence les divers essais des explosifs ordi- 
naires, ceux des explosifs antigrisouteux et des poudres 
balistiques. 

Dans la troisième partie de l'ouvrage, la chimie et la 
fabrication des composés explosifs font l’objet d’un ex- 
posé complet, tandis que la quatrième s'occupe des 
mélanges explosifs divers et des poudres, 

Le mode d'emploi des matières explosives est décrit 
dans la cinquième partie; celui des explosifs dans les 
mines et le tirage des mines y sont exposés, 

Ainsi que nous l'avons dit plus haut, la très impor- 
tante question de la sécurité dans les mines de houille a 


été traitée par M. Chesneau, dont la haute autorité 
en cette matière est connue de tout le monde, La lutte 
contre le grisou, celle contre les poussieres font l'objet 
de chapitres spéciaux. Les expériences remarquables 
entreprises à la station de Liévin, sous la haute direc- 
tion de M, l'Ingénieur des Mines Taffanel, sont décrites 
el résumées avec soin. 

L'emploi des explosifs antigrisouteux et l'étude des 
mesures de sécurité, en cas de sauvetage, forment la 
matière des deux derniers chapitres de l'ouvrage. 

Une rédaction excellente, une documentation biblio- 
graphique des plus complètes ajoutent à la valeur dy 
savant traité de MM. Chesneau et Vennin, dont on peut 
hardiment prédire le grand succès. 


LtC!l P:B. 


3° Sciences naturelles 


Raveret-Wattel (C.), Ancien Maitre de Conférences 
de Pisciculture à l'Ecole nationale des Ponts et 
Chaussées. — La Pisciculture industrielle. — 1vol. 
in-18 de 396 pages avec 74 fig. de l'Encyclopédie scien- 
tifique, publiée sous la direction du D' Toulouse. 
(Prix cart.:5 fr.) O. Doin et fils, éditeurs, Paris, 1914. 


Les livres de pisciculture, et, d'une façon générale, les 
ouvrages consacrés aux applications des sciences nalu- 
relles, appartiennent à deux catégories bien tranchées, 
Les uns, les moins nombreux, sont des traités surtout 
scientifiques el techniques, où les problèmes souvent 
complexes de la biologie normale, et ceux de l’élevage, 
sont étudiés à fond, mis au point, et leurs solutions 
mutuellement comparées, pour montrer les avantages 
obtenus, avec les progrès qui restent à accomplir, Les 
autres, plutôt pratiques, sont des manuels dansle meil- 
leur sens du terme, c’est-à-dire des guides destinés à 
faciliter aux commençants, comme aux personnes déjà 
expérimentées, les opérations parfois délicates de toute 
zootechnie. 

C’est à cette dernière catégorie qu'appartient l'ou- 
vrage récent de M. C. Raveret-Wattel, Praticien émé- 
rite lui-même, justement réputé, et bien connu par ses 
publications antérieures, l'auteur se trouvait tout dési- 
gné pour écrire sur la pisciculture industrielle un livre 
répondant vraiment à son objet. Malgré son petit format 
et ses dimensions minimes, ce volume possède tout 
ce qu'il lui faut pour remplir son rôle; rien d’essentiel 
ni d’utile n’y est omis, et toutesles acquisitions les plus 
récentes de la technique piscicole s’y trouvent men- 
tionnées, 

Une illustration suflisante facilite, du reste, la com- 
préhension des parties les plus ardues, bien que le 
clair style de l’auteur dans ses explications rende sou- 
vent superflue une telle précaution. 

M. Raveret-Wattel a judicieusement divisé son ou- 
vrage en deux parties principales. La première traite 
de l'élevage des Salmonidés ; elle débute par exposer ce 
qui convient à l'aménagement d’un établissement et de 
son laboratoire; elle continue par l'examen de l’éle- 
vage aux diverses époques de la vie du poisson, et selon 
les nécessités variables de l'industrie elle-même; elle 
s'achève par l'étude du commerce des pièces livrées sur 
les marchés. La deuxième partie concerne, selon un plan 
peu différent, l'élevage de la Carpe et - l'exploitation 
des étangs. 

Une troisième partie s'adresse aux maladies qui déci- 
ment trop souvent les bassins de pisciculture, et aux 
remèdes qui servent à les combattre. Enfin un appen- 
dice d’une trentaine de pages, consacré à l’Astacicul- 
ture ou élevage äe l’Ecrevisse, achève cet excellent 
volume, dont tout pisciculteur fera volontiers son pro- 
fit. 

Louis ROULE, 
Professeur au Museum National d'Histoire naturelle. 


Launoy (L.), Professeur agrégé à l'Ecole supérieure 
de Pharmacie. — L'appareil thymo-thyroïdien. 
Thyroïdes, parathyroïdes, thymus. — vol. in-S° 
de xvi-405 pages avec 50 fig. (Prix : 44 fr.) J. B. Bail 
lière et fils, éditeurs. Paris, 1914. 


Dans la préface de son livre, M. Launois définit le 
but qu'il s’est proposé d'atteindre : «présenter au publie 
médical et scientifique une étude aussi complète que 
possible de l’appareil thymo-thyroïdien ». Pour y 
réussir, il étudie tour à tour l’anatomie comparée, l’his- 
tologie, la physiologie des thyroïdes, des parathyroïdes 
et du thymus, et décrit minutieusement les grands 
syndromes d’insuflisances glandulaires expérimentales, 
el sommairement les insuflisances spontanées, qui, 
chez l’homme, s'appellent myxæœdème, tétanie, etc. Il 
justifie la mise au second plan de l'histoire clinique de 
l'appareil thymo-thyroïdien par cette remarque : 
« l'étude physiologique domine en effet tous les autres 
points de la question; elle seule peut élucider les pro- 
blèmes de pathogénie qui se posent, si passionnants, à 
propos de la genèse de certaines affections, le goitre 
exophtalmique ou la tétanie infantile, par exemple. » 

M. Launois a groupé dans son ouvrage les thyroïdes, 
les parathyroïdes et le thymus, ce qu’il appelle l'appa- 
reilthymo-th yroïdien, ets’efforce dans son avant-propos 
de justifier cette conception. 

« On peut dire, écrit-il, que thymus, parathyroïdes et 
thyroïdes constituent une trilogie de glandes étroite- 
ment unies. Elles le sont, non seulement par une com- 
munauté d’origine (épithélium de l'intestin branchial), 
mais encore par d'intimes connexions de voisinage, qui 
les font se pénétrer les unes les autres (parathyroïdes 
incluses dans les thyroïdes, parathyroïdes incluses 
dans le thymus; restes thymiques inclus dans les 
thyroïdes et les parathyroïdes), et par l'identité de cer- 
taines de leurs propriétés physiologiques. » 

IL semble que cette conception n’a qu'une valeur bien 
fragile et tout au plus provisoire, et que de nombreux 
faits conduisent à séparer nettement l’un de l’autre, au 
point de vue physiologique et pathologique, l'appareil 
thyroïdien et l'appareil parathyroïdien. Cette sépara- 
tion me semble d'autant plus indispensable que plu- 
sieurs auteurs ont prétendu (à tort, comme on le sait 
aujourd’hui) établir la réalité d'une corrélation entre 
les glandes thyroïdes et parathyroïdes et démontrer la 
possibilité de leur mutuelle suppléance, et que cette 
notion, absolument inexacte, estencore acceptée comme 
digne de considération par quelques physiologistes et 
par quelques auteurs d'ouvrages classiques. Quant au 
rapprochement du thymus et des parathyroïdes ou du 
thymus et des thyroïdes, il ne semble pas s'imposer 
d’une façon impérieuse, les similitudes sur lesquelles 
M. Launois appelle l'attention étant peut-être plus 
apparentes que réelles. Mais ce sont là remarques qui 
n’enlèvent rien à la valeur scientifique incontestable du 
bel ouvrage que publie M. Launois, 

L'étude anatomique, embryologique et histologique 
des trois glandes vasculaires sanguines est faite avec 
tous les développements désirables. Quelques physio- 
logistes trouveront peut-être que cette partie de l’ou- 
vrage a été trop longuement traitée (elle représente le 
quart du volume); mais cette critique pourrait être 
facilement réfutée par l’auteur : n'est-ce pas l'ignorance 
ou la méconnaissance des différences histologiques 
fondamentales existant entre les thyroïdes et les para- 
thyroïdes à l’état adulte ou à l’état embryonnaire qui a 
été la cause de l'erreur grave commise par les physio- 
logistes pour lesquels les parathyroïdes étaient des 
thyroïdes restées à l’état embryonnaire, n’attendant 
pour se développer et évoluer que la suppression opé- 
ratoire des thyroïdes et les suppléant fonctionnelle- 
ment après avoir augmenté de volume et changé de 
constitution ? Nous conelurons de ces quelques réflexions 
que la première partie de l'ouvrage de M. Launois ne 
constitue pas une inutililé, bien au contraire. 

L'exposé de nos connaissances sur les fonctions des 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


thyroïdes et des parathyroïdes, qui occupe la moitié du 
livre, est fait avec toute l'ampleur, toute la documenta- 
tion, toute la précision et toule la clarté qu'on peut 
désirer. L'auteur passe d’abord en revue les travaux se 
rapportant à la composition chimique des thyroïdes et 
notamment à ce corps si remarquable chimiquement, 
physiologiquement et thérapeutiquement qu'est l’iodo- 
thyrine, composé iodé, considéré, à tort peut-être, 
comme le représentant le plus important de la sécrétion 
thyroïdienne normale ou pathologique, et qui agit de si 
remarquable façon sur la circulation sanguine et sur le 
métabolisme azoté. Puis il résume magistralement l’én- 
semble des recherches aujourd’hui classiques sur les 
phénomènes consécutifs à l’ablation chirurgicale ou ex- 
périmentale de l'appareil thyro-parathyroïdien et rap- 
pelle les importantes conclusions de ces recherches rela- 
tives à la distinction fondamentale des deux organes 
thyroïdien et parathyroïdien et de leurs deux fonc- 
tions. Il complète son exposé par l'examen des faits 
pathologiques du myxœdème et de la tétanie, décrits par 
les médecins. 

M. Launois, dans cette partie de son livre, expose des 
faits et ne les obseurcit pas, comme tant d’autres le font, 
hélas, de nos jours, sous les nébuleuses théories. Il fait 
d'ailleurs à ces théories une très large place dans quel- 
ques chapitres, où il étudie spécialement la genèse de la 
tétanie parathyroïdienne, l’acidose parathyréoprive, 
l'état de quelques glandes à sécrétion interne après 
interventions sur l’appareil thyro-parathyroïdien, l’'hy- 
perthyroïdisme et le goitre exophtalmique. Signalons 
enfin, pour ne rien oublier, le chapitre sur la thérapeu- 
tique de l'insuffisance thyroïdienne et de l’insuflisance 
parathyroïdienne. 

La troisième partie de l'ouvrage est consacrée au 
thymus. M. Launois a donc en fait, et très légitimement 
àmonavis, séparécomplètement, dans son exposé, ce qui 
touche au thymus de ce qui touche aux thyroïdes et aux 
parath yroïdes. Dans cette partie, il expose tous les faits 
aujourd’hui connus, relatifs à cette glande vasculaire 
sanguine :anatomie, histologie, involution, chimie, expé- 
riences d’ablation, action physiologique des extraits de 
thymus, relations fonctionnelles du thymus avec les 
organes glandulaires. 

Pour terminer cette bien imparfaite analyse, je ne 
saurais mieux faire que de citer les paragraphes sui- 
vants de la préface de l’ouvrage : 

«Il ne faudra pas chercher dans notre ouvrage une 
bibliographie intégrale de la question, Encore que nous 
n’ayons méconnu aucun mémoire important ou même 
secondaire, nous n'avons pas voulu nous laisser sub- 
merger par l’amas des publications sans grand intérêt, 
qui, sur les thyroïdes en particulier, débordent des 
périodiques. 

« Nous avons voulu exposer clairement un sujet très 
confus, très embrouillé, peu défini, puisqu'il tient de 
l'anatomie, de la physiologie, de la pathologie, de la chi- 
mie, etc., ete,; nous avons voulu gagner en clarté ce 
que nous avons perdu en documentation, où plus exac- 
tement en bribes de documentation. Nous espérons 
ainsi répondre aux désirs du lecteur français qui de- 
mande, à bon droit, non des aceumulations de faits plus 
ou moins contradictoires, mais des faits précis et 
certains. 

« Il est inutile d'ajouter que nous n'avons pas fait ici 
une œuvre de compilation, pure et simple; nous avons 
habituellement pris parti, en apportant dans le débat 
nos documents personnels. » 

Je féliciterai de grand cœur M. Launois de nous avoir 
donné un livre bien français, c’est-à-dire clair, précis et 
bien ordonné. 


Maurice ARTHUS, 


Professeur de Physiologie 
à l'Université de Lausanne. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 191 


‘ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÈMIE DES SCIENCES DE PARIS 


Séance du 47 Mars 1915 


M. le Président annonce le décès de MM. G. W. Hill 
et G. J. Auwers, Correspondants pour la Section d'As- 
tronomie. 


10 SCIENCES PuYs1QUEs. — M. André Brochet: Sur la 
réduction catalytique de l’indigo et des colorants pour 
cuve. De l’indigo sec ou sous forme de pâte est mis en 
suspension dans l’eau tenant en dissolution un peu de 
soude caustique, et l’on ajoute du nickel actif, noyé à 
l'abri de l’air dans de l’eau bouillie aussitôt après sa 
réduction. Si l'on agite ce mélange dans une atmosphère 
d'hydrogène, on constate la décoloration de l’indigo et 
son passage à l’état d’indigo blanc qui donne aussitôt 
la solution jaune verdâtre bien connue. L'action se pro- 
duit déjà à la température ordinaire ; elle est excessive- 
ment rapide si l’on opère vers 60°-800, Le nickel actif 
conserve ses propriétés pendant un temps fort long. Ce 
procédé a l’avantage de permettre d'obtenir économi- 
quement des solutions concentrées d’indigo blanc, 
exemptes d'impuretés et de sels, qui pourront être con- 
centrées dans le vide afin d’obtenir l’indigo blanc en 
pâte. La même méthode est susceptible de s'appliquer à 
d’autres colorants pour cuve. 


20 SCIENCES NATURELLES. — M,E. L. Bouvier: Sur 
les formes adaptatives du Scyllarus arctus L. et sur le 
développement post-larvaire des Scyllares. M. Bouvier 
a trouvé dans les collections de la Princesse-Alice un 
exemplaire de MWisto asper. Il présente, non seulement 
tous les caractères du stade post-larvaire nisto, mais en 
outre certaines particularités propres au Scyllarus 
arctus. Il suit de là que cette dernière espèce, avant 
d'acquérir sa forme définitive, présente à partir du 
phyllosome deux stades nisto successifs, probablement 
séparés par une mue : l’un petit, déprimé, rugueux et 
riche en épines ou spinules ; l’autre plus grand et plus 
convexe, lisse, presque totalement dépourvu d’épines ; 
le premier est le stade nisto asper, le second le stade 
nisto laevis. Les deux formes décrites par Sarato comme 
des espèces autonomes représentent en réalité deux états 
post-larvaires du S. arctus. Le Sc. immaturus parait 
ètre le nisto du second stade du S. pygmaeus. Le 
Sc. depressus serait de même le nisto du second stade 
du Sc. americanus. — M. M. Molliard : L’azote libre et 
les plantes supérieures. L'auteur déduit de ses expé- 
riences que le radis est incapable d'utiliser l’azote libre 
de l'air, IL est vrai que ses plantes ont toujours eu à 
leur disposition de l’azote combiné et que, d’après 
Mameli et Polacci, l'assimilation de l'azote de l’air est 
favorisée par la faim de la plante en azote combiné. 
Toutefois, des plantes provenant de graines mises à 
germer, en tubes fermés à l’ouate, sur une solution 
exempte dès le début d'azote combiné, n'ont jamais 
offert un poids d’azote supérieur à celui qui existait 
dans la graine, — M. J. Caralp: Sur un mélaphyre per- 
mien des Pyrénées ariégeoises. Aux environs de Nescus 
(Ariège). l’auteur a trouvé en coulées épaisses une roche 
qui doit être classée dans la catégorie des mélaphyres 
augitiques. Elle renferme peu de minéraux accessoires, 
mais beaucoup de minéraux secondaires : calcite, cal- 
cédonite, delessite, bowlingite, produits ferrugineux. 
Cette roche se rencontre à la partie supérieure des grès 
et argiles du Saxonien et est parfois recouverte par 
des calcaires siliceux du Thuringien; elle date donc 
des derniers temps de l’époque primaire. 


Scance du 8 Mars 1915 


M. le Président annonce le décès de M, W. Hittorf, 
Associé étranger, 


1° SCIENCES PHYSIQUES. — M, A. Leduc : Les phéno- 
mènes de diffraction et le mouvement de la Terre. L'au- 
teur a fait, avec M. Décombe, des observations pour 
montrer l'influence du mouvement de la Terre sur son 
orbite sur les phénomènes de diffraction, en opérant 
sous l’incidence normale. Les observations n’ont donné 
aucun résultat, contrairement aux déductions de Mas- 
cart. L'auteur montre que le raisonnement élémentaire 
de Mascart est erroné. — M. Em. Saillard: Za catalyse 
dans l'oxydation des sulfiles alcalins. L'auteur a con- 
staté qu'en sucrerie il se forme plus de sulfates par 
oxydation si l’on sulfite les jus à 120), de sucre que si 
l’on sulfite les sirops à 501}; de sucre ou les égouts. IL 
s’en forme plus également si l’on fait la sulfitation à 
une température élevée. Enfin, il est diflicile d’oxyder 
les sulfites alcalins des mélasses en faisant barboter de 
l'air dans celles-ci. Le sulfite et le carbonate de calcium 
qui prennent naissance lorsqu'on opère simultanément 
la sulfitation et la 2° carbonatation peuvent activer la 
transformation en sulfates des sulfites alcalins dissous; 
de même si l’on sulfite des jus ou des sirops d'usines 
qui contiennent de la chaux précipitable, le sulfite de 
Ca qui se met en suspension peut favoriser l'oxydation 
des sulfites alcalins dissous. 


2° SCIENCES NATURELLES, — MM. Agasse Lafont. 
Desmoulins et F. Heim: Sur la pneumokoniose des 

olisseurs de métaux. Chez les polisseurs de métaux, 
dont l’état de santé reste en apparence assez bon pour 
qu'ils puissent continuer, pendant de longues années, 
l'exercice de leur profession, on constate l’existence 
constante d'une pneumokoniose qu'on peut, clinique- 
ment et radiologiquement, caractériser comme suit : 
toux, expectorations sans hémoptysies, contrastant 
avec le caractère atténué des signes physiques : inten- 
sité des ombres ganglionnaires, pulmonaires, bronchi- 
tiques, médiastinales, à l'examen radioscopique. Chez 
les polisseurs d’étain, une imprégnation saturnine se 
superpose, révélée par des signes hématologiques et 
aboutissant le plus souvent à des manifestations clini- 
ques marquées. — M. Weïinberg : Æecherches sur La 
gangrène gazeuse. L'auteur communique de nouvelles 
observations montrant que, dans la grande majorité 
des cas, la gangrène gazeuse est due au 2. perfringens. 
IL a préparé, avec des cultures de 24 h. de ce microbe 
en bouillon glucosé, lavées en eau physiologique et 
chauffées 1 h. à 60°, un vaccin qui est bien supporté eta 
une bonne action sur l’évolution de la maladie. Pour 
les cas à marche foudroyante, il utilise un sérum pré- 
paré en faisant au cheval des injections intra-veineuses 
d’abord de cultures mortes, puis de cultures vivantes 
du microbe. Ce sérum s’est montré nettement préventif, 
et curatif chez le cobaye. IL vient d’être essayé avec 
succès sur l'homme. — MM. M, Lugeon et G.Henny: 
Sur la zone du Canavese et la limite méridionale des Al 
pes. Les auteurs ont reconnu qu’à côté des éléments al- 
pins, la zone dite du Canavese (formant la limite entre 
les Alpes et les Dinarides) contient également des cou- 
ches appartenant aux formations dinariques. La zone 
dioritique n'est qu’un noyau cristallin dinarique dont 
la couverture sédimentaire revêt la forme d’un vaste 
anticlinal (anticlinal insubrien), à grand rayon paral- 
lèle à la limite alpino-dinarique. Le flanc nord de l’an- 
ticlinal s'enfonce sous les Alpes et fait réapparaitre sa 
couverture sédimentaire à cette limite elle-même. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 


Seance du 23 Février 1915 

M. Gilbert Ballet présente, au nom d’une Commis- 
sion spéciale, un rapport sur les mesures à prendre 
contre l'alcoolisme, 11 conclut à l'adoption des vœux 
suivants : L'Académie de Médecine, regrettant que les 
mesures destinées à lutter contre le développement et 
la diffusion de l'alcoolisme en France aient été trop 
longtemps ajournées, estimant que le devoir patriotique 
commande impérieusement de prendre ces mesures sans 
retard, renouvelle aux pouvoirs publics ses félicitations 
pour la suppression de la fabrication et de la vente de 
l’absinthe, et émet le vœu : 1° Qu'on institue une sur- 
taxe et une réglementation pour la fabrication et la vente 
de tous les apérilifs renfermant des essences, et même 
pour ceux à base de vin titrant plus de 25°; 2° Que le 
Parlement prenne les mesures nécessaires pour réduire 
dans un bref délai, et d'une façon notable, le nombre 
des débits; 3° Qu'une loi interdise la vente des spiri- 
tueux, des liqueurs ou des apéritifs autres que ceux à 
base de vin Litrant moins de 29° et ne renfermant pas 
d’essences, en dehors des salles de restaurant et autre- 
ment que comme accessoires de la nourriture ; 4° Qu'il 
soit défendu, sous des peines sévères, de servir dans 
les débits, de quelque nature qu'ils soient, des boissons 
alcooliques aux femmes et aux enfants seuls on accom- 
pagnés de leurs parents; 5° Qu'on abolisse le privilège 
des bouilleurs de cru; 60 Qu'on ne reconnaisse pas 
comme susceptibles de réclamation par voie judiciaire, 
les dettes pour achat à crédit d'alcool au détail, En 
outre, l'Académie appelle l'attention des pouvoirs pu- 
blies sur la nécessité qu'il y a à prendre les disposi- 
tions indispensables pour assurer le respect des lois ou 
décrets visant la consommation des boissons alcooliques; 
elle réclame l'application de la loi sur l'ivresse publie 
que, fâcheusement tombée en désuétude, en faisant ap- 
pel, au besoin, au concours de la Ligue nationale anti- 
alcoolique. Elle signale l'intérêt qu'il y aurait, à l'heure 
présente, à faire inspecter les agglomérations mili- 
taires du territoire où sont réunis des soldats va- 
lides, convalescents ou blessés, pour s'assurer qu’une 
fächeusetolérancen’y expose pas ces soldats aux graves 
inconvénients de l'alcoolisation ou de l'ivresse, — 
M. M. Mendelssohn : De la valeur diagnostique et pro- 
nostique de l'examen électrique des nerfs sectionnés ou 
comprimés. L'auteur montre que l'examen électrique des 
nerfs lésés présente une valeur diagnostique incontes- 
table, quoique relative, et une valeur pronostique de 
premier ordre. Dans ces conditions, il paraît indiqué 
que tout examen fonctionnel d'une blessure des nerfs 
soit corroboré par un examen électrique minutieux, qui 
permettrait dans la majorité des cas de reconnaître les 
différents degrés d’altération du nerf sectionné ou com- 
primé, Quant à l’incision exploratrice, elle devrait être 
réservée pour des cas exceptionnels et très compliqués, 
dans lesquels l'exploration électri ique ne peut fournir 
aucun renseignement précis sur l’évolution de la lésion 
dans le nerf intéressé. — MM. Leclainche et Vallée: 
Sur le traitement sérique spécifique des plaies. Les au- 
teurs montrent qu'il est possible d'assurer la digestion 
des agents microbiens des plaies en apportant aux cel- 
lules organiques, avec un sérum spécifique, les sensibi- 
lisatrices correspondantes, et de conserver à ces cellules 
toute leur vitalité et leur aptitude à édifier des tissus de 
réparation, qui sont souvent altérées par l'emploi des 
antisepliques. Dans ce but, les auteurs préparent un 
sérum polyvalent renfermant les anticorps correspon- 
dant aux agents des diverses inflammations et suppu- 
rations : staphylocoques, streptocoques, colibacilles, 
bacille pyocyanique, Proteus, vibrion septique, 2. per- 
fringens. L'action du sérum polyvalent s'exerce locale- 
ment sur les plaies de toute nature et de toute origine, 
suppurantes où non; Son application est 


indolore, Le 


pus s’atténue et disparait rapidement, la plaie se dé- 
terge. L'emploi du sérum est exclusif de tout antisepti- 
que, — MM. Oelsnitz, Bourcart et Ronchise: L'étude 
du sang pur appliquée au diagnostic de la fièvre ty- 
phoide el d'autres maladies infectieuses. Les auteurs 
recommandent, pour le diagnostic précis et rapide de 
certaines maladies infectieuses en temps de guerre, la 
méthode de Hayem consistant dans l'examen microsco- 
pique immédiat d’une goutte de sang pur recueilli sur 
une lame à rigole. Le sang des typhiques, en particu- 
lier, présente un réticulum fibrineux invisible en couche 
mince avec diminution des globules blanes; lestravées 
des globules rouges, espactes, clairsemées, délimitent 
des espaces ouverts où « mers ». Cette méthode aide à 
l'orientation du diagnostic chaque fois que la séro- 
agglutination ne peut être pratiquée, ou chez les sujets 
ayant subi la vaccination antityphoïde qui ont tous un 
séro-diagnostie positif. Elle permet de distinguer la fièvre 
typhoïde de l'embarras gastrique fébrile, des pneumo- 
nies et bronchites à allure anormale, 


Séance du 2 Mars 1915 

L'Académie adopte à l'unanimité les conclusions du 
Rapport de M. Gilbert Ballet sur les mesures à prendre 
contre l’alcoolisme (voir ci-dessus), 

MM. L. Spillmann et A. Sartory : Le lrailement du 
létanos confirmé par le sérum antitétanique et le chlo- 
ral, La pratique des auteurs à l'Hôpital militaire de 
Nancy les amène aux conclusions suivantes : 1° Lorsque 
les provisions de sérum antitétanique sont suflisantes, 
tout blessé venant du champ de bataille doit recevoir 
une injection préventive de sérum antitélanique. Lors- 
que les provisions seront insuflisantes, le sérum sera 
réservé aux blessés à grand délabrement dont les plaies 
anfraclueuses auraient été souillées de terre. 2 Dès 
qu'un signe seulement probable de tétanos est constaté 
chez un blessé qui n’a pas reçu d'injection préventive, 
il faut faire immédiatement des injections sous-cutanées 
de sérum (40 em* par jour au moins), prescrire 18 à 
20 gr. de chloral par 24 h. et l’enveloppement ouaté de 
la tête. S'assurer toujours de la date à laquelle aurait 
pu être faite antérieurement une injection de sérum pré- 
ventive, pour éviter les accidents anaphylactiques. 
3" Dans le tétanos confirmé, agir de même, 4° Le trans- 
fert des blessés atteints de tétanos confirmé parait leur 
être fatal, Il faudrait donc traiter les tétaniques sur 
place, dans les formations sanitaires où ils se trouvent. 
— MM. P. Carnotet E. Weill-Hallé : ltude bactério- 
logique et AUUr de quelques cas de typhoïde chez les 
vaccinés, 1 Dans l’immense majorité des cas, la vacei- 
nation PA PTRETE préventive donne une immunité 
complète, 20 Dans quelques cas très rares, les vaccinés 
ont présenté une maladie d’allure typhique : à l'examen 
bactériologique, celle-ci a été rapportée, parfois, à un 
bacille paratyphique; mais, le plus souvent, le bacille 
d'Eberth lui-même en était la cause, 3° L'insuflisance 
d'immunisation,dans quelques cas, peut être attribuée à 
un mode défectueux de vaccination: doses insuffisantes, 
séances trop espacées, 4° Le fléchissement de l’immunité 
vaccinale paraît lié, parfois, à un aflfaiblissement de 
l'organisme, par surmenage des troupes en campagne, 
par maladies associées (tuberculose). 5° Dans d’autres 
as, il y a lieu de mettre en cause l'abondance ou la 
virulence des germes typhiques absorbés : en pareilles 
conditions, une immunilé moyenne ne suflit plus, et il 
serait utile de procéder à une hyperimmunisation par 
vaccination renforcée, 6° Alors même que l’immunisa- 
lion vaccinale paraît avoir été insuflisante, il est remar- 
quable de constater que la dothiénentérie développée 
chez les vaccinés est presque toujours bénigne, de 
courte durée el sans complication. 7° Ces constatations, 
bien loin de faire échec à la méthode des vaccinations 
anlityphiques, lui apportent, au contraire, un argumen 
de plus. 


it 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE 
Séance du 19 Février 1915 


M. Maurice Hamy décrit un dispositif, construit 
d'après ses indications par M. Jobin, permettant d’obte- 
nir facilement les radiations d'arc des solides conduc- 
teurs en faisant emploi de courant alternatif. Dans cet 
appareil, la source rayonnante est constituée par les 
étincelles de rupture du contact de deux électrodes, 
dont l’une est liée à un moteur électrique et l’autre fixée 
à l'extrémité d'un levier mobile autour d’un axe. La 
touche des électrodes, pendant la marche, doit se réduire 
à un simple frôlement. Elle est réglable au moyen de 
vis. La pression modérée déterminant leur frottement 
est assurée par un contrepoids, Un amortisseur à eau, 
en liaison avec le levier, a d’ailleurs pour effet de régu- 
lariser le fonctionnement de l'appareil, En cas d'emploi 
d'un moteur synchrone, l'émission lumineuse offre 
l'apparence d'une flamme continue. Mais ce genre de 
moteur ne démarrant pas de lui-même, l’auteur a pré- 
féré faire usage d’un petit moteur à cage d’écureuil dont 
la mise en marche est automatique. Le rotor de ce 
moteur n'étant pas accroché au champ inducteur, la 
phase du courant change légèrement entre deux con- 
tacts successifs des électrodes, en sorte que l'arc subit 
des variations périodiques d’intensité, IL s'allume et 
s'éteint de trente à quarante fois par minute, suivant 
le moteur. Il n’en résulte aucun inconvénient, au point 
de vue spectroscopique, Le nombre de flammes, émises 
pendant la durée de la pose, sert même à évaluer 
l'impression photographique. M. Hamy a vérilié que les 
radiations engendrées par cet appareil, pourlefer, sont 
les mêmes que celles de l’are continu ordinaire. Les 
étalons secondaires de Fabry et Buisson sont identiques, 
dans les deux cas, au point de vue de la simplicité opti- 
que. L'objet principal que l’auteur a cherché à atteindre, 
en réalisant ce dispositif, était d'obtenir des spectres 
photographiques du fer, présentant un aspect toujours 
identique, même à des dates très différentes. Il a trouvé, 
avec M. Millochau, que ce desideratum est obtenu, dans 
les limites de variations du Secteur de la rive gauche 
(9° volts à 130 volts), en caleulant le temps de pose T 
par la formule T — # V-®, V étant le voltage aux bornes 
du secteur et k une constante dépendant des conditions 
expérimentales et de la résistance intercalée dans le 
circuit de l'arc (6 ohms dans ses expériences). L'appareil 
de M. Hamy peut d'ailleurs être monté pour utiliser le 
courantcontinu. — M. Foveau de Courmelles: Détermi- 
nalion de la position des projectiles dans le corps hu- 
main par la radioscopie. On peut déterminer de suite à 


A 


8 
Fig. 1. 


l'écran fluorescent avec une grande approximation la 
position du corps étranger dans l'organisme; réaliser 
celte nécessité de guerre est très utile, surtout sur le 
front des armées; un fluoroscope qui met l’observateur 


193 


dans l'obscurité permet des observations rapides. On 
peut, comme M. Francis Hernaman-Jolhinson, diaphrag- 
mer le corps étranger et l'encercler d’un anneau métal- 
lique de 3m de diamètre fixé à une Lige de bois; on 
marque alors le point correspondant sur la peau au 
centre de l’anneau; plaçant ensuile l'anneau en arriére, 
on détermine un autre point marqué de même; les trois 
points se trouvent sur la mème verticale.On opère ensuite 
à angle droit et marque sur la peau deux autres points 
d'une même verticale perpendiculaire à la première, On 
porte sur le papier (fig. 1) la figure A, C, B, O, où la 
mesure directe sur le membre de A,C, B donne sur le 
papier une flèche mesurable CO, indiquanten C le point 
d’incision : C O est la profondeur du projectile, Le 
point D sert à fixer le chirurgien, son incision faite en 
C, sur la perpendicularité à suivre, En opérant d’une 
façon très analogue, j'ai rendu la méthode générale et 
plus rapide, tout en supprimant la nécessité de dia- 
phragmer, opération souvent longue pour les corps de 
petit volume, Remplaçant mon index primilif marquant 
sur la peau la place du corps étranger, j'ai doublé l'ap- 
pareil anglais, c'est-à-dire pris deux anneaux fixés sur 
deux planchettes évidées à cet effet (fig. 2); le tout est 


Fig. 2. 


recouvert d'étoffe afin d'éviter au patient la sensation 
de froid, et par suite des mouvements intempestifs ; 
l'anneau n’est ainsi visible qu'à l'écran. On regarde le 
corps étranger, radioscopiquement, puis on l'entoure, 
en avant et en arrière en même temps, de chacun des 
anneaux, où un trou au centre laisse entrer le cr4yon 
de nitrate d'argent ou dermographique devant marquer 
les deux points nécessaires sur la peau, où un petit 
déclic marque ce centre à l’aniline; on opère de même, 
à angle droit, ou non, mais toujours en se plaçant de 
façon à avoir deux faces parallèles du segment de mem- 
bre considéré. On forme ainsi des triangles semblables 
(fig. 3) donnant : 


EG (ou x) AB 
GF, . CD 


£ 


Fig. 3. 


ou encore 
EG+GF __AB+CD 
EG ENTER 


EG GE est égal à e, l'épaisseur du corps, pris avec 
un compas d'épaisseur au milieu des distances AB et 
CD; la plus courte de ces distances, soit AB, est la plus 
rapprochée du corps étranger ; son milieu, ou E, sera le 
point d'incision, et F, son antipode, un point de repère 
pour l'opérateur. On a donc enfin : 


194 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


e __AB-+ CD RSC! 
y AE Un P'MAEATCD 


e, AB, CD sont connues, x s’en déduit facilement. Pour 
le thorax, où, on le comprend aisément, la prise de deux 
radioscopies perpendiculaires est impossible, vu l’épais- 
seur dans le sens transversal, à moins de projectiles 
gros ou de sujets maigres, la même méthode s'applique. 
On prend le sujet, la face ou le dos opposé à l'écran, 
mais bien parallèle à cet écran, bien éclairé; on déter- 
mine facilement, parfois même sans diaphragmer, la 
perpendiculaire EF par les deux anneaux encerelant le 
corps étranger. On place alors de profil le malade, en- 
globant deux segments parallèles, à l'avant et à l’arrière, 
et l’on a la ligne AD, par exemple, et notre formule de 
tout à l'heure devient : 


RELRCEXCAR 
EG ou x AE EED 


Le point d'incision est sur la plus petite droite joi- 
gnant du même côté deux des quatre points déterminés, 
et la distance x est connue. Dans le cas de segment du 
corps à faces non parallèles, la perpendiculaire et l’obli- 
que passant par le corps étranger déterminent le point 
de l’incision et sa direction. En six mois de radiogra- 
phie, sur de nombreux blessés des trois sections de la 
Croix-Rouge française, ces données ont été vérifiées, 


SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 
Séance du 21 Janvier 1915 


SCIENCES PHYSIQUES, — M. À. E. H. Love : La trans- 
mission des ondes électriques sur ta surface de la Terre. 
L'auteur donne une solution analytique des équations 
générales de l’Electrodynamique pour le cas des ondes 
engendrées par un doublet vibrant en présence d’une 
sphère conductrice, et il en déduit la solution connue 
pour la conduction parfaite et la correction pour une 
résistance modérée, comme celle de l’eau de mer. La so- 
lution connue est exprimée par la somme d’une série 
comprenant des harmoniques zonales, et la correction 
parune série analogue. Des résultats différents ont été ob- 
tenus par les divers auteurs qui ont déterminé la valeur 
numérique de la première somme. L'auteur décritune nou- 
velle méthode pour sommer la série et l’applique en dé- 
tail pour une longueur d'onde de 5 kilomètres. Dans le 
cas de la conduction parfaite, le résultat confirme celui 
qu'a trouvé H. M. Macdonald. On trouve que l’effet de 
la résistance consiste dans une légère augmentation de 
l'intensité des signaux aux distances considérables, 
compensant dans une faible mesure l’affaiblissement dù 
à la courbure de la surface. La comparaison des résul- 
tats de la théorie avec ceux des expériences montre 
que la théorie de la diffraction concorde bien avec les 
observations de jour à grande distance, — M. L. Sil- 
berstein : Les ondes électromagnétiques dans un tube 
parfaitement conducteur.Le problème des ondes dans les 
tubes conducteurs, qui a déjà été traité par divers au- 
teurs, est envisagé ici dans le but de développer quel- 
ques solutions qui offrent des particularités remarqua- 
bles en ce qui concerne la vitesse des ondes correspon- 
dantes. Les ondes étudiées sont symétriques axialement 
et du type permanent. Leur vitesse de transmission le 
long du tube est une fonction relativement simple de la 
période de vibration et de l « ordre » des ondes, et elle 
dépasse, pour chacune de ces ondes, la vitesse de la lu- 
mière dans l’espace libre, L'auteur illustre par deux 
exemples les particularités de distribution des lignes 
de force. Le mémoire se termine par des remarques sur 
les superpositions d'ondes d’espèce donnée, plus spécia- 
lement des pulsations électromagnétiques., — M. H. B. 
Keene : Un radiateur parfait chauffé électriquement. 
Les conditions essentielles de la détermination de la 
constante de la loi de radiation Stefan-Boltzmann sont 
que l'émetteur et le récepteur soient à la fois des radia- 


teurs parfaits, ou que la quantité dontils diffèrent de ces 
radiateurs soit connue — quantité diflicile à déterminer 
avec certitude, Jusqu'à présent, aucune mesure de cette 
constante n’a été faite avec des radiateurs parfaits. 
L'auteur décritune « enceinte à température constante», 
chauffée électriquement, qui a été construite pour des 
températures voisines de 1100° C. Elle consiste en un 
cylindre creux d’alumine, d'environ 20 em. de diamètre, 
fermé par des pièces coniques de la même substance. 
Trois enroulements séparés de bandes de platine per- 
mettent d'assurer la distribution de la température 
dans l'enceinte, qui peut être rendue uniforme à 2 
ou 3 degrés près. Au sommet de l’un des cônes se trouve 
une ouverture circulaire qui émet une radiation très 
proche de la radiation parfaite; elle n’en différerait que 
de 0,2°,,. L'auteur se propose d'employer ce radiateur, 
de concert avec un récepteur parfait décrit antérieure- 
ment, pour mesurer la valeur de la constante de radia- 
tion pour les corps noirs. 


Séance du 28 Janvier 1915 


SCIENCES NATURELLES, — M, WW. WW. C. Topley : 
Influence de la concentration saline sur l'hemolyse. La 
méthode employée par l’auteur consistait à faire varier 
le pourcentage de Na CI présent dans un mélange de 
globules rouges de mouton, d'anticorps hémolytique et 
de complément. L’anticorps hémolytique était fourni 
par un lapin immunisé, et du sérum de cobaye frais, 
absorbé préalablement par un excès de globules rouges 
de mouton à o°, fournissait le complément. Lorsqu'on 
employait des pourcentages hypotoniques de Na Cl, les 
solutions étaient faites dans une solution de saccharose 
à 7,8°/0. Les résultats obtenus, qui confirment ceux 
d'autres auteurs, sont les suivants : 1° La présence d’un 
excès d’électrolyte (Na Cl) au-dessus de la limite nor- 
male dans un mélange hémolytique prévient la combi- 
naison du complément avec le complexe globule rouge- 
anticorps. 2° Si la concentration de l’anticorps est 
augmentée d’une facon notable, il est possible, jusqu'à 
un certain point, de contrebalancer l’effet de l’accroisse- 
ment de concentration de l’électrolyte. 3° Si l'on diminue 
la concentration du sel, une concentration moindre de 
l’anticorps peut produire l’union des globules rouges et 
du complément. 4° Dans un milieu presque complète- 
ment exempt de sel, la combinaison a lieu en l'absence : 
complète d'anticorps. — M. J. Ch. Bose: L'influence 
des courants électriques homodromes et hétérodromes 
sur la transmission F2 l'excitation chez les plantes et les 
animaux, On peut résumer parles lois suivantes l’action 
du courant électrique qui consiste à induire des varia- 
tions de conductivité à la fois dans le tissu conducteur 
des plantes et dans les nerfs des animaux : r° Le passage 
d’un courant induit une variation de conductivité dont 
l'effet dépend de la direction et de l'intensité du courant. 
2° Sous une faible intensité, le courant hétérodrome 
augmente, et le courant homodrome diminue la conduc- 
tion de l'excitation. 3° L'effet récurrent d’un courant 
faible est une variation de conductivité passagère, dont 
le signe est opposé à celle qui a été induite pendant le 
passage du courant, 4° La variation de conductibilité 
normale subit un renversement sous une intensité de 
courant dépassant la valeur critique : le courant hété- 
rodrome induit alors une décroissance, et le courant 
homodrome une élévation de conductibilité, — 
M. G. Smith: Le cycle évolutif des Cladocères, et 
remarques sur la physiologie de la croissance et de la 
reproduction chez les Crustacés. En isolant de jeunes 
Daphnia pulex à la naissanceet en les conservant à 27°C., 
il a été possible de les faire multiplier pendant dix-neuf 
générations sans apparition de mäles ou de femelles 
éphippiales ; il s’est formé 3.752 femelles parthénogé- 
nétiques. Des cultures parallèles, dans lesquelles les 
parents sont maintenus au nombre de 10 dans un verre 
à la température de 102-190 C., produisent environ 7 °/o 
de mäles et 10°}, de femelles éphippiales. L'état d’en- 
combrement réalisé dans ce dernier cas n'influe pas 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 195 


directement sur la fourniture de la nourriture, mais 
parait agir par l’accumulalion d’excrétions dans les 
verres. Les femelles parthénogénétiques maintenues iso- 
lées à 27°C. croissent et se reproduisent plus rapidement 
que celles qui sont entassées à 10°-17° C. et elles cmma- 
gasinent les matériaux de réserve presque exclusive- 
ment sous forme de glycogène, tandis que les parents 
entassés à une température plus basse tendent à aceu- 
muler de la graisse au lieu de glycogène el sont entravés 
dans leur croissance, L'accumulation de graisse oppo- 
sée au glycogène est caractéristique des mâles et des 
femelles éphippiales ; cette accumulation produite expé- 
rimentalement chez les femelles parthénogénétiques 
entassées à 10°-17° est la cause de la production par elle 
de formes sexuelles. On peut conclure que l'habitude 
d'emmagasiner du glycogène conduit à une croissance 
rapide et à la parthénogenèse, qui estune forme de crois- 
sance discontinue, tandis que l'habitude d'accumuler de 
la graisse conduit à une inhibition de la croissance etau 
mode sexuel de reproduction. Chez les Crustacés supé- 
rieurs, l’acte de la croissance et de la mue est accompa- 
gné d’une accumulation de glycogène dans les cellules 
de réserve du foie, tandis que dans les périodes entre 
les mues l’emmagasinement de graisse prédomine, Chez 
les Cladocères et les Décapodes, la croissance d’une 
part, la maturité sexuelle de l’autre, sont accompagnées 
d’un type différent de réserve, qui est aussi distinct chez 
le mâle et la femelle. C’est le fait physiologique qui est 
à la base de l’antagonisme entre la croissance et le sexe. 
La reproduction sexuelle estune réaction aux conuitions 
où la croissance continue est désavantageuse ou im- 
possible. La différenciation sexuelle est une économie ou 
une division du travail par laquelle Ja cellule reproduc- 
trice femelle emmagasine les matériaux pour le déve- 
loppement el perd par conséquent le pouvoir de se 
diviser, tandis que la cellule mâle relient le pouvoir 
de se diviser, mais se repose sur la cellule femelle du 
soin de fournir les matériaux de développement, — 
M. T. Goodey: echerches sur le rapport des Proto- 


zoaires avec de facteur qui limite l'activité bactérienne. 


du sol. Divers sols, privés de Protozaires par stérilisa- 
tion partielle, ont été inoculés avec des cultures de 
Ciliés, d'Amibes et de Flagellés, et des numérations pé- 
riodiques des bactéries du sol ont été faites pendant dix- 
huit mois. Les résullats montrent que la présence des 
Protozaires n'est pas le facteur qui limite l’activité 
bactérienne du sol, 


SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES 
Séance du 12 Février 1915 


M. À. C. Swinton : Une pile galvanique qui renverse 
sa polarité quand elle est éclairée, Si deux plaques — 
l’une de zinc, l’autre de cuivre étamé recouverte d’un 
côté de sélénium et vernie avec un émail sur le reste de 
sa superficie — sont immergées dans de l’eau de cana- 
lisation, le courant électrique qui passe à travers un 
galvanomètre relié aux deux plaques montre qu’à l’obs- 
curité le zinc est électropositif par rapport au sélénium, 
et que la lumière tombant sur le sélénium angmente cet 
effet. Par contre, si, au lieu de zinc, on emploie du ear- 
bone ou du cuivre pour la plaque non recouverte, on 
obtient un résultat intéressant : tandis que le sélénium 
est électropositif par rapport au carbone ou au cuivre 
dans l’obscurité, il devient immédiatement électroné- 
gatif par rapport à eux dès qu'il est illuminé, ce dont 
on s'aperçoit facilement par les déviations en sens con- 
traires du galvanomètre, — M. S. P. Thompson : Sur 

. le critère de l'acier propre aux aimants permanents. 
Quelle que soit la forme à donner à un aimant perma- 
nent, les qualités nécessaires de l'acier employé à sa 
construction doivent être : 1° un fort magnétisme réma- 
nent Len, 2° une grande force coercitive H.. Depuis les 
déterminations d'Hopkinson en 1885, on a supposé que 
la meilleure substance pour fabriquer les aimants per- 
manents serait celle pour laquelle ces deux quantités 


el, par conséquent, leur produit numérique seraient le 
plus élevés possible, Récemment, M. J. À, Mathews et, 
indépendaminent, M, J, R, Ashworth ont proposé de 
prendre comme critère le rapport H, : 1, ou H,:B,. 
l’auteur donne une table des valeurs de He et1,,,, de 
leur rapport et de leur produit pour un certain nombre 
d'aciers, d'où il se dégage nettement que l'emploi du 
rapport comme critère d'utilisation magnétique conduit 
aux résultats les plus absurdes, Comme exemple, de 
l'acier au manganèse recuit (presque non magnétique) 
serait, d'après le rapport, six fois meilleur que l'acier 
Remy, tandis qu’en réalité, à égalité d'attraction, un 
aimant en acier au manganèse devrait être 312 fois plus 
lourd qu'un aimant en acier Remy, L'auteur termine en 
indiquant les qualilés nécessaires à un acier idéal pour 
aimants permanents. M, S. W, J. Smith est du même 
avis que M. S. P, Thompson pour le cas général; mais, 
dans le cas où la constance du moment de l’aimant a 
plus d'importance que sa grandeur, le critère du rap- 
port H: : ln parait préférable. M.E. H.Rayner estime 
qu'au point de vue pratique on peut classer les aciers 
pour aimants d'après la valeur du produit (H,— 20) 
(Lem— 4100). — MM. A. B. Wood et A.I. Steven : Ælude 
de l'effet photographique des atomes qui subissent le 
recul radicactif, Les effets jonisant, phosphorescent et 
photographique des particules z d’une substance radio- 
active cessent entièrement quand la particule retient 
encore 40 0/0 de son énergie cinétique, Il parait done 
possible que les atomes qui subissent le recul d’une 
source radio-active puissent affecter une plaque photo- 
graphique, car, quoique le parcours d’un atome rebon- 
dissant soit seulement le 1/500° de celui de la particule 
qu'il expulse, Wertenstein et l'un des auteurs ont mon- 
tré que l'effet ionisantest 10 fois plus puissant que celui 
de la particule > sur le parcours correspondant. Des 
essais ont été faits pour mettre en lumière cette action 
avec l’atome en recul du polonium, cette substance étant 
choisie à cause de la natureinactive de cet atome, Deux 
méthodes distinctes ont élé employées : 1° l’atome en 
recul a été « absorbé »; 2° la différence de déviation de 
la particule z et de l’atome soumis au recul dans un fort 
champ magnétique a été utilisée pour séparer leurs ef- 
fets. On a employé des plaques de Schumann, qui sont 
très facilement pénétrables; mais dans tous les cas les 
résultats ont été négatifs ou peu concluants. Cela pro- 
vient probablement du fait que les atomes soumis au 
recul ne peuvent pénétrer assez profondément dans la 
couche sensitive pour rendre le grain développable, 


ACADÉMIE DES SCIENCES D’AMSTERDAM 
Seance du 27 Juin 1914 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. W. Kapteyn : Sur 
une équation intégrale particulière. — MM. W. Kapteyn 
et Jan de Vries présentent un travail de M. J. van 
Uven : Zlimination des erreurs et détermination de la 
récision au moyen de vecteurs. Extension de la mé- 
thode de von Schrutka et Rodriguez à un nombre quel- 
conque de variables et un nombre de conditions quel- 
conque également, et déduction du poids des variables. 
— M. 9. P. van der Stok : Sur la facon de traiter les 
fréquences de grandeurs vectorielles. L'auteur examine 
quelle est la forme à donner aux fréquences de la vi- 
tesse du vent, indépendamment de la direction, et à 
celles de la direction sans tenir compte de la vitesse; il 
examine en outre jusqu'à quel point les séries de nom- 
bres observées s'écartent de ce qu’on peut considérer 
comme valeurs normales ou valeurs étalons, représen- 
tées par le premier terme de la série adoptée, — MM.H. 
G. van de Sande Bakhuyzen, N. Wildeboer et J. 
W. Dieperink : Comparaison de la règle employée dans 
la mesure d'une base près de Stroe avec le mètre néer- 
landais n° 27. — M. H. G. van de Sande Bakhuyzen : 
Comparaison du mètre néerlandais n° 27, en platine 
iridié, avec le mètre international M déduite d’obser- 
vations de la Commission néerlandaise du mètre en 1579 


196 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


et 1880, ainsi qu'une détermination préliminaire de la 
longueur de la règle de l'appareil de base français en 
mètres internationaux. 

20 SCIENCES PHYSIQUES. — MM. H. A. Lorentz et F. A. 
H. Schreinemakers présentent un travail de M. J.J. van 
Laar : Sur des discontinuites thermodynamiques appa- 
rentes et leurs rapports avec la valeur de la grandeur b 
pour des volumes infiniment grands. L'auteur revient 
sur ce résultat important de ses recherches antérieures, 
que la valeur de b dans l’état gazeux idéal n’est pas égale 
à 4 fois le volume propre des molécules, ainsi que l'exige 
la théorie cinétique classique, mais est à peine plus grande 
que ce volume même ; il enlève d’ailleurs à ce résultat 
son caractère paradoxal. — M. P. Zeeman : Le coejji- 
cient d'entrainement de Fresnel pour diverses couleurs. 
I. Répétition de l'expérience célèbre de Fizeau sur l’en- 
trainement de la lumière par l’eau en mouvement; 
preuve de l'existence d’une dispersion du coeflicient 
d'entrainement, conformément à la formule donnée par 
Lorentz. — MM. H. Haga et F. M. Jaeger : Sur la 
véritable symétrie de la cordiérite et de l'apophyllite. 
Analyse rontgénographique de ces cristaux mimétiques; 
elle a permis de conclure à l'exactitude de l'hypothèse 
de Maillard concernant l'explication des anomalies opti- 
ques de l’apophyllite, — MM. H. A. Lorentz et H. Ka- 
merlingh Onnes présentent un travail de M. G. J. 
Elias : L'action de l’aimantation des électrodes sur la 
force électromotrice. L'auteur établit une formule don- 
nant la force électromotrice entre deux électrodes d'un 
même métal, dont l’une est aimantée, plongées dans une 
solution d’un sel de ce métal, Des expériences faites 
avec des électrodes en fer et en nickel ont fourni des 
résultats qui sont d'accord avec la théorie au point de 
vue du sens de la force électromotrice, mais non au point 
de vue de la grandeur. — M. H. A. Lorentz : La lar- 
geur des raies spectrales. Application de la théorie des 
électrons à l'absorption dans un gaz pas très dense. 
Examen de l'élargissement des raies produit par le mou- 
vement moléculaire, Vérification expérimentale des for- 
mules. Calcul de la quantité de vapeur absorbante pro- 
duisant les raies du spectre solaire. — M. H. Kamer- 
lingh Onnes : Nouvelles expériences dans l'hélium li- 
quide.T,. Sur la persistance de courants sans force élec- 
tromotrice dans des supra-conducteurs (suite de J). La 
conservation d’un moment électrocinétique. Courants 
de Foucault persistants. Clefs supraconduetrices. Fusion 
de courants parallèles en un seul courant plus intense, 
— MM. H. Kamerlingh Onnes et K. Hof : Nouvelles 
expériences dans l'hélium liquide. N. Le phénomène de 
Hall et le changement de résistance dans le champ ma- 
gnétique. X. Mesures relatives au cadmium, graphite, or, 
argent, bismuth, plomb, étain et nickel, aux tempéra- 
tures de l'hydrogène et de l'hélium liquides. La méthode 
est la même que dans les expériences de MM. Onnes 
et Beckmann. — MM. H. K. Onnes et H. A. Kuypers : 
Mesures sur la capillarité de l'hydrogène liquide. Me- 
sures d’ascension dans un tube capillaire et calcul de 
l'énergie superficielle entre 15° et 20° K. — MM. H. 
Kamerlingh Onnes et G. Holst : Sur la résistance 
électrique de métaux purs... IX. La résistance du mer- 
cure, étain, cadmium, constantan et manganine jusqu'à 
des températures réalisables avec l'hydrogène liquide 
et au point d'ébullition de l'hélium. — MM. Ernst Cohen 
et P. van Romburgh présentent deux travaux de M. H. 
R. Kruyt : Potentiels de courant de solutions d’électro- 
lytes. Etude de la production d’une différence de poten- 
tiel par l'écoulement d’une solution d’un électrolyte à 
travers un tube capillaire. L'auteur opère sur des solu- 
tions aqueuses de chlorures de potassium, de baryum 
et d'aluminium. Les résultats obtenus s'accordent bien 
avec les vues théoriques générales. Charge électrique 
des colloïdes et valeur limite. L'auteur se sert des résul- 
tats des expériences précédentes pour contrôler la théo- 
rie de la charge et dela décharge des particules colloïda- 
les. — M. Ernst Cohen: Za métastabilité de notre monde 
métallique comme conséquence de l'allotropie et son im- 
portance pour la Chimie, la Physique et les sciences tech- 


niques. II. L'auteur tire des donnéesnumériques existan” 
tes la preuve que la chaleurs pécifique desimétaux n’est 
pas indépendante des manipulations antérieures aux- 
quelles ces métaux ont été soumis. — MM. A.F. Holleman 
etS.Hoogewerff présententun travail de M.J.Boeseken: 
La catalyse. L'auteur expose brièvement le développe- 
ment de ses idées relatives à ce phénomène et montre 
comment elles ont été appuyées par une déduction 
qu'en à faite un de ses élèves. Il adresse un appel aux 
savants pour l'aider à achever l’édilice de la catalyse. 
— MM. P. van Romburgh et A. P. N. Franchimont pré- 
sentent les travaux suivants de M. J. Jaeger : Recher- 
ches sur les coeflicients de température de l'énergie 
superficielle des liquides à des températures comprises 
entre S0° et 1650° C. I. Méthode et appareils. I. Mesu- 
res effectuées sur quelques composés aliphatiques (en 
collaboration avec M. J. Smit). LI. Mesures sur quel- 
ques composés aromatiques (en collaboration avec 
M. J. Smit). IV. Mesures sur quelques éthers aliphati- 
ques et aromatiques (en collaboration avec M. Jul. 
Kahn). V. Mesures sur quelques hydrocarbures aroma- 
tiques et cycliquesetleurs dérivés halogénés. NI. Remar- 
ques générales. En tout 72 substances organiques et 
une dizaine desubstancesinorganiquesontétéemployées. 
Toujours l’énergie superficielle diminue lorsque la tem- 
pérature s'élève. En généralla variation n’est paslinéaire. 


à CR L 
Le coeflicient de température DE de l'énergie superficielle 


moléculaire # a, pour un grand nombre de substances, 
sensiblement la valeur 2,27 ergs par degré C, (constante 
d'Estvôs), du moins aussi longtemps que la température 
n’est pas trop basse, car à basse température le coefli- 


72 
= augmente fortement. P our d’autres substances 


(eau, alcools, acides gras, acélone, pyridine, elc.) le 


cient 


dy 
coeflicient est beaucoup plus petit. Pour des sels de 


métaux alcalains, ce coeflicient semble même être très 
petit. On admet généralement qu'une faible valeur de 
ce coeflicient est un indice de polymérisation, et que 


dy. 
les substances pourlesquelles Th — 2,27 sont normales; 


l’auteur ne partage pas cette manière de voir. l’auteur 
déduit ensuite de ses données quelques relations entre 
la valeur de et la constitution chimique, La méthode 
employée est celle de Cantor, rendue pratique par Feus- 
tel ; elle donne des valeurs un peu plus élevées que la 
méthode des ascensions capillaires. — MM. P. van Rom- 
burgh et Ernst Cohen présentent un travail de M. G. 
de Bruin : Sur une combinaison cristalline de l'isoprène 
et de l'anhydride sulfureux. Le composé, qui fond à 
62°5 sans se décomposer, a pour composition C: H SO; ; 
il est soluble dans l’eau. 

3° Scrences NATURELLES. — M. A. Wichmann : Sur 
l'étain de l'ile de Flores. Examen critique des rapports 
concernant la présence de ce métal dans cette île; la 
question est importante, non seulement à un point de 
vueminier, maisencore pour la connaissance géologique 
de l'ile, — M, C.Eykman et C. H. H. Spronck présentent 
un travail de M. L.K. Wolf : Sur la formation d'anti- 
corps après injection d'antigènes sensihilisés. Il. Exa- 
men du pouvoir immunisant d'un mélange d’érythro- 
cyteset de sérum spécifique avecunexcès d’ambocepteurs. 
— MM. G. A. F.Molengraaff et K. Martin présentent un 
travail de M. H. A. Brouwer : Sur le terrain graniti- 
que des régions de Rokan (Sumatra central) et sur 
des phénomènes de contact dans les schistes environnants. 
Le métamorphisme de contact a un tout autre caractère 
que celui des zones de contact classiques ; il offre beau- 
coup d’analogie avec ce qu'on a observé au Plateau 
Central, en Bretagne et dans les Pyrénées. 


J.-E. V. 


Le Gérant : Octave Doix. 


Sens. — Imp. Levr, 1, rue de la Bertauche. 


26° ANNÉE 


N° 


/ 15 AVRIL 1915 


Revue générale 


des 


Sérences 


pures et appliquées 


FONDATEUR : 


LOUIS OLIVIER 


Dinecreur : J.-P. LANGLOIS, Docteur ès Sciences 


Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. J.-P. LANGLOIS, 8, place de l'Odéon, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des 
travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France eten pays étrangers y compris la Suède, la Norvèse et la Hollande. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


$ 1. — Physique 


Tubes à rayons X en métal. — Les tubes à 
rayons X émettent une radiation dans toutes les direc- 
tions, ce qui nécessite l'emploi d'écrans métalliques tout 
autour d’eux, excepté dans la direction exacte où l’on 
désire utiliser leur action. Le professeur L. Zehnder !, se 
basant sur les bons résultats obtenus en substituant des 
parois métalliques aux parois de verre dans le rectifi- 
cateur à vapeur de mercure ordinaire, vient de cons- 
truire des tubes à rayons X en métal, 

La cathode, en magnésie recouverte de tungstène par 
le procédé Schoop, y est portée par un gros isolateur 
en porcelaine à haute tension, qui l’isole des parois mé- 
talliques du tube fonctionnant comme anode et de l’anti- 
cathode. Une petite fenêtre en verre ou en aluminium 
laisse seule passer un faisceau de rayons X. Même aux 
vides les plus élevés, ce tube permet, comme celui de 
Coolidge, d’engendrer des rayons de Roentgen d’une 
dureté quelconque avec la plus forte intensité. 

Ce nouveau mode de construction n’assure pas seule- 
ment une grande résistance mécanique, qui était pres- 
que nulle avec les tubes de verre très cassants, mais il 
réalise une grande sécurité pour l'opérateur. Le tube 
métallique, mis à la terre, peut être manipulé sans 
crainte, et le danger des lésions qui menaçaient l’opé- 
rateur soumis pendant longtemps aux rayons X est 
pratiquement prévenu d'une façon à peu près com- 
plète. 

. Le nouveau tube paraît appelé à acquérir une grande 
importance à mesure que l’on aura besoin de sources de 
rayons X plus puissantes et plus soutenues. 


N 


2. — Chimie physique 


Une nouvelle sorte de pile. — Une des causes 
d’affaiblissement des piles électriques, à laquelle on n’a 
pas prêté beaucoup d'attention, consiste dans l’électro- 
lyse potentielle ou actuelle du sel formé par la combi- 


1. Electrotechn. Zeitschrift, k févr. 1915. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIBNCES 


naison du liquide excitateur avec le métal constituant 
l’électrode soluble. 

Considérons, par exemple, un élément de Volta. Au 
début de son fonctionnement, le liquide excitateur est 
une solution d’acide sulfurique : le radical acide de ce- 
lui-ci se combine avec le zine, et l'hydrogène se déve- 
loppe sur la lame de cuivre. Vers la fin du fonctionne- 
ment de la pile, le liquide n’est presque plus qu’une 
solution de sulfate de zine, et le courant qui traverse 
l'élément, s’il est assez intense, doit fatalement décom- 
poser le sulfate de zine et déposer du zinc sur le cui- 
vre. Les deux électrodes tendent à devenir identiques, 
et la pile devient de moins en moins apte à fournir du 
courant. La pile est polarisée par le zine. 

Mais, d'autre part, il est évident que la molécule de 
zine, déposée sur le cuivre, forme avec celui-ci un cou- 
ple galvanique qui tend à dissoudre de nouveau le zinc 
et à faire reprendre à la lame de cuivre son état pri- 
mitif. 

Il est donc clair que, dans une pile de Volta, existent 
deux actions contraires: l’action électrolytique quitend 
à déposer du zine sur du cuivre, et l’action galvanique 
locale qui tend à dissoudre ce dépôt. 

Pour obtenir une pile constante, il faut éviter le dé- 
pôt de zine sur le cuivre. Dans les piles à deux liquides 
(Daniell, Bunsen, ete.), cedépôtestévité parce quelesel de 
zinc reste concentré autour-de l’électrode de zine et ne 
peut pas, par conséquent, être décomposé. 

M. Bellini! a tenté d'obtenir le même résultat avec 
une pile à un seul liquide, qui présenterait, sur les piles 
à deux liquides, l'avantage d’avoir une résistance inté- 
rieure assez basse, les électrodes pouvant être disposées 
très près l’une de l’autre et enchevêtrées comme dans 
les accumulateurs. 

Dans ce cas, le seul moyen d'empêcher l’éleetrolyse 
du sel produit par la réaction chimique est l'emploi 
d’électrodes telles que ce sel soit insoluble. Le plomb se 
présente immédiatement à l’esprit, étant donnés son 


1. Bull. de la Société intern. des électriciens, 3° sér., t. V, 


p. 35 (févr. 1915). 


ee 
© 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


bas prix et la grande quantité de Sels insolubles qu'il 
forme. 

Les premiers essais révélèrent immédiatement un 
grave défaut : le sel de plomb, sulfate ou chlorure, 
formé par la réaction chimique, adhère fortement à la 
surface du plomb et fait augmenter la résistance inté- 
rieure de la pile au delà de toute limite admissible. Une 
légère amélioration füt obtentie en ajotitant de lPacide 
azotique. Mais la solution complète du problème résida 
dans l'emploi de l’amalgame de plomb à la place du 
plomb seul; de cette façon, le sel insoluble qui se forme 
se détache et tombe automatiquement au fond du vase. 

L'amalgame de plomb le plus convenable est consti- 
tué de 9 parties de plomb etune partie de mercure; une 
bonne formule du mélange d'acides est la suivante : 
eau, 1.000 em”; acide sulfurique à 66° B., 80 cm; acide 
nitrique à 36° B., 120 cm. Dans ces conditions, la force 
électromotrice de la pile, avec une seconde électrode 
de charbon, est de 1,10 à 1,15 volt. 

Pendant le fonctionnement, l’amalgame de plomb 
s’use en forme de coin avec tranchant en bas; il en 
tombe une pluie de poudre blanche et lourde qui se dé- 
pose au fond du vase. De l’électrode de charbon se dé- 
gagent des gaz, constitués presque entièrement par de 
l'azote libre, et un peu d'oxygène et de vapeurs nitreu- 
ses. La consommation d’amalgame de plomb à circuit 
ouvert est très petite. 

Laf, 6. m. de la pile augmente légèrement pendant 
les premiers instants de fermeture, pour diminuer en- 
suite uniformément au fur et à mesure que le liquide 
s’épuise. La courbe de décharge ressemble à celle des 
accumulateurs. 

En ajoutant du liquide neuf et en purgeant la pile 
du dépôt du fond du vase, on peut maintenir la pile en 
action aussi lonÿlémps que dure la plaque d'amalgame 
de plomb. La consommation d’amalgame est d'environ 
5 gr. par ampère-heure. 1 

Au point de vue des applications, il semble que cette 
pilé présenterä des avantages sur d'autres générateurs 
dans des cas pärticuliers, par exemple pour les petits 
postes det. s. f. de campagne, pour de petites installa- 
tions de galvanoplastie et pour des travaux de labora- 
toire. 

$ 3. — Géologie 


Le rôle de la géologie dans les opérations 
militaires. — Aucune guerre n’à mieux montré le 
rôle de la géologie dans les opérations militaires que 
celle qui se déroule depuis plus de huit mois, 

Elle a reçu avec raison le nom de « guerre de tran- 
chées » à cause de l'importance qu'a pris le creusement 
des abris dans le sol, et la pioche et la pelle sont deve- 
nues les armes communes du soldat, dans la défense 
comme dans l’attaque. Mais cette construction pose des 
problèmes pour la solution desquels une bonne con- 
naissance géologique est absolument nécessaire, On 
comprend immédiatement qu’il y a uneénorme différence 
entre l'établissement deretranchements dans un calcaire 
corallien dur ou dans une marne tendre. 

Les qualités les plus importantes du sol au point de 
vué militaire se traduisent souvent déjà à l'observation 
superficielle : les calcaires compacts du Jurassique de 
l'Alpe de Souabe,du Muschelkalk supérieur sur les pen- 
tes de la Forêt-Noire et des Vosges, du Dogger moyen 
de la Lorraine, forment des surfaces stériles et généra- 
lement incultes, dont le sous-sol rocheux parait souvent 
au jour. lei la pioche et la pelle ne sont presque d’au- 
cun secours. Par contre les dépôts diluviaux, les mar- 
nes et les argilés du Trias et du Jurassique s’effrittent 
en général à leur surface en formant une couche épaisse 
dans laquelle la bêche pénètre avec facilité. On peut 
compter que le creusement d’une tranchée dans un sol 
rocheux demandera cinq à dix fois plus de temps que 
dans un sol tendre, Aussi le commandant des troupes 
doit-il, en prévision d’une région d'opérations détermi- 
née, munir ses soldats du génie des outils de pionniers 
les plus appropriés. 


La recherche de conditions du sol favorables à la fois 
au point de vue tactique et géologique exige des con- 
naissances encore plus étendues. Certaines fortifications 
de campagne sont liées à des emplacements déterminés, 
et le sol doit être pris là tel qu’il est. Mais, dans la ma- 
jorité des cas, on doit préférer la nature du sol la plus 
favorable quand on a le choix entre plusieurs emplace- 
ments tactiques possibles. Dans cé but, lé Commandant 
d’arihée doit posséder au mivins les tiotiofs fondamen- 
lales sur la structure de l'écorce terrestre, ou fecourir 
aux conseils de spécialistes qui, à la vue du terrain ou 
après consultation de la carte géologique, peuvent lui 
indiquer sans perte de temps où il rencontrera les con- 
ditions de sol les meilleures, Ces remarques s'appliquent 
non seulement aux fortifications de campagne pour la 
défense, mais aussi à l'attaque. L’œil averti discernera 
parfois même, sur le sotüs-sol rocheux, des couvertures 
de lehm dans lesquelles on creusera facilement et rapi- 
dement des trous d'approche, ou bien on préparera des 
abris artiliciels (avec des sacs de sable, etc.), quand, 
pär exemple, à l’attaque d’une position fortifiée, on n’a 
pas le temps pendant la nuit de construire des retran- 
chements dans un sol dur. 

Les connaissances géologiques sont également néces- 
saires, en matière de chemins de fer militaires, pour 
faire sauter les tunnels et surtout pour rétablir les tun- 
nels détruits el construire des voies dans les régions 
montagneuses. Car les diverses roches se comportent 
très différemment vis-à-vis des explosifs. 

Enfin la pose de mines souterraines, pour l'attaque 
d’une position fortifiée ou pour faire sauter une ligne 
de tranchées, nécéssite une série de travaux à une cer- 
taine profondeur dans le sol, pour lesquels la con- 
naissance des terrains est de toute première impor- 
tance. 

Ces idées sont aujourd'hui d’ailleurs mises en prati- 
que par toutes les armées, et dans les Ecoles militaires 
où se forment les officiers d'état major, les cours de 
Géographie physique et de Géologie ont pris une impor- 
tance de plus en plus grande. 


$ 4. — Botanique 


Éa végétation d'avant-garde du volcan 
Taal. — L'exemple classique du redéveloppement de 
la végétation sur une ile volcanique où toute flore a été 
détruite par une éruption est celui du Krakatoa, Et les 
diverses informations qu’en ont rapporté depuis plus 
de trenté ans les botanistes qui l’ont visité nous ont 
fixé sur l’histoire de la renaissance de sa vie végétale. 

D’autres recherches du même genre peuvent cependant 
ne pas être inutiles, et celles que nous apporte aujour- 
d'huüi M. Frank GC. Gates! sur la végétation d’avant- 
garde du Taal, aux Philippines, sont intéressantes par 
le fait du très court espace de temps qui s’est écoulé 
depuis sa dernière éruption et de sa facilité d'accès. 

Le volcan Taal est une montagne basse, qui s'élève au 
milieu du lac Bombon, dans l'ile de Luçon, à 63 kilo- 
mètres au sud de Manille, Sa dérnière éruption est 
arrivée à son paroxysme le 30 janvier 1911, et elle a 
provoqué la destruction complète des villages de l'ile et 
des côtes du lac voisines, faisant près de 1.400 victimes. 
Des cendres, des ponces, de petites pierres et des 
vapeurs acides furent rejetées en grande quantité et 
anéantirent toute la végétation de l'ile et des régions 
voisines à l’ouest et au sud-ouest du volcan. 

Depuis le désastre de 1911, le Gouvernement a inter- 
dit la résidence dans l’ile, et, bien qu’elle soit visitée 
régulièrement par des pêcheurs philippins et par des 
touristes, l’homme n’a pas eu virtuellement d'influence 
sur la nouvelle végétation, qui est toujours à l'état 
vierge. 

Avant que la revégétation pût se produire, il fallait 


e 


1. The Philippine Journal of Science, t. IX, sect. C, n° 5, 
p. 391 et suiv. 


matins. Det à 


ne 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 199 


que l’excès d'acidité du sol fut lavé et que le réensemen- 
cement eut lieu. La réalisation de ces deux conditions a 
demandé un peu plus d'un an. Avec le commencement 
de la seconde saison des pluies, la renaissance de la 
flore se manifesla avec rapidité, A la fin de la troisième 
saison des pluies, presque tout le Liers Septentrional de 
l'ile était couvert de végétation, celle-ci étant plus dense 
dans les coins NE et NW. A l'exception du mont 
Binintiang Munti, à l'extrême sud, et de quelques rares 
endroits près de la côte à l’est et à l’ouest, le reste de 
l'île était nu. 

Dans quelques situations protégées, la revégétation 
consiste dans le bourgeonnement de souches enterrées; 
mais dans g9°/, des cas elle est le résultat d’un ense- 
mencement. L’invasion de la vie végétale a eu lieu 
d’abord le long de la côte par des plantes qui se dissé- 
minent au moyen de l'eau, Bientôt, après, les graines 
d'herbes ou « cogon », distribuées par le vent, se dé- 
veloppèrent en formant des prairies, qui étaient à peine 
établies quand les oiseaux apportèrent les graines de 
plantes rampantes, de buissons et de petits arbres, qui 
envahirent les prairies. 

Comme la végétation en arrière des côtes du lac, vers 
l’ouest et le sud-ouest, avait été dévastée par l’éruption, 
elle n’a pu fournir de graines pour la dispersion par les 
vents du SW, tandis que la mousson du NE, soufflant 
sur une région peu affectée, a fourni les graines au nord- 
est de l’ile; on s'explique ainsi que la revégétation y ait 
été plus prononcée. 

La distribution de la végétation est très simple : elle 
sé compose de g associations en à séries génétiques. Les 
eaux des côtes contiennent des plantes aquatiques, les 
terres basses humides sont couvertes par des plantes de 
marais, et la côte par des plantes de rivage. Les pentes 
qui s'élèvent jusqu'au cratère sont généralement cou- 
vertes d’abord par des herbes, puis par des buissons et 
de petits arbres (parang). Aux basses altitudes, au 
moins, le parang est suivi par des arbres et des herbes 
arborescentes (bambous). 

Les progrès de la revégétation sont maintenant très 
rapides, Voici le nombre des espèces de plantes supé- 
rieures trouvées dans l'ile en avril 1914: 


Familles Genres Espèces 


Ptéridophytes 3 7 9 
Shat etes Monocotylédones 10 25 32 
DÉS IOpE TEE Dicotylédones ku 111 138 

Total DTAUNIES 179 


Les mousses, les lichens, les algues et les champi- 
gnons sont très pauvrement représentés. 

A l'inverse du Krakatoa, les fougères ne constituent 
qu'un élément minime de la nouvelle flore, par suite, de 
leur rareté relative dans la région, de la grande séche- 
resse de l'île et de la faible altitude du volcan. Au Taal 
comme au Krakatoa, les espèces disséminées par l’eau et 
par le vent ont apparu avant celles que disséminent les 
oiseaux, 


$ 5. — Biologie 


Les rations de guerre des diverses armées 
et les modifications proposées dans la fabri- 
cation des conserves pour l’armée française. 
— Nous avons récemment donné ici-même! quelques ren- 
seignements sur la ration de guerre du soldat français 
et les modifications qui pourraient lui être apportées. 
Voici, d’après le British medical Journal?, quelles sont 
les rations de guerre des soldats des autres armées : 

Le soldat d'infanterie allemand, pesant en moyenne 
63 à 67 kilogs, reçoit théoriquement : viande, 125 gr.; 
Saucisse, 190 gr.; pain, 350 gr.; jaune d'œuf, 50 gr. ; 
confiture, 50 gr.; beurre, 100 gr.; sucre, 30 gr.; bière, 


1793 gr.; eau-de-vie, 20 gr.; moutarde, 1 gr. Ce régime 


1 Revue gen. des Sciences du ?S février 1915, p. 104. 
2. British medical Journ., n° 2829, p. 519 (20 mars1915). 


lui fournit 197 gr. de graisses, 100 gr. de protéines 
395 gr. d’hydrates de carbone et 99 gr. d'alcool. La va 
leur caloritique de cette alimentation est de 4117 calo 
ries. 

La ration de guerre du soldat autrichien contient : 
990 gr. de pain (ou l’équivalent en biscuit), 395 gr. de 
viande fraiche et 60 gr. de graisse (ou l'équivalent en 
viande sèchée ou de conserve), 250 gr. de pois ou de 
riz (ou l'équivalent en pommes de terre ou légumes 
frais), 25 gr. de café rôti, 2 gr. de thé, 25 gr. de sucre 
et un demi-litre de vin. En cas d'efforts exceptionnels 
et de conditions climatériques mauvaises, la ration de 
café ou de thé et de sucre est doublée, ou bien on donne 
1 décilitre d’alcool. 

La ration de guerre de l’armée britannique pendant 
la campagne sud-africaine comprenait 138 gr. de pro- 
téines, 105 gr. de graisses, 328 gr. d’'hydrates de carbone, 
et possédait une valeur de 3913 calories. Mais des obser- 
vations faites depuis sur des soldats marchant et bi- 
vouaquant en automne comme en temps de guerre ont 
montré que la ration de guerre était insuflisante pour 
maintenir le poids et la bonne condition des hommes 
et satisfaire leur appétit. Aussi a-t-elle été augmentée 
depuis lors, et elle consiste actuellement en : 565 gr. de 
viande fraiche ou l'équivalent en viande de conserve, 
565 gr. de pain ou l'équivalent en biscuit ou farine, 
112 gr. de jambon, 85 gr. de fromage, 225 gr, de légu- 
mes frais ou l'équivalent en pois, haricots, ete., 112 gr. 
de confiture, 85 gr. de sucre, 56 gr, de beurre deux fois 
par Semaine, 18 gr. de thé, du sel, de la moutardeet du 
poivre. Les hommes placés dans les tranchées ont une 
soupe aux pois chaude en plus, un supplément de thé et 
de sucre, et 6 centilitres de rhum à la discrétion du gé- 
néral de brigade ou de division. La valeur de la ration 
est de 4.700 calories, sans compter les suppléments. Il 
est certain que l'excellente santé de l'armée anglaise 
pendant la dure campagne des Flandres cet hiver a été 
due en grande partie à sa parfaite alimentation, 

En ce qui concerne l'alimentation du soldat français, 
M. Piettre! a présenté à la séance du 15 mars de l’Aca- 
démie des Sciences d’intéressantes observations sur les 
inconvénients de l'emploi presque exelusif de la viande, 
fraiche, congelée ou en conserve, tenant à la difficulté 
pratique de faire cuire les légumes secs prévus dans la 
ration normale ou de distribuer sur la ligne de feu les 
légumes cuits à l'arrière, Pour remédier à cet inconvé- 
nient, M. Piettre propose la fabrication de conserves de 
graisses et de légumes, suivant une formule analogue à 
la suivante : poitrine de porc (contenant 5oc/, de mus- 
cles), 100 gr.; haricots, go gr.; carottes, 100 gr.; sel et 
poivre, le tout stérilisé à 1152-1200, Ces conserves en 
boites, toutes prêtes à être consommées par le soldat, 
seraient certainement fort appréciées; elles stimule- 
raient les sécrétions gastriques et intestinales sans 
amener le sentiment de satiété qui résulte de l'abus de 
la viande. Elles réduiraient sur le champ de bataille les 
impedimenta du matériel de cuisine et les incertitudes 
d’une préparation toujours longue, peu agréable et mal 
utilisée par le soldat. 

A la séance du 22 mars de l’Académie des Sciences, 
M. J. Basset? a également communiqué de judicieuses 
remarques sur la fabrication actuelle des conserves pour 
l’armée. Celles-ci se bornent actuellement à trois types: 
le bœuf assaisonné, le porc rôti, le potage aux hari- 
cots. L'alimentation prolongée avec ces conserves finit 
par provoquer des troubles digestifs et une répugnance 
invincible ‘toute physiologique). M. Basset montre qu’on 
pourrait varier sensiblement le régime du soldat par la 
fabrication de quatre conserves nouvelles : bœuf haché 
aux légumes, bœuf en ragoût, rillettes et cassoulet. Cette 
réforme n’augmenterait pas les dépenses, ne modilierait 
en rien les services de l’Intendance et permettrait même 
d’épargner un peu le bétail. 


PAC R: Acad. Sc. t: CLX, p: 399, 
2. Ibid., p. 373. 


L. HOULLEVIGUE. — LES MINES SOUS-MARINES FIXES 


LES MINES SOUS-MARINES FIXES 


L'emploi des explosifs dans la guerre mari- 
time remonte aussi loin que l'invention du feu 
grégeois; jadis, les belligérants faisaient usage 
de brülots, chargés de poudre, qu’ils poussaient 
et faisaient exploser contre les défenses ou les 
navires ennemis; mais ces opérations étaient mé- 
diocrement efficaces, l’effet de l'explosion se 
dissipant dans l’air. La première application des 
mines sous-marines remonte à la guerre de l’In- 
dépendance des Etats-Unis; elle est due à 
l'Américain Bushnell, qui la raconte en ces 
termes : « En 1777, je tentai une attaque, avec une 
baleinière, contre la frégate anglaise Cerbera, à 
l’ancre entre Connecticut River et New London, 
en lançant une machine contre elle au moyen 
d'une ligne; la machine était chargée de poudre 
et mise à feu par une mèche à friction qu'un 
dispositif d’arrachement enflammait pendant le 
lancement le long de la frégate. Le hasard fit tom- 
ber cette machine sur un shooner ancré à l'arrière 
de la frégate etinvisible pour moi; elle fut enflam- 
mée accidentellement, démolit le shooner, tua 
trois hommes et projeta en l'air, en le blessant 
grièvement, le seul être vivant qui fût le long du 
bord ». Cette tentative encourageante fut suivie 
d’autres essais, faits à l’aide de barils remplis de 
poudre,soutenus entre deux eaux par des bouées ; 
les uns étaient munis d’une mèche à canon et 
d’un percuteur actionné par un ressort déclanché 
au choc d’un obstacle; d'autres étaient mis à feu 
par des fusées chimiques; dès ce temps, on avait 
imaginé de réunir les mines flottantes par paires, 
à l’aide d’une corde, afin d’accroitre leurs chances 
d’eflicacité. 

Ces essais furent repris, quelques années plus 
tard, par l'Américain Robert Fulton, dont le nom 
est resté attaché à l'invention plus utile de la na- 
vigation à vapeur. Fulton vint en France, et pré- 
senta ses engins homicides au Gouvernement 
français; des expériences furent faites, en 1805, 
dans la rade de Brest; une torpille, chargée de 
cent kilogs de poudre, fut poussée contre un vieux 
bâtiment à l’ancre, qui coula deux minutes après 
l'explosion. Malgré ce résultat, et le succès d’au- 
tres expériences tentées sur la Seine, Fulton se 
heurta à l'esprit chevaleresque des Français, qui 
n’admettaient mode de combat aussi 
déloyal; il retourna en Amérique où il essaya, 
sans plus de succès, de faire adopter un harpon 
porte-torpille de son invention, qui était lancé 
contre le navire ennemi à l’aide d’un mousquet. 


pas un 


Toutes ces expériences avaient mis hors de 
doute l’eflicacité des mines sous-marines, et des 
études furent faites de divers côtés pour donner 
un caractère pratique à l'invention de Bushnell; 
toutes les luttes maritimes fournirent dès lors des 
occasions de mettre à l'épreuve les nouveaux per- 
fectionnements. C’estainsique, pendant laguerre 
de Crimée en 1854-56, les Russes employeérent, 
pour protéger leurs ports de la mer Noire et de 
la Baltique, des torpilles inventées par le profes- 
seur Jacobi; elles contenaient 25 livres de pou- 
dre, et l'explosion était déterminée par la rupture 
d’un tube de verre plein d’acide sulfurique, qui 
se brisait au contact du navire ennemi, en lais- 
sant tomber son contenu liquide sur du chlorate 
de potasse; il en résultait un dégagement de 
chaleur qui enflammait la poudre; ces engins se 
montrèrent peu efficaces, sans doute en raison 
de la faible quantité d’explosif employé; l'un 
d’eux sauta sous la carène du navire anglais 
Merlin, mais ne produisit que des avaries insi- 
gnifiantes. 

La guerre de la Sécession d'Amérique (1860- 
65) fut l’occasion de progrès bien plus considé- 
rables, dus pour la plus grande part à l’ingénio- 
sité et au sens pratique du Commodore Maury, 
chargé parles Sudistesde la défense sous-marine; 
les Américains du Nord, après avoir considéré 
l'emploi de ces mines comme une manœuvre dé- 
loyale, finirent eux-mêmes par les adopter. 
Aussi cette longue lutte vit-elle mettre en essai 
un grand nombre d'engins appartenant à tous 
les types imaginables: mines de fond ou .torpilles 
dormantes, qui reposent sur le sable ou la vase; 
— mines vigilantes, qui flottent entre deux eaux, 
retenues au fond par un orin et un crapaud 
d’amarrage; — mines dérivanites, soutenues par 
une bouée, qu'on abandonne au courant d’un 
fleuve en amont des ouvrages ou des flottes de 
l’ennemi ; — mines attachees, fixées à l'extrémité 
de longs piquets plantés dans une passe ou dans 
le lit d'un fleuve. 

Les Américains essayérent aussi les divers pro- 
cédés de mise de feu, qu’on peut elasser comme 
suit: Dans les mines à allumage mécanique, l’ex- 
plosion est déterminée par la chute d’un poids, 
qui agit sur un tire-feu. Ainsi, la mine mécanique 
Singer (fig. 1), employée avec grand succès par 
les Sudistes, avait la forme d’un tronc de cône 
dont la partie supérieure, évasée, était vide et 
formait flotteur, tandis que la charge de poudre 
était tassée autour d’un tube à friction H; un 
chapeau de fonte W était placé à la partie 


L. HOULLEVIGUE. — LES MIN 


:S SOUS-MARINES FIXES 201 


supérieure de la torpille, de telle façon qu'il suflit 
d’un faible choc pour le faire tomber; sa chute 
arrachait, par l'intermédiaire d’une chaine, 
l’étoupille du tube à friction et provoquait l'ex- 
plosion ; enfin, pour rendre la pose des mines 


1 


Fig. 1. — Mine mécanique Singer. 


H, tube à friction; W, chapeau de fonte. 


moins dangereuse, un des anneaux de cette chaine 
était retenu par une clavette qu’on enlevait après 
le mouillage; ainsi, lorsque le poids de fonte 
tombait pendant l’opération, il restait suspendu 
à la clavette sans agir sur l’étoupille. 

Les mines chimiques, qui rappellent le type 
inventé par Jacobi, apportent une deuxième so- 
lution au problème dela mise de feu; elles avaient, 
dans la guerre de Sécession, la forme représen- 
tée par la figure 2: c'étaient des barils à bière 
bien goudronnés et terminés à chaque bout par 
un cône en bois, qui portaient 5 fusées chimi- 
ques F, vissées à la partie supérieure ; ces fusées, 
ou antennes, en verre, se brisaient par le choc 
contre la carène; l'acide sulfurique qu’elles ren- 
fermaient se répandait alors sur un mélange de 
chlorate de potasse et de sucre; la réaction vio- 
lente de ces éléments produisait l'explosion de 
la poudre enfermée dans le baril. 

Enfin, dans les derniers temps de la guerre de 
Sécession, l'électricité fut employée pour la mise 
de feu des mines dormantes ou vigilantes : ces 
appareils étaient reliés au rivage par des conduc- 
teurs et on pouvait y envoyer le courant de 
90 éléments Bunsen,arrangés de telle facon qu'ils 


puissent être commandés de deux points diffé- 
rents, d'après le dispositif qui sera décrit tout 
à l'heure. Ces engins se montrèrent très eflica- 
ces ; l’un d’eux, chargé de 1.000 livres de poudre, 
fit sauter le puissant navire fédéré Commodore 
James, dans la Roanoke River. Durant les cinq 
derniers mois de la guerre, les torpilles sous- 
marines de divers modèles coulèrent plus de 
dix bâtiments de la marine fédérale. Ainsi, l’efli- 
cacité de ce mode de défense était définitive- 
ment établie, et, en présence de ce résultat, tous 
les scrupules humanitaires furent mis de côté. 
En même temps, l'expérience avait permis de 
faire un choix entre les divers modeles essayés ; 
dorénavant, on ne verra plus figurer dans les 
actions maritimes que deux types d'engins: la 
mine de fond ou torpille dormante, qu’on désigne 
encore sous le nom de mine d'observation, en- 
flammée du rivage, à l’aide d’un courant élec- 
trique, et la mine flottante, ou vigilante, dont la 
dénomination officielle est aujourd'hui « mine 
automatique de contact », qui détone sous l’ac- 
tion d’un courant électrique établi par le choc 
de la mine contre un obstacle. 

L'invention de la torpille automobile, en 1868, 
par Whitehead, eut pour effet de faire passer les 
mines fixes au second plan des préoccupations 
des stratégistes ; il ne fallut rien moins que les 
sévères leçons de nouvelles guerres navales pour 
établir que la torpille automobile n’est pas l’en- 
gin définitif qui résout tous les problèmes de 
la lutte navale, et qu'il reste encore une large 
place pour l'application des mines fixes. Ces le- 
cons se développèrent d’abord pendant la guerre 
russo-japonaise de 1904-1905, avant de prendre, 
dans la guerre actuelle, l'ampleur que tout le 
monde connaît; les mines vigilantes, mouillées 
tant par les Russes que par les Japonais, au 
voisinage de Port-Arthur et de Vladivostock, 
causèrent aux marines adverses des pertes con- 
sidérables; elles entraînèrent la destruction du 


2. — Mine américaine à fusée chimique. 


Fig. 


F, fusée, 


L. HOULLEVIGUE. — LES MINES SOUS-MARINES FIXES 


vaisseau amiral Petropaslosk, coulé avec 700hom- 
mes et le vaillant amiral Makharoff : elles endom- 
magèrent grièvement les cuirassés Pobreda et 
Sepastopol; côté, la flotte japonaise 
éprouva deux pertes particulièrement sensibles : 
le 15 mai 1904, le cuirassé ÆHatsuse, de15.000 ton- 
nes, heurtait deux mines qui firent sauter une de 
ses soutes à munitions et le coulérent en eau 
profonde, tandis que le cuirassé Yashima, de 
12.500 tonnes, rencontrait une mine devant 
Dalny et allait s'échouer sur un haut-fond, après 
une vaine tentative pour atteindre un port japo- 
nais. Nous décrirons tout à l'heure les types de 
mines qui produisirent ces cruels dégâts; ce 
sont d’ailleurs les seuls sur lesquels on possède 
actuellement des renseignements officiels; le 
secret des engins modernes est gardé jalouse- 
ment par les diverses marines, chacune d'elles 
ayant la prétention de posséder des modèles plus 
perfectionnés que les concurrents. 


de son 


IT 


Avant de procéder à cette description, il est 
nécessaire d'indiquer brièvement ce qui caracté- 
rise l'explosion sous-marine. Lorsqu'un explosif 
entre en décomposition, une quantité formidable 
d'énergie se trouve libérée dans un temps très 
bref, de l’ordre du centième ou même du mil- 
lième de seconde ; pour un kilogramme de fulmi- 
coton, cette énergie atteint 430.000 kilogrammè- 
tres. Si l'explosion se produit dans l’air, ou dans 
tout autre milieu peu résistant, la sphère d'action 
de l'explosif possède un rayon très étendu; il se 
produit une onde explosive, dont la vitesse de 
déplacement peut dépasser, surtout à l’origine, 
la vitesse du son dans le même milieu; c’est sur 
le pourtour de cette onde que l'énergie se dissipe. 
Au contraire, si l’explosion se produit en milieu 
résistant, l'action se localise presque entièrement 
autour du centre; c’est en raison de cette pro- 
priété bien connue que les explosifs employés 
dans les mines sont soigneusement bourrés; afin 
de ne laisser autour d’eux que le moins de vide 
possible ; or le bourrage est parfait dans les mi- 
nes sous-marines, puisque l’eau forme autour de 
l’explosif un plein continu. Lorsque l'explosion 
se produit, l’action mécanique est engendrée par 
les gaz dégagés, portés eux-mêmes instantané- 
ment à une température supérieure à 2.000° ; 
dans ces conditions, l'effet produit est triple: Il 
nait d'abord une onde explosive qui va porter à 
plusieurs centaines de mètres une part, relative- 
ment minime, de l'énergie libérée. Il s'exerce, 
en outre, un effet de pression contre toute 


paroi placé au contact de l’explosif; cette 


pression, qui atteint plusieurs milliers de kilo- 
grammes par centimètre carré, est capable de 
produire sur cette paroi des effets de rupture et 
de cisaillement ; la carène d'un navire peut être 
brisée sur une large étendue. Mais une nouvelle 
conséquence de l'explosion, l'effet de marteau 
d'eau, vient bientôt aggraver le dommage: les 
gaz produits par l'explosion soulèvent l’eau, dont 
la surface se gonfle. puis ils s’échappent à l’exté 
rieur en projelant une énorme gerbe liquide, 
qui retombe ensuite lourdement, avec toute 
l’énergie due à sa masse et à sa vitesse, dans 
l’espace vide abandonné par le gaz ; cette pesante 
masse fluide vient frapper contre les parois, déjà 
disloquées, du navire ; elle les enfonce et crée 
dans la coque une déchirure qui peut atteindre 
vingt à trente mètres carrés ; la mer s’engoufire 
dans cet orifice béant, le navire s'incline et, si 
les cloisons étanches sont insuffisamment nom- 
breuses ou résistantes, il coule en quelques mi- 
nutes. 

Tous ces effets ne se produisent, bien entendu, 
que si la mine est immergée à une profondeur 
suffisante, qu'on peut estimer au minimum à 
2 m.50; cette immersion est d’ailleurs néces- 
saire pour une autre raison; en effet, le revête- 
ment protecteur des cuirassés descend à deux ou 
trois mètres au-dessous de la flottaison; comme 
la torpille ne peut agir efficacement que sur les 
parties non protégées, on se trouve amené, par 
ces considérations, à immerger les mines vigi- 
lantes à 5 ou 6 mètres au-dessous du niveau 
moyen de la mer. ; 

Les torpilles de fond n’explosent pas au con- 
tact de l'obstacle qu'elles doivent briser; leur 
action, pour être eflicace, exige donc une masse 
d’explosif plus considérable, et que l'expérience 
seule permet de déterminer. Si on cherche à pro- 
duire, en surface, une zone dangereuse ayant le 
diamètre d’un cuirassé, soit 15 mètres environ, 
on trouve que la quantité de fulmi-coton néces- 
saire atteint 250 kilogs à 10 mètres de profondeur, 
300 kilogs à 12 mètres, 400 kilogs à 16 mètres, 
500 kilogs à 18 metres et 700 kilogs à 23 mètres; la 
charge d’explosif s'accroît donc très rapidement 
avec laprofondeur des passes à défendre; d'autre 
part, plus leur charge est puissante, plus les tor- 
pilles doivent être éloignées les unes des autres, 
sous peine de voir l'explosion volontaire d'une 
mine, se communiquer par influence aux mines 
voisines; mais si les torpilles sonttrop distantes, 
elles cessent d'assurer une protection eflicace; 
on comprend donc comment l'emploi des mines 
de fond se trouve limité à des profondeurs 
qui ne dépassent pas une trentaine de mètres; 
elles sont alors immergées, soit en lignes, soit 


L. HOULLEVIGUE. — LES MINES SOUS-MARINES FIXES 


en quinconces, à une distance de cinquante 
mètres environ les unes des autres. 

Pour résoudre dans sa généralité le problème 
des mines sous-marines, il convient encore de 
faire un choix entre les divers explosifs ; ce choix 
se portera nécessairement sur un explosif brisant, 
c’est-à-dire sur un de ceux dont la durée de dé- 
composition ne dépasse pas quelques millièmes 
de seconde; en effet, l'emploi de poudres lentes, 
comme la nitrocellulose employée dans les ca- 
nons, donnerait à l'énergie calorifique libérée le 
temps de se dissiper dans l’eau sans produire 
d'effet utile, c'est-à-dire qu'à puissance égale la 
pression n'atteindrait guère que le quart ou le 
cinquième de la valeur qu'elle acquiert par une 
explosion instantanée. Parmi les explosifs bri- 
sants, on à donné généralement la préférence au 
fulmi-coton:; ce produit peut être employé see 
ou à l'état humide, c'est-à-dire chargé de 20 à 
25°/, de son poids d’eau; sous le premier état, il 
est d’un maniement délicat, et ne sertqu'à consti- 
tuer les charges-amorces ; au contraire, le fulmi- 
coton humide se conserve sans précautions spé- 
ciales, etse manipule sans danger, ce qui ne 
l'empêche pas d’exploser aussi brutalement que 
le coton-poudre sec, lorsqu'il a reçu une comma- 
tion suflisante pour y faire naître l’ande explo- 
sive; c'est done ce produit qui sera employé de 
préférence pour charger les mines ; on peut aussi 
lui substituer la gélatine explosive, obtenue en 
dissolvant 10°/, de coton-poudre et 5°/, de 
camphre dans 85°/, de nitro-glycérine; la poudre 
shimosa, employée pour-charger les torpilles 
japonaises, parait avoir une composition ana- 
logue. 

Quel que soit l’explosif choisi, c'est toujours 
à l'électricité qu'est confié, dans les mines 
modernes, le soin de provoquer la détonation ; 
le detonateur, fixé à l’intérieur de l’explosif, 
comprend un conducteur électrique destiné à 
amener le courant dans deux fils de platine très 
fins (3 à 4 centièmes de millimètre de diamètre), 
placés en parallèle sur le circuit; ces fils rougis- 
sent, et la chaleur dégagée, provoque l'explosion 
d’une amorce chargée de 1,5 gr. de fulminate de 
mercure; cette amorce communique à son tour 
l'explosion à la charge-amorce, formée de 500 à 
1.250 grammes de fulmi-coton sec,enfermé dans 
une boite étanche; c’est par cette série d'inter- 
médiaires que la décomposition se propage jus- 
qu'à la masse principale de fulmi-coton humide, 
tassée ou disposéeen galettessuperposées autour 
du détonateur, 


III 


Ces considérations générales nous amènent à 
examiner plus en détail les dispositifs employés 
pour les divers types de mines. Le secret dont 
marines entourent cette question 


toutes Îles 


nous interdit de décrire les modeles actuelle- 
ment en service, mais il nous est loisible de sup- 
poser que ces modèles ne différent que par des 
détails de forme et de mise au point de ceux qui 
furent en usage au temps de la guerre russo- 
japonaise. 

Vers cette époque, les torpilles dormantes 
employées par la marine française avaient la 
forme de cylindres en tôle fermés par des calot- 
tes sphériques (fig. 3), et munis de pieds-cram- 
pons destinés à les fixer au fond, de façon à 


empêcher qu’elles ne soient déplacées par les 


Fig. 3. — Torpille dormante. 


courants, souvent très forts dans les passes par 
suite de la marée; chargées de 400 à 700 kilogs 
d’explosif, suivant la profondeur d'immersion, 
ces torpilles sont rangées en ligne ou en quin- 
conces, et le problème important consiste à dé- 
terminer, au moment voulu, l’inflammation d’un 
de ces engins. Le cas le plus important dans la 
pratique est celui où il s’agit de garder une passe; 
les abords sont défendus par des torpilles vigi- 
lantes et on n’a confié aux torpilles de fond que la 
garde du chenal, relativement étroit, où peuvent 
s'engager les navires ennemis. La surveillance 
des torpilles 1, 2, 3, 4, 5 (fig. 4) exige alors deux 
postes, établis à terre, dont l’un E est placé dans 
le prolongement de la ligne de torpilles, tandis 
que l’autre, le poste intérieur [, est situé derrière 
cette ligne, avec vue sur l'entrée de la passe à 
défendre. Du détonateur de chaque torpille part 
un fil conducteur, soigneusementisolé, qui abou- 
tit au poste intérieur, et qui peut être réuni en 
ce point à un conducteur allant au poste exté- 
rieur et à la batterie de piles P; le cireuit peut se 
fermer, grâce à une plaque immergée M, par la 
mer. Ceci posé, supposons qu'un navire N cher- 
che à forcer la passe : du poste intérieur [, on 


L. HOULLEVIGUE. — LES MINES SOUS-MARINES FIXES 


suit ses évolutions dans une lunette qui,en tour- 
nant sur un cercle horizontal, met automatique- 
ment en circuit la torpille la plus rapprochée de 
la ligne de visée tirée du point I au navire; mais 
le cireuit reste ouvert en E; il ne ferme qu'au 
moment où l'observateur du poste extérieur voit 
le navire passer dans le champ d'unelunette fixe 
qui vise suivant la ligne de torpilles; il suflit 
alors d'appuyer sur le bouton d’un interrupteur 
pour faire passer le courant dans la torpille 4, 


Fig. 4.— Défense d'une passe par les torpilles dormantes. 


E, I, postes de surveillance; P, piles; M, plaques, N, navire; 
1,2, 3, 4, 5, torpilles. 


qui explose aussitôt. Cette méthode serait en 
défaut dans le cas où plusieurs navires cherche- 
raient simultanément à forcer la passe; une 
entente est alors nécessaire pour éviter toute 
fausse manœuvre, mais le cas a été prévu et les 
deux postes sont reliés téléphoniquement; ils 
sont en outre munis de projecteurs qui leur per- 
mettent d'éclairer la passe pendant la nuit; ils 
sont de plus défendus par des forts et protégés 
par des obstacles naturels afin qu'on ne puisse, 
du large, les mettre hors de service; enfin, ces 
défenses sont parfois complétées par des tubes 
lance-torpilles, soigneusement dissimulés, qui 
permettent de lancer en travers de la passe des 
torpilles automobiles. 

La défense par les mines de fond présente 
l'avantage d’une grande sécurité; la mesure de 
la résistance électrique des divers circuits, faite 
à intervalles réguliers, permet de s'assurer que 
les appareils sont toujours en bon état; d’autre 
part, tout risque d’explosion accidentelle est 
écarté, puisque les piles sont normalement hors 
cireuit; enfin, le dragage de ces mines est pres- 
que impossible tant que l’adversaire n’a pas pu 
se rendre maître des côtes parun débarquement. 


En revanche, les mines de fond sont inutilisa- 
bles dans les eaux trop profondes, leur nombre 
est nécessairement restreint, etenfin elles sont 
à peu près ineflicaces par temps de brouillard; 
il est vrai que, si la brume paralyse la défense, 
elle rend l'offensive dangereuse puisque l'assail- 
lant risque de manquer la passe, étroite et con- 
tournée, défendue par les mines de fond, et d’aller 
se briser sur les mines automatiques. Toutes ces 
considérations aident à comprendre pourquoi 
les ports de guerre situés au fond de passes allon- 
gées sont pratiquement inattaquables du côté de 
la mer et ne peuvent céder qu’à un débarque- 
ment de troupes suffisamment armées pour s’em- 
parer des fortifications qui les défendent; 
l'exemple récent de la prise de Tsing-Tao par 
les Japonais est venu apporter une confirmation 
nouvelle de ce fait, qui constitue un des axiomes 
de la guerre maritime. 


IV 


Le forcement d’une passe est une opération 
exceptionnelle ; la défense des côtes contre une 
agression ou un débarquement présente un in- 
térêt plus général. Les mines automatiques 
eurent pour premier objectif de pourvoir à cette 
défense ; réservées d’abord aux eaux territoriales 
qui s'étendent à six milles marins (un peu plus 
de 11 kilomètres) le long des côtes, ces mines 
étaient immergées autour des ports, à l'estuaire 
des fleuves et dans tous les points qui présen- 
tent un intérêt stratégique ; mais la commodité 


CPÉDLIESS 
LS; DT 


Fig. 5. — Torpille vigilante. 


O 


, orin; C, crapaud de fonte, 


7 


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PNR TR 


Cu ee mir coter in l'O dd > 


L. HOULLEVIGUE. — LES MINES SOUS-MARINES FIXES 


de leur emploi a singulièrement étendu leur 
rôle, comme nous le verrons tout à l'heure. 

Les torpille vigilantes employées, il y a quel- 
ques années, par la marine française, présen- 
taient la forme d’un tronc de cône (fig. 5 et 6) 


Fig. 6.— Disposition intérieure des anciennes mines vigilantes. 


M, matelas de bois: P, piles sèches ; 
B, interrupteur: D, détonateur; S, coupe-cireuit soluble. 


parfaitement étanche et renfermant, à la partie 
supérieure, un espace vide qui forme flotteur; si 
la torpille occupe un volume de 400 litres et pèse 
300 kilogs (y compris 70kilogs d’explosif), sa force 
ascensionnelle est de 100 kilogs; par suite, elle 
flotterait à la surface, si elle n’était retenue par 
un orin O, terminé par un crapaud de fonte C 
qui pèse environ 150 kilogs. Sa carcasse en tôle 
est recouverte en dessus par un matelas de bois 
M, destiné à empêcher qu'elle ne soit crevée et 
coulée par le choc qui doiten provoquer l’explo- 
sion. À l’intérieur, et au-dessous de la chambre 
à air qui assure la flottaison, se trouvent les 
piles sèches P qui peuvent être mises en circuit 
avec le détonateur D quand la torpille s'incline 
en rencontrant un obstacle; à cet effet, un inter- 
rupteur B est constitué par une bille en cuivre 
nickelé placée entre une cuvette en cuivre, où 
elle repose, et un plateau également en cuivre; 
sous l’action du choc, la bille roule dans la cu- 
vette etétablit la communication électrique entre 
la cuvette et le plateau; le courant passe et l’ex- 
plosion se produit. Mais la pose de ces torpilles 
serait impraticable si on n'intercalait dans le 
circuit une autre coupure S, qui se ferme auto- 
matiquement après l’immersion : le « coupe-cir- 
cuit soluble » S est constitué par un ressort, 
sous lequel est coincée une cale de sucre ou de 
sel gemme; au bout de vingt à trente minutes, 
le sel est fondu, le ressort appuie contre un 


205 


contact métallique et la mine est définitive- 
ment armée. 

Les mines vigilantes employées par le Japon il 
y à quelque dix ans ne différaient pas sensible- 
ment du type qui vient d’être décrit; elles 
avaient la forme de cylindres, de troncs de cône 
ou de sphères et portaient, en plus du coupe- 
circuit soluble, une autre coupure de sûreté, 
constituée par un mécanisme d’horlogerie, misen 
action par le mouillage de la mine et qui, au bout 
d'une demi-heure, établissait le contact entre 
deux ressorts ; le système sensible était constitué 
par un lourd pendule métallique entouré d’un 
anneau conducteur; sous l’action d’un choc, le 
pendule oscillait et, en touchant l'anneau, ache- 
vait de fermer le circuit d’explosion. 

La mine russe, dont la figure 7 donne un cro- 
quis extérieur et uñe coupe, procédait du type à 
antennes imaginé jadis par Jacobi ; mais la mise 
de feu est confiée, comme dans tous les engins 
modernes, à l'électricité. Cinq antennes À, vissées 
sur la tête de la boîte, contiennent chacune un 
tube de verre à qui renferme un mélange d’acide 
sulfurique et de bichromate de potasse; par la 
rupture du tube, ce liquide tombe sur des élé- 
ments depile pconstituéspar5 lames dezinc alter- 
nées avec 5 charbons ; la pile est ainsi formée en 
même temps que le circuit se ferme, et le courant 
passe dans le détonateur 4 placé au centre de la 
charge-amorce de coton-poudre sec. Au moment 
de mouiller des mines, on dévisse les chapeaux 
de bronze qui protègent les antennes et on en- 
lève une plaque en ébonite, placée en s, qui 
forme coupe-circuit entre un ressort et une pla- 
que métallique. 


Fig. 7. — Mine automatique russe. 


À, antennes; b, tube de verre renfermant un mélange réagissant: 


P, élément de pile; d, détonateur ; s, coupe-cireuit. 


L. HOULLEVIGUE. — LES MINES SOUS-MARINES FIXES 


Tous ces appareils ont certainement reçu des 
perfectionnements; la Convention de La Haye, 
en cherchant à introduire dans la guerre mari- 
time un peu d'humanité etle respect des neutres, 
a édicté l'obligation den’employer que des mines 
se désarmant quand elles ont rompu leur amar- 
rage, et qui deviennent inoffensives au bout d’un 
temps limité; le premier de ces desiderata peut 
être réalisé aisément en intercalant sur le circuit 
électrique une nouvelle coupure à ressort, com- 
mandée par le câble d’amarrage, qui reste ou- 
verte lorsque ce câble cesse d'exercer sa traction 
sur la torpille; il existe également bien des 
moyens de rendre une mine inoffensive au bout 
d’un temps déterminé, mais on peut se deman- 
der, en présence des catastrophes innombrables 
causées par les mines allemandes et autrichien- 
nes échouées sur les côtes, si ces sages prescrip- 
tions ne sont pas restées lettre morte pour deux 
nations qui s’embarrassent peu de scrupules hu- 
manitaires. 

Quel que soitle système adopté pour les mines 
automatiques de contact, la pose de ces engins 
est une opération rapide; les diverses marines 
ont construit des navires à grande vitesse aména- 
gés spécialement à cet effet, mais on peut em- 
ployer aussi bien des bâtiments quelconques, 
voire de simples bateaux de pêche; on peut 
même supposer que les sous-marins allemands 
ont été munis de tubes qui leur permettent, en 
plongée, de mettre à la merles mines automati- 
ques par un procédé analogue à celui qui sert 
au lançage des torpilles automobiles. 

Dans le procédé habituel, les mines sont arri- 
mées dans des soutes, et munies de leur système 
d’amarrage, constitué par un treuil sur lequel 
est enroulé un orin de longueur convenable qui 
se termine par le crapaud de fonte. Sur le pont 
du navire est établie une voie ferrée qui aboutit 
à une porte ouverte à l'arrière; les mines, 
extraites des soutes, sont suspendues à des 
wagonnets par les oreilles qu'elles portent laté- 
ralement, et convoyées jusqu’à l’arrière où le 
wagonnet bascule et les précipite à la mer; l’orin 
se déroule sur son treuil, le crapaud s'assoit sur 
le fond et la mine, d'elle-même, prend sa place 
entre deux eaux. Ainsi, le navire poseur de mi- 
nes, profitant de la nuit ou du brouillard, peut 
égrener son chapelet d'engins meurtriers sur 
plusieurs kilomètres de longueur, de façon à bar- 
rer la route aux navires ennemis ; il peut même, 
pour accroitre l’efficacité de ces barrages, relier 
les torpilles deux par deux; c’est, dit-on, ce stra- 
tagème qui causa la perte du Petropavlosk : le 
malheureux cuirassé rencontra dans sa marche 
le cäble d’accouplement de deux mines; celles- 


ci furent rabattues brutalement contre sa coque 
et leur explosion fit sauter les soutes à muni- 
tions ; le navire s’enfonça par l'avant et disparut 
en moins de deux minutes. 


V 


Contre ces dangereux engins, il n’est guère de 
défense; les « filets Bullivant » aux mailles 
d'acier, suspendus autour des cuirassés, ne peu- 
vent être employés que lorsque ceux-ci sont au 
repos;la multiplication des cloisons étanches 
peut localiser les dégâts; les soutes à combus- 
tibles peuvent être disposées sur les flancs de 
façon à protéger les parties vitales du cuirassé : 
chambre des machines, soutes à munitions; enfin, 
en cas d’avarie, on peut rétablir l'équilibre du 
navire blessé en introduisant de l’eau dans les 
compartiments situés sur le bord opposé à celui 
qui vient d’être frappé. 

Ces palliatifs sont insuflisants; le but de toute 
{lotte est de reconquérir la liberté de ses mou- 
vements en se débarrassant des mines posées 
furtivement par l'adversaire. On a parfois recom- 
mandé, pour cetobjet, l'emploi des contre-mines, 
qu'on fait détoner dansle voisinage des torpilles 
ennemies, dont elles brisent l’enveloppe, dété- 
riorent les circuits intérieurs, ou déterminent 
l'explosion par influence; mais cette méthode 
parait plus théorique que pratique, et il semble 
que le seul procédé efficace consiste à draguer 
les mines. Pour les mines dormantes, des grap- 
pins sont trainés sur le fond; pour la pêche aux 
mines vigilantes, on emploie deux petits navi- 
res, calant 3 ou 4 mètres, de façon à pouvoir 
passer sans danger sur la zone dangereuse; ces 
navires s’avancent parallèlement, en se tenant 
à 200 mètres l’un de l’autre; ils sont reliés par 
un filin d'acier long de 600 mètres, soutenu par 
des flotteurs, qui traine à leur arrière en pre- 
nant la forme d’un U; ce filin rencontre les 
cables d’amarrage des mines, et les coupe, ou 
remorque les mines vers des fonds moindres; 
dans un cas comme dans l’autre, la torpille 
remonte à la surface où on la coule à coups de 
canon-revolver. 

Toutes ces opérations sont dangereuses et 
longues, tandis que la pose des mines est rapide 
et presque sans danger; ceci explique pourquoi 
ces engins, réduits jadis à un rôle subalterne et 
purement défensif, tiennent une place de plus 
en plus importante dans les guerres modernes. 
Elles peuvent être mouillées partout où la pro- 
fondeur est inférieure à 400 mètres, et il suflit 
de jeter les yeux sur la carte de la figure 8 pour 
se rendre compte que la surface susceptible 
d'être minée couvre toute la Manche, la presque 


EP CP monta sit HS 


E. COUSTET. — L'INDUSTRIE DES IMPRESSIONS PHOTOMECANIQUES 


totalité de la mer d'Irlande, 


de la mer du Nord et de la 


Baltique, et de larges éten- 


dues à l’ouest des côtes 


britanniques. Dans cette … E——_——————— 
x —————_—_—_— 
zone, le caractère de la EEE _—_—_— 


guerre navale est profondé- 
ment modifié; les escadres 
ne peuvent plus s’y mou- 
voir sans exercer une sur- 
veillance incessante qui ra- 
lentit leurs mouvements, 
qui fatisgue les équipages 
et qui risque d'énerver le 
commandement; la crainte 
des mines empêche parfois 
une escadre victorieuse de 
recueillir tous les fruits de 
la victoire; c’est ainsi que, 
le 24 janvier dernier, au 
cours de la lutte qui, dans 
la mer du Nord, coûta la 
vie au Bläücher et causa des 
avaries très graves au Derflinger et au Seydlitz, 
ces deux derniers croiseurs cuirassés purent 
cependant s'enfuir vers un champ de mines, 
soigneusement établi par les Allemands autour 
d'Héligoland, où les navires anglais ne pouvaient 
les suivre sans imprudence. D'ailleurs, c’est une 
tactique navale bien connue que celle qui consiste 
àattirerl'ennemi, par uneretraite simulée, sur un 
champ de mines préparé à l’avance:dans la nuit 
du 12 au 13 avril 1904, les Japonais mouillèrent 
des mines devant Port-Arthur, dans le chenal 
habituellement suivi par les navires russes; le 
jour suivant, une escadre japonaise insidieuse- 
ment faible fut envoyée par l'amiral Togo pour 
donner à l’escadre russe l'espoir d’un succès 
facile ; en effet, l'amiral Makharoff sortit avec son 
escadre composée de trois euirassés et de quatre 
croiseurs; c'est lors de cette opération malheu- 
reuse que le cuirassé amiral Petropavlosk heurta 
deux mines jumelées et coula,tandis qu'un autre 
cuirassé russe, le Pobieda, 


E——_—_—_ >< 
EE — 
a î—— 
—— 
E——> 
EEE — 
EEE —— 
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———_—_—_>— 
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| 


I ] 


; 


| 


était gravement 


Fonds inférieurs 
à 100 mètres 


— Fonds supérieurs 
> à 100mètres. 


Fig. 8. — Carte des fonds des mers du nord de l'Europe. 


endommagé par la rencontre d’une autre mine 
vigilante. 

On sait enfin, par les cruelles leçons de la 
guerre actuelle, que les mines automatiques de 
contact ont encore donné à la lutte navale un 
nouveau caractère; posées à dessein sur les 
routes de la navigation commerciale, elles ont la 
prétention d’affamer l'ennemi et de supprimer 
son trafic maritime; en même temps, elles affec- 
tent profondément les opérations légitimes des 
neutres. Elles ont ainsi posé brutalement des 
problèmes redoutables et imprimé à la guerre 
moderne un caractère de sauvagerie révoltante. 
Espérons que la dure expérience d'aujourd'hui ne 
sera pas perdue pour l’avenir et que des conven- 
tions, plus précises et mieux respectées que celles 
de La Haye, interdiront à tout jamais des prati- 
ques qui ont transformé les luttes loyales d’autre- 
fois en une série de brigandages etde guets-apens. 

L. Houllevigue, 


Professeur à la Faculté des Sciences de Marseille, 
% 


L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES IMPRESSIONS PHOTOMÉCANIQUES 


Les graveurs d'autrefois travaillaient des mois 
entiers, parfois des années, sur la même planche 
de cuivre ou d’acier,et César Cantu assure que Ca- 
lamatta mit vingt ans à reproduire par le burin la 
Joconde de Léonard de Vinci'. Aujourd'hui quel- 
ques heures suffisent aux procédés photoméca- 


1. Histoire des Italiens, t, XI, p. 57. 


niques pour donner par milliers, par centaines 
de mille, des reproductions d’une fidélité sans 
égale. Il y a encore, il y aura toujours des gra- 
veurs de talent; mais il semble que leur art 
doive désormais s'exercer à créer des œuvres 
originales, au lieu de s’épuiser vainement dans 
un labeur de copiste. La gravure photographique 
a conquis en quelques années la première place, 


PA 


208 E. COUSTET. — L'INDUSTRIE DES IMPRESSIONS PHOTOMÉCANIQUES 


presque la place unique, parmi les arts de repro- 
duction, etbien rares sont maintenant les images 
où nous ne retrouvons pas l'œuvre de la lumiere. 

L'illustration photographique n’est d’ailleurs 
pas restée limitée àun mode unique d’exécution, 
d’où aurait pu résulter quelque monotonie. Les 
divers genres de gravure autrefois en usage, 
lithographie, eau-forte, aquatinte, bois en fac- 
simile ou bois en teinte, ont leurs équivalents 
dans les procédés photomécaniques que nous 
allons rencontrer : photolithographie, à laquelle 
se rattache la photocollographie ou phototypte; 
héliogravure en creux, ou gravure en taille-douce; 
et phototypogravure, où gravure en relief, que 
l’on désigne habituellement sous le nom de pho- 
togravure, pour les reproductions de dessins au 
trait, et sous celui de sémilisrapure, pour les 
images à modelés continus. 


I. — PuorozirnocrnaPniE 


Les premières recherches de Niepce sur la 
photo-chimie avaient pour obiet de remplacer 
économiquement le travail du dessinateur-litho- 
graphe par l’action de la lumière. En 1812, il 
avait déjà remarqué que le bitume de Judée de- 
vient insoluble, après insolation, dans l'huile de 
naphte et l'essence de lavande. Il essaya d’éten- 
dre cette substance sensible, d’abord sur des 
pierres lithographiques, puis sur des planches de 
métal. La surface ainsi préparée était exposée à 
la lumière, sous le dessin à copier, et le bitume 
préservé par les traits opaques du modele de- 
meurait seul soluble dans les essences. Ce pro- 
cédé fut repris, en 1852, par Bareswil, Lemercier, 
Lerebours et Davanne. Une solution de bitume 
dans l’éther était étendue sur une pierre litho- 
graphique. Après dessiccation, celte couche était 
impressionnée sous un négatif, puis lavée à 
l’éther. Le bitume insolubilisé par la lumière 
formait réserve; la pierre était alors acidulée, 
gommée etencrée, puis letirage s’effectuait sui- 
vant les méthodes lithographiques ordinaires. 

Le 27 août 1855, Poitevin prenait un brevet 
pour l'application à la photolithographie des 
mucilages ou colloïdes bichromatés. Il avait 
constaté qu’un mélange de gélatine et de bichro- 
mate de potasse soumis à l'influence de la lumière 
sous un négatif, puis mouillé et recouvert d’en- 
cre grasse, acquiert des propriétés semblables à 
celles d'une pierre lithographique préparée : 
l'encre n'adhère qu'aux parties impressionnées 
par la lumière. Le même phénomène se reproduit 
encore, si l’on remplace la gélatine par l’albu- 
mine, la gomme ou toute autre substance muci- 
lagineuse mêlée à un bichromate alcalin. 

Actuellement, les pierres lithographiques sont 


presque toujours remplacées par des feuilles de 
zine ou d'aluminium, plus légères, moins encom- 
brantes, meilleur marché et susceptibles d'être 
utilisées sur machines rotatives. Le métal, bien 
décapé et finement dépoli, est recouvert d’albu- 
mine bichromatée. Après dessiccation dans 
l'obscurité, on expose à la lumière, sous le cliché 
négatif, puis on recouvre d'encre grasse la surface 
impressionnée. On plonge alors la plaque dans 
l’eau, qui dissout l’albumine préservée de l'ac- 
tion lumineuse sous les opacités du phototype. 
L'albumine, en se dissolvant, entraîne l’encre 
grasse qui la recouvrait. Une solution de somme 
acidulée, versée sur la planche, mouille le métal 
mis à nu. Si l’on passe ensuite un rouleau chargé 
d’encre lithographique, celle-ci n’adhère qu'aux 
parties qui ne sont pas mouillées. 

Les feuilles métalliques sont plus aisément 
maniables que les pierres, mais ne sont pas 
moins opaques, de sorte que l’insolation doit 
être contrôlée au photomètre. De plus, la sensi- 
bilisation directe de la planche nécessite l'emploi 
d’un négatif retourné. En effet, si la planche qui 
va servir au tirage était impressionnée sous 
un phototype ordinaire, l’image ainsi produite 
serait vue dans son vrai sens sur la couche sen- 
sible de la planche, comme une épreuve ordi- 
naire. Par conséquent, l'image imprimée sur le 
papier à l’aide de cette planche serait inversée, 
comme si le sujet était vu dans un miroir. 

Il était donc naturel d'appliquer à la photoli- 
thographie les procédés de report usités déjà 
en lithographie. Placet, Asser, Osborne et James 
passent généralement pour en être les auteurs; 
mais, en réalité, Poitevin les avait mis en 
pratique bien avant eux: « J'eus également 
l'idée, écrit-il!, de fixer les encres grasses 
sur le papier enduit d’albumine bichromatée; 
l'albumine insolubilisée retenant l’encre, tan- 
dis que celle restée soluble empéchait l’adhé- 
rence des corps gras; ce qui me conduisit 
d’abord au tirage à l’encre grasse sur papier 
pour être transporté sur pierre lithographi- 
que ». Le procédé par report est d’une exécution 
plus commode, puisqu'on n'a à sensibiliser 
el à impressionner qu’une feuille de papier. Le 
cliché ne doit pas être retourné, puisque le re- 
port donnera une image symétrique ‘de celle qui 
estimprimée sur le papier. Enfin, il est facile de 
surveiller l’insolation, en l’effectuant dans un 
chässis-presse à brisures. Par contre,si soigneu- 
sement qu’ait été pratiqué le report, la pression 
étale toujours plus ou moins l’encre ; elle donne, 


—————_—_ 


1. À. Porrevin : Traité des impressions photographiques, 
p. 74. 


.: 


E. COUSTET. — L'INDUSTRIE DES IMPRESSIONS PHOTOMÉCANIQUES 209 


par suite, quelque lourdeur au trait et risque de 
boucher les hachures les plus serrées. En outre, 
le papier étant impressionné sec el reporté à 
l'état humiden’a pas dansles deux cas les mêmes 
dimensions : il s’allonge, une fois mouillé, et la 
pression nécessaire au décaique le déforme en- 
core davantage. L’insolation directe de la plan- 
che convient done mieux aux travaux délicats, 
car elle conserve seule toute la précision et toute 
la finesse du dessin original. 

Pour les tirages rapides, au jour ou à la lu- 
mière artificielle, et notamment lorsqu'il s'agit 
d'agrandir un dessin, le papier de report à l’albu- 
mine bichromatée est remplacé par un papier 
au gélatinobromure d’argent. Après développe- 
ment, fixage et lavage, l'épreuve est passée dans 
le bain au bichromate et au bromure de potas- 
sium dont on se sert en ozobromie!. Les 
noirs pälissent et sont, en même temps, ren- 
dus imperméables à l’eau, donc susceptibles de 
retenir l'encre grasse. 

La photolithographie est limitée, en principe, 
_à la reproduction des dessins au trait, car elle ne 
donne que deux tons : la couleur de l’encre et le 
blanc du papier. Cependant, elle devient suscep- 
tible de traduire les sujets à modelés continus, à 
l’aide de certains artifices qui produisent l’illu- 
sion des demi-teintes par le rapprochement de 
lignes ou de points entièrement noirs. On peut, 
notamment, exécuter le tirage sur pierre ou sur 
métal d’après un négatif tramé, préparé suivant 
les procédés de la similigravure, que nous décri- 
vons plus loin. Dans certains ateliers, on arrive 
à un résultat analogue avec des clichés ordi- 
naires, en se servant de planches grainées recou- 
vertes de bitume que la lumière insolubilise 
plus ou moins profondément. Il résulte de la 
forme ondulée de la planche que la largeur des 
points mis à découvert par le dépouillement 
varie suivant les gradations du modelé. On 
mouille à l’eau gommée ces points de la surface 
métallique, on enlève le bitume et l’on passe 
l'encre lithographique, qui est repoussée par les 
points humectés. 

On a essayé de reporter une épreuve tirée en 
photocollographie; mais la finesse du grain de 
l’image rend cette méthode tres délicate. M, C. de 
Santeul a proposé de reporter sur pierre grainée 
une épreuve encrée au pochoir, suivant le pro- 
cédé Rawlins, plus connu des photographes 
sous le nom de procédé à l'huile. Un papier géla- 
tiné, sensibilisé au bichromate de potasse, est 
exposé sous un négatif à teintes continues, jus- 
qu'à ce que tous les détails aient paru. On lave, 


1. V. la Revue générale des Seiences du 15 avril 1914. 


jusqu'à décoloration de la feuille, on éponge et 
l’on procède à l’encrage, non plus à l'aide de 
rouleaux, mais avec des pinceaux de formes et de 
grosseurs différentes, suivant les exigences du 
travail. L'intervention personnelle de l'opérateur 
joue un rôle prépondérant dans l'obtention cor- 
recte des modelés. Dans l’application de cette 
méthode à la lithographie, on se sert naturelle- 
ment d'encre à report. Afin d'éviter que le mouil- 
lage du papier accuse en creux les noirs de 
l'épreuve, ce qui nuiraitau décalque, M. de San- 
teul sensibilise de nouveau au bichromate le 
papier encré et l’expose directement à la lumière 
pendant quelques minutes, de façon à rendre les 
blancs imperméables et à éviter leur gonfie- 
ment'. L'épreuve est ensuite reportée sur pierre 
ou sur métal, suivant la technique habituelle, 


IT. — PnorocozLocRAPrIE 


Ce procédé est fondé, comme le précédent, 
sur les modifications que la lumière fait subir à 
un colloïde bichromaté. Il s’en distingue en ceci, 
que l'encre du tirage est déposée, non plus à la 
surface d'une pierre ou d’une plaque métallique, 
mais bien sur une couche de gélatine rendue plus 
ou moins imperméable par l’action photo-chimi- 
que. Cette couche, maintenue humide pendant le 
tirage, est évidemment moins résistante que les 
planches lithographiques; aussi la photocollo- 
graphie ne se prête-t-elle pas à de très gros ti- 
rages. En revanche, elle offre le précieux avan- 
tage de reproduire les sujets à modelés continus, 
notamment les épreuves photographiques, jus- 
qu’à leurs moindres demi-teintes. Il s'ensuit que, 


malgré la perfection qu'ont atteinte les procédés 


de gravure qui seront décrits dans les para- 
graphes suivants, la photocollographie, très ré- 
pandue jadis, n’est pas encore abandonnée: elle 
a même du, ces dernières années, un regain de 
faveur à la vogue persistante des cartes postales 
illustrées. C’est, du reste, un procédé simple, 
qui n’exige pas une installation bien compliquée 
et qui est même à la portée des amateurs. 
Poitevin avaitremarqué que la gélatine bichro- 
matée impressionnée sous un négatif est rendue 
imperméable proportionnellement à l'intensité 
des ombres du modèle ; de telle sorte que, si l’on 
passesurcette couche préalablement mouillée un 
rouleau garni d’encre grasse, celle-ci n'adhère à 
lagélatine qu’en proportion de l'impression lumi- 
neuse. Ce procédé est déjà indiqué par Poitevin 
dans son brevet de 1855; maïs c’est en 1862 qu’il 


1. Bulletin de la Société française de Photographie, décem- 
bre 1913, p. 364, 


210 E. COUSTET. — L'INDUSTRIE DES IMPRESSIONS PHOTOMÉCANIQUES 


insista sur ses avantages et l’étudia au point de 
vue pratique. 

Ses premières planches étaient constituées 
par des pierres lithographiques recouvertes de 
gélatine. Elles ne fournissaient que de médiocres 
résultats. Il avait d’abord fallu tâtonner, pour 
trouver le meilleur degré de consistance de l’en- 
cre, condition essentielle pour la reproduction 
fiäèle des demi-teintes. En outre, la couche géla- 
tineuse adhérait mal à son support, d’ailleurs 
trop lourd et trop encombrant. Le tirage était 
ordinairement limité à une centaine d'épreuves, 
après quoi la pellicule, gonflée par l’eau, était 
presque toujours à ce point endommagée par la 
pression qu’elle ne pouvait plus servir. 

En 1867, Tessié du Motay et Maréchal substi- 
tuërent aux pierres lithographiques des plaques 
de cuivre plané et poli, et surent acquérir une 
grande habileté dans la pratique de ce procédé, 
auquel ils avaient donné le nom de phototypie, 
nom qui est encore donné par beaucoup d’impri- 
meurs à la photocollographie, bien que le relief 
n'entre pour rien dans ce mode d'impression. La 
couche de gélatine adhéraït assez bien au métal, 
mais elle était encore trop fragile, parce que 
l’action photo-chimique,. limitée à la surface, 
laissait toute sa perméabilité à la couche en con- 
tact avec le cuivre. , 

Albert imagina, en 1868, le perfectionnement 
décisif qui devait rendre viable cette méthode de 
tirage photomécanique : il coulait la gélatine 
bichromatée sur une dalle de verre ; après dessic- 
cation dans l'obscurité, il l’'exposait pendant 
quelques instants à la lumière, le côté verre en 
avant, de manière à rendre imperméable la cou- 


che en contact avec le support. La face extérieure: 


de la couche sensible était ensuite exposée sous 
le cliché négatif. La transparence du verre per- 
mettait de surveiller la venue de l'image qui 
se dessinait peu à peu, en brun sur fond jaune, et 
d'arrêter l’insolation juste au point voulu. I] suf- 
fisait ensuite d'éliminer le bichromate par des 
lavages à l’eau froide, pour que la planche fût 
prête à de nombreux tirages. 

Obernetter indiqua, en 1870, l'emploi du sili- 
cate de soude, pour donner plus de solidité à la 
couche de gélatine. Depuis cette époque, la pho- 
tocollographie n’a reçu que quelques perfection- 
nements de détails. 

On se sert de glaces à surfaces planes et de 6 à 
20 millimètres d'épaisseur, selon le format. L'une 
des surfaces est doucie, les bords sont rodés à la 
meule et les chanfreins biseautés, ou mieux 
arrondis, afin de faciliter l’entrée en prise des 
rouleaux. Le côté douci est d’abord recouvert 
d'un mélange de bière légère et d’une solution 


de silicate de soude. En séchant, cet enduit subit 
une sorte de granulation qui, s'ajoutant aux pro- 
priétés adhésives du silicate, assurera une adhé- 
rence parfaite à la couche sensible. 

La mixtion sensibilisatrice est constituée par 
une solution de gélatine, de bichromate de po- 
tasse et d'ammoniaque. L'industrie fournit pour 
la photocollographie des gélatines spéciales, 
d'excellente qualité, les unes dures, les autres 
tendres. Il est nécessaire de mélanger deux ou 
trois espèces de gélatines de dureté différente; il 
est même utile d'en modifier les proportions, sui- 
vant la température : pendant l'été, on augmen- 
tera la quantité de gélatine dure, moins soluble, 
tandis qu’en hiver on fera plutôt prédominer la 
gélatine tendre. 

La dalle recouverte de gélatine bichromatéc est 
immédiatement enfermée dans une étuve dont 
on a soin de maintenir la température con- 
stante : à 450, la dessiccation s'achève en 2 ou 
3 heures. Si elle était notablement plus lente, le 
bichromate cristalliserait, et chaque cristal pro- 
duirait une tache. 

La couche sensible une fois sèche est mise en 
contact avec le phototype, dans un châssis- 
presse, et exposée à la lumière. Quand l'image est 
visible dans tous ses détails, on sépare la dalle 
du négatif, et l’on procède à une seconde exposi- 
tion à travers l'épaisseur du verre, posé sur un 
drap noir, la couche sensible en dessous : la 
couleur brune que prend le bichromate indique 
le moment où il faut s'arrêter. 

La dalle est alors lavée dans l’eau jusqu'à 
complète élimination du bichromate, ce qui exige 


environ 4 heures, puis on durcit la gélatine dans 


une solution d’alun. Après un dernier lavage, 
on peut laisser sécher ou passer directement au 
bain de mouillage qui doit précéder l’encrage. 

Si l’on passait un rouleau garni d’encre grasse 
sur la couche gélatineuse sèche, elle serait 
entièrement noircie. C’est l’imbibition dela géla- 
tine qui lui permet de repousser complètement 
l’encre sur les points correspondant aux blancs 
de l’image et de la retenir plus ou moins sur les 
noirs et sur les demi-teintes, proportionnel- 
lement à son imperméabilisation. Il ne suffit pas 
d'humecter la surface de la gélatine; un mouil- 
lage superficiel aurait le double inconvénient de 
sécher trop vite et de rendre l’encrage très difli- 
cile, sinon impossible. En effet, il faut remarquer 
que ce sont les points correspondant aux blancs 
qui absorbent le plus d’eau : ils se gonflent, tan- 
dis que les noirs forment des cavités au fond 
desquelles le rouleau encreur ne peut plus péné- 
trer. On atténue ces différences d'épaisseur en 
prolongeant suffisamment le mouillage pour que 


E. COUSTET. — L'INDUSTRIE DES IMPRESSIONS PHOTOMÉCANIQUES 211 


la couche tout entière soit imprégnée, ce qui 
exige généralement plusieurs heures. Et, pour 
que la couche ne sèche pas pendant le tirage, 
pour que son degré d'humidité reste à peu près 
constant, on ajoute à l’eau des substances suscep- 
tibles d’en ralentir l’évaporation. Dans la plupart 
des ateliers, on se sert à cet effet d’un mélange 
d’eau et de glycérine. 

Quand les reliefs qui se sont d’abord produits 
tendent à disparitre, on éponge légèrement la 
surface avec un tampon de linge fin, et on cale 
la dalle sur la presse. Dans les procédés d’ama- 
teurs, on se contente de presses extrèémement 
simples; on utilise même des presses à copier les 
lettres, et l’encrage s'exécute au moyen d’un rou- 
leau à main. Dans l’industrie, le tirage s'effectue 
sur des presses très perfectionnées. Le papier, 
saisi par des pinces, est appliqué contre un cy- 
lindre sous lequel passe la dalle automatique- 
ment encrée par des rouleaux en cuir ou en géla- 
tine. Les rouleaux encreurs sont parallèles à 
l’axe du cylindre; d'autres rouleaux, dits distri- 
buteurs, sont disposés obliquement, formant un 
angle de 20 à 30° avec la direction de l'axe du 
cylindre. Si la presse est à touche multiple, les 
rouleaux encreurs passent plusieurs fois sur la 
planche pour une seule révolution du cylindre. 
En déplaçant un levier, on la fait fonctionner en 
simple touche, c’est-à-dire avec un seul encrage 
pour une révolution du cylindre. Certaines pres- 
ses fonctionnent aussi en double pression, c’est- 
à-dire que la pince qui maintient le papier sur 
le cylindre ne s'ouvre qu’une fois pour deux 
révolutions de ce dernier, ce qui permet d’obte- 
nir des images très vigoureuses. 

Quand l’encrage est bien réglé, on peut tirer 
plus de 30 épreuves sans mouiller de nouveau. 
Dès que les images commencent à devenir un 
peu grises, on nettoie la planche, en pressant 
une ou deux feuilles sans encrer, puis on y verse 
du mouillage à la glycérine, après quoi on 
éponge et on recommence l’encrage. Une ma- 
chine bien conduite permet de tirer sur chaque 
dalle plus de 1.500 épreuves par jour. Pour réa- 
liser une production économique, on groupe gé- 
néralement plusieurs clichés sur une grande 
planche. Supposons, par exemple, qu’il s'agisse 
de tirer des cartes postales. Il ne serait pas pra- 
tique de mettre en mouvement uue grande ma- 
chine pour tirer ces épreuves une à une. On en 
réunira donc un certain nombre, soit 20 sur une 
planche 50 >< 60, et les 1.500 coups de presse que 
la machine est susceptible de donner en une 
journée produiront en réalité 30.000 épreuves, 
tirées sur de grandes feuilles qu'on n'aura plus 
qu'à découper. 


IT. — Paorocnavure 


Les procédés précédents ne s'appliquent qu'aux 
tirages hors texte. Pour tirer une gravure en 
même temps que le texte, il faut des clichés for- 
més de lignes ou de points en relief et creusés 
assez profondément pour que l’encrage s'effectue 
de la même manière que sur les caractères typo- 
graphiques. La gravure en relief, ou en {aille 
d'épargne, est la plus ancienne manière de gra- 
ver, parce que l'encrage et l'impression en sont 
très faciles; mais elle exige des creux assez pro- 
fonds, et il est pénible d'exécuter les tailles à la 
main dans l’épaisseur d’un métal; c’est pourquoi 
ce mode de gravure ne fut pendant longtemps 
pratiqué que sur le bois. Pour graver le métal, 
il est plus commode de le ronger par des acides 
ou des oxydants, après avoir protégé par un ver- 
nis les parties qui doivent rester en relief. La 
difficulté de la gravure chimique, c’est que le 
mordant tend à agir dans tous les sens et à ron- 
ger les parois qui supportent les reliefs. Cet in- 
convénient est négligeable dans la gravure en 
taille-douce, où de faibles creux suflisent, et c’est 
pourquoi le procédé à l’eau-forte y a été de bonne 
heure appliqué; mais, pour la gravure en relief, 
il fallait créer des méthodes spéciales, et le pro- 
blème ne fut entièrement résolu qu’en 1850. À 
cette époque, Firmin Gillot exécutait des clichés 
sur zinc analogues à ceux de la gravure sur bois 
et reproduisait typographiquement des dessins 
sans l'intervention du graveur. Son procédé, 
d’abord désigné sous le nom de paniconographie, 
mais plus généralement connu sous celui de gil- 
lotage, consiste à fractionner la morsure,en pro- 
tégeant par des réserves à l'encre grasse les 
paroisides reliefs,à mesure que le mordant creuse 
les cavités. La paniconographie demeurait limi- 
tée aux reproductions à taille égale. Pour repro- 
duire un dessin à une échelle déterminée, plus 
grand ou plus petit, il fallait exécuter d'abord 
un nouveau dessin, opération parfois très lon- 
gue, délicate, exigeant des artistes habiles et par 
conséquent coûteuse, quoique ne donnant pas 
toute garantie de parfaite exactitude. Seule, la 
photographie pouvait pleinement satisfaire aux 
conditions voulues de fidélité, d'économie et de 
rapidité. 

En exposant sous un négatif une planche d'acier 
recouverte de bitume, Niepce de Saint-Victor et 
Lemaitre obtenaient, en 1853, des images en re- 
lief. Le bitume étant insolubilisé sous les trans- 
parences du négatif, le lavage de la plaque dans 
l'essence de térébenthine ne mettait le métal à 
nu que sur les points correspondant aux blancs 
du sujet. La plaque étant alors plongée dans un 


212 E. COUSTET. — L'INDUSTRIE DES IMPRESSIONS PHOTOMÉCANIQUES 


acide, le métal était creusé, excepté sur les points 
protégés par le bitume devenu insoluble. Cepen- 
dant, les reliefs ainsi obtenus étaient insuflisants 
pour de bons tirages sur presse typographique : 
si l’on essayait de creuser le métal aussi profon- 
dément qu'il l’eût fallu, les tailles manquaient 
de solidité et s’écrasaient. C’est en combinant la 
paniconographie avec l’invéntion de Niepce que 
Charles Gillot, fils de Firmin Gillot, réalisa, en 
1872, la photogravure au trait, telle, à peu près, 
qu'on la pratique encore actuellement. 

Les clichés de trait sont exécutés le plus sou- 
vent sur zinc, d’où le nom de zincogravure que 
l’on donne parfois à ce procédé. On se sert de 
plaques d'environ 2 millimètres d'épaisseur, po- 
lies et dégraissées. La couche sensible, primiti- 
vement constituée par du bitume de Judée, est 
maintenant presque toujours composée d’albu- 
mine bichromatée, qui permet d'obtenir les 
mêmes résultats beaucoup plus rapidement. 

La solution, préalablement filtrée, est étendue 
sur la plaque en couche mince, égalisée à la 
tournette et séchée dans l'obscurité. La durée de 
l'exposition à la lumière, sous le négatif, est dé- 
terminée à l’aide d’un photomètre. Elle est géné- 
ralement courte, le cliché ne présentant point de 
demi-teintes, mais seulement des noirs opaques 
et des blancs entièrement transparents : au so- 
leil, la pose ne dépasse guëre 1 minute; à la lu- 
mière diffuse, elle atteint rarement 1 heure; à 
30 centimètres d’une lampe à arc de 20 ampères, 
» à 10 minutes suflisent. 

La couche impressionnée est recouverte d’une 
encre grasse spéciale, dite de départ, composée 
de noir typographique, de cire jaune et de colo- 
phane. La plaque ainsi noircie est plongée dans 
l'eau. Après 1 ou 2 minutes, on passe légèrement 
sur la surface encrée un tampon d'ouate imbibé 
d’eau légèrement gommée. L’albumine non im- 
pressionnée se dissout, entraînant l’encre qui la 
recouvrait, et l’image apparaît, en traits noirs, 
sur le fond métallique. Quand tous les blancs 
sont bien dégagés, on rince à grande eau, et l’on 
fait rapidement sécher, à une chaleur modérée. 
L'encre restée sur les lignes insolubilisées ne 
résistant pas suffisamment à l’acide qui va creu- 
ser le métal, il faut la renforcer par addition 
de substances résineuses. On prépare dans ce 
but un mélange de résine et de cire que l’on 
réduit en poudre très fine. Cette poudre est 
appliquée sur la planche à l’aide d’un tampon 
de coton; elle adhère à l'encre grasse, mais 
non au métal mis à nu. On époussette au 
blaireau, et l’on fait chauffer jusqu'à ce que 
l’image, qui était devenue mate par le dépôt de 
poudre, redevienne brillante. La cire et la résine 


se trouvent alors fondues et forment sur les traits 
de l’image une couche compacte qui résistera 
parfaitement au mordant. Le dos de la plaque 
est recouvert d’un vernis à la gomme laque. On 
protège également par cet enduit les grands espa- 
ces blancs, jusqu'à environ un demi-centimètre 
des traits du dessin. 

La morsure du zinc s'effectue dans une solu- 
tion étendue d’acide nitrique. Une solution trop 
concentrée déterminerait un échauffement capa- 
ble de ramollir les substances qui constituent 
les réserves. En employant une solution à 5°), 
d'acide du commerce {à 36° Baumé), la profon- 
deur des creux déterminés par la morsure n'est 
que de 1/3 de millimètre par heure. On commence 
même généralement par des solutions encore 
plus diluées. L’acide est mis dans des cuvettes 
auxquelles un mécanisme communique un mou- 
vement continuel de bascule, de manière à régu- 
lariser la morsure, Dans certains ateliers, l'acide 
est projeté sur la plaque par une sorte de pulvé- 
risateur. 

L’acide ronge le zinc, le creuse partout où sa 
surface n’est pas protégée parles réserves. Quand 
il en a enlevé une certaine épaisseur, il com- 
mence à attaquer les talus sur lesquels reposent 
les réserves : la surface protégée par les sub- 
stances grasses reste bien inattaquée, mais il 
n’en est pas de même des parois verticales qui 
sont mises à découvert par les progrès de la mor- 
sure. Les traits de la gravure seraient donc 
minés par-dessous et même parfois entièrement 
sapés, si l’on ne prenait pas des précautions 
toutes particulières. C’est à Firmin Gillot qu'est 
dû le tour de main grâce auquel les talus des 
tailles sont protégés contre le mordant : de là le 
nom de gillotage donné aux opérations suivantes. 

La première morsure, effectuée dans une solu- 
tion d’acide nitrique à 1°/,, est arrêtée au bout de 
5 minutes environ : les cavités, dans les grands 
blancs, n’ont alors qu'une profondeur de 
O0 mm, 005. On passe sur la planche une éponge 
douce imbibée d’une solution de gomme arabique 
et d’acide gallique, qui adhère au métal à nu, 
mais non aux réserves grasses. On lave ensuite 
sommairement, de manière à n'éliminer que 
l'excès de gomme. Un rouleau garni d'encre 
lithographique est passé sur la planche :le corps 
gras adhère aux lignes formant réserve, mais il 
est repoussé par la gomme dont il subsiste 
encore des traces sur le métal. On fait sécher, on 
saupoudre de colophane qui ne s'attache qu'à 
l'encre, et l’on chauffe modérément : l’encre et 
la résine se fluidifient, débordent légèrement et 
coulent sur les talus des reliefs, qui se trouvent 
ainsi protégés contre l’acide. 


E. COUSTET. — L'INDUSTRIE DES IMPRESSIONS PHOTOMÉCANIQUES 213 


On procède alors à une deuxième morsure, 
dans un bain dilué comme le premier, mais dont 
on prolonge l’action un peu plus longtemps, 
environ 8 minutes. Cette nouvelle morsure creuse 
le zine d'environ 0 mm, 008. On passe une nou- 
velle couche d'encre, on la saupoudre de résine, 
on fait chauffer, de manière à protéger les nou- 
veaux talus découverts par l’acide, et l’on reprend 
la morsure. 

Ces opérations sont recommencées sept ou 
huit fois, et même davantage, jusqu'à ce que la 
profondeur des creux atteigne presque 1 milli- 
mètre. Les morsures ainsi fractionnées ont des 
durées croissantes, de 15 à 30 minutes, et s’effec- 
tuent dans des bains de plus en plus concentrés, 
de 2 à 20 °/.. Les tailles ainsi obtenues sont sufli- 
santes partout où les intervalles entre les traits 
ne dépassent pas 2 ou 3 millimètres; mais, dans 
les espaces plus ‘larges, il est nécessaire de 
creuser plus profondément, jusqu’à 2 milli- 
mètres, suivant l'étendue des blanes, Il faut 
alors, ou découper ces espaces à la scie, ou les 
creuser mécaniquement à l’aide d’outils appro- 
priés, ou procéder à une nouvelle morsure, dite 
de grand-creux. Cette morsure s'effectue dans 
une solution d’acide à 25 °/,;elle est prolongée 
pendant une demi-heure et produit des creux 
de 0 mm, 750. 

A chaque nouvelle morsure, les réserves se 
sont étalées, élargies de plus en plus, et les 
reliefs sont supportés par des talus obliques. 
Cette forme est favorable à la solidité des reliefs 
et leur permet de résister sans s’écraser aux pres- 
sions qu'ils auront à subir au tirage. Cependant, 
le profil des talus n’est pas uni: par suite du 
fractionnement des morsures, il présente une 
série de gradins, correspondant chacun à l’une 
des coulées d’encre et de résine. Pour supprimer 
ces aspérités, qui retiendraient de l'encre et 
occasionneraient des taches, on recouvre toute 
la planche d’une encre spéciale, dénommée noir 
dur ou encre à finir. On saupoudre de résine, et 
l’on chauffe : le mélange fond et coule dans les 
tailles, les saillies des gradins restent seules à 
découvert, et on les ronge à l'acide nitrique. 
Cette morsure, dite de finissage, est elle-même 
fractionnée, généralement en trois phases. 

Toutes ces opérations, encrages, poudrages, 
morsures, lavages, prennent à peu près 4 heures. 
Un ouvrier habile réussit bien à supprimer deux 
ou trois morsures; mais, par contre, les débu- 
tants sont obligés de fractionner davantage, et 
le seul moyen d’abréger le travail est de grouper 
plusieurs sujets sur la même planche. 

Le procédé est rendu moins compliqué et 
moins long par les machines à mordre, dans 


lesquelles l’acide est projeté contre la plaque. 
Sous l'effet du choc des gouttelettes, la morsure 
en profondeur est beaucoup plus rapide que la 
corrosion latérale, Avec une solution acide à 
15 °/,, il suflit de trois morsures durant respec- 
tivement 1,5 et 10 minutes, séparées, comme 
toujours, par un encrage et une coulée de l'encre. 
Les aspérités des talus sont si peu marquées 
qu'on peutse dispenser des morsures de finis- 
sage. Le grand creux des larges espaces blancs 


est remplacé par le fraisage mécanique. 


IV. — SimiLiGRAVURE 


L'impression typographique ne donne que 
deux tons: celui de l'encre et celui du papier. 
Pour reproduire par ce moyen des images à 
modelé continu, comme les photographies 
d'après nature, les tableaux, les lavis, il estnéces- 
saire de transformer ce modelé en combinaisons 
de points ou de traits plus ou moins larges et 
plus ou moins espacés. Le cliché n’imprimera, 
en réalité, que du noir pur sur du papier blanc, 
l’épaisseur de l’encre déposée par le rouleau 
toucheur étant partout la même; mais les teintes 
claires seront représentées par des points noirs 
très petits et très espacés, tandis que les teintes 
foncées résulteront du rapprochement de points 
noirs assez larges séparés les uns des autres par 
d’étroits liserés blancs. C’est d’ailleurs ainsi que 
procède le dessinateur, pour donner l'illusion 
d'un modelé, en couvrant son papier de points 
ou de hachures au crayon ou à la plume. Et c’est 
encore ainsi que le graveur sur bois interprète 
lesteintes continues par des reliefs plus ou moins 
étendus et resserrés. 

Il s'agissait d'arriver au même résultat sans 
l'intervention du dessinateur et par des moyens 
exclusivement automatiques. Le plus pratique 
que l’on ait trouvé Jusqu'ici est de sectionner 
l’image par l’interposition d’un réseau ou trame, 
formé de points opaques ou de lignes croisées. 
L'emploi du réseau, grainé ou quadrillé, est 
assez ancien; mais il a fallu tâtonner longtemps 
avant de trouver la meilleure disposition. 

Dès 1853, Talbot proposait d'interposer entre 
le phototype et la planche sensibilisée au bitume 
un tissu à trame très fine. En 1864, Mattey 
employait à cet effet une gaze de soie. L'année 
suivante, E.et J. Bullock disposaient pour la pre- 
mière fois la trame dans l’appareil photogra- 
phique, en avantet à faible distance de la plaque 
sensible. Edouard Cannevel, en 1885, réalisait 
plus complètement les conditions requises, en 
montant la trame sur un cadre mobile, de ma- 
nière à l'amener exactement à la distance optima 


214 E. COUSTET. — L'INDUSTRIE DES IMPRESSIONS PHOTOMÉCANIQUES 


entre la plaque sensible et l'objectif, [1 transfor- 
mait ainsi les modelés continus, d’opacités 
variables, en une image discontinue, formée de 
points d’une même opacilé, mais d’inégales 
dimensions, et dont l’assemblage plus ou moins 
espacé produisait l'illusion de teintes propor- 
tionnelles aux valeurs de l’image originale. 
Cannevel fabriquait ses trames lui-même, en 
photographiant au collodion des rayures impri- 
mées sur indienne. L'écart entre la trame et la 
surface sensible était réglé par une vis moletée 
fixée au-dessus de la chambre noire. Avec ce 
matériel rudimentaire, que l’on peut voir au Con- 
servatoire des Arts et Métiers, Cannevel avait 
réussi quelques planches qui valent presque 
celles que l’on obtient de nos jours. Malheu- 
reusement, il n'y avait alors ni presse, niencre, 
ni papier pour imprimer des clichés d’une struc- 
ture si particulière. Pour exploiter industrielle- 
ment ce procédé, il fallait créer tout un nouvel 
outillage. 

Quoique inventée en France, la similigravure 
n'ya pas reçu ses perfectionnements décisifs. 
Pendant qu'on s’attardait, en Europe, à réduire 
par la photographie des lignes tracées sur papier, 
les Américains résolvaient complètement Je pro- 
blème par la gravure sur verre. En 1886, Deville, 
au Canada, prenait un brevet pour la fabrication 
des trames quadrillées, et Max Lévy, de Phila- 
delphie, entreprenait en 1888 l'exploitation du 
brevet Deville. À la même époque, F. Ives don- 
nait à la similigravure sa forme actuelle, en 
associant à la trame quadrillée sur verre un dia- 
phragme carré substitué au diaphragme ordi- 
naire de l'objectif. Les perfectionnements appor- 
tés aux presses etaux papiers ont achevé d'assurer 
le succès de ce procédé, qui est, actuellement, de 
beaucoup le plus répandu. 

Les trames les plus usitées sont composées de 
deux glaces sur chacune desquelles ont été gra- 
vées des lignes parallèles, rendues opaques par 
l’application d’un vernis. Ces deux glaces sont 
superposées de manière que les deux lignes se 
croisant à angle droit forment un quadrillage. La 
trame doit être plus ou moins fine, suivant la 
nature des travaux à sxécuter. Pour les grandes 
affiches, elle contient seulement 20 à 25 lignes 
par centimètre ; elle en contient environ 30 pour 
les journaux quotidiens imprimés sur presses 
rotatives, 50 à 60 pour les travaux courants sur 
des papiers de qualité moyenne, 70 à 80 pour les 
éditions de luxe, 90 à 100 pour les catalogues de 
très grand luxe et pour certaines publications 
scientifiques. 

La trame est placée, dans la chambre noire, sur 
un cadre mobile dont on peut faire varier la 


distance avec le plan focal à l’aide d’une crémail- 
lère et d’une vis micrométrique. L’intervalle qui 
sépare la couche sensible de la trame est généra- 
lement compris entre 2 et 7 millimètres, suivant 
la longueur focale de l'objectif, la plus faible dis- 
tance correspondant au plus court foyer. L’appa- 
reil doitêtre construitavecune grande précision : 
il faut que la trame puisse être amenée dans un 
plan plus ou moins rapproché de la surface sen- 
sible, sans cesser de lui rester exactement paral- 
lèle. 

Pour nous rendre compte de l’effet produit par 
l’interposition de la trame, supposons d'abord 
l'objectif dirigé vers une surface toute blanche, 
et examinons à la loupe le verre dépoli. Si la 
trame est en contact avec l'écran de mise au 
point, elle y projettera son image très nette; 
mais, si nous éloignons lentement la trame, nous 
verrons sa silhouette s’estomper peu à peu et 
perdre progressivement de sa netteté. Chacune 
des mailles va former des ombres et des pénom- 
bres, et, en réglant avec soin la distance, nous 
arriverons à ce résultat que chaque élément de 
la trame apparaitra comme une tache lumineuse 
au centre et s’obseurcissant jusqu'aux bords, qui 
seront noirs. 

Plaçons maintenant devant l'objectif, non plus 
une surface uniformément blanche, mais un 
panneau dégradé du blanc au noir. Il y aura 
encore des ombres et des pénombres, derrière 
chaque maille de la trame, mais la zone éclairée 
sera d'autant plus large que la maille aura trans- 
mis plus de lumière. Substituons au verre dépoli 
une plaque sensible et prenons un temps de pose 
juste suffisant pour que les points correspondant 
aux blancs viennent bien noirs au développe- 
ment, dans toute leur largeur. Les images du 
gris clair seront évidemment moins intenses, 
sur les bords extrêmes de chaque maille; celles 
du gris foncé ne seront suffisamment impres- 
sionnées qu'au centre de chaque maille; enfin, 
celles du noir seront, sinon entièrement invisi- 
bles, du moins pratiquement négligeables. Ainsi 
donc, à la condition de calculer exactement la 
pose et de développer de manière à obtenir un 
cliché brillant et plutôt heurté que doux, nous 
verrons le blanc du modèle représenté par des 
points larges et se touchant presque, les gris 
représentés par des points plus étroits et dont 
les bords seront par conséquent plus espacés les 
uns des autres, et les noirs représentés par des 
points imperceptibles. 

Ce négatif donnera naturellement un positif 
sur lequel le blanc sera représenté par de très 
petits points espacés, les gris par des points plus 
larges et moins espacés, et le noir par des points 


E. COUSTET. — L'INDUSTRIE DES IMPRESSIONS PHOTOMÉCANIQUES 215 


dont la largeur sera presque égale à celle des 
mailles de la trame. 

La planche sur laquelle sera gravée cette 
image tramée pourrait être préparée de la même 
manière qu'en photogravure au trait. En fait, 
cependant, la similigravure est généralement 
exécutée suivant le procédé émail. La couche sen- 
sible est ici une solution de colle-forte soluble 
à froid additionnée de bichromate d’ammonia- 
que, que l’on coule sur la plaque de métal à 
graver. On emploie, à cet effet, soit le zinc, soit 
le cuivre. Le zinc, dont le coût est moins élevé 
et la morsure plus rapide, est appliqué aux tra- 
vaux urgents où peu soignés. Comme il se prête 
à une profondeur plus grande des tailles, c’est 
égalementsur ce métalque sont gravés les clichés 
à grosse trame des affiches et des journaux quo- 
tidiens. Le cuivre, plus facile à retoucher, moins 
altérable et plus résistant à l’écrasement, est ré- 
servé aux travaux de luxe et aux longs tirages. 
La couche sensible, une fois sèche, est mise en 
contact avec le négatif tramé et exposée à la lu- 
mière qui rend la colle bichromatée insoluble 
sous les transparences du phototype. Un lavage 
à l’eau froide élimine les parties de la couche 
restées solubles sous les points opaques du néga- 
tif. On fait sécher, et on porte la plaque sur un 
gril métallique chauffé : la cuisson transforme 
la colle-forte en une sorte de caramel, très im- 
proprement qualifié d’émail par les photogra- 
veurs, mais suffisamment résistant aux bains de 
morsure. 

Le mordant est l'acide nitrique dilué pour les 
clichés sur zine, et le perchlorure de fer pour les 
clichés sur cuivre. Par suite du rapprochement 
des reliefs dont l’image est formée, les creux de 
simili sont ordinairement limités à une faible 
profondeur, d’ailleurs proportionnée aux dimen- 
sions des éléments de la trame. Ainsi, pour une 
trame ne contenant que 20 lignes par centimè- 
tre, la profondeur des tailles sera d'environ 
1/10 de millimètre; tandis que, si la trame est 
de 60 lignes au centimètre, les creux devront 
être réduits à 1/25 de millimètre. La morsure 
des clichés de similigravure est donc plus rapide 
que la morsure de trait et s’accomplit générale- 
ment en une seule phase, sans qu'il soit néces- 
saire de recourir aux complications du gillotage. 
Dans certains cas, cependant, la largeur des 
mailles de la trame et la profondeur des cavités 
qui en est la conséquence obligent à fractionner 
la morsure. 

Pour que l'impression soit bonne, il faut que 
chaque maille de la trame se trouve représentée 
sur la planche par un point en relief, de largeur 
variable. Les teintes claires sont reproduites par 


des points exigus séparés par des espaces blancs 
assez larges ; les teintes moyennes sont traduites 
par un quadrillage, une sorte de damier formé 
de carrés blancs etnoirs:enfin, les teintes foncées 
ne laissent apercevoir que de très petits points 
blanes sur le fond noir. Parfois mème, ces points 
blancs disparaissent, dans les ombres les plus 
opaques, et la touche est alors uniformément 
noire. De même, aux endroits correspondant 
aux plus vives lumières du sujet, le point noir 
en relief fait quelquefois défaut, et le papier n'y 
reçoit aucune impression. Mais ces deux cas ex- 
trêmes sont exceptionnels et doivent rester limi- 
tés à des surfaces peu étendues, sans quoi l’image 
manquerait d'harmonie; les noirs opaques se- 
raient lourds, les blancs sembleraient rongés, et 
il arriverait fréquemment que le rouleau encreur, 
n'étant pas soutenu au-dessus des cavités trop 
larges, les remolirait d'encre, d’où impossibilité 
d'imprimer des images propres. 

Ce pointillé répandu sur toute la surface, 
même sur les endroits que l’on voudrait voir 
entièrement blancs, offre un réel inconvénient; 
il jette sur l’image une sorte de voile (le voile de 
la trame) qui diminue l’éclat et la précision de 
l'original. Ce voile est peu sensible, quand la 
trame employée est d’une extrême finesse ; mais 
une telle trame exige un matériel de premier 
choix, un personnel habile, un très beau papier 
et des encres de qualité supérieure, qui en limi- 
tent l'application aux publications de luxe. Une 
trame très large donne des points gris, faciles à 
graver et àtirer, même sur des papiers grossiers, 
mais supprime beaucoup de détails. Aussi l’em- 
ploi en est-il réservé aux journaux quotidiens. 
Les trames de finesse moyenne sont les plus usi- 
tées, car elles permettent de concilier, jusqu’à 
un certain point, les exigences artistiques avec 
lesnécessitéséconomiques.Cettefinessemoyenne 
exige déjà que la morsure soit limitée à de très 
faibles creux, afin de ne pas détruire le point 
dans les blancs. Il est donc nécessaire de régler 
l’encrage des reliefsavecle plus grand soin, pour 
éviter lesempätements. En outre,ilfautemployer 
des papiers à surface absolument plane et lisse, 
obtenue en recouvrant une pâte déjà très régu- 
lière d’un enduit brillant ou couchage, composé 
de sulfate de baryte, de plâtre, de kaolin, de gé- 
latine et de caséine. 

Les papiers couchés ont souvent fait l’objet de 
justes critiques, bien qu’ils fournissent desima- 
ges très vigoureuses et très nettes. Leur surface 
miroitante fatigue la vue, et la lecture dés textes 
qui y sont imprimés est pénible, à la longue. Ils 
sont, en outre, facilement salis, fragiles et cas- 
sants. Un pli, le passage du couteau à papier, la 


216 E. COUSTET. — L'INDUSTRIE DES IMPRESSIONS PHOTOMÉCANIQUES 


moindre éraillure d'ongle marquentun traitindé- 
lébile, et le feuillet touché d’un doigt très légère- 
ment humide est irrémédiablement taché. Enfin, 
la conservation des plus beaux ouvrages imprimés 
sur ces pâtes complexes n’est rien moins qu'as- 
surée. 

Cependant, on est arrivé à réaliser d’excel- 
lentes impressions sur des papiers à surface 
mate, quoique très régulière. Ces papiers sont 


généralement assouplis dans de l’eau addition- 


née de glycérine. Les images tirées de la sorte 
sont aussi fines et aussi nettes que les épreuves 
glacées ; elles sont même plus belles et d’un as- 
pect plus artistique, et le texte qui les accom- 
pagne est beaucoup plus commode à lire, sans 
fatigue pour la vue. 

La similigravure n'égale certes pas l’héliogra- 
vure en creux pour la beauté des estampes; 
mais, malgré les perfectionnements récemment 
apportés aux procédés en taille-douce, qui vont 
faire l’objet du paragraphe suivant, elle s'impose 
encore, dans la plupart des cas, par la rapi- 
dité avec laquelle est obtenue la planche 
d'impression et la facilité avec laquelle on 
en tire économiquement de bonnes épreuves. 
En quelques heures, elle permet d'exécuter, 
par les moyens ordinaires de l'imprimerie, à 
des milliers d'exemplaires, des images 
lées au texte et d’une exactitude autrefois 
inconnue. C’est, de beaucoup, le procédé qui 
a le plus contribué à multiplier les publica- 
tions illustrées et à les rendre accessibles à tous. 


mê- 


V. — HÉLIOGRAVURE 


Dans les procédés de gravure au burin ou à 
l'eau-forte, les traits du sujet, les parties à repro- 
duire en noir, sont représentés sur la planche 
d'impression, non par des reliefs, mais par des 
cavités étroites, rainures ou points, plus ou moins 
espacés et plus ou moins profonds. À chaque 
exemplaire qu’on veut en tirer, cette planche est 
d’abord uniformément recouverte d’une encre 
assez fluide pour pénétrer danstoutes les cavités; 
il faut ensuite essuyer méticuleusement la sur- 
face, jusqu’à ce qu'elle soit très brillante et que 
les creux restent seuls garnis d’encre. Si l’on y 
applique alors un papier préalablement assoupli 
par l'humidité et qu’on presse le tout sous une 
sorte de laminoir, le papier pénètre dans les 
tailles et en retire toute l’encre qu’elles conte- 
naient. 

La gravure en creux ne peut passe tirer en 
même temps que les caractères typographiques ; 
elle ne s'applique donc, en principe, qu’à l’illus- 
tration hors texte. C’est, de plus, un procédé 


coûteux, car l’encrageet l’essuyage exigent beau- 
coup d’habileté, beaucoup de soins, et ce qu'on 
fait pour une épreuve il faut le faire aussi pour 
les suivantes : pas de mise en train. La lenteur 
de cette méthode est d’ailleurs amplement com- 
pensée par la beauté de ses produits. Jamais la 
gravure en relief ne donnerait ces noirs veloutés 
et profonds, ces touches à la fois moelleuses et 
énergiques, ces lumières vibrantes qui caracté- 
risent les estampes en taille-douce. La gravure 
en relief, avons-nous dit, ne donne en réalité que 
deux tons, celui du papier et celui de l’encre à 
son maximum d'intensité : la gravure en creux, 
au contraire, crée réellement des demi-teintes, 
modulées suivant la profondeur des tailles, qui 
contiennent une couche d’encre plus ou moins 
épaisse. 

La faible profondeur qu'il suffit de donner 
aux creux rend assez facile la gravure chimique 
des planches en taille-douce, et n’exige pas le 
fractionnement des morsures, comme la gravure 
en relief. La gravure à l’eau-forte a pu être créée 
quatre siècles avant le gillotage, et l’héliogravure, 
ou gravure photographique en creux, a aussi 
précédé la photogravure en relief; elle est même 
antérieure à l'invention de Daguerre. 

L'héliographie de Niepce était fondée sur la 
propriété qu'a le bitume d’être insolubilisé par 
la lumière. Une plaque de métal enduite d’un 
vernis au bitume était exposée au soleil, sous le 
dessin à reproduire; un mélange de pétrole et 
d'essence de lavande dissolvait ensuite les par- 
ties de la couche sensible demeurées solubles 
sous les opacités du modèle, accomplissant ainsi 
en quelques instants le travail si long et si déli- 
cat du graveur à l'eau-forte, et la planche plon- 
gée dans un acide était creusée aux endroits mis 
à nu, le reste de sa surface étant protégé par le 
bitume devenu insoluble. Il existe plusieurs 
estampes ainsi obtenues par Niepce, entre autres 
un Portrait du cardinal d'Amboise, dont la plan- 
che, en étain, date de 1824. Elle est conservée au 
musée de Chalon-sur-Saône. Le procédé de 
Niepce, à peine modifié, est encore utilisé de nos 
jours, pour la reproduction en héliogravure de 
dessins au trait, mais il ne convient pas aux 
images à demi-teintes. Remarquons, en effet, 
que, si de larges espaces noirs ou gris étaient 
simplement traduits sur la planche par de larges 
cavités, l’encre n’y pourrait pas rester et serait 
emportée à l’essuyage.Il faut que chaque pointde 
la planche contienne une quantité d'encre pro- 
portionnée à la vigueur des ombres, et cette 
condition ne sera réalisée que si le métal est di- 
visé en cellules plus ou moins profondes, mais 
toujours très étroites, de manière à retenir, 


Supplément à la Revue qgenera 


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«eliogravé par. L°..1ébutxenterger 


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E. COUSTET. — L'INDUSTRIE DES IMPRESSIONS PHOTOMÉCANIQUES 217 


malgré l’essuyage, la dose de noir correspon- 
dant aux diverses valeurs de l’image. 

Ce sectionnement a d’abord été 
recouvrant la planche d’une poudre de résine 
qui, légèrement chauffée, forme un grain inatta- 
quable par le bain de morsure, Le grain de résine, 
utilisé depuis longtemps par les graveurs en 
aqua-tlinta, à été appliqué dès 1852 à l'héliogra- 
vure par Fox Talbot. Ce procédé, perfectionné 
par Klic en 1879, est encore en usage dans quel- 
ques ateliers; mais, presque partout, on l’a rem- 
placé par le sectionnement réalisé au moyen de 
trames. Le brevet délivré à Talbot en 1852 pré- 
voyait écalement cette méthode; on y avait re- 
noncé, parce que la mousseline ou le crêpe que 
l’on interposait alors entre le phototype et la 
couche sensible ne pouvaient produire qu’un 
sectionnement trop grossier, trop apparent et 
trop irrégulier. On y est revenu, quand l’indus- 
trie est parvenue à fabriquer des trames gravées 
sur verre, à la fois très fines et très régulières. 
Les trames destinées à l’héliogravure sont toutes 
différentes de celles que l’on emploie en simili- 
gravure. D'abord, les éléments en sont beaucoup 
plus petits, carelles contiennent 100 à 160 lignes 
par centimètre, dans chaque sens. D’autre part, 
les traits opaques sont beaucoup moins larges 
que les surfaces transparentes. C’est que le rôle 
de la trame, en héliogravure, n’est pas de créer 
des ombres et des pénombres, comme en simili- 
gravure, mais simplement de diviser l'image 
en cellules séparées les unes des autres par de 
minces cloisons, etcette condition ne sera réali- 
sée que si la trame permet de former sur la 
planche des réserves très fines, notablement plus 
étroites que les cellules sur lesquelles agira le 
mordant. 

La trame d'héliogravure la plus récente est 
constituée par une seule glace. La surface sur 
laquelle est gravé le quadrillé est mise en con- 
tact immédiat avec l’émulsion d’une plaque au 
gélatinobromure ou au collodion sec ; on expose 
le tout dans la chambre noire, devant laquelle 
est disposé le négatif du sujet à reproduire. Les 
traits opaques de la trame projettent une ombre 
très nette sur la couche sensible, et, au dévelop- 
pement, on a une image positive entrecoupée de 
lignes parfaitement transparentes. C'est sous ce 
diapositif tramé qu'est exposée la couche sensi- 
ble, constituée maintenant, non plus par du 
bitume mais par de la gélatine bichromatée. 

Au lieu de couler cette gélatine sur la plaque 
de cuivre à graver, on peut utiliser un papier au 
charbon. Cette méthode, indiquée par Toovey en 
1864, tend à se généraliser dans tous les ateliers. 
On se sert, de préférence, d’un papier recouvert 


réalisé en 


de gélatine colorée en rouge orangé, qui permet 
de suivre aisément les progrès de la morsure. Le 
papier gélatiné, sensibilisé au bichromate, est 
insolé sous le cliché positif, puis mouillé, trans- 
féré sur la plaque de cuivre et dépouillé dans 
l’eau chaude. Sous les points préservés de la 
lumière par les opacités du diapositif, la gélatine 
est entièrement dissoute; sous les demi-teintes, 
il en reste une couche plus ou moins épaisse, 
suivant l'intensité de l’impression lumineuse, et 
le maximum d'épaisseur correspond aux blancs 
du sujet ainsi qu'au quadrillage transparent. 

On enduit alors le dos de la plaque et les 
marges d'un vernis au bitume ou à la gomme 
laque, eton procède à la morsure, dans une solu- 
tion de perchlorure de fer. Le mordant attaque 
le cuivre d'autant plus lentement qu’il est pro- 
tégé par une couche de gélatine plus épaisse. Le 
métal sera donc creusé plus ou moins profondé- 
ment, suivant les diverses valeurs du modelé, 
excepté sous le quadrillage résultant de l'emploi 
de la trame. Il s’ensuit que les noirs et les demi- 
tons du sujet seront traduits sur la planche par 
une multitude de petites cavités carrées séparées 
par de minces cloisons. Ces alvéoles seront à 
peine marquées dans les demi-teintes claires ; 
elles seront un peu plus creusées dans les 
demi-teintes plus foncées et atteindront, enfin, 
leur maximum de profondeur dans les grands 
noirs. 

Jusqu'à ces dernières années, l'héliogravure 
était tirée uniquement sur les presses à main en 
usage dans les ateliers de gravure au burin ou à 
l’eau-forte. Ce mode de tirage est d’ailleurs 
encore pratiqué, dans les travaux de luxe, et 
fournit des estampes très supérieures à celles que 
produisent l’encrage automatique et l'impression 
sur presses rotatives. Il exige des ouvriers 
habiles, qui réussissent à modifier profondément 
l'aspect des images, suivant la manière de poser 
et d'enlever l’encre. La presse à main est très 
simple:c'est un plateau et un cylindre d’acier 
entre lesquels sont comprimés la planche encrée 
et le papier. 

La planche I est une reproduction par ce pro- 
cédé; elle sort des ateliers de M. L. Schützen- 
berger, qui a tiré en héliogravure les illustrations 
d’un grand nombre de publications scientifiques, 
en particulier les planches de l’admirable Carte 
photographique du Ciel. 

Les graveurs s'étaient préoccupés, depuis 
longtemps, d'abréger l’encrage, l’essuyage et 
l'impression, en substituant au travail manuel 
le travail rapide et régulier des machines. Déjà, 
en 1878, on voyait à l'Exposition universelle 
de Paris une presse rotative pour tirages en 


218 E. COUSTET. — L'INDUSTRIE DES IMPRESSIONS PHOTOMÉCANIQUES 


taille-douce, construite par les Etablissements 
Marinoni, sur les indications de M. Guy. En 
1908, à l'Exposition du matériel d'imprimerie, 
M. Dujardin présentait en fonctionnement une 
presse analogue. La planche gravée en creux était 
courbée et montée sur un cylindre; elle s’encrait 
automatiquement, et l’excès d’encre était enlevé 
par des tampons de linge. Dansla machine Saal- 
burg, brevetée en 1909, l’'essuyage aux tampons 
est remplacé par le frottement d’un couteau 
d’acier appliqué contre le cylindre encré. Divers 
perfectionnements de détails, dus principalement 
à M. Edouard Mertens, ont achevé la réalisation 
pratique de l’héliogravure rotative, que l’on 
désigne parfois sous les noms de rotogravure où 
de roto-taille-douce. 

Primitivement, on gravait d’abord une plaque 
de cuivre plane, puison la cintrait pour l'adapter 
au cylindre de la presse rotative. Actuellement, 
on grave directement un cylindre en cuivre, 
autour duquel est transféré le papier au charbon 
insolé sous le diapositif tramé. Ce cylindre est 
monté sur un arbre en acier qui s’adaptera, pour 
le tirage, à deux coussinets de la presse rotative. 
Pendant les opérations du transfert, du dépouil- 
lement et de la morsure, il est placé sur un 
chariot, au-dessus d'un auget contenant soit de 
l’eau froide ou chaude, soit les bains de morsure. 

La morsure achevée, on enlève la gélatine, on 
retouche la gravure, s’il y a lieu, et on monte le 
cylindre sur la presse, où il s’encre sur un rou- 
leau trempant dans un auget. L’essuyage est 
réalisé au moyen d’une lame d'acier mince et 
flexible portant sur la surface encrée et animée 
d’un mouvement de va-et-vient analogue à celui 
que le rémouleurimprime au couteau qu'il aiguise 
sur la meule. Il ne reste, dès lors, que l'encre 
contenue dans les cavités du cuivre. 

Le papier destiné au tirage est disposé sur la 
machine, en une grande bobine. Il est guidé par 
un certain nombre de rouleaux d'acier poli, 
pressé par des rouleaux flexibles sur le cylindre 
encré et conduit sous un manchon chauffé à la 
vapeur,où l’encre sèche rapidement. Il passe 
ensuite, s’il y a lieu, par la même série d’opéra- 
tions, pour l'impression de l’autre face, et il est 
enfin découpé en feuilles. On arrive actuellement 
àtirer par ce moyen jusqu'à 12.000 épreuves à 
l'heure. 

La rapidité du tirage ne nuit pas à sa perfec- 
tion, et, si les images sorties de la presse rotative 


n’ont pas le caractère artistique des estampes 
encrées et essuyées par une main habile, elles 
gardent pourtant un avantage marqué sur les 
similigravures. Les blancs en sont très purs, les 
noirs vigoureux, les demi-teintes transparentes, 
etles traits de la trame sont si fins que le cloi- 
sonnement est très peu apparent, lorsqu'il n’est 
pas entièrement masqué par un léger déborde- 
ment de l’encre ou par les rugosités du papier. 

La gravure en taille-douce n’exige pas l'emploi 
de papiers couchés; l’héliogravure de luxe se 
üresur des pâtes de qualité supérieure, analogues 
à celles que les graveurs au burin et à l’eau-forte 
utilisent depuis des siècles et dont la solidité a 
certes fait ses preuves; mais elle se prête égale- 
ment aux tirages sur les papiers les plus com- 
muns, même ceux sur lesquels sont imprimés les 
journaux quotidiens. 

L'inconvénient de la gravure en creux, c’est 
qu'il n’est pas possible de la tirer en même 
temps que les textes typographiques ordinaires, 
composés de caractères en relief. Il existe pour- 
tant divers moyens de tourner la difficulté. 
D'abord, rien n'empêche de fabriquer des carac- 
tères mobiles en creux. On prend une empreinte 
de la composition avec un carton-pâte que l’on 
courbe en cylindre. En coulant sur ce moulage 
un alliage d'imprimerie, on a un cylindre métal- 
lique sur lequel le texte est reproduit en creux, 
comme les images qui doivent l’illustrer. 

On peut aussi utiliser des caractères typogra- 
phiques ordinaires : on tire une épreuve dutexte, 
on y joint le modele de l'illustration, et l’on 
photographie le tout. Le négatif ainsi obtenu 
sert à exécuter un diapositif tramé à l'aide 
duquel est préparé le cylindre imprimeur. 

Enfin, on a construit des presses qui permet- 
tent de combinerle tirage du texte typographique 
en relief avec celui de la gravure en creux. Le 
papier passe alors sur divers rouleaux où s’effec- 
tuent les phases successives de l'impression. 

L'héliogravure rotative a pu être appliquée à 
l’impression des papiers detenture et des tissus, 
et donne des images d’une grande finesse, aussi 
parfaitement modelées qu'une épreuve photo- 
graphique. On est parvenu à imprimer par ce 
procédé 10.000 mètres de papier en une heure, 
etil ne paraît pas impossible d'atteindre à la 
même rapidité dans l’impression des étoffes. 


Ernest Coustet. 


Eu. PERROT. — LA CULTURE DU CACAOYER 219 


LA CULTURE DU CACAOYER EN AFRIQUE OCCIDENTALE FRANÇAISE 
SON AVENIR 


Au cours d’une récente mission en Afrique 
(juillet-décembre 1914), il nous à été donné de 
faire une série d'observations intéressantes sur 
l'importance et l’avenir de certaines productions 
culturales dans nos colonies. C’est donc le ré- 
sumédenos constatations concernant le cacaoyer 
que j'ai le désir d'exposer dans leslignes qui vont 
suivre. 


Î 


On sait que le cacaoyer, d’origine américaine, 
est aujourd’hui cultivé dans de nombreuses con- 
trées tropicales du monde entier. Sa graine fut 
connue des plus anciennes civilisations du Cen- 
tre-Amérique, des milliers d’années avant l’ère 
chrétienne; elle étaitsi particulièrement estimée 
qu’elle constituait une riche monnaie d'échange 
chez les Mexicains, au moment de la conquête 
espagnole; aujourd’hui comme jadis, elle fait la 
base de préparations alimentaires de luxe dési- 
gnées sous le nom de chocolat, dont la consom- 
mation s’accroit sans cesse dans le monde entier. 
L'on conçoit dès lors que la culture du précieux 
arbre soit l’objet de soins attentifs comme aussi 
d'essais nombreux d'extension de la part de tou- 
tes les nations colonisatrices. 

La production mondiale actuelle est voisine de 
250 millions de kilogs de graine sèche, ce qui cor- 
respond à peu près à un même chiffre d'arbres 
adultes en production. La demande industrielle 
reste un peu plus élevée ; le marché n’est donc 
pas encore saturé, et la statistique enregistre au 
cours de ces quinze dernières années une pro- 
sression constante, passant de 126.000 tonnes en 
1903 à un chiffre double pour les récoltes de ces 
dernières années. 

Mais l'intérêt de cette question du cacao pour 
notre pays réside dans ce fait que nous ne pro- 
duisons guère annuellement que la vingtième 
partie des graines demandées par nos industries 
du chocolat, soit le chiffre infime de 1.700 ton- 
nes. Le tableau ci-dessous est assez éloquent 
pour se passer de tout commentaire. 


Production des 


Années Consommation du cacao en France È À 
colonies françaises. 
1903 20 742 1 038 
190% 21 794 1 080 
1905 21 748 1 179 
1906 23 40% 1 262 
1907 23 180 1 387 
1908 20 445 1 421 
1909 23 254 L 372 
1910 25 068 1 547 
1911 27 340 1 553 
1912 26 891 1 706 


Production mondiale : près de 250.000 tonnes. 


N. B, — La France achète donc au minimum à l'étranger 
pour soixante-dix millions de francs de cacao, alors que notre 
immense domaine colonial nelui en fournit que pour la somme 
de quatre millions de francs. 


Est-ce donc que le cacaoyer ne saurait trouver 
dans nos colonies les conditions nécessaires à son 
développement ? 

On serait tenté de le croire; heureusement il 
n’en est rien. Aux Antilles, à la Guyane, à Mada- 
gascar, à la Réunion, dans certaines régions 
d'Indo-Chine, en Océanie et enfin dans le golfe 
de Guinée, au Gabon et au Congo, partout il 
existe des terres où peut croître cet arbre et des 
zones où les conditions climatiques sont sufli- 
samment favorables. 

I! ne faut donc chercher à cette infime produc- 
tion que des raisons politiques et économiques 
sur lesquelles il serait fastidieux de disserter. 
Constatons le fait et cherchons le reméde. 

Avant toutefois d'aborder la question spéciale 
du cacaoyer en Afrique française, il n’est pas 
sans intérêt d'examiner comment se répartit ac- 
tuellement la production mondiale et aussi de 
faire ressortir les causes de certaines évolutions 
récentes. 

Pendant très longtemps, l'Amérique centrale, 
patrie du cacaoyer, a gardé sur les autres pays 
de culture une prépondérance marquée, mais il 
semble qu'il se produit un déplacement mena- 
çant pour elle, si l’on examine les progrès formi- 
dables accomplis par l'Afrique au cours de ces 
vingt dernières années. 

Ce serait un Juste retour des choses, car cha- 
cun sait que l'Amérique du Sud (l'Etat de Sao 
Paolo en particulier) a pour ainsi dire accaparé 
la production du café, bien que le caféier soit un 
arbuste originaire de l'Afrique. 

De nos jours, c’est la colonie anglaise de la 
Gold Coast qui tient la tête des statistiques de 
production du cacao, avec le chiffre formidable 
de 51000 tonnes en 1914; viennent ensuite : la 

tépublique de l’£quateur avec 40.000 tonnes en- 

viron; San Thomeé pour un chiffre sensiblement 
égal; le Brésil, 35.000 t.; la Trinité, 22.000 t.; la 
République dominicaine, 20.000 t.; le Venezuela, 
17.000 t., etc. 

Les colonies allemandes produisaient 4.000 à 
5.000 tonnes et la culture du cacaoyer était très 
encouragée au Cameroun, qui a récolté en 1913 
plus de 2.500 tonnes. 

L'Afrique, grâce à la colonie portugaise de 


Eu. PERROT. — LA CULTURE DU CACAOYER 


San Thomé et la colonie anglaise de la Côte d’or, 
intervient pour un chiffreapprochant 100.000 ton- 
nes, et c'est un fait sur lequel il est nécessaire 
d'insister, car un coup d'œil jetésur la statistique 
ci-dessous montre avec quelle rapidité s’est faite 
cette prise de possession du marché : 


Production de cacao en Afrique (en tonnes) 


Années San Thomé Gold. Coast 

1870 92 » 

1900 11 426 544 

1901 13 571 995 

1902 14 741 2 431 

1903 18 842 2 312 

1904 21 236 5 187 

1905 23 187 5 129 

1906 24 619 9 064 

1907 24 194 9 850 

1908 28 730 12 946 

1909 30 260 20 534 

1910 35 500 28 000? 

1911 38 000 40 357 

1912 à peu près 41 000 

1913 stationnaire 46 000 

1914 40 000€. environ 51 000 t, environ 

N. B. — Les statistiques ne sont pas toujours d'accord à 


2 ou 3 milliers de tonnes près, en ce qui concerne l'ile de 
San Thomé; cela tient sans doute à ce que les auteurs y ont 
ajouté, ou non, la production de l'ile voisine de Fernando-Po. 
Cela n’a d’ailleurs aucune influence sur les déductions à tirer 
de leur examen, car les chiffres approchent toujours de très 
près la réalité. 


Commencée un peu avant 1870, la culture du 
cacaoyer à l’ile de San Thomé est restée sensi- 
blement stationnaire jusqu’en 1900, époque où 
la progression s’est accusée régulièrement pour 
arriver, en ces dernières années, au chiffre de 
40.000 tonnes environ, chiffre qui semble devoir 
être diflicilement dépassé; toute la production 
est entre les mains des Européens. 

À la Gold Coast, les chiffres sont encore plus 
significatifs et d'autant plus intéressants que 
tous les cacaoyers ont été plantés par les villages 
indigènes, subventionnés seulement par des 
sociétés anglaises et largement encouragés par 
le Gouvernement. La première tonne est arrivée 
surle marché en 1893 et, à partir de 1900, le 
nombre des cacaoyers s'élève partout, si bien que 
dix ans après le cacao d’Accra importé en 
Europe passait de 500 tonnes à près de 30.000 ton- 
nes, et que l’année derniére la progression s'est 
encore accrue, puisqu'elle atteint 51.000 tonnes, 
dont le tiers est acheté par une firme importante 
de Marseille. 

Ce formidable effort devait avoir comme con- 
séquence de secouer la torpeur de nos colonset 
de nos administrateurs, maisles conditions poli- 
tiques et économiques des colonies françaises 
africaines ne pouvaient être comparées à celles 
des pays dont il vient d’être question. 


IT 


Parmi nos possessions africaines, seules les 
colonies de la Côte d'Ivoire et du Gabon pour- 
raient devenir productrices d’une quantité im- 
portante de cacao. 

Beaucoup de régions du Moyen-Congo seront 
sans doute également aptes à cette culture, 
mais leur éloignement de la côte d’une part, et 
d’autre partle manque absolu de moyens de com- 
munication rapides et à bon marché n’en per- 
mettront, de longtemps, la possibilité. 


Gabon. — Bien que la France ait occupé la 
côte gabonnaise depuis plus d’un demi siècle, 
l’outillage économique de cette malheureuse 
colonie est inexistant, et il faut admirer les 
efforts et la vaillance de ces hommes, perdus 
dans la brousse ou la grande forêt, qui tentent 
malgré tout la mise en valeur de ce riche coin 
de notre domaine colonial. 

Les terribles événements actuels ne pourront 
heureuseument qu'attirer l'attention de la Métro- 
pole etde sesdirigeants sur la triste situation de 
cette colonie, que des hommes distingués ont 
cependant tour à tour administrée sans qu'il 
leur soit possible d'apporter aucune améliora- 
tion. 

Quelques centaines de kilomètres decheminde 
fer et de routes, des services de bateaux fréquents 
et réguliers dans l'Ogooué, le Fernan-Vaz et sur 
l'estuaire du Gabon, cette magnifique voie de 
pénétration dont nous nous n'avons su tirer 
aucun parti, sont indispensables, au premier 
chef. 

La pénurie de la main-d'œuvre est encore ici 
un obstacle sérieux au développement des cul- 
tures. Les colons de la région méridionale sont, 
à cet égard, mieux favorisés ; mais ceux de l’es- 
tuaire du Gabon et de ses aflluents, ne pouvant 
guère utiliser les Pahouins qu'aucune action ad- 
ministrative n’a encore policés, sont obligés de 
faire venir à grands frais des travailleurs du 
Mayumbe. 

Or,jusqu'’à ces derniers temps, aucune garantie 
sérieuse de recrutement des indigènes n’est éta- 
blie, et malgré les frais considérables qu’occa- 
sionne le transport, le planteur n’est pas assuré 


1. Uneraison autre que les mœurs paresseuses etles autres 
coutumes des Pahouins concourt encore à rendre diffeile le 
recrutement de la main-d'œuvre : c’est la rémunération 
souvent exagérée qui est offerte aux indigènes engagés par 
les coupeurs de bois d'okoumé de l'Ogooué. 

Les travailleurs, gagnant en quelques semaines des sommes 
considérables pour eux et qui leur sufiisent pour manger 
pendant 8 à 10 mois, refusent tout travail ultérieur et atten- 
dent que la misère soit à nouveau revenue pour accepter les 
offres des colons. 


En. PERROT. — LA CULTURE DU CACAOYER 2: 


————————— ao 


de la valeur physique des hommes, cependant 
recrutés avec la surveillance de l'Administration. 
Le Gouverneur actuel cherche, avec la meilleure 
bonne volonté, le remède à cet état de choses et 
la colonie sait qu’elle peut compter dans l'avenir 
sur ses qualités reconnues d'administrateur. Il 
est d'ailleurs grand temps de faire quelque chose, 
si l'on veut sauver les quelques plantations qui 
ont dépassé la diflicile période du début; or il ne 
faut pas oublier qu'en matière de colonisation 
agricole ou industrielle, toutéchec implique non 
pas un arrêt dans la marche en avant, mais un 
recul véritable : la conséquence de l’échec jetant 
une défaveur marquée sur ces entreprises, d’oùle 
résultat immédiat de tarir la source des capitaux 
indispensables à toute évolution. 

Quant à la culture par les indigènes, dont se 
préoccupe également avec beaucoup de méthode 
M. le Gouverneur Guyon, elle est actuellement 
possible en exigeant d'eux la mise en place d’un 
nombre fixe de cacaoyers par tête d’habitant. 
Encore faudra-t-il avoir les moyens de créer une 
organisation agricole de moniteurs indigènes 
surveillés par des agents du futur Service d’Aori- 
culture, organisation qui puisse fonctionner 
avec régularité, fermeté et compétence, afin que 
l'effort n’ait pas été exigé en pure perte. Jus- 
qu'alors le Gabon n'a pu fournir qu'environ une 
centaine de tonnes de cacao, et cependant je ne 
crois pas exagérer en disant qu'il a existé plus 
d'un million de pieds de cacaoyers sur tout le 
territoire avoisinant le littoral. On devrait donc 
actuellement, si une bonne direction avait été 
imposée à ces plantations, exporter de ce pays 
plus d’un millier de tonnes, chiffre atteint depuis 
longtemps par le Cameroun. 

En ce qui concerne les travailleurs, on devra 
aussi dans tout le Gabon surveiller avec un soin 
extrème les cas heureusement encore rares de 
maladie du sommeil. Or la pénurie de médecins 
est complète, et pourtant les planteurs accepte- 
raient bien volontiers le paiement d’une prime 
pour recevoir, trois ou quatre fois par an, le mé- 
decin chargé de l'inspection médicale de leurs 
travailleurs. 

Qu'on veuille bien offrir à nos jeunes médecins, 
pour s’expatrier dans ces régions éloignées, une 
rémunération en rapport avec les risques courus 
et non plus une indemnité presque ridicule, 
alors je suis sûr que l’on n'aura que l'embarras 
du choix à cette époque de pléthore médicale mé- 
tropolitaine. 

Le lecteur m’exeusera d’insister sur la néces- 
sité de l'assistance médicale aux indigènes 
comme aux blancs, car tous ceux qui ontpu met- 
tre le pied sur la terre congolaise, en particulier, 


Le 
_ 


savent combien grande est l'importance de cette 
question, au point de vue humanitaire d’abord, 
économique ensuite. 

La réussite des cultures à grand rendement 
au Gabon ne peut être assurée que par l'inter- 
vention des pouvoirs publics apportant au colon 
une collaboration effective à laquelle il a droit; 
faute de cette collaboration, tout essai de colo- 
nisation agricole et forestière est superflu, et 
mieux vaut abandonner des conquêtes coûteuses 
en argent et en vies humaines si elles doivent 
plus longtemps rester improductives. 

Le cacaoyer est dans cette colonie, nous en 
gardons la conviction, parmi toutes les plantes 
économiques une de celles qui promettent le plus 
bel avenir, mais sa culture y est destinée à 
s'étendre surtout par les entreprises européen- 
nes, en association avec celle du caféier ou avec 
l'exploitation du palmier à huile. 


Côte d'Ivoire. — Depuis une dizaine d'années, 
la pénétration de la forêt s’est faite graduelle- 
ment et, grâce à la continuité de nos efforts, 
cette colonie deviendra certainement la plus ri- 
che de toutes celles de notre groupe de l’Afri- 
que occidentale ; la variété des productions de 
son sol la met en effet, d'ores et déjà, à l’abrides 
risques d’une monoproduction. 

Les dernières tribus les plus rebelles à notre 
influence sont ou vont être pacifiées, et bientôt, 
comme dans la région forestière située à l'est du 
chemin de fer que nous avons parcourue récem- 
ment, la culture du cacaoyer s’y implantera à côté 
de celle du kolatier, du caféier et d’autres espè- 
ces encore. 

L'unité de vue et d’action, qui a inspiré les deux 
éminents Gouverneurs généraux Roume et 
W.Ponty, a doté l'Afrique occidentale d’une poli- 
tique indigène ferme et humanitaire et d’un ré- 
seau de routes et de voies ferrées qui ont entrainé 
sa rapide évolution. 

D'autre part, au milieu du défilé cinématogra- 
phique de fonctionnaires de tous ordres, qui est 
trop souvent la caractéristique de notre action 
coloniale, la Cote d’Ivoire a eu l'extrême chance 
de conserver, pendant déjà 8 années, le même chef 
dont chacun s'accorde à reconnaître en particu- 
lierles qualités d'énergie, deténacité, de travail et 
de direction intelligente. Il en est résulté que, 
dans tous les villages indigènes, les mesures 
d'hygiène sont appliquées avec rapidité, les cul- 
tures se développent, les moyens de communi- 
cation s’améliorent et que la misère physiolo- 
gique qui frappait les noirs apathiques s’atténue 
considérablement. Seule la consommation de 
l’alcool menaçait la race; les règlements nouveaux 


(9 


” 


223 Eu. PERROT. — LA CULTURE DU CACAOYER 


ont enrayé le mal qui disparaîtra sans doute 
à tout jamais. 

L'exemple de la Gold-Coast, où la culture du 
cacaoyer a pris la formidable extension que l’on 
sait, ne devait pas être perdu pourla Cote d'Ivoire, 
et aujourd'hui, grâce à l’action administrative, 
non seulement dans l'Indénié, le Nzi-Comoë, 
les cercles d’Assinieet des Lagunes, mais encore 
dans la région de Tiassalé, dans la Sassandra et 
surtout le Cavally, tous les villages indigènes 
ont planté des cacaoyers. 

Commence en 1909, ce mouvement fut à peu 
près sans effet, carles arbres n'ayant pu être sur- 
veillés, la plupart sont morts faute de soins. De- 
puis cette époque, les administrateurs ont renou- 
velé leur effort et des moniteurs indigènes, 
instruits par les agents du Service de l’Agriçul- 
ture et dirigés par eux, surveillent dorénavant 
les arbres et apprennent aux noirs à les proté- 
ger et les soigner. 

En conséquence la réussite impose la nécessité 
d'aménager au plus vite des voies et moyens de 
transport, et c'est le problème le plus ardu à ré- 
soudre dans le plus bref délai possible. Le por- 
tage de la production qui se prépare est impos- 
sible; en effet, la population forestière n‘y pour- 
rait suflire en s'y consacrant tout entière, car 
c’est par centaines de tonnes que sera récolté le 
cacao, dans un très petit nombre d'années, à la 
Cote d’Ivoire et par les indisènes seulement. 

Le Service d'Agriculture se préoccupe de créer 
les stations de fermentation et de séchage où les 
moniteurs apprendront aux indigènes ! à prépa- 


rer le cacao à l’aide de moyens très simples et | 


à fournir ainsi au commerce un produit bien 


1. Nous continuons à penser, comme nous l'avons expasé à 
la Chambre de Commerce de Grand-Bassam, que les mai- 
sons de commerce pourraient ici jouer un rôle économique 
fort important, en achetant directement aux indigènes les 
cabosses de cacao et installant dans les villages les plus 
importantes des stations de fermentation et de séchage, sous 
leur surveillance directe. 


préparé, dont la valeur dépassera dès lors nota- 
blement celui de la colonie anglaise voisine dont 
la qualité est inférieure, quoique sensiblement 
améliorée depuis ces dernières années. 

Quant à la culture européenne, elle est égale- 
menten bonne voieendiversendroitset,entenant 
compte des indications précédemment fournies 
dans ces notes, elle est à encourager, son exten- 
sion pouyant être rapide sans gêner en quoi que 
ce soit les efforts des indigènes. 

Nombreux sont les points propices à l'établis- 
sement des cacaoyères; les moyens de commu- 
nications se multiplient chaque jour à travers la 
forêt ivarienne, la main-d'œuvre s’yrecrute assez 
facilement et la maladie du sommeil n’y existe 
pas. La situation y est donc extrêmement favo- 
rable pour le cacaoyer, qui pourra beaucoup plus 
rapidement qu'au Gabon prendre un essor con- 
sidérable. 


IT 


En somme, le cacaoyer doit prendre sous peu 
une place fort importante comme culture à 
grand rendement dans les deux colonies fores- 
tières de notre domaine africain. La Côte 
d'Ivoire, faisant partie du groupe de l’Afrique 
occidentale, fut mieux dotée de moyens d'action 
et doit en conséquence prendre la première 
place ; il y a lieu toutefois d'espérer que les 
pouvoirs publics voudront enfin donner à notre 
Afrique équatoriale, sans doute bientôt agrandie, 
les ressources en argent nécessaires comme frais 
de première installation, ce qui permettra de pro- 
céder à l'établissement de routes accessibles au 
roulage, voies navigables, chemin de fer, assis- 
tance médicale, ete., tous moyens sans lesquels, 
aux colonies surtout, le moindre progrès est 
rigoureusement impossible. 

Em. Perrot, 


Professeur à l'Ecole supérieure de Pharmacie de Paris, 
Chargé de mission en Afrique. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


BIBLIOGRAPHIE 
ANALYSES ET INDEX 


1° Sciences mathématiques 


Delens (P.). — Problèmes d'Arithmétique amu- 
sante. — { vol in-S de 4164 p. (Prix : 2? Fr.) Librairie 
Vuibert, 63, Boulevard St-Germain, Paris, 1914. 


Les quelques récréations réunies dans cerecueil don- 
nent, sous forme amusante, des applications élémen- 
taires de propositions simples de l'Arithmétique ; elles 
indiquent les solutions de certains problèmes qui, à 
cause de la forme un peu mystérieuse sous laquelle ils 
sont présentés, ont d'ordinaire dé l'attrait pour Îles 
jeunes esprits et peuvent ainsi être proposés, comme 
exercices et comme distraction, à ceux que l’Arithmé- 
tique ne laisse pas indifférents. 

Le premier de ces problèmes consiste à retrouver un 
ou plusieurs chiffres effacés dans un nombre inconnu. 
On a assez rarement traité cette question etil y a là 
une manière de présenter des applications de la divisi- 
bilité qui peuvent intéresser, et parfois même surpren- 
dre, des personnes peu versées dans les propriétés 
des nombres, 

L'auteur s’est occupé en second lieu du problème qui 
permet de prévoir le résultat d’une suile d'opérations 
déterminées sur des nombres inconnus, puis de celui 
qui consiste à deviner un ou plusieurs nombres pensés. 

Enfin, on a indiqué, pour terminer, un certain nom- 
bre de récréations faites avec des dés, des dominos ou 
des cartes, en choisissant celles qui sont à la fois sim- 
ples à exécuter et faciles à expliquer. 

L'ouvrage même est précédé d’un rappel des démon- 
strations relatives à la divisibilité, dont il est faitusage 
fréquemment dans la suite. 

M. Delens a fait de nombreux emprunts à des ouvra- 
ges plus étendus, comme les Récréations mathématiques 
de Lucas, Fourrey ou Rouse Ball, ou les Zxercice d’Arith- 
métique de Fitz-Patrick, auxquels on pourra se re- 
porter si on désire avoir des renseignements complé- 
mentaires sur ces diverses questions. 


Taylor (F. W.) et Thompson (S. E.), Membres de 
la Société américaine des Ingénieurs civils. — Prati- 
que de la construction en béton et mortier de ci- 
ment armé ou non armé, avec établissement ra- 
tionnel des prix de revient. — /raduit et adapté 
par M. Darras. — 4 vol. in-8o de XXJ11-720 p. avec 
141 fig. (Prix : 27 fr. 50). Dunod et Pinat, éditeurs, 
Paris, 1914. 


Sous ce titre un peu long, mais qu'il aurait peut-être 
été difficile d’abréger, M. Darras, directeur de la Revue 
générale de la Construction, offre au public français 
l'adaptation de deux ouvrages importants, dus aux émi- 
nents ingénieurs américains Frederick Taylor et Sand- 
ford Thompson, ouvrages intitulés : l'un « Concrete, plain 
and reinforced » (le béton homogène et armé), l’autre 
« Concrele costs » (les prix de revient du béton). Le 
volume est divisé en 16 chapitres dont la plupart ont 
pour principal objet de fournir des renseignements 
pratiques sur l'emploi du béton. La partie vraiment 
originale est celle qui constitue le chapitre II (détermi- 
nation du prix de la main-d'œuvre) et le chapitre IL 
(organisation scientifique des chantiers), On trouve là 
une exposition détaillée des idées aujourd’hui célèbres 
sous le nom de méthode Taylor. Des exemples d’appli- 
cation sont fournis dans les chapitres suivants. C'est 
ainsi qu'au chapitre IV on apprend à calculer le temps 
et le prix de la manutention au malaxeur; au chapitre 
VI, le temps de chargement et de roulage; au chapitre 
XV, le temps et le prix de pose des armatures, etc. 

Comme le fait remarquer M. Darras, on possède par là 
le moyen d'arriver à des prix de revient établis sur des 
chiffres indiscutables, et les entrepreneurs pourront dès 
lors faire leurs soumissions en pleine connaissance de 


cause, De plus, ces chiffres serviront de base précise 
dans les pourparlers entre patrons et ouvriers, Ils 
n'ont pu être établis que par des chronométrages longs 
et coûteux : les industriels et les travailleurs français 
auront grand profit à les utiliser. 


L. Lecorxu, 
Membre de 1 Institut, 
Inspecteur général des Mines. 


Relatorio do Observatorio Campos Rodrigues em 
Lourenco Marques. Ano de 1913. Vol. V. — 4 vol. 
in-49 de 161 p. Imprensa nacional, Lourenco Marques, 


1914. 


En rendant compte des 4 premiers volumes de cette 
publication!, nous avons indiqué les principales activi- 
tés de l'Observatoire de Lourenço Marques. En 1913,les 
services astronomique et météorologique ont continué 
à fonctionner comme par le passé, et la plus grande 
partie du rapport est consacrée au résumé des observa- 
tions, surtout pendulaires et météorologiques. 

A signaler, en particulier,, des observations d’ascen- 
sion droite du bord de la Lune et du cratère Mosting A, 
entreprises conjointement avec celles de la Mission de 
délimitation des frontières du pays des Barotse, et sur- 
tout la détermination dela différence de longitude entre 
les observatoires de Johannesburg et de Lourenco Mar- 
ques, par l'échange télégraphique de signaux horaires; 
le résultat de cette dernière détermination a été de 
18m 4°,70, tandis que la différence des longitudes adop- 
tées est de 18m45,63. 


2° Sciences physiques 


Costanzo(G.), Professeur, et Cortez (A.), Assistant à 
l'Institut technique supérieur de Lisbonne. — Guia de 
Trabalhos praticos de Fisica. Calor. — 1 vol. in-Sv 
de 124 p. avec 46 fig. (Prix :3 fr.). Institut technique 
supérieur, 79, rua da Boa Vista, Lisbonne, 1915. 


Ce petit guide de travaux pratiques de Physique, qui 
se rapporte à la chaleur, fait suite à un autre fascicule 
des mêmes auteurs, paru il y a deux ans, et consacré à 
la mesure des masses et à la balance. On y trouve l’in- 
dication d’un certain nombre d'exercices se rapportant 
à la thermométrie (à mercure et à gaz), à la calorimé- 
trie (détermination des chaleurs spécifiques, latentes de 
fusion et de vaporisation, de combustion), à la dilatomé- 
trie des liquides et des solides, à l'hygrométrie et à la 
détermination de l'équivalent mécanique de la chaleur. 
Les manipulations et les calculs sont exposés en détail 
et avec clarté; les appareils et méthodes modernes sont 
utilisés. 

L'apparition de tels ouvrages est significative, Pen- 
dant longtemps, les pays de langue espagnole et 
portugaise ont fait usage exclusivement, dans l’ensei- 
gnement, de livres étrangers traduits dans la langue 
du pays ou lus quelquefois dans la langue originale; 
puis petit à petit ont été publiés des ouvrages indigè- 
nes, dont le nombre et la spécialisation vont se multi- 
pliant. On peut le regretter à certains points de vue: 
mais c'est aussi un indice des progrès de l’enseignement 
scientifique dans des pays autrefois très en retard dans ce 
domaine. 


André (G.). Professeur à l'Institut National Agrono- 
mique de Paris. — Chimie agricole et végétale. 
2° édition. — 1 vol. in-18 de 576 p. de l'Encyclopédie 
agricole. (Prix cart. : 5 fr.). J. Baillière et fils, édi- 
teurs, Paris, 1914. 

Cette nouvelle édition contient de nombreuses addi- 
tions, et des modifications, surtout dans l'exposé des 


1. Revue gén. des Sc, du 15 avril 1914, p. 407. 


aY4 


224 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


questions concernant la respiration et la fonction chlo- 
rophyllienne. Si chaque nom d'auteur cité dans l’ou- 
vrage correspondait à une courte indication bibliogra- 
phique, l'étudiant agronome ou le professeur d'agriculture 
trouveraient là un guide des plus utiles pour appro- 
fondir les sujets si nombreux que ne peut qu’eflleurer 
une érudite synthèse, IL s’agit d’ailleurs d’un livre qui 
embrasse toute la physiologie végétale, c'est-à-dire une 
science ou les conclusions du moment vieillissent vite, 
Puisque c’est surtout aux étudiants, plus qu'aux prati- 
ciens, que s'adresse cet ouvrage très apprécié, il nous 
semble qu'il y a une pelite lacune dans l’absence de 
renvois bibliographiques. ' 

Nous souhaitons que la 3° édition, qui viendra nous 
l’espérons d'ici peu d'années, puisse répondre favorable- 
ment à ce desideratum. 

Edmond GAIN, 
Professeur à la Facullé des Sciencesde Nancy, 
Directeur de l’Institut Agricole et Colonial. 


3° Sciences naturelles 


Perrot (E.), Professeur à l'Ecole supérieure de Phar- 
macie de Paris, et Vogt (E.), Docteur en Pharmacie. 
— Poisons de flèches et poisons d'épreuve.?réface 
de M. E. GLey, Professeur au Collège de France. — 
Un vol. in-S° de 363 p. (Prix : 15 fr.) Vigot frères, édi- 
teurs, Paris, 1913. 

En ouvrant le livre de MM. Perrot et Vogt sur les 
poisons de flèches, mon esprit s’est reporté à vingt ans 
en arrière, à l’époque ou je réunissais des documents 
pour écrire un ouvrage sur le même sujet. 

D’autres occupations m'ont détourné de ce projet, et 
la lecture du livre actuel, si documenté, si fouillé, me 
console facilement, en mettant en évidence la somme 
formidable de travail que comporte une œuvre de ce 
genre quand on veut la mener à bien. 

La civilisation européenne refoule chaque jour les 
peuples primitifs et substitue rapidement aux ares et 
sarbacannes les fusils plus ou moins perfectionnés, aux 
flèches empoisonnées les balles dum-dum ou autres, 

Les poisons d’épreuve disparaissent également, mais 
trop souvent hélas sont remplacés par l’absinthe et les 
autres boissons alcooliques. 

Les auteurs sont des pharmacologues et ils ont traité 
leur sujet surtout au point de vue de cette science, « les 
auteurs n'étant pas physiologistes et s'étant sagement 
abstenus de faire œuvre physiologique », suivant la ju- 
dicieuse remarque du professeur Gley.Mais, par contre, 
puissammentarmés surleurterrain favori, ils ont exposé 
avec sagacité toutes les connaissances acquises sur la 
nature des poisons employés, cherchant à établir la 
composition des mélanges complexes utilisés et enfin la 
composition chimique exacte des produits actifs. 

De tout temps, la fabrication des poisons de flèches 
et plus encore des poisons d’épreuve a été entourée d’un 
profond mystère ; pour masquer l'identité du principe 
actif, prêtres, sorciers et devins ajoutaient une série 
d'ingrédients plus ou moins étranges, mais qui compli- 
quaient les préparations. 

Les documents recueillis par les explorateurs sont 
trop souvent profondément erronés, soit que les indi- 
gènes aient cherché à induire en erreur l'Européen trop 
curieux, soit même que cet Européen ait cru, pour cor- 
ser son récit, devoir ajouter aux descriptions indigènes 
des inventions tirées de son imagination. 

Les poisons de flèches ont des origines multiples. On 
peut néanmoins établir une classification d’après l'agent 
le plus actif utilisé. On trouve ainsi : 1° les anémones; 
2° les aconits; 30 les curares; 4° les ipohs; 50 les poi- 
sons cadavériques et produits de putréfaction; 6° les 
venins animaux ; 9° les microbes et leurs toxines. 

Un chapitre des plus intéressants est consacré aux 
poisons d’épreuve. Nous ne nous doutons certainement 
pas qu’en 1912, dans notre colonie de la Casamance, 
l'administrateur Maclaud estimait le nombre des vic- 
times du tali à plus de 2.000, Or le tali n’est autre qu'un 


poison d’épreuve ayant pour agent actif le suc de. 


l’£Erythrophlæum.L'épreuven'est d’ailleurs pas volontaire 
et l'Administration française doit faire les plus grands 
efforts pour empêcher les Balantes de se livrer aux sor- 
ciers dispensateurs de l’« eau rouge ». L’érythrophléine 
est un alcaloïde ayant une action intense sur le cœur. 

C'est l'étude des flèches empoisonnées des indigènes 
de la Haute Sangha qui a permis de reconnaitre les pro- 
priétés toxiques du Strophantus et d’en déduire les pro- 
priétés thérapeutiques si précieuses, puisque aujourd’hui 
les préparations de Strophantus constituent un succé- 
dané remarquable de la digitale dans les affections 
cardiaques. 

Il était naturel que, dans l’étude des poisons d'Amé- 
rique, le curare occupe la place prépondérante. Ce poison 
si étrange est encore resté mystérieux, et MM. Perrot 
et Vogt insistent sur un point essentiel : jamais les 
éléments qui entrent dans la composition du curare 
n’ont pu être étudiés à l’état frais, et si les Strychnées 
paraissent constituer l’agent actif et spécifique, on 
peutse demander sila substance en question existe préfor- 
mée dans les Strychnées américaines ou si elle se forme 
au cours des manipulations. Les curarines de Boehm, 
aux propriétés nettement curarisantes, dérivent-elles 
descurines inactives? Et peut-on entrevoir la fabrication 
industrielle d’une curarine? 

En lisant l’ouvrage de MM. Perrot et Vogt, on se 
rend compte de l'intérêt que présente cette histoire des 
poisons de flèches ou d’épreuve. La chimie peut, utili- 
sant l'instinct ou l’'empirisme des peuples en voie de dis- 
parition, trouver d’utiles directions pour réaliser des 
acquisitions utiles au point de vue thérapeutique. 


J.-P. LANGLOIS, 


Professeur agrégé à la Faculté de Médecine 
de Paris. 


Spallanzani (Lazzaro). — Saggio di osservazioni 
microscopiche concernenti il sistema della gene- 
razione dei signori di Needam e Buffon. — ?ré- 
face de M. Gino Dé Rossi. — 1 vol. in-$o de 1%4 p. 
avec 1 pl. et 1? fig. T. II de la collection : Classici 
delle Scienze e della Filosofia. (Prix : 3 fr.). Societa 
tipografico-editrice barese, Bari, 1914. 


Morgagni (G. B.). — Carteggio inedito con Gio- 
vanni Bianchi. /ntroductionet notes de M. G. Bican- 
cronr, — 1 vol. in-8o de 276 p. avec 1 pl. T. LUI de la 
collection : Classiei delle Scienze e della Filosofia. 
(Prix : 3 fr.). Societa tipografico-editrice barese, Bari, 
1914. 

Nous avons déjà signalé aux lecteurs de la ARevuel 
l'apparition du premier volume de cette nouvelle collec- 
tion, destinée à mettre à la portée du publie, à un prix 
minime, les œuvres originales des principaux savants 
italiens. Ë 

Le second volume reproduit les célèbres « Essais » de 
Spallanzani, qui ont fait époque dans l’évolution de la 
Biologie. La génération spontanée, déjà niée par Redi 
pour les insectes, est réfutée par Spallanzani pour les 
animalcules des infusions, lequel donne en même temps 
les premières méthodes pratiques pour l'étude des 
microorganismes. 

Le troisième volume renferme une série de lettres 
inédites de Morgagni, grand anatomiste et clinicien, 
l'un des fondateurs de la Pathologie scientifique moderne 
et en particulier de l'Anatomie pathologique, à Giovanni 
Bianchi, naturaliste et médecin, plus connu sous le 
pseudonyme académique de Jano Planco; ces lettres, qui 
s'étendent sur une période de plus de 5o ans (1720-1971), 
traitent de la plupart des questions scientifiques débat- 
tues à cette époque et constituent des documents des 
plus intéressants pour l’histoire de la pensée et de la 
culture italienne au xvinr siècle. 


1. Revue gén. des Sciences du 30 mai 1914, t. XXV, p. 529, 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 295 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADEMIE DES SCIENCES DE PARIS 
Séance du 15 Mars 1915 

SCIENCES PHYSIQUES. — M. À. Le Bel : Sur le rayon 
catathermique. Tissot a supposé que la chaleur perdue 
par les étoiles se transforme dans les espaces célestes 
en un rayon d’une espèce nouvelle, susceptible de reve- 
nir vers ces étoiles et de leur restituer l'énergie qu’elles 
ont perdue sous forme de lumière et de chaleur rayon- 
nées. L'auteur a mis en évidence l’existence d’un rayon 
de ce genre, qu’il nomme rayon catathermique; en orga- 


nisant un flux de chaleur centrifuge dans une feuille de’ 


nickel enroulée ou dans une masse de sable, il à pu 
constater un apport d'énergie sur un détecteur placé au 
centre et constitué par deux couples thermo-électriques 
en opposition, mais de nature identique, dont l’un est 
protégé contre le rayon catathermique de retour par un 
chapeau de platine isolé. Dans ce cas, le rayon cata- 
thermique parait centripète: mais d’autres expériences 
montrent qu'il est capable d’agir dans toutes les direc- 
tions. De l'existence de ce rayon résulteraient d’impor- 
tantes conséquences pour la Physique cosmique, — 
M. A. Leduc : Rapport y des deux chaleurs spécifiques 
principales des mélanges de gaz. Applications. Le rap- 
port des chaleurs spécifiques 7 d'un mélange de deux 
gaz dont les rapports des chaleurs spécifiques sont 
et , est donné par la formule : 
LE Le 


ka Ty 
PO a 

où r, et r, sont les richesses du mélange dans les deux 
gaz et k, k, et k, sont donnés par la formule de la théo- 
rie des gaz k — (8 T=) (1 + np») /?. Pour un mélange à 
volumes égaux d'azote et de gaz carbonique à o° et 
sous 760 mm., le calcul par la formule ci-dessus donne 
7 — 1,355. Le calcul fait en considérant les deux gaz 
comme parfaits (4, — ka — À —:1) donne la valeur à 
peine différente y — 1,356, tandis que la simple 
règle des moyennes donne 7 — 1,361, IL importe donc 
de ne pas confondre y avec 7", mais on peut le confondre 
avec 7 et, en tout cas, calculer Æ par la règle des 
moyennes. — M. L. Bloch : Sur l'absorption des gaz 
par résonance. L'auteur retrouve par la théorie électro- 
magnétique la formule établie par Lamb pour le rapport 
de dissipation d’une molécule vibrante. Il a recherché 
ensuite si la résonance de la vapeur de sodium, décou- 
verte par Wood, peut s'expliquer par la théorie électro- 
magnétique, Les données de Wood et de Dunoyer per- 
mettent de conclure que l'émission par résonance est 
largement suflisante pour rendre compte des effets de 
réflexion diffus observés au centre des raies D. Par 
contre, la largeur des raies D, même lorsqu'il s’agit des 
raies de résonance, ne s'explique pas seulement par 
l'amortissement dû au rayonnement; il faut faire inter- 
venir ici, suivant les idées de lord Rayleigh, l’élargis- 
sement corrélatif de l’effet Doppler. — M. A. Portevin: 
L'anisotropie mécanique des métaux et alliages à gros 
grains et l'essai à La bille. L'auteur montre qu’en effec- 
tuant des essais à la bille sur un seul grain de métal 
ou d’alliage suflisamment gros, on obtient une empreinte 
qui, en raison de l’anisotropie mécanique du grain, est 
loin d’être circulaire ; elle affecte en général la forme 
d’un carré aux angles arrondis avec deux petits diamé- 
tres perpendiculaires égaux et deux autres grands dia- 
mètres bissecteurs égaux. En effectuant les essais sur les 
métaux ou alliages à gros grains d’orientation quelcon- 
que, de manière que plusieurs grains soient déformés, 
on obtient des empreintes extrêmement irrégulières ne 
permettant aucune mesure précise. 

2° SCIENCES NATURELLES. — M. M. Piettre : Sur l'ali- 
mentation des armées en campagne (voir p. 199). — 
MM. P. Caruot et B. Weill-Hallé : 2e la dissémina- 
tion du bacille typhique autour des malades atteints de 


fièvre typhoïde. Les auteurs ont constaté l'existence de 
trois catégories de bacillifères : 1° les bacillifères infec- 
tés, qui, même longtemps après guérison de leur fièvre 
typhoïde, éliminent encore des bacilles, et continuent 
d’être contagieux, bien qu'immunisés par leur infection 
même; 2° les bacillifères vaccinés, ayant ensemencé 
leur tube digestif au contact des premiers, mais qui, 
protégés par leur immunisation vaccinale, confient le 
germe contagieux dans une sorte de saprophytisme 
intestinal; 30 les bacillifères sains, sans immunisation 
morbide ou vaccinale, au sujet desquels on peut se 
demander si la présence de bacilles typhiques dans 
l'intestin réalise un stade de préinfection latente et les 
met en imminence d'infection à la moindre défaillance, 
ou si elle n’aboutit pas à une sorte d’immunilé par 
entéro-vaccination. De ces constatations découlent : 
1° la nécessité de l'isolement prolongé des typhiques, 
aussi longtemps qu’ils restent baciilifères, et l'urgence, 
dans les circonstances actuelles, de la création de dépôts 
Spéciaux de convalescents typhiques soumis au contrôle 
bactériologique; 2° la nécessité d'une désinfection 
rigoureuse des locaux et objets contaminés et surtout, 
peut-être, des mains du personnel soignant; 3° la néces- 
sité de l'isolement relatif, de la non-dispersion et de 
l’hypervaccination du personnel, si souvent bacillifère, 
affecté aux services des typhiques, — M. G. Arnaud : 
Sur les racines des betteraves gommeuses. L'agent de la 
dégénérescence gommeuse, observée sur des betteraves 
conservées en silos, est une bactérie qui, de l’extérieur 
vers l’intérieur, s’insinue dans les espaces intercellulai- 
res en même temps qu'elle détruit les cellules voisines. 
Elle est du genre Paclerium, assez voisine morphologi- 
quement du 2. Mori; elle se désarticule facilement en 
éléments de longueur variable, La dégénérescence gom- 
meuse ne parait se produire que chez les betteraves 
déjà altérées par le froid. — M. F. de Montessus de 
Ballore : /nfluence sismogénique des failles parallèles 
étagées de la rainure ér\thréenne et de celles de la 
vallée du Rhin. L'auteur démontre nettement l'influence 
sismogénique des failles parallèles étagées pour les rai- 
nures d’effondrement, tant érythréenne que rhénane, 
respectivement considérées de l’'Orontès à la mer Rouge 
et de Mayence à Bäle. — M. Pereira de Sousa : Sur 
les macrosismes de 1911, 1912, 1913, 1914, dans le nord 
du Portugal. Les macrosismes du nord du Portugal 
(Minbho) (1911 à 1914) semblent être d’origine épirogéni- 
que; leur maximum d'intensité s’est manifesté le long 
de la ligne sismo-tectonique Pacos de Ferreira-Vila Nova 
de Famalicào-Barcellos-Caminha, leur maximum d’ex- 
tension suivant la ligne sismo-tectonique Vila do Conde- 
Malta-Gondomar. 


Séance du 22 Mars 1915 


1° SCIENCES PHYSIQUES, — M. Em. Saillard : Dosage 
du saccharose dans les betteraves ayant subi le gel et Le 
dégel. Des betteraves ayant subi le gel et le dégel déga- 
geaient une odeur d'alcool et laissaient échapper, en 
plusieurs points de leur surface. des gaz et un liquide 
gommeux. Les jus étaient jusqu'à dix fois plus acides 
que chez les betteraves ordinaires. L'analyse du saccha- 
rose par la méthode d'inversion par la sucrase montre 
qu'une grande partie du sucre primitif a disparn par 
fermentation visqueuse. Par contre, on trouve dans la 
betterave une forte proportion de sucres réducteurs fer- 
mentescibles. Ces racines, à partir d’un certain degré 
d'altéralion, conviennent done mieux à la fabrication 
de l'alcool qu’à celle du sucre. 
2° SCIENCES NATURELLES. — M. H. Vincent: Sur la 
vaccination expérimentale contre le vibrion du choléra 
ar le vaccin stérilisé par l’éther. L'auteur a constaté 
que le vibrion du choléra est tué avec une extrême 
rapidité par l’éther. Les cobayes ayant reçu, à cinq ou 


[I 
LL 
(er 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


six jours d'intervalle, deux ou trois injections de ces 
cultures mortes, sont complètement immunisés contre 
le choléra, L’éther soustrait aux corps bactériens les 
substances lipoides inutiles pour la production de 
l'’immunité et diminue, par suite, la toxicité du vaccin 
anticholérique. La méthode de stérilisation par l’éther 
se comporte comme une méthode générale dé prépara- 
tion des vaccins, qui conserve aux microbes tués les 
propriétés immunigènes des microbes vivants, sans en 
offrir les dangers. — M. Ch. J. Gravier : Sur quelques 
traits de la bivlogie des Coraux des grundes profon- 
deurs sous-marines. Les Coraux dés grandes profon- 
déurs, qui habitent des régions où la température 
s'élève peu au-dessus de o° C., vivent dans toutes les 
mers. C'est sur des fonds peu consistants qu’ils gran- 
dissent le plus souvent; souvent ils se libèrent de leur 
support. La coloration des parties vivantes est fré- 
quemment d’un brun rougeàtre foncé ou même complè- 
tement noire. Ils se nourrissent sans doute de la pluie 
de cadavres et de débris de toutes sortes tombant con- 
tinuellement des couches d’eau qui les surmontent, La 
très grande majorité des Coraux de grandes profon- 
deuts est constituée par des formes solitaires, dont le 
calice prend parfois des dimensions considérables. On 
réncontre aussi de curieuses associations d'espèces. — 
M. Pavillard : Accroissement et scissiparilé chez les 
Péridiniens. Il n'existe pas d’accroissement secondaire 
authentique chez les Péridiniens symétriques; la for- 
mation de zones intercalaires est une préparation mor- 
phologique à la division cellulaire. Le schéma de cette 
division, proposé par Schütt, n’est exact que dans sa 
première partie, Les valves complémentaires des cellules 
filles s'établissent d'emblée dans leur situation et avec 
leurs dimensions définitives à la lisière de la valve 
maternelle proprement dite. La bande intercalaire n’est 
pis une zone de glissement, mais un écran protecteur 
transitoire, éliminé à l'issue de la division. La physio- 
nomie générale du phénomène offre ure analogie 
curieuse avec l’auxosporulation des Diatomées. — 
MM. M. Lugeon et G. Henny: La limite alpinodinari- 
que dans les environs du massif de l'Adamello. Les 
auteurs rejettent l'hypothèse de la faille du Tonale; les 
schistes du Tonale passent graduellement aux schistes 
d'Edolo; la limite méridionale de ces derniers est en 
même temps la limite alpinodinarique. La ligne giudi- 
carienne n’est autre que la continuation de cette limite; 
à partir du Monte Sabbione vers le Nord, c’est la trace 
du chevauchement des Alpes sur les Dinarides. La 
vaste masse tonalilique de l’Adamello traverse aussi 
bien les sédiments alpins que les dinariques. La montée 
du magma est postérieure à la naissance des nappes 
alpines. — M. J. Basset: Les conserves des arinées en 
campagne (Voir p. 199). 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 
Seance du 9 Mars 1915 


MM. les D Rémond et Minvielle : /raitement de ia 
fièvre typhoïde par le Sérum de Rodet. Les auteurs ont 
traité 25 cas de fièvre typhoïde par la méthode de 
Rodet : injection hypodermique, du 8° au 12€ jour de la 
maladie, d’un sérum provenant de chevaux immunisés 
contre le bacillé d'Eberth. Tous les malades soignés 
par cette méthode n’ont présenté aucune des complica- 
tions habituelles à la fièvre continue. Baignés les pre- 
miers jours, ils ont presque tous présenté uné diminution 
de température suflisante, deux à trois jours après la 
dernière injection, pour que les bains n'aient plus été 
nécessaires, La température tombe par plateaux succes- 
au-dessous de 39°, puis au-dessous de 38°. — 
MM.J. Parisot et P. Simonin : /tude sur les gelures 
consécutives au séjour prolongé dans les tranchées. Les 
auteurs ont observé, à côté de cas typiques de gelures 
des pieds, des cas nombreux de douleurs vives dans les 
membres inférieurs, sans lésion apparente ou modifica- 
tion d'aspect des téguments, coincidant avec des troubles 
de sensibilité (anesthésie) siégeant plus spécialement 


sifs 


sur les faces interne et inférieure du gros orteil, sur les 
faces supérieure et inférieure des autres doigts du pied, 
sur la plante, le bord externe et le dos du pied, plus 
rarement au talon, et compliqués quelquefois de troubles 
trophiques.Ce syndrome d’anestlhiésie douloureuse n’est 
dû que secondairement à l’action du froid ; le facteur 
principal est la compression, surtout la compression 
locale : les zones d'élection sont en effet celies-là même 
où là pression de la chaussure se fait sentir à son 
maximuin. Le traitement de l’anesthésie douloureuse 
pure consiste dans le repos absolu du pied, libre de 
loute gène, et dans une révulsion légère des téguments 
(bains cliauds à peine sinapisés, frictions alcooliques); 
le massage, la gymnastique bio-kinétique sont utilisés 
avec avantage. La prophylaxie de ces accidents doit 
consister dans le port de chaussures larges, étanches, 
bien assouplies etnon bourrées, le déchaussage à inter- 
valles réguliers, l'augmentation d’habitabilité des tran- 
chées et la relève aussi fréquente que possible des 
hommes de garde. 


Séance du 16 Mars 1915 


M. M. de Fleury : 24 observations de gelures des 
extrémités inférieures. Les troubles observés chez ces 
malades paraissent attribuables à une névrite périphé- 
rique, Celle-ci a pour facteurs principaux : 1° le régime 
alimentaire trop exclusivement carné, coïncidant avec 
l'absence presque complète de dépense musculaire; 2° le 
froid humide, le séjour prolongé des extrémités infé- 
rieures dans la boue liquide, et la suppression de toute 
activité dans ce qu'on a nommé très justément le cœur 
périphérique; 3° la compression, toujours au même 
point, par les chaussures, même aisées, alors que les 
hommes sont contraints de demeurer plusieurs jours et 
plusieurs nuits sans quitter leurs chaussures; cette der- 
nière cause serait la plus forte. Le traitement prophy- 
lactique des gelures résidérait donc dans la relève fré- 
quente des hommes envoyés aux tranchées d'avant, avec 
changement de régime alimentaire et obligation de se 
déchausser. — M. P. Marie et Mme A. Bénisty: Une 
forme douloureuse des blessures du nerf median par 
plaies de guerre. Les auteurs ont observé, à côté de la 
paralysie classique du nerf médian, une forme clinique 
excessivement douloureuse. Dans cette forme, les trou- 
bles moteurs sont relégués au second plan; la main pré- 
sente un aspect aminci; elle est plus chaude que la main 
saine;elle est surtout le siège de douleurs atroces, 
exaspérées par la chaleur sèche, diminuées par les enve- 
loppements humides froids. Les douleurs tendent à 
s'atténuer spontanément au bout de 4 à 5 mois, et la 
restauration motrice s'effectue complètement en même 
temps que diminuent les troubles vasomoteurs et tro- 
phiques. 

SOCIETE DE BIOLOGIE 
Séance du 6 Mars 1915 

M. D. E. Paulian : Origine anaphylactique des trou- 
bles nerveux produits par les vers intestinaux. L'auteur 
estime, d’après ses recherches, que les troubles nerveux, 
l'urticaire qu'on a remarqué parfois, l’éosinophilie et 
les réactions du sang chez les porteurs de vers, seraient 
des signes constants d’anaphylaxie; il en conclut, sur- 
tout en ce qui concerne les troubles nerveux, qu'ils 
sont dus à un choc anaphylactique certain produit par 
les toxines helminthiasiques. Ces toxines ne diffèrent 
pas, comme composition, de celles des substances albu- 
minoïdes en général, et, par conséquent, elles peuvent 
produire comme ces dérnières les mêmes phénomènes 
d’anaphylaxie, — M. L. F. Henneguy : Sur la struclure 
des cellules épithéliales des Eolidiens. La cellule épithé- 
liale des Eolidiens est comparable à un sac rempli 
d'une substance molle (le cytoplasma) dans laquelle 
sont immergées des sphères rigides (les vésicules). La 
cellule acquiert ainsi une certaine rigidité, une turges- 
cence, qui lui permet de résister à la pression des corps 
durs en contact avec sa surface. C’est, en effet, dans 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 227 


l'initéstin et sûr là sürfäcé péditusé dé l’äfiinal, là où 
l'épithélium doit résister à l’action des corps étrangers, 
que ces cellules ainsi différenciées sont lé plus dévelop- 
pées et que les vésicules sont les plus grandes, La difré- 
renciation dés céllulés épithéliales dés Eolidiens, rap- 
prochée de celle très différente dés cellulesde l’'œsophage 
des Bryozoaires, et de celles des cellules à tonofibrilles 
où à cuticule épaisse, montré qu'une même action ior- 
phogèné peut détérminér une sérle dé Structures spécia- 
les variées en rapport aVeé une Seule et même fonclion, 
— MM. D. Keïlin et W. R. Thompson : Sur le éycle 
évolutif des Drjinidäe, Hÿménopterés parasites des 
Hémiptères homopières. Les auteurs ont étüdié les 
différents stades larvaires d'un Dryinidé parasite des 
Typlilocybes, Le paräsite, appliqué contre la paroi 
intérne des premiérs ségments abdominaux de son hôte, 
ést entouré par ün amas celluläire qui, au premiér coup 
d'œil, fait l'impression d'un kyste phägocytaire, mais 
qui provient, en réalité, dé la prolifération de cellules 
hypodermiqués, dont la basalé ést nettement visible, 
sous forme d’üné membrañe ahhyste qui entoure le 
kyste. Ce dernier intércepte toute communication 
directe du parasite avec là cavité périviscérale de Sôn 
hôte, de facon qué tous les échanges nutritifs entre le 
parasite et l'hôle se produisént à travers les parois du 
kyste. Ce n'est qu'à la fin du développement que la 
larvé, dévenant brusquement carnassière, consotimie 
tous lés organes de son hôte, qu'ellé laisse complète- 
ment vide jusqu’à la tête. La formation du tissu du 
kyste fait des Dryinidés une catégorie tout-à-fait spé- 
ciale de parasites animaux. Comme cé tissu, par son 
rôle, he peut être coinparé qu’à un placenta chez les 
animäux, où à uné Balle chez les végétaux, on peut 
appélér ce parasitisme plàäcéntaire où gallicole. — 
M. A. Netter : Guérison de l'iridochoroïdite suppurée à 
méningocoques par lés injéctions de sérum antiménin- 
gococcique dans le corps vitré, L'iridochoroïdité suppu- 
rée est une complication de la méningite cérébrospinale 
liée au développement du méningocoque dans les mem- 
branes internes de l’œil. Elle aboutit presque fatalement 
en 4 où 5 jours à la suppuration et l’atrophie de l'œil 
avec perte dé la vision. La sérothérapie intra-rachi- 
dienne n'ayant pas d’influëénce sur cette complication, 
par suite du fait que les milieux internes de l’œil sont à 
peu près complètement indépéndants de la ciréulation 
générale, M. Nétter a eu l’idée de traiter l’iridochoroi- 
dite méningococcique par l'injection intra-oéulaire de 
sérum, Dans les deux càs observés, la guérison s’est 
produite très rapidement. — M. E. Roubaud : Les 
Muscides à larves piqueuses et suceuses de sang. L'au- 
teur étudie trois catégories de larves de Muscides hémo- 
phages parasités : chez l’homme (ver dés cases), chez 
les Mammifères à peau nue (larvés des Chéromyies), 
chez les oiséaux (larves de Phormia sordida). Chez 
toutes les larvés se retrouve le même mode d'adhésion à 
l’épiderme par le bord du premier segment post-céphali- 
que fonctionnant comine ventouse, de scarification de 
la peau par les érochets bucéaux, de succion pr les 
mouvements de pompé du pseudo-céphalon invaginé. 
Quels que soient les hôtes, deux conditions essentielles 
doivent êtreréalisées pour réndre possible le parasitisme 
dé la larve de Muscide hémophage : 1° la nudité de l’épi- 
derme chez l'hôte; 2° la sédentarité de l'hôte. Le para- 
sitisme intermittent larvaire représénte un stade inter- 
médiaire diréct d'évolution vérsle paräsitisme permanent 
cuticole. —M. P. Mazé : Oxydation de l'ammoniaquè ou 
nitrification par les végétaux. L'origine de l’acide nitreux 
des sucs végétaux réside dans l'oxydation dé l’'ammo- 
niaque; c’est une nitrification qui s'arrête à l'acide 
nitreux, 


SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE 
Séance du 5 Mars 1915 


M. A. Turpain : À propos de l'emploi des rayons X 


pour la localisation des projectiles. L'auteur a orga- 
nisé à Poitiers, avec les ressources de son laboratoire 


dé li Faculté dés Sciences, un service dé tadiographié et 
dé radioscopie qui fonctionne à l’ün des hôpitaux mili- 
tüires et a déjà petihis d'examiner plus dé 1500 blessés. 
En éë qui cotitérhé l'usage dés écrans rénfofçateurs des- 
Linés à abréger la durée dés poses radiographiques, 
M. Türpaih recoiimande come bien plus avantageux 
de poser l'écran sur là plaque radiographique que soûs 
cetté plaqué, té qui évite dux rayons X la traversée du 
verre de la plaque, qui peut contenir quélque substance 
opaque, La localisation des projectiles par déplacement 
de l’ürnpoule el oblention de deux ombres portées du 
projectile, désquelles on déduit, par relation de simili- 
tude, lu profondeur du projéctile, conduit en pratique à 
des résullats certains tant qué là plaque s'appuie sur 
dés parties indéformables du corps (tête, genou, par 
exéniple); cette méthode est en défaut lorsque la locali- 
sation doit être faite dans une partie molle. M. Béclère 
considère comme éxtellente là pratique récomimandée 
par M. Turpain de placer, sûr le trajét des rayons de 
Rœntgén, l'écran renforçateur en avarit ét non en arrière 
de la plaque photographique. Il n’en emploie pas d’au- 
tre. — M. Daniel Berthelot : Sur les relations de l’éner- 
gie radiante avec les autres formes d'énergie. L'auteur 
développe des considérations qu’il a déjà exposées ici- 
même sur l'énergie radiante!, et desquelles il résulte 
que, des deux facteurs de cette énergie W, le facteur 
d'intensité est la fréquence vibratoire N, tandis que le 
facteur de capacité est représenté par l’entropie radiante 


» dW à ; - : 
HE Î \” analogue à l’entropie thermique, et qui, 
& à 


conime celle-ci, tend toujours à croître dans lés pro- 
vessus radiants irréversibles. L’entropie radiante a les 
dimersions d’une énergie mullipliée par l'inverse d’une 
fréquence, c’est-à-dire d’une énergie multipliée par un 
temps : c’est ce qu'on peut appeler une action. L’en- 
lropie élémentaire, rapportée à un électron, n’est autre 
que la constante ! de Planck (quantum d'action) et a 
pour Valeur 6,5 X 10-27 erg-sécondé, Les notions précé- 
dentes permettent d'obtenir dés relations simples entre 
l'énergie radiante et les autres formes d'énergie : éner- 
gie calorifique, énergie éléctrique, énergie capillairé. IL 
semble bien que pour toutes les formes d'énergie il 
existe des relations moléculaires analogues à la loi 
électrochimique de Faraday, et que l'apparition d'une 
molécule chimique corresponde toujours, quel que soit 
le corps, à une inême värialion du facteur de capacité, 
que la dissociation ait lieu par l’éléctricité (électrolyse) 
ou qu’elle ait lieu par la chaleur (thermolyse) ou la 
lumière (photolyse). En somme, la loi des capacités 
moléculaires équivalentes des diverses formes d'énergie 
montre que, dans les conditions d'équilibre réversible 
entre l'énergie chimique et les autres formes d'énergie, 
le potentiel chimique (affinité chimique) peut être me- 
suré par n'importe lequel des potentiels (facteurs d’in- 
tensité) des autres formes d'énergie : température, pres- 
sion, force électromotrice, fréquence vibratoire, etc, 
Quant à la notion des quanta, sur laquelle on a beau- 
coup discuté dans ces dernières années, en l’envisageant 
à un point de vue un peu trop spécial (théorie du 
rayonnement), elle parait à l’auteur résulter simplement 
de la structure moléculaire de la matière et de la loi des 
capacités moléculaireséquivalentes. A la notion d'atomes 
de matière correspondentnaturellementnonseulementla 
notion d’élément d'électricité (ou quantum d'électricité, 
ou électron), mais encore celle d’élément d'action (quan- 
tum de Planck), d'élément d’entropie thermique, ete. 
Ce sont là les véritables unités naturelles des diverses 
grandeurs physiques. Les changements chimiques se 
faisant par sauts brusques, il est naturel qu'il en soit de 
même des changements physiques corrélatifs. — M, J. 
Schurr : Une application de la loi d'action de masse 
dans la recherche d'un extrait sec. Si l’on chauffe du 
lait à une température sensiblement constante, la varia- 
tion du poids en fonction du temps est représentée par 


1. Revue gén. des Sciences du 30 avril 1911, t. XXII, p. 327 
et suiv. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


une courbe carractéristique.| Pendant les 15 premières 
minutes, les pertes de poids, qui atteignent environ les 
2/3 du total, sont proportionnelles aux temps. A partir 
de ce moment, la masse devient spongieuse, l’'évapora- 
tion ne se fait plus par une surface plane, mais dans une 
multitude de petits espaces, de grandeur à peu près 
invariable, et dont le nombre est proportionnel à la 
masse du liquide, La vitesse d’évaporation est alors 
proportionnelle à celte masse, c’est-à-dire que les pertes 
de poids décroissent en progression géométrique quand 
les temps croissent en progression arithmétique, La 
courbe admet une asymptote parallèle à l'axe destemps. 
Pour calculer l’ordonnée de l’asymptote, qui mesure 
l'extrait sec, il suflira de peser du lait ayant déjà perdu 
par évaporation 2/3 de son poids, puis de déterminer 
les pertes de poids subies deux fois de suite en 4 minu- 
tes, par exemple, et enfin d'appliquer une formule con- 
nue. Les méthodes ordinaires exigent un chauffage de 
8 heures à l’étuve ou au bain-marie. 


SOCIÈTÉ CHIMIQUE DE FRANCE 
Séance du 26 Février 1915 


M. A. Brochet : Sur la réduction catalytique de 
l’indigo (voir p. 191). — M. V. Auger : Sur les iodures- 
soufre. L'auteur a étudié le composé du soufre et de 
l’iodure stannique. Ces deux corps s'unissent dans la 
proportion Snl'-2S8 et le produit formé cristallise 
d'un mélange de chloroforme et sulfure de carbone, en 
prismes monocliniques rouges fusibles à 97°. On peut 
obtenir, avec des quantités variables de soufre, des 
cristaux mixtes renfermant de 0 à 16 atomes de soufre; 
au delà de cette proportion, le soufre cristallise à l’état 
pur parmi les cristaux rouges de Snl',2S3. Le bromoio- 
doforme HCBrl? fournit, en solution sulfocarbonique, 
en présence de soufre, le composé HCBrl?.3S$, le brome 
jouant ainsi le même rôle que l’iode, en attirant à lui S$. 
Il faut un temps assez notable pour que cet arrangement 
moléculaire se produise, car, si l’on refroidit rapidement 
une solution concentrée des composants, ils cristallisent 
à part, et ce n’est qu'au bout de plusieurs jours qu'ap- 
paraissent les cristaux du bromo-iodure-soufre, — 
M. M. Sommelet : Sur la transformation de la ben=yl- 
amine en aldéhyde benzoïque. L'auteur a indiqué précé- 
demment que le chlorobenzylate d’hexaméthylène- 
tétramine se décompose au contact de l’eau bouillante 
avec production d’aldéhyde benzoïque : 

CSHI2N!.C6HÿCH?CI —=> C6H°.CHO 

Il était vraisemblable que cette transformation s’effec- 
tuait avec production transitoire de benzylamine et sous 
l'influence de l’aldéh yde formique susceptible de prendre 
naissance au cours de l’hydrolyse du chlorobenzylate; 
des recherches antérieures (Bull. (4), t. XIII, p. 1085) 
confirment cette opinion, car, en chauffant en propor- 
tions convenables un mélange de benzylamine, de 
chlorhydate de benzylamine et d’aldéhyde formique, 
en présence d'alcool à 80°/,, à une température de 105- 
1102, on donne lieu à la production d’aldéhyde ben- 
zoïque qui se forme avec un rendement voisin de 30°/, 
du rendement théorique. L'étude approfondie de cette 
réaction conduit à reconnaître parmi ses produits, en 
dehors de l'aldéhyde benzoïque, l'ammoniaque et les 
trois méthylamines et, à côté de la benzylamine non 
transformée, ses dérivés mono-et diméthylés. La mise 
en liberté d’ammoniaque aux dépens de la benzylamine 
permet d'envisager la formation de l’aldéhyde benzoïque 
comme résultant d'une déshydrogénation de la benzyla- 
mine conduisant tout d’abord à la benzylidène-imine, 
susceptible de s’hydrolyser elle-même par la suite : 
CSH.CH2.NH? —=- CÉHS.CH — NH —=> CÔHŸ.CHO + NH° 

Les méthylamines ne seraient, au moins pour une 
part, que des produits secondaires de la méthylation de 
l’ammoniaque ainsi formée sous l'influence de l’aldéhyde 
formique. Quel serait, dans cette hypothèse, le réactif 
dont l’action déshydrogénante se porte ainsi sur la 
benzylamine? C'est probablement la méthylènebenzyla- 
mine CH? : N-CH2-C°H”, qui, présente dès le début de la 


réaction, provoque au premier moment, en se transfor- 
mant en méthylbenzylamine, le départ d'hydrogène aux 
dépens de la benzylamine. 


SOCIETE ROYALE DE LONDRES 
Séance du k Février 1915 

SCIENCES PHYSIQUES. — M. A. Fowler : Un nouveau 
type de séries dans le spectre de bandes associé à l'hélium. 
Le spectre de bandes associé à l’hélium, tel qu’il a été 
décrit par Curtis et Goldstein, renferme des bandes avec 
des têtes simples et des bandes avec des têtes doubles. 
Une analyse préliminaire de ce spectre a conduit l’au- 
teur aux conclusions suivantes: 1° Les doublets ne sui- 
vent pas la loi ordinaire des spectres de bandes, mais 
ils peuvent être disposés en deux séries du type jusqu'à 
présent exclusivement associé aux spectres de lignes, 
etils peuvent être représentés par les formules usuelles 
avec la constante de Rydberg. On a identifié 9 bandes 
dans la série principale et 4 dans la série secondaire 
plus faible. 2°Les deux séries peuvent être mises en 
relation avec les séries principale et diffuse dans le cas 
des spectres de lignes, mais la relation usuelle entre 
ces séries n’est pas clairement indiquée et on n’a pas 
encore trouvé d’équivalent de la série forte. 3° Les sépa- 
rations des doublets ne s'accordent pas avec celles qui 
sont associées aux spectres de lignes; elles diminuent 
en progressant dans la série, mais ne s’évanouissent 
pas à la limite, On n’a trouvé aucune régularité dans 
l’arrangement des bandes simples. — M. R. T. Mer- 
ton: Les spectres du plomb ordinaire et du plomb d’ori- 
gine radio-active. L'auteur a mesuré les longueurs 
d'onde de quelques-unes des principaleslignes du spectre 
du plomb ordinaire et da plomb des résidus de pech- 
blende, On pouvait espérer trouver de faibles différences 
de longueurs d'onde, plus spécialement dans le cas des 
lignes qui appartiennent aux séries de doublets ou de 
triplets, puisque, suivant la théorie de Hicks, un terme 
lié au poids atomique entre exactement dans les sépara- 
tions de ces doublets ou triplets. Aucun écart de l’ordre 
de ceux qu'on peut déduire de la théorie de Hicks n’a 
été observé. Les spectres juxtaposés ne présentent 
aucune différence; les mesures des longueurs d'onde de 
sept lignes importantes chez les deux sortes de plomb 
concordent à 0,03 unité près. Une comparaison spéciale 
de la ligne — 4058 avec l’interféromètre montre que 
les longueurs d’onde de cette ligne chez le plomb ordi- 
naire et le plomb radio-actif sont identiques à 0,008 
unité près. — M. A. O. Rankine : La viscosité de la 
vapeur diode. L'auteur a mesuré la viscosité de la 
vapeur d’'iode à quatre températures différentes, s’éten- 
dant de 124° à 2470 C. Sa méthode est basée sur la dis- 
tillation de l’iode d’un récipient dans un autre à travers 
un tube capillaire étroit dont on peut faire varier la 
température, L'un desrécipients contient de l’iode solide 
et est porté à 100°; l’autre est immergé dans un mé- 
lange réfrigérant, de sorte que l’iode qui a passé le tube 
à l’état de vapeur surchauffée s’y condense, la masse qui 
a traversé étant déterminée par pesée du récipient, qui 
est séparable. Des expériences répétées ont montré que 
la méthode donne des résultats concordants, qui peu- 
vent être considérés comme exacts à 1/2 o/o près. L’in- 
tervalle de températures étudié n’est pas suflisant pour 
que les résultats permettent d'éprouver la validité de la 
formule de Sutherland; toutefois, ils ne sont pas incon- 
ciliables avec cette formule. Les valeurs obtenues sont 
les suivantes : 


Température Viscosité en unités G.G,S, x< 104 


1249 C. 1,84 
1700 2,04 
205°,/4 2,20 
2470,1 2,40 


La constante de Sutherland serait C — 590. 


Le Gérant : Octave Doix. 


Sens. — Imp. Levé, 1, rue de la Bertauche. 


td mc mt dns ee D Sd LÉ St os 


26° ANNÉE 


Ne 8 


30 AVRIL 1915 


Revue générale 


des 


Science 


pures et appliquées 


Foxpareur : LOUIS OLIVIER 


Dinecreur : J.-P. LANGLOIS, Docteur ès Sciences 


Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. J.-P. LANGLOIS, 8, place de l'Odéon, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des 
travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France eten pays étrangers y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


$ 1. — Nécrologie 


James Geikie. — En James Geikie, décédé récem- 
ment à l’âge de 96 ans, le Royaume Uni a perdu le plus 
éminent de ses géologues actuels. 

Attaché à l’âge de 22 ans au Service géologique écos- 
sais, où il resta pendant plus de 20 ans, il explora une 
grande partie de l’Ecosse pour en dresser la carte des 
terrains et il acquit une grande habitude des reconnais- 
sances géologiques; il a donné le fruit de sa longue pra- 
tique dans un ouvrage intitulé : Structural and Field 
Geology, qui a été traduit en français et adapté par 
M. Paul Lemoine sous le titre : 7raité pratique de Géo- 
logie (1910). 

Au çours de ses explorations, il avait été amené à 
s'occuper plus particulièrement des formations glaciai- 
res, et c’est dans ce domaine qu'il a publié ses meilleurs 
travaux. En 1874 parait son volume 7’ke Great Ice Age, 
où il indique les changements climatiques qui caracté- 
risent l’époque glaciaire dans chaque région; d’après 
lui, cette recherche doit former la base de la détermi- 
nation del'âge des dépôts qui contiennent les premières 
traces de l’homme en Grande-Bretagne. À cette époque, 
plusieurs autorités les considéraient comme post-gla- 
ciaires, J, Geikie montra queles graviers paléolithiques 
ne sont pas post-glaciaires, mais interglaciaires, et que 
l'apparition de formes arctiques, tempérées et méridio- 
nales correspond à des oscillations du climat. 

Son ouvrage Prehistoric Europe, publié en 1881, traile 
en détail des dépôts des cavernes et des rivières qui ont 
fourni des traces de l’homme et des mammifères pléis- 
tocènes ; il y renforce son hypothèse que l'homme pa- 
léolithique doit dater dela période interglaciaire, sinon 
en partie de la période préglaciaire. Enfin, dans son 
dernier volume Antiquity of man in Europe, qui date de 
1914. et qui peut être regardé comme une nouvelle ex- 
tension de ses recherches sur la géologie du Pléistocène, 
il relie ses périodes interglaciaires avec les diversstades 
de culture de l’homme paléolithique et néolithique. 

En 1882, J. Geikie fut appelé à succéder à son frère 
dans la chaire de Géologie et Minéralogie de l'Univer- 
sité d'Edimbourg. Malgré la fascination qu’exerçaient 


RÉVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 


sur lui les problèmes de la géologie sur le terrain, il se 
sépara du Service géologique pour se consacrer entière- 
ment à son enseignement. La clarté de son exposition 
et sa sympathie pour les jeunes attirèrent de nombreux 
étudiants autour de sa chaire. 

Il contribua à la formation de la Société royale de 
Géographie d'Ecosse et s’intéressa toujours aux ques- 
tions qui forment la limite entre la Géographie et la 
Géologie. Partisan convaincu des idées de Suess, il con- 
tribua à les répandre dans son pays,en particulier celles 
qui concernent l'interprétation de la structure des chai-. 
nes alpines!. 


$ 2. — Astronomie 
Le rayonnement des étoiles. — Dans une cem- 


munication faite au Congrès de la Sociélé américaine 
de Physique, tenu à New-York en octobre 1914, 
M. W. Coblentz a fait une étude comparative des diflé- 
rents radiomicromèlres utilisés pour la mesure du rayon- 
nement des étoiles et discuté les résultats de nombreuses 
mesures ?. 

Il n’y a qu'une faible différence dans la sensibilité du 
couple bismuth-platine et dans celle du couple bismuth- 
alliage de bismuth et d’antimoine, qui a un pouvoir 
thermoélectrique supérieur de 50°/,.Par l'emploi du cal- 
cium métallique M, Coblentz réalise une meilleure cons- 
tance dans le vide du radiomètre, qui permettra d’uti- 
liser cet appareil pour faire des mesures dans lesrégions 
éloignées de tout observatoire sans qu'il soit besoin de 
se charger d’une pompe à vide toujours coûteuse et 
encombrante. 

Le radiomicromètre utilisé à l'Observatoire de Lick, 
avec un télescope muni d'un réflecteur de 3 pieds, a 
permis d'étudier le rayonnement de 112 corps célestes. 
On a pu ainsi, en particulier, faire des observations sur 
les bandes brillantes et sombres de Jupiter et de deux 
de ses satellites, des anneaux de Saturne et d’une nébu- 
leuse planétaire, etc. Les mesures ont été quantitatives 


1. Voir The Scottish Geograph. Magazine, t. XXXI, n° #4, 
209 


2. Physical Review, décembre 191%. 


[ou 
(SE) 


pour les étoiles dont l’ordre de grandeur est inférieur à 
5,3; pour les étoiles dont l’ordre de grandeur restait 
inférieur à 6,7, on a fait de bonnes observations quali- 
tatives, 

Ces mesures et ces observations indiquent d'une 
façon générale que le rayonnement des étoiles rouges 
est deux ou trois fois plus grand que celui des étoiles 
bleues de même grandeur photométrique. 

L'étude de la transmission du rayonnement à travers 
une couche d'eau permet de conclure que la fraction du 
rayonnement comprise dans la région spectrale sensible 
à notre:æil est, pour les étoiles bleues, deux fois plus 
grande que pour les jaunes et trois fois plus grande 
que pour les rouges. 

Le couple thermoélectrique s’est révélé comme plus 
sensible que le bolomètre; et il semble que les plus 
grands progrès réalisables doivent être cherchés du 
côté des couples. L'objet principal des recherches de 
M. Coblentz était de déterminer la sensibilité que 
devrait avoir l'instrument de mesure pour permettre le 
tracé des courbes d'énergie spectrale des étoiles, Le 
radiomicromètre utilisé était associé à un télescope 
muni d’un miroir de 3 pieds : la sensibilité était telle 
qu'une bougie placée à 53 milles aurait produit une 
déviation de 1 millimètre. Cette sensibilité parait consi- 
dérable; pour faire des recherches pleinement satisfai- 


santes sur la répartition de l'énergie dans le spectre- 


des étoiles, il serait toutefois désirable d’avoir un dis- 
positif cent fois plus sensible. En d’autres termes, en 
supposant que les rayons ne soient pas absorbés par 
l'atmosphère, l'appareil devrait pouvoir décéler le 
rayonnement d'une bougie située à une distance de 
5oo milles. Avec un miroir de 7 pieds, ce résultat s’ob- 
tiendrait à condition d’accroitre dans le rapport de 1 à 
20 la sensibilité du radiomicromètre; une pareille amé- 
lioration ne paraît pas impossible à réaliser. 

Les mesures faites font connaître l’ordre de grandeur 
du rayonnement qu’envoie une étoile par centimètre 
carré de la surface terrestre. Ce rayonnement est si fai- 
ble qu’il faudrait emmagasiner celui de l'étoile polaire, 
par exemple, pendant une période de 11 millions 
d'années pour obtenir l’énergie nécessaire à l'élévation 
de 1° de la température de 1 gramme d’eau, Si le rayon- 
nement total envoyé par toutes les étoiles sur 1°m4 était 
réuni et conservé, il faudrait encore de 100 à 200 années 
pour élever de 1° C. la température de 1 gramme d’eau. 
On sait que les rayons du Soleil qui atteignent la sur- 
face terrestre peuvent produire la même action en moins 
d'une minute, 


$ 3. — Chimie physique 


Les liquides à point d’ébullition constant 
qui peuvent être employés pour les baïins- 
marie à température constante. — M. A. Golo- 
detz! a recherché quels sont les mélanges de liquides à 
point d’ébullition constant qui peuvent être employés 
pour le chauffage à une température constante jusqu’à 
1250. Le tableau qu'il a dressé comprend deux classes 
de liquides : 1° les mélanges en proportions définies de 
deux ou trois liquides miscibles; 2° les mélanges hété- 
rogènes (en proportions quelconques pourvu qu'il y ait 
toujours deux phases liquides présentes) de deux li- 
quides non miscibles. Les points d’ébullition donnés 
sont les températures des vapeurs quand les liquides 
sont en ébullition. 


Eb. en °C. Composition du liquide 


33 Eau et éther (hétérogène) 
36,5-37.,5 Alcool (3) et bromure d’éthyle (97) 
38 Sulfure de carbone (85) et alcool méthyl. (13) 
39-40 Sulfure de carbone (71) et acétate de mé- 


thyle (29) 
Sulfure de carbone (g1) et alcool (9) 
53,5-54,5 Alcool méthyl. (12) et chloroforme (88) 


1. Chemiker Zeitung, 1914, t. XXXVIN, p. 1253. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


55,5 Alcool méthyl. (20,6) et CCI! (59,4) 
58 Alcool méthyl. (38,4) et benzène (61,6) 
59-59,5 Alcool (6) et chloroforme (94) 
2 Alcool méthyl. (47) et acétate d’éthyle (53) 
64,8 : Benzène (74,1), alcool (18,5) et eau (7,4) 
68 Alcool (32,4) et benzène (67,6) 


71.5 Alcool (37) et acétate d’éthyle (69) 

74,8 CCI (77,15) et alcool (22,55) 

99.5 Benzène (90,5) et alcool isobutylique (9,5) 
8,5  Eauet toluène (hétérogène) 

87.7 Eau (28,3) et alcool propylique (71,7) 


91-91.,5 Alcool propylique (53) et toluène (47) 
92,5 Eau (41) et pyridine (59) 
94-94.5 Eau et térébenthine (hétérogène) 
9 Eau (3) et chloral (93) 
98.5  Eauet éthylaniline (hétérogène) 
99 Eau et diéthylaniline (hétérogène) 
104 Toluène (70) et acide acétique (30) 
113-113,5 Acide acétique (27) et xylène (73) 
121-122 Alcool amyl.(30)et dibromure d’éthylène (70) 
125-126 Alcool amyl, (52) et m-xylène (48). 


S 4. — Photographie 


La chromophotographie par le procédé 
Paget color. — La Paget Prize Plate Cv, de Watford, 
a combiné un procédé de photographie en couleurs qui 
fournit des résultats analogues à ceux des plaques auto- 
chromes, mais qui s’en distingue pourtant par de nola- 
bles différences. Le réseau sélecteur et la couche sensible 
ne sont pointsolidaires : ils sont fixés sur des supports 
distincts, et le négatif noir une fois obtenu sert à tirer 
des diapositifs noirs qui reconstituent le coloris du sujet 
lorsqu'on les met en contact avec le réseau coloré sous 
lequel a été pris le négatif, ou avec un autre réseau qui 
lui soit exactement superposable, 

Le principe de cette méthode avait été prévu par 
Ducos du Hauron, dans ce passage de son brevet en date 
du 23 novembre 1868 : « On aura, une fois pour toules, 
une pellicule unique ou feuille de mica recouverte, sur 
un côté, deraies rouges, jauneset bleues... Onse sertalors 
de cette pellicule comme tamis pourobtenir, sur d’autres 
surfaces mises en contact avec elle (papier, verre, ete), 
des clichés négatifs au bromure d'argent; chacun de ces 
clichés fournira à son tour des positifs de couleur noire 
au charbon sur pellicule, verre ou mica, etce.; il ne res- 
tera plus qu’à appliquer chacun de ces positifs sur une 
surface opaque ou transparente recouverte mécanique- 
ment de raies rouges, jaunes et bleues correspondant 
une à une par leur position aux raies de la pellicule qui 
a servi au tamisage des rayons de couleurs simples ». 

En 1894, John Joly, de Dublin, avait essayé de met- 
tre celte combinaison ‘en pratique, avec un réseau sélec- 
teur constitué par une glace sur laquelle étaient tracées 
des lignes parallèles, alternativement violettes, vertes 
et orangtes, à raison de huit par millimètre. En impres- 
sionnant derrière cette trame une plaque panchro- 
matique, on obtenait un négatif formé de lignes plus ou 
moins opaques, suivant qu’elles correspondaient à des 
raies de telle ou telle couleur et à des régions de l’image 
plus ou moins lumineuses. De ce phototype on tirait, 
par contact au chàssis-presse, un diapositif sur verre. 
Cette image incolore, appliquée contre le ligné trichrome 
et exactement repérée, reproduisait les couleurs du mo- 
dèle. Malheureusement, l’interposition de la trame rec- 
tiligne, trop apparente, se traduisait par un aspect cho- 
quant : l’image examinée dans de semblables conditions 
paraissait comme vue à travers les barreaux d'une 
cage. 

Cet inconvénient a été évité, dans le procédé Paget, 
par l'emploi d'un réseau quadrillé, à la fois très fin et 
très régulier, Les éléments sélecteurs sont fixés sur une 
plaque de verre mince, recouverte d’une couche de géla- 
tine. Les carrés rouges et les carrés verts mesurent 
o mm. 080 de côté. Les carrés violets ne mesurent que 
o mm. 064, mais leur nombre est égal au total des carrés 


bots tan hit ” à. 4 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 231 


rouges et des carrés verts. À l'œil nu, on ne distingue 
pas ces couleurs; à peine aperçoil-on un léger quadril- 
lage, comme sur les plus fines trames de photogravure 
et les teintes en sont assez bien équilibrées pour que 
l’ensemble paraisse à peu près incolore. Je dis à peu 
près, parce que j'y remarque une légère dominante bleu- 
vert, qui d’ailleurs ne nuit pas à l'exactitude des cou- 
leurs du diapositif. 

Cet écran est placé, dans le châssis négatif, en con- 
tact avec une plaque sensible spéciale. Bien que l’'émul- 
sion employée ait été orthochromatisée, il est indispen- 
sable d’interposer un écran jaune dont la nuance a été 
choisie de manière à compenser très exactement la diffé- 
rence de sensibilité chromatique qui subsiste entre le 
bromure d'argent et notre œil. 

Pour donner une idée de la durée de pose, nous 
dirons qu'avec un objectif ouvert à F : 6, 5, on obtient, 
par très beau temps, d'excellentes images en 1/10° de 
seconde. 

Les deux plaques accolées sont alors séparées : 
l'écran mosaïque est mis de côté, pour servir à prendre 
d’autres vues, et la plaque sensible est plongée dans le 
révélateur, On recommande particulièrement l'emploi 
du rodinal, additionné d’eau de façon à amener à 30 vo- 
lumes un volume de la solution commerciale concentrée, 
Dans ce bain, à la température de 16 à 180, la durée 
normale du développement est de 2 minules, On rince 
ensuite la plaque à l’eau pure, et l'on fixe en bain 
acide, soit par exemple dans une solution d’hyposulfite 
de soude à 250/, additionnée d'environ 25 cc. de bisul- 
file de soude par litre de fixateur. Après un lavage 
d'une vingtaine de minutes, on met à sécher. 

L'image ainsi obtenue est un négatif monochrome, 
finement quadrillé, commeune héliogravure. Si on l’ap- 
pliquait contre le réseau sélecteur exactement repéré, 
on y verrait les couleurs complémentaires de celles du 
sujet : un ciel bleu serait orangé; un bouquet de vio- 
lettes, jaune; les feuilles, rouges, etc, Mais ce réseau 
n’est plus d'aucune utilité pour les opérations sui- 
vantes, 

Les diapositifs sont tirés sur des plaques à émulsion 
lente. La couche sensible est mise en contact avec le 
négatif, et les deux plaques, serrées dans le chässis- 
presse, sont exposées à la lumière, À 30 em. d’une bou- 
gie, la durée de l'exposition est d'environ 15 secondes; 
à 1 m. d’une lampe électrique à filament de carbone de 
16 bougies, elle sera de 5 secondes. 

Le révélateur doit donner des images très pures et 
très vigoureuses, d’un noir neutre. La formule suivante 
satisfait bien aux conditions requises : 


A AU RME A ose 1.000 ce. 


Hydroquinone.... Dette 12 Sr. 
Métabisulfite de potasse...... 12 gr. 
Bromure de potassium. ...... 12 gr. 
B DE A toner . 1.000 cc. 
Polasse caustique pure. ...... DROLE 


Au moment de l'emploi, mélanger volumes égaux des 
solutions À et B, agiter vivement el commencer aussi- 
tôt le développement, qui doit durer à peu près 2 minu- 
tes et demie, à la température de 15 ou 16°. Il faut que 
les grands noirs transparaissent au dos de la plaque et 
qu'il ne reste nulle part de blancs purs : si ce résultat 
est atteint avant 2 minutes, c’est un indice de surexpo- 
sition; si, au contraire, le développement exige plus de 
3 minutes, l'exposition a été insuflisante, Dans un cas 
comme dans l’autre, il vaut mieux recommencer un 
autre diapositif, en rectifiant la durée de l'impression 
lumineuse. 

Le fixage s'effectue en bain acide, comme celui du 
négatif. 

Après lavage et séchage, le diapositif monochrome 
est appliqué contre l'écran de vision, dont la structure 
est identique à celle de l'écran sélecteur, mais avec des 
couleurs plus saturées. Les éléments colorés étant dis- 
tribués très régulièrement, on peut réaliser un repérage 


très précis, et l’image acquiert alors toutes ses cou- 
leurs, 

Le repérage est assez délicat; il est cependant facilité 
par les aspects divers de l’image, où l’on voit se succé- 
der de très curieux effets de coloration. Au moment où 
les deux plaques sont mises en contact, gélatine contre 
gélatine, on remarque un quadrillage coloré, générale- 
ment beaucoup plus gros que celui du réseau. En faisant 
tourner lentement l’une des surfaces sur lautre, les 
carrés de couleurs deviennent ou plus grands ou plus 
petits. IL faut tourner dans le sens où les carrés gran- 
dissent., Un moment vient où ils disparaissent et sont 
remplacés par des moires, qui s’'évanouissent à leur tour. 
Le quadrillage du diapositif et celui de l'écran se trou- 
vent alors exactement parallèles, et il suflit d’un dépla- 
cementde quelques centièmes de inillimètre dans le sens 
convenable pour substituer les couleurs exactes aux 
couleurs fantaisistes qui apparaissent. Le sens dans 
lequel doit s'effectuer le déplacement est recherché en 
inclinant les deux plaques, toujours maintenues au 
contact, dans diverses directions, jusqu'à ce que les cou- 
leurs se montrent exactes et vigoureuses. Pour arriver 
alors à la position normale, on fait glisser très douce- 
ment la plaque supérieure dans la direction qui, lors 
de la vision correcte, était la plus éloignée des yeux. 
Quand l’image apparaît avec ses couleurs véritables 
sous l'incidence normale, on maintient les deux pla- 
ques, d’abord provisoirement en les serrant dans deux 
pinces à ressorts, puis on procède au montage définitif 
en collant autour des bords une bande de papier noir, 

Ce procédé est évidemment trop long et trop com- 
pliqué, lorsqu'il s’agit d'obtenir seulement un ou deux 
diapositifs en couleurs : dans ce cas, les plaques auto- 
chromes donnent le même résultat beaucoup plus sim- 
plement. Il n’en est plus de même, quand il est néces- 
saire de reproduire le même sujet à plusieurs exem- 
plaires : laméthode Paget offre alors plusieurs avantages. 
D'abord, un seul réseau suffit pour tous les négatifs, 
et les plaques sensibles utilisées à cet effet sont beau- 
coup moins coûteuses que les plaques à réseau coloré. 
Chaque cliché permet ensuite de tirer aulant de diapo- 
sitifs qu'il en faut. Si, parmi ces images, il en est qui 
soient mal venues, par suite d’un vice de fabrication ou 
d'une erreur de manipulation, la perte qui en résulte 
est bien minime. Les écrans de vision sont relative- 
ment chers, mais on ne les applique que sur les diapo- 
sitifs sans défaut : aucun n'est gaspillé. 


Ernest Coustet. 
$ 5. — Biologie 


L'identité de l'héliotropisme chez les ani- 
maux et les plantes. — Depuis1888, Loeb a exprimé 
dans plusieurs mémoires l’idée que l'attraction appa- 
rente des animaux par la lumière est en réalité un phé- 
nomène d'orientation automatique, comparable ou 
identique au phénomène bien connu d'orientation hélio- 
tropique pour les plantes. Il a montré que les organismes 
animaux sessiles réagissent à la lumière dela même 
façon que les plantes sessiles, en s'incurvant ou en 
s'allongeant vers une source lumineuse (ou en sens 
opposé), tandis que les animaux locomoteurs se meuvent 
vers la source (ou à l'opposé) comme le font les spores 
mobiles de certaines Algues. 

La théorie de ces réactions chez les animaux se base 
sur trois hypothèses : 

19 La lumière agit chimiquement sur les éléments 
photosensitifs de la surface du corps (yeux ou tégu- 
ment). 

2° Les éléments symétriques de la surface sont iden- 
tiques chimiquement ; s'ils sont frappés suivant le même 
angle par les rayons émanant d'une source lumineuse, 
la vitesse des réactions photochimiques dans les élé- 
ments symétriques est identique; par contre, s'ils sont 
frappés sous des angles différents, la vitesse de ces 
réactions varie. 


232 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


39 La vitesse des réactions photochimiques dans les 
yeux ou la peau influe (par les nerfs ou d’autres conduc- 
teurs protoplasmiques) sur la tension des muscles (ou 
des autres éléments contractiles) reliés aux éléments 
photosensitifs. Si les éléments photosensitifs sont 
frappés par la lumière sous le même angle (dans le cas 
d'une seule source lumineuse), les muscles symétriques 
du corps sont influencés de la même façon, et il n’en 
résulte aucun changement dans la direction du mouve- 
ment de l’animal, Par contre, s’ils sont frappés sous des 
angles différents, les vitesses des réactions chimiques 
différeront dans les éléments sensitifs, et la tension des 
muscles symétriques reliés à ces éléments variera ; 
donc, quand l'animal se meut, il doit tendre à dévier 
de la ligne droite jusqu’à ce que son axe ou son plan de 
symétrie passe de nouveau par la source lumineuse. À 
ce moment, les éléments symétriques dela surface pho- 
tosensitive sont de nouveau frappés par la lumière 
sous le même angle et il n’y a plus de raison pour que 
l'animal dévie de sa direction. 

Si cette théorie de l’héliotropisme est correcte, il est 
nécessaire de montrer quelaloidel'action photochimique 
se vérilie dans les réactions héliotropiques aussi bien 
des plantes que des animaux. Cette loi, établie d’abord 
par Hankel sur un petit intervalle, puis étendue par 
Bunsen et Roscoe sur un intervalle plus grand d’inten- 
sités lumineuses, exprime que, dans certaines limites, 
l'effet photochimique de la lumière est égal au produit 
de l'intensité par la durée de l’éclairement. Blaauw!, 
puis Frôüschl, ont établi indépendamment que les 
réactions héliotropiques des plantes obéissent à cette 
loi, autrement dit que le temps nécessaire pour pro- 
duire la courbure héliotropique des plantes varie en rai- 
son inverse de l'intensité de l'éclairement, Puis, l’année 
dernière, Loeb et Ewald? ont montré qu'il en est de 
même pour la courbure héliotropique d’un animal, celle 
des polypes de l’Zudendrium. La théorie de Loeb reçoit 
ainsi une confirmation de grande valeur. 

Non content de ce premier résultat, l’éminent biolo- 
giste américain a voulu accumuler d’autres preuves. 
Bien que la considération des longueurs d'ondes n’in- 
tervienne pas dans sa théorie de l'orientation héliotro- 
pique, il lui a semblé intéressant de comparer l’eflicacité 
relative des diverses parties du spectre dans la produe- 
tion des courbures héliotropiques à la fois chez l'£uden- 
drium et chez une plante. 

Les mesures les plus exactes surles plantes sont celles 
de Blaauw sur les plantules d'Avena. Utilisant le spectre 
de l’are au carbone, il a montré que la portion la plus 
active est une région comprise dans le bleu entre 466 et 
438»; dans cette région, une exposition de 4 secondes 
suffit à provoquer une courbure héliotropique de la moi- 
tié des tiges des plantules, Pour les ondes plus longues, 
une exposition plus prolongée est nécessaire. Les parties 
jaune et rouge du spectre semblent absolument inactives. 

Avec le concours de H. Wasteneys, J. Loeb a entre- 
pris à l’Institut Rockefeller de New-York une série d’ex- 
périences analogues sur les polypes nouvellement régé- 
nérés de l’£Zudendrium. Ces animaux sont beaucoup 
moins sensibles que les plantules d’Avena, car il faut au 
moins » minutes pour produire une courbure héliotro- 
pique chez la moitié des polypes, Mais les résultats n’en 
sont pas moins caractéristiques. La région la plus active 
du spectre se trouve dans le bleu aux environs de 
4335 unités Angstrôm; les ondes plus ou moins longues 
sont de moins en moins actives; les rayons rouges et 


Rec. des Travaux botan. néerlandais, t. V, p. 209 (1909). 
Zentralbl für Physiol., t. XXVIY, p. 1165 (1914) 
Proc. of the National Acad, of Sciences, 1. 


(janv. 1915). 


1. 
9 
S: TJ, p. 44 


jaunes sont ineflicaces, même après une exposition de 
here 

En résumé, l’eflicacilé relative des différentes parties 
du spectre de l’arc au carbone pour la production des 
courbures héliotropiques chez l'animal £udendrium et 
dans les plantules d’Avena est pratiquement identique. 
C’est une nouvelle acquisition en faveur de la théorie 
de Loeb. 


La valeur nutritive du bois.— L'épuisementdes 
réserves de matières alimentaires pour les hommes et 
les animaux a suscité en Allemagne une floraison de 
recherches et de propositions en vue d'utiliser comme 
nourriture des substances considérées en général jusqu’à 
présent comme dépourvues de valeur alimentaire. C’est 
ainsi que le professeur G. Haberlandt, un botaniste 
bien connu, a présenté le 11 mars à l’Académie des 
Sciences de Berlin une communication documentée sur 
la valeur nutritive du bois. 

Nos arbres renferment, en particulier en hiver, des 
quantités notables de sucre, d’amidon et d'huiles gras- 
ses, spécialement dans les cellules parenchymateuses 
du bois. Cette teneur en substances nutritives diminue 
notablement au printemps, au moment de la pousse du 
feuillage ; mais il en reste encore suflisamment dans les 
branches el les rameaux, et de nouveau en juin elles 
recommencent à s’accumuler dans les cellules. Ainsi en 
mars M. Haberlandt a pu déceler dans l’aubier d’un 
orme de 13 ans une teneur en amidon de 28 °/, en 
volume. D'après des observations antérieures, l’aubier 
du châtaignier contient à la même époque 21, 3 parties 
d'hydrates de carbone, principalement de l’amidon, 
pour 100 parties de bois sec; la teneur en hydrates de 
carbonne chez cet arbre tombe à un minimum de 
19,9°/, en mai pour remonter à un maximum de 26, 4°L 
en octobre. Le bois de cœur est presque totalement 
dépourvu de ces substances ; aussi, au point de vue de 
leur utilisation alimentaire, il faudrait considérer de 
préférence les arbres riches en aubier, comme le bou- 
leau, l'érable, le tremble, etc., et éloigner en tous cas 
ceux qui contiennent des résines, des tannins ou des 
substances amères. 

Sous quelle forme le bois doit-il être offert pour que 
les animaux et même l’homme puissent utiliser les ma- 
ières alimentaires qu'il contient? On sait que dans le 
canal digestif des animaux domestiques, en particulier 
des ruminants, la plus grande partie des parois cellu- 
laires végétales, formées de cellulose pure, sont dis- 
soutes et que les sucs digestifs pénètrent facilement le 
contenu cellulaire. Dans la digestion de l’homme, seules 
les parois cellulaires très tendres sont dissoutes; les 
membranes grossières ne sont pas digérées, non plus 
que leur contenu. Mais ni les animaux ni l’homme ne 
peuvent dissoudre les parois cellulaires lignifiées; ainsi 
les cheyaux aussi bien que les Bovidés ne peuvent 
digérer les celluleslignifiées de la paillehachée mélangée 
au fourrage. Si donc on veut utiliser les substances 
nutritives des cellules du bois lignifiées, il est néces- 
saire de moudre le bois assez finement pour que les 
cellules elles-mêmes soient broyées. Or, dans la sciure 
ordinaire, ce n’est le cas qu’en petite partie; il faudrait 
donc triturer le bois plus énergiquement encore et 
l'amener jusqu'à la forme de poudre. La question de 
l’utilisation du bois comme aliment dépendrait donc 
seulement de sa pulvérisation en grande quantité à un 
état de grande finesse. Il ne s'agirait pas, d’ailleurs, 
d'employer seule la farine de bois, mais en mélange 
avec des fourrages pour les animaux, avec la farine 
de seigle ou de froment pour l'homme. 

Nous ne savons quel sort l’avenir réserve à ces sugges- 
Lions, mais nous doutons que la farine de bois devienne 
jamais très populaire sur les bords de la Sprée. 


H. HARTMANN. — L'ÉVACUATION DES BLESSÉS 


+ 


L'ÉVACUATION DES BLESSÉS ! 


Dans notre premier article, nous avons pris le 
blessé sur la ligne de feu et nous l’avons conduit 
jusqu'à l'hôpital d'évacuation. Nous allons main- 
tenant le suivre dans son transport de l'hôpital 
d'évacuation jusqu’à son hospitalisation défini- 
tive. 

Exceptionnellement, ce transport à lieu par 
eau. Un essai a été fait, par l’Union des Femmes 
de France, de péniches-ambulances. Ces péni- 
ches, couplées deux par deux avec un bateau cui- 
sine, le tout trainé parun seul remorqueur, peu- 
vent transporter 136 blessés; sur les canaux, les 
péniches sont découplées et hälées par des che- 
vaux. L'avantage de ce mode de transport est 
qu'il se fait sans trépidation et sans heurts, que 
les soins peuvent y être donnésaux blessés comme 
dans un hôpital et continués pendant toute la 
durée du voyage. L’inconvénient est la lenteur 
du trajet. Pour amener les blessés de Bar-le-Duc 
à Dijon, le train de péniches-ambulances a mis 
15 jours. Comme il faudra le même temps pour 
le ramener à son point de départ, chaque train 
de péniches ne pourra effectuer qu'un voyage par 
mois. Un rendement aussi minime empêche 
l'extension de ce mode de transport, malgré les 
avantages qu'il présente à certains points de 
vue. 

Un autre mode d’évacuation par eau est le 
transport par mer sur des bateaux de grand ton- 
nage. Il est constamment utilisé par les Anglais 
à Boulogne; il a été employé par les Français 
pour transporter de Dunkerque à Cherbourg un 
nombre considérable de blessés au moment 
des grands combats qui ont eu lieu sur les bords 
de l’Yser. Il est certain que les bateaux-ambu- 
lances anglais et les français tels que le Duguay- 
Trouin, avec leurs salles de pansements et d’opé- 
ration, le chauffage, l'éclairage électrique, la ra- 
diographie, ete., sont très bien aménagés, ainsi 
que nous avons pu le constater. En quatre heu- 
res ils peuvent charger de 900 à 1.200 blessés. Le 
rendement est donc ici considérable et le trans- 
port est rapide. Mais c’est un mode d'évacuation 
qui n’est applicable qu'à un petit nombre de vil- 
les possédant un port important. 

Aussi le mode d'évacuation couramment uti- 
iisé est-il celui qui emploie la vote ferrée. C’est 
celui que nous allons exposer avec quelques dé- 
tails. Il a, au début de la guerre actuelle, été 


1. Voir dans la Revue gén. des Sciences, n° du 30 mars, notre 
article Sur : Les premiers soins à donner aux blessés. 


l'occasion de critiques quelquefois très vives. 
On a vu des blessés transportés d’un bout à 
l’autre de la France dans des wagons à bestiaux 
non désinfectés, sur de la paille infecte; on a vu 
des trains errant de gare en gare, à la recherche 
d'une ville en mesure d’hospitaliser les blessés. 


© Cgre d'evacuation 


! D Gare regu/atrice. 

| © /nArmene de gare 

| @ Gare de réparhtion 

| + Point d Hospitahsation 


Fig. 1. — Schéma du dispositif d'évacuation des blessés 
depuis la gare d'évacuation jusqu’à l'hospitalisation définitive. 


La situation s’est beaucoup améliorée et l’on 
peut dire que, depuis plusieurs mois, les éva- 
cuations se font d’une manière régulière. 

Des trains spéciaux de ramassage quotidien 
passent à chaque gare d'évacuation, yembarquent 
les blessés et les ramènent à une heure à peu 
près fixe à la gare de groupement ou gare régula- 
trice. Celle-ci dirige les blessés qu’elle reçoit sur 
les régions du territoire qui leur sont affectées et 
suivant les disponibilités de ces régions, les di- 
recteurs régionaux télégraphiant chaque jour au 
chef de la gare régulatrice le nombre de leurs 
lits vacants, tout en conservant une réserve de 
500 lits pour l'imprévu. 

A l'entrée de chaque région d’hospitalisation 
le train arrive dans une gare dite de répartilion, 
d’où les blessés sont répartis entre les divers 
points d’hospitalisation, soit par trains spéciaux, 


234 H. HARTMANN. — L'EVACUATION DES BLESSÉS 


soit simplement en accrochant des wagons de 
blessés à des trains de voyageurs. 

Au cours du trajet, quelquefois long, qu'ils 
ont à parcourir, trajet qui peut aller d’un bout 
à l’autre de la France, les blessés sont ravitaillés 
par des énfirmeries de gare, que l’on trouve en 
général toutes les 6 heures.et, entre ces dernières, 
par de petits endroits de ravitaillement alimen- 


taire, postes de secours. 


La gare d'évacuation comporte une formation 
hospitalière, dite Aopital d'évacuation. Les bles- 
sés qui y arrivent, apportés par voitures auto ou 
hippomobiles, y sont l’objet d'un premiertriage ; 
ceux qui n'ont que des lésions insignifiantes 
sont placés dans un dépôt d’éclopés; les intrans- 
portables sont immédiatement dirigés sur une 
formation hospitalière voisine où ils reçoivent 
les soins nécessaires; les blessés évacuables sont 
chargés dans des trains sanitaires. En atten- 
dant le départ de ces trains, les blessés y sont 
pansés s'il y a lieu et alimentés; ils s’y reposent 
sur des banquettes, ou même sont couchés sur 
de la paille, sur des païllasses, sur des brancards, 
quelquefois sur des lits, c'est dire que l'hôpital 
d'évacuation comporte toute une installation, 
soit dans des baraques, telles que les baraques 
Bessonnaud en bois que possède le Service de 


Santé, soit dans des locaux existants, lorsqu'il 
s’en trouve dans la gare pouvant se prêter à cet 
usage. Comme type de cette dernière disposition, 
nous pouvons citer l'hôpital d'évacuation ins- 
tallé dans l'atelier de vernissage de la gare 
d'Amiens et qui nous a paru un des mieux amé- 
nagés (fig. 2, 3,4!) 

Le grand hall constituant cet atelier a un sol 
bitumé; il est chauffé par un calorifère central 


placé en sous-sol et est éclairé par deuxlampes à 
are et 40 ampoules électriques. De simples tra- 
verses légères en bois tendues de toile blanche 
ont permis de le cloisonner, une partie du hall 
étant conservée par la Compagnie du Nord, le 
reste constituant l'hôpital. A l’entrée se trouve 
une salle de triage et d'examen, une salle d’iso- 
lement et une salle de pansements, à droite des 
pièces pour les ofliciers, pour le médecin de 
garde et une salle de débarras, à gauche une 
deuxième salle de pansements, le bureau du mé- 
decin chef, celui de l’oflicier gestionnaire, la 
pharmacie, des water-closet de nuit, une salle 
avec 3 baignoires et des lavabos. Dans le grand 
espace central se trouvent à droite une table de 
100 couverts, une table de correspondance, une 


1. Nous sommes redevable des figures 2 et 4 à M. le 
D' Costes, médecin en chef de l'hôpital d'évacuation d'Amiens, 
de la fig. 5, à M, le D' Ferratin. 


H. HARTMANN. — L'ÉVACUATION DES BLESSÉS 


HOPITAL D EVACUATION N°32 GANE 0'A 


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Fig. 3. — Plan de l'hôpital d'évacuation d'Amiens. 


. 4. — Salle de pansements de l'hôpital d'évacuation d'Amiens. 


236 H. HARTMANN. — L'ÉVACUATION DES BLESSÉS 


lingerie; au centre 300 sièges et 200 lits. Les 
sièges sont eux-mêmes divisés en trois groupes: 
éclopés, blessés pouvant être évacués sur le ter- 
ritoire, blessés inévacuables devant être trans- 
portés dans les hôpitaux de la ville ; les lits sont 
de même divisés en trois groupes, blessés, fié- 
vreux et isolés. En dehors du hall se trouventla 
cuisine, un dépôt mortuaire, une étuve à désin- 
fection, un dépôt de matériel pour les brancar- 
diers. 

Nous devons dire qu’il est rare de trouver une 
organisation aussi parfaite. 

La gare régulatrice se trouve à une distance 
variable du centre des opérations. Pendant toute 
la première partie de la guerre actuelle, elle se 
trouvait au même endroit que la régulatrice mi- 
litaire, assez loin par conséquent de la ligne de 
feu, à 100, 120 et même 150 kilomètres en arrière; 
c'est ainsi qu'on voyait aux environs de Paris 
plusieurs gares régulatrices correspondant à 
plusieurs armées. Pratiquement cette situation 
de la gare régulatrice sanitaire loin de la ligne 
de feu présentait des inconvénients. La régula- 
trice militaire, centre deravitaillement,aavantage 
à se trouver souvent à la limite de la zone des 
armées, près de la zone du territoire où se trou- 
vent les approvisionnements. Il n’en est pas de 
même de la régulatrice sanitaire qui a, au con- 
traire, avantage à se trouver franchement dans 
la zone des armées, plus près de la ligne de feu 
d’où lui arrivent les blessés. 

Aussi la Commission supérieure consultative 
du Service de Santé a-t-elle demandé que la 
régulatrice sanitaire soit, au moins dans un 
certain nombre de cas, séparée de la régulatrice 
militaire, qu'elle soit plus rapprochée de l'avant, 
toutes les fois que l’on trouvera dans cette zone 
des gares possédant plusieurs voies de garage et 
des lignes d'accès pouvant suflire aux mouve- 
ments des trains sanitaires, On améliore ainsi la 
situation des blessés et l’on décongestionne la 
régulatrice militaire encombrée par la réunion 
de services multiples. Cette réforme très simple 
est actuellement réalisée. 

Comme les gares d'évacuation, les régulatrices 
sanitaires sont pourvues d'un hôpital d'évacuation 
dont l'importance doit même être plus grande 
que celle des hôpitaux d'évacuation ordinaires. 


Le service des /rains sanitaires, qui a laissé à 
désirer au début de la guerre, s’est beaucoup 
amélioré, Lant au point de vue du nombre des 
trains qu'a celui de leur composition. Lorsque 
les hostilités ontcommencé,on ne possédait pour 


l'évacuation des blessés que deux types de trains: 
les trains permanents et les trains improvisés. 

Les trains permanents, véritables hôpitaux rou- 
lants, réunissent les conditions les meilleures au 
point de vue du confort des blessés et de leur 
surveillance. Ils sont à intercirculation totale et 
sont pourvus d’un grand wagon-cuisine. Les 
blessés, qui y sont couchés dans des lits complets 
avec draps, sont superposés deux par deux seule- 
ment; la suspension est particulièrement douce, 
grâce à des ressorts spéciaux, disposés non seu- 
lement sous chaque wagon, mais sous chacun 
des lits; ce sont des trains réellement très con- 
fortables ; malheureusement il n’en existe que 5 
et leur rendement au point de vue du nombre 
des places (150 à 200) est par trop minime. On 
les montre aux grands personnages, mais on ne 
s’en sert pas beaucoup; aussisont-ils dénommés, 
un peu ironiquement, trains d'exposition. 

Les trains improvises, formés de wagons de 
marchandises aménagés extemporanément, ont 
assuré au moment des grandes batailles de 
septembre la presque totalité des évacuations. 
Les blessés s’y trouvent dans des conditions 
défectueuses (absence d'éclairage, mauvaise sus- 
pension, freinage à main qui entraîne des heurts, 
impossibilité de cireuler d'un wagon à l’autre 
pendant la marche du train, etc.). 

Aujourd'hui la situation estchangée; 218 trains 
sont préparés, pouvant transporter 93.000 blessés 
ou malades; 52 de ces trains seulement corres- 
pondent à ce qu'on appelle des trains impro- 
visés, 60 sont à intercireulation totale, 96 à inter- 
cireulation partielle. 

Les trains dits improvises ont été eux-mêmes 
améliorés: au lieu d'être constitués seulement 
par des wagons de marchandises garnis de paille 
ou pourvus d'appareils de suspension, du type 
Ameline-Bréchot, ils sont formés en partie de 
wagons de marchandisesaménagéspour malades 
couchés et en partie de wagons de voyageurs pour 
blessés assis,ce qui permet d'augmenter Île 
nombre des places dans chaque train. 

Les trains à intercirculation totale sont de deux 
types;les uns sont formés de wagons de voyageurs 
intérieur a été enlevé 
et où sont installés des appareils à suspension 
pour brancards, les autres de grands fourgons de 
trains express montés sur boggies, éclairés et 
pourvus de moyens de suspension pour bran- 
cards. Dansles deux types, aux wagons aménagés 
pour blessés couchés sont adjoints des wagons 
de voyageurs pour blessés assis. 

Les trains à intercirculation partielle sont 


dont l'aménagement 


formés exclusivement de wagons de voyageurs à 
couloir latéral permettant la communication d’un 


rites 


PR 


H. HARTMANN. 


compartiment à l’autre dans un même 
wagon; un certain nombre de wagons 
en sont pas modifiés et servent 
malades assis, les autres sont aménagés 
pour transporter à la fois des blessés 
assis ‘et des couchés; deux brancards 
suspendus sont superposés dans une 
moitié du compartiment (fig. 5), pen- 
dant que sur la banquette en face sont 
assis 3 blessés. Dans chaque voiture se 
trouvent des water-closet, de sorte que 
les blessés n’ont pas à descendre pour 
satisfaire leurs besoins naturels; un 
des compartiments du bout contient 
une sorte d'office, et une petite instal- 
lation sanitaire donne le matériel 
nécessaire aux besoins en cours de 
route; si bien que chaque voiture peut, 
avec ses infirmiers, se suflire à peu près 
complètement durant le trajet. 

Tous ces trains sont de plus pourvus d’un 
fourgon cuisine pour le personnel et d’un 
fourgon tisanerie pour les malades, dont un des 
premiers types a été offert aux armées par la 
Ville de Paris. Quelquefois le fourgon tisanerie 
est divisé en deux parties : 


aux 


une salle tisanerie, 
une salle pansements; c'est ce que l’on voit 
dans le type dit du docteur Rivière, qui nous a 
semblé bien compris. 

De grands progrès ont, comme on le voit, été 
réalisés dans le transport des blessés. Il est tou- 
tefois certain qu’au moment de grands combats 
les blessés ne pourront pas être évacués dans 
ces trains sanitaires à partir de la ligne de feu. 
On n'indique pas à l’avance les projets d'attaque 
en accumulant les trains sanitaires en un point; 
on peut être attaqué en un point imprévu. Il faut 
s'occuper des combattants d’abord, des blessés 
ensuite. On sera donc encore amené à faire des 
évacuations dans des trains improvisés. On y ar- 
rivera en se servant des trains de ravitaillement. 
Il suffira d’ajouter à chacun de ces trains un 
fourgon tisanerie transportant en vrac des appa- 
reils de suspension, et une voiture de voyageurs 
pour le personnel sanitaire. Uue fois le train de 
ravitaillement déchargé, on aménagera les four- 
gons les plus propres, ceux par exemple qui ont 
transporté le pain, pour y mettre les blessés, soit 
en y installant des appareils de suspension, soit 
simplement en les garnissant de paille fraiche!. 
Le train de ravitaillement à l’aller sera devenu 
train sanitaire au retour. Ce qui importe, c’est 


1. Telle circonstance peut en effet se rencontrer où l’on devra 
renoncer même au montage d'appareils de suspension, l'arrêt 
du train devant être des plus réduits. 


— L'ÉVACUATION DES BLESSÉS 237 


— Train sanitaire. 


Fig. 5. 


de ne pas faire continuer le voyage de ce train à 
travers toute la France, mais de transborder les 
blessés, à partir de la gare régulatrice, dans de 
véritables trains sanitaires, ce qui nous semble 
pouvoir être toujours réalisé. 

C’est dans cette gare révulatrice que se fait le 
tri Le plus important, que l’on compiète le triage 
des blessés déja en partie réalisé dans les ambu- 
lances du front et dans les hôpitaux d’évacua- 
tion. Le classement y est définitif. C’est là que 
peuvent, en dernier ressort, être arrêtés les très 
petits blessés qui, au bout de quelques jours, 
peuvent retourner au front, et les très grands 
blessés qu'il faut hospitaliser immédiatement, 
tout au moins pendant quelques jours jusqu'à ce 
que leur évacuation puisse être faite sans dan- 
gers. C’est de cette gare que sont définitivement 
évacués sur le territoire les blessés transporta- 
bles. Le médecin chef de la régulatrice sanitaire 
ne devra pas se borner à les embarquer dans le 
train sanitaire, mais il devra, autant que possible, 
les grouper suivant la nature de leurs plaies, 
faisant dès ce moment une réelle répartition par 
wagons, ce qui simplifiera d’autant le travail de 
la gare de répartition. 


EX 

Actuellement, comme les diverses formations 
hospitalières, qui se trouvent dans le territoire, 
ne sont pas également aptes à soigner toutes les 
catégories de blessés tant au point de vue des 
installations matérielles qu’à celui du personnel 
soignant, à l'entrée dans la région d’hospitalisa- 
tion, le train s'arrête dans une gare où se fait la 
répartition des blessés en une série de groupes, 
gare dite, pour cette raison, gare de répartilion. 
| Dans cette gare se trouve un médecin qui, au 


+ 


L. De LAUNAY. — LES CARPATHES 


moment de l’arrivée du train sanitaire, frac- 
tionne le convoi en une série de convois secon- 
daires qu'il dirige sur chaque ville de la région 
suivant ses disponibilités en lits et suivant les 
ressources chirurgicales qu'elle présente. Comme 
il est dans l’impossibilité de faire pendant l’ar- 
rêt du train cette sélection entre 4 ou 500 bles- 
sés, il est bon, comme nous l'avons indiqué, que 
la classification ait été faite au départ du train 
de la gare régulatrice, classification qui pourra, 
du reste, pour quelques-uns, être rectifiée en 
cours de route par le médecin du train sanitaire. 
De cette manière, à la gare de réparlition on 


pourra immédiatement décider que tel wagon 
sera dirigé sur telle ville, tel autre wagon sur 
telle autre ville. 

Ainsi, sans perte de temps, les blessés seront 


distribués dans les convois secondaires, qui les: 


transporteront dans les diflérents centres de la 
région, les dirigeant à bon escient vers des for- 
mations sanitaires où des soins appropriés à leur 
état leur sont assurés. 


Henri Hartmann, 
Professeur de Clinique chirurgicale à la Faculté 
de Médecine de Paris, 
Membre de la Commission consultative 
supérieure du Service de Santé. 


LES CARPATHES 


Ï. — INTERÈT STRATÉGIQUE 
ET CARACTÈRES GÉNÉRAUX DE LA CHAINE 


Bientôt définitivement chassée par les Russes 
de la Galicie el de la Bukowine, l’Autriche- 
Hongrie, comme une vaste place assiégée, con- 
centre de plus en plus sa défense derrière la 
muraille des Carpathes, qui constituent, pour 
elle, une belle frontière naturelle. Depuis des 
semaines, la lutte se poursuit obstinément sur 
cette même ligne de défense, d’où partent de 
temps à autre quelques essais de contre- 
offensive malheureux, tantôt vers Tarnow, tan- 
tôt vers Przemysl, tantôt vers Czernowitz. La 
lecture de la carte où ces régions sont figurées 
nous devient ainsi chaque jour plus familière, et 
une actualité passionnante m'amène à essayer de 
comprendre, d'interpréter géologiquement la 
constitution de cette ligne fortifiée, comme une 
autre actualité m'amenait, il y a un peu plus 
de deux ans, ici même, à étudier le prolonge- 
ment de lachaîne Carpathique dans les Balkans ?. 
I1 est, en effet, presque inutile de le répé- 
ier une fois de plus : ce qui apparaît d’une 
complication extrême quand on envisage la seule 
topographie d’une chaîne montagneuse sans faire 
appel à la constitution des terrains, devient pres- 
quetoujours très simple lorsqu'on recherche dans 
le passé les mouvements orogéniques par les- 
quels cette chaine a été constituée et façonnée. 


Qu'est-ce que les Carpathes ? Je le disais tout 
à l’heure en deux mots: une grande muraille 


1. 11me parait temps de renoncer à l'orthographe germanique 
qui avait envahi notre cartographie et de laisser les Karpates 
aux géographes d’outre-Rhin. 

2, L'orogénie de la péninsule balkanique, n° du 15 nov. 1912. 


courbe, à laquelle on peut attribuer 1.450 kilo- 
mètres en la poursuivant de Pressburgaux Portes 


de Fer; la branche supérieure d’un S renversé 


qui se retourne au Danube pour aller dessiner 
sa branche inférieure dans les Balkans. Mais 
c'est là une représentation tellement simplifiée 
qu'elle en devient inexacte. Le moindre examen 
de la carte montre que, s’il y a muraille propre- 
mentdite, c’est toutau plusdansla partie centrale, 
ou Beskides Orientales. A l’est et àl'ouest, la mu- 
raille carpathique est flanquée de deux énormes 
bastions aux crêtes multipliées et entrecroisées, 
le massif de Transylvanie et celui de la Tatra. 
A l’extrémité est on trouve le système totalement 
différent des Alpes de Transylvanie, tandis qu'à 
l’ouest les Beskides occidentales sont séparées 
du vieux massif de Bohème et des Sudètes par 
la trouée de l’Oder, qui fait communiquer direc- 
tement Vienne avec Cracovie et Breslau. 

En raison de cette constitution, les grands 
efforts militaires se sont portés jusqu'ici sur la 
partie centrale, moins fortement, moins profon- 
dément défendue, depuis le col de Dukla au 
nord jusqu'à la région de Nadworna au sud. Il 
suflit de relever le tracé du front russe, qui, 
depuis le milieu de novembre, a subi des alterna- 
tives d'avance et de recul, pour voir que les 
bastions extrêmes n’ont pas été atteints Jusqu'ici, 
malgré des incursions momentanées à la limite 
de la Bukowvine, incursions ayant dû avoir sur- 
tout un but politique de pression morale sur 
les Roumains. Au Nord-Ouest, la vaste courbe 
décrite par ce front n’a guère dépassé une ligne 
allant de Wieliczka (près Cracovie) àNeu-Sandec 
et à Bartfed. Du côté de la Transylvanie, iln' ya 
eu que des incursions de Cosaques vers Kürüs- 
mezo, dans la direction de Maramaros-Sziget. Au 


ET PE 


L. pe LAUNAY. — LES CARPATHES 239 


contraire, sur la zone centrale, on s’est énergique- 
ment battu dans la neige et dans la boue aux cols 
de Dukla, sur la ligne de Lupkow à Mezü-Labore, 
au col d'Uszok, près de Lamoczne et de Wysz- 
kow, ou dans le triangle Stanislau-Nadworna- 
Kolomea. 

Au début de mars, le front sans cesse fluctuant 
allait de Zakliczyn (SW de Tarnow) à Dukla, 
Baligrod, Uszok, Koziowa, Stanislau, Kolomea, 
Czernowitz. Reportez-le sur une carte géologi- 
que, comme je l'ai schématisé sur le croquis ci- 
joint ; c’est extrêmement simple : partant à ses 
deux extrémités de la plaine recouverte par les 
dépôts glaciaires, il est tout entier compris dans 
la zone de ces terrains tertiaires et crétacés à 
facies spécial, qui forment la presque totalité des 
Carpathes boisées et que l’on appelle le Flysch. 
Pas un seul massif de roches cristallines de ce 
côté, ni granite ni gneiss ni roches volcaniques. 
Regardez, au contraire, sur la même carte, ce qui 
se passe plus au Sud-Ouest, à l’intérieur de cette 
bordure plissée à terrains de Flysch : vous y 
verrez les massifs cristallins et primaires de la 
Tatra répondant à ceux de la Transylvanie et, 
plus loin, bordant le tout, une bande intérieure 
de roches volcaniques qui domine la plaine hon- 
groise. Le versant Nord des Carpathes occupé 
par les Russes, c’est le versant plissé aux sédi- 
ments riches en sel et en pétrole; le versant 
intérieur où n’ont pas encore été atteints les 
Hongrois, c'est la zone des dislocations et des 
effondrements jalonnés par d'anciens volcans. 


J'ai brièvement résumé autrefois dans ma 


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ve. 
Le LDERES— 


Science Géologique ! le lien qui rattache cette 
chaine Carpathique aux grands plissements eu- 
ropéens ; il n’est peut-être pas inutile de rappeler 
ces notions fondamentales, Quand, à l’époque 
tertiaire, le progrès de la contraction terrestre 
a déterminé les terrains plissés de toute la zone 
méditerranéenne à se précipiter en avant vers 
le Nord sur les massifs hercyniens antérieure- 
ment consolidés, il s’est produit, dans l'Est de 
l'Europe, un rapprochement particuliérement 
marqué entre le massif du Rhodope (prolongé 
au Nord-Ouest par le massif d'Agram) et la Pla- 
teforme Russe, qui, elle-même, formant un front 
bien analogue à celui del’invasion russe actuelle, 
suivait les cours moyens de la Vistule, de la San 
et du Pruth. Si ce rapprochement s'était opéré 
sans intervention étrangère, il en serait résulté 
une chaine de montagnes régulièrement plissée, 
telle que l'Atlas, le Caucase, ou même telle que 
la partie centrale des Carpathes. Mais le substra- 
tum solide de la plaine Roumaine, qui s’est 
avancé alors comme un coin entre la Podolie et 
la Macédoine, a déterminé la double boucle en $S 
renversé dont je parlais précédemment; en 
même temps, au Nord-Ouest, les Carpathes ter- 
tiaires, refoulées dans l’autre sensentre les trois 
massifs primaires de la Plateforme Russe, de la 
Bohème et du Massif d’Agram, étaient amenées 
à se déverser par dessus le prolongement des 
Sudètes hercyniens et du Carbonifere silésien, 
avec une autre inflexion au Sud-Ouest qui les 
ramenait dans le sens des Alpes. 


1. P. 419 et 432 et pl. II. 


LEGENDE | 


RER ETES) 4, Ê] #ysch 


[TI #422e des Agnes 


D foches enstalines etéerrämns 
Ë ay S Lember. 72 primaires (nappes häuttatrique) 
-.Yeros/8v 4 7 © Æ Zone volcanique mnterne 


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Fig. 1.— Esquisse géologique de la chaïne des Carpathes. 


L. pe LAUNAY. — LES CARPATHES 


Ajoutons seulement en deux mots, sans entrer 
dans une analyse qui sera mieux placée tout à 
l'heure, que, dans ce mouvement de poussée vers 
le Nord par dessus l’avant-pays russe et galicien, 
les terrains carpathiques ont, comme ceux des 
Alpes, été charriés les uns sur les autres en dé- 
sordre, par écailles, par nappes successives qui 
sont remontées en se chevauchant, en s’imbri- 
quant, du Sud au Nord, comme si on poussait de 
bas en haut les rangées d’ardoises ou les tuiles 
d’un toit, Les terrains des Carpathes ne sont pas 
plus en place (autochtones) que ne le sont ceux 
de la Suisse. Ils viennent du midi, des Dinarides ; 
ils flottent anormalement dans un ordre qui ne 
correspond plus à la stratigraphie primitive, lais- 
sant parfois apercevoir leur substratum para- 
doxal à travers des fenêtres ouvertes, et il en 
est résulté notamment un des plus curieux phé- 
nomènes qui aient longtemps intrigué géogra- 
phes et géologues, ces compartiments bizarres 
deterrains exotiques, que nous étudierons bien- 
tôt sous le nom de Ælippen. 


IT. — DescriPrION GÉOLOGIQUE DES CARPATHES 


Abordons maintenant la description des Car- 
pathes et commençons par examiner sur une 
carte géologique {fig. 1) comment se répartissent 
les terrains de cette chaîne avec leurs caractères 
fondamentaux. Nous verrons ensuite comment 
on peut interpréter cet ensemble par la tectoni- 
que et nous terminerons en résumant l'histoire 
géologique de cette zone montagneuse. Dans ce 
qui va suivre, je me bornerai aux Carpathes pro- 
prement dites, Carpathes boisées et Tatra; je ne 
parlerai ni des Alpes de Transylvanie, qui for- 
ment les Carpathes roumaines, ni des Sudètes, 
qui appartiennent à un système totalement dilfé- 
rent. Le sujet sera assez vaste en me bornant à 
cet arc de cercle posé symétriquement sur un 
parallèle terrestre, qui va de Pressburg à Kimpo- 
lung et qui comprend, de l'Ouest à l'Est, les Pe- 
tites Carpathes ou Kis Kaïpatok, les Carpathes 
blanches, les Beskides occidentales et les Tatra, 
les Beskides orientales, les Monts de Mara- 
maros. 

Topographiquement, si nous laissons d’abord 
de côté les massifs des Tatra qui ont leur indivi- 
dualité propre,lesCarpathes apparaissent comme 
une chaine plissée d'âge récent, affectant la dis- 
symétrie ordinaire, en raison de laquelle la pente 
douce est sur le versant extérieur ou convexe, la 
abrupte sur le versant intérieur ou 
concave, où le résultat final de phénomènes com- 
plexes affecte l'allure d’un vaste effondrement. 
La véritable chaine montagneuse, dont l’axe 


pente 


approximatif est marqué par la ligne frontière 
entre la Galicie et la Hongrie, est très uniformé- 
ment constituée par desterrains monotones aux- 
quels on a donné le nom de grès carpathiques et 
qui correspondent au facies caractéristique du 
Flysch. Ce facies, que Marcel Bertrand a com- 
paré autrefois dans un mémoire célèbre ! à celui 
du terrain houiller, comprend une épaisse série 
de grès et schistes alternants, tous semblables 
entre eux, tous manifestement déposés de même 
dans les eaux peu profondes d’un sillon en voie 
d’affaissement, et, si l’on n’y trouve pasles accu- 
mulations de végétaux qui font la richesse du 
terrain houiller, on y rencontre du moins, en 
abondance, des débris de plantes disséminés, 
des fucoïdes, en général indéterminables. Les 
dépôts du Flysch, dans lesquels les fossiles sont 
rares et dont l’âge ne peut, par conséquent, pas 
toujours être précisé, ont été longtemps confon- 
dus ensemble. On est arrivé peu à peu à consta- 
ter que cette série continue s’est étalée, suivant 
les régions, sur presque toute la durée comprise 
entre le début de l'Infra-crétacé et la fin de l’Oli- 
gocène. L'aspect très général des Carpathes en 
résulte. Sauf quelques exceptions qui portent 
précisément sur des parties pittoresques du pays 
comme la région des lacs hongrois de la Tatra, 
le Pop-lvan, ete., ce sont partout ces terrains de 
Flysch, facilement désagrégeables et vite émiet- 
tés, qui ont formé les pentes douces, sur les- 
quelles ont poussé les épaisses forêts. 
Immédiatement au nord de ces terrains de 
Flysech commence la grande plaine, couverte 
de formations glaciaires, à la limite de laquelle 
les villes se multiplient : Ostrau, Cracovie, Tar- 
now, Rzeszow, Przemysl, Sambor, Drohobyez, 
Stanislau, Kolomea, (Czernowitz, Radautz, 
reliées ensemble par une ligne de chemin de fer 
qui contourne la montagne. Cette plaine, c’est, 
géologiquement, le massif autochtone, le massif 
primaire antérieur aux plissements carpathiques 
de l’époque tertiaire, le massif longuement 
aplani pendant la suite des âges, contre lequel 
les vagues de la chaîne plissée sont venues plus 
lard buter en déferlant par dessus. Si on regarde 
dans ce sens du Nord en essayant de soule- 
ver par la pensée le manteau quaternaire, on 
voit : des terrains primaires vers les Monts de 
Sandomir ou sur le Dniester; ailleurs le Mio- 
cène horizontal qui remplit la fosse d’affaisse- 
ment du Pruth. Mais, brusquement, vers le 
Sud, à l'endroit même où le relief du terrain 
commence à s’accidenter suivant la ligne ja- 


lonnée par les villes précédentes, la nature 


1. Les Alpes et le continent européen (1888), p. 436. 


PA 


L. pe LAUNAY. — LES CARPATHES 241 


g œologique des terrains se modifie : on entre 


dans le Flysch. 

Et d'abord on rencontre, presque immédiate- 
ment, encore dans la partie basse de la monta- 
gne, un axe salifère et pétrolifère, qui, on le re- 
marquera, forme assez curieusement la corde 
d’un premier are carpathique de Wieliczka et 
Bochnia à Krosno, Dukla, Sanok, Drohobyez et 
Boryslav, Dolina, Nadvorna, Kolomea, Sloboda 
{à l'intérieur de la zone d'occupation russe). 
Tout à l'heure, nous dirons que cet axe pétroli- 
fère et salifére est entièrement compris dans la 
nappe de charriage la plus avancée, la plus 
septentrionale des Carpathes, la nappe sub- 
beskidique. 

Le reste de la chaine plissée, de la chaine de 
Flysch, que l’on rencontre ensuite vers le Sud, 
constilue ce qu'on appelle la zone beskidique. 
L'Oligocène en forme la majeure partie sous la 
forme des grès de la Magura. Cependant, surtout 
vers l'Est, au delà de la San et de Przemysl 
comme à l’extrémité Sud-Ouest dans le Wiener 
Wald, ils'y intercale des zones allongées et pa- 
rallèles représentant les divers étages crétacés. 

Tout cet ensemble apparait en plan sur la 
carte comme un vaste croissant dont la corde, 
allant de Vienne à Kimpolung, aurait environ 
700 kilom. et dont la largeur moyenne varierait 
entre 70 et 100 kilom. Semblable à l'arche d’un 
pont, ce croissant s’archoute à ses deux extrémi- 
tés sur deux pieds-droits plus méridionaux for- 
més par des massifs de gneiss, qui sont: à l’ouest, 
le Semmering; à l’est, le Rodnaï Havasok ou le 
Gyergyoi Hegys, au sud de Czernowitz. Dans la 
partie axiale, de Cracovie à Przemysl, le Flysch y 
est presque uniquement oligocène; aux deux 
extrémités, vers Vienne et vers Kimpoluneg, il 
devient à peu près exclusivement crétacé. 

Tous les sommets et les cols de la zone cen- 
trale sont dans ces terrains de Klysch, qui for- 
ment une carapace aux écailles superposées, 
dont l'avancée la plus marquée vers le Nord est 
à Przemysl. Le long d’une première terrasse se 
développe la ligne ferrée de Bielitzà Neu Sandec, 
Sanok et Sambor. Ensuite commencent les 
pentes plus fortes qui atteignent : à l’Ouest, 
1.725 m. à la Babia gora et, à l'Est, 2.058 m. 
à la Czorna hora. Un certain nombre de cols, 
où le terrain s’abaisse jusqu’à 500 m. (col de 
Dukla), ont permis d'établir huit voies transver- 
sales depuis la ligne d'Ostrau à Pressburg jus- 
qu’à celle de Czernowitz à Klausenburg. C’est 
le long de toutes ces transversales qu'ont lieu, 
depuis des mois, les batailles. 

La partie interne de la chaine, à laquelle nous 
arrivons, présente une apparence beaucoup plus 


compliquée, surtout dans un curieux espace cir- 
culaire de 100 kil. de rayon qui a pour centre les 
Monts Métallifères hongrois et que dessinent, 
sinon sur la carte topographique, du moins sur 
la carte géologique : au Sud, une trainée volea- 
nique plus que demi-cireulaire ; au Nord, la ligne 
courbe des Klippen infra-crétacés. 

Cette ligne des Klippen méridionaux, ou zone 
des Piénines (du nom du mont Piénin), qui va 
de Brances (au nord de Vienne), par Also-Kubin, 
à Neumarkt (Nowytarg) et à Lubotin, constitue, 


Je l’ai déjà dit, l’un des phénomènes les plus 


curieux à tous égards et les plus discutés qu’on 
ait rencontrés dans les Carpathes. Il faut done 
y insister un moment. 

Qu'est-ce done que ces Klippen? Sur une 
bande large de 5 kilomètres, il apparait là une 
série de rochers isolés, qui, pittoresquement, for- 
ment comme des écueils, comme des saillies dis- 
séminées et qui, géologiquement, sont, en effet, 
des représentants dispersés de terrains hétéro- 
clites. Posés sur une calotte schisteuse crétacée, 
ces blocs, ces massifs sont formés d’un calcaire 
compact, tantôt néojurassique, tantôt éocrétacé, 
qui aurait dû se trouver au-dessous de la cara- 
pace schisteuse et qui se montre par-dessus. Il y 
en à ainsi environ 5.000 : les uns si petits qu'une 
seule carrière suffit à les épuiser, les autres at- 
teignant 16 kilom. de longueur sur 2 à 3 de lar- 
geur. Chacun d’eux constitue un individu indé- 
pendant, où la stratification est bouleversée, 
verticale ou même renversée, avec des indices 
fréquents de laminage. Tous apparaissent dans 
une zone où le Miocène moyen horizontal (Vin- 
dobonien) repose sur l’Oligocène disloqué. 


Bien des explications ont été proposées à leur 
sujet. On y a vu des noyaux plus durs, plus ré- 
sistants, autour desquels les plis se seraient cre- 
vés et qui auraient été ultérieurement débarras- 
sés de leur gangue plus friable. On en a fait les 
saillies d’une chaine post-néocomienne, divisée 
enun archipel d’ilots lors de la transgression 
du Crétacé moyen. Enfin, on y voit aujourd'hui, 
suivant l'interprétation de M. Lugeon, les fronts, 
apparaissant à la surface, de nappes profondes 
d'origine méridionale. Ce serait, si on veut, une 
sorte de moraine frontale que le charriage aurait 
poussée en avantet qui, en s'arquant, se serait 
tronçonnée. 

A l’intérieur de ces Klippen, il reparaît encore 
une dernière écaille de Flysch, la nappe subta- 
trique, sur laquelle flotte tout entier le massif 
de la Grande Tatra, avec ses granites, ses gneiss 
et son Trias : massif saillant, où l’on atteint 2.500 
et même 2.663 m., mais regardé pourtant, dans 


L 
rod 
12 


L. pe LAUNAY. — LES CARPATHES 


les interprétations modernes, comme sans racine 
profonde. 

C’est dans la partie sud de la Grande Tatra 
que se trouvent, avec les plus hautes cimes des 
Carpathes (2.500 à 2.663), les paysages les plus 
pittoresques, les pentes les plus abruptes et 
tous ces beaux petits lacs surnommés les yeux 
de la mer (Morske Oka). 

Nous entrons alors dans le noyau archéen et 
triasique des Monts Métallifères, sur les Comi- 
tats de Gümür et de Szepes (Dobsina, ete.) et 
nous atteignons enfin la couronne volcanique, 
qui, avec des altitudes généralement basses 
(sauf dans le Kelemen Hegys, où le Pietrosz at- 
teint 2.305 m.), domine, sur toute sa longueur, 
la plaine hongroise. 

Ces volcans de Hongrie, volcans éteints depuis 
la fin du Pliocène, occupent une étendue consi- 
dérable à l'intérieur de la chaine carpathique, 
depuis le massif de Schemnitz au nord de Buda- 
Pesth jusqu’en Transylvanie et, de là, toujours 
sur le même versant, en Serbie et en Bulgarie, 
vers Sofia, Philippopoli et Bourgas. La chaine 
est sinueuse; mais les manifestations éruptives 
restent sur le même versant, quoique celui-ci 
représente : d’abord le côté intérieur et concave, 
ensuite le côté extérieuretconvexe.Ce n'est donc 
pas la forme dela courbure qui a provoqué les dis- 
locations; mais,seule, la position relative par rap- 
port à l'avant-pays (Plateforme russe ou Plaine 
roumaine)a été en cause!.Sansdoute,dans ce re- 
foulement qui poussait en avant les lames char- 
riées les unes par-dessus les autres, il est resté 
en arrière une zone, où se sont produits des vi- 
des favorables aux épanchements volcaniques. 

Ces roches éruptives sont aussi intéressantes 
pratiquement que théoriquement; car elles font 
de la Hongrie le seul pays d'Europe et même 
d’Eurasie qu'on puisse comparer à l'Ouest-Amé- 
ricain pour ses manifestations métallifères liées 
à des épanchements volcaniques assez anciens 
pour avoir été déjà profondément décapés par 
l'érosion. Là se trouvent les mines fameuses 
de Schemnitz, Kremnitz, Nagybanya, Abrud- 
banya, ete. : mines complexes, dans lesquelles 
les métaux précieux, l'or et l’argent, s'associent 
avec les métaux plus vulgaires, plomb, zine, 
cuivre et ler. 

La série éruptive hongroise commence à 
l'Éocène par des labradorites et andésites, à 
teinte généralement verte, souvent riches en 


1. On constate de même que les terrains charriés sont 
toujours venus de l'intérieur. Dans les Carpathes propre- 
ment dites, vers la Tatra, il faut chercher leur origine au 
Sud. De mème, dans les Carpathes roumaines, des lambeaux 
venus de Transylvanie ont été poussés vers la 


dépression 
roumaine, 


quartz à bulles mobiles, que l’on appelle des 
grünstein ou des propylites ; elle continue par 
des trachytes oligocènes, des andésites miocè- 
nes, puis une série très acide de rhyolites, de 
liparites et d’obsidiennes, auxquelles s'associent, 
comme substance précieuse, les opales; enfin, 
elle se termine par quelques basaltes postérieurs 
au Sarmatien, antérieurs au Pléistocène, par 
conséquent longtemps avant les volcans du Pla- 
teau Central Français. C’est beaucoup, je erois, 
ce caractere de vieux volcans, commun avec les 
volcans des Montagnes Rocheuses ou du Mexique, 
auquel il faut attribuer les types spéciaux de 
minerais qui ont fait la fortune minière de ce 
pays. ; 

La couronne volcanique, qui s’avance jusqu’à 
Budapest, Grosswardein ou Arad, longe immé- 
diatement la grande plaine d’alluvions, l'immense 
fosse de comblement, où se sont accumulés 
des matériaux récents, étalés sur une superficie 
horizontale. En même temps que les roches vol- 
caniques, on trouve, au Nord du Mont Matra et 
surtout dans le pays du Maros, entre les monts 
métallifères de Transylvanie et les Carpathes 
proprement dites, de grands espaces occupés par 
les terrains miocènes, auxquels s'associent des 
gites de sel, rattachés à l’état du Schlier (Maros 
Ujvar, Maramaros, etc.). 

Enfin, sans vouloir décrire ici la Transylvanie, 
on peut rappeler qu’il existe là, à l'intérieur de la 
courbe Carpathique, un massif cristallin enve- 
loppé, vers l'Est et le Sud, dans la courbure du 
Maros, par une zone de Flysch, avec Klippenkalk. 
Ce massif se présente done comme l'homologue 
de ce que nous appellerons la zone Haut-tatrique 
(Grande Tatra et Monts Métallifères de Hongrie) : 
zone enveloppée de Flysch et de Klippen. L’unet 
l’autre de ces massifs ont subi des intrusions 
volcaniques nombreuses, auxquelles sont liées 
des manifestations métallifères qui font de ces 
deux régions correspondantes les deux grands 
pays miniers de la Hongrie : Schemnitz répon- 
dant à Abrud-Banya ou à Zalathna. 


II. — INTERPRÉTATION TECTONIQUE 


J'ai déjà indiqué en deux mots la structure 
tectonique des Carpathes et, d'autre part, je ne 
saurais la décrire en détail, sans recourir à toute 
une cartographie qui serait ici hors de place. Je 
voudrais cependant indiquer un peu mieux 
comment on conçoit maintenant l’histoire de 
cette chaine, sur laquelle un géologue de l'Ecole 
française, M. Lugeon, a projeté tant de lumière. 

Dans l’ensemble, les Carpathes sont un pays 
de nappes, dont les écailles successives présen- 
tent ce caractère commun d’avoir été poussées 


An ne min té 


L. ne LAUNAY. — LES CARPATHES 243 


du Sud au Nord en descendant ou remontant par 
une série d'ondulations semblables à celles des 
ragues. Le groupe qui entoure la grande Tatra 
accuse un plongement nord. Ceux qui lui suceë- 
dent au Nord et jusqu'à l’avant-pays possèdent 
au contraire un plongement sud, en sorte qu'ils 
ont dû remonter sur des plans de glissement 
obliques appuyés au Nord contre l’avant-pays 
autochtone. C’est comme si le mouvement avait 
agi là à la façon d’un ouvrier qui aurait pris tous 
ces terrains dans un fossé au Sud, pour les re- 
monter vers le Nord sur des plans inclinés. Enfin, 
contre la Plateforme russe, la dernière nappe se 
dresse en un pli anticlinal qui est la zone des 
terrains pétroliferes. 

Si nous parcourons rapidement les diverses 
nappes de haut en bas, ou du Nord au Sud, dans 
l'ordre où les traverserait un sondage, nous trou- 
vons, d'abord, au Nord, la zone sub-beskidique 
dont l'horizon le plus caractéristique est la série 
Tongrienne des schistes à ménilite qui contien- 
nent parfois beaucoup de poissons. Sa structure 
est particulièrement bien connue, en raison des 
sondages profonds et multipliés amenés par la 
recherche du pétrole, « Il y a là une masse de 
Crétacé supérieur plongeant au Sud et poussée, 
suivant une surface de charriage inclinée jus- 
qu'à 45° vers le Sud, sur un paquet de couches 
miocènes (plus septentrional), qui est lui-même 
plissé et qui plonge fortement vers le Sud, en 
s'élevant, par une deuxième surface de contact 
anormal moins inclinée, sur les épaisses couches 
oligocènes de Dobrotow (grès et schistes) et sur 
l'argile salifère miocène qui les surmonte! », 

On a donc, dans cette seule zone, trois écailles 
successives, formées de couches d'autant plus 
récentes qu’elles sont plus septentrionales. Ces 
trois écailles ont été poussées et remontées à 
partir du Sud, suivant des plans de glissement 
obliques, qui convergent dans le sens du Sud. 
Par suite, l’écaille moyenne doit avoir une termi- 
naison méridionale en forme de coin. Quant à 
l'écaille septentrionale, en arrivant contrel’avant- 
pays, elle a pris l’allure anticlinale signalée plus 
haut en se plissant avec une régularité qui 
étonne dans un mouvement aussi violent ; et c’est 
dans cet anticlinal, auquel ne suçcède aucun 
synclinal, que se trouvent les pétroles avec les 
ozocérites. L’allure rappelle celle de la mollasse 
suisse avec sa forme anticlinale. 

La zone suivante, ou zone beskidique, assimi- 
lable à la nappe helvétienne des Alpes qu'elle 
poursuit directement, est surtout constituée 
par les grès oligocènes de la Magura. Du Sud au 


1. Suess : La Face de la Terre, t. II, p. 855. 


Nord, on traverse, dans l’ordre normal : du Ter- 
tiaire reposant sur du Supracrétacé, puis sur de 
l'Infracrétacé; mais ce dernier repose lui-même 
anormalementsur le Tertiaire de lazone subbes- 
kidique précédemment décrite. En même temps 
que du Crétacé inférieur, on trouve, dans cette 
zone, des lambeaux flottants de Jurassique, de 
Carbonifère, de granite et de grès, tels que Île 
gigantesque paquet houiller de Hustopetsch. 

La troisième zone est celle des X/ippen ou des 
Piénines, dontil a déjà été suffisamment question. 
Les couches représentées y vont du Trias au 
Néocomien ; elles se présentent en écailles dis- 
continues, généralement allongées dans la direc- 
tion des plis, mais quelquefois aussi émiettées et 
comme pulvérisées sur un point d'élection 
(Jarembina, dans le comitat de Szepes). Le plon- 
gement général est ici aussi vers le Sud. On leur 
cherche une origine au Sud dans la région dina- 
rique. 

La nappe sub-tatrique, que l’on trouve alors, 
entoure en apparence le massif cristallin de la 
Haute-Tatra, si bien que l’on a pu autrefois assi- 
miler celui-ci à une ileenveloppée par ses dépôts. 
La vérité est qu'elle le domine. 

Sur le versant Nord de la Haute-Tatra, on 
voit, en gagnant la zone des Klippen : d'abord, 
une succession de couches à caractère alpin, avec 
beaucoup de lacunes et quelques indices sublit- 
toraux, le tout plongeant vers le Nord; puis, par 
dessus et topographiquement plus bas, une 
deuxième série alpine beaucoup plus complète à 
plongement nord encore plus accentué, que l’on 
explique aujourd’hui par une poussée venue du 
Sud et ayant charrié toute cette nappe autonome 
par dessus le massif cristallin de la Tatra (lui- 
même charrié comme nous allons le voir). Son 
plongement est vers le Nord, par conséquent 
inverse des précédents. Cette nappe sub-tatrique 
représente la nappe austro-alpine, dont elle 
offre même, dans les petites Carpathes, les méla- 
phyres augitiques. 

Enfin quand on descend plus au Sud, on pour- 
rait s'attendre à trouver, par comparaison avec 
les Alpes, un élément qui ici fait presque tota- 
lement défaut: ce sont les terrains anciens rame- 
nés au jour etsouvent recristallisés par le méta- 
morphisme régional de profondeur. La seule 
région des Carpathes qui ressemble à une zone 
cristalline interne est la région des Monts Métal- 
lifères et du Nizna ou Alaczony Tatra au sud de 
la grande Tatra, entre Neusohl et Kaschau, où 
l’on voit apparaitre des terrains cristallophyl- 
liens, du Dévonien et du Carbonifère. Sur le bord 
nord de cette bande paléozoïque, on trouve du 
Trias et du Jurassique à facies alpin. Les terrains 


244 L. ne LAUNAY. — LES CARPATHES 


qui englobent du Crétacé sont plissés vers le 
Nord. 

La traînée du Nizna Tatra et peut-être aussi le 
lambeau analogue de la Grande Tatra, avec leur 
granite et leurs terrains primaires flanqués de 
Trias et de Jurassique, semblent se poursuivre à 
l'Ouest vers le Kis Fatra, les Petites Carpathes 
(Kis Karpatok), qui aboutissent à Pressburg, et 
les Monts de la Leitha sur l’autre rive du Danube, 
allant ainsi rejoindre le Semmering et les Alpes 
Orientales. On peut donc voir là une zone cris- 
talline relativement continue à l'intérieur de la 
zone sub-tatrique et des Klippen et l’on en a fait 
la nappe haut-tatrique, équivalent de la nappe lé- 
pontienne ou des Tauern. Plus profonde tectoni- 
quement que la précédente, elle la domine en gé- 
néral orographiquement et constitue les sommets 
les plus élevés des Carpathes. Les régions où on 
la rencontre font ainsi penser à une grande voûte 
anticlinale, dans laquelle les couches superpo- 
sées et plissées ne seraient plus des niveaux stra- 
tigraphiques, mais des nappes de charriage accu- 
mulées les unes sur les autres. Il faut ajouter, 
d’ailleurs, que cette région parait avoir subi un 
relèvement postérieur aux plissements par sim- 
ple dénivellation verticale. 

Plus loin encore vers le Sud, c’est la plaine 
hongroise, entièrement masquée sous les allu- 
vions,et on ne sait jusqu'à quelle distance il faut 
aller chercher les racines primitives des nappes 
que nous venons de voir accumulées. 


IV. — HisToire GÉOLOGIQUE 


Dans les Carpathes comme dans toutes les au- 
tres chaines plissées tertiaires, les premiers plis- 
sements remontent probablement très loin. J'ai 
essayé ailleurs de montrer que, lorsqu'on diffé- 
renciait les chaînes par leur âge, cela voulait 
seulement dire l’âge limite jusqu’auquel leurs 
mouvements s'étaient continués, mais que, dans 
les périodes antérieures, elles avaient pu être 
toutes influencées également : l’attention étant 
seulement attirée davantage sur la dernière 
étape du travail. 

Les mouvements hereyniens ont déjà ici joué 
leur rôle. Puis l'existence sur toute la longueur 
des Carpathes de la zone du Flysch prouve que, 
dés le début du Crétacé, il a commencé à se creu- 
ser là un sillon, qui s’est progressivement enfoncé 
à mesure que les produits empruntés à la des- 
truction de ses bords venaient le combler sous 
la forme de ces dépôts arénacés. 

On a remarqué des discordances locales qui 
semblent correspondre à des accentuations du 


mouvement avant le Crétacé supérieur, entre 


l’'Eocène et l'Oligocène. Mais la phase essentielle 
du mouvement s’est produite ici, comme dans 
les Alpes, à la fin de l’Oligocène. 

On a vu alors les terrains des Dinarides plus 
méridionales se mettre en marche vers le Nord, 
avec des ondulations probablement causées par 
l'allure du substratum etassimilables à celles des 
vagues qui ondulent au-dessus d’écueils. Leurs 
écailles sont venues s’entasser dans les Carpa- 
thes, où on les trouve empilées dans l’ordre in- 
verse de celui où nous les avons décrites : zone 
haut-tatrique, la plus profonde et la plus cristal- 
line, quoique la plus saillante, formantles Monts 
Métallifères et venant ressortir par une bouton- 
nière au milieu du Flysch sub-tatrique dans la 
grande Tatra; nappe de Flysch sub-tatrique, su- 
perposée à la Grande-Tatra (qui la domine en 
apparence dans une déchirure), et plongeant vers 
le Nord; enfin nappe beskidique (helvétique) et 
nappe sub-beskidique (mollasse suisse) venant 
former un dernier anticlinal contre l’avant-pays 
autochtone. 

Jusqu’alors sans douteles déplacements avaient 
lieu, presque horizontalement, avec une forme 
ondulatoire. 
nique, celui dont résulte l'apparence monta- 
gneuse qui nous frappe aujourd’hui, ne s'est pro- 
duit qu'ensuite sous la forme des dénivellations 
verticales, qui représentent toujours la fin des 
mouvements orogéniques après les plissements, 
comme le montre par exemple l'histoire du Pla- 
teau Central. Le résultat de ces dénivellations, 
qui ont dû relever certaines parties hautes de la 
chaine telles que la Tatra et le Fatra Krivan, a 
été surtout de donner à la plaine hongroise, par 
le fait seul qu’elle demeurait à peu près immo- 
bile, l'allure d’un vaste effondrement, sur le- 
quelles cours d’eau ont alors accumulé, comme 
des remblais, jusqu'à l'aplanissement, des 
amoncellements de produits détritiques. Au lieu 
d'avoir été à proprement parler effondrée, il est 
vraisemblable que cette plaine hongroise a été 
elle-même relevée, puisque son niveau est au- 
jourd’hui à une centaine de mètres au-dessus 
de la mer : elle l’a été seulement moins que la 
zone des nappes. 

En même temps, ont eu lieu des manifesta- 
tions éruptives, qui se sont prolongées, comme 
nous l'avons vu, jusqu’à la fin du Pliocène et 
dont l’un des effets a été de donner à l’intérieur 
de la courbure carpathique, où tout a disparu 
sous les ruines, une sorte d’homogénéité fac- 


Le véritable mouvement orogé- 


tice. 


L. De Launay, 
Membre de l'Institut. 


A. FOURNIOLS. — LES DERNIERS TYPES DE BALLONS DIRIGEABLES 245 


LES DERNIERS TYPES DE BALLONS DIRIGEABLES 
ET LEUR ROLE PENDANT LA GUERRE ACTUELLE 


J. — IlisToniQUE DES DIRIGEABLES 


Depuis l’époque où le commandant Paul Re- 
nard consacrait ici, avec sa parfaite compétence 
dans tout le domaine de l'Aéronautique, un article 
aux aérostats dirigeables! et deux autres aux 
progrès de l’aviation?, bien des perfectionne- 
ments ont été accomplis, et larivalité entre le di- 
rigeable et l'avion militaires, objet de tant de 
controverses, à été soumise à l'épreuve décisive 
de la guerre : guerre sans précédent par son 
ampleur, par son caractère implacable de la part 
des Alliés et sauvage de la part de nos ennemis, 
enfin par l'emploi intensif des engins les plus 
savants et les plus terribles qu'ait produits l'art 
de l'ingénieur : canons à tir rapide, obusiers 
à portée de 10 kilomètres et à projectiles de 
500 kilogrammes, sous-marins, aéroplanes et 
dirigeables. 

En ce qui concerne ces derniers, nul n'ignore 
aujourd’hui l'historique de la question, réduit à 
ses traits essentiels : la voie ouverte, comme 
presque toujours, par notre pays, avec les expé- 
riences du colonel Ch. Renard (1884) et son diri- 
veable La France, dont le succès incontestable 
au point de vue aéronautique fut éphémere, 
faute du moteur léger et puissant que l'’automo- 
bilisme devait créer peu d'années plus tard; les 
persévérantes études du comte Zeppelin, travail- 
lant pendant de longues années à Friedrichs- 
hafen, au bord du lac de Constance, à doter 
l'Allemagne des dirigeables à carcasserigide dont 
le principe avait été breveté en France par Spiess 
dès 1873; les travaux parallèles d'ingénieurs 
français, tels que MM. Julliot, Surcouf, Clé- 
ment, ete., perfectionnant le type à carène sou- 
ple qui produisit d’abord les dirigeables de la 
série Lebaudy, puisles Zodiac,les Astra, destinés 
pour la plupart à notre armée ou à des armées 
étranveres ; leurs noms furent populaires en 
France: c’étaientle Patrie, le République,le Colo- 
nel Renard, l'Adjudant Vincenot, le Selle de 
Beauchamp, le Clément-Bayard, ete. En même 
temps, le type souple était adopté pour divers 
diriseables de construction étrangère, comme le 
Leonardo da Viner et le Citta di Milano en Italie, 
le Mayfly, le Nulli Secundus, le Morning Post en 


1. Voir la FRevue,t. XIX, p. 426 et 479. 
2. Voir la Revue, t. XXI, p:"183 et 231; et t. XXII,-:p. 14 
et 61. 


Angleterre (ce dernier construit en France aux 
ateliers Lebaudy}), la série des Parseval, des 
Gross, des Clouth, en Allemagne, etc. 

Ce grand mouvement a-t-il donné tout ce qu’on 
pouvait en attendre? Le doute est permis à ce su- 
jet : ungrand nombre de cesaérostats ontdisparu 
prématurément pour faire place à des modèles 
plus perfectionnés; beaucoup ont péri acciden- 
tellement, comme le Patrie et le République en 
France, le Mayfly en Angleterre, le Città di Mi- 
lano en Italie ; quant aux Zeppelins, leurs destruc- 
tions, aussi bien avant que depuis la guerre, ne se 
comptent plus : que ces accidents résultent d'une 
explosion d'hydrogène, d’un mauvais atterris- 
sage, d’un choc, causé par une tempête, sur un 
obstacle ou sur le hangar même qui devait être 
un abri et non un écueil, peu importe; tou- 
jours est-il que les grands dirigeables de tout 
modele, et particulièrement les rigides, sont sin- 
guliérement coûteux et délicats. 

Aussi s’explique-t-on qu’en France, quand nos 
constructeurs d’avions : Blériot, Voisin, Farman, 
et tant d’autres, pilotant leurs propres appareils 
ou secondés par d’intrépides aviateurs comme 
Latham, Garros, Védrines, etc., eurent brillam- 
ment affirmé leur maitrise dans le domaine du 
«plus lourd que l'air », l'opinion fut vivement 
séduite par les mérites incontestables de l’aéro- 
plane : prix réduit, facilités d’envol immédiat, 
d'atterrissage à peu près partout, vitesse élevée, 
invulnérabilité relative (par rapport au diri- 
seable); sous l’empire de ces dispositions, les 
crédits, d'ailleurs modestes, affectés à l’aéronau- 
tique militaire furent dirigés en très grande par- 
tie vers le chapitre : aviation. Ceci se passait en 
1910; depuis lors, on se rendit compte qu'il fal- 
lait opposer quelque chose de sérieux aux Zeppe- 
lins que l'Allemagne, avec un magnifique entête- 
ment, s’obstinait à reconstruire toujours plus 
crands et plus puissants que leurs prédécesseurs 
victimes des éléments; et on passa — bien tardi- 
vement — commande de quelques grands diri- 
geables souples de 20.000 à 25.000 mètres cubes, 
encore en construction quand la guerre éclata. 

Depuis ce moment, les renseignements abon- 
dent sur certains points; ils manquent sur d’au- 
tres. Le rôle primordial des avions s’est affirmé 
dès les premiers jours, et depuis lors c'est quoti- 
diennement queles communiqués officiels ou les 
récits des combattants signalent leurs incessan- 
tes randonnées d’éclairage, de surveillance, de 


246 A. FOURNIOLS. — LES DERNIERS TYPES DE BALLONS DIRIGEABLES 


bombardements, souvent marquées par d’émou- 
vants duels aériens entre oiseaux ennemis, armés 
de fusils et de mitrailleuses. La part qu'ont dû 
prendre aux opérations nos dirigeabies français 
reste au contraire dans l'ombre ; nous n’essaie- 
rons donc pas de percer ce mystère. Nous pou- 
vons seulement dire, parce que tout Paris l’a vu 
le 17 février, que l’un des nouveaux grands diri- 
geables, le Pilätre de Rozier, était à cette époque 
en essais dans la région parisienne. Il a été cons- 
truit par les ateliers Astra, sur le modele Torres, 
qui assure la rigidité relative de l'enveloppe par 
la forme trilobée de celle-ci et par un système 
intérieur de liaisons funiculaires entre les lobes. 


quelque brillant exploit de ces beaux aérostats ; 
en attendant, il nous faut examiner le rôle joué 
depuis l'ouverture des hostilités par ces fameux 
Zeppelins dont l'Allemagne est si fière et pour 
lesquelsellen’a épargné aucun sacrifice financier. 
Or, ce rôle apparait en complète disproportion 
avec l’énormité de l'effort. Leurs, principaux 
exploits sont : le raid du 19 janvier 1915 sur la 
côte est de l’Angleterre, partant de Cuxhaven (à 
l'embouchure de l'Elbe) pour lancer des bombes 
sur Yarmouth, Sandringham, Kings Lynn, et 
revenir au bout de quelques heures à leur point 
de départ; celui du 21 mars sur la banlieue ouest 
de Paris et le quartier des Batignolles dans la 


Fig. 1. — Vues du nouveau dirigeable français Tissandier, prises dans diverses positions. 


(Cliché communiqué par L’Aérophile, revue technique et pratique des Locomotions aériennes.) 


Ce dispositif ingénieux, intermédiaire entre le 
type souple et le type rigide, léger comme Île 
premier et bien plus résistant aux coups de 
vent, a déjà la sanction d’une longue expérience : 
l'Astra- Torres n° X1V fut acquis par l'Angleterre 
en 1913 et marqua un record de vitesse par 82 ki- 
lomètres à l'heure. 

Le Pilätre de Rozier est bien plus important 
que ses devanciers, puisqu'il jauge 24.000 m, et 
mesure 130 mètres de longueur. Il est donc com- 
parable à un Zeppelin, avec ses deux nacelles 
munies chacune de deux moteurs de 250 chevaux, 
etses quatre hélices qui peuvent le propulser à 
85 kilomètres à l'heure, pendant vingt heures au 
besoin. Ajoutons qu'un autre dirigeable souple 
de 23.000 mètres cubes, le Tissandier (fig. 1), 
vient d’être achevé par l'ingénieur Julliot, aux 
ateliers Lebaudy; il est caractérisé par l’exis- 
tence de trois nacelles. 

Nous apprendrons peut-être prochainement 


capitale, qui ne causa que des dégâts insigni- 
fiants et aucune perte de vie humaine; enfin les 
nouveaux raids sur l'Angleterre des nuits du 14 
au 15 et du 15 au 16 avril, le premier sur la région 
de Newcastle, le second sur les côtes de l’Essex, 
du Suffolk et du Norfolk. 

Ce sont des performances d’un certain intérêt 
aéronautique, des actes de barbarie qui s’harmo- 
nisent bien avee ceux des Taubes à Paris, à 
Béthune, à Calais, et en bien d’autres villes où 
des femmes et des enfants ont servi de cibles aux 
pilotés allemands,qui concordentbien aussi avec 
le système de torpillage des paquebots neutres 
sans avis préalable, mais qui n’ont rien de com- 
mun avec les opérations militaires, avec la guerre 
loyale et conforme au droit des gens. Ces hauts 
faits, et peut-être quelques autres passés inaper- 
eus, valaient-ils la construction fébrile, dans ce 
qu'on a appelé, d'un terme heureux, le « nid de 
vautours » de Friedrichshafen, d'une dizaine de 


A. FOURNIOLS. — LES DERNIERS TYPES DE BALLONS DIRIGEABLES 247 


dirigeables du type le plus récent : 30.000 mètres 
cubes, 165 mètres de longueur, 18 mètres de 
diamètre, venants’ajouter aux types plus anciens 
de 1914 (27.000 mètres cubes, 158 
longueur), de 1913 (22.000 mètres cubes) et de 
1912 (19.500 mètres cubes, 140 mètres de lon- 


mètres de 


vueur), dont on estime qu'il restait disponibles 
six ou sept unités, en août dernier, sans parler 
de Zeppelins plus anciens et de tonnage médiocre, 


et de divers dirigeables des types Parseval ou 
} 


Sehütte-Lanz, qui n'ont pas fait parler d'eux : 


bombes que peuvent leur lancer ces pirates de 
l'air, sont très justifiées: les canons spéciaux 
postés à terre ou à bord de nos avions blindés 
pourraient leur faire payer chèrement cette 
audace., On a d’ailleurs démontré que seuls les 
types de 22.000 à 30.000 mètres cubes avaient une 
vitesse, une endurance et une capacité de sur- 
charge suflisantes pour entreprendre une expédi- 
tion de ce genre, avec un millier de kilogrammes 
de projectiles abord, soitune vingtainede bombes. 


L'opinion publique n’en est pas moins vive- 


Fig. 2. — Vue du Zeppelin L-3, type marine, détruit récemment sur la côte occidentale du Jutland. 


(Cliché communiqué par L'Aérophle, revue technique et pratique des Locomotions aériennes.) 


: IL semble, en tout cas, acquis que, depuis la 
guerre, une dizaine de Zeppelins ont péri dans 
des circonstances peu honorables pour eux: l’un 
s'est fait abattre à Badonviller, près Lunéville; 
un autre près de Libau; d'autres encore, qu'il 
serait trop long d'énumérer ; notons seulement, 
avec satisfaction, que la tempête s’est chargée 
de venger les victimes civiles de leurs bombes 
incendiaires : le 17 février, les deux plus belles 
unités, L-3 et L-4: du type « marine », de 
27.000 et 30.000 mètres cubes, ontété détruites sur 
la côte occidentale du Jutland, où ils surveillaient 
les navires marchands danois allant vers l'An- 
gleterre, de façon à les faire torpiller par les 
sous-marins de Cuxhavén. 

Assurément, les tempêtes sont exceptionnelles 
dans la saison où nous entrons, et les mesures 
de précaution prises par l'autorité militaire 
pour préserver Paris et les grandes villes des 


ment intéressée, dans la prévision d'un retour 
offensif qui, espérons-le, ne se réalisera pas, par 
tous les détails donnés au sujet des Zeppelins. Il 
ne nous parait donc pas inutile de décrire ici 
sommairement les modèles récents dé ces 
aérostats et les hangars créés pour les abriter. 


IT. — Les Nouveaux ZEPPELINS 


Depuis cinq ou six ans, les dispositions essen- 
tielles des Zeppelins n'ont guère changé, et leur 
silhouette de long cylindre terminé par deux 
cônes en ogives est connue de tout le monde, 
au moins par les photographies (fig. 2). Le cône 
avant ne porte rien ; le cône arrière est, au con- 
traire, entouré de plans stabilisateurs assez 
nombreux, les uns rigides, horizontaux et verti- 
Caux, passant par l'axe du ballon, les autres 
orientables et formant gouvernails de profondeur 
ou de direction. 


248 A. FOURNIOLS. — LES DERNIERS TYPES DE BALLONS DIRIGEABLES 


L’enveloppe du ballon recouvre une carcasse 
en alliage d'aluminium, léger et résistant, formé 
de poutrelles longitudinales (les génératrices du 
cylindre et des cônes) et d’entretoises reliant ces 
poutrelles de distance en distance, leur ensemble 
constituantun polygone à grand nombre de côtés : 
le cylindre dont nous parlions tout à l’heure est 
en réalité un prisme. Ces polygones métalliques, 
raidis par des tirants en càbles métalliques sem- 
blables aux rayons d’une roue de bicyclette, déli- 
mitent dans la longueur de la carcasse des com- 
partiments intérieurs, dans chacun desquels 
trouve place un ballonnet à hydrogène (la carène 
extérieure n’ayantdonciei qu'un rôle d’enveloppe 
générale, et non de réservoir à gaz). Les ballon- 
nets (au nombre de 16 pour le type de 20.000 m. 
cubes, 18 pour celui de 22.000 m. c., et proba- 
blement 25 pour celui de 30.000 m. cubes) sont 
gonflés séparément de gaz aussi léger que pos- 
sible, et munis de toutes les tuyauteries, soupa- 
pes, etc., nécessaires à leur fonctionnement. Il 
en résulte ce grand avantage (acheté, du reste, 
au prix d'une dépense énorme de métal, de force 
motrice et d'argent), que le ballon, tout comme 
un paquebot à cloisons étanches, peut subir une 
crevaison partielle, voir un ou deux ballonnets 
vidés par des obstacles ou des projectiles, et se 
maintenir en l’air pendant longtemps. encore. 
Toute la question est de savoir si cet avantage 
n'est pas payé trop cher, et s’il n'est pas forte- 
ment contrebalancé par la vulnérabilité plus 
grande résultant de l'accroissement de dimen- 
sions qu'exige précisément, par un cercle vicieux 
auquel on n’a pu se soustraire, la carcasse rigide, 
base de tout le système. 

Les hélices, au nombre de quatre, accolées aux 
flancs du cylindre, et dont le diamètre parait 
infime par rapport à la longueur du ballon (il est 
pourtant de 5 à 6 mètres) sont à 2 pales seule- 
ment; chaque paire estactionnée, d'une des nacel- 
les, par un groupe moteur dont la puissance 
atteint 1.000 chevaux dans le type de 30.000 m. 
cubes! Les deux nacelles sont reliées à la cabine 
d'observation, située au milieu de leurintervalle, 
par un couloir de section triangulaire qui longe 
le dessous du ballon, en formant une sorte de 
quille. Bien entendu, les nacelles sont pourvues 
depostes de télégraphie sans fil et de tout ce qui 
peut servir à la manœuvre et à la direction du 
ballon, à l'observation du terrain. 
bombardement des 
L'équipage est de 25 à 30 hommes. 


et enfin, 
aujourd'hui, au villes. 

Quant à l'armement, il est plutôt installé au 
sommet du ballon, sur des plateformes situées à 
l’aplomb des nacelles et communiquant avec 


elles par des puits à échelles ménagés entre 


deux ballonnets; on prétend, d’ailleurs, que 
les essais de canons et de mitrailleuses placés 
aussi haut auraient donné de mauvais résultats 
et auraient révélé des risques d’éxplosion. 

Nous allons maintenantexaminerles immenses 
bâtiments dans lesquels on doitabriter ces aéro- 
nats, dont les dimensions sont presque compa- 
rables à celles de cuirassés d’escadre. 


III. — LErs HanGARs À DIRIGEABLES 


L'apparition des dirigeables de forme allon- 
gée a posé aux constructeurs un problème en par- 
tie nouveau : celui de leur assurer des abris, soit 
permanents, soit momentanés, au cours de leurs 
voyages. Pour les premiers modèles construits, 
tels que les Lebaudy de 60 mètres de longueur 
environ, la solution présentait peu de difficultés: 
un hangar rectangulaire de type courant, à char- 
pente quelconque, suflisait, pourvu qu'il fût 
orienté de façon à présenter le fond au vent do- 
minant; les manœuvres de sortie et de rentrée 
du ballon étaient ainsi moins pénibles et moins 
dangereuses pour l’étoffe de l'enveloppe. Néan- 
moins, c'était toujours un instant délicat que 
celui où la carène souple, à demi sortie ou à 
demi rentrée, pouvait être prise en travers par 
un coup de vent, pliée brusquement et déchirée 
par le heurt sur les portes ou sur la première 
ferme de la charpente. On n'avait pas toujours 
les mêmes commodités et la même aisance de 
mouvements que quand le Lebaudy, en novem- 
bre 1903, après un atterrissageimprévu au Champ 
de Mars de Paris, fut abrité momentanément 
dans la nef de la Galerie des Machines, où il 
ue tenait pas beaucoup plus de place qu'un 
ballon d'enfant dans une chambre. 

Mais les dirigeables grandirent rapidement, 
dans tous les pays qui en construisaient, mais 
surtout en Allemagne, où le comte Zeppelin, in- 
stallé au bord du lac de Constance, expérimen- 
tait opiniätrement les embryons de ses fameux 
aérostats rigides. Dès le début, il avaitingénieu- 
sement tourné la difficulté de l'orientation de 
l'ouverture du hangar, en rendant le sien flot- 
tant, si bien qu'ilsuffisait del’amarrer à un corps- 
mort et de laisser le vent l’orienter comme une 
girouette, pour obtenir la présentation de l'ou- 
verture avec vent arrière. 

Ce n'était, toutefois, qu’une solution de eir- 
constance, et, dès que le type Zeppelin fut — ou 
parut-—à la hauteur des services qu’en attendait 
l'armée allemande, il fallut aménager pour lui 
des hangars appropriés, et en nombreimposant, 
car la plupart des villes fortes et d’autres posi- 
tions stratégiques devaient recevoir, régulière- 
ment ou éventuellement, ces aéronats géants, 


PP RE EE VO 


CES 


A. FOURNIOLS. — LES DERNIERS TYPES DE BALLONS DIRIGEABLES 249 


Les constructeurs allemands ont done, tout natu- 
rellement, tracé la voie,etde leurs solutions assez 
variées nous pouvons actuellement retirer un en- 
seignement profitable, évitant de coûteux làton- 
nements à ceux qui se proposent de réaliser les 
abris nécessaires à nos grands dirigeables les 
plus récents. Suivant les cas, il s’agit de hangars 
pour ateliers de construction, ou de simples 
hangars de remisage, ou enfin de hangars de 
campagne, démontables et transportables : 
ce dernier cas, la simplicité et la légéreté des 
éléments sont le point essentiel. 


dans 


a, néanmoins, bien des facons de couvrir un ter- 
rain rectangulaire, et les différents systèmes de 
fermes en bois ou en acier se sont donnés ici 
libre concurrence (fig. 3). Nous n’essaicrons pas 
de les passer en revue, ce qui serait fastidieux ; 
disons seulement qu'on trouve des fermes à une, 
deux ou trois rotules, ayant des portées de 
20 mètres environ pour un seul ballon et de 
50 mètres pour deux ballons. Il faut évidemment 
éviter, à l'intérieur du moins, toute saillie de 
boulons, d'écrous, de tiges en fer quelconques, 


qui pourraient crever l'enveloppe du ballon. 


Fig.3.— Montage d'un hangar en bois pour dirigeables, à Dusseldor/f. 


$ 1. — Hangars fixes 


On a préconisé pour eux des formes assez di- 
verses : par exemple, celle d'un triangle avec des 
portes à chaque sommet; ou d’une étoile à trois 
pointes, avec des portes aux pointes et aux an- 
gles rentrants; ou, ce qui paraît plus simple, 
d'une rotonde analogue aux grands dépôts de 
locomotives, avec des portes réparties sur toute 
la circonférence, permettant de sortir ou de ren- 
trer dans une direction quelconque. Dans ces 
différents systèmes, le hangar peut recevoir 
plusieurs ballons de diverses grandeurs: les 
formes en étoile ont, en outre, l'avantage de four- 
nir des abris assez étendus pour les ballons qui 
se trouvent à l’extérieur, en manœuvres d’appa- 
reillage ou d'atterrissage. 

Il ne semble pas, toutefois, que ces projets 
aient été réellement exécutés, et toutes les pho- 
tographies que nous avons vues concernaient 
des hangars du type rectangulaire classique. Il y 


Comme pour toute construction similaire, les 
éléments du calcul sont le poids propre de la 
charpente et de la toiture, la pression maxima 
du vent, et la surcharge de la neige. Pour les 
hangars à un seul ballon, la ferme en ogive ou 
en arceau est tout indiquée; comme on ne peut 
(pour laisser libre le gabarit du ballon) entre- 
toiser les parois par des tirants, comme dans 
les fermes du genre Polonceau, la construction 
manque par elle-même de rigidité dans le sens 
transversal, et il faut lui en donner par l’an- 
crage des piliers sur de larges semelles, ou par 
des haubans extérieurs, formant contreforts. 
Souvent, du reste, l’intervalle entre ces contre- 
forts est lui-même couvert à moindre hauteur, 
et sert aux bureaux, ateliers d’entretien, etc. 
Dans les hangars des usines de construction, les 
ateliers sont plus spacieux et doivent être placés, 
non dans les dépendances du hangar, mais tout 
à côté, avec de larges baies de communication. 

Le bois, mème ignifugé, paraît bien exposé 


250 A. FOURNIOLS. — LES DERNIERS TYPES DE BALLONS DIRIGEABLES 


aux incendies que détermineraient aisément les 
bombes lancées par les avions et les dirigeables 
ennemis; le béton armé semblerait une protec- 
tion plus efficace, en même temps qu'un matériau 
d'entretien minimum, n’exigeant pas de peinture; 
cependant, il n’a pas encore été employé à notre 
connaissance. 

Le hangar devant être bien éclairé, sans tou- 
tefois exposer aux rayons ardents du soleil les 
carènes gonflées qui perdraient aussitôt beau- 
coup d'hydrogène, produit fortcoûteux, on cons- 
titue de préférence les panneaux vitrés de la 
toiture par de doubles dalles en verre armé, 
jaune ou bleu, avec intervalle assurant une cir- 
culation d’air et un refroidissement du vitrage. 
L'application de calorifuges sur les parois plei- 
nes est également recommandable. 

L'aménagement du hangar comprend encore 
des dispositifs de ventilation naturelle (fenêtres) 
et mécanique (ventilateurs disposés au sommet 
de la nef, chassant le gaz à l’extérieuren cas de 
fuite importante); il ne faut pas oublier qu'avant 
d'être dangereuse au point de vue respiratoire, 
l’atmosphère chargée d'hydrogène peut le deve- 
nir par la présence de feux de forge, et aussi des 
moteurs du ballon dont l'allumage électrique 
peut causer une explosion. 

La charpente est parfois complétée par des 
cadres suspendus qui épousent le gabarit des 
ballons et leur servent d’appuis; le plancher est 
muni de rails pour les chariots sur lesquels re- 
posent les nacelles, auxquelles on doit épargner 
les heurts avec le sol, en raison de l’importance 
du matériel qu’elles contiennent : moteurs, reliés 
aux hélices par des transmissions délicates, appa- 
reils de précision pour les commandes, pour les 
mesures, pour la direction de l’aéronat, etc. 

Un accessoire intéressant des hangars à bal- 
lons, ce sont les phares d’atterrissage, constilués 
par des projecteurs qui signalent au ballon la 
position et l’orientation du bâtiment, ou même 
comportent des dispositions ingénieuses du 
genre de celle-ci : deux cercles de lampes à in- 
candescence intensives, de dimensions différen- 
tes, sont placés l’un devant l’autre, de façon à 
constituer les deux bases d’un tronc de cône, dont 
l’axe idéal jalonne l’alignement à prendre pour 
atterrir, Si ces deux cercles apparaissent con- 
centriques au pilote du ballon, c’est que la na- 
celle se trouve dans le prolongement de l'axe, et 
il suflit de s’y maintenir pour suivre la bonne 
direction ; sinon, les deux cercles apparaissent 
obliquement sous forme d’ellipses lumineuses 
séparées, ou qui se recoupent ; le pilote manœu- 
vrera, d’après ces apparences, jusqu’à arriver à les 
voir sous forme de deux cercles concentriques, 


avant de descendre à proximité immédiate du 
sol". à 

Les portes du hangar sont parfois d'immenses 
rideaux maintenus par des câbles, mais ce sys- 
tème n’est usuel que pour les hangars démonta- 
bles; pour les hangars fixes, on emploie des por- 
tes en charpente, de types très variés. Quand 
elles sont de grandes dimensions, cas très fré- 
quent, on ne peut adopterle type pivotant autour 
de gonds, qui serait pénible à manœuvrer et offri- 
rait trop de prise au vent : on préfère le type 
coulissant, divisé enpetits panneaux qui glissent 
les uns sur les autres, guidés en haut et en bas 
par des chemins de roulement où leurs galets se 
déplacent; ces chemins de roulement sont par- 
fois cintrés en plan, de façor que les portes ou- 
vertes forment une sorte d'entonnoir facilitant 
et protégeant la sortie du ballon. On peut enfin 
combiner des panneaux à la fois pivotants et 
coulissants, ou bien recourir à la division de la 
porte en petits panneaux qui se replient les uns 
sur les autres comme ceux des persiennes en fer 
aujourd’hui d'emploi courant dans les habita- 
tions. La manœuvre des portes doit être aussi 
rapide que possible, car le ballon est toujours 
exposé à avaries entre leur ouverture et son dé- 
part, ou entre sa rentrée et leur fermeture. 

Le montage des charpentes n'est intéressant 
que quand il s'opère par des méthodes particu- 
lières. Si la charpente estlégère, il est tout indi- 
qué d’assembler les fermes entières sur le sol, 
l’une après l’autre, et de les soulever en bloc, en 
les faisant pivoter autour de leurs bases; ce pro- 
cédé est simple et rapide. Un autre, plus remar- 
quable, consiste à monter simultanément toute 
la charpente en travaillant au niveau du sol, ou 
du moins à faible hauteur : on part du sommet 
de la nef, qu'on monte sur toute sa longueur, 
puis on assemble de part et d'autre les pièces 
voisines, en soulevant le tout avec des vérins à 
mesure qu'on avance, et on continue de telle 
façon que le milieu de la nef s'élève peu à peu, 
jusqu’à sa cote définitive, l’addition de nouveaux 
éléments aboutissant à la pose des semelles des 
piliers ou montants. [Il n’est pas besoin, ici, 
d'ouvriers travaillant en l'air dans une charpente 
instable, sur des échafaudages branlants : tout 
le travail se fait presque au niveau du sol, et peut 
être effectué par des soldats, nombreux mais 
peu expérimentés en matière de charpente, cas 
ordinaire d’une troupe en campagne : ce procédé 
est donc très recommandable pour les hangars 
démontables militaires ou coloniaux. 


1. Voir, pour plus de détails, la Revue gén. des Sciences 
du 15-30 octobre 1914, p. 767. 


A. FOURNIOLS. — LES DERNIERS TYPES DE BALLONS DIRIGEABLES 251 


Un modéle analogue, qui ne semble pas avoir 
N à a i “ » “ ” « “ * 
+ MTS pivotante été exécuté, consiste à monter le hangar entier 
Un perfectionnement remarquable dans la | surun pivot aménagé en haut d'un pylône cen- 


construction des hangars à dirigeables consiste | tral extrêmement robuste, puisqu'il devrait por- 


Fig. 4. — [Jangar rotatif Siemens-Schuckert, 


dans leur montage sur une immense plaque | ter tout l'édifice ; la rotation se ferait autour du 
tournante permettant de les orienter à volonté, | pivot, avec guidage par des couronnes de galets 


comme le hangar flottant du lac de Constance. | autour de la base du pylône. 

Le principe est évidemment fort simple, mais On a enfin proposé de monter, devant un ensem- 
la manœuvre d’une masse aussi pesante, roulant | ble de hangars fixes (ce que les Allemands appel- 
sur des galets en grand nom-  %<--- lent un « port » à Zeppelins), 


bre, et sur des rails circulaires 
très robustes, est un problème 
délicat; il va sans dire que le 
prix du hangar est fortement 
augmenté; on peut même esti- 
mer qu'il est triplé. Il existe 
cependant en Allemagne quel- 
ques hangars rotatifs ; l’une de 
nos photographies (fig. 4) en 
montre l'aspect extérieur, la 
figure 5 la coupe transversale 
et le plan. 


accolés parallèlement, une 


travée montée sur plaque tour- 
nante et sur chariot transbor- 
deur, semblable {mais infini- 
ment plus grand) auxtransbor- 
deurs de wagons des remises 
de nos gares principales. On 
desservirait ainsi, avec une 
seule travée mobile, un nom- 
bre quelconque de travées 


_ Hauteur 30 métres 


fixes. Ce projet de grande en- 
vergure semble être jusqu'ici 


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longueur 1/25 mètres K . 


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252 A. FOURNIOLS. — LES DERNIERS TYPES DE BALLONS DIRIGEABLES 


un simple rêve, de même que celui d’un autre 
ingénieur allemand, peut-être prestidigitateur à 
ses heures, qui préconisait — sur ses brevets 
seulement — un hangar à transformations tout 
à fait curieux : le toit s’ouvrait par le milieu, la 
charpente articulée s’abaissait à droite et à gau- 
che, comme un praticable de théâtre bien ma- 
chiné, et formait des éléments de plate-formes, 
ou de plans inclinés, facilitant la manœuvre, 
pendant que le ballon, dégagé comme un mar- 
ron qui sort. de sa coque mûre, apparaissait 
au milieu d’un vaste plateau, prêt à partir sans 
rencontrer d’obstacle. Pour compléter, le tout 
était monté sur plaque tournante. Il serait inté- 
ressant de savoir ce que pourrait coûter un 
engin d’une pareille complication. 


$S 5. — Hangars et abris improvisés 


Bien que les hangars fixes ou démontables 
soient relativement nombreux en Allemagne (et 
que, depuis la guerre, on en ait monté certaine- 
ment plusieurs en Belgique et dans le Nord de la 
France), on conçoit que des aménagements de 
fortune doivent être improvisés dans certains 
cas. 

Nous ne ferons qu'indiquer quelques procédés 
préconisés en Allemagne dans ce but: d’abord, 
à titre de curiosité, mentionnons la possibilité 
d'utiliser certaines grandes carrières ou minières 
à ciel ouvert, formant d'immenses excavations 
au fond desquelles un dirigeable pourrait être 
abrité et même dissimulé à la vue (sauf, naturel- 
lement, aux pilotes des avions ennemis), on 
prétend que des minières belges auraient été 
aménagées à cet effet, grâce à des corvées impo- 
sées aux habitants traités comme des esclaves; 
ensuite, on peut improviser des abris au moyen 
de murs en ligne brisée derrière lesquelsle ballon 
serait masqué, à l'opposé du vent : des panneaux 
en béton armé, de montage rapide, pourraient 
servir à constituer ce mur; plus simplement en- 
core, on pourrait le constituer, en partie de 


montants et panneaux en béton armé, en partie 
de panneaux en treillis métalliques, plus faciles à 
transporter, et présentant l’avantage de briser la 
force du vent, sans l'arrêter complètement, ce 
qui exposerait le mur à des pressions excessives 
nécessitant des contreforts puissants. 

Ces abris improvisés, qui peuvent rendre des 
services réels pour des dirigeables de dimensions 
modérées, paraissent peu pratiques pour des 
Zeppelins des derniers types, dont la hauteur 
atteint au moins une vingtaine de mètres, tout 
compris. C’est une raison de plus pour que, dé- 
semparés au cours d'un voyage, ils deviennent 
le jouet de la tempête, comme l'ont été déjà le 
L-3 et le L-4 croisant au-dessus des côtes da- 
noises. 


De tout ce que nous venons de dire, il résulte 
que l’Allemagne, sans négliger l'aviation, a été 
hypnotisée par l’idée de créer une flotte d’aéro- 
nats géants, capable de jeter l’effroi dansles pays 
ennemis au même titre qu'une escadre de super- 
dreadnoughts ou une batterie d’obusiers de 420; 
elle n’a reculé pour cela devant aucun sacrifice, 
mais, fort heureusement, ses menaces n’ont 
abouti jusqu'ici qu’à des résultats dérisoires,lar- 
sement contrebalancés par la destruction d’une 
dizaine de Zeppelins dont la plupart n'avaient 
encore rendu que très peu de services. Nous es- 
pérons bien que l'avenir ne démentira pas le 
passé, et qu’une attaque de Londres ou de Paris 
par une escadre aérienne serait l'occasion 
d’anéantir les plus puissants dirigeables dont 
l'Allemagne dispose encore contre nous! 


A. Fourniols, 


Ingénieur civil. 


1. Dans un prochain article, nous exposerons une aulre 
question fondamentale pour le fonctionnement des dirigeu- 
bles 


, celle de leur ravitaillement en hydrogène. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES 


* INDEX 253 


BIBLIOGRAPHIE 
ANALYSES ET INDEX 


1° Sciences mathématiques 


Milhaud (Georges) et Pouget (Edouard), Professeurs 
de Mathématiques spéciales à Nimes et Montpellier. 
— Cours de Géométrie analytique. /'e partie : 
Géométrie à deux dimensions. — 1 vol. in-8o de 
478 pages avec 344 fig. (Prix : 12 fr). Félix Alcan, 
éditeur, Paris, 1914. 


Précédé d’une spirituelle préface de M. Em. Borel, ce 
nouveau « Cours de Géométrie analytique » est la réa- 
lisation la plus récente des modifications par lesquelles 
les programmes de l’enseignement des Mathématiques 
spéciales ont été rendus plus modernes, mieux adaptés 
aux nécessités des sciences pures et appliquées. Déjà, 
il y a quelque sept ans, avait paru l'excellent « Pré- 
cis » de G. Papelier, qui s'inspirait des mêmes progrès. 
On constate du reste peu de différences importantes 
entre les deux ouvrages, si ce n'est dans la coordination 
des matières traitées. Il semble en particulier que les 
auteurs aient eu raison de développer les notions d’Ho- 
mographie et d'Involution, et en tout cas de les grouper 
avec celles du Rapport anharmonique. C’est ce chapitre 
qui devient, chez les auteurs allemands, prépondérant, 
et qui fait de leur Géométrie analylique comme un 
développement de la Géométrie projective. De même, 
le chapitre des Coordonnées polaires gagne à être placé 
après l'étude des Courbes en général, plutôt que d’être 
traité, à la fin, en espèce d’appendice. Une innovation 
est intéressante : c’est, dans l’étude particulière des 
coniques, sur l'équation réduite, de mener simultané- 
ment l’étude de toutes les coniques à centre. 

L'exposition didactique paraît le fruit d’une grande 
expérience pédagogique: les auteurs, qui s'adressent 
à des débutants, ne dédaignent pas de revenir et d’in- 
sister sur les notions importantes, les idées maîtresses, 
Ils donnent des conseils : telle méthode est préférable à 
telle autre; les conséquences de tel principe ou les 
développements de tel calcul sont ou ne sont pas inté- 
ressants. Un seul exemple: À propos des courbes défi- 
nies géométriquement, on peut ou former l’équation du 
lieu ou rechercher une représentation paramétrique, ce 
qui n’est pas toujours visible à priori et entraine des 
difficultés très différentes de résolution; les auteurs 
guident en conséquence leurs élèves par des exemplés 
judicieusement choisis. 

E. Démos, 
Professeur à l'École Professionnelle de Genève. 


Braive (Jean), /ngénieur des Arts et Manufactures. — 
Aide-mémoire de l'ingénieur-constructeur de 
béton armé. Préface de M. A. MesNAGER. — 1 vol. 
in-8° de X-388 p. avec fig. (Prix cart. :15 fr.) H. Dunod 
et Pinat, éditeurs, Paris, 1914. 


Cet ouvrage rendra service à tous ceux qui ont à 
s'occuper de constructions en béton armé. Il débute par 
le rappel de quelques formules de mathématiques ; puis 
vient l'exposé des principes généraux, suivi de rensei- 
gnements sur l'emploi et l'exécution du béton armé et 
de la reproduction des documents officiels qui régissent 
pour l'instant la question. L'ouvrage se termine par des 
exemples de caleuls et de plans et par un vocabulaire en 
cinq langues. 

M. Mesnager, le très distingué professeur à l'Ecole des 
Ponts et Chaussées, a rédigé une intéressante préface, 
dans laquelle il formule quelques réserves sur le mode 
de calcul de l'effort tranchant. 

M. Braive accepte de bonne grâce ces observations et 
se borne à dire qu'il a reproduit la méthode communé- 


ment adoplée. Ceci démontre simplement que la théo- 
rie du béton armé est perfectible : il n’en saurait être 
autrement pour une question aussi neuve el aussi cCom- 
plexe. 
L. Lecornu, 
Membre de l'Institut. 


2° Sciences physiques 


Hanriot (M.), Carré (P.), Seyewetz (A.), Hébert 
(A.) et Charabot (E.). — Principes d'Analyse et 
de Synthèse en Chimie organique. — 1 vol. in-S° 
de 795 pages avec fig. de l'Encyclopépie de Science 
chimique appliquée. (Prix cart. : 30 fr.). Ch. Béranger, 
édileur, Paris, 1914. 


Cet ouvrage a pour but de faire connaître les métho- 
des de la science technique dérivant de la Chimie orga- 
nique. Les sujets suivants y sont traités : 

Les principes généraux de l'analyse organique. 

Les produits pharmaceutiques. 

Les méthodes de synthèse des matières colorantes. 

Les applications de la Chimie à l'étude et à la produc- 
tion des parfums. 

Etude de la saponification en général. 

1. Les principes généraux de l'analyse organique. — 
Les composés minéraux sont le plus souvent des sels, 
dont les éléments, en nombre considérable, peuvent 
être facilement caractérisés. Les composés organiques, 
au contraire, ne renferment qu'un petit nombre de corps 
simples, qui sont à l’état dissimulé et qu'on ne peut 
mettre en évidence qu’en détruisant la matière (analyse 
élémentaire). Cela n’apprend rien sur leur mode de 
groupement, qui peut varier d’un grand nombre de 
façons en engendrant chaque ff des espèces nouvelles. 
Les méthodes qu'on emploiera pour séparer les corps 
des divers groupements ainsi formés, et pour isoler 
les sujets d'une même espèce, seront particulières à 
chaque cas et ne présenteront pas la précision des mé- 
thodes analytiques de la Chimie minérale, Elles consti- 
tueront l'analyse immédiate proprement dite. 

a) Analyse élémentaire. L'auteur indique rapidement, 
et sans entrer dans les détails de chaque opération, les 
procédés qu'il faut employer pour rechercher qualitati- 
vement et pour doser ensuite les éléments qu'on ren- 
contre généralement : carbone, azote, halogènes, soufre, 
phosphore, arsenic, métaux; enfin il signale pour 
mémoire le dosage direct de l'oxygène, par destruction 
de la matière organique au moyen de l'acide sulfuriqüe 
et de l'iodate d'argent, celui-ci intervenant comme source 
d'oxygène dont on peut doser l'excès, 

La composition centésimale du corps étant connue, 
on détermine la formule brute, puis le poids molécu- 
laire par une des méthodes usuelles : densité de vapeurs, 
erycosopie ou tonométrie, ou bien encore par l’analyse 
des sels des métaux monovalents, ou par réaclion de 
dédoublement. 

On établit ensuite à quelle série appartient le corps 
examiné : série grasse, aromatique, terpénique, etc., 
puis sa fonction L'auteur expose en conséquence les 
caractères principaux des fonctions organiques. 

b) Analyse immédiate proprement dite. Les dosages 
qu'on vient d'indiquer ne peuvent être faits que sur des 
produits convenablement séparés par les procédés de 
l'analyse immédiate. Comme méthodes physiques on 
emploie : la sublimation, la distillation, les épuisements 
successifs, la précipitation par changement de milieu, 
la cristallisation, la dialyse. La distillation fractionnée, 
dans le vide ou sous la pression normale, et qui peut être 


LD 
Qt 
= 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


faite également en présence de vapeur d'eau, les épuise- 
ments successifs, les appareils et les solvants qu’on 
emploie dans ce but sont spécialement étudiés. Les 
méthodes chimiques sont basées sur les caractères pro- 
pres à chaque fonction, 

On détermine ensuite les constantes physiques : point 
de fusion, point d’ébuilition, densité, indice de réfrac- 
tion, pouvoir rolatoire, susceptibilité magnétique. 

Ces principes d'analyse sont suivis d'une description 
succincte des corps basée sur le nombre d'éléments con- 
tenus. Les hydrocarbures viennent d’abord. L'auteur 
appelle hydrocarbures saturés ceux ne fixant pas direc- 
tement le brome à froid, hydrocarbures non saturés 
ceux susceptibles de donner des dérivés d’addition. 
Parmi les composés ternaires (C, H, O) sont décrits 
d’abord les acides (mono et diacides, acides-alcools, etc.), 
les aldéhydes et les cétones principales et les composés 
caractéristiques qu'elles engendrent, les monoses et les 
bioses et leurs osazones lorsqu'il en existe, les phénols 
et les alcools. Les corps contenant C, H, N, O compren- 
nent les dérivés nitrés, certains alcaloïdes, les amides, 
les acides amidés et les malières albuminoïdes. L'auteur 
signale la propriété d'un grand nombre d’alcaloïdes de 
donner des combinaisons avec des sels et acides miné- 
‘aux complexes (vanadate d’ammoniaque, molybdate 
de soude, acide phosphotungstique...) et montre l’usage 
qu'on peut en faire pour l'identification des diverses 
bases. 

Un chapitre spécial est réservé aux matières coloran- 
tes. La méthode d'analyse sur fibre qui est indiquée 
donne de bons résultats et permet de déterminer rapi- 
dement à quel groupe appartient un colorant donné. 

2. Les produits pharmaceutiques. — Les lravaux faits 
dans le but d'établir s'il existe des relations entre la 
constitution el les propriétés physiologiques sont 
d'abord exposés. Parmi les composés organiques quel- 
ques fails peuvent être classés : Le groupement atomi- 
que actif au point de vue antithermique est en général 
constitué par des dérivés acidylés des amines aromali- 
ques. Les éthers benzoïques des amino-alcools sont tous 
anesthésiques. Lorsqu'il existe 2 isomères énantiomor- 
phes d'un corps, lisomère gauche est le plus actif au point 
de vue physiologique. La fonction quinone est la fonc- 
tion active du groupement ekkoproticophore. Les prin- 
cipaux corps synthétiques intéressants au point de vue 
pharmaceutique sont ensuite décrits, L'auteur a adoplé 
laclassification basée sur les propriétés physiologiques : 
antiseptiques, antithermiques, hypnotiques, anesthési- 
ques généraux, anesthésiques locaux, sédatifs du sys- 
tème nerveux, vasodilatateurs, vasoconstricteurs, etc. 

Un chapitre très important est réservé aux principes 
actifs extraits des plantes et des animaux. L'auteur in- 
dique les procédés d'extraction, puis il classe les corps 
suivant la constitution chimique : corps à bases alipha- 
tiques, dérivés du pyrrol et de la pyridine, dérivés de la 
quinoléine et de l’isoquinoléine, groupe de l'imidazol, 
groupe de la purine, alcaloïdes de constitution incon- 
nue. 

Un paragraphe est réservé aux glucosides et à leurs 
modes d'extraction, aux substances actives diverses, 
cantharidine, cascarine, etc. 

Cette dernière partie, relative aux principes extraits 
des animaux et des végétaux, bien exposée et d’une 
documentation abondante, tient une place importante 
dans l’ensemble de l’ouvrage. 

3. Méthodes de synthèse des matières colorantes. — 
L'auteur expose d'abord quelques considérations géné- 
rales : théorie des chromophores de Witt et exceptions 
qu'ellecomporte, constitution paraquinonique de Nietzki, 
tendance actuelle à considérer un grand nombre de ma- 
tières colorantes comme des dérivés de l’orthoquinone. 

Puis il examine ensuite chaque classe de colorants : 
dérivés nitrés, colorants azoxyques, oxyazoiques, azoï- 
ques dérivés des diamines, dérivés des pyrazolones, 
dérivés de la quinone-oxime, quinoniques hydroxylés, 
dérivés du di- et du tri-phénylméthane, phtaléines, 
dérivés de la quinone-imide, indophénols, thiazines, 


thiazones, oxazines, oxazones, eurhodines, safranines, 
indulines, thiazolines, indigotine et dérivés, colorants 
sulfurés, colorants de la quinoléine et de l'acridine, 
colorants pour cuves, colorants sur fibre. 

4. Applications de la Chimie à l'étude et à la produc- 
lion des parfums. — Les procédés employés pour 
extraire les parfums naturels sont décrits d’abord: 
expression, distillation en présence d’eau, infusion, 
macération à chaud, enfleurage, extraction par les 
solvants volatils. 

Les méthodes qui permettent de vérifier la qualité 
d’une essence sont ensuite exposées : dosage des éthers 
par saponilication, des alcools par éthérification au 
moyen de l'acide acétique, puis saponification succes- 
sive. Lorsqu'on veut faire l'extraction de ces alcools, on 
opère par distillation fractionnée suivie d’une éthérilfi- 
cation, ou bien on transforme en combinaison chloro- 
calcique ou en éther phtalique acide. Les phénols 
peuvents être dosés par transformation en phénates 
alcalins solubles dans l’eau ou en dérivé iodé; enfin, 
lorsque ces corps sont à l'état d'éthers-oxydes, on em- 
ploie la méthode de Zeisel. Les aldéhydes sont dosées 
au moyen du bisulfite de soude et dissolution dans 
l’eau de la combinaison bisulfitique formée, ou encore 
au moyen du sulfite neutre et de l'acide acétique, ce qui 
convient particulièrement pour la carvone, ou enfin par 
augmentation du pouvoir rotatoire, dans le cas des aldé- 
hydes inactives sur la lumière polarisée après enlève- 
ment de ces aldéhydes. Le dosage du citral, du citron- 
nellal et de la méthylhepténone est traité en détail. 

Les cétones peuvent être transformées en combinai- 
sons bisulfiltiques dans quelques cas, en oximes diflici- 
cilement entrainables par la vapeur d'eau, ou encore 
par réduction en alcools qu'on dose par les méthodes 
déjà indiquées. 

Parmi les oxydes terpéniques, le seul important est 
le cinéol qu'on isole à l’élat de combinaison bromhy- 
drique, phosphorique ou résorcinique et qu'on pèse 
après libération. 

Pour terminer ce qui est propre à l'analyse, signalons 
le dosage de l'anthranilate de méthyle à l’état de sulfate. 

Un chapitre est consacré à l'élaboration du parfum 
dans la plante et aux transformations qu’il éprouve; à 
la distribution géographique des plantes à parfum, aux 
espèces exploitées, ete. 

Les produils synthétiques employés en parfumerie 
sont examinés ensuite; cerlains ont déjà été rencontrés 
dans les essences ; d'autres comme l'ionone sont d’ori- 
gine exclusivement chimique;on fait au moyen de ces 
corps des parfums artificiels qui présentent beaucoup 
d'analogie avec les produits naturels. 

5. Etude de la saponification en général. — La 
saponification est un phénomène chimique qui a été 
particulièrement bien étudié, Industriellement elle est 
limitée aux éthers de la glycérine etaux produits qui en 
dérivent : acides gras et savons, ce qui lui a valu son 
nom, On n’est pas encore fixé sur le mécanisme d’hy- 
dratation de ces éthers de la glycérine ; suivant certains 
savants, il y a d'abord formation de di et de mono- 
éthers; suivant d’autres ces termes intermédiaires 
n'existent pas : il y a immédiatement formation d'acide 
et de glycérine, 

La saponification est grandement facilitée par l'in- 
troduection, même en petites quantités, d’alcalis ou 
d'acides minéraux, qui agissent comme catalyseurs et 
provoquent une émulsion convenable de la matière à 
saponilier et de l’eau; les alcoolates alcalins agissent 
d’une façon analogue; il y a d’abord formation d’éther 
éthylique, puis saponification de l'éther formé par 
l’alcali mis en liberté. L'auteur s'étend longuement sur 
l'action hydrolysante des diastases, étudiée en 1849 par 
Claude Bernard, puis par un grand nombre de chimistes, 
en particulier par Nicloux (cytoplasma de la graine de 
ricin) et par Baur, qui a proposé d'utiliser le sue 
pancréatique des animaux abattus. ; 

A la saponification il faut rattacher l'alcoolyse, trans- 
formation des éthers glycériques en éthers méthyliques, 


PORT 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 255 


dont l'étude a été faite récemment par M. Haller et qui 
constitue une méthode nouvelle d'analyse des graisses 
et de préparation des éthers des acides gras. Un dernier 
chapitre est consacré à l’élude de la saponilication dans 
le règne animal et dans le règne végétal, 

En résumé, l'ouvrage de MM. Hanriot, Carré, Seye- 
wetz, Charabot et Hébert atteint le but qu'ont recherché 
les auteurs. Le lecteur y trouvera, en plus des principes 
de Chimie, des renseignements bibliographiques nom- 
breux en ce qui concerne les alcaloïdes et les matières 


colorantes. 
J. Lerorne 


3° Sciences naturelles 


Jumelle (H.), Professeur à la Fuculté des Sciences de 
Marseille. — Les Cultures coloniales. IV : PLanrEs 
A CONDIMENTS ET PLANTES MÉDICINALES. V : PLANTES 
OLÉAGINEUSES, — Ÿ fasc. de 118 et 112 p. avec fig. 
(Prix cart. : 1 fr. 50 chaque). Baillière. éditeur, Paris, 
1914. 

C'est la suite de la 2° édition de l'ouvrage sur les Cul- 
tures coloniales, qui comprendra fascicules remplaçant 
les 2 volumes de la 11° édition. 

Le fascicule sur les plantes à condiments est un ex- 
posé mis à jour des questions concernant : Gingembre 
et Cardamomes, Vanillier et Canneliers, Poivriers, Pi- 
ments, Giroflier, Muscadier, Camphriers, Badamier, 
Arbres à Quinquina, Cocaiers et Kolatiers. Ces dernières 
plantes ont fait l'objet de travaux récents que men- 
lionne la bibliographie générale ajoutée utilement, par 
l'auteur, à cette deuxième édition. 

Dans le fascicule sur les plantes oléagineuses, on 
trouve des études sur le Cocotier, le Palmiste, l'Ara- 
chide, le Sésame, le Ricin, le Cotonnicr et le Soja. Une 
mention générale, un peu brève, est faite des autres 
oléagineux de moindre importance. Un tableau d’en- 
semble des multiples ressources oléagineuses des pays 
chauds n'était d'ailleurs pas dans le plan de l'ouvrage, 
puisqu'il s’agit des plantes qui font l’objet des princi- 
pales cultures coloniales. S'il nous était permis de sug- 
gérer une addition d'ordre pratique, ce serait de souhai- 
ler à la fin de l'ouvrage, en raison même de son 
caractère cultural, une documentation plus complète et 
d'ordre comptable, fournissant pour chaque plante un 
bilan de culture type; ou,mieux, une notice d'ensemble 
résumant, pour chaque culture et pour les divers pays 
intéressés, les conditions habituelles du rendement 
agricole. C’est certainement une des questions que les 
lecteurs, et nos étudiants, recherchent dans les livres 
d'agriculture spéciale et d'économie coloniale. 


Edmond Gaix, 


Professeur à la Faculté des Sciences de Nancy, 
Directeur de l’Institut agricole et colonial. 


Loeb (J.), Professeur à l'Université de Berkeley. — La 
Conception mécanique de la vie. /'raduit de l'an- 
glais par H. Mouton. — 1 vol. in-16 de 302 pages 
avec 58 fig. de la Nouvelle Collection scientifique. 
(Prix : 3 fr. 50). F. Alcan, éditeur, 108, boulevard 
Saint-Germain, Paris, 1914. 


Nos connaissances actuelles nous donnent-elles quel- 
que espoir que la Vie, c'est-à-dire l’ensemble de tous 
les phénomènes vitaux, puisse être, en fin de compte, 
exposée sans ambiguïté en termes physico-chimiques, 
sans recourir à des hypothèses métaphysiques et invé- 
rifiables? Loeb répond aflirmativement à cette question, 
en exposant les résultats de ses principales recherches : 
1° analyse de l'acte de la fécondation (formation de la 
membrane produite par une substance cytolysante, 
immunisation de l’œuf contre l’action fatale des oxyda- 
tions reproduite par l’action d’une solution hyperto- 
nique, et enfin introduction de substances chimiques 


ou chromosomes, substratum des caractères paternels); 
2° étude des lropismes et de la sensibilité différentielle, 
amenant à une conception mécanique des imanifesta 
tions de l'instinct, des actes conscients, de la mémoire 
associative; 3° rôle des sels dans la conservation de la 
vie, et les actions salines antagonistes; 4° expériences 
sur l'héltéromorphose et le mécanisme de la croissance 
chez les Hydroïdes. 

Les mémorables travaux de Loeb sont trop connus 
pour qu’il soit nécessaire de les analyser dans le dé- 
tail; ils l'amènent à cette conclusion générale que tous 
les phénomènes vitaux, y compris les manifestations 
psychiques de la volonté et de la conscience, peuvent 
se ramener finalement à des mouvements ou à des modi- 
fications qui se produisent dans des substances colloiï- 
dales; la croissance et le développement des animaux 
et des végétaux sont délerminés par des séries définies 
et compliquées de réactions chimiques superposées, d'où 
résulte la synthèse de composés définis (nucléines, par 
exemple) qui ont la propriété d'agir comme ferments 
dans leur propre synthèse, ce qui explique la continuité 
de l'espèce; et rien ne s'oppose, du moins jusqu'ici, à 
ce que l’on tente de préparer de loutes pièces une sub- 
stance nucléaire qui ait cette propriété et puisse ainsi 
se multiplier, réalisant ainsi la création artificielle de 
la matière vivante; ou bien que l’on essaie de provo- 
quer des mutations par des moyens physico-chimiques, 
réalisant ainsi la formation expérimentale de nouvelles 
espèces animales ou végétales, 

Sans doute, on peut reprocher à Loeb, avec quelque 
apparence de raison, ses généralisations excessives, sa 
tendance à chercher une explication chimique immé- 
diate et parfois un peu simpliste à chaque phénomène 
(par exemple, la montée nocturne des organismes péla- 
giques, rapportée à un changement de signe de l’hélio- 
tropisme dû à une augmentation de la teneur de l’eau 
en acide carbonique, par suite de la suspension de la 
fonction chlorophyllienne des algues), mais on admi- 
rera une fois de plus, surtout après la lecture de ce 
livre où son œuvre se présente en un saisissant rac- 
courci, la hardiesse de ses conceptions, la simplicité 
classique de ses expériences qui ouvrent toutes des 
champs nouveaux à la recherche, et ont valu à Loeb 
l’une des premières places parmi les physiologisles 
modernes. 


L. Cuénor, 
Professeur à la Facullé des Sciences 
de Nancy. 


k Sciences diverses 


Direccion general de Instruccion primaria. 
— La Instruccion primaria en la Republica orien- 
tal del Uruguay. — 1 vol. in-8° de 60 p. avec 5? fig., 
4 pl. et { carte. Barreiro x Cia, Montevideo, 1914. 


Ce petit ouvrage, publié en deux langues : espagnol 
et anglais, a été écrit à l'occasion de l'Exposition inter- 
nationale qui vient de s’ouvrir à San Francisco, et où la 
République de l’Uruguay a exposé un matériel scolaire 
très important. 

Nous avons déjà signalé aux lecteurs de la Xevuel la 
place en vue qu'a prise ce pays parmi les états de lAmé- 
rique du Sud dans l’organisation de l'instruction publi- 
que. Le présent opuscule, en rappelant les diverses 
phases par lesquelles a passé l’enseignement primaire 
en Uruguay, indique les derniers perfectionnnements 
réalisés, en particulier l'institution d'écoles de plein air, 
et les résultats obtenus, qui font honneur aux autorités 
scolaires de la République. De nombreuses reproduc- 
tions de photographies hors texte illustrent très agréa- 
blemeni l'ouvrage. 


1. Voir la Revue du 30 nov. 1910, p. 958. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 


Séance du 29 Mars 1915 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. de Sparre : Ætude 
générale du coup de bélier dans une conduite de diamè- 
tre constant. L'auteur, étudiant la propagation du coup 
de bélier le long de la conduite, montre que, pour les 
hautes chutes, la partie supérieure de la conduite sera, 
en général, beaucoup plus menacée par le coup de bélier 
que celle qui avoisine le distributeur. Lorsqu'on ouvre 
le distributeur, il se produit d'abord un coup de bélier 
négatif, dont on n’a pas à se préoccuper au point de vue 
de la résistance dela conduite; il peut, non pas toujours, 
mais dans certaines condilions, être suivi d’un coup de 
bélier positif, Ce coup de bélier positif d'ouverture ne 
peut, dans aucun cas, dépasser le quart de la pression 
statique, mais il peut atteindre cette limite. Il est d’au- 
tant plus dangereux qu'on ne peut, pour y parer, avoir 
recours au système de by-pass ou d'ouvertures compen- 
sées, qu'on emploie souvent pour éviter le coup debélier 
de fermeture. — M. J. Comas Sulà : Sur certains dépla- 
cements rapides et de courte durée, enregistrés par la 
hotographie. L'auteur, après une année de photogra- 
phie d'étoiles avec double pose, a constaté que plusieurs 
d'entre elles (environ 1 sur 10,000) présentent un dépla- 
cement. En général, les étoiles de ce genre se trouvent 
groupées dans les diverses régions célestes. On n’observe 
aucune périodicité dans ces déplacements, qui ont lieu 
dans tous les sens ; une seule étoile a montré sur les 
plaques deux fois un déplacement semblable, On compte 
un certain nombre d'étoiles variables parmi les 
étoiles à déplacements; il semble même, dans ce cas, 
que le minimum corresponde aux moments du déplace- 
ment de l'étoile. Presque toutes ces étoiles à déplace- 
ments sont dela 11°à la 14° grandeur. Ces déplacements 
pourraient être dus au passage, devant les étoiles, de 
masses gazeuses obscures, assez diaphanes et douées 
d’un certain pouvoir réfringent. 
2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. F. Dussaud : Sources 
lumineuses à surface réduite. Grèce à de nouveaux dis- 
positifs de refroidissement, l’auteur a réussi, sans risque 
d’éclatement, à augmenter dans une notable proportion 
le rendement de ses sources lumineuses à surface réduite 
(lampes à incandescence à filament de tungstène enroulé 
en spirales très rapprochées) par un notable rapproche- 
ment de la source lumineuse et du système optique à 
court foyer. Avec survoltage, les sources lumineuses de 
32 à 4.000 bougies peuvent donner facilement 320 à 
40.000 bougies ; leur durée normaie, quiest d'un millier 
d'heures, est, il est vrai, abaissée d’autant, Le survol- 
lage est tout indiqué pour les appareils d'éclairage des- 
tinés à la photographie de nuit, aux télégraphes opti- 
ques, aux phares, aux projecteurs. — M. O. Bailly : 
Sur la constitution de l'acide glycérophosphorique de la 
lécithine. Conformément aux prévisions de Fourneau 
et Piettre, l’auteur démontre que la lécithine de l'œuf 
est constituée par un mélange d’au moins deux isomères, 
dérivés des acides glycérophosphoriques z et £, le pre- 
mier dans la proportion d’un quart seulement. — M.E. 
Kayser : Contribution à l'étude des ferments du rhum. 
La Æevue publiera prochainement un article de l’auteur 
sur ce sujet, 
3° SCIENCES NATURELLES. — M. G. Tizzoni : Sur la 
nature infectieuse de la pellagre. Résultats de recherches 
faites en Italie et en Bessarabie. Les résultats bactério- 
logiques obtenus sur les pellagreux de Bessarabie sont 
identiques à ceux qui ont été obtenus en Italie : on a 
pu isoler du sang, du liquide céphalo-rachidien et des 
organes des pellagreux russes des cultures qui, par 


leurs caractères morphologiques, biologiques et bacté- 
riologiques, par leur action pathogène, par leur poly- 
morphisme et l’extrème mutabilité des caractères, sont 
parfaitement comparables à celles qu’on avait déjà obte- 
nues en Italie. Il existe des cas de pellagre qui n'ont 
certainement aucun rapport avec le maïsisme, La muta- 
bilité du germe de la pellagre porte autant sur ses carac- 
tères morphologiques que sur ses caractères biologi- 
ques; dans certaines cultures, il est possible de suivre 
toutes les phases de transition d’une forme microbienne 
à l’autre, de sorte qu'on peut aflirmer d’une manière 
indiscutable lunicité de lespèce microbienne, — 
M. Guépin: Destruction, par suppuration et ablation, 
d'une notable partie du cerveau sans aucun trouble appa- 
rent consécutif. Un soldat, atteint d’une plaie au crane 
par éclat d'obus, a pu perdre, tant par le fait de la ré- 
section deux fois répétée de l’encéphalocèle que de la 
suppuration et de la hernie encore existante de son 
hémisphère gauche, au moins le tiers de cet hémisphère 
(tiers postérieur), et il ne présente aucun trouble de 
mobilité, de sensibilité générale ou spéciale, ni même 
d’intellectualité. — M. P. Delbet : La symphyse cardio- 
thoracique extra-péricardique. L'auteur arrive aux con- 
elusions suivantes : 1° La symphyse intra-péricardique 
pure trouble peu le fonctionnement du cœur; > Les 
symptômes attribués à la symphyse intra-péricardique 
sont dus en réalité à la symphyse extra-péricardique et 
peuvent exister alors que la séreuse est libre, voire 
même distendue par un épanchement; 3° Sans adhé- 
rences intra ou extrapéricardiques, l’oblitération des 
culs-de-sac pleuraux, la sclérose des languettes pulmo- 
naires peuvent entrainer la dilatation du cœur droit. — 
M. H. Busquet : Action pharmacodynamique comparée 
de l'or à l'étatcolloïdal et à l'état de sel soluble. Surle cœur 
isolé de lapin, l'or colloïdal produit, à dose convenable, 
un renforcement cardiaque extrêmement énergique. A 
la même dose, l'or dissous sous forme de chlorure 
arrête la circulation coronaire et trouble profondément 
le fonctionnement du cœur. Sur le chien, in vivo, l'or 
colloïdal, à la dose de 3 à à mgr. par kilogr., diminue la 
fréquence des battements, augmente considérablement 
leur amplitude et élève la pression artérielle maxima, 
A la même dose, l’or dissous accélère le cœur, diminue 
son amplitude, provoque une chute de la pression arté- 
rielle et peut occasionner la mort immédiate de l'animal. 
Il est intéressant de mettre en parallèle cette toxicité 
de l’or dissous avec l'innocuité de l’or colloïdal. 


Séance du 6 April 1915 

1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. E.-L. Bertin : 
Calcul de l'augmentation de vitesse ou de distance fran- 
chissable pouvant être -obtenue par l'accroissement des 
sous-marins. Si lon admet que l'augmentation de la 
fraction de poids de la coque est proportionnelle à la 
racine sixième du déplacement, on arriverait pour les 
sous-marins de 1.000 tonnes en surface à une distance 
franchissable de 2.600 milles à 17 nœuds de vitesse. 
Au delà du déplacement de 1.000 tonnes, la distance 
franchissable continuerait à croître, bien que lente- 
ment, et n'aurait même pas rencontré son maximum à 
2.000 tonnes de déplacement. En faisant porter le béné- 
fice des agrandissements sur une augmentation de 
vitesse, la distance franchissable restant constante à 
1,050 milles, le maximum de vitesse atteindrait 
19,7 nœuds en surface pour un déplacement de 1.000 Lon- 
nes. — M. G. Bigourdan: Les ondulations instrumen- 
tales des images : leurs variations diurne, annuelle, et 
leur relation avec l'état général de l'atmosphère. Les 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 257 


images focales des astres ou des objets terrestres, four- 
nies par des lunettes ou des télescopes un peu puissants, 
sont toujours animées de mouvements irréguliers qui 
jouent un rôle important dans la précision des mesures 
astronomiques : ce sont les ondulations instrumentales 
des images. Ces ondulations sont soumises à deux 
variations bien nettes : l’une diurne et l’autre annuelle, 
et la seconde au moins est en relation avec l'état géné- 
ral de l'atmosphère, Ce sont là des faits auxquels doi- 
vent avoir égard ceux qui se préoccupent de la recon- 
naissance des stations les plus favorables pour les 
opérations astronomiques. — M. J. Bosler : Sur la 
rotation de la couronne solaire. L'auteur a utilisé, 
avec M. H.-G. Bloch, la nouvelle raie rouge qu'ils 
ont découverte dans la couronne solaire, au cours 
de l'éclipse du 21 août 1914, pour déterminer la 
vilesse de rotation de la couronne. Les longueurs 
d'onde de cette raie, déterminées simultanémentsur les 
bords E et W de la couronne, différent de 0,16 À, ce qui 
correspond à une rotation directe de 3, 3 km.; la fente 
étant inclinée de 18° environ sur l'équateur solaire, on 
a, pour la vitesse équatoriale, 5,9 km. environ. Cette 
‘ vitesse parait exacte à 25 ou 30 °/, près. 
2° SCIENCES PHYSIQUES. — MM. Belot et Max. Mé- 
nard : De t’emploi du tube Coolidge dans les applica- 
tions médico-chirurgicales des rayons À, Les auteurs 
ont étudié les propriétés du tube Coolidge, qui est basé 
sur un principe nouveau et fonctionne par décharge 
d'électrons indépendants. Ses avantages sont: la régu- 
larité de son fonctionnement, la longue durée de cette 
régularité (1h.20 min. avec 4 milli-ampèreset 45.000 volts), 
la possibilité de régler la marche du tube sans modifier 
son état de vide, la fixité du point d'impact sur la 
cathode, l'homogénéité du faisceau des rayons X. Il 
réalise un très grand perfectionnement sur les tubes 
actuellementen usage etest tout particulièrement appro- 
prié aux applications médico-chirurgicales des rayons 
X.— M. J. Bergonié : Xecherche et localisation des 
projectiles magnétiques par l’électro-aimant actionné au 
moyen du courant alternatif. L'inducteur d’une forte 
bobine hors d'usage, animé par du courant allernatif, 
ou même du courant continu ayant lraversé un inter- 
rupteur pour rayons X,ou branché sur une phase de 
courant triphasé, peut servir, par les vibrations provo- 
quées dans les parties voisines, à déceler et localiser un 
projectile magnétique, inclus dans les tissus vivants, Le 
chirurgien peut se renseigner lui-même, par la percep- 
tion sous le doigt des vibrations induites, et être guidé 
ainsi, avant et pendant l’acte opératoire, sur le projec- 
tile à extraire, — M. D. Berthelot: Sur le coefficient de 
température des réactions photochimiques. L'auteur a 
déterminé le coeflicient de température de la décompo- 
silion photochimique du lévulose (il est de 1,035 entre 
409 et 7o°) et celui de la réaction photochimique du 
perchlorure de fer sur l'acide oxalique (il est de 1,07 
entre 21° et 61°). La faiblesse de ces coeflicients de tem- 
pérature contraste avec leur grandeur pour les réactions 
chimiques ordinaires. Si les réactions photochimiques 
sont peu sensibles à la température, en revanche elles 
le sont beaucoup à la fréquence vibratoire, qui joue 
ici le même rôle que la température dans les réactions 
chimiques ordinaires. 
3° SCIENCES NATURELLES. — MM. P. Delbet et H. Va- 
quez: Delachondrectomie dans certaines dilatations irré- 
ductibles du cœur droit. Les auteurs ont pensé que dans 
certaines dilatalions du cœur droit, provenant de la 
sclérose des languettes pulmonaires (voir séance précé- 
dente), la chondrectomie pourrait atténuer notablement 
les troubles fonctionnels. Chez un malade de 34 ans, 
atteint d’insuflisance cardiaque droite à la suite de pleu- 
résies doubles, la résection des 3e, 4° et 5° cartilages 
droits avec l’extrémité de la côte correspondante a 
amené une guérison à peu près complète, avec reprise 
du travail. — M. L. Guignard : Sur la formation du 
pollen. Les deux modes de formation des grains de 
pollen, bipartition successive ou quadripartition simul- 
tanée de la cellule-mère, sont considérés comme carac- 


tères distinetifs, le premier des Monocotylédones, le 
second des Dicotylédones, Cependant, on a déjà noté 
plusieurs exceptions, en particulier chez les Orchidées, 
L'auteur en signale de nouvelles chez les Liliacées 
(genres Aloe, Haworthia, Gasteria et Apicra) et chez 
toutes les Iridées qu'il a étudiées, où la quadripartition 
simullanée est la règle, comme chez les Dicotylédones, 
— M. H. Coupin : sur la résistance à la salure des 
Bactéries marines. Les Bacléries marines, seules peut- 
être parmi les êtres aquatiques, jouissent d'une tolé- 
rance très large pour la teneur de l’eau en Na CI, puis- 
qu’elles peuvent, d’un côté, supporter de 8 à 16°}, de 
sel marin, et de l’autre se contenter de 0, 3 à 0,2 °/o du 
même sel, On remarque également qu’elles s'adaptent 
proportionnellement mieux à la sous-salure (r0 fois 
moindre) qu'à la sursalure (3 à 6 fois plus forte); ces 
adaptations se font d’ailleurs d'emblée, dès la première 
culture, et s’accroilraient probablement par une accou- 
tumance lente et progressive. — M, C. Sauvageau: Sur 
le développement et la biologie d'une Laminaire (Saccor- 
hiza bullosa). L'auteur est parvenu à suivre l’évolution 
totale du Saccorhiza bullosa dans le golfe de Gascogne 
où il est accessible, lors des fortes marées, sur les 
rochers exposés; le développementest direct, sans inter- 
calation d’un protoméma. 


ACADEMIE DE MÉDECINE 


Séance du 23 Mars 1915 


M. Gilbert Ballet : Sur les mesures à prendre contre 
l'alcoolisme. La loi récemment votée par la Chambre et 
par le Sénat prohibant à la fois l’absinthe et les li- 
queurs similaires, il importe de préciser la définition de 
ces similaires. On doit considérer comme similaire de 
l'absinthe les liqueurs qui présentent une nocivité com- 
parable à celle de cette boisson, Or la toxicité de Fab- 
sinthe relève de deux facteurs : l'alcool, l'essence, La 
Commission spéciale de l’Académie propose d'évaluer la 
nocivité des spiritueux: 1° parleur degré alcoolique; 2° par 
le poids d'essence qu'ils renferment multiplié par 10. 
Ainsi une liqueur titrant 30 degrés d'alcool et 1 gr. 2 
d'essence aurait une nocivité égale à 30 1,2 >< 10 — 42. 
Un cognac du titre de 42, avec 0,2 gr. d'essence, ressor- 
tirait à 44; c'est le Litre moyen des eaux-de-vie commer- 
ciales. La Commission pense qu’il y aurait lieu de de- 
mander l'interdiction de toute liqueur dont le degré de 
nocivilé dépasserait 50 au maximum, sans préju- 
dice des mesures de réglementation visant la vente de 
celles qui ont un titre inférieur. — M.F. Widal: 4 pro- 
pos de la vaccination antityphoïdique. L'auteur a répété 
les expériences entreprises autrefois avec M. Chante- 
messe sur l’immunisation contre l'infection typhique à 
l’aide d'un vaccin stérilisé par la chaleur, De nombreux 
essais concordants montrent que le sérum des animaux 
injectés en quantité suflisante avec des cultures typhi- 
ques chauffées aux températures de 100°-1 20° acquiert 
des propriétés immunisantes., — M. Orticoni : Prophy- 
laxie des gelures aux pieds. L'auteur conclut de sa pra- 
tique que les gelures des pieds constatées chez les sol- 
dats sont dues à des phénomènes de macération des 
issus favorisés par la compression, Comme il est impos- 
sible de régler la durée du séjour dans les tranchées à 
la mesure de la résistance tégumentaire ou circulatoire 
des hommes qui les occupent, le simple graissage des 
pieds doit être recommandé comme un procédé prophy- 
lactique eflicace. Ce graissage, au suif ou avec une pom- 
made à la lanoline, pratiqué régulièrement dans un 
corps d'armée, a diminué le nombre des gelures dans 
une proportion considérable. 


Séance du 30 Mars 1915 


M. Ed. Delorme: Sur la fréquence des troubles des 
organes des sens, en particulier de la vision, dans les 
blessures de la tête par les projectiles. L'auteur a été 
frappé, chez les soldats atteints de traumatismes cra- 
nio cérébraux, de la fréquence très grande des troubles 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


visuels, qui s’observent quel que soit le point du crâne 
frappé; les troubles auditifs sont également habituels, 
plus particulièrement à la suite des traumatismes du 
vertex ou des confins de la région temporale. Les trou- 
bles oculaires consistent communément en une diminu- 
tion de l’acuité visuelle avec ou sans rétrécissement 
concentrique du champ visuel; l’hémianopsie est 
exceptionnelle. Les troubles de l’ouïe consistent en gé- 
néral en diminution de l’acuité auditive avec bourdon- 
nements. Les troubles de l’olfaction et de la gustation 
sont des troubles de déficit. Il est probable que les 
troubles immédiats sont dus aux violences subies direc- 
tement par les centres sensoriels de l'écorce ou par les 
nerfs, où encore à la commotion hydrique arachnoï- 
dienne. Certains des troubles consécutifs sont vraisem- 
blablement liés à des processus infectieux méningo- 
encéphaliques. 


Seance du 6 Avril 1915 


M. E. Ginestous : Ve l'aplitude visuelle au service 
militaire, L'acuité visuelle a une importance prépondé- 
rante., D'après les dernières instructions, l’acuité vi- 
suelle exigée pour le service armé doit être au moins 
égale à 1/2 pour un œil et à 1/20 pour l’autre œil, après 
correction, sil y a lieu, par les verres sphériques. Sont 
versés dans les services auxiliaires les jeunes gens dont 
l’acuité visuelle, après correction, s’il y a lieu, par les 
verres sphériques, est au moins égale à 1/4 pour un œil, 
celle de l’autre étant inférieure à 1/20 ou même complè- 
tement abolie, sous la réserve toutefois de l'élimination 
absolue de tous les borgnes présentant une difformité 
apparente, L'auteur pense qu'on pourrait accepter non 
seulement pour le service auxiliaire, mais pour le ser- 
vice armé, les hommes dont la vision d’un œil est com- 
plètement abolie; ceux-là sont susceptibles de faire 
d'aussi bons soldats eL mème de meilleurs tireurs que 
les autres, la vision monoculaire étant seule utile et 
profitable pour la précision du tir. En ce qui concerne 
les amétroptes, la myopiene dépassant passeptdioptries, 
l'hypermétropie sans aucune limite sont compatibles 
avec le service armé, à la condition que l’acuité visuelle 
soit ramenée par des verres correcteurs sphériques 
aux limites réglementaires. L'auteur estime qu'on pour- 
rail reculer la limite de la myopie en tenant compte de 
l’acuité visuelle, On sait que la correction de l’astigma- 
tisme, admise autrefois par les verres sphériques seule- 
ment, est autorisée aujourd’hui par les verres cylindri- 
ques simples. Il serait nécessaire d’adjoindre aux 
conseils de revision et de réforme des ophtalmologistes 
de carrière. 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Séance du 20 Mars 1915 


M. E. Gley : Sur la toxicité du sérum sanguin de lam 
proie. L'auteur a étudié l'action des injections de sérum 
sanguin de lamproie sur la grenouille, le lapin et le 
chien;les troubles sont généralement légers et dispa- 
raissent assez rapidement. Il résulte de ces faits que 
l’on aurait tort de penser que la toxicité d’un sérum est 
en rapport inverse avec le degré d’organisalion de 
l'animal duquel provient ce sérum; ce ne sont nulle- 
ment les Poissons les moins élevés qui ont le sang le 
plus toxique. — MM. A. Frouin et H. Agulhon : Action 
favorisante des sels de terres rares sur le développement 
du bacille tuberculèux. Les sels de terres rares favori- 
sent le développement du bacille tuberculeux et l’action 
favorisante augmente avec la température de 31-32° à 
41-42°, L'action favorisante est plus grande à la dose de 
1/20.000 qu'à 1/4.000. Ces augmentations de rende- 
ment aux températures de 36° à 4o° sont considérables, 
puisque le poids du microbe est augmenté de 30 à 
200 °/,. Ces augmentations, qui se rapportent à des cul- 
tures de 35 à 55 jours, sont en quelque sorte des mi- 
nima ; au bout de 12 à 20 jours, on a des rendements de 
20, 50 ou 100 fois ceux des témoins placés dans les 


mêmes conditions de temps et de température, — 
M. G. Roussy: Sur le mode de récupération de la sen- 
sibilité après suture ou libération des nerfs périphé- 
riques pour blessures de guerre. En suivant, chez un 
certain nombre de malades opérés pour section ou com- 
pression d’un nerf par blessure de guerre, le mode de 
retour de la sensibilité, l’auteur a observé que la réap- 
parition de la sensibilité ne se fait pas dans un même 
temps pour toute l'étendue de la zone atteinte, mais 
bien suivant un processus qui semble être le même 
dans les différents cas étudiés, La zone anesthésique ou 
hypoesthésique diminue d’étendue en rétrécissant ses 
limites dans un sens donné pour un nerf déterminé. Il 
semble que l’anesthésie se retire,en quelque sorte, comme 
le fait la mer sur le sable en marée descendante. — M. J. 
Nageotte : Membranne de Schwann, membranes juxta- 
myéliniques interne et externe. L'auteur a constaté qu'il 
existe à la surface de la gaine de myéline une membrane 
qui a été vue par de nombreux auteurs, mais qui a tou- 
jours été confondue avec la gaine de Schwann, bien 
qu’elle en soit absolument distincte, Cette membrane ne 
subit pas d'interruption aux étranglements; c’est elle 
qui se colore vivement par l’hématéine et par l’héma- 
toxyline après fixation. De plus, il existe à la face in- 
terne de la gaine de myéline, restée incolore, une autre 
membrane, d'aspect identique à la première, qui n’est 
autre que la gaine du cylindraxe ou névrilemime interne 
de Boveri. — M. F. Moreau : la division des mito- 
chondries et ses rapports avec les phénomènes de sécré- 
tion. L'auteur conclut que les mitochondries sont des 
éléments permanents du protoplasma, qui assurent leur 
permanence dans les cellules par des phénomènes de 
division;elles obéissent à la loi de Duesberg: Tout 
chondriosome provient d’un chondriosome antérieur. 
Le processus sécrétoire et le phénomène de division 
s’exeluent chez les mitochondries, et l’on peut appli- 
quer à ces dernières une règle dont l'énoncé rappelle la 
loi de Prenant pour les cellules : Toute . mitochondrie 
qui se divise ne sécrète pas, toute mitochondrie qui 
sécrète devient inapte à se diviser. — MM. Ch. Auber- 
tin et H. Chabanier: Aésistance comparée des globules 
du sang et de la pulpe splénique aux solutions alca- 
lines diluées. Si la rate avait un simple rôle d'arrêt 
des globules sanguins déjà altérés, la résistance maxima 
des hématies qui traversent la rate ne devrait pas, 
semble-t-il, être modifiée, Le fait, constaté par les au- 
teurs, que toutes les hématies sont fragilisées dans la 
rate, semble donc en faveur d’un rôle érythrolytique 
à proprement parler de cet organe. 


SOCIÈTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE 


19 Mars 1915 


M. Léon Bloch : Quelques remarques sur l'absorp- 
tion et la résonance des gaz. L'auteur commence par 
rappeler la distinction qu'il convient de faire, confor- 
mément aux idées de Planck, entre l'absorption vraie el 
l'absorption apparente. La première seule est accompa- 
gnée d'une transformation d'énergie électromagnétique 
en chaleur. La seconde, qui mérite plutôt le nom de dif- 
fusion ou de diffraction, est un phénomène réversible, 
au moins en principe, et ne donnant lieu à aueune élé- 
vation de température. Parmi les mécanismes qui ont 
été proposés pour expliquer l’absorption vraie dans le 
cas des gaz, le plus simple est celui qu'a imaginé Lo- 
rentz, et qui se fonde sur l’échange d'énergie cinétique 
entre les molécules au moment du choc, Malgré les dif- 
ficultés signalées par Lorentz lui-même, il semble bien 
que, dans un certain nombre de cas, la théorie cinétique 
fournisse, en première approximation, une explication 
plausible des faits. C’est ce qui résulte, entre autres cho= 
ses, de la discussion des résultats de Kreusler, de Fücht- 
bauer, Schell et Hoffmann. L’absorption apparente est 
due au rayonnement. Si l’on admet, conformément aux 
idées modernes, la présence dans les milieux dispersifs 
d'électrons susceptibles d’être mis en vibration, c’est 


Séance du 


putes PP TERRE NE ES REINE OISE RER CE 


PR 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 259 


une conséquence nécessaire des théories électroniques 
que l'énergie lumineuse incidente soit partiellement 
réémise par rayonnement, L'intensilé de ce rayonne- 
ment est très différente selon qu'on se trouve loin ou 
près de la résonance, I. Loin de la résonance, il est fa- 
cile de voir que, dans les conditions expérimentales 
usuelles, l'absorption par rayonnement est négligeable. 
Toutefois, en utilisant des sources très intenses, on a 
pu récemment la mettre en évidence au moyen-d’une 
expérience de laboratoire (Cabannes). Mais, malgré sa 
petitesse, l'effet devient sensible dans un cas exception- 
nel ; c’est celui où nous pouvons opérer sur une colonne 
gazeuse très longue (atmosphère), Iei se placent les vé- 
rifications très importantes de la théorie du bleu du ciel 
de Lord Rayleigh, parmi lesquelles les plus précises, 
celles de Fowler, permettent de conclure à l'exactitude 
quantitative de la théorie du rayonnement. Dans le do- 
maine de transparence de l'air, l'absorption est tout 
entière apparente, Le résultat qui précède donne lieu à 
deux remarques : 1° 11 semble bien qu'au voisinage des 
régions d'absorption sélective, l'absorption de air 
(oxygène) soit de l'absorption vraie, c’est-à-dire qu'il y 
ait transformalion d'énergie vibratoire en énergie de 
translation au moment des chocs. D'autre part, dans les 
régions de transparence, l'échange d'énergie au moment 
des choes est nul. On peut conclure de là, au moins 
avec une certaine vraisemblance, que le mécanisme des 
collisions moléculaires est sous la dépendance étroite 
de l’état vibratoire interne; 2° En se fondant sur l'ana- 
logie, on peut admettre que les autres gaz transparents 
se comportent comme l'air, c'est-à-dire que la dissipa- 
tion d'énergie s’y fait par rayonnement seul. On peut 
alors utiliser les données expérimentales sur la J'é/rac- 
tion et la dispersion, pour calculer les coefficients d'ab- 
sorption relatifs à une longueur d'onde quelconque prise 
dans la région de transparence. M. Bloch a fait ce cal- 
cul pour les gaz dont M. Cuthbertson a donné la for- 
mule de dispersion (Air, O, Az, H, P, S, Hg, Ae, Na, Ar, 
Kr, Xe), et obtenu ainsi des indications probables sur 
l’ordre de grandeur de coeflicients d'absorption qu'il 
parait impossible de mesurer directement, IL. La diffu- 
sion par rayonnement, qui a lieu en raison inverse de 
la quatrième puissance de la longueur d'onde, ne pré- 
sente par elle-même aucun caractère sélectif. Mais il est 
intéressant de rechercher ce qu’elle devient lorsqu'on 
s'approche de plus en plus de la résonance. Le caractère 
sélectif de la résonance moléculaire se traduit par une 
modification progressive dela formule de Lord Rayleigh, 


. A L : . LL NE7 TER 
qui, au lieu d’une diffusion proportionnelle à TL finit 


par donner une diffusion proportionnelle à 22, Le résul- 
tat s'établit sans difliculté en utilisant un mode de cal- 
cul inspiré des notations de Drudeet qui a déjà conduit 
Langevin à l'établissement de la formule de Rayleigh 
dans le cas où l’on suppose l'absorption très faible. On 
trouve finalement qu’à la résonance exacte, le « rapport 
de dissipation », c’est-à-dire le rapport de l'énergie dif- 
fractée par une molécule durant l'unité de temps à 
l'énergie qui passe durant le même temps à travers l'unité 
de surface, s’écrit : 


+ ns 


(1) = — }2 


Cette formule est identique à celle qui été trouvée par 
Lamb, au moyen d'une analyse mathématique compli- 
quée, pour le rapport de dissipation d’une sphère à pou- 
voir inducteur très élevé vibrant suivant un mode très 
voisin de la période de son premier harmonique sphé- 
rique. Il est important de noter que la formule (1} doit 
subir une correction quand on adopte la théorie plus 
rigoureuse de Planck-Lorentz. On voit aisément qu'il 
faut écrire alors: 

(2) LS 
27 1 N6 |? 
"+G) 
et le terme correctif n’est négligeable que si l’absorp- 
tion, mesurée par le produit n?#, est d’un ordre infé- 


rieur à l'unité. Si l’on admet la validité de la théorie 
électronique, l'absorption apparente exigée par la for- 
mule (1) représente le minimum d'absorption possible 
au centre d'une raie spectrale, Cette absorption peut, 
suivant les cas, se completer par l'absorption vraie cor- 
rélative d'effets thermiques. Il sera possible d'observer 
la diffusion de lumière due au rayonnement, chaque fois 
qu'elle sera suflisamment intense sans être masquée ou 
détruite par l'absorption vraie. C’est le cas qui semble 
réalisé dans la résonance optique de la vapeur de mer- 
cure, découverte par Wood, et dans celui de la réso- 
nance de la vapeur de sodium, également découverte 
par Wood, et étudiée par Wood et Dunoyer, 


SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 
Seance du 11 février 1915 


SCIENCES NATURELLES. — MM. 'T. Lewis et M. A. 
Rothschild : Le processus excitatoire dans le cœur du 
chien. 11. Les ventricules. 1° T’onde d’excitation appa- 
rait à la surface péricardique du cœur du chien 
à des intervalles qui ne présentent pas une grande va- 
riation l’un par rapport à l’autre; la distribution des 
valeurs du temps sur la surface avec leurs variations 
éventuelles est très constante d’un cœur à un autre, 2° 
Le moment où l’onde d’excitation apparait à la surface 
est contrôlé par la longueur du faisceau de Purkinje 
jusqu'à l’endocarde au-dessous de la région étudiée, et 
par l'épaisseur du muscle ventriculaire dans la même 
région. 9° L’onde d’excitation ne se propage pas par 
simple extension de la base au sommet ou du sommet 
à la base à travers les bandes de fibres musculaires, 
comme on lecroyait jusqu'à présent. 4° La capacité de 
conduction du tissu cardiaque strié parait en relation 
avec les dimensions des cellules qui le composent et 
avec sa teneur en glycogène, 5° Le faisceau auriculo- 
ventriculaire et ses branches constituent un système de 
fibres spécialement aptes, étant donnés leur arrange- 
ment et leurs propriétés physiologiques, à assurer une 
distribution rapide de l’onde d'excitalion dans toutes 
les parties du ventricule. — M. À. J. Walton : La va- 
riation de croissance du tissu des mammifères in vitro 
suivant l’âge de l'animal. Des travaux antérieurs ont 
montré que le plasma des animaux varie considérable- 
ment au point de vue de sa valeur comme milieu pour 
la culture des tissus. L'auteur a recherché si ces difré- 
rences sont dues à l’âge de l’animal qui fournit le plasma. 
Il a employé les tissus et le plasma de lapins d’âges 
connus pour la plupart. Des tissus d'animaux jeunes 
et vieux étaient cultivés dans le plasma pur des mêmes 
animaux. Dans tous les cas, les tissus jeunes croissent 
mieux que les vieux, mais le plasma des jeunes ani- 
maux ne constitue pas un milieu tout-à-fait aussi satis- 
faisant que celui des vieux animaux. Les meilleurs 
résultats sont donc obtenus quand les jeunes tissus 
sont cultivés dans le plasma des vieux animaux et 
est plus mauvais quand les vieux tissus croissent dans 
le plasma jeune. 


Seance du 18 Février 1915 


SCIENCES PHYSIQUES. — M. S. Chapman : La variation 
magnétique diurne lunaire et son changement avec 
la distance de la Lune. Balfour, Stewart et Schuster 
ont développé une théorie des variations magnétiques 
diurnes solaires, qui attribue celles-ci aux courants élec- 
triques de l’atmosphère supérieure dus aux f. é. m. pro- 
duites par le mouvement de l'air à travers le champ 
magnétique permanent de la Terre. La conductivité 
atmosphérique est supposée due totalement ou en partie 
à l'influence solaire et varie avec l’angle horaire du 
Soleil. Cette théorie paraît s'appliquer aussi aux varia- 
tions magnétiques diurnes lunaires, qui possèdent une 
composante semi-diurne de phase constante, avec d’au- 
tres composantes dont les époques dépendent de la dis- 
tance angulaire entre la Lune et le Soleil; aussi, quand 


260 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


on fait la moyenne sur une lunaison, toutes les com- 
posantes, excepté la première, disparaissent, L'influence 
solaire supposée sur la conductivité atmosphérique 
reçoit ainsi une conlirmation, et une oscillation atmo- 
sphérique semi-diurne — une sorte de marée atmosphé- 
rique lunaire — parait être la source des variations 
magnétiques. Avant que cette théorie n’aitété dévelop- 
pée, Brown avait déjà trouvé que l’amplitude de la 
composante magnétique semi-diurne au périgée est à la 
même amplitude à l’apogée dans le rapport des (dis- 
tances lunaires) —* aux mêmes époques, — « comme 
dans la théorie des marées », ajoute-t-il incidemment ; 
mais Figee a combattu cette conclusion, L'auteur dis- 
cute les preuves directes pour et contre l’origine due 
aux marées de ces variations magnétiques. Il confirme 
l'hypothèse globale, quoique, par suile des erreurs 
accidentelles affectant les faibles quantités en discus- 
sion, la loi exacte de la (distance) —”", où 7 —3, ne soit 
pas hors de doute; mais, si x doit être nécessairement 
un nombre entier, il est certainement égal à 3 plutôt 
qu'à 2 ou à 4. Les recherches ont également révélé 
un changement de phase inattendu du terme semi- 
diurne, la phase au périgée étant d'environ 30° en 
avance sur celle de l'apogée, — M. WW. M. Hicks : Les 
orbites d'une particule chargée autour d’un noyau élec- 
trique et magnétique. L'auteur discute deux problèmes : 
les orbites des particules-etles orbites des électrons au- 
tour de noyaux contenant une masse, un nombre dé- 
fini 2 de charges électroniques positives et un nombre 
défini N de magnétons co-axiaux, le mouvement ayant 
lieu dans leurs plans équatoriaux. Il trouve qu'il peut 
exister des systèmes combinés (atomes) avec des par- 
ticules z dans lesquels la particule x tourne en con- 
nexion permanente avec le noyau, pourvu que l'énergie 
interne de l’atome soit plus grande qu'une certaine va- 
leur critique, et qu'il existe des états d’instabilité 
« radioactive » dans lesquels, après une combinaison 
de longue durée, la particule z est rejetée à l'infini. La 
vitesse exacte d'émission dans chaque cas dépend des 
valeurs de nr et N, mais elle est de l’ordre de grandeur 
de la vitesse d'émission des rayons > par le radium. 
Dans le cas des orbites électroniques, en outre des sys- 
tèmes combinés à énergie interne moindre que celle qui 
vient de l'infini, il peut exister aussi des systèmes per- 
manents dans lesquels l'énergie interne est plus grande 
que celle de l'infini, quoique moindre qu'une certaine 
valeur critique, et dans lesquels se présentent de nou- 
veau des états d'instabilité « radioactive ». IL est difi- 
cile de formuler actuellement une théorie définie de la 
structure nucléaire de l’atome; avant que ce soit possi- 
ble, l'imagination scientifique devra être guidée par une 
connaissance définie des propriétés d’un certain nombre 
de cas spéciaux susceptibles d'analyse mathématique 
exacte. — M. W. A. Bone : Combustion gazeuse aux 
hautes pressions. On fait exploser des mélanges de mé- 
thane avec moins de son volume d'oxygène dans des 
bombes d'acier à des pressions initiales comprises entre 
8 et 32 atmosphères. Les résultats sont d'accord avec 
la théorie de l'hydroxylation de l'auteur pour la com- 
bustion des hydrocarbures. Les résultats d'expériences 
sur un mélange équimoléculaire d'éthane et d'oxygène, 
dont le comportement est crucial pour les différentes 
hypothèses sur la combustion des hydrocarbures, con- 
firment également la théorie de l'hydroxylation. L’au- 
teur a ensuite déterminé expérimentalement les aflinités 
relatives de CH*,H et CO pour l’oxygène dans les flam- 
mes. Il montre que : 1° l’aflinité de CH'est au moins 
20 fois plus grande que celle de H ; 2° quand des mélan- 
ges correspondant à CH'+ 0? xH2sont allumés sous 
de hautes pressions initiales, les pressions partielles du 
méthane et de l'oxygène élant maintenues constantes et 
æ variant seul, la distribution de l'oxygène entre CH et 
H varie suivant x2, ce qui signifie que H est brûlé direc- 
tement en vapeur d’eau dans les flammes d'après la réac- 
tion trimoléculaire 2H? + O— 2H?0, et non (commeon 
l’a supposé) indirectement par l'intermédiaire de H°0?, 
L'affinité de CO pour O dans les flammes est comparable 


à celle de H. L'auteur a fait exploser des mélanges de 
CHE 0?--xH sous de hautes pressions initiales; il a 
trouvé qu'on peut augmenter x jusqu'à 8 sans qu'il se 
dépose du carbone pendant l'explosion. 


SOCIÈTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES 
Seance du 25 Février 1915 


M. C. Chree: Les figures magnétiques « caractéristi- 
ques » antarctiques et internationales. L'auteur emploie 
les figures magnétiques « caractéristiques » : o (jour 
calme), 1 (jour de trouble modéré), 2 (jour de forte per- 
turbation), pour rechercher si l'apparition des pertur- 
bations à la station de base de l'Expédition antarctique 
Scott (1911-1912) s'accorde ou non avec l'apparition des 
perturbations aux latitudes modérées, et aussi si la pé- 
riode de 27 jours se retrouve dans les données antarcti- 
ques. Une série très complète de courbes magnétiques a 
élé obtenue par les physiciens de l'Expédition antarc- 
tique, MM. Simpson et Wright, de février 1911 à novem- 
bre 1912. Les figures caractéristiques ont été assignées 
par l’auteur aux observations de chaque jour et une 
comparaison a été faite avec les figures internationales 
correspondantes publiées chaque année à De Bilt (Hol- 
lande), L'auteur reconnait que l'apparition des pertur- 
bations dans l'Antarctique concorde bien avec celle de la 
liste internationale, quoique les perturbations de PAn- 
tarelique soient plus fortes et plus persistantes que celles 
d'aucune autre station coopérant à l'établissement de 
la liste internationale, La période de 27 jours est nette- 
mént visible dans les observations de l'Antarctique, 
tanten été qu’en hiver, et son développement y estaussi 
prononcé que partout ailleurs. — M. P.E. Shaw : L'élec- 
trification des surfaces et l'influence de la chaleur. L'au- 
teur étudie la façon anormale dont se comportent élec- 
triquement certaines substances soumises à l’action de 
la chaleur, Ainsi une tige de verre frottée avec de la 
soie s’électrise positivement; mais, si la tige est passée 
à travers la flamme d'un bec Bunsen, ou chauffée dans 
un four électrique, puis soumise au refroidissement, et 
si on la frotte de nouveau avec de la soie, le verre 
s'électrise négativement. Des résultats semblables ont 
été obtenus avec un certain nombre de substances. Les 
expériences de l’auteur semblent montrer que ce phé- 
nomène n’est pas dû à la formation où à l’enlèvement 
de couches d’une substance solide ou gazeuse, mais pro- 
bablement à des tensions superficielles dans la substance 
de la tige. — M.J. W. Nicholson: L’inertie électroma- 
gnétique et le poids atomique. L'auteur déduit mathé- 
matiquement une formule simple pour la masse combi- 
née de deux charges électriques à proximité l'une de 
l’autre. Cette masse n’est pas la somme de leurs masses 
individuelles quand elles sont éloignées, si l’on suppose 
que toutes les masses d'électricité positive, comme celles 
des électrons, sont d’origine électromagnétique, L'auteur 
applique la formule à des questions de constitution ato- 
mique et de radioactivilé. Il arrive à la conclusion que 
les noyaux ou anneaux d'électricité positive dans les 
atomes sont dés structures complexes d'électrons et de 
noyaux positifs encore plus petits, Dans cette hypothèse, 
l'émission d’une particule & par un atome ne diminue 
pas sa masse atomique de 4, car une correction est né- 
cessaire pour la « masse mutuelle » de la particule & et 
le reste du noyau. On peut calculer la grandeur de cette 
correction pour le radium et le thorium se transformant 
en plomb par émission de particules, D’après la valeur 
donnée par Soddy pour le poids atomique du plomb de 
la thorite, on peut déduire la distance moyenne qui sé- 
pare les composants dans un noyau de radium; elle est 
du même ordre que le rayon d'un électron. 


Le Gérant : Octave Doix. 
D PURE à. à TOR TRE MR MR EE 
Sens. — Imp. Levi, 1, rue de la Bertauche. 


26° ANNÉE 


N°9 


15 MAI 1915 


Revue générale 


Sence 


pures et appliquées 


Foxpareur : LOUIS OLIVIER 


DirecrEur : 


J.-P. LANGLOIS, Docteur ès Sciences 


Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. J.-P. LANGLOIS, 8, place de l'Odéon, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des 
. travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France eten pays étrangers y compris la Suède, la Norvèse et la Hollande. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


$ 1. — Mathématiques 


La simplification des operations arithmé- 
tiques de l’involution et de l'évolution. — L'ad- 
dition et la soustraction sont les opérations arithméti- 
ques les plus simples, et l’on peut dire que toute autre 
opération est complètement simplifiée lorsqu'elle est 
remplacée par l’une de ces deux. L'invention des loga- 
rithimes a complètement simplifié la multiplication et la 
division, mais elle a seulement réduit l’involution (élé- 
vation à une puissance) et l’évolution (extraction d’une 
racine) à la multiplication et à la division. Dans les 
sciences appliquées, ilexiste beaucoup de lois et de for- 
mules empiriques où apparaissent des indices fraction- 
naires, et les calculs en deviennent souvent compliqués 
et fastidieux. Quoique la solution la plus simple soit 
d'effectuer dans ce cas la multiplication ou la division 
des logarithmes par l’addition ou la soustraction de 
leurs logarithmes, personne n’a jusqu'à présent jugé 
utile de construire une table donnant directement les 
logarithmes des logarithmes des nombres. La seule ten- 
tative dans cette direction est l'invention de la règle à 
calcul « log-log», dont l'intervalle est limité et l’exacti- 
tude des résultats sujette à caution, Ces considérations 
ont engagé M, E. Chappell à construire une table de ce 
genre, et il a récemment exposé les principes de son 
travail devant la Société Royale de Londres!. 

D'abord en ce qui concerne la terminologie, l’auteur 
emploie à la place de logarithme l'abréviation log; puis 
il propose d'appeler la fonction inverse i{log. Enfin le 
logarithme du logarithme sera le lolog, tandis que la 
fonction inverse sera l’illolog. 

Trois diflicultés se présentent lorsqu'on veut con- 
struire une table de lologs : 

1° Le lolog de l’unité est l'infini, et les différences 
dans cette région sont très grandes; 

20 On ne peut choisir une base telle que tous les 


nombres ayant la même suite de chiffres aient la même 
mantisse ; 


CI 


1. Proc. of the Royal Soc., sér. À, 1. CXI, n° 628, p. 24 et 


suiv, 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 


3 Les logs des nombresinférieurs à l'unité sont néga- 
tifs, de sorte que les lologs de ces nombres sont les logs 
de nombres négatifs. 

On surmonte la première de ces diflicultés en dimi- 
nuant les intervalles auxquels on donne les valeurs 
dans le voisinage de l'unité, et le second en limitant 
l'étendue des tables. On évite la troisième difliculté en 
négligeant le signe négalif, qui est, après Lout, un trait 
extérieur qui n’affecte pas le résultat numérique de la 
multiplication ou de la division, dont le signe peut être 
déterminé indépendamment. 

Si l’on désire, par exemple, le lolog de 0,25, on pro- 
cède comme suit: 


log 0,25 — 1,397994 — — 0,60206, 
d'où 
lolog 0,25 — log 0,60206 — 1,37964; 
mais on trouve également que 
lolog 4,0 — log 0,60206 — 1,77964. 


Le nombre 1,77964 étant donné, la difliculté est de 
savoir si c’est l’illolog de 4,0 ou de 0,25. Quoique un 
peu de réflexion permette toujours de décider quelle est 
la vraie valeur, la nécessité de cette recherche peut 
conduire à des erreurs, et à des incertitudes, qui ren- 
draient incommode l’usage général des tables. Toute 
incerlitude disparaît si l’on imprime les lologs des nom- 
bres inférieurs à l'unité sur du papier rouge, et ceux des 
nombres supérieurs à l’unilé sur du papier blanc; on 
procède de même pour les illologs. 

IL est clair, d'après l'exemple qui précède, que deux 
nombres qui ont des lologs numériquement égaux sont 
des réciproques. Cette propriété permet de trouver très 
rapidement les réciproques d’après les tables de lologs 
et d'illologs. 

Considérons maintenant un cas simple d’involution et 


: L = B 
d'évolution. Si l’on a AP— C, alors A — \ C Prenant 
deux fois le logarithme, on a : 


lolog C — log B + lolog À, 


ou 
lolog À — lolog C — log B. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


De ces deux équations découlent deux règles simples : 

1° Pour élever un nombre à la puissance n, ajouter le 
log de n au lolog du nombre, et l’illolog de cette somme 
est le résultat désiré. Il faut chercher l’illolog sur une 
page de la même couleur que celle sur laquelle on a 
trouvé le lolog. 

2° Pour extraire la n° racine d’un nombre, soustraire 
le log de 2 du lolog du nombre, et l’illolog de cette difré- 
rence est le résultat désiré. Il faut chercher l’illolog sur 
une page de même couleur que celle où l’on a trouvé le 
lolog. Pour éviter entièrement toute confusion, M. Chap- 
pell recommande d'écrire à l'encre rouge les lologs lus 
sur des pages rouges, de même que le résultat de l’addi- 
tion ou de la soustraction d’un log à ou d’un lolog rouge. 

On a vu que les lologs des réciproques sont égaux en 
grandeur, quoique de couleur difrérente. 

Pour cette raison, des expressions de la forme 


peuvent être évaluées aussi rapidement que x*, La règle 
est : 

3° Lorsqu'on opère une involution ou une évolution 
sur le réciproque d’un nombre, changer la couleur du 
lolog du nombre lui-même, et procéder exactement sui- 
vant la règle r ou 2. 

L’involution et l’évolution des nombres et de leurs 
réciproques se présentent si fréquemment que M. Chap- 
pell estime que ses tables seront très utiles dans nombre 
de calculs. 


$ 2. — Art de l'Ingénieur 


Les problèmes techniques de l’utilisation 
de la tourbe. — L’extraction et l'utilisation de la 
tourbe, longtemps abandonnées à la routine, sont 
entrées depuis un certain nombre d'années dans une 
phase plus rationnelle, par suite dé l’application des 
méthodes scientifiques à l'étude des problèmes qu’elles 
présentent. En Allemagne, où les tourbières recouvrent 
d'assez vastes étendues et peuvent devenir une source 
dé profits importants, l'Ecole Technique supérieure de 
Hanovre a institué un Laboratoire spécial pour l'étude 
technique de Putilisation de la tourbe, Les premiers tra- 
vaux de ce laboratoire ont paru récemment ! et appor- 
tent quelques contributions intéressantes sur ce sujet. 

La préparation rationnelle de la tourbe dépend en 
première ligne de l’enlèvement, avec les moindresfrais, 
de l’eau qui imprègne la tourbe brute extraite des ma- 
rais, Si l'on songe que, dans 800 kilogs de tourbe brute, 
il n’y a que 100 kilogs environ de tourbe sèche, et qu'il 
faut éliminer près de 700 kilogs d'eau, on comprend là 
difficulté du problème. Tous les procédés qui se propo- 
sent d'éliminer cette eau par chauffage sont à rejeter. 
Le séchage de la tourbe brute à l’air par évaporation de 
l'humidité sous l'influence du vent et du soleil ne peut, 
au point de vue de l’économie, être remplacé par aucun 
autre procédé, Cette dessiccation à l'air, dans les étés 
favorables, va jusqu'à un point où la tourbe ne contient 
plus que 20 à 30 °/, d'humidité; dans les années humi- 
des, par contre, on obtient un produit contenant 4o 
à 500/, d'eau. On peut toutefois, pour certains besoins 
spéciaux, préparer une tourbe ne renfermant que 5 
à 100/, d’eau, en utilisant des chaleurs perdues qui sont 
disponibles parfois en grandes quantités. 

Parmi les nombreux procédés qui ont été proposés 
pour séparer mécaniquement l’eau de la tourbe brute, 
l'un des plus intéressants repose sur l’observation sui- 
vante : lorsqu'on ajoute à la tourbe brute une masse 
poreuse — par exemple de la poudre de tourbe — on 
peut éliminer facilement à la presse la plus grande par- 


1. Arbeiten des Lab. für die technische Moorverwertung 
an der K, techn. Hochschulé zu Hannover. Tome I. 1 vol in 8° 
de 102 p. avec fig. F. Vieweg und Sohn, Braunschweig, 
1914, 


tie de l’eau qu’elle contient. Les frais sont déterminés 
par la quantité de poudre de tourbe à ajouter; plus on 
en dépense, moins le procédé est avantageux. Par 
exemple, si l'on ajoute 150/, de poudre de tourbe à la 
tourbe brute, cette quantité correspond à environ 50 °/, 
de la tourbe sèche fabriquée ; autrement dit une instal- 
lation pour la préparation de 300 tonnes de tourbe par 
jour doit pouvoir disposer de 150 tonnes de poudre de 
de tourbe. Dans la pratique, l'addition doit être bien 
inférieure pour que le procédé soit avanlageux. 

Un des produits les plus importants de l'utilisation 
de la tourbe est le coke de tourbe, qui peut servir de 
succédané du chärbon de bois. Dans la distillation sèche 
de 100 kilogs de tourbe, on obtient, suivant la qualité 
de celle-ci et l'appareil employé, de 33 à 4o kilogs de 
coke. Les substances minérales toujours mêlées à la 
tourbe, les cendres, se retrouvent à peu près triplées 
en pour cent dans le coke ; on ne peut done utiliser 
qu'une tourbe très pauvre en cendres pourla préparation 
du coke. 

Toutefois, le succès de la transformation de la tourbe, 
au point de vue financier, ne peut être assuré que si l'on 
recueille et utilise tous les sous-produits : paraflines, 
alcool méthylique, acide acétique et ammoniaque. L'ex- 
traction de ces produits du goudron et des eaux ammo- 
niacales se fera le mieux dans de petites centrales qui 
travailleront toute la production d’un district. ù 


$ 3. — Physique 


Relation entre le spectre d'émission d’un 
composé et le specire d'absorption qu'il 
fournit en solution, — M. Chapman! a récemment 
appelé l'attention sur une relation qui parait exister 
entre le spectre d’un composé volatilisé dans un tube à 
décharge et les bandes d'absorption que présente le 
même composé quand il est dissous. 

Le composé est introduit dans un tube à décharge de 
forme ordinaire, muni d'électrodes en aluminium ; on 
fait le vide et on ferme à la lampe; on fait passer la 
décharge d’une bobine d’induction après avoir chauffé 
le tube pour vaporiser le composé. 

Avec l’iodure de mercure Hgl?,on scelle le tube quand 
la pression est réduite à 0,08 millimètre. Avant qu'on 
chauffe le tube, le spectre de la décharge présente les 
lignes du mercure et de l’iode, ainsi que celles de l’ar 
résiduel. Après que l’iodure de mercure a élé vaporisé 
par une élévation de température, le caractère de la 
décharge change radicalement ; elle prend une couleur 
violette intense et son spectre renferme, outre les lignes 
du mercure et de l’iode, une bande brillante comprise 
entre les longueurs d’onde 4420 4 et {450 À, qui va 
s’estompant à ses extrémités. On étudie l'absorption 
exercée sur les radialions d’une lampe Nernst par une 
solution contenant pour 100 gr. d’eau, 10,60 gr. d’iodure 
de mercure et 11,18 gr. d’iodure de potassium l'iodure 
depotassium est nécessaire pour que l’iodure de mercure 
puisse exister en solution). Le spectre d'absorption ré- 
vèle l'existence d’une bande noire qui correspond 
assez exactement à la bande d'émission signalée plus 
haut. 

Des expériences analogues ont été faites sur l'iodure 
stannique, Sn l', l'iodure ferreux Fe L et ont fourni des 
résultats identiques. 


Les propriétés physiques du sélénium. — 
Il est important de savoir si la sensibilité du sélénium 
pour la lumière existe dans un cristal homogène ou ne 
se rencontre que dans les assemblages de cristaux. 
M. Brown? a pu, par sublimation, obtenir des éléments 
homogènes assez volumineux pour se prêter à une 
étude. 

Le sélénium vitreux qu'on désire transformer est 


1. Physical Review, juillet 1914. 
2. Physical Review, (2),t. IV, p.96; août 1914. 


D: 


mn 7)0 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


263 


placé à l’une des extrémités d’un tube de verre de 
35 mm, de diamètre et de 30 à 60 em. de longueur ; le 
tube est disposé à l’intérieur d’un four électrique à ré- 
sistances de 30 em. de longueur, dont l’une des extré- 
mités est bouchée; les portions du tube situées au voi- 
sinage de l’extrémité ouverte du four sont le siège de 
variations notables de la température. Dans ces régions 
se déposent une multitude de cristaux, dont quelques 
échantillons sont assez volumineux: ces cristaux appar- 
tiennent à des systèmes divers. 

Tous ces cristaux ont l'éclat métallique, Des lames de 
0,2 millimètre d'épaisseur se laissent assez bien tra- 
verser par la lumière, et il ne serait sans doute pas 
impossible, pour des échantillons bien homogènes, 
qu'une transparence relative soit observée jusqu'à des 
épaisseurs de plusieurs millimètres, Tous les échantil- 
lons, sauf un, ont présenté le phénomène de la double 
réfraction. 

On sait, depuis 1905, que la conductivité du sélénium 
cristallisé s’accroit sous l'effet de la pression. M. Brown 
a repris cette étude; un petit cristal est placé entre 
deux surfaces métalliques sur l’une desquelles on peut 
disposer des poids, et un coürant électrique traverse le 
système dans le sens où la pression s'exerce, Dans 
l'obscurité, un accroissement de pression de 180 at- 
mosphères augmente la conductivité de 120 fois sa va- 
leur. A la lumière, la conductivité est toujours plus 
grande; pour des pressions allant jusqu'à 180 atmo- 
sphères, l'accroissement Ac de la conductivité quand on 
passe de l’obscurité à la lumière est proportionnel 
à la valeur c de la conductivité dans l'obscurité : 

(Ac 

CONS: ] 

c 

Pour expliquer cette propriété, l'auteur admet l’exis- 
tence, à l’intérieur des cristaux de sélénium, d'un nom- 
bre de centres conducteurs isolés qui soit une fonction 
de la pression. Quand la pression augmente, un cer- 
tain nombre de ces centres s'approchent jusqu'au 
contact, ee qui donne la raison de laccroissement de 
conductibilité observé. Si un éclairement donné produit 
un nombre déterminé de nouveaux centres, ceux-ci for- 
meront la liaison entre un nombre de centres déjà exis- 
tant qui sera proportionnel au nombre même de ces 
centres : l'accroissement de conductibilité sera donc 
proportionnel à la conductibilité que possède le sélé- 
mium dans lobscurité, Néanmoins, si, par l'effet de la 
pression, un très grand nombre de centres étaient déjà 
en eontact, l’action de la lumière pourrait n'être plus 
proportionnelle au nombre de centres existants; et, en 
effet, sous l’action de pressions sullisantes pour accroi- 
tre la conductibilité dans le rapport de 1 à rof, la sensi- 
bilité à la lumière diminue pratiquement jusqu'à zéro. 

Dans l'hypothèse admise par l’auteur, l’action lumi- 
neuse Se traduirait done par la produetion de centres 
conducteurs isolés à l’intérieur du sélénium, et ne sup- 
pose pas que celui-ci doive être constitué par un 
assemblage de cristaux. Faisons remarquer que ces cen- 
tres rappellent ceux dont Rutherford! a admis l’exis- 
tence dans le sulfure de zinc. 


$ 4. — Chimie industrielle 


La préparation industrielle du bore et ses 
applieations. — C’est Moissan qui, en 1895, a indi- 
qué le premier procédé pratique de préparation du 
bore pur, par réduction de l’'anhydride borique en 
grand excès par le magnésium. Il a obtenu ainsi un 
produit contenant 98 et même gg°/, de bore ; c’est le 
bore amorphe, brun clair; mais il n’en a préparé que 
de petites quantités. 

M. E. Weintraub, qui a le premier obtenu le bore 
fondu chimiquement pur en réduisant le chlorure de 
bore par l'hydrogène en excès dans un are électrique 
alternatif à haute tension, a mis en évidence les pro- 


a EE 
L. Proc. Roy. Soc., À, 1. EXXNHII, p. 561: 1910. 


priétés chimiques et électriques très précieuses de cet 
élément : sa grande aflinité pour tous les corps, à l'ex- 
ception du cuivre et du mercure, et l'énorme coeflicient 
de température négatif de sa résistivitét. Il devenait 
donc trés intéressant de pouvoir préparer le bore pur 
industriellement en grandes quantités, M, E. Weintraub 
s’est attaché à la solution dece problème,etM. H, Chau- 
mat a fait connaître à l'une des dernières séances de la 
Société internationale des Electriciens résultats 
auxquels il est arrivé?. 

M. Weintraub est parti de la réaction de Moissan en- 
tre l’anhydride borique et le magnésium. Dans certai- 


les 


.taines conditions, on obtient du sous-oxyde de bore; 


dans d'autres, un mélange de bore et de borure de ma- 
gnésium. Ce sont ces produits qui ont servi de point de 
départ. Ils sont, en effet, dissociables : quelle que soit 
l'impureté, elle se sépare du bore quand le bore impur 
est chauffé à une température voisine de son point de 
fusion, La principale difliculté a été d'obtenir des tem- 
pératures égales ou supérieures à 2.000%, d’une façon 
industrielle, sans employer le charbon, en raison de la 
grande aflinité du bore pour le carbone à cette tempé- 
rature, On opère la dissocialion par un are à haute 
tension (15.000 volts) jaillissant entre des électrodes de 
cuivre refroidies par l’eau. Le sous-oxyde de bore est 
placé dans une coupe de cuivre massif formant une élec- 
trode; l’autre électrode, cylindrique, est amenée au- 
dessus, L’are se produit dans une enceinte close remplie 
d'hydrogène. Quand la masse est à peu près fondue, on 
réduit la tension à 2.200 volts sous 50 ampères. On ter- 
mineavec un arc à courant continu de 500 volts sous 200 
à 300 ampères, qui permet de fondre plus de 2 kilogs de 
bore en une seule opération, 

Tant que le bore contient des impuretés, il n’y à au- 
cun danger de contamination par la matière de l’élec- 
trode supérieure ; mais, à mesure que l’aflinage avance, 
le danger devient grand. On peut exceplionnellement 
atteindre une teneur en bore de 99°/,; pratiquement, on 
se limite à 97-98*/.. Cela peut suflire pour certains usa- 
ges du bore, mais non pour d’autres. 

Lorsqu'on veut obtenir du bore pur, il faut renon- 
cer à l'emploi des électrodes de cuivre et produire la 
dissociation dans un four à arc à mercure. 

Ce four est non seulement un merveilleux instrument 
de recherches, mais encore un véritable outil industriel, 
qui est employé pour la purification et la fusion des 
métaux les plus réfractaires : tungstène, osmium, tho- 
rium, L’are y est produit dans une cloche de fer, de 
cuivre ou de verre, reposant sur un séele de tale par un 
joint étanche formé par une rigole de mercure. Une cap- 
sule de cuivre rouge massif, refroidie par l’eau, sert 
d’anode et de support pour la charge de sous-oxyde de 
bore. La cathode est constituée par un filet de mercure 
provenant d’un réservoir et amené par un tube de quartz ; 
il passe au-dessus de la charge à fondre, à une distance 
convenable. L’arc peut être amorcé par une décharge à 
haute tension; on peut aussi amener d'abord le filet de 
mercure en contact avec l’anode; on amgmente la pres- 
sion, l’are normal s'établit et le jet de mercure est reçu 
dans une chambre latérale en verre ou possédant un 
regard pour l'observation de l'arc. Ce four permet de 
fabriquer de grandes masses de bore chimiquement pur 
à l’état fondu. 

L’obtention du bore ouvré sous des formes détermi- 
nées s'est montrée également un problème très diflicile, 
Comme il fond à 2300°, on ne peut songer à le couler. 
D'autre part, il est impossible de l'agglomérer par sim- 
ple compression. Il faut donc tasser fortement la poudre 
de bore et l’agglomérer par le courant; mais, en raison 
du coeflicient de température négatif très élevé, il se 
produit, sous l’influence des causes les plus minimes, 
des directions privilégiées pour le passage du courant, et 


mm oo mme le ue 


1. Voir la Revue du 15 août 1914,t. XXV, p. 702. 
2. Bulletin de la Soc. internat. des Electriciens, 3° sér.., t. 
V, n° 40, p. 69 et suiv.; mars 1915. 


264 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


l'on ne peut obtenir une matière homogène. Il est néces- 
saire, pour éviter toutes les causes extérieures de refroi- 
dissement, d’entourer le bore d’une matière qui soil un 
bon isolant calorifique, qui ne fonde pas à 2300°, qui 
ne soit pas conductrice de l'électricité à celte tempéra- 
ture et surtout qui soit sans action sur le bore. M. Wein- 
traub a trouvé dans l’azoture de bore une substance qui 
réunit toutes ces propriétés et ilen a constitué des fours 
à agglutiner les substances les plus réfractaires, soit, 
indépendamment du bore, le carbure de bore, le 
tungstène, etc. 

Les propriétés remarquables du bore lui ont déjà valu 
un grand nombre d'applications industrielles, qui ne 
pourront que se mulliplier dans la suite. La plus impor- 
tante à l'heure actuelle parait être son emploi dans le 
moulage du cuivre rouge. 

Le cuivre était un métal impossible à mouler conve- 
nablement. Le cuivre fondu dissout en effet les gaz, en 
particulier l'oxygène; le gaz absorbé se libère en partie 
à froid : d'où des soufllures, un manque d'homogénéité 
et une basse conductivité électrique. On peut éviter cel 
inconvénient par l'emploi de désoxydants : Mg, P, Zn; 
on réussit de cette façon à obtenir des fontes de cuivre 
homogènes. Mais, pour enlever pratiquement tout l'oxy- 
gène, il faut employer un excès du réducteur; cet excès 
s'allie au métal et, si les propriétés mécaniques restent 
intéressantes, il en résulte une diminution considérable 
et bien connue de conductibilité, 

Le corps idéal serait une substance sans aflinité pour 
le cuivre à la température de fusion de ce métal, mais 
ayant cependant beaucoup d'aflinilé pour l'oxygène. 
Cette substance est le bore, ou plutôt, comme le bore 
coûterait trop cher, le produit de laréduction de l’anhy- 
dride borique par le magnésium, composé en grande 
partie de sous-oxyde de bore avec de l'acide borique 
en excès, On emploie de 1 à 1,5 0/, du produit, ce qui 
correspond à une proportion moyenne dé 1/1000 en- 
viron de sous-oxyde de bore. Le résultat obtenu dépend 
évidemment du cuivre primilif; si le mélal est pur, on 
obtient couramment des fontes de cuivre d’une conduc- 
tibilité de 47,5°/,. La dépense est de l’ordre de 8 à 
9 centimes par kilog de cuivre. 

L'intérêt de cette nouvelle méthode industrielle est 
considérable : 1° on réalise une grande économie de 
main-d'œuvreen remplaçant le cuivre forgé par ducuivre 
fondu ; 2° lafonte du cuivre pourra remplacer les alliages 
dans nombre de cas; le gain de conductibilité permettra 
d économiser la matière. Ce procédé a trouvé des appli- 
cations immédiates à la réalisation des enroulements 
ou de certaines parties des enroulements des transfor- 
mateurs de gros calibre. La possibilité de fondre le 
cuivre en lni conservant une excellente conductibilité 
permel d'éviter, dans la construction, les joints plus ou 
moins bons, les rivets, les écrous. 


$ 5. — Zoologie 


L'élevage du dauphin en captivité. — Les 
visiteurs du célèbre Aquarium de New-York peuvent 
contempler depuis l’année dernière un spectacle unique 
au monde : celui d'une troupe de dauphins prenant ses 
ébats dans un vaste bassin cireulaire spécialement amé- 
nagé à leur intention. Diverses tentatives d'élevage de 
ces animaux en captivité avaient été failes jusqu'à pré- 
sent sans succès; mais grâce aux efforts persévérants du 
directeur de l'établissement, M. Ch. Townsend, cinq 
dauphins ont pu être conservés depuis près d’une année 
en bonne santé et en menant une existence quasi-nor- 
male !. 

Ces dauphins appartiennent à l'espèce Tursiops 
truncatus Montagu, très voisine du Delphinus delphis 
qu'on rencontre habituellement sur les côtes de l’Atlan- 
tique et de la Méditerranée. Ils ont été capturés au Cap 
Hatteras (Caroline du Nord), qui est fréquenté réguliè- 


1. Zoologica, t. I, n° 


16, 


rement par des bandes de dauphins et où une pêcherie 
de ces animaux fonctionne depuis de longues années. 
Les dauphins sont pris au moyen d’un grand et solide 
filet, appelé seine, qui peut en ramener une trentaine 
au rivage. Là ils sont tués et dépecés en vue de l’extrac- 
tion de l’huile de la tête et de la graisse du corps ; leur 
peau est également utilisée. 

Les dauphins destinés à être élevés en captivité furent 
placés pendant 24 heures dans un étang salé profond 
situé juste en arrière du rivage, afin de leur permettre 
de se reposer dans l’eau froide et de se remettre du choc 
de la capture. Le lendemain, ils furent repêchés et pla- 
cés dans des réservoirs qui furent hissés à bord d'un 
navire, puis remplis d’eau de mer, renouvelée ensuite 
aussi fréquemment que possible. Le dauphin, en effel, 
est adapté à la vie dans l’eau, où il rayonne une grande 
quantité de chaleur, et l’eau est absolument nécessaire 
pour le contrôle de la température de son corps; c’est 
pour avoir négligé de lui assurer en route la réfrigéra- 
tion nécessaire que deux essais antérieurs de transport 
de dauphins vivants à New-York échouèrent, les ani- 
maux étant morts pendant le voyage ou peu après leur 
arrivée. 

Les cinq dauphins adultes parvenus à New-York 
furent placés dans un bassin circulaire de 12,5 mètres 
de diamètre et de 2,1 mètres de profondeur. Pendant 
quelques jours, ils refusèrent de manger ; mais à la fin 
de la semaineils commencèrent à prendre des poissons 
vivants et bientôt après des poissons morts : hareng et 
morue. 

Les dauphins en captivité sont très vifsel nagent jour 
et nuit, s’élevant pour respirer à peu près à chaque tour 
de bassin. Ils nagent souvent sous l'eau, le ventre en 
l'air, comme les phoques, maïs ils ne se reposent jamais 
sur le fond, ni ne s'étendent à la surface comme ces 
derniers. Pendant quelque temps, deux d’entre eux se 
mouvaient habituellement de gauche à droite, et les 
trois autres dans le sens opposé ; puis ils sont devenus 
moins réguliers. Leur déplacement est quelquefois lent, 
mais le plus souvent rapide. De temps en temps ils se 
livrent à une sorte de course, qui soulève de hautes 
vagues. 

Au moment des repas, ils abandonnent tout mouve- 
ment régulier el se précipitent dans des directions 
variées pour saisir à la surface les poissons jetés dans 
le bassin. Toute la nourriture est avalée sous l'eau. Sou- 
vent un dauphin se met à jour avec un poisson mort: il 
sort sa tête de l’eau en jetant le poisson à 2 ou 3 mètres 
en avant, où il le rattrappe et recommence. Ce jeu peut 
durer une demi-heure, jusqu'à ce que le poisson soit 
réduit en morceaux trop petits pour être projetés. Il 
n’est pas rare de voir deux ou trois dauphins se livrant 
simultanément à la même récréation. 

D’autres fois, ils se précipitent avec impétuosité les 
uns après les autres, ou ils bondissent presque entiè- 
rement hors de l’eau et retombent lourdement en fai- 
sant jaillir de grandes éclaboussures. 

Il n’y a pas d'apparence que le dauphin puisse voir 
hors de l’eau. Tandis qu'il saisit rapidement un pois- 
son jeté dans l’eau, il n’accorde aucune attention à un 
poisson suspendu par une corde à 5 em. au-dessus de la 
surface. 

Les mœurs naturellement sociables des dauphins ne 
semblent pas affectées par la captivité. Quelquefois ils 
se saisissent l’un l'autre par le dos en arrière de la na- 
geoire dorsale, mais on n’observe aucune trace de mor- 
sure et c’est probablement un simple jeu. La seule 
espèce de dauphins qui se mangent entre eux est pro- 
bablement l'Orca gladiator. 

Les dauphins sont de gros mangeurs; les cinq con- 
somment ensemble go livres de poisson par jour. 
Cette quantité de nourriture les a maintenus en bonne 
santé et sans perte de poids apparente. 

L'une des principales difficultés qu’a rencontrées l’éle- 
vage des dauphins en captivité est le renouvellement 
de l’eau, qui est rapidement colorée par leurs excré- 
ments, IL est impossible de vider complètement 


à d- 


Pure" 


VTT 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 265 


le bassin et de le nettoyer, comme le bassin à pho- 
ques, car le dauphin échoué se mel à battre le 
sol si violemment avec sa queue qu'il se blesserait si 
l'opération était répétée chaque jour. L'eau est donc 
maintenue claire par l'installation d'une conduite de 
décharge et le maintien d'un conrant assez actif. Dans 
l'impossibilité de faire venir assez d’eau de mer pure de 
l’ocean, le bassin est alimenté avec de l’eau saumâtre, 
pompée dans le port de New-York. Cette eau doit être 
préalablemeut chauffée en hiver, afin de lui donner à 
peu près la température des eaux océaniques aux envi- 
rons du cap Hatteras; en été, cette précaution n’est pas 
nécessaire, Le dauphin doit pouvoir vivre quelque 
temps dans l’eau douce, car on le rencontre souvent 
dans les rivières, mais à la longue il souffrirait certai- 
nement de l'absence des sels contenus dans l’eau de 
mer. 

C'est d’ailleurs à cette cause que M. Townsend attri- 
bue le dépérissement de trois des dauphins qu'il avait 
réussi à élever en captivité et la formation d’ulcères 
sur leur peau; ces animaux ont fini par périr de pneu- 
monie tuberculeuse. Depuis lors, des mesures ont 
été prises pour purifier l’eau du bassin par filtra- 
tion et pour augmenter sa salinité par addition de sel, 


S 6. — Hygiène publique 


Les herbicides à base d’arsenic. — Le Préfet 
de police a récemment saisi le Conseil d'Hygiène publi- 
que de la Seine d’une question intéressante : YŸ a-til 
lieu d'interdire la vente des substances utilisées pour la 
destruction des herbes et qui renferment des quantités 
considérables d'acide arsénieux. Nous croyons devoir 
reproduire quelques passages du très intéressant rap- 
port de M. Dubief, rapport dont les conclusions ont été 
adoptées par le Conseil. 

Les herbicides constituent une invention très mo- 
derne, puisque leur vogue se rattache à la diffusion d'un 
jeu très à la mode depuis quelques années, le jeu de 
lawn-tennis. 

On sait, en elfet, que ce jeu exige une aire assez 
étendue, aussi unie que possible et ne présentant ni 
creux ni aspérités. Or, ces espaces, se trouvant d’ordi- 
naire en plein air, ont une tendance déplorable à être 
envahis par des herbes parasites dont les graines sont 
amenées par le vent ou par les oiseaux, herbes qu'il 
faut arracher; l’opération ne va pas sans détériorer la 
surface de l'aire, qu'il faut alors refaire par des moyens 
mécaniques longs et coûteux. En répandant des 
substances herbicides à la surface des jeux de tennis, 
on arrive à stériliser la surface arrosée et à supprimer 
complètement pendant un certain temps les végétations 
parasites, sans détériorer le sol par une action méca- 
nique. Le succès obtenu dans cette application très res- 
itreinte a fait généraliser le procédé; actuellement, ces 
herbicides sont très employés par les jardiniers pour 
faire disparaitre les végétations parasites qui envahis- 
sent les allées des parcs et des jardins, les cours pavées 
des châteaux, ete., et qui font le désespoir des proprié- 
taires; on trouve généralement à leur emploi une très 
grande économie sur les procédés mécaniques habituels, 
économie de temps, de peine et d'argent. Ces substances 
demandent, pour leur application, certaines conditions 
indispensables, faute desquelles leur action est, sinon 
tout à fait nulle, au moins très incertaine; ces condi- 
tions ne sont pas toujours faciles à réaliser, et l'on a 
répandu alors sur le sol une grande quantité de sub 
stances toxiques, dangereuses, sans atteindre le but 
qu'on se proposait. 

De quelles substances sont composés les produits 
herbicides ? Le commerce a mis en vente des produits 
assez variés; on a vendu des herbicides à base de sels 
de mercure: ils ontété abandonnés à cause de leur prix 
de revient et parce qu'ils détérioraient les instru- 
ments destinés à les épandre,tout en perdant une 
partie de leur eflicacité. Il a existé et il existe encore 
des herbicides dans la composition desquels il entre 


des sulfocyanures;ils sont peu répandus parce qu'ils 
sont peu eflicaces; l'effet herbicide du sulfocyanure 
d'ammonium parait des plus médiocres, même avec des 
solutions relativement concentrées ; et l'usage de cette 
substance ne doit pas non plus être sans danger, car 
les jours qui ont suivi l’épandage, la surface arrosée 
dégage une odeur très sensible d'acide cyanhydrique. 
Les différents herbicides arsénicaux mis en vente avec 
des marques commerciales déterminées se rapprochent 
du lype suivant : 


Acide arsénieux (As?0*).......... 56,2 ?/, 
Chlorure de sodium....,7.....,... 1,9 — 
Soude (Na?O combiné à As? O*)... 27,9 
BOTAS SUNSET essnte ea traces 
Eau, matièresorganiques,colorants 

à base d’aniline.,.......... nues 14,6 

100,00 
Ces produits se présentent soit sous forme d’un 


liquide, soit sous forme d’une poudre blanche très gros- 
sière, soit sous forme de poudre colorée en rouge. Pour 
l'emploi, on fait diluer ou dissoudre, suivant les cas, un 
litre ou un kilogramme du produit dans 100 litres d’eau 
au maximum : cette solution doil être répandue au moyen 
d’un arrosoir sur une superficie maxima de 100 mètres 
carrés du terrain à stériliser (1 litre de solution par 
mètre carré). 

Pour être eflicace, il faut absolument que le liquide 
soit répandu sur un sol déjà bien mouillé, soit par la 
pluie, soit par un copieux arrosage artificiel; il faut 
aussi qu'il ne pleuve pas après l'épandage de l’herbi- 
cide; faute de quoi, le toxique, ou bien ne pénètre pas 
dans le sol, ou bien est dilué et entrainé et ne produit 
qu'un effet incomplet. 

On voit, d'après l’analyse rapportée plus haut, que 
la teneur en acide arsénieux de ces herbicides est consi- 
dérable, oscillant entre 33 et 58 ‘/,, et il est véritable- 
ment impressionnant de penser que ces produits sont 
couramment mis en vente et que le public peut s’en 
procurer facilement partout; on en trouve,en effet, 
chez tous les marchands grainiers, chez tous les mar- 
chands d'instruments ou produits horticoles et même 
dans les magasins de nouveautés et les grands bazars 
qui ont des rayons d’horticulture. Il y a là déjà un 
danger évident; mais voyons ce que deviennent ces pro- 
duits une fois répandus sur le sol. 

D'après les renseignements donnés plus haut, l’'épan- 
dage des herbicides dépose à la surface du sol des quan- 
Lités d'acide arsénieux pouvant aller jusqu'à 6 grammes 
par mètre carré de superficie, quantité suflisante pour 
empoisonner plusieurs personnes. Dans une expérience, 
M. Dubief a pu,après une période de trois semaines 
sans chute de pluie, à la surface d'une allée de jardin où 
ilavait répandu la solution de l’herbicide n° 3, recueillir, 
en balayant légèrement le sol sur 1 mètre carré de 
superficie, un mélange de terre d’où l’on a extrait plus 
de 2 grammes d’acide arsénieux, et cela dans un endroit 
où l’on passait couramment. Celte expérience, toute 
imparfaite qu’elle. soit, met en lumière le danger très 
réel qui résulte de l'emploi de ces substances. Sans 
vouloirenvisagericilessuitesterriblesetimmédiatesd’un 
usage criminel ou même d'un emploi maladroit tou- 
jours possible, tel qu’une projection accidentelle sur 
leslégumes,on doitpenserqueles préaux des écoles, des 
squares, des jeux de tennis, sont saupoudrés, tant 
qu'une pluie abondante n’a pas lessivé le sol, par des 
quantités énormes de poussières arsenicales. 

En dehors des composés arsenicaux, il existe d’ail- 
leurs des herbicides beaucoup moins nocifs, tel celui 
dont M. Dubief donne l'analyse : 


SOUTERNADH EE eee nee. ... 94,80 
Carbonate de sodium (CO Na?)... .. 2,65 
Chlorure de sodium..,..... pe SRE 1,0) 
Sulfate:de: sodium. : ....... er 1,46 
DER RER DRE RENE MP Se 0 0,04 

100,00 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


On peut encore citer les mélanges de sulfate de fer et 
d'acide sulfurique, de formol, de crésyl, des eaux rési- 
duaires de la fabrication du gaz. 


$S 7. — Géographie et Colonisation 


La colonisation intérieure en Sibérie en 
1913!. — La colonisation des immenses régions dé- 
sertes de la Russie transouralienne constituait un des 
points cardinaux du vaste programme de réformes 
agraires dont la réalisation a été commencée en 1906 
par le ministère Stolypine. La suppression de l’ancien 
système de propriété collective du mir et l'achat des 
terres par l'intermédiaire de la Banque des Paysans ne 
suflisant pas, en dépit des perfectionnements introduits 
dans les méthodes d'exploitation, à satisfaire aux 
besoins de terre d’une population à accroissement na- 
turel aussi rapide que celle de la Russie, il devenait 
indispensable de déverser en dehors des provinces 
européennes de l'Empire le trop-plein des cultivateurs 
privés de terres propres. C’est principalement dans ce 
but que fut organisée la colonisation systématique de 
l'Asie russe par les soins de l'Etat. 

Les mesures prises par le Gouvernement pour favo- 
riser cette colonisation peuvent se ramener à deux pro- 
cédés dittférents. D'un côté, la « Direction générale de 
la Colonisation », instituée à Petrograd, entreprit d’ex- 
plorer, de classer, de délimiter et de préparer les ter- 
rains susceptibles d’une colonisation rationnelle. De 
l’autre, toute une série de facilités spéciales furent dé- 
crétées en faveur de quiconque irait s'établir dans les 
régions transouraliennes, 

Une série de mauvaises récoltes, les troubles agraires 
des années 1906 et 1907 dans la Russie d'Europe, le 
trop de facilités accordées au début aux émigrants, don- 
nèrent à l'immigration en Sibérie une impulsion abso- 
lurment imprévue. De 46 000 et {4.000 en 1904 et 1905, 
le nombre des émigrants passa, dès la première année 
de l'application de la réforme agraire (1906), à 217.000, 
pour sauter l’année suivante à 577.000 et atteindre 
enfin, en 1908 et 1909, les chiffres énormes de 999.000 
et 707.000 âmes. 

En présence d’un afflux aussi inattendu, la Direction 
générale de la Colonisation se trouva complètement dé- 
bordée. Force fut au Gouvernement de prendre des 
mesures énergiques pour restreindre l’afflux des colons, 
dont des milliers, du reste, partis à la légère et man- 
quant de toutes les qualités qui font un bon colon, de- 
mandaient, découragés déjà, à être rapatriés., En 1910, 
le chiffre total des émigrants en Sibérie tombait à 310.000 
et l'année suivante il n’était plus que de 226.000. La Di- 
rection générale de la Colonisation put respirer quel- 
que peu, et la proportion normale pût être rétablie entre 
la quantité de terres préparées et le nombre des colons 
pourvus de lots cultivables. À partir de 1912, on assiste 
de nouveau à une recrudescence de l'immigration en 
Sibérie, qui s'élève à 259.000 âmes pour cetle année-là, 
et à 327.500 pour 1913. 

L'œuvre de la Direction générale de la Colonisation 
au cours de ces dernières années a été considérable. Elle 
a consisté essentiellement en : 

1° la préparation d’une série de mesures législatives et 
administratives réglementant la colonisation; 

20 la délimitation des terres destinées à la colonisa- 
tion (en 1911, 1912 et 1913 seulement, l'étendue totale 
des terrains arpentés et bornés a atteint le chiffre con- 
sidérable de 6 millions de déciatines?, soit une superfi- 
cie égale à celles de la Belgique et des Pays-Bas réunis), 
et le « remembrement » des terres appartenant à la 
« population locale » (Russes établis antérieurement à 
la colonisation oflicielle et peuplades indigènes); 


1. D'après le Bulletin mensuel des Institutions économiques 
et sociales de l'Institut internat. d'Agriculture, 1. LI, n° 3 
p- 117; mars 1915 

», La déciatine vaut 1,09 hectare, 


’ 


3° la préparation générale des zones de colonisation, 
visant à rendre la terre elle-même susceptible d’exploi- 
tation : création de voies de communication terrestres 
et fluviales, travaux d'irrigation ou de desséchement, dé- 
frichement, ete. 

4° mesures spéciales destinées au développement du 
bien-être tant matériel que moral des colons : création 
d’un service sanitaire (comprenant au 1° janvier 1914 
un total de 445 postes sanitaires, desservis par un per- 
sonnel de 140 médecins et de 630 officiers de santé); 
prêts de premier établissement (environ 20 millions de 
franes en 1913); construction et entretien d’églises et 
d'écoles; création de dépôts gouvernementaux (277 en 
1913) destinés à pourvoir la population locale de ma- 
chines et d'instruments agricoles à bas prix, ainsi que 
d'engrais chimiques, de semences contrôlées, ete., et de 
magasins (43) fournissant des provisions et des objets 
usuels; institution de dépôts forestiers pour la vente 
des bois de construction, quelques-uns avec scierie an- 
nexée. 

Ainsi que nous l’avons dit plus haut, l’année 1913 a 
été caractérisée par une recrudescence notable du nom- 
bre des immigrants en Russie transouralienne. Cette 
augmentation est due en grande partie à la reprise de 
l’'émigration des habitants des provinces agricoles du 
sud de la Russie d'Europe, qui se portent vers la « ré- 
gion des Sleppes » de l'Asie russe, dont la nature 
présente avec celle des provinces méridionales de la 
Russie d'Europe des analogies qui la rendent parti- 
culiérement facile à coloniser aux habitants de ces 
dernières, 

Les contrées qui, après la région des Steppes, ont 
attiré le plus grand nombre d’immigrants en 1913 ont 
été la province de Tobolsk et celle de l'Amour. Une des 
causes principales de cette préférence a été sans doute 
la construction, dans la première, du chemin de fer 
d'Omsk, dans la seconde, de la grande voie ferrée de 
l'Amour, entreprises qui, toutes deux, sont appelées à 
avoir une influence primordiale sur le développement 
économique des pays qu'elles traversent et dont la con- 
struction même a fourni du travail à des milliers d’im- 
migrants. 

Un des traits caractéristiques de l'immigration de 
l'année 1913 est la diminution très notable des immi- 
grants % indépendants », c’est-à-dire des colons venus en 
Sibérie de leur propre initiative, sans plan d’établisse- 
ment arrêté d'avance et le plus souvent sans moyens 
suffisants. Leur proportion, qui en 1912 était de 45, 30/, 
du nombre total des immigrants, est tombée en 1913 à 
350/,. Le nombre des découragés qui, pour une raison 
ou une autre, ont renoncé à la colonisation en Asie pour 
rentrer dans la Russie d'Europe a aussi considérable- 
ment diminué : de 34.783 en 1912 à 22.743 en 1913. 

Dans les chiffres précédents, il n’est pas tenu compte 
d'environ 35.000 immigrants « temporaires », qui se 
rendent en Sibérie soit pour les travaux des moissons, 
soit pour les nombreux travaux de construction de rou- 
tes ou de chemins de fer. 

Somme toute, l’œuvre de la colonisation intérieure 
dans la Russie transouralienne est en voie de progres- 
sion constante et de développement normal, A l'affole- 
ment irréfléchi des premières années, dont le résultat 
inévitable avait été d'un côté le débordement fatal de la 
Direction générale de la Colonisation, de l’autre les dé- 
sillusions non moins fatales de milliers de colons, a 
succédé une évolution progressive et rationnellement 
dirigée de l'immigration sous la direction de l'Etat. 
Plus la cohue désordonnée des immigrants indépen- 
dants diminuera — et L'on a vu qu'elle le fait graduelle- 
ment et constamment — et plusle paysan russe se fiera 
aux éonseils des autorités compétentes, plus il trouvera 
en Sibérie des conditions conformes à celles qu'il a rê- 
vées, et l'avenir n’est plus très lointain où les riches 
provinces de la Russie transouralienne seront en mesure 
d'offrir à quiconque ne l’aura pas dans la Russie d'Eu- 
rope le lopin de terre dont la possession constilue le 
rêve de tout ouvrier agricole, 


ARMAND GAUTIER, — JACQUES ROHAULT 267 


UN PRÉCURSEUR FRANÇAIS DE LA SCIENCE EXPÉRIMENTALE MODERNE : 


JACQUES ROHAULT 


Le hasard a mis dans ma bibliothèque, relié 
en deux petits volumes in-18, le Traité de Phy- 
sique de Jacques Rohault'. L'ouvrage, daté 
de 1672, est dédié à Son Altesse Monseisneur le 
Duc de Guise, « qui n’a pas jugé que ce fut une 
occupation indigne de lui de s'appliquer à la 
connaissance des secrets de la nature et qui à 
pris plaisir d’en voir les preuves et les expé- 
riences ». Les loisirs forcés que me laissaient les 
grands événements que nous traversons, la cu- 
riosité, aussi, de voir comment avaient raisonné 
nos prédécesseurs pour aborder utilement les 
problèmes de la nature physique où presque 
tout était à faire pour créer la méthode expéri- 
mentale, enfin, et surtout le désir de rendre à 
l'esprit francais le juste hommage qui lui revient 
dans les conquêtes de la science moderne, tout 
cela m'a conduit à lire plus attentivement que je 
ne l'avais fait autrefois cet Ouvrage qui fit auto- 
rité en son temps, et qui eut plusieurs éditions 
même après la mort de son auteur, élève de Des- 
cartes et intime ami de P.Mignard et de Molière. 
Ilest intéressant d'y constater et d'y mesurer 
l'effort qu’à cette époque de transition, et pres- 
que uniquement, remarquons-le, dans les pays 
de l'Europe celto-latine, durent réaliser les 
créateurs de la science moderne, les Galilée, les 
F. Bacon, les Newton, les Descartes, les Pascal... 
pour se débarrasser du fatras des dogmes et de 
la routine de la ratiocination Aristotélicienne 
et fonder l'Ecole moderne de l'observation 
précise et de l’expérience raisonnée : « On s’est 
plus occupé, dit Rohault dans son Introduction, 
d'étudier Aristote que la Nature, qui peut être 
n’est pas à beaucoup près si mystérieuse que lui. 
Mais quoy! Ce n’est pas la coutume; on aime 
mieux écouter Aristote et les Anciens et c'est ce 
qui fait que l’on avance si peu. » 

« La seconde raison, continue-t-il, qui enraye 
les progrès de la Physique, c’est qu’on la traite 
métaphysiquement et que l'on se paye de mots 
comme si c’étaient des raisons. Quelle différence 


1. Néen 1620, mort en 1675, J. Rohault, contemporain de Blaise 
Pascal qui naïissait trois ans après lui, donna à Paris une série 
de Conférences sur la Physique, l'Astronomie, l'Anatomie qu'à 
la prière de ses amis il réunit ensuite en un Traité de Physi- 
que dont la {première édition parut à Paris en 1671. L'ouvrage 
fut réédité en 1772, à Paris et Amsterdam, sur la copie même 
de l'auteur, puis traduit en diverses langues apres sa mort, 
C'est l'édition d'Amsterdam que j'ai entre ies mains. 


peut-il y avoir entre la réponse que peut faire 
un paisan et celle d’un Philosophe si leur ayant 
demandé à tous deux d’où vient que l’ayman 
attire le fer, l’un dit qu’il n’en scait pas la cause, 
et l’autre dit que cela se fait par une vertu ou 
qualité occulte !? N'est-ce pas en bon françois 
dire la même chose? et n'est-il pas visible que 
toute la différence qu'il y a entre l’un et l’autre, 
c'est que l’un a assez de bonne foy pour avouer 
son ignorance et l’autre assez de vanité pour la 
vouloir cacher. » 

« Toutes les connaissances que l’on peut 
acquérir sont de deux sortes, continue Rohault, 
les unes se peuvent acquérir par le moyen des 
sens, les autres ne se peuvent acquérir que par 
le moyen du raisonnement. Et l’on peut dire que 
celles-ci dépendent en quelque façon des autres, 
étant certain que ce qu'il y a de sensible dans 
un sujet nous sert de règle et de fondement pour 
porter notre jugement touchant ce qu'il y a 
d’insensible. » 

« Raisonner sans expérimenter ne conduit pas 
plus à des vérités nouvelles qu'expérimenter 
sans raisonner. Les bonnes expériences sont 
celles que le raisonnement prévient et qui ser- 
vent à justifier s’il est faux ou s'il est juste ; ce 
qui arrive lorsque après avoir considéré les effets 
ordinaires d’un certain sujet... nous venons, par 
raisonnement, à connoistre que si ce que nous 
croyons de sa nature est véritable, il faut néces- 
sairement.. qu'il advienne un nouvel effet auquel 
nous n’avions pas encore pensé... C'est ainsi que 
l’on arrive à découvrir la vérité ou la fausseté des 
opinions conçües, » 

Voilà bien, en effet, exposée à une époque où 
elle était loin d’être clairement conçue et accep- 
tée, la vraie méthode rationnelle et expérimen- 
tale. Nous avons affaire iei à l’un des meilleurs 
disciples de Descartes. 

Voyons maintenantecommentJ.Rohaultessaye, 


1. La vieille doctrine péripatéticienne des qualités occulles 
tendait à tout expliquer par des forces ou qualités mystérieuses 
mal définies, inaccessibles à la mesure, et par conséquent aussi 
à la vérification expérimentale, Au xvuit siècle, Descartes le pre- 
mier, ou l'un des premiers, essaya de substituer à ces préten- 
dues causes premières des phénomènes naturels la considération 
et la définition précise des masses, des forces, de l’inertie, 
des impulsions, des quantités de mouvement, des formes et 
positions géométriques. Il est le vrai précurseur de la Science 
moderne. 


268 ArmañD GAUTIER. — JACQUES ROHAULT 


en suivant ces prémisses, d'éclairer quelques- 
unes des principales questions que la Physique 
à peine naissante de ce temps laissait à résoudre. 


I. — Axiomes FONDAMENTAUX : 


L'ordre veut,dit-il,quenous proposions d'abord 
quelques vérités, «qui se fontconnoistre parelles- 
mêmes », et qui, servant de fondement à presque 
toutes les vérités que l’on apprend en Physique, 
en sont par conséquent les principaux axiomes. 

a) « Le néant ou le rien n'a aucune propriéte…. 
C’est pourquoi là onu l’on rencontre quelque pro- 
priété que ce puisse être, là aussi il faut dire qu'il 
y a quelque chose et un veritable estre, » 

L'auteur en conclut, plus loin, que le vide 
intersidéral, aussi bien que le vide de nos ma- 
chines, n'existe pas, puisqu'il jouit de la pro- 
priété de conduire la lumière et la chaleur. 
Tout est plein, pense-t-il, d'un élément premier 
auquel il attribue ces propriétés de conduction 
indicatrices de sa substancialité. 

Nous reviendrons plus loin sur ce point impor- 
tant. 

b) « Il est impossible que quelque chose se fasse 
absolument de rien ou que le pur rien. devienne 
quelque chose. » 

Nous disons aujourd'hui : Ex nthilo nthil. 

c) « Une chose ou une substance ne saurait être 
entièrement anéantie. » 

Nous avons réuni les deux précédentes vérités 
sous la forme : /?ien ne se crée, rien ne se perd, 
et Lucrèce avait déjà dit : Nrhil e nihilo fier; 
Nihil in nihilum reverti. 

d) « Chaque chose est déterminée d'elle-même à 
continuer dans sa façon d'être. 

C’est le principe de l'iénertie généralisé. 

e) « Tout changement proctde d'une cause exté- 
rieure ; ilest toujours proportionné à la force de 
l'agent qui le cause. » 

Et voici clairement aflirmé le principe de la 
mesure des forces ou des causes premières sou- 
vent invisibles ou inconnues, par celle de leurs 
effets sensibles. 

Voyons comment, grâce à ces vérités axioma- 
tiques, à l’analyse ingénieuse des faits observés, 
quelquefois aussi grâce à l'expérience directe- 
ment provoquée, Rohault va contribuer à éclairer 
la Physique de son temps, restée presque stérile, 
dit-il, depuis plus de vingt siècles. 


IT. — La Marine 


« L'étendue, dit Rohault, est ce qui constitue 
l’essence de la matière. » Lorsque la matière est 
définie, quand elle est à l’état de corps sensible, 
elle possède la figure, la divisibilité et l’impéné- 
trabilité. 


De ceci, dit-1l, «nous conclurons premièrement 
que le vuide des philosophes est impossible; car 
par le vuide ils entendent un espace sans matière 
et chez nous espace (ou étendue) et matière ne 
sontque la même chose; sibien que se demander 
s’il peut y avoir un espace sans matière c’est se 
demander s’il peut y avoir une matière sans ma- 
tière » (Ronauzr, t. 1, chap. vin)!. 

Et il ajoute : «Nous en concluons que le Monde 
estindéfini, parce que, quelque distance que nous 
voulussions mettre à ses bornes, il serait im- 
possible de ne pas imaginer de l'étendue au delà; 
or l’étendue et la matière, suivant ce que nous 
avons dit, sont la même chose. » 

« Toutes les diversités qu'on peut imaginer 
dans la matière lui viennent des formes qui la 
déterminent. » 

rohault entend par formes aussi bien les for- 
mes géométriques proprement dites que celles de 
repos ou de mouvement ou toutes les autres ma- 
nières d’être de la matiere. 

Le paragraphe suivant expliquera ce qu'il 
entend par la matière du vuide. 


III. — Les rrois Eratrs DE LA SUBSTANCE MATÉRIELLE 


« Outre les êtres grossiers et palpables dont 
nous sommes environnés, il y en a encore une 
infinité d’autres qui échappent à notre veuë.…. 
Nous ne les connaïitrions pas si l’on n’avait dans 
ce siècle icy heureusement inventé le micros- 
cope », et «ces êtres microscopiques sont compo- 
sés de parties plus invisibles encore. » — Il faut 
done accepter la réalité de choses invisibles. 

« Considérant, continue-t-il, toute la matière, 
je la divise en un nombre innombrable de petites 
parties à peu près égales sans n'arrêter aux 
figures qu’elles peuvent avoir. » C’est bien là, re- 
marquons-le, presque notre conception moderne 
des molécules et atomes?. « En suite de quoy, 
continue-t-l, je suppose que Dieu fait tourner 
chacune de ces petites parties en plusieurs 
diverses manières alentour de son propre cen- 
tre » (t. I, chap. x1x).. Mais parce que ce ne se- 
rait pas philosopher que de faire faire à Dieu à 
tout instant des miracles... nous supposerons 
seulement qu'en créant la matière de ce Monde, 
il imprima une certaine quantité de mouvement 


1. Les philosophes grecs de Thalès à Platon nièrent le vide. 
Descartes pensait, lui aussi, que le vide n'existe pas. C’est ce 
qu'affirma plus tard Euler. Huygens, Newton, Gassendi pense- 
rent le contraire. Ceite divergence me paraît tenir surtout à la 
différence de ce que chacun appelle watrière. 

2, Disciple de Descartes, Rohault soutient comme lui la divi- 
sibilité de la matière à l'infini, qu'avaient niée Leucippe, Démo- 
crite, Epicure, Lucréce. Mais on reconnait dans sa conception 
de la divisibilité de la matière en parties à peu près égales le 
germe de la notion de la molécule constitutive, ou de l'atome 
primitif, dont il admet toutefois la divisibilité géométrique à 
l'infini. 


ArManb GAUTIER. — JACQUES ROHAULT 269 


dans ses parties. et qu’il conserve ainsi inces- 
samment en la matière une égale quantité de 
mouvement, » 

C'est, dans la pensée de Rohault (abstraction 
faite de sa prudente réserve visant les foudres 
ecclésiastiques), notre principe moderne de la 
conservation de l'énergie ou des forces vives!. 

I] suppose alors que cette rapide rotation des 
particules matérielles en détache les parties les 
plus externes ou les plus ténues, lancées hors 
du corps par celte rotation sur leur axe. Ainsi 
émises, les parties matérielles les plus ténues 
constituent pour Rohault « le Premier élément », 
l'élément le plus subtil dont sont remplis tous les 
espaces de l'Univers. C’est, comme il le dit, 
l'Œther d'Aristote, qu'il ne veut pas 
confonde avec l'air puisqu'il traverse le verre et 
autres corps solides. 

Le Second élément, dit-il, est constilué par ces 
particules matérielles que leur incessante rota- 
tion transforme en sphères arrondies tournant 


qu'on 


autour de leur axe ou de leur centre. 

Le Troisième clément est formé de ces parties 
de la matière « qui demeurées sous des formes 
irrégulières sont peu propres au mouvement ». 

Mais Rohault remarque aussitôt qu'il n’y a 
aucune répugnance à admettre que ces trois for- 
mes élémentaires de la matière puissent se 
changer les unes dans les autres. 

Le Premier élément, la matière la plus subtile 
de Rohault, est, pense-t-il, la substance de la 
flamme, ou plutôt celle qui est apte à la produire 
par son mouvement. Elle emplit tout l'espace 
céleste. C’est elle qui nous transmet la lumière 
des étoiles. C’est elle aussi qui, traversant les 
corps transparents, va remplir le vide baromé- 
trique (t. 1, chap. xn). 

Le Second élément, formé de sphères arron- 
dies par leur incessante rotation et par consé- 
quent essentiellement mobiles, semble devoir 
posséder tous les caracteres de la liquidité. L'eau 
et l’air en sont les types. 

Enfin le 77oisième élément domine dans les 
corps solides, dans les terres. 

Ce sont les formes des particules matérielles, 
leur masse, la nature et la quantité de leurs 
mouvements qui, d'après Rohault, leur impri- 
ment leur spécificité. Mais la nature essentielle 
de toutes ces substances reste la même. 

C'est, on le voit, l'hypothèse de l'unité de 
la matière, et l'opinion moderne que la multi- 
plicité de ses formes est düe aux caractères 


1. Rohault parle ici de la conservation de la quantité de mou- 
vement dans le sens de son maitre Descartes. 


géométriques et au mode des mouvements de 
ses particules constitutives !. 


IV. — 


Narune De LA CuaLEun 


La chaleur, dit Rohault, consiste dans les 
mouvements des dernières particules matérielles. 
Cette idée, déjà très ancienne alors, avait été 
émise de nouveau, presque à l’époque de Descar- 
tes et de Rohault, par Francois Bacon dans son 
Novum Organum (1620), toutefois d’une façon 
bien vague. Rohault y insiste très particuliè- 
rement et cherche à démontrer que ce n’est pas 
le mouvement d'ensemble des corps matériels 
qui produit la chaleur, mais qu’ « elle consiste 
dans la diverse et violente agitation des parties 
insensibles des corps ». 

« Il m'est arrivé, dit-il, que sciant expressé- 
ment dans les ténèbres un morceau de bois fort 
dur... j'ai d’abord senti une odeur de bois brülé, 
puis continuant à scier ce bois avec grand effort, 
il en est tombé plusieurs étincelles. » 

« Il n’y a rien de plus ordinaire que de voir un 
villebrequin s’échauffer en perçcant un morceau 
de bois assez dur et épais. De même, si l’on 
aiguise un morceau de fer ou d'acier, ils’échauffe 
quelquefois jusqu’à se détremper. » 

« Si l’on chasse à coups de marteau un gros 
clou dans une pièce de bois, l’on ne remarque 
pas qu'il s’échauffe tandis qu’il s'enfonce, et l’on 
voit qu’il ne commence à acquérir quelque cha- 
leur que quand il cesse d'avancer et lorsque l'ef- 
fort des coups de marteau ne fait autre chose 
qu'applatir la teste... car, comme nous ne fai- 
sons consister la chaleur que dans la seule agi- 
tation des petites parties des corps, il est certain 
que le clou ne doit point acquérir la vertu 
d’échauffer quand il se meut tout entier pour 
pénétrer la pièce de bois et qu'il doit seule- 
ment commencer à acquérir cette vertu quand il 
cesse de se mouvoir ainsi et lorsque la teste com- 
mence à s’applatir, parce que c’est seulement en 
ce temps-là que ses petites parties commencent 
à se mouvoir et à acquérir l'agitation qui est 
requise pour échauffer.. lesquelles parties s’en- 
trechoquant l’une l’autre se procurent mutuelle- 
ment le trémoussement auquel consiste la cha- 
leur. » (T. I, chap. xxur1.) 

Robert Boyle soutintaussiet montra que l’agi- 
tation, le tremblement sur place, des dernières 
particules des corps, est l’origine de la chaleur 
qu'ils émettent, et il s’appuya même sur cette 


1. On voit que la Chimie de Rohault était moins avancée que 
sa Physique. Mais que valait la Chimie de cette époque ! Encore 
sa conclusion relative à la spécificité de la matière est-elle 
tout à fait moderne. 


expérience du clou que l’on enfonce dans une 
pièce de bois et qui ne s’échauffe sensiblement 
que quand l'effort du marteau se /ransforme 
dans les mouvements des molécules de la tête du 
clou qui s’aplatit en rencontrant l’obstacle. (On 
the mechanical Origin of Heath and Cold). Mais 
R. Boyle exprimait cette idée et s’appuyait de 
cette preuve en 1744, alors que Rohault écrivait 
les lignes précédentes près de cent ans avant 
lui. 

Cette idée de Rohault que l'effort du coup de 
marteau est l'origine et la cause de la chaleur 
qui apparaît dans la tête du clou, rapprochée de 
l’axiome du même auteur que tout changement 
d'état est proportionnel à l'agent qui le produit, 
est, comme on le voit, la première, ou l’une des 
premières indications précises qui conduisit les 
physiciens modernes à la notion de l’équivalent 
mécanique de la chaleur, et R. Mayer, d’Heil- 
bronn, pour avoir nettement établi ce principe 
en 1842, n'en avait pas moins eu des précurseurs 
et devanciers perspicaces parmi lesquels Rohault 
doit prendre l’une des premières places. 


Ni TE Son 


Depuis Aristote, on pensait que « le son est dû 
à un mouvement local transmis par l'air qui l'ap- 
plique à nos oreilles ». Mais, dit Rohault, on a 
objecté, d’une part, que tout mouvement ne pro- 
duit pas de son, de l’autre qu'il est bien difficile 
de croire que le mouvement d’une cloche qu'on 
fait sonner puisse se transmettre jusqu'à deux 
lieues à la ronde. À ces objections qu'on faisait 
de son temps, voici comment il répond : 

« Pour montrer que le son ne consiste que 
dans un certain mouvement, il ne faut que con- 
sidérer qu’il se produit quand on pince la corde 
d’un luth, ou que l’on frappe quelque corps dur 
que ce soit... L'expérience se fait voir dans une 
grosse enclume... car on la voit se trémousserau 
moindre coup de marteau qu'on lui donne. Et 
l’on remarque qu'en mettant dessus quelques 
grains de millet, si l’on frappe à côté avec une 
clef d'une grosseur médiocre, à proportion qu'on 
entend un son plus ou moins grand l'on voit 
aussi ces grains de millet sautiller et changer 
plus ou moins de place sur l'enclume... Le son 
des cordes de viole consiste dans les soubresauts 
que l’on leur fait faire en passant dessus le crin 
de l'archet qui est devenu raboteux et denté 
par la poix résine ou la colophane dont or l’a 
frotté. » 

Puis Rohault fait les curieuses et importantes 
remarques qui suivent : 

« Il n’est pas malaisé de déterminer quel doit 
être le mouvement de l'air pour produire en 


ArmañD GAUTIER. — JACQUES ROHAULT 


nous le sentiment du son, car il est évident que 
ce mouvement de l'air est nécessairement tel que 
les tremblements des corps résonnants sont ca- 
pables de produire en lui, c'est-à-dire que l'air 
doit trembleret bouillonner, et même, en sautil- 
lant, se diviser en un nombre innombrable de 
fort pelites masses qui se meuvent avec une trés 
grande vitesse en tremblant et se froissant les 
unes les autres »... « De ce que lés cordes du 
luth rendent un son d'autant plus aigu qu’elles 
sont plus tendues... il s'ensuit que la forme du 
son aigu consiste dans la vitesse et le redou- 
blement prompt et subit du mouvement duquel 
dépend le son, et que la forme du son grave 
consiste dans sa lenteur. » (T. 1, chap. xxvr.) 

C'était parfaitement et ingénieusement raison- 
ner; remarquons toutefois que Rohault, écrit,un 
peu après, qu'un autre ami de Descartes, le Père 
M. Mersenne, avait exprimé les mêmes idées sur 
le son, et les avait mieux précisées encore en 
donnant le moyen de compter les vibrations 
des cordes sonores en son /larmonie universelle 
contenant la théorie et la pratique de la Musique 
publiée en 1636. 


VI. — La NATURE DE L'AIMANT ET DU MAGXNÉTISME 


N'oublions pas que Rohault était un élève du 
« célèbre Monsieur Descartes dont le mérite, 
écrit-il, se fait de plus en plus reconnaitre chez 
toutes les nations de l’Europe et qui fera avouer 
à tout le monde que la France est du moins 
aussi heureuse à produire et à élever de grands 
hommes, dans toute sortes de professions, que 
l’a été l’ancienne Grèce ». Descartes publiait à 
Amsterdam, en 1644, ses Principes de Philosophie 
où il expose sa célèbre doctrine des tourbillons. 
C'est aussi peu d'années après que son disciple, 
Rohault, donnait ses Conférences qui furent 
l'orgine du 7railé de Physique que nous analy- 
sons !. 

Il ne faut donc pas s'étonner que les idées de 
Rohault soient imprégnées de la doctrine du 
Maitre. 

On a déjà indiqué (voir plus haut ch. IT) com- 
ment Rohault comprenait les trois etats de la 
substance matérielle qu’il fait tourner, tourbil- 
lonner rapidement autour de l’axe de chacune 
des petites particules qui la composent. Il en 
résulte, suivant lui, l'émission de la partie maté- 
rielle la plus subtile qui s'écoule dans l’espace. 
De sorte, dit-il, que des divers points du globe 
terrestre, mais, en raison de la force centrifuge, 
plus particulièrement de la région équatoriale et 


1. C'est vers la même époque (1647) que Blaise Pascal pu- 
bliait ses Expériences touchant le vide. 


ArMañD GAUTIER. — JACQUES ROHAULT 271 


parallèlement à l’écliptique, est continuement 
lancé un flot de substance éthérée qui en vertu 
de sa vitesse propre d'émission et de celle que 
lui communique la rotation terrestre, s'écoule 
en tourbillons dans l’espace. Mais celui-ci étant 
déjà plein, il en résulte, dit Rohault, une aug- 
mentation de pression qui fait écouler cette 
matière subtile tourbillonnante vers les pôles 
terrestres où son émission et sa densité sont 
évidemment minimum. Ce sont, d’après lui, ces 
deux grands tourbillons, animés d’une rotation 
inverse aux deux pôles, qui en traversant cer- 
tains minerais de fer s’y sont creusé, peu à peu, 
au cours des siècles, un passage hélicoïdal d'où 
résulte la production de l’aimant. En eflet, la 
« pierre d’ayman », une fois constituée en 
« ecroues », sera attirée par le tourbillon du Pôle 
Nord si elle se présente à lui dans le sens du 
vissage de ce tourbillon, et repoussée si elle se 
présente en sens inverse. De là les deux pôles 
de la pierre d’ayman. Et Rohault ajoute : « Nous 
pensons donc, avec beaucoup d'autres, que la 
terre est un grand ayman. » (T. Il, chap. vu.) 

Evidemmentce sontlà des hypothèsesetcesont 
bien celles d’un élève etadmirateur de Descartes. 
Mais, avouons-le, même à cette heure, près de 
deux siècles et demi après, nous n’en savons pas 
beaucoup plus sur le mécanisme réel de l’attrac- 
tion de l’aimant par les pôles terrestres ou par les 
masses de fer. Et n’est-il pas bien curieux aussi 
de voir que déjà au xvn° siècle, 200 ans avant 
Ampère, on avait pensé comme lui et démontré 
que la Terre est un grand aimant, car elle en a 
toutes les propriétés, entre autres de produire 
l’aimantation du fer et de l’acier!. 


VII. — La Lumière ET LE SIÈGE DE L'AME 


Qu'est-ce que la lumière ?se demande Rohault. 
« La lumière primitive?, dit-il, consiste dans un 
certain mouvement des parties des corps lumi- 
neux qui les rend capables de pousser au dehors 
la matière subtile qui remplit les pores des 
corps transparents... La tendance qu'a cette 
matière de s'éloigner en ligne droite du centre 
du corps lumineux constitue l'essence de la 
lumière seconde ou dérivée. et si vous consi- 
dérez que tout le Monde est plein et qu’un rayon 


1. Rohault le démontre encore en faisant rougir au feu une 
tige d'acier suspendue verticalement. Il la trempe alors en l'en- 
fonçant dans l'eau par un de ses bouts, En vertu de l'influence 
terrestre, l'acier formé devient dès lors un aimant dont le bout 
tourné vers la Terre est toujours le pôle méridional. Il montre 
ensuite qu’en refroidissant d'abord la partie supérieure de la tige 
d'acier rougie au feu, la disposition des pôles reste la même 
et ne dépend, par conséquent, que de leur posiuon vis-à-vis des 
pôles de la Terre. 

2. C'est-à-dire la nature, la cause primilive de la lumiere. 


de lumière en a toujours quantité d’autres autour 
de lui. vous jugerez que chaque rayon de 
lumière doit transmettre l’action du corpslumi- 
neux de même que s'il était raide comme un 
baston. » 

Et Rohault démontre aussitôt que l'image 
réelle des objets se transporte ainsi à travers 
l’airetautres corps transparents jusqu'aux extré- 
mités du nerf optique qui la reçoit matérielle- 
ment pour être ensuite transmise au cerveau. 

« Si, dit-il, ayant fermé toutes les fenêtres 
d'une chambre vis-à-vis desquelles il y a des 
objets fort éclairez, l’on fait un trou dans l’un 
des volets de ces fenêtres et que l’on applique à 
ce trou l’œil d’un animal fraîchement mort dont 
on a adroitement enlevé les peaux qui couvraient 
l'humeur vitrée à l'endroit du fond, et à la place 
desquelles on ait mis une coquille d'œuf pour 
retenir cette humeur, on verra sur cette coquille 
une peinture assez distincte des objets du 
dehors. » 

Cette ingénieuse expérience, qui démontre la 
réalité du transport de l’image à travers l’air et 
les corps transparents jusqu’à la rétine, avait été 
faite pour la première fois, quelques années 
auparavant, par Descartes qui employait, pour 
recevoir l’image, non la coquille de l’œuf, mais 
sa membrane coquillière. 

À ce propos Rohault remarque, après Des- 
cartes, que nous recevons parles deux yeux deux 
images réelles, qui se forment sur la rétine aux 
extrémités des nerfs optiques, que ces deux 
images se transmettent ensuite au cerveau et 
qu'elles doivent s’y confondre quelque part en 
une seule impression. Il en est de même, dit-il, 
de toutes les sensations, toujours doubles et 
symétriques, transmises par les divers organes 
de l’ouïe, de l’odorat, et quelquefois du tou- 
cher, etc.; par conséquent toutes ces sensations 
doivent arriver dans le cerveau à un organe 
central, symétrique, où elles puissent se trans- 
former en une image ou impression unique 
que le sensus, l’âme y recueillera. « La petite 
glande que les médecins appellent Conarium 
(glande pinéale), dit Rohault, a pour Descartes 
rempli ces conditions et c’est la raison qui lui a 
fait penser qu’elle était sans doute le siège de 
l’âme raisonnable. » 

Telle est la raison purement géométrique qui 
a fait avancer à notre grand Philosophe français 
une hypothèse qu’on nerappelle ici que pour 
montrer comment a pu s’engendrer, dans cet 
esprit de géométrie, une opinion si extraordi- 
naire et si imprévue, dont nous avions, je crois, 
à peu près perdu à notre époque la singulière 
genèse. 


272 E. DEMENGE. — LA SIDÉRURGIE MONDIALE DEPUIS LA GUERRE 


— ConcLusion 


VIEIL. 


L'hypothèse de l'unité de la Matière, qui ne 
devraitses qualités spécifiques qu’à la forme géo- 
métrique deses dernières particules constitutives, 
à leur masse et à la nature de leurs mouvements; 
la conception de la rotation rapide de ces der- 
nières particules autour de leur axe, et par con- 
séquent de l'énorme énergie latente qu'elles 
emmagasinent; celle de la conservation de la 
quantité de mouvement (il a voulu dire d'éner- 
gie) qui leur a été originairement dévolue; l’aflir- 
mation de l'existence d’un fluide d’origine maté- 
rielle remplissant tout l’espace, l’œther, apte à 
transmettre la lumière; la démonstration alors 
toute nouvelle, que les phénomènes de chaleur 
et de lumière résultent directement, comme celui 
du son, des états vibratoires des dernières parli- 
cules de la matière pondérable, et que ces vibra- 
tions nous sont transmises par l’œther qui remplit 
l'univers; le principe, alors très nouveau, que la 
chaleur qui peut engendrer le mouvement vibra- 
toire moléculaire est proportionnelle à l’énergie 
de ce mouvement et le mesure; la démonstration 
expérimentale que la terre est un grand aimant; 
la confiance de l’auteur dans ia méthode de 
l’expérimentation choisie en vue de confirmer 
ou infirmer les hypothèses suggérées par une 
observation préalable, etla nécessité desoumettre 
les faits observés à une mesure exacle qui per- 
mette ensuite des généralisations rationnelles... 
tout cela constitue pour Jacques Rohault le droit 
d’être inscrit parmi les précurseurs de la science 
expérimentale moderne. 

La lecture de son Traité de Physique, tout en 
nous faisant admirer son esprit de finesse et sa 
solide logique, nous révèle en même temps les 


difficultés qu’eurent les savants de cette époque 
à se soustraire à la routine de l'Ecole des préten- 
dus philosophes qui, depuis l'Antiquité et jus- 
qu'après la Renaissance, crurent suflisante pour 
expliquer les faits matériels la méthode du rai- 
sonnement abstrait et la doctrine des causes 
occultes. Depuis des milliers d'années, les 
hommes les plus éminents avaient observé, rai- 
sonné sur les faits naturels; qui donc, objectait- 
on alors, pouvait espérer mieux faire et mieux 
dire que les Anciens? Ils représentaient la raison 
humaine, l'autorité! 

« Cette forte persuasion, dit Rohault, d’être si 
inférieurs aux Anciens, engendre une espèce de 
paresse ou de défiance. On croit... qu'ils ont fait 
tout ce qui est possible de faire humainement.…. 
Mais les expériences sont nécessaires pour l’éta- 
blissement de la Physique, et c'est une chose 
qu'Aristote même tenait pour certaine... D'un 
autre côté, vouloir rejeter le raisonnement pour 
ne faire que des expériences, c’est se jeter dans 
une autre extrémité beaucoup plus préjudi- 
ciable. » 

Puis il conclut (et c'était alors chose bien 
courageuse), en réclamant les droits de la raison 
contre l'autorité. 

« Quant tous les Philosophes seraient d’ac- 
cord entre eux et avec Aristote, je ne voy pas 
que cette conformité me deust contraindre dans 
mes sentiments, ny que les Philosophes puissent 
prétendre que je fusse obligé de les suivre 
où je suis très persuadé et convaineu qu'ils 
s'égarent. » 

Accusé d’hérésie, Jacques Rohault mourut de 
chagrin en 1675. 

Armand Gautier, 
de l’Institut. 


LA SIDÉRURGIE MONDIALE DEPUIS LA GUERRE 


Le Comité des Forges de France vient de faire 
paraitre, dans un de ses derniers bulletins, le 
rapport d'un ingénieur allemand bien connu des 
sidérurgistes, M. Schrüdter, qui, le 31 janvier 
dernier, a exposé ses vues personnelles sur la Si- 
dérurgie mondiale depuis la guerre, au cours de 
la réunion des Maîtres de forge allemands. 
M. Schrüdter est le directeur de cette Associa- 
tion et en même temps le rédacteur en chef de 
la revue Stahl und Éïisen. Ses appréciations sont 
d'autant plus intéressantes à connaître, pour nous 
autres Français, qu’elles sontempreintes de con- 
naissances techniques indiscutables, jointes à 


cette mentalité teutonne qui marque tous nos 
ennemis du haut en bas de l'échelle et dont nous 
avons pu mesurer le développement maladif. 
Nous nous proposons d’analyserles parties essen- 
tielles de ce Rapport, en relevant au fur et à 
mesure les multiples erreurs qu'y a parsemées 
ce parti-pris farouche et orgueilleux, caractéris- 
tique des scientifiques allemands. 

Disons tout de suite que la lecture de ce rap- 
port fait ressortir chez l’auteur des sentiments 
de haine profonde pour les Anglais, de pitié 
méprisante pour les Français et les Belges, de 
critique violente pour les Américains, et de 


E. DEMENGE. — LA SIDÉRURGIE MONDIALE DEPUIS LA GUERRE 273 


reconnaissance pour les Suédois. C’est à peine 
si on y fait mention de l'Italie, de l'Autriche et 
de la Russie. 


I. — France 


L'exposé débute par la situation de la métal- 
lurgie française, qui, depuis l'invasion, se trou- 
verait entièrement bouleversée. M. Schrüdter, se 
basant sur les données de la Gaïetle de Cologne, 
estime que les Allemands occupenttoutle dépar- 
tement des Ardennes, 55°/, de l'Aisne, 120/, de 
la Marne, 25°/, de Meurthe-et-Moselle, 30°/, de 
la Meuse, 70°/, du Nord, 10!/, de l'Oise, 250/, du 
Pas-de-Calais, 16°/, de la Somme et 2°/, des 
Vosges, soit 2.100.000 hectares, c’est-à-dire 3,7°/, 
de la superficie totale de la France ,immobilisant 
ainsi 8,2°/, de la population totale, si l’on passe 
sous silence, comme il le fait, les nombreux émi- 
grés que nous connaissons. Comme les régions 
occupées sont celles qui étaient les plus indus- 
trielles, il en conclut que notre situation comme 
producteurs est à peu près désespérée. 

Pour ce qui est des charbonnages, il regrette 
que « les tranchées aient été creusées d’après les 
principes militaires, et non d’après des considé- 
rations économiques stratéciques, car les Alle- 
mands auraient pu, par avancement de quelques 
kilomètres, annexer toute la région minière ». 
Malgré cela, il considère comme « clairement 
démontré que le ravitaillement en charbon de la 
France encore libre est dans un état lamentable ». 
On sait ce qu'il en est; le charbon a beau être 
cher, aucune de nos industries n’en manque et 
n'en manquera, et l'hiver vient de s’écouler sans 
qu'aucun besoin, aussi bien industriel que do- 
mestique, se soit fait sentir de ce côté. 

Pour le minerai de fer, l’auteur voit la situa- 
tion sous un jour encore plus noir, et à ce 
propos il montre le bout de l'oreille en rappe- 
lant à tous les métallurgistes allemands ce qu’ils 
savent si bien depuis longtemps et ce qui les a 
certainement amenés à accepter d’un cœur léger 
les aléas redoutables d'une telle guerre : « Vous 
savez, dit-il, que les Français n’ont découvert 
que vers 1890 les richesses minérales cachées en 
Lorraine française. Ce n'est que de cette époque 
que date le développement merveilleux de la 
sidérurgie française, si merveilleux qu'en 1913 
la production de la fonte du département de 
Meurthe-et-Moselle était de 3.546.000 tonnes sur 
les 5.123.000 produites dans toute la France. » 
Le rapporteur estime à 850}, la réduction apportée 
par les hostilités à la production de la fonte, et 
à 70°/, celle de l'acier. C’est là, pense-t-il, une 
gêne considérable pour le renouvellement de 
notre approvisionnement en canons et munitions 


de toutes espèces. Qu'il nous suflise, pour le ras- 
surer, de citer ici une phrase du récent et beau 
discours de M. Millerand, que tout le monde à 
remarquéé, parce qu'elle est tout à fait récon- 
fortante 
tiles de tout calibre atteint aujourd'hui 600!/, 


« La production française en projec- 


de celle qu'au début de la guerre on avait crue 
suffisante et dans quelque temps elle atteindra 
9002/,.. Quant à notre artillerie lourde, nous 
avons, depuis le début des hostilités, septuplé le 
nombre des batteries existant au début de Ja 
guerre ! ». 

M. Schrôdter raconte ensuite en détail une vi- 
site de nos principales usines qu'il a faite aux 
mois de décembre et de janvier derniers en 
compagnie d'ingénieurs de Dusseldorf, officiers 
de territoriale. Les renseignements qu'il en 
donne concordent bien avec ceux que nous 
connaissions déjà par les émigrés, mais la façon 
dont il cote nos usines est assez piquante, car 
il apprécie surtout celles d’entre elles qui ont 
installé le plus de machines allemandes. Les 
grandes usines de Longwy, Mont-Saint-Martin. 
Rehon, sont intactes, mais ont été abandonnées 
brusquement dès la déclaration de guerre. L’aa- 
teur n’a pas lieu de s’en étonner, les Allemands 
ayant envahi plusieurs d’entre elles, même avant 
la déclaration. Toutes les aciéries Thomas de 
l'Est sont pourvues d'installations très perfec- 


‘ tionnées et auraient profité largement des expé- 


riences allemandes. La future usine de Pont- 
àa-Vendin, dont la production annuelle sera de 
300,000 tonnes, obtient une excellente note, car 
les trois hauts-fourneaux sont munis de monte- 
charges inclinés sortant de la Deutsche Mas- 
chinenfabrik de Duisburg, et sa grande cen- 
trale électrique équipée en majeure partie par 
des moteurs allemands. Une série d’aciéries 
Martin se sont développées dans le Nord concur- 
remment avec les usines à fer. « Là, dit le rap- 
porteur, la transition du fer puddlé au fer coulé, 
qui s’est opérée chez nous depuis longtemps, 
y bat son plein. » Les Allemands ne devraient 
pas ignorer que le fer puddlé est encore préféré, 
etavec raison, pour certains produits spéciaux 
de la mécanique et que le fait d'en fabriquer en- 
core n’est nullement celui d’un retardataire. 
Aux boulonneries de Bogny-Braux à Flize, 
existe, parait-il, un train de laminoir à fers mar- 
chands sorti des ateliers Sack de Dusseldorf. 
Les chaineries de la vallée de la Semois ont 
une mention spéciale, car « elles réussissent à 
exporter leurs produits même en Allemagne, par 


1. Journal officiel du 2? avril 1915. Chambre des députés, 
p. 17, 1'° colonne. 


274 E. DEMENGE. — LA SIDÉRURGIE MONDIALE DEPUIS LA GUERRE 


exemple pour la navigation fluviale de l’Elbe ». 
Il en est de même « des petites fonderies col- 
lectives des Ardennes, qu'une grève acharnée fit 
naître il y a une quinzaine d’années et dont les 
noms : « les Quatorze », les « Six frères », indi- 
quent l’origine ». 

Viennent ensuite les usines de la région de 
Lille, présentées à M. Schrôdter parM.Roechling, 
colonel de réserve; la fabrique bien connue de 
Delattre à Ferrière-la-Grande, qui construit de 
grands laminoirs à l'instar des énormes usines 
westphaliennes, et est par conséquent citée en 
première ligne ; celle de fers à cheval Gauthier, 
de Valenciennes, où ils se vantent d’avoir utilisé 
tout le stock pour leur cavalerie et d’y entretenir 
une fabrication intensive pour l’armée ; les Ate- 
liers de Constructions du Nord de la France, «les 
mieux outillés de la région », où tous les wagons 
presque complètement achevés furent utilisés 
par l’armée allemande; la fabrique de locomo- 
tives de Blanc-Misseron, dont le matériel neuf 
forme « une vraie exposition de machines-outils, 
qui malheureusement n’ont pas toujours été ser- 
vies par des mains habiles depuis leur mise en 
service, et où les machines de Reinicker-Chem- 
nitz, de Loewe-Berlin, alternent avec celles des 
firmes les plus connues de Cincinnati, celles des 
usines Gisholt avec celles de Lodge et de Shi- 
pley » (l'auteur éprouve, dit-il, « un grand plai- 
sir a constater que les produits allemands avaient 
si bien défié la concurrence »); les ateliers de la 
Société franco-belge de Raismes, moins récents 
que les précédents; les ateliers de la Société 
Cail de Denain, où l’auteur remarque des clo- 
ches de gueulard et un train blooming destinés 
aux nouvelles usines de Caen ;lesateliers de Fives- 
Lille et enfin l’usine « de la fameuse maison Ar- 
bel de Douai » où les troupes sont installées de- 
puis les premiers jours d’octobreet fabriquent du 
pain bis pour l’armée. 

Un coup de patte en passant à l’arsenal de 
Douai, fabrique de l'Etat, qui produisait pas mal 
de munitions, mais avec des procédés de fabri- 
cation très arriérés. 

La conclusion que tire l’auteur, de cette tour- 
née, C’est que, en dehors d’une seule usine à 
Belfort, toute l'industrie mécanique de France 
qui s’occupe de la construction des locomotives 
et du gros matériel est entre les mains des Alle- 
mands et que la situation est encore aggravée 
pour la production des tubes en fer, qui est 
anéantie. Est-ce bluff ou ignorance? Dans ce 
dernier cas, M. Schrüdter n’aura qu’à feuil- 
leter le tres copieux Annuaire publié par le 
Comité des Forges de France, où il aura par ré- 
gion ou par nature des produits la nomenclature 


des usines françaises se rapportant de loin ou 
de près à la métallurgie. Il y verra que l’indus- 
trie mécanique en France, bien que gênée par 
l'arrêt des usines du Nord, est loin d’être réduite 
à néant, et s'il lui faut une meilleure preuve, il 
la trouvera dans la quantité formidable de pro- 
jectiles que tous les Jours, dans toutes les parties 
de la France, ateliers, petits ou grands, peuvent 
façonner et mettre à la disposition de la Guerre, 
en utilisant uniquement les ateliers existants. 
M.Schrôdterse fait de grosses illusions surle chô- 
mage probable de nos usines, situées à proximité 
des tranchées, et nous avons la satisfaction de lui 
apprendre que la fonderie de cylindres de lami- 
noirs de Frouard en particulier, dont il parle, 
fabrique un tonnage très respectable d’obus de 
gros calibre sans s’émouvoir aucunement de la 
canonnade ininterrompue du Bois-le-Prêtre. 

D'après un interview récent !, l'Empereur Guil- 
laume aurait dit ironiquement que les Russes, 
les Belges et les Français des régions occupées 
s'étaient chargés de ravitailler ses armées. 

L'auteur du rapport explique sans vergogne 
comment les Allemands ont procédé : « Les ma- 
gasins bien remplis des laminoirs, des fonderies 
et d’autres fabriques ont permis de pourvoir nos 
soldats dans les tranchées le plus vite possible 
d'objets de première utilité en quantités vou- 
lues ». Dans les Ardennes, les sapeurs et pion- 
niers du 8 corps d'armée ont remis en service 
quatorze ateliers où ils fabriquent de la ronce 
artificielle, des tôles ondulées pour couvrir les 
tranchées, des lance-mines, des boucliers, des 
pistolets fusants, des tuyaux de poêle, des ge- 
nouillères, des cuisines de campagne. Les cen- 
trales électriques distribuent la force motrice et 
la lumière jusque dans certaines tranchées. Dans 
la région de Chauny, de nombreuses petites 
usines ont été utilisées de la même facon. Pour 
faire travailler les ouvriers restés au pays, on 
les allèche en leur donnant de la farine et du 
pain. 

M. Schrôdter avoue que ses compatriotes 
« puisent à pleines mains dans les stocks enne- 
mis », mais il ajoute que « l'armée allemande a 
ménagé méticuleusement la propriété privée en 
la laissant intacte partout, autant que cela était 
possible, et que sielle a pris du matériel et con- 
tinue à le réquisitionner, ce n’est évidemment 
que contre indemnité ». Nous savons tous de 
quelle facon ils comprennent le respect de la 
propriété privée: quant aux indemnités, elles 
consistent en un chiffon de papier sur lequel 


1. Interview Ballin, directeur de la Hamburg-America Linie. 
New-York World, n° du 15 avril 1915. 


E. DEMENGE. — LA SIDÉRURGIE MONDIALE DEPUIS LA GUERRE 275 


figure cette inscription « payable après les hosti- 
lités ». Cette simple formalité ne doit pas beau- 
coup grever leur trésor de guerre. Au contraire, il 
nous revient de source certaine que bien souvent 
nos ennemis se sont transformés en marchands 
de charbon vis-à-vis des municipalités et du pu- 
blic, en écoulant contre espèces sonnantes les 
stocks des usines occupées. 


IL. — Becaique 


Le chapitre concernant la Belgique est court, 
car le rapporteur reconnait que la sidérurgie y 
estcomplètement anéantie; toutefois dans ce pays 
l'Administration civile allemande aurait rem- 
porté un succès. Une organisation a été créée en 
septembre sous la direction de M. Bornhardt, 
conseiller privé des mines, divisant le pays en 
trois districts miniers : Liége, Charleroïiet Mons. 
Et, malgré le mauvais vouloir bien naturel des 
ouvriers, les productions des charbonnages dans 
ces districts s’éléveraient encore respectivement 
à 499/,,540/, et 751}, de celles qu’on obtenaiten 
temps normal. Par contre, l’industrie sidérurgi- 
que se réduirait à la reprise partielle de certaines 
usines, dont Cockerill, mais pour des travaux de 
réparation seulement, les approvisionnements en 
minerais étrangers et l'exportation des produits 
finis étant devenus impossibles par suite du blo- 
cus. Quant aux fabriques d'armes d’Herstal, si 
bien outillées, elles sont complètement arrêtées 
et une partie de leurs machines-outils a été trans- 
portée en Allemagne. C’est là un indice du peu 
de confiance qu'ont nos ennemis dans la stabi- 
lité de leur conquête. 

La conclusion du rapporteur relative à la 
situation des pays envahis mérite d'être relatée 
en entier. Après les atrocités que l’on sait, elle 
dénote un mélange de candeur et d’hypocrisie 
qui ne doit plus nous surprendre: « L’Adminis- 
tration allemande a su éviter une catastrophe 
ruineuse à l’industrie du pays et a su adoucir 
pour elle, dans la mesure du possible, les con- 
séquences et les horreurs de la guerre par le re- 
lèvement deses forces économiques. La Belgique, 
comme le Nord de la France, n'aura qu'à remer- 
cier son Gouvernement mal avisé, ses amis an- 
glais et tous les alliés des malheurs de sa popu- 
lation, qui ne feront qu'augmenter avec la durée 
de la guerre ». 


IEP. — ANGLETERRE 


Nous arrivons à l'Angleterre, pour laquelle le 
rapporteur trouve peu de chiffres à citer, « les 
statistiques se faisant rares, dit-il, depuis le dé- 
clin continuel de l'industrie anglaise ». Il nous 
apprend toutefois que la fabrication doit être 


bien amoindrie à cause des difficultés d’appro- 
visionnement des matières premières, du manque 
de houille, des grèves continuelles (il en savent 
quelque chose) et de l'élévation des frets. Il con- 
tredit les calculs de M. Grey en affirmant que 
l'exportation des produits finis a fléchi considéra- 
blement, de 400/, environ, par rapport à 1913. I] 
est vrai qu’il exclut de ces produits la fonte et le 
ferromanganèse. [1 imagine alors que cette situa- 
tion attire vivement l'attention des milieux écono- 
miques de l'Angleterre et cite à cet effet un pas- 
sage du périodique T’he Economist ainsi conçu 
« Plus longtemps la guerre durera, plus grande 
sera la destruction de l’esprit d'entreprise en 
Europe. Un mois de la guerre actuelle, en consi- 
dérant les pertes en hommes aussi bien que celles 
en valeurs, équivaut certainement à douze mois 
de guerre d'autrefois, de sorte qu’à la fin de 
décembrenous devons admettre quelecataclysme 
actuel n’a pas duré cinq mois, mais bien cinq 
années », Il nous semble cependant que, parmi 
les pays d'Europe, l'appréciation du journal 
anglais s’applique surtout à ceux dont la puis- 
sance financière et la situation monétaire laissent 
le plus à désirer. 

M. Schrèdter revient, lui aussi, surles origines 
de la guerre et en recherche l’auteur responsa- 


“ble. « C’est, dit-il, un complot diabolique du 


Gouvernement de l'Angleterre. C’est une guerre 
menée pour l’hégémonie économique », mais il 
aflirme qu'aucun des sidérurgistes allemands ne 
l’a voulue et n’a pensé à elle. Singulière contra- 
diction avec les regrets exprimés à maintes repri- 
ses, par ses compatriotes, que les géologues 
envoyés par Bismarck en 1871 pour tracer la fron- 
tière au mieux des intérêts industriels n’aient 
pas pressenti notre superbe gisement sous-jacent 
de Briey, contradiction avec ce besoin incessant 
de minerai de fer qui les poussait à s'assurer par 
tous les moyens possibles le contrôle de nos 
mines de Normandie, de Bretagne, d'Algérie, 
d’Indo-Chine et du Maroc! L'auteur du rapport 
le sait bien, et les nombreuses études qu'il a 
publiées dans son périodique Stahl und Eïisen 
n'ont pas peu contribué à propager ces idées 
d'absorption et de confiscation dans l'esprit deses 
lecteurs, mais sa haine de l'Angleterre l’aveugle 
au point de lui faire injurier la presse technique 
de ce pays, si bien représentée pourtant par 
l'Engineer et V'Engineering, qu'il accuse « de 
souiller la science allemande ». 


IV. — Etars-Unis 


Pour les Etats-Unis, M. Schrüdter réserve 
toute son ironie. Dans leur hypocrisie, les Amé- 
ricains auraient voulu jouer le rôle du tertius 


. 


276 E. DEMENGE. — LA SIDÉRURGIE MONDIALE DEPUIS LA GUERRE 


gaudens et créer des organisations pour supplan- 
ter la concurrence allemande exclue parla guerre; 
mais 1ls auraient fait un faux calcul, le crédit du 
monde entier ayant été largement atteint et leur 
industrie, surtout la sidérurgie, ayant profondé- 
ment souffert. De plus, l'avenir paraîtrait tres 
sombre, parce que non seulement les chemins 
de fer, mais encore d'autres entreprises écono- 
miques manqueraient d'argent. Mais bientôt 
retentit un autre son de cloche, lorsqu'il est dit, 
quelques lignes plus bas : « Le pays a eu des 
commandes importantes de matériel de guerre 
pour l'Angleterre, la France et la Russie, qui doi- 
vent dépasser 500 millions de dollars. L’Angle- 
terre a une impuissance industrielle si lamenta- 
ble, qu'elle a du recourir à l'Amérique pour la 
production de ce matériel. Les mêmes Américains 
qui à la Maison Blanche prient tous les diman- 
ches pour la paix travaillent pendant la semaine, 
euit et jour, à la fabrication: des moyens pour pro- 
longer la guerre ». Bref le rapporteur constate 
avec affliction que la course au dollar paraît tout 
primer, et que l'élément allemand, si important 
aux Etats-Unis, n'a pas assez de cohésion ni 
d'influence politique pour exiger une attitude 
strictement neutre de son Gouvernement. 


V. — ITALIE ET SUÈDE 


En Italie et en Suede, la crise de l’industrie 
sidérurgique était sérieuse avant la guerre. Elle 
n’a pas diminué depuis, les usines éprouvant 
beaucoup de difficultés pour s’approvisionner. La 
Suède mérite la reconnaissance de l’Allemagne 
pour avoir défendu tout transit de matériel de 
vuerre vers les pays étrangers belligérants. 


V1. — Russie 


En Russie, la production annuelle de fonte, 
qui s'élève à 4.300.000 tonnes, n’a pu être que fai- 
blement influencée par l’incursion des armées 
allemandes en Pologne, les usinesde cette région 
h % dans la production. 


L'extraction du charbon, au contraire, est plus 


n'entrant que pour 3 à 


affectée par l'occupation du bassin de Dombrovwa. 
La fabrication des armes et munitions est con- 
centrée en Russie principalement à Petrograd, 
Moscou et Perm; les obus sont coulés en grande 
partie dans les fonderies de l'Oural et les fusils 
fabriqués à Toula. Il est possible que l’industrie 
mécanique ne soit pas assez développée et que 
toutes les usines ne suffisent pas pour les besoins 
avec satisfaction 
notre maître de forges, mais l'appui des Alliés 
compte heureusement pour quelque chose. Signa- 


militaires, comme le constate 


lons, en terminant ce chapitre, la nouvelle 


preuve que donne M. Schrüdter dela prémédita- 
tion de longue date d'une attaque slave, en rele- 
vant, sur la statistique oflicielle des Etats-Unis, 
« que la Russie a subitement augmenté d’une 
façon très importante, en décembre 1913, l'impor- 
tation jusqu'alors très minime des cartouches et 
munitions ». 


VII. — ALLEMAGNE 


Le rapporteur aborde enfin le sujet qui lui 
touche le plus au cœur, la situation de sa patrie 
allemande. À la mobilisation, arrêt de presque 
toutes les usines, surtout de celles situées aux 
frontières du pays,où les ouvriers restants furent 
occupés à des travaux de fortification : « L’haleine 
leur faisait défaut », mais bientôt la ferme 
volonté les domine « de ne pas le céder dans 
l’'accomplissement des devoirs patriotiques à 
leurs frères et fils qui défendent la patrie de 
leurs corps », et au bout de 15 jours les chemins 
de fer reprennent leurs services et beaucoup 
d'usines sont réorganisées en vue de l’état de 
guerre, les ateliers de l'intérieur du pays d’abord, 
les forges des frontières ensuite, au fur et à me- 
sure que les communications et la situation du 
marché le permettent. 

Dans quelles conditions marchent-ils? lei 
commencent les aveux. « La pénurie de charbon 
desdiverses qualités est connue de tout le monde; 
pour y remédier, il est tres désirable que les 
consommateurs s'installent de plus en plus en 
vue de la combustion du coke qui ne manque 
nullement. » Si le coke ne manque pas, c'est 
qu'ils poussent de toutes leurs forces à sa pro- 
duction au détriment de la houille, les sous- 
produits de la fabrication étant la presque 
unique source d’où ils puissent tirer le benzol, 
le phénol et les nitrates! qui suppléent aux 
matières que le blocus leur a enlevées. 

La production de la fonte a été réduite dans 
les proportions suivantes: 


88 1/, pour les hauts-fournaux de la Haute Silésie 


CONS -— de la Sarre 
SE JA — du Luxembourg 
46 0/ -— de Lorraine 


10 

En Silésie la production, même réduite, des 
hauts-fournaux restés en service n'a pu être 
absorbée par le marché, par suite de la mobilisa- 
tion de toutes les voies de communication, de 
sorte que la mise en stock a été nécessaire. Au 
Luxembourg et en Lorraine, c’est la main- 


1. Brevets Hœusser basés sur l'oxydation de l'azote de 
l'air en présence d’un excès d'oxygène sous une pression 
produite par l'explosion d'un mélange gazeux dans un réci- 
pient approprié. 


E. DEMENGE. — LA SIDÉRURGIE MONDIALE DEPUIS LA GUERRE 2 


ee! 


d'œuvre qui à fait défaut, en raison de la mobi- 
lisation « des territoriaux de moins de 32 ans 
n'ayant pas fait de service militaire » et sur- 
tout du départ des ouvriers ilaliens dont le 
relour se fait désirer. Ils n'ont vraiment pas em- 
ployé la bonne méthode pour les faire revenir 
dans le Bassin de Briey. 

Détail intéressant : les forges de Rombas en 
Lorraine ont maintenu leur deux hauts-fournaux 
à allure réduite pour alimenter d'électricité la 
forteresse de Metz. Quant à la production de 
l'acier brut, elle a subi une réduction de 40 %. 

A côté des aflirmations plutôt optimistes de 
M. Schrüdter, il n'est pas inutile de citer certains 
chiffres que nous relevons sur les rapports de 
deux principales sociétés métallurgiques alle- 
mandes et qui montrent que leur industrie n’est 
pas restée si florissante qu'ils veulent bien le 
publier. 

La Compagnie Phoenix, dont les recettes s’éle- 
vaient à 23.551.095 francs pour le semestre 
juillet-décembre 1913, n'a réalisé dans le même 
semestre de 1914 que 13.234.238 francs. La mobi- 
lisation lui a enlevé 14.000 ouvriers. Le montant 
des commandes à la fin de janvier 1915 n'était 
plus que de 373.412 tonnes contre 488.694 tonnes 
l'an dernier à la même date. La Compagnie 
Laura Hütte a vu son personnel réduit au tiers et 
sa production diminuée dans la même propor- 
tion. Les recettes dans le dernier semestre de 1914 
n'ont été que de 2.529.070 fr., c'est-à-dire les 2/5 
des recettes du semestre correspondant de 1913. 
Deux usines de cette Compagnie situées près de 
la frontière de Pologne ont été fermées. 

Nous connaissons encore bien d’autres établis- 
sements dont les bénéfices, et par suite les divi- 
dendes, ont été fortement réduits. 


È VIII. — Aurnicue-HonGrie 


En Autriche-Hongrie, l’industrie minière et la 
sidérurgie sont indirectement atteintes par le 
manque de transport, les conditions ouvrières et 
les difficultés de vente. M. Schrüdter évalue à 
6°/, la diminution sur l'extraction de la houille, 
à 10°/, sur le coke, à 12°/, sur les briquettes, à 
30 °/, sur la fonte et à 40°/, sur les demi-produits. 


IX. — Concrusron 


, La conclusion du Rapport allemand comporte 
un certain nombre de critiques qu'il nous est 
agréable de lire et que nous citerons in extenso : 
« L’immense capacité de notre industrie n’a 
malheureusement pas été assez connue de l'Admi- 
nistration militaire, ce fait étant dû principa- 
lement à ce que le Reichstag ne voit qu'un 


intéressé dans chaque industriel. Il est caracté- 
ristique que la Commission de l'Armement, 
instituée il y a un an à peine, ne contienne pas 
un seul technicien compétent dans les ques- 
tions sidérurgiques... Contrairement à l’'Adminis- 
tration des Armées, la haute direction de la 
Marine a su rester en relations intimes et conti- 
nues avec nous et profiter ainsi de tous les pro- 
grès. Le haut degré de perfectionnement de son 
matériel, si important à cette époque, est d'ail- 
leurs universellement reconnu... 

« L'attribution des commandes militaires e/ la 
distribution des matières premières confisquées 
ont donné lieu à des procédés étranges ; le com- 
merce intermédiaire a été largement préféré et 
des intérêts privés, qui méritaient une juste ré- 
pression, se sont fait valoir avec succes... La 
Bureaucratie n’a pas diminué avec la guerre ». 

Le rapporteur se plaint des cent trente lois 
et règlements prescrivant des mesures écono- 
miques, qui influencent vivement les conditions 
du service des usines et la vente des produits, 
mais il fait contre fortune bon cœur en se rap- 
pelant la devise : « Tout pour la patrie ». 

Pourterminer, ilentonne un chantde triomphe 
et jette un défi à l'Angleterre. Le manque de cui- 
vre ne l’émeut pas. « Dans l'intérêt de la sécurité 
du pays, nous prendrons le cuivre partout où 
nous en trouverons. Si nos stocks importants 
s'épuisent, nous saisirons, contre indemnités na- 
turellement, tout ce qui est fait en cuivre dans 
les pays occupés : conduites et càbles électri- 
ques, coussinets des machines, tuyères des hauts 
fourneaux, chaudières des sucreries, cuivrerie de 
ménage, jusqu'au dernier loquet. En considérant 
les millions de tonnes de cuivre qui ont été con- 
sommées ces dernières années, on voit que nous 
pourrons soutenir une guerre de trente ans avant 
d'arriver à fondre les toitures des églises et les 
monuments en bronze. Avecses mesures, l'Angle- 
terre anéantit les industries belges et francaises 
du Nord déjà si durement éprouvées. Les usines 
que la guerre avait ménagées jusqu'ici seront, par 
ces réquisitions, désorganisées pour de longues 
années, » Nous voilà prévenus. 

Quant à la destruction du commerce extérieur 
allemand par l'Angleterre, M. Schrüdter n'y croit 
pas, les progrès techniques de ses compatriotes, 
leur haute intelligence, leurs talents brillants et 
l'habitude da travail devant faire crouler comme 
châteaux de cartes les douzaines de rapports que 
le « Board of Trade » et la « Chamber of Com- 
merce » ont publiés dans leur jalousie mercantile. 

Les manifestations de cet orgueil démesuré se 
passent de commentaires. Nous y sommes habi- 
tués, et la meilleure réponse à faire est celle de 


278 D. ZOLLA. — LES RESSOURCES AGRICOLES DE LA FRANCE 


la fable : « Attendons la fin ». Tel un chronomètre 
dont les rouages compliqués ont été laborieuse- 
ment agencés pour la précision, mais dont la 
marche ponctuelle dépend forcément du grais- 
sage des organes et de la tension du ressort, 
l'organisation industrielle de l'Allemagne, pour 
se maintenir puissante et forte, comme nous 
l'avons connue avant cette guerre, aurait besoin 
d'être remontée autrement que par des menaces 
et des rodomontades. La prolôngation des hos- 
tilités et du blocus, en même temps qu'une 
diplomatie maladroite agissant au rebours du 
droit et de la civilisation, ce sont là autant d'élé- 
ments pour aggraver la crise qui s'annonce, et sa 
sidérurgie, en particulier, dont le rang était 
presque prépondérant dans le monde, sera forte- 
ment atteinte, et pour longtemps, car elle sera 


privée désormais des énormes bénéfices qu'elle 
tirait de l'exportation à outrance de ses produits 
et surtout de l'appui moral et même effectif d’un 
Gouvernement respectable et respecté qui faisait 
sa force. Déjà nous lisons dans le numéro du 
15 février dernier du Stahl und Eisen, revue de 
M. Schrôdter, sous la signature de M. Beumer : 
« La situation de la métallurgie allemande est 
loin d’être brillante, contrairement à ce qu'on 
prétend ici ou là, car elle doit faire face à des 
difficultés continuelles qui ne peuvent être 
vaincues qu’à force d'énergie et d'esprit d’en- 
treprise ». 


Emile Demenge. 


LES RESSOURCES AGRICOLES DE LA FRANCE 


1. — La Pronucriox EN 1914 


Quelques chiffres suflisent pour prouver que 
les prodigieuses ressources fournies par la cul- 
ture du sol nous protègent sans difficulté contre 
la disette ou même contre une hausse inquié- 
tante des prix. 

Les relevés de la douane permettent de savoir 
très exactement quelles quantités nous impor- 
tons de l'étranger et de nos colonies pour parer 
notamment à l'insuffisance de la production 


nationale, Eh bien ! 


en ce qui concerne les ob- 
jets d'alimentation, voici le poids des denrées 
importées de 1910 à 1945 : 

En millions de quintaux 
RER Tai 
1910 1911 1912 1913 191% 


Objets d'alimentation 41 64 46 55 52 


Le chiffre qui se rapporte à l'année 1914 est 
moins élevé que celui de 1913 et de 1911. Or, si 
les ressources agricoles de la France n'avaient 
pas été suflisantes, il est clair que le commerce 
eût immédiatement multiplié ses achats pour 
satisfaire aux besoins de la consommation inté- 
rieure. Nos relations par mer n'ayant jamais été 
interrompues, les importations se seraient ac- 
crues rapidement dès l’ouverture des hostilités. 
Rien de pareil ne s’est produit, c’est l'évidence 
même, et l'on peut admettre, à la seule inspec- 
tion de notre tableau, que nous sommes en état 


de subsister, sans avoir à redouter le rationne- 
ment alimentaire imposé par la nécessité à la 
population germanique. 

Quand on entre dans le détail, il est visible que 
les chiffres globaux cités plus haut ne masquent 
pas des insuflisances relatives à certaines denrées 
alimentaires. Voici par exemple les importations 
principales en millions de quintaux: 


Importations (c'° spécial) 


1912 1911 1910 


nl 


0000-#w0 
O & & © D © 


Harineux 2 
SUCrTÉS Le Rene 
Bestiaux 


4,8 
1.1 
0.5 


0,1 
0,3 
0,9 


us b 3 © ces 


bros 


0000 EmsJ 
000 © 


Comparées simplement importations 
de 1913, les entrées de 1914 ne révèlent nulle- 
ment une insuffisance relative des récoltes ou de 
la production. C’est là un moyen indirect mais 
très sûr d'apprécier l'étendue de nos ressources 
et de prouver que ces dernières sont parfaite- 


aux 


ment normales. 
Quand on à recours aux évaluations directes, 
les résultats obtenus ne sont pas différents. 


D. ZOLLA. — LES RESSOURCES AGRICOLES DE LA FRANCE 279 


En 1914, la récolte des céréales a été très voi- 
sine de la moyenne. Voici les chiffres que nous 
empruntons à une brochure éditée par le Minis- 
tère de l'Agriculture : 

Récoltes en millions de quintaux 
6 


1916" 01913" 1912 1911 


HPOMENLM Eee deco « 87 86 90 87 
OPA TRERNRENAARES 12 12 12 11 
Ge at 10 10 11 10 
AVOIne :...... net D4 51 51 50 


Sans doute, il y aurait lieu de tenir compte 
des pertes et des pillages dans certaines régions 
envahies, mais l'importance générale de la pro- 
duction reste néanmoins démontrée. 

Les pommes de terre constituent un aliment 
précieux qui est extrêmement abondant dans 
notre pays à l'heure actuelle. Depuis dix ans, 
noire récolte ne s'était pas élevée à un total 
aussi considérable. L'alimentation humaine est 
largement assurée, et, d'autre part, l’élevage du 
porc se trouve favorisé du même coup. 

Notre production de vin dépasse 64 millions 
d'hectolitres contre 44 millions en 1913. 

Les vignerons du Midi, embarrassés de leurs 
richesses, voient les prix baisser et se plaignent 
d'une crise, celle de la mévente. 

Seule, la production du sucre a été réduite de 
plus de moitié parce qu’elle est localisée — 
comme celle de la betterave — dans les dépar- 
tements envahis et pillés par les Germains. En 
1914-1915, 69 sucreries seulement ont travaillé 
et ont produit environ 350.000 tonnes de sucre, 
soit la moitié de la moyenne. 

Sans doute notre troupeau a diminué. Le 
Ministère de l’Agriculture a fait une enquête 
qui paraît révéler une réductions de 10°/, pour 
les bovidés et les moutons, et de 11°4 pour les 
pores. Les effectifs qui subsistent restent encore 
considérables : 


13.297.000 pour les bovidés; 
14.800.000 pour les ovidés; 
6.200.000 pour les pores. 


Ces chiffres-là se passent de commentaires. 


IT. — La Marcne pes Prix 


Il s’agit ici d’un renseignement intéressant 
et d'une preuve indirecte de l'importance des 
ressources dont nous disposons. Pendant cinq 
mois, du début des hostilités jusqu’en janvier, 
les cours des principaux produits agricoles sont 
restés très bas. Nulle hausse brusque et notable 
n'a traduit l'inquiétude du commerce et révélé 
ses craintes au sujet de l'approvisionnement. 


L'élévation des prix à partir de janvier répond à 
un mouvement général sur les marchés étrangers 
dont le nôtre est naturellement 
médiocres qu'elles soient, nos importations sont 


solidaire. Si 


cependant nécessaires et les cours de l’intérieur 
ont élé influencés par la cote des places sur 
lesquelles sont faits nos achats. 

La hausse même que l’on constate à l'étranger 
est expliquée surtout — pour les grains et la 
viande — par l'élévation considérable des frets 
maritimes. Ceux-ci ont augmenté dans de telles 
proportions que le coût de transport, par quin- 
tal, pour le froment, a passé de 1 fr. 25 à 8 fr. 20, 
entre Buenos-Aireset Liverpool, de 1 fr. à 6 fr. 50 
entre Buenos-Aires et Gênes. Il est donc très 
naturel que les cours aient monté proportion- 
nellement sur les marchés des pays importa- 
teurs. En France, cependant, les prix sont 
moins élevés que partout ailleurs. L'abondance 


de nos réserves limite et atténue la hausse 
générale. 
III. — La FuTurE RÉCOLTER ET L'AVENIR 


DE LA PRODUCTION AGRICOLE 


Nous sommes donc optimiste et il nous coûte 
peu de le reconnaître. Cette confiance doit-elle 
être ébranlée lorsqu'il s’agit de notre future 
récolte? Le doute et l'inquiétude sont ici tout 
naturels, car la mobilisation d'une part, et les 
réquisitions d’attelages d'autre part, ont rendu 
singulièrement difliciles la préparation des 
champset les semailles. Cela est vrai, mais il faut 
tenir compte de l’énergie déployée par tous ceux 
qui restent dans nos campagnes. 

Deux exemples suflisent à le prouver: 

La déclaration de guerre a précédé ou suivi de 
très près la coupe de nos céréales et la rentrée 
des millions de gerbes qu'il fallait abriter dans 
les granges ou sous les meules. 

Ce travail immense, qui devait s'étendre à 
quatorze millions d'hectares, a cependant été ac- 
compli dans d'excellentes conditions. Les batta- 
ges ont été effectués régulièrement, puisque le 
grain n'a jamais fait défaut. 

Sur une étendue de 1.800.000 hectares, les vi- 
gnerons ont coupé le raisin, tâche délicate qui 
doit être accomplie rapidement, et la fabrication 
du vin qui ne saurait être différée a porté sur 
61 millions d'hectolitres! Le défaut de main- 
d'œuvre est donc un obstacle, redoutable assuré- 
ment, mais un obstacle dont nos braves campa- 
gnards ont triomphé. Pourquoi n'auraient-ils 
pas réussi à Jlabourer, à semer, à donner aux 
animaux les soins nécessaires et la provende 


280 En. GAIN. — LA PRODUCTION DU BLÉ EN 1914 


habituelle ? A propos de la moisson, le Ministre 
de l'Agriculture disait très Justement!. 

« L'organisation méthodique des ressources 
locales dans les pays à culture morcelée, l’acti- 
vité déployée par les femmes, les enfants, les 
vieillards restés a la ferme ou au village, le con- 
cours des évacués des villes fortes et de tous 
ceux qui, inoccupés dans les cités industrielles, 
venaient chercher à la campagne une vie peu 
onéreuse, ont permis avec quelques retards, avec 
quelques pertes inévitables dans la hâte imposée 
par les circonstances, la rentrée presque inté- 
grale des moissons. » 

Rien de plus vrai, croyons-nous, mais ici le 
passé répond de l'avenir. On fera demain, dans 


1. L'effort agricole de la France. Paris, Imprimerie natio- 
nale, 1915, 


LA PRODUCTION ET LE COMMERCE DU BLÉ EN 1914 


L'établissement de statistiques mondiales de 
la production annuelle des céréales présente des 
difficultés de diverses natures. Il est rare que 
tous les pays sans exception se trouvent dans un 
état de paix compatible avec l'établissement ou 
la publication de statistiques complètes : pour 
191%, par exemple, l'Allemagne (moins la Prusse), 
l'Autriche, la Pologne russe n’ont pas publié 
leurs statistiques de récoltes annuelles. Cette dis- 
crétion des pays de l’Europe centrale nous gêne 
un peu pour apprécier leurs ressources actuelles 
en plantes vivrières. D'autre part, les unités de 
mesures sont différentes suivant les pays; l'hé- 
misphère septentrional récolte ses céréales de 
février à novembre, alors que l’année-récolte de 
l'hémisphère austral va de décembre à mai. 

Les stocks qui proviennent des années anté- 
rieures, les quantités nécessaires aux ensemen- 
cements de l’année courante, les substitutions 
qui se font dans l'emploi d’une céréale qui en 
remplace une autre, les fluctuations des courants 
d'importation et d'exportation, sont autant de 
facteurs qui troublent les conclusions qu’on 
pourrait faire, relativement aux disponibilités 
utilisables pour l’alimentation humaine d’un 
sroupe de pays déterminés. Nous pensons que 
l'approximalion relative, sur laquelle on peut 
compter, est peu constante elle-même, lorsque 
surgit un événementéconomique de l'importance 
de la présente guerre. 


nos campagnes, ce que l’on a fait hier, et nous 
sommes convaincus que la production agricole 
de 1915 ne sera pas inférieure à celle de 1914, sin 
les circonstances atmosphériques ne viennent 
pas la réduire. $ 

C’est là, ne l’oublions pas, un avantage des“ 
plus sérieux dans la lutte que nous soutenons. 

La production agricole annuelle représente 
une valeur de douze milliards de francs et elles 
constitue assurément plus du tiers du produit 
total de notre activité dans toutes ses branches 
et sous toutes ses manifestations. Il est extrè-" 
mement heureux quenotre puissance productive 
reste intacte à ce point de vue. C’est là, sans“ 
doute possible, une sécurité et une force. 


D. Zolla, 


Professeur à l'Ecole d'Agriculture de Grignon 


Ce qui est certain, c’est que, pour le blé, l'an 
née-récolte 1913 a élé excellente. Son chiffre de 
récolte est le plus fort qu’on ait jamais enregistré, 
etil est supérieur d'environ 8 % au chiffre moyen 
de la période quinquennale précédente. L'année 
1914 donne un chiffre moindre. 


Récoltes de blé (en quintaux) 


Année-récolte 1913 (et1913-14!) 
1914 (et 1914-15). 
Moyenne quinquennale (1909- 
LOL AE D AREEARE 

— décennale (1904-14). 


1.092.238.956qx. 
= = 1.003.775.806 — 
996.820.303 — 
933.662.011 — 


Des chiffres précédents on peut tirer une con= 
clusion générale relative aux stocks supplémen= 
taires reçus par l’année 1914 : ces stocks, venant 
de 1913, atteignent près de 100 millions de quin= 
taux. Ils ont presque la même valeur que si c'était, 
la récolte de 1914 qui était majorée d’autant. 

En se plaçant au point de vue des ressources: 
de l'Allemagne et de l'Autriche, jusqu’en juillet 
1915, on voit que ces pays se trouvent favorisés 
par le fait que 1914 succède à une année d’abon= 
dance laissant des stocks. Si 1913 avait été une 
année de mauvaise récolte en blé, le blocus 
qui enserre l'Allemagne et l’Autriche aurait pu 
jouer plus facilement et à plus brève échéance: 

L’année-récolte 1914-15 a été moins bonne que* 
la précédente, mais sensiblement égale à læ 


1. Pour l'hémisphère austral. 


Epu. GAIN. — LA PRODUCTION DU BLÉ EN 1914 281 


moyenne des récoltes des dix dernières années. 
Elle vaut : 


91,9 % de la valeur de la récolte de l’année pré- 
cédente (1913) 

107,5 % de la valeur de la moyenne quinquennale 

100,7 % de la valeur de la moyenne décennale. 


Il est bon de remarquer toutefois que certains 
pays, surtout dans la région atlantique d'Europe, 
ont eu, en 1914, un excédent sur 1913, Ce sont 
notamment : 


Grande-Bretagne. ........ 10,3% en plus 


DAS A nt un 5,9 % — 
Bépagne...,.::.... 3,3 % — 
COR Un Loue. 0,3 % — 


Alors que beaucoup d'autres pays ont trouvé 
en 1914 une récolte inférieure par rapport à celle 
de 1913 : 


| FORCEMENT 15 % en moins 
"LE NAENINSNREERRRRRNe 24,2 % — 
ARNO SEE PA 29,8 % — 
RIRES AR ER RES 21 % - 
Norvège. ..... WU — 
SORTE TRE RE 19,3 % —— 
ROURANIEN EL LL... 4&,& 9 — 
SRE car. 06 ANS 6,6 % = 


En Russie, le déficit a atteint environ 20 » 
(soit 29% en moins pour la Russie d'Europe, 
compensés en partie par 48% en plus pour la 
Russie d'Asie). 

Pour les pays qui, comme la Roumanie, la 
Russie, la Bulgarie, sont grands exportateurs ha- 
bituels de blé en année normale, une récolte 
annuelle affaiblie diminue seulement les disponi- 
bilités à l'exportation. Pour les nationsquiimpor- 
tent ordinairement du blé, et qui ont une récolte 
déficitaire, leurs besoins à l'importation sont 
devenus plus impérieux et se trouvent difficile- 
ment satisfaits aujourd'hui en raison de l’état de 
guerre qui paralyse la circulation terrestre et 
surtout l’arrivage maritime des produits. Dans 
cette situation se trouvent plusieurs pays neutres: 
Scandinavie, Italie, Suisse. 

À défaut de chiffres ofliciels globaux, pour 
l'Allemagne et l'Autriche, nous pouvons supposer 
que leurs disponibilités ne sont pas inférieures 
au chiffre de la moyenne quinquennale, majoré 
en outre par l'importation qui a été possible 
pendant le premier trimestre de la guerre. 

Si Le blocus avait joué dès le mois d'août der- 
nier, la situation aurait pu être très défavorable 
à ces pays dès la fin de mai 1915. Nous pensons 
que la raréfaction du blé en Germanie au mois 


de juin 1915 dépendra en partie des stocks réels 
d'avant la guerre, ou constitués par l'importation 
au début de la guerre. Avec le maintien d’un 
blocus effectif, si l’année récolte 4915-16 était 
mauvaise pour l'Europe Centrale, la pénurie de 
pain ferait capituler nécessairement le peuple 
allemand en juin 1916. Car le pain ne peut 
manquer longtemps sans créer un état révolu- 
tionnaire. 

La statistique publiée par l'Institut [Internatio- 
nal d'Agriculture! montre 
mondiale du blé augmente assez régulièrement 
depuis dix ans. 

Pour les cinq années 1904 à 1909, la moyenne 
annuelle était de 808.700.000 qx., alors qu'elle 
aétéde928.400.000 qx., pour la période 1910-1915, 
soit 14,8 % en plus. 

Les difficultés de la circulation du blé depuis 
neuf mois ont probablement exagéré l'apparence 
des besoins réels du commerce mondial. Aussi 
les emblavures existantes pour les cultures de 
1915 sont-elles partout en progression. 

Les prix rémunérateurs sont d’ailleurs des exci- 
tants naturels. 

Pour 1915, les documents ofliciels accusent, 
dans l'Inde, une augmentation de 23 % dans 
les superficies cultivées en blé; au Canada, en 
Grande-Bretagne, aux Etats-Unis, en Suisse, on 
enregistre environ 10 % en plus. 

Nous pouvons être très rassurés sur les quan- 
tités de blés dont disposeront les Alliés en fin 
d'année 1915. importations exotiques 
seront aisées, si elles sont nécessaires. Pendant 
ce temps, l'Allemagne ne pourra escompter que 
ses récoltes indigènes de 1915, et cela pourra 
être très insuflisant pour elle. 

Mais, qu'on le comprenne bien, la guerre peut 
durer jusqu’en juin 1916 sans qu'aucune famine 
puisse menacer d’autres peuples que ceux qui 
sont enfermés dans le blocus par les Alliés. Le 
soleil travaille sous toutes les latitudes, et la 
glèbe partout nourrit les moissons. Les 3 ou 
k millions d'agriculteurs qui, hors Germanie, ont 
quitté les champs pour l'armée de libération, sont 
remplacés en partie, et ne représentent d’ailleurs 
que 5 à 6°/5, peut-être, de la main-d'œuvre qui, 
dans le monde entier, peine à la production du 
froment nourricier. 

L'Institut international d'Agriculture de Rome 
estime que les disponibilités pour l'exportation, 
sur les récoltes faites depuis un an, sont de près 
de 198.000.000 de quintaux, et que les besoins 
accusés par les pays importateurs sont d'environ 
pa SP PME 1 PRE EN M 


1. Bull. de Statistique, n° 3, 6° année, mars 1915, et sup- 
plément, 


que la production 


Leurs 


282 


Em. GAIN. — LA PRODUCTION DU BLÉ EN 1914 


162.000.000 Qx. Il resterait donc déjà,en perspec- 
tive de disponibilité, pour l'année prochaine 1916, 
36.000.000 de quintaux de blé, et cela sans tenir 
compte des stocks reportés des années précé- 
dentes. 


IL 


Voyons maintenant l'influence du grand con- 
lit européen sur les prix du blé d'importation et 
sur les prix du fret. 

Voici deux types envisagés comparativement 
de 1913 à 1915 (tableaux I et Il). 


TABLEAu |. — Blé américain (Red Wiuter), à New-York 


ll 


PRIX DU BLÉ EN FRANCS 


PRIX DU FRET PRIX DU BLÉ EN FRANCS|N 


A NEW-YORK 


PAR 


QUINTAL 


NEW-YORK-LIVERPCOL 
EN FRANCS PAR QUANITAL 


EEEEEEE——————— 


À 
LIVERPOOL 


1913-1914 1914-1915 


16.80 
22,94 
26,32 
33.61 
29,49 


15.80 
18,66 
19,23 
19,33 
19.99 


3 juillet 
1S septembre..... 
2 janvier........ 
DMÉVRER ren. 
26 février... 


1913-1914 


1914-1915 


1914-1915 1913-1914 


18 
23,178 
29,25 


38,17 


0,99 
1719 
SOL 
4,09 
4,66 


0,90 
0,99 
0.99 
0,80 
0,61 


19.87 
20,50 
20,56 
20,68 


Fluctuation, aux cinq 
dates considérées. 


À — 
18,8 à 19.99 | 16,80 à 33,61 | 0,61 à 0.99 
| 


0.99 à 4,6 


TAgLEAU II. — Blé argentin, à Buenos-Ayres 


PRIX DU BLÉ 
A BUENOS - AYRES 
PAR QUINTAL 


PRIX DU FRET 
EN FRANCS PAR QUINTAL 
DE BUENOS-AYRES 

à destination de 


18 à 35,17 


19,8 à 20,6 


PRIX pu BLÉ À GÈNES} 


PAR QUINTAL 


Le prix du fret dépend de nombreux facteurs, 
qui sont influencés par l'état de guerre conti- 
nentale et maritime. 

Pendant la guerre actuelle, le prix du fret 
d’une tonne de blé de New-York à Liverpool a 
passé de 9 francs à 46 francs, au lieu de varier de 
6 à 9 francs, De Buenos-Ayres à Liverpool, il a 
passé de 12 à 91 francs au lieu d’être de 
9 à 17 francs. De Buenos-Ayres à Gênes, il a été 
de 10 à 70 francs au lieu desetenir de7à 15francs. 

Quant au prix du blé exotique dans les pays 
d'origine, il a été en hausse de 16,8 à 33 fr. 6 le 


Gênes Liverpool 
— A 
1913-1914 19141915 || 1913-44 | 1914-15 | 1913-1914 | 1914-1916 || 1913-1914 1914-1915 
RE EE PC 19,47 18.53 1,5 1 1,77 ,26 20,75 20,62 
48 septembre......... 19 22,44 1.0 1,5 1,6% ,6% 20 — 
AEUT AO CO FO00E 17,6 22 0.90 6 1,32 ,25 19.32 31,62 

D'ÉMÉVLIEL: er 18 53 25,96 0,70 7 0,98 9,14 19,81 40,37 
26 21Mé Len ere 18,81 — 0,80 — 1,26 — 20,4% — 
Fluctuation, aux 5 dates DR | PR 

considérées ........... 17,6 à 19,47 [18,53 à 25,9610,7 à 1,5] 1 à7 0,98 à 1,77/1,26 à 9,14/19,32 à 20,75)20,62 à 0 


quintal pour le blé rouge de New-York et des 
18,5 à 25,96 pour le blé argentin, alors qu’en 
année normale les prix sont très stabilisés et nes 
varient guère, en 1913 par exemple, que de 
18 fr. 8 à 49 fr. 99 pour le premier et de 17,6 à 
19,47 pour le second. | 

En prenant les chiffres extrêmes enregistrés, 
aux diverses dates des années 1913-14-15, om 
trouve les tableaux III et IV suivants qui expri= 
ment bien l'influence de la guerre sur les prix 
du blé et du fret. l 


Eu. GAIN. — LA PRODUCTION DU BLÉ EN 1914 283 


TauLeau II, — Nombres index : Fluctuations du prix du blé américain et du fret (913-1915) 


PRIX DU BLÉ PRIX pu BLÉ AMÉRICAIN PRIX DU FRET 

A NEW-YORK À LIVERPOOL NEW-YORK-LIV ERPOOI, 
Juillet1913 |, a uisll Juillet 1913 eus ais duillet1uts | EE a 
Das. £ rre, ) 1e a >rre. depuis .# ruerre. depuis 
à juillet 1914 Lier tone || à juillet 194 juillet 1914 || à juitet ten | » juillet 1.44 
Chilires extrèmes.....,... 18.14 à 20.09/16,80 à 33,61 18,58 à20,79/18 »aàa38.17 0,61 à1,14 | 0.99 à 4.66 | 
Différences. .......21.. 1295 16,81 REX | 740); 4] 0,53 3,67 | 
Valeur de la différence p.100 AC | 
du chiffre faible. ........ 10 °o 100 °/, 11 9/0 118 °/o 86 %/0 370°/ | 
(Nombres index de la | 


fluctuation du prix du blé 
et du fret.) 


TABLEAU IV. — Nombres index exprimant les fluctuations du prix du blé argentin et du fret (1913-1915) 


PRIX DU BLE 


PRIX DU BLÉ ARGENTIN 


PRIXDu FRETDE BUENOS-AYRES! 


| A BUENOS-AYRES 
(en francs) A GÈNES 


A LIVERPOOL VEKS GÊNES VERS LIVERPOOL 


LR ' Pendant la 
Juillet 1913 guerre, 


fente depuis [huile bn 
à juillet 191 juillet 4914 à juillet 1914) la guerre 


a | : À ; 
Juillet 1913! Pendant | Juillet1913) Pendant |Muill. 193 pendant (Juill. 1943 Pendant 


à à 
à juillet 1914) la guerre juil. 4944! la guerre juill. 4944 la guerre 


Différences. . . ... 2,31 1,43 2,42 20,13 


| | er 
Chifrres extrêmes. 17,494 19,8018,13à 25,96/18,95à 21,3720,62 40 15/18,17à24,0219,35à 37,551/0,7 à 1,5 0,8 à 7 »10.9842.39/4 2649 14 


| 


2,25 18,20 0,8 6,20 1,35 7,88 


Valeur de la ditté- 
rence p. 100 du! 
chiffre faible ..| 7304, | 40 0), 120% | 97 0/0 

(Nombres index de 
la fluctuation) . 


Assurément le facteur sécurité explique cer- 
taines fluctuations des cours du fret, Mais il faut 
» voir dans l'insuflisance de la marine marchande, 
disponible pour le commerce, une des causes de 
Ma hausse, et certainement la cause principale. 
La place que tenait l'Allémagne au point de vue 
du transport des marchandises par mer était 
devenue considérable. Ses milliers de bateaux 
bloqués ou disparus manquent à l'équilibre de 
l'outillage maritime. Il faut souhaiter que les 
placements des peuples alliés se dirigent vers la 
marine marchande pour remplacer et supplanter 
l'Allemagne dans les transports internationaux : 
Le Havre, Marseille, Bizerte port franc, Odessa 
peuvent faire concurrence à Hambourg, si l'ar- 
mement s'y développe suffisamment. Mais tout est 


| 
| 


775 °)| 137%/, 


| 626 ‘, 


12 9/0 94 °Jo || 114 °Jo 


là : il faut risquer des capitaux sur mer: il ya 
trop longtemps que nous négligeons beaucoup 
en France ce compartiment économique de pre- 
mier ordre. Il faut modifier nos habitudes à cet 
égard, 

Nous le pouvons d'autant mieux, que nous se- 
conderons ainsi le développement de la France 
d'outre-mer, de ce vaste et loyal empire colonial 
qui aujourd’hui nous donne des soldats, et qui 
pourra être le principal noyau militaire de notre 
force armée de demain. 


Edmond Gain, 


Professeur à la Faculté des Sciences de Nancy, 
Directeur de l'Institut Agricole et Colonial. 


284 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


BIBLIOGRAPHIE 
ANALYSES ET INDEX 


4° Sciences mathématiques 


Blutel (E), ancien professeur de Mathématiques spé- 
ciales au Lycée Saint-Louis, Inspecteur général de 
l'Instruction publique. — Leçons de Mathématiques 
Spéciales, à l'usage des candidats à l'Ecole poly- 
technique et à l'Ecole normale supérieure et des étu- 
diants des Facultés des sciences. -- ? vol. in-8 de 635 
et 430 pages. Hachette et Cie, Paris, 1914. 


Le programme de la classe de Mathématiques spé- 
ciales de nos lycées a été profondément modilié, il y a 
une dizaine d'années : on a voulu en faire disparaitre 
la spécialisation excessive qu'y avaient introduite peu 
à peu les exigences et les traditions des concours, et lui 
rendre le caractère d'une large introduction à l'étude 
des Mathématiques supérieures ; de là une plus grande 
analogie de cet enseignement avec celui des « Mathéma- 
tiques générales » donné dans nos Facultés, mais avec 
cette différence essentielle qu'il ne vise pas seulement à 
mettre rapidement l'étudiant en possession d’un assez 
grand nombre de faits fondamentaux et de méthodes 
nouvelles, mais qu'il doit conserver la précision, la 
rigueur et la généralité nécessaires pour constituer une 
base solide à des éludes mathématiques complètes. 

C’est à ce point de vue que s’est placé M. Blutel dans 
les leçons dont nous donnons ici un rapide aperçu; il a, 
d’ailleurs, indiqué lui-même dans une courte préface ce 
qui distingue plus particulièrement son ouvrage des 
traités similaires. Et d'abord, il a laissé de côté la Géo- 
métrie descriptive et la Mécanique, qui sont plutôt du 
domaine des Mathématiques appliquées; d’autre part, 
s’autorisant de la latitude laissée au professeur pour 
l'ordonnance du cours, M. Blutel adopte un dispositif 
dont sa grande expérience professionnelle lui a fait 
reconnaitre les avantages : il mène parallèlement l’ex- 
position de l’Algèbre et de la Géométrie analytique à 
deux et à trois dimensions, de sorte que les divers cha- 
pitres de la Géométrie se trouvent rapprochés des théo- 
ries algébriques qui leur sont applicables. Cette dispo- 
sition, qui s'était, d’ailleurs, assez naturellement 
introduite dans la plupart des cours de Mathématiques 
générales, augmente l'intérêt de l’enseignement, et per- 
met d'apporter une plus grande variété dans le choix 
des exercices. M. Blutel a cru aussi, et sans doute avec 
raison, devoir traiter explicitementcertains points insuf- 
fisamment spécifiés dans le programme ofliciel ; c'est 
ainsi qu’il a rassemblé en un court chapitre les notions 
sur les formes quadratiques, de manière à donner l'unité 
indispensable à l'exposition de la théorie analytique 
des coniques et des quadriques; il a également jugé 
utile de donner sur la continuité des racines d’une 
équation algébrique les indications nécessaires pour le 
tracé exact des courbes définies par une équation im- 
plicite. 

En ce qui concerne la théorie générale des fonctions, 
qui reste toujours le point le plus délicat de l'enseigne - 
ment en Mathématiques spéciales, M. Blutel a su con- 
cilier le juste souci de la précision et de la rigueur avec 
la nécessité d'éviter les complications en faisant large- 
ment appel à l'intuition, L'introduction des nombres 
irrationnels faite dès le début, comme l’indique le pro- 
gramme, par la notion de coupure de l’ensemble des 
nombres rationnels, est suivie de quelques notions sim- 
ples sur les ensembles en général; en particulier, la 
notion d'ensemble dense en un point permetà M. Blutel 
de présenter la théorie des limites avec une concision 
et une généralité plus grandes, par la considération du 
cas où les valeurs de la variable forment un ensemble 
infini, ne constituant pas nécessairement tout un inter- 
valle, D'ailleurs, l'emploi d’un texte en caractères plus 


petits permet au lecteur de passer, dans une première 
étude, sur certains points délicats, sauf à en regarder 
le résultat comme intuitif, ce qui est tout-à-fait con- 
forme aux instructions oflicielles, 

Sans vouloir faire ici une analyse détaillée, qui serait 
beaucoup trop longue, de cet important ouvrage, j'es- 
saierai seulement d'en indiquer le plan général. Le 
premier volume renferme l’'Algèbre et les compléments 
de Trigonométrie, la Géométrie analytique de la droite, 
du plan, du cercle et de la sphère, l'Analyse infinitési- 
male et ses applications géométriques. Après avoir 
débuté, comme je l'ai dit, par les nombres irrationnels, 
M. Blutel généralise l’exposant et introduit les loga- 
rithmes, Il expose ensuite l'analyse combinatoire, le 
binôme et ses applications, puis la théorie des vecteurs 
(projectionsetsommes géométriques) et, enlin, celle des 
nombres complexes, de façon à donner à la notion de 
nombre la forme la plus générale. Ù 

M. Blutel étudie alors la théorie des déterminants, 
celle des équations, puis des formes linéaires, et aussi 
des formes quadratiques, qu’il fait suivre immédiate- 
ment des premières leçons de géométrie analytique 
(généralités, droite et plan, moments linéaires, cercle et 
sphère). On aborde alors la théorie générale des fonc- 
tions, les notions sur les limites et la continuité, et 
l'étude du polynôme entier qui fait l'objet de la théorie 
des équations algébriques. Ensuite vient l’étude des 
séries, puis celle des dérivées avec leurs applications 
algébriques et géométriques (tangentes et asymptotes, 
plan tangent, plan osculateur, construction des courbes, 
résolution des équations numériques); on arrive ensuite 
à la notation différentielle avec application aux change- 
ments de variables; la géométrie analytique se continue | 


ts co nn 


parallèlement par la détermination des lieux géomé- 


triques et des enveloppes (plan et espace). La mesure M 
des aires conduit à l'intégration, dont les procédés sont 
appliqués aussi à la mesure de l’are, avec application à 
la courbure et aux développées ‘et développantes, et à 
celle des aires et des volumes, ainsi qu’à la détermina- 
tion des centres de gravité et des moments d'inertie, La 
différentiation et l’intégration des séries entières fournit 
les développements usuels;le volume se termine par la 
théorie des équations différentielles du premier et du 
second ordre, et leurs applications géométriques. 

Le tome II est plus exclusivement consacré à la Géo= 
métrie analytique qui acquiert, dès le début du volume, 
la généralité nécessaire par l'extension de la notion de 
coordonnées aux éléments à l'infini et imaginaires, avec 
application immédiate aux propriétés linéaires projec- … 
tives et corrélalives (rapport anharmonique, corres- 
pondance homographique et involutive). Après avoir. 
procédé à la classification des coniques, l’auteur aborde 
l'étude des propriétés projectives des lignes et des sur- 
faces algébriques, qui résultent de leur intersection M 
avec une droite; en particulier, il complète la construc- 
tion des courbes en précisant l’étude de la courbe au 
voisinage d’un de ses points. Il revient alors à l'étude 
des propriétés projectives et corrélatives des coniques 
et des quadriques en général, puis procède à la détermi- 
nation des centres, diamètres et axes, ce qui l'amène à 
la réduction de l'équation générale; puis il étudie les 
foyers et directrices, et ensuite les propriétés particu- 
lières de chaque ligne ou surface sur l'équation réduite: 
L'ouvrage se termine par l'étude analytique de lhomo- 
thétie et de la similitude, par les constructions de coni- 
ques, par l'étude de l'intersection de deux coniques el 
des faisceaux de coniques, et aussi par celle de l'inter- 
section de deux quadriques et des faisceaux de quadri- 
ques, et enfin par trois chapitres consacrés aux coor- 
données polaires, 


ñ 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 285 


11 y avait certainement une très grande difliculté à 
faire tenir en mille pages environ d’un assez petit for- 
mat, un ensemble aussi étendu et aussi complètement 
traité. M. Blutel y est arrivé, à force de simplicité et de 
concision; d’ailleurs, par sa haute compétence profes- 
sionnelle aussi bien que par sa grande valeur scien- 
tifique, il était tout désigné pour mener à bien une telle 
tâche; il y a complètement réussi, en écrivant une œuvre 
très personnelle, non seulement par son agencement, 
mais aussi par bien des modifications heureuses, à pro- 
pos desquelles il s'efface trop modestement, Son livre, 
qui rendra les plus grands services aux étudiants etaux 
professeurs, sera, en même temps qu'une œuvre de haute 
portée, un guide précieux pour les aspirants à tous nos 
grands concours d'enseignement secondaire et supérieur, 


M. L&LIEUVRE, 


Professeur au Lycée et à l'Ecole des Sciences 
de Rouen, 


R° Sciences physiques 


Thompson (Sylvanus P.), Principal et Professeur de 
Physique du « City and Guilds technical College », 
Finsbury, Londres. — Radiations visibles et invi- 
sibles. CONFÉRENCES FAITES A L'INSTITUTION ROYALE 
DE GRANDE-BRETAGNE, augmentées de conférences 
nouvelles. Traduit de l'anglais par M. L. Dunoyen, 
Docteur ès sciences. — 4 vol. in-Sv de 376 pages avec 
196 fig. (Prix : 7 fr, 50). A. Hermann et fils, 6, rue 
de la Sorbonne, Paris, 1914. 


Les variétés très nombreuses de rayonnements actuel- 
lement connues appartiennent à deux catégories prin- 
cipales : celles qui constituent la lumière ordinaire visi- 
ble, les radiations ultra-violettes, l’infra-rouge, les on- 
des hertziennes et aussi les rayons de Roenlgen, sont 
des perturbations de l’éther; les rayons cathodiques, 
les rayons-canaux, les rayons z ou £ du radium, etc., 
sont, au contraire, des trajectoires de particules plus 
ou moins grosses, dont la masse est réelle ou apparente 
et qui sont douées d’une charge électrique. 

Sylvanus P. Thémpson a réuni en un volume une 
série deconférences de Noël faites sur ces rayonnements 
devant un auditoire peu familiarisé avec les questions 
scientifiques. Ce sont ces conférences que M. L. Dunoyer 
a eu l’heureuse idée de traduire pour les lecteurs fran- 
çais. 

La première est une étude générale des ondes lumi- 
neuses : vitesse de propagation, réflexion, réfraction. 
A ce propos, ilest bon de signaler la méthode de cal- 
cul proposée par l’auteur pour obtenir les formules des 
miroirs et des lentilles, en s'appuyant uniquement sur 
la théorie ondulatoire : « On y arrive, fait-il remarquer, 
beaucoup plus facilement que par les encombrantes 
méthodes auxquelles leur adoption par tous les manuels 
d'Optique géométrique a fini par donner une sorte de 
consécration ». Il ya là une indication qui mérite d’être 
retenue : puisque la théorie des ondulations est celle 
qui explique le mieux l’ensemble des faits de l’Optique, 
pourquoi ne l’introduirait-on pas dans l’enseignement 
élémentaire? La lecture de l'ouvrage de Sylvanus 
Thompson montre qu'iln’y aurait à cela aucune difficulté 
sérieuse. 

Les autres conférences sont consacrées à l'étude du 
spectre visible et de l’œil, à la polarisation de la lumière, 
au spectre invisible ultra-violet, auspectre visible infra- 
rouge, aux rayons de Rœntgen, aux rayons du radium, 
et à l’industrie de la lumière. Deux appendices dus 
à M. Dunoyer exposent les découvertes récentes sur 
les rayons du radium et les récents progrès réalisés dans 
l'éclairage par luminescence. 

Le passage relatif à la théorie des ondulations est le 
seul pour lequel l’auteur se soit laissé aller à des déve- 
loppements théoriques, L'ouvrage revêt partout ailleurs 
un caractère expérimental, parfois même un caractère 
anecdotique, qui sont un charme pour le lecteur fran- 
çais. Les notions en apparence compliquées, comme 


celles relatives à la polarisation de la lumière, sont 
exposées d'une façon concrète très séduisante et que 
ceux des lecteurs qui ont la tache délicate d'enseigner 
la Physique à de jeunes intelligences suivront avec 
intérêt et profil. Les étudiants et les professeurs, en 
outre des aperçus originaux sur la plupart des questions 
trailées, glaneront un peu partout des indications pré- 
cieuses pour de nombreuses expériences de cours. 

Il serait injuste de ne pas signaler l'élégance de la 
traduction que nous donne M. Dunoyer, élégance qu’on 
rencontrerarement dans les recueils d’origine étrangère 
et qui ne contribue pas peu à rendre attrayante et facile 
la lecture de l'ouvrage, M. Dunoyer ne s’est d’ailleurs 
pas borné à faire œuvre de traducteur : de nombreuses 
et très judicieuses remarques, mises modestement en 
notes et entre crochets, ainsi que les appendices signalés 
plus haut, précisent la pensée de l’auteur ou font 
brièvement connaitre les progrès survenus depuis l'épo- 
que où les conférences ont élé rédigées, 


A. BourTaRic, 
Chargé d'un Cours complémentaire de Physique 
à l'Université de Montpellier, 


Richardson (O0. W.), Professeur de Physique au 
King's College de Londres. — The Electron Theory 
of Matter (LA THÉORIE ÉLECTRONIQUE DE LA MATIÈRE), 
— 1 vol. in-8v de 612 p. avec 57 fig. (Prix cart. : 22 fr. 50). 
Cambridge University Press, 1914. 


Ce livre est simplement la rédaction du cours que 
M. Richardson a professé à Princeton University. C’est 
un exposé clair, quoique très abrégé, dela synthèse élec- 
tronique, et il donne une bonne idée de l’unité que cette 
synthèse a apportée dans nos conceplions de l'univers 
physique. Il ne prétend ni à la nouveauté ni à l'origi- 
nalité d'exposition, et pourra rendre des services aux 
personnes désireuses de se rendre compte de l'immense 
variété des phénomènes qui ont trouvé dans l’électron 
ou corpuscule cathodique leur lien caché. Comme il 
s'adresse à des étudiants déjà avancés, le côté théorique 
est abondamment développé, — peut-être un peu trop, 
et peu de questions sont passées sous silence. Outre 
l’électromagnétisme classique (y compris les équations 
de Lorentz), l'auteur a traité successivement la disper- 
sion, la masse électromagnétique, le principe de relati- 
vité, le corps noir, le magnétisme, la théorie électroni- 
que des métaux, la spectroscopie et même la structure 
de l'atome et la gravitation. On ne sera donc pas sur- 
pris dene trouver par endroits que de simples esquisses, 
failes plus pour aiguiser la curiosité que pour la satis- 
faire. Nous citerons particulièrement la question de 
l'émission des électrons parles conducteurs incandes- 
cents, dont l’auteur s’est personnellement beaucoup 
occupé. et qu'il traite avec une compétence toute spé- 
ciale. En somme l'ouvrage atteint bien le but qu'il se 
propose. 

Nous signalons pour terminer quelques critiques de 
détail. Les figures ne sont pas toujours parfaites, té- 
moin celles des pages 20 et 51; le même nombre est 
égal une fois à 9,577, une autre fois à 9,649, ete. Mais 
ce sont là choses sans importance et qui n’enlèvent en 
rien sa valeur à l’ouvrage. 


Eugène BLocu, 


Professeur au lycée Saint-Louis. 


3° Sciences naturelles 


Gley (E.), Professeur au Collège de France, membre de 
l'Académie de Médecine. — Les Sécrétionsinternes. 
PRINCIPES PHYSIOLOGIQUES. APPLICATIONS A LA PATHO- 
LOGIE. — { vol. in-16 de 96 pages, de la collection : 
Les Actualités médicales. (Prix cart. : 1 fr. 50). J.-B. 
Baillière et fils, Paris, 1914. 


M. E. Gley présente, dans ce petit volume, une étude 
ferme, vigoureuse, claire et précise de la question si 


286 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


touffue et si complexe des sécrétions internes. Nul d’ail- 
leurs n’était, plus que lui, qualifié pour la traiter de 
main de maitre, car il possède tout à la fois la maîtrise 
expérimentale qui lui a permis de découvrir un nombre 
considérable de faits sur la physiologie des thyroïdes 
et des parathyroïdes, et la maîtrise philosophique, qui 
lui a permis, par de légitimes généralisations, de tirer 
de ces faits les conclusions théoriques ‘qu’ils compor- 
tent. 

Dans la première partie de son ouvrage, consacrée à 
l'historique de la doctrine des sécrétions internes, et 
qui est bien l'un des historiques les plus remarquables 
qu'on rencontre dans la littérature physiologique, 
M. Gley,— aprèsavoir rappelé les noms de précurseurs, 
Théophile Bordeu, Legallois, Henle, Berthold, Kôlliker, 
et noté les principaux passages de leurs œuvres où il 
est fait uue allusion vague, timide, inconsciente pres- 
que, aux sécrétions internes, — expose la part qui 
revient à Claude Bernard et celle qui revient à Brown- 
Séquard dans l'établissement des conceptions aujour- 
d'hui classiques, à Claude Bernard l’initiateur, à Brown- 
Séquard l’instaurateur de la doctrine. 

Le lecteur trouvera là, dans une douzaine de pages, 
une analyse merveilleuse de l'œuvre de Claude Ber- 
nard, qui, le premier, démontre directement l'existence 
d’une sécrétion interne (passage dans le sang du sucre 
formé par le foie) et énonce la conception générale de 
ces sécrétions entendues comme servant à maintenir la 
composition du sang, et de l’œuvre de Brown-Séquard, 
qui, généralisant les résultats obtenus par Claude Ber- 
nard, développe la notion de l’action exercée sur ditffé- 
rents organes par des substances spéciales, sécrétées 
dans le milieu sanguin, et, par suite, cette autre notion 
non moins importante des corrélations fonctionnelles 
humorales. 

Ces pages d’ailleurs, pour qui sait les lire, sont une 
lumineuse illustration des deux grandes personnalités 
scientifiques de Claude Bernard et de Brown-Séquard : 
le premier, expérimentateur précis, généralisateur pru- 
dent, incarnation parfaite dela méthode expérimentale, 
un peu trop froid peut-être, un peu trop académique 
sans doute pour provoquer quelqu'un de ces grands 
mouvements qui emportent irrésistiblement la foule 
des chercheurs : le second, moins exact, moins prudent, 
homme d'action. entraîneur d'hommes, jetant les bases 
de conceptions qu’il faudra émonderetrectifier àconpsür, 
mais qui élargiront pourtant nos connaissances et nous 
ouvriront brusquement des horizons nouveaux, vers 
lesquels les chercheurs se häteront de progresser, 

La seconde partie de l'ouvrage est consacrée à expo- 
ser la détermination précise des conditions qui font de 
ces glandes vasculaires sanguines un système spécial. 
et les caractères des produits que fournissent ces orga- 
nes, cet exposé permettant de prendre une connaissance 
assez exacte de la nature et du rôle des glandes à sécré- 
tion interne, 

« Trois conditions, écrit M. Gley, suflisent à détermi- 
ner comme telle une sécrétion interne, mais ce sont trois 
conditions nécessaires; l’une est d'ordre histologique, 
l’autre est de nature chimique, et la troisième est d'or- 
dre physiologique, En effet, les cellules des glandes 
dites vasculaires doivent offrir les caractères d'éléments 
glandulaires et ces éléments doivent être orientés par 
rapport aux vaisseaux efférents de l'organe; dans ces 
cellules et dans le sang veineux de la glande, ou dans 
la lymphe efférente, doit pouvoir être caractérisée chimi- 
quement une substance spécifique; enfin, le sang vei- 
neux de la glande doit présenter les propriétés physio- 
logiques de cette substance spécifique. » 

M. Gley, dans son exposé, montre que rarement ces 
trois conditions sont réalisées. C’est à la condition mor- 
phologique (structure cellulaire et rapport des cellules 


avec les vaisseaux) que satisfont le plus complètement 
les glandes à sécrétion interne; la condition chimique 
n'est pas fréquemment remplie; exceptionnellementles 
produits de sécrétion ont été constatés dans les cellu- 
les glandulaires; plus exceptionnellement encoreont-ils 
été recherchés dans le sang efférent; la condition phy- 
siologique, présence d’une substance spécifique dans le 
sang efférent, démontrée par les propriétés physiologi- 
ques de ce sang, recueilli el injecté en quantité varia- 
ble à un autre animal, n’a pas été reconnue pour la plu- 
part des glandes vasculaires sanguines. Le plus souvent, 
on a étudié l’action physiologique exercée par les 
extraits de ces glandes, et si la méthode est moins 
recommandable en principe, elle est pratiquementimpo- 
sée presque obligatoirement aux physiologistes par les 
conséquences thérapeutiques qu'elle présente pour le 
traitement de diverses affections pathologiques. 

Les produits de sécrétion interne sont très différents 
les uns des autres par leur nature, mais surtout par 
leur mode d'action et par leur destinée physiologique. 
M. Gley distingue les matériaux nutritifs qui servent 
soit pour la consommation énergétique, soit pour 
la réparation sanguine, — les substances morpho- 
génétiques ou harmozones, qui servent à l’édifica- 
tion des tissus au cours du développement, — les hor- 
mones, qui provoquent des fonctionnements d'organes 
et jouent le rôle d’excitants, — les parhormones enfin 
qui sont essentiellement des substances de déchet. 

Dans la troisième partie, M. Gley traite du fonction- 
nement des glandes à sécrétion interne, fonctionnement 
normal et fonctionnement troublé. 

Au fonctionnement normal des glandes à sécrétion 
interne se rattachent trois problèmes: Avec quel maté- 
riel les éléments glandulaires fabriquent-ils les substan- 
ces spécifiques de leur sécrétion; quelles sont les causes 
qui provoquent l’excrétion cellulaire, c’est-à-dire la 
décharge de la glande; les sécrétions internes exercent- 
elles sur les diverses glandes à sécrétion interne des 
actions réciproques”? Les deux premiers problèmes n’ont 
guère été abordés que pour la fonction glycogénique et 
la fonction uréopoïétique du foie; le troisième problème, 
dont l'importance pathologique est assurément considé- 
rable, a été posé, mais on ne saurait dire qu'il a été 
résolu, même dans un petit nombre de cas : M. Gley 
exposeavec soin les tentatives qui ont été faites et en 
montre, dans une critique serrée, l'inanité presque 
absolue. En lisant ces pages on prend nettement cons- 
cience de l'ignorance presque totale dans laquelle nous 
sommes touchant le fonctionnement normal de la plu- 
part des glandes vasculaires sanguines, et nous devi- 
nons quelle riche moisson pourra-faire celui qui, en 
modifiant les méthodes de recherche, saura s’y adonner, 

Quant au fonctionnement troublé, M. Gley, se pla- 
çant au point de vue physiologique, ne pouvait que pré- 
senter quelques réflexions générales relatives aux faits 
d'hyposécrétion et d’hypersécrétion ainsi qu'aux dévia- 
tions trophiques. 

Cette analyse ne saurait donner qu'une idée impar- 
faite de l'excellent ouvrage, si vigoureusement écrit 
par M. Gley. On y trouvera la marque d’un esprit posi- 
tifet original, qui sait, dans une question éminemment 
touflue, distinguer l'essentiel et le superflu, retenir les 
faits fondamentaux, développer les doctrines fertiles et 
écarter résolument toute cette végétation parasite, dont 
nous fûmes envahis et qu’il faut impitoyablement jeter 
au feu, parce qu’elle dissimule et étouffe la vraie science, 
comme l’ivraie étouffe le bon blé. 


Maurice ARTHUS, 


Professeur de Physiologie 
à l'Université de Lausanne. 


4 
J 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 287 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 
Séance du 12 Avril 1915 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M, S. Chevalier : 
Bffet de la dispersion atmosphérique sur le diamètre 
des astres photographiés. L'auteur montre que l'effet de 
la dispersion atmosphérique sur le diamètre d'un astre 
photographié ne dépend que très peu de l'éclat de l'astre 
et de la sensibilité des plaques. Pourvu que l'objectif 
soit achromatisé pour la photographie et que la pose, 
la sensibilité des plaques et le développement soient 
proportionnés à l'éclat de l’astre, de manière à obtenir 
une image à contours arrêtés, mais bien transparente, 
on pourra avec sécurité employer le coeflicient 0,17 
pour corriger les diamètres mesurés de l'astre. 


20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. de Forcrand: Sur un 
hydrate d'hydrogène arsénié. L'auteur a préparé un 
hydrate d'hydrogène arsénié en cristaux en comprimant 
du gaz AsH* presque pur avec quelques gouttes d’eau 
dans un tube de Cailletet. Sa tension de dissociation 
à 280,2 — point au delà duquel il se décompose quelle 
que soit la pression — est de 17,5 atm.; elle est 
de 766 mm. de mercure à 1°,6. La formule de l’hydrate 
est AsH#-! 6GH20; sa chaleur de formation à l’état 
solide à partir de l’eau liquide et de AsH* gazeux est 
de + 17.8 cal. Cet hydrate présente de grandes analo- 
gies avec ceux des gaz SH?, SeH? et PHS. — M. Lubi- 
menko : Zxpériences sur l'antioxydase des fruits de la 
tomate, L'auteur a constaté que le tissu des fruits de la 
tomate renferme un enzyme qui paralyse l’action oxy- 
dante de la peroxydase; cet enzyme, où antioxydase, 
est beaucoup plus sensible que la peroxydase à l'in- 
fluence de divers antiseptiques ; le Loluène le détruit 
même assez rapiuement. Chez les fruits très jeunes, 
c'est la peroxydase qui prend la prépondérance sur 
l’antioxydase, et cette prépondérance atteint son maxi- 
mum au stade qui précède le rougissement des fruits; 
plus tard, le rapport change en sens contraire et l’appa- 
reil chlorophyllien reflète ce changement par l’accumu- 
lation de la lycopine. 


3 ScrENCEsS NATURELLES. — MM. A. Muntz et 
E Lainé : Etude sur la formation des limons et leur 
charriage par les cours d’eau dans les Alpes et les Pyré- 
nées. Les auteurs ont déterminé les quantités de maté- 
riaux chawriés par les principaux cours d’eau des Alpes 
et des Pyrénées. A cause de la fréquence de certaines 
formations rééentes. très friables et affouillables, l'éro- 
sion est beaucoup plus intense dans les Alpes, dont les 
rivières arrachent d'énormes masses de matériaux. 
Ainsi l'Isère, à Montmélian, qui draine alors un péri- 
mètre dont la surface est d'environ 4.850 km?, a charrié 
en moyenne, pendant la période 1911 à 1913, 39 millions 
de tonnes de limon par an, ce qui correspondrait à 
8.000 tonnes par km?. La Durance transporte notable- 
ment moins de matériaux ; ils correspondent cependant 
à 1117 tonnes par km? de versant. Maïs ces derniers 
limons sont très fins et, à part ceux que les canaux 
d'irrigation transportent sur les terres, ils sont en 
grande partie entraînés jusqu'à la mer, tandis que Îles 
limons de l'Isère, beaucoup plus grossiers, se déposent 
rapidement. Les rivières, agents de sédimentation en 
même temps que de transport, forment, tout le long de 
leurs vallées, des terrains à texture de plus en plus fine, 
à mesure que leur pente diminue. — M. A. Jungelson: 
Intoxication chimique et mutation du maïs. L'auteur a 
constaté que l’intoxication de la semence du maïs, par 
contact de r à 24 heures avec une solution aqueuse à 


1 ou 20/, de sulfate de cuivre électrolytique, confère à 


la plante qui en est issue un état spécial, une aptitude 
à produire des formes nouvelles, et cela d'autant plus 
facilement que le contact entre les tissus de la graine el 
le toxique était plus intime, puisque les grains blessés 
et mutilés ont donné une proportion plus élevée de 
types anormaux que les grains inlacts. MM. H. Vin- 
cent et Gaillard : Sur l’épuration de l'eau de boisson 
par l'hypochlorite de calcium. Les auteurs ont préparé 
des comprimés renfermant 0,015 gr. d'hypochlorite de 
Ca et 0,08 gr. de Na CI pur, qui possèdent la propriété, 
sans être broyés, de diffuser rapidement le chlore actif 
dans l’eau à épurer. Les matières organiques des eaux 
sont oxydées en grande partie par le chlore actif et les 
microbes, pathogènes ou autres, sont tués en 10 ou 
15 minutes au plus. L'eau épurée ne présente aucun 
goût appréciable. L'épuration par ces comprimés. simple 
et pratique, d'une innocuité absolue, d’une eflicacité con- 
sidérable et très rapide, ne nécessite pour son emploi 
aucune manipulation ni aucun dosage (employer un 
comprimé par litre d’eau). — M. J. Vallot : Sur une 
installation permettant d'appliquer RPG API in- 
tensive, en hiver, aux blessés et aux convalescents 
militaires. Pour qu'une installation soit vraiment efli 
cace, il faut que ie malade soit placé dehors, recevant 
les radiations de la voûte céleste en même lemps que 
celles du soleil, Il faut le préserver du vent, et il est 
indispensable que l'air dans lequel il est plongé soit 
échauffé suflisamment pour que l’héliothermomètre 
marque de *8° à 409. L'auteur a réalisé ces conditions à 
l'aide d’un système très simple d'écrans absorbants. 
L'appareil individuel se compose d'une logette formée de 
trois écrans verticaux de 2 m. de hauteur. L'écran de 
fond, en face du soleil, mesurer m. de largeur, et les 
écrans latéraux ont 1 m. 60. Ceux-ci sont accrochés à 
l'écran de fond et placés à angle ouvert (environ 110°) 
de manière à réfléchir les rayons solaires vers l’inté- 
rieur, Chaque écran est formé d'un châssis en bois sur 
lequel est tendue une toile forte, peinte en blane, Il n'y 
a pas de toit. Tout le système tourne autour d'un pivot 
vertical, de manière à pouvoir être orienté à toute heure 
vers le soleil. 


Seance du 19 Avril 1914 


10 SCIENCES PHYSIQUES. — M. A. Leduc: Sur la 
vitesse du son dans les mélanges gazeux. L'auteur donne 
diverses applications de la formule qu'il a obtenue pré 
eédemment (voir p. 225). Ainsi la correction à appor- 


.ter à la vitesse du son observée dans l'air saturé pour 


la réduire à l’air sec atteint 1 m, au voisinage de 19°,7; 
elle est de o m. 71 à o m.72 pour l'air saturé à 12°,5. 
Analysant les expériences de Regnault sur la vitesse 
du son dans l’acide carbonique, il montre que le gaz 
préparé par ce savant renfermait de l'air, et cela dans 
la proportion de 3,30/,, Enfin M. Leduc montre quon 
peut également calculer d’après ses formules le nombre 
de battements qui doit se produire dans le grisoumètre 
acoustique dont l'un des tuyaux est alimenté par de 
l’air atmosphérique, l’autre par de l'air grisouteux. — 
M. D. Berthelot : Cinétique des réactions photochi- 
miques. L'auteur revient sur des considérations déjà 
exposées ici (voir p. 227) et relatives à l’analogie des 
réactions photochimiques et des réactions thermiques, 
à condition d'envisager les électrons au lieu des molé- 
ceules. Ces réactions sont presque toujours du premier 
ordre; toutefois, elles présentent deux différences nota- 
bles avec les réactions thermiques : 1° Elles ne sont de 
premier ordre que si l’on opère sur des solutions diluées 
et des couches minces; sinon, les radiations actives 
étant absorbées par les premières couches liquides, les 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


suivantes sont soustraites à leur action, les électrons n'y 
sont plus mis en mouvement et l’ordre de la réaction 
baisse progressivement ; 2° Sous l'influence de Ja lu- 
mière, les particules prennent des vilesses beaucoup plus 
grandes que sous l'influence de la chaleur ; on s’expli- 
que par là que l'élévation de température, qui influence 
si fortement la vitesse des réactions chimiques ordinai- 
res, n'ait que peu d'effet sur les réactions photochimi- 
ques. Les réactions photochimiques pures sont caracté- 
risées par un coellicient de température très voisin de 
l'unité. — MM. V. Grignard et Ch. Courtot : Sur le 
benzsofulvanol et le benzofulvène, Les auteurs, en fai- 
sant réagir le trioxyméthylène rigoureusement sec sur 
le bromomagnésien indénique, ont obtenu le benzoful- 
vanol (1), liquide visqueux incolore, à odeur de rose, 
Eb. 134° sous 10 mm.,se décomposant par conservation 


\ \ 
\ 


A CH c =; {5 
; } cu CH 
/ \ 4 S / 
S NE NS 
f 7 
CH C 
| Il 
CH20H CH? 
(1) (LH) 


prolongée. En le déshydratant par la méthode cataly- 
tique de Senderens dans le vide, on obtient un liquide 
jaune d'or qui cristallise immédiatement en paillettes 
jaune-verdâtre, F, 33°, qui absorbent rapidement l'oxy- 
gène de l'air; c'est le benzofulvène (Il). Conservé à 
l'abri de l'air en tube scellé, il se polymérise assez ra- 
pidement et se transforme en une masse vitreuse très 
dure, d'un beau jaune, rappelant la colophane.— M. Ch. 
Courtot : Sur la théorie de l'oscillation de la double 
liaison indénique. Contrairement à la théorie de Thiele 
de l’oscillation permanente de la double liaison indéni- 
que, l'auteur a observé un certain nombre de faits qui 
établissent, d’une manière générale, l'existence indivi- 
duelle des isomères z et £. En effet, dans la condensa- 
tion de l’acétone avec le bromomagnésien de l’indène, 
on obtient un diméthylbenzofulvanol liquide, bouil- 
lant à 125° sous 8 mm., qui, traité par la potasse alcoo- 
lique, se transforme rapidement en un isomère cristal- 
lisé, F. 82°. L'oxydation permanganique montre que le 
premier est le dérivé 7, le second le dérivé 7. L'action 
du chlorure de benzyle sur le magnésien de l’indène 
donne l’z-benzylindène, liquide, Eb. 1795°177° sous 
1/4 mm., qui, traité par KOH, se transforme en isomère 
7 cristallisé, F, 340, identique au corps préparé par 
Thiele. D'une façon générale, les dérivés monosubstitués 
indéniques sont capables d'exister, à l’état libre, sous 
les deux formes z et y, la première se transformant aisé- 
ment en la seconde sous l'influence des alcalis. — 
M. Fonzes-Diacon: Sur les bouillies cupriques. D'après 
l’auteur, les bouillies acides sont les plus riches en sul- 
fate tétracuivrique; elles renferment en outre, en solu- 
tion, du sulfate de cuivre libre ainsi que les éléments 
du sulfate tétracuivrique; leur action anticryplo- 
gamique est très élevée. Les bouillies neutres renfer- 
ment d'autant moins de ce sel basique qu’elles sont plus 
fortement neutres. Les bouillies alcalines en renfer- 
ment peu; la liqueur qui les surnage tient en dissolu- 
tion du bicarbonate de cuivre qui, par sa décomposi- 
tion très rapide à l'air, ne donnera que de l’hydrocar- 
bonate de cuivre, forme sous laquelle le cuivre est 
moins actif. 


29SCIENCES NATURELLES. — MM. A. Muntz et E. Laiïiné: 
Etudes sur la valeur agricole des limons charriés par 
les cours d'eau des Alpes et des Pyrénées. Les limons 
{ins transportés par les canaux d'irrigation constituent 
des sols de capacité pour l’eau moyenne, mais com- 
pacts, asphyxiants et imperméables, Ils tendent donc 
à communiquer ces derniers défauts aux terres irriguées, 
en y accroissant la proportion des éléments fins sans 


augmenter leur fertilité; mais cette action ne se pro- 
duit qu'à la longue. Par contre, le limonage peut trans- 
former des terres stériles en terres très productives, 
comme on le voit par l'exemple de la plaine de la Crau, 
où le colmatage a pour ainsi dire créé de toutes pièces 
des sols dont la fécondité tranche sur le reste de ce 
pays déshérité. — M. et Mme F. Moreau : L évolution 
nucléaire et les phénomènes de la sexualité chez les 
Lichens du genre Peltigera. Les auteurs concluent de 
leurs recherches que, chez les Lichens du genre Pelti- 
gera, il n'y a pas de fusion de noyaux dans l’ascogone; 
la seule karyogamie qui existe a lieu dans l’asque ; 
elle est immédiatement suivie d'une réduction chroma- 
tique qui présente les mêmes caractères que chez les 
autres êtres vivants. 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 


Séance du 13 Avril 1915 


MM. H. Roger et M. Chiray : La glycuronurie nor- 
male et pathologique ; ses variations dans la cirrhose 
et le diabète. Dans les conditions normales, l'urine 
de l’homme contient toujours de l'acide glycuronique. 
La quantité varie avec le régime alimentaire : elle aug- 
mente quand on ingère une forte proportion de viande 
et diminue sous l'influence du régime végétarien, Dans 
la diète lactée ou après une période de jeune, la réac- 
tion est très faible et parfois négative. L’acide glycu- 
ronique provient sans doute du foie, car il est absent 
chez ceux qui souffrent d’affections hépatiques, en par- 
ticulier dans la cirrhose atrophique et le diabète. — 
M. G. Gross : La stérilisation par les vapeurs de for- 
mol en chirurgie de guerre. Tout objet placé dans une 
atmosphère saturée de vapeurs de formol, dans des con- 
ditions de temps et de température déterminées (24 h. 
à froid, > h,, à 25° et 20 min. à 50°), et pénétré par ces 
vapeurs, est stérilisé. On obtient ces vapeurs en lais- 
sant s’évaporer du trioxymcthylène où méthanal en 
poudre ou en pastilles ; on opère dansune étuve formée 
par une caisse métallique allongée. Non seulement 
pour les gants etles instruments, mais aussi pour les 
tils et les compresses, la stérilisation est constante et 
complète et les résultats identiques à ceux foupnis par 
l’étuve sèche et par l’autoclave. 


Séance du 20 Avril 1915 


M. E. Mosny : La rééducation professionnelle et la 
réadaptationautravaildes estropiés et des mutilés de la 
guerre. Le soldat, dont les blessures peuvent aboutir à 
une invalidité permanente résultantde la perte partielle 
ou totale d'un membre ou de ses fonctions, passe par 
deux phases successives : l’une médico-chirurgicale, 
l'autre professionnelle. La plaie accidentelle ou opéra- 
toire une fois cicatrisée, il peut subsister des déforma- 
Lions, des attitudes vicieuses, des mutilations avec moi- 
gnon défectueux, des atrophies musculaires, justiciables, 
selon les cas, d'opérations secondaires de réparation 
ou de rectification, ou bien d'applications de procédés 
dephysiothérapie, Quandlathérapeutique a donné tout 
ce qu'on en pouvait altendre, l'état du blessé est défini- 
tif. Si le blessé demeure atteint d’une impotence fonc- 
tionnelle ou d'incapacité permanente de travail, lui 
donnant droit à une pension, il a intérêt à reprendre le 
travail pour augmenter ses moyens d'existence et pour 
assurer son indépendance matérielle et morale. Les uns 
pourront reprendre leur ancien métier ; d'autres devront 
en apprendre un nouveau, C'est pour les réadapter au 
travail que l'on devra entreprendre leur éducation pro- 
fessionnelle, Celle-ci n’aura chance d'aboutir que si le 
blessé, estropié ou mutilé, enest physiquement ou intel- 
lectuellement capable et s’il en est moralement désireux. 
Quels doivent être les principes de cette rééducation pro- 
fessionnelle ? Elle aura lieu dans des ateliers spéciaux, 
créés et aménagés à l'intention des blessés. Le place- 
ment à l'apprentissage chez des palrons, en face de 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


289 


l'avantage d’un plus grand choix de métiers, présente 
de tels inconvénients qu'il est préférable d'y renoncer: 
cest du moins l'expérience des créateurs d'ateliers de 
rééducation professionnelle pour les accidentés du tra- 
vail dans les pays scandinaves et en Belgique, Ces éco- 
les-ateliers seront l'œuvre des municipalités ou de l'Etat ; 
M. Herriot, maire de Lyon, en a déjà créé une le 15 dé- 
cembre dernier, qui fonctionne admirablement et a déjà 
donné les plus beaux résultats. La direction sera à la 
fois médicale et technique; les professeurs ne devront 
pas être seulement des techniciens de premier ordre, 
mais des éducateurs patients et dévoués. Enfin la réédu- 
cation professionnelle des estropiés et des mutilés de la 
guerre ne doit pas avoir seulement pour but de les 
dégrossir, de les réadapter simplement au travail, mais 
bien d’en faire des ouvriers émérites dans le métier qu'ils 
auront choisi, aidés des conseils du médecin et du techni- 
cien, voire même d'en faire des patrons. Le nombre des 
professions d'ordre commercial, industriel et même 
agricole accessibles aux mutilés est encore assez impor- 
tant. Les écoles-ateliers devront être doublées d’une 
œuvre de placement, et mème d’une caisse de prêt de 
premier établissement pour ceux qui, mieux doués et 
devenus maitres en leur art, pourront aspirer à devenir 
patrons. — M, le D' Gachet : l'hérapeutique spécifique 
et prophylaxie du bouton d'Orient. L'auteur a reconnu 
que l’arséno-benzol et le néo-arséno-benzol, en injec- 
Lion intra-veineuse, ont une action curative réelle contre 
le bouton d'Orient : ils amènent la cicatrisation com- 
plète et définitive en 3 à 5 semaines, suivant l'étendue 
de l’ulcération ; deux injections sont parfois nécessaires, 
à une ou deux semaines d'intervalle. Un cas traité avant 
l'ulcération guérit sans laisser de traces; dans les 
boutons ulcérés, le traitement arrête immédiatement les 
processusulcératifs ; la cicatrisation est plus rapide, la 
cicatrice plus régulière. Dans les cas graves, le traite- 
ment, en arrêtant le processus ulcératif, prévient les 
mutilations irréparables et les pertes d'organes. Le bou- 
ton d'Orient ou salek est très répandu en Perse, chez 
le chien, qui le communique à l’homme, probablement 
par l'intermédiaire de la mouche Æippobosca canina. 
Toute la prophylaxie de cette affection se résume dans 
la destruction des deux foyers : celui de l’homme par le 
traitement, celui du chien par le traitement des ani- 
maux domestiques et l’abatage des chiens errants. 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 
Séance du 17 April 1915 


M. J. Nageotte: Le processus de la cicatrisation des 
nerfs. L'auteur a pu se convaincre que les appareils de 
Schwann jouent, dans la cicatrisation des nerfs, un 
rôle très différent de celui qui tend à être admis à 
l'heure actuelle, Selon toute vraisemblance, dans les 
cicatrices nerveuses, les jeunes axones poussent et che- 
minent toujours à l'intérieur des travées d’un réseau 
synéylial qui nait préalablement à partir de la surface 
de section des appareils de Schwann, aussi bien du 
bout central que du bout périphérique. Ses recherches 
le portent à penser que les axones ne s’avancent pas 
nus dans le mésenchyme, mais restent contenus dans 
un terriloire ectodermique provenant de la gaine des 
fibres anciennes. En somme, ce qui pousse dans la cica- 
trice des nerfs sectionnés, ce ne sont pas les axones, 
mais les fibres nerveuses, c'est-à-dire les complexus 
d'origine ectodermique qui sont constitués par les 
axones et leurs gaines. À aucun moment ces complexus 
ne paraissent se dissocier, sauf dans le bout inférieur 
du nerf par disparition des axones. — M. D.E. Pau- 
lian: Parasitisme et éosinophilie. Etant donné que dans 
lhelminthiase ontrouve toujoursuneéosinophilie mani- 
feste, l’auteur a recherché si cette éosinophilie est due 
à la présence des vers et par quel mécanisme. Il montre 
que les toxines sensibilisent l'organisme en créant 
l'état anaphylactique, et que l’anaphylaxie fait appa- 
raitre les éosinophiles qui ont la charge de défendre 


l'organisme contre les toxines de même que les poly- 
nucléaires le défendent contre les microbes, — MM. C.- 
J, Parbhon et E. Savini: Æssais de culture microbienne 
sur milieux glandulaires. Les auteurs ont reconnu que 
les milieux thyroïdiens stérilisés à 6o° où à 119° exer- 
cent une action bactéricide très nette sur le bacille 
tuberculeux et la bactéridie charbonneuse qu'on y 
cultive. La glande surrénale ne représente pas non 
plus un milieu avantageux pour le développement du 
bacille tuberculeux. — M, À. M. Przemycki : Sur la 
coloration vilale du noyau. 11. Coloration avec la base 
libre du rouge neutre. L'auteur a tenté de colorer des 
Infusoires avec la base libre du rouge neutre, sous 
forme de petites particules en suspension dans l’eau, où 
elle est insoluble. Dès que les animalcules arrivent au 
contact de la base, ils commencent à se colorer. Le pro- 
cessus de cette coloration est rapide en comparaison 
avec celui du rouge neutre; la durée de vie des orga- 
nismes colorés avec la base libre est en général plus 
courte que dans le cas du rouge neutre, C’est l’orga- 
nisme lui-même qui dissout la base libre, puisqu'elle 
est insoluble dans l'eau, et cette dissolution ne peut 
êlre obtenue que par une sécrélion externe d un orga- 
nisme. — M. E. Pinoy : Vutrilion et coloration des 
Myxomycèles. L'auteur est parvenu à obtenir des plas- 
modes purs de Myxomycètes. Le plasmode pur peut 
vivre pendant quelques jours; ensuite il dépérit et dis- 
parait par autolyse,caril ne peut se nourrir par osmose 
et ne vit que par ingestion de bactéries, Il se développe 
beaucoup en présence de 2, coli, mais non en présence 
du bacille tuberculeux ni du bacille typhique; il se 
développe également en présence du bacille paratuber- 
culeux de Grassberger, et se colore en rouge brique par 
le pigment de la bactérie. 


SOCIÈTÉ CHIMIQUE DE FRANCE 


Séance du 26 Mars 1915 


M. G. Rebière : Détermination de la grosseur des 
articules ultramicroscopiques par une méthode chrono- 
photographique. L'auteur a étudié l'application de la 
formule du mouvement brownien : 

1e RTE 

1 = 
(1) 7 N 
à la détermination du rayon des particules ultramicros- 
copiques des colloïdes. Si on remplace dans l’équation 
ci-dessus les constantes générales par leur valeur et si 
on envisage le déplacement Ar d’une particule pendant 
un temps { (égal à 0°",75) dans un milieu de viscosité 
—=0,010 et à la température de 20°, on obtient, en ré- 
solvant (r) par rapport à r (r—rayon de la particule) : 


Tal 


DÉPOR-S TENUSE 


== 


A 
LC 

La mesure de r se ramène donc à la mesure d’un dé- 
placement dans un temps #. Pour déterminer À on a 
déjà utilisé l’enregistrement cinématographique (V. 
Henri: C.R. Ac. Sc., 8 mai 1908.) Toutefois le film et 
l'appareil cinématographiques présentent au point de vue 
de cet enregistrement et des mesures ultérieures plu- 
sieurs inconvénients : 1° Le temps { ne peut être évalué 
au moyen du cinématographe ordinaire quavec une 
approximation insuflisante; 2° Les pellicules ou films 
se prêtent mal à la photographie d'objets, souvent colo- 
rés (grains ultramicroscopiques rouges et verts); 3° La 
pellicule ne conserve pas des dimensions constantes. 
Après les opérations du développement, du fixage et du 
lavage, la dessiccation la rétrécit plus où moins suivant 
les circonstances et l’image obtenue n’est plus superpo- 
sable à l’image réelle qui a impressionné le film, Les 
mesures sont de ce fait entachées d'une erreur impor- 
tante. Pour remédier à ces inconvénients, M. Rebière 
a fait construire un appareil, qu'il présente. permet- 
tant l'enregistrement, sur une plaque panchromatique 


290 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


de 10 images projetées sur la plaque par l’ultramicros- 
cope, et prises à des intervalles de temps exactement 
connus, Ce résultat est obtenu grâce à l’entrainement 
électro-magnétique d'un chässis porte-plaque et à l’ou- 
verture également électro-magnétique d’un obturateur, 
les deux systèmes étant commandés par un métronome 
à excitation électrique, de telle sorte que, le chàssis 
étant au repos, l’obturateur est ouvert et l'impression 
photographique a lieu, etinversement, l’obturateur étant 
refermé, le châssis est entrainé par un mouvement 
vertical et se déplace de la hauteur d'une image. 
Un réticule, tendu dans la fenêtre qui limite l'ima- 
ge, projette son ombre sur la plaque et constitue 
une ligne de repère par rapport à laquelle, après 
avoir agrandi les clichés, on mesure les déplace- 
ments, au moyen d’une machine à diviser. En tenant 
compte des grossissements de l’ultramicroscope et de 
l'agrandissement photographique, on détermine la va- 
leur de À pour un certain nombre de grains ultrami- 
croscopiques. Ces valeurs, portées dans l'équation (2), 
donnent, pourr, une série de nombres dont la moyenne 
constitue la grosseur de la particule ultramicroscopique 
telle qu'on la définit. Appliquant cette méthode à des 
particules de soufre colloïdal, M. Rebière atrouvé pour 
des solutions à gros grains LA {10—7T et pour des 
solutions à petits grains 13,4 ><10—7 


SOCIETÉ ROYALE DE LONDRES 
Seance du 16 Février 1915 


1° SCIENCES PHYSIQUES, — M, A. J. Ewart: Sur la 
fonction de la chlorophylle. L'auteur déduit de ses re- 
cherches les conclusions suivantes : 1° Dans la photo- 
oxydation de la chlorophylle, de la xanthophylle et de 
la carotine, il ne se produit aucun peroxyde, organique 
ou inorganique. L'effet oxydant de ces dernières sub- 
stances sur KI lorsqu'elles subissent l'oxydation à la lu- 
mière est dû au fait qu’en présence d’un excès d’oxy- 
gène elles peuvent agir commeoxydases, non seulement 
pour elles-mêmes, mais pour les substances avec les- 
quelles elles sont en contact : tournesol, gaïac. 2° La 
chlorophylle et la xanthophylle se décomposent durant 
la photo-oxydation ea solides et en gaz. Les solides sont 
des substances cireuses incolores et des hexoses; les 
gaz sont du formaläéhyde. 3° CO? se combine avec la 
chlorophylle en formant de la xanthophylle et un so- 
lide cireux incolore, La combinaison n’a lieu qu’en pré- 
sence d’eau etelle est accélérée par la lumière solaire. 
Il est possible que, dans cette dernière réaction, une 
partie de l'oxygène libéré oxyde la xanthophylle à la 
lumière solaire en formaldéhyde, sucre et phytyle, ce 
dernier reprenant sa place dans le groupement tricar- 
boxylique chlorophyllien. Dans tous les cas, ilest clair 
que l'assimilation de CO? comporte une série complexe 
de transformations chimiques réversibles où la chloro- 
phylle et la xanthophylle jouent un rôle chimique 
direct. 


2° SCIENCES NATURELLES. — MM. J. Barcroîft et T. Ka- 
to : Effet de l’activité fonctionnelle sur le métabolisme, 
la circulation sanguine et l’'exsudation dans les organes. 
Les organes étudiés par les auteurs ont été le musele 
squelettique et la glande sous-maxillaire. 1° Non seule- 
ment l'oxygène consommé par ces organes augmente 
pendant leur activité, mais encore cette augmentation 
continue pendant plusieurs heures. La courbe d'ox yda- 
tion présente généralement deux maxima : le premier 
pendant la période d'activité, le second beaucoup plus 
tard, 2° L'eau quitte les vaisseaux sanguins en beau- 
coup plus grandes quantités pendant et après l’activité 
des organes qu'avant; on observe quelquefois un second 
maximum analogue dans le cas de l’exsudation. 3° Dans 
le cas du muscle, toute l’exsudation ne quitte pas le 
muscle à l’état de lymphe, Des deux museles gastroené- 
miens droit et gauche, eelui qui a étéexcité est plus lourd 
durant plusieurs heures après la stimulation et de poids 
spécifique moindre que le muscle non excité. 4° La dila- 


tation des vaisseaux de l’organe survit à l’activité fonc- 
tionnelle pendant 2 heures et plus, dans le cas du mus- 
cle stimulé rythmiquement pendant 15 minutes. 5° La 
tension du muscle causée par son imbibition avec l’eau 
semble être la base physique de sa rigidité, — Mile D. 
J. Lloyd: La balance osmotique du muscle squelettique. 
Pour se mettre autant que possible à l'abri des compli- 
cations dues à la formation de colonnes de diffusion, 
l’auteur a utilisé un muscle plat très petit, le sterno- 
cutané de la grenouille, En solutions de non électrolytes 
d’une concentration allant de o à 0,25 mol., et en solu- 
tions d’électrolytes de o à 0,14 mol.,ce muscle augmente 
d’abord de poids puis diminue, en tombant finalement 
bien au-dessous de son poids primitif. Un traitement 
préalable par l'oxygène (suspension du muscle dans ce 
gaz saturé par de la vapeur d’eau) réduit et même an- 
nule l’augmentation de poids initiale, Après exposition 
de 6 heures à l’oxygène, le muscle perd très lentement 
de son poids, même dans l’eau distillée. Après une ex- 
position de 3 heures dans l'hydrogène, le musele aug- 
mente de 55°/, de son poids dans l’eau distillée. Une 
exposition de 16 heures à l’air laisse persister une lé- 
gère élévation du poids initial. Les muscles placés dans 
l'oxygène humide gagnent légèrement ou perdent du 
poids; dans l’air humide, ils perdent du poids; dans 
l'hydrogène humide, ils présentent un léger gain de 
poids. Ces résultats montrent qu'un muscle saturé 
d'oxygène a un équivalentosmotique moindre que celui 
de l’eau distillée. L'absorption initiale de fluide doitètre 
considérée comme due à la stimulation inévitable du 
muscle lorsqu'on le retranche de l'animal. Un muscle 
saturé d'oxygène perd du poids dans la vapeur d’eau 
saturée en contact avecune surface plane d’eau distillée; 
la tension de vapeur du muscle est donc plus grande 
que celle de l’eau. La tension de vapeur d'un musclenon 
saturé d'oxygène (placé dans l’air) est d'abord moindre 
que celle de l’eau distillée, Un trait remarquable de ce 
muscle est la variation étendue de teneur en eau néces- 
saire pour amener un pe'it changement de pression de 
vapeur. — MM. M. Back, K. M. Cogan et A.E. To- 
wers : L’ædème fonctionnel dans le muscle de grenouille: 
Si un des muscles gastrocnémiens d’une grenouille est 
excité pendant 15 minutes à raison de 40 chocs d’induc- 
tion par minute, il devient plus lourd que l'autre. La 
différence de poids peut atteindre 20°/, du poids du 
muscle ; le poids spécifique diminue simultanément. Ce 
phénomène dure pendant 6 heures; ensuite l’æœdème a 
disparu. La grenouille doit posséder une bonne circula- 
tion; ainsile gonflement s’observe le mieux chez les 
grenouilles tuées par destruction des parties du cerveau 
situées au-dessus de la moelle allongée, les centres res- 
piratoire et vaso-moteur ayant été laissés intacts. 


Seance du : Mars 1915 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M, E. Chappell : 
La simplification des procédés arithmétiques de l'invo- 
lution et de l'évolution (voir p. 261). 


2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. F. E. Rowett : Les pro- 
priétés élastiques de l'acier aux températures modérées. 
À une certaine température, un tube en acier étiré, qui 
contient une bonne quantité de substance amorphe, se 
comporte comme un fluide visqueux, c’est-à-dire qu'il 
s'écoule plus ou moins librement sous une tension, tan- 
dis qu’à la même température un tube recuit, qui est 
cristallin, s’écoulera à un degré beaucoup moindre, par 
suite de la faible quantité de matière amorphe qu'il 
contient, À une température d'environ 300°, un tube 
éliré présente des propriétés similaires à celles de la 
poix à la température ordinaire, ou du verre à une tem- 
pérature un peu inférieure à son point de ramollisse- 
ment. Il est toujours très élastique sous une tension 
rapidement variable, mais il s'écoule d’une façon visible 
quand la tension est appliquée pendant longtemps. 
D'autre part, dans le tube recuit à 300e, l’énergie dissi- 
pée dans un cycle de tension est presque indépendante 
du temps dans lequel le cycle est parcouru. À une 


sd dont ir mislarne 2 motte étoile tite sin dti ut ht LS 


PUR 


e 
| 


ACADÉMIES 


;T SOCIÉTÉS SAVANTES 294 


émpeérature plus élevée, parexemple à 5400, le tube étiré 
s'écoule rapidement et continue à s'écouler pendant une 
longue période, quoique avec une vitesse qui va en dimi- 
nuant, sous un effort tranchant de moins d'une tonne 
par pouce carré, En outre, comme la poix et le verre, 
l'acier à cette température présente une déformation 
élastique récurrente considérable, Si on supprime subi- 
tement la tension, le retrait élastique immédiat est suivi 
d'un écoulement opposé lent qui persiste pendant quel- 
ques minutes. — MM. W. À. Bone, H. L. Callendar 
et H. J. Yates : Méthode bolométrique pour déterminer 
le rendement des corps radiants. Par suite de l'emploi 
croissant des surfaces incandescentes dans lesopérations 
de chauffage de toutes sortes, les auteurs ont étudié 
scientifiquement la mesure des rendements radiants de 
telles surfaces par une méthode bolométrique qui peut 
être étalonnée par comparaison directe avec une radio- 
balance. Ils décrivent la construction et l’emploi d'un 
nouveau bolomètre, Spécialement construit dans ce but, 
dans lequel la radiation d'une surface incandescente, 
tombant sur une bobine noireie de fil de platine, est 
déterminée en unités absolues d’après l’augmentation 
de résistance électrique de la bobine réceptrice, dont 
la surface est suilisamment faible pour que linstru- 
ment puisse être étalonné avee une source d'intensité 
connue, Comme exemple, les auteurs ont appliqué la 
méthode à la mesure de la radiation absolue d’un 
brûleur à gaz et de son « facteur de distribution ». — 
M. J. W. Nicholson : Les lois des spectres de séries. 
L'auteur à fait l'analyse crilique des séries diffuse, 
étroite et principale du spectre de l’hélium, à la lumière 
des récentes mesures interférométriques marquantes de 
ces séries. IL propose un nouveau modèle de caleul 
exact des limites des séries, indépendant du type de 
formule employé. Les mesures interférométriques des 
lignes marquantes des séries de l’hélirum lui ont permis 
d'obtenir la meilleure formule pour ces séries, et cette 
formule est une extension de celle de Rydberg, dépen- 
dant de m + » et non de mr. La valeur de la constante 
de Rydberg donnée par Curtis pour l'hydrogène est la 
vraie valeur pour le spectre d’arc de l'hélium (109.659,2) 
et doit être considérée comme une constante rigoureuse 
pour les spectres d'arc. La loi des limites de Rydberg- 
Schuster est exacte pour l’hélium. Il est probable que # 
est une fraction simple, dont le dénominateur est un 
multiple de 5, comme l’a suggéré Halm. Ilestexactement 
égal à 0,7 pour la série étroite de l’hélium, 


Seance du 11 Mars 1915 


SCIENCES NATURELLES. — M. R. Kennedy : Erpérien- 
ces sur la restauration des muscles paralysés au moyen 
des anastomoses nerveuses. WI. Anastomose du plexus 
brachial et distribution de ses racines. Les expériences 
de l’auteur ont consisté dans la division d'une ou de 
plusieurs racines du plexus brachial et l'anastomose de 
la ou des racines divisées soit avec une autre partie du 
plexus, soit avec l'accessoire spinal. La restauration de 
la fonction s'est produite, et l'examen physiologique 
montre qu’elle est due au nerf qui a été substitué aux 
racines lésées. Quand moins de deux racines sont divi- 
sées, la restauration de la fonction a lieu beaucoup plus 
tôt; c'est une guérison spontanée due au fait que les 
muscles affectés sont excités chacun par plus d'une ra- 
cine. — M. À. H. S. Kent : Le mécanisme des valvules 
cardiaques. L'auteur étudiela structure et le mode d’ac- 
tion des valvules aurienlo-ventriculaires du cœur des 
Mammifères, Le tissu musculaire dérivé de la paroi 
auriculaire se continue sur une distance considérable 
dans la substance des elapets des valvules, surtout 
vers leur surface auriculaire, On peut en conclure que 
ce muscle exerce une fonction importante en rapport 
avec la fermeture des valvules, Recevant son stimulus 
de la base de l’oreillette, dont il est une extension et 
avec laquelle il est directement relié, il entre en action 
au moment approprié dans le cycle cardiaque et se con- 
tracte (et reste contracté) le dernier de tous les museles 


auriculaires, 11 maintient ainsi les clapets loin de la 
paroi ventriculaire et assure un libre jeu au remous 
rétro-valvulaire jusqu'au moment où se produit finale- 
ment la fermeture de la valvule. La fonction des bandes 
musculaires décrites par l’auteur est double : 1° elles 
maintiennent les clapets loin des parois ventriculaires 
et assurent un espace adéquatentre le clapet et la paroi 
ventriculaire pour le développement complet du remous 
rétro-valvulaire; 2° elles apportent par leur contraction 
une assistance mécanique directe à l'élévation des cla- 
pets dans la position de fermeture finale. — M,G. E. 
Nicholls : £xistence d'un ganglion intra-cranien sur Le 
nerf oculo-moteur chez le Seyllium canicula et son im- 
portance pour la question de lx valeur seymentaire de 
certains nerfs crantens. On n’a pas encore signalé l’exis- 
tence en grand nombre de cellules ganglionnairesfonc- 
tionnelles actives, associées avec des cellules plus peti- 
tes et se colorant plus fortement pour former un petit 
ganglion sur le nerf oculomoteur du Seyllium canicula 
adulte. Le caractère sensori-moteur vrai de ce nerf a 
été récemment établi par Sherrington et Tozer. Ce fait, 
en connexion avec l'existence du ganglion, devient 
extrèmement significatif, si l'on se rappelle que l’ocu- 
lomoteur joue un rôle important dans le développe- 
ment d’un ganglion sympathique relié (le ciliaire). L’au- 
teur propose de regarder l’oculo-moteur comme un nerf 
segmental distinet et non comme une simple racine ven- 
trale. Il en résulterait que le nerf ophtalmique profond 
n'est pas la racine dorsale du neuromère oculomoteur, 
mais a empiété sur ce segment tout en étant lui-même 
relié à un autre segment céphaliqne (probablement plus 
postérieur), — M. E, Heron-Allen : Contribution 
à l'étude de la bivnomique et des processus reproduc- 
teurs des Foraminiferes. L'auteur considère les fonc- 
tions mécaniques du protoplasme dans la locomotion et 
le capture de lanourrilure et ses réaelions aux stimulus. 
Le phénomène connu sous le nom de plastogamie ne se 
relie que fortuitement à la reproduction : dans la plu- 
part des cas, c’est un bourgeonnement d’un individu- 
fille sur une carapace de parent. Certaines espèces de 
Foraminiféres, sinon toutes, varient les processus de 
reproduction par amoebullæ formées de protoplasme 
déchargé des coques et par flagellispores, en formant à 
l’intérieur de la carapace paternelle des jeunes poly- 
thalamiques complets et entourés de calcaire, qui sont 
mis en liberté par résorption de l'enveloppe paternelle. 
L'espèce Cymbalopora tabellaeformis présente un phé- 
nomène nouveau pour la bionomique des Foraminifè- 
res : l’excavation de cryptes dans des hôtes appropriés 
où elle passe sa vie, en perçant par action chimique des 
tunnels pour la projection de ses pseudopodes. 


SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES 
Seance du 12 Mars 1915 


MM. C. Paterson et B. P. Dudding : La détermi- 
nation des hautes températures par la méthode de 
l'identité des couleurs. Dans des expériences prélimi- 
naires, les auteurs ont déterminé avec une très grande 
exactitude la température dessubstances incandescentes 
en égalant leur couleur à celle de lampes à incan- 
descence à filament travaillant sous un courant conve- 
nable. Celles-ci ont été calibrées préalablement par 
comparaison avec un Corps noir sur un grand intervalle 
de températures. Les comparaisons sont faites dans le 
champ d’un photomètre de Lummer-Brodhun. La mé- 
thode a donné un résultat correct pour le point de 
fusion du platine. — M. G. L. Addenbroke : Les pertes 
relatives dans les diélectriques placés dans des champs 
électniques équivalents, continus et alternatifs. L'auteur 
présente des tables montrant une connexion intime 
entre les pertes dans les champs continus et alternatifs, 
les unes pouvant être déduites des autres en première 
approximation. Il y a des exceptions dans les cas d’hé- 
térogénéité. L'auteur donne les courbes des pertes de 


292 


1 à 4 secondes jusqu’à 4o vibrations pour des diélec- 
triques choisis. De 8 à 12 vibrations, elles deviennent 
des lignes droites montantes à la fois pour les diélec- 
triques « bons » et « pauvres ». La formule a +bn 
s'applique à tous les diélectriques pour les fréquences 
supérieures à 8 vibrations, mais non au-dessous. La 
constante a est toujours plus grande et n’a pas de rela- 
tion définie avec la perte de voltage continu. Les diélec- 
triques liquides se comportent comme les solides, à 
cette différence près que, pour une résistance donnée, 
le rapport de la perte continue à la perte alternative 
est moindre pour les liquides. Il y a une grande diffé- 
rence dans l’importance comparative des pertes. Pour 
les diélectriques étudiés, elles varient de 1 à 1.300.000 
dans le champ continu, tandis que les pertes alterna- 
tives correspondantes varient seulement de 1 à 1.100. La 
différence se montre principalement pourles bons dié- 
lectriques. 


Séance du 26 Mars 1915 


MM. A. W. Porter et F. Simeon : La variation de 
La conductibilité thermique avec la fusion. Cette varia- 
tion a élé déterminée pour le mercure et le sodium en 
mesurant les températures en diflérents points d'un 
cylindre du métal contenu dans un tube en verre. Les 
extrémités du cylindre sont maintenues à des tempéra- 
tures teiles que le métal soit liquide à peu près sur la 
moitié de sa longueur et solide sur le reste. Les tempé- 
ratures sont prises au moyen de jonctions thermo-élec- 
triques insérées dans des dépressions tubulaires étroites 
formées dans le tube de verre en enfonçant une aiguille 
dans le verre chauffé localement. Le rapport de la con- 
ductivité thermique pour le solide et le liquide est 
déterminé d'après l'inclinaison des tangentes menées 
à la courbe des températures de chaque côté du point 
de fusion, Les valeurs de ces rapports sont du même 
ordre que le rapport des valeurs correspondantes des 
conductivités électriques. La valeur moyenne pour le 
mercure est de 3,91 et pour le sodium de 1,91.— 
MM. A. W. Porter et E. Talbot Paris : Pémonstra- 
tion du rayon vert au coucher d'un soleil artificiel, Un 
grand disque de carton, monté de façon à pouvoir être 
Lourné lentement, porte un trou d’un pouce de diamètre 
percé à environ 2 pouces de la périphérie. Il est recou- 
vert d’une pellicule de gélatine rouge et est éclairé par 
derrière de facon à former un soleil artificiel. Le côté 
avant du disque est recouvert de bristol blanc et modé- 
rément illuminé par unelampe placée devant. On regarde 
le soleil au travers d'une ouverture rectangulaire {large 
de 4 pouces), pratiquée dans un carton noir, le bord 
inférieur de l'ouverture servant d'horizon. En faisant 
tourner le disque, le soleil artificiel se couche et on 
observe des images récurrentes vertes de caractère 
variable suivant la durée pendant laquelle l'œil a été 
exposé au soleil brillant, Si l'on ne regarde le soleil 
que juste au moment qui précède la disparition com- 
plète, l'image récurrente représente simplement le petit 
segment auquel elle est due. C'est ce dernier phéno- 
mène qui constitue probablement le rayon vert. 


SOCIÉTÉ ANGLAISE DE 


INDUSTRIELLE 


CHIMIE 


SECTION D'ECOSsE 
Séance du 24 Novembre 1914 
M. C. H. Desch : La corrosion des alliages non fer- 
reux. L'auteur a adopté pour l'étude de la corrosion la 


méthode de Whyte, après l'avoir perfectionnée. Elle 
consiste à faire passer un courant entre une petite 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


cathode de platine et une anode de l’alliage à étudier 
plongées toutes deux dans un électrolyte (solution de 
Na Cl à 5°/,). Des expériences sur la corrosion de lai- 
tons de diverses compositions ont conduit aux résultats 
suivants : 1° La corrosion des laitons a lieu par dézin- 
cilication. Cu et Zn sont enlevés à l’état dissous, mais 
le rapport de Zn à Cu dans la solution et le précipité 
floculent est bien plus grand que dans l’alliage. 2° Les 
alliages £ sont bien plus rapidement altaqués que les 
alliages #, et l'attaque préférentielle du Zn est plus mar- 
quée chez les premiers. 3° Dans les alliages contenant 
à la fois les constituants z et £, le dernier est presque 
complètement corrodé avant que le premier soit atta- 
qué. 4° Au-dessous de la surface corrodte, on trouve une 
couche métallique contenant beaucoup moins de Zn que 
l'alliage original et ayant une texture spongieuse. Dans 
le cas des alliages £, cette couche peut contenir jusqu'à 
99,6. de Cu. Elle est nettement définie en profondeur, 
c’est-à-dire ne présente pas de transition avec l’alliage 
non attaqué. 5° La couche spongieuse s’oxyde facile- 
ment sous l'influence de l'oxygène atmosphérique ou 
dissous. La couche d'oxyde cuivreux qu’on observe sou- 
vent sur la surface corrodée des tubes en laiton est sans 
doute d’origine secondaire, le processus originel ayant 
été la dézincification. 6° L’enlèvement du Zn a lieu 
d’abord suivant les bords des grains cristallins, et dans 
les laitons z, qui présentent des mäcles, le long des 
plans de màcle. 7° La présence du fer en solution solide 
accélère la corrosion, tandis que celle d’étain l’arrête 
au bout d’un certain temps, par suite de la formation 
d’une couche adhérente de sels basiques d’étain. Le 
plomb ne retarde la corrosion qu'à partir d’une teneur 
de 2°/,. 8 Le processus de corrosion par l’eau de mer et 
les eaux naturelles est essentiellement le même que 
celui de la corrosion stimulée par l’électrolyse, comme 
le montre la comparaison des spécimens ayant subi les 
deux espèces de corrosion. L'auteur a appliqué la même 
méthode à l’étude de la corrosion du bronze à canon. 
lei il n’y a pas de processus similaire à la dézincifica- 
tion, mais formation d'une couche de sels basiques, dé- 
tachable ou cohérente suivant les conditions des essais, 
et qui dans le second cas arrête la corrosion au bout 
d’un certain temps. 


Séance du 23 Février 1915 


M. TT. H. P. Heriot : L'emploi des mélasses comme 
source d'alcool pour la production de l'énergie. Par 
suite de l'épuisement progressif des gisements de pétrole, 
on doit prévoir, dans un avenir assez proche, l'emploi 
de l'alcool dans les moteurs à combustion interne et 
une fabrication intensive de ce produit. Les principales 
matières premières pour la production de l'alcool sont 
l’amidon, la cellulose et le sucre. Les mélasses de 
sucrerie présentent ce grand avantage qu'il suflit de les 
diluer pour les amener à fermenter; aussi la fabrica- 
tion de l'alcool aux dépens des mélasses est-elle déjà 
une vieille industrie; mais elle est susceptible de 
prendre un immense développement. En effet, on pour- 
rait travailler 1.500.000 tonnes de mélasses de canne el 
1.560.000 tonnes de mélasses de betteraves, susceptibles 
de fournir ensemble 715.000 fonnes d'alcool absolu, 
tandis qu'aujourd'hui on produit à peine le 1/7 de cette 
quantité. Le prix de revient de l'alcool de mélasse, 
fabriqué dans une usine adjacente à une sucrerie, serait 
inférieur à celui de l'alcool préparé par d’autres pro- 
cédés, et il serait encore notablement abaissé en récupé- 
rant la potasse et l’azote des mélasses et en les vendant 
comme engrais. 


Le Gérant : Octave Doi. 


EE  —— — 


Sens. — Imp. Levé, 1, rue de la Bertauche. 


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: 
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26° ANNÉE 


N° 140 


30 MAI 1915 


Revue générale 


des 


Ne nCes 


pures et appliquées 


Foxpareur : LOUIS OLIVIER 


Dinsereur : J.-P. LANGLOIS, Docteur ès Sciences 


Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. J.-P. LANGLOIS, 8, place de l'Odéon, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des 
travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France eten pays étrangers y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


$ 1. — Nécrologie 


A.A. W. Hubrecht. — Le 21 mars dernier est 
mort le naturaliste hollandais Hubrecht, né à Rotter- 
dam en 1823. Après avoir été quelque temps, à Utrecht, 
l'élève du zoologiste Harting, auquel il devait succéder, 
et du physiologiste Donders, dont il devait devenir le 
collègue et le gendre, il passa à l'Université de Leyde, 
où il suivit les leçons du professeur Selenka, qui 
exerça sur le développement de ses idées une influence 
considérable, il le suivit à Erlangen quand, en 1874, ce 
maître et ami fut appelé à l’Université de cette ville. 

Sa thèse de doctorat (1874) est une étude sur l’anato- 
mie, l’'histologie et l’histoire du développement de quel- 
ques Némertiens, dont il rassembla les matériaux à la 
Station zoologique de Naples. De 1874 à 1882, il exerça 
les fonctions de Conservateur de la section des Poissons 
au Musée d'Histoire naturelle de Leyde, fonctions qui 
l’orientèrent vers l'étude des Vertébrés. Son premier 
travail, dans ce domaine, fut une « Contribution à la 
connaissance du crâne des Holocéphales », écrite à Hei- 
delberg dans le laboratoire de Gegenbaur (1856). 

Mais, comme Selenka, il resta un certain temps fidèle 
encore à l’étude des Invertébrés; il publia encore divers 
documents sur les Némertiens, à l’occasion d’un séjour 
à Naples, à propos aussi de matériaux qu'on lui confia 
des expéditions du Challenger et de la Siboga; et un 
peu plus tard,un mémoire sur le #roneomenia,qu'avaient 
procuré les dragages du Willem Barents. 

Il fut nommé en 1882 professeur de Zoologie à l’'Uni- 
versité d'Utrecht. Le progrès des idées évolutionnistes 
venait de déterminer, pendant la période qui s'était 
écoulée de 1870 à 1880, une floraison de recherches sur 
l'anatomie comparée des Vertébrés et sur la phylogénie 
des Invertébrés. Elles conduisirent tout naturellement, 
dans la suite, à des études embryogéniques, et l’appa- 
rition (1880-81) du Treatise on comparative Embryology 
de Balfour marque le début d'une ère nouvelle, où les 
naturalistes cherchèrent dans l’embryogénie la solution 
des problèmes phylogéniques. Hubrecht suivit le cou- 
rant : après un mémoire sur le développement du 
Lineus (1885), il s’appliqua de plus en plus à l'étude des 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 


premiers stades de l’'embryogénie des Vertébrés et à 
leur placentation : il devait y faire de grandes decou- 
vertes, grâce à la largeur de ses vues et à son horreur 
de tout dogmatisme, 

En 188ÿ, commence Ja série de ses publications sur 
l'embryogénie des Vertébrés : c’est d’abord le Hérisson, 
puis La Musaraigne (1889), puis le Zursius.., qu'il choisit 
comme sujets. Tous des Insectivores, ou des formes voi- 
sines des Insectivores, parce qu’il croit, avec Huxley, 
que ce groupe a le mieux conservé les caractères ar- 
chaïques des Placentaires, tout en comprenant, à côté 
de formes très évoluées, des types qui annoncent les 
Rongeurs, les Lémuriens, les Carnivores. 

Une grande difliculté résultait de la rareté des maté- 
riaux. Une propagande active parles journaux lui four- 
nit, en Hollande. des centaines d’utérus de Hérissons, 
de Taupes et de Musaraignes; un voyage de Hubrecht à 
Java (1890) et ses relations étendues firent, pendant des 
années, affluer à Utrecht des centaines d’'embryons de 
Tupaya, de Nycticebus, de Tarsius.., Ce matériel lui ser- 
vit et servit à beaucoup d’autres qui travaillèrent dans 
son laboratoire; la quintessence des découvertes se lit 
dans les publications de Hubrecht : Di- Phylogenese 
des Amnions und die Bedeutung des Trophoblastes 
(1895), Die Keimblase von Tarsius (1896), Early Ontoge- 
netic Phenomena in Mammals and their Bearing on our 
Interpretation ofthe Phylogeny of the Vertebrates(1908). 

L'auteur avait conquis depuis longtemps une grande 
renommée parmi les naturalistes; son autorité était 
grande aussi dans le monde universitaire et dans le 
monde administratif hollandais : il la devait autant à 
la rectitude de ses procédés qu’à sa réputation scienti- 
fique. 

Victor Willem, 


Professeur de Zoologie à l'Université de Gand, 


$ 2. — Physique 


La fusion du carbone. — La fusion du carbone 
dans l'arc électrique a été observée pour la première 
fois par Lummer il y a quelques années. En faisant 
passer un courant de 30 ampères dans une lampe à arc 


294 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


à charbon positif horizontal sous une pression d'environ 
une demi-atmosphère, cet auteur a vu toute la surface 
du cratère positif prendre l’état liquide ; dans la couche 
superficielle liquide, mais non coulante, nageaient des 
« perles » plus claires, comme si le liquide était en 
ébullition !. 

Cette observation a été mise en doute par plusieurs 
savants qui partageaient l’idée de Crookes que la fusion 
du carbone ne serait réalisable qu’à des pressions très 
élevées, et qui objectaient aussi que la formation des 
gouttelettes de carbone ne se produit pas. 

À propos de ces objections, M. G. Oesterheld ? a fait 
remarquer à la dernière séance de la Société suisse de 
Chimie que l'hypothèse de Crookes n'est basée sur 
aucun fait expérimental. Le phénomène observé par 
Lummer serait bien diflicile à interpréter autrement que 
par la fusion. L’accôrd avec la règle des phases est 
obtenu en admettant que la pression au point triple est 
inférieure à 0,2 atmosphère (probablement voisine 
de 0,1) et que la pression critique est peu supérieure à 
2 atmosphères. La tension de vapeur du carbone au 
point de fusion étant relativement considérable, dans 
les conditions de l’arc électrique seule une couche 
extrêmement mince est portée à cette température et 
alors la quantité de liquide est trop faible pour s’agglo- 
mérer en gouttes. 

Pour fondre de plus grandes quantités de carbone, 
M. Oesterheld a opéré dans une atmosphère d’azote sous 
une pression réduite, en se servant d'un chauffage à ré- 
sistance qui permet de porter à sa température de fusion 
un petit bloc de carbone. Comme il est toutefois impos- 
sible de réaliser la tension de saturation des vapeurs 
du carbone, il faut localiser celles qui se produisent à 
la surface du solide en éliminant toutes les causes de 
ventilalion et en créant un coussinet de vapeur dense 
autour du bloc. Le chauffage exige de fortes dépenses 
d'énergie qui traverse à coups rapides le bloc, Dans ces 
conditions, la température de fusion, qui est voisine 
de 40000 abs., s'établit avant que la vapeur se répartisse 
uniformément dans l’espace du four. 

L'auteur a présenté plusieurs petits morceaux de car- 
bone qu’il a traités de cette manière et qui portent tous 
les caractères de corps ayant subi une fusion partielle. 
Il montre également au projecteur divers aspects du 
cratère liquide agrandi 4o fois et réalisé par l’arc élec- 
trique à des pressions variant de 0,06 à r atmosphère. 


$ 3. — Industrie chimique 


Les répercussions de la guerre de 1914 
sur l’industrie du sucre. — La guerre de 1914 a 
eu sur la grande industrie du sucre des répercussions 
multiples, que M. Georges Dureau, directeur du Journal 
des Fabricants de sucre, a fait ressortir dans un récent 
article du Bulletin de la Société d'encouragement pour 
l'Industrie nationale *. 

En raison de la mobilisation, survenue peu de temps 
avant l'époque habituelle de la mise en œuvre de la ré- 
colle betteravière, de graves difficultés ont surgi pour 
l’arrachage et le transport des betteraves aux fabriques 
et pour le fonctionnement même des usines. Grâce aux 
actives démarches du Syndicat des Fabricants de sucre, 
les diflicultés relatives à la main-d'œuvre, aux trans- 
ports de charbons, etc..., ont pu être surmontées dans 
des conditions relativement satisfaisantes. La fabrica- 
tion, néanmoins, à débuté beaucoup plus tard que 


d'ordinaire ; le travail des usines a été très lent; les : 


quantités de betteraves traitées par 24 h. ont souvent 
élé inférieures de moitié à la normale. Les fabricants 
ont paru éprouver des diflicultés pour l'écoulement de 
leurs pulpes, de leurs mélasses. En raison de la lenteur 


1 O, Luumex: Verflüssigunz der Kohle und Herstellung 
der Sonnentemperatur, p. 71. Braunschweig, 191%. 

2. Arch. des Sc. phys. et nat., t. XXXIX, n° 4, p. 377. 

3. T. CXXII, n° 2, p. 290 et suiv. ; mars-avril 1915. 


du travail, les frais de fabrication par tonne de bette- 
rave se sont accrus dans de fortes proportions. La 
fabrication a été aussi rendue plus coûteuse par le fait 
de sa prolongation inusitée et du renchérissement des 
objets de consommation. 

A la date du 7 février, le Syndicat des Fabricants de 
sucre a dressé une liste des fabriques de sucre actives ou 
ayant été en marche pendant cette campagne. Le nom- 
bre de ces fabriques s'élève à 69, tandis qu'il avait été 
de 206 pendant la campagne précédente, En voici la 
répartition par départements pour les deux campagnes : 


1913-1914 1914-1915 


Aisne 49 [A 
Ardennes 4 o 
Nord 38 1 
Oise 19 15 
Pas-de-Calais 23 6 
Seine-et-Marne 12 12 
Seine-et-Oise 8 8 
Somme 31 4 
Autres départements 22 19 

206 69 


137 fabriques n'auraient donc pas travaillé ; mais ces 
établissements étant pour la plupart situés dans la 
portion envahie du territoire français, il est diflicile de 
savoir au juste quel a été leur sort. Un certain nombre 
auraient été détruits par le feu de l'ennemi; d’autres 
auraient travaillé sous le contrôle des Allemands; il en 
est enfin, d’après le Centralblatt de Magdebourg, qui 
ont été démontés en vue de l’utilisation des organes en 
cuivre dans la fabrication des cartouches de guerre, 
tandis que les betteraves destinées à ces usines ont été 
expédiées en Allemagne pour y servir à la nourriture du 
bétail. 

En 1913-1914, la production indigène paraît avoir été 
d'environ 718.000 tonnes (valeur en rafliné); à fin 
décembre 1913, la production atteignait 6y8.513 tonnes. 
La production à fin décembre 1914 se chiffrant par 
197.635 tonnes, elle présentait donc un déficit de plus 
de 500.000 tonnes sur la campagne antérieure; ce déficit 
semble devoir finalement se réduire à 440.000 ou 
450.000 tonnes. 

D’après une enquête faite par l'Association interna- 
tionale deStatistique sucrière, la production européenne 
de sucre en 1ÿ14-1915 serait de 9.393.550 tonnes de 
sucre brut, contre 8 210.595 tonnes en 1913-1914. soit 
une diminution, par rapport à cette dernière campagne, 
de 817.045 tonnes. Cette diminution porterait sur 
l’Allemagne, l'Italie, la Hongrie, l'Espagne, la Roumanie, 
la Suisse, la France, la Belgique, la Serbie et l’Angle- 
terre ; il y aurait, par contre, un excédent de récolte, 
relativement à 1913-1914, en Autriche, Hollande, Suède, 
Danemark et Russie, 

La récolte mondiale en 1914-1915 aurait été d'environ 
17.800.000 tonnes, soit une différence en moins, par 
rapport à 1913-1914, d'environ 850,000 tonnes, Cette 
diminution de moins de 5 °/, dans l’ensemble de la pro- 
duction universelle sera facile à compenser par une res- 
triction dans les livraisons à la consommation. Il est 
même probable qu’en raison du renchérissement de la 
denrée et de la crise économique générale provoquée 
par la guerre européenne, la consommation apparente 
du sucre en 1914-1915 diminuera dans une proportion 
beaucoup plus notable encore. 

En dépit de cette circonstance, le déficit de la récolte 
mondiale est certainement un des facteurs de la hausse 
des cours du sucre, Parmi les autres facteurs dérivant 
de l’état de guerre, on peut citer : la difficulté des 
transports, l'élévation du fret, la rareté ou le renchéris- 
sement de la main-d'œuvre, la hausse des matières pre- 
mières etobjets de consommation : charbons, huiles, etc. 
Tous ces facteurs ont amené une aggravation plus ou 
moins considérable des frais de production du sucre et, 
partant, nécessité d’un relèvement notable des prix de 
vente. Cette augmentation a été tout particulièrement 


ons fe de. 


| 


ai 


CHRONIQUE ET 


sensible en France, comme le montrent les chiffres sui- 
vants : 


Sucre blanc n° 31 Raïlinés en pains ? 


Juin 1914 fr. 34,23 fr. 66,42 
Juillet » 33,52 65,00 
Août » 36,98 70,23 
Septembre » 41,90 74,80 
Octobre » 22,799 87,625 
Novembre » 22,09 93,00 
Décembre  » 45,79 59,80 
Janvier 1919 49,52 90,83 
Février » 25,29 91,64 
Et rien ne fait prévoir une diminution prochaine de 

ces prix. 


En ce qui concerne la campagne 1915-1916, il faut 
s'attendre en France, d’après les renseignements actuels, 
à une réduction de 20 à 25°/, dans les emblavements de 
betterave à sucre, ceci à cause des diflicultés de la 
main-d'œuvre. La question de l'approvisionnement des 
graines de betterave * parait résolue : La Russie pourra 
fournir à la France le complément de graines dont elle 
aura besoin. Mais les fabricants de sucre français fe- 
raient sagement d'étudier et de résoudre le problème de 
la production de la graine de betterave riche en sucre 
en France, car il serait dangereux et humiliant pour eux 
de rester à cel égard sous la tutelle de l'Allemagne. 

L'industrie sucrière française, conclut M. Dureau, se 
ressentira sans doute pendant longtemps des consé- 
quences de la guerre de 1914. Indépendamment des in- 
demnités auxquelles elle aura droit pour les dommages 
occasionnés par les troupes allemandes et le préjudice 
causé par l'occupation, cette industrie sera fondée à re- 
vendiquer un traitement de faveur sur les marchés où 
elle expédie ses produits en concurrence avec ceux de 
l'Allemagne et de l’Autriche-Hongrie. Mais pour cela il 
faudra que la France recouvre d’abord son entière 
liberté d’action en matière de commerce sucrier, ce qui 
n’est point le cas sous le régime de la Convention de 
Bruxelles, 


L'utilisation de la farine de riz dans la 
fabrication du pain. — Depuis un siècle, la pro- 
duction du blé en France a presque triplé; mais, par 
suite de l'augmentation de la population et aussi de la 
consommation du pain par personne, elle reste encore 
insuflisante, et chaque année la France doit acheter au 
dehors, principalement à la Russie et aux Etats-Unis, 
de 5 à 10 millions d’hectolitres de froment, valant de 
100 à 200 millions de franes. Cette année, par suite de 
la rareté de la main-d'œuvre, les semailles ont été 
moins abondantes que de coutume, et les achats à faire à 
l'étranger dépasseront sans doute 400 millions de francs, 

Ne serait-il pas possible de remplacer une partie du 
blé nécessaire à la fabrication du pain par un autre 
farineux cultivé dans nos colonies et de réserver ainsi 
à nos possessions ces centaines de millions qui servi- 
raient à ieur prospérité et nous reviendraient d’ailleurs 
en échange des matières ouvrées qu'elles demandent à 
la Métropole? Telle est la question que s’est posée 
M. E. Maurel‘, professeur à la Faculté de Médecine de 
Toulouse, et à laquelle il répond très nettement par 
l'aflirmative, en préconisant l'utilisation d’une certaine 
proportion (20 °/,) de farine de riz dans la fabrication 
du pain, le riz nécessaire pouvant être fourni par plu- 
sieurs de nos colonies, en particulier l'Indochine. 

Au point de vue de l hygiène, cette substitution par- 
tielle ne présente-t-elle aucun inconvénient, et en par- 
ticulier ne modifiera-t-elle pas la valeur nutritive du 
pain? L'usage du riz, même comme constituant la par- 
tie dominante de l'alimentation, est si ancien et si 
répandu que nous pouvons déjà être rassurés sur ses 


1. Non compris l'impôt de 25 fr. 
2, Y compris l’impôt de 25 fr., 
rafinage de 2 fr, par 100 kilogs. 
d: Voir la Revue du 15 janvier 1915 


Bull. de l'Acad. de Médecine, t. Lx. n°17, p. 511-525 
27 Épril 1915. 


par 100 kilogs. 
mais non compris la taxe de 


CORRESPONDANCE 


295 


inconvénients possibles, L'analyse chimique, d'autre 
part, montre que, si les matières azotées du riz sont 
toujours un peu inférieures à celles du froment, ses 
hydrates de carbone l’emporteut,au contraire, sur ceux 
de ce dernier, et la compensation s'établit si bien que 
le nombre des calories reste sensiblement le même. La 
substitution ne portant d’ailleurs que sur 1/5, on peut 
considérer la valeur nutritive du pain fait avec ce 
mélange comme égale à celle du pain de froment pur. 

Mais l'introduction de la farine de riz est-elle possi- 
ble au point de vue pratique et ne modifiera-t-elle pas 
d'une manière sensible l'aspect et le goût de notre pain 
habituel? M. Maurel, qui étudie la question depuis bien- 
tôt 20 ans, avait fait préparer dès 1898, par son boulan- 
ger, du pain contenant 6 °/, de farine de riz, ayant 
même aspect et même goût que le pain ordinaire, et il 
en a consommé exclusivement pendant 8 ans. Depuis 
quelques mois, il a fait manutentionner, à la boulange- 
rie du Bureau de Bienfaisance de l'oulouse, du pain avec 
20 °/, de farine de riz. Les essais ont été faits sur des 
quantités de 5 à 10 kilogs du mélange et la pâte a été 
mise en pätons d'unelivre ou d’un kilog. Le pain obtenu 
estun peu moins levé que le pain de froment, mais il 
l’est assez et d’une manière plus régulière ; il se rappro- 
che comme aspect de la madeleine. M. Maurel a fait 
goûter de ce pain à un grand nombre de personnes : 
fonctionnaires, médecins, hommes poliliques, notabili- 
tés de Toulouse, De l'avis général, il est aussi bon que 
le pain de froment. 

La substitution proposée aurait un certain avantage 
au point de vue du prix. La farine de riz est, en effet, 
sensiblement moins chère que celle de froment : la diffé- 
rence est d'environ 15 francs par 100 kilogs en faveur 
du riz. Elle se traduirait par une économie de 3 centi- 
mes sur le prix du kilogramime de pain, ce qui ne per- 
mettrait sans doute pas de diminuer ce prix pour la 
vente au détail, mais permettrait toutefois aux grandes 
collectivités : armée, hôpitaux, prisons, bureaux de bien- 
faisance, etc.., de réaliser des économies appréciables. 

Etant donnée l'insuflisance très marquée de la pro- 
chaine récolte en froment, lesrizcoloniaux pourront-ils 
suppléer au moins dans une assez grande proportion 
ce déticit? D'une déclaration faite par le Gouverneur 
à la session plénière du Conseil du Gouvernement du 
11 décembre dernier, il résulte que la Cochinchine sera 
en mesure d’expédier en 1915 un million de tonnes de 
riz à la Métropole. C'est là un supplément, sinon entiè- 
rement suflisant, du moins d’une réelle importance et 
qui pourra être augmenté par la suite. 

Toutes ces raisons plaident en faveur de l'introduction 
actuelle de la farine de riz dans la manutention de 
notre pain. Une seule s’y oppose, d'ordre administratif. 
Le mélange de la farine de riz à celle de froment a été 
considéré comme une fraude au point de vue commer- 
cial, et cela à juste titre, puisque la farine de riz est 
moins chère que celle de froment, Ce mélange tombe 
donc sous le coup de la loi sur les fraudes alimentaires. 
Mais il serait facile au Gouvernement de faire tomber 
cetobstacle, en autorisant le mélange dans la proportion 
qu'il jugeraïit convenable Pour éviter que la proportion 
de mélange accordée par l'Etat fût dépassée, il faudrait 
que le mélange fût fait avant d'arriver chez le boulan- 
ger; il voyagerait sous le nom de farine de froment 
rizée à 20 °/,; dans ces conditions, la proportion serait 
facile à vérifier par l'analyse chimique et microscopique. 

A l'appui de la proposition de M. Maurel, M. Armand 
Gautier a fait remarquer que, d'après les études de la 
Commission de revision de l’alimentation des troupes, 
au Ministère de la Guerre, qui ont porté sur les pains 
de guerre de tous les pays, il a été reconnu que le pain 
de guerre japonais est le meilleur. Or ce pain contient, 
avec un peu de sucre, 10 à 12/, de farine de riz. Comme 
ce pain est inattaquable aux insectes et garde sa comes- 
tibilité et son bon goût presque indéfiniment, il a été 
fabriqué par l’Intendance française pour le temps de 
guerre. Il n’est pas douteux qu'il ne soit accepté aussi 
très facilement par la population civile. 


296 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


$ 4. — Biologie 


Le nomadisme est-il héréditaire? — Certai- 
nes personnes se plaisent à rester toujours chez elles, el 
l’idée même de voyager leur répugne; à l'opposé sont 
les vagabonds et les bohémiens nomades; encore plus 
loin, on rencontre ceux qui, capables d'un travail con- 
tinu et fixe, éprouvent périodiquement, sous l’empire 
d’une sorte de folie, le besoin de fuir leur domicile. 

Le nomadisme — c'est sous ce terme qu’on peut grou- 
per les manifestations variées de cet état mental — a 
été étudié par les psychiatres, qui ont vu dans les divers 
désordres périodiques avec lesquels il est souvent asso- 
cié les causes des formes différentes qu’il prend. Ils ont 
distingué des « fugues » démentes, mélancoliques, épi- 
leptiques, hystériques, etc. M. C. B. Davenport, de la 
Station d'Evolution expérimentale de l'Institution Car- 
negie à Washington, a repris l'étude de ce problème! et 
s’est posé en particulier cette question : Les symptômes 
similaires qui sont associés à des états mentaux si dif- 
férents sont-ils entièrement indépendants ouressortent- 
ils à une cause commune? 

La tendance à voyager appartient, au moins à un cer- 
tain degré, à tous les animaux locomoteurs. Cette ten- 
dance est un instinct fondamental chez l’homme, 
comme le montrent quatre ordres de faits : 1° les singes 
anthropoïdes (qui représentent la souche ancestrale de 
l’homme) sont nomades; 2° les peuples primitifs (Fué- 
giens, Australiens, Boschimans, Hottentots) sont noma- 
des, et ce caractère est très répandu parmi d’autres tri- 
bus moins primitives; 3° la tendance à se déplacer est 
presque universelle chez le jeune enfant qui vient d’ap- 
prendre à marcher; 4° à l'adolescence, cet instinct rede- 
vient aigu (associé sans doute aux impulsions sexuelles). 

Pour jeter quelque lumière sur ce problème, M. Da- 
venporta analysé et classé, suivant la nature des ma- 
riages, l'histoire d’une centaine de familles, recueillie à 
l'Eugenics Record Office (Tableau I). 


Tagceau L — Distribution du nomadisme (N) 


chez les descendants de divers mariages 
©  S 


DESCENDANTS 
PRE re RE ET. 
Mâles 


PARENTS Femelles 


Total | X + | —— 


N \NonN! N° NouN 


I. Père non N, de sou- 
che non N; mèrenon 


N, de souche N ....| 208| 13 | 29 | 71 | 43 1 | 52 
2. Père non N, de sou- 

che non N: mère N. q 1 5] 5 (3)? 0 
3. Père et mère N..... 13| 0 2 6 1 ! 0 
4. Père N; mérenon N, 

de souche N........ 35| 6 7 8 5 2 7 


5. Père N, mèrenon N; 

parents N incunnus. 73| 17 6 | 16 | 16 DAS 
| 6. Père non N, de sou- 
che N; mère non N, 
de souche N. ...... 3| 0 0 1 0 (n 
. Père non N, de sou- 
che N; mère non N: 
parents N inconnus. 55 8 6 13 16 
| 8. Parents du père et 
de la mère (et sou- 
vent les parents eux- 
mêmes) peu connus.| 218| 33 | 28 | 51 | 47 


LE 


1 


re 
= 


12 
ur 
Le 


Abréviations : N, nomadique : X, inconnu; + J, mort jeune. 


1. Proc. of the Nat. Acad, of Sciences, t.1, n° 2,p. 120; fé- 
vrier 1915. 


Ce tableau montre qu’il y a beaucoup plus d'hommes 
que de femmes nomadiques:171 hommes contre 15 fem- 
mes. Cela suggère immédiatement l'hypothèse que le 
nomadisme est un caractère relié au sexe. Si cette hypo- 
thèse est exacte, dans une union entre un homme nor- 
mal et une femme qui, quoique normale, est de souche 
nomadique, la moitié des fils seront nomadiques et au- 
cune fille. En combinant les unions 1, 6, 7 et 8 du 1a- 
bleau qui satisfont à cette condition, on obtient la dis- 
tribution suivante des tendances chez les descendants: 
Mäles : N, 133; non N, 109; Femelles : N, 4; non N, 118. 


Le déficit de mäles non N s'explique aisément par le fait 


que, dans l'établissement du tableau, on a choisi uni- 
quement les fraternités de descendants présentant des 
nomades, el que les fraternités qui, par hasard, ne pré- 


sentent pas de nomades ont été exclues. Des 4 femmes . 


nomades (là où il ne devrait y en avoir aucune), on peut 
dire qu’elles sont les filles de 3 hommes insuflisamment 
connus; il n’y a aucun cas avéré de fille nomadique d’un 
père non nomadique. 

Le critère d'après lequel tous les fils d'une mère no- 
madique sont nomadiques peut être essayé sur les ma- 
riages 2 et 3; tous les fils, sauf 4, sont nomades, mais 
trois des exceptions sont indiquées comme douteuses et 
sur la /° on manque de détails. 

Le critère d’après lequel toutes les filles de deux pa- 
rents nomadiques sont nomadiques se vérifie surles ma- 
riages 3. 

Le critère d’après lequel la moitié des filles et des fils 
des pères nomadiques sontnomadiques peut êlreessayé 
sur les mariages { et 5. La vérilication est bonne pour 
les fils, insuffisante pour les tilles, probablement à cause 
du petit nombre des cas. 

En somme, les données du tableau confirment l’hypo- 
thèse que la paralysie du contrôle de l'impulsion noma- 
dique est un caractère lié au sexe. D’autres hypothèses 
— par exemple que le nomadisme, commela barbe chez 
l'homme, est essentiellement une caractéristique mâle, 
ou que le nomadisme est moins commun chez la femme 
parce qu'il lui est plus diflicile de vivre une vie nomade 
— ne sont pas appuyées par les faits. 

L'association fréquente des impulsions nomadiques 
avec les psychoses, tant périodiques (dépressions, mi- 
graines, hystérie) que constitutionnelles (faiblesse d’es- 
prit, démence précoce), s'expliquerait commesuit, d’après 
M. Davenport : 

L'instinct voyageur est fondamental, basique, chez 
l'homme. Dans la partie la plus intellectuelle de la po- 
pulation, sous l'influence des mœurs. cette impulsionest 
réprimée d'une façon plusou moinssatisfaisante lorsqu'il 
y a de bonnes raisons pour cela, excepté dans les fa- 
milles de periodiques où les inhibitions sont paralysées 
temporairement, et la personne s'échappe. Chez les in- 
férieurs mentaux conslitutionnels, d'autre part, les inhi- 
bitions peuvent se développer légèrement, et ces indivi- 
dus présenteront une tendance constante à errer, comme 
les vagabonds, les bohémiens, et d’autres tribus no- 
mades. 

En somme, toutes les classes de nomadisme peuvent 
être attribuées à une cause fondamentale, l'instinct no- 
madique. Mais, tandis que les représentants les plus 
intelligents de la race nomadique sont capables, dans 
une certaine mesure, lorsque cela parait désirable, de 
réprimer leurs impulsions, chez certains d'entre eux 
l'impulsion nomadique instable peut s’associeravec une 
perturbation périodique qui rend inopérant le méca- 
nisme inhibitoire; ces perturbations ne sont pas la 
cause fondamentale de l'impulsion nomadique; elles lui 
permettent seulement de se manifester. La capacité de 
présenter cette perturbation périodique est liée au 
sexe. ; 


E. VALLIER. — LE TIR INDIRECT EN 1915 


Lo 
re] 


LE TIR INDIRECT EN 1915 


L'une des surprises de la guerre actuelle est 
certainement le grand développement qu'a pris le 
tir indirect, réservé d'ordinaire aux opérations 
de siège, et les difficultés particulières qu'a pré- 
sentées son exécution. Et d’abord qu'est-ce exac- 
tement que le tirindirect ou tir courbe ? 

C’est celui que l’on exécute lorsque l’on cherche 
à obtenir un angle de chute assez grand pour 
atteindre un objectif dissimulé aux vues der- 
rière une masse couvrante interposée ou parfois, 
comme il arrive actuellement, par un obstacle 
superposé. 

Dans le premier cas, le tir est dit plongeant, 
parce qu'il nécessite un angle de chute relative- 
ment élevé, entre 20° et 30°, pour la distance à 
parcourir : or, pour une distance donnée du but, 
on ne peut obtenir un angles de chute croissant 
qu'à la condition d'augmenter l'angle de tir, ce 
qui exige une diminution de la vitesse initiale et 
par suite de la charge de poudre. Connaissant 
donc la position de l'objectif et les bouches à feu 
dont on dispose, on recherchela position la plus 
avantageuse pour l'emplacement de la batterie 
que l’on veut employer, et la charge réduite qui 
doit donner la vitesse initiale correspondant à 
l'angle de tir adopté. 

Cette charge est d'ordinaire moindre que la 
charge du tir de plein fouet, ou tir tendu : avec 
les pièces de siège proprement dites, on fait 
varier à volonté cette charge à la demande des 
données, distance du but et angle de tir; avec 
les pièces de campagne, on ne dispose d'ordinaire 
que de deux ou trois charges préparées d'avance, 
ce qui restreint le champ dans lequel on fait 
varier les autres éléments. Parfois même, on fait 
usage de la charge maximum en s’établissant 
assez loin du but, mais l'observation directe des 
coups devient diflicile et letir perd de sa jus- 
tesse. Au reste, l'emplacement des batteries est 
souvent imposépar les formes du terrain et d’au- 
tres considérations en dehors des éléments balis- 
tiques, telles que la facilité d’approvisionnement 
ou d'armement, la nécessité de se soustraire au 
tr de l’ennemi, etc. 

Le tir indirect devient du tir vertical lorsque 
le but à battre n'offre qu'une surface à peu près 
horizontale et peu étendue en profondeur, telle 
une batterie enterrée : il y a lieu, dans ce cas, 
d'employer des angles de chute considérables, 
d'où le nom de tir vertical. 

Autrefois, ce tir s’exécutait le plus souvent sous 


l'angle de 45° ; aujourd'hui, les canons et mor- 
tiers rayés sont assez précis pour que l'on puisse 
procéder au réglage du tir par des variations 
d'angle comme dans le tir ordinaire. 

L'angle de 55°, intermédiaire entre celui de 
45°, qui assure sensiblementle maximum de por- 
tée, et celui de 60°, qui correspond au maximum 
d'angle de chute pratiquement réalisable, est 
employé avantageusement dans la plupart des 
cas. L'expérience montre qu’au delà de 60° le tir 
ne conserve pas une justesse suflisante et que 
les projectiles ne tombent plus régulièrement la 
pointe en avant, ce qui en diminueles effets. 

L'angle de 30°, au contraire, procure une jus- 
tesse de tir plus grande que les angles supé- 
rieurs, mais l'angle de chute est alors parfois 
trop aigu. 


Dans quelles circonstances de guerre recourt- 
on d'ordinaire à ces genres de tir indirect? 

C’est, avons-nous dit, le tir plongeant que l’on 
emploie pour combattre des pièces situées der- 
rière un épaulement, pour atteindre l’alversaire 
au delà d'un remblai ou dans un raxin, pour en- 
voyer des coups dans une tranchée, pour enfiler 
des faces d'ouvrages de fortification passagère ou 
permanente, tandis que le tir vertical sera dirigé 
contre des buts horizontaux, tels que voûtes, ma- 
gasins à poudre, voies ferrées abritées par des 
épaulements, ou batteries terrassées, Il servira 
encore pour renverser des murs de soutènement : 
ainsi un obus à meélinite, après avoir pénétré 
assez profondément dans le massif en terre d’un 
rempart, venant éclater dans le voisinage immé- 
diat de la face extérieure, en amènera la chute 
dans le fossé sur une largeur plus ou moins 
grande, agissant ainsi à l'instar d’un fourneau 
de mine. 

Dans la défense des côtes, ce tir a surtout pour 
objet la perforation des ponts blindés, afin d'at- 
teindre les bâtiments dans leurs œuvres vitales, 
machines, chaudières, soutes à munitions; mais 
on a plus souvent recours au tir direct, soit pour 
traverser les ceintures des bâtiments au-dessous 
de la flottaison, soit pour atteindre les super- 
structures. 

On voit que le tir indirect convient surtout à 
la guerre de siège : comment se fait-il qu'on y 
ait si souvent recours à l'heure qu'il est? 

C'est que la guerre actuelle est plutôt une 


12 
se] 
eo) 


E. VALLIER. — LE TIR INDIRECT EN 1915 


immense guerre de siège, que sur tout le front 
de la lutte se manifestent des séries d'attaques 
analogues à celles du siège de Sébastopol ou 
plus récemment de Port-Arthur, et que, dans ces 
opérations, les batteries adverses sont souvent 
dissimulées. 

Pendant les premières semaines des hostilités 
actuelles, les batteries de tous calibres, profitant 
de leurs grandes portées, pouvaient se dissimuler 
derrière des obstacles naturels, tels que bois ou 
hauteurs, et de là, en faisant du tir indirect par- 
dessus la crête des arbres ou des collines, ou 
encore en s’enterrant dans des batteries analo- 
gues aux batteries de siège et tirant par-dessus 
le parapet protecteur, contre-battre l'ennemi ou 
atteindre des objectifs repérés sur la carte. Mais 
l'emploi des avions vint bientôt rendre ce mode 
de dissimulation insuffisant et l’on dut recourir 
à des procédés spéciaux pour soustraire les bat- 
teries aux vues d’observateurs en survolant les 
emplacements. Ce fut ainsi que l'on établit des 
pièces dans des carrières, comme dans les posi- 
tions allemandes de l'Aisne, ou encore qu’on 
les dissimula aux vues à l'aide de toitures recou- 
vertes de chaumes ou de branchages, en évitant 
d’ailleurs de faire feu lorsqu'un observateur 
aérien était signalé. Ce fut également cette con- 
sidération qui amena la multiplicité des tirs de 
nuit. 


Le problème purement balistique du tir indi- 
rect fut donc compliqué de la résolution préala- 
ble d’un autre problème, celui de la recherche 
de la position d’un but à battre absolument sous- 
trait aux vues. Cette recherche est principale- 
ment entreprise à l’aide des phénomènes acous- 
tiques. 

On n'ignore pas, en effet, que le son parcourt 
environ 340 mètres par seconde, de telle sorte 
que, si l’on entend le bruit d’un coup de canon 
5 secondes, par exemple, après la mise de feu, on 
peut en déduire que la pièce se trouve à 1.700 mè- 
tres de l’observateur. 

Si un deuxième observateur B se trouve en un 
point suffisamment distant du premier À, et 
entend la détonation après un intervalle de six 
secondes par exemple, on en conclura que la 
pièce se trouve à l'intersection de deux cercles 
ayant leurs centres A et B en la position de cha- 
cun des observateurs, et pour rayons respectifs 
1.700 mètres et 2.040 mètres. 

Cela suppose que l'instant du départ du coup 
est observé. S'il n’a pu en être ainsi, on pourra 
toutefois noter que la pièce se trouve sur une 
byperbole ayant pour foyers les positions des 


deux observateurs et pour grand axe 340 mètres, 
correspondant à la différence de temps que la 
détonation a mis à atteindre les deux emplace- 
ments. 

Si maintenant aux deux observateurs en a élé 
adjoint un troisième C, percevant le même bruit 
au bout de 8 secondes. nous aurons à envisager 
trois hyperboles, l’une de foyers À et B déjà in- 
diquée, la seconde de foyers À et C et d’axe 
1.020 mètres, la troisième de foyers Bet C et d’axe 
680 mètres, et ces trois hyperboles se rencontre- 
ront au point cherché. 

Telle est la solution théorique, très aisément 
réalisable dans un tir d'étude, où les observa- 
teurs aux aguets enregistrent une détonation 
attendue d'avance et sans confusion possible 
avec une autre. Dans la pratique, ces trois obser- 
valeurs disposeront d'appareils enregistreurs 
qui noteront l'heure où le bruit de la détonation 
leur est parvenu et dont les indications serviront 
à l'établissement des courbes précédemment 
signalées, 

Malheureusement, cette solution du problème 
est contrariée parle fait que les appareils enre- 
gistreurs sont actionnés par tous les bruits qui 
se manifestent dans leur voisinage avec une sufli- 
sante intensité, et que l’on ne peut dislinguer 
dans les points qu'ils ont inscrits quels sont 
ceux qui, sur chacun d'eux, correspondent à la 
même détonation. Ce n’est que par des procédés 
compliqués que l’on peut espérer arriver à 
assurer cette concordance d'observations. En 
fait, le résultat n’est pas encore atteint, et le 
succès paraît bien improbable. 


Il y a du reste une autre difficulté à résoudre 
et qui se manifeste même dans le cas où l’on n’a 
à observer qu'une détonation isolée : c’est que 
le tir d’un projectile ne donne pas, en général, 
naissance à un seul phénomène sonore, celui du 
coup de canon, mais aussi à l’émission d’une 
autre onde, dite onde de Mach, de telle sorte 
que d'ordinaire chacun des microphones dont 
nous avons indiqué l'emploi enregistrera deux 
bruits et non un seul. 

Qu'est-ce donc que cette onde de Mach? 

Lorsqu'un projectile se meut dans l’air avec 
une vitesse supérieure à celle du son, un obser- 
vateur placé dans le voisinage perçoit le phéno- 
mène suivant:au moment où le projectile passe 
à proximité de sa position, il entend un bruit 
très sec, intense, d'une durée inappréciable, qui 
semble émaner du projectile lui-même. Ce bruit 
est suivi d'un silence absolu; quelques instants 
après,survient un autre bruit, sourd, d’une durée 


E. VALLIER. — LE TIR INDIRECT EN 1915 299 


appréciable et qui semble arriver de la batterie. 
Ce second bruit provient de la déflagration de la 
charge:il se propage avec la vitesse moyenne 
constante de 340 mètres ; si l’on a pu observer la 
lumière du coup de canon, on 
déduire de l'intervalle de temps entre ces deux 
phénomènes la distance de l'observateur à la 
bouche de la pièce. C’est à ce mode d'évaluation 
que nous avons fait allusion plus haut. 

Pour le premier bruit perçu, voici l’explica- 
tion qu'en donne le Professeur Mach, de Prague, 
explication universellementadmise aujourd'hui. 

Le projectile, animé d'une vitesse supérieure 
à 340 mètres, comprime l’airquile précède : l'onde 
ainsi engendrée est une seule onde de détona- 
tion. Cette onde est stationnaire, sans variation 
périodique de condensation pour un observateur 
marchant avec la vitesse de l'onde. Lorsqu'elle 
passe par l'oreille, on entend une seule fois le 
bruit sec correspondant. De petites variations 
du mouvement de l'air autour du projectile, pro- 
duites par la rotation de celui-ci ou par des irré- 
gularités accidentelles, peuvent occasionner cer- 
tains sifflements, mais on ne saurait confondre 
ces derniers avec le bruit sec très intense pro- 
duit par l'onde stationnaire dont nous venons de 
parler. Cette onde est la même que celle que l’on 
recevrait si le projectile était fixe et l’air en 
mouvement en sens contraire avec une vitesse 
égale à celle du projectile. 

Il résulte de ce qui précède que l'observateur 
qui aurait distingué la lumière du coup de canon 
et ignorerait l'existence de cetteonde, prendrait 
ce bruit pour celui de la détonation et en dédui- 
rait une distance bien inférieure à la distance 
réelle, ou, si la distance lui était connue, en 
conclurait que l'onde sonore émise par la dite 
détonation se propage avec une vitesse supé- 
rieure à 340 mètres, idée émiseau début del'obser- 
vation de tels phénomènes. 

De même, si, au lieu d'observer la lueur du 
coup de canon, on fait usage d'appareils acous- 
tiques comme il a été dit plus haut, on s'expose 
à ce que les dits appareils enregistrent les deux 
bruits : celui de l’onde de Mach et celui de la 


peut même 


détonation; il en résulte une confusion dans les 
lectures et par suite des appréciations erronées 
sur la position de l'objectif à atteindre. Heureu- 
sement, toutefois, que cette difficulté ne se mani- 
feste que si, dans le voisinage des appareils, la 
vitesse du projectile est encore supérieure à 
celle du son. 


On peut encore utiliser, dans ces recherches, 
les propriétés balistiques du projectile. Si l’on 
connaît par exemple ia nature de ce dernier, 
c'est-à-dire son poids, ses dimensions, ce que 
l’on appelle d’après cela son coeflicient balisti- 
que, et si l’on peut observer son angle de chute 
ou tel autre élément de sa trajectoire, on peut, 
par le caléul, remonter à ses éléments initiaux, y 
compris la position du canon qui l'a lancé. Mais 
ces méthodes sont d'ordre irop technique pour 
être exposées ici. Contentons-nous d'avoir mon- 
tré les difficultés d'ordre imprévu qui s'opposent 
à la conduite facile du tir indirect contre un 
adversaire de situation inconnue, alors que d’or- 
dinaire cette situation était nettement détermi- 
née et que seuls les calculs techniques étaient à 
résoudre, ce qui se faisait aisément à l'aide de 
tables de tirs pratiques préalablement préparées. 
A remarquer que. les mêmes obstacles se pré- 
sentent dans certaines opérations navales, telles 
que l'attaque des Dardanelles. 

Du reste, à la mer, on a déjà cherché, à plu- 
sieurs reprises, à se rendre compte, à l’aide de 
microphones, de l’approche d'obstacles ou de 
navires dissimulés par la brume, ou encore spé- 
cialement de sous-marins : mais ces observations 
n’ont donné que des indications illusoires et 
parfois même mensongères, et par cela même plus 
dangereuses qu'utiles. 

En l’état, le repérage de l'adversaire caché, 
par l’enregistrement de signaux acoustiques, 
semble sur terre comme sur mer voué à l’insuc- 
cès, à moins de cas tout à fait spéciaux. 


E. Vallier, 
Correspondant de l'Institut. 


300 J. VICHNIAK. — L'ÉLECTRICITÉ ET LES MINES SOUS-MARINES 


L'ÉLECTRICITÉ ET LES MINES SOUS-MARINES 


L'application de l'électricité aux mines sous- 
marines fixes en a provoqué le développement 
rapide. M. Antoulaïeff, professeur à l'Ecole Mili- 
taire électrotechnique de Pétrograd, vient de 
publier dans la revue Æ/ectritchestvo (« Electri- 
cité ») une étude très documentée sur ce sujet. 
Cette question présentant actuellement un grand 
intérêt, nous avons résumé à l'intention du pu- 
blic francais les parties principales de cette 
étude. 

Nous abrègerons la description des mines 
fixes, en renvoyant le lecteur à l’article intéres- 
sant de M. Houllevigue sur « Les mines sous- 
marines fixes? », où l’on trouvera la description 
d'un assez grand nombre de variétés de ces 
engins. 

Les mines sous-marines sont de deux types : 

1° les mines automobiles ou torpilles (White- 
head, Lea, etc.); 

2° les mines fixes * (ancrées). 

La première catégorie est plus ou moins con- 
nue de toutle monde. Dans leur fonctionnement, 
l'électricité ne joue jusqu’à présent aucun rôle. 
Nous ne nous y arrêterons donc pas. 

Par contre, les mines fixes ou, comme on les 
appelle ordinairement, les mines de barrage ont 
reçu une grande impulsion dans leur développe- 
ment à partir du moment où l’électricite fut ap- 
pliquée à l'explosion. 

Les premières expériences furent faites en 
Russie en 1822, mais c’est seulement en 1832, en 
Amérique, quele colonel Colt obtint des résultats 
satisfaisants. 

Aux diverses catégories de mines fixes corres- 
pondent des installations électriques différentes. 
Ondistingue, suivant l'emplacement de la source 
d'électricité, les mines autonomes et les mines 
stationnaires (à poste fixe). Dans les premières, 
la source d'électricité se trouve à l’intérieur. 
Elles ne sont pas reliées à la côte et sont dange- 
reuses pour tous les bateaux, car elles explosent 
au premier contact. Elles sont munies de câbles 
courts, destinés seulement à leur pose et relè- 
vement. 

La seconde catégorie est celle des mines sta- 
tionnaires. La batterie destinée à provoquer leur 


1. Bien que les mines de barrage actionnées par l'électricité 
soient beaucoup moins utilisées depuis quelque temps, cette 
étude très technique a paru présenter un intéret réel à l'heure 
actuelle. (N. DE LA Rép.) 

2. Revue générale des Sciences du 15 avril 1915. 

3. Il existe encore un type intermédiaire : les mines dérivantes 
qui se rapprochent des mines fixes. 


explosion se trouve sur la côte (station). Elle 
est reliée aux mines par des càbles sous-marins. 
L'explosion peut se produire de deux façons : 

1° On peut placer à l’intérieur de la mine un 
appareil qui fermera le circuit au moment où 
quelque bâtiment heurtera la mine. Cette ferme- 
ture sera immédiatement perçue par la station 
etun fort courant (courant de combat), envoyé 
automatiquement (à l’aide de différents appa- 
reils), provoquera l'explosion. On appelle cette 
méthode automatique. 

2 Le second procédé consiste dans le place- 
ment des mines en des endroits déterminés, 
qu'on reconnait des postes d'observation à l’aide 
de lunettes et, lorsqu'un navire passe au-dessus 
de la mine, on le fait sauter. C’est la méthode 
dite « par observation ». 

Mais ce dernier procédé n’est pas toujours 
praticable; si, par exemple, les mines soni assez 
éloignées du poste d'observation, une petite er- 
reur dans la détermination de l'angle aura comme 
conséquence une grande erreur dans le temps, 
de sorte que, lorsque l'explosion se produira, le 
navire en sera suffisamment éloigné pour qu’elle 
reste infructueuse. 


I. — SourcE DE L'ÉNERGIE ÉLECTRIQUE 


Comme source d'énergie électrique, on peut 
employer des piles, des accumulateurs et des 
dynamos à courant continu. Dans certains cas, on 
a besoin d'une source d'électricité qui puisse 
envoyer constamment dans le circuit un courant 
faible (milliampères), mais la plupart du temps 
on se sert d'un appareil qui donne un courant 
fort (ampères) et de courte durée. 

Quelquefois la charge des piles (l'introduction 
du liquide) se produit juste au moment où l’on a 
besoin du courant. Tel est le cas des mines auto- 
nomes!. 

D’autres fois, il faut qu’on ait toujours sous la 
main un élément d’une faible force électromo- 
trice et avec une grande résistance intérieure. 
Ces conditions sont indispensables pour que le 
courant qui passe dans le circuit ne soit que de 
quelques milliampères. La pile qui satisfait à 
toutes ces conditions est une pile marine. Elle 
se compose d'un morceau de câble armé, im- 
mergé dans l’eau. Nous y trouvons en effet 
cuivre-conducteur, zinc-armature en fer galva- 
nisé, électrolyte-eau de mer. Sa force électro- 


1. Voir l'article de M. Houllevigue cité plus haut, page 205. 


Pr. 


J. VICHNIAK. — L'ÉLECTRICITÉ ET LES MINES SOUS-MARINES 


301 


motrice varie de 0,01 à 1 volt! et sa résistance 
intérieure s'exprime en centaines d'ohms. 


Il. — Les Conpucreunrs 


Les conducteurs employés sont toujours iso- 
lés. [ls servent : 

1° Aux connexions intérieures des différents 
appareils qui se trouvent dans les stations; 

2° Aux connexions extérieures entre les mines 
et la station. 

Le conducteur employé pour les connexions 
intérieures est un fil isolé par du caoutchouc. 
Sa section est telle que la densité du courant ne 
dépasse pas la valeur prévue. L’isolement se 
mesure en centaines de mégohms par kilomètre. 

Pour les connexions extérieures, on emploie 
un câble d'une construction compliquée, à cause 
des conditions auxquelles il doit satisfaire, à 
savoir : a) flexibilité, b) solidité, c) faible poids, 
d) bonne conservation à l’air, e) faible résistance 
du conducteur, f) bon isolement... 

Le càble qui satisfait à toutes ces conditions 
possède : 

a) Plusieurs conducteurs d’une section telle 
que la densité du courant ne dépasse pas 1 am- 
père par mm *; 

b) Une couche isolante de gutta-percha pure, 
recouverte de plusieurs couches de caoutchouc 
et de plusieurs couches de bandes de cellulose 
imprégnées de matières bitumineuses et rési- 
neuses ; 

c) Une armature qui consiste en un fil de fer 
bien galvanisé, 

Les caractéristiques de 1 km. de câble à un 
conducteur sont les suivantes : 

Résistance — 5 à 12 ohms; 

Isolement — plusieurs centaines de mégohms; 

Poids — jusqu’à 500 kgs. 

Résistance à la rupture — 1.600 kgs (l’arma- 
ture doit se briser avant le conducteur). 


III, — Les péroNATEURS 


Les détonateurs des mines peuvent être basés 
sur les différentes propriétés de l'énergie électri- 
que : 

1° Sous une tension suflisante, on obtient une 
étincelle qui enflamme l’explosif; 

2° Certains corps peuvent être portés à l’incan- 
descence lorsqu'ils se trouvent dans un circuit 
électrique, traversé par un courant. 


30 Une pièce en fer s’aimante sous l’action d’un 
courant. 


1. On obtient une différence de potentiel notable pour une 
courte durée, après avoir fait passer par ce câble, dans le sens 
inverse, un courant assez fort (3 ampères). Grâce à sa capacité 

elativement grande, la pile se charge. 


On utilise, en général, la seconde propriété. 

Prenons deux conducteurs qui aboutissent à 
une plaquette d’ébonite. Leurs extrémités sont 
jointes par un fil très mince qui constitue un 
pont. Ce pont est entouré d’un explosif dont le 
point d’inflammation est peu élevé. 

Nous aurons comme quantité de chaleur déga- 
gée, suivant la loi de Joule : 


Q — 0" 2@I2/77 (L), où 
Q est le nombre de petites calories, 
0,24 est l'équivalent thermique du joule, 


Il est l'intensité du courant en ampères, 

r est la résistance en ohms, 

U est le temps en secondes. 

Pour porter le pont à la température T,, à la- 


quelle se produit l’inflammation de l'explosif qui 
l'entoure, il faut dépenser un certain nombre de 
petites calories proportionnel : 

a) au volume du fil V, 

b) à sa chaleur spécifique C, 

c) à la densité du métal 4, 

d) à la différence entre la température finale ‘1 
et la température initiale Ÿ. 


Par conséquent : 
DSMCANMEESE 012) 
De l'équation (1) on tire : 
0,247. —V.CA(T,—T). (: 


VS 


Désignons par : 
{ — la longueur du pont, 
Tr? 


Di 


— la section, 


p — la résistivité du métal employé, 


Nous aurons : 


NO EEE 
n 
OS EE AV NZ 
à ? (A) fe dr r A2 


En introduisant ces valeurs de V et de 7 dans 
l'équation (3), nous trouverons : 


EI RE POUINENIORE a 

À ETER D CA (T, —1 

d'où l'on tire la valeur de l'intensité du courant, 

dont l'inverse est généralement appelé la « sen- 

sibilité da détonateur » : 

RAC NET = 
0,24.4.k.0.0.4. 


AR GARE MES 
11,64 WT > {T, —T)- 
Considérant les valeurs dont dépend la sensi- 


bilité du détonateur, nous voyons que l'intensité 
du courant nécessaire à l’explosion est : 


0,241. 


, 


302 J. VICHNIAK. — L'ÉLECTRICITÉ ET LES MINES SOUS-MARINES 


a) directement proportionnelle au carré du dia- 
metre du fil fin; 

b) inversement proportionnelle à la racine car- 
rée du temps; 

c) directement proportionnelle à la racine car- 
rée de la chaleur spécifique et de la densité et 
inversement proportionnelle à la racine carrée 


de la résistivité (on appelle — la caractéristique 
P 


de la substance); 

d) directement proportionnelle à la racine car- 
rée de la différence des températures (finale et 
initiale) ; 

e) indépendante de la longueur du filet de la 
densité de l’explosif qui l'entoure. 


Toutes ces données nous sont fournies par la 
théorie, mais en pratique il faut introduire quel- 
ques corrections : 


a) Pour diminuer l'intensité du courant, il faut 
prendre le diamètre minimum. La pratique a 
montré qu'on ne peut employer un fil dont le 
diamètre est inférieur à 0,025 mm. 

b) Le temps dépend des circonstances dans les- 
quelles l'explosion se produit. Supposons qu’un 
torpilleur long de 62 mètres et marchant à une vi- 
tesse de 30 nœuds (15,5 mètres par seconde) 
heurte par son milieu une mine; le temps néces- 
saire pour mettre automatiquement en circuit 
une batterie est d’une seconde; pour enflammer 
le détonateur, le courant doit circuler dans le 
fil également pendant une seconde. 

La mine n’explosera alors qu'après le passage 
du torpilleur et, par conséquent, ne l’endomma- 
gera pas, comme cela aurait dû arriver si l’ex- 
plosion s'était produite au moment voulu. Nous 
voyons donc que le temps doit être réduit au 
minimum et qu’il n’est pasutile de diminuer l’in- 
tensité du courant aux dépens de l’augmentation 
de la durée du passage du courant. 

c) On doit choisir les métaux ou les alliages 


dont la caractéristique de la substance — a une 
P 


valeur numérique minima et quine sont pas oxy- 
dables, On emploie dans ce but l’alliage du pla- 
tine avec quelques autres métaux. 

d) L'explosif qui entoure le pont doit être 
choisi tel qu'il puisse s’enflammer à une tempé- 
rature peu élevée. Son choix ne présente pas de 
difficultés. 

e) Enfin, la pratique nous donne des renseigne- 
ments précieux. Elle nous démontre que la lon- 
gueur du fil et la densité de l’explosif ont une 
grande influence sur la sensibilité du détona- 
teur. 


En effet, dans l'analyse théorique on ne prend 


pas en considération la surface du fil fin et ce- 
pendant la chaleur s’échappe par cette surface et 
la température baisse. On n’a également pas con- 
sidéré le fait que les extrémités du pont soudées 
aux gros fils ont la température de ces derniers 
et que le fil fin n’a sa température normale qu'à 
une certaine distance, On le voit très bien quand 
on prend un fil fin et assez court : son milieu 
seul sera porté à l’incandescence. 

La densité de l’explosif joue aussi un rôle im- 
portant : les explosifs dont la densité est grande 
conduisent bien la chaleur, d'où une perte de 
cette dernière et la nécessité d’avoir un courant 
plus fort. La sensibilité du détonateur baïsse en 
même temps. 

L'influence de la longueur s'exprime par la 
formule expérimentale suivante: 


k=Wi+e(f+5) où 

A et B sont des coeflicients qui dépendent de 
la substance du fil, 

l'est la longueur du fil fin en millimètres, 

d'est le diamètre » » 

t est le temps en secondes. 

En prenant l'équation (4), nous aurons done la 
valeur réelle du courant : 


TAPER 
146 d? V ni F7 (r, -1) 
AN B 
ou 


CA LOU EN TOANNES 
VER TE 


Cette formule permet donc de calculer: 

19 L’intensité du courant nécessaire à la pro- 
duction de l’explosion et, par conséquent, son 
inverse, la sensibilité du détonateur; 

2° L'intensité du courant qu’on peut, sans dan- 
ger, laisser circulerpendant un temps {— oo , etc. 

Il est intéressant de remarquer que la correc- 
tion, due à la longueur du pont, reste dans les 
limites de 2 à 4; cela démontre que la conclusion 
purement {héorique donne une valeur de 2 à 
4 fois inférieure à celle qui est considérée en 
pratique comme minimale. 


IV. — LEs APPAREILS DE MESURE ET DE CONTRÔLE 


Comme appareils de contrôle on emploie des 
galvanoscopes à cadran horizontal, et comme 
appareils de mesure des ampèremètres, des vol- 
mètres et des ohmmètres. Tous ces appareils ne 


1. La courbe de la propagation de la chaleur est une courbe 
logarithmique. 


J. VICHNIAK. — L'ÉLECTRICITÉ ET LES MINES SOUS-MARINES 393 


présentent rien de particulier, sauf les ohmme- 
tres qui donnent les valeurs directement en 
ohms, ce qui est très important dans la pratique, 
car le manque de temps ne permet pas de faire 
les calculs. Les ohmmètres sont construits selon 
le principe de Deprez-d’Arsonval. Ils sont munis 
chacun d'une petite batterie, On a pour ces appa- 
reils : 


Bombe TO NT 


où H est la valeur du champ magnétique, 


S — la surface d'une spire, 

n — le nombre de spires, 

Ü — l'intensité du courant dans les spires, 
K — la constante de l’appareil, 

x — le nombre de divisions. 


Introduisons dans la formule {1) 


(2 


; , 
HAN et nous aurons: 
e r ss 
Hs.n. D Ke, d'où 
IL.s.n.e. 1 
T= ——: - 
K d 


s et x sont constants, fl ete sont variables. 


Mais, pratiquement, on peut parvenir à rendre 
leur produit H.e constant en employent un shunt 
magnétique. Lorsqu'on augmente e, on introduit 
en même temps entre les pôles de l'aimant une 
pièce de fer où passera une partie du flux. Quand 
on diminue e, on procède inversement, 

En pratique, ce mode de réglage ne présente 
aucune difficulté : à l’aide d’une clef, on met 
l'appareil en court-circuit avec lui-même; puis 
on place l'aiguille au zéro, en tournant une fiche 
reliée au shunt. Mettant ensuite la résistance à 
mesurer en série avec les spires de l'appareil, on 
procède à la lecture. On peut ainsi obtenir He 
constant ; nous pouvons donc poser : 


H.s.r.e < 


K 
= ne “SL à 
On a alors définitivement : r — C. je qui 


démontre que l’angle de déviation est inverse- 
ment proportionnel à la résistance. 

L'appareil est très commode dans son manie- 
ment portatif, ne nécessite pas d'installation 
horizontale, ne craint pas la présence du fer, ete. 


nn — Les APPAREILS DE LA STATION 


Comme nous l'avons déjà indiqué, les appareils 
de la station servent aux explosions : automati- 
que et par observation. 

Les appareils pour l'explosion automatique 
sont destinés à : 


a) la réception d’un signal acoustique, donné 
au moment où le bateau heurte une mine !; 

b) la mise automatique en cireuit d’une forte 
batterie (batterie de combat), dans le cas où le 
bateau serait ennemi ; 

c) la mesure exacte de la résistance des con- 
ducteurs et de l'isolement des câbles : 

d) l'indication du numéro de la mine explosée ; 

e) la communication téléphonique avec les 
bateaux se trouvant en mer ; 

f) la détermination des caractéristiques de la 
batterie de combat. 

Pour résoudre tous ces problèmes, il est indis- 
pensable d’avoir un grand nombre d'appareils. 

Par conséquent, la table minière est très com- 
pliquée et nécessite une grande expérience. Sur 
la figure 1 est présenté le schéma théorique des 
connexions, Où : 

À indique la borne de l’arrivée du courant ; 

B l’attache de l’armature du câble : 

C le tableau indicateur, calculé pour un cou- 
rant un peu inférieur à celui qui fait exploser le 
détonateur ; 

D le commutateur ; 

E et F les deux paires de bornes ; 

G la batterie locale ; 

H le galvanoscope ordinaire, muni de deux 
ressorts isolés qui peuvent se mouvoir simulla- 
nément dans le plan horizontal. Le contact entre 
eux est produit par l'aiguille du galvanoscope 
lorsque sa déviation atteint un angle déterminé ; 

S la batterie du relais : 

K le relais, qui se compose d'un électro- 
aimant dont les pôles 1 et 2 sont montrés sur la 
figure par deux demi-cercles ; son armature 3 
tourne autour d’un pivot fixe; la partie supé- 
rieure de l’armature est attirée à gauche par le 
ressort 5 et sa partie inférieure s'appuie sur le 
levier 6, attiré à son tour par le ressort 7. Lors- 
que l'armature se trouve dans la position indi 
quée sur la figure, le levier 6 ne peut pas se dé- 
placer malgré l'attraction exercée par le ressort 
7, à cause d’une dent se trouvant sur l’armature. 
En bas est située la vis 8, sur laquelle vient s’ap- 
puyer le levier lorsque l’armature change de po- 
sition. Enfin, en haut il y a deux contacts qui 
sont mis en court-circuit lorsque l’armature se 
déplace à gauche; 

L la sonnette électrique avec sa batterie : 

M l'interrupteur bipolaire ; 

N l’enregistreur du nombre de mises en cir- 
cuit du courant de combat ; 

O la source du courant de combat, 


1. Dans le but d'économiser les câbles, on met pour chaque 
distribution plusieurs mines en parallèle. 


304 


Supposons que nous avons mis en circuit un 
câble. Le courant de la batterie G cireulera alors 
dans le circuit suivant : G, spire du galvanos- 
cope H, pivot 4, armature du relais 3, levier 6, 
ressort 7, commutateur D, tableau indicateur C, 
conducteur du câble A, isolement du câble, ar- 
mature du câble B et de nouveau batterie G. 
L'aiguille du galvanoscope déviera d'un certain 
angle. (Si l'isolement du cäble était parfait, la 
déviation n'aurait pas lieu, nrais cela, comme 
nous verrons, n'a aucune importance.) Marquons 
cet angle de 10°, par exemple, et réglons les res- 
sorts du galvanoscope sur 10° + 159 — 250. 

Supposons maintenant qu’un bateau heurte 
une mine placée sur ce câble. Un court-circuit 
se produira alors dans la mine entre le conduc- 
teur et l’armature, l'intensité du courant de la 
batterie locale deviendra plus grande, l'aiguille 
déviera fortement et touchera les deux ressorts 
du galvanoscope en même temps. Elle provo- 
quera la fermeture du circuit du relais, dont le 
courant passera par : la batterie S, les ressorts du 
galvanoscope H, les spires de l’électro-aimant du 
relais 1 et 2 et le pôle négatif de la batterie S. 
L'armature de l’électro-aimant du relais sera 
attirée par les pôles et tournera autour de son 
pivot dans le sens des aiguilles d’une montre; le 
levier 6, sous l’action du ressort 7, viendra tou- 
cher la vis 8, etle courant sera ainsi interrompu, 
car la disjonction se produira entre l’armature 3 
et le levier6; l'aiguille du galvanoscope revien- 
dra à sa position initiale et le contact entre les 
ressorts du relais sera rompu. Il en résultera 
l'ouverture du circuit de la batterie du relais, 
et les pôles de l’électro-aimant n'’attireront plus 


! Conducteur 


J. VICHNIAK. — L'ÉLECTRICITÉ ET LES MINES SOUS-MARINES 


larmature B qui, sous l’action du ressort 5, tour- 
nera dans le sens inverse et mettra en court-cir- 
cuit les bornes 9 ; alors la sonnette fonctionnera. 
Il est évident qu’elle fonctionnera de même, si 
avec le temps l'isolement du cäble se détériore. 

En fixant un numéro sur la partie gauche du 
levier 6 et en fermant le relais par un couvercle 
possédant une ouverture juste à l’endroit où se 
trouve le numéro après le fonctionnement du 
relais, on obtient ainsi un signal optique. 

Supposons maintenant que les opérations pré- 
cédentes se produisent lorsque l'interrupteur 
bipolaire M est fermé, c'est-à-dire lorsque le cou- 
rant de la source O peut passer dans le circuit. 

Alors, quand, sous l’action du ressort 7, le 
levier 6 touche la vis 8, le courant de combat 
passe par : la borne de la batterie O, l'appareil 
N, l'interrupteur M,la vis 8, le levier 6, le res- 
sort 7, le commutateur D, le tableau indicateur 
C, la borne A, le conducteur du cäble, le déto- 
nateur de la mine en court-circuit, son appareil 
de jonction, le corps de la mine, l’armature du 
cäble et l’eau, le point d’attache B, l'interrupteur 
M et enfin la seconde borne de la batterie. Sous 
l’action de ce courant, le détonateur explose. En 
même temps, le tableau indicateur indique que 
le circuit a été parcouru par un courant assez fort 
pour produire l'explosion. 

Si l’on a plusieurs mines, on les met sur des 
branchements en parallèle, d’une façon analogue 
aux lampes à incandescence. 

Lorsqu'une mine explosera, il se produira par 
l'eau une dérivation entre le conducteur et 
l'armature. La résistance de cette dérivation 
dépendra des circonstances et pourra varier de 


À 
| 
Armature C 
B 
D 
2 


F E 


Appareils Telephone 


de mesure 


Fig. 1. — Schéma théorique des connexiuns des appareils pour l'explosion automatique des mines. 


J. VICHNIAK. — L'ÉLECTRICITÉ ET LES MINES SOUS-MARINES 305 


zéro à l'infini, Cette dérivation aura pour consé- 
quence des phénomènes indésirables : le galva- 
noscope Il actionnera la batterie du relais et cette 
dernière, à son tour, fera fonctionner la batterie 
de combat. Si cette dernière comprend comme 
éléments des piles ou des accumulateurs, les 
deux dépenseront leur charge, les piles se dété- 
rioreront en même temps et il pourra arriver 
que, lorsqu'une mine devra exploser, la batterie 
ne puisse plus fournir de courant d'intensité 
nécessaire. 


Si la résistance de la dérivation produite par 
l'explosion de la première mine n'est pas grande 
et si la seconde mine, touchée par quelque autre 
bateau, ferme de nouveau le circuit principal, le 
courant qui y circulera ne sera pas suflisam- 
ment fort pour provoquer l'explosion. 


Pour remédier à ces inconvénients, on a intro- 
duit un nouvel appareil, genre disjoncteur, 
analogue à celui qu’on emploie dans les réseaux 
d'éclairage, et qui indique également le numéro 
de la mine explosée. L'idée de cet appareil est la 
suivante (fig. 2): 

Un disque À tourne dans le sens des aiguilles 
d’une montre autour d'un axe vertical, à l’aide 
de ressorts et d’engrenages (qui ne se sont pas 
indiqués sur la figure). Dans sa partie supé- 
rieure, ce disque est muni d'une languette a, 
appliquée à un anneau d'’ébonite d; en bas, se 
trouvent plusieurs contacts métalliques b; leur 
nombre est égal au numéro correspondant de la 
mine moins un. Ces contacts sont réunis entre 
eux par un axe qui est en connexion avec l’arma- 
ture du câble. 


Lorsque la mine produit la fermeture du cir- 
cuit par la dérivation, le courant de combat 
passe de la station jusqu’au pont p, puis, par 
l’enroulement de l’électro-aimant, dans l’axe de 
l’armature d, dans la languette a, dans la mine 
et retourne par l’armature du câble. Il en résulte 
que : 

a) l’armature est attirée et sa partie droite, en 
se relevant, libère le disque; 


b)le disque commence à tourner et le cou- 
rant est interrompu dans le circuit p £ d a (car la 
partie droite de l’armature glisse sur l'anneau 
d'ébonite jusqu’à ce que le disque soit arrêté par 
une saillie s); mais, pendant cette rotation, les 
contacts à touchent, chacun à son tour, le ressort 


Station 


Fig. 2. — Appareil disjoncteur enregistrant le numéro 
de la mine explosée. 


e et le courant de combat passe 5 fois par pe b 
dans l’armature du câble. 

Par conséquent, quand la mine n° 6 explosera, 
le courant de combat passera 6 fois dans le cir- 
cuit avant que ce dernier ne soit ouvert, et per- 
mettra à l’appareil N d'enregistrer le numéro de 
cette mine. Îl est évident que chaque « dériva- 
tion minière », c'est-à-dire chaque mine, doit 
être munie d’un disjoncteur correspondant qui 
pourra indiquer, au moment voulu, le numéro 
de la mine. 


Les appareils électriques pour l'explosion des 
mines par observation ne présentent pas grand 
intérêt. En effet, le principal est de déterminer 
le moment de l’explosion. Or, ce sont les appa- 
reils optiques qui le font. Quant à la manière de 
provoquer l'explosion, c'est une question secon- 
daire. 

Voila les principes desappareils qu’on emploie, 
dans la pratique, pour l'explosion des mines. 
Leur construction dépend des progrès techni- 
ques et se perfectionne avec le temps. Nous 
avons pris, parmi tous ces appareils, les types 
les plus simples pour donner une idée claire de 
leur fonctionnement. 


J. Vichniak, 
Ingénieur E. S. KE. 


306 J. RÉVIL. — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE 


REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE 


I. — PHASsEs RÉCENTES DE L'HISTOIRE GÉOLOGIQUE 
DE LA MEÉDITERRANÉE 


L'histoire géologique du bassin méditerranéen 
s’est enrichie récemment d'importants travaux 
dus à MM. Depéret, doyen de la Faculté des 
Sciences de Lyon, Général de Lamothe et Mau- 
rice Gignoux, préparateur de Géologie à la Fa- 
culté des Sciences de Grenoble. Ces travaux ap- 
portent une contribution de premier ordre aux 
phases récentes de l’histoire de ce bassin. 

M. Depéret! s’est occupé des formations plio- 
cènes et quaternaires du golfe et de l’isthme de 
Corinthe. Les résultats qu'il a obtenus modifient 
considérablement les idées admises, et ne con- 
cordent pas toujours avec les conclusions for- 
mulées par ses prédécesseurs. Ces résultats 
peuvent se résumer de la façon suivante : 

1° Le bras de mer corinthien a été le siège 
d'une sédimentation continue et concordante, 
pendant toute la durée du Pliocène. D'épaisses 
masses de sédiments (plus de 1.000 m.) de mers 
toujours peu profondes s’y sont accumulées. 

2° Les trois étages Plaisancien, Astien et Cala- 
brien sont représentés, les deux premiers par un 
facies marneux ou saumätre, le dernier par un 
facies de cailloutis dû à des apports torrentiels. 

30 Cette abondance de dépôts continentaux est 
corrélalive d'une régression de la mer pliocène 
supérieure. Cette régression est presque géné- 
rale sur.tout le pourtour du bassin de la Médi- 
terranée. La mer calabrienne est limitée à la 
fosse centrale de cette mer. 

4° Le bras de mer corinthien s'est comblé et 
transformé à la fin du Pliocène en une dépression 
continentale d'une altitude supérieure au niveau 
de la mer actuelle. 

5° La transformation du golfe de Corinthe en 
vallée continentale s’est accentuée à la suite des 
mouvements qui marquent la fin du Pliocène. En 
effet, le soulèvement en masse de la région a 
emporté les dépôts pliocènes à de grandes alti- 
tudes. Des failles parallèles ont découpé les as- 
sises pliocènes en gradins, qui s’abaissent vers 
l'axe, fortement surélevé, de la dépression 
corinthienne. 

Dés le début des temps quaternaires, sur l’em- 
placement de l'ancien bras de mer corinthien, 


1. Charles Derérer : Observations sur l'histoire géologique 
pliocene et quaternaire du golfe et de l'isthme de Corinthe. 


C. R, Ac. des Sc.,t. CLVI, p. 427, p. 659, p. 1048. Paris, 1943. 


s'était constituée une dépression continentale, 
réunissant, sur une longueur de 300 km., la Grèce 
continentale avec le Péloponèse et les Iles lonien- 
nes. Dans cette va/lée corinthienne s'observent les 
traces de phénomènes de creusement et de rem- 
blaiement avec formation de terrasses. 

L'auteur en fournit les preuves suivantes : 


1° [1 n'existe dans la région étudiée aucune 
trace de dépôts marins correspondant aux épo- 
ques du Quaternaire ancien. 


2° La faune terrestre du Quaternaire ancien 
a pu émigrer dans le Péloponèse, alors réuni 
au continent. (Dans le bassin de Mégalopolis, 
gisement à Æ/ephas antiquus, Rhinoceros Mer- 
chi, etc.) 


3° Sur lebord de l’ancienne vallée corinthienne 
existent des terrasses fluviatiles étagées; elles 
indiquent des temps d'arrêt dans le creusement 
progressif de la vallée. 


L'œuvre d’érosion continentale s’est poursui- 
vie pendant une longue durée des temps quater- 
naires. Elle a été interrompue par une phase de 
transgression marine, qui correspond à l'horizon 
des couches à S/rombus mediterraneus. Par ce 
mouvement positif très net, la mer pénètre dans 
la vallée corinthienne, à l'Est par l'isthme de 
Corinthe, à l'Ouest par la région de Patras. 

M. Depéret termine en indiquant les princi- 
pales conditions paléogéographiques et tectoni- 
ques des couches à Strombes dans le golfe de 
Corinthe. Nous pouvons les résumer ainsi : 


1° Le bras de mer Corinthien a été rétabli à ce 
moment et le Péloponèse est redevenu une ile 
comme aux temps pliocènes. 


2° Les couches à Strombes présentent un état 
d'extrême dislocation. Dans la Méditerranée 
occidentale, la ligne de rivage de cette époque se 
trouve à l'altitude d'environ 30 mètres, tandis 
que ces couches ont été emportées ici à de fortes 
altitudes : 70 m. (centre de l’isthme), 150 m. (en- 
virons de Kolamak),et même jusqu’à 350 m. dans 
la région centrale du golfe. « C’est, conclut notre 
savant confrère, à ce système de dislocation par 
soulèvements et effondrements consécutifs qu'est 
due la géographie actuelle du golfe de Corinthe. 
Le dôme anticlinal du centre de l’isthme est la 
cause déterminante de l'existence de cet isthme 
et de la soudure tardive du Péloponèse avec le 
continent. Les effondrements post-quaternaires 
ont déterminé la forme actuelle du golfe, dont la 
fosse centrale descend à la profondeurde 700 m., 


J. RÉVIL. — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE 307 


exactement à la hauteur de la région de soulève- 
ment maximum des dépôts pliocènes et quater- 
naires ». 


Les recherches du général de Lamothe! ont 
pour objet l'étude des anciennes lignes de rivage 
du Sahel d’Algeret d’une partie de la côte algé- 
rienne. Elles lui ontpermis de reconnaître l’exis- 
tence en Algérie des traces de 8 lignes de rivage 
qui, toutes, sont postérieures au Pliocène ancien. 
Les altitudes de ces lignes de rivage sont les 
suivantes: 325 m., 265 m., 204 m., 148 m., 103 m., 
60 m., 31 m., 18 m. 

« Ces traces de rivages, écrit l’auteur, sont, en 
général, des lambeaux d'anciennes plate-formes 
littorales,surlesquellesreposent des poudingues 
marins,des graviers de plagesetdes dépôtséoliens 
présentant fréquemment le caractère de dunes 
littorales. Les plate-formes des niveaux les moins 
élevés ont été, le plus souvent, transformées en 
plaines côtières. » Ces huit lignes s'étendent sur 
toute la côte algérienne, en conservantleurs alti- 
tudes respectives. 

Tous ces déplacements négutifs ont dû être 
sinon instantanés, du moins extrêmement rapi- 
des. D’autre part, les mouvements négatifs ont 
été séparés les uns des autres par des intervalles 
de temps plus ou moins longs, pendant lesquels 
le niveau de la mer est resté à peu près fixe, ou 
n'a subi que des mouvements positifs très lents 
et d'amplitude moindre. 

M. de Lamothe considère ces mouvements 
comme d'origine eustatique?, les déplacements 
négatifs étant produits par des effondrements 
verticaux de l'écorce terrestre, dans la zone sous- 
marine, probablement en connexion avec la 
formation ou l’approfondissement des abimes 
océaniques ou méditerranéens. Quant aux dépla- 
cements positifs, ils ne seraient pas dus à des 
actions tectoniques, mais au relèvement du 
niveau des mers, sous l'influence des apports 
continentaux pendant les périodes de repos. 

Après les niveaux de 31 et de 18 mètres, les 
mouvements négatifs ont abaissé chaque fois la 
ligne de rivage au-dessous du niveau actuel. 
Le déplacement de la ligne de rivage serait donc 
actuellement dans une phase positive. 


1. Général pe Lamorue : Les anciennes lignes de rivage du 
Sahel d'Alger et d’une partie de la côte algérienne. Mémoires 
de la Soc. Géol. de France (4), 1, Mémoires, n°6, 1911. 

Ip. : Au sujet du déplacement de la ligne de rivage, le 
long des côtes algériennes, pendant le Post-Pliocène. Bull. 
Soc. Géol. Fr. (4), t. XII, p. 343, 1912. 

2. D’après la théorie eustatique, les masses continentales 
sont supposées fixes, tandis que les déplacements de la ligne 
de rivage sont attribués à des oscillations d'ensemble des 
niveaux des mers. 


Ces conclusions peuvent s'étendre à l’ensem- 
ble de la Méditerranée, et semblent prouvées par 
la concordance des. systèmes de terrasses des 
vallées du Rhône et du Danube avec celles de 
l'Isser. 

En terminant, l’auteur fait observer que la 
théorie qu’il soutient s’appliqne exclusivement 
à une période du Post-Pliocène pendant laquelle 
l'écorce terrestre n’a éprouvé que des mouve- 
ments verticaux; rien n'indique qu'elle soit ap- 
plicable aux époques antérieures. 


Sur les côtes de l'Italie méridionale se déve- 
loppent des formations marines pliocènes et qua- 
ternaires, qui se font remarquer par la richesse 
de leur faune et la variété des facies. De nom- 
breux géologues italiens s’en sont occupés, mais 
ils ont surtout donné des listes de fossiles ; aussi 
les étages qu’ils ont distingués sont plutôt des 
entités paléontologiques que stratigraphiques. 
Les géologues français en ont également abordé 
l'étude, mais leurs travaux ne permettaient pas, 
jusqu'ici, de retracer l’histoire géologique de cette 
partie du bassin méditerranéen, par suite de la 
lacune existant dans nos connaissances entre les 
faunes marines pliocènes anciennes et la faune 
quaternaire des couches à Strombes. 

Unintéressant problème était done à résoudre. 
C’est à en chercher la solution que s’est attaché 
M. Maurice Gignoux !. En 1911, il publiait dans 
les Annales de l'Université de Grenoble une note 
très intéressante sur cette question; en 19143, il 
développait et complétait ses précédentes con- 
clusions dans un magnifique volume de près de 
700 pages publié dans les Annales de l'Université 
de Lyon. Ce travail, qui lui a servi de thèse de 
doctorat, est une œuvre de tout premier ordre, 
où sont réunies de nombreuses données recueil- 
lies soit par lui, soit par ses devanciers. Les con- 
clusions qu’elles permettent de formuler con- 
cordent avec les résultats de MM. Depéret et de 
Lamothe : elles fournissent la reconstitution des 
phases récentes de l’histoire de la Méditerranée 
occidentale. 

Le Pliocène de l'Italie du Nord se subdivise en 
un étage inférieur ou Plaisancien et en un étage 
supérieur ou Astien. Dans beaucoup de régions 
méditerranéennes, on ne connaît pas d’autres 
faunes marines que celles de ces deux étages. Par 
contre, dans l'Italie Centrale et dans l'Italie 


1. M. Gienoux : Résultats généraux d’une étude des anciens 
rivages dans la Méditerranée occidentale. Ann. de l'Université 
de Grenoble, t. XXIII, fase. 1, 1911. — In. : Les formations 
marines pliocènes et quaternaires de l'Italie du Sud et de la 
Sicile. Ann. de l'Université de Lyon (N': série), (1), Sctences, 
Médeeine, fascicule 36, 1913. 


308 


J. RÉVIL. — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE 


Méridionale, les dépôts marins ne s'arrêtent pas 
avec l’Astien. Au-dessus, existent des dépôts 
dont la faune est différente. Ce stade de la faune 
correspond à ce que M. Gignoux! a appelé le 
Calabrien. La fin de cet étage se signale partout 
par un puissant remblaiement au cours duquel 
se sont formées dans l'Italie du Sud de vastes 
plaines côtières, tandis qu’en France et dans l’Ita- 
lie du Nord se constituaient d'immenses plateaux 
alluviaux. Dans l’ensemble, /e Pliocene corres- 
pondrail à un cycle sédimentaire. 

Les cycles sédimentaires qui ont suivi se 
trouvent en contre-bas des couches calabriennes 
et ravinent les formations. Ils peuvent être attri- 
bués au Quaternaire (Pléistocène.) Les données 
paléontologiques recueillies permettent, avec 
l'établissement de synchronismes rigoureux, de 
reconnaitre que les faunes les plus anciennes ont 
des affinités avec celles du Calabrien. 

Les plus typiques de ces faunes du Quaternaire 
sont celles de Palerme, pour lesquelles notre 
confrère a proposé le nom de Sicilien. Quant aux 
faunes récentes, on y trouve un certain nombre 
d'espèces émigrées du Sud, dont la plus typique 
est le Strombus bubonius Lamck. Ces espèces ca- 
ractérisent sur tout le pourtour de la Méditerra- 
née occidentale des formations dites couches à 
Strombes et, de la sorte, constituent un horizon 
paléontologique très net. 

En résumé, la classification adoptée est la sui- 
vante : 


{ Couches à Strombes 
{ Sicilien 
\ Calabrien 


/ Pliocène ane 


Quaternaire 
Pliocène ie { Astien 
M} Plaisancien 


Les trois étapes principales de l'histoire géo- 
logique que nous retraçons correspondent donc 
respectivement au Calabrien, au Sicilien et aux 
Couches à Strombes. En effet, dès le Calabrien, 
la faune méditerranéenne a acquis, à peu de 
chose près, sa physionomie actuelle. La faune 
sicilienne s'en distingue surtout par des carac- 
tères négatifs; toutefois, à ce moment, les in- 
fluences atlantiques se trouvent portées au maxi- 
mum. Enfin, les couches à Strombes ont une 
individualité résultant de l'association constante 
d'un certain nombre de coquilles à aflinités méri- 
dionales. 

Abordant ensuite l’examen des mouvements 
relatifs des terres et des 
signale 


mers, M. 
un fait général indéniable : « 


Gignoux 
3 
c'est 


Pliocène et du 
Acad, des Sc., 29 mars 


1. M. Gicxoux : Sur la classification du 
Quaternaire dans l'Italie du Sud. C. R 
1910, 


l'existence d'un certain rythme d'ensemble dans 
les déplacements des lignes de rivage ». — « Sur 
la côte nord de la Sicile, ajoute-t-il, on ne peut 
manquer d'être frappé par la continuité de la 
ligne de rivage sicilienne, à une altitude de 80 à 
100 mètres ». Cette ligne se retrouve sur de gran- 
des longueurs des côtes italiennes. Pour le Qua- 
ternaire récent contenant la faune à Strombus bu- 
bonius, il correspond à une mer dont les lignes 
de rivage ont de 15 à 35 mètres. Ces données 
correspondent bien avec celles de M. de Lamothe 
pour l’Algérie et de M. Depéret pour les côtes 
françaises. 

Les terrasses fluviatiles, elles aussi, montrent 
un rythme d'ensemble et les études poursuivies 
fournissent des résultats concordants. 

Insistons encore sur une constatation impor- 
tante : c’est que les mouvements dont nous ve- 
nons de parler n’ont eu qu'une faible influence 
sur les faunes marines. L'évolution de ces faunes, 
conclut-il,nous apparaîtcommeinfinimentlente, 
par rapport à l'évolution des formes du terrain. 

Une courte mais suggestive note de notre 
confrère de Grenoble!, relative au Quaternaire 
italien, complète ces conclusions. 

Le Sicilien de Palerme, nous dit M. Gignoux, 
s’est déposé dans un ancien golfe. Les dépôts de 
la partie centrale consistent en argiles très fos- 
silifères [argiles de Ficarazzi), tandis que ceux 
bordant les iles calcaires, constituant aujour- 
d'hui le Mont Pellegrino et le Mont Aspra, con- 
sistent en sédiments zoogènes (Mollasses calcai- 
res). Les faunes spéciales à ces deux facies 
s’opposent l’une à l’autre par leurs caractères 
d'adaptation. 

Des phénomènes analogues s’observent dans 
la faune des couches à Strombes de Tarente. 
Dans la plaine littorale, à l'Ouest de cette ville, 
ces couches sont représentées par des sables, 
graviers et conglomérats, tandis qu'à l'Est de la 
même ville se montre un facies zoogène où se 
développent des Polypiers littoraux. 

On surprend ainsi sur le vif, ainsi que l’a fait 
remarquer M. Kilian, la rapidité avec laquelle les 
facies peuvent se modifier. 

Les travaux dont nous venons d'exposer les 
principales données font honneur au jeune 
savant qui en est l’auteur. Ils se signalent par 
des observations minutieusement recueillies el 
surtout par des conclusions judicieuses, bien que 
toujours prudentes. Ils jettent un jour lumineux 
sur nombre de questions non résolues, malgré 


1. M. Gicxoux : Monographie, au point de vue du facies el 
de la bathymétrie, de deux gisements quaternaires italiens, 
Palerme et Tarente. C. R. Soc. sav. à Grenoble en 1913. Paris, 
Imprimerie Nationale, 1914. 


J. RÉVIL. — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE 309 


EE "2 aLagLZLELEL 


les études multiples dont elles avaient été 


l’objet. À 


IL. — Les Bassins DE L'Isène £r pu RHÔNE 
PENDANT LES TEMPS QUATERNAIRES 


L'étude des bassins de l'Isère et du Rhône, 
pendant les temps quaternaires, a préoccupé de 
nombreux géologues, dont les travaux complè- 
tent ceux que nous avons analysés dans nos pré- 
cédentes revues !. M. E. de Martonne a abordé la 
question de la morphologie des vallées alpines, 
MM. Joseph Révil et l'abbé Paul Combaz ont 
décrit les formations glaciaires et fluvio-glaciai- 
res du massif des Bauges (Savoie), MM. Depéret 
et Doncieux ont esquissé l’histoire de la vallée 
du Rhône aux environs de Lyon, MM. Gignoux et 
Combaz ont étudié les environs de Belley (Ain), 
enfin M. Roman, ceux dela même vallée du Rhône 
aux environ d'Avignon et d'Orange. Ces divers 
travaux apportent une contribution importante 
aux travaux antérieurement publiés. 


D'après M. de Martonne?, les anomalies du 
modelé glaciaire sont déterminées par les ano- 
malies du modelé préglaciaire. Les glaciers sont 
venus occuper des vallées qui n'avaient pas 
atteint leur profil d'équilibre. Les formes que 
révèle l'analyse morphologique sont le produit 
d'un cycle d’érosion quaternaire, « le cycle flu- 
vio-glaciaire alpin », qui se décompose en une 
série « d’épicycles fluviatiles et glaciaires alter- 
nants ». 

Quelle est l’origine de ce cycle fluvio-gla- 
ciaire ? L'analyse des niveaux d’érosion de l’Arc 
et de l'Isère permet de répondre à cette question. 
Dans la Maurienne et le Grésivaudan existent 
huit anciens thalwegs, dont les plus élevés se 
perdent vers l’amont et les plus bas vers l'aval. 
Seuls les niveaux inférieurs (1 à 3) se suivent 
d’un bout à l’autre. 

Les niveaux supérieurs seraient antérieurs à 
la glaciation, tandis que les inférieurs seraient 
des niveaux glaciaires. Ces derniers présentent 
des contre-pentes très caractéristiques, qui sont 
en rapport avec les élargissements et les étran- 
glements des vallées. Les autres paraissent plus 
réguliers que les niveaux inférieurs, ce qui est 
d'accord avec leur origine fluviale. 

La convergence vers l'aval des thalwegs indi- 
que que l’origine du creusement doit être cher- 
chée dans le soulèvement de la montagne. D'autre 


1. Revue gén. des Sciences, du 30 mai 1913, p. 389. 

2. E. ve MarrTonne : L'évolution des vallées glaciaires alpi- 
nes, en particulier dans les Alpes du Dauphiné. Bull. Soc. 
géol. de France, &S., t. XII, fase. 7, p. 516; 1912. 


part, l'intensité du creusement est en décrois- 
sance dans les épicycles récents et s'accorde avec 
la théorie suivant laquelle l'approfondissement 
des vallées est dû surtout aux creusements flu- 
viatiles mouvements du 
sol, 


Lorsque le profil d'équilibre n’est pas atteint, 


déterminés par des 


les périodes interglaciaires sont des périodes 
d'approfondissement général, tandis que, lors- 
qu'il est atteint, il ne peut plus yavoir de creuse- 
ment pendant les périodes interglaciaires, sauf 
sur les verrous et les gradins des vallées suspen- 
dues. Partout ailleurs, les périodes intergla- 
ciaires sont des périodes d’alluvionnement et en 
partie de comblement des bassins. 

L'établissement du profil d'équilibre n'arrête 
pas le creusement glaciaire, les bassins ont pu 
continuer à se creuser au-dessous de ce profil ; 
ainsi sont nés les lacs subalpins par une phase 
de « surcreusement vrai», 

Cela étant, les périodes interglaciaires ont été 
depuis longtemps des périodes d’accumulation, 
et le Grésivaudan, à l’époque rissienne, aurait 
été déjà un bassin creusé au-dessous du profil 
d'équilibre. 

Dans un dernier chapitre, l’auteur revient sur 
la question des mouvements ayant aflecté les 
Alpes entre la fin du Pliocène et les débuts du 
Quaternaire. Au Pliocène moyen, les Alpes au- 
raient traversé une phase d’érosion ralentie cor- 
respondant à un relief de maturité avancée. Les 
dépôts subalpins de cette époque, sur tout le 
pourtour des Alpes occidentaleset méridionales, 
sont formés d'éléments fins correspondant à cette 
phase d’érosion. Avec les temps quaternaires 
l'érosion a repris une nouvelle vigueur due au 
soulèvement du bloc montagneux. L'âge de ce 
soulèvement remonte à l'époque où commence le 
dépôt de caïlloutis des plateaux du Bas-Dauphiné 
(Calabrien de Gignoux). 

L'auteur conclut que c’est seulement après le 
Pliocène moyen (Astien) que les mouvements du 
sol se reproduisent dans les Alpes avec une cer- 
taine intensité, donnantnaissanceau «grand cycle 
d’érosion alpin » décomposé en épicycles par les 
arrêts momentanés du mouvement et, au bout 
d’un certain temps, par les invasions glaciaires 
successives. 

En outre, tout permet de supposer que l’éro- 
sion marcha plus vite que le soulèvement. Dans 
l’avant-pays se succédèrent des périodes de rem- 
blaiement et de creusement, tandis que dans les 
vallées alpines se produisit un approfondisse- 
ment graduel avec des formes où la sculpture 
glaciaire alterne avec celle due aux érosionstor- 
rentielles. 


310 J. RÉVIL. — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE 


Le massif des Bauges (Savoie), qu'ont décrit 
MM. Joseph Révil et l'abbé Paul Combaz !, four- 
nit des preuves indiscutables de plusieurs gla- 
ciations. Outre les traces d'une glaciation alpine, 
d'äge rissien, dont il ne reste que des blocs erra- 
tiques disséminés à de plus hautes altitudes que 
celles des glaciations suivantes, on distingue 
nettement : 1° wne glaciation alpine wurmienne; 
2° une glaciation locale (récurrence néowur- 
mienne). 

1° Glaciation alpine wurmienne. — Plusieurs 
branches du glacier alpin ont envahi le massif, 
dont deux se suivent nettement dans la région 
étudiée : l’une par le col du Frène s’avançait dans 
la vallée du Chéran ; l’autre débordant par le 
col de Marocaz, dans la vallée de la Laysse de la 
Thuiïle, ne prenait qu'en écharpe le bord Sud- 
Est du massif, et à sa sortie du Vallon de la Boi- 
serette, et du plateau de Saint-Jean d’Arvey, à 
l'Est de Chambéry, rejoignait la branche du 
glacier de l'Isère, arrivant par la combe de 
Savoie. 

Au Glacier du Chéran peuvent être rapportées: 
a) des alluvions de progression observées dans 
la grotte de Banges ; b) des moraines avec cail- 
loux alpins, — provenant du massif de Beaufort 
et des chaînes de la Tarentaise, — et mêlés à des 
roches locales; c) des alluvions subordonnées. 

La morphologie complète ces attributions; des 
épaulements jalonnant les bords de l'auge wur- 
mienne se reconnaissent nettement. De plus, 
existent des cuvettes « surcreusées » qu'acciden- 
tent des torrents descendus des replats latéraux : 
telles sont les cuvettes surcreusées de la Com- 
pôte et de Lescheraines, que sépare le « verrou » 
du Châtelard. 

Au Glacier de la Laysse se rapportent: a) les 
cailloutis de progression de Saint-Jean d'Arvey ; 
b) les moraines de la Thuile, de Puigros, de Cu- 
rienne, de Thoiry et de Saint-Jean d'Arvey. 

Aux Glaciers et Néves locaux, d'âge wurmien, 
appartiennent, pour le bassin du Chéran, le gla- 
cier du vallon de Bellevaux, celui de Îa vallée 
d’Aillon, des combes de Fully et de Lourdens ; 
pour le bassin de la Laysse, les névés de la vallée 
des Déserts. 

2° Glaciation locale (recurrence néowurmienne). 
— Bassin du Chéran. — Le glacier néowurmien 
du Chéran résulte de la jonction momentanée des 
lobes terminaux de plusieurs glaciers locaux qui, 
lors de leur retrait, retrouvent progressivement 


1. Joseph Réviz et Paul Compaz: Les formations pléis- 
tocènes du massif des Bauges, Bull. des services de la Carte 
géologique de France, t. XXII, p. 131; 1913. 

In: Glaciaire et Fluvio-Glaciaire du massif des Bauges. 
Bull, Soc. hist. nat. de Savoie, 2e s., t, XVI, p. 81 ; 1913. 


leur individualité. — À ce glacier nous rap- 
portons : a) des alluvions de progression que 
surmontent des matériaux morainiques, en aval 
du Pont de l’Abyme ; b) les moraines terminales 
de Cusy avec amorces de cônes de transition 
et de terrasses subordonnées. 

De plus, nous distinguons un certain nombre 
de stades de retrait: c) stades du Pont de 
l’'Abyme ; d) stade du Châtelard; e) stade de Bel- 
levaux ; f) stade des Arbets. 

Comme phénomènes géologiques bien obser- 
vables, citons : 1° le profil en U de la vallée de 
Sainte Reine; 2° à l'entrée de la cluse de Banges, 
le seuil de glacier local erboîte dans le seuil 
wurmien. 

Bassin de la Laysse. — La partie supérieure 
de ce bassin ne montre un glacier local que dans 
la vallée haute des Déserts. Les moraines sevoient 
sous le village même, tandis que le cirque gla- 
ciaire s’observe nettement en amont, et qu'en 
aval la vallée présente un emboîtement caracté- 
ristique du thalweg d’un glacier récent dans 
celui d’un glacier plus ancien. 


La vallée du Rhône, aux environs de Lyon, se 
fait remarquer par la variété des terrains de 
transport d'âge récent qui s'y rencontrent. 
M. Depéret! en a repris l'étude détaillée; il est 
arrivé à d'importantes conclusions. 

En remontant des temps pliocènes à l’époque 
actuelle, il a reconnu les formations suivantes : 

l.— A/luvions pliocènes. — Les alluvions de 
la fin du Pliocène consistent en trois terrasses de 
graviers étagées, répondant à des temps d’arrêt 
dans le creusement progressif de la vallée : 

1° Terrasse de 215 m.,dont les principaux lam- 
beaux se rencontrent sur la rive droite du fleuve 
à Montagny et au-dessus de Sainte-Colombe 
(360 m.), ainsi que sur la rive gauche au télé- 
graphe de Seyssuel (357 m.). 

2 Terrasse de 140 m.-155 m. Sur le plateau 
gneissique lyonnais existe une terrasse alpine 
qui atteint à Champagne, à Marey-l’Etoile, à Cra- 
ponne, l'altitude maximum de 307 m., soit envi- 
ron 145 m.au-dessus du Rhône. 

30 Terrasse de 120 m.-125 m. Elle couvre le 
plateau de la Dombe, sous une couverture gla- 
ciaire, aux altitudes de 294 m. à Beynost, 290 m. 
à Saint-Maurice de Beynost, 285 m. à Mas-Ril- 
lier. Elle traverse la Saône, passant au pied du 
Mont-Ceindre, pour former les plateaux de la 
Duchère, de Saint-Genis-Laval, ete. 


1. Cn. DePérer : L'histoire fluviale et glaciaire de la vallée 
du Rhône aux environs de Lyon.C.R. Acad. des Se., t. CLVITI 
p. 532 et p. 564; 1913. 


J. RÉVIL. — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE 311 


D'origine purement fluviale, ces terrasses des- 
sinent d'anciens tracés du Rhône, empiétant sur 
le Plateau Central. 


Il. — Alluvions quaternaires. — Le Quater- 
naire débute par une période de remblaiement, 
qui édifie une Aaute terrasse de graviers gris do- 
minant de 95 m. le thalweg actuel. Elle se suit 
par la eluse de l'Albarine à Ambérieu jusqu'à la 
Valbonne. 

Le cours de ce Rhône quaternaire suivait à peu 
près le tracé du fleuve actuel. En effet, il s’agit 
d'une terrasse fluviale, indépendante d’interven- 
tion glaciaire. 

M. Depéret en conclut « qu’à l’époque où le 
glacier rissien atteint Lyon,la haute terrasse non 
seulement existait déjà, mais avait été ravinée 
presque jusqu'au niveau du Rhône actuel par des 
érosions corrélatives d’un fort abaissement du 
niveau de base ». 

I. — Première glaciation. Moraines rissien- 
nes et terrasse de 55 m.-60 m. — Le glacier s'est 
étalé sur les plaines dela Bresse et de la Dombe, 
puis, franchissant le Rhône, s’est établi sur les 
terrasses pliocènes de la rive droite. 

En se retirant, il a abandonné une épaisse 
moraine de fond qui a recouvert la plaine du 
Rhône, le plateau de la Dombe et les collines du 
Bas-Dauphiné. Elle a été découpée par les éro- 
sions wurmiennes en une série de collines allon- 
vées; à cette époque, écrit M. Depéret, « la source 
du Rhône était aux moraines des Echets ». 

IV.— Deuxième glaciation. Moraines interme- 
diaires ou néorissiennes et terrasse de 30 m. — 
Entre le front des moraines rissiennes et l’am- 
phithéâtre des moraines wurmiennes s’obser- 
vent les traces très morcelées d’un stationnement 
glaciaire que le savant professeur de Lyon dé- 
signe sous le nom de glaciation néorissienne. 
Cetté glaciation, se demande-t-il, est-elle vrai- 
ment indépendante ou ne serait-elle qu'un sim- 
ple stade de recul de la glaciation rissienne ? 

Cette seconde solution ne nous parait pas 
admissible, puisqu'il y a eu creusement de la val- 
lée entre les deux. Il nous semble plus simple de 
n’y voir qu'une avancée du glacier wurmien qui 
se serait étendu au delà des limites qu'on lui a 
attribuées jusqu’à présent. 

V. — Troisieme glaciation. Moraines wurmien- 
nes et terrasse de 15 m.-18 m. — L’amphithéätre 
morainique frontal se suit à partir de Saint-Jean 
de Niost et Saint-Maurice de Gourdan, sur la rive 
droite, et se poursuit dans la plaine du Bas- 
Dauphiné par Janneyrias, Colombier, Grenay, 
Saint-Quentin, Diémoz et Artas. 

Depuis le retrait de ce glacier, le creusement 


de la vallée du Rhône n'a été que d'environ 15 m.; 
aucune terrasse n'indique un arrêt dans l'inter- 
valle de ce creusement,. 


M. Doncieuxa exploré un territoire dela feuille 
de Lyon! compris entre Estressin, Seyssuel, 
Chasse, lTernay et Communay. En dehors des 
terrains cristallophylliens, affleurant sur le bord 
ouest qui domine le Rhône, les formations plio- 
cènes en recouvrent la majeure partie. Elles con- 
sistenten cailloutis forméspresqueexclusivement 
de quartzites, de grès quartziteux et de quartz. 

Ces formations pliocènes, épaisses de plus de 
100 m., peuvent être réparties en trois niveaux 
caractérisés par trois terrasses. Toutefois, l’au- 
teur fait remarquer que les pointsoù les surfaces 
topographiques ont été conservées sont rares. 
De plus, la séparation du Pliocène et du Gla- 
ciaire est difficile, par suite du remaniement de 
la partie supérieure du Pliocène et de son mé- 
lange à la moraine. 

Des dépôts glaciaires rissiens s’observent au 
nord de la vallée de la Seveines, de Ternay- 
Communay à Heyrieux. Un bourrelet, allant du 
cimetière de Ternay(268 m.) à l’ancien télégraphe 
de Communay (305 m.}), a la composition d’une 
moraine terminale et la forme en est bien con- 
servée. Des dépôts glaciaires de la même époque 
se retrouvent encore en allant de Seyssuel et de 
Pont-Evêque à la plaine de Charantonnay- 
Beauvoir. 

Au Wurmien, se rapportent des dépôts non 
altérés, ou dont l’altération ne descend pasà plus 
de 0 m. 50. Les formes topographiques sont net- 
tement marquées, les blocs erratiques sont nom- 
breux et les moraines terminales donnent nais- 
sance aux basses lerr'asses. 

La limite occidentale des dépôts glaciaires de 
cette époque forme une ligne passant par Hey- 
rieux, Cézargues, Petit-Babouillière, Grange- 
Neuve, N.-D. de Lettras, le Pillard, Vigneux, le 
Taford (405 m.), le Baroz, le Revolet, la route 
d'Artas à Saint-Jean de Bournay (443), Meyrieu. 

La région entre Charantonnay et Artas offre 
des exemples typiques du passage des moraines 
aux terrasses. Une terrasse extrèmement nette 
est celle du champ de courses de Pont-Evèque. 

La vallée de la}Seveines, prolongée par celle 
de Levaux, montre aussi en deux points desallu- 
vions quaternaires, s’élevant au niveau de 210- 
215 m. Des alluvions du même âge s’observent 
de Chasse, Serezin et Saint-Symphorion d'Ozon, 
mais l’étude n’en est pas terminée. 


1. L. Doxcreux: Revision de la feuille de Lyon au 80.000, 
Bull. des Services Carte géol. Fr., t. XXII, p.90; 1913, 


312 J. RÉVIL. — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE 


MM. Gignoux et Combaz! ont étudié avec soin 
les dépôts quaternaires des environs de Belley; 
ils ont reconnu trois stades de retrait du glacier 
alpin qui avait recouvert la région. Ces stades se 
placent entre l’époque wurmienne (stade de La- 
gnieu de Depéret) et l’époque nré0o-wurrnienne 
(stade de Collonges-Fort l'Ecluse de Kilian). 


I. — A l'entrée de la eluse des Hôpitaux et du 
Valromey se développent des barrages moraini- 
ques importants. En outre, à Breynier-Cordon 
existe un petit lac (lac de Pluvis) marquant l'em- 
placement d'une cuvette terminale dominée par 
des moraines qui, à l'aval, passent à une terrasse 
fluvio-glaciaire. — Ce stade peut être désigné 
sous le nom de stade Virieu-Rossillon. 

II. — Une phase ultérieure correspond à une 
époque où le glacier avaitabandonné les plateaux 
et restait confiné dans les vallées qui les décou- 
pent (stade Brens-Belley de M. Kilian). 


III. — Une phase plus récente correspond à 
l'abandon par les glaces des cluses du lac de 
Barre et de Pierre-Châtel. La langue glaciaire 
restait confinée dans la dépression Vionz-Culoz- 
Artemare. À çe stade de Charbonnod, correspon- 
dent les terrasses d’Artemare et de Talissieu. 

Ces stades, concluent nos confrères, sont à peu 
près contemporains de ceux distingués depuis 
longtemps par M. Kilian, pour le bassin de l'Isère, 
entre Rives et Moirans. 


M. Roman? a décrit les terrasses rhodaniennes 
qui existentsurles feuilles d'Orangeetd’Avignon, 
c’est-à-dire dans une région où elles sont nette- 
ment fluviatiles et en dehors de toute influence 
glaciaire. Il a cherché à les relier à celles étu- 
diées dans le Bas-Dauphiné par MM. Kilian et 
Gignoux; il est arrivé à d'importants résultats qui 
se résument ainsi : 

I. — Les cailloutis pliocènes du plateau de 
Chambaran qui, à la Feyta, dominent le Rhône 
de 269 m. n’ont pas laissé de traces plus au Sud, 
si ce n’est, sur les feuilles de Privas, quelques 
lambeaux très restreints de cailloutis, et sur la 
feuille d'Orange, les cailloutis du sommet de la 
colline de Saint-Paul-Trois-Châteaux. 


IL. — Des lambeaux observés aux environs de 
Bourg-Saint-Andéol, et surtout le plateau de 
Rochefort-Domazan, se rattachent aux alluvions 
du plateau d’Auberives, qui s’élèvent de 140 à 
145 m. au-dessus du thalweg actuel. 


1. M. Gicenoux et PF. ComB4z : Sur l’histoire des dernières 
glaciations rhodaniennes dans le bassin de Belley. C. R. Acad. 
des Sc.,t. CLVIII, p. 1536; 25 mai 1914. 

2. Roman : Feuille d'Avignon au 320,000, Bull. Serv, carte 
géol. Fr.,t. XXII, p. 200; 1913, 


IT. — Le niveau de 100 m. au-dessus du Rhône 
débute par le plateau de Charveyron, au-dessus 
de Saint-Marcel-d'Ardèche, et se continue par le 
lambeau de Codolet dans la vallée de la Cèze. On 
est ici sur le prolongement de la ferrasse de la 
Fouillouse (feuille de Valence) et de la terrasse 
des Trappistines de Montélimar. 


IV. — Une terrasse de 80 mètres s’observe au- 
dessus des Angles et de Pont-d’Avignon; elle 
paraît se relier à un lambeau conservé dans la 
vallée de la Tave près de l’Ardoise. — M. Roman 
rattache à ce niveau les caïlloutis qui s'étendent 
entre Bédarrides et Châteauneuf-du-Pape. 


V. — La terrasse de 60 mètres, très nette au 
N.-0. des Granges-Gontardes, se poursuit jusqu'à 
la colline de Saint-Restitut. 

Entre Beaucaire et Nimes cette terrasse a une 
grande superficie et constitue la majeure partie 
de la Costière de Nîmes. 


VI. — Au niveau de A5 mètres, correspondant à 
la terrasse du séminaire de Valence, il faut ratta- 
cher la terrasse dominant Pont-Saint-Esprit sur 
la rive droite et surtout la terrasse du champ de 
manœuvres d'Orange. 


VII. — Le niveau de 25-30 mètres n’est repré- 
senté dans la vallée principale que par des lam- 
beaux très restreints, entre autres par la terrasse 
de la ville de Beaucaire qu’entaille la voie ferrée. 
— C’est le prolongement vers le Sud de la ter- 
rasse de la ville de Romans. 


VIII. — [La terrasse de 15 mètres, ou terrasse 
de la ville de Valence, est très constante sur les 
deux rives du Rhône, et presque partout visible. 
Sur la rive gauche, on la suit depuis le défilé de 
Donzere jusqu'à Bollène; sur la rive droite, elle 
s'étend depuis la vallée de l’Ardèche jusqu’au 
delà de Pont-Saint-Esprit. 

Les trois premières terrasses sont pliocènes, 
celle de 80 mètres appartient au Quaternaire» 
ancien, enfin celle de 60 mètres correspond aux, 
terrasses rissiennes de la vallée du Rhône entre 
Lyon et Valence. 


III. — L'ÉocÈxe DE LA Tunisie 


Un mémoire posthume du regretté géologue 
Philippe Thomas!, publié en 1913 sous les aus- 
pices du Ministère de l’Instruction publique, 
précise la stratigraphie des terrains éocènes de la 
Tunisie, terrains très importants au point de vue 


1. Puitppe Tnomas : Essai d'une description géologique 
de la Tunisie, Troisième partie : Stratigraphie des terrains 
cénozoïques. Paris, Imprimerie Nationale, 1913, 

La première partie du mémoire de cet auteur a paru en 
1907, la seconde en 1909, Ces parties sont consucrées aux ter- 
rains primaires et secondaires. 


J. RÉVIL. — REVUE ANNUELLE DE GEOLOGIE 313 


industriel, car c'est à ce niveau que se rencon- 
trent les assises à phosphates. 

Les principaux termes de la série éogene exis- 
tent dans cette région avec les caractères essen- 
tiels de ceux de l'Algérie. L’Eocène peut être di- 
visé en trois étages : 

1° L'Æocène inférieur, bien développé dans le 
Nord, le Centre et le Sud, et se subdivisant en : 
a) sous-étage inférieur marno-calcaire et phos- 
phatifère; D) sous-étage supérieur à grandes 
Nummulites, très calcaire et localisé dans le 
Centre-Ouest et Nord. 


2° L'ÆEocéne moyen, marno-calcaire à luma- 
cheiles d’huitres, où l’on distingue : a) niveau 
de base marno-calcaire principalement formé de 
bancs d’huitres ; b)niveau supérieur à sédiments 
vaseux et calcaires à Ostracés et à Carolia. 

3° L'Eocéne supérieur calcaréo-gréseux avec ni- 
veaux à éléments gypso-salins et ferrugineux 
jaunes coralligènes et nombreuses petites Num- 
mulites. 

C’est en 1885 que Thomas, vétérinaire de l'ar- 
mée et mem brede la Mission d'exploration scien- 
tifique de la Tunisie, découvrait dans l’'Eocéne 
inférieur le niveau phosphatifère qui a été une 
source de richesse pour la Régence. Ce niveau 
s'étend depuis les environs de Gafsa, dans le 
Sud-Ouest, jusqu'auxenvirons du Kef, en y com- 
prenant, au N. E. de la région du Sud, les 
aflleurements du djebel Nasser Allah. 

Dans la région du Sud, sur le versant nord du 
djebel Tsoldja, au-dessus d’un premier faisceau 
de strates marno-calcaires (Ei!), commence une 
série (Ei?) également marno-calcaire à la base 
de laquelle se développe le niveau phosphati- 
fère. Dans le bas, existent des calcaires marneux 
un peu rognoneux entre lesquels s’intercalentdes 
marnes feuilletées grises et verdâtres. Au-des- 
sus, vient le niveau industriel qui débute par 
1 mètre environ d’une marne schisteuse brune 
passant graduellement à un calcaire friable. — 
Au point considéré, la couche phosphatifère a 
une épaisseur d'environ 6 mètres et est divisée 
en 2 parties presque égales par un lit de marne 
noire, dont l'épaisseur peut atteindre 0 m. 30. 
Elle se termine par un calcaire grenu et friable 
que recouvrent des bancs de calcaire gréseux 
blanchätre pétris de valves d’huitres. 

Un second point où le zélé géologue observa 
encore l’Eocène inférieur est le Foum Tseldja, 
sur l’autre versant de la chaine. Une coupe re- 
levée dans celte localité offre les principaux 
éléments de la coupe précédente, mais en 
diffère par le développement considérable du 
niveau phosphaté. La masse industrielle est 


dans des marnes feuilletées plus ou moins brunes 
ou verdâtres que caractérisent deux bancs de 
coquilles. 

L’'Eocene inférieur se retrouve au djebel Met- 
laouï: on le rencontre encore dans la chaine 
nord du massif de Gafsa, ainsi que dans la 
région dite des dômes, au Sud-Ouest de ce 
massif. Enfin, sur le versant méridional du dijc- 
bel Schif, présente 
encore un beau développement, permettant de 
compter sur d'importantes quantités de phos- 
phate exploitable. 

D’après le regretté Léon Pervinquière, savant 
auquel la géologie de la Tunisie doit d'impor- 
tants progrès, l’Eocène moyen consiste en mar- 
nes très puissantes pouvant être remplacées 
partiellement à la partie inférieure par des 
calcaires grossiers. Dans le centre, deux loca- 
lités voisines, l'Ousselat et le Trozza, 
trent les deux conditions opposées: continuité 
avec l’Eocène supérieur, d’une part (Ousselat); 
indépendance avec ce dernier, d'autre part 
(Trezza). 

Le caractère de l'Eocène moyen de cette région 


le niveau phosphatifère 


mon- 


“estcelui dedépôts présentant un facies marneux 


à Ostracés, indiquant une mer de faible pro- 
fondeur. En certains points deslagunes d’évapo- 
ration s’établirent; elles formèrent à divers ni- 
veaux des bancs de gypses intercalés dans les 
marnes. 

Faisant suite aux calcaires plus ou moins gré- 
seux et aux marnes gypsifères, une nouvelle for- 
mation apparaît : c’est l’£ocène supérieur. Elle 
occupe en Tunisie une surface moindre que les 
étages précédents. Sa limite septentrionale com- 
mence à la meret sa limite sud-est au djebel 
Nasser-Allah. Elle est inconnue dans la partie 
occidentale de la région centrale et n'apparait 
que sur quelques points assez limités de la par- 
tie orientale. 

L’Eocène supérieur peut être subdivisé en 
deux sous-étages : l’inferieur (Medjanien) con- 
siste en marnes à Fucoïdes passant dans le haut 
à des grès; le supérieur (Numidien) consiste en 
grès siliceux jaunâtres, friables, qui se déve- 
loppent avec une constance remarquable sur 
tout le littoral algérien et tunisien. 

A l’'Eocène supérieur succède une phase 
d'émersion, qui correspond aux temps aquita- 
niens. 

L'importance des travaux de Philippe Thomas 
n’échappera à aucun naturaliste. Il est vivement 
regrettable qu’ils aient été interrompus par la 
mort de ce savant et que la partie de ses recher- 
ches relatives aux formations néogènes (Tertiaire 
supérieur) ne puisse être publiée. 


314 J. REVIL. — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE 


IV. — Le NUMMULITIQUE ALPIN 


De nombreux géologues se sont occupés, à des 
points de vues divers, des terrains nummulitiques 
de la chaîne des Alpes, et l’histoire de cette 
chaine, pendant les temps tertiaires, est actuel- 
lement connue dans ses traits principaux. Tou- 
tefois, aucun travail d'ensemble traitant de tout 
le massif et aucune synthèse n'avaient été tentés. 
C’est le programme ques’est tracé M. Jean Bous- 
sac!, « programme qui a été de réunir, nous dit- 
il, assez d'observations pour donner une solu- 
tion satisfaisante et solidement assise aux pro- 
blèmes essentiels que posait la stratigraphie du 
Nummulitique alpin, et — de nombreux travaux 
étant en cours dans toutes les parties des Alpes 
— de donner aux géologues une base précise 
pour leurs études de détail ». 

En débutant, après avoir exposé les méthodes 
qui lui ont servi de point de départ, l’auteur fait 
remarquer que, pour les problèmes ayanttrait au 
Nummulitique des Alpes, la tectonique fournit 
le cadre naturel où se distribuent les faits d’or- 
dre stratigraphique. Le premier chapitre est 
consacré aux grandes lignes de cette tectoni- 
que. Nous ne le résumerons pas, ayanttraité, ici- 
même, et à diverses reprises, ces diverses ques- 


tions. 
Le second chapitre s'occupe de la bordure 
orientale du massif du Mercantour. — Le Luté- 


tien manque dans les couches autochtones jus- 
qu'au col de Tende. Il est représenté dans celles 
de Rio Freddo, ainsi que dans les assises en 
recouvrement (écailles) du « Val Gesso », du 
« Valle grande » et du Col de Tende ; il consiste 
en calcaires plus ou moins gréseux à grandes 
Nummulites. | 

L'’Auversien serait représenté par la base des 
schistes gréseux ou à Globigérines surmontant 
le Lutétien. 

Le Priabonien? n’est individualisé que dans 
les couches autochtones des vallées de « la 
Stura », du « Gesso » et de « Valle Grande, où il 
consiste en calcaires peu épais à petites Num- 
mulites. Dans les écailles et dans les couches 
autochtones du Rio Freddo et de l'Argentine, il 
est fondu dans le facies schisteux. 

Le Lattorfien (Oligocène inférieur) est consti- 
tué par les grès d’Annot ou Macignos des géolo- 
gues italiens. 


1. Jean Boussac: Etudes stratigraphiques sur le Nummu- 
litique alpin. (Thèse de doctorat). Imprimerie Nationale, Paris, 
1912. 

2. Sous ce nom sont réunis en un seul étage le Bartonien 
et le Ludien, 


Les territoires qui s'étendent entre le massif 
du Mercantour au Nord et celui des Maures et de 
l’Esterel au S.-E., décrits dans le troisième cha- 
pitre, constituent une vaste région synclinale. Les 
mers lutétienne et auversienne s’y sont avancées 
en formant un golfe entre les massifs. Au Priabo- 
uien, le Mercantour a été complètement entouré. 

La transoression graduelle des différents ni- 
veaux ressort avec évidence. Un phénomene 
mérite aussi de retenir l’attention : « C’est celui 
du déplacement graduel des facies et de l'obli- 
quité des horizons lithologiques, par rapport aux 
horizons paléontologiques. « Il est à noter, écrit 
notre confrère, qu’une même assise peut être 
d'âge différent en deux points différents du géo- 
synclinal; la continuité stratigraphique n’est 
plus ici une preuve de synchronisme ». 

La région étudiée dans le chapitre IV com- 
prend les bordures sud et ouest du Mercantour, 
les bordures sud et ouest du Pelvoux, ainsi que 
les aflleurements autochtones intermédiaires. 
Nous avons, ici encore, affaire à un ancien golfe. 
La mer nummulitique s’est insinuée à l’époque 
auversienne. Au Priabonien, elle a entouré com- 
plètement le Mercantour, tandis qu’elle ne for- 
mait qu'un golfe au sud du Pelvoux. 

Le chapitre V traite des aflleurements num- 
mulitiques situés entre Castellane et Tortone, 
de ceux de Faucon et Gisors dans le Gapencçais, 
ainsi que ceux de Céuse et du Dévoluy. 

M. Boussac arrive à une intéressante conclu- 
sion : c’est que de Castellane au Nord du Dévoluy 
se développe une zone caractérisée par une 
transgression de l’'Oligocèneinférieur. Un chenal 
se serait creusé, en dehors de la région alpine 
proprement dite. Quand les Alpes se furent 
formées à l’époque rupélienne!, la molasse rouge 
(Chattien) se déposa et ce chenal fut comblé. 

Avec le chapitre VI nous arrivons aux zones 
internes des Alpes françaises, c’est-à-dire à la 
zone des Aiguilles d’Arves et du Briançonnais, 
ainsi qu'aux aflleurements désignés par M. P. Ter- 
mier sous lenom de quatrième écaille(Eychanda, 
Serre-Chevalier). Le Nummulitique se fait re- 
marquer par l'épaisseur énorme des assises, 
l'unilormité des facies, la rareté des fossiles et les 
complications tectoniques. 

Ces massifs, déjà connus par les savants tra- 
vaux de MM. Haug, Kilian et Termier, ont per- 
mis de formuler les conclusions suivantes : 1° le 
groupe inférieur des nappes de l'Ubaye et de 
l'Embrunais se distingue par le fait que la sédi- 
mentation parait avoir été continue depuis au 
moins le Crétacé supérieur jusqu’à l’Oligocène 


1. Etage moyen du Néonummulitique. 


D PE 7 


ar dé ne cts bts métie en fe an Pr 


 — 


sé 


J. RÉVIL. — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE 


315 


inférieur; 2° une nappe plus élevée (Gerbier, 
Gias du Chamois, Mourre-[laut, Séolanes, Coste- 
Loupet) se fait remarquer par la disparition du 
facies compréhensif, du Flysch calcaire ; 
zone plus interne (Saint-Paul, Col de Vars, Saint- 
Clément) montre à nouveau les facies compré- 
hensifs. 

Le Nummulitique autochtone des chaines sub- 
alpines de Savoie, étudié par MM. IH. Douxami 
et J. Révil, et celui des hautes chaines cal- 
caires, moins connu, forme un ensemble, décrit 
dans le chapitre VII, qui s'étend au Nord de la 
dépression de Chambéry par le massif des Bau- 
ges pour se continuer au delà du lac d'Annecy 
et du seuil de Faverges jusqu'au Rhône. 

L'Auversien est généralement peu développé. 
Le Priabonien, presque partout présent, est 
bien représenté; lorsque l’Auversien manque, la 
partie marneuse est remplacée par un facies 
détritique. Ce sont alors des calcaires et des grès 
qui en forment la base. 

Le Lattorfien est formé de grès sans fossiles, 
sauf sur le plateau des Déserts, près de Cham- 
béry', où se développe une zone stratigraphique 
plus externe dans laquelle l'Oligocène est /rans- 
gressi/, et existe seul. Cette zone se continue par 
les environs d'Annecy, de Bonneville et de Cluses. 

Le chapitre VIIT est consacré aux nappes hel- 
vétiques, qui se développent entre le Rhône et le 
lac de Thoune. La distinetion de ces différentes 
nappes et de leurordre relatif, due à M. Lugeon, 
a seul permis une étude des changements de 
facies, auparavant impossible, 

Le Priabonien est le terme le plus constant; il 
existe dans toutes les unités tectoniques. On re- 
marque, ici encore, que les transgressions se 
sont fait sentir du centre vers l'extérieur du géo- 
synclinal subalpin et que les facies ont une ré- 
partition coincidant dans les grandes lignes avec 
les aires de transgression. 

Le Nummulitique dit + autochtone » de la 
Suisse, étudié dars le chapitre IX, a fourni d’im- 
portantes données modifiant les interprétations 
admises. Il faut distinguer deux séries de cou- 
ches : une série normale, seule autochtone, et 
une série renversée. Ces deux séries ont un 
noyau synclinal commun. 

Avec le chapitre X, nous arrivons à l'étude des 
facies du Nummulitique qui, avant la production 
des nappes de recouvrement, succédaient au Sud 
à ceux dont nous avons parlé dans le précédent 
chapitre. Ce Nummulitique a été charrié au Nord 
de l’autochtone dans les plis qui forment la nappe 


3° une 


1. Voir, pour ce plateau, la monographie de MM. Douxami 
et Révil. 


des Diablerets, la nappe du Mürtschenstock et la 
nappe du Wildhorn. 

Notons qu'au point de vue de la remise en 
place de ces nappes, ressortent nettement les lois 
de l’obliquité des zones sédimentaires par rap- 
port aux zones tectoniques. 

Dans le chapitre XI sont décrits le Nummuli- 
tique des Préalpes et celui des Grisons. Les 
aflleurements sont distribués en deux groupes : 
d’une part, les Grisons sur le prolongement de la 
zone des Aiguilles d’Arves; d'autre part, les lam- 
beaux de recouvrement répartis sur le front de 
la chaine alpine, constituant les Préalpes et les 
Klippes. 

L'étroite zone de Flysch qui, depuis le Rhin 
jusqu'à Vienne, sépare le plateau molassique 
des Alpes calcaires du Nord, fait l’objet du cha- 
pitre XII. 

Le chapitre suivant est ensuite consacré au 
Nummulitique des nappesaustro-alpinesétudiées 
dans trois régions : l°’environs de Reichenhall: 
2° environs de Reit im Winkel et de Kôssen : 
3 environs de Guttaring en Carinthie. — Nous 
sommes ici en dehors du géosynelinal, en véri- 
table pays dinarique et sur le bord méridional 
des nappes austro-alpines. 

Comme conclusions à cet exposé, esquissons 
avec l’auteur l'histoire du géosynelinal alpin pen- 
dant les temps nummulitiques. 

Au début de la période, la mer était confinée 
dans la zone des séries compréhensives, s’allon- 
geant sur l'emplacement de la zone des Schistes 
lustrés et de celle des Aiguilles d’Arves, de la 
Méditerranée à l'Autriche. Le géosynelinal alpin, 
dont émergeaient quelques ilots, était enserré 
entre deux terres émergées; il ne communi- 
quait avec la mer quà ses extrémités sud- 
occidentale et orientale. 

Avec le Lutétien supérieur, le géosynelinal 
s'élargit en s’annexantlegéosynelinal dela Suisse 
orientale et la zone bavaroise de Flysch, dont le 
mouvement de descente permet le dépôt des 
épaisseurs de Flysch du « Rigi ». 

Pendant l’Auversien, la position du géosyncli- 
nal change peu, bien que la forme des rivages 
soit tout autre. La mer s’insinue dans les dépres- 
sions, donnant naissance aux golfes profonds de 
Puget-Théniers, du Lauzet et des Bauges. 

Ensuite se produit une transgression impor- 
tante, celle du Priabonien : les massifs hercy- 
niens sont atteints; ceux du Mont-Blanc et de 
l'Aar arrivent à être recouverts par les eaux. 

Lorsque les eaux du Lattorfien (Oligocène infé- 
rieur) envahissent l’Europe occidentale, l’axe du 
géosynclinal alpin se soulève, et la mer est 
rejetée dans deux sillons latéraux. Elle se 


’ 


316 


J. RÉVIL. — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE 


localise alors dans les zones externes des Alpes : 
au S. E., sur le bord de la nappe de Bavière, à 
l'Ouest, autour du Mercantour et du Pelvoux, et 
plus au Nord, sur l'emplacement des massifs de 
l’Aar et du Mont-Blanc. Là se déposent les grés 
d’Altorf et de Taveyannaz. En dehors du domaine 
des grès, il n'existe qu'une étroite bande occu- 
pée par la mer Oligocène, bande qui s'étend de 
Castellane au Dévoluy, et de Chambéry à Cluses. 

L'histoire du géosynelinal est finie, les grands 
charriages se déclanchent et les Alpes se for- 
ment. 

Ce résumé sommaire d’un volume de plus de 
600 pages, qu'accompagnent de belles et nom- 
breuses cartes, nous semble suflire pour montrer 
l'importance de ce travail. La Société géologique 
de France a été bien inspirée en lui attribuant 
une de ses plus hautes récompenses. 

\E MONOGRAPHIE GÉOLOGIQUE 
DE LA CHAINE DU SALÈVE 


La chaine de la Haute-Savoie qui a donné lieu 
au plus grand nombre de recherches géologi- 
ques est certainement celle du Salève, chaine 
située à proximité de Genève, à la limite du Jura 
et des Alpes. Étudiée avec soin par d'éminents 
géologues, parmi lesquels nous pouvons citer 
Alphonse Favre, Gustave Maillard, Hans 
Schardt, elle semblait ne plus pouvoir livrer 
d'observations intéressantes et présenter des 
solutions définitivement acquises. Il n’en était 
rien cependant, et une nouvelle monographie, 
due à MM. Etienne Joukowsky et Jules Favre!, 
apporte d’utiles compléments aux travaux anté- 
rieurs et quelques interprétations différentes de 
celles généralement admises. 

I. — L'étude stratigraphique a été faite d’une 
façon détaillée et a été favorisée par la disposi- 
tion des couches qui, sur une épaisseur de 600 m., 
présentent une série horizontale d'assises éche- 
lonnées de la base du Kiméridgien au Barrémien 
inférieur (Urgonien des anciens auteurs). 

Les résultats les plus nouveaux obtenus par 
nos confrères ont trait aux couches de passage 
du Jurassique au Crétacé. Le Portlandien, bien 
développé, présente la- succession suivante : 
1° brèche coralligène blanche très fossilifère à 
Matheronia Salevensis n.-sp.; 2° calcaire récifal 
à Diceras speciosum et Nérinées; 3° brèche ooli- 
tique à débris roulés atteignant la grosseur 


1. E. Jouxowsky et J. Favre : Monographie géologique 
et paléontologique du Salève (Haute-Savoie), avec une 
carte géologique en couleurs, 29 planches et 56 fig. dans le 
texte. Mém. Soc. Physique et Hist. nat. de Genève, t. XXXVII, 
fasc.4; 1913. 


d’un grain de chanvre; 4° banc de micro-brèche 
zoogène gris-jaunâtre (calcaire moucheté); 
5° calcaire oolitique, bien lité et à oolites de 
couleur variable. 

Les affleurements du Purbeckien sont proba- 
blement les plus beaux de tout le Jura méri- 
dional. Les différentes couches peuvent être 
groupées ainsi : 1° Couches marines à Foramini- 
fères abondants, dans lesquelles s’intercalent des 
brèches à cailloux multicolores; 2° Couches 
d’eau douce contenant surtout des graines et 
des tiges de Chara. — Près du sommet, existent 
des calcaires asseztendres avec Planorbis Loryr 
Coq., Physa Waldensis Coq., Lioplax inflata 
Sand; 3° Brèche à cailloux multicolores, dont 
le ciment est ordinairement une formation ma- 
rine à Foraminifères. Une partie de ces cailloux 
proviennent des bancs sous-jacents ; tous sont 
d'origine locale. 

Au Salève, l’Infravalanginien repose en con- 
cordance sur les dépôts jurassiques. La transgres- 
sion crétacée est cependant manifeste : les petits 
grains de quartz, qui font généralement défaut 


dans le Jurassique supérieur, apparaissent dans. 


les premières assises crétacées. Il est bien peu 
de couches du Crétacé inférieur qui n’en renfer- 
ment. 

L'Infravalanginien se divise en deux parties : 
1° zone à /eterodiceras luci; 2° zone à Natica Le- 
viathan. 

La zone à Aeterodiceras luct atteint 22 mètres 
et se subdivise en trois complexes : Complexe 
N°1, consistant en microbrèches zoogènes oùles 
fossiles sont rares; Complexe N° 2, formé de cal- 
caires oolitiques blanchâtres à Foraminifères ; 
Complexe N° 3, de brèches zoogènes oolitiques, 
dont les éléments-roulés atteignent le volume 
d’un pois. Sporadiquement, ce niveau est très 
fossilifère ; il contient alors la faune des récifs. 

La zone à Natica Leviathan se distingue par 
une assise à /oxaster granosus directement su- 
perposée aux bancs à Aeterodiceras luci; à 
celle-ci succèdent des couches gréseuses à em- 
preintes charbonneuses, desassises à Natica Le- 
viathan, une couche marneuse à T'erebratula 
IWaldensis et une couche à RAyrichonella con- 
cinna. 

Les conclusions de nos confrères présentent 
un vif intérêt et méritent d'être littéralement 
rapportées : « Le facies coralligène à Rudistes 
du Saléve, attribue autrefois lout entier au Juras- 
sique, se trouve à deux niveaux très différents, 
l'un Infra-valanginien caractérisé par VMeterodi- 
ceras luci, l'autre Portlandien inferieur avec 
Diceras speciosum, Matheronia salevensis et 
Valletia antiqua, {ous deux séparés par SÛ mètres 


J. RÉVIL. — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE 317 


de couches appartenant au Purbeckien et au 
Portlandien inférieur \. » 

II. — Au point de vue structural, la chaine du 
Salève est un pliant iclinal allongé surgissant au 
milieu du synclinal molassique séparant la 
région jurassienne de la région subalpine. Cet 
anticlinal est déjeté, parfois divisé et faillé 
dans sa partie septentrionale, le flane sud-est 
étant en pente douce, tandis que le flanc nord- 
ouest est redressé et même renversé. 

Le trait caractéristique de la chaîne est sa 
division en un certain nombre de tronçons 
dus à des décrochements. Ces décrochements sont 
au nombre de 7 et ont déterminé 8 tronçons. Il 
est à noter que les tronçons orientaux ont été 
poussés vers le NW par rapport aux autres. 

Le plus important de ces décrochements est 
celui du Coin, qui a eu pour effet de pousser de 
6 à 700 m. vers le NW le tronçon du Grand et 
du Petit Salève relativement à celui des Pitons. 
La dénivellation verticale atteint environ 80 mè- 
tres, la lèvre SW s'étant affaissée. La rupture ne 
s'est pas produite perpendiculairement à la di- 
rection de la chaîne, mais suivant une ligne for- 
mant 66° avec l'axe du pli. — Une particularité 
curieuse est que le plan de rupture est rempli 
par des dépôts de calcite en trésgros cristaux. En 
outre, le plissement est sensiblement différent 
dans les deux tronçons de l’anticlinal; la dislo- 
cation parait donc antérieure au plissement ou, 
tout au moins, en être contemporaine. 

Nous devons ajouter que les divers tronçons 
sont affectés de dislocations longitudinales et de 
dislocations transversales. Les premières sont 
principalement des failles, les secondes sont des 
fissures (diaclases) et quelquefois des failles, 
mais alors de peu d'importance. 

ER EE PE RO REC PR RE D 

1. Loc. cit., p. 33. 


‘la chaîne que nous venons 


Un fait d'un certain intérêt doit encore être 
mentionné: les failles longitudinalescontiennent 
dans leur plan des brèches à ciment gréseux 
rouge ou jaune d'ocreet mème des grès quartzeux 
identiques aux dépôts sidérolithiques de la ré- 
gion. Ces dépôts font entièrement défaut dans 
les dislocations transversales qui sont parfois 
très voisines des précédentes. Les auteurs en 
concluent, à juste titre, que les dislocations de 
la chaine remontent à deux époques différentes : 
les cassures longitudinales seraient contempo- 
raines du Sidérolithique ou un peu antérieures, 
tandis que les plis-failles, les décrochements et 
les failles transversales dateraient de l’époque 
des grands plissements alpins, c’est-à-dire de la 
fin du Tertiaire. 

Le tronconnement de l’anticlinal semble pou- 
voir être attribué à l’arrivée des nappes de re- 
couvrement dans la région sud-orientale du 
Salève. 

On peut aisément comprendre que le refoule- 
ment produit par l’arrivée de la masse charrice 
ait agi différemment sur les diverses parties de 
d'étudier. L’effet 
produit a été d’autant plus fort que les diverses 
portions de l’anticlinal étaient plus à l'Est. Lepli, 
soumis à des pressions très inégales, n'a pu que 
se rompre en tronçons, jusqu'à ce que l’équilibre 
ait été rétabli. 

La monographie que nous venons de résumer 
contient encore un chapitrede morphologie etun 
chapitre de paléontologie. Dans ce dernier, dû à 
M. Jules Favre, sontdécrites et figurées quelques 
espèces nouvelles. Cette partie de l’ouvrage est 
non moins intéressante; elle mérite d'être signalée 
aux spécialistes. 

J. Révil, 


Président de la Société 
d'Histoire naturelle de Savoie, 


318 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


BIBLIOGRAPHIE 
ANALYSES ET INDEX 


1° Sciences mathématiques 


Lecornu (Léon), Membre de l’Institut, Inspecteur 
général des Mines. — Cours de Mécanique, pro- 
fessé à l'Ecole Polytechnique. Tome I. — 1 vol. in-80 
de VI1-536 p. avec 551 fig. (Prix : 18 fr.) Gauthier- 
Villars, éditeur, Paris, 1914. 


« Le cours de Mécanique de l'Ecole Polytechnique — 
écrit l’auteur au début de son avertissement — pré- 
sente une physionomie particulière. S'adressant à des 
élèves pourvus d'une sérieuse préparation mathémati- 
que et destinés à diverses carrières techniques, il doit, 
tout en faisant une large place aux théories de la Science 
pure, tächer de développer chez eux le sentiment des 
réalités, et amorcer, en quelque sorte, l’enseignement 
donné dans les Ecoles d'application. » 

Cette observation profondément juste était utile à 
produire en tête de ce premier volume de l'ouvrage, 
où l’éminent professeur entreprend d'exposer l’ensei- 
gnement qu il donne depuis plusieurs années aux élèves 
de l'Ecole Polytechnique, avec un succès si grand et si 
mérité. 

C’est qu'en effet les conceptions les plus contradic 
toires et quelquefois les plus étranges se sont successi- 
vement manifestées au sujet de la nature même de la 
science du mouvement. 

Pour certains, c’est uniquement une branche de la 
Mathématique appliquée, fournissant l’occasion d’em- 
ployer le calcul à de beauxet dificiles problèmes, ou 
d'édifier de savantesthéories analytiques. Pour d’autres, 
au pôle opposé, la Mécanique n’a d'intérêt que par ses 
applications pratiques. La vérité est entre ces appré- 
ciations extrêmes. 

La science du mouvement, comme toutes les autres, 
est expérimentale dans ses origines; mieux que toute 
autre peut-être, elle se prête à l'application de l'appareil 
mathématique. Prenant pour axiomes les principes 
essentiels — que les progrès de la Physique moderne 
semblent ébranler aujourd’hui sur quelques points, — on 
a édifié peu à peu une science nouvelle à laquelle a été 
donné le titre regrettable de « Mécanique rationnelle », 
qui tendrait à faire supposer qu'il peut exister une 
Mécanique « irrationnelle ». On devrait dire « Mécani- 
que mathématique », comme on dit « Physique mathé- 
matique ». On le devrait d'autant mieux qu’en réalité 
elle n’est qu'une branche de la Physique. 

Lorsqu'il s’agit de l’enseignement, et de l’enseigne- 
ment polytechnique en particulier, la question n’est pas 
facile à résoudre; il est malaisé de maintenir l'équilibre 
et de garder la mesure exacte entre les utilitaires for- 
cenés qui se bornent aux applications industrielles 
immédiates, et les théoriciens à outrance, contemplant 
la beauté mathématique des moyens, et oubliant le 
but. À 

En parcourant l'ouvrage de M. Lecornu, un souvenir 
bien ancien s’évoquait à mon esprit. IL ne m'en voudra 
pas de le rappeler. C'est celui des leçons que j'ai reçues 
de Delaunay, son prédécesseur dans cette même chaire, 
il y a plus d'un demi-siècle, Nul ne savait mieux con- 
cilier la rigueur et la clarté, montrer que la beauté 
scientifique et l’utilité ne sont point contradictoires, et 
captiver l'esprit de ses élèves, les entrainer dans le bon 
chemin du travail et de la raison. 

Depuislors, la science a fait des progrès ; des ressources 
nouvelles s'offrent à nous; les applications se sont mul- 
tipliées, Mais les principes fondamentaux d'un bon en- 
seignement sont restés les mêmes, et je crois pouvoir 
répéter qu’en saluant en l’auteur un nouveau Delaunay, 
je fais de lui l'éloge le plus mérité, en même temps que 
le plus sincère. 


Dans ce premier volume, M. Lecornu a introduit 
plusieurs chapitres qui ne font pas partie de son ensei- 
gnement oral, car les matières qu’ils contiennent figu- 
rent actuellement dans les programmes d'admission. 
C'était indispensable pour donner à l’œuvre, dans son 
ensemble, l'unité qu’elle doit avoir. On y trouve quatre 
livres : I. Préliminaires géométriques ; I. Cinématique ; 
IT. Statique et Dynamique du point: IN. Statique des 
systèmes. 

Au sujet des grandeurs vectorielles (chapitre 1°’ du 
livre 1) je me permettrai une légère critique. Suivant 
l'exemple de la plupart des auteurs français, on n'éta- 
blit, dans les définitions, aucune différence entre un 
vecteur et un segment. Or, la distinction est indispen- 
sable, Un vecteur reste identique à lui-même quand on 
le transporte arbitrairement dans l’espace en lui con- 
servant sa grandeur, sa direction et son sens; un seg- 
ment AB n'est identique à A'B que si A' coïncide avec 
A et B' avec B, Il est vrai que dans l’application la dis- 
tinction s'établit ensuite d'elle-même par la force des 
choses. Mais pour les commençants, il y a là une source 
de confusions et de difficultés. 

Par contre, je ne saurais assez faire l'éloge des géné- 
ralités (chapitre 1°’, livre III) où l’on trouve un magis- 
tral et lumineux exposé des principes de la Dynami- 
que. 

Le chapitre n du livre II (Cinématique appliquée aux 
machines) est aussi un véritable chef-d'œuvre. 

Mais nous ne saurions tout citer ni tout analyser. Et 
nous devons nous borner à ces brèves indications, 
en exprimant le vœu que l'imprimerie Gauthier-Villars 
puisse nous donner bientôt les tomes IL et III qui 
doivent compléter l'ouvrage, et qui présenteront, comme 
celui-ci, une perfection typographique dont l'éloge n’est 
plus à faire. 

C. A. LAISANT, 
Docteur ès sciences mathématiques. 


Bresson (Henri), — Dictionnaire des principales 
rivières de France utilisables pour la production 
de l'énergie électrique. Fasc. 1. — 1 broch. in-S° 
de 70 p. avec ? cartes. (Prix : 3 fr. 25). Gauthier-Vil- { 
lars et Cie, éditeurs, Paris, 1914. { 


Frappé des services qu'on pouvait espérer tirer des 
chutes d'eau qui se rencontrent sur nombre de cours 
d’eau de France et désireux de travailler à la vulgarisa- 
tion de cette source de richesses trop délaissée, M. Bres- à 
son a songé à dresser un inventaire de tous les cours 
d'eau français sur lesquels existe une installation de 
force motrice ayant une puissance d’au moins 10 che- 
vaux, Le présent fascicule donne les résultats de ce 


4 
travail pour les bassins de la Seine et de la Loire. 
4 


2° Sciences physiques 


Eyman (Théodore), — Professeur-adjoint de Phy- 
sique à l'Université Harvard. — The Spectroscopy 
of the extreme ultraviolet. — 1 vol. in-8o de 135 p. 
avec 15 fig. de la collection « Monographs on Physies ». 
(Prix cart. : 6 fr. 25). Longmans, Green and C®, édi- 
teurs, Londres, 1914. 


La monographie que M. Lyman vient de consacrer à 
la spectroscopie de l’ultraviolet extrême sera accueillie 
avec plaisir par tous ceux que ce domaine inttresse. 
M. Lyman a apporté lui-même une contribution capitale 
à l'étude de la question, et a étendu considérablement 
le champ des longueurs d'onde découvertes par Schu- 
mann. Substituant systématiquement le réseau concave 
au prisme de fluorine, il a porté la limite du spectre de | 
l'hydrogène der250 à 90 unités d'Angstrôm. Il a de plus, 


Tr 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 319 


pour la première fois, donné des mesures précises de 
longueurs d'onde dans cette région, Enfin il a étudié 
avec fruit une foule de spectres de gaz, d’ares ou d’étin- 
celles, On ne sera done pas étonné de voir jouer à ses 
travaux le rôle essentiel dans cette monographie. Mal- 
gré cela, l’auteur n'oublie pas les contributions plus mo- 
destes des autres physiciens, et il sait associer, à la 
clarté et à l'intérêt de l'exposition, une rare impartia- 
lité, L'ouvrage se termine par des tableaux de longueurs 
d'onde dont quelques-uns étaient difliciles à trouver 
dans les mémoires originaux et qui seront les bienve- 
nus pour les chercheurs qui s'occupent de ces ques- 
tions. 
Eugène BLocu, 


Professeur au Lycée Saint-Louis, 


3° Sciences naturelles 


Deprat (J.). — I. — Etude des Fusulinidés de Chine 
et d'Indo-Chire et classification des calcaires à 
Fusulines (° Mémoire). — Les Fusulinidés des 
Calcaires carbonifériens et permiens du Tonkin, 
du Laos et duNord-Annam. — 1 vol. grand in-4° de 
74 pages avec 25 figures et 10 planches — IT, 1. — Note 
sur les terrains primaires dans le Nord-Annamet 
dans le Bassin de la Rivière-Noire (Tonkin) et 
sur la classification des terrains primaires en 
Indochine. — 2. Etude préliminaire des terrains 
triasiques du Tonkin et du Nord-Annam.—3.Les 
charriages de la région de la Riviere-Noire sur 
les feuilles de Thanh-ba et de Van-yên. — /. Les 
séries stratigraphiques en Indochine et au Yun- 
nan. — { vol. grand in-4° de 81 pages avec 30 fig. 


(Vol. IT, fascicules T'et II des Mémoires du Service 
géologique de l'Indochine). Imprimerie d'Extréme- 
Orient, Hanoï-Haïphong, 1913. 


Mansuy (E.).— III. — Paléontologie del’Annam et 
du Tonkin. — { vol. gr. in-4° de 4S pages avec 1 fig. 
et 6 Rinches: 

Ve Faunes des Calcaires à Productus de 
l’Indo-Chine, 1'e série. — 1 vol. gr.in-4° de 133 pages 

avec 12 fig. et 13 planches. 

V. — Nouvelle contribution à la Paléontologie 
de l'Indochine:1.Cont-ibution à l'étude des faunes 
paléozoïques et triasiques du Tonkin; 2.Fa ne du 
Carboniférien iuférieur du Tran-ninh; 3. Sur la 
présence du genre Pomarangina Diener, du Trias 
de l'Himalaya, dans le Trias du Tonkin. — / vol, 
gr. in-4° de 39 pages avec ? fig. et 5 planches. 


(Vol. IT, fascicules III à V, des Mémoires du Service 
géologique de l’Indochine). Imprimerie d'Extréme- 
Orient, Hanoïi-Haïphong, 1913. 


Dans une précédente analyse relative à l'apparition 
du premier volume des Mémoires du Service géologique 
de l’Indochine, je soulignais l'importance qu’il conve- 
nait d’attacher à cette publication. Le second volume, 
que les mêmes actifs collaborateurs du Service viennent 
de publier, me donne l’occasion d’insister à nouveau 
sur l'intérêt capital qu'il y a, pour les Services compé- 
tents de nos gouvernements ou de nos protectorats co- 
loniaux, à mettre ainsi en valeur les recherches scien- 
tifiques des savants et des explorateurs français. Les 
fonds consacrés à de semblables manifestations, si 
nécessaires, de la Science française, ont été jusqu’à pré- 
sent ou inexistants ou parcimonieusement mesurés. Le 
moment semble venu de comprendre enfin que l’indi- 
gence des publications scientifiques, et plus particuliè- 
rement géologiques, destinées à répandre l’œuvre et 
l'influence françaises, doit avoir un terme et que cha- 
cune de nos colonies doit posséder son Survey conve- 
nablement doté. 

M. J. Deprat nous donne un second Mémoire sur les 
Fusulinidés, Il s'agit cette fois de nouveaux matériaux 


fossiles, recueillis, au Laosprincipalement, parplusieurs 
collaborateurs du Service géologique et par l’auteur 
lui-même. La richesse des organismes que M. Deprat a 
ainsi rassemblés et étudiés en détail lui a permis de dé- 
crire plus de 50 espèces, dont 33 espèces ou variétés 
nouvelles, réparties entre les genres Fusulina, Schwa- 
gerina, Doliolina, Neoschwagerina et deux genres nou- 
veaux créés par lui : Neofusulinella et Palæofusulina. 
La partie descriptive du Mémoire, accompagnée de des- 
sins très soignés, est suivie d’intéressantes considéra- 
tions sur la distribution stratigraphique des espèces de 
Fusulines actuellement connues de la Chine méridionale 
et de l’Indochine et de quelques notions nouvelles sur 
l’évolution des Fusulinidés. 

Les études géologiques qui composent le fascicule II 
sont du même auteur. Les résultats acquis maintenant 
sur les terrains de l’Indochine et du Yunnan sont résu- 
més dans deux notes consacrées, la première aux dé- 
pôts primaires de l’Indochine, la secondeaux séries stra- 
tigraphiques dans les deux pays. L'auteur indique l’en- 
semble des données recueillies sur les divers horizons 
reconnus, sur leurs fauneset sur les variations de faciès, 

M. Deprat consacre en outre une vingtaine de pages 
à une étude préliminaire des terrains triasiques qu'il a 
explorés en Annam et au Tonkin, dans le Bassin de la 
Rivière-Noire. Le Trias moyen et le Trias supérieur lui 
ont fourni de beaux niveaux fossilifères, qui ont permis 
de préciser l'importance des divers termes de la série 
et les affinités de certains horizons avec le Trias hima- 
layen. 

Ce fascicule contient enfin une note sur les charriages 
dans la région de la Rivière-Noire située à l'Ouest 
d'Hanoï. Des faits énoncés par M. Deprat, il résulterait 
que le Trias de cette partie du Tonkin est laminé et 
écrasé sous une nappe de terrains paléozoïques formée 
d'Ordovicien, de Gothlandien et de Dévonien, avecinter- 
calation d'une lame de Dinantien ou de gabbros et de 
péridotites mylonitisés. 

Les études paléontologiques qui composent les fasci- 
cules IIT, IV et V et qui sont dues à M. H, Mansuy sont 
faites, comme les travaux antérieurs du même auteur, 
avec beaucoup de conscience et de soin. Les fossiles 
décrits dans le premier de ces Mémoires se répartissent 
depuis étage Ordovicien jusqu'au système triasique 
incelusivement. Une mention particulière doit être faite 
des espèces de Céphalopodes du Trias supérieur de 
Phu-yen, dont deux des plus caractéristiques ont les 
plus étroites affinités avec des formes d’ Ammonoïdés du 
Trias supérieur de Sicile. 

Le second mémoire de M. Mansuy — le plus impor- 
tant des trois — est consacré à la description des 
faunes des Calcaires à Productus au Laos, du Tonkin 
et du Cambodge, Ce sont les récoltes faites dans les 
assises permo-carbonifères de ces contrées par MM. Lan- 
tenois, Deprat, Dussault, Magnin et Roux qui ont 
alimenté les recherches paléontologiques de M. Mansuy. 
Il résulte de cette étude, qui a porté sur un grand 
nombre d'espèces de Brachiopodes, que la faune des 
Calcaires à Productus indochinois montre des affinités 
plus marquées avec celle des couches synchroniques de 
l'Oural et du Timan qu'avec les faunes de l'Himalaya 
et de la Salt Range. 

Il convient de signaler, dans le fascicule V, la des- 
cription de quelques Lamellibranches dévoniens des 
schistes de Muong-thé, rapportés, d'après l’auteur, à 
des espèces étroitement apparentées, voire identiques, 
à des formes caractéristiques du Dévonien moyen et 
supérieur des Etats-Unis. 

Ces différents mémoires sont, comme les précédents, 
accompagnés d’abondantes planches en phototypie 
exécutées à Paris par M. Louis Mémin, d'après les cli- 
chés des auteurs et du personnel du Service 


Antonin LANQUINE; 


Préparateur de Géologie à la Faculté des Sciences 
de l'Université de Paris. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 
Séance du 26 Avril 1915 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. G. Bigourdan : 
Sur la scintillation; comparaison avec les ondulations 
des images instrumentales célestes, l’auteur montre 
qu'on manque encore aujourd’hui d’une bonne théorie 
de la scintillation et qu’on ignore son siège réel. Les 
meilleures observations sont celles de Ch, Dufour, faites 
à l'œil nu et qui l’ont conduit aux lois qui portent son 
nom, vérifiées par Montigny. La scintillation a sans 
doute une proche parenté avec les ondulations instru- 
mentales des images célestes, mais, pour comparer uti- 
lementles deux phénomènes,on manque encore d’obser- 
vations relativement à ces dernières. — M. A. Pérot : 
Variation de la longueur d'onde des raies telluriques 
avec la hauteur du Soleil. L'auteur a recherché si les 
centres absorbants qui, situés dans l’atmosphère ter- 
restre, produisent les raies telluriques dans le spectre 
de la lumière solaire, sont animés de certains mouve- 
ments dirigés. Dans l’aflirmative, la longueur d'onde 
des raies d'un groupe (le groupe B de l’oxygène par 
exemple) sera altérée pour un observateur placé à la 
surface de la Terre; si la vitesse est dirigée suivant le 
rayon terrestre, l’altération dépendra de la hauteur du 
Soleil au-dessus de l’horizon et la longueur d'onde va- 
riera avec l'heure à laquelleelle sera mesurée, Des me- 
sures faites avec un spectroscope interférentiel à l’Ob- 
servatoire de Meudon en juin 1914 ont-montré que la 
longueur d'onde des raies du groupe B croît du matin à 
midi pour décroitre de midi au soir; les centres absor- 
bant qui produisent le groupe B s’éloignaient donc de 
la Terre en cet endroit et avec une vitesse voisine de 
3 kilomètres par seconde. 

2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. L. Bouchet : Zensions 
électriques agissant à la surface d’une nappe isolante li- 
quide. L'auteur a constaté que, si un liquide isolant est 
répandu sur l’une des armatures d’un condensateur plan 
et séparé de l’autre armature par un intervalle d’air, la 
nappe liquide, pour une tension donnée maintenue 
constante entre les armatures, est soumise à des forces 
électriques qui, dans des conditions données, peuvent 
déformer le liquide d’une façon appréciable, Les dépla- 
cements observés sont très rapides et non suivis 
d’effet lent pour l’eau et le mercure, liquides conduc- 
teurs ; ils sont, au contraire, suivis d'effet lent pour les 
liquides isolants. La dépression instantanée est donnée 

2 


H 
par la formule 8x K (K-1), où H est la valeur du champ 


à l’intérieur du liquide et K la constante diélectrique 
vraie du milieu. — MM. A. Haller et Ed. Bauer : 
Action de l’'amidure de sodium sur les allyldialcoylacéto- 

hénones. II. Les auteurs montrentquel’allylméthyléth yl- 
acétophénone et l'allyldiéthylacétophénone se compor- 
tent comme leur homologue inférieur, l’allyldiméthyl- 
acétophénone, dans la condensation avec l’amidure de 
sodium et fournissent la première de la 3:5-diméthyl- 
3-éthylpyrrolidone-2, F. 82°, la seconde de la 3: 3-dié- 
thyl-5-méthylpyrrolidone-2, F. 4g°-50°, La réaction est 
donc générale. 

3° SCIENCES NATURELLES. — M. J. Amar : Principes de 
rééducation professionnelle. L'auteur montre que la 
rééducation des mouvements professionnels chez les 
blessés et mutilés de la guerre doit être entreprise au 
double point de vue physiologique et mécanique. Déter- 
miner l’état général de l'organisme (cœur, poumons, 
sens), celui des articulations et des muscles et la liberté 
des mouvements, apprécier les forces physiques dispo- 
nibles et avoir égard aux forces morales, conditionner 


le travail d’après ces données fondamentales et indis- 
pensables tout en tirant le meilleur parti de l’instrumen- 
tation prothétique, tels doivent être les principes de la 
méthode à suivre. La rééducation est fonctionnelle et pro- 
fessionnelle, et la seconde de ces deux périodes prolonge 
et achève l'autre. — M. M. de Sélys-Longchamps : 
Autolomie et régénération des visceres chez Polycarpa 
tenera Lacaze et Delage. Au laboratoire de Roscoff, 
l’auteur a observé, chez une Ascidiesimple, le Polycarpa 
tenera, un phénomène d’éviscération autotomique ana- 
logue à celui qui est bien connu chez les Holothuries, 
Les individus se contractent fortement, rentrent leurs 
siphons et expulsent par le siphon cloacal la branchie 
rattachée au tube digestif et de nombreuses glandes 
sexuelles. Il se produit une régénération complète des 
organes autotomisés. L'organisme étant essentiellement 
réduit à la paroi du corps, la reconstitution de la bran- 
chie et du tube digestif résulte de la formation de replis 
de l’épithélium péribranchial, tandis que les glandes 
sexuelles se développent aux dépens d'ébauches em- 
bryonnaires qui préexistaient dans l'épaisseur dela paroi 
du corps. — M. L. Sémicnon : Sur l'emploi de la cha- 
leur pour combattre les Insectes et les Cryptogames 
parasites des plantes cultivées. L'eau chaude, entre 55° 
et 650, versée copieusement avecun pulvérisateur,amène 
la mort des chenilles de la Pyrale de la vigne, sans que 
la plante en souffre. A la même température, elle détruit 
également les chenilles de la Cochylis et de l'Eudémis 
lorsqu'elles viennent de sortir de l’œuf, ou provoque 
l'avortement des œufs. Elle détruit encore les crypto- 
games à mycélium superficiel : oïdium, et les fructitica- 
tions externes : conidies du mildiou. La chaleur (55° à 
65°) donne une très grande mouillabilité etune grande 
adhérence aux solutions de verdet et aux bouillies cu- 
priques. — M.A. Laveran: Sur les variélés acentrosomi- 
ques artificielles des Trypanosomes. L'auteur a constaté 
que, chez des souris infectées parle 7rypanosoma Evansi 
ou le 7r. Brucei, et traitées par l’oxazine ou le tryposa- 
frol, les centrosomes ont disparu complètement au bout 
de 15 à 20 passages, etcette modification s’estmaintenue 
par hérédité aux passages suivants (dans un cas jus- 
qu’au 45o°) chez des souris non traitées. Les variétés 
acentrosomiques de trypanosomes ont une virulenceun 
peu amoindrie. Si l'on veutinoculer préventivement de 
surra ou de nagana des animaux qui, comme les Caprins 
et les Bovidés, résistent assez bien à ces infections, et 
acquièrent l'immunité à la suite d’une première atteinte, 
il yaurait avantage à se servir du 7r. Evansi où du 7r. 
Brucei acentrosomiques. 


Séance du 3 Mai 1915 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Bigourdan : 
Comparaison de la scintillation et des ondulations instru- 
mentales des images célestes sous, diverses influences. 
L'auteur étudie, d'après les observations de divers sa- 
vants, comment se comportent la scintillation et les on- 
dulations instrumentales des images célestes sous 
certaines influences : perturbations magnétiques, dépres- 
sions barométriques, voisinage des nuages, variation de 
l’azimut, crépuscule, D'une façon générale, les deux 
phénomènes présentent un véritable parallélisme. Beau- 
coup de questions restent cependant à élucider dans 
cette comparaison, parce queles observations manquent, 
Aussi l’auteur recommande aux observateurs, particu- 
liérement à ceux qui mesurent des étoiles doubles, de 
noter aussi la valeur de la scintillation. 

2° ScENCES Puysiques. — M. E. Vaillant: Sur les 
lois d'écoulement par gouttes par les orifices capillaires. 
A mesure que la fréquence des chutes augmente, le 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 321 


poids des gouttes passe par un maximum, décroit en- 
suite très vile, en subissant pour certaines valeurs cri- 
tiques de fréquence de brusques augmentations. 1° Le 
produit du diamètre intérieur d par l'intervalle dechute 
T correspondant au premier maximum est un nombre 
constant À ou un multiple simple de ce nombre. Depuis 
la fréquence O jusqu'à celle qui correspond'au premier 
maximum, le poids varie à peu près linéairement avec 
la fréquence, La droite ainsi définie détermine par 
extrapolation le poids Po correspondant à la fréquence 
nulle. Cela posé : 2° Le quotient par le diamètre inté- 
rieur d de l'augmentation de poids S — P,, —Pœ dela 


goutte depuis l’origine jusqu’au premier maximum est 
un nombre constant B, ou un multiple simple de ce 
nombre. 3° Le quotient du poids origine Ps par le dia- 
mètre extérieur D est un nombre constant C, différent 
de B. 4° Lors d’une augmentation brusque du poids de 

la goutte, le quotient de cette augmentation de poids 
par le diamètre intérieur est égal au nombre B ou à un 
multiple simple de B. — M, L. Bloch : /tésonance opti- 
que d'uns le champ magnétique. Loin de la résonance, la 
diffusion de la lumière n’est pas modifiée sensiblement 
par le champ magnétique. À la résonance exacte, le 
phénomène de Zeeman se traduit par un dédoublement 
sensible des raies de résonance, accompagné d’une va- 

_riation d'intensité trop faible pour être accessible à l’ex- 
périence. — M. A. Leduc : Sur la détermination du 
rapport 7 par l'intermédiaire de la vitesse du son. L'au- 
teur a déterminé la valeur de ; pour un certain nombre 
de vapeurs au moyen de la vitesse du son, mais n’a 
guère obtenu de résultats convenables. Cela peut tenir 
en grande partie à la difficulté d'opérer sur des vapeurs 
pures ; l'erreur relative sur comprend d’ailleurs le 
double de l'erreur sur V. Il serait donc très désirable, 
afin de combler cette lacune, de développer la méthode 
thermodynamique des cycles fondée par l’auteur il y a 
2 ans. — M. Max. Ménard: Localisation radioscopique 
des corps étrangers par li méthode de Hirtz. La locali- 
Salion des projectiles par la méthode de Hirtz n’a été 
effectuée jusqu’à ce jour qu’en utilisant la radiographie. 
De nombreuses installations radiologiques, ne disposant 
pas de plaques sensibles, ne peuvent faire bénélicier les 
blessés de la précision de la méthode de Hirtz. L'auteur 
montre qu'il est possible de remplacer la plaque photo- 
graphique par l'écran fluorescent. Le matériel est lemême 
que celui des opérations radiologiques ordinaires: la ta- 
ble d'examen doit être transparente aux rayons X. On 
fait deux radioscopies en déplaçant l'ampoule d'une 
quantité connue et on marque sur le verre protecteur de 
l'écran la silhouette de chacune des pointes du compas 
et celie du corps étranger. On procède ensuite à l’exécu- 
tion de l’épure qui permet le réglage du compas. 


30 SCIENCES NATURELLES. — M. P. Delbet : Appareil 
prothétique à mouvements coordonnés pour ampulés de 
cuisse. Cet appareil se compose de trois segments arti- 
culés, d’une bielle et d’un ressort. Les segments repré- 
sentent la cuisse, la jambe et le pied. L'amputé, par la 
contraction des muscles de son moignon, projette l'ap- 
pareil en avant. Celui-ci prend contact avec le sol par 
l'extrémité postérieure, calcanéenne de la semelle plan- 
taire, Sous l'influence de la pression, la semelle tourne 
autour de l’artieulation qui la joint à la tige représentant 
le tib'a. Des deux angles qu'elle fait avec cette tige, le 
postérieur se ferme, l’antérieur s'ouvre. C'est l'inverse 
qui se produit quand le centre de gravité du corps à 
passé en avant de l’appareil, parce que l'appui se fail 
alors sur la partie antérieure de la semelle plantaire. 
Ces mouvements de pédale se font avec une grande 
énergie, qu'on utilise au moyen d’une bielle. Cette bielle, 
antérieure et parallèle à la tige qui représente le tibia. 
étant articulée en bas avec la semelle plantaire, en haut 
avec un levier lié aux tiges qui représentent le fémur, 
produit dans l'articulation correspondant au genou des 
mouvements alternatifs de flexion et d'extension, qui 
se feront pendant la marche aux mêmes moments que 
ceux d’un membre véritable. Grâce à cette flexion au- 


tomatique du genou, le centre de gravité du corps n'a 
n'a pas besoin de s'élever autant pour dépasser la ver- 
ticale du point d'appui du membre artificiel, et le sau- 
tillement est évité, — M. A, Coupin : Le l’action mor- 
plogénique de la sursalure sur Les Bactéries marines. 
La sursalure agit surtout sur les Bacillus en entravant 
leur désarticulation, en accroissant leur longueur, en 
augmentant beaucoup leurs formes filamenteuseseten les 
transformant parfois en vrais spirilles. Dans tous les 
cas, il y a un retard marqué dans le développement, et 
il n’est pas impossible qu'il y ait, entre ce fait et les 
modilications morphologiques, un rapport de cause à 
efrel. 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 
Séance du 27 Avril 1915 


MM. Lannois et Patel: De l'oblitération du sinus 
latéral, comme moyen d'hémostase, dans les blessures 
intéressant les gros vaisseaux de La Partie supérieure 
du cou, à la base du crâne. L’oblitération du sinus 
latéral constitue, dans les plaies de la région cervicale 
supérieure, au voisinage de la base du cràäne, en même 
temps que les ligatures artérielles nécessaires, une mé- 
thode prudente lorsque les vaisseaux sont intéressés 
par le projectile. Elle met à labri d'hémorragies 
veineuses, immédiates ou tardives, toujours à craindre 
et toujours très graves. Elle permet l'extraction des 
corps étrangers situés à la base du crâne, dans la zone 
vasculaire. Elle vient compléter, avec la ligature de la 
carolide primitive, le traitement des anévrismes arté- 
rioso-veineux, haut placés, inaccessibles directement, 
de la carotide interne et de la veine jugulaire interne. 


Séance du 4 Mai 1915 


M. le Président annonce le décès de M. Thoinot, 
membre de l'Académie. 

M. G. Barrier : Les viols et la télégonie. D'après 
l'hypothèse de la télégonie ou de l’hérédité par influence, 
la première fécondation imprégnerait l’ensemble de la 
descendance de la mère des caractères du premier mari. 
L'auteur montre que cette hypothèse ne repose sur 
aucun fondement scientifique : elle est en contradiction 
avec ce que nous connaissons aujourd’hui des phéno- 
mènes intimes de la fécondation, de l’hérédité, de l'in- 
fection et de l'immunité; elle n’a pu être confirmée par 
l'expérimentation; enfin les faits qu'on ÿy rallache et 
qui ne relèvent pas de la superfécondation et de l'ata- 
visme sont incomplètement recueillis ou privés de 
bases irréfutables. Cette conclusion doit rassurer les 
malheureuses victimes des violences de la soldatesque 
ennemie, qu'on donne à tort comme frappées d’un indé- 
lébile stigmate héréditaire. MM. V. Gallipe, Gaucher 
et À. Pinard s'associent pleinement à ces conclusions. 
— M. M. de Fleury: Le traitement des plaies infectées 
par le sérum spécifique de Vallée-Leclainche. L'auteur 
a fait, chez douze blessés de guerre, l'essai méthodique 
et prolongé du sérum polyvalent de Vallée-Leclainche, 
Le sérum a été employé soit en pansements à plat (plaies 
superficielles), soit à l’aide de mèches imbibées, enfon- 
cées à la sonde cannelée dans les anfractuosités des 
plaies profondes ou les trajets fistuleux, Bien entendu, 
aucun antiseptique n’était utilisé concurremment: l’au- 
teur se contentait, avant l'application du sérum, d’un 
lavage soigneux des plaies à l’eau de mer ramenée à 
l'isotonie et bouillie. Les résultats obtenus ont toujours 
été extrêmement nets : abaissement immédiat de la tem- 
pérature, cessation des douleurs, modification très 
nette des surfaces, bourgeonnement rapide et franc, 
suppression à peu près complète de la suppuration, 
cicatrisation évoluant avec une promptitude et une 
correction singulière. Ce traitement paraît appelé à 
prendre une grande extension. 


322 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


SOCIÈTÉ FRANCAISE DE PHYSIQUE 
Séance du 16 Avril 1915 


M. Marcel Brillouin : La théorie du rayonnement et 
les chaieurs spécifiques des solides. 1. Les propriétés 
réversibles d’un solide isotrope sont complètement re- 
présentées à l’aide de son énergie libre : 


D Œ—Bo(V,0)+ : B2 (V,9) (D? -- Di + Di), 


qui ne contient, outre les trois petites dilatations prin- 
cipales D,, D;, D, que deux fonctions du volume spé- 
cilique V et de la température @. L'équation d'état iso- 
trope s'obtient en dérivant par rapport à V; l’entropie 
en dérivant par rapport à O; la rigidité est définie par 
P,. C’est tout ce qu'apprend la Thermodynamique gé- 


nérale. 2. Pour restreindre les recherches expérimen- 
tales nécessaires pour chaque corps particulier, on a 
cherché depuis longtemps à connaitre quelques pro- 
priétés générales des fonctions P,, P,. Cela parait 
beaucoup plus difficile pour les solides que pour les 
fluides. En particulier, on a essayé d'adapter aux soli- 
des la relation fournie par la théorie cinétique des gaz 
entre l'agitation moléculaire et la température absolue. 
Ces essais conduisent à des propriétés en désaccord 
avec l'expérience aux basses températures. Dans les 
solides la température absoluen'est pas proportion- 
nelle à la force vive d'une liberte molécuiaire, et 
elle dépend en outre du volume spécifique. 3. Pour 
obtenir des résultats conformes à l'expérience, il faut 
revenir à la définition la plus générale de la tempéra- 
ture absolue, par l'équilibre de rayonnement dans une 
enceinte à température uniforme et constante, et aban- 
donner la définition empruntée à une catégorie particu- 
lière de corps, les gaz. C’est ce qui est devenu numéri- 
quement possible depuis que Planck, en 1901, par des 
raisonnements d’ailleurs étranges, a découvert une loi 
de distribution de l’énergie dans le spectre d’un corps 
noir, qui s'est montrée jusqu à présent entièrement con- 
forme à l'expérience, La première application de ce 
genre a été indiquée par Einstein, en 1907, sous une 
forme qui introduit beaucoup trop directement et inuti- 
lement d’après l’auteur la notion étrange de quantum de 
Planck. Le raisonnement sommaire d'Einstein a été per- 
fectionné principalement par Debye, en conservant le 
même point de départ. 4. M. Brillouin a montré en 1914 
qu’on peut remplacer ces postulats et ces raisonnements 
peu satisfaisants par une généralisation immédiate des 
lois classiques du rayonnement, et par des raisonne- 
ments du caractère le plus classique, tout en poussant 
notablement plus loin les approximations, 5. On sait 
depuis un demi-siècle que le produit «?[ du carré de la 
vitesse « de la lumière par l'intensité I se conserve en 
passant d'un milieu dans un autre. On sait aussi que, 
dans l’enceinte en équilibre thermique, la densité du 
rayonnement est 4rl/ pour chacune des ondes polari- 
sées simples, et, pour les deux qui constituent la lu- 
mière naturelle circulant dans l'enceinte, 8zl/o — U. Il 
en résulte, comme on sait, que, dans cette enceinte, la 
densité du rayonnement est 


= PS F (>,0) 


FILS 
PI 


pour la fréquence» à la température ®, en désignant par 
‘ une fonction universelle. Ceci se rapporte à des mi- 
lieux isotropes dont chacun peut propager des ondes 
transversales pures, c’est-à-dire des ondes à deux liber- 
tés, dont la vitesse de propagation est donnée par une 
équation bicarrée dont (w?) est racine double. Générali- 
sant ce résultat, on obtient l'énoncé suivant : « Lorsque 
des ondes de différents types, en nombre quelconque, 
peuvent se propager dans un corps avec la même fré- 
quence, », la densité d'énergie que prend chacun des 
types est donnée par la formule : 


Tr — 

U d— T7 %(,0) à, 
(9) 

où «w est la vitesse de propagation particulière à ce 

type. » 6. Dans un solide l'énergie de fréquence par 

unité de volume est alors : 


— 47% (0,0) \ n 
U— 4x6) (=) 
qui se réduii pour les corps isotropes monoatomiques à 


U,—4rF (1.0) [3 M al 


en appelant w' la vitesse des ondes longitudinales (une 
liberté) et w’ celle des ondes transversales (deux liber- 
tés). Dans tout le domaine des ondes possibles dans le 
solide : 
ET O NE, ANG (NO) IE 

(1) n={r| | "Ra +2 f° Re a | 

J 0 ms U 
la limite supérieure des intégrales est finie, et différente 
J'ms ”'m, parce que la structure moléculaire limite la peti- 
tesse des longueurs d’onde qui peuvent exister dans le 
solide, Les seuls termes importants sont ceux dont les 
dénominateurs &%, w'# sont pelits, c’est-à-dire ceux qui 
correspondent aux ondes propagées par la matière. La 
formule (I)est une approximation qui, comme l’a montré 
Debye, suflit quand on y introduit la loi de Planck pour 
représenter exactement l'extraordinaire variation des 
chaleurs spécifiques des solides au voisinage de go® ab- 
solus. 7, M. Brillouin a réussi à obtenir une deuxième 
approximation par des raisonnements très simples et 
du caractère le plus classique, qu'il serait beaucoup 
trop long d'indiquer ici. Le potentiel thermodynamique 
d’un solide isotrope monoatomique, par unité de volume, 
se réduit alors essentiellement à 


6 97,40 26 27, d0 
P— == Ir —=— 
(UD) NT. : 0 QU o'3 J EC "3 J 0 O2 
PAS PAU) 2, Us 
V CPR PAL 
ji 2 os Fe 2 wo 
u 7) ls ro? 
EADAE SE p D ele y 4 + #2 Di 22] 
+ (Di+D; T D;) E i9 2 25 \ 5 as 
avec 
D) — 47 fe m (2,0) d», Ts == br 1e m (0) d), 
200 e 0 
et 
02 og 
3 Pi 1 Bo 8 V2 0 NE 
11 2 Vs + 3 
dy dx 
£ I — 2 SE EE à 
3 pis Ï UN van len 
Ce potentiel ne contient plus, — oulre la loi univer- 
selle du rayonnement nor, — que quatre fonctions Du 


VOLUME SEUL Py, Po, /, 2», qui Suflisent à déterminer les 
autres fonctions p44, &', ©’, ?’m; ?’m, au lieu de deux fonc- 
tions du volume et de la température absolue que con- 
tenait l'expression initiale (1). 8. Telle est la simplifica- 
tion apportée par l'introduction de l'hypothèse molécu- 
laire et de la définition de la température absolue par le 
rayonnement, Cette définition plus complexe, substituée 
à celle que suggérait la théorie des gaz, a donné jusqu'ici 
des résultats numériques exactement conformes aux 
résultats expérimentaux les plus inattendus dans toute 
l'échelle des températures. L'auteur insiste en terminant 
sur ce qui fait l'originalité de son travail; c’est qu'il a 
réussi à éliminer des raisonnements toutes les considé- 
rations physico-chimiques, ou statistiques, qui parais- 
sent inquiétantes, el à se servir uniquement de la loi 
expérimentale du rayonnement noir, sans se servir à 
aucun moment de la notion de quantum. Il y a donc 
tout lieu d'espérer quele potentiel ainsi obtenu répondra 
à tous les faits, sinon sous la forme simpleécriteici (HI), 
au moins sous la forme complète donnée dans le Mé- 
moire qui va paraître au Journal de Physique. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 323 


SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 
Séance du 25 Mars 1915 


M. H. Onslow: Contribution à nos connaissances sur 
la chimie de la coloration de la peau chez les animaux 
el sur le blanc dominant et récessif, Ces recherches ont 
été entreprises dans le but de découvrir une méthode 

chimique pour différencier les deux formes semblables 
d'animaux blancs connues sous les noms de « blancs 
dominants » et de « blancs récessifs » ou albinos. On 
n'a pu le faire jusqu'à présent qu'en observant leur com- 
portement génétique, On suppose que les pigments 
animaux noirs sont le résultat de l'oxydation d'un 
chromogène incolore par une oxydase. Les peaux des 
lapins noirs jeunes fournissent une tyrosinase qui trans- 
forme la tyrosine en mélanine., Au moyen de cette 
tyrosinase, il est possible d'essayer les extraits de 
lapins blancs des deux types. Les extraits des blanes 
dominants renferment une antioxydase qui inhibe la 
- tyrosinase des extraits de lapins noirs; les extraits 
d'albinos, par contre, n’ont pas d'influence inhibitrice 
et sont eux-mêmes incapables de produire aucun 
pigment. On trouve également l'antioxydase dans les 
parties blanches des lapins qui sont dominantes pour 
la couleur, telles que les ventres blancs du lapin 
sauvage et du lapin jaune agouti. Ces résultats tendent 
. à confirmer l’idée mendélienne que le blanc dominant 
est causé par un facteur qui inhibe le mécanisme pro- 
ducteur de pigment s’il est présent,et que l’albinisme 
résulte de l'absence partielle ou totale des facteurs 
nécessaires pour le développement du pigment. Les 
expériences révèlent aussi des faits qui suggèrent l’idée 
que la différence entre les pigments produisant les 
poils noirs, chocolat et jaunes est quantitative plutôt 
que qualitative, car, après extraction, les pigments de 
ces trois couleurs paraissent identiques. L'idée que la 
varialion de couleur est une modification structurale 
est supportée par le faitque les couleurs diluées, comme 
le bleu, sont causées par un manque de pigments dans 
le cortex. Dans les couleurs intenses correspondantes, 
comme le noir, le pigment étant présent dans le cortex, 
la lumière blanche réfléchie par les vacuoles est 
- absorbée, et la coloration devient ainsi plus foncée. 


ati 


: 


SOCIÉTÉ ANGLAISE 
DE CHIMIE INDUSTRIELLE 


SEcrion DE New-York 


Seance du 19 Mars 1915 


M. J. G. Smull : /es causes de l'opalescence du 
verre. L'auteur arrive à la conclusion que l'opacité est 
le résultat de la séparation de silice ou d’alumine, ou 
des deux, sous forme très finement divisée, probable 
ment colloïdale, dans le verre. La meilleure condition 
pour cette séparation estun verre à bas point de fusion, 
c'est-à-dire contenant du plomb, où la silice et l’alu- 
mine restent en suspension pendant quelque temps 
avant d'entrer en solution, La séparation de la silice et 
de l’alumine est effectuée par: a) l'emploi de silicates, 
comme le feldspath, en relation avec un fluorure; b) un 
fluorure double, comme la cryolite, avec ou sans feld- 
Spath; c) des sihcofluorures, avec ou sans feldspath ; d) 
la fusion des principaux ingrédients d’un verre, avec 
addition subséquente d'un fluorure ou d’autres sub- 
Stances à la portion fondue. Il y a une autre explication 
probable de la production de l’opacité, dérivant de la 
considération des propriétés réfringentes du verre par 
rapport à celles des oxydes qui paraissent produire 
l'opacité, Si l’alumine ou la silice où un autre oxyde est 
tenu en suspension très fine dans le verre, on peut le 
considérer de la même façon qu’un pigment et un véhi- 
cule au point de vue du pouvoir couvrant, Dans le cas 
d’un pigment, on obtient un bon pouvoir couvrant 
quand l'indice de réfraction du pigment est matérielle- 
ment différent de l'indice de réfraction de l'huile, tandis 


ia Di. À sf 


que, lorsque les indices du pigment et de l'huile sont 
les mêmes, le pouvoir couvrant est pratiquement nul. 
De la même façon, le verre opalin peut être considéré 
comme formé d'un milieu verre (correspondant au véhi- 
cule) et de particules suspendues très lines (correspon- 
dant au pigment). Si l'indice de réfraction du milieu 
verre est matériellement différent de celui des particules 
suspendues, il se produit un bon effet opalescent ; mais, 
si les indices de réfraction respectifs sont très proches, 
le verre est transparent. Le verre ordinaire a un indice 
de réfraction égal à 1,55, la silice à 1,44, l’alumine à 
1,76, l'oxyde stannique à 2; dans des conditions conve- 
nables, on peut donc produire l’opacité ou l’opales- 
cence par la suspension d’alumine, silice, oxyde stan- 
nique, etc., dans le verre. 


SECTION DE Lonpres 


5 April 1915 


MM. À. J. Hale et H. S. Foster : Action de solu- 
tions diluées d'acides, d'alcalis et de sels sur certains 
mélaux. Les auteurs arrivent aux résultats suivants: 
1° HCI dilué froid agit beaucoup plus sur le cuivre que 
l'acide sulfurique ou nitrique; ces deux derniers l’atta- 
quent à peu près au même degré. 2° L'aluminium est 
lentement attaqué par l'acide nitrique et l'acide sulfu- 
rique dilués, 3 Le plomb est plus rapidement attaqué 
par HCI que par l'acide sulfurique, l’action de ce der- 
nier élant négligeable. 4° L’étain est soluble dans la 
soude caustique et la solution de carbonate de sodium, 
mais non dans l’ammoniaque. 


Séance du 


ACADÉMIE DES SCIENCES D’AMSTERDAM 
Séance du 21 Septembre 1914 


1° SCIENCES PHYSIQUES. — M. H. A. Lorentz: l'emar- 
ques sur la théorie des gaz monoutomiques. L'applica- 
tion de la théorie des quanta au gaz, en particulier aux 
gaz monoatomiques, a conduit à une expression de l’en- 
tropie de ces, gaz. Cette expression contient un coefli- 
cient numérique, qui correspond à ce que Nernst appelle 
la constante chimique du gaz. Cette constante peut être 
déterminée en partant des données relatives aux tensions 
de la vapeur saturante, par exemple dans le cas du mer- 
cure. Le fait qu’en appliquant la théorie des quanta on 
obtient une valeur du même ordre, s’il n’est pas tout à 
fait accidentel, prouve qu’effectivement les considéra- 
tions de la théorie des quanta sont applicables au phé- 
nomène de l’évaporation. — MM.H. A. Lorentzet H Ka- 
merlingh Onnes présentent un travail de Mme H. 
Ehrenfest-Afanessjewa : Contribution à la théorie 
des états correspondants, En 18y3, Meslin a täâché de 
démontrer que toute équation caractéristique, qui con- 
tient autant de constantes spécifiques que de variables, 
peut être réduite à une forme universelle, sans para- 
mètres spécifiques, en remplaçant les variables par 
leurs rapports à des valeurs particulières, convenable- 
ment choisies, qu'on peut appeler « correspondantes » 
pour diverses substances. L'auteur est d'avis que cette 
égalité du nombre des paramètres et des variables 
n'est ni nécessaire, ni suflisante. Elle indique une mé- 
thode permettant de décider si une équation donnée est 
compatible avec l’existence d'états correspondants. — 
MM. H. A. Lorentz et H. Haga présentent un travail de 
MM. L. S. Ornstein et F. Zernike : Les écarts de den- 
stté fortuits et l'opalescence au point critique d’une 
substance simple. Les considérations de Smoluchowski, 
Einstein et Ornstein sur les écarts fortuits de densité 
dans les substances pures et dans les mélanges ne sont 
pas applicables sans restriction jusqu’au point critique. 
Une correction est nécessaire. Ces considérations sont 
applicables à l'opalescence critique ; elle conduisent à 
une formule, dont l'exactitude a été soumise au contrôle 
expérimental par M. Zernike, — MM. H. À. Lorentz et 
H. Kamerlingh Onnes présentent un travail de 
M. L. S. Ornstein: Sur la théorie du galvanomètre à 


324 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


corde d'Einthoven. Remarques relatives aux considéra- 
tions de M. A. C. Crehore, sur le mouvement de la corde 
du galvanomètre. — MM. H. Kamerlingh Onnes et 
G. Holst : Mouvelles expériences avec l’helium liquide. 
M. Détermination préliminaire de la chaleur spécifique 
et de la conductibilité calorifique du mercure aux tem- 
pératures accessibles avec l'hélium liquide, et quelques 
mesures de thermoélectricité et de résistance utrles pour 
ces recherches. Conformément aux théories de Nernstet 
Keesom, la thermoélectricité s'approche de zéro aux 
températures de l’hélium liquide. Les thermoéléments 
ne conviennent done pas comme thermomètres aux 
basses températures. Par contre, le constantan el la 
manganine conviennent fort bien pour la construction 
de thermomètres à résistance. La chaleur spécitique, à 
pression constante, du mercure peut être représentée 
par la formule de Debye c = C T#, avec G — 0,0000110. 
La conductibilité calorifique du mercure est À — 0,27 
cal/em. sec. à 4°,8 Ket 0,40 à 3°,8;la discontinuité qui 
à 4°,19 K. existe pour la conductibilité électrique ne se 
retrouve donc pas dans la conductibilité caloritique. — 
MM. Ernst Cohen et W. D. Helderman: l’uilotropte 
du cadmium. IN. Etude des propriétés électromotrices 
de la variété 8. Comme le point de transition du cad- 
mium «& au cadmium & est environ 60°, il faut que vers 
cette température une pile de concentration, dont les 
électrodes sont constituées par ces deux variétés, ail 
une force élecitromotrice nulle; c’est ce que l'expérience 
vérifie. — MM. Ernst Cohen et W. D. Helderman: 
L'allotropie du zinc. I. Critique des recherches de 
MM. Benedicks et Arpi. — MM. Ernst Cohen et J. C. 
van den Bosch: L’allutropie de l'antimorne. I. On con- 
naît de ce métal les modifications suivantes: l’antimoine 
dit métallique, l’antimoine noir, l’antimoine jaune et 
l’'antimoine explosif. Les auteurs se proposent de faire 
l'étude des rapports entre ces modifications. Des me- 
sures dilatométriques leur ont appris que l’antimoine 
métallique est métastable dans les conditions ordi- 
naires. — MM. J. D. van der Waals et A. F. Holleman 
présentent les trois travaux suivants de M. A. Smits: 
Le prolongement métastable de la série de cristaux 
mixtes formés par des pseudo-composants et ses rap- 
ports avec le phénomène de l'allotropie. I, L'auteur 
conclut à la possibilité d'une énantiotropie sous haute 
pression, alors mème que la monotropie n'existe pas 
sous la pression de la vapeur. Sur les courbes de ten- 
sion de vapeur du système phosphoré. H (en collabora- 
tion avec M. S. C. Bokhorst). Nouvelles recherches 
établissant qu'entre le phosphore rouge el le phosphore 
violet il n’y a pas de point de transition; il n’y qu'une 
modification solide stable, violette en gros cristaux, 
rouge en poudre. L application de la théorie de l'allo- 
tropie aux équilibres de forces électromotrices. I (en 
collaboration avec M. A. H. W. Aten). Etude élec- 
trique du phénomène de la passivité, réfutant encore 
une fois la théorie de Faraday et prouvant que le phéno- 
mène a son siège dans le métal même ;il résulte d’un 
retard dans la transformation des ions à la surface du 
métal. Toutes les expériences connues s’expliquent 
aisément en appliquant la théorie de l’allotropie aux 
équilibres de forces électromotrices. — MM. J. D. van 
der Waals et A. F. Holleman présentent deux travaux 
de M. F.E. C. Scheffer : Sur La démixtion d'un mélange 
binaire où la pression du système de trois phases est 
supérieure à la somme des tensions de vapeur des deux 
constituants. La particularité, trouvée par l'auteur dans 
le système hexane-eau, que la tension de la vapeur au 
contact avec deux phases liquides est supérieure à la 
somme des tensions de vapeur des deux liquides purs, 
se retrouve dans les systèmes pentane-eau et benzène- 
eau, Sur les équilibres gazeux et vérification de la 


formule de M. J. D. van der Waals Jr. I. L'auteur se pro- 
pose de faire servir les données relatives aux équilibres 
chimiques dans les gaz au contrôle des formules 
données par Sackur et Tetrode pour l’entropie d’un 
gaz,et de la formule donnée par van der Waals Jr, 
pour l'équilibre de dissociation d’une molécule diato- 
mique, Dans ce premier travail, il examine l'équilibre 
entre l’iode diatomique et l’iode monoatomique, — 
MM.S. Hoogewerff et A. P. N. Franchimont présentent 
un travail de M. W. Reinders : Æquilibres dans le 
système PLS-O ; le processus de la réaction du grillage. 
L'auteur trouve que lorsqu'on enlève SO: à un mélange 
de PbS et PbSO', on passe successivement par une 
série d’équilibres mono-variants entre trois phases. 
L'auteur calcule aussi les chaleurs de transformation, 
— MM. H. Haga et Ernst Cohen présentent un travail 
de M. F. M. Jaeger : Recherches sur les coefficients de 
température de l'énergie superficielle de liquides entre 
— 50° et 1650° C. VIL. L'énergie superficielle spécifique 
des halogènures des métaux alcalins. VIII. L'énergie 
superficielle spécifique de quelques sels des mélaux 
ulcalins. Les recherches porterent sur les fluorures et 
chlorures de lithium, sodium, potassium, rubidium et 
césium, les bromures et iodures de sodium, potassium, 
rubidium et césium, les sulfates et nitrates de lithium, 
sodium, potassium, rubidium et césium, les métabo- 
rates de lithium, sodium et potassium, et les molyb- 
dates, tungstates et métaphosphates de sodium et 
potassium, — MM, A. P. N. Franchimontet H. J. Ba- 
cker: La coloration de quelques dérivés de la picrylme- 
thylamide par des alcalis. Cette coloration est due à 
une réaction entre la base et un ou plusieurs nitro- 
groupes du noyau benzénique, — MM. A.P. N. Fran- 
chimont et H. J. Backer: L'acide -sulfopropionique 
et sa séparation en isomeres opliquement actifs. Prépa- 
ration de quelques sels actifs de cet acide, Cet acide 
présente cette particularité que certains de ses sels ont 
un pouvoir rolatoire opposé à celui de l'acide même. 

2° SCIENCES NATURELLES. — MM. J. Wertheim Salo- 
monson et H. Zwaardemaker présentent deux notes de 
M. J.R. Katz: La vitesse avec laquelle le pain devient 
rassis. Le phénomène du rassis est un changement qui 
ne se manifeste pas seulement dans l'amidon de froment 
et de seigle, mais dans toutes les espèces d'amidon ; 
seulement, c’est par hasard pour le froment et le seigle 
seuls qu'il conduit à des résultats d'importance pra- 
tique. Le phénomène du rassis consisle en une trans- 
formation de l’amidon, par laquelie il devient plus dur 
et absorbe moins d'eau. La perte d’eau ne succède pas 
immédiatement à la diminution du pouvoir d'imbibition, 
mais est un processus de longue durée. Ce processus 
suit les mêmes lois pour toutes les espèces d’amidon. — 
MM. C. Winkler et J. K. A. Wertheim Salomonson pré- 
sentent un travail de M.G. van Rijnberk: L'innervation 
du dermatome du tronc, L'auteur communique le résul- 
tat des recherches qu'ila faites sur le chien, pour établir 
de quelle façon les nerfs périphériques entretiennent la 
sensibilité dans chaque dermatome du tronc. — M. W. 
Beyerinck : La gommose du fruit de l’amandier et de 
l'amandier-pécher comme phénomène de développement 
normal. La formation de canaux gummifères chez les 
Amygdalacées n’est pas toujours un phénomène patho- 
logique ; dans les fruits de l'Amygdalus communis et de 
l'Amygdalus amygdalo-persica, elle se présente comme 
une manifestation normale de la vie. 


J'EN 


Le Gérant : Octave Don. 


Sens. — Imp. Levé, 1, rue de la Bertauche. 


26° ANNÉE Ne 11 15 JUIN 1945 


Revue générale 


HS SCiencés 


pures el appliquées 


Foxpareur : LOUIS OLIVIER 


Dinecreur : J.-P. LANGLOIS, Docteur ès Sciences 


Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. J.-P. LANGLOIS, 8, place de l'Odéon, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des 
travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France eten pays étrangers y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


$ 1. — Nécrologie 


A. van Gehuchtéñ. — Le 9 décembre dernier, est 
mort à Cambridge, où il s'était réfugié, le distingué pro- 
fesseur d’Anatomie humaine de l'Université catholique 
de Louvain, 

Il avait fait ses études de sciences naturelles à cette 
université même, ét il fut un des premiers de la pléiade 
de cytologistes qu'y suscita l’entreprenante activité du 
maître J. B. Carnoy. A part des recherches sur la fibre 
musculaire et sur des phénomènes de la sécrétion dans 
l'intestin d’Inséctes, toute l’œuvre de van Gehuchten 
est consacrée au système nerveux. Et sa réputation date 
surtout de l'époque où les adeptes de Golgi et de Cajal, 

au moyen de la téchnique au chromate d'argent, mirent 
en honneur la théorie du neurone et renovèrent les étu- 
dés de l’appareil nerveux. 

Entre 1890 et 1896, van Gehuchten publia une série 
de mémoires sur le bulbe olfactif, sur le lobe optique, 
sur l’innervation des poils, sur les cellules ganglion- 
naires spinales... Il y combattait l’ancienne théorie de 
Gerlach sur la continuité des éléments nerveux, et dé- 
fendait le principe de l'individualité des neurones, Il 
reconnut le premier la propriété conductrice des den- 
drites, que l’on croyait être des prolongements exclusi- 
vement trophiques; il démontra que la communication 
entre les filets olfactifs et les cellules mitrales du bulbe 
olfactif s'établit par le long prolongement dendritique 
de ces cellules; il montra que, dans la substance blan- 
che de la moelle épinière des Amphibiens, les dendrites 
se mettent en contact avec des ramilications collatéra- 
les, 

Après ces recherches, il s’appliqua à l'étude de l’ori- 
gine des racines nerveuses, surtout des nerfs craniens : 
Sa conception de la structure des noyaux du nerf vague 
n'a pas résisté à l'épreuve de la critique; mais la répar- 
tition qu’il a donnée des origines des branches du nerf 
facial dans le noyau moteur de la septième paire chez 
le Lapin est devenue classique; et sa description de 
l'origine du pathétique et de la racine mésencéphalique 
du trijumeau chez les Téléostéens paraît définitive, 

Ce maitre en anatomie del’appareil nerveux a publié 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 


un beau livre, très étendu : | « Anatomie du système 
nerveux de l’hommié », où il est intéressant notamment 
de lire la discussion, très serrée, mais très impartiale, 
de la structure fondamentale du tissu nerveux. Cet ou- 
vrage, qui eut quatre éditions successives en 1893, 1896, 
1 899 et 1907, a été suivi, én 1908, d’un manuel plus con- 
cis: « Les centres nerveux cérébro-spinaux. » Depuis 
1900, il publiait une revue, Le Névrare, consacrée non 
seulément à l’anatomie, mais aussi à la pathologie du 
système nerveux, revue où parurent nombre d'articles 
de lui et de ses élèves. 

Car van Gehuchten, après avoir achevé ses études de 
médecine, s'était consacré pendant les quinze dernières 
années à la neuropathologie et à l'art de guérir. 

Ce savant distingué était un homme de commerce 
agréable; sa mort prématurée, dans des circons- 
tances pénibles, en sera d'autant plus regrettée, 


V. W. 


$ 2. — Art de l'Ingénieur 


L'emploi des moteurs à naphtaline en 
Allemagne. — Par suite de la pénurie de combus- 
tibles liquides qui s’est fait sentir en Allemagne dès les 
premiers mois de la guerre, un grand nombre d'usines 
se sont trouvées dans l’embarras, en particulier les 
petites installations qui ne possédaient que des moteurs 
à explosion et ne peuvent utiliser la vapeur, Elles 
ont cherché à sortir de cette situation en recourant à 
d’autres combustibles, et beaucoup d’entre elles ont 
trouvé une solution dans l'emploi du moteur à naphta- 
line. 

Les premiers essais de construction de moteurs à 
naphtaline ont été tentés en France il y a une dizaine 
d'années, maissans résultats pratiques. Repris en Alle- 
magne récemment, ils ont abouti à la fabrication de 
machines d’un usage industriel, 

La naphtaline possède une très haute valeur calorifi- 
que; elle est facile à se procurer en grandes quantités 


1. Die Naturwissenschaften, t. III, n° 20, p. 
1915). 


258 (14 mai 


22 
ww 
(ep 


et à bon marché; elle constitue donc un combustible 
très avantageux. Maisc'estun corps solide, qui ne fond 
qu'aux environs de 80°. Pour l'utiliser dans les auto- 
mobiles, on a essayé à plusieurs reprises de la dissou- 
dre dans l’alcool et d'employer cette solution comme 
succédané du benzol. Mais cette méthode est beaucoup 
trop coûteuse pour les usages industriels. On a donc 
amené la naphtaline à l’état liquide par simple fusion. 

Le moteur à naphtaline ne se distingue des moteurs à 
benzol bien connus que par l’adjonction d’un disposi- 
tif de fusion pour la naphtaline. Dans ce but, on a em- 
ployé d'abord l’eau chaude ayant servi à la réfrigération 
du moteur; mais par ce moyen la naphtaline ne pou- 
vait pas être liquéfiée assez rapidement. Aujourd’hui 
on entoure le réservoir de naphtaline d’un manteau de 
vapeur, et l’on transforme en vapeur l’eau de réfrigéra- 
tion au moyen des gaz d'échappement encore chauds. 
Jusqu'à ce qu’il se produise assez de vapeur pour la 
fusion de la naphtaline, ce qui exige 20 à 30 minutes, 
le moteur doit être mis en mouvement avec un autre 
combustible, benzine ou gaz d'éclairage; ensuite on 
introduit la naphtaline. 

L'emploi d'un tel moteur est très simple; il tient peu 
de place et n’est pas susceptible d'explosion, On cons- 
truit des moteurs à naphtaline d'une puissance de 3 à 
20 chevaux ; ils ne consomment guère que 270-300 gr. de 
naphtaline par cheval-heure, valant 15 fr, les 100 kilogs, 
soit 4,5 centimes par cheval-heure. La naphtaline se 
transporte et s'emmagasine facilement, sans exiger les 
mêmes précautions que les hydrocarbures liquides. 

Les moteurs à naphtaline peuvent être employés à la 
commande des pompes et des dynamos, par exemple 
dans les petites usines hydrauliques et les petites cen- 
trales électriques. 


Les bombes incendiaires allemandes. — Le 
« Comité anglais de préservation contre les incendies », 
à la suite des raids des Zeppelin allemands sur les 
côtes britanniques, a entrepris une série de recherches 
sur les bombes incendiaires lancées par les dirigeables 
ennemis et les dégàts auxquels elles ont donné lieu. 
Le résultat de ces investigations vient de se traduire 
par la publication d'une petite brochure à l'usage du 
publie (Avertissement n° 17 A), qui contient la descrip- 


Fig. 1. 

L, poignée ; R, corde enroulée; C, coupe aplatie: I, dispo- 
sitif d'inflammation; T, thermite; E, matières inflamma- 
bles ou résineuses; M, phosphore blanc fondu. 


— Schéma d'une bombe incendiaire allemande. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


tion des bombes incendiaires et les meilleurs moyens 
à employer pour éteindre les feux qu’elles provoquent, 

La figure 1 représente la coupe d’une de ces bombes, 
de forme conique. Elle est entourée d’une corde R et 
pourvue d’une poignée en métal L au sommet. La base, 
d'environ 25 cm. de diamètre, est une coupe aplatie C, 
surmontée d’une cheminée métallique percée de trous 
qui porte à l'extrémité supérieure un dispositif d’in- 
flammation I. Cette cheminée est généralement remplie 
de thermite T, mélange bien connu d'aluminium et 
d'oxyde de fer, qui, après ignition, forme rapidement 
une masse de métal fondu, d’une température appro- 
chant de 3000°, qui est projetée de tous côtés par Île 
choc de la bombe sur un obstacle. En dehors de la 
cheminée se trouve une garniture conslituée par une 
matière très inflammable ou résineuse E, maintenue 
par la corde également très combustible, Ces matières 
dégagent une fumée piquante. On trouve aussi généra- 
lement dans le fond de la coupe du phosphore blanc 
fondu M qui développe des fumées nauséabondes. Dans 
quelques cas, les bombes renfermaient encore des 
copeaux de celluloïd et même un peu de pétrole. 

Ces bombes communiquent en général rapidement le 
feu aux habitations par suite de la violence des flam- 
mes et de la chaleur du métal fondu, Il est difficile 
d’éteindre l’incendie à l'endroit même où il a pris naïs- 
sance, mais on peut l'empêcher de se propager en ame- 
nant rapidement de l’eau en très grande quantité. Le 
sable et la terre meuble peuvent être de quelques se- 
cours en l'absence d’eau, mais ils ne possèdent pas 
l'effet réfrigérant nécessaire. Les personnes qui combat- 
tent l'incendie feront bien de se munir de masques res- 
piratoires. 


$ 3. — Physique 


L'ampoule à rayons X de Coolidge. — Le 
réglage du vide, à l’intérieur des ampoules radiogènes 
ordinaires, est d’une importance essentielle, dans la 
pratique de la radiologie. Un tube relativement peu vidé, 
mou, donne naissance à des rayons X facilement 
absorbés ; à mesure que la pression intérieure diminue, 
le pouvoir pénétrant des radiations jaillies de l'antica- 
thode s'accroît. Les rayons mous accusent, en radiosco- 
pie et en radiographie, de grandes différences entre 
l’opacité des os et la transparence des chairs, mais leur 
action est limitée aux organes peu épais. Les rayons 
durs sondent le sujet plus profondément et permettent 
d’abréger la pose photographique, mais révèlent moins 
de détails, En radiothérapie, il faut utiliser des rayons 
plus ou moins pénétrants, suivant la nature de la mala- 
die et suivant la profondeur de l’organe à soigner. 

Du reste, le vide convenable une fois obtenu est loin 
dese maintenir constant, Du fait même de son fonc- 
tionnement, le tube devient de plus en plus dur, le ré- 
sidu gazeux se fixant peu à peu sur les parois de lam- 
poule. Au delà d'un certain degré d'évacuation, le 
courant cesse de passer. On a bien imaginé des moyens 
de régénérer les tubes devenus trop durs; mais il était 
pratiquement impossible de produire à coup sûr des 
rayons X d’une qualité bien déterminée et d’en assurer 
l'émission constante au cours d'une longue séance. 

Le moyen d'éviter cet inconvénient a été trouvé dans 
le laboratoire de recherches de la General Electric Co, à 
Scheneectady, où MM. Langmuir et Coolidge avaient 
entrepris l'étude des particules électriques émises par 
les corps incandescents. 

M. Coolidge a réussi à produire des rayons X dans 
des tubes où règne un vide aussi parfait que possible 
(1/100° de micron, et même moins encore) obtenu au 
moyen de la pompe Gaede, La production de ces rayons 
exige, il est vrai, la présence préalable d'électrons, qui 
paraît inconciliable avec une évacuation poussée si loin ; 
mais on connaît aujourd’hui d'autres moyens que lechoc 
d'ions positifs sur la cathode pour libérer des électrons. 
Les corps incandescents en émettent également, et 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 327 


suivant une fonction de la température, ainsi formulée 
par Richardson : 


i étant le nombre d'électrons émis dans une seconde par 
le corps incandescent, T sa température absolue, e la 
base des logarithmes népériens, 4 une constante indi- 
quant la concentration des électrons sur le corps incan- 
descent, b le travail nécessaire pour produire des élec- 
trons à la surface du métal, 

Dans le tube de Coolidge, la cathode est formée d’un 
filament métallique chauffé par un courant électrique 
auxiliaire à basse tension, et les électrodes sont reliées 
à la source de haute tension, comme à l'ordinaire, On 
règle aisément l'intensité d'émission des électrons, en 
réglant le courant de chauffage de la cathode, 

Le tube est construit par M. Pilon, concessionnaire 
pour la France des brevets Coolidge. La figure 2 montre 
comment sont établies les connexions, L’anode A est 
faite d'un gros bloc de tungstène pesant environ 
100 grammes et présentant un large diamètre. Elle est 
supportée par un tube de molybdène ou d’un métal peu 
fusible, soutenu de façon à ne pas fléchir sous le poids. 
Ce support a aussi pour but de disperser, dans la mesure 
du possible, la chaleur dégagée, car l’anode fait oflice 
d’anticathode, Dans certains cas, le refroidissement est 
complété par une soufllerie ; le modèle représenté porte 
un refroidisseur à eau. 

La cathode C est une spirale en fil de tungstène, sup- 
portée par deux tiges en molybdène, Elle est reliée à une 
batterie d’accumulateurs B soigneusement isolée, car elle 
sera portée au potentiel cathodique. Une résistance R, 
également isvlée, permet de faire varier l'intensité du 
courant qui traversera la spirale de tungstène et de 
modifier la température, de manière à libérer plus ou 
moins d'électrons. 

Entourant la spirale, est un cylindre en molybdène 
relié au pôle négatif de la source à haute tension 
(bobine, contact tournant, elc.). Ce cylindre, dont la 
forme et les dimensions varient dans les divers modèles 
qui viennent d’être construits, sert à diriger le faisceau 
cathodique sur l’anticathode, en un point d'impact plus 
ou moins étendu. 

Le vide réalisé à l’intérieur de l’ampoule est tel que, 
même sous une différence de potentiel supérieure à 
100.000 volts, aucune décharge ne peut franchir l’inter- 
valle entre les électrodes, tant que la spirale cathodique 
n’est pas chauffée. Pour mettre le tube en marche, on 
ferme d’abord le circuit de la batterie sur la spirale de 
tungslène, on l'amène au degré d’échauffement néces- 
saire à l'émission voulne d'électrons, et, lorsqu'elle est 
sullisamment chaude, on fait passer le courant à haute 
tension en fermant l'interrupteur I 

Le tube Coolidge ne laisse passer la décharge que 
dans un sens, tant que l’anode est froide. Il peut donc 
fonctionner sur courants alternatifs, sans soupape spé- 
ciale, car les électrons négatifs issus de la spirale 
chauffée ne peuvent transporter qu'un courant négatif 
de C en A. Cependant, si l'anticathode s'échauffe outre 
mesure, la décharge passera aussi en sens inverse, Il 
sera donc préférable d'utiliser un courant de sens cons- 
tant, quand l’anticathode n’est pas parfaitement main- 
tenue froide, 

Le foyer d'émission anticathodique reste absolument 
fixe; il ne se produit point de rayons diffus, le verre ne 
devient fluorescent en aucun point et n'est le siège 
&'aucun échauffement local. Le tube pourrait parfaite- 
ment fonctionner pendant environ mille heures sans 
interruption. 

Les rayons X ainsi émis forment un faisceau homo- 
gène : leur pouvoir de pénétration est uniquement 
déterminé par le voltage aux bornes de l’ampoule et ne 
varie pas, tant que la tension reste constante, 

En élevant suflisamment la différence de potentiel 
entre les électrodes, on obtient des radiations dont la 


nature se rapproche plutôt des rayons du radium que 
des rayons X issus des ampoules à vide imparfait, Ces 
radiations, très pénétrantes, conviendraient tout parti- 
culièrement au traitement des tumeurs profondes et 
permettraient de réduire la durée des séances. 


[Il 


ea A 
Menœuvre de R 
Zinterruptsur\ 
Fig. 2. — Tube Coolidge-Pilon. Schéma des connexions 


A, anticathode; B, accumulateurs; C, cathode; I, inter- 
rupteur pour le filament; R, rhéostat; T, commande du 
rhéostat et de l'interrupteur; a, ampère-mètre pour la 
batterie; M, milliampère-mètre. 


En radiographie, il vaut mieux uliliser des rayons 
moins pénétrants ; mais, dans cette application, l'avan- 
tage resle encore au tube Coolidge, non seulement en 
raison de la régularité de son fonctionnement et de la 
fixité du point d'impact, mais aussi du fait dela suppres- 
sion de ces rayons secondaires qui sont la cause princi- 
pale de l’imperfection des radiographies pratiquées au 
travers de grandes épaisseurs. Les images du bassin, 
du genou et du thorax récemment obleaues par MM. Be- 
lot et Maxime Menard! marquent un progrès très appré- 
ciable sur les radiographies des mêmes régions exécu- 
tées à l'aide des tubes ordinaires. 


Ernest Coustet. 


Un nouvel isolant calorifique, le fibrox. — 
Au dernier congrès de la Société électrochimique amé- 
ricaine, tenu à Atlantic City et à Philadelphie du 22 au 
>4 avril, M. E. Weintraub, de la General Electric Co., 
de Lynn (Mass.), a présenté un nouvel isolant thermique 
très intéressant, dénommé fibrox, 

Cette substance à chimiquement la constitution d’un 
oxycarbure de silicium. Elle est surtout remarquable 
par sa structure fibreuse; le diamètre des fibres est de 
l’ordre de 0,6 à 0,3 micron, c’est-à-dire bien inférieur au 
diamètre des cheveux fins, Le fibrox peut être découpé 
en plaques, feuilles et anneaux consistants. 

La densité apparente de cette substance, tout en va- 
riant suivant les circonstances, est généralement com- 
prise entre 0,0025 et 0,0030. Elle consiste en 99,5 à 
99,9°/o d'air (remplissant les pores) et 0,5 à 0,1°/, de 
matière solide. Cette composition en fait le meilleur iso- 
lant thermique connu. D'autre part, c’est un conducteur 
électrique relativement bon, avee une conduectibilité 
comparable à celle des solutions électrolytiques. 


1. Comptes rendus,t. CLX, p. 450, séance du 6 avril 1915. 


328 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


$ 4. — Chimie industrielle 

Le rôle de la science dans la lutte contre 
l’industrie allemande. — La Société d’encourage- 
ment pour l'Industrie nationale vient d’inaugurer, au- 
près des industriels français, une enquête sur les moyens 
qu'ils comptent mettre en œuvre, après la guerre, pour 
lutter contre l’industrie allemande. A propos des ré- 
ponses déjà reçues, M. H. Le Chatelier vient de publier, 
dans le Bulletin! de cette Société, quelques remarques 
sur le rôle de la science dans la lutte contre l’industrie 
allemande, qu’il est bon de relever ici, 

Rappelant les efforts faits par M. Berlemont, prési- 
dent du Syndicat de la verrerie de laboratoire, pour se 
mettre en mesure de placer sur le marché français un 
certain nombre des objets de verrerie exclusivement 
fournis jusqu'ici par l'Allemagne, M. Le Chatelier mon- 
tre «qu'on ne peut obtenir de résultats sérieux sans 
payer comme ce dernier de sa personne, sans renoncer 
aux errements du passé. Un trop grand nombre d’in- 
dustriels semblent, au contraire, limiter leur horizon 
à l'établissement de nouveaux droits de douane, à la 
suppression de l’impôt sur l'alcool ou de la limitation 
de la journée ouvrière, à l'obligation pour les banques 
de soutenir plus eflicacement les industriels français, 
toutes revendications n’exigeant aucun effort de leur 
part et faisant présager pour les consommateurs, c’est- 
à-dire pour l’universalité des Français, le renchérisse- 
ment après la guerre de tous les objets de consomma- 
tion et la diminution de leur qualité. » 

Etudiant alors le mode normal du concours de la 
science à l’industrie, M. Le Chatelier, après avoir indi- 
qué que l'accord direct de l'industriel avec le savant, 
représenté par le professeur d’Université ou de grande 
Ecole travaillant dans un laboratoire de l'Etat, est pour 
le moment à peu près impossible, conseille à l’indus- 
triel de « prendre sous ses ordres et de payer comme 
employés des ingénieurs, des chimistes, capables de 
faire œuvre scientifique. Toute usine allemande, si 
petite soit-elle, a un laboratoire pour suivre sa fabrica- 
lion et contrôler la qualité de ses produits. Ce système 
a fait ses preuves de l’autre côté du Rhin, il peut être 
utilement employé chez nous. » À côté des laboratoires 
d'usines, il pourra y avoir des laboratoires de syndi- 
cats, travaillant pour toutes les usines d’une même in- 
dustrie, et dans certains cas les grands laboratoires 
nationaux pourront et devront collaborer avec les labo- 
ratoires de syndicats et même avec ceux d'usines pour 
les études d’un caractère tout à fait général. 

Cette intervention du laboratoire dans l’industrie 
moderne, qui est une des causes de la supériorité de 
l’industrie allemande, entraine certaines obligations 
indispensables, au premier rang desquelles M. Le Cha- 
telier place « la nécessité des connaissances théoriques 
et de la pratique du laboratoire chez les directeurs tech- 
niques des usines ». 

« L'utilisation systématique des laboratoires exige 
que le directeur technique d'une affaire ne soit pas un 
simple commerçant, comme cela arrive dans un trop 
grand nombre de nos industries. Il doit posséder non 
seulement des connaissances techniques et scientifiques 
étendues, mais avoir encore la pratique du laboratoire, 
Cela ne veut pas dire, bien entendu, qu’un chef d’in- 
dustrie doive travailler habituellement au laboratoire, 
mais il doit être capable de le faire. Faute de cette pra- 
tique, il sera absolument incapable d'utiliser son labo- 
ratoire, de lui donner les ordres indispensables, de sa- 
voir quels problèmes poser et comment les poser; son 
laboratoire lui coûtera très cher et ne lui rapportera 
rien. Cette préparation insuflisante de la plupart de nos 
chefs d'industrie explique les échees qu'ils ont trop sou- 
vent éprouvés lorsqu'ils ont tenté d'installer, dans leurs 
usines, des laboratoires à l'instar de ceux des Alle- 
mands ». Cette situation tient à une lacune très grave 


1. N° de mars-avril 1915, p. 174 et suiv. 


de notre enseignement, et une réforme importante s’im- 
posera si l’on veut arriver à donner la formation néces- 
saire aux fils d'industriels appelés à diriger de bonne 
heure les affaires de leur famille. 

« L'installation systématique des laboratoires dans 
les usines françaises, ajoute M. Le Chatelier, entraine- 
rait deux conséquences immédiates très importantes: 
l’abaissement du prix de revient et la possibilité de 
donner au consommateur des garanties de qualité. 

« Une des causes les plus importantes de l'élévation 
du prix de reviert est la proportion des déchets de 
fabrication, Par un contrôle incessant des conditions 
du travail, le laboratoire permet de supprimer dans une 
large proportion ces déchets, Personne au monde ne 
songerait aujourd’hui à conduire une fabrication d’acier 
sans se guider sur des dosages répétés de phosphore. 
On arriverait facilement sans cela à go°/, de déchets... 

« Le laboratoire permet en outre à l'industriel, par 
le contrôle incessant de sa fabrication, de donner au 
consommaleur des garanties très précieuses de qualité. 
Une fabrique de ciment avait fourni du ciment pour 
l'escalier de la Préfecture de C..…. Le ciment gonfla et 
l'escalier tomba en ruines au bout de quelques mois. 
Depuis, l'usine n’a jamais pu revendre son ciment 
comme tel;elle doit l’écouler sous le nom de chaux 
améliorée et le vendre par suite au prix de la chaux. 
De simples mesures d’invariabilité de volume eussent 
évilé ce désastre commercial, Les exemples semblables 
sont légion. » 

Et M. Le Chatelier de conclure: « Si nos industriels 
français veulent lutter contre la concurrence allemande, 
il faut qu'ils se décident à imiter ses méthodes de tra- 
vail, C’est une naïvelé de croire que l’on peut établir 
aujourd'hui des barrières infranchissables entre des 
états voisins. Prohiberait-on complèment l'entrée directe 
des marchandises allemandes qu’elles nous envahiraient 
de suite sous des marques neutres ou alliées. Le com- 
merce n’a pas de patrie... 

« La science française a toujours mârché en tête du 
progrès et devancé l'Allemagne. Pourquoi nos indus- 
triels français ne prendraient-ils pas une situation ana- 
logue vis-à-vis de leurs concurrents allemands? L'élec- 
tricité, les mines, la métallurgie, les chemins de fer, 
certaines branches de la construction mécanique et des 
grands produits chimiques sont déjà à hauteur; que les 
autres industries emboitent le pas à leur tour, 

« Mais pour cela, je le répête en terminant, il faut 
absolument arriver à former chez nous des chefs d’in- 
dustrie rompus à l’usage des méthodes scientifiques de 
travail, familiers avec la pratique du laboratoire. Faute 
de cette formation, il est impossible d'utiliser avanta- 
geusement un personnel scientifique en sous-ordre, de 
faire rendre les laboratoires ». 

La compétence et l'autorité de M. H. Le Chatelier en 
matière de science et d'industrie recommandent ces 
conclusions à la sérieuse attention des industriels 
français. 


$ 5. — Géologie 


Découverte de bactéries algonkiennes. — 
Bernard Renault a le premier mis en évidence la pré- 
sence de nombreuses bactéries fossiles dans des débris 
animaux et végétaux depuis les couches dévoniennes 
jusqu'à la partie supérieure des terrains tertiaires. 
M. Ch. D, Walcott, secrétaire de la Smithsonian Institu- 
tion, vient de signaler l'existence de bactéries dans des 
terrains encore plus anciens?. 

Etudiant les dépôts d'algues prépaléozoïques du cal- 
caire de Newland (Montana central), il avait été amené 
à penser que les bactéries ont été le facteur le plus im- 
portant dans le dépôt de cette formation algonkienne. 


1. B. RenaurT: Les Bactéries fossiles et leur œuvre géo- 
logique. Revue gén. des Sc.du 15 oct. 1896, t. VII, p. 804. 
2. Proc. ofthe National Acad. of Sciences, t. I, p. 256: 1915. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 329 


Des sections minces ont été préparées dans une forme 
d’algue appartenant au genre Gallatinia, et des bacté- 
ries ont été découvertes dans la plupart d’entre elles. 
Ces bactéries consistent en cellules individuelles et en 
chaines apparentes de cellules, qui correspondent par 
l'aspect physique à des cellules de Micrococcus, M. Wal- 
cott poursuit l'étude de ces organismes intéressants. 


S 6. — Agronomie 

L'emploi des substances radio-actives 
comme engrais. — La Aevue a signalé autrefois à 
ses lecteurs les résultats plus ou moins contradictoires 
obtenus par l'emploi des substances radio-actives 
comme engrais !, Etant donnée l'importance de cette 
question, le Bureau des Sols du Département de l'Agri- 
culture des Etats-Unis a chargé M. W. H. Ross d'en 
reprendre l'étude, et celui-ci vient de faire connaître les 
conclusions de ses recherches ?. 

Son attention a été particulièrement appelée sur une 
nouvelle substance, mise récemment dans le commerce 
sous le nom d'engrais et qui consiste dans le résidu des 
minerais d'uranium après extraction de ce métal ou dans 
les minerais de radium-uranium à trop faible teneur 
pour être utilisés à l'extraction du radium. On reven- 
dique pour cette substance, en raison de son activité, un 
effet marqué de stimulation sur la croissance des plan- 
tes, en mélange avec une quantité relativement grande 
d'engrais types et appliquée à raison de 10 à 25 kilogs 
par hectare. 

Si l’on considère les faits suivants : 1° que la plus 
grande quantité de radium qui puisse entrer dans un 
minerai s'élève à 0,00003 °/, seulement ; 2° que l'intensité 
des rayons du radium est limitée par la quantité de ra- 
dium présente ; 3° que Lous les rayons, comme les sub- 
stances chimiques, doivent dépasser en intensité ou 
concentration une certaine valeur limite pour produire 
des résultats notables, où même un résultat quelcon- 
que ; 4° que le radium coûte 600,000 fr. le gramme ; 5° que 
l’activité du radium ou de tout autre radio-élément ne 
peut être accrue par aucun trailement, mais reste la 
même à quel état de combinaison qu'il se trouve, — il 
semble impossible que le radium ou l’un de ses produits 
puisse avoir aucune application économique comme en- 
grais dans l'agriculture générale, et encore moins que 
l’engrais dit radio-actif ait une valeur quelconque au 
point de vue de sa radio-activité, car la quantité de ra- 
dium déjà présent dans le sol sur un pied de profondeur 
par hectare esten moyenne 100 fois plus élevée que celle 
qui est contenue dans la proportion d'engrais radio- 
actif généralement recommandée pour être répandue 
sur la même surface. Ù 

Des expériences ont été entreprises sur l'influence 
des radio-éléments extraits de leurs minerais sur la ger- 
mination des graines et la croissance des plantes, Il en 
résulte que, dans la recherche botanique et peut-être 
dans la culture en serres, là où le but atteint peut justi- 
fièr la dépense, l'emploi des radio-éléments est suscepti- 
ble d’avoir une grande valeur. 

M. Ross a enfin reconnu que l’action de l’uranium sur 
les plantes est due à ses propriétés chimiques plus qu'à 
sa radio-activité, et les résultats contradictoires obtenus 
avec des engrais radio-actifs de différentes sources 
s’expliquent sans doute par le fait que la radio-activité 
de la substance a seule été considérée, sans égard à la 
présence ou à l'absence d'uranium ou d’autres consti- 
luants non radio-actifs comme des sels solubles ou des 
acides libres. 


Influence de l'orientation des lignes sur 
le sol sur la récolte des betteraves 
sucrières. — De 1880 à 1882, M. G. Marck, de 


1. D. Zozra: Revue annuelle d'Agronomie, Rev. gén. des 
Se. du 15 octobre 1913, t. XXIV, p. 732-735. 

2. Bulletin 149, U. S. Dep. of Agric., Bureau of Soils, et 
Chem. News, t. CXI,p. 233 et 242; 14 et 21 mai 1915. 


Koenigsberg, avait affectué des expériences en vue de 
déterminer si la direction des lignes des betteraves 
à sucre a une influence sur la récolte. L'étude de cette 
question, laissée ensuite de côté, a été reprise récem- 
ment par M. Greisenegger, qui a fait, dans des condi- 
tions essentiellement différentes, de nouvelles expé- 
riences à la Station de Ober-Siebenbrunn, en Basse- 
Autriche !. Comme distances entre les plantes et entre 
les lignes, il a choisi celles en usage dans la région; 
pour la fumure, il est resté dans les limites de la cul- 
ture pratique. La disposition des lignes sur le champ 
d'expériences a été tantôt E W, tantôt NS. 

Tant que le sol fut dépourvu ou à peine couvert de 
végétation, l'influence de la direction du vent ne se 
manifesta guère. Mais, à mesure que les betteraves 
croissaient, que le système foliaire se développait et 
que le terrain en était ombragé dans une plus large 
mesure, les directions des lignes de culture commen- 
cèrent à avoir une influence plus sensible, Les vents 
qui soufflaient dans une direction parallèle aux lignes 
pouvaient traverser toute l'étendue du champ en per- 
dant très peu de leur vitesse, car ils ne rencontraient 
que peu de résistance dans les larges intervalles entre 
une ligne et l’autre. Ils déplaçaient les masses d’air 
saturées d'humidité se trouvant tout près äu sol, et, 
en passant entre les lignes, ils pouvaient absorber 
une quantité de vapeur d’eau d'autant plus considéra- 
ble qu’ils étaient encore éloignés du point de saturation. 
Il en est tout autrement des courants d’air soufllant 
perpendiculairement aux lignes de betteraves. Le fait 
que l’écartement des plantes sur les lignes n’était 
guère que la moitié de l’écartement des lignes consti- 
tuait déjà un obstacle au passage des courants d'air 
sur les parcelles. Comme les plantes n'étaient pas dis- 
posées en rectangle, mais qu'en général l'intervalle 
entre deux plantes d'une ligne correspondait à une 
plante de la ligne voisine, le vent à direction perpendi- 
culaire, dont le passage était entravé par la muraille 
de feuilles, était forcé de remonter et de passer au-des- 
sus des lignes mêmes, sans troubler la couche d’air 
stagnant comprise entre celles-ci. 

11 est certain que les vents frais du nord et les vents 
chauds du midi relativement fréquents, surtout à 
l’époque où les betteraves ont le plus grand besoin 
d’eau, et de plus secs, ont porté un plus grand préju- 
dice à ce facteur essentiel de la végétation, sur les 
lignes de betteraves dirigées dans le même sens qu'eux 
que ne l’ont fait les vents de l’ouest et de l’est. 

En admettant que, dans les conditions données, la 
quantité d’eau présente aurait dû déterminer la mesure 
de la production de matière organique, il était à pré- 
voir que le rendement des lignes dirigées de l’est à 
l’ouest serait plus élevé que celui des lignes à direction 
nord-sud. Les résultats de l’auteur confirment cette sup- 
position; il est done incontestable que le changement 
de direction des lignes a pour effet une augmentation 
ou une diminution de la production de matière orga- 
nique. 

Pour en apprécier la valeur économique, M. Greisen- 
egger a calculé les rendements pour la superficie de 
1 hectare, La même variété de betteraves, cultivée en 
lignes dirigées de l’ouest à l’est, toutes les autres con- 
ditions d’accroissement restant les mêmes, donne un 
rendement dépassant de 19,4 quintaux par hectare, 
soit d'environ 9 °/,, le rendement obtenu avec les 
lignes de culture dirigées du nord au sud. Dans le 
rendement en sucre, il y eut un excédent de 2,9 quin- 
taux par hectare, et dans la masse des feuilles un 
excédent de 129.5 quintaux. En évaluant le quintal de 
betteraves à 2 fr. 10 et celui de feuilles fraiches à 
fr. 0,42, on obtient comme valeur totale des excédents 


1. Oesterr.-Ungar. Zeitschr. fur Zuckerind. und Landwirt- 
schaft,;t. XLIV, n°1,p. 14-22: 1915, analysé dans le Bull. mens. 
des renseign. agricoles de l’Inst. internat. d'Agric., t. VI, n°5, 
p- 7250-52; mai 1915, auquel nous empruntons les renseigne- 
ments ci-dessus, 


330 


95 fr. 13 par hectare. Ce bénéfice n’a nécesssité aucun 
supplément de frais; c’est un bénéfice net, procuré par 
l'adoption d'une règle de culture très simple: une 
direction donnée dans le tracé des lignes, 

L’agriculteur a donc intérêt à étudier attentivement 
la question de la direction à donner aux lignes de cul- 
ture. 11 faudrait déterminer pour chaque localité la 
direction la plus favorable, car il est bien possible que 
des conditions locales, telles que la position des mon- 
tagnes, le voisinage des grandes nappes d’eau, etc., 
aient une influence considérable dans un sens ou dans 
l’autre. 


" 


$ 7. — Sciences médicales 


La transmission de la malaria par les 
moustiques aux Philippines. — Deux savants 
américains, MM. £. L. Walker et M. A. Barber, du La- 
boratoire biologique Au Bureau des Sciences de Manille, 
se sont attachés depuis quelques années à l’étade expé- 
rimentale de latransmission de la malaria par les mous- 
tiques, et ils sont arrivés à des conclusions, les unes 
d'importance générale, les autres concernant plus spé- 
cialement les Philippines, qu'il nous paraît intéressant 
de reproduire ici!. 

Pour MM. Walker et Barber, le rôle joué par une es- 
pèce d’Anopheles dans la transmission dela malaria dans 
une contrée quelconque dépend principalement : 1° de 
sa susceptibilité à l'infection, 2° de sa distribution géo- 
graphique et de sa prépondérance, 3° de son avidité 
pour le sang humain, 4° de sa domesticité. 

Parmi ces facteurs, la susceptibilité est d'importance 
fondamentale. Il est certain qu’un moustique réfractaire 
ou faiblement susceptible à l’infection par le parasite 
malarien sera, quelle que soit sa prépondérance ou sa 
distribution étendue, de nulle ou de faible importance 
pour la transmission de la malaria; d'autre part, une 
espèce très susceptible, quoique moins abondante, peut 
jouer un rôle capital dans la dissémination de l’affec- 
tion. Ainsi, l’Anopheles rossii a été recueilli par Ste- 
phens et Christoffers dans les maisons indigènes de cer- 
taines régions de l’Inde en beaucoup plus grand nombre 
que l'A. culicifacies; mais, tandis que cette dernière es- 
pèce est infectée naturellement par les parasites mala- 
riens dans la proportion de 4 à 160/,, on n’a pas trouvé 
un seul 4. rossii infecté. Ces auteurs concluent donc 
que l'A: rossii, quoique plus abondant, joue un rôle 
subordonné,tandis que l'A. culicifacies moins nombreux 
possède le principal rôle dans la transmission de la 
malaria dans ces régions. 

Une espèce rare ou limitée à certaines régions ou alti- 
tudes peut, quoique très susceptible, avoir peu d’im- 
portance dans la dissémination de la malaria sur l'en- 
semble d’une région, Une espèce comme l'A. ludlowii, 
qui se nourrit surtout au bord de la mer, n’aura que 
peu d'importance dans les régions de l’intérieur. L’A. 
maculatus, qui est surtout un moustique de hautes alti- 
tudes, ne jouera guère de rôle dans une contrée basse, 
et un Anophèle qui ne s'adapte pas à des conditions et 
des altitudes diverses jouera un rôle moindre dans une 
contrée à topographie, végétation et altitudes variées. 
Un Anophèle ne doit donc pas seulement être suscepti- 
ble, mais prépondérant et de distribution étendue pour 
être de première importance dans l’épidémiologie de la 
malaria dans une contrée. 

Les Anophélinés présentent de grandes variations dans 


1. Philippine Journ. of Science, t. IX, sect. B, n° 5, pp 
381-438 : sept. 191% (paru en mars 1915). 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


leur avidité pour le sang humain. Schuffner (1902) n'a 
pu forcer des spécimens d’une espèce qu'il expérimentait 
à piquer et à sucer le sang de l’homme; par contre, une 
autre espèce présentait une voracité intense pour le 
sang de l’homme. Il est clair qu'un Anophèle qui a une 
forle tendance à chercher et à piquer l’homme sera, 
toutes choses égales d’ailleurs, plus apte à transmettre 
la malaria qu’une espèce moins avide de sang humain. 

Certaines espèces d’Anophélinés, comme l'A. rossii, 
peuvent êtie appelées « espèces domestiques » — quoi- 
qu'à un moindre degré que le Stegomya calopus où 
certaines espècesde Culex — puisqu’ellesse reproduisent 
au dehors près des habitations humaines; d’autres es- 
pèces, comme celles du groupe Wysorhynchus, peuvent 
êlre désignées par le terme de « moustiques sauvages », 
carelles viventet sereproduisent dans la forêt. Les autres 
choses étant égales, ilest probable que plus les espèces 
sont domestiques, plus elles sont importantes dans la 
transmission de la maläria, à cause de la plus grande 
opportunité qui leur est offerte de piquer et de sucer le 
sang de personnes malariennes etsaines. Toutefois, dans 
la plupart des contrées lropicales, spécialement en de- 
hors des villes, l'importance de ce facteur est plus ou 
moins neutralisée par les coutumes des natifs, qui con- 
struisent généralement leurs habitations à la lisière des 
forêts ou au bord des rivières, pour se mettre à l'ombre 
ou être à portée de l’eau; ils sont alors plus suscepti- 
bles d’être piqués par les moustiques des forêts. 

Les auteurs ont essayé d'appliquer ces considérations 
générales aux Anophèles qui jouent un rôle dans l’épi- 
démiologie de la malaria aux Philippines et voici quel- 
ques conclusions préliminaires relatives à 3 espèces 
qu'ils ont plus particulièrement étudiées: 

L'Anopheles maculatus est probablement une espèce 
peu susceptible, semi-sauvage, à avidité modérée pour 
le sang humain; mais, par suite de sa distribution très 
locale, il joue sans douteun faible rôle dans la transmis- 
sion de la malaria aux Philippines, surtout dans les 
terres basses. 

L’A. sinensis possède une susceptibilité faible, sinon 
négative. D’après la littérature, comme d’après les ob- 
servations des auteurs, il est extrêmement localisé aux 
Philippines; il est rare et relativement sauvage. Aussi, 
quoique les expériences montrent qu'il possède une avi- 
dité relativement grande pour le sang humain, il est 
probable que son rôle dans la transmission de la mala- 
ria aux Philippines est négligeable. 

L'A. barbirostris est relativement sauvage et a la plus 
faible avidité pour le sang humain. Il aune distribution 
plutôt étendue, mais sa susceptibilité à l'infection par 
les parasites malariens est faible. Son rôle est donc tout 
à fait subordonné. 

L'A, rossii est l’un des plus domestiques des Anophè- 
les, avec une avidité relativement élevée pour le sang 
humain. Il est très largement répandu, surtout le long 
des côtes et dans les terres basses, et il est prépondé- 
rant, Sa susceptibilité à l'infection est plutôt faible. Il 
est possible que cette espèce joue un certain rôle dans 
la dissémination de la malaria, spécialement le long des 
côtes. 

Enfin, l’A. febrifer est à la fois une espèce sauvage et 
domestique, tout au moins là où il peut se reproduire 
à l'ombre, avec une avidité relativement élevée pour le 
sang humain. C’est la plus susceptible des 5 espèces exa- 
minées et probablement de toutes les espèces philippi- 
nes. Si des observations encore en cours d'exécution 
prouvent qu'il est aussi largement répandu dans tout 
l'archipel que dans la province de Laguna, l'A. febrifer 
serait le principal agent de propagation dela malaria 
aux Philippines. 


DM TRS PUS ne UT 


Gusrave REGELSPERGER. — LES COLONIES ALLEMANDES 331 


LES COLONIES ALLEMANDES 


LEUR SITUATION AVANT LA GUERRE ET LEUR AVENIR 


Si débordante qu'ait été de tout temps la race 
germanique, ce n’estque tardivement qu’elle s’est 
constituée un domaine colonial. C’est vers des 
pays étrangers, au milieu desquels les Allemands 


s'établissaient, que les courants d’émigra- 
tion les ont longtemps portés, et on les à 


vus créer, en Amérique par exemple, des cen- 
tres de colonisation que l’on a très justement 
qualifiés de colonies spontanées, alors que plus 
tard l’évolution de leur politique devaitles ame- 
ner à fonder des colonies véritables, auxquelles 
convenait par opposition le nom de colonies im- 
périales! et qui furent officiellement appelées 
« Territoires de protectorat », Schutzgebrete. 

A la veille de la guerre actuelle, qui a mis aux 
prises les plus grandes puissances de l’Europe, 
l'Allemagne était parvenue à posséder un empire 
colonial important et en même temps assez bien 
réparti sur le globe pour fournir à sa politique et 
à son commerce des points d’attache favorables 
dans toutes les parties du monde. Il portait sur 
l'Afrique, l’Asie et l'Océanie. 

La population européenne totale des colonies 
allemandes s'élevait, au 1e janvier 1912, au chif- 
fre de 23.342 individus, dont la majeure partie 
était fixée dans le Sud-Ouest africain. Mais 
l'Allemagne n’était pas parvenue, malgré ses 
efforts, à l’accroitre autant qu’elle l'aurait voulu, 
ses colonies n'étant pas à proprement parler des 
colonies de peuplement, et c’est plus encore à 
travers les pays étrangers qu'avait continué à se 
répandre le surcroit de sa population. 

L'Allemagne avait cependant mis tous ses 
soins à assurer la meilleure organisation possi- 
ble de ses colonies et leur développement éco- 
nomique. Elle s'était donné pour tâche de les 
doter d'un ample réseau de voies ferrées, qui 
n'était pas éloigné d'atteindre une longueur 
totale de 4.500 kilomètres. En 1908, avait été créé 
l’Institutcolonial de Hambourg, comprenant une 
école supérieure et un office central dont le rôle 
était de concentrer tous les efforts scientifiques 


1. Henri HAusER : Colonies allemandes impéria!'es et spon- 
tanées (Paris, 1900). — En dehors de cet ouvrage qui, malgré 
sa date, est resté l’un des meilleurs à consulter sur les colonies 
allemandes, on se reportera utilement aussi aux chroniques de 
M. Camille ManriN dans l'4/rique Française et dans la Quin- 
zaine coluniale, Spécialement, sur les colonies d'Afrique, il a 
publié : « Les trente années de la colonisation allemande en 
Afrique », dans l'Afrique Française, janvier-février 1915, Ren- 
seignements coloniaux, p. 3-18. 


el économiques en matière coloniale !. Aussi, le 
mouvement commercial des colonies a-t-il été, 
dans son ensemble, toujours croissant. De 58 mil- 
lions de marks en 1900, il était passé cinq ans 
plus tard à 99, et avait atteint 443.000.000 marks 
en 1912, dont 248.500.000 pour les importations 
et 194.800.000 pour les exportations. 

Jetons un regard sur l’état dans lequel se trou- 
vaient les diverses colonies allemandes avant la 
guerre et sur les prévisions d'avenir qu'offrent 
leurs territoires. 


1. — CoLonies D'AFRIQUE 


C'est en Afrique que l'Allemagne détenait les 
possessions les plus étendues. Ses quatre colo- 
nies représentent ensemble plus de 2.667.000 
kilomètres carrés. La part de celles de l’ouest, 
sur ce total, est de 87.200 pour le Togo, 750.000 
pour le Cameroun, 835.100 pour le Sud-Ouest 
africain. L'Afrique orientale allemande, la plus 
vaste des quatre, couvre 995.000 kilomètres carrés. 
$ 1. — Togo 


Resserré entre la colonie française du Daho- 
mey à l’est, etla Côte d'Or britannique à l’ouest, 
le Togo ou Togoland s'étend depuis le littoral 
jusqu’au 11° lat. N., mais, malgré les efforts des 
explorateurs allemands, son hinterland n'avait 
pu être poussé jusqu'au Niger, ce qui ne pouvait 
manquer de lui être défavorable. 

Le Togo est très inégalement fertile; il le doit 
à la nature deson sol et à son climat?. En arrière 
d’une zone de sable et de lagunesétroites, s'étend 
une vaste plaine ondulée, au climat tropical et 
aux pluies équinoxiales, la savane, pays riche en 
forêts etpropreaux cultures arborescentes, coco- 
tiers, cotonniers, baobabs et surtout palmiers à 
huile. Par endroits, les indigènes se livrent aussi 
à des cultures variées de céréales et de légumes. 
Une steppe aride sépare cette zone littorale de 
la région montagneuse s'étendant plus au nord. 

Les chaînes que celle-ci présente sont orien- 
tées du nord-est au sud-ouest; hautes de 700 à 


1. W. HeRkeNROTu : L'Institut colonial de Hambourg (Bul- 
letin de colonisation comparée, Bruxelles, 20 juillet 1914, 
p. 302-316). 

2, Voir: Camille MARTIN, dans La Quinzaine coloniale, 
25 juin 1913, p. 426, d'après Fr. HuvreL, directeur de la 
Cie allemande du Togo (article des Xolontale Monatsblätter). 


332 


Gusrave REGELSPERGER. — LES COLONIES ALLEMANDES 


800 mètres, elles sont constituées par des mica- 
schistes et des quartzites. La partie orientale du 
pays est généralement faite de gneiïss et de gra- 
nite:; à l’ouest, au contraire, on rencontre des 
terrains de formation plus récente où dominent 
surtout le grès et l’argile schisteuse. Les pluies 
sont abondantes, Tandis qu’il tombe de 700 à 800 
millimètres en moyenne sur le littoral, la hauteur 
de pluie atteint 1.500 millimètres au pied des 
montagnes et même un peu plus dans la région 
élevée du centre ; dans le nord, ce chiffre descend 
à 1.000 millimètres. Comme le sol est en même 
temps peu perméable, ilya de nombreuses sources 
dans la région centrale et beaucoup de rivières. 

L'intérieur du pays présente de vastes steppes, 
mais est couvert aussi de grandes étendues de 
forêts et les cultures auxquelles il peut le mieux 
se prêter sont les cacaoyers, les caféiers, les lia- 
nes à caoutchouc. Mais, de toutes les ressources 
du Togo septentrional, celle qui peut avoir le plus 
d'avenir est l'élevage. Le directeur de la com- 
pagnie allemande du Togo, Fr. Hupfel, estime 
qu'il offre un champ d’activité à peu près illimité. 
On comptait au Togo, en 1911 : 4.200 têtes de 
gros bétail, valant 311.000 marks, 12.200 têtes de 
petit bétail, valant 403.000 marks, et 3.800 vola- 
tiles, d’une valeur de 3.800 marks. Mais, jusqu'ici, 
cet élevage a été exclusivement pratiqué par les 
indigènes, très mal expérimentés, et l’Adminis- 
tration allemande n'avait rien fait pour l’amé- 
liorer et le développer. Ce n’est pas à dire que le 
Togo ne puisse, si l’on prend des mesures conve- 
nables, se prêter à un beaucoup plus grand 
accroissement de la production agricole qui est 
encore en majeure partie aux seules mains des 
noirs. l'allemand Hupfel affirme lui-même que 
la colonie contient, en abondance, des terres pou- 
vant servir à des plantations. L’explorateur von 
François estimait jadis que la région élevée du 
Togo, avec son climat plus sain, ses bois et ses 
brousses, pouvait devenir la plus riche de la colo- 
nie, si des communications faciles la mettaient 
en relation avec la côte. 

Déjà trois lignes de chemin de fer desservent 
le sud et l’est de la colonie : celle de Lomé à 
Palime, longue de 122 kilomètres ; celle de Lomé 
à Atakpamé, 175; celle de Lomé à Anecho, 44. 
Leursrecettes, en y comprenantcelles du wharf de 
Lomé, se sont élevées, en 1912, à 552.000 marks. 
Mais le Togo n’a guère de voies navigables que le 
Mono en aval de Togodo, et la Volta, dont l’em- 
bouchure est anglaise; ilmanque de port naturel 
et d'autre part, faute d’un hinterland suffisant, 
ses routes de caravanes sortent du territoire alle- 
mand pour atteindre la grande voie naturelle du 
Niger. 


Cette dernière considération ne rendait pas 
favorable le développement de l'élevage, qui n’est 
possible que dans le nord; c’est là que vivent 
quelques familles foulbé. Dans le centre et plus 
au sud, la mouche tsétsé est abondante; on ne 
peut y faire d'élevage ni amener le bétail du nord 
vers la côte. 

Aussi les Allemands ont-ils de préférence fait 
porter leurs efforts sur certaines cultures comme 
celles du palmier à huileet du caoutchouc. Leurs 
produits occupent la première place dans les ex- 
portations, puis viennent le coton, le cacao!, le 
chanvre sisal, le capok, le copra; on peut cultiver 
aussi le kolatier, le citronnier, l'ananas. 

Le commerce total du Togo a atteint, en 1913, 
19.768.784 marks, dont 10.631.155 pour les impor- 
tations et 9.137.629 pour les exportations, ce qui 
constitue un certain fléchissement par rapport à 
l’année précédente. L'année 1913 a vu en effet se 
produire une baisse notable sur certains produits, 
notamment sur les noix de palme dont l’exporta- 
tion, évaluée à 11.639.000 kilogrammes en 1912, 
est tombée à 7.139.000 en 19143, et sur l'huile de 
palme, qui est descendue de 3.337.000 kilo- 
grammes à 4.173.000; il y a eu baisse également 
sur l'exportation du caoutchouc et du bétail. Par 
contre, le maïs a progressé d’une année à l’autre 
de 1.365.000 kilogrammes à 3.583.000 et le cacao 
de 283.000 kilogrammes à 335.000?. Ce dernier 
produit a fait de grands progrès au Togo. Pen- 
dant les quatre premiers mois de 1914, son expor- 
tation a atteint 273.592 kilogrammes, soit le 
double de la période correspondante de 1913. 

. Mais, de quelque manière que le Togo soit rat- 
taché plus tard aux colonies qui le touchent, la 
production de ce territoire et son mouvement 
commercial ne peuvent manquer de recevoir une 
très forte extension le jour où, cessant d’être 
une enclave sans issue, il bénéficiera de voies 
d'accès qui aujourd’hui ne lui sont pas librement 
ouvertes. 


$S 2. — Cameroun 


Le Cameroun offre une situation géographique 
plus favorable que le Togo au point de vue de ses 
débouchés. Au nord, il touche au lac Tchad et, 
depuis la convention du 4 novembre 1911, il 
s'étend à l’est, par deux antennes qui coupent 
notre territoire, jusqu'à l'Oubangui et au Congo. 
Les territoires alors cédés par la France n’ont pas 
moins de 250.000 kilomètres carrés d’étendue. 


1. Gordian, XX® année, n° 470, p. 7664-7665, Hambourg, 
30 novembre 1914. 
9, D'après un rapport consulaire anglais (L'Afrique Française, 


avril 1915, Renseignements coloniaux, p. 72). 


Gusrave REGELSPERGER. — LES COLONIES ALLEMANDES 333 


Mais les Allemands eurent de grands efforts à 
faire pour pénétrer l'hinterland du Cameroun 
vers le nord, car il était barré par la grande 
forêt et habité par des populations hostiles. De 
nombreuses missions furent envoyées pour élu- 
dier l'intérieur du pays et y faire dominer l’in- 
fluence allemande. Parmi les dernières explora- 
tions d'un caractère scientifique, intéressantes 
au point de vue de la géographie et de la géolo- 
gie, on peut citer celles du Dr $S. Passarge, 
d'Esch, de Guillemain, et en 1907-1908, de Has- 
sert et KF. Thorbecke, envoyés par le Reichs- 
Kolonialamt!. 

Le Cameroun présente, dans sa partie ouest 
et nord-ouest, une importante série de forma- 
tions volcaniques que ces missions ont explorées 
et étudiées. Le mont Cameroun, proche de ia 
côte, s'élève à 4.055 mètres, et son activité per- 
siste encore, puisqu’une forte éruplion a eu lieu 
en 1909. Plus au nord, d’autres dômes volcaniques 
sontle mont Muti, qui atteint environ 3.000 mè- 
tres, le Manenguba, haut de 2.110 mètres, et qui 
est essentiellement constitué par du trachyte et 
du basalte; puis on remonte l’Adamaoua, où 
quelques sommets, le Tadim, le Sara, dépassent 
2.000 mètres. Dans la partie occidentale des 
massifs volcaniques, du côté de Tinto et de Ba- 
moum, se trouve une région lacustre qui estcon- 
stituée par de nombreux lacs de cratères; le 
voyageur HHassert en a étudié en détail sept, dont 
il a donné de véritables monographies. 

La zone cotière, que traversent de nombreux 
canaux unissant les estuaires des fleuves, forme 
un marécage très malsain, bordé de forêts inon- 
dées. Dès que l’on atteint les premières pertes 
montagneuses, on se trouve en pleine forêt tro- 
picale, qui monte jusqu’à 2.000 mètres, et dont 
les fourrés impénétrables sont remplis de bao- 
babs, de cotonniers, de manguiers, de caféiers 
sauvages, de kolatiers, de lianes à caoutchouc. 
Au sortir de la forêt, on débouche dans la savane 
qui s'étend à perte de vue, possédant seulement 
quelques lignes d’arbres le long des fleuves. 

Les conditions climatériques varient avec ces 


1. Berichte über die landeskundliche Expedition der Herren 
Hassert und Thorbecke in Kamerun (Mitteilungen aus den 
Deutsch Schutzgebielten, XXI, 1908, p. 3-12, 157-162, 189-199); 
Kurt Hasserr : Vorlaüfiger Bericht übei einige Ergebnisse der 
Kamerun-Expedition 1907-8 des Reichs-Kolonialamtes (Geogra- 
phische Zeitschrift, XIV, 1908, p. 625-628); Forschungs Expe- 
dition ins Kamerun-Gebirge und ins Hinterland von Nordwest- 
Kamerun (Zeitschrift der Gesellschaft für Erdkunde zu Berlin, 
1910, p. 1-35); Das Kamerungebirge (Mitt. aus den Deutsch 
Schutzg., XXIV, 1911, p. 55-112, 127-181); Seenstudien in 
Nord-Kamerun (Zeilsch. der Ges. fur Erdk. zu Berlin, 1912, 
p-. 7-41, 135-144, 203-216). — Voir aussi : Paul Lemoine, Ré- 
centes explorations au Cameroun (Za Géographie, tome XVIIT, 
1908, p. 403-406; Annales de Géographie, tome XVII, 1908, 
p. 469-470), 


diverses zones. Sur la côte, le climat est tropical. 
Les pluies sont très abondantes au Cameroun. 
Des observations faites pendant près de dix ans 
à Debundscha ont révélé une hauteur moyenne 
annuelle de pluie de 10.450 mill., répartie sur un 
total de 263 jours de pluie; à part quelques en- 
droits des Indes, c'est le chiffre le plus élevé de 
pluie observé jusqu'ici. 

Le Cameroun est très riche en produits natu- 
rels, mais jusqu'ici les Allemands n’ont guère 
pu mettre en valeur que la région forestière du 
littoral, et il est permis de croire que les bassins 
de la Sangha et du Logone, ainsi quel’Adamaoua, 
peuvent fournir de fructueux terrains de culture. 
Quant au nouveau Cameroun, constitué aux dé- 
pens de notre Congo, les Allemands ne cessent, 
dans de nombreux travaux récents, de louer sa 
valeur. 

Le mouvement commercial du Cameroun a at- 
teint, en 1912-1913, 52.500.000 marks, dont 
23.300.000 pour les exportationset, sur ce chiffre, 
le caoutchouc sauvage compte pour 11 millions 
et demi, les amandes et l'huile de palme pour 
6 millions et demi. Mais, en même temps, une 
grande extension a été donnée aux plantations, 
qui couvrent aujourd'hui 28.200 hectares et occu- 
pent 17.800 indigènes. C’est le cacaoyer qui a 
pris le plus de développement (13.160 hectares); 
sa production a représenté, en 1912-1913, 
4.240.000 marks. On cultive aussi des plantes à 
caoutchouc et des palmiers à huile, des caféiers, 
du tabac. Comme autre produit important, il 
faut citerl'ivoire. Les richesses minérales ont été 
étudiées, mais sans qu'on puisse enregistrer 
encore de réel résultat pratique ?. 

La population du Cameroun varie avec les ré- 
gions *. Dans la zone forestière, elle appartient à 
la race bantoue ; il y a aussi des Pygmées, habiles 
chasseurs d’éléphants. Dans le massif de l’Ada- 
maoua et près du Tchad, c’est-à-dire vers le Sou- 
dan, on rencontre les Peuls et les Kanouris. 
Mais, bien que la population indigène soit éva- 
luée à 2.540.000 habitants, l’une des principales 
difficultés qu'éprouvent les Allemands pour la 
mise en valeur de la colonie, est l’insuflisance de 
la main-d'œuvre. Sur la côte surtout, on a beau- 
coup de peine à faire travailler la population. 
Les Européens ne sont pas nombreux; il n'y en 
a guère que 1.500. 


1. J. Hanx : Klimatabellen für Kamerun (Meteorologische 
Zeitschrift, XXI, 1904, p. 541-547). 

2. Pau Leuone : L'étude des richesses minérales du Came- 
roun allemand (La Quinzaine coloniale, (25 mai 1908, p. 446- 
h47). 

3. Grassland and forest in Kamerun (The Scottish geogra- 
phical Magazine, septembre 1914, p. 480-483; d'après les tra- 
vaux du D' Leo Waivez dans le Geographische Zeitschrift). 


334 Gusrave REGELSPERGER. — LES COLONIES ALLEMANDES 


Une des conditions qui s'impose aussi pour 
que la colonie puisse progresser, c'est la création 
de voies ferrées. Jusqu'ici elle n’a que 300 kilo- 
ètres de rail. Du port de Düuala pärtént deux 
lignes, l'une dirigée vers le nord, l’äutré vers 
l'est; les Alleniands se proposaientdé poursuivre 
cétté dernière vers le confluent dü Ngôko et de 
la Sangba. 


$ 3. — Sud-ouest africain 


Cèé n’est plus à l'Afrique tropicale qu'appar- 
tiént la colonie du Sud-Ouest africain allemand, 
comme le Cameroun, c’est de l'Afrique du sud 
qu’elle fait partie. Son climat est beaucoup plus 
téipéré et salubre sur sa plus grande éténdue, 
et il y pléut fort peu. Sur là côte, grâce à l'in- 
fluence d’un courant froid qui y règne, la tempé- 
raturé moyenne, auprès du territoire anglais de 
Walfish-Baÿy, né dépasse pas 16°6, et il n’y tombe 
par an que 7 millimètres d’eau et 44 à Angra 
Pequéña. Aussi les Allemands ont-ils pü consi- 
dérer leur colonie du sud-ouest conime étant 
uné colonie de peuplement, et, de fait, elle 
est ârrivée à avoir une population blanche de 
15.000 pérsonnés. Néanmoins, cette colonie 
n’était p4s sans présenter des conditions assez 
désävantageuses pour le rôle qu’on lüi assignait. 

D'abord, cette étendue considérable de terri- 
toire renfermedetrès vastes régions désertiques. 
La côte, sur toute sa longueur, présente üne 
bande de terres stériles, connue sous le nom de 
Nämib ou désert. Elle est constituée par des du- 
nes ét dés débris des roches anciennes, gneiss, 
sranites, schistes, qui formaient la basé du ter- 
rain. Quelques rares cours d’eau coupent seuls 
ce $ol desséché. A l’intérieur, en arrière de cette 
ligne désértiqué cotière, on s'élève vers une 
plate-forme montagneuse, faite aussi de roches 
cristallines, qui comprend, du sud au nord, trois 
régions distinctes : le Gross Namaland, le Dama- 
raland, le Kaokoveld, dont l’une, la seconde, est 
hérissée de sommets qui atteignent jusqu’à 
2.680 mètres. Ces hautes terres rocheuses, 
mieux arroséés que la côte, descendent à l’est 


vèrs le Kälahari!', vaste dépression désertique 


occupant le centré de la partie méridionale du 
continent africain. 

La population est en rapport avec les condi- 
tions physiques du pays; elle n’atteint pas le 


1. Le désert de Kalahari, qui couvre une grande partie du 
Bechuanaland britannique et dont le bord occidental porte seul 
sur le Sud-ouest africain allemand, a été exploré et étudié par 
le voyageur allemand S1EGFRIED PASSARGE. Voir, sur ses travaux: 
Annales de Géographie, XV* Bibliographie géographique an- 
nuelle, sous la direction de Louis RaveNEAU, 1905, n° 927; XVII° 
Bibl., 1907, n° 950. - 


chiffre de 90.000 indigènes, ce qui est insigni- 
fiant pour une possession grande comme une 
fois et demie l’Allémäÿhe, et encore les Alle- 
mands n’ont-ils pas eu à se louer de leurs rap- 
ports avec toutes ces peuplades. 

Dans le Gross Narmaland, vivétit les vrands 
Namäquas, qui sont des Hottentôts, race dont la 
peau est dé couleur claire; c’est un péuplé 
paresseux, dontlés Allémänds eurent à réprimer 
une révolte dès le début de leur protéctorät. 
Plus au nord, habitent les peuples bantous, 
parmi lesquéls sont les Héreros, répandus dans 
le Damara etles plus importants numériquemeñt, 
dont les Allemands ont eu à combättré une lon- 
gueinsurrection ; ils l’ont fait d’ailleurs avec uné 
très grandé durété, ce qui à beaucoüp diminué 
leur nombre. Enfin, des Bushmen sont épars 
dans le nord de la colonie ét dans les steppes du 
Kalahari. Avec üne population aussi réduite et 
aussi mal assimilée, la main-d'œuvre devait for- 
cément être insüflisante. 

Pendant longtemps, ce pàys désert n'avait 
fourni de réssoürces que par les produits de la 
côte : pêche, capture des phoques, guano. Pour 
pouvoir tirer parti de l’intérieur, il fallait fran- 
chir la zone côtière si peu praticable et pénétrer 
sur les hauts plateaux; les Allemands n'y Sont 
arrivés qu'au prix de nombreuses difficultés !. Ils 
ont pu faire quelques plantations, näis on he 
peut guère compter dans ce pâys, dont tant de 
parties sont mal arrosées, sûr un grand déve- 
loppement de l'agriculture. L’Amboland, au 
nord, estune des régions les plus favorisées. Lès 
principales cultures que l’ôn à essayées sont la 
canne à sucre, le tabac, le coton. Il paraît y avoir 
dâvantage à attendre de l’élévage, qui peut por- 
ter sur le bétail bovin et vin, ainsi que sur les 
chévaux, mulets et porès, et également sur les 
autruches. L'importance des troupeaux s'est de 
beaucoup äcerue. De 1907 à 1913, lé bétail est 
monté de 73.300 têtes à 205.600, les moutons à 
läine sont passés dé 11.700 têtes à 53.600, les 
autruches de 130 à 1.500. 

Une autre source de richesse importante, sûs- 
ceptible d’un très grand accroissement, est four- 
nie à la colonie par les produits miniers et les 
pierres précieuses. Dé nombreux gisements mé- 
talliques, or, fer, Cuivré, étain, sont contenus 
dans les roches anciennes qui forment le sol 
même de la colonie. Les mines de cuivre de là 
région d’Otavi et de Tsumeb ont déjà donné des 
résultats avantageux; en 1913, on a extrait 
54.100 tonnes de éuivre?. D’autres produits 


1. Henri Hauser : Colonies allemandes impériales êt sponta- 
nées, p. 47 et suiv. 
2. La Dépêche coloniale, 5 juillet 1914. 


GusraAve REGELSPERGER. — LES COLONIES ALLEMANDES 33: 


miniers sont susceptibles aussi d'exploitation et 
il faut citer encore, comme richesse du sol, les 
marbres dont il existe de belles variétés !. Enfin 
le diamant, découvert dans la baie de Luderitz 
en 1908, paraît offrir un grand avenir, On en 
trouve tout le long de la côte, sur une vaste 
étendue; et comme ces diamants ne s’y rencon- 
trent que par l’effet d’un déplacement, il se peut 
même que l’on arrive à découvrir leurs gise- 
ments primitifs?. L'extraction du diamant, qui 
procure d’ailleurs à la colonie la majeure partie 
de ses ressources, a produit en 1912-1913, 
30 millions de marks. Le chiffre total du com- 
merce, en 1912, a été de 71.500.000 marks, dont 
32.500.000 pour les importations et 39.000.000 
pour les exportations. 

La configuration même du pays rendait plus 
nécessaire encore que partout ailleurs, pour sa 
mise en valeur, la création de voies ferrées de 
pénétration *. Une première ligne a mis en com- 
munication le port allemand de Swakopmund 
avec les gites cuprifères d'Otavi et de Tsumeb; 
une autre, plus au sud, est dirigée de Lüderitz- 
buch vers l’intérieur. Ces deux lignes se trou- 
vent réunies entre elles par une troisième qui 
suit dans sa longueur la plate-forme intérieure 
en passant par Karibib-Windhuk-Seeheim-Kalk- 
fontein. 


S 4. — Afrique Orientale allemande 


La plus considérable en étendue des colonies 
africaines de l'Allemagne, l'Afrique Orientale, 
située plus au nord que le Sud-Ouest Africain et 
traversée par l'équateur, présente des conditions 
climatériques très diverses et l’on estime qu'un 
sixième environ du territoire peut être utilisé. 

En bordure de l'océan Indien, l'Afrique Orien- 
tale allemande occupe, au sud de l'Afrique 
Orientale anglaise, une partie de ce vaste plateau 
intérieur compris entre la côte et les grands lacs, 
si remarquable par les longues lignes de fracture 
que le sillonnent et les hautes montagnes qui 
s'y dressent. 

Très intéressant au point de vue de la géologie 
et de la géographie physique, ce pays offre un 
champ d’étude très vaste aux explorateurs et les 
Allemands n’ont pas manqué d'y envoyer des 


1. On trouvera émumérés divers travaux concernant les mar- 
bres de l’Afrique sud-occidentale allemande dans les Annales 
de Géographie, XX* Bibliographie géographique annuelle, 
1910, n° 928. 

2. Des travaux relatifs aux diamants sont énumérés dans le 
volume sus-indiqué, n° 927. 

3. Sacesses : Les chemins de fer africains dans leur état ac- 
tuel (La Géographie, 15 mai 1914, p. 320). M. Salesses pré- 
sente d'intéressantes remarques sur les maladresses commises 
par les Allemands dans cette coionie. 


Q1 


missions scientifiquesnombreuses. On peut citer, 
parmi les plus fructueuses, celle dirigée par 
C. Uhlig qui, en 1904, a visité l'Ousambara et le 
Kilimandjaro, et fait l'ascension du Kibo, l'un 
des sommets de cette haute montagne déjà gra- 
vie par le D' Hans Meyer en 1889, ainsi que du 
Merou, quiest aussi une haute masse volcanique. 
Cette expédition a apporté des notions nouvelles 
sur les conditions topographiques et géologiques 
du grand fossé de l'Est Africain qui sont beau- 
coup plus complexes qu’on ne l'aurait pu croire. 
Fritz Jaeger, qui avait déjà accompagné la mis- 
sion Uhlig en 1904, à fait un nouveau voyage 
dans la région du Kilimandjaro en 1906-1907 et 
en a étudié les zones de végétation, les glaciers, 
le climat!. Le Suédois Yngve Sjüstedt avait aussi 
en 1905-1906 étudié la même région, mais spécia- 
lement au point de vue de la zoologie, et il en a 
rapporté de nombreux et précieux documents?. 

L'Afrique Orientale Allemande n’est pas moins 
intéressante par sa population, qui présente des 
races très variées. Les Bantous en forment cer- 
tainement la partie sédentaire la plus notable: 
mais il y a aussi des peuplades nilotiques, parmi 
lesquelles les Massaï, vivant dans une vaste 
steppe, sont des bergers nomades, de caractère 
guerrier, qui pillent les agriculteurs sédentaires. 
Sur la côte sont mélangés les peuples les plus 
divers, Arabes, Persans, Baloutches, Hindous, 
Comoriens, venus avant les Européens pour 
exploiter les produits du pays. Comme popula- 
tion on ne compte pas moins de 7 millions et 
demi d'habitants, sur lesquels il y en a bien 
15.000 qui ne sont pas des autochtones. La po- 
pulation blanchese composait, au {er janvier 1913, 
de 5.336 individus, dont 4.170 Allemands. 

Quelles ressources les Allemands ont-ils pu 
tirer de cette colonie ? Des ressources agricoles 
surtout, et c'est du côté des plantations que 
s'oriente la colonisation. Elles se développent 
principalement dans la zone littorale, sur le pla- 
teau de l'Ousambara et sur le versant méridional 
du Kilimandjaïo et du Merou. Le café a semblé 
d’abord être la culture présentant le plus d’ave- 
nir; puis on s’est mis à cultiver le caoutchouc, la 
vanille, les cocotiers, le coton, le chanvre sisal. 
Quant aux minéraux, il ne semble pas jusqu'ici 
qu’ils soient très abondants; cependant on a 
trouvé de l'or et il se peut qu’il en existe davan- 
tage dans des régions encore inexplorées. 


1. On trouvera indiqués les divers travaux de MM. Unie et 
et JAEGER, au cours de ces missions, dans les Annales de Géo- 
graphie, XIV* Bibl. géogr. amn., 1904, n° 881; XV°, 1905, 
nv91A1; XVIe, 1906, n° 922; XVII°, 1907, n° 923; XVIHE, 1908, 
n° 939; XIXe, 1909, n° 960; XXe, 1910, n° 950; XXIe, 1911, 
n° 862 et 864, 

2. Ibid., XX° Bibl, géogr. ann., 1910, n° 956. 


336 Gusrave REGELSPERGER. — LES COLONIES ALLEMANDES 


Mais ce qui a longtemps fait défaut à la colonie 
pour recevoir un plus complet développement, 
ce sont les voies de communication. Aujourd’hui, 
elle possède deux lignes de pénétration : celle de 
l'Ousambara, longue de 352 kilomètres, qui part 
de Tanga, sur la côte, pour aboutir au pied du 
Kilimandjaro ; celle qui, partant de Daressalam, 
gagne le lac Tanganyika après un parcours de 
1.250 kilomètres. C'est le 1° février 1914 que la 
ligne a atteint ce point, et, quand la guerre a 
éclaté, l'Allemagne se disposait à fêter solennel- 
lement cet événement. De ces lignes l'Allemagne 
se proposait defaire les amorces de grandes voies 
de pénétration au centre du continent noir et, 
non sans raison, elle pouvait en attendre d'im- 
portants résultats économiques. 

La construction de ces voies ferrées a donné 
une impulsion nouvelle au développement des 
plantations. (Celles-ci couvrent aujourd'hui 
100.000 hectares environ : le caoutchoue en 
occupe 45.000, le chanvre sisal 24.700, le coton 
13.000, les cocotiers 8.000, le café 4.800. Le mou- 
vement commercial de la colonie, en 1912-1913, 
s’est chiffré par 81.200.000 marks, dont49.800.000 
pour les importations. 


IT. — CoLonie D'AsIE 


En Asie, les Allemands possédaient une seule 
colonie, le territoire de Kiao-Tchéou, dans la 
province du Chantoung, qui s’étendait sur envi- 
ron 500 kilomètres carrés, et dont la capitale en 
même temps que le port principal était Tsing- 
Tao. L’occupation de ce territoire par les Japo- 
nais, après la prise de Tsing-Tao, porte un coup 
fatal à l'influence et au prestige de l'Allemagne 
en Extrême-Orient. 

L'intérêt que les Allemands portaient au déve- 
loppement de leur possession s’est manifesté 
par les diverses missions qu'ils y ont envoyées 
en vue surtout d'étudier le Chantoung, où ils 
comptaient bien s'installer peu à peu ainsi que 
dans le Chansi. 

Une exploration accomplie dans le Chantoung 
en 1902 par Th. Lorenz à précisé et accru les 
connaissances géologiques que l’on possédait 
sur cette province chinoise?. Après de longs 
voyages dans diverses parties de la Chine, Georg 
Wegener est venu aussi explorer le Chantoung 
et il a publié un exposé détaillé sur cette pro- 
vince et sur le territoire allemand, ayant le soin 
de mettre en relief la situation mondiale du port 


1. CAMILLE MARTIN L'achévement du chemin de fer du 
Tanganyka. Ses futurs prolongements et embranchements 
(La Quinzaine coloniale, 25 février 1914, p. 174). 

2. Voir : Ann. de Géogr., XVIe Bibl. géogr. ann., 1906, 
n° 621. 


et de l’arrière-pays!. D’importants travaux topo- 
graphiques ont été exécutés; dès 1902, des gui- 
des ont été publiés faisant connaître l’état du 
pays à tous points de vue?. Il s’est d’ailleurs 
développé très rapidement dès les débuts de l’éta- 
blissement du protectorat®. 

Les Allemands se sont efforcés d'attirer vers le 
port de Tsing-tao tous'les produits de l’intérieur. 
Ils ont entrepris dans ce but un chemin de fer de 
Tsing-lao à Tsi-nan-fou, et se sont fait attribuer 
la haute main sur son administration: avant la 
fin de 1913, ils avaient fait aboutir des négocia- 
tions en vue de la construction de deux nouvel- 
les voies ferrées, l'une dans l'ouest du Chantouneg, 
destinée à relier Tsing-tao au chemin de fer 
Pékin-Hankeou, et par là même au Tehili et au 
Chansi, l’autre au sud pour atteindre la province 
du Honan. Néanmoins, l’importation des mar- 
chandises d’origine chinoise s’est trouvée dimi- 
nuer dans ces derniers temps‘. Mais, avant la 
guerre, le port de Tsing-tao faisait aussi un com- 
merce important avec Vladivostok. En outre, les 
Allemands avaient cherché à créer de nouvelles 
ressources pour leur possession en y développant 
des établissements industriels. D'abord, ils ont 
obtenu la cession à la compagnie du chemin de 
fer de la propriété des gisements de fer situés à 
quelques kilomètres au nord dela ligne. Diverses 
usines et fabriques ont été créées déjà au Kiao- 
Tehéou *; on projette même de construire deux 
hauts fourneaux dans le port de Tsing-tao. 

L'importance prise par le territoire de Kiao- 
Tcheou est révélée par le chiffre de sa popula- 
tion européenne qui, non compris l'élément mili- 
taire, s'élevait, en 1913, à plus de 2.000 personnes. 
Le chiffre des opérations commerciales a atteint, 
en 1913, 179.900.000 marks, dont 105.900.000 
pour les importations et 74.000.060 pour les 
exportations, surpassant de plus du double celui 
de l’Afrique Orientale qui vient au second rang. 


III. — CoLoniEs D'OCcÉANIE 


Les possessions allemandes d'Océanie forment, 
au point de vue administratif, deux colonies dis- 
tinctesf. 


1. GrorG WegGenen : Das Kiautschougebiet, Leipzig et Vienne, 
1910. Voir: Ann. de G., XX° Bibl., 1910, n° 649. 

2. Ann. de géogr. XVe Bibl., 1905, n° 623. 

3. Anoné Brusse : Développement du territoire allemand de 
Kiao-Tcheou. (Ann. de Géogr., 11° année, 1902 (15 mars), 
p. 177-180). 

4, Camille Marin : 
10 mars 1914, p, 168). 

5. Deutsche Kolonialzeitung, Berlin, 1914, n. 32. 

6. Sur les colonies allemandes d'Océanie : Henri RUSSIER : 
Le partage de l'Océanie (Paris, 1905; chap. IX, les colonies 
allemandes, p. 330.356), — Consulter aussi : L'Océanie Fran- 
çaise, Bulletin mensuel du Comité de l'Océanie Française. 


Kiaotcheou (La Quinzaine coloniale, 


béoms té anun nn 


Gusrave REGELSPERGER. — LES COLONIES ALLEMANDES 337 


La première est celle de la Nouvelle-Guinée, 
dont dépendent un certain nombre d’autres îles 
et archipels. On peut y distinguer géographique- 
ment deux groupes : le groupe mélanésien, le 
plus étendu, comprenant, avec la Nouvelle-Gui- 
née allemande, l'archipel Bismarck et les îles 
Salomon; puis, le groupe micronésien dont dé- 
pendent les Marshall, les Carolines et les Ma- 
riannes. 

La seconde colonie est formée par le groupe 
des Samoa. 


$ 1. — Nouvelle-Guinée et dépendances 


La partie de la Nouvelle-Guinée qui appartient 
à l'Allemagne est le nord-est de l'ile, auquel a 
été donné le nom de terre de l'Empereur 
Guillaume et qui représente 181.650 kilomètres 
carrés. L'archipel Bismarck, d’une étendue de 
47.100 kilomètres carrés, comprend la Nouvelle- 
Bretagne devenue la Nouvelle-Poméranie, la 
Nouvelle-Irlande appelée Nouveau-Mecklem- 
bourg, l'ile du duc d’'York appelée Nouveau- 
Lauenbourg. Les plus occidentales d’entre les 
Salomon, Buka et Bougainville, entrent dans ce 
même groupe, où elles comptent pour 10.000 ki- 
lomètres carrés. 

La Nouvelle-Guinée allemande est encore très 
mal connue. Néanmoins, de même que les Anglais 
etles Hollandais dans les parties de cette ile 
qu'ils occupent, les Allemands ont entrepris, 
dans leur colonie, des explorations dont nous 
avons déjà donné ici un aperçu. 

Parmi les dernières ayantporté surla Nouvelle- 
Guinée allemande et ses dépendances du groupe 
mélanésien, il faut signaler encore, comme l’une 
des plus importantesau point de vue scientifique, 
celle envoyée en 1908 par le Reichs-Kolonialamt, 
et qui a été dirigée par l’ethnographe Georg 
Friederici et le géographe Karl Sapper. Elle a 
visité la terre de l'Empereur Guillaume, l'archi- 
pel Bismarck et les iles allemandes de l'archipel 
Salomon, et a rapporté des renseignements sur 
la géographie, la géologie, le climat, les popula- 
tions, la faune et la flore de ces contrées?. 


l. Revue générale des Sciences, 15 septembre 1913, p. 647-649. 
— En ce qui concerne la mission dirigée par le Dr Stolle, dont 
nous avons parlé, et qui a exploré le fleuve Sepik et toute la 
région montagneuse à laquelle se rattache son bassin, on trou- 
vera un exposé de ses résultats scientifiques dans : Zeitschrift 
der Gesellschaft für Erdkunde zu Berlin, 1914, n° 4. La mis- 
sion comprenait avec le Dr Stolle, géologue, le botaniste Leder- 
mann, le médecin et zoologiste Bürgers, le D' Rôsicke, ethno- 
graphe, le D' Behrmann, géographo, auxquels s’ajouta en 1913, 
comme second ethnographe, le D' Thurnwall. 

2. Les travaux scientifiques dus à cette exploration sont cités 
et analysés dans : Annales de Géographie. XX° Bibliographie 
géographique annuelle, 1910, n° 791; XXZ/Ie Bibl., 1912, n° 679. 


La lenteur et les difficultés de cette pénétra- 
tion n’ont pas été faites pour permettre une mise 
en valeur rapide du pays, alors surtout qu'on y 
rencontrait un climat insalubre et des popula- 
tions anthropophages hostiles. En outre, la Neu- 
Guinea Kompagnie, fondée en 1884, et qui fut 
investie de droits de souveraineté, montra une 
grande impéritie dans son administration, chan- 
gea à plusieurs reprises le siège du chef-lieu de 
la colonie, hésita sur le choix des meilleurs em- 
placements de culture et manifesta des hésita- 
tions semblables dans l'établissement des voies 
de communication !. Malgré les progrès réalisés 
depuis, le groupe mélanésien est loin d’avoir 
donné encore la mesure de sa valeur économi- 
que, car toutesses iles sont extrêmement fertiles. 

De toutes les cultures entreprises jusqu'à ce 
jour sur la terre de l'Empereur Guillaume, la 
plus prospère de beaucoup est celle du cocotier, 
arbre qui rencontre des terrains très favorables 
au voisinage des nombreux et souvent larges 
cours d’eau qui arrosent la colonie. Elle a été 
particulièrement développée dans la région de 
Stephansort et auprès de l'embouchure du Gogol. 
On a pu constater récemment que, dans les ter- 
ritoires bordant le fleuve Markham, il existait 
environ 32.000 pieds de cocotiers, plantés par les 
indigènes. La Nouvelle-Guinée allemande est 
arrivée à exporter pour 4.500.000 marks de copra. 
Le coton a donné aussi d’excellents résultats et 
c'est également à Stephansort qu'il a le mieux 
réussi. [1 faut signaler encore la richesse de la 
colonie en gutta-percha, et, parmi les autres pro- 
duits, on peut ciler le café, le caoutchoue, le 
cacao, la vanille, l’agave. Il existe dans l'ile un 
fruit oléagineux, fourni par le Canarium poly- 
phyllum, de la famille des Burséracées, qui rap- 
pelle la noix et, comme elle, est comestible et 
fournit une huile?. On a fait de l’élevage vers la 
partie inférieure du Sépik ou fleuve Kaïserin-Au- 
gusta. Les Allemands ont fait de notables dépen- 
ses en vue d'assurer une exploitation plus exten- 
sive de leur colonie; ils ont créé notamment des 
stations agricoles, un jardin botanique à Rabaul, 
dans la Nouvelle-Poméranie, un laboratoire agro- 
nomique, une station d'élevage. 

L'ile abonde en oiseaux aux riches parures. 
Les oiseaux de paradis sont nombreux et aussi 
les plus recherchés; le plus beau est le « paradis 
jaune », Il se fait un important commerce des 
plumes de ces oiseaux et, pour assurer la conser- 
vation d'espèces aussi précieuses, le gouverne- 
ment, en 1914, n'avait pas délivré de permis pour 


1. Pierre DecHARME : Compagnies et sociétés coloniales 
allemandes, Paris, 1903, in-80 ; p. 135ets. 
2. L'Océanie Francaise, juin 1913, p. 187. 


338 


leur chasse. Un autre oiseau remarquable qui 
menace de disparaître est le pigeon couronné. 

La Nouvelle-Guinée possède aussi des richesses 
minières que l’on commence à peine à exploiter. 
Le Waria, ou fleuve du Kaiïser-Wilhelmsland, 
large de 106 à 200 mètres et qui se jette dans 
l’océan Pacifique près de la frontière anglaise, 
charrie, ainsi que ses affluents, de l'or qui parait 
être arraché des hautes montagnes dont ces 
cours d’eau sont issus. Des sociétés ont été 
constituées pour son exploitation. Des gites pé- 
trolifères produisant une huile analogue à celle 
que l’on trouve dans la Nouvelle-Guinée néer- 
landaise ont été découverts dans le nord-ouest du, 
Kaiser-\Wilhelmsland. 

Si le développement agricole de la terre de 
l'Empereur Guillaume n’a cessé d'être lent, la 
prospérité de l’archipel Bismarck s’est au con- 
traire accrue très rapidement. Aussi est-ce sur 
l'ile de la Nouvelle-Poméranie, après avoir été 
souvent déplacée, que la capitale des établisse- 
ments allemands de la Nouvelle-Guinée a été 
finalement transportée, à Herbertshühe d’abord, 
et en dernier lieu à Rabaul. Cette ile peut être 
regardée comme l’une des plus vastes planta- 
tions de cocotiers du monde entier: on y emploie 
un millier d’indigènes. La culture du coton est 
également développée, mais elle ne vient qu’au 
second rang. Dans les régions montagneuses de 
la Nouvelle-Poméranie et du Nouveau-Mecklem- 
bourg, on rencontre quelques hauts plateaux où 
des colons européens pourraient fort bien se 
livrer à l’agriculture et notamment cultiver du 
café. 

L'archipel des Salomon forme une double 
chaine d'îles s'étendant à l’est de la Nouvelle- 
Poméranie. Elles sont montagneuses comme 
celles de l'archipel Bismarck, mais d’une plus 
haute altitude; l'une des deux iles allemandes, 
Bougainville, atteint 3.067 mètres au mont Balbi. 
Les îles Salomon sont encore imparfaitement 
explorées, les cannibales qui les habitent en ren- 
dant l’accès difficile. 

S'il est composé d'ilots très nombreux, pas 
moins de quatre à cinq cents, le groupe micro- 
nésien des possessions allemandes océaniennes, 
rattaché à la Nouvelle-Guinée, ne présente au 
point de vue économique qu'une valeur de 
second ordre. Les Marshall, Mariannes et Caro- 
lines, iles généralement peu élevées au-dessus de 
la mer, ont pour unique richesse le cocotier. 
Leur étendue totale est peu considérable 
2.500 kilomètres carrés environ!. 


1. On trouvera cité dans H, Russier : Le partage de l'Océa- 
nie, p. 352, les principaux travaux allemands sur la valeur de 
ces îles, 


Gusrave REGELSPERGER. — LES COLONIES ALLEMANDES 


Le plus riche des atolls des Marshall est celui 
de Jaluit, siège d'une société allemande et de la- 
quelle on exporte beaucoup de copra. Les an- 
ciennes colonies espagnoles passées à l’Alle- 
magne en 1899, Carolines avec le groupe ocei- 
dental des Palaos, et Mariannes, ont vu leur 
commerce progresser, mais ilest limité au copra, 
ce qui le met à la merci des variations de prix de 
cette substance. 

Le commerce du groupe de la Nouvelle-Guinée 
s’est élevée en 1912 à 21.300.000 marks, dont 
9.200.000 pour les importations et 12.100.000 pour 
les exportations. Au 1% janvier 1914, la popula- 
tion européenne de la Nouvelle-Guinée, non 
compris les iles Palaos, Carolines et Marshall, 
comptait 1.130 individus (162 de plus que l’année 
précédente). Ces derniers groupes, d’après un 
recensement fait en 1911, ne possédaient que 
87 habitants européens, dont 75 Allemands, et 
89 Japonais. 


$ 2. — Iles Samoa 


De l'archipel des Samoa, dont la superficie 
totale est de 2.787 kilomètres carrés, ce sont 
seulement les deux plus grandes qui, en vertu de 
l’arrangement de 1899, appartiennent à l’Alle- 
magne : Savaii (1.700 km°?), Upolu {875 km?). Iles 
volcaniques fertiles au climat doux et sain, quoi- 
que tropical, au sol bien arrosé, elles constituent 
des possessions d’une grande valeur tant au point 
de vue colonial qu’au point de vue stratégique !. 

De même que dans la plupartdes iles océanien- 
nes, la principale richesse des Samoa est le co- 
cotier, mais elle n’est pas susceptible d’une ex- 
tension indéfinie. Aussi a-t-on introduit avec 
raison d'autres cultures comme celle du cacaoyer, 
qui à fait de grands progrès?. Mais le cocotier et 
le cacaoyer ont à subir beaucoup de ravages du 
fait de la présence d'insectes nuisibles, prinei- 
palement des scarabées, et l’on doit faire beau- 
coup de dépenses pour les détruire. On a déve- 
loppé à un moment les plantations 
caoutchoutifères, mais à raison de la crise du 
caoutchouc, on propose aujourd’hui de les rem- 
placer par des cacaoyers ou des cocotiers?. On 
s’est attaché écalement à la culture du café. 

Mais ce qui nuit le plus au progrès de l’agri- 
culture aux Samoa, c'est l’insuflisance de la main- 
d'œuvre. La population blanche, au 1° jan- 
vier 4911,ne comptait que491 personnes, presque 


aussi 


1. Dane Bezcer : La valeur économique des Samoa /Anna- 
les de Géographie, 1899, p 370); E. Perceray : Les Allemands 
aux Samoa (L'Océanie Française, mai 1912, p. 101-106). 

2, Deeken : Die Aussichten der Kakaokultur auf Samoa (O1]- 
denburg, 1902). 

3. L'Océanie Française, février 1914, p. 55. 


\« 


. 


A. FOURNIOLS. — LA FABRICATION DE L'HYDROGÈNE 339 


toutes d’origine allemande. En outre, il existe 
une population métisse qui, à la même date, 
s'élevait à un millier de personnes et dont on 
cherche à diminuer la progression. Quant à la 
population indigène, on l'évalue aujourd'hui à 
38.600 individus, mais sa paresse est telle qu'on 
ne saurait compter sur elle pour la mise en va- 
leur du sal, de telle sorte qu’il a fallu recourir 
aux indigènes des archipels voisins, puis aux 


Chinais; cette question de la main-d'œuvre est 
l’une des pius graves qui se pose pour les Sa- 
moa. Le commerce a pu néanmoins prendre un 
assez notable développement; il 
en 1912 à 10.000.000 marks, chiffre à peu prés 
également partagé entre importalions et expor- 


s'est élevé 


tations. 


Gustave Regelsperger. 


LA FABRICATION DE L'HYDROGÈNE 
POUR LE GONFLEMENT DES BALLONS! 


L'emploi de l'hydrogène pour le gonflement 
des ballons remonte presque à la création de 
ceux-ci : déjà les frères Montgolfer, dont le pre- 
mier succès date de 1783, avaient essayé — mais 
infructueusement — de gonfler d'hydrogène un 
ballon en papier, mais le gaz s'échappait par les 
moindres ouvertures et se diffusait à travers l’en- 
veloppe. Dès 1793, toutefois, l'opération, déjà 
tentée avec succès par le physicien Charles, fut 
rendue industrielle par Coutelle, commandant 
du premier bataillon d’aérostiers, grâce à l’em- 
ploi du procédé de Lavoisier : l'hydrogène pro- 
venait, non de l'attaque du fer par l’acide sul- 
furique étendu, mais de la dissociation de la 
vapeur d’eau parle fer rouge. La réaction exigeait 
un énorme fourneau dont la production restait 
minime : 20 mètres cubes à l’heure, c’est-à-dire 
que 30 heures étaient nécessaires pour gonfler 
un ballon d’une dizaine de mètres de diamètre, 
et il fallait revenir à l’usine pour chaque regon- 
lement. Ces difficultés causèrent, en 1799, l’abo- 
lition du corps des aérostiers par le Directoire, 
et l’aérostation militaire disparut, pour ainsi 
dire, jusqu'au siège de Paris. Personne n'a 
oublié les fameux « ballons du siège » et les 
péripéties de leurs voyages au-dessus de la France 
envahie. Ils étaient, d’ailleurs, gonflés au gaz 
d'éclairage et non à l'hydrogène; leur force 
ascensionnelle était donc notablement moindre, 
puisque celle de l'hydrogène est de 1.200 gram- 
mes par mètre cube, et celle du gaz de houille 
de 750 grammes environ. 

Après la guerre, une Commission dont le colo- 
nel Laussedat était président, et dont le capitaine 
— depuis colonel — Ch. Renard était le secré- 
taire et la cheville ouvrière, étudia la reconsti- 
tution de l’aéronautique militaire sous une forme 


1. Voir, dans la Revue du 30 avril 1915, p. 245, le précé- 
dent article du même auteur : Les derniers types de diri- 
geables et leur rôle dans Ja gnerre actuelle. 


adaptée aux besoins des armées modernes: de là 
est issu l'Élablissement militaire de Chalais- 
Meudon, dont le capitaine Ch. Renard eut la 
direction, et où il se distingua si remarquable- 
ment par tant de vues nouvelles et de recherches 
originales sur la technique du ballon libre ou 
captif, sur les dirigeables, sur la fabrication de 
l'hydrogène. Cette sallicitude pour l’aérostation 
ue l’empêchait pas de prédire l'avenir du « plus 
lourd que l'air », dès que l’industrie fournirait 
aux aéronautes un moteur à la fois assez léger et 
assez puissant : nous ayons vu se réaliser com- 
plètement ce pronostic. 

Pour nous borner à ce qui concerne expressé- 
ment notre sujet, nous dirons que le capitaine 
Renard a étudié la plupart des procédés préco- 
nisés pour la fabrication industrielle de l'hydro- 
gène, procédés soit chimiques, soit électro- 
lytiques. Nous les passerons brièvement en 
revue, en adoptant l’ordre suivi par le chef de 
bataillon du génie Richard, dans une remar- 
quable étude d'ensemble publiée, il y a quelques 
années, par la Repue générale de Chimie pure et 
appliquée. 


L’hydrogène peut être extrait : 1° de l’eau, par 
l’oxydation d’un corps tel que le fer (procédé 
Lavoisier) ou le silicium ; 2° des acides, tels que 
HCI, attaqués par les métaux alcalins, le bore, le 
silicium; 3 de l'ammoniaque traitée par la cha- 
leur, par les métaux, par le bore : la décomposi- 
tion de l’acétylène en carbone et hydrogène 
(procédé Hubou) est de la même catégorie; 
4° par réaction d’un alcali sur une matière orga- 
nique, par exemple de la chaux sur la sciure de 
bois. 

Beaucoup de ces procédés ont surtout un inté- 
rêt théorique. Au contraire, dès 1875-1880, le 
capitaine Renard rendait pratique sur une grande 


340 


échelle le vieux procédé de l’attaque de l’acide 
sulfurique étendu par la grenaille de fer ou de 
zinc, en l'améliorant fortement par l'application 
de la circulation méthodique : l'acide frais épui- 
sant d’abord la grenaille de fer la plus attaquée, 
et rencontrant des couches de moins en moins 
sulfatées, de façon à utiliser le plus complète- 
ment possible les deux réactifs (cette méthode 
est d’ailleurs classique dans l'industrie, et 
s'applique à de nombreux traitements par dis- 
solution). Toutefois, ce matériel n'était pas 
encore portatif. 

Nous n'insisterons pas sur les essais d’une 
autre méthode, par chauffage d'un mélange de 
glycérine et de soude, dit gazeine, qui s’appli- 
quait bien à des installations mobiles, mais ris- 
quait de donner lieu à des accidents graves, la 
réaction étant violente et irrégulière. 

Les études poursuivies à Chalaïs dans d’autres 
directions aboutirent, en 1885, à la constitution 
d'un matériel régimentaire, sur voitures, utili- 
sant toujours la réaction de l'acide sulfurique, 
mais avec remplacement du fer par du zinc : ce 
matériel est resté longtemps en usage dans les 
parcs de campagne et de places fortes. Nous nous 
bornerons à renvoyer à l’étude précitée pour les 
détails de cette fabrication, qui n’a plus guère, 
aujourd'hui, qu'un intérêt historique. La voiture 
de campagne, utilisant deux tonnes de zinc en 
grenaille pour un gonflement de 600 m. cubes, 
comportait un double générateur, à marche 
continue, un bac à acide, un vase de mélange et 
un laveur; l’épurateur et le sécheur des usines 
fixes étaient supprimés. Le transport du métal et 
surtout celui de l'acide auraient été, en cas de 
guerre, fort difficultueux ; aussi un perfectionne- 
ment notable résulta-t-il du rayitaillement des 
pares en tubes d'hydrogène comprimé au lieu de 
la fabrication de ce gaz sur place !. Dans ce cas, 
le gaz est préparé en usine fixe, et on a le choix 
entre de nombreux procédés. 

Ici, outre les procédés chimiques, on peut 
utiliser l’électrolyse de l’eau ou d'une solution 
alcaline. Ici encore, nous retrouvons l'activité 
inlassable du colonel Renard, qui prit le procédé 
à l’état d'expérience de laboratoire, et arriva à le 
rendre industriel, en même temps que le physi- 
cien russe Latchinoff. Il s'attacha surtout au do- 
sage d’une solution de soude, qu’il électrolysait 


1. Une variante de ce procédé fut employée dans l'expédi- 
tion du Tonkin, en 1884; on supprimait le transport d'acide 
sulfurique liquide en le faisant absorber par du bisulfate de 
soude : on oblenait un mélange solide, dit salin, qu'on faisait 
dissoudre dans l’eau au moment de l'emploi, puis passer sur 
la grenaille de zinc, Il en résultait une notablesécurité, mais 
au prix dela manipulation d’un lourd poids mort: 15 kilogr. 
de réactif par mètre cube de gaz. 


A. FOURNIOLS. — LA FABRICATION DE L'HYDROGÈNE 


entre des électrodes en tôle concentriques, sépa- 
rées par un espace minimum, et cependant ne 
pouvant venir en contact, grâce à des cloisons en 
tissu d'amiante. Ce procédé, il est vrai, était coù- 
teux, mais il a pris un tout autre aspect quand, 
vers 1900, l’industrie chimique de la soude 
monta d'importantes usines fabriquant à la fois, 
par électrolyse du chlorure de sodium, la soude 
comme produit principal, et l'hydrogène comme 
produit accessoire, done à un prix de revient 
très avantageux. Les réactions, sous leur forme 
la plus simple, peuvent s'exprimer ainsi : 


2 NaCI1 — Na? + Cl? 
Na? + 2 H?20 — 2 NaOH + FH? 


À Griesheim, près Francfort, l'usine de soude 
de la Chemische Fabrik Griesheim Elektron est 
reliée par tout un réseau de distribution au pare 
aérostatique de Francfort, et une succursale de 
cette Société, installée à Lamotte-Guise, près 
Compiègne,fournissait —avantla guerre — du gaz 
de même origine aux Etablissements Clément- 
Bayard, fabrique de dirigeables réputée, instal- 
lés à Lamotte-Breuil. Nous ignorons ce que sont 
devenues ces intallalions, encore situées en 
pleine zone d'opérations militaires. 


Quoi qu'il en soit, l'hydrogène produit par un 
procédé quelconque (et, dans la catégorie des 
procédés électrolytiques, on peut citer ceux de 
Schuckert, Garuti, Schmidt, etc.) devint 
d'emploi usuel, en France, en Allemagne et en 
Angleterre, sous forme de gaz comprimé en 
tubes. À la même époque, en effet, le problème 
du ravitaillement en gaz prenait une ampleur 
singulière, par la construction, dans les princi- 
paux pays, de dirigeables aux dimensions sans 
cesse croissantes; nulle part ailleurs qu'en Alle- 
magne, du reste, on n'avait à satisfaire à des 
besoins aussi démesurés : nous avons déjà dit, 
dans notre précédent article, que les Zeppelin 
actuels du dernier modele sont de 30.000 mètres 
cubes! 

Les armées française et allemande avaient 
done adopté, vers 1890, un matériel de voitures 
et de wagons chargés de tubesd’hydrogène com- 
primé à 150 kilogs (fig. 1 et 2). Malgré cette 
pression élevée, qui a donné lieu à des accidents 
(Chalais, 1894), il fallait pourtant un fourgon de 
3 Lonnes pour transporter seulement 13 kilogs 
de gaz (soit 150 m, c’est-à-dire le centième de la 
capacité d’un dirigeable ordinaire actuel). 

Le problème était donc très médiocrement 
résolu, d'autant plus que le moindre ballon à 
gonfler tout un convoi de tubes 
qu'il fallait ensuite renvoyer vides à l'usine, avec 


nécessilait 


| jus 


A. FOURNIOLS. — LA FABRICATION DE L'HYDROGÈNE 


un transport de retour aussi onéreux et aussi 
long que celui d'aller. Pour faciliter ces opéra- 
tions, on usait d'une autre combinaison, en pro- 
fitant de ce que l’industrie privée vend aussi de 


Fig. 1. — Voiture à tubes de l'armée.française. 


6 tubes de 25 m° à 150 atm. Poids : 3.000 kilogr!. 


l'hydrogène comprimé, en grands tubes indé- 
pendants les uns des autres : l'emploi de collec- 
teurs en acier, reliés, par dix ou vingt tuyaux 
souples en acier, à autant de tubes d'hydrogène 
réquisitionnés et réunis sur place, permettait de 
gonfler rapidement un ballon pas trop grand, 
relié à la tubulure de sortie d’un tel collecteur. 


Fig. 2. 


Détail de la partie arrière montrant le système de connexion 
des tubes entre eux et à la marche, 


— Voiture à tubes de l'armée francaise. 


Ce n'était d’ailleurs qu'une amélioration toute 
relative, exigeant des centaines de tubes sou- 
ples, de raccords et de pointeaux, dont la mani- 
pulation était lente et dangereuse, en même 
temps que le transport, aller et retour, des tubes, 
était long et onéreux. 


* + 


On en est donc revenu, dans ces dernières 
années, aux procédés de fabrication du gaz sur 


1. Les clichés des figures 1, 2, 3, #, 6 et 7, nous ont été 


aimablement prètés par M. G.-F. Jaubert. 


341 


place, grâce à des réactions très avantageuses, 
dont les chimistes et les officiers français ont, 
pour la plus grande part, le mérite d'avoir 
reconnu les qualités et étudié le matériel propre 
à les utiliser. 

Nous nous bornerons à citer ici deux noms : 
celui de M. G.-F. Jaubert, qui, comme chimiste, 
a préconisé deux procédés nouveaux; et celui du 
capitaine Lelarge, de l'Etablissement de Chalais, 
qui a monté les usines fixes ou mobiles utilisant 
ces procédés. Nous décrirons rapidementceux-ci, 
d'après les publications de M. Jaubert dans la 
Revue de Chimie pure et appliquée; ils peuvent 
se résumer ainsi : 

a) Procédé à l'Aydrolithe, utilisant la réaction 
de l’hydrure de calcium sur l’eau; 

b) Procédé au sélicol, utilisant la réaction de la 
soude sur le ferro-silicium, par voie humide. 

M. Jaubert a étudié aussi avec succès une 
variante du second procédé, en effectuant, par 
voie sèche, la même réaction (procédé à l’Aydro- 
genilte). 


M. Jaubert avait déjà réalisé industriellement 
le transport de l'oxygène sous forme solide, 
c'est-à-dire sons forme de peroxyde de sodium, 
dénommé oxrylithe, dégageant son gaz au simple 
contact de l’eau. Il a donné un nom similaire, 
hydrolithe, à lhydrure de calcium, CaH?, qui 
dégage son gaz au contact de l’eau, en donnant 
de la chaux. En principe, un kilog de ce corps 
dégage au moins 1 m° de gaz: 


CaH?+2H20=—Ca(OH)?+2H?. 


Malheureusement, l'hydrolithe est un produit 
fort coûteux, et il faut disposer d’un approvi- 
sionnement d’eau qu’on n’a pas toujours sous la 


Fig. 3. — Voiture à hydrolithe, vue avant. 


Poids de la voiture en ordre de marche : 2.400 kilogs: 
Capacité de production : 1.500 m° à l'heure. 


a 


342 


A. FOURNIOLS. — LA FABRICATION DE L'HYDROGÈNE 


main, en campagne. Cependant, il faut tenir 
compte de ce grand avantage qu'un simple ca- 
mion transporte sous forme d’hydrolithe autant 
d'hydrogène que 12 camions chargés de tubes de 


gaz comprimé. 

Le commandant Richard, dans l'étude déjà ei- 
tée, comparaït ainsi les bilans de deux installa- 
tions, à tubes de gaz et à hydrolithe : 


PORRBE es FRANCS |'HY DROLITHE | rRANcCS 
COMPRIMÉ 
8.000 tubes à 80 fr. 640.000 || 48 tonnes à 5 fr. 
50,000 mètres Cnbes s le kilog..... 240.000 
d'hydrogène ache- Voitures-usines 
iés à Q fn. 40... 20.000 (deux)... 40,000 
Hangars à tubes..... 60.000 || Hangarsà réactifs 4.000 
12 camions de 3 ton- 2 camions de 
DÉBS--Ne-re-fs 240.000 3 tonnes... 40.000 
960.000 324.000 


On voit que, malgré son Fo cn ON UE l'hydrolithe est 
singulièrement plus économique; quant à l’obli- 
gation d'aller chercher de l’eau, elle est évidem- 
ment gênante, mais on peut presque toujours 
établir le pare à proximité d’une rivière où d'un 
ruisseau, quitte à avoir une réserve de tubes de 
gaz comprimé pour les cas très exceptionnels où 
ce serait impossible. 

La voiture à hydrolithe du capitaine Lelarge 
fig. 3 et 4) est caractérisée par les dispositions 
suivantes : chaque générateur, cylindrique, est 


traversé du haut en bas par un axe qui sert de 
guide à des plateaux horizontaux; l'hydrolithe 
est répartie entre ces plateaux sous forme de 
galettes, ce qui rend la réaction plus régulière, 

L’eau du collecteur débouche au fond de cha- 
que générateur, et le gaz, mélangé de vapeur, 
s ‘échappe par le haut de CE -ci, pour être en- 
voyé dans le générateur RE. où il attaque 
l’hydrolithe fraiche qui absorbe sa vapeur d’eau. 

Le gaz traverse des épurateurs qui absorbent 
un peu d'ammoniaque due aux impuretés du pro- 
duit employé, et arrive aux robinets de raccord. 
Une voiture à 6 générateurs peut donner 500 mè- 
tres cubes de gaz à l'heure. 


Le procédé au silicol, plus récent, consiste à 
décomposer un alliage de silicium par une solu- 
tion concentrée de soude. Sans doute, le procédé 
allemand Schuckert repose sur le même prin- 
cipe, mais il utilise le silicium même, qui est 
coûteux, tandis que le ferro-silicium, bien moins 
cher, permet en outre d'opérer avec une solution 
concentrée, qui dispense de chauffer, tandis que 
la solution étendue, du procédé allemand, exige 
un chauffage extérieur qui complique l'opération 
et en accroît le prix de revient. 

Une usine à silicol, fixe ou mobile, comprend 
essentiellement (fig. 5 et 5 äis) un bac à soude, 
pour faire la dissolution, un générateur, où la 
soude est mélangée au fepvo-silieium, un laveuret 


Fig. 4. — Elévation latérale et coupe partielle d'une voiture à hydrolithe donnant 500 m° à l'heure 


, châssis; b, réservoir d'eau; d 
g, trou de vidange; 7, collecteur: 0, 
4°, g", branchements; r, tube collecteur de gaz; 


e, coffre à hydrolithe: 


traverses; 
oi, 
1, épurateur; 


n, n+1,..., générateurs de gaz: 
, tuyaux de dégagement du gaz: 
tuyau de sortie; xl, tubulure de prise de gaz. 


f. fermeture supérieure; 


ul, 


A. FOURNIOLS. — LA FABRICATION DE L'HYDROGÈNE 


hounetadwernteur | ZX à 
Lac soc \ £ j RS 


DE 0 


343 


Cuverture sr lerdernent 
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Lever ur Le SOU pape re VITANGE 
Fig. 5. — Schéma de l'appareil Lelarge, mi-fixe, pour la fabrication de l'hydrogène par le procédé au ferrosélicium-soude, 


Générateur et bac à soude. 


a, axe central: b, b, rayons horizontaux; 


unsécheur. Dansle 
générateur, des pa- 
lettes brassent les 
matières; le ferro- 
silicium finement 


ce, c, axes verticaux; 


d,'d, tourniquets à quatre bras. 


3 kilogs) ‘et si l’on 
opère en vase clos, 


avec tubulure de 
20 ru Faite - À 
Tue rivales werden - | dégagement,on re- 


divisé tombe d’un 
distributeur, et on 
ajoute peu 
d'huile de naphte 
pour empêcher la 
formation  d’écu- 


un 


mes. Le sécheur 

CS Darre de aistribulier_ — 
est original : ce <a évarüster 
sont des tubes bou- we etre | 
clés où le gaz hu- _hntinteur_ 


mide circule à très 
grande vitesse; la 
force centrifuge 
colle les vésicules 
d'eau entrainées 
sur les parois cou- 
dées des tubes, et 
sépare ainsi l'eau 
du gaz. 

Les usines fixes peuvent fournir 1.500 mètres 
cubes à l'heure ; les usines mobiles, montées sur 
2 fourgons d'environ 3 tonnes, 400 mètres cubes 
seulement. 


Le procédé à l'hydrogénite a été employé pour 
le gonflement de divers ballons français, mais 
il ne semble pas s'être développé. En tous cas, 
il présente un réel intérêt. L'hydrogénite est 
un mélange de ferro-silicium et de soude causti- 
que pulvérisés; il suffit de l’échauffer pour lui 
faire dégager son hydrogène (1 mètre cube par 


Fig. 5is, — Schéma de l'appareil Lelarge, mi-fixve. Laveur et vaporisateur. 


lisable aussitôt 
après passage dans 
un laveur et un 
sécheur à sciure de 


e cueille du gaz uti- 
50 WesloerteuraegOnleUl à, ES 


tas) at lé 


bois. La coupe 
schématique(fig.6) 
montre le groupe- 
ment de plusieurs 
générateurs autour 
d'un réservoir con- 
et 
épurateur super- 
posés. On échauffe 
l'hydrogénite en 
jetant, par des tu- 
bulures ad hoc, des 
allumettes enflam- 
mées dans les gé- 
nérateurs remplis, 
puis fermés hermétiquement. 

La figure 7 montre la marche d’une opération. 


(Clichés de l'Aérophile, revue technique et pratique 
des Locomotions aeriennes.) 


Nous nous bornerons à rappeler d’un mot le 
procédé de dissociation de l’acétylène (C*HP — 
C?-LH2?) exploité en Allemagne par la Société 
Carbonium, parce qu’il a servi à alimenter les 
fameuses usines de la Société Zeppelin, à Frie- 
drichshafen; l'explosion survenue à cette usine 
en 1910 a montré son danger. La réaction était 
produite par l’étincelle électrique, dans des 


A. FOURNIOLS. — LA FABRICATION DE L'HYDROGÈNE 


(inf 


p LH A 
i |; SIENS 


1 
Rome « NRNERTEN f 
| ‘1  } 


——", 


Fig. 6. — Coupe d'un appareil à hydrogénite de 50 m% à l'heure. 


a, générateur entouré d'une enveloppe d’eau b, ce; d, couvercle; e, obturateur: /, tuyau de dégagement de vapeur: h, robi- 
net: à, tuyau percé d'une ouverture j; k, robinet à trois voies; m, cheminée de dégagement; », tuyau débouchant dans 
le réservoir de gaz 0; q, épurateur à eau s; r, sécheur à sciure de bois: {, masse filtrante; v, prise de gaz. 


cylindres très résistants où le carbone se déposait 
sous forme de suie fine, et servait, comme sous- 
produit, à la fabrication d’encre d'imprimerie. 

Les procédés utilisés par l’armée allemande 
sont d’autres espèces; nous avons déjà cité celui 
de la fabrication électrolytique de la soude, pour 
les usines fixes fournissant du gaz comprimé en 
tubes, et celui de Schuckert, au silicium-soude, 
concurrent de notre silicol : l’armée allemande 


possède de petites usines roulantes de ce genre. 


Depuis quelques années, elle a aussi adopté un 
système tout différent, d’origine hollandaise, 
celui de MM. Rincker et Wolter. 

Ce dernier procédé donne plutôt un gaz 
d'éclairage très léger, à forte teneur en hydro- 
gène, que de l'hydrogène pur; mais il peut, en 
réalité, servir aux deux usages (éclairage et gon- 
flement des ballons) et être installé dans toute 
usine à gaz comme auxiliaire des fours ordi- 
paires: c’est dire combien il est précieux pour 


Fig. 7. — Gonflement de l'Hirondelle au parc de l'Aéro-Club de France. 


15 cartouches d’hydrogénite ont déjà brülé, le gonflement est fait à moitié, 


Ernesr COUSTET. — LA LOCALISATION DES PROJECTILES 345 


favoriser les ravitaillements dans Loutes les villes 
d’un pays où il serait adopté en grand. 

Il consiste à faire passer, dans un gazogène 
rempli de coke métallurgique, un courant d’air 
qui brûle une partie de ce coke. Quand la masse 
est assez incandescente, on supprime le courant 
d’air et on injecte sur le coke un mélange de 
1 de goudron pour 2 d'huile de pétrole. Ces ma- 
tières sont décomposées au contact du coke et 
dégagent du gaz qui sort du gazogène après avoir 
traversé Loute la masse incandescente, et avoir 
passé dans des épurateurs qui retiennent les 
poussières de coke entrainées et les produits 
condensables. 

On alterne les courants d’air et les pulvérisa- 
tions, de facon à remonter pendant les périodes 
de soufllage la température du coke qui s’abaisse 
pendant la production du gaz; quand on opère à 
très haute température, le gaz est très riche en 
hydrogène. 

Dans l'usine roulante sur wagons de l'armée 
allemande, qui a été décrite récemment dans le 
Scientific American, et aussi dans le Génie civil 
du 26 septembre 1914, le premier wagon porte 
deux gazogènes et leurs annexes (réservoirs 
d'huile, etc.) ; le second porte les épurateurs. 
L'air est chassé dans les gazogènes par un 
turbo-compresseur mû par la vapeur de la loco- 
motive. Chaque gazogène reçoit à son tour les 
injections d'huile ou de benzol, et le gaz passe 
successivement dans les deux gazogènes, pour 
rendre plus complète la décomposition de ces 
produits. 

Les épurateurs, reliés par des conduites arti- 
culées aux appareils du premier wagon, com- 
prennentun laveur, un tour à pluie d’acide sulfu- 
rique, et un appareil à chaux sodée éliminant 


l'oxyde de carbone, Pour plus de détails à ce 
sujet, nous renverrons, de facon à ne pas sortir 
du cadre de cette étude, aux articles précités. 

Un troisième wagon peut, au besoin, être attelé 
aux précédents pour former réservoir de gaz; 
il comprend un compresseur et des tubes à haute 
pression. 


Nous n'avons pas prétendu, dans celte revue 
d'ensemble des principaux procédés de fabriea- 
tion de l'hydrogène pour les ballons, donner des 
renseignements sur ce qui a eu lieu, dans ce sens, 
depuis le début de la guerre; étant donné que 
les renseignements communiqués par les auto- 
rités sont presque toujours restés muets au 
sujet des dirigeables francçais!, des détails sur 
les points délicats du ravitaillement ne sauraient 
être publiés actuellement. Il nous est permis, 
toutefois, de conjecturer ce qui se passe de l’autre 
côté du front, et de constater avec satisfaction 
que le ravitaillement des immenses Zeppelin de 
25.000 et même 30.000 mètres cubes n’est pas 
exempt d’aléas : les installations actuelles ne 
produisent que des quantités de gaz modérées, 
et ces géants de l'air sont des consommateurs 
dont l'appétit, déjà difficile à satisfaire en temps 
normal, doit être hors de proportion avec la 
’apacité des usines, quand une avarie sérieuse 
leur est survenue. 


A. Fourniols, 
Ingénieur civil. 


1. La plus importante mention qui ait été faite de nos 
dirigeables dans les communiqués du Ministère de la Guerre 
est ainsi conçue : « Un de nos dirigeables a bombardé la 
gare et les hangars d'aviation de Fribourg-en-Brisgau » 
(19 avril). 


LA LOCALISATION DES PROJECTILES PAR LA RADIOGRAPHIE 
SUIVANT LA MÉTHODE HIRTZ 


Depuis la découverte des rayons X, divers 
moyens ont été proposés pour déterminer exac- 
tement la position des objets dissimulés dans 
l'organisme et qui nécessitent l'intervention chi- 
rurgicale. La guerre actuelle a suscité de nou- 
velles recherches dans cette voie, et plusieurs 
solutions ont déjà été décrites dans la Reouc!. En 
fait, on a surtout appliqué la méthode du D'Ilirtz, 
médecin-major, chef du service de physiothé- 
rapie à l'hôpital militaire du Val-de-Grâce. 


1. Voir, notamment, 15 janvier 1915, p. 5, et 30 mars 1915, 
p. 193. 


Cette méthode offre l'avantage de fournir assez 
rapidement des données sûres, avee un matériel 
peu encombrant, car, en dehors des organes 
essentiels de toute installation radiographique, 
elle n’exige qu'un compas spécial et une feuille 
de papier calque. 


I. — Exécurron Du CLICHÉ RADIOGRAPHIQUE 


La figure 14 montre comment est préparée l’opé- 
ration radiographique. La plaque au gélatino- 
bromure R est posée horizontalement, dans un 
châssis au-dessus duquel est collé un index 


346 Ervesr COUSTET. — LA LOCALISATION DES PROJECTILES 


————_— 


e - 

F < 
r 
= 


EE 


ÉD ie 


Fig. 1. — Principe de l'opération radiographique. 


métallique destiné à marquer le centre de la 
surface sensible, en V’, point de croisement des 
deux diagonales. 

L'ampoule radiogène est portée par un bras 
horizontal gradué en centimètres, qui permet de 
la déplacer parallèlement à la plaque. On l’amène 
d’abord, à l’aide d’un fil à plomb, exactement 
au-dessus du centre V', de façon que le foyer 
anticathodique se trouve en V, et l’on mesure 
la distance VV’. 

Le sujet à radiographier est placé entre la 
plaque et l’ampoule. Un sommaire examen ra- 
dioscopique ou radiographique ayant préalable- 
ment donné une idée approximative de la posi- 
tion occupée par l’objet P qu’il s’agit de loca- 
liser, ce point est disposé aussi près que possible 
du centre de la plaque. 

Trois points de repère, A, B et C, sont mar- 
qués sur la peau, d’abord par une croix tracée à 
l'encre, puis par des index métalliques. On peut 
se servir à cet effet d’un trusquin à trois bran- 
ches terminées en pointes ; cependant, lorsqu'il 
s’agit de radiographier une région épaisse, ilfaut 
chausser ces points de petites sphères de plomb : 
il est toujours facile, en effet, de déterminer le 
centre d'une ombre circulaire, même quand les 
contours en sont très flous. 

L’ampoule est transportée d’abord en F, géné. 
ralement à 3 centimètres de V (en tout cas la 
distance VF doit être soigneusement mesurée), 
et mise en activité. La pose achevée, on amène 
l'ampoule en F', à une distance de V égale à VF, 
et l’on exécute une seconde pose. 

Les trois repères, À, B, C et le corps P sont 
ainsi représentés, sur le cliché, par les images 
doubles 247, D A0BEIC, CE PAIDE 

On trace sur ce cliché deux lignes perpendicu- 


laires l’une à l’autre et passant par le centre in- 
diqué par l’image de l'index du châssis. Les deux 
lignes perpéndiculairés doivent être respective- 
ment parallèles aux bords de la plaque, dans le 
cas où le déplacement de l’ampoule a été biens 
effectué suivant la direction d’un de ces bords. 
Dans le cas contraire, il faudrait orienter une 
des lignes parallèlement aux droites joignant les 
images conjuguées des repères. | 
Le cliché ainsi préparé sert à dresser un gra- 
phique simple transformant la double projection 
conique qui vient d’être exécutée en projection 
orthogonale sur un plan horizontal et sur un 
plan vertical. | 


IT. — TRACÉ Du GRAPHIQUE | 
Une feuille de papier transparent est pliée en, 
deux, dans le sens de la longueur. Le pli qui 
marque le milieu est repassé à l'encre : c'est la 


ligne yy' (fig. 2). Près du bord supérieur, on 


Fig. 2. — Epure. 


Erkksr COUSTET. — LA LOCALISATION DES PROJECTILES 347 


märque un point V par lequel on fait passer une 
lisé pérpendiculaire à la première. Sur cette 
nouvelle ligne, on marqué lés distances VE et 
VI", égales aux déplacements de l’ampoule : les 
points F et K’ représentent la projection, sur le 
plan vertical, de l’anticathode dans ses deux po- 
sitions successives. Sur la ligne yy', à partir de V, 
on porte une longueur VO, égale à la distance 
qui séparait l’antiéathode de la plaque sensible. 
Par le point O on mène la ligne horizontale æx': 
ce qui est au-dessus de cette ligne représente le 
plan de projection vertical; ée qui est au-des- 
sous, le plâän dé projection horizontal. Dans cette 
dernière partie, on prend, sur la ligte yy', un 
point O’ dont la distance à O est arbitrairement 
choisie. Par ce point on fait passer une ligne 
horizontale sur laquelle on marque les points //", 
séparés dé O’par des distances égales à celles 
qui séparent le point V des points Fet F’, Les 
points f'et/" représentent les projections hôri- 
zontalés des deux foyers anticathodiqués. O’ est 
lé pied de la verticale. 

La feuille dé papier calque est alors poséé sur 
le côté gélatiné du cliché !, de telle sorte que les 
perpendiculaires passant par O' coincident avec 
la croisée des lignes tracées sur le phototype. On 
marque ensuite sur le papier les huit points qui 
transparaissent, a, a’, b, b', c, c', p, p'. La direc- 
tion des lignes aa’, bb’, ete. doit être parallèle à 
la diréction de la ligne de terre xx". L'épure peut 
maintenant êtré achevée. 

La règle dé cette construction est extrêmement 
simple. Il suffit de joindre les points qui corres- 
pondent aux images conjuguées dés repères ét 
du corps étranger aux deux foyers / et f', de la 
facon suivante : l’image de droite au foyer de 
gauche, et l'image de gauche au foyer de droite. 
Par leur entrecroisement, les lignes ainsi obte- 
nues déterminent les points A’, B', C’, P', qui 
sont les projections orthogonales sur le plan ho- 
rizontal des repèrés et duü centre du corps à lo- 
calisér. 

Pour obtenir léurs projéctïons sur le plan ver- 
tical, on trace les lignes de rappel parallèles à 
yy' par les points a’, a’, b", b',c', c', p', p', jusqu'à 
la ligne de terre x x’. On obtient ainsi les points 
a, a, b,b, c, c, p, p. On joint alors les points 
homonymes à F et F’, de telle sorte que le point 
qui représente l’image de droite soit réuni au 


1. En réalité, le décalque est elléctué sur La face qui regàr- 
d'ait l'ampoule. Si, par exemple, on a employé un écran ren- 
forçgaleur amenant l’inversion de l’image, il faudra décalquer 
sur le côté verrè ou, cé qui reviènt àu même, retourner le 
papier Wansparent après avoir calqué sur là gélatine. Dans 
les cas urgents, on n'a pas à attendre que la gélatine du cli- 
ché soit sèche : 1l suffit d'essuyer le côté verre et d'opérer sur 
cette face, en ayant soinalors de retourner le papier transpa- 
rent pour achever l’épure. 


foyer de gauche, et inversement. L'intersection 
de ces lignes fournit les points A, B, C, P, 
projéctions 6rthogonales sur le plan vertical des 
trois répères et du centre du corps étranger. 

Enfin, il faut tracer par P (projection verticale 
du centre du corps étranger) une ligne horizon- 
tale z',et menerles perpendiculaires A7, Bs, Ce, 
qui donnent les distances de A, B et C au plan 
horizontal. 

La description du graphique est forcément un 
peu compliquée. En réalité, l'exécution en est 
d’une extrême simplicité. 

III. — Récrace ou compas 

Le compas du D° Hirtz (fig. 3) sé compose de 

trois branches, 1, 2, 3, pivotant autour d’un 


axé O, sous lequel est un écrou à ailettes per- 
mettant de lès immobiliser. Le long de chaque 


Fig 3. — Compas du D' Hirtz. 


branche peut coulisser un bloc traversé à frotte- 
ment doux par une tige perpendiculaire au plan 
des branches et terminée en pointe. Blocs et 
tiges peuvent être fixés dans une position quel- 
conque par des vis de pression à tête moletée. 
Sur chaque tige est gravée une double division 
millimétrique. 

L'axe du compas est traversé par une tige S,ou 
sonde localisatrice, portant une butée fixe 7, 
Quand cette butée repose sur l’axe O, la pointe £ 
de la sonde se trouve exactement dans le plan des 
pointes des trois tiges périphériques réglées de 
manière que le zéro de leur graduation aflleure 
au-dessous des blocs coulissants. 

Sur l’axe du compas est aussi montée une 
pièce DD’ en forme d'arc, qui porte également 
un bloc coulissant dans lequel peut être passée 


la sonde, dans les cas où il n’est pas possible de 
pratiquer une incision verticale. 

Le compas est réglé suivant les indications de 
l’épure. A cet effet, les trois tiges périphériques 
étant d'abord mises au zéro, et la sonde fixée 
dans le centre de rotation, l'instrument est posé 
sur le graphique (fig. 2). 

L'extrémité de la sonde est amenée sur le 
point P, projection horizontale du corps étran- 
ger ; puis, par le jeu des branches et des cou- 
lisses, les pointes périphériques sont mises 
respectivement en coïncidence avec les trois 
points A’, B', C’. On serre alors l’écrou central 
et les vis de pression des blocs coulissants. 

Le réglage en profondeur s'exécute en partant 
de la projection verticale. 

Le point P, centre du corps étranger, est par 
définition à l'extrémité de la sonde de profon- 
deur, dont la longueur est fixe. Pour que les 
trois pointes puissent coïncider avec les repères 
A, B, C, il faudra nécessairement les raccourcir 
des quantités Ar, Bs, C£, car le plan des branches 
du compas doit rester horizontal. On mesure donc 
ces longueurs A7, Bs, Ct, et les tiges correspon- 
dantes sont raccourcies d'autant, ce qui est très 
facile, puisqu'elles sont graduées. Il peut arriver 
qu'un ou plusieurs des points À, B, C soient au- 
dessous de z3': le cas se présentera, si l’un des 
repères cutanés a été placé sur une partie déclive, 
au-dessous du plan horizontal passant par le 
corps étranger. Dans ce cas, il faudra, non pas 
raccourcir, mais allonger la tige correspondante 
de la quantité voulue : c’est pour cette raison que 
les tiges portent une double graduation. 


IV. — RECHERCHE DU CORPS A EXTRAIRE 


Les points de repère cutanés, déjà marqués à 
l'encre, sont rendus mieux apparents et momen- 
tanément indélébiles par l’application d'une 
légère pointe de feu, qui permettra de les dis- 
tinguer même à travers la couche d’iode souvent 
employée pour aseptiser le champ opératoire. 


Eee 


CRE Be 
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| 


/ 


Fig. 4. — Application du compas. 


Ernesr COUSTET.— LA LOCALISATION DES PROJECTILES 


Le blessé est placé de manière que la région 
intéressante occupe aussi exactement que pos- 
sible la position qu’elle avait pendant l'opération 
radiographique. Le compas est stérilisé par 
flambage, et les pointes des tiges sont présentées 
sur les repères À, B, C (fig. 4). La pointe de la 
sonde localisatrice S viendrait alors coïncider 
avec P, si ce point n’était pas inclus -dans les 
tissus. La sonde est arrêtée par le tégument, en 7. 
La distance z P est la profondeur de l’incision à 
pratiquer pour atteindre le corps étranger:elle 
s’évalue par la distance Or existant entrele centre 
O du compas et le repère r fixé sur la tige S. 
Une ineision faite en z ouvrira donc une voie de- 
vant la sonde, dont l'extrémité touchera le corps P 
quand le repère fixe » viendra buter sur O. 

Toutefois, le chirurgien devra d’abord vérifier 
si l’incision peut être pratiquée exactement dans 
le sens vertical, ou bien si la présence d’un 
obstacle {os ou organe à respecter) l’obligera à 
suivre un autre chemin. 

Dans le premier cas, on n'a qu'à ouvrir, au 
point touché par la sonde, une incision dont la 
profondeur sera égale à la distance qui sépare 
l'index r de sa butée. On retire provisoirement 
le compas, pour être moins géné;on le pré- 
sente de nouveau, lorsqu'une certaine profon- 
deur a été atteinte, afin de s'assurer qu’on ne 
s’est pas écarté de la direction à suivre. L’inci- 
sion est ainsi continuée, jusqu’à ce que l’indexr 
soit descendu sur sa butée. À ce moment, sile 
corps étranger n’est pas déjà découvert, la pointe 
de la sonde est dans son voisinage immédiat. 

Dans le second cas, la sonde est retirée de 
l'axe du compas et passée dans le bloc que porte 
l’are D. Le centre de courbure de cette pièce se 
trouve en P:il s'ensuit que, quelle que soit la 
position qu'occupe le bloc, il suffira d'abaisser 
la sonde jusque sur sa butée pour que la pointe ? 
vienne toucher le corps étranger. Le chirurgien 
n'a donc qu’à rechercher dans quel sens il con- 
vient de pratiquer l'incision, et orienter la sonde 
dans cette direction. L’are D pouvant tourner 
autour de l’axe du compas, on comprend que la 
sonde puisse prendre toutes les positions com- 
prises dans un cône dont l’angle d'ouverture est 
déterminé par l’étendue de l'arc. 

Cette méthode peut paraître compliquée; mais 
il faut remarquer qu’elle vise avant tout à être 
aussi précise que possible, tout en restant pra- 
tique. Ses indications se vérifient, à 1 ou 2 mil- 
limètres près, et une telle précision ne peut 
s'acheter qu'aux prix d'une certaine complica- 
tion mécanique ou géométrique. Les procédés 
expéditifs sont élégants; ils séduisent, à la lec- 
ture; par malheur, dans l'application, ils se mon- 
trent trop souvent infidèles. Avouons qu’il est 
fâcheux, après avoir profondément tailladé les 
chairs du patient, de s’apercevoir que l'on s’est 
égaré et qu’il faut creuser ailleurs. 


Ernest Coustet. 


mélamine 1. dé ter. dé, 


dt ot ÉTÉ ÉD SC S 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 349 


BIBLIOGRAPHIE 
ANALYSES ET INDEX 


41° Sciences mathématiques 


Coîfin (J.G.), Professeur au Collège de New-York. — 
Calcul vectoriel, avec applications aux Mathémati- 
ques et à la Physique. Traduction et notation fran- 
çaises par M. Al. VÉRONNET, Docteur ès sciences. — 
1 vol. in-8° de xvi-212 p. avec 70 fig. (Prix : 7 fr. 50). 
Gauthier-Villars, éditeurs, Paris, 1914. 


Ce manuel de Calcul vectoriel, qui en est à sa seconde 
édition anglaise, montre l'intérêt croissant que pren- 
nent à l'étranger l'étude et l'application de ces métlio- 
des et notations nouvelles, encore trop ignorées peut- 
être du public français. Nous avons su en France tirer 
un si brillant parti de la méthode et de la notation car- 
tésiennes, et leur donner tant de généralité et de clarté, 
que nous avons négligé un peu d’en voir quelques dé- 
fauts accessoires. Le plus grave est qu’elles brisent tout 
élément simple et réel en trois éléments artificiels. Nous 
ne raisonnons plus, nous ne calculons plus sur les 
points, les lignes, les forces, mais sur leurs trois coor- 
données ou leurs trois composantes. 

A l'étranger, en particulier, on à essayé d'appliquer 
l'analyse algébrique directement aux éléments géomé- 
triques mêmes, et l’on a constitué le Calcul vectoriel, 
qui se présente modestement comme une méthode auxi- 
liaire pour rendre l’ancienne plus directe et plus intui- 
tive, pour aider à l’enseignement et rendre plus faciles 
les recherches futures. 

L'ouvrage de Coflin contient les éléments de ce 
Calcul, ainsi que ses applications générales dans les 
principaux domaines de la Mécanique, de l'Hydrodyna- 
mique et de l’Electrodynamique : équations de Poisson, 
Lagrange, Green, Euler, Maxwell, Hertz, Lorentz, etc. 

L'élément fondamental estle vecteur, représenté par 
une seule lettre, ayant à la fois grandeur et direction, 
et qui représente et définit à son tour un point quel- 
conque (rayon vecteur), une ligne, une vitesse, une 
force, un élément différentiel de courbe ou de surface, 
une normale, une tangente, elc., etc. Le produit algé- 
brique ou travail de deux vecteurs, le produit géomé- 
trique ou moment de deux vecteurs, le produit mixte 
de trois vecteurs ou volume de leur parallélépipède, 
constituent les opérations élémentaires et fondamenta- 
les sur les vecteurs. Egalés à zéro, ces produits défi- 
nissent deux vecteurs perpendiculaires, deux vecteurs 
parallèles, trois vecteurs situés dans le même plan, et 
en donnent en même Lemps les équations. Leur traduc- 
tion cartésienne esl d’ailleurs immédiate et ils fournis- 
sent ainsi presque sans calcul et intuitivement un 
grand nombre de formules de Géométrie et de Mécani- 
que. 

Il faut savoir tout particulièrement gré à M. Al. Vé- 
ronnet d’avoir mis cet ouvrage à la portée du public 
francais. C’est un véritable livre d’enseignement, à la 
portée des élèves aussi bien que des professeurs, et qui 
sera accueilli par tous avec un vif plaisir. 


Francois (L.), Zngénieur-chimiste. — Formules, re- 
cettes, procédés à l'usage des ingénieurs. — 1 vol. 
in-8° de VII1-420 p. avec 127 fig. (Prix : 9 fr.) H. Du- 
nod et E. Pinat, éditeurs, Paris, 1914. 


L'intérêt de cet ouvrage réside dans le fait qu'il a été 
conçu, non pour des amateurs, mais par un technicien 
et pour des techniciens. Le nombre des recettes s’est 
trouvé par là même plus restreint; par contre, grâce à 
d’obligeants concours, toutes ont pu être soumises à 
une révision critique fort sévère, qui a débarrassé le 
livre de beaucoup denon valeurs qui fourmillent ailleurs. 


Au point de vue matériel, l'ouvrage se distingue par 
une séparation bien marquée entre les descriptions, un 
groupement rationnel rendant les comparaisons et le 
choix faciles, et surtout un index alphabétique à entrées 
multiples rendant les recherches très rapides. 

L'extrait suivant de la table des matières donnera 
une idée des questions qui y sont traitées : [. Aecvites 
pour le bureau (encres, colles, cire, effaçage des traits, 
documentation technique...). — I, Aecettes pour le 
laboratoire (à l'usage des chimistes, des photographes- 
amateurs...), — Il, Æecettes pour l'usine (lubrifiants, 
‘alorifuges, extinction des incendies, installation élec- 
tique...) — IV. Recettes pour l'atelier (montages sur 
les machines outils, trempe, aciérage, recuit, pati- 
nes, elc...). — V. Aecettes pour le chantier (mortiers et 
bétons, moulages, peintures, nœuds et brélages..….). 


2° Sciences physiques 


Rothé (E.) Professeur de Physique à la Faculté des 
Sciences de Nancy, Directeur de l'Institut aérodyna- 
mique. — Cours de Physique, professé à la Faculté 
des Sciences de Nancy. PREMIÈRE PARTIE, à l'usage 
des Etudiants de licence et des Instituts techniques : 
GÉNÉRALITÉS. UNITÉS. SimiuiTubE. Mesures. — Un vol. 
in-8 de 186 p. avec TS fig. (Prix : 6 fr. 50). Gauthier- 
Villars, éditeurs, Paris, 1914. 


M. Rothé vient de commencer la publication du cours 
de Physique qu'il professe à l'Université de Nancy par 
un premier volume consacré à des questions qu'on est 
convenu de grouper sous le nom de Généralités : me- 
sure des grandeurs, similitude, erreurs, statique des 
fluides, densités et mesure des pressions. 

La connaissance précise de ces généralités est néces- 
saire à qui veut approfondir la Physique, soit pour en 
poursuivre l'étude théorique, soit en vue de l'appliquer 
aux diverses branches de l’art de l'ingénieur, mais leur 
étude passe volontiers pour manquer d'agrément, Aussi 
n'est-ce pas pour M. Rothé un mince mérite que d’avoir 
su, par la sobre élégance et la clarté de l'exposition, 
autant que par l'actualité et la nouveauté des exemples 
choisis pour illustrer les théorèmes généraux, donner 
de l'intérêt et de la vie à des sujets par eux-mêmes peu 
captivants. 

Pour la description des appareils anciens, dont l'in- 
térêt est souvent d'ordre historique, M. Rothé renvoie 
le plus souvent aux Traités déjà existants, ce qui 
lui permet d’insister sur les dispositifs plus récents. 
C'est ainsi que le chapitre relatif aux mesures renferme 
une étude approfondie des comparateurs actuellement 
utilisés pour l'évaluation de petites différences entre des 
longueurs sensiblement égales, ainsi que la description 
des balances de précision les plus modernes. 

A propos de la mesure du temps, M. Rothé expose la 
méthode des coïncidences, imaginée depuis longtemps 
pour la comparaison des périodes des mouvements pério- 
diques et qui permet d'utiliser les signaux radiotélégra- 
phiques au réglage des horloges. Il étudie également la 
stroboscopie et son application au pendule, à l’aide 
des dispositifs du général Defforges etde M. Lippmann, 
pour la mesure de l'accélération de la pesanteur. 

Dans l'étude des Unités, un exemple relatif au caleul 
du coeflicient k de la formule fondamentale la résistance 
de l'air R — # S v?, dans les divers systèmes d'unités 
utilisés en France et en Angleterre, montre très vive- 
ment les services que peut rendre à un ingénieur l’em- 
ploi judicieux des équations de dimensions. 

A signaler également tout le chapitre relatif au Prin- 
cipe de Similitude dont on fait usage toutes les fois que 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


l’on essaie de prévoir la valeur d’une invention mécani- 
que par des expériences en petit. M. Rothé illustre son 
exposé, remarquablement simple, d’un grand nombre 
d'exemples empruntés,les uns à la Physique générale, les 
autres à la Physique industrielle, à l'Aéronautique et à la 
Marine. 

La mesure des pressions est suivie d’une étude com- 
plète des corrections barométriques et des différentes 
formules dérivées de celle de Laplace que l’on emploie 
pour la mesure des altitudes, La description des baro- 
mètres est limitée à celle du modèle courant utilisé 
aujourd'hui dans la plupart des observatoires, le baro- 
mètre de Tonnelot, du modèlede haute précision installé 
au Pavillon de Breteuil, et de l’enregistreur Richard, 
qui convient particulièrement à l'étude des variations de 
la pression (une variation de pression de : mm. de mer- 
eure se traduit par un déplacement de la plume de 
20 mm.) et qui permet également l'inscription des 
séismes, 

A. BOUTARICE, 
Chargé d’un Cours complémentaire 
de Physique à l'Université de Montpellier. 


Swyngedauw (R.), Directeur de l’Institut Electro- 
technique de Lille. — Cours d'Electrotechnique 
générale et appliquée, publié avec la collaboration 
de MM. F, NeGre et P. Beauvais. Tome II : Le cou- 
rant alternatif. — 1 vol. in-S" de 564 p. avec 234 fig. 
(Prix : 17 fr. 50). Ch. Béranger, éditeur, Paris, 1914. 


L'important ouvrage que M. R.Swyngedauw présente 
aujourd'hui au publie fait partie d’un ensemble portant 
le titre général de : Cours d'Electrotechnique générale et 
appliquée, professé à l’Institut électrotechnique de Lille. 
Il comprend l'étude générale des courants alternatifs, 
et l'étude particulière des transformateurs et des lignes 
de transmission; deux cents pages sont consacrées aux 
généralités; une centaine aux bobines et transforma- 
teurs statiques; deux cents environ aux lignes. 

Les généralités comportent l'étude des grandeurs et 
desloisessentielles des courantsalternatifs,avec l'emploi 
destrois méthodes aujourd’hui classiques; la méthode al- 
gébrique, la méthode géométrique ou vectorielle etla mé- 
thode des imaginaires qui est la traduction algébrique 
de la précédente. Le plan original de l’auteur consiste 
à donner d’abord, en cinq chapitres, les propriétés fon- 
damentales des grandeurs électriques périodiques sans 
les supposer sinusoïdales, et cependant sans avoir re- 
cours au développement de Fourier. Il en résulte un cer- 
tain nombre d’énoncés intéressants, ceux par exemple 
oùintervient la notion de facteur de forme, mais aussi 
quelquefois une généralité plus apparente que réelle qui, 
en fait, serestreint aux quantités sinusoïdales, parexem- 
ple l'énoncé de la page 4o relatif aux réactances induc- 
lives et condensives : lorsque deux réactances de ce 
genre sont montées en série, les tensions à leurs bornes 
ne peuvent avoir la même forme que si elles sont sinu- 
soïdales. Signalons également comme particulièrement 
intéressant, dans cette première partie, le développement 
donné aux théories de M. Boucherot des puissances ac- 
tives et réaclives. Vient ensuite l’étude des grandeurs 
sinusoïdales et des grandeurs non sinusoïdales par dé- 
composition en série de Fourier ; nous signalerons dans 
celte partie l'étude spéciale des régimes variables ou 
transitoires. 

Après quelques généralités sur les courants polypha- 
sés, l’auteur aborde l'étude des bobines ànoyau de feret 
des transformateurs, A signaler, dans ces chapitres, 
l'étude des bobines et transformateurs triphasés, du 
couplage des transformateurs, des transformaleurs de 
phases et de fréquence et des redresseurs statiques. 

La deuxième partie du volume est consacrée à l'étude 
des lignes et des surtensions dans les réseaux. Elle dé- 
bute par une étude approfondié de la capacité et de la 
selfinduction des lignes aériennes ou souterraines, et de 
l'effet Kelvin dans les conducteurs cylindriques. Les 
constantes étant ainsi définies et précisées, l’auteur 


passe à l'étude du fonctionnement des lignes : un pre- 
mier chapitre (chap. xxv de l'ouvrage) est relatif aux 
phénomènes entraînés par l'existence de la capacité et 
des défauts d'isolement des lignes, au contrôle des ré- 
seaux, à la tension par rapport au sol des lignes mal 
isolées et aux dangers de contact d’un observateur avec 
les lignes sous tension. Vient ensuite, dans l’hypothèse 
d'une capacité localisée, l'étude des chutes de tension en 
ligne, de l’effet Ferranti, et de la résonance des harmo- 
niques. Signalons enparticulier les études de l’auteur 
sur la résonance des harmoniques 3. Enfin, la question 
est généralisée par l’étude complète des lignes présen- 
tant de la capacité répartie. Cette étude comporte le cal- 
cul de la répartition du courant et du potentiel dans les 
longues lignes, de l'impédance naturelle et des ondes 
stationnaires dans ces lignes, et de leur résonance pos- 
sible, Ces études permettent de se faire une idée de ce 
qu'on peut appeler les surtensions en régime normal, Les 
surtensions accidentelles sont d’une étude plus délicate 
encore: l’auteur examine d’abord les surtensions dues 
aux courants transitoires des oscillations libres du ré- 
seau et les moyens d'y remédier (limiteurs de tension, 
parasurtensions). Mais ces phénomènes ne sont pas les 
seuls que l’on puisse observer : dans les longues lignes 
prennent naissance, à chaque variation de régime, des 
ondes mobiles qui se propagent sensiblement avec la 
vitesse de la lumière, et qui, au point de jonction de 
deux parties hétérogènes du réseau, peuvent donner lieu 
à des élévations de tension dangereuses : ce sont ces on- 
des mobiles, par exemple, qui produisent les accidents 
si souvent observés dans les premières bobines des 
transformateurs : les travaux classiques de l’auteur sur 
les potentiels explosifs statiques el dynamiques pren- 
nent naturellement place dans ce chapitre; enfin le 
volume se termine par l'étude des surtensions créées par 
les orages sur les lignes aériennes. 

Tel est cet ouvrage considérable, où l’on trouvera, 
outre un exposé didactique compiet des phénomènes et 
des théories, le résumé et la mise au point des travaux 
les plus récents qui ont été publiés, tant en France qu'à 
l'étranger, sur ces sujelsdifliciles: desindications biblio- 
graphiques très précises permettent toujours de se re- 
porter aux originaux, et les travaux propres de l’auteur 
y trouventune place importante. L'ouvrage de M.Swyn- 
gedauw sera certainement très apprécié des ingénieurs 
ayant déjà des connaissances générales des phénomènes 
des courants alternatifs et désirant les approfondir et 
les mettre au courant des idées actuelles. 


P. JANET. 
Professeur à l'Université de Paris, 


Directeur du Laboratoire central 
et de l'Ecole supérieure d'Electricité. 


Lyon Dorsey À.) et Keeney (Rob. M.). — Electric 
Furnaces formaking Ironand Steel. — f vol.in-8v 
de 142 p. avec 36 fig. (Prix : 1 fr.). Bulletin 67 du Bu- 
reau of Mines. Government Printing Office, Washing- 
ton, 1914. 


Le Bureau des Mines américain, dans le but de con- 
tribuer au développement des industries métallurgiques 
aux Etats-Unis, a entrepris une enquête sur l’applica- 
tion de l'électricité à diverses industries, en particulier 
à la fabrication du fer et de l'acier. Ce petit ouvrage 
donne les résultats de cette dernière enquête et fournit 
quelques indications sur les problèmes qui restent à ré- 
soudre dans i’emploi du four électrique pour le traite- 
ment des minerais de fer etla production de la fonte sur 
une échelle commerciale à un prix profitable. 

Dans la première partie, relative à la fonte et due à 
M. Lyon, l’auteur rappelle les premières expériences de 
la Commission canadienne en 1904 et 1906, puis celles 
du Comptoir des Fers en Suède, qui ont abouti au type 
de four aujourd’hui en usage, enfin celle de la Shasta 
Jron Co. en Californie, qui ont également conduit à 
l'adoption d’un type pratique. L'auteur compare ces 


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BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


deux types de four électrique entre eux et avec le haut- 
fourneau, et termine parun projet d'installation d'usine 
pour la fabrication électrique de la fonte et le raflinage 
électrique de l'acier, susceptible de produire annuelle- 
ment 50,000 tonnes de fonte au prix de 11,25 dollars la 
tonne et autant d'acier au prix de 17,54 dollars la tonne, 

La seconde partie, relative à l'acier et due à M. Kee- 
ney, donne, après un bref historique du développement 
des fours électriques à acier, la description détaillée des 
différents types de fours employés aujourd'hui commer- 
cialement et qui peuvent se diviser en fours à are (Hé- 
roull, Girod, Slassano, Keller, Grünwall, Nathusius) et 
fours à induction (Kjellin, Rochling-Rüdenhauser). Puis 
l'auteur décrit les méthodes de travail en usage dans un 
certain nombre d'usines européennes et américaines 
qu'il à visitées: La Praz, Sheflield, Braintree, Ugine, 
Bonn, South Chicago, Worcester, Oberhausen, ete, Il 
résume les caractéristiques d'opération des fours électri- 
ques à acier et caleule le coût de fabrication de l'acier 
pour les différents types. L'auteur termine par un projet 
d'installation d’aciérie duplex par le procédé sur sole et 
le procédé électrique. 

Une bibliographie choisie, qui ne comporte toutefois 
que des mémoires ou articles écrits ou traduits en an- 
glais, termine le livre. 

En somme, l'ouvrage constitue une mise au pointtrès 
complète de cetteimportante question à l'heure actuelle, 
que consulteront avec fruit tous les métallurgistes. 


TRE 
3° Sciences naturelles 
Déchelette (Joseph), Conservateur du Musée de 
Roanne, correspondant de l'Institut. — Manuel 


d'Archéologie préhistorique, celtique et gallo-ro- 
maine. II. Archéologie celtique ou protohisto- 
rique. Troisième partie. Second âge du fer ou épo- 
que dela Tène. — / vol. in-8° continuant la pagination 
des deux premières parties du tome I (p. V-VIIL, g11- 
1693; pl. IX-XIIT ; carte 5 et 1 tablean). (Prix: 15 fr.). 
Auguste Picard, éditeur, Paris, 1914. 


Comme complément à notre précédent article sur 
Joseph Déchelette !, tué à l'ennemi le 4 octobre 19 14 dans 
des conditions glorieuses, il nous est agréable d'ajouter 
que la grande œuvre archéologique laissée par ce sa- 
vant, et à laquelle il a donné une somme si énorme de 
travail, embrasse dans sa totalité la période préhistori- 
que et la période celtique ou protohistorique, La troi- 
sième et dernière partie du tome Il, lequel est consacré 
à celte deuxième période, a paru portant cette date 
même de 1914, année qui devait voir son auteur tomber 
au champ d'honneur. 

Ce nouveau volume, de plus de 800 pages, renferme 
l'étude du second âge du fer, c’est-à-dire de la période 
protohistorique comprenant les cinq derniers siècles 
avant notre ère, et il nous mène par conséquent à l’au- 
rore des temps historiques. Ainsi que les précédents 
volumes dont il forme le complément, c'est une œuvre 
de haute érudilion, documentée par d'abondantes notes 
bibliographiques et de très nombreuses figures. 

Le second âge du fer a été désigné du nom d'époque 
de La Tène, à cause des importantes trouvailles qui ont 
élé faites dans cette station fameuse du lac de Neuchà- 
tel et qui correspondent à cet äge. On y a distingué trois 
périodes netlement caractérisées: La Tène I, de l'an 500 
à l'an 300 av. J.-C. ; La Tène Il, de l’an 300 à l’an 100; 
La Tène III, de l'an 100 à l'ère chrétienne. 

Tous les objets remontant à cette époque se ratta- 
chent à la civilisation des Celtes, dontles conquêtes ter- 


1. Revue générale des Sciences, 30 janvier 1915, p. 37. 


ritoriales s’étendirent sur une aire géographique consi- 
dérable et qui y propagèrent, grâce au développement 
de leur commerce, leurs principaux types industriels. 
Issue d'origines premières méridionales, la culture de 
La Tène eut surtout sa plus large diffusion à partir du 
ve siècle et se répandit sur la plus grande partie de 
l'Europe. Mais après même que les Germains eurent 
reloulé les Celtes sur la rive gauche du Rhin, au mo- 
nent où allait commencer la phase de La Têne HE, la 
culture du second àge du fer se conserva longtemps 
encore parmi les peuples de la rive droile du fleuve. 
Cette culture de La Tène, dont l'extension fut si remar- 
quable au moment de la plus grande prospérité des 
Celtes, fut mème assez importante pour que M. Déche- 
lette ait pu dire qu'elle avait préparé les voies à l'unité 
romaine. Avec la Tène If, nous nous trouvons placés 
au début de l'époque gallo-romaine, au moment où les 
Gaulois, vaincus etabsorbés par les Romains, commen- 
caient à recevoir de leurs nouveaux maitres les bien- 
faits de la civilisation gréco-latine, 

Ce sont ces évolutions et ces progrès de la civilisation 
celtique que Joseph Déchelette a exposés dans ce volume, 
en étudiant celle-ci non seulement en France mais aussi 
à l'étranger, de telle sorte qu'il a pu faire des rapproche- 
ments très curieux et très instructifs. Dans cette étude 
très complète du sujet, le savant archéologue envisage 
les manifestations diverses de la vie privée, et décrit 
successivement les objets usuels de toute nature se rat- 
tachant aux besoins et aux goûts de l’homme. 

En ce qui touche les habitations et les aggloméra- 
tions humaines, Joseph Déchelette, après nous avoir 
donné des détails sur les quelques oppidums fameux 
retrouvés en France: Bibracte, Alesia, Gergovie, passe 
en revue les principaux d'entre ceux connus à l’étran- 
ger et appartenant à la même époque, celle de La Tène 
Ill; il nous montre de la façon la plus frappante la 
similitude de forme et d'aspect existant entre les paru- 
res et outils provenant des stations françaises et ceux 
des oppidums de la Bohème, de la Bavière et de la Hon- 
grie, Passant aux sépultures, auxquelles il consacre des 
développements étendus, il fait apparaitre de même 
l'homogénéité des caractères que présentent celles-ci 
dans toutes les régions de la France ainsi qu'à l’étran- 
ger. 

Parmi les armes, ce sont les épées surlout, instru- 
ments principaux de défense des peuples de ces temps 
reculés, qui retiennent l'attention de l’auteur. Notons 
aussi d'intéressants détails sur les chars de guerre et 
leurs harnachements, sur les cuirasses, les boucliers, et 
tout l'outillage militaire. Les objets de parure et de toi- 
lette, trouvés en très grand nombre, révèlent la pas- 
sion des Celtes pour les bijoux et le goût délicat de 
leurs artistes. Aprèstous les objets d'ornement, l’auteur 
décrit les outils et instruments, servant à tous les usa- 
ges de la vie, à l’agriculture, à la pêche, et il fait ressor- 
tir l'abondance et la variété des outils de fer parmi les 
trouvailles de la Tène II. L'examen des ustensiles ser- 
vant au culte domestique, des ustensiles de cuisine, des 
vases de métal et des poteries, amène J. Décheletle à 
fournir d’intéressants aperçus sur les importations fré- 
quentes en pays celtique des vases de bronze italo-grecs 
et sur les caractères des produits céramiques au second 
âge du fer. Enfin, il termine par un important chapi- 
tre sur l’art celtique qui, à ce second âge du fer, cons- 
titue un véritable art national,et qui a pris naissance 
dans les régions voisines du Rhin moyen à partir du 
v® siècle; ilnous en montre les diverses productions, 
art ornemental, sculptures, émaux, monnaies. Les con- 
sidérations données par l’auteur sur le commerce des 
Celtes achèvent de mettre en lumière la grande place 
qu’occupa leur civilisation au début de notre histoire. 


Gustave REGELSPERGER, 


352 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 
Seance du 10 Max 1915 


1° SCIENCES PHYSIQUES. — M. G. Chesneau: Con- 
tribution à l'étude chimique des vitraux du Muyen Age. 
L'auteur a analysé quelques verres de vitraux prove- 
nant de la cathédrale de Reims. Le verre violet contient 
avec le manganèse à l’état de Mn?0*, qui est le colorant 
principal, del’oxyde de fer avec des traces de Cu et Co; 
ce sont les éléments généralement associés dans les 
pyrolusites impures, et qui donnent aux vitraux vio- 
lets du xt‘ siècle le ton chair qu'on n'obtient jamais 
avec Mn°0° pur. Le verre bleu contient les éléments 
qu'on trouve réunis dans l’arséniosulfure de cobalt na- 
turel; il a donc été coloré avec le safre obtenu depuis 
bien des siècles avec ce minerai, après l'avoir débar- 
rassé du Ni. La teinte du verre vert a été obtenue par 
le mélange habituel d’oxydes de cuivre et de fer, la 
nuance étant sans doute influencée par la présence d’un 
peu de Co et de beaucoup de Mn. Pour le verre rouge, 
la teinte de l'émail extrêmement mince qui le recouvre 
sur une face d’une façon très continue est due à l’oxy- 
dule de cuivre, suivant le mode connu de fabrication. 
— M.J. Bougault : Sur les dioxytriazines; synthèse de 
semi-carbazides substituées. Lorsqu'ontraite l’éther mo- 
nométhylique de la benzyldioxytriazine par la soude 
étendue et à l’ébullition, il se dégage de la monomé- 
thylamine et il se forme une méthylsemicarbazone de 
l'acide phénylpyruvique. Cette dernière, traitée par HCI 
concentré à froid, donnede l'acide phénylpyruvique et du 
chlorhydrate de 4-méthylsemicarbazide. Cette méthode 
est générale et permet de préparer les 4-alcoylsemicar- 
bazides. — MM. A. Pictet et M. Bouvier : Sur les 
hydrocarbures saturés du goudron du vide. Ces hydro- 
carbures ont été séparés du goudron du vide par traite- 
ment avec SO? liquide, qui dissout seulement les hydro- 
carbures non saturés. La partie insoluble, soumise à la 
distillation fractionnée, a fourni 4 composés nouveaux 
bien définis, appartenant, comme les deux précédem- 
ment décrits, à la série C" H®, L'un est un hexahydro- 
durène CI0H°0 et un autre un hexahydromésitylène 
CH'8, Ces hydrocarbures paraissent identiques à ceux 
que Mabery a retirés des pétroles du Canada et de Cali- 
fornie, Enfin, par distillation sous pression réduite, on 
a encore isolé un hydrocarbure C32H560, de la même sé- 
rie, F.62°-639, qui préexiste dans la houille et est identi- 
que au mélène provenant de la distillation sèche de la 
cire d’abeilles. — M. G. Murgoci : Sur la rhodusite et 
l’abriachanite, La rhodusite et l’abriachanite sont les 
termes ferriques extrêmes de la série dela glaucophane; 
elles sont plus ferriques que la crossite. Il est à remar- 
quer que, dans celte série, comme dans celle de la rié- 
beckite, il existe deux termes : l’un, la rhodusite, avec 
le plan des axes optiques parallèle à g! (o1o), comme 
dans la riébeckite; l’autre, un peu alumineux, avec ce 
plan perpendiculaire à gl, comme dans l’osannite; on 
peut désigner ces derniers termes sous le nom d’abria- 
chanite, en y comprenant la tschernichevite, 

20 SCIENCES NATURELLES. — M. Eug. Pittard: Anthro- 
pométrie comparative des populations balkaniques. 
Voici quelques-unes des moyennes obtenues par lau- 
teur. Taille : Serbes, 190ÿ,1 mm.; Turcs, 1679 mm.; 
Albanais, 1678 mm.; Grecs, 1670,4 mm.; Bulgares, 
1667 mm.; Tatars, 1655 mm.; Roumains, 1656 mm. Si 
on calcule le développement général du crâne en fonc- 
tion de la stature, on trouve que ce sont les Roumains 
et les Tatars qui viennent en tête, puis les Grecs et les 


Albanais; ceux-ci sont suivis par les Bulgares et enfin 
par les Tures et les Serbes. Au point de vue du déve- 
loppement absolu du cràne, les peuples balkaniques se 
rangent dans l’ordre décroissant suivant : Grecs, Rou- 
mains, Tatars, Tures, Bulgares, Albanais, Serbes. — 
M. St. Meunier:Sur la part qui parait revenir aux 
phénomènes mécuniques dans l'élaboration des roches 
cristallophylliennes. L'auteur estime que les phénomènes 


mécaniques — d’où résultent, comme produits les plus 
visibles, les refoulements des grandes lames de char- 
riage — ont dans la substance des roches des contre- 


coups internes, de toutes les dimensions jusqu'à celles 
des fissures microscopiques qui forment des réseaux 
inextricables au travers des minéraux des roches cris- 
tallophylliennes. Ces fissures s’offrent à la circulation 
incessante de fluides minéralisateurs dont le sol est 
imprégné jusqu'à de grandes profondeurs et qui, arra- 
chant aux roches certains éléments, déposent en 
échange la substance conjonctive dans laquelle sont 
empâtés les débris cristallins. C’est seulement par 
l'intervention de ce mécanisme de broyage et de 
rebroyage, alternant avec des cimentations et des reci- 
mentations, qu'on peut comprendre la structure des 
roches cristallophylliennes. — M. C. A. Ktenas : Sur 
les minerais de fer d'origine isnée de la Grèce orientale 
et sur leurs transformations. Les gisements de fer de la 
Grèce orientale proviennent de la décomposition d'amas 
de magnétite et d’hématite chromifères et nickélifères, 
constituant des gites d’inclusion dans des péridotites. 
L’altération a donné naissance à une formation de mi- 
nerais de fer en grains et à celle de sécrétions latérales 
nickelifères (garniérite, nouméite ?). L'altération atteint 
ordinairement les gites dans toute leur épaisseur ;elle 
serait causée par l’altération simultanée des substances 
serpentineuses qui y sont mélangées. — M. N. Arabu: 
Etudes sur les formations tertiaires du bassin de la mer 
de Marmara. Tandis que, sur les bords du bassin, les 
différents termes du Tertiaire se présentent sous des 
facies littoraux, peu épais, riches en fossiles, au centre 
ils sont représentés par des facies de géosynclinal, très 
épais, monotones, où les fossiles sont très rares et mal 
conservés. En rapprochant ces faits de celui de l’exis- 
tence de bas-fonds dépassant 1000 m. de profondeur, 
alignés suivant l’axe de la mer de Marmara actuelle, 
on peut conclure que ce remarquable sillon est très 
ancien, Il serait d'origine tectonique et se placerait 
entre le Priabonien et l’Oligocène. — M. J. Deprat: Les 
zones plissées intermédiaires entre le Yunnan et le 
Haut-Tonkin. Les observations de l’auteur lui permet- 
tent de dresser une coupe générale depuis le pays sseu- 
tchoanais situé au nord de la grande bouche du Kin- 
cha-kiang jusqu’aulittoral pacifique du golfe du Tonkin. 
On y trouve la succession de zones suivantes : Au nord 
du Kin-cha-kiang, une grande masse charriée, ou masse 
du Kiao-ting-chan, chevauche, en s’avançant vers le 
Sud, l'arc yunnanais, La branche orientale de l’are 
yunnanais, accompagnée de la partie chinoise du fais- 
ceau sino-annamitique, est plissée vivement en plis 
déversés vers l'ESE, souvent accompagnés de charriages 
locaux. Toute cette vaste zone, qui forme le Yunnan 
jusqu'au Nan-ti, chevauche à son tour la zone des plis 
du Song-Chay et du Nan-ti, formée d'une masse d’écailles 
et de brèches empilées. Cette zone à son tour passe au 
Sud à une région de plis couchés, bouleversés, qui, dans 
la région de la basse Rivière Noire et du Delta, passe à 
une série d’écailles quichevauchent largement la région 
mésozoïique tonkinoise avoisinant la mer. 


nd nie nid fete jt à 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 353 


Séance du 17 Mai 1915 


1° SCIENCES PHYSIQUES. — M, D. Berthelot : Calcul 
de la constante de J'espretz-Trouton. La loi de Des- 
pretz-Trouton, L/T,—= 18 (où L est la chaleur latente 
de vaporisalion interne et T, la température absolue 
d'ébullition sous la pression atmosphérique), a été 
découverte d'une manière purement empirique. L'auteur 
montre qu'on peut calculer à priori la valeur de la cons- 
tante si l’on connait avec une exactitude suflisante 
l'équation caractéristique des fluides, Les essais tentés 
dans celle voie n'ont pas été satisfaisants, à cause du 
manque de rigueur de l'équation de van der Waals. 
Mais si l’on emploie l'équation caractéristique proposée 
par l'auteur en 1902, on arrive pour le coeilicient de 
Despretz-Frouton à une valeur en parfait accord avec 
l'expérience. — M. E. Léger : Sur le citrate trimagnésien 
et les prélendus citrates magnésiens basiques. En mé- 
langeant deux solutions alcooliques bouillantes, l’une 
d’acétate de Mg (3 mol.), l’autre d’acide citrique (2 mol.), 
l'auteur a obtenu un citrate trimagnésien renfermant 
environ 7 H?0. Il se dissout instantanément dans deux 
fois son poids d'eau froide, et la solution dépose après 
un certain temps des cristaux de l'hydrate à 13 H20 qui 
solidifient tout le liquide. En maintenant sur le bain- 
marie, pendant une vingtaine d'heures, une solution 
concentrée de citrate trimagnésien, la liqueur se trouble 
et l’on obtient un précipité cristallin insoluble, cons- 
tiltué par un nouvel hydrate à 9 H?20, Les trois citrates 
magnésiens basiques de Kimmerer n’ont pu être repro- 
duits par l’auteur. — M. O. Bailly: Synthèse de l'acide 
a-glycérophosphorique. En soumettant le monallyl- 
phosphate de Ca à l’action du permanganate de K en 
Solution aqueuse étendue et froide, et précipitant par 
Ca CE, on obtient l’z-glycérosphosphate de Ca, neutre à la 
phtaléine en solution aqueuse; 100 gr. d'eau dissolvent 
à 159 5 gr. 21 de sel anhydre, Oxydé par l'eau de brome 
à froid, ce selengendre abondamment de l’acide dioxya- 
cétone-phosphorique. 

29 SCIENCES NATURELLES. — M. J. Bergonié: Aésul- 
tats obtenus dans la recherche, la localisation et l'ex- 
traction des projectiles magnétiques au moyen de l'élec- 
tro-vibreur. L'emploi de l'électro-vibreur (voir p. 257) 
supprime complètement les échecs dans l’extraction 
chirurgicale des projectiles magnétiques (actuellement 
99 0/5), échecs auxquels donnent lieu bien souvent les 
méthodes si nombreuses de localisation par la radio- 
graphie et la radioscopie;il rend désormais inutile 
toute recherche antérieure et par conséquent : schémas, 
repères, calculs, figures géométriques. compas divers, 
tiges à introduire dans les plaies, etc. Il lui suilit de 
l’anesthésie locale dans la plupart des cas, d’incisions 
courtes; il mène au résultat en peu de temps;il ne pré- 
sente, même lorsqu'on prolonge les recherches, ni 
danger, ni même inconvénient pour le blessé, le chirur- 
gien ou les assistants. — M. F. Legueu: Les réactions 
biologiques de l'adénome prostatique. Chez les porteurs 
d'adénome prostatique, l’auteur a toujours trouvé une 
augmentation notable des polynucléaires éosinophiles 
(7 à S 0/5); cette éosinophilie disparait dès que l'adé- 
nome est enlevé, 


ACADEMIE DE MÉDECINE 


Séance du 11 Mai 1915 


M. L. Landouzy : £es taches blanches de la mu- 
queuse jugale et commissurale, dites « plaques de fu- 
meur », fonclion de syphilis. L'auteur a déjà montré il y 
a sept ans que la syphilis est la cause des leucoplasies 
buccales dites « plaques de fumeur », et que l’usage du 
tabac n’en est que l’occasion, comme pourrait l'être 
toute autre irritation, continue ou fréquemment renou- 
velée, des muqueuses d’un syphilitique. Aujourd’hui 
l’auteur apporte une preuve nouvelle de là nature spé- 
cifique de ces leucoplasies; elle est fournie par les résul- 
tats de la réaction de Wassermann, que M. Landouzy a 
cherchée depuis trois ans sur tous les malades (hommes 


et femmes) porteurs de leucoplasie jugale ou commis- 
surale, fumeurs ou non fumeu Dans la grande majo- 
rité des cas, cette réaction a été nettement positive. — 
MM. R. Dujarric de la Rivière et J. Leclercq 
Etude clinique, analomo-pathologique et histochimique 
de cas d'intorication par les gaz trritants employés par 
les Allemands à Langhemarck. Les auteurs ont pu ob- 
server à Calais 112 soldats ayant subi l'action des gaz 
irritants employés par les Allemands à Langhemarck. 
Cette action a déterminé des manifestations cliniques 
variées : dans la majorité des cas, les phénomènes 
bronchiques ou pulmonaires sont au premier plan ; 
mais l'atteinte hépatique ou rénale est assez fréquem- 
ment notée, quelquefois dominant le tableau clinique, 
La plupart des malades ont présenté des phénomènes 
pulmonaires sans gravité; il s'agissait ordinairement 
d’une inflammation de tout l'arbre respiratoire, s’éten- 
dant jusqu'aux plus fines ramifications bronchiques. 
Chez quelques sujets, l'atteinte pulmonaire a été pro- 
fonde, comme en témoignent les cas de broncho-pneu- 
monie et surtout de gangrène pulmonaire qui ont été 
observés. Caractérisée au début par la présence d’élé- 
ments desquamatifs et de quelques polynucléaires, la 
formule des crachats s’est bientôt modifiée pour mon- 
trer la congestion et, dans quelques cas. la nécrose du 
poumon. L’autopsie d’un sujet mort a mis en évidence 
la congestion importante de tout l'arbre respiratoire, 
une vascularisation anormale du tube digestif et la dé- 
générescence massive du foie, de la rate et des reins. — 
M. O. Pasteau : /'ésultats obtenus par l'emploi du sé- 
rum spécifique polyvalent de Leclainche et Vallée. Cet 
emploi ne présente par lui-même aucun danger. Son ac- 
tion est absolument nette en ce qui concerne la diminu- 
tion de la quantité de la suppuration des plaies déjà 
détergées. Par contre, l'usage de ce sérum favorise un 
bourgconnement parfois assez intense de la plaie et tel 
que de petites rétentions purulentes peuvent se faire en 
certains points dans des plaies anfractueuses ou pro- 
fondes. Il serait donc préférable d’en réserver l'emploi 
aux plaies largement ouvertes. — M. Em. Maurin : 
l’osséine, substance alimentaire. L'auteur préconise 
l'emploi alimentaire de la matière organique des os, ou 
osséine; c’est une substance albuminoïde dont la teneur 
en azote, 16 à 18°}, est quatre fois supérieure à celle de 
la viande; on l’obtient en débarrassant les os de leur 
matière minérale, au moyen de l'acide chlorhydrique 
dilué, On peut l’employer sous forme de poudre, soit 
poudre grossière, comme du gros tapioca, qui peut être 
prise directement dans du bouillon ou du potage, soit 
poudre fine, véritable farine d’osséine, qui peut être as- 
sociée à la farine ordinaire pour la confection d'un bis- 
cuit, d’un gâteau sec, d’un pain des plus substantiels, 
sans parler des autres préparations qu'il est facile 
d'imaginer. En dehors de sa valeur simplement nutri- 
tive, l'osséine parait possédér des propriétés thérapeu- 
tiques qui en font, grace aux phosphates qu’elle retient, 
un agent reconstituant et reminéralisateur précieux 
dans la tuberculose et le cancer. 


Séance du 18 Mai 1915 


M. Meillère : Rapport sur l'utilisation de la farine de 
riz dans la fabrication du pain. Le rapporteur conclut 
qu'aucune raison d'ordre pratique ou hygiénique ne 
parait s’opposer à la fabrication ou à la consommation 
d'un pain préparé avec une certaine proportion de fa- 
rine de riz. Il y a lieu de procéder à des essais de subs- 
titution partielle du riz au froment, dans la proportion 
maximum de 20°/,, pour la fabrication du pain. La 
Commission propose d'émettre le vœu que les Pouvoirs 
publics y fassent procéder dès maintenant, dans les 
boulangeries militaires ou hospitalières, — M. La- 
grange : Des désordres oculaires médiats ou indirects 
par les armes à feu. L'auteur a reconnu, d’après de nom- 
breuses observations, que: 1° les projectiles sont suscep- 
tibles, quand ils pénètrent dans l'organisme, de pro- 
duire à distance, dans les centres nerveux, dans les 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


nerfs périphériques, dans les organes des sens (œil, 
oreilles, odorat) des désordres graves irréparables; 2° il 
n’est pas nécessaire, pour produire ces désordres, que 
les projectiles atteignent directement le blessé; le dépla- 
cement de l’air produit par l’éclatement d'un obus suflit 
à l'apparition des mêmes lésions. — MM. P. Marieet 
G. Roussy : Sur la possibilité de prévenir la formation 
des escarres dans les traumatismes de la moelle épinière 
par blessures de guerre. Contrairement aux notions 
classiques, les auteurs ne considèrent pas l’escarre 
comme un trouble trophique d’origine centrale, médul- 
laire, mais bien comme un trouble trophique d’origine 
locale, résultant à la fois de la gène mécaniqueet de l’ir- 
ritation chimique des téguments produite par les déjec- 
tions, gène et irrilation auxquelles se joint rapidement 
un processus infectieux, De cette conception résultent 
une série de précautions à prendre, soit préventives ou 
immédiates, qui peuvent permettre de conserver la vie 
des malades dans les cas de lésions incomplètes. — 
M. H. Labbé : Destruction des poux et traitement des 
phtiriases. L'auteur critique les divers moyensemployés 
jusqu’à présent pour la destruction des poux, qui n’ont 
donné que des résultats insuflisants (bains, lotions 
aqueuses ou grasses, poudres). Les vapeurs sont préfé- 
rables, mais beaucoup immobilisent simplement les 
poux et ne les tuent qu'après un contact très prolongé, 
L'auteur a trouvé dans l’anisol un corps qui joint à des 
propriélés immobilisantes énergiques un pouvoir 
destructeur rapide. On se servira, pour le trai- 
tement de la phtiriase, d’une solution d'anisol étendue 
à 2,5 ou 5°/, dans l'alcool faible; on la pulvérisera sur 
toutes les parties du corps envahies et également sur les 
vêtements ou sous-vêtements. 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 
Séance du 17 Mai 1915 


M. À. d'Almeida Rocha: Oscillations de l'asymétrie 
ergographique en fonction de la fatigue. Les individus 
qui travaillent à l’ergographe donnent un rendement 
mécanique plus grand tantôt à droite, tantôt à gauche. 
L'auteur a recherché l’influence de la fatigue sur cette 
asymétrie. La fatigue initiale apporte un équilibre dans 
l’'asymétrie, tandis que la grande fatigue fait apparaître, 
au contraire, un déséquilibre avec prédominance du 
côtc droit pour les hommes, du côté gauche pour les 
femmes, Ce fait confirme la conclusion antérieure de 
l’auteur que la femme est plus asymétrique que l’homme 
et qu’elle est foncièrement gauchère, tandis que l'homme 
est droitier. — M. et Mille E, Wollman: Les microbes 
dans l'alimentation des tétards. Les auteurs ont fait 
une série d'essais comparatifs en alimentant des têtards 
avec : du pain, — un mélange de viande, œufs et fro- 
image, — des têtards morts, — des bacilles vivants ou 
tués ; une autre série de lêtards étaient laissés à jeun. 
Les résultats montrent avec netteté que les têlards peu- 
vent parfaitement utiliser les bactéries pour leur ali- 
mentation. — MM. C.-I. Parhon et E. Savini : Essuis 
de culiure microbienne sur milieux glandulaires. La 
bactéridie charbonneuse pousse bien sur le testicule, 
l’ovaire etle corps jaune (bœuf) en donnant après 20 h. 
à 37° une couche assez bien développée, grisâtre, lui- 
sante, s'épaississant dans la suite et prenant après une 
semaine un aspect granuleux fin et une couleur jaune 
soufre ; sur les tranches de foie et de glande salivaire, 
on obtient à peu près les mêmes résultats, Le bacille 
tuberculeux se développe bien sur les tranches de tes- 
ticule, d'ovaire et de corps jaune, et donne naissance 
après12 à 19 jours à des colonies blanc jaunätre isolées, 
qui confluent en formant une couche mamelonnée; le 
même bacille pousse assez bien sur le foie et y forme 
des colonies isolées plus ou moins grosses. — M, E, et 
Mme Th. Savini: l'hyroide et anaphylaxie. Tandis que 
tous les cobayes anaphylactisés par le sérum de cheval 
succombent rapidement après l'injection de la dose dé- 
chainante, les animaux traités préalablement par la 


thyroïde y résistent très bien, et même si parfois sur- 
viennent quelques phénomènes inquiétantis, ceux-ci se 
dissipent plus ou moins vite et les animaux se remet- 
tent aussitôt et définitivement. — M. E. Savini: 
Organothérapie appendiculaire etconstipation. L'auteur, 
ayant conçu lexistence d’une constipation d'origine 
appendiculaire, due à l’insuflisance sécrétoire de cet or- 
gane, a étudié l’effet de l'organothérapie appendiculaire 
(sous forme de poudre d’appendice) dans un certain 
nombre de cas de constipation et de colite. Les résultats 
ont été positifs dans 60 à 70 °/, des cas de constipation 
chronique habituelle on de constipation accidentelle, et 
seulement daris 20 °/, des cas de colite muco-membra- 
neuse, La constipation des individus réfractaires est 
donc conditionnée par d’autres facteurs que l’insuflisance 
appendiculaire, — MM. L. Camus et E. Gley: Sur la 
toxicité du Sérum sanguin de raie. Tandis que le sérum 
sanguin de torpille est très toxique, celui de la raie, 
poisson du même groupe, n'a qu'une faible action sur 
le lapin en injection intra-veineuse, et possède égale- 
mentune action hémolytique très faible. — MM. E. Gley 
et R. Loewy: La croissance des phanères au cours de 
la réparation des plaies de guerre (hypertrichose d'ori- 
gine traumalique). Les auteurs ont eu l’occasion 
d'observer depuis plusieurs mois à l'Hôpital militaire 
du Panthéon de nombreux cas de blessures graves des 
inembres, du membre supérieur surtout, avec ou sans 
lésions nerveuses, et qui étaient suivies, lors de la ré- 
paration des tissus, d’une croissance exagérée des poils 
et quelquefois aussi des ongles. Ces faits de croissance 
sont à ratlacher peut-être à la catégorie des réfections 
de tissus consécutives au dépérissement causé par les 
maladies infectieuses graves, telles quela fièvretyphoïde, 
el qui se produisent lors de la convalescence de ces 
maladies. 


Séance du 15 Mai 1915 


M. Ed. Retterer : Les fibres-cellules de l'utérus gra- 
vide sont striées en travers. Le myométrium de l'utérus 
gravide ne différerait, selon le dogme classique, de celui 
de l’utérus vide que par des fibres-cellules considérable- 
ment hypertrophites. L'auteur montre que, dans les 
cornes utérines de la lapine, dans l’utérus ou la trompe 
de Fallope gravides de la femme, le protoplasma de la 
fibre-cellule prend l'apparence et la structure d’une 
fibre musculaire striée en long, en travers ou oblique- 
ment. C’est une nouvelle preuve que les organes et les 
cellules modifient leur structure selon le travail qu'ils 
ont à fournir. —M. A. Guilliermond : Nouvelles obser- 
valions vitales sur le chondriome des cellules épidermi- 
ques de la fleur d'Iris germanica. L'auteur a observé 
dans les cellules épidermiques de la fleur d’/ris germa- 
nica les diverses phases de l'élaboration des grains 
d’amidon et de la xanthophylle au sein des chondrio- 
contes, puis la transformation des chondriocontes en 
gros corpuscules globuleux (leuco où chromoplastes), 
enfin la formation de nombreux globules graisseux dans 
les chondriocontes et dans les plastes. — M.J. Na- 
geotte : Le processus de la cicatrisation des nerfs. 
L'auteur déduit de ses observations que, lorsque le rap- 
prochement des deux bouts d’un nerf sectionné ne peut 
pas être opéré, il est inutile, et même nuisible, d'essayer 
de canaliser les bourgeons nerveux dans le calibre 
d'une veine greffée. Une suture à distance, avec écarte- 
ment de 15 mm., donne, chez le chien, au bout d’un 
mois, une ébauche cicatricielle qui laisse espérer une 
solution favorableavec, naturellement, un grand retard 
dans la neurotisation, — M. A. Orticoni : Procédé 
d'hémoculture pour le diagnostic et l'identification rapi- 
des du bacille d'Eberth et des bacilles paratyphiques. 
L'auteur ensemence 10 à 15 em* de sang retiré du ma- 
lade dans des fioles à hémoculture contenant 100 gr. 
de bouillon de viande à 2, 5 "/,, de glucose stérilisé à 
1050 et additionné au inmoment de l'emploi de 2 à 3 em 
de bile de bœuf filtrée et stérilisée. Dans la grande 
majorité des cas, les bacilles poussent en 12 à 14 heures. 


«+ ms ct ar Ré né à 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 355 


Tandis que les bacilles typhiques ne donnent aucune 
fermentation du glucose, les germes appartenant au 
groupe paratyphique produisent une fermentation très 
nette du bouillon sucré, qui se traduit par une cou- 
ronne de bulles de gaz à la surface. — M, L. Martin : 
Le bouillon panse-foie pour La culture du bacille typhi- 
que. L'auteur prépare son bouillon en traitant par 
0 em d'HCI dissous dans 2 litres d’eau 00 gr, de foie 
de bœuf ou de porc haché et 200 gr. d'estomac de pore 
haché. Après digestion de 12 à 24 h. à 5o°, on porte à 
l’'ébullition, refroidit, décante le liquide clair, neutra- 
lise à la soude, alcalinise légèrement, chauffe à 120° et 
filtre. Les bacilles typhiques et paratyphiques poussent 
très bien et très rapidement dans ce bouillon ; comme il 
contient un peu de glucose, les paratyphiques y produi- 
sent des bulles de gazet le liquide devient acide, puis 
alcalin, tandis qu'avec les typhiques le liquide devient 
simplement acide, 


SOCIÈTÉ ROYALE DE LONDRES 
Séance du 22 Avril 1915 


SCIENCES PHYSIQUES. — M. F. Horton: Z/fets de 
différents gaz sur l'émission d'électrons par les solides 
incandescents. Les expériences décrites par l’auteur 
montrent que l’émission d'électrons par un filament de 
Nernst incandescent est indépendante de la nature du 
gaz dans le tube de décharge, au moins pour l'air, 
l'oxygène, l'azote et l'hydrogène, et qu'on en peut dire 
autant de l'émission électronique de la chaux, Aux bas- 
ses pressions, le courant thermoionique partant d’une 
cathode donnée dans des conditions définies est prati- 
quement identique dans les quatre gaz. Aux hautes 
pressions, les courants thermoioniques, dans des con- 
ditions similaires, varient ; mais l’accroissement du cou- 
rant thermoionique ne signifie pas nécessairement une 
augmentation d'émission électronique de la cathode; les 
courants forts qui sont obtenus sous certaines pressions, 
en particulier avec H, sont le résultat de l’ionisation 
des molécules gazeuses par des collisions, H et O difrè- 
rent largement dans leurs aflinités pour la substance 
d'une cathode en oxyde, de sorte que l’égalilé de l’émis- 
sion électronique dans ces deux gaz prouve que les 
électrons ne sontpas produits par action chimique entre 
la cathode et le gaz environnant. Dans le cas d’une ca- 
thode de platine, H semble provoquer une émission 
légèrement accrue, qui proviendrait de l'absorption du 
gaz par le platine. Ce résultat a élé d’abord obtenu par 
H. A. Wilson, qui, par une étude soigneuse de la rela- 
tion entre le courant thermoionique et la pression 
gazeuse, a établi le fait que Hse dissout dans le platine, 
et ne s'y combine pas. Ilest donc improbable que l’aug- 
mentation d'émission du platine produite par H soit due 
à une réaction chimique. Le mode exact d'action de H 
est toujours inconnu, mais Wilson a montré que les 
résultats expérimentaux sont d'accord avec l'hypothèse 
que les atomes d’H dans les couches superficielles du 
platine sont chargés positivement et diminuent le tra- 
vail qu'un électron doit accomplir pour s'échapper du 
métal. Avec une substance comme la chaux ou les ox y- 
des du filament de Nernst, qui n'absorbent pas H, 
l'émission électronique n’est pas altérée par la présence 
de ce gaz. —M.T. R. Merton : Origine de la série 4686. 
L'auteur a essayé de trouver l’origine de la série 4686 
en mesurant les largeurs relalives de la ligne 4686 et 
des lignes de l’hélium,et en calculant les massesrelatives 
des alomes connexes par les relations de lord Rayleigh, 
Michelson, Buisson et Fabry. Il arrive à la conclusion 
que : ou bien la largeur de la ligne 4686 est controlée 
par des circonstances encore inconnues, ou bien cette 
ligne est engendrée par des systèmes de masse sous- 
atomique. — M. W. S. Tucker : Chaleurs de dilution 
des solutions concentrées. La dilution a été obtenue 
par addition d’eau à la température de l’air, en procé- 


dant par petites étapes. On a déterminé exactement les 


chaleurs spécifiques des solutions à diverses concentra- 


tions, de façon à pouvoir calculer les chaleurs de dilu- 
tion pour toute concentration moyenne. Les solutions 
de HCI, Li CI et Na OH donnent des résultats qui sem- 
blent montrer une relation linéaire avec la concentration 
de masse dans l'intervalle où la chaleur de dilution a 
une valeur appréciable, Les courbes montrent que cette 
chaleur de dilution, si l’on admet la relation linéaire, 
s'évanouit à une concentration correspondant à la for- 
mation d'un hydrate simple du corps dissous. Ainsi la 
ligne droite reliant la chaleur de dilution et la concentra- 
tion de masse pour les solutions d'HCI coupe, si on la 
prolonge, l'axe des concentrations à HCI, 15 H? O. Les 
solutions de Li CL et de Na OH fournissent de même des 
hydrates à 8 H?0. Les équations qui représentent ces 
résultats pour les solutions concentrées sont du type: 
dQ/AN — (a/N) — b, et la chaleur totale dégagée par 
dilution de N molécules d’eau jusqu'à l'infini est Q = « 
log. N —bN —- €, où 4, bet c sont des constantes. Le 
même type d’équation s'applique bien aux résultats de 
Thomson pour les solutions d'acides sulfurique, brom- 
hydrique, nitrique et acétique, et révèle les hydrates- 
limites H2 SO’. 24 H20 et 2 CH, CO?H. 3 H°0. Ces rela- 
tions ne s'appliquent pas aux solutions diluées. — 
M. R. J. Strutt : Une modification chimiquement active 
de l'azote produite par la décharge électrique. VI. L'an- 
teur montre que l'azote parfaitement pur, soumis à la 
décharge, ne donne qu’une petite quantité d'azote actif. 
L'addition d'une trace de gaz étranger — mais pas nc- 
cessairement l'oxygène ou un gaz oxygéné — augmente 
considérablement la production d'azote actif. La meil- 
leure addition paraît être de 1/1000°, mais une addition 
de 1/30.000° de méthane produit un effet distinct. L’au- 
teur suppose que l’impureté agit en chargeant les élec- 
trons dans la décharge et en modifiant le caractère de 
leur choc contre les molécules d'azote. En effet, les gaz 
portant O,S, CI, Cet H, qui, d'après J. J. Thomson et 
Franck, sont capables de s'attacher à des électrons pen- 
dant la décharge, provoquent la formation d’azote actif. 
L'argon, l’hélium et l'azote, qui ne peuvent charger les 
électrons, ne produisent pas la formation d'azote actif, 
L’azote aclif, agité avec du mercure liquide froid, forme 
un azoture, mais sans qu’il se développe un spectre du 
mercure, comme lorsqu'on opère avec les vapeurs de 
ce dernier. L'azote actif, agissant sur le méthane, le 
pentaneet l’heptane purs, forme de l'acide cyanhydrique. 


SOCIÈTE DE PHYSIQUE DE LONDRES 
Seance du 23 April 1915 


M. W. B. Morton et Mlle M. Darragh: Sur les 
théories de Voight et d'Everett relatives à l'origine des 
tons de combinaison. Voight relie l'existence des tons 
de sommation et de différence! au fait que les points 
stationnaires de la courbe de vibration composée, quand 
les tons primaires ont des énergies égales, peuvent être 
groupés d’une certaine façon sur des courbes sinusoi- 
dales qui se présentent dans les périodes de ces tons 
de combinaison. Contre cette hypothèse, les auteurs 
font valoir que : 1° les mêmes points peuvent être éga- 
ment bien groupés sur toute une série de courbes d’au- 
tres fréquences ; 2° que la distinction des tons de com- 
binaison, dans cette théorie, varierait beaucoup avec 
les relations de phase des tons primaires; 3° que 
les tons disparaïîtraient quand les énergies des pri- 
maires ne sont pas très inégales. Voight appli- 
que une méthode similaire au cas où le ton supérieur 
est faible comparé à l’inférieur pour rendre compte du 
second battement de Koenig ; mais on peut lui opposer 
encore ici la première des objections précédentes, Eve- 
rett suppose que la distorsion de la courbe de vibration 
en passant à travers l'oreille introduirait la note dont 


1, D'après von Helmholtz, quand on produit simultanément 
deux tons de fréquences respectives rm et ». l'oreille entend 
le ton de différence de fréquence m — n et le ton de somma- 
tion de fréquence m + n. 


356 


la fréquence est le plus grand facteur commun des 
fréquences primaires. Les auteurs ont essayé l'effet 
d’une espèce spéciale de distorsion consistant dans une 
réduction proportionnelle des ordonnées dans une direc- 
tion. Le résultat ne confirme pas l'hypothèse d'Everett, 
mais montre l'apparition de tons de sommation et de 
différence. M. S. P. Thompson rappelle que, suivant 
Koenig, les tons de combinaison sont simplement des 
tons de battements et ne peuvent être entendus dans 
un résonateur, Si ce cas se présentait, c'est la preuve 
que le ton de combinaison existe objectivement dans 
l’un ou l'autre des tons primaires, qui ne serait pas pur, 
mais contiendrait le prétendu ton de combinaison comme 
harmonique, Koenig a trouvé que les battements et les 
tons de battements se divisent en deux séries corres- 
pondant respectivement aux deux restes — positif et 
négatif — obtenus en divisant la fréquence du ton supé- 
rieur par celle du toninférieur. En prenant comme tons 
primaires les notes de fréquence 3328 et 2048, on devrait 
entendre, d'après Helmholtz, le ton de différence 1280 et 
le ton de sommation 5376; d’après Koenig, le reste 
positif 1280 et le reste négatif 768. Cest ce dernier cas 
qui se produit; on ne perçoit pas du tout le ton de som- 
mation 5376. Si l’on prend deux diapasons donnant 230/ 
et 1024, le seul ton de combinaison entendu est 256, qui 
n’est ni une différence, ni une somme ; cest le reste posi- 
tif de la division de 2304 par 1024. La théorie de Voight 
rend compte de ce fait, celle d'Helmholtz non. — Mlle 
M. Saltmarsh: Zxpériences sur les noyaux de condensa- 
tion produits dans les gaz pour la lumière ultravrolette. 
1° Les noyaux produits dans l'air par la lumière 
ultraviolette qui a traversé quelques centimètres d’air 
ne sont pas affectés par un champ électrique de 50 volts 
par em. 2° Les noyaux sont également aptes à produire 
la condensation des vapeurs d’eau, de toluène et de téré- 
benthine, et ils sont formés même par la lumière qui a 
traversé 5ocm. d'air. 3° La vapeur d'alcool se condense 
sans expansion sur des noyaux beaucoup plus petits 
que la vapeur d’eau. 4° La lumière ne forme aucun noyau 
si O ou CO? ne sont pas présents dans le gaz. 5° On n’a 
pu déceler aucune trace de H? O? dans les nuages for- 
més sur les noyaux. 6° L'oxygène contenant de l’ozone 
renferme aussi des noyaux de condensation, et ces 
noyaux ont des propriétés similaires à ceux formés par 
la lumière ultraviolette. 79° Les noyaux peuvent être dé- 
truits en chauffant l'air qui les contient. Il paraît pro- 
bable que les noyaux formés par la lumière ultravio- 
lette ne provoquent pas la condensation en vertu d’une 
composition chimique particulière, mais que ce sont 
des particules assez larges pour agir ainsi que les par- 
ticules de poussière comme centres autour desquels la 
condensation peut commencer. 


ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM 
Séance du 31 Octobre 1914 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J.-C. Kluyver : 
Sur une formule integrale de Stieltjes. L'auteur indique 
un procédé plus court pour trouver la valeur des inté- 
grales, calculées en 1886 par Stieltjes. 

>0 SCIENCES PHYSIQUES. — MM. H.,-A. Lorentz et 
F.-A.-H. Schreinemakers présentent un travail de 
M. J.-J. van Laar: Le calcul des dimensions molécu- 
laires d’après l'hypothèse de la nature électrique des 
forces atomiques quasi-élastiques. L'auteur suppose 
que les forces atomiques quasi-élastiques prennent 
naissance sous l'influence de deux charges élémen- 
taires. En partant de cette hypothèse, il calcule pour 
quelques substances (argon, hydrogène, hélium) le 
moyen diamètre d'une molécule; il trouve ainsi des 
valeurs qui sont du même ordre que celles déduites de 
la théorie cinétique des gaz, et qui sont à peu près les 
mèmes pour ces trois gaz, — MM. P Ebhrenfest el 
H. Kamerlingh Onnes: Déduction simplifiée de la 
formule de la théorie des combinaisons sur laquelle 
Planck base sa théorie du rayonnement. — M. F.-A. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


H. Schreinemakers: Æquilibres dans les systèmes 
ternaires. XVII. Examen du cas où la substance solide 
est le composé binaire d’un constiluant volatil, Un pa- 
reil cas se présente dans le système Na, SO ; eau 
—+- alcool, lorsque la phase solide est l’hydrate Na, SO;. 
10 H,O, ou dans le système FeCl, + H CI + H, O, lorsque 
le corps solide est un des hydrates du chlorure de fer, 
p. ex. F Cl,, 12 H,0. — M. F.-A.-H. Schreinemakers 
et Mlle W. C. de Baat : Sur le système quaternaire : 
KCI — Cu Cl, — Ba Cl, — H, O. Résultats des analyses 
faites pour l'étude des équibres dans ce système, équi- 
libres qui ont déjà été décrits en 1912. — MM. H. Hagaet 
H. Kamerlingh Onnes présentent un travail de M. Zer- 
nike : Une formule d’interpolation pour les thermo- 
mètres à résistance à basse lempérature, Au moyen 
d'une formule algébrique, l’auteur exprime que la résis- 
tance est proportionnelle à T à haute température et 
à T{ à basse température. Une pareille formule, appli- 
quée aux données relatives au platine, à l’or et au mer- 
cure, les représente fort bien, sauf aux hautes tempéra- 
tures, où les écarts deviennent de plus en plus grands, 
— MM. W. H. Keesom et H. Kamerlingh Onnes : 
La chaleur spécifique aux basses températures. I. Me- 
sures concernant la chaleur spécifique du plomb entre 
14° et S0° Æ et celle du cuivre entre 15° et 22° X. A 
quelques pourcents près, la chaleur atomique de ces 
métaux suit la loi de Debye, c'est-à-dire qu'elle est pro- 
portionnelle à la troisième puissance de la température 
absolue. Les auteurs attribuent les écarts à cette cir- 
constance qu'on n’a pas affaire à une substance homo- 
gène, mais à un aggrégat microcristallin, composé de 
plusieurs phases. — MM. Ernst Cohen et W. D. Hel- 
derman : L’allotropie du plomb. X. Lorsqu'on refroidit 
brusquement dans l’eau du plomb fondu et qu'on le 
met dans une solution d’acétate de plomb acidulée 
d'acide azotique, on constate qu'au bout de quelques 
jours le métal se fendille et finit par tomber en une 
poussière semblable à l'étain gris. Les auteurs ont fait 
une étude systématique du phénomène, au moyen du 
pyknomètre et du dilatomètre. — M. A.F. Holleman: 
Sur la nitration des benzènes dihalogénés mixtes. Re- 
cherches en vue d'exprimer par des nombres les vitesses 
de substitution inégales d’un troisième substituant 
(NO?) sous l'influence des deux groupes halogénés déjà 
substitués dans le benzène. — MM. A. F. Holleman et 
S. Hoogewerff présentent un travail de MM. J. Boese- 
ken et W. D. Cohen: Sur la réduction des cétones 
aromatiques. 111. Contribution à la connaissance des 
phénomènes photo-chimiques. Dans l'action d'une cé- 
tone aromatique sur un alcool, sous l'influence de la 
lumière, il se forme uniquement des pinacones. Les 
hydrols ne se forment que secondairement. La vitesse 
de formation de la pinacone est proportionnelle à la 
concentration de l’alcool, et dépend à un haut degré de 
la nature de celui-ci, et aussi de la cétone. La lumière 
activant la réduction de la cétone est comprise entre 
400 et 430 »y. et correspond probablement, avec l’are 
au mercure, aux longueurs d’onde 404,7 et 407,8. 

39 SCIENCES NATURELLES. — MM. À. A. Hymans van 
den Bergh et J. J. de la Fontaine Schluiter: L'in- 
dication de traces de la substance colorante de la bile 
dans des liquides contenant de l’albumine. La réaction 
d'Ebrlich est un moyen excellent pour déceler et déter- 
miner quantitativement la bilirubine dans le sérum 
sanguin et d’autres liquides riches en albumine. La 
propriété de la bilirubine d’être soluble dans l’acétone 
permet d'extraire du sang, sous forme de cristaux, 
même de toutes petites quantités de ce pigment. — 
M. H. A. Brouwer : /toches pneumatolytiques de la 
région des Bovenlanden van Siak (Sumatra). Description 
de roches métamorphisées par contact avec des granites. 


JEAYE 


Le Gérant : Octave Dorx. 


Sens. — Imp. Levé, 1, rue de la Bertauche. 


26° ANNÉE 


N° 12 


30 JUIN 1915 


Revue générale 


MS SCiences 


pures et appliquées 


FONDATEUR : 


LOUIS OLIVIER 


Dinucreur : J.-P. LANGLOIS, Docteur es Sciences 


Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. J.-P. LANGLOIS, 8, place de l'Odéon, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des 
travaux publiées daus la Revue sont complètement interdites en France eten pays étrangers y compris la Suede, la Norvège et la Hollande. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


S 1. — Météorologie 


Les cyclones tropicaux et les basses pres- 
sions atmosphériques. — Un violent cyclone s’est 
déchainé le 12 avril 1914 sur un district étroitement dé- 
limité de l'Afrique portugaise orientale, comprenant le 
port nouvellement fondé et en plein développement 
de Porto Amelia. La destruction de ce dernier fut si 
complète qu'il n'est pas resté une seule maison non 
endommagée et que des bâtiments en pierre ont été lit- 
téralement rasés au niveau du sol. Les habitations des 
indigènes voisines de la côle ont été submergées et en- 
trainées par un raz de marée gigantesque et tous les 
navires anéantis ou échoués à l’intérieur des terres. 

Le consul P. Burggraf a récemment publié les obser- 
vations météorologiques qu'il a relevées au cours de cet 
ouragan {, La plus remarquable est l'abaissement du 
niveau barométrique, qui est l’un des plus bas qui aient 
jamais été enregistrés. Tandis que la pression atmos- 
phérique était encore de 750 min. à midi, elle tombait 
à 2 heures à 730 mm. el à 5 heures à 698 mm. Ce niveau 
inférieur se maintint pendant une demi-heure, durant 
laquelle l'aiguille du baromètre anéroïde ne cessa d’être 
agitée de vibrations rapides. Puis, vers 3 h, 1/2, l'oura- 
gan du sud cessa subitement, les nuages se dispersèrent 
et le calme régna dans un ciel presque complètement 
clair. Mais bientôt une muraille de nuages noirs s'éleva 
vers le nord, l'ouragan recommença à soufller au 
nord, alleignant vers 4 heures sa plus grande 
puissance, Landis que de grosses goutles de pluie tom- 
baïent pareilles à des grêlons. Le baromètre monta alors 
rapidement; à 4 h. 1/2, la pression était encore de 
210 mm, ; à 5 heures, elle atteignait déjà 740 mm. et à 
5 h. 1/2 955 mm. 

On se trouve ici en présence du cas rare d’un obser- 
vateur placé au centre même d’un cyclone tropical d’une 
violence inaccoutumée, L'éclaircissement rapide du ciel, 
l’« œilde la tempête », phénomène quineseprésente que 
dans les ouragans tropicaux violents, puis le renverse- 


1. Deutsch. Kolontalblatt, 1914, n° 22, 


REVUE GÉNÉRALB DES SCIENCES 


ment de la direction du vent dans le sens opposé, l’in- 
diquent clairement. Ce qui est également typique, c’est 
que la période centrale de calme, qui a coïncidé avec le 
niveau barométrique minimum, a duré près d’une demi- 
heure. 

L'ouragan de Porto Amelia présente de grandes 
analogies avec le célèbre cyclone de False Point, qui 
visita le 22 septembre 1885 les bouches du fleuve Maha- 
nadi dans le golfe du Bengale, fit plusieurs millions de 
dégâts et engendra un raz de marée de 6, 7 m. de hau- 
teur qui enleva plusieurs milliers de personnes. Ce jour- 
là, la pression tomba à 687,8 mm. etelle se trouvait 
encore à 688,3 mm. une demi-heure plus tard. Le 
raz de marée qui s’est produit dans les deux cas, 
doit être considéré comme une conséquence directe de 
l’abaissement de pression atmosphérique, qui produit 
une élévation du niveau de la mer correspondant à la 
diminution de la pression qui pèse sur elle. 


$ 2. — Physique 


Quelques propriétés des émanations radio- 
actives. — On désigne sous le nom d’emanutions des 
gaz radioactifs produits par certaines substances radio- 
actives. La première émanation qui fut observée est 
celle du thorium, découverte par Rutherford, C'est 
principalement pour en expliquer les propriétés, ainsi 
que pour rendre compte des phénomènes de radio- 
activité induite, que Rutherford et Soddy ont proposé 
leur théorie de la désintégration, d’après laquelle cha- 
que forme de radioactivité caractérise un élément chi- 
mique d'existence éphémère, dont la disparition résulte 
d’une transformation en un autre élément chimique, 

Pour vérilier cette théorie, il était essentiel de démon- 
trer expérimentalement l'existence d'éléments chimi- 
ques ayant une vie relativement courte, dont la forma- 
tion et la disparition suivent les mêmes lois que celles 
des radioactivités temporaires. 

Le problème était diflicile à cause des quantités extré- 
mement faibles de substances à caractériser. Les expé- 
riences ont porté sur l’émanation du radium dont on 
peut obtenir des quantités relativement grandes. On a 


358 


ainsi reconnu que l’émanation paraît produite directe- 
ment par le radium et qu’elle est caractérisée par un 
rayonnement # dont le parcours est 4 em. La vitesse de 
destruction n’est pas extrêmement rapide; la décrois- 
sance est de moitié en 3, 81 jours. 

L'émanation est la cause des phénomènes de radio- 
activité induite; sa destruction est accompagnée de la 
formation successive de divers constituants qui se dépo- 
sent sur les parois solides et qu'on désigne sous les 
noms de radium A,radium B,radium C, puis radium D, E, 
F; mais, à cause de la très faible vitesse de transforma- 
tion, les derniers termes n'interviennent guère dans les 
phénomènes observés avec l’émanation. Au contraire, 
l’activité des radiums A, B, et C, qui sont produits d’une 
manière continue par l’émanation, accompagne pres- 


que toujours l’activité de celle-ci. Si l'on introduit de _ 


l’émanation exempte de dépôt actif dans un récipient, 
les différents constituants de ce dépôt sont produits 
d'unemanière continue, et au bout d’un certain tempsun 
état de régimes’établit entre cesdifférents conslituantset 
l'émanation, en sorte que l'on peut, à chaque instant, 
considérer la quantité de dépôt actif comme sensible- 
ment proportionnelle à la quantité d'émanation pré- 
sente. Il en résulte que, pour déterminer la concentra- 
tion de l'émanation, on peut mesurer le rayonnement 
total, ou même le rayonnement émis par l’un des 
constituants de l’activité induite. C’est ce qu’on fait le 
plus souvent; on peut, par exemple, déterminer la 
quantité d'émanation par l'intensité du rayonnement 7 
émis par le vase qui la contient, alors qu’elle-même 
n'emet pas de rayons 7 et que ceux-ci proviennent 
entièrement du radium C. 

L'émanation, caractérisée par les propriétés radioacti- 
ves ci-dessus, se comporte absolument comme un gaz 
au point de vue physique. C’est ce qui a été mis claire- 
rement en évidence par P. Curie. 

Les différents essais qui ont été faits dans le but de 
faire entrer l’'émanation dans une combinaison chimique 
ont complètement échoué, de telle sorte qu’elle se pré- 
sente comme un gaz inerte faisant partie de la famille 
del’argon. Cette circonstanceest très favorable pour effec- 
tuer sa concentration, car elle permet de débarrasser 
l’émanation de tous les gaz susceptibles d’être absorbés 
par des réactifs chimiques (hydrogène, gaz carbonés, 
oxygène, azote, elc.). Après l'élimination de ces gaz, 
l'émanation ne peut être accompagnée que par ceux de 
la famille de l’argon et de l’hélium. 

L’émanation est très facilement absorbée par le char- 
bon, principalement par le charbon de noix de coco. 
A la température ordinaire, le charbon peut absorber 
la presque totalité de l’émanation mélangée à d’autres 
gaz, même lorsque sa concentration est très faible. 

Enfin l’émanation possède la très curieuse propriété 
de se condenser sur les parois solides refroidies à basse 
température Cette condensation se produit à peu près 
complètement et assez brusquement à partir d’une cer- 
taine température, de telle sorte qu’on a pu parler d’une 
température de condensation; avant cette température 
(— 1550}, la condensation est sensiblement nulle, et 
à partir de cette température, elle devient très rapi- 
dement complète. Cette condensation ne peut d’ailleurs 
être considérée comme une liquéfaction ou une congé- 
lation, elle doit plutôt être assimilée à un phénomène 
d'absorption sur la paroi refroidie, 

M. Debiernela publié récemment la relation des 
expériences qu'il a entreprises en vue d'établir une 
démonstration définitive de la nature matérielle de 
l’émanation et de son caractère d’élément chimique par- 
ticulier et d'éliminer ainsi l'hypothèse, qui ne pouvait 
être rejetée a priori, d’une émanation constituée seule- 
ment par des centres d'énergie particuliers. Il a réussi 
à préparer l’'émanation à un état suflisamment concentré 
pour pouvoir mettre en évidence ses propriétés de gaz 


1. Ann, de Physique, 9* série, t. III, p. 18; 1915. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


matériel, et étudier son spectre dans de petits tubes de 
Plucker. 

Ces tubes, d’une longueur de 3 à 4 em., ont un 
volume de 2 à 4 mm$, La lumière de décharge dans 
l’'émanation est très brillante et très blanche, et le 
spectre a pu être photographié. Lorsque l’émanation 
est pure, la pression diminue très rapidement pendant 
la décharge jusqu’à devenir très faible, et la décharge 
passe de plus en plus diflicilement; si l’on chauffe le 
tube, la pression augmente de nouveau, mais elle ne 
revient jamais à sa valeur primitive. M. Debierne pense 
que l'émanation est absorbée par le platine que pulvé- 
rise le passage de la décharge et qui se dépose en face 
des électrodes;il y a sans doute là un phénomène de 
condensation analogue à celui que produit le charbon. 

Il est done difficile d'observer la disparition progres- 
sive de l’émanation; mais on peut très bien constater 
les raies de l’hélium qui prend naissance dans les trans- 
formations successives de l’émanation. Ces raies sont 
totalement absentes si l'on observe le spectre peu de 
temps après l'introduction de l’émanation pure;le 
lendemain, elles sont déjà très visibles et leur intensité 
va en croissant peu à peu. 

L'émanation est une substance radioactive et, 
comme pour toutes les substances radioactives, sa 
transformation en radium A, B, C, etc., s'effectue sui- 
vant une loi exponentielle simple, caractérisée par une 
constante ?. On a déjà pu observer que cette loi n'’esl 
pas influencée par les diverses circonstances extérieures, 
notamment par la température, mais toutes les expé- 
riences ont élé faites sur des substances radioactives 
très diluées. En particulier, les recherches sur l’émana- 
tion ont porté en fait sur l’'émanation mélangée à une 
très forte proportion d'air. Il était intéressant de voir 
sila transformation de l’émanation pure s'’effectuait 
suivant la même loi, caractérisée par la même exponen- 
tielle, M. Debierne a mesuré simultanément la vitesse 
de transformation de l’'émanation pure à la pression 
atmosphérique et celle de l'émanation mélangée à l'air; 
les résultats ont été identiques. Il est également très im- 
portant de savoir s’il est possible d'exercer une influence 
sur la vitesse des transformations radioactives en fai- 
sant agir des agents physiques déterminés sur les 
substances en voie de transformation. M. Debierne a 
essayé l’action du champ magnétique et des décharges 
électriques sans obtenir d'effet certain. Il y aurait d’ail- 
leurs intérêt, pense M. Debierne, à reprendre ces expé- 
riences en augmentant leur précision, de manière à 
pouvoir mettreen évidence une variation de la cons- 
tante radioactive de l’ordre de quelques millièmes, ce 
que ne permeltait pas la méthode utilisée par M. De- 
bierne. Il faudrait pour cela perfectionner beaucoup les 
procédés de mesure et les dispositifs utilisés; cela repré- 
senterait un gros travail, mais qui ne serait pas dispro- 
portionné à l'importance de la question à résoudre. 


Les constantes du radium. — Les constantes 
du radium données jusqu’à présent dans la littérature 
se rapportent presque toutes à la préparation étalon 


de Rutherford-Boltwood, dont la teneur en bromure de 


radium était considérée comme égale à 3,69 mgr. Après 
comparaison de cette dernière avec l’étalon interna- 
tional qui se trouve au Bureau des Poids et Mesures de 
Sèvres, celte teneur a dû être ramenée à 3,51 mgr. Il 
en résulte que les constantes du radium doivent 
être modifiées et prendre actuellement les valeurs 
suivantes! : 

Quantité de radium en équilibre avec 1 gr. d’ura- 
DID = Te 3,23.10—7 gr. 

Quantité d’hélium produite annuellement par 1 gr. de 
MALTE » ee «0 2 OA 164 mm 

Dégagement de chaleur de 1 gr. deradium en équilibre 
avec ses produits de décomposition.. 134,7 cal./heure 


1. E. RuraerrorD : Phil. Mag., [6], t. XXVIII, p. 320, 
1914. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 359 
Radinm seuls, 410: Dour 0020) 1cal./Heure le rayonnement diffusé, le rôle renforçateur de Ja lame 
2Emanation seule, 4... 2N:0 » métallique se trouve bien atténué. 
RAUNAANSEU EE eee. SO) » C'est ce rayonnement diffusé par les parois de la salle 
Radium BC seuls.,..,...,...., 50,b » qui fait qu'une plaque peut être voilée bien qu'on la 
Volume de l’'émanation de 1 gr. de radium en équili- | protège contreles rayons directs. Pour réaliser une pro- 
DTE AS. + FPE pc PPT t : ne 0,63 mm tection eflicace, il faudrait l’entourer complètement de 


Nombre des particules 2 émises par seconde par 1 gr. 
de radium,. 4 7.1010 
Nombre des particules z émises par seconde par 1 gr, 
de radium en équilibre. ...::..,.........., 14,9.1010 

Charge totale transportée par les particules > qui sont 
émises par seconde par 1 gr. de radium et par chacun 
de ses produits de décomposition en équilibre avec 
NT 280 BROAE 33,2 U-6..s. 

ou 1,11.10—7 U. é. m. 


Courant total des particules z émises par 1 curie 
d'émanation : 
1. par l’'émanation seule, ....... .. 2,89.106 U. € 
2. avec ses produits émettant des 
particules #...... MONT 9,94-10ÿ » 


Charge totale transportée par les particules & qui 
sont émises par seconde par le radium B ou C en équi- 
libre avec 1 gr. de radium.............. 18,3 U. € 

Temps de diminution de moitié du radium 1.690 ans, 

De la comparaison du dégagement de chaleur observé 
directement avec celui qu'on calcule en adoptant la va- 
leur 1,11.10—% pour la charge totale des particules #, il 
résulte que g1°/ seulement de la chaleur observée pro- 
vient du choc des particules zet 2°/, de celui des atomes 
de recul. Le reste de 3°/, provient du fait que l'énergie 
cinétique des électrons entourant le noyau croît propor- 
tionnellement à la modification de la charge du noyau. 


Quelques effets secondaires des rayons 
Rœntgen. — Dans un travail récent, Gordon décrit 
un effet anormal obtenu avec les rayons Rœntgen. Une 
plaque photographique est posée, le côté gélatine 
tourné vers le bas, sur une lame de métal, une 
deuxième lame recouvrant la plaque de façon que les 
surfaces de contact empiètent l’une sur l’autre. Si l’on 
fait tomber des rayons X sur la partie supérieure de 
l’ensemble, on constate que la plaque est beaucoup 
moins impressionnée dans les parties où les deux lames 
de métal se recouvrent que dans celles où la plaque 
est en contact avec la lame supérieure seule. 

Le phénomène a été également observé par T. Weeks!, 
qui en a fait l'étude systématique, et l’a constaté pour 
des lames d'argent, de plomb, de fer, de cuivre, et 
d’autres métaux. L'expérience fondamentale de Gordon 
a été reprise, une partie de la plaque étant au contact 
du métal, l’autre à quelques millimètres d’une lame 
semblable : les effets ont été identiques. En fait, on ob- 
tient des transparences de la plaque sensiblement les 
mêmes qu'il y ait ou non une lame de métal directe- 
ment sous la plaque, pourvu qu'on protège la plaque 
contre le rayonnement diffusé par les parois de la salle 
qui frappe la plaque par dessous. 

Ces expériencees prouvent qu'une lame métallique 
exerce deux effets différents: elle protège la plaque 
contre le rayonnement diffusé par les régions situées 
au-dessous; mais, en même temps, il se produit sur le 
métal, comme sur toute surface frappée parles rayons X, 
des rayons secondaires qui contrarient l'effet de pro- 
tection. L'action de la lame dépend du rapport entre les 
intensités du rayonnement total diffusé sous la plaque 
et des rayons secondaires émis directement par le 
métal. 

Les expériences précédentes sont intéressantes en ce 
qu'elles expliquent pourquoi on peut utiliser les lames 
métalliques comme écrans renforçateurs en radiogra- 
phie. Les lames agissent surtout en supprimant le voile 
général du cliché dù au rayonnement total diffusé sous 
la plaque ; les contrastes sont, par suite, meilleurs.Mais 
si, par un procédé quelconque, on réduit suffisamment 


1. Physical Review, 2° sér,, t. V, p. 244, mars 1915. 


plomb. 


Le passage des rayons z à travers les € 
taux. — Partant des résultats obtenus dans les expé- 
riences de réfraction des rayons de Rœntgen par les 
cristaux, MM. K. Heil et M. Reinganum ont étudié les 
phénomènes qui se produisentlors du passage de rayons 
corpusculaires (rayons 2) à travers les réseaux cristal- 
lins. On peut s'attendre à ce que les cristaux soient 
inégalement perméables aux rayons # qui les frappent 
sous différents angles, ce qui doit se traduire par une 
modification du parcours libre des rayons , dépendant 
de l’inégale absorption, ou par une dispersion variable. 
Les expériences des auteurs n’ont pu aboutir à des ré- 
sultats définitifs, par suite de l’appel de M. Reinganum 
sous les drapeaux et de sa mort prématurée. Cependant 
les observations déjà publiées! méritent d'être signa- 
lées. 

Les auteurs ont tenté d’abord de démontrer par voie 
photographique l'influence cherchée sur le parcourslibre 
des rayons z.Si, dans un cristal placé entre une source 
ponctuelle de rayons z et une plaque photographique, 
il existe des directions préférées pour le passage des 
rayons, la surface de noircissement de la plaque pro- 
duite par le rayonnement doit différer du cercle nor- 
mal, Les expériences ont été faites sur des écailles de 
clivage de mica, puis sur des coupes minces de gypse 
et de quartz d’une épaissenr de 107, À une seule excep- 
tion près (gypse), cette partie des recherches n’a donné 
que des résultats négatifs, 

Les auteurs ont obtenu plus de succès avec la mé- 
thode électrométrique, dans laquelle la variation de 
parcours d’un rayon z traversant un cristal a été dé- 
terminée en faisant tourner ce dernier de 3602. On a 
observé, aussi bien pour le gypse que pour le mica, des 
signes très nets de plusieurs maxima et minima des cou- 
rants d’ionisation déchargeant l'électroscope; comme, 
après une rotation de la plaque de 360°, on retrouve 
presque exactement la valeur originale, le phénomène 
ne paraît pas attribuable à des erreurs d'expérience. 

Les auteurs concluent donc de leurs recherches à 
l'existence de l'effet cherché, mais celui-ci aurait besoin 
d’être confirmé d'une façon plus approfondie. 


Sur un nouvel appareil à haute fréquence. 
— M. Liebowitz a décrit récemment, au Congrès de la 
Société américaine de Physique tenu à Philadelphie en 
décembre 1914, une méthode nouvelle pour la produc- 
tion des oscillations d’une fréquence appropriée à la 
radiotélégraphie. Un tube à vapeur de mercure est 
muni de deux cathodes de mercure et d’une anode en 
fer ou graphite. Cette cathode est reliée, par l’intermé- 
diaire d’une résistance et d’une bobine de self, au pôle 
négatif d'un générateur à haut voltage, et l’'anode, tou- 
jours par l'intermédiaire d’une self, au pôle positif, Un 
circuit oscillatoire est disposé entre les cathodes., On 
obtient ainsi des courants alternatifs d’une intensité 
qui atteint 10 ampères à une fréquence de l’ordre de 
200.000 par seconde, mais ces courants ne sont pas 
stables. Des oscillations très stables onf été obtenues à 
la fréquence de 35.000 par seconde, La méthode semble 
spécialement propre à l'obtention de puissances élevées. 


S 3. — Photographie 


Développement des clichés à température 
élevée. — L'élévation de la température accroit nota- 
blement l’activité des révélateurs ; elle offre aux photo- 
graphes un moyen précieux de tirer parti des clichés 


1. Ber. der Naturforsch. Ges. zu Freiburg-&. Br.,t, xx. 


360 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


sous-exposés, et beaucoup d'opérateurs ont pris l’habi- 
tude d'employer, en hiver, des bains plus ou moins 
chauffés. Cependant, ilne faut rien exagérer à cet égard, 
car, dès que l’on dépasse 25°, la couche de gélatine 
risque de se décoller ou de se couvrir de craquelures. 

Les décollements sont surtout fréquemment provo- 
qués par les révélateurs alcalins. Gn évite assez facile- 
ment cet accident, si l’on a soin de frotter les bords de la 
plaque, avant de l’immerger, avec un corps gras quel- 
conque, par exemple un morceau de parafline ou de 
chandelle, de manière à tracer, tout autour de la couche, 
un liséré imperméable à l’eau. 

Cette précaution n'empêche pas la gélatine, plongée 
dans un bain trop chaud, de se gonfler outre mesure, de 
se ramollir, de devenir visqueuse et de céder au moin- 
dre attouchement. Vers 30°, la plupart des émulsions 
subissent un commencement de fusion, et aucune ne 
résiste à une température supérieure à 35°, On y obvie 
aisément, lorsqu'on peut se procurer de la glace ou de 
l'eau fraiche; mais on est parfois privé de toute espèce 
de réfrigérant,et, dans les pays tropicaux, notamment, 
il ne faut pas songer à utiliser les révélateurs ordi- 
naires, quand la température atteint ou dépasse 40°. 

La première idée qui se présente, en pareil cas, c’est 
de rendre la gélatine insoluble, Les moyens ne man- 
quent pas, mais les plus usités offrent quelques incon- 
vénients. Le formol, par exemple, permettrait de 
plonger la plaque dans l’eau chaude, bouillante même, 
sans risque de fusion ; seulement, la gélatine, trop for- 
tement contractée, se détache du verre, une fois sèche. 
Quant aux sels de chrome ou d’alumine, ils ne compro- 
mettent pas l’adhérence de la couche à son support, 
mais le sulfite de soude contenu dans la plupart des 
révélateurs actuellement usités provoque une précipila- 
tion de sesquioxyde de chrome ou d’alumine. Cette 
précipitation, qui empêche l'insolubilisation de la 
couche, est immédiate dans les révélateurs alcalins. 
Elle est plus lente dans les révélateurs fonctionnant 
sans aleali; aussi est-il possible d'employer l'alun avec 
le diamidophénol, qui développe rapidement sans addi- 
tion de substances alcalines. La formule suivante a été 


proposée par M. Trevelyn dans le British Journal of 


Photography : 
Eau, nie One ce eee MRTAODONCOE 
Driamidophénol et encre 8 gr. 
Sullite de soude cristallisé....... 75 gr. 
Bromure de potassium, ........ « 0 gr. 7 


À 20 volumes de ce bain, on ajoute, au moment de 
l'emploi, 1: volume d’une solution à 5°/, d'alun de 
chrome. Le développement s'accomplit un peu plus len- 
tement que dans le révélateur sans alun, car ce com- 
posé rend la gélatine moins perméable, Le fixage subit 
aussi, pour la même raison, un ralentissement appré- 
ciable. 

Quand la température ne dépasse pas 25°, on peut 
remplacer l’alun par de l’alcool, dans les proportions 
suivantes : 


HOUSE se see au reel ee lee Ie OOOCCE 
Sulfite de soude anhydre........... 60 gr. 
Alcool à ÿo° (à ajouter peu à peu)... 1.000 ce. 
Diamidophénol\."" "00 Re IONOTE 


A des températures plus élevées, il vaut mieux em- 
ployer le sulfate d'ammoniaque, indiqué par MM. Lu- 
inière, qui ont recommandé le bain que voici: 


DÉS SORT RH Dubdo dise 1.000 Ce. 
DiaBidOphEn CL PE TE er 5 gr. 
Sullite de soude anhydre.,. sacre 30 gr. 
Sulfate d’ammoniaque........ On 290 gr. 
Bromure de potassium.,.,......... 3 gr. 


Ce révélateur fournit, à la température de 38° à 4o°, 
d'excellents phototypes, en 3 minutes environ. 

Le su file d'ammoniaque offre l'avantage d'empêcher 
a fusion de la gélatine, sans cependant la rendre défi- 
nilivement insoluble. Il s'ensuit que, dès que le révéla- 
teur estéliminé, par des lavages à l’eau pure, la gélatine 


se trouve ramenée à son état primitif. Rien n'empêche 
alors de la durcir dans l’alun, si l’on doit prolonger les 
lavages avec de l'eau trop chaude. 

Dans les révélateurs alcalins, on ne doit pas employer 
le sulfate d’ammoniaque, qui détermine le voile 
dichroïque. L’insolubilisation temporaire de la gélatine 
peut alors être obtenue à l'aide d’un excès de sulfite de 
soude. Ainsi, le révélateur au métol-hydroquinone aura 
la composition suivante: 


Faust SA 1.000 cc. 
MÉtOLR TRE eee Es (Ne ele 1 gr. 


ot ot 


Hydroquinone Free 550 1 gr. 
Sulfite de soude anhydre........... 200 gr. 
Carbonate de soude anhydre....... 10 gr. 
Bromure de potassium............. 2 gr, D 


La durée normale du développement, à 40°, est de 
3 minutes. La solution se conserve assez longtemps 
sans allération, mais fournit des images moins pures 
que celles qu’on oblient avec le diamidophénol addi- 
tionné de sulfate alcalin. Le diamidophénol ne peut pas 
êlre employé avec un excès de sulfite, qui produirait 
des négatifs entièrement voilés, tandis qu'avec Le sulfate 
d’ammoniaque il donne des images absolument exemptes 
de voile, sauf, bien entendu, en cas de surexposition. 
Son seul inconvénient est de ne pas se conserver long- 
temps en solution, ce qui oblige à préparer le bain de 
développement au moment de l'emploi ou, du moins, 
peu de temps à l'avance. 


- $ 4. — Chimie 


L'analyse capillaire du lait. — MM. Kreidl et 
Lenk ! ont remarqué que, si des gouttes de lait tombent 
sur du papier buvard épais à haute teneur en matières 
minérales, il se forme trois zones concentriques. Le cer- 
ele intérieur contient la graisse, l'anneau médian la 
caséine, l’anneau extérieur l’eau et les matières dissou- 
tes. Les deux zones internes restent visibles pendant des 
heures, mais l’extérieure devient graduellement indis- 
tincte., La caséine et la teneur en eau du lait peuvent être 
estimées grossièrement en observant la finesse de la li- 
mite entre les deux anneaux extérieurs — plus il y a 
d’eau, moins la délimitation est claire — et leur rap- 
port réciproque. 

Le lait des animaux (chèvre, jument, lapine, ratte) 
qui ressemble au lait de vache à l'examen ultramicros- 
copique donne la formation tri-annulaire, mais l'anneau 
médian manque lorsque la caséine est coagulée ou lors- 
que la teneur en graisse est élevée (jusqu'à 30°/,). Le 
lait de femme ne fournit que deux anneaux, parce que sa 
caséine est en solution et invisible à l’ultramicroscope. 

Comme la vitesse de diffusion d’une goutte de lait sur 
du papier absorbant dépend principalement de la quan- 
tité de graisse, cette dernière peut être déterminée quan- 
titativement d’après la première. Les vitesses de diffu- 
sion du lait avec 10 ‘/, de graisse, du lait complet, du 
lait mouillé à 5o°/, d’eau et du lait écrémé sont respec- 
tivement de 1,2, 1,8, 3,1 et 6 em, à la minute. 

Les auteurs ont également étudié les hauteurs aux- 
quelles s'élèvent par capillarité les laits de divers 
mammifères dans des bandes de papier-filtre. Les diffé- 
rences observées sont dues aux variations de concen- 
tration en caséine. Les laits mouillés et écréméss'élèvent 
plus haut que le lair pur, mais on ne peut en déduire 
qu'un échantillon donné a été fraudé, 


$ 5. — Biologie générale 


L’eugénique et la querre. — M. J. Arthur 
Thomson, professeur à l'Université d’Aberdeen, a fait 
récemment, devant la Société d'Education eugénique, 
une conférence sur ce sujet; dont nous voudrions signa- 
ler quelques points intéressants. 


4. Bull. Bur. intern. Agric., 1915, t. VI, 144-146. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 361 


Nous n'avons pratiquement, estime M. Thomson, 
aucune certitude relative à l'effet biologique d’une 


grande guerre sur une race, mais on peut toutefois dis- 
cerner plusieurs risques probables, plusieurs indices de 
tendances dysgéniques dans la guerre moderne, 

Autrefois, une bataille était probablement dans la 
plupart des cas une sorte de passage au crible des moins 
forts, des moins agiles, des moins courageux des deux 
côtés, et le résultat d’une guerre était souvent l’élimina- 
tion pratique des plus faibles dans les deux camps, De 
celte façon, il a pu y avoir une sélection eugénique des 
types les plus adaptés aux temps où les combats étaient 
fréquents, Mais ces temps ont changé et la guerre avec 
eux. Une nation n’extermine plus une autre nation, et la 
victoire n'appartient pas nécessairement à ceux qui ont 
le meilleur physique. De plus, parmi les combattants, 
l'élimination est soit aveugle, par exemple quand un 
cuirassé coule, soit dans la mauvaise direction : on 
confie aux meilleures compagnies les tâches les plus 
hasardeuses, où la mortalité est souvent terrible, et les 
plus braves sont les plus exposés à être tués. Cette 
influence dysgénique est plus particulièrement marquée 
dans les pays, comme l'Angleterre, où le service mili- 
taire est volontaire, et où les engagés comprennent une 
grande proportion des hommes les plus chevaleresques 
et les plus courageux. 

On a fait remarquer que l'élimination est confinée aux 
hommes, de sorte que les femmes restent, comme tou- 
jours, une sauvegarde eugénique. Mais elles ne peuvent 
agir directement qu'à la condition d’avoir des enfants, 
et il est à craindre que la guerre n'augmente considéra- 
blement le nombre déjà élevé des femmes non mariées. 
En outre, les guerres cruelles et prolongées tendent à 
diminuer la vigueur physique dans un cercle étendu de 
non-combattants; une dépression maternelle, comme 
celle que provoque la famine, tend à produire des arrêts 
de développement et des types inférieurs à la moyenne. 
Nous n’avons aucune raison de penser que le plasma 
germinatif soit spécialement affecté, mais on peut sup- 
poser que des conditions naturelles très défavorables 
puissent induire des variations germinables préjudi- 
ciables d’une nature héréditaire. 

On a dit également que l’entrainement militaire a des 
effets favorables marqués, qui contrebalancent de nom- 
breuses pertes et incapacités. Nul ne niera la valeur de 
l'exercice, de la discipline, de la nourriture abondante, 
des heures régulières; mais les modifications non trans- 
missibles ne peuvent être opposées aux qualités innées. 
Même en supposant que toutes les modifications acquises 
pendant la période d'entrainement soient pour le 
bien, ce qui n’est pas, elles ne diminuent pas les pertes 
causées à l'héritage naturel de la race dans une armée 
qui contient quelques-uns des meilleurs cerveaux d’un 
pays. 

Il existe un autre moyen par lequel la guerre exerce 
une influence dysgénique : en handicapant les hommes 
les plus distingués. De nombreux combattants revien- 
dront mutilés ou affaiblis; ceux mêmes qui rentreront 
sains et saufs ne retrouveront pas les choses comme ils 
les auront laissées. Des milliards auront été dépensés 
d'une façon improductive, et de nombreuses économies 
devront être réalisées. Elles opéreront une sélection 
dans la mauvaise direction, empêchant le mariage et af- 
fectant les plus habiles, les artistes, les professions 
libérales dont le travail est d’une nature telle qu'on 
peut le plus facilement s’en passer, 

L'eugénique et la guerre! le fossé entre l'idéal et la 
réalité n’est peut-être nulle part plus profond, Car l’eu- 
génique travaille au maintien et à l'amélioration des 
bonnes qualités héréditaires d’une race, tandis qu'une 
guerre sévère et prolongée ne peut que les appauvrir. 
En somme, la guerre, considérée biologiquement, si- 
gnifie un gaspillage et un renversement de la sélection 
eugénique ou rationnelle, car elle moissonne un nom- 
bre disproportionné de ceux que la race peut le moins 
se permettre de perdre. 


Sur l'équilibre naturel entre les diverses 
espèces animales. — M. Arnold Pictet vient de sou- 
mettre, à la Société de Physique et d'Histoire naturelle 
de Genève, quelques considérations sur celte question 
qu'il nous parait intéressant de reproduire ici, d'apres le 
compte rendu qu'en donnent les Archives des Sciences 
phy siques et naturelles dans leur numéro du 15 mai 1915. 

Les animaux, dit M. Arnold Pictet, sont continuel- 
lement en lutte, soit entre eux pour la recherche 
de la nourriture, soit contre les multiples facteurs 
du climat, Il en est résulté, entre les diverses es- 
pèces animales, un équilibre naturel, établi d'une part 
par la fécondité spécitique (F), qui est elle-même en rap- 
port avec les difficultés plus ou moins grandes qu'offre 
la vie des individus, et d'autre part par la destruction 
(D) et la survie (S). En sorte qu'on a l'équation : S— 
F— D. 

Le facteur D se compose de plusieurs éléments dont le 
rôle varie suivant les espèces et dont les principaux sont 
les ennemis, les maladies, le climat et parfois l’homme. 

Il résulte d'expériences pratiquées par M. Pictet chez 
les Insectes, et il y a tout lieu de croire qu'il en est de 
même pour les autres animaux, que S, calculé pour une 
génération ou bien pour un ensemble de générations, 
est constant pour une espèce donnée et que, par consé- 
quent, D est constant également pour la même période. 

Lorsqu'un des éléments de D augmente d'intensité, 
ce n’est pas au détriment de S, mais au détriment dun 
autre élément de ce facteur D. 

Ainsi, si l’on suppose que l’homme, pendant une an- 
née, vienne à détruire en masse les individus d’une 
certaire espèce, dans une localité, cette destruction en- 
trainerait-elle une diminution de la survie? Non pas, 
mais une diminution du nombre des individus restant 
à la disposition des ennemis, ces derniers devant cher- 
cher ailleurs leur complément de subsistance. 

Pour démontrer la constance de $, il faut envisager 
les deux cas qui peuvent se présenter, à savoir que 
l'espèce considérée augmente ou reste stationnaire en 
nombre d'individus d’une année à l’autre, M. Arnold 
Pictet étudie ces deux cas d’après les recherches qu'il a 
pratiquées chez les Insectes. 

I. Le nombre des individus d'une espèce donnée n'aug- 
mente pas, d’une année à l'autre, dans une localité don- 
née. Considérons une ponte de 500 œufs, chiffre que 
l'on peut admettre comme une moyenne. Ces 500 œufs 
éclosent et donnent naissance à autant de petites larves 
qui vont se trouver aux prises avec les divers éléments 
du facteur D et dont un petit nombre seulement arri- 
vera à l’élat d’insecte parfait. 

Puisqu'il n’y a pas d'augmentation du nombre des in- 
dividus, cette ponte donnera forcément comme résultat, 
à la génération suivante, ce qui est nécessaire à la pro- 
duction de 500 œufs,c’est-à-dire un mâle et une femelle ; 
en conséquence, D — 498 (le 99,60 °/, de 50o)et S — 2 
(le 0,40 ‘/, de 500). Autrement dit, l’équilibre se trouve 
établi par : 
une destruction (ennemis, climat, maladies, 


; 


RANCE LEE SHARE ER TOUPE NE 00 002/ 
et une protection (mimétisme, homochro- 

mienetc AA )Nevaluer a MERE OU 0,40 ©}, 
et contrebalancé par une ponte évaluée à... 100 » */, 


L’équilibreest,de cette façon,rigoureusementétabli; on 
voit,en outre, que tous les faits d'observation concernant 
la protection queles Insectes retirent de leur homochro- 
mie, de leur mimétisme,des attitudes avantageuses qu’ils 
prennent à l'étatdereposetdeleuraptitude à se dissimu- 
ler ou à se sauver, faits dont on ne peut nier l'exactitude, 
ne jouent qu’un rèle minime dans la survivance des indi- 
vidus ; mais, si minime soit-il, ce rôle est indispensable 
puisqu'il concourt à la survie du strict nécessaire au 
maintien de l'espèce. 

M. Pictet donne, des conclusions ci-dessus, de nom- 
breuses preuves expérimentales, dont nous signalerons 
quelques-unes : 

19 C’est un fait d'observation courante que, lorsqu'on 


362 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


récolte en plein air une certaine quantité de larves 
adultes pour les élever ensuite en captivité, c’est à peine 
si l’on obtient deux ou trois imagos, tout le reste des 
larves ayant été parasité pendant leur vie à l’état libre 
ou mourant de maladies épidémiques contractées avant 
leur Capture (observé maintes fois aveé Vanessa urlicæ 
et 10). 

2° Dans une boîte d'élevage, l'auteur place 130 che- 
nilles de Pieris brassicæ au sortir de l'œuf, qui peuvent 
être considérées comme indemnes de tout élément de 
destruction. Quelque temps après, il introduit dans la 
boîte quelques couples de Microgaster glomeratus. Les 
chenilles qui échappent au parasite et donnent nais- 
sance à leur papillon sont au nombre de 2, ce qui re- 
présente une proportion voisine de 0,40 °/;, en ténant 
compte de l'élimination des autres facteurs de destruc- 
tion qui n’ont pas pu agir du fait de la captivité. 

30 Lors d'expériences d'hybridation avec des Ocneria 
dispar, il s'est trouvé que 7 lots de chénilles, compre- 
nant un ensemble de plus de 1.100 individus, ont été en 
partie détruits par une épidémie de flacherie ; 5 che- 
nilles seulement survécurent, ce qui représente encore 
une survie de 0,40 ?/,. 

Il, Le nombre des individus est variable d'une année 
à l'autre. Une diminution de l'intensité du facteur D 
entraînera une augmentation corrélative du nombre 
des individus qui survivent, Mais cette augmentation 
n’ést que passagère, avec rétablissement de l’équilibre 
au bout d’un nombre restreint de générations, 

En effet, si D n'existait pas, on sait avec quelle pro- 
digieuse progression numérique (à raison de oo œufs 
par femelle et par génération) le nombre d'individus 
augmenterait !. 

Mais on peut imaginer que D soit légèrement infé- 
rieur à ce qu'il faut pour maintenir l'équilibre el qu'il 
laisse survivre, par exemple, sur 100 individus suppo- 
sés se trouver dans une localité, el pour chaque ponte, 
une seule femelle de plus qu'habituellement ; mais alors 
c'est d'emblée une augmentation de l'espèce donnée 
dans une proportion telle que celle-ci est matérielle- 
ment impossible à maintenir. 

On connaît cependant des exemples d'augmentation 
rapide du nombre des individus d’une espèce. M. Pictet 
signale l'invasion considérable de Vanessa cardui qui 
eut lieu en juin 1906 dans la région de Genève. A la 
suite de ce vol immense, qui dura 8 jours, il n’y eut 
pas un seul buisson d’orties ou de chardons dans la 
région située entre le Salève et le Jura qui n’hébergea 
plusieurs chenilles de cette espèce; on en trouvait éga- 
lement dans les jardins potagers sur les artichauts, On 
pouvait done s'attendre à voir voler en automne des 
papillons de Vanessa cardui en quantité inusitée, Or, 
tel ne fut pas le cas : en une génération, l’équilibre fut 
rélabli par le fait d’une augmentation corrélative du 
facteur D. 

L'auteur signale encore plusieurs invasions d’in- 
sectes, dont les plus intenses ont été constatées en 
Suisse(Gastropacha pini, en 1889, 1892 et 1894; pyrale 
du mélèze, en 1864, 1878 et 1900) et en Bavière (Psilura 
monacha, en 1889 et 1892), et qui toutes ont été régula- 
risées l’année suivante, soit sous l'influence d’un été 
humide, soit par suite d’une recrudescence de certains 
parasites ou insectivores 

Lorsque D arrive à équivaloir F, Pespèce disparait de 
la localité; mais les individus de cette espèce peuvent y 
revenir des localités avoisinantes. Pour qu'une espèce 
soit anéantie définitivement, il faut que D soit égal 
à F dans toutes les contrées où elle se trouve; c’est ce 
qui s’est présenté maintes fois durant les époques géo- 
logiques et c’est ce qui arrive encore de nos jours de 
temps à autre. 


1. Une augmentation de cette importance s'est présentée 
lors de l'introduction par mégarde des Ocneria dispar et 
Porthesia chrysorrhæa aux Etats-Unis, où n'existent pas les 
Ichneumons qui mettent un frein à la trop grande extension 
de ces Bombyx en Europe. 


$S 6. — Hygiène publique 


Le procédé Dickson pour le traitement des 
eaux d’égout.— Il y a quelques années, M. Al. Dick- 
son, de Dublin, remarquait la présence d’une matière 
flottant sur les eaux de la Liffey, au-dessous du point 
où elle reçoit les eaux résiduaires de là brasserie Guin- 
ness, alors qu'au-dessus dé ce point aucune matière 
semblable n’était visible. Il conçut l’idée que ce dépôt 
flottant devait être en relation avec la présence de 
levure dans l’eau. Il chercha à vérifier son idée en trai- 
tant de l’eau et des boues d'égout par de la levure de 
brassérie vivante, dans une petite installation expéri- 
mentale, et les résultats confirmèrent son hypothèse. 
Il reconnut qu'une petite proportion de levure est 
nécessaire et que la température la plus favorable est 
de 39° à 360. Les boues séparées ne contiennent plus 
que 80 ‘/, d'éau au lieu de 90°/,, teneur normale des 
sédiments bruts 

Sur ces bases, M. Dickson a édifié tout un système de 
traitement des eaux d’égout qui présente d'assez grands 
avantages pour avoir élé adopté par la Ville de Dublin 
pour le traitement de toutes ses eaux vannés, dont le 
volume s'élève en moyenne à 60.000 m* par jour. En 
voici la description !: 

Les eaux d’égout sont conduites à une station de 
pompes, où, après avoir passé par une chambre écran, 
elles sont élevées de 7 mètres et coulent dans des bas- 
sins de sédimentation, au nombre de 18. Après que la 
sédimentation a eu lieu, l’effluent est conduit dans un 
canal d’où il se décharge directement dans l'estuaire de 
la Lifrey. 

Les boues sont conduites dans une auge ouverte, à 
travers des grilles qui arrêtent les matières solides qui 
pourraient bloquer les pompes, On leur ajoute 0, 5 "/, 
de lévure, mélangée d’eau, et environ 3 °/, de boues 
déjà fermentées; puis le mélange est pompé dans un 
« chauffeur » composé d’un certain nombre de tuyaux 
portés par de l'air chaud à la température de 34°. Il 
coule de là dans des auges de fermentation en ciment 
armé, au nombre de 11, sous lesquelles passent des con- 
duites d'air chaud pour maintenir la température à 34°. 

Au bout de 24 heures, et même plus tôt, l’action est 
terminée ; les solides se sont séparés et sont venus à la 
surface, en laissant au-dessous une portion plus liquide. 
Les premiers sont évacués dans des bassins spéciaux, 
tandis que l’effluent, qui ne contient plus que très peu 
de matière en suspension, ést soutiré pour êlre déchargé 
dans la rivière, Dans les villes de l’intérieur, il sera 
préférable de terminer la purification de cet eMuent, 
etM. Dickson a combiné dans ce but un appareil cen- 
trifuge où l’effluent tombesur une plaqué tournante qui 
le projette tout autour d’elle contre une paroi annulaire 
de matière filtrante (couche de sable); cette dernière 
retient toutes les substances en suspension, même à 
l'état colloïdal, et laisse s'écouler un eflluent parfaite- 
ment saturé d'oxygène, qui oxyde toute la matière 
organique dissoute. 

Les boues humides séparées par le procédé à la levure 
constituent d’excellentsengrais ; mais elles doivent être 
débarrassées préalablement de leur excès d’eau. 
M. Dickson les traite pour cela dans un dessiccateur 
spécial, où elles sont soumises à une température de 
230° en perdant la plus grande partie de leur eau sans 
que les pertes en azote dépassent plus de o, 2°/,.Le pro- 
duit obtenu est vendu soit tel quel, soit mélangé avec 
des phosphates et de la caïnite. 

Les recherches sur la nature des réactions mises en 
œuvre dans le procédé Dickson ont montré que la levure 
n’est pas l'agent de fermentation, car la levure tuée joue 
un rôle aussi eflicace; la fermentation est due à des 
micro-organismes anaérobies qui se nourrissent de la 
levure. La flottaison des solides est causée par les gaz 
qu'ils dégagent. 


1. Journal of the Soc of Chem. Ind., t. XXXIV, n° 10, 
p. 517-524; 30 mai 1915. 


H. Le CHATELIER. — FRÉDÉRIC WINSLOW TAYLOR 363 


FRÉDÉRIC WINSLOW TAYLOR 


(1856, 


Le grand ingénieur américain Frédérie Wins- 
low Taylor est mort à Philadelphie le 21 mars 
dernier, enlevé en quelques jours par une fluxion 
de poitrine. D'une santé robuste, n'ayant pas 
atteint la soixantaine, il semblait devoir résister 
facilement à la maladie. Les médecins ne re- 
connurent pas la gravité de son état et ne pré- 
vinrent aucun de ses amis. Sa disparition en 
pleine activité est une grande perte pour les 
Etats-Unis et pour l'humanité tout entière. Le 
nom de F. W. Taylor restera célèbre dans l’his- 
toire du progrès industriel par trois grandes dé- 
couvertes : 

Les aciers à coupe rapide; 

Les règles pour le travail des métaux: 

Les principes d'organisation scientifique des 
usines. 

Malgré sa très grande notoriété, il n'eut pas 
cependant la satisfaction de voir rendre, de son 
vivant, pleine justice à son œuvre. Son interven- 
tion prépondérante dans la découverte des aciers 
à coupe rapide fut bientôt laissée dans l'ombre; 
l'originalité de ses principes d'organisation du 
travail fut trop souvent méconnue, leur exacti- 
tude même fut parfois contestée. Il ne faut pas 
cependant taxer pour cela d’ingratitude l'opinion 
publique. Par son silence systématique pendant 
ses vingt-cinq années de vie industrielle, et aussi 
par un mépris exagéré de la forme littéraire, 
F. W. Taylor nuisit beaucoup à la diffusion de 
ses idées et à leur succès. 


J. — AciErS A COUPE RAPIDE 


Les aciers dits & coupe rapide sont ainsi ap- 
pelés parce qu'ils permettent de tailler les me- 
taux avec une grande vitesse. Ils doivent cette 
propriété à leur résistance à la chaleur. Les 
aciers à outils ordinaires perdent toute leur du- 
reté entre 2500 et 350°; les aciers rapides le font 
seulement entre 550° et 600°. Or l’outil s’échauffe 
pendant le travail d'autant plus que la vitesse de 
coupe est plus grande. Les outils rapides cou- 
pent encore avec leur pointe portée au rouge 
sombre. Pratiquement, ils peuvent supporter 
des vitesses deux à trois fois plus élevées que 
celle des anciens outils; la production de cha- 
que machine en est augmentée d’autant. 

La composition recommandée pour ces aciers, 
comme la meilleure, par #. W. Taylor est la 
suivante : 


+ 1915) 
CArDONES ere AIR 0,7 
Mungstène ce ei 
Chrome NN 6 
Vanadium....... Kids. 3 0,3 


En dehors de cela, le moins possible des au- 
tres corps habituellement présents dans l'acier: 
manganèse, silicium, phosphore et soufre. Pas 
plus de 0,05 °/,. 

Indépendamment de la condition de compo- 
sition, ces aciers doivent, pour acquérir toutes 
leurs qualités, être trempés à une température 
très élevée, voisine de 1.200°. Les aciers à outils 
ordinaires sont, au contraire, trempés entre 
750° et 500°. 

Les outils à coupe rapide furent présentés 
pour la première fois, lors de l'Exposition de 
1900, dans une annexe installée à Vincennes. Le 
bruit de leurs hauts faits se répandit rapide- 
ment. Tous les jours, il y avait foule pour voir 
les machines américaines enlever d'énormes 
copeaux, bleuissants bientôt au contact de l’air 
par suite de l’échaufflement du métal. Après 
quelques années, l’usage de ces aciers était de- 
venu général dans tous les ateliers de construc- 
tion, mais l’on savait peu de choses sur l’origine 
de leur découverte. On l’attribuait vaguement à 
deux ingénieurs américains des usines de Beth- 
léem: MM. Taylor et White. Des concurrents 
à l'esprit inventif donnèrent satisfaction à la cu- 
riosité publique en expliquant comment cette 
découverte avait été provoquee par la négligence 
d'un ouvrier. Ayant par mégarde surchauffe 
outil avant de le tremper, ilavail constate, à s 
grand étonnement, disait-on, une amélioration 
notable de qualité. Cette observation recueillie 
par les chefs de l’ouvrier aurait été le point de 
départ de l’emploi des nouveaux aciers. 

F. W. Taylor gardait toujours le silence; il se 
décida à parler seulement six ahs plus tard. 
Nommé en 1906 président de l'American Insti- 
tute of Mechanical Engineers, il consacra son 
discours présidentiel à l'exposé complet de ses 
recherches sur le travail des métaux. Il fit alors 
l'historique de sa découverte des aciers à coupe 
rapide, réalisée après quatre années d’études et 
avec le concours d’une douzaine d'ingénieurs ou 
de contremaitres. A l’occasion de ces recherches, 
il avait fait analyser une centaine d’aciers à 


outils du commerce, il en avait fabriqué de 


364 H. ze CHATELIER. — FRÉDÉRIC WINSLOW TAYLOR 


nouveaux et s’élait enfin astreint à varier systé- 
matiquement les conditions de leur traitement 
thermique, en dehors même des limites habi- 
tuelles de la pratique. 

Cette découverte fut donc le résultat d’étu- 
des méthodiques, le hasard n’y joua absolument 
aucun rôle. Il fallut reléguer la légende de l’ou- 
vrier négligent au nombre des fables mytholo- 
giques. 

Mais il était trop tard. Toutes les grandes dé- 
couvertes deviennent rapidement anonymes. 
Nous ne mentionnons plus jamais,en parlant des 
chemins de fer ou des télégraphes électriques, 
les noms de leurs inventeurs. Il en advint de 
même pour les aciers à coupe rapide. Aussi les 
révélations tardives de KF. W. Taylor sur l’his- 
torique de sa découverte provoquérent elles peu 
d'intérêt. Il en eut été tout autrement en 1900, 
au premier moment de l'enthousiasme suscité 
par la vue des outils coupant l'acier avec leur 
pointe rougie par la chaleur. 


IT. — TRAVAIL DES METAUX 


La seconde découverte de K. W. Taylor, celle 
des règles qui président au {ravail des métaux, a 
été le résultat de 25 années d’études ininterrom- 
pues.Elles ont coûté un million de francs aux usi- 
nes pour le compte desquelles elles furent exécu- 
tées. Pendant longtemps,la connaïssance de ces 
règles fut tenue secrète ,pourenréserver le béné- 
fice aux établissements qui avaient fait les frais 
des expériences. 

EF. W. Taylor exposa pour la première fois 


l'ensemble de ses recherches dans son discours 


de 1906 intitulé : « The Art of cutting Metals ». 
Il ne s’agit plus là, comme dans le cas des aciers 
à coupe rapide, de la découverte d’un objet ma- 
tériel capable de frapper l'imagination des hom- 
mes, même les moins instruits. Les règles rela- 
tives au travail des métaux forment un ensemble 
trés complexe, accessible seulement à un petit 
nombre d'initiés. Une découverte de cette nature 
échappe nécessairement à l'opinion de ce quel'on 
appelle le grand publie, c'est-à-dire du public 
incompétent. Malgré l'importance des services 
rendus, elle ne pouvait donner grande notoriété 
à son auteur. 

Voici en quoi consistent ces regles. Le travail 
des métaux sur les machines-outils a pour but 
d'enlever un certain poids de métal avee le mini- 
mum de dépense. Cette dépense, c'est-à-dire le 
prix de revient du kilogramme de copeaux enle- 
vés. est fonction d’un certain nombre de facteurs, 
de variables indépendantes. F. W, Taylor les a 
énumérées avec un grand soin; il en a trouvé au 
total une douzaine : 


Vitesse de l'outil à la surface du métal; 

Epaisseur du copeau ou profondeur de coupe; 

Largeur du copeau ou avance; 

Composition chimique de l'outil; 

Traitement thermique de l'outil; 

Mode d'arrosage de l'outil ; 

Angle de coupe de l'outil, dépouille avantet 
dépouille latérale ; 

Disposition du corps de l'outil; 

Flexibilité du corps de la machine. 

Il existe entre le prix de revientet ces diverses 
grandeurs une relation rigoureuse : 

X—F(r7, 9) 

qui, une fois connue, permet de donner aux va- 
riables +, y, z, les valeurs correspondant au prix 
de revient minimum. F. W. Taylor est parvenu à 
préciser la forme de cette fonction, donnant 
ainsi aux constructeurs, en présence d’un travail 
déterminé, le moyen de choisir sans aucun tà- 
tonnement les conditions les plus avantageuses. 
Mais cette fonction est très complexe; un simple 
ouvrier serait incapable d’en tirer aucun parti. 
Ces nouvelles méthodes de travail rendent ce- 
pendant des services considérables dans la 
grande industrie; elles fournissent, en outre, un 
des meilleurs exemples de l'efficacité des métho- 
des scientifiques appliquées à la solution des 
problèmes de la pratique. 


[IT. — ORGANISATION SCIENTIFIQUE DU TRAVAIL 


La dernière et la plus importante innovation 
de F.W.Taylorse rapporte à l’organisation scien- 
tifique du travail dans les usines, que l’on appelle 
plus brièvement le système Taylor. Le nom de 
ce système est bien connu, car la presse quoti- 
dienne s’en est fréquemment occupée, mais sa 
nature exacte est généralement moins bien com- 
prise. L’attention s’est fixée sur certains détails 
plus facilement accessibles, tels le mode de 
payement des salaires au tarif différentiel, ou 
encore le chronométrage. Mais ce sont là seule- 
ment les petits côtés d’une méthode de travail 
bien plus générale. 

Le principe essentiel du système Taylor est 
l'application systématique de la méthode scien- 
tifique à l’étude de tous les phénomènes indus- 
triels. Son point de départ est la croyance au 
déterminisme, c’est-à-dire à l'existence de rela- 
tions nécessaires entre tous les faits d'ordre ma- 
tériel, intellectuel ou moral en jeu dans l’indus- 
trie. Partant de la, il commence par une 
énumération très complète de tous les facteurs 
dont dépend chaque phénomène, chaque opéra- 
tion étudiée, puis après avoir reconnu tous les 
facteurs en jeu, il détermine par des expériences 


H. Le CHATELIER. — FRÉDÉRIC WINSLOW TAYLOR 365 


et des observations aussi précises que possible 
les relations numériques qui existent entre les 
différents faits en présence. 

Mais les phénomènes mis en jeu dans l’indus- 
trie ne sont pas indéfiniment variés et l’applica- 
tion systématique de cette méthode de travail 
conduit à certaines règles d’une portée plus ou 
moins générale, suivant la fréquence de l'inter- 
vention du phénomène éludié. 

F. Taylor fut ainsi conduit à l'établissement 
d'un certain nombre de règles formant le second 
échelon de sa méthode. Et c’est souvent à l’en- 
semble de ces règles particulières que l’'onréduit 
le système Taylor, laissant de côté la méthode 
scientifique plus générale qui a conduit à leur 
découverte. Un exemple fera comprendre la ge- 
nèse de ces règles particulières. 

Règles particulières. — Un des facteurs essen- 
tiels, mais pas le seul bien entendu, du prix de 
revient d’une fabrication est la production jour- 
nalière de l’ouvrier. Cette production dépend, 
entre autres, de deux facteurs très importants : 
la volonté de l’ouvrier de produire tout ce qu’il 
peut faire et sa capacité plus ou moins grande 
de production. Ces deux grandeurs dépendent 
elles-mêmes de divers facteurs. 

Etudions chacune d'elles isolément,soitd’abord 
la volonte. L'ouvrier limite souvent volontaire- 
ment sa production pour deux motifs. Il craint, 
en augmentant sa production, de voir son salaire 
réduit par son patron, qui pourra diminuer le 
prix de chaque unité de façon à maintenir le sa- 
laire journalier constant. D’autre part, il se rend 
compte que son patron ignore le plus souvent 
quelle quantité de travail il peut fournir norma- 
lement. On supprime ces deux motifs de flâne- 
rie en déterminant par des mesures très précises 
la production normale de l’ouvrier et en lui im- 
posant une tâche fixe. Cette tâche doit être arrè- 
tée dans des conditions telles que l’ouvrier se 
rende bien compte que sa puissance de produc- 
tion est exactement connue de son patron. D’où 
la création d’un service spécial chargé de l’éta- 
blissement de la täche normale. C'est là un des 
points essentiels du système Taylor. De plus, on 
doit donner à l’ouvrier un avantage sérieux pour 
le décider à fournir le travail demandé. L’attri- 
bution d’une prime pour l’accomplissement de 
la tâche normale est encore une des règles essen- 
tielles du système Taylor. 

La capacité de production de l’ouvrier dépend 
de circonstances multiples, en particulier de 
la nature des machines mises à sa disposition. 
Mais on peut se servir plus ou moins habile- 
ment des mêmes machines ; le plus souvent on 
s'en rapporte pour cela à l’ouvrier. Mais, quand 


on prend la peine d’étudier les facteurs multi- 
ples de cette bonne utilisation des machines, on 
s'aperçoit rapidement que la détermination des 
conditions optima est très difficile et dépasse 
tout à fait les moyens de l’ouvrier. Taylor a mis 
vingt-cinq ans pour déterminer les meilleures 
conditions du travail des métaux sur le touret il 
y a dépensé un million de francs. D'où la néces- 
sité d’avoir dans les usines un bureau d’études 
chargé spécialement de decouvrir les meilleures 
méthodes de travail. Mais il ne suflit pas que 
ces bonnes méthodes soient connues de la di- 
rection, il faut encore qu’elles soient connues 
des ouvriers, d’où la nécessité d’un personnel 
chargé d'enseigner aux ouvriers les bonnes mé- 
thodes de travail. Le bureau de préparation du 
travail et l’organisation dite fonctionnelle des 
contremaitres répondent à ce double desidera- 
tum ; ce sont encore là deux organes essentiels 
du système Taylor. 

Des études analogues ont été faites pour la 
circulation des matières dans l’usine, pour la te- 
nue des magasins, pour l'établissement des prix 
de revient, ete., d’où tout un ensemble de mesu- 
res caractéristiques du système Taylor, qui sont 
chacune la conséquence directe de l'application 
des méthodes scientifiques de travail à divers cas 
particuliers. 


IV. — Notes BIOGRAPHIQUES 


Il serait intéressant de pouvoir compléter ces 
indications générales sur l'œuvre de F. W. Taylor 
par quelques détails biographiques et de recher- 
cher quelle à été l'influence du milieu dans 
lequel il a vécu sur son développement intellec- 
tuel. Mais nous sommes peu documentés à cet 
égard. Voici cependant quelques renseignements 
empruntés à un article de l’un de ses fidèles 
collaborateurs, M. Gantt. Cet article a paru dans 
le Cassiers Magazine de décembre 1905. 

M. F. W. Taylor est né en 1856 à German 
Town (Pa.); il entra à dix-huit ans au college 
d’'Exeter, maisil dut bientôt renoncer à continuer 
ses études parce que, dit on, ses yeux devinrent 
malades. Il se décida alors à compléter son éduca- 
tion dans unevoietoute différente, etentra comme 
apprenti aux usines de William Sellers and Co, 
dans l’atelier de fabrication des modèles, Vou- 
lant faire des progrès aussi rapides que possible, 
et désirant obtenir quelques autres avantages, il 
accepta un salaire inférieur à celui des autres 
apprentis. Au bout de quatre années, il n'avait 
pas seulement appris son métier de fabricant de 
modeles, mais il savait conduire toutes les ma- 
chines-outils de l'atelier. Il termina son appren- 
tissage en 1878, mais les affaires allaient si mal 


366 H. ze CHATELIER. — FRÉDÉRIC WINSLOW TAYLOR 


qu'il ne put trouver de l'ouvrage dans son métier 
et il entra comme manœuvre dans l'atelier de 
machines de la Midvale Steel Co. 

Comme premier avancement, il fut nommé 
employé dans son atelier et bientôt après chargé 
du magasin des outils. C’est dans ces fonctions 
qu'il reconnut l'importance de faire affûter tous 
les outils par un même ouvrier; il réalisa cette 
réforme et inventa à cette occasion l’affüteuse 
Taylor. Il retourna du magasin à l’atelier comme 
chef d'équipe, puis contremaître adjoint et con- 
tremaitre. Bientôt il fut nommé maitre mécani- 
cien, avec la charge de l’entretien de tous les 
ateliers, puis directeur du bureau d’études, et 
enfin, en 1884, ingénieur en chef des usines, 
étant âinsi passé des fonctions de manœuvre à 
celles d'ingénieur en chef dans un délai de six 
années. 

Peu après son entrée aux usines Midvale, il 
avait senti la nécessité de compléter son éduca- 
tion théorique d'ingénieur, et à partir de 1880 il 
commença, en sus de son travail de dix heures 
par jour à l'usine, à suivre les cours du soir de 
l’Institut Stevens de Technologie. Il réussit à 
passer tous ses examens et prit ses degrés en 
1883, sans l’aide d'aucun professeur particulier. 

Il quitta en 1890 les aciéries Midvale pour 
devenir directeur général de la Manufacturing 
Investment Company, qui fabriquait des moulins 
pour la grande industrie chimique. Il se trouva 
alors en contact avec de grands financiers ayant 
poür principe que la fin justifie les moyens. 
+ebelle à cette façon de comprendre les affaires, 
il quitta là Compagnie en 1893, aussitôt après 
l’expiration de son contrat. Depuis cette date jus- 
qu'en 1901, il consacra tout son temps à l’intro- 
duction dans diverses industries de son système 
d'organisation des ateliers. 

Postérieurement à la publication de l’article 
de M. Gantt, c’est-à-dire dans ces dix dernières 
années, il s’occupa exclusivement à faire de la 
propagande en faveur de ses idées; maïs il le fit 
en dehors de toute préoccupation d'intérêt per- 
sonnel, consacrant même une partie de ses reve- 
nus à là diffusion de son système. Il donnait par 
exemple des traitements aux jeunes ingénieurs 
étrangers qui venaient étudier auprès de lui les 
différents détails de l’organisation scientifique 
des ateliers. 

Mais les préoccupations que lui donnait depuis 
plusieurs années la santé de Mme Taylor vinrent 
souvent contrarier ses projets. Il habitait rare- 
ment chez lui, allant chercher un climat plus 
favorable de la mer à la montagne, parcourant 
les stations balnéaires de Ja Floride aux côtes 
françaises. 


Il ne se contentait pas d'appliquer ses métho- 
des de travail à l’industrie proprement dite; il 
aimait à en faire ressortir l'utilité dans les cir- 
constances les plus variées de l'existence. Au 
dire de ses concitoyens de Philadelphie, il était 
passé maître dans les jeux sportifs et déconcer- 
tait au golf ses partenaires par l'étude scientifi- 
que de chacun de ses mouvements. Il avait 
également recherché les gazons les plus convena- 
bles pour les terrains de golf et avait imaginé 
des machines pour enlever en plaque ces gazons, 
là où il les trouvait, notamment au Canada, et 
avait combiné des procédés d'emballage spéciaux 
pour leur transport. Dans un autre ordre d’idées, 
il passait pour avoir des connaissances très 
étendues en arboriculture fruitière; au cours 
d'un récent voyage en France, il avait eu l’occa- 
sion de manifester l'intérêt tout particulier qu'il 
portait à la pisciculture des côtes marines. 

F. W. Taylor n’était pas seulement un grand 
esprit, c'était encore un cœur très noble, fidèle 
à ses amis, dévoué au bien public et très sympa- 
thique aux aspirations de la classe ouvrière. 
Cette élévation des sentiments a été, sans qu'il 
s’en soit peut-être rendu compte, un des élé- 
ments importants de ses succès industriels et en 
particulier de son grand ascendant sur les ou- 
vriers. 

En le conduisant à sa dernière demeure, 
M. Cooke, directeur des Travaux publics de la 
ville de Philadelphie, s'exprimait ainsi : 


« Le succès du grand mouvement d'idées pro- 
voqué par F. Taylor est dù en grande partie à 
l'enthousiasme qu'il avait su inspirer à ses colla- 
borateurs. Il avait une puissance extraordinaire 
de bonté, une puissance qui s’étendait à travers 
les mers, qui couvrait la durée entière d’une 
existence, qui allait toucher le plus humble tra- 
vailleur dans le rang. 


« Il nous enseignait le culte de l'idéal ; ilavait 


cessé de travailler pour s'enrichir et consacrait 
tous ses efforts aux seuls progrès capables de 
rendre les hommes plus heureux. Sa maxime 
favorite était : Faites à votre prochain ce que 
vous voudriez qu’il vous fût fait. Aussi le Père 
Sertillanges a-t-il pu dire avec raison, dans un 
de ses sermons de Paris : L'amour de Dieu est le 
système Taylor de notre vie intérieure. 

« À tous ses disciples répartis aujourd'hui sur 
la surface du globe, depuis les mines du Mozam- 
bique et du Japon jusqu'aux champs de bataille 
de l'Europe, nous adressons un suprême appel ; 
nous les convions à se liguer pour achever 
l’œuvre de solidarité inaugurée par F. Taylor, 
pour travailler sans relâche à l'amélioration des 


H. Le CHATELIER. — FRÉDÉRIC WINSLOW TAYLOR 367 


rapports sociaux dans les affaires et l’industrie, 
entreprise à laquelle K, Taylor a donné sa vie. » 

Pour achever de peindre le caractère de 
F. Taylor, je crois pouvoir reproduire ici la tra- 
duction de la dernière lettre que j'ai reçue de 
lui, me disant tous ses espoirs pourle succès des 
armes françaises : 


Samoset House, Rockland, Maine 
16 août 1914. 


Cher monsieur Le Chatelier, 


Cette guerre dépasse en horreur toute imagi- 
nation. J'en suis complètement abattu et énervé ; 
je ne puis penser à autre chose. Le souvenir de 
tous mes amis de France me remplit d’indigna- 
tion contre la conduite des Allemands. Person- 
nellemeni je n’ai pas l’ombre d'un doute que tout 
avait été combiné par l’empereur Guillaume en 
vue de l’agression allemande. 

Dans notre pays, le sentiment universel est en 
faveur de la France, de l’Angleterre et de la Rus- 
sie. Je n'ai pas encore rencontré un seul de mes 
compatriotes qui désire le succès des Allemands. 
Nous espérons tous que la fin de l’absolutisme 
approche et que l’empereur Guillaume sera 
liquidé. 

Nous avons été étonnemment encouragés par le 
succès de ces braves petits Belges. La défense de 
Liége a une profonde signification. Elle montre 
qu'homme à homme le soldat belge vaut le sol- 
dat allemand. 

Je ne puis admettre que les Allemands réus- 
sissent cette fois à entrer en France. J'espère 
qu'ils vont être repoussés et qu'avant longtemps 
les Alliés auront envahi l'Allemagne. 

Quel coup terrible cependant pour le monde 
entier. Nous aurons tous à souffrir de cette 


incroyable agression des Allemands. Puisse la 
solution finale amener la disparition du milita- 
risme en Europe. 

Avec mes meilleurs souhaits pour le succès de 
vos armées et avec l'espoir que ni vous, ni les 
membres de votre famille n’auront personnelle- 
ment à souffrir. 

Croyez-moi votre très dévoué 


Fréd. W. Taycon. 


V. — Frenert W. Tayzor coopEraronrs 


Depuis la mort de F. Taylor, un Comité inter- 
national s’est constitué pour continuer la lutte 
en faveur des idées du grand ingénieur améri- 
cain. Les membres actifs de ce Comité sont : 

M. Carl G. Barth, ingénieur conseil, l’un des 
plus fidèles collaborateurs de Taylor ; 

M. Morris L. Cooke, directeur des Travaux 
publics de la ville de Philadelphie, proposé 
pour ces fonctions au maire de Philadelphie par 
Taylor ; 

M. James Mapes Dodge, président de la Link 
Belt Ce à Philadelphie, dont les usines ont été 
entièrement réorganisées sur les plans de Taylor; 

M. H. K. Hathaway, directeur de la Tabor 
Manufacturing C° à Philadelphie, l’une des pre- 
mières usines qui aient adopté les méthodes de 
F. Taylor et celle où sont tout d’abord envoyés 
les ingénieurs qui viennent étudier aux Etats- 
Unis le système Taylor. 

Le secrétaire du comité est Mile France Mit- 
chell, Box 19, Highland Station, Chestnut Hill, 
Philadelphie, U. S. 


H. Le Chatelier, 


Membre de l'Institut, 
Professeur à la Sorbonne. 


368 E. GLEY. — LA NOTION DE SÉCRÉTION INTERNE 


COMMENT S'EST FORMÉE ET COMMENT A ÉVOLUÉ 


LA NOTION DE SÉCRÉTION INTERNE 


La notion de sécrétion interne a été introduite 
dans la Physiologie d’abord par Claude Bernard, 
puis par Brown-Séquard. 


[IE — LA NOTION DES GLANDES 
SANS CONDUIT EXCRÉTEUR 


Ce n’est pas qu'avant Claude Bernard les glan- 
des sans conduit excréteur n'aient été con- 
nues; on les distinguait au contraire parfaite- 
ment des autres glandes. « Les glandes sans 
conduit excréteur, dit par exemple J. Müller 
dans son célèbre Manuel de Physiologie en 1845, 
ont cela de commun qu’elles impriment un chan- 
gement matériel quelconque au sang qui les par- 
court, ou que la lymphe qui en provient joue un 
rôle particulier dans la chylification ou l’héma- 
tose. En effet, le sang veineux et la lymphe sont 
les seules substances que ces organes restituent 
à l’économie générale !. » Mais remarquons que 
J. Müller affirme sans preuves; son affirmation 
est simplement le résultat d’un raisonnement qui 
n’est fondé que sur une observation morpholo- 
gique et qu'on mettrait aisément sous une forme 
syllogistique : il y a des glandes sans conduit 
excréteur; or, le sang veineux est le seul prin- 
cipe qui sort de ces organes ; donc le sang vei- 
neux doit contenirquelque chose qui en provient. 
Nulle preuve à l'appui de cette assertion, aucun 
fait expérimental. Et si on lit ensuite l’exposé 
que présente J. Müller de ce que l’on savait à son 


1. J. MüzLer : Manuel de Physiologie. trad. française par 
A. J. L. Jourdan, t. I, p. 479, Paris, J.-B. Bailliere, 1845. — 
Il n'y a pas grande différence entre cette assertion purement 
théorique et celle que Burdach avait émise antérieurement. ( Les 
glandes vasculaires ou sanguines, écrivait celui-ci, aggloméra- 
tions de ramifications vasculaires, qui sont réunies par de la 
masse organique primordiale et qui n'ont ni conduits excréteurs 
ni connexions immédiates avec le système des membranes mu- 
queuses, ne peuvent servir qu'à la métamorphose du sang, sans 
réaction avec le monde extérieur. Mais la métamorphose peut 
être le résultat soit du séjour du sang dans ces organes, séjour 
qu'on ne saurait concevoir sans un changement quelconque 
dans la proportion des éléments constitutifs, soit de leur propre 
nutrition ou d’un dépôt de substances dans leurs tissus, soit de 
la formation d'un liquide qui s'amasse dans ce tissu et qui est 
ensuite résorbé. » (C. F. Burpacn : Traité de Physiologie con- 
sidérée comme science d'observation, trad. do l'allemand sur 
la 2° édition par A. J. L, Jourdan, Paris, J.-B. Baillière, 9 vol., 
1837-1841; t. IV, p. 83.) On voit par ces citations qu'il serait 
au moins hardi de considérer Burdach et J. Müller comme des 
précurseurs de la théorie des sécrétions internes. La même 
réflexion s'applique à Henle, à Koôlliker et à plus forte raison à 
Bordeu (voy. E. GLeyx : Helalions entre les organes à sécrétions 
internes et les troubles de ces sécrélions [XVII th Intern, Con- 
gress of Medicine, London, 1913, Section 11, Physiology, Part, 
p. 2-b|). 


époque sur les glandes closes, on est encore 
moins frappé de la pénurie, pour ne pas dire du 
manque absolu de toute connaissance positive à 
ce sujet, que de la disproportion existant entre 
l'importance de la thèse posée, définition et rôle 
de ces glandes, et l’insuflisance des documents 
apportés pour justifier cette définition; il n’y a 
là que des données anatomiques, des hypo- 
thèses et des aveux d'ignorance. Mieux eût valu 
s’en tenir purement etsimplement à ces derniers. 

Les autres physiologistes de cette époque n’en 
disent pas davantage. Qu’auraient-ils ajouté au 
surplus ? Ils restaient, comme J. Müller, impuis- 
sants à fournir aucun fait en faveur de l’idée 
émise. Et ainsi leur conception des glandes clo- 
ses était toute théorique, 

C'est à coup sûr pour cela qu’elle fut stérile. 
La notion physiologique de sécrétion interne est 
nécessairement liée à la notion anatomique de 
glande vasculaire, mais pour faire sortir celle-là 
de celle-ci il fallait au moins un exemple certain 
d’une telle sécrétion. 


Il. — La NOTION DE SÉCRÉTION INTERNE. 
ConcEPtION DE GLAUDE BERNARD 


Claude Bernard fournit cet exemple et en 
même temps et du coup s’éleva à la théorie géné- 
rale des sécrétions internes. J’ai donné en 1893 
et en 1897! tous les textes, souvent reproduits 
depuis, qui établissent que Claude Bernard, en 
démontrant la formation de glycose dans le foie 
et le passage de ce sucre dans le sang des veines 
sus-hépatiques (1855), s’est tout de suite rendu 
compte de la signification de cette découverte 
par rapport à la théorie, qu’il exprima dès lors à 
plusieurs reprises, des sécrétions internes. 

Chose curieuse cependant, durant plus de 
25 ans, cette théorie, bien loin de retenir l’atten- 
tion des biologistes, ne l’attira même pas?. C’est 


1. E. Giry : Conception et classification physiologiques des 
glandes (Revue scientifique, 1893, LIT, 8-17); — Exposé des 
données expérimentales sur les corrélations fonctionnelles chez 
les animaux (L'année biologique, 1897, 1, 313-330). Voy. aussi 
mon Rapport au Congrès de londres, cité ci-dessus, p. 6-8. 

2. « C'est une chose curieuse à remarquer, à ce propos, que 
l'inégalité de fortune des idées scientifiques. Les unes, encore 
qu'établies sur des données incomplètement démontrées et sur 
des déductions hâtives, ont quelquefois une ascension rapide 
et brillante; d'autres, encore que fermement assises sur des 
notions positives, mettent souvent un long temps à attirer et 
fixer l'attention. La doctrine de Claude Bernard dont il s’agit ici 
fut de ces dernières. » (E. GLey : Rapport au Congrès de Lon- 
dres, p. 8.) 


E. GLEY. — LA NOTION DE SÉCRÉTION INTERNE 369 


seulement la fonction glycogénique du foie, avec 
toutes ses conséquences, qui s’imposa aux cher- 
cheurs non moins qu'aux médecins, mais la no- 
tion de sécrétion interne que Bernard en avait si 
clairement et si nettement déduite resta mécon- 
nue!. Ce qui est d'autant plus surprenant qu'en 
1856 Brown-Séquard avait décrit les accidents 
mortels consécutifs à l'extirpation des capsules 
surrénales et supposé que ces glandes livrent au 
sang qui revient de leur parenchyme des produits 
utiles à l'organisme et que Vulpian, la même 
année, avait prouvé que le sang veineux surrénal 
contient la matière colorante que l’on peut carac- 
tériser dans le tissu même de la glande; que 
M. Schiff dès 1862 s'était attaché à montrer qu'il 
existe un rapport étroit entre le fonctionnement 
de la rate et le pouvoir protéolytique du pan- 
créas; que E. de Cyon en 1870 et W. von Schrüder 
en 1882 avaient établi que l’urée trouvée dans le 
sang des veines sus-hépatiques résulte d’un tra- 
vail du foie; que M. Schiff en 1859 et surtout en 
1884 avait découvert les principaux effets de 
l’ablation du corps thyroïde et que les chirur- 
giens suisses J. L. Reverdin et A. Reverdin (1882, 
1883) et Kocher (1883) avaient fait connaître le 
myxædème post-opératoire que l’on put tout de 
suite rapprocher du myxædème spontané déjà 
étudié par les médecins anglais W. Gull (1872) 
et W. Ord (1878). 

Comment se fait-il qu'un esprit comme celui 
de Claude Bernard, aussi pénétrant et aussi pro- 
fond que sagace, et puissamment généralisateur, 
n'ait pas saisi la relation de tous ces faits (je ne 
parle, bien entendu, que de ceux antérieurs à 
1878, année de sa mort) avec la théorie des sé- 
crétions internes ? 

À tort ou à raison — avec raison, je crois — 
j'ai pensé? qu’il convient d'attribuer ce défaut 
de compréhension à l’idée même que Claude Ber- 
nard semble biens'être faite des sécrétions inter- 
nes. Pour lui, en effet, les glandes sans sécrétion 
extérieure déversent dans le sang les principes 
nécessaires à la constitution de ce liquide, ser- 
vent à maintenir la composition du sang. Et c'est 
pourquoi, sans doute, il n’a pas vu que l’urée, 
substance formée dans le foie, est un produit de 
sécrétion interne; il n’aura été frappé que par la 


1. Seuls, je crois, dans cette période, Charles Robin, dans 
ses Leçons sur les humeurs normales et morbides (Paris, 1867, 
p. 239; 2e édit., 1874, p.316) et Paul Bert, dans un livre élémen- 
taire intitulé Leçons de Zoologie {Paris, 1881, p. 248 et 254), 
prononcèrent les mots de « sécrétions internes » (voy. E. GLex : 
Rapport au Congrès de Londres, 1913; p. 9, et Les sécrétions 
internes, principes physiologiques, applications à la patholo- 
gte, Paris, J.-B. Baillière, 1914, p. 17-19). 

, Tr mon Rapport au Congrès de Londres, déjà cité, p.7, 
sit 


destination de ce corps, qui n’est pas de rester 
dans le sang, mais d’en sortir, éliminé par les 
reins !. Et, de même qu'il n'a pas saisi tout le 
sens des expériences de E. de Cyon sur la forma- 
tion de l’urée, il n’a pas davantage retenu celles 
de Brown-Séquard sur les effets de la surréna- 
lectomie, ni celles de Schiff sur les effets de la 
thyroïdectomie, pas plus que l'observation si 
curieuse de Vulpian, rappelée plus haut. Est-ce 
pour la même raison générale, parce qu'il voyait 
là des faits sans rapports avec la composition du 
sang, avec la composition du milieu intérieur, 
pour employer la saisissante expression qu'il 
avait créée? Cette interprétation n'est-elle pas 
justifiée par les textes que j'ai antérieurement 
cités? À ceux-ci on pourrait encore ajouter cette 
phrase si caractéristique : « Les sécrétions 
internes sont généralement toutes des sécrétions 
nutritives qui préparent des principes immédiats 
destinés aux phénomènes de nutrition des élé- 
ments histologiques (glycogène, albumine, fi- 
brine, etc.)?. » 

Se demandera-t-on aussi comment il se peut 
que Schiff, en dépit de son talent d'observation 
et de sa vive intelligence, toujours en éveil, n’ait 
pas aperçu les rapports évidents entre les faits 
qu'il mettait lui-même en lumière et la théorie 
de Claude Bernard? N'est-ce pas là une preuve 
que, comme il a été déjà dit plus haut, cette 
théorie, du vivant de son auteur, fut peu remar- 
quée ? Cela est si vrai que Vulpian, le seul phy- 
siologiste de l'époque qui fournit la preuve 
qu'une substance élaborée dans une glande 
passe dans le sang veineux de cet organe et 
ainsi détermine une des conditions nécessaires 
pour qu'une glande puisse être qualifiée d’endo- 
crine, s’en tient à cette constatation et ne pour- 
suit pas plus avant. Imagine-t-on cependant cet 
habile expérimentateur, si bien informé et chez 
qui l'esprit critique ne le cédait pas à la science, 
s’attachant à cette question qu'il a entrevue et 
recherchant systématiquement les propriétés du 
sang veineux surrénal? Assurément l’insuflisance 
de la chimie organique de son temps l’eût vite 
arrêté, mais la voie de l’investigation physiolo- 
gique lui était ouverte. Et c’est dans cette voie 
que nous nous engageons seulement aujourd'hui. 
Il faut donc supposer que l'idée n’est point ve- 
nue à Vulpian qu'il y avait là une terre nouvelle 
à explorer. Et c'est sans doute que, connaissant 
la théorie tout récemment émise par Claude 


1. C'estceque nous pouvons appeler aujourd'hui une sécrétion 
intéro-externe (voy. mon Rapport au Congrès de Londres, 
peu) 

2. CL. BERNARD: Rapport sur les progrès et la marche de la 
Physiologie générale en France, Paris, 1867, p. 74. 


370 E. GLEY. — LA NOTION DE SÉCRÉTION INTERNE 


Bernard, il pensait, lui aussi, que les glandes 
endocrines ne servent qu’à maintenir la compo- 
sition du sang; il n’y avait donc, au sujet de 
leur rôle, qu'un problème chimique à résoudre, 
il n’y avait pas d'actions physiologiques à recher- 
cher de la part du sang issu de ces organes; 
peut-être aussi manquait-il quelque peu de cette 
hardiesse d’esprit et de cette audace expérimen- 
tale que possédait au contraire à un si haut degré 
son contemporain et ami Brown-Séquard. 


III. — L'ÉVOLUTION DE LA NOTION DE SÉCRÉTION 


INTERNE. CONCEPTION DE BrowN-SÉQuARD 


De 1889 à 1891 quelque chose d'autre, quel- 
que chose de nouveau fut apporté par Brown- 
Séquard à la notion de sécrétion interne. 

La question, à la vérité, était müre pour une 
étude fructueuse. La donnée morphologique des 
glandes closes était alors universellement accep- 
tée et les recherches embryologiques et histolo- 
giques allaient se multiplier qui non seulement 
devaient singulièrement étendre nos connaissan- 
ces sur la texture de ces organes, mais aussi qui 
devaient révéler la constitution de leurs éléments 
et en particulier leurs qualités de cellules sécré- 
tantes. La notion du milieu intérieur, d'autre 
part, était devenue classique et l’on savait que la 
composition de ce milieu se maintient constante 
grâce à des dispositions fonctionnelles diverses, 
parmi lesquelles on tenait à bon droit l’excrétion 
rénale pour une des plus importantes, mais où 
il paraissait bien aussi que la glycémie hépatique 
et la fonction uréopoiétique du foie jouent un 
grand rôle. Que toutes les glandes sans conduit 
excréteur déversent dans le sang quelque sub- 
stance utile ou nécessaire pour que la constance 
du milieu humoral soit assurée, c’est une géné- 
ralisatjon que Claude Bernard déjà avait expri- 
mée, que Brown-Séquard a reprise, sans y rien 
ajouter du reste, mais qui enfin frappait les 
esprits et était maintenant jugée adéquate à la 
réalité. Restait, il est vrai, à trouver presque tous 
les principes qui sont ainsi livrés au sang par 
ces glandes closes. 

Le mérite de Brown-Séquard est ailleurs. Il 
est tout entier en ceci, qu'il a pensé que les 
glandes endocrines — d’autres organes aussi, 
croyait-il un peu témérairement — excerètent 
dans le sang des principes qui ont la propriété 
d'agir d’une facon élective sur des organes voi- 


sins ou éloignés!; et par là s’établissent des 


1. « Ces produits solubles spéciaux pénètrent dans le sang et 
viennent influencer, par l'intermédiaire de ce liquide, les autres 
cellules des éléments anatomiques de l'organisme. » (BRow\- 
Sfouanp et D'ArsONvaL : Recherches sur les extraits liquides 
retirés des glandes et d'autres parties de l'organisme et sur 


relations entre « les diverses cellules de l’écono- 
mie... ainsi rendues solidaires les unes des 
autres et par un mécanisme autre que par des 
actions du système nerveux! ». Pour mesurer 
toute la distance qui sépare cette dernière idée 
de la doctrine de Claude Bernard sur les sécré- 
tions internes, il suffit de rappeler que celui-ci 
écrivait en 1867° que « dans les organismes éle- 
vés c’est seulement par l'intermédiaire du sys- 
tème nerveux qu'on agit sur la plupart des 
phénomènes vitaux ». Même alors il n’imaginait 
donc pas qu'il püt exister un autre agent de 
corrélation fonetionnelle. 

Par contre, Brown-Séquard fit surgir deux 
notions nouvelles, d’une importance capitale, 
non pas démontrées d'emblée par leur auteur 
— j'ai noté moi-même dès 1897 que les faits 
apportés par Brown-Séquard à l'appui de ses 
idées étaient insuffisants — mais qui appe- 
laient irrésistiblement la démonstration : la 
notion des excitants fonctionnels spécifiques, 
de ces excitants auxquels Starling devait, en 
1905, appliquer le nom d'hormones, et celle des 
corrélations fonctionnelles humorales, dont la 


sionification physiologique n'est pas moins 
5 pny g1q P 


leur emploi, en injections sous-cutanées, comme méthode théra- 
peutique. Arch. de Physiol., 1891, 5° série, IL, 491-506; voy. 
p- 496). 

1. BRoOwN-SÉQUARD et D'ARSONVAL : Loc. cit., p. 496. 

2. Rapport sur les progrès et la marche de la Physiologie 
générale en France, p. 204, 

3. Loc. cit. (L'année biologique...) Peut-être cependant Swale 
Vincent a-t-il été un peu trop dur en écrivant ces lignes 
({nternal Secretion and the ductless glands, London, Edw. 
Arnold, 1912) : « Much interest was aroused by the work of 
Brown-Séquard in 1889 on testicular extracts-work which 
demonstrated great lack of critical power in its author » (p. 6). 
« Brown-Séquard found that subeutaneous injections of extracts 
of testis exercised considerable influence upon the general health, 
as well as the muscular power and mental activity. It is prot 
bable that a good deal of Brown-Séquard’s personal benef- 
under this treatment is to be attributed to suggestion » (Zbid., 
p. 67). Sw. Vincent cite pourtant lui-même les expériences ergo- 
graphiques de Zoth et celles de Pregl (1896) dans lesquelles les 
auteurs se sont mis à l'abri des causes d'erreurs attribua- 
bles à la suggestion. Quoi qu'il en soit d'ailleurs, et en dépit 
de l'évidente faiblesse physiologique du travail de Brown- 
Séquard, il n'en reste pas moins que ce travail, peut-etre à 
cause meme de l'intéret spécial des faits qui y étaient annoncés 
et de la valeur thérapeutique supposée de ces faits proclamée 
avec tant d'enthousiasme, a frappé tout le monde, A partir de 
ce moment, l’idée des sécrétions internes, ceci est indiscutable, 
s'est emparée de tous les esprits, en même temps que l’orienta- 
tion de la question se trouvait changée. C’est ce que j'ai tou- 
jours soutenu (voy. mon Rapport au Congrès de Londres ainsi 
que Æssais de philosophie et d'histoire de la Biologie, Paris, 
Masson et Cie, 1900, p. 254-256, et Traité élémentaire de Phy- 
siologie, Paris, 1909, p. 1143; 3° édition, 1913, p. 1182), c’est 
ce que À. Biedl, dans son remarquable ouvrage /nnere Sekretion 
(Berlin et Vienne, 1910; 2° édition, 1913), reconnaît aussi. « Par 
l'établissement de la doctrine des sécrétions internes, dit-il 
(2° édit., t. 1, p. 6), Brown-Séquard a ouvert à la Physiologie 
un nouveau et fructueux champ de recherches, il a frayé la voie 
à la compréhension de beaucoup de troubles morbides et il a 
montré le chemin d'une thérapeutique rationnelle et dans beau- 
coup de cas sûrement active. » 


TS 


E. GLEY. — LA NOTION 


DE SÉCRÉTION INTERNE 371 


haute. Toutes deux ont eu la fortune que pro- 
mettaient leur originalité et leur fécondité. Dès 
lors, à la conception de Claude Bernard, ja 
conception des modifications chimiques du sang 
par les produits excrétés des glandes closes, s’en 
ajoute une autre, qui la dépasse, comme le point 
de vue dynamique dépasse le point de vue stati- 
que, celle du pouvoir spécifique, électif, de 
substances d’origine glandulaire sur différents 
organes ou tissus. 


IV. — Les BASES EXPÉRIMENTALES 
DE LA 
CONCEPTION ACTUELLE DES SÉCRÉTIONS INTERNES 


Théoriquement, pour que la conception nou- 
velle des sécrétionsinternes, quis’ajoutait à la no- 
tion instaurée par Claude Bernard, devint aussi 
certaine que celle-ci, il fallait que l’on décelât 
dans le sang veineux de telle ou telle glande un 
principe actif, excitant d’un fonctionnement or- 
ganique. Pas n'était besoin de nombreux exem- 
ples; un seul, solidement établi, pouvait suflire, 
de même qu'avait suffi, en somme, à la fondation 
même de la doctrine en général la découverte de 
la glycose dans le sang des veines sus-hépatiques. 
Les idées nouvelles, cependant, se répandirent 
avant que l’on eût trouvé un sang veineux doué 
de quelque propriété physiologique; la démons- 
tration de la fonction anticoagulante du foie et 
de l’antithrombine hépatique date en effet seule- 
ment de 1895 (Gley et Pachon) et 1896 (Dele- 
zenne); et celle, plus caractéristique encore, de 
l’action cardio-vasculaire du sang veineux sur- 
rénal ne s’est produite qu'à partir de 1895 
(N. Cybulski, 1895; J. P. Langlois, 1897; 
À. Biedl, 1898; G. P. Dreyer, 1899); et enfin la 
présence de la sécrétine dans le sang veineux jéju- 
nal n’a été constatée qu'en 1902 par Wertheimer!‘ 
et en 1903 par Fleig et dans le sang artériel géné- 
ral la même année par Enriquez et Hallion; 
quant à l'hormone pancréatique, ce n’est que 
dans ces dernières années qu'elle a pu être déce- 
lée dans le sang qui revient du pancréas par les 
expériences de Hédon (1911 et 1913) montrant 
que ce sang a le pouvoir de diminuer la glvco- 
surie consécutive à l'extirpation du pancréas. 
Quelle que soit l'importance de cette série de 
découvertes tant au point de vue physiologique 
qu'au point de vue de leurs conséquences patho- 
logiques, il faut reconnaitre que le bilan de 
nos connaissances sur le rôle des divers sangs 


1. Il faut remarquer cependant que les expériences de 
Wertheimer n'ont pas été faites avec l’excitant normal de la 
muqueuse duodéno-jéjunale, l'acide chlorhydrique, mais avec 
l'essence de moutarde et avec l'éther qui libérent aussi la sécré- 
tine de cette muqueuse. 


veineux glandulaires est assez modeste. « Alors 
que la doctrine des sécrétions internes s'élargis- 
sait de plus en plus, la base véritable sur laquelle 
elle repose restait étroite, puisque les subs- 
tances dont la présence a été démontrée physio- 
logiquement de façon indiscutable dans le sang 
veineux ne sont pas au nombre de plus de quatre : 
la substance pancréatique qui sert à la régulation 
de la glycémie normale, l’antithrombine hépa- 
tique, la sécrétine, l’adrénaline!. » 

En fait, donc, ce n'est pas par la voie ration- 
nelle, la sûre voie d’une expérimentation logique, 
que se fit l'extension de la théorie des sécrétions 
internes. Cette extension est due à l'emploi 
d'une méthode très simple, celle même que 
Brown-Séquard avait appliquée dans ses recher- 
ches sur l’action thérapeutique de l'extrait testi- 
culaire, et que l’on peut appeler la méthode des 
extraits d'organes. Et les raisons de fait pour les- 
quelles les choses se passérent ainsi, en vertu 
desquelles une méthode défectueuse servit à 
l'établissement d’une doctrine féconde, sont 
faciles à mettre en évidence. 

Ce n’est pas, je l’ai rappelé plus haut, l'étude 
incomplète de Brown-Séquard sur les propriétés 
de l’extrait testiculaire qui donna à l'idée qu'il 
émettait sur le rôle des produits de sécrétion 
interne sa base expérimentale solide et d’où 
elle prit son magnifique développement. L’ori- 
gine de ce développement se trouve dans les 
recherches faites à cette époque sur les effets de 
l'extrait thyroïdien et, d'autre part,sur l’action 
comparée de l'extrait surrénal et du sang veineux 
surrénal. 

C’est en 1890 et 1891 que G. Vassale, en Italie, 
et E, Gley, en France, montrèrent que les ani- 
maux (chiens et lapins) éthyroïdés peuvent sur- 
vivre quelque temps à l'opération qu'ils ont subie 
quand on leur injecte des quantités suflisantes 
d'extrait de glande thyroïde. L'application de 
cette méthode au traitement du myxæœdème 
suivit tout de suite; G. R, Murray publiait le 
10 octobre 1891 le premier cas de guérison du 
myxædème par la médication thyroïdienne. On 
sait l’essor que prit à partir de ce moment cette 
médication, qui non seulement constitua désor- 
mais le traitement spécifique d’une maladie con- 
sidérée jusqu'alors comme incurable, mais aussi 
qui fut utilisée contre de nombreux troubles 
morbides. Ainsi la notion de sécrétion interne 
pénétrait dès ses débuts et par un coup d'éelat 
dans le domaine de la thérapeutique. Ce brillant 
succès était dû à l’application immédiate des 


1. E. GLeyx : Les sécrétions internes, principes phystologi- 
ques, applications à la pathologie. J.-B. Baïllière, 1914, p. 42. 


372 E. GLEY. — LA NOTION DE SÉCRÉTION INTERNE 


données de la Physiologie expérimentale à la 
Pathologie, ces données ayant été de leur côté 
directement renforcées par les enseignements de 
la Chirurgie humaine. lei done se révélaient une 
fois de plus les avantages d’une union étroite 
entre la Clinique et la Physiologie. 

La valeur de l’action thérapeutique de l'extrait 
thyroïdien ne doit pas faire oublier la haute 
signification biologique de tous les faits con- 
nexes. Celle-ci résulte d’abord de la valeur même 
de l'extrait glandulaire comme substitut de la 
glande expérimentalement enlevée ou détruite 
.par la maladie ; elle résulte ensuite de toutes les 
études entreprises en vue d’élucider le méca- 
nisme suivant lequel agit cet extrait d'organe; 
c’est ainsi qu'on découvrit et détermina son pou- 
voir essentiel, qui est d'augmenter les échanges 
respiratoires et azotés, que l'on trouva, inverse- 
ment, diminués chez les animaux éthyroïdés et 
chez les myxædémateux!; et qu'on démontra 
son influence sur le développement du squelette 
et du système nerveux central (rôle morphogène 
de la glande thyroïde); malheureusement la 
curieuse et si intéressante découverte [E. Bau- 
mann, 1895) de petites quantités diode dans la 
thyroïde ne suflit pas, à expliquer, comme on 
l'avait espéré, l'influence de cet organe ou de 
ces extraits sur le métabolisme, pas plus que son 
mécanisme fonctionnel en général, « The signi- 
ficance ofiodineis problematic; though the bene- 
ficial effects of thyroid substance administered 
as a drug seems to depend very largely upon its 
iodine content ?. » 

Quoi qu'il ensoit de ce point spécial, toutes ces 
recherches avaient montré que l’administration 
de l'extrait d’une glande peut suppléer momen- 
tanément à la fonction de cet organe. C’était le 
triomphe des idées dé Brown-Séquard*. Et c'était 
le premier exemple d’un ensemble de faits con- 
cordants d'ordre physiologique, pathologique et 
thérapeutique permettant d'attribuer à une 
glande le rôle de glande à sécrétion interne, 


1. Ilest clair cependant qu'il n'y a pas là une explication sufi- 
sante du complexus de symptômes qui constitue le myxædème 
et que ces faits n’éclairent nullement la pathogénie de cet état. 
La réduction des échanges respiratoires n est qu’un symptôme ; 
elle peut être une conséquence de la maladie, elle n’en saurait 
être regardée comme la cause. « D'autres causes que la perte 
de la fonction thyroïdienne diminuent les mutations de matières 
et ne donnent pas heu à ce syndrome et plusieurs moyens aug- 
mentent les échanges nutritifs qui ne le font pas disparaître, » 
(E 


présenté au 


GLex : Physiologie pathologique du myxædème. Rapport 
12° Congrès intern. de Méd., Moscou, 1897; VOY. 
janvier 1898, t. IX, p. 13-22). 
2. SwaLe Vincenr : loc. cil., p. 352. 


5. 


aussi Revue générale des Sciences, 15, 


« The work of Brown-Séquard, in 1889, upon testicular 
exlracts was, perhaps, of doubtful value in itself, but it served 
to stimulate research in various directions, and led directly or 
indirectly to very valuable results » (SwaLe VINCENT : loc. cit., 


p- 23). 


quandbien mêmeune telle sécrétion ne se trouve 
pas en réalité directement démontrée. À quelles 
conditions cette conclusion est-elle possible et 
est-elle légitime ? « Il faut que l’extirpation de 
l'organe donne lieu à un complexus de troubles 
fonctionnels, à un syndrome (que peut réaliser 
aussi la maladie chez l’homme), dont l’atténua- 
tion ou la disparition s'obtient par l’administra 
tion régulière d'extrait de l’organe ou par la 
greffe, quand celle-ci est possible. Le succès de 
cette thérapeutique substitulive est la contre- 
épreuve des expériences de destruction des orga- 
nes !. » Et ainsi cette concordance de preuves 
peut tenir lieu de la preuve directe d’une sécré- 
tion interne, c’est-à-dire de la détermination chi- 
mique et physiologique d’un produit spécifique 
dans le sang veineux de la glande considérée. 
La méthode des extraits d'organes, préconisée 
par Brown-Séquard, reçut par là et une confir- 
mation apparente et une puissante impulsion. 
C'est aussi ce qui se passa lors de la brillante 
découverte par G. Oliver et E. A. Schäfer (1894) 
de l’action cardio-vaseulaire de l'extrait surrénal, 
dont l'étude futensuite si activement poursuivie 
dans le laboratoire de Schäfer; la découverte 
d'ailleurs fut tôt confirmée de divers côtés, par 
Gottlieb, par Velich, etc., et surtout par les 
recherches de J. P. Langlois (1897) sur les effets 
comparés de l'extrait et du sang efférent de la 
glande. Il y eut dans ce cas démonstration de 
propriétés physiologiques parfaitement déter- 
minées d’un extrait d’organe, manifestées par 
de très petites quantités de cet extrait. De ce 
dernier phénomène on pouvait inférer la réalité 
d’une sécrétion interne de l'organe. Mais celle-ci 
devint tout à fait certaine quand, un an après la 
découverte d'Oliver et Schäfer, il fut constaté 
que le sang veineux surrénal possède les mêmes 
actions que l’extrait de la portion médullaire de 
la glande (voy. plus haut, p.371), et enfin quand 
le principe actif, l’adrénaline, isolé du tissu sur- 
rénal etétudié par Takamine (1901) et simulté- 
nément par Aldrich (1901), eut été caractérisé 
aussi dansle sang veineux capsulaire. Consciem- 
ment ou non, volontairement ou non, on généra- 
lisa ?, ce qui estle propre de l’homme, même 
de l’homme de science, et l'étude physiologique 
des extraits d'organes parut susceptible de 


1. E. GLey : Rapport au Congrès de Londres, 1913, p. 26. 

2. « Intravenous injection does not appear to have been 
much used in the study of internal secrotions until the publi- 
cation by Oliver and Schäfer of the extraordinary effects upon 
the heart and cireulation produced by the injection of adrenal 
extracts... » — « ‘The remarkable discovery of Oliver and 
Schäfer stimulated numerous observations upon the special 
physiological effects of extracts made from different organs and 
tissues » (Sw. Vincunr : loc. cit., p. 24-25). 


E. GLEY. — LA NOTION DE SÉCRÉTION INTERNE 373 


révéler les propriétés spécifiques des sécrétions 
internes. 

Telles sont, ce me semble, les deux grandes 
séries de faits qui ont dirigé physiologistes et 
médecins vers la recherche systématique et trop 
exelusive de l’action des extraits d'organes, Et 
ceci fut la conséquence d’une erreur de méthode 
qui ne laisse pas d'être assez fréquente dans les 
sciences expérimentales. On ne vit plus que l'un 
des termes du problème, on laissa les autres de 
côté. L'action d’un extrait d'organe peut bien 
être un signe de sécrétion interne, mais ce signe 
ne constitue une preuve qu'à la condition qu'il 
soit connexe à d’autres faits. Ou bien l’extirpa- 
tion d'un organe, reconnu histologiquement 
comme étant de nature glandulaire, donne lieu 
à des symptômes qui dépendent de la privation 
d'un principe actif, spécifique, et la disparition 
de ces symptômes est produite par la disparition 
du dit principe, sous quelque forme que ce soit 
(démonstration faite pour la glande thyroïde; 
voy. plus haut) ; ou bien la découverte estdirecte 
d'un principe actif dans le sang veineux d’une 
glande, principe caractérisé aussi dans le tissu 
même de cette glande (démonstration faite pour 
les glandes surrénales). Hors de ces deux voies, 
point de salut; je veux dire que sortir de ces 
deux voies, c'est s’écarter du véritable champ de 
recherches par lesquelles on est assuré de déter- 
miner positivement une fonction de sécrétion 
interne. Toutes sortes d'abus s’ensuivent, des 
théories aventurées, des applications hasar- 
deuses. 

C’est que la méthode des extraits d'organes est 
viciée par des causes d’erreur intrinsèques. Cel- 
les-ci ont été signalées de bonne heure par plu- 
sieurs physiologistes (E. Gley, 1899; Lewan- 
dowsky, 1899; M. Lambert, 1907; Aldo Patta, 
1907; Sw. Vincent, 1910). J’ai insisté sur ce 
sujet dans un exposé critique général de cette 
méthode dans ses rapports avec la question des 
sécrétions internes! : rien ne permet de con- 
elure de l’action toxique d’un extrait d’organe à 
une sécrétion interne de cet organe, car rien ne 
prouve a priorique les substances présentes dans 
cet extrait soient normalement et régulièrement 
excrétées dans le sang veineux de la glande qui 
a fourni l'extrait. D’autre part, trois ordres de 
faits expérimentaux déposent contre la significa- 
tion si hardiment attribuée aux effets desextraits 
d'organes : — a) la multiplicité des extraits doués 
d’une même action physiologique, ce qui tend à 
prouver qu'il ne s'agit pas là d'un phénomène 


1. Rapport au Congrès de Londres, p. 26-30. Voir aussi mon 
livre déjà cité, Les Sécrétions internes, Paris, 1914, p. 42-54, 


spécifique, mais d’une propriété pharmacodyna- 

mique plusou moins banale; — b)le phénomène 

de l’immunisation très rapide ou tachyphylaxie! 

contre les actions toxiques ou physiologiques de 

nombreux extraits, tandis que l’effet d’une véri- 

table sécrétion interne se répète quasi indéfini- 

ment; c) la nécessité d'employer souvent, pour 
obtenir une action physiologique caractérisée, 

des quantités énormes d'extrait de certains orga- 
nes, puisqu'elles représentent en poids la masse 

totale d’un et même de plusieurs de ces organes. 

Que l’on reconnaisse donc que « des résultats que 

donne l’étude pharmacodynamique des extraits” 
d'organes on n’a nullement le droit de conclure 

au rôle physiologique des organes. Commentdes 

effets obtenus par violence expérimentale pour- 
raient-ils conférer ce droit? » ? 

De la plupart des nombreuses recherches faites 
avec les extraits d'organes, il n’y a qu’une chose 
à retenir, c'est que, parmi ces extraits, il en est 
qui, en raison de leurs propriétés physiologiques, 
peuvent constituer d'excellents agents thérapeu- 
tiques. Plusieurs déjà sont entrés dans la matière 
médicale, quelques-uns sans doute y resteront. 
Quant à l’étude même des sécrétions internes, 
elle se poursuivra suivant des voies plus physio- 
logiques. 


V. — La DIRECTION PROBABLE 
DES 
RECHERCHES FUTURES SUR LES SÉCRÉTIONS INTERNES 


C’est que la force de la logique est invincible. 
Ilest grand temps de réagir contre l'emploi trop 
exclusif qui a été fait de la méthode des extraits 
d'organes * et de s’en tenir aux vraies méthodes 
physiologiques, c’est-à-dire à la destination 
chimique et physiologique d’un produit actif 
spécifique dans le sang veineux d’une glande 
comme dans le tissu de cette glande et quelque- 
fois aussi dans le sang artériel général, et, d'autre 
part, à la recherche des conditions qui président 
à cette sécrétion. 

Dans la classification que j'ai dressée des 
glandes endocrines et de leurs produits, les deux 


1. Le mot a été créé par Champy et Gley en 1911 (Comptes ren- 
dus de la Soc. de Biol., LXXI, p. 157, 352, 430). 

2. E. GLEY : Les sécrétions internes, p.54. 

3. Cette réaction est déjà commencée. Voici ce qu'écrivent, au 
sujet des extraits d'hypophyse, J. Camus et G. Roussy|£La Presse 
médicale, 8 juillet 1914, p. 517-521) : « Ses extraits font contrac- 
ter l’utérus, c’est un point acquis, mais si l'extrait d'hypophyse 
de bœuf ou de taureau possède cette propriété, on est plutôtgené 
si on essaye de tirer de ce fait une conclusion quelconque tou- 
chant le rôle normal de cette glande chez le bœuf ou le taureau! 
L'argument thérapeutique nous apparaît ainsi quelque peu sim- 
pliste » (p. 518). 

4. E.GLey : Classification des glandes à sécrétion interne et 
des produits qu'elles sécrètent (La Presse médicale, 27 juil- 
let 1913, p. 618, et Les sécrétions internes, Paris, 1914, p.68-72). 


374 LA HOUILLE BLANCHE ET LA HOUILLE GRISE EN RUSSIE 


croupes les plus importants sont celui des g/an- 
des nutritives (servant aux mutations de matiè- 
res), y compris les glandes à action morphogène 
(thyroïde, hypophyse, thymus), et celui des 
glandes régulatrices et excitantes de fonctions 
(glandes productrices d'hormones). Si, parmi 
les premières, le foie a été bien étudié dans sa 
fonction glycémique et dans sa fonction uréo- 
poiétique et si les conditions dans lesquelles 
s’éliminent par le sang des veines sus-hépati- 
ques les produits de ce fonctionnement, la gly- 
cose et l’urée, ont été en grande partie exacte- 
ment déterminées, tout est à faire dans ce sens 
pour les glandes morphogénétiques. Nous ne 
possédons aucun test qui nous permette de re- 
connaître dans le sang veineux de la glande thy- 
roïde le principe qui règle le développement du 
tissu osseux et celui du système nerveux central. 
La seule épreuve, sûre, actuellement applicable, 
consisterait à soumettre des animaux myxædé- 
mateux! non pas au traitement par l'extrait thy- 
roïdien, mais à un traitement par des injections 
de sang veineux thyroïdien. Mais que de difficul- 
tés d'ordre technique à ces recherches! — Dans 


1. On sait par exemple qu'il est assez facile d'obtenir des la- 
pins présentant des troubles trophiques cutanés et un état géné- 
ral qui rappellent le myxœdème (E. Gley). 


le groupe des glandes productrices d'hormones, 
il reste aussi beaucoup à faire. S'il est permis de 
croire que la sécrétion lactée s'établit sous une 
influence humorale, l’origine réelle de la sub- 
stance galactagogue est toutefois encore incon- 
nue. Les deux hormones les mieux connues sont 
sansaucun doutelasécrétineetl’adrénaline. Mais, 
quoique quelques-unes des conditions de for- 
mation de la sécrétine, depuis l’expérience célè- 
bre de Bayliss et Starling (1902), aient été exac- 
tement fixées, on nesait pas encore avec certitude 
si cette substance existe ou non toute formée 
dans la muqueuse intestinale et si elle en est 
simplement extraite par les agents dits excito- 
sécrétoires qui ne seraient en réalité que des 
solvants. Ce sont les recherches faites sur la sé- 
crétion de l’adrénaline qui doivent être prises 
pour modèle. Du jour où nos connaissances sur 
la sécrétion des produits formés dansla thyroïde 
et dans quelques autres glandes seront aussi 
avancées que celles déjà acquises sur la sécrétion 
surrénale, la question des sécrétions internes 
aura fait un progrès décisif. 


E. Gley, 


Professeur au Collège de France, 


LA HOUILLE BLANCHE ET LA HOUILLE GRISE 


EN RUSSIE 


L'industrie et l’agriculture exigent une quan- 
tité considérable d'énergie mécanique pour faire 
fonctionner les tours, les machines-outils, etc. 
Tout récemment encore cette énergie était pro- 
duite presque exclusivement par des moteurs 
thermiques (machines à vapeur, moteurs à com- 
bustion interne), mis en action par la chaleur 
de la combustion, le plus souvent du charbon et 
du naphte, quelquefois du bois. 

La hausse incessante des prix de ces combus- 
tibles a déjà forcé l’industrie de l’Europe Occi- 
dentale et de l'Amérique à chercher d’autres 
moyens de production de la force motrice dans 
l'utilisation de l'énergie de l’eau courante et des 
tourbières. Les nouveaux progrès du transport 
de l'énergie électrique permettent d'utiliser ces 
sources d'énergie, même lorsque cette dernière 
est consommée à une très grande distance des 
lieux de sa production. La hausse exceptionnel- 
lement rapide des prix du naphte et du charbon 


en Russie a conduit à considérer avec une atten- 
tion toute spécialeles richesses naturelles du pays, 
dont l'utilisation permettrait de fournir aux 
entreprises industrielles la force motrice à un 
prix bas et constant. 

Deux questions se posent alors : 

19 La Russie possède-t-elle des sources d’éner- 
gie hydraulique et des tourbières importantes ? 

20 Les cours d’eau sont-ils bien situés par 
rapport aux lieux où l’on a ou pourra avoir 
besoin d’une grande quantité d'énergie ? 

Nous essayerons dans les pages qui suivent de 
montrer que ces deux questions peuvent être ré- 
solues par l’affirmative. 


I. — LA HOUILLE BLANCHE 


Laissant de côté le Caucase, les régions Trans- 
caspiennes et la Sibérie Orientale, nous trouvons 
dans la Russie Centrale même de grandes sour- 
ces d'énergie hydraulique. Ainsi, des sources 


LA HOUILLE BLANCHE ET LA HOUILLE GRISE EN RUSSIE 375 


puissantes se trouvent dans la partie Nord-Ouest | Soukhona, Vitegra) etdans les bassins des fleuves 
de l'Empire, dans les chutes et les rapides des | qui se jettent dans l'océan Glacial Arctique. 

fleuves : Volkhov(30 à 50.000 HP), Msta (30,000 HP), Une quantité considérable d'énergie existe 
Narova (10 à 70.000 HP), Dvina occidentale | dans les montagnes de l’Oural (les Etangs des 
(420.000 HP), et Niemen. On trouve également | Montagnes, les fleuves : Tehoussovaia et Biélaïa) 
de grandes quantités d'énergie au Nord, dans la | et sur le plateau de Valdaï. Au Sud et au Sud- 
région d'Olonetzk (Souma : 10 à 20.000 HP, Vig, | Ouest sont situées les chutes du Dniepr (120 à 


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energie hydraulique = \ D 


Fig. 1. — Emplacement des principales forces hydrauliques en Russie et zones possibles de distribution 
de l'énergie hydro-électrique. 


O2 
1 
[en] 


LA HOUILLE BLANCHE ET LA HOUILLE GRISE EN RUSSIE 


200.000 HP), les rapides du Dniestr et du Boug 
méridional. La majorité de ces sources d'énergie 
(à l'exception des cours d’eau de l’extrême nord) 
se trouvent dans les régions à population dense, 
possédant déjà un développement industriel 
considérable. D’autres sources, telles que les 
chutes de la Dvina occidentale, sont situées sur 
de grandes voies d’eau ou bien, comme les chutes 
d'Olonetzk, par exemple, sont reliées par des 
cours d'eau aux centres de consommation et pré- 
sentent, par conséquent, des conditions très 
favorables à l'exploitation sur place. 

Sur la carte de la page 375 sont indiquées par 
des cercles à rayons de 100, 200, 300 km. les zones 
qui pourraient être couvertes d'un réseau de 
lignes de transmission et de distribution partant 
des sources principales de force hydraulique. On 
voit que toutes les régions industrielles du Sud, 
du Sud-Ouest et du Nord-Ouest y sont com- 
prises. 

Les régions du Centre sontles moins bien par- 
tagées. Mais, par contre, on y trouve de la tourbe 
dans la contrée industrielle de Moscou-Vladi- 
mir. Les départements du Centre sud, où prédo- 
n'utilisent pas beaucoup 
d'énergie et le peu dont ils ont besoin pourrait 
leur être fourni par l'exploitation perfectionnée 
et rationnelle de leurs petits cours d’eau. L’uti- 
lisation de la force hydraulique pourrait donc 
prendre dans cette région une forme spéciale. 

Il est bon d’ajouter que, dans:la plupart des 
cas, les cours d’eau de la Russie se trouvent, 
grâce à leurs propriétés naturelles, dansdes con- 
ditions d'utilisation beaucoup plus favorables 
que ceux de l'Europe occidentale (les contrées 
des Alpes et de la Scandinavie exceptées). Les 
sources de la force hydraulique en Russie étant 
très puissantes, il serait possible de produire et 
de transmettre l'énergie à très bon compte, même 


mine l’agriculture, 


à des distances considérables. 

D'autre part, l’utilisation des grands cours 
d’eau pourla production de l'énergie hydraulique 
est intimement liée dans la Russie d'Europe à 
l'amélioration des conditions de la navigation. 
Au Caucase et dans le Turkestan, elle entraine- 
rait celle de l'irrigation. De cette façon, la satis- 
faction simultanée de tous ces besoins créerait 
des conditions économiques favorables à la réa- 
lisation de ces projets. 

Mais ondoitreconnaître que, malgré la richesse 
de la Russie en sources puissantes de force hy- 
draulique, l'exploitation de ces sources se trouve 
dans un état déplorable. (Nous ne parlons pas ici 
de la Finlande, où l’utilisation del’énergie a déjà 
atteint un développement considérable.) De tou- 
tes les grandes sources de force hydraulique, 


seule la chute de Narve est exploitée jusqu'iei et 
encore l’est-elle bien imparfaitement. La puis- 
sance des autres stations de quelque importance, 
qui existent au nombre de quelques dizaines seu- 
lement dans toute la Russie, dépasse rarement 
quelques centaines de HP. La plupart des sta- 
tions hydrauliques de Russie, qui fournissent la 
force à de petites fabriques, scieries, etc., sont 
peu importantes (quelques dizaines de HP seule- 
ment). Il existe encore beaucoup plus d’installa- 
tions tout à fait primitives, telles que de modes- 
tes moulins de village, par exemple. 

Mais le nombre total de ces petites installa- 
tions est extrêmement considérable. En 1910, la 
Société Impériale Technique Russe entreprit (sur 
l'initiative de l’ancien Comité organisateur de 
l'Exposition des applications de l’électricité dans 
les chemins de fer) une enquête, dans le but de 
faire un tableau d'ensemble de l'utilisation des 
forces hydrauliques en Russie. Trois ans de tra- 
vail permirent de réunirdes données précieuses, 
qui vont bientôt être rendues publiques et où 
nous puisons actuellement. On reçut des répon- 
ses à 90°/, environ des questionnaires envoyés. 
Les chefs des provinces, des départements et des 
communes, de même que les directeurs des usi- 
nes de construction de machines, donnèrent éga- 
lement des renseignements. 

Selon cette enquête, la puissance totale de 
toutes les stations hydrauliques de l'Empire 
russe dépasse 250.000 HP. Les petites stations 
comptent pour 80 °/, dans ce nombre. 

Mais ces dernières ne restent pas stationnaires: 
un progrès incessant se poursuit. Les méthodes 
perfectionnées remplacent peu à peu dans l’uti- 
lisation de la force hydraulique les anciens 
moyens tout à fait primitifs. Ainsi, les données 
de l’enquête montrent que l'importation des tur- 
bines en Russie, et la productivité des usines 
nationales de construction de turbines hydrau- 
liques augmentent sans cesse. La puissance des 
turbines construites annuellement en Russie 
s'élève pendant les dernières années à 7.000 HP 
environ, tandis qu’elle ne dépassait pas 2.000 HP 
environ en 1900 et montait à peine à quelques 
centaines de HP en 1890. 

Si donc l’utilisation de la force hydrauiique 
reçoit quelque développement en Russie, ce n’est 
que dans la petite industrie. Quant aux stations 
hydrauliques puissantes, sous forme de grandes 
centrales hydroélectriques, elle sont, comme on 
le voit, extrêmement rares. 

Cependant, même dans ce domaine, on remar- 
que depuis quelque temps un mouvement réjouis- 
sant : toute une série de projets gouvernemen- 
taux, des demandes de concessions, l’entreprise 


nn ao tte ts Éd bé dé à st 


LA HOUILLE BLANCHE 


de Stuart au Caucase, — tout cela indique que le 
moment est proche où les forces hydrauliques 
trouveront aussi en Russie l'application qu’elles 
méritent. Les facilités seront encore 
quand, à l'aide des organisations techniques et 
industrielles, disparaitront les entraves juridi- 
ques venant de l’imperfection de la législation 
sur l'exploitation de l'eau et l'installation des 
lignes de distribution électrique. 

Il est certain aussi que, parmi les principales 
causes empêchant le développement de l'indus- 
trie hydroélectrique, il faut compter 

1° L'ignorance de l'existence en Russie des 
sources de force hydraulique ; 

20 La connaissance insuflisante,dansles milieux 
techniques russes, des méthodes techniques 
contemporaines et surtout des conditions écono- 
miques de leur utilisation. 

Au manque de renseignements sur la Russie 
s'ajoute encore la légende qui représente ce pays 
comme une immense plaine dont les cours d’eau 
se prêteraient mal à la production de l’énergie 
hydroélectrique, légende, comme nous l'avons 
démontré, absolument fausse. D’autre part, la 
connaissance insuffisante des installations hy- 
drauliques fait que la grande masse des indus- 
triels et des techniciens ne se représentent que 
très imparfaitement les limites de la réalisation 
technique de ce genre d'entreprises et, ce qui 
est plus grave encore, ne se rendent pas bien 
compte des conditions économiques de ces ins- 
tallations et de leur exploitation, c’est-à-dire 
n'ont pas une idée suffisamment claire du prix de 
revient d’une unité de puissance et de celui de 
l'énergie, dans des conditions différentes. 

Celles qui en souffrent le plus sont des entre- 
prises peu importantes ou provinciales, qui peu- 
vent rarement avoir recours à des spécialistes et 
doivent se contenter, la plupart du temps, des 
techniciens qu'elles trouvent sur place. 


accrues 


Il. — La HouiLee GRISE 


La Russie possède, au fond de ses marais, 
d'énormes réserves de tourbe, qui dépassent de 
beaucoup toutes celles qui existent dans les au- 
tres pays. 

Les surfaces occupées par les tourbières dans 
les différents pays sont exprimées par les chif- 
fres suivants : 


Allemagne... 2.837.000hect. c.-à-d. 5,20/; surf. tot. du pays 
Irlande...... 475.000 — — 5,80}, — 
Suède... MELON SEP = 
Finlande .... 7,400,000 — — 20 0}, — 
Russie d'Eur. 38.000.000 — —. 709 — 


0 


ET LA HOUILLE GRISE EN RUSSIE 37 


= 


Au point de vue agricole, les tourbières sont 
complées en 
Leur nombre est si élevé dans certaines régions 


tussie parmi les mauvaises terres. 


qu'on est obligé de lutter énergiquement contre 
leur funeste influence sur l’agriculture et sur la 
santé de la population, d'autant plus que les 
marais s’accroissent continuellement et englo- 
bent, dans beaucoup d’endroits, des étendues 
toujours nouvelles. 

Si l’on considère les tourbières comme des 
réserves de combustibles, on doit reconnaitre 
qu'en Russie leur situation géographique est 
excessivement favorable. Elles sont, en effet, 
situées dans les régions éloignées des lieux où 
se trouvent d'autres combustibles industriels 
(houille, naphte), mais relativementrapprochées 
des centres de grande activité industrielle, qui 
sont obligés d'importer les combustibles prove- 
nant du sud de Russie ou de l'étranger (vorr la 
carte de la page 378). 

Une grande quantité de fabriques et d'usines, 
situées dans le voisinage des tourbieres, em- 
ploient depuis longtemps déjà la tourbe. 

À mesure que le prix des autres sortes de 
combustibles monte, l'emploi dela tourbe devient 
plus considérable et son extraction prend des 
proportions de plus en plus vastes, grâce à l’em- 
ploi fréquent de machines pour son traite- 
ment. 

La hausse brusque des prix du naphte et de 
la houiïlle a éveillé dans les milieux industriels 
de la région deMoscou-Vladimir, richeen marais, 
un grand intérêt pour l'emploi de la tourbe 
comme combustible et on a recherché les moyens 
d’abaisser le prix de son extraction et d'utiliser 
les tourbières éloignées. 

Là où la tourbese trouve à proximité des lieux 
de consommation, son prix industriel est déjà 
élevé maintenant. Ce fait est confirmé, entre 
autres, par les hauts prix de location de celles des 
tourbières de l'Etat qui ont une situation favo- 
rable par rapport aux fabriques et usines. 

Ce qui empêche l'exploitation sur une grande 
échelle de la tourbe comme combustible, c’est 
surtout la difficulté et la cherté de son transport, 
ainsi que la nécessité d’avoir de grands espaces 
pour conserver la tourbe au lieu de la consom- 
mation. 

Ces inconvénients disparaîtraient naturelle- 
ment avec la construction, à proximité du lieu 
d'extraction de la tourbe, d’une centrale, qui 
permettrait la transmission de l'énergie aux 
fabriques sous forme d'électricité. Actuellement 
cette transmission se fait, sans grand effort, à la 
distance de 150 km. environ, de sorte qu’une sta- 
tion construite dans le voisinage d'un marais 


378 


LA HOUILLE BLANCHE ET LA HOUILLE GRISE EN RUSSIE 


pourrait desservir une région de 70.000 km. 
environ !. 

L'application de l'électricité à la transmission 
de l'énergie permettrait d’abaisser le coùt de 


1. Surface à peu près égale aux départements de Moscou 
et de Vladimir, pris ensemble (72.000 km? environ). 


LÉGENDE 
Terre incultivable sur 100 hectares 


> AS 


de15 3 25 hec. 
de 25 hec.et 


au-dessus 


= 


a 


TR dore 


l'extraction et du traitement de la tourbe, car 
on pourrait alors se servir — au lieu de locomo- 
biles à vapeur, d’un prix élevé et exigeant pour 
leur fonctionnement et leur mouvement sur les 
marais une grande quantité de main-d'œuvre 
— de moteurs électriques relativement peu 
coûteux et d’un maniement facile. 


ei 


Ve 
ji Ÿ 
CRE: 
AU 


es 
EUR 


Fig. 2. — Distribution des régions cultivées et incultes en Russie, ces dernières presque entièrement recouvertes 
de tourbières. 


LA HOUILLE BLANCHE ET LA HOUILLE GRISE EN RUSSIE 379 


Un tel remplacement serait d’une grande im- 
portance pour l'extraction de la tourbe, qui n’est 
possible en Russie que pendant une période très 
courte : ? mois et demi à peine, c'est-à-dire de 
65 à 70 journées de travail par an. 

Après müre considération, la Société qui 
fournit actuellement l'énergie à la ville de Mos- 
cou à déjà entrepris la construction d’une 
grande station électrique sur une tourbière 
située près de la ville de Bogorodsk!. Cette sta- 
tion est destinée à fournir l'énergie électrique 
aux nombreuses fabriques situées dans son 
rayon d'action, dans les départements de Vla- 
dimir et de Moscou. Elle est construite d’après 
les données de l'expérience d’une station élec- 
trique allemande bien connue, située en Frise 
orientale sur un marais de l'Etat appelé Wies- 
moor, pres la ville d'Aurich. La station allemande 
poursuit un but d’une grande importance pour 
le pays, celui de transformer rapidement le 
marais en une terre cultivable, et d'utiliser 
ensuite, peu à peu, pour les besoins de la station, 
la tourbe qui restera après la transformation 
définitive du marais en champs cultivés. 

La station d’Aurich emploie actuellement la 
tourbe extraite pendant la construction des 
canaux de drainage et des routes, le long des 
canaux principaux. 

Pour l'extraction de la tourbe et de la terre, 
nécessaires à la construction des canaux, on se 
sert de l'énergie électrique produite par la sta- 
tion. La même énergie est employée aux pre- 
miers labourages, car la légèreté et la puissance 
des charrues électriques les rendent très com- 
modes pour ce travail. 

La tourbe est brülée sous les chaudières de la 
station. 

Il existe encore un autre procédé d’utilisa- 
tion de la tourbe, appliqué surtout dans les 
tourbières de prairies, riches en azote. Il est basé 
sur la propriété de décomposition de la tourbe 
humide en gaz, employés par les moteurs à gaz, 
et produits goudronneux, dont on retire du 
bisulfate d’ammonium, utilisé comme engrais. 

Les succès obtenus dans la transmission de 
l'énergie électrique et l'extraction et l’utilisation 
de la tourbe tracent la voie à l’utilisation étendue 
des énormes tourbières existant en Russie et à 
la transformation des marais en terres d’une 
grande valeur. 

L'importance que peut recevoir, pour les 
régions industrielles du Nord-Ouest central de 
la Russie, la tourbe, employée comme combus- 
tible, est montrée par les chiffres suivants : 


1. A 70 km. de Moscou. 


Le rendement thermique de 16 kg. de tourbe, 
séchée à l’air (contenant de 20 à 25 °/, d’eau), est 
à peu près égal à celui de 8 kg. de houille du 


Donetz et à 


,33 kg. de résidus de naphte. 

L'extraction, le traitement et le séchage à l’air 
reviennent actuellement à 1 centime environ 
par kg. de tourbe sèche. L'emploi de l’énergie 
électrique doit, comme on l’a déjà remarqué, 
sensiblement abaisser ce prix de revient. 

Si, par conséquent, on utilisait les énormes 
quantités de tourbe qui existent dans les marais 
de la Russie, très vastes, mais ne se prêtant pas 
à l'exploitation par les anciens procédés, les dé- 
penses faites pour le combustible par les entre- 
prises industrielles du centre de la Russie se- 
raient réduites de plus de moitié. Les industries 
de la région Nord-Ouest pourraient également 
diminuer de 50v/, leurs dépenses de combusti- 
ble et ne seraient plus forcées d'employer la 
houille étrangère. 

On peut se faire une idée générale des réser- 
ves de tourbe en Russie d’après les données 
suivantes : 

Dans les tourbières de l'Etat, examinées jus- 
qu'en 1909, on trouve en moyenne 18.000 m° de 
tourbe brute par hectare, ce qui fait 2.100 tonnes 
environ de tourbe séchée à l’air. 

Les renseignements donnés plus haut sur les 
surfaces occupées dans différents pays par les 
tourbières, montrent que la Russie (la Finlande 
comprise) possède 45.400.000 hectares de tour- 
bières. Si l’on admet pour toute cette étendue la 
moyenne par hectare qu'on a trouvée pour les 
tourbières de l'Etat déjà examinées, on aura 
96 milliards de tonnes de tourbe, ce qui équivaut 
à 48 milliards de tonnes de houille, la puissance 
calorifique du premier combustible n'étant que 
500/, de celle du second. 

Dernièrement, le Comité géologique fit caleu- 
ler la quantité totale de houille existant en Rus- 
sie. D'après ce calcul, il y aurait dans les bassins 
du Donetz et de Dombrova 70 à 75 milliards de 
tonnes, dont 56 milliards dans le seul bassin du 
Donetz qui alimente le Sud et le Centre de la 
tussie. 

Etant donné l’accroissement naturel des tour- 
bières, on peut admettre que les parties centra- 
les Nord-Ouest et Nord de la Russie possèdent 
dans leurs tourbières des réserves de combusti- 
ble aussi vastes que celles qui existent au Sud 
dans le bassin houiller du Donetz. 

L'état actuel de la technique de la transmis- 
sion de l'électricité permet déjà l’utilisation d’un 
grand nombre de tourbières. On le voit par 
l'exemple du département de Pétrograd, où, dans 
le voisinage immédiat de la capitale (district de 


380 LA HOUILLE BLANCHE ET LA HOUILLE GRISE EN RUSSIE 


Schlusselbourg et de Novoladojsk), plus de la 
moitié de la terre environnante est couverte par 
des marais boisés ou non. 

Mais l'exploitation large et rationnelle de la 
tourbe est une chose très compliquée, exigeant 
la connaissance approfondie de ce genre d’entre- 
prises, des particularités physiques et économi- 
ques du lieu où l'on se propose d'entreprendre 
l'exploitation et des conditions de transmission 
de l'énergie, produite par la tourbe sous forme 
d'énergie électrique. 

De nombreuses tentatives d'exploitation de la 
tourbe par des procédés perfectionnés ont déjà 
été faites en Russieet beaucoup d’entre elles ont 
eu des résultats déplorables au point de vue 
technique aussi bien que financier. 

Les essais d'nne vaste exploitation des tour- 
bières à l’aide de l’électricité, entrepris actuelle- 
ment, s'appuient, il est vrai, sur l’expérience 
des stations électriques de l'Europe occidentale, 
sorties déjà de la période des « maladies d’en- 
fants ». On peut donc espérer que de nouvelles 
expériences, faites actuellement sous la direc- 
tion des spécialistes russes et étrangers, donne- 
ront de bons résultats. 


Il est cependant possible que, en raison des 
différences considérables entre les conditions 
d'exploitation des tourbières en Russie et à 
l’étranger, les entreprises-pionnières russes tra- 
versent d’abord une période de tâtonnements et 
de dépenses supplémentaires pour s'adapter aux 
particularités locales. | 

Pour développer l’organisation rationnelle de 
l'exploitation des forces hydrauliques et des 
tourbières, le 7° Congrès Electrotechnique Russe 
avait conçu l’idée d’une exposition spéciale, qui 
aurait rassemblé ce qui concerne cette question. 

La guerre, survenue sur ces entrefaites, empê- 
cha la réalisation de ce projet. Mais, quoique 
ajournée et même quelque peu oubliée à cause 
des événements actuels, cette question n'a rien 
perdu de son importance, et il est à prévoir que, 
la guerre terminée, elle reviendra de nouveau à 
l’ordre du jour. Elle se posera alors avec plus de 
force encore qu'auparavant, car la nécessité 
d'augmenter la production s’imposera en Russie 
et l’obligera à trouver une meilleure utilisation 
de toutes ses sources d’énergie!. 


1. D'après le journal Elektrichestvo, 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET 


INDEX 381 


BIBLIOGRAPHIE 
ANALYSES ET INDEX 


4° Sciences mathématiques 


Horsburgh (E.M.), Maitre de conférences de Mathéma- 
tiques techniques à l'Université d'Edimbourg.— Modern 
Instruments and Methods of Calculation (A nHann- 
BOOK OF THE NAPIER TERCENTENARY EXHIBITION). — 1 vol. 
in-8° de 363 p. avec nombreuses fig. (Prix cart. :7 fr.5o). 
G. Bell and Sons, Ltd, Londres, et The Royal Society, 
Edimbourg, 1914. 


A l'occasion du troisième centenaire de la découverte 
des logarithmes par Napier, qui a été célébré l’année 
dernière à Edimbourg, on avait organisé une exposition 
très intéressante de tout ce quiserapporte aux méthodes 
et aux instruments de calcul, Le présent ouvrage est 
en principe un catalogue de cette exposition, mais com- 
plété par une série d'articles historiques ou didactiques, 
qui en font un véritable traité des méthodes et instru- 
ments de calcul modernes, que le calculateur de labora- 
toire, l'ingénieur, l’astronome, le stalisticien consulle- 
ront avec profit. 

Les trois premiers chapitres se rapportent à l’histoire 
de la découverte des logarithmes, aux souvenirs de Na- 
pier, à ses ouvrages, à ses osselets où bâtons à calcul, à 
l'histoire des tables mathématiques, avec une liste très 
complète de ces dernières, comprenant non seulement 
les tables de logarithmes,mais les tables arithmétiques, 
les tables de facteurs, de constantes, de fonctions tri- 
gonométriques naturelles etlogarithmiques, de fonc- 
tions elliptiques, hyperboliques,exponentielles, de fonc- 
tions de Legendre et de Bessel, d’intégrales diverses, 
etc. 

Dans le chapitre 1v, M. F. J. W. Whipple expose les 
principes généraux des machines à calculer arithméti- 
ques, qui sont suivis de la descriplion du mécanisme 
d’un certain nombre d’entre elles : machine Archimedes, 
calculateur de Colt, machines Brical, Brunsviga, Bur- 
roughs, comptomètre, arithmomètres de Layton, de 
Thomas, Mercedes-Euklid, machine Millionaire, ma- 
chine à calculer automatique du Nautical Almanac Of- 
fice, avec un appendicesur les machines à écrire mathé- 
matiques et à calcul Hammond et Monarch. 

Les chapitres v et vi sont consacrés à |’ « abaque », 
la machine à calculer des Orientaux, et aux règles à 
caleul, dontun grand nombre de types sont décrits. 

Le chapitre vir comporte les autres instruments du 
laboratoire mathématique, c'est-à-dire les intégraphes, 
les intégromètres, les planimètres, les différentiateurs, 
les appareils pour l'analyse harmonique, les appareils 
à prédire les marées, les conographes, les machines à 
résoudre les équations numériques, les instruments 
pour la mise en courbes, les pantographes, les calcula- 
teurs photographiques. Comme dans le chapitre 1v, la 
plupart des paragraphes s'ouvrent par une introduction 
générale sur la catégorie d'instruments considérée, 
après laquelle vient la description d’un certain nombre 
de types. 

Dans le chapitre vx sont décrites les diverses formes 
de papiers réglés : quadrillé, logarithmique, triangu- 
laire, polaire, dont l'emploi se généralise tous les jours, 
et leurs principales applications ; le chapitre se termine 
par la description de quelques monogrammes à points 
alignés, exposés par M. d'Ocagne. 

Enfin, le dernier chapitre est consacré à la descrip- 
tion d’un certain nombre de modèles mathématiques : 
représentation de surfaces, de solides réguliers et de 
formes connexes, modèle thermodynamique de Max- 
well, liaisons fermées, mouvements parallèles, ete. 


S, LORIER. 


r° Sciences physiques 


Bruninghaus (L.), Docteur ès sciences. — Données 
numériques de Spectroscopie (SPECTRES D'ÉMISSION, 
SPECTRES D'ABSORPTION, PHÉNOMÈNE DE ZERMAN). Pré- 
face de M. H. DesraANDres, membre de l'Institut, — 
1 vol. in-4° de V1I11-73 p.|Extrait du volume 111 des 
Tables annuelles de Constantes et de Données numé- 
riques de Chimie, de Physique et de Technologie]. 
(Prix cart, : 10fr.). Gauthier-Villars, éditeur, Paris, 
1914. 


Le Comité international qui s’est fixé latäche utile 
de publier les Tables annuelles de constantes et de 
données numériques de Chimie, de Physique et de Tech- 
nologie, s’est résolu de donner celle année pour la pre- 
mière fois, en une série de tirages à part, cerlains cha- 
pitres extraits de son volume IIL (constantes publiées en 
1912). L'un des plus importants de ces chapitres est 
celui qui concerne la Spectroscopie, el pour lequel M. H. 
Deslandres, l'éminent Directeur de l'Observatoire de 
Meudon, a bien voulu faire une préface, où il met en 
lumière la grande utilité de ce fascicule qui, plus com- 
mode et plus maniable que le volume général, assurera 
à tous une économie de travail et de pensée. C’est à 
M. L. Bruninghaus que nous devons la préparation et le 
collationnement des données de ce chapitre, 11 com- 
prend non point des extraits, mais l'intégralité des 
tableaux de longueurs d'ondes publiés dans tous les 
recueils scientifiques pendant l’année 1912. Il est pré- 
cédé d’une table alphabétique des symboles chimiques 
des éléments cités, avec renvoi aux pages et aux para- 
graphes les concernant. Une disposition semblable est 
prise pour les substances organiques dont les spectres 
d'absorption sont donnés, Parmi les principales divi- 
sions qui viennent s'ajouter aux spectres d'émission et 
d'absorption, nous citerons celles qui sont consacrées 
au phénomène de Zeeman, au déplacement des raies 
sous l’influence de la pression ; aux relations entre l’in- 
tensité de celles-ci et les conditions d’excitation (en 
comprenant les essais quantitatifs et de sensibilité), à 
la vitesse de projection des vapeurs lumineuses dans 
l’étincelle, et enfin aux groupements en série, qui nous 
permettent d'approcher de plus près la connaissance de 
la constitution des spectres. 

Ce fascicule comporte, en dehors destableaux extraits 
du volume, les compléments nécessaires pour en faire 
un tout complet. Nous souhaiterons quele public scien- 
tifique et industriel fasse à cette œuvre un accueil et 
un encouragement qui en assurent la diffusion, d'où 
dépendra l'avenir d’une aussi précieuse publication, 
dont le maintien s'impose comme une nécessité. 

A. DE GRAMONT, 
Membre de l’Institut. 


3° Sciences naturelles 


Smith (J. Russell), Professeur d'Industrie à l'Ecole 
Wharton de Finance et de Commerce, Universilé de 
Pensylvanie. — Industrial and commercial Geo- 
graphy. — 1 vol.in-8° de 91% p. avec 244 fig. (Prix 
cart. : 18 fr. 75). Constable and Co. Ltd, Londres, et 
Henry Holt and Co., New-York, 1914. 


« Cet ouvrage a pour but d’interpréterla Terreenfonc- 
tion de son utilité pour l'humanité. Comme l'intérêt pri- 
mordial est l'humanité plutôt que des parties de la sur- 
face terrestre, le livre traite des activités humainestelles 
qw’ellessont affectées par la Terre, plutôt que des parties 
dela Terreencequ’ellesaffectentles activités humaines. » 


382 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


Ces quelques lignes de la préface indiquent bien le ca- 
ractère de l’œuvre de M. J. R. Smith, qui, pour prendre 
des points de comparaison connus, s’écarte totalement 
du plan de la Géographie économique de MM. M. Dubois 
et Kergomard, qui est un exposé des ressources des 
diverses régions du globe, pour se rapprocher de la 
Géographie économique de M. Clerget, où l’auteur envi- 
sage surtout l'exploitation par l’homme des diverses ri- 
chesses que lui offre la Nature. 

La première partie, qui occupe plus des deux tiers 
du volume, est consacrée à la Géographie industrielle. 
Chaque industrie (ou groupe d'industrie), qui dépend 
de certaines conditions de milieu ou autres, y est con- 
sidérée en elle-même et traitée comme une unilé; son 
développement dansles différents pays y est bien indi- 
qué, mais sans sacrifier la connaissance générale de 
l’industrie elle-mème, L'auteur passe ainsi successive- 
menten revue les industries agricoles: céréales, ali- 
ments àamidon, légumes, fruits, vins, sucre, condiments, 
tabac, animaux de ferme et de boucherie, pêche- 
ries ; puis les industries mécaniques : fer et acier, com- 
bustibles, énergie hydraulique, bois et papier, fibres, 
textiles el vêtements, cuir et caoutchouc, machines, 
constructions navales, produits chimiques bruts et fa- 
briqués, métallurgie. Un assez grand nombre de ren- 
seignements, cartes, graphiques, illustrations se rap- 
portent naturellement aux Etats-Unis, et aux industries 
américaines, que l’auteur connait le mieux, mais l’en- 
semble garde cependant un caractère suflisant de mon- 
dialité. 

La seconde partie de l’ouvrage traite de la Géogra- 
phie commerciale. Ici l’auteur considère les grands ports 
de trafie et les raisons géographiques et économiques 
de leur développement, puis il décrit les principales 
routes commerciales du monde et les principaux pro- 
duits qui y circulent. 

Une bibliographie générale précède chacune des deux 
parties de l'ouvrage, et la plupart des chapitres se ter- 
minent, en outre, par une bibliographie spéciale. Un 
certain nombre de périodiques et de publications offi- 
cielles y sont recommandés à ceux qui désirent se main- 
tenir au courant du mouvement économique. 


Rabaud (Etienne), Maitre de Conférences à la Faculté 
des Sciences de l'Université de Paris. — La Térato- 
genèse, étude des variations de l'organisme. — 
1 vol. in-18 de 361 pages (avec 98 fig.) de l'Encyclo- 
pédie scientifique publiée sous la direction du D' Tou- 
louse. (Prix cart.: 5 fr.) O. Doin et fils, éditeurs, 
Paris, 1914. 


Pendant longtemps on n’a vu dans la Tératogenèse 
que le moyen de faire des monstres, ces derniers étant 
alors considérés comme des exceptions de médiocre 
importance, On s’en tenait à la simple dissection et 
l’on n’appliquait l'appellation de monstres qu'aux indi- 
vidus incapables soit de vivre dans les conditions ha- 
bituelles, soit d’avoir une descendance. 

M. Rabaud est un de ceux qui ont le plus contribué 
à montrer que les termes tératologie et pathologie né 
sont nullement synonymes. Il proteste de nouveau con- 
tre cette confusion, el, dès le début de son ouvrage, il 
fait remarquer que toute définition limitative de 
l’anomalie demeure impossible, ce qui indique qu'il 
n'existe aucune différence morphologique essentielle 
entre une variation quelconque et une anomalie. Il 
prouvera plus loin qu'il n’existe pas davantage de dif- 
férences histo-physiologiques. Il n'hésite pas à déclarer 
que l'étude de la Tératogenèse se ramène à celle des va- 
riations examinées à leurs divers points de vue, sans 
omettre celui de la continuité héréditaire. 

Avant tout, il importait de rechercher la nature de la 
variation tératogénique et d'examiner ses processus gé- 
néraux : C’est l’objet du premier chapitre. L'auteur 
montre d’abord que la théorie de l’arrêt dé développe- 
ment (Meckél, Etienne Geoffroy Saint-Hilaire), née de 
la conception génétale d'unité de plan d'organisation, 


et qui a joué un rôle si important dans l’évolution des 
idées sur les monstres, ne correspond plus à l’état ac- 
tuel de nos connaissances. Il établit ensuite que les 
théories de la mosaïque (Chabry), de la mutation 
(H. de Vries) et de l’orthogenèse (Eimer) se ramènent, 
sous d’autres noms et avec d’autres prétentions, à la 
théorie de l’unité de plan de composition avec sa con- 
séquence nécessaire : la doctrine de l’arrêt de dévelop- 
pement, 

Dans le chapitre IT (Les processus tératologiques pri- 
maires, variations de la formation des ébauches), l'au- 
teur, après avoir indiqué l'essentiel des phénomènes de 
variation tératologique, pénètre dans le détail des faits 
et examine successivement la formation diffuse, la 
formation déplacée, la formation convergente, la for- 
mation massive, la formation dissociée, l’hétéromor- 
phose, la végétation désorientée, l’hétérochronie et 
l’absencé de formation. 

Au nombre des exemples de végétation désorientée 
cités figure l’omphalocéphalie. Les expériences de l’au- 
teur (1898) nous ont appris que ce processus ne saurait 
être assimilé à ün excès ou à un arrêt du développe- 
ment, ni à une modification Simple de la croissance, 
Kaestner a prétendu (1907) qu'il ne s'agissait pas d’une 
végétation primitive, mais d’un déplacement secondaire 
de l’encéphale sous l'influence d'une poussée mécanique 
provoquée par le jaune de l’œuf qui se dilaterait en se 
refroidissant, d’où un choc déterminant à la fois une 
atrophie de l’encéphale et une courbure dont la consé- 
quence serait une migration de l’encéphale sous le 
cœur, dans le pharynx. 

M. Rabaud (1908) a réfute, par une nouvelle série 
d'expériences, les bizarresthéories de Kaeëstner. Il a 
montré que, si une pression prolongée peut quelquefois 
déterminer une certaine atrophie des vésicules cérébra- 
les, elle ne contraint jamais ces vésicules à pénétrer 
dans le pharynx. D'ailleurs, l'œuf d'oiseau ne renferme 
aucun agent capable de comprimér l'embryon : le jaune 
ne se dilate nullement sous l'influence du froid. Enfin, 
l’omphalocéphalie apparaît alors même que l’embryon 
est complètement mis à l’abri de toute pression méca- 
nique possible, Devant cette critique serrée, basée sur 
des faits probants, l’auteur allemand a jugé prudent de 
ne pas insister. 

L'étude des processus tératologiques secondaires est 
abordée dans le chapitre III (Variations du développe- 
ment des ébauches); viennent ensuite d'importantes 
considérations sur la « Variation analogique et la limi- 
tation des processus » (chapitre IV). Il est indéniable 
qu'un examen superficiel donne l’illusiôn qué tous les 
processus de variation Sont connus et que tout semble 
se passer comme si leur nombre était assez limité. L'idée 
d'unité de plan et celle d’arrêt de développement quien 
découle, proviennent de l’apparente répétition des ty- 
pes tératologiques. C’est ce phénomène que Darwin ap- 
pelle variation parallèle et auquel s'applique mieux le 
terme de variation analogique. I ne fait aucun doute 
que des dispositions morphologiquement très analogues 
se retrouvent avec une assez grande fréquence, comme 
si le champ des variations possibles était limité à un 
certain nombre de « formes » constituant pour lés mu- 
tationnistes autant de « caractères » indépendants les 
uns des autres et dé l'organisme lui-même, Mais une 
telle conception ne correspond pas à la réalité. La ques- 
tion de la « répétition des types tératologiques », qui 
entraîne celle de la limitation des variations, doit être 
résolue dans le sens d’une « non répétition » et par 
conséquent d’une multiplicité très grande de formes pos- 
sibles, dont les ressemblances, quand elles ne résultént 
pas de convergences superficielles, traduisent une pa- 
renté plus ou moins proche. 

Le chapitre V traite des prétendues lois de la varia- 
tion : loi du développement tardif, loi de constance des 
parties périphériques, loi de la variabilité des parties 
multiples, loi des connexions des organes limitant les 
possibilités de variation,loi du balancement. Les quatre 
premières ont été formulées par I.Geoffroy Saint-Hilaire ; 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 383 


la dernière l’a été à la fois par Goethe etparl.Geoffroy 
Saint-Hilaire. Elle fut admise par Darwin. Cette revue 
des « lois » de la variation ne laisse debout aucune 
donnée positive dont on puisse dire qu'elle limite, pour 
un organisme, la possibilité de changer, 

L'examen des variations locales et celui des ontoge- 
nèses anormales font l’objet des deux chapitres suivants, 
L'auteur est amené à considérer l'organisme comme un 
tout pour lequel il n'existe que des variations d’ensem- 
ble pouvant se manifester par des changements morpho- 
logiques divers. Ceux-ci sont nécessairement localisés 
dans telle ou telle région, et c’est cette localisation, 
phénomène secondaire, qui attire l'attention, et que 
nombre de biologistes prennent pour une variation in- 
dépendante. Il est indispensable d'admettre, dans l’or- 
ganisme embryonnaire, une coordination générale, el, 
de plus, dans l’espace et dans le temps, une continuité 
telle que tout changement qui se produit ne peut être 
qu'un changement de l'individu tout entier. 

Les théories contemporaines sur la variation accor- 
dent une importance capitale à l'amplitude de cette 
dernière, À en croire certains biologistes, ce serait sur 
cette amplitude qu'il faudrait se baser pour décider si 
l’on se trouve en présence d’une mutation ou d'une sim- 
ple fluctuation. M. Rabaud aborde cette question dans le 
huitième chapitre de son ouvrage. Pour les défenseurs 
de la théorie de la mutation, ce phénomène provien- 
drait du changement d'un «caractère » existant en 
soi, qui apparaîtrait ou disparaitrait en dehors de toute 
condition déterminée et serait héréditaire. Avant d'ac- 
cepter cette explication, il est nécessaire de rechercher 
si les variations de l'organisme ne sont vraiment que 
des déplacements de parties pré-existantes, dont les 
unes se dissimulent et les autres s’extériorisent, ou si, 
au contraire, toute variation est un changement effectif 
de l'organisme lui-même en conséquence de son inter- 
action avec le milieu. Nous devons remarquer tout 
d’abord que, dans la mutation, le phénomène ne réside 
pas tout entier dans l’hiatus morphologique; et, d’ail- 
leurs, sans dépasser l'examen morphologique, on 
découvre la continuité d’une façon très appréciable. Quel 
que soit l'individu anormal considéré, il sera toujours 
possible de grouper autour de lui nombre d’autres 
individus, différents par l'amplitude de la variation, qui 
constitueront, d’un côlé, une série croissante et, de 
l’autre, une série décroissante. C’est ainsi que le bec de 
lièvre montre tous les Lermes de passage, depuis la sim- 
ple encoche labiale jusqu’à la fissure complexe, et l’on 
observe également toutes les transitions en ce qui con- 
cerne respectivement les ectroméliens, les polydactyles, 
etc. Par suite, sion les envisage au point de vue de l’exis- 
‘tence d'intermédiaires, les anomalies ne répondent nul- 
lement à la définition du «caractère », qui doit toujours 
être comparable à lui-même, à de minimes différences 
près. Dans la morphologie, tout indique une continuité 
correspondant à une série continue d'états constitu- 
tionnels. Ce qui précède conduit à penser que, si, du 
progéniteur à l’engendré, la variation morphologique 
accuse, dans certains cas, une très grande amplitude, 
celle-ci n'implique nullement un saut brusque dans les 
processus histogénétiques et physico-chimiques. Le 
fait que l’on n’aperçoit pas toujours de transitions entre 
deux disposilions morphologiques ne démontre pas 
que ces transitions aient fait défaut. Il signifie plutôt 
que les systèmes d'échanges intermédiaires se sont suc- 
cédé avec une rapidité trop grande pour que la traduc- 
tion extérieure de chacun d'eux se soit manifestée 
d’une façon nette et durable. En définitive, rien ne per- 
met de distinguer une mutation d’une fluctuation. 

La question de l’hérédité tératologique est abordée 
dans le chapitre IX. Considérées au point vue de la 


morphologie pure, les anomalies correspondent à la 
définition des variations fluctuantes ; étudiées au point 
de vue de leur durabilité, elles sont du domaine des 
variations brusques. Elles appartiennent, par sue, 
aux mutations et aux fluctualions; ce qui montre, une 
fois de plus, qu'il n'existe réellement pas deux ordres 
de variations. La continuité héréditaire d’un très grand 
nombre de dispositions morphologiques semble tou- 
jours possible, à la condition toutefois qu'elles ne cons- 
tituent point par elles-mêmes un obstacle absolu à la 
reproduction, Des observations précises ont depuis 
longtemps démontré la transmission héréditaire de la 
polydactylie, de l’ectrodactylie chez différents Mammi- 
fères et Oiseaux, du bec de lièvre, de la syndactylie et 
de la phocomélie chez l'Homme, de l'absence ou de la 
mulliplicité des cornes chez divers Ruminants, ete, 
En définitive, « l’hérédité tératologique se confond avec 
l’hérédité tout court ». 

Le dernier chapitre de l'ouvrage traite des rapports 
de la tératogenèse avec l’évolution. La persistance dans 
la suite de plusieurs générations d’un état anormal 
nouvellement acquis constitue une véritable transfor- 
mation ; elle contribue à la multiplication des formes. 
C'est précisément là le phénomène de l’évolution, Il 
importe de remarquer que, contrairement à ce que 
pensent les mutationnistes, l'amplitude des variations 
ne joue aucun rôle dans la circonstance, puisque, dans 
les lignées, les variations les plus étendues, et que l’on 
serait tenté de croire véritablement brusques, comme 
l’ectromélie, semblent être les plus passagères. Du reste, 
une série de petites variations aboutit parfois à des 
résultats morphologiques très analogues à ceux d’une 
variation unique de grande amplitude. A ce point de 
vue, rien n'autorise donc à opposer une évolution 
brusque à une évolution lente, bien que les conditions 
qui déterminent une variation de grande amplitude 
diffèrent évidemment de celles qui provoquent une 
variation de faible amplitude. Les variations dites 
brusques appartiennentd’unefaçonexclusive à la période 
embryonnaire. L’ectromélie vraie, la phocomélie, l'ex- 
strophie vésicale, etc., ne se constituent point une fois 
les organes formés et en partie développés. Ce carac- 
tère les distingue des variations « lentes », qui se 
produisent à un moment quelconque du développe- 
ment embryonnaire ou post-embryonnaire, 

Les processus anormaux ne sontpas desimples modi- 
fications des processus normaux; ce sont des variations 
qualitatives de l'organisme. Il ne saurait plus être 
question de réduire le nombre des ontogenèses à celui 
des groupes principaux entre lesquels nous répartis- 
sons l'organisme, sous le prétexte que ces ontoge- 
nèses «normales » sont les seules possibles, et que, par 
conséquent, toute variation n'en est qu'une modifica- 
tion par excès ou par défaut, IL faut donc concevoir la 
réalité d'un très grand nombre d’ontogenèses. Parmi 
les ontogenèses anormales, il en est beaucoup qui 
peuvent se perpétuer et devenir l’origine de lignées 
nouvelles. Telles sont les conclusions auxquelles arrive 
M. Rabaud, après avoir développé ses idées personnel- 
les et montré la grande portée des faits tirés de l’em- 
bryologie expérimentale. 

En terminant cette analyse, nous pensons qu'on ne 
saurait lire ce remarquable ouvrage, dans lequel sont 
abordés des problèmes fondamentaux, sans acquérir la 
conviction que la Tératogenèse mérite d’être considérée 
comme l’un des sillons les plus fertiles de la Biologie. 


Edmond BORDAGE, 


Docteur ès sciences, 
Chef de Travaux pratiques à la Sorbonne 
(Section des Hautes Etudes. 


384 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 


Seance du 25 Mai 1915 


1° SCIENCES PHYSIQUES. — M. À. Berget : Sur la cons- 
tante capillaire de l’eau de mer. L'auteur a déterminé 
la constante capillaire de l’eau de mer par la méthode 
de l'ascension dans des tubes étroits ; mais, pour éviter 
la visée, toujours incertaine, du niveau du liquide dans 
le vase inférieur, il a mesuré la différence de hauteur 
dans deux tubes fins de diamètres différents. Voici les 
valeurs de la constante capillaire à o° en mgr. par mm.: 
eau de mer de Monaco,7,778; eau de mer artificielle,7,81 2; 
eau distillée, 7,982. Le coeflicient de température a pour 
valeur moyenne 0,018.Laconstante capillaire a doncune 
importance considérable dans les mesures aréométriques. 
— M. J. Glover : Emploi des vibrations solidiennes de la 
voix en téléphonie avec filet sans fil, ainsi qu'en phonogra- 
plie. L'auteur a reconnu qu’il est possible de multiplier 
les variations du courant microphonique des téléphones 
par la simple adjonction, aux appareils habituels, d’un 
ou plusieurs microphones additionnels, isolés du milieu 
ambiant au point de vue acoustique et électromagnéti- 
que, et destinés à recueillir à la surface du corps les vi- 
brations solidiennes de la voix. La reproduction de la 
voix se fait ainsi avec une pureté toute particulière et 
une grande netteté, ainsi que l’indiquent les tracés os- 
cillographiques. Ces faits sont susceptibles d'applica- 
tions importantes en téléphonie ordinaire et sans fil et 
en phonographie. ; 

2% SCIENCES — M. Eugène Pittard : 
Anthropométrie comparative des populations balkani- 
ques. L'auteur a mesuré l'indice céphalique des diverses 
populations balkaniques. Voici les moyennes obser- 
vées: Bulgares, 79,88; Serbes, 80,42; Grecs, 82,23; 
Tures 82,24; Roumains, 82,92; Tatars, 83,80; Alba- 
nais, 87,12. La majorité des peuples balkaniques sont 
done sous-brachycéphales, avec des groupes sous-doli- 
chocéphales (Bulgares) et hyperbrachycéphales (Alba- 
nais), Au point de vue des caractères de la face, ce sont 
les Serbes qui ont le visage le plus étroit, et les Tatars, 
chez qui survit encore du sang mongoloïde, la face la 
plus large. — M. J. P. Dubarry: Document sur la vac- 
cination antityphoïdique par la voie gastro-intestinale. 
Il s’agit des vaccinalions pratiquées sur un millier de 
prisonniers allemands cantonnés à Toulouse et chez 
lesquels s’élaient déclarés un certain nombre de cas de 
fièvre typhoïde, Tandis que 414 prisonniers étaient vac- 
cinés par voie hypodermique avec le vaccin Chante- 
messe, 595 autres, qui paraissaient peu aptes à recevoir 
l'injection de sérum à cause de leur débilité, absorbè- 
rent l’entéro-vaccin de MM. Lumière. Aucun malaisene 
fut signalé chez ces derniers. Les uns commeles autres, 
placés dans les mêmes conditions de cantonnement 
qu'au début, n’ont présenté, depuis lors, aucun cas de 
fièvre typhoïide. — M. E. Roubaud : Destrurtion des 
mouches et désinfection des cadavres dans la zone des 
combats, Le retour des mois chauds entraine la menace 
du développement exagéré des mouches, avec ses con- 
séquences épidémiologiques. Dans les cantonnements 
des troupes et à l'arrière, les projections d’huiles lour- 
des de goudron de houille sur les ordures et les matiè- 
res fécales protégeront contre l'accès des mouches et 
leur reproduction; pour les fumiers et purins, on em- 
ploiera de préférence le crésyl et le sulfate ferrique qui, 
aux doses nécessaires, ne sont pas toxiques paur les 
plantes. Dans les tranchées et sur toute la zone des 
combats, il faudra prévenir l'accès des mouches sur les 
cadavres, et là encore les huiles lourdes de houillesont 
les plus efficaces, puis assurer la désinfection des cada- 


vres et la destruction des larves qui pourraient s'y dé- 
velopper, et cela par le sulfate ferrique pulvérisé ou 
par ses solutions à 10 ou 20°/,. 


Seance du 31 Mar 1915 


1° SCIENCES PHYSIQUES, — M, Salet: Sur La loi de dis- 
persion des spectres prismatiques. On ne connaît pas 
de formule shnple représentant avec une exactitude 
suflisante la fonction qui relie la longueur d’onde d’une 
raie à sa position dans le spectre prismatique, La for- 
mule de Cornu ne représente la courbe réelle d’un spec- 
trographe que pour des intervalles assez restreints. 
Ayant étudié, pour deux dispersions différentes, les 
courbes du spectrographe du grand équatorial coudé, 
l’auteur à reconnu que la mesure / de la position d’une 
raie est liée à sa longueurd'onde par la formule simple 
2= a tang (bl + c) + d, où à, b,ce et d sont des conslan- 
tes que l’auteur est parvenu à calculer. — M. M. Hamy: 
Sur une formule de réduction des spectres prismatiques. 
L'auteur, étudiant la même question que M. Salet, a 
obtenu une autre expression de ? en fonction de /, tout 
aussi précise, mais d'application incomparablement 
moins laborieuse: : 


Lis Eu, 
A+ AIG) + ACL) 


A, À, et À, étant des constantes qui se calculent beau- 
coup plus facilement que les précédentes. — M.M. Gla- 
golev: Sur le spectre des rayons X secondaires homo- 
gènes. Les recherches de Laue, Bragg, Moseley, Broglie 
ont établi que les rayons X émis par l’anticathode d'un 
tube Rôntgen comportent une parlie assez considérable 
du spectre continu et aussi quelques lignes spectrales 
séparées, qui dépendent de la nature de l’anticathode 
Des expériences sur la réflexion des rayons X secon- 
daires par des surfaces cristallines ont montré à l’au- 
teur que, dans le spectre des rayons secondaires émis 
par le cuivre, le spectre linéaire l'emporte de beaucoup 
sur le spectrecontinuet, par conséquent, que cesrayons 
secondaires peuvent subir la réflexion d'une surface 
cristalline seulement sous des angles déterminés. Jus- 
qu'à présent, il a pu déterminer les longueurs d’onde 
avec une approximation de 60/5. Dans ces limites, les 
longueurs obtenues par M. Glagolev sont identiques à 
celles données par M. Moseley pour les lignes z et 8 de 
Cu. — M. A. Boutaric: Sur la vitesse de réduction du 
permanganate de potassium par l'acide oxalique. L'au- 
teur a suivi la marche dela réduction du permanganate 
de potassium par l'acide oxalique en mesurant au spec- 
trophotomètre l'intensité transmise pour une radiation 
déterminée, comprise dans une région où l'absorption 
du permanganate commence à sefairesentir (2 — 558 y). 
Il a ainsi recennu que le principe qui sert de base à la 
cinétique chimique ne s'applique pas à la réduction étu- 
diée, ou du moins ne s'y applique que très exception- 
nellement. Dans la plupart des cas, la vitesse de la 
réaction n’est pas proportionnelle à la quantité de per- 
manganate qui subsiste en solution; elle part de zéro, 
croit, passe par un maximum, et décroit ensuite jusqu'à 
zéro. — M. J. Wolff et Mlle N. Rouchelmann: /hé- 
nomènes d’oxydation et de réduction portant sur les 
chromogènes des végétaux. M. Wolff avait observé que, 
sous l'influence oxydante de la laccase, le chromogène 
de la pomme donne naissance à un pigment qui peut 
être réduit par HI avec déplacement d’I. Les auteurs ont 
étendu celte observation à un grand nombre de végé- 
taux qui ont été signalés comme renfermant des per- 
oxydes par MM. Chodat et Bach. Il faut toujours que 


à — ) 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 385 


l’action de la laccase précède le phénomène qu'on 
observe à l’aide du réactif ioduré. 

2° SCIENCES NATURBLLES. — M. Ch. J. Gravier : Sur 
les phénomènes de réparation après mutilation chez les 
coraux des grandes profondeurs sous-marines. L'auteur 
a observé de nombreux Madréporaires dragués dans 
les profondeurs de l'Atlantique et dont le squelette fra- 
gile avait été partiellement brisé soit par la chute de 
quelque corps lourd, soit par des animaux des grands 
fonds. Les phénomènes de réparation témoignent d’une 
surprenante plasticité; toutefois, il n’y a jamais retour 
à l'état primitif; la réparation demeure incomplète, 
sans régulation. 


ACADEMIE DE MÉDECINE 
Seance du 25 Mai 1915 


L'Académie adopte à l'unanimité le vœu qui termine 
le Rapport de M. Meillière sur l’utilisation de la farine 
de riz dans la fabrication du pain (voir p.353). — 
M. Ch. Achard: Sur l'asphyxie par les gaz toxiques des 
projectiles de guerre. L'auteur signale un cas d’aggra- 
vation d'une plaie de la poitrine chez un soldat ayant 
inhalé des gaz asphyxiants, Cette intoxication respi- 
ratoire augmente la dyspnée, facilite l’hémoptysieet ou- 
vre une porte nouvelle à l'infection. Il est très possible 
que les gaz produits par la déflagration des obus ordi- 
naires à courte distance exercent aussi une action toxi- 
que. — M. L. Tixier : Votes urologiques sur les malades 
atteints de gelures profondes des extrémités inférieures. 
L'auteur a examiné les urines de nombreux soldats 
ayant eu les pieds gelés. Elles se caractérisent par la 
présence de cristaux de lyrosine ou de cystine, l’abais- 
sement du rapport AzH#: urée, et la coloration du pré- 
cipité obtenu avec le réactif de Millon, faits qui indi- 
quent tous la présence d'acides amidés. Ceux-ci peuvent 
provenir soit de la désorganisation des tissus subis- 
sant la gangrène sèche, soit d'une diminution des oxy- 
dations intraorganiques. 


1% Juin 1915 


MM. Le Dentu et Devraigne: Protection du cräne 
contre les blessures de guerre par la calotte métallique. 
On a constaté une augmentation considérable du nom- 
bre des blessures de tête en rapport avec le développe- 
ment de la guerre de tranchées. Pour assurer aux sol- 
dats une protection contre ces sortes de blessures si 
fréquemment graves et mortelles, on leur a fait distri- 
buer depuis quelque temps des calottes métalliques qui 
se placent sous le képi. Les premières observations re- 
cueillies montrent déjà l’eflicacité de ces caluttes, Les 
auteurs citent 55 cas de traumatismes de la tête ou de 
choc par des projectiles, parmi lesquels 42 sur des hom- 
mes n'ayant pas mis la calotte. De ces derniers, 23, 
c'est-à-dire à peu près 60 °/,, eurent des fractures du 
crâne auxquelles un grand nombre succombèrent; 19 
n'eurent que des plaies du cuir chevelu. Sur les 13 
qui avaient mis la calotte, 8 n’éprouvèrent que des acci- 
dents de commotion cérébrale plus où moins accentuée, 
et aucun n’en mourut ; à en furent quittes avec des plaies 
superlicielles ou de simples éraflures; il n’y eut pas une 
seule fracture. Ces faits et d’autres sont péremptoires 
en faveur de la calolte, malgré son impopularité chez 
les soldats, qui lui reprochent son poids, son adapta- 
tion défectueuse au crâne et la chaleur qu'elle concentre 
sur la tête. — M. J. Gautrelet : Les bases scientifi- 
ques de l'éducation des mutilés. L'auteur montre la né- 
cessité de mettre en œuvre dans l'enseignement profes- 
sionnel donné aux mutilés et aux estropiésles principes 
d'organisation scientifique du travail tels que Taylor les 
a délinis. Il faudra éviter le surmenage musculaire, 
certainement plus rapide chez cette catégorie d’indivi- 
dus, en établissant un rythme convenable de travail et 
de repos, et cela tout en réalisant le maximum écono- 
mique, L’outillage du gaucher ne sera pas celui du droi- 


Séance du 


Î 


tier. Non seulement il y aura lieu d'éviter les attitudes 
vicieuses dont il serait diflicile de débarrasser par la suite 
l’ouvrier, mais il s'agira de lui enseigner par le menu l’em- 
ploi judicieux qu'il devra faire de ses mouvements : les 
mouvements utiles devront seuls être opérés, et cela 
suivant une vilesse, un rythme adéquats au plus grand 
rendement, Enfin, il faudra sélectionner les hommes : 
avant que d’atteler un individu à la besogne, il sera sage 
d'en déterminer la capacité par des mesures physiolo- 
giques pré s. On obtiendra ainsi la plus grande capa- 
cité de production de l'ouvrier mutilé, avec la plus large 
rémunération, tout en évitant le surmenage. 


SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE 
Séance du 29 Mari 1915 


MM. A. Distaso et J. Schiller : L'indican urinaire est 
d'origine intestinale. Les rails soumis à un régime de 
pommes de terre cuites, qui donne une flore indologène 
formée presque exclusivement de Z. coli et de ses alliés, 
font constamment une indicanurie tout à fait remar- 
quable, Si à ce régime de pommes de terre on mélange 
4& à 6 gr. de lactose ou de dextrine par jour, la flore 
intestinale se transforme après deux jours en une flore 
à B. bifidus, qui ne produit jamais d’indol, Au bout de 
48 h., on ne trouve plus aucune trace d'indican dans les 
urines. — M, Ed. Retterer: Striation des fibres-cellules 
du myométrium utérin. L'auteur a reconnu qu’en dehors 
de l’état de gestation, les fibres-cellules de l'utérus 
féminin sont striéesen longeten travers. Les fibres-cellu- 
les de l'utérus gravide présentent, comparativement à 
celles de l'utérus vide, les mêmes différences de struc- 
ture que celles du myocarde du cheval comparées à cel- 
les du myocarde du cobaye. — M. A. Besredka : Un 
coccobacille à espace clair pathogène pour l'homme. 
En étudiant la flore microbienne des plaies anfrac- 
tueuses produites surtout par les éclats d’obus, 
l’auteur a observé un coccobacille en navette à espace 
clair central, présentant les caractères suivants : aéro- 
anaérobie, ne prend pas le Gram, se développe dans tous 
les milieux, ne liquéfie pas la gélatine, ne coagule pas 
le lait, ne fermente pas le lactose ; il estpathogène pour 
le cobaye et le lapin. Il peut être considéré comme une 
Pasteurella humaine. — MM. J. Camus et P. Fai- 
dherbe : Mesure des angles articulaires et des muscles 
situés au-dessus et au-dessous des articulations. Grâce 
au procédé de la baguette de plomb, on prend les con- 
tours de l'articulation et l’on transporte la baguelle 
coudée sur un rapporteur d’angles, ce qui donne immé- 
diatement la valeur de l’angle articulaire, De plus, la 
baguette de plomb présente en son milieu un pointde 
repère coloré, qu'on applique sur un point fixe osseux 
(partie la plus saillante de l’olécräne au sommet de la 
rotule). Au-dessus et au-dessous de ce point, deux 
rubans métriques, fixés sur la baguette de plomb en 
des points correspondant à la partie moyenne du bras 
ou de la cuisse, de l’avant-bras ou du mollet, permet- 
tent de mesurer les masses musculaires. 


SOCIÉTÉ FRANCAISE DE PHYSIQUE 


Seance du 7 Mai 1915 


M. E. H. Hall : Une explication possible du phéno- 
mène de Hall et du phénomène d'Ettingshausen. Cette 
communication est une application, à la discussion des 
phénomènes susdits, de certaines idées qui sont expo- 
sées dans l’article déjà imprimé de l’auteur : On Electric 
Conduction and Thermo-electric Action in Metals !. Ces 
idées sont les suivantes : 19 Qu'il y a, entre les atomes 
d'un métal, des électrons assez libres pour agir à peu 
près en particules d’un gaz; 20 Que, d’un autre côté, la 
plus grande partie d'un courant électrique est soutenue 


1. Proceedings of the American Academy of Arts and Sien- 
ces, Vol. L, n° 4, July 1914. 


386 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


par des électrons qui passent directement d’atome à 
atome du métalsans arriver à la condition des électrons 
libres ; 3° Qu'ily a un maximum définitif de la pression 
des électrons libres, fonction de la température du mé- 
tal ; {4° Que la chaleur latente de dissociation des ato- 
mes neutres, pour former des électrons libres et des 
ions, est une quantité positive. L’argument de la pré- 
sente communication est le suivant : Pour préciser un 
peu plus la proposition (2), il faut observer que les élec- 
trons en question doivent passer des atomes neutres 
aux ions, un atome neutre perdant un électron et deve- 
nant par là un ion, pendant qu’un ion gagne un élec- 
tron et devient un atome neutre. Dans un métal à un 
potentiel uniforme, les mouvements thermiques des 
atomes neutres, et aussi ceux des ions, ne peuvent avoir 
aucune direction résultante; mais, dans un métal où le 
potentiel n’est pas uniforme, les mouvements thermi- 
ques des ions doivent avoir une résultante dans la 
direction d'abaissement du potentiel. Par conséquent, 
puisque le métal à tout prendre nese meut pas, les ato- 
mes neutres doivent avoir un mouvement résultant 
dans la direction d’élévation du potentiel. Or, le mou- 
vement résultant des ions constilue un courant positif 
dans la direction d’abaissement du potentiel, tandis 
que le mouvement résultant des atomes neutres ne cons- 
titue pas un courant. Dans un champ magnétique, les 
électrons libres qui marchent dans la direction d'éléva- 
tion du potentiel par le métal, et aussi les ions, qui en 
somme oscillent dans la direction contraire, sont sou- 
mis à une influence qui tend à les porter dans la direc- 
tion de la force pondéromotrice. Les électrons sont 
libres de voguer à travers le champ sous cette influence ; 
les ions, restreints mécaniquement dans certaines limi- 
tes, doivent néanmoins souffrir une modification de 
leur mouvement résultant d’oscillation, et ce mouve- 
ment acquiert alors une composante dans la direction 
de la force pondéromotrice. Ce mouvement transversal 
des ions exige évidemment un mouvement transversal 
de retour des atomes neutres. Le mouvement transver- 
sal des électrons tend à produire un potentiel néga- 
tif du métal du côté vers lequel il est dirigé, c’est-à-dire 
l'effet de Hall, comme dans le nickel. Le mouvement 
transversal des ions tend à produire un effet de Hall 
de signe contraire, comme dans le fer, Mais ceci ne rend 
pas un compte complet des faits; en effet, étant donné 
que les électrons sont libres de se mouvoir à travers le 
métal tant qu'il y a une force qui tend à les porter, 
comment est-il possible d’avoir une condition perma- 
nente comme l'effet de Hall dans le fer? L'explication 
doit être que nous avons dans l'effet de Hall un état 
d'équilibre mobile. Des électrons voguent dans la con- 
dition libre à travers le champ dans la direction de la 
force pondéromotrice, mais ils sont entraînés en arrière 
comme parties des atomes neutres, dont l’oscillation 
transversale de retour vient d’être exposée. Cel état 
d'équilibre exige une action constante de dissociation 
des atomes, pour former des électrons libres et des 
ions dans cette partie du métal d’où la force transversale 
les emporte, et, d’un autre côté, il exige une action cor- 
respondante de réassociation dans cette partie vers 
laquelle les électrons libres sont portés, Or, la disso- 
ciation tend à refroidir la partie du métal où elle a lieu, 
tandis que la réassociation tend à échauffer sa partie. 
Ces deux actions donc peuvent produire le phénomène 
d’Ettingshausen, tel qu'il se trouve dans le nickel ou 
Vantimoine., Mais il y a des cas où le phénomène d’Et- 
tingshausen est de signe contraire, comme par exemple 
dans le fer, L’explication de cette condition, où la par- 
tie du métal vers laquelle les électrons sont poussés 
devient froide, se trouve problablement dans une dis- 
tribution inégale des vélocités des électrons libres. 


Les électrons les plus lents, c’est-à-dire les plus 
froids, en demeurant plus longtemps entre leurs 


collisions, ont plus d'occasions de céder à l'influ- 
ence d’une force directrice que n’en ont les élec- 
trons plus chauds ; et par conséquent ceux-là prennent 
une partie relativement grande dans les phénomènes 


du courant électrique. Ce sont les électrons les plus 
froids qui sont emportés à travers le champ magnéti- 
que, et ils tendent à refroidir la partie du métal dans 
lequel ils sont poussés. — M, A. Leduc : Les phéno- 
mènes de diffraction et le mouvement de la Terre. Dans 
son mémoire classique sur l'influence du mouvement 
de la Terre sur les phénomènes optiques, Mascart con- 
sidère le cas d’un réseau recevant d’un collimateur un 
faisceau normal et se déplaçant dans son plan perpen- 
diculairement à ses traits avec une vitesse y; a désignant 
le rapport de y à la vitesse de la lumière, il écrit : 
sin 0, — sin ô(1 + asiui), 


9 — 0, — a(1 —cosi), 


à étant la déviation en l'absence de tout mouvement, 
ë, la déviation absolue avec mouvement, © la déviation 
apparente, On en déduit, en négligeant les termes du 
deuxième ordre : 
sin d'-— sin ô + a(1—cosi), 

tandis que Mascart conclut que ÿ — à, c'est-à-dire que 
le mouvement de la Terre ne peut produire, ici comme 
ailleurs, aucun effet du premier ordre. Il ne semble pas 
d’ailleurs avoir cherché à le vérifier, M. A. Leduc a 
cherché vainement, avec le concours de M. Décombe, à 
déceler cet effet du premier ordre indiqué plus haut. La 
conclusion de Mascart reste donc entière, et c’est la 
formule qui est fausse. Cela tient à ce que les rayons 
issus par exemple du foyer du collimateur n'arrivent 
pas sur le plan du réseau en concordance de phase 
comme l’admet Mascart : l'onde fait avec ce plan l’an- 
gle a. 


SOCIÈTE CHIMIQUE DE FRANCE 


Seance du 14 Mai 1915 


M. J. Bougault : Sur les dioxytriazines. Méthode 
de synthèse de semicarbazides substituées en (4). L'au- 
teur, continuant l'étude des dioxytriazines, indique 
une méthode d'obtention des semicarbazides substituées 
en (4), au moyen des monoéthers de la benzyldioxy- 
triazine. Lorsqu'on chauffe ces monoéthers (méthyl, 
éthyl, benzyl, etc.) avec une solution alcaline, il y a 
formation de semicarbazones alcoylées de l’acide phé- 
nylpyruvique : - 

N—NH N.NH 


CiH°.CH2:C CO—> CfH°.CH2.C CO.NHR 


N 


à N 

CO.NR CO?H 

Ces semicarbazones alcoylées, décomposées par HCI 
concentré, régénèrent l’acide phénylpyruvique et don- 
nent, en outre, le chlorhydrate de la semicarbazide 
alcoylée en (4). M. Bougault a ainsi préparé la méthyl, 
l’éthyl-, et la benzylsemicarbazide, fondant respective- 
ment à 112°, au-dessus de 1000 et à 1119. Elles sont très 
solubles dans l’eau et dans l'alcool, solubles également 
dans le chloroforme ettrès peu solubles dans l'éther. 
Elles semblent se comporter vis-à-vis des aldéhydes et 
des cétones comme la semicarbazide elle-même. 


SOCIÈTE ROYALE DE LONDRES 


Séance du 29 Avril 1915 


SCIENCES NATURELLES. — MM. E. Beard et W. Cra- 
mer : lension superficielle et action des ferments. Les 
auteurs ont reconnu que l’action de l’invertase sur le 
sucre de canne est retardée lorsqu'on augmente la sur- 
face du système. Ce retard est dû en partie à un effet 
de concentration superficielle, — M. W. Cramer : La 
tension superficielle envisagée comme facteur de con- 
trôle du métabolisme cellulaire. Les considérations de 
l’auteur sont basées sur le fait, démontré expérimenta- 
lement, que l’action des ferments est conditionnée par 
la tension superficielle (voir ci-dessus). Le grand déve- 
loppement superficiel de la cellule et de l'organisme 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 387 


vivant doit donc produire des conditions qui affectent 
notablement l'action des ferments in vivo comparée à 
leur action in vitro. L'auteur montre comment la cellule 
peut, par le facteur de la tension superficielle, contrà- 
ler et régler son métabolisme. Il est done possible de se 
faire une conception de l’organisation chimique de la 
cellule sans avoir recours à l'existence de membranes 
hypothétiques dans le eytoplasme qui entoureraient et 
sépareraient les différents systèmes chimiques, Enfin, 
si ces conceptions sont correctes, des substances forte- 
ment actives superliciellement peuvent, sans aflecter 
chimiquement le protoplasma, exercer un effet profond 
sur le métabolisme de la cellule. Les substances narco- 
tiques et cytolytiques réalisent ces conditions. — 
MM. H. Hartridge et A. V. Hill: La transmission des 
rayons infra-rouges par les milieux de l'œil. Les difté- 
rentes structures de l'œil absorbent les rayons infra- 
rouges de différentes longueurs à peu près dans la même 
proportion qu’une couche d’eau équivalente. D’après les 
valeurs de l'absorption pour cent de l’eau aux diverses 
longueurs d’onde, on peut calculer la quantité de cha- 
leur absorbée par la cornée, l'iris et le cristallin. La 
chaleur absorbée par ce dernier est trop faible pour que 
les modifications qui donnent naissance à la cataracte 
soient dues à une action directe. Cette affection peut être 
causée, comme l'a suggéré Parsons, par une altération 
de la nutrition du cristallin, provoquée par l'action des 
rayons calorifiques sur le corps ciliaire et l'iris. Des 
essais sur les verres de Crookes montrent qu'ils absor- 
bent fortement les rayons caloriliques et jusqu’à un 
certain point l’ultra-violet, 


Séance du 6 Mai 1915 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — Mme H. Ayrton : 
Différences locales de pression près d'un obstacle dans 
l’eau oscillante. Quand l’eau s'approche du niveau moyen, 
une diminution de pression, ou vide partiel, se crée à 
l’arrière de l'obstacle. Quand l’eau s'éloigne du niveau 
moyen, la diminution de pression continue à s’accroitre 
sur le côté arrière, mais sur la partie inférieure il y a 
une pression dans la direction opposée au courant 
principal. Le jet dans la première partie de loscillation 
est dû au courant local créé par la différence locale de 
pression; le vortex dans la seconde partie de l’oscilla- 
tion est dû à la conjonction du courant principal avec 
le courant local opposé produit par la différence de pres- 
sion locale. 

2° SCIENCES PHYSIQUES, — M. R. J. Strutt : Observa- 
tions sur les radiations de fluorescence et de résonance 
de la vapeur de sodium. Voici un aperçu des résultats 
de l’auteur : 1° Les centres émettant la radiation de ré- 
sonance de la vapeur de sodium excitée par les lignes D 
ne sont pas assez persistants pour être transportés 
quand la vapeur est distillée loin du lieu d’exeitation. 
Ce résultat est extraordinaire, car il contraste absolu- 
ment avec la façon dont se comportent la vapeur de 
sodium excitée électriquement et [a vapeur de mercure 
excitée optiquement (radiation de résonance 2.536) ou 
électriquement, 2° On ne peut observer la radiation de 
résonance du sodium même à travers une couche diluée 
de vapeur de sodium placée devant elle — couche pres- 
que transparente à la lumière blanche, Cela explique 
pourquoi la tache de résonance superficielle produite 
sur la paroi d’un globe de verre ne peut être aperçue 
que par devant, quand la lumière arrive à l’œil sans 
traverser la vapeur de sodium. 3° L'intensité de la radia- 
tion de résonance de la vapeur de sodium varie quand 
la vapeur est placée dans un champ magnétique. Si la 
flamme excitante est faiblement salée, la radiation dimi- 
nue quand la force du champ augmente; si la flamme 
excitante est fortement salée, la radiation augmente 
jusqu’à un maximum et diminue ensuite, 4° On peut 
également observer une variation d'intensité de la ra- 
diation de résonance quand la flamme excitante est 
placée dans le champ magnétique; dans ce cas, une 
flamme faible donne une radiation diminuée dans le 


champ, tandis qu'une flamme forte donne une radiation 
augmentée. 5° Ces derniers faits peuvent s'expliquer 
qualitativement et quantilativement en considérant la 
résolution des lignes D par Zeeman et la largeur et la 
structure observées de ces lignes quand elles sont émi- 
ses par les flammes employées. 


SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES 
Seance du 12 Mai 1915 


M. E. H.Rayner : Mesures de résistance précises avec 
des appareils simples. L'auteur décrit les méthodes qu'il 
emploie pour comparer des résistances avec une exac- 
titude de 1/10.000° ou supérieure en se servant d'appa- 
reils simples communs dans les laboratoires ou très 
faciles à construire sans un personnel spécial. Ainsi il 
compare des résistances nominalement égales derohm 
et au-dessus par la mêthode usuelle qui consiste à shun- 
ter un côté d’un quadrilatère presque en équilibre par 
une forte résistance. Il montre le grand avantage de pos- 
séder des résistances capables de conduire des courants 
relativement forts, spécialement pour mesurer les chan- 
gements de résistance des appareils commerciaux dans 
les conditions de travail. Si l’on ne peut disposer d’un 
voltage de courant continu suflisant pour l'essai d’appa- 
reils comme les diviseurs à haut potentiel,on peut, en 
employant un courant continu suflisant pour assurer la 
sensibilité, produire le chauffage par un courant alter- 
natif superposé. 


SOCIÉTÉ ANGIAISE DE 


INDUSTRIELLE 


CHIMIE 


SECTION DE LONDRES 
Seance du 3 Mai 1915 


M. H. P. Stevens : La fonction de la litharge dans 
le processus de la vulcanisation. On trouve de la litharge 
dans un assez grand nombre d'objets en caoutchouc, en 
particulier les chaussures. Quel est son rôle? D'après 
les recherches de l’auteur, l'addition de litharge en 
quanlilés modérées au ‘caoutchouc brut augmente le 
coeflicient de vulcanisation; le coeflicient maximum est 
obtenu par le mélange dans lequel il y a juste assez de 
soufre pour transformer tout le caoutchouc et pour con- 
vertir l’ensemble de la litharge en sulfure et en sulfate, 
Des proportions croissantes de litharge causent une ré- 
duction progressive du coeflicient de vulcanisation, 
avec production d’une plus grande quantité de sulfure 


et de sulfate de plomb; même alors il reste du soufre 
libre. 


ACADEMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM 
Séance du 28 Novembre 1914 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Jan de Vries : 
Nombres caractéristiques pour des réseaux de courbes 
algébriques. 

20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. H. du Bois: Za géné- 
ralité de l'effet Zeeman par rapport à l'effet Stark dans 
les rayons-canaux. L'auteur examine l'influence d’un 
champ électrostatique sur lesraies d'absorption du rubis 
et du nitrate de néodyme hexahydraté. Quoiqu'un dé- 
placement de 0,005 uz eùt pu être constaté, un champ 
d'environ 7900 unités électrostatiques était sans influence 
apparente, 

3° SCIENCES NATURELLES. — M. J. K. A. Wertheim 
Salomonson : Ztudes graphiques de l'augmentation des 
réflexes profonds. Résultats obtenus en enregistrant les 
mouvements réflexes du genou, pathologiquement in- 
tensifiés par des affections nerveuses.— M, C. Winkler: 
Sur un cas d’obturation de l'artère cérébrale postéro-in- 
férieure. Description des troubles observés chez un 


388 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


patient atteint d’obturation de l'artère cérébrale postéro- 
inférieureetderamollissement delarégionlatéro-dorsale 
de la moitié gauche de la moelle allongée. — MM. Max 
Weber et L.Bolk présentent un travail de M. K. Kui- 
per Jr.: La physiologie de la vessie natatotre des pois- 
sons. La vessie doit être considérée comme organe hy- 
droslatique, dont le poisson peut activement modilier 
le volume, Expériences sur les gaz de la vessie et leur 
régénération. 


Séance du 30 Decembre 1914 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Jan de Vries : 
Nombres caractéristiques pour un système triplement 
infini de courbes algébriques planes. 

2° SCIENCES PHYSIQUES. — MM. H. A. Lorentz et H, Ka- 
merlingh Onnes présentent un travail de M. J. Droste: 
Sur lechamp d'un centre unique dans la théorie de la 
gravitation d'Einstein. Le caleul d’un champ de gravita- 
tion est incomparablement plus diflicile dans la nou- 
velle théorie que dans celle de Newton ; on ne l’effectue 
plus par une simple intégration. Dans le cas de champs 
peu intenses, on peut opérer par approximations suc- 
cessives; le problème se ramène alors à la résolution 
d'équations de Poisson. L'auteur applique au cas d’un 
centre de force unique le procédé de calcul appliqué 
par Lorentz au cas d’une masse sphérique fluide, incom- 
pressible. — MM. J. D. van der Waalset A. F. Holle- 
man présentent un travail de M. F. E. C. Schefter : 
Sur les équilibres gazeux et le contrôle de la formule de 
M. van der Waals Jr. H. Application de la théorie aux 
équilibres de dissociation de l’ivde, et des acides chlo- 
rhydrique, bromhydrique et iodhydrique. Les calculs 
fournissent pour les moments d'inertie des molécules 
des valeurs concordant avec celles qui se déduisent 
des moyens diamètres moléculaires. Cetteconclusion est 
d'accord avec la formule de M. van der Waals Jr., dans 
laquelle on tient compte des vibrations des atomes, — 
MM. H. du Bois et H. A. Lorentz présentent une note de 
M. W. J. de Haas: Une remarque sur le coefficient de 
Hall pour le tellure. — MM. H. Kamerlingh Onnes, 
C. Dorsman et G. Holst : /sothermes de gaz diato- 


miques et de leurs mélanges binaires. XV. Tensions de : 


vapeur et point critique de l'oxygène et de l'azote. Pour 
l'oxygène T. — 154°,25 K., pe — 49,713 atm.; pour 
l'azote T: 1259,96° K. et pe — 33,490 atm. Le coeflicient 
crilique — a pour l'oxygène la valeur 3,419, analogue 
cVe 
à celle trouvée pour d’autres substances normales. — 
MM. E. Mathias, H. Kamerlingh Onnes et C. A. 
Crommelin : Le diamètre recliligne de l'azote : L’équa- 
tion de ce diamètre est D — 0,022g04 — 0,0019577 /, 
d’où se déduit, pour la température critique 1—= — 
147,°13, la densité critique pa — 0,31096 et le coeflicient 
critique 3,421. — MM. H. Kamerlingh Onnes et J. P. 
Kuenen présentent un travail de M. C. A. Crommelin : 
Isothermes de substances diatomiques et de leurs mé- 
langes binaires. XVI. Tensions de vapeur de l'azote entre 
son point critique et son point d'ébullition. — M. J. P. 
Kuenen : Sur la mesure de la pression dans une bulle 
de savon, Lorsqu'on mesure cette pression au moyen 
d'un manomètre ouvert, il peut arriver que la mesure 
devienne impossible parce que léquilibre devient 
instable, L'auteur donne la théorie du phéno- 
mène. — MM, Ernst Cohen et G. de Bruin : Lu métasta- 
bilité de notre monde métallique comme conséquence de 
l'allotropie et sa signification pour la chimie, la physi- 
que et Les sciences techniques. TL. Recherches sur la 
chaleur spécifique du sodium, prouvant que ce métal est 
énantiotrope et présente vers 59° un point de trans- 
formation, Le sodium ordinaire est un système métas- 
table, formé de deux modifications, que l’on peut ohte- 
nir séparément en fondantlemétalet en le refroidissant 


ensuite, soit lentement, soit rapidement. La chaleur 
spécifique du sodium ordinaire est fonction de sa pré- 
histoire thermique. D'une façon générale les soi-disant 
« constantes » physiques et mécaniques des métaux 
solides ne sont que des grandeurs accidentelles. — 
MM. J. D. van der Waals et A. F, Holleman présentent 
deux travaux de MM. A. Smits et S. C. Bokhorst : 
Sur les courbes de tension de vapeur du système phos- 
»hore. UE, et Nouveaux détails sur le système phosphore. 
Recherches prouvant qu'il n'y a qu’une seule modi- 
fication stable du phosphore, violette à l’état ceris- 
tallin, rouge à l’état pulvérulent; les auteurs proposent 
de l'appeler phosphore violet. Son point triple est à 
589°,5 C. et 43,1 atm. Ce phosphore violet n’est pas un 
corps simple; c'est un état d'équilibre de deux pseudo- 
composants, de volatilités très différentes. En représen- 
tant graphiquement Tinp en fonction de T (p — tension 
de vapeur, T — température absolue), on obtient une 
ligne droite; cela signifie que la chaleur de sublimation 
du phosphore violet est sensiblement constante. Elle 
est égale à 25,8 cal. par mol. gr.; la chaleur de fusion 
par mol, gr. est 15,9 cal. — MM. A. F. Holleman et J. 
D. van der Waals présentent un travail de M. C. H. 
Sluiter : L'influence de l'hydratation et des écarts des 
lois des gaz purfuits dans les solutions aqueuses de sels 
sur les points de solidification et d'ébullition. Détermi- 
nation du coeflicient d'irrationnalité de vant Hoff 
pour divers sels (NaCl, KCI, Mg CP, CaCl), à diverses 
concentrations et diverses températures, par la mesure 
de la conductibilité électrique et l'observation du point 
de congélation et du point d'ébullition. Les deux pro- 
cédés ne donnent des résultats concordants que pour 
des solutions très diluées ; à mesure que la concentra- 
tion augmente, les écarts deviennent plus grands, ce que 
l’auteur attribue à l'influence de l’eau d'hydratation 
sur les variations moléculaires des points de congéla- 
tion et d’ébullition et aux écarts que la pression osmo- 
tique présente avec les lois des gaz parfaits. — M. P. 
van Romburgh et Mile D. W. Wensink : Sur l'action 
de l'ammoniac et de la méthylamine sur la2 : 3 : 4 — tri- 
nitrodiméthylaniline. — M. A. F. Holleman: Le pouvoir 
de substitution des substituants dans les dérivés du 
benzène. Etude des pouvoirs de substitution du chlore 
dans les trois chloronitrobenzènes et les 6 nitrodichloro- 
benzènes par OCHS et N (C? Hÿ}?. 

30 ScrEeNCES NATURELLES, — MM. L. Bolk et C. Win- 
kler présentent un travailde M.H. A. Vermeulen : Sur 
l'aréal du vagus chez les Camélides. Description des 
résultats fournis par l'observation de nombreuses cou- 
pes, faites dans le tronc cérébral d’unchameau (Camelus 
bactrianus) et d'un lama (Auchenia lama). — M. J. 
Boeke : Sur la relation entre la terminaison nerveuse 
et La cellule musculaire lisse, dans ses rapports avec 
Linnervation accessoire (autonome) des muscles striés. 
Pour les cellules musculaires lisses aussi bien que pour 
les fibres musculaires striées, la fibre nerveuse pénètre 
dans le protoplasme de l’élément musculaire, s’y ter- 
mine sous forme de fins filets pédiculés et est en com- 
munication avec un réseau intraprotoplasmique, le 
filet périterminal. — M. J. Boeke: Sur la relation 
entre les fibres musculaires et les fibres des ten- 
dons dans les muscles striés des Vertébrés. A pro- 
pos de la controverse qui à eu lieu au sujet de cette 
relation, l’auteur a pu constater que l'observation de 
Schultze est exacte, mais que son interprétation est 
erronée. Il n'existe pas de continuité directe, dans le 
sens de Schultze, entre les fibrilles des muscles et des 
tendons. 


J.-E. V. 


Le Gérant : Octave Doux. 


SPORE GEO 
Sens. — Inp. Levi, 1, rue de la Bertauche. 


.. 


N°13 


15 JUILLET 1915 


Revue générale 


des ScCienc 


pures et appliquées 


FONDATEUR 


LOUIS OLIVIER 


Dinecreur 


J.-P. LANGLOIS, Docteur ès Sciences 


A dresser tout ce qui concerne la rédaction à M. J.-P. LANGLOIS, 8, place de l'Odéon, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des 
travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France eten pays étrangers y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


$S 1. — Météorologie 


Une nouvelle méthode pour la fixation des 
variations declimataux époquesantérieures. 
— Un savant américain, M. Douglas, vient de proposer 
une nouvelle méthode pour l'étude des variations elima- 
tiques et de leur périodicité aux siècles passés, Il part 

"du fait que les anneaux annuels des arbres en état de 
croissance ont une épaisseur différente suivant l’humi- 
dité des années où ils se sont produits ; on peut donc, 
d'après cette épaisseur, tirer pour une longue série 
d'années des conclusions sur la hauteur relative des 
précipitations à diverses périodes. 

Des mesures ont été entreprises par M. Douglas sur 
25 troncs de pins de l’Arizona dont l’âge moyen était 
de 348 ans, et dont deux avaient atteint 520 ans. L’épais- 
seur de chaque anneau annuel était déterminée en milli- 
mètres le long d'un rayon typique d’une coupe trans- 
versale du tronc. Plus de 10.000 mesures ont été faites, 


d’où l’auteur conclut à l'existence des cycles climatiques 


suivants: 

1° Une période d'environ 33 ans, identique avec la 
période de Bruckner. Depuis 1930, se manifeste une 
période marquée de 33, 8 années, dont le dernier point 
culminant esttombé en 1900. Si l’on compense les cour- 
bes, en prenant ensemble 20 années consécutives, une 
période beaucoup plus longue apparaît, avec des points 
culminants en 1400, 1560, 1910 et 1865. 

29 Une période d'environ 21 ans, avec son dernier 
apogée en 1892. Cette pulsation est très marquée de 
1410 à 1520, moins dans les cent années qui suivent, 
puis de nouveau très marquée et très régulière depuis 
1610. Antérieurement, Lockyer et Russell avaient déjà 
établi une période de 19 ans dans les moyennes de pres- 
sion atmosphérique de l'Australie et de l'Amérique du 
sud, 

30 Un cycle de 11 ans environ, très distinet dans tou- 
tes les parties de la courbe de 500 années, La durée la 
plus vraisemblable de cette période est de 11,4 années; 


1. Bull. of the Amer, Geograph. Soc., mai 1914. 


REVUE GÉ 


ÉRALR DES SCIENCES 


elle coïncide donc très étroitement avec la période des 
taches solaires. La courbe n’est pas identique dans tout 
l'intervalle étudié: elle présente deux maxima et deux 
minima de 1400 à 1670; de là à 1790, la courbe s’aplatit 
et a un caractère moins cyclique; puis jusqu'à l'époque 
actuelle il y a de nouveau deux minima, le premier 
plus prononcé. Une série de mesures entreprises sur 
13 coupes de troncs de pin sylvestre à Eberswalde ont 
donné également des rapports frappants entre la crois- 
sance des arbres et la variation des taches solaires. 


$ 2. — Art de l'Ingénieur 


Une nouvelle théorie des fours à flamme. 
— M. W.E. Groum-Grjimailo, professeur à l’Institut 
Polytechnique de Petrograd, vient de proposer une nou- 
velle théorie des fours à flamme, basée sur les lois de 
l'Hydraulique, qui ouvre des horizons tout nouveaux 
sur un problème industriel de la plus haute importance. 
Voici comment la Xevue de Métallurgie (n° de mars 1915) 
présente la question à ses lecteurs : 

Nous voyons les gaz remplir complètement, en raison 
de leur élasticité absolue, les vases qui les renferment. 
Et par une induction inconsciente, mais inexacte, nous 
en concluons que, dans leur circulation à travers une 
série d'enceintes successives, ils traversent également 
tous les points des espaces qui leur sont offerts et 
balayent uniformément par leur courant tous les pas- 
sages qu'ils trouvent ouverts devant eux, Peut-être ne 
formulons-nous pas d'une façon aussi précise ce prin- 
cipe erroné; du moins nous agissons le plus souvent 
comme si nous y eroyions fermement, Et cela entraine, 
dans la construction des fours, des erreurs très graves 
dont M. Groum-Grjimailo signale de nombreux exem- 
ples. 

Une comparaison fera comprendre comment les 
choses se passent en réalité. Voyons un fleuve qui 
coule dans son lit:il s'appuie sur le sol, limité de ce 
côté par les surfaces naturelles du terrain. A la partie 
supérieure, il est séparé de l'atmosphère par un plan 
horizontal dont la position n’est pas déterminée et varie 
avec le débit du cours d’eau, Or les gaz chauds dans un 


390 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


four tendent à circuler exactement de la même façon, 
avec la seule différence que le plan de séparation est 
inférieur et que le profil du lit est celui de la voûte du 
four. Faute de s’en rendre compte, on se figure souvent 
que la flamme remplit un four et le chauffe uniformé- 
ment, quand en réalité elle cireule seulement au sommet 
sans prendre aucun contact avec les matières placées 
sur la sole, L'utilisation de la chaleur est alors déplo- 
rable : le fleuve de feu qui s'écoule contre la voûte em- 
porte Loute sa chaleur à la cheminée. 

Ce fait tient à ce que, par suite du coelhicient élevé de 
dilatation des gaz, l'échauffement diminue très rapide- 
ment leur densité: aussi l’équilibre hydrostatique des 
différentes couches de gaz, qui possèdent des tempéra- 
tures différentes, s’accomplit avec une extrême rapidité, 
et la chaleur se concentre au sommet du four. Si la che- 
minée d'évacuation des fumées est placée au sommet de 
la voûte du four, la majeure partie de la chaleur sera 
perdue. Il faut, pour éviter cet inconvénient, employer 
le chauffage à flamme renversée, qui est depuis long- 
Lemps d’un usage courant dans la fabrication de la por- 
celaine et de la faïence, mais est ignoré dans beaucoup 
d'autres industries, 

Par de nombreux exemples, M. Groum-Grjimailo 
montre que peut-être une fois sur deux les fours des- 
linés au chauffage à température élevée sont disposés 
de façon à permettre aux courants de gaz chauds de 
s'isoler dans l'enceinte du four et de ne donner ainsi 
qu'une très mauvaise utilisation de la chaleur du com- 
bustible. 

La formation, dans les fours, de ces fleuves de gaz 
chauds présente encore d’autres inconvénients : elle 
s'oppose dans bien des cas à l'achèvement de la combus- 
tion. Au-dessus d’un foyer à grille, il y a des courants 
parallèles de gaz renfermant un excès d'oxygène ou un 
excès de gaz combustibles ; il leur faut, pour achever de 
brüler, être méêlés à une température très élevée pour 
pouvoir encore réagir. Dans les chaudières à vapeur, on 
mel ainsi une voüte réfractaire au-dessus du foyer. 
Mais, si elle ne forme pas une cloche renversée où les 
gaz chauds peuvent s’accumuler et séjourner quelque 
temps, le passage des gaz non brülés est trop rapide et 
l'effet de la chambre est illusoire. 

M. Groum-Grjimailo cite de nombreux exemples ana- 
logues; ses judicieuses remarques provoqueront sans 
doute des perfectionnements importants dans l’art du 
chauffage. 


S 3. — Physique 


Principe d’un nouveau récepteur visuel de 
phototélégraphie. — On sait depuis quelque temps 
déjà que, dans les tubes à soupape de Wehnelt, l’a- 
node devient lumineuse lorsque la chute de voltage dans 
l'appareil dépasse une certaine valeur. Cette luminosité 
augmente si l'aluminium n’est pas pur : ainsi,un alliage 
d'aluminium contenant jusqu'à 10 °/, d’un métal n’ayant 
par lui-même aucun effet de soupape, comme le cuivre, 
l’'étain, donne une lueur bien plus vive. 

Mais la plupart des alliages se corrodent rapidement, 
d’où résulte une diminution rapide du voltage et l’ex- 
tinction de la luminosité. L'alliage marchand vendu 
sous le nom de « duralumin », qui ne contient ni étain 
ni zinc, mais de 3,5 à 5,5 ©}, de cuivre, 0,5 ‘Jo de 
magnésium et une faible quantité de manganèse, pré- 
sente, laminé ou étiré, les mêmes inconvénients que les 
autres avec les électrolytes ordinaires, mais donne 
une luminosité bien supérieure. Après de nombreux 
essais, M. Walter ! a trouvé deux électrolytes ne l’atta- 
quant pas, à savoir le tungstate et le molybdate de 
sodium. 

Comme la euve électrolytique s’encrasse vite, M. Wal- 
ter a eu l'idée de la supprimer en réduisant le liquide à 
une mince couche humectant l’anode. Un morceau de 


1. Proceed. of the Royal Society, À, t. XC, 28 mai 1914. 


crêpe de Chine tendu sur cette dernière, et sur lequel le 
liquide s'écoule, suffit àentretenir l'humidité de l’anode; 
une pompe centrifuge électrique établit la circulation 
ininterrompue de l’électrolyte. 

Mais ce principe de construction permet alors de con- 
cevoir un dispositif dans lequel l’anode est constituée 
d’un plus ou moins grand nombred’éléments enchâssés 
dans une plaque d'ébonite, le courant arrivant par la 
face arrière de cette plaque sur chacun des éléments. 
On réalise de la sorte un récepteur visuel de phototélé- 
graphie et même de télectroscopie. Dans un appareil 
primitif construit par M. Walter, 5.500 éléments lumi- 
neux, à connexions électriques indépendantes, ont pu 
ainsi être groupés dans un cadre à peine plus grand 
qu'un châssis photographique, ce qui fait plus de 2,340 
par décimètre carré. 

Ce dispositif, pense M.Walter, est susceptible d’ap- 
plications multiples et des expériences ont été faites en 
vue dela reproduction des photographies. 1] fournit un 
nouveau moyen de réaliser dans un cadre restreint un 
nombre à peu près illimilé d'éléments de surface lumi- 
neux, sur lesquels on peut agir individuellement, avec 
extinction et allumage répétés des centaines de fois par 
seconde et dont le degré de luminosité peut être gra- 
dué par le voltage que l’on applique. 


La tension superîiicielle des corps amor- 
phes. —M.B. Berggren ! a fait récemment quelques 
recherches sur ce sujet encore peu étudié. Après avoir 
reconnu que les métaux ne se prêtent pas à ce genre 
d'expériences, illes a poursuivies sur le verre, la poix, 
la colophane et le copal. Ii prépare d’abord des fils de 
ces substances : pour le verre en l’élirant à l’état pâteux, 
pour les autres en plongeant une baguette de verre 
pointue dans la substance fondue eten Ja retirant ver- 
ticalement. Suivant la température et la vitesse, on 
obtient ainsi des fils de différents diamètres. 

Les fils, fixés verticalement par un dispositif appro- 
prié, sont placés avec un petit thermomètre dans 
un tube entouré d’un fil métallique traversé par un 
courant. Sous linfluence du chauffage électrique, un fil 
d'une longueur suflisante s’allonge progressivement 
sous son propre poids. Si l’on raccourcit le fil petit à 
petit, la vitesse d'allongement devient de plus en plus 
faible et finalement nulle, Un nouveau raccourcisse- 
ment fait entrer en jeu l’action de la tension superfi- 
cielle, etil se produit un raccourcissement. Ainsi un 
fil de poix peut être amené par rétraction à l’état de 
petite perle. 

L'auteur a établi des équations qui donnent la tension 
superficielle et la cohésion spécifique d’après la vitesse 
de déformation mesurée, On constate toutefois que 
l'exactitude de la méthode est diminuée par une action 
élastique résiduelle, qui produit une élévation de la 
tension superlicielle. Toutefois, les tensions superficielles 
des corps solides sont du même ordre de grandeur que 
pour les liquides vrais. 


L'utilisation de la lampe au tungstène à 
atmosphère d'azote en photographie. — Les 
sources usuelles de lumière artificielle pour la photo- 
graphie sont actuellement l'arc, généralement dans un 
globe clos, et les lampes à vapeur de mercure en tubes 
de quartz ou de verre. M. W. Woege? vient de recher- 
cher s’il ne serait pas possible de leur substituer avec 
avantage la nouvelle lampe à fil de tungstène remplie 
d'azote due à M. Langmuir*, 

Cette lampe, dans les conditions ordinaires, est infé- 
rieure comme production lumineuse à la lampe en 
quartz à vapeur de mercure; mais si, au lieu d'employer 
un voltage normal de 12 volts, on survolle de 300/, la 
lampe au tungstène à atmosphère d’azote, on voit la 


1. Annalen der Physik, t. IX, p. 2. 
9. Zeitschr. fur Beleuchtungswesen, mars 1915. 
3. Rev, gén, des Sciences du 15 nov. 1913, p. 787. 


desert 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


puissance en bougies s'élever à 2b0°/, el la puissance 
aclinique encore davantage, l'intensité des radiations 
bleues et violettes du spectre s'accroissant notablement 
plus que celle des radiations rouges. 

La durée de la lampe est naturellement réduite par 
le survoltage; cependant, on peut compter sur une vie 
moyenne de 4o à bo heures, ce qui est bien suflisant 
étant donné que la durée d'exposition pour une photo- 
graphie ne dépasse pas 10 secondes. 

ar suite de sa grande facilité de maniement, 
M. Woege estime que la lampe au tungstène à atmo- 
sphère d'azote rendra de grands services dans les ateliers 
photographiques. Ceux-ci disposant généralement de 
courant à 110 volts, on pourrait utiliser des lampes 
construites pour 85 volts, qu'on emploierait avec une 
petite résistance en série. 


$ 4. — Chimie 


Ea fabrication industrielle et les emplois 
du fer électrolytique. — Depuis fort longtemps, 
on a cherché à réaliser la fabrication industrielle du 
fer par électrolyse; mais c'est à une époque touterécente 
que la solution complète du problème a été obtenue 
par une entreprise française, la Société «Le Fer », à 
Grenoble. Voici quelques renseignements sur cette 
intéressante fabrication, empruntés à une étude que 
vient de publier M. L. Guillet !: 

Le principe des brevets de la Société est l'emploi d’une 
cathode tournante et d’une solution neutre de sels fer- 
reux maintenus à l’état neutre parcirculation du liquide 
sur de la tournure de fer. De plus, le bain reçoit des 
additions périodiques d'un dépolarisant, tel que l’'oxyde 
de fer, qui a pour but d'éliminer, au moins en partie, 
l'hydrogène qui se dépose sur la cathode et qui nuit au 
dépôt lorsqu'il est en trop grande quantité. Grâce à ce 
dispositif spécial, on peut travailler à une forte densité 
de courant (1.000 ampères au m2?) et on obtient un fer 
d'excellente qualité, 

En partant d’une fonte quelconque, contenant par 
exemple 2,35 /; de C, 1,31 0/, de Si, 0,07 0/, de S et 
1,07 1/, de P, on arrive à un fer qui ne renferme plus 
que 0,004 1/, de C, 0,007 °/,de Si, 0,006 0), de S et 0,008}, 
de P. 

Toutelois le métal qui se dépose est extrêmement 
fragile et dur, de par l'hydrogène occlus etl’écrouissage 
qu'il a subi. L'examen micrographique met en évidence 
une structure tout à fait caractéristique : des aiguilles 
extrèmementnombreuses etfinesquirappellenthbeaucoup 
la martensite. 

Pour pouvoir l'utiliser, il faut done le soumettre à un 
recuit, Celui-ci s'effectue le mieux par chauffage de 
2 heures dans la magnésie à g00°. Après ce traitement, 
la structure micrographique est devenue absolument 
normale, et le métal peutêtresoumis à des déformations 
extraordinaires sans faire apparaitre aucune crique au 
point des essais à la pression. 

Les emplois industriels du fer électrolytique peuvent 
être classés en trois catégories principales : 

1° La fabrication directe des tubes. On sait que toutes 
les méthodes actuellement utilisées pour la fabrication 
des tubes offrent des difficultés en quelque sorte insur- 
montables lorsqu'on veut obtenir des épaisseurs régu- 
lières infétieures à 6 mm.; les produits obtenus offrent, 
d'une façon générale, une épaisseur qui est loin d’être 
constante. 

Avec le procédé électrolytique, on peut obtenir la 
régularité la plus satisfaisante, quelle que soit l’épais- 
seur, quels que soient le diamètre et la longueur du 
tube. Il suflit, en effet, de faire déposer le fer sur un 
mandrin métallique de dimensions convenables; letout 
est soumis ensuite au recuit, puis le métal démandriné. 
Les usines de MM. Bouchayer et Viallet fabriquent 


391 


actuellement d’après ce procédé des tubes ayant une 
longueur de { m,, un diamètre de 100 à 200 mm, et une 
épaisseur de 0,1 à 6 mm. Ces tubes résistent à des 
pressions considérables. 

20 La fabrication directe des tôles. Les tôles en fer 
électrolytique présentent naturellement une grande ré- 
gularilé sans laminage ; le métal, de première qualité, 
peut supporter de très grandes déformations à froid: 
d’où des emplois très importants dans l’emboutissage, 
aussi bien sur la tôle recuile que sur la tôle étamée. 

Enfin, la pureté du produit attire tout particulière- 
ment l'attention sur l'emploi de ces tôles dans la con- 
struction électrique. M.Breslauer a montré, en effet, que 
l'emploi du fer électrolytique dans les machines électri- 
ques constitue un réel progrès au point de vue de la 
perméabilité. Pour les transformateurs, l’utilisation de 
la matière en poids est de 33 à {o fois plus grande; pour 
les moteurs alternatifs, la capacité de puissance est de 
50 0/, en plus à égalité d’encombrement et de tempéra- 
ture; pour les machines à courant continu, on peut 
gagner 16 0/, du poids du fer actif, 

3° Le fer électrolytique matière première pour fusion. 
Il ne semble pas douteux que le fer électrolytique pourra 
lutter avec avantage contre le fer de Suède. 

Au point de vue de la qualité, la régularité est beau- 
coup plus grande; au point de vue de la forme et de la 
division possible, le métal brut, qui est très cassant, est 
très facile à débiter en morceaux aussi faibles qu’on le 
désire. La cémentation sera plus régulière que dans les 
produits actuellement utilisés. 

Des essais déjà faits dans plusieurs aciéries ont mon- 
tré que l’emploi du fer électrolytique pour la fabrication 
des outils et des aciers spéciaux donne des résultats au 
moins égaux à ceux qu'on obtient avec le fer de 
Suède. 

Le prix de revient du fer électrolytique semble être 
de 200 à 220 francs par tonne de métal brut, 


$ 5. — Géologie 


Les gisements de sels potassiques de l’Espa- 
gne. — Nous avons signalé, dans le supplément du 
numéro de la Æevue du 15 février dernier, la découverte 
en Espagne de gisements importants desels potassiques, 
analogues à ceux de Stassfurt et d'Alsace. Le mérite de 
cette découverte revient à deux entrepreneurs, MM. Ma- 
cary et Viader, qui, ayant sollicité une concession de sel 
gemme à Suria (province de Barcelone), rencontrèrent, 
au cours des travaux d'exploitation, le premier gise- 
ment de sel potassique qui ait été signalé en Espagne. 

Cette importante constatation fut le point de départ 
d’un grand nombre d’autres recherches, actuellement 
en cours, On assiste à une véritable « fièvre minière », 
et la concession de milliers d'hectares de terrains a été 
demandée dans l'espoir d'y rencontrer des sels de po- 
tasse. Après la découverte de Suria, l'attention des 
mineurs se porta immédiatement sur le superbe et clas- 
sique gisement de sel gemme de Cardona, et, en effet, à 
la suite de sondages effectués avec soin, des sels potas- 
siques apparurent dans cette localité. De nombreux 
autres sondages ont été pratiqués en différents points 
de la Catalogne et de l’Aragon, mais ils sont générale- 
ment entourés de tels secrets qu'ilest difficile de se pro- 
curer des échantillons des substances extraites. 

Toutefois, M. Juan Calafat y Leon! est parvenu à 
obtenir, pour le Musée de la Société royale espagnole 
d'Histoire naturelle, quelques spécimens dont il a pu 
faire l'analyse. 

Les cristaux compacts extraits du gisement de Suria 
ont la composition d’un chlorure double de potassium 
et de magnésie avec de très légères impuretés; ils sont 
donc constitués par de la carnallite, tout à fait identique 
à celle de Stassfurt. Les masses cristallines bigarrées 


1. Revue de Métallurgie, t. XII, n°2, p. 


e a 81 ; février 1915 
paru en juin). _ 


1. Boletin de la Real Soc. espanola de Historia natural, 
t. XV, n° 5, pp. 252-255; mai 1915. 


392 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


extraites des mines de Cardona ont la composition 
du chlorure de potassium, avec des traces d’acide sul- 
furique, de chaux et de magnésie; elles correspondent 
donc à la sylvine. C’est la première fois que l’on signale 
l'existence de ces deux minéraux en Espagne. 

D’autres échantillons provenant de sondages de la 
province de Saragosse ont : l’un la composition du sel 
gemme, sans quantités appréciables de sels de potasse; 
d’autres celle de la kiesérite, un sulfate de magnésie 
avec de petites quantités de chlore ; la présence de cette 
dernière est intéressante, par suite des relations de voi- 
sinage qui existent généralement entre les sels magné- 
siens et les sels potassiques. 

Voici, d'autre part, les conclusions du Rapport pré- 
senté par deux ingénieurs des Mines, MM. A. Marin et 
C. Rubio, chargés par le Gouvernement espagnol d’une 
enquête sur les gisements de sels de potasse : 

Le gisement mère des sels potassiques de Catalogne 
doit s'être formé à la fin de l’Eocène et au commence- 
ment de l’Oligocène. IL doit exister diverses zones 
d’enrichissement en connexion avec les anticlinaux de 
la région, principalement avec leurs branches méridio- 
nales quand elles sont affectées de quelque faille. 

Une de ces zones de concentration est celle de Suria, 
dans laquelle abondent les sels de potasse de seconde 
formation, 

La saline de Cardona a été sans doute un gisement 
analogue; encore aujourd'hui ses eaux accusent de gran- 
des quantités de potasse, et l'on rencontre, dans la 
région du sel rouge, quelques blocs de sylvine. C'est 
peut-être un gisement potassique, soumis à un lavage 
constant qui l'appauvrit dans la partie visible. 

Il y a lieu d'explorer par des sondages, et avec de 
grandes probabilités de succès, les anticlinaux de Car- 
dona, de Suria et de Callüs, en se guidant sur les sour- 
ces qui renferment de la potasse. 

L'état actuel des travaux à Suria est trop peu avancé 
pour qu’on puisse se faire une idée exacte de la richesse 
du gisement. Si une prospeclion bien ordonnée en con- 
firme l’étendue, celui-ci acquerra une importance consi- 
dérable pour l’agriculture et l’industrie espagnoles. 


L'origine des récifs coralliens. — M. W. M. Da- 
vis, professeur de Géographie et de Géologie à l’'Univer- 
sité de Harvard, a consacré une grande partie de l’année 
dernière à la visite d’un certain nombre d'iles de 
l’océan Pacifique, dans le but de mettre à l'épreuve les 
différentes théories qui ont été proposées pour expli- 
quer l’origine des récifs coralliens!. 

Ces théories peuvent être divisées en deux groupes. 
Celles du premier groupe, au nombre de six ou sept, 
postulent une relation fixe entre la terre et la mer pen- 
dant le développement des récifs ; les deux théories du 
second groupe supposent un changement dans le niveau 
relatif de la terre et de la mer durant ce développe- 
ment, 

Pour tous les récifs coralliens visités par l’auteur, 
aucune des théories du premier groupe ne peut être 
acceptée. Des deux théories du second groupe, celle de 
Daly, dite du « contrôle glaciaire », ne parait pas da- 
vantage en rapport avec les faits observés. Il reste la 
vieille et simple théorie de la submersion et de l’émer- 
sion de Darwin, d’après laquelle le fond de l'océan 
s'abaissant lentement, les îles océaniques s’enfoncent 
graduellement, diminuent d’étendue et éventuellement 
disparaissent, tandis que les récifs qui les bordent s’ac- 
croissent verticalement et se transforment en barrières 
de récifs et en atolls. 

Cette théorie donne, de beaucoup, l'explication la plus 
satisfaisante de toutes les barrières de récifs et de tous 
les atolls visités par M. Davis dans le Pacifique. 

Le récif élevé situé le long de la côte sud de l'ile 
Oahu (Hawaï) a été formé pendant ou après une période 


1. Proc. of the National Acad. of Sciences, t. 1 
152; mars 1915. 


, n° 3, p. 146- 


sub-récente d'affaissement, car ses calcaires présentent 
des vallées d’érosion bien définies. 

Le groupe des îles Fiji a subi des mouvements variés 
d’affaissement et de soulèvement, qui ont affecté diffé- 
remment la plupart des îles. Le soulèvement a eu lieu à 
diverses époques, car plusieurs des récifs élevés sont 
disséqués profondément, d'autres très peu, et quelques- 
uns restent au niveau de la mer. Les récifs soulevés 
semblent reposer sans conformité sur des centres vol- 
caniques érodés sub-aériennement, car ces centres doi- 
vent avoir été au-dessus du niveau de l’eau pour subir 
l'érosion ; ils ont dù s’abaisser ensuite pour recevoir les 
dépôts coralliens, puis toute la masse a été de nouveau 
soulevée pour mettre à jour les récifs. Dans une île 
(Vanua Mhbalavu), le récif soulevé a été profondément 
disséqué et en partie submergé, comme l’indiquent ses 
bords coupés de baies, et une nouvelle barrière de récifs 
a poussé sur lui. Ainsi tous les récifs des iles Fiji, ceux 
qui sont aujourd’hui soulevés comme ceux qui sont au 
niveau de la mer, paraissent avoir été formés dans des 
périodes d’affaissement. 

La barrière de récifs étendue de la Nouvelle-Calédonie 
a poussé pendant une période d’affaissement au cours 
de laquelle cette île longue a été découpée par des baies 
et a vu ses dimensions de beaucoup réduites; mais, à 
l'inverse de la plupart des îles encerclées, celle-ci a été 
fortement soulevée autour de son extrémité sud-est et en 
partie le long de sa côte nord-est avant le moment de 
l’affaissement récent. 

Les deux îles sud-est du groupe des Loyalty, Maré et 
Lifu, sont d'anciens atolls, également soulevés de 60 à 
100 mètres ; Maré a un petit noyau de roche volcanique 
au centre. Uvea, l'ile nord-ouest du groupe, est un atoll 
légèrement incliné. 

Les Nouvelles-Hébrides présentent des signes de sou- 
lèvement dans leurs récifs élevés et de dépression dans 
leurs baies. 

La grande Barrière de récifs de l'Australie, la plus 
grande du monde, avec une longueur d'environ 2,000 ki- 
lomètres et une lagune de 25 à 110 kilomètres de lar- 
geur, s’est développée durant le récent affaissement au 
cours duquel de nombreuses baïes se sont formées sur 
la côte du Queensland. 

Cinqiles du groupe de la Société présententdes signes 
non équivoques d’une submersion récente dans leurs 
lignes de côtes très découpées; l'ile de Tahiti, la plus 
grande et la plus jeune du groupe, a subi une submer- 
sion modérée après le découpement deses falaises, mais 
ses baies sont de nouveau presque toutes remplies par 
les deltas des cours d’eau ; une pause a donc suivi son 
dernier affaissement, Tous les récifs de barrière de ce 
groupe paraissent avoir été formés pendant la dernière 
submersion, due à un affaissement régional. 


$ 6. — Biologie 


Les changements de couleur et de dessin 
chez les poissons et l'adaptation. — On sait 
que la surface de certains organismes ressemble beau- 
coup au milieu environnant, comme si ces organismes 
simulaient leur entourage pour devenir plus ou moins 
invisibles. Cette explication repose sur l'hypothèse que 
la vision chez les animaux serait semblable à celle de 
l'homme. Le problème de la vision est donc étroitement 
associé à celui de la simulation de l’environnement. 
C’est pour jeter quelque lumière sur ces questions encore 
controversées que M. S. O. Mast, professeur adjoint de 
Zoologie à l'Université John Hopkins, de Baltimore, a 
entrepris des expériences sur les changements de colo- 
ration et de dessin en relation avec le milieu chez quel- 
ques poissons, 

Les carrelets lui ont paru particulièrement appro- 
priés à celte étude, car la simulation du fond sur lequel 


—— 


1. Proc. of the National Acad. of Sciences, t. 1, n° 4, p. 214- 
219; avril 1915. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 393 


ils reposent y est probablement plus étendue, plus 
exacte et plus rapide que chez tout autre animal. 

Deux de ces formes, le Paralichthys et V'Ancylop- 
sella, ont élé étudiées soigneusement à ce point de vue. 
M. Mast a constaté que, dans des récipients en verre, 
placés sur des fonds artiliciels ou naturels, des change- 
ments se produisent dans la peau qui rendent l’animal 
tout à fait semblable au fond en ce quiconcernela teinte, 
la couleur et le dessin, quelque grandes que soient les 
variations de ces derniers. Sur un fond blanc, les pois- 
sons deviennent presque blancs; sur un fond gris, ils 
deviennent gris avec la même teinte ; sur un fond noir, 
ils arrivent à être presque noirs. Sur des fonds colorés 
allant du bleu sombre au rouge sombre, ils prennent 
des couleurs presque analogues, excepté pour le rouge. 
Sur des fonds parsemés de petites figures, les figures de 
la peau deviennent petites, d’une façon correspondante, 
et sur les fonds parsemés de grandes figures, les figures 
de la peau s’accroissent dans certaines limites. Toute- 
fois, on n’a pas observé de reproduction des dessins. 

Le temps nécessaire à la production de ces change- 
ments adaptatifs dans la peau des Paralichthys, et pro- 
bablement chez d'autres genres, est très variable, En 
général, il est beaucoup plus long chez les vieux que 
chez les jeunes. Il est également beaucoup plus long 
chez les individus maintenus constamment sur un fond 
donné que chez ceux qui changent fréquemment d’un 
fond à un autre. Ainsi, tandis que chez un animal il a 
fallu cinq jours pour que la peau passe complètement du 
blanc au noir après un séjour continu de deux semaines 
sur un fond blanc, en deux minutes la même transfor- 
mation a été observée après un transfert fréquemment 
répété du blanc au noir et vice versa, 

Il y a aussi de grandes variations dans la durée du 
changement suivant les couleurs. L'animal, par exem- 
ple, prend beaucoup plus facilement et rapidement le 
jaune que le vert ou le bleu ; cela vient peut-être de ce que 
le jaune prédomine ordinairement dans son entourage. 

Quels sont les facteurs qui entrent en jeu dans l'accom- 
modation à l'entourage? . 

a) Dans la peau des carrelets,on trouve des cellules co- 
lorées connues sous lenom de chromatophores ; les unes 
sontnoires, d'autres sont jaunes de diverses teintes. En 
association avec elles, on observe d’autres cellules,dites 
iridocytes, qui contiennent de nombreux cristaux forte- 
ment réfringents, considérés comme de la guanine:; 
elles paraissent blanches en lumière réfléchie. Le pig- 
ment, dans les chromatophores, peut se concentrer en 
petites masses globulaires ou s'étendre de façon à cou- 
vrir des surfaces relativement grandes. En outre, les 
iridocytes peuvent prendre une position telle qu'ils dis- 
simulent tout ou partie du pigment dans les chromato- 
phores. Ainsi par réaction de ces corps se produisent les 
variations de coloration, de teinte et de dessin. 

b) Ces réactions sont réglées par des stimulus reçus 
par l'intermédiaire des yeux, comme le prouvent denom- 
breuses expériences : Des animaux placés avec l’extré- 
mité antérieure sur un fond blanc et l'extrémité posté- 
rieure sur un fond noir deviennent uniformément blanes, 
et vice versa; des animaux avec un œil sur un fond 
blanc et un autre sur un fond noir prennent une teinte 
intermédiaire (gris uniforme) sur toute leur surface. 
Des animaux ayant un œil sur un fond avec un dessin 
donné et l’autre sur un fond d’un dessin différent pren- 
nent un dessin intermédiaire, qu'un examen plus atten- 
tif montre constitué par la superposition des deux con- 
figurations produite par chacun des deux fonds. 

L’ablation d'un œil exerce peu d'influence sur les 
activités des carrelets ; si l'opération est bien conduite, 
la lésion guérit en peu de jours et l’animal répond nor- 
malement; iln’y a pas de différence de degré ou de rapi- 
dité dans son adaptation au fond, ni au point de vue de 
la couleur ou de la teinte, ni au point de vue du dessin. 
Les animaux auxquels on a enlevé Les deux yeux conti- 
nuent aussi à se mouvoir dans l’aquarium, mais ils ne 
présentent plus aucune simulation du fond, quelle 
qu'elle soit. 


c) Des animaux placés sur un fond blanc deviennent 
blancs même si l'intensité de la lumière est si faible 
qu'on les aperçoit à peine et que le fond parait gris 
foncé à l'œil humain. Sur un fond gris par contre, 
même s'il apparaît beaucoup plus lumineux qu'un 
fond blanc peu éclairé, l'animal devient gris, et 
noir sur un fond noir. Si l'animal est placé de telle 
façon que les yeux ne reçoivent aucune lumière directe 
du dessus, mais seulement la lumière réfléchie parle 
fond, il devient tout à fait blanc, quels que soient la 
teinte ou les dessins du fond. 

d) Puisque les changements de la peau qui aboutis- 
sent à la simulation du fond sont contrôlés par des sti- 
mulus reçus par l'intermédiaire des yeux, ce processus 
constitue un excellent critère de la vision. 

D’après les résultats précédents, la vision chez les 
poissons, en ce qui concerne la teinte et la couleur, est 
essentiellement la même que chez l’homme; en ce qui 
concerne les dimensions, elle est moins aiguë. Les car- 
relets distinguent entre des points de 2 et de 3mm. de 
diamètre; ils reconnaissent des points de 1 mm., mais 
non de 0,5 mm. de diamètre. 

Au moyen d'un fond consistant en un disque rotatif 
composé de secteurs blanes et noirs alternativement, 
l’auteur a trouvé que la vitesse de fusion des images 
chez les carrelets correspond assez étroitement avec 
celle vitesse chez l’homme. Il semble donc qu’au point 
de vue du mouvement la vision chez les poissons est 
aussi aiguë que chez l’homme, 

En ce qui concerne la vision colorée, on a constaté 
que, sur un fond ne contenant que du gris ou du blanc 
et du noir, aucune coloration ne se produit chez les 
carrelets, quels que soient la teinte, le dessin ou l’inten- 
sité de la lumière. La simulation de la couleur dépend 
donc de la longueur d'onde lumineuse, et non de difré- 
rences d'intensité; c’est une des caractéristiques essen- 
tielles de la vision colorée chez l'homine. 

En ce qui concerne la signification biologique de la 
simulation du fond, plusieurs théories ont été émises. 
Pour les uns, ce phénomène est purement accidentel et 
n’a aucune valeur biologique ; pour d’autres, sa fonction 
est de protéger l’animal contre ses ennemis ou de 
l'aider à capturer sa proie; quelques-uns pensent qu'il 
sert à régler la température du corps. Aucune de ces hypo- 
thèses n’est supportée par les expériences de M, Mast. 


Le rôle des sels de calcium dans l’alimen- 
tation humaine, en particulier chez les sol- 
dats. — D’après les recherches de Loew, le calcium 
forme l’un des constituants essentiels du noyau cellu- 
laire, tant chez les animaux que chez les végétaux; c’est 
peut-être mème le constituant minéral le plus important, 
La chaux joue donc un rôle de premier ordre dans l’ali- 
mentation; l'augmentation de la proportion habituelle 
de chaux aurait même une action des plus favorables 
sur le corps, en particulier chez les soldats. 

Des expériences récentes de Loew! montreraient, en 
effet, que l'addition de sels de chaux à la ration habi- 
tuelle (2 à 3 gr. de chlorure de calcium cristallisé ou 3 à 
4 gr. de lactate de calcium par jour) accroît notable- 
ment la résistance du corps. Chez les blessés, non 
seulement les lésions ou fractures osseuses guérissent 
plus rapidement, mais la guérison des autres blessures 
est également accélérée. Loew se plaint même que les 
autorités médicales supérieures de l’armée allemande ne 
tiennent pas suflisamment compte des propriétés utiles 
des sels de chaux en campagne et dans les lazarets. 

Il recommande done la fabrication d'un « pain cal- 
cique », qui a déjà été consommé à diverses reprises en 
Bavière et dans le sud de l'Allemagne. On utiliserait 
dans ce but la calcifarine, combinaison de chlorure de 
calcium et de farine, qui ne devient pas humide à l'air. 
Il suffit de mélanger 5 parties de cette calcifarine à 
100 de farine ordinaire ; le pain se prépare et se cuit à : 
la façon habituelle. 


1. Hyg. (Munchen), t. II, n° 12. 


394 


J. R. MOURELO. — LA SYNTHÈSE MINÉRALE 


LA SYNTHÈSE MINÉRALE AU POINT DE VUE DE SES MÉTHODES 


.C'est à la fin du plus populaire de ses ouvrages 
que Berthelot a écrit : « La Chimie possède cette 
faculté créatrice à un degré plus éminent encore 
que les autres sciences, parce qu'elle pénètre 
plus profondément et atteint jusqu'aux éléments 
naturels des êtres. Non seulement elle crée des 
phénomènes, mais elle a la puissance de refaire 
ce qu’elle a détruit ; elle a ménie la puissance de 
former une multitude d'êtres artificiels, sembla- 
bles aux êtres naturels, et participant de toutes 
leurs propriétés. Ces êtres artificiels sont les 
images réalisées des lois abstraites, dont elle 
poursuit la connaissance. » Dans ces paroles est 
contenue, en réalité, la conception la plus ample 
de la synthèse chimique, et elles ont inspirémes 
propres idées sur les problèmes de la reproduc- 
tion artificielle de quelques substances minérales 
et des méthodes à suivre pour créer au labora- 
toire des corps identiques aux espèces minéralo- 
giques, formées par la Nature au moyen du jeu 
de ses forces créatrices. 


1 


Naturellement, la synthèse minérale est plus 
ancienne que la synthèse organique, à laquelle 
même,au commencement, elle a donné ses mé- 
thodes et prêté ses doctrines, déjà bien établies. 
Plusieurs opérations pratiquées dans les labora- 
toires de Chimie minérale sont de véritables 
synthèses : quelques-unes additives, faites à par- 
tir des éléments des substances, d’autres indi- 
rectes à divers degrés, toutes aboutissant à la re- 
production de combinaisons, plus ou moins 
compliquées, lesquelles n’ont pas toujours des 
représentants dans la Nature. La reproduction 
des minéraux, et surtout des plus compliqués, 
reconnus comme constituants directs des roches, 
ou bien comme produits immédiats de leur alté- 
ration, a été spécialement poursuivie et a formé 
l’objet de bien des séries de recherches, dont les 
résultats sont devenus le fondement rationnel de 
la Géochimie; à une époque peu éloignée, l’ac- 
tivité des chimistes se consacra à l’œuvre créa- 
trice de la reproduction des espèces minéralogi- 
ques, avec tous leurs caractères, en employant 
des méthodes d’une relative généralité, et les ré- 
sultats ont été vraiment extraordinaires. 

À mon avis, il y a une grande et essentielle 
différence entre la synthèse organique et la re- 
production artificielle des minéraux. La synthèse 
des composés du carbone est plus créatrice, en 


ce sens qu’elle. forme les êtres mêmes qu'elle 


étudie, dont la plus grande partie n’ont pasleurs 
représentants naturels. Ceci est dû à la flexibi- 
lité, si considérable, de la molécule organique, 
qui la rendapte à toute sorte de transformations, 
capable de toute espèce de changements et de 
contracter des alliances très variées; cela expli- 
que le grand essor et les développements si re- 
marquables et si constants de la synthèse orga- 
nique et aussi la généralité de ses méthodes. 
D'autre part, dans la plupart des cas, la molé- 


cule minérale est particulièrement rigide, très 


fixe, comme on peut l’observerdans les silicates, 
dans certains complexes naturels de l’ordre des 
apatites et des wagnérites et dans tous les élé- 
ments constitutifs des roches. 

Il faut donc distinguer quand on parle de syn- 
thèse minérale, car l'obtention, au laboratoire 
et même dans l’industrie, de la plupart des corps 
dits inorganiques, se fait au moyen de procédés 
synthétiques, dont la fabrication de l’'anhydride 
et de l'acide sulfurique sont des exemples frap- 
pants. Maisle terme de synthèse minérale se rap- 
porte mieux à la reproduction au laboratoire des 
espèces minéralogiques, avec tous les caractères 
qu'elles présentent dans la Nature, et avec leurs 
associations. On déduit de cette considération 
une descaractéristiques de la synthèse minérale, 
quiest, peut-être, la plus grande difficulté de 
ses méthodes. Il ne suffit pas d’avoir obtenu une 
de ces combinaisons compliquées, identique 
dans sa composition au minéral qui la repré- 
sente; la synthèse ne sera pas complète si nous 
n'arrivons pas à reproduire la forme cristalline, 
qui est substantielle et inhérente à l'espèce 
minéralogique. 

En voici un exemple : j'ai soumis à l’action de 
la vapeur de chlorure de soufre, contenant une 
grande quantité de soufre dissous, et en opérant 
au rouge sombre, du carbonate manganeux, 
chauffé dans une nacelle de porcelaine à l’in- 
térieur d’un tube de verre réfractaire; j'avais 
l'intention d'obtenir du chlorure manganeux 
anhydre. Il se forma, par accident, du monosul- 
fure de manganèse, constituant une masse amor- 
phe, vert clair. 

J'avais reproduit, sans doute, l'espèce chimi- 
que, mais non pas l'espèce minéralogique cor- 
respondantà sa composition, quiestl’alabandine. 
Il en manquait la forme. Pour la fairecristalliser, 
il a fallu la soumettre, à la même température, à 
l’action du gazsulfhydrique bien desséché. Alors, 
nous avons observé la formation de très petits 


CT 


mate 


J. R. MOURELO. — LA SYNTHÈSE MINÉRALE 395 


cristaux réguliers octaédriques; l’alabandine 
était reproduite. La forme est tellement impor- 
tante qu'elle suflit, dans plusieurs cas, pour ca- 
ractériser des espèces : la blende et la wurtzite, 
les deux sulfures naturels du zine, en sont de 
bons exemples. Bien des méthodes de synthèse 
minérale n'ont pour but que de faire prendre 
aux substances la forme qui les fait devenir des 
espèces minéralogiques, en partant des espè- 
ces chimiques. À la rigueur ce sont des pro- 
cédés de cristallisation par voie sèche, avec un 
dissolvant, ou bien par l’intermédiaire d'un gaz, 
comme dans le cas cité, ou lorsqu'on 
obtenir la blende de Sidot. 

Les dissolvantsles plus connus, sans action sen- 
sible sur le corps dissous, sont les chlorures de 
sodium et de manganèse, le dernier peut-être 
plus commode, à cause de sa fixité. Le protochlo- 
rure de manganèse, anhydre et fondu, est un 
bon dissolvant des sulfates alcalino-terreux, et 
par refroidissement on peut obtenir, cristallisées 
sous leurs formes caractéristiques, la barytine, la 
célestine et le gypse, qui sontles éspèces minéra- 
logiques correspondantes; leur formation arti- 
ficielle n'implique pas d’actions chimiques. Ce 
sontdes changements moléculaires, d'ordre phy- 
sique, dont les résultats se rattachent à la syn- 
thèse au même titre que la reproduction des mi- 
néraux par des combinaisons de leurs éléments, 
ou en partant d’autres minéraux plus simples et 
déjà formés. On voit que la reproduction de la 
forme est essentielle dans la synthèse minéra- 
logique, en tant qu’elle est une qualité inhérente 
aux espèces et même aux individus, comme êtres 
naturels. 

En regardant la forme cristalline comme sub- 
stantielle de l’être minéral et de sa molécule, 
au même rang, ou à peu près, que la composition 
chimique, on voit fue les méthodes de cristalli- 
sation sont de vrais procédés synthétiques, car 
elles servent à créer des êtres doués d’une indi- 
vidualité parfaite et caractéristique. Elles sont, 
en définitive, des moyens de réaliser des change- 
ments moléculaires qui affectent les états physi- 
ques, maissans changer la constitution chimique 
en un certain sens. 

A l'égard de l'influence de certaines modifica- 
tions qualifiées de physiques, comme la cristal- 
lisation, qui est un véritable changement d'état, 
il y aurait beaucoup à dire. Pour le moment je 
me bornerai à signaler que la résistance aux ré- 
actifs paraît augmenter dans lessubstances cris- 
tallisées ou même après le chauffage. C’est ainsi 
que le sesquioxyde vert de chrome cristallisé, ou 
simplement calciné, devient difficilement atta- 
quable au rouge très vif par le chlore, en mélange 


veut 


avec du charbon, tandis que le même corps est 
facilement chloruré, dans les mêmes conditions, 
quand il provient de la déshydratation de l’hy- 
droxyde, faite à température peu élevée. 

Je suppose reproduit un minéral quelconque, 
dont la composition chimique et la forme cris- 
talline seraient identiques à celles de l’espèce na- 
turelle. Il reste encore à résoudre le problème le 
plus important. Nos méthodes arrivent à produire 
des corps compliqués tels que lessilicates multi- 
ples; parexemple, nous obtenons, même avecune 
facilité relative, de beaux échantillons de l’alu- 
mine colorée par des oxydes métalliques, repro- 
duisantlerubis etlesaphirde Verneuil;iln’estpas 
difficile d'obtenir de belles spinelles ; on connaît 
bien la manière de reproduire les feldspaths, et 
même la synthèse de la schreibersite des météo- 
rites ; mais nous ne pouvons pas savoir, à l'heure 
actuelle, si les procédés que nous avons suivis 
sontles mêmes que ceux que la Nature a employés 
dans la formation de ces minéraux. On repro- 
duit bien les corps, avec leur composition chi- 
mique et toutes leurs caractéristiques physiques 
et cristallographiques; mais il est impossible 
d'assurer que les méthodes synthétiques des 
laboratoires soient exactement les méthodes de 
la Nature. 

Nous pouvons obtenir des microlitheset même 
des cristaux isolés du silicate si compliqué que 
constitue l’augite des roches éruptives, simple- 
ment en fondant ses éléments au blanc, ou bien 
en suivant les méthodes de Fouqué et Michel 
Lévy; mais il est impossible d'assurer si ces pro- 
cédés, et bien d’autres, comme ceux de Ch. 
Sainte-Claire Deville et de Lechartier, sont vrai- 
ment les mécanismes chimiques que la Nature a 
mis en œuvre pour former le minéral constitué 
par le silicate de calcium, de magnésium et de 
fer. Moins encore savons-nous si la genèse a été 
toujours la même, ou bien s’il y a eu plusieurs 
manières d'arriver à la formation des 
inorganiques. 


êtres 


En réalité, et pour devenir complète, la syn- 
thèse minérale devrait comprendre la reproduc- 
tion de la composition chimique, celle de la 
forme cristalline et, encore plus, la reproduction 
du procédé naturel de formation du minéral 
reproduit. Cette dernière partie est incertaine 
dans la plupart des cas, parce que nous ignorons, 
presque tout à fait, les méthodes mises en jeu 
dans la genèse des êtres minéraux. La Nature a, 
sans doute, des systèmes distincts et variés à 
l'infini pour produire ses êtres. Parfois elle par- 
tira des éléments les plus simples et en fera des 
synthèses additives, dont les combinaisons bi- 
naires seront les premières. D’autres fois elle 


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J. R. MOURELO. — LA SYNTHÈSE MINÉRALE 


profitera de la destruction des matériaux les plus 
compliqués, dont la contrainte chimique etlacon- 
trainte mécanique ne seront pas très fortes, ce qui 
provoque un certain état de métastabilité du sys- 
tème, dont la complexité favorisera même les 
changements, en sorte que des débris d’un agré- 
gat compliqué prendront naissance d’autres 
agrégats, comme résultat de nouvelles réactions 
chimiques, dans lesquelles l'influence du milieu 
a une grande importance; ainsi la génération des 
êtres inorganiques est, en définitive, fonction 
de plusieurs variables. 

Une de ces variables est le temps. La Nature 
travaille toujours et sans relâche à la formation 
de ses êtres, elle n’en détruit jamais; son rôle 
est la formation perpétuelle de la vie, sa trans- 
formation et son perfectionnement assurant, à 
chaque instant, sa persistance, précisément par 
la variabilité continuelle des états des systèmes, 
qui détermine sa continuité à travers la variation, 
car si rien n'existe d'absolument stable, les mu- 
tations sont infiniment lentes, quoiqu'on trouve, 
dans une certaine limite, des changements pro- 
fonds, qui donnent l'apparence de la stabilité. 
S'il est vrai que rien ne finit dans la Nature, il est 
vrai aussi qu'il n'existe pas une seule chose qui 
soit achevée : tout est en formation; il y a des 
êtres qui sont formés par d’autres, dont les pro- 
priétés caractéristiques et ie mode de formation 
seront fonctions du milieu. Nous verrons bientôt 
des exemples variés, précisément dans ce qu'on 
a appelé des reproductions accidentelles des 
espèces minéralogiques, qui peuvent expliquer 
certaines formes de leur génération. C’est ainsi 
que les modes de formation ou les réactions gé- 
nératrices des substances organiques servent, à 
plusieurs reprises, de guide aux méthodes de 
leur synthèse. 

Dans la génération des êtres inorganiques, bien 
qu’elle soit continue, la Nature met beaucoup de 
temps : elle possède toute l'énergie, maïs elle la 
dépense en faisant celle qui est propre à chaque 
système par des éléments finis, de sorte que les 
actions lentes, mais continues, sont, en réalité, 
celles qui déterminent la formation et les varia- 
tions des êtres. Nous ne disposons pas du temps, 
dans nos opérations de synthèse minérale de la- 
boratoire, dont le rôle général consiste surtout à 
abréger le temps, précipitant l’œuvre que la 
Nature fait lentement. L'analyse nous a fait con- 
naitre la composition chimique. Il nous est facile, 
par l'étude des propriétés physiques, de déter- 
miner les formes des cristaux, et une fois bien 
connues les caractéristiques du minéral, nous 
procédons à la reproduction par voiesynthétique, 
en employant des forces que la Nature nous prête. 


En réalité ce sont des forces naturelles qu’on 
met en jeu pour obtenir des minéraux artificiels, 
selon les conditions respectives de leurs gise- 
ments que nous connaissons d'avance: la chaleur, 
en premier lieu, la pression, l’eau, les actions 
chimiques de toute sorte, l'électricité, parfois la 
lumière, la diffusion, l’état colloïde, toutes les 
formes de l’énergie sont utilisables, selon les cas, 
dans la synthèse minérale, et des formes varia- 
bles de leur emploi, comme aussi de leur inten- 
sité respective, dépendent ces diverses méthodes, 
dont l’objet commun est d'accélérer les réactions 
chimiques naturelles, tantôt en produisant seu- 
lement des changements de forme, tantôt en 
provoquant des réactions chimiques entre des 
corps très peu actifs dans les conditions ordinai- 
res. Ainsi la reproduction des minéraux se ré- 
duit à augmenter la vitesse de leurs réactions 
génératrices, en supposant qu’elles soient les 
mêmes que celles que la Nature emploie, pour 
obtenir en peu de temps les corps qui, naturel- 
lement, ont été formés par le lent travail des 
énergies. 

Les réactions chimiques de formation une fois 
bien connues, tous les procédés de la synthèse 
minéralogique consistent à les accélérer, même 
dans le cas, si peu généralisé, de l'application des 
propriétés des états colloïdes, des intéressants 
phénomènes de diffusion et d’autres dont la con- 
naissance est tout à fait moderne et dont l’appli- 
cation reste aujourd’hui restreinte, mais devien- 
dra bientôt générale et féconde. 


Il 


Au point de vue où nous sommes placés, nous 
pouvons bien dire que les méthodes les plus gé- 
nérales de la synthèse minérale permettent de 
reproduire la composition chimique et la forme 
cristalline, et, même dans certains cas, les pha- 
ses de leur transformation moléculaire; mais 
elles nous apprennent bien peu sur la formation 
naturelle des êtres inorganiques. Et cependant 
le but le plus important des méthodes synthéti- 
ques est précisément la reproduction des méca- 
nismes créateurs que la Nature emploie, en met- 
tant en jeu ses énergies toujours actives. Il se 
peut bien que, dans certaines formations, une 
concordance parfaite existe entre les méthodes 
des laboratoires et celles que la Nature a mises en 
œuvre pour former des êtres inor ganiques iden- 
tiques, et de la sorte une grande merveille a été 
réalisée; mais elle n’est pas complète, car ilya 
plusieurs modes de formation naturelle des 
substances minérales. Le milieu et surtout le 
temps sont des facteurs indispensables à leur 
genèse: deux choses que nous n'avons pas à notre 


J. R. MOURELO. — LA SYNTHÈSE MINÉRALE 


gré au laboratoire, et l’on peut encore ajouter 
que ce sont les éléments les plus incertains et 
les plus variables. 

Je citerai quelques exemples tirés de mes 
observations personnelles. Il existe un minéral 
appelé ganhite, dont la composition chimique 
correspond à un aluminate de zinc; c’est la vraie 
spinelle zincique. On trouve cette espèce miné- 
ralogique naturellement dansles gites métamor- 
phiques; elle accompagne aussi d'autres miné- 
raux zincifères, tels que l’oxyde dezincouzineite, 
la combinaison nommée franklinite, qui est un 
ferrate de zinc, et l’orthosilicate de ce métal, qui 
constitue la wilménite. La ganhite se forme aussi 
dans nombre d'opérations métallurgiques, dans 
letraitement par voie sèche des minerais de zinc. 
En chauffant des mélanges de ses composants, 
alumine et oxyde de zinc, avec de l’anhydride 
borique, à la température d’un four de porce- 
laine, pendant dix-huit heures consécutives, 
Ebelmen a obtenu la ganhite synthétique. On 
réussit de même, en appliquant la méthode gé- 
nérale de Sainte-Claire Deville et Caron. Il serait 
naturel d'admetire que l’aluminate de zinc a 
pris naissanceau contact des composés zinciques 
naturels, oxydes, hydroxydes ou combinaisons 
salines d’acides faibles, silicique ou carbonique, 
avec ou sans eau, avec le sesquioxyde d’alumi- 
nium, qui fait partie essentielle des gites où se 
trouve l'aluminate tout formé, puisque la repro- 
duction de la ganhite est directe et constitue un 
bon exemple de synthèse additive. 

Nous avons en Espagne d’abondants gisements 
de minerais de zinc : des variétés de calamine, 
des blendes caractéristiques, de l’hydrozineite, 
et la franklinite est signalée; jamais la présence 
de la spinelle zincique au contact de ces miné- 
raux et des roches alumineuses qui les renfer- 
ment, n’a été indiquée. C’est un exemple de l'in- 
fluence du milieu dans la formation d’une espèce 
minéralogique définie et bien cristallisée, en 
forme d'octaèdres réguliers. 

On trouve aussi en Espagne, au cap Ortegal, 
dans la Galice, un grand dyke de serpentine, en- 
clavé dans des schistes chloritiques et amphibo- 
liques, qu’on peut considérer comme limites du 
Silurien dans cette localité. La magnétite, le 
phosphate de fer, le sulfure de nickel et les pro- 
duits de leurs altérations ont rempli les fissures 
de la roche. Dans ce gisement, le sulfure de 
nickel, très altérable, et un hydrosilicate de ma- 
gnésiumse trouvent en présence, sous l'influence 
des agents atmosphériques et de leur propre 
affinité, et cependant la présence de l’hydrosili- 
cate double de nickel et de magnésium, qui con- 
stitue le minéral amorphe nommé garniérite, n’a 


jamais été indiquée. Au contraire, les gaz atmo- 
sphériques ont aliéré profondément le sulfure de 
nickel, etontengendrél'hydrocarbonate de nickel 
appelé zaratite, et le sulfate de nickel ou 
morénosite, qui est un hydrosulfate rhombique, 
de couleur vert pomme. C’est un autre cas, et 
bien frappant, de la formation locale de miné- 
raux par des altérations de matières plus simples 
chimiquement, en présence des corps que nous 
trouvons unis et fortement combinés dans d’au- 
tres localités, dans d’autres milieux et d’autres 
circonstances. 

Je citerai un autre minéral espagnol, dont la 
genèse est aussi occasionnelle : c’est la linarite, 
dont la composition correspond à un hydrosul- 
fate double de cuivre et de plomb. Un autre 
hydrosulfate, bien cristallisé, mais de fer et de 
cuivre, se trouve quelquefois à Rio Tinto. Ces 
deux minéraux sont des produits de la vitrioli- 
sation des sulfures, simples ou doubles, par 
l’oxygène atmosphérique, comme dans le cas de 
la morenosite; leur reproduction synthétique 
est donc tres facile. 

Ajoutons encore que les conditions, parfois 
très particulières, du milieu ont une influence 
directe et essentielle dans le mécanisme de la 
formation des minéraux.On observe, même dans 
les méthodes synthétiques, ce qu’on appelle des 
formationsaccidentelles,lesquellesreprésentent, 
à mon avis, des modes différents de génération 
des êtres inorganiques. Dans les scories des fon- 
deries de certains métaux se forment, quelque- 
fois, des combinaisons chimiques définies: la 
plupart sont des silicates doubles ou multiples, 
qui ont leursreprésentants minéralogiques. Par- 
fois on voit se former, dans les cheminées des 
usines métallurgiques, des sublimations con- 
stituées par des composés caractéristiques ana- 
logues à certains minéraux que nous considérons 
comme des produits de sublimation. Des eaux 
minérales, thermales ou non, salines ou acides, se 
déposent souvent, cristallisées ou amorphes, des 
couches qui sont des espèces minéralogiques. Et 
toutes les autres formes de génération des mi- 
néraux, dites reproductions accidentelles, mon- 
trent précisément la variété et la variabilité des 
processus de formation naturelle des êtres que 
nous étudions. 

Précisément le but principal des méthodes 
synthétiques a été de se rendre un compte par- 
fait des mécanismes de tout ordre employés 
par la Nature pour engendrer les minéraux; 
et l’on croit avoir développé tous ces 
cédés quand on arrive à obtenir au labora- 
toire un de ces corps assez compliqués chimi- 
quement,ou une série de substances isomorphes 


pro- 


398 J.R. MOURELO. — LA SYNTHÈSE MINÉRALE 


qu'on affirme avoir été engendrées de la même 
façon,enutilisantseulement la méthode employée 
au laboratoire. Celle-ci est d’ailleurs très impor- 
tante et reproduit sûrement un des mécanismes 
de la Nature, mais non le seul. Le fait même de 
l'existence de divers procédés synthétiques, pour 
obtenir un seul minéral artificiel, démontre que 
nous ne devons pas admettre que nous connais- 
sons les méthodes de formation des minéraux et 
des roches par le résultat de nos propres expé- 
riences, quoique la plus haute et la plus légitime 
aspiration de la synthèse minérale soit de mettre 
en lumière ces mécanismes naturels, dont la 
conquête est son idéal. Elle a déjà trouvé, sur 
son chemin, bien des résultats expérimentaux, 
qui lui ont permis de s'élever à des conceptions 
nouvelles sur l’origine de certaines roches et des 
dépôts salins anciens, que l’industrie sait uti- 
liser dans ses opérations. 

Sans doute les méthodes synthétiques mettent 
en jeu les mêmes énergies, les mêmes agents et 
les mêmes substances que la Nature, qui les mo- 
difie constamment et à son aise pour former ses 
êtres. Encore, dans certains cas, comme dans la 
génération des produits ignés, peut-on admettre 
l'identité des mécanismes des transformations 
chimiques ; mais il y aura toujours de notables 
différences d'intensité et de temps. Remarquons 
que la plupart des réactions chimiques qui don- 
nent naissanceaux espèces minéralogiques natu- 
relles, exception faite des actions éruptives, sont 
ordinairement très lentes. Se renouvelant sans 
relàche, les forces naturelles agissent sans cesse, 
donnant la vie à des êtres aux dépens d’autres. 
De la sorte toutes les formes et toutes les méta- 
morphoses coincident, sans se gèner. On en tire 
la conséquence que toute la Nature devient soli- 
daire de chacun de ses phénomènes et tout 
entière elle intervient pour donner la vie à cha- 
cun de ses êtres. 

Nous produisons aussi les mêmes êtres, en 
profitant de nos connaissances relatives aux 
forces naturelles et à leur mécanisme, mais nos 
moyens d'utilisation sont plus violents; nous 
voulons épargner du temps et réaliser au labora- 
toire la genèse des silicates les plus complexes 
ou la reproduction des apatites et des wagnéri- 
tes en quelques jours, tout au plus. Nous pré- 
tendons faire cristalliser l'alaumine, teinte en 
rouge par le chrome, ou en bleu foncé par le 
titane, et former facilement le rubis oriental ou 
le saphir, tous deux en cristaux parfaits et trans- 
parents, en profitant des températures très éle- 
vées et d'artifices bien simples pour les faire 
grossir méthodiquement. En appliquant aussi 
la chaleur, nous savons former des spinelles 


différentes et bien d’autres minéraux, même des 
météorites. Sans doute nos procédés se fondent 
sur l’emploi des énergies naturelles et sont nés 
de l'observation des faits; mais, dans nos opé- 
rations synthétiques, tout est violent, forcé et 
rapide; nous dépensons les énergies trop vite, 
tandis que la Nature sait mieux les administrer, 
travaillant sans cesser, et profitant de leur effet 
utile en entier. La différence que je viens de 
signaler expliquela plus grande généralité et les 
applications plus étendues des méthodes synthé- 
tiques dans le domaine des minéraux et des ro- 
ches dont la formation ignée et éruptive est bien 
connue, et le manque de données sûres sur les 
systèmes sédimentaires et métamorphiques. 


III 


Dans certains cas et pour certaines espèces, les 
méthodes synthétiques ont une généralité rela- 
tive et permettent de former des substances qui 
sont tout à fait artificielles et n’ont pas de repré- 
sentation naturelle. Dans ces fonctions, la syn- 
thèse minéralogique ressemble à la synthèse 
organique, dont les méthodes permettent de 
créer les substances, de les transformer et de les 
changer à la volonté de l’expérimentateur. En 
général, un procédé sert à préparer des corps 
isomorphes et permet d'en engendrer d’autres. 
C’est en fondant, dans un creuset de charbon, 
des phosphates tribasiques et un excès du chlo- 
rure correspondant, avec ou sans fluorure, que 
I. Sainte-Claire Deville et Caron sont parvenus 
à réaliser la synthèse totale des fluophosphates 
et des chlorophosphates qui constituent les inté- 
ressantes familles minéralogiques des wagné- 
rites et des apatites. Il y a, en ce cas, deux 
manières de changer les termes et de former 
deux séries de combinaisons. 

Nous pouvons substituer les éléments métal- 
liques et préparer, de la sorte, des apatites et 
des wagnérites artificielles, qui se distingueront 
par leurs bases respectives, et il y aura ainsi des 
chlorophosphates et des fluophosphates très 
variés et toujours isomorphes, simples, doubles 
et même multiples. Il faut observer que, d’après 
les travaux de Lechartier, il existe une sorte 
de faculté élective à l'égard de la genèse des 
espèces, selon le métal qui intervient dans la 
réaction : avec le baryum, le strontium ou le 
plomb, on obtient toujours des apatites. Au 
contraire, le magnésium et le manganèse don- 
nent des wagnérites, et le même savant a démon- 
tré que le calcium donne à volonté, selon la 
température, les unes ou les autres. 

Il est possible aussi de remplacer le phosphore 
par l’arsenic, le vanadium ou d’autres éléments 


J. R. MOURELO. — LA SYNTHÈSE MINÉRALE 399 


analogues, et alors prendront naissance les fluo- 
arséniates, les fluovanadates, les chloroarsénia- 
tes ét les chlorovanadates, lesquels ont été obte- 
nus en grand nombre, bien cristallisés; ils 
représentent des familles artificielles, qui sont 
des apatites et des wagnérites dérivées. Et on 
peut compliquer la molécule de tous ces compo- 
sés. Lechartier est arrivé à préparer des arsénio- 
apatites de calcium chlorofluorées et des arsénio- 
wagnérites chlorées et fluochlorées de calcium, 
de magnésium et de manganèse. 

J'ai obtenu dernièrement, d’une manière acci- 
dentelle, le silicate de baryum, en chauffant au 
blanc pendant six heures, dans un creuset de 
terre, fabriqué d’une argile particulière, un mé- 
lange de carbonate de baryum impur et de soufre. 
Après refroidissement lent, j'ai trouvé, au fond 
du creuset, un amas non encore bien étudié, 
mais dont les cassures cristallines, vues au 
microscope, paraissent contenir des éléments 
isomorphes avec la vwollastonite artificielle 
(pseudowollastonite). Peut-être, cette formation 
accidentelle deviendra-t-elle une méthode syn- 
thétique d’une certaine généralité. 

Ces exemples démontrent toute la portée des 
procédés de la synthèse minérale, mais leur 
application reste limitée à un petit nombre de 
substances liées par la propriété de l’isomor- 
phisme. D'ailleurs, ce sont des espèces minéralo- 
giques dontla génération est facilementexpliquée 
et dont la complexité est aussi relative. Toutes 
les méthodes employées pour les obtenir repré- 
sentent, du reste, des synthèses directes etaddi- 
tives, sans élimination d'aucune substance : les 
systèmes générateurs sont composés de corps 
définis ou espèces chimiques, et dans la méthode 
de Daubrée, seulement appliquable à l’apatite 
typique de calcium, on fait passer des vapeurs de 
chlorure de phosphore sur la chaux chauffée au 
rouge vif, et la réaction est si énergique qu’elle 
donne lieu à des phénomènes d’incandescence. 
De toute façon, la reproduction des apatites et 
des wagnérites, faite toujours à des tempéra- 
tures élevées, est violente, et s’il est vrai que 
nous gagnons du temps, je crois que nous n’ar- 
.rivons pas à reproduire les mécanismes généra- 
teurs des fluophosphates et deschlorophosphates 
naturels, quoiqu'il ait été possible de former 
au laboratoire des produits analogues et isomor- 
phes en changeant les substances qui devaient 
s'unir chimiquement. 

La méthode, cependant, a permis d'obtenir et 
de reproduire l’apatite typique, la pyromorphite, 
le mimétèse, la vanadinite,la wagnérite typique, 
la triplite et de nombreux produits analogues. 
Ces résultats semblent démontrer que, dans la 


Nature, plusieurs minéraux se forment par simple 
addition chimique d’autres combinaisons plus 
simples. Alors, comme dans les dissociations 
ioniques, un critérium dualiste s'impose, par 
hasard; et il serait assez bizarre de retourner aux 
anciennes idées dans nos conceptions les plus 
générales sur le 
chimiques et sur la constitution de la matiére, 


IV 


mécanisme des phénomènes 


En réalité, les méthodes synthétiques sont des 
réactions chimiques entre substances fondues, 
et, considérées dans leur ensemble, elles for- 
ment une série de procédés de cristallisation par 
voie sèche, avec ou sans réaction chimique : les 
résultats dépendent, jusqu'à une certaine mesure, 
de l’état physique des matières mises en contact. 
Cependant, la réaction chimique n’est pas une 
condition nécessaire pour reproduire des miné- 
raux. Plusieurs résultent simplement de modifi- 
cations moléculaires, et alors la cristallisation 
par fusion est vraiment une méthode de synthèse 
bien distincte, presque dans tous les cas, des 
procédés naturels, surtout quant à la durée du 
refroidissement des masses fondues, sans compter 
les autres circonstances. 

Un exemple singulier de cristallisation par 
voie sèche est, sans doute, la reproduction des 
différentes variétés colorées de l’alumine qui 
forment la famille du corindon, suivant les mé- 
thodes de Verneuil. Un petit globule d’alumine 
fondue, mélangé auparavant à la matière colo- 
rante (bichromate de potassium pour le rubis, 
oxyde bleu de titane pour le saphir), est maintenu 
à l'extrémité d'un fil de platine dans l'intérieur 
d'un four de grande température. Le petit glo- 
bule est animé d’un mouvement giratoire très 
rapide. Au moyen du même chalumeau qui sert 
à produire la haute température nécessaire (Ver- 
neuil utilisa le chalumeau de Schlæsing), on 
insufile de la poudre très fine d’alumine colorée 
qui se fixe sur la surface du globule, lequel 
devient comme le du cristal, dont le 
volume augmente jusqu’à une certaine limite. 
C’est un bon moyen de le faire grossir aux 
dépens de sa propre substance. 

On fait des cristallisations au moyen de ma- 
tières fondues qui ont les mêmes fonctions que 
les dissolvants liquides. Tel est le cas de la eris- 
tallisation des oxydes, surtout du sesquioxyde 
de chrome dans le chlorure de sodium et des 
sulfates de baryum, de strontium ou de calcium 
dans le chlorure manganeux anhydre et fondu, 
que j'ai déjà cité. La sublimation, avec ou sans 
réaction chimique, et les réactions possibles 
entre des substances fixes et des corps volatils, 


noyau 


400 


J. R. MOURELO. — LA SYNTHÈSE MINÉRALE 


sont aussi de bons moyens de synthèse miné- 
rale ; mais, pour la plupart, il est impossible de 
les qualifier de reproduction exacte des méca- 
nismes générateurs de la Nature, qui a certaine- 
ment plusieurs modes de production, en utilisant 
de mille façons ses forces créatrices. 

Employant, avec beaucoup de variantes, les 
méthodes de cristallisation déjà connues par 
voie sèche, les chimistes sont arrivés à repro- 
duire un nombre considérable de minéraux et à 
obtenir des produits cristallins assez notables. A 
une époque peu éloignée de la nôtre, on a con- 
staté une grande activité, et de magnifiques expé- 
riences sur la synthèse des êtres inorganiques 
ont été faites. Aujourd'hui, elles sont presque 
abandonnées, malgré les résultats obtenus, 
surtout dans le domaine de la reproduction des 
silicates multiples, et malgré les grands moyens 
pratiques que nous possédons, disposant d'une 
échelle inattendue de températures, qui permet- 
tent de fondre la chaux vive et de volatiliser le 
quartz. Du reste, nos méthodes d’étude des 
produits obtenus ont progressé et se sont multi- 
pliées considérablement : il sufira de citer l'exa- 
men des cristaux dits mixtes. D'autre part, 
la Géochimie a reçu, des résultats de la syn- 
thèse minérale, ses meilleurs progrès, et nous 
pouvons dorénavant aflirmer que Îles grandes 
pressions, les refroidissements subits de masses 
fondues à la plus haute température, ou la disso- 
ciation qui met en liberté des corps actifs à l'état 
gazeux, sont des moyens employés par la Nature 
dans ses créations dites éruptives, plus ou moins 
parfaites. 

Maintenant que la limite des procédés synthé- 
tiques a été très élargie, grâce aux développe- 
ments de la Chimie des hautes températures, le 
moment parait venu deles généraliser et de com- 
pléter, dans une certaine mesure, le dernier 
objet de nos synthèses, en essayant de repro- 
duire les méthodes naturelles, avec la seule 
différence du temps et parfois du milieu, qui 
n'est pas inerte à l'égard des réactions chimiques 
accomplies dans son sein. 

Ce milieu est plus diflicile à considérer dans 
les réactions par voie sèche, parce que son rôle 
n’est pas limité à celui de fondant ou de dissol- 
vant inerte et, une fois l’action chimique finie, à 
celui de magma où s’implantent les cristaux ou 
les groupements microcristallins. Il suffit, pour 
cela, de considérer le rôle des substances quali- 
fiées de minéralisateurs, par exemple l'anhydride 
borique, les chlorures plus ou moins volatils, et 
les fluorures, dont la présence est indispensable, 
par exemple, dans la cristallisation du rubis 
oriental, en suivant la méthode de Frémy. En 


outre, il faudra compter, dans ce qui se rattache 
au milieu, les actions des gaz dans les phéno- 
mènes de sublimation et particulièrement les 


‘ transports, comme dans l’obtention de la blende 


de Sidot, blanche et phosphorescente. 
v 

Depuis les classiques expériences de Sénar- 
mont et les travaux, si originaux, de Becquerel, 
sur lesréactions chimiques lentes, entre liquides 
non miscibles ou à travers des membranes per- 
méables, les méthodes de la synthèse minérale 
par voie humide sont fondées. Nous avons à 
considérer un certain nombre de conditions 
générales qui déterminent le milieu et les éner- 
gies qui y interviennent. Naturellement tout 
moyen permettant d'isoler un corps cristallisé, 
en éliminant son dissolvant liquide, est une 
méthode de synthèse inorganique par voie 
humide. La nécessité d’une température diffé- 
rente de l'ordinaire, d’une pression plus ou 
moins forte, ou bien des deux conditions réunies, 
l’état solide, liquide ou mixte du système de 
réaction, sont les principales caractéristiques 
communes des procédés par voie humide; il faut 
y ajouter encore l’état colloïdal de la matière et 
les propriétés des émulsions. Quant aux énergies, 
surtout pour les actions lentes, les phénomènes 
électrolytiques aurontune importance de premier 
ordre. 

Personne n’ignore la haute importance des 
réactions accomplies en chauffant en tubes 
fermés, et combien Berthelot a profité du sys- 
tème en instituant sa méthode générale d’hydro- 
génation des corps organiques au moyen de 
l'acide iodhydrique. Comme bon exemple de 
synthèse par voie humide sous pression et à 
température élevée, on peut citer les beaux tra- 
vaux de Sarasin et Friedel pour la reproduction 
du feldspath orthose, en chauffant, dans un tube 
de verre, doublé de platine, et fermé à la lampe, 
à la température du rouge sombre, soutenue 
pendant plusieurs jours, le mélange d’une solu- 
tion d’un silicate basique de potassium avec un 
silicate d'aluminium précipité. Il en résulte de 
l’orthose, avec un peu de quartz ou de la tridy- 
mite, selon la température. On attribue au sili- 
cate double d'aluminium et de potassium des 
origines variées : roches éruptives et métamor- 
phiques, produits volcaniques de sublimation, 
roches volcaniques, matériaux très siliceux, 
mais jamais on ne Jui assigne une origine 
aqueuse, à moins de considérer les formations 
granitiques comme sédimentaires; pourtant une 
des meilleures méthodes de reproduction de 
l’orthose consiste dans l'intervention de l’eau 


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J. R. MOURELO. — LA SYNTHÈSE MINÉRALE 401 


chauffée et de la pression. Nous voyons se former 
un des constituants du granit dans un milieu 
liquide, qui n'est que le dissolvant d'un des 
corps qui interviennent clans la réaction. 

De même que pourles méthodes par voie sèche, 
dont les résultats ont été vraiment nombreux et 
admirables, nous trouvons ici pareilles difficul- 
tés. On arrive à obtenir des corps, qui sont des 
composés définis chimiquement, cristallisés avec 
leurs formes propres, lesquels ont leurs repré- 
sentants dans des espèces minéralogiques; leur 
identité avec des substances naturelles est com- 
plète, mais nous ne pouvons pas assurer que le 
procédé de reproduction que nous avons suivi soit 
le même que celui que la Nature a mis en œuvre. 

La synthèse de la thénardite (sulfate anhydre 
de sodium), qui se trouve dans des dépôts salins, 
à côté d’autres sulfates de sodium hydratés, et 
de l’espèce nommée glaubérite, est très facile. Il 
suffit de faire évaporer à 33° la solution saturée 
de sulfate hydraté, avec dix molécules d’eau, 
pour en recueillir des cristaux de la thénardite. 
Dans la Nature, l’efflorescence de la mirabilite 
peut, elle aussi, la produire; mais il n’est pas 
possible d'attribuer cette origine,parexemple, au 
grand amas de thénardite très pure, contenant, 
selon les calculs des mineurs, plus d’un million 
de tonnes, qui git, sur du sel gemme, à Villar- 
rubia de los Ojos dans la province de Ciudad 
Real; ce n'est pas le seul que nous ayons en 
Espagne : il y a d’autres dépôts, très riches et 
abondants, au centre de la Castille, surtout 
dans les provinces de Madrid et de Tolède. 

Avec la thénardite on trouve d’autres sulfates : 
la mirabilite, la glaubérite, l’anhydrite, le gypse 
et parfois l’epsomite. Les gisements reposent 
toujours sur des couches de chlorure de sodium, 
et tous ces minéraux salins s’accompagnent d’ar- 
gile. La thénardite se présente souventen masses 
formées de petits cristaux cimentés par du 
sable fin de la même substance. La couleur en 
est blanche, bleuâtre, grisâtre et améthyste, à 
Espartinas et Chinchon, et les cristaux complè- 
tement transparents, trouvés dans l'argile, ne 
sont pas rares à Cienpozuelos. Ces gisements 
salins, si abondants et si riches, sont du plus 
grand intérêt sous plusieurs aspects : ils sont 
seulement comparables à ceux bien connus de 
Stassfurt, dont l’origine a été mise en lumière 
parles magnifiques travaux de Van’t Hoff, et qui 
est complètement différente de l’origine des 
dépôts salins de l'Espagne. Au point de vue de 
la synthèse minérale, le sujet est très intéres- 
sant, et je me permettrai de l’aborder un jour 
dans son ensemble et avec des nombreuses 
expériences. 


Deux hypothèses peuvent être formulées à 
propos de l’origine ou de la formation possible 
de la thénardite. Selon la première, elle procéde- 
rait des eaux marines et devrait être considérée 
comme un vrai dépôt de sels sodiques et calci- 
ques dissous : la théorie tombe quand on consi- 
dère qu'à l'intérieur de l'Espagne se trouvent 
des formations tertiaires, marines ou salines, 
qui ne contiennent pas de thénardite, ni d’autres 
sulfates hydratés de sodium ou de la glaubérite 
(sulfate sodique caleique). 

La seconde hypothèse attribue au sulfate an- 
hydre de sodium deux origines, à savoir : le 
transport de roches plus anciennes, et l’aspect 
de certains gisements justifie cette opinion, ou 
la formation in situ, par un ensemble de réactions 
chimiques faciles à comprendre. Nous avons un 
système formé par le gypse ou l’anhydrite et le 
chlorure de sodium, au contact de l'argile et de 
la matière organique. Cette malière organique 
est, par sa propre nature de composé du car- 
bone, un réducteur assez énergique pour décom- 
poser le gypse jusqu’à mettre en liberté le soufre. 
En même temps, l'oxygène atmosphérique, en 
présence de l’eau, est capable — et il y en a de 
nombreux exemples — d’oxyder, avec une cer- 
taine rapidité, le soufre mis en liberté, en for- 
mant de l’acide sulfurique, lequel, à son tour, 
attaque le chlorure de sodium et, comme au la- 
boratoire, produit du sulfate de sodium ou, de 
préférence, le sulfate double de calcium et de 
sodium qui constitue la glaubérite, l'argile favo- 
risant le contact de l’air et la décomposition 
subséquente de la glaubérite; il semble même 
que certains micro-organismes interviennent 
dans l’opération. 

Des preuves de l'hypothèse ne manquent pas. 
Une observation de Daubrée démontre la genèse 
du soufre, très moderne, par réduction du gypse 
par la matière organique. L’oxydation du soufre 
par l'oxygène atmosphérique, à la température 
ordinaire, en présence de l'humidité et des corps 
poreux, est un fait bien connu, et on peut le re- 
produire au laboratoire. La transformation du 
chlorure de sodium en sulfate, précisément par 
l’acide sulfurique, est l’opération fondamentale 
pour fabriquer la soude Leblanc. Du reste, les 
mêmes propriétés des produits salins naturels 
aident à expliquer leur origine, parce que, bien 
que lentement, ils se transforment sans cesse les 
uns dans les autres, par de continuelles hydrata- 
tions et déshydratations. 

On voit les masses cristallisées de la thénar- 
dite avec une poudre subtile, blanche, adhérente 
à leur surface. Cette poudre est de la même ma- 
tière que le minéral; mais elle n’est pas formée 


402 J.R. MOURELO. — LA SYNTHÈSE MINÉRALE 


—————_——————]_—— "ES 


par des actions mécaniques. La thénardite a la 
faculté de subir l'hydratation superficielle, 
quand elle demeure longtemps au contact de 
l’air humide; il se forme alors de la mirabilite 
— sulfate hydraté avec dix molécules d’eau — qui 
perd peu à peu de l'eau, pour régénérer, à la fin, 
la thénardite originaire. À son tour, la glaubérite, 
par efflorescence, à l’égal de la mirabilite, peut 
se dédoubler dans les sulfates de calcium et de 
sodium qui la composent. Le gypse est aussi 
capable de déshydratation et d'hydratation spon- 
tanées : précisément, j'ai observé la première de 
ces transformations dans le gypse fibreux des 
gites de sulfate de sodium. Le minerai tombait 
en poudre fine et blanche qui était de l’anhy- 
drite ; la poudre qu’on observe sur les grandes 
lames de gypse en est également. De son côté, 
l’anhydrite attire l'humidité extérieure et se 
transforme dans son bihydrate. 

Je m'occupe actuellementdel'étude de ces faits : 
je suis arrivé à les reproduire en totalité, même 
à réaliser des mesures préliminaires, et je crois 
que ce sont des phénomènes de tension super- 
ficielle. 

Il reste encore une observation à faire sur les 
colorations de la thénardite. Au premier abord 
on estincliné à voir, dans ses nuances grisâtres, 
bleuâtres ou améthyste, des influences directes 
de la matière organique. Je les avais attribuées 
à des phénomènes de réduction, avec mise en 
liberté du soufre qui, dans un état de division 
extraordinaire, devient bleuâtre, sans compter la 
variété bleue du soufre. Je dois à l’obligeance de 
mon ami le professeur Urbain des renseigne- 
ments sur le spectre d'arc électrique de la thé- 
nardite, dans lequel les raies caractéristiques du 
molybdène sont présentes. Au nord de Madrid, 
dans les granits, on trouve, à l’état de très grande 
dissémination, de la molybdénite, et dans l’hypo- 
thèse du transport des minéraux salins de 
sodium et de calcium, partant des terrains plus 
anciens que celui du gisement actuel, l’ar- 
gument a quelque valeur, surtout si notre 
bonne. volonté sait sauver les inconvénients : 
distance, temps et configuration des terrains, 
ainsi que l’âge des différentes formations. De 
toutes façons, les données des expériences ont 
leur valeur propre et positive. 

L'étude du sulfate de sodium naturel et de ses 
différents hydrates, et les connaissances acquises 
à l'égard de leurs altérations et de leurs mu- 
tuelles transformations, sont un exemple bien 
frappant de reproduction synthétique complète, 
dans ce sens que nous pouvons faire au labora- 
toire, en peu de temps relativement, les mêmes 
réactions chimiques que la Nature a opérées 


lentement en partant des mêmes éléments. Je 
dois signaler le rôle si important de la matière 
organique en sa qualité de réducteur, et celui de 
l'argile, modifiant l’état physique des corps 
réagissants et, peut-être, gardant l’eau néces- 
saire aux phénomènes, ou bien absorbant celle 
produite dans les déshydratations. 

A part les faits exposés, lessynthèses minérales 
déjà faites, et celles qu’on peut réaliser en em- 
ployant des méthodes par voie humide, sont 
nombreuses. Nous pouvons les classer selon 
qu'on opère sous pression ou à la pression ordi- 
naire, seulement entre liquides, ou entre solides 
et liquides, et avec ou sans intervention des gaz. 
C'est-à-dire que les pressions, la chaleur et l’état 
physique des corps soumis aux réactions chimi- 
ques sont des influences générales qu'il faut 
considérer. Ajoutons que, actuellement, il est 
nécessaire de tenir compte d’autres influences 
particulières, de la plus haute importance, comme 
les forces électriques dans les solutions, les 
phénomènes de diffusion, l'absorption et les 
propriétés des colloïdes et toutes les conséquen- 
ces des théories corpusculaires, car, au point de 
vue où nous sommes placés, dans le moment ac- 
tuel, les méthodes de la synthèse minérale et ses 
résultats doivent se ranger à côté des méthodes, 
des théories et des résultats pratiques de la 
Chimie moderne. 

Une des plus importantes caractéristiques des 
réactions par voie humide est la lenteur, et de- 
puis les travaux classiques de Becquerel, qui en 
a si bien profité, on sait le temps que met à cris- 
talliser un corps qui se forme à la surface de 
séparation de deux liquides de densité différente 
et capables de réagir sans se mélanger ou en se 
mélangeant quelquefois, pour donner naissance 
à de nouveaux corps insolubles, au moins dans 
un des liquides mis en contact. Le procédé est 
applicable à l'obtention des hydrates salins, et 
on le classe parmi les réactions chimiques par 
diffusion. 


VI 


Malgré l’extension de leurs applications, les 
méthodes synthétiques par voie humide ne sont 
pas si développées que les procédés par la voie 
sèche. Diverses raisons nous expliquent le fait des 
la limitation des méthodes dont la pratique est 
la plus facile. Parmi celles-ci, nous signaleronsM 
la presque insolubilité, même à hautes pressions 
et températures et dans les dissolvants neutres, 
de plusieurs substances, notamment de la silice 
et de quelques-unes de ses variétés ou formes, 
des silicates capables de produire des sels dou- 
bles ou multiples et mixtes, l’insolubilité de 


J. R. MOURELO. — LA SYNTHÈSE MINÉRALE 4103 


certains composés métalliques, qu'il n’est pas 
possible d'obtenir cristallisés par d’autres 
moyens, et surtout la connaissance limitée que 
nous avons à présent des solutions, au point de 
vue des réactions chimiques synthétiques. Il 
faut considérer, en même temps, que les métho- 
des par voie humide ont une limite pour ainsi 
dire inhérente à leur propre nature, en ce qu’elles 
s'appliquent seulement, ou avec peu d’excep- 
tions, à la formation de composés hydratés; mais 
elles servent à nous rendre compte, en une cer- 
taine mesure, du mécanisme des formations sédi- 
.mentaires et métamorphiques les plus connues. 

Je crois que, dans l’avenir, les méthodes dont 
‘nous nous occupons auront des développements 
considérables et inattendus. Becquerel même a 
sionalé le chemin à suivre dans ses beaux tra- 
vaux, enemployant les forces électriques, en leur 
qualité d'agents des métamorphoses chimiques, 
et profitant de leur intervention dans les phéno- 
mènes de la Nature. Je me permets de croire que 
les doctrines de la dissociation électrolytique, 
les théories électroniques de certains phénome- 
nes chimiques et leur extension aux états physi- 
ques des corps, feront changer les conceptions 
actuelles de la synthèse minérale, en généralisant 
ses méthodes, avec le concours des grandes théo- 
ries scientifiques. Nous serons heureux d’assis- 
ter au nouvel essor de cette application de la 
Chimie, sibelleet si utile, etaujourd’hui presque 
abandonnée, quoiqu’on dispose pratiquement 
d’une si grande échelle de températures et de 
pressions, des moyens de dissocier lescombinai- 
sons les plus réfractaires et d’unir les éléments 
les plus inertes, comme le montre la préparation 
des carbures métalliques, des hydrures, des ni- 
trures et des siliciures, tels que lecarborundum, 
lesquels, s’ils n’ont pas dereprésentantsnaturels, 


peuvent avoir été des combinaisons intermé- 
diaires. 

Il paraît évident qu'avant de se constituer à 
l’état cristallin par voie sèche, presque tous les 
corps ont passé par des états vitreux, et de la 
même manière, à part les coagulations, presque 
tous les corps dissous ont été des ionset des col- 
loïdes, bien avant de devenir des cristaux. La 
dissociation ionique est une propriété des solu- 
tions étendues, comme la forme colloïde repré- 
sente un état physico-chimique de la matière, 
dont il y a des exemples dans des espèces miné- 
ralogiques ; certaines variétés de la silice appar- 
tiennent à ce groupe, qui comprend aussi d’au- 
tres minéraux. La connaissance de ces états, dans 
lesquels interviennent directement des forces 
électriques, ainsi que celle des transformations 
des ions et des colloïdes, profitera aux méthodes 
synthétiques et les fera, sans doute, progresser 
beaucoup dans le chemin de la reproduction 
fidèle des mécanismes créateurs de la Nature. 

L'esprit humain possède une curiosité infinie; 
la recherche scientifique n’a pas de limites, et la 
conquête de la vérité est le plus grand but de 
l'humanité. C’est pour cela qu’on travaille et on 
travaillera toujours. 

Qu'il me soit permis, en finissant ce résuméde 
mes idées sur les méthodes de la synthèse miné- 
rale, de consacrerun souvenirà mon bien regretté 
ami, feu le professeur Auguste Verneuil, dont la 
bonté du cœur et l'intelligence supérieure s’unis- 
saient si bien et qui a tant travaillé dans le do- 
maine de la reproduction synthétique des êtres 
inorganiques. 


José Rodriguez Mourelo, 


Professeur de Chimie à l'Ecole Industrielle, 
Membre de l'Académie des Sciences de Madrid. 


404 A. BARRELET. — LES BALLONS CAPTIFS ALLEMANDS 


LES BALLONS CAPTIFS ALLEMANDS 


Le ballon captif sphérique présente de nom- 
breux inconvénients, qui ont amené dès 1895 les 
aérostiers allemands à étudier des formes nou- 
velles pour ces engins, dont l'utilité a été recon- 
nue particulièrement efficace dans la guerre ac- 
tuelle. En particulier lorsqu'il y a un fort vent, 
le ballon sphérique se couche, ne monte verticale- 
ment que pendant quelques centaines de mètres : 
d’où difficulté d'observation, surtout si on veut 
travailler à forte altitude, le ballon ne pouvant 
pas monter. 

Le ballon cerf-volant allemand ou « drachen- 
ballon » (fig. 1) a la forme d’un cylindre allongé 
terminé par deux hémisphères; pour pouvoir 
décrire rapidement la constitution de ces bal- 
Jons cerf-volants, nous diviserons l'étude de cet 
engin en trois parties : une enveloppe cylindro- 
sphérique M destinée à recevoir le gaz de gonfle- 
ment; une série d'organes de stabilisation; des 
organes d’amarrage avec la nacelle. 

La carène M destinée à recevoir le gaz a géné- 
ralement une longueur voisine de 25 mètres etun 
diamètre moyen de 6 à 8 mètres : le cubage 
moyen des ballons allemands s'approche de 
850 mèêtres cubes. Pour que cette enveloppe con- 
serve une forme invariable, les aérostiers alle- 
mands ont adapté, à l'arrière, un ballonnet N; de 
cette façon, la pression du vent et les déperdi- 
tions de gaz, qui ont pour effet la formation de 


Vportant les parachutes 


poches sur l’enveloppe, sont sans action sur les 
drachen-ballons. Sous l'influence du vent, l’air 
s’engouffre dans le ballonnet N par la buse anté- 
rieure etensortpar deux orifices O qui mettenten 
communication le ballonnet avec le gouvernail Q 
dont nous parlerons plus loin. Ce ballonnet N 
affecte la forme d’un volume cylindro-sphérique 
sur la partie en contact avec le ballon cerf- 
volant, limitée d’un côté par l’enveloppe de ce 
ballon et de l’autre par un diaphragme en étoffe 
rigoureusementimperméable; un clapet en étoffe 
s’oppose à lasortie del’airentré dansle ballonnet. 
On comprend aisément le fonctionnement et 
l'utilité du ballonnet : sous l’action du vent,ilse 
gonfle et sa pression intérieure se transmet à 
travers la cloison dite diaphragme à l'hydrogène 
contenu dans l’enveloppe, de telle sorte que cette 
pression agit à la fois à l'extérieur de la carène- 
enveloppe d’une part et à l’intérieur d’autre part 
par l'intermédiaire de l'hydrogène. Ainsi donc la 
partie antérieure du ballon, qui est opposée au 
vent, reste toujours à la même pression, qui est 


Fig. 1. — Schéma du ballon cerf-volant allemand. 


M, carene; N, ballonnet; O, orifice de communication entre le ballonnet et le gouvernail; P, queue du ballon : 
Q, gouvernail; R, aileron; S, chaine de soupape; T, manche de gonflement. 


A. BARRELET. — LES BALLONS CAPTIFS ALLEMANDS 405 


celle du vent augmentée de celle de l’hydro- 
gène. 

Afin d'éviter une pression trop élevée dans le 
ballon, une soupape a été placée à l'avant de 
celui-ci. Cette soupape est munie d’un clapet qui 
est réuni par une commande sans extension (une 
chainette métallique) à trois points d'attache 
convenablement disposés sur le diaphragme du 
ballonnet à air. Quand survient une cause quel- 
conque qui fait augmenter le volume du gaz 
enfermé dans le ballon, l'air s'échappe du bal- 
lonnet dans le gouvernail : la longueur de la 
chainette métallique est réglée de telle maniere 
que le clapet se soulève avant que le ballonnet ne 
soit vidé d’une façon complète. On conçoit 
qu'avec un pareil dispositif aucune surpression 
ne soit à craindre dans le ballon. 


Il apparaît clairement qu'un pareil ballon cap- 
tif ne possède en lui-même que l’invariabilité de 
la forme; il n'aurait en réalité aucune stabilité de 
position dans le vent s’il n’était pourvu de cer- 
tains organes de stabilisation que nous allons 
passer en revue : savoir le gouvernail, les aile- 
rons et la queue. 

Le gouvernail Q a pour but de donner à ce 
ballon une orientation parallèle au lit du vent : 
cet organe est constitué par une sorte de bourre- 
let pneumatique placé à l'arrière et au-dessous 
du ballon ; cette poche se gonfle de façon auto- 
matique sous l’action du vent comme le ballon- 
net. L’air y pénètre par une soupape (la buse) 
analogue à celle du ballonnet, mais la soupape 
d'évacuation est remplacée dans le cas actuel par 
une cheminée placée à la partie supérieure du 
gouvernail. Ce gouvernail, qui est fixé au ballon 
d’une facon étanche, communique avec le bal- 
lonnet par deux orifices O dont nous avons parlé 
précédemment. 

La queue du ballon P est destinée à faciliter 
l'orientation du ballon dans le lit du vent : elle 
est constituée par une série de parachutes faisant 
fonction de queue du cerf-volant et se trouve 
fixée à l’arrière du ballon. Ces parachutes sont 
enfilés sur des cordes composées de plusieurs 
éléments réunis bout à bout par des boucles et 
des cabillots ; ces parachutes sont renversés et 
affectent en général la forme de troncs de cône. 
L'extrémité supérieure de la corde, qui porte ces 
parachutes, est fixée au sommet d’un V fait en 
cordage; deux branches de ce V passent dans des 
cosses de guidage. Un dispositif très simple de 
cabillots permet de séparer le V des parachutes 
des cordes de suspension du ballon. 


Sur les côtés du ballon et à l'arrière ont été 
fixés deux aïlerons R : ces ailerons sont tout 
simplement formés par deux surfaces rectangu- 
laires en étolfe, fixées par l’un de leurs grands 
côtés au niveau de l'équateur qui porte la ralin- 
gue de suspension. L'autre grand côté de chacun 
de ces rectangles est muni de pattes d’oie termi- 
nées par deux commandes dites commandes 
d’ailerons. Ces engins ont pour but de diminuer 
l’inclinaison du ballon lorsque la vitesse du vent 
croît : ils contribuent, en d’autres termes, à ac- 
croître la poussée verticale du vent et augmen- 
tent par suite la force ascensionnelle dynamique 
de l’appareil. 

* 
* * 

Les drachen-ballons ne sont pas en général 
munis de filet de suspension. La suspension se 
fait au moyen d’une ralingue équatoriale, qui est 
constituée par une série de petites pièces en bois 
de forme cylindrique encastrées dans un bourre- 
let en étoffe à ballon fixé le long de l'équateur du 
ballon. Le câble est relié à l'enveloppe par l'in- 
termédiaire de pattes d’oie fixées le long de cette 
ceinture équatoriale renforcée. La suspension 
captive du ballon cerf-volant est entièrement 
distincte de la suspension de nacelle. D’ailleurs 
elles sont toutes deux constituées de la même 
manière, savoir : des régimes de pattes d'oie 
terminées, comme je le disais plus haut, par des 
bâtonnets portés par une ralingue d’étoffe entou- 
rant le ballon. Les efforts de traction du cäble 
et la charge se répartissent de telle manière que 
les moments fléchissants sont évités dans l’enve- 
loppe, ce qui est extrêmement important pour 
la conservation de la forme extérieure du ballon, 
condition indispensable au bon fonctionnement 
de l’ensemble. 

La suspension captive est constituée par un 
V en métal à quatre branches ét une poulie glis- 
sante reliée au càble d’ascension, cette poulie 
glissante étant formée par un galet tenu dans 
une double chape. 

La suspension de nacelle comprend, en ce qui 
concerne la suspension supérieure, 5 suspentes 
(4 latérales et une suspente avant) :ces suspentes 
sont réunies par des boucles et des cabillots à 
l’anneau de suspension de nacelle. La suspension 
inférieure de nacelle comprend une suspension 
analogue à une suspension libre; le cercle de 
cette suspension est réuni par un cône de cor- 
dage à une boucle passant dans l’anneau de sus- 
pension de nacelle. 

Le ballon est manœuvré au moyen d’un treuil 
à vapeur ou à essence d’une puissance de 6 à 
8 chevaux. 


406 A. BARRELET. — LES BALLONS CAPTIFS ALLEMANDS 


A 

Pour procéder au gonflement, on doit tout 
d’abord effectuer quelques opérations prélimi- 
naires que nous allons examiner rapidement. La 
chaine qui relie le diaphragme du ballonnet au 
clapet de la soupape se termine par une grande 
boucle à laquelle aboutit la commande à main de 
la soupape. Il convient tout d’abord de réunir 
cette boucle double à l'anneau du clapet au 
moyen d’un z7œud droit, en coiffant la soupape. 
On fixe ensuite la soupape sur le ballon au 
moyen d’écrous à oreilles,en interposant un joint 
en caoutchouc entre le bois et l’étoffe. La lon- 
gueur de la chaine, qui commande automatique- 
ment le clapet, doit être déterminée avec un soin 
méticuleux, afin qu’elle amène l’ouverture de la 
soupape avant le gonflement complet de la por- 
tion du ballon destinée au gaz. Pour arriver à ce 
résultat, il faut effectuer, de l’intérieur du ballon, 
un réglage qui est très délicat. Par conséquent, 
quand des aérostiers mettent en service un 
drachen-ballon, ils le gonflent au préalable à 
l'air pour assurer ce réglage. Pour procéder au 
gonflement d'un drachen-ballon, on l’étend sur 
une bâche et on oriente la bâche de telle façon 
que le long côté du rectangle soit parallèle au lit 
du vent. On étale le ballon, la soupape faisant 
face au point d’où vient le vent: On amarre 
ensuite les cordes de manœuvre ainsi que la sus- 
pente avant à des piquets de campement plantés 
dans le sol vis-à-vis de ces agrès, comme le mon- 
tre le schéma ci-dessous (fig. 2). On place alors 
des sacs de lest (au nombre de 70 pour un ballon 
cubant 800 mètres cubes) tout autour de la ralin- 
gue en les accrochant au premier rang des pattes 
d’oie de la suspension captive ou de la suspension 
de nacelle. 

On vérifie la fermeture de la manche de 
dégonflement et de son clapet en faisant deux 
ligatures distinctes et on introduit le gaz dans 
le ballon. On ne doit arrêter l’arrivée du gaz 
qu'après s'être assuré du fonctionnement parfait 
de la soupape automatique. 


* 


Quand on veut camper le ballon en plein 
champ, commele montre la figure 2, celui-ci doit 


Fig. 2. — Ballon cerf-volant campé. 


être amarré en plaçant la soupape du côté d’où 
vient le vent; on répartit convenablement les 
sacs de lest autour de la ralingue, les cordes de 
manœuvre et les suspentes avant de la nacelle 
étant amarrées à des piquets de campement. Il 
faut toujours, autant que possible, appliquer 
d’abord contre le sol la partie arrière du ballon 
« afin de donner du lâche à la commande auto- 
matique de la soupape ». Cette mesure est des- 
tinée à éviter une perte inutile de gaz. Ensuite, 
afin de permettre au ballonnet de se vider faci- 
lement, on détache l’entonnoir du gouvernail et 
on le retourne en avant. Le ballon ayant été ainsi 
disposé sur le sol et le gouvernail étant vidé d’air, 
on amène le corps du ballon contre le sol, autant 
que faire se peut. 


Les ballons drachen captifs sont employés 
dans l’armée allemande comme captifs mili- 
taires, car nos ennemis ont abandonné depuis 
longtemps les ballons sphériques. D'ailleurs, 
dans ces dernières années, leur emploi s’est 
rapidement généralisé et ils sont utilisés avec 
succès en Espagne, en Autriche, en Italie, aux 
Etats-Unis et au Japon. En France, ces ballons 
sont d’une utilité de tout premier ordre. Chez 
nous, on utilisait surtout avant la guerre ces 
engins en limitant leur cubage à 100 mètres 
cubes, pour enlever des appareils de T. S. F. 
ou des appareils enregistreurs météorologiques. 
Dans l’armée allemande, il y a actuellement en 
service huit types de ballons cerf-volants cubant 
de 550 à 1.140 mètres cubes, permettant d'enlever 
des observateurs, et sept types de ballon de 10 
à 108 mètres cubes pour la T.S. F., les obser- 
vations météorologiques et le tir. 


Tableau des ballons drachen employés 
dans l’armée allemande 


DRACHEN-BALLONS 
POUVANT ENLEVER 
DES OBSERVATEURS 


DHACHEN-BALLONS! 
Pour T. S. F., 
Observations méléorelogiques, elt. 


TT os | | 


Poids Poids 


du ballon Naméres ILHMATE du ballon 


Numéros| Diamètre!  Cubage Cubage 


550m°%|355 kg 
600 370 
630 380 
713 412 
750 420 
805 438 
1000 450 
1140 506 


B 
o 


10n338| 6kg2 
1 ÿ 


INTER 


DID FOIE 
SSH IS = 


1. Les six premiers ballons drachen pour observations 
météorologiques ne peuvent être gonflés qu'à l'hydrogène. 


P. PUISEUX. — REVUE ANNUELLE D’'ASTRONOMIE (1914) 407 


Pr 
Je veux, en terminant cet exposé trop incom- 


plet, montrer quels sont les avantages du 


drachen-ballon sur le ballon sphérique. 


Les oscillations que peut avoir le ballon captif 


dans le plan vertical sous l'influence des varia- 
tions de vitesse du vent sont extrêmement dimi- 
nuées et les observateurs qui montent le ballon 
peuvent fort bien tenir l'air pendant des vents 
tumultueux qui empêcheraient de faire n’im- 
porte quelle observation en ballon sphérique. 
Les expériences, qui ont été faites pendant deux 
ans en Allemagne, ont montré que les ballons 
drachen peuvent être employés même par vents 
atteignant des vitesses de 20 mètres à la seconde. 

En second lieu,il y a lieu de remarquer 
qu'une partie de l'effort du vent a pour effet de 
coucher les sphériques et de les incliner vers 
le sol; au contraire, en ce qui concerne les 
drachen-ballons, une partie de l'effort du vent 
est employée à soulever l'appareil. 

La forme allongée que possède le ballon rend 
son transport très facile, beaucoup plus facile 
que celui du sphérique. En effet, le ballon dra- 
chen offre beaucoup moins de prise au vent et il 


est bien plus facile à dissimuler durant le trans- 
port sur le sol et à masquer derrière des abris 
ou des branchages, etc. Enfin il est d’un gonfle- 
ment beaucoup plus aisé; en particulier à bord 
des navires, pour les observations maritimes, ce 
gonflement est plus facile à faire à cause du 
faible encombrement qu'il présente en largeur. 

En dernier lieu je dirai que, grâce au mode 
d'équilibrage qui a été adoptépour les pressions 
entre l’intérieur et l’éxtérieur de l'enveloppe, 
les fuites de gaz qui peuvent se produire par 
suite des soubresauts de l’appareil sont bien 
plus faibles que dans les ballons sphériques. De 
ce fait, les ballons drachen peuvent être employés 
plus longtemps sans avoir besoin d’être ren- 
floués. 

En résumé les drachen-ballons, inventés en 
1897 par le major von Parseval et le baron de 
Sigsfeld, solutionnent d’une façon très satis- 
faisante toutes les diflicultés de transport, de 
gonflement et de manœuvre des ballons captifs 
sphériques, ainsi que les ennuis graves qui 
provenaient de leur instabilité dans le vent. 


A. Barrelet. 


REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE (1914) 


L'année 1914 a vu naïître et se développer un 
état de choses qui, provisoirement au moins, 
porte aux recherches scientifiques un grave pré- 
judice. Les efforts sans exemple que plusieurs 
grandes nations s'imposent pour assurer leur in- 
dépendance et leur sécurité enlèvent à l'étude du 
Ciel ses serviteurs les plus actifs et le plus clair 
de ses ressources matérielles. Même les astrono- 
mes que leur âge écarte du service militaire ont 
moins d'occasions de s'adresser au publie, moins 
d'espoir de retenir son attention. Cet inconvé- 
nient doit, à coup sûr, paraître léger en face des 
sacrifices autrement lourds qui ont été généreu- 
sement consentis et qui peuvent être appelés à 
s’accroître encore. Doit-on se flatter que, le tu- 
multe des armes une fois apaisé, un règlement 
conforme à la justice ouvrira pour l'astronomie 
une longue période d’émulation loyale et de 
progrès rapides? Ce vœu ne semblera pas trop 
téméraire si l’on se rappelle ce qui s’est produit 
après la guerre de Trente Ans au xvrr' siècle, 
après la tourmente révolutionnaire au xix°. Main- 
tenir, aux heures les plus troublées, la tradition 
et l’estime des études désintéréssées, est encore, 


pour ceux qui ne peuvent mieux faire, une façon 
de s'acquitter envers la patrie. 


I. — Sozerr 


L'ouverture des hostilités a surpris de nom- 
breux astronomes au cours d'expéditions entre- 
prises pour observer l’éclipse totale du 21 août. 
Quelques missionnaires ont abandonné leurs 
projets pour répondre à un ordre de mobilisation. 
D’autres ont dû changer leurs plans au dernier 
moment ou subir l'internement en pays ennemi. 
La bande de totalité traversait la Norvège, la 
Suède et une grande partie de la Russie. La sta- 
tistique faisait prévoir des conditions météorolo- 
giques meilleures dans le Sud que dans le Nord. 
En réalité, c’est plutôt le contraire qui s’est pro- 
duit. L'éclat de la couronne et de ses rayons a 
dépassé l'attente générale. Les parties extrêmes 
de spectre éclair ont pu être photographiées pour 
l’'ultra-violet par MM. Jones et Davidson, pour 
l’infra-rouge par MM. Carrasco et Ascarra. La 
ligne verte du coronium ne s'est pas montrée, 
l’activité solaire ne s’étant point encore suff- 
samment relevée à la suite du minimum de 1912. 


408 P. PUISEUX. — REVUE ANNUELLE D’ASTRONOMIE (1914) 


Mais MM. Bosler et Block ont photographié dans 
le spectre de la couronne une ligne rouge bien 
apparente, qui n'avait pas encore été signalée, et 
qui ne caractérise aucun élément terrestre. Leur 
cliché indique aussi pour la couronne une vitesse 
de rotation voisine de celle qui a été trouvée en 
1898 par M. Campbell. 

Pas plus qu'à l’occasion des éclipses totales 
antérieures, on n'a réussi à voir près du Soleil 
les comètes ou planètes nouvelles que l’on est 
cependant porté à croire assez communes dans 
cette région. Les petits objets lumineux aperçus 
en grandnombre parM. W.H. Steavenson et d’au- 
tres observateurs paraissent n’être que de menus 
fragments de végétaux flottant dans l'atmosphère 
terrestre. Par un temps calme, leur mouvement 
peut être assez lent pour faire naître l'illusion 
d’une origine cosmique. 

Les photographies spectrales d'éclipses anté- 
rieures,discutéesparMM.MitchelletSaint-Jlohn!, 
confirment l'opinion que l'intensité relative des 
lignes de Fraunhofer faiblit à mesure qu’elles 
sont données par des couches plus profondes. 
L'isolement des stratifications supérieures, ré- 
alisé au moment des éclipses par l’interposition 
de la Lune, peut être obtenu en temps ordinaire 
au moyen du spectrohéliographe, et cette mé- 
thode continue d'être suivie à l'Observatoire de 
Meudon avec autant de persévérance que de suc- 
cès. L'examen des clichés des dernières années 
montre que les filaments de calcium et d'hydro- 
gène se raréfient aux époques de minimum, avec 
un certain retard par rapport aux taches. Maïsles 
alignements, plus étendus, formant lien entre 
les protubérances et les facules, se maintiennent 
sans déchet sensible. L'étude des mouvements 
dansles protubérances indiqueunaffaiblissement 
rapide du champ magnétique quand on s’élève 
au-dessus de la photosphère. 

On sait que ce champ ne suflit pas pour expli- 
quer l’action du Soleil sur le magnétisme terres- 
tre, action révélée par deux ordres de faits : oscil- 
lation plus ample del'aiguille aimantée quand le 
nombre des taches augmente, coïncidence des 
orages magnétiques avec la présence de grandes 
taches sur le disque. Si la réalité de l'influence 
n’estpascontestée, le mécanismedemeureobscur, 
et tous les modes de transmission imaginés ont 
donné lieu à des objections. Dans ces derniers 
temps, l'hypothèse d’une émission de particules 
électrisées, provenant des parties tachées du 
Soleil, a été examinée de plus près. M. Birkeland 
a réalisé des imitations expérimentales avec une 


1. Astrophysical Journal, vol. XL, p. 356. 


sphère métallique rendue inégalement conduc- 
trice, et le professeur Stôrmer a fait la théorie 
mathématique dutrajet descorpusculesélectrisés 
dans l’atmosphère. Cette théorie se trouve con- 
firmée par la mesure de la hauteur des franges. 
dans diverses aurores boréales, mesure obtenue 
par des photographies simultanées dans deux 
stations associées. En somme, le résultat est 
plutôt favorable à l’hypothèse corpusculaire. 
Mais, pour expliquer que le faisceau ne soit pas 
complètement dispersé par la répulsion électri- 
que avant d’atteindre la Terre, il faut concéder 
au Soleil la faculté d'émettre des particules avec 
une vitesse comparable à celle de la lumière et 
non encore réalisée dans nos laboratoires. 

Il est possible que le Soleil doive ce privilège, 
et d’autres encore, à sa température très élevée. 
Cette température a encore fait dernièrement 
l’objet de plusieurs déterminations nouvelles, 
bien qu’on ne soit pas sûr de pouvoir lui attri- 
buer un sens précis. Les chiffres obtenus par 
M. Shook varient largement {de 5.000 à 9.000 
degrés centigrades) suivant que l’on isole les 
rayons de telle ou telle couleur. A cet égard le 
Soleil est loin d’être assimilable au corps noir 
théorique des physiciens. 

Les diverses formes de l’activité solaire ont 
montré un accroissement régulier en 1914. Les 
statistiques de l'Observatoire de Kodaïkanal 
confirment le retard habituel des protubérances 
par rapport aux taches. Bien que la marche des 
deux phénomènes soit parallèle, on ne remarque 
pas que les parties tachées du Soleil soient spé- 
cialement fertiles en protubérances. La prédomi- 
nance numérique des protubérances du bord Est 
sur celles du bordOuest, prédominanceconstatée 
sans interruption pour huit années, de 1905 à 
1912, ne ressort plus des moyennes de 1913 ni de 
celles de 1914. 

Des discussions intéressantes se sont produi- 
tes au sujet du déplacement vers le rouge que 
manifestent les raies d'absorption du spectre 
solaire, quand on les compare à des raies ter- 
restres de même origine chimique. Cette ten- 
dance parait être générale quand on a tenu 
compte de le composante radiale due à la rota- 
tion du Soleil. Le fait, signalé il y a longtemps 
par Jewell, n’a trouvé crédit qu'à la longue. Les 
recherches modernes le confirment, mais on 
n'est point d'accordsur l’explication. MM. Fabry 
et Buisson ! y voient l'indice d’une pression assez 
forte (5 à 7 atmosphères) régnant dans la couche 
où prennent naissance les raies de Fraunhofer. 


1. Astrophysical Journal, vol. XXXI, p 114. 


COUR PE AU 
A NT EL 
wi | } 
i 


P. PUISEUX. — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE (1914) 409 


Mais cette explication semble peu conciliable 
avec la finesse de certaines raies et avec le fait, 
constaté par M. St. John, que les raies fortes sont 
plus déplacées que les faibles. Aussi M.Evershed! 
préfère considérer ce déplacement des raies 
comme un effet de vitesse. Les vapeurs absor- 
bantes iraient en se rapprochant du centre du 
Soleil, d'un mouvement ralenti à mesure que la 
pression augmente. Mais, d'autre part, MM. Hale 
et Adams trouvent que le déplacement relatif 
vers le rouge s’accentue quand on passe du cen- 
tre au bord du disque et, dans ce dernier cas, la 
composante radiale d’un mouvement centripète 
devrait disparaitre. Le D' Julius ? espère éviter 
ces difficultés en admettantqu'ilse produit dans 
l'atmosphère solaire une dispersion anomale, 
d'amplitude variable suivant l’origine des raies. 
Cette tentative n’est pas envisagéeavec beaucoup 
de confiance, car les expériences de laboratoire 
où se manifeste la dispersion anomale n’affec- 
tent jamais qu’un petit nombre de raies et leur 
impriment des déformations que ne montre pas 
le Soleil. Le débat reste donc ouvert. 

Jusqu'à ces derniers témps, l'hémisphère Nord 
de notre globe a été seul à posséder des obser- 
valoires bien situés et pourvus d'instruments 
puissants en vue de l’étude spéciale de la surface 
du Soleil. L'homogénéité et la valeur desstatisti- 
ques en souffraient sensiblement. D'après une 
communication de Miss Mary Proctor à la Royal 
Astronomical Society, on peut prévoir que cette 
lacune va bientôt disparaitre par la fondation 
d’un établissement de premier ordre en Nouvelle- 
Zélande. Le succès de l’entreprise semble assuré 
par la libéralité de M. Thomas Cawthron. D'autre 
part, les études comparatives faites par M. et 
Mme Evershed en diversesstations del'Inde mon- 
trent que les conditions les plus propices aux 
recherches selaires doivent se trouver sur un 
plateau élevé plutôt que sur un sommet de 
montagne. 


IL. — Comères 


Entre le Soleil et les comètes, quel est le véri- 
table lien de filiation ? L'opinion ancienne, accré- 
ditée par l’autorité de Laplace, qui considérait 
les comètes comme étrangères par leur origine 
au système solaire, n'a plus guère de partisans. 
Les calculs plus rigoureux de MM. L. Fabry, 
Fayet, Strômgren, ont fait rentrer dans l'ordre 
toutes les comètes dont l’orbite avait été trouvée 
hyperbolique, ou montré qu’elles n'avaient 


1. The Observatory, Vol. XXXVII, pp. 124, 388. 
2. The Observatory, Vol. XXXVII, p. 252. 


acquis ce caractère que par l’action perturbatrice 
des planètes. On s'était habitué à croire que les 
comètes ont été rejetées par le Soleil et qu'elles 
se désagrègent à la longue en météores. Dans 
une remarquable discussion des hypothèses 
cosmogoniques modernes, M. R.T. À. Innes pro- 
pose de renverser cet ordre. Les comètes, pour 
lui, se forment par agglomération progressive 
de météores. Le Soleil (ou une étoile du type 
solaire) se constitue par une agglomération de 
comètes. Une nébuleuse, une étoile blanche, nais- 
sent de la dilatation, probablement brusque, 
d'une étoile jaune. 

La préférence de M. Innes est principalement 
fondée sur la forte densité des météores, sur la 
faible densité du Soleil, et sur le chiffre encore 
plus réduit trouvé pour la densité des étoiles de 
spectre simple et de grande masse. Un corps 
céleste ne saurait, d’après cela, garder une forte 
densité quand sa masse vient à s’accroître. Cet 
accroissement même le rend instable et explosif. 
La pression gravitationnelle au centre devient 
excessive; elle provoque une libération de 
l'énergie intraatomique et une mutation des 
éléments lourds en éléments de poids atomique 
moindre. S'il y a explosion d’une partie seule- 
ment de la masse, un fragment projeté peut 
devenir une planète. La scission est suivie d’une 
agitation rythmique, qui peut être l’origine de 
la périodicité des taches solaires. Si l'explosion 
porte sur le corps entier, il y a transformation 
de l'étoile solaire en étoile hydrogénée, en étoile 
à hélium ou même en nébuleuse. Dans ce der- 
nier cas, les éléments de fort poids atomique ont 
disparu. L’entropie du système est portée au 
maximum, l’énergie intraatomique est réduite 
au minimum. 

Ces métamorphoses, pour M. Innes, ne sont 
pas réversibles. Une comète ne se dissout que 
par accident ; une nébuleuse n’est pas en voie de 
se condenser en étoiles;le Soleil n'est pas 
menacé de s’éteindre, et l’on aurait tort de 
s'étonner de ce que l’on ne rencontre pas 
d'étoiles obscures. Nous sommes donc, en un 
sens, rassurés sur l'avenir du Soleil ; mais nous 
voyons poindre un autre danger. La Terre est 
peut être déjà bien dense pour subsister sous sa 
forme actuelle, et l’activité volcanique qui s'y 
manifeste serait le signe précurseur d’une libé- 
ration de l'énergie atomique. Le reproche que 
l’on pourrait faire à l'exposé, d'ailleurs très sédui- 
sant, de M. Innes, c’est qu'il laisse un caractère 
assez mystérieux au fait considéré par Laplace 
comme primordial : la faiblesse générale des 
excentricités et des inclinaisons dans les planètes 
et les satellites. 


410 . P. PUISEUX. — REVUE ANNUELLE D’ASTRONOMIE (1914) 


Les comètes observées en 1914 n’ont rien mani- 
festé de bien inattendu. L'une d'elles (1913 / De- 
lavan) a été visible dans tous les mois de l’année, 
sauf avril, mai, juin, et son éclat est devenu 
assez vif en septembre. Les comètes 1914 b 
(Zlatinsky) et 1914 e (Neujmin) ont cireulé dans 
des orbites déjà parcourues antérieurement par 
d’autres astres, mais sans se confondre avec eux. 
La seconde famille ainsi mise en évidence est 
remarquable par la grandeur de sa distance péri- 
hélie. 

On savait déjà que l’essaim météorique des 
Aquarides, visible en mai, suit la route de la 
célèbre comète de Halley. M. Svoboda a montré 
qu'il en est de même d’un autre essaim, visible 
en octobre, et dont le point radiant est dans la 
constellation d’Orion. 


III. — PLanères 


Les découvertes de petites planètes, faites 
presque toutes sur des clichés à longue pose, 
ont encore été nombreuses. Le zèle des calcula- 
teurs ne se ralentit pas en face de cette armée 
croissante. Deux mémoires de M. L. Fabry, l’un 
sur les perturbations dansles orbites circulaires, 
l’autre sur la rectification des orbites par des 
observations nouvelles, leurfaciliteront la tâche. 
A peine publiées, les méthodes de M. Fabry ont 
prouvé leur efficacité par des applications variées, 
faites en partie avec le concours de M. Blondel. 
A Nice, à Toulouse, à Alger, on a retrouvé des 
planètes perdues, identifié des astres dont on ne 
possédait que des observations rares ou trop 
anciennes. Mème avec des éphémérides passa- 
blement exactes, la recherche de ces astres si 
faibles estencore pénible. On l’abrège beaucoup, 
comme l'ont montré les expériences faites à 
l'Observatoire de Nice, par l'emploi du compa- 
rateur photovisuel de M. Lagrula. 

Le grand travail qui se poursuit sous la direc- 
tion de M. E. W. Brown pour l'établissement 
d’une nouvelle théorie de la Lune et la confron- 
tation de cette théorie avec les observations an- 
ciennes donne une base solide à l'opinion que 
notre satellite est sollicité par une force qui 
diffère de l'attraction newtonienne et ne dispa- 
rait pas devant elle. Une particularité curieuse, 
mise dernièrement en évidence, consiste en ce 
que la moyenne des latitudes de la Lune, mesu- 
rées au cours d’un long intervalle de temps, ne 
tend pas vers zéro. Il semblerait donc que l’or- 
bite est coupée en deux parties inégales par le 
plan de l’écliptique. Mais M. Brown croit plutôt 
que la forme irrégulière de la Lune introduit 


une petite erreur systématique dans l’estime de 
la position du centre !. 

Le système de Jupiter s’est enrichi d’un neu- 
vième satellite, trouvé par M.S. B. Nicholson sur 
un cliché de l'Observatoire Lick (21 juillet 1914). 
Le nouvel astre, extrêmement faible, n’est acces- 
sible qu'aux plus puissants instruments. Sa ré- 
volution, rétrograde, se fait eu trois ans, et il est 
à prévoir que les perturbations solaires seront 
encore plus grandes que dans le cas, déjà si épi- 
neux, du satellite VIII. [1 semble qu’à partir d’une 
certaine limite de distance les planètes n’admet- 
tent plus des satellites rétrogrades, et cette cir- 
constance est en faveur de la théorie du renverse- 
ment progressif des rotations par les marées, 
théorie développée par Sir G.-H. Darwin et par 
M. Stratton. 


IV. — Eroizes 


Il n'en reste pas moins vrai que, dans le sys- 
tème solaire, le parallélisme des axes de rotation 
et des axes des orbites estaujourd’hui à peu près 
réalisé. Une loi analogue se dégage-t-elle en ce 
qui concerne les étoiles? Leurs mouvements de 
rotation proprement dits nous échappent, mais 
on dispose dès à présent de données nombreuses 
relatives aux plans des orbites des étoiles dou- 
bles et aux courants généraux qui emportent 
certaines familles stellaires. 

L'orientation des orbites a fait l'objet d’une 
récente étude de M. Poor. Si les axes des orbites 
ont une préférence pour une certaine direction, 
il doit exister un grand cercle de la sphère céleste 
au voisinage duquel l'allongement moyen des 
orbites apparentes sera maximum. On n'aurait 
pas été surpris de voir ce plan coïncider à peu 
près avec l'équateur galactique, qui commande 
la distribution apparente des étoiles. Les pôles 
des orbites seraient alors rassemblés autour du 
pôle de la Voie lactée. D’après M. Poor, le grou- 
pement des pôles des orbites se fait, au contraire, 
autour du vertex de M. Schwarzsechild, c'est- 
à-dire autour du point, situé près de la Voie 
lactée, qui désigne la direction préférée de l’en- 
semble des mouvements stellaires. 

Chaque groupe d'étoiles pour lequel on pos- 
sède à la fois des valeurs du mouvement angu- 
laire apparent et des valeurs des vitesses radiales 
permet de conclure un apex, c’est-à-dire une 
direction de la translation du système solaire, et 
un vertex, c'est-à-dire une direction préférée des 


1. Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, 
vol. LXXIV, p. 156. 


| 
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P. PUISEUX. — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE 


1914) A11 


mm 


étoiles. Ces déterminations prennent naturelle- 
ment d'autant plus de valeur que la famille con- 
sidérée s'écarte moins du parallélisme et que les 
spectres y présentent plus d'analogie. Les sour- 
ces principales de renseignements sont : pour les 
mouvements angulaires apparents le Catalovue 
Préliminaire General de L. Boss, pour la vitesse 
radiale les publications de l'Observatoire Lick, 
pour le caractère du spectre les publications de 
l'Observatoire de Harvard College. À défaut de 
données suffisantes sur la vitesse radiale, on sera 
tenté d'y suppléer en admettant que le mouve- 
ment réel est parallèle au plan galactique. 

Des travaux très intéressants, poursuivis dans 
cet ordre d'idées, ont vu le jour dans ces derniers 
temps. M. B. Boss ! partage les étoiles en groupes 
suivant l’ordre de la classification de Harvard 
College, qui est celui d’une complication crois- 
sante du spectre. Il trouve pour l’apex des posi- 
tions réparties non loin dela Voie lactée, autour 
de deux centres différents suivant que l’on con- 
sidère les premitresclassesspectrales de Harvard 
(A, B, F) ou les dernières (K, L, M). M. Raymond 
établit l'existence d’une distribution analogue 
pour le vertex. Le type spectral G est en désac- 
cord avec ses voisins, aussi bien pour la position 
de l’apex que pour celle du vertex. Quand on 
passe à un type spectral plus avancé, il y a ten- 
dance à l'accroissement général des vitesses, et, 
en même temps, la préférence des étoiles pour 
une direction particulière devient moins mar- 
quée. Quand on arrive aux étoiles rouges, c'est à 
peine si l’on peut dire encore qu’il y ait une 
direction préférée. Quelle que soit la classe spec- 
trale considérée, il y a un écart systématique de 
près de 10° dans la déclinaison de l’apex, suivant 
qu'on se guide, pour le déterminer, sur les mou- 
vements angulaires apparents ou sur les vitesses 
radiales. 

D'autres corrélations curieuses entre les carac- 
tères des étoiles ont été mises en évidence par 
les études de M. H. N. Russell. Si, à son exem- 
ple, on appelle géantes les étoiles dont l’éclat in- 
trinsèque est très supérieur à celui du Soleil, 
naines celles dont l'éclat intrinsèque est très in- 
férieur, on trouve que les étoiles rouges (classes 
Ket M) rentrent dans l’un ou l’autre de ces types 
extrêmes, toutes les fois que leur parallaxe est 
connue. Les classes A, F, G, plus analogues au 
Soleil, renferment surtout des exemplaires 
moyens, la classe B ne compte que des étoiles 
géantes. M. Russell pense que le type B repré- 
sente un état exceptionnel,de haute température, 


1. Astronomical Journal, n° 668-669. 


atteint seulement par les étoiles les plus massi- 
ves au cours de leur carrière. La teinte rouge, au 
contraire, pourrait se présenter aussi bien 
dans 


astre. La division des étoiles rouges en deux 


l'enfance que dans la vieillesse d’un 
groupes tranchésestconfirmée,d'après M. Dyson, 
par la discussion des mouvements propres au voi- 
sinage du pôle Nord. 

Les clichés de Franklin Adams, qui ont enre- 
gistré toutes les étoiles du Ciel jusqu’à la 16° 
grandeur, ont fait l'objet, à l'Observatoire de 
Greenwich, de dénombrements complets, par 
classe de grandeur et par région. MM. Chapman 
et Melotte ont trouvé ainsi que l'enrichissement 
du ciel vers la Voie lactée se maintient à fort peu 
près le mème entre les grandeurs 7 et 17. Jus- 
qu'ici on admettaiten général un taux d’enrichis- 
sement plus rapide pour les étoiles faibles. 

Les mêmes documents permettent de préciser 
davantage la relation entre le nombre des étoi- 
les comprises dans une certaine classe de gran- 
deur et le numéro de cette classe. Le premier 
nombren’augmente pas sanslimiteavecle second, 
mais passe par un maximum et parait devoir se 
réduire à zéro. On est ainsi autorisé à limiter 
l’étendue du monde stellaire, le nombre des étoi- 
les, la lumière totale qu'elles nous envoient. 

De ces dénombrements il résulte que la région 
la plus riche du Ciel est la partie de la Voie lac- 
tée comprise dans la constellation du Navire. 
Comme il se trouve dans cette région un astre 
très brillant ([Canopus) dénué de mouvement 
propre et de parallaxe sensible, M. Walkey pro- 
pose de considérer cette étoile comme le centre 
du monde stellaire. Ce privilège, analogue à 
celui que Mädler a voulu autrefois conférer au 
groupe des Pléiades, semblera sans doute exces- 
sif. Toutefois, si la distribution des étoiles a pré- 
senté, à un moment donné, une certaine unifor- 
mité, on trouvera vraisemblable que leurs 
mouvements ultérieurs soient régis approxima- 
tivement parles lois de Képler, et que les orbites 
trés allongées y soient de beaucoup les plus 
nombreuses, comme chez les comètes. M. Tur- 
ner a fait remarquer que l’on justifie ainsi la di- 
vision des étoiles en trois classes principales, 
division suggérée par l’étude empirique des 
mouvements propres. 

Les étoiles de la classe B, dont la vitesse est 
uniformément faible, seraient toutes contempo- 
raînes, et voisines de l’extrémité la plus lointaine 
de leur excursion. Le problème du mouvement 
d’une étoile soumise à l'attraction combinée de 
toutes les autres a été aussi abordé au point de 
vue dynamique par M. Eddington, qui a mis à 
l'épreuve diverses lois simples reliant la densité 


412 PAPUISEUXE= 


REVUE ANNUELLE D’ASTRONOMIE (1914) 


stellaire ou la vitesse moyenne à la distance au 
centre. Aucune des lois essayées ne s’est révélée 
comme devant être l’objet d’une préférence 
nette. 


V.— NéBuLEUSES 


C’est encore en s’aidant de la collection photo- 
graphique de Franklin Adams que MM. Hard- 
castle et Hinks ont pu construire de nouvelles 
cartes de la répartition des nébuleuses. Ces car- 
tes sont loin d'embrasser les plus faibles nébu- 
leuses connues, mais elles se recommandent par 
leur caractère homogène et impartial. Si l’on 
s'attache en particulier aux nébuleuses qui affec- 
tent la forme de spirales ou de fuseaux allongés, 
on trouve qu'elles sont très inégalement distri- 
buées, sans que leur fréquence dépende de la 
distance à la Voie lactée. En particulier de 
vastes régions du Ciel se montrent tout à fait 
dénuées de fuseaux. 

Certaines variations brusques de la densité 
stellaire, l’absence générale de nébulosité près 
des étoiles rouges et jaunes, accréditent l'idée 
qu'il existe une liaison physique, mais non per- 
manente, entre diverses nébuleuses et les étoiles. 
La nature de cette relation semble devoir être 
éclaircie parune observation de M. W.H. Wright, 
qui a réussi à séparer, dans une nébuleuse pla- 
nétaire, le spectre du noyau de celui de l’enve- 
loppe. Le noyau est seul à fournir un spectre 
continu et présente tous les caractères d’une 
étoile Wolf-Rayet. D'autre part, M. Slipher a 
photographié à l'Observatoire Lowell un spectre 
de nébuleuse en fuseau où les raies sont assez 
inclinées pour faire admettre l’existence d’un 
mouvement de rotation autour d'un axe. 

On ne doit évidemment pas s'attendre à en- 
glober dans une formule aussi simple les mouve- 
ments internes d'une nébuleuse étendue et irré- 
gulière comme celle d'Orion. Ce problème en 
apparence si ardu a faitun pas considérable par 
la publication d’un travail exécuté à l’'Observa- 
toire de Marseille par MM. H. Buisson, C. Fabry 
et H. Bourget!. Ils ont eu recours à la méthode 
interférentielle inaugurée par Michelson pour 
la mesure précise des longueurs d'onde et 
dont il a été fait d’heureuses applications au 
Soleil par M. Pérot. On reçoit un faisceau mono- 
chromatique de rayons parallèles sur un système 
de deux lames parallèles semi-transparentes : le 
faisceau sortant est concentré par une lentille sur 
une plaque photographique. Il se produit une 


1. Voir Astrophysical Journal, oct. 1914. 


interférence entre les rayons transmis directe- 
ment et les rayons réfléchis dans l’intervalle des 
deux lames, et l’image obtenue comprend une 
série d’anneaux concentriques alternativement 
clairs et obscurs. L'ordre d’interférence se déter- 
mine en photographiant dans les mêmes condi- 
tions la lumière monochromatique d’une lampe à 
vapeur de mercure. La lumière étrangère s’éli- 
mine par un choix convenable d'écrans colorés. 
La disparition des anneaux d'interférence s’ob- 
tient pour une série de valeurs données à l'inter- 
valle des deux lames. 

Les mêmes artifices s'appliquent à une nébu- 
leusedontlalumière,cencentréeau foyer d’un mi- 
roir parabolique, aétéensuiterendueparallèlepar 
une lentille collimatrice, On isole dans la lumière 
de la nébuleuse soit la radiation H, de l'hydro- 
gène, soit une des radiations caractéristiques 
attribuées au nébulium. Les différences de 
vitesse radiale se traduisent par des irrégularités 
dans les anneaux etil est possible de faire corres- 
pondre chaque point d’un anneau à un point par- 
ticulier de la nébuleuse. 

Des poses de deux heures environ ont été né- 
cessaires pour l’objet céleste, alors que 10 secon- 
des suffisent pour la source artificielle. 

De l'étude des clichés on a déduit la grandeur 
de la vitesse radiale en divers points, la largeur 
de la raie IH, pour une dispersion donnée, une 
limite supérieure de la température, les valeurs 
plus exactes des longueurs d'onde, le rapport des 
poids atomiques de l'hydrogène et de la sub- 
stance inconnue. Il a fallu supposer dans la né- 
buleuse une certaine uniformité de température 
et une densité du même ordre que celle que l’on 
réalise dans un tube de Geissler. 

Les conclusions de ce beau travail, quia obtenu 
le suffrage de Lord Rayleigh!,sontsuggestives au 
plus haut degré. Elles assignent aux vitesses 
dans la nébuleuse des valeurs modérées, voisines 
de 15 kilomètres par seconde. Elles révèlent 
comme source de la principale radiation une 
substance dont le poids atomique serait triple de 
celui de l'hydrogène. Ce corps n’est pas connu 
dans nos laboratoires, mais son existence avait 
été prévue théoriquement par M. Nicholson qui 
l’avait nommé archonium. Cette fois encore l’As- 
tronomie aura été une précieuse auxiliaire pour la 
Chimie physique. 

P. Puiseux, 


Membre de l'Institut, 
Astronome à l'Observatoire de Paris. 


1. Philosophical Magazine, février 1919. 


PTS SPORT ES 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 113 


—}7——— — 


BIBLIOGRAPHIE 
ANALYSES ET INDEX 


1° Sciences mathématiques 


Borel (Emile), Professeur à la Faculté des Sciences 
de Paris, — Le Hasard. — 1 vol. in-16 de 51? pages 
de la Nouvelle Collection scientifique. (Prix: 3 fr. 50.) 
F. Alcan, éditeur, Paris, 1914. 


La question du « hasard » est une de celles qui préoc- 
cupent toujours plus ou moins consciemment l'esprit 
des foules; on échange volontiers des idées, mais l’ac- 
cord est diflicile à réaliser entre partisans et adversai- 
res du déterminisme ; les nombreuses discussions aux- 
quelles on assiste ne servent qu'à mettre en évidence la 
raison des divergences d'opinion; elles résultent des 
différences d'éducation ou plutôt d'instruction. Il est 
impossible, en effet, que des mathématiciens, d’une part, 
et la grande majorité des personnes non initiées à la 
science du calcul, d'autre part, puissent aborder à un 
point de vue commun les problèmes du hasard, 

Ce n'est pas cependant que beaucoup d'auteurs n'aient 
essayé de vulgariser les théories qui permettent de 
discuter la notion du hasard, mais je crois bien qu'ilest 
impossible de convaincre ceux qui, faule de connais- 
sances mathématiques, ne peuvent trouver dans les 
formules une preuve tangible et irréfutable de lappli- 
cation rigoureuse des lois du hasard. 

Ilest vrai que nombre de gens se rallient sans hésiter 
aux aflirmations des savants, mais seulement en ce qui 
concerne des théories dont l'accès parait inabordable ; 
tandis que, sur le hasard, tout le monde croit pouvoir 
discuter avec le sentiment de connaitre admirablement 
la question. Je pense que la lecture attentive du livre 
de M. Borel donnera une notion exacte des diiicultés 
qu'il faut surmonter pour avoir une opinion bien arré- 
tée sur le hasard. 

Dans la première partie, l’auteur expose la théorie du 
hasard au point de vue purement mathématique, c’est- 
à-dire la théorie des probabilités; évidemment, la lec- 
ture de cette partie ne remplace pas l'étude d’un 
traité du Calcul des probabilités mais on peut dire que 
ces quelques pages forment un résumé remarquable- 
ment clair du livre que M. Borel a consacré à ce cal- 
cul; — quelques paragraphes relatifs à une discussion 
avec M. Le Dantec donnent une idée très nette des 
divergences d'opinion qui peuvent se présenter, même 
entre gens de science. 

Le second chapitre est particulièrement intéressant 
pour les lecteurs, et nous regrettons que l’auteur ait 
dû abréger son exposé; on ne peut mieux faire que de 
CIRE: 

« L'idée que je voudrais dégager de ce qui précède, 
c’est que la réponse mathématique à donner à bien des 
questions pratiques est un coefficient de probabilité. 
Une telle réponse ne paraîtra pas satisfaisante à bien 
des esprits, qui attendent des Mathématiques la certi- 
tude, C’est là une tendance très fâcheuse; il est extré- 
mement regrettable que l’éducation du publie soit, à 
ce point de vue, si peu avancée; cela tient sans doute à 
ce que la théorie des probabilités est à peu près uni- 
versellement ignorée, bien qu’elle pénètre chaque jour 
davantage dans la vie de chacun (assurances diverses, 
mutualités, retraites, etc.). Un coeflicient de probabi- 
lité constitue une réponse tout à fait claire, correspon- 
dant à une réalité absolument tangible, Certains esprits 
maintiendront qu'ils « préfèrent » la certitude : ils 
« préféreraient » peut-être aussi que 2 et 2 fissent 5. 

« Si la notion de vérité statistique devenait familière 
à tous ceux qui parlent ou écrivent au sujetde questions 
où la vérité stalistique est la seule vérité, bien des 
sophismes et bien des paradoxes seraient évités, » 


Peut-on mieux exprimer le doute qui enserre l’obser- 
vateur réfléchi et l'effort qu'il doit produire pour en 
triompher ? 

Cette partie de l'ouvrage de M. Borel contient égale- 
ment une analyse sommaire de l’œuvre de Quetelet et 
une réponse aux critiques de Bertrand, sur l’homme 
moyen; — nous aurions voulu y voir figurer l’article 
si curieux et si intéressant que l'auteur a fait paraître 
sur l’hérédité dans le numéro de juillet 1914 de Science 
et Vie. 

En fait, M. Borel insiste sur ce point: « Les observa- 
tions d'unités sont bien souvent sans intérêt; seules 
les observations de collectivités donnent des résultats 
appréciables, capables de faire avancer une connais- 
sance, et même, quoi qu'on en ait dit, d'arriver à nous 
faire percevoir les causes, grâce à l’application correcte 
des méthodes de corrélation statistique. » 

11 faut lire les passages que M. Borel a consacrés à 
l'étude de la valeur pratique des lois du hasard au point 
de vue sociologique, et qui permettent de dégager la 
valeur éducative du calcul des probabilités, dans l'effort 
dirigé contre l’individualisme inintelligent. 

L'auteur insiste avec raison sur les dangers que fait 
naître la connaissance des risques, dans l'esprit de per- 
sonnes qui s’effraient sans raison d’un événement rela- 
tivement négligeable, et ne tiennent pas compte d’évé- 
nements beaucoup plus dangereux, mais qui leur sont 
familiers. 

Et dit-il: 

«On n’a rien à redouter du caleul, lorsqu'on est décidé 
à ne pas régler sa conduile sur ses indications sans les 
avoir au préalable pesées à leur juste valeur : c'est une 
illusion singulière que de penser que l'indépendance 
individuelle est accrue par l'ignorance. » 

Nous ne voulons pas en dire davantage sur le livre 
de M. Borel; nous devons toutefois indiquer que, dans 
le dernier chapitre sur la portée philosophique des lois 
du hasard, l'auteur arrive à montrer que le détermi- 
nisme scientifique est loin d'être absolu, et qu'on 
devrait l'appeler déterminisme «statistique »; — illaisse, 
en effet, place au libre arbitre, et c'est une concession 
qui ne sera pas sans satisfaire la plupart d’entre nous. 

En somme, ce livre, dont la guerre a retardé, trop à 
mon gré, une analyse sommaire, est un de ceux qui 
font penser etsa lecture est à conseiller aux défenseurs 
de la patrie; ils y puiseront un élément de force 
morale en acquérant une quiétude d'esprit réelle sur les 
chances qu'ils ont de se sacrifier complètement; 
ils feront des probabilités « priori et... peut-être plus 
tard pourront-ils calculer des probabilités «a poste- 
riori: en tout cas, ils auront lu un beau livre admirable- 
ment bien écrit et je souhaite qu'ils puissent se joindre 
à moi pour remercier M. Borel de l'avoir publié. 


A. BARRIOL, 
Secrétaire général 
de la Société de Statistique de Paris. 


2° Sciences physiques 


Ariès (E.), Ancien élève de l'Ecole Polytechnique. — 
Chimie physique élémentaire. /ome 1 : Les prin- 
cipes généraux de la Statique chimique. — / vol. 
in-S°de XXXet2?12 pages.(Prix : 4fr.) A. Hermann, édi- 
teur. Paris, 1914. 


Comme l'indique le sous-titre, ce livre est plutôt un 
ouvrage de Thermodynamique que de Chimie physique 
proprement dite. Suivant l'exemple de Gibbs et de 
Duhem, l’auteur cherche à établir les lois générales sur 
la base inébranlable des deux principes de l'énergie, 


A4 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


M. Ariès commence par parler des fonctions carac- 
téristiques unissant l'énergie interne, la température, 
l'entropie, la pression et le volume des corps qui ne 
subissent pas de transformations chimiques ; il en tire 
les relations qui existent entre les coeflicients indépen- 
dants de la thermoélasticité : coeflicients de dilatation et 
chaleur sspécifiques,coeflicients de compressibilité, cha- 
leur de dilatation... Puis, par un raisonnementque nous 
retrouverons dans tout le cours de l’ouvrage, il expose 
les conséquences de la loi de la dissipation de l’éner- 
gie : tout système qui subit une transformation spon- 
tanée, laquelle ne saurait être qu'irréversible, donne 
lieu à une augmentation de l’entropie dans l’ensemble 
constitué par le système et par le milieu dans lequel il 
est plongé, On démontre ainsi que les chaleurs spéci- 
liques et les coeflicients de compressibilitésont toujours 
positifs, et que les autres coefficients ont constamment 
le même signe pour le même état du corps. 

Pour étudier l’énergie et l'équilibre chimiques, il faut 
introduire la composition du mélange dans les fonctions 
caractéristiques. Nous arrivons ainsi à la notion du 
potentiel chimique de Gibbs, et à ses importantes pro- 
priétés. Par exemple, l'addition d’une nouvelle quantité 
de l’un des constituants d’un mélange fait croitre le 
potentiel chimique de cette substance;le potentiel de 
l’une quelconque des substances actives a la même 
valeur dans toutes les phases que cette substance occupe. 

Viennent ensuite les deux théorèmes sur la condi- 
tion nécessaire et suflisante de l'équilibre stable : 
entropie maximum, énergie minimum; puis les lois 
célèbres du déplacement de l'équilibre sous l'action de 
la pression (loi de Le Châtelier) et sous l'action de la 
température (loi de van’t Hoff), à l’exposé desquelles 
M. Ariès apporte un soin tout spécial. 

Un chapitre entier est consacré à la loi de l’action de 
masse, qui joue un si grand rôle en Chimie: « l’addition 
d'une des substances actives dans un système dont on 
maintient invariables Ja pression ou le volume et la 
température ou l’entropie, provoque toutes les réactions 
chimiques qui absorbent et font disparaître une partie 
de cette substance ». Cet énoncé précis et général s’ap- 
plique à tous les états de la matière;il donne donc 
toute satisfaction au chimiste. Cependant, malgré ces 
qualités, il ne sera peut-être pas inutile de recourir 
aussi à la démonstration plus rapide, et partant plus 
suggestive, de van’t Hoff, qui sans doute ne se rapporte 
qu'à l’état dilué, mais possède l’avantage de ne s'appuyer 
que sur l'expression très simple du travail d’un cycle 
réversible et isotherme.— Nous en dirons autant de la 
formule de Clapeyron, qui est en somme la formule 
générale de systèmes univariants; à côté des discus- 
sions savantes de M. Ariès, on se reportera aussi volon- 
tiers à la démonstration directe, à l’aide du cyele de 
Carnot. 

L'ouvrage se termine par une étude de la règle des 
phases et des considérations sur l’osmose et les parois 
hémiperméables. 

Les volumes suivants nous apporteront sans doute 
des applications numériques et expérimentales de ces 
diverses lois. En attendant, le chimiste qui aime la pré- 
cision lira avec intérêt et profit ce premier volume dela 
Chimie physique où l’on trouve solidement étayées les 
lois fondamentales !, 

P.-Th. Muzzer, 


Professeur à l'Université de Nancy. 


3° Sciences naturelles 


Campbell (M. R.), Géologue du Service géologique des 
Etais- Unis. — Origin of the Scenic features of the 
Glacier National Park. 4 broch.in-8° de 42 p. 


1. Une faute d'impression a tronqué dans tout le volume 
le now du célèbre chimiste Berthollet, en supprimant l'une 
des lettres L. 


5 


avec 23 fig. et {1 carte. (Prix : O0 fr. 75.) Government 
Printing Office, Washington, 1914. 


Alden (W.-C.), Attaché au Service géologique des 
Etats-Unis. — Glaciers of Glacier National Park. 
— 1 broch. in-8° de 48 p. avec 27 fig. et une carte. 
{Prix : 0 fr. 75.) Government Printing Office, Washing- 
ton, 1914. 


Le Pare national des Glaciers constitue une région 
d'environ 1.400 milles carrés, dans les Montagnes 
Rocheuses septentrionales, s'étendant de la ligne du 
GreatNorthern Railway au sud à la frontière canadienne 
au nord, et des Grandes Plaines à l’est à la rivière 
Flathead à l’ouest. Il a été créé par une loi du 11 mai 
1910 dans le but de préserver ses beautés naturelles. Il 
contient, en effet, quelques-uns des paysages alpins les 
plus sauvages du continent américain.Quoique les nom- 
breux glaciers qu’il renferme lui aient donné son nom, 
le voyageur qui le traverse est également frappé par 
l’aspérité des sommets montagneux, les grandes parois 
verlicales qui lés bordent, et la beauté des forêts, des 
lacs et des rivières, et le touriste est curieux de connai- 
tre quelles sont les eauses qui ont donné naïssance à 
ce modelé du paysage. 

C’est dans le but de le satisfaire qu'ont été rédigées 
les deux brochures ci-dessus, qui, tout en présentant 
un caractère nettement scientifique, que garantit la per- 
sonnalité de leurs auteurs, ont été mises à la portée du 
grand publie, 

Comme le montre M. Campbell, les caractères des 
paysages du Parc national des Glaciers ne sont pas dus 
à un événement extraordinaire ou cataclysmique dans 
l'histoire géologique de la région, mais, à l’origine, au 
soulèvementetau chevauchement des roches qui consti- 
tuent les montagnes sur les roches de la plaine, et se- 
condairement à l'érosion de cette masse soulevée par 
l’action ordinaire des éléments, des cours d’eau et des 
glaciers. Les résultats merveilleux produits dans le 
Parc des Glaciers sont simplement la conséquence d’une 
combinaison particulière de processus et de conditions, 
en eux-mêmes très communs. 

Les glaciers du Pare national, que décrit M. Alden, 
sont au nombre d'environ go, aujourd'hui détendue 
relativement#aible comparée à l'extension qu'ilsont dû 
avoir aux époques antérieures. On retrouve, en effet, les 
traces marquées de deux glaciations, l’une au stade du 
Wisconsin, l’autre encore plus ancienne, séparées par 
une période de déglaciation et d’érosion fluviale in- 
tense. Les glaciers actuels, malgré leurs minimes dimen- 
sions, offrent presque tous les caractères connus des 
glaciers alpins. 

Ce qui rehausse l’intérêt des deux brochures, ce sont 
les magnifiques reproductions photographiques qui les 
illustrent abondamment. 

L. B. 


Eugenics : Twelve University Lectures, par 
MM.ALpricu,CARRUTH, DAVENPORT, ELLWwOOD, HOLMES, 
HowEeLzL, JoRDAN, KELLER, THORNDIKE, VAUGHAN, WEB- 
BER, WoLcorr, avec une préface par M. BARKER. — 
1 vol. de 348 pages. (Prix : 10 fr.) Dodd, Mead et Cie, 
éditeurs, New-York, 1914. 


L'Eugénique (mot de Fr. Galton, 1883) est la science 
qui s'occupe de toutes les influences capables d’amélio- 
rer les qualités innées d'une race humaine: c’est, si 
l’on veut, uneespèce de zootechnie appliquée à l'Homme, 
Les problèmes de l'Eugénique ont apparu, plus ou moins 
nettement, à de très anciens groupements civilisés: les 
Hébreux, à l’époque où la Bible fut écrite, en étaient 
déjà préocceupés ; Platon en parle dans un chapitre fa- 
meux de sa « République », et la solution cruelle adoptée 
par Sparte est célèbre. Mais l’idée de créer une science, 
de l’'Eugénique ne date que de la fin du xrxe siècle 
lorsque la doctrine évolutionniste nous fit comprendre 
que l'Homme est soumis aux mêmes lois naturelles que 


* BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX n15 


les autres êtres vivants ; les travaux modernes sur l'Hé- 
rédité ont fourni la base solide sur laquelle s'appuie 
maintenant l’'Eugénique, jusqu'alors plus spéculative 
que pratique, 

Les dangers auxquels doit parer l'Eugénique ont paru, 
en ces derniers temps, si graves et si pressants pour 
certaines nations, qui veulent continuer à tenir leur 
place dans le monde, et ne pas tomber en décadence 
comme la Grèce et la Romeanciennes, Babylone et l'Es- 
pagne, qu'un mouvement s'est dessiné, à l'effet d'éclairer 
le publie et de lui former une conscience eugénique; 
c'est une œuvre patriotique au plus haut degré, car le 
groupe humain qui pratiquera l’Eugénique deviendra 
probablement aussi supérieur aux autres que le pur 
sang l’est par rapport à une rosse quelconque, À la 
suggestion de Mrs. Huntinglon Wilson, des conférences 
sur les principes de l’Eugénique ont été faites dans un 
certain nombre de grandes Universités et écoles des 
Etats-Unis, de façon à donner aux jeunes étudiants la 
pleine compréhension des dangers courus par la nation 
américaine et des moyens d'y remédier; le présent vo- 
lume est constitué par un certain nombre de ces confé- 
rences, qui se répètent quelque peu, comme il est inévi- 
table, mais qui donnent une excellente idée de l’œuvre 
à entreprendre; des biologistes de tous ordres, z00- 
logistes, botanistes, physiologistes, médecins, et des 
sociologues, ont envisagé l’Eugénique à divers points de 
vue. Ilest à peine utile de dire que la France, lorsqu'elle 
sera sortie de la lutte pour la vie qu’elle soutient en ce 
moment, devra, plus que toute autre nation, s'intéresser 
à l’'Eugénique pour parer au danger mortel de la dépo- 
pulation et au péril non moins grand de la contre- 
sélection opérée par la guerre. 

Il n’est pas douteux que l’état de civilisation s'oppose 
en quelque sorte au fonctionnement d’un processus in- 
dispensable au maintien en bonne forme de toute 
espèce, c’est-à-dire de la sélection naturelle : la philan- 
thropie, la charité publique et privée, la médecine, com- 
binent leur action pour prolonger les tuberculeux et 
autres malades chroniques, pour préserver les ivrognes 
et les faibles d’esprit, pour libérer les criminels, et leur 
permettre ainsi de reproduire, c'est-à-dire de perpétuer 
leurs tares. 

Il y a là un danger considérable, comme le prouvent 
d'innombrables faits : un certain Martin Kallikak, à 
l'époque de la Révolution, eut d’une demi-idiote un 
enfant illégitime, dont on connaît la descendance en 
ligne directe : sur 480 descendants, 143 ont été faibles 
d'esprit, 33 prostituées, 24 alcooliques; 82 moururent 
en bas âge. Martin Kallikak contracta ensuite mariage 
avec une fille de bonne race : les 496 membres de cette 
lignée furent tous, sauf 3, des citoyens respectables, et 
beaucoup ont occupé des situations éminentes. L'effet 
de la tare originelle de la première union est évident. 
La famille Jukes, de l'Etat de New-York, si soigneuse- 
ment étudiée par Dugdale, n’a compté pendant 7 géné- 
rations que des criminels, ivrognes, prostituées, men- 
diants professionnels; 20 seulement de ses membres 
ont appris un métier, et encore 10 l'ont fait en prison. 
En 95 ans,la famille Jukes a coûté à l'Etat plus d’un mil- 
lion et quart de dollars. En opposition avec ces familles 
cacogéniques, on peut citer l’histoire des 1.394 descen- 
dants de Jonathan Edwards, qui ont compté 13 prési- 
dents de collèges importants, 65 professeurs, 6o méde- 
cins, plus de 100 missionnaires et celergymen, 95 ofli- 
ciers, 60 écrivains, 130 juges et avocats, 8o hommes 
politiques dont l’un fut vice-président des Etats-Unis, 
et 3 sénateurs. Ces familles aristogéniques se maintien- 
nent telles, en dépit de l’hybridation renouvelée, par 
des mariages intra-familiaux, ou par des mariages 
avec des lignées de même qualité, 

S'il est hors de conteste qu'il y a hérédité, d’une part 
d'intelligence et d’un haut degré de moralité, d'autre 
part de mentalité défectueuse, on peut se demander 
quelle est l’importance des conditions de milieu, On 
pense d'ordinaire qu'elle est considérable; cela n’est 
pas très sûr; le milieu parait bien n'avoir d’effet qu’en 


accentuant, qu'en poussant à l'extrême les dispositions 
héréditaires, bonnes ou mauvaises: on sait en eflet 
que l’on obtient peu de succès en plaçant des enfants de 
souche criminelle dans des familles respectables et 
travailleuses, Une famille étudiée par Davenport eut 
deux garçons, qui reçurent la même éducation; l’un fut 
normal et aimable, l’autre fut un voleur : or, le père 
était un médecin intelligent et respecté, la mère une 
femme de talent, qui n'avait d'autre tare apparente 
que de la migraine et de la chorée dans sa jeunesse... 
On apprit par la suite que le père de la mère avait été 
un ivrogne, compromis une fois dans une affaire de 
meurtre, 

Voilà done un des buts de l'Eugénique qui apparait 
nettement : entraver le plus possible la reproduction 
des cacogéniques : alcooliques, faibles d'esprit, épilep- 
tiques, fous, pervertis sexuels, criminels, etc.; cela 
paraitra d'autant plus urgent si l’on considèrequeo,8°}, 
de la population des Etats-Unis est en prison, que 
4°/,, laissés en liberté, sont plus ou moins défectueux, 
et que 10 ‘/, sont sur la ligne frontière; les soins donnés 
aux fous, idiots, pauvres habituels, épileptiques, aveu- 
gles, muets, ete., par l'Etat lui coûtent annuellement 
100 millions de dollars, sans compter ce que dépense la 
charité privée. 

Mais ce n’est qu'une face du problème : si la slatisti- 
que montre à n’en pas douter que les cacogéniques se 
multiplient rapidement (en Angleterre, le rapport des 
défectueux aux normaux a plus que doublé entre 1874 
et 1896; aux Etats-Unis, la proportion des défectueux 
a augmenté d'un quart entre 1880 et 1903), elle montre 
également que les aristogéniques sont peu féconds : les 
uns ne se marient pas ; d’autres ont peu d'enfants; 
Davenport rapporte que 278 gradués de Harvard ont 
eu, dans les vingt-cinq ans qui ont suivi leur sortie de 
l'Université, seulement 141 fils, et encore il n’est pas 
tenu compte des morts en bas âge. Au bout de quelques 
générations, si cette basse proportion se maintenait, 
les rares descendants des gradués d'Harvard seraient 
submergés par les milliersde descendants de Roumains, 
Bulgares, Grecs, ethybrides Portugais immigrés. 

Quels remèdes apporter à un état de choses aussi 
menaçant? Il faut avouer que les conférenciers s’enten- 
dent moins sur ce sujet. Avant tout, l'Etat, par un 
moyen quelconque, doit entraver la reproduction des 
mauvais, soit par la ségrégation des sexes, soit mieux 
encore par la stérilisation. Cette dernière mesure est 
devenue légale dans douze Etats, mais elle n’est appli- 
quée que timidement et avec répugnance; cependant, 
dans l'un d’eux (l’Indiana), l'opération a été effectuée 
depuis 1907 sur plus de 500 individus par vasectomie, 
méthode aussi inoffensive que possible; en Californie, 
220 idiots,criminels et pervertis sexuels, dont 94 femmes, 
ont été castrés depuis 1909. Un jeune homme infirme, 
désireux de se marier, mais craignant par-dessus tout 
de léguer son infirmité à des enfants, a accepté la 
vasectomie, et a pu contracter une heureuse union sans 
arrière-pensée. L'institution d'un certificat médical, 
signé d’un médecin réputé, déclarant que les deux par- 
ties sont physiquement et mentalement saines, peut 
être accepté facilement; il est exigé par les clergymen 
de la cathédrale, de Chicago, et a pour effet d’écarter les 
personnes en puissance de maladie vénérienne. 

S'il est relativement facile d’entraver la reproduction 
des cacogéniques, on ne voit guère comment on pour- 
rait augmenter la progéniture des aristogéniques; il 
faut un changement dans les mœurs; un enseignement 
bien fait de l’Eugénique est peut-être capable de le 
provoquer. Je terminerai l’analyse de ce livre d’un puis- 
sant intérêt en souhaitant que la France considère le 
problème eugénique avec la clarté de vues et l'esprit 
positif des Américains : c’est, il ne faut pas se le dissi- 
muler, une question de vie ou de mort pour la nation. 


L. CuÉNoT, 


Professeur à la Faculté des Sciences 
de Nancy. 


416 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 4 


4° Sciences médicales 


Traité du Sang, pubiié sous la direction de M. A. Grr- 
BERT, professeur de Clinique médicale à l'Hôtel-Dieu 
de Paris, et M. WeINBerG, chef de Laboratoire à 
l'Institut Pasteur. Tome 1. — 1 vol. in-8e de 685 pages 
avec 155 fig. (Prix des ? volumes en souscription : 
42 fr.) J.-B. Baillière et fils, éditeurs, 19, rue Iaute- 
feuille, Paris, 1914. 


L'admirable Trailé des Humeurs de Robin avait mar- 
qué une date dans l’histoire de la Biologie ; c'était pour 
l'époque une étude où le maître avait développé, avec 
son originalité si particulière, ses larges vues sur la 
physiologie des liquides de l'organisme. 

Les temps ont marché, les travaux se sont accumulés, 
utilisant des techniques nouvelles, mettant à profit les 
progrès accomplis en Optique et en Chimie organique, 
Il ne faut donc pas s'étonner si aujourd'hui un Zraité 
du Sang ne comporte pas moins de deux gros volumes. 
Mais il serait diflicile actuellement, pour un savant, si 
documenté qu'il fût, d'écrire seul un pareil travail. 

Aussi MM. Gilbert, Weinberg et Bordin, qui ont en- 
trepris la rédaction de ce traité, ont-ils fait appel à une 
série de collaborateurs, et la liste comprend actuelle- 
ment cinquante noms. 

Les deux volumes dont se compose le Traité du Sang 
se subdivisent l’un et l’autre en deux parties. 

La première partie du premier volume est consacrée 
à l'étude physico-chimique du sang et des éléments figu- 
rés à l’état normal et à l'état pathologique. 

La seconde partie est réservée aux éléments anor- 
maux du sang empruntés à l'organisme ou venus du 
dehors (microbes, parasites, animaux, champignons), 

La première partie du second volume sera consacrée 
au sérum et au plasma ainsi qu'au séro-diagnostic. 

La seconde partie traitera de la recherche du sang et 
de ses éléments dans les produits ou sécrétions des 
divers organes. Elle comportera en outre une étude 
médico-légale du sang. 

Le deuxième volume n'ayant pu paraître à l'heure 
prévue, par suile des circonstances actuelles, nous ne 
pouvons parler ici que du premier. 

Il nous a paru nécessaire de donner dans ce compte 
rendu l’énumération complète des chapitres éludiés 
avec le nom de l’auteur, mais nous serons forcé de ne 
consacrer quelques lignes qu'aux travaux les plus im- 
portants ou qui nous ont paru plus personnels. 

Le sang, ses propriétés physiques et chimiques (Gar- 
BERT et CHABROL). — Travail réellement traité trop suc- 
cinctement. Trente lignes pour la réaction du sang, alors 
que cette question est si controversée, ne sont pas 
suflisantes ; même observation pour la viscosité, la den- 
silé, la quantité totale. 

La coagulation du sang (Norr). — Etude fort inté- 
ressante, très personnelle, trop peut-être, de cette 
réaction dont le mécanisme intime reste encore si 
Après l'exposition des faits essentiels de la 
coagulation, Nolf donne sa théorie. La coagulation est 
une réaction au sens habituel du mot, dans laquelle les 
produits apparus, fibrine et thrombine, se produisent 
aux dépens des produits disparus, thrombozyme, throm- 
bogène et fibrinogène. La fibrine n’est que de la throm- 
bine saturée de fibrinogène, la thrombine une fibrine 
non saturée de fibrinogène et qui reste soluble. Avec 
raison, Nolf insiste sur la nature complexe de tous ces 
colloïdes ; il n’y a pas une fibrine, une thrombine mais 
une série de corps voisins en voie continuelle d’évolu- 
tion. Les dernières pages de ce travail sont consacrées à 
la pathologie de la coagulation. 

Les gaz du sang (Nicroux). — Fidèle au programme 
qu'il s'était tracé au début de son article, l’auteur étudie 
exclusivement trois parties : Extraction et analyse des 


obseur. 


gaz du sang, composition générale de ces gaz, état des 
gaz dans le sang. À 

L'état colloïdal des constituants du sang (MouToN). — 
Exposé des conceptions encore très hypothétiques qui 
pourront « être le point de départ pour des recherches 
nouvelles ». 

llémoglobine (TIFFENEAU). — Mise au point de nos 
connaissances sur cette substance si importante pour 
l'étude du sang, 

Le globule rouge normal (Weinenxricx). Le globule 
rouge à l'état patnologique (Sarrazès). Le sang dans 
les anémies (Tixter). Les polyglobulies (AUBERTIN). — 
Ces quatre chapitres constituent une étude d'ensemble 
sur le globule rouge et les modifications qu'il subit au 
cours de l’évolution des états pathologiques les plus 
divers. On peut constater l'utilité de l’étude des ma- 
tériaux fournis par la clinique pour la connaissance 
du fonctionnement normal des éléments de notre orga- 
nisme. 

La résistance globulaire et les ictères hémolytiques 
(CHAUFFARD et TRoOISIER), — Les beaux travaux de 
Hamburger sur l'application des lois de l'osmose aux 
globules rouges ont ouvert une voie nouvelle à l'héma- 
tologie. C’estainsi que l'étude des résistances globulaires 
a permis à Chauffard d’élucider la question si obscure 
jusqu'ici des différents ictères et d’en établir la patho- 
génie différenciée sur des bases certaines. 

Les leucocytes à l'état normal (ParPeNuetm). Les pro- 
priétés phagocytaires des leucocytes (TarrAsséviren). 
La protéase et la lipase des leucocytes, le zymo-diagnos- 
lie (FiessiNGER). Les leucocytes à l'état pathologique 
(Sagrazès). Les leucémies (Girsert et P. WeïrL). — 
Série de chapitres constituant l'étude complète du leu- 
cocyte. L'importance de la réaction phagocytaire dans 
l’immunité fait l’objet d'un travail intéressant; quant 
au mécanisme même de cette réaction, Tarrasséviteh s’ef- 
force de nous l’exposer, en évoquant les actions chimio- 
toxique, le rôle des opsonines, des stimulines, ete. 
Mais il reste nécessairement un doute, que ne peut 
éclaircir la multiplicité des termes employés par cha- 
que auteur : opsonines et alexines, tropines et sensibili- 
satrices, sont-elles des expressions synonymes, ou re- 
présentent-elles des éléments matériels où simplement 
dynamiques différents ? 

L'éosinophilie (WewserG et LÉGER). — Elle a pris 
dans ces dernières années une très grande importance. 
Les auteurs, dans un travail très documenté, montrent 
l'utilité de ces notions nouvelles, tout en arrivant à cette 
sage conclusion : l'éosinophilie hématique n'est jamais 
pathognomonique. 

Les globulins (AYNAUD). — « Nous ignorons tout du 
rôle du globulin dans l’organisme », conclusion un peu 
sévère de l’auteur, qui rejette bien facilement les tra- 
vaux de Le Sourd et Pagniez sur le pouvoir rétracteur de 
cet élément vis-à-vis des globules rouges. 

L'ultramicroscopie du sang (AYNAUD et JEANTET). — 
Notes techniques fort utiles. : 

Les organes hématopoïétiques (Rurexs DuvaL). — Tra- 
vail exclusivement anatomo-pathologique, illustré de 
très nombreuses planches originales se rapportant 
principalement aux altérations des organes hémato- 
poiïétiques. 

Les microbes du sang (SABRAzÈs). — Etant donné l'in- 
térêt actuel des hémocultures, nous aurions aimé trouver 
un travail plus développé. 

Les parasites animaux (Bieer, Mesniz et LEBŒUr). — 
Très intéressantes études sur les hématozoaires et les 
leishmanioses. 

Champignons du sang (PINOY). — Sujet encore trop 
nouveau pour permettre une étude sérieuse. 

J.-P. LANGLOIS, 


Professeur agrégé à la Faculté de Médecine 
de Paris, 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 417 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 


Séance du 7 Juin 1915 


19 SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. Agnus : Le cla- 
quement de la balle et de l'obus. L'auteur rappelle que 
lorsqu'on tire un coup de fusil ou de canon avec une 
arme dont le projectile a une vitesse bien supérieure à 
celle du son, on entend au voisinage de la trajectoire 
non pas une, mais deux détonations distinctes. La pre- 
mière de ces détonations, qui constitue le claquement, est 
produite par l'onde de sillage conique que laisse aprèslui 
le projectile et qui précède l'onde sonore sphérique pro- 
duile par la détonation!.Quand le projectile a une vitesse 
moindre que celle du son, son onde de sillage continue 
l'ébranlement laissé par l'onde sonore sphérique : c'est 
le sifflement de la balle ou de l’obus. 

20 SCIENCES PHYSIQUES. — MM. Em. Bourquelot et 
A. Aubry : Etude comparée de l'influence de l'acide 
acélique sur les propriétés synthétisante et hydrolysante 
de la glucosidase #. Les auteurs ont reconnu que la glu- 
cosidasez(glucosidase dela levure basseséchée à l’air)est 
très sensible à l’action nocivedes acides.Elle est détruite 
dans des liquides renfermant de très minimes quantités 
d’acide acétique, et le fait que les deux propriétés (syn- 
thétisante et hydrolysante) que possède la macération 
de levure disparaissent simultanément sous l'influence 
de ces quantités démontre une fois de plus que les deux 
propriétés appartiennent bien à un seulet même enzyme, 
—M.P. Mazé : Sur le rôle de la chlorophylle. L'auteur a 
constaté que les feuilles formées par une plante, après 
la privation de soufre ou de fer, se décolorent complète- 
ment parce que l'assimilation carbonique y est suppri- 
mée. Quelle que soit la cause à laquelle elle se ratta- 
che, la chlorose apparaît ainsi, non pas comme une 
maladie, mais comme un moyen de défense de la plante 
malade contre une élévation exagérée de température. 
La cellule végétale, incapable d’assimiler CO?, ne peut 
vivre au soleil qu'à la condition de perdre sa chloro- 
phylle. 11 serait téméraire, d’autre part, d'attribuer à la 
chlorophylle une action immédiate sur les transforma- 
tions chimiques qui président à l'assimilation carbo- 
nique. 

30 SCIENCES NATURELLES. — M. J. Amar : Sur La ré- 
éducation fonctionnelle. Un arthrodynamomètre. L'auteur 
rappelle la nécessité de la rééducation fonctionnelle 
chez les infirmes et les blessés. Chez eux, comme chez 
l'homme normal, l'amplitude desmouvements et la force 
musculaire sont les facteurs essentiels du travail phy- 
sique, Pour les déterminer, l'auteur décrit un arthro- 
dynamomètre qui permet de mesurer les valeurs des 
déplacements angulaires des membres et les efforts abso- 
lus des groupes musculaires pour tous les degrés de 
flexion à considérer. — M. A. Lacroix : Sur de remar- 
quables phénomènes métamorphiques de contact du gra- 
nite de Madagascar. L'auteur a observé à Ambatoarina 
un contact très remarquable entre le granite et le cal- 
caire, caractérisé par l’apport d’alealis et notamment de 
soude (formation de feldspaths alcalins et surtout 
d’amphiboles et de pyroxènes ferro-alcalins peu ou 
pas alumineux), de phosphate de terres cériques, de 
suifate de strontium, d’un carbonate des mêmes élé- 
ments et enfin de sulfures métalliques. L'existence 
de terres cériques dans les produits d’émanation de 
ce granite se retrouve dans un autre gisement, situé 
plus à l’ouest, dans la région de Torendrika, et où 


1. Pour plus de détails sur ce point, voir E, Vauier : Le 
tir indirect en 1915. Revue gén. des Sciences du 30 mai 1915, 
t. XXVI, p. 298. 


le granite contient de la tscheffkinite et de la bast- 
naésite. — M. St. Meunier : Structure de la syssidère 
de Kodaïkanal (Indes Anglaises); exemple de cata- 
clase chez les fers météoriques. L'auteur déduit de ses 
observations sur la météorile de Kodaïkanal que les 
météorites métalliques ont, comme les météorites 
pierreuses, élé concassées dans leur gisement initial et 
converties ainsi en des conglomérats de fragments. On 
est conduit à rapprocher ainsi des méléorites la plupart 
des roches cristallines terrestres. 


déance du 14 Juin 1915 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. Boussinesq : 
Calcul approximatif de l'influence du climat sur La vi- 
tesse d’accroissement de la température avec la profon- 
deur sous le sol. L'auteur démontre que, dans l'hypothèse 
communément admise d'une croûte terrestre assez mince, 
reposant sur la masse en fusion ou pàteuse d’où celte 
croûte serait sortie par voie de rapide soliditication, 
l'inégalité permanente de l’action solaire, ou la difré- 
rence des climats due à celte inégalité, n'influe que très 
peu sur la rapidité d'accroissement des températures 
terrestres avec la profondeur sous le sol. 

2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. Th. Peczalski : Xecher- 
ches sur la conductibilité calorifique. L'auteur a reconnu 
que, pour le plomb, la conductibilité calorifique est in- 
dépendante de la température dans le système exponen- 
tiel, soit inversement proportionnelle à la température 
absolue dans le système ordinaire, — M. B. Bogitch : 
Sur les déformations superficielles des aciers trempés 
aux températures peu élevées. L'auteur a poursuivi 
l'étude des phénomènes de plissement découverts par 
M. B. Zschokke à la surface des éprouvettes d'acier 
chauftées entre 225° et 400°, puis trempées dans l’eau. 
Les plissements commencent à apparaitre à une tem- 
pérature comprise entre 215° et 220°; au début, ce sont 
des plis isolés qui tentent de se réunir en un point cen- 
tral. La température de trempe s’élevant, les plis isolés 
se transforment en bandes larges; vers 250°-260° des 
centres secondaires apparaissent, d’où partent des ban- 
des qui coupent les premières, de sorte que vers 300° on 
ne voit plus qu’une multitude de soulèvements isolés 
formant un réseau confus. Au voisinage de 330o°, le 
réseau se contracte, s'éloigne des bords de l’éprouvette 
et disparaît vers 350°-360°. Divers facteurs, comme la 
température du baïn de trempe, la durée du chauffage, 
le recuit et les dimensions des éprouvettes, influent sur 
le phénomène. — M. J. Bergonié : Vibrations provo- 
quées par l'électro-aimant à courants alternatifs, dit 
électro-vibreur, dans des corps voisins non magnétiques. 
En utilisant un électro-vibreur absorbant une puissance 
de 8 à ro kilowatts, on constate qu'au voisinage de son 
noyau à peu près tous les corps métalliques vibrent, 
inême ceux qui ne sont pas magnétiques. Cette pro- 
priété peut permettre de mettre en évidence dans les 
tissus, quoique plus diflicilement, des fragments de pro- 
jectiles en aluminium, cuivre, laiton, zinc. La tempéra- 
ture atteinte par les corps métalliques soumis à 
l’électro-vibreur étant inversement proportionnelle au 
produit de la résistivité par la densité et par la chaleur 
spécifique du métal, il y a possibilité d’échauffer assez, 
même au sein des tissus (sauf au voisinage d’un gros 
vaisseau), un projectile en aluminium, cuivre ou même 
plomb, pour le rendre aseptique lorsque l'extraction 
chirurgicale est contre-indiquée. 

3° SCIENCES NATURELLES. — M. P. Delbet : La pyo- 
culture. L'auteur a eu l’idée de cultiver les microbes 
d’une plaie dans les sécrétions mêmes (pus) de cette plaie 
(pyoculture). Il a constaté qu’une pyoculture positive 


418 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


(culture abondante dans le pus, plus abondante que 
dans le bouillon) indique un pronostic très grave, et 
commande de larges débridements de la plaie. La pyo- 
culture nulle (pas de culture dans le pus, culture dans 
le bouillon} indique une lutte qu'il faut aider par la 
thérapeutique. La pyoculture négative (bactériolyse 
des microbes dans le pus) indique le triomphe du 
malade et commande l'abstention. — M. F, Bordas 

Assainissement des cantonnements et des champs de 
bataille. L'auteur a reconnu que les huiles lourdes de 
houille employées comme désinfectants en milieu li- 
quide gagnent le fond en raison de leur poids et per- 
dent toute action. Ces inconvénients disparaissent si 
l’on emploie les huiles résiduelles du goudron (débar- 
rassées de leur naphtaline et déphénolisées); addition— 
nées de résinate de soude, elles fournissent, en mélange 
avec de l’eau à 2,50/,, une émulsion stable qu'on peut 
répandre en couche très mince, quoique active, sur de 
très grandes surfaces de matières en décomposition. — 
M. H. Colin : Sur la distribution de l’invertine dans les 
tissus de La betterave aux différentes époques de la végé- 
tation. Chez les betteraves de première année, les lim- 
bes sont riches en invertine, les feuilles également; le 
pouvoir hydrolysant des pétioles va en diminuant du 
sommet à la base; la souche ne renferme pas d’invertine, 
Chez les betteraves de 2€ année, la souche s'enrichit à 
peine en réducteur; l'invertine est présente à tous les 
niveaux de la tige : elle va en croissant de la base à 
l’inflorescence. — M.L. Gentil: Ze Crétace moyen el su- 
périeur dans le Haut Atlas occidental (Maroc). La côte 
marocaine comprise entre Mogador et Agadir est bordée 
par une bande crétacée s’enfonçant jusqu’à une soixan- 
taine de kilomètres, parfois recouverte par les dépôts 
néogènes. Le Crétacé forme ensuite, au nord et au sud 
du Haut Atlas, deux bordures qui encadrent les crêtes 
paléozoïques de la grande chaine; mais jusqu'ici le 
Mésocrétacé seul peut y être signalé, — M. D. Egi- 
nitis : Sur Les derniers tremblements de terre de Leucade 
et d'Ithaque. L'auteur donne des renseignements sur le 
tremblement de terre du 23 novembre 1914, dont l’épi- 
centre parait situé près de la côte SE de Leucade; le 
grand séisme du 27 novembre, dont l’épicentre se trouve 
sans doute du côté opposé de Leucade, aux environs de 
sa région NW; et le séismedu 27 janvier 1919, dont l'épi- 
centre est situé au NW d’Ithaque. Ces deux derniers ont 
été très violents et suivis d’un grand nombre d’autres 
secousses plus faibles. : 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 


Séance du 8 Juin 1915 


M. P. Marie: Sur la fréquence relative des aréliora- 
tions dans les cas de quadriplégie par traumatisme mé- 
dullaire, dû à une blessure de guerre. L'auteur estime 
que le pronostic des traumatismes médullaires par 
blessure de guerre est loin d’être toujours aussi grave 
qu’on aurait tendance à le croire. Sur 18 cas qu’il a soi- 
gnés à la Salpêtrière, il n’y a eu que 5 morts; chez les 
13 survivants, dont la blessure remonte à une époque 
variant de 1 à g mois, il y a une amélioration progres- 
sive de la paralysie. Le pronostic des blessures de la 
moelle cervicale est beaucoup moins grave que celuides 
blessures de la région lombo-sacrée. — M. P. Delbet : 
Etude sur lathérapeutique des plaies de guerre. L'emploi 
de sa méthode de pyoculture (voir p. 419) a conduit 
l'auteur à la conclusion que les antiseptiques ont plus 
d'inconvénients que d'avantages dans le traitement des 
plaies de guerre. Ils visent les microbes, mais tuent les 
cellules, et la destruction de ces dernières est plus fà- 
cheuse que n’est avantageuse la destruction d’un cer- 
tain nombre d'agents pathogènes. On ne doït employer 
que des solutions de concentration moléculaire égale à 
celle du sérum sanguin et n'ayant aucune action chimi- 
que sur les cellules. L'exposition à l'air et à la lumière 
est un des plus puissants moyens de désinfection des 
plaies, — M. Th. Tuffler : La résection du genou, dans 


certaines fractures infectées graves avec arthrite suppu- 
rée, peut remplacer l'amputation. L'auteur attire l'atten- 
tion des chirurgiens sur la possibilité d'éviter l’ampu- 
tation de la jambe, après fracture du genou par balle ou 
par éclat d’obus, non seulement dans les cas où la lésion 
primitive semble nécessiter cette amputation, mais sur- 
tout chez les blessés dont l’élat seplicémique, progres- 
sivement aggravé, parail, indiquer la suppression du 
membre. Quatre opérations de résection du genou, dans 
des cas de ce genre, lui ont donné d'excellents résul- 
tats. — M. P. Sollier : Statistique des cas de névrose 
dus à la guerre. De quelque façon qu'on envisage la 
question, soit au point de vue du nombre absolu des cas 
de névrose de guerre,. soit au point de vue de leur ac- 
croissement, on ne peut constater qu’une chose des plus 
rassurantes : c’est le nombre véritablement infime, et 
presque négligeable en comparaison de celui des blessés 
de tous genres et de ceux du système nerveux en parti- 
culier, des cas de névrose dus à la guerre, et sa ten- 
dance à rester stationnaire, sinon même à décroitre. 


Seance du 23 Juin 1915 


MM. A. Mairet, H. Piéron et Mme Bouzansky : 
Des variations du « syndrome commotionnel » suivant la 
nature des traumatismes, et de son unité. Les auteurs 
ont constaté que l’'ébranlement causé par l’éclatement 
des obus peut engendrer, sans blessure, un « syn- 
drome commotionnel » caractérisé par : des troubles de 
sensibilité fréquemment asymétriques, l'hyperexci- 
tabilité réflexe, la parésie vaso-motrice, les cépha- 
lées, les perturbations affectives, les amnésies, les cau- 
chemars et délires hallucinatoires, et les difficultés de 
fixation des souvenirs. Certaines émotions (départ au 
front, perte d'amis à côté de soi, menaces de mort pro- 
longées chez des prisonniers, ete.), et d'autre part des 
chocs matériels, par balles ou éclats d’obus, en parti- 
culier quand la région céphalique a été atteinte, peu- 
vent provoquer des troubles où lé « syndrome commo- 
tionnel » ci-dessus se retrouve, du moins en partie. Ce 
syndrome, qui comprend évidemment bien des phéno- 
mènes habituellement rencontrés dans l'hystérie, pos- 
sède cependant son unité et ne semble pouvoir être 
dissocié, 


SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE 


Séance du & Juin 1915 


M. G. Gouré de Villemontée : Propagation de 
l'électricité à travers l'huile de parafiine. L'huile de 
parafline de densité 0,876 à 24° C., telle qu’elle a été 
livrée par la maison Poulenc, est placée entre deux 
cylindres de laiton, montés l’un à l’intérieur de l'autre, 
de manière que les axes coïncident. L’ensemble forme 
un condensateur. Les dimensions des condensateurs 
employés ont été les suivantes : 


Diamètres 
Noms des armatures Hauteur Distance 
des A — des des 
condensateurs éxlerne  iuterne armatures armatures 
CA ss 34m 6m 20m pm 
(CT 11 2 20 k,5 
(CEE 29.4 1,2 20 13,7 
(CHAR 100,2 71,8 20 14.35 
(CAPE 100 6 18 43 
(CEE 10 2,5 20 3,70 
GR 22,5 7 116 9,95 
CL.. 14 on 116 HAN 


L’exposé des recherches est divisé en quatre parties. 
Première partie: Charges de longue durée. Potentiel 
maintenu constant sur les deux armatures du condensa- 
teur, Méruope : Au temps zéro, les armatures du con- 
densateur sont séparées du sol ; l’armature externe est 
portée et maintenue au potentiel V par une batterie 
d'éléments de pile ou d’accumulateurs, l’armature 
interne est reliée à une paire de secteurs d’un électro- 
mètre à quadrants, la seconde paire est au sol. On 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 419 


mesure la charge développée sur l’armature interne par 
la quantité d'électricité contraire qu'il faut fournir à la 
première paire de secteurs, du temps zéro au temps (y, 
do, Las +, ln, pour annuler la charge apparue sur l’arma- 
ture interne, La charge compensatrice a été fournie par 
la traction d'un quartz piézoélectrique, p étant le poids 
tenseur, 4 la constante du quartz, Q la quantité d’élec- 
tricité correspondante : Q — #p, et Q/Vt— Æp/Vi. On a 
suivi les variations de p/Vt avec la durée { de charge. 
Les potentiels V employés ont été compris entre 0,24 
et 20,85 volts, et, dans le plus grand nombre d’expé- 
riences, entre 2 et 4,17 volts. Résucrars : 1° Variations 
du rapport pIVt. De { — 0 à {— 1 minute, la valeur du 
apport p/Vt décroit d'une valeur infiniment grande à 
une valeur inférieure à l'unité. De { — 1 minute à 
t = 7 minutes, les variations de p/Vt sont de quelques 
dixièmes ; au delà de { — 7 minutes, les variations de- 
viennent très faibles et le rapport paraît tendre vers une 
valeur constante. 2 ‘Généralité du résultat. a. La loi des 
variations de p/Vt a été trouvée la même en répétant 
l'expérience à des époques différentes et avec des durées 
de charge différentes. 6. Les variations du rapport p/Vt 
en fonction du temps après une durée de charge t, sont 
les mêmes dans les deux cas suivants : 1° lorsque, dans 
l'intervalle de temps de zéro à /,, on annule la charge 
de l’armature interne à des intervalles de temps irrégu- 
liers par la traction du quartz; »° lorsqu'on annule la 
charge, pendant le même intervalle de temps, par une 
communication directe de l’armature interne avec le sol. 
c. Les variations du rapport p/V{ sont les mêmes lors- 
qu'on porte l’armature externe au potentiel 20 volts par 
une batterie d'accumulateurs de résistance intérieure 
négligeable et lorsqu'on porte la même armature au po- 
tentiel 20,85 volts par une batterie d'éléments de pile 
de résistance intérieure d'environ 120%. d, La loi de 
variation du rapport p/Vt est indépendante des dimen- 
sions du condensateur, 3° Loi des forces électromotrices. 
La loi suivante : « Les quantités d'électricité dégagées 
sur l’armature interne après des Lemps de charge égaux 
sont proportionnelles aux différences de potentiel de 
charge, autrement dit aux forces électromotrices », 
énoncée par l’auteur dans un Mémoire antérieur et en 
désaccord avec un résultat d'expériences de M. Egon 
von Schweïdler (Drude’s Annalen der Physik, t.1V, 1901, 
p. 664), a été de nouveau vérifiée par l’auteur et confir- 
mée. 4° Les variations des charges développées sur l’ar- 
malure interne en fonction du temps, dans les quinze 
premières minutes de l'expérience, sontreprésentées par 
la relation : Q/Vt— et, dans laquelle # est la con- 
stante du quartz, e la base des logarithmes népériens, 
a et b deux constantes, 5" L’auteur insiste sur l'ana- 
logie, déjà signalée par lui, entre les résultats obtenus 
avec l'huile de parafline et : 1° les résultats des recher- 
ches de M. J. Curie sur la conductibilité des corps cris- 
tallisés (Ann. de Chimie et de Physique, 6 série, t. XVII 
et XVIID) ; 2° les résultats des expériences de M, Hess 
sur la gutta, la parafline, le caoutchouc (Journal de Phy- 
sique, 3° série, t. If, 1893, p. 149). Deuxième par- 
tie : Charges de très courte durée. Des commutateurs 
dont les pièces de contact sont mues : 1° par la barre 
horizontale d’un pendule de torsion, 2° par l’équipage 
d’une machine d’Atwood, ont permis de réduire la durée 
de charge à des fractions de seconde, Deux conditions 
ont été réalisées et ont amené aux résultats suivants: 
1° La charge totale 4 —Q/V1{ recueillie sur l’armature 
interne, pendant un temps illimité, à la suite d’une 
charge de durée 4 de l’armature externe, varie comme 
l'indique la relation g— ke!—1. Les valeurs limites de 2 
ont été 0,00028 et 0,0053 seconde. 2° La charge déve- 
loppée sur l’armature interne, pendant la durée t de 
charge de l’armature externe, varie suivant la relation 
q = keït-1. Les valeurs limites de t{ ont été 0,00065 et 
0,105 seconde, Il en résulte que si ÿ ou { devient infini- 
ment petit, la quantité d'électricité g paraît infiniment 
grande et donne l'apparence d’une charge instantanée 
extrêmement grande, L'apparition de la charge brusque 
est suivie d'une variation très lente. Troisième partie: 


Relation entre les charges des armatures externe et 
interne. Expériences faites en portant l’armature ex- 
terne du condensateur CL au potentiel V 2 volts. 
1° Le signe de la charge de l’armature interne est le 
même que le signe de la charge de l’armature externe, 
2° La valeur absolue de la charge mesurée sur l’arma- 
ture interne ne dépend pas du signe de la charge com- 
muniquée à l’armature externe, 30 La charge de Farma- 
ture interne séparée de l'armature externe par la couche 
d'huile de parafline est plus faible que la charge de l'ar- 
mature externe el augmente avec la durée de charge de 
l’armature externe. La variation due à la pénétration 
des charges à travers l'huile de parafline est inappré- 
ciable lorsque la durée de pénétration est 0,002 se- 
conde. 4° En chargeant l’armature externe pendant 
0,001g9 seconde et mesurant par compensation la charge 
de l’armature interne après des intervalles de temps 
compris entre 55 secondes et 5 minutes, on a constaté 
que la charge de l’armature interne, réduite à zéro après 
35 secondes, reparaissait avec affaiblissement après 
do secondes ; la charge compensée après bo secondes 
est de nouveau sensible après 1 minute 5o secondes et 
ainsi de suite jusqu'à 3 minutes 30 secondes. Qua- 
trième partie : /nfluence de l'épaisseur du diélectrique : 
Première période initiale. Charges de durée extrême- 
ment courte de l’armature externe. Expériences faites 
sur les condensateurs CL et C,L. a. Le potentiel de 
charge de l’armature externe étant 5,56 volts, la durée 
de charge étant 0,017, 0,034, 0,042 seconde, la valeur 
du rapport des charges développées sur les armatures 
internes depuis le moment de la charge de l’armature 
externe jusqu'à la fin de la mesure de la charge de l'ar- 
mature interne a été trouvée égale à un, b, Le potentiel 
de charge de l’armature externe étant — 2 volts, la durée 
de charge étant comprise entre 0,0000ÿ6 seconde et 
0,0319 seconde, la valeur du rapport des charges déve- 
loppées sur les armatures internes, pendant la durée de 
charge des armatures externes, cette durée étant la 
même pour les deux condensateurs, est un. Deuxième 

ériode finale. Charge de longue durée. Condensateurs 
employés Cy, C», …, GC. Les potentiels de charge des 
armatures externes ont élé compris entre 0,24 volt et 
8,34 volts, Les durées de charge de l’armature externe 
ont été variées de 20 minutes à 1 heure 44 minutes. 
a. La valeur du rapport des charges trouvées sur les ar- 
matures internes des deux condensateurs augmente avec 
la durée de charge de l’armature externe; l’accroisse- 
ment est d'autant plus lent que la durée de charge est 
plus longue, b. La valeur du rapport des charges des 
armatures internes après les durées de charge respecti- 
vement les plus longues des armatures externes, dans 
chaque série d'expériences, diffère très peu du rapport 
inverse des épaisseurs du diélectrique. En terminant, 
M. Gouré de Villemontée signale l'intérêt que présente- 
rait le rapprochement des expériences qu’il vient d’ex- 
poser avec les résultats des expériences de Gaugain 
(Ann. de Chim. et de Phys., 3° série, t. LIX, LX, LXIV) 
et les recherches de M. Bouty (Ann. de Chim. et de Phys., 
6° série, t. III, XIV, XXIV, XXVII). M. Gouré de Ville- 
montée croit qu'une interprétation basée sur une modi- 
lication des milieux analogue à celle qui met en jeu les 
réactions élastiques serait préférable à toute autre. 
Cette manière d'expliquer les phénomènes, émise par 
beaucoup d’expérimentateurs, trouve un nouveau point 
d'appui précis dans un Mémoire intitulé : Æésistance 
électrique et fluidité, publié par M. Gouré de Ville- 
montée (Encyclopédie publiée sous la direction de 
M. Léauté), et dans l'analyse de cet Ouvrage, présentée 
au Congrès international de Physique de 1900 sous le 
titre Résistivité et fluidité, dans le recueil des Rapports, 
t. IV, p. 84. 


SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES 
Seance du28 Mai 1915 


M. H. S. Allen: Sur des rapports numériques entre 
les constantes électroniques et atomiques. Jeans a 


420 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


montré que he, où k est la constante de Planck et c la 
vitesse de la lumière, a les mêmes dimensions physi- 
ques que le carré d’une charge électrique. Lewis et 
Adams ont suggéré entre ces quantités une relation de 
la forme: 


3 / 


5 
ch— V Gr». 


Celle-ci peut être écrite : 
ane  (15/r2) En 
FC) RE 1 
où 4 — 7,28077 X 103. Le carré de cette constante 
numérique est p — 5,30096 X 10—5. On trouve que la 
charge e sur un électron en unités é, s. est égale, à 
o 11/, près, à 9 p X 106. Le rapport e/m de la charge à la 
masse est égal à p X<10°?, avec le même ordre d’exac- 
titude, La présence de puissances de 10 dans ces 
expressions peut être accidentelle, ou dépendre de 
la façon dont les unités de longueur, de masse et de 
temps sont définies à l’origine. Des quantités dérivées, 
dépendant de e, m et c, peuventêtre exprimées en fonc- 
tion de puissances entières simples (2,3 ou 4) de 10, pet 
r. La « masse atomique » d’un électron est approxima- 
tivement égale à 10 p. — M. H. Moore: Méthode pour 
calculer les coefficients d'absorption de la radiation X 
homogène. La radiation X, traversant un gaz, libère 
des électrons de ce gaz. Le nombre des électrons émis 
par chaque atome dans un faisceau de rayons X est pro- 
portionnel à la 4° puissance de son poids atomique. 
Donc, des nombres égaux d’atomes des différents élé- 
ments, soumis à des faisceaux de rayons X analogues, 
libéreront des quantités de radiation électronique pro- 
portionnelles aux {es puissances des poids atomiques 
des éléments. Les coeflicients d'absorption sont propor- 
tionnels à la radiation électronique libérée; donc les 
absorptions de deux éléments, pour un même nombre 
d’atomes, seront proportionnelles aux 4° puissances de 
leurs poids atomiques, La radiation corpusculaire 
libérée dans la vapeur d’un élément, et obtenue à l’état 
de vapeur monoatomique sous une pression de 76cm., 
peut être exprimée par 1,0 > 105 X (poids atomi- 
que) *, en prenant comme unité la radiation corpus- 
culaire dans l'air. Le coefficient d'absorption d’une telle 
vapeur sera, par conséquent, égal au coeflicient d’ab- 
sorption de l'air pour le même type de radiation X, 
multiplié par le nombre ci-dessus, L’absorplion d’un 
élément étant proportionnelle au nombre d’atomes 
présents, si l’on calcule l'absorption pour une vapeur 
hypothétique de ce type, on pourra en déduire par une 
simple loi de densité l’absorption par le même élé- 
ment dans une condition quelconque. L'auteur a fait 
ce travail pour plusieurs éléments (métaux), et pour 
quelques composés en supposant une loi additive. La 
concordance entre les valeurs calculées et les valeurs 
obtenues par différents observateurs dans des expé- 
riences directes est très bonne pour un intervalle 
considérable de radiations et de corps absorbants. 
Toutefois, quand le poids atomique du corps absorbant 
est plus élevé que celui du radiateur, de sorte que la 
série K est absente de toute radiation secondaire exci- 
tée dans le corps absorbant, la concordance cesse. — 
M. E. Wilson : Quelques expériences récentes sur la 
perméabilité élevée dans le fer. 1° Quand le fer est soumis 
à une force magnétique puissante, celle-ci réduit la per- 
méabilité et augmente la perte par hystérèse pour des 
valeurs données de l'induction magnétique. Cet effet 
peut être en grande partie supprimé par une démagné- 
tisation soignée, On a supposé que la force magnétique 
terrestre peut aussi exercer une influente polarisante 
sur le fer qui y est exposé, et on a tenté de la suppri- 
mer en plaçant l'échantillon dans un écran magnétique 
et en le démagnétisant avec soin, On accroît ainsi consi- 
dérablement la perméabilité correspondant aux petites 
valeurs de l’induction magnétique, et on diminue la 


perte par hysiérèse. Après une longue période de repos 
dans l’écran, la perméabilité diminue légèrement, et en 
sortant l'échantillon de l'écran elle conserve sa valeur 
élevée, 2° Si l’on soumet l'échantillon à une force magné- 
tisante soit alternative, soit continue, pendant le temps 
qu'il se refroidit en passant par la température de reca- 
lescence, on peut atteindre une valeur maxima de la 
perméabilité dépassant 10.000. Dans ces expériences, 
le fer a été essayé sous forme de carrés ou d’anneaux 
laminés ; à l’état de lames, l’effet, quoique produit, ne 
se maintient pas. 


SÔCIÉTÉ ANGLAISE 
DE CHIMIE INDUSTRIELLE 


SECTION CANADIENNE 


Seance du 29 April 1915 : 


M. J. Turner : Fabrication du nitrite de soude. La 
meilleure méthode de fabrication du nitrite de soude 
est la réduction du nitrate par le plomb métallique. On 
emploie généralement du nitrate commercial, qui ne 
doit pas contenir plus de 1°/, de NaCI, et du plomb 
doux très pur, ne renfermant pas plus de 0,2 °/, d’autres 
métaux, Le nitrate de sodium est fondu dans de grandes 
cuves en fonte de bonne qualité, puis on chauffe à 
420 C. et on ajoute graduellement le plomb en barres, 
jusqu’à ce que la réduction soit complète. La masse 
fondue est versée dans l’eau et lavée à diverses reprises 
jusqu’à extraction complète, puis, après traitement par 
un peu d'acide nitrique pour neutraliser de petites quan- 
tités de soude caustique formées pendant l'opération, 
on évapore les diverses liqueurs et on fait cristalliser. 
On obtient ainsi diverses séries de produits à 96-098 0/0, 
85-90 "/, et 70 °/, de nitrite. Un autre procédé de fabri- 
cation a été breveté en Angleterre, qui consiste à 
fondre ensemble du nitrate de soude et de la soude 
caustique, et à réduire le mélange fondu par le soufre; 
il se forme alors du nitrite et du sulfate de soude, 
qu'on dissout dans l’eau et abandonne à la cristallisa- 
tion. Comme le nitrite est plus soluble que le sulfate, 
ce dernier se dépose d’abord; puis on concentre les 
liqueurs et on obtient finalement le nitrite cristallisé. Ce 
dernier procédé n’est pas tout à fait aussi économique 
que le premier. 


SECTION DE MANCHESTER 


Séance du 5 Mars 1915 


M. J. Grossmann : la concentration des boues 
d'égout. Les boues déposées par sédimentation des 
eaux d'égout contiennent en moyenne 100, de matière 
solide et doivent être concentrées pour être transportées 
ou utilisées. Cette concentration peut se faire par la 
chaleur ou par des moyens mécaniques, mais elle est 
souvent très coûteuse. L'auteur décrit un procédé pra- 
tique etéconomique, qu'il emploie depuis une année 
aux usines d'Oldham. Les boues des bassins de sédi- 
mentation sont mélangées dans la proportion de 
1.000 parties avec 3 parties d'acide sulfurique qui a été 
dilué avec de l’eau sous forme d’une solution à 10 °/o 
environ. Le mélange, abandonné à lui-même, se sépare 
au bout de quelques jours en deux couches, l’une infé- 
rieure liquide, l’autre supérieure de concentration à peu 
près double de la substance originale (19 à 21°/, de ma- 
tière solide), Ces boues concentrées sont ensuite beau- 
coup plus facilement desséchées par la chaleur. En per- 
fectionnant le procédé, l’auteur est même arrivé à 
obtenir du premier coup des boues à 30 °/, de matières 
solides. 


Le Gérant : Octave Doix. 


Sens. — Imp, Levé, 1, rue de la Bertauche. 


26° ANNÉE 


N° 14 


30 JUILLET 1915 


Revue générale 


Ds  SGCienc 


pures ef appliquées 


Fonpareur : LOUIS OLIVIER 


Dinecreur : J.-P. LAN GLOIS, Docteur ès Sciences 


Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. J.-P. LANGLOIS, 8, place de l’Odéon, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des 
travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France eten pays étrangers y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


$S 1. — Physique 

Redresseur et amplificateur thermo-ioni- 
ques : le Kenotron et le Pliotron. — En décri- 
vant précédemment l’ampoule à rayons X de Coolidge!, 
je faisais remarquer qu’elle pouvait fonctionner sur 
courants allernatifs, sans soupape spéciale, les électrons 
négatifs issus de la cathode incandescente ne pouvant 
transporter qu'un courant négatif sur l’anode. 

Une telle disposition constitue done par elle-même un 
véritable redresseur de courants ; cependant, l'appareil 
construit pour produire des rayons X se prête mal à 
celte nouvelle application, à cause de la grande distance 
qui sépare les électrodes, Pour réduire le plus possible 
la résistance et augmenter 
le débit, M. Irving Lang- 
muir a été conduit à don- 


LA ner à l’anode la forme 
| $) d'un fourreau entourant 
| à | de très près la cathode 


portée à l’incandescence. 
Dans le modèle représenté 
par la figure 1, le filament 
cathodique F occupe l'axe 
de l’anode cylindrique en 


Le 
Lo —< ji 
/ 
+ " #. 


[! 
ho molybdène A. Les électro- 
des sont enfermées dans 
| 4 un tube où le vide a été 
LE fait aussi soigneusement 
NF A que dans l'ampoule de 


l'émission des électrons 
positifs, qui occasionne- 
raient des perturbations 
el désagrégeraient rapide- 
ment la cathode, C'est à 
ce vide parfait que l’ap- 
pareil ainsi construit doit 
son nom : Æenotron est 


| (4 Coolidge. On évite ainsi 


Fig. 1. — Kenotron. 


A, anode; F, filament 
cathodique. 


1. Voir la Revue générale des Sciences, 15 juin 1915, 
page 326. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 


dérivé du grec 2:%:, espace vide, la terminaison 7p%» 
exprimant l’idée d'application. 

On est arrivé à faire passer dans le kenotron des 
courants d'électrons purs supérieurs à 1 ampère. Cepen- 
dant, cette intensité nécessilant de très larges électro- 
des, on a reconnu préférable, en pratique, de ne pas 
dépasser 250 milliampères, Pour redresser des courants 
plus forts, on n'a qu'à coupler plusieurs kenotrons en 
parallèle : dans ce cas, chacun ne prend que sa part du 
courant, etil ne se produit aucune des irrégularités que 
présentent les redresseurs à mercure groupés de la 
sorte, 

Il ne semble pas y avoir de limite supérieure au fonc- 
tionnement du kenotron. Même à 180.000 volts, aucun 
courant inverse n’a été constaté, Le kenotron redresse 
d’ailleurs les courants de haute fréquence aussi bien 
que les courants de basse fréquence, sans donner le 
moindre signe d’effet rétrograde. 

Pour utiliser les deux alternances d'un courant alter- 
natif, de manière à obtenir un courant continu, deux 
kenotrons sont montés comme l'indique la figure 2. 


a 


Fig. 2.— Montage de deux kenotrons, pour utiliser les deux 
allernances d'un courant alternatif. — AA’. anodes: FF", 
filaments cathodiques; TT, transformateurs; C, condensa- 
teur; BB’, courant continu. 


422 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 
ET ER ed 


En augmentant la température du filament, on libère 
une plus grande quantité d'électrons, suivant la loi de 
Richardson !. Cependant, il arrive un moment où le 
courant thermo-ionique est limité par la charge de l’es- 
pace compris entre les électrodes, Alors, une fraction 
seulement des électrons émis s’échappent de la cathode 
et atteignent l’anode, tandis que les autres sont repous- 
sés par les électrons de l’espace, retournent et sont 
réabsorbés par la cathode. Dans ces conditions, si un 
corps chargé négativement est placé entre les électrodes, 
le nombre d'électrons qui refluent vers la cathode va 
croitre, el le courant décroitra. Si, au contraire, le corps 
interposé a une charge positive, les charges négatives 
de l’espace seront largement neutralisées, et un courant 
plus intense passera de la cathode à l'anode, 

Une très faible variation du potentiel électrostatique 
du corps interposé peut provoquer de fortes variations 
dans le débit thermo-ionique. C'est pourquoi ce dispo- 
sitif a reçu le nom de pliotron (de mc», plus grand). Le 
pliotron est un amplificateur de variations d'intensité, 
une sorte de relais, dont le fonctionnement rappelle 
celui de l’audion de Forest, avec plus de régularité et de 
sensibilité 

M. Langmuir a reconnu que la meilleure disposition 
à donner au conducteur interposé entre les électrodes 
élait celle d’une grille composée de fil fin en spires 
parallèles ne se touchant pas. Dans le pliotron repré- 
senté par la figure 3, la cathode est formée d'un fila- 
ment C placé au centre d'un cadre en verre F, autour 


G 
Fig. 3. — Pliotron. — C, filament; F, cadre en verre; 
G, grille en fil de tungstène; A, anode, 


duquel est enroulé un fil de tungstèpe d'environ 
0,01 millimètre constituant la grille G. L'anode A est un 
til monté en zigzags sur deux fourches disposées de part 
et d'autre de la grille. 

Le tableau reproduit par la 


figure 4 montre la 


1 allant ä 13 plaque {miliamperes) 
50 100 150 


Ja grille 


À 


] sur. 


otente, 


Fig. 4. — Intensité du courant thermo-ionique, suivant 


le potentiel de la grille. 


1. /bid., page 327, 


relation entre l'intensité du courant thermo-ionique et 
le potentiel de la grille, dans le cas où le potentiel de 
l’'anode est de 8,500 volts. 

En employant une grille fine, le courant d'anode peut 
être complètement arrêté par une très petite charge 
négative sur la grille; tandis qu'une très faible charge 
positive Ssuflira pour laisser passer un gros courant 
d’anode. On arrive ainsi à contrôler de très grandes 
quantités d'énergie dans le circuit de l’anode, au moyen 
de quantités d'énergie extrêmement faibles dans le cir- 
cuit de la grille. On augmente d'ailleurs à volonté les 
quantités d'énergie susceptibles d'être réglées de la 
sorte, en mettant plusieurs pliotrons en parallèle. 

Ces propriétés du pliotron l'ont fait appliquer aux 
transmissions sans fil, 

En reliant l'antenne d’un poste de TS. F. à la grille 
d'un pliotron, et en disposantun récepteur téléphonique 
en série avec l’anode, on peut recevoir des signaux. 
Toutefois, le détecteur ainsi constitué est médiocrement 
sensible, M. W. G. White a trouvé qu'une très légère 
trace d'amalgame d'argent dans l’'ampoule en augmen- 
lait considérablement la sensibilité, 

Le pliotron peut également être employé comme 
oscillateur, en plaçant une self el une capacité dans les 
circuits de la grille et des électrodes, et en couplant les 
deux circuits. 

Entin, le pliotron est applicable à la radio-téléphonie et 
en simplilie notablement l'installation. Il n'est plus né- 
cessaire d'associer au transmetteur un arc ou un alterna- 
teur de haute fréquence. L’antenne recoit du cireuitther- 
mo-ionique une énergie de 2 kilowatts, dont les variations 
sont commandées par celles du courant dela grille, reliée 
à un transmetteur téléphonique ordinaire. L'énergie dé- 
pensée dans ce transmetteur n’a pas besoin d’être plus 
grande que celle qu’on emploie communément dansles 
réseaux téléphoniques : une faible pile suflit. Bien en- 
tendu, la transmission sans fil exige aussi deux autres 
sources d'énergie, plus puissantes, reliées aux électro- 
des du kénotron : l’une à basse tension, pour chauffer 
le filament cathodique, et l’autre à haute tension, pour 
alimenter l’anode et l'antenne. En fait, M. Langmuir a 
pu utiliser le courant alternatif fourni par une station 
centrale (118 volts-60 périodes). Le réseau de distribu- 
tion était relié au primaire d’un petit transformateur 
portant deux enroulements secondaires. L'un de ces se- 
condaires fournissait, à la tension de 5 volts, le courant 
nécessaire à l’échauffement de la cathode; l'autre éle- 
vait la tension à 800 volts: ce courant alternatif était 
redressé au moyen d’un kenotron et servait à charger 
un condensateur de 6 microfarads relié au pliotron et à 
l’antenne. 

Les divers organes d’un poste ainsi constitué tiennent 
dans un très petit espace, el aucun ajustage n’est néces- 
saire pour assurer les conversations avec un autre poste 
établi de la même manière. 


Ernest Coustet. 


Les alliages métamagnétiques.— Dans des re- 
cherches sur les propriétés magnétiques des alliages eui- 
vre-zinc, M. K. Overbeck ! a constaté, chez quelques-uns 
d’entre eux, une relation entre le coeflicient de magné- 
tisation el la force du champ. Ceux-ci se montrent para- 
magnétiques dans les champs faibles, et diamagnétiques 
dans les champs forts. Leur magnétisme passe done, 
pour des champs de plus en plus élevés, du paramagné- 
tisme au diamagnétisme; l’auteur lui donne le nom de 
mélamagnétisme. 

La cause de ce phénomène paraît résider dans une ad- 
dition de fer; ce n’est pourtant pas une propriété géné- 
rale du fer de produire le métamagnétisme, comme le 
montrent des expériences sur des alliages de fer et de 
zinc pur, dont l’un, à teneur en fer bien déterminée 
(,35 2/0), se montre complètement indifférent dans tous 


1. Annalen der Physik, 1915, n° 5. 


CHRONIQUE 


2T CORRESPONDANCE 123 


ps 


les champs. Les alliages cuivre-zine éludiés se compo- 
saient de proportions à peu près égales de cuivre et de 
zine; il sullisait d’une addition de 0,0233 0/, de fer pour 
produire le métamagnétisme. 


= 


. — Photographie 


Ÿ 


Eclairage inactinique.— Les verres rouge rubis 
des lanternes destinées à l'éclairage des laboratoires 


% photographiques ne sont plus suflisants pour préserver 


Sürement du voile les émulsions d'extrême sensibilité 
que l’on prépare actuellement, D'autant plus que les fa- 
bricants de plaques ne se sont pas bornés à exalter la 
sensibilité du bromure d'argent pour les radiations vio- 
lettes et bleues : les progrès de l’orthochromatisme ont 
Singulièrement compliqué le problème, au point qu'on 
pourrait craindre qu'il finisse par devenir insoluble, 
car comment éclairer une surface sensible qui, par défi- 
nition, est impressionnée par toutes les radiations visi- 
bles? Heureusement, les émulsions panchromatiques 
même les plus parfaites n’offrent pas une égale sensibi- 
lité dans toute l'étendue du spectre ; il s’y trouve quel- 
ques lacunes, et un choix judicieux d'écrans permel de 
les manipuler sans accident. 

el est, entre autres, l'écran à la tartrazine et au vio- 


* let de méthyle, que l'on peut aisément confectionner à 


l'aide de deux plaques hors d'usage. On les traite d’abord 
par une solution d'hyposulfite de soude à 20°/, addi- 
tionnée d’une petite quantité de ferricyanure de potas- 
sium, jusqu'à dissolution complète du sel d'argent. On 
les lave soigneusement, puis on en teint une dans : 


A ne see ee 5e  Vile 000! CC. 

MAD AZINO Lt ses de 6 gr. 
L'autre est teinte dans : 

RATE eee ie mte © aise ie UN OUO CC. 

Violet de méthyle ........... 3 gr. 


Après un quart d'heure d'immersion dans le colorant, 
on les rince sommairement, et on les fait sécher. En les 
superposant, gélaline contre gélatine, et en les réunis- 
sant par une bordure de papier gommé, on a un écran 
qui ne transmet que les radiations de l’extrème rouge 
du spectre et qui permet de traiter les plaques les plus 
sensibles, même les plaques panchromatiques. 

MM. Lumière et Jougla ont cherché à réaliser, pour 
les diverses plaques de leur fabrication, l'éclairage à la 
fois le plus lumineux et le moins actinique. Ils l'ont ob- 
tenu par deux combinaisons de papiers colorés, dési- 
gnées l’une sous le nom de combinaison Æubra, où l’on 
utilise des papiers rouges, et l’autre sous le nom de com- 
binaison Virida, dans laquelle on superpose des papiers 
jaunes et des papiers verts. 

L’éclairage obtenu avec les papiers Rubra peut être 
employé avec toutes les plaques non orthochromatiques, 
même les plus sensibles, comme les plaques étiquette 
violette de Lumière, ainsi qu'avec les plaques panchro- 
matiques des mêmes fabricants et avec leurs plaques 
orthochromatiques série À, sensibles au jaune et au 
vert, 

L'éclairage obtenu avec les papiers Virida est plus lu- 
mineux et moins fatigant pour l’œil que le précédent, 
mais il ne peut être utilisé ni avec les plaques de sen- 
sibilité extrême, ni avec les plaques orthochromatiques 
série À. Par contre, c’est l'éclairage qu’il convient d’adop- 
ter avee les plaques Lumière série B, sensibles au rouge 
et à l’orangé. Il est également recommandé pour le dé- 
veloppement des plaques autochromes. 

M. G. Lacaille a combiné les papiers jaunes Virida 
avec les papiers Rubra. Trois feuilles rouges alternant 
avec trois feuilles jaunes sont appliquées devant une 
lanterne Excelsior éclairée par une lampe Osram de 
16 bougies. La surface éclairante étant de 20 X< 20 cen- 
timètres, on peut développer soit des plaques extra- 
rapides, soit des plaques autochromes, en tenant la cu- 
velte éloignée de 95 centimètres. 

Malgré l’inactinisme de cet éclairage, il est toujours 


prudent de couvrir la cuvette avec un carton et de n'exa- 
miner la plaque que le moins possible, 


E. C. 
$ 3. — Chimie 
L'antimoine et la querre. — Nous avons déjà 


indiqué ici même les répercussions de la guerre sur la 
production et l'approvisionnement de certains métaux : 
cuivre, zine, plomb, étain, nickel, mercure!, Pour com 
pléter ces indications, nous donnerons quelques ren- 
seignements sur la question de Fantimoine, d'aprés un 
article récent de notre confrère Ængineering?. 

Parmi les « petits métaux », l’antimoine est proba- 
blement le plus important en temps de guerre, IL est 
surtout employé pour durcir le plomb, et il joue par 
conséquent un grand rôle dans la fabrication des 
munilions. 

L'antimoine se présente dans la nature à l'état de mi- 
nerais, dont les plus importants sont le sulfure et 
l'oxyde, d'où on l'extrait par grillage et réduction. 
Mais, depuis quelques années, une source secondaire 
très importante d’antimoine est consliluée par les mine- 
rais d’or et d'argent, où il existe presque toujours en 
proportions variables, Lorsque ceux-ci sont fondus, 
l'antimoine se combine avec le plomb de la charge pour 
former du plomb antimonié, qui est vendu directement 
sur le marché, sans en séparer l’antimoine métallique, 
car cet alliage est très pratique pour la plupart des cas 
où l’on emploie l’antimoine. Outre la fabrication des 
munitions, l’antimoine est utilisé à celle des caractères 
d'imprimerie et de certains métaux anti-friction; ses 
oxydes et ses sels trouvent des applications dans la 
peinture, la céramique, l'émaillage, la pharmacie, ete, 

Le principal pays producteur d’antimoine est la 
Chine, qui a exporté en 1913 {4.250 tonnes de minerai et 
12.820 tonnes de régule d'antimoine brut. Les mines du 
Japon, qui ont eu une certaine importance il y a une 
dizaine d'années, sont aujourd’hui épuisées. Les autres 
pays producteurs sont : le Mexique, qui a exporté en 
Angleterre jusqu’à 4.000 tonnes d’antimoine brut en 1911, 
mais dont l'exportation est fortement ralentie par 
l'anarchie actuelle du pays; l'Australie, qui a exporté 
2.000 tonnes de minerai en 19#8 et dont la production 
augmente rapidement; enfin, et surtout, la France.,qui a 
extrait en 1912 11.000 tonnes de minerai de son sol?. 

On voit done qu’une partie de la production de l'anti- 
moine est entre les mains des Alliés; ce métal ayant été 
déclaré contrebande de guerre, le ravitaillement de 
l'Allemagne et de l'Autriche est devenu, d'autre part, 
extrêmement diflicile. 

On aura une idée de la consommation qui est faite 
actuellement de ce métal par les fluctuations de son 
prix. Pendant l’année 1913, la moyenne a été d'environ 
800 franes la tonne. A la fin de juillet 1914, le prix était 
seulement de 700 franes la tonne; en novembre, il 
s'élevait à 1.375 francs et à la fin de l’année à 1.500 francs. 
En 1915, cette progression s’accentuait d’une façon con- 
linue, et aujourd’hui le prix de la tonne atteint 3.000 à 
3.250 francs. 


La récupération des graisses des boues 
d'égout. — Les eaux d’égout des grandes villes em- 
portent avec elles une certaine quantité de graisses, 
qu'on a évaluée à 10 grammes par jour et par habi- 
tant en moyenne. Lors de la clarification de ces eaux 
dans les bassins de décantation, la plus grande partie 
de ces graisses se retrouvent dans les boues qui se dé- 
posent sur le fond. Dans les villes allemandes, ces 


1. Revue gén. des Sciences du 15-30 octobre 1914, t. XXV, 
D. 114, 

2. Numéro du 9 juillet 1915, p. 43. 

3. D'après les chiffres de la Statistique générale de la 
France; Engineering eslime, dans la même année, à 5.400 ton- 
nes l’antimoine préparé en France parle traitement des mine- 
rais natifs et importés. 


boues renferment en moyenne 17 /, de graisses; dansla 
ville anglaise de Bradford, avec ses nombreuses usines 
pour le lavage des laines, cette proportion peut s'élever 
à 4o 0, 

Dans beaucoup de cas, on aurait donc grand intérêt 
à traiter ces boues pour en récupérer les graisses. Il y 
a une vingtaine d'années déjà, sur l'initiative du Pro- 
fesseur Bechhold!, de Francfort, uneinstallation d’essai 
avait été construite dans cette ville pour l'étude de cette 
question. Les boues aqueuses y étaient traitées au-des- 
sous de 100° par un solvant des graisses ; les boues dé- 
graissées se montrèrent faciles à déshydrater par sim- 
ple pression, tandis que les boues non traitées retenaient 
l’eau avec énergie. 

Les résultats de ces essais, poursuivis dans diverses 
directions, amenèrent la création d'un « Konsortium 
pour l’utilisation des eaux résiduaires des villes », qui a 
installé récemment à Buchenhofen, près d'Elberfeld,une 
nouvelleusine beaucoup plus grande que celle de Franc- 
fort. On y obtient, d’après le procédé Bechhold, une 
graisse brute noire, qui est séparée par distillation en 
50 (/, de stéarine solide et 50 ?/, d'oléine liquide; le 
résidu de la distillation est un goudron qui peut être em- 
ployé comme isolant ou augraissage. 

Les boues dégraissées et déshydratées sont utilisables 
comme combustible, ou encore comme engrais à cause 
de leur teneur en azote (3,2 0/;). La combustion des 
boues laisse une scorie qui est propre à l’empierrement 
des routes, 


S 4. — Géologie 


L'origine des continents. — M. Rudzki a exposé 
récemment l’état actuel des différentes théories qui ont 
été émises sur l’origine des continents ?. 

M. Trabert est frappé par la différence entre la tem- 
pérature des eaux du fond de l’océan et celle qui règne 
à la surface de la plupart des continents. La Terre doit 
se refroidir plus intensivement au-dessous du fond des 
océans, maintenu continuellement à une température 
proche de zéro, que sous les continents où la surface du 
sol, chauffée par le Soleil est à une température variable, 
mais presque partout supérieure à zéro. À un refroidis- 
sement plus intense correspond un raccourcissement 
plus fort du rayon, de sorte que la profondeur des 
cuvettes océaniques doit augmenter avec l’âge, Done, 
il suflit qu’il y ait eu à l’origine de légères inégalités 
de la surface pour que les océans aient pu atteindre 
leur profondeur actuelle, par le seul effet de la con- 
traction. 

Au lieu de la contraction, M. Wegener fait intervenir 
les mouvements horizontaux. Les continents sont les 
débris d’une écorce riche en silicates et aluminates (la 
Sal de M. Suess), flottant sur une couche riche en silica- 
tes een magnésiates (la Simna). La Sal est fracturée par 
les déformations, entrainée par les courants de la Sima 
de la même manière que les champs de glace sont 
entrainés par les courants maritimes. Pour M. Wegener, 
l'Amérique ne faisait autrefois qu'un avec l'Ancien 
Monde; ce continent unique fut un jour fendu en deux 
parlies, que les courants de la Sima ont éloignées l’une 
de l’autre; la fente, immensément élargie, est l'Océan 
Atlantique actuel; la même poussée horizontale a édifié 
aussi les chaines de montagne qui bordent le Pacifique. 

L'hypothèse du colonel Burrard est analogue, Les 
alluvions de la plaine du Gange recouvrent une fente 
de l'écorce terrestre ; le Dekhan, et, en général, tout ce 
qui se trouve au sud de la fente n'a pas bougé, mais ce 
qui se trouvait de l’autre côté s’est replié vers le nord ; 
c'est cette poussée générale qui a entassé l'Himalaya ; 
le mouvement se poursuit encore, comme l’indiquent les 
tremblements de terre de 1885, 1897, 1909. Le colonel 
Burrard voit la cause de ce reflux vers le Nord dans le 
ralentissement de la rotation de la Terre : les mers se 


1. Chem. Zig.,t. XLV, p. 283; 1915. 
2, Scientia, mai 1915. 


424 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


retirent de l'équateur vers les pôles, la terre ferme suit 
aussi ce mouvement,quoique avec quelque retard. Il con- 
sidère comme prouvé que depuis 2.700 ans la Terre a 
perdu quatre heures, ce qui est très discutable. 

Un grand avantage de la théorie isostatique sur les 
autres théories orogéniques consiste en ce qu’elle con- 
sidère comme cause primitive des déformations une 
source d'énergie aussi abondante que le flux de chaleur 
envoyé par le Soleil. Ce flux entretient la circulation 
des eaux qui, à leur tour, transportent les matériaux 
solides d’un lieu à un autre et de cette façon dérangent 
continuellement l'équilibre. Le dérangement de l’équi- 
libre se manifeste par des pressions et des tensions qui 
engendrent des mouvements intérieurs, Il suflit que 
l'équilibre des couches profondes, plus plastiques que 
l'écorce, ne soit pas dérangé. Dans la conception un peu 
extrême d’'Airy, l'écorce flotte sur un fluide intérieur 
plus dense, tout à fait comme la glace flotte sur l’eau. 
On peut imaginer l’écorce comme formée de blocs 
d'épaisseur différente. Plus un bloc est épais, plus il 
s’enfonce dans le fluide intérieur ; mais, en même temps, 
il s'élève aussi davantage au-dessus du niveau du fluide, 
Ce sont donc les blocs épais qui constituent les conii- 
nents, les plateaux, les systèmes de montagnes, tandis 
que les blocs minces forment l'écorce sous-océanique. 

On ne doit pas chercher une surface d'équilibre dans 
l'écorce. C’est le fluide intérieur qui est soumis aux lois 
de l'hydrostatique, La première surface d'équilibre 
qu'on rencontre en descendant vers le centre de la Terre 
(surface de compensation) se trouve, d’après les déter- 
minations de M. Hayford, confirmées par celles de 
M. Helmert, à 120 km. environ de profondeur. 

Il ne faut d'ailleurs pas traiter l’intérieur de la 
Terre de liquide dans le sens ordinaire du mot; il suflit 
qu'il soit plastique, La déformation d’un corps plas- 
tique, soumis à une force continue, augmente avec le 
temps etproduit une sorte de courant, toujours extrè- 
mement lent, et qu'on peut comparer au mouvement 
des glaciers. 

Il est assez diflicile de se rendre compte du méca- 
nisme des chevauchements. On conçoit bien que les 
blocs chargés par la sédimentation s’enfoncent, que 
ceux lestés par l'érosion montent; par ci par là, un bloc 
lesté ou chargé trop inégalement penche, autant que 
ses voisins le permettent; il y a des couches qui glis- 
sent le long des pentes; mais on ne voit pas trop pour- 
quoi l'écorce devrait effectuer des mouvements horizon- 
taux nombreux et puissants, Pour y aboutir, il faudrait 
appeler le concours de la contraction séculaire ; d'après 
M. Lukaszewicz, la compression latérale donne lieu à 
des ruptures en biais, après quoi une aile est poussée 
sur l’autre. 

Encore importe-t-il d’être prudent dans les aflirma- 
tions de cette nature. On a fait beaucoup d’objections à 
la théorie de la contraction séculaire. La plus grave, et 
la plus récente, résulte des recherches de M. Strutt, qui 
a montré que la teneur en radium des roches est plus 
que suflisante pour que la chaleur dégagée par la désin- 
tégration de cet élément compense la chaleur perdue 
par rayonnement. Il pourrait y avoir, au contraire, gain 
de chaleur et dilatation, au lieu de contraction, 

«En fin de compte, poursuit M, P, Rudzki, nous arri- 
vons à la conclusion quela cause des grands déplacements 
horizontaux dans l'étage supérieur de l'écorce paraît 
obscure. Mais, quelle que soit cette cause, nous pouvons 
établir la chaine suivante des faits : l'énergie envoyée 
par le Soleil entretient l'érosion et la sédimentation 
depuis une suite innombrable de siècles ; l'érosion et la 
sédimentation travaillent incessamment à modeler 
la face de la Terre et provoquent, peut-être avec le con- 
cours d'autres agents, des déformations. Ainsi les 
déformations ne cessent jamais, tout en variant en 
intensité et distribution. En conséquence, les conti- 
nents subissent des changements continuels ; de ce côté 
ils gagnent du terrain, de l’autre ils le perdent, mais, 
en raison même de leur grande étendue, ils sont dura- 
bles, plus durables que les îles, » 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 525 


Reste encore à expliquer pourquoi les continents 
sont asymétriques, On a proposé diverses explications : 
Séparation de la Lune, migrations du pôle, influence des 
marées, ete. En réalité, pour les trois corps du système 
solaire dont on connait le relief (Terre, Lune, Mars), 
celui-ci estasymétrique. Cela fait penser que les défor- 
mations symétriques d'une planète manquent de stabi- 
lité, c’est-à-dire que les déformations ultérieures ne 
tendent pas à détruire une oblilération de la symétrie 
déjà existante, mais à l'augmenter. Les théories, de 
M. Jeans et de M. Love sont basées sur ce principe. 
Malgré qu'elles fournissent une explication globale sa- 
lisfaisante, elles ne sont pas exemptes de diflicultés. 

C'est dire qu'il y a encore beaucoup à faire avant 
d'être en possession d'une théorie satisfaisante de l’ori- 
gine des continents. 


S 5. — Zoologie 


Le mimétisme chez lesserpents.—Depuis quel- 
ques années, la conception du mimétisme, ou imitation 
protectrice, autrefois fort répandue, est tombée dans le 
discrédit, On attribue généralement aujourd’hui la con- 
-cordance des formes dans divers groupes du règne ani- 
mal qui vivent les uns à côté des autres à l'influence de 
facteurs physiques ou chimiques de l'alimentation ou 
du climat, et l’on nie l'adaptation protectrice produite 
par la sélection. 

L’attention des savants vient d’être rappelée sur cette 
question par de curieuses constatations faites par 
M. Sternfeld sur un certain nombre de serpents. Cet 
auteur cite en premier lieu le genre de serpent venimeux 
américain Ælaps, dont 35 espèces environ se distinguent 
par leurs anneaux rouges el noirs, ce qui leur a fait 
donner le nom de vipères-corail, Elles sont imitées par 
environ 60 espèces de serpents non venimeux, appar- 
tenant à 26 genres différents. Fait remarquable, la ré- 
partilion géographique des espèces imitatrices coïncide 
très exactement avec celle des modèles, tandis que de 
nombreuses espèces des genres imitateurs, qui possè- 
dent un autre domaine de répartition, ne sont pas colo- 
rées mimétiquement. 

La concordance de la taille est aussi très remarqua- 
ble : Les Elapides ont de 0,5 à r mètre de longueur; un 
seul atteint jusqu'à 1,9 m. Parmi les genres imitateurs, 
de nombreuses espèces dépassent ces limites en plus ou 
en moins; mais, parmi elles, seules les formes qui at- 
teignent très exactement 0,4 à 1 mètre sont colorées mi- 
métiquement; une seule atteint 1,95 m. et celle-ci se 
trouve dans la région de l’Ælaps de 1,9 m. 

M. Sternfeld a signalé des faits analogues pour des 
formes de serpents africaines et indiennes. En particu- 
lier, les serpents de mer venimeux de la famille des 
Hydrophines sont imilés par des serpents inoffensifs, 
quelques Murénidés et même des anguilles; la colora- 
tion spéciale de l’imitateur ne s'observe que là où l’on 
trouve les modèles. 

Ces faits, d’après l’auteur, ne peuvent s'expliquer que 
par la vieille théorie du mimétisme, 


$ 6. — Géographie et Colonisation 


Mission du professeur Emile Perrot pour 
l'étude des végétaux utiles de l'Afrique Equa- 
toriale. — M. Emile Perrot, professeur à l’École supé- 
rieure de Pharmacie de Paris, a accompli, durant le 
second semestre de l’année 1914,une fructueuse mission 
en Afrique, consacrée à l'étude des plantes tropicales 
susceptibles d'être utilisées pour l'alimentation, la thé- 
rapeutique et l'industrie, mission dont il avait été 
chargé par les deux ministères de l’Instruction publi- 
que et des Colonies, Il devait visiter certaines régions 
du Gabon français et du Congo belge, S'étant embar- 
qué à Bordeaux le 15 juillet, et étant arrivé en Afrique 
au moment de la déclaration de guerre, M. Perrot a 
effectué son voyage dans des conditions particulière- 
ment difficiles; cependant, il est rentré en France le 


6 décembre, ayant pu y consacrer tout le temps qu'il 
avait prévu, non sans avoir dû modilier l'itinéraire pri- 
mitivement fixé, mais ayant pu, par contre, porter ses 
investigations sur diverses parties de l'Afrique Ocei- 
dentale, ce qui lui a permis de faire d'utiles rapproche- 
ments, 

De Brazzaville, où il séjourna du 6 au 18 août, 
M. Perrot entreprit d’intéressantes excursions aux envi- 
rons. Il se rendit ensuite à la mission des Pères Jésuites 
de Kisantu, dans le Congo belge, sur le chemin de fer 
de Matadi à Kinchassa, où existe un important jardin 
d'étude; avec le concours d’un des botanistes de la mis- 
sion, le F, Gillet, il put réunir, pour le Musée de l'Ecole 
supérieure de Pharmacie, une riche collection d'échan- 
tillons. Grâce aux moyens de transport que lui à four- 
nis le Gouvernement belge à Boma, à défaut du service 
ordinaire des bateaux, M. Perrot put aller visiter les 
plantations du Mayombe belge, qui comprennent sur- 
tout des cacaoyers, des caféiers, des arbres à caoutchouc, 
et qui ont une réputation très justifiée. Ayant gagné 
Libreville, il put encore prendre le temps, de voir les 
plantations de l'estuaire du Gabon et du Como. Mais, 
en raison des diflicultés qu'aurait présentées plus tard 
son retour en France, M. Perrot dut s'embarquer une 
dizaine de jours après. 

Il put cependant encore faire en Afrique Occidentale 
une station assez prolongée. Pendant quatre semaines, 
par les moyens de transport les plus divers, il parcou- 
rut près de 1.800 kilomètres entre le littoral de la Côte 
d'Ivoire et la zone soudanaise, étudiant en chemin les 
diverses cultures indigènes ou introduites!, Sur un 
petit bateau de rivière, il arriva à Conakry ; ayant dù y 
stationner parce qu’un croiseur allemand menaçait la 
côte, il en profita pour aller voir le jardin de Ca- 
mayenne et des plantations voisines de bananiers et 
d'ananas. Parvenu à Dakar sur le même bateau, M. Per- 
rot eut encore le temps, avant de prendre le courrier de 
France, d'étudier les services sanitaires de la ville, de 
visiter les jardins des environs et, étant allé jusqu’à 
Saint-Louis, de voir le jardin de Sor, où beaucoup de 
cultures de végétaux utiles ont été essayées. 

M. Perrot a été à même, au cours de ce voyage, d'étudier 
dans chacune des régions visitées, d’une facon précise 
et détaillée, l’état actuel des cultures, puis de se rendre 
compte de ce qu'il conviendrait de faire pour les amé- 
liorer et de voir quelles sont celles qu'il importerait 
surtout de développer. Mais ce qui donne aux résultats 
de sa mission une valeur exceptionnelle, c’est que toutes 
ces études, il les a faites, non pas seulement comme un 
explorateur qui serait à la fois un homme de science et 
un observateur sagace, mais surtout, ce qui est le plus 
important, en spécialiste éclairé, Ce qu'il a été voir, il 
était particulièrement préparé à l’étudier, car il s’agis- 
sait de recherches correspondant à l’objet même de ses 
travaux ordinaires et de son enseignement. 

Chargé à l'Ecole supérieure de Pharmacie du cours de 
Matières premières d’origine végétale appliquées à la 
thérapeutique et à l'alimentation, il y étudie pour cha- 
cune d'elles ses origines, ses caractères botaniques et 
chimiques, sa culture et sa production, sa récolte, sa 
préparation et ses usages ; il se trouve amené en même 
temps à s'occuper d’autres genres de matières premières 
utilisées par l’industrie, matières tannantes, textiles, 
tinctoriales, etc., dont plus d’une a des applications 
pour la chirurgie ou l'hygiène. Son activité de profes- 
seur se porte donc sur l'étude des matériaux industriels 
d'origine végétale, en se spécialisant dans l’enseignement 
de l'Ecole aux plantes médicinales et alimentaires. De 
plus, le riche Musée de cette école, que précisément 


1. M. Perrot a fait, le 4 novembre 1914, devant la Chambre 
de Commerce de Grand-Bassam, une conférence sur l'agricul- 
ture à la Côte d'Ivoire, dans laquelle il a présenté une com- 
paraison très suggestive entre ce qui existe et ce qui pourrait 
être fait dans la colonie, et établi des rapprochements avec 
Ja situation des cultures au Gabon et dans d’autres colonies 
au'il a visitées (£a Dépéche coloniale, 8, 12, 15, 19, 22, 
29 mai: 2 et # juin 1915). 


426 


dirige M. Perrot, est spécialement consacré aussi aux 
matières premières d'origine végétale, La mission dont 
il a été chargé se trouvait donc être un complément 
nécessaire à ses travaux, et, d'autre part, nul n’était 
mieux à même que lui de la remplir utilement. 

À cette mission, complètement orientée vers l’étude 
appliquée de certains végétaux utiles, on doit lexamen 
de leurs conditions de végétation, la détermination des 
espèces ou variétés à propager, ainsi que de nombreux 
matériaux d’études, notamment en vue de recherches his- 
tologiques ou d'analyses chimiques. De Kisantu,M. Perrot 
ne rapporta pas moins de 20 échantillons végétaux. 
Enfin, il se documenta sur les questions d'hygiène 
générale et spéciale, en visitant les Instituts Pasteur, 
les laboratoires, les hôpitaux et en se renseignant sur 
les mesures d'hygiène prises et sur les œuvres d’assis- 
tance européenne ou indigène. 

Les plantes dont M. Perrot a eu à s'occuper d'une 
façon plus particulière sont le cacao, le café et le pal- 
mier à huile. 

Sur la première, il a déjà donné à notre Æevue | une 
intéressante étude où il résume les constatations qu'il 
a pu faire au cours de sa mission et où il montre le 
grand avenir que présente le cacaoyer au Gabon et à la 
Côte d'Ivoire. En ce qui concerne l’amélioration de ses 
procédés de culture, M. Perrot, très justement préoccupé 
de ce point, vient de faire paraître un petit Gwide où le 
planteur de cacao trouvera des renseignements pratiques 
des plus utiles relativement au choix du terrain, à son 
exposition, à la culture proprement dite de l'arbre, à sa 
conduite suivant les conditions du milieu choisi, à la 
lutte nécessaire contre les ennemis de toute nature, enfin 
à la préparation du cacao?. 

En ce qui concerne le caféier, on en trouve en Afrique 
des variétés nombreuses, estimées localement, mais on 
ne le cultive pas encore comme on pourrait le faire, Ce 
qu'il faudrait, c'est sélectionner les meilleurs types de 
ces variétés et créer un type africain, C’est ainsi qu'au 
Gabon le café pourrait être un produit d'avenir, mais il 
importerait de faire choix d'une espèce qui pourrait 
fournir au commerce un produit de qualité régulière et 
en quantité suflisante. Au Moyen-Congo, le caféier n’est 
guère cultivé que par les indigènes. 

Le palmier à huile constitue une immense richesse 
latente de nos colonies du Gabon et de la Côte d'Ivoire. 
Dans cette dernière, où il abonde autour des lagunes, 
on n’en a pas encore tiré tout le parti que l’on en peut 
attendre, Au Gabon, où on le trouve répandu partout et 
où il forme des peuplements naturels, il est nécessaire, 
pour donner à cet arbre toute sa force productive, de 
trans{ormer les palmeraies naturelles en de véritables 
plantations. Dans le Moyen-Congo, le palmier à huile, 
qui, sur certains points, existeen nombre considérable, 
est un produit diflicilement rémunérateur à cause des 
difficultés de transport; aussi n’existe-t-il d'exploitation 
en pleine activité ni dans la colonie française ni dans 
la colonie belge. Au surplus, M. Perrot fait observer que, 
si le palmier à huile a pris un remarquable développe- 
ment au Dahomey. où il fructifie abondamment dans 
la grande brousse, les condilions ne sont plus les 
mêmes à la Côte d'Ivoire et au Congo. Là, les palmiers se 
trouvent groupés par places dans la forêt, au milieu de 
laquelle il faut les dégager pour leur donner l'air et la 
lumière nécessaires ; il convient de supprimer les arbres 
trop âgés et de déplacer les jeunes pour en faire des 
plantations régulières. Tous ces aménagements entrai- 
nent forcément à de fortes dépenses avant de réaliser 
des gains. 

A côté de ces trois grands produits, d'autres encore 
méritaient d’être envisagés et ont été étudiés par 
M. Perrot. L'un d'eux est le coton, qui certainement est 
appelé à réussir, et qui existe presque partout parmi les 


1. Revue générale des Sciences, 15 avril 1915, p. 219-222. 

2, Professeur Em. PEerror : Culture industrielle du cacao 
en Afrique. Guide pour le planteur. Bingerville, Imprimerie 
du Gouvernement, 1915, in-8°. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


nn 


cultures indigènes, à la Côte d'Ivoire par delà la grande 
forêt et au Moyen-Congo, et M. Perrot estime que le 
meilleur moyen, pour le développer, serait, sans essayer 
d'introduire des variétés étrangères, de faire un choix 
parmi les espèces que cultivent les indigènes. 

Les arbres à caoutchouc, le Funtumia notamment, 
ont élé très développés à la Côte d'Ivoire, de même 
qu'au Congo, dans les régions de la Sangha et de l'Ou- 
bangui, mais leur culture est surtout une question éco- 
nomique et de pure concurrence ; l'extension du caout- 
chouc se trouve subordonnée à la condition que son 
prix de revient ne dépasse pas celui atteint en Cochin- 
chine et dans l’Inde malaise. 

Le kolatier est très cultivé aujourd’hui à la Côte 
d'Ivoire eta pris une importance commerciale croissante 
sur les grands marchés africains. M. Perrot avait déjà 
étudié cette plante d’une façon approfondie, et dans un 
volumequ'ilavaitentrepris en collaboration avec M. Au- 
guste Chevalier! il a traité de l'anatomie et des carac- 
tères histologiques des kolatiers, et donné une étude 
chimique et pharmacologique de la noix de kola. Au 
cours de ce voyage, M. Perrot a pu recueillir quelques 
observations sur la culture du kolatier. 

Il s’est préoccupé aussi de diverses autres cultures, 
arachide, papyrus, vanille, sur lesquelles il faudrait se 
livrer au Gabon à des expériences méthodiques. Il a par- 
couru à la Côte d'Ivoire les premières zones à karité, 
arbre sur lequel il a publié jadis une monographie?, et 
il estime que la multiplication de cette essence pour- 
rait être avec juste raison encouragée. 

En ce qui concerne l'exploitation forestière à la Côte 
d'Ivoire, M. Perrot insiste lui aussi, comme l'avait fait 
jadis M. Auguste Chevalier, sur la nécessité d'assurer an 
plus tôt la conservation et la reconstitution des forêts. 
Déjà, l’occasion était née pour lui de s'occuper des boïs: 
Après que M. Aug. Chevalier avait réuni la riche col- 
lection tirée des forêts de la Côte d'Ivoire et du Gabon“ 
qui se trouve au Muséum d'Histoire naturelle, M. Perrot” 
s'était chargé d'établir leur diagnose microscopique, 
destinée à faire reconnaître l'identité des espèces; plus 
de 200 espèces sont actuellement préparées à ce point 
de vue et M. Perrot se propose de commencer, dès qu’il 
lui sera possible, la publication d’un premier volume. 

Enfin, pour le Moyen-Congo, l’une des industries 
agricoles que M. Perrot trouverait le plus à propos de re- 
commander est l'élevage des bovidés, tout au moins dans 
les régions où il n'existe pas de tsé-tsé; les résultats 
déjà obtenus par la mission de Kisantu viennent à l’ap- 
pui de cette manière de voir. Mais, pour réussir, il 
importe de choisir les races avec soin et de s'assurer de 
la qualité des paturages. 

in dehors de l'étude particulière de chacun des pro-u 
duits végétaux, M. Perrot a recherché aussi quelles 
pourraient être les mesures les plus utiles à prendre 
pour développer la production agricole. La question 1 
la main-d'œuvre est parmi les plus importantes. On 
devra s'appliquer à améliorer son recrutement el, en 
outre, il y aurait lieu de combattre énergiquement las 
maladie du sommeil qui, sur de nombreux points, 
diminue sensiblement la main-d'œuvre indispensable. 
M. Perrot recommande particulièrement l’instilution en: 
Afrique d'agents de l’agriculture tout à fait spécialisés; 
puis la création de stations d'expériences à programmes 
défini et limité, et la formation de moniteurs noirs pour 
l’agriculture, Enfin, l’une des conditions primordiales 
pour obtenir une mise en valeur plus complète des colo 
nies visitées par M. Perrot est, ainsi qu'il le fait remar- 
quer avec raison, d'assurer sur la côte et dans les 
estuaires, dans leslagunes et sur les fleuves côtiers, une 
navigation rapide et régulière. 


Gustave Regelsperger. 


A. Les Végétaux utiles de l'Afrique tropicale française 
fase. VI. Les kolaltiers et les noix de hkola, par AuG. CHEVA= 
L1ER et Em. Perror (Paris, Aug. Challamel, 1911, in-8°s 
484 pages, 52 fig., 3 cartes hors texte, XVI" pl-): 

2. Id., fase. Il. Le karité, par Em. Perrot (1907). 


ner à 


Emize DEMENGE. — PIERRE MARTIN 427 


PIERRE MARTIN 


L'un des derniers pionniers de la Sidérurgie 
moderne, Pierre Martin, vient de disparaitre. Il 
s’est éteint le 21 mai dernier à lourchambault, 
à l’âge de 90 ans. Son invention, qui date de 
1865, a eu une portée considérable sur la fabri- 
cation de l'acier. Aussi n'est-il pas indifférent 
d'y insister un peu, et de rappeler ce qu'est le 
procédé Martin, dans quelles conditions il a été 
créé, et les raisons pour lesquelles il a pris un si 
srand développement à travers le monde. 

Et d’abord quelques mots sur la vie de Pierre 
Martin, celle, hélas! de beaucoup d’inventeurs 
de génie qui enrichissent les autres sans aucun 
profit pour eux. 


I 


Pierre-Blaise-Emile Martin naquit à Bourges le 
18 août 1824 d'une famille d'ingénieurs; son 
grand-père maternel était ingénieur eivil à Tou- 
louse, et son grand-père paternel avait participé 
largement au point de vue technique à la créa- 
tion des forges de Fourchambault (Nièvre), avec 
l’aide de son fils Emile, le père de celui dont il 
est question. 

En 1854, Emile Martin acheta les usines de 
Sireuil (Charente) et chargea son fils Pierre de 
la direction.Celui-ci avait fait son instruction à 
Paris, à l'Ecole des Mines, et son apprentissage 
d'ingénieur pendant dix années aux usines de 
Fourchambault. Il était donc tout préparé, non 
seulement à prendre la direction des usines de 
Sireuil, mais encore à développer ces usines et 
à les améliorer. 

Les ateliers comportaient un puddlage, un 
laminoir, une fonderie de fonte et d'acier et un 
hall d’ajustage, et l’on y fabriquait spéciale- 
ment des bandages et essieux en acier puddlé. 

C'est là qu'après de nombreuses expériences, 
avec l’aide de son frère Emile, Pierre Martin 
parvint à obtenir, le premier de tous, de l'acier 
fondu au four à sole. A l'Exposition internatio- 
nale de 1867, il exposa des échantillons de son 
nouveau produit et obtint une médaille d’or. 

La Cie P.-L.-M. lui confia aussitôt une fourni- 
ture importante de rails et les usines de Sireuil 
se développèrent. En 1868, la raison sociale se 
transforma en Société par actions, au capital de 
2.500.000 francs, qui traita avec la Marine, la 
Guerre et les Chemins de fer pour l'exécution de 
diverses commandes. Toutefois, en présence du 
succès dont ils étaient l’objet, les procédés Mar- 
tin furent altaqués de différents côtés, sous 


prétexte qu'ils ne constituaient pas une réelle 
découverte, et Pierre Martin appelé à défendre 
ses brevets dans une suite de procès intentés par 
de puissants adversaires. Dans cette lutte inégale 
avec les modestes moyens dont il disposait, 


il ne put que succomber et de guerre lasse 


abandonna la carrière industrielle, Alors que 
son nom était dans toutes les bouches, 
Pierre Martin, complètement délaissé, avait 


disparu, lorsqu'au commencement de l’an- 
née 4910 on le retrouva enfin, vivant dans la 
pauvreté au fond d’un petit village près de Four- 
chambault, où avait été établie la première usine 
de son père. Un mouvement unanime de sym- 
pathie s'éleva en sa faveur parmi les métallur- 
gistes, et sur l'initiative du Comité des Forges 
de France une souscription internationale réunit 
les fonds nécessaires pour assurer à l'inventeur 
une retraite convenable. Au cours d’un banquet 
présidé par M. Millerand, qui était Ministre des 
travaux publies, Pierre Martin reçut la croix de la 
Légion d'Honneur. Enfin le 12 mai dernier, c’est- 
à-dire dix jours avant sa mort, l’/ror and Steel 
Institute lui décernait encore sa grande médaille 
d’or Bessemer. Ces hommages, quoique tardifs, 
étaient bien dus à l’auteur du procédé auquel on 
doit actuellement près des 3/6 de la production 
d'acier dans le monde. 


II 


La méthode indiquée par Pierre Martin est 
l’un des deux principaux procédés que l’on em- 
ploie maintenant pour afliner la fonte de fer et 
la transformerenacier. C’estl’application indus- 
trielle des principes posés par Réaumur. Ce 
savant, dans son traité sur l’art de convertir le 
fer en acier, publié en 1722, disait « que le fer 
doux est transformé en acier, lorsqu'on le tient 
immergé pendant quelque temps dans la fonte 
fondue » et que par suite on prépare l'acier « en 
fondant de la ferraille dans de la fonte » ; — il 
ajoutait plus loin « que la fonte peut être adou- 
cie par le safran de Mars (sous-carbonate de 
fer) ». 

C'était donc en germe dès cette époque le pro- 
cédé par réaction dans son ensemble, mais les 
premiers essais d'application qui furent faits de 
ces principes ne purent être tentés que dans des 
creusets fermés et chauffés extérieurement. C’est 
seulement au début du siècle dernier que, pour 
arriver à une production industrielle, on songea 
à substituer la réverbère aux creusets. Dans la 


428 Enice DEMENGE. — PIERRE MARTIN 


Sidérotechnie de 1812, Hassenfratz décrit, 
d’après Vandenbrock, Inspecteur de l'Ecole des 
Mines de la Sarre, un four à réverbère qui exis- 
tait en Angleterre pour préparer de l'acier fondu 
par voie de réaction avec un mélange de fontes, 
riblons,rognuresetbattitures. Toutefois, l'emploi 
de ce four ne paraît pas s'être répandu pour les 
raisons suivantes, d'après Gruner : « difficulté de 
produire régulièrement la température voulue 
et qualité inférieure de l'acier obtenu ». — Ce 
défaut de qualité résultait de l’utilisation de 
fontes ordinaires quelconques et aussi, comme 
nous le verrons, de l'ignorance où l’on était des 
propriétés bienfaisantes du manganèse. 

En 1824, dans les Annales des Mines, Bréant 
revient sur la question, mais ne fait que l'indi- 
quer : « Je suis convaincu qu'avec dse fontes 
très grises (?) on pourrait fabriquer très en grand 
de l'acier fondu dans des fourneaux à réverbère 
en ajoutant au métal en fusion une partie du 
même métal oxydé ou mieux encore de l’oxyde 
de fer naturel. » — 20 ans après, en 1845, Mar- 
shall Heath prend un brevet en Angleterre pour 
la fabrication d'acier fondu par réaction dans 
un four à réverbère chauffé au gaz oxyde de 
carbone, mais ne tente aucun essai pratique. En 
1854, parait un brevet de Stirling sur le même 
sujet, mais sans résultat, En 1855, on cherche 
un métal plus dur etplus élastique que le bronze 
pour la fabrication des canons. Dans ce but, 
Bessemer, en vue de produire en grande masse 
de l'acier fondu, prend un brevet pour le fabri- 
quer sur sole : il essaie de fondre dans un four 
à réverbère de son invention un mélange de 
fonte et d'acier cémenté, mais, après plusieurs 
insuccèés, il en vient à l’idée d’elfectuer laffinage 
par un simple courant d'air froid qui brülera 
les éléments étrangers qu'on veut éliminer 
c'est ainsi que son fameux converlisseur est 
trouvé. 

La question est reprise en 1860 et 1861 par 
M. Sudre aux Forges de Montataire et à Rive de 
Gier, et surtout par le Commandant Alexandre, 
en 1861 à l'usine de Villeneuve près Brest, et en 
1862 à la fonderie de Ruelle. Tous ces précur- 
seurs renoncent bientôt aux essais entrepris, 
soit pour insuffisance de chauffage, soit parce 
que les fours avec leur garnissage ordinaire ne 
peuvent supporter plusieurs opérations, soit 
enfin parce que les matières premières employées 
sont de qualité inférieure. 

En 1857 une innovation capitale s'était pro- 
duite dans les procédés de chauffage industriel, 
les frères Siemens (William et Frederick) ayant 
trouvé un moyen pratique d'obtenir des tempé- 
ratures bien plus élevées que celles réalisées 


jusqu'alors, tout en économisant davantage le 
charbon. Ils employaient le combustible sous 
forme de gaz, lesquels étaient rationnellement 
chauffés ainsi que l'air avant la combustion par 
les calories contenues dans les produits gazeux 
résultant de cette combustion, la récupération 
ayantlieu dans des conditions aussi parfaites 
que possible grâce à des inversions du courant 
vazeux. Ce système apportait une telle amélio- 
ration à la question chauffage que M. Le Chate- 
lier, inspecteur général des Mines, entrevit dès 
cette date que grâce à son emploi on arriverait 
facilement à la fusion de l’acier sur sole. Ii offrit 
même en 1862 à W. Siemens d'essayer, mais 
celui-ci refusa. En 1863, MM. Boignes, Rambourg 
et Cie, de la Sté des Forges de Commentry et. 
Montluçon, se laissèrent enfin convaincre et 
résolurent d'appliquer, avec l'autorisation de 
Siemens, le brevet qu'ils avaient pris en leur 
nom du procédé de fabrication indiqué par Le 
Chatelier. Malheureusement l’essai tenté à Mont- 
lucon fut brusquement interrompu par un acci- 
dent et abandonné. 

Vers la même époque, en 1862, MM. Martin, 
quiavaient toujours en vue de perfectionner 
leur fabrication de pièces en acier puddlé de 
Sireuil, envoyèrent un ingénieur en Angleterre 
pour y étudier les fours Siemens, employés uni- 
quement alors pour la fusion du verre et le 
réchauffage des paquets de fer. A la suite de ce 
voyage, un four de réchauffage Siemens fut ins- 
tallé à Sireuil, et c’esten constatant la tempéra- 
ture élevée obtenue régulièrement dans ce four 
que Pierre Martin décida d'appliquer le même 
chauffage à ses recherches de fusion de l'acier. 
Certes il ne fut guère aidé dans cette voie par 
WW. Siemens, qui cherchait plutôt à l'en détour- 
per, hypnotisé par l’échec de Montluçon. Pierre 
Martin insista avec beaucoup d'énergie, et après 
de nombreux efforts il réussit le 8 avril 1864 
à obtenir de l'acier en fondant sur sole de la 
fonte et des riblons de fer et d'acier. C'était 
le scrap process. Toutefois le travail du four 
Martin ne devint réellement pratique que l’an- 
née suivante et le brevet pris ne date que du 
28 juillet 1865. 

De son côté, M. Siemens créa, par esprit d'imi- 
tation, une usine expérimentale à Birmingham 
pour ÿ étudier la fabrication de l’acier sur sole 
en employant la fonte et le minerai de fer (ore 
process). Ces études subirent d'abord un échec et 
n’aboutirent que deux ans plus tard dans une 
grande usine du pays de Galles, tandis que des 
essaisanalogues repris en 1870 à Montluçon sous 
la direction de M. Le Chatelier réussissaient 
pleinement. 


Enie DEMENGE. 


L'invention de Pierre Martin souleva de nom- 
breuses critiques, On prétendait que le procédé 
n’était pas nouveau, que Martin n'avait fait que 
combiner d’une façon heureuse des éléments 
connus depuis longtemps, et que ses brevets 
n'indiquaient que des manipulations insigni- 
liantes et des mélanges de matières sans impor- 
tance. 

Siemens lui-même nia la validité des brevets 
Martin, bien qu'il n'ait pas réussi à fabriquer de 
suite de l'acier sur sole, malgré l'excellence de 
son procédé de chauffage. 

Martin reconnuttrèsscrupuleusementen 1866la 
part prise par Siemens dans la réalisation de son 
procédé, en lui concédant une participation aux 
bénéfices des brevets. Cela explique la dénomi- 
nation « procédés Martin-Siemens » que nous 
avons adoptée en France, alors que nos voisins 
de l'Est, avee leur conscience élastique, oublient 
volontiers le nom de Martin. Et pourtant il n’est 
pas douteux qu'avant lui personne n'avait fabri- 
qué un kilogramme d'acier sur sole et qu'aussi- 
tôt après la réussite de Sireuil et l'exposition si 
remarquée en 1867 des produits obtenus, c’est 
par milliers de tonnes qu’on le produisit. 

Si Martin est arrivé au résultat en partant des 
mêmes principes que les autres, c’est par une 
profonde compréhension de ces principes, c’est 
grâce à une longue expérience pratique et à une 
intuition parfaite de la science métallurgique. 
Le four Siemens, Martin l'a conduit sans arrêt 
pendant 70 opérations, parce qu'il avait déter- 
miné très exactement les proportions couvenables 
de gaz et d’air qu'il fallait combiner, ainsi que 
les températures qu'on pouvait admettre. Pour 
ses mélanges, il n'employait que des matières soi- 
gneusement choisies, des fontes de St-Louis assez 
manganésifères et peu siliceuses, des fers pud- 
dlés provenant des mêmes fontes, des ferrailles 
convenables et certains minerais riches et purs. 
Il connaissait admirablement son métier de pud- 
dleur d'acier, l’un des plus difficiles, pour lequel 
on doit utiliser de préférence des fontes pures, 
riches en manganèse, et il est probable qu’au 
cours de ses essais d’acier fondu il a été favora- 
blement influencé par les idées qu’il avait acqui- 
ses de longue date ‘. Enfin dans la construction 
de son four, il fit un emploi très judicieux des 


1. L'importance du manganèse, soit au cours de l’afinage, 
soil en fin d'opération, est capitale.— On sait qu'à ses débuts 
le procédé Bessemer ne donna de bons produits qu'avec les 
fontes au bois de Suède, parce qu’elles étaient sufisamment 
riches en manganèse. C'est ce qui mit Robert Mushet sur la 
voie pour proposer les additions finales de manganèse, quand 
on traite des fontes ordinaires. On voit en passant combien 
une nation peut être gênée pour sa fabricalion d'acier, quand 
elle ne contrôle pas les mines de manganèse, 


.-cédé Bessemer, déjà fort répandu 


— PIERRE MARTIN 429 


briques siliceuses de Dinas éminemment réfrac- 
taires, grâce auxquelles les voûtes résistérent 
longtemps aux températures atteintes, 


II 


En résumé le procédé Martin, tel qu'il se pré- 
sente à l’origine, comporte deux variantes sui- 
vant que la fonte est aflinée par un mélange de 
ferrailles toujours plus ou moins oxydées (scrap 
process) où par du minerai de fer riche {ore pro- 
cess). Car, au four, il y a toujours aflinage par 
oxydation,même quand on procède par dilution 
dela fonte dans une plus grande masse ferreuse, 
suivant la formule Réaumur. Le procédé Martin 
pouvait parfaitement prospérer à côté du pro- 
tous deux 
avaient leur raison d’être. Celui de Bessemer, à 
cause de la rapidité de l'opération et du prix 
élevé des installations, ne s'adressait qu'aux 
grandes usines. Le four à réverbère convenait 
aux ateliers plus modestes, et sa conduite lente 
permettait la fabrication de qualités d’acier bien 
déterminées. 

De plus on y utilisait, notamment en France 
et en Allemagne, les grandes quantités de 
riblons et de déchets provenant des laminoirs 
alimentés par les Bessemers. En Angleterre, 
au contraire, où il y avait plutôt pénurie de ces 
matières, on cherchait à afliner au four de 
plus fortes proportions de fonte en ajoutant plus 
de minerai pour hâterl'affinage. Dans aucun cas, 
toutefois, il n’était possible de traiter les fontes 
phosphoreuses au four Martin à garnissage 
acide, tel qu'il avait été conçu, car la silice des 
parois s’emparait des oxydes de fer et de man- 
ganèse etempêchait la formation de phosphates 
permanents, ceux-ci étant constamment décom- 
posés et lacide phosphorique libéré réduit de 
nouveau par le métal. 

Vers 1880, par analogie avec le procédé de 
déphosphoration Thomas, on construisit des 
soles avec matériaux basiques et on fit des addi- 
tions de chaux : on put ainsi traiter au four 
toutes les fontes phosphoreuses, et avec ce gros 
avantage sur le convertisseur qu'une teneur 
déterminée en Ph n'était pas obligatoire, puis- 
qu'au Martin la source de chaleur est absolu- 
ment indépendante de la constitution moléeu- 
laire du métal à affiner. Depuis lors, en raison 
même de cette élasticité, et à mesure que les 
minerais purs s'épuisent et que les ferrailles 
abondent davantage, on voit les installations 
de fours Martin basiques se multiplier et les 
procédés sur sole gagner du terrain sur les 


430 


procédés par convertisseurs !. L'adoption pres- 
que générale du mélangeur vint bientôt aug- 
menter le champ du four Martin, en régula- 
risant la composition de la fonte liquide et aussi 
en épurant le métal des éléments retardateurs 
de l’affinage comme le silicium, ou nuisibles 
comme le soufre. 


1. Dans lestrois grands pays métallurgiques : Etats-Unis, 
Allemagne et Angleterre, on constate les variations suivantes 
dans les proportions des différentes natures d'acier produit 
en 1900 et en 1910 : 


1900 1910 
Acier Bessemer 38,2 Cj 23,8 0), 
Acier Thomas 21,3 19 
Acier Martin 40,5 57,2 


; (Martin basique 48,3) 

Sur la production mondiale d'acier en 1913 de 52 millions 

de tonnes, environ 30 millions de tonnes sont produits au 
four Martin-Siemens. 


E. PERROT. — UN INSTITUT AFRICAIN DE TECHNOLOGIE ET DE RECHERCHES 


Mentionnons enfin les combinaisons d’appa- 
reils permettant une sorte de division du travail 
de l'affinage, et donnant un rendement encore 
plus intensif aux aciéries Martin, tels que les ac- 
couplements de deux fours Martin (procédé Ber- 
trand-Thiel) ou d’un convertisseur et d’un four 
Martin (procédé Duplex) ou d'un four Martin et 
d’un fourélectrique, et rapprochons pour termi- 
ner la capacité de 50 à 60 tonnes des fours fixes 
construits actuellement de celle de 1.000 à 3.000 
kilogs employés à l'origine aux usines de Sireuil. 
Ces quelques considérations suffisent pour mon- 
trer que la substitution progressive de l'acier 
Martin à l'acier Bessemer constitue peut-être 
dans ces derniers temps le fait le plus saillant 
dans l’histoire de la métallurgie de l'acier. 


Emile Demenge. 


UN INSTITUT AFRICAIN 
DE TECHNOLOGIE AGRICOLE ET DE RECHERCHES SCIENTIFIQUES 


Combien de fois déja n’a-t-on pas déploré 
l'absence complète, dans nos principales posses- 
sions tropicales, de tout centre scientifique de 
recherches s'appliquant directement à leur mise 
en valeur. 

Cet état de choses si regrettable pour un pays, 
possesseur de vastes territoires en Asie comme 
en Afrique, est dû à de multiples causes dont 
l’une des principales est la conception extraor- 
dinaire que nous avons de la recherche scienti- 
tifique elle-même. 

La science n'est-elle pas, en effet, considérée 
chez nous comme un domaine dont les déten- 
teurs ne doivent avoir d'autre but que d’en 
augmenter les acquisitions, sans se soucier des 
bienfaits qu’elles pourraient procurer à la nation 
par l'application des résultats acquis dans les 
diverses branches de l’activité humaine? C’est 
pourquoi, privées de conseils techniques, l'Agri- 
culture et l'Industrie n'ont pas toujours su pro- 
fiter des découvertes du Laboratoire, qui sont 
restées incomprises ou le plus souvent ignorées, 
personne n'ayant songé à créer les moyens pro- 
pres à combler le fossé qui continue à séparer la 
théorie de la pratique. 

Ilen est résulté un état d'esprit fâcheux, si pro- 
fondément entré dans nos mœurs que l’enseigne- 
ment de certaines de nos Ecoles, créées spécia- 
lement dans un but d'utilisation pratique des 
connaissances scientifiques, a finalement évolué 
vers la science pure, d’où le résultat facile à 


prévoir : 1° que la plupart des élèves de ces Ecoles 
croiraient en quelque sorte se diminuer à leurs 
propres yeux en consacrant uniquement leur 
carrière aux seules œuvres d'application ; 2° que 
les agriculteurs et les industriels, souvent, il 
faut bien le dire, insuffisammentinstruits et pré- 
parés, ont affecté, pour le moins, la plus grande 
réserve vis-à-vis de ces savants parlant une 
langue incomprise et ignorants de leurs besoins 
réels. La guerre actuelle ouvre les yeux de tous, 
car il a fallu le danger commun pour orienter les 
forces vives dela nation vers un utilitarisme dont 
dépendait l’existence même de la Patrie. Unis 
par une étroite collaboration scientifique, indus- 
triels, commerçants, économistes apprennent à 
se mieux connaitre,et,selontoute vraisemblance, 
il en résultera un grand profit pour tous et pour 
chacun. 

Or, en matière d'évolution économique colo- 
niale, les questions d'ordre scientifique se posent 
à tout moment, et dans toutes les directions : 
géologues, botanistes, hydrographes, météorolo- 
gistes, chimistes, zoologistes, hygiénistes, para- 
sitologistes, etc., sont appelés à concourir à 
l’œuvre commune; aussi des travaux scientifiques 
de grande valeur concernant les colonies se sont- 
ils accumulés, sans qu'il apparaisse que l’évolu- 
tion économique de la plupart d’entre elles en ait 
tiré tout le profit désirable. 

Cela tient évidemment à ce fait que les efforts 
n'ont jamais été coordonnés et qu'il ne s’est 


E. PERROT. — UN INSTITUT AFRICAIN DE TECHNOLOGIE ET DE RECHERCIES 431 


trouvé aucun organisme qui, en tenant compte 
des résultats, ait été susceptible d'orienter les 
efforts de l'Administration et des colons dans la 
voie du progrès. Voilà pourquoi il convient de 
réclamer encore avec la plus énergique insistance 
l'installation  d’Instituts 
moins dans chacun de nos trois grands groupes 
coloniaux (Afrique occidentale et. équatoriale, 
Madagascar, [ndo-Chine), dont le but principal 
sera de provoquer les études et grouper les résul- 
tats ; à notre avis, un office de renseignements 
commerciaux devrait y être attachéavecun musée 
des produits d'exportation et d'importation. 

Le savant botaniste explorateur Auguste Che- 
valier a tenté d'installer en Afrique un centre 
d’études botaniques agricoles au Fouta-Djallon, 
et son initiative, pour des raisons que je juge 
inulile d'exposer, tout au moins pour le moment, 
ne me parait pas devoir atteindre le résultat 
espéré; or, jugeant avec lui qu'il faut aboutir, je 
demande la permission d'exposer ma manière de 
voir à ce sujet et de montrer comment, en profi- 
tant d'une situation très particulière, on pourrait 
réussir à doter notre belle Afrique tropicale d'un 
organisme de consultation scientifique tout à 
fait en rapport avec ses vastes besoins. 


technologiques, au 


Mais, avant d'aller plus loin, il est ben de se 
demander comment il faut concevoir l'installa- 
tion d’un pareil /nstitut de recherches scientifi- 
ques, qui doit nécessairement s'adapter à notre 
organisation administrative et universitaire ? 

Du choix judicieux de son siège géographique, 


ge VOyageurs : 
Gare aux a ) 


de son installation matérielle, des bonnes con- 
ditions d'hygiène locale, de la facilité et de la 
rapidité d'accès dépendront la réussite, et j’en- 
tends par réussite la fréquentation continuelle 
des travailleurs, venus de la colonie, de la Métro- 
pole et de différentes nations du monde, sans 
lesquels tout effort est à prioré superilu. 

[1 faut encore que ces travailleurs ne soient 
pas entièrement isolés et que la vie matérielle 
présente un cerlain confort. 

Voilà donc bien des conditions primordiales 
à remplir et je vois surgir des objections. Pour 
créer un pareil organisme, me dira-t-on, il faut 
trouver un vaste emplacement auprès d'un centre 
existant déjà et assez important, dans une région 
où la nature du sol et du sous-sol soit variée, 
près de la côte ou sur une des lignes de chemin 
de fer qui en partent directement; puis, ceci fait, 
intéresser de hauts personnages de l'Etat à cette 
affaire, trouver des crédits d'installation, assurer 
le budget nécessaireau fonctionnement, ete., ete. 

C'est précisément dans la suppression de la 
plupart de ces difficultés que réside l'originalité 
du projet que je soumets à l’autorité compétente, 
ainsi qu'à toutes les personnalités ou groupe- 
ments qu'intéresse l'évolution économique de 
nos possessions africaines, en les priant de l’exa- 
miner en toute impartialité. 

Il existe en effet, dans le golfe de Guinée, une 
colonie, la Côte d'Ivoire, qui jouit du privilège 
de posséder {rois capitales côtières à peine sépa- 
rées par quelques heures de navigation en cha- 
loupe à vapeur sur la lagune. 

Je demande la permission de les brièvement 
présenter (voir fig. 1): 


marchandises? = 


Village indigène # 


0 
* 


ex 


= Port futur 


. 1. — Les trois capitales de la Cüte d'Ivoire. 


432 E. PERROT. — UN INSTITUT AFRICAIN DE TECHNOLOGIE ET DE RECHERCHES 


10 Grand Bussam, capitale maritime, jadis nid 
à malaria, aujourd'hui agglomération propre, 
coquette même, d’où le moustique et partant les 
fièvres ont disparu. D'abord encore diflicile à 
cause de la barre, elle sera vraisemblablement 
pourvue bientôt d’un beau port en eau profonde, 
défendu contre l’envahissement des sables par 
les eaux du fleuve Comoé, Cette facilité d’accès 
n'est pas à dédaigner, car par mers fortes ou la 
tempête, le pittoresque débarquement dans des 
paniers est sinon dangereux, tout au moins bien 
long et bien ennuyeux pour les marchandises 
comme pourles voyageurs ; 

2° Bingerville, capitale administrative, à quel- 
ques heures de bateausurlalagune; petite agglo- 
mération bien installée sur un coteau aéré domi- 
nant cette lagune et en contact direct avec la 
grande forêt tropicale; 

3° Abidjan, capitale future du commerce trans- 
africain, à quelques heures plus loin, tête de 
ligne du chemin de fer qui traverse la forêt dans 
sa moindre profondeur, pour aboutir à la jolie 
station de Bouaké, dans le Baoulé, en pleine 
brousse soudanaise. 

On conviendra avec moi que ce luxe d’agglo- 
mérations européennes en un espace aussi limité 
est vraiment exagéré pour une colonie encore à 
peine conquise ; d'autre part, cette multiplication 
de centres n'est pas faite pour faciliter les rela- 
tionscommerciales etsimplifier lesrouages admi- 
nistratifs. Il est vraisemblable qu'une pareille 
situation ne saurait durer. 

Le trafic du chemin de fer augmente graduel- 
lement, et avec les produits des cultures entre- 
prises, cacao, café, coton, riz, graines grasses, 
avec le transport des bœufs du Soudan à la côte 
et des produits de cueillette forestière, il ne peut 
manquer de s’accroître dans des proportions éle- 
vées et rapides. Abidjan verra donc son impor- 
lance grandir, et le temps n’est sans doute pas 
loin où le Gouvernement devra y transporter son 
siège. : 

Grand-Bassam, devenu pendant ce temps un 
port abordable, prendra un développement plus 
grand et sera l’entrepôt définitif des produits 
d'importation et d'exportation, non seulement de 
la forêt, mais d'une grande partie du Soudan ivo- 
rien et nigerien. Or, comme j'en ai entendu expri- 
mer la crainte, il ne saurait être question de con- 
currence entre les deux villes. Rouen n’a pas 
sèné le développement du port du Havre, bien 
au contraire. D'ailleurs, les moyens de commu- 
nication entre Abidjan et Bassam sont devenus 
faciles et la voie de terre, amenant le voyageur et 
les colis de Bassam à un point situé en face 
d’Abidjan, est déjà très améliorée; d’autre part, 


un chenal permettrait aux cargos de remonter 
même jusqu’au quai d'embarquement du chemin 
de fer ? Il résulte donc du nouvel état de chose 
probable que Bingerville est un centre appelé à 
végéter dans son armature administrative, bien 
qu'il ait été créé une magnifique route d'une 
vingtaine de kilomètres, le reliant au chemin de 
fer. L'automobile parcourtcette distanceen moins 
d'une heure, mais ce mode de transport reste 
difficile à la période des pluies et bien onéreux, 
sauf dans le cas où il peut servir au trafic de 
marchandises riches. 

Loin de moi la pensée de critiquer ceux qui, 
au début de l'occupation de ces régions côtières, 
ont établi à Bingerville le siège du Gouverne- 
ment; il pouvait, à cette époque, s'être présenté 
des raisons péremptoires pour un tel choix ; ces 
raisons n'existent plus et il convient d'envisager 
une solution nouvelle et mieux adaptée aux be- 
soins créés par le développement de la colonie. 


Il 


C’est donc l’utilisation des bâtiments ofliciels 
de Bingerville, dans le cas de son évacuation 
administrative, qu'il importe d'examiner. Pour- 
quoi, dès lors, n'installerait-on pas dans le Palais 
du Gouvernement et ses annexes, d’abord l’h6- 
pital, les laboratoires de l'Institut Pasteur et 
autres services d'hygiène, et les services de 
l'Agriculture? En un mot, pourquoi ne trans- 
formerait-on pas ce centre en Institut général 
africain de Technologie agricole et de Recher- 
ches scientifiques, au fur et à mesure que les 
ressources budgétaires, et j'espère aussi les dons 
et subventions spéciales, permettraient la cons- 
truction des bâtiments nécessaires aux nouvelles 
installations, corrélatives au transfert à Abidjan 
du chef-lieu administratif et militaire ? 

Tout d’abord, la Côte d'Ivoire présente pour 
les études botaniques et agricoles un avantage 
manifeste que lui confère la configuration et la 
nature de son sol. Vers la côte, c'est la végétation 
lagunaire, puissante, spéciale, qui se réunit, 
sans autre transition que quelques bandes de 
savanes parallèles à la côte, au grand massif 
forestier tropical, qui s'étend de l’ouest de la 
Guinée à l’est de la Gold Coast. Justement’ cette 
bande forestière se rétrécit profondément dans 
la direction nord d'Abidjan; aussi, c’est le che- 
min qui fut choisi pour sa traversée, afin d’attein- 
dre au plus viteles régions plusriches de la gran- 
de savane et de la brousse. 

Nulle part ailleurs, le botaniste ne trouveraune 
zone plus propice à ses études systématiques, 
géographiques, ou biologiques; il en sera de 


E. PERROT. — UN INSTITUT AFRICAIN DE TECHNOLOGIE ET DE RECHERCHES 433 


éme pour l'ingénieur agricoté, dont lés obsér- 
vations pourront êtré des plus variées en ce qui 
éénéerné l'exploitation de richesses naturelles, 
venahtüe la forêt (Palmieràhuüileetautres graines 
grasses, Kola, Fühturtia à caoutchouc), ou de la 
savané (Rôniers, Kaïilé, Landolphia à caout- 
chouc, Fibres). Des culturés riches sont éntré- 
prises qui nécessitent toute sa sagacité (Cacao, 


Café, Coton, Sisal, Riz) ét l'élevage, qui demande 

à être âämélioré, appelle l'organisation d'un Ser- 
vice de Zobtechnie dont l'utilité est indiscutée. 

Le sous-sol de la Côte d'Ivoire recèle sans doute 

des richesses minières intéressantes, et des re- 

chérches heureuses sur l’origine dés sables au- 

rifères, en particulier, pourraient peut-être de- 

| vénir pour la colonié une source de revenus fort 


TT 


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en cours d'exécution 
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Echelle : 


Tabou  Chèf-lieu de Cercle 
Route carrossable 
= d? en cours d'exécution 
— - d?_ en projet 
Autres routes 
20” 60 80 100 Im 


Fig. 2. — Carte routière de la Côte d'Ivoire, avec les limites de la grande forét. 


434 E. PERROT. — UN INSTITUT AFRICAIN DE TECHNOLOGIE ET DE RECHERCHES 


————————_—_—_—_—_— 


intéressants; l’étude du régime des pluies est à 
compléter et la meilleure utilisation des rivières 
pour l'exploitation forestière se trouverait évi- 
demment bien d’études hydrographiques appro- 
fondies. 

Les lagunes, où sont installées des pêcheries 
encore primitives, appellent des conseils éclai- 
rés, car le noir est grand consommateur de pois- 
son séché et tous les ports de la côte sont prêts 
à écouler à l'intérieur les produits de la pêche 
bien préparés. 

Ne pourrait-on également transporter à Binger- 
ville le poste de télégraphie sans fil exilé à Tabou 
sans raison bien apparente, en un mot concen- 
trer à cet endroit tous les services techniques ? 

La situation géographique et l’organisation 
des moyens de pénétration plaident encore en 
faveur de Bingerville, centre des études scienti- 
fiques africaines, 

Grand-Bassam se trouve sensiblement à mi- 
chemin de Dakar au Congo et les paquebots ra- 
pides y font tous escale; la durée du trajet depuis 
Bordeaux est de 13 Jours, de telle sorte qu'une 
absence totale de trois mois permet un séjour de 
deux mois à la colonie. Or, la traversée d’Abid- 
jan à Bouaké, c’est-à-dire l’accès au Soudan, où 
un excellent hôtel est installé, se fait en une 
journée; de là, rayonnent ensuite des routes 
praticables à l'automobile! vers Béoumi ou Da- 
bakhala dans le nord, et de Dimbokro, au sortir 
de la forêt, va partir la voie ferrée déjà commen- 
cée, qui bientôt par Daloa, Man, Nzo, rejoindra à 
Beyla la ligne de la Guinée (Conakry à Kouroussa 
sur le Niger), à Kankan point terminus actuel. 

A quelques heures de là, le voyageur pourra 
gagner le massif intéressant du Fouta-Djalon et 
rejoindre Ja capitale de la Guinée. Des routes 
sillonnent detoutes parts la Côte d'Ivoire, qui, à 
bref délai, sera reliée commodément à toutes les 
autres régions de notre Afrique occidentale: il 
faudra même un jour prochain encourager la for: 
mation de caravanes de tourisme, car il n’existe 
plus de risques graves à courir et la génération 
virile, que les terribles événements actuelsauront 
sans doute créée, trouvera dans ces excursions 
un puissant intérêt, et en tirera parfois un réel 
prolit. 


(il 


Jai, il me semble, suflisamment insisté sur la 
situation privilégiée de la Côte d'Ivoire en ce qui 


1.Cesroutes, qui, chaque année s'améliorant et ;ont vers le 
nord, sont en état sulbsant pour que le Gouverneur Angoulvant 
ait pu cette année, avec un auto-camion assez lourd, se ren 
dre à Bammako (Haut-Niger), reliant'ainsi la capitale de la 


Côte d'Ivoire à celle du Haut-Sénégal et Niger. 


concerne la documentation scientifique et la si- 
tuation géographique, et montré quel usage pré- 
cieux pour le pays on pourrait faire du centre de 
Bingerville; j'ajouterai maintenant que la réali- 
sation du vœu que j'exprime est déjà commencée 
sans que, certainement, on eût envisagé la ques- 
tion à un point de vue aussi large que celui qui 
me préoccupe. 

Soucieux des intérêts de la colonie qu'il admi- 
nistre avecune activité inlassable depuis huit an- 
nées, le Gouverneur Angoulvant a fait aménager à 
quelques centaines de mètres du palais du Gou- 
vernement un parc forestier d’une cinquantaine 
d'hectares auquel sont annexés : un jardin d’es- 
sai, une plantation de Cacaoyers et de Caféiers, 
une ferme-école indigène, et où il sera facile de 
crouper les végétaux utiles des pays chauds; le 
naturaliste, sans effort, aura sous les yeux la végé- 
tation tropicale et, de plus, se transportera rapi- 
dement et sans ennuis dans les endroits les plus 
impressionnants de cette forêt vierge, dont il n’a 
pu concevoir qu'en rêve la sauvage splendeur. 

Les questions industrielles d'exploitation inté- 
resseront-elles plus particulièrement le visiteur? 
En quelques jours, il pourra se rendre compte 
des efforts déjà faits concernant le Palmier à 
huile, le Cacao, le Café, le Coton, le Riz, ete. 

Enfin, je le répète, le travailleur du Labora- 
toire, installé confortablement, pourra se livrer 
sans inquiétude pour sa santé! aux recherches 
les plus variées, si l’on donnait à ce projet la suite 
désirable. Mais, pour en assurer la réussite, il 
deviendrait nécessaire de faire dans la métropole 
un effort parallèle, afin d'assurer l’activité du 
centre ainsi constitué et de le doter d’un budget 
régulièrement et suffisamment alimenté. 

Les ressources nécessaires proviendraient 
d’abord du Gouvernement général, qui profite- 
rait aussitôt des solutions dégagées des études 
en cours, qu'il pourrait d’ailleurs inspirer, et 
auxquelles s’ajouteraient de petites subventions 
des gouvernements locaux voisins. De plus, la 
Métropole, les Universités, l’Académie des 
Sciences, les Ministères des Colonies et de l’In- 
struction publique pourraient attribuer des sub- 
ventions, créer des prix spéciaux, des bourses 
d’études, et il n’est pas jusqu'aux Chambres de 
commerce qui ne soient amenées à leur tour à 
encourager pécuniairementune œuvre d’un aussi 
puissant intérêt général ?. 


1. Le plateau de Bingerville, bien débroussé et, paraît-il, 
privé maintenant complètement d'arbres par un médecin chef 
hanté dela phobie du moustique, est fourni d'eau potable et 
éclairé à l'électricité. 

2. Les sociétés et les colons seraient admis, moyennant lé- 
gère redevance, à utiliser les services techniques (analyses 
agricoles, lutte contre les parasites, etc.) et seraient les pre- 
miers à bénéficier du nouvel état de choses. 


A. PORTUONDO. — NOTES DE MÉCANIQUE SOCIALE 


D'ailleurs, cette nécessité de la coordination 
de tous les efforts vers le but commun, qui est la 
grandeur de la Patrie, ne s’est jamais aussi net- 
tement aflirmée ; c'est ce qui m'a encouragé à 
exposer ce projet qui ne m'a été suggéré par per- 
sonne, mais, je le répète, s’est seulement imposé 
à mon esprit par la constatation récente des 
besoins de la colonisation. 


IV 


J'aurais aussi beaucoup à dire sur la nécessité 
d'une organisation métropolitaine de la recher- 
che scientifique appliquée aux choses coloniales; 
cela fera l’objet d’une étude spéciale ; toutefois 
je puis déjà émettre cette idée que, pour grouper 
les bonnes volontés, et elles sont assez nombreu- 
ses, il conviendrait de créer un organisme, que 
j'appellerai volontiers l'Ecole des [lautes Etudes 
scientifiques coloniales, établi par exemple sur le 
modèle de l'Ecole des Hautes Etudes à l'Univer- 
sité de Paris; le cadre et les ressources en exis- 
tent déjà en grande partie et le fonctionnement 
en serait rapidement assuré par les Instituts 


435 


spéciaux et les Laboratoires techniques des 
Facultés françaises, dont les chefs sontsisouvent 
consultés déjà par les Gouvernements coloniaux. 

Somme toute, et pour ne pas sortir des limites 
que je me suis imposées, l’/nstitut africain de re- 
cherches peut prendre vie au lendemain de la 
guerre, et le Gouverneur Clozel, dont on se plait 
à reconnaitre les qualités administratives et la 
grande érudition, ne saurait manquer d'étudier 
avec M.le Gouverneur Angoulvant le projet que 
je leur soumets en toute sincérité, m'excusant de 
ne pointles en avoir entretenus de prime abord, 
faute d'y avoir pensé à mon passage. Si des obs- 
tacles insurmontables s’opposaient à la réalisa- 
tion progressive de ce vœu, cette note ne fera que 
rappeler encore une fois l'intérêt considérable 
qui s'attache à la création d’un /nstitut africain 
de recherches scientifiques, en mettant fin à la 
désastreuse méthode actuelle d’efforts dispersés 
et, partant, sans rendement appréciable. 


Emile Perrot, 
Professeur à l'Ecole Supérieure 
de Pharmacie de Paris, 


NOTES DE MÉCANIQUE SOCIALE : L'ÉNERGIE UNIVERSELLE 


L'article qui suit étant la traduction un peu 
abrégée du dernier chapitre de mon livre, 
Apuntes sobre Mecanica social!, quelques pas- 
sages pourraient paraître obscurs — peut-être 
incompréhensibles — pour le lecteur. 

Chaque fois que l’on parle de l'ëndividu, il 
s’agit d'un être de raison, abstrait et simple, ana- 
logue (pour la Mécanique sociale) au point mate- 
riel pour la Mécanique rationnelle. 

Quand on parle d’elément social, il s’agit de 
toute collection organisée d'individus, dans un 
groupement social. Et l’on admet que tous et 
chacun des éléments sociaux peuvent s’indivi- 
dualiser, grâce à leur représentation par un cen- 
tre qui les symbolise. Pour apprécier la valeur 
scientifique de ces définitions, il faudrait lire les 
Préliminaires du livre. Je crois néanmoins que 
de telles insuflisances ne seront pas un obstacle 
insurmontable au lecteur pour se former une 
idée de ce que je dis sur les énergies psychiques 
sociales. 


I. — [es cHAMPps DE FORCES PSYCHIQUES. 
LEURS CGARACTÈRES 


Entrons maintenant dans la Mécanique so- 
ciale, pour traiter des forces psychiques, et voir 


1. Un vol, in-8° de 207 pages (chez l’auteur, Barquillo, 
8 triplicado, Madrid). 


comment elles agissent sur les individus et élé- 
ments d’un groupement social qui serait en mou- 
vement dans une affaire sociale, c’est-à-dire en 
faisant des travaux sociaux, eten fournissant des 
énergies psychiques. 

Arrêtons notre attention sur un seul individu. 
Nous avons dit que dans chaqueïindividu, et pour 
chaque affaire, il y a à chaque instant un ensem- 
ble psychique composé d'idées, de sentiments, 
de volontés, ete., qui définit pour nous la posi- 
tion de l'individu dans l'affaire à cet instant. Et 
nous avons dit aussi : que de l’état physico-phy- 
siologique de l'organisme corporel émanent des 
influences qui, en agissant sur l’étre psychique 
simple que nous appelons l’érdividu, constituent 
de véritables forces psychiques: de même, de 
l’état général psychique de l'individu surgissent 
des forces qui peuvent agir aussi sur lui-même, 
et influer pour changer sa position dans l'affaire 
que l’on considère. Celles qui dérivent de l’état 
physico-physiologique aussi bien que celles qui 
viennent de l’état psychique en général auront à 
chaque instant des directions et des sens déter- 
minés, avec des intensités également détermi- 
nées, en correspondance les unes et les autres 
avec le tempérament physique — pour ainsi dire 
— de l'individu chez qui elles surgissent !. 


1, Nous estimons utile de faire cette séparation pour qu'il 


436 A. PORTUONDO. — NOTES DE MÉCANIQUE SOCIALE 
TE Sn LCUuUuy, LL EE 


L’être individuel abstrait et simple, avec sa po- 
sition dans l'affaire, se trouve en réalité placé au 
milieu de quelque chose qui — considéré dans 
son ensemble — constitue un champ de force, 
comme on dit en Mécanique. Ce champ, ou ré: 
gion où 4 se trouve, nous lé voyons, à un instant 
donné, constitué comme il suit : 

1° Par tout ce qui, étant physique et psychique 
— en dehors de l’espace occupé par le corps de 
l'individu naturel — entoure, pour ainsi dire, 
celui-ci, jusqu'au point où l'action qui peut être 
exercée sur l'individu que nous étudions est sen- 
sible ; 

20 Par tout ce qui est physique et physiologi- 
que dans son propre organisme corporel ; 

3° Par tout ce qui est psychique général chez 
lui, et pourrait influer sur lui pour modifier sa 
position dans l'affaire dont il s’agit. 

Ce champ de force, si complexe, doit être re- 
gardé (pour l'individu abstrait et simple) comme 
une véritable ambiance naturelle externe et in- 
terne, physique et physiologique, aussi bien que 
psychique. L’individu, à chaque instant, étant 
libre, se meut — c'est-à-dire se modifie — avec 
une accélération déterminée dans l’affaire pour 
chaque position de l’individu, et selon l'état du 


champ à cet instant. Si nous concevions un indi- 
vidu avec l'unité de masse pour l'affaire, nous 
dirions que son accélération : par sa grandeur, 
donne la mesure de l’intensité du champ, et par 
sa direction et son sens, donne la direction et le 
sens du champ à cet instant, pour la position 
qu'il a dans l'affaire. Il est vrai que ce que nous 
avonsappeléun champ de force, constitué,comme 
nous venons de dire, pour mettre en évidence 
un mouvement élémentaire de modification de 
l'individu, est un peu différent du champ de 
force que considère la Mécanique rationnelle 
pour l’étude du mouvement d’un seul point ma- 
tériel ; car les centres de forces psychiques — 
aussi bien externes qu'internes {quant à l'indi- 
vidu naturel) — ne sont pas des centres fixes el 
d'un pouvoir mécanique constant, mais changent 
d’un instant à l’autre physiquement et psychi- 
quement ; aussi le pouvoir mécanique — psychi- 


ue, pourrions-nous dire de ces centres de 
I 


forces est essentiellement variable. Voilà pour- 
quoi, en parlant ici de l'intensité, de la direction 
et du sens du champ pour une position donnée 
de l'individu, nous avons ajouté, selon l’état du 
champ de l'individu à l'instant dont il s'agit. On 


y ait plus de clarté dans ce que nous allons exposer; mais 
sans indiquer par là que l'état psychique soit quelque chose 
d’essentiellement différent de l’état physico-physiologique, 
car c'est là une question étrangère à nos spéculations. 

1. Le numéro 1 est ce que Mach appelle extérieur à la li- 
mile U; les numéros ? et 3 sont nommés par Mach intérieur 
à la limite U. 


comprend bien que la considération de l'indi- 
vidu dans son champ, pour la Mécanique sociale 
soit plus difficile que celle du point matériel dans 
la Mécanique rationnelle, et que, pour formuler 
les propositions, quant aux énergies psychiques 
d'un individu, il sera nécessaire d'adopter cer- 
taines précautions. 

Le champ psychique dont nous parlons — par 
sa façon d’être — ne sera pas en général uni- 
forme, c’est-à-dire que l'intensité, la direction 
et le sens du champ ne seront pas les mêmes 
pour tous les individus, dans toutes les positions 
et à tous les instants. Si l’on pense à divers in- 
dividus, on voit que l'ambiance externe qui les 
entoure est en général différente de l'un à lau- 
tre ; et, fût-elle égale, ee qui est physiologique et 
psychique dans l'ambiance interne des uns étdes 
autresindividus serait différent. Sil’on penseaux 
positions distinctes où se trouverait un même 
individu à deux instants différents de son mou- 
vement, on comprend aussi que, quoique l’am- 
biance externe restätla même pour cet individu, 
chaque chargement de position dans l'affaire qui 
se produira dans l'individu abstrait et simple 
en un certain laps de temps, sera simultané avec 
d’autres changements dans l’état organico-phy- 
siologique du corps de l'individu, et dans son 
état psychique propre, c’est-à-dire dans toute 
l'ambiance interne. On conçoit bien l'énorme 
complexité que tout ceci entraine. On voit, en 
dernier lieu, que le champ de forces psychiques 
ne sera pas en général uniforme. 

Dans ce qui suit, nous nous rapporterons seu- 
lement au cas particulier où la direction et le 
sens du champ sont constants pour chaque indi- 
vidu, c’est-à-dire au cas où la ligne de force est 
symbolisée par une ligne droite. C'est alors qu'on 
peut parler d’un champ psychique où l'individu 
est soumis, en chaque instant et dans chacune 
de ses positions, à une force pour laquelle on 
conçoit une seule loi de variation de son intensité. 
Le champ pour l'individu que nous étudions se- 
rait alors comme s’#{ y avait un centre unique de 
force situé sur cette ligne d’action ét duquel pro- 
viendrait la force qui, en chaque instant, est la 
résultante des actions de tout le champ. Il est 
bon d’avertir, en outre, pour éviter des confu- 
sions et des contradictions, que nous allons étu- 
dier un seul individu,et que le champ particulier 
dont nous parlons sera le sien, et non celui d’un 
autre individu quelconque. Pour n'importe quel 
autre, son champ aurait une autre direction etun 
autre sens, constants aussi pour lui, et comme si 
la résultante de toutes les actions qui s’exercent 
sur cet autre individu venait d’un autre centre 
de force avec sa loi de variation d’éntensite. 


A. PORTUONDO. — NOTES DE MÉCANIQUE SOCIALE 437 


IL, — ENERGIES CINÉTIQUE ET POTENTIELLE 
D'UN INDIVIDU DANS SON CHAMP 

En considérant done un seul individu de 
mässe unité, on doit penser que, même dans le 
cas particulier dont nous avons parlé, le champ 
où nous le verrons se mouvoir (c'est-à-dire se 
modifier) n'est uniforme que dans le cas très par- 
ticulier où l'intensité du champ est aussi cons- 
tante, e’est-à-dire que la résultante de toutes les 
actions qui s’exercent sur cet individu de masse 
unité — et dérivant de toute l’ambiance interne 
ét externe, physico-physiologique et psychi- 
que — a non seulement une direction et un sens 
constants, mais aussi la même grandeur à tous 
les instants. Il est évident que, dans ce cas très 
particulier,le mouvement de modification de lin- 
dividu dans la direction et le sens de la ligne de 
forcé est uniformément accéléré. 

Au cours de ces Apuntes, en étudiant le mou- 
vement de modification d'un seul individu ou 
élément social, nous avons dit dès la Cénématique 
que, pratiquement et généralement, il réalise 
dans la vie les changements de position dans 
chaque affaire par une succession de mouvements 
partiels de direction constante, dont chacun est 
d'une durée relativement longue. Chacun de ces 
mouvements partiels se trouve dans le cas parti- 
culier que nous avons exposé, et nous pouvons 
lui appliquer ce que nous avons dit de l’énergte 
psychique poténtielle dans son champ à chaque 

.instant. Bien entendu, on doit supposer connue 
la loi de variation de l'intensité du champ, en 
fonction de la position qu’il aura dans l'affaire 
en chaque instant, parce que cette loi est celle 
qui définira vraiment le chamo dans le mouve- 
ment partiel que nous considérons. 

Après cet exposé, distinguons maintenant 
aussi pour la Mécanique sociale les deux classes 
d'énergie d'un individu dans son champ, savoir: 
_ 1° L'énergie actuelle ou de mouvement de l’in- 
dividu dans l'affaire (nous l’appellerons énergie 
cinétique), qui, dépendant de sa masse m» pour 
l'affaire, et de la grandeur de sa vitesse v à l'ins- 
tant que l’on considère, se mesure en cetinstant 


par = mwv°, et peut se transformer en /rapail 


2 
social. 

Cette énergie cinétique d'unindividu dans une 
affaire ne diffère en rien de celle d’un point ma- 
tériel en Mécanique rationnelle. Les deux fac- 
teurs masse et srandeur de la vitesse yintervien- 
nentidentiquement, et la grandeur de la vitesse 
élevée au carré a la même influence prépondé- 
rante qu’en Mécanique rationnelle; 

20 l'énergie potentielle, qui, dépendant de la 


masse»? de l'individu pour l'affaire ét de sa posi- 
tion à l'instant où on la considère, ainsi que de 
la nature ou constitution de son champ de force, 
se mesure en cet instant par {out le travail positif 
que pourrait développet la force du champ au 
moyen des changements de position dé l’indi- 
vidu dans l'affaire !. Ce travail total devrait être 
apprécié par l’intégrale destravaux élémentaires, 
dont chacun est (au moyen du facteur »?) le pro= 
duit de l’énténsité du champ (variable; en chaque 
position, par le chemin élémentaire parcouru et 
estimé en son sens à partir d’elle. Le parcours 
élémentaire pourrait s'apprécier par l’accroisse- 
ment trés petit du paramètre définissant sa posi- 
tion dans l'affaire. 

On voit que ce potentiel de l'individu dans 
chaque position vaut et représente une énergié 
en puissance, dans le champ, pour Paffaire que 
l’on considère. Cette énergie existe toujours 
tant que le champ pourra exercer sur l'indi 
vidu (abstrait et simple) quelque action réelle et 
effective, et cet individu pourra changer sa posi- 
tion dans l'affaire (c'est-à-dire se modifier) de 
façon à permettre à l'intensité du champ de faire 
un travail positif. Le potentiel dans chaque po- 
sition exprime, donc, mécaniquement tout ce 
que peut encore produire l'individu par un mou- 
vement de modification dans l’affaire; et c’est 
par conséquent de l'énergie emmagasinée, mais 
non encore développée, et qui peut se déployer, 
en comptant avec tout ce qui est interne et ex- 
terne, symbolisé — pour le cas particulier que 
nous considérons — par la loi de variation de 
l'intensité du champ. 

Si l'individu de masse unilé passe d'une po- 
sition initiale où son potentiel est 7, à une 
autre où son potentiel est r (plus petit que x.) 
par un mouvement quelconque sur la ligne 
de force (qui est le cas particulier dont il 
s’agit), on voit que la diminution 7,—7 de puten- 
tiel mesure le travail positif fait effectivement 
par toutes les forces du champ qui agissent sur 
l'individu. 

Ayant ainsi distingué les deux énergies psÿ- 
chiques cinétique et potentielle de l'individu dans 
son champ, appliquons le théorème de l'énergie à 
l'individu de masse unité; et l’on écrira: 


autrement dit : 

L'accroissement de l'énergie cinétiqueest égal à 
la diminution du potentiel. 

Et, si on appelle energie totale à un instant 
l'addition des énergies cinétique et potentielle 


1. Nous sous-entendons que cette énergie potentielle, quoi- 
que rapportéé à l'individu, est dans tout l’ensemble. 


438 


A. PORTUONDO. — NOTES DE MÉCANIQUE SOCIALE 


en cetinstant,la proposition antérieure équivaut 


à cet autre : 


L’energie totale de l'individu dans son champ 
se conserveconstante à travers toutes ses modifica- 
tions. 

Pour nous rendre compte de la loi que nous 
venons de formuler, admettons que chaque indi- 
vidu en naissant ait une position initiale de pa- 
ramètre séro dans l’affaire que l’on considère ; et 
qu'il se trouve, à partir de cet instant,et pour un 
premier intervalle de temps de sa vie, au milieu 
d'un champ de forces constitué : 

1° Par tout ce qui peut exister dans son orga- 
nisme physiologique, hérité directement de ses 
parents, avec toutes les prédispositions psychi- 
ques héritées également (et qui semblent comme 
liées à la constitution physiologique même) que 
l'individu amène avec lui pour sa vie après sa 
naissance. Toutes ces dispositions physiologi- 
ques, avec les prédispositions psychiques, de- 
vront se développer physiquement et psychique- 
ment. On peut dire, sans se tromper, que cette 
ambiance interne de l'enfant, en naissant, lui 
vient de toute son ascendance; 

2° Par tout ce qui est physique et: psychique 
dans l'ambiance externe, au milieu de laquelle 
se trouve placé Pindividu dès instant où il nait!. 

On comprend ainsi quetoutl’être dechaquein- 
dividu, autant parl’héritage qu’il amène en naïs- 
sant que par l'influence exercée sur lui par l’am- 
biance physique et sociale qui l'entoure, est inti- 
mement et profondément pénétré par le passé et 
le présent de la Société à laquelle il appartient?. 


1. La durée du premier intervalle de temps que nous allons 
considérer variera beaucoup d’unindividu à un autre, et dé- 
pendra de circonstances où d'accidents parliculiers pour 
chaque individu. 

2, Ceci s'accorde parfaitement /quoique l'aspect mécanique 
se distingue bien de l'aspect biologique) avec la formule bio- 
logique de M. Le Dantec. Selon lui, s'il intervient à la fois 
dans tout acte vital deux facteurs essentiels : 

1° Le contenu dun corps de l'être vivant............. A 

2 Le milieu qui enveloppe l’être................... B 
il estevident que, à un moment quelconque, le fonctionnement 
vital peut s'exprimer par la formule À >< B. 


Et ainsi le passage de la forme A,-, de l'être (à l'instant t) 
à la forme A, (à l'instant £+ di) s'exprime — pour M. Le 
Dantec — par la formule symbolique : 
An—1 + (A n-1 X Bn-1) = Ay. 


Il est sous-entendu que le signe X n'a pas la même signi- 
fication qu'en Arithmétique pour l'opération de multiplier. 
Iciil se rapporte à l'ensemble d'activités de tout genre, qui 


(au moyen des relations entre un corps vivant A et le milieu 
qui l'entoure B) s'opèrent par des actions et des réactions, à 
partir de chaque instant, et pendant chaque intervalle infini- 
ment pelit dt de temps. 


Si parlesymbole général (A = B) on exprimait la grandeur 
finie a un instant quelconque de l’activité totale entre l'être 


vivant À et son milieu B, le langage symbolique de M. Le 
Dantec permettrait peut-être d'écrire la formule générale : 
A AE | "(A XB). dt 
A, k 


lorsque de A, ‘instant £,) on passe à A, (instant fn. 


Et l’on voit, ainsi que nous l’avions déjà dit, 
que tout ce qui constitue son champ est essen- 
tiellement variable dans le temps.En fait, l'orga- 
nisme croîtra et se modifiera par des processus 
physiologiques et biologiques de la façon parti- 
culière qui correspondra à la relation où il se 
trouve avec toute l'ambiance externe, ambiance 
qui change d’un instant au suivant, en même 
temps que l’ambiance interne. 

Si nous supposons que pendant un certain 
espace de temps, des la naissance, l’action de 
toutlechanip— quoique variable — soit telle que 
l'individu simple et abstrait se meuve — quant 
à une affaire — dans une direclion et un sens 
déterminés, et que cette direction et ce sens se 
conservent constants dans tout cet espace de 
temps, nous pourrons dire que l'individu avait 
en naissant un potentiel déterminé pour l'affaire, 
potentiel qui dépend de tout ce qui constitue 
son champ avec la manière d’être de celui-ci. Le 
mouvement de modification qui fera passer suc- 
cessivement l'individu d’une facon continuelle 
par les différentes positions dans l'affaire qu'il 
va occuper sera tel qu'à mesure que son énergie 
cinétique augmentera, son potentiel se consu- 
mera. Comme nous l’avons dit, chaque diminu- 
tion de ce potentiel sera équivalente au travail 
positif (ou sera mesurée par le travail positif) que 
feront les forces du champ pour accélérer le 
mouvement de modification dans l'affaire. On 
voit ainsi la transformation partielle et suceces- 
sive d'énergie potentielle en une autre ciné- 
tique équivalente pendant cette période de temps 
— c’est-à-dire la conservation de l’energie totale. 

Si la mort de l'individu ne survient pas dans 
cette première période, un moment arrivera où 
— l'individu occupant une certaine position dans 
l'affaire — le champ de forces subira de grandes 
altérations, auxquelles correspondent une direc- 
tion et un sens nouveau dans lesquels l'individu 
modifiera!. Si, dans cette 
deuxième période, le nouveau champ (quoique 
toujours variable) permet de connaître, en même 
temps que sa direction et son sens, son intensité 
en fonction de futures positions, nous pourrons 
appliquer tout ce que nous avons déjà dit pour 


se mouvra ou se 


4. Si l'on considère bien, ce changement dans le champ 
de forces — que nous supposons rapide — ne se présente- 
rait que dans des cas SES ou dans des périodes critiques 
(par exemple, celle de la puberté), mais nous admettons cette 
discontinuité seulement pour donner plus de relief à notre 
pensée. 

Dans la réalité de la vie, le procès de variation du champ 
de forces s'opère suivant la loi de continuité; et, à la rigueur, 
on doit considérer l'individu avec son potentiel dans le 
champ de forces, se mouvant (ou se développant) d'une 
façon continuelle, en même temps que son champ se trans- 
forme continuellement. Ici nous nous bornons à voir ce 
qu'il arriverait en un point à cause d’un changement fini dans 
le champ de forces. 


A. PORTUONDO. — NOTES DE MECANIQUE SOCIALE 439 


la première période, en voyant le potentiel qui 
{en rapport avec le nouveau champ) pourra cor- 
respondre à l'individu à l'instant initial de la 
deuxième période ; et ainsi de suite. 

Dans tout ce que nous avons dit, nous avons 
considéré l'éntensité du champ faisant un tra- 
vail positif pour augmenter l'énergie cinétique 
de l’individu aux dépens de son potentiel. Mais, 
dans les vicissitudes de la vie, il peut y avoir, et 
il y aura, des périodes où l'individu se mouvra 
(dans l'affaire que l’on considère) en sens opposé 
au sens du champ dans cette période. Si, par 
exemple, un individu se trouve à un instant 
donné (que nous considérons inilial) animé d’une 
certaine vitesse due à des causes antérieures, et 
s’il se voitplacé en cet instant, et pourles espaces 
de temps successifs, au milieu d’un champ qui, 
par sa constitution et sa nature, a la même direc- 
tion que la vitesse de l'individu, mais un sens 
opposé, il est évident que le mouvement de l’in- 
dividu dans cette période sera retarde, c'est-à- 
dire que son énergie cinétique diminuera peu 
à peu par le travail négatif que fera la force du 
champ ; mais son potentiel dans le champ aug- 
mentera, puisque aux positions qu’il va occuper 
correspondra la plus grande quantité possible de 
travail positif à effectuer par l'intensité du champ. 

Quand l'énergie cinétique que cet individu 
possédait à l'instant initial s’épuisera, parce 
qu'elle se sera transformée toutentière en poten- 
tiel, celui-ci sera maximum, quand l'énergie ciné- 
tique sera nulle; et à partir de cet instant le 
travail positif augmentera l'énergie cinétique à 
partir de zéro, et correspondra à un mouvement 
dans le sens même du champ, qui sera accom- 
pagné d'une diminution correspondante de 
potentiel. Par le /hcorème de l'énergie, la loi de 
la conservation de. l'énergie totale s'accomplira 
loujours ; et #/ y aura un instant où toute l'énergie 
(en ne considérant qu'un individu) sera poten- 
tielle, et cet instant sera celui où la cinétique 
sera aulle. 


III — ENERGIES CINÉTIQUE, POTENTIELLE 
ET TOTALE D'UN ÉLÉMENT SOCIAL 


Tout ce que nous avons exposéci-dessus quant 
aux énergies cinétique et potentielle d’un seul 
individu qui se meut dans son champ, pourrait 
être appliqué à ce que nous appelons un élément 
d'un groupement social, sion l’individualisait. 
Pour cela, il faudrait : 

1° Concevoir l'élément comme symbolisé par 
un point central, auquel on attribuerait une 
masse pour l'affaire, qui fût celle de tout l'élé- 
ment social, et auquel on attribuerait aussi une 
vitesse de modification à 


chaque instant; 


l'élément social étant ainsi concu ou individua- 
lisé, son énergie cinétique serait mesurée par 
tit, 
5 IT. 

2 Concevoir que ce point central ou élément 
individualisé est dans un champ de forces 
psychiques constitué, d’une part, par tous les 
individus de la collection qui, en exerçant leurs 
actions sur le centre, formeraient l'ambiance 
interne, et d'autre part, par tout le groupement 
social, et par tout ce qui lui est extérieur 
jusqu’au point où l’action qu’on pourrait exercer 
sur l'élément que l’on considère est sensible, 
ce qui formerait l'ambiance externe pour l'élé- 
ment. En appliquant à ce champ pour l'élément 
social les considérations faites en étudiant un 
seul individu, on devrait considérer chaque 
période du mouvement où la direction et le sens 
du champ seraient connus et constants, et où 
l’on pourrait connaître son #ntensile. Que cette 
intensité soit constante ou variable, on pourrait 
concevoir l'énergie potentielle de l'élément {dans 
chaque position qu'il a dans son champ) comme 
le produit de sa masse par /e potentiel dans cette 
position (pour l’unité de masse). 

On pourrait répéter, après cette conception, 
tout ce qui a été dit quant à un seul individu, et 
appliquer le théorème de l'énergie; et le principe 
de {a conservation de l'énergie totale serait aussi 
établi. 

On voit, en définitive, que {pour un individu 
comme pour un élément social) l'avenir, c'est-à- 
dire ce qui résultera du mouvement élémentaire 
de modification dans le temps, dépend du pre- 
sent, dans lequel se trouve naturellement déjà 
le passé. Mais, bien entendu, le présent ne se 
rapporte pas seulement à l’état de l'individu ou 
de l'élément social en position et vitesse à l’ins- 
tant que l'on considère, mais aussi à l’état (en 
ce même instant) de tout ce qui doit influer sur 
l'individu ou élément social, c’est-à-dire son 
champ de forces, constitué par tout ce qui est 
physique et psychique intérieurement et exté- 
rieurement et d’où dérivent les forces qui agis- 
sent sur lui. Tout cela est aussi présent, comme 
correspondant à l'instant dont il s'agit. Dans ce 
présent se trouve done toute l'énergie de l'indi- 
vidu ou de l'élément social, dans les deux formes 
cinétique et potentielle. 

Et il est très important d'observer que, par le 
développement et les transformations des éner- 
gies totales des individus et des éléments d’un 
groupement, ceux-ci influent à leur tour, très 
remarquablement, l'ambiance physique 
externe, et la modifient, en s’appuyantsur toutes 
les connaissances 


sur 


acquises par les sciences 


440 À. PORTUONDO. — NOTES DE MÉCANIQUE SOCIALE 


physiques, chimiques et naturelles. A l’aide des 
sciences psychiques et sociales — si celles-ci 
progressaient suflisamment — on pourrait influer 
très notablement aussi sur l’ambiance psychi- 
que interne et externe. En définitive, on voit 
que, par répercussion, les forces des champs où 
se trouvent successivement les individus et les 
éléments sociaux se modifient peu à peu. De 
cette facon s’accomplit l’évolution totalé de l’am- 
biance physique et psychique pour les individus 
et les éléments de toute üne Société. 

C’est à la Sociologie qu'incombe l'examen 
attentif, profond et détaillé, de tout ce que noûs 
venons d'indiquer, pour voir si, grâcé au pro 
grès de la Psychologie expérimentalé, il sera 
possible un jour d'entreprendre la cofstitution 
scientifique de la Mécanique sociale appliquée. 


IV. — ENERGIE DES GROUPEMENTS D'INDIVIDUS 
ET D'ÉLÉMENTS SOCIAUX 


Pour trouver l'énergie d’un groupement social, 
commençons — comme toujours — par rappeler 
ce que nous savons de la Mécanique des systè- 
mes matériels. 

Quand un système de points de masses 72,, M; 
m;..…., Se trouve en mouvement dans l’espace, et 
que l’on regarde ces masses comme exerçant des 
actions dynamiques /es unes sur les autres (et 
rien de plus), le champ de forces, pour chacune 
d'elles, à un instant donné, est constitué var 
l’ensémble de toutes les autres. Ainsi, si à un 
instant donné, 
le point de masse mj est dans la position M, dans l'espace 

— ms = » — 

— my — M, — 
l’énergie potentielle de la masse 72, (dans la posi- 
tion M,) sera le produit de »?, par le potentiel 
V, qui correspondrait à la position M, dans son 
champ. Et en répétant de même, pour chacun 
des points du système, l'énergie potentielle de 
celui-ci serait : 

\ br 
soit la somme de tous les produits des masses 
multipliées par leürs potentiels correspondants; 
mais, pour ne pas prendré deux fois chaque com- 
binaison de deux points, on doit écrire : 

W— : >mV. 

Et comme chaque » V mesure tout lé travail 
positif que pourfaient faire les forces du champ 
{qui sont les forces intérieures dû système) sur 
chaque point, on peut dire que chaqué #%»7 V est 
un travail emmagasiné dans la position M occu- 
pée par cepoint. Autrement dit : l'énergie poten- 
tielle du système est la moitié du travailemmaga- 
siné pour maintenir les points dans leurs positions 


respectives simultanées M,,M;, M,, M,... à l'ins- 
tant que l'on considère. 

Considérons la position occupée par le système 
&e points en un instant initial {, et appelons-la 
A ; si nous voyons passer cé système à une autre 
position B correspondant à un aütré instant 4, 
ets’ils’est déplacé seulement sous les actions des 
forces intérieures dont nous avons parlé, en sup- 
posant que ces forces dépendent uniquement 
des distances, c'est-à-dire qu’elles adiettent üné 
fonction de force, le principe de la conservation 
de lénergiè totale se vérifié, é’est-à-dire que, à 
chaque instant : 

À Smet + W — constante. 

Il convient de rappeler aussi que, selon le 
théorème de Hamilton, le passage de la position 
À (instant 4j) à la position B (instant £,) devra se 
réaliser par de te/s changements suécessifs ét 
continus des positions des points, et de {els chan= 
germents successifs et continus des vitesses, que 
la variation de l'intégrale définie 

sh , [S Emme? — \\ |.dt, 
devant être nulle, cette intégrale définie (de limi- 
tes invariables) sera r#inima dans le mouvement 
réel du système, par rapport aux valeurs qu’elle 
aurait dans tous les mouvements virtuels possi- 
bles par lesquels le système pourrait passer dans 
le même temps de la position À à la position B. 

Si l’on prend la valeur moyenne des valeurs 
par où passé la différence 


de l'instant 4, à l'instant /;, et si l'on représente 
uette valéur moyenne par H, la valeur de cette 
intégrale définie est égale à H (4, —1,); le fac- 
teur (4, — 4) étant constant, on voit que le théo- 
rème dé Haniilton nous conduit à dire, comme 
Poincaré : que la moyenne H des différences entre 
l'éncrgie cinétique et l'énergie potentielle à cha- 
que instant, quand un système passe d’une-posi- 
tion À à une autre B, est la plus petite possible 
dans le mouvement réel et effectif du système. 


Ayañt rappelé ce qui prééède, venons=en à la 
Mecanique sociale, ét imaginons un groupement 
social vu en lui-même, ét constitué par des iridi- 
vidus et des élémerts sociaux (individualisés) 
avec leurs niassès respectives »1,, m2; Ma..:, pour 
une même affatre,ayant des posilions détérminées 
respectivés ,, M,, M,.:: dans l'affaire, à un ins- 
tant £. 

Considérant chacun des individus et éléments 
— pour l'affaire dont il s'agit — seulément au 
point de vue de son rapport avét l’ensemble du 


A. PORTUONDO. — NOTES DE MECANIQUE SOCIALE 444 


groupement, on peut dire : que l'énergie poten- 
tielle du groupement considéré en lui-même, à 
l'instant /, sera appréciée par la moitié de tout 
le travail emmagasiné pour maintenir les indivi- 
dus etles éléments du groupement dans leurs 
positions respectives simultanées dans l'affaire 
à l'instant que l’on considère. 

Il y a donc, dans chaque position d'un groupe- 
meut social, un dépôt d'énergie (pour toutes les 
affaires sociales) qui est en puissance.Ayant ainsi 
conçu cette énergie potentielle dont an dispose 
pour chaque affaire, à un instant /, et faisant une 
application à un groupement natipnal — par 
exemple — on doit penser que le but de l’édu- 
cation d’un peuple (en prenant le mot éducation 
en son sens le plus ample) doit consister fonda- 
mentalement en ce que les forces intérieures 
dans leur ensemble fassent effectivement des tra- 
vaux positifs en chacune des affaires de caractère 
social, par les changements de position des indi- 
vidus et des éléments, pour développer ainsi, le 
plus qu'il sera possible, l’énergie potentielle qui 
existe dans le groupement social. 

Voyons maintenant comment s’écrirait le /héo- 
rème de l'énergie dans toute sa généralité. Rap- 
pelons pour cela que, outre les forces intérieures 
dont nous avons parlé, d'autres forces extérieu- 
res F, qui viennent du dehors du groupement, 
devront agir en général sur les individus et élé- 
ments du groupement ‘. Appliquons le théorème 
à partir d'un instant {,, où les diverses vitesses 
des individus et des éléments se représentent 
par vi. jusqu’à un autre instant postérieur £,, où 
ces mêmes individus et éléments auront les vi- 
tesses #; si l’on représente par F les forces exté- 
rieures qui auraient agi dans cet intervalle de 
temps {, —{,et par/ les forces intérieures, l'équa- 
tion peut s’écrire ainsi : 

>. my? — © ; mi =XT.F + xT.f; 

autrement dit : l'accroissement de l’énergie ciné- 
tique du groupement, à partir de l'instant {, 
jusqu’à l'instant /,, est égal au total, des travaux 
faits (par le moyen des changements de position 
réalisés par tous les individus et éléments) par 
toutes les forces extérieures F et intérieures /; 
qui auraient agi. 

Mais nous avons dit antérieurement que l’éner- 
gie potentielle du groupement àun instant {s'ap- 
précie par tout le travail positif que pourraient 


1. On sait que si un groupement social, comme une Muni- 
cipalité, par exemple, est dans un autre ou d’autres plus 
campréhensifs, comme la Région ou la Nation à laquelle elle 
appartient, les forces qui su gissent des individus ou des été- 
ments de ces groupements, et qui exe! ceraient une action sur 
cette Municipalité, sont pour elle des forces extérieures : mais 
ces mêmes forces dont nous parlons seraient des forces inté- 
rieures s'il s'agissait d'étudier le mouvement du groupement 
régional ou national. 


faire les forces intérieures, et qu'elle dépend des 
positions dans l'affaire qu'occupent à cet instant 
t, les individus et les éléments. Si ce potentiel 
du groupement pour l'affaire est représenté par 
II, et le potentiel correspondant à l'instant { par 
II, suivant les nouvelles positions dans l’affaire, 
on sait que le travail fait dans cet intervalle de 
temps par toutes les forces intérieures, c'est-à- 
dire XT./, équivaut à I, — II, qui est la diminu- 
tion éprouvée par le potentiel du groupement 
pour l'affaire. 

Par suite, le ‘4coreme de l'énergie peut s'écrire 
ainsi : 


ETF, 


NN IS ee lt 
Em + II — È: myi + 0) + 


et s'énoncer de cette façon : 

L'énergie totale d’un groupement social, rela- 
tivement à une affaire à un instant quelconque !, 
est égale à l'énergie totale qu'il avait à l’ins- 
tant initial {,, augmentée du total des travaux 
qu'auront fait dans cetintervalle detemps (t, —1,) 
toutes les forces « extérieures » au groupement, 
qui agissent sur les individus ou éléments de ce 
groupement. 

Cet énoncé fait voir clairement que, si les for- 
ces psychiques sociales qui viennent du dehors 
d'un groupement font effectivement du travail 
positif en agissant sur des individus et des élé- 
ments du groupement, ce travail est profitable, 
parce qu’il constitue une véritable augmentation 
d'energie lotale pour le groupement. 

On en déduit que, si un groupement quelcon- 
que vivait pendant quelque temps absolument 
étranger à toute influence extérieure à lui, quant 
à une affaire, le dernier terme de l’équation de 
l'énergie serait nu/, etil yaurait, par conséquent, 
conservation d'énergie totale dans le groupement. 
Par conséquent, si l’on augmentait l'énergie 
cinétique sociale : 


—envertu des changements de position réalisés par 
tous les individus et éléments — une partie du 
potentiel social dont on disposait pour l'affaire 
s'est consumée, et que cette dépense est exacte- 
ment égale à l’augmentation d'énergie cinétique. 
Inversement, il ne pourrait y avoir d’augmen- 
tation de l’énergie potentielle du groupement, 
par les nouvelles positions dans l'affaire des indi- 
vidus et éléments, qu'aux dépens (toujours en 
supposant l'isolement) d’une diminution dans 
son énergie cinétique, exactement égale à cette 
augmentation. 

Si le théorème de Hamilton était applicable 
aux forces sociales, on pourrait dire, relativement 


42 


A. PORTUONDO. — NOTES DE MÉCANIQUE SOCIALE 


au mouvement réel et effectif de modification 
d'un groupement qui passerait de la position À 
à l'instant 4 à une autre position B (dans la 
mème affaire) à l'instant /,, que: 

Si l'on compare le mouvement réel avec les 
mouvements virtuels infinis que l’on peut con- 
cevoir {en respectant les liaisons) pour parvenir 
au même changement de position dans le même 
temps, et si l’on voit, dans n'importe lequel des 
mouvements, les valeurs parlesquelles passe dans 
ce temps la différence entre les deux énergies 
cinétique et potentielle, et si l’on prend la 
moyenne de ces différences : 

La moyenne dans le mouvement réel serait la 
plus petite possible. 

Aucun groupement social, dans le monde civi- 
lisé, ne vit aujourd'hui complètement isolé en 
aucune aflaire, et par conséquent il n’est pas 
entièrement étranger aux actions de forces exté- 
rieures qui font des travaux sociaux, et influent 
par ces travaux sur l’énergie totale du groupe- 
ment. 


V. — CoNSERVATION DE L'ÉNERGIE UNIVERSELLE 


Si, pour terminer ce chapitre sur l'énergie, 
nous rappelons ce que nous avons dit en com- 
mençant quant aux transformations mutuelles 
des énergies physico-chimiques, et à leurs chan- 
gements directs et inverses en énergies physio- 
logiques, ainsi que les transformations mutuel- 
les de celles-ci, et leurs changements directs et 
inverses en énergies psychiques; et finalement 
si nous rappelons que les diverses formes d’éner- 
gies psychiques s’échangent entre elles, peut- 
être pourrait-on dire que toutes les énergies 
physiques et chimiques, physiologiques et psy- 
chiques — tant cinétiques que potentielles (qui 
sont en rapport si intime) — sont des manifesta- 
tions diverses d’une seule Energie Universelle. 

Et si l’on admettait que le Monde constitué 
par notre Soleil avec les planètes et leurs satelli- 
tes, etc., est un système isolé (quoique cela ne 
puisse pas être admis réellement d’une manière 
rigoureuse), on devrait penser que les forces de 
tout genre qui agissent dans notre Monde sont 
des forces intérieures; or, si elles sont toutes 
conservatives, Ja loi mécanique de la conserva- 
tion de l'énergieuniverselle totale doit s’y vérifier. 
Bien entendu, l’on doit inclure dans ce total des 
énergies cinétiques et potentielles 
énergies physiques et chimiques du monde 
appelé #norganique; toutes les énergies physio- 
logiques toutes les 
énergies du monde psychique. Etcela dans toutes 
les planètes, les satellites, etc., et dans notre 
Soleil. Apres avoir accepté cette conclusion, on 


toutes les 


du monde organique; et 


ne pourrait plus admettre la possibilité de la 
création ni de la destruction d’aueune partie de 
l'énergie physique, physiologique, ou psychique 
dans aucun corps, ni dans aucun organisme. 

De la quantité invariable d'énergie univer- 
selle, seule posséderait une valeur humaine — à 
chaque instant — la partie dont l'homme saurait 
et pourrait profiter pour ses buts de n'importe 
quel genre. La partie wlilisée par l’homme 
a été Jusqu'à présent une fraction très petite de 
l'énergie totale; et la suprême aspiration sera 
toujours de retirer — pour les individus et les 
groupements humains, au moyen des transfor- 
mations convenables — le plus grand profit pos- 
sible de toute l'énergie que l’on parviendra à 
découvrir. 

En pensant d’abord aux énergies physiques, il 
est bon de rappeler que, dans le procès de leurs 
transformations mutuelles, une considérable 
partie se dissipe, c’est-à-dire se répand sous des 
formes telles qu’il n’est pas possible à l'homme, 
en général, de l’atteindre et la recueillir, et bien 
moins encore de l’emmagasiner. Cette « {endance 
à la dissipation de l'énergie mécanique de la 
Nature », comme disait Lord Kelvin, est très 
contraire à l’intérêt humain. Beaucoup d’émi- 
nents physiciens estiment que la forme calorifi- 
que de l’énergie est d’un degré ou d'une qualité 
inférieure à l'énergie mécanique ; et que la trans- 
formation la plus 2aturelle est celle qui, en con- 
servant la quantité, change une forme en une 
autre d’un degré inférieur (parexemple, l'énergie 
mécanique en chaleur). C’est ce que l’on veut 
signifier en parlant de la dégradation naturelle 
de l'énergie; car on pense que les transforma- 
tions inverses — par exemple, de la chaleur en 
énergie mécanique — sont artificielles, c’est- 
à-dire obtenues par l'intervention de l'homme, 
et avec de grandes dissipations. 

On sait que toute énergie est mesurée parle pro- 
duit de deux facteurs, et que pour exprimer ainsi 
l'énergie thermique il a fallu recourir à la notion 
de l’entropie, facteur quantitatif, que l’on multi- 
plie par la température (rapportée au zéro absolu), 
facteur £ntensif. 

Le rapport des grandeurs des deux facteurs 
(d'une quantité d'énergie donnée) est très inté- 
ressant quand il s’agit d'en profiter pour un but 
détermine. Ainsi, s’il s’agit de l’enfoncement 
d'un pilotis au moyen du martinet, il convient 
de faire prédominerle facteur quantitatif (masse) 
dans l'énergie cinétique d’une masse tombée 
d’une hauteur 2; mais, s’il s'agit d’un projectile 
lancé par un fusil, il convient, au contraire, de 
faire prédominer le facteur intensif (vitesse) dans 
l'énergie cinétique. 


PP RS 


A. PORTUONDO. — NOTES DE MÉCANIQUE SOCIALE 443 


Une quantité donnée d'énergie thermique est 
d'autant plus profitable (en parlant en termes 
généraux, et pour les usages courants) que le 
facteur #rtensif (température) sera plus élevé; et 
ainsi le seul fait de la diminution de ce facteur 
(entraînant l'augmentation de l’entropie) rend 
cette quantité d'énergie moins utilisable en 
général, ou, comme l’on dit, dégradée, lors même 
qu'elle conserve sa grandeur. En outre, l'énergie 
thermique est plus propre à la diss/palion, et 
c'est pourquoi les physiciens considèrent cette 
espèce d'énergie comme d’une qualité inférieure 
relativement à l'énergie électrique ou à l’éner- 
sie chimique. 

Dans le cas /déal où l’entropie se conserve 
constante, la partie (Q, — Q,) d'une énergie 
thermique Q,, qui peut se transformer en travail 
mécanique, correspond au coefficient de trans- 


: ) - 
formation MO qui est exactement égal à 
Û 


T,—T 
A 
les opérations de la réalité, l’entropie augmente 
parce qu'il y a toujours conduction de chaleur, 
car ses accroissements différentiels sont tous 

positifs. 

En appliquant cette conclusion à l'Univers — 
où l’énergie se conserve — on verrait un procès 
d'augmentation continue de l’entropie, avec démi- 
nulion dans les differences de température, ce 
qui, à la fin, conduirait à la fameuse conclusion 
de Lord Kelvin. 

Le Dantec proteste contre la classification des 
diverses formes d'énergie physique par degrés 
ou catécories, et des transformations en naturel- 
les et artificielles, parce qu'il estime qu’elle 
n'a pas une base réelle; car les agents physi- 
ques produisent parfois aussi les transforma- 
tions inverses sans l'intervention de l’homme, 
c'est-à-dire naturellement, comme disent les 
physiciens. Et cette facon de parler serait injusti- 
fiée (selon le biologiste déjà cité), car l’interven- 
tion de l’homme est aussi naturelle que celle 
des agents physiques. 

Quoi qu'il en soit, c'est aux sciences physiques 
et naturelles qu'il appartient (en se basant sur 
les lois découvertes) de procéder à la recherche 
des moyens d'augmenter de plus en plus la par- 
tie du fonds d'énergie physique et physiologi- 
que profitable pour les buts humains, où de 
diminuer de plus en plus l’énergie dissipée, non 
utilisable par l'homme. 

On pourrait peut-être dire quelque chose 
d'analogue quant aux énergies psychiques qui 
— à mon avis — intègrent, conjointement avec 
les énergies physiques et physiologiques, notre 


=, selon Le principe de Carnot. Mais, dans 


fonds d'énergie universelle. Non seulement il y 
a dissipation d'énergie dans les procès de trans- 
formation des énergies physiques, mais aussi 
dans les transformations des énergies physiolo- 
giques où psychiques entre elles; et il y a aussi 
dissipation dans les changements d'énergies 
physiques en physiologiques ou vice-versa, de 
même que dans les énergies physiologiques en 
psychiques ou vice-versa. 

Mais, de même que l'étude théorique et prati- 
que des énergies physiques et physiologiques 
est du ressort des sciences physiques et naturel- 
les, la distinction — s’il était possible de l’éta- 
blir — entreles travaux psychiques sociaux utiles 
pour le développement rationnel et harmonique 
des individus ou des Sociétés devrait incom- 
ber en premier lieu à la Psychologie et aux 
Sciences sociales ; du même ressort devrait être 
aussi cette autre partie d'énergie quise déssipe et 
est consumée en travaux inutiles (ou peut-être 
nuisibles) pour les individus et les groupements 
sociaux. Arrivera-t-on à cette distinction qui 
serait fondamentale pour la Sociologie... ? 

Quoique nous voulions employer le langage 
des physiciens, on ne pourrait pas parler de 
transformations naturelles d'énergies psychiques 
en d’autres d’un degré ou d’une qualité infé- 
rieur, puisque dans toutes ces transformations 
apparaitrait toujours l'intervention de l’homme, 
et cela leur conférerait le caractère d'artificielles 
dans ce langage. Mais tout ce que nous avons 
exposé dans ces Apuntes (s'il ne dé- 
montre pas) combien sont naturelles les trans- 
formations d’énèrgies psychiques dans la vie des 
individus et des éléments sociaux; etil semble, 


montre 


par conséquent, que l’on ne doit pas penser à 
une semblable classification pour les transfor- 
mations des énergies psychiques. 

Puisque nous ne parlons pas de transforma- 
tions naturelles ni artificielles, et que nous ne 
faisons guère de référence aux dégradations 
d'énergie, disons seulement : il importe beau- 
coup à l'humanité de réaliser la plus grande wti- 
lisation rationnelle possible des énergies, tant 
physiques que physiologiques et psychiques, par 
l’homme, et en faveur de l’homme. Les sciences 
(toutes les sciences), en se consacrant à la décou- 
verte des lois et à l’investigation des procédés 
propres à atteindre la plus grande utilisation 
possible par la diminution de plus en plus grande 
de l’énergie dissipée, c’est-à-dire par l’augmen- 
tation des coefficients de transformation, contri- 
bueront ainsi à l’économie de l'Energie univer- 
selle. 

A. Fortuondo, 


Ingénieur des Ponts et Chaussées d'Espagne 


1° Sciences mathématiques 


Martinot-Lagarde (Capitaine C.), Ancien élève de 
l'Ecole Polytechnique. — Le Moteur à explosion. 
2° édition, revue et augmentée. — 1 vol. in-S° de 416 p. 
avec 173 fig. (Prix : 6 fr.). Berger-Levrault, éditeur, 
Paris et Nancy, 1914. 

M. P. Lorain a analysé ici-même la première édition 
de cet ouvrage !, à laquelle nous renvoyons en ce qui 
concerne la disposition générale du livre. 

Dans la seconde édition, qui s’est augmentée de 
120 pages, l’auteur a cherché, tout en conservant le 
plan et l’esprit général de son œuvre, à montrer d’une 
façon plus explicite les liaisons qui existent entre le 
fonctionnement du moteur à explosion et les diverses 
sciences mécaniques et expérimentales, Puis il a com- 
plété la plupart des chapitres, de façon à les mettre au 
courant des récents progrès de l’industrie, 

Ainsi, il a augmenté les développements relatifs à la 
mesure des vitesses angulaires, qui présente un grand 
intérêt pour le pilote d'avion ou de dirigeable et le con- 
aucteur d'automobile; plus loin, il a introduit une des- 
cription des distributions dites « sans soupape ». Un 
paragraphe a été ajouté au sujet des combustibles autres 
que l'essence en usage courant. Dans le chapitre relatif 
à la carburation ont pris place les nouveaux types de 
carburateurs employés. Le fonctionnement et la consti- 
tution des organes délicats de la magnéto et des bou- 
gies ont été étudiés plus en détail. 

La question du graissage a reçu une extension plus 
en rapport avec son importance ; elle comprend l'étude 
générale des frottements au point de vue théorique et 
expérimental, et celle des principaux lubrifiants. 

Quelques indications sont données au sujet des nou- 
veaux dispositifs automatiques de mise en route. Enfin 
certains détails ont élé introduits dans le réglage et la 
mise au point et l'analyse des causes de mauvais fonc- 
tionnement du moteur. 

Ainsi mis à jour, cet excellent ouvrage continuera à 
être vivement apprécié de tous ceux qui ont à faire 
usage du moteur à explosion. 


2° Sciences physiques 


Turner (W. E.S.), Lecturer in physical and inorganic 
Chemistry inthe University of Sheffield. — Molecular 
Association. — Un vol. in-$o de 170 p. (Prix cart. : 
6 fr. 25). Longmans, Green and C°, éditeurs, Londres, 


1912. 


Ce volume appartient à la série des monographies 
sur la Chimie physique et inorganique publiées sous la 
direction du Professeur A. Findlay; il constitue une 
addition importante à cette intéressante collection et 
montre une fois de plus la valeur de cette forme de pu- 
blications. Le sujet est d'ailleurs l’un de ceux qui ont 
provoqué le plus de recherches depuis une vingtaine 
d'années. L'auteur expose la question dans tous les do- 
maines qu’elle comporte : dans les gaz, les substances 
dissoutes, les liquides purs. Particulièrement en ce qui 
concerne ces derniers, on peut âinsi constater combien 
divergent les résultats obtenus par les nombreuses 
méthodes successivement proposées; malgré le travail 
considérable accompli, malgré tous les résultats expé- 
rimentaux accumulés, la question demeure non résolue. 
L'importance particulière de l’eau vaut à ce solvant un 
chapitre spécial, que terminent l'étude de l’allotropie 


1. Revue gén. des Sciences du 15 mai 1913,t. XXIV, p. 360. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


Ë BIBLIOGRAPHIE 
% ANALYSES ET INDEX 


dynamique et l'exposé de quelques tentatives faites pour 
connaitre la complexité moléculaire des solides. 

Une bibliographie considérable complète le volume, 
Dans un important appendice sont rassemblées un grand 
nombre de données numériques sur la complexité mo- 
léculaire de nombreuses substances en solution. Il est 
inutile de souligner l'intérêt que présente cette méthode, 
qui devrait être généralisée dans les cas analogues. 
L'existence des Tables annuelles de Constantes, publiées 
par un Comité International dont M. le Professeur 
Findlay fut d’ailleurs l’un des fondateurs, permettra aux 
lecteurs de ces monographies decompléter constamment 
les listes de valeurs qu’elles contiennent et l’on aper- 
çoit ainsi comment, pour les sujets qui s’y prêtent, 
peut s'établir cette documentation continuellement au 
point qui seule permet aux nouveaux venus dans un 
domaine de fournir rapidement un travail fructueux 
sans être rebutés par des recherches bibliographiques 
fastidieuses. 

C. MARE, 
Docteur ès Sciences. 


Balta R. de Cela (Jose), Professeur et directeur de 
l'Ecole Industrielle de Tarrasa. — Compendio de 
Electroquimica. Première partie : INTRODUCTION A 
L'ÉTUDE DE L'ÊLECTROCHIMIE. PRINGIPES FONDAMENTAUX. 
2° édition. — 1 vol. in-8° de 196 p. avec 57 fig. (Prix : 
7 fr. 50). Barcelone, Libreria de A. Bosch; Madrid, 
Libreria de A. Roma,1915. 


Il convient de féliciter l’auteur d'avoir, en écrivant 
cet ouvrage, rendu ses compatriotes indépendants de 
la littérature étrangère en cette matière; le fait qu'une 
seconde édition est devenue nécessaire est d’ailleurs 
une preuve de l’accueil favorable qu’il a rencontré 
dans les pays de langue espagnole. 

Cette première partie traite des généralités de l’Elec- 
trochimieetdeseslois générales ;la méthode d'exposition 
ne s’écarte pas sensiblement de celle suivie dans les 
nombreux ouvrages de cettenature.Désireux sans doute 
d'éviter toute difliculté d'ordre mathématique à ses 
lecteurs, l'auteur a eru devoireffleurer seulementoumême 
supprimer certaines théories; il en résulte quelques 
lacunes. Nous souhaitons que le besoin d'une nou- 
velle édition se fasse sentir rapidement et permette 
d'introduire ces compléments utiles. 

C. M. 


3° Sciences naturelles 


Knowlton (F. H.), du Service géologique des Etals- 
Unis. — The fossil Forests of the Yellowstone 
National Park. — 1 broch. in-8o de 31 p. avec 
16 fig. (Prix : 0 fr. 50). Government Printing Oflice, 
Washington, 1914. 


L'une des curiosités du Parcnational de Yellowstone, 
ce sont les forêts fossiles qui couvrent une étendue assez 
considérable de sa partie septentrionale, près de la 
rivière Lamar, Tandis qu’en d’autres régions les tronçs 
ont été transportés, fragmentés et fossilisés par mor- 
ceaux, là la plupart des arbres ont été ensevelis 
debout par des matériaux volcaniques meubles ; ceux-ci 
ont été ensuite graduellement enlevés par l'érosion, en 
dégageant les troncs fossiles qui se dressent aujourd'hui 
debout sur les collines dans leur position originale. 
Dans la région du Specimen Ridge, dont les flancs s’élè- 
vent abrupts à 600 mètres environ au-dessus de la 
vallée, on a même constaté l'existence d'une série super- 
posée de forêts ensevelies, qui sont mises à jour par le 
ravinement des pentes, 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX hA5 


s forêts fossiles sont composées pour 95°/, de Co- 
nilères (Sequoia el Pityoxylon), et pour le reste de 
chênes et de sycomores principalement. Le processus de 
fossilisation a été certainement en rapport avec l'acti- 
vilé volcanique et hydrothermale de la région ; il con- 
sisle dans le remplacement de toutes les particules de 
malière organique du bois par de la silice. 

Ces formations datent de l’époque miocène. D'après 
le nombre des forêts superposées qui ont élé retrouvées 
et le temps nécessaire aux arbres pour atteindre leur 
maturité, M. Knowiltlon calcule que la durée des dépôts 
de Goo mètres du Specimen Ridge doit être comprise 
entre 2.400 et 12.000 ans. 

De belles photographies et micrographies illustrent 
cet intéressant opuscule, 


É2B: 


The Botany of Iceland (LA BoranIQUE pe L'ISLANDR), 
édité par MM, L. KocperuP ROSENvINGE et EuG. Warn- 
Mic. Part, 1 — ? vol. in-8°. Editeurs : J. Frimodt, 
Copenhague, et J. Weldon, Londres, 1912-1914. 


La première partie de cet important travail comprend 
deux fascicules qui ont trait, le premier à la végétation 
des algues marines, le second à la géographie physi- 
que et à la vie des plantes. 

1. Her Jüxsson : The marine algal Vegetation. 1 vol. 
in-8° de 186 p., avec 7 fig. 

L'auteur decetrès intéressant mémoire donne d’abord 
la liste des Algues marines de l'Islande (200 espèces, 
dont 96 Floridées, 63 Phéophycées, 51 Chlorophycéeset 
6 Cyanophycées). Iln'y est fait mention d'aucune espèce 
nouvelle. M. Jünsson aborde l'étude des conditions de 
la végétation des Algues : nature de la côte, l'océan 
(mouvements,température, salinilé), l'air (température 
humidité, pluies, vents, lumière). Puis viennent la dis- 
tribution horizontale des espèces et la composition de 
la flore : un tableau indique les espèces communes tout 
le long de la côte; un autre, celles qui sont spécialisées, 

Les groupes auxquels se rapportent les représentants 
de la flore algologique islandaise sont: groupe arctique, 
subaretique, boréal arctique, boréal froid et boréal tem- 
péré. 

Nous trouvons ensuite une intéressante comparai- 
son entre la flore islandaise et ceile des régions avoisi- 
nantes (Groenland, Spitzberg, Finmarck, Færoes, etc.); 
37 espèces d'Islande manquent aux Færoes et ces îles 
en renferment 51 qui ne se trouvent pas en Islande, 
etc. 

Viennent naturellement la distribution des algues en 
profondeur dans ia zone littorale supérieure, la zone 
littorale inférieure, la zone sublittorale et l’étude de la 
limile de croissance : dans la zone supérieure croissent 
53 espèces, à 10 mètres on en trouve 48, à 20 m. 18, 
entre 30 et 4o m. 37, à 60 mètres et au-dessous on n’en 
trouve plus que 10. 

Dans la zone littorale on peut envisager la distribu- 
tion photophile ou strictement littorale avec les asso- 
ciations : Prasiola stipitata, Enteromorpha et Acrosipho- 
nia et abondance des Algues filiformes, des Fucacées ; 
la végétation ombragée avec association ÆZildbrandtia 
et Rhodochorton : celle des flaques qui existent entre les 
rochers. 

La zone sémilittorale comprend les : Monos/romu- 
association, Chorda-association, Polysiphonia urceolata- 
association, Crustaceous Algae-association, avec abon- 
dance de Corallines et de Xhodymenia. 

La zone sublittorale est caractérisée par l'abondance 
des Laminariacées, des Algues crustacées et des Flori- 
dées qui croissent à un niveau profond, par les Des- 
marestia et Lithothamnion-association. 

L'auteur s'occupe ensuite de la Sea-Grass. végétation 
qui comprend la Zostera-association, généralement 
sublittorale, mais qui peut parfois s'étendre jusqu'à la 
zone sémilittorale. 

Un chapitre est consacré aux différences de végéta- 
tion entre l’est et le sud de l'Islande. Dans le sud 


manquent les associations arctiques (Monostroma gro- 
enlandicum et Polysiphonia arctica), et subarctiques 
(Laminaria faeroensis); dans lEst, les associations 
Pelvetia-Fucus spiralis, Fucus serratus, Phymatolithon 
polymorplhum et l'abondance des Corallines, 

Quelques notes relatives à la biologie des Algues le 
long des côtes terminent ce très intéressant travail, qui 
doit être regardé comme un modèle du genre, Elles ont 
trait à la durée de la vie (espèces annuelles et vivaces), 
anx changements périodiques (périodicité de l’activité 
végétative, rénovation des lames des Laminaires, épo- 
ques de fructitication résumées en un tableau), à la végé- 
tation littorale d'hiver à Reykjavik. 


11. Tnorobpsen (Th.) : An Account of the physical 
Geography of Iceland, with special Reference to the 
Plant L ife. 1 vol. in-S" de 160 p., avec 30 fig. 

Le mémoire de M. Thoroddsen comprend plusieurs 
chapitres : topographie générale et géologie, conditions 
en rapport avec la superticie et le sol, climat, distribu- 
tion de la végétation, formations botaniques. 

L'Islande s'étend du 63 1/2 degré de latitude nord au 
66 1/2, du 13° 27 au 24° 30’ de longitude ouest; le cerele 
aretique la touche au nord. La côte est du Groenland en 
estéloignée de 330 kilomètres et le Danemark de 1500. 
C’est un pays montagneux, sans posséder cependant de 
véritables chaînes de montagnes; c’est plutôt un pla- 
teau (Zable-Land) qui atteint 1000 mètres au-dessus du 
niveau de la mer. On peut même y considérer deux 
plateaux, l'un de 88.000 kilomètres carrés, l’autre de 
9.000 seulement. 

Les glaciers couvrent une grande étendue. La limite 
des neiges n’est pas facile à déterminer en raison de la 
grande variation des facteurs climatériques : elle peut 
aller de 400 à 1.400 mètres suivant les régions. La plus 
basse limite des dépôts de neige permanents se trouve 
entre 250 et 1.000 mètres, celle des dépôts variables de 
5o à Goo. 

Les rivières sont nombreuses et occupent de vastes 
espaces ; le volume des eaux est dû au climat humide et 
au grand nombre de glaciers. 

nl existe quelques lacs, | a plupart de peu d'élendue. 
La pêche y est d'une grande importance pour les habi- 
tants, en raison de l'abondance des Salmonidés (Salmo 
alpinus et Trutta). Le phytoplaneton domine dans le sud 
et le zooplancton dans le nord. 

L'Islande est constituée presque entièrement par des 
roches volcaniques, dont aucune ne parait être plus 
ancienne que le Tertiaire. Les roches principales sont 
les basaltes et la brèche palagonique. On y rencontre 
des traces des temps tertiaires (trones d’arbres). 

Les volcans sont nombreux et ont continué d’être 
actifs depuis les temps primaires jusqu'à nos jours. Le 
plus connu est l’Hékla, avec 2 r éruptions dans les temps 
historiques. Les tremblements de lerre sont fréquents. 
Les sources jaillissantes alcalines chaudes se trouvent 
par centaines, fortement influencées par les tremble- 
ments de terre qui les font disparaitre, les altèrent ou 
en font naitre de nouvelles. Il en est de même dessources 
sulfureuses, qui produisent des solfatares exploitées dès 
le xurr° siècle, et des sources à acide carbonique. 

Le plateau intérieur, à l'exception des glaciers, 
consiste en déserts pierreux. laves, graviers et sables 
arides, Dans la plupart des régions habitées, le substra- 
tum est d’origine glaciaire et alluviale,souvent en con- 
nexion avec des cendres volcaniques et des graviers de 
lave, 

Les formations tourbeuses ne sont pas rares, mais 
encore peu connues. On y trouve des restes des Betula 
odorata et verrucosa. 

Les champs cultivés ne sont généralement pas 
labourés. On a pu en certains points pratiquer des irri- 
gations. 

Le elimat est avant tout insulaire et plus doux, grâce 
aux courants océaniques, qu'on serait tenté de le croire. 
Le courant apporte de Sibérie une quantité de bois 
morts. De la même façon arrivent des fragments de 


446 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


roches inconnues en Islande (gneiss, micaschiste, etc.), 
et des fruits des régions chaudes (Mucuna,Entada, etc.). 

Le volume des pluies varie beaucoup avec les régions, 
généralement plus fort en automne et en hiver, La 
grèle tombe fréquemment en hiver et rarement en été. 

Dans le Sud-Ouest, dans les années les plus favora- 
bles, il ne fleurit qu'un très petit nombre de plantes à 
la fin d'avril. En juin-juillet, la floraison est la plus 
abondante. 

Le nombre des plantes phanérogames peut être éva- 
lué de {oo à 450. Aux Færoes on en compte 300, au 
Groenland 386, au Danemark 1450, en Norvège 1500, 
Les Cypéracées (44) etles Graminées(4o) sont les formes 
dominantes ; 25 Composées, 24 Caryophyllacées,22 Cru- 
cifées, 17 Joncacées, 17 Fougères, ete. On trouve 500 
Mousses, 233 Lichens, 543 Champignons, dont 452 pa- 
rasites, et 54 sur Betula odorata. 

L'introduction du bétail a exercé une grande influence 
sur la végétation et spécialement sur les taillis; l’au- 
teur de ce travail signale d'importantes modifications de 
1882 à 1894. 

D'une façon générale, la végétation varie peu du Nord 
au Sud, dans la plaine et sur les hauteurs. Sur 359 es- 
pèces, 197 sont ubiquistes, 37 communes dans un petit 
nombre de localités, 72 rares, 55 très rares. Il n'existe, 
somme toute, qu'un très petit nombre d'espèces carac- 
téristiques de certaines parties de l'Islande. Dans l'Est 
le Campanula rotundifolia abonde avec le Saxifraga 
aizoides, le Trientalis europaea, le Cerastium Edmons- 
loni, rares ailleurs. Dans le Sud, c’est le cas des Rosa ca- 
nina et pimpinellifolia, Au Saxifraga Cotrledon, ete. 

La végétation dans le Nord-Ouest est pauvre et en 
rien caractéristique. Dansle Sud, etleSud-Ouest,on trouve 
un certain nombre d'espèces de la flore française : An- 
thyllis vulneraria, Spiræa Ulmaria, Valeriana officinalis, 
etc. Dans le Nord abonde le Milium effusum ; dans la 
région montagneuse, les Phyllodoce cœrulea, Primula 
stricta, elc., ne sont pas rares. 

Un grand nombre des plantes de la plaine se retrou- 
vent sur les plus hauts sommets. Au voisinage des nei- 
ges et des glaces on rencontre : Cassiope, Papaver, des 
Saules, des Renoncules, Armeria, Oxyria, Sibthorpia, 
des Saxifrages, des Pédiculaires, des Lichens et plu- 
sieurs espèces de mousses du genre Grimmia. 

À la région des Bouleaux appartiennent les Betula 
odorata et nana, le Sorbus aucuparia, le Genévrier, des 
Éricinées, etc. Au-dessus c'est la région des Saules 
(Osier-Region), avec les Salix lanata, glauca, herbacea, 
phylicifolia. 

Les formations végétales peuvent être énumérées de 
la façon suivante : végétation de la ligne côtière; végé- 
tation des eaux douces ; végétation autour des sources 
jaillissantes; végétation du sol humide (marais, etc): 
plateaux rocheux; plateaux graveleux; crêtes pierreu- 
ses ; graviers des viviers; pentes des montagnes; sa- 
bles, dunes, coulées de laves; formation des Grimmia ; 
prairies gramineuses (graesti, graesmo); régions habi- 
tées et cultivées (l'un); landes de bruyères; taillis de 
saules ; taillis de bouleaux. 


P, Harior, 


Assistant au Muséum, 


Mitchell (P. Chalmers), #'. 2. $., Secrétaire de la So- 
ciélé Zoologique de Londres. — Evolution and the 
War (L'ÉVOLUTION ET LA GUERRE), — 1 vol. in-12 de 
11% p. avec 2 fig. el Alcarte. (Prix cart. : 3 "fr. 25). 
John Murray, éditeur, Albemarle Street, Londres, 
1919. 


Le Général von Bernhardi, dans son livre populaire : 
England as Germany’s vassal, a écrit : « Où que ce soit 
que nous regardions dans la Nature, nous trouvons que 
la guerre est une loi fondamentale du développement. 
Cette grande vérité, qui a été reconnue dans le passé, a 
été démontrée d'une manière convaincante dans les 
temps modernes par Charles Darwin. Il prouva que la 
Nature est gouvernée par une incessante lutte pour 


l'existence, par le droit du plus fort, et que cette lutte, 
dans sa cruauté apparente, produit une sélection qui 
élimine le faible et le corrompu. » Etencore: « La force 
est le droit suprême, et la äiscussion sur ce qui est juste 
doit être décidée par l'arbitrage de la guerre La guerre 
apporte une décision biologiquement juste, car ses dé- 
cisions reposent sur la vraie nature des choses. » 

Telle est la théorie des Allemands sur la guerre, et 
cette théorie se présente comme la conséquence logique 
d’une loi scientifique. Qu’y a-t-il de fondé dans ce rai- 
sonnement et dans l'application qu'on prétend faire 
des principes de Darwin, c’estce que M. Chalmers Mit- 
chell a cherché à mettre en lumière dans une série de 
conférences à la Royal Instilution, qui ont été arran- 
gées en volume sous le titre : ÆZvolution and the War. 

L'auteur n’a pas de peine à montrer le vice dela con- 
ception allemande, Son argument peut se résumer dans 
les quatre points suivants : 

1° Même si la lutte pour l'existence était une loisecien- 
tifique, elle ne s'applique pas nécessairement aux affai- 
res humaines; 

2° Les nations modernes ne sont pas des unités du 
même ordre que les unités des règnes animal et végé- 
Lal pour lesquelles la loi de la lutte pour l'existence est 
une conséquence supposée ; 

3° La lutte pour l'existence, telle qu'elle a été expo- 
sée par Darwin et telle qu’elle peut être suivie dans la 
Nature, n'a aucune ressemblance avec la guerre hu- 
maine ; 

4° L'homme n’est pas sujet aux lois de l'inconscient 
et sa conduite ne doit pas être jugée par elles, mais par 
son harmonie avec un non-moi réel et extérieur, une 
loi morale que l’homme a bâtie à travers les âges. 

On lira avec un grand intérêt le développement des 
arguments de M. Chalmers Mitchell, vivifié par un 
grand nombre de faits intéressants empruntés aux 
sciences naturelles et à l’histoire. Peut-être ne le sui- 
vra-t-on pas jusqu'au bout lorsqu'il fait remonter à 
Kant — l’auteur pourtant de l'Æssai sur la paix perpé- 
tuelle — l'origine de « la mégalomanie qui a détruit 
chez les Allemands le sens de la réalité et fait de la 
« Kultur » germanique l'ennemi de la race humaine ». 
Mais on le remerciera d'avoir défendu la doctrine de 
l’évolution contre l’abus criant fait de ses principes et 
montré que rien dans le domaine scientifique, pas plus 
qu'en aucun autre, ne saurait justilier les auteurs res- 
ponsables de la plus terrible des guerres. 

B. L. 


k Sciences diverses 


Alexinsky (Grégoire), Ancien député à la Douma. — 
La Russie et la Guerre. — 4 vol. in-1$ de 368 p. 
(Prix: 35 fr.50). Librairie Armand Colin, Paris, 1915. 


M. Alexinsky est déjà connu par un livre sur la Aus- 
sie moderne dont la première édition française est 
épuisée et qui a eu deux éditions anglaises. Dans 
ce nouveau livre, qui paraît aussi simullanément en 
français et en anglais, l’auteur se propose de faire mieux 
comprendre quelle est au juste la position de la Russie 
dans le conflit mondial. 

Dans une première partie intitulée « Avant la guerre», 
l’auteur retrace les faits de politique internationale qui 
précédèrent le conflit actuel et les causes qui obligèrent 
la Russie à y participer. La guerre malheureuse contre 
le Japon a créé un revirement dans l'orientation de la 
politique extérieure russe, qui d’casiatique» est deve- 
nue « balkanique » et «panslave», malgré l'opposition 
de tout un parti germanophile qui préconisait l'entente 
avec l'Allemagne et l'Autriche, en abandonnant à ces 
dernières les Balkans. (Les extraits du mémoire confi- 
dentiel de l’ancien ambassadeur russe Rosen, que cite 
M. Alexinsky, sont tout à fait typiques à cet égard.) 
C'est pour les besoins de cette politique que la Russie 
a été amenée à consolider son alliance avec la France et 
à rechercher une entente avec l'Angleterre, tandis que 


er 


fl 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 447 


le renouvellement du traité de commerce russo-alle- 
mand menaçait, au contraire, de créer un conflit éco- 
nomique violent avec l'Allemagne, par suite de l'atti- 
tude intransigeante des agrariens allemands et des jun- 
kers prussiens, Mais ces causes auraient été insuflisan- 
tes à déchainer la guerre actuelle siles deux guerres 


‘des Balkans, et leurs conséquences, le conflit de l'Au- 


triche avec la Serbie et la mainmise de l'Allemagne sur 
la Turquie,quimenagçait de barrer aux Russes la sortie de 
la mer Noire comme déjà celle de la Baltique, n'avaient 
précipité les événements. Après avoir examiné la vie 
intérieure de la Russie dans ces dernières année, puis 
l’état de ses finances, de son armée et de sa flotte, 
M. Alexinsky pose la question: La Russie a-t-elle voulu 
la guerre ? et il montre par des raisons péremptoires 
que ni la Russie populaire, essentiellement pacifique, 
ni la Russie oflicielle, par suite des liens d’esprit étroits 
entre les conservaleurs russes el prussiens, n'ont 
désiré une guerre contre l’Allemagne. «Bien loin de 
l'avoir souhaitée, la Russie gouvernementale l’a esqui- 
vée jusqu'au moment où cette guerre lui fut ëmposée et 
où un nouveau recul devant le bloc austro-allemand 
lui devint absolument impossible, » 

La seconde partie de l'ouvrage, « Dans la mêlée san- 
glante », nous trace le tableau de l’attitude du Gouver- 
nement et de la Société russes devant une guerre inat- 
tendue : le manifeste du tsar à son peuple, demandant 
l'oubli des dissensions intestines ! en face de l'ennemi 
commun, la séance du 8 août de la Douma qui montra 
« l'accord régnant dans la grande majorité des membres 
de l'assemblée au sujet de la guerre = »,le loyalisme de 
la presque unanimité des nationalités de l’Empire: 
Polonais, Arméniens, Juifs, Leittons, Esthoniens, Fin- 
landais, Ukrainiens, qui a déjoué l'espoir qu'avaient 
conçu l'Allemagne et l'Autriche de fomenter parmi 
elles, comme d’ailleurs parmi les socialistes russes, des 
mouvements séparatistes ou révolutionnaires qui 
auraient affaibli la résistance de la Russie. 

Le Gouvernement a d'ailleurs pensé que le moment 
était venu de répondre aux légitimes aspirations de 
quelques-unes de ces nationalités (proclamations aux 
Polonais et aux Arméniens); mais pourquoi faut-il no- 
ter à côté un redoublement de rigueurs antisémites et la 
publication (novembre 1914) d’un oukase quiest un véri- 
table programme de russification de la Finlande? 

À l'occasion de la guerre, le Gouvernement a été 
amené à prendre diverses mesures administratives et 
financières, dont l'une des plus importantes est sans 
contredit l'interdiction de la vente de l’alcool, préparée 
par un mouvement populaire de propagande antialcooli- 
que sur laquelle l’auteur donne d’intéressants détails, 
etqui a déjà produit de si heureux résultats économi- 
ques et moraux, À côté des mesures du Pouvoir central, 
il faut signaler aussi l’action des institutions publiques, 
comme FUnion des Zemtsvos, l'Union des villes, des as- 
semblées communales, et celle des associations privées, 
comme les coopératives, pour parer aux conséquences 
de la guerre. 

Cette seconde partie se termine par des aperçus sur 
l'attitude de la jeunesse intellectuelle, le rôle de la litté- 
rature et de la presse, et surtout sur la mentalité du 
soldat russe actuel, bien différente de celle qui régnait à 
l’époque de la guerre contre le Japon, et à laquelle des 
ennemis mêmes ont rendu hommage. 

Dans une dernière partie, « Après la guerre », 
M. Alexinsky recherche quels pourront être les effets et 


1. M. Alexinsky reproche au Gouvernement de n’avoir pas 
lui-même obéi à cette invilation, en continuant les persécu- 
tions politiques (affaire Bourtzef, en particulier) et en sup- 
primant presque complètement toute la presse de gauche. 

2. Les travaillistes et les social-démocrates ont proclamé 
que les masses ouvrières des champs et des usines doivent 
énergiquement participer à la défense du pays; loutefois ils 
se sont abstenus dans le vote des crédits militaires, parce 
qu'ils ne reconnaissent pas la légalité de la Douma actuelle, 


les résultats de celle-ci pour la vie de l'Etat et du peu- 
ple russes. Il ne croit pas que des acquisitions terrilo- 
riales soient désirables pour la Russie, et en cela il se 
rencontre avec le général Kouropatkine, dont il repro- 
duit plusieurs fragments du célèbre rapport sur les 
frontières de la Russie, présenté au tsar en 1900 et 
montrant les dangers de certaines extensions de fron 
tières en Galicie et en Prusse orientale. Ce qu'il faut à 
la Russie, ce ne sont pas des terres nouvelles (elle en 
a déjà bien assez): c’est une transformation radicale du 
régime intérieur, de la vie du peuple, des conditions 
économiques et politiques de son existence. Or la dé- 
faite de l'impérialisme et du militarisme allemand sera 
favorable à cette transformation, comme d'autre part 
l'établissement de relations plus étroites entre les démo- 
craties anglaise et française et le peuple russe. 

Tel est brièvement résumé le contenu de ce livre. 
M. Alexinsky est, on le sait, un représentant des partis 
russes avancés, et beaucoup de ses opinions paraitront 
discutables. On doit reconnaitre, toutefois, que, suivant 
la recommandation d’un autre écrivain russe, « les mots 
et les illusions périssent, les faits restent », ila cherché 
autant que possible à rester impersonnel et impartial, 
appuyant ses observations sur des faitset des documents. 
Ce sont ceux-ci qui font surtout la valeur du livre et le 
recommandent à l'attention de tous ceux qui veulent se 
documenter sur la Russie. 


S. LEJEUNE. 


Finot (Jean). — Civilisés contre Allemands. — 
1 vol. in-18 de 543 p. (trix : 3 fr. 50). E. Flammarion, 
éditeur, Paris, 1915. 


Dans ce livre, l’'éminent directeur de Za Revue a 
voulu opposer l'Allemagne d'aujourd'hui, avecson mili- 
tarisme et ses appétits de domination universelle qui 
l'ont fait tomber dans une recrudescence de barbarie 
qui la ramène en arrière de plusieurs siècles, et les Etats 
alliés, qui, quelles que soient les différences qui les sé- 
parent, représentent néanmoins dans le monde la cause 
de la civilisation et du progrès véritables, 

Les premiers chapitres sont consacrés aux deux em- 
pereurs germaniques, à la diplomatie allemande, dont 
les procédés ont fait le vide autour des empires du cen- 
tre, à l’âme allemande et aux transformations qu'elle 
a subies sous l'influence du développement de l’orgueil 
national, du pangermanisme, de l’autocratie de ses diri- 
geants et du militarisme, 

Dans les chapitres suivants, M. Finot montre une fois 
de plus qui a voulu la guerre actuelle, et comment cette 
guerre, soigneusement préparée par l'état-major alle- 
mand, s’est accompagnée de la part de ceux qui l'ont 
déchainée de la violation de tous les droits et de tous 
les traités qu'ils avaient garantis de leur signature. 

Puis l’auteur passe aux civilisés. Il peint les Français 
de nos jours et brosse de main de maitre le tableau du 
magnifique spectacle de patriotisme, de concorde, 
d’héroïsme et de sacrifice qu'ils ont donné aux autres 
peuples. Parlant des Alliés d’outre-Manche, il montre ce 
que l'Angleterre doit à la France dans le passé et ce que 
la France en a reçu en retour, el il analyse les raisons 
profondes qui doivent conduire à une solidarité franco- 
anglaise de plus en plus grande. Enfin, il esquisse le 
tableau de la Russie d'aujourd'hui, de son peuple et de 
ses dirigeants, et les met en garde contre les menées 
allemandes que favorise un parti encore puissant à la 
cour. 

Dans un dernier chapitre, M. Finot essaie de montrer 
ce que sera l’Europe délivrée du cauchemar du milita- 
risme germanique et les profondes transformations 
morales et politiques qu'entrainera la victoire de plus 
en plus certaine des Alliés. 

Ce livre emprunte un vif intérêt à la personnalité de 
son auteur, très au courant du mouvement des idées 
dans les divers pays d'Europe. 


AA ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 


Séance du 21 Juin 1915 


1° SCIENCES PHYSIQUES. — M. E. Raverot : La notion 
d'intervalle de température envisagée dans son rapport 
avec les mesures mécaniques. L'auteur montre que la 
notion d'intervalle de température est susceptible d'un 
énoncé mécanique dans lequel n’entre pas la notion 
conventionnelle de chaleur spécifique : 1 joule (0,238 
cal.) est la quantilé d'énergie calorifique qui corres- 
pond à une variation de température de1° C.de la masse 
d'air de 1 gr. à pression constante à partir de o°, et, 
puisque le degré centigrade est défini par un certain 
accroissement du volume de l'air à pression constante 
(0,00366 ou 1/273 du volume à o°), « 1 joule (0,238 cal.) 
est la quantité d'énergie calorifique correspondant à une 
variation de volume de la masse d’air de 1 gr. de 1/273 
de son volume à o°, à la pression constante de l’at- 
mosphère ». — M. L. Bouthillon : Sur la charge des 
condensaleurs au moyen d'une f. é. m. constante et leur 
décharge dans un circuit à étincelle. Le cireuit de charge 
comprend une source de f. é. m. constante, une résis- 
tance, une self-induction et un condensateur. Le circuit 
de décharge comporte un éclateur, soit du type fixe, 
caractérisé par une différence de potentiel d’éclatement 
constante, soit du type tournant, caractérisé par une 
durée de charge constante, IL se produit dans ces con- 
ditions une série ininterrompue de charges et de déchar- 
ges successives du condensateur, donnant l'impression 
d’un son musical. L'auteur montre que, quel que soit le 
genre d’éclateur employé, les régimes musicaux sont 
des régimes stables et le système est autorégulateur, 
— M. G.-A. Le Roy : Sur la mesure de l'imperméabili- 
sation des draps et tissus militaires. L'auteur décrit un 
appareil, qu'il nomme imperméabilimètre, pour la me- 
sure, dans des conditions comparatives de pression, 
surface, durée, température, etc., de la non-perméabi- 
lité par l’eau des tissus, en particulier des draps em- 
ployés dans les uniformes militaires. Suivant le degré 
d'imperméabilité, de l’eau pénètre plus ou moins rapi- 
dement, ou ne pénètre pas, à travers un disque de 
12 Qi, de tissu; si elle vient filtrer ou suinter à l’envers 
du tissu, elle humidifie assez un disque de papier placé 
au-dessous (el faisant partie d'un circuit électrique) pour 
que. devenu conducteur, il laisse passer un courant qui 
actionne un chronographe etune sonnerie avertisseuse. 
On détermine donc, en somme, le temps de non-péné- 
trabilité ou de pénétrabilité par l’eau pour une surface 
donnée du tissu examiné el sous une pression d’eau 
déterminée. — MM. Em. Bourquelot, M. Bridel et 
A. Aubry : Aecherches sur la glucosidification de lu 
glycérine par la glucosidase R (émulsine). La glycérine 
étant un alcool trivalent, sa glucosidification peut théo- 
riquement donner naissance, avec un même glucose, à 
5 glucosides différents : deux monoglucosides, deux 
diglucosides et un triglucoside. Des tentatives de gluco- 
sidification de la glycérine par la glucosidase £ ont 
montré que le produit obtenu renferme au moins deux 
glucosides, différents par leur pouvoir rotatoire et leur 
résistance à l’action de l’émulsine. — M, J. Clarens : 
Dosage de l'acidité urinaire. L'auteur montre que la 
méthode généralement employée peut conduire à des 
résultats erronés et propose de la remplacer par la tech- 
nique suivante : À un volume déterminé d'urine on 
ajoute un volume connu de liqueur N/r10 d'HCI.On porte 
à l’ébullition pour chasser CO? et aussitôt on refroidit 
rapidement. On titre alors à la phtaléine à l’aide d’une 
liqueur N/10 de potasse ou de soude non carbonatée, 


Du nombre de em? lu sur la burelte, on retranche le 
nombre de em d'HCI employé : sile résultat est po- 
sitif, la liqueur est acide ; dansle cas contraire, elle est 
alcaline. 

2° SCIENCES NATURELLES. — M. H. Busquet : Mode 
d'action de l'or colloïdal. L'or colloïdal, injecté à forte 
dose au chien ou au lapin, ne se retrouve en propor- 
tions notables ni dans le sérum, ni dans l’urine,ni dans 
les matières fécales ; en outre, alors que l’or dissous est 
immédiatement toxique à la dose de 5 mgr. par kilog 
d'animal, l'or colloïdal n’exerce à cette dose aucune ac- 
tion nocive. Ces faits permettent de penser que l'or col- 
loïdal ne se dissout pas ou se dissout très lentement 
dans le sang. On ne peut done pas rapporter à une dis- 
solution partielle du métal la réaction cardiotonique 
immédiate provoquée par l'or colloïdal chez le chien: 
d’ailleurs, de faibles doses d’or dissous ne produisent 
aucun effet cardiaque. L'or colloïdal agit donc sur le 
cœur en demeurant à l’état de particules non dissoutes. 
— M. H. Stassano : De la stérilisation des cultures ou 
des émulsions microbiennes par la chaleur sous couche 
mince. L'auteur montre que la stérilisation est infini- 
ment plus rapide et plus régulière en faisant eirculer 
le liquide à stériliser entre deux surfaces parallèles 
chauffées convenablement et séparées par l'intervallele 
plus restreint qu'il soit possible de réaliser. Il décrit un 
appareil basé sur ce principe, qui permet : de déter- 
miner avec beaucoup plus de précision que par les mé- 
thodes antérieures les limites de résistance à la chaleur 
des différentes espèces de microbes; de détruire les mi- 
crobes sans altérer sensiblement le pouvoir antigène, 
immunisant; de stériliser ou de pasteuriser différents li- 
quides organiques, le lait en particulier, sans trop les 
modilier. — M.J.Deprat: Les modifications de la struc- 
ture des Fusulinidés, du Dinantien à la fin du Permien. 
L'auteur montre qu'un phénomène de convergence in- 
téressant se produit pendant le Permien: tandis que les 
rameaux Veofusulinella, Schwagerina, Doliolina, Neo- 
schwvagerina, Yabeina, Sumatrina apparaissent succes- 
sivement, les derniers montrant une tendance de plus 
en plus grande à la réunion des poutrelles en groupes 
soudés pour aboutir aux grosses poutrelles de Suma- 
trina, pendant ce temps les poutrelles de Fusulina se ré- 
duisent en nombre, augmentent de grosseur, de telle 
sorte que les Fusulines permiennes offrent de grosses 
poutrelles en massue tout à fait analogues à celles de 
Sumatrina. I faut sans doute voir là un phénomène de 
convergence, amené probablement par des modifications 
des conditions biologiques provoquant chez tous les 
Fusulinidés des perfectionnements dans le renforcement 
de l'architecture de la coquille, — M. Pereira de Souza: 
Sur les macrosismes de l'Algarve (sud du Portugal) de 
1911 41914. Tandis que les macrosismes de l’Algarve 
occidental se sont propagés surtout vers le Nord, ceux 
de l’Algarve oriental se sont étendus vers l'Est, dans la 
région du Guadalquivir. Les macrosismes qui se sont 
produits dans l’Algarve oriental, depuis l’année 1g11 
jusqu’à la fin de 1914, semblent être d'origine épirogé- 
nique, et le maximum d'intensité s’est manifesté le 
long de la ligne sismo-tectonique Albufeira-Estoy-Vila 
Real de Santo Antonio-Huelva, dont la direction se 
trouve jalonner le prolongement de la prétendue faille 
du Guadalquivir. — M. B. Galitzine : Sur le tremble- 
ment de terre du 18 février 1911. Le 18 février 1911 a 
eu lieu au Pamir un assez vielent tremblement de terre; 
au même jour et à la même heure s’est produit dans 
cette région, à Sarez, un immense éboulement de mon- 
tagne, qui combla en partie la vallée du fleuve Mourgab 
et la transforma en un lac. Quelle que soit la cause qui 


ACADÉMIES ET SOCIÈTÉS SAVANTES 449 


a produit originellement cet éboulement, l’auteur mon- 
tre, avec beaucoup de vraisemblance, qu'il ne fut pas 
la conséquence, mais la cause du sisme du 18 février, 
C'est un cas très intéressant et jusqu'à présent unique 
où l’on possède directement la valeur de l'énergie dé- 
gage à l'épicentre, qui en outre se confond ici avec 
l'hypocentre même. 


Séance du 28 Juin 1915 


1° SCIENCES PHYSIQUES. — MM. L. Tschugaeff cl 
N. Wiladimiroff : Une série nouvelle de composés du 
platine tétravalent (pentaminochloroplatinique). En fai- 
sant réagir AZH* liquide sur le chloroplatinate d’ammo- 
nium en l'absence d'eau, en tube scellé et à la tempéra- 
ture ordinaire, les auteurs ont obtenu un mélange de 
deux corps qu'on sépare par cristallisation : le premier 
est le chlorure de la base de Drechsel et Gerdes, | PL, 6 
AzH3| Cl, déjà connu, tandis que l’autre est un com- 
posé nouveau, le chlorure [Pt, 5 AzH3CI] Cl, corres- 
pondant à la base complexe [Pt, 5 AzH®# CI] (OH), où 
le radical entre parenthèses est trivalent; les auteurs 
en ont préparé d’autres sels : le nitrate, le carbonate, le 
sulfate. 

29 SCIENCES NATURELLES. — MM. G. Tizzoni et 
P. Perrucci : Détermination de la valeur immunisante 
el curalive du sérum antitétanique. Les auteurs ont 
reconnu que les sérums antitétaniques contiennent, à 
côté des anti-corps spécifiques, d’autres substances qui 
ont la propriété de se lier par contactà la toxine tétani- 
que et de la neutraliser in vitro, tout en n'ayant, dans 
l'organisme animal, aucune eflicaciténi contre la toxine 
tétanique ni contre la strychnine. Aussi ils proposent de 
se servirde l’antagonisne entre un sérum antitétanique 
donné et la dose mortelle de strychnine pour mesurer 
exactement la valeur immunisante et curative dece même 
sérum contre l'infection tétanique consécutive à un 
traumatisme. Pour cela on prépare deux lapins de 1200 
à 1500 gr. par une injection intraveineuse de 0, 5 et de 
1 cm de sérum à éprouver; au bout de24 h., on leur 
injecte la dose mortelle de strychnine; si le premier 
survit, on pourra utiliser le sérum à la dose préventive 
de 5 em et à la dose curative de 25 em;si le premier 
meurt.et que le second survit, on pourra utiliser le 
Sérum comme préventif à la dose de ro emë, mais le 
rejeter comme curalif. Les sérums d’une puissance 
inférieure, qui ne protègent pas le lapin contre la stry- 
chnine à la dose de 3 em ou davantage, doivent être 
absolument rejetés. — MM. F. Bordas et S. Bruëre : 
Contribution à l'étude des phénomènes de la putréfac- 
tion. Les auteurs ont reconnu qu'on active dans une 
très large mesure la désorganisation de la matière 
organique (cadavres) par l'apport de ferments exté- 
rieurs appropriés et que, si celte désorganisation est 
plus rapide sous l’action d'une chaleur même modérée 
(25°), la température moyenne de nos contrées (13!) 
suflit à ces ferments pour la parfaire en une quinzaine 
de jours. — M. F. Camus : Sur les mousses trouvées 
dans le contenu de l'estomac d’un Mammouth. L'auteur 
a examiné une portion du contenu stomacal du Mam- 
mouth découvert d:ns les iles Liakhov et offert au 
Muséum d'Histoire naturelle. Il y a trouvé des frag- 
ments de trois espèces de mousses: Polytrichum sexan- 
gulare, Hypnum revolvens et I. stellatum, qui font 
partie de la flore actuelle de la Sibérie. Ces mousses, 
qui ne sont presque pas nutritives, ont dû être absorbées 
en même Lemps que d’autres végétaux qui formaient la 
nourriture de l’animal. 


ACADEMIE DE MÉDECINE 


Séance du 22 Juin 1915 


M. O. Josué : l'auscultation du pouls veineux. L'au- 
teur à fait connaitre une technique nouvelle, l’ausculta- 
tion du pouls veineux, qui fournit les mêmes rensei- 
gnements que les tracés jugulaires etradiaux simultanés. 
Elle ne nécessite aucune instrumentation spéciale et 


peut être pratiquée au lit du malade dans toutes les 
circonstances. Par elle on arrive à diagnostiquer, sans 
avoir recours à la méthode graphique, les bradycardies 
Lolales et celles qui résultent de la dissociation auri- 
culo-ventriculaire, larytlhumie complète par fibrillation 
auriculaire, les extra-systoles, — M. H. Bourges 

Formes actuelles de linfection typhotde d'après 500 
observalions recueillies à l'Hôpital maritime de Brest. 
L'auteur a constalé que la forme commune de la fièvre 
typhoide est loin de constituer à l'heure actuelle la 
forme la plus courante de cette affection. Lorsqu'elle se 
présente, elle s’écarte plus ou moins du type classique 
de la dothiénentérie dans son mode de début, sa sympto- 
matologie, son évolution, son tracé thermique et 
aussi sa durée. Les formes atypiques accompagnées de 
réactions générale et abdominale plus ou moins mar- 
quées, selon les cas, avec courbe fébrile assez souvent 
irrégulière, dominent actuellement. Elles sont la plu- 
part du temps légères et de gravilé moyenne. On ren- 
contre de plus en ce moment-ci un certain nombre de 
formes dont l'ensemble des signes cliniques et l'évolu- 
tion donnent à l'affection une physionomie spéciale à 
allure de septicémie générale bien plutôt que de mala- 
die à prédominance intestinale. Le genre pathogène en 


‘cause est le bacille d'Eberth dans la très grande majo- 


rité des cas (isolé ou en association avec le streptocoque, 
le staphylocoque, un microcoque, etc.) ou les différents 
paratyphiques, isolés ou associés. 


Ê Séance du 29 Juin 1915 


M. G. Ballet présente un Rapport complémentaire 
sur les mesures à prendre contre l'alcoolisme, K conclut 
à l’adoption des vœux suivants : 1° interdiction de la 
vente des eaux-de-vie tilrant plus de do degrés; 2° inter- 
diction de la fabrication, de la cireulation et de la vente 
de toute liqueur titrant plus de 30 degrés d'alcool et de 
tout vin aromatisé titrant plus de 23 degrés, chaque 
catégorie de ces boissons ne devant pas renfermer plus 
d'un demi-gramme d'essence par litre: 3° interdiction de 
l'emploi, pour aromatiser les boissons spiritneuses, de 
plantes ou d’essences renfermant, parmi leurs consti- 
tuants normaux, de la thuyone, de l'aldélhyde benzoïque, 
de l’aldéhyde ou des éthers salicyliques ; 4° surtaxe éle- 
vée sur toutes les boissons, quelle qu’en soit la nature, 
dont le degré d'alcool dépasse 15. D'autre part, le rap- 
porteur demande à l’Académie « d'exprimer l'espoir que 
les Pouvoirs publics prendront sans délai, en attendant 
les dispositions législatives destinées à réduire le nom- 
bre des débits, les mesures de surveillance et de police 
nécessaires pour fermer les très nombreux débits clan- 
destins qui existent sur le territoire » et « d'appeler 
l'attention du Gouvernement sur les conditions dans 
lesquelles sont actuellement faites, sur le front, les dis- 
tributions de boissons spiritueuses aux troupes et sur 
certains abus qu'il y aurait peut-être lieu de réprimer ». — 
M. E. Vidal: La ration de vin du soldat français dans 
ses rapports avec l'alcoolisme. L'auteur propose d’adjoin- 
dre à la ration quotidienne du soldat français une quan- 
lité de 75 centilitres de vin, ce qui, d’après lui, aurait 
pour effet de compléter l’insuflisance de cette ration, et 
d'autre part de diminuer le fléau de l'alcoolisme chez les 
soldats en augmentant la digestibilité de cette ration et 
en les détournant de l'usage des boissons alcooliques. 
— M. A. Netter : Lficacité du sérum antimémingococci- 
que dans l'épidémie actuelle de méningite cérébrospinale. 
L'auteur montre que cette année la méningite cérébro- 
Spinale a été particulièrement fréquente à Paris (64 cas 
dans le premier semestre) et que sa gravité a été plus 
grande que dans les années antérieures, Les résultats 
fournis par la sérothérapie se sont traduits non seule- 
ment par l’abaissement de la mortalité nette (24, 4%/,; 
rectifiée, 30/;), mais encore par l'atténuation de la mala- 
die, la fréquence moindre des complications et des 
séquelles, L'efficacité du sérum est d'autant plus grande 
que le traitement intervient de meilleure heure; il vaut 
mieux s'adresser à un sérum polyvalent d'emblée. — 


450 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


M. H. Bourges : La fièvre typhoïde chez les sujets vac- 
cinés. L'auteur a reconnu que, dans la grande majorité 
des cas, la vaccination anlityphique confère l’immunité. 
Chez uncertain nombre de vaccinés, il peut se produire 
une insuflisance de l’immunisation; celle-ci se traduit, 
dans un espace de temps plus ou moins éloigné de la 
date de la vaccination, par l'apparition d’une infection 
typhoïde de nature le plus souvent légère, moyenne 
dans un certain nombre de cas, grave quelquefois et 
pouvant même se terminer par la mort. La symptoma- 
tologie et l’évolution de ces formes se montrent varia- 
bles : elles se rapprochent, dans certains cas, de la 
forme commune de la fièvre typhoïde; elles s’en écar- 
tent d’une façon assez sensible à d’autres reprises. 
L'explication de ce fléchissement de limmunisation 
(surmenage, nombre insuflisant des inoculations, viru- 
lence particulière du germe, tare organique, etc...?) est 
diflicile à fixer exactement. 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Séance du 12 Juin 1915 


M. E. Sacquépée: Le bacile de l'œdème gazeux malin. 
L'auteur a s 
gazeuse qu'il nomme œdème gazeux malin. L'agent 
spécifique de cette affection est un bacille anaérobie, 
sporulé, se colorant facilement par les couleurs d’ani- 
line. Il se cultive bien en gélose Veillon, en bouillon 
glucosé ou en bouillon Martin. Il est virulent pour le 
cobaye, chez lequel il reproduit l'œdème gazeux malin. 
— M. Ed. Retterer : Structure des disques placentaires 
du macaque rhésus. La portion fœtale du placenta est 
due à la végétation du chorion fœtal, et sa portion 
maternelle à l’hypertrophie du derme de la muqueuse 
utérine. Le caractère commun de ces deux tissus d’ori- 
gine différente, c’est l'évolution régressive très étendue 
qu'ils subissent et qui aboutit à l’ouverture des vais- 
seaux maternels el à la formation interchoriale ou 
intervilleuse des espaces, lacunes ou lacs sangui-mater- 
nels. — M. A. Marie: Action de l'adrénaline sur les 
toxines végélales. l’auteur a constalé que les toxines 
végétales (abrine, ricine) sont neutralisées par lalca- 
loïde des surrénales, à un dégré bien moindre toutefois 
quelestoxines microbiennes solubles. — MM. H. Violle 
et Crendiropoulo : Note sur le choléra expérimental. 
19 En injectant chez lelapin du vibrion cholérique dans 
une anse intestinale grêle, libre, on ne provoque jamais 
de lésions cholériques. 2° Si l’anse est comprise entre 
deux ligatures rapprochées, on détermine en ce lieu et 
toujours un choléra intestinal typique. — M. J. Na- 
geotte : Le processus de la cicatrisation des nerfs. M. 
Tous les neurites que l’on voit dans les cicatrices ner- 
veuses récentes, en employant les techniques de Pau- 
teur, sont contenus dans des gaines qui dérivent des 
gaines de Schwann. En outre, il existe, à partir du bout 
inférieur du nerf coupé, une croissance de gaines vides. 
En troisième lieu, parmi les travées névrogliques qui 
croissent à partir du boul supérieur, il en est qui, au 
septième jour, ne sont pas encore envahies par des 
neurites. De ces faits, l’auteur conclut que la croissance 
de la névroglie est primitive el son envahissement par 
les neurites secondaire. 


Séance du 26 Juin 1915 


M. J. Ville : Procédé rapide pour déceler l'urobiline 
dans les urines en présence d'autres pigments, notant- 
ment des pigments biliaires. Dans une éprouvette gra- 
due de 25 em*, on introduit environ 10 cn d'urine, on 
y ajoute » à 3 em* d’une solution de chlorure de baryum 
à 1/10 pour précipiter les pigments biliaires, on agite et 
on porte le volume à 20 cm environ avec du réactif 
d'Oliveiro; on agite de nouveau et on filtre. On obtient 
ainsi, si l'urine renferme de l’urobiline, un filtrat pré- 
sentant une belle fluorescence verte et donnant au spec- 
trosecope la bande d'absorption caractéristique. — 
MM. S. Costa et J. Troisier : Syndrome mortel d'œdème 


nalé une modalité clinique de la gangrène . 


gazeux dans une blessure de guerre, provoqué par le 
bacille neigeux. Le bacille neigeux, hôle normal des 
voies urinaires, est à ajouter aux germes déjà signalés 
comme agents des complications gazo-œdémateuses des 
blessures de guerre, Action hémolytique de certaines 
bactéries anaérobies des blessures de guerre. Les auteurs 
ont constaté que les bacilles isolés dans divers syndro- 
mes gangréno ou gazo-ædémateux manifestent une action 
hémolytique d'intensité variable, parfois sirapide qu’elle 
en est instantanée; ce fait est en relation avecla grande 
quantité d’urebiline trouvée dans le sang des blessés. 
— M. H. Piéron: Quelle est la nature de la sensibilité 
sibratoire ? L'auteur conclut que, si l’excilant vibratoire 
est précieux en clinique pour rechercher l’état de sensi- 
bilité du périoste, ce n’est pas parce que la membrane 
sensible possède des terminaisons spécifiques pour cet 
excitant, mais parce que l’extrême prédominance de la 
transmission solidienne des vibrations entraine une 
excitation osseuse tout à fait éleclive, avec phénomènes 
de sommation, à la différence de l'excitation électrique, 
qui diffuse le long des voies liquides et des tissus colloï- 
daux. Dans sa nature, l’excitant vibratoire est un exci- 
tant banal de toutes les terminaisons nerveuses, comme 
l’excitant électrique. M. Ed. Retterer : Pigmentoge- 
nèse dans les tissus d’un fœtus de Macacus rhesus. Les 
cellules épithéliales (poil, épiderme) des bourses, du 
cuir chevelu, des joues contiennent des grains pigmen- 
taires identiques à ceux du placenta; les cellules con- 
jonctives du derme en sont encore dépourvues. Dans les 
téguments, l’origine de ce pigment ne peut donc être 
qu'autochtone, Or il s’est développé pendant la vie intra- 
utérine, en dehors de toute influence de la lumière. La 
pigmentogenèse épithéliale est done, chez les singes 
comme chez beaucoup de Mammifères, héréditaire. — 
M. D. Routier: Action des nerfs accélérateurs sur le 
cœur duchien bloqué partiellementoutotalement.1° Quand 
le faisceau de His est complètement détruit et que le 
blocage du cœur est complet et définitif, l'excitation 
électrique des accélérateurs ne détermine pas de retour 
au rythme normal, de déblocage, mais accélère chacune 
pour son compte les cavités auriculaires et ventriculai- 
res. 2° Quand le faisceau de His n’est que partiellement 
lésé, ce qui n'amène qu'un blocage complet ou partiel 
non définitif, l'excitation électrique des accélérateurs 
détermine le déblocage complet, temporaire, suivi d’un 
reblocage spontané, partiel, léger. Action de l'adréna- 
line sur le cœur bloqué du chien, L’adrénaline produit 
sur le cœur bloqué un déblocage tardif: c'est un effet 
secondaire. Ilne paraît pas correspondre tout à fait à 
celui que provoque l'excitation électrique des accéléra- 
teurs, car, dans ce dernier cas, lorsque le déblocage se 
produit, c’est au moment même de l’accélération. 


SOCIÉTÉ FRANCAISE DE PHYSIQUE 
18 Juin 1915 


M. A. Leduc : Sur le rapport 7 des chaleurs spécifi- 
ques des gaz et des vapeurs. I. L'auteur rappelle d’abord 
qu'il représente l’état des gaz réels par la formule 
Mpv—RT};, dans laquelle (volume moléculaire rela- 
tif par rapport au gaz parfait fictif) est une fonction de 
la température et de la pression réduites qu'il peut cal- 
culer à quelques dix millièmes près à toute tempéra- 
ture, tant que la pression réduite ne dépasse pas 0,05 
ou 0,06. On en déduit, entre autres données impor- 
tantes : 


Séance du 


D POV ES OMR TR 
RE 35 io En Ma 
ôp 
CETTE 


”, #4 et & étant des termes correctifs faciles à calculer 
avec une précision surabondante, — I, Puis il fait quel- 
ques remarques sur la détermination du 7 des gaz au 
moyen de détente ou de compression adiabatique : 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 451 


1° Méthode utilisant l'expérience de Clément et Desor- 
mes, M. Leduc montre qu'il convient d'opérer avec des 
détentes de l’ordre du décimètre de mercure et non avec 
des détentes très faibles, comme on l'enseigne généra- 
lement!, On a : 


PR log pos — log p 
I ee or er) 

08 Po — log p — (log p —log p) 
les pressions étant : p, iniliale, p après détente et p' 
après retour à la température initiale, et 2 un facteur 
très petit facile à calculer. Si l’on néglige ), l'erreur qui 
en résulte, par exemple pour CO? pris à o° el passant 


ÿ 
de 86cm à 76cm, est ARR 2,6.107#, Comme il n’est pas 
7 


d'exemple d'un dont on puisse garantir la troisième 
décimale, on voit que, contrairement à ce qu'on ensei- 
gne, il n'y & aucun inconvénient à appliquer ici les for- 
mules des gaz parfaits (w, =, =, nuls el ?—1). 2° Ap- 
plication simple de la formule de Laplace. Ecrivant 
l'équation de la détente adiabatique élémentaire : 


0 
dv — Le dp— 0, 
op 
jy 
et remplaçant Si par sa valeur indiquée plus haut, on a : 
g dv dp 
—— — + + —0, 
1—+o y P 


,etsi la détente est assez 


d’où, si l'on pose y —7 £ 

10 
peu étendue pour que 7,2, » puissent être constants 
(variation de pression de l'ordre du décimètre de mer- 
cure) : 


pv” == COnAL. 


La détermination de 7 (coeflicient de détente de Ca 
zin) fait donc connaître } avec la même précision que 7 
lui-même, C’est ce coellicient qui se trouve déterminé 
immédiatement par les expériences de M. Maneuvrier. 
M. Leduc rappelle qu’il a imaginé, il y a deux ans, une 
méthode très simple reposant sur le même principe qui 
permet de déterminer 7 au moyen de pesées (deuxième 
décimale seulement). —Il. Valeurs dey obtenues par l'in- 
termédiaire de la vitesse du son. 1. La méthode de Kundt 
a fourni un petit nombre de résullats dont la troisième 
décimale semble exacte ou à peu près (gaz purs à une 
température bien définie; exemple : Az à o°, y— 1,404). 
Encore faut-il tenir compte de la loi de compressibilité 
exacte du gaz, ce qui conduit par exemple à 1,319 ou 
1,320 pour CO? à oo et 76cm d’après Wüllner, au lieu de 
1,31131 calculé par l’auteur en appliquant la loi de Ma- 
riotte, Les 7 des vapeurs sont, au contraire, fort mal 
déterminés, si l’on excepte celui de la vapeur d'eau sa- 


. PA 
turante dont l'erreur ne dépasse sans doute pas — (à 
200 


100°, 7 calculé par M. Leduc d’après les expériences de 
Neyreneuf— 1,365; la méthode des cycles donne 1,973). 
2. M. Leduc calcule réciproquement les vitesses du son 
et les compare aux vitesses expérimentales. On à : 


Vapeur d’eau saturante à 1000 : V — {81 m : s au 
lieu de 479,5, d’après Neyreneuf; 

Vapeur d’eau saturante à 96° : V — 474,8 m : s au 
lieu, de 455,7 environ, d'après Jæger; 

Vapeur saturante d'éther à 35° : V — 184,3 m:5$ au 


lieu de 195% environ d'après Neyreneuf et 18om d'après 
Gérosa et Mai. 

Il montre en passant que l'influence de la température 
sur la vitesse du son dans les vapeurs saturantes est 
beaucoup plus faible que dans le cas des gaz, tandis 


1. L'erreur maxima provenant des mesures de pressions à 
pour valeur 
P=p+kh 
et si l’on admet que 
Dh=ÆE 0h +0p 


au voisinage de la saturation (vapeur d'éther à 35° et 


22cm : V 190 m:5), — IV. En terminant, M, Leduc 
rappelle sa méthode des cyeles, qu'il décrit dans le cas 
d’une vapeur saturante dont la détente adiabatique s’ef- 
fectue avec condensation (voir Ann. de Ch. et de Ph., 
8 série, t. XX VIII, p. 573) et fait remarquer la concor- 
dance des valeurs de C qu'il a caleulées pour la vapeur 
d'eau dans des conditions variées avec les meilleures 
valeurs expérimentales, Toute la difliculté réside dans 
la détermination de la pression maxima des vapeurs; 
1 dF 
les valeurs actuellement connues de = — 
F dT 


pas, en général, la précision nécessaire. 


ne comportent 


SOCIÈTÉ ROYALE DE LONDRES 


Séance du 13 Mai 1915 


SCIENCES PHYSIQUES. — M. J. H. Brirkworth: Me- 
sure de la chaleur spécifique de la vapeur à la pression 
atmosphérique et à 104°,5 C. La mesure de la chaleur 
spécifique de la vapeur au voisinage immédiatde 100° C. 
présente des difficultés spéciales par suite de la présence 
possible d’eau en suspension quand la surchauffe est 
faible. La plupart des déterminations, comme celles de 
Regnault (1250 à 2250 C.) et d'Holborn et Henning (1110 
à 2700 C.), ont été faites sur de la vapeur fortement sur- 
chauffée et jettent peu de lumière sur la valeur près de 
100°, Celles de Knoblauch et Jacob et de Knoblauch et 
H. Mollier, extrapolées vers la saturation, paraissent 
indiquer un accroissement très rapide de la chaleur spé- 
cifique près du point de saturation. Dans la préface de 
ce travail, M. Callendar discute la théorie de la varia- 
tion de la chaleur spécifique avec la pression, en se ba- 
sant sur quelques expériences exécutées par la méthode 
Joule-Thomson; il montre que la seule présence d’un 
demi-millionième de molécule-grammede sel par gramme 
de vapeur suflit à accroitre la chaleur spécitique appa- 
rente de 10 ?/, à 1030 C. et que les mesures antérieures 
près de la saturation ont probablement été légèrement 
affectées par cette source d'erreurs. Des précautions spé- 
ciales ont été prises par M. Brinkworth dans ses expé- 
riences pour obtenir de la vapeur sèche pure. En em- 
ployant un manchon de silice argenté, maintenu à un 
degré de vide élevé, la perte extérieure de chaleur a été 
réduite au dixième de celle des expériences antérieures ; 
elle n’est plus que de 2 à 3 millièmes de l'énergie électri- 
que fournie. Le résultat final est : S— 2030 joules par gr. 
et par degré C. à760 mm. età 104°,5 C., ce qui est équi- 
valent à 0,485 calorie moyenne dans les mêmes condi- 
tions et concorde bien avec le résultat de Regnault à 175°. 
— MM. C. F. Jenkin et R. Pye: Les propriétés ther- 
miques de l'acide carbonique aux basses températures. 
IT. Les auteurs donnent la description : 1° d’une série de 
mesures de la chaleur totale de CO? gazeux, d'où ils 
déduisent les chaleurs spécifiques; 2° de quelques mesu- 
res refaites de la chaleur totale de CO? liquide; 30 d'une 
série d'expériences d’étranglement sur CO? gazeux. Au 
moyen de la première série, ils étendent le diagramme 
5® sur l'aire surchauffée; l'exactitude en est contrôlée 
au moyen des expériences d’étranglement, Puis ils cons- 
truisent un diagramme Id, en se servant d’une série de 
théorèmes reliant la chaleur totale I avec les autres va- 
riables p, v, Ü et D. Ce dernier diagramme, qui étend et 
corrige celui de Mollier, pourra être d’une grande valeur 
technique pour les industries de la réfrigération. 


Seance du 20 Mar 1915 


SCIENCES PHYSIQUES. — M. H. Richardson : L'absorp- 
tion par le plomb des rayons 7 émis par le radium B etle 
radium C. L'auteur a déterminé les courbes d'absorption 
par le plomb des radiations émises par des préparations 
de radium B et de radium C sensiblement pures. En 
plus de la radiation pénétrante pour laquelle » — 0,5 
(em—!) dans le plomb, il a trouvé que le radium C émet 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


des radiations douces pour lesquelles # — 46, » — 6 et 
# — 1,5 em. de plomb. L'analyse de la courbe d’absorp- 
tion du radium B montre qu'outre la radiation pour la- 
quelle » — 40 dans l'aluminium, les rayons émis consis- 
tent en trois types pour lesquels » — 46, p — 6 et —1,5 
dans le plomb. Il y a donc une similitude complète entre 
cette dernière radiation et celle de la portion douce émise 
par le radium C. L'étude de l'absorption des radiations 
par différents éléments ne montre pas d'indications d'une 
dispersion anomale pour les radiations pénétrantes. — 
M. T. R. Merton : Application des méthodes d’interfé- 
rence à l'étude de l'origine de certaines lignes spectrales. 
En mesurant lesordres limitesauxquels on peut déceler 
l'interférence pour différentes radiations, on peut en tirer 
certaines déductions quant à la masse des particules lu- 
mineuses et à la température de la source, Si la seule 
circonstance qui peut influer sur la largeur des lignes 
spectrales aux basses pressions est l’effet Doppler dù au 
mouvement des particules lumineuses dans la ligne de 
vision, on peut calculer les masses relatives des parti- 
cules émettant des radiations d’une même source de lu- 
mière. Mais, comme il y a des raisons de douter de la 
valeur de cette hypothèse, les conclusions qui peuvent 
être tiréesavec certitude de mesures de cette nature sont 
une limite inférieure pour la masse des particules lumi- 
neuses si la température de la source est connue, ou une 
limite supérieure de la température si on donne une va- 
leur à la masse des particules lumineuses, L'auteur 
montre que les lignes des flammes de Ca, Sr et Ba sont 
probablement dues à des molécules, tandis queles lignes 
H et K du Ca sont attribuables à des atomes, Comme les 
lignes de flammes sont des membres de séries, on doit 
reconnaitre que les radiations des molécules peuvent 
donner lieu à des séries de lignes aussi bien qu’à des 
spectres de bandes. La largeur des lignes du spectre 
rouge de l’argon semble devoir être expliquée par l'effet 
Doppler ; les lignes du spectre bleu sont très larges par 
rapport à celles du spectre rouge, et on n’a pu trouver 
d'explication satisfaisante de ce fait. Les lignes spec- 
trales du type « are » s'élargissent quand on emploie 
des décharges de condensateur comme méthode d’exci- 
tation, mais la différence de largeur des lignes des spec- 
tres bleu et rouge de l’argon est d’un autre ordre de 
grandeur. Le spectre de bandes associé à l'hélium s’élar- 
git quand le gaz est refroidi à la température de l'air 
liquide, ce qui peut justifier l'hypothèse que plus d'un 
atome participe à sa production, mais une comparaison 
de la largeur des lignes dans le spectre de bandes avec 
les lignes ordinaires de l’hélium montre qu'il est très 
probable que le spectre de bandes est dû à l’hélium ato- 
mique. 


Seance du 3 Juin 1915 


1° ScreNcEs ruysiQues. — M. C. H. Lees : Sur la 
forme des surfaces équipotentielles dans l'air près des 
bâtiments ou des murs longs, et leur effet sur la mesure 
des gradients de potentiel atmosphérique. L'auteur a 
déterminé la forme des surfaces équipotentielles et des- 
siné les lignes équipotentielles dans les trois cas sui- 
vanis : 1° paroi verticale mince ;2° mur de soutien sépa- 
rant un plan horizontal inférieur d’un supérieur; 
3° séries de parois verticales parallèles équidistantes. 
Il conelut que, là où l’on ne possède pas de surfaces 
horizontales d’étendue considérable pour la détermina- 
tion du gradient de potentiel vertical normal dans 
l'atmosphère, on peut utiliser les observations au voisi- 
nage des bâtiments, la valeur du facteur de réduction 
étant calculée d’après les formes de bâtiments en se 
servant des résultats qu’il a obtenus. Dans beaucoup 
de cas, on peut faire des observations du gradient de 
potentiel horizontal à l'extérieur des parois des bäti- 
ments qui ne sont pas trop rapprochés, et si la position 
du point d'observation est bien choisie,le gradient hori- 
zontal observé sera identique avec le gradient vertical 
normal sur une surface horizontale, Pour un mur allongé 


de bâtiment à Loit plat ou à parapet, le gradient hori- 
zontal vers l'extérieur doitétre mesuré en un point silué 
près du milieu de la longueur du mur et à une distance 
verticale qui est généralement environ les trois quarts 
de sa hauteur. Le gradient horizontal pour une distance 
extérieure n’excédant pas le 1/10° de la hauteur du mur 
ne diffère pas de plus de 2 /; du gradient vertical nor- 
mal sur ane large surface horizontale. — M, J. W. Ni- 
cholson : Ze spectre de bandes associé à l'hélium. Les 
résultats de l’auteur confirment la conclusion de Fowler 
que les têtes des bandes du spectre de bandes de Golds- 
tein et Cartis suivent les lois ordinaires des séries de 
lignes, en montrant que les séparations des doublets 
tendent vers zéro aux limites de la série. Les deux séries 
de doublets isolées par Fowler sont strictement analo- 
gues à la série principale dans le spectre de lignes. La 
formule généralisée de Rydberg donne la représentation 
la plus convenable de ces séries aussi bien que des séries 
de lignes. 


SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES 
Séance du 11 Juin 1915 


MM. E. A.et E. Griffiths : Le coejjicient de dilata- 
tion du sodium. La dilatation thermique et l’augmen- 
tation de volume du sodium fondu ont été déterminées 
par une méthode basée sur le principe suivant: on 
mesure la différence de dilatation d'un volume de 
sodium et d’un égal volume de verre (ou de quartz) par 
pesée différentielle sous l'huile à diverses températures. 
Un volume d'environ 250 em° de sodium est suspendu à 
l’un des bras d’une balance à court fléau et un ballon en 
verre pesé d'égal déplacement à l’autre bras. Les expé- 
riences montrent que le sodium se dilate presque uni- 
formément avec la température jusqu'à son point de 
fusion. Le coeflicient de dilatation est de 0,000226. Dans 
le passage de l’état solide à l'état liquide, il y a une 
augmentation de volume de 2,579 0/0. 


SOCIETÉ ANGLAISE DE CHIMIE 
INDUSTRIELLE 


Secrion be New-York 


Seance du 23 Avril 1915 


M.M. Toch: Les véhicules des peintures considérés 
comme agents protecleurs contre la corrosion. L'auteur 
a fait pendant deux ans des essais de peinture sur 
52 plaques d'acier soigneusement nelloyées et recou- 
vertes chacune d’un véhicule protecteur différent, puis 
abandonnées ensuite à l'air dans les mêmes conditions. 
Les résultats obtenus permettent de répartir les sub- 
stances employées en cinq classes : 1° celles qui ont peu 
ou pas de valeur pour empêcher la corrosion (vernis à 
base d'huiles végétales brutes ou raflinées, siccatives ou 
semi-siccatives, solutions de celluloïd et de pyroxyline, 
huiles de parafline liquides à la température ordinaire); 
2° véhicules conférant un faible degré de protection 
(vernis à l'huile de bois contenant un peu de rosine, 
vernis à l'huile de bois et au copal, vernis à l'huile de 
lin épaissie et oxydée par insufllation);3° vernis proté- 
geant bien l'acier quand les conditions atmosphériques 
ne sont pas trop rudes et les changements de tempéra- 
ture ni trop rapides ni trop prononcés; 4° substances 
conférant une grande protection contre la rouille 
(huiles de parafline semi-solides et solides); 5° substances 
conférant un haut degré de protection contre la 
corrosion (vernis spar, vernis à l'huile de lin ou à l'huile 
de bois de Chine épaissie par chauffage, huile bouillie 
dans une chaudière ouverte). 


Le Gérant : Octave Doix. 
 . 
Sens. — Imp. Levi, 1, rue de la Bertauche. 


PRE 


ts into 


26° ANNÉE 


N° 15-16 


45-30 AOÛT 1915 


Revue générale 


des Scienc 


pures el appliquées 


Foxpareur : LOUIS OLIVIER 


DinecrEeur 


J.-P. LANGLOIS, Docteur ès Sciences 


Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. J.-P. LANGLOIS, 8, place de l'Odéon, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des 
travaux publiés dans la Révue sont complètement interdites en Franceeten pays étrangers y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


$ 1. — Mécanique 


Le mouvement d'un fluide sans frottement. 
— Un des théorèmes principaux de l’'Hydrodynamique 
traditionnelle est sans contredit celui de Helmholtz, 
d'après lequel un mouvement tourbillonnaire dans un 
liquide incompressible sans frottement ne peut jamais 
naître ni disparaître. Or les coeflicients de frottement 
de la plupart des liquides sont très faibles ; cependant, 
on y observe chaque jour la naissance de mouvements 
tourbillonnaires. On se trouve donc en face de cette 
alternative : ou bien le mouvement d'un liquide à frot- 
tement, même pour de très petits coeflicients de frotte- 
ment, s'écarte totalement de celui d'un liquide sans 
frottement (et alors la théorie d’un liquide sans frotte- 
ment n’a plus aucun intérêt physique), ou bien le théo- 
rème de Helmholtz est erroné. Laquelle de ces deux 
explications est la vraie? >: 

Un autre théorème fondamental de l'Hydrodynami- 
que classique, démontré d’abord par Green et Dirichlet, 
énonce qu'un corps qui se meut avec une vitesse con- 
Stante dans un liquide sans frottement n'éprouve aucune 
résistance. Ce théorème aussi semble en contradiction 
marquée avec la conduite des liquides réels à faible 
frottement. Quelle en est la raison? 

M. C. W.Oseen, professeur à l’Université d'Upsal, par 
des recherches hydrodynamiques poursuivies depuis 
1906, estime qu'on peut répondre aujourd'hui à ces deux 
questions!. Il part de cette idée que, pour élucider le 
mouvement d'un liquide sans frottement, on peut étu- 
dier d’abord celui d’un liquide à frottement, puis passer 
à la fin à la limite lorsque le frottement s’évanouit. Des 
développements mathématiques longs et compliqués 
que nécessite l'exécution de ce programme, l'auteur 
déduit enfin les simples résultats suivants : 

La réponse à la première question est : le théorème 
d'Helmholtz est inexact. Au voisinage d’un corps existe, 
dans des circonstances données, même lorsque le frotte- 
ment s’'évanouit, un mouvement tourbillonnaire. 


1. Annalen der Physik, 1915, n° 8: 


REVUE GÉNÉRALB DES SCIENCES 


La réponse à la deuxième question est : la cause de 
la contradiction entre la théorie et l'expérience est 
l'hypothèse inexacte qu'un liquide sans frottement se 
comporte de la même façon sur toute la surface d’un 
corps qui s’y déplace. Dans le cas le plus simple, où un 
corps se meut dans une direction déterminée dans un 
liquide à frottement, le liquide glisse à l'avant, tandis 
qu'il adhère à l’arrière du corps. Une particule de liquide 
qui se trouve près de l’arrière a done la même vitesse 
que celui-ci; mais elle n’a pas la même accélération. 
Sur ce fait repose le mouvement tourbillonnaire qui se 
produit à l'arrière d’un corps. Au resle, ce mouvement 
tourbillonnaire n'est pas également réparti sur le côté 
postérieur ; ilestle plus fort (théoriquement d’une inten- 
sité infinie) à la limite entre le côté postérieur et le côté 
antérieur, 

Comment prennent naissance les gros tourbillons, 
bien formés, que l’on observe si souvent dans le mou- 
vement d'un corps dans un liquide? Lorsqu'on met un 
corps en mouvement, un mouvement tourbillonnaire, 
particulièrement fort sur le bord, commence à l'arrière. 
D'autre part, le liquide adhère au corps et ne peut 
s’écouler que lentement. Par suite, l'intensité tourbillon- 
naire croît de plus en plus. Mais ce phénomène ne peut 
continuer indéfiniment. Quand le mouvement tourbillon- 
naire est devenu assez fort sur le bord, on ne peut plus 
considérer le liquide comme « enrepos ». Le côté posté- 
rieur géométrique du corps perd donc, au moins en 
partie, le caractère d’une surface hydrodynamique. A 
ce moment, le liquide commence à glisser; la région 
tourbillonnaire se détache du corps et elle est emportée 
par le liquide. 

Plusieurs importants problèmes de l'Hydrodynami- 
que attendent encore leur solution; mais M. Oseen 
estime que les résultats déjà obtenus suflisent pour écar- 
ter la contradiction tranchante entre la théorie et les 
faits. 


$ 2. — Art de l'Ingénieur 


La lubrification par le graphite colloïdal. 
— Depuis quelques années, un nouveau produit s'est 
introduit dans la pratique de la lubrification : c'est le 


1 


454 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


« graphite colloïdal », qui, additionné en petite quan- 
tité aux lubrifiants ordinaires, réduit, d'après son inven- 
teur, le frottement de plus de 20 0/0. 

On sait que E. G. Acheson, poursuivant des expé- 
riences sur le carborundum au four électrique, nota que 
cette substance, portée à une température bien supérieure 
à celle de sa formation, se décompose : le silicium se 
vaporise, tandis que le charbon reste à l’état de graphite 
très pur. On frabrique aujourd’hui des milliers de tonnes 
de graphite artiticiel à 99,9 o/a par ce procédé aux 
Etats-Unis. 

Si l’on soumet ce graphite à un procédé de désinté- 
gration ! et qu'on le passe au travers d’un tamis ayant 
40.000 trous par pouce carré, on obtient une poudre 
beaucoup plus fine que la farine la plus légère, maisnon 
encore utilisable à la lubrification. Pour le subdiviser 
encore davantage, ce graphite désintégré est soumis à 
un traitement appelé « défloculation ». Il consiste dans 
un mastication avec une solution aqueuse de tannin; 
le tannin pénètre dans les particules individuelles de 
graphite et les fait pour ainsi dire exploser en les rédui- 
sant en fragments un millier de fois plus petits que les 
particules originales. 

Le graphite amené à cet état de finesse et mélangé 
avec de l'huile dans la proportion d'environ 0,35 0/0 
constitue un lubrifiant remarquable,auquel on a donné 
le nom d’orldag. 

Introduit dans un palier, les particules de graphite, 
infinitésimales, pénètrent dans les pores du métal; elles 
s'accumulent jusqu'à ce que les surfaces en contact 
soient complètement amalgamées avecun mince placage 
qui a été appelé surface graphoïde, Cette pellicule, à 
l'inverse de celle d'huile, n’a pas de frottement intrin- 
sèque et possède une structure excessivement stable; 
elle résiste à des pressions beaucoup plus élevées que 
n'importe quelle forme d'hydroearbure, quelle que soit 
sa viscosité. 

La surface graphoïde non seulement réduit beau- 
coup le frottement, mais élimine pratiquement l’usure. 
La consommation d'huile est diminuée, en outre, 
d'une façon appréciable, et si l'arrivée d'huile tarit ou 
se trouve empéchée accidentellement, la surface gra- 
phoïde originale sert de lubrifiant pendant des heures, 
en empêchant l’échauffement des coussinets. 

M. C. H. Benjamin, doyen de l’Université Purdue, a 
fait des expériences très démonstratives sur un palier 
supportant une pression de 12 livres par pouce carré 
et tournant à raison de {45 tours par minute. On em- 
ployait la même huile en quantités égales dans deux 
séries d'essais, toutes les conditions étant les mêmes, 
excepté qu'on ajoutait à l'huile du graphite colloïdal 
dans la seconde série. On a constaté un coeflicient de 
frottement inférieur après l'addition de graphite. Après 
2 heures de lubrification avec l'huile, on a interrompu 
l'arrivée de celle-ci en continuant à faire tourner le 
palier; 10 minutes après l’arrêt de l'huile, on notait une 
augmentation considérable du frottement, qui forçait à 
interrompre l'expérience. En ajoutant du graphite col- 
loïdal à la mème huile pendant 2 heures avant l'inter- 
ruption de l'écoulement, l'essai a pu être continué pen- 
dant 1 h, 20 avec une lubrification à peu près parfaite, 
ce qui montre bien que le graphite seul assure la 
lubrification quand l’huile fait défaut. D’autres essais 
de M.Ch.F, Mabery sont encore plus concluants à cet 
égard, 

Le graphite colloïdal est particulièrement avantageux 
dans la lubrification des moteurs à gaz, car il ne pro- 
duit pas de dépôts de charbon dansles cylindres,comme 
l'huile ordinaire. 

Le graphite colloïdal doit être employé avec des hui- 
les parfaitement neutres; les huiles acides ou alcalines 
le précipitent et annulent son action, 


$ 3. — Physique 


La nature des particules magnétiques ulti- 
mes. — On attribue généralement les propriétés 
magnétiques des corps à l’action d’aimants élémentaires 
extrêmement petits. Mais sur la nature de ces éléments 
les hypothèses ont évolué. 

On sait que Weber, le promoteur de la théorie, 
supposait que les molécules des substances sont des 
doublets magnétiques dont les axes sont distribués au 
hasard dans les molécules non magnétiques et qui 
s’orientent sous l’action d’un champ extérieur de façon 
à donner à la substance un moment magnétique résul- 
tant. Bien des modifications ont été apportées à cette 
forme primitive de la théorie, d'Ampère à P, Weiss et 
Langevin. Pour Langevin, les électrons, décrivant leurs 
orbites auteur du noyau atomique, produisent un 
champ magnétique et constituent les particules magné- 
tiques ultimes. La récente théorie de Weiss suppose 
que la particule magnétique ultime est une unité natu- 
relle appelée magnéton. 

Afin d'obtenir des renseignements sur la nature de 
ces particules magnétiques, MM. Compton et Trous- 
dale ! ont eu l’idée d'utiliser la méthode récemment pro- 
posée pour déterminer, par la radiographie, la position 
des atomes dans un cristal. Si l’on fait passer un fais- 
ceau de rayons X à travers un cristal, on obtient sur 
une plaque sensible des images de diffraction dont la 
position est déterminée par l’arrangement des atomes 
à l’intérieur du cristal. Il suflira de comparer les radio- 
graphies obtenues sur certains cristaux ferromagné- 
tiques — magnétite, hématite, pyrrhotiné — non 
aimantés à celles qu'on obtientlorsque ces cristaux sont 
situés dans un champ magnétique intense, pour déter- 
miner si les atomes subissent un déplacement du fait 
de l’aimantalion, 

Les auteurs ont obtenu une série de photographies 
avecun cristal demagnétite,aimanté(a), non aimanté(b), 
aimanté en sens inverse (c), non aimanté (d). Aucune 
différence n’est perceptible dans l'intensité ni dans la 
disposition des images de diffraction, 

On peut conclure de là, pensent MM. Compton et 
Trousdale, que les particules magnétiques ultimes doi- 
vent être des atomes ou des fragments d’atomes, ce qui 
s'accorde avec la théorie électronique. Ces particules 
ne peuvent être ni la molécule, ni tout autre groupe- 
ment d’atomes, puisque la rotation d'un tel système 
impliquerait un mouvement de translation des atomes 
que les recherches précédentes ne paraissent pas 
révéler. 


$ 4. — Chimie physique 


Poids atomique des émanations radioac- 
tives. — On sait que les émanations se comportent 
comme des gaz radioactifs constituant des éléments 
chimiques particuliers, caractérisés par un spectre dis- 
tinet. 

Pour évaluer la densité gazeuse et en déduire le poids 
atomique, on a tout d’abord utilisé la diffusion de l'éma- 
nation dans un gaz ordinaire, ou le passage de l'émana- 
tion contenue à l’état de trace dans un gaz étranger à 
travers les corps poreux 

Ces différentes méthodes donnent pour poids atomi- 
que de l’émanation du radium un nombre voisin de 100, 
qui ne s'accorde guère avec les hypothèses faites sur les 
transformations de la série du radium : le radium, dont 
le poids atomique, déterminé avec précision par 
Mme Curie, est 226,4, émet une particule # etse trans- 
forme en émanation. Comme la particule z est un atome 
d’hélium, on peut représenter la transformation par 
l'équation : 

Ra = Em<+hHe; 
le poids atomique de l’héliuni étant voisin de 4, on voit 
que celui de l’'émanation doit être égal à 222,4. 


1. Chemical Engineer, t. XXIX, n° 3. 


1. Phys. Review, 2° série, t. V,p. 315; avril 1915. 


x 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


Il importait done de déterminer le poids atomique de 
l'émanation par un procédé plus exact, C’est ce qu'a fait 
M. Debierne! en utilisant, en principe, la méthode de 
Bunsen, dans laquelle on compare les vilesses d'écoule- 
ment des gaz à travers un petil trou percé dans une pa- 
roi mince; la vitesse d'écoulement est inversement pro- 
portionnelle à la racine carrée de la densité du gaz. 

Dans le dispositif ordinairement employé, on fait 
écouler les différents gaz à comparer sous des pressions 
variables, et toujours assez fortes, entre les mêmes li- 
mites, à travers un trou percé dans une paroi mince, 
l'écoulement se produisant dans les mêmes conditions 
de pression. La durée totale de l'écoulement est propor- 
tionnelle à la racine carrée de la densité du gaz. 

Il n’était pas possible d'utiliser cemodeopératoire pour 
comparer l'écoulement de l’émanation avec celui d'un gaz 
dedensité connue. D'une part,sil’on veutemployer l’'éma- 
nation à l’étatabsolument pur, onajoute de très grandes 
difficultés aux expériences qui ne peuvent être répétées 
souvent; d'autre part, il n’est pas possible d'opérer sous 
une pression très forte, car l’'émanation occupe alorsun 
volume extrêmement réduitet, quelle que soit la petitesse 
du trou que l’on peut réaliser, la durée de l'écoulement 
est trop petite pour pouvoir être mesurée avec exacti- 
tude. 

M. Debierne a cherché à réaliser des conditions dans 
lesquelles l'écoulement de l’émanation se produit tou- 
jours suivant la même loi, même lorsqu'elle n’est pas 
absolument pure. Cela est très important, car, non seu- 
lementil est très difficile de préparer l’émanation à l’état 
pur, mais encore, par suite de la production de l'hé- 
lium, sa pureté ne se conserve pas. On ne pouvait 
pas davantage produire l'écoulement du gaz auquel on 
devait comparer celui de l'émanation, entre les limites 
de pression et de volume qui avaient été réalisées pour 
celle-ci, car cette pression eut été difficile à évaluer. Il 
fallait donc que la loi d'écoulement des deux gaz à com- 
parer Soit assez simple pour qu’on puisse facilement 
déduire des mesures les paramètres intervenant dansles 
deux séries d'expériences et les comparer entre eux. 

Ces différentes conditions sont réalisées lorsque la 
pression totale du gaz qui s'écoule est extrêmement pe- 
tite. 

Si l’on porte en abscissesles tempseten ordonnées les 
logarithmes des pressions (ou des concentrations), les 
points obtenus se répartissent sur une droite dont le 
coeflicient angulaire est inversement proportionnel à la 
racine carrée de la densité ?. La comparaison des vites- 
ses d'écoulement de l’émanation et de l'oxygène con- 
duit, pour le poids atomique de l’émanation, au nombre 
de 221, avec un écart possible d'environ 2 0/0, 

Depuis la publication de ces résultats, MM. Ramsay 
et Gray ontpu déterminer la densité de l’'émanation 
par pesée d’un volume déterminé, à l’aide d’une balance 
spéciale dont le principe est dù à M. Steele. Ces expé- 
riences, très délicates, car elles comportent la pesée 


avec exactitude de quantités de gaz de l’ordre de 


1.000 
de milligramme, ont fourni un résultat tout à fait d'ac- 
cord avec celui de M. Debierne. 

M. Debierne avait pensé utiliser la même méthode 
pour déterminer la valeur du poids atomique des au- 
tres émanations. En réalité, les émanations du thorium 
et de l'actinium se détruisent si rapidement (décrois- 
sance de moitié en moins d'une minute pour l’émana- 
tion du thorium, et de moitié en 4 secondes environ 
pour l’émanation de l’actinium) qu'il n’est pas possible 
de les séparer et de les conserver un temps suflisant 
pour les introduire dans un appareil à écoulement et dé- 
terminer la durée du passage à travers un petit orifice. 
Aussi la méthode a-t-elle dù être modifiée, Par ce nou- 
veau procédé, Miss Leslie a été conduit à attribuer à 


1. Ann. de Phys., 9 série, t. ILE, p. 62: 1915. 
2. Cette loi a été établie d'abord sur des gaz (O, G2?, SO?, 
Ar) dont la densité est bien connue, 


l'émanation du thorium un nombre voisin de 200, 
en supposant cette émanation monoalomique, mais la 
précision des expériences n'a pas été très grande. La 
destruction spontanée extrémement rapide de l'éma- 
nation de l’actinium a obligé à faire de nouvelles modi- 
fications dans le dispositif expérimental, et la valeur 
du poids atomique de celte émanation n’est pas encore 
fixée. 


$ 5. — Chimie industrielle 


L'action de l’acétylène sur les métaux.— Sur 
cette question très importante au point de vue techni- 
que, MM. H. Reckleben et I. Scheiber viennent de se 
livrer à de nouvelles recherches systématiques f. 

L'acétylène, préparé par le procédé habituel, est 
amené, à la pression et à la température ordinaires et 
pendant une durée de 20 minutes, sur un grand nom- 
bre de métaux différents; dans une série d’essais, on 
emploie l’acétylène brut, dans une seconde série le gaz 
purifié et dans une troisième le gaz purifié et desséché. 
Les métaux ou alliages suivants ont été soumis à l’ac- 
tion du gaz: zine, étain, plomb, fer, cuivre et nickel 
sous forme de poudre, laiton,cuivre rouge, maillechort, 
bronze phosphoreux, bronze d’aluminium, bronze 
d'art, métal pour caractères d'imprimerie et soudure 
sous forme de copeaux. Les résultats suivants ont été 
obtenus : 

L'acétylène pur et sec n’agit sur aucun des métaux 
étudiés. L’acétylène pur humide n’a produit aucune 
modification d'aspect de ces métaux, et seulement une 
légère augmentation de poids du nickel et du cuivre. 
L’acétylène impur et humide n’a presque aucune action 
sur l’étain, le cuivre rouge, le maillechort, le bronze 
d'aluminium, le métal pour caractères et la soudure; il 
provoque une augmentation de poids de moins de 1 °/o 
du zinc, du plomb, du laiton et du nickel; par contre, 
le fer, le bronze d’art et le bronze phosphoreux subis- 
sent des élévations de poids de 6,4, 6 et 14,40/;, perdent 
leur éclat métallique et deviennent noirs. Enfin le cui- 
vre est modifié le plus fortement et le plus rapidement; 
il augmente considérablement de poids et se recouvre 
en partie d’une croûte noire. 

Un examen plus approfondi montre, toutefois, qu'il 
ne s’est pas formé d’acétylénuredecuivre, car les auteurs 
ne sont pas parvenus à faire exploser la substance par 
le chauffage ou par le choc, En traitant le cuivre avec 
un acide, il ne se dégage pas d’acétylène, mais par con- 
tre des traces de H?S, et ilreste une substance noire 
humoïde, Les mêmes constatations ont été faites à 
l'examen d'une conduite à acétylène en cuivre qui s'était 
bouchée pendant le fonctionnement: la poudre noire 
grattée du tube n’a pas de propriétés explosives; elle 
ne contient pas de calcium, mais beaucoup de carbone, 

Aussi les auteurs croient pouvoir recommander l’em-— 
ploi du cuivre et de ses alliages dans les installations 
à acétylène, car il n’y aurait aucun danger d’explosion. 
Il ne peut se produire que des obturations des Luyaux, 
qu’il est facile d’éviter en étamant ou en nickelant les 
parties métalliques qui viennent en contact avec l’acé- 
tylène. 


Isolement électrolytique du fil d’alumi- 
nium. — La couche d'oxyde qui se forme par électro- 
lyse sur une anode en aluminium oppose une grande 
résistance au passage du courant. C’est sur ce principe 
que Ch. Pollak a construit un condensateur de grande 
capacité et un redresseur de courants alternatifs pou- 
vant servir jusqu'à 140 volts. C’est également sur ce 
principe quest basée la soupape électrolytique de 
Faria. 

La pellicule d'alumine ainsi déposée sur le métal 
acquiert, après dessiccation.une résistance diélectrique à 
peu près égale au voltage sous lequel elle a été formée. 


19 


1. Chem. Ztz, 1915, p. 42 


456 


Ce procédé a été appliqué à l'isolement des fils d’alumi- 
nium. MM. C. E. Skinner et L. W. Chubb ! ont obtenu 
un revêtement isolant si mince que le conducteur en 
aluminium une fois bobiné occupe un volume inférieur 
à celui que formerait un fil de cuivre recouvert de l’iso- 
lant le moins épais possible. 

La composition de l'électrolyte a une grande impor- 
tance, non seulement pour la solidité mécanique et la 
résistance diélectrique de la pellicule isolante, mais 
aussi pour la quantité d'énergie dépensée et pour la 
vitesse à laquelle le fil peut traverser le bain. Les élec- 
trolytes qui ont donné les meilleurs résultats sont des 
solutions de borax, de borate d'aluminium et surtout de 
silicate de soude. 

Le fil, relié au pôle positif d’une source d'électricité 
(dynamo ou batterie d'accumulateurs), estentrainé suec- 
cessivement dans cinq cuves en verre, dont la première 
et la dernière contiennent de l’eau chaude et les trois 
autres un électrolyle. Afin d'empêcher le mélange des 
liquides contenus dans deux cuves voisines, le fil passe 
dans des tubes de jonction à l’intérieur desquels est 
insulllé de l’air qui sèche rapidement la surface mouillée. 

Au début, il fallait former la pellicule d'oxyde en 
deux phases, le fil étant soumis d’abord à une tension 
de 200 volts, puis à une tension de 4oo volts. Actuelle- 
ment, une seule opération suflit. Il faut d’autant moins 
d'énergie que la densité du courant est plus élevée. Avec 
les fils de petit calibre, cette densité a été limitée par 
la fusion du fil pendant son passage d’une cuve à la 
suivante. La vitesse d'entrainement du fil varie, suivant 
les calibres, entre 12 et 45 mètres par minute, et la 
dépense d'énergie est de 2,325 watts-heure à 12,4 watts- 
heure par décimètre carré de surface traitée. 

L'épaisseur de la couche isolante varie entre 
0,00025 centimètre et 0,001 centimètre ; aussi ce revête- 
ment est-il très flexible et ne se fendille ni ne s’affaiblit 
sensiblement par des pliages du fil à angle vif. Sa résis- 
tance diélectrique est bien supérieure à celle des oxy- 
des déposés par d’autres méthodes précédemment 
essayées: ces oxydes ne résistaient pas à une difré- 
rence de potentiel de plus de 0,5 volt, tandis que deux 
fils traités par le nouveau procédé électrolytique sup- 
portent 200 à 500 volts, même lorsqu'ils sont fortement 
tordus ensemble, En outre, le fil doux supporte un 
étirage de 30 0/, de sa longueur, sans que l'isolement 
paraisse en souffrir. 

La pellicule d’alumine est tantôt tendre et irisée, tan- 
tôt dure et blanche. La pellicule tendre se forme dans 
des électrolytes de qualité inférieure, mais exige une 
plus grande dépense d'énergie. La pellicule blanche, 
formée dans le silicate de soude à la tension de 425 volts 
environ, est plutôt douce au toucher ; elle est cependant 
si dure que les ouvriers chargés de bobinerlefilauraient 
les mains rapidement usées et coupées, s’ilsne prenaient 
la précaution de le manipuler avec des pinces spéciales. 


E. C. 


$ 6. — Biologie 


La recherche de nouvelles substances ali- 
mentaires en Allematgne. — Le mouvement, que 
nous avons déjà signalé?, de recherche de nouvelles 
substances alimentaires indigènes pour l’homme et les 
animaux, en vue de remplacer celles qu'elle n'importe 
plus que très difficilement, se poursuit en Allemagne 
dans différentes directions. 

L'utilisation alimentaire de la levure de brasserie est 
un problème qui a été résolu depuis plusieurs années 
déjà par les recherches de l’Institut des Fermentations 
à Berlin #, et la levare sèche pressée et purifiée, à l’usage 
de l’homme ou des animaux, est un produit qui se 


1. American Electrochemical Society. 

2, Voir la Revue du 30 avril 1915, t. XXVI, p. 232. 

3. A. Granenwirz : L'utilisation de la levure. Rev. gén. 
des Se, du 15 août 1913, t, XXIV, n° 15, p. 969, 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


trouvait couramment dans le commerce en Allemagne 
au moment de la déclaration de guerre. Mais on ne se 
borne plus aujourd’hui à utiliser la levure résiduelle de 
la fabrication de la bière ou d’autres boissons alcooli- 
ques ; les techniciens allemands annoncent! qu'ils sont 
parvenus à mettre sur pied un procédé nouveau qui 
permet la production rapide de levure en aussi grande 
quantité qu’on le désire. MM. Hayduk et Nagel, en cul- 
tivant la levure dans des solutions nutritives contenant 
du sulfate d’ammoniaque et du sucre (ce dernier sous 
forme de substances sucrées ou de matières qui donnent 
du sucre par un traitement approprié), ont vu cette der- 
nière se multiplier avec énergie en donnant une masse 
qui, séchée, contient jusqu'à 50!°/, d’albumine., Cette 
levure, traitée par les procédés connus, forme un fourrage 
excellent pour tous les animaux, en particulier les che- 
vaux; on peut en tirer également un produit nutritif 
pour l’homme. Les détails du procédé sont tenus secrets ; 
c’est probablement par la composition donnée à la solu- 
üon nutritive qu’on arrive à suspendre le travail fer- 
mentatif de la levure pour tourner toute son énergie 
vers la multiplication des cellules. 

M. C. Jacobj, professeur à l’Université de Tübingen, 
vient à son tour, après une série d'expériences, de pro- 
poser l'emploi alimentaire de certains lichens ?, D’après 
lui, le Cetraria islandica (lichen d'Islande des pharma- 
ciens) est utilisable comme succédané de la farine pour 
la préparation du pain; cet usage est d'ailleurs pra- 
tiqué depuis longtemps dans les régions du nord, et pas 
seulement en temps de famine. Cette plante contient, en 
effet, une forte proportion d'hydrates de carbone facile- 
ment digestibles (70°/, de lichénine et 11°/, de dextro- 
lichénine); elle renferme, en outre, une substance 
amère, l'acide fumarprotocétrarique, qu’on peut éloigner 
sans toucher à la valeur nutritive du produit; on y arrive 
par l’action d’une solution de carbonate de potasse à 1°}, 
pendant 3 heures et un lavage subséquent. Le lichen 
desséché et moulu est mélangé par moitié avec de la 
farine, et le tout est panifié à la manière habituelle. On 
peut également faire bouillir le lichen pour éloigner la 
substance amère, puis le passer au tamis et l’additionner 
de jus de fruit, ce qui donne une bouillie assez appétis- 
sante, consommée d’ailleurs en Scandinavie *, Le Cetra- 
ria islandica, dont la pharmacie fait déjà un certain 
commerce, serait facile à se procurer en quantités im- 
portantes en Scandinavie, au Tyrol et, en Allemagne 
même, dans le Harz et le Fichtelgebirge. 

M. Jacobj propose, d'autre part, pour la nourriture 
du bétail, l'emploi d’un autre lichen, le lichen des 
rennes (Cladina rangiferina), qui constitue le prin- 
cipal aliment de ce dernier animal et est aussi em- 
ployé comme fourrage dans les pays septentrionaux. 
Il est également riche en hydrates de carbone et, bien 
qu'il contienne aussi une substance amère, celle-ci est 
en proportion moindre et il ne paraît pas nécessaire de 
l’'éliminer pour l'usage du bétail. Ce lichen est très 
répandu en Allemagne. M. Jacobj a calculé que, dans 
l'Allgau wurtembergeois, il en existe environ 20.000 ki- 
logs par km?; un homme peut en récolter 100 kilogs 
par jour et le prix de revient du kilog de lichen frais ne 
dépasserait pas 12,5 centimes. 

Il semble possible d'utiliser également d’autres li- 
chens : le Cladina sylvatica, VEvernia prunastri, le 
Cetraria glauca. 

Toutefois, même si cette utilisation se montre prati- 
que, une question se pose: YŸ a-t-il là une source durable 
de substances alimentaires ? Il semble bien qu'il faille y 
répondre par la négative. En effet, la croissance des 
lichens est généralement très lente, et, après la récolte 


——— 


1. Zectschr. fur Spiritusindustrie, 1915. 

2, Die Flechten Deutschlands und Oesterreichs als Näbr 
und Futtermittel, et Die Lager von Renntierflechte und ihre 
Verwertung als Futter., 3.G. B. Mohr, Tübingen, 1915. 

3. 11 faut noter, toutefois, que si la farine de lichen est 
riche en hydrates de carbone assimilables, elle est très pau- 
yre en substances azotées (2,8°/, au maximum). 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 457 


des pousses actuelles, il se passera probablement des 
années avant qu'on puisse faire une seconde cueillette, 
Cette source de provisions n’a done qu'une valeur tout 
à fait temporaire, 


L'influence du climat sur le travail. — 
Qu'elle est l'influence du climatsur le travail, physique 
ou mental? Telle est la question que s’est posée M. Ells- 
worth Huntington, du Département de Géographie de 
l'Université de Yale, et qu'il a cherché à résoudre au 
moyen d'observations faites sur des ouvriers d'usines 
et des étudiants!,. 

Comme il est difficile de comparer les effets du climat 
en deux endroits éloignés, la population étant souvent 
bien différente, l’auteur a choisi les mêmes personnes 
dans un lieu où il y a des changements de saisons mar- 
qués et il a étudié comment ieur travail varie de mois 
en mois. 

Ainsi il a d'abord analysé les fiches de plus de 500 
travailleurs, dans trois usines du Connecticut, où l’ou- 
vrage est très exactement enregistré; il s'agissait d’ou- 
vriers aux pièces, dont le rendement était toujours 
poussé au maximum. Puis il a utilisé les notes journa- 
lières et hebdomadaires, données pendant six années 
aux élèves de l'Ecole d'Annapolis et pendant deux ans 
aux élèves de l'Ecole de West-Point,. 

En ce qui concerne le travail manuel,les résultats sont 
résumés dans la figure 1.Elle représente les fluctuations 
desalaires, semaine par semaine,pendant {années sueces- 
sives, de 1910 à 1913. La hauteur des courbes indique le 
salaire moyen gagné par heure ; les nombres ont été ré- 
duits en ?/,, l'échelle des salaires variant dans les di- 
vers départements et les hommes gagnant à peu près 
deux fois plus que les femmes ; par ce moyen, les diffé- 
rents groupes peuvent être combinés. La courbe supé- 
rieure est basée sur le travail d’une soixantaine de per- 
sonnes, à Bridgeport, qui dirigeaient des machines ; ce 
travail ne demande pas d’habileté, mais de la rapidité 
et de l’attention. Les courbes des trois autres années 
sont basées sur les observations dans une fabrique de 
New Britain; les travailleurs se composaient à peu près 
par moitié d'hommes et de jeunes filles, les uns finissant 
des pivots, que les autres empaquetaient; les salaires 
dépendent non seulement de la quantité de travail,mais 
du nombre de pièces rejetées; autrement dit, ils va- 
rient non seulement avec la vitesse, mais avec l’exac- 
titude. 

Les quatre courbes présentent d’assez grandes analo- 
gies et peuvent être combinées en une seule, qui est 
tracée en un trail plus épais au-dessous des précéden- 
tes. L'examen de cette dernière montre que les salaires 
les plus bas sont gagnés pendant le mois de janvier ; 
puis il y a une augmentation assez régulière au cours 
des mois suivants jusque vers le milieu de juin; ensuite, 
le travail commence à baisser pendant quelques semai- 

"nes, eten juillet et août la courbe se maintient à un ni- 
veau inférieur à celui de juin, mais bien supérieur à 
celui de l'hiver. A la fin d'août, l’ouvrier recommence à 
travailler rapidement et il continue avec une vitesse 
croissante jusque vers le milieu de novembre. Puis la 
courbe retombe, avec un arrêt vers le milieu de décem- 
bre suivi d’une chute brusque vers la fin de ce mois. 

Quelle est la signification de ces variations, qui 
sont assez importantes, puisqu'elles atteignent 15 °/, 
dans les courbes de moyennes et 20 à 250/, dans les 
cas individuels, Elles ne tiennent pas à une varia- 
tion des commandes, car les industries considérées ne 
sont pas sujettes à des « coups de feu » et à des 
« mortles-saisons », et la production est à peu près 
régulière toute l’année. Elles ne proviennentpas non plus 
du système de fixation des salaires, car dans les cas où 
il y a eu paiement de primes supplémentaires, celles- 
ci ont élé déduites dans l'établissement des courbes, afin 


EN PS 


; É Harpers Monthly Magazine, n° 7176, p. 233-234; janv. 
915. 


que les salaires fussent en proportion directe du travail 
accompli. 

La seule explication satisfaisante, c’est que l'énergie 
des travailleurs varie de 10 à 15°/, d'une saison à l’au- 
tre. Ce résultat est complètement d'accord avec celui 


Fig. 1. — Rendement des ouvriers des fabriques 
aux diverses époques de l'année. 


des psychologues danois Lehmann et Pedersen, qui ont 
mesuré à Copenhague l'énergie des enfants des écoles 
à diverses époques de l’année; en tenant compte de la 
croissance normale de ces enfants, il apparaît que 
leur force varie d'une saison à l’autre d'une manière très 
analogue à celle des courbes de la figure 1. 

Lorsqu'on étudiel’activitémentale, on arrive approxi- 
mativement aux mêmes résultats, comme le montre la 
figure 2 où sont représentées les notes des étudiants. 
La principale différence avec la figure 1, c’est que le 
maximum d'automne à West Point se produit plus tard 
que celui des travailleurs, tandis que le maximum du 
printemps est plus précoce. À Annapolis, les deux 
maxima sont plusrapprochés En somme, à des endroits, 
en des années et chez des individus différents, la force 
mentale et physique varie constamment avec les sai- 
sons d’une façon dont nous sommes le plus souvent in- 
conscients. 

Quelle est donc la cause de ces variations saisonnières. 
M. Ellsworth Huntinglon, par une discussion appro- 
fondie, élimine successivement une série de facteurs, 
tels que la quantité de lumière solaire, le confinement 
dans les maisons, l'influence des vacances, pour n’en 
laisser subsister qu'un, qui lui parait jouer le rôle prin- 
cipal : la température. 

Si l’on se reporte à la figure 1,la courbe de tempéra- 
ture tracée au bas et la courbe de travail moyen si- 


45S 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


tuée au-dessus présentent, en effet, de grandes simili- 
tudes. Elles sont basses toutes deux en janvier et 
février; à partir de février, elles s'élèvent ensemble jus- 
qu'au milieu de juin; puis la courbe du travail 
s'abaisse, tandis que l’autre continue à monter. La 
chute de la courbe du travail commence quand la 


Oct Nov Dec Jan Fev Mars Avr Mar Juin 


410 
| Pavailleurs 
À gro 1915 


mathematiques 
à West Point 
1909-1912 


220 
Etudiants en 
anglais a 
Annapolis 
1912-1928 


1300 
_Etudiantsen 


mathemaliques 
à Annapolis 


1907-1913 


Fig. 2. — Variations saisonnières de l'activité mentale et 
physique. — À et P indiquent les maxima d'automne et de 
printemps. 


température moyenne s’est élevée à 18°-21° C. Quand 
la température s'arrête de croître, le travail s'arrête 
de diminuer et reste stationnaire pendant environ un 
mois ou jusqu'à ce que la température moyenne se 
soit abaissée aux environs de 20°. Durant la pé- 
riode subséquente de température favorable, la courbe 
de travail reprend sa marche ascendante jusqu’au 
milieu de novembre, où la température moyenne 
tombe au-dessous de 9° ét commence à devenir défavo- 
‘able. Ensuite, en omettant la bosse de Noël, la tempé- 
rature et la quantité de travail déclinent ensemble jus- 
qu'au minimum de janvier. 

IL semble donc y avoir une relation étroite entre la 
témpérature et le travail; mais, chose curieuse, elle est 
plutôt l’inverse de celle que la plupart des gens suppo- 
sént communément : une basse température apparaît 
comme beaucoup plus nuisible et une température élevée 
comme moins nuisible qu'on ne l’admettait généralement. 
Il est étrange, en particulier, de voir l’action marquée 
d'une basse température extérieure Sur des personnes 
qui travaillent dans des usines chauffées et ne restent 
qué très peu de temps au dehors dans une journée. Les 
médecins et les physiologistes ont cependant déjà si- 
gnalé le fait qu'une exposition même très courte à la 
température extérieure suflit à donner le ton à une 
journée entière. 

La connexion étroite signalée plus haut ressort d’ail- 
leurs encore quand on détermine la rapidité du travail 
dans des jours ayant des températures différentes, quel 


que soit le mois de l’année auquel ils appartiennent, La 
figure 3 donne les courbes des salaires moyens des 
hommes et des femmes et des notes des étudiants pour 
des jours dont les températures s'étendent de — g° à. 
27° C. L'activité mentale et le travail physique sont très 
déprimés aux basses températures: ils se relèvent 
quand la température s'accroît, et l'activité mentale 
atteint la première son maximum à une température de 
3°5, tandis que le travail manuel n'’atteint le sien qu'à 
15°5. Puis les courbes commencent à s’abaisser. Ces 
courbes de variation du travail avec la température sont 
d'autant plus intéressantes qu’elles sont {out à fait 
analogues à celles qui ont été calculées pour les plantes 
et les animaux. 

Des observations précédentes, on peut tirer quelques 
conclusions pratiques. Si les travailleurs d’une usine ou 


25° 


DA. 00. Ho en 


9 Tëm 
100 ° 


92 


Fig. 3. — Activité mentale et physique à diverses tempéra- 
lures moyennes. 

500 hommes. 

200 jeunes filles, 

mentale de 1,560 étudiants. 


—— Activité physique de 


les personnés engagées dans un travail quelconque doi- 
vent être soumis à un « coup de feu », il est préférable 
de le faire coincider avec une époque où la Nature vient 
à leur aide. Accélérer le travail en février révient à 
« fouetter un cheval fatigué dans l'espoir de lui faire 
gagner une course » (heureusement beaucoup d'usines, 
ont l'habitude de ralentir le travail en janvier, et l’on 
voit les fortes raisons physiques d'agir ainsi). Plus tard, 
en particulier en mai et en juin, les travailleurs peuvent 
être poussés à léur extrême limite sans souffrir, parce 
que leurs énergies augmentent naturellement; c’est 
encore davantage le cas en octobre et au commencement 
de novembre. Après le milieu de novembre, la presse 
peut produire des résultats, comme on le voit par la 
« bosse de Noël » C sur l’avant-dernière courbe de la 
figure 1; mais, si elle se continue pendant tout l'hiver, 
elle épuise les travailleurs à un degré excessif. 

On voit encore que l’époque où les travailleursauraient 
le plus besoin de vacances tombe en janvier ét février. 
Si l'usage général s’est établi de prendre des vacances 
en été, c'est que celte saison est la plus agréable pour 
vivre au dehors, tandis qu’en hiver la majorité des tra- 
vailleurs n'aurait aucun moyen de se récréer. 


Auc. LAMEERE. — L'ORIGINE DES SOCIÉTÉS D'INSECTES 459 


L'ORIGINE DES SOCIÉTÉS D’INSECTES 
LEÇON FAITE AU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE DE PARIS 


Nous avons, dans les leçons précédentes, ex- 
posé les faits essentiels relatifs aux sociétés 
d'Insectes ; nous avons étudié successivement 
les Termites, les Guêpes,les Abeilles et les Four- 
mis; nous allons aborder maintenant le pro- 
blème complexe de l’origine de phénomènes qui 
comptent parmi les plus instructifs de l'Histoire 
naturelle des êtres organisés. 

Il ressort de nos connaissances sur la généalo- 
gie des [nsectes que les mœurs sociales se sont 
établies indépendamment chez les Termites, 
qui sont à métamorphoses incomplètes, et chez 
les Hyménoptères, Insectes à métamorphoses 
complètes; les Guêpes, les Abeilles et les Four- 
mis ne descendant pas les unes des autres, de 
nombreuses Guêpes et Abeilles vivant au surplus 
solitaires, l'association est apparue dans ces trois 
groupes indépendamment aussi; il est même 
possible que toutes les Guêpes sociales ne pro- 
viennent pas d’un même ancêtre solitaire, et 
il est à peu près certain que les Bourdons, les 
Mélipones et les Abeilles proprement dites se 
rattachent à des Abeilles solitaires différentes. Le 
phénomène social est donc polygénique chez les 
Insectes, bien que relativement rare, si l’on con- 
sidère le nombre considérable de groupes qui 
ne le présentent pas ; cependant les sociétés de 
Termites et les diverses sociétés d'Hyménoptères 
offrent des caractères communs leur donnant 
une grande ressemblance, ce qui laisse suppo- 
ser que des circonstances comparables ont pré- 
sidé à leur constitution originelle. 

Le trait dominant de ces sociétés est la pré- 
sence de neutres, individus qui, entre autres 
particularités, présentent celle d’être frappés 
d’atrophie dans leurs organes génitaux et d’être 
normalement stériles. Ces neutres forment l’im- 
mense majorité de la population, un couple chez 
les Termites, une femelle fécondée unique chez 
la plupart des Guêpes, des Abeilles et des Four- 
mis étant même les seuls individus fertiles de 
l’association. Par l'existence des neutres, la so- 
ciété des Insectes, envisagée dans son ensemble 
comme étant un superorganisme, ressemble sin- 
gulièrement à un organisme multicellulaire : une 
comparaison entre ces deux genres d'associa- 
tions s'impose et peut être fructueuse. 

A l’œuf fécondé d’où procède l'organisme mul- 
ticellulaire, correspond le couple fondateur chez 


les Termites, la femelle qui renferme le mäle 
sous la forme de spermatozoïdés remplissant son 
réceptacle séminal chez les Hyménoptéres so- 
ciaux. De même que l'œuf fécondé donne des 
somatocytes mortels et des g'onocytes virtuelle- 
mentimmortels, de même nuitront dans la société 
d’'Insectes des neutres dont le cyele biologique 
est interrompu etdes sexués qui péuvent recons- 
tituer l'association. Il y a cette différence que 
l'œuf fécondé est réparti intégralement aux blas- 
tomères, sans laisser de résidu, alors que les 
fondateurs ou la fondatrice fécondée des socié- 
tés d’Insectes subsistent à côté des descendants 
immédiats; mais cette différence n'a rien d’es- 
sentiel, car chacun des rejetons dans la société 
des Insectes a pour origine une parcelle de la 
substance héréditaire des parents, comme les 
cellules de l'organisme multicellulaire ne sont 
qu'une fraction de l’œuf fécondé initial. 

La seule différence importante est celle-ci ! 
l'organisme multicellulaire est une association 
concrète dans laquelle les associés restent liés par 
des connexions anatomiques, tandis que les so- 
ciétés d’Insectes sont des associations diserètes 
formées d’éléments anatomiquement indépen- 
dants, ne pouvant s’influencer les uns les autres 
que par leur comportement éthologique. 

Lorsque nous avons étudié l'origine des orga- 
nismes multicellulaires, nous avons reconnu 
qu’elle est due à des conditions économiques par- 
ticuliérement favorables, ne nécessitant pasl'émi- 
gration des cellules lors de leur division et leur 
permettant d'exploiter un territoire en commun; 
à la même cause peut être attribuée l’origine 
première des sociétés d'Insectes : les Termites, 
aussi bien que les Hyÿménoptères, sont des ani- 
maux nidifiants, et le nid, abondamment pourvu 
d'aliments, constitue pour ces organismes un 
territoire privilégié où les rejetons peuvent vivre 
en famille. 

Nous avons antérieurement fait ressortir le con- 
traste qui existe entre les organismes multicellu- 
laires chétifs dont toutes les cellules sont égale- 
ment reproductrices, sans différenciation, et les 
organismes multicellulaires puissants à cellules 
, chez lesquels s’est 
produite une diflérenciation en gonocytes et 
somatocytes, ceux-ci étant les humbles servi- 
teurs de ceux-là et passant tôt ou tard à l’état de 
cadavre; de même nous connaissons des associa- 
tions familiales d’Insectes ou d'Araignées, où 


beaucoup plus nombreuses 


460 


Auc. LAMEERE. — L'ORIGINE DES SOCIÉTÉS D’INSECTES 


tous les individus sont égaux, où il n'y a pas de 
neutres, et ces associations sont peu développées 
et éphémères, car les nécessités de la lutte pour 
la vieamènentforcémentuneémigration des indi- 
vidus ; ce n’est que dans les sociétés de Termites 
et d’Hyménoptères que de simplesfamilles ont pu 
devenir des peuples permanents, grâce à l’appa- 
rition d'innombrables individus ne se reprodui- 
sant pas et sacrifiés à la vie complète des indi- 
vidus fertiles; ce phénomène de limitation de la 
reproduction sexuelle, correctif de l’excès de 
population, commun aux organismes multicel- 
lulaires parfaits et aux sociétés d'Insectes perfec- 
tionnées, est caractéristique de toutes les asso- 
ciations biologiques stables, car nous le trouvons 
sous une autre forme ailleurs : les seuls Mam- 
miféres qui aient pu donner naissance à des 
peuplades permanentes sort, en effet, des Ongu- 
lés et des Primates, animaux polygames ne don- 
nant naissance qu'à un ou deux petits après une 
longue gestalion. 

Ajoutons encore qu’au polymorphisme des cel- 
lulessomatiques des êtres multicellulaires corres- 
pond un polymorphisme des neutres chez les 
Insectes sociaux, puisque, au moins chez les 
Termites et chez les Fourmis, il y a des soldats 
et que les ouvrières des Fourmis peuvent être 
elles-mêmes différenciées. 

L’étonnante ressemblance qui existe entre les 
organismes multicellulaires et les sociétés de 
Termites ou d'Iyménoptères nous autorise à 
penser que nous pouvons raisonner par analogie 
dans les problèmes encore controversés qui inté- 
ressent les uns et les autres. 


II 


Cela posé, envisageant le problème de l’origine 
historique des sociétés d’Insectes, nous allons 
avoir, dés l'abord, à choisir entre deux opinions. 
. Merbert Spencer, aveclequelsesont rencontrés 
quelques biologistes, a admis que les sociétés 
d’Insectes étaient dues au concours de plusieurs 
individus bâtissant en commun un même nid: il 
en serait résulté un avantage dans la lutte pour 
l'existence, une division du travail subséquente 
ayant produit les neutres. L'association aurait 
donc été agrégée avant de devenir une famille 
composite, et aurait par conséquent en principe 
ressemblé à un Myxomycète. 

La plupart des naturalistes sont, au contraire, 
d’un avis tout différent : ils pensent que le déter- 
minisme historique du phénomèneserait le même 
que son déterminisme actuel; l'association aurait 
été d'emblée une famille procédant d’une souche 
unique, couple chez les Termites, femelle fécon- 
dée chez les Hyménoptères; cette association 


serait sous ce rapport comparable à un animal 
multicellulaire. 

La première interprétation n’a pour elle que 
des arguments de très peu de valeur; elle se 
heurte, en outre, à des difficultés insurmontables, 
dont la principale est la nécessité d'admettre que 
le mode initial de constitution de ces associa- 
tions aurait été complètement modifié au cours 
des temps. Toutes les observations concordent, 
en effet, pour nous montrer que c'est loujours 
un couple qui fonde une société de Termites, 
que c’est'toujours une femelle fécondée qui 
est le point de départ de l’association chez les 
Hyménoptères sociaux, comme c’est toujours 
une femelle fécondée qui bâtit le nid, d’ailleurs, 
chez tous les Hyménoptères solitaires dont les 
Hyménoptères sociaux descendent. 

Il est vrai que l’on a parfois constaté que des 
Hyménoptères hivernaient en nombre sous un 
même abri, que certaines Guëpes solitaires ni- 
difient tellement près les unes des autres que 
leurs nids finissent par se confondre ; il est vrai 
que l’on a trouvé des nids de Polistes et de Vespa 
renfermant deux ou plusieurs reines, mais l’on 
n’a pas observé comment ces nids avaient été 
fondés, et ces cas sont tellement rares qu’on 
peut les considérer comme tout à fait excep- 
tionnels. Il est vrai encore que H. von Ihering 
a découvert au Brésil que les nids de diverses 
Guêëpes sociales renferment constamment un 
certain nombre de femelles fécondées, que 
R. von Ihering a vu qu'il en était de même pour 
les Bourdons des mêmes régions; mais le point 
de départ de ces nids nous est inconnu; pré- 
tendre avec ces auteurs que la « monogamie » 
des Hyménoptères sociaux des régions tempé- 
rées dériverait de la « polygamie » des Hymé- 
noptères sociaux des régions tropicales sous 
l'influence de l’abaissement de la température 
depuis les temps tertiaires, l’hiver causant la 
mort des neutres et la dispersion des femelles 
fécondées, c'est oublier deux faits positifs : 
d’abord, qu’il y a des sociétés d'Iyménoptères 
monogames dans les régions tropicales; les 
associations polygames peuvent en dériver par 
le fait du climat, les nouvelles femelles fécondées 
restant dans l’association, qui est permanente, 
avec les neutres; ensuite que, dans les régions 
tempérées, il existe des sociétés de Guêpes se 
dispersant bien avant l'apparition des premiers 
froids, l’évolution de leur nidification étant tout 
à fait comparable à celle des Hyménoptères soli- 
taires dont ils proviennent. 

Nous admettons donc que les phénomènes 
actuels de constitution des sociétés d’Insectes 
sont la photographie des phénomènes qui leur 


Auc. LAMEERE. — L'ORIGINE DES SOCIÉTÉS D'INSECTES 


ont donné originairement naissance, el de celle 
manière nous n’aurons pas trop de difficultés 
à interpréter les faits. 


Il y a lieu d'envisager séparément les Termites 


_et les Hyménoptères sociaux. 


Chez les Termites les plus primitifs, le nid est 
creusé dans le bois vermoulu; il est fondé par 
le futur couple royal, et après de longues fian- 
çailles nécessaires à la maturation de leurs 
glandes génitales, le roiet la reine s'occupent 
l’un et l’autre de l'alimentation des jeunes. 
Ceux-ci évoluent rapidement en neutres, qui 
sont ou bien mâles ou bien femelles, et dès lors 
la sociélé est constituée; des individus sexués 
complets apparaissent beaucoup plus tard. 

Les Termites ont donc pour ancêtres des In- 
sectes chez lesquels le mâle comme la femelle 
s’occupait de la progéniture, ce qui explique 
que les neutres mâles agissent comme les neu- 
tres femelles pour se substituer aux parents dans 
cette fonction. 

Il est intéressant de constater que c'est préci- 
sément parmi les Insectes quirongent le bois que 


l'on rencontre le plus fréquemment une asso- 


ciation des deux sexes pour l'élevage des petits; 
cest le cas notamment des Iyménoptères du 
genre Trypoxylon, comme l’a montré Fabre, et 
des Coléoptères du genre Passalus, dont le mâle 
et la femelle mâchent le bois pour nourrir 
leurs larves. 

Antérieurement, nous avons montré que les 
Termites ne sont que des Blattoides spécialisés 
datant du Tertiaire; or il existe précisément au- 
jourd’hui dans l'Amérique du Nord des Blattes 
du genre Dasypoma qui vivent dans le bois ver- 
moulu ; les femelles et les mâles se rencontrent 
côte à côte avec des jeunes. Que faut-il de plus 
pour arriver à l'association des Termites ? D'abord 
que les individus des deux sexes s'occupent de 
l'élevage de leur progéniture et constituent une 
famille, ensuite que les premiers jeunes soient 
des neutres et viennent transformer la famille 
en société. 

Parmi les Hyménoptères sociaux, toutes les 
Fourmis ont des mœurs sociales, tandis que seu- 
les des Guëèpes et des Abeilles supérieures vivent 
en associations. Guêpes, Abeilles et Fourmis se 
rattachent aux Hyménoptères du groupe des 
Fouisseurs, si remarquables par leurs mœurs, 
mais à des Fouisseurs différents. La société est 
cependant du même type dans ces trois catégo- 
ries, et dans ces différents cas l’origine peut être 
considérée comme étant identique. Les Hymé- 
noptères Fouisseurs, les Guêpes et les Abeilles 


KEVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 


AGI 


solitaires possèdent déjà le nid, base de toute as- 
sociation, nid fondé par une femelle fécondée et 
formé d'alvéoles que l'Insecte remplit de provi- 
sions destinées aux larves futures. Sa tâche ter- 
minée, la mère meurt sans voir sa progéniture. 
Dans les types sociaux, une femelle fécondée 
commence la construction du nid, nourrit ses 
premières larves, mais son labeur est loin d’être 
accompli que déjà des larves ont donné des 
adultes, et ces adultes, de petite taille, sont des 
neutres du sexe femelle : les neutres, au lieu de 
se disperser, aident leur mère et assouvissent 
leurs propres instincts maternels en s’occupant 
de l'élevage de la famille. D’autres neutres, tou- 
jours femelles, viennent augmenter celle-ci; plus 
tard seulement naissent des mäles et enfin des 
femelles parfaites. 

La production de neutres chez des Hymé- 
noptères a donc, comme pour les Termites, 
transformé une famille en société. 


IV 


Le phénomène qui domine l’origine des socié- 
tés d’Insectes est donc l'apparition des neutres, 
et nous allons étudier de près cette singularité. 

Pour procéder avec ordre, demandons-nous 
d’abord comment il se fait que les neutres soient 
exclusivement des femelles dans les sociétés 
d'Hyménoptères, qui sont essentiellement des 
sociétés féministes, alors qu'ils sont des deux 
sexes chez les Termites, où un mâle cohabite 
avec une femelle. 

Cette particularité est liée à une autre bizarre- 
rie que nous rencontrons chez les Iyménoptères 
sociaux, le fait que le mâle naît d’un œufquin'est 
pas fécondé. 

Formulée d'abord comme hypothèse par 
Dzierzon, cette parthénogénèse a été démontrée 
indirectement par la constatation due à Duesberg 
pour les Guêpes, à Meves pour l’Abeille domes- 
tique, à Lams pour les Fourmis, que dans la 
spermatogénèse de ces Insectes, il n’y a pas de 
réduction karyogamique : des deux sortes de 
spermatozoïdes qui sont produites, comme chez 
les autres animaux, l’une ne renferme pas de 
chromosomes et meurt, tandis que l’autre con- 
serve tous les chromosomes des spermatogonies. 
Le corollaire en est que les noyaux du mäle 
doivent être haploïdiques, c'est-à-dire ne ren- 
fermer que la moitié du nombre des chromo- 
somes des noyaux de la femelle, ceux-ci devant 
être diploïdiques comme dans les autres ani- 
maux. La démonstration positive de cette dif- 
férence est cependant encore à faire. Toujours 
est-il que l'absence de réduction karyogamique 
confirme le fait, constaté chez les Guépes et 


9 


462 Auc. LAMEERE. — L'ORIGINE DES SOCIÉTÉS D'INSECTES 


les Abeilles par von Siebold, que l’œuf don- 
nant naissance à un mâle ne renferme pas de 
spermatozoide. 

Ce phénomène est-il propre aux sociétés d'Hy- 
ménoptères ? est-il une particularité sociale qui 
aurait pour conséquence utile une économie de 
spermatozoïdes permettant à la femelle fécondée 
de produire plus de neutres ? C’est peu probable, 
car il supposerait un polygénisme singulier. Il 
est plus vraisemblable qu’il existe déjà chez les 
formes solitaires ancestrales, et il y aurait lieu 
d'étudier notamment Ia spermatogénèse des 
Fouisseurs pour s’en assurer. 

On admet que le réceptacle séminal de la 
femelle fécondée des Hyménoptères sociaux peut 
se contracter pour la sortie des spermatozoïdes 
qu'il contient. L’organe se contracte-t-il lors de 
la ponte, un spermatozoide pénètre dans l'œuf, 
et celui-ci donne un individu femelle ; le récep- 
tacle ne se contracte-t-il pas, l’œuf reste vierge 
et donne un mâle. 

M. Paul Marchal a cherché à compléter cette 
explication d’une manière ingénieuse. Etant 
donné que les différentes sortes d'œufs se suc- 
cédent d’une manière régulière dans la ponte des 
Hyménoptères sociaux, que la femelle pond 
d'abord pendant longtemps des œufs d’où sor- 
tiront des neutres, donc des œufs fécondés puis- 
que les neutres sont femelles, puis des œufs de 
males et enfin des œufs de femelles parfaites, il 
suppose qu'un moment arrive où le réceptacle 
séminal de la femelle est fatisué et cesse de 
fonctionner pour reprendre son activité plus tard. 

C’est cette succession régulière dans la ponte 
d'œufs fécondés et non fécondés, se manifestant 
soit pendant la vie annuelle de la femelle, soit 
chaque année, lorsque, comme chez l’Abeille do- 
mestique et les Fourmis, son existence est beau- 
coup plus longue, qui explique comment il se 
fait que les neutres des Hyménoptères soient 
exclusivement des femelles : dans les condi- 
tions où les neutres se produisent, leur mère est 
dans une période où elle ne pond que des œufs 
fécondés. 

V 

Poursuivons l’étude des neutres dans l’ensem- 
ble des Insectes sociaux : nous constatons qu'ils 
diffèrent des individus normaux par certains 
caractères propres à chacune des catégories aux- 
quelles ils appartiennent et par diverses parti- 
cularités qui leur sont communes à tous. Exami- 
nons celles-ci. 

Les neutres sont stériles, mais cette stérilité 
estrelative. A leur naissance, leurs organes géni- 
taux sont en yénéral simplement arriérés ; il est 


rare qu'ilssoientcomplètementatrophiés, comme 
dans la Fourmi T'etramorium cæspitum. Cette 
castration est le fait d’une alimentation insufti- 
sante à l’état larvaire; elle est suivie, comme 
l'a fait observer M. Paul Marchal, d'une castra- 
tion nutriciale, le neutre passant aux jeunes la 
plus grande partie de la nourriture qu'il peut ré- 
colter et n’en conservant pour lui qu'une part 
trop faible pour développerses organes génitaux. 
M. Paul Marchal a prouvé que des Guêpes ou- 
vrières, soustraites à leurs devoirs de nourrice et 
abondamment nourries, se mettent à pondre. 
C'est de cette manière que l’on peut expliquer 
que les neutres, aussi bien chez les Guêpes que 
chez les Abeilles et que chez les Fourmis, peu- 
vent, dans des conditions d’alimentation spé- 
ciales, être fertiles et pondre des œufs qui don- 
nent toujours des mâles, puisque ces neutres ne 
s’accouplent jamais ; c'estaussi grâce àune nour- 
rilure particulièreque les Termites peuventtrans- 
former des ouvriers et même des soldats en rois 
ou reines complémentaires, ne ressemblant pas 
cependant complètement au roi ou à la reine vé- 
ritables, en cas de décès de ceux-ci. 

Les neutres, quels qu'ils soient, différentencore 
des individus normaux par une suppression par- 
tielle de leurs instincts ; le désir d’accouplement 
est aboli chez eux, ce qui tient sans doute à l’état 
de leurs organes génitaux; n’ayant pas de pro- 
géniture, sauf dans des cas exceptionnels, ils 
satisfont à leurs instincts constructeurs et nour- 
riciers qui subsistent intacts, au profit de leurs 
frères, et s'ils n'émigrent pas, c’est probable- 
ment en vertu de la loi du moindre effort : ils 
profitent du travail commencé par leurs parents 
ou par leur mère. 

VI 

Les caractères morphologiques qui différen- 
cient beaucoup de neutres des individus nor- 
maux, ou les instincts nouveaux que les neutres 
peuvent présenter, sont beaucoup moins aisés à 
expliquer; nous nous trouvons en présence de 
diverses théories, les biologistes ayant voulu 
appliquer aux sociétés d’Insectes les explications 
qu’ils ont adoptées pour interpréter la différen- 
ciation des cellules somatiques d’avec les cellu- 
les reproductrices chez les organismes multicel- 
lulaires. 

Herbert Spencer et les lamarckiens, partisans 
de l’hérédité des caractères acquis, ne pouvant 
pas comprendre comment, par exemple, un sol- 
dat de Termite ou de Fourmi, stérile, est repro- 
duit à la génération suivante avec une plastique 
et des instincts que ne montrent ni le mâle ni la 
femelle, ont imaginé que les caractères propres 


Auc. LAMEERE. — L'ORIGINE DES SOCIÉTÉS D'INSECTES 


163 


aux neutres sont cependant transmis de généra- 
tion en génération grâce au fait que quelques 
neutres, même les soldats, sont parfois fertiles : 
cette opinion doit être abandonnée, car la repro- 
duction des neutres est exceptionnelle et abso- 
lument insuflisante, quand elle ne manque pas 
tout à fait. Nous sommes au contraire obligés 
d'admettre que les caractères des neutres nesont 
pas dûs à l’hérédité d'exercice, mais à des 
propriétés inhérentes à l’œuf de l'espèce, et ceci 
est d’une grande importance : établissant la 
comparaison avec les organismes multicellulai- 
res, nous sommes en droit de nous demander si 
l’hérédité des caractères acquis est intervenue 
dans leur évolution, puisque nous devons expli- 
quer sans ce facteur le perfectionnement parfois 
considérable que montrent les neutres chez les 
Insectes sociaux. 

Les naturalistes qui ne partagent pas l’opinion 
d’Herbert Spencer sont divisés en deux camps. 

Les uns, avec Emery, pensent que les œufs 
d’où proviennent les neutres ne diffèrent pas des 
œufs d’où naissent les individus fertiles, mais 
que le plasma germinatif des œufs est labile, 
produisant, sous l'influence de conditions ali- 
mentaires variées, des résultats différents; le 
neutre serait trophogénique. 

Les autres, avec Weismann, croient que les 
œufs donnant naissance aux neutres renferment 
un plasma germinatif distinct de celui que con- 
tiennent les œufs d'où procéderont les individus 
normaux, et que les conditions extérieures n’ont 
pas d'influence sur le produit; le neutre serait 
blastogénique. 

Que disent les faits? 

Chez la Guêpe Polistes gallicus, chez les Vespa 
les plus primitives et chez les Bourdons, les 
ouvrières ne different de la femelle fécondée que 
par leur grandeur; au fur et à mesure que l’an- 
née s’avance, que la société s'accroît en nombre, 
que les conditions d'alimentation deviennent 
plus favorables, naissent des neutres dont la 
taille est de plus en plus développée, et il n’y a 
guère d’hiatus entre les neutres les plus petits 
qui apparaissent les premiers et les femelles 
parfaites; les uns et les autres représentent les 
fluctuations extrêmes d’un même type entre 
lesquelles existent toutes les transitions. Avec 
M. Paul Marchal nous pouvons admettre que 
c'est la quantité variable de nourriture qui déter- 
mine ces différences, et par conséquent que cette 
catégorie de neutres doit être trophogénique. 

Avec M. Paul Marchal nous pouvons admettre 
encore que, chez les types supérieurs, par suite 
d’un perfectionnement social qui accentue les 
différences de conditions dans lesquelles sont 


produites les ouvrières et les femelles parfaites 
et qui éloigne les conditions dans lesquelles sont 
produites ces dernières de celles dévolues à l’an- 
cêtre présocial, il s’établira une divergence de 
caractères de plus en plus grande entre les neu- 
tres et les reines. 

Le cas de l’Abeille domestique est extrême- 
ment suggestif. [ci la reine est profondément 
différente des ouvrières; celles-ci ont conservé 
presque tous les caractères d'une femelle d'Hy- 
ménoptère solitaire, tout en ayant acquis quel- 
ques instincts nouveaux; la reine, au contraire, 
est sortie de l’ornière ancestrale : elle a perdu 
les organes collecteurs du pollen, comme aussi 
ses instincts de nourrice, ses ailes se sont rac- 
courcies, son aiguillon s'est modifié; par contre 
ses organes génitaux se sont prodigieusement 
développés par une augmentation extraordinaire 
du nombre des gaines ovigères, et elle est prête 
à pondre peu de jours après sa naissance. Ces 
différences ne sont plus celles de deux fluctua- 
tions extrêmes, mais bien celles de véritables 
mutations; elles sont cependant d’origine tro- 
phogénique, la nourriture intervenant ici non 
seulement comme quantité, mais encore comme 
qualité : nous savons, en effet, depuis la décou- 
verte de Schiraz, que les ouvrières peuvent créer 
une reine au moyen d'une jeune larve d’ou- 
vrière qu'elles élèvent comme une larve de reine : 
au lieu de la laisser dans une étroite cellule et 
de la nourrir d’une pâte grossière, elles lui 
façconnentune grande cellule qu’ellesremplissent 
de la gelée royale, produit de sécrétion de leur 
tube digestif. 

Ces faits plaidant évidemment contre l'opi- 
nion de Weismann, nous serions tentés d'étendre 
avec Emery aux neutres des Fourmis et aussi 
des Termites les notions que nous enseignent les 
Guèêpes et les Abeilles : voyons si c’est possible. 


VII 


Chez les Fourmis, comme chez les Termites, 
ce sont les individus normalement fertiles qui, 
contrairement à ce que montre l’Abeïlle domes- 
tique, ont conservé les caractères de l'ancêtre 
présocial, tandis que les neutres sont allés au 
delà dans l’évolution. Les neutres sont notam- 
ment toujours aptères, et ils sont surtout carac- 
térisés par un grand développement de la tête se 
faisant au détriment de leur abdomen; cette par- 
ticularité est en rapport avec la puissance des 
mandibules, et elle va en s’accentuant avec la 
taille, car les ouvrières chez les Fourmis, les 
soldats chez les Termites peuvent être répartis 
d'après celle-ci en plusieurs catégories. Les 


464 Auc. LAMEERE. — L'ORIGINE DES SOCIÉTÉS D’INSECTES 


soldats des Termites constituent une caste tout 
à fait distinete de celle des ouvriers et souvent 
extrêmement différente des parents, tandis que 
chez les Fourmis on appelle soldats les neutres 
ayant une taille maximum. 

Or M. le Prof. Bugnion, de Lausanne, a fait 
sur un Termite de Ceylan une découverte capi- 
tale : le soldat de l’Eutermes lacustris, au sortir 
de l’œuf, montre déjà la corne frontale à l’extré- 
mité de laquelle s'ouvre l’orifice de l’énorme 
glande céphalique qui lui permettra, à l'état 
adulte, de barbouiller l'ennemi d’un liquide répu- 
gnant. Si la stérilité de ce soldat est, selon toute 
probabilité, d'ordre trophogénique, puisque les 
soldats des Termites peuvent quelquefois 
devenir fertiles, ses caractères très originaux, 
totalement absents chez ses progéniteurs et chez 
les ouvriers, sont d'ordre blastogénique : nous 
nous trouvons ici en présence d’un phénomène 
comparable à celui qui nous est offert par ces 
Papilio qui donnent dans une même ponte deux 
ou trois sortes de femelles, ou simplement 
à quelque chose d'analogue au dimorphisme 
sexuel. Est-ce, comme pourle mäle etla femelle, 
une différence dans la garniture chromosomiale 
du noyau qui caractérise l’œuf d’où sort le 
soldat? Nous l’ignorons encore, mais dans ce cas- 
ei c’est Weismann qui doit avoir raison. 

Faut-il en conclure que, comme pour le soldat 
des Termites, si la stérilité des ouvriers des Ter- 
mites ou des neutres des Fourmis en général est 
de nature trophogénique, leurs particularités 
morphologiques sont blastogéniques? Nous ne 
le pensons pas. - 

Les ouvriers des Termites diffèrent beaucoup 
moins des individus normaux que les soldats, et 
quant aux Fourmis, l’on peut dire que leurs neu- 
tres ne se différencient pas plus de la femelle 
que l’ouvrière Abeille ne diffère de la reine. 
Wasmann a d'ailleurs fait une observation de 
haute valeur au point de vue quinous occupe. Les 
fourmilières de Fformica sanguinea sont fréquem- 
ment infestées par des Coléoptères de la famille 
des Staphylinides, des Lomechusa strumosa 
ce sont des parasites que les Fourmis choient et 
dont elles élévent même les larves, Les Zome- 
chusa offrent des poils sur lesquels s'étale une 


sécrétion dont les Fourmis raffolent et qui les 
enivre; lorsque ces parasites deviennent très 
nombreux, la fourmilière dépérit, les Fourmis 
s’occupant davantage de leurs hôtes que des 
individus de leur propre espèce: l’on constate 
alors que les larves qui devraient donner naïs- 
sance à des femelles ailées, étant mal soignées, 
ne produisent plus que des « pseudogynes)», 
femelles dégénérées aptères etoffrant des carac- 
tères de transition qui les rapprochent des 
ouvrières. C’est la contre-partie de la transfor- 
mation d’une ouvrière en reine chez l’'Abeille ! 

Nous arrivons donc à cette probabilité que, 
sauf dans le cas spécial des soldats des Termites 
qui est en quelque sorte greffé surle phénomène 
général, les neutres des Insectes sociaux sont 
d'origine trophogénique. N’en aurait-il pas été 
de même, en principe, pour les cellules somati- 
ques des organismes multicellulaires ? 

Par conséquent, le déterminisme historique 
de l’apparition des neutres, cause première de 
la transformation d’une famille en société, cause 
de l'existence des sociétés d’Insectes, est une 
alimentation insuflisante des larves par leurs 
parents : le couple initial chez les Termites, la 
femelle fécondée nidifiante chez les Hyménop- 
tères n’auront pas pu fournir à leurs petits la 
pâture nécessaire au développement de leurs 
organes génitaux. Cet accident aurait pu entrai- 
ner l'extinction de l'espèce silavie sociale n’était 
venue la sauver. 

Les sociétés d'Insectes sont des monstruosités, 
si l'on applique ce terme à tout phénomène 
s'écartant notablement de ce qui est habituel 
dans la Nature; les neutres sont des monstres 
viables, utiles par leur comportement. Ils témoi- 
gnent du triomphe de la vie par la mort : les 
organismes multicellulaires doivent leur puis- 
sance à la mort des cellules somatiques; de 
même l’exubérance des sociétés d’Insectes 
résulte de la mort totale d'innombrables neutres 
sacrifiés à quelques individus privilégiés, dans 
l'intérêt de la race. 


Aug. Lameere, 


Professeur à l’Université de Bruxelles, 
Membre de l'Académie royale de Belgique. 


E. KAYSER. — LA FABRICATION DU RHUM 


465 


LA FABRICATION DU RHUM 


J. — Probucrion 


Le nom de rhum est particulièrement réservé au 
produit de la fermentation et de la distillation du 
jus de la canne à sucre, et le nom de tafia ou guil- 
diveauspiritueux obtenu avecla mélassede canne, 

La guildive est fort appréciée des nègres et 
des sauvages; elle a une odeur désagréable et 
montre de l’âcreté à la dégustation. Pour lui 
enlever l'odeur forte,jon suspend souvent dans le 
chapiteau, à la distillation, un bouquet de fenouil 
ou d'anis et on le renouvelle à chaque charge de 
la chaudière. 

Ces guildives, en raison de leur faible prix, 
sont en concurrence avec les eaux-de-vie de vin 
qui viennent de France. 

Aussi les premiers exportateurs de rhum de 
nos Antilles eurent une lutte assez vive à soute- 
nir; pendant longtemps, les quantités exportées 
étaient faibles; la plus grande partie du rhum 
fut consommée sur place; ce n’est qu'à partir de 
1818 qu'un important débouché fut assuré à cette 
exportation; en 1888 le nombre de litres exportés 
de la Martinique atteignait près de 15 millions, et 
en 1902, il dépassait 18 millions, tandis que la 
consommation locale atteignait 3.000.000. 

Au début, le rhum n’était qu'un produit secon- 
daire de la fabrication du sucre: à chaque sucrerie 
était annexée une distillerie agricole utilisant la 
mélasse de la sucrerie. Peu à peu, il s’est fondé 
dans nos possessions de la Martinique, de la Gua- 
deloupe, de grandes usines pourvues de tous les 
appareils perfectionnés pour l'extraction du 
sucre; les petits propriétaires, ne pouvant lutter, 
cherchèrent à transformer leur récolte en rhum. 
Ce fut la malheureuse ville de Saint-Pierre qui 
devint le centre le plus important du monde pour 
cette fabrication; l’'éruption du mont Pelé en 
1902 mit fin à ce beau rêve. 

Ce produitest encore fabriqué à la Jamaïque, 
Trinidad, Sainte-Lucie, dans les Guyanes, à 
Haïti, Saint-Domingue, l'ile Maurice, la Réunion, 
où il constitue une des principales ressources 
pour ces régions. 

Dans le Bulletin de Statistique des Colonies 
françaises, nous relevons pour les exportations 
de rhum en 1912 les chiffres suivants : 


Litres de rhum à 55° 


MATIERE... MIO 14.101.468 
Guadeloupe en. : ::.VR 9.697.851 
Guyarentrancaise el; 2000 906 
RéQnion eee. LE. TUE 3.598.239 
Mayotte et dépendances. ........:. 107.695 


27.506.159 


atteignant une valeur de 12.746.974 francs; nous 
pouvons admettre pour les autres pays exporta- 
teurs (Guyane anglaise, Jamaïque, Guyane hol- 
landaise, ile Maurice, Sainte-Croix, Sainte-Lu- 
cie, etc.), une exportation d'environ 32.500.000 1i- 
tres, ce qui fait un total de 60.006.159 litres. 
Nous ne sommes pas loin de la vérité en admet- 
tant, pour nos deux grandes colonies de la Gua- 
deloupe et de la Martinique, une consommation 
locale de 6 à 7.000.000 de litres. 

Le rhum exporté est expédié à Bordeaux et au 
Havre qui constituent nos deux grands marchés; 
une autre partie est envoyée en Angleterre, aux 
Etats-Unis, en Hollande et à Hambourg. 

Les chiffres suivants nous renseignent sur 
l'importation en France : 


Hectol. d'alcool pur 


1912 1913 1914 
Martinique.. 76.063 88.988 88.142 
Guadeloupe. 49.937 45.799 58.147 
Autres pays. 17.149 20.750 17.192 
143.169 155.537 163.481 


Ce qui fait une moyenne de 154.062 hectol. 
d’alcoo!l à 100° ou 277.311 hect. de rhum à 55°, 
ayant une valeur moyenne de fr. 16.899.666. 

M. Poirault, dans une intéressante étude faite 
à la suite de missions diverses aux Antilles, était 
déjà arrivé, il y a vingt ans, au chiffre de 
1.166.185 hectol. pour la consommation et l’ex- 
portation des divers pays producteurs". 


IT: — FABRICATION 
S 1. — Matières premières employées 


La qualité du rhum dépend de la matière pre- 
mière employée, du mode de préparation, de 
fermentation et de distillation. 

Les matières premières sont la mélasse de 
canne, le jus de canne à sucre cru (vesou) ou 
cuit (sirop de batterie), enfin la vinasse et le 
caramel. 

La mélasse de canne résulte du turbinage des 
masses cuites de sucrerie; elle peut contenir de 
30 à 40 ‘/, de saccharose et 20 à 35 °/, de sucres 
réducteurs; la vente se fait au volume et le 
prix suit la fluctuation des cours du rhum; le 
rhum de mélasse est plus corsé que le rhum de 
vesou qui est plutôt suave; lorsqu'on concentre 
ce dernier, on obtient un vesou plus riche en 
sucre, qui fournit des rhums qui gagnent énor- 
mément par le vieillissement en füt, ce qui les 
rapproche des bonnes eaux-de-vie de vin. 


1. PorrauLT: Rhum et sa fabrication, 


Villars. 


Paris, Gauthier- 


466 


Les vinasses (vidanges) constituent les rési- 
dus de la distillation ; les Anglais leur donnent 
le nom de dunder; leur addition donne des rhums 
à arome plus corsé; toutefois celles du rhum de 
vesou sont, en général, plus acides. Cette acidité 
est surtout formée d'acides fixes : succinique, 
lactique, et d'acides volatils : formique, acéti- 
que. Leur emploi apporte donc l'acidité et il 
est considéré comme un moyen de lutter contre 
les mauvaises fermentations. La vinasse contient 
quelquefois des matières sucréeset,parsarichesse 
en potasse, acide phosphorique, azote,elle apporte 
des aliments utiles aux ferments alcooliques. 
Son refroidissement se fait par le passage à 
travers plusieurs bassins, au large contact de 
l’air. Souvent elle est encore trop chaude lors de 
son emploi et il en résulte un retard dans la fer- 
mentation; d’autres fois, eu égard au manque de 
soins pour sa conservation, la vinasse est très 
contaminée en microbes divers, et on comprend 
tout de suite que des proportions de 25 à 70°/ 
dans la confection des moûts soumis à fermen- 
tation peuvent occasionner des fermentations 
très impures avec des rendements détestables. 

Aussi sa réfrigération par des réfrigérants 
tubulaires est à recommander. 

Le caramel sert à colorer le rhum à la sortie de 
l’appareil distillateur; sa préparation doit se 
faire avec beaucoup de soins; il ne doit pas 
troubler le rhum ; chaque usine, chaque rhum a 
pour ainsi dire un type de coloration. 

On distingue le rhum habitant et le rhum in- 
dustriel. Le premier est obtenu à l’aide du vesou 
cru ou cuit dans les petites rhummeries agri- 
coles : c’est le rhum du bouilleur de cru;la pro- 
duction journalière ne dépasse pas 400 à 600 litres 
pendant les deux tiers de l'année. Il est plutôt 
suave et il est, en général, consommé sur place; 
il n'arrive qu’exceptionnellement en France. 

Le rhum industriel ou rhum de mélasse a un 
arome plus intense et ila une plus grande im- 
portance; il peut s'améliorer beaucoup par le 
séjour dans des füts en chêne. Dans ce but, d’ail- 
leurs, on se sert souvent de sauces contenant les 
substances les plus diverses : pruneaux bouillis, 
haume du Pérou, coques d'amandes, huile de 
cannelle, ammoniaqué, brou de noix, etc. 


$2. — Matériel et outillage 


Dans les rhummeries agricoles, il se compose 
de moulins à cannes, de cuves de fermentation 
et des appareils à distiller. Si l’usine travaille le 
sirop de batterie, il faut, en outre, deschaudières 
spéciales pour concentrer le vesou déféqué au 
degré voulu; la bagasse (canne pressée) est 
employée comme combustible. 


E. KAYSER. — LA FABRICATION DU RHUM 


Dans les rhummeries industrielles, on trouve 
encore les réservoirs à mélasse, la fosse à com- 
position des moûts, les réservoirs à vinasses, enfin 
une série de pompes et de moteurs. 

La contenance des cuves de fermentation 
varie de 400 à 2.000 litres et peut atteindre 
jusqu’à 25.000 à 30.000 litres. 

Comme appareils distillateurs, on a des appa- 
reils intermittents, employés dans les distilleries 
agricoles, et des appareils continus à 12-15 pla- 
teaux dans les grandes rhummeries. 

Il convient de dire que les appareils intermit- 
tents donnent des produits avec plus d’arome; 
ce sont ceux qu'on emploie pour la production 
du rhum de vesou. 

Ajoutons encore que l’arome est d'autant plus 
prononcé que la chaudière de l'appareil est 
petite; plus la chaufferie est grande, plus l’éthé- 
rification se fait mieux; d’ailleurs, la facon de 
conduire la distillation a également de l’impor- 
portance. 

A la Jamaïque on distille à 77°6, à la Trinidad 
à $1°, dans les colonies françaises à 55°; toutefois 
les rhums de la Guadeloupe, de la Réunion attei- 
gnent jusqu’à 59°-60°; ceux de la Guyane anglaise 
800-82°. On voit par là que les rhums ne sont 
pas rectifiés, ils conservent leurs substances 
volatiles aromatiques. 


$ 3. — Composition du produit à fermenter 


Celle du vesou comprend 65 à 70 % de vesou, 
15 % d'eau et 15 °/ de vinasses; celle du rhum 
de mélasses varie un peu plus : 12 à 15 °/, de mé- 
lasses, 30 jusqu’à 70 °/ de vinasses et le complé- 
ment en eau. Le tout est mélangé très intime- 
ment à l'aide d’un moulinet mécanique. 


$S 4. — Fermentation 


Elle était, en général, abandonnée au hasard ; 
ce n’est que depuis les missions accordées à 
M. Poirault que les rhummeries ont commencé 
par comprendre tout l'intérêt qu'il y avait à 
obtenir dés fermentations propres par l'emploi 
des levures sélectionnées; lés découvertes de 
Pasteur font peu à peu du chemin, comme dans 
toutes les industries de fermentations; trop sou- 
vent les ferments acétiques prenaient le pas 
sur les ferments alcooliques. Aussi le rendement 
est-il sujet à de très grandes variations, non seu- 
lement comme richesse alcoolique, mais encore 
comme taux des autres produits que nous trou- 
vons dans le rhum : éthers, furfurol, alcools supé- 
rieurs, aldéhydes, acides volatils(formique, acéti- 
que, butyrique, valérique),et même comme acides 
fixes provenant des additions effectuées après 
distillation : M. Lindet y a signalé la présence 
de bases organiques. 


_! mélasses, on peut obtenir de 75 


E. KAYSER. — LA FABRICATION DU RHUM 


Cette richesse des rhums dépend forcément de 
la richesse des mélasses, qui peut atteindre en 
sucres totaux 63 à 64°/, aux Antilles et seulement 
50 à 52°/, à la Réunion. Le ferment qui procède à 
la fermentation, la durée de cette dernière ont 
une grande importance. Ainsi, avec 100 litres de 

75, à 90 litres de 
rhum et au delà; les pertes, par suite de l'éléva- 
tion, de température dans les cuves de fermenta- 
tion, peuvent être très élevées. 
$5. — Composition du rhum 


Elle est sujette aux plus grandes variations 
selon la matière première, le mode de fermenta- 
tion, de distillation. La somme des produits vo- 
latils (l'alcool éthylique excepté) forme ce qu'on 
appelle le « coeflicient non alcool » (impuretés). 

Pour apprécier la qualité du rhum, on se guide 
d’après la dégustation et d’après le taux des im- 
puretés; on a même essayé de classer les rhums 
d’après le coefficient non alcool. 

Ainsi M. Bonis considère comme 


Coef. non Ale, 


Rhums du type supérieur ceux à.... > 750 
— MOYENS. eee 250 
= INTÉRIEUR. en à < 450 


Ces données sont complétées par les rapports 
Ethers 
Acides 
au type inférieur, de 0,93 à 0,57; on considère 

Ethers 
Alc. supér. 

M. Rocques, en comparant les différents élé- 
ments de rhums de la même région, trouve les 
minima et maxima suivants: 


; Qui varient, en passant du type supérieur 


également le rapport 


Pour 100 d’Alcoo!l à 100 


Acides volatils. 54,0 346,0 

BRRerB AN. 047.0 498,0 

Alcools supér... 36,0 338,0 

Coef. N. Alcool. 301,0 910,0 
Ethers 

+ —— ),29 2,22 

Acides volat. 0, L 
Ethers 0,22 13,82 


Alcools supér. ‘ 

Ceci montre surtout quelle grande influence 
peuvent présenter Îles conditions de la fer- 
mentation, de la distillation, les ferments em- 
ployés, etc.; l'harmonie existant entre ces divers 
composants est bien plus importante que la 
grandeur de tel ou tel d’entre eux. 

Nous pouvons néanmoins ajouter que lesrhums 
de vesou ont un coeflicient non alcool plus faible 
(350 à 400) que les rhums de mélasse et que le 


AG7 


Ethers 


Alcools supér, plus 


rapport est, en général, 


petit que l'unité pour eux. 


III. — ÉrupDEs sur LA FERMENTATION 
S1. — Fermentations pures et impures 


Les grandes variations que nous venons de si- 
gnaler sont souvent la conséquence de fermenta- 
tions trop impures, où, à côté des levures alcooli- 
ques, on peut trouver de nombreux autres 
microorganismes apportés par la mélasse, les 
vinasses et les eaux (bâtonnets et coccus). 

Parmi les ferments alcooliques, on trouve des 
levures hautes, des levures basses, des levures 
à voile, enfin des schizosaccharomycèétes qui 
se reproduisent par scissiparité; selon que l’une 
ou l’autre espèce domine, le produit n'est plus le 
même. 

Le rhumier cherche à se protéger contre les 
mauvais ferments par l'addition d'acide sulfuri- 
que, dont la dose ne devrait pas dépasser 1/2 pour 
mille, par l'addition, de fluorure de sodium, et 
certes de ce chef la fermentation est souvent 
meilleure, mais la levure pure convenablement 
choisie peut seule donner des produitsconstants, 


Quantité °/, d'alcool à 400% 


Fermention addition levure 
spontanée de 1°}. pure 
d'ac. sulfur. 

mmgs mmes mmgs 

Acid. volatils ... 490 219,1 81,2 
Aldéhydes ..... 10 8,4 15,4 
Rurtiuroleee : 0,5 0,5 0,3 
Bthers trees 291,7 167,2 Ho 
Alcools supér.... 82,0 158,0 339,0 
Coef. N. alcool.. 804,2 553,2 486,9 


Le taux total des impuretés est donc plus élevé 
dans la fermentation spontanée (levures, micro- 
organismes divers); le taux des éthers et des 
alcools supérieurs varie dans l'exemple choisi 
en sens inverse; l'addition d'acide sulfurique a 
eu pour résultat de diminuer l'acidité volatile et 
de bonifier ainsi le produit. 


$2. — Influence de l’addition de vinasses, 
de la dilution du ferment 

Nous avons déjà dit que la vinasse apporte 
des aliments aux ferments alcooliques et de 
l'acidité plutôt nuisible aux autres microorga- 
nismes, mais il est nécessaire qu'elle ait été con- 
servée dans des conditions de grande propreté 
et qu'elle n’ait pas subi fermentations 
microbiennes. 

Ensemençons un même moût mélassé avec la 
levure 1 (basse) et la levure 4 {Schizosaccharomy- 
ces]; le témoin ne contient pas de vinasses, 


des 


dans les deux autres on a remplacé l’eau par 
20 °/, et 40°}, de vinasses. 


Liquide fermenté 
quantité par litre 


Acidité volatile Ethers 
en acide en acétate 
acélique d’éthyle 
Lev. 1 Lev. 4 Lev. 1 Lev. 4 
Témoin 0 gr. 218 0,254 0,053 0,044 


Ad. de 20°}, 
de vinasse 0, 272 0,119 
Ad. de 40° 

de vinasse O0, 


0,068 0,076 


500 0,545 0,081 


Nous constatons que les deux levures donnent 
des teneurs d’acides et d’éthers différentes. 

Cette influence de la vinasse est confirmée par 
l'étude des eaux-de-vie obtenues ; on ensemence 
trois litres de moût mélassé avec une levure de 
rhum. 

Le ballon A sert de témoin, le ballon B con- 
tient 50°/, de vinasse, enfin le ballon C est dilué 
de moitié par l'addition d’eau. 


0,109 


Quantités pour cent d'alcool à 100° 
en milligrammes 


A B C 

Acides volatils... 102,5 226,7 62,7 
Aldéhydes........ 75,9 75,3 101,9 
Furfurole tee 157 D 1,8 
Bphérs eee CRT 248,6 154,9 
Alcools supérieurs 48,0 43,5 78,9 
Coefficient non 

AICOOLRRCEEE 500,6 596,8 400,2 


Le rhum B a donc le coefficient d’impuretés le 
plus élevé; par contre, la dilution l’a laissé au 
taux d'un rhum de vesou; les aldéhydes, les 
alcools supérieurs ont augmenté, mais il y a 
une éthérification moins forte. 

Les nombreux travaux publiés ont appris com- 
bien les levures se différencient non seulement 
morphologiquement, mais surtout physiologi- 
quement; les levures de rhum nous en fournis- 
sent un nouvel exemple. 

Lorsqu'on ensemence un même moût mélassé 
avec une levure basse ou un schizosaccharo- 
myces, retirés tous les deux de la même mélasse 
de canne, on voit que ce dernier donne un coefti- 
cient non alcool bien inférieur : 


Quantilés pour cent d’alcol-à 100° en milligrs, 


Levure basse Schizosaccharomyces 


Acides volatils... 100,0 163,6 
Aldéhydes....... 62,2 26,4 
Euriurol er 0" 175 BK 7 
Éthers: Pi 4k,9 34,2 
Alcolssupérieurs. 225.0 31,8 
Coeff. non alcool. 433,6 259,7 


E. KAYSER. — LA FABRICATION DU RHUM 


La différence provient surtout de la faible 
teneur en alcools supérieurs produite par le Schi- 
zosaccharomyces; si nous faisons intervenir une 
levure à voile, nous obtiendrons des quantités 
d'éthers 20 à 25 fois plus élevées. Grâce à son 
emploi, il est facile de faire changer le taux des 
éthers : il suffit de varier la proportion de levure 
ensemencée ou de retarder le moment de son 
ensemencement, On produit ainsi des rhumsplus 
ou moins éthérés. La combinaison de deux levu- 
res permet ainsi d'obtenir des liquides alcooli- 
ques très différents. 

Lorsqu'on fait durer les fermentations plus ou 
moins longtemps, on constate que /e temps a pour 
conséquence de faire augmenter le coefficient 
non alcool, par suite de l'augmentation des aldé- 
hydes et des alcools supérieurs, lorsqu'il s'agit 
de fermentations pures; par contre, on constate 
l'augmentation des acides, des éthers, quelque- 
fois des alcools supérieurs, lorsqu'il s’agit de 
fermentations émpures. 

Cette étude nous montre quel rôle important 
revient aux ferments agissant dans la fabrication 
du rhum ; elle nous apprend, en outre, qu'il con- 
vient d’être circonspect avant de conclure à un 
rhum de vesou ou de mélasses, et ceci d’autant 
plus que l’emploi des ferments sélectionnés 
commence à se propager peu à peu dans nos 
colonies. 

Il suffit de faire un choix judicieux et un 
emploi rationnel du ferment, d'en connaitre les 
propriétés et les exigences; leur mutiplication est 
facile grâce aux appareils de fabrication dont il 
existe de très bons dans le commerce. 

Mais cetteapplication des levures sélectionnées 
a comme corollaire d'observer partout la plus 
grande propreté, notamment dans la conservation 
de la mélasse, des vinasses, d'effectuer des net- 
toyages répétés de la tuyauterie, de la boïiserie, 
des planchers, des murs, des fûts, à l’eau de chaux, 
à l'acide sulfurique, à ia vapeur bouillante. 

Nous pouvons ajouter que les rhummeries qui 
travaillent avec des levures sélectionnées obtien- 
nent des produits de composition plus constante, 
souvent un coeflicient non alcool faible, un meil- 
leur rendement et, ce qui n’est pas à dédaigner, 
une diminution notable de la durée de fermenta- 
tion, qui est tombée de quatre à cinq jours à 
trente-six heures. 


E. Kayser, 
Directeur du Laboratoire de fermentation 
à l'Institut national Agronomique. 


E. STOCK. — LA LOCALISATION DES PROJECTILES 169 


LA LOCALISATION DES PROJECTILES PAR LA RADIOGRAPHIE 
SUIVANT LA MÉTHODE DU D" GUILLOZ 


Les méthodes radioscopiques de M.le D'A. 
Béclère, appliquées au Val-de-Grâce par M. le 
D' Lehmann et au Grand Palais par M. le profes- 
seur Debierne, donnent une localisation élégante 
et rapide des projectiles, 

La méthode radiographique basée sur l’em- 
ploi du compas de M. Hirtz a donné à M. le 
Dr Ménard, de l'hôpital Cochin, qui lui-même 
a perfectionné ce compas, de très brillants 
résultats. 

Malgré la perfection de ces méthodes et d’au- 
tres encore nées des besoins du moment, dont 
plusieurs ont déjà été décrites dans cette 
revue!, nous croyons être utile aux radiologues 
en exposant la méthode de M. le D' Guilloz, 
professeur agrégé à la Faculté de Médecine de 
Nancy. 

Cette méthode relativement ancienne ?, qui a 
fait ses preuves, appliquée à la recherche des 
projectiles a déjà rendu d’éminents services. 

La méthode consiste à rattacher le projectile 
à trois points de repère choisis sur le corps du 
blessé, par les distances rectilignes du projec- 
tile à ces trois points. Elle emploie, à cet effet, 
le calcul, qui lui donne la généralité, la rigueur 
et la précision. La méthode utilise comme inter- 
médiaire deux projections coniques du corps 
étranger et des trois repères. Ces projections 
radiographiques, prises sur la même plaque 
photographique, sont transformées en projec- 
tions orthogonales relatives à un trièdre de réfé- 
rence. Le calcul pratique très élémentaire des 
coordonnées du projectile et des repères est 
aisément compréhensible; il est d’ailleurs un 
simple intermédiaire qui permet d'obtenir les 
distances mutuelles des points. 

Ultérieurement, l'intervention du chirurgien 
se trouve entièrement dégagée de la position 
occupée par le blessé durant les opérations ra- 
diographiques ; il n'a pas davantage à se préoc- 
cuper des calculs. Il choisira son point d’atta- 
que librement et aisément à l’aide d'un compas 
rustique, mais souple et précis, qui lui servira de 
guide. 

Pour faciliter la compréhension du caleul, 
nous rappellerons brièvement les deux princi- 
pes mathématiques sur lesquels il repose. 


1. Voir notamment: 15 janvier 1915, p. 5; 20 mars 1915, 
p. 193, et 15 juin 1915, p. 345. 
Voir Annales d'Electrobiologie, juillet-août 1901, p. 
#70, 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 


J. —— PninciPes MATHÉMATIQUES 


$ 1. — Equations de la droite joignant deux points 
de l’espace. — Distance de deux points 

1° Soit (fig. 1) OXYZ un trièdre trirectangle, 

À un point de coordonnées (a, b, e) et B de coor- 

données (/, m, n), M un point quelconque de AB 


Z 


Fig. 1. 


de coordonnées x, y, :. — Les projections sur OX 
des points À, B, M, sont définies par les contours 
de leurs coordonnées. Les trois plans Aa, Mr, 
B!, sont parallèles à YOZ. Ils coupént AB et 


OX suivant des segments proportionnels : 
AM ax _ Ox—Oa 
AB a. O—Oa 


En projetant de même les trois points À, B, M 
sur l’axe OY, on a pareillement : 


T—4 


1=G: 


NOTE 
1 PE) 
et sur OZ : 
AM Viet 
AD et 
En résumé : 
L— 4 y— b 3—c 


(1) DE Ab à n—c 


Ces relations segmentaires sont algébriques 
et conviennent à tous les cas de la figure. Elles 
forment les équations de la droite AB. 

2° La géométrie montre que le carré de la dia- 
gonale d’un parallélipipède droit à base rectangle 
est égal à la somme des carrés des trois arêtes. 
D'autre part, si par À on mène des parallèles aux 
axes OX, OY, OZ, on peut construire sur ces pa- 
rallèles un parallélipipède dont AM serait la dia- 
gonale. Les arêtes de ce parallélipipède sont 
égales aux projections de AM sur les axes respec- 
tivement parallèles OX, OY, OZ. Les valeurs 
algébriques de ces projections sont : sur OX, 

3 


470 E. STOCK. — LA LOCALISATION DES PROJECTILES 


ar —=x— a, pareillement sur OY,y—b, etsur OZ, 
z—c, d'où : 


S2. — Transformation des projections biconiques 
en projections orthogonales 


Soit (fig. 2| SF —s le déplacement du centre de 
projection qui est parallèle à un plan fixe, celui 
de la plaque. Soit OZ un axe perpendiculaire à ce 
plan, OX un axe pa- 
rallèle à SF dans le 
plan de la plaque, 
OY un axe perpen- 
diculaire à XOZ et 
par suite dans le 
plan de la plaque. 
Le plan de la plaque 
n’est pas nécessaire- 
ment horizontal. 
Soit M un point de 
l’espace, s sa projec- 
tion conique de centre S, (4, &) les coordonnées 
de s dans le plan NXOY; les coordonnées de s 
dans l’espace O, X, Y, Z, seront : (a, b, 0). Celles 
de S sont : (0,0, 2). Les équations de Ja droite Ss 
seront d’après les équations générales (1) : 


(2). 


dé Fig..2° 


CESR 


LOND. 


3— 
=? 

Soit de même / la projection conique de F sur 
XOY; SF étant parallèle à OX du plan XOY, 
sf sera parallele à OX. Si nous désignons la lon- 
gueur s/ par p, les coordonnées de / dans le plan 
XOY seront : (a — p, b)et dansl’espace(a — p, b, 0). 
Celles de F seront : {s, 0, 4). D’après (1), les 
équations de la droite F/ seront : 


L—S y _3z—h 


> DE 
a —p —s b — / 


Les coordonnées x, y, z de M satisfont aux 
équations (1) et (2) qui donnent : 


æ #5 MES Vs Œ — (7 —s) s y 
ad OQ—p—s  a—{a —}5 —Ë) TEE =; 
D'où : 
as bs 
Li 2 DE - 
pP+s p +s 
On a également : 
s À z—/ 
PES — / 
Par suite : 
nl a TEEN), z 
p +s Ki =} à DES De 
D'où : 
TNT. 
i P TE S 


En résumé, les coordonnées cartésiennes tres 
simples du point M sont : 


as NUS pl 
PS 

Il faut remarquer que les projections s, /, peu- 
vent se trouver dans un quelconque des qua- 
tre angles formés par OX, OY. Les nombres 
a, b, a— p, sont par suite algébriques. Il en sera 
de même pour », y, =. 

Si M est le projectile, on obtiendra sur la pla- 
que, à l’aide d'éléments analogues, les coordon- 
nées cartésiennes des trois repères À, B, C parle 
tableau : 


(A = pet, à, = 
Pa TS Pi +S INEES 

(B) Lo — EE Us —= des RE Po 
fl P2 TS A Pots È PS 

as b.s Pall 

C) DUN——= 3 — 3 A z 3 
| P3 TS PET RS F7 pacs 


Détermination des distances : 
MA = Er) y) (eee 
MB°= (2 — 2) + (y — 72)? + | 
MC = (2 — 23) + (9 — vs) + (5 — 23 
En extrayant les racines carrées, on a : 
MA—V(r—,) + (y — y, +(z—3,} 
et pareillement MB et MC. On a finalement une 
vérification en calculant pareïllement les distan- 
ces AB, AC, BC, qu'on peut d’autre part mesurer 
directement sur le sujet. 

On peut ainsi fixer l’approximation sur la- 
quelle on peut compter. Elle est de l’ordre des 
mesures expérimentales. 

La méthode à permis de rechercher des corps 
métalliques intra-oculaires dont le poids ne 
dépassait pas un quart de milligramme. 

La recherche des projectiles sera en général, 
vu la dimension des objets à rechercher, beaucoup 
plus facile à effectuer par la même méthode. 


ti 
La] 
12 
— 
12 


II. — OPÉRATIONS RADIOGRAPHIQUES 
$ 1. — Réglage de l'ampoule 


Un eylindre creux en cuivre (opaque aux 
rayons), de 2 cm. de hauteur et 4 em. de diame- 
tre, portant deux fils de plomb croisés en R dans 
un plan de section droite, suivant deux diamètres 
rectangulaires, formant ainsi un réticule, est 
susceptible d’être invariablement lié à l’ampoule 
à l’aide de trois tiges d'aluminium. On règle une 
fois pour toutes le cylindre de manière que son 
axe passe par le centre d'émission des rayons. 
L’axe du cylindre doit, de plus, être normal à la 
plaque ; on réalisera cette condition en déplaçant 
l’ampoule de manière à amener la base inférieure 


E. STOCK. — LA LOCALISATION DES PROJECTILES 


du cylindre provisoirement en contact avec la 
plaque. Dans le relèvement de l’ampoule, la base 
du cylindre se déplacera parallèlement à elle- 
même, le mouvement général étant une transla- 
tion. Enfin, les liaisons du pied qui porte 
l’'ampoule permettront de s'assurer que le dépla- 
cement du centre d'émission se fera parallèlement 
à la plaque. On remarquera encore ici que le 
plan de la plaque peut n'être pas horizontal. 
Toutes les conditions du etleul sont remplies. 


$ 2. — Prise des repères 


La position approximative du projectile étant 
déterminée par une radioscopie préliminaire, on 


Z 


d\ 


CL 


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' 
1 
1 


Ca 
| 
el 


sK-- 
[l 


placera sur la peau du blessé, dans la région 


eonvenable repérée par la radioscopie, une 
fourche en plomb à trois branches, de deux mil- 
limètres d'épaisseur, ayant la forme représentée 
sur la figure 3. 

La fourche est flexible, et peut se modeler 
exactement sur la peau. Trois trous circulaires 
seront les repères À B C. On les marquera sur la 
peau au thermocautère, pour replacer facilement 
la fourche au moment de l'opération. 


$ 3. — Radiographie 


On prend suivant l'usage habituel les deux 
radiographies de centre S et F, suecessivement 
sur la même plaque. 

On observera que, si la section droite de ce 


471 


cylindre est bien parallèle à la plaque, autrement 
dit si le réglage est bon, les ombres diffuses du 
cylindre sont, chacune, circulaires et de même 
dimension. Supposons ces conditions remplies; 
alors les projections du point de croisée des fils 
du réticule nous donnent les projections ortho- 
gonales des centres d'émission sur la plaque ; en 
les joignant par un trait, on aura l’axe OX des 
abscisses et on pourra tracer l’axe OY perpendi- 
culaire. Enfin, si le blessé n’a pas bougé, la 
droite #7, qui joint les projections de À devra 
être parallèle à OY. Les droites analogues pp,, 
88, et 1, seront également parallèles à OX. 


$ 4. — Mesures sur la plaque 


On marque un point sur la gélatine, en «57 m, 
2 Bi nm retr,, on traceles axes OX, OY et on 
mesure, en se servant d’un compas et d'un dou- 
ble décimètre, les coordonnées a b, a, b,, a, b», 
ay b, des points "1, «, 6, y. On mesure de même 
rr, —s et les déplacements p,p,, p», pa des pro- 
jections respectives de M, A, B, C. La plaque 
donne aussi la hauteur L du centre d'émission au 
dessus de la plaque. Nous connaissons, en effet, 
le diamètre s du cylindre. Soit d la distance RS. 
Nous pouvons mesurer le diamètre extérieur d’un 
anneau de projection. Deux triangles 
rectangles semblables donnent alors 

ki AE d A 
i—=5 d’où A — TE? 

qui donne k, car d est déterminé à 
l'avance une fois pour toutes, et si 
l'ampoule reste réglée comme on la 
dit. 

En résumé, la plaque donne tous les 
chiffres nécessaires au calcul, y com- 
pris set /. 


$ 5. — Calcul des distances 


Ce calcul peut être fait par un élève 
d'école primaire. Il ne comporte que des multi- 
plications et divisions de nombres de deux ou 
trois chiffres pour le calcul des coordonnées. 

Pour le calcul des différences x — x, 
remarquer que, sir et », sont algébriques, il 
suffit d’avoir la valeur absolue de &— x, qu’on va 
élever au carré; six et x, sont de mêmes signes, 
la valeur absolue de :— x, est la différence arith- 


, on peut 


métique des valeurs absolues de xet dex,;sizet 
x, sont de signes différents, la valeur absolue de 
r—x, estégale à lasommedes valeurs absolues de 
x etx,. Le calcul des carrés etdes racines se fera 
très vite et aisément à l'aide d’une table. 

Enfin remarquons que l’usage de la règle à 
calcul réduit l’ensemble à quelques additions et 
soustractions et donne une approximation qui 


Æ 
=] 
LD 


E. STOCK. — LA LOCALISATION DES PROJECTILES 


est de l’ordre des mesures expérimentales, de 
même ordre que l’approximation des calculs 
effectués avec une table de logarithmes à trois 
décimales. 

Rappelons qu'on a mesuré sur le blessé les 
distances rectilignes AB, BC, CA des repères, et 
qu'on a pu mesurer aussi 4. Ces mesures permet- 
tent de contrôler les calculs et réciproquement. 


$ 6. — Description du compas 


Tousles compas localisateurs des radiographes 
sont basés sur le principe du compas à 4 bran- 
ches des sculpteurs. Ils différent par la réalisa- 
tion mécanique des mouvements des 4 branches 
(compas de Remy et Contremoulin, de Guilloz!, 
Massiot et Hirtz, repéreur Marion-Danion). Le 


M 


Fig. 9. 


Fig. 6. 


D: Guilloz a utilisé son premier compas pour des 
recherches de corps métalliques intra-oculaires 
et de projectiles intra-craniens. Pour la recher- 
che des projectiles, il a imaginé un nouveau com- 
pas à 4 branches, rustique et souple, facile à 
construire et d’un prix modique, ce qui permet- 
tra de le répandre facilement. 

Le mécanisme du premier est remplacé par 
trois branches déformables, sans effort trop 
marqué, etsans risque de rupture. Ces branches 
sont soudées entre elles à uneextrémité formant 
ainsi la tête du compas. Lesextrémitéslibres des 
branches pourront, en réglant à la main leur écar- 
tement, s'engager dansles trois trous dela fourche 
pris comme repères. Les tiges sont marquées 
A, B, C oubleu, blanc, rouge, pour la suite des 
opérations. L’aiguille indicatrice forme la qua- 
trième branche du compas.Elle passe à frottement 
doux dans un canal cylindrique, creusé dans 
une sphère. L’axe du cylindre passe par le centre 
de la sphère, laquelle tourne librementdans deux 
mâchoires sphériques, ce qui permet de faire 
tourner l'aiguille indicatrice autour du centre de 
la sphère. La pièce qui porte les machoires tourne 
à volonté autour de l’axe d’une tige rectiligne, 
qui elle-même peut glisser à frottement doux 


1. Mentionné dans les Annales d'Electrobiologie de 1901, 
p. 484. — Décrit complètement avec figure dans le Traité de 
de Radiologie médicale de M. Bouchard, p. 990. 


dans la tête du compas. Tous ces mouvements, 
qui peuvent être arrêtés par des vis de pression, 
donnent à l'aiguille indicatrice une liberté sura- 
bondante qui lui permet de prendre, dans un 
champ assez vaste, toutes les positions. 

Dans un second modele plus simple, le mou- 
vement de l'aiguille indicatrice est guidé seule- 
ment par un joint sphérique porté parlatête du 
piston. Dans un troisième modèle, le joint sphé- 
rique même est supprimé. La tige glisse dans un 
tube cylindrique creusé dans la tête du compas, 
etlaflexibilité des branches est employée pour sa 
mise en place. 

Le compas est complété par trois fils métalli- 
ques, réunis à une extrémité par un petit anneau 
et susceptibles de passer dans de petits canaux 
quis'ouvrent aux extrémités À, B, C, du compas. 
On mesure sur ces fils bleu, blanc, rouge, des dis- 
tances égales aux distances calculées MA, MB, 
MC, et on arrête ces fils en À, B, C à l’aide de 
petits tambours à pression, de manière que les fils 
tendus donnent une représentation exacte du 
tétraède M À B C. Si alors on tend les fils en 
engageant l'aiguille indicatrice dans l'anneau M, 
celle-ci marquera la position relative du projec- 
tile M par rapportaux repères A,B,C. Les quatre 
tiges mises en place, par déformation, sont 
cependant assez rigides pour constituer un SYS- 
tème indéformable pour les opérations conséer- 
tives. Pour extraire le projectile, on replacera la 
fourche sur le patient, et le compas sur la four- 
che. On devra pour cela retirer l'aiguille indica- 
trice pour l’amener en contact avec la peau du 
patient. Le chirurgien a l'indication d’un point 
d'attaque, et le retrait de l'aiguille indique la 
profondeur à laquelle se trouve le projectile. La 
souplesse du compas permet d’ailleurs de faire 
varier le point et la direction de l'attaque; enfin 
la profondeur peut être marquée sur l'aiguille 
indicatrice par un repère. 

Pour l'opération, l'aiguille indicatrice sera 
remplacée avantageusement par l'aiguille élec- 
trique de Guilloz pour la recherche des corps 
étrangers. 


$ 7. — Exemple. 


Détermination relative à un éclatlocalisé dans 
le poumon droit. A l'examen radioscopique, le 
malade debout, l’éclat apparait à 4 centimètres 
environ de la colonne vertébrale dans un plan 
horizontal passant par l’omoplate. La radiogra- 
phie est prise le malade couché, le ventre sur la 
plaque, l’opération devant être faite surla face 
postérieure du sujet. Les éléments mesurés sur 
la plaque sont : la distance des images de source 
s — 67millimètres et les éléments a, 4, p, relatifs 


D 


F. PÉCHOUTRE. — REVUE DE BOTANIQUE 


aux sommets du tétraède et donnés par le 
tableau ([) en millimètres. 


Pour correspondre 


ee M A B Le: avec le cliché 
a | 4o,5 | 11 | 12 |100 M Eclat 

D) VH/\ Ca,8 17 45! | 2 A Repère 2 
p lag,5 | 34 | 33 | 28 Bat 3 


C — d] 


On connaît la distance de la source au plan 
réticulaire d —300 mm ; on peutalors calculer k — 
600 mm. et à l’aide des formules on a obtenu les 
coordonnées cartésiennes données par le ta- 
bleau (II) en mm. 


M A B C 
x | 31.3 7:9 8,04 | 70.5 
ID 7 | 21.6 230110 A 
241199211202 198 177 


Ces coordonnées donnent les distances calcu- 
lées, qu'on peut rapprocher des distances mesu- 
rées ; on à ainsi le tableau (II) : 


473 


On remarquera que, dans le cas choisi, l'éclat 
etles repères sont très éloignés de la plaque. 
Cette circonstance est parliculiérement défa- 
vorable : les images des repères sont moins 
nettes, ces repères étant pris de dimension 
assez grande pour avoir des projections trés 
visibles. 

On objectera peut-être que le triédre MABC 
peut également se construire au-dessus du plan 
ABC. En pratique, cela ne peut être que tout à 
fait exceptionnel. Le repérage approximatif 
étant fait, s’il y avait le moindre doute, le calcul 
permettrait de trancher la question. Si M et 0 
sont par rapport au plan dans la même région, 
la fonction premier membre de l'équation du 
plan prend le même signe quand on ÿ remplace 
les coordonnées courantes par celles de M, puis 
de O. Cette fonction prend des signes différents 
dans le cas contraire. 


E. Stock, 


Professeur de Mathématiques 
à l'Ecole Professionnelle de l'Est 
et à l'Ecole Supérieure de Commerce, 
Chargé de la Radiographie à l'E. P. E, 


Distances | AM BM CM 
calculées Jia r 84 mm 6ommsg 
IT) Pour vérilication { Distances | AB BC | CA 
calculées |{imm6, 53,1 | 68,7 
mesurées | 41,0 | 51,5 | 68 
REVUE DE 
1. — MonPnoroGie 


Les conceptions actuelles de la morphologie 
végétale reposent avant tout sur la doctrine de 
la métamorphose, Le polymorphisme des orga- 
nes végétaux n’est autre chose qu'un modelage 
varié à l'infini de quelques formes fondamentales 
très peu nombreuses, et d’une plasticité telle 
qu'il suflit d’un changement dans les conditions 
d'existence ou d’une adaptation à une nouvelle 
fonction pour provoquer un changement de forme, 
une métamorphose. Et cette métamorphose est 
réelle et non point spéculative, comme le croyait 
Goethe. Il ne s’agit point, par exemple, d’une 
feuille idéale, ni même d’un rudiment foliaire 
indifférent qui ici se transforme en vrille et 
là en écaille; il s’agit d’une feuille qui ébauche 
réellement les caractères que lui impose son 
hérédité et qui, changeant de fonction dans le 
cours de son développement, change aussi sa 
forme primitive. Les exemples ne manquent pas 
d'organes modifiant sous nos yeux leur forme en 


BOTANIQUE 


même temps que leur fonction. Dans l'Erable 
Faux-Sycomore, les écailles des bourgeons, si 
différentes pourtant des feuilles adultes, ébau- 
chent des limbes qui disparaissent ensuite. Dans 
le Lis blane, les feuilles inférieures fonctionnent 
d'abord comme des feuilles assimilatrices ordi- 
naires; plus tard, la base de ces feuilles se renfle 
et se métamorphose en une écaille gonflée de 
réserves nutritives, tandis que le sommet périt. 
C’est également une métamorphose que l’on sur- 
prend sur le fait dans une Combrétacée grim- 
pante, le Quisqualis chinensis, où des parties des 
feuilles ordinaires changent leur forme et devien- 
nent des crochets solides et ligneux fonction- 
nant comme des vrilles, tandis que le limbe 
foliaire disparait. Ainsi comprise, la morpho- 
logie devient, suivant l'expression de Massart, 
l'étude de la filiation des organes, l'image du 
développement phylogénétique et des transfor- 
mations survenues dans le cours des temps. Et, 
en fait, l'évolution de la feuille et de la tige est 
aujourd'hui suffisamment connue; seule l’his- 
toire de la racine, qui apparait brusquement 


EF 
1 
CS 


F. PÉCHOUTRE. — REVUE DE BOTANIQUE 


chez les Cryptogames vasculaires, reste comple- 
tement énigmatique. 

Métamorphose florale. — S'il est un organe 
auquel la théorie de la métamorphose foliaire 
semblait s'appliquer sans réserve, e’était bien 
la fleur. Cette doctrine, édifiée sur la considé- 
ration exclusive des Angiospermes, et à une 
époque où les relations des Phanérogames et des 
Cryptogames n'étaient même pas soupçonnées, 
considérait la fleur rameau feuillé 
métamorphosé. Mais une telle conception n’est 
plus en harmonie avec les progrès de nos con- 
naissances sur la filiation des Cryptogames et des 
Phanérogames, et Bower!, le savant professeur de 
l’Université de Glasgow, qui poursuit depuis 
longtempsdes travauxæestimés sur la morphologie 
des membres producteurs de spores, s’est atta- 
ché à reviser la théorie de l’origine de la fleur et 
à montrer qu'elle ne pouvait être considérée 
comme le résultat de la métamorphose d’une 
pousse végétative. Le cycle vital de toute plante 
vasculaire, qu’il s'agisse d'une Cryptogame vas- 


comme un 


culaire ou d’une Phanérogame, comprend une 
phase de propagation, c'est-à-dire une phase de 
formation de spores aussi importante, aussi né- 
cessaire que la phase végétative etaussi ancienne, 
car les plantes vasculaires fossiles n'échappent 
pas à cette loi. S'il en est ainsi, l’origine de la 
fleur et notamment l’originede ses parties essen- 
tielles, c’est-à-dire deses organes sporangifères, 
étamines et carpelles, ne saurait être attribuée à 
une innovation, à une apparition survenue dans 
le cours de l’évolution, superposée à une phase 
végélative préexistante et formée à ses dépens. 

Peu importe d'ailleurs que l'appareil végéta- 
tif apparaisse dans la plupart des cas avant l’ap- 
pareil floral. 

On futamené à la suite de ces considérations à 
renverser la proposition de Goethe; la plante 
aurait été à l’origine sporifère dans toute son 
étendue, et c'est par une stérilisation de certai- 
nes de ses parties que l’appareil végétatif aurait 
pris naissance. Ces parties stérilisées se seraient 
consacrées à la seule nutrition; en fait, des sté- 
rilisations analogues ontété obtenues expérimen- 
talement avec des feuilles de Fougères et elles 
sont de même ordre que la transformation des 
étamines en pétales ou des carpelles en feuilles 
vertes. 

Rien ne prouve que cette théorie de la stérili- 
sation ne représente pas Pultime vérité, Mais, 


1.F. O. Bower : The origin of a land flora A.theory ba- 
sed upon the facts of alternation, In-8°, XI, 727 pages, 361 fig. 
Macmillan and C°, London, 1908, — Ip. : Plant-life onland con 
sidered in some of its biological aspects. 12-12, 172 p., 27 
fig. Cambridge : at the University Press, 1911. 


dans l’état présent, nous ne sommes pas capables 
de voir aussi loin que l’origine premiere de l’ap- 
pareil végétatif et de l’appareil reproducteur. 
Une autre vue qui ne soulève pas les questions 
d’origine a été suggérée à Bower par la consi- 
dération des plantes vasculaires les plus simples. 
La pousse feuillée de ces plantes ne présente 
pas de spécialisation; chacune des parties y 
remplit toutes les fonctions. À mesure que l’on 
s’élève dans la série, la différenciation intervient, 
et les deux fonctions reproductrice et nutritive 
sont accomplies par des régions diverses de la 
pousse. Deux plantes illustrent bien cette ma- 
nière de voir : la Fougère mâle et la plante à 
massues, le Lycopodium Selago. Dans la pre- 
mière, le rhizome porte des feuilles toutes sem- 
blables entre elles, larges et abondamment 
ramifiées, et toutes sont fertiles, quand la plante 
est bien nourrie; quand elles sont jeunes, elles 
protègent le bourgeon terminal, et quand elles 
sont adultes, elles assurent à la fois la nutrition 
et la propagation. Ces trois fonctions : protec- 
tion, nutrition, propagation, sont remplies chez 
les Phanérogames par des feuilles différentes. 
Mais déjà, chez les Fougères, on constate une 
indication dans la séparation des fonctions; dans 
le Blechnum spicant, les feuilles fertiles et les 
feuilles stériles, quoique fondamentalement 
semblables, différent par leur contour; et dans 
l'Osmonde royale certaines feuilles rudimen- 
taires servent uniquement à la protection. Ces 
faits confirment donc l'hypothèse de la spécia- 
lisation des divers segments de la pousse. 

Dans le Lycopodium Selago, la démonstration 
est plus claire : la tige porte de petites feuilles 
toutes semblables ; elle parait uniforme dans 
toute son étendue, bien qu’elle soit divisée en 
zones successives alternativement stériles et fer- 
tiles. Dans la zone fertile, chaque feuille porte 
un sporange à son aisselle ; dans la zone stérile, 
les sporanges sont absents ; maïs à la limite des 
zones fertiles on trouve des sporanges avortés et 
accidentellement des sporanges isolés dans les 
zones stériles. Les deux fonctions nutritive et 
reproductrice ne sont donc que partiellement 
séparées dans cette plante. Maïs, dans la mayo- 
rité des Lycopodiacées, les sporanges sont eon- 
densés avec les feuilles qui les portent au som- 
met de la tige en forme de cône ou de strobile. 
Ces cônes sont les prototypes de la fleur, tandis 
que les régions stériles représentent le feuillage 
des plantes supérieures. La fleur n’est pas le ré- 
sultai de la métamorphose d’une pousse feuillée; 
il est plus probable que pousse feuillée et fleur 
proviennent d’une origine commune. S'il y a eu 
métamorphose, elle a sans doute consisté en la 


F. PÉCHOUTRE. — REVUE DE BOTANIQUE 475 


transformation de feuilles fertiles en feuilles 
stériles par avortement des sporanges. C’est l’ex- 
plication précisément epposée à celle que Gæthe 
désignait sous le nom de métamorphose progres- 
sive et que Bower propose de remplacer par 
celui de stérilisation. La découverte récente des 
leurs des Bennettitées fossiles justifie cette 
hypothèse. Ces plantes, comme les Cycadées 
actuelles auxquelles elles se rattachent, avaient 
de nombreux caractères de Fougère, mais elles 
produisaient des graines; le fait le plus important 
au point de vue qui nous occupe est le caractère 
filicéen de leurs feuilles staminales. Quant au 
calice et à la corolle, ils ont des origines diffé- 
rentes : le calice provient de bractées adaptées à 
la protection de la fleur et la corolle provient 
certainement dans certain cas d'étamines détour- 
nés de leurs fonctions. 


IT. — LA ceLLULE 


Les Mitochondries. — L’attention des histolo- 
gistes se concentre actuellement sur de petits 
corps figurés qui paraissent être des constituants 
normaux du protoplasma et que l’on nomme des 
mitochondries ou des chondriosomes. Décou- 
verts depuis 1886 chez les animaux, ils ont été 
décrits pour la première fois en 1904 chez les 
végétaux par Meves !, dans le tapis des jeunes 
anthères de Nymphæa alba; les cellules de ce 
tapis contiennent de nombreuses vacuoles, un 
ou deux noyaux et en outre de nombreux fila- 
ments, allongés et irrégulièrement enroulés, 
colorables par l'hématoxyline au fer. Dans la 
plupart des cellules, ces filaments sont concen- 
trés en une ou deux places sous forme de nodo- 
sités et Meves ajoute que, par leur aspect et leur 
coloration, ces filaments ne diffèrent pas des 
mitochondries des cellules animales. À partir de 
ce moment, les mitochondries ont été signalées 
par de rombreux auteurs dans les plantes et les 
organes les plus divers; la bibliographie déjà 
chargée de cette question a été mise au point 
avec beaucoup de soin par Guilliermond?, 
Schmidt et Caverst. L'année 1910 marque une 


étape importante dans la connaissance des 


1. F. Meves: Ueber das Vorkommen von Mitochondrien 
bezw. Chondriomiten in Pflanzenzellen, Ber. d. deutsch. bot. 
Ges.,t. XXII, pp. 2584-86; 1904. 

2. A. GuiLiiermonp : Recherches cylologiques sur le mode 
de formation de l'amidon etsur les plastes des végétaux. Arch. 
Anat. microsc., t. XIV, pp. 309-498, 6 pl; 1912. 

3, E. W. Scuuinr: Pfanzliche Mitochondrien. Prog. rei 
bot., t. IV, pp. 163-IS1 ; 1912. — Ip. : Neuere Arbeiten über 
Sn Mitochondrien. Zeitsch. f. Bot., t. IV, pp. 707-713 ; 
1912. 

4. F. Cavers: Notes on recent litterature. Chondriosomes 
(Mitochondria) and theirsignificance, The new Phyt., t. XUI, 
pp. 96-106 et 170-180 ; 1914. 


mitochondries végétales; c'estla date d'apparition 
de trois travaux qui forment encore aujourd'hui 
la base de nos connaissances sur ce sujet el 
qui sont dus respectivement à Lundegard', à 
Lewitsky ? et à Pensa *. 

Par plusieurs méthodes appliquées à l’étude 
des sommets des racines de Vicia Faba sur des 
objets fixés ou vivants, Lundegard arrive à cette 
conviction qu’une partie tout au moins des struc- 
tures décrites comme des mitochondries sont 
des plastides déformés par l’action des fixateurs 
et par conséquent des produits artificiels. Mais 
les critiques de Lundegard perdent une grande 
partie de leur valeur devant les beaux travaux de 
Lewitsky et de Pensa, qui orientent dans une 
direction toute nouvelle les investigations sur les 
mitochondries. L'un et l’autre sont arrivés indé- 
pendamment à des résultats concordants. Les 
mitochondries ne sont pas des artifices de pré- 
paration ; on ne les rencontre pas dans le noyau 
et elles ne proviennent pas de lui : elles se mul- 
tiplient par division ; au moment de la division 
des cellules somatiques, elles se rassemblent aux 
pôles du fuseau, tandis que, dans la division des 
cellules mères du pollen, elles forment un man- 
teau autour du fuseau sans atteindre les pôles. 
Maïs le résultat le plus remarquable obtenu par 
ces savants est la preuve que les mitochondries 
se transforment en leucites et chloroleucites ; à 
mesure que la cellule vieillit, le nombre des mi- 
tochondries diminue et celui des leucites aug- 
mente. Durant les années 1911 et 1912, Guillier- 
mond' a publié une série de recherches sur le 
rôle des mitochondries comme précurseurs des 
leucites et il a confirmé et étendu les résultats 
obtenus par Lewitsky et Pensa. 


III. — PaysioLoGiE DE LA NUTRITION 


1. Respiration. — Le mécanisme de la combus- 
tion respiratoire reste toujours l’une des grosses 
préoccupations des botanistes; cette combus- 
tion, qui porte exclusivement sur les principes 


1. H, LuxoeGarp : Ein Beitrag zur Kritik zweier Vererbun- 
gshypothesen. Jahr wiss, Bot., t. XLVIII, pp. 285-378 : 1910. 

2. G. Lewrrsxkx : Ueber die Chondriosomen in pflanzlichen 
Zellen. Ber. deutsch. Bot. Ges., t. NXIX, pp. 538-546; 1910 
— Ip. : Vergleichende Untersuchungen über die Chondrio- 
somen in lebenden und fixierten Pflanzen. /bid., t. XXIX, 
pp. 685-696.— Ip. : Die Chloroplastanlagen in lebenden und 
fixierten Zellen von Elodea canadensis. /bid., pp. 697-703. 

3. A. PexsA : Alcuni formazioni endocellulari dei vegetali. 
Anat. Anz.,t XXXVII, pp. 325-333; 1910. — In : Osservalioni 
di morfologia e biologia cellulare nei vegetali. Arch. f. Zell- 
forsch.,t. VIIT,- pp. 612-663; 1912, 

4, À. GuicciermoNp : Nombreuses publications dont la 
plus importante est: Recherches cytologiques sur le mode 
de formation de l’amidon et sur les plastes des végétaux 
(leuco-, chloro-, et chromoplastes}, Arch. d'Anat.microsc., 
t. XIV, pp. 309-428, 6 pl.; 1912. 


476 F. PÉCHOUTRE. — REVUE DE BOTANIQUE 


hydrocarbonés, se produit à une température à 
laquelle ces combinaisons ne sont pas attaquées 
par l'oxygène moléculaire et elle estinexplicable 
par les lois ordinaires de la Physique et de la 
Chimie. On a dû avoir recours à des hypothèses 
fondées en partie sur la notion très complexe des 
oxydases. L'explication qui rallie aujourd’hui la 
majorité des botanistes admet dans la respiration 
végétale deux processus successifs : l’un primaire 
ou respiration anaérobie, et l’autre secondaire ou 
respiration aérobie. La respiration anaérobie 
s'effectue par l'intermédiaire de substances qui, 
agissant sur les principes organiques et notam- 
ment sur les sucres, transforment ces combinai- 
sons difficilement oxydables en produits faci- 
lement oxydables. En l'air 
atmosphérique, la respiration anaérobie conduit 
à la formation d'alcool ou d'autres produits tels 
que les acéltones. Les processus secondaires de 
la respiration, ou respiration aérobie, sont bien 
plus compliqués; ils entrent dans la catégorie 
des phénomènes dits de combustion lente ou 
d'auto-oxydation, 

Cette théorie de l’auto-oxydation de Bach-En- 
gler admet que l'oxygène moléculaire se fixe sur 
des substances auto-oxydables, ou « auto-oxyda- 


l'absence de 


teurs », sous forme de peroxydes ; ceux-ci sonten 
état d’oxyder le combustible respiratoire, ou ac- 
cepteur, qui n’est pas oxydable par l'oxygène 
moléculaire, En même temps, le peroxyde insta- 
ble repasse à l’état d'oxyde. Si l’oxyde formé est 
instable vis-à-vis de l’accepteur, la réaction se 
continue indéfiniment; l'auto-oxydateur régé- 
néré reforme au contact de l'air le peroxyde in- 
stable et transporte sans cesse l'oxygène sur 
l’accepteur. Ces réactions dites couplées, for- 
mées de la succession de réactions d'oxydation 
et de réactions de réduction, rappellent les réac- 
tions de catalyse où l'oxygène moléculaire est 
l'acteur, et l’auto-oxydateur l’inducteur. Les oxy- 
dations physiologiques pas autre 
chose qu’un système de réactions couplées où 
l’excitateur caché serait représenté par les oxy- 
dases. 


ne seraient 


Que sont ces oxydases ? Pour Bertrand, ce se- 
raient des substances de la nature de la laccase 
qu'il a extraite du suc laiteux de l’arbre à laque; 
la laccase oxyde ÿn vitro certains corps aromali- 
ques avec fixation d'oxygène et dégagement de 
gaz carbonique, comme dans une véritable respi- 
ration. Comme on trouve dans les cendres de la 
laccase une proportion notable de manganèse, 
Bertrand attribue à la présence de ce métal l’ac- 
tion principale dans le phénomène de l’oxyda- 
tion, Le manganèse à l’état d'hydrate manga- 
neux joue le 


rôle d’auto-oxydateur et fixe 


l'oxygène de l'air sous la forme d'un peroxyde 
instable qui cède ensuite son oxygène à l’accep- 
teur. Pour Bach et Chodat, l'oxydation de l’ac- 
cepteur par l'oxygène de l’air n’est pas directe; il 
existe dans les tissus végétaux une substance de 
nature protéique, l’oxygénase, capable de fixer 
Poxygène à l’état moléculaire; l’oxygénase est à 
son tour décomposée par une autre substance, la 
peroxydase, avec production d'oxygène actif. 
Les oxydases de Bach et Chodat sont ainsi des 
mélanges d’oxygénases et de peroxydases. 

Si ces hypothèses sont correctes, les oxydases 
devront se rencontrer dans lous les organismes 
végétaux; mais beaucoup de plantes se sont 
montrées dépourvues d’oxydases. Dans ce cas, les 
explications précédentes devraient être aban- 
données, ou du moins profondément modifiées. 
Pour Reed!, qui récemment a repris la ques- 
tion, l'absence prétendue d'oxydases est attri- 
buable à une faute de technique ; les extraits ob- 
tenus en broyant les tissus, dans les cas où ils pa- 
raissent dépourvus d'oxydases, ont une réaction 
acide qui paralyse les oxydases. L'acide et la 
diastase sontséparés dans les tissus : en broyant 
les organes, acide et oxydase viennent au con- 
tact. En évitant, par une technique appropriée, 
cette cause d'erreur, on arrive à mettre en évi- 
dence les oxydases dans les plantes qui passaient 
pour en être dépourvues, et il ne semble pas im- 
probable que ces substances se rencontrent dans 
tous les organismes vévétaux. 

La réalité des oxydases étant admise, le pro- 
blème de la respiration végétale n’est pas encore 
résolu, Il reste à déterminer quel est le combus- 
üble qui est brûlé par l'oxygène activé, quelle 
est la forme de l’accepteur. Est-ce l'alcool éthyli- 
que, produit ultime de la fermentation, ou bien 
les produits intermédiaires de cette fermenta- 
tion ? Kostytschew ? et bien d'autres ont publié 
à ce sujet des travaux importants. La fermenta- 
tion alcoolique des graines de pois a été partieu- 
liérement étudiée. En l'absence d'oxygène, il se 
produit, d’après Godlewski et Polzeniusz, une 
fermentation énergique. La zymase y reste active 
dans les graines tuées par le froid, même en 
présence de Polowzow et Mazé 
croient que les graines de pois vivantes, en pré- 
sence de l'air, produisent normalement une fer- 
mentation alcoolique. Mais les recherches de 
Kostytschew ont montré que les graines de pois 


I, "VO 
oxygène. 


1. G, B. Reep: The oxydases of acid tissues. Bot. Gaz., |. 
LVIT, pp. 528-530; 191%, 

2. S. Kosryrscnew : Physiologisch-chemische Untersu- 
chungen über die Pllanzenatmung. T'rav. de la Soc. imp. des 
nat. de Saint-Pétersbourg, t. XLII, série 3, section de botani- 
que, pp. 1-112 (en russe, résumé en allemand), 1911. 


Oo lt 


F. PÉCHOUTRE. — REVUE DE BOTANIQUE 


intactes en présence de l’air ne forment que des 
quantités insignifiantes d’alcoolet que lesgraines 
peléesne produisent aucune trace d'alcool en pré- 
sence de l'air. Les graines et les plantules de blé 
ne provoquent de même aucune oxydation de 
l'alcool en présence de l'air, et la production de 
gaz carbonique n’y est pas influencée par l’al- 
cool. Ces faits prouvent, d’après Kostytschew, 
que, dans la respiration aérobie, l'aleuol n’est pas 
brûlé en gaz carbonique et en eau; l'alcool n’est 
donc pas un produit intermédiaire de la respira- 
tion en présence de l'oxygène. Les quantités in- 
signifiantes d'alcool trouvées par quelques obser- 
vateurs dans diverses plantes sont dues à un 
affaiblissement temporaire des processus d’oxy- 
dation, qui a permis aux produits intermédiaires 
labiles de la fermentation alcoolique de passer à 
la forme stable d'alcool et de gaz carbonique. En 
dehors de ces circonstances, les produits inter- 
médiaires de la fermentation alcoolique sont 
brûlés comme ils le sont par la peroxydase ex- 
traite des graines de blé en présence de l'eau 
oxygénée. On peutdonc représenterpar le schéma 
suivant la respiration des plantes : 


Sucres 


\ 
\ 


NN PA 


N £ 


Peroxyde primaire (oxygénase) 


Oxygène de l'air 
y 


Produits intermédiaires 
de la fermentation alcoolique 


DA 
L x 


/ 
Alcool et CO? ; L 


A 


Peroxyde secondaire. Intervention 
‘de la peroxydase 


CO: et H20 


Ainsi l'absorption d'oxygène n’est que la pre- 
mière étape de la respiration etellene peut servir 
de mesure à l'énergie respiratoire. De nombreux 
processus d’oxydation et de réduction netendent 
pas à une oxydation directe du combustible 
respiratoire. Palladin a trouvé, dans les tissus 
des plantes, des substances qu'il désigne sous le 
nom de phytohématine, analogue à l’hémochro- 
mogène du sang, et qui ne peuvent être oxydées 
que par l'oxygène actif. Les chromogènes oxydés 
servent de réserves d'oxygène comme l'oxyhémo- 
globine du sang. On ne connaît pas jusqu'à pré- 
sent la nature chimique des produits intermé- 
diaires de la fermentation brûlés dans la 
respiration. 


2, Assimilationchlorophyllienne.— Le problème 
en apparence si simple de la synthèse chlorophyl- 
lienne devient de plus en plus complexe, et des 
travaux récents font intervenir dans sa réalisa- 
tion des facteurs jusqu'ici insoupçonnés, la 


lumière ultra-violette et Le fer colloïdal, La même 
année, en 1910, Daniel Berthelot et Gaudechon 
d'un côté, Stoklasa et Zdobnicky de 
annonçaient qu'ils avaient pu par des procédés 
différents réaliser, en l'absence de la chlorophylle 
et sous l'influence de la lumière ultra-violette, la 
synthèse de l’aldéhyde formique, considérée, on 


l'autre, 


le sait, comme la première étape de la synthèse 
des hydrates de carbone. 

D. BerthelotetGaudechon! ont obtenu d'abord 
la synthèse de la vapeur d’eau par simple pré- 
sence de ses éléments dans un tube exposé aux 
rayons actiniques; mais, si l'action en est trop 
prolongée, cette vapeur d'eau se décompose 
en présence d'oxyde de carbone, pour produire 
d’abord un mélange d’acide carbonique, d'oxyde 
de carbone et d'hydrogène, qui donnera à son 
tour au bout de quelques heures de l’aldéhyde 
formique. Une exposition de 13 heures d'oxyde 
de carbone et d'hydrogène suffit pour produire 
l'aldéhyde formique. Les 
realisé la synthèse des composés quaternaires, 
des amides. Le plus simple, l'amide formique 
HCONHE, prend naissance par l’union à volumes 
égaux de CO et NH. 

Stoklasa, Zdobnicky et Sebor? ont annoncé, 
de leur côté, qu’ils avaient réalisé la synthèse de 
l'aldéhyde formique en faisant agir les rayons 
ultra-violets sur le gaz carbonique etl’hydrogène 
à l’état naissant, suivant la réaction : 

2C0? 2H? —2CH°0 + O*. 


En présence de la potasse, l'aldéhyde formique 
se condense et produit des sucres. Les trois con- 
ditions : lumière ultra-violette, hydrogène nais- 
sant, présence de la potasse ou de l’un de ses 
composés, sont nécessaires pour s'élever jusqu’à 
la production des hydrates de carbone. En l'ab- 
sence des rayons ultra-violets, l'hydrogène naïis- 
sant n’a pasle pouvoir de transformer le gaz car- 
bonique en aldéhyde formique, et,sousl'influence 


auteurs ont même 


1. D, BerraeLor et H. GAupecuon : Synthèse photochi- 
mique des hydrates de carbone aux dépens des éléments de 
l'anhydride carbonique et de la vapeur d'eau, en l'absence de 
chlorophylle; synthèse photochimique des composés quater- 
naires. C. R., t. GL, pp. 1690-1693; 1910. 

2. J. SrokLasA und W. Zbognicky : Photochemische Syn- 
these der Kohlenhydrate aus Kohlensäureanhydrid und Was- 
serstoff in Anwesenheit von Kaliumhydroxid in Abwesenheit 
von Chlorophyll. Anz. Kais. Akad. Wiss, Wien, Math. natur. 
Klasse, t. XIX, pp. 319-320 ; 1910.—1p. et Ip. : Photochemische 
Synthese der Kohlenhydrate aus Kohlensäureanhydrid und 
Wasserstofl in Abwesenheit von Chlorophyll. Biochem. 
Zeitschr., t. XXX, pp. 433-456 ; 1911,— J. SrokLasa, J, SEBOR 
und W. Zvognicky : Ueber die photochemische Synthese der 
Kohlenhydrate unter Einwirkung der ultravioletten Strahlen. 
Biochem. Zeitschrift, t. XLI, pp.333-372 ; 1912.—J. SrokLASA : 
Ist das Kalium an dem Auf-und Abbau der Kohlenhydrate 
bei hôheren Pflanzen beteiligt? Zectschr. landw. Versuchsw. 
in Oesterreich, t. XV, pp. 711-735; 1912. 


478 


F. PÉCHOUTRE. — REVUE DE BOTANIQUE 


des rayons ultra-violets, l'hydrogène qui n'est 
pas naissant est sans effet sur l'acide carbonique. 
La présence de la potasse ou du carbonate de 
potassium est nécessaire à la formation des hy- 
drates de carbone; mais, si l’on oxyde l’aldéhyde 
formique en présence de la potasse et des rayons 
ultra-violets, on obtient de l'acide formique, qui 
ensuite se décompose en eau etacide carbonique. 
Les auteurs en arrivent ainsi à considérer la chlo- 
rophylle comme un sensibilisateur de l'énergie 
rayonnante, dont le rôle est d’absorber les radia- 
tions ultra-violettes. L’hydrate de carbone syn- 
thétique ainsi obtenu est un mélange d’hexoses, 
inactif au point de vue optique et non fermen- 
tescible. 

Le rôle du carbonate de potassium dans la 
synthèse. des hydrates de carbone parait être 
essentiel et comparable à celui d’un catalyseur 
capable de fixer et de céder tour à tour du gaz 
carbonique. Si l’on transporte ces résultats sur le 
terrain biologique, il y a tout lieu de penser que, 
dans la cellule chlorophyllienne, il ne se produit 
pas de réduction du gaz carbonique par l'hydro- 
gène naissant, que seul le bicarbonate de potas- 
sium est réduit; de plus, comme l’oxydation de 
l’aldéhyde formique donne de l'acide formique, 
les auteurs pensent qu'il se produit dans la syn- 
thèse chlorophyllienne une réaction inverse, 
c'est-à-dire une formation d’aldéhyde formique 
aux dépens de l’acide formique. 

Le mécanisme de l’assimilation serait donc le 
suivant : le gaz carbonique qui pénètre par les 
stomates, et qui est aussitôt absorbé par la cel- 
lule chlorophyllienne, transforme le carbonate de 
potassium préexistant en bicarbonate de potas- 
sium. Sous l'influence des rayons ultra-violets, ce 
bicarbonate est réduit en produisant de l’acide 
formique, de l'oxygène et du carbonate de potas- 
sium. L'influence persistante dela lumière ultra- 
violette décompose l'acide formique naissant en 
oxygène et aldéhyde formique; celle-ci, en pré- 
sence de la potasse, se polymérise et engendre 
des hexoses. Le carbonate de potassium devenu 
libre se transforme de nouveau en bicarbonate 
en présence de l’eau et du gaz carbonique, et les 
mêmes phénomènes se reproduisent. Les réac- 
tions suivantes résument ces processus : 

CO*K2-+ CO? H20 — 2COSHIK 

2COSHK + Lumière — CO$K? + CH?0? +0 

Lumière + CH202— CH20 + O 
nCH?0 — CrH?20» 
2COKH + Lumière — etc. 


Moore et Webster! ont réalisé par une autre 


1. B, Moore and T, A. Wegsrer : Synthesis by Sunlight 


voie la synthèse de l’aldéhyde formique à partir 
de l'acide carbonique et de l’eau; ils se sont ser- 
vis pour provoquer celte synthèse de colloïdes 
inorganiques d’oxydes d’urane et de fer en solu- 
tions très étendues. Ces colloïdes agissentcomme 
des catalyseurs sur l’énergie lumineuse, qu'ils 
convertissent en énergie chimique capable de se 
manifester par un processus réducteur sem- 
blable à la première étape de la synthèse hydro- 
carbonée produite par la chlorophylle dans la 
feuille verte. Les rayons ultra-violets sont plus 
eflicaces que les autres radiations et, avec la 
même insolation, l'emploi de flacons de quartz 
contenant le colloïde donne des résultats plus 
rapides. Plus récemment, Moore! s’est attaché à 
montrer le rôle du ferinorganique dans la photo- 
synthèse naturelle, Le chloroleucite contient 
deux parties distinctes : le stroma incolore et le 
pigment. L'expérience n’a pas démontré jusqu'à 
présent que l'agent primitif de la photosynthèse 
ne soit pas contenu dans le stroma incolore et 
que la chrophylle n'ait pas évolué plus tard à 
la suite d’une synthèse due à la partie incolore 
du chloroleucite, pour jouer soit un rôle protec- 
teur, soit un rôle d'écran, soit un rôle chimique 
dans la condensation et dans la polymérisation 
consécutives au premier acte de la synthèse 
lumineuse, c'est-à-dire à la formation de l’aldé- 
hyde formique. Il semble bien prouvé, d’autre 
part, que certaines feuilles jaunes, telles que 
celles de la variété jaune du Sureau, qui ne 
produisent pas de chlorophylle à la lumière, mais 
qui contiennent des chromoleucites jaunes, 
peuvent réaliser la synthèse de l’amidon et 
dégager de l’oxygène. Ces observations ont été 
confirmées par Tammes, Josapait et Kohl. 

D'un autre côté, les recherches de l’auteur ont 
confirmé la présence du fer inorganique sous 
forme cristalloïde et colloïde dans la partie inco- 
lore du chloroleucite chez beaucoup de plantes 
vertes. On sait d’ailleurs qu’en l'absence de fer la 
chlorophylle ne peut pas se développer, bien 
que la chlorophylle elle-même ne contienne pas 
de fer. En présence de la lumière solaire, la sub- 
stance qui contient le fer dans le chloroleucite 
développe la chlorophylle, qui est elle-même un 
produit de photosynthèse. Ces faits expliquent 
la chlorose des plantes et sa guérison par des 


in Relationship to the Origin of Life. Synthesis of For- 
maldehyde from Carbon Dioxyde and Water by inorganic Col: 
loïds acting as Transformers of Light Energy. Proc. Roy. 
Soc. London, t, LXXX VII, série B, pp. 163-176; 1913. 

1. B. Mooke : The presence of inorganic Iron Compounds 
in the Chloroplast of the green cells of Plants, considered in 
Relationship to natural photo-synthesis and the origine of 
Life. Proc. Roy. Soc. London, t. LXXXVII, série B, pp. 556- 
570; 1914. 


F. PÉCHOUTRE. — REVUE DE BOTANIQUE 479 


sels minéraux de fer; ils démontrent aussi que 
le fer joue un rôle fondamental et essentiel dans 
la photosynthèse et dans la production de chlo- 
rophylle. Le fer contenu dans le stroma incolore 
du chloroleucite et la chlorophylle qu'il produit 
sont associés dans la transformation d'énergie 
que réalise la photosynthèse. 

Si les travaux récents de Usher et Priestley! et 
de Schryver ? semblent montrer que des extraits 
de chlorophylle peuvent, à la lumière, former 
des quantités très faibles d’aldéhyde formique, 
il ne faut pas oublier que ces extraits contien- 
nent incontestablement du fer. 


3, Assémilation du gaz carbonique par les bac- 
téries. — Contrairement aux plantes vertes, les 
Bactéries puisent le plus souventle carbone dans 
les matières organiques. Mais il existe toute une 
série de bactéries dont Lieske * fait une étude 
d'ensemble et qui sont capables d’assimiler le 
gaz carbonique en utilisant pour cette assimila- 
tion l'énergie fournie par des processus chimi- 
ques, notamment par des oxydations. Les unes 
sont aérobies et utilisent l’oxygène de l'air, les 
autres sont anaérobies et retirent l’oxygène 
nécessaire aux oxydations de la réduction des 
nitrates. 

Au premier groupe appartiennent avant tout 
les ferments nitreux et nitrique de Winogradsky, 
qui utilisent comme source d'énergie la chaleur 
libérée par l'oxydation de l’ammoniaque et de 
l’acide nitreux. Une sorte de bactérie, l’/ydroge- 
nomonas, retire l’énergie nécessaire à l'assimila- 
tion de l'oxydation de l’hydrogène, tandis qu’une 
autre sorte est capable d’oxyder le méthane. Les 
bactéries ferrugineuses brülent l’oxyde de fer, 
et les bactéries sulfureuses, qui sont mieux con- 
nues, oxydent l'hydrogène sulfuré en produisant 
du soufre qu’elles brülent après l’avoir assimilé 
etau moyen duquel elles produisent de l’acide 
sulfurique. Elles retirent leur carbone exelusi- 
vement de l'assimilation du gaz carbonique. En 
détruisant l'hydrogène sulfuré toxique, ces bac- 
téries jouent un rôle important dans l’économie 
de la Nature. 

Au second groupe appartiennent les bactéries 


1. F.-L. Usner and J. II, Pxiestiex: The Mechanism of 
Carbon Assimilation. Part. 1II. Proc. Roy. Soc. London, 
t. LXXXIV, B, pp. 101-112; 2 fig. ; 1911, 

2. S. B. Scuryven: The photochemical Formation of For- 
maldehyde in green Plants. Proc. Roy. Soc. London, 
t. LXXXII, B, pp. 226-232; 1910. 

3. R. Lieske : Kohlenstoff-autotrophe Bakterien. Die Natur- 
wissenchaften, p. 914; 1914. — In. : Beiträge zur Kenntnis 
der Physiologie von Spirophyllum ferrugineum Ellis, einem 
typischen Eisenbakterium,. Jahrb. wiss. Bot., t. IL, pp. 91- 
125; 1911. 


sulfureuses dénitrifiantes découvertes en 1904 
par Beijerinck et étudiées par Lieske !. La ré- 
duction des nitrates est un processus endother- 
mique qui nécessite un apport d'énergie ; celle-ci 
est fournie par l'oxydation du soufre en acide 
sulfurique. Les bactéries sulfureuses rouges 
sont capables d'assimiler le gaz carbonique et ne 
peuvent vivre sans lumière et sans hydrogène 
sulfuré. Elles représentent le passage de la pho- 
tosynthèse à la chimiosynthèse. 


4. Le rôle de l'acide cyanhydrique dans la syn- 
thèse des matières albuminoïdes chez les plantes. 
— La synthèse des albuminoïdes par la plante 
est moins bien connue que celle des hydrates de 
carbone. Dans une série de recherches commen- 
cées en 1896 par un mémoire sur la localisation, 
le transport et le rôle de l'acide cyanhydrique 
dans le Pangium edule et poursuivies jus- 
qu’en 1909, Treub s’est fait le défenseur d’une 
hypothèse qui considère l'acide cyanhydrique 
comme « le premier produit reconnaissable de 
l'assimilation de l'azote et peut-être même le 
premier composé organique azoté qui se forme ». 
L'acide cyanhydrique résulterait d’une synthèse 
réalisée au moyen de sucres réducteurs formés 
par l’assimilation chlorophyllienne et de nitrates 
amenés par la sève ascendante. L’acide cyanhy- 
drique donnerait non seulement naissance aux 
matières albuminoïdes, mais encore aux glucosi- 
des cyanogénétiques qui seraient mis en réserve 
et qui, sous l'influence d'un enzyme, seraient 
capable de libérer de l'acide cyanhydrique dans 
les périodes de besoin. Les recherches de Gui- 
gnard, de Ravenna, de Jorissen et d'autres ont 
apporté des faits nouveaux qui souvent contredi- 
sent l'hypothèse de Treub et qui ont été conden- 
sés par Goris? dans un travail important, où il met 
au point non seulement la question de l'acide 
cyanhydrique etdes glucosides cyanogénétiques, 
mais encore celle des glucosides non azotés et 
des alcaloïdes. 

Goris fait remarquer d’abord que la présence 
de l’acide cyanhydrique à l’état libre dans les 
végétaux n’est pas démontrée et que la faible 
proportion d'acide prussique retirée des plantes 
provient sans doute de la décomposition rapide 
des glucosides cyanogénétiques. Les expériences 
de Guignard, celles de Ravenna et Toneguiti, en 
contradiction avec celles de Treub, semblent 


1. R. Lieske : Untersuchungen über die Physiologie deni- 
trifizierender Schwefelbacterien. Ber. deutsch. bot. Ges., 
t. XXX, pp. 12-22 ; 1912: 

2, A. Goris: Localisation et rôle des alcaloïdes et des glu- 
cosides chez les Végétaux. 2° édition, 448 p., 30 pl. col., 
9 fig. Paris et Berlin, 1914. 


480 F. PÉCHOUTRE. — REVUE DE BOTANIQUE 


confirmer cette manière de voir. Plus récemment, 
Jorissen! a montré que l'acide cyanhydrique 
peut avoir une origine bien différente de celle 
que lui assigne Treub ; il peut résulter de l’action 
de composés oxygénés de l’azote sur des princi- 
pes immédiats d’origine végétale en solutions 
diluées et à froid (la vaniline, par exemple). 
Quand on expose à la lumière diffuse, pendant 
24 heures, en vase ouvert et à la température or- 
dinaire, une solution aqueuse contenant un mil- 
lième d'acide citrique et un dix-millième seule- 
ment de nitrite potassique, il est possible de 
constater la formation d'acide cyanhydrique 
dans le liquide. Or l'acide citrique est très ré- 
pandu dans le règne végétal, et les conditions 
dans lesquelles s’effectue la réaction décrite 
semblent pouvoir se réaliser dans les tissus vé- 
gétaux. Jorissen remarque, en outre, que si le 
nombre des végétaux producteurs d’acide prus- 
sique est très grand, plus grand encore est celui 
des espèces chez lesquelles le phénomène n’a pu 
être observé jusqu'à présent. Il est vrai que 
Peche ? a signalé que, par un nouveau procédé, 
il avait révélé l'existence de l'acide cyanhydrique 
dans le Laurier-cerise, mais la méthode qu'il a 
employée prête aux mêmes critiques que la 
méthode de Treub. 

Si l’on admet que la formation d’acide cyan- 
hydrique est secondaire et due à un dédouble- 
ment enzymatique des glucosides cyanogéné- 
tiques, il reste toujours à déterminer le rôle de 
ces glucosides eux-mêmes. Errera leur attribuait 
un rôle protecteur, contesté aüjourd'hui, car les 
végétaux à glucosides cyanogénétiques ne sont 
pas exempts de la visite des parasites. Treub 
leur attribue un rôle nutritif et Guignard croit 
aussi qu'ils peuvent être utilisés par la plante, 
ainsi que semblent le montrer ses expériences 
sur la germination des graines de Phaseolus 
lunatus qui, à lobscurité, perdent peu à peu leur 
glucoside cyanhydrique à mesure qu’elles se 
développent. Pour Goris, le rôle des glucosides 
cyanhydriques comme générateurs de matières 
protéiques n’est pas suffisamment démontré; si 
l'acide cyanhydrique n'existe pas dans la plante 
à l’état libre, il faut admettre que la molécule 
cyanogénétique dérive de la désintrégation des 
matieres albuminoïdes et, dans ce cas, les glu- 
cosides azolésreprésenteraient, comme les autres 
glucosides, des substances de déchet pouvant 


1. A. Jonissex : L'acide cyanhydrique chez les végétaux. 
Lecture faite à la séance publique de la Classe des Sciences. 
Bull. class. Sc. Acad. royale Belgique, pp: 1202-1231 : 1913. 

2. K. PEcur Mikrochemische Nachweis der Cyanwas- 
serstoffsäure in Prunus Laurocerasus L. Sitzungsb. d.K. Akad. 
v. Wiss., Math. naturw. Kl,t. CXXI, pp. 33-56, 1 pl. col., 
1912; 


d'une façon accessoire jouer le rôle de substances 
de défense. 


IV.— LE sÉRO-DIAGNOSTIC CHEZ LES PLANTES 


Mezet ses élèves Lange, Kirstein, Gohlke!, ont 
appliqué à l’étude des affinités des groupes végé- 
taux supérieurs les méthodes de séro-diagnostic 
qui jusqu'ici relevaient exclusivement de la phy- 
siologie animale. Des diverses méthodes em- 
ployées : précipitation, formation du complément 
(réaction de Wassermann), anaphylaxie et agglu- 
tination, ils n’ont retenu que les procédés de la 
précipitation et de l’agglutination. 

La méthode de précipitation réclame un anti- 
gène et un sérum immunisé; l’antigène était 
préparé au moyen d’extraits de graines à l’état 

1582 1 
200 * 50.000 
était fourni par un lapin préparé par injection 
intra-veineuse ou intra-péritonéale. Si l’on 
ajoute à l’antigène un centimètre cube de sérum, 
on obtient, après quelques heures à l’étuve à 
37, un précipité avec les espèces parentes ; la 
réaction est négative avec les espèces non appa- 
rentées. 

Dans la méthode d’agglutination, il fautencore 
un sérum que l’on empruntait à un ruminant ; 
les extraits dilués de graines étaient ajoutés à 
des quantités graduées de sérum, et l’on sensibi- 
lisait à l’étuve pendant deux heures. Si l’on 
ajoute alors 0,4 cm* de sérum, on obtient une 
agglutination avec les espèces apparentées ; on 
n’observe aucun nuage floconneuxaveclesespèces 
éloignées, Comme la concentration de l’albumine 
dans les extraits de graines est très variable, il 
fallait déterminer chaque fois la quantité d’albu- 
mine contenue dans les solutions salées physio- 
logiques et la ramener au même titre qu'un 
extrait de graine pris comme terme de compa- 
raison. 

Ces réactions donnent des résultats non seule- 
ment qualitatifs mais aussi quantitatifs, car la 
grandeur du précipité permet de juger du degré 
de parenté. Comme l’albumine végétale se laisse 
difficilement différencier par le séro-diagnostie, 
les auteurs ont multiplié les réactions et con- 
trôlé maintes fois leurs résultats. Avant de 
formuler leurs conclusions, ils se sont assurés 
qu'en aucun cas elles n'étaient en contradiction 


de dilutions allant de , et le sérum 


1. C. Mez und K. GouLike : Physiologisch-systematische 
Untersuchungen über die Verwandtschaften der Angiosper- 
men. Beit. Biol. Pflanzen,t. XII, pp. 155-180 ; 1913. 

C. Mez und L. Laxce: Sero-diagnostische Untersuchuogen 
über die Verwandschaften innerhalb der Pilanzengruppe 
der Ranales. /bid., t. XII, pp. 218-222: 1914, —K. GouLxe: 
Die Serumdiagnostik im Dienste der Pflanzensystematik. Die 
Naturwissenschaften, t. 11, pp. 405-410: 191%. 


F., PÉCHOUTRE. — REVUE DE BOTANIQUE 481 


avec des aflinités incontestables et que toutes 
les espèces d'une même famille, et non quelques- 
unes seulement, réagissaient avec un sérum 
immunisé par une autre famille, s'il y avait entre 
les deux familles quelque lien de parenté; 
l'épreuve réciproque était toujours réalisée. Les 
diagnoses correspondant à ces réactions ont 
permis d'établir des diagrammes et de construire 
un arbre phylogénique des plantes vasculaires. 

Parmi les résultats intéressants ainsi obtenus, 
il faut noter que la série phylétique des plantes 
supérieures ne va point des Filicinées eusporan- 
giées aux Cycadofilicinées, Cycadées, Bennet- 
titées, Magnoliacées, mais bien des Muscinées 
aux Lycopodiacées éligulées, aux Lycopodiacées 
ligulées, aux Conifères et aux Magnoliacées. Les 
Gymnospermes représentent donc vraisembla- 
blement un groupe diphylétique ; les Cycadées 
proviendraient des Cycadofilicinées, les Coni- 
fères et les Gnétacées, des Lycopodiacées. Les 
Magnoliacées sont à la base des Angiospermes 
avec deux rameaux divergents, l'un formé des 
Centrospermées et des Berbéridacées, l’autre 
des Ranales. Les Dipsacées ne sontalliées ni aux 
Composées, ni aux Campanulacées. 


V.— GREFFE ET PARABIOSE ! 


1. Hybrides de greffe et chimères. — Hans Win- 
kler poursuit sur les hybrides de greffe des re- 
cherches dont nous avons fait connaitre les pre- 
miers résultats dans cette Æevue?. Après avoir 
exposé le développement historique de la notion 
d’hybrides de greffe, Winkler cherche à montrer 
tout le parti que la Botanique pourra retirer, 
tant au point de vue scientifique qu’au point de 
vue pratique, de l'étude expérimentale des pré- 
tendus hybrides asexuels. Il renonce, en effet, 
d’une façon définitive à considérer comme hy- 
brides de greffe les productions singulières qu'il 
a obtenues en greffant la Morelle noire (So/anum 
nigrum) sur la Tomate (So/anum lycopersicum) 
et qu'il a décrites sous les noms de Solanum 
tubingense, Sol. koelreuterianum, Sol. proteus 
et Sol. gacrtnerianum. H les regarde, conformé- 
ment à l'opinion émise par Baur, comme des 
chimères périclines, c'est-à-dire comme des for- 
mations dans lesquelles l'un des composants est 
enclavé dans l’épiderme de l’autre composant. 
La preuve cytologique en est facile à donner, car 
les deux plantes greffées, So/anum nigrum et 
Solanum lycopersicum, ont des nombres de 


1. H. WinkLer : Die Chimärenforschung als Methode der 
experimentellen Biologie. Sitz. ber. phys. med. Ges., pp. 1-23; 
Wüzbourg, 1913 [1914]. 

2. F. PécHouTRE : Hybrides de greffe et chimères. Rev. 
gén. des Sc, pures et appliquées, 1. Xx11, pp. 445-449, 1 fig.; 
1911. 


chromosomes différents.Ainsi le Solanum tubin- 
gense a l'épiderme dela Tomate et les autres tis- 
sus de la Morelle noire; le So/anum koelreute- 
rianum à, au contraire, l’'épiderme de la Morelle 
noire et le reste des tissus de la Tomate. Dans 
le Solanum proteus, l'épiderme et la couche sous- 
épidermique appartiennent à la Tomate, tandis 
que, dans le Solanum gaertnerianum, elles ap- 
partiennent à la Morelle. 

Winkler étend la même interprétation aux 
plus célèbres des hybrides de greffe, au Cytise 
d'Adam et au Néflier de Bronvaux, qu'il consi- 
dère également comme des chimères périclines. 
Le Cytise d'Adam est le premier hybride de 
greffe connu ; il fut obtenu en 1825 par greffe du 
Cytisus purpureus sur le Cytisus Laburnum. Le 
Néflier de'‘Bronvaux ou Cratægo-mespilus, dé- 
couvert en 1900, résulte de la greffe d’un néflier 
sur l’épine-blanche ; il présente deux formes. 
Les recherches de Winkler et de Buder ont mon- 
tré que le Cytise d'Adam est un Cytisus Labur- 
num implanté dans l’épiderme du Cytisus purpu- 
reus, et les études de Baur ont établi que le 
Cratægo-mespilus est une Epine-blanche possé- 
dant dans une forme une seule assise et, dans 
l’autre, deux assises de Néflier. Si ces hybrides 
de greffe portent toujours des fruits d'une seule 
sorte, soit de l’un, soit de l’autre des parents, 
cette particularité s'explique par le fait que les 
cellules sexuelles naissent aux dépens de la 
couche sous-épidermique et sont produites par 
le parent qui forme cette couche. 

La question des hybrides de greffe est donc 
résolue dans ce sens que ce ne sont point des 
hybrides, mais des individus à la constitution 
desquels participent les cellules de deux espèces 
différentes qui, sans subir de changements, se 
juxtaposent de manière à former un ensemble 
solidaire. Winkler croit, en effet, que l'influence 
réciproque du sujet et du greffon ne provoque 
que des modifications accidentelles, et Hume, 
qui a recherché les filaments connectifs chez les 
hybrides de greffe, ne croit pas à l'existence de 
communications protoplasmiques entre les cel- 
lules des deux composants. 


2. Parabiose. — Les expériences de parabiose 
réalisées par Eva Mameli? sembleraient prouver, 
au contraire, qu’il existe des communications 
protoplasmiques entre deux plantes unies arti- 
ficiellement. On appelle, en effet, parabiose 
l’union permanente de deux êtres, obtenue par 
des procédés artificiels. Les plantes choisies 


1. Hume: On the presence of connecting threads in graîft 
hybrids. New Phytologist, t. XII, pp. 215-221, 1 fig.: 1913. 

2. Eva Mamezi : Note di parabiosi vegetale. Aéti della Soc. 
ital. per il progresso delle science, t. vi, pp. 812-816; 1913. 


482 


F. PÉCHOUTRE. — REVUE DE BOTANIQUE 


sont réunies par un rameau latéral ou par la tige 
principale et sont laissées intactes, une fois le 
cal formé.Les plantes en parabiose atteignent en 
général un développement plus grand que les 
plantes isolées qui servent de contrôle. Lors- 
qu'une des deux plantes en parabiose est main- 
tenue longtemps en terrain sec,tandis que l’autre 
est révulièrement arrosée, on constate que la pre- 
mière émet de nouveaux bourgeons et fleurit. Il 
ya donc passage osmotique de l’eau par le tissu 
de cicatrisation ; il se manifeste même une pres- 
sion radicale dans la plante asséchée. L'auteur 
a pu aussi constater des échanges de substances 
entre les deux plantes en parabiose. 


VI. — LE POLLEN; LA PARTHÉNOGÉNÈSE 
ET LA PARTHÉNOCARPIE 


1. Formation du pollen chez les Angiospermes. 
— La règle qui considère la formation du pollen 
par bipartition successive comme caractéristique 
des Monocotylédones et la formation par quadri- 
partition simultanée comme spéciale aux Dico- 
tylédones n’est pas sans exception; chez les Mo- 
nocotylédones, la quadripartition simultanée 
avait été signalée par Strasburger dans les As- 
phodèles et par Guignard chez les Orchidées. 
Chez les Dicotylédones, la division successive 
avait été observée par Strasburger dans le Cera- 
tophyllum submersum, par Ernst et Schmidt,dans 
le Ra/]lesia Patma, par Strasburger, Frye, Gayer 
dans quelques Asclepias, par Frye et Blodgett 
dans l’Apocynum androsæmifolium. Récemment, 
Samuelsson! a fait connaître deux exemples de 
Dicotylédones chez lesquels le mode de dévelop- 
pement du pollen ne rentre pas dans la règle 
commune à cette classe. Dans l’Aréstolochia Cle- 
matilis, le cloisonnement est successif, tandis 
que dans l’Anrona Cherimolia, la marche du cloi- 
sonnement est intermédiaire entre les deux ty- 
pes fondamentaux et la seconde cloison s’y ébau- 
che avant que la première soit complète, d’une 
manière analogue à celle qu'avait signalée Gui- 
gnard dans les Magnolia. De son côté, Guignard ? 
signale de nouvelles et nombreuses exceptions 
chez les Monocotylédones dans les familles des 
Liliacées et des Iridées; la quadripartition si- 
multanée paraît être générale dans la tribu des 
Aloïnées et dans la famille des lridées. 


2. La participation du cytoplasma à la consti- 
tution des gamètes mâles chez les Phanérogames. 


1. G. SamuELssoN ; Ueber die Pollenentwicklung von Anona 
und Aristolochia und ihre systematische Bedeutung. Svenks 
Botaniks Tidskrift, t. NII, p. 181; 1914, 

2. GuiGNaRD : Sur lu formation du pollen. Comptes rendus, 
t. CLX, pp. 428-463 ; 1915, 


— Chez les Phanérogames, les gamètes mâles 
ont une tendance évidente à se réduire à leur 
noyau, si bien que le cytoplasma mâle cesse de 
participer au processus de la fécondation. La 
cellule génératrice binucléée joue un rôle impor- 
tant dans cette réduction; et on peut suivre dès 
les Gymnospermes (Abiétinées, quelques Taxi- 
nées, Gnétacées) les progres de la destruction 
du cytoplasma mâle, progres qui conduisent jus- 
qu'aux noyaux mâles nus des Angiospermes su- 
périeures. Nawaschin et Finn! ont étudié à cet 
égard deux plantes chalazogames, le Juglans re- 
gta et le Juglans nigra. Ces deux espèces possè- 
dent des cellules binucléées qui atteignent sans 
altération le sac embryonnaire et qui correspon- 
dent aux cellules binucléées de quelques Gym- 
nospermes.Chez les Gymospermes, à l'exception 
de quelques Gnétacées, le cytoplasma mâle at- 
teint l’oosphère; chez quelques espèces de Ju- 
glans, il n’atteint plus que le sac embryonnaire; 
chez les Angiospermes supérieures, il disparaît 
en grande partie dans le tube pollinique ou 
même déjà dans le grain de pollen. La persis- 
tance du cytoplasma mâle chez les Juglans est 
un caractère primitif hérité des Gymnospermes 
et une preuve de l’ancienneté des Chalazogames, 
qui sont à la base des Angiospermes. La simpli- 
fication des gamètes mâles suit pas à pas l’évo- 
lution du tube pollinique. 


3. Parthénogenèse et apogamie. — On sait au- 
jourd’hui que la plupart des exemples de déve- 
loppement de l’embryon et de l’albumen sans 
fécondation rentrent dans le cadre de la parthé- 
nogénèse somatique, caractérisée par l’absence 
de réduction chromatique dans l’oosphère. Les 
cas d'apogamie somatique aux dépens des autres 
éléments du sac embryonnaire sont moins com- 
muns que les cas de parthénogénèse. Il est très 
rare que les synergides se développent en em- 
bryons; on cite un seul cas d’une ébauche d'em- 
bryon aux dépens d’une cellule antipode; mais 
l'exemple le plus intéressant et le plus connu 
d'une apogamie analogue est le cas des Balano- 
phora elongataet globosa étudiés successivement 
par Treub et Lotsy. Ici, l’apogamie se produirait 
aux dépens d'un noyau polaire, qui persiste seul 
dans le sac embryonnaire après la disparition des 
synergides, de l'oosphère et des noyaux de la 
base; ce noyau polaire forme un albumen, et 
c’est l’une des cellules de cet albumen qui pro- 
duirait l'embryon peu différencié. 


1.8. Nawascuin und N. Finn : Zur Entwicklungsgeschichte 
der Ghalazogamen Juglans regia und Juglans nigra. Mém. 
Acad, imp. Se. St Pélersbourg, VIII Sér., Cl physig. ma- 
thém,, t. XXXI, pp. 1-59, 4 pl.; 1913. 


F. PÉCHOUTRE. — REVUE DE BOTANIQUE 483 


Ernst! qui, en étudiant diverses Angiosper- 
mes saprophytes(Burmannia, Sciaphila, Cotylan: 
thera), avait soupçonné chez ces plantes la for- 
mation de l'embryon aux dépens de l’albumen, 
a repris l'étude des Balanophora. 

Ses conclusions sont en désaccord avec celles 
de Treub et de Lotsy. L'oosphère ne disparait 
pas du sac embryonnaire et c'est elle qui engen- 
dre l'embryon par parthénogénèse ; avant son 
développement en embryon elle grossit et pré- 
sente, comme lesautres éléments du sacembryon- 
naire, des signes de flétrissement qui onttrompé 
les premiers observateurs et leur ont fait croire 
à une dégénérescence. L'erreur est d'autant 
plus facile à commettre que les divisions cellu- 
laires produisent secondairement dans l’albumen 
et autour de l'embryon un grand nombre de 
petites cellules. L'apogamie des Balanophora 
rentre ainsi dans le cadre des parthénogénèses 
somatiques. 


4. Parthénocarpie.—Ce terme a été appliqué en 
1902, par Noll, à un phénomène connu depuis 
longtemps, à la formation de fruits sans fécon- 
dation. Noll limitait la parthénocarpie aux cas 
où la formation des fruits se poursuivait non 
seulement sans fécondation, mais encore sans 
pollinisation; mais Winkleret Fittingontétendu 
cette dénomination aux cas où le fruit se formait 
après une pollinisation non eflicace, c'est-à-dire 
non suivie de fécondation, et ils ont distingué 
en conséquence une parthénocarpie végétativeou 
autonome d’une parthénocarpie stimulative ou 
étionome, bien que dans la pratique laséparation 
de ces deux formes nesoit pastoujours aisée. Les 
cas de parthénocarpie aujourd’hui connus sont 
très nombreux ; ils correspondent certainement 
à des causes et à des états très divers et la ques- 
tion est en pleine évolution. Tischler? s’est pro- 
posé de rassembler les divers cas de parthéno- 
carpie épars dans la littérature et d'étudier de 
près le développement des ovules dans quelques 
fruits parthénocarpiques. Il importe, en effet, de 
vérifier qu'il ne se forme point dans ces fruits 
d’embryon parthénogénétique, car la formation 
d'un embryon, quelle que soit son origine, est, 
sans contredit, un excitant pour le développe- 
ment des tissus du fruit et, même avec une large 
compréhension du terme, il serait interdit, dans 
ce cas, de parler de parthénocarpie. D'un autre 


1. A. Exnsr : Embryobildung bei Balanophora. Flora, 
t. CVI, pp. 129-159; 2 pl.; 1913. 

10. : Zur Kenntnis von Parthenogenesis und Apogamie bei 
Angiospermen. Verhandl. Schweiz. Naturf. Ges., 96. Jahresv., 
11 Teil, pp. 222-234, 3 fig.; 1913. 

. 2. G. TiscuLer : Ueber die Entwicklung der Samenanlagen 
in den parthenokarpen Angiospermen-Früchten, Jahrb, wiss. 
Bot.,t. CII, pp. 1-84, 2 T., 30 fig.; 1912. 


côté, il est intéressant de rechercher s'il y a des 
degrés dans la parthénocarpie, si les ovules s'y 
forment normalement, si, en l’absence de fécon- 
dation, ces ovules qui ne forment jamais d’em- 
bryons peuvent ébaucher le développement de 
quelques-unes de leurs parties. Tischler est 
ainsi amené à partager les plantes parthénocar- 
piques en deux grandes catégories, celles où le 
sac embryonnaire est normal au moment de 
l'anthèse et celles où le sac embryonnaire ne se 
développe pas. 

A. PLANTES PARTHÉNOCARPIQUES A SAC EMBRYON- 
NAIRE NORMAL. — Dans cette catégorie, un premier 
groupe de plantes parthénocarpiques arrivent, 
sans fécondation, à ébaucher leur albumen. 
Telles sont : Cœlebogyne ilicifolia (Strasbur- 
ger), Dasylirion (Went et Blaauv), Tragopogon 
pratense (Eichler), Diospyros virginiana (Wood- 
burn et miss Haque), Ficus Carica (Longo et Le- 
clerc du Sablon). Dans un second groupe, il ne 
se forme pas d’albumen et, en l’absencede fécon- 
dation, le développement del’ovule se borne à la 
production de poils ou de thylles, comme dans 
l’'Ananas, ou à la constitution d’un tégument sé- 
minal qui n'a rien à protéger, comme l'ont mon- 
tré Müller-Thurgau pour la Vigne et Ewert pour 
le Poirier commun ; d'après Longo,les Diospyros 
du Jardin botanique de Sienne rentreraient dans 
ce groupe. Dans un troisième et dernier groupe, 
qui comprend la plupart des fruits parthénocar- 
piques, les ovules, en l’absence de fécondation, 
se dessèchent sans présenter de développement 
dans aucune direction. Cette parthénocarpie est 
commune dans les baies et les drupes : bananes, 
raisins, pommes, poires, cerises, prunes, gro- 
seilles. Ewert a montré que, par un arrêt artifi- 
ciel de la sève (incision annulaire), on peut pro- 
voquer une parthénocarpie autonome. Longo a 
découvert la possibilité d’une parthénocarpie 
végétative dans le Schinus molle et peut être 
aussi dans le Crataegus Azarolus. 

B. PLANTES PARTHÉNOCARPIQUES SANS SAC EMBRYON- 
NAIRE. — La parthénocarpie reste possible même 
quand les ovules n'arrivent pas à former un sac 
embryonnaire normal. Cet arrêt précoce dans la 
croissance de l’ovule est dû soit à des parasites, 
comme on l’observe dans les ovules de Triticum 
envahis par le T'illetia, soit à la nature hybride 
des plantes, comme il arrive chez beaucoup de 
variétés de Bananes!. De nombreux autres cas de 
parthénocarpie signalés par divers auteurs 
échappent encore à cette classification. 

F. Péchoutre, 


Professeur au Lycée Louis-l2-Grand. 


1. A. D'ANGREMOND : Parthenokarpie und Samenbildung 
bei Bananen. Flora, t. GVII, pp. 57-110, 8 pl., 14 fig. ; 1914, 


484 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


BIBLIOGRAPHIE 
ANALYSES ET INDEX 


1° Sciences mathématiques 


Fiek (G.), Hinrichsen (W.), Archbutt (S. L.), 
Portevin (A.) et Nusbaumer (E.). — Données 
numériques del Art de l'ingénieur et de la Métal- 
lurgie. RÉSISTANCE DES MATÉRIAUX ET DONNÉES NUMÉ- 
RIQUES DIVERSES. Préface de M. A. MESNAGER. — 
1. vol. in-4° de 74 p. (Prix cart. : 10 fr.). Gauthier- 
Villars et Cie, éditeurs, 53, quai des Grands-Augus- 
tins, Paris, 1914. 


Ce recueil est un extrait du 3€ volume des Tables an- 
nuelles de Constantes et Données numériques ! publiées 
par le Comité international nommé par le VII: Congrès 
de Chimie appliquée (Londres, 2 juin 1909). Les éditeurs 
ont été bien inspirés en publiant à part certains chapi- 
tres d’un volume dont le prix est nécessairement élevé. 
Cela permet à chaque spécialiste d'acquérir facilement 
le fascicule qui l’intéresse et d'avoir sans cesse à sa por- 
tée la collection de tableaux dont les données se rap- 
portent à ses études. Malgré cette réduction, le nombre 
des documents réunis est considérable et représente 
une somme de travail énorme, si l’on songe à la quan- 
tité d'essais ou d'expériences qui ont servi à les établir. 

L'Art de l'Ingénieur comporte deux grandes divisions, 
suivant que les constantes sont mécaniques ou thermi- 
ques. Les constantes mécaniquesonttraitaux matériaux 
de construction (bois, ciment, mortier ou béton, matiè- 
res diverses), aux textiles et tissus, papiers et enfin à 
certaines données relatives aux tuyaux. Les constantes 
thermiques concernent les produits réfractaires et les 
combustibles, 

La partie consacrée à la Métallurgie renferme tous les 
renseignements techniques que l’on peut désirer sur les 
métaux et alliages, températures critiques, constitution, 
solubilité, oxydation, sherardisation, températures des 
fours. Vient ensuite le chapitre important des constan- 
tes mécaniques des métaux, Chaque métal ou alliage 
étudié (il y en a 358) est défini par son analyse complète 
et a été soumis à des essais de traction. Beaucoup 
d’entre eux ont subi également des essais de compres- 
sion, de flexion, de dureté, de cisaillement, de choc et 
d'efforts alternés. Le rapprochement de tous ces chiffres 
est évidemment très instructif, bien que ceux-ci n’aient 
rien d’absolu, les essais n'ayant pas tous été conduits 
dans des conditions identiques. En se reportant aux 
notes correspondant aux résultats obtenus, on aura 
néanmoins des indications relatives fort utiles pour les 
opérations qu'on entreprendra au cours du traitement 
des métaux. 

Afin de faciliter les recherches, le secrétaire général 
du Comité, M. Ch. Marie, de l’Université de Paris, a eu 
l’heureuse idée de disposer à la suite des tableaux non 
seulement une table des matières, mais aussi la liste 
alphabétique des substances techniques figurant dans 
les divers chapitres du volume, Grâce à ces index rédi- 
gés en quatre langues (française, allemande, anglaise et 
italienne), les Ingénieurs ou Métallurgistes de tous pays 
auront très vite sous les yeux les renseignements numé- 
riques désirés, tirés des meilleures sources d’informa- 
tions. 

Une publication ainsi conçue nous paraît appelée à 
un très légitime succès. 


Emile DEMENGE. 


1. Voir la Revue des 30 août 1912, p. 639, et 15 octobre 
1913, p. 741, 


2° Sciences physiques 


Maurer (P.), ingénieur-électricien. — La Téléphonie 
etles autres moyens d'intercommunication dans 
l'industrie, les mines et les chemins de fer (Des- 
CRIPTION, MONTAGE ET ENTRETIEN DES APPAREILS). — 
Un volume in-8° de VI1-232 pages avec 115 fig. (Prix : 
9 fr.). H. Dunod et E. Pinat, éditeurs, Paris, 1914. 


Cet ouvrage, essentiellement pratique, comprend une 
étude détaillée des différents systèmes utilisés pour éta- 
blir des communications entre un ou plusieurs points 
déterminés, soit pour échanger des conversations, soit 
pour permettre la transmission et la réception d’indi- 
cations ou de signaux conventionnels entre un ou plu- 
sieurs postes d'action avec enregistrement ou simple- 
ment permanence des ordres transmis. 

Les trois parties de ce livre sont respectivement con- 
sacrées : 

1° A la description des appareils utilisés dans l’in- 
dustrie, c’est-à-dire dans les établissements industriels 
privés, administrations, usines, bureaux, etc, ; 

2° Aux appareils destinés à l'exploitation des mines ; 

3° Aux appareils d'intercommunication adoptés pour 
l'exploitation des chemins de fer. 

Dans la première partie, l’auteur donne d'abord une 
description des piles électriques les plus employées. 
Cette description est complétée par des indications pra- 
tiques relatives au groupement et à l’essai des piles. 

Vient ensuite une description sommaire des sonneries 
électriques, des tableaux annonciateurs électro-magné- 
tiques et des tableaux à signaux lumineuxavec les indi- 
cations nécessaires pour leur montage et leur pose. 

Le chapitre de la Téléphonie, qui suit ces notions pré- 
liminaires, comprend d’abord un examen succinct des 
phénomènes physiques quiont servi de point de départ 
à l’évolution de la téléphonie. Cette étude sommaire est 
suivie de la description des principaux téléphones 
usuels, écouteurs et microphones, et des appareils ac- 
cessoires nécessilés par toute installation téléphonique, 

L'auteur a ensuite donné des indications pratiques très 
précises sur le montage des postes téléphoniques à cir- 
cuit secondaireet à circuit primaire, ainsi que sur l’in- 
stallation des postes centraux téléphoniques. Un chapi- 
tre spécial est consacré à la téléphonie automatique. 

La première partie se termine par la description des 
transmetteurs d'ordres mécaniques, hydrauliques et 
électriques et de divers indicateurs, tels que les averlis- 
seurs d'incendie, les indicateurs de vitesse et aussi de 
niveau d’eau à distance. 

La signalisation dans les mines, qui est une des con- 
ditions essentielles de la bonne marche de l'exploita- 
tion, fait l'objet de la deuxième partie, très documentée. 
Les différents dispositifs de signalisation mécanique 
tendent actuellement à disparaître; néanmoins l’auteur 
en donne la description, étant donné qu’il yen a encore 
en service. 

La signalisation par appareils phoniques et hydrau- 
liques, porte-voix et tubes acoustiques, ne peut être 
utilisée que pour des exploitations se faisant à petite 
profondeur, c'est-à-dire à moins de 200 mètres; aussi 
n’a-t-elle donné lieu qu’à une simple mention. 

Quant à l'emploi de l'électricité, dont les applications 
deviennent de plus en plus nombreuses, on trouvedans 
ce chapitre tous les détails concernant les systèmes par 
magnéto et sonnerie polarisée, par tableaux annoncia- 
teurs et tableaux lumineux, les systèmes combinant les 
deux dispositifs de signalisation optique et acoustique, 
les appareils téléphoniques speciaux, les transmetteurs 
d'ordres, etc. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


La troisième partie s'occupe spécialement des appa- 
reils utilisés dans l'exploitation des chemins de fer. 

En premier lieu, on trouve les détails relatifs à l’or- 
ganisation télégraphique des chemins de fer, avec la 
description des appareils télégraphiques à cadran et 
Morse ainsi que des appareils accessoires de Loute in- 
stallation : piles, sonneries, commutateurs, galvanoméè- 
tres, relais, parafoudres, ele, 

Puis l’auteur décrit avec grands détails les différents 
modes de montage et d'intercommunication, 

Il expose clairement la constitution des lignes télé- 
graphiques directes, semi-directes et omnibus, en don- 
nant les détails relatifs à la construction de ces lignes 
et au matériel utilisé à cet effet, ainsi qu’à la recherehe 
des dérangements qui peuvent les affecter et aux essais 
à effectuer pour les localiser. 

Les appareils téléphoniques sont aussi largement uti- 
lisés dans l'exploitation des chemins de feret M, Maurer 
n'a pas manqué de donner des indications sur les appa- 
reils spéciaux à ce service en les décrivant minutieuse- 
ment et en indiquant leur application, 

Cette troisième partie se Lermine par ladescription des 
nombreux appareils destinés à établir les intercom- 
munications entre postes d'aiguillages, postes de la voie, 
gares, entre trains et voie ou gares et enfin dans les 
trains mêmes, 

Le grand nombre de renseignements pratiques que 
contient cet ouvrage en fait un guide précieux pourtous 
ceux qui ont à installer ou à utiliser les nombreux 
modes d’intercommunication décrits. 


J. A. MONTPELLIER. 


3° Sciences naturelles 


Federal Handbook, prepared in connection with the 
eighiy-fourth meeting of the, Bristish Association for 
the Advancement of Science held in Australia (August 
1914), édité par M. G. H. Knimss. — 1 vol. in-5° de 
598 p. avec fig. et cartes. 4. J. Mullett, Government 
Printer, Melbourne, 1914. 


Handbook for New South Wales, édité par M. W. 
S. Dux. — 1 vol. in-8° de 322 p. avec fig. et cartes. Ed 
Lee and Co, imprimeurs, Sydney, 1914. 


Handbook to Victoria, édité par MM. À. M. Laucu- 
ron et T.S. HALL. — 1 vol. in-5° de 382 p. avec fig. et 
cartes. À. J. Mullett, Government Printer, Melbourne, 
1914. 

Our first half-century. A review of Queensland 
progress. — { vol. in-S° de 257 p. avec planches. À. 
J. Cumming, Government Printer, Brisbane, 1909. 


Handbook of South Australia, édité par MM. D. 
J. Gorpon et V, H. Ryan. — fvol. in-5° de33$8 p. avec 
fig. et cartes. R. E. E. Rogers, Government Printer, 
Adelaide, 1914. 


Handbook and Guide to Western Australia. — 
1 vol. in-Se de 116 p. avec fig. elcartes. F. W°. Simpson, 
Government Printer, Perth, 1914. 


A l’occasion du 84e Congrès de l'Association britanni- 
que pour l’Avancement des Sciences, qui s’est tenu en 
Australie en août 1914, le Conseil fédéral et les Comités 
locaux de réception des divers Etats avaient décidé la 
publication d’une série d'ouvrages destinés à donner aux 
membres du Congrès un aperçu aussi complet que pos- 
sible du pays qu'ils allaient visiter. 

Ces ouvrages sont au nombre de sept: un « Guide fé- 
déral », où sont étudiées les questions relatives à l’en- 
semble de l'Australie, et six autres volumes consacrés 
chacun à l’un des Etats: Nouvelle-Galles du Sud, Vic- 
toria, Queensland, Australie du Sud, Australie occiden- 
tale et Tasmanie. L'ensemble constitue sans nul doute 
l'étude la plus scientifique et la plus documentée qui ait 
été écrite sur la grande Terre australe, Nous allons 
essayer de donner une idée des richesses qui s’y trou- 
vent, 


I. Feoenac Hanpsook, — Ce volume, le plus impor- 
tant, est divisé en 14 chapitres. 

Dans le premier, M. E, Scott, professeur à l'Université 
de Melbourne, retrace à grands traits l’histoire de l’Aus- 
tralie, depuis sa découverte en 1606 par le navigateur 
espagnol de Quiros jusqu'au dernier grand événement 
de sa vie politique : l'institution en 1901 d’un Gouverne- 
ment et d’un Parlement fédéraux pour l’ensemble du 
pays. 

M. W.Baldwin Spencer, professeur également à l'Uni- 
versité de Melbourne, étudie ensuite les « Aborigènes 
de l'Australie », ces populations si curieuses qui, à 
l'exception d'un ou deux groupes isolés, représentent la 
race existantela plus arriérée. L'auteur donne des détails 
intéressants, illustrés de nombreuses figures, sur leur 
organisalion, les systèmes totémiques, les cérémonies 
d'initiation, les croyances, la magie et les sorciers, les 
armes et outils, l’art décoratif. 

Le chapitre LT, consacré à la géographie physique et 
générale, est dû à M. G. Taylor, physiogräphe du Bu- 
reau fédéral de Météorologie. Aupoint de vue physique, 
l'Australie peut être divisée en cinq régions : 1° la Cor- 
dillère orientale, bordant le Pacifique et s'étendant du 
cap York aux monts Grampians du Victoria et à la Tas- 
manie ; 2° le bassin du Murray et du Darling, région 
presque entièrement inférieure à 300 mètres de hauteur 
et s'élendant de Bourke à l'embouchure du Murray; 
3° les Highlands sud-australiens, avec leur vallées-fail- 
les associées, s'étendant de Broken Hill à Port Lincoln; 
4° le Grand Bassin artésien, allant du golfe de Carpen- 
tarie au lac Eyre; 5° la grande région des Plateaux, 
embrassant toute la moitié occidentale du continent. Il 
est à remarquer qu'à une ou deux exceptions près, 
aucune des limites politiques d'Etats ne correspond aux 
limites naturelles. 

On peut rapprocher de ce chapitre celui qui est con- 
sacré à la géologie (ch. VII), par M. T. W. Edgeworth 
David, professeur à l’Université de Sydney. D’après lui, 
l'Australie est essentiellement une vaste pénéplaine. 
qui a été en partie abandonnée par l'Océan, en partie 
plissée avec accompagnement de fractures profondes, 
Lesplus anciennes des vraies montagnesplisséesremon- 
tent au Carbonifère. La grande pénéplanation a eu lieu 
à l’époque permienne, et a été suivie d'une transgres- 
sion considérable de la mer dans un bassin intérieur 
allant de Sydney jusqu'à Townsvilledansle Queensland. 
Pendant les périodes triasique et jurassique, la Tasma- 
nie avec le détroit de Bass et le sud du Victoria furent 
recouverts de grands lacs et marécages dans lesquels 
se formèrent les charbons de cette époque. A la même 
époque, un vaste lac s'étendait de Brisbane jusque vers 
le lac Eyre actuel, A la fin du Jurassique ou peu après 
survinrent les gigantesques intrusions de diabase (dolé- 
rite) qui coïncident avec l’affaissement du continent du 
Gondwana et avec la surrection compensatrice du sol 
océanique. L'Australie ne fait pas exception à la règle 
générale de la transgression des mers épicontinentales 
à l’époque crétacée. Au Crétacé supérieur, les conditions 
marines sont en grande partie remplacées par des condi- 
tions lacustres : c'est le moment où se dépose le « grès 
du Désert » qui alors recouvrait probablement les trois 
quarts du Queensland, un tiers de l'Australie méridio- 
nale et un cinquième de la Nouvelle Galles du Sud, On 
a avancé que la pénéplaine australienne et tasmanienne 
n’a pas subi de plissements notables avant le Pliocène ; 
ceux-ci paraissent avoir commencé pourtant avec 
l’Oligocène pour se poursuivre surtout après le Miocène, 
qui est aussi l’époque d’une grande explosion d'activité 
volcanique sur tout le continent. Une série de glacia- 
tions successives dans les montagnes de la Tasmanie et 
du sud-est de l'Australie a commencé avec le Pléisto- 
cène. Parmi les monvements tectoniques les plus récents, 
il faut signaler le développement des grandes failles de 
tension qui ont si fortement fracturé le Flinders Range 
et l’'Eastern Divide. La faille des Darling Ranges de 
l'Australie occidentale date probablement aussi de la 
fin du Pleistocène ou de l’époque récente. 


486 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


Cette esquisse de l’histoire géologique de l'Australie, 
illustrée de cartes géologique, orographique et tecto- 
nique et de nombreuses coupes géologiques, est suivie 
d’une description stratigraphique, de notes paléontolo- 
giques, d’uneétude desroches ignées etmétamorphiques, 
et d’une annexe sur la géologie de la Papouasie. 

Le climat de 1 Australie {ch.IV) fait l’objet d’un exposé 
de M: A. H. Hunt, météorologiste fédéral. C’est Le climat 
le plus doux et le plus égal de tous les continents, par 
suite de la position géographique de l'Australie, de son 
insularité et de l’absence d'extrèmes physiographiques. 
L'Australie est comprise à peu près entre les isothermes 
de 12° et 30° C. (température moyenne annuelle). Les 
deux principales sources depluie sont les dépressions du 
Sud, qui bordent les côtes méridionales du continent sur- 
tout pendant les mois d'hiver, et les basses pressions 
tropicales qui opèrent surtout pendant les mois d'été. 
Une source secondaire, mais importante, est l'anticy- 
clone qui, en provoquant un flux d'air humide des eaux 
océaniques adjacentes en toute saison de l’année, peut 
produire des pluiès copieuses sur le littoral oriental. 
En Australie, la culture ordinaire du blé peut être con- 
sidérée comme assurée el rémunératrice partout où la 
chute de pluie est de 25 cm. au moins, d'avril à octobre. 
Il y a presque 500.000 milles carrés de territoires qui 
remplissent cette condilion; mais la moitié probable- 
ment sont inutilisables par suite de la topographie, de 
la nature du sol ou de l’excès des pluies. Toutefois, bien 
d'autres régions de l'intérieur peuvent être mises en 
valeur par Tadoption de graines résistant à la séche- 
resse et des méthodes du dry-farming, ce qui ramène au 
chiffre ci-dessus l'étendue des terrains cultivables en 
blé. Une des caractéristiques de la météorologie austra- 
lienne, avec son régime des vents un peu compliqué, 
c'est l'existence de ses « coups de vent » du sud, parti- 
culiers aux côtes de la Nouvelle Galles du Sud, et des 
cyclones violents qui visitent la côte nord-ouest de 
l'Australie occidentale et la côte nord du Queensland. 

M. J.H. Maiden, directeur des Jardins botaniques de 
Sydney, donne dans le chapitre V un aperçu de la végé- 
tation australienne, Celle-ci ne compte pas moins de 
10. 673 espèces reconnues à l'heure actuelle, dont 850/, 
environ sont endémiques. Le genre le plus répandu est 
le genre Acacia, qui ne compte pas moins de 412 espè- 
ces; après lui vient le genre Zucalyptus, avec 230 espèces, 
mais ce dernier est si abondant au point de vue du 
nombre des individus qu'il constitue sans nul doute le 
végétal le plus commun et le plus caractéristique de 
l’Australie. Dans cette flore, on peut distinguer un élé- 
ment australien original, de beaucoup prédominant, 
puis un élément austro-malais, commun sur la côte du 
Queensland et jusque dans la Nouvelle Galles du Sud, 
et enfin un élément antarctique, qu'on rencontre sur- 
tout en Tasmanie, La flore australienne a de grandes 
allinités avec celle de l'Afrique du sud, ce qui laisse 
supposer une liaison entre les deux continents aux 
époques anciennes. M. Maiden étudie la flore particu- 
lière de chaque Etat et donne d’'intéressants renseigne 
ments sur quelques questions particulières, comme la 
destruction des forêts, la législation sur les plantes 
parasites, la végétation des déserts, etc. 

Au point de vue de la vie animale (ch. VI), que décrit 
M. W. À. Haswell, professeur de Biologie à l’Université 
de Sydney, les êtres les plus caractéristiques de l’Aus- 
tralie sont des Mammifères des ordres des Monotrèmes 
et des Marsupiaux. Les Monotrèmes, représentés par 
l’ornithorhynque et le fourmilier, sont tout à fait conti- 
nés à l'Australie, et non seulement à l’époque actuelle, 
mais probablement déjà depuis le Tertiaire, Les Marsu- 
piaux, qui ont vécu pendant une longue période sans 
agression ou compétition de la part d'animaux supé- 
rieurs, se sont adaptés à un grand nombre de modes de 
vie différents, et cette évolution a abouti à un certain 
nombre de familles qui présentent un parallélisme 
distinct avec des groupes de Mammifères supérieurs 
(herbivores, singes, rongeurs, carnivores, insectivores): 
Parmi eux, les Diprotodontes sont exclusivement 


L) 
australiens à l'heure actuelle et probablement aux épo- 
ques passées, tandis que les Polyprotodontes sont 
aussi représentés dans l’Amérique du Sud, mais par 


une famille, les Didelphyidés, qui n'existe pas en Aus- 


tralie. L'auteur conclut à l'existence d’un centre com- 
mun d’origine des Marsupiaux, aujourd’hui disparu, 
d’où deux séries de formes primitives se seraient répan- 
dues à l’est et à l’ouest pour évoluer séparément en 
Australie et dans l'Amérique du Sud. La faune avicole 
de l'Australie, excessivement riche, surtout en perro- 
queis, présente également un certain nombre d'espèces 
particulières à ce continent, parmi lesquelles il faut 
citer : le casoar, l’'ému, l'oiseau-lyre, les Méliphages, ete, 

Dans un chapitre sur l’Astronomie et la Géodésie en 
Australie (ch. VIII), M. P. Baracchi, astronome du Gou- 
vernement du Victoria, expose les travaux astrono- 
miques accomplis : par les navigateurs et les explora- 
teurs, dans un but géographique: par les observatoires 
permanents du Gouvernement, aujourd’hui au nombre 
de 5 : Sydney, remplaçant celui de Parramatta (Nouvelle 
Galles du Sud), Melbourne (qui a succédé à l'Observa- 
toire aujourd'hui disparu de Williamstown, dans le Vic- 
toria), Adelaïde, Perth et Brisbane (le Gouvernement du 
Commonwealth se propose, en outre, d’édifier un obser- 
vatoire permanent sur le Mont Stromlo, dans le Terri- 
toire fédéral, à 11 km. du centre de la capitale fédérale 
Canberra); par les astronomes amateurs (en particulier 
par M, Tebbutt dans son observatoire privé de Windsor, 
N,S. W.); par les expéditions envoyées en Australie 
pour l'observation de phénomènes astronomiques im- 
portants; enfin pour la détermination des longitudes 
australiennes. Les travaux géodésiques et les triangula- 
tions de haute précision ne sont assurés que dans les 
trois états oriéntaux : Queensland, Victoria et Nouvelle 
Galles du Sud ; aussi la création d’un Service géodésique 
fédéral s'impose. 

Le chapitre IX, dû à M. G. Sinclair, est consacré au 
« développement pastoral et agricole de l'Australie ». 
Les produits de l’industrie pastorale sont : la laine du 
mouton mérinos, dont l'exportation s’est élevée à 
1.696.146 balles, valant plus de 650 millions, en r912- 
1913; puis la viande congélée, dont l'exportation à 
atteint, en 1911-1912, 2.076.208 carcasses de moutons, 
1.497.131 carcasses d'agneaux_et 648.313 quartiers de 
bœuf; enfin le beurre, le fromage, le lait et le lait con- 
densé (l'exportation du beurre seul s’est élevée à plus 
de 115 millions en 1911). Parmi les diverses cultures, il 
faut citer en première ligne celle du blé, qui s’est déve- 
loppée considérablement, grâce au système du « dry 
farming » (production : 95 millions de bushels en 
1910-11), puis les autres céréales, la luzerne, le tabac, la 
pommè de terre, les oignons, la canne à sucre, la vigne 
(qui donne des vins appréciés et des raisins secs), les 
fruits (en particulier la pomme, qui donne lieu à une 
forte exportation de la Tasmanie), L'auteur fournit des 
renseignements intéressants sur les travaux d'irrigation 
et les puits artésiens, les conditions du travail, l’ensei- 
gnement agricole. 

Après les produits agricoles, les richesses minières 
(ch. X) sont exposées, état par élat, par MM. E. F. Pitt- 
man et À. G, Maitland, géologues des Gouvernements 
de la Nouvelle-Galles du ‘Sud et de l'Australie occiden- 

tale, Les principales sontl’or, dont la production esten 
décroissance depuis quelques années, l'argent et le 
plomb, le cuivre, l'étain et la houille. 

Dans le chapitre XI : Fabriques, développement 
industriel et commercial, M. G. Lightfoot montre que 
l'Australie n’est pas seulement un continent agricole et 
minier, mais encore qu’elle est en passe de devenir un 
pays industriel. La production des objets fabriqués s’éle- 
vait en 1911 à plus de 1.250.000.000 de francs sur une 
production totale de 4.700.000.000 de francs pour l’en- 
semble du Commonwealth. Le nombre des usines était 
alors de 14.455 et celui des employés de 311.772, dont le 
salaire moyen annuel était de 2,300 franes. Les prinei- 
pales industries sont: la fabrication des textiles et vête- 
ments, la métallurgie, les produits alimentaires, le 


sushi 


TT 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 487. 


travail du bois, la fabrication du papier et l'imprimerie, 
les matériaux de construction, ete, Ce développement 
industriel a donné lieu à toute une législation sur les 
usines, lesconditions de travailetla fixation dessalaires, 
qui est l’une des plus complètes et des plus avancées de 
notreépoque,Lecommercetotaldel'Australieentg12s'est 
élevé à 1.977 millions aux exportations et 1.954 millions 
aux importations. Dans ce commerce, le Royaume-Uni et 
ses colonies ontune part d'environ 60/,,les Etats-Unis de 
12 0/5, l'Allemagne de 7 /,, la part du Royaume-Uni 
étant en décroissance par rapport aux autres pays. Le 
tonnage total des navires de commerce ayant touchéles 
ports australiens en 1911 a été de 9.985.000 tonnes, 
auxquelles les différents pays ont participé pour les 
quantités suivantes : Royaume-Uni : 8,00 1,000 tonnes, 
Nouvelle Zélande 1.886.000, Allemagne 636.000, Chili 
576.000, Etats-Unis 535.000, Afrique du Sud 375.000, 
Japon 261.000, Inde et Ceylan 243.000, France 239.000. 
La longueur des chemins de fer exploités, dont la con- 
struction a commencé en 1846, atteignait en 19r2 
16.898 milles pour les lignes d'Etats et 944 pour les lignes 
des compagnies privées. Mais elles n’ont pas toutes la 
même largeur de voie : le Queensland, une partie de 
l'Australie du Sud, l'Australie occidentale, le Territoire 
du Nord, et la plupart des compagnies privées ont un 
réseau à voie étroite ; le Victoria et le reste de l’Austra- 
lie du Sud un réseau à voie large, et la Nouvelle Galles 
du Sud un réseau à voie moyenne (4 pieds 8 1/2 pouces). 
IL est probable que l’unilication se fera un jour sur cette 
dernière base; c’est celle qui a été adoptée pour le che- 
min dé fér transcontinental de 1.590 milles, qui doit 
relier l'Australie de l’ouest à l’est et dont la construction 
est commencée, 

Dans le chapitre XII: Politique et développement de 
l’enseignement, M. F. Anderson, professeur à l’Univer- 
sité de Sydney, fait l’historique de l'instruction publi- 
que et la description de ses méthodes actuelles dans les 
six Etats, lesquelles se caractérisent par une centralisa- 
tion très prononcée. Nous retiendrons quelques détails 
sur l’enseignement supérieur, assuré aujourd’hui par 
six universités (une par Etat) : Sydney, fondée en 1850, 
avec 1407 étudiants en 1911; Melbourne(1853, 1129 étu- 
diants), Adélaïde (186, 621 étudiants), Tasmanie (1890, 
147 étudiants), Brisbane (1911, 83 étudiants), Perth 
(1912, statistique non encore publiée). Ces Universités 
sont constituées sur le modèle des universités provin- 
ciales anglaises, comme celles de Manchester ou de 
Birmingham. 

Le chapitre XIII est consacré par M. W. H. Moore, 
professeur à l'Université de Melbourne, aux systèmes 
politiques de l'Australie, Chaque colonie jouit d’un gou- 
vernement autonome constitué suivant le système an- 
glais par un cabinet ministériel et deux chambres légis- 
latives.Depuisle 1°" janvierrgo1,lessix colonies ontconsti- 
tué un «Commonwealth » fédéral, qui possède également 
son gouvernement et son Parlement, qui s’occupent des 
intérêts communs de la Fédération, tout en laissant aux 
états séparés tous leurs droitsetleurs privilègesen ce qui 
concerne leurs intérêts particuliers. Une autre caracté- 
ristique de la vie politique de l'Australie, c’est le rapide 
développement du « Labour Party » dans les différents 
Etats, lequel a pris en mains à plusieurs reprises le gou- 
vernement. 

L'ouvrage se términe (ch. XIV) par quelques notes de 
M. G. H. Knibbs, statisticien du Commonwealth, sur 
l'Australie, son peuple et ses activités. Le pays est ha- 
bité par 4.668.707 habitants, soit 0,6 au km?, La popu- 
lation est caractérisée par sa faible mortalité, qui était 
de 10,95 °/o0 en 1911-1912, et sa grande longévité : 56 3/, °/, 
des hommes et 631/,0/, des femmes y atteignent l’âge 
de 60 ans, 141/,v/, des hommes et 211/, des femmes 
l’âge de 80 ans. D’autres chiffres intéressants sont don- 
nés sur la dette publique, les dépôts dans les banques, 
les caisses d'épargne, les compagnies d'assurances, les 
industries, l'immigration, le service postal, etc. 


II. Haxpsooks spécraux, — Le manque de place ne 


nous permet de donner que de brèves indications sur 
les volumes consacrés aux différents Etats. 

1. Handbook for New South Wales. est divisé en 
deux sections : l’une, relative aux sciences sociales et 
économiques, renferme 15 chapitres sur l’histoire, la 
géographie, la législation, la statistique, l'instruction 
publique, les voies de communication, l’agriculture, l’ir- 
rigation; l’autre, relative aux sciences naturelles, con- 
tient sept chapitres relatifs à la zoologie, à la botani- 
que, à l'anthropologie, à la géographie physique, à la 
géologie, à l'industrie minérale et à l’astronomie, L'Etat 
de la Nouvelle-Galles du Sud, sur le territoire duquel la 
colonisation anglaise en Australie a commencé il y a 
127 ans par l'établissement de quelques colons à Sydney, 
est aujourd’hui l’un des plus avancés et des plus pros- 
pères. 

2. Handbook to Victoria. Ce volume s'ouvre par un 
chapitre sur les différents problèmes qui se posent au- 
jourd'hui et qui attendent une solution scientifique. Puis 
divers auteurs passent successivement en revue la popu- 
lation et l’émigration, l'instruction publique, le gouver- 
nement local et les travaux publics, les lois sur le tra- 
vail et les conditions sociales,le défrichement des terres 
et l’agriculture, l'exploitation forestière, puis les mines 
et la géologie. L'Etat de Victoria est le plus petit de la 
Confédération australienne, mais c’est le secondau point 
de vue du nombre d'habitants et le premier pour la den- 
silé de la population; il possède également un haut de- 
gré de développement. 

3. Our first half century (Queensland). Cet ouvrage 
n'a pas élé écrit à proprement parler pour le Congrès 
de l'Association britannique, mais pour le Jubilé cin- 
quantenaire de l'érection du Queensland en colonie sé- 
parée ; il remonte déjà à quelques années. Après un cer- 
tain nombre de chapitres consacrés à l’histoire de la 
colonie, à Son gouvernement, à ses finances, à l’instruc- 
tion publique, il faut citer surtout la partie qui s'occupe 
des industries primaires, au nombre desquelles l’indus- 
trie pastorale, l’agriculture, qui a fait d'importants pro- 
grès, malgré la sécheresse du climat, grâce au percement 
de nombreux puits artésiens qui fournissent de l’eau 
en abondance; l’industrie sucrière, qui utilise la canne 
et fournit annuellement près de 200.000 tonnes de su- 
cre ; l’industrie minière, qui exploite de nombreux gise- 
ments de métaux, de charbon et de pierres précieuses. 

4. Handbook of South Australia. Cette colonie se ca- 
ractérise par son climat, l’un des plus doux et des plus 
sains du monde, et la diversité des sols, ce qui permet 
la cullure d’un grand nombre de céréales, de fruits (en 
particulier la vigne) et de légumes, En fait, l'Australie 
du sud est, proportionnellement à sa population, l'Etat 
le plus agricole de la Confédération australienne. Il n’est 
pas dépourvu, cependant, de richesses minérales, qui 
sont activement exploitées, en particulier des mines de 
radium., L'ouvrage relatif à l'Australie du Sud est divisé 
en 5 sections relatives aux institutions civiques, à l’éco- 
nomique, aux industries, au commercé et aux sciences 
naturelles. 

5. Handbook and Guide to Western Australia. L'Austra- 
lie occidentale est le plus grand Etat du Commomvealth, 
puisqu'il forme presque un tiers du continent, mais c’est 
aussi le moins peuplé, Sa principale richesse consiste 
dans ses mines, surtout ses mines d’or qui avaient pro- 
duit près de 3 milliards à la fin de 1913. Cependant 
l’agriculture et l’industrie pastorale, confinées à une 
bande côtière par suite de la sécheresse de l'intérieur, 
se développent à leur tour, tandis que la pêche de la ba- 
leine et des perles est pratiquée sur les côtes. Le Guide 
donne d'intéressants renseignements sur l’agriculture et 
le climat, la botanique, la zoologie, la géologie et les 
mines de la colonie, ainsi que sur quelques établisse- 
ments scientifiques, 

L'ensemble de ces publications! est tout particulière- 
ment intéressant à consulter au moment où le Dominion 


1. Nous n'avons pas reçu la publication relative à la Tas- 
manie. 


488 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


australien fait preuve d’un si beau loyalisme envers la 
Métropole et apporte aux Alliés le concours apprécié 
de ses forces militaires et navales. 


Louis BRUNET. 


Trouard-Riolle (Mlle Yvonne) — Recherches 
morphologiques et biologiques sur les Radis 
cultivés. — 1 vol. in-80 de 244 p. avec 155 fig. Berger- 
Levrault, éditeur, Nancy, 1915. 


Le mémoire très intéressant de Mlle Trouard-Riolle 
comprend une introduction, un historique, des recher- 
ches morphologiques et botaniques(études morphologi- 
ques et botaniques sur les tubercules de Radis cultivés ; 
étude morphologique et botanique des Radis cultivés ; 
les Æaphanus sauvages), et des recherches biologiques 
(essais d'amélioration du ÆRaphanus Raphanistrum ; 
hybridation chez les Raphanus; dégénérescence des 
Radis cultivés). 

Les conclusions de ce travail sont les suivantes: 
Toutes les variétés de Radis cultivés semblent se rap- 
porter à deux types distincts : 

1° Le type *aphanus sativus L.; 

2° Le type des Radis japonais : À. 
Raphanistroides 
Morel. 

Le type 7° 1 renferme quatre petites espèces secon- 
daires, dont quelques-unes sont connues depuis un mil- 
lier d'années, 

Les variétés chinoises contiennent beaucoup plus 
d'amidon que les variétés japonaises ou européennes. 

L'évolution des siliques est beaucoup plus limitée que 
celle des feuilles, depuis le stade à siliques globuleuses 
(2. sativus) jusqu’au stade ?, sativus f. Raphanistroides 
qui se rapproche de À. Raphanistrum. On constate 
dans chaque espèce une certaine fixité dans la structure 
des fruits, telle que dans le À, sativus vrai on n’ob- 
serve jamais de formes qui permettent de le confondre 
avec le 22. forma Raphanistroides. 

Ce dernier semble évoluer davantage 
R, sativus vrai. 

La forme À. sativus f. raphanistroides est spontanée 
en Chine et au Japon ; la forme À. saiivus vrai n'a pas, 
semble-t-il, de représentants spontanés. Elle parait 
subspontanée depuis le Caucase jusqu'aux Canaries 
(Ténériffe). Elle conserve tous ses caractères botaniques 
et on ne peut l’assimiler à aucune des espèces sauvages 
connues de Raphanus. 

En ce qui concerne les parentés entre le À, sativus et 
le 2. Raphanistrum, Mlle Trouard-Riolle est arrivée aux 
conclusions suivantes : 

1° Il est impossible en quelques générations de trans- 
former le A. Raphanistrum en R. sativus, si l'on a soin 
de ne se servir que de graines provenant d’auto-fécon- 
dation ; 

20 Cette transformation est possible si l'on ne se met 
pas à l'abri de pollen étranger (hybrides entre À. sati- 
vus et À. Raphanistrum). Ces deux plantes peuvent faci- 
lement s’hybrider et donnent à la première génération 
des plantes à caractères intermédiaires ; 

3° Les croisements entre Radis européens et japonais 
donnent des croisements comparables ; 

lo Des croisements entre Radis européens donnent, 
au contraire, des résultats bien différents; 

5° Si l’on fait dégénérer un 2, sativus, il ne semble 
pas se rapprocher du X#?, Raphanistrum. Un radis cultivé 
perd rapidement la faculté de tubériser, mais la forme 
de ses fruits semble rester absolument fixe. 

« Le Radis cultivé ne dérive donc certainement pas du 
Raphanus Raphanistrum, au moins dans les limites des 
variations historiques », 

L'origine du Radis cultivé semble être double : 

1° Les Radis japonais descendent des À. sativus f. 
Raphanistroides spontanés en Chine et au Japon ; 

2° Les Radis européens et chinois semblent avoir 


sativus forma 
(Makino) ou le À. acanthiformis 


vers Je 


comme origine un autre type qui a peut-être actuelle- 
ment disparu. Il a dû croître près du Caucase, et sa cul- 
ture, d’après de Candolle, se serait répandue à l’est 
jusque vers la Chine et le Tonkin, à l’ouest jusque vers 
l'Europe et le nord de l'Afrique. « Sous l'influence des 
climats différents, la plante aurait acquis des qualités 
particulières ; ces qualités se seraient fixées au cours des 
âges et leur ensemble aurait servi à distinguer dans la 
suite les principales variétés de Radis cultivés. » 


P. HaAroT, 


Assistant au Muséum, 


4 Sciences diverses 


Denis (Ernest), Professeur à l’Université de Paris. — 
La Guerre. CAUSES IMMÉDIATES ET LOINTAINES. L’IN- 
TOXICATION D'UN PEUPLE, LE TRAITÉ. — 1 vol. in-18° de 
356 p. (Prix : 3 fr. 50). Librairie Ch. Delagrave, 15, 
rue Soufflot, Paris, 1915. 


Ce livre est l’un des plus remarquables qui aient été 
écrits sur les causes de la guerre actuelle. Œuvre d'un 
homme qui, sans rester « étranger aux colères et aux 
enthousiasmes qui, dans ces heures tragiques,soulèvent 
tous les cœurs français», « n’a pourtant au cœur aucune 
haine contre l'Allemagne », il expose, en s'appuyant 
toujours sur des faits incontlestés et des témoignages 
irréfutables, tantôt la lente intoxication qui, mal- 
gré certaines forces de résistance pacifique, a créé 
outre-Rhin une volonté de domination et une fièvre de 
puissance si intenses qu'elles devaient fatalement abou- 
tir à déchaïiner sur le monde la guerre pour l’établisse- 
ment de l’hégémonie germanique, tantôt les faits poli- 
tiques qui ont précédé le conflit actuel et d’où ressort 
avec évidence la responsabilité des Empires du centre 
dans la préparation de ce conflit etla déclaration de . 
guerre. L'auteur examine, enterminant, les facteurs qui 
doivent déterminer les conditions du traité que les 
Alliés dicteront à leurs ennemis et qui sont l’équilibre, 
le respect des nationalités et la suppression de la paix 
armée, 


INVaIE 


Giraud (Victor). — Le Miracle français. — 1 vol. 
in-16° de xxx-246 p. (Prix: 3 fr. 50.) Librairie 
Hachette et Cie, Paris, 1915. 


Dans cet ouvrage, l’auteur a rassemblé quelques-unes 
des pages qui lui ont été inspirées par les prodigieux 
événements auxquels nous assistons depuis une année. 

Les premières, qui ont donné leur titre au livre entier, 
sont consacrées à peindre cette France de 1914 qui, 
«par l'élan unanime avec lequel elle a soutenu son rôle, 
par sa constance dans la mauvaise comme dans labonne 
fortune, par la continuité et la diversité de son hé- 
roïsme, par son ardeur de sacrifice, par l’obstination 
patiente de son long effort, a émerveillé ceux qui 
l’avaient méconnue, et à ceux qui, la connaissant bien, 
n'avaient jamais douté d'elle... a fourni de nouvel- 
les raisons de tendresse, d'espérance et de fierté. » 

Si la France de la victoire est digne de la France de 
la guerre, si l'esprit d'aujourd'hui domine dans la 
France de demain, « ce sera le véritable miracle fran- 
çais ». 

Et dans les autres chapitres du livre, soit qu'il 
s'adresse auxjeunes gens qui sont sur le front, soit qu’il 
réponde à Maximilien Harden ou à l’article « France » 
du Times, soit qu’il étudie la question d’Alsace-Lorraine 
dans le roman français contemporain ou d’après un té- 
moignage alsacien, c’est toujours le même sentiment 
qui anime M. Victor Giraud : « apporter quelque récon- 
fort et des motifs d'espérer à tous ceux qui, même dans 
les plus sombres jours, ont eu foi dans les destinées de 
notre admirable pays ». 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 189 


ee 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 


Séance du 5 Juillet 1915 


1° ScreNces PHYSIQUES. — M. Ziller: Coups de foudre 
sur les lignes télégraphiques. L'auteur a fait les obser- 
vations suivantes : 1° Les poteaux des lignes ne suppor- 
tant qu'un fil sont plus particulièrement sujets à être 
foudroyés; la situation topographique du poteau ne 
parait jouer aucun rôle, 2° Sur les lignes chargées de 
fils, il n’y a jamais d'accident en ligne courante; seuls 
sont frappés les poteaux qui servent de point de déri- 
valion à un fil du service dela voie ferrée se détachant 
de la ligne principale, 3° L'effet du coup de foudre est 
toujours le même : l’isolateur est décapité avec une cas- 
sure nette ; le bois du poteau est fendu à partir de l’ex- 
trèémité inférieure de la console en fer de l’isolateur et 
la fente va en s'élargissant vers le pied du poteau. Il 
serait très utile d'introduire, dans le circuit des conduc- 
teurs prenant terre dans voisinage de la ligne, un dis- 
positif offrant une self-induction, quelque petite qu’elle 
soit, qui offrirait une résistance marquée aux courants 
oscillatoires, sans gêner en rien le courant d’exploita- 
tion. 

20 SCIRNCES NATURELLES. — M. J. Cluzet : Procédé 
simple pour l'examen électrique des paralysies. L'au- 
teur fait usage d’une série de condensateurs plans, se 
chargeant directement sur un secteur d'éclairage ou de 
force, et donnant les capacités de 0,01 à 10 microfarads. 
1° Lorsque la décharge des faibles capacités, appliquée 
sur le tronc nerveux et sur les muscles paralysés cor- 
respondants, produit une contraction musculaire nor- 
male (c'est-à-dire rapide, la paralysie n’est pas due à 
une lésion du tronc nerveux, toutau moins dans la par- 
tie excitable de celui-ci. 2°Dansles paralysies récentes, 
il peut arriver que le tronc nerveux soit inexcitable au- 
dessus de la blessure, tandis que les réactions du mus- 
cle sont encore normales : on a alors un signe précoce 
de lésion nerveuse au niveau de la blessure. 3° Le tronc 
nerveux étant inexcitable, silesmusclescorrespondants 
le sont aussi aux décharges des faibles capacités et s'ils 
répondent, par une contraction lente, aux décharges 
des fortes capacités(avecousans résistanceintercalaire), 
on a tous les caractères essentiels de la réaction de dé- 
générescence : la lésion du neurone moteur périphéri- 
que est certaine, — MM. A. Policard et A. Phé- 
lip : Les premiers stades de l’évolution des lésions dans 
les blessures par projectiles de guerre. D'une façon 
générale, à une phase de sidération de 6 heures envi- 
ron font suite deux processus simultanéset contraires: 
réaction faible des tissus sains, multiplication active et 
précoce d’un bacille anaérobie apporté par les débris 
vestimentaires souillés et dont les produits de sécrétion 
semblent être extrêmement actifs, Comme conséquences 
pratiques, il faut que le chirurgien s’efforce d'enlever, 
le plus tôt possible, au moins les débris vestimentaires ; 
d'autre part, le peu d'intensité des phénomènes réac- 
tionnels de défense du côté des tissus sains doit le ren- 
dre méfiant quant à l'emploi exclusif des antiseptiques,. 
— M. Ed. Crouzel : Du traitement des plaies récentes 
par un liquide iodé expansible. L'auteur a employé avec 
succès depuis 5 ans, dans les plaiesrécentes des mem- 
bres, l’éther iodé à 5 0/0. La pénétration par diffusibilité 
de ce liquide est infiniment plus rapide et plus considé- 
rable que celle de la teinture d’iode ; il suflit de leproieter 
sur les plaies superficielles; dans les plaies profondes, 
on l’injecte jusque dans les profondeurs. — M.M. Gard: 
Un genre de Légumineuses-Papilionacées nouveau pour 
la cyanogenèse (genre Ornithopus L.). L'auteur a constaté 


la présence d’un composé cyanogénétique dans les feuil- 
les, fleurs et fruits des Ornithopus compressus el perpu- 
sillus; les O. roseus et ebracteatus en contiennentégale - 
ment de faibles quantités. — M. H. Pénau : Cylologie 
du Bacillus verdunensis #. sp. L'étude de cé bacille, 
trouvé dans l'eau d’un puits de Verdun, corrobore les 
recherches précédentes de l’auteur sur la présence, dans 
les bactéries endosporées, d’un noyau net, transitoire, 
comme dans les Bacillus mycoides et anthracis, auquel 
fait suite un noyau diffus, un chromidicien, tandis que 
dans le B. megatherium, au contraire, ces deux forma- 
tions nucléaires coexistent pendant toute la durée du 
développement. L'évolution du B. verdunensis présente 
d’ailleurs de très grandes analogies avec celle du char- 
bon. — M. Billon-Daguerre : Sur un mode de souti- 
rage des liquides en lames minces, dans le cas de stéri- 
lisation par les rayons ultraviolets. Au lieu de puiser 
l’eau à stériliser en un point quelconque du liquide, 
dans lequel il se produit toujours un certain remous, le 
puisage a lieu à la surface même de la lampe, point 
précis où l’action stérilisanteacquiert son maximum. Ce 
puisage est opéré à l’aide d’un tube en quartz pur et 
transparent, en forme deT, faisant fonction de pipette ; 
cette pipette porte une fenêtre horizontale sur laquelle 
vient s'appuyer la lampe. 


Seance du 12 Juillet 1915 


1° SCIENCES PHYSIQUES. — MM. Em. Bourquelot, 
M. Bridel et A. Aubry : Xecherches sur la glucosidifi- 
cation de la glycérine par la glucosidase #. De même que 
la glucosidase £, la glucosidase # agit sur lemélange de 
glycérine et de glucose en donnant des produits qui 
n'ont pu être isolés à l’état cristallisé, mais qui parais- 
sent être constitués par deux glucosides dont l’un au- 
rait un pouvoir rotatoire supérieur à 129° et l’autre 
un pouvoir rotatoire inférieur à 1200. — M. P. Pe- 
tit: Quelques observations surl'amylase du malt. On peut 
obtenir une solution de diastase conservant plusieurs 
semaines son activité constante de la manière suivante : 
le malt réduit en poudre fine est infusé 24 h. avec de 
l’acétone étendue d’eau (30 à 35 °/, d’acétone en volume); 
on filtre et on conserve à l’obseurité. L'action de la lu- 
mière est nocive et se traduit par un accroissement 
d’acidité et une diminution de pouvoir diastasique. En 
précipitant l’infusion filtrée par un excès d’éther et 
d’acétone (1 : 2), séparant le précipité par décantation 
au bout de 2/4 heures et laissant sécher dans le vide, on 
obtient la diastase solide, qui permet de préparer des 
solutions actives et très pures. 

2° SCIENCES NATURELLES. — M. M. Tiffeneau : Com- 
paraison des diverses adrénalines et de leurs homolo- 
gues d'après leur action sur la pression artérielle chez 
le chien atropinisé. L'auteur a constaté qu'il suflit d’atro- 
piniser le chien chloralosé pour obtenir, avec les diver- 
ses adrénalines, des tracés de la pression artérielle qui 
présentent tous sensiblement la même allure et dont la 
comparaison par superposition est des plus probantes. 
Par cette méthode, l’auteur a reconnu que l’adrénaline 
lévogyre, .naturelle où synthétique, se montre 15 ou 
20 fois plus active que son isomère dextrogyre., — 
MM. F. Bordas et S. Bruère: Contribution à l'étude 
des phénomènes de la putréfaction, Les auteurs ont re- 
cherché si l’enfouissement des cadavres dans le fumier 
en accélère la décomposition. Ils ont constaté que 
456 heures de séjour dans du fumier frais ont sufli à 
liquéfier 620 gr. de matière organique, par la seule ac- 
tion des germes extérieurs à l'animal enfoui. — M.]J. 
Deprat : Mode de formation de deux centres volcani- 
ques japonais, l'Aso-San et l'Asama-Yama, comparés à 


490 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


des centres volcaniques d'âges géologiques anciens. 
L'Aso-San, énorme centre volcanique de l’ilede Kiu-shu, 
formé d’un vaste cône surbaissé de 50 km. de diamètre 
en moyenne, avec un cratère central de 20 km., paraît 
posséder une structure exactement semblable au grand 
centre volcanique de l'Anglona en Sardaigne. L’Asama- 
Yama, autre volcan constitué par la croissance de plus 
en plus considérable d’un dôme d’andésite, explosant 
violemment par intervallesàsa partie terminale, trouve 
son analogue dans le dômetrachytique du Monte Ferru, 
en Sardaigne, qui a dû fonctionner d’une façon identi- 
que. — M. D. Eginitis: Sur les phénomènes géologi- 
ques observés pendant les deux derniers sismes de 
Leuçade et d’Ithaque. Le tremblement de terre du 
27 novembre 1914 a eu pour effet la formation, sur un 
grand nombre d’endroits de Leucade, de crevasses pou- 
vant atteindre 0,3 m. de largeur sur une longueur de 
3 km., puis d’affaissements et d'abaissements du sol ma- 
rin, en particulier à Nydri. On a observé aussi de nom- 
breuses et légères crevasses et quelques petits affaisse- 
ments sur plusieurs endroits de l'ile d’Ithaque après 
le grand sisme du 27 janvier 1915. Ces manifesla- 
tions sont la suite des grands phénomènes géologiques 
qui ont séparé l'ile de Leucade de la Grèce continentale. 


Séance du 19 Juillet 1915 


1° SCIENCES PHYSIQUES. — MM, Ch. Eug. Guye et 
Ch. Lavanchy: Vérification expérimentale de la for- 
mule de Lorentz-Einstein par les rayons cathodiques de 
grande vitesse. Les auteurs, par leurs mesures sur les 
rayons cathodiques de grande vitesse, ont vérifié avec 
une très grande exactitude la formule de Lorentz- 
Einstein sur la variation de l'inertie en fonction de la 
vitesse. La répartilion à peu près indifférente des écarts 
positifs et négatifs, jointe au grand nombre des détermi- 
nations effectuées, semble bien indiquer que la formule de 
Lorentz-Einstein représente une loi très exacte, que des 
déterminations même individuellement plus précises ne 
parviendraient pas aisément à mettre en défaut. — 
M. G. Lemoine : Catalyse de l’eau oxygénée en milieu 
homogène avec les acides et les alcalis. L'auteur a 
reconnu que la décomposition de H?O? est retardée par 
les acides et accélérée par les alcalis dans des propor- 
tions numériques très considérables. L'action retarda- 
trice des acides peut se rattacher à l’aflinité des acides 
pour l’eau, l'influence accélératrice des alealis à la for- 
mation d’un bioxyde. — M. E. Fleurent : 4 propos du 
pain destiné aux prisonniers de guerre. En général, ce 
pain arrive moisi par suite de l’action de l'humidité de 
l'air pendant la longue durée du voyage. Pour éviter cet 
inconvénient, l’auteur recommande de fabriquer le pain 
comme suit : la pâte est préparée à la manière ordinaire, 
puis placée pour la fermentation dans des bannetons 
parallélépipédiques d’une contenance d'environ 1 kilog ; 
au moment de la cuisson, la croûte sera maintenue lisse, 
et la cuisson devra être plutôt un peu prolongée, de 
façon à obtenir une stérilisation parfaite. Au sortir du 
four, chaque pain encore chaud est enveloppé successi- 
vement dans deux feuilles de papier fort (papier sulfurisé, 
dit « parchemin », de préférence) en contrariant les fer- 
metures de pliage, puis ficelé. Cela fait, lorsque la tem- 
pérature du four est descendue à 120°-130°, les pains 
empaquetés y sont logés de nouveau et abandonnés 
pendant 15 à 20 minutes. Défournés définitivement, ils 
peuvent, après refroidissement, être expédiés en prenant 
les précautions d'usage. Du pain préparé ainsi a pu être 
conservé pendant plus d'un mois dans une cave sombre 
et humide sans altération; il reste tendre et devient 
simplement rassis. 

2° SCIENCES NATURELLES. — M, E. Vastiçar : Les for- 
mations nucléaires des cellules auditives externes et de 
Deiters. L'auteur signale, dans le noyau des cellules au- 
ditives externes, une sorte de bätonnet cylindrique de 
longueur variable, implanté dans le pôle céphalique du 
noyau et incliné vers l'axe du limaçon. L’extrémité libre 
du bâtonnet est en rapport direct de contiguité avec la 


surface basale du cône endoplasmique qui coiffe géné- 
ralement la plus grande partie de l'hémisphère céphali- 
que du noyau. Les cellules de Deiters offrent une 
formation nucléaire très analogue à la précédente ; le 
siège du bâtonnet y est le même, mais son orientation 
est inverse : il est incliné en dehors de l’axe de l'organe. 
— M. L. Roule: Sur les Poissons abyssaux de la famille 
des Brotulidés dans l'océan Atlantique nord. L'auteur 
décrit deux espèces nouvelles de cette famille et une 
troisième imparfaitement identifiée, d’après les exem- 
plaires dragués par le Prince de Monaco dans l’Atlanti- 
que nord. Ces espèces et les autres déjà connues, créées 
pour un petit nombre et souvent pour un exemplaire 
unique, auront peut-être besoin d’être revisées, s’il était 
démontré que les représentants abyssaux de la famille 
des Brotulidés ont une capacité de variation indivi- 
duelle plus étendue que la moyenne des Poissons. 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 
Séance du 6 Juillet 1915 


M. Maurice de Fleury: L'abus des antiseptiques et 
le pansement à l'eau de mer. L'auteur a reconnu que 
l'emploi constant de l'eau de mer ramenée à l'isotonie, 
utilisée sous forme de lavages très abondants, puis de 
mèches et de compresses imbibées, constilue un mode 
de pansement de premier ordre pour la plupart des 
traumatismes de guerre. L’eau de mer est recueillie au 
large à 3 où 4 mètres de profondeur dans des touries 
stérilisées, puis, pour plus de sûreté, portée à l'ébullition 
pendant 20 minutes et filtrée avec soin. M. Ch. Monod 
signale que son fils a obtenu les mêmes résullats, dans 
un service du front, avee de l'eau salée à 14 9/05. — 
M. A. Gautier : La ration actuelle du soldat en cam- 
pagne. L'auteur rappelle que la ration de guerre du sol- 
dat français ne développe que 8.200 calories environ, 
alors que 3.900 calories en moyenne sont nécessaires 
à l’ouvrier ou au laboureur au travail dans nos régions. 
Pour remédier à l’insuflisance de cette ration, il necon- 
vient pas d'augmenter la viande, qui est déjà trop 
abondante, mais plutôt les légumes (en conserves) et 
spécialement le vin, dont la ration pourrait être portée 
de 25 à 95 centilitres de vin à 10°.par jour. Cette bois- 
son, à la fois excitante et nutritive, permet mieux 
que tout autre aliment de produire tout à coup le tra- 
vail intensif de l'attaque ou de la défense, 


Séance du 13 Juillet 4915 


M, Grimbert : Xapport sur les mesures à prendre 
contre l'envahissement de la thérapeutique par les pro- 
duits médicamenteux d’origine étrangère. Le rapporteur 
propose d'émettre les vœux suivants : 1° que la loi 
de 1857 sur les marques de fabrique soit modifiée de 
manière qu'aucune dénomination simple donnée à un 
produit chimique médicamenteux délini ne puisse deve- 
nir à perpétuité une propriété privative au profit de 
son auteur; 2° qu'un moyen soit trouvé de sauvegarder 
pendant un temps limité les intérêts légitimes de l'in- 
venteur de ce produit médicamenteux. — L'Académie 
adopte à l'unanimité, avec quelques modifications, les 
conclusions du Rapport de M. Gilbert Ballet sur les 
mesures à prendre contre l'alcoolisme (voir p. 449). 


Séance du 20 Juillet 1919 


M. L. Landouzy : Vote sur 600 injections antityphoï- 
des. L'auteur a pratiqué au Dispensaire Léon Bour- 
géois 600 injections antityphoïdes, avec le vaccin Vin- 


cent, toutes contrôlées au point de vue des phénomènes 


objectifs et subjectifs survenus après chacune des 4 ino- 
culations faites à chaque sujet. Toute personne indemne 
d'affection du poumon, du cœur ou des reins, aseptique- 
ment vaccinée, pour peu quelle ne se surmène pas, 
qu’elle ne s’'alcoolise pas, supporte d'ordinaire un mini- 
rmum d’ennuis et de malaises, très souvent inférieurs à 
ceux qu'occasionne la vaccination jennérienne. En cas 


NT NT ES PO TU 0 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 491 


de douleur localisée, de malaise général, de courbature, 
de frissons et defièvre, lesecomplications sont de peu de 
durée, Dans aucun cas l'auteur n'a observé d'irritation 
cutanée, delymphangite on de phlegmon, encore moins 
d'abcès ou d'érisypèle, — M. le D' Pétrovitch : Sur le 
traitement de la fièvre typhoide par l'homosérothérapie 
dans l'armée serbe. Au cours de la guerre actuelle, l'au- 
teuraemployé la méthode homosérothérapique au traite- 
ment de la fièvre typhoïde dans l’armée serbe. Le sérum 
était emprunté soit à des convalescents de la maladie, 
soit à des sujets immunisés par vaccination préventive. 
Sur 487 malades traités par cette méthode, 21 ont suc- 
combé, ee qui fait une mortalité de 4,3°,, alors que 
1020 cas de fièvre typhoïde traités, en même temps, par 
les moyens habituels ont donné un chiffre de mortalité 
de 12,8 ‘/,. Dans une trentaine de cas, un peu de vaccin 
antityphique fut ajouté à l’'homosérum; ce traitement 
mixte donna des résultats encore plus favorables. 


SOCIETÉ DE BIOLOGIE 
Séance du 10 Juillet 1915 


M. J. Salkind : Le filtre chromoscopique. L'auteur dé- 
crit un procédé permettant de voir, colorés sur fond 
blane, les objets microscopiques transparents et inco- 
lores. Le « filtre chromoscopique » qu’il emploie est 
essentiellement constitué par un disque de verre (de 
celluloïd ou même de papier calque) de dimensions qui 
lui permettent d'être introduit dans l'emplacement 
ad hoc de l'appareil d'Abbe. Ce disque est uniformé- 
ment coloré et percé en son centre d'une ouverture 
ronde. Grâce au filtre, les rayons les plus obliques du 
condensateur sont des rayons de couleur; ils sont réflé- 
chis et réfractés par l'objet et pénètrent dans le micro- 
scope; en même temps, le fond de la préparation reste 
incolore, car le milieu de montage n'envoie dans l’ob- 
jectif que les rayons blanes du faisceau central, — 
M. R. Weismann : Accidents graves consécutifs aux 
piqüres de méduses. Intervention de l'anaphylaxie.L'au- 
teur a observé sur lui-même, à la suite d’un bain de 
mer où il avait éprouvé de nombreuses piqüres de mé- 
duses, survenant trois semaines après un autre bain 
pris dans des conditions analogues, des accidents gra- 
ves caractérisés par une forte brülure des jambes, de la 
gène respiratoire intense avec angoisse, une violente 
courbature dorso-lombaire et de la raideur de la nuque. 
Ces troubles ont disparu dans la journée, sauf la cuis- 
son locale et la courbature qui ont persisté plus long- 
temps. L'auteur estime qu'il a subi une véritable intoxi- 
cation anaphylactique. — M. J. Nageotte : Evolution 
du mode de groupement des neurites dans les cicatrices 
nerveuses. L'auteur montre que, dans les cicatrices des 
nerfs tout au moins, les fibres nerveuses se multiplient 
par division longitudinale. Le premier phénomène de 
ce processus consiste dans l'apparition d’une membrane 
de Schwann propre autour de certains neurites, avant 
même le développement de la myéline; puis elle englobe 
et sépare du reste une portion de protoplasma hyalin, 
munie de noyaux. À une phase plus avancée, tout le 
protoplasma des travées névrogliques se trouve utilisé 
pour la formation : 1° de gaines individuelles apparte- 
nant aux jeunes fibres à myéline; 2° de gaines commu- 
nes appartenant aux paquels de jeunes fibres amyélini- 
ques qui ont pu se trouver incluses dans les faisceaux 
de régénération; 3° de gaines vides semblables à celles 
qui bourgeonnent à l’extrémité des fibres dégénérées 
dans le bout inférieur du nerf. Après quoila membrane 
de Schwann commune disparait et le tissu conjonetif 
pénètre dans les interstices. — M. P. Mazé : Le fer- 
ment forménique et la fermentation de l’acétone. L'au- 
teur établit que la fermentation forménique, caractéri- 
sée par une production de CO? et de formène, est due à 
un microbe strictement anaérobie assez semblable à 
une sarcine. Cette fermentation succède généralement 
à une fermentation butyrique et a pour but de détruire 
tous les produits résultant de cette dernière (ou d’une 


autre fermentation quelconque): acides fixeset volatils, 
alcools, hydrogène. La sarcine productrice de formène 
est donc très étroitement associée à d'autres microbes, 
L'auteur est parvenu à obtenir des cultures pures de fer- 
ment forménique sur un milieu approprié, el avec 
celles-ci il a étudié la fermentation forménique de l'acé- 
tone, qui donne naissance à un mélange de CO? et CH 
avec un peu d'hydrogène. — M. M. Lisbonne : Coagur- 
lation des liquides d’ascite par le chloroforme. Les liqui- 
des d’asecite ne coagulent pas spontanément, quoique 
pourvus de fibrinogène; il faut leur ajouter du sérum 
frais ou des leucocytes. L'auteur a constaté que le chlo- 
roforme possède la propriété de faire coaguler ces liqui- 
des après quelques minutes d'agitation avec une ba- 
guette de verre. Il croit que le chloroforme jouit au 
plus haut degré de la propriété thromboplastique, bien 
supérieur, à ce point de vue, à la poudre de verre ouau 
précipité d'oxalate de Ca. 


SOCIÈTÉ ANGLAISE 
DE CHIMIE INDUSTRIELLE 


SECTION DE LONDRES 


Séance du 7 Juin 1915 


M. A. Philip : Les valeurs de démulsification des 
huiles minérales lubrifiantes employées dans les turbines 
à vapeur. Depuis l'introduction de l’emploi de la turbine 
à vapeur avec un système de lubrification forcée, on a 
éprouvé beaucoup de troubles par suite de la formation 
d'émulsions des huiles de graissage avec l’eau, Ces 
troubles sont de trois sortes : 1° Une émulsion d'huile 
et d’eau peut se comporter comme un semi-solide et ne 
pas s’écouler d’une façon satisfaisante à travers le sys- 
tème de lubrilication. 2° L’eau présente dans ces émul- 
sions contient fréquemment des sels en solution, qui 
peuvent provoquer la corrosion électrolytique des 
paliers des arbres. 30 Enfin l’émulsification est la cause 
d'une perte sérieuse de lubrifiant, Il est donc nécessaire 
de pouvoir déterminer à l'avance si une huile est capa- 
ble de résister à l'émulsification, Dans ce but, l’auteur 
a construit un appareil spécial, consistant essentielle- 
ment en un agitateur mû par un moteur électrique à 
une vitesse définie pendant un temps déterminé. Il 
tourne dans un mélange de 500 em? d'huile avec 
5oo cm d’eau distillée à 1000 C. Après agitation, le 
mélange est versé dans un verre gradué, où il se sépare 
à la longue en trois couches : une couche d'huile au- 
dessus, une couche d’émulsion intermédiaire et une 
couche d’eau au fond, Au bout de 24 heures, on lit le 
volume d'huile qui s’est séparé, et son pourcentage par 
rapport au volume d'huile initial placé dans l’appareil 
mesure le pouvoir de l'huile de résister à l’émulsifica- 
tion : c’est l'indice de démulsification. L'expérience a 
montré qu'un grand nombre d'huiles minérales possè- 
dent un indice de démulsification supérieur à 90 °/o, et 
que dans ce cas elles n’occasionnent aucun trouble par 
formation d’émulsions dans les systèmes de lubrification 
forcée. L’auteur a reconnu, d'autre part, que l'addition 
à une bonne huile minérale lubrifiante de 1°/, d’une huile 
combustible non distillée, ou d'une huile grasse peut 
abaisser considérablement son indice de démulsification. 
Dans les raflineries, il faut done éviler d'employer les 
mêmes tuyaux pour la circulation des différentes sortes 
d'huiles. 


ACADÉMIE DES SCIENCES D’AMSTERDAM 
Seance du 30 Janvier 19! 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Jan de Vries : Sys- 
tèmes de cercles, qui sont déterminés par un faisceau 
dé sections coniques. Examen de quelques propriétés 
des deux systèmes doublement infinis de cercles oscu- 
lateurs et bitangents des sections coniques d’un fais- 
ceau, — M. W. de Sitter : Sur la forme de la planète 


492 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


Jupiter. 11 résulte des calculs de l’auteur que la forme 
de la surface de la planète peut être considérée comme 
purement ellipsoïdale. 

20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. H. A. Lorentz : Le prin- 
cipe d'Hamilton dans la théorie de la gravitation d’Eins- 
tein. Simplification de certaines parties des théories de 
la gravitation et de la relativité d'Einstein, en partant 
d'un principe de variation étroitement lié au principe 
d'Hamilton. — M. J. P. Kuenen : Sur le coefjicient de 
diffusion des gaz et le coefficient de viscosité de mélanges 
gazeux, Application de la théorie de la persistance du 
mouvement moléculaire de Jeans au calcul de la visco- 
sité d’un mélange de deux gaz. — MM. A. F. Holleman 
et J. D. van der Waals présentent un travail de Mlle Ada 
Prins : Sur l'existence de points critiques terminaux 
dans le système éthane-naphtalène. Recherches faites en 
vue de l'examen d’un second système binaire, présen- 
tant les mêmes propriétés que le système éther-anthra- 
quinone, étudié en 1905 par M. Smits. Bien que le 
système éthane-naphtalène ne réalise pas toutes les 
condilions voulues, il présente néanmoins certaines par- 
licularilés qui justitiaient un examen approfondi. — 
MM. Ernst Cohen et W. D. Helderman : L’allotropie 
du cadmium. V. Détermination,au moyen d’un élément 
de concentration, de la chaleur de transformation de 
Cd (2) en Cd (;). En cherchant par extrapolation la tem- 
pérature à laquelle cette chaleur s’annulle, les auteurs 
trouvent que le point de transformation métastable en- 
tre ces deux variétés de cadmium est 499,8 C. — MM. 
Ernst Cohen et W. D. Helderman : Xemarque rela- 
tive à notre travail sur l’allotropie du plomb. I. 

3° SCIENCES NATURELLES. — M. G. A. F. Molengraaff : 
Sur des nodules manganeux dans les sédiments de mer 
profonde mésozoïques de Bornéo, Timor et Rotti: leur 
signification et leur mode de formation. La découverte 
de ces nodules manganeux est importante, parce qu'elle 
prouve que des dépôts abyssaux ont contribué à la for- 
malion de l'écorce terrestre à des époques géologiques 
fort reculées, ce que la grande analogie entre la vase à 
Radiolaires des dépôts modernes et les radiolarites al- 
pines par exemple rendait déjà probable. Ces concrétions 
manganeuses sont, en effet, tout aussi caractéristiques 
pour les dépôts de mer profonde que les squelettes de 
Radiolaires. — MM. J. K. A. Wertheim Salomonson et 
C. Winkler présentent un travail de M. S. de Boer : 
Sur le rythme cardiaque.Recherches faites sur des cœurs 
de grenouilles, dont l’excitabilité et la conduction de 
l'excitation sont modifiées par la vératrine, Etude de 
l'intervalle a-v et de l’état réfractaire, Les contractions 
cardiaques ont été enregistrées mécaniquement au 
moyen d’un kymographe et électriquement au moyen 
du galvanomètre à corde. La vératrine a été administrée 
sous forme d’acétate. 


J.-E. V. 


Séance du 27 Fevrier 1915 


1° SCJENCES PHYSIQUES. — MM.H. A. Lorentz et P.Zee- 
man présentent un travail de M. H. Tetrode : Déter- 
mination théorique de la constante d'entropie des gaz et 
des liquides. Détermination de la constante a dans la 
formule de l’entropie d'un gaz parfait : 


S— C;log T —R log p + a + C,, 


par calcul direct de la tension de vapeur suivant la 
mécanique statistique classique, pour des températures 
relativement élevées, La connaissance des propriétés 
thermodynamiques à basse température de la phase 
condensée est nécessaire; pour l’état solide ces proprié- 
tés sont connues, L'auteur trouve non seulement une 
confirmation directe de formules données antérieure- 
ment, mais en même tempsil a pu établir pour les gaz 
et les liquides (à haute température) la définition de 
probabilité applicable à la détermination de l'entropie, 


— MM. H, A. Lorentz et H. Kamerlingh Onnes présen- 
tent un travail de M. P. Ehrenfest : Sur des phénomè- 
nes d'interférence que l’on peut prévoir dans le passage 
des rayons Roentgen par un gaz diatomique. Considéra- 
tions suggérées par les expériences de Friedrich, dans 
lesquelles un faisceau de rayons Roentgen traversant 
un corps amorphe donne des anneaux d’interférence. 
L'auteur développe la théorie de ces anneaux dans le 
cas d’un gaz diatomique. — MM. Ernest Cohen et S. 
Wolf : L'allotropie du potassium. 1. Expériences mon- 
trant que le potassium aussi peut se transformer en une 
forme allotropique (potassium £) et que le potassium 
du commerce est, comme le sodium, à la température 
ordinaire un complexe métastable des deux modilica 
tions. — M.F. A. À. Schreinemakers et Mlle W. C. 


de Baat: Combinaisons de l'anhydride arsénieux. 1. 


Examen du système ternaire H?0-As?2O3-NH° à 30°, — 
MM. Ernst Cohenet P, van Romburgh présentent un tra- 
vail de MM. R. H. Kruyt et Jac. van der Spek: 
Sur la relation entre la valeur limite et la concentration 
des sols dutrisulfure d’arsenic. Il était à prévoir qu'avec 
des cations monovalents, dont la vaieur limite est rela- 
tivement élevée, celte valeur limite varierait peu avec 
la concentration, mais qu’elle augmenterait avec la 
concentration pour des cations bivalents, et encore plus 
pour des cations trivalents. Les résultats des recher- 
ches confirment celte prévision. — M. A. F. Holle- 
man et Mlle J. M. A. Hoeflake : Sur la nitration 
de quelques dérivés du phénol. Quelques résultats de 
recherches sur la nitration d’éthers phényliques. — 
MM. A. P. N. FranchimontetS. Hoogewerff présentent 
un travail de M. R. 4. Weerman : Action de l’'hypo- 
chlorite de sodium sur des amides d'oxacides «. Un 
nouveau mode de destruction des sucres.Recherches prou- 
vant que la méthode de réduction d’amides d'acides non- 
saturés #-8 à l’état d’aldéhydes contenant un atome de 
carbone en moins (décrite par l’auteur en 1909) s’appli- 
que également à la destruction d’amides d’oxacides *, 
— MM. C. A. Pekelharing et J. K. A, Wertheim Salo- 
monson présentent un travail de M. J. R. Katz : La 
formation de l'empois d'amidon est-elle un processus à 
équilibre, régi par la lot de l'action des masses ? 
Contrairement à l'opinion courante, la transformation 
de l’amidon en empois n’est pas essentiellement un 
phénomène irréversible. Le processus a une limite, qui 
dépend de la température. Cette limite est d'autant plus 
élevée que la quantité d’eau est plus grande: la loi 
d'action de masse semble donc intervenir. C’est une 
réaction à équilibre, s’effectuant avec absorption de 
chaleur. 

2° SCIENCES NATURELLES. — MM. J. K. A. Wertheim 
Salomonson et H. Zwaardemaker présentent un travail 
de M. S. de Boer : Sur le-rythme cardiaque. Il. La bigé- 
minie du cœur après intoxication par la vératrine peut 
prendre naissance de trois façons : 1° comme transition 
entre le rythme normal et le rythme réduit de moi- 
tié; 2° par un retard alternant dans les systèmes con- 
ducteurs entre les diverses parties du cœur; 3° par aceu- 
mulation d'extrasystoles après mise à l'arrêt des systèmes 
conducteurs entre le sinus veineux et l'oreillette. — 
MM. J. P. van der Stock et C. Lely présentent un travail 
de M. P. H. Gallé : Sur la relation entre les change- 
ments dans les vents alizsés de l'océan Atlantique et les 
variations du niveau des eaux et de la température des 
eaux dans les mers septentrionales we l'Europe. Le ni- 
veau des eaux et la température des mers du nord de 
l'Europe, ainsi que leur degré de salure, subissent une 
variation périodique annuelle avec minimum au prin- 
temps etmaximum enautomne, Cette périodicité semble 
être en rapport avec l'intensité des vents alizés du nord- 


est. 
J.-E. V. 


Le Gérant : Octave Doux. 


Sens. — Imp. Levé, 1, rue de la Bertauche. 


26° ANNÉE 


Nes 17-18 


15-30 SEPTEMBRE 1915 


Revue générale 


DS SCiences 


pures ct appliquées 


FONDATEUR : 


LOUIS OLIVIER NM À 


Dinecreur : J.-P. LANGLOIS, Docteur ès Sciences 


Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. J.-P. LANGLOIS, 8, place de l’Odéon, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des 
travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France eten pays étrangers y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


$ 1. — Physique 


L'extension du spectre au delà de la région 
de Schumann. — La limite violette du spectre 
déterminée par observation directe à l’œil se trouve 
aux environs de 4.000 unités Angstrôm; avecun prisme 
de verre et des lentilles, le spectre peut être suivi pho- 
tographiquement jusqu’à la longueur d'onde 3,000 à 
peu près; avec un système en quartz ou un réseau à 
réflexion, la limite peut être poussée jusque vers la lon- 
gueur d'onde 1.850. Victor Schumann a montré que 
l'absorption de l'air et de la gélatine de la plaque pho- 
tographique est la cause de la terminaison abrupte du 
spectre !. En employant un spectroscope au vide et une 
plaque photographique spéciale dont l’émulsion con- 
tient très peu de gélatine, il a pu pousser ses observa- 
tions jusqu’à la longueur d’onde 1.230, En ce point, il a 
été arrêté par l’opacité de la fluorine qui constituait ses 
lentilles. 

M. Th. Lyman?, qui a poursuivi les recherches de 
Schumann dans ce domaine, a d'abord employé un spec- 
troscope au vide contenant un réseau de diffraction con- 
cave disposé de telle manière que le trajet de la lumière 
depuis la source jusqu'à la plaque photographique est 
entièrement dans un gaz. En employant de l'hydrogène 
à la pression de 2 ou 3 mm, et une forte décharge dis- 
ruptive dans un tube en quartz pourvu d’électrodes de 
tungstène, M. Lyman parvint à étendre le spectre jus- 
qu’à la longueur d'onde 900. 

Ses recherches lui ayant montré qu'il ne pouvait rien 
attendre de plus de l’emploi de l'hydrogène, il tourna 
son attention vers l’hélium. Par l’emploi de ce dernier 
exempt d’azote, sous une pression de 2 à 3 mm., avec 
un appareil perfectionné et une pose de dix minutes, il 
est arrivé à observer un certain nombre de lignes nou- 
velles du spectre, dont la plus réfrangible a une lon- 
gueur d'onde de 600. Ces résultats ont été obtenus avec 


EE 


1. Revue gén. des Sciences, t. V, p. 324. 
. 2. Proc. of the National Acad. of Scienees, t. 1, n°6, p. 368; 
juin 1915. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 


un réseau divisé au speculum et avec des plaques pho- 
tographiques préparées exactement suivant les indica- 
tions de Schumann. 

Sur les spectres ainsi produits, l’auteur a pu faire 
les observations suivantes : La ligne 1216 est proémi- 
nente dans le spectre de l'hydrogène; c’est le premier 
membre d’une série prédite théoriquement par Ritz. Les 
deux membres suivants ont été trouvés près des lon- 
gueurs d’onde 1.026 et 952. Avec l'hydrogène, on les 
aperçoit le plus facilement en se servant de la décharge 
disruptive; mais avec de l’hélium contenant cette trace 
d'hydrogène qu'il est si difficile d'en éliminer, elles se 
présentent fortement avec le simple courant alternatif 
d’un transformateur à 6o périodes, C’est une bonne illus- 
tration de la façon dont se comporte l’hélium, car une 
atmosphère de ce gaz semble souvent faciliter la produc- 
tion des spectres des autres gaz qui s’y trouvent à l’état 
d’impuretés. En décharge non condensée, il semble que 
toutes les lignes observées avec l’hélium se trouvent 
également dans l'hydrogène. C’est seulement avec la 
décharge disruptive que les nouvelles lignes du côté le 
plus réfrangible de la longueur d'onde 900 font leur ap- 
parition; on les observe dans l’hélium seulement et au 
nombre de 7 à 8. 

La longueur d’onde des rayons X, déterminée par 
MM. Bragg, est de l’ordre d’une unité Angstrôm, Il y a 
donc un intervalle d'environ 600 unités entre la région 
des rayons Rôntgen ordinaires et la limite atteinte par 
M. Lyman. Ce dernier essaie actuellement de restreindre 
l'étendue de cet intervalle. 


$ 2. — Chimie physique 


Les compressibilités des éléments et leurs 
relations avec les autres propriétés. — Il y a 
quelques années déjà, M. T. W. Richards, professeur à 
l’Université Harvard, et quelques-uns de ses collabora- 
teurs !, avaient déterminé les compressibilités de 35 élé- 
ments, rapportées à celle du mercure, alors douteuse. 
Les derniers travaux de Bridgman et ceux de Richards 


1. Public. Carnegie Instit. Washington, n° 76 (1907). 


494 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


el de ses élèves ayant fixé cette dernière avec une grande 
précision, les compressibilités de ces 35 éléments et de 
3 autres étudiés depuis ont pu être établies en valeurs 
absolues!. Sous le terme de compressibilité, M. Richards 
entend la variation fractionnaire moyenne de volume 
causée par l'application d’une pression d’une mégaba- 
rye, entre 100 et 500 mégabaryes, rapportée au volume 
de la substance non comprimée. Les valeurs trouvées, 
qui varient de 0,000.000.3 pour le bore à 0,000.061 
pour le césium, sont représentées (multipliées par rof) 
par la courbe inférieure de la figure 1. 

Dans cette même figure, on a représenté par des cour- 
bes d’autres propriétés des mêmes éléments qui pré- 
sentent avec la compressibilité d'intéressantes relations. 


qui donne des résultats assez concordants pour la plu- 
part des éléments. Ceux qui s’en écartent le plus (Si, P, 
S, C) sont également ceux qui s’écartent de la loi de 
Dulong et Petit. 

M. Richards montre le rapport de cette équation em- 
pirique avec les idées formulées récemment par Gru- 
neisen sur la théorie moléculaire des corps solides, 
bien que cette dernière ne s'applique qu'aux éléments 
monoatomiques. D’après ce savant, une substance so- 
lide monoatomique fond toujours quand son volume 
augmente d’une fraction définie à au-dessus de celui 
qu’il occupe au zéro absolu; autrement dit, (4m — Vo)/ 
o— © — 0,08 environ, où #» est le volume atomique au 
point de fusion et le volume atomique au zéro ab- 


11 
Rb 


Mmverses 


es pd 
de fhsion (absolus. 


680 30 100 


Poids atomiques 


210 
Lo. 


170 


110 120 130 140 150 160 


Fig. 1. — Compresstbilité des éléments et leurs relations avec d'autres propriétés. 
Ci P P10p 


Ce sont : les volumes atomiques, les coeflicients de di- 
latation cubique (sous la forme 300.000 x ! 4o) et les 
inverses des points de fusion absolus, sous la forme 
(10.000/T») + 60. 

L'examen de ces courbes montre immédiatement que, 
d’une façon générale, les solides possédant de grands 
volumes atomiques ont de grandes compressibilités. 
D'autre part, les éléments à faibles points de fusion pos- 
sèdent de grands coeflicients de dilatation. En outre, 
les deux courbes supérieures, de même que les courbes 
inférieures, présentent des pointes pour les métaux 
alcalins et des vallées pour les métaux plus lourds. 

Ces quatre courbes suggèrent l’existence d’une rela- 
tion fondamentale entre toutes ces propriétés, et leur 
parallélisme étroit a engagé M. Richards à chercher une 
connexion mathématique entre elles. Après de nom- 
breuses tentatives, il est arrivé à l'expression géné- 
rale : 


Ki (AY/f2 D) fa Ton, 

où £ est la compressibilité, A le poids atomique, T» le 
point de fusion absolu, D la densité et f}, f:, fa des fonc- 
tions variées des quantités en question. La plus simple 
des formes pratiques qui puissent être données à cette 
expression paraît être la suivante : 


= 
l 


; A 
$= 0,000 11 == ÿ 
, D F25(T » — Bo) 


1. Journ. of the Amer, Chem. Soc., t. XXXNII, n° 7, p. 1643- 
1656; juillet 1915. 


solu. De cette hypothèse, Gruneisen tire une équation 
pour la compressibilité de l'élément au zéro absolu, qui 
est mise par M. Richards sous une forme où elle offre 
de très grandes analogies avec l'équation empirique ci- 
dessus, cette dernière étant cependant plus exacte. 


$ 3. — Chimie 


Un procédésimple de purification du mer- 
cure. — Après un usage plus ou moins prolongé, il 
est rare que le mercure ne soit pas plus ou moins souillé 
par des poussières où des oxydes métalliques ou par la 
présence de mélaux étrangers : Zn, Cu, Pb, Sn, etc. 
Dans les laboratoires qui ne disposent que de quantités 
restreintes de mercure, on est done amené très souvent 
à le purifier. x 

Lorsqu'il ne s’agit que de poussières ou de crasses non 
solubles dans le mercure, il est très facile de les élimi- 
ner par un moyen mécanique, dont le filtrage à travers 
un tissu serré ou une peau de chamois est le plus connu. 
Mais le filtrage est parfaitement ineflicace dans le cas 
de métaux en dissolution, IL faut alors recourir aux 
méthodes chimiques : par exemple, traitement par 
l’acide azotique dilué et réduction du sous-nitrate formé. 
Ces méthodes sont loin de fournir toute garantie quant 
à la pureté du produit obtenu; aussi recourt-on le plus 
souvent à un procédé physique : la distillation du mer- 
cure, de préférence dans le vide. Mais en général plu- 
sieurs distillations successives sont nécessaires avant 
d'obtenir le métal pur et doit-on partir d’un mercure 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


4195 


déjà purilié en grande partie par un ou plusieurs des 
procédés précédents. 

M. C. Margot, assistant au Laboratoire de Physique 
de l'Université de Genève, vientde remettre en lumière !, 
en le perfectionnant notablement, un vieux procédé, 
purement chimique, et peu connu malgré son eflicacité. 
Il consiste à faire traverser le mercure par un courant 
d'air, dont l'effet est d'oxyder les métaux tenus en dis- 
solution. Le perfectionnement consiste àchauffer le mer- 
cure pendant le barbotage d'air, en partant de la sup- 
position que l'oxydation des métaux étrangers serait 
alors singulièrement activée, L'expérience a justifié 
cette prévision, la durée de l'opération du nettoyage 
ayant été réduite dans de grandes proportions. 

L'appareil employé par M. Margot est simplement 
formé d’un tube de fer, de 1 m. 6o de longueur, d’un dia- 
mètre intérieur de 3 em. (simples tuyaux et raccords à 
gaz non zingués). Le volume intérieur de, l'appareil est 
suflisant pour trailer une dizaine de kilogrammes de 
mercure en une seule fois. Aux deux extrémités de ce 
tube sont fixées normalement deux tubulures plus étroi- 
tes; l’une est mise en rapport avec la trompe d’aspi- 
ration, l’autre est surmontée d’un entonnoir en verre 
pour l'introduction du mercure. A la partie médiane est 
adaptée une troisième tubulure en fer qui est destinée 
à recevoir un thermomètre, L'appareil est tenu légère- 
ment incliné entre deux supports de laboratoire, de ma- 
nière à pouvoir aisément pivoter sur son axe dans les 
pinces de serrage, ce qui permet d'extraire facilement 
le mercure par un simple retournement.— Afin d'éviter 
une rentrée d’eau, par suite d’un arrêt accidentel de la 
trompe, on intercale dans le circuit d'aspiration un gros 
flacon à deux tubulures. Celui-ci a, en outre, l'avantage 
de recueillir les oxydes qui se forment et les traces de 
mercure qui peuvent accidentellement passer si l’aspi- 
ration est trop énergique, 

Le chauffage de l'appareil se fait au moyen d'un brû- 
leur Bunsen installé entre la tubulure inférieure d’en- 
trée de l'air et le thermomètre; on effectue le réglage 
pour que la température se maintienne aux environs 
de 150 à 160°. La mise en marche est des plus simples; 
on règle le débit de la trompe à eau jusqu’à ce qu'on 
perçoive nettement le clapotement produit par le bar- 
botage de l'air; la température s’égalise, soit par suite 
de la conductibilité de l'enveloppe métallique et du mer- 
cure, soit par le brassage énergique quesubit ce dernier, 

Deux modes d'opérer sont à considérer selon la na- 
ture du mercure à purifier. Si celui-ci est peu souillé, 
c’est le cas le plus fréquent, l'opération peut être aisé- 
ment effectuée dans le cours de la journée. Il suffit alors, 
après refroidissement, de déconnecter le caoutchouc 
d'aspiration, de retourner l'appareil comme il est indi- 
qué plus haut et de recueillir le mercure dans un flacon 
par la même tubulure qui a servi à l’introduire, On peut 
l'utiliser tel quel ; néanmoins il est préférable, afin d’éli- 
miner toute trace d'oxyde, de le filtrer par un des pro- 
cédés connus : entonnoir eflilé ou peau de daim. Il est 
évidesit que le lavage et le séchage sont superflus. 

Le second cas, plus rare, se présente lorsque le mer- 
cure contient un pourcentage notable de métaux étran- 
gers. Le barbotage d’air à chaud est dans ce cas tout 
particulièrement eflicace, car il permet de purifier en 
peu de temps une masse considérable de mercure, à la 
seule différence près qu'il faut au bout de deux à trois 
heures arrêter le fonctionnement. Il se forme, en effet, 
par suite de l'oxydation rapide des métaux étrangers, 
une émulsion volumineuse constituée d’oxydes et de 
mercure finement divisé qui risque d’obstruer la tubu- 
lure et le caoutchouc d'aspiration, On extrait le mer- 
cure de l'appareil comme il est dit plus haut, et, tenant 
ce dernier verticalement, on fait, en secouant quelque 
peu, tomber l’émulsion par une des tubulures.L’appareil 
étant de nouveau installé, on recommence l’opération 
primitive, Quant à l’émulsion, il est nécessaire de 


1. Archives des Sc. phys. et nat., t. XXXVIIT, p. 46. 


la traiter à l'acide nitrique, pas trop dilué, pour que le 
mercure se rassemble, et après lavage et séchage, cette 
quantité, minime d’ailleurs, peut être de nouveau intro- 
duite dans l’appareil, 

M. Margota pu par ce procédé purifier complètement 
à plusieurs reprises une dizaine de kilogrammes de 
mereure abominablement souillé de métaux étrangers, 
spécialement par du plomb, de l'étain, du cuivre et du 
zinc. Quant à la durée de l’opération, on peut admettre 
dans ce dernier cas que vingt-quatre heures de fonc- 
tionnement sont suflisantes pour obtenir du mercure 
suflisamment purifié pour les usages courants. Si l’on 
augmente la durée du barbotage d'air à chaud, la puri- 
fication sera poussée plus loin, le mercure présentere 
alors toute sécurité pour des travaux de haute préci- 
sion. En résumé, cette méthode est d’un fonctionnement 
rapide, elle ne nécessite qu'une seule opération et offre 
une sécurité très grande quant à la pureté du produit 
obtenu. La construction de l'appareil est des plus éco- 
nomiques, puisqu'elle n’exige que quelques bouts de 
tuyaux et raccords en fer, que l’on trouve chez tous 
les installateurs pour l’eau ou le gaz. 


$ 4. — Technologie 


La doura comme succédané du blé dans la 
panification. — Nous avons déjà signalé ici les essais 
tentés par M. E. Maurel en vue de substituer une cer- 
taine quantité de farine de riz à la farine de froment 
dans la fabrication du pain!. Le Professeur Gasperini, 
chef du Bureau d'Hygiène de la Ville de Florence, à l’ins- 
tigation de M. A. Caselli, vient de se livrer à des expé- 
riences analogues en employant de la farine de froment 
mélangée à de la farine de doura {Sorghum vulgare). 

La graine de doura qui a servi aux expériences de 
panification est de la variété feterita blanche, très ré- 
pandue en Egypte et au Soudan anglo-égyptien, On en 
importe des quantités notables en Europe, où elle est 
destinée à différents usages : en Autriche, à l’alimenta- 
tion de la volaille et des veaux; en Angleterre, à la 
fabrication de l'alcool, de l’amidon, dela bière et à l’ali- 
mentation du bétail. 

La blancheur presque parfaite du grain le rend très 
apte à la panification. La farine est de qualité excellente, 
fine, veloutée, d’un beau blanc tirant sur le rose; elle 
fut mélangée à raison de 25 0/, avec de la bonne farine 
de froment. Le pain obtenu était gonflé, léger; la croûte 
en était unie, de couleur jaune-brun, dure et friable, 
complètement adhérente à la mie; celle-ci était d’une 
couleur uniforme, spongieuse, riche en petits yeux de 
forme ronde, légère et moelleuse; la saveur en était 
excellente, supérieure à celle des autres pains préparés 
avec une addition de riz, de seigle ou de pommes de 
terre à la farine de froment. 

L'analyse d’un échantillon de ce pain a donné les ré- 
sultats suivants : amidon 50,39°/,; cendres 1,66; ma- 
tière grasse 0,44; matières azotées 8,35; eau 35,23; cel- 
lulose (par différence) 3,55. Il n’y a pas de très grandes 
différences avec la composition du pain de froment pur. 

L'auteur conclut à la grande supériorité de la doura 
sur tous les autres succédanés du froment, en particu- 
lier le maïs qui a donné lieu à de nombreuses expérien- 
ces en Italie. Sa farine a l’avantage de contenir moins 
de son que celle de froment, et par suite davantage de 
fleur (environ 79 °/). 


$ 5. — Géologie 


La question des engrais de potasse et les 
gisements de sels potassiques de l'Alsace. — 
Avant la guerre, les engrais de potasse utilisés par 
l’agriculture provenaient, presque en totalilé, des mines 
de Stassfurth (Allemagne). Toutes relations ayant cessé 


1. Rev. gén, des Sciences du 30 mai 1915, t. XXVI, p. 
2. L'Agricoltura Coloniale, t. IX, n°° 4-5, p. 217-227; avril- 
mai 1915. 


EE 
[Je] 
[ep] 


avec l'Allemagne, les agriculteurs des pays en guerre 
avec celte nation peuvent se trouver plus ou moins em- 
barrassés, actuellement, pour composer des formules 
chimiques d'engrais complets. IL convient done d’exa- 
miner l'importance des ressources qui peuvent s'offrir 
présentement, comme après la victoire de nos armées, 
pour subvenir aux besoins des cultures en engrais de 
potasse. On sait que les seules sources de potasse, in- 
dépendamment des gisements de Stassfurth, sont le 
salpêtre ordinaire ou nitrate de potasse, les vinasses de 
betteraves, les eaux-mères des marais salants, les 
cendres de bois, les cendres de varechs, desquelles on 
extrait la potasse industriellement. 

Nos salines, jusqu'ici concurrencées par Stassfurth, 
ont presque toutes renoncé à livrer des chlorures de 
potassium; elles pourront sans doute s’en préoccuper 
pour les prochaines campagnes, mais il ne faut pas trop 
escompter celte ressource, pour le moment. 

On devra donc chercher la potasse, soit dans les en- 
grais organiques, qui en renferment plus ou moins, sui- 
vant leur provenance, soit dans le nitrate de potasse 
importé des Indes, d'Egypte ou d’autres pays d'Extrème- 
Orient. On pourra s'adresser également au carbonate 
de potasse, que l’on extrait de la mélasse de sucrerie 
calecinée, et qui fournit un engrais dosant 43 à 450/, de 
potasse directement assimilable par les plantes, et par 
suite d’un effet immédiat. En outre, grâce à son alca- 
linité, ce sel exerce une action eflicace sur la matière 
organique du sol. Mais ce carbonate de potasse ne doit 
pas être mélangé au superphosphate ni au sulfate d’am- 
moniaque. 

La potasse organique, moins riche que le carbonate 
de potasse, est extraite de certains végétaux; elle con- 
tient 1 à 2 °/, d'azote et 12 à 14 °/0 de potasse pure. 

Des expériences relativement récentes, faites aux 
Etats-Unis, laissent entrevoirla possibilité de s'adresser 
à une nouvelle source d'engrais potassiques. L’agricul- 
ture américaine importe des quantités considérables 
d'engrais potassiques, notamment de potasse allemande, 
et elle cherche à se soustraire aux fluctuations des 
cours. Le problème qu'ont voulu résoudre les chimistes 
américains consiste à fabriquer sur place de la potasse 
utilisable, en parlant des silicates naturels (feldspath, 
orthose, leucite, etc.). MM. A. S. Cushman et G. W. 
Coggeshall en ont donné diverses solutions au Congrès 
de Chimie appliquée de New-York, en 1912. 

Cette fabrication rappellerait, jusqu’à un certain point, 
celle du ciment artificiel ; c'est même, dit-on, cette der- 
nière qui paraît l'avoir inspirée. Dans des fours chauffés 
au pétrole ou avec un autre combustible, on traite des 
mélanges de feldspath potassique broyé, de chaux et de 
sel gemme. Ces mélanges sont préparés soit à l’état sec, 
soit à l’état humide, sous forme de briquettes qui, une 
fois cuites, sont pulvérisées, pour être vendues en pou- 
dre, comme engrais, Les résultats obtenus ont été fort 
encourageants. Si cette méthode américaine tient toutes 
ses promesses, la nouvelle industrie des engrais de 
potasse basée surletraitement des feldspaths peut avoir 
devant elle de vastes perspectives et pourra rendre à 
l’agriculture les plus grands services. 

En ce qui concernel’apport de potasse dans les terres, 
les agriculteurs ne doivent pas perdre de vue— tout au 
moins pour letemps de guerre — que, si les engrais de 
potasse leur faisaient absolument défaut, ils auraient la 
possibilité de tourner la difliculté en ajoutant à toutes 
les fumures un peu de plâtre, qui mobilise la potasse du 
sol, ainsi que l’ont démontré les expériences classiques 
de P. P. Dehérain à Grignon. Il résulte d'expériences 
plus récentes, faites en Angleterre et en Suisse, que les 
nitrates paraissent jouer un rôle analogue. Ces obser- 
vations sont à retenir particulièrement, car, dans les 
circonstances acluelles, ces facteurs d’enrichissement du 
sol en potasse ne sont pas négligeables. 

Voilà pour la situation présente. 

Quant à l’avenir, on sait que la pressse a fait grand 
bruit autour des opérations militaires en Alsace, dans 
la région — puissamment fortifiée par les Allemands — 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


où se trouve la forêt de Nonnenbrück, dite « taillis des 
Nonnes », entre Cernay et Mulhouse, car c’est là que 
se trouvent, dans l'Oligocène (terrain tertiaire), les 
gisements de sels potassiques découverts en 1904, les- 
quels gisements forment un banc de plus de 20.000 
hectares, limité à l’est par Mulhouse, au nord par Ra- 
dersheim, au sud par Keiningen, à l’ouest par Cernay, 
avec siège d'exploitation à Wittelsheim, au nord de 


Mulhouse. Il y a là une source inépuisable de potasse ;' 


aussi, quand l'Alsace sera redevenue terre française, 
trouverons-nous dans les sels de Wittelsheim tous les 
engrais potassiques nécessaires à nos cultures, La su- 
perlicie totale du gisement supérieur occupe 8/4 millions 
de mètres carrés, celle du gisement inférieur 172 mil- 
lions. LF’épaisseur moyenne de la couche de sel gemme 
atteint 241 mètres. La couche supérieure est pure; sa 
hauteur moyenne est de 1 m. 164; celle du banc infé- 
rieur est de 4 m. 1 {le gite se rencontre au centre du 
bassin, à 650 mètres environ de la surface), ce qui cor- 
respond à un volume d'environ 38 millions de mètres 
cubes, Déduction faite des nappes intercalaires de schiste, 
l'épaisseur moyenne de la couche inférieure atteint 
3 m, d1, ce qui correspond à 603 millions de mètres 
cubes, Le cubage total représente done 7o1 millions de 
mètres cubes, qui, à raison de 2,1 tonnes au mèêtre cube, 
forment une masse de 1.472.580.000 tonnes de minerai, 
soit, pour une moyenne de 22 °/, de K?O, un approvi- 
sionnement de 300 millions de tonnes de potasse pure. 
C'est une immense richesse, encore que, cependant, 
l'évaluation fixée à 120 milliards de francs par la presse 
quotidienne ait été exagérée, au moins de moitié. En 
effet, au cours normal de la potasse, les 300 millions de 
tonnes de polasse pure du bassin de Wittelsheim repré- 
senteraient une valeur de près de 60 milliaräs de francs. 
En tablant sur le chiffre de la consommation mondiale, 
en supposant qu'il restät le même que ce qu'il est 
actuellement, le bassin alsacien pourrait couvrir les 
demandes, subvenir aux besoins de l’agriculture pen- 
dant près de cinq siècles, exactement quatre cent 
quatre-vingt-treize ans. A elle seule, la mine Amélie 
(gisement de Cernay), la première forée en Alsace, 
peut fournir annuellement 40.000 quintaux de potasse 
pure, ce qui correspond à une extraction journalière de 
150 tonnes où 15 wagons; on estime qu’elle pourrait 
alimenter la consommation mondiale actuelle en sels 
de potasse pendant soixante-dix ans. 

Les gisements alsaciens sont d’un rendement régu- 
lier, et leurs produits sont estimés bien au-dessus de 
tous ceux de l'Allemagne. Ils appartiennent à des capi- 
talistes allemands et spécialement à la Reichsbank. La 
Gewerkschaft Amélie, qui exécuta 130 sondages au 
nord de Colmar et obtint la concession de 19.000 hec- 
tares, est arrivée à produire 300 tonnes durant l'été, 
500 à 600 et parfois 800 tonnes en pleine saison. Avec 
ses filiales Max Elsen, Joseph, Marie et Marie-Louise, 
elle a été absorbée par le puissant groupe des Deutsche 
Kaliwerke, Le bassin est soumis en outre à trois autres 
groupes : le Wintershall, dont dépendent les mines 
Theodor et Prinz Eugen (3.200 hectares) où la teneur 
des sels est de 25 °/, de chlorure de potassium; le groupe 
Hohenzollern, dont les bancs sont de moindre épais- 
seur; et le groupe alsacien-français, fondé par l’exploi- 
tation du domaine de Kali Sainte-Thérèse, acquéreur de 
la majorité des parts dans les groupements Alex et 
Rudolf, possédant 6.000 hectares. 

Les sels qui constituent les gisements potassiques de 
l’Alsace sont les suivants : Sel gemme (NaCI), Sylvine 
(KCI), Carnallite (MgCË, KCI, 6 H?0), Anhydrite 
(CaSO'), Gypse (CaSO!‘,2 H20), Kiesérite (MygSO', HO), 
Kaïnite (MySO', KCI, 3 HO), Polyhalite (MgSO!, 2 Ca 
SO, R°S0!, 2 H°0), Sylvinite (mélange de sel gemme et 
de sylvine), On désigne sous le nom de Æartsalz {sel 
dur) des mélanges de sel gemme, kiesérite et sylvine, 
ou de sel gemme, sylvine et anhydrite; c’est ce dernier 
mélange que l’on rencontre dans le gisement alsacien. 

Les sels bruts de Wittelsheim se distinguent des sels 
bruts de l’'Anhalt et de l'Allemagne du Nord par une 


4 


P: 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 197 


plus grande richesse en potasse et par une composition 
différente, Tandis que ces derniers, du type Kaïnite, 
renferment des quantités considérables de sulfate de 
magnésie et quelquefois de sulfate de potasse, les sels 
bruts de Wittelsheim se rattachent au type sylvinite 
qui contient 26,3°/, de chlorure de potassium, soit 
17,4 °/ode potasse pure, et56,7 °/, de chlorure de sodium. 
Ces sels sont vendus, comme les kaïnites, avec une 
teneur garantie de 12,4°/, en potasse pure, et ils en 
renferment parfois davantage !, 

C'est la sylvinite qui constitue le principal minerai 
alsacien ; sa teneur en chlorure de potassium descend 
rarement à 10 et s'élève parfois jusqu'à 80 °/,; les varia- 
tions sont de 20 à 68/4. La couche inférieure du gise- 
ment de Wittelsheïm contient 84,56 °/, de sylvinite. La 
pureté de ces minerais permet à l’agriculture de les 
employer directement, après broyage, mais ils sont 
contre-indiqués dans les cultures sensibles au chlore 
(la culture du tabac, par exemple). 

On constate, dans les selsde Wittelsheim, la présence 
de quantités plus où moins grandes de carbonate de 
chaux provenant d'argiles calcaires, qui se trouvent 
dans les gisements. Plus la teinte est grise et l'apparence 
terreuse, plus la proportion de calcaire est élevée. 
M. Paul Muller observe que l’on n'a pu éliminer cette 
gangue calcaire, lors de l'extraction, ou qu’on l’a ajou- 
tée à dessein sous forme de poudre, pour ramener la 
teneur élevée du sel de Wittelsheim au niveau de la 
teneur en potasse des kaïnites, ceci dans l'intérêt des 
exploitants. Si ces sels peuvent être mélangés sans in- 
convénient avec des scories de déphosphoration en vue 
de l'emploi sur les prairies,ou avec du nitrate de soude, 
par contre il faut éviter d'associer les sels de Wittelsheim 
avec des superphosphates ou du sulfate d'ammoniaque, 
car le carbonate de chaux peut insolubiliser l’acide 
phosphorique soluble des superphosphates, et le mé- 
lange de sulfate d’'ammoniaque et de sels potassiques 
contenant du calcaire en grande quantité entraine une 
perte d'ammoniaque. Cela indique que, pour fabriquer 
des engrais composés, il faut n'employer que des sels 
de potasse dépourvus de calcaire. 

Que la terre d'Alsace redevienne terre francaise, 
grâce au succès de nos armes, et en prenant possession 
de ces gisements de sels potassiques, la France aura 
déjà obtenu de l'Allemagne un gage sérieux, une res- 
pectable indemnité de guerre, 


Henri Blin. 


$ 6. — Physiologie 


La ventilation et les effets du grand air et 
du vent sur les échanges respiratoires. — 
D'après une théorie qui compte encore un grand nombre 
de partisans, les mauvais elfets de l'air confiné doivent 
être attribués : 1° à l’appauvrissement de l’air en oxy- 
gène; 2° à la présence d’un excès de gaz carbonique; 
3° à la présence d’un poison organique volatil, exhalé 
pendant la respiration. 

Le, Professeur Leonard Hill, de la Société Royale de 
Londres,chargé par le Local Government Board d'étudier 
à nouveau cette importante question, vient de lui pré- 
senter une série de Rapports, écrits en collaboration 
avec le D' M. Flack, qui aboutissent à des conclusions 
nettement différentes?. 

Dans une première partie, les auteurs critiquent 
d'abord l'interprétation précédente, Ils montrent, en 
premier lieu, que l’oxygène n'est jamais diminué de 
plus de 1°/, environ dans les chambres les plus encom- 
brées, car les fentes et les ouvertures laissent toujours 
passer l’air extérieur. Une telle diminution n’a pas d’im- 
porlance physiologique. De nombreuses populations 


1. Paul Muirer : Journal d'agriculture pratique, 1913, t. I 
page 89; t. Il, page 9. 

?. Bulletin mensuel de l'Office internat. d'Hygiène publ., 
&. VIS, n° 5, p. 776; mai 1915. 


, 


vivent et travaillent sans inconvénients pour leur santé 
à des altitudes où la pression propre de l'oxygène est 
considérablement moindre qu'elle ne peut l'être dans la 
chambre la plus encombrée, En second lieu, l'augmen- 
tation de la teneur en CO? dans les espaces confinés 
n'est jamais très élevée; on a trouvé au maximum 
0,365 centième de ce gaz dans une réunion nombreuse. 
Or les récherches physiologiques montrent que cet excès 
ne peut pénétrer dans la circulation, le centre respira- 
toire maintenant constante la proportion de CO? dans 
l'air des alvéoles pulmonaires; le seul effet d’une aug- 
mentation de la pression de CG? dans l'air est une accé- 
lération de la ventilation pulmonaire; mais, à la dose 
ci-dessus, elle est inappréciable, Enfin, en ce qui con- 
cerne l'existence d'un poison organique dans l'air expiré, 
bien qu'elle ait été souvent avancée, elle n’a jamais élé 
prouvée d’une façon irréfutable, et les expériences des 
auteurs n’ont pu parvenir à la mettre en évidence, 

Les bases manquent donc à la théorie chimique; par 
contre, MM. Hill et Flack signalent de nombreux faits 
qui tendent à établir que les effets nocifs des atmosphères 
confinées sont dus principalement à trois autres causes : 
l'élévation de la température, l'excès de vapeur d’eau et 
Pimmobilité de l'air. 

On sait, en effet, que la chaleur et l'humidité angmen- 
tent très rapidement dans les endroits surpeuplés. Si 
l’on enferme des sujets dans des chambres expérimen- 
tales closes, en s’arrangeant pour y maintenir la tem- 
pérature et l'humidité peu élevées, les sujets ne sont pas 
incommodés, même après un séjour de plusieurs heures; 
si, au contraire, on laisse la température et l'humidité 
croître naturellement, les sujets éprouvent un malaise 
marqué, alors même qu'on leur fait respirer l'air exté- 
rieur au moyen d’un tube. D'autre part, des sujets pla- 
cés à l'extérieur de la pièce et respirant, à travers un 
tube de prise, l’air confiné de cette pièce ne sont nulle- 
ment incommodés. La mise en marche d'un ventilateur 
à l’intérieur de la chambre procurait aussitôt un soula- 
sement aux sujets en expérience. 

C’est donc à l'humidité, à la stagnation et à la tempé- 
rature qu'il faut rapporter les mauvais effets des locaux 
surpeuplés, et les efforts des ingénieurs pour le chauf- 
fage et la ventilation devront être dirigés de façon à ra- 
fraichir l’air et à rafraichtr le corps des personnes en te- 
nant l’air en mouvement au moyen de ventilateurs. 

Au moyen d’un thermomètre spécial qu'ils nomment 
catathermomètre, MM. Hill et Flack se sont livrés à une 
série d'expériences des plus intéressantes, relatives aux 
effets de la température extérieure et du mouvement de 
l'air ambiant sur la température qui règne sous les vê- 
tements au contact dela peau et sur les échanges res- 
piratoires, Voici les conclusions générales auxquelles 
ils aboutissent : 

Les effets du plein air tiennent à l’action de l'air en 
mouvement sur la peau. La mauvaise influence des 
villes et des lieux surpeuplés tient uniquement à ce que 
le soleil y pénètre peu et l’air y circule mal, Il semble 
qu'on ne tire aucun avantage du séjour en plein air si 
l'atmosphère est calme et surchargée d'humidité. S'ex- 
poser à une telle atmosphère produit une sensation de 
froid, mais n'entraine pas une augmentation du taux des 
échanges, 

Les lieux les plus sains sont ceux où les échanges 
sont portés au maximum par le mouvement de l'air. Les 
sanatoria ne doivent pas être placés dans des endroits 
abrités, de telle sorte que l'air y soit calme et surchargé 
d'humidité, Il n’est pas judicieux d’entourer les maisons 
suburbaines d'arbres qui entretiennent autour d’elles 
un air Calme et humide. L’atmosphère des pièces sur- 
chauffées où l’air est immobile amoindrit l’activité cor- 
porelle et la résistance contre les maladies infectieuses. 

Ces conclusions sont en faveur des écoles de plein 
air, des ateliers ouverts, des jardins publics et de tous 
les moyens par lesquels on peut offrir aux travailleurs 
sédentaires des exercices en plein air, pour contréba- 
lancer les effets de leur séjour prolongé dans des 
atmosphères chaudes et calmes. 


498 Erx. RUTHERFORD. — LES RADIATIONS DES ATOMES EXPLOSIFS 


LES RADIATIONS DES ATOMES EXPLOSIFS 


Il estaujourd'hui bien établi que les substances 
radio-actives subissent des transformations spon- 
tanées et que leurs radiations caractéristiques 
— les rayons «, 8 et y — accompagnent la désin- 
tégration actuelle des atomes. La transformation 
de chaque atome résulte d’une explosion ato- 
mique d’un caractère excessivement violent, et 
libère en général une énergie plusieurs millions 
de fois plus grande qu’une masse égale de 
matière dans la réaction chimique la plus vigou- 
reuse. 

Dans la majorité des cas, l'explosion atomique 
est accompagnée de l'expulsion d’un atome de 
matière — une particule « — à une vitesse très 
élevée. On sait que la particule 4 est un atome 
d'hélium qui porte deux charges positives unité 
et quitte l’atome avec une vitesse d’environ 
16.000 kilomètres par seconde. Dans quelques 
transformations, aucune particule « n’estrejetée; 
elle est alors remplacée par une particule 8 
rapide ou électron. Ces rayons B emportent avec 
eux une grande quantité d'énergie, car dans 
quelques cas ils sont expulsés avec une vitesse 
très proche de celle de la lumière, ce qui est la 
limite de vitesse possible pour de telles parti- 
cules. L’expulsion des particules 5 à grande 
vitesse est généralement accompagnée de l’appa- 
à des 
rayons X, mais de pouvoir pénétrantsupérieur au 


rition de rayons y, qui correspondent 


plus grand qui ait jamais été obtenu dans un tube 
à rayons X, même en employant un voltage élevé. 
L'émission d'énergie sous la forme de rayons y 
n'est pas négligeable, car dans quelques cas elle 
est supérieure à celle qui est émise sous forme 
de particules & à grande vitesse, et elle peut 
s'élever par atome à au moins 20°/, de l’énergie 
libérée sous forme de particule « rapide. 

Par l'application d’un voltage élevé à un tube 
à vide, il est possible de produire des types de 
radiation analogues à ceux qui dérivent sponta- 
nément du radium. Par exemple, si l’hélium est 
l’un des gaz résiduels du tube, quelques-uns de 
ses atomes se chargent et sont lancés d’un mou- 
vement rapide dans le champ électrique élevé. 
Toutefois, pour leur communiquer une vitesse 
égale à la vitesse d'expulsion d’une particule , 
du radium C 
dans le cas le plus favorable, appliquer au tube 


par exemple, il faudrait, même 


une différence de potentiel de près de 4 millions 
de volts. D'une façon semblable, pour mettre en 
mouvement un électron avec une vitesse de 
98°/, de celle de la lumière, 2 millions de volts au 


moins seraient nécessaires. 


Comme nous l’avons vu, il n’a pas encore été 
possible de produire, avec un tube à vide, des 
rayons X aussi pénétrants que les rayons y. 
L'étude des radiations des substances radio- 
actives présente donc un intérêt spécial, non 
seulement à cause des informations qu’elle 
fournit sur la structure des atomes eux-mêmes, 
mais encore en procurant aux chercheurs des 
types spéciaux de radiation d'intensité plus 
grande que celle qui peut être obtenue par les 
méthodes expérimentales ordinaires. L’énorme 
énergie de mouvement des particules # et 8 rapi- 
des doit exister dans l'atome avant sa désinté- 
gration, soit sous forme potentielle, soit sous 
forme cinétique, et elle peut provenir ou du pas- 
sage des particules chargées à travers les champs 
électriques intenses de l’intérieur de l’atome, ou 
du mouvement très rapide de ces particules à 
l'intérieur de l’atome avant leur mise en liberté. 
Dans tous les cas, il n'y a aucun doute que des 
champs électriques, et peut-être des champs 
masnétiques, d'une intensité considérable exis- 
tent dans le très petit volume occupé par la 
structure essentielle de l'atome — champs dont 
l'intensité est des millions de fois plus grande 
que celle que nous pouvons espérer produire 
dans des expériences de laboratoire. 

Pour expliquer certains résultats expérimen- 
taux, j'ai suggéré l'hypothèse que la masse prin- 
cipale de l’atome est concentrée dans un petit 
volume ou noyau, possédant une charge positive, 
et de dimensions excessivement faibles en com- 
paraison du diamètre de l'atome. Ce noyau chargé 
est entouré d’une distribution d'électrons qui 
peut s'étendre à des distances comparables au 
diamètre de l’atome, tel qu’on l'entend ordinai- 
rement. L'évidence générale indique que les par- 
ticules zet les particules B primaires sont expul- 
sées du noyau, et non de la portion extérieure de 
l’atome. 

Si c’est bien le cas, la vitesse de la particule &, 
qui porte une charge positive, sera accrue par 
son passage à travers le champ répulsif élevé qui 
entoure le noyau; d'autre part, la particule £, qui 
porte une charge négative, doit être retardée 
dans sa fuite du noyau et doit posséder une 
grande énergie initiale pour s'échapper. Il ne 
parait pas douteux que les rayons y pénétrants 
ont leur origine dans une espèce de perturbation 
des anneaux d'électrons les plus proches du 
noyau, et ne représentent pas, comme quelques- 
uns l’ont supposé, les vibrations du noyau lui- 
même. 


Er. RUTHERFORD. — LES RADIATIONS DES ATOMES EXPLOSIFS 499 


————__————_—_—_—————— 


I. — LES RAYONS « 


Dans un travail récent en collaboration avec 
Robinson, j'ai déterminé avec exactitude la vi- 
tesse d'expulsion des particules + de certaines 
substances radio-actives. Nous y sommes arrivés 
en mesurant la déviation d'un faisceau de rayons 
dans des champs magnétiques et électriques 
forts. A l’aide de sources intenses de radiation, 


on trouve que la valeur de e/m — rapport de la 
charge à la masse de la particule « — est de 


4.820 unités, valeur qu'on peutprévoir sil’hélium 
a un poids atomique de 4 et porte deux charges 
unité. Cette expérience montre aussi que la 
masse de la particule positive expulsée n’est pas 
affectée d’une façon appréciable par son mouve- 
ment rapide. D'après ces données, la vitesse ini- 
tiale d'expulsion des particules « de toutes les 
autres substances radio-actives peut être déduite 
avec exactitude. 

Si l'expulsion d'une particule « d'un atome est 
le résultat d’une explosion interne, on doit s’at- 
tendre, par analogie avec le tir d’un canon, à ce 
que l'atome résiduel recule dans une direction 
opposée à la particule expulsée. L’existence de 
ces atomes « en recul » peut être démontrée de 
diverses façons, car la vitesse du recul est sufli- 
sante pour forcer les atomes à quitter la surface 
sur laquelle ils sont déposés et à traverser une 
couche d’air considérable à la pression de 1 mil- 
limètre avant qu'ils ne soient arrêtés. On doit 
admettre que le moment d'un atome qui recule 
est égal et opposé à celui de la particule + expul- 
sée. Comme la déviation d’une particule chargée 
en mouvement dans un champ magnétique est 
inversement proportionnelle à son moment, la 
déviation d'un essaim d’atomes en recul doit être 
la même que pour les particules ; si les atomes 
portent une charge identique. M.Makower a exa- 
miné la déviation d’un pinceau d’atomes en recul 
dans un champ magnétique et l’a trouvée exacte- 
ment la moitié de celle due à une particule #, 
ce qui prouve définitivement que les atomes en 
recul ne portent plus qu’une unité de charge 
positive, au lieu de deux pour la particule x. 

Nous voyons done que la simple application 
du moment nous permet de déduire la masse et 
l'énergie des atomes en recul. Comme la masse 
des atomes radio-actifs est environ 50 fois celle 
de la particule 4, la vitesse, et aussi l'énergie, du 
recul n’est done que le 1/50‘ environ de celle de 
la particule « expulsée. D’une façon analogue, 
on peut montrer que l’éjection d’une particule £ 
rapide cause un vigoureux recul de l'atome, 
quoique moins marqué que dans le cas de la par- 
ticule z plus massive. 


Il. —- Les rayons £ 


Dans ces dernières années, notre connais- 
sance du mode d'émission des particules & par 
les atomes radio-actifs a fait de notables pro- 
grès. Les travaux de Baeyer, Hahn, Meitner, Da- 
nysz ont montré que les rayons & d’une sub- 
stance radio-active comme le radium B ou le 
radium C contiennent un certain nombre de 
groupes définis de rayons qui sont expulsés avec 
des vitesses définies, On le constate le mieux 
photographiquement en examinant la déviation 
d’un pinceau de rayons 8 dans un champ magné- 
tique. Dans un champ uniforme, chacun des 
groupes de rayons décrit une trajectoire cireu- 
laire, dont le rayon est inversement proportion- 
nel au moment de la particule 8. Par l’applica- 
tion de méthodes spéciales, on a pu obtenir un 
véritable spectre des rayons 8. Avec le concours 
de M. Robinson, j'ai étudié soigneusement le 
spectre des rayons & du radium B etdu radiumC: 
il présente un grand nombre de bandes bien 
marquées, dont chacune représente un groupe 
de rayons & expulsés avec une vitesse identique. 
On a d’abord cru que la plus grande partie de 
l'énergie des rayons £ était comprise dans ces 
groupes, car quelques-unes des bandes étaient 
fortement marquées sur la plaque photographi- 
que. Mais Chadwick a montré récemment que la 
fraction des rayons qui donne un spectre de 
lignes ne représente que quelques pour cent de 
la radiation totale. 

D'une facon générale, la radiation 8 des subs- 
tances radio-actives forme un spectre continu, 
dû à des rayons 8 de toutes les vitesses possi- 
bles, sur lequel se superpose un spectre de lignes 
dû à un petit nombre de particules $ de vitesse 
définie comprises dans chaque groupe. 

On a observé des lignes dans le spectre de 
rayons & pour des particules atteignant une vi- 
tesse peu éloignée de celle de la lumière, mais 
l'effet photographique des particules devient 
relativement faible pour des vitesses aussi éle- 
vées. 

On sait, par des mesures directes, que chaque 
atome de radium B ou de radium C, dans sa dé- 
sintégration, émet ex moyenne une particule £. 
Dans le spectre de rayons 8 du radium C, on 
observe au moins 50 bandes définies, différant 
beaucoup d'intensité. 11 est clair qu’un seul 
atome, ense désintégrant, ne peut fournir une 
particule &pour chacun de ces groupes nombreux. 
Il faut donc conclure que chaque atome n’émet 
pas une radiation & identique. Les résultats s’ex- 
pliquent le mieux en supposant que le spectre 
de rayons 8 est l’effet statistique dû à un grand 


500 Erx. RUTHERFORD. — LES RADIATIONS DES ATOMES EXPLOSIFS 


nombre d’atomes, dont chacun peut seulement 
donner naissance à un ou deux groupes dans sa 
désintégration. Sous ce rapport, une transfor- 
mation à rayons & se distingue d’une transfor- 
mation à rayons #, car dans ce dernier cas cha- 
que atome émet une particule « de vitesse 
caractéristique. On verra plus loin qu'il y a sans 
doute une connexion très étroite entre l’émis- 
sion des rayons 8 et y par les atomes radio-actifs; 
l'explication probable du spectre complexe de 
rayons & sera discutée alors. 

A l'exception d'un élément, le radium E, et 
peut-être de l’uranium X, toutes les substances 
radio-actives qui émettent des rayons 8 primai- 
res donnent un spectre de lignes. Pour la ma- 
jorité des éléments, les lignes fortes dans le 
spectre de rayons & ont été déterminées par 
Baeyer, Hahn et Meitner; mais des sources plus 
intenses de radiation seront nécessaires pour 
fixer exactement la position des lignes plus 
faibles. 


IIT. — Les rayons 


Les premières expériences sur les rayons y se 
sont bornées en général à une détermination de 
l'absorption des radiations les plus pénétrantes 
par différentes sortes de matières. 

Toutefois, on a reconnu de bonne heure que 
plusieurs de ces radiations paraissaient com- 
plexes, comme le montrent les anomalies dans 
la partie initiale de la courbe d'absorption. Pen- 
dant ce temps, les travaux de Barkla faisaient 
progresser notablement nos connaissances sur 
les rayons X. Ce savant a trouvé que, dans cer- 
taines conditions, chaque élément, bombardé 
par des rayons X de pouvoir pénétrant conve- 
nable, donne naissance à une forte radiation 
qui est caractéristique pour chaque élément : 
les éléments les plus légers, de l'aluminium à 
l'argent, émettent des radiations caractéris- 
tiques appelées la « Série K », dont le pouvoir 
pénétrant augmente rapidement avec le poids 
radiateur; les éléments plus 
lourds émettent, en outre, une autre radiation 
caractéristique, de type plus doux, appelée la 
« Série L ». 

Ces résultats montrent clairement qu'il doit 


atomique du 


exister à l'intérieur de l’atome des structures 
définies qui donnent naissance à une radiation 
définie dans des conditions convenables d’exci- 
tation. Il semble probable aussi que les rayons y 
des substances radio-actives doivent consister 
dans les radiations caractéristiques de ces élé- 
ments lourds, d'un type analogue aux radiations 
correspondantes des éléments ordinaires excités 


par les rayons X ou les rayons cathodiques. 


Ces conclusions ont été confirmées par une 
série de recherches que j'ai faites en collabora- 
tion avec Richardson. Les rayons y étaient ana- 
lysés au moyen de leur absorption par l’alumi- 
nium et par le plomb, les effets perturbateurs 
des rayons 8 primaires étant éliminés au moyen 
d’un champ magnétique puissant. Nous avons 
trouvé, par exemple, que les rayons du radium 
B, examinés au moyen de leur absorption par 
l'aluminium, se composent de deux types au 
moins : l’un facilement absorbé, l’autre 80 fois 
plus pénétrant. Par d’autres observations sur 
l’absorption des rayons par le plomb, Richard- 
son a reconnu que les rayons du radium B peu- 
vent être divisés en au moins quatre types définis, 
dont chacun est absorbé par le plomb suivant 
une loi exponentielle. Des résultats similaires 
ont été obtenus avec tous les éléments radio-ac- 
tifs qui émettent des rayons y. Dans quelques 
cas, les rayons doux, par exemple ceux du 
radium B, correspondent à la radiation caracté- 
ristique de la série L; dans d’autres, à la série K. 
Plusieurs séries additionnelles de radiations 
caractéristiques sont présentes dans quelques 
cas. Il résulte clairement de ces expériences que 
les rayons correspondent aux modes naturels. 
de vibration de la structure interne des atomes 
radio-actifs. 

Pendant ce temps, les expériences de W.H. 
Bragg et W. L. Bragg, et celles de Moseley et 
Darwin ont montré que les radiations X carac- 
téristiques des éléments fournissent des spectres 
de lignes définis et bien marqués; ces spectres 
sont simplement déterminés par la réflexion 
cristalline des rayons X. Sitel est bien le cas, 
les rayonsydes atomes radio-actifs devaient 
donner aussi des spectres de lignes, ce qui per- 
mettrait de déterminer les fréquences naturelles 
de vibration de ces atomes. L'année dernière, 
j'ai fait avec Andrade un certain nombre d'expé- 
riences pour élucider ce point, en employant le 
radium B et le radium C comme sources de 
radiation y. Ainsi que nous l’anticipions, nous 
avons constaté que les rayons y du radium Bet 
du radium C fournissent des spectres de lignes 
bien marqués. 

La méthode générale consiste dans l’emploi 
d'un tube à rayons :contenant une grande quan- 
tité d'émanation comme source de radiation. Les 
rayonsysont réfléchis par un cristal de sel gemme 
et la position des lignes du spectre est déter- 
minée photographiquement;en général, il faut 
poser 24 heures pour obtenir un effet photogra- 
phique marqué. Ces expériences sont sujettes à 
des difficultés spéciales qu’on ne rencontre pas 
dans les recherches du même genre avec les 


Erx. RUTHERFORD. — LES RADIATIONS DES ATOMES EXPLOSIFS 501 


rayons X. En plus des rayons, la matière radio- 
active émet des rayons B très pénétrants qui ont 
une forte action photographique, tandis que les 
rayons y, dans leur passage à travers la matière, 
donnent eux-mêmes naissance à des rayons f à 
grande vitesse. L'effet perturbateur de ces radia- 
tions doit être éliminé en plaçant tout l'appareil 
entre les pôles d’un électro-aimant puissant. De 
cette facon, on trouve que le spectre du radium B 
consiste en un grand nombre de lignes, dont les 
plus intenses sont déviées sous les angles de 
1°46’, 10° et 12°. La radiation la plus pénétrante 
du radium C donne une ligne forte à 1° et une 
ligne plus faible à 43’. Les lignes fortes à 10° et 
12° sont dues aux rayons facilement absorbés et 
correspondent sans doute à la radiation L du 
radium B. La ligne à 1° correspond à une radia- 
tion très pénétrante, qui possède une longueur 
d'onde moindre que 1/10° d'unité Angstrôm. Les 
rayonsypénétrants du radium C ont donc de 
beaucoup la plus faible longueur d'onde obser- 
vée. Il ne parait pas probable que des ondes 
aussi courtes puissent être produites artificiel- 
lement dans un tube à rayons X, à moins qu’on 
ne puisse lui appliquer un voltage excessivement 
élevé. 

Un résultat intéressant de ces recherches doit 
être mentionné. Les deux lignes fortes du spec- 
tre du radium B déviées à 10° et à 12° correspon- 
dent exactement par leur position au spectre de 
rayons X du plomb. Ces expériences confirment 
donc l'hypothèse, basée sur l’évidence chimique, 
que le radium B et le plomb sont isotopiques, 
c'est-à-dire que ce sont des éléments de proprié- 
tés chimiques et physiques pratiquement identi- 
ques, bien que leur poids atomique diffère de 
sept unités. 


IV. — RaPpPoRTS ENTRE LES RAYONS B et 


Avant de considérer en détail le problème dif- 
ficile des rapports entre les rayons B et », il est 
désirable de résumer les faits principaux qui ont 
été établis en ce qui concerne les rayons catho- 
diques et les rayons X : 

1° Une petite partie de l'énergie des rayons 
cathodiques tombant sur un radiateur est con- 
vertie en rayons X, la fréquence moyenne de ces 
derniers augmentant avec la vitesse de la parti- 
cule cathodique ; 

2° Les rayons X, en traversant la matière, don- 

nent naissance à une radiation 8; l'énergie ini- 
tiale d'émission des électrons augmente avec la 
fréquence et lui est probablement proportion- 
nelle ; 

3° Les électrons ou les rayons X d'énergie 


KEVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 


convenable sont également aptes à exciter les 
radiations caractéristiques dans un atome. 

Les résultats qui ont été obtenus pour les 
rayons X se vérifient également pour les rayons 
Bet y. Ainsi Gray et Richardson ont constaté que 
les rayons & d’une substance radio-active sont 
capables d’exciter les radiations caractéristiques 
des éléments dans un certain nombre de circons- 
tances, tandis que les rayons y, en traversant la 
malière, donnent naissance à des électrons à 
grande vitesse. Bragg a suggéré depuis longtemps 
que les rayons Bet les rayons X sont des formes 
d'énergie mutuellement convertibles, c’est-à-dire 
qu'une particule 8 tombant sur la matière peut 
être convertie en un rayon X de même énergie, 
et ce dernier, en traversant la matière, peut à son 
tour être transformé en un électron d’énergie 
identique. L'énergie d’un rayon X et celle d’un 
électron seraient donc mutuellement transfor- 
mables, et, suivant les conditions, cette énergie 
pourrait apparaître sousl'une ou l’autre des deux 
formes. Tandis que les faits acquis sont en fa- 
veur de cette hypothèse pour la conversion de 
l'énergie d’un rayon X simple en celle d’un élec- 
tron rapide, il est fort douteux qu’elle se vérifie 
pour le cas inverse de l'excitation d’un rayon X 
par un électron. Nous verrons plus loin, par 
l'expérience, qu’en général l’énergie de l’électron 
requise pour exciter un rayon X de fréquence 
définie est toujours plus grande que l'énergie 
correspondante emportée sous la forme d’un 
rayon X. 

On a observé depuis longtemps qu'il semble 
exister un rapport étroit entre l'émission des 
rayons Bet par la matière radio-active. Dans 
tous les cas, les deux types de radiations appa- 
raissent ensemble. Un examen plus approfondi 
a montré, toutefois, qu’il existe des différences 
très marquées entre les énergies relatives des 
rayons Bet de différents éléments radio-actifs. 
Par exemple, le radium C émet des rayons Bet, 
également intenses; par contre, leradium E émet 
des rayons & intenses sur un grand intervalle de 
vitesses, mais desrayons y excessivement faibles. 
Des différences analogues ont été signalées pour 
un certain nombre d’autres éléments radio-actifs. 

Il faut noter cependant une distinction frap- 
pante. Toutes les substances radio-actives qui 
donnent un spectrede lignes de rayons 8 marqué 
émettent également des rayons y intenses. Par 
contre, une substance comme le radium E, qui 
donne à peine quelques rayons , forme un spec- 
tre continu de rayons 6 dans lequel on n’a pas 
observé delignes jusqu’à présent. Il semble donc 
probable que le spectre de lignes des rayons £ 
est en relation intime avec l'émission des 


o] 


ot 
© 
LD 


rayons y, et cette conclusion a été complètement 
établie par de récentes expériences. 

Comme nous l'avons vu, les rayons, en traver- 
sant la matière, donnent naissance à des rayons f 
à grande vitesse. En employant le radium B et 
le radium C comme sources de rayons y, j'ai, en 
collaboration avec MM. Robinson et Rawlinson, 
analysé dans un champ magnétique la radiation 8 
excitée dans un certain nombre de métaux par 
le passage des rayons y, et nous avons trouvé 
qu’elle se compose en partie de groupes définis 
de rayons 8. Lorsque la substance absorbante est 
le plomb, le spectre magnétique des rayons £ 
excilés par les rayons y est presque identique au 
spectre de rayons £ primaires du radium B. Ce 
résultat frappant montre queles rayons s’échap- 
pantde l’atomeradio-actif quidonnent naissance 
à un spectre de lignes doivent résulter de la con- 
version des rayons ; en rayons &dans l’atome ra- 
dio-actif. Les faibles différences observées dans 
le spectre pour les divers métaux sont probable- 
ment en relalion avec l’énergie requise ponr 
exciter l’une des radiations caractéristiques de 
l'élément employé comme absorbant. 


On peut donner, je pense, l’explication sui- 


vante des différences marquées constatées dans 
le caractère de la radiation £ety provenant des 
différents atomes radio-actifs. Quelques-uns des 
rayons) sonttransformés à leur sortie desatomes, 
et l'énergie de chaquerayon y converti est trans- 
férée à un électron qui s'échappe avec une 
vitesse définie dépendant de la fréquence de la 
radiation y. Si l’on considère un grand nombre 
d’atomes subissantla désintégration, chacun des 
modes possibles de vibration caractéristique de 
l’atome donne naissance à un électron de vitesse 
définie. On peut ainsi rendre compte du spectre 
de lignes des rayons & qui s’observe si commu- 
nément. Dans cette hypothèse, on doit s'attendre 
à obtenir un spectre de lignes bien marqué des 
rayons 5 quand une substance émet de forts 
rayons y — résultat conforme à l'observation. 
Pour expliquer les différences marquées de 
type et d'intensité des rayons y de différentes 
substances radio-actives,il semble nécessaire de 
supposer, en outre, que la particule 8 primaire 
s'échappe toujours du noyau dans une direction 
fixe par rapport à la structure des atomes consi- 
dérés. Par exemple, nous avons déjà signalé que 
le radium E, quoiqu'il émette des rayons 8 
intenses, qui fournissent un spectre continu sur 
un grand intervalle de vitesses, engendre des 
rayons très faibles. Comme il n’est pas douteux 
que les rayons 5 possèdent une vitesse suffisante 
pour exciter les modes caractéristiques de vibra- 
tion qui doivent être présents dans l’atome, nous 


Erx. RUTHERFORD. — LES RADIATIONS DES ATOMES EXPLOSIFS 


sommes amenés à la conclusion que la parti- 
cule 8 s'échappe dans une direction telle qu’elle 
ne traverse pas ces centres de vibration. Dans 
cette hypothèse, le type des rayons caractéris- 
tiques qui sont excités, et par conséquent aussi 
Ja vitesse correspondante des rayons qui résul- 
tent des rayonsy convertis, dépendent entière- 
ment de la direction de sortie de la particule 8 
primaire. La direction définie d'échappement de 
cette particule, qui varie pour les atomes des 
diverses substances, suffit aussi à expliquer un 
certain nombre d’autres différences observées 
dansle mode de libération de l'énergie des divers 
atomes radio-actifs. Elle est d'accord avec d’au- 


tres observations qui indiquent que les atomes ! 


d'une substance radio-active particulière se bri- 
sent tous de la même facon. 
Nous n'avons jusqu'à présent considéré qu’au 


point de vue qualitatif le rapport entre les 


groupes de rayons dans un spectre derayons 8 et 
l'émission des rayonsy caractéristiques. Dans 
ces dernières années, on a pu se convaincre de 
plus en plus que l'énergie E portée par un rayon 
X de fréquence » est proportionnelle à cette fré- 
quence et est donnée par l'expression E h, où 
k est la constante fondamentale de Planck. Si le 
total de l'énergie d'un rayon X peut être cédé 
directement à un électron, l'énergie communi- 
quée à ce dernier doit être Av. Il n’est pas douteux 
que dans beaucoup de cas cette relation simple 
se vérifie trèsapproximativement, maisles mesu- 
res actuellement utilisables ne sont pas suffisam- 
mentprécises pour décider définitivement si une 
part de l’énergie n'apparaît pas sous une autre 
forme. 

Supposons que le transfert de l’énergie d’un 
rayon X à un électron soit complet : nous devons 
nous attendre à trouver des groupes de rayons 8 
d'énergie correspondant à À », où » est la fré- 
quence des rayons trouvée expérimentalement. 
Une telle relation se vérifie, dans les limites des 
erreurs d'expérience, pour trois groupes mar- 
qués de rayons B à faible vitesse, émis par le 
radium B. D'autre part, on constateque beaucoup 
de groupes de rayons S à grande vitesse du 
radium B et du radium C possèdent des énergies 
plusieurs fois plus grandes que celles qui cor- 
respondent aux fréquences observées. Il n'existe 
pas la moindre preuve que de hautes fréquen- 
ces de vibration correspondantes existent dans 
l’atome radio-actif; au contraire, tout semble 
prouver que ces électrons à haute fréquence pro- 
viennent d'une ou plusieurs des fréquences 
observées dans le spectre derayons 7. 

Pour rendre compte des résultats précédents, 
il y a lieu de supposer que les rayons y de haute 


rh AU 


Er. RUTHERFORD. — LES RADIATIONS DES ATOMES EXPLOSIFS 


fréquence ne sont pas nécessairement émis à 
l’état de pulsations simples, mais consistent en 
un train de pulsations produites simultanément 
ou se suivant à intervalles très courts. Chacune 
de ces pulsations possède une énergie À » corres- 
pondant à la fréquence », mais l'énergie totale 
du train de pulsations est p L, où p est un nom- 
bre entier, qui peut avoir les valeurs 0,1,2,3,.... 
suivant la structure de l’atome et les conditions 
d’exeitation. Le pouvoir pénétrant d’un tel train 
d'ondes correspond à celui d’une onde simple 
de fréquence »; mais, en traversant la matière, 
l'énergie du train entier de p ondes peut être 
transmise à un électron, qui sera expulsé en 
conséquence avec une énergie p Lv. Il y a une 
forte évidence en faveur de l'exactitude générale 
de ce point de vue, car la plupart des lignes for- 
tes du spectre de rayons 8 du radium C ont des 
énergies qui correspondent à un multiple entier 
de l'énergie correspondant aux lignes fortes 
actuellement observées dans le spectre des 
rayons y. Il paraît probable que, dans les condi- 
tions ordinaires d’excitation par les rayons 
cathodiques dans un tube à vide, le rayon X con- 
tient seulement une pulsation ou onde; mais, 
sous le stimulus beaucoup plus puissant de la 
particule & très rapide s’échappant de l'atome, il 
se produit un long train d'ondes, toutes de même 
fréquence. Dans des conditions appropriées, 
l'énergie totale du train d'ondes peut être cédée 
à un électron, qui possédera par suite une vitesse 
beaucoup plus grande que celle que lui imprime 
une onde simple de même fréquence. 


V.— LiMiTE DE LA FRÉQUENCE DE 
VIBRATION DE L'ATOME 


Une question fondamentale se pose lorsqu'on 
considère les modes de vibration de l'atome: 
Existe-t-il une limite définie de fréquence de la 
radiation qui peut être excitée dans un atome 
donné ? La théorie ne fournit pas de réponse à 
ce problème, car on sait peu de chose des condi- 
tions de l’excitation et même de la nature des 
vibrations à fréquence aussi élevée. L'étude de 
la fréquence des rayons y des substances radio- 
actives est d’une grande importance, car elle 
jette beaucoup de clarté sur ce problème. 

Comme nous l'avons vu, l'énergie de la parti- 
cule 8 qui s'échappe du noyau du radium Cest 
équivalente à celle qu'acquiert un électron se 
mouvant dans un espace raréfié sous une diffé- 
rence de potentiel de plusieurs millions de volts. 
Cet électron à grande vitesse traverse la distri- 
bution électronique danssa libération de l'atome, 
Malgré ces conditions idéales pour l'excitation 
de radiations à haute fréquence dans l'atome, la 


503 


fréquence la plus élevée dans la radiation émise 
par le radium C est seulement le double de celle 
qu’on peut obtenir avec un tube à rayons X or- 
dinaire dur excité par 100.000 volts. Il semble 
donc probable qu'il existe une limite définie 
pour la fréquence de la radiation émissible par 
un atome donné, quelque élevée que soit la vi- 
tesse de l’électron perturbateur. Cette fréquence 
limite est déterminée non par la vitesse del’élec- 
tron, mais par la structure actuelle de l'atome. 
Comme la radiation y du radium C donne un 
spectre de lignes, il en résulte que la fréquence 
maximum que l’on peut obtenir est due à un 
système défini d'électrons qui est misen vibra- 
tion caractéristique par l'émission d’une parti- 
cule 6. 

Pour jeter plus de lumière sur ce point, 
MM. Barnes et H. Richardson et moi-même nous 
avons récemment entrepris des expériences pour 
déterminer la fréquence maximum qu’on peut 
obtenir avec un tube à rayons X pour différents 
voltages constants. Le tube Coolidge, lancé ré- 
cemment sur le marché, est idéal dans ce but, 
car il fournit une radiation puissante pour un 
voltage quelconque. L’anti-cathode est en tungs- 
tène de poids atomique 184, de sorte que nous 
observons dans ce cas les modes possibles de vi- 
bration d'un atome lourd.On déduit la fréquence 
maximum de la radiation de la mesure de l’ab- 
sorption par l'aluminium des rayons les plus 
pénétrants émis aux différents voltages. L’ab- 
sorption des rayons X de diverses fréquences 
par l'aluminium a été examinée sur un grand 
intervalle ; elle peut être exprimée par une for- 
mule simple. On trouve que, pour 20.000 volts, la 
fréquence de la radiation est légèrement infé- 
rieure à celle qu’on déduit de la relation de 
Planck. Lorsque le voltage augmente,on observe 
un écart rapide avec la relation de Planck. La 
fréquence atteint un à environ 
145.000 volts, puis on n'observe plus d’accrois- 
sement jusqu’au voltage maximum employé, soit 
175.000 volts. L'expérience montre donc que la 
fréquence de la radiation atteint un maximum 
défini, qui dépend sans doute du poids atomique 
du radiateur particulier qu'on utilise. 

Il est intéressant de noter que le pouvoir pé- 
nétrant maximum des rayons X du tube de Coo- 
lidge dans l’aluminium est presque le même que 
celui des rayons y du radium B, et environ les 
3/10 de celui des rayons y du radium C. Il semble 
que les rayons y très pénétrants du radium Ccor- 
respondent à l’octave de la radiation caractéris- 
tique K de cet élément. Si tel est le cas, il se 
peut qu’on obtienne du tungstène une radiation 
encore plus pénétrante, mais pour l’exciter il 


maximum 


504 M. G. MITTAG-LEFFLER. — LES FONDEMENTS DE LA THÉORIE DES NOMBRES 


faudrait probablement un voltage de l’ordre du 
million de volts. 

Dans tous les cas, il parait clair que la rela- 
tion de Planck ne se vérifie pluspour l'excitation 
des hautes fréquences par des électrons rapides, 
mais peut être utilisée avec une grande approxi- 
mation pour les fréquences plus basses corres- 
pondant à la radiation excitée par quelques cen- 
tainesou milliers de volts. D'autre part, l'étude 
des rayons & excités par les rayons X ou les 
rayons indique certainement que la relation 
E— ph» se vérifie très approximativement pour 
la plus haute fréquence étudiée. Il est done clair 
que l’émission des rayons 8 et y des atomes ra- 
dio-actifs est nettement reliée à la théorie géné- 
rale de la radiation; une étude approfondie de 
ces radiations jettera sans doute une grande 
clarté sur le mécanisme de la radiation en gé- 
néral. 

Il n’est pas douteux non plus que les rayons y 
pénétrants des matières actives ont leur origine 


dans la vibration des systèmes électroniques de 
la structure de l'atome extérieure au noyau. Le 
noyau lui-même doit être violemmenttroublé par 
l'expulsion d’une particule « ou 8. Si cette pertur- 
bation conduit à l'émission d'une radiation , elle 
doit être d'une fréquence excessivement élevée, 
car les forces qui maintiennent unies les par- 
ties composantes du noyau doivent être extraor- 
dinairement intenses. On doit prévoir que cette 
radiation serait extrêmement pénétrante et diffi- 
cile à déceler par les méthodes électriques. 
Comme on n’a encore obtenu aucune preuve 
expérimentale de l'existence de radiations de fré- 
quence aussi élevée, ilsera nécessaire de trouver 
des méthodes spéciales pour pouvoir les mettre 
en évidence". : 


Sir Ernest Rutherford, 
Membre de la Société Royale de Londres. 


1. Conférence faite devant la « Royal Institution » le 
4 juin 1915, traduite de l'anglais par M. Louis Brunet. 


LES FONDEMENTS DE LA THÉORIE DES NOMBRES 


L'Analyse supérieure, créée en même temps 
que le Calcul différentiel et intégral, est devenue 
dès le principe et déjà dans les mains des pre- 
miers créateurs un instrument d’une capacité 
puissante. L’horizon qui s’ouvrit à ses exploits 
paraissait dès l’abord sans bornes. N'ayant pas le 
moyen d'évaluer à sa juste mesure la nouvelle 
force qu’on venait de découvrir, on crut qu'elle 
était inépuisable. 

Comme marquant la fin de cette première et 
glorieuse période, ouverte parles Newton et les 
Leibnitz, il faut citer, avant tous les autres, les 
grands noms d’Euler et de Lagrange. On com- 
mençait déjà à entrevoir des bornes, qu’il n’était 
paspossible de dépassersans revenir aux sources 
mêmes du calcul pour les assainir et les appro- 
fondir. 

Alors s'élèvent, au commencent du siècle qui 
précède le nôtre, de nouvelles voix, celles de 
C. H. Gauss, Louis-Augustin Cauchy et Niels 
Henrik Abel. Gauss a caractérisé sa manière de 
comprendre les Mathématiques dans une lettre 
remarquable à l’astronome Schumacher. Il dit : 
« Il est caractéristique pour les Mathématiques 
modernes, contrairement à ce qui est le cas pour 
celles de l'antiquité classique, que, par nos no- 
tations et notreterminologie, noussommesentrés 
en possession d’un levier au moyen duquel l’ar- 
gumentation la plus compliquée peut être réduite 


à un certain mécanisme. Par là, la science a 
gagné infiniment en richesse, mais, ce levier 
étant manié comme il l’est en général, elle a 
aussi perdu en beauté et en solidité. Combiende 
de fois ce levier n'est-il employé que machinale- 
ment, quoique le droit de s’en servir présuppose 
dans la plupart des cas certaines hypothèses 
implicites. J’exige que toujours, chaque fois que 
l'on effectue un calcul ou emploie un terme, l’on 
garde présentes à l'esprit les hypothèses primi- 
tives, et que l’on ne considère jamais les produits 
du mécanisme comme des possessions acquises 
autrement que dans la mesure où le droit de le 
faire a été clairement établi. » 

Ce programme, il le réalisait d'abord pleine- 
ment dans ses célebres « Disquisitiones arith- 
meticæ » (1801), qui resteront, dans les siècles 
futurs, avec le cours d'Analyse de Cauchy (1821) 
et le mémoire sur la formule binomiale d’Abel 
(1826), des monuments impérissables de la pen- 
sée pure. 

Mais il manquait toujours la pierre fondamen- 
tale pour la construction de cet édifice solide et 
harmonieux, qu’on a appelé l’Analyse supé- 
rieure, mais qui se nomme maintenant plutôt la 
Théorie des fonctions. Ni Cauchy, ni Abel, ni 
probablement Gauss ne sont parvenus à définir 
d'unemanièreexacte,exempte detoute objection, 
l'idée générale du nombre, élevée au point 


M. G. MITTAG-LEFFLER. — LES FONDEMENTS DE LA THÉORIE DES NOMBRES 505 


d’embrasser Lant les nombres entiers et fraction- 
naires que la généralité des nombresirrationnels. 
On possédait bien la conception de certains êtres 
soumis aux mêmes règles de caleul que les nom- 
bres entiers ou fractionnaires sans pouvoir être 
‘amenés à ceux-ci. On connaissait, par exemple, 
depuis la plus haute antiquité, le nombre qui est 
la racine carrée du nombre 2, ainsi que le nom- 
bre +, qui mesure la périphérie du cerele par son 
rayon; on apprit à connaitre plus tard le nom- 
bre e, base du système logarithmique; on con- 
naissait des classes entières de nombres algébri- 
ques, qui n'étaient ni entiers ni fractionnaires, 
mais le point de vue qui devait embrasser tous 
cesnombres de sources différentes manquait. 

Dans les esprits de certains mathématiciens 
flottait, il est vrai, l'idée un peu vague de la pos- 
sibilité de ramener tous ces nombres à la classe 
desnombresalgébriques, c’est-à-dire les nombres 
définis comme racines d’une équation algébri- 
que à coeflicients entiers. Mais des chercheurs 
plus elairvoyants s’occupaient en mêmetemps de 
démontrer, si possible, que les nombres e et r ne 
peuvent pas être de cette espèce. Ce fut le grand 
analyste etalsébriste Charles Hermite qui trouva 
le premier une méthode générale pour résoudre 
ce problème deux fois millénaire. Il montre, il 
est vrai, seulement que le nombre e n'est pas un 
nombre algébrique, mais une modification lègère 
de sa démonstration fait voir, comme Lindemann 
l’a remarqué le premier, qu'il en est de même 
pour le nombre 7. 

La découverte d'Hermite est pourtant posté- 
rieure à l’époque où la notion du nombre dans 
toute sa généralité a été fixée. C'est en 1872 que 
cette notion, connue auparavant seulement de 
quelques initiés, a été mise en pleine lumière 
par quatre publications de valeurs différentes 
nfais comportant toutes une solution du pro- 
blème. Nous reviendrons à l’exposé des diffé- 
rents points de vue qui ont été suivis par les 
quatre auteurs. 

Pour bien saisir toute la portée de la nouvelle 
conception ,ilsera nécessaire de remonter d’abord 
à la première source, c’est-à-dire à l’idée du 
nombre entier. 


Pour commencer, il me semble que le point de 
départ des Mathématiques, comme d’ailleurs de 
toute pensée, c’est la notion de nombre entier, et 
que, par conséquent, toute tentative de donner 
une définition du nombre entier par d’autres 
notions considérées comme antérieures est vaine. 
Si l’on tâche, d’un autre côté, de concevoir 


comment naît l’idée de nombre entier, en écar- 
tant toutes les déterminations 
provenant de l'expérience externe, je crois qu'on 
arrivera nécessairement à la conception que 


accidentelles 


cette idée est obtenue par une expérience interne 
pouvant être décrite comme suit: dans l'esprit 
on retient une donnée, l'unité, le premier nom- 
bre, et puis encore une fois ce même objet, pro- 
cédé par lequel se forme le deuxième nombre, et 
puis on continue de la même manière. Je consi- 
dère les nombres obtenus ainsi en partant de la 
même unité comme appartenant à la même suite 
de nombres, et je disd’'eux qu'ilsontété formés de 
la même unité. Ils se suivent dans un ordre déter- 
miné, de sorte que pour deux nombres quelcon- 
ques on peut indiquer lequel des deux est anté- 
rieur, lequel est postérieur. Chaque nombre, sauf 
le premier, est immédiatement précédé par un 
autre, et chaque nombre, y compris le premier, 
est immédiatement suivi par un autre. 

Ensuite, le processus par lequel se forment 
les nombres n'a pas de fin; on peut toujours le 
continuer au delà du point où l'on s’est arrêté. 
Tout le monde admet que la pensée est capable 
d’embrasser à la fois un groupe de nombres ainsi 
obtenus, mais ceux quisont habitués à limiterleur 
pensée par l’expérience externe énoncent de 
temps à autre l'opinion qu'il est impossible à la 
pensée d’embrasser à la fois tous les nombres, la 
totalité des nombres, « Il est impossible à la 
pensée de comprendre un espace infini », voilà 
une doctrine que, pour alléguer un exemple, je 
retrouve dans un essai populaire d’un natura- 
liste connu !. 

Parmi les mathématiciens modernes, cette 
facon de voir ne semble pas avoir eu d’autre 
champion que Kronecker. Cependant Kronecker 
n’a jamais exposé d'une manière précise pour- 
quoi il voulait abolir l'idée de l'infini, et d'ail- 
leurs il s’est constamment servi de cette idée dans 
de nombreux ouvrages, du reste de ses meilleurs. 
Il est vrai qu’il aurait pu se défendre en préten- 
dant quel’infini n’a pas été pour lui une réalité, 
mais seulement un symbole du faitincontestable 
que chaque nombre formé comme je l'ai dit pos- 
sède un précédent (sauf le premier) et un sui- 
vant. Ce symbolisme serait alors de la même 
nature que celui dont on se servait à l’époque où 
l’on ne reconnaissait pas la réalité des nombres 
complexes et, avant cela, des nombres négatifs, 
en considérant ces nombres comme n'étant rien 
d'autre que des symboles pour des relations 
existant entre des nombres positifs. Mais dans ce 


1. SVANTE ARRHENIUS : WMännishan infor världsgätlan. 3° éd., 
page 147. 


506 M. G. MITTAG-LEFFLER. — LES FONDEMENTS DE LA THÉORIE DES NOMBRES 


cas l’idée avancée par Kronecker aboutit au plus 
complet formalisme et ne se réduit qu'à une que- 
relle de mots. 

Ilest clair, à mon avis, que, dès la première 
éclosion de la pensée, en même temps qu’on se 
trouve en possession du nombre, on l'est égale- 
ment de l'infini, lequel, délivré de tout ce qui est 
accessoire, n’est que l’objet de la pensée consti- 
tué par l’ensemble de tous les nombres. Je crois 
aussi qu'en essayant de n'importe quelle autre 
façon d'établir la notion de l'infini, par exemple 
en appliquantla méthode déductive que Dedekind 
a élaborée avec tant de finesse, on arrivera à 
conclure, si l’on examine minutieusement les 
prémisses, qu’en réalité on était parti de cette 
première notion de l'infini, qui était donnée dès 
le début. 

Les notions des relations d'égalité et d’inéga- 
lité existant entre les nombres s’obtiennent par 
définition. Les nombres ne sont égaux que dans 
le cas où ils sont les mêmes. Dans tous les av- 
tres cas, ils sont énégaux. 

Nous avons posé comme unité un quelque 
chose, un objet quelconque. Si l’on n’y attache 
aucune autre détermination que celle d’être, lors 
de la formation du nombre, ce qu’on retient dans 
l'esprit, l'unité est désignée par un, le nombre 
suivant par deux, etc., et je veux appeler ces nom- 
bres, dont l'unité est un, des nombres absolus. La 
notion d’énférieur et de supérieur n’est pas pour 
des nombres pareils une notion irréductible qui 
s'attache à toutes les grandeurs en général, mais 
elle s'obtient par définition de la manière sui- 
vante : de deux nombres absolus inégaux, le 
nombre antérieur est dit inférieur, le nombre 
postérieur est dit supérieur. 

Le théorème qu'il n'y a pas de nombre qui ne 
soit suivi d’un autre prendra donc, d’après cette 
conception des nombres absolus, la forme sui- 
vante: « Il n’y a pas de nombre quisoit supérieur 
à tous les autres. » 


IT 


De la notion de nombre entier, laquelle, selon 
moi, est antérieure et fondamentale, on arrive 
directement à celle du dénombrement d’une mul- 
titude d'objets. Supposons donnée une collection 
d'objets. Retirons de cette collection un objet et 
attribuons-lui le nombre un; retirons encore une 
fois un objet et attribuons-lui le nombre deux, 
puis encore un objet qui aura le nombre trois, et 
continuons à répéter ce procédé. Si, de cette 
manière, on arrive enfin à un dernier nombre m, 
m représente le résultat du dénombrement, le 
nombre qui indique combien d'objets 
contenus dans la collection donnée. Cette notion 


sont 


se désigne en suédois par le mot « antal », en 
allemand par le mot « Anzahl », maïs en français 
il paraît qu'il n'existe pas un mot synonyme. 
C’est la faculté de la pensée de retenir deux ob- 
jets joints l’un à l’autre qui rend possible la dé- 
termination de ce nombre 77. Or, maintenant se 
pose la question: Est-ce que ce nombre m d’ob- 
jets contenus dans la collection donnée reste 
toujours le même, indépendamment de l’ordre 
dans lequel les objets sontattribuésaux nombres 
là, ou,en d’autres termes, est-ce quecenombre 
estun invariant de la collection donnée d'objets? 
Il en est bien ainsi, comme il ressort du raison- 
nement suivant : 


a b 
PEVAVAN VNNCNCNC 
4 POTAT. STD, 

P. q 

b a 
SNS SCNESISESENENENS 
PINS PIN PS \ PSNTN AN TN 

P q 


On admet a priori que si deux objets changent 
de place de telle manière que l’objet a, qui avait 
été attribué au nombre p, prenne la place.de l’ob- 
jet à, qui avait été attribué au nombre g, de sorte 
que à soit attribué à p et que a soit attribué à q, 
le nombre »2 reste toujours le même. Retirons 
maintenant dela collection donnée d'objets nr <m 
objets. S'il est vrai que le nombre » ne varie 
pas, quel que soit l’ordre dans lequel on dénom- 
bre ces r objets, ce nombre »2 restera aussi, en 
raison du susdit axiome, invariable, si l’on retire 
encore un objet de la collection. Par conséquent, 
comme 72 reste invariable si on prend x —2,ilen 
sera de même pour 7 —3,puis pour 7 = #4, eten- 
fin pour 7 —m. 

Nous rencontrons ici pour la première fois un 
syllogisme quia été dénommé principede l'induc- 
tion complète, ou syllogisme de n à nr +1. Ce syl- 
logisme ou mode de démonstration consisteen ce 
qui suit : On démontre que, si un théorème est 
valable pour un nombre quelconque n, il l’est 
aussi pour le nombre suivant n +1. Or, si le 
théorème est valable pour un certain nombre 
donné x, dans notre cas le nombre 2, il estaussi 
valable pour le nombre 7+1,de même pour le 
nombre suivant, puis pour celui qui vient après, 
et ainsi de suite, ou, en somme, pour tous les 
nombres qui sont postérieurs au nombre donné. 

Poincaré, et d’autres auteurs, à sa suite, ont 
souligné que le syllogisme de x à n+1 constitue 
un des principaux modes de démonstration, 
peut-être même le principal, de la Mathématique. 

Pouvoir dénombrer ou compter une multitude 
donnée d’obiets donnés, c’est une faculté qui est 
propre à l'homme sans probablement l’être aux 


æ 


tr n 


M. G. MITTAG-LEFFLER. — LES FONDEMENTS DE LA THÉORIE DES NOMBRES 507 


animaux. Si compter n'était autre choseque d'em- 
brasser dans l'esprit plusieurs objets, sans leur 
attribuer en même temps une série de nombres, 
cette faculté ne serait pasexelusivement humaine. 
L'oie même compte sans doute ses petits de cette 
manière. Chez les peuples primitifs, qui ne sont 
pas du tout ou seulement imparfaitement capa- 
bles d'indiquer le nombre d'individus d’un grand 
troupeau, on peut constater une faculté très dé- 
veloppée pour compter de cette manière, de sorte 
qu'il ne leur faut qu’un moment d'attention pour 
indiquer combien d'individus manquent dans un 
troupeau, pourvu que, toutefois, ce nombre ne 
soit pas excessivement grand. 

A défaut de cette faculté de la pensée de faire 
correspondre un objet à un autre, c’est-à-dire de 
compter,la Mathématique n'’existerait pas. C'est 
de cette faculté qu'a jailli la science mathéma- 
tique. 


JIT 


Nous avons vu que chaque nombre est immé- 
diatement suivi par un autre et qu'également 
chaque nombre, excepté le premier, est immé- 
diatement précédé par un autre. Or si, à partir 
d'un certain nombre donné, on parcourt la série 
des termes en sensinverse, en donnant le nombre 
un à ce nombre donné, le nombre deux à celui 
qui le précède, etc., ou, autrement dit, si l’on 
compte en arrière, on arrive toujours à une fin, 
et on obtient le même nombre que si l’on avait 
compté en avant, c’est-à-dire du premier nombre 
jusqu’au dernier. C’est là une conséquence im- 
médiate de ce que le nombre qui indique le ré- 
sultat du dénombrement d’une multitude d’ob- 
jets donnés est un invariant. Une fois en 
possession de l’idée de nombre entier, on arrive 
directement par une définition à la notion de la 
somme de deux nombres. Cette notion se définit 
comme suit : la somme de deux nombres est un 
nombre nouveau qu'on obtient si l’on continue 
la répétition de l’unité, qui a eu lieu lors de la 
formation du premier nombre, autant de fois 
qu'ila fallu répéter l'unité pour former le 
deuxième nombre. Poincaré a relevé que cette 
définition de la somme, quoique se présentant 
formellement comme une seule définition, esten 
réalité une « cascade » illimitée de définitions, 
une définition pour chaque combinaison denom- 
bres. Dans ce mode de définition qu'on rencontre 
ainsi dès le début et qui va apparaître constam- 
ment dans les déductions mathématiques, se re- 
trouve l'explication du fait que la science des 
nombres, c’est-à-direles Mathématiques, pendant 
sa marche ininterrompue, conquiert toujours de 
nouveaux domaines. 


Après la définition de la somme, on obtient 
par le simple emploi du syllogisme de n à n +1 
les deux théorèmes fondamentaux : 
a+ {(b+c) = (a +b)+- c, ou théorème de l'asso- 
ciation, 
et 
a+ b=b<# a, ou théorème de la commutation. 

Ensuite on obtient le théorème suivant : 

« Si deux nombres sont donnés, il y a tou- 
jours dans le même système un troisième nom- 
bre univoquement donné, tel que la somme du 
nombre antérieur parmi les deux nombres don- 
nés et du troisième nombre égale le nombre 
postérieur », ou en langage algébrique, « si 
a et b sont donnés et si a est antérieur à b, il 
existe toujours un nombre univoquement donné 
æ tel que a+ x — b». 

Je ne veux pas m'arrêter plus longtemps à la 
théorie des sommes ni à celle des produits ou de 
la division; je me contente d'indiquer que a étant 
un nombre donné dans un certain système et 7 
un nombre absolu, le produit de à par » ou le 
le multiple nième de a désigne la somme de » 
nombres a et s'écrit a. n. 

En langage algébrique, c’est le problème du 
maintien de l'égalité x. 7 — b, même dans le cas 
où b n’est pas le produit d'un nombre a et d’un 
nombre absolu », qui a forcément amené la pre- 
mière extension de l’idée de nombre. Nous arri- 
vons à cette extension en attribuant à l’unité du 
système des nombresla propriétésuivante : «Etant 
donné un nombre absolu quelconque n, l’unité 
est le multiple nième d’une autre unité univoque- 
ment donnée dès qu’on a le nombre x », ou, en 
d'autres termes : « L’unité du système esttoujours, 
de quelque facon que l'on ait choisi n, divisible 
en x parties équivalentes, et cela d’une seule 
manière. » 

Dans toute égalité ayant lieu dans un système 
de nombres dont l'unité este, on pourra, quel 
que soit le nombre absolu », remplacer l'unité e 
par le multiple nième de la partie ziè®e de e. D’au- 
tre part, le multiple n'èe de la partie n'ème de e 
peut se remplacer par e. Ces prémisses données, 
on démontre que chaque partie deeest à son tour 
divisible en n'importe quél nombre indiqué à 
l'avance de parties. 

Notre système de nombres, qui auparavant ne 
comprenait que les nombres entiers, est étendu 
de cette manière de façon à comprendre aussi 
chaque multiple d'une partie quelconque de 
l’unité du système. L'unité ur dans le système 
des nombres absolus reçoit, en dehors de la déter- 
mination d’être l’objet qu'on retient dans l’es- 
prit lors de la formation du nombre, aussi la 
détermination d'être divisible, et ce sont les 


508 M. G. MITTAG-LEFFLER. — LES FONDEMENTS DE LA THÉORIE DES NOMBRES 


nombres formés par un et ses parties, voir les 
nombres rationnels, qui constitueront désor- 
mais le système des nombres absolus. 

La détermination de divisibilité attribuée à 
l’unité d’un système de nombres entraine cette 
conséquence que l'égalité x. n — b, qui a 
amené l’indroduction de cette idée de divisibilité, 
reçoit toujours une solution et uneseule. En lan- 
gage algébrique, c'est le problème nouveau de 
la résolution de l'équation x. x — A, où A n’est 
pas un nombre carré, qui a d’abord ouvert les 
yeux sur l'utilité ou même la nécessité d’une 
extension ultérieure de l’idée de nombre. Or, cette 
extension se présente, nous le verrons, immé- 
diatement après l’amplification grâce à laquelle 
le système des nombres comprend à côté des 
nombres entiers tous les nombres rationnels. 
Comme toutes les grandes découvertes, elle paraît 
d'une simplicité limpide, une fois trouvé le vrai 
point de sortie. 

Faisons d’abord la remarque suivante. Vu qu'il 
existe toujours entre deux nombres rationnels 
donnés, si rapprochés qu'ils soient l’un de l’au- 
tre, plus de nombres rationnels que chaque nom- 
bre donné, il semble d’abord que l’idée de l’in- 
fini a dû subir une extension importante par 
l'introduction de ces nouveaux nombres. Mais il 
n’en est rien. Nous avons déjà parlé de la faculté 
de la pensée de coordonner deux objets, et par 
là nous avons pu éclaircir la notion de dénom- 
brement. Mais, de même que nous pouvons attri- 
buer à chacun des nombres 1, 2..., m, un objet 
déterminé, par exemple un nombre rationnel a, 
et concevoir ensuite l’ensemble des différents 
nombres a comme un nouvel objet, tout aussi 
bien sommes-nous en état d'imaginer qu’à cha- 
que nombre entier » sans restriction correspond 
un nombre déterminé a; et de même que la col- 
lection des « attribués aux nombres 1, 2, 3,.. m 
est pour nous une chose claire et déterminée, de 
même l’ensemble des à attribués à tous les » 
devient un objet nouveau qui est parfaitement 
déterminé, pourvu qu'il en soit ainsi de chaque 
a individuel, Or, on peut facilement montrer 
quetous les nombres rationnels peuvent être dis- 
posés de façon qu'à chaque nombre entier » cor- 
responde d’une manière univoque un nombre 
rationnel a et inversement qu'à chaque a cor- 
responde un seul nombre entier ». 

« L'ensemble des nombres rationnels ne cons- 
titue pas un infini d’une puissance supérieure à 
celle qui est définie par l’ensemble des nombres 
entiers. » 

Mais, si l’idée de l'infini n’a pas subi d’exten- 
sion par la généralisation qui conduit du nombre 
entier au nombre rationnel, cet agrandissement 


du monde des nombres a, d'un autre côté, rendu 
possible l'introduction de nombres qui résol- 
vent l’équation x.x — À, c’est-à-dire de nombres 
soi-disant irrationnels, et cette introduction a, 
en même temps, conduit à la juste interprétation 
de l’idée générale du nombre irrationnel. 

Désignons par (a) une collection de nombres 
rationnels différents l’un de l’autre, soumis à la 
seule condition que la somme d’un nombre quel- 
conque d’entre eux soit toujours inférieure à un 
certain nombre donné. Un tel choix des a est 
toujours possible, comme on le voit par exemple 
en prenant pour (a) l’ensemble des nombres 
e AE 2 Dee 


IV 


Voyons maintenant, en suivant Weierstrass, à 
quelles lois doivent être soumis les groupes (a) 
pour qu'ils obtiennent eux-mêmes le caractère 
de nombres. Disons, pour simplifier notre lan- 
gage, qu'un nombre dans le sens que nous avons 
déjà donné au mot, c’est-à-dire un nombre ration- 
nel,est «contenu» dans le groupe («), si de (a) on 
peut retirer un certain nombre de nombres a 
de telle façon que la somme de ces a soit supé- 
rieure au nombre rationnel en question. Nous 
considérerons dorénavant seulement de tels grou- 
pes (a) pour lesquels il est valable « qu’il existe 
un nombre rationnel non contenu dans (a) ». La 
notion de l'égalité entre deux nombres (a) et (b) 
se définit maintenant ainsi, que (a) est égal à (b) 
ou (a) —(b), si tout nombre rationnel contenu 
dans (a) est aussi contenu dans {b) et si de même 
tout nombre rationnel contenu dans (b) est aussi 
contenu dans (a). Par contre, on dit que (a) est 
inférieur à (b) et (b) supérieur à (a), ou encore 
que (a) est plus petit que (b) et (b) plus grand que 
(a), et on écrit (a) < (b), s’il existe un nombre 
quiestcontenu dans{(b) sans être contenu dans (a). 


On a par exemple 6 — “ou ; Æ (à) M: 
comme on le voit immédiatement; d’autre part, 
chaque (a) n'est pas égal à un nombre rationnel, 
et par l'introduction de (a) comme nombre, on 
obtient une extension du système des nombres 
rationnels; on s’en rend compte aisément en 
mettant pour les à les différents nombres 

1 
172287) 

Les notions d'égalité, de plus grand et de plus 
petit pouvant s’élargir jusqu’à s'appliquer aussi 
aux groupes (a), ilen est de même des notions 
de somme, de différence, de produit et de divisi- 
bilité, et on voit par une déduction tout élémen- 
taire et directe que les mêmes lois qui régissent 


19 — 120 


M. G. MITTAG-LEFFLER. — LES FONDEMENTS DE LA THÉORIE DES NOMBRES 509 


les nombres rationnels peuvent, sans modifica- 
tion, s'appliquer également aux groupes (4. Les 
groupes (a) possédant de la manière indiquée 
les mêmes propriétés que les nombres rationnels, 
ils s'imposent eux-mêmes comme nombres, et le 
monde des nombres sera dorénavant constitué 
par l’ensemble des groupes (a). Dans ce monde 
des nombres se trouvent alors, entre autres, le 
1 ste 

Was CEA —): VU; 0 1que 
nous venons de rencontrer), le nombre x, ainsi 
que les nombres algébriques non rationnels et 
bien d’autres d’un intérêt plus ou moins grand. 
Mais maintenant se pose la question : ne serait- 
il pas possible d'élargir encore l’idée du nombre, 
en introduisant dans les groupes (4), au lieu des 
a, des groupes? On n'y gagnerait rien. Un 
ensemble de cette nature peut toujours être 
ramené et égalé à un de nos groupes (a). La 
démonstration de cette propriété comme de 
toutes les autres dans la Théorie générale des 
nombres peut toujours être ramenée d’une 
manière plus ou moins directe à la solution du 
problème qui consiste à exprimer le nombre le 
plus général sous une forme arithmétique uni- 
que, qui sera individualisée d’une manière 
univoque pour chaque nombre particulier 
obtenu en fixant les différents éléments à. Il est 
vrai que ce problème peut être résolu de diffé- 
rentes manières; mais, comme la solution de 
Weierstrass a été la source originale de toute la 
théorie qu’on appelle maintenant la {hcorte des 
ensembles, et comme son mode de démonstra- 
tion permet en même temps d'embrasser sous un 
même point de vue tous les théorèmes fonda- 
mentaux de cette théorie, je me propose, en me 
rapportant à lui, d'exposer sa méthode. 


a 


nombre e {le groupe ( 


Je commence par démontrer la proposition 
suivante : 

« Chaque (4) qui ne contient pas le nombre un 
peut toujours, » étant un nombre entier donné 
supérieur à un, se représenter et d’une manière 


h, 
unique sous la forme (— ul 9e Mles A, 
mm”) 


sont des nombres entiers inférieurs à ». Il peut 


h, 
arriver que pour certaines valeurs de » le — cor- 
me 
, . k le, . 
respondant n'apparaisse pas dans Æ , Mais 
nt 


cela n’est pourtant jamais le cas pour tous les » 
dépassant un certain nombre donné. » 
Ron sl 1 1 ‘ 
ormons la série —, —, _—... Il existe un pre- 
0 MOTTE 


RÉVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 


F 1 
mier nombre —; qui est contenu dans (a). À m»? 
m 
correspond d'autre part un nombre entier 
ñn) 
n) < m’tel que — soit contenu dans (a), sans 
m° 
J n; +1 
que cela soit le cas pour 
mn 
On a donc 
n’ | ? nm’ | { 
— (a £ — , 
m° mm’ 
il { 
Or,comme ———;, ———...sonttous contenus 
m +! m + 


dans (a), on obtient une suite illimitée d’inéga- 
lités : 


mi mm 


mn.nu a] = m.np TN 
mé + me +! 
St a jen 
mé +! ma + 


Par conséquent : 
my y 11 


et 


y A1 MN, UN, 
ou 
HODOR EE ID)), T2 0 007 no eme 


L'égalité mn, —=n,_L1inepeutexisterpourtous 


les supérieurs à un certain », car dans ce cas (a) 


n 
qui contient —* ne pourrait contenir le nombre 
ml 


up 


PRE) où pay quelque grand que 
JTE SRI LS 


€ Ry Lps 
nous choisissions y’. Comme, d'autre part, par 
une augmentation suflisante de y’, le nombre 


L 


ÉFEEN peut être réduit au-dessous de toute 
mt! 


limite et que ’ peut toujours être choisi de ma- 
nière que 
ny L my 


mé nt 11 


mm | mt <È u ea mt + 72 nette EEE pu 


m 
soit contenu dans {a), il y a toujours des nom- 


NL y) qui sont contenus 
mm“ TT! 


dans (a). Formons maintenant la série ,, 4,,... 


h,,... où l'on met : 


OA LUEUR OI PV EE 
et où font défaut les nombres /,,/,.., 4; __1 aussi 
bien que le nombre /, L 1, chaque fois que l'on a 


TUE A. 7. 
1 0 


H. 


510 M. G. MITTAG-LEFFLER. — LES FONDEMENTS DE LA THÉORIE DES NOMBRES 


Or, il est facile de montrer que 


LP 
(a) = (= 5 
nv 
s ., P . , . 
Soit Z un nombre fractionnaire qui est con- 


tenu dans (a). On peut toujours choisir y assez 


1 4 
grand pour que — Pet qu'en même temps 


ml q 
P 1 L 
= soit contenu dans (a). 
(4 mm 
On aura donc 
P A Line 
EL Er) LE : 
q ml mt 
d’où suit 
p Du h) ” hi 4; “ne lu 
ES = — TE S 30 A 
q ON | C4 MT m 


fl 

, D y 
Par conséquent l'est contenu dans 2 
q mr) 


: /h, 
Si, d'autre part, 2 est contenu dans E }: on 
m, 


peut toujours choisir y assez grand pour que 


Li; hy = ht: n 
À TU (ls L k 
DE ER rr ON P E T  MERT CD D 


, 


q m° 


22 


m° 7 … mt ml 


clut que ? est contenu dans (&). 
VI 


Une modification légère de notre raisonnement 
conduit à un nouveau théorème, lequel constitue 
le point de départ de la théorie des ensembles. 
Ce théorème a également été, pour la première 
fois, exactement formulé etdémontré par Weiers- 
trass. Voici l'énoncé: « Si entre À et B, À étant 
inférieur à B, il existe plus de nombres (a) iné- 
gaux entre eux qu’un nombre donné quelconque, 
il y a toujours au moins un nombre appartenant 
à l'intervalle [A < B] qui est une limite où un 
nombre limite des nombres (a) ». 

Par une limite ou un zombre limite on entend 
alors «un nombre tel que, s'il est renfermé entre 
deux nombres supposés aussi rapprochés qu’on 
voudra, il y a toujours entre eux un nombre de 
(a) plus grand que tout nombre indiqué à 
l'avance ». Voici comment s'obtient une expres- 
sion arithmétique de ce nombre limite. Divisons 
l'intervalle [A < B] en 72 parties égales 


1 
[A <A +42 (B —A)], 


L 


L 2 
A (BE A) : A+ —(B— A)]., 


m — 1 


A+ (B—A;<B)]. 


Il y a parmi ces intervalles un premier inter- 
valle : 


PETER 


qui comprend plus de (4) que n'importe quel 
nombre donné. 

Si nous divisons encore cet intervalle en 72 
parties, il y a de même parmi ces intervalles nou- 
veaux un premier intervalle 

[A+ —(B— A) < Fame 2 (B—A)); 
M. NN £ No £ M. + mm —AÀ, 
qui comprend plus de (a) que n'importe quel 
nombre donné. 

En continuant de la même manière, nous obte- 

nons une série d’intervalles 


ñ\ 


(B— A) < A+ ES (B— AN, 


y Was 
[A + = (B— A) < A + == (B —A)]; 
mm mu 
M Ty E Ny AE MN tmp, 2,3, 


tels que chaque intervalle postérieur constitue 
une partie de l'intervalle antérieur, et qui tous 
comprennent plus de (4) que n'importe quel nom- 
bre donné. 


Le nombre A + (B — À), où nr, 


U11 

mn, th, 14, est compris dans tous ces in- 
tervalles. Comme ceux-ci, par l’augmentation du 
nombre », peuvent être diminués autant qu'on 
voudra, notre proposition se trouve par là dé- 
montrée. 

Faisons encore observer qu’à l'encontre de ce 
qui avait lieu quand nous avons établi avec 
Weierstrass le théorème précédent, il peutarriver 


y 


ici que dans le groupe (e) toutes les fractions 
m? 


É fassent défaut à partir d'un certain ». 
D? 

Ce qui est essentiel dans la méthode suivie 
par Weierstrass, c’est, on le voit, qu'il démontre 
l'existence du nombre dit limite en le formant 
avec certains éléments qu’on suppose donnés. 

Une procédure tout à fait semblable à celle 
déjà deux fois employée conduit, sans introduc- 
tion de principes nouveaux !,àun autre théorème, 
quiest une des pierres angulaires de la /héorte 
des ensembles, cette théorie subtile et profonde, 
édifiée par Cantor sur la base weïerstrassienne, 
et devenue dans la suite un des traits saillants 
des Mathématiques denotre époque. Ce théorème, 
qui a été aussi énoncé et démontré par Cantor, 
bien que d’une manière un peu différente, 
s'énonce comme suit : « Les nombres (a), étant 

4. Voir Mirrac-LerrLer: « Sur les fondements arithméti- 


ques de la théorie des fonctions d’après Weierstrass », 
pages 22-24, Congrès des mathématiques à Stockholm, 1909. 


M. G. MITTAG-LEFFLER. — LES FONDEMENTS DE LA THÉORIE DES NOMBRES 511 


des nombres quelconques (dans notre sens élargi 
du mot nombre), on peut toujours constituer un 
nouveau rombre (a) qui n’est égal à aucun des 
nombres (a). » En procédant de la même ma- 
nière que lors de la formation du nombre limite, 


LP 
on obtient le nombre (a) sous la forme (—) 
" VDe 


employée par Weierstrass. [1 s’agit seulement de 
calculer les 4, avec les éléments donnés (a), et de 
le faire d'une telle manière que le nombre (a) 
ainsi formé ne devienne pas un des nombres {a),. 

Ce théorème implique la solution de la nou- 
velle question que voici: On a vu que l’idée de 
l'infini n’a pas subi d'amplification lors du pas- 
sage des nombres entiers aux nombres ration- 
nels. Est-ce qu'il en est de même, quand on 
s’élève jusqu'aux nombres (a)? Le théorème de 
Cantor nous montre que c’est le contraire qui a 
eu lieu. L'idée de l'infini vient, en réalité, par 
l'introduction des nombres (a), de subir une am- 
plification réelle et puissante. On arrive à une 
espèce d’infini tout autre que celle qui, d’après 
nous, est une réalité claire et fixée en même 
temps que le nombre entier. On arrive au continu. 
Le continu entre deux nombres A et B (A < B) 
est l'ensemble de tous les nombres supérieurs ou 
égaux à À et inférieurs ou égaux à B. 

VII 

Finissons par un mot sur les points de vue sui- 
vis par Cantor-Heine, Méray et Dedekind pour 
définir les nombres dans toute leur généralité. 

Cantor-Heine ainsi que Méray sont partis de 
l'idée de limite. D'après eux, étant donnée une 
suite ininterrompue de nombres rationnels w, ; 
y = 1, 2,3... tous inférieurs à un nombre donné, 
et telle que chaque nombre soit inférieur au sui- 
vant (la suite u ; » — 1, 2, 3... s'appelle chez 
Cantor-Heine Fundamentalreihe, chez Méray va- 
riante), il existe toujours un être défini d’une ma- 
nière univoque par l’intermédiaire de ces nom- 
bres. Cet être n'est autre que le nombre limite 
que Weierstrass nous apprend à exprimer par 
une formule arithmétique, édifiée sur les nom- 
bres u,, mais dont l’existence chez Cantor-Heine 
est supposée a priori. 

Heine fait la remarque suivante : « Je prends 
dans cette définition un point de vue purement 
formel. Je qualifie de nombres certains signes 
facilement saisissables; de cette manière, l’exis- 
tence de ces nombres n’est pas douteuse !. » 

Méray dit d’un autre côté : « Telle est pour 


1, Ich stelle mich bei der Definition auf den rein formalen 
Standpankt indem ich gewisse greifbare Zeichen Zahlen nenne, 
so dass die Existenz dieser Zahlen also nicht in Frage 
steht, 


nous la nature des nombres incommensurables ; 
ce sont des fictions permettant d'énoncer d’une 
manière uniforme et plus pittoresque toutes les 
positions relativesaux invariantes convergentes.» 

La définition de Dedekind est empruntée à 
l'intuition géométrique. Il s'exprime ainsi : « Si 
tous les points d’une droite peuvent être parta- 
gés en deux classes telles que chaque point de la 
première classe soit situé à gauche de tout point 
de la seconde classe,alorsilexiste un point et un 
seul qui détermine cette division de tous les 
points en deux classes, cette coupure de la droite 
en deux morceaux. 

« Je ne suis pas en état de donner une démons- 
tration quelconque de cet énoncé et personne ne 
sera jamais en état de le faire. L'admission de 
cette propriété de la droite n’est qu'un axiome, 
par lequel nous attribuons à la ligne la conti- 
nuité, par lequel nous lui imprimons le caractère 
de la continuité !. » 

La définition de Dedekind pourra, on le voit 
facilement, être présentée d’une manière arith- 
métique. C’est ce qu’a fait entre autres Tannery. 
Mais alors on arrive à introduire deux Funda- 
mentalreihen (terminologie de Cantor-Heine) ou 
deux variantes (terminologie de Méray), au lieu 
d’une seule comme chez Cantor-Heine ou Méray. 

Il me semble que la définition de Weierstrass 
reste la seule qui jusqu’au fond rende compte 
de la vraie nature du nombre en général et par là 
du nombre soi-disant irrationnel. Ce nombre ne 
se présente pas chez Weïerstrass comme un sym- 
bole, mais comme une réalité de même ordre que 
la suite ininterrompue des nombres entiers. 

D’un autre côté, l’existence du nombre limite 
n'est pas chez Weierstrass supposée a priori. On 
en démontre au contraire l'existence en créant 
une expression arithmétique qui le représente. 

On voit du reste qu’en partant des w et en in- 
troduisant pour les nombres a dans notre exposé 
de la méthode de Weïerstrass les nombres # + 7 
— uw, On retombe immédiatement sur la dite 


méthode. 
M. G. Mittag-Lefiler, 
Correspondant de l’Institut de. France, 
Professeur à l'Université de Stockholm. 


1. Zerfallen alle Punkte der Geraden in zwei Classen von 
der Art, dass jeter Punkt der ersten Classe links von jedem 
Punkte der zweiten Classe liegt, so existirt ein und nur 
ein Punkt, welcher diese Eintheïlung aller Punkte in zwei 
Classen, diese Zerschneidung der Geraden in zwei Stücke 
hervorbringt. 

Ich bin ausser Stande irgend einen Beweis für seine 
Richtigkeit beizubringen, und Niemand ist dazu im Stande. 
Die Annahme dieser Eigenschaft der Linie ist nichts alsein 
Axiom, durch welches wir erst der Linie ihre Stetigkeit 
zuerkennen, durch welches wir die Stetigkeit in die Liniehi- 
neindrucken. 


512 A. BRACHET. — L'ÉVOLUTION D’UNE SCIENCE : L'EMBRYOLOGIE 


L'ÉVOLUTION D'UNE SCIENCE : L'EMBRYOLOGIE 


Dans la marche ascendante de nos connaïissan- 
ces, les grands progrès se font généralement par 
bonds : parfois c’est une technique nouvelle qui 
permet d'aborder utilement des questions depuis 
longtemps posées, mais dont la solution était 
demeurée inaccessible: ou bien c’est la décou- 
verte d’un objet d'étude ignoré jusqu'alors qui 
oriente la pensée dans des voies imprévues; sou- 
vent enfin une science change de face parce qu'un 
esprit novateur et persuasif formule un jour, en 
termes clairs et précis, des idées que les autres 
savants concevaient trop vaguement pour pou- 
voir les utiliser dans des recherches fruc- 
tueuses. 

L'Embryologie, qui est un rameau relativement 
jeune des sciences biologiques et dont les hom- 
mes d'âge mur ont vécu l’histoire presque en- 
tière, a reçu le choc de ces diverses impulsions 
et, en un laps de temps relativement court, ses 
tendances s'en sont trouvées plusieurs fois mo- 
difiées. 

Son but essentiel est facile à préciser : elle 
cherche à connaitre l’origine actuelle des êtres 
vivants, en déterminant comment et aux dépens 
de quoi le corps d’un organisme adulte s’édifie 
dans sa forme, dans sa composition et dans ses 
structures fonctionnelles. Elle a donc à résou- 
dre l’une des énigmes les plus troublantes de la 
Biologie générale, car le pouvoir de former un 
animal aux dépens d’un germe presque amorphe 
en apparence est peut-être, de toutes les pro- 
priétés de la matière vivante, la plus complexe 
et, on peut prononcer le mot, la plus mysté- 
rieuse. 

Pourtant, pendant de longues années, cet ob- 
jet propre de l’'Embryologie, tel que nous venons 
de le définir, n’a que fort peu, ou fort mal, solli- 
cité l'attention des chercheurs. 


Jusqu'il y a vingt-cinq ans environ — et pour 
beaucoup de savants il en est encore actuelle- 
ment ainsi — l'étude du développement em- 


bryonnaire n’était qu'une méthode, un instru- 
ment de travail. On la faisait moins pour elle- 
même qu'en vue d'expliquer des problèmes po- 
sés en dehors d'elle; elle était, en un mot, une 
technique à l'usage d’autres sciences. 

La faute en revient un peu, il convient de le 
dire, aux physiologistes. Très absorbés par le 
champ immense qu'ouvrentàleursinvestigations 
les multiples fonctions qui permettent à l'orga- 
nisme de se maintenir en vie, ils ont cru et ils 
croient encore pouvoir provisoirement négliscer 


celle par laquelle un être vivant se continue dans 
un descendant en assurant la persistance de la 
vie sur le globe. Dans les traités de Physiologie, 
même les plus récents, la fonction de génération 
est exposée d’une façon fort sommaire et presque 
toujours réduite à la description de quelques- 
uns des facteurs nécessaires pour que, chez les 
Mammifères, un embryon puisse se constituer 
aux dépens d’un œuf. Quant au développement 
lui-même, les physiologistes en abandonnent 
l'étude aux morphologistes et le considèrent 
comme sortant du cadre de leurs préoccupa- 
tions. 

Il faut même remonter très loin, à Bonnet, à 
Spallanzani, à Prévost et Dumas, à G. F. Wolff 
et à von Baer, pour retrouver des travaux où 
l’embryogénèse est étudiée par l'observation et 
l'expérience au même titre que toute autre ma- 
nifestation de la vie. 

Il n’est donc pas étonnant que, dans la se- 
conde moitié du xixe siècle et jusqu’à nos Jours, 
l'Embryologie ait été utilisée par les savants à 
titre de moyen bien plus que comme but. Mal- 
gré ce rôle plutôt modeste, elle suscita un nom- 
bre incalculable de recherches positives; grâce 
aux progrès de la technique microscopique, et 
spécialement à l'usage des coupes sériées, elle 
a pu rendre à la science d’inappréciables servi- 
ces. Mais, à un moment donné, les faits obser- 
vés formèrent un tout assez cohérent pour qu’un 
regard d'ensemble püt être jeté sur les problè- 
mes spéciaux que soulève le développement em- 
bryonnaire; ce jour-là, l’'Embryologie reprit 
possession d'elle-même et en revint à son objet 
propre avec son avenir assuré par un fonds so- 
lide de connaissances objectives. C’est cette évo- 
lution que nous voudrions retracer dans ses 
grandes lignes. 


Il 


Les Morphologistes! voient surtout dans 
l'Embryologie un excellent procédé d'analyse 
anatomique. En suivant pas à pas le développe- 
ment embryonnaire d’un organisme et d'un 


1. En France, on emploie très souvent le terme de Mor- 
phologie dans le sens de grosse anatomie, ou de description 
pure et simple des formes extérieures, Dans les autres lan- 
gues scientifiques, la Morphologie est la science de la forme, 
c'est-à-dire qu’elle a pour but d'expliquer l'anatomie ; ainsi 
comprise, elle correspond à ce que les anciens auteurs fran- 
çais appelaient l'Anatomie philosophique; mais cette expres- 
sion est tombée en désuétude, et dans cet article nous 
donnerons au mot morphologie la signification qu'il a en 
anglais, en italien et en allemand. 


A. BRACHET. — L'ÉVOLUTION D'UNE SCIENCE 


organe complexe, on arrive aisément à le disso- 
cier en ses composants élémentaires et à voir la 
part respective qui revient à chacun d'eux dans 
la constitution du tout. Pour prendre un exem- 
ple banal, tout médecin sait qu'on n'a pu com- 
prendre la structure du système nerveux central 
de l'homme el des Mammifères qu'après avoir 
suivi pas à pas la façon dont il s’édilie et se 
complique chez les embryons de plus en plus 
âgés : le bulbe rachidien est un paradoxe anato- 
miquechezlesMammifères adultes; l'ontogénèse, 
en montrant l'origine de ses diverses parties, non 
seulement le rend intelligible, mais permet d'y 
retrouver les lois qui président à l’organisation 
des centres nerveux plus simples. 

Mais en expliquant les organes complexes, en 
en faisant connaître l’origine et les transforma- 
tions secondaires, la forme morphologique ou 
analytique de l’'Embryologie permet aussi leur 
comparaison rationnelle avec des organes sem- 
blables ou très différents en apparence, existant 
dans d’autres espèces animales, dans d’autres 
genres et même dans d’autres groupes. C’est 
surtout grâce à elle que l’'Anatomie comparée a 
pu établir sur des bases solides les notions si 
fécondes de l’homologie et de l’analogie, de 
l'adaptation fonctionnelle, etc. 

L'Embryologie est donc, et surtout a été, pour 
l’'Anatomie comparée, et d’une façon plus géné- 
rale pour la Morphologie, un instrument de 
dissection, très fin, très parfait et très sûr, mais 
pas davantage. La grande Ecole allemande 
qui régenta la Morphologie jusqu’à la fin du 
xixe siècle, celle de Gegenbaur, considérait 
l'Embryologie comme un serviteur assez fidele, 
mais qui devait s'abstenir de toute personnalité 
sous peine de commettre les erreurs les plus 
grossières. 

Beaucoup d'embryologistes aspirèrent cepen- 
dant à de plus nobles destinées quand E. Haeckel 
développa et précisa la célèbre loi biogénétique 
dite « de récapitulation ». On en connait l’his- 
toire : Darwin venait de vivifier l'hypothèse 
transformiste, en montrant par des exemples 
concrets que l’évolution des organismes dans le 
temps était explicable par des lois naturelles et 
simples, accessibles à l'observation et même à 
l’expérimentation. Dès ce moment, des vues spé- 
culatives sur la valeur de l'Embryologie en tant 
que science explicative, dues à Serres, à Fritz 
Müller, etc., apparurent, à bien des esprits, plus 
consistantes qu’il n'avait semblé jusqu'alors. 

Selon la théorie transformiste,les êtres vivants 
sont les survivants actuels d’une longue série 
d'organismes dont la structure va en se simpli- 
fiant au fur et à mesure qu'ils se rapprochent 


L'EMBRYOLOGIE 513 


del’ancètre primordial, lequelétait sûrement uni- 
cellulaire. 

Or, au cours de son ontogénèse, tout animal 
revêt aussi une longue série de formes qui se 
compliquent d'autant plus qu’elles s'éloignent 
davantage de la cellule initiale qu'est l'œuf fé- 
condé. 

Serres avait déja très nettement exprimé 
l’idée que les deux évolutions, celle de la lignée 
(Phylogénèse), et celle de l'individu (Ontogénèse), 
sont le décalque l’une de l'autre. Plus tard, 
E. Haeckel, grâce à des arguments beaucoup 
plus solides que ceux invoqués par Serres, en- 
traina, chez la majorité des biologistes, la con- 
viction que cette idée était exacte et l'énonça 
dans la formule si souvent reproduite : l’ontogé- 
nèse est une récapitulation rapide de la phylogé- 
nèse. 

Cette loi eut un succès prodigieux et qui s’ex- 
plique aisément. On voyait dans l’'Embryologie 
un moyen inespéré de parvenir à retracer, non 
seulement dans ses grandes lignes, mais encore 
avec une grande précision de détails, toute l’his- 
toire de la vie sur le globe depuis le moment où 
elle yest apparue. Dans l'enthousiasme du début, 
zoologistes et anatomistes s’imaginèrent qu'il 
ne dépendait plus que de leur labeur d'établir 
scientifiquement l'arbre généalogique de toutes 
les espèces animales, y compris l’homme. 

C'était une exagération évidente, mais tous ne 
s’en sont pas immédiatement rendu compte. On 
a vu les auteurs, et Haeckel tout le premier, dé- 
couper l’ontogénèse, qui cependant forme un 
tout et suit une marche continue, en un certain 
nombre d’étapes, de stades, destinés à marquer, 
comme autant de jalons, la voie suivie par l’évo- 
lution phylogénétique. 

Ces stades étaient l’image, plus ou moins 
fidèle, de formes ancestrales, ayant vécu, telles 
quelles ou à peu près, dans des temps géologi- 
ques si éloignés que jamais la Paléontologie 
n’en pourrait retrouver les traces. C’esten partant 
des mêmes principes que, notamment dans les 
années comprises entre 1875 et 1895, on a bâti, 
sur les données tirées de l’'Embryologie, tant de 
formes souches, de prototypes, d'archétypes pu- 
rement imaginaires et dont beaucoup, comme 
on l'a souvent fait remarquer,eussent été physio- 
logiquement incapables de vivre. 

La science allemande, qui affectionne les 
grandes représentations schématiques dans les- 
quelles toutes les découvertes viennent s’enca- 
drer automatiquement, a, plus que toute autre 
versé dans ces excès. 

Aujourd'hui on est revenu à une plus saine 
appréciation des choses; toutes les théories 


514 A. BRACHET. — L'ÉVOLUTION D’UNE SCIENCE : L’'EMBRYOLOGIE 


phylogénétiques trop complètes sont tombées 
dans un oubli dont elles ne sortiront pas. 

On entend mème souventproclamer, en France 
surtout, la faillite de cette période de lactivité 
scientifique où la loi de récapitulation était à la 
base de tous les travaux de Morphologie. 

A notre avis, le mot faillite est fort exagéré et 
nous croyons utile d'insister quelque peu sur ce 
point. 

Il ne serait pas diflicile de montrer que la loi 
de récapitulation, prise au pied de la lettre, est 
d'une invraisemblance telle que l’on conçoit mal, 
quand'on y réfléchit, que tant de bons observa- 
teurs l’aientadoptée comme un article de foi. 

Parmi les auteurs qui en ont le mieux fait res- 
sortir les faiblesses, et qui ont aussi le mieux 
montré les restrictions qu'il faut y apporter, il 
convient de citer O. Hertwig en Allemagne, et 
Vialleton en France; personnellement, nous par- 
tageons pleinement la manière de voir qu'ils ont 
exprimée. 

En réalité, l’ontogénèse n’est jamais une réca- 
pitulation de la phylogénèse, mais il arrive sou- 
vent que certains détails ou certaines périodes 
du développement individuel affectent une al- 
lure spéciale, un cachet particulier, qui ne peu- 
vent être interprétés que comme l'empreinte, 
encore persistante, d’une influence ancestrale. 

Un exemple, très simple, fera bien saisir 
notre pensée. Au développement 
des Vertébrés Amniotes, et par conséquent chez 
l'embryon humain, il se forme un certain 
nombre (5 et peut-être 6) d'évaginations des pa- 
rois latérales du pharynx, qui viennent s'appli- 
quer contre des invaginations épidermiques en 
nombre égal, et constituent ainsi des ébauches 
de fentes branchiales aussi caractéristiques que 
celles qui apparaissent, aux mêmes stades, chez 
les Poissons les plus primitifs. Seulement, chez 
les Amniotes, elles ne vont jamais plus loin, et 
s’atrophient avant d’être devenues des fentes. 

On est donc fort tenté d'admettre que ces 
ébauches ne sont rien d'autre que des vestiges 
ancestraux sans utilité et sans fonction, qui se 
répêtent comme par le souvenir d’un état anté- 
rieur, Ce serait cependant tout à fait inexact. 
En effet, l'appareil branchial, chez les Vertébrés, 
ne se compose pas seulement des fentes, maïs 


cours du 


aussi d’une série de glandes annexes : thymus, 
glandules parathymiques et thyroïdiennes, etc. 
Les ébauches branchiales des Amniotes servent 
exclusivement à former ces dérivés glandu- 
laires, et ne disparaissent qu'après qu'il se sont 
édifiés. 

Mais pourquoi l'embryon des Reptiles, des 
Oiseaux et des Mammifères ne développe-t-il pas 


son thymus et les glandules voisines par le pro- 
cessus le plus simple et le plus direct, et fait-il, 
pour y arriver, le long détour des cinq ébauches 
de fentes branchiales qui sont destinées à dis- 
paraître ? 

Nous ne voyons pas d'autre réponse à cette 
question que celle-ci: Chez tous les Vertébrés, 
une même loi préside à la construction du pha- 
rynx avec les organes et les glandes qui en déri- 
vent, mais elle ne produit tous ses effets que 
chez les plus simples et les plus anciens d'entre 
eux. La réduction qu'elle subit dans ses applica- 
tions chez les Amniotes est complètement inex- 
plicablesielle n’est pas secondaire, et l’idée s’im- 
pose inévitablement à l’esprit qu'il a dù exister, 
dans la généalogie des Reptiles, des Oiseaux et 
des Mammifères, une étape pendant laquelle 
des fentes branchiales existaient le long des pa- 
rois latérales du pharynx. 

On remarquera que nous ne disons nullement 
que, durant cette étape, l'ancêtre des Amniotes 
était un Poisson et moins encore qu’il pouvait 
ressembler à l’un ou l’autredes Poissons connus. 
Les faits n’autorisent pas une pareille précision. 
En réalité, l'embryon d'Amniote ne reproduit pas 
un état ancestral, mais il en subit encore l’in- 
fluence, et l’observateurla saïsit sur le vif, grâce 
à un crochet inattendu qu'il constate dans le 
déroulement de l’organogénèse. 

L'exemple que nous avons choisi est loin 
d'être isolé; il n’est même pas le meilleur ; son 
seul avantage est d’être simple et de n'exiger, 
pour être compris, que des connaissances anato- 
miques assez banales. 

Retenons donc que des crochets, analogues à 
celui dont nous venons de parler, abondent au 
cours du développement de la plupart des ani- 
maux. Ils s'expliquent très bien dansl’hypothèse 
transformiste, et comme ils sont complètement 
inexplicables sans elle, ils constituent autant 
de preuves directes en sa faveur. 


IT 


Comprise comme il vient d’être dit, la forme 
phylogénétique ou historique de l'Embryologie, 
dégagée du fatras des spéculations souvent fan- 
taisistes dont elle était encombrée à ses débuts, 
démontre, autant qu'il est possible de le faire, la 
réalité d’une évolution des organismes. Sa va- 
leur, à ce point de vue, est bien plus grande que 
celle de l’'Anatomie comparée, dont les conclu- 
sions les plus fermes ne sont jamais que des 
possibilités ; elle dépasse mème celle de la Pa- 
léontologie, dont les documents, épars et trop 
souvent discontinus, ont tant de fois déçu le 
plus belles espérances. 


A. BRACHET. — L'ÉVOLUTION D’UNE SCIENCE : L'EMBRYOLOGIE 515 


Pourtant, malgré l'aide puissante qu'elle à ap- 
portée à la solution d'un des plus grands pro- 
blèmes de la Biologie, l'Embryologie histori- 
que, comme d’ailleurs toutes les sciences mor- 
phologiques poursuivant un but analogue, est 
de plus en plus délaissée; dans les jeunes gé- 
nérations de chercheurs, très rares sont ceux 
qui jettent sur elle plus qu'un coup d'œil dis- 
trait ! 

Il y à pour cela une raison qui nous parait très 
suffisante. Puisque, de tant de labeur dépensé, 
la doctrine du transformisme émerge avec une 
vigueur et une solidité toujours plus grandes, il 
vaut mieux, pour les progres de la science, que 
les activités nouvelles se tournent vers d’autres 
buts. 11 fallait savoir, avant tout, si cette doctrine 
sortirait victorieuse de l'épreuve des faits et se- 
rait ainsi vérifiée «a posteriori. On le sait mainte- 
nant, et dès lors il importe moins de connaitre 
dans les détails l’évolution de chaque espèce 
animale ; surtout, il n’y a aucune urgence à ce 
que cette recherche soit faite. On peut, provi- 
soirement, se contenter des données établies, et 
puisque le transformisme est passé au rang de 
fait scientifique, il est plus intéressant de l'étu- 
dier pour lui-même, en vue d’en connaitre la 
puissance et de discerner les moyens qu'il peut 
mettre en œuvre pour sa réalisation. 


En ce qui concerne spécialement l'Embryolo- 
gie, un raisonnement analogue a dirigé les 
eflorts dans une voie très féconde, en même 
temps qu’il donnait à la science elle-même une 
autonomie plus complète. Il aprovoqué l’éclosion 
de la forme causale de l'Embryologie, dont il 
nous reste à exposer l’origine et le but. 


On peut considérer comme démontré que les 
détours de l’embryogénèse et de l'organogénèse 
ont leurs sources dans des causes historiques, et 
que les détails de l’évolution individuelle sont, 
pour la plus grande part, l’inévitable manifes- 
tation d’un patrimoine héréditaire lentement 
accumulé dans le germe qui va se développer. 
Cela étant acquis, une tâche nouvelle s'impose : 
celle d'analyser les rouages du mécanisme qui 
préside aux transformations que l'œuf fécondé 
subit pendant qu’il évolue en un embryon, puis 
en un organisme nouveau; de rechercher, en 
d'autres termes, les causes actuelles et immé- 
diates du développement embryonnaire. 


Or, il apparait bien vite que les problèmes 
qui, à ce point de vue, s'offrent à l'observation 
sont parmi les plus amples et les plus captivants 
de la Biologie. 

En règle très générale, tout organisme pro- 
cède d’un œuf fécondé. Mais cet œuf est loin 


d’être la « simple cellule », comparable au Pro- 
tiste primordial que voulait y voir la loi de réca- 
pitulation. On sait trés bien qu'il n'a devant lui 
que deux éventualités : mourir, ou donner nais- 
sance, suivant des lois rigides, à un organisme 


semblable à celui dont il provient lui-même, 
La cellule-œuf possède, à coup sûr, toutes les 
propriétés physiologiques ordinaires de la subs- 
tance vivante, mais, en plus, elle en a une autre : 
celle d'assurer la continuité et la persistance, 
non pas simplement de la vie, mais bien des or- 
ganismes, à la surface du globe. C’est cette pro- 
priété spécifique qui constitue l’objet propre de 
l’'Embryologie causale. 

Les morphologistes purs ont cru tout expli- 
quer ou, plus exactement, se sont tirés d'affaire 
en invoquant le patrimoine héréditaire, en met- 
tant au comple de | « hérédité » tout ce qui im- 
prime au développement individuel son carac- 
tère déterminatif et en impose le résultat final; 
el, comme pour renforcer encore le sens mysti- 
que du mot lui-même, on en a fait l'apanage de 
cerlaines molécules, de certaines granulations, 
de certaines substances contenues dans l'œuf et 
dans les cellules en général. L’hérédité aurait 
donc ses organules dont elle serait la fonction, 
tout comme la bile est sécrétée par le foie. 

Un semblable raisonnement est, pour nous, 
vide de tout sens scientifique. Le problème des 
causes du développement n’acquiertsa grandeur 
et sa beauté qu'à la condition de rejeter délibé- 
rément l’idée vitaliste et, au fond, purement 
anatomique des « substances ou organes direc- 
teurs » et de comprendre, sous le vocable d'hé- 
rédité, tout ce qui se passe dans l’œuf depuis le 
moment où il prend naissance jusqu'à celui où 
un organisme en nait, toutes les aclions et les 
réactions dont il est le siège, quel que soit leur 
substratum, et quels que soient l’endroit et le 
moment où elles se produisent. Il faut, pour le 
progrès de la science, partir de cette idée que 
l'hérédité réside dans la composition chi- 
mique et physique de l'œuf entier et nullement 
d’une de ses parties ou d'un de ses éléments. 
C’est de cette composition que dépend toute la 
physiologie de l'œuf, c’est d'elle que dépend 
aussi l'influence que le milieu où il vit peut 
exercer sur la marche du développement. Celle- 
ei, dans l’ordre rigoureux et inéluctable qu'elle 
suit, est la résultante d'une infinité d'interac- 
tions, qui agissent comme autant de causes et 
répondent à des lois. 

Dans la masse imposante des travaux dont, 
grâce à l'impulsion donnée par \WV. Roux, Cha- 
bry, Morgan et bien d’autres, l'Embryologie 
causale a fait l’objet, le mot hérédité est rarement 


516 A. BRACHET. — L'ÉVOLUTION D’UNE SCIENCE : L'EMBRYOLOGIE 


prononcé : il n’y est pourtantquestion que d'elle, 
mais elle porte d’autres noms qui parlent plus 
clairement à l'esprit scientifique. Il suffira d'en 
citer quelques-uns pour que le lecteur saisisse le 
programme ques’est tracé cette discipline scien- 
tifique. On y parle, en effet, de mécanique du 
développement embryonnaire, de localisations 
germinales dans l’œuf, de manifestations dyna- 
miques de la fécondation, de potentialitésréelles 
et totales des blastomères, de différenciations 
spontanées et différenciations provoquées, de 
corrélations fonctionnelles, de subordination 
des parties du germe, d'équilibre physique et 
chimique de l’œuf mr, de l’œuf fécondé, ou des 
blastomères ; on y trace des courbes de l’utilisa- 
tion des matériaux cytoplasmiques, on y étudie 
les variations de la tension osmotique aux diffé- 
rents stades, les réactions de l’œuf aux change- 
ments dans la composition du milieu, ete., etc. 
Il est enfin des chapitres dont l’entête suflit à 
préciser le but et la technique; tels sont, par 
exemple, la parthénogénèse expérimentale, la 
mérogonie, etc. 

On voit, par ce rapide énoncé, que toute préoc- 
cupation phylogénétique est bannie du plan 
d’études de l’Embryologie causale. Celle-ci est 
une science analytique; elle doit adapter sa 
technique à son but, etc’est elle qui dicte le choix 
des matériaux d’études. Il importe peu que l’ani- 
mal choisi soit primitif ou non; l’essentiel est 
qu'il soit commode, abondant et maniable, qu’il 
présente clairement le phénomène que l’on 
cherche à comprendre. 

Quant à la méthode qu'il convient d'employer, 
c’est, avant tout, l’expérimentation. Maïs, étant 
donnée la nature même des objets sur lesquels 
elle porte, et que dans bien des cas elle est insti- 


tuée en vue de l’analÿse et de l'interprétation: 


d’aspects qui ne sont visibles qu’au microscope, 
l'expérience doit très fréquemment être suivie 
d’une étude cytologique conforme aux règles de 
la meilleure technique. La description et la 
comparaison jouent done, en Embryologie cau- 
sale, un rôle plus important qu’en Physiologie; 
c'est par elles, en effet, que, dans bien des cas 
on peut juger des conséquences de l'intervention 
expérimentale. 

On entend parfois dire que les recherches pure- 
ment descriptives sont sans utilité réelle pour 
l’Embryologie causale, et certains savants, que 
leur enthousiasme pour les tendances nouvelles 
rend quelque peu sectaires, aflichent à leur 
égard un dédain que rien ne justifie. 

Evidemment, la description, si précise et mi- 
nutieuse qu'elle soit, d’un embryon, d'un stade 
ou même d’une série de stades espacés, comme 


on le fait souvent en Morphologie, n’a qu'un 
intérêt médiocre, mais il n’en est plus de même 
quand l'observateur s'attache surtout à tracer 
une évolution complète, c’est-à-dire quand il 
porte particulièrement son attention sur la con- 
tinuité du développement, et sur les processus 
grâce auxquels les « stades », en se succédant, 
dérivent les uns des autres. 

Ainsi donc, la description embryologique dif- 
fère essentiellement, parsa portée, de la descrip- 
tion anatomique. Celle-ci fixe un état, elle est un 
document et rien de plus; celle-là cherche à 
reconstituer la vie dans son déroulement normal, 
l’état ne l’intéresse que par la façon dont il a été 
réalisé, parce qu'il dérive d’un autre qui l’a pré- 
cédé et sera le point de départ d’un autre encore 
dans lequel il se continuera. 

Ainsi comprise, la description analytique jette 
les bases nécessaires à la recherche de la causa- 
lité. Souvent l'expérience ne fait que donner la 
preuve décisive des conclusions que l'étude at- 
tentive d’un développement normal avait suggé- 
rées. Plus souvent encore, la recherche sim- 
plement descriptive permet de préciser et de 
formuler dans des termes convenables les pro- 
blèmes que l’expérimentation aura à résoudre. 

On voit donc que, par son but comme par ses 
méthodes, l'Embryologie causale se rattache à 
la Physiologie. Elle est pourtant essentiellement 
la science des formes, puisqu'elle s'est assigné 
comme mission de découvrir les causes et les 
facteurs de l'édification des régions du corps, 
des organes et des structures fonctionnelles. 
Après un long détour, pendant lequel elle s’est 
mise au service d'autres disciplines de la Biolo- 
gie, la science du développement des êtres orga- 
nisés a pris place parmi les branches de l’activité 
scientifique où l’on cherche, par l'expérience, à 
déterminer les causes des phénomènes. Ainsi le 
vieil antagonisme entre la Physiologie et la Mor- 
phologie disparait, et en mème temps se fait 
sentir le besoin d'une union toujours plus 
intime. 


III 


Nous venons d'examiner l’Embryologie dans 
les trois tendances qu’elle affecte : morpholo- 
gique, historique et causale; nous avons vu le 
but que chacune d'elles poursuit, et nous vou- 
drions, pour terminer cet article, dire un mot de 
leur avenir probable. 

L'Embryologie morphologique étant, comme 
nous l’avons fait remarquer, un instrument, une 
méthode de travail, on peut prévoir les limites 
de son avenir. Il est certain qu’on l'utilisera 
beaucoup encore, chez les Vertébrés et surtout 


A. BRACHET. — L'EVOLUTION D'UNE SCIENCE 


L'EMBRYOLOGIE 517 


chez les Invertébrés ; on aura besoin d’elle tant 
que seront insuflisamment connues la structure 
des organismes, les homologies et les analogies 
qui existent dans les divers groupes et entre les 
représentants de chacun d'eux. Cette tâche ter- 
minée, l'outil sera abandonné. 

Or, il est incontestable que l’œuvre accomplie 
dans cette direction est déjà fort importante et 
que le champ des recherches est largement dé- 
friché. Le nombre de questions vraiment impor- 
tantes qui restent à élucider est, pour certains 
groupes du moins, singulièrement réduit. Il est 
vrai que de nouvelles idées peuvent surgir, des 
formes ignorées peuvent être découvertes, qui 
remettront en question des faits que l'on consi- 
dérait comme acquis. En faisant une large part 
à l'imprévu, les morphologistes auront encore 
une mission importante à.remplir. 

En ce qui concerne la tendance historique de 
l'Embryologie, nous avons déjà dit qu’elle est 
fort délaissée depuis quelques années, et nous 
en avons donné le motif principal. Il est certain 
qu'on se lasse des discussions sans cesse renais- 
santes sur les ancêtres plus ou moins authenti- 
ques de tel ou tel groupe animal, sur la valeur et 
la signification de formes souches qui sont en 


général fort bien adaptées à leur vie actuelle. 

On a fait de l'Embryologie historique un très 
mauvais usage ; le noyau de vérité qu’elle con- 
tient a été submergé sous un nombre immense 
de « considérations théoriques », complètement 


invraisemblables, ou sans aucun intérêt, et l’on 


tend, maintenant, à rejeter le tout en bloc. Nous 
avons dit, et nous répélons, que ce serait une 
grave erreur. 

Ce noyau de vérité est fort précieux : il impose 
la conviction de la réalité du transformisme, et 
dans l’état actuel de la science, un pareil argu- 
ment ne doit pas être négligé. 

Mais il est bien démontré, d'autre part, que 
l’'Embryologie historique est incapable d’attein- 
dre le but que ses fondateurs lui avaient assigné. 
Elle permet d’entrevoir les fantômes de quelques 
stades ancestraux, mais elle outrepasse ses droits 
quand elle cherche à les concrétiser, Dès lors, 
trop souvent, le labeur dépensé est hors de pro- 
portion avec les résultats acquis, et cela n’est 
pas de nature à encourager les jeunes initiatives. 

Reste l’Embryologie causale, Nous n’hésitons 
pas à dire que l’avenir est à elle. Elle s'adapte à 
l'esprit scientifique moderne, épris d'analyse et 
qui se méfie des grandes synthèses, soucieux 
d’exactitude et qui se détourne de plus en plus 
des représentations schématiques. Elle a devant 
elle un large et beau programme ; la technique 
est délicate et diflicile, mais elle est susceptible 
de se perfectionner. Enfin, elle passionne les 
chercheurs, parce qu'ils sentent que c'est la vie 
elle-même, dans une des plus complexes de ses 
manifestations, qu'ils soumettent à l'épreuve de 
l'expérience et de la logique. 


A. Brachet, 


Professeur à l’Université de Bruxelles. 


518 


P. CALFAS. — LES PROJECTEURS ÉLECTRIQUES 


LES PROJECTEURS ÉLECTRIQUES 


Dans les opérations militaires qui se poursui- 
ventincessamment, dejour et de nuit,les armées 
en présence doivent employer des appareils 
lumineux destinés à éclairer à distance les buts 
à atteindre ou les endroits suspects d'où l’on 
doit dépister les attaques. Cet effet ne peut être 
obtenu que par les projecteurs électriques; l’are 
électrique est, en effet, facile à produire et sa 
grande puissance lumineuse permet d'obtenir 
une longue portée. 

Le premier projecteur électrique est dü à 
M. Louis Sautter, qui l'avait construit et installé 
en 1867 à bord de l’Aeroïne : il se composait d’un 
arc électrique placé au foyer d’une lentille à 
échelons de Fresnel. 

Depuis cette époque, les projecteurs ont reçu 
d'importants perfectionnements, dont le prin- 
cipal a été l’emploi d’un miroir parabolique, 
analogue à ceux employés en Astronomie. 
D'autre part, la manœuvre à distance de ces 
appareils bénéficiait des progrès de l’Electro- 
technique. Il est utile, en effet, pour la facilité 
de l'observation, que l'observateur ne se trouve 
pas au voisinage immédiat du projecteur, d’où 
la nécessité de pouvoir commander toutes les 
évolutions de l’appareil d’un poste placé à quel- 
que distance de celui-ci et où, par surcroît, l’ob- 
servateur pourra être abrité. 

Depuis quelques années, les projecteurs ont 
reçu d’autres applications que celles exclusive- 
ment militaires ou navales. On les emploie 
notamment pour la décoration lumineuse des 
édifices. C’est ainsi qu’à l'Exposition qui a lieu 
actuellement à San-Francisco, l’éclairage exté- 
rieur des bâtiments est réalisé par des projecteurs 
puissants, qui produisent des effets lumineux 
artistiques. Surune petite jetée établie spéciale- 
ment sur le front de la baie de San-Francisco, 
on a notamment placé une batterie de quarante- 
huit projecteurs de 0,90 de diamètre, ayant une 
puissance totale de 2.600 millions de bougies. 

Les projecteurs modernes se composent de 
trois organes distincts : l'appareil optique, la 
source lumineuse, le support ou affût, avec l’ap- 
pareil de commande ou d’asservissement per- 
mettant de braquer le projecteur. Nous exami- 
nerons successivement ces trois organes et nous 
donnerons ensuite quelques indications concer- 
nant l'emploi des projecteurs à la guerre. 


I 


L'appareil optique des projecteurs est un mi- 
roir concave, au foyer duquel on place la source 


lumineuse. Le miroir était d’abord sphérique, en 
verre argenté sur sa face postérieure. 

Le projecteur construit en 1877 par le colonel 
Mangin comportait un miroir dont les deux 
surfaces avaient des rayons différents, de manière 
que son épaisseur fût plus grande aux bords 
qu'au centre, et il était argenté sur la face exté- 
rieure. Il se comportait alors comme un miroir 
sphérique normal, devant lequel on aurait placé 
une lentille divergente, ce qui permettait de cor- 
riger l'aberration de sphéricité par réflexion du 
miroir, par l'aberration par réfraction de la len- 
tille divergente. 

Quand les progrès du travail du verre l’ont 
permis, on a employé des miroirs paraboliques, 
donnant également un faisceau de lumière cylin- 
drique. 

Toutefois, la fragilité du verre était toujours 
un inconvénient pour des appareils destinés à 
affronter les risques de la guerre. Aussi s’est-on 
efforcé, depuis une dizaine d'années, de cons- 
itruire des miroirs entièrement mélalliques. 
La Société Sautter, Harlé et Cie en a créé en 
bronze doré qui donnent de très bons résultats. 
Si l'or a un pouvoir réflecteur moindre que 
l’argent, il a l'avantage d’être inaltérable, qua- 
lité indispensable. Les miroirs dorés possèdent 
encore une autre qualité, due à une influence 
purement physiologique. Ils réfléchissent, en 
effet, beaucoup moins de rayons violets et ultra- 
violets que les miroirs argentés, et l’on sait que 
ces rayons exercent sur l’œil une action perni- 
cieuse contre laquelle, par réflexe, se défend 
notre organe au moyen d’une contraction de la 
pupille. Avec les miroirs dorés, au contraire, les 
rayons jaunes ou rouges dominent dans le fais- 
ceau réfléchi, et sont sans action sur l'organe 
visuel, qui conserve toute son acuité. La faculté de 
perception de l'observateur sera donc plus grande 
avec un miroir doré qu'avec un miroir argenté. 

L’éclairement produit par le miroir à grande 
distance varie en raison inverse du carré de la 
distance, ainsi que l’a établi analytiquement 
M. Blondel en 1894. Il a démontré que le projec- 
teur se comporte comme un disque circulaire 
plan ayant pour éclat celui de la source ? multi- 
plié par un coeflicient de transmission K et par 
un coeflicient d'effet optique U. L'intensité lumi- 
neuse peut ainsi être considérée comme propor- 
tionnelle à la surface du miroir projetée sur un 
plan perpendiculaire à l’axe optique. La dis- 
tance focale n’influerait donc pas, théorique- 
ment, sur la puissance lumineuse. 


P. CALFAS. — LES PROJECTEURS ÉLECTRIQUES 519 


_  ——_—_—_—"”—”"——…—"—"—"—"…"—"—"”"”"— ——————— 


Mais, avec les projecteurs à court foyer em- 
ployés actuellement, le calcul du flux moyen 
total, qui correspond à l'effet utile du projecteur, 
faitentrer en ligne de compte la distance focale 
du miroir. Ce caleul vient d’être exposé très clai- 
rement par M. Jean Rey dans une étude sur /a 
portée des projecteurs électriques ! qui consti- 
tue un document d’une haute importance sur le 
fonctionnement de ces appareils. Il a montré 
que la valeur de l’éclairement moyen croit en 
passant d’une distance focale très courte, égale 
au tiers du diamètre, jusqu'à une distance focale 
relativement longue, égale aux deux tiers environ 
du diamètre :le maximum d’éclairement corres- 
pondrait à une distance focale égale à 0,687 du 
diamètre, pour les ares à bas voltage, et à une 
distance focale de 0,664 du diamètre pour les 
ares à haut voltage. En pratique, la distance 
focale est généralement les 40 à 50% du dia- 
mètre. 

Le rendement du projecteur, en tant que 
réflecteur, varie suivant que le miroir est en 
verre ou en métal. Pour les miroirs en verre, on 
arrive à un rendement total d'environ 0,90. Sur 
les miroirs métalliques, en cuivre doré, la ré- 
flexion varie avec les diverses longueurs d’onde. 
Pour une longueur d'onde de 450, correspon- 
dant au violet extrême, le pouvoir réflecteur 
n'estque de 37 % , alorsqu'ils’élève à 92, 3 % pour 
le rouge, Les réflecteurs dorés ont donc une 
action sélective, et réfléchissent une lumière 
riche en rayons rouges etjaunes; leur rendement 
moyen s'élève à 85 %. Le rendement effectif du 
projecteur est encore réduit par la porte en glace 
qui le ferme, par l’occultation due à la lampe, 
aux tiges et câbles, et par celle due aux volets de 
fermeture, composés de lames de persienne qui 
se placent parallèlement à l’axe de l'appareil 
dans la position d'ouverture, leur épaisseur pro- 
duisant alors une occultation qui n’est pas négli- 
geable. En tenant compte de tous ces éléments, 
M. J. Rey a calculé que le rendement total d’un 
projecteur varie de 0,52 pour un appareil de 0",30 
de diamètre, à 0,66 pour un projecteur de 2 mè- 
tres de diamètre. 


Il 


L’arc électrique étant la source lumineuse qui 
a le plus grandéelat, c'estcelle quel’on a adoptée 
partout pour les projecteurs. Avec l'arc électri- 
que on peut dépasser, en effet, un éclairement 
de 250 bougies par millimètre carré, tandis 
qu'avec la lumière oxhydrique, par exemple, on 


1. Berger-Levrault, éditeurs, Paris, 1915, 


n’atteint qu'une dizaine de bougies par milli- 
mètre carré. 

Comme on le sait, l'arc électrique continu, qui 
se produit entre deux charbons, entraîne la for- 
mation d'un cratère au pôle positif et d'une 
pointeaupôle négatif; le pôle positif donnant la 
plus grande partie delalumière(environ95 % ),on 
le place au foyer du projecteur; lecharbon négatif 
agit alors comme un obstaclequi arrêteune partie 
du flux lumineux; il y a donc intérêt à lui don- 
ner le plus petit diamètre possible. D'autre part, 
l'éclat intrinsèque photométrique du cratère 
croit avec la densité du courant dans le charbon 
positif. Le diamètre du cratère peut être repré- 
senté par l'expression < —ayDI, D étant le dia- 
mètre du charbon positif et I l'intensité. On est 
donc amené à réduire le diamètre des charbons, 
mais on estlimité dans cette voie par l’échauffe- 
ment exagéré des électrodes; d'autre part, on a 
constaté expérimentalement que l'éclat se rap- 
proche d'une valeur constante lorsqu'on fait 
varier la densité du courant en raison inverse de 
la racine carrée du diamètre. 

On a recherché les charbons capables de sup- 
porter de très fortes densités de courant, en assu- 
rantune stabilité suffisante pour l’are, et l’on est 
parvenu à obtenir des éclats considérables avec 
des charbons très homogènes et de fabrication 
soignée, C’est ainsi qu'avec un charbon positif 
de 49 millimètres, un courant de 250 ampères 
sous 62 volts donne un flux lumineux d'environ 
290.000 lumens. 

Pour augmenter encore l'éclat intrinsèque du 
cratère, on a eu l’idée de refroidir les électrodes, 
pour pouvoir augmenter la densité du courant. 
Ce refroidissement a été réalisé récemment par 
un ingénieur américain, M. Beck, qui a construit 
un projecteur dont chaque électrode est entou- 
rée par untube dans lequel circulent des vapeurs 
d'alcool. Ces vapeurs sont ensuite projetées à 
l'extrémité des électrodes mêmes et, tout en 
s’enflammant, elles en abaïssent la température. 
On pourrait ainsi réaliser un arc consommant 
150 ampères avec un charbon positif de 16 milli- 
mètres de diamètre, au lieu de 38 dans les ares 
ordinaires, et un charbon négatif de 11 millimè- 
tres. L’usure des électrodes serait très réduite. Ce 
projecteura étéexpérimenté avecsuccès,parait-il, 
par la Marine des Etats-Unis. 

Le cratère du charbon positif, qui constitue la 
source lumineuse proprement dite, doit être 
maintenu au foyer du miroir. Pourcela,lescons- 
tructeurs ont imaginé divers systèmes électro- 
mécaniques intéressants. 

Nous signalerons celui employé par MM. Bar- 
bier, Benard et Turenne, dans leur projecteur 


520 P. CALFAS. — LES PROJECTEURS ÉLECTRIQUES 


automobile construit, il y a quelques années, 
pour l'Armée française, et qui a été décrit dansle 
Génie civil!. 

Dans ce système, le mécanisme de réglage est 
commandé par un petit moteur série M (fig. 1), 
qui attaque, par l'intermédiaire des engrenages 
abcde, la vis V à double filetage dont les écrous 
mobiles entrainent les porte-charbons dans le 
sens voulu. En même temps, la rotation de l'axe 
intermédiaire / bande un ressorten spirale, dont 
une extrémité est vissée sur le moyeu 7», tandis 
quel’autreextrémité, solidaire du barillet », tend 
à l’entrainer dans le sens où le ressort estbandé. 


da 


ji UN 


Bu 


LL 


Fig. 1. — Schéma du mécanisme de réglage de la lampe 
à arc. 


Le barillet porte une roue dentée # engrenant 
avec un train d’engrenages x z, dont le dernier 
pignon est calé sur l’axe d’une poulie p (la corde- 
lette de cette poulie est tendue par les ressorts 
antagonistes r, r, et les vis p, v,). Ce frein est 
réglé de façon à limiter la tension du ressort en 
spirale, qui, au bout d’un certain nombre de tours 
du moteur M, entraine le barillet solidairement 
avec l'axe f. 

Le montage électrique est représenté sur la 
figure 2. Quand on ferme l'interrupteur I (fig.2), 
la dérivation établie entre ses bornes excite 
d’abord les inducteurs ? du moteur, puis, par 
l'intermédiaire du relais R, dont la palette p est 
attirée (sous l'influence dei), elle ouvre le cireuit 
a bc de f, malgré le ressort antagonistes, et 
détermine le démarrage du moteur M. Les char- 
bons se rapprochent alors par suitede larotation 


1. Voir le Génie civil du 16 avril 1910, 


de la vis V (fig. 1)et, quand ils viennent en con- 
tact, le court-circuitquien résulte fait déclencher 
la palette p,"amenée par le ressorts, c'est-à-dire 
que le circuit a bc de f se trouve de nouveau 


Fig. 2. — Schéma des connexidns de la lampe à arc. 


fermé, et que le moteur M s'arrête. Mais le res- 
sort en spirale, qui est toujours bandé, depuis 
le commencement de la rotation du moteur, se 
débande alors rapidement, et écarte les charbons 
entre lesquels jaillit l'arc; le projecteur éclaire 
donc, jusqu'à ce qu'on coupe le courant aux 
bornes. 


III 


Ainsi que nous l’avons indiqué, l'observateur 
doit se placer à une certaine distance du projec- 
teur. Il doit pourtant commanderle déplacement 
de l’appareïi en tous sens, et ces mouvements 
doivent être assurés avec une grande précision : 
en effet, si le but se trouve à 3.000 mètres, par 
exemple, un déplacement angulaire d’un degré 
de l'axe du projecteur suflira pour déplacer de 
plus de 50 mètres la plage lumineuse. Pour obte- 
nir les mouvements voulus du projecteur, on em- 
ploie actuellement une commande par servo- 
moteur électrique, établie pour conjuguer les 
déplacements de l'appareil avec ceux d’une 
lunette que l'observateur braque sur les endroits 
qu'il veut éclairer. De cette façon, l’axe du pro- 
jecteur demeure toujours parallèle à celui de la 
lunette. 

Nous décrirons, à titre d'exemple, quelques- 
uns des dispositifs d'asservissement employés 
dans la Marine et dans l’Armée française. 

Le dispositif employé par la Société des An- 
ciens Etablissements Sautter-Harlé est basé sur 
les propriétés du pont de Wheatstone (fig. 3). Il 
comporte deux rhéostats A et B, montés en déri- 
vation aux bornes de la source d'électricité; 


de LR 


P. CALFAS. — LES PROJECTEURS ELECTRIQUES 


A appartient au poste de commande et B au poste 
récepteur. La lunette d'observation entraine un 
contact mobile sur À, et un autre contact opère 


i 


Fig. 3. — Dispositif d'asservissement de MM. Sautter, 
Harlé et C'°. 


les mouvements correspondants sur B. Les con- 
tacts mobiles de À et B sontreliés par un conduc- 
teur sur lequel est monté le galvanomètre D. 

Lorsque les contacts mobiles sont respective- 
ment sur les touches correspondantes des résis- 
tances À et B, aucun courant ne traverse le gal- 
vanomètre D, le système est en équilibre. Si les 
contacts ne sont pas sur les mêmes touches, le 
galvanomètre est, au contraire, parcouru parun 
courant dont le sens dépend de la position rela- 
tive de ces contacts sur les résistances À et B. Il 
se déplace donc dans un sens ou dans l’autre. 
C'est ce galvanomètre qui constitue le servo- 
moteur proprement dit: ses mouvements établis- 
sent, en effet, des contacts qui agissent sur les 
relais E ou F d’un commutateur, qui commande 
à son tour le moteur de pointage H. \ 

D'autre part, le déplacement du projecteur a 
pour effet de ramener le contact mobile de B dans 
le sens voulu pour rétablir la coïncidence des 
positions des contacts mobiles sur les deux 
rhéostats À et B. Le galvanomètre reprend donc 
son équilibre et l'appareil estrimmobilisé. 

Tel est le principe du dispositif d’asservisse- 
ment; mais, s'il était limité aux organes que nous 
venons de signaler, la vitesse du moteur du 
projecteur serait constante, quelle que 
soit l'amplitude du mouvement; il se 
produirait done un arrêt brutal ou des 
oscillations. Aussi a-t-on complété le 
mécanisme par l’adjonction d’un second 
relais, qui augmente la vitesse du mo- 
teur quand l’amplitude du déplacement 


521 


qui traverse le galvanomètre augmente égale- 
ment; ce courant passe dans une bobine G et 
actionne alors un relais qui produit l'accélération 
du moteur. L'effet inverse se produit au voisi- 
nage du parallélisme entre le projecteur et la lu- 
nette : le courant diminue dans le galvanomètre 
ainsi que dans le relais G, qui cesse alors d’agir. 

On voit sur le schéma comment ce résultat est 
obtenu à l’aide du double enroulement d’'excita- 
tion du moteur H, dont une partie peut être mise 
hors cireuit par l’action du relais G. 

Le projecteur comporte naturellement deux 
systèmes de commande identiques, correspon- 
dant l’un au pointage en hauteur, l’autre au poin- 
tage en direction. Le poste de commande com- 
porte la lunette d'observation, qui entraine deux 
systèmes de frotteurs, correspondant aux résis- 
tances des pointages en direction et en hauteur. 
11 suffit d'un câble à quatre conducteurs pour 
assurer la communication entre le poste et le 
projecteur. 

La fermeture et l'ouverture des volets d’occul- 
tation du faisceau sont commandées, également 
à distance, à l’aide d’un électro-aimant, enclen- 
ché avec un autre relais qui insère dans le circuit 
de l’arc une résistance supplémentaire, de façon 
à réduire l'intensité lumineuse etla consomma- 
tion de courant et de charbons pendant la ferme- 
ture des volets. 

Un système de commarde sensiblement diffé- 
rent a été établi par la maison Bréguet. Dans ce 
système (fig. 4), le poste de commande est plus 
complexe : il comporte un petit moteur B, un 
commutateur D, un plateau inverseur F et un 
porte-frotteur G portant l'alidade de visée, enfin 
un inverseur H commandant le sens de rotation 
du moteur B. 

Le projecteur est muni des organes ordinaires 
de commande : un moteur À, un frein magné- 
tique E et un commutateur C, correspondant à 


augmente. Pour un mouvement très 
faible de la lunette, et par suite pour 
une différence très petite dans la posi- 
tion des contacts mobiles À et B, le galvano- 
mètre établit seulement les contacts correspon- 
dant aux relais E et F, qui provoquent la marche 
à faible vitesse. Si la différence entre les con- 
tacts À et B augmente, c’est-à-dire si l'angle de 
rotation de la lunette est plus grand, le courant 


Fig. 4. — Dispositif d'asservissement de la maison Bréguet. 


celui du poste de commande. A l'arrêt, le mo- 
teur À est mis en court-circuit par les relais in- 
verseurs J et J’, et le moteur du manipulateur est 
de même en court-circuit, par suite de la concor- 
dance des deux commutateurs. Les déplacements 
de l’alidade du manipulateur sur le plateau F 


provoquent le jeu du relais J ou J', et par suite la 
mise en marche du moteur du projecteur; la ro- 
tation de celui-ci entraine celle du commuta- 
teur C, qui supprime le court-cireuit du mani- 
pulateur et fait agir l’inverseur H, de façon à 
donner un sens de rotation convenable au moteur 
du manipulateur. Ce dernier entraine alors son 
commutateur D etle plateau inverseur F, jusqu’à 
ce qu'il y ait concordance entre les frotteurs 
des deux commutateurs C et D, et que le plot 
mort du plateau inverseur soit venu se placer 
sous le frotteur du porte-alidade, ce qui entraine 
la mise en court-circuit et l’arrêt du système. 

Le couple résistant du moteur B est sensible- 
ment constant, car les organes commandés ne 
sont pas influencés par le roulis ou les frotte- 
ments, comme c'est le cas pour les projecteurs. 
Mais comme le moteur B n’obéit au déplacement 


Projecteur 


P. CALFAS. — LES PROJECTEURS ÉLECTRIQUES 


de l’alidade que par l'intermédiaire du projec- 
teur et de son commutateur C, ce moteur a tou- 
jours du retard sur celui du projecteur. Lorsque 
le moteur a ramené le plot mort du plateau F sous 
le plateau de l’alidade G, l'arrêt du système 
devrait se produire, mais l’inertie des pièces leur 
fait dépasser la position du court-cireuit, de 
sorte que le plateau inverseur F provoque un 
changement de marche du projecteur. 

Il pourrait donc se produire des oscillations du 
projecteur autour de la position cherchée. Pour 
éviter cet inconvénient, il suflit de ralentir la 
vitesse du projecteur au voisinage du but, et par 
suite aussi celle du manipulateur. L’avance du 
projecteur est alors très réduite, et le balance- 
ment ne se produit plus. Pour obtenir ce ralen- 
tissement, on dispose un frein électromagné- 
tique E sur l'arbre du moteur du projecteur; le 


Poste d'observation 
et de 
commande 


Fig. 5. — Projecteur de 90 c)m. de diamètre, lype cuirassé et croiseur. 


P. CALFAS. — LES PROJECTEURS ÉLECTRIQUES 


523 


cireuit d’excitation de ce frein est relié au pla- 
teau inverseur F du manipulateur et à son frot- 
teur, comme le montre le schéma. Le plateau 
inverseur comporte deux plots de freinage, qui 
permettent de faire varier graduellement la vi- 
tesse du projecteur. 

Enfin, le capitaine Viry a imaginé, il y a quel- 
ques années, un système d’asservissement très 
intéressant, qui utilise les propriétés des lames 


= 
Fa 


ki 


début même, on avait admis que l'escadre devait, 
par la manœuvre continue des projecteurs, ex- 
plorer l'horizon, au moyen de faisceaux lumi- 
ueux, pour démasquer le torpilleur ennemi, avant 
qu'il se soit approché suffisamment pour lancer 
sa torpille. Mais cette tactique avait le grave 
inconvénient de signaler de loin la flotte, de don 
ner des renseignements sur sa composition etses 
mouvements. De plus, les faisceaux lumineux 


Fig. G. — Projecteur monté sur voiture automobile. 


vibrantes, et dont nous indiquerons seulement 
le principe. Les postes transmetteur et récepteur 
comportent chacun des lames vibrantes corres- 
pondant aux divers mouvements à commander. 
En actionnant une des lames, on produit dans le 
circuit un courant vibré dont la période est celle 
de la lame; ce courant actionne au récepteur la 
lame accordée pour la même période de vibra- 
tion, et seulement celle-là, et son mouvement 
commande la manœuvre voulue. 


IV 


Avant la guerre, l'emploi des projecteurs était 
surtout usité dans la marine (fig. 5). On avait vu 
dansleur usage un moyen de protéger les escadres 
contre les attaques de nuit des torpilleurs. Au 


issus d’un navire pouvaient, en balayant l'espace 
autour de lui, éclairer un navire ami, et le dési- 
gner ainsi aux coups des torpilleurs ennemis. 
Aussi, actuellement, les navires de guerre cher- 
chent à demeurer inaperçus en supprimant tout 
feu à bord. Les vigies doivent découvrir l’appro- 
che des torpilleurs ou sous-marins par la simple 
vision dans la nuit; ce n’est que lorsqu'elles ont 
aperçu quelque chose de suspect, ou que l’on est 
sûr que le navire est découvert, que l'on utilise 
le projecteur en découvrant les volets d’occulta- 
tion et en braquant l'appareil sur l’assaillant, 
pour permettre le réglage du tir. C'estsans doute 
pour des raisons analogues que l’on a cessé de 
faire fonctionner d’une manière continue les pro- 
jecteurs chargés de découvrir dans le ciel pari- 
sien les appareils aériens qui pourraient y venir 


P. CALFAS. — LES PROJECTEURS ÉLECTRIQUES 


la nuit; ils ne sont plus mis en service qu'à l’ap- 
proche constatée d’un appareil ennemi. 

Nos marins avaient acquis une grande prati- 
que dans l'emploi des projecteurs, principale- 
ment dans les manœuvres de défense contre les 
torpilleurs. L'apparition des sous-marins a 
toutefois rendu leur tâche beaucoup plus dif- 
ficile. 

Dans la guerre actuelle, c’est à terre que les 
projecteurs ont reçu le plus d'applications. Indé- 
pendamment des projecteurs installés à poste 
fixe pour la défense des places et des ouvrages 
permanents, les armées possèdent des équipages 
de projecteurs montés sur chariot à traction 
hippomobile, ou mieux automobile (fig. 6); dans 
ce dernier cas, en effet, le moteur de la voiture 
sert, à l'arrêt, à actionner la dynamo qui donne 
le courant d'éclairage du projecteur. L'appareil 
est généralement mobile : on le descend du 
châssis de l’automobile à l’aide d’un plan incliné, 
et on le roule jusqu’au poste choisi, tandis qu'il 
reste réuni au véhicule générateur d'électricité 
par un câble souple, amenant le courant, un 
autre câble à plusieurs conducteurs assurant la 
commande à distance. 


V 


L'observation à l’aide des projecteurs, et 
l'évaluation de la distance des objets aperçus 
présentent de sérieuses difficultés pour l’obser- 
vateur inexpérimenté. En effet, nous sommes 
habitués à voir les objets éclairés verticalement 
et l'éclairage horizontal du projecteur change la 
distribution des ombres, et par suite le relief 
apparent. Les objets éclairés se détachent en 
général sur un fond noir, tandis que, pendant 
le jour, le fond du paysage est éclairé. Il en 
résulte que les uniformes gris-bleu, qui donnent 
un minimum de visibilité pendant le jour, sont 
moins favorables la nuit que les étoffes bleues 
ou brunes, qui ne réfléchissent que peu de lu- 
mière, et ne se détachent pas sur les fonds noirs. 
L'’observateur doit se constituer sur le terrain 
des points de repère et s'exercer à éluder l’in- 
fluence perturbatrice des ombres. 

Enfin, l’acuité visuelle de l’observateur vient 
limiter la portée utile du projecteur. On sait que 
cette acuité se mesure par l'inverse de l’angle 
sous-tendu par l’objet limite aperçu. L’acuité 
maximum correspond à un angle sous-tenda de 
5 minutes, pour un éclairement de 10 à 20 lux : 
c’est celle d’une vue très perçcante, supérieure 
à la normale. En partant de cette donnée, M. A. 
Blondel à récemment calculé d’une manière très 
complète la portée des projecteurs et a établi 
les formules générales donnant la solution du 


problème des portées!. Nous ne pouvons repro- 
duire ici les calculs de l’éminent professeur; 
nous indiquerons seulement qu’il a montré que 
l'effet de l’acuité visuelle sur la portée des pro- 
jecteurs est analogue à l'effet de la transparence 
atmosphérique, mais plus fort. Il s’en suit que la 
visibilité du but décroit très rapidement, et 
beaucoup plus vite que la portée du projecteur. 
M. Blondel montre qu’un objet de 7 mètres envi- 
ron de longueur (maison ou bateau), étant vu à 
l’œil nu à un kilomètre, grâce à une acuité vi- 
suelle ordinaire, et sous l'éclairage d’un projec- 
teur donné, si l’objet se trouve transporté à une 
distance cinq fois plus grande, pour qu'il soit 
vu avec la même netteté, il faudrait multiplier 
l'intensité de la source lumineuse : par (10°) ou 
par 100 environ, pourtenir compte de l’acuité vi- 
suelle, par5?—25 pour tenircompte del'influence 
de la distance sur l’éclairement, et enfin par 
a” 


510 — a #, a étant le coeflicient de transparence 


de l'atmosphère, pour tenir compte de l’absorp- 
tion atmosphérique. Si a — 0,70, on voit que 
l'intensité devrait être multipliée par un facteur 
unique égal à 42.000 environ. 

D'après les expériences de M. Rey, on peut, 
d’ailleurs, évaluer la portée / d’un projecteur par 
l’équation suivante : 

0,575 
1— (24) 
l'étant mesurée en kilomètres et le diamètre A 
du projecteur en décimètres, la transparence at- 
mosphérique étant de 0,9. D’autre part, l’éclai- 
rement produit par une série de projecteurs à 
haut voltage a pu être représenté, par le même 
auteur, par une courbe dont l’équation est : 

1 72 
:—0,02305 A 

On voit que l’exposant de l’exponentielle des 
portées est beaucoup plus faible que celui de 
l’exponentielle des éclairements; il s’en suit que 
la portée croit beaucoup moins vite que l’éclai- 
rement, pour une même série de projecteurs. 

En arrière de la portée utile d’un projecteur, 
vite limitée, il existe donc une zone importante 
où l’éclairement est encore très sensible pour les 
personnes qui s’y trouvent, sans profit pour l’ob- 
servateur. Ceci explique l'illusion d’aviateurs ou 
de combattants à terre qui se sont trouvés enve- 
loppés dans le faisceau lumineux d’un projecteur 
ennemi, et qui, se croyant découverts, ont cru 
devoir se mettre à l'abri, alors qu'ils devaient 
être invisibles pour les observateurs placés près 
des projecteurs. Dans l’intéressante étude de 


1. Comptes rendus de l'Académie des Scienees, séances des 
11 et 25 janvier 1915 (t. CLX, n°° 2 et 4). 


< 4 


P. CALFAS. — LES PROJECTEURS ÉLECTRIQUES sp 


M. J. Rey, que nous avons signalée précédem- 
ment, l'auteur donne quelques exemples de ces 
illusions. Il signale ainsi le cas d'un aviateur 
chargé d’une opération de nuit au-dessus des 
lignes allemandes, en Belgique, et déclarant 


situé à 12 kilomètres. Mais pour que l'observateur, 
placé à la même distance que le projecteur, ait 
pu apercevoir l'avion, celui-ci aurait dû recevoir 
un éclairement minimum de 0,23 lux,éclairement 
qui n'aurait pu être obtenu à cette distance lavec 


Fig. 7. — Projecteur monté sur échelle. 


avoirété éclairé, à une distance de 12 kilomètres, 
par le faisceau d’un projecteur puissant, auquel 
il s'est efforcé d'échapper. Or, il suffisait, pour 
produire cette illusion, d'un éclairement de 0,05 
lux, lequel permet de lire l'heure à une montre, 
et cet éclairement pouvait être produit par un 
projecteur de 1 m. 10 de diamètre (calibre maxi- 
mum des appareils de campagne allemands) 


un coefficient de transparence atmosphérique de 
0,85) que par un projecteur dont le diamètre 
aurait atteint 4 m. 75, c’est-à-dire par un appareil 
pratiquement impossible à construire, ou en 
tout cas à manier sur le champ de bataille. 


P. Calfas, 


Ingénieur des Arts et Manufactures. 


526 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


BIBLIOGRAPHIE 
ANALYSES ET INDEX 


4° Sciences mathématiques 


Burali-Forti (C.), Professeur à l'Académie militaire 
de Turin,et Marcolongo (R.), Professeur de Méca- 
niquerationnelle à l'Université de Naples. — Analyse 
vectorielle générale. I: Transformations linéai- 
res. Il: Applications à la Mécanique et à la Phy- 
gique. — ? vol. in-5v de 180 et 144 p. (Prix :6 et 5 fr.) 
Editeurs : Mattei et Cie, Pavie; Hermann et fils, Paris; 
Bowes et Bowes, Cambridge, 1913. 


Ces deux volumes font partie d’une série publiée sous 
le titre générique : Analyse vectorielle générale, et con- 
sacrée à l'exposition, par divers auteurs, de sujets inté- 
ressants de Physique mathématique et de Géométrie 
différentielle. Ils se rattachent à l’étude du domaine 
vectoriel, entreprise il y a quelques années par MM. Bu- 
rali-Forti et Marcolongo, qui ont fixé dans une forme 
simple, logique et uniforme, un système vectoriel géné- 
ral permettant de traiter d’une façon absolue n’im- 
porte quelle question de Physique mathématique, de 
Mécanique et de Géométrie différentielle. Ce système a 
été développé d’abord dans les Æléments de Calcul 
vectoriel publiés par les deux auteurs (traduction 
française de Lattès, Hermann, 1910), sous une forme 
minima, d’où l’on peut déduire ensuite le calcul des 
formes géométriques de Grasmann-Peano, et celui des 
quaternions d'Hamilton, utilisés en Mécanique et en 
Physique. Mais, en particulier, l'étude mécanique et 
physique des corps déformables et des actions électri- 
ques à conduit les auteurs à l'introduction des homo- 
graphies et des dérivées par rapport à un point, dont le 
premier des deux volumes analysés ici donne un ex- 
posé définitif. Après une courte introduction sur les 
systèmes et opérateurs linéaires, MM. Burali-Forti et 
Marcolongo, dans un premier chapitre, définissent les 
homographies vectorielles et établissent les propriétés 
essentielles des opérateurs correspondants.Le chapitrell 
est consacré aux fonctions de points et à leurs dérivées, 
et comprend l'étude des opérateurs différentiels, et le 
chapitre Ill traite des intégrales et des équations difré- 
rentiellesavecdenombreusesapplications. Le volume se 
termine par un appendice relatif aux symboles d’opé- 
rations, à l'indication des avantages du système employé 
sur les quaternions d'Hamilton, et à la traduction des 
homographies en coordonnées cartésiennes. De plus, 
trois notes de M. Pieri établissent un lien entre quel- 
ques propriétésdes homographieset certaines propriétés 
projectives connues, La traduction française de ce vo- 
lume est due à M. P. Baridon. 

Ce premier volume met en évidence les avantages du 
système vectoriel de MM. Burali-Forti et Marcolongo, 
dont le calcul peut opérer directement sur les éléments 
géométriques ou physiques sans avoir jamais besoin de 
revenir à aucunes coordonnées, et est ainsi un vérita- 
ble calcul intrinsèque. Cette supériorité se manifeste à 
plus forte raison dans le second volume, consacré aux 
Applications mécaniques et physiques.Ce volume esl di- 
visé en six chapitres : Mouvement d’un solide autour 
d’un point fixe; cinématique et statique des corps dé- 
formables; mouvements par ondes planes dans les mi- 
lieux isotropes ou cristallins; hydrodynamique des flui- 
des parfaits et des fluides visqueux; propagation de la 
chaleur dans les corps isotropes ou cristallisés; électro- 
dynamique des corps en repos ou en mouvement. Dans 
l'étude du mouvement d'un solide, le corps lui-même 
peut être introduit dans le calcul, comme dans le cas 
particulier où il se réduit à un point; la théorie de l’élas- 
ticité est développée sans le secours des coordonnées; 
enfin l'étude de l’électro-dynamique, conduite jusqu'aux 
équations de Lorentz et au principe de relativité, est 


traitée très simplement, sans faire usage des vecteurs à 
quatre dimensions.Comme ils le font remarquer dans la 
préface de ce volume, MM. Burali-Forti et Marcolongo 
n'ont pas eu la prétention de présenter au lecteur ni un 
traité de Mécanique, ni un traité de Physique mathé- 
matique; ils ont simplement rassemblé en une centaine 
de pages une matière suflisante pour le familiariser 
avee les méthodes et lui permettre de juger de leur 
puissance, au double point de vue de l'exposition el de 
la recherche. Un appendice et des notes bibliographi- 
ques très complètes terminent l'ouvrage: ils facilitent 
la comparaison des notations et des méthodes de 
MM. Burali-Forti et Marcolongo avec les autres systè- 
mes connus, et permeltent d’en apprécier mieux les 
avantages. 
M. LELIEUVRE, 


Professeur au Lycée et à l'Ecole des Sciences de Rouen. 


2° Sciences physiques 


Curchod (Ad.). — Installations électriques de force 
et lumière. Schémas de connexions. ° édilion. — 
4 vol. in-80 de vur-2?2 p. avec 80 pl. (Prix : 7 fr. 50.) 
Dunod et Pinat, éditeurs, Paris, 1914. 


L'idée de réunir en un volume des schémas d’instal- 
lations diverses est nouvelle en ce qui concerne les dy- 
namos, alternateurs et tableaux de centrales; jusqu’ici, 
il n'existait de recueil de ce genre que pour les son- 
neries, téléphones, ete., et cela s'explique d’ailleurs 
bien. 

Le montage des sonneries et téléphones est fait par 
des ouvriers plus ou moins exercés, auxquels il est sou- 
vent indispensable de montrer les combinaisons possi- 
bles. Il n’en est pas tout à fait de même pour les gran- 
des installations, dont chaque détail doit être étudié 
soigneusement au bureau avant l'exécution, où les 
conditions à remplir varient considérablement d’un cas 
à l’autre et exigent des solutions différentes. 

L'intérêt du livre de M. Curchod est donc plutôt de 
suggérer les solutions possibles en montrant les diffé- 
rents aspects de la question et, à ce titre, il aura de 
nombreuses applications; il pourra aussi rendre des ser- 
vices aux élèves ingénieurs, qui y trouveront réunies un 
grand nombre de dispositions dont la recherche dans 
les journaux spéciaux leur prendrait un temps pré- 
cieux, 

Il nous sera permis de faire une légère critique à la dis- 
position du livre, Bien que l’auteur ait cherché à unifor- 
miser beaucoup la représentation schématique des dif- 
férents organes, il serait bon de joindre à chaque 
planche une légende, de manière à faciliter l'intelligence 
des schémas; il ne faut pas oublier, en effet, que ce livre 
est de ceux que l’on consulte, mais qu'on ne lit pas, et 
il faut que chaque page s'explique d'elle-même sans 
obliger à remonter plus haut pour trouver des éclair- 
cissements. Nous sera-t-il permis également de regret- 
ter que le Litre aflirme une fois de plus l'incorrection du 
langage technique par l'emploi inapproprié du mot 
furce pour énergie ? 

H. ARMAGNAT. 


3° Sciences naturelles 


Artini (E.), Directeur du Musée civique d'Histoire natu- 
relle de Milan. — I Minerali. — 1 vol. in-18 de 
529 p. avec 132 fig. et 40 planches en chromolithogra- 
phie. (Prix cart. : 9 fr. 50.) U. Hoepli, Milan, 1914. 

La littérature scientifique italienne manquait d'un 
manuel minéralogique original, pouvant servir à la fois 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 527 


aux étudiants et aux collectionneurs, M, Artini aentre- 
pris de le donner dans cet ouvrage. 

Son but principal est la description des minéraux les 
plus importants qui peuvent se rencontrer dans la Na- 
ture, mais il ne dédaigne pas à l'occasion de parler de 
minéraux, même rares, qui présententdes particularités 
dignes d'être relevées, avec une préférence pour ceux 
qui se trouvent en Italie, spécialement dans les gise- 
ments les plus classiques. Pour cette description, l’au- 
teur adopte la classification de Dana, avecquelques mo- 
difications légères, 

Pour rendre service à ceux de ses lecteurs qui n’au- 
raient pas une connaissance suflisante de la Cristallo- 
graphie et de la Minéralogie générale, M. Artini a fait 
précéder cette partie spéciale de quelques chapitres sur 
les propriétés morphologiques, physiques et chimiques 
des minéraux et sur leurs gisements. 

Cet ouvrage, illustré de nombreuses figures et de 
4o planches en couleur très réussies, paraît parfaitement 
adapté au but qu’il se propose. 


Louis BRUNET. 


Cabrera (Angel). — Fauna iberica. Mamiferos. 
— 1 vol. in-S° de 444 p. avec 22 pl. en couleurs et 
143 fig. dans le texte. Junta para ampliacion de estu- 
dios, Moreto, 1, Madrid, 1915. 


Depuis que, sous l'influence de la doctrine de l’Evolu- 
tion, la Zoologie est devenue expérimentale, il est un 
peu de mode de laisser de côté l'expérience de la Nature, 
qui vaut pourtant bien celle des hommes. Pour tout es- 
prit non prévenu, il semble, cependant, que les deux 
expériences doivent marcher de concert, et que l’expé- 
rience du laboratoire doit être contrôlée par celle de la 
Nature libre, puisqu’en définitive c’est toujours elle qui 
opère dans l'un comme dans l’autre cas. Les ouvrages 
de Zoologie systématique et les Faunes ne sont pas tou- 
jours d’une lecture aussi fastidieuse que l’on semble le 
croire, et le présent volume en est un éclatant exemple. 

En réalité, le livre de M. Cabrera et les œuvres du 
même genre sont une mine inépuisable de faits qui 
fourniraient des matériaux précieux aux partisans de 
la théorie transformiste, s'ils voulaient se donner la 
peine d’y jeter les yeux, ou — mieux encore — s'ils 
consentaient à venir examiner de près les spécimens, 
conservés dans les Musées, qui ont servi de base à ces 
travaux. 

La Faune que M. Cabrera nous offre aujourd’hui n’est 
pas une simple compilation, mais le fruit des nombreux 
voyages que l'auteur, accompagné de sa vaillante 
femme, à laquelle ce livre est dédié, a effectués pendant 
douze ans dans toutes les régions de l'Espagne, dans ses 
iles eten Portugal, chassant et tendant des pièges pour 
se procurer les spécimens de Mammifères, réunis ac- 
tuellement au Musée national des Sciences naturelles 
de Madrid, et qui sont décrits dans le présent ouvrage. 

Ce qui fait surtout l'intérêt de cette faune, c’est 
qu'elle est presque isolée à l'extrémité sud-ouest du 
grand Continent Eurasiatique et possède plusieurs for- 
mes qui ne se retrouvent pas ailleurs en Europe, soit 
qu'on doive les considérer comme des émigrants de la 
faune africaine, soit qu'elles représentent un reste de 
l’ancienne faune paléarctique quaternaire, plus variée 
que la faune actuelle, 

Cabrera décrit comme propres à la péninsule ibérique 
et ne se retrouvant pas en France — contrée la plus 
voisine de l'Espagne — 20 espèces de Mammifères (non 
compris les sous-espèces). Ce sont 4 Insectivores (Erina- 
ceus algirus, Talpa occidentalis, Crocidura cantabra, C. 
balearica); 1 Chiroptère (Xhinolophus mehelyi); 3 Car- 
nivores (Mustela iberica, Mungos ichneumon, Lynx par- 
dellus) ; 1 Singe (Macacus sylvanus); enfin 12 Rongeurs 
(Eliomys lusitanicus, neuf Campagnols et deux Lepus). 
Plusieurs de ces espèces se retrouvent dans les iles de la 
Méditerranée, mais non dans le reste de l'Europe. Deux 
espèces, la Mangouste et la Genette, se rattachent ma- 
nifestement à la faune africaine. 


L'origine de ces deux espèces et de quelques autres 
peut donner matière à discussion. 

Ainsi, on à pu supposer que le Hérisson d'Algérie 
(£rinaceus algirus) avait été introduit aux iles Baléares 
comme article de commerce, ces animaux servant à dé- 
truire les insectes dans les jardins. Mais, si l’on consi- 
dère que ce Hérisson est répandu, à l’état libre, sur 
toute la côte méditerranéenne de la péninsule, et même 
de la France, il faudrait faire remonter cette importa- 
tion à une époque très ancienne, ce qui semble peu vrai- 
semblable, Connaissant les connexions continentales 
qui reliaient le nord de l’Afrique à l’'Andalousie et aux 
Baléares à l’époque tertiaire, il n'y a nulle difliculté à 
considérer cette espèce comme autochtone. 

Les mêmes considérations s'appliquent à la Man- 
gouste et à la Genette, bien qu’une importation par les 
Arabes, dans un but utilitaire, soit, ici, beaucoup plus 
vraisemblable que pour le Hérisson. On sait que, dans 
toute l’Afrique, on entretient dans les habitations de ces 
petits Viverridés, que l’on préfère aux Chats, pour faire 
la chasse aux Souris et aux Serpents. À Constantinople, 
au moyen âge, on voyait encore des Genettes servant 
à cet usage. Dans tous les cas, il est à remarquer que, 
si des carnivores des genres /erpestes et Genetta ont 
été signalés dans le Miocène d'Europe, on n'en trouve 
plus ni dans le Pliocène ni dans le Quaternaire. L’arri- 
vée de ces deux espèces doit donc étre considérée comme 
relativement récente, et la manière dont la Genette s’est 
propagée dans les départements de l’ouest de la France 
(et jusqu’en Normandie) confirme cette opinion. 

Le cas du Magot (Macacus sylvanus), seul Singe euro- 
péen, actuellement vivantsur le rocher de Gibraltar, est 
très différent. Dans un précédent travail !, le signataire 
de ces lignes a démontré d’une façon irréfutable que le 
genre Macaque n'était pas africain, et qu'au lieu de 
l'avoir reçu d'Afrique, c'était Gibraltar, ou si l’on veut 
l'Espagne, qui l'avait donné au Maroc, avant l’effondre- 
ment des colonnes d'Hercule. Que la petite colonie 
qui survit sur la langue de terre de Gibraltar ait été 
rajeunie plusieurs fois par des importations d'Afrique, 
cela ne change rien à la question, et je crains bien 
que M. Cabrera, en qualifiant mon opinion d’« hypo- 
thèse », ne cède à l’ancien préjugé d’après lequel tous 
les Singes seraient originaires des pays chauds. 

Nous savons, au contraire, que l’on trouve des Ma- 
caques sur les montagnes neigeuses du Tibet, du nord 
de la Chine et jusqu’au Japon. Aux époques pliocène et 
quaternaire, il en existait dans toute l’Europe occiden- 
tale, où ils ont laissé leurs débris en Allemagne, en An- 
gleterre, en France, en Italie, en Sardaigne, dans les 
Pyrénées et jusque dans les cavernes de Gibraltar,dans 
des couches incontestablement quaternaires. Ils ont pé- 
nétré en Afrique à l’époque où l’'Andalousie était réunie 
au Maroc, avant le creusement du détroit qui a relié la 
Méditerranée à l'Atlantique; mais, fait à retenir, ils 
n’ont pas pénétré jusqu'en Tunisie,et ils n'existent nulle 
part en Afrique en dehors du Maroc et de l'Algérie. Il 
est donc bien évident que ce ne sont pas les Arabes qui 
ont introduit en Espagne ce Singe pillard, très nuisible 
aux jardins fruitiers. Il est plus probable qu'il a existé 
d’abord dans une bonne partie de l'Espagne, qu’on lui a 
fait très anciennement une guerre d’extermination et 
qu'il a trouvé un dernier refuge sur le promontoire 
élevé de 425 m., rocheux et stérile, de Gibraltar, où les 
habitants n’ont pas jugé utile d’aller le poursuivre, 

L'histoire du Lapin espagnol (Oryctolagus cuniculus) 
est plus instructive encore. On sait que, dans l’anti- 
quité, le Lapin n'existait qu’en Espagne, dans les iles 
Baléares, en Corse et en Sardaigne, C’est seulement 
dans le mre siècle de notre ère qu’il fut importé en Italie 
et dans le sud de la France, puis, plus tard, au xvu° siècle, 
dans le nord de ce pays, en Allemagne et en Angle- 
terre. 


1: TROUESSART : Faune des Mammifères de l'Algérie, du 
Maroc et de la Tunisie (Causeries scientifiques de la Société 
Zoologique de France, X°, 1905, p. 359). 


ro 
Π


D'autre part, dans son beau livre sur la Variation des 
animaux et des plantes, Darwin a appelé l'attention sur 
le Lapin de l'ile de Porto-Santo, que l'on sait descendre 
d’une unique femelle pleine, importée d'Espagne en 
1418. 

Comparant ce Lapin au Lapin actuel d'Angleterre, 
Darwin a trouvé dans la taille,les dimensions du crâne 
et les teintes du pelage, des différences considérables, 
de telle sorte que, depuis un demi-siècle, le Lapin de 
Porto-Santo est cité comme un exemple classique de mu- 
tation, produite en quatre siècles sur un animal trans- 
porté d’un continent dans une île de faible étendue. 

Or, il apparait aujourd'hui que la question doit être 
complètement retournée, c'est-à-dire que ce n’est pas le 
Lapin de Porto-Santo qui a diminué de taille en pas- 
sant d'Europe dans cette île, mais bien le Lapin d’'Es- 
pagne qui a pris des proportions plus robustes et 
changé de robe en passant de la région méditerra- 
néenne au nord de l’Europe. En effet, une comparaison 
minutieuse, faite par M. Miller ! et confirmée par M. Ca- 
brera, prouve que le Lapin de Porto-Santo ne diffère en 
rien du Lapin sauvage du sud de l'Espagne, qui existe 
aussi dans le sud de la France, en Sardaigne, en Italie, 
au Maroc et en Algérie, et qui a été introduit à Ma- 
dère, à Porto-Santo, aux îles Salvages et aux Açores, 

L'étude de la petite Souris désignée sous le nom de 
Mus spicilegus n'est pas moins intéressante. Cette es- 
pèce, distincte de la Souris domestique (Mus muscu- 
lus) par une taille plus faible, une queue constamment 
plus courte et son mode de coloration, est une forme 
restée sauvage, ne pénétrant jamais daus les habita- 
tions. Elle a été distinguée par Pétenyi, en 1882, sur 
des spécimens capturés en Hongrie (dilfère-t-elle réelle- 
ment du Mus hortulanus de Nordmann, 1840, qui au- 
rait la priorité ?). Depuis cette époque, on l’a retrouvée 
dans une bonne partie de l'Europe et jusqu'en Suède. 
Elle est Lrès répandue en Espagne et se trouve égale- 
ment dans le sud de la France (Pyrénées-Orientales, 
ard et Var). 

L'existence de cette espèce, si longtemps confondue 
avec la Souris domestique, est très importante à con- 
naître pour les naturalistes qui font des expériences 
de croisement dans leurs laboratoires sur des Souris 
dont ils ignorent le plus souvent la provenance, el 
qu'ils considérent comme appartenant toutes à une 
seule et même-espèce. 

Les Campagnols (genres Microtus, Pitymys, ele.) 
sont ici à la limite extrême de leur répartition géogra- 
phique dans la région paléarctique, car on n'en trouve 
ni aux iles Baléares, ni au Maroc ou en Algérie, Par 
suite, on peut être surpris du nombre relativement con- 
sidérable d'espèces (neuf, comme nous l'avons dit) qui 
sont propres à la péninsule ibérique, Deux causes peu- 
vent expliquer cette particularité : d’abord la vie sou- 
terraine qui caractérise ces animaux et restreint leur 
répartilion géographique, puis la constitution géologi- 
que de l'Espagne qui s’est formée par la jonction de 
plusieurs îles ou presqu'iles autrefois séparées. La 
même observation s'applique au genre Talpa qui compte 
deux espèces en Espagne. 

La variété des sites et des climats, la multiplicité des 
chaînes de montagnes, expliquent la diversité que pré- 
sente la faune ibérique d’une contrée à l’autre, Deux 
faits dominent la géographie physique de l'Espagne : 
d'abord l'existence de deux grands lacs tertiaires sur 
l'emplacement de la Vieille et de la Nouvelle-Castille, 
divisant le continent en deux régions, orientale et occi- 
dentale; puis la dépression de la Basse-Andalousie, 


1. Gerrir S. Miirer: Catalogue of the Mammals of Wes- 
tern Europe. Londres, 1912, avec 213 fig. dans Je texte, 
nc 
p- 491. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


vallée du Guadalquivir, par laquelle l'Atlantique com- 
muniquait avec la Méditerranée jusqu'à l’époque du 
soulèvement des Alpes. Au début du Pliocène, l'Anda- 
lousie faisait encore partie du Maroc, et c'est par ce 
large pont que l'Europe et l'Afrique ont pu échanger 
leurs faunes respectives, le Magot passant en Afrique, 
la Genelle et la Mangouste passant en Europe. 

C’est ce qui explique comment les principaux types 
de la faune ibérique ont tendance à se diviser en deux 
formes, qui sont, généralement, l’une d’origine nord- 
ouest, l’autre d’origine sud-est, Pour n'en citer que 
deux exemples, le Loup du Nord (Canis lupus s'gnatus) 
est remplacé sur le versant de la Méditerranée par une 
race beaucoup plus petite (Canis lupus deitanus). De 
même le Cerf de l’Aragon, du Léon et du Portugal, est 
représenté sur la côte de Huelva, en Andalousie, par 
une sous-espèce (Cervus elaphus hispanicus), qui par sa M 
taille plus faible rappelle le Cerf barbaresque; et, dit 
M. Cabrera, « la différence entre les deux formes est un 
bon exemple de l'influence de la localité, car au lieu de 
montagnes couvertes de forêts comme dans le Nord, 
nous n'avons plus ici que de grandes dunes de sable 
parsemées de quelques bois de pins et de chènes-liège ». 

On voit, par ces quelques exemples, l'intérêt que le 
livre de M. Cabrera présente pour le naturaliste. — 
L'auteur admet les sous-espèces, comme Ja grande 
majorité des zoologistes modernes, mais il en supprime 
quelques-unes qui ne lui semblent pas nécessaires, 
Cette modération lui vaudra peut-être l’indulgence des 
zoologistes qui ont — l’on ne sait trop pourquoi — 
l'horreur de la nomenclature trinominale, dont ils n’ont 
jamais l’occasion de se servir, mais qui font reparaître 
les sous-espèces sous le nom d’ «espèces naissantes », 
expression qui n’est qu'une explication assez vague, et 
par suite une dénomination inadmissible en Zoologie 
systématique. ; : 

Le livre de M. Cabrera est orné de planches coloriées 
très artistiques et de figures dans le texte, toutes de la 
main de l'auteur, qui en relèvent encore la valeur. Il 
serait à désirer que cette faune trouve des imitateurs, 
surtout dans l’Europe orientale, encore si mal connue 
au point de vue zoologique. 


+ 


E. TROUESSART, 


Professeur au Muséum national d'Histoire naturelle. 


“ 


4 Sciences diverses 


Jollivet (Gaston). — Six mois de guerre (1° août 
1914 — 1°* février 1915). — 1 vol. in-6° de 343 p. avec 
cartes. (Prix : 3 fr. 50.) Hachette et Cie, éditeurs, 
Paris, 1915. 


Cetouvrage, outre des « Préliminaires » se rapportant 
aux documents diplomatiques et aux séances des Parle- 
ments qui ont précédé la déclaration de guerre, renferme 
trois parties : 

1 Les faits de guerre, où l’on trouvera, jour par jour, 
le résumé des communiqués se rapportant au front occi- 
dental et au front oriental et à la guerre hors d'Eu- 
rope ; 

0 Les faits diplomatiques et politiques saillants qui 
se sont passés en France, chez les Alliés, chez les enne- 
mis et chez les neutres; 

3° Les à-côté de la guerre, avec des indications surses 
moyens d'action, les soins donnés aux blessés, lasitua- 
tion des prisonniers, les actes d’héroïsme accomplis par 
nos chefs et nos soldats. 

L'exécution de cartes qui permettent de suivre les 
mouvements des armées, la reproduction ou la citation 
de documents, de discours, d'articles de journaux et 
revues, donnent à ce tableau des six premiers mois de 
la guerre un intérêt exceptionnel. 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 529 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 


Séance du 26 Juillet 1915 


19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M, G. Bigourdan : 
La correspondance inédite de l’astronome J.-N. Delisle. 
L'auteur signale l'intérêt, pour l’histoire des sciences au 
xvi° siècle, de cette correspondance qui s'étend de 1709 
à 1507 et qui est conservée au Dépôt de la Marine et à 
l'Observatoire de Paris. Elle comprend à la fois les let- 
tres qu'il recevait et une copie de celles qu'il envoyait. 
Le nombre des correspondants s'élève à 580. M. Bigour- 
dan à préparé de cetle correspondance un Extrait con- 
tenant la mention et les dates de toutes les lettres,avec 
un sommaire de chacune d'elles. 

20 SCIENCES PHYSIQUES. — M, C. Gutton : Sur une ba- 
lance d'induction destinée à la recherche des obus en- 
terrés dans les terrains à mettre en culture. Les deux 
bobines de la balance sont fixées à deux bâtons verti- 
eaux altachés aux extrémités d’un bambou horizontal. 
Un aide porte celui-ci par le milieu et parcourt le champ 
à explorer en maintenant les bobines de la balance à 
quelques centimètres au-dessus du sol. L'observateur, 
muni du casque téléphonique, et portant en bandoulière 
une boîte qui contient la pile, le condensateur, le trem- 
bleur et l'appareil de réglage, suit à quelques mètres 
en arrière, Les éclats d’obus superficiels, les boîtes de 
conserve font percevoir un son aussi intense qu'un obus 
profondément enfoui, mais il est facile de distinguer 
entre ces deux cas. Dans le premier, on entend deux 
renforcements consécutifs du son, dans le second un seul 
renforcement, — M. J. Maldiney : Sur l'action retarda- 
trice du sucre dans le développement et la perméabilité 
de la gélatine au révélateur métol-hydroquinone, em- 
ployé seul ou additionné de sucre. L'auteur a constaté 
que l'addition de sucre à un révélateur produit des 
effets de retard dans la venue de l’image au développe- 
ment, analogues à ceux du bromure de potassium. L’ac- 
lion retardatrice du sucre paraît due, au moins en 
grande partie, à une cause physique, la viscosité plus 
grande donnée au bain, rendant ainsi plus lente la pé- 
nétralion de la solution dans l’émulsion., 


Seance du 2 Août 1915 


19 SCIENCES PHYSIQUES. — M. A. Leduc: Pression 
interne dans les gaz. Influence de La témpérature. L'au- 
teur montre que les’ diverses formules de la pression 
interne dans les gaz en fonction de la température 
donnent des résultats très inexacts. Il a trouvé une for- 
mule nouvelle : w/7 — Aa*, où w est la pression interne 
à T,, 7 la pression critique en atmosphères, x l'inverse 
de la température réduite, et A et a des coefficients. 
Elle donne une représentation excellente des résultats 
expérimentaux. — M. R. Chudeau : La température en 
Afrique occidentale et équatoriale. L'auteur donne un 
tableau des températures mensuelles et annuelles 
moyennes de 16 stations de l'Afrique occidentale et 
équatoriale, d’après les observations qui y ont été faites 
pendant des périodes de 3 à 13 années. À côté de la la- 
titude, dont l'influence est prédominante dans la distri- 
bution des températures, existent deux autres causes 
de perturbation: la situation littorale (par suite des 
afllux d’eau froide des grands fonds) et la grande forêt 
(il y a une augmentation de température pendant la vie 
active de la forêt). 

2° SCIENCES NATURELLES. — M. V. Galippe: Le para- 
silisme des graines ; son importance en Biologie géné- 
rale. L'auteur a reconnu que les graines normales, en 
proportion considérable, peuvent contenir un plus ou 
moins grand nombre de parasites. Ces parasites se 


rencontrent également sur les fleurs, dans les anthères et 
sur le pollen, ainsi que sur le stigmate, dans l’intérieur 
du style et dans l'ovaire. [ls peuvent avoir été apportés 
par le vent ou par les insectes. La présence de ces pa- 
rasites est peut-être en relation avec les anomalies 
observées si fréquemment chez les végétaux et avec 
l'apparition des mutations brusques, — M. V. Wallich: 
Suppression de la suppuration dans quelques plaies de 
guerre. L'auteur a réussi à tarir rapidement la suppura- 
tion des plaies dans son service de blessés en suppri- 
mant toute cause d'irritation au niveau de la plaie et en 
réalisant une asepsie absolue du pansement. Pour cela, 
il a supprimé l'emploi des antiseptiques et employé un 
pansement de compresses salées, après lavage de la 
plaie à l’eau salée bouillie. — M. H. Douvillé : Les 
Orbitoides de l'ile de la Trinité. L'auteur met en relief 
deux faits importants : 1° Il existe à la Trinité des cou- 
ches éocènes (probablement auversiennes), caractérisées 
par des Orthophragmina et des Nummulites qui parais- 
sentserattacher spécifiquement aux formeseuropéennes. 
2" Les Orthophragmina ont continué à exister en Amé- 
rique avec les dernières Nummulites, après l'apparition 
des premières Lépidocyclines, pendant l'Oligocène ; elles 
sont représentées par des formes rayonnées appartenant 
au genre Asterodiscus Schafhaütl 1863 (Asterocyclina 
Gümbel 1868), — MM. W. Kilian et A. Lanquine : Sur 
les complications tectoniques de la partie sud-est des 
Basses-Alpes (région de Castellane). L'étude attentive des 
accidents, de direction générale W-E, qui se trouvent au 
sud et à l’est de Castellane, révèle, entre autres particula- 
rités, l'extension d’une grande nappe de terrains secon- 
daires charriés, d’origine pyrénéo-provençale, ultérieu- 
rement remaniée, rompue et reprise par des poussées 
alpines plus ou moins accentuées qui ont déterminé des 
accidents généralement dirigés N W-SE. Plusieurs consé- 
quences résultent de cette rencontre des deux systèmes 
de plissement : 1° la rupture de la nappe et sa segmen- 
tation en plusieurs séries d'anticlinaux jurassiques et 
de synclinaux crétacés ; 2° une disposition en gradins 
des divers segments échelonnés du S au N et disposés, 
en quelque sorte, en cascade ; 3° au voisinage de la par- 
tie frontale, en certains points, les segments de la nappe 
ont été chavirés sous l'influence des poussées alpines. 
— M. L. Gentil : Les analogies du Haut-Atlas maro- 
cain et de l'Atlas saharien. L'auteur a observé des ana- 
logies stratigraphiques saisissantes entre les terrains 
crétacés du Haut-Atlas occidental et ceux de la zone sil- 
lonnée, entre le Maroc et la Syrte, par les rides de 
l'Atlas saharien. Le Haut-Atlas marocain et l'Atlas 
saharien sont édifiés sur des zones isopiques de la pé- 
riode crétacée, remarquables par leur grande extension 
à la bordure septentrionale du grand plateau saharien. 


Seance du 9 Aoït 1915 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M, J. Comas Sola : 
La photographie stéréoscopique dans l'étude des mouve- 
ments propres des étoiles. En plaçant dans le stéréos- 
cope deux images correspondantes des régions envi- 
ronnantes de l’amas Miri, de l’Aigle et Antinoüs, faites 
l’une le 12 juillet 1912 et l’autre le 20 juillet 1915, on y 
aperçoit tout de suite un grand nombre d'étoiles en 
mouvement propre sensible. On y voit aisément des 
groupements et alignements d'étoiles et d'étoiles dou- 
bles qui présentent un mouvement propre commun, 
en relation avec l’ensemble général des étoiles faibles 
de cette région de la Voie lactée. La plupart des mouve- 
ments les plus rapides appartiennent aux étoiles les 
plus brillantes et leurs trajectoires forment un angle 
considérable avec la ligne moyenne de la Voie lactée, 


530 


20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. H. Hubert : Les climats 
de l'Afrique occidentale. L'auteur propose de donner le 
nom de subcanarien au climat de la côte du Sénégal, 
qui n’a presque pas de traits communs avec celui des 
régions tropicales voisines, et présente, au contraire, 
des aflinités avec celui des Canaries; il est dominé par 
l’action de l’alizé, qui souflle pendant 8 à 9 mois de l’an- 
née. Le climat mauritantien est plus franchement tropi- 
cal, mais sans pluies abondantes, Les climats sahélien 
{au nord du 14° parallèle), soudanien (entre les 9° et 14° 
parallèles) et libéro-dahoméen (entre le Libéria et le 
Dahomey, au sud du 9° parallèle) sont les trois types 
normaux de climats tropicaux de l’Afrique occidentale. 
Enfin, le climat foutanien (de Fouta-Djalon) est intermé- 
diaire entre les climats soudanien et libéro-dahoméen, 
avec celte particularité que l'altitude en fait une région 
absolument indépendante, — M. J. Vallot: Sur la 
correction de l'erreur introduite par la cuve dans la dé- 
termination du pouvoir diathermane des liquides. Dans 
la détermination du pouvoir diathermane des liquides, 
la nécessité d’avoir recours à une cuve pour contenir le 
liquide oblige à faire subir au résultat une correction 
relative à l'absorption propre de la cuve; pour cela, on 
fait une mesure sur la cuve vide. Maïs les résultats ob- 
tenus sont inexacts, pour cette raison que l’introduc- 
tion du liquide modilie les réflexions sur les faces de 
la cuve. Pour remédier à cet inconvénient, l’auteur verse 
sur une des plaques de la cuve démontable quelques 
gouttes de liquide que l’on comprime avec l’autre pla- 
que. Le système forme alors une cuve capillaire, dans 
laquelle le liquide, lorsqu'il est incolore, est trop mince 
pour avoir une absorption sensible, tandis qu’il est suf- 
fisant pour produire les réflexions. Les résultats des 
nouvelles mesures donnent pour les pouvoirs diather- 
manes des liquides des chiffres tous normaux, tandis 
que l’ancienne méthode donnait souvent des valeurs 
anormales (supérieures à 100), — M. F. Bodroux : 
Méthode de préparation des carbures de formule (C$H5}? 
CHR, où Rest un noyau aromatique. L'auteur a constaté 
qu'une solution éthérée de bromodiphénylméthane 
CH. CHBr. CSHS, tombant goutte à goutte dans uneso- 
lution éthérée d’un bromure d’arylmagnésium, réagit 
énergiquement avec ce dernier pour donner un carbure 
de formule CH. CHR. CSHÿ, où R peut être CH, 
CHÉCSH', C'OH7, ete, — M. E. Léger : Sur le dédouble- 
ment de la nataloïne 8 et de l'homonataloïne £. L'auteur 
a constaté que la nataloïne B estun composé racémique, 
susceptible d’être dédoublé par recristallisations en na- 
taloïne gauche,|z|, ——1/459, identique avec la nataloïne 
naturelle, et en un composé dextrogyre, ||, ——63, 


formé par une combinaison de 5 mol. de nataloine 
droite avec 2 mol. de nataloïne gauche. Les mêmes con- 
clusions s'appliquent à l’homonataloïne 8. —M.I. Pou- 
get : Emploi de l'aluminium comme antitartre dans les 
chaudières à vapeur. La présence d'Al métallique dans 
une chaudière s'oppose à la formation d’un dépôt de 
tartre; Alen poudre a une action plus grande qu’'Al en 
grenaille, Une simple peinture à l'aluminium l'intérieur 
des chaudières donne encore de meilleurs résultats; 
cette peinture s'obtient en délayant de la poudre d'Al 
dans de l'essence de térébenthine additionnée de résine. 
— M, F. Garrigou : Les eaux chloroiodées, bromurées, 
sulfurées et métallifères de Beaucens(Hautes-Pyrénées). 
L'auteur a constaté dans ces eaux et dans les roches 
d’où jaillit la source la présence des métaux : Pb, Zn, 
Sb, As, Sn, Cu. Ces eaux sont douées de propriétés ci- 
catrisantes pour les blessures de guerre. 


30 SCIENCES NATURELLES, — M. Marage : Contribution 
à l'étude des hypoacousies consécutives à des blessures 
de guerre, La guerre actuelle nous met en présence de 
lésions, sinon nouvelles, du moins très rares, des cen- 
tres auditifs. Ces lésions sont dues, ou à des chocs di- 
rects sur la boite cranienne, ou à un brusque déplace- 
ment d'air. Elles sont, ou visibles si elles portent sur 
l'oreille moyenne, ou cachées si elles portent sur les 
centres nerveux, et dans ce dernier cas les courbes de 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


l’acuité auditive sont de mème forme que celles de la 
surdi-mutité, ce qui permet d'établir une cause probable 
de cette dernière affection. — Mme A. Laborde : Action 
du radium sur les cicatrices vicieuses résultant des 
blessures de guerre, L'auteur à étudié l’action du radium 
sur du tissu cicatriciel dans les cas où celui-ci semble 
être la cause unique d'une impotence fonctionnelle : 
brides fibreuses limitant certains mouvements, adhé- 
rences avec les tendons ou avec les nerfs, créant dans 
ce dernier cas des névrites plus ou moins graves. Le 
rayonnement du radium a exercé, dans les cas observés, 
une influence élective de régression sur ces tissus cica- 
triciels, tout en respectant les tissus nerveux, 
M. R. Anthony : Sur un cerveau de fœtus de gorille. 
Cette pièce rarissime se distingue à première vue d'un 
cerveau de fœtus humain d’âge comparable par une élé- 
vation moins considérable, une forme plus globuleuse 
dans l’ensemble, une région frontale moins fuyante, un 
abaissement notablement moindre du plan orbitaire 
inférieur, cette dernière disposition traduisant une 
flexion télencéphalique moins accusée. Le profil en 
norma lateralis rappelle de très près celui des moulages 
endocraniens des hommes quaternaires de la Chapelle- 
aux-Saints et de la Quina. — M. Edm. Bordage : Phé- 
nomènes histolytiques observés pendant la régénération 
des appendices chez certains Orthoptères. L'auteur, en 
étudiant les phénomènes de la régénération chez les 
Orthoptères pentamères, a constaté que la phagocytose 
ne joue qu'un rôle assez effacé dans la destruction des 
vieux muscles. La dégénérescence graisseuse remplit, 
par contre, un rôle très important. Il s’agit, il est vrai, 
d’un mode tout particulier, donnant naissance à des 
nappes et à des cordons adipeux ressemblant à s'y mé- 
prendre à ceux du tissu graisseux normal. La transfor- 
mation du tissu musculaire en tissu graisseux est vrai- 
semblablement opérée par une enzyme. — M. H. D. Da- 
kin : Sur certaines substances chlorées antiseptiques 
propres au traitement des plaies. L'auteur a trouvé 
qu'une solution d’'hypochlorite de soude à 1/500.000", 
en présence d’acide borique, tue les staphylocoques en 
2 heures, tandis qu’en présence de sérum sanguin la con- 
centration doit atteindre 1/1.000° à 1/2.500°. Cette solu- 
tion est un antiseptique très utile dans le traitement des 
plaies infectées. L'auteur recommande également comme 
désinfectants actifs et non irritants les sels de sodium 
du benzène et du p-toluène-sulfochloramide, 


ACADEMIE DE MÉDECINE 
Séance du 20 Juillet 1915 (fin) 


M. A. Rodiet : L'assistance aux « sans famille » 
invalides de la guerre. L'auteur propose de réunir dans 
plusieurs petites villes ou villages d’une région à déter- 
miner, et de confier à des familles du pays, les « sans 
famille » invalides de la guerre. En même temps, ils sui- 
vraient les cours d’une école professionnelle où ils ap- 
prendraient à se servir de leurs membres encore valides. 
Enfin, dans le pays choisi, il faudrait créer ou déve- 
lopper une industrie destinée à utiliser les connaissances 
acquises par les ouvriers infirmes. Une industrie tout 
indiquée serait la fabrication des appareils de prothèse 
par les amputés eux-mêmes, 


Séance du 27 Juillet 1915 


L'Académie, après discussion, adopte sous la forme 
suivante les vœux qui lerminaient le rapport de 
M. Grimbert (voir p. 490) : s° Que la loi de 1857 sur les 
marques de fabrique soit modifiée de manière à ce 
qu'aucune dénomination simple donnée à un produit 
chimique médicamenteux défini ne puisse devenir une 
propriélé privative au profit de son auteur; 2° Que, porr 
sauvegarder les intérêts légitimes de l'inventeur, da loi 
de 1844 sur les brevets d'invention soit modifiée de ma- 
nière à permettre que le procédé de fabrication d'un 
produit chimique défini puisse être bréveté, même quand 
ce produit est de nature médicamenteuse. 


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ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


Séance du 3 Août 1915 


M. E. Maurel: De L'introduction réglementaire du 
vin dans la rution du soldat. L'auteur est favorable à 
cette introduction, le vin en proportion modérée 
exerçant une action tonique et constituant un aliment 
musculaire et calorigène précieux qui a l'avantage, 
grâce à sa l'acile absorption, de pouvoir être utilisé par 
l'organisme très rapidement après son ingestion, Il faut 
toutefois : a) ne pas dépasser 1 gr. par jour et par kilo- 
gramme de poids; b) prendre cet alcool en solution au 
moins de 10°/. ; c) prendre cette quantité en plusieurs 
fois; d) le prendre surtout pendant le repas et non 
l'estomac étant vide;e) si on le prend pendant l'inter- 
valle des repas, le mettre en solution au maximum 


de 5 °/ 


Séance du 10 Août 1915 


M. Gilbert Ballet présente le rapport de la Com- 
mission de l'alcoolisme sur le vœu présenté par M. Vidal, 
visant l'introduction du vin et des boissons hygiéniques 
dans la ration normale du soldat. 11 conelut à l’adop- 
lion du vœu «que le vin naturel soit introduit en quan- 
tité modérée dans la ration réglementaire du soldat ». 
— M. F. Widal : Ætude sur les vaccinations mixtes anti- 
typhoïdiques et antiparatyphoïdiques. La vaccination 
antityphoïdique simple, telle qu’elle est aujourd’hui 
pratiquée, vise la plus fréquente et la plus redoutable 
des infections typhoïdes. Sa seule action a sufli à 
modifier profondément la morbidité et la mortalité 
typhiques. Mais, malgré son application, les services où 
l'on reçoit des contagieux venant des armées restent 
encore encombrés à certains moments par des typhoïdi- 
ques dont la maladie relève spécialement des bacilles 
paratyphiques et surtout du paratyphique B. Ces para- 
typhoïdes enlèvent au front beaucoup d'unités et, si elles 

ne sont pas aussi mortelles que la typhoïde due au 
bacille d'Eberth, elles tuent encore trop souvent, lors- 
qu'elles frappent des organismes surmenés comme ceux 
de nos soldats. Contre elles, la meilleure protection 
consiste dans la vaccination triple, au moyen d’un 
vaccin contenant des anticorps à la fois contre le bacille 
typhique et les paratyphiques À et B. La vaccination 
antiparatyphoïdique double (contre les paratyphiques A 
et B) doit être considérée comme un moyen de fortune 
réservé, quand les circonstances le permettent, aux su- 
jets déjà très nombreux qui ont été vaccinés contre la 
typhoïde. L'auteur a vérifié expérimentalement l’action 
puissamment immunigène de son vaccin mixte stérilisé 
par la chaleur; les recherches faites sur les’animaux, 
aussi bien que l'application déjà faite à l’homme, mon- 
trent qu'il ne présente pas plus d’inconvénients que le 
vaccin simple. — M. le D' Petrovitch : Sur les bons 
effets de la bactériothérapie spécifique dans le choléra 
au cours de la campagne de Serbie. Au cours de l’épi- 
démie de choléra qui s’est déclarée dans l’armée serbe 
en août 1914, l’auteur a institué le traitement bactério- 
thérapique; il a utilisé le vaccin anticholérique de 
Wright concurremment avec celui de l'Institut Pasteur, 
Les cas trailés ont été divisés en trois groupes, suivant 
l'intensité relative des symptômes : légers, de moyenne 
intensité, graves. Tous les malades du premier groupe 
ont guéri; il en a été de même de ceux du second 
groupe, alors que 9 malades du même degré, traités 
par les moyens non spécifiques, ont fourni 9 décès, soit 
une mortalité de 9,4 °/,. Dans le troisième groupe, la 
mortalité après traitement spécifique a été de 14,4 °/o, 
alors que dans un même groupe, soumis à un traitement 
non spécilique, elle était de 58°). 


Séance du 17 Août 1915 


M. H. Vincent : Vaccins antiparatyphiques et vac- 
cins mixtes. À propos de la communication de M. Wi- 
dal, l'auteur fait remarquer que le Laboratoire du 
Val-de-Grâce fabrique couramment les trois vaccins : 
antityphiqne, antiparatyphique À, antiparatyphique B, 
préparés suivant sa méthode, et qui sont délivrés soit 


individuellement, soit mélangés. L'inconvénient du vac- 
cin mixte, c'est qu'il accroit les réactions locales et les 
réactions fébriles. Aussi l'auteur est-il plutôt partisan 
de la méthode des vaccinations successives par les divers 
vaccins isolés. 


Séance du 2h Août 1915 


L'Académie discute le Rapport de la Commission de 
l'alcoolisme sur l'introduction du vin dans la ration 
normale du soldat. Finalement le vœu suivant est 
adopté : « Que le vin naturel soit introduit en quantité 
modérée, aux mêmes doses que dans la Marine, dans la 
ration réglementaire du soldat, et que des précautions 
soient prises pour que, là où l'Administration en four- 
nira aux militaires, ceux-ci ne puissent en consommer 
ailleurs ». — M. E. Maurin : Nouvelles recherches sur 
la valeur nutritive de l'osséine (voir p. 353). L'auteur 
s’est: soumis à une expérience personnelle d’alimenta- 
tion avec l'osséine, en régime lacté absolu. Les analy- 
ses montrent une augmentation de l’'ammoniaque et sur- 
tout de l’urée dans l'urine du fait de l’ingestion d’osséine ; 
ces éléments étant la forme sous laquelle s’éliminent 
les produits de désintégration des matières albumi- 
noïdes ingérées, leur augmentation dans l’urine du fait 
de l’ingestion d’osséine démontre bien l'assimilation de 
cette substance. 


SOCIETÉ DE BIOLOGIE 


Séance du 24 Juillet 1915 


M. M. Athias: L'activité sécrétoire de la glande mam- 
maire hyperplasiée, chez le cobaye mûle châtré, consécu- 
tivement à la greffe de l'ovaire. Des cobayes mäles jeu- 
nes ont été totalement privés de testicules, puis ont 
reçu, dans l’épaisseur de la paroi abdominale, ia greffe 
d’un ou deux ovaires de cobaye femelle, Chez ces ani- 
maux, les mamelles se développent plus ou moins 
rapidement, et chez quelques-uns les glandes mammai- 
res ont sécrété du lait. Ces expériences contirment 
l'opinion que le développement de la glande mammaire 
se trouve sous la dépendance d’une hormone élaborée 
par l'ovaire. — MM. A. Distaso et J. Schiller : Les bases 
expérimentales de la thérapie par les hydrates de car- 
bone dans les maladies intestinales. Les auteurs ont 
reconnu que le concombre et le melon agissent comme 
des poisons très énergiques pour le rat blanc en déve- 
loppant une maladieintestinale mortelle. L’amidon cru, 
mélangé au concombre, empêche la mort de l'animal. 
Les auteurs supposent que le grain d’amidon, étant 
indigestible, reste dans le tube intestinal et absorbe les 
poisons libérés du concombre en les neutralisant. L'’ami- 
don chauffé n’a plus d'action préventive. Cette action 
absorbante et neutralisante pourrait être applicable à 
des maladies infectieuses comme le choléra et la dysen- 
teriebacillaire,oùil y a intoxication.— M.Ed.Retterer: 
Des pigments cutanés des Mammifères. Les cellules 
épithéliales et conjonctives sont capables d'élaborer du 
pigment aussi bien dans leur corps cellulaire que dans 
leur noyau ; les granules pigmentaires sont jaune foncé 
ou noirs. Les variétés de coloration que présentent les 
téguments des Mammifères ne tiennent pas d'ordinaire 
à des pigments spéciaux; elles sont dues à l’abondance 
plus ou moins grande degranules noirs et surtout à la 
répartition et à la situation différentes de ces derniers. 
Decette distribution variable du pigment dansleseouches 
cutanées résulte une absorption différente des rayons 
lumineux et, par suite, une impression tout autre sur 
notre rétine. — M.E. Zunz et Mile Diakonoff: Des effets 
de l'injection intraveineuse de triglycine chez le lapin. 
Il est possible d’anaphylactiser le lapin par des injec- 
tion sous-cutanées de triglycine; ce peptide parvient, 
en outre, à provoquer les symptômes du choc anaphy- 
lactique chez les animaux ainsi préparés. Il existe donc 
une différence essentielle entre le glycocolle et le pep- 
tide formé par l'union de trois molécules de cet acide 
aminé ; le glycocolle n’agit que comme sensibilisateur, 
alors que la triglycine est à la fois sensibilisatrice et 


x 


Ce 
LL 


déchainante, — MM. E.Zunz et M. Gélat: Des effets de 
l'injection intraveineuse de sérum traité par l'agar chez 
les lapins neufs. Les auteurs ont constaté que du sérum 
frais de cheval, maintenu 2 h. à 38° en présence du cin- 
quième de son volume de suspension à0, 5 ‘/, d’agar dans 
de la solution physiologique, puis débarrassé par filtra- 
tion et centrifugation de cet agar, produit le tableau du 
choc anaphylactique chez un lapin neuf. — M. M. Du- 
costé : Lescontractures dans les lésions nerveuses péri- 
phériques. Les contractures immédiates obéissent à la 
loi de la contracture d’amont, qui peut se formuler 
ainsi: La lésion d'un nerf en aval des muscles qu’il 
actionne se traduit par la contracture immédiate et 
durable de ces muscles, Les contractures tardives sont 
dues à l’action du névrome constitué au niveau du nerf 
traumalisé ; la loi de la contracture névromateuse peut 
se formuler ainsi: Le névrome excite et contracture les 
muscles dont l’innervation provient des mêmes racines 
que le nerf sur lequel il se développe ; secondairement 
les autres groupes musculaires, d'autant plus fortement 
que leurs racines sont plus rapprochées des précéden- 
tes ; ilprovoquel’hyperréflectivité tendineuse etl’hyporé- 
flectivité cutanée. — MM. H. Chabanier et E. Ibarra- 
Loring : : Dosages comparatifs de l'urée par le procédé 
au xanthydrol de Fosse et le procédé à l’hypobromite. 
D'une manière générale, la méthode de Fosse au xan- 
thydrol donne des chiffres qui, par rapport à ceux 
fournis par la méthode à l'hypobromite, sont plus fai- 
bles pour l'urine, plus forts pour le sérum ; dans la 
plupart des cas, la différence relative est inférieure 
à 5-6 °/,. Comparaison des sécrétions rénales de l'urée 
et de l’iode, Constante iodo-sécrétoire. On sait qu'il 
existe pour l’urée un rapport constant entre l’urée du 
sang et l’urée de l’urine (constante uréo-sécrétoire). Les 
auteurs ont reconnu qu’il existe également une cons- 
tante ‘iodo-sécrétoire, dont la forme est identique à 
celle de l’urée. 


SOCIÈTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES 


Seance du 25 Juin 1915 


Sir J. J. Thomson : La conduction de l'électricité à 
travers les métaux. K. Onnes a constaté qu’à la tempé- 
rature de l’hélium liquide quelques métaux peuvent 
exister à un état où leur résistance spécifique est 
moindre qu'un cent-millionième de celle à o°C. Cette 
découverte parait nécessiter l'abandon de la théorie 
ordinaire de la conduction métallique, car les conditions 
expérimentales écartent l'explication du phénomène 
par une augmentation anormale soit du nombre, soit 
du trajet libre moyen des électrons libres. Par contre, 
les effets observés par K. Onnes peuvent s'expliquer 
par une théorie de la conduction métallique donnée 
antérieurement par l'auteur dans son livre « The cor- 
puscular theory of matter ». Suivant cette théorie, les 
atomes de quelques substances contiennent des doublets 
électriques, c’est-à-dire des paires de charges électriques 
égales et opposées à une petite distance. L'effet de 
l'application d'une f, é. m. est de modifier la distribu- 
tion hétérogène des axes de ces doublets en les amenant 
en alignement partielavec lechamp. L'auteur considère 
les influences qui préviennent l'alignement complet et il 
montre que, si M est le moment d’un doublet, N le nom- 
bre par unité de volume, w l’énergie cinétique moyenne 
des molécules (égale à R9, excepté aux températures très 
basses) et I la résultante des moments moléculaires 
dans la direction de X, force électrique agissant sur les 
doublets, on a : 


1) 1= NMf(XM/w) = NMf(x.) 
où f(x) — o quand x — 0, etf(x)— quand x est in- 
fini. X est composé du champ électrique appliqué X, et 
d’un champ interne dû aux doublets polarisés, ce der- 
nier étant supposé proportionnel à I. Donc X —X, +- XI 
et x —M (X, + kI)/w, ou 

(2) 1= wx/ME — Xo/k, 


} 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


Pour toute valeur de X,, on trouvera la valeur de I par 
l'intersection de la ligne droite (2) avec la courbe (1). 
Les effets dus à une valeur quelconque de I seront les 
mêmes que si I doublets par unité de volume étaient 
pointés dans la direction du champ, les axes des autres 
étant uniformément distribués dans toutes les direc- 
tions; la substance peut être alors représentée comme 
contenant un certain nombre de chaines d’atomes pola- 
risés dont les doublets pointent tous dans la direction 
du champ. Les électrons dans les atomes seront soumis 
à l’action de forces dues aux atomes polarisés voisins, 
et la théorie suppose que, dans les conducteurs, les 
électrons sont aisément retirés par ces forces des ato- 
mes auxquels ils sont attachés, et passent, sous leur 
influence, d’un atome à l’autre autour de la chaîne pola- 
risée. Si p électrons passent par seconde le long de 
chaque chaine, et s’il y a 7 chaînes par em? perpendicu- 
laires au champ, la densité de courant i est égale à epn, 
où e est la charge électronique, On montre que p est 
indépendant de X,, et ainsi le rapport de : à X, suivra 
les mêmes lois que celui de 1 à Xo. Si «/M£ est grand, 
ce qui arrive aux températures ordinaires, l’inclinaison 
de la droite (2) sera prononcée et elle coupera (r) près 
de l’origine où celle-ci se rapproche d’une ligne droite. 
Dans ces circonstances, la loi de Ohm se vérilie. 
Quand la température s’abaisse, l’inclinaison de (2) 
diminue, et elle peut finalement devenir moindre que 
celle de la tangente à l’origine de (1). Dans ce cas, si 
l’on part d’un champ extérieur produisant une polari- 
sation let si l’on réduit graduellement le champ jus- 
qu’à o, le point d’intersection de (1)et de (2) se meut 
le long de la première, mais donne toujours une valeur 
finie de I quand (1) passe par l’origine — c’est-à-dire 
quand X;,—0,— et un courant continue à passer en 
l'absence de toute f. 6. m. appliquée, comme K. Onnes 
l’a observé dans une de ses expériences. Dans celte 
hypothèse, once, la fonction du champ appliqué est de 
produire l'alignement des doublets ; le transfert actuel 
de l'électricité est effectué par les grandes forces intra- 
atomiques mises en jeu par la polarisation des dou- 
blets. Par conséquent, si la polarisation persiste 
après l'enlèvement de la f. é. m. appliquée, le courant 
persistera aussi. En plus des effets perturbateurs exer- 
cés sur les chaînes par l'énergie thermique, il peut 
exister ure action directrice mutuelle entre différents 
atomes, telle que celle qui donne naissance à la cristal- 
lisation. L'auteur montre que si ce facteur est impor- 
tant, le métal ne peut devenir un supra-conducteur. — 
M. G. O. Squier: Sur un courant alternatif non inter- 
rompu pour la télégraphie par câble. L'auteur considère 
un câble océanique comme une ligne de force; partant 
de la forme lype de circuit qui serait utilisée pour 
commander un moteur électrique par l’intermédiaire 
d'un câble océanique, il détermine, par l'expérience, 
les variations minima dans ce circuit pour que le cou- 
rant alternatif reçu soit interprété sous forme de points, 
de lignes et d'espaces de l'alphabet actuel. Le courant 
alternatif ininterrompu employé à la transmission est 
lancé synchroniquement par le transmetteur ordinaire, 
de façon à modifier l’im pédance du circuittransmetteur 
aux instants où le courant est naturellement nul. Les 
points, traits et espaces sont envoyés chacun par des 
demi-ondes de l’un ou l’autre signe, mais d’amplitudes 
différentes, Le courant alternatif reçu peut être lu 
directement au moyen d’un enregistreur à siphon, ou 
ce courant peut être employé à commander un impri- 
meur Morse à siphon par le moyen d’une adaptation 
du relais à fil d’or de Muirhead, ou d’un amplificateur 
Heurtley et d’un relais à fil local. L'auteur a déterminé 
la tension en volts le long d’un càäble atlantique quand 
on emploie un alternateur et il calcule l’impédance de 
transmission d’un tel câble quand la fréquence varie. 


Il a construit une forme spéciale de dynamo pour câble 


permettant de travailler aux fréquences de 4 à 10. 


Le Gérant : Octave Doix. 


Sens. — Imp. LEVÉ, 1, rue de la Bertauche. 


s 4 


26° ANNÉE 


15 OCTOBRE 1915 


kKRevue générale 


Des SCiences 


pures et appliquées 


Fonpareur : LOUIS OLIVIER 


Dinecrsgur : J.-P. LANGLOIS, Docteur ès Sciences 


Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. J.-P. LANGLOIS, 8, place de l'Odéon, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des 
travaux publiés dans la Revue sont complètement integlites en France eten pays étrangers y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


$ 1. — Physique du globe 


Les propriétés mécaniques de la Terre. — 
Dans un récent mémoire, M. Harold Jeffreys! a essayé 
de tracer l’état actuel des problèmes qui se rattachent à 
cette question des propriétés mécaniques de notre globe; 
nos lecteurs nous sauront sans doute gré de reproduire 
ici cet exposé. 

Les qualités mécaniques d’une substance peuvent être 
groupées sous quatre titres : densité, compressibilité, 
rigidité et conditions d'assemblage permanent. 

Nos connaissances les plus anciennes sur la densité 
moyenne de la Terre datent de Newton, qui l’estimail à 
environ 5 fois celle de l’eau, en considérant que la plu- 
part des roches superficielles ont une densité variant 
entre 2 et 3 et que, selon toute probabilité, plus on se 
rapproche du centre, plus grande est la proportion des 
constituants lourds. On n’a rien formulé de plus exact 
jusqu'en 1774, époque où Maskelyne mesura la dilté- 
rence entre les directions d’un fil à plomb des deux côtés 
du Mont Schiehallion, dans le Pertshire. Une partie de 
cette différence était due à la courbure de la Terre, le 
reste causé par l'attraction gravitationnelle de la mon- 
tagne même. Le rapport de la masse de la Terre à la 
masse de la montagne pouvait en être déduit, et, la 
masse du Schiehallion étant connue, on pouvait calculer 
la masse, donc la densité de la Terre, L’estimation dela 
masse d’une montagne est, toutefois, sujette à une 
grande incertitude, et la valeur de Maskelyne pour la 
densité moyenne de la Terre (4,71) n’est donc pas digne 
de confiance. Une méthode analogue, employée à 
Arthur’s Seat en 1832, a donné 5,32, D'autres détermina- 
tions ont été tentées par comparaison des valeurs de la 
pesanteur au sommet et à la base d’une montagne ou 
d’une mine de charbon, Mais la méthode la plus exacte 
repose sur l’emploi de la balance de torsion, employée 
d’abord par Cavendish en 1798. Son principe est, en 
gros, le même que celui de la méthode de Maskelyne, 
mais au lieu de la montagne on emploie deux grosses 
boules de plomb, dont l'attraction sur deux balles plus 


1, The Observatory, t. XXXVIII, n° 491, p. 347; sept. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 


petites est mesurée au moyen de la torsion d’un fil ou 
d'une fibre fins étalonnés au lieu de la déviation d’un fil 
à plomb, Cette méthode est exempte des plus sérieux 
défauts de l’autre, et elle a été utilisée dans la plupart 
des meilleures déterminations. Wilsing, en 1886, a em- 
ployé avec succès un pendule astatique au lieu de la ba- 
lance de torsion. La plupart des valeurs obtenues pour 
la densité moyenne de la Terre sont comprises entre 
5,5 et 5,75. 

Le problème de la distribution de la densité ne peut 
être résolu à moins d'adopter une hypothèse. Cette hy- 
pothèse nous est suggérée par la distribution des con- 


_tinents et des océans à la surface de la Terre, La résul- 


tante de la pesanteur et de la force centrifuge en chaque 
point de la surface libre de l'Océan est toujours perpen- 
diculaire à cette surface, dont la forme est done complète- 
ment déterminée par ces forces. Si donc la surface de la 
Terre solide était plus elliptique que celle d’une masse 
liquide de mêmes diamètre et densité, il y aurait une 
prépondérance de continents vers l'équateur, tandis que 
si elle était moins elliptique il y aurait deux grands 
continents polaires et une zone équatoriale d’eau. 
Comme on n’observe aucun de ces phénomènes, la 
Terre solide a donc à peu près la même forme que si ses 
couches superficielles étaient liquides et que si elle 
tournait avec la vitesse angulaire actuelle. Si l’on fait 
maintenant l'hypothèse que la Terre entière est plas- 
tique, ou encore qu'elle s’est solidifiée au moment où sa 
vitesse de rotation ne différait pas beaucoup de sa va- 
leur actuelle, l’ellipticité de chaque surface de densité 
égale à son intérieur doit être la même que dans un 
sphéroïde liquide, avec la même distribution de densité 
suivant la profondeur. L’ellipticité est done complète- 
ment déterminée par la longueur du jour et la distribu- 
tion de la densité. On obtient en même temps deux 
équations en égalantles valeurs actuelles de la constante 
précessionnelle et de l’ellipticité de la surface extérieure 
aux valeurs calculées suivant cette hypothèse, Des lois 
de la densité qui satisfont à ces équations ont été for- 
mulées par Laplace, Roche et Wiechert. Celles des deux 
premiers correspondent à des distributions continues, 
la densité au centre étant d'environ 10 à 12, tandis que 


1 


534 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


d’après Wiechert la Terre consiste en une enveloppe 
rocheuse homogène de densité 3,2, entourant un noyau 
métallique de densité 8,2 et de rayon égal à 0,78 de celui 
de la surface extérieure. 

Les données utilisables sur la compressibilité et la 
rigidité de la Terre se divisent en quatre classes, sui- 
vant qu'elles proviennent : 1°de la période de variation 
de la latitude ; 2° des hauteurs observées des marées 
re 3° de la déviation lunaire de la pesanteur; 

4° des vitesses des ondes sismiques. 

Le fait que les ondes longitudinales des embase 
de terre se propagent avee une vitesse finie montre 
que la croûte terrestre doit être compressible. Il est 
possible, toutefois, que, par suite de l'énorme pression 
qu'il supporte, l’intérieur de la Terre soit presque in- 
compressible et d’une très grande rigidité. On a déjà 
fait un grand emploi des ondes sismiques pour déter- 
miner la variation de la rigidité avec la profondeur, 
mais l'analyse est compliquée, et la méthode ne paraît 
pas avoir été encore utilisée avec tout le succès dont 
elle est capable. 

Les trois autres classes de données souffrent d’un 
grave défaut en comparaison avec la méthode sismique. 
Chacune donne seulement un résultat numérique, basé 
dans chaque cas sur une comparaison de la façon dont 
se comportent la Terre actuelle et une Terre idéale par- 
faitement rigide. Par conséquent, chacune ne peut don- 
ner qu'une équation pour déterminer les rigidités et 
compressibilités des différentes parties de la Terre. En 
outre, la deuxième et la troisième méthodes condui- 
sent à la même équation. Ce fait oblige à réduire à deux 
le nombre des quantités inconnues à déterminer, pour 
faire quelque progrès. Enfin, les résultats des seconde 
et troisième méthodes sontaffectés d’une quantité incon- 
nue par l’attraction et la charge des marées océaniques, 
qui sont fortement compliquées par la forme irrégulière 
des continents. 

Si l’on adopte définitivement l'hypothèse de Wiechert 
sur la distribution de la densité, et si l’on traite la Terre 
entière comme incompressible, la variation de la lati- 
tude et la hauteur de la marée semi-mensuelle suflisent 
ensemble à déterminer la rigidité du noyau et de la 
croûte, Schweydar a trouvé ainsi pour ces quantités les 
valeurs respectives 20,2 X1o!! et 0,9 X1o!! unités C. 
G. S. Ce dernier nombre est incompatible avec la vi- 
tesse observée des ondes sismiques à la surface, qui 
requiert une rigidité de la croûte égale à 3,47 Xioft 
unités C. G. S., soit presque celle du zinc Si, au lieu de 
choisir ces données, on utilise la variation de la latitude 
et la vitesse des ondes sismiques, on trouve pour la ri- 
gidité du noyau environ 17 X<10!1 unités C. G.S., soit 
deux fois celle de l’acier. L'effet de la compressibilité 
sur la variation de la latitude est faible dans une sphère 
homogène, de sorte qu'on peut le négliger ici sans in- 
troduire d’erreur sérieuse, Schweydar a suggéré que sa 
faible valeur de la rigidité de la croûte peut être due à 
une couche de substance tendre à une petite profon- 
deur. On a suggéré, d'autre part, que l'écart peut être 
attribuable en partie à la compressibilité, en partie 
à l'effet perturbateur des marées océaniques. On sait 
que l'effet de la compressibilité sur la hauteur des ma- 
rées est considérable. La forte rigidité du noyau est 
probablement le résultat de la grande pression qu’il 
subit. L'effet de la pression est donc plus que suffisant 
pour contrebalancer celui de la haute température qui 
doit exister au-dessous de la surface de la Terre. On 
n'a jamais, à ce point de vue, obtenu aucune preuve à 
l'appui de l'hypothèse que l’intérieur de la Terre serait 
liquide ou gazeux. 

Les questions de plasticité, de viscosité et d’assem- 
blage permanent sont intimement liées. L'effet ultime 
de chacun de ces facteurs serait d'amener chaque cou- 
che d’égale densité à l’intérieur de la Terre à devenir 
une couche en équilibre hydrostatique. Cela est vrai 
pour la surface extérieure, tout au moins en ce qui con- 
cerne l’ellipticité; et comme il n'est pas probable que la 
vitesse de rotation de la Terre, lorsqu'elle s'est solidi- 


fiée, était aussi faible que maintenant, il semble qu'un. 
assemblage permanent se soit produit — bien que le 
temps nécessaire ait été des millions d'années. Lenoyau 
est probablement plus plastique que la croûte, à cause 
de sa rigidité; aussi, bien que les tensions de la croûte 
dues aux montagnes soient capables de se prolonger 
pendant une période géologique, nous ne sommes pas 
fondés à regarder les matériaux situés aux grandes pro- 
fondeurs comme capables de résister à de telles ten- 
sions sans subir un arrangement.Si donc les matériaux 
de la Terre ne sont pas capables de subir une tension 
permanente, une hypothèse est nécessaire pour rendre 
compte de la persistance apparente des continents et 
des montagnes. Elle est fournie par la notion de l’isos- 
tasie, suivant laquelle il existe un déficit de densités 
sous chaque montagne, de sorte qu'au-dessous d’une 
certaine profondeur (110 kilomètres environ) il n'y a 
plus d'effort tangentiel. Ces efforts n'existent que jus- 
qu'à cette couche de compensation. Des observations 
faites aux Etats-Unis tendent à confirmer cette théorie. 
L'isostasie nécessite donc que les parties les plus exter- 
nes de la Terre soient capables de résister à une défor- 
mation pendant une période géologique, tandis que la” 
plasticité du noyau est tout à fait arbitraire. D'autre. 
part, la persistance de la variation de la latitude sem- 
ble exiger qu'aucun arrangement permanent n'ait lieu 
en aucun endroit de la Terre pendant une année, de 
sorte que le noyau doit se comporter comme s'il était 
presque Parfaitement élastique quand il est soumis à 
des efforts de période de cet ordre. Enfin, les estima- 
tions de la viscosité qui sont basées sur le retard des 
marées lunaires et l'accélération séculaire du mouve- 
ment moyen de la Lune semblent nécessiter un arran- 
gement permanent, au moins dans le noyau, dans l’es- 
pace d'un jour, ce qui contredit l’assertion précédente. 
On le voit, la grandeur de la viscosité de la Terre doit 
être considérée comme un problème non encore résolu. 


$ 2. — Electricité industrielle 


Le retour par la terre dans les transports 
d'énergie électrique. — Les transmissions télégra- 
phiques n’exigent qu'un seul fil (nous ne parlons pasieci 
des procédés de T.S. EF.), le circuit se trouvant fermé 
par la mise à la terre des deux extrémités de la ligne. 

L'Etat, qui utilise cettecombinaison économique sur 
des réseaux qui ne transportent que quelques milliam- 
pères, en interdit l’application aux grandes canalisa- 
tions d'énergie, malgré l'avantage qu’en retireraient les 
exploitants et aussi, par voie de conséquence, les con- 
sommateurs eux-mêmes. 

Le prétexte de cette interdiction est le souci d’éviter 
les troubles que risqueraient d'apporter aux correspon- 
dances télégraphiques les courants dérivés des prises de 
terre. En réalité, ces troubles, localisés dans un espace 
peu étendu, sont beaucoup plus faciles à empêcher que 
ceux qui résultent du retour par les rails, sur les ré- 
seaux de tramways. 

Les voies ferrées forment d'excellents conducteurs ; 
cependant, leur résistance n’est pas négligeable, comme 
l’est celle de la terre, et il s'établit, tout le long du par- 
cours, des dérivations plus ou moins intenses, suivant 
la conductibilité du sol, dérivations qui se traduisent 
par des phénomènes d’électrolyse, dont les rails et les 
conduites d’eau avoisinantes font les frais, ainsi que par 
des effets d’induction, qui se manifestent sur les lignes 
électriques peu éloignées, à chaque variation du débit. 

Rien de pareil ne se produit, lorsqu'on établit aux 
extrémités d’une ligne deux prises de terre. La terre se 
comporte comme un conducteur derésistance invariable, 
quelle que soit la longueur de la ligne, et cette résistance, 
réduite à 2 ohms environ, est celle des prises de terre. 

Les seules perturbations possibles sont celles qui 
s'exercent dans le voisinage plus ou moins immédiat 
des prises de terre, et M. Vedovelli a indiqué le moyen 
d'en préserver à coup sûr les lignes télégraphiques. 

Ce moyen consiste à délimiter, autour de chaque prise 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 535 


de terre, une zone dite dangereuse, c’est-à-dire telle 
qu'entre un point quelconque de la périphérie et un 
point très éloigné, situé à la surface du sol et supposé 
neutre, la différence de potentiel soit très faible, par 
exemple 2 volls au maximum, On aura ainsi la cer- 
titude de ne pas troubler les communications télégra- 
phiques. Cette zone, dont l'étendue dépend surtout de 
la nature du terrain, est en général très restreinte, car 
l'influence de la prise de terre sur le potentiel du sol 
décroit rapidement lorsqu'on s'éloigne de cette prise. 

Le dispositif préconisé par M. Vedovelli consiste à 
matérialiser cette zone, en l’entourant d'une barrière 
en toile métallique. Il existe, entre les barrières des deux 
prises, une différence de potentiel égale au plus à 4 volts, 
et l’on pourra d’ailleurs en suivre les variations en mon- 
tant un voltmètre sensible sur un fil reliant les deux 
toiles métalliques. Si, pour une raison quelconque, cette 
différence vient à augmenter, on en sera immédiate- 
ment averti, et l’on prendra toutes les mesures néces- 
saires pour y remédier. j 

La sécurité du service télégraphique étant ainsi assu- 
rée, il est intéressant de se rendre compte des économies 
que la suppression d'un conducteur permet de réaliser, 
Supposons le cas d’une transmission à deux fils, en cou- 
rant continu ou en courant alternatif monophasé, 

Si l’on admet la même perte en ligne qu'avec deux 
fils, le retour par la terre réduit la dépense de cuivre au 
liers. Si l’on consent à la mème dépense de cuivre, la 
perte en ligne tombe également au tiers de ce qu'elle 
serait avec deux fils. Cette diminution considérable de 
la perte en ligne tient à ce fait que la résistance du con- 
dueteur de retour (2 ohms, aux prises de contact avec 
le sol) est tout à fait négligeable. 

En tenant compte de la dépense relative aux poteaux 
et aux isolateurs, ainsi que de la longueur de ligne sup- 
plémentaire qui est parfois nécessaire pour établir les 
prises de terre à quelque distance des points extrêmes 
de la ligne principale, on peut calculer que, pour une 
transmission de 1.500 kilowatts sous 15.000 volts à 
50 kilomètres de distance, l’économie d'installation 
atteint 41 °/s. 

Ce pourcentage représente de très gros capitaux, dans 
les vastes entreprises de transport d'énergie, qui se 
multiplient depuis quelques années. L'emploi des hau- 
tes tensions a déjà permis de donner à l'exploitation 
de la houille blanche une extension inespérée: il 
appartient maintenant à l'Etat de favoriser encore 
davantage l’utilisation des forces naturelles, en levant 
une interdiction que rien ne justifie. 


Ernest Coustet. 
$ 3. — Chimie physique 


Méthode pour distinguer les substances 
tautomères, isomères et polymères des subs- 
tances polymorphes. — Lorsqu'une substance 
existe sous plusieurs modifications, elle le doit à une 
différence soit de structure des molécules (tautomérie, 
isomérie dynamique ou polymérie), soit d’arrange- 
ment des molécules dans le cristal (polymorphisme). 
Dans ce dernier cas, la différence disparait quand la 
substance est dissoute ou vaporisée. 

Si une substance se présente sous deux formes, et si 
on ajoute une certaine quantité de la forme la moins so- 
luble à une solution saturée de la forme la plus soluble, 
la concentration totale n’augmente pas, mais peut, au 
contraire, diminuer si les substances sont polymor- 
phes; tandis que, si les deux formes sont tautomères, 
la forme la moins soluble se dissout dans la solution, 
malgré la présence de la forme la plus soluble (à moins 
que le changement tautomérique ne soit très rapide), et 
la concentration augmente. 

Le changement de concentration est facile à déter- 
miner par la mesure du point de congélation dusolvant 
pur, puis additionné de petites quantités successives 
de la modification la plus soluble, finement pulvérisée, 
jusqu’à ce que la solution soit saturée (ce que montre 


la constance du point de congélation), et enfin addi- 
tionné de petites quantités successives de [a forme la 
moins soluble, bien pulvérisée, jusqu'à ce que le point 
de congélation reste de nouveau constant, Un abaisse- 
ment du point de congélation par addition de la forme 
moins soluble (correspondant à une augmentation de 
concentration) indique que les deux formes sont lauto- 
mères ouisomères, Si l'addition de la modification la 
moins soluble ne provoque qu'une faible dépression du 
point de congélation, il faut déterminer la dépression 
produite par celle-ci seulement dans le solvant pur, 

En utilisant cette méthode, avec du benzène comme 
solvant, l’auteur, M. N. V. Sidgwick!, a trouvé queles 
deux phtalylphénylhydrazides qui fondent à 1842 C. 
sont polymorphes, tandis que la troisième forme, qui fond 
à 216%, est isomère ou tautomère, Les deux phtalylphé- 
nylméthylhvdrazides, blanc et jaune, les deux formes du 
p-bromacétanilide et du 2 : 4-dibromacétanilide (aiguil- 
les et prismes trapus), le p-nitrophénol jaune insensi- 
ble à la lumière et la modification sensible, sont des 
substances polymorphes, tandis que les formes cétoni- 
que et énolique du benzoyleamphre et les formes dex- 
trogyre et lévogyre de l'an ydride camphorique se com- 
portent comme des composés tautomères ou isomères. 


$ 4. — Chimie industrielle 


Recherches sur les fusibles de chaudières 
en étain. — Il arrive parfois que les fusibles de 
sûreté des chaudières, qui doivent fondre lorsque les 
conditions de marche ne sont plus normales, ne fonc- 
lionnent pas au moment critique, Deux physiciens du 
Bureau américain des Poids et Mesures, MM. G.K. Bur- 
gess et P. D. Merica, ont recherché la cause de ces dété- 
riorations et ils l'ont trouvée dans une oxydation du 
remplissage en étain sous forme d'oxyde d’étain SnO?, 
qui a un point de fusion supérieur à 1600», 

Dans la plupart des cas, l'oxydation a lieu le long 
des grains métalliques et forme tout un réseau d'oxyde 
à l’intérieur du métal. Les auteurs ont reconnu que 
tous les fusibles présentant cette détérioration conte- 
naient du zine dans la proportion de 0,3 à 4°/,. Ce 
dernier métal n’est pas soluble à l’état solide dans 
l’étain, et quand de l'étain contenant de petites quanti- 
tés de zinc est chauffé dans une chaudière à environ 
180° C., le zinc se condense en un réseau enveloppant 
les grains ou cristaux d’étain. L'eau de la chaudière, 
surtout si elle est alcaline, attaque le zinc, poursuit 
son chemin dans l’alliage le long du réseau de zinc et 
forme finalement le réseau d'oxyde observé, 

Le plomb et le zinc sont les principales impuretés 
des fusibles d’étain, et comme tous les fusibles défece- 
tueux qui ont été examinés contenaient ces impurelés, 
les étains impurs doivent être strictement éliminés 
pour: la fabrication de ces fusibles, 

Il est très facile de déterminer rapidement la pureté 
d’un échantillon d'étain par la mesure de son point de 
solidification. Il suflit d'opérer sur 2 ou 3 grammes de 
matière et de posséder quelques appareils peu coûteux 
(millivoltmètre à haute résistance et thermocouple 
cuivre-constantan). 


L'influence de l'addition de cuivre sur la 
corrosion de l’acier. — Les nombreuses et excel- 
lentes qualités qu’'offrent le fer et l’acier comme maté- 
riaux de construction sont souvent contrebalancées par 
leur susceptibilité’à la corrosion. Cette tendance à l’oxy- 
datiof est combattue par divers moyens, en particulier 
par l'application de revêtements protecteurs. Maïs cette 
protection n’est pas toujours possible ni désirable, et 
d'autre part certains revêtements sont sujets à être 
enlevés par accident ou par abrasion normale. Aussi 
accorde-t-on de plus en plus d'attention à la production 
de variétés de fer et d'acier résistantes par elles-mêmes 
à la corrosion. 


———————_—_—_—__————_—_—_—_—_— 


A. Chem. Soc. Trans., 1915,t. CVII, p. 672-678. 


M. D. M. Buck vient de communiquer à l'American 
Iron and Steel Institute les résultats de plusieurs années 
de recherches entreprises dans le but de déterminer 
l'influence de l'addition de cuivre, ainsi que de plusieurs 
autres éléments qui se trouvent normalement en petite 
quantité dans le fer et l’acier : C, Mn, S, P, Si, sur la 
corrosion deces métaux exposés aux conditions atmos- 
phériques sous forme de grandes feuilles non protégées. 

La présence du carbone, en quantités variant de 0,14 
à e,2 °/,, semble n'avoir que peu d'influence sur la cor- 
rosion. 

Quelques métallurgistes ont accusé le manganèse de 
diminuer la résistance de l'acier à l'oxydation. Les ex- 
périences de l’auteur n’apportent aucune preuve à cette 


assertion. La plus grande partie du manganèse est al- 


liée au fer, état sous lequel il ne peut stimuler la corro- 
sion, du moins par action électrolytique, car les deux 
métaux ne forment pas un couple. Le reste du manga- 
nèse est à l'état de sulfure, en amas isolés; celui-ci, 
exposé à l'air, peut s'oxyder en sulfate et accroître la 
corrosion: mais cette action doit être mise à la charge 
du soufre, qui, lorsqu'il est combiné a l’état de sulfure 
de fer, est aussi dangereux. 

En effet, de tous les métalloïdes présents dans l’acier, 
le soufre, surtout en quantité anormale, exerce l’action 
la plus nuisible, Les expériences montrent que le sou- 
fre, dans les aciers ne renfermant pas de cuivre, accé- 
lère la corrosion lorsque sa teneur s’élève jusqu’à 0,18°/0. 

L'augmentation de la teneur en phosphore de l'acier 
a plutôt une influence légèrement favorable sur da ré- 
sistance à l'oxydation. Quant au silicium en très faible 
quantité, il est inoffensif ; ce n’est que lorsque sa pro- 
portion augmente de 0,15 à 0,30 °/, qu'il accélère nette- 
ment Ja corrosion. 

On admet généralement que le cuivre ajouté dans la 
proportion de 0,25 °/, à l’acier fondu augmente consi- 
dérablement sa résistance à la corrosion atmosphéri- 
que. Des mesures sur des pièces pesées indiquent un ac- 
croissement de durée d’environ 100 °/, ; mais des obser- 
vations poursuivies pendant plusieurs années ont 
montré que le bénéfice est encore supérieur, le degré 
de corrosion diminuant à mesure que le temps d’expo- 
silion augmente et les pertes pendant les six premiers 
mois étant plus grandes que pendant les périodes sub- 
séquentes. 

Sur le fer et l'acier non protégés, une mince pellicule 
de rouille se développe en quelques minutes après l’ex- 
position à l'humidité et à l'air. Cette pellicule étant 
électronégative par rapport au métal sous-jacent stimule 
la corrosion En outre, la rouille typique est une limo- 
nite, de couleur rouge, grossière et spongieuse, retenant 
l’eau après avoir été mouillée et facilitant la prolonga- 
tion de la corrosion. La rouille formée sur le fer au 
cuivre, au contraire,est brun sombre, adhérente et fine, 
et, si elle ne protège pas le métal, elle ne constitue pas 
un accélérateur. Elle sèche très rapidement dès qu'elle 
a élé mouillée. 

La proportion la plus favorable de cuivre à ajouter à 
l'acier parait être de 0,25 °/,; elle neutralise l'effet dan- 
gereux de 0,14 °/° de soufre. Une proportion plus forte 
de cuivre ne parait pas augmenter son action; mais 
une proportion plus faible, environ o,15°/,,aune action 
presque aussi efficace dans la plupart des cas. Une ad- 
dition de 0,04 à 0,05 °/, de cuivre suflit déjà à amélio- 
rer notablement la résistance de l'acier ordinaire, 


Le vin désalcooli — Il existe depuis une 
douzaine d'années dans le commerce un vin dit 
« sans alcool », constitué par du jus de raisin non fer- 
inenlté qui a été filtré, stérilisé, parfois rendu effer- 
vescent par addition d’anhydride carbonique, et enfin 
mis en bouteille, 

On prépare actuellement en Italie un vin « désal- 
coolisé » d'un genre tout différent : il se fabrique, en 
effet, avec du vin véritable, produit par la fermentation 
du jus de raisin et privé ensuite de son alcool, Cette 
dernière opération a lieu par distillation fractionnée 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


sous pression relativement basse, dans un appareil con- 
tinu imaginé à cet effet par le D' Gino Ciapetti!. Les 
quantités très petites d’éthers et d’alcools supérieurs 
qui confèrent au vin son parfum se séparent d’abord à 
une température de 25° à 30° C., puis l’alcool éthyli- 
que est éliminé à 55°, après quoi les éthers sont réin- 
corporés au résidu de la distillation. 

Il en résulte un vin contenant moins de 1°/, d'alcool et 
tous les autres composants du vin en quantités légère- 
ment augmentées, sauf peut-être quelques-uns des aci- 
des volatils; mais on peut corriger ce défaut en ajou- 
tant de l’anhydride carbonique qui, avec environ 3°/o 
de sucre dans le cas de vins très secs, rend le produit 
agréable au palais. 

Voici, d’ailleurs, la composition d’un vin rouge toscan 
avant et après désalcoolisation : 


Avant Après 

Poids spécifique à 15° C. 996,70 1006,70 
Alcool °/,; en volume 10,20 0,60 
Extrait pour mille 24,64 24,66 
Glycérine 6,22 6,25 
Tannin » 2,02 2,05 
Glucose » 1,62 1,25 
Sulfate de potasse » 1,10 1,12 
Bitartrate de potasse » 3,15 3,20 
Cendres » 2,22 2,50 
Anhydride phosphorique » 0,32 0,33 
Acidité totale » 7,09 7,h2 
« volatile » 1,70 1,53 


L'alcool extrait du vin a la propriété d’être très pur. 


$ 5. — Agronomie 


La production et la consommation des cé- 
réales en 1915. — Dans un supplément au numéro de 
septembre du Zulletin de Statistique agricole et commer- 
ciale de l'Institut international d'Agriculture, le D° Wi- 
dung, chef du Service dela Statistique générale de l'Insti- 
tut, s’est posé la question suivante : Est-ce que la récolte 
en céréales de 1915 dans l'hémisphère septentrional a 
été suffisante pour satisfaire aux besoins de la conson- 
mation mondiale jusqu’à la prochaine récolte? Afin de 
répondre à cette question, il groupe dans les tableaux 
qui suivent les résultats auxquels il est arrivé pour les 
différentes céréales par l'examen des statistiques ofli- 
cielles. 

1. Production. — Le tableau qui suit concerne 
l'importance de la production mondiale en céréales de 
la dernière année-récolte 1915 dans l’hémisphère sep- 
tentrional par rapport à celle de l’année-récolte 1914 et 
à la production moyenne des cinq dernières années- 
récoltes, 


a ———————————_—————— 


La récolte 1915 


æ a = 
2 è =? DE, est égale 
ZE EE = : 
ose CE £ = g-+ |à...c/. de la récolte 
ÉEE 2e RERO ER 
PRODUIT 3928 27 ES Eos 
NE NE Ru 2 TÈ © HE 
25 22 o 2 DAS 1914 Cie 
2 = 0 -5 2 EL 91 2, 
nue HE © Co c'E © 
£ S She CT) É5& 
4 = <<, T Em” 
PE ANIME UT RS 
millions de quintaux 
EE — 
Froment. . .| 1.106 942 931 119,4 | 118,9 
SOI OO 482 436 448 110,5 | 116,5 
Orge PRE. LE 345 304 316 113,2 | 109,0 
Avoine . . . 709 Gi 626 115,5 | 112,6 
Matane : 966 877 900 110,2 | 109,4 


Il en résulte que, pour toutes les céréales considérées, 
la production de l’année-récolte 1915 dans l'hémisphère 
septentrional a été supérieure tant à la production de 


1. L'Ilalia agricola, t. LIT, n° 5, p. 209-212; 15 mai 1915. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE D97 


l'année précédente qu'également à la dernière produc- 
tion moyenne quinquennale, 

Il peut être intéressant de connaitre l'importance 
relative de la production totale de l’ensemble des céréa- 
les qui, d’après leur nature, peuvent plus ou moins se 
substituer les unes aux autres, Bien qu'il ne soit pas 
exact d’additionner purement et simplement les diffé- 
rentes productions à cause de leur valeur nutrilive 
différente, nous pourrons constater toutefois, sous la 
réserve faite, que la production totale de l'ensemble des 
céréales en 1915 dans l'hémisphère septentrional avec 
3.604 millions de quintaux est égale à 113,7 °/ de la 
production totale der9r14 qui était de 3.170 millions de 
quintaux, et à 111,9 °/, de La production moyenne quin- 
quennale des années-récolles de 1909 à 1914 se chiffrant 
à 3.221 millions dequintaux. 

Le tableau qui précède comprend les pays pour les- 
quels, faute de chiffres ofliciels, la production de l’année- 
récolte 1915 a été supposée égale à la production 
moyenne des cinq dernières années. Dans le tableau 
qui suit, l'auteur donne seulement les totaux des pays 
pour lesquels l'Institut dispose pour la dernière année- 
récolte de chiffres ofliciels. 


\ 5 A +8 a La récolte 1910 
= # SE Mt) est égale 

AE ne S< S-+ |à...0/ de la récolte 
CIE FT: Sr ——  _—— 

PRODUIT SSEA 27 É9S.a REV? 
HOUR i” ® =? o marc 

DANCE 1 o 2928 , HUDNES 

S< es 2-2 FEES 1914 BAD 

Eu à d 2 = Ep 2.2 © 

E) E É3c 

<« +3 5 ce 

TZ «3 
millions de quintaux 

nr + 

Froment. . . 856 gai 689 123,2 | 127,1 
SNAOÉ EUR 280 2/40 ol 116,7 | 114,8 
DREOR EME -2 7: 244 205 212 119,2 | 115,1 
Avoine . . . ko4 396 AA 124,9 | 119,3 
PENSER 836 795 770 110,8 | 108,6 


Quant à la dernière production moyenne quinquen- 
nale, les résultats sont, par rapport au premier tableau 
respectivement pour les différentes céréales, les sui- 
vants : 


Froment, chiffre officiel : 125,3 contre 118,7 comme chiffre total. 
Seigle, » 119,7 1 20106, 


Orge. » 113,4 D 109,0 » 
Avoine, » 119,1 ) 112,6 » 
Maïs, » 108,6 » 107,4 » 


Il. Quantités nécessaires à la consommation. — Le ta- 
bleau qui suit résume les résultats auxquels M. Widung 
est parvenu en examinant, pour les différentes céréales, 
si la récolte de la dernière année est suffisante pour 
satisfaire aux besoins de la consommation, calculée sur 
la base des quantités ayant été disponibles dans les 
différents pays en moyenne pendant les cinq dernières 
années, le tout en faisant complètement abstraction 
des stocks. 


°8 | 2 
a Ÿ 82 : 
a sa = ES La récolte 1915 
> 3 se présente un 
So0882 Ê 5 
PRODUIT 5 J3-3 à = 24 + 
=TÈ £ Eu 
9 Le = CE excedent| déficit 
= DS = « 
ENS £ ; DT de de 
EG 3 8 2 
2 © CE 
millions de quintaux 
SR ENS 
Eroment. .1 2: 1.106 941 165 — 
513 ON SPPMENNE 482 ha 4o 
ÉRRCETRSS 345 322 23 — 
Avoiner. 2 0.07. 705 630 95 — 
SEEN 937 906 | 31 = 


D'après ce tableau, la dernière récolte sur l’hémis- 
phère septentrional présente pour toutes les céréales des 
excédents plus ou moins notables sur les quantités 
nécessaires à la consommation, 

Toutefois, il y a lieu de relever que ces excédents 
devront encore servir aux besoins des pays qui, tout 
en ne figurant pas dans les tableaux qui précèdent, ont 
cependant une importation plus ou moins considérable 
de céréales et de farines, comme surtout la plupart des 
pays et colonies tropicaux. 

On pourra donc conclure qu’en tenant compte des 
stocks qui ont été reportés à l'année courante, et en 
faisant abstraction des productions qui peuvent, soit 
suppléer aux céréales, soit les remplacer ou vice versa, 
le monde, pris dans son ensemble, dispose d'une quan- 
tité suflisante de céréales pour satisfaire aux besoins 
de la consommation en général, sur la base de la con- 
sommation moyenne des cinq dernières années. 


$S 6. — Biologie 


L'influence de la pression barométrique et 
de la température sur le développement des 
Lépidoptères. — La nymphose des Lépidoptères, qui 
débute avec la dernière mue larvaire, se poursuit jus- 
qu’au moment où la déhiscence des fourreaux, provo- 
quant l'ouverture de la chrysalide, livre passage au 
papillon tout développé. L'époque de l'éclosion est du 
reste indiquée quelque temps à l'avance par l’appari- 
tion, sur les téguments de la chrysalide, de certains 
caractères précurseurs. 

La durée de la nymphose varie dans une large me- 
sure suivant les individus d’une même espèce, C’est 
ainsi qu'en considérant un lot de chrysalides sœurs, 
formées le même jour et maintenues durant toute leur 
vie dans les mêmes conditions de milieu, on constate 
non seulement que la durée de leur développement est 
variable, mais encore que le temps qui s'écoule depuis 
le moment où les caractères précurseurs de léelosion 
apparaissent jusqu'au moment où celle-ci a lieu est 
plus ou moins long suivant les individus considérés. 

Quelle est la cause de ces retards variables qui se pro- 
duisent dans l’éclosion de l’insecte adulte ? Telle est la 
question que s’est posée le D' Arnold Pictet, le savant 
entomologiste de Genève, et à laquelle plusieurs années 
de recherches lui permettent de répondre aujourd’hui. 

IL résulte de 1.958 observations effectuées depuis 1907 
et d’une trentaine d’expériences pratiquées à partir de 
1913 sur des Lépidoptères pris dans tous les groupes de 
cet ordre que la, diminution de la pression atmosphé- 
rique joue un grand rôle pour provoquer l’éclosion des 
papillons et que la grande majorité de ceux-ci n’émer- 
gent de leur chrysalide que lorsque le baromètre vient 
à baisser. En fait 91, 32°/, des 1.758 individus observés 
ont éclos pendant la baisse barométrique, l’éclosion du 
surplus, excessivement restreint comme on le voit, 
s'étant effectuée par la hausse ou par une pression 
uniforme, 

Ayant constaté le rôle de la baisse barométrique, 
M. Arnold Pictet, pour chercher à l'expliquer, s’est 
adressé à l’expérimentation. 

On admettait autrefois que la déhiscence des four- 
reaux était provoquée par l'animal lui-même qui, en 
aspirant violemment de l'air dans ses trachées, augmen- 
tait le volume de son corps de manière à faire sauter 
les lignes de suture;mais la constatation faite par 
l’auteur d'une attente que subit le papillon dans sa 
chrysalide avant d'éclore, bien que formé depuis plu- 
sieurs jours, infirme cette hypothèse. 

Au contraire, ses expériences démontrent que : 

10 Si l’on place des chrysalides, dès le moment où les 
caractères précurseurs de l’éclosion sont marqués, dans 
un cristallisoir hermétiquement clos où la pression soit 


Arch. des Sc. phys. et nat., [4], t. XL, n° 7, p. 74, et 
, p.161; 15 juillet et 15 août 1915. 


538 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


uniforme, on retarde notablement le moment de l’éclo- 
sion ; il arrive même que le papillon, ne pouvant éclore, 
et par conséquent ne pouvant se nourrir, meurt de 
faim dans sa chrysalide; 

2° Lorsqu'une chrysalide est sur le point d’éclore 
alors que le baromètre monte, l’éclosion se trouve re- 
tardée jusqu'au jour où la pression baisse de nouveau ; 

30 Si, dans un cristallisoir hermétiquement clos et en 
communication par une tubulure avec une pompe à 
vide, on place une chrysalide prête à livrer son papillon 
et qu’on abaisse alors subitement la pression de 5 à 
10 mm, au sein du cristallisoir, on constate que, dès 
l'instant où cet abaissement a lieu, la déhiscence des 
fourreaux se produit, amenant comme un éclatement de 
la partie antérieure de la chrysalide, d’où sort le papil- 
lon avec rapidité. 

11 résulte donc de ces expériences que le papillon, 
bien que tout formé dans la chrysalide, n’a pas par lui- 
rnème le moyen d'en sortir; pour cela, une action mé- 
canique est nécessaire, et cette action réside dans une 
diminution de la pression barométrique, qui ne tarde 
jamais beaucoup, survenant au moment propice. 

Ce mécanisme est facile à comprendre : au cours du 
développement, il s'établit un équilibre entre l’atmos- 
phère intérieure de lanymphe et l'atmosphère ambiante. 
Le baromètre venant à monter au moment de l’éclosion, 
il se forme une pression du dehors au dedans capable de 
retenir les fourreaux contre le corps de la chrysalide, 
tandis que, le baromètre baissant, c’est au contraire une 
pression du dedans au dehors qui se forme, laquelle fait 
sauter les lignes de déhiscence des fourreaux. 

Le 80/, environ des chrysalides observées a éclos par 
la hausse ou par la pression uniforme. Pour expliquer 
ces cas exceptionnels, il faut tenir compte des éclosions 
qui ont eu lieu pendant la nuit et repérées seulement le 
matin, alors qu'une baisse barométrique nocturne a pu 
passer inaperçue. Il faut tenir compte encore de ce que 
d’autres facteurs, tels que le passage d’un milieu sec à 
un milieu humide, peuvent intervenir en temps propice 
et jouer le même rôle que la pression barométrique. 

Parmi ces facteurs de l'ambiance, susceptibles de 
ralentir ou d'accélérer le développement des chrysalides, 
la température joue un rôle important, et l’on peut se 
demander si son action est capable d'annuler les effets 
de la pression atmosphérique ou bien si elle agit en 
concordance avec eux. 

Pour élucider ce problème, le D' Arnold Pictet a en- 
trepris 8 séries de nouvelles expériences, avec 390 indi- 
vidus appartenant à 5 espèces ; elles ont consisté à 
diviser les chrysalides provenant d’une même ponte, 
c'est-à-dire ayant la même somme d’influences hérédi- 
taires, en un certain nombre de lots soumis chacun à 
l’action d’une température allant de 6° à 37°. Chaque lot 
s'est trouvé en conséquence dans des conditions de 
chaleur différentes, et les époques d’éclosion spéciales à 
chaque lot ont été d'autant plus tardives que la tempé- 
rature a été plus basse pendant la nymphose. 

Au moment où elles se produisirent, les éclosions ont 
été comparées avec la courbe barométrique, et l’on a pu 
constater que c’est, dans la totalité des cas, par la baisse 
qu’elles ont eu lieu. Ainsi, une modification produite 
dans l’époque habituelle de l’éclosion, et qui amène 
celle-ci plus tôt ou plus tard que normalement, est 
quand même dans la dépendance de la pression atmos- 
phérique agissant au moment où la chrysalide est prête 
à éclore. Ô 

Avec des chrysalides hivernantes, M. Pictet a encore 
entrepris des expériences de même genre. Pour provo- 
quer une accélération de leur développement, il faut que 
l’action de l'élévation de la température se fasse surtout 
sentir durant le troisième tiers de la nymphose; une 
action thermique uniforme pendant tout l'hiver n’a- 
mène guère les éclosions plus tôt que dans les conditions 


normales, tandis que des alternances diurnes et noctur- 
nes de chaleur et de froid sont susceptibles d'activer la 
métamorphose. Or, dans ces derniers cas, les avances 
obtenues ne subsistent qu'en tant qu’une baisse baro- 
métrique se présente au moment de l’éclosion ; s’il sur- 
vient, par exemple, une hausse d'une durée de trois 
jours à ce moment-là, l'avance acquise se trouvera 
diminuée d’autant, 

Une élévation de température au moment de l’éclosion 
peut en elle-même, par le fait de la dilatation des tissus 
er des liquides sanguins qu’elle produit, jouer le mème 
rôle que la diminution de pression barométrique et vrai- 
semblablement remplacer celle-ci dans quelques cas 
spéciaux. 


$ 7. — Géographie et Colonisation 


Le sort de l’Expédition arctique cana- 
dienne. — V. Stefansson, le chef de l’Expédition 
arctique canadienne, dont nous avons raconté ici-même 
la tragique odyssée!, vient d’être retrouvé par le 
bateau Polar Bear envoyé à sa recherche. Voici les ren- 
seignements qu’il donne, dans une lettre paruele 20 sep- 
tembre dans le Daily Chronicle, sur les péripéties et les 
résultats de son expédition, 

On sait qu'après avoir quitté en septembre 1913 son 
navire, le Xarluk, emprisonné dans les glaces, pour 
aller chasser sur la côte septentrionale du Canada, à 
l’est de Point Barrow, le vaisseau fut emporté à la 
dérive par une violente tempête, emmenant avec lui la 
majeure partie de l’'Expédition, dont nous avons déjà 
dit le sort. Après avoir hiverné dans le delta du fleuve 
Mackenzie, Stefansson, accompagné de Me Connell et 
de six hommes, partit le 22 mars de Martin Point vers 
le Nord, à la recherche d’une terre nouvelle. Au bout de 
trois semaines, il renvoyait à la côte une partie de l'Ex- 
pédition, puis repartait vers le Nord, avec deux compa- 
gnons seulement. Depuis lors, on était resté sans nou- 
velles de lui, et c’est en vain que le Polar Bear avait 
recherché ses traces sur les côtes de la Terre de Banks 
pendant l'été 19 14. 

Stefansson, pourtant, avait poursuivi son programme; 
mais, après avoir atteint un point silué par 93° de lat. 
N. et 1400 de long. W, il avait tourné à l'Est, etgo jours 
après son départ de Martin Point il avait rallié la 
Terre de Banks, à une cinquantaine de kilomètres au 
sud du Cap Alfred. Delà il se dirigea au Sud vers le Cap 
Kellett, où il trouva un dépôt de provisions qu’il avait 
fait préparer àson intention, Pendant l’hiver 1914-1915, 
il entreprit un raid en traineau de 650 kilomètres à l'Ile 
Victoria, mais sans rencontrer d'Esquimaux. 

En février de cette année, Stefansson, avec ses com- 
pagnons, reprit le chemin du Nord, par le Cap Alfred, 
jusqu’à l'ile du Prince Patrick, dont il remonta la côte 
occidentale jusqu’au Cap Me Klintock. Vers le nord-est 
de ce dernier, il découvrit une nouvelle terre très éten- 
due, s'élevant à une hauteur d'environ 700 mètres. Le 
voyage de retour se fit le long de la côte occidentale de 
l'ile Melville, par le détroit de Me Clure, jusqu’à la Baïe 
de la Merci, puis, à travers la Terre de Banks, jusqu’au 
Cap Kellett, où l'explorateur trouva le Polar Bear qui 
le ramena à l’ile Herschell. Pendant son voyage, Ste- 
fansson a vécu de renne, d'ours et de phoque et n’a 
manqué de rien. 

L'explorateur n’a pas rejoint les contrées civilisées. 
Après s'être ravitaillé, il est retourné à la Terre de 
Banks pour hiverner. L'année prochaine, il espère 
explorer sa nouvelle terre et entreprendre un voyage 
sur la mer de Beaufort. 


1. L. Bruwer : L'odyssée de l'Expédition arctique canadienne. 
Rev.gén. des Sc. du 15 février 1915,t. XXVI, n°3, p. 90-93. 


PR PORT PS EE 


V. WILLEM. — COMMENT LES FLEURS ATTIRENT LES ABEILLES 539 


COMMENT LES FLEURS ATTIRENT LES ABEILLES 


Voici un sujet qui a très tôt éveillé la curio- 
sité des naturalistes, dont l'étude a été entreprise 


par des botanistes et par des zoologistescélebres, , 


qui à suscité bien des controverses, et qui me 
paraît enfin, après des discussions fort vives, 
éclairei par une expérimentation décisive. 

En 1761 déjà, J. G. Külreuter! affirmait que la 
fécondation de certaines fleurs exige la visite 
d'Insectes; et, quelque temps après, en 1793, 
Christian Konrad Sprengel? publiait son curieux 
ouvrage, où se trouvent exposés les fondements 
de la théorie qui envisage les rapports entre les 
Insectes et les plantes dites entomophiles. Tout 
homme cultivé sait maintenant que la féconda- 
tion croisée observée chez ces plantes est assurée 
par le transport du pollen émis par une fleur 
sur le pistil d’une autre fleur de même espèce, 
portée par le même pied ou par un pied voisin. 
Ce transport s’accomplit à l’occasion des visites 
que font des Insectes,surtout des Hyménoptères, 
des Diptères et des Lépidoptères, pour butiner 
chez les fleurs le nectar ou les grains de pollen 
dont ils se nourrissent. Des naturalistes célèbres 
ont décrit les dispositions florales, souvent étran- 
ges, qui favorisent ce transport involontaire de 
pollen, et, d'autre part, les adaptations que pré- 
sentent les Insectes récolteurs de nectar. 

A la suite des travaux de Sprengel, de Dar- 
win, de H.Müller‘et d’autres,les naturalistes qui 
étudièrent la biologie florale et l'adaptation des 
fleurs aux visites des Insectes pollinateurs, admi- 
rent que c’est avant tout l'éclat de la corolle ou 
d'un autre organe «vexillaire »qui attire l'Insecte 
pollinateur ; que des dessins existant sur la 
corolle peuvent dans certains cas indiquer au 
visiteur la voie à suivre pour arriver aux glandes 
nectarigènes, souvent profondément cachées. 
Des expérimentateurs comme Lubbock attri- 
buèrent à certaines couleurs une valeur attractive 
spéciale ; et certains entomologistes citèrent 


1. KôLREUTER : Vorlaüfige Nachricht von einigen das 
Geschlecht der Pflanzen betreffenden Versuchen und Beo- 
bachtungen, Leipzig, 1761. — Je ne citerai de la bibliogra- 
phie, qui comporte une bonne centaine de numéros, que les 
travaux indispensables à mon exposé. 

2, SPRENGEL : Das entdeckte Geheimniss der Natur im Bau 
und in der Befruchtung der Blumen, Berlin, 1793. 

3. Cu. Darwin : The Effects of cross and self Fertilisation 
in the vegetable Kingdom, Eondon, 1876. 

4. H, Müzrer : Die Befruchtung der Blumen durch Insek- 
ten, Leipzig, 1873. — Alpenblumen, Leipzig, 1881. 

5. Eussocx : Ants, Bees and Wasps, 1882. 


même des Insectes,comme les Syrphes, qui mani- 
festeraient une admiration pour les fleurs de cer- 
taines plantes. 

Bref, presque tous les biologistes qui étudie- 
rent les rapports entre les [nsectes et les plantes 
entomophiles se préoccupèrent peu du rôle des 
émanations odorantes des fleurs et considérérent 
l'éclat et la coloration de celles-ci comme le fac- 
teur attractif spécial. — Mais, en 1895, parut de 
F. Plateau un premier mémoire qui jeta quelque 
désarroi dans les esprits. Des observations nom- 
breuses et variées! avaient précédemment con- 
vaincu cetexpérimentateurqueles Insectes ne pos- 
sèdent pas une «vision des formes»suffisamment 
développée pour justifierles opinions classiques; 
cette fois, il venait affirmer que, chez les Compo- 
sées radiées, telles que les Dahlias, ni la forme, 
ni les couleurs des capitules ne semblent avoir 
d’action attractive : c’est un autre sens, l’odorat, 
qui dirige les Insectes vers ces inflorescences. 

Dans ce mémoire et dans d’autres qui suivi- 
rent?, il soutint que les Bourdons continuent à 
visiter des capitules de Dahlias simples, lorsque 
les fleurons ligulés, et même les fleurons cen- 
traux, en ont été masqués par du papier coloré 
ou du feuillage vert (1895) ; — que les Insectes 
continuent leurs visites à des inflorescences 
dont on a supprimé la presque totalité des orga- 
nes voyants (1896); — que les Hyménoptères, 
explorant destouffes d’inflorescences semblables, 
mais de diverses couleurs, visitent également 
toutes les variétés voisines, sans manifester de 
préférence pour une couleur déterminée (1897, 
1899); — que des inflorescences à corolles très 
voyantes et dédaignées par les Abeilles et les 
Bourdons (comme les Pelargonium) sont abon- 
damment visitées lorsqu'on y introduit du miel; 
inversement, si l’on supprime les fleurons cen- 
traux, nectarifères, des capitules de Dahlia varia- 
bilis, les Bourdons et les Mégachiles se portent 
encore assez souvent vers les inflorescences 
mutilées, mais ne s’y posent plus et fondent sur 
les inflorescences intactes voisines ; les visites 
recommencent si l’on remplace par du miel les 
fleurons nectarifères absents (1897); —qu'ilsuflit 


1.F, PLaTeau : Recherches expérimentales sur la vision 
chez les Arthropodes. Cinq parties. Bulletins de l'Académie 
royale de Belgique, 1887-1888. 

9. F. PLATEAU : Comment les fleurs attirent les Insectes; 
recherches expérimentales. Bull. de l'Acad. roy. de Belgique, 
t. XXX, 1895; t. XXXIT, 4896; t. XXXIII, 1897; t. XXXIV, 
1897; t. XXXVI, 1897. — Nouvelles recherches sur les rap- 
ports entre les insectes et les fleurs. Mémoires de la Societé 
zool., de France, t. XI, 1898; t. XII, 1899; t. XIII, 1900. 


540 


V. WILLEM. — COMMENT LES FLEURS ATTIRENT LES ABEILLES 


de déposer du miel sur les fleurs peu apparentes 
deplantes anémophiles,poury attirer desInsectes 
nombreux; grand d’ailleurs est dans la Nature 
le nombre des fleurs verdâtres ou brunûtres, 
anémophiles, que les Insectes visitent pour y 
trouver du pollen (1897); — que les Insectes ne 
prêtent guère d'attention aux fleurs artificielles 
en papier ou en étoffe, à couleurs vives, même 
lorsqu'elles contiennent du miel (1897 et 1906)! ; 
— que les Hyménoptères Apiaires qui visitent 
les Salvia horminum ne se dirigent pas vers la 
touffe terminale de bractées éclatantes, 
vers les fleurs réelles, nectarifères; les grandes 
fleurs stériles des inflorescences de la Viorne et 
de l’Hortensia cultivé n’ont pas, non plus, de 
rôle attractif spécial (1895). 

Des expériences semblables ne tendaient rien 
moins qu’à dénier tout rôle attractif aux organes 
vexillaires des fleurs entomophiles : leurs conclu- 
sions suscitérent une vive opposition et de nou- 
velles recherches, notamment de Ch. Schrüder 
(1901), de Aug. Forel (1901), de J. Pérez (1903), de 
E.Andreae (1903), de E. Giltay (1904), de Mile Wéry 
(1904). Plateau, tout en reconnaissant bientôt 
qu'il avait été trop absolu, défendit son point de 
vue, pendant une dizaine d'années, avec une 
patience et une ingéniosité remarquables. Il mit 
en lumière certaines erreurs expérimentales de 
ses contradicteurs ; et il reconnut que beaucoup 
des observations faites par d’autres et par lui- 
même se trouvaient faussées, parce qu'on avait 
négligé de tenir compte de la mémoire que con- 
servent les Hyménoptères des lieux visités: ils 
reviennent à des endroits où ils ont antérieure- 


mais 


menttrouvé des fleurs à butin, avec obstination 
pendant un certain temps, qu'il y ait là, au 
moment de l'expérience nouvelle, des corolles 
vides, des fleurs en papier ou en feuillage, 
des inflorescences à organes vexillaires ou des 
objets auxquels on dénie tout rôle attractif. 

Il faut reconnaître à Plateau le mérite d’avoir 
placé surle terrain expérimental une question 
que, postérieurement aux nombreuses et fonda- 
mentales observations de H. Müller, on traitait 
par des raisonnementsun peu simplistes: il a 
ramené de force l’attention sur le rôle des per- 
ceptions olfactives dans les allures des Insectes 
vis-à-vis des fleurs, rôle que tendaiïent à mécon- 
naître des naturalistes plus attentifs à l’évolu- 
tion des corolles florales qu’à celle des nectaires. 
Mais l'étude de la discussion fait reconnaître que 
Plateau, entrainé par une réaction trop accen- 


tuée contre des opinions classiques, néglige trop 


1. Les fleurs artificielles et les Insectes, Mém. de l'Acad. 
de Belgique, t. 1, 1906, 


le rôle de la vision dans les phénomènes consi- 
dérés. 


Et des expériences plus récentes, comme celles 


de Lovell! (1909-1912), montrent que des Abeilles, 
mises en situation de choisir entre des inflores- 


cences voyantes et des inflorescences semblables w 
privées de leurs corolles, ou bien entre deux 
portions de miel associées à des objets de visi-. 
bilités différentes, vont surtout aux supports les. 


plus visibles. — D’autres observations, comme 
celles de L. von Dobkiewicz et surtout de 
K. von Frisch, dont il sera question plus loin, 
expliquent, d’une manière plus démonstrative 
encore, l'intervention de sensations visuelles. 

D'ailleurs des expériences faites par Forel(1886- 
1901), par Gorka (1900), et confirmées par Plateau 
(1902), montrent que, sans le secours de leurs 
organes olfactifs, que l’on a amputés ou recou- 
verts de collodion, des Insectes, et notamment 
des Bourdons et des Abeilles, retrouvent les 
fleurs qu'ils visitaient antérieurement. 

Des sensations visuelles interviennent donc 
en même temps que des sensations olfactives, 
vraisemblablement à des degrés divers selon les 
Insectes et selon les fleurs, pour déterminer les 
Insectes, et parmi eux les Abeilles, à visiterles 
corolles. 


IT 


La discussion, si longue, qu’a suscitée Plateau 
sur l’« attraction» des Insectes par les fleurs eût 
singulièrement gagné er clarté, si la plupart des 
contradicteurs de Plateau n'avaient employé ce 
terme d’« attraction » dans des sens à peine défi- 
nis ; si Plateau lui-même n’avait en quelque sorte 
compris cette attraction comme un tropisme à la 
manière de Loeb. Et l’on se fût rapidement 
entendu, je pense, si, au lieu de discuter comment 
les fleurs attirent les Insectes, on avait cherché 
— comme le comprenait l’observateur sagace 
qu'est Forel ? — par quel mécanisme sensoriel et 
psychique les Abeilles sont guidées vers les fleurs 
qu'elles ont acquis l'habitude de visiter. 

Cette question s’associait ainsi à une autre 
question analogue, qui a suscité des discussions 
du mênie genre : celle du retour des Abeilles à 
leur ruche. Il a été établi, principalement par 
A. Forel et par H. von Buttel-Reepen, contraire- 
ment à une affirmation assez singulière de 


1. J. H. Lovezz : The Color Sense of the Honey Bee. Ame- 
rican Naturalist, june 1909, nov. 1910 et febr. 1912. 

2, La matière des mémoires publiés par À. Forez dans di- 
verses revues, sur les sensations des Insectes, a été réunie 
dans : Das Sinnesleben der Insekten, München, 1910. 

3. H. von Burrez-Reepex: Sind die Bienen Reflexmaschi- 
nen? Biologisches Centralblatt, Bd. XX, 1900. 


l 


ad 


V. WILLEM. — COMMENT LES FLEURS ATTIRENT LES ABEILLES 541 


A. Bethe !, que les Abeilles retrouvent leur ruche 
grâce à une mémoire visuelle des lieux. 

D'après Buttel-Reepen, les Abeilles peuvent 
butiner à 6 et 7 kilomètres de leur ruche, et leur 
faculté d'orientation est le résultat d'un appren- 
tissage. De jeunes Abeilles, qui ne sont point 
encore sorties de la ruche, ne retrouvent pas le 
chemin du retour, lorsqu'on les porte à une dis- 
tance même minime. Une jeune Abeille qui sort 
pour la première fois se met tout d’abord à dé- 
crire autour du rucher des cercles plus ou moins 
grands, la tête constamment tournée vers l’en- 
trée : elle apprend ainsi à reconnaitre les abords 
de son habitation ?. Selon G. Bonnier, elles 
apprennent aussi à s’en éloigner progressive- 
ment, et une certaine éducation leur est néces- 
saire pour remplir l'office de butineuses. 

Comme l'a fait observer A. Forel après des ex- 
périences sur la perception des formes par une 
Guêpe, le degré de netteté que Exner* trouve 
aux images qui se forment sur la rétine des In- 
* sectes suflit à nous faire comprendre la manière 
dont ils se dirigent au vol : leurs yeux à facettes 
leur fournissent des sensations nombreuses des 
objets qui se succèdent, variant en netteté selon 
que ces objets se rapprochent ou s’éloignent ; 
c’est le souvenir de leur succession qui oriente 
l’Insecte au passage suivant. L'orientation vers 
un point exact ne nécessite d’ailleurs pas la vue 
directe de ce point même, mais la position rela- 
tive dans l’espace des grandes masses environ- 
nantes. À plus faible distance des objets, les 
organes de l’odorat interviennent conjointement 
avec ceux de la vision. 

Cette explication formulée par Forel se trouve 
confirmée par des expériences récentes de L. von 
Dobkiewiez ‘, qui montrent le rôle des associa- 
tions de sensations et de la mémoire dans les 
allures des Abeilles butineuses ; par exemple, de 


1. A. Berne: Dürfen wir den Ameisen und Bienen psy- 
chische Qualitäten zuschreiben, Archiv für d, gesam. Phy- 
siologie, Bd. LXX, 1898. 

2. G. Bonnier dit qu'on peut voir, par de belles journées, 
devant une ruche logeant beaucoup de jeunes individus qui 
ne sont pas encore allés à la récolte, de nombreuses ouvrières 
voler la tête tournée vers l'entrée et décrire des cercles plus 
ou moins grands; puis, l'exercice terminé, elles rentrentdans 
la ruche, pour recommencer le lendemain, s'il fait beau 
temps, cette ( parade » ou « soleil d'artifice ». — Une expé- 
rience indique qu’il peut se mêler aux débutantes des ouvriè- 
res plus âgées qui, au lieu de rentrer, partent en vol droit pour 
aller à la récolte, après cet exercice qui prendrait de la sorte 
les allures d'une leçon donnée à des jeunes par des ouvrières 
plus âgées. 

G. Boxnier : Les Abeilles n’exécutent-elles que des mou- 
vements réflexes ? Année psychologique, t. XII, 1906. 

3..S,. Exner : Die Physiologie der facettirten Augen von 
Krebsen und Insecten, 1891. 

4. L. von Doskrewicz : Beitrag zar Biologie der Honig- 
biene. Biologisches Centralblatt, 1912. 


KEVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 


grandes fleurs artificielles, très visibles, que l'on 
a disséminées dans un champ de trèfles, n’ont été 
visitées que lorsqu'une circonstance nouvelle a 
révélé que ces simulacres étaient souvent des ré- 
cipients de miel : l'aspect de ces simulacres 
devient alors un repère etle sens de l’odorat ne 
paraît intervenir qu’à la distance d'un demi- 
mètre. L'association de sensations ainsi créée se 
manifeste encore lelendemain, mais s’efface, pour 
faire place à d’autres, après des visites infruc- 
lueuses. 

l'orientation des 
Abeilles vers la ruche et vers les fleurs, non 
comme une « attraction » plus ou moins mysté- 
rieuse, où comme un tropisme mal précisé, mais 
comme la conséquence d’une combinaison desen- 
sations actuelles fournies par divers sens avec les 


Nous donc 


comprenons 


souvenirs de sensations analogues antérieures, 
Et la question qui préoccupe les naturalistes 
s’occupant de la biologie florale se trouve ainsi 
résolue en principe : que l’intervention des sen- 
sations visuelles soit même un peu moins impor- 
tante que ne le veulent les continuateurs de 
H. Müller, la possession d’une corolle grande et 
éclatante constitue, pour les fleurs entomophiles, 
un avantage susceptible de donner prise à la sé- 
lection naturelle, et l'explication classique de 
l’évolution de la corolle sous l'influence des 
Insectes butineurs reste debout, malgré F. Pla- 
teau, et malgré C. von Hess, qui l’a combattue 
plus récemment, comme je vais le dire bientôt. 


III 


Et quels sont les éléments de l’éelat, de la visi- 
bilité des inflorescences ? Pour notre œil, c'est 
avant tout la couleur, et la plupart des fleurs 
entomophiles offrent les teintes les plus saturées 
que nous présentent des objets naturels. Mais les 
Abeilles distinguent-elles les couleurs comme 
nous; ont-elles, comme nous, des sensalions 
colorées variant de qualité avec le degré de ré- 
frangibilité des rayons perçus? Ou ‘bien leur 
orientation parmi les objets colorés n'est-elle pas 
due uniquement à des différences globales de 
clarté, qui permettent souvent aux daltoniens de 
se reconnaitre parmi des luminosités que les 
normaux jugent présenter des tons différents ? 

L'impossibilité dans laquelle nous nous trou- 
vons de donner, à deux éclairages différant par 
la couleur, des énergiesrétiniennes égales ne per- 
met pas de résoudre la question par l’étude de 
réactions ressortissant du phototropisme ou de 
la sensibilité différentielle. Mais la considération 
d’allures déterminées par des combinaisons de 
sensations, dont feraient éventuellement partie 


2 


V. WILLEM. — COMMENT LES FLEURS ATTIRENT LES ABEILLES 


des sensations colorées, peut précisément démon- 
trer l’existence de celles-ci. Les tentatives de ce 
genre n’ont pas manqué, mais elles prêtent à des 
critiques sérieuses. 

Suivre une Abeille butinant sur des fleurs de 
diverses variétés d’une même espèce végétale, 
pour vérifier si elle a des « préférences », et 
constater avec Darwin (1876), G. Bonnier!, Bul- 
man (1890), Plateau (1899), par exemple, que 
l’Insecte visite également les fleurs voisines, 
quelles que soient leurs teintes respectives, ne 
peut fournir d'indication sur une distinction 
éventuelle des couleurs. — Les statistiques faites 
à la manière de H. Müller (1831), en observant 
des Abeilles comptées en séries, peuvent, croit- 
on, s’interpréter comme indiquant que les cou- 
leurs des inflorescences leur sont indifférentes, 
pourvu que ces inflorescences fournissent du 
nectar où du pollen. Ce résultat global provient- 
il d’une cécité pour les couleurs, ou de l’indiffé- 
rence de chaque individu vis-à-vis de la parure 
des fleurs exploitées, ou encore de la somme de 
préférences individuelles multiples qui s’équili- 
breraient plus ou moins ? — Il n’y a rien à tirer 
de l’observation d'individus, de passé indéter- 
miné et de formation inconnue, que livre le 
hasard de la rencontre et que l’on observe buti- 
nant à un instant quelconque. 

D'autres expériences, souvent rappelées, ont 
prétendu résoudre la question : celles où des na- 
turalistes comme Lubbock, H. Müller?, et plus 
récemment H. Lovell et Dobkiewiez, offrent au 
choix d’Abeïilles des tests différemment colorés, 
des plaques de verre supportant du miel et recou- 
vrant des rectangles de papiers de couleurs ou 
des organes végétaux. Mais on ne trouve pas là de 
preuve que la distinction des tests s’est effectuée 
d’après leurs colorations et non d’après leurs de- 
grés de clarté. 

C. von Hess* à repris récemment la question 
par une autre méthode. On sait que, pour un dal- 
tonien complet, qui n’a pas de sensations colo- 
rées, la région la plus claire du spectre solaire 
n'est pas située dans le jaune comme pour un 
œil normal, mais dans la zone du jaune-vert au 
vert; la région rouge lui parait sombre et se 
trouve raccourcie du côté des rayons les moins 
réfringents. Von Hess a étudié les réactions 
d'une série d'animaux par la méthode photo- 
kinétique; il arrive à constater, par exemple, 


1. G. Bonnier: Les Nectaires. Ann. des Sc. nat, (Botanique), 
1879. 

2, H. MüLcLer : Versuche über die Farbenliebhaberei der 
Honigbiene. Kosmos, 1882, 

3. C. vox Hess : Gesichtssinn, in WiNTERSTEIN. Handbuch 
d. vergl. Physiologie. 


| que, pour les Poissons, la répartition du pouvoir 
lumineux dans le spectre est analogue à celle qui 
caractérise le daltonien complet : il en conclut 
que les Poissons n'ont pas de sensations colo- 
rées. — Les Abeilles ne se sont pas prêtées à des 
mesures précises, maisles éclairages rouges doi- 
vent être très intenses pour les attirer, et, dans 
un spectre, elles se rassemblent dans la région 
jaune vert-vert : deux faits qui rapprochent ces 
animaux leucophiles des daltoniens complets. 
Von Hess en conclut que les Abeilles, de même 
que les autres Invertébrés qu'il a étudiés et les 
Poissons, ne connaissent pas les couleurs. 

Je ne crois pas que la méthode employée légi- 
time ces conclusions. Des expériences bien con- 
duites de K. von Frisch! conduisent d’ailleurs à 
des résultats assez différents. 

Cet expérimentateur offre au choix d’Abeiïlles 
venues d’un rucher voisin des carrés de papiers, 
tous analogues, dont l’un est de couleur bleue, 
jaune..., tandis que les autres correspondent à 
une série de 15 valeurs de gris, allant du blanc 
au noir. Cestests sont juxtaposés, en un ensemble 
quadrangulaire, et dans un ordre arbitraire, sur 
une table horizontale. Chacun d’entre eux sup- 
porte un verre de montre; mais le récipient qui 
se trouve au milieu du carré de couleur offre aux 
Abeilles un liquide nourricier sans odeur, de 
l’eau sucrée, Quand, après un certain temps, les 
Abeilles ont acquis l'habitude d'y venir puiser; 
quand elles sont, comme on dit, « dressées » 
pour ce test, on leur offre une série analogue, où 
l’ordre des tests a été modifié. — Des expériences 
multiples, et qui inspirent confiance, montrent 
que les Abeilles reviennent alors immédiatement 
au test coloré, qu’il supporte encore, ou non, un 
récipient, vide d'ailleurs : elles témoignent de la 
sorte qu'elles reconnaissent le bleu, ou le jaune, 
parmi des gris de toutes intensités, grâce à un 
caractère subjectif, conséquemmentdistinctd'une 
simple clarté relative. — Les Abeilles distin- 
guent ainsi de tous les gris, l’orangé, le jaune, le 
jaune-verdâtre, le vert de chlorophylle, le bleu, 
le violet, le pourpre; mais le rouge pur du spec- 
tre et le noir leur paraissent très analogues : 
ainsi, pour les Abeilles, le spectre visible s’étend 
moins loin que pour nous, dans la direction des 
rayons les moins réfrangibles. De plus, le bleu- 
vert (turquoise) produit le même effet qu’un gris 
de moyenne valeur : de sorte que le spectre co- 
loré se trouve coupé, à ce niveau, pour les 
Abeilles, par une bande grise. — En outre, les 


1ARE 
Biene. Zoologische Jahrbücher (Allg. Zool. u. 
XXXV, 1914. 


von Friscu : Der Farbensinn und Formensinn der 


Phys.), Bd. 


V. WILLEM. — COMMENT LES FLEURS ATTIRENT LES ABEILLES 543 


divers tons situés d’un côté ou de l'autre de cette 
lacune sont souvent confondus et paraissent ne 
se distinguer que par un caractère d'intensité : 
les Abeilles dressées pour l’orange ou le vert 
vont plutôt au jaune, lorsqu'elles ont à choisir 
entre ces couleurs; elles ne distinguent guère, 
d'autre part, le bleu du bleu-pourpre et du pour- 
pre. Il semble donc que les Abeilles perçoivent 
du spectre solaire à peu près ce que distingue un 
Homme protanope, qui y voit deux couleurs 
une teinte « chaude », correspondant probable- 
ment au jaune de l’œil normal, et une teinte 
« froide », correspondant au bleu, séparées par 
une zone neutre. 

Ces résultats extrêmement intéressants con- 
cordent avec la plupart des faits observés par les 
biologistes qui ont étudié les rapports des fleurs 
et des Insectes. Les fleurs jaunes, qui tranche- 
raient done peu sur le vert des feuilles, sont 
peu adaptées aux visites des Abeilles. Les fleurs 
rouge écarlate (sans mélange de bleu) sont très 
rares dans notre flore ; elles sont délaissées par 
les Abeilles et visitées surtout par les Papillons; 
dans les régions tropicales, elles sont fécondées 
par les Oiseaux, qui d’ailleurs, d’après von 
Hess, distinguent bien le rouge et mal le 
bleu. D'autre part, les dessins indicateurs por- 
tés par la corolle sont presque toujours d’une 
teinte qui tranche sur celle-ci pour un œil pro- 
tanope. 

Le même mémoirerapporte encore desexpérien- 
ces sur la distinction des formes, expériences 
réalisées d’après une méthode analogue : on cher- 
che à dresser des Abeilles à atteindre de l’eau 
sucrée, en passant par l’orifice central de figures 
diverses. L’auteur a pu rapidement entraîner 
ses sujets à distinguer une forme rappelant la 
corolle de la gentiane, à quatre pétales cordifor- 
mes; ou celle d’une étoile à branches multiples, 
rappelant une inflorescence de Composée. 
On a pu, mais plus difficilement, amener des 
Abeilles à se comporter différemment vis-à-vis 
de tests formés respectivement d’un cercle divisé 
soit en deux moitiés, soit en 4 ou 8 secteurs alter- 
nativement bleus ou jaunes. Les Abeilles ont 
montré qu’elles apprenaient rapidement la diffé- 
rence entre deux cercles colorés par moitiés, en 
jaune et en bleu, mais où les positions respec- 
tives des deux couleurs se trouvaient renversées. 
Il a été, par contre, impossible de les entrainer 
au moyen de figures non familières, comme des 
triangles, des cercles, des carrés, des ellipses, 


des surfaces à bandes, ou des damiers. Ces 


dernières expériences, comme on voit, jettent 
un jour curieux sur les limites de l’éducabilité 
de ces Insectes. 


IV 


Nous arrivons de la sorte à comprendre ration- 
nellement les grands traits de la psychologie des 
Abeilles butinant sur les fleurs. 

Considérons une Abeille novice qui, après des 
vols d'orientation, se met en campagne et va 
grossir la foule des butineuses. Elle suit proba- 
blement tout d’abord des compagnes plus expé- 
rimentées qui l’entrainent vers des champs de 
récolte. 

Et là, c'est probablement, non pas l'éclat de 
corolles encore inconnues, mais plutôt l'odeur 
du nectar et du pollen, associée depuis la naïis- 
sance à la satisfaction de sa faim, qui l'incite à 
s’abattre sur une fleurrencontrée.Etc'est encore, 
vraisemblablement, l’odorat qui la dirige, pour 
la première fois, vers les réceptacies de nourri- 
ture. La première éducation se ferait donc ainsi 
grâce à des sensations olfactives. 

Puis, la manœuvre effectuée, et répétée chez 
des fleurs toutes proches, l'habitude tendra à 
s'établir d'aller, et de retourner les fois suivan- 
tes, à des fleurs analogues, par leur couleur, leur 
forme, et leur parfum aussi, à celle qui fut la 
révélatrice. Et c’est là, déjà pour les débutantes, 
une explication de la « constance » constatée 
chez l’Abeille, quilimite pendant une sortie con- 
sidérée ses visites aux fleurs d’une même espèce. 
Il est probable que, plus tard, d’autres sensa- 
tions que celles d'aspect et de parfum, des sen- 
sations musculaires, entre autres, s'ajoutent à 
celles qui forment les associations plus ou moins 
complexes déterminant un individu à s'adresser 
successivement à des fleurs semblables. 

On conçoit que l'habitude primordiale ne se 
conserve que pour autant que les fleurs préfé- 
rées fournissent du butin à suflisance ; sil'Abeille, 
pour compléter sa charge, est amenée à visiter 
d'autres fleurs, l'habitude créée s’atténuera. Elle 
peut disparaitre aussi, être remplacée par une 
nouvelle, plus de circonstance. Tout indique que 
les habitudes s’établissent et se perdent chez 
l’Abeille avec une facilité relativement grande : 
signe d’un « pouvoir d’assimilation » supérieur 
chez cet Insecte. 


V. Willem, 


Frofesseur à l'Université de Gand. 


7) 


= |Commanpanr A. R.— L'USURE DES CANONS 


nm ù —$" 


Parmi les caractéristiques de la guerre ac- 
-tuelle, l’une des plus remarquables est le rôle 
prépondérant joué par l’approvisionnement en 
munitions des parties adverses, surtout en ce 
qui concerne l'Artillerie. L'institution en Angle- 
terre d’un Ministère des munitions est à cet 
égard particulièrement suggestive. La consom- 
mation extraordinaire d’obus qui s’effectue jour- 
nellement sur le front n’était d’ailleurs soupcon- 
née par personne, tout au moins quant à son 
ordre de grandeur. Sans doute, les écrivains mi- 
litaires les plus réputés, et parmi eux le général 
Langlois, n'avaient cessé de réclamer une très 
large dotation d’approvisionnements de muni- 
tions de l'artillerie de campagne. L'expérience 
acquise dès les premiers mois de la lutte a mon- 
tré combien étaient éloignées de la réalité celles 
de leurs prévisions qui paraissaient les plus har- 
dies, tout appuyées qu’elles fussent sur lesrésul- 
tats de la guerre de Mandchourie. 

Dans ces conditions, le maintien d'un stock 
suffisant pour assurer la consommation quoti- 
dienne constituait un problème industriel d’une 
importance capitale, qu'il importait de résoudre 
sans retard. L'histoire dira comment et par quels 
moyens sa solution a été acquise, au prix de dif- 
ficullés de toute nature, maintenant heureuse- 
ment surmontées. 

L'accroissement sans précédent de la dépense 
de munitions a d’ailleurs eu une répercussion 
immédiate sur les canons dans lesquelselles sont 
employées. Les bouches à feu s’usent, en effet, 
plus ou moins rapidement selon leur calibre et 
les conditions du tir qu’elles effectuent. C’est la 
modalité de ce phénomène et les causes qui le 
déterminent que nous nous proposons d'étudier 
au cours de cet article !. 

I. — CARACTÈRES DE L'USURE 

Dans les canons tirant les poudres noires ou 
prismatiques brunes, l’usure des canons se ma- 
nifestait presqueexclusivementsous forme d’éro- 
sions. Nous ne saurions mieux faire que d’en em- 

prunter à M. Vieille la description : 

« Ces érosions sont généralement localisées au 

voisinage de la naissance des rayures et s'éten- 
dent aux régions parcourues par le projectile 


1. Pour là rédaction de cet article, il a été fait de très lar- 
ges emprunts à un travail de M. l'Ingénieur général d’Artil- 
lerie navale Bourgoin paru récenrment dans le Mémorial 
d'Artillerie navale, ainsi qu'au Mémoire de M. Vieille (Mém, 


des poudres et salpétres, année 1901-1902). 


L'USURE DES CANONS 


avec une faible vitesse et sous les pressions les 
plus intenses. Le point de départ de ces érosions 
parait être un réseau de fines craquelures qui 
tapissent la chambre aux environs du tronc de 
cône deraccordement avec l'âme. La profondeur 
et la largeur des craquelures parallèles à l'âme 
du canon vont croissant avec le nombre des 
coups, et leur réunion forme la nouvelle surface 
de l’âme, sur laquelle émerge un réseau d’ilots 
en saillie qui constituent comme les témoins de 
la surface primitive érodée par les gaz. 

« L'origine du réseau des craquelures primiti- 
ves peut être diversement expliquée : il me pa- 

.rait qu'elle peut être rapprochée de la cémenta- 
tion superficielle et de la trempe intense que 
prennent les surfaces d'acier doux soumises à 
l'action des gaz carburés provenant de la décom- 
position des explosifs. Cette action s’observe 
constamment dans les expériences en vase clos. 
La mince pellicule aciérée ettrempée semble de- 
voir se craqueler facilement, sous l’action des 
tensions considérables et des flambages auxquels 
elle est soumise dans les bouches à feu, et cette 
première phase du phénomène, qui donne un 
quadrillage régulier, serait tout à fait indépen- 
dante des fuites gazeuses, qui n'agiraient que 
pour en accentuer les éléments parallèles à l’axe. 

«Ces fuites paraissent dues au défaut d’obtu- 
ration de la ceinture, qui ne peut se mouler dans 
les fines craquelures dont il vient d’être ques- 
tion; les gaz tendent alors à s’écouler par ces 
interstices, de la chambre à poudre au dehors, 
avec des vitesses incomparablement plusgrandes 
que celles du projectile. Les craquelures paral- 
lèles à l'axe constituent le chemin d'écoulement 
le plus direct suivi par le gazet ce sont, en effet, 
celles qui, d'après l'observation, subissent le 
plus rapide accroissement... 

… Le phénomène qui vient d’être décrit 
constitue le phénomène d’érosion normal et 
constant. 

«Sur ce phénomène viennent parfois se greffer 
des altérations de la paroi très importantes, lo- 
calisées en certains points et provenant vraisem- 
blablement de quelque défaut présenté à l’ori- 
gine par la surface de l’âme ou d’une imperfection 
locale de l’obturation par la ceinture: on voit 
apparaître en ces points irrégulièrement dispo 
sés des érosions profondes pouvantatteindre, par 
la réitération des tirs, plusieurs millimètres de 
profondeur. » 

Dans les canons de l'artillerie moderne, la 
production des érosions est un phénomène moins 


LL. 4 din ttes bacs 


_ i didaaris 


CommanDanT À. R. — L'USURE DES CANONS 545 


général, bien qu'on observe encore très fréquem- 
ment la production du réseau de craquelures 
décrit par M. Vieille. 

Lorsque le canon ne présente pas d’érosions, 
il ne s'en use pas moins de la façon suivante : 

Les parois du cône de raccordement de la 
chambre à l'âme rayée sont 
miroir. On observe, de plus, un accroissement 
du diamètre de l’âme qui, très notable à la hau- 
teur de l'emplacement normal des ceintures, va 
en s'atténuant à mesure qu'on s'éloigne vers la 
bouche, Généralement cet accroissement dispa- 
rait après un parcours du projectile d'environ 


polies comme un 


15 calibres. 

L'usure reparaît ensuite parfois à la bouche, 
où elle se manifeste uniquement par une dimi- 
nution de la hauteur des cloisons. 

Le phénomène d'usure ainsi caractérisé est ab- 
solument général. 

L'étude qui en a été faite à permis d'établir 
les points suivants : 

a) L'usure est nulle dans la chambre à poudre. 

b) Elle croit avec la température de combus- 
tion de la poudre constituant la charge. C'est 
ainsi que l’action érosive des balistites à 50% de 
uitroglycérine est très supérieure à celle des 
poudres à la nitrocellulose pure. La différence 
diminue d’ailleurs avec le pourcentage de nitro- 
glycérine contenu dans la balistite ou les cor- 
dites. 

c) Dans un même canon, tirant un projectile de 
poids déterminé sous 
l'usure croît avec le poids de la charge. 


une pression donnée, 


d) Si l’on considère plusieurs canons sembla- 
bles et semblablement chargés, l'usure croitavec 
le calibre. 

e) À l’origine des rayures, l’usure diamétrale 
sur les cloisons est supérieure à celle relevée au 
fond desrayures, mais celle-ciest notable lorsque 
la première l’est. 

A la bouche, au contraire, l'usure diamétrale 
sur le fond des rayures est négligeable par rap- 
port à celle constatée sur les cloisons, 

En même temps que le canons'use, on constate 
à la surface de l’âme la formation du réseau de 
fines craquelures dontil a été parlé plus haut, et 
qui est d'autant plus serré qu'on est plus près de 
la position du maximum de pression. Simultané- 


ment la paroi de l’âme se durcit à tel point qu’elle 
devient difficilement attaquable à la lime, M. Os- 
mond a montré que ces changements de struc- 
ture sont dus à la cémentation de l'acier des 
parois. 

Balistiquement, ces phénomènes ontpour con- 
séquence une diminution de la vitesse initiale et 


de la pression maximum en même temps qu'une 
augmentation de la dispersion des coups, 

D'une manière générale, si on désigne par N le 
nombre des coups tirés par une bouche à feu de. 
puis sa construction, les conditions du tir res- 
tant loujours invariables, la perte de vitesse 
AV due à l'usure pourra être représentée par une 
AV=a(N—n,) 


— n,}} où », désigne un nombre entier 


formule de la forme ci-après : 
+ b IN 
d'autant plus petit que le calibre est lui-même 
plus considérable, La valeur de AV ainsi obtenue 
n'est d'ailleurs qu'une valeur moyenne, suscep- 
tible d'offrir de grands écarts, Ces diminutions 


crandissant 


de la vitesse et de la pression vont g 


avec l’usure de la bouche à feu. 
[Il — Caust DES PHÉNOMÈNES D'ÉROSION 


De tout temps on a expliqué les phénomènes 
érosils observés dans les bouches à feu par l’ac- 
tion d’un courant gazeux à haute température, 
La mise hors de service des grains de lumière 
des canons se chargeant par la bouche étayait 
d’ailleurs cette opinion d'une preuve des plus 
démonstratives. On se borna toutefois pendant 
longtemps à cette explication, d'ailleurs évi- 
dente, sans chercher à mettre en lumière l'action 
particulière des divers facteurs (température, 
pression, vitesse d'écoulement) qui déterminent 
la modalité du phénomène en question. 


$ 1. — Travaux de Daubrée 


Daubrée fut le premier qui ébaucha une étude 
expérimentale de l’action érosive des gaz à haute 
température engendrés par la combustion de la 
poudre et de divers autres explosifs. À cet ellet, 
il faisait brûler ces corps dans une capacité 
métallique ne communiquant avec l'extérieur 
que par un canal étroit et il observait les alfouil- 
lements produits sur les parois du canal en ques- 
tion. 

Dans ses Etudes synthétiques de Géologie 
expérimentale, Daubrée, résumant ses travaux à 
ce sujet, énonçait les conclusions suivantes : 

« Ainsi qu'on pouvait s’y attendre, la force 
érosive des gaz croit très rapidement avec leur 
pression et leur température; car les gaz de la 
dynamite, de la nitroglycérine et du fulmicoton 
produisent des effets beaucoup plus intenses que 
ceux de la poudre, quoiqu'ils agissent pendant 
un temps incomparablement plus court. 

« Comme on Pa vu, aux phénomènes pure- 
ment mécaniques s'ajoutent des éflets calori- 
fiques et souvent des actions chimiques. 


« Les uns et les autres acquiérent une énergie 


546 CommanpanT A. R. — L'USURE DES CANONS 


surprenante lorsque les gaz, au lieu de tourbil- 
lonner dans un espace clos de toutes parts, sont 
violemment projetés dans une direction déter- 
minée, par exemple lorsqu'ils s’échappent par 
une fissure étroite. C’est ce qu’on a constaté 
spécialement pour les gaz de la poudre qui, 
malgré l’infériorité de la tension comparée à 
celle des gaz de la dynamite, ont cependant, en 
agissant sur l'acier, instantanément fondu, pul- 
vérisé et sulfuré ce métal. » 

Osmond, ayant procédé à l'examen miscrosco- 
pique de l’âme d’un canon de 27 très usé, s'atta- 
qua aux conclusions de Daubrée, dans les termes 
ci-après : 

« Les conclusions de M. Daubrée sont fondées 
sur des faits incontestables ; cependant, comme 
les conditions expérimentales dans lesquelles 
les faits ont été observés diffèrent de celles que 
présente le cas d’un canon, il est possible que, 
dans ce dernier cas, les phénomènes soient aussi 
notablement différents. 

« L'examen microscopique des coupes polies et 
attaquées par l'acide azotique met en évidence 
un point important : la structure de l’acier (qui 
peut d’ailleurs être considérée comme normale, 
eu égard aux dimensions de la pièce, pour le 
canon essayé) n’est pas sensiblement altérée, 
même à l'extrême bord des cupules; les érosions 
sont aussi nettes que si elles eussent été faites 
par un outil coupant. 

« Cette constatation exclut formellement la 
possibilité (que l’aspect de la surface rendait 
probable) de déformations par compression et 
par refoulement; de pareilles déformations sont, 
en effet, très faciles à reconnaître au microscope 
par l'allongement des cellules composées et la 
schistosité du métal; en outre, elles donnent lieu, 
lorsqu'on immerge l’acier dans un acide faible, 
à une attaque beaucoup plus rapide que celle 
des parties non déformées; ce caractère manque 
également. 

« La fusion de la surface de l'acier ne me 
parait pas non plus probable. Il me semble difi- 
cile d'admettre que les couches superficielles 
aient pu être portées à 1.5000, sans que les cou- 
ches immédiatement voisines laissées en place 
aient atteint 800° au moins. Or, l’action de cette 
température, suivie d'un refroidissement rapide, 
s’attesterait par un changement de structure, ce 
qui n’a pas lieu. Sila fusion s’est produite dans 
certaines expériences de M. Daubrée, c’est que 
le fer, très mince, était entouré de toutes parts 
par les gaz. Mais un fil de platine suffisamment 
fin fond dans la flamme d’une lampe modéra- 
teur, tandis qu’une barre d'acier un peu grosse, 
portée dans la flamme d’un four Siemens, y reste 


noire pendant un certain temps. Si haute que 
soit la température développée par l’explosion 
de la poudre, la durée du contact me parait trop 
faible et la conductibilité de l’acier trop grande 
pour qu’il y ait fusion, même superficielle. Il 
n’en est évidemment plus de même pour les par- 
ticules impalpables arrachées mécaniquement. 
Celles-là fondent certainement, étant donnés 
leur faible masse et leur isolement au milieu des 
gaz; mais elles ne doivent fondre qu'après avoir 
été arrachées… 

… «Je conclus que l'usure des canons est due 
essentiellement à une érosion mécanique, par 
les gaz animés d'une vitesse énorme et chargés 
de particules solides, ces gaz agissant comme un 
outil coupant: c’est l’action bien connue d’un jet 
d’air chargé de sable sur une roche. » 


$2. — Travaux de M. Vieille 


Il était réservé à M. Vieille de faire le premier 
une étude systématique du pouvoir érosif et de 
montrer l'importance prépondérante de la tem- 
pérature des gaz. Dans un mémoire, aujourd'hui 
classique, intitulé : Etude sur les phénomènes 
d’érosion produits par les explosifs, il a déter- 
miné expérimentalement l'influence des divers 
facteurs du phénomène en question; les nom- 
breuses recherches sur le même sujet faites de- 
puis lors à l'étranger ont d’ailleurs pleinement 
confirmé les résultats de M. Vieille. 

Le principe suivant lequel estconçu l’appareil 
utilisé par ce savant est analogue à celui mis en 
œuvre par Daubrée. 

Il consiste essentiellement en une chambre en 
acier fermée par un bouchon en acier muni d'un 
trou axial. 

On brûle une charge de poudre dans la cham- 
bre en acier; les gaz s’échappant par le trou 
axial du bouchon en érodent les parois. La perte 
de poids subie par le bouchon définit l'usure de 
celui-ci. 

Un manomètre à écrasement, dont la tige débou- 
che dans la paroi de la chambre opposée à celle 
portant le bouchon, permet de mesurer les pres- 
sions développées dans la chambre. Avec cet ap- 
pareil, M. Vieille a étudié avec soin les modali- 
tés des phénomènes d'usure provoqués par 
l'écoulement à travers un orifice étroit d’un cou- 
rant gazeux à haute température. Cette étude lui 
a permis de mettre en évidence les faits sui- 
vants : 

a) Toutes choses égales d’ailleurs, les érosions 
produites sont d'autant plus grandes que le dia- 
mètre du canal de fuite est plus faible. 

b) Toutes choses égales d’ailleurs, les érosions 
croissent avec la longueur du canal de fuite. 


CommaAnpaANT A. R. — L'USURE DES CANONS 547 


c) Toutes choses égales d’ailleurs (pression 
maxima, densité de chargement), le rendement 
érosif par gramme d’explosif diminue lorsque la 
charge explosive comburée augmente. 

d) Le métal du bouchon, le ec” nal de fuite et la 
nature de l’explosif étant les mèmes, l'érosion 
produite par une même masse gazeuse croit avec 
la pression, mais en tendant vers une limite 
dontonest déjà voisin pour des pressions de 
l’ordre de 2.000 kilogrammes par centimètre 
carré. 

Le métal du bouchon, le canal de fuite et la 
nature de l’explosif restant les mêmes, si l’on fait 
croître la pression par augmentation du poids de 
la charge en capacité constante, le rendement 
érosif par gramme de charge reste constant. 

Cette influence de la pression s’interprète ai- 
sémenten admettantque, dans les mêmes circons- 
tances que ci-dessus, l'érosion est proportion- 
nelle à la densité du fluide qui s'écoule. 

e) Toutes choses égales d’ailleurs, et à la con- 
dition que la fuite initiale n’altère pas d’une fa- 
çon sensible la valeur de la pression maxima 
normale en vase clos, correspondant à la densité 
de chargement réalisée, l’érosion est indépen- 
dante, dans de larges limites, du mode de com- 
bustion de l’explosif expérimenté. 


1. /n/fluence du métal du bouchon. — Le tableau 
ci-dessous montre que, toutes choses égales 
d’ailleurs, les érosions des métaux croissent très 
sensiblement dans l’ordre inverse de leurs 
températures de fusion, exception faite pour 
l'aluminium, dont l'érosion est anormalement 
élevée par rapport à celle du zinc, étant donnée 
sa température de fusion de 6250 alors que celle 
du zinc n’est que de 412°. 


TEMPÉRATURE 
DE FUSION 


POIDS ÉROSIONS 


NATURE DU METAL spécifique | en m/m° 


(degrés centig 


Blatimelpur.:-.-...-1 121,5 59,1 | 1.800° | 
Cuivre rouge trè 

pur(pourcrushers) 8,9 99,4 | 1.054° 
Argent pur......... 10.53 230.8 954° 
HTC ess c ee e 7,45 1:017:9 412 | 
Aluminium......... 2,60 2.239 ,0 625°. | 
RerApUr ee. 7,8 68,2 | 1.600° 
BEORZ een RE. ; 8,5 218,8 


2. Influence de la poudre. — Dans un même 
appareil et à charge égale, les effets érosifs des 


1. L'érosion relativement considérable du bronze donne 
tout lieu de croire que l'artillerie de campagne autrichienne, 
dont les pièces sont constituées avec ce métal, doit êt'e 
actuellement dans un état d'usure très avancé. 


diverses poudres colloïdales croissent en même 
temps que leurtempérature de combustion. 

Le tableau ci-après donne, d’après M. Vieille, 
les résultats fournis par les poudres et certains 
explosifs usuels : 


HS Pre 
2DÉ6O|ze* x | Z 
NATURE 22e|S LRETCRE | 
DE LA POUDRE | #25 |S7°| ZE |# 
29 |4=s)] se | 
us | & | & 
Poudre T au 
coton poudre 
NO ee 3555 | 2.588| 23.11 6,5 | 2.6761 
Poudre BF..... 30211 12:227|. 22; 5004 d° 
Cordite mark 1.| 3 55 | 2.500| 64.2] 18.1 | 3.384 
Dynamite gone . 2,99 2.453| 105,0| 31.4 [3.545 
Nitroguanidine.| 3 90 | 2.019 8,8| 2,3 907° 


Ces faits acquis, il nous reste à montrer com- 
ment l’usure des bouches à feu provient d’un 
phénomène d'écoulement gazeux. Le projectile 
étant muni d'une ceinture en cuivre se moulant 
exactement surles parois de l'âme à l'instant de 
son forcement, il semble qu'un tel écoulement 
soit impossible. En réalité, il n’en est rien, et la 
ceinture, quoique dite obturatrice, n’obture pas, 
son seul rôle se bornant à assurer le mouvement 
de rotation du projectile. 

Considérons, en effet, un projectile à sa posi- 
tion de chargement dans la chambre du canon. 
Soit »27 sa ceinture (fig. 1). La charge étant 


NNSSRSR SSSR RES ESRR SRE 
NIIQRKÇKÇKKKKKÇKÇ 


NS SN 


Fig. 1. 


allumée, sous l'influence de la pression des gaz 
engendrés par sa combustion, le projectile va se 
déplacer vers l'avant. Tant que la ceinture se trou- 
vera dans la région conique de la chambre, l'appui 
sur les parois de celle-ci s'effectuera sur la tota- 
lité de la périphérie de la ceinture. Dès que cette 
dernière, ayant franchi cette partie de l’âme, se 
trouvera dans la région cylindrique de celle-ci, 
il en sera tout autrement. La ceinture ne peut, en 
effet, augmenter de diamètre ; or, celui de l’âme 
rayée, à l’aplomb de la ceinture, va constamment 
en croissant, par suite de la déformation élasti- 
que de la bouche à feu, jusqu’au moment où le 
maximum de pression sur le culot est atteint. 

Il en résulte qu’un jeu prend naissance entre 
la ceinture et les parois de la bouche à feu, jeu 
dont la grandeur varie dans le même sens que 
la pression dans l’âme. 


548 CommMAnDANT A. R. — L'USURE DES CANONS 


Ce jeu est d’ailleurs loin d’être négligeable, 
puisqu'il est de l’erdre de 3/10 &e mm. dans un 
canon de 305 mm. lorsque la pression intérieure 
devient égale à 3.000 kilogrammes par cm>. 

En vertu de son poids, le projectile tend à res- 
ter en contact avec la génératrice inférieure de 
l’âme, de telle sorte que le jeu diamétral consi- 
déré s’observera surtout à la partie supérieure 
de l'âme. C’est done dans ceite région que l’on 
constatera principalement les effets d’usure dus 
à l'existence d’un courant gazeux, passant par 
l'orifice annulaire créé ainsi qu'il vient d’être 
dit. 

L'application de la formule bien connue de 
Zeuner, à ce phénomène d'écoulement, montre 
que sa vitesse est à peu près constante et de l’or- 
dre de 4.000 mètres par seconde. 

La photographie instantanée du coup de ca- 
non à, d’ailleurs, apporté une vérification expé- 
rimentale à ces vues, en montrant l'existence 
d’un courant gazeux de l’âme vers l’atmosphere, 
antérieurement à la sortie du projectile. 

L'existence d’une veine annulaire gazeuse 
s'écoulant à grande vitesse entre la ceinture du 
projectile et l'âme étant ainsi mise en évidence, 
il est aisé d’en déduire les conséquences au point 
de vue qui nous occupe. 


3. Influence de la vitesse du projectile. — L'in- 
fluence de la vitesse du projectile sur la gran- 
deur des effets d'usure produits par l'écoulement 
gazeux annulaire qui s'effectue autour de sa cein- 
ture est, en outre, capitale. 

Considérons, en effet, le projectile à un ins- 
tant quelconque de son trajet dans l’âme, et soit 


NN 


C 


(2) 


Fig. 2: 


dl un élément superficiel de celle-ci (fig. 2). Le 
contact de cet élément avec la veine d'écoulement 
commencera dès que la ceinture c du projectile 
et cet élément seront dans la position (1) pour 
se terminer dans une position voisine de (2). 

Il résulte de ce fait que la durée du contact de 
l'élément g superficiel considéré avec la veine 
gazeuse (et par suite celle du phénomène pro- 
ducteur de l’érosion) est d’autant plus grande que 
la vitesse du projectile est plus faible. 

On déduit immédiatement de là que l’alour- 
dissement du projectile d’une bouche à feu don- 
née, tirant sous une pression maxima déterminée 
une poudre de même nature chimique, devra se 


traduire par un accroissement de l'usure de la 
bouche à feu. 

La vitesse du projectile influe d’ailleurs encore 
d’une autre manière sur l’usure de l'âme en mo- 
difiant la température de la masse gazeuse. Pour 
étudier cette influence, nous assi- 
milerons le projectile au cas d’un 
piston se déplaçant dans un cylin- 
dre (fig. 3) sous l’action de la 
détente adiabatique d’une masse 
gazeuse qui y est enfermée. Nous 
supposerons, en outre, cette der- 
nière constituée par un gaz par- 
fait. 

Il résulte tout d’abord du prin- 
cipe de la conservation de l’éner- 
gie que la variation de force vive 
du piston et de la masse gazeuse, 
dans un intervalle de temps d£, est 
équivalente à la variation totale correspondante 
de l’énergie interne du gaz. Il est aisé de mon- 
trer que cette variation d'énergie interne n'in- 
téresse qu’une fraction de la masse gazeuse 
assujettie à la détente. Soit, en effet, dx l’espace 
parcouru par le piston P pendant le temps de. 
Ce déplacement dx engendrera une onde de 
dépression, qui se propagera de À vers C, avec 
une vitesse a, égale à celle du son dans le milieu 
considéré. 


Fig. 3. 


Si (%) est négligeable devant à, la masse ga- 


zeuse perturbée par la propagation de l’onde 
sera la totalité de celle occupant le volume 

ABCD. 
Dans le cas contraire, l'onde dilatée ayant pris 
naissance à l’origine du déplacement 


NN | RS considéré sera seulement parvenue 


\ dl 
en EF à la fin du temps dt et l’ac- 
NN NN | 9 croissement de l'énergie cinétique du 


système, pendant le même temps, 

sera équivalent à la diminution de 

l'énergie interne de la seule masse 
gazeuse occupant le volume ABEF; ce dernier 
volume sera donc d'autant plus petit que le 
rapport a/(dx/dt) sera lui-même plus petit. 

En appliquant à l'étude de cette question les 
formules classiques d’'Hugoniot, on trouve que, 
dans le cas où la charge est constituée par de la 
poudre B, à l'instant du maximum de pression, 
la chute de température de la tranche gazeuse 
en contact avec le culot du projectile est de l’or- 
dre de 400°, c’est-à dire très supérieure à la chute 
moyenne de température de la masse gazeuse 
totale. 

Ainsi donc la vitesse du projectile agit à la 
fois et sur la durée d'action de la veine gazeuse 


CommanpanT A. R. — L'USURE DES CANONS 549 


annulaire qui s'écoule autour de la ceinture du 
projectile et sur l'intensité de l'effet d'usure 
produit par le frottement de cette veine sur les 
parois du canon. 


4. Influence de la pression.— Nous avons vu qu'à 
partir d’une certaine valeur de la pression, la 
grandeur de celle-ci était sans influence notable 
sur la grandeur de la vitesse d'écoulement et sur 
la densité du fluide gazeux. Cette même influence 
s'exerce, par contre, sur la lempérature de com- 
bustion et sur la grandeur de la quantité de cha- 
leur dégagée. Il résulte, en effet, des travaux de 
Sir A. Noble que ces deux dernières caractéristi- 
ques croissent en même temps que la pression 
pour la plupart des poudres colloïdales. 

C’estainsi que la température de combustion de 
la poudre B passe de 2.144° absolus à 2.636° abso- 
lus lorsque la pression sous laquelle s'effectue 
cette combustion croît de 472 à 7.369 kilogs 
par cm?. 


5. Influence du calibre. — X1 nous reste mainte- 
nant à examiner l'influence du calibre sur la 
production de l’usure, en admettant toujours que 
la grandeur de celle-ci dépende : 


1° De la quantité de chaleur absorbée par 
l'unité de surface des parois pendant l'unité de 
temps ; 

20 De la durée du contact de cette même unité 
de surface avec la veine gazeuse qui la chauffe 
et la décape. 

Soient alors deux bouches à feu semblables 
etsemblablement chargées ; appelons} leur rap- 
port de similitude. Dans l'hypothèse où nous 
nous plaçons, les durées de contact d’un même 
élément superficiel {pris dans chacun des deux 
canons) avec la veine d'écoulement seront entre 
elles dans le rapport 1/1. 

D'autre part, les sections des veines dans les 
deux canons seront entre elles comme }?/1 et 
leurs circonférences comme }/1. 

Si l’on admet que la chaleur totale absorbée 
par l’unité de surface de la paroi n’est fonction 
que de la surface de la veine, l'usure grandira 
seulement comme la durée de contact, c'est-à- 
dire comme le calibre. Dans l’hypothèse où la 
chaleur absorbée dépendrait de la section de la 
veine, l'usure croîtrait alors comme le carré du 
calibre. Il est vraisemblable que, ces deux hypo- 
thèses encadrant la réalité, l’usure croit comme 
une puissance du calibre comprise entre 1 et 2. 
Une formule empiriqne employée par l'Amirauté 
anglaise relativement à la durée des canons et 
qui est donnée plus loin est d'accord avec cette 
déduction, puisque le nombre de coups pouvant 


être tirés par une pièce avant sa mise hors de ser- 
[l 


vice est proportionnel à = 
be dd — 2) 


, d désignant le 


calibre. 

Il résulte de l'exposé précédent que l'érosion 
des parois d’un canal de fuite croit comme le flux 
thermique qui vient en contact avec ces mêmes 
parois. 

Or, A désignant le poids spécifique du gaz qui 
s'écoule à travers le canal, g la quantité de cha- 
leur contenue dans l’unité de poids de ce fluide, 
U sa vitesse d'écoulement, {la durée de celui-ci, 
la quantité de chaleur en question sera exprimée 
par une fonction croissante du produit A.g.U.r. 

Dans une bouche à feu, {est inversement pro- 
portionnel à la vitesse V du projectile à un ins- 
tant quelconque, de telle sorte que, dans ce cas, 
l’usure exprimée par la quantité de métal enlevée 
au rayon est représentée par une fonction crois- 
sante de la quantité : 


A.q.U. 
\f 


Comme d’ailleurs la vitesse U dépend de la 
température absolue du gaz contenu dans le 
réservoir d'écoulement et est dans une large 
mesure indépendante de la pression, on conclut 
de là : 

10 Que, toutes choses égales d’ailleurs, l'usure 
croît plus vite que la quantité de chaleur (assez 
improprement appelée potentiel) libérée par la 
combustion d’un kilog de la poudre considérée; 

2° Qu’en employant toujours la même poudre 
et le même métal à canon, l’usure variera dans le 
même sens que le rapport A/V. 


Etant donné qu’à partir d’une valeur peu éle- 
vée de la pression et assez voisine de celle qui 
assure le forcement du projectile, le poids spé- 
cifique A croit d’une manière relativement lente, 
il en résulte que c’est surtout la grandeur de la 
vitesse du projectile qui constituera le facteur 
déterminant de l'usure. 

C’est ainsi que, si l’on fait croître le poids du 
projectile sans toucher aux autres conditions de 
chargement, on agcravera l’usure, puisque V 
décroîtra, par comparaison, en un point quelcon- 
que de l’âme. 

Il en sera encore de même si l'on tire, dans un 
canon de calibre déterminé et sous une même 
pression maxima, des projectiles de poids égaux 
avec des charges de poids différent. La charge 
de poids minimum, étant plus vive, donnera 
lieu à un développement de la pression (et par 
conséquent de la vitesse) plus rapide que celui 
correspondant aux charges de poids plus élevé. 


550 CommaANDANT A. R. — L’USURE DES CANONS 


Dans les conditions où nous nous sommes placés, 
l'usure croitra donc avec le poids des charges. 

Il en sera a furtiori de même lorsqu'on conser- 
vera les conditions précédentes en diminuant la 
valeur du maximum de presion. C'est ainsi 
qu'anciennement on admettait en France que, 
dans les tirs à charge d’exercice, effectués avec 
des charges de poids réduit, 5 coups de cette 
espèce équivalaient à 1 coup à charge de combat. 

Actuellement, en Angleterre, on admet la 
règle d'équivalence suivante : 1 coup à charge de 
combat équivaut à 4 coups à trois quarts de charge 
et 16 coups à demi-charge. 

D'une manière générale, l’Amirauté anglaise a 
condensé l'influence des divers facteurs de 
l'usure dans la formule semi-empirique ci-après, 
qui a été établie en admettant que l’usure 
était proportionnelle à la quantité de chaleur 
en contact avec les paroïs à l’instant du maxi- 
mum de pression : 


25107 
Rep 
ua 


Dans cette formule : 


L désigne le nombre total de coups que peut 
tirer le canon à charge de combat; 
P la pression maxima en tonnes anglaises de 
1016 kilogrammes par pouce carré (6em?, 454); 
s la vitesse initiale (en milliers de pieds 
anglais par seconde), Viétant la vitesse initiale 
'V 
en mètres : p — (: Vo 5 
3048 
d le calibre (en pouces anglais de 25 mil- 
lim. 4). 
Il est fait application de cette formule pour 
évaluer la date à laquelle, en temps de paix, le 
canon doit être réparé par remplacement de son 


tube intérieur. 


VITESSES INITIALES ET PRESSIONS MAXIMA 


CE 


CALIBRES 


914" par seconde 


3.000 k. par c/m 
8362 par seconde 


Les durées de service véritables doivent être 
en réalité majorées de 30-40 % par rapport aux 
le tableau ci-dessus et 


chiffres inscrits dans 


calculés d’après la formule précédente. 


L'usage de la formule précédente parait toute- 
fois supposer implicitement que les canons aux- 
quels on l’applique sont semblables. 

Lorsqu'il n’en sera pas ainsi, il conviendra de 
remplacer la vitesse initiale réelle par une 
vitesse initiale fictive correspondant au canon 
réel allongé à 45 calibres (longueur des canons 
auxquels s'applique la formule anglaise). 

En appliquant la formule ainsi corrigée aux 
canons de 75 de notre artillerie de campagne, on 
trouve que le canon devrait être remplacé après 
plus de 10.000 coups. 

Il convient toutefois de remarquer que cette 
indication n'a rien d’absolu, étant donnée la 
variété des manifestations de l’usure d’une 
bouche à feu. Elle constitue seulement une 
moyenne pouvant servir de base à des prévisions 
sur la durée du matériel. Dans la pratique, on 
pourra observer de grands écarts suivant qu'un 
canon s'use ou non avec production d’éro- 
sions. 


6. Usure des cloisons. — Il reste à expliquer le 
fait de l’usure relativement rapide des cloisons 
par rapport à celle du fond des rayures. Consi- 
dérons une section droite de la bouche à feu 
intéressant également le projectile pendant son 
mouvement de translation. Par suite de la dila- 
tation diamètrale du canon et de l’appui exclusif 
de la ceinture sur un seul flanc des rayures, la 
section sera telle que celle représentée ci-des- 


sous (fig. 4). 


C WY 


Fig. 4. 


Le flux calorifique provenant de la veine 
gazeuse et entrant dans le métal est en chaque 
point normal à la surface de ce dernier. Cela 
étant, ilest visible que la masse de métal inté- 
ressée par ce flux à un instant quelconque est, 
toutes choses égales d’ailleurs, beaucoup plus 
grande dans le fond de la rayure que sur le som- 
met de la cloison correspondante. Cette der- 
nière région doit done s'échauffer davantage et 
s’user par suite plus rapidement quele fond des 
rayures. 

Il suit de là que ‘l'augmentation, du rayon 
oa de l’arrondi des rayures pourrait être un 
moyen d’atténuer l'usure des cloisons vers l’ori- 
gine des rayures. 


En. BRINER. — LE ROLE DE LA PRESSION DANS LES PHÉNOMÈNES CHIMIQUES 551 


III. — ConcLzus1oN. 


Il résulte de ce que nous venons de dire que 
l'usure des bouches à feu est due à l'écoulement 
gazeux à grande vitesse qui s'effectue par le jeu 
annulaire existant entre la ceinture du projec- 
tile et l'âme. Ce jeu, d'importance variable, est 
dû à la dilatation élastique de la bouche à feu 
provoquée par les pressions qui se développent 
à son intérieur. 

L'usure est sous la dépendance directe du flux 
thermique qui pénètre dans les parois de l’âme, 
pendant le temps très court où la ceinture du 
projectile se trouve en regard direct de cette 
paroi. 

Au point de vue balistique, le phénomène étu- 
dié se manifeste par une décroissance des 


vitesses initiales et une augmentation des écarts 
moyens. 

Il importe done de prévoir dès le temps de 
paix la création d’un stock de canons ou d’élé- 
ments de canons (tubes), de maniére à pourvoir 
au remplacement rapide de ceux usés par le tir, 
au cours d’une longue guerre. 

En ce qui concerne la maniére dont le rempla- 
cement des canons usés doit s'effectuer, on doit 
avoir égard au fait qu'un canon usé a, toutes 
choses égales d’ailleurs, un tir plus court qu’un 
canon neuf. Le remplacement des bouches à feu 
usées doit done s'effectuer simultanément dans 
une même unité tactique (batterie ou mieux 
groupe). 


Commandant A.R. 


LE ROLE DE LA PRESSION DANS LES PHÉNOMÈNES CHIMIQUES 


I. — GÉNÉRALITÉS ! 


Les phénomènes chimiques, qui se manifes- 
tent dans la Nature ou que le savant étudie au 
laboratoire, dépendent en général des conditions 
de température et de pression. Pendant long- 
temps, le chimiste, qui s'était borné à étudier 
ces phénomènes à la température ordinaire, s’est 
efforcé surtout de connaître ce qu'ils deviennent 
dans tout l'intervalle de températures dont il 
pouvait disposer. Chaque extension de cet inter- 
valle, due à de nouveaux perfectionnements, a 
amené une ample moisson de découvertes. 

Ces recherches ont été si fécondes en résultats 
qu'elles ont fait négliger pendant longtemps 
l’étude de l’autre facteur, la pression. Et pour- 
tant ily avait également lieu de se demander 
quelles influences exercent des variations de 
pression sur tous les phénomènes chimiques, 
observés d'habitude à la pression ordinaire; en 
particulier, de fortes élévations de pression 
n'étaient-elles pas de nature à faire apparaitre 
des phénomènes nouveaux ? 

Il est vrai de dire qu'au point de vue expéri- 
mental, ces travaux sont incontestablement plus 
difficiles que ceux relatifs à l’action de la tempé- 
rature. Sans doute, le chimiste a-t-il souvent 
hésité à s'engager dans ce nouveau domaine à 
cause des appareils compliqués et coûteux que 
de telles recherches nécessitent. 


1. Quelques-unes des considérations développées dans cet 
article ont été déjà exposées dans d’autres recueils, à propos 
de recherches expérimentales effectuées par l’auteur et ses 
collaborateurs. 


Grâce aux progrès de la technique expérimen- 
tale, ce champ d’investigations est devenu plus 
accessible et, de fait, en ces dernières années, 
les recherches mettant en action les pressions 
élevées ont été de plus en plus nombreuses. À 
l’origine de ces progrès, il convient de placer le 
regretté Amagat, dont les admirables travaux sur 
la compressibilité des gaz et des liquides, étu- 
diée jusqu’à 3.000 atm., sont devenus classi- 
ques. 

Sans vouloir entrer dans les détails concer- 
nant cette technique, ce qui sortirait du cadre 
de cet article, disons cependant que les perfec- 
tionnements réalisés ont porté sur l'obtention 
de pressions de plus en plus élevées et surtout 
sur le maintien de ces pressions suflisamment 
longtemps. Ce dernier point est capital, car sou- 
vent, pour se manifester ou pour permettre les 
mesures, l’action de la pression doit s'exercer 
pendant une certaine durée. Ces conditions ont 
pu ètre réalisées grâce à une étanchéité parfaite 
des appareils, obtenue par l'emploi de joints 
hermétiques, notamment de joints coniques, 
ou encore à l’aide de dispositifs rétablis- 
sant automatiquement la pression à sa valeur 
primitive, si le phénomène étudié est accompa- 
gné d’une contraction. La résistance exception- 
nelle des aciers que l’on arrive à préparer main- 
tenant est aussi, pour une grande part, dans le 
succès de ces travaux. 

On se fera une idée des progrès accomplis dans 
la technique de laboratoire des hautes pressions 
par les recherches de Bridgman, que nous signa- 
lons ici bien qu'elles aient un caractère plutôt 


552 Em. BRINER. — LE ROLE DE LA PRESSION DANS LES PHÉNOMÈNES CHIMIQUES 


physique. Cet expérimentateur a opéré jusqu’à 
des pressions de 20.000 atm.; il a ainsi pu déce- 
ler l'existence de 5 variétés de glace, stables à ces 
pressions élevées !. 

Ilestà remarquer, cependant,que des compres- 
sions aussi fortes ne peuvent guère être mises 
en œuvre que pour l'étude de systèmes con- 
densés, liquides ou solides. La compression etle 
maintien à l’état comprimé de systèmes compor- 
tant une phase gazeuse rencontreraient de sé- 
rieuses difficultés. Sans parler des risques de 
fuites, il faut compter encore avec la forte ré- 
duction de volume subie par ces systèmes, 
réduction qui provient de la grande com- 
pressibilité des gaz. Ainsi, en supposant ap- 
plicable la loi de Boyle-Mariotte, un volume de 
10.000 em° au dépari serait réduit à 4 em* par 
une compression à 10.000 atm. Une pareille com- 
pressibilité introduit un élément de compli- 
cation dans la construction des appareils, qui 
doivent alors être combinés en conséquence. 

Pour la compression et le maintien sous pres- 
sion de systèmes gazeux pendant une durée aussi 
prolongée qu'on le désireetsans danger de fuite, 
nous mentionnerons ici un procédé qui nous a 
rendu de grands services dans nos recherches 
et qui est à la portée de tous les expérimenta- 
teurs disposant d’air liquide ou d’autres moyens 
réfrigérants énergiques. Il consiste à condenser 
les gaz constituants du système dans un tube de 
verre à parois épaisses, immergé dans le réfri- 
gérant (air liquide ou autre). Lorsque la quantité 
condensée est suflisante, on ferme le tube soi- 
gneusement au chalumeau et on le laisserevenir 
à la température ordinaire; si celle-ci est supé- 
rieure au point critique du mélange, la pression 
dans le tube sera d'autant plus élevée que le 
remplissage sera plus complet. Il est clair que, 
par cet artifice, on obtiendra des pressions très 
élevées ; ainsi, en fermant de cette facon un tube 
à peu près complètement rempli d’air liquide,on 
réalisera, après réchauffement, des pressions qui 
ne seront pas éloignées de 1.000 atmosphères. 

La plupart des gaz sont condensables à la 
température de l’air liquide ; pour ceux dont le 
point d’ébullition à la pression atmosphérique 
est situé plus bas [oxyde de carbone, par exem- 
ple), on aura recours à l'hydrogène liquide ou à 
l'air liquide bouillant sous pression réduite. 
Cette dernière condition peut être réalisée d’une 
façon commode, comme l’a montré G. Claude, 
en faisant barboter de l'hydrogène dans l'air 
liquide. Pour l'hydrogène ou l'hélium. qui sont 


1. M. Carvallo a donné dans cette Revue (1913, p. 7) un 
aperçu de ces belles ‘recherches, que M. Bridgman poursuit 
activement dans le Laboratoire de l'Université de Harvard, 


les gaz les plus difficilement liquéfiables, ce 
procédé n’est naturellement pas utilisable. En 
revanche, il permet de soumettre aussi à des 
pressions élevées des systèmes gazeux qui, à la 
température ordinaire, sont constitués par des 
gaz liquéfiés ou des liquides; il suffira pour cela 
de porter le tube au-dessus du point critique du 
système qu'il contient, Il importe naturellement, 
dans ces essais, de s’entourer de toutes les pré- 
cautions nécessaires, car les tubes font fréquem- 
ment explosion. 

Ajoutons quelques mots ici sur les procédés 
utilisés pour la mesure des pressions très éle- 
vées. Les manomètres à gaz comprimés, qui pré- 
sentent le plus d’exactitude et conviennent 
spécialement aux recherches physiques de pré 
cision, ne peuvent guère être émployés qu'aux 
pressions inférieures à 400-500 atm. Pour les 
pressions supérieures, Amagat s’est servi d’un 
manomètre à pistons libres et liquide visqueux, 
dont le principe est dû à Gally-Cazalat et qui lui 
a permis d’atteindre les pressions de l’ordre de 
3.000 atm. Bridgman, en perfectionnant encore 
cet instrument, a réussi à l'utiliser jusqu'à des 
pressions de près de 13.000 atm. Les manomètres 
du type de Bourdon fournissent des indications 
moins précises, mais cependant suflisantes pour 
la plupart des recherches physico-chimiques; ils 
ont permis de mesurer des pressions allant jus- 
qu'à 4.500 atmospheres. 

Pour les pressions supérieures, on a fait appel 
aux variations subies par certaines propriétés 
physiques lorsque la pression s'élève. Plusieurs 
expérimentateurs, entre autres Lafay, Biron, 
Bridgman, ont proposé et appliqué plusieurs 
types d'appareils basés sur la variation dela résis- 
tance électrique de divers métaux ou alliages. 
Bridoman a, en particulier, utilisé avec succès 
un fil de manganine, alliage dont la résistance 
varie, à peu de chose près, proportionnellement 
à l'accroissement de la pression. 

Ces quelques brèves indications montrent le 
rôle important joué par l’appareillage dans les 
recherches effectuées aux pressions élevées. Ce 
qui, à notre avis, contribuera à donner de nou- 
velles impulsions à ces recherches, malgré leurs 
difficultés, ce sont les nombreuses applications 
industrielles dont elles sont susceptibles. Là, 
les obstacles techniques à vaincre sont autre- 
ment plus sérieux qu’au laboratoire, et des résul- 
tats pratiques ne peuventguère être obtenus que 
par une étroite collaboration entre les chimis- 
tes et physiciens et des ingénieurs spécialistes. 
En retour, les chercheurs de laboratoire seront 
certainement appelés à bénéficier de l'expérience 
acquise dans ces efforts. Pour ne citer qu'un 


4? 


7 


En. BRINER. — LE ROLE DE LA PRESSION DANS LES PHÉNOMÈNES CHIMIQUES 


exemple de ces applications, où de nombreuses 
diflicultés techniques ont dû être surmontées, 
et qui est de haute actualité maintenant, men- 
tionnons le procédé Haber et Le Rossignol pour 
la fixation de l'azote à l'état d’ammoniaque'. 
Dans ce procédé, la mélange azote et hydrogène 
circule à une pression voisine de 200 atm. etune 
température de 5500 environ sur des masses 
catalytiques, et l’'ammoniaque forméeestextraite 
sous forme liquéfiée. Nous aurons d’ailleurs 
l'occasion de revenir sur cette réaction. 


II. — ConsIDÉRATIONS THÉORIQUES 


En examinant les phénomènes chimiques que 
provoquent les variations de pression, on est 
amené à distinguer très nettement l’action de la 
pression sur les systèmes en équilibre de celle 
exercée sur les systèmes éloignés de leur état de 
stabilité maximum. 

En tant que facteur de l'équilibre, le rôle de la 
pression a été clairement défini, et il peut être 
prévu qualitativement par la règle suivante : 
« La compression d’un système favorise la réac- 
tion qui est accompagnée d’une diminution de 
volume. » Cette règle n’est d’ailleurs qu'un 
cas particulier de la loi générale régissant les 
déplacements de l’équilibre, et formulée comme 
suit par Le Chatelier: « Toute variation d’un 
facteur de l'équilibre amène une transformation 
du système qui tend à faire éprouver au facteur 
considéré une variation de signe contraire à celle 
qu'on lui a communiquée. » Quantitativement, 
l'évaluation de cette action sera basée sur l’appli- 
cation des principes de la Thermodynamique, 
qui conduira aux relations cherchées. 

S'il s'agit de systèmes éloignés de leur état 
d'équilibre, le rôle de la pression sera moins 
facile à prévoir, car on ne peut appliquer ici les 
principes de la Thermodynamique. La loi d’ac- 
tion des masses fait bien entrevoir un accroisse- 
ment de la vitesse de réaction, dû à l'élévation 
de la concentration des constituants par la com- 
pression, mais elle est incapable de nous ren- 
seigner complétement sur les états par lesquels 
passeront les systèmes comprimés, sur l’ordre 
de grandeur des pressions à faire intervenir, en 
un mot sur les caractères spéciaux de l’évolution 
du système, 

Soit, par exemple, un système comportant un 
seul constituant et éloigné de son état d’équi- 
libre, tel que le gaz NO. Désignant par c la con- 
centration, par x le nombre de molécules qui 
réagissent entre elles (soit l’ordre de la réaction), 


1. A. Brochet a fourni quelques données sur ce procédé 
À dans l’article : La fixation de l'azote atmosphérique. Rev. gén. 
des Sc., 1911, p. 865. 


553 


par y la vitesse de réaction (soit la quantité de 
substance transformée par unité de temps) et par 
K une constante, nous pourrons écrire, en vertu 
de la loi des masses: 
r—=Ker, 
et, comme la concentration est proportionnelle à 
la pression p, nous aurons, en désignant par K, 
une autre constante : 
apr 

Cette expression nous montre seulement que 
la vitesse augmentera avec la pression. 

Ala température ordinaire, NO est celui de 
tous les oxydes d’azote qui est le plus éloigné 
de l’équilibre le plus stable. Jusqu'à quel point 
résislera-t-il à l’action de la pression? Quelle 
voie suivra-t-il pour atteindre l’état de stabilité 
maximum ? L'expérience seule pourra l'indiquer. 

Il ya lieu de remarquer ici que la compres- 
sion ne peut être remplacée par une élévation 
de la température, bien que ces actions tendent, 
toutes deux, à accélérer les réactions chimiques. 
Par l’élévation de température seule, l’état d’équi- 
libre final et l’état intermédiaire seront, en effet, 
différents de ceux qui se trouveront réalisés par 
une compresison à basse température. Pour pren- 
dre le même exemple, portons la température à 
700° environ; NO se décomposera totalement en 
ses éléments et, après retour à la température 
ordinaire, nous nous trouverons en présence du 
mélange N?+-0?. En élevant, par contre, la pres- 
sion à la température ordinaire, comme nous 
l'avons fait, nous engendrerons un système cons- 
titué par un mélange d'azote, d'oxyde d’azote et 
d'oxydes supérieurs d'azote; nous obtenons 
donc ainsi un système fortement condensé et 
beaucoup plus complexe. 

Au point de vue de l'efficacité de l’action de la 
pression, une remarque générale découle tout 
naturellement des considérations qui viennent 
d’être développées. Les variations de volume, 
c'est-à-dire de concentration, des constituants 
d’un système étant des facteurs tant de l’équi- 
libre que de la vitesse de réaction, il était à pré- 
voir que la compression se montrerait la plus 
active dans les systèmes comportant des gaz; ces 
derniers sont, en effet, autrement plus compres- 
sibles que les liquides ou les solides. D'ailleurs, 
la conception du rapprochement des molécules 
réagissantes, opéré par la compression, permet 
facilement de se rendre compte de cette consé- 
quence. 

Si l’étude des systèmes avec phase gazeuse est 
susceptible de fournir plus facilement des résul- 
tats, l'intérêt qui s'attache aux systèmes con- 
densés n’en est pas moins grand. Les réactions 
qui interviennent dans la croûte et le noyau 


Ex. BRINER. — LE ROLE DE LA PRESSION DANS LES PHÉNOMÈNES CHIMIQUES 


terrestres, dont la connaissance est si importante 
au point de vue géologique et pétrogénétique, 
ne s’effectuent-elles pas toutes sous pression? 
Les recherches dans ce domaine présentent mal- 
heureusement l'inconvénient d’exiger des com- 
pressions énormes, qu'il devient très difficile de 
réaliser au laboratoire. 

Les considérations précédentes nous condui- 
sent ainsi à classer à part les études portant sur 
les variations de l’équilibre et celles dans les- 
quelles les expérimentateurs ont eu plus spécia- 
lement en vue les variations de la vitesse de 
réaction. Ces études sont déjà fort nombreuses 
et, pour ne pas donner trop d’étendue à cet 
article, nous nous bornerons à citer un certain 
nombre d'exemples, choisis parmiles plus carac- 
téristiques, en laissant de côté les recherches, 
de nature plutôt physique, ayant trait à l'in- 
fluence de la pression sur la densité, la solubi- 
lité, la stabilité de diverses variétés allotro- 
piques, etc. 


III. — AcrTion sur L'ÉQUILIBRE 


Parmi les phénomènes rentrant dans cette ca- 
tégorie, citons la formation reversible de combi- 
naisons solides ou liquides à partir de produits 
gazeux: celles-ci ne prendront naissance et ne 
pourront être étudiées que si la pression est su- 
périeure à leurs tensions de dissociation. 

Par exemple, le chlorure de phosphonium, 
découvert par Ogier!, est un solide blanc qui, 
aux températures de 00 et 11°, n’est stable que 
sous des pressions supérieures respectivement 
à 8 et 15 atm. ?; aux pressions inférieures, il se 
dissocie en acide chlorhydrique et hydrogène 
phosphoré. Tel est aussi un liquide composé 
d'anhydride sulfureux et d'oxyde de méthyle, 
qui se forme par compression de ces deux gaz. 

On peut rapprocher de ces réactions la pro- 
duction du superoxyde de calcium CaO?, qui 
ne réussit bien, à partir de l’oxyde et de l’oxy- 
gène, qu'à des pressions et des températures 
suffisamment élevées; la tension de dissociation 
de ce corps atteint, en effet, une centaine d’at- 
mosphères à 200° #. 

Dans un autre domaine, la compression de 
l’oxyde d'azote NO sur l’acide nitrique nous a 
permis d’élucider les conditions, très com- 
plexes, qui président à la formation des acides 
nitreux et nitrique à partir des divers oxydes 
d'azote et de l’eau. Une telle compression fait 
rétrograder l'équilibre du système dans le sens 


. Bull, Soc. chim.,t. XXXII, p. 483. 

. BRiNER : J. Chim. phys., t. 1V, p. 283 (1906). 

. Briver et CArDoso :J. Chim. phys., t. V1, p. 641 (1908). 
Bercius : Zeits. f. Elektrochemie, 1912, j:. 660. 

5. Briner et Duranp : C. r., t. CLV, p. 582 et 1495 (1912). 


CCE 


1 


de la formation de l'acide nitreux; ce dernier 
fournit à son tour de l’anhydride nitreux N? 0, 
etfinalement, si l’on pousse la pression à 10 atm., 
il se produit une deuxième phase liquide d’un 


bleu très foncé, constituée par de l’anhydride 


N? O0", lequel peut ainsi subsister à l'état d’équi- 
libre en présence d’une phase aqueuse. Dans ce 
même ordre d'idées, on est arrivé à préparer! de 
l'acide nitrique pur en faisant agir de l’oxygène 
comprimé sur du peroxyde d’azote en présence 
d’eau. Cette dernière réaction présente un grand 
intérêt pratique pour la récupération des oxy- 
des d’azote préparés par l’action de l’arc élec- 
trique sur l'air. 

La pression joue un rôle capital dans une autre 
réaction touchant aussi un problème vital de la 
fixation de l'azote atmosphérique. Nous voulons 
parler de la préparation de l’ammoniaque à par- 
tir de ses éléments parle procédé Haber et Le 
Rossignol, auquel nous avons déjà fait allusion 
à propos de la technique des hautes pressions. 
Comme le laisse prévoir la théorie, la compres- 
sion agit d’une façon tout spécialement eflicace 
sur cette réaction et dans le sens de la formation 
de l’ammoniaque; celle-ci est, en effet, accom- 
pagnée d'une forte réduction de volume. On s’en 
convaincra par les chiffres suivants, empruntés 
à un mémoire de Haber?, où ce est la proportion 
en % d'ammoniaque en équilibre avec le mé- 
lange azote-hydrogène à diverses pressions p (en 
atmosphères) et à 600 : 

pi 5040 100 000200 
610,049 LES NT RSS 


Ils montrent à l'évidence que, sans l’interven- 
tion d’une compression, cette synthèse n’eût pas 
présenté le grand intérêt industriel qu’elle revêt 
actuellement. Dans le procédé, tel qu'il est appli- 
qué, la compression agit aussi, naturellement, 
sur la vitesse de réaction, mais celle-ci est sur- 
tout fortement accélérée par la présence de 
masses catalytiques (osmium, uranium, carbure 
d'uranium, etc.), dont l’action, par contre, est 
nulle sur l’équilibre. 

Dans les systèmes ne comportant que dessoli- 
des et des liquides, les modifications de l’équi- 
libre ne peuvent être que très faibles à cause des 
variations minimes de volume dues à la com- 
pression. Cohen et ses élèves* sont néanmoins 
parvenus à les déceler en mesurant les forces 
électromotrices mises en œuvre dans certaines 


1.L, Frinerica. Voir Principes et applications de l'Elec- 
trichimie par O. Dony-Hénault, H. Gall et Ph.-A. Guye, 
p. 664 (1914). 

2, Zeits. [. angewandte Chemie, t. XXVII, p. 473 (1914). 

3. Ces travaux, effectués à Utrecht, ont fait l'objet d'une 
série de mémoires parus ces dernières années dans la Zeüls. 
[. phys, Chemie. 


RE TE SP ee 


En. BRINER. — LE ROLE DE LA PRESSION DANS LES PHÉNOMEÈNES CHIMIQUES 555 


EE. ——————…—…—…—…—__—— 


réactions; la force électromotrice constitue, en 
elfet, une mesure del’affinité chimique.Cette mé- 
thode possède l’avantage d'être en même temps 
très sensible et très exacte, mais elle limite le 
champ d’investigations aux réactions électro- 
chimiques reversibles. Voici, pour fixer les idées 
sur les valeurs très faibles de ces variations, les 
forces électromotrices de l'élément Weston à 
25° et à diverses pressions p; rappelons que la 
réaction chimique qui intervient est : 
Cd + Hg?SO0'sol —=> CdSOsol + 2 Hg 
1000 
1,02459 


Q 


p en atm. 1 500 
f.e. m.en volt  1,01827 1,02150 


Quant aux systèmes composés uniquement de 
corps solides, les réactions y sont tellement len- 
tes qu'on ne peut guère songer à étudier expéri- 
mentalement les déplacements d'équilibre pro- 
voqués par la compression; on s'est donc limité 
pour le moment aux recherches relatives aux 
variations de la vitesse de réaction. 


IV. — Acrion sun LA VITESSE DE RÉACTION 


Dans ce domaine, les recherches, déjà très 
nombreuses, se sont montrées particulièrement 
fructueuses. Elles ont porté sur une foule de 
systèmes, tant homogènes qu'hétérogènes. Con- 
sacrons quelques lignes à l'étude d’un certain 
nombre d’exemples. 

Soumis à des pressions de l’ordre de plusieurs 
centaines d’atmosphères, beaucoup de composés 
gazeux subissent des transformations qui, à la 
pression atmosphérique et dans les mêmes con- 
ditions de température, ne se manifesteraient 
qu'après des durées sans doute fort longues. 
Ainsi, parmi les corps que nous avons étudiés ! 
par compression dans les tubes de verre, le gaz 
NO, réputé comme stable à la température ordi- 
naire, a été soumis à une pression de 700 atm.; 
il présente déjà après quelques secondes l'indice 
d'une décomposition curieuse, qui se poursuit 
rapidement et sur laquelle nous reviendrons plus 
loin. Disons seulement ici qu’elle est caractéri- 
sée par l’apparition d’un liquide coloré en bleu 
par l’anhydride N?0* fermé. L'oxyde de carbone, 
à 320° et sous 400 atm., éprouve aussi une dé- 
composition accompagnée d’une contraction per- 
manente et de la formation d’acide carbonique. 
Le cyanogène peut être chauffé très longtemps à 


220° sans être altéré; à cette même température, 


mais sous 300 atm., il se polymérise en paracya- 
nogène et se décompose aussi en partie en ses 


1. Ces travaux, effectués en collaboration avec MM. Wroc- 
zynski et Boubnoff, ont fait, à partir de 1909, l’objet de plu- 
sieurs mémoires parus dans les Comptes rendus de l'Acad., 
le J. de Ch. phys. et les Archives des Sc. phys. et nat. 


éléments. Dans des conditions semblables, l’acé- 
tylène fournit aussi des polymères. Les réactions 
entre plusieurs corps gazeux sont également fa- 
vorisées par l'augmentation de pression; ainsi la 
réaction : 

2 SO? + 02 —2S0%. 

Il importe ici de faire une remarque concer- 
nant les réactions chimiques en général, et plus 
spécialement celles qui font intervenir les corps 
gazeux. En dehors de l’affinité, qui est à l’ori- 
gine de tout phénomène chimique, il faut encore 
compter avec l’action de substances, dites cata- 
lytiques, étrangères à la réaction elle-même et 
dont le rôle n’est pas toujours très bien défini. 
Tous Les corps solides étant, en particulier, sus- 
ceptibles de fonctionner comme agents cataly- 
tiques, il faudra nécessairement, du moins théo- 
riquement, prendre en considération le rôle des 
récipients contenant le système étudié. De ce 
fait, il pourra devenir difficile d'établir nette- 
ment, dans la marche d’une réaction, la part qui 
revient à la compression. 

Parmi les solides, le verre lisse est un des corps 
les moins actifs; aussi les réactions étudiées 
dans ce matériel sont-elles, pour la plupart, fort 
peu influencées par les parois. Mais il en est ce- 
pendant qui le sont à un degré si élevé que l’ac- 
tion de la compression peut se trouver masquée. 
Telle est la formation de l’eau à partir de ses élé- 
ments!. Ainsi, en opérant à 400° sur un mélange 
2 H? + O?, nous avons trouvé que la proportion 
combinée était, après des temps égaux, à peu près 
la même à 300 atm. et à la pression atmosphéri- 
que. Au premier abord, ce résultat semble indi- 
quer que l'élévation de la pression n’a aucune in- 
fluence. En réalité, cette influence est loin d’être 
nulle. En effet, lorsque le mélange est comprimé, 
il est, à masse égale, en présence d’une surface de 
verrebeaucoup moins étendue qu'aux faibles pres- 
sions et, comme le verre joue dans ce cas un rôle 
accélérateur important, la compression n'a fait 
que compenser la diminution d’étendue des 
parois. 

Pour mettre à profit toutes les circonstances 
favorables et obtenir le maximum d'effet, l’expé- 
rimentateur aura recours, avec avantage, à l’em- 
ploi combiné de la température, de la pression 
et de catalysateurs appropriés. Beaucoup de tra- 
vaux récents ont été exécutés dans cette idée. 
Signalons-en quelques-uns : 

Ipatieff? s’est servi de l'hydrogène comprimé à 
des pressions de 100 atm. et plus et,en opéranten 
présence d'oxyde de nickel, de nickel métallique, 


1. BRiner : J. Chim. phys., t. X, p. 129 (1912). 
2. Série de mémoires parus ces deruières années dans le 
J. Soc. physico-chimique russe. 


556 


de fer et d'autres catalysateurs, il a réussi à hy- 
drogéner une foule de substances : acide oléique 
en acide stéarique, cétones en alcools, hydrocar- 
bures (naphtalène, phénanthrène, anthracène) 
en corps plus hydrogénés, etc. Dans une autre 
série de recherches, le même expérimentateur, 
toujours en employant l'hydrogène fortement 
comprimé, est arrivé à déplacer des métaux dans 
les solutions aqueuses de leurs sels. 

Brochet! a montréque plusieurs de ces hydrogé- 
nations pouvaient s'effectuer en présence de mé- 
taux communs : nickel, cobalt, fer, à des tempéra- 
tures et pressions modérées (10 à 15 atm.) Cette 
observation permet d'envisager comme possible 
l'emploi d'appareils industriels pour la fabrica- 
tion en grand de certains corps, tels le cyclohe- 
xanol, regardés jusqu'à présent comme des 
produits de laboratoire et possédant de ce fait 
un prix de revient très élevé. 

Bredig ? et Carter ont obtenu des formiates en 
faisant agir de l'hydrogène à 70° sous 60 atm. sur 
des solutions de bicarbonate renfermant en sus- 
pension de la mousse de palladium. 

À titre d'exemple de réaction gaz sur solide 
favorisée par la pression, citons celle qui a per- 
mis à l’éminent chimiste Mond* de préparer les 
carbonyles de plusieurs métaux : fer, cobalt, 
molybdène, ruthénium ; le carbonyle de ce der- 
nier métal exige,en particulier,des températures 
de 3000 environ et des pressions de plusieurs cen- 
taines d’atmosphères. Ces corps très volatils, une 
fois formés, se décomposent facilement à la pres- 
sion ordinaire si la température s'élève, en don- 
nant un métal très pur. Mond à même fondé sur 
cette réaction un procédé utilisé industrielle- 
ment pour la fabrication du nickel pur. 

L'action de la pression sur lessystèmes homo- 
genes liquides a fait l’objet de plusieurs travaux 
intéressants. Cohen ‘ et ses élèves ont étudié 
l’inversion du saccharose et la saponification de 
l’acétate d’éthyle dans un intervalle de pressions 
relativement étendu. En passant de 1 à 1.500 atm., 
la vitesse ne subit que des variations faibles 
comparativementä celles observées dans les sys- 
tèmes avec phase gazeuse : diminution de 26 % 
pour la première de ces réactions et augmen- 
tation de 37 % pour la seconde. 

Appliquées aux corps liquides, simultanément 
avec l'élévation de la température, les fortes 
pressions peuvent, par contre, favoriser les réac- 
tions dans une large mesure en permettantpréci- 
sément de maintenirl'étatliquide bien au-dessus 


Bull. Soc. chimique, t. XV, p. 554, 1914. 
Ber. deutsch. chem. Gesell.,t. XLVI, P. 541, 
Rev. gén. des Sc., 1909, p. 763. 

Loc, cit. 


> C9 RO à 


Eu. BRINER. — LE ROLE DE LA PRESSION DANS LES PHÉNOMÈNES CHIMIQUES 


du point d’ébullition à la pression ordinaire et 
jusqu’au point critique. 

En faisant agir de l’eau liquide à 300 (ce qui 
suppose des pressions voisines de 100 atm.) sur 
du fer, Bergius! a constaté une oxydation très 
rapide et très complète du métal. Cette réaction, 
qui est encore accélérée par la présence de cer- 
tains catalysateurs (chlorures métalliques et mé- 
taux), constitue un mode de préparation très 
avantageux de l'hydrogène. Par ce procédé, déjà 
appliqué industriellement, le prix de revient de 
ce gaz, dont on sait l'importance pour la fabrica- 
tion de l’'ammoniaque, l'aérostation, ete., ne dé- 
passerait pas quelques centimes le mètre cube. 

Les systèmes entièrement solides ne sont pas 
non plus réfractaires à l’action chimique de la 
compression. Ainsi Spring?, en utilisant des 
pressions allant jusqu’à 5.000 atm., a observé la 
formation de sulfures à partir de métaux et du 
soufre, la décomposition de certains suliates 
acides, etc.; Bergius*, à la suite d’essais faisant 
intervenir des pressions du même ordre, a cru 
pouvoir attribuer la formation de l’anthracite à 
une compression prolongée de la houille. Mais, 
dans ces systèmes, les réactions sont moins ac- 
cessibles à des études systématiques; la lenteur 
extrême de la diffusion, l’absence de renouvelle- 
ment des surfaces de contact sont des causes 
qui empêchent les phénomènes de se poursuivre 
régulièrement. L'emploi de compressions beau- 
coup plus intenses, non encore réalisées au 
laboratoire jusqu'à présent, aboutira peut-être à 
des résultats meilleurs. 

Ce qui frappe surtout dans la plupart de ces 
travaux, c’estle caractère d’approximation plutôt 
grossière des données relatives au rôle joué par 
la pression seule dans l’accélération des réac- 
tions. Sauf dans les recherches sur les systèmes 
homogènes liquides, où l’action de la compres- 
sion est d’ailleurs très faible, ces données sont, 
en effet, d'ordre plutôt qualitatif. Cette lacune 
provient, en grande partie, de la multiplicité des 
causes influant en même temps sur la réaction et 
qui empêchent, comme nousl'avons déjà indiqué 
en passant, de dégager nettement l'effet de la 
pression. 

Une étude spéciale de la décomposition de 
l'oxyde d'azote nous a fourni quelques docu- 
ments plus précis sur ce point, qui nous paraît 
capital. Cette décomposition convient particu- 
lièrement bien au but à atteindre, car sa progres- 
sion, fortement accélérée par la compression, 
possède une allure régulière et insensible à 


1. Brevet allemand 254,593 (1911). : 
2, Ann. Chim. et Phys., (5), t. XXII, p. 171 (1871). 
3. J. Soc. Chem. Industry, t. XXXII, p. 462 (1913). 


Em. BRINER. — LE ROLE DE LA PRESSION DANS LES PHÉNOMÈNES CHIMIQUES 557 


l’action des parois, du moins dans les conditions 
où nous l'avons étudiée. 

Pour donner une idée générale de l'influence 
de la pression initiale sur la vitesse du phéno- 
mène, telle qu'on l’apprécie par la mesure de la 
longueur de la colonne liquide formée, nous 
donnons ici, pour différentes pressions initiales p 
(en atm.) et pour la température ordinaire, les 
temps { nécessaires à la formation de la moitié 
de la longueur de la colonne limite; cette lon- 
gueur limite est celle qui ne subit pratiquement 
plus d’accroissement après plusieurs mois. 


100 200 300 
DU 66. jours 14 jours 5!/, jours 
P 400 500 720 
t 2 jours 18 heures 40 minutes. 


Nous avons établi, de plus, l'équation différen- 
tielle caractérisant la vitesse de cette décomposi- 
tion. À titre de vérification, nous avons calculé 
que la durée nécessaire à l'apparition de la phase 
liquide, dans un tube rempli à 50 atm. et laissé à 
la température ordinaire, était de 11 mois, valeur 
qui à été confirmée par l'expérience. Cette équa- 
tion nous à permis d'évaluer les temps corres- 
pondant à la décomposition de NO, à la tempéra- 
ture ordinaire, jusqu'à une fraction donnée et 
pour différentes pressions initiales; voici quel- 
ques-unes de ces valeurs : 


Pressions init, en atm. Fractions 
décomposées Temps 
400 1/50 8 heures 
1 1/50 910 ans 
4 1/1000 51 » 
L 1/10000 6,4 » 
2) 1/1000 LOS) 
10 1/1000 3 mois 
100 1/1000 10 heures 
1000 1/1000 1 minute 40” 


Ces résultats font ressortir l'influence énorme 
que la compression peut exercer sur certaines 
réactions en milieu gazeux. 


V. — ConczusioN 


Les faits qui viennent d'être exposés, pris 
parmi un très grand nombre, sont suffisamment 
éloquents par eux-mêmes pour nous dispenser 
de revenir sur l’importance de l’action chimique 
de la pression, tant au point de vue pratique 
qu’au point de vue théorique. Il nous paraît ce- 
pendant utile d'ajouter quelques mots, en ma- 
tière de conclusion, pour montrer que cette 
étude est susceptible de conduire à des consé- 
quences d'une portée plus générale encore. 

La pression atmosphérique, à laquelle nous 
accomplissons les actes de notre vie et la plupart 
de nos travaux de recherche, n’est qu’une valeur 
bien particulière, entre toutes, dans l'Univers et 
qui caractérise seulement la surface de notre 
Terre. Aïlleurs, dans l’intérieur de ce globe, 


dans les autres astres ou dans les espaces qui 
les séparent, règnent toule une succession de 
pressions, depuis les plus faibles, voisines du 
vide absolu, jusqu'à des pressions énormes s’éva- 
luant en milliers d’atmosphères. — Il est peut- 
être permis de rappeler ici un caleul de Schuster, 
d’après lequel la pression au centre d'un astre 
gazeux de masse égale à celle du Soleil attein- 
drait près d’un million d’atmosphères. — Si, par 
simple supposition, la pression ordinaire, pour 
une atmosphère de la même composition que la 
nôtre, avait une valeur quelques centaines de fois 
plus forte, combien la face des choses ne serait- 
elle pas changée! Les quelques résultats acquis le 
laissent déjà entrevoir. Sans doute, une foule de 
combinaisons nouvelles (peroxydes et autres) 
existeraient-elles ou se formeraient-elles rapide- 
ment; par contre, des corps considérés comme 
stables (NO,CO, etc.) n'auraient qu'une durée 
éphémère. À côté de l’action du facteur tempé- 
rature, dans les hypothèses cosmogoniques et 
dans toutes les opérations qui mettent en jeu des 
pressions très élevées, comme les explosions, il 
convient donc de tenir compte aussi de l'influence 
propre au facteur pression. 

Les phénomènes chimiques que ce facteur pro- 
voque doivent également être pris en considéra- 
tion dans l'étude de problèmes que l’on serait 
tenté d'envisager à un point de vue purement 
physique, comme la détermination de la com- 
pressibilité ou des constantes critiques des gaz 
ou de leurs mélanges. Il serait illusoire, par 
exemple, d'étudier, sous des pressions élevées, la 
compressibilité de l’oxyde d’azote à la tempéra- 
ture ordinaire, et celle de l’oxyde de carbone à 
3000, puisque ces corps subissent des décompo- 
sitions. Tout aussi inutiles seraient les tenta- 
tives de mesure des constantes critiques de cer- 
tains corps ou systèmes de corps pour lesquels 
une pression de l’ordre de grandeur de la pres- 
sion critique peut amener plus ou moins vite 
l'établissement de systèmes plus stables. 

Dans cette évolution des systèmes vers une sta- 
bilité meilleure, évolution qui parait générale, la 
pression joue donc un rôle des plus importants; 
l'exemple de la décomposition du gaz NO est là 
pour nous le montrer, Comme l'élévation de la 
température, mais avec d'autres effets, la com- 
pression, en accélérant les phénomènes, contri- 
bue à les révéler et à permettreau chercheur de les 
étudier. Pour ce dernier, un pareil domaine d'in- 
vestigations revêt ainsi un intérêt tout particu- 
lier; c’est, de plus, un de ceux dont l’exploralion 
offre de nombreuses chances de succès, car 
son étendue s’accroit d'année en aunée, grâce 
aux progrès continuels de la technique expéri- 
mentale. 

Emile Briner, 


Docteur ès Sciences, 
Privat-docent à l'Université de Genève. 


558 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


BIBLIOGRAPHIE 
ANALYSES ET INDEX 


1° Sciences mathématiques 


Darboux (G.), Secrétaire perpétuel de l'Académie des 
Sctences, Doyen honoraire de la Faculté des Sciences. 
— Leçons sur la Théorie générale des Surfaces 
et les applications géométriques du Calculinfini- 
tésimal. Première partie : Généralités, coordon- 
nées curvilignes, surfaces minima. /euxieme 
édition, revue et augmentée. — 1 vol. in-8° de 618 p. 
avec fig. Gauthier- Villars: éditeur, Paris, 1914. 


La première édition de son magistral ouvrage : Lecons 
sur la Théorie générale des Surfaces élant épuisée, 
M. Darboux s’est décidé à en publier une seconde, dont 
le premier volume a paru récemment. Une analyse dé- 
taillée d’un tel ouvrage, universellement connu et ap- 
précié de tous les géomètres, est assurément inutile!. Il 
suflira d'indiquer rapidement les modifications les plus 
importantes apportées au premier volume de l'édition 
primitive. 

Le livre 1: « Applications à la Géométrie de la théorie 
des mouvements relatifs » a été assez sensiblement 
augmenté, notamment par l'étude de la sphère de rayon 
nul, considérée au point de vue de la théorie du dépla- 
cement d’une figure invariable, d’après les leçons faites 
par l’auteur à la Sorbonne en 1900 et 1904; l’ordre de 
l'exposition est aussi modifié. La théorie des déplace- 
ments à plusieurs variables est étudiée d’abord en gé- 
néral au point de vue analytique, puis appliquée au cas 
de deux variables, qui est particulièrement important 
pour la théorie des surfaces. A ce propos, M. Darboux 
est conduit à une intéressante étude du conoïde de 
Plücker, qui ne figure pas dans la première édition. 
Enfin, ce premier livre est complété par un nouveau 
chapitre consacré à la recherche des surfaces qui peuvent 
être considérées de plusieurs manières comme des sur- 
faces de translation. Ceproblèmeavait été résolu d'abord 
par Lie et H. Poincaré à l’aide des fonctions abéliennes; 
M. Darboux en donne une solution élémentaire, qui le 
conduit à une démonstration du théorème d’Abel, dans 
le cas particulier en question. 

Dans le livre II : « Des différents systèmes de coor- 
données eurvilignes », le chapitre I, consacré aux sys- 
tèmes conjugués, est complété par l'étude des surfaces 
sur lesquellesexistent deux familles conjuguées formées, 
l’une des courbes de contact de cylindres circonserits, et 
l’autre de cônes circonserits. En recherchant certaines 
de ces surfaces applicables les unes sur les autres, on 
arrive à déterminer trois familles de surfaces appiicables 
sur les quadriques à centre (Peterson). Le chapitre IV de 
la première édition : « Représentation conforme des 
aires planes » a été remplacé par un autre : « Représen- 
tation conforme des surfaces les unes sur les autres », 
dans lequel les propriétés générales des systèmes iso- 
thermes sont appliquées à la résolution de différents 
problèmes relatifs aux cartes géographiques et aux 
représentations conformes. 

Dans le livre III : « Surfaces minima », le chapitre II 
est complété par la recherche d’après Lie des surfaces 
minima qui peuvent être considérées de plus d’une ma- 
nière comme des surfaces de translation, et le chapi- 
tre VIII, par celle de la surface minima passant par un 
cercle et inscrite dans un cylindre tout le long de ce cer- 
cle; c’est la surface minima réelle la plus générale à 


1. Voyez d’ailleurs l'analyse de la première édition de cet 
ouvrage dans la Revue générale des SES t. II, p. 65 
et 617; t. VI, p. 76; t. VII, p. 225 et 83 


génératrices circulaires (Darboux : Comptes Rendus, 
1913). À la fin du chapitre IX, M. Darboux a développé 
un cas particulier du problème de la détermination 
d’une surface minima inscrite dans une développable, à 
cause de ses relations intéressantes avec les courbes à 
torsion constante algébriques et avec les courbes de 
Bertrand : la détermination des surfaces minima algé- 
briques inscrites dans une sphère est équivalente à celle 
des courbes algébriques à torsion constante(E. Cosserat : 
C. R., 1893); d'autre part, toute courbe de Bertränd est 
ligne asymptotique d’une surface minima qui se déter- 
mine sans aucun signe de quadrature. Enfin, le cha- 
pitre XI du même livre reproduit, avec quelques modifi- 
cations, le chapitre IV du livre II de la première édition : 
il a pour objet la représentation conforme d’une aire 
plane à connexion simple sur une autre, donnée et de’ 
même connexion. On est naturellement conduit à cette 
question par le problème de Plateau, qui fait l’objet du 
chapitre précédent. M. Darboux a complété le chapitre 
par l’application à la représentation de l’intérieur d’une 
ellipse sur l'intérieur d’un cercle. 


M. LELIEUVRE, 


Professeur au Lycée 
et à l'Ecole des Sciences de Rouen. 


2° Sciences physiques 


Thorpe (Sir Edward), de la Société Royale de Lon- 
dres. — Alcoholometric Tables. — 1 vol. in-16 de 
X1V-91 pages. (Prix cart. : 4 fr. 50.) Longmans, Green 
and Co, 39, Paternoster Row, Londres, 1915. 


Quand l'alcool et l’eau sont mélangés, le volume du 
mélange est invariablement moindre que la somme des 
volumes initiaux, et le degré de contraction varie avec 
la proportion d'alcool présent, Dans les pays où les droits 
sur l'alcool ont une grande importance, il a donc été 
nécessaire de déterminer par l’expérience les densités 
des mélanges d'alcool et d'eau en toutes proportions et 
à diverses températures. Ces recherches ont été généra- 
lement entreprises à la requête des Gouvernements 
intéressés,et les résultats en ont été consignés dans des 
tables portant le nom des auteurs de ces recherches, 
Parmi les plus connues, il faut citer les tables de Blag- 
den et Gilpin, de Tralles, de Drinkwater, de Gay-Lussac, 
de Mendéléeff, L'auteur des tables actuelles a combiné 
les meilleures valeurs précédemment obtenues. 

La Table I indique les densités des mélanges alcool- 
eau avec les pourcentages correspondants d'alcool pur, 
en poids et en volume, à 15°6 C. (ou 60°F.), et les pour- 
centages correspondants d'alcool fiscal type. Les densités 
sont réduites à l’air et représentent le rapport du poids 
d'un volume donné du mélange alcoolique au poids du 
même volume d’eau à 15°6 C. Dansles mêmes conditions 
atmosphériques, elles peuvent être réduites au vide par 
le moyen de l’expression (ô— 0,0012) /1,0012. 

En pratique, les densités des liquides spiritueux sont 
déterminées au moyen de divers hydromètres ou alcoo- 
lomètres, comme ceux de Sikes, de Tralles, de Gay-Lus- 
sac, de Beck, etc. Au moyen des Tables Il et III de l’ou- 
vrage, les indications de l’un quelconque de ces instru- 
ments peuvent être converties en degrés de l’un des 
autres, et les types fiscaux anglais comparés avec ceux 
des autres pays. 

Ce petit volume, très bien présenté, rendra de grands 
services à tous ceux qui ont à s’occuper des questions 
d’alcoolométrie. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES 


3° Sciences naturelles 


Dulieux (P. E.), /ngénieur des Mines. — Les Mine- 
rais de fer de la province de Québec. Gisements 
et utilisation. — / vol. in-8° de 243 p. avec 41 fig. et 

L. Service des Mines de la province de Québec, 
Québec, 1915. 


Au Congrès international de Géologie tenu à 
Stockholm en août 1910, une enquête mondiale a été 
présentée sur les ressources, actuelles et probables, 
enminerais de fer du monde. Alors que les payseuropéens 
et les Etats-Unis donnaient des chiffres concrets, le Ca- 

1 nada devait se contenter de signaler ses gisements et 
d'indiquer ses réserves actuelles comme « considéra- 
bles » et ses réserves probables comime « probable- 
ment énormes ». Pour obtenir plus de précision, le Bu- 
reau des Mines de Québec a fait exécuter, en ce qui 
concerne cette province, une enquête sur les ressources 
en minerai de fer, qui a été confiée à M. Dulieux., Le 
présent ouvrage contient les résultats de cette en- 
quête. 

Les minerais de fer de la province de Québec occupent 
une place un peu spéciale par rapport aux minerais 
utilisés couramment dans l’industrie, par suite de la 
présence presque constante de titane associé au fer. 
Aussi est-ce en se basant sur la proportion de titane 
que l’auteur a été amené à classer les différents gise- 
ments qu'il a explorés. Il distingue : 

1° Des minerais pas ou faiblement titanifères (3 0/0 de 
Ti au maximum), qui peuvent être employés directe- 
ment à la fabrication de la fonte et de l'acier ordi- 
naire; les principaux gisements se trouvent dans le 
district du lac Chibougamau, au nord du fleuve Saint- 
Laurent et dans les cantons de l'Est; 

29 Des minerais de fer titanifères, ou titanomagnéti- 
tes, renfermant une quantité de titane variant de 5 à 
12 0/0; le rapport du fer au titane y est de 4 à 6; ce 
sont des substances généralement magnétiques. Cette 
catégorie est la moins fortunée de toutes : leur teneur 
en fer serait généralement assez élevée, mais leur te- 
neur en titane empêche leur utilisation immédiate ; d’un 
autre côté, la quantité de titane qu'ils renferment n’est 
pas suffisante pour qu'on les traite comme minerais de 
titane. Mais leur utilisation n’est pas impossible, grâce 
à la séparation magnétique ou à la fusion au four élec- 
trique, et l'avenir leur réserve sans doute un meilleur 
sort. Ces minerais se rencontrent dans le district du 
Saguenay, sur la côte nord du Saint-Laurent, dans le 
massif d’anorthosite de Morin et celui de Saint-Boniface 
de Shawinigan, enfin dans les cantons de l'Est; 

30 Des minerais de fer titané, ou ilménites, contenant 
de 18 à 24 o/o de titane et dans lesquels le rapport du 
fer au titane varie de 1,6 à 2,6. Ils servent à fabriquer 
au four électrique des alliages de fer et de titane, ou 
ferro-titanes. Leurs gisements se trouvent à Saint- 
Urbain, près de la baie de Saint-Paul, et dans le massif 
d’anorthosite de Morin; 

4° Des sables magnétiques alluvionnaires, qui, une 
fois concentrés, constituent des magnétites un peu tita- 
nifères (1 à 3 o/o); ils rentrent donc, au point de vue 
commercial, dans la première classe. Leurs gisements 
sont nombreux sur la côte nord du fleuve et du golfe 
Saint-Laurent, mais il n’y en a guère que deux ou trois 
qui aient une importance économique, 

Au point de vue géologique, les titanomagnétites et 
les ilménites se rencontrent toutes deux associées géné- 
tiquement à des anorthosites et à des gabbros ; ce sont 
des produits de ségrégation d’un magma très basique. 
Mais, tandis que les ilménites proprement dites ne se 
rencontrent jamais qu'en amas bien nets au sein 


* INDEX 559 


d’anorthosites franches, les titanomagnétites accompa- 
gnent souvent des gabbros généralement très ferrugi- 
neux et semblent provenir alors d’enrichissements 
locaux par insensibles transitions. 

Après la description de ces gisements, l'auteur donne 
un aperçu des autres gisements de minerais de fer tita- 
nifères que l’on connaît dans le monde, en particulier 
dans l'Ontario, aux Etats-Unis, au Brésil, en Norvege 
et en Suède. 

L'ouvrage se termine par un aperçu des procédés de 
traitement des titanomagnétites et des ilménites et de 
la fabrication des ferro-titanes, aujourd'hui très em- 
ployés pour améliorer les qualités mécaniques de 
l'acier, en particulier de l'acier pour rail, 

Louis BRUNET. 


4° Sciences diverses 


Taranzano (Le P. Ch.), S. J., Professeur au Collège 
de Sienhsien (Tcheu-li). — Vocabulaire français- 
chinois des Sciences mathématiques, physiques 
et naturelles, suivi d'un index anglars-français. 
— 1 vol. in-8° de XII + 455 + 19 p., avec 32 p. 
de planches hors texte. Sienhsien, 1914. (Chez Guil- 
moto, éditeur. Paris.) 


«Ilyavingtans environ, une terminologie scientifique 
chinoise semblait à beaucoup une chose qui ne se réali- 
serait jamais. Ces sceptiques ne s'étaient pas rendu 
compte de l'aptitude extraordinaire des caractères 
chinois à la création de toutes sortes de termes. Ils 
n'avaient pas non plus considéré ce qui se passait dès 
lors au Japon... Reprenant leur bien, les Chinois trans- 
crivirent ces manuels entiers (les manuels scientifiques 
japonais) en langue chinoise, Des apports incessants 
grossirent ce premier fonds... Dès maintenant l’on peut 
aflirmer qu’il existe une terminologie chinoise, assez 
complète et suflisamment uniforme, pour toutes les 
branches des sciences humaines, » Ainsi s'exprime le 
P. Wieger dans la préface du vocabulaire; et l’on doit 
tenir grand compte de l’opinion de cet éminent sinolo- 
gue, qui est en même temps un médecin fort initié aux 
sciences d'Europe. 

L'auteur a, en effet, tiré des ouvrages chinois et japo- 
nais, pour la terminologie des sciences qu'il considère 
présentement, l’essentiel, autant qu’un profane peut en 
juger. Il ne s’est pas contenté de l'ordre alphabétique, 
mais à souvent groupé et expliqué sous un chef toute 
une série de notions connexes : des articles tels que chi- 
mie, digestion, poisson sont, en français et en chinois, 
tout un résumé scientifique de ces sujets; aux mots 
chute, Kepler, on trouve l'expression dans les deux 
langues des lois visées. Ce volume est donc de nature à 
rendre d’éminents services aux hommes de science qui 
ont affaire en Chine et aux Chinois qui veulent s’ini- 
tier à notre langage scientifique, Puisse le P. Taran- 
zano, selon le souhait du P. Wieger, donner un voca- 
bulaire analogue des sciences économiques, juridiques, 
morales, philosophiques:les matériaux en sont prêts 
dans les manuels chinois et japonais, l’auteur du pré- 
sent vocabulaire a montré quel ordre lumineuxil y peut 
mettre. 

Le philologue trouvera aussi à glaner dans ce volume. 
Qu'il observe la création de nouveaux caractères, l’em- 
ploi dans un sens nouveau de caractères anciens (voir 
corps simples, veine), la formation de mots complexes 
aussi abondants et aussi clairs que ceux que nous avons 
tirés du grec, l'expression très nette des lois scientifi- 
ques: sur tous ces points il trouvera la langue chinoise 
à un haut degré riche, souple et précise. 


Maurice COURANT, 
Professeur à l'Université de Lyon 


560 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 
Séance du 17 Août 1915 


1° SCIENCES PHYSIQUES, — M. J. R. Mourelo : Sur la 
phototropie des systèmes inorganiques. Système du sul- 
fure de calcium. L'auteur a constaté que le sulfure de 
calcium, préparé par chauffage à des températures 
allant de 300° à 1.000° pendant { heures et contenant des 
quantités de manganèse variant de 0,0001 à 0,1°/,, de- 
vient phototropique après refroidissement, sans être 
phosphorescent. La phototropie se développe aussitôt 
que les systèmes sont soumis à l'influence d'une forte 
illumination, sans insolation; à la lumière diffuse, les 
systèmes reprennent à l'instant leur couleur blanche. 
L’adjonetion de bismuth au manganèse exalte l'inten- 
sité de la phototropie, mais n'a pas d'influence sur les 
couleurs des systèmes phototropiques. — M. M.Pontio: 
Procédé de contrôle permettant d'apprécier rapidement 
la quantité de nickel déposée sur des objets nickelés.Ce 
procédé repose sur l'attaque de la surface nickelée par 
un mélange de H?20? et d'acides chlorhydrique et nitri- 
que et sur la détermination du temps que met à se for- 
mer du chlorure de cuivre, si le métal de fond est du 
cuivre, ou du perchlorure de fer, si le métal de fond est 
du fer. L'auteur estime qu'une couche de nickel repré- 
sentant 2 mgr. par em? est suflisante pour couvrir forte- 
ment la surface d’un objet en cuivre, mais qu’elle doit 
être portée à 4 mgr. par em? pour les objets en fer, qu'il 
est d’ailleurs préférable de cuivrer préalablement. — 
MM. Em. Bourquelot et A. Aubry : /nfluence de la 
soude sur les propriétés synthétisante et hydrolysante de 
la glucosiduse ». La réaction synthétisante n’est pas 
sensiblement influencée tant que le mélange glucose- 
alcool sur lequel agit l’enzyme reste acide. Mais, dès 
que la neutralité est atteinte, la réaction ne va plus 
jusqu’à l'équilibre normal, et aussitôt que l'alcalinité 
devient manifeste il n'y a plus de réaction synthétisante, 
alors qu'il n’y a pas encore de réaction isomérisante sur 
le sucre due à l’aleali. Les mêmes proportions de soude 
qui déterminent la suppression du processus synthé- 
tique causent aussi celle du processus hydrolytique. 

20 SCIENCES NATURELLES, — M. Ed. Delorme : Sur un 
mode nouveau d'autoplastie des tendons fléchisseurs des 
doigts. Cette méthode s'adresse aux cas de blessures 
très graves de la paume de la main par projectiles, avec 
pertes de substance considérables d’un ou de plusieurs 
tendons fléchisseurs. Elle consiste à emprunter aux 
tendons fléchisseurs d'avant-bras une languette tendi- 
neuse continue, d’étendue supérieure à la perte de 
substance, et, après l'avoir libérée en haut et avoir 
maintenu avec soin, en bas, sa continuité avec le tendon 
qui l’a fournie, à la glisser sous le ligament annulaire du 
carpe et à la souder par son extrémité libre au bout 
inférieur du tendon fléchisseur. — M. A. Betim : Sur 
un gisement d'euxénite au Brésil. Ce gisement se trouve 
près de Pomba (Etat de Minas Geraes), dans une apo- 
physe de pegmatite, sur une colline de gneiss au voisi- 
nage d’une syénite quartzifère. L’euxénite forme un 
noyau vitreux, à cassure conchoïdale, recouvert d’une 
croûte dans laquelle on trouve des cristaux orthorhom- 
biques. La densité de l’euxénite fraiche est de 4,88. 
L'élément prédominant est le titane; vient ensuite le 
niobium ; le groupe de l’yttria se trouve en quantités 
appréciables, qui contrastent avec la pauvreté relative 
en uranium. Associés à l’euxénite se trouvent de beaux 
cristaux de xénotime. 


Séance du 23 Août 1915 


10 SCIENCES PHYSIQUES, — M. E.-F. Perreau: Sur 
un électrovibreur alimenté par des courants interrompus. 


L'auteur a reconnu que l’intercalation d’un interrup- 
teur rotatif permet l'emploi de l'électrovibreur avec des 
courants continus. Elle augmente aussi l'efficacité de 
l'appareil alimenté avec du courant alternatif. Cette 
augmentation est surtout précieuse pour la recherche 
des corps non magnétiques. — M. D. Berthelot: Sur 
le covolume des gaz dégagés par les matières explosives. 
L'auteur montre que le covolume n’est égal au millième 
du volume spécifique que pour les gaz dont la tempéra- 
ture critique est sensiblement égale au quadruple de la 
pression critique. Ces conditions se trouvent remplies 
avec une précision suflisante pour les principaux gaz 
des explosions, mais ce serait une erreur de croire qu'il 
en soit ainsi d'une façon générale. — M. Guilbaud : Sur 
un appareil pour la photolyse des poudres. L'auteur a 
construit un appareil permettant d'effectuer facilement 
la photolyse des nitrocelluloses et des poudres qui en 
sont composées; il se compose essentiellement d'un 
tube à décomposition en quartz, d'un volumètre et d’ap- 
pareils de dosage. La décomposition des nitrocelluloses 
et poudres sans fumée donne cinq gaz: CO?, CO, Az, 
Az?0 et AzO, en quantité et en proportion variables. 
2° SCIENCES NATURELLES. — MM. J. Costantin et 
D. Bois : Sur trois types de vanilles commerciales de 
Tahiti. Les auteurs ont examiné trois échantillons de 
vanille provenant de Tahiti et portant les marques : 
Mexique, Tahiti et Tiarei. Le premier type est fourni 
par le Vanilla planifolia Andrews. Le second se ratta- 
che également au V. planifolia ; il y a cependant quel- 
ques différences florales appréciables, justifiant pour 
cette plantela création d’une sous-espèce que les auteurs 
proposent d'appeler angusta. Quant au troisième échan- 
tillon, il ne se rapporte à aucune espèce connue; aussi 
lés auteurs le désignent provisoirement sous le nom 
de Vanilla Tiarei. — M. P. Vuillemin: Origine stami- 
nale du périgone des Liliacées : preuves fournies par les 
fleurs pleines d'Hémérocalle. L'auteur établit la com- 
mune origine des étamines et des pétales, de l'étamine 
isolée et du couple dans la fleur pleine de l'Hémérocalle, 
Etamines, pièces mixtes, pétales, ne proviennent pas de 
créations, ni de mélamorphoses, mais d’une simple mo- 
dification d’appendices de même type. La fleur pleine 
d'Hémérocalle résume l’histoire de la fleur des Liliacées. 
L'état primordial de l’androcée reparaît dans les cyeles 
staminaux isolés. Les couples montrent le dédouble- 
ment de l’androcée en étamines et pétales. La fleur des 
Liliacées n'a pas de périanthe provenant de bractéoles 
annexées à la fleur, En dehors du pistil, elle est réduite 
à l’androcée, d’où procède un périgone homologue 
d’une double corolle, — M. H. Vincent: Sur la toxine 
typhique et sur la production d'un sérum spécifique 
contre la fièvre typhoïide. L'auteur a réussi à rendre très 
pathogènes et très toxiques des bacilles typhiques en 
les cultivant par la méthode des passages en sacs intro- 
duits dans le péritoine. Ces cultures tuent la souris par 
seplicémie à la dose d’une goutte, et le cobaye à la dose 
de 3 à 5 gouttes. Le sérum des lapins et des chevaux 
ayant reçu des doses progressives de cultures de pas- 
sage en sac acquiert des propriétés protectrices et anti- 
toxiques qui pourront être utilisées dans un but théra- 
peutique, — M. H. Hubert: Sur les eaux souterraines 
en Afrique occidentale. Au point de vue des eaux su- 
perficielles et souterraines, l'Ouest africain peut se di- 
viser en trois zones distinctes : Dans la première, au 
sud de 5°30' lat. N., les précipitations s’observent pres- 
que toute l’année; les cours d’eau sont constants et les 
eaux souterraines sont partout très près de la surface. 
Dans la seconde, au nord du 17° parallèle, les précipita- 
tions sont rares et irrégulières; il n’y a plus d'eaux per- 
manentes à la surface, et les eaux souterraines sont 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 561 


réparties d'une façon très capricieuse. Dans la troi- 
sième zone, intermédiaire, le régime des cours d’eau 
est très inégal; dans les régions non calcaires, les eaux 
souterraines rencontrées se raccordent avec la surface 
hydrostatique; dans les régions calcaires, l'existence 
des eaux souterraines parait n'être plus en relation 
qu'avec la présence de couches imperméables, 


Séance du 30 Août 1915 


19 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Gibon : Stéréo-radios- 
copie. Procédés nouveaux. L'auteur préconise la radios- 
copie stéréoscopique pour l'examen des blessures de 
guerre et décrit trois procédés d'observation : 1° On 
emploie deux ampoules (ou une ampoule à deux anti- 
cathodes) et un diaphragme placé entre les ampoules et 
le blessé; ce diaphragme est composé de feuilles de mé- 
tal imperméables aux rayons X, sauf par une fenêtre de 
largeur variable. Les images données par les deux am- 
poules à travers la fenêtre forment sur l'écran au plati- 
nocyanure un couple stéréoscopique, qu'il suflit de re- 
garder avec un stéréoscope ordinaire oudansle stéréos- 
cope à miroirs. 2° On peut voir directement en relief les 
images projetées par les rayons X sur l'écran fluores- 
cent au moyen d'un écran spécial composé d’une feuille 
“métallique plissée qu'on utilise avec deux ampoules de 
Crookes où une seule ampoule à deux anticathodes. 
3°On peut encore voir directement les images en relief sur 
l'écran en employant les deux ampoules avec deux ob- 
turateurs doubles, de telle manière que chaque œil ne per- 
çoive que la projection de l’ampoule qui lui correspond, 

2° SCIENCES NATURELLES. — M. J. Pescher : Gymnas- 
tique respiratoire et ses effets thérapeutiques ; le spiros- 
cope. L'auteur emploie, pour la gymnastique respira- 
loire, un appareil, dit spiroscope, dans lequel l’insuflla- 
tion produite par le sujet au moyen d’un tube de 
caoutchouc déplace un volume d’eau égal au volume de 
l'air insuflé. Les faits observés montrent que la spiros- 
copie amplifie la respiration et améliore l’hématose. — 
M. Edm. Bordage : Sur les différences d'aspect du tissu 
adipeux produit par histolyse chez certains Orthopte- 
res. L'auteur a constaté que la dégénérescence graisseuse 
des muscles de certains Orthoptères peut s'effectuer par- 
fois sans qu'il y ait formation de nappes, de cordons ou 
de pseudo-cellules ; on assiste au changement du musele 
en graisse sans constater de modification apparente dans 
le contour du faisceau musculaire. Ces phénomènes de 
dégénérescence ne se manifestent réellement que si les 
muscles et autres tissus appelés à disparaître ont préa- 
lablement subi le début d’altération qui semble dû 
avant tout à l'absence d’excitation fonctionnelle. 


Séance du 6 Septembre 1915 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. F. Baldet : Sur 
les filaments hélicoidaux de la comète Morehouse(1908 c). 
L'étude des photographies successives de la comète 
montre que les gaz de la queue principale et ceux des 
filaments hélicoïdaux paraissent ne former qu'une 
masse gazeuse dont toutes les parties ont des vitesses 
du même ordre de grandeur, Les filaments sont attri- 
buables à des jets d'électrons émanant du noyau et 
illuminant les gaz de la queue sur leur passage; leur 
forme hélicoïdale serait due à l'existence d’un champ 
magnétique sensiblement uniforme, parallèle à l’axe de 
l’ellipse. 

2° SCIENCES PHysIQUES, — M. B. Galitzine : Descrip- 
tion d'un appareil destiné à la détermination directe des 
accélérations. L'auteur décrit un appareil susceptible de 
donner directement la valeur momentanée de l'accéléra- 
tion pour un mouvement complètement arbitraire du 
sol ou du plan sur lequel repose l'appareil. Dans ce but, 
l’accélération communiquée à une masse mobile est 
transmise, à l’aide d’une petite tige passant par son 
centre de gravité, à la surface d’une plaque piézoélectri- 
que, dont la face intérieure est reliée à la terre ; dans ces 
conditions, la charge électrique sur la face extérieure, 
dont la valeur momentanée est déterminée au moyen 


d’un électromètre à corde, permettra de calculer facile- 
ment l'accélération. 

3 SCIENCES NATURELLES. — MM. P. Delbet et Kara- 
janopoulo: Cylophylaxie, Les auteurs ont étudié l’action 
sur les cellules de l'organisme des diverses solutions 
employées pour le pansement des plaies et recherché 
s’il existe quelque substance capable d'exalter les pro- 
priétés phagocytaires des globules blancs, si précieux 
dans la lutte contre l'infection, Les substances antisep- 
tiques proprement dites altèrent profondément les glo- 
bules blancs, quoique d’une manière inégale. La solution 
de Na CI à 82/60, dite sérum physiologique, augmente 
le nombre des phagocytoses. La solution de Mg CE à 
12,1 0/0 augmente encore le nombre des phagocytoses 
dans la proportion de 95 °/, par rapport à la précédente; 
l'augmentation porte sur le nombre des polynucléaires 
qui phagocytent et sur la puissance phagocytaire de cha- 
cun d’eux.M. Ch. Richet rappelle à ce propos que Mg CF, 
à la même dose, exerce une action stimulante optimum 
sur la fermentation lactique. — MM, F. Bordas et 
S. Bruère: De l'action des ferments de l’'urée dans la 
destruction de la matière organique. Les auteurs montrent 
qu'il faut donner la préférence aux ferments de l'urée pour 
réaliser, avec l’aide de l'humidité et d’une température 
appropriée, une destruction rapide de la matière orga- 
nique. — M. P. Vuillemin: Valeur morphologique de 
la couronne des Amaryllidacées. L'élément de couronne 
des Amaryllidacées est homologue de l’'étamine et du 
pétale, comme ceux-ci le sont entre eux. Il tient de 
l’étamine par sa position dans le couple normal exté- 
rieur à l’étamine isolée ; il tient du pétale par sa struc- 
ture qui se retrouve dans le second cycle du périgone de 
Galanthus.,Chezles Narcissées comme chez les Vellosiées, 
il diffère du pétale et de l’étamine comme un terme in- 
tercalaire, demeurant le plus souvent neutre et de 
structure indéterminée, susceptible, comme les pièces 
mixtes d'une fleur pleine de Galanthus ou d'Hemerocallis, 
de se développer occasionnellement soit en pétale, soit 
en étamine. — M. A. Lacroix : Sur un type nouveau de 
roche granitique alcaline, renfermant une eucolite. L'au- 
teur a trouvé dans le nord-ouest de Madagascar une 
série de roches microgranitiques et granitiques à grain 
fin, caractérisées par la présence d’une eucolite cérique, 
Cette roche constitue un type nouveau, que l'auteur 
nomme fasibitikite et qui vient compléter la série des 
lujavrites. 


Séance du 13 Septembre 1915 


1° SCIENCES PHYSIQUES. — M. B. Galitzine : Wesure 
directe des accélérations. L'auteur montre, par des ex- 
périences de laboratoire, que l'appareil décrit ci-dessus 
est réellement en état de donner sans aucun retard les 
valeurs instantanées des accélérations, et pour une loi 
de mouvement complètement arbitraire. Sa sensibilité 
peut être réglée à volonté. Il pourra rendre des services 
utiles non seulement en Sismologie et dans l’étude de 
différents genres d’ébranlements artificiels, mais aussi 
dans tous les cas de la pratique où il s’agit de détermi- 
ner la valeur instantanée de la pression : en Météorolo- 
gie, en Aérodynamique, etc. — M. À, Portevin : Sur la 
décomposition du cyanate de potassium par la chaleur. 
Par chauffage du cyanate de potassium à des tempéra- 
tures variant de 700° à 900°, il se produit toujours une 
certaine quantité de cyanure de potassium ; elle peut at- 
teindre jusqu'à 500/, après 4 heures de chauffage. — 
M. E. Kohn-Abrest : Jispositif pour l'essai rapide des 
substances employées contre les gaz nocifs. Au moyen 
de ce dispositif, l’auteur a reconnu que, lorsque les pro- 
portions volumétriques de chlore dans l’air sont de 
l’ordre du millième, le coton hydrophile neutre, imbibé 
ou non d’eau distillée, suflit à les absorber. Vis-à-vis 
des mélanges contenant plus de 1 °/, de chlore, les so- 
lutions saturées de carbonate de soude agissent très 
énergiquement; les solutions de bicarbonate sont mé- 
diocres ; l’hyposulfite dégage SO?, d'où addition nées- 
saire de carbonate de soude; KI agit aussi très énergi- 


‘ quement. Entre 1°/, et 1°/00, toutes ces substances 


562 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


agissent à peu près de même, L'adjonction de glycérine 
ne sert point seulement à éviter l’évaporation ; elle 
rend un peu plus régulière l'absorption du chlore, 

3° SCIENCES NATURELLES. — M. Marage : /raitement 
des hypoacousies consécutives à des blessures de guerre. 
La rééducation auditive avec la sirène à voyelles peut 
rendre de grands services aux hypoacousies d'origine 
traumatique; après le traitement, les deux tiers des 
malades peuvent retourner au front. Ce traitement est 
un trailement médical, et non un traitement pédago- 
gique : il ne peut être fait que par des médecins. On ne 
doit apprendre à lire sur les lèvres qu’à des sourds com- 
plets, c’est-à-dire à 10 °/, des sourds traités par la réé- 
ducation auditive. Les autres doivent écouter s'ils veu- 
lent continuer à entendre, On ne doit jamais faire ce 
traitementaux blessés atteints d'écoulement ou d’inflam- 
mation de l'oreille moyenne; il faut attendre, pour 
commencer la rééducation, que tout écoulement ait 
cessé depuis au moins un mois. — M. J. Tissot : Sur 
les conditions les plus favorables à la cicatrisation ra- 
pide des plaies. L'auteur a reconnu, contrairement à 
Carrel et Dakin, que les solutions d'hypochlorites alca- 
lins, et particulièrement d'hypochlorite de calcium 
(chlorure de chaux du commerce), appliquées sur les 
plaies, en modifient l'aspect très rapidement et rendent 
une grande activité de prolifération aux tissus lésés. 
L'effet remarquable de l'hypochlorite de calcium est dû 
à son action irritante el non à son pouvoir bactéricide, 
l'infection microbienne n’étant pas la cause du retard 
de la cicatrisation. — MM. Tuffier et Amar : Cannes 
et béquilles en orthopédie dynamique; modèle scienti- 
fique d'une canne-soutien. Chez lesimpotents, les béquil- 
les, non seulement occasionnent des désordres de la 
motricité prenant toutes les formes dela parésie, mais 
elles suppriment toute velléité de rééducation des jam- 
bes. Pour obvier à ces inconvénients, les auteurs pré- 
conisent la substitution aux béquilles de cannes spé- 
ciales, Ils décrivent une canne-soutien, dans laquelle le 
soutien est obtenu par l'addition d’un ressort tangent 
qui fait un certain angle avec l’axe de l'instrument. — 
M. E. Roubaud : Production et auto-destruction par le 
fumier de cheval des mouches domestiques. Le fumier 
de cheval doit être considéré comme le milieu de déve- 
loppement par excellence de la mouche domestique. 
Mais seul le fumier frais (de 24 heures) intervient dans 
la production des mouches. La fermentation protège 
définitivement le fumier contre la ponte, et l'élévation 
de température quelle produit tue rapidement les lar- 
ves que le fumier renferme lorsqu'elles n’ont pas émi- 
gré pour la nymphose. Un bon moyen de destruction 
des larves consiste, au lieu de déposer simplement le 
fumier frais au sortir de l'écurie sur le tas préexistant, 
à l’enfouir au contact des parties chaudes en le recou- 
vrant complètement d'une couche de 20 em. de fumier 
chaud. — M. J. Rodhaïn : Sur la biologie de Stasisia 
Rodhaini Gedoelst (Cordylobia Rodhaini). La durée 
totale de l’évolution du Stasisia Rodhaini (mouche qui 
donne le ver de Lund), à partir de l'œuf jusqu’à la pre- 
mière ponte, exige 57 à 67 jours. La mouche adulte 
paraît avoir une vie assez longue (34 jours au moins). 
— M. P. Vuillemin : Différences essentielles entre la 
Capucine et les Géraniacées. Les Tropæolum ne difrè- 
rent pas seulement des Géraniacées par l'appareil végé- 
tatif. Dans la fleur, la position des nectaires est épipé- 
tale et non épisépale; le nombre typique des étamines, 
au lieu de 10, est 8, même dans les fleurs pentamères à 
corolle régularisée. Par ces caractères fondamentaux, 
les Tropæolu m s'opposent, non seulement aux Pe- 
largonium zygomorphes, mais encore aux Bieberstei- 
nia actinomorphes, en dépit de la constitution du 
pistil. Il faut donc rétablir la famille des Tropéolacées, 
isolée par A. de Jussieu; elle est sans affinité avec les 
Géraniacées. — M. L. Gizolme : /n/fluence des algues 
des filtres à sable submergé sur la composition chimique 
de l'eau. L'auteur a constaté que, dans leseaux de filtres 
à sable submergé, l’alcalinité diminue et l’oxygène 
augmente du matin au soir, tandis que la nuit c’est 


l'inverse. Ces variations sont dues à l’action des algues 
qui, l'été surtout, se développent abondamment à la 
surface du sable, Sous l’influence de la lumière solaire, 
la chlorophylle des algues décompose CO? en solution, 
d’où une augmentation de la teneur en O de l’eau et une 
réduction de l’alcalinité due à la précipitation d’une 
certaine quantité de Ca CO* insolabilisé par la perte de 
CO?. L’eau qui filtre la nuit, influencée par le seul phé- 
nomène de la respiration des algues, contient moins 
d’O et a une alcalinité sensiblement égale à celle de l’eau 
affluente. 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 


Séance du 31 Août 1915 


M. A. Chantemesse : Sur le vaccin triple de la fièvre 
lyphoïde. L'auteur signale les résultats obtenus dans la 
Marine japonaise par l'injection séparée des trois vac- 
cins antityphoïde et antiparatyphoïdes À et B. Cette 
méthode met eflicacement à l'abri de la fièvre paraty- 
phoïde B; d’ailleurs, cette maladie est rarement mortelle, 
puisque, sur 447 cas observés chez des non-vaccinés, 
aucun n’a eu une issue fatale. Cette vaccination n’a con- 
féré qu'uneprévention modéréecontrelaparatyphoïde A, 
qui s’est manifestée 71 fois chez les vaccinés et 218 fois 
chez les non-vaccinés, beaucoup plus nombreux ; la 
mortalité a été à peu près la même proportionnellement 
dans les deux groupes. Le vaccin, en ce qui concerne la 
vraie fièvre typhoïde, a réduit beaucoup, chezles vacei- 
nés, le chiffre de la morbidité et de la mortalité, Actuel- 
lement, les Japonaisemploient un seul vaccin mixte,con- 
tenant une proportion égale des troisconstituants ;onne 
connaît pas encore les résultats decevaccintriple. L'au- 
teur, pour sa part, préconise un vaccin triplerenfermant 
50°/,de bacilles d'Eberth, 30 °/, de bacilles paratyphoï- 
des Aet 20 °/, de paratyphoïdes B, stérilisé par chauffage. 
— MM. L. Bérardet Aug. Lumière: Sur le télanos tar- 
dif. Les auteurs ont observé d'assez nombreux cas de 
tétanos tardif chez des blessés qui avaient pourtant 
reçu, peu après leur blessure, les deux injections régle- 
mentaires, Ils recommandent d’administrer, même dans 
ce cas, une nouvelle dose de sérum antitétanique toutes 
les fois qu'une intervention chirurgicale devra être 
entreprise, qui peut provoquer la libération des pro- 
duits septiques latents dans des plaies suspectes. Depuis 
l'application de cette règle, les auteurs n'ont plus cons- 
taté d'infections tétaniques tardives. — M. E. Maurel: 
Valeur alimentaire dela farine de froment blutée à 74°/0. 
L'auteur estime que le pain fabriqué avec une farine 
de froment ne laissant que 26 °/, d’issues aura la même 
valeur alimentaire que celui utilisé jusqu’à présent avec 
une farine dont les issues s’élevaient à 28 ou 30 °/o, et, 
en outre, qu'il sera plus hygiénique en ce sens qu’il aura 
de la tendance à régulariser les fonctions digestives. 
D'autre part, au point de vue économique, chaque 
gramme de farine de plus qu’on retire de 100 gr. de blé 
diminue, en France, la consommation de farine de un 
million de quintaux. , 


Séance du T Septembre 1915. 


M. A. Dastre: Sur l’osséine. À propos de la commu- 
nication de M.Maurin sur ce sujet (voir p.531), l’auteur 
montre que l’osséine n’est pas autre chose qu'une géla- 
tine, et que le problème de sa valeur nutritive se con- 
fond avec celui de la valeur nutritive de la gélatine, 
qui est à peu près résolu. Or, la gélatine est un albumi- 
noide imparfait, qui ne saurait constituer un équiva- 
lent ni un substitut des véritables aliments azotés. — 
MM. Ch. Achard etE. Welter : Sur letraitement local 
des infections fuso-sptrillaires par le galyl. Les auteurs 
signalent deux cas d'infection fuso-spirillaire de la bou- 
che et des amygdales, avec ulcérations recouvertes d’un 
exsudat blanc grisâtre, qui ont été traitées avec succès 
par des applications locales de galyl (tétraoxydiphos- 
phamino-diarsénobenzène). — MM. P. DelbetetKaraja- 
nopoulo:Action cytophylactique du chlorure de magné- 
stum. Les auteurs ont constaté que la solution de Mg CP 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 563 


_—_—— —————————————————————…—.—.—.—...__————…—…—…"…"…"”"—"—"—…——…—…————————— 


anhydre à 12, 1 °/aceyoit dansune proportion énorme la 
puissance phagocytaire des globules blanes. Cette action 
nese manifeste pas seulementin vitro, oùl'augmentation 
observée de la puissance phagocytaire a atteint 1800/, 
mais aussi dans l'organisme (chien), où elle s’est élevée 
jusqu’à 333 0/0. 


SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 
Séance du 3 Juin 1915 (suite) 


SGiENCEs PHYSIQUES. — M.O.W.Richardson : /nfluence 
des gaz sur l'émission des électrons et des ions par les 
métaux chauffés. Comme on le sait, le courant de satu- 
ration thermoionique est exprimé exactement et en 
général sur de grands intervalles de température par 
l'équation : ë—A T !P e —"1, Dans le cas des métaux en 
particulier, cette équation est satisfaite quand les mé- 
taux sont contaminés par la présence d’une atmosphère 
gazeuse aussi bien que pour les surfaces de métaux 
purs. En général, toutefois, l’effet de la contamination 
par les gaz est d'introduire de grandes variations dans 
la valeur des constantes Aetb.Cesont ces variations que 
l’auteur a cherché à étudier. D'une façon générale, ses 
résultats montrent que, pour un métal donné, A et b 
varient toujours simultanément et de telle façon que la 
variation du logarithme de A est proportionnelle à la 
variation de d. Cette variation linéaire est vérifiée très 
exactement parles résultats de toutes les observations 
de Langmuir sur le tungstène, substance pour laquelle 
les variations de A dans les différents gaz peuvent 
atteindre la valeur 10!?, Une relation similaire se véri- 
fie pour l’émission négative du platine.Dans le cas du 
tungstène, la contamination gazeuse produit une 
augmentation de À et de b, dans le cas du platine 
une diminution. En appliquant des considérationsther- 
modynamiques à l'émission des électrons par lessurfaces 
contaminées, on déduit de la relation linéaire entre log 
A et b que la différence de potentiel de contactentre le 
métal pur et le métal contaminé est de la forme &s 
(1 — « T), où la constante & a des signes opposés pour 
le tungstène et le platine, et « possède approximative- 
ment la même valeur pour les deux métaux ; Test la 
température absolue. 


Séance du 17 Juin 1915 


1° SCIENCES PHYSIQUES. — MM. S. Skinner et F. 
Entwistle: L'effet de la température sur le sifflement de 
de l’eau s’écoulant à trarers un tube rétréci. Les auteurs 
déduisent de leurs expériences que le phénomène du 
siflement de l’eau traversant un rétrécissement est dû 
à une véritable rupture du courant à l'endroit où la 
pression est la plus basse. Les températures auxquelles 
le sifflement se produit, entre o° et 1002, suivent la loi 
V— C(6-1), où V estla vitessedu courant à la tempéra- 
ture {,9 la température critique de l’eau etCune constante. 
—M.T.R.Merton : Sur un spectre associé au carbone, 
en relation avec celui des étoiles Wolf-Rayet. L'auteur a 
observé récemment un spectre, associé en apparence au 
carbone, dont les lignes principales semblent coïncider 
avec quelques-unes des lignes les plus nettes du spec- 
tre Wolf-Rayet. Ce spectre se produit en faisant passer 
des décharges condensées fortes dans des tubes à vide 
contenant de l'hydrogène à une pression modérément 
basse et pourvus d’électrodes de graphite ou decarbone; 
on observe d’abord le spectre de l'hydrogène, puis les 
bandes de l’oxyde de carbone d’Angstrôm, et enfin, 
lorsque du carbone commence à se déposer sur les parois 
du tube capillaire, un groupe de lignes dans le jaune- 
vert, qui constitue le nouveau spectre en question. Ces 
lignes n'apparaissent pas en l'absence du carbone. — 
M. W. M. Hicks : Les séries élargies de lignes dans 
les spectres des terres alcalines. L'auteur discuteles sé- 
ries élargies des terres alcalines pour trouver leur 


relation avec l’oune!, Dans ce but, il se sert des résul- 
tats récemment donnés par Fowler pour Mg, Ca et 
Sr et aussi des séries correspondantes de Ba et Ra, I 
trouve que la quantité 4, indiquant les séparations des 
doublets, est donnée avec une grande exactitude en 
fonction de l’oune par les chiffres suivants : Mg 56 1/2 6, 
Ca 68 à, Sr 58 à, Ba 56 1/2 6, Ra 60 1/2 à, où à vaut qua- 
tre fois l’oune correspondant pour chaque élément. Les 
séparations des satellites sont aussi des fonctions de la 
méme quantité. L'auteur montre d'autre part que ces 
séries obéissent aux relations générales données dans 
une précédente communication, d’après lesquelles la 
première série p dépend d’un multiple du volume ato- 
mique et la série diffuse est telle que les dénominateurs 
des premières lignes, quand le nombre d'onde est ex- 
primé sous la forme À — N (den)’, sont eux-mêmes des 
multiples de 4 ou de l’oune, —MM. J.C.Mc Lennan et 
J. P. Henderson: Les potentiels d'ionisation du mer- 
cure, du cadmium et du zinc et les spectres à uneseule et 
à plusieurs lignes de ces éléments. Les auteurs ont cons- 
taté que les vapeurs de mercure, de zinc et de cadmium 
émettent un spectre à une seule ligne lorsqu'elles sont 
traversées par des électrons possédant une certaine 
quantité d'énergie. Les longueurs d'onde de ces lignes 
sont : pour le mercure, À — 2536, 92; pour le zine, 2 — 
3079.99; pour le cadmium, à — 3260,17. Les potentiels 
d'ionisation minimum pour ces trois métaux sont res- 
pectivement 4,9, 3,74 et 3,96 volts. Les différences de 
potentiel d'arc minimum qui produisent les spectres 
à plusieurs lignes de Hg, Zn et Cd sont de 12,5, 11,8 et 
15,3 volts respectivement ; ces vollages sont aussi pro- 
bablement les potentiels d’ionisation minimum du se- 
cond type pour les atomes de ces trois éléments. Ces 
résultats semblent confirmerla théorie de J.J, Thomson 
des deux types d’ionisation des atomes de mercure etsug- 
gèrent qu'elles’appliqueaussi à l’ionisation des atomes de 
ZnetCd.—M.A.E.H.Tutton:Lessulfates monocliniques 
contenant de l’ammonium. Achèvement de la série des 
sulfates doubles. Dans cette communication, l’auteur 
décrit les cinq sulfates doubles restants de la série R?2M 
(S0:)°. 6 H20, où R est l'ammonium et Mest un des 
métaux Ni, Co, Mn, Cu et Cd. Ce travail termine ?’œu- 
vre de l'auteur sur les sulfates doubles de cette série. 
Voici ses conclusions principales : 1° Ces sels d’ammo- 
nium sont véritablement isomorphes avec les sels sem- 
blablement constitués de K, Rb et Cs de la formule ei 
dessus, mais ne sont pas eutropiques avec eux. Les sels 
de K, Rb et Cs forment seuls la série eutropique dans 
laquelle les propriétés cristallographiques (morpholo- 
giques etphysiques) obéissent à la loi de la progression 
avec le poids atomique du métal alcalin, Cette loi est 
particulièrement bien illustrée par le fait, auquel on n’a 
trouvé aucune exception,que la variation moyenne des 
angles entre les faces cristallines et aussi la variation 
maximum de l'angle interfacial (qui excède 2°) sont 
directement proportionnelles à la variation du poids 
atomique quand un métal alcalin est remplacé par un 
autre. 2° Les dimensions du réseau d’un sel d'Am de la 
série sont presque identiques à celles du sel de Rb 
intermédiaire, de sorte que 2 atomes de Rb sont rempla- 
cés par les 10 atomes des deux radicaux N H' sans aité- 
ration appréciable des dimensions de la structure cristal- 
lographique.3° Les sels de la série où R —Tl(déjà étudiés 
antérieurement) ressemblent beaucoup aux sels d’Am et 
appartiennent à la série isomorphe, mais non à La série 
eutropique formée par les sels deK, Rb et Cs. Comme les 
sels d’Am,ils ressemblent aussi beaucoup aux sels de Rb, 
mais les sels de TI se distinguent optiquement par leur 
fort pouvoir réfracteur, leurs indices de réfraction et 
leur réfraction moléculaire étant bien plus élevée que 
ceux d'aucun autre sel de toute la série isomorphe. — 
M. M. C. Potter : £ffets électriques accompagnant la 


1. Voir, pour l'explication de ce terme, la mémoire anté- 
rieur de l’aut. (Rev. génér. des Sciences du 15 octobre 1913, 


p. 746.) 


décomposition des composés organiques. II. L’ionisation 
des gaz produite durant la fermentation. CO? libéré 
pendant la fermentation du glucose sous l’action de la 
levure porte des ions positifs et négatifs; et il est pro- 
bable que les gaz dégagés pendant la putréfaction de 
la matière organique sont également ionisés. Une partie 
de l’ionisation de l’atmosphère peut être attribuée à la 


présence de tels gaz ionisés, dégagés de la terre 
et de l’eau, et les processus de putréfaction de 


la Nature exercent sans doute une influence importante 
sur divers phénomènes électriques. 


ACADÉMIE DES SCIENCES D’AMSTERDAM 


27 Mars 1915 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. Jan de Vries : 
Une congruence bilinéaire de courbes gauches ration- 
nelles du cinquième degré. Les courbes de base des fais- 
ceaux d'un réseau de surfaces cubiques forment une 
congruence bilinéaire. l’auteur considère le réseau par- 
ticulier dont la base se compose d'une courbe gauche 
cubique, d’une droite et de trois points. — M. Jan de 
Vries : Quelques congruences bilinéaires particulières 
de courbes gauches cubiques. Les congruences bilinéai- 
res de courbes gauches cubiques peuvent être classées 
essentiellement en deux groupes; les congruences du 
premier groupe sont produites par deux faisceaux de 
surfaces réglées quadratiques, dont les bases ont une 
droite commune ; celles du second groupe se composent 
des courbes de base des faisceaux, appartenant à un ré- 
seau de surfaces cubiques, qui ont en commun un point 
fixe et une courbe gauche du sixième degré, de genre 
trois. La congruence de Reye appartient aux deux grou- 
pes ; elle peut être formée par deux faisceaux de cônes 
quadratiques. L’auteur considère quelques autres cas 
particuliers de congruences, qui s’obtiennent aussi au 
moyen de deux faisceaux de cônes quadratiques. — 
MM. Jan de Vries et W. Kapteyn présentent un tra- 
vail de M. W. van der Woude : Sur le théorème de 
Nôtlier. L’auteur donne une démonstration excessive- 
ment simple de ce théorème. 

20 SCIENCES PHYSIQUES, — M. H. A. Lorentz et H, Ka- 
merlingh Onnes présentent un travail de M. P.Ehren- 
fest : Sur l'interprétation cinétique de la pression 
osmotique. Démonstration simple, basée sur le théorème 
du viriel, du fait que, malgré la présence du solvant,les 
molécules dissoutes d’une solution dilnée exercent sur 
une membrane hémiperméable la même pression qu’elles 
exerceraient si elles étaient seules et à l’état gazeux 
parfait. — MM. H. A. Lorentz et H. Kamerlingh Onnes 
présentent un travail de M.L. H.Siertsema : La rola- 
tion magnétique du plan de polarisation dans le tétra- 
chlorure de titane. 1. L'étude de cette substance est inté- 
ressante parce que c’est la seulesubstance diamagnétique 
connue dont la rotation magnétique soit négative, que 
c’est le seulliquide dont la rotation négative puisse être 
observée sans l'influence perturbatrice d’un solvantetque 
lespectre visibleest presque entièrement exempt de ban- 
des d'absorption. Les mesures ont été faites par une 
méthode de pénombre avec analyse spectrale; elles se 
rapportent à diverses longueurs d'onde, Une comparai- 
son des résultats des mesures avec la théorie du phéno- 
mène fera l’objet d’une nouvelle communication. — 
M. H. Haga présente un travail de M. F. M. Jaeger : 
Sur un nouveau phénomène dans la diffraction des 
rayons Rüntgen par des cristaux biréfringents. L'étude 
des rôntgénogrammes obtenus avec le tartrate double 
de sodium et d’ammonium, l’hambergite et la bénitoïte 
a conduit l’auteur à la constatation du fait très remar- 
quable que, contrairement à ce qui se passe pour les 
cristaux monoréfringents et les cristaux uniaxes, cer- 
tains éléments de symétrie, que l'on s’attendrait à trou- 


ver d'après les théories de Laueet Bragg,manquentdans 


Seance du 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


les images des cristaux biréfringents. L'auteur en con- 
clut que la théorie de la diffraction des rayons Rôntgen 
est encore incomplète. — MM.P. van Romburgh et 
H. Haga présentent un travail de M. F. M. Jaeger: 
Kecherches sur le principe de Pasteur concernant la re- 
tation entre l’asymétrie moléculaire et l’asymétrie physi- 
que. I. Recherches faites dans le but de démontrer 
l'exactitude du principe de Pasteur dans le cas le plus 
simple, où la dissymétrie moléculaire se manifeste uni- 
quement dans le groupement dans l’espace d'éléments 
égaux. Il s'agissait de prouver que les composants à 
activités optiques contraires sont énantimorphes.Comme 
matériaux pour ces recherches, l’auteur a choisi lessels 
du type 5 Co (Aein); | X:, où X peut varier de diverses 
facons. Dans cette première partie du travail, il com- 
munique le résultat de ses mesures relatives à la rota- 
tion moléculaire du plan de polarisation et à la disper- 
sion de cette rotation. — MM. Ernst Cohen et W. D. 
Helderman: La métastabilité de notre monde métalli- 
que comme conséquence de l’allotropie et sa signification 

our la Chimie, la Physique et la Technologie. IV. Les 
chaleurs de réaction des métaux et leurs chaleurs la- 
tentes de fusion, que l’on croyait connaître jusqu'ici, 
sont des données fortuites, qui doivent être déterminées 
à nouveau pour les modifications pures des métaux. — 
M. Ernst Cohen : L’allotropie du bismuth. IL. Nouvel- 
les recherches établissant qu’il existe plus de deux for- 
mes allotropiques du bismuth. — M, P. van Romburgh 
présente un travail de M. A. W. K. de Jongh: Action 
de la lumière solaire sur les acides cinnamiques. Etude 
de la transformation de l’acide allocinnamique exposé 
aux rayons solaires. 

39 SCIENCES NATURBLLES. —- MM.F.A.F.C.Went et J.W, 
Moll présentent untravail deM.C. E. B. Bremekamp: 
Sur l'influence que les réactions dues à la lumière et à 
la gravitation exercent les unes sur les autres chez les 
plantes. Expériences montrant que, si des plantes sont 
soumises alternativement à une excitation phototropi- 
que et une excitation géotropique, il y a sommaltiondes 
effets lorsque la durée qui s'écoule entre les excitations 
est telle que les deux courbures atteignent simultané- 
ment leur maximum. Lorsqu'une faible excitation lu- 
mineuse et une induction géotropique sont adminis- 
trées simultanément ou immédiatement l'une après 
l’autre, la courbure géotropique atteint son maximum 
avant que la courbure phototropique devienne nuisible 
et a presque complètement disparu lorsque cette der- 
nière atteint son maximum, Ceci explique les résultats 
négatifs d'expériences antérieures. — M. H. J. Ham- 
burger : Phagocytes et centre de respiration. Leur con- 
duite vis-à-vis de l'oxygène, de l'acide carbonique et des 
substances dissolvant les graisses. Lorsque des phago- 
cytes ont séjourné pendant une demi-heure dans un mi- 
lieu exempt d'oxygène, la phagocytose est considéra- 
blement accélérée. Cette accélération de la phagocytose 
par manque d'oxygène est analogue à l'augmentation 
d'activité du centre respiratoire dans les mêmes condi- 
tions. Vis-à-vis du cyanure de potassium et de l'acide 
carbonique, les phagocytes et les cellules du centre res- 
piratoire se comportent également de la même façon. 
Ceci explique pourquoi des traces de chloroforme et 
d’autres substances dissolvant les graisses activent la 
phagocytose, — MM. G. A. F. Molengraaff et K. Martin 
présentent un travail de M. H. A. Brouwer : Sur l'âge 
postcarbonifère des granites des Padangsche Bovenlan- 
den. L'auteur prouve par des exemples que le méta- 
morphisme de contact du granite et de sédiments car- 
bonifères, ou en partie plus récents, est semblable à 
celui qui est considéré comme une preuve de l’âge 
plus jeune des granites. 


Le Gérant : Octave Doix. 


Sens. — Imp. Levé, 1, rue de la Bertauche. 


PARIS" S CAN 7 


26° ANNÉE 


N° 20 


30 OCTOBRE 1915 


Revue générale 


Des SCiences 


pures et appliquées 


FONDATEUR : 


LOUIS OLIVIER 


Dinecreur : J.-P. LANGLOIS, Décteut ès Sciences 


Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. J.-P. LANGLOIS, 8, place de l'Odéon, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des 
travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France eten pays étrangers y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


$ 1. — Physique appliquée 


La visibilité des objets à distance dans l'art 
militaire. — La conduite des opérations militaires 
nous révèle chez tous les belligérants un souci constant 
à la fois de chercher à découvrir, du plus loin qu'il est 
possible, la position de l’ennemi et de ses installations 
et de se dissimuler soi-même aux moyens d’investiga- 
tion de l’adversaire. D’après une récente contribution à 
notre confrère anglais Naturel, trois principes sont tour 
à tour mis en application pour atteindre ce but. 

Le premier repose sur cette observation générale 
qu'un objet devientindistinel lorsque son éclat et sa cou- 
leur sont identiques à ceux du milieu environnant. C’est 
pour cette raison qu'on a adopté pour les uniformes 
modernes des couleurs telles que le gris (gris bleu ou 
gris vert) et le khaki, qui se confondent bien avec le 
paysage (le khaki étant le plus eflicace sur le terrain nu, 
le gris ou le vert dans les régions cultivées), tandis 
qu'on a abandonné le rouge, qui est la couleur la plus 
perceptible à grande distance. 

Toutefois, ces conclusions ne s'appliquent qu'à la 
pleine lumière du jour. Sous un faible éclairement, 
l'œil devient plus ou moins aveugle pour certaines cou- 
leurs, en particulier le rouge, tandis que le vert et le 
bleu lui apparaissent d’un gris sale. Aussi une troupe 
de soldats en uniformes gris vert traversant un pré au 
crépuscule est-elle excessivement difficile à distinguer. 

On voit par là que le problème du choix d’un uni- 
forme invisible est très compliqué, surtout si l’on ne 
perd pas de vue que des soldats, tout en devenant indis- 
tincts pour l’ennemi, doivent rester très visibles pour 
leurs propres troupes, 

Rappelons qu’en plusieurs occasions durant la guerre 
actuelle des éclaireurs ont utilisé le principe précédent 
pour remplir leur tâche : ainsi des Allemands se sont 
revêtus de vêtements blancs pour rester invisibles sur 
la neige dans la campagne de Pologne, et des Tures se 


1. Nature, t. XCVI, p. 117 ; 30 sept. 1915. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 


sont barbouillés de vert la figure et les mains aux Dar- 
danelles pour passer inaperçus dans le feuillage. 

Un second principe a élé mis à contribution pour 
assurer la ressemblance avec les surfaces qui changent 
constamment, comme le ciel ou la mer. Ce principe, qui 
peut être appelé principe de la « mosaïque », repose sur 
l'observation que les contours d’un objet deviennent 
difficiles à distinguer lorsqu'on brouille sa surface avec 
des bandes et des carreaux. Ainsi la coque et les che- 
minées des navires de guerre ont élé peints en un bleu 
ardoise, dit « gris de bataille »; puis des taches noires 
bigarrées et des lignes serpentines noires irrégulières 
ont été tracées sur le fond gris. Des expériences de ce 
genre, tentées récemment par la marine des Etats-Unis, 
ont été couronnées de succès, et sous peu les dread- 
noughts seront rendus complètement invisibles à la dis- 
tance des batailles navales modernes. 

Une combinaison de la bigarrure et de l’imitation du 
milieu environnant peut être aussi appliquée avec de 
bons résultats à la dissimulation d’un aérodrome ou de 
hangars semblables, Par exemple, on peut défricher le 
terrain environnant et arracher l'herbe par intervalles, 
en laissant des parcelles nues; si l’on peint ensuite sur 
l'aérodrome une mosaïque de brun et de vert, son iden- 
tification sur le terrain qui l'entoure deviendra très difli- 
cile. 

Ce principe a été utilisé avec succès par les Allemands 
dans la protection de leurs tranchées, On a observé 
qu'ils insèrent des sacs de terre noirs à certains inter- 
valles entre des sacs de couleur plus claire. Ce dispo- 
sitif en mosaïque rend impossible la localisation de 
leurs meurtrières. 

Il reste enfin une troisième façon de dissimuler les 
objets, qui serait la plus parfaite de toutes si elle était 
facilement réalisable : c’est l'emploi de miroirs qui, en 
réfléchissant le milieu environnant, l’imitent automa- 
tiquement. 

Cette méthode semble avoir été appliquée sur les der- 
niers zeppelins, qui sont recouverts d’une poudre d’alu- 
minium brillante qui réfléchit le ciel et rend l’aéronat 
difficile à distinguer à une grande hauteur. 

L'application des principes précédents mériterait une 


GA 
© 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


étude scientifique très soignée, car des méthodes de 
dissimulation bien conçues permettraient d’épargner 
des milliers de vies de combattants. 


Localisation des projectiles dans l’orga- 
uisme par la radiographie. Méthodes des 
repères gradués.— On sait que, pour définir la 
position d'un projectile à l’intérieur du corps, deux 
épreuves, prises de deux points de vue différents, sont 
nécessaires. Ces épreuves permettent de déterminer la 
situation du projectile par rapport aux éléments anato- 
miques internes ou, mieux, par rapport à des repères 
métalliques fixés sur la peau. Tout l'intérêt d'une 
méthode est de réduire au minimum les calculs et les 
chances d’erreurs. 

La caractéristique de celle qu'ont proposée récem- 
ment MM. H. Bertin-Sans et Ch. Leenhardt ! est l'em- 
ploi d’une échelle de repères gradués, c’est-à-dire d’une 
série de repères (fils, grains de plomb, chiffres)fixés sur 
une toile à des distances respectivesfixes,invariables et 
connues. Ces repères ont pour but de matérialiser, en 
quelqae sorte, sur les clichés, le contour de la peau. Si 
l’on a eu soin d'indiquer, par un trait à l'encre, la 
position, sur le corps du sujet, d'un de ces repères, il 
est facile de retrouver, par des mesures de longueur et 
de direction à partir de ce repère, le point de la peau 
qui correspond à un point du cliché. 

Le problème posé peut alors se ramener, d’une part 
à chercher la position des deuxpoints M et Noùlefais- 
ceau de rayons émané du focus et intercepté par le 
projectile rencontre la peau, et, d’autre part, à déter- 
miner la distance p du projectile à l'un des points 
M ou N suivant que ce projectile est plus facilement 
accessible par l'un ou l’autre de cespoints. 

Les échelles de repères utilisées par MM. Bertin-Sans 
et Leenhardt sont de deux sortes: les croix graduées et 
les bandes graduées. 

1° Méthode des croix graduées. Les repères sont fixés 
à des distances connues (2 cm.) sur les deux branches 
de deux croix en papier toile dont les bras ont chacun 
5 centimètres; chaque branche de la croix porte deux 
repères, un repère spécial indiquant le centre. Les deux 
croix sont faites avec deux sortes de repères différents, 
afin qu’on puisse en distinguer nettement les ombressur 
le cliché. On les fixe avec du collodion sur la peau de 
deux faces opposées du sujet (face antérieure et face 
postérieure, par exemple), en les disposant de façon que, 
le sujet étant couché horizontalement sur la plaque sen- 
sible, leurs centres et le projectile soient approximati- 
vement sur la même verticale que le focus de l’ampoule 
dont on mesure la distance À à la plaque. 

On prend une première radiographie, puis on déplace 
horizontalement l’ampoule d’une longueur connue 
(10 em) et on procède à une deuxième épreuve, le sujet 
demeurant exactement dans la même position. L’opéra- 
tion terminée, on enlève les deux croix, tout en mar- 
quant exactement leurs traces sur la peau à l’aide d’un 
crayon dermographique. 

Sur le cliché, on distingue deux ombres de chaque 
repère antérieur (une pour chaque pose), une ou deux 
ombres de chacun des repères postérieurs suivant que 
le repère était ou non en contact avec la plaque photo- 
graphique, et deux ombres du projectile. 

Des calculs très simples, qu'on peut réduire à des 
lectures à l’aide d'un barème établi une fois pour tou- 
tes, permettent de déduire la position du projectile, 
délinie comme il a été indiqué plus haut des mesures 
effectuées sur le cliché. 

29 Méthode de la bande graduée. Les repères sont ici 
des fils métalliques de laiton disposés parallèlement 
les uns aux autres, à une distance fixe (2 ou 3 cm), 
sur une bande de toile forte. Ces repères ont des lon- 
gueurs décroissantes de part et d'autre du repère central 


1. Bulletin de l'Académie des sciences et des lettres de Mont- 
pellier, avril-juin 1915. 


O0"; de plus, ceux qui sont situés d’un même côté de 
ce repère portent un signe distinctif de ceux qui sont si- 
tués de l’autre. De cette façon, l'ombre de chaque repère 
est différente et permet de retrouver facilement surlecli- 
ché l’ordre de succession et la situation respective des 
différents repères dans l’espace. Enfin, les extrémités 
des repères sont alignées sur un fil métallique simple 
XX’, qui borde plus ou moins complètement un côté de 
la bande. Cette bande se fixe autour du membre avec 
une élastique et l’on marque sur la peau, au crayon der- 
mographique, la direction OO° et la trace de la ligne 
XX' qui doit être, autant que possible, dans le plan nor- 
mal au membre qui contient le projectile. On prend une 
première épreuve en mettant la plaque horizontale, le 
focus se trouvant sensiblement sur la verticale du cen- 
tre de la section déterminée dans le membre par la 
ligne XX’. On prend ensuite une deuxième épreuve, la 
plaque étant verticale et l’ampoule ayant tourné de 
90° autour de l’axe du membre. 

Il n’est pas nécessaire de mesurer la distance du fo- 
eus à la plaque,ni de s’astreindre à ce que cette distance 
soit la même dans les deux poses; il suflil qu’elle soit 
assez grande (65 cm. au moins) pour que les rayons 
issus de l’ampoule puissent être considérés comme nor- 
maux à la plaque. 

L'examen des deux épreuves permet de situer très 
rapidement le projectile par rapport aux repères. 

La méthode des croix graduées convient dans tous 
les cas, aussi bien pour les membres que pour le tronc. 
La méthode de la bande est, au contraire,exclusivement 
applicable aux membres, à la tête et au cou; elle ne 
donnerait pas de bons résultats pour le tronc, car elle 
nécessite deux épreuves prises dans des plans rectangu- 
laires, et pour le thorax, l'abdomen, l'épaule ou la 
hanche, la vue de profil est indéchiffrable à cause de 
la superposition des ombres osseuses. Par contre, cha- 
que fois que la méthode de la bande est applicable, elle 
a l'avantage de donner la situation du projectile par 
rapport à deux droites sensiblement rectangulaires et 
de permettre de choisir, sur les quatre voies d'accès 
possibles (antérieure, postérieure, interne et externe), 
celle qui est la plus favorable à l'intervention chirur- 
gicale. La méthode des croix graduées ne fournit prati- 
quement que deux voies d'accès opposées, l’antérieure 
et la postérieure : ilest vrai qu'on ne saurait guère de- 
mander davantage quand il s’agit du tronc. 

Le procédé de MM. Bertin-Sans et Leenhardt est appli- 
qué depuis le début de la guerre dans les Services de 
radiographie de la 16° Région. Il permet de situer les 
projectiles de l'organisme rapidement, sans calcul, et 
avec une exactitude tout à fait suflisante dans la prati- 
que. Le matériel nécessaire est des plus simples : en 
dehors des échelles de repères qu'il est facile de cons- 
truire soi-même, il se réduit à un support qui permette 
de mesurer le déplacement horizontal de l’ampoule 
quand on a recours au procédé des croix graduées; un 
support quelconque convient dans tous les cas où l’on 


peut adopter le procédé de la bande, 
; AB: 


$ 2. — Electricité industrielle 


Observations sur les perturbations des 
communications radiotélégraphiques.— L’As- 
sociation britannique pour l’'Avancement des Sciences a 
nommé il y a quelques années un Comité chargé de pro- 
céder à une enquête sur les causes des perturbations 
qui se produisent fréquemment dans les communica- 
tions radiotélégraphiques, surtout à longue distance, 
Ce Comité a présenté au Congrès de l'Association, qui 
s’est tenu en août dernier à Manchester, un Rapport 
plein d'observations intéressantes, bien que la guerre 
soit venue fortement contrecarrer les recherches entre- 
prises par le Comité. 

En effet, depuis le commencement d’août 1914, les 
stations privées deT.S.F. de l'Empire anglais ont pres- 
que toutes interrompu leurs statistiques, et les stations 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


267 


re 


navales et gouvernementales ont dû renoncer à leurs 
observations scientifiques. Un certain nombre de sta- 
tions, toutefois, aux Indes, en Australie, au Canada, 
aux Antilles et aux Etats-Unis ont pu fournir des docu- 
ments. Le programme du Comité de recueillir des sta- 
tistiques trois fois par semaine sur presque toute l’éten- 
due du globe n’a été appliqué que pendant trois mois, 
et le projet d'observations spéciales à l’occasion de 
l'éelipse solaire du 21 août 1914 a échoué presque com- 
plètement dans les pays où l’éclipse était visible, 

… Quoi qu'il en soit, voici quelques-uns des premiers 
résultats acquis : 

Le fait principal et le plus universel est que les ondes 
“égarées perçues dans l'obscurité sont plus nombreuses 
et plus intenses qu’en plein jour, Si l’on trace des cour- 
bes donnant d'heure en heure la perturbation apportée 
aux communications radiotélégraphiques, le point le 
plus bas tombe généralement un peu après midi et le 
point le plus élevé de la partie convexe de la courbe un 

“peu après minuit, dans presque toutes les stations 
situées au nord de l'équateur. 

A certains moments, le fonctionnement des stations 
éstrendu presque ou totalement impossible pendant 
un certain temps par des ondes égarées d’une intensité 
“et d'une abondance qui surpassent de beaucoup la 
“moyenne. Ces phénomènes sont nommés par abrévia- 
tion « tempêtes X ». L'analyse des statistiques montre 
que les tempêtes X ont lieu pendant les mêmes deux ou 
“trois jours sur des aires très étendues. Quelquefois, elles 

“sont simultanées en des stations très éloignées, mais le 
‘plus généralement leur apparition a lieu successi- 
vement en une série de points. Ces tempêtes X coinci- 
dent généralement avec des conditions météorologiques 
(rapides fluctuations barométriques, en particulier) qui 
accompagnent ou précèdent les orages et les grains. 

- La station radiotélégraphique australienne d'Espé- 
“rance signale que, pendant le jour, la pluie est précédée, 
dans 8o ‘/, des cas au moins, par des perturbations 
intermittentes;on perçoit des ondes égarées d’intensité 
“variable de 6 heures du matin au coucher du soleil pen- 
dant un ou plusieurs jours consécutifs avant les chutes 
de pluie. Les vents du N W sur les côtes atlantiques, 
spécialement en hiver, sont associés avec de fortes ondes 
égarées aux stations irlandaises et en mer. Les mois 
des plus fortes tempêtes X en Méditerranée sont ceux 
de septembre et d'octobre, les mois de temps cycloni- 
que. 

Dans l’ensemble, les statistiques montrent l’existence 
de deux catégories de tempêtes X se produisant pen- 
dant le jour : 1° des tempêtes produites par des condi- 
tions convectives de l'atmosphère à une centaine de 
milles au plus de la station ; ce sont des tempêtes loca- 
les ; 2° des tempêtes dont l'origine est située à une plus 
grande distance. 

En ce qui concerne la première classe, on peutconclure 
que les observations d'ondes égarées pendant le jour 
constituent une méthode de perception du bord d’une 
région de convection météorologique, donc de prévision 
de l’orage ou de la pluie un ou deux jours d’avance. 
Cette application est connue depuis longtemps; mais, 
jusqu’à présent, on attribuait à des décharges électri- 
ques à grande distance la cause des ondes égarées 
perçues à la station, tandis que l’analyse actuelle indi- 
que qu’au moins pendant le jour cesondes sont fréquem- 
ment dues à des décharges très locales, souvent trop 
faibles pour donner naissance à l'éclair et au tonnerre, 
mais qui marquent très nettement l'approche d’une 
période d'instabilité de l'atmosphère. 

La seconde catégorie de tempêtes X n’est pas d'origine 
strictement locale. On la note par exemple dans les 
observations faites à Malte et à Sierra-Leone, qui mon- 
trent que, dans certains cas, la même cause affecte à la 
fois les deux stations, bien qu’elles soient séparées par 
4.000 kilomètres. 

Les rapports des stations radiotélégraphiques de 
l'Alaska ne signalent aucune perturbation particulière 
accompagnant l'apparition ou la disparition des aurores 


boréales. On ne trouve non plus aucune influence de la 
période de variation magnétique de 27 jours. 


La lampe à arc à vapeur de cadmium. 
M. H. J. S. Sand a présenté au dernier Congrès de l’As 
sociation britannique pour l’avancement des Sciences à 
Manchester une lampe à arc à vapeur de cadmium, dont 
ilrecommande l'usage pour les observations polarimé- 
triques et autres. 

Elle est comparable en principe à la lampe bien con- 
nue à vapeur de mercure. Elle est construite en verre 
de quartz, et le cadmium qu’elle renfermeest débarrassé 
d'oxyde et de gaz dissous par un procédé de filtration 
dans le vide, On l'empêche d'adhérer au verre en intro- 
duisant dans la lampe une petite quantité d’une pou- 
dre läche (zircone). Le métal est fondu par un chaut- 
fage extérieur avant la mise en marche, et il se main- 
tient à l’état fondu par l'effet calorifique du courant. 
Une fois en marche, la lampe peut rester en fonction- 
nement pendant un temps indéfini. 


$ 3. — Chimie physique 


L'étude des solutions troubles. — Par suite 
du développement considérable de la Chimie colloïdale 
depuis quelques années, l’étude des solutions troubles a 
pris une importance de plus en plus grande. Une des 
propriétés les plus remarquables de ces milieux a été 
indiquée par le physicien anglais Tyndall. De même 
qu'un rayon de soleil pénétrant dans une chambre 
obscure devient perceptible par la réflexion et la disper- 
sion que lui font subir les particules de poussières en 
suspension dans l'atmosphère, un rayon lumineux tra- 
versant une solution trouble y produit une trainée 
lumineuse d’un blanc bleuâtre, qui a reçu le nom de 
phénomène de Tyndall, et qui est en rapport avec la 
présence de particules microscopiques. 

Clausius d’abord, puis Lord Rayleigh d’une façon 
beaucoup plus complète, ont établi la théorie du phéno- 
mène de Tyndall, et ce dernier est parvenu à l'équation: 

c.v 


5 K, 
qui donne l'intensité 1 de la lumière dispersée en fonc- 
tion de la concentration c de la solution, du volume y 
des particules, de leur poids spécifique s, de la longueur 
d’onde de la lumière incidente et d’une constante K. 

De nombreux chercheurs ont cherché à vérifier expé- 
rimentalement cette théorie, en étudiant les solutions 
troubles au moyen d’un appareil, nommé tyndallomètre, 
par lequel on détermine le rapport de l'intensité de la 
lumière tyndallique produite dans le liquide trouble à 
celle de la lumière excitatrice. 

En se servant de cet appareil, M. W. Mecklenburg! 
a fait récemment une série d'essais qui ont porté sur les 
trois points suivants : 

1° Dépendance de l'effet Tyndall de la concentration. 
Les observations ont été faites sur des solutions colloï- 
dales d’acide stannique et de soufre. Elles montrent, 
conformément à la théorie de Rayleigh, que l'intensité 
de la lumièretyndallique estdirectement proportionnelle 
à la concentration. 

2° Dépendance de l'effet Tyndall de la longueur d’onde 
de la lumière. Ce sujet a déjà été étudié par plusieurs 
savants, qui ont constaté que, lorsque les particules 
sont très petites par rapport à J° longueur d'onde de la 
lumière, la loi de Rayleigh se vérifie ; pour des parti- 
cules plus grosses, toutefois, l'intensité de l'effet Tyn- 
dall n’est plus inversément proportionnelle à 2, mais à 
?, suivant une relation trouvée autrefois par Clausius. 

Les recherches de W. Mecklenburg ont porté sur une 
série de solutions colloïdales de soufre, dont les parti- 
cules étaient de différentes grosseurs, mais toutes égales 


1. Die Wissenschaften, t. suiv. 


18 juin 1915. 


IHM 5 pe S17ret 


568 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


dans une même solution ; les longueurs d'onde des diver- 
ses lumières monochromatiques utilisées variaient de 
631 à 532 uu. Dans les solutions contenant les particules 
les plus fines (diamètre :93 x), c’est la relation de Ray- 
leigh qui se vérifie; dans les solutions à grosses parti- 
eules (diamètre : 246 vu), c'est, au contraire, la relation 
de Clausius qui exprime le phénomène; dans les solu- 
tions à particules intermédiaires (diamètre : 135 y), 
c’est le produit [i] 23 (d’ailleurs sans signification théo- 
rique) qui aurait une valeur à peu près constante. 

3° Dépendance de l'effet Tyndall de la grosseur des 

articules. D'après la formule de Rayleigh, l'intensité de 
l'effet Tyndall est directement proportionnelle au 
volume des particules, Dans deux solutions de même 
concentration, mais dont les particules ont des volumes 
différents, si l’on connait le volume dans l’une, on peut 
calculer le volume dans l'autre d'après le rapport des 
intensités de l’effet Tyndall. L’auteur a cherché à véri- 
fier cette conclusion sur g solutions colloïdales de 
soufre, où le diamètre des particules, déterminé par 
divers procédés, variait de 3 à 840 pu. Pour les 4 pre- 
mières (particules de 5 à 30 pu), les déductions de la loi 
de Rayleigh se vérifient très exactement; pour les deux 
suivantes (particules de 42 et 93 vv), il y a un écartassez 
grand, encore inexpliqué; pour les dernières, la loi de 
Rayleigh ne se vérilie plus du tout, 

Il résulte de ces dernières mesures que, lorsqu'on 
connait la grosseur des particules d’un liquide trouble, 
on peut, au moyen de l'effet Tyndall, déterminer la con- 
centration des particules dans la solution, et vice-versa. 
Le tyndallomètre est donc destiné à prendre une grande 
importance en Chimie colloïdale, où la détermination 
de la grandeur des particules joue un rôle fondamental 
et ne peut pas toujours être effectuée à l'ultramicroscope. 


Cinématographie du mouvementbrownien. 
!— A l'Exposition nationale des Industries chimiques 
qui s’est tenue pendant la dernière semaine de septem- 
bre au Nouveau grand Palais central de New-York, 
M. D. T. Pierce !, au cours d'une conférence sur l’as- 
phalle, a présenté quelques remarquables vues cinéma- 
tographiques du mouvement brownien des colloïdes de 
l’asphalte de la Trinité. 

Ces vues ont été obtenues en reliant la lentille de la 
chambre cinématographique avec l’oculaire d'un uitra- 
microscope, ce qui a permis de reproduire sur le film les 
mouvements perçus par l’œil à travers le microscope. 
C'est la première fois, eroyons-nous, que la cinémato- 
graphie est appliquée à la reproduction du mouvement 
brownien ; elle rendra sans doute de grands services 
dans l’étude de celui-ci. 


$ 4. — Chimie appliquée 


L'influence du titane sur les propriétés de 
l'acier. — Depuis quelques années, l'emploi du titane 
dans la fabrication de certains aciers a acquis une 
grande importance, Il ne semble pas qu’on ait préparé, 
tout au moins sur une échelle commerciale, des « aciers 
au titane » proprement dits, c'est-à-dire des aciers 
dont les propriétés soient caractéristiques d’une cer- 
taine teneuren titane, Mais ce métal, généralement sous 
forme de ferrocarbure, est ajouté à l'acier en petites 
proportions, à la fois comme désoxydant, pour lui 
donner une plus grande pureté, et comme agent dimi- 
nuant la ségrégation, et conférant par conséquent une 
plus grande homogénéité; la faible quantité de titane 
qui reste dans l'acier ne dépasse généralement pas 
0,025 0/;. 

C’est au traitement de l'acier pour rails que le titane 
a été surtout utilisé jusqu'à présent. L'amélioration des 
propriélés mécaniques réalisée ressort des chiffres 
suivants, communiqués récemment par M. G. F. Coms- 
tock? 

1. Electrical World,t. LXVI, n° 13, p. 
t. CXII, n° 2915, p. 179; 8 oct. 


708 ; 25 sept. 1915. 
1915, 


2, Chemical News, 


Rails Raïls 

non traités traités 
Limite élastique 56,071 59,738 
Résistance finale 118,138 124,897 
Elongation 12,80) 13,10/) 
Réduction de surface 14,30) 40/5 
Dureté de Brinell 220 226 
Résistance au choc 1,47 1,28 
(machine de Frémont) 
Endurance (a) 1.312 1.280 
Endurance (b) 16.550.920 23.923.028 


a) Par la machine Landgraf-Truner (flexions alterna- 
tives avant rupture). 

b) Par la machine White-Souther (révolutions avant’ 
rupture). 


L’auleur n’estime pas toutefois que les aciers traités 
au titane soient supérieurs aux meilleurs rails non 
traités ; mais le traitement élève sans aucun doute lé 
type moyen de qualité, en augmentant l’uniformité et 
faisant disparaître les ségrégations et impuretés dange- 
reuses. 

L'analyse chimique confirme d’ailleurs cette conclu- 
sion. Des déterminations du carbone ont été faites, sur 
79 rails non traités et 31 rails traités, en deux endroits: 
au coin supérieur de la tête et à la jonction de la tête 
et de l'âme. La différence moyenne entre ces deux points 
s'est élevée à 190/, pour les rails non traités, avec un 
maximum individuel de 40 °/;,, tandis que pour les rails 
traités la différence moyenne n'a été que de 3,10/,, avec 
un maximum de 11,9 0/5. 

Les observations d'usure faites par les compagnies 
de chemins de fer ont toujours été favorables aux rails 
traités par le titane. Ainsi, sur une forte courbe du 
Boston £levated Railway, des rails traités posés alter- 
nativement avec des rails ordinaires de même composi- 
tion ont présenté une usure de 41°/, plus faible après 

14 jours de service. Sur le Æock /sland Raïlway, les 
rails traités au titane ont perdu en 17 mois par abra- 
sion 0,014 pouce carré de leur section, tandis que les 
rails en acier électrique ont donné dans les mêmes 
conditions une perte de 0,058 pouce carré et les rails 
ordinaires une perte de 0,075 pouce carré. 

On a reconnu de même l'avantage de l'emploi du 
titane pour purifier le métal et prévenir la ségrégation 
dans l'acier pour essieux. On l’utilise encore avec suc- 
cès comme désoxydant pour les pièces d'acier et pour 
l’acier doux pour plaques et feuilles minces. Il est pré- 
férable aux autres désoxydants, car il ne laisse pas de 
produits d’oxydation dans l'acier, comme l'aluminium 
et le silicium; les lingots se laminent mieux et les 
feuilles finies présentent une surface plus douce, qu'est 
très appréciée pour la galvanisation par exemple, 


Le bronze turbadium.— L'usage s’est récem- 
ment introduit en Angleterre d’une nouvelle sorte de 
bronze, dit « turbadium », pour la fabrication des pièces 
de propulseurs résistantes. 

Il possède approximativement la composition sui- 
vante : Cu, 480/,; Zn, 46, 45; Sn, 0,5; Pb, 0,1; Fe, 1,0; 
Al, 0,2; Mn, 1,75; Ni, 2,0. 

Sa résistance à la traction est de 35 à 42 tonnes par 
pouce carré et son allongement de 14 à 2o0/;. 

L’eau de mer ne le corrode pas d’une façon apprécia- 
ble, et sous ce rapport il possède un avantage marqué 
sur la plupartdes alliages habituellement employés, On 
sait, en effet, que la corrosion d’une aube de propul- 
seur peut diminuer la vitesse d’un navire d'un demi- 
nœud par heure. 


Influence de l'humidité et de la tempéra- 
ture sur la sensibilité des plaques. — D'après 
M. R.-J, Wallace, la sensibilité des plaques au bro- 
mure d'argent humidifiées devient une fois et demie 
plus faible que celle des plaques sèches. Si les plaques 
sont complètement mouillées, la sensibilité est réduite 
à 0,517, en prenant pour unité celle des plaques sèches. 


| 


thus 


1.6 


% 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 569 


Suivant M. H, Farmer, on augmente la rapidité des 
plaques, ainsi que la finesse des détails de l’image, en 
desséchant complètement l’'émulsion, Celle-ci, bien que 

Sèche en apparence, contient néanmoins une certaine 
quantité d’eau, et il suilit de très petites différences dans 
cette quantité pour modifier le résultat. On obtient la 
dessiccation en plaçant les plaques, un peu avant de les 
exposer, dans une étuve à 90° ou simplement sur un 
bain de sable, Cette méthode est surtout recommandée 
pour les travaux scientifiques qui demandent une 
grande finesse de détails. 

L'influence de la température est minime, dans les 
conditions habituelles, entre 0° et 300, De 300 à 50°, la 
sensibilité ne s'accroît qu'extrèmement peu. Les plaques 
très sensibles sont moins influencées que les plaques 
lentes. De 50° à 80°, les plaques rapides se voilent plus 
ou moins, au développement. Le voile devient com- 
plet à 100°. Gœdicke a observé que, si l’on chautte à 8o° 
une plaque déjà exposée, l’image latente est détruite, 

L'influence du froid est encore plus marquée. Si l'on 
représente par 100 la sensibilité à o°, on observe les 
variations suivantes, à des températures inférieures : 

Sensibilité 

d'en deps seeds 100 


use aout n me 90 


8 


Température 


$ 5. — Géologie 


Le prétendu desséchement progressif de 
la Terre. — La théorie d’après laquelle l'influence 
physique dominante sur le globe serait un lent dessé- 
chement parait tout d'abord possible et même probable. 
IL est hors de doute qu'à une époque géologique récente 
d'énormes régions ont subi l'influence d'un changement 
elimatique qui fit fondre les glaciers de l’époque gla- 
ciaire. À ces glaciers succédèrent des lacs et des marais, 
en quantité telle qu'on pourrait appeler cette période 
post-glaciaire la « période des lacs ». La période ac- 
tuelle serait, de l'avis d’un certain nombre d’explora- 
teurs et de savants, une période de desséchement. Si ce 
desséchement se poursuit, il pourra avoir son retentis- 
sement sur quantité de problèmes géographiques impor- 
tants, à la fois physiques et politiques, et entrainer, par 
exemple, l’émigration des peuples hors du centre des 
continents, vers le littoral. 

M. Gregory, en une intéressante étude!l, a résumé 
les arguments qui peuvent ou non faire croire à undes- 
séchement du globe. 

Tout d’abord, les faits en faveur d’un desséchement 
paraissent écrasants. IL est impressionnant de voir à 
quel point les lacs et les marais de l'Asie disparaissent 
rapidement : des plaines, jadis fertiles, se trouvent 
converties en déserts, les rivières cessent de couler, et 
es ruines de cités autrefois florissantes se trouvent en- 
ouies dans le sable, Ces changements, constatés par 
ivers explorateurs (W. T. Blanford, Huntington,le Ma- 
or Molesworth Sykes, Sven Hedin), prouveraient que 
a chute pluviale dans l'Asie Centrale a diminué et di- 
inue encore. Le phénomène n'est d’ailleurs pas limité 
l’intérieur des continents, et des changements analo- 
ues ont lieu sur les côtes méditerranéennes: en Pales- 
ine, par exemple, le niveau abaissé de la Mer Morte 
ournit la preuve de la diminution des eaux. De même, 
ans l'Amérique du Nord, quantité de lacs ont diminué 


1. Scientia, avril 1915. 


de superficie : des dunes de gypse marquent les rivage 
de lacs qui se sont complètement desséchés, 

Au fond, d'après M, Gregory, « les arguments ci- 
dessus énumérés en faveur d'un changementde climat 
sont peu consistants, et tous peuvent s'expliquer autre- 
ment ». 

Ainsi, on a souvent dit que l’agriculture en Palestine 
a été ruinée par une diminution de la chute pluviale. 
En réalité, la moyenne pluviale, pour Jérusalem, est de 
65 em., c’est-à-dire autant qu'à Londres, et la plupart 
de ceux qui connaissent le mieux la géographie physi- 
que de la Palestine (Hilderscheid, George Adam Smith, 
Hellmann, A. Watt) assurent que la chute pluviale est 
la même aujourd'hui qu'aux temps bibliques, la même 
comme quantité et comme distribution dans l'année. 
L'invariabilité des régions où sont cullivables la vigne 
etle dattier en est une nouvelle preuve.]ln’est pas dou- 
teux, d’ailleurs, que la Palestine ait eu un climat plus 
humide, mais c'était pendant la période pluvieuse dont 
il nous reste des preuves géologiques tout autour de la 
Méditerranée du Sud, c’est-à-dire bien avant l’époque 
préhistorique, et la Mer Morte, en particulier, était à son 
niveau actuel en 333 ap. J. C. 

L'Egypte nous offre aussi des faits d'uniformité celi- 
matique continue : les auteurs classiques, comme Héro- 
dote, décrivent des conditions géographiques de cepays 
exactement semblables à celles d'aujourd'hui; parmi 
les archéologues, M. Flinders Petrie nous décrit le Nil 


des temps préhistoriques traversant son delta entre des 


dunes de sable; et les géologues sont unanimes pour 
considérer que les conditions d’aridité actuelles ont 
régné sans changement depuis fort longtemps (qua- 
torze mille ans, d'après Hume) avant les temps préhis- 
toriques en Egypte. 

En Grèce et en Cyrénaïque, il y a des traces d’une 
période plus humide. Mais c'était avant l’époque de 
l'homme paléolithique et il est probable que ces pays 
n'étaient pas plus humides qu'actuellement aux temps 
de la civilisation antique. 

Dans deux études récentes sur les changements cli- 
matiques récents dans l'Amérique du Nord, M. Men- 
denhall assure que les faits cités à l'appui du desséche- 
ment dans les Etats du Sud-Ouest sont dus à un récent 
soulèvement du pays el ne constituent pas une preuve 
d'un changement climatique général. M. Alden conclut 
même que « le changement actuel, s’il y en a un, sem- 
ble ètre dans le sens d’un climat plus humide ». 

Des faits frappants témoignant d’une augmentation 
de pluviosité nous sont fournis par le Groenland, dont 
la côte, qui est à présent stérile et presque inhabitée, a 
péssédé pendant biendes siècles une nombreuse colonie 
norvégienne, avec des églises, des cloitres, une cathé- 
drale et un évêché: on attribue ce changement à une 
augmentation de la chute des neiges et à l'expansion 
résultante des glaciers. 

En Asie Centrale, on admet généralement qu'il y a 
eu, à l'époque préhistorique, une période de desséche- 
ment général. Mais il n’est pas aussi certain que ce des- 
séchement continue encore, 

« Il est indubitable, conclut M. Gregory, qu'il a dû y 
avoir beaucoup de grandes variations locales dans le 
climat post-glaciaire, mais je ne vois nulle part de 
preuves évidentes d'un desséchement universel ou même 
assez général pendant la période historique... Une ré- 
duction universelle de la chute des pluies ne pourrait 
résulter que d’une diminution de la chaleur que nous 
envoie le Soleil, ou encore d’un très grand changement 
dans les proportions de la terre et de l'eau sur le globe. 
Comme rien ne prouve que l’un ou l’autre de ces deux 
phénomènes se soit produit à une époque récente, une 
diminution universelle de la chute pluviale est impos- 
sible. Tous les faits peuvent être expliqués par des 
changements dans la distribution locale de la pluie, 
la quantité se trouvant accrue dans certains endroits 
et diminuée dans d’autres, » 


570 H. NAGAOKA. — LA PROPAGATION DES ONDES ÉLECTRIQUES 


LA, PROPAGATION DES ONDES ÉLECTRIQUES 


À LA SURFACE DE LA TERRE 
ET LA COUCHE IONISÉE DE L'ATMOSPHÈRE 


L'hypothèse d’après laquelle la couche supé- 
rieure de l'atmosphère est ionisée et forme une 
surface réfléchissante pour les ondes électriques 
semble avoir été d’abord formulée par G. F. Fitz- 
gerald! et par O. Heaviside ?, sans que ceux-ci 
aient assigné aucune cause à l’ionisation. La 
même idée a été utilisée par A. E. Kennelly*, et 
surtout par Ch. Ed. Guillaume#, avec plus de 
détails, pour expliquer la télégraphie sans fil à 
grande distance; ils considèrent que l'espace dans 
lequel lesondes électriques se propagent est con- 
finé en grande partie dans une sorte de coquille 
sphérique d’un milieu diélectrique, dans lequel 
les ondes sont guidées par la couche ionisée et la 
terre conductrice, de façon à voyager sans grande 
perte d'énergie, comme ceserait le cas si la propa- 
gation avait lieu suivant trois dimensions. L'objet 
de cet article est de développer la même idée, 
en rendant compte du processus d'ionisation et 
de sa variation diurne. Si l’on admet la réflexion 
partielle des ondes électriques par la couche 
ionisée, on peut résoudre dans leurs traits géné- 
raux les problèmes de l'influence singulière de 
l'approche du lever et du coucher du soleil sur 
les signaux de t. s. f., de la différence dans le 
degré de transmission le long des méridiens et 
des parallèles, de la présence des rayons égarés, 
et d’autres sujets connexes. 


I 


La première question qui demande un examen 
soigné est celle du siège de l’agent ionisant et 
du processus et des conditions dans lesquelles 
la couche supérieure de l’atmosphèreterrestre est 
ionisée. L'existence d'une telle couche etla cap- 
ture constante de corpuscules ionisantssemblent 
démontrées par les expériences de Birkeland ÿ et 
parles conclusionsthéoriques de St’rmerf.Celui- 
ci a calculé les orbites des corpuscules électrisés, 


1. FirzGerALD: British Association, 1893. 

2. HEAVISIDE Theory of electric Telegraphy. Encycl, 
Brit., t. XXXIII, p. 215 ; 1902. 

3. KENNELLY : Ælectrical World, 1902. 

4. Ch. Ed. GuizrAuME : Rev. gén.des Sciences,t. XV, p. 165: 
1904. 

5. BIRKELAND : Expédition norvégienne pour l'étude des au- 
rores boréales, 1901; et mémoire: divers dans les C. R. de 
l'Acad. des Sc. de Paris. 

6. STORMER : Arch. des Sc. phys. et nat.,t. XXIV, pp. 5, 113, 
221, 317 (1907); mémoires divers dans les C. R. de l'Acad. 
des Sc. de Paris, spécialement du 26 octobre 1908. 


dont nous avons de fortes raisons de croire que 
la surface solaire émetun flux abondant. Lessolu- 
tions compliquées obtenues pour ces orbites, 
suivant la vitesse initiale des corpuscules, la 
direction d'émission et la force du champ qui 
agit sur eux, acquièrent une haute importance 
lorsqu'on les confronte avec lesexpériencesfaites 
par Birkeland avecun aimant sphérique artificiel 
bombardé par des rayons cathodiques dans un 
grand récipient où l’on a faitle vide. Quoique ces 
expériences aient eu pour but à l’origine d’expli- 
quer l'apparition de l’aurore boréale, les problè- 
mes qu'elles résolvent sont en relation intime 
avec la question que nous discutons. L'existence 
de zones aurorales peu distantes des pôles ma- 
gnétiques, correspondant aux bandes corpuscu- 
laires, l’existence de trois taches dans la « ter- 
rella » de Birkeland, les draperies des aurores, 
les anneaux de corpuscules autour de l’équateur 
magnétique et d’autres faits ont été prouvés par 
une suite de raisonnements mathématiques déri- 
vant des équations électromagnétiques usuelles. 

Les objections qui peuvent être élevées contre 
ce mode de traitement du problème sont la né- 
gligence de l’action magnétique du Soleil, qui 
est d’ailleurs d’une grandeur douteuse, et sa con- 
dition électrisée, car nous avons des raisons de 
croire qu'il est chargé positivement, comme l’a 
admis Arrhénius !. La variation de l’afflux des 
corpuscules électrisés par le Soleil et leur 
capture par la Terre doivent modifier le poten- 
tiel mutuel entre ces deux corps célestes, de 
sorte que la force agissant sur les corpuscules 
électrisés sera sans doute aussi sujette à des va- 
riations accompagnant l’activité solaire. Le résul- 
tat quantitatif devra être examiné plus en détail, 
mais les traits généraux des phénomènes obser- 
vés sur la surface terrestre ne seront pas maté- 
riellement altérés, comme l’indiquent suffisam- 
ment les observations actuelles sur les variations 
du magnétisme terrestre, l'aurore polaire et les 
phénomènes connexes.Je propose d'introduire 
parmi ces derniers les phénomènes observés 
pendant la transmission des messages de t.s. f. 

Quand nous parlons du bombardement des 
corpuscules électrisés émis par le Soleil, il sem- 
ble que le processus n’ait lieu que pendant le 


1. ARRHENIUS : Transact. of the Internat. Electrical Con- 
gress, Saint-Louis, t, 1, p. 272 (190%). 


H. NAGAOKA. — LA PROPAGATION DES ONDES ÉLECTRIQUES 571 


jour, et soit confiné à la partie de la surface ter- 
restre tournée vers le Soleil, tandis que l’hémi- 
sphère sombre est soustrait à ce bombardement, 
de sorte que la différence de l’effet entre le jour 
et la nuit doit être très prononcée, en ce qui con- 
cerne l'ionisation par les corpuscules électrisés. 
Or le mérite spécial du caleul de Stürmer réside 
en ceci, que la capture des corpuscules électrisés 
ne varie pas beaucoup, que la Terre soit tournée 
vers le Soleil ou à l'opposé. Les expériences de 
Birkeland confirment également ces résultats, 
de sorte que le bombardement de la Terre par 
les corpuscules, par conséquent l'ionisation de 
la couche supérieure de l'atmosphère due à cette 
cause, ne diffèrent pas beaucoup pendant le jour 
et la nuit, ce qui peut sembler au premier abord 
extrêmement paradoxal. 

Jai montré ailleurs! comment on peut rendre 
compte de l'émission abondante de corpuscules 
électrisés par la présence de nuages et de facules 
de calcium dans le Soleil, en considérant qu'une 
action analogue à celle de la cathode de Wehnelt 
dans un tube à vide a lieu sur une échelle colos- 
sale à la surface solaire. L’afflux de corpuscules 
de la surface solaire sera continuellement soumis 
à des changements divers, et l'effet qui doit en 
résulter directement ou indirectement sur la sur- 
face terrestre sera également ressenti sur celle-ci, 
qu’elle soit tournée vers la lumière ou qu'elle 
soit dans l’ombre. 

L'ionisation de l'atmosphère supérieure n’est 
pas limitée à celle que produisent les corpuscu- 
les, mais l’extrémité ultra-violette du spectre 
solaire y prend aussi une part importante. Cette 
part n opère que durantle jour; ce qui reste pen- 
dant la nuit n’est que le résidu de l'ionisation 
produite pendant le jour et non encore neutrali- 
sée par la recombinaison des ions. Suivant les 
observations de Dorno?, de Wigand* et d'autres, 
la portion du spectre solaire dont la longueur 
d'onde est moindre que 0,29 z est complètement 
absorbée dans l’atmosphère aux altitudes supé- 
rieures à 9.000 m. L’absorption peut avoir lieu 
en partie dans la photosphère, mais la radia- 
tion d'un corps noir à 6.000° C. pour des lon- 
gueurs d'onde inférieures à 0,29 : comprend une 
portion considérable de l'énergie totale émise, 
comme le montre une construction simple de la 
courbe d'énergie suivant la loi de Planck. Nous 
avons de bonnes raisons de croire que l'énergie 
de la radiation ultra-violette est principalement 


1. NAGaokaA : Proc. Tokyo mathem.-phys. Soc., t. 
p-. 397 (1914). 

2. Doro: Licht und Luft des Hochgebirges, 1911, 

3. WiGanD: Ber. d. deutsch. physik. Gesells., t. XN, 
p- 1090 (1913). 


VII, 


dépensée dans la production de l’ionisation de 
l'atmosphère, probablement au-dessus de 10 km. 
d'altitude. Les observations électrométriques 
faites par Wigand ! dans une ascension en ballon 
montrent que le degré d’ionisation n'augmente 
pas d’une manière directement proportionnelle à 
la hauteur, mais que la vitesse d’accroissement 
s'accélère rapidement lorsqu'on s'élève à 7 ou 
9 km. de la surface terrestre. Il est probable que 
le gradient augmente encore, jusqu’à atteindre 
un maximum, puis diminue ensuite, 

Comme le sondage de l'électricité atmosphé- 
rique n’est pas possible actuellement à des hau- 
teurs de 20 à 30 km., où la température peut 
encore être enregistrée automatiquement, on ne 
dispose pas de moyens expérimentaux au delà de 
9 km. pour s’assurer de la condition de l’ionisa- 
tion de l’atmosphère. La couche d’ionisation 
maximum due à un rayonnement ultra-violet peut 
être estimée approximativement à 50 km., altitude 
où la pression atmosphérique est un peu moindre 
qu’un millimètre et correspond à la pression à 
laquelle le potentiel d’étincelle dans l’air est mi- 
nimum dans les expériences ordinaires avec les 
tubes à vide. Cette couche est située dans la stra- 
tosphère?, non loin de la sphère à hydrogène; la 
région dans laquelle ces corpuscules sont en ma- 
jeure partie capturés se trouve probablement 
dans la sphère à hydrogène et dans le géocoro- 
nium de Wegener, s’il existe à des hauteurs de 
200 à 500 km. C’est généralement dans des sphè- 
res aussi élevées de l’atmosphère que se produi- 
sent les décharges aurorales, comme le prouvent 
amplement les diverses mesures faites par les 
observateurs norvégiens. 

L'ionisation due aux rayons ultra-violets étant 
confinée surtout à la région relativement basse, 
la recombinaison des ions aura lieu très rapide- 
ment, dès que la cause ionisante cessera d'agir. 
L'effet se fait donc sentir tout particulièrement 
près du coucher et du lever du Soleil. 

L’ionisation de l'atmosphère supérieure étant 
régie par ces deux causes, il est naturel de sup- 
poser l’existence d’une couche ionisée, non loin 
de la surface terrestre, qui, pendant le jour, se 
trouve probablement à une hauteur égale à envi- 
ron la centième partie du rayon terrestre, et pen- 
dant la nuit, de longueur variable suivant les 
conditions solaires, à une hauteur dépassant le 
double de la précédente. La position de cette 
couche n’est d’ailleurs pas bien définie géométri- 
quement, car la transition ne se fait pas brusque- 
ment; c’est seulement par rapport à la couche 
moyenne que nous raisonnerons dans la suite. 


1. WiGanp : Jbid.,t. XVI, p. 232 (1914). 
2. WEGEnER : Thermodynamik der Atmosphäre, 1912. 


572 H. NAGAOKA. — LA PROPAGATION DES ONDES ÉLECTRIQUES 


IT 


L'existence d’une telle couche doit provoquer 
une absorption aussi bien qu’une réflexion des 
ondes électriques incidentes. La réflexion par 
cette couche ionisée sera, dans ses traits géné- 
raux, analogue à celle du son par les nuages, les 
fourrés, les rideaux, et formera une sorte de 
« galerie des murmures » autour de la Terre. 
Cette dernière analogie a été mise en lumière par 
Eccles!. 

Une portion de l'onde électrique arrivant sur la 
couche ionisée sera également transmise à tra- 
vers elle, de sorte que l’énergie émise par l’exci- 
tateur se propagera en partie dans l’espace, en 
partie dans l’enveloppe comprise entre la Terre 
et la couche ionisée. La densité de l’énergie de 
la radiation électromagnétique dans une telle 
enveloppe décroit d’une façon irversement pro- 
portionuelle à la distance de l’excitateur, et 


Fig. 1. 


non pas en raison inverse du carré de la dis- 
tance, comme dans le cas de la propagation 
dans l’espace à trois dimensions. Quoique le 
à travers la couche 
ionisée ne soit pas connu, la loi précédente pour 
la décroissance de l'énergie avec la distance 
doit être approximativement exacte. Sommer- 
feld? à discuté l'existence de l’onde superf- 
cielle, dont l’énergie décroit suivant la loi de la 


coefficient de transmission 


proportion inverse, comme pour la propagation 
dans l'enveloppe. On admet généralement queles 
trains d'ondes se propagent de la manière d’abord 
indiquée par Hertz avec son excitateur double; 
mais, si l’on suppose l’existence d’une couche 
réfléchissante à une distance équivalant à 20 ou 
30 longueurs d'onde, le mode de propagation 
devient beaucoup plus compliqué, par suite des 
réflexions multiples dues à la couche ionisante et 
à la surface de la Terre, de sorte que l'arrondis- 
sement de l’onde suivant la courbure de la Terre 


1. Eccres : Proc. Royal Soc., A, t. LXXXVII, p. 79 (1912). 
2. SOMMERFELD : Ann. der Phys., t. XXNIII, p. 665 (1909). 


est un problème dont la nature n’est pas facile à 
expliquer ni par la diffraction, ni par l’onde de 
surface, ni par l'augmentation de la vitesse de. 
propagation dans la partie supérieure de l’at- 
mosphère. L'existence de ces phénomènes ne 
peut être mise en doute; mais les opinions diffè- 
rent quant à leur importance relative. L’hypo- 
thèse de la couche ionisée apporte un grand 
appui à l'explication non seulement de ces phé- 
nomènes, mais aussi des divers aspects des 
signaux sans fil. 

Il peut sembler d'abord que, pendant le jour, 
la couche ionisée est sujette à des variations 
dépendant des conditions météorologiques. Tout 
près de la surface terrestre, l'intensité de la lu- 
mière solaire est extrêmement variable, par suite 
des précipitations dans les nuages et les brouil- 
lards et de la distribution des particules de pous- 
sière disséminées dans l'atmosphère. L’observa- 
tion montre que la hauteur où l'extrémité ultra- 


7e 


———— 
Coucher du soleila À [F) 


: Fig. 2. 


violette du spectre solaire est absorbée est en 
dehors de la troposphère et probablement bien 
supérieure à la couche isotherme, hypothèse 
d'accord avec la forte absorption des rayons de 
Schumann dans les expériences de laboratoire. 
La variation ressentie est seulement due au 
changement d'intensité de la lumiere solaire, 
laquelle, quoique inconstante, n’est pas aussi 
fréquemment sujette aux perturbations causées 
par l'émission corpusculaire résultant de l’acti- 
vité solaire. Cela montre nécessairement que la 
position de la couche ionisée pendant le jour 
est plus constante que durant la nuit. 

En adoptant la conclusion précédente, nous 
pouvons représenter, d’une façon simple, la sec- 
tion de la couche ionisée dans la direction E-W 
par des courbes comme celles des figures 1 et 2. 

La transition de la supérieure à l'inférieure, ou 
vice versa, au lever et au coucher du Soleil, n’est 
pas discontinue, mais a lieu très rapidement, de 
sorte qu'il y a un changement abrupt de la cour- 
bure de la surface. Pendant ce stade, les ondes 
électriques venant de B (loin à l’ouest de A) sont : 


H. NAGAOKA. — LA PROPAGATION DES ONDES ÉLECTRIQUES 573 


réfléchies par la surface concave de la couche de 
transition et concentrées vers lastation À (à l’est) 
lorsque le lever du Soleil approche, en produi- 
sant un effet maximum passager (fig. 1). Très 
probablement, il se forme une caustique de 
rayons électriques pendant ce processus. Quand 
ce faisceau se dirige vers la couche inférieure 
après réflexion par la surface terrestre, il se pro- 
duit un minimum transitoire si À est dans une 
position telle qu'il borde l'angle de la couche 
ionisante (non représentée dans les figures). 
Done, à la station A recevant le signal de B, il y 
aura uneffet maximum suivi d’un minimum avant 
et après le lever du Soleil. Au coucher du Soleil, 
la courbure, pendant la transition, est tournée 
dans la direction inverse, et n’est pas favora- 
ble à la réflexion. On peutressentirun léger effet 


B (W) 


—> 


__{ntensité _ 


Lever du soleil 
Coucher du soleil 


Fig. 3. 


maximum dà à la diffraction à l'angle, mais 
quelque temps après le coucher les ondes élec- 
triques sont réfléchies plus loin vers le haut, de 
sorte qu’il se produit un minimum accusé {fig.2). 
En recevant les signaux de A à B, l'effet sera res- 
senti dans l'ordre inverse. Notons que le signal 
de A, quelque temps avant le lever du Soleil,sera 
partiellement concentré par la surface réfléchis- 
sante concave vers une station distante de plu- 
sieurs multiples dela hauteur de la couche, tandis 
qu on n'observe aucune action analogue après le 
coucher du Soleil. Quand les stations expéditrice 
etreceptrice sontséparées par detelles couches de 
transition, l'effet sur les signaux est très compli- 
qué; ildépend surtout de la hauteur de la couche 
ionisée dans l'obscurité. 

Comme la couche ionisée se trouve très bas 
pendant le jour, les ondes électriques sont réflé- 
chies de nombreuses fois, et à chaque réflexion 
dispersées, transmises à travers la couche et 
absorbées à un certain degré; il en résulte que 


] 


les ondes sont fortement mélangées et que leur 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 


effet est très amoindri. Pendant la nuit, la cou- 
che ionisée est plus variable que durant le jour, 
et il est impossible de tirer des conclusions défi- 
nies. D'une façon générale, par suite de la plus 
grande altitude de la couche réfléchissante, les 
ondes peuvent se propager librement, et comme 
le nombre des réflexions est beaucoup moindre 
que pendant le jour, il se produit moins de per- 
tes dans la transmission d’une station à une au- 
tre. La couche réfléchissante esten majeure par- 
tie composée de corpuscules électrisés mélangés 
avec de la matière très atténuée; aussi le pou- 
voir réfléchissant est plus élevé que celui qui est 
dû al'ionisation par les rayons ultra-violets.Donc, 
en général, les signaux seront beaucoup mieux 
transmis pendant la nuit, fait connu depuis que 
la t. s. Î. a été mise en pratique. 


AE) 


_ = d 
rS = 3 
æ 5 
S TD 
D [a 
ce © 
Ÿ 6 
& è 
S , 
Fig. 4. 


Le résultat de la discussion qui précède peut 
être convenablement représenté par les diagram- 
mes des figures 3 et 4, qui concordent en gros 
avec ceux donnés par Marconi d'après les com- 
munications transatlantiques. 


III - 


J'ai supposé la couche réfléchissante unie 
aussi bien pendant le jour que la nuit ; mais c’est 
là seulement une première approximation. La 
couche, étant très basse durant le jour, doit être 
soumise à l'influence des conditions météorolo- 
giques et présenter des plissements locaux, 
comme on en observe souvent, d’après Helm- 
holtz, dans les « vagues de vent ». L'existence de 
tels plissements constitue un grand obstacle aux 
communications sans fil, car ils donnent géné- 
ralement lieu à une diffraction. Pour s'affranchir 
d’un pareil effet, il est préférable de travailler 
avec des ondes dont la longueur soit beaucoup 
plus grande ou plus petite que la dimension du 
plissement. Peut-être le profit obtenu avec les 


2 


574 H. NAGAOKA. — LA PROPAGATION DES ONDES ÉLECTRIQUES 


ondes longues pendant le jour est-il attribuable 
à cette cause. 

Pendant la nuit, la capture des corpuscules est 
d'une nature complexe, comme le montrent les 
diagrammes de Stôrmer, et les plissements sont 
de dimensions beaucoup plus grandes que de 
jour ; aussi il-est avantageux d'utiliser des ondes 
relativement courtes pour éviter l’effet de la dif- 
fraction et recevoir des trains d'ondes réguliers. 
Pour une condition donnée de la couche ionisée, 
il existe un optimum de longueur d’onde à em- 
ployer. Il peut exister d’autres causes qui justi- 
fient l'emploi d’ondes longues pendant le jour et 
d'ondes courtes la nuit; mais l'apparition occa- 
sionnelle de rayons égarés semble principale- 
ment due à ces plissements. 

On s’est demandé si les gaz raréfiés de l’atmos- 
phère supérieure participent à la rotation de la 
Terre, comme s'ils lui étaient rigidement fixés, 
ou non; la vitesse énorme des nuages argentés 
observés à une hauteur de 40 ou 50 km. après 
l'éruption du Krakatoa esten faveur de la seconde 
hypothèse. Si les plissements se forment dans 
des régions assez élevées pour être soustraits 
partiellement à la rotation de la Terre, la 
réflexion par la surface plissée présentera de 
faibles maxima et minima à intervalles alternés : 
c'est ce qu’on enregistre généralement dans l’ob- 
servation des rayons égarés. 

Donc un phénomène ressemblant aux drape- 
ries de l’aurore boréale se présente de temps à 
autre dans la distribution corpusculaire de l’at- 
mosphère supérieure, et contribue à la formation 
de rayons égarés. L'existence d’un tel phéno- 
mène est appuyée par les observations spectros- 
copiques du ciel clair, dans lequel on trouve les 
lignes du krypton, qu’on observe généralement 
aussi dans le spectre de l’aurore. 

En ce qui concerne la transmission sans fil sur 
différents parallèles, il faut remarquer qu'aux 
hautes latitudes l’ionisation due aux corpuscu- 
les électrisés est extrêmement compliquée au 
voisinage des zones aurorales, de sorte que la 
forme de la surface réfléchissante décrite plus 
haut n’est qu’une grossière approximation. La 
complexité ainsi introduite par l'accumulation 
des corpuscules sur un point particulier accroi- 
tra sans nul doute la difficulté des communica- 
tions dans les régions polaires. 

La zone équatoriale, au contraire, n’est pas 
soumise à une distribution aussi complexe des 
corpuscules. Si l’on se fie aux expériences de 
Birkeland et aux calculs de Stôrmer, l'existence 
d’une ceinture de corpuscules près de l’équateur 
magnétique n’est pas un obstacle aux communi- 
cations, car la couche réfléchissante n’est pas 


très altérée. Il est très probable que, jusqu’à 
quelque distance de l’équateur, la transmission 
dans la direction E.-W.est plus facile que dansla 
direction N.-S.,la couche étant plus unie dans la 
direction des parallèles que dans celle des méri- 
diens. Il ne faut pas oublier, toutefois, que dans 
les zones équatoriales les perturbations fréquen- 
tes et violentes de l'électricité atmosphérique 
compensent et au delà les actions de la couche 
réfléchissante, de sorte que les observations doi- 
vent être interprétées d'un autre point de vue 
qui ne rentre pas dans le cadre de ce travail. 

Quant à la transmission sans fil dans la 
direction du méridien (N.-S.), la section de la 
couche réfléchissante n'y change pas brus- 
quement de courbure, de sorte que la trans- 
mission doit avoir lieu beaucoup plus faci- 
lement que dans la direction E.-W. A l'approche 
du lever ou du coucher du Soleil, les ondes se- 
ront réfléchies latéralement, ce qui affaiblira 
l'effet des signaux. C’est un désavantage, mais la 
communication sans fil à grande distance est 
généralement plus favorable dans la direction 
méridienne que dans celle des parallèles. Cette 
conclusion semble avoir été confirmée par les 
transmissions entre l'Irlande et l'Amérique du 
Sud. 

En ce qui concerne les variations saisonnières 
dans l'intensité des signaux, il faut remarquer 
qu’excepté sous les bautes latitudes la position 
de la couche ionisée ne varie pas beaucoup au 
cours de l’année, et que les variations se produi- 
sent seulement de nuit. D’après Mosler!, il yau- 
rait deux maxima et minima dans l’intensité des 
signaux au cours d'une année, Ceux-ci sont sans 
doute en relation directe ayec la capture par 
la Terre des corpuscules électrisés, mais d’au- 
tres causes subsidiaires, ainsi que les dispositifs 
expérimentaux, doivent contribuer à cet effet, de 
sorte qu'il serait prématuré d’ébaucherune théo- 
rie surce sujet dans l’état actuel de nos connaïis- 
sances. 


IV 


De la discussion précédente, il résulte que le 
Soleil est la cause principale des divers phéno- 
mènes qui accompagnent la transmission sans 
fil. D’après H. Ebert, l’oscillation électrique du 
Soleil possède une période propre de 6 !/, secon- 
des. Il semble très probable que, durant la pé- 
riode de grande activité solaire, l’excitation élec- 
trique du Soleil puisse se propager dans l'Univers 
sous forme d'ondes électriques. Dans ce cas, les 
personnes occupées aux communications sans 
fil pourraient rencontrer parfois des signaux 


1, Moser : Electrotechn. Zeits., n° 35, 1915, 


H. NAGAOKA. — LA PROPAGATION DES ONDES ÉLECTRIQUES 575 


EE 


spontanés en accord avec la vibration solaire. Si 
cette onde était transmise à travers la couche 
ionisée et observée ainsi, ce serait une grande 
contribution à lAstrophysique, qui ouvrirait la 
voie à la perception de la pulsation électrique du 
Soleil et serait d’une aide eflicace pour découvrir 
la condition de la couche ionisée. La difficulté 
réside dans l'accord de l'antenne à la réception 
d'ondes d’aussi longue période. Nous avons 
expérimenté jusqu'à présent avec des ondes 
excitées sur la surface terrestre et réfléchies par 
le bord inférieur de la couche ionisée. Si l’onde 
électrique du Soleil peut être réellement obser- 
vée à la surface de la Terre, c’est l’onde trans- 
mise à travers l'atmosphère ionisée. L'importance 
d'une telle étude serait considérable pour notre 
connaissance du Soleil et de la manière dont 
l'atmosphère est ionisée. 

L'effet des éclipses de Soleil sur la transmis- 
sion sans fil s'explique également d’une manière 
très simple. 

Il semblerait que, si les corpuscules se meu- 
vent en ligne droite vers la Terre, l’arrivée des 
agents ionisants est temporairement suspendue 
pendant l’éclipse, et que l’effet doit en être res- 
senti dans l'intensité de la transmission sans fil. 
Mais, comme on l’a déjà vu, les corpuscules sui- 
vent des trajectoires extrêmement compliquées 
avant d'atteindre la Terre, de sorte que leur nom- 
bre n’est pas beaucoup affecté par l’interposition 
de la Lune entre le Soleil et la Terre, comme le 
montre aisément l'inspection des courbes de 
Stürmer. 

L’altération de l’ionisation de l'atmosphère 
terrestre a lieu par l’interception de la lumière 


solaire. La couche ionisée s'élève graduellement 
dans les régions supérieures jusqu’à ce que la 
totalité soit atteinte. Celle-ci est confinée à une 
région étroite de l'ombre et ne dure que quel- 
ques minutes; maïs, comme la recombinaison 
n’a pas lieu instantanément, la totalité aura déjà 
passé avant qu'une modification accusée se soit 
produite dans la couche ionisée, et la couche 
reprendra graduellement sa position en sortant 
de la pénombre. Il se produira donc une lente 
altération dans l'intensité des signaux, due à la 
perturbation de la couche ionisée, donnant pro- 
bablement naissance à un faible plissement., La 


section transversale de la couche ionisée pen- 
dant une éclipse solaire prend la forme indiquée 
dans le diagramme de la figure 5. La portion de 
la couche se trouvant dans la pénombre sera légè- 
rement concave vers la Terre, avec un léger plisse- 
ment au-dessus de la région de totalité. La durée 
de la totalité étant généralement inférieure à 
7 minutes, la recombinaison des ions ne sera ja- 
mais complète dans une aussi courte période; 
aussi le résultat de l’interception de la lumière 
suffit à expliquer l’apparition d’un plissement 
dans la partie de la couche ionisée où le cône 
d'ombre rencontre la Terre. En se basant sur la 
condition de la perturbation de la couche ioni- 
sée, il y aura une légère action de concentration 
vers la position de l’éclipse totale, si la transmis- 
sion des ondes électriques a lieu transversale- 
ment à la ligne de l’éclipse. En employant le 
même genre de raisonnement que dans la dis- 
cussion de l’effet du lever et du coucher du So- 
leil, il est évident que l'intensité des signaux 
sera affaiblie au commencement de l’éclipse, re- 


Fig. 6. 


Intensite 


montera, atteindra un maximum, puis décroitra 
graduellement. La figure 6 donne la courbe re- 
présentant l'intensité des signaux à une station 
subissant une éclipse totale. Les enregistrements 
obtenus par la Société Telefunken! ressemblent 
à la seconde moitié de cette courbe. 

Il est nécessaire de remarquer que, lorsque les 
éclipses ont lieu dans les saisons de forte pertur- 
bation de l'électricité atmosphérique, l'effet at- 
tribuable à l’éclipse doit être probablement mas- 
qué et qu'on n'obtiendra aucun résultat défini. Je 
ne connais pas encore les observations relatives à 
l'effet de l’éclipse du 21 août 1914, mais il me 
semble très probable qu’on n’a tiré encore aucune 
conclusion des observations faites dans les dif- 
férentes stations, même si elles n’ont pas été 
troublées par la guerre, car le mois d'août est 
affecté de fortes variations saisonnières, dont la 
cause principale doit être attribuée à l'électricité 
atmosphérique. 


H. Nagaoka, 
Professeur à l'Université de Tokyo. 


— 
1. Telefunkenzeitung, n° 6, p. 89 (1912). 


576 Erxesr COUSTET. — LA TARIFICATION DE L'ÉLECTRICITÉ 


LA TARIFICATION DE L'ÉLECTRICITÉ 


I. — LA VENTE A FORFAIT ET LA VENTE AU COMPTEUR 


Lorsqu'une ville traite avec une usine électri- 
que pour l’éclairage publie, le prix annuel en est 
généralement déterminé à l'avance. On connaît, 
en effet, le nombre des lampes à alimenter, ainsi 
que les heures d'allumage et d'extinction aux 
différentes époques de l'année. Il est donc facile 
d'établir un contrat à forfait. 

Dans les installations privées, au contraire, ce 
mode de tarification, assez répandu autrefois, 
tend actuellement à disparaitre. Les premières 
stations centrales ne distribuaient le courant 
qu’en vue de l'éclairage et seulement pendant 
une partie de la soirée; la plupart étaient d’ail- 
leurs établies au milieu d'agglomérations de faible 
importance, et beaucoup empruntaient sans 
grands frais la force hydraulique d’une chute ou 
d'un cours d’eau voisins. L’abonné avait alors la 
lumière à sa libre disposition pour un certain 
nombre de lampes et payait à l'usine une somme 
fixe. Le contrat ainsi établi offrait, en somme, 
peu d’aléas, en raison de la régularité de la con- 
sommation et de ce fait que les variations possi- 
bles n'avaient pas une grande importance, un 
léger surcroît de débit n’augmentant pas sensi- 
blement les frais d'exploitation. 

Aujourd'hui, les conditions sont bien différen- 
tes, surtout dans les grands centres. Malgré le 
développement pris l’utilisation de la 
houtlle blanche, la plupart des usines électriques 
font usage de moteurs à vapeur, et la dépense de 
combustible est proportionnelle à la quantité 
d'énergie distribuée. En outre, ces usines fonc- 
tionnent sans interruption, et l’abonné a la 
faculté de consommer à toute heure du jour et 
de la nuit, tantôt pour un éclairage restreint, 


qu'a 


tantôt pour un éclairage abondant, tantôt pour 
le chauffage ou pour la mise en marche d'un 
moteur. Le débit, loin d’être régulier, est carac- 
térisé par des variations continuelles, suivant la 
saison, suivant le temps, suivant l’heure de la 
journée, et pour des causes impossibles à pré- 
voir. 

Dès lors, si le courant était laissé sans restric- 
tion à la disposition du consommateur moyen- 
nant une somme fixée une fois pour toutes, le 
tarifserait presque toujours ou trop onéreux pour 
l’abonné ou insuffisamment rémunérateur pour 
la station. D'autre part, si l’on convient de limi- 
ter les heures d'allumage et d'extinction, ainsi 
que l'intensité du courant fourni, on laisse le 
champ libre à la fraude. Dans les rares cas où 


l’on a encore recours à ce mode d'abonnement, le 
forfait est soumis à des garanties ou tempéré 
par certains correctifs que nous indiquerons 
plus loin. 

Le mieux est évidemment de faire payer à cha- 
cun une somme proportionnée à sa consomma- 
tion réelle. Ainsi comprise, la tarification de 
l'énergie électrique semble, à première vue, 
aussi simple que celle du gaz ou de l’eau sous 
pression. En réalité, elle se prête à des combi- 
naisons beaucoup plus variées, soit qu'il s'agisse 
de simplifier l'instrument de mesure, afin de le 
rendre moins coûteux et de multiplier ainsi les 
abonnements, soit que l'usine distributrice 
s'efforce d'obtenir le meilleur rendement de son 
matériel, en favorisant la consommation surtout 
aux heures de faible débit. 


II. — CoMmpTEURS D'ÉNERGIE ÉLECTRIQUE 


Le moyen le plus sûr de connaître exactement 
la somme d’énergie consommée pendant un laps 
de temps déterminé chez un abonné est de pla- 
cer à l’entrée de son installation un wattheure- 
mètre. Des combinaisons mécaniques assez 
nombreuses ont été proposées pour effectuer 
cette mesure. Comme tous les wattmètres, ces 
instruments comportent deux enroulements 
exerçant l’un sur l’autre une influence récipro= 
que. L'un de ces enroulements, formé d’un con- 
ducteur de section appropriée au débit maximum 
prévu, est directement intercalé dans le circuit; 
l’autre est constitué par un fil fin connecté en 
dérivation et suffisamment résistant pour que 
l'intensité y soit pratiquement proportionnelle 


au voltage. 


Nous ne décrirons pas les compteurs basés sur 
le fonctionnement combiné d’un wattmètre et 


a? 


Ernest COUSTET. — LA TARIFICATION DE L'ÉLECTRICITÉ 577 


d'un mouvement d'horlogerie. Ces instruments, 
assez compliqués et délicats, tendent d’ailleurs 
à disparaître, et l'on s’en tient aujourd’hui à peu 
près exclusivement aux compteurs-moteurs, dont 
la figure 1 reproduit un des modèles les plus ré- 
cents etles plus répandus. 

Le courant à mesurer traverse l’inducteur, 
formé de deux bobines à gros fil. L’induit, bran- 
ché en dérivation, est composé de bobines à fil 
fin reliées à un collecteur en argent sur lequel 
s'appuient deux balais argentés très souples. Le 
circuit de l’induit comprend, en outre, une cer- 
taine longueur de fil fin bobiné avec l’inducteur, 
de manière à compenser l'effet des frottements 
et à assurer le démarrage à faible débit. Le cou- 
ple moteur est ainsi constamment proportionnel 
au produit de l'intensité par la force électro- 
motrice, et la vitesse de rotation est maintenue 
proportionnelle à ce produit au moyen d’un dis- 
que de Foucault en aluminium monté sur le 
même arbre que l’induit et tournant entre les 
pôles très rapprochés de deux aimants. 

L'arbre commande, par une vis sans fin, le 
mouvement des aiguilles qui marquent, sur des 
cadrans directement gradués en hectowattheures 
et en fractions d’hectowattheure, la quantité 
d'énergie consommée. 

Les constructeurs garantissent le démarrage 
au 1/200 de la charge maximum, et un maximum 
d'erreur de + 3°/, au 1/20 de cette charge. 

Ce compteur peut être utilisé aussi bien sur 
les réseaux à courants alternatifs que sur ceux à 
courant continu. Il résulte de la disposition rela- 
tive de l'induit et des inducteurs que tout travail 
retourné à la station est décompté automatique- 
ment. Ainsi, dans le cas où l’on fait usage d’ac- 
cumulateurs, s’il y a retour de courant, l’induit 
marche à rebours, et le totalisateur démarque. 
Il déduit de même, dans les distributions par 
courants alternatifs, l'énergie restituée par suite 
des différences de phases entre les courants et 
les forces électromotrices sur les circuits à self- 
induction. 

Le défaut du wattheuremètre, c’est, outre son 
prix d’achatrelativement élevé, la consommation 
d'électricité qui s’y effectue continuellement, 
sans profit pour la station ni pour l’abonné. Les 
bobines en dérivation absorbent nuit et jour une 
quantité d'énergie qui n’est jamais inférieure à 
2 ou 3 watts et qui atteint souvent 10 watts. Sup- 
posons-la seulement de 5 watts, en moyenne. 
Ceci représente une consommation de 120 watt- 
heures par jour et de 438 hectowattheures par 
an. Dans un secteur qui dessert 5.000 abonnés, 
on arrive ainsi à un total annuel de 2.190.000 hec- 
towattheures. L'énergie gaspillée de la sorte 


- 


représente, au tarif de 10 centimes l’hectowatt- 
heure, une recette de 219.000 francs. 

Chez les abonnés qui n’utilisent le courantque 
pour l'éclairage et qui reçoivent peu ou s’absen- 
tent souvent, la consommation faite à vide par le 
compteur représente parfois, au bout de l’année, 
une somme supérieure à celle que l'instrument a 
servi à enregistrer. Le cas se présente chez tout 
abonné qui ne procure pas une recette moyenne 
d'environ 44 francs, au tarif de O fr. 10 l’hecto- 
wattheure. 


III. — ComprEurs DE QUANTITÉ 


Les inconvénients que nous venons de signa- 
ler ont conduit les électriciens à remplacer, dans 
beaucoup de petites installations, les compteurs 
d'énergie par des compteurs de quantité ou am- 
pèreheuremètres, qui sont plus simples, moins 
coûteux, et ne consomment rien à vide. 

Evidemment, cette solution n’est pas applica- 
ble partout. Il faut y renoncer, notamment, dans 


} 
1 


Fig. 2. — Compteur de quantité. 


les distributions par courants alternatifs alimen- 
tant des moteurs, à cause des décalages qui dé- 
terminent des écarts souvent considérables entre 
la puissance apparente et la puissance réellement 
fournie. Mais, dans les distributions par courants 
continus, le voltage reste suffisamment constant 
pour qu’on puisse considérer l'énergie dépensée 
comme pratiquement proportionnelle au nombre 
de coulombs absorbés. 

Le compteur de quantité a été réalisé de bien 
des manières; car, outre les dispositifs mécani- 
ques appliqués aux compteurs d’énergie, divers 
inventeurs y ont utilisé des phénomènes d’élec- 
trolyse. C’est ainsi qu'Edison évaluait la consom- 
mation en pesant des électrodes en zine, Water- 
houseen totalisantsuruncadranles déplacements 
verticaux d’une cloche à siphon recueillant les 


578 Ernesr COUSTET. — LA TARIFICATION DE:L'ÉLECTRICITÉ 


\ 


gaz dégagés d’un voltamètre, et Grassot en enre- 
gistrant l'usure d’un fil d'argent vertical dont la 
pointe inférieure servait d'anode. Toutes ces 
combinaisons sont, sans doute, très ingénieuses; 
cependant, la tendance actuelle est à l'emploi 
exclusif des compteurs-moteurs, comme pour 
les wattheuremètres, dont les compteurs de 
quantité se distinguent par la suppression du fil 
en dérivation. 

La figure 2 représente un de ces instruments, 
désigné sous le nom de compteur O’K. L’induit 
tourne dans le champ très intense d’un aimant 
permanent; il estbranché aux bornes d’un shunt 
parcouru par le courant d'utilisation, et l’arbre 
vertical qui le porte engrène par une vis sans fin 
avec une série de rouages totalisateurs. 

En réalité, ce compteur n’enregistre que des 
coulombs, des ampèreheures, et les chiffres 
marqués par les aiguilles devraient être multi- 
pliés par la différence de potentiel mesurée à 
l'entrée de l'installation; cependant, comme cet 
élémentreste pratiquementinvariable,un réglage 
préalable de l'instrument permet de graduer 
directement les cadrans en hectowattheures. 
Bien entendu, les indications ainsi recueillies ne 
sont exactes que si le voltage ne s'écarte pas trop 
de celui pour lequel le compteur a été établi. 

Comme le voltage normal décroît, sur les ré- 
seaux étendus, à mesure que l’on s'éloigne du 
centre de distribution, le compteur O’K peut 
être muni d’un shunt magnétique, constitué par 
une lame de fer plus ou moins rapprochée des 
pôles magnétiques. Une échelle graduée indique 
les positions à donner au shunt pour les diffé- 
rentes valeurs de la tension. 


IV. — CoMPTEURS HORAIRES 


Dans les installations où le débit ne varie pas, 
soit que l’abonné ne dispose que d’une seule 
lampe ou qu'il en aïît plusieurs fonctionnant 
toujours simultanément, il suflit de totaliser les 
heures de consommation, à l’aide d’un des dispo- 
sitifs suivants : 

4° Un mouvement d’horlogerie ordinaire, avec 
ressort moteur que l’on remonte périodiquement, 
chaque mois par exemple, actionne les aiguilles 
du totalisateur. L’échappement estenclenché par 
l’armature d’un électro-aimant branché dans le 
circuit. Dès que le courant passe, l’attraction 
de l'armature déclenche l’échappement, et l’hor- 
loge marche tant que le circuit reste fermé. 

2° Le même mouvement d’horlogerie est en- 
clenché et déclenché par l'interrupteur du cou- 
rant, monté à cet effet sur le compteur même, 
les deux appareils n’en faisant qu'un. 

3° Le mouvement d’horlogerie est actionné, 


non plus par un ressort, mais par le courant, ce 
qui dispense des remontages périodiques, et ne 
fonctionne par conséquent qu’à circuit fermé, 
l'interrupteur étant alors, comme dans le premier 
cas, indépendant du compteur. La figure 3 mon- 
tre un spécimen de cette dernière catégorie, 


Fig. 3.— Compteur horaire. 


construit pour courants alternatifs. C’est un 
moteur d'induction à vitesse constante, constitué 
par un disque de cuivre tournant dans l’entrefer 
d’un électro-aimant. L'arrêt immédiat du moteur 
est assuré par une lamelle de fer qui frotte sur le 
disque, lorsque l’électro n’est pas excité. L’éner- 
gie absorbée est d'environ 1 watt par 100 volts, à 
la fréquence 50. 

Le compteur horaire est, sans contredit, celui 
qui convient le mieux aux très petites installa- 
tions, car tout autre appareil de mesure serait 
trop cher, et la mensualité de sa location majo- 
rerait beaucoup trop le prix de l'énergie con- 
sommée. C'est uniquement par l'emploi de ces 
modestes horloges, dont le prix est de 20 à 
50 francs, que certaines stations parviennent à 
recruter un grand nombre de petits abonnés. 

Lorsque l'installation comprend deux ou trois 
sroupes d'appareils, les appareils d'un même 
groupe marchant toujours ensemble, on peut 
employer un compteur horaire pour chaque 
groupe. 

Enfin, les compteurs horaires servent parfois à 
contrôler la durée de fonctionnement de certains 
appareils, dans une installation importante dont 
un compteur général enregistre la consommation 
totale. C’est ainsi que. dans des hôtels, un comp- 
teur horaire correspondant à chaque chambre 


Ernesr COUSTET. — LA TARIFICATION DE L'ÉLECTRICITÉ 579 


indique la dépense dé courant faite par chaque 
voyageur. 


Vi: — ALLUMEURS-EXTINCTEURS AUTOMATIQUES 


Quand les heures de consommation sont les 
mêmes chaque jour, pendant toute l’année ou 
tout au moins pendant des périodes assez lon- 
gues, le compteur horaire peutèêtre remplacé 
par un appareil automatique fermant et ouvrant 
le circuit aux moments voulus, Dans ce cas, la 
redevance à payer par l’abonné est fixée d'avance, 
ainsi que les heures d'allumage et d'extinction, 
qui varient généralement suivant les saisons. 
Cette combinaison s'applique, notamment, à 
l'éclairage d’un escalier, d’une vitrine de magasin 
ou d’une voie publique. 

L'allumeur-extincteur automatique (fig. 4) est 
constitué par une horloge dont le cadran, divisé 


Fig. 4. — Allumeur-extincteur automatique. 


en 24 heures, tourne en regard d'un index fixe 
et détermine chaque jour, à l’heure convenue, 
la fermeture et l'ouverture de l'interrupteur. 
À cet effet, des lames de contact sont portées 
par un levier dont les déplacements sont com- 
mandés par deux cames montées sur le même 
axe que le cadran. Ces cames ne sont pasimmua- 
blement fixées sur l'arbre, mais peuvent être 
déplacées, à l’aide d’ahidades que l’on amène 
sur les heures d'allumage et d'extinction. Ce 
réglage étant effectué, les cames sont rendues 
solidaires du cadran par le serrage d’une vis. 

Un bouton sert à faire tourner le cadran, pour 
le remettre à l'heure, en cas de déréglage. 


VI. — Limireurs DE Désir 


L'abonnement à forfait ou au 
horaire, ainsi que l'allumage etl’extinction auto- 
matiquement réglés, supposent que le débit ne 


varie pas, pendant toute la durée de fonctionne- 


compteur 


ment des appareils. L’abonné paie alors, pour 
d'utilisation 


chaque heure du courant, une 
somme proportionnée à ce débit. 
Dans ces conditions, il est essentiel que 


l’abonné ne change pas le débit prévu au con- 
trat, en substituant aux appareils 
d'autres appareils consommant davantage, et 
qu'ayant souscrit, par exemple, pour des lampes 
de 10 bougies, il ne les remplace pas par des 
lampes de 30 bougies. 

Dans le but d'empêcher la fraude, on a pro- 
posé l'emploi de douilles spéciales, munies d'un 
cachet de sûreté qu'il faut briser pour remplacer 
la lampe. Cet expédient a été reconnu peu pra- 
tique. En effet, quand la lampe s'éteint subite- 
ment, par suite de la rupture du filament, 
l’abonné est mis dans l'impossibilité d’effectuer 
lui-même le-remplacement de l’ampoule hors 
d'usage; il est obligé d’avoir recours aux agents 
de l'usine et reste privé de lumière jusqu’à 
leur arrivée. 

Pour limiter automatiquement le débit, il 
suffit d'intercaler dans le circuit de l'installation 
un disjoncteur électro-magnétique réglé de 
manière à couper le courant, aussitôt que son 
intensité dépasse le maximum convenu. L’appa- 
reil est très simple, peu coûteux et d’une eflica- 
cité certaine. 

Cependant, ce n’est pas là la meilleure solu- 
tion, car l’abonné a parfois des motifs sérieux 
d'augmenter momentanément sa consommation 
habituelle, et il serait tout disposé à payer, le 
cas échéant, une taxe supplémentaire. C’est pour 
combler cette lacune du contrat à forfait et de 
l'abonnement à l’heure qu'ont été construits les 
compteurs de dépassement. 


convenus 


VII. — CompTEURS DE DÉPASSEMENT 


Ces compteurs enregistrent la quantité d’éner- 
gie électrique consommée par l'abonné au- 
dessus d’une puissance fixée. Cette quantité 
d'énergie supplémentaire est facturée à un tarif 
préalablement convenu. 

L'appareil représenté par la figure 5 est un 
compteur-moteur dont l’arbre porte un cylindre 
de nickel tournant entre les masses polaires d’un 
aimant permanent. La partie mobile, en tournant 
sous l’action d’une charge suflisante, se trouve 
soumise à un couple antagoniste proportionnel à 


580 


Ernesr COUSTET. — LA TARIFICATION DE L'ÉLECTRICITÉ 


l'énergie dépensée par hystérésis dans le cylin- 
dre de nickel. Le travail d’'hystérésis par révolu- 
tion étant constant pour une valeur donnée du 
champ dans lequel tourne le cylindre de nickel 
etindépendant de la vitesse angulaire de ce der- 
le couple antagoniste est 


s’ensuil que 


nier, il 


E : curpleur de dépassement. 


lui-même constant et indépendant de la vitesse 
de rotation du moteur. Par conséquent, le comp- 
teur ne pourra démarrer que sousune charge égale 
ou supérieure à celle quiest capable d'équilibrer 
le couple antagoniste et n’enregistrera que 
l'excédent de la charge réelle sur la charge 
correspondant au point de dépassement. 

Le réglage du point de dépassement s'effectue 
en déplaçant l’aimant dans le sens vertical, de 
façon à faire varier le champ dans lequel se meut 
le cylindre de nickel. 


VIII. — CoMmPprTEURS A TARIFS CHANGEANTS 


La plupart des cahiers des charges imposent 
aux concessionnaires de distribution d’énergie 
électrique un tarif maximum pour l'éclairage et 
des tarifs plus réduits pour le chauffage ou la 
force motrice. exploitants ont, du reste, 
intérêt à accorder des tarifs de faveur pour les 
applications qui utilisent le courant aux heures 
de moindre charge. 

Afin d'éviter la dépense, trop élevée, de deux 
ou trois compteurs, ona songé à totaliser sur les 


Les 


mêmes cadrans la somme due pour l'énergie dis- 
tribuée à des prix différents. Une seule dériva- 
tion est prise sur la ligne, mais elle est divisée, 
dans l'appareil, en autant de circuits qu’il y a de 


tarifs, et chacun de ces circuits est bobiné de 
telle facon que l'effet moteur produit par une 
quantité déterminée d'électricité soit propor- 
tionnel au tarif correspondant. Il suffit, dès lors, 
que les différents circuits soient séparés les uns 
des autres à partir du compteur, pour que les 
dépenses respectives s'ajoutent, sur le même 


‘ cadran, avec leur valeur propre. 


Souvent, le tarif change, non plus avec l'objet 
de la consommation, mais suivant l'heure de la 
journée. l'importance des capitaux engagés 
oblige les compagnies d'électricité à utiliser leur 
matériel sans interruption, autant que possible; 
de là l'usage des rabais consentis pour l'énergie 
fournie en dehors des heures de grand débit. 
On emploie dans ce cas un compteur muni de 
deux totalisateurs distincts, un pourchaque tarif. 
L'arbre du moteur est mis en relation avec l’un 


Fig. 6. — Totalisateur à double tarif. 


ou l’autre des totalisateurs, suivant l'heure de la 
journée. Le passage d’un tarif à l’autre est déter- 
miné au moyen d’une horloge (fig. 6) analogue à 
celle de l’allumeur-extincteur automatique. Ce 
dispositif peut être également combiné pour 
trois tarifs différents. 

Cependant, la courbe de consommation, sur 
l’ensemble de la plupart des réseaux, subit des 
fluctuations bien plus nombreuses, et, pour 
engager les abonnés à la rendre plus uniforme, 
on a construit des appareils qui réduisent le 
tarif dans le même rapport que la charge totale 
de l'usine. Tel est le but du compteur à tari- 
fication variable (fig. 7). Deux totalisateurs, 


Ernesr COUSTET. — LA TARIFICATION DE L'ÉLECTRICITÉ 581 


indiquent respectivement le nombre d’ampère- 
heures ou d'hectowattheures consommés et la 
sommeduepar le client pour sa consommation, 
somme calculée à chaque instant d’après un tarif 
quivarieavecla charge totale supposée de la distri- 
bution. Les modifications de tarif sont effectuées 


Fig. 7.— Compteur à tarif variable. 


au moyen d’une came qui déplace un coin ser- 
vant d'organe de transmission de mouvement 
entre l'arbre moteur et le système totalisateur 
de la somme à payer. Une aiguille dont la posi- 
tion varie avec celle du coin, indique à chaque 
instant, sur une échelle, le tarif appliqué (prix 
de l’ampèreheure ou de l'hectowattheure). 

Le profil de la came est établi par le cons- 
tructeur de l'appareil, suivant la forme de la 
courbe des variations journalières de la charge 
du réseau. 


1X: — [INDICATEURS DE MAXIMUM 


La production et la vente de l’énergie élec- 
trique s'effectuent dans des conditions toutes 
différentes de celles du gaz, qui peut être 
fabriqué d’une facon régulière et continue 
pendant toute la journée et emmagasiné 
dans des réservoirs, pour être ensuite débité 
à n'importe quel moment, selon les besoins 
des consommateurs. 

Le rendement médiocre de l’accumulateur { 
électrique et son prix trop élevé d'achat et 
d'entretien ne permettent point de l’assi- 
miler à un gazomètre. Les stations centrales 
sont obligées de produire l'énergie que les 
abonnés consomment, au fur et à mesure de 


leurs besoins, êt sont par suite dans la nécessité 
de posséder un matériel et d'employer un per- 
sonnel suffisant pour pouvoir produire, le cas 
échéant, une quantité de courant correspondant 
au débit maximum de toutes les installations 
réunies. 

Il ne suffit donc pas d'envisager la consomma- 
tion totale de chaque abonné : il faut encore 
tenir compte de la façon dont fonctionnent ses 
appareils et de l'importance du matériel que 
l’usine engage pour en assurer le service. Pre- 
nons le cas, par exemple, de trois abonnés con- 
sommant annuellementla même quantité d’éner- 
gie, tout en ayant des installations très différen- 
tes. Le premier a, je suppose, 200 lampes, dont 
la plupart sont répandues dans des salles de 
réception et ne sontallumées qu’en de rares occa- 
sions. Le second en a 100, qui sont éclairées cha- 
cune en moyenne 2 heures par jour. Enfin, le 
troisième n'en a que 10, maiselles ne sont jamais 
éteintes. Bien que les recettes fournies par ces 
trois abonnés soient égales, il est évident que le 
dernier est beaucoup plus avantageux pour la 
station que le premier, qui nécessite un matériel 
vingt fois plus important et très rarement uti- 
lisé. 

On a cherché à restreindre le capital improduc- 
tif, soit en exigeant un minimum de consomma- 
tion pour chaque lampe, soit en proportionnant 
à l'importance de l’installation le chiffre au delà 
duquel un tarif réduit est accordé. Il est certain 
que l'abonné trouve ainsi avantage à utiliser ses 
lampes le plus possible ; mais, par contre, il est 
amené à limiter son installation électrique aux 
lampes dont il a besoin presque constamment, et 
préfère garder un autre mode d'éclairage pour 
les passages, escaliers, cabinets ou chambres à 
coucher. Cette solution n'est donc pas favorable 
à l'extension des affaires des stations centrales. 

Il est plus avantageux d'accorder à l’abonné 


& _4 


Fig. 8. — /ndicateur de maximum. 


582 ErNesr COUSTET. — LA TARIFICATION DE L'ÉLECTRICITÉ 


des rabais proportionnés à l’utilisation de la 
puissance maximum prévue au contrat. Dans ce 
cas, le compteur porte un indicateur de consom- 
mation maximum (fig. S), dont l’aiguille marque, 
sur un cadran gradué en fractions de la pleine 
charge de l'installation, le maximum des puis- 
sances moyennes utilisées au cours de périodes 
successives d’égale durée. 


X. — ComPrEURS A PAIEMENT PRÉALABLE 


A l'exemple des compagnies de gaz, les élec- 
triciens mettent depuis quelque temps à la dis- 
position de leurs elients des compteurs à paie- 
ment préalable. Pour avoir droit au courant, il 
faut d'abord en acquitter le prix, en introduisant 
dans l'appareil, par une fente ad hoc, une ou plu- 
sieurs pièces de monnaie. 

La figure 9 fait voir l'intérieur d’une de ces 
modernes tirelires. Outre la caisse des recettes, 


Fig. 9. — Compteur à paiement préalable. 


il s’y trouve un compteur-moteur etun interrup- 
teur. Tant que la caisseest vide, un ressort main- 
tient ouvert le circuit de l'installation. Pour le 
fermer, il suflit de faire passer un gros sou dans 
la fente. Le poids de la pièce fait basculer un 
levier qui actionne l'interrupteur. L’abonné peut 
alors allumer ses lampes, mettre en marche un 
moteur, etc. Quand le courant passe, le comp- 
teur tourne ; mais, dès qu'il a enregistré une 
consommation égale à la quantité d'énergie four- 
nie pour 10 centimes, une came pousse la pièce 
de monnaie, qui tombe dans le compartiment in- 
férieur. Lelevier de l'interrupteur est alors libéré 


et le courant supprimé, à moins que l’abonné 
n'ait eu la précaution d'introduire d’autres piè- 
ces dans l’appareil. Pour éviter d’être privé de 
lumière à l’improviste, il n'y a qu’à entretenir 
une petite provision : une lucarne vitrée permet 
d’ailleurs de compter la somme qui reste dispo- 
nible, De temps en temps, un encaisseur vient 
ouvrir le coffre inférieur et en retire le contenu. 

Ce mode de perception procure un accrois- 
sement de recettes facilement explicable. 

La manière habituelle de payer le gaz ou l'élec- 
tricité les rend inaccessibles à bien des gens qui 
sont incapables d’épargner quoi que ce soitet se 
trouvent ainsi hors d’état de solder en un seul 
versement le montant des factures mensuelles. 
Les ménages d'ouvriers, notamment, où l'argent 
se gagne au jour le jour et se dépense de même, 
ne peuvent user du gaz ou de l'électricité qu'à la 
condition d'avoir la faculté de les acheter, comme 
le pain, le lait, le vin, le pétrole, au fur et à 
mesure de leurs besoins ou suivant leurs res- 
sources. 

D'autre part, quand un abonné au compteur 
ordinaire reçoit, à la fin du mois, un relevé supé- 
rieur à ses prévisions, cette dette inattenduelui 
est particulièrement désagréable, et il s’efforce, 
pendant les mois suivants, de réduire le plus pos- 
sible sa consommation, en faisant des économies 
parfois exagérées. Avec le paiement fractionné, 
au contraire, chaquefois qu’il a besoin de lumière 
et qu'ilsait pouvoir s'en procurer immédiatement 
en versant la modique somme de 10 centimes, il 
fait sans hésiter cette dépense insignifiante, sans 
réfléchir que tous ces petits versements addition- 
nés finissent par dépasser le montant des notes 
mensuelles jugées trop élevées. 

Ce n’est pas tout. Le compteur ordinaire com- 
porte un crédit ouvert à l’abonné: si ce dernier 
ne paie pas la quittance qui lui est présentée et 
s’il est insolvable, l’usine subit une perte pro- 
portionnée à la quantité d'énergie livrée pendant 
un mois au moins, et souvent davantage. Le paie- 
ment préalable supprime tout crédit et tout ris- 
que de perte. 

Enfin, ce système a l'avantage de réduire les 
frais de personnel, puisqu'il évite l'opération des 
relevés de consommation et le calcul de la dé- 
pense!. 


Ernest Coustet. 


1. Les clichés des figures illustrant cet article nous ont été 
obligeamment prêtés par la Compagnie pour la fabrication 
des Compteurs. 


A. BERTHOUD. — REVUE DE CHIMIE PHYSIQUE 583 


REVUE DE CHIMIE PHYSIQUE 


Il va de soi que les quelques pages consacrées 
à cette Revue ne peuvent donnerunaperçu com- 
plet des progrès réalisés, pendant ces dernières 
années, en Chimie physique. Ces progrès sont 
très inégalement répartis entre les différents 
chapitres de cette science. Tandis que nous 
avons à enregistrer, dans certains d’entre eux, 
des découvertes d’une vaste portée, nous ne ren- 
controns guère, dans d’autres, que des travaux 
de mise au point quine peuvent intéresser qu'un 
cercle restreint de spécialistes. Nous pourrons 
donc laisser totalement de côté certains chapi- 
tres, pour nous arrêter plus longuement aux 
questions les plus importantes. Les titres que 
nousavons donnés aux différentes parties de cette 
étude n'ont d’ailleurs rien d’absolu, car bien sou- 
vent une découverte intéresse à la fois plusieurs 
des domaines de la science. 


I. — RapbiocHiMiE ET POIDS ATOMIQUES 


Le nombre des éléments radioactifs s’est accru 
de quelques unités, et ces éléments nouveaux ont 
pris place dansles séries radioactives sans yappor- 
ter des modifications bienimportantes. Les sché- 
mas qui expriment l’état actuel de nos connais- 
sances sur la désintégration radioactive, et que 
nous donnons ci-dessous, montrent que la bifur- 
cation observée d’abord dans la série du radium 
a été retrouvée dans les autres séries, et toujours 
au terme C. Ainsi se manifeste, une fois de plus, 


Il est très probable que la bifurcation se produit 
à l’un des quatre premiers termes de la série, 
mais il n’a pas été possible jusqu'ici d'en fixer 
plus exactement la place.” 

La découverte des éléments 
l’abord fait surgir une question : 
gner à chacun de ces éléments instables une 
place dans le système périodique? Cela semblait, 
il n’y a pas longtemps, bien improbable, le nom- 
bre des éléments radioactifs étant de toute évi- 
dence très supérieur à celui des places vacantes 
dans le système périodique. La question ne pou- 
vait d’ailleurs être discutée sérieusement avant 
que les propriétés chimiques des éléments radio- 
actifs, dont l'étude exige des méthodes spéciales, 
fussent suffisamment connues. Or, les recher- 
ches qui ont été faites dans cette direction ont 
rapidement progressé. Une méthode fondée sur 
la diffusion d’un sel radioactif en présence d’un 
autre sel ayant le même anion a permis récem- 
ment à von Hevesy! d'obtenir directement la 
valence de plusieurs éléments radioactifs. Le 
même savant? esl parvenu aussi à déterminer la 
place d’un certain nombre de ces produits de 
désintégration dans la série électrochimique, 
et Fajans* a pu énoncer la règle suivante : Dans 
une transformation accompagnée d'une émision 
de rayons «, le caractère électro-positif d'un éle- 
ment est augmenté, tandis qu'il est diminué quand 
des rayons f sont emis. 


radioactifs a dès 
peut-on assi- 


Schémas de désintégration des éléments radioactifs 


œ B Ê C2 œ af we 
UI—>UX, —UX, —> UU—>]I0 Ra 
6 4 6) 6 4 2 


A 


Ê 


4 2 2 


[c} 


[4 œ [4 LA f 
AC—>RaAc—>AcX—=>Ac-Em—>AcA —=>AcB—=>AcC 
3 6 A 5 


TA Mot > Mt > RaTA Tax 
k 2 3 n 2 
une analogie dans la désintégration du radium, 
duthoriumetdel'actinium. La preuve de latrans- 
formation d’un élément radioactif en deux pro- 
duits différents, qui se forment simultanément, 
vient à l'appui de l'opinion que l’actinium, qui 
accompagne toujours l’uranium dans ses mine- 
rais,estcomme le radiumun produit dela désinté- 

_gration de cet élément, et que la série de l’acti- 
nium n’est qu’un rameau de celle de l'uranium. 


Ê œ B B ce 
2 ce B _7 RaGl=>RaD —>RaE—>RaF —=> RaG 
> Ra-Em—> Ra —> RaB —> RaC | 6 A 5 6 A 
0 6 & SUN RC, —? 
& 3 
æ AcD —=? 
8 A) 
NX 
B AcG, —>? 
6 
. £ 
œ ce œ B _7 TAD—>TAE 
> Th-Em—>TAA => TAB—> TAC 3 LA 
0 6 n s 


SRE 
Éae 


Une autre règle, bien plus importante encore 
pour le sujet qui nous occupe, a été établie par 
Soddy * et par Russell5 : Tout élément qui se 


1. HEVESY : Phys. Zeit. t. XIV, p. 444 et 1202; Phil. Mag., 
t. XXV, p. 390. Hevrsy et Purnoky : Phys. Zeit.,t. XIV, 
p.63; Phil. Mag., t. XXV, p. 415. 

2. Zeit. Elekt., t. XIX, p. 291; Radium, tt. X, p.65. 

3. Phys. Zeit., t. XIV, p. 131 et 136. 

4. Chem. of the Hadio-elements (1911); 
EGMILn. 197* 

5. Chem. News, t. CVII, p. 49. 


Chem. News, 


A. BERTHOUD. — REVUE DE CHIMIE PHYSIQUE 


SA 
Æ 


eh ssh hs rit 


Classification des éléments radioactifs | 


III IV VI 


Au 197,2 TA 204,4 
AcD 206 
TAD 208,4 
RaC?210 


(P& 207,1) 
RaG 206 
RaD 210 
AcB 210 
TAB 212,4 
RaB 214 


208,5 
910 
210 
919,4 
914 


RaF 210 


RaA 218 


AcEm GX MLD DE Ac 226 
ThEm 2° MstAll 228,4 
RaEm 


c 226 


UX, 234 
298,4 UI 
9230 


UIL 234 
238 


Msthl 22 


transforme en émettant des rayons « passe d'un 
groupe de la classification périodique dans un 
autre dont le numéro d'ordre est de deux 
inferieur, tandis que, s'ily a émission de rayons, 
il passe dans le groupe immédiatement supérieur. 

ILest clair qu'il suffit de connaître la place de 
quelques éléments dans le système périodique 
pour trouver celle des autres au moyen de la rèe- 
gle de Soddy-Russell. On conçoit que les dépla- 
cements qu’un élément subit dans un sens ou 
dans l'autre, suivant la nature des rayons qu'il 
émet, le ramènent parfois à une place qu'il a 
déjà occupée au cours de sa désintégration. Les 
éléments auxquels on est conduit ainsi à attri- 
buer la même place forment une pléiade. Or, 
les éléments d’une même pléiade, quoique leurs 
poids atomiques diffèrent souvent de plusieurs 
unités, n’ont pas seulement des propriétés voisi- 
nes, mais paraissent chimiquement identiques 
et par conséquent chimiquement inséparables. 
On leur a donné le nom d'éléments #sotopes. 

On savait déjà qu’on ne peut séparer le méso- 
thorium J du radium, l'uranium 1 de l'uranium 
II, l'ionium du radiothorium. Les recherches 
systématiques de A. Fleck!', qui ont porté sur 
un grand nombre de produits de désintégration, 
ont confirmé, dans tous les cas étudiés, l'identité 
chimique des éléments d’une même pléiade; 
celles de Hevesy et Paneth? ont montré la simi- 
litude complète des propriétés électrochimiques 
du thorium C, du radium E et du bismuth. Leurs 
tentatives de séparer le radium D du plomb, par 
les méthodes les plus diverses, n’ont donné que 
des résultats négatifs. Enfin Klemensiewicz* a 
trouvé que le potentiel normal du plomb, du tho- 
rium B ou du radium B ne diffère pas de plus de 
2.10% volt, et une concordance du même ordre 
est à prévoir danstoutes les propriétés chimiques. 


1. J. Chem. Soc., t. CII, p. 381. 

2. Monatsh., t. XXXIV, p. 1393, 1401, 159,4; Phys. Zeit., 
XV p:5797: 

3. Comptes rendus,t. CLVIII, p. 1889. 


uniles: 


932,4 
234 


Il est probable que l'identité des éléments 
isotopes s’étend aussi aux propriétés physiques, 
à l'exception naturellement de celles qui dépen- 
dent directement du poids moléculaire (densité 
et pouvoir diffusif d’un gaz). Les émanations du 
radium et du thorium se condensent à la même 
température (Fleck); ni Exner et Haschek!, ni 
Rossel et Rossi? n’ont découvert aucune raie 
nouvelle dans le spectre du thorium contenant 
une quantité d’ionium évaluée à 10 % au moins. 

Les règles précises suivant lesquelles le carac- 
tère chimique des éléments radioactifs varie 
dans leur désintégration, d’après la nature des 
rayons qu'ils émettent, confirment l’idée déjà 
ancienne que le système de Mendelejeff est une 
expression de l’évolution de la matière. Fajans 
pense que les éléments communs forment peut- 
être la suite des trois séries radioactives connues. 
Quoi qu'il en soit, il est vraisemblable que la 
complexité qui se manifeste en ce que la même 
place de la classification périodique est occupée 
par plusieurs éléments n’est pas limitée aux élé- 
ments radioactifs. Certains faits confirment 
cette manière de voir. 

On sait que la déviation d'un mince pinceau 
de rayons canaux sous l’action de deux champs 
magnétique et électrique a fourni à J. J. Thom- 
son* une méthode d'analyse extrêmement sensi- 
ble et qui permet aussi de déterminer le poids 
atomique des éléments gazeux. Appliquée au 
néon atmosphérique, cette méthode a révélé 
l'existence d’un nouveau gaz, le meétanéon, qui 
présente une analogie complète avec le néon, 
quoique son poids atomique soit plus élevé (22 au 
lieu de 20,2). Aston‘ a effectué plusieurs milliers 
de distillations fractionnées du néon sans que la 
densité accuse la moindre variation de la teneur 


1. Wien. Ber., t. CXXI, p. 2119 (1912). 

9. Proc. Roy. Soc., t. LXXXVII,A, P. 478 (1912). 

3. Phil. Mag. t. XXIV, p.209; Proc. Roy. Soc., A,t. LXXXIX, 
p: 1 
&. Phys. Zeit.,t. XIV, p. 1.303. 


A. BERTHOUD. — REVUE DE CHIMIE PHYSIQUE 585 


en métanéon. Cependant, par diffusion fraction- 
née à travers une cloison poreuse, une séparation 
partielle des deux gaz a été réalisée, mais les 
variations de densité ne sont accompagnées 
d'aucun changement dans le spectre lumineux. 
Le néon et le métanéon semblent donc consli- 
tuer un exemple de deux éléments isotopes non 
radio-actifs. 

D'après la règle de Soddy-Russell, le radium G 
et le thorium E, qui terminent les séries du 
radium et du thorium, occupent, dansle système 
périodique, la place du plomb, ce qui est con- 
forme à l'hypothèse depuis longtemps admise 
que le plomb, qu’on rencontre toujours dans les 
minerais radioactifs, est le terme final de la désin- 
tégration du radium.Or, en prenant comme base 
les poids atomiques du radium (226) et du tho- 
rium (232,4), on peut, d’après le nombre des 
particules « (atomes d’hélium, He — 4) que ces 
éléments émettent dans leur désintégration, cal- 
culer les poids atomiques du radium Get du tho- 
rium E. On trouve ainsi pour le radium G le 
nombre 206, un peu inférieur à celui du plomb 
(207,1) et 208,4 pour le thorium E. Il était donc 
du plus haut intérêt de déterminer le poids ato- 
mique du plomb contenu dans des minerais 
d'uranium pauvres en thorium ou dans des 
minerais de thorium pauvres en uranium. Ces 
déterminations, entreprises presque simultané- 
ment par plusieurs chimistes, M. Curie !, Lem- 
bert?, Soddy et Hyman*, Hônigschmid et 
St. Horowitz' ont confirmé les prévisions. Les 
valeurs extrêmes ont été obtenues par Soddy et 
Hyman pour le plomb d'une thorite de Ceylan 
(Pb — 208,4) et par Hônigschmid et St. Horowitz 
pour celui de deux minerais d'uranium ne conte- 
nant presque pas de thorium (206,045 et 206,063). 
On voit que ces nombres, qui diffèrent de plus 
de deux unités, concordent très bien avec les 
valeurs prévues pour le thorium E et pour le 
radium G:. Ajoutons que ces variations du poids 
atomique ne sont accompagnées d'aucun change- 
ment appréciable dans le spectre du métal. 

Ces résultats, dont il est inutile de souligner 
l'importance, induisent à penser que le plomb 
commun pourrait bien n'être qu'un mélange de 
plusieurs éléments isotopes. Si cette conclusion 
est justifiée et s'applique à d’autres éléments, il 
faut cependant admettre que, dans presque tous 
les cas, l'un des isotopes se trouve en quantité 
très prépondérante. On s’expliquerait ainsi très 


1. Comptes rendus, t. CLVIII, p. 1676. 

2. J. Amer. Chem. Soc., t. XXXVI, p. 1329. 
3. J. Chem. Soc., t. CV, p. 1402. 

4, Comptes rendus, t. CLVIII, p. 1796. 


simplement le fait si remarquable, et qui a déjà 
tant préoccupé les chimistes, que les poids ato- 
miques, sans être des multiples exacts de celui 
de l'hydrogène, s’en écartent généralement peu. 
Une autre explication, qui n’exclut pas la précé- 
dente, a été proposée par Swinne!. Elle repose 
sur une conséquence du principe de relativité, 
d'après laquelle l’énergie possède une masse. 
Dans la désintégration radioactive de la matière 
qui est accompagnée d’une perte considérable 
d'énergie, le principe de l’invariabilité de la 
masse serait en défaut. Le calcul indique que, 
dans la transformation de l'uranium en plomb, 
la masse subit une déperdition de 0,023 °/,. Si 
ces variations paraissent insuflisantes pour ex- 
pliquer à elles seules les écarts à la loi de Prout, 
elles ne sont cependant pas négligeables. 

On sait que Rydberg? est arrivé, il y a plu- 
sieurs années, après de longues recherches, à la 
conclusion qu’il est impossible d'exprimer les 
propriétés des éléments en fonction de leurs 
poids atomiques, mais qu’il faut choisir comme 
variable indépendante le nombre atomique qui 
indique le rang de l’élément dans le système pé- 
riodique. Les faits que nous venons d’exposer 
conduisent, avec une précision toute nouvelle, à 
la même conclusion. Mais une question se pose 
naturellement : quelle est, au point de vue de 
constitution de l’atome, la signification de ces 
nombres atomiques qui déterminent exactement 
les propriétés des éléments? Cette signification, 
il y a peu de temps, échappait complètement. Les 
travaux théoriques de van den Broek, de Soddy, 
de Rutherford et les recherches expérimentales 
de plusieurs savants, en particulier de Moseley, 
ont apporté sur cette question une lumière inat- 
tendue. 

Quand des rayons X rencontrent la surface 
d’un cristal, ils ne sont réfléchis, en suite de 
phénomènes d’interférence comparables à ceux 
qui se produisent dans la réflexion de la lumière 
par une lame plan-parallèle, que sous des an- 
gles 6, qui satisfont à la relation 


n)—dsin8, 


où d est la distance entre deux plans réticulaires 
parallèles à la surface réfléchissante et x un 
nombre entier qui exprime l’ordre de l’interfé- 
rence. Les rayons X donnent ainsi par réflexion 
des spectres qui ont été obtenus d’abord par 
Barkla, W.-H. et W.-L. Bragg et que Moseley et 


1. Phys. Zeit.,t. XIV, p. 145. 

2, Les leteurs de cette Revue connaissent la nouvelle clas- 
sification des éléments, proposée récemment par Rydberg 
(Rev. gén. Sc., t. XXV, p. 734; 1914). Voir aussi J. Chim. 
phys., t. XII, p. 585. 


ot 
we] 
Q 


Darwin! et de Broglie? sont parvenus à phoate- 
graphier. Ces spectres de haute fréquence, dans 
lesquels on observe des raies caractéristiques de 
l’élément employé comme anticathode, présen- 
tent toujours une grande analogie.! Qu'il nous 
suffise de dire que Moseley* a montré que la fré- 
quence des rayons caractéristiques émis par un 
élément est une fonction très simple d’une seule 
variable qui est le «nombre atomique ». Le spec- 
tre de haute fréquence d’un élément permet 
donc de calculer son nombre atomique etde fixer 
sans ambiguïté sa place dans le système pério- 
dique. Il est à remarquer qu'entre l’aluminium 
et l'or, Moseley n’a trouvé que trois places va- 
cantes, correspondant à des éléments encore 
inconnus. 

Il y a des raisons de penser que les rayons X 
ontleurorigine dans la partie centrale de l'atome. 
La loi de Moseley révèle ainsi l’existence dans 
l’intérieur de l’atome d'une quantité fondamen- 
tale, qui croît régulièrement quand on passe d’un 
élément au suivant et qui probablement n’est 
autre chose que la charge électrique du noyau 
positif. Rutherford*, Soddy* et van der Broekf 
sont arrivés, en effet, à la conclusion que cette 
charge doit être égale à celle de l'ion H° multi- 
pliée par le nombre atomique. 

Il n'a pas été vérifié encore que les spectres 
de haute fréquence des éléments isotopes sont 
identiques, ce dont on ne peut douter, mais Ru- 
therford et Andrade” ont constaté, pour un cer- 
tain nombre de lignes, l’identité du spectre des 
rayons y du radium B et de celui des rayons X 
émis par le plomb excité par les rayons 8 du ra- 
dium B ou du radium C. 

Si la longueur d'onde } des rayons X est con- 
nue, il suflit de déterminer l'angle 6 pour obte- 
nir la distance d de deux plans réticulaires pa- 
rallèles à la surface réfléchissante. On dispose 
ainsi d’une méthode précieuse pour déterminer 
la structure d’un cristal et qui a déja donné des 
résultats du plus haut intérêt. Elle fournit des 
renseignements à certainségards plus précis que 
la remarquable méthode de Laue, Friedrich et 
Knipping, fondée sur la diffraction des rayons X 
dans le réseau cristallin et par laquelle la struc- 
ture réticulaire des cristaux est devenue une réa- 
lité tangible $. 


1. Phil. Mag., t. XXVI, p. 210. 

2. Comptes rendus, t. CLVIII, p. 177, 333, 623. 

3. Phil, Mag., t. XXVI, p. 1024; t. XXVII, p. 703. 

L, Nature, t. XOI], p. 426; Phil, Mag., t. XXI, p. 669; 
t. XXVII, p. 448. 

5. Nature, t. XCII], p. 399, 452. 

6. Nature, t. XCIII, p. 373, 476; Phys. Zeit., t. XIV, p. 32. 

7. Phil. Mag., t. XXVII, p. 803. 
. L. BRUNET : Rev. gén. Sc., t, XXIV, p. 101 (1913). 


œ 


A. BERTHOUD.— REVUE DE CHIMIE PHYSIQUE 


Nous rattachons à ce chapitre une série de 
phénomènes dont la signification et l'importance 
ne peuvent être encore sûrement appréciées. 
Collie et Paiterson! ont observé, en prenant de 
grandes précautions, afin d'éviter toute cause 
d'erreur, la formation eonstante de néon dans 
les décharges électriques à travers l'hydrogène 
sous faible pression. D’autre part, d’après les 
observations de J.J.Thomson?, il se forme, dans 
le bombardement d'un métal ou d’un autre solide 
par les rayons cathodiques, du néon et de l’hé- 
lium en même ltemps qu'un autre gaz dont le 
poids atomique est égal à 3 et qu'on désigne 
par le symbole X.,. Ce nouveau gaz, dont la for- 
mation a été confirmée par Stark*, n’est pas chi- 
miquement indifférent comme l’hélium. Il ne se 
combine’ni au phosphore, ni au sodium, mais il 
s’unit à l'oxygène sous l’action des décharges 
électriques. Sans qu'une preuve convaincante 
en ait été donnée, on tend à le considérer comme 
une modification de l'hydrogène (H:). 

Tandis que Collie et Patterson, ainsiqueRam- 
say, sont enclins à voir dans ces phénomènes 
une transmutation des éléments, Thomson 
admet que les gaz qui se dégagent sous l’action 
des décharges sont inclus dans le métal. Cette 
hypothèse semble actuellement la plus plau- 
sible, quoiqu'on ne s'explique guère qu'ils ne 
soient pas mis en liberté par les méthodes ordi- 
naires, telles qu’une ébullition prolongée du 
métal dans le vide. Quant à leur origine, 
Thomson suppose que les métaux pourraient 
être doués d’une sorte de radioactivité dans 
laquelle les particules qui se séparent de la 
masse principale de l'atome n’ont pas uneénergie 
suffisante pour se libérer complètement et res- 
tent incluses dans le métal. 

Une méthode qui permet de déterminer le 
poids atomique de gaz inaccessibles, tels que 
ceux qui existent dans les nébuleuses et dont 
l'existence se révèle par des raies spectrales 
qu’on ne peut attribuer à aucun élément connu, 
a été imaginée par Bourget, Fabry et Buisson #. 
Elle est fondée sur l’étalement que les lignes du 
spectre subissent d’après le principe de Doppler- 
Fizeau, ensuite du mouvement d’agitation des 
molécules qui est, comme on sait, en rapport avec 
la température du gaz et son poids moléculaire. 
Une étude très soignée de la raie double ultra- 
violette () — 3726 — 3729) de la nébuleuse d'Orion 
a ainsi donné pour le poids atomique du 


Proc. Chem, Soc,,t. XXIX, p. 22, 217. 

. Nature, t. XC, p. 645; Phys. Zeit., t. XIV, p. 1309. 

. Ber. Deutsch. Phys. Ges., t. XV, p. 813. 

. Comptes rendus,t, CLVII, p. 1017, Voir aussi PERKIN : 
s atomes, p. 90. 


ÆE C2 19 — 


L 


œ 


+ Hi DS 4 


A. BERTHOUD. — REVUE DE CHIMIE PHYSIQUE 587 


nébulium un nombre très voisin de 3. Une autre 
ligne (5006), étudiée avec moins de précision, 
doit être attribuée à un autre élément dont la 
masse atomique est comprise entre 1 et 3. 

La preuve de l'existence d’éléments dont le 
poids atomique est inférieur à celui de l’hélium 
est d'un grand intérêt au point de vue de la struc- 
ture atomique. Elle apporte une confirmation 
remarquable à la théorie de Nicholson!, suivant 
laquelle tous les éléments seraient constitués 
par quelques éléments simples. Parmi ces der- 
niers, Nicholson compte précisément le nébu- 
lium ou archonium, auquel il a été conduit à 
attribuer le poids atomique 2,945, qui concorde 
très bien avec la valeur obtenue par Bourget, 
Fabry et Buisson. Il serait intéressant de savoir 
si le gaz X,, dont le poids atomique est égale- 
ment 3 et qui, selon les vues de Thomson, serait 
aussi un element simple, n’est pas identique au 
nébulium. 


IL. — KquiciBsres cHimiQuEs 


La théorie de l’allotropie deSmits ainsi queles 
importantes recherches qui ont été faites dans le 
domaine de l’analyse thermique, et qui sont d’un 


grand intérêt pour la mécanique chimique, ont. 


été l’objet d'articles spéciaux publiés dans cette 
Revue?. Nous nous dispenserons d'y revenir et 
signalerons seulement, dans ce chapitre, quel- 
ques recherches relatives à l'équilibre des élec- 
trolytes en solution. 

D’après plusieurs auteurs, les écarts à la loi 
d'action de masse ne se présentent pas dans la 
dissociation des électrolytes forts aussi générale- 
ment qu'on l’a admis jusqu'ici. Müller et Ro- 
mann * ont constaté que le cyanacétate de pyri- 
dine suit la loi d’Ostwald; Drucker‘ a fait la 
même observation pour lebromure de tribenzyl- 
méthylamine. D’après les mesuses qu'’ila effec- 
tuées en collaboration avec Tarle et Gomez, la 
mobilité des ions Br’ à 18° serait représentée par 
le nombre 65,5, inférieur à celui de Kohlrausch 
(68, 3). L'opinion a été émise par plusieurs chimis- 
tes que la plupart des valeurs admises pour } 
sont trop faibles. Les recherches de Schlesinger’ 
ont montré que les solutions des formiates et de 
l'acide chlorhydrique dans l'acide formique sui- 
vent la loi d'action de masse jusqu’à des concen- 
trations relativement élevées (0,3 à 0,55 n). 

La question de l'influence de la dilution sur 


1. Phil. Mag., t. XXII, p. 864 (1911). 

2. Suirs: Revue gén. Sc., t.XXV, p.191; BAUME : Jbid., p. 
252 (1914). 

3. Comptes rendus, t. CLVI, p. 1889; t. CEVII,p. 400, 

k. Zeit. Elekt.,t. XVIII, p. 562, 1912 ; t.XIX, p.8. 

5. J. Amer. Chem. Soc.,t. XXXNI, p. 1589, 


le degré de dissociation est cependantloin d’être 
résolue. La loi de dilution dépend de la constante 
diélectrique du dissolvant. Walden! a établi que 
les variations de la conductibilité moléculaire } en 
fonction de la concentration sont représentées 
par des courbes différentes suivant la grandeur 
de la constante diélectrique. Ce n’est que si cette 
constante est supérieure à 10 que } augmente 
d’une manière continue à mesure que la concen- 
tration diminue. Ssachanow et Prscheborowski? 
ont confirmé avec le chloroforme (4,7), la benzy- 
lamine (5,2), l’orthotoluidine {6,0}, ete.., que la 
conductibilité décroissant 
avec la dilution quand le dissolvant à une faible 
constante diélectrique. 


moléculaire va en 


De ces variations anormales du degré de disso- 
ciation, on peut rapprocher le fait que les solu- 
tions qui contiennent deux électrolytes ont sou- 
vent une conductibilité très supérieure à la 
somme de celles de chacun des électrolytes dis- 
sous isolément, même quand ils ont un ion com- 
mun. Ssachanow a observé une conductibilité 
jusqu’à six fois supérieure à cette somme. Il est 
vraisemblable que l’une au moins des causes de 
ces anomalies doit être cherchée dans une action 
électrostatique des ions libres. 

Dans les titrages de l’acide carbonique par un 
alcali, avec la phénolphtaléine commeindicateur, 
la coloration apparaît momentanément avant que 
la totalité de l'acide soit neutralisée. Le phéno- 
mène est dü, d'après Vorländer et Strube* et 
Thiel*, à ce que l’hydratation du CO? dissous 
n’est pas complète et ne se fait pas instantané- 
ment. Thiel, qui a particulièrement étudié cette 
réaction, arrive à la conclusion que, dans une so- 
lution aqueuse de CO?, la quantité de CO*H? est 
très minime et que cet acide est donc beaucoup 
plus fort qu'on ne l’admet généralement. Sa 
constante d’aflinité serait à peu près égale à celle 
de l’acide formique, ce qui est d’ailleurs très 
plausible d’après les analogies chimiques. 


III. — Viresse DES RÉACTIONS 


On sait que la Cinétique chimique ne peut être 
fondée sur les principes de la Thermodynamique 
et qu'il faut faire intervenirles conceptions ciné- 
tiques et des hypothèses sur le mécanisme des 
réactions, qui introduisent quelque incertitude 
dans la théorie. Toutefois certains progrès ont 
été réalisés dans ce domaine. Si, comme il est 
probable, les molécules d’un gaz susceptibles 
d'entrer en réaction sont celles seulement dont 


Bull. Acad. St. Petersbourg (1913), p. 907, 987, 1075. 
. Zeit. Elekt., t. XX, p. 39. 

Ber.,t. XLVI, p: 472. 

. Ber., 1. XLVI, p. 241, 867; t. XLVII, p. 945. 


CRC CDS 


588 


l'énergie est très supérieure à la moyenne, 
on peut aisément, ainsi que l'ont montré Ber- 
thoud! et Baume?, en appliquant la formule de 
Maxwell généralisée, rendre compte des lois ex- 
périmentales relatives à l'influence de la tempé- 
rature sur la vitesse des réactions en système ho- 
mogène. Cette question a été traitée d'une 
manière plus générale encore par le regretté 
R. Marcelin®, dont les belles recherches théori- 
ques ont établi que les règles de la Cinétique 
chimique se présentent comme une conséquence 
de la loi de Maxwell-Boltzmann relative à la ré- 
partition des molécules d’un gaz d'après leur 
énergie. 

Parmi les nombreuses réactions dont la vitesse 
a été mesurée, il faut citer la synthèse du chlo- 


rure de nitrosyle: 
NO AC12= 2 NO!ICI 


Elle constitue, d’après les recherches de 
Trautz * et de Coates et A. Finney *, un exemple 
d’une réaction purement gazeuse du I1I° ordre et 
présente ainsi un grand intérêt pour le méca- 
nisme des réactions chimiques. Signalons aussi 
que Skrabal et Weberitsch ont fait connaître 
une réaction dont la vitesse diminue quand 
la température s'élève; il s’agit de l'oxydation 
des iodures par les iodates en présence d'acide 
sulfurique et d’une quantité suffisante d’un sul- 
fate. 

On a longtemps admis que, dans l’action cata- 
lytique des acides, ce sont les ions H* seuls qui 
sont actifs. Cette opinion semble devoir être 
abandonnée. Plusieurs chimistes, Taylor, 
Dawson et Powisf, Snethlage 7, Me Bain et 
Coleman sont arrivés à la conclusion que cette 
activité est la somme de deux actions dues, l’une 
aux ions H°, l’autre aux molécules non disso- 
ciées. La constante de la vitesse de réaction est 
donnée par une relation de la forme : 


K=— Ch + Cu és 


où C;,- et C,, représentent les concentrations des 
ions H° et des molécules neutres et X,. et K,les 
facteurs correspondant à leur activité. Le rap- 
port X,, : Ky., qui est très faible pour les acides 


peu dissociés, va en croissant avec la force de 


1. J. Ch. phys.,t. 52; t. X, p. 573. 
2. Arch. Sc. phys. nat. (4), t. XXXVWI, p. 439. 
3. Thèse, Paris, 1914. 

4. Zeit. an. Chem.,t. LXXXVIII, p. 285 

5. Proc. Chem. Soc.,t. XXIX, p. 211. 

6. Proc, Chem. Soc., t. XXIX, p. 308. 

7. Zeit. phys. Chem.,t. LXXXV, p. 211. 

8. J. Chem. Soc., t. CV, p. 1517. 


IX, p. 3 


A. BERTHOUD. — REVUE DE CHIMIE PHYSIQUE 


l'acide. Pour les acides forts, il devient supé- 
rieur à l’unité; les molécules neutres sont donc 
plus actives que les ions et ainsi s'explique très 
simplement et mieux que de toute autre manière, 
l'action des sels neutres dans les réactions telles 
que l’inversion du sucre de canne. — Dans la 
transformation de l’acétochloranilide en p-chlo- 
racélanilide, sous l’action de l’acide chlorhydri- 
que, cesont, d’après les observations de Rivett!, 
les molécules C1IH et non les ions qui sont 
actives. 

De ces travaux on peut en rapprocher d’autres 
qui semblent établir que, dans certaines réac- 
tions, ce sont les molécules neutres qui réagis- 
sent de préférence aux ions. Mentionnons, par 
exemple, l’hydrolyse de l'acide bromomalo- 
nique et de ses dérivés alcoylés en présence 
d’un hydrate alcalin. D’après les mesures de 
Madsen ?, la vitesse est indépendante de la con- 
centration de l'hydrate ; ce ne sont donc pas les 
ions, mais les molécules d'eau qui produisent 
l’'hydrolyse. 

Nous ne pouvons souscrire entièrement à 
l'opinion de Worley qui voit dans ces faits des 
raisons de renoncer à l'hypothèse d’Arrhenius, 
car la théorie de la dissociation électrolytique 
repose sur d’autres bases que les rapports entre 
l’activité chimique et la conductibilité électri- 
que. Ce qu’on peutdire, c'est que le rôle des ions 
dans les réactions chimiques a été quelque peu 
exagéré etque nos conceptions à ce sujet doi- 
vent être revisées. 

La vitesse d’évaporation d’un solide ou d’un 
liquide en présence d’un gaz a été souvent me- 
surée, mais ne noës renseigne pas sur l'impor- 
tance des échanges entre la phase condensée et 
la vapeur, car elleest réglée uniquement par la 
vitesse de diffusion. Il en est autrement des re- 
cherches de R. Marcelin#, qui a mesuré la vitesse 
d’évaporation d’un liquide ou d’un solide en pré- 
sence de sa vapeur non saturée, dans des condi- 
tions où la diffusion ne joue aucun rôle. Elles 
ont montré que, si la vapeur est très peu sur- 
chauffée, les emprunts de matière faits par la 
phase condensée à sa vapeur sont d’autant plus 
faibles que la température est plus basse. Avec 
le nitrobenzène, par exemple, sur soixante molé- 
cules qui rencontrent la surface, quinze sont 
captées à 65° et quatre seulement à 40°. A une 
température très basse, les molécules rebondis- 
sent presque toutes, tandis qu’à une tempéra- 
ture élevée, elles sont presque toutes captées. 


1. Zeit. phys. Chem.,t. LXXXIT, p. 201: t. LXXXV, p. 113. 
2. Zeit. phys. Chem., t. LAXXVI, p. 538. 
3. Comptes rendus, t. CLVIII, p. 419 ; Thèse, Paris, 1914. 


A. BERTHOUD. — REVUE 


— PnoTocHiMIE ET ABSORPTION 
DE LA LUMIÈRE 


XVe 


C’est tout spécialement sur l'étude des réac- 
tions en lumière ultraviolette que, depuis quel- 
ques années, s’est porté l'effort des chercheurs. 
Les expériences de Berthelot et Gaudechon!, 
ainsi que celles de Boll?, ont fait constater que 
dans plusieurs réactions, la vitesse croît, à 
absorption égale, suivant une fonction exponen- 
tielle de la fréquence. Celle-ci joue donc dans les 
réactions photochimiques le même rôle que la 
température dans les réactions ordinaires. 

La loi suivant laquelle il y a proportionnalité 
entre la susceptibilité photochimique et l’ab- 
sorption se trouve souvent en défaut. Une inter- 
prétation de cette discordance a été donnée par 
V. Henri et Wurmser *. Le spectre d'absorption 
est la résultante de l'action due aux différents 
groupes d’atomes qui constituent la molécule; 
mais la susceptibilité photochimique dépend 
seulement dela partie du spectre qui correspond 
aux groupes qui sont modifiés dans la réaction. 
C’est ainsi que les rayons ultraviolets extrêmes, 
quoique très absorbés par l’aldéhyde acétique, 
n’ont qu'une très faible action photochimique, 
car leur absorption est due au groupe CHF, tandis 
que, dans la photolyse, c’est le groupe CHO qui 
est affecté. 

L'absorption des rayons ee est une 
fonction très complexe de la constitution chimi- 
que. V. Henri et Bielecki‘ ont cependant établi 
certaines règles relatives à l’action réciproque de 
deux chromophores dans la même molécule. Ils 
ont même réussi à calculer le spectre de substan- 
ces relativement simples et ont montré que l’ab- 
sorption dans l’ultraviolet fournit une méthode 
intéressante pour résoudre certains problèmes 
de constitution chimique. 

Si l'absorption est en général très sensible aux 
variations de constitution, les observations de 
Hantzsch ont confirmé que l'ionisation d’un sel 
est sans influence sur l’absorption, même dans 
l’ultraviolet. La formation normale d’un sel est 
un phénomène SENTE indifférent et si la 
coloration varie c’est qu'un changément de cons- 
tüitution s’est produit. Le caractère additif du 
spectre d'absorption des électrolytes dissous ne 
peut donc être invoqué à l'appui de la théorie 
de la dissociation. 


Comptes rendus, t. CLIV, p. 1597; 
. Comptes rendus, t. CLV Te Fe 115. 
3. Comptes rendus, t. CLVI, p. 230. 
4. Comptes rendus, t. GLVIN. p. 567, 


t. CLVHI, p. 1791. 


866, 1022, 1114. 


DE CHIMIE PHYSIQUE 589 


V. — Tuenmocuimie 

Ce sont les mesures des chaleurs spécifiques 
aux basses températures qui nous paraissent de- 
voir retenir spécialement l'attention dans ce cha- 
pitre, en raison de leur D pour le cal- 
cul des affinités chimiques et 
la théorie des solides et des gaz. 

La loi de Debye, suivant laquelle la chaleur 
spécifique des solides s'accroît, aux basses tem- 
pératures, proportionnellementau cube delatem- 
pérature absolue, a été vérifiée pour un certain 
nombre de substances par Nernst, Eucken, et 
Schwers!, E. H. et E. Griffiths 2. Le carborun- 
dum, comme le diamant, a déjà à 50° abs. une 
chaleur spécifique très faible et qui devient bien- 
tôt pratiquement nulle. 

Eucken * a observé une diminution de la cha- 
leur spécifique de l'hydrogène et même de l’hé- 
lium aux températures très basses (entre 45° et 
18° abs.) lorsque la pression s’élève. Ces résul- 
tats, d’après Nernst ‘, rendent probable que la 
chaleur spécifique des gaz devient nulle au zéro 
absolu. La théorie des quanta s’appliquerait donc 
au mouvement de translation des molécules et le 
théorème de Nernst, qui avait d’abord étélimité 
aux systèmes condensés, pourrait être étendu aux 
gaz. Dans tout changement physique ouchimique 
susceptible de produire un travail maximum A, 
on aurait, même dans le cas des gaz: 


au point de vue de 


(pour T — 0). 


d À 

lim. TT = 

De la diminution de la chaleur spécifique aux 

basses températures, rapprochons la dispari- 

tion de la résistance électrique des métaux, 

observée par K. Onnesÿ dans l'hélium liquide. 

Au-dessous d’une certaine température (30,8 

pour Sn, entre 4° et 14° pour Pb), le courant passe 

sans chute de potentiel appréciable. À 2°,45 abs. 

la résistance du mercure est 0,5.10!° fois plus 
faible qu’à 2730 abs. 


A. Berthoud, 
Professeur de Cliimie physique à l'Université 
de Neuchâtel. 


l. Ber. Deutsch. Phys. Ges., t. XV, p. 578: Sitzungsb. Kgl. 
Pr. Akad. (1914), p. 355. 

2: Proc. Roy. Soc., À, t. XC, p. 557. 

3. Suz. Kgl. Pr. Akad. Berlin (1914), p. 682. 

4 Zeit. Elekt.,t. XX, p. 357. 

5. Comptes rendus, t. CLIX, p.34; Proc. K. Akad. Wetensch. 


Amsterdam, t. XV, p.1406: t. XVI, p. 113. 


590 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


BIBLIOGRAPHIE 
ANALYSES ET INDEX 


1° Sciences mathématiques 


Laubeuf (M.), Ancien Ingénieur en chef dela Marine, 
— Sous-marins et submersibles. — / vol. in-S° de 
100 p. avec 45 fig. (Prix :3 fr. 50). Librairie Ch, Delas 
grave, 15, rue Souÿlot, Paris, 1915, 


Le rôle joué par le sous-marin dans la guerre ac- 
tuelle justitie l'intérêt qu'offre le livre de M, Laubeuf, 
On ne saurait oublier l'influence exercée par l'ancien 
ingénieur en chefde la Marine sur l’évolution des unités 
sous-marines, La lutte entre les types dils sous-marins 
purs et les types dits submersibles a été des plus vives, 
Au début, toutau moins,ladistinetion entreces deux na- 
vires était des plus arbitraires : alors que le sous-marin 
proprement dit demandait sa propulsion à l'énergie 
électrique, le submersible disposait en plus d'un mo- 
teur thermique, lui permettant non seulement d'écono- 
miser ses accumulateurs, mais encore de les recharger 
pendant la navigation en surface, 

Toutefois la distinction entre les deux types portait 
essentiellement sur leur différence de flottabilité et de 
forme de carène, Beaucoup de marins se sont d’ailleurs 
toujours élevés contre cette distinction; toute unité 
susceptible de plonger doit rentrer dans le cadre unique 
des sous-marins, Les nombreux tracés de sections ellip- 
tiques des sous-marins et des submersibles, insérés 
dans l'ouvrage, permettent de se rendre compte des 
modifications successives apportées dans les types. 

M, Laubeuf fut en France le créateur dés sous-marins 
à grande tlottabilité; en 1900, la Marine française seule 
possedait des navires conçus sur ce prineipe et, quand 
il fut établi que ces bateaux pouvaient passer rapide- 
ment de la position de navigation en surface à la posi- 
tion de navigation en immersion, le type sous-marin 
pur, sans disparaitre complètement, se modifia en se 
rapprochant du type submersible, Le coeflicient de flot- 
tabilité, qui ne dépassait pas 100/, du déplacement 
en immersion au début, arrive à 33°/, dans les types 
récents, et tend encore à s'élever avec l'augmentation 
du tonnage (1250 tonnes en 1913). 

Si l'augmentation du tonnage présente des avantages 
réels vitesse augmentée, habitabilité plus réelle, 
elle présente aussi des inconvénients sérieux : dangers 
des inelinaisons longitudinales quand les bateaux sont 
en immersion, tirant d'eau trop grand limitant sa navi- 
gabilité le long des côtes, augmentation du rayon de 
giralion rendant le navire moins maniable, enfin élé- 
vation du prix entraînant une limitation dans le nom- 
bre des unités. 

Mais M. Laubeuf réclame pour les sous-marins 
d'escadre des vitesses de 25 nœuds en surface, de 15 en 
immersion. Est-il possible de réaliser ces vitesses avec 
des tonnages inférieurs à 1.000 tonnes? C'est là une 
question non encore résolue, 

L'ouvrage se termine par une étude sur l'eflicacité des 
sous-marins et sur leur rèle dans la première année de 
guerre, Malheureusement, l'auteur ne peut nous donner 
des renseignements précis sur la flotte sous-marine alle- 
mande. Pas une marine n’a su mieux garder ses secrets, 
et on ne trouve aucune indication sur les dernières 
unités allemandes, qui paraissent disposer d'un grand 
rayon d'action. 

Les conclusions de M. Laubeuf sur l’eflicacité de l’ae- 
tion des sous-marins ont été écrites il y a quelques 
mois déjà: peut-être l’auteur aurait-il été conduit à ad- 
mettre leur plus grande vulnérabilité, s’il avait retardé 
de quelques mois la rédaction des dernières pages. 


Dans les premiers chapitres, consacrés à l'historique 
de la navigation sous-marine, on est heureux de 


rencontrer l'hommage au génial créateur de la marine 
cuirassée, à Dupuy-de-Lôme, C'est cet ingénieur qui 
avait déjà déclaré que la question des atrostats et celle 
des bateaux sous-marins élaient intimement liées : le 
jour ou la première serail résolue, la seconde serait 
bien près de l'être, Le présent montre la justesse de vue 
de Dupuy-de-Lome, 


R° Sciences physiques 


Williams (Adolfo T.). — Investigaciones experi- 
mentales sobre los espectros de la descarga osci- 
lante. (/'hèse de doctorat à l'Université de Buenos- 

Aires.) — 14 vol. in-4 de 232 p. avec 5 planches. 
Imprenta de Conti hermanos, Buenos-Aires, 1915. 


La thèse de W. A. T. Williams forme un important 
volume qui fait honneur aussi bien à son auteur qu'au 
laboratoire où elle a été élaborée. Après un exposé très 
complet et bien étudié des questions relatives aux 
spectres d'étincelle, l’auteur décrit les dispositifs et les 
instruments dont il a fait usage. Il discute ensuite ses 
méthodes de mesure, avant de passer aux résultats 
qu'il a obtenus en étudiant, dans des conditions variées 
et parfaitement déterminées,les spectres d'étincelle des 
solutions de chlorures des métaux alcalinoterreux, du 
magnésium, du zine, du cadmium, du cuivre et du man- 
ganèse, Les tableaux de raies, pour chaque solution 
métallique, donnent les intensités pour des capacités 
et des self-induetions différentes, mises en comparaison 
avec les intensités obtenues par d’autres observateurs 
dans différentes sources lumineuses. Les spectres, four- 
nis par un spectrographe à optique en quartz, de Hilger, 
s'étendent du vert à l'extrémité de l’ultra-violet, 

M. Williams, avant tout autre spectre, étudie ce 
qu'il appelle « le spectre parasite », commun à toutes les 
solutions et qui contient surtout, à notre avis, les 
bandes de l'azote et de la vapeur d'eau, avec les raies 
du platine des fils et des impuretés amenées par ceux- 
ci, Les lignes de ces métaux auraient pu être évitées en 
faisant éclater l’étincelle entre deux gouttes du liquide 
seulement, procédé, il est vrai, un peu plus délicat à 
établir d'une manière régulière pour de longues poses. 

Discutant les résultats de ses recherches, l'auteur 
adopte une elassilication des raies basée sur le rapport 
entre les intensités de chaque raie dans l’étincelle puis 
dans l’are, Il admet une classe de raies appartenant 
exclusivement à l’are et étrangères à l'étincelle, ce qui 
ne nous parait pas établi avec certitude, car les raies, 
très peu nombreuses d'ailleurs, de cette classe, nous 
paraissent être soit des arêtes de très faibles bandes 
(pour le calcium notamment), soit dues à des impuretés. 
La question mériterait d'être reprise et élueidée. 

A la in du volume,un chapitre est consacré à l’ex- 
posé critique de la théorie thermique de Lockyer et de 
son hypothèse des proto-éléments, examinée en utili- 
sant lesdonnées des plus récentes recherches spectrales. 
Suivant M. Williams, cette théorie donne aux faits une 
interprétation en partie erronée, en ce sens que les 
changement profonds produits dans les spectres peu- 
vent bien être dus à la formation de proto-éléments, 
c'est-à-dire de systèmes vibratoires nouveaux, mais 
qu'ils ont une origine non point thermique, mais vrai- 
semblablement électromagnétique, 

Cinq fort belles planches en phototypie terminent 
l'ouvrage. Elles représentent surtout des modifications 
successives subies par les spectres d'étincelle des liqui- 
des, sous l'effet de la variation systématique des con- 
ditions de l'observation : interversion des pôles, ou 
accroissement de la selfinduetion, L'auteur nous 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET 


DEX 591 


permettra de regretter qu’elles ne soient pas accompa- 
gnées d'explications détaillées, ou de chiffraisons de 
longueurs d'ondes plus nombreuses, afin, par exemple, 
d'indiquer les bandes de la vapeur d'eau, ou celles de 
l'azote, et de faciliter ainsi l'étude aux personnes peu 
familiarisées avec ces recherches. 

Le très intéressant ouvrage de M. A, T. Williams, 
bien qu’écrit en espagnol, est facile à comprendre sans 
être familiarisé avec cette langue. Nousen recommande- 
rons la lecture à tous ceux qui voudraient se mettre au 
courant de l’état actuel des questions relatives aux 
spectres d’étincelle, non seulement dans leur ensemble, 
mais dans leurs détails et dans leurs références biblio- 
graphiques les plus récentes. 

À. DE GRAMONT, 
Membre de l’Institut. 


3° Sciences naturelles 


Pogue (Jos. E.), Géologue associé au Service géologi- 
que des Etats-Unis. — The Turquoise. À STUDY OF 
ITS HISTORY, MINERALOGY, GEOLOGY,  ETHNOLOGY, 
ARCHÆOLOGY, MYTHOLOGY, FOLKLORE AND TECHNOLOGY. 
— 1 vol. in-8° de 162 p. avec 5 fig. et 23 pl. dont deux en 
couleurs (T.xn, n° 4, des Memoirs of the National Aca- 
demy of Sciences). Government Printing Oflice, Was- 
hinglon, 1915. 


La turquoise est un minéral apprécié pour la perfec- 
tion de sa couleur; car, à cause de son opacité, elle ne 
possède pas le lustre brillant qui forme le principal 
attrait des gemmes transparentes. Aujourd’hui, chez 
les peuples civilisés, elle passe généralement après le 
diamant, le rubis, l’'émeraude ou le saphir; mais, chez 
les peuples semi-civilisés, comme les Indiens de l’Amé- 
rique du Nord, les Bédouins des plaines de l’Arabie, les 
Tibétains et les Mongols, la turquoise garde le premier 
rang, non seulement par sa valeur intrinsèque, mais 
aussi à cause des propriétés mystiques et de la signifi- 
cation religieuse qu’elle est censée posséder. 

Dans le passé, plus encore que dans le présent, la 
turquoise a joué un rôle important. On la retrouve dans 
les tombeaux des anciens rois égyptiens sur des bijoux 
d’une incomparable beauté. Les habitants de l'Asie 
centrale et occidentale, qui l’extrayaient depuis un 
temps immémorial des dépôts de Nishapour, près de la 
mer Caspienne, l'appréciaient avec faveur et, par l’in- 
termédiaire de la Turquie, la firent connaître aux Euro- 
péens. D'autre part, les Aztèques du Mexique, au temps 
de la conquête espagnole, l’employaient dans plusieurs 
de leurs cérémonies, et de belles mosaïques en turquoises, 
rapportées en Europe par les Conquistadores, attestent 
l'adresse et le goût de leurs artisans. 

C’est par cette histoire de la turquoise que débute la 
belle monographie que consacre M. Pogue à ce minéral. 
Elle continue par une étude de ses propriétés minéralo- 
giques. La turquoise est un phosphate hydraté double 
d'aluminium et de cuivre, de formule CuO. 3 Al ? O3. 2 
P2 Oÿ. 9 H? O. C’est à la présence du cuivre qu’elle doit 
sa belle couleur bleu ciel; mais elle renferme souvent 
du fer comme impureté (à côté de chaux et de silice) et 
ce métal modifie sa teinte en la faisant tourner au vert. 
La turquoise se présente toujours en masses, et jus- 
qu’en 1911 on n’en connaissait pas de spécimen cristal- 
lisé, Tout récemment, M. W. T. Schaller a identifié à 
la turquoise un minéral cristallisé d'un beau bleu du 
comté de Campbell (Va.); ce minéralesttriclinique,etses 
angles se rapprochent beaucoup de ceux de la chalco- 
sidérite, Cu ©. 3 Fe? O3. 2 P? Oÿ. 9 H20, isomorphe avec 
la turquoise. 

Les gisements de turquoise les plus importants se 
trouvent à environ 50 km. au nord-ouest de Nishapour, 
dans la province de Khorassan, en Perse, Ils paraissent 
avoir été connus et exploités dès l’an 2100 av. J.-C, Il y 
a là deux sortes d'exploitations : des mines proprement 
dites, avec puits etgaleries creusés dans la roche solide, et 
l'exploitation des débris de roches désintégrées formant 
des alluvions dans la plaine. La valeur des pierres 


extraites en 1890 s'élevait à 555.000 fr, L'emploi étendu 
de la turquoise au Tibetet en Chine montre l'existence 
de gisements locau%, mais la situation n'en est pas bien 
connue, Enfin il existe aussi des gisements importants 
dans plusieurs régions des Etats-Unis, particulièrement 
au Nouveau-Mexique (où se trouve la célèbre mine 
Tiffany, propriété de l'American Turquoise Co., qui a 
donné pour plus de 10 millions de gemmes), puis dans 
le Nevada, le Colorado, la Californie et l’Arizona, 
D’autres gisements, sans importance économique, se 
trouvent encore au Sinaï (la plus vieille mine du monde, 
exploitée certainement déjà en 5.500 av. J. C., mais 
aujourd’hui épuisée), en Abyssinie, en Nubie, au Turkes- 
tan, en Afghanistan, en Arabie, en Australie, en France 
(Montebras, Forêt de Colettes), en Allemagne, en Sibé- 
rie, au Pérou et au Mexique. 

A l’aide des données géologiques recueillies dans les 
divers gisements, M. Pogue discute l’origine de la tur- 
quoise. Il constate que, comme pour beaucoup de miné- 
raux, son mode de formation a été multiple, Toutefois, 
le processus fondamental est la percolation des eaux 
superficielles à travers des roches alumineuses conte- 
nant de l’apatite et des minéraux cupriques dissémi- 
nés. 

M. Pogue consacre un chapitre très étendu, illustré 
de magnifiques planches, aux emplois de la turquoise, 
qui remontent dans certains pays à une très haute anti- 
quité. Cette gemme est utilisée surtout à l’ornementa- 
tion, et pour les bijoux et ornements personnels. En 
outre, chez plusieurs peuples de l’Asie et de l'Amérique 
septentrionale et centrale,elle a acquis une signification 
religieuse eta été fort employée pour les objets du culte. 
Chez les anciens Mexicains, en particulier, l’usage dans 
un but ornemental et cérémoniel, d’une pierre verte de 
grande valeur, nommée chalchihuitl, a été signalé à plu- 
sieurs reprises, sans qu'on püt se mettre entièrement 
d'accord sur l'identité de cette gemme, M, Pogue, après 
un examen minutieux de la question, estime que dans 
quelques cas on a pu désigner sous ce nom une variété 
de turquoise verte, mais d’une façon générale le chal- 
chihuitl n’était autre que de la jade. 

A toutes les époques jusqu’à nos jours, et non seule- 
ment chez les peuples plus où moins primitifs, mais 
même dans des pays civilisés, les pierres précieuses ont 
été dotées par l'imagination de l’homme de propriétés 
et d'associations surnaturelles. La turquoise n'a pas 
échappé à cette règle : on a attribué à sa possession le 
succès et le bonheur, et un vieux proverbe dit: Celui 
qui possède une turquoise sera toujours sûr d’avoir des 
amis. On a cru que la turquoise indique l'état de 
santé de celui qui la porte : pälissant quand il est ma- 
lade, elle perd sa couleur quand il meurt et retrouve 
sa beauté dans les mains d’un nouveau possesseur plein 
de santé. L'histoire de toutes ces superstitions forme un 
des chapitres les plus intéressants de l’ouvrage. 

M. Pogue termine par une étude sur la technologie 
de la turquoise. Son extraction est simple et peu coù- 
teuse, car elle a généralement lieu à ciel ouvert ou à 
une profondeur ne dépassant pas 30 mètres. Sa taille 
est facile, à cause de son peu de dureté; la forme la 
plus caractéristique est celle du cabochon. La turquoise 
a été l’objet d’imitations dès les temps anciens; celles- 
ci sont de trois sortes : verre ou émail bleu (facile à re- 
connaître par son éclat vitreux), turquoise synthétique, 
obtenue en mélangeant du phosphate d'aluminium pré- 
cipité avec du phosphate de cuivre et en soumettant le 
tout à l'état humide à une pression considérable pen- 
dant longtemps (lé produit ressemble à s’y méprendre 
à la gemme naturelle, on peut l'en distinguer en le 
chauffant au chalumeau, où il fond tranquillement au 
lieu d’éclater en morceaux), substituts divers, comme 
l’odontolite ou turquoise d'os, la lazulite, le chryso- 
colle bleu, la calcédoine colorée artificiellement, ete. La 
production totale de la turquoise est impossible à ap- 
précier exactement; nous avons donné plus haut quel- 
ques chiffres partiels. Sa valeur actuelle paraît osciller 
entre 5o et 60 francs le carat pour les pierres de bonne 


592 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


qualité; elle est plus élevée pour les pierres d’un certain 
poids. 

L'ouvrage de M. Pogue est accompagné d’une biblio- 
graphie de près de 500 ouvrages et mémoires, qui re- 
hausse la valeur documentaire de la splendide mono- 
graphie qu'il a consacrée à la turquoise. 

Louis BRUNET. 


Annales du Service dés Epiphyties. Tome II. — 
1 vol. in-8o de 384 pages avec 110 fig. (Prix :16 fr. 50.) 
Lomme, éditeur, 3, rue Corneille, Paris, 1915. 


La législation pour la lutte contre les ennemis ani- 
maux et végétaux de nos cultures était jusqu’à ces der- 
niers temps à peu près salisfaisante : la loi du 21 juin 
1898 donne en effet des pouvoirs relativement étendus 
au Ministre de l’Agriculture pour organiser sérieuse- 
ment celte lutte, soit en provoquant la signature de 
déerets, soit en prenant ou faisant prendre par les Pré- 
fets des arrètés permanents ou temporaires. C’est ainsi 
que nous avons eu successivement la circulaire du 
7 juinr912 prescrivant aux Préfets de prendre des arrê- 
tés permanents en vue de la destruction des chenilles, 
des hannetons, de la cuscute, de l’épine-vinette, del’oro- 


banche et du gui, — l'arrêté temporaire préfectoral du 
15 mai 1912, prescrivant la destruction de la teigne de 
la pomme de terre, — le décret du 12 octobre 1913, 


interdisant (avec certaines restrictions) l'importation et 
le transit de tous les végétaux à l’état ligneux, ainsi 
que de leurs débris frais d’origine ou de provenance 
italienne, comme susceptibles de servir à l'introduction 
du Diaspis pentagona. 

Mais, afin d’être renseigné sur l’opportunité et sur le 
choix des mesures de protection et de défense à pren- 
dre dans tous les cas qui peuvent se présenter, il man- 
quait au Ministre un service compétent. Le décret du 
19 février 1912 a institué, sous le nom de « Comite con- 
sultatif des épiphyties », un comité chargé de l'étude 
des questions relatives aux insectes, cryptogames 
et autres parasites nuisibles à l’agriculture, et, no- 
tamment, des procédés à employer et des mesures à 
prendre pour prévenir et combattre les épiphyties. Le 
décret du 11 mai 1915 groupe le personnel et les établis- 
sements de recherche dont le Ministère de l’Agricul- 
ture dispose en un service d’études des maladies des 
plantes : le « Service des Epiphyties ». Antérieure- 
ment même à la création officielle de ce service, il fut 
publié, par les soins de la Direction des Services scien- 
tiliques du même ministère, le premier volume des 
Annales du Service des Epiphyties!. Le but de ce pério- 
dique est de réunir tous les mémoires originaux pro- 
duits par le personnel scientifique du Service, ainsi que 
les Rapports sur les missions d’études du Ministère de 
l'Agriculture. Une place est faite également aux articles 
d'ensemble et de mise au point sur les divers problè- 
mes de la Phytopathologie ou sur les questions d’ordre 
général qui concernent la protection des plantes et l’or- 
ganisation del a lutte contre leurs ennemis. 

Le deuxième volume des Annales vient de paraître, 
grâce au dévouement et au zèle infatigable du Dr. P. 
Marchal, Nous serions heureux de pouvoir le présenter 
ici au public scientifique, si nous n'avions pas à déplorer 
déjà la mort au champ d'honneur de certains auteurs, 
jeunes el savants phytopathologistes, dont les places 
étaient marquées dans le Service des Epiphyties qu’ils 
avaient contribué à organiser. 

Les maladies du châtaignier font l’objet de deux tra- 
vaux, l’un de A. Prunet, l’autre de V. Ducomet. Le pre- 
mier de ces auteurs s'occupe de la lutte contre le « pied 
noir » dans la reconstitution des châtaigneraies forte- 
ment atteintes, comme celles des Pyrénées et des Cha- 
rentes. Par l'expérience, il élimine nettement la recons- 
titution par l'emploi du chätaignier commun (Castanea 
vulgaris Lam.), ou à l’aide d’autres cupulifères (Quercus 
et Fagus). Il attire tout spécialement l'attention sur le 


, 


1. Annales du Serv, des Epiphyties,t 1, Lib, Lhomme,1913. 


châtaignier du Japon (C. crenata Sieb. et Luce) qui, dans 
ses nombreux essais, a toujours très bien résisté à la 
« maladie » et dont il a doté les Hautes-Pyrénées d’une 
station de pieds-mères. Pour V. Ducomet, la « maladie 
de l’encre » ne serait pas une et il yaurait lieu de con- 
tinuer sérieusement son étude, par comparaison autant 
que possible avec la & bark disease » du C. americana. 
Ce savant a commencé une série d’essais de traitements 
dans le Morbihan à l’aide du sulfure de carbone et des 
engrais, Enfin il observe aussile châtaignier du Japon 
qui, s’il parait résister à la maladie de l’encre, semble 
plus sensible que le C. vulgaris à l’oïidium du chêne. 

Dans une étude sur les principales maladies du 
mürier, G. Arnaud et Secrétain exposent une partie 
des observations et des expériences faites en 1913. Les 
résultats les plus intéressants concernent la gommose 
bacillaire (Bacterium mori B. et L.), peut-être cause de 
la flâcherie du ver à soie, la Maladie noire et le Pour- 
ridié, la Maladie du rouge (Nectria cinnabarina), ete. 

L'année 1913 fut fort propice à l’étude du Mildiou de 
la vigne qui, par suite des nombreuses pluies, s’est 
développé d’une façon considérable dans la région 
méridionale, G. Ravaz et Verge d'une part, J. Capus 
d'autre part, font connaitre les résultats de leurs obser- 
vations qui sont la suite de nombreuses recherches 
antérieures, Pour les premiers, les stations d’avertis- 
sements, en se basant sur l’apparition des taches d'huile 
ou, à défaut de celles-ci, des conidies ou des zoospores, 
sont dans la possibilité d'indiquer les dates des sulfa- 
tages. Capus demande aux viticulteurs que les traite- 
ments soient d’une manière générale plus précoces, 
surtout les années à printemps pluvieux. : 

La lutte contre la Cochylis et l'Eudemis a nécessité 
encore de multiples travaux : J. Feytaud, dans un 
rapport très complet, insiste en particulier sur 
l'emploi des pièges-appâts en Gironde, où ils paraissent 
donner de bons résultats. IL a observé, d'autre part, 
comme résultats positifs, en particulier, l'avortement des 
œufs par le lait de chaux et l’efficacité sur les chenilles 
de la bouillie bordelaise nicotinée, des solutions mouil- 
lantes de nicotine et du pyrèthre. J.Chatanay, A.Paillot, 
Vezin et Gaumont exposent sommairement leurs obser- 

vations dans leurs régions respectives : UNE, 
Bourgogne et vallée de la Loire. 

A. Paillot, dans un mémoire fort documenté, résume 
tout ce qui a été fait sur les « Micro-organismes para- 
sites des Insectes et leur emploi en agriculture ». Il 
montre ainsi que la question; quoique depuis bien long- 
temps à l’étude, ne peut être encore considérée comme 
pratique. Elle paraît toutefois être appelée à le devenir 
dès qu'on connaîtra mieux les causes des épidémies, 
causes complexes, par suite difficiles à préciser et à me- 
surer. 

D'une note sur « quelques Coccides reçus à la Sta- 
tion entomologique » on peut signaler la description 
de deux nouveaux insectes malgaches, nuisibles l’un au 
Caféier pare greeni Vays.), l’autre au Manioc 
(Mitilaspis dispar Vays.). 

En dehors de ces travaux, les Annales du Service des 
Epiphyties ont recueilli de nombreuses études intéres- 
santes qui complètent des travaux antérieurs ou, au 
contraire, sont des préliminaires de mémoires. Telles 
sont les notes sur les parasites et les maladies de l’As- 
perge (P. Lesne, G. Arnaud, E. Blanchard), sur un para- 
site des Renonculacées horticoles (J. Chatanay), sur 
deux Cureulionides nuisibles à la betterave (F. Picard), 
sur l'action insecticide de l'acide cyanhydrique 
(A. Vuillet), sur les maladies du Prunier (Rabaté,, ete. 

Enfin dans le même volume se trouve publié le 
Rapport phytopathologique pour l’année 1913, rédigé 
avec beaucoup de soins par le Directeur de la Station 
entomologique de Paris et le Directeur-adjoint de la 
Station de Pathologie végétale, à l’aide de nombreuses 
observations personnelles el des renseignements four- 
nis par les agents du Service et les Directeurs des Ser- 
vices agricoles des Départements. = 

PAVe 


ati à 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 593 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 
Séance du 20 Septembre 1915 


M. Bassot fait part du décès de M. Th. Albrecht, 
Correspondant pour la Section de Géographie et de Na- 
vigation. 

19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. C. Camichel : Sur 
les coups de bélier ; oscillations en masse. L'auteur a fait, 
sur des conduites renfermant une ou plusieurs poches 
d'air, des expériences qui l’ont conduit aux résultats 
suivants : 1° dans le cas d’une seule poche d’air placée 
à l'extrémité inférieure de la conduite, la répartition du 
coup de bélier est linéaire d’un bout à l’autre de la con- 
duite, résultat conforme à la formule de M. Rateau, La 
période d'oscillation est, toutes choseségales d’ailleurs, 
proportionnelle à la racine carrée du volume de la poche 
d'air; 2° en employant deux poches d'air, on obtient 
des graphiques mettant en évidence deux périodes, dont 
les valeurs concordent aussi avec le calcul. 

20 SGIENCES PHYSIQUES. — M. R. Chudeau : a pres- 
sion atmosphérique en Afrique occidentale et équato- 
riale. À In Salah, le maximum est en janvier, le mini- 
mum en juillet. Au voisinage de l'équateur, le maximum 
principal est en juillet ou en août, le minimum en avril 
ou mai, Les stations égyptiennes permettent de suivre 
d'assez près le passage d’un type à l’autre. L’amplitude 
des variations annuelles atteint 8 mm. au Sahara, 4 aux 
stations continentaleset 2 aux stations littorales. La ma- 
rée diurne est très régulière et peut être observée pres- 
que tous les jours. — M.J. Pougnet: Action des rayons 
ultra-violets sur le chlorure mercurique dissous et sur 
quelques sels de mercure. L'auteur a constaté que sous 
l’action des rayons ultra-violets une solution de HgCl? 
se décompose avec dépôt de calomel; cette réaction est 
d’ailleurs réversible : en irradiant du calomel en suspen- 
sion dans l’eau et en agitant constamment, on observe 
la formation progressive de HgCl?. Les autres sels de 
mercure sont aussi décomposés par la lumière ultra- 
violette; ils résistent mieux à l’état sec. Il serait bon de 
conserver: les substances mercurielles altérables dans 
des flacons colorés en rouge orangé. — MM. Em. Bour- 
quelot et A. Aubry : Synthèse biochimique, à l’aide de 
la glucosidase «, du monoglucoside + du glycol proprlé- 
nique ordinaire. L'auteur a obtenu ce monoglucoside 
par action de la glucosidase : sur des mélanges de glu- 
cose et de glycolensolution dans l’eau distillée. L'action 
synthétisante croît proportionnellement à la teneur en 
glycol; mais, quand cette teneur dépasse 40 gr. pour 
100 cm*, l’action diminue rapidement et devient nulle 
pour 5o gr. Le glycol isopropylénique est donc plus 
toxique à l'égard de la glucosidase : que le glycol or- 
dinaire. 

30 SCIENCES NATURELLES. — M. A. Moutier: Les 
troubles de la circulation artérielle en rapport avec les 
circonstances de guerre. Tous les sujets revenant du 
front examinés par l’auteur présentent une hypoten- 
sion radiale, conséquence d'une vaso-dilatation péri- 
phérique, interdépendante et compensatrice d’une 
vaso-constriction interne. Par des applications de d’ar- 
sonvalisation à l’aide de la cage locale appliquée au 
niveau de l’abdomen, l’auteur a régularisé la tension 
artérielle et ramené la tension radiale à la normale. 
Certains blessés présentent également des troubles lo- 
caux de la circulation, qu’on peut traiter par la même 
méthode. — M. A. P. Dustin : Le procédé de parthé- 
nogenèse expérimentale de Delage et son mode d’appli- 
cation. L'auteur recommande, pour éviter des échecs 
dans la production de la parthénogenèse expérimentale 
au moyen du liquide de Delage au tannin ammoniacal, 
de diluer plus ou moins ce dernier avec de l’eau 


de mer ou une solution isotonique de saccharose. 
— M. A. Brachet: Sur l’évolution cyclique du cytoplasme 
de l'œuf activé, L'auteur a reconnu que les œufs d’our- 
sin activés par l'acide butyrique subissent, dans la com- 
position de leur cytoplasme, des changements d’allure 
cyclique qui se répèlent deux fois dans les 50 premières 
minutes de leur immersion dans l’eau de mer. Au début 
et à la fin de chaque cycle, la substance de l'œuf est 
perméable au spermatozoïde; dans les intervalles, elle 
est réfractaire. L'irradiation qui se produit constam- 
ment dans l'œuf d'oursin, 50 à 80 minutes après le début 
de l’activation, n'empêche pas la fécondation ; l’inhibi- 
tion a eu lieu deux fois déjà avant qu'elle n’apparaisse, 
Dans la fécondation normale, l'activation ne ferme pas 
son premier cycle parce qu'elle se continue directement 
dans les phénomènes préparatoires à la segmentation; 
l’inhibition primaire est donc définitive et une poly- 
spermie tardive est impossible, — Mile A. Raphael et 
M. V. Frasey: l'oxine du vibrion seplique et antitoxine 
correspondante. Le vibrion septique peut donner en 
24 heures une toxine très active; il est facile de la ti- 
trer, en quelques minutes, sur le lapin. L’immunisation 
du cheval contre ce poison se fail rapidement et sans 
danger. Le sérum ainsi obtenu manifeste, chez les ani- 
maux de laboratoire, des propriétés antitoxiqueset anti- 
infectieuses, à la fois vis-à-vis du vibrion septique et du 
Bacterium Chauvoei. — M. Ed. Heckel : Sur la trans- 
mission par graines des effets de la castration dans les 
tiges de maïs. Les essais de l’auteur montrent que la 
propriété saccharifère des tiges du maïs semble bien 
transmise par les graines à la suite de 4 années de cas- 
tration mâle pratiquée sans interruption sur une lignée 
continue. Sur cette race ainsi fixée, la castration, même 
tardive, a agi dans le sens de l'augmentation de la te- 
neur en saccharose et glucose jusqu’à doubler la quan- 
tité de sucre du non châtré au châtré. 


Séance du 27 Septembre 1915 


1° SCIENCES PHYSIQUES. — M. R. Chudeau: Za pluie 
et la tension de vapeur en Afrique occidentale et équa- 
toriale, L’auteur publie les valeurs moyennes des préci- 
pitations atmosphériques en 18 stations de l'Afrique 
occidentale et équatoriale. Elles sont encore trop incer- 
taines pour qu'il y ait lieu de modifier les cartes d’iso- 
hyètes actuellement publiées. On peut toutefois fixer 
avec précision la limite méridionale du désert, où, par 
définition, il ne tombe que despluies irrégulières, parfois 
abondantes, mais toujours rares, Cette limite part du 
cap Timiris (19° 22), atteint 15° au nord du Tchad et 
remonte jusqu'à 17° dans l'Ouadaï; à la rencontre de 
tous les massifs élevés, elle est déviée vers le Nord. — 
M. P. Vaillant : Sur les lois de l'écoulement des liqui- 
des par gouttes. Les lois du phénomène indiquées pré- 
cédemment par l’auteur (voir p. 320) se déduisent d’une 
loi plus générale qui est la suivante : Le poids p des 
gouttes est une fonction parabolique de la fréquence 
de chute N, de la forme : p— «D m8 N — n 7 (N° d), 
d et D étant les diamètres intérieur et extérieur du tube, 
m et n étant deux entiers qui peuvent prendre : = les 
valeurs 1 ou 2, 7. les valeurs 1, 2 ou 4,8 et 7 étant 
d'autre part deux constantes indépendantes du tube et 
caractéristiques du liquide, : un coeflicient également 
caractéristique du liquide, mais qui augmente légère- 
ment lorsque D diminue. Pour l’eau, au voisinage de 
200, 8 — 4,20, y —0,0157et x varie entre 1.400 et 1.600: 
Les entiers mn et n paraissent déterminés par le diamètre 
extérieur des tubes. Pour D inférieur à 5 mm. environ, 
on aurait »m — 1 avec r —1;pour D plus grand, m—2 
avec n — 4 si le diamètre intérieur d est petit, n — 2 s'il 


594 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉSISAVANTES 


est supérieur au millimètre. — MM. H. Le Chatelier et 
J. Lemoine : Sur l'hétérogénéité des aciers. Les auteurs 
ont appliqué le réactif de Stead à la caractérisation du 
phosphore dans les aciers. Les meilleurs résultats sont 
obtenus avec le mélange suivant:alcool méthylique 
rectilié pur, 100 cm; eau, 18cm*; HCI concentré, 2 cm* ; 
Cu CP cristallisé, 1gr,; Mg Cl crist., 4 gr. Ce réactif, 
appliqué à la surface de tous les aciers, fait apparaître 
une série de bandes parallèles très nettes. La formation 
de ces bandes n'est pas due exclusivement au phos- 
phore ;en son absence, elles peuvent être provoquées 
par la présence de tout autre corps soluble dans la 
ferrite et incapable de se diffuser, ou ne le faisant que 
très lentement :Si, Mn, Ni, Cr. Ces expériences mon- 
rent, d’une façon générale, l’hétérogénéité de tous les 
aciers. — M. J. Wolff et Mlle N. Rouchelmann : Sur 
les propriétés d'un chromogène universellement répandu 
dans les végétaux. Les auteurs ont vérifié, chez un grand 
nombre de familles végétales, l'existence de substances 
qui ont la propriété de s’oxyder à la manière des phé- 
nols sous l'influence de la laccase et de reprendre l’'H 
cédé lorsque, à cette action, on ajoute celles d’un iodure 
alcalin et d’un acide organique. Le gaïacol est le seul 
composé aromatique bien défini qui se rapproche du 
chromogène des végétaux. 

2° SCIENCES NATURELLES. — M. J. Bergonié: Sur 
une nouvelle méthode de traitement physique des séquelles 
de blessures : le massage pulsatoire pneumatique. Si 
l’on prend un grand tambour de Marey, c’est-à-dire une 
cavité close à parois rigides à l'exception d’une seule, 
souple et élastique, et qu'on applique cette dernière en 
maintenant l’appareil sur la face dorsale d’une main 
déformée par blessure, ankylosée, raidie, ou sur toute 
autre lésion cicatricielle, on peut, par des variations 
rythmées de pression transmises à ce tambour récepteur 
par un organe conjugué transmetteur, arriver à masser 
mécaniquement et très eflicacement ces’ blocs cicatri- 
ciels : c’est le massage pulsatoire pneumatique, L'appli- 
cation de cette méthode a donné des résultats particu- 
lièrement favorables avec toutes les séquelles de 
blessures dans lesquelles le massage agit d'ordinaire 
efficacement. — M. BP. Portier : Aésistance aux agents 
chimiques de certaines races du B. subtilis provenant 
des insectes. L'auteur a observé que certaines races de 
B. subtilis provenant d'insectes (larve du Tenebrio mo- 
litor, chenille du Myelois Cribrella) ont une résistance 
aux agents chimiques qui dépasse tout ce qui a été 
observé jusqu'ici. Ils vivent encore après traitement 
par:le phénol à 5°/, pendant plus de 50 h., le formol à 
20 2/, pendant plus de 25 h., la teinture d’iode au 1/10 
pendant plus de 24 h., le chloroforme pur pendant plus 
de 14 mois, l'alcool absolu, l’éther sulfurique et le chlo- 
roforme bouillants. — M. P. W. Stuart Menteath: 
Sur le Permien des Pyrénées occidentales. Le Permien 
des Pyrénées est souvent confondu avec le Trias. Il se 
compose de plusder5o m,d’argillite micacée d’un rouge 
intense avec deux banes de conglomérat quartzeux à 
géodes de quartz et de baryte, et il est surmonté par 
15 m. d’un poudingue représentant partout la base du 
Trias, Il repose toujours sur le terrain houiller, auquel 
il passe insensiblement. Cette concordance du Permien 
sur le Houiller est très importante au point de vue des 
recherches de houille, et il semble dès maintenant que 
ce dernier terrain est plus développé dans les Pyrénées 
qu'on ne le supposait, — M. J. Welsch : Les lignites 
nléistocènes de Bidart (Basses-Pyrénées). Il existe au 
sud de Biarritz des dépôts de lignite, dont l’âge est très 
voisin du Pliocène moyen;les plantes citées répondent 
à une flore différente de celle qu’on retrouve actuelle- 
ment dans ces mêmes régions. Il en résulte qu'il y avait 
de grandes vallées, déjà creusées au Pliocène; elles 
s'ouvraient à l'Ouest, comme celles d'aujourd'hui. Il 
n'existe aucune preuve certaine d'un déplacement du 
niveau du sol, submersion ou émersion, depuis l’époque 
de la formation du lignite pliocène, pour la région con- 
sidérée; le niveau de la mer pouvait être le même 
qu'aujourd'hui. 


Séance du h Octobre 1915 

1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. E. E. Barnard : 
Sur de grands mouvements propres soupconnés dans 
les étoiles voisines de l’amus Messier 11. L'auteur a exa- 
miné au stéréocomparateur Zeiss deux photographies 
de la région de l’amas Messier 11. obtenues le 29 juin 
1892 et le 13 août 1914, done séparées par un intervalle 
de 22 ans, et n’a pu apercevoir aucune trace de mouve- 
ment propre dans ces étoiles. Les conclusions différen- 
tes de M. J. Comas Sola (voir p. 529), basées sur l’exa- 
men de deux photographies séparées par un intervalle 
de trois ans seulement, semblent être le résultat d’une 
illusion, — M.C. Camichel : Sur les coups de bélier: 
conduite entièrement purgée. Par des expériences faites 
sur une conduite entièrement purgée d’air, l’auteur a pu 
vérifier la formule de MM. Joukovsky et Allievi don- 
nant la vitesse de propagation de l’onde et la formule 
du coup de bélier. Au moyen d’un robinet mû par un 
moteur, il a produit des résonances, comme dans le cas 
des poches d’air, et observé des ondes stationnaires; en 
faisant varier la vitesse du robinet, il a mis en évidence 
le coup de bélier fondamental et les 2°, 3°, 4° et 5° har- 
moniques. 

2° SCIENCES PHYSIQUES. — MM. A. Debierne et Cl. 
Regaud : Sur l'emploi de l’émanation du radium con- 
densée en tubes clos à la place des composés radifères, 
et sur le dosage de l'énergie dépensée dans les'applica- 
tions radioactives en général. On sait que les propriétés 
utilisables en radiothérapie d’un appareil contenant du 
radium appartiennent, non au radium lui-même, mais 
à l’émanation. En extrayant celle-ci par le vide des so- 
lutions radiques, puis la condensant, à l’aide de l’air li- 
quide, dans de petits tubes de verre qu’on scelle ensuite 
au chalumeau, on obtient des appareils dont l’applica- 
tion locale produit les mêmes effets biologiques que 
celle des appareils à sels de radium. Pour le dosage de 
la radioactivité dépensée dans toutes les applications 
locales, les auteurs proposent d'adopter le millicurie 
d'émanation détruite, facile à calculer d’après la 
mesure de la radioactivité faite au moment de la prépa- 
ration du tube et le temps écoulé depuis lors. — 
M. A. Coilson : Des chaleurs dégagées par un corps so- 
lide passant a l'état de dissolutions saturées ou diluées. 
Cas du sel marin. La chaleur de saturation moléculaire 
du sel marin, qui répond sensiblement à 460 frigories 
vers 150, varie peu de part et d'autre de cette tempéra- 
ture. Au contraire, à l’état dilué (12,5 gr. Na CI dans 
un litre d’eau), l’effetthermique produit par la dissolu- 
tion vers 7° dépasse 1640 frigories et diminue de 27 °/o 
à 220, De plus, cet effet thermique s'abaisse encore de 
4°/o quand la dilution passe de 12,5 à 36 gr. de sel par 
litre d’eau. En un mot, pour les solutions diluées de 
sel marin, il n'existe pas de régime thermique per- 
manent, caractérisé par une chaleur de dissolution cons- 
tante. — M. B. Bogitch : Sur la solubilité réciproque 
du cuivre et du plomb. Le plomb et le cuivre fondus 
ensemble forment une double couche lorsque la teneur 
en cuivre dépasse 34,5 et est inférieure à 89 0/0. Cette 
double couche liquide ne peut exister qu'entre la tem- 
pérature de solidification de la couche supérieure (940°) 
et la température de 975° au-dessus de laquelle l’auteur 
n’a pu constater aucune différence dans la composition 
du haut et du bas de la masse liquide. 

3° SCIENCES NATURELLES. — M. A. Heim : Sur la géo- 
logie de la partie méridionale de la Basse Californie. 
L'auteur a étudié en particulier la région centrale de 
la partie méridionale de la Basse Californie, considérée 
en général comme appartenant au Crétacé supérieur. Il 
y a trouvé les terrains suivants : Gligocène (?), Miocène, 
Pliocène, Quaternaire, Pléistocène marin (en discordance 
sur le précédent), formations récentes. Le Miocène est 
traversé par des veines basiques etrecouvert de nappes 
delaves balsatiques très étendues. — M. H. Douvillé: 
Les Orbitoides de la presqu'île de Californie. L'auteur 
a déterminé des Orbitoïdes trouvées par M. Heim 
dans des grès de la base du Tertiaire. Ce sont des 


| 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


Orthophragmina très proches de l'O, Pratti, ce qui per- 
met d'attribuer à l'Eocène supérieur les couches où elles 
se rencontrent. 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 


Séance du 14 Septembre 1915 


M. Ad. d'Espine et Mlle Cottin: Un cas de brady- 
cardie vraie par dissociation totale auriculo-ventricu- 
laire chez un garçon de neuf ans. L'état de cet enfant se 
caractérise par la lenteur du pouls, qui est régulier et 
bat 30 pulsations à la minute; cette bradycardie est 
vraie, c’est-à-dire que le nombre des pulsations cardia- 
ques est le même que celui des pulsations radiales. Les 
soulèvements auriculaires, équidistants, sont au nombre 
de 10/4 par minute; leur rythme est régulier, mais abso- 
lument indépendant de celui du ventricule, qui ne ré- 
pond, en moyenne, qu'une fois sur quatre à l'excitation 
partie de l’oreillette, Il y a donc dissociation auriculo- 
ventriculaire complète. L'épreuve de l'atropine montre 
que la bradycardie est liée à une lésion du faisceau de 
His. Celle-c: est probablement d'origine syphilitique et 
intra-utérine, la réaction de Wassermannétant positive, 


Séance du 21 Septembre 1915 


M. Th. Tuffier : De la désinfection précoce des ptaies 
de guerre. L'auteur montre l’importance de cette ques- 
tion, l'infection étant la règle dans les plaies de guerre 
et les 95}, des amputations lui étant uniquement dus, 
Aussi il faut pratiquer cettedésinfection le plus tôt pos- 
sible, au poste de secours ou à l’ambulance immobili- 
sée. Comme technique générale : 1° combattre le choc; 
2° préciser par laradiographie l'existence ou le siège des 
projectiles ou la nature des fractures; 3° faire une nar- 
cose à l’éther, sauf contre-indications; 4 nettoyer la 
peau à l'essence, à la teinture d’iode, en protégeant bien 
la surface de la plaie; irriguer la plaie dans toutes ses 
parlies avec l’hypochlorite de soude préparé suivant la 
méthode de Dakin, en l’explorant prudemment du stylet 
ou du doigt et extirpant tous lescorps étrangers; Bofaire 
le pansement de Carrel avec le liquide de Dakin, Par 
cette méthode, on évite toute suppuration et la tempé- 
rature du blessé se maintient à la normale. — MM. A. 
Sarrailhé, P. Armand-Delille et Ch. Richet fils : 
Note sur l'épidémie de fièvre de trois Jours (dengue d'O- 
rient) observée aux Dardanelles sur les troupes du corps 
expéditionnaire d'Orient. Les auteurs ont observé une 
affection ressemblant à la dengue, caractérisée par une 
fièvre de 3 jours, accompagnée de courbatures muscu- 
laires et osseuses très douloureuses, et suivie quelque- 
fois d’une rechute de durée variable après la défer- 
vescence, Cette affection estexceptionnellementéruptive, 
à la différence de la dengue, qui est toujours accompa- 
gnée d'exanthème avec desquamation. Ce qui semble 
confirmer la différence entre les deux maladies, c’est que 
la première est transmise par un Diptère piqueur spé- 
cial, le Phlebotomus Papatasii, constamment observé 
dans les foyers de la maladie, et non par le Culex fati- 
sans, agent causal de la dengue d'Extrême-Orient, 


Séance du 28 Septembre 1915 


M. le Président annonce le décès de M. M. Oui, cor- 
respondant national. 

M. le Dr Rosenblith Contribution à l'étude des 
effets thérapeutiques du chlorure de magnésium. Le 
Pansement au chlorure de magnésium, auquel l’auteur 
est arrivé par la voie clinique, luia donné des résultats 
identiques à ceux de MM. Delbet et Karajanopoulo, 
qui y sont arrivés par la voie expérimentale. Ces résul_ 
tats montrent qu’en utilisant l’action du Mg CI? sur la 
phagocytose étudiée par ces auteurs et les propriétés 
inhibitrices et cyto ou histogéniques observées par le 
D'Rosenblith, on peut obtenir une cicatrisation plus 
rapide en évitant la Suppuration prolongée, qui est une 


des causes de l’incurabilité provisoire ou délinitive d’un 
grand nombre de nos blessés. — M, L. Bernard : Les 
infections typhoïdes et la vaccination antityphoide. En 


réunissant les cas d'infection paraty phique et les cas à 
bacilles d'Eberth observés par l’auteur, la gravilé géné- 
rale est chez les vaccinés de 19, 4 °/, et chez les’ non 


vaccinés de 29, à °/,. La mortalité générale est, chez les 
non-vaccinés, de 17, 2 °/ et chez les vaccinés de 5,6 v/.. 
La vaccination abaisse donc la mortalité des deux-tiers. 
Et comme cette mortalité, dans la série présente, est 
exclusivement le fait des infections paratyphiques, on 
voit à quel degré elle serait réduite si la vaccination 
avait été pratiquée avec du vaccin triple et non avec du 
vaccin simple. 


Seance du 5 Octobre 1915 


M. À. Pinard: La protection de l'enfance pendant la 
Premiere année de guerre dans le camp retranché de 
Paris. L'auteur montre qu'au cours de la première 
année de guerre, dans le camp retranché de Paris : 1° la 
mortinatalité a diminué; 2° la mortalilé maternelle 
puerpérale a diminué; 30la mortalité infantile totale 
de zéro jour à trois ans a été sensiblement la même que 
l’année précédente; 4° cette mortalité a été grevée dès 
les premiers mois (août et septembre) par l’entérite et 
la diarrhée cholériforme : 446 en 1913-1914, 602 en 
1914-1915, et par l'épidémie de rougeole qui a sévi pen- 
dant toute l’année de guerre : 234 décès en 1913-1914, 
650 en 1914-1915; 5° la mortalité de zéro jour à trois 
mois a diminué ; 6° la mortalité par débilité congénitale 
a diminué; 7° le nombre des enfants abandonnés a di- 
minué; 8° la durée de la gestation a été prolongée ; 
9° le poids moyen desenfants au moment dela naissance 
aaugmenté.Cesrésultats, qui proviennent des mesures de 
protection de l’enfanceinstituées dès le début de la guerre, 
montrent la nécessité d’incorporer un organisme analo- 
gue dans l’organisation sociale prochaine de la France. — 
MM. Al. Carrel, Dakin, Daufresne, Dehelly et 
Dumas : {raitement abortif de l'infection des plaies. 
Les auteurs exposent leur méthode de stérilisation des 
plaies de guerre, toujours infectées, qui repose sur 
l'emploi de la solution d'hypochlorite de soude prépa - 
rée par la méthode de Dakin, Le traitement, qui doit 
toujours être très précoce, comprend : le nettoyage 
mécanique de la plaie, puis la stérilisation chimique ; 
les membres atteints de fracture sont soigneusement 
immobilisés; les lèvres d’une plaie ne sont réunies que 
lorsqu'elle est devenue aseptique, 


ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM 
Séance du 23 Avril 1915 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. Jan de Vries : Une 
congruence bilinéaire particulière de courbes gauches 
rationnelles du cinquième degré. Suite d’un travail pré- 
senté dans la séance précédente, L'auteur part mainte- 
nant d’un réseau de surfaces réglées cubiques, qui ont 
une droite double. — M, Jan de Vries: Congruences 
bilinéaires de courbes gauches elliptiques et hyperellip- 
tiques du cinquième degré. L'auteur considère un réseau 
de surfaces cubiques, dont touslesindividus ont en com- 
mun une courbe rationnelle du quatrième degré. — 
M. L. E.J. Brouwer : Remarque sur les ensembles 
limites intérieurs. — M. WY. de Sitter : Sur le rayon 
moyen de la Terre, l'accélération due à la pesanteur etla 
parallaxe de la Lune. Nouveau calcul de ces grandeurs 
importantes en Astronomie, — M. WW. de Sitter : Sur 
l'isostasie, les moments d'inertie et l’'aplatissement de la 
Terre. Considérations dont la conclusion est qu'aucune 
methode de détermination de l'aplatissement de la Terre 
n'est aussi précise que celle déduite de la constante de 
la précession. — M. W. de Sitter : Le mouvement du 
périgée et du nœud et la constitution de la Lune. L'auteur 
conclut de ses considérations que la Lune n'est pas 
constituée conformément à la théorie de Clairaut ; il 


596 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


tâche d’en donner une explication. — MM. E. F. van 
de Sande Bakhuyzen et W. de Sitter présentent un 
travail de M J. Woltjer Jr.: Observations de la Lune 
pendant l'éclipse de Soleil du 21 août 1914 etdu passage 
de Mercure Le 7 novembre 1914, effectuées à l'Observa- 
toire de Leyde. Pendant l’éclipse de Soleil du 21 août 1914, 
le Soleil et la Lune passaient au méridien ; à l’aide du 
cercle méridien, la déclinaison du bord sud de la Lune 
fut déterminée. Lors du passage de Mercure, les ins- 
tants des contacts intérieurs et extérieurs furent déter- 
minés à l’aide du grand réfracteur de 266 mm. 

2° SCIENCES PHYSIQUES, — M, F. A. H. Schreinema- 
kers: Zquilibres dans les systèmes ternaires. X VIIL. 
Examen théorique de quelques cas d'équilibre entre des 
phases solides et la vapeur. — MM. J. D. van der 
Waals et A. F. Holleman présentent un travail de 
MM. A. Smitset S. C. Bokhorst : Sur les courbes de 
tension de vapeur du système phosphore. IV. Nouvelles 
déterminations des tensions de vapeur du phosphore 
blanc liquide; elles ont appris que les déterminations 
précédentes (communiquées dans la séance du 27 mars) 
sont inexactes, par suite d’un autoéchauffement du 
liquide, dù à sa transformation en phosphore violet. 
D'après ces nouvelles déterminations, les courbes de 
tension de vapeur du phosphore blanc liquide et du 
phosphore violet liquide constituent une seule et même 
courbe, pouvant être représentée par une seule formule ; 
le phosphore blane liquide est done bien du phosphore 
violet liquide en surfusion. — MM. P. van Romburgh 
et H. Haga présentent un travail de M. F. M. Jaeger: 
Recherches sur le principe de Pasteur concernant la 
relation entre l’asymétrie moléculaire et l’asymétrie 
physique. 11. Description cristallographique des sub- 
stances qui ont servi aux recherches décrites dans la 
première partie du travail (communiquée dans la séance 
précédente), — MM. P. van Romburgh et Ernst Cohen 
présentent un travail de MM.F. M. Jaeger et Jul. 
Kahn : Recherches sur le coefjicient de température de 
l'énergie moléculaire de la surface libre de liquides 
entre — 80° et 1650° C. IX. L'énergie superficielle 
d'amines aliphatiques homologues. Le remplacement 
d’atomes H dans la molécule NH* par des résidus hydro- 
carbonés fait croitre régulièrement la tension super- 
ficielle. Les coeflicients de température de l'énergie 
superficielle moléculaire sont généralement petits, 
surtout pour les amines primaires. Le remplacement de 
H par des résidus hydrocarbonés non saturés augmente 
l'énergie superficielle plus que le remplacement par des 
radicaux saturés. — MM. H. A. Lorentz et H. Kamer- 
lingh Onnes présentent un travail de MM. A. Einstein 
et W. J. de Haas: Preuve expérimentale de l’exts- 
tence des courants moléculaires d'Ampère. S'il est vrai 
que le magnétisme est dù à des électrons circulant en 
cercle autour de la molécule, il faut que la molécule 
magnétique se comporte comme un gyrostat, dont l'axe 
coïncide avec l'axe magnétique, c’est-à-dire qu’elle doit 
avoir un moment de quantité de mouvement de même 
direction que le moment magnétique. Si l’état magné- 
tique change, les gyrostats changent en méme temps 
d'orientation et lemoment de la quantité de mouvement 
change aussi, Or, la loi de la conservation de la quan- 
tité de mouvement exige que ce changement soit com- 
pensé par un autre moment de quantité de mouvement, 
de nature mécanique, c’est-à-dire qu’un couple doit agir 
sur le corps, qui se mettra à tourner. C'est l'existence 
de cet effet qui est démontrée dans ce travail, — 
MM. Ernst Cohenet S. Wolff : L'allotropie du sodium. 
I. Observations dilatométriques ayant pour but de 
fixer les limites de stabilité des deux formes de sodium, 
dont l'existence avait été établie récemment (séance du 
30 décembre 1914) par MM. E. Cohen et G. de Bruin, 
et d'examiner Si l’on a affaire à un cas d’énantiotropie 


ou de monotropie. Le point de transformation, dont ces 
auteurs avaient présumé l'existence, n'existe pas en 
réalité, de sorte que le sodium est monotrope. 
— MM. J. Bocke et F. A. H. Schreinemakers présentent 
un travail de M. A. B. Droogluver Fortuyn : La décolo- 
ration de solutions de fuchsine par le carbone amorphe. 
L'auteur a observé qu'une solution de fuchsine, déco- 
lorée par le carbone, puis filtrée, reprend à la longue 
en grande partie sa couleur; il se borne à mentionner 
le fait sans l'expliquer. — M. P. van Romburgh : Sur 
l’action de lu méthyléthylcétone sur la tétranitrophéné- 
thylméthylnitramine-2 :3 : 4: 6. 

3 SCIENCES NATURELLES. — M. J. Boeke : Sur la 
structure et l'innervation du muscle sphincter de la 
pupille et du muscle ciliaire dans l'œil d'oiseau. — 
MM. L. Bolk et J. Boeke présentent un travail de 
M. W. A. Mysberg : Sur la structure de la paroi mus- 
culeuse de l'abdomen des Primates. Chez les Catarrhi- 
niens et les Platyrrhiniens, il existe entre les muscles 
oblique externe et oblique interne de l'abdomen une 
membrane, que l’auteur appelle membrana abdominis 
intermedia; description de cette membrane et de ses 
rapports avec le musele droit. — MM. F. A. F. C. Went 
et J. W. Moll présentent un travail de M. W. Docters 
van LeeuwenetMad.J.Docters van Leeuwen-Reyn- 
vaan: Sur la germination des-graines de quelques Loran- 
thacées javanaises. Malgré de grandes différences, ilya 
beaucoup d’analogie dans la germination des graines 
des diverses espèces examinées. La germination des 
espèces de Viscum est la plus simple; elle ressemble 
beaucoup à celle de diverses graines d’épiphytes. C'est | 
chez les Loranthus pentandrus et prælongus que la ! 
germination est la plus spécialisée; chezces espèces, elle 
s’effectue le plus rapidement et les plantules atteignent 
le plus vite leur hôte. — M. H. Zwaardemaker : Sur 
la mesure du son. Exposé des règles qui, dans ces der- 
nières années, ont été reconnues comme ‘les plus pra- 
tiques pour la mesure du son;elles se rapportent à la 
mesure physiologique du son, à la mesure physique et à 
l'obtention de sources sonores ponctuelles. — MM. J: 
K.A. WertheimSalomonsonetH.Zwaardemaker présen- 
tent un travail de M. S. de Boer : Sur le rythme du 
cœur. Mesure de l'intervalle qui sépare le commence- 
ment de la systole de l'oreillette et le commencement de | 
la systole ventriculaire suivante. Cet intervalle ne repré- 
sente pas seulement la durée de propagation de l'exci- 
tation de l'endroit où elle atteint l’oreillette jusqu'à 
celui où elle atteint le ventricule, mais encore le temps 
qu'il faut à l'excitation pour affecter le ventricule, c'est- 
à-dire la durée d’excitation latente. L'existence de cette 
durée est montrée sur quelques électrogrammes. — 
MM. C.E. A. Wichmannet W. H. Julius présentent un 
travail de M. C. G. S. Sandberg: Sur une explication 
possible du volcanisme. Il est inadmissible que l’eau de 
mer vienneen contact avec le magma liquide par de 
profondes fissures, mais il est possible que les gaz vol- 
caniques proviennent de la décomposition d’eau de mer 
contenue dans des sédiments marins.Ces sédiments 
seraient les produits d’érosion des géo-anticlinaux, 
déposés sous la mer dans les géo-synclinaux. Les roches 
sédimentaires descendraient de plus en plus baspar 
l'accumulation continuelle de nouveaux produits d’éro- 
sion, et finalement elles seraient elles-mêmes plastiques 
ou liquides; l’eau prendrait une tension excessivement 
grande et la vapeur, entrainant des masses plastiques, 
se dégagerait à travers les fissures du géo-antielinal. 


J-E'0VE 


Le Gérant : Octave Doix. 


Sens. — Imp. Levé, 1, rue de la Bertauche, 


26° ANNÉE 


N°21 


15 NOVEMBRE 1915 


Revue générale 


DS Scienc 


pures et appliquées 


FONDATEUR : 


LOUIS OLIVIER 


Dinecreur : J.-P. LANGLOIS, Docteur ès Sciences 


Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. J.-P. LANGLOIS, 8, place de l'Odéon, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des 
travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France eten pays étrangers y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


$ 1. — Nécrologie 


Edouard Prillieux. — Ed. Prillieux, né à Paris 
en 1829, vient de mourir dans sa propriété de la Malé- 
elèche (Loir-et-Cher) le 7 octobre 1915, après une lon- 
gue vie consacrée à la science et à la défense agricole 
contre les ennemis des végétaux. 

Élève distingué de l’Institut agronomique de Ver- 
sailles, fondé en 1850 par la seconde République, sup- 
primé par l'Empire en 1853, il eut pour maitre Duchar- 
tre, qui présidait alors aux expériences de destruction 
de l’oïdium par la fleur de soufre. 

Malgré la fermeture de l’Institut de Versailles, il put 
jouir de la mission accordée au meilleur élève, et ilfut 
chargé d'étudier les vignobles dévastés par l’oïdium et 
de surveiller les traitements institués par Duchartre. Il 
inaugurait ainsi à sa sortie de l’Institut agronomique 
les premières observations de la Pathologie végétale 
qu'il a illustrée par ses travaux, dont il a créé plus tard 
l'enseignement et organisé le premier Laboratoire de 
recherches. 

Toutefois, les premiers travaux de Prillieux concer- 
nent seulement la Botanique et sont consacrés à des 
observations anatomophysiologiques excellentes sur 
les Orchidées. Après avoir fait connaître l’origine radi- 
eulaire des bulbes d’Orchis et confirmé les résultats 
contestés de Thilo Irmisch, il a étudié en détail les di- 
verses formes de l'appareil végétatif de ces plantes; il 
a montré que l'embryon reste rudimentaire et qu'il 
germe en formant un bulbe transitoire muni de poils 
radicaux, développant plus tard des feuilles et des ra- 
cines. Chez une espèce européenne, le Corallorhyza 
innata, cet état transitoire persiste longtemps et les 
racines ne se forment pas. 

C’est à Prillieux qu'on doit l'observation de l’exis- 
tence, dans les cellules de la racine de certaines Orchi- 
dées, d'un mycélium dont les filaments s'étendent dans 
l’'humus avoisinant : premier exemple du symbiotisme 
maintenant si répandu et caractérisé par les mycorhyzes. 

Les effets mortels de la gelée sur les végétaux étaient 
attribués souvent à la déchirure des tissus par la glace 
qui y avait pris naissance. Prillieux montre que, sous 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 


l'influence du froid, les cellules sont tuées et le proto- 
plasme laisse extravaser la plus grande partie de son 
eau qui cristallise dans les méats en aiguilles plus ou 
moins volumineuses. Au moment du dégel, l’eau de 
fusion s'échappe et les tissus se fanent. Ces données ont 
été vérifiées par de nombreuses observations faites au 
moment du grand hiver 1879-1880. 

L'œuvre de Prillieux, déjà importante, avait attiré 
l'attention. En 1874, il était nommé professeur de Phyto- 
technie à l'Ecole centrale. En 1876, au moment de la 
reconstitution de l'Institut national agronomique à 
Paris, il fut appelé à la chaire de Botanique pour y re- 
prendre, à 25ans de distance,l'enseignement que Duchar- 
tre avait créé à Versailles. 

Pénétré de l'importance que présente, pour de futurs 
agriculteurs, la connaissance des maladies des plantes 
et des moyens de préservation, il fit une large place, 
dans son enseignement, à la Pathologie végétale. 

Désormais sa voie était tracée et, depuis ce moment, 
toute son activité fut employée à perfectionner noscon- 
naissances sur cette branche un peu trop négligée de la 
Cryptogamie et dépourvue, comme elle, d'enseignement 
officiel. De nombreuses missions accomplies avec succès 
sur le phylloxéra, le mildiou, le black-rot, lui ont permis 
de préciser certains points de l’évolution de ces redou- 
tables parasites et de diriger plus eflicacement les 
traitements destinés à atténuer leurs ravages, 

La création du Laboratoire de Pathologie végétale, 
le premier laboratoire de ce genre en Europe, d'abord 
annexé à l’Institut agronomique, puis plus tard indé- 
pendant, vint fournir de nombreux sujets de recherches 
à son activité toujours en éveil. Grâce aux matériaux 
récoltés dans les nombreuses missions dont il futchargé, 
ou apportés au laboratoire par les cullivateurs empres- 
sés de chercher ses conseils, Prillieux put, soit seul, soit 
avec son élève Delacroix, étudier la plupart des mala- 
dies des plantes agricoles, fruitières ou forestières, et le 
plus souvent il a réussi à découvrir, puis à isoler le 
parasite auteur des dommages et à formuler les meil- 
leurs moyens d’enrayer son action. 

Signalons au hasard, parmi ses nombreuses publica- 
tions originales, des mémoires: sur les maladies des 


598 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


Céréales, couronné par l'Académie des Sciences; sur le 
Seigle enivrant; sur la momification des fruits du 
Cognassier ; sur diverses maladies de la Betterave; sur 
le javart qui décime les taillis de Châtaignier; sur le 
Piétin du Blé, dont l'origine parasitaire n'avait pas 
encore été soupçonnée; sur la nuille des Melons; sur les 
diverses affections d’origine bactérienne, sur les mala- 
dies vermiculaires des plantes; etc. 

En 1805, Prillieux complète son œuvreen publiantun 
livre sur les maladies des plantes, où la documentation 
précise et complète ne le cède pas à la clarté de l’expo- 
sition. À côté du résumé des travaux étrangers, ses 
recherches propres et celles de son élève Delacroix tien- 
nent une grande et légitime place. 

L'apparition de cet ouvrage fit sensation, car, en 
dehors du magistral traité de Viala sur les maladies 
de la Vigne, il n'existait en France aucun livre de ce 
genre. C’est un modèle auprès duquel les manuels alle- 
mands paraissent prétentieux et indigestes. 

Prillieux avait le droit de se reposer et de considérer 
son œuvre avec fierté : il avait créé l’enseignement de la 
Pathologie végétale en France, installé une station de 
recherches qui devait devenir la clé de voûte d’une 
organisation défensive contre les parasites végétaux. 
Mais il n’était pas de ceux qui acceptent un repos pré- 
maturé, Lorsque la retraite vint l'enlever à l’enseigne- 
ment qui lui était si cher, il se consacra tout entier à la 
Station de Pathologie végétale et il continua, dans les 
sociétés scientifiques et dans les commissions agricoles, 
à apporter les précieux conseils de sa haute expérience. 

Membre de l’Académie d'Agriculture depuis 1896, il 
fut à plusieurs reprises Président de la Société Botani- 
que de France et de la Société mycologique. En 1890, 
l'Académie des Sciences l’admit dans la section de 
Botanique, où il remplaça Naudin. 

Très attaché à son pays d'adoption, il avait su gagner 
l'estime et l’affection de ses concitoyens par la fermeté 
de ses conviclions, par sa droiture étrangère aux com- 
promissions. C'était un savant modeste et un homme 
de bien dont le souvenir sera pieusement conservé par 
ses confrères, ses élèves et ses amis. 

L. Mangin, 
Membre de l’Institut, 
Professeur au Muséum d'Histoire naturelle. 


$ 2. — Physique 


L'équivalent mécanique de la lumière. — 
La détermination de l'équivalent mécanique de la lu- 
mière a été l’objet de nombreuses recherches de la part 
de Tumlirz, Angstrüm, Buisson et Fabry, etc. On définit 
ainsi le nombre des unités d'énergie équivalentes à 
l'énergie rayonnante visible, émise pendant l'unité de 
temps dans un angle solide égal à l'unité, par une 
source ayant l’unité d'intensité lumineuse, La détermi- 
nation de cette grandeur e suppose la mesure de la 
quantité totale d'énergie E émise par la source et du 
rapport ce de l'énergie visible e à l'énergie totale E 


(e=ÿ) 


En réalité, on sait que dans le spectre visible la sen- 
sibilité de l’œil varie énormément avec la longueur 
d'onde et que les diverses radiations simples sont 
d’une utilité très différente ; les radiations qui sont sur 
les confins du spectre visible ne contribuent pour ainsi 
dire pas à la vision. 

Aussi y a-t-il intérêt pour le physicien et pour l’ingé- 
nieur à modifier la définition précédente de l'équivalent 
mécanique et à définir la lumière comme un flux 
d'énergie radiante évalué en raison de sa capacité à pro- 
duire la sensation lumineuse. 

Il serait plus logique de prendre comme unité de flux 
lumineux un flux d'énergie égal à un watt et dont la 
longueur d'onde corresponde à la sensibilité lumineuse 
maxima de l’œil. Ou bien de prendre simplement comme 
unité de flux lumineux le watt et de rechercher combien 
de walts sont nécessaires à la production d’un flux 


égal à un lumen! pour un rayonnement monochromati- 
qué correspondant à la sensibilité maxima?. 

Toutes les méthodes de mesure de l’équivalent méca- 
nique de la lumière supposent l'évaluation d’un même 
flux lumineux en watts et en lumens. En réalité, le plus 
souvent la valeur du flux lumineux en watts doit être 
déduite de la valeur du rayonnement total et de celle 
du rendement lumineux. On peut classer en trois grou- 
pes différents les méthodes utilisées. 

1 Méthodes graphiques utilisant la distribution de 
l'énergie dans le spectre.— Ainsi Nernst a mesuré l'éclat 
du corps noir ; la valeur totale du flux rayonné par un 
centimètre carré dans l'angle solide unité pour les diffé- 
rentes températures a été l’objet de nombreuses déter- 
minalions el la distribution de l’énergie à travers le 
spectre a été calculée par la relation de Wien. En 
multipliant les ordonnées de cette dernière courbe par 
la sensibilité de l’œil pour les différentes longueurs 
d'onde, on obtient une nouvelle courbe, dont l'aire, 
comparée à l’aire de la courbe de Wien, donne le rende- 
ment lumineux effectif, Le produit de la puissance 
rayonnée par ce rendement lumineux fournit l’expres- 
sion du flux lumineux en watts qu’il suflit de comparer 
au flux lumineux évalué en lumens. 

Des mesures effectuées par Yves sur la lampe à incan- 
descence lui ont permis d'établir que le lumen vaut 
environ 1/800 de watt, s 

o° Méthodes dans lesquelles l'évaluation de la puis- 
sance lumineuse s'obtient par l'emploi d’un milieu ab- 
sorbant.— Imaginons un écran absorbant dont la trans- 
mission soit donnée par la courbespectrale de sensibilité 
de l'œil avec un maximum de transmission égal à 
l'unité. Mesurons en unités absolues le rayonnement 
transmis. Evaluons le flux lumineux de la même source 
en lumens. Le quotient donne l'équivalent de la lumière. 

Cette méthode, suggérée par Houstoun, est la plus 
simple et la plus directe, à condition de connaitre la 
courbe de sensibilité de l'œil et d’avoir obtenu le milieu 
absorbant idéal. Aucune des déterminalions faites par 
cette méthode n’a été publiée. 

3° Méthodes utilisant un rayonnement monochromati- 
que. — Ces méthodes, dont le principe ne diffère pas 
des précédentes, présentent quelques avantages. Par 
exemple, la valeur obtenue pour l'équivalent mécanique 
d’une radiation monochromatique a une valeur indé- 
pendante de la courbe spectrale de sensibilité de l'œil 
choisie par l’expérimentateur. La grande difliculté d’ap- 
plication réside dans la mesure photométrique des lumiè- 
res colorées. 

MM. Buisson et Fabry, étudiant par cette méthode la 
radiation verte monochromatique du mercure, ont 
trouvé que le watt vaut 1/690 de lumen. 

MM. Yves, Coblentz et Kingsbury se sont proposé 
d'obtenir avec une précision aussi grande que possible 
la valeur du lumen en fonction du watt. Les méthodes 
utilisées, qui appartiennent aux 2* et 3° groupes, ont per- 
mis d'établir que la production du lumen nécessite 
617,8 watts. d 

La principale incertitude du résultat provient du côté 
physiologique. Elle disparaitra lorsqu'un nombre sufli- 
sant de recherches aura permis d'établir la courbe de 
sensibilité spectrale pour l'œil moyen, Les expériences 
faites sont d’ailleurs indépendantes de cette courbe et le 
résultat pourra être aisément modifié. 

Ces tentatives en vue de réduire le nombre des unités 
physiques et d'exprimer la quantité de lumière en unités 
d'énergie sont intéressantes, aussi bien pour le physicien 
que pour l'ingénieur, et méritaient d’être signalées, 

A. B 


1. On rappelle que le lumen est la lumière produite par 
une source d'intensité lumineuse uniforme de 1 bougie dans 
un angle solide de 1 sphéradian, c'est-à-dire un angle solide 
découpant une surface de 1 mètre carré dans une sphère 
ayant 1 mètre de rayon. 

‘9. Yves, Coucenrz et KinGsBurY : Physical Review, avril 


1915. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 599 


—————— 7 ————————————— —+ 


Un grand progrès dans la téléphonie sans 
fil.— La téléphonie sans fil vient d'accomplir un im- 
mense progrès par la transmission, réalisée pour la pre- 
mière fois le 29 septembre dernier, de la voix humaine 
par les ondes hertziennes d’Arlington à San Francisco, 
à travers toute l'étendue des Etats-Unis. 

Les premiers essais de transmission sans fil dela pa- 
role, dus à Fessenden, n'avaient couvert qu'une dis- 
tance de 20 kilomètres à peine, entre Brant Rock et 
Plymouth. Des perfectionnements successifs permirent 
d'augmenter progressivement cette distance jusqu'à 
650 kilomètres, où l’on atteignait la limite d'emploi des 
modulateurs au carbone. Depuis lors, on n'avait réalisé 
aucun progrès nouveau, 

En ces dernières années, toutefois, les ingénieurs de 
l'American Telephone and Telegraph Company avaient 
repris l'étude du problème, en cherchant à développer 
des instruments capables de moduler les grandes puis- 
sances qui sont nécessaires dans les transmissionssans 
fil, Au commencement de cette année, la Compagnie 
édifiait une station à Montauk Point, d’où elle télépho- 
nait sans fil, par un nouveau procédé, d’abord avec la 
station de Wilmington, à 320 kilomètres, puis avec celle 
de l'ile Saint-Simon, à 1.600 kilomètres. Le possibilitéde 
communications à longue distance ayant été démon- 
trée, la Compagnie empruntait ensuite la grande sta- 
tion d'Arlington, appartenant à la Marine des Etats- 
Unis, et le 27 août des conversations très claires étaient 
échangées avec la station navale de Darien, dans 
l’isthme de Panama, éloignée de 3.400 kilomètres. En- 
fin, le 29 septembre, une expérience décisive était pré- 
parée : des récepteurs étaient disposés aux stations na- 
vales de Mare Island, près San Francisco, et de San 
Diego (Californie), distantes respectivement de 4.000 et 
3.700 kilomètres d’Arlington. Peu après midi, M.Th.N. 
Vail, président de la Compagnie, s’entretenait d’une 
façon parfaitement intelligible avec M, J. J. Carty, 
ingénieur en chef, à Mare Island. 

Celte conversation était entendue simultanément à 
San Diego, à Darien et — fait encore plus remarquable 
—- à la petite station de Pearl Harbour, près d'Hono- 
lulu, dans les iles Hawaï, à une distance de 7.850 kilo- 
mètres. En ce dernier poste, la voix était beaucoup plus 
faible et interrompue par des phénomènes d'interférence 
statique, mais on perçut distinctement un grand nombre 
de mots et des phrases entières. 

L'American Telephone and Telegraph Company a 
gardé, pour des raisons faciles à comprendre, le secret 
sur les appareils qui lui ont donné de si remarquables 
résultats. Mais, dans les cercles compétents des Etats- 
Unis, on estime que ces résultats sont principalement 
dus à l'emploi des relais thermoioniques comme « répéti- 
teurs chantants » pour la génération des oscillations à 
haute fréquence, d'appareils analogues pour moduler 
les radio-fréquences de grande puissance ainsi obte- 
nues, et d'amplificateurs supplémentaires pour aug- 
menter la réponse à la station réceptrice, 

Les ingénieurs de la compagnie estiment que l’éta- 
blissement de communications radiotéléphoniques ré- 
gulières entre les Etats-Unis et l’Europe sera possible 
dès la fin de la guerre, 


$S 3. — Photographie 


Le voile dichroïque. — Comme l'indique l’épi- 
thète que lui ont donnée les photographes, le voile 
dichroïque est caractérisé par une double couleur (en 
grec, dypaux) : le cliché paraît jaune ou vert quand on 
le regarde par réflexion du côté du verre, et rose ou 
violacé par lumière transmise. Cet accident a l’inconvé- 
nient de prolonger le tirage des épreuves et de tromper 
le retoucheur sur la valeur des opacités. C’est pourquoi 


1. Au cours de ces dernières semaines, des messages télé- 
phioniques sans fil ont été échangés plusieurs fois entre 
Arlingtin et la Tour Eiffel, 


ilest utile d'en connaître les causes, alin de les éviter 
dans la mesure du possible, et de savoir y remédier, le 
cas échéant, 

Le voile dichroïque se forme tantôt pendant le déve 
loppement, tantôt pendant le fixage. Dans le premier 
cas, il est toujours superficiel ; le voile profond ne prend 
naissance que dans le fixateur, 

Le plus souvent, il est dû soit à l'introduction dans 
le révélateur de substances capables de dissoudre le bro- 
mure d'argent, comme l’hvposulfite de soude, le sulfo- 
cyanure de potassium et l’ammoniaque, soit à la pré- 
sencé dans le bain de fixage d’une petite quantité de 
révélateur. Il risque donc de se produire si l’on mani- 
pule le cliché pendant le développement avec les doigts 
imprégnés d’hyposulfite, ou si on plonge dans le lixa- 
teurunelichémallavé aprèsle développement. Et, comme 
le lavage qui précède le fixage est généralement très 
superficiel, chaque plaque immergée dans la solution 
d'hyposullite y apporte un peu de révélateur;le bain 
de fixage se charge ainsi de quantités croissantes des 
substances susceptibles de provoquer le voile, d'autant 
plus qu'à mesure que ses propriétés dissolvantes s’épui- 
sent, les plaques doivent y séjourner plus longtemps. 

Une température élevée, un développement prolongé 
favorisent aussi la formation du voile dichroïque, et les 
émulsions en couches épaisses y sont plus sujettes que 
les couches minces, 

La sous-exposition n’est pas, par elle-même, une 
cause directe de voile dichroïque ; mais, si l’une des 
causes qui viennent d'êtr: mentionnées en provoque 
l'apparition, c’est dans les parties les moins impres- 
sionnées qu'il se manifeste avec le plus d'intensité. 

Dans le révélateur au diamidophénol, la quantité de 
sulfite de soude ou de diamidophénol ne semble pas 
avoir d'influence directe sur la production du voile; 
mais, si d’autres causes l’amènent, l'excès de sulfite en 
accroit la coloration. L'ammoniaque et l’hyposulfite 
ajoutés même en très faible quantité à ce révélateur 
provoquent sûrement la formation du voile dichroique. 
Par contre, il est curieux de constater que des quan- 
lités un peu importantes ne le provoquent pas. 

Ce que je viens de dire pour le diamidophénol s’ap- 
plique également aux révélateurs alcalins, et, de plus, 
pour ces derniers un excès d’alcali caustique ou de car- 
bonate alcalin favorise l'apparition du voile dichroïque, 
mais ne le produit pas diréctement. 

L'action dissolvante du bromure d'argent par le 
sulfite de soude peut aussi intervenir, lorsqu'on emploie 
un révélateur dilué. Une forte dose de bromure de 
potassium produit le même effet, parce qu’elle retarde 
le développement. Dans un cas comme dans l’autre, la 
plaque séjourne dans le révélateur plus longtemps que 
d'habitude ; le sulfite de soude peut, dès lors, dissoudre 
des quantités plus grandes de bromure d'argent, et l’on 
sait, par les expériences de MM. Lumière et Seyewetz, 
que le voile dichroïque prend naissance quand lerévéla- 
teur contient, ne serait-ce qu’en très minimes quantités, 
un sel d'argent dissous, 

Il est à remarquer que le voile dichroïque qui se 
produit dans le fixateur, quand celui-ci se trouve acci- 
dentellement additionné d’une petite quantité de révéla- 
teur, est toujours d'autant plus faible que la solution 
d’hyposuliite est plus concentrée : ainsi, dans un bain 
de fixage à 4o °/6,le voile n’atteint jamais une grande 
intensité. L’acidité du bain de fixage, obtenue par addi- 
tion de bisulfite de soude, s'oppose à l'apparition du 
voile dichroïque; mais elle ne le fait pas disparaitre, 
lorsqu'il s’est déjà formé dans le révélateur. 

Des indications qui précèdent se déduisent les précau- 
tions à prendre pour empêcher la production du voile 
dichroïique. 

Il faut, autant que possible, employer des révélateurs 
assez énergiques pour que lé développement ne se pro- 
longe pas outre mesure. Bien entendu, ce précepte ne 
saurait être suivi quand le défaut de pose ou l'effet à 
réaliser exigent, au contraire, le développement lent : 
dans ce eus, il vaut mieux courir le risque du voile 


600 


dichroïque, qu'il est d'ailleurs facile de faire disparaitre 
par l’un des moyens indiqués plus loin. 

Il laut aussi rafraichir le révélateur, pendant l'été, el 
surtout ne pas y plonger les doigts imprégnés d'hypo- 
sullite, L'opérateur qui n'est pas assisté d'un aide pour 
le fixage devra 8e laver les mains chaque fois qu'il aura 
à toucher le bain de développement après avoir touché 
le bain de fixage, et réciproquement. 

Le développement achevé, le cliché sera lavé avec le 
plus grand soin, Beaucoup de photographes abrègent à 
l'excès ce lavage; il en mème qui s'en dispensent, le 
jugeant superflu, Il est elair, cependant, que chaque 
plaque qui passe dans le fixateur y apporte une certaine 
quantité de révélateur, contenue dans l'épaisseur de la 
gélatine, et celle quantilé ne tarde pas à être suffisante 
pour provoquer le voile, Seul un lavage soigné permel 
done d'utiliser plusieurs fois, sans risque d'accident, la 
même solution d'hyposullite, 

Le fixateur sera préparé en solution assez concentrée 
et acide, comme il est dit plus haut, el ilsera bon de ne 
pas le faire servir jusqu'à épuisement complet. Le prix 
de l'hyposullile, quoique sensiblement majoré actuelle- 
ment, est encore assez bas pour qu'il soit préférable de 
renouveler le bain, plutôt que de s'exposer à un acci- 
dent auquel on ne remédie qu'à l'aide de réactifs plus 
coûteux que le fixateur, sans parler de la perle de temps 
qui en résulle, 

Aveccerlaines plaques, le voile dichroïque occasionné 
par un bain de fixage épuisé disparait dans une solu- 
tion fraiche et assez concentrée d'hyposullite, Ce traile- 
ment ne réussit pas aux émulsions riches en iodure 
d'argent, qui sont d'ailleurs particulièrement sujettes 
au voile dichroïque. On a proposé l'emploi de l’eau 
oxygénée, mais il a fallu y renoncer, parce qu'elle ronge 
l'image el risque même, surtout quand elle est acide, 
de dissoudre la gélatine qui renferme les opacités du 
négatif :c'est même sur cette propriété qu'est fondé le 
procédé auquel j'ai donné le nom de phototégie (de 
pures, lumière, et +tyyev, teindre)et qui permet d'obtenir 
un diapositif direct de n'importe quelle nuance par 
dépouillement dans l'eau oxygénée acide el immersion 
dans une solution colorante, 

Le mélange d'alun et d'acide chlorhydrique n'est pas 
toujours eflicace, et la couche se soulève parfois, Quant 
à l'immersion dans une solution de perchlorure de fer, 
suivie d'un nouveau fixage dans l'hyposulfite, elleexige 
une surveillance attentive, sans quoi l'image risque 
d'être très afaiblie, et même de disparaitre entièrement, 

La méthode la plus usitée consiste à plonger le eliché 
dans une solution de permanganate neutre de potas- 
sium à : pour 1,000, Quand la coloration jaune ou verle 
a complètement disparu, on passe la plaque dans un 
bain de bisulfile de soude commercial liquide étendu de 
son volume d’eau, atin de dissoudre le bioxyde de man- 
ganèse provenant de la réduction du permanganale, el 
on l'y laisse 5 minutes, On termine par un lavage, 

Le permanganate enlève bien le voile dichroïque, 
superficiel ou profond; mais on lui reproche d'afaiblir 
l'image, quand son action est prolongée. Cet inconvé- 
nient ne se manifeste guère que lorsque la solution est 
acide, et c'est pourquoi j'ai souligné plus haut le mot 
« neutre », Ilsera donc prudent de s'assurer, au moyen 
du papier de tournesol, que le bain ne présente point 
de réaction nuisible, et l'on en retirera la plaque dès 
que la coloration aura disparu, 

On peut aussi substituer au permanganale la solution 
suivante : Eau, 100 em; Cu SO', 3 gr.; Na CI, 3 gr. 

La plaque séjourne dans ce bain jusqu'à complète 
disparition du voile, soit environ 5 à 10 minutes, On 
rince ensuite, et, si l'image a un peu diminué d'inten- 
silté, on la passe dans un révélateur. Celle méthode est 
très sûre et ne présente aucun risque d'insuccès. 

Le voile dichroïque a été utilisé pour obtenir des dia- 
positifs à ton chaud, À cet effet, la plaque est exposée 
sous un négatif, comme d'habitude, mais en prolongeant 
lumineuse : plus la pose est longue, plus 
la teinte de l'image tendra vers le rouge, Le développe- 


l'impression 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


ment est effectué dans le 


M. Fabre: 


bain suivant, indiqué par 


OA Oo PET UT 1,000 ce. 
Sulfite de soude cristallisé... 150 gr. 
Carbonate de soude, ,,,.... 100 gr. 
HyYdroquinoné, 0... 10 gr. 


Bromure d’ammonium,,... de 5 à 10 gr., sui- 
vant la tendance des plaques au voile ordinaire. 
L'image se développe avee un beau voile dichroïque, 
dont on peut augmenter l'intensité, pour avoir des tons 
rosés, en ajoutant au révélateur une à cinq gouttes 
d'une solution contenant: 


AMMONIAIUE...... 4... 
Chlorure d'argent précipité 


Ë 100 ce, 
. o gr, D 


L'image voilée est fixée, lavée et traitée par la solu- 
tion de permanganate au millième, qui détruit le voile 
dichroïque sans altérer la belle coloration du diapositif. 


Ernest Coustet. 


$ 4. — Géographie et Colonisation 


Les relations maritimes entre la Sibérie 
et l'Europe. — Nous avons déjà signalé à deux re- 
prises! les essais qui ont été tentés pour créer une 
voie commerciale maritime entre la Sibérie et les ports 
européens, Cette question a acquis une importance con- 
sidérable par le fait que, le chemin de fer transsibérien 
ayantété affecté par le Gouvernement russe exclusive- 
ment aux transports pour la guerre, la réalisation d'un 
autre débouché pour le commerce sibérien est devenue 
urgente. On estime à 15o millions de pouds la quantité 
de blé retenue actuellement à l'intérieur du pays, et 
d'énormes masses de beurre, de chanvre, de lin, de 
graine de lin et autres matières premières doivent être 
ecmmagasinées à grands frais. 

L'expérience tentée cette année par la « Siberian 
Slenmship Company » a de nouveau brillamment 
réussi, Deux de ses navires, l'Haugastoel et l'Eden, ont 
rapporté récemment en Angleterre, des bords de l'Obi 
et de l'Yeniséi, des cargaisons de produits d'une valeur 
deg millions de francs. Par suite de l'expérience ac- 
quise dans la navigation de la mer de Kara, la durée du 
trajet de Tromsæ, dernier port de relàächeeuropéen, jus- 
qu'à l'embouchure de l'Obi, a été réduite à 19 jours, On 
sait d'ailleurs que le Gouvernement russe a facilité la 
traversée de cette région par l'établissement de trois 
stations de télégraphie sans fil, dont deux commandent 
les détroits qui donnent entrée dans la mer de Kara et 
avertissent les navires qui s'approchent de l’état des 
glaces et du meilleur chemin à prendre. 

Un des résultats les plus importants du voyage de 
cette année a été de démontrer que la navigabilité de 
l'Obi est meilleure qu'on ne le croyait. Jusqu'à présent, 
par suite du peu de profondeur des eaux à l'embouchure, 
on n'avail pasessayé de remonter par mer avec de gros 
bateaux à la rencontre de la flottille fluviale, L'expé- 
rience de cet élé a montré qu'un navire de 3.100 tonnes 
peut parfaitement naviguer dans l'embouchure du fleuve 
et y prendre un chargement complet, Comme la flottille 
de l'Obi se compose de 350 navires de rivière et de 
65o barges, avec des capacités allant jusqu'à 3.000 ton- 
nes, celte flotte est capable de transporter vers l'embou- 
chure 500,000 tonnes de marchandises par an. Sur 
l'Yenisei, la flotte de rivière, qui ne comprend qu’une 
quarantaine de bateaux, ne peut charger que 2 ou 3 na- 
vires de haute mer; mais son développement, arrêté par 
la guerre, recevra sans. doute une vive impulsion dans 
quelques années, 

Etant données ces conditions et ces tentatives très 
encourageantes, la « Siberian Steamship Company » se 
propose d'envoyer l'été prochain une trentaine de na- 
vires à l'embouchure des fleuves sibériens. 


1. Revue gén. des Se, du 15 août 1914, t, XXV, p. 704, 
du ?8 février 1915, €, XXVI, p. 106. 


et 


TORRES Y QUEVEDO. — ESSAIS SUR L'AUTOMATIQUE 601 


ESSAIS SUR L'AUTOMATIQUE 
SA DÉFINITION. — ÉTENDUE THÉORIQUE DE SES APPLICATIONS 


La dénomination d’automate est appliquée 
souvent à une machine qui imite l'apparence et 
les mouvements d’un homme ou d’un animal. Il 
s’agit généralement alors d’un mécanisme qui 
porte en lui-même la source d’énergie qui le fait 
marcher {un ressort, par exemple) et qui exécute 
certains actes, toujours les mêmes, sans subir 
aucune influence du dehors. 

Il y a une autre sorte d’automates qui offrent 
un intérêt beaucoup plus considérable : ceux qui 
imitent, non pas les simples gestes, mais les ac- 
tes réfléchis de l’homme, et qui peuvent parfois 
le remplacer. 

La torpille automobile, qui sait manœuvrer 
pour arriver à son but; la balance qui pèse les 
pièces de monnaie pour chorstr celles qui ont le 
poidslégal, et mille autres appareils très connus 
peuvent servir comme exemples d’automates de 
cette dernière espèce. 

On en trouve d’autres beaucoup plus intéres- 
sants dans les usines. Le progrès industriel se 
réalise principalement en substituant au travail 
de l'homme le travail de la machine; petit à pe- 
tit, on arrive à exécuter mécaniquement la plu- 
part des opérations qui étaient primitivement 
exécutées par des ouvriers, et l’on dit qu’une 
fabrication a été automatisée quand elle peut 
être réalisée complètement par les machines. 

Il conviendra, avant d'aller plus loin, pour 
bien préciser l’objet de cet article, de diviser les 
automates en deux groupes, suivant que le rôle 
des circonstances qui doivent régler leur action 
s'exerce d'une manière continue, où qu’au con- 
traire il intervient brusquement, par intermit- 
tences. 

Nous pourrons prendre comme exemple du 
premier groupe la torpille automobile. Le gou- 
vernail horizontal, destiné à la maintenir à une 
profondeur à peu près invariable, est manœuvré 
par l’action d’un réservoir d'air comprimé, qui 
fait équilibre à la pression de l’eau, et par un 
pendule. Les variations d’altitude produisent le 
déplacement d'une paroi qui sépare le réservoir 
à air de l’eau environnante; les variations d’in- 
clinaison produisent le déplacement, par rapport 
à la torpiile, du pendule qui reste vertical; le 
gouvernail horizontal est relié au pendule et à la 
paroi du réservoir par des mécanismes qui l’obli- 
gent à prendre à chaque moment la position 
qu'il convient pour ramener la torpille à la pro- 
fondeur voulue. 


Il s’agit donc d'établir entre trois mobiles : le 
pendule, la paroi et le gouvernail, des liaisons 
mécaniques invariables. C’est là un problème du 
même genre que tous ceux qu'on étudie dans la 
Cinématique appliquée à la construction des 
machines. Son étude n'offre pas ici un intérêt 
spécial. 

Dans les automates du second groupe, l’auto- 
matisme ne s'obtient nullement par des liaisons 
mécaniques permanentes ; il a pour but, au con- 
traire, d'altérer brusquement ces liaisons quand 
les circonstances l’exigent ; il faudra que l'auto- 
mate — par une manœuvre très rapide en géné- 
ral — embraye ou débraye une poulie, ouvre ou 
ferme une soupape, etc. Il faut, en somme, que 
l’automate intervienne à un moment donné,pour 
altérer brusquement la marche des machines, 
qui seront, pour ainsi dire, dirigées par lui. 

On peut trouver dans les descriptions de ma- 
chines de très nombreux exemples de ces inter- 
ventions brusques, mais il est évident que l’étude 
de cette forme de l’automatisation n’appartient 
pas à la Cinématique. Aussi n'a-t-elle jamais été 
systématiquement étudiée, à ma connaissance. 

On devrait, je pense, faire cette étude dans un 
chapitre spécial de la théorie des machines qui 
porterait le nom d'Automatique. 

Il devrait étudier les moyens de construire 
des automates doués d'une pe de relation plus ou 
moins compliquée. 

Ces automates auront des sens : des thermo- 
mètres, des boussoles, des dynamomeètres, des 
manomètres..…., des appareils sensibles aux cir- 
constances qui doivent avoir une influence sur 
leur marche. 

L'impression reçue par chacun de cesappareils 
se traduit en général par un mouvement, par 
exemple le déplacement d’une aiguille sur un 
limbe gradué. 

Ces automates auront des membres: les machi- 
nes ou les appareils capables d'exécuter les opé- 
rations dont ils seront chargés. La commande 
peut être faite par quelque moyen très simple, 
même s’il s’agit d'opérations compliquées; cela 
se voit dans certaines horloges qui, par un dé- 
clanchement analogue à celui d’un réveil-matin, 
mettent en marche des marionnettes qui exécu- 
tent divers mouvements. 

Ces automates auront l’energie nécessaire : les 
accumulateurs, les courants d’eau, les réservoirs 
à air comprimé qui fourniront aux moteurs 


502 TORRES Y QUEVEDO. — ESSAIS SUR L'AUTOMATIQUE 


l'aliment nécessaire pour marcher et faire mar- 
cher les machines destinées à exécuter les opé- 
rations voulues. 

Il faut en outre — et c’est là principalement le 
but de l'Automatique — que les automates soient 
capables de discernement; qu'ils puissent à cha- 
que moment, en tenant compte des impressions 
qu'ilsreçoivent,ou même de celles qu'ils ont reçues 
auparavant, commander l'opération voulue. // 
faut que les automates imitent les êtres vivants en 
réglant leurs actes d'après leurs impressions, en 
adaptant leur conduite aux circonstances. 

La construction des appareils qui jouent le 
rôle des sens n'offre e7 théorie aucune difficulté. 
On invente chaque jour de nouveaux appareils 
destinés à mesurer et enregistrer les variations 
des éléments qui interviennent dans les phéno- 
mènes du monde physique; celles qui ne peuvent 
pas être mesurées aujourd’hui seront mesurées 
demain, ou du moins — et je crois exprimer ici 
une opinion généralement admise — il n’y a au- 
cune raison pouraflirmer qu'il n’en sera pas ainsi. 

On peut faire la même remarque relativement 
aux machines quidoivent exécuter le travaildont 
sera chargé l’automate. Personne certainement 
ne signalera des limites aux progrès de la Méca- 
nique; personne ne se refusera à admettre qu’on 
puisse inventer une machine qui réalise une 
opération déterminée. 

Il n’en est pas de même quand on se demande 
s’il sera possible de construire un automate qui, 
pour déterminer sa manière d'agir, pèse les cir- 
constances quil’environnent.On estime, je crois, 
que la chose peut se faire seulement dans quel- 
ques cas très simples ; on pense qu'ilest possible 
d’automatiser les opérations mécaniques, pure- 
ment manuelles, d'un ouvrier, tandis qu’au con- 
traire les opérations qui exigent l'intervention 
des facultés mentales ne pourront jamais être 
exécutées mécaniquement. 

Cette distinction n’a aucune valeur, car, sauf 
dans les cas des mouvements réflexes, dont nous 
n'avons pas à nous occuper ici, dans toutes les 
actions humaines interviennent les facultés men- 
tales. 

Je tächerai dans cet article de faire voir — en 
me plaçant à un point de vue purement théori- 
que — qu'il est toujours possible de construire un 
automate dont tous les actes dépendent de certai- 
nes circonstances plus ou moins nombreuses, sui- 
vant des règles qu'on peutimposer arbitrairement 
au moment de la construction. 

Ces règles devront être évidemment telles, 
qu'elles suffisent pour déterminer en toute occa- 
sion, sans aucune incertitude, la conduite de 
l’automate. 


Ce problème pourrait être résolu par mille 
chemins différents, mais — pour me faire plus 
facilement comprendre — au lieu de m'en tenir 
à de pures abstractions, j'indiquerai une méthode 
électro-mécanique qui peut donner, ce me sem- 
ble, la solution générale du problème. 

Les schémas qui figurent dans cet article n’ont 
nullement la prétention de représenter des solu- 
tions pratiques; nous n'avons nullement à nous 
préoccuper des difficultés ou plutôt des impossi- 
bilités qu'offrirait leur réalisation; ils ont été 
tracés pour rendre plus claires les explications 
théoriques, et c’est à ce point de vue seulement 
qu'ils pourront être utiles. 

I 

Le principe de la méthode électro-mécanique 
que je vais exposer est extrêmement simple. 

Nous avons admis tantôt que la variation de 
chacune des circonstances qui interviennent 
dans la direction de l’automate sera représentée 
par un certain déplacement ; nous pourrons sup- 
poser que la pièce qui se déplace est un commu-- 
tateur: au lieu d'un index qui parcourt une 
échelle graduée, nous aurons un balai qui par- 
court une ligne de plots et entre en contact avec 
chacun d'eux successivement. 

S'il y a 2 commutateurs, et si nous désignons 

par P,, P,, P,,... P,le nombrede plots conjugués 
avec chacun d’eux, le nombre des positions du 
système à considérer sera le produit P, XP ,X 
RÉ ARE. 
À chacune de ces positions correspondra, 
d'après ce que nous venons de voir, une certaine 
opération qui doit être déclanchée par quelque 
moyen très simple. Puisqu'il s’agit d’une machine 
électro-mécanique, le plus simple sera de faire 
que le déclanchement se produise par l’action 
d’un aimant qui attire son armature. Il faudra 
qu'il y ait un électro-aimant pour chaque posi- 
tion du système, et, pour réaliser l'automatisa- 
tion, il suffira d'établir les connexions electriques 
de telle manière que chaque électro-aimant entre 
en aclivilé au moment où se produit la position 
correspondante des commutateurs. 

Dans le casle plus simple — quand la marche 
de l’automate dépend d’un seul élément — la 
solution est celle qui a été indiquée schémati- 
quement par la figure 1 de la planche (p. 608). 

Les variations de cet élément sont représentées 
par les mouvements du commutateur M qui 
tourne et entre successivement en contact avec 
chacun des plots À, B,C, D. Actuellement le cou- 
rant passe par l’électro-aimant E; c’est donc 
l'opération déclanchée par lui qui sera réalisée, 
si le manipulateur K rétablit la communication 


en ce moment. Du reste, ce manipulateur peut 
être manœuvré automatiquement quand une cer- 
taine circonstance se produit; par exemple, à une 
heure déterminée. 

On pourra parfois trouver des difficultés à la 
réalisation d'un tel appareil, mais sa possibilité 
théorique (dont nous nous occupons exelusive- 
ment) ne fait pas l'ombre d’un doute. 

Elle est également évidente dans le cas le plus 
vénéral, quand il faut considérer plusieurs com- 
mulateurs au lieu d’un seul. 

Dans le schéma de la figure 2, ily a trois com- 
mutateurs : M, N, P. 

Le second entraine dans son mouvement un 
autre commutateur N’. 

Le troisième entraine les cinq commutateurs 
Pi, P', Pi, Pi Pr. 

M peut prendre les deux positions À, B. 

N peut prendre les trois positions E, F, G. 

P peut prendre les quatre positions R, S, T,U. 

Le système admet en tout vingt-quatre posi- 
tions différentes, et à chaque position corres- 
pond un électro-aimant, qui entre en activité dès 
que le courant est établi. 

On peut augmenter à volonté le nombre des 
commutateurs et le nombre des plots conjugués 
avec chacun d'eux. Autrement dit, on peut aug- 
menter indéfiniment le nombre de cas particu- 
liers que l’automate aura à considérer pour 
régler ses actions; on peut compliquer à plaisir 
sa vie de relation. 

Et cela sans la moindre difficulté théorique. Il 
n'y a aucune différence essentielle entre la ma- 
chine la plus simple et l'automate le plus com- 
pliqué; l’un comme l’autre se réduisent à un 
système matériel soumis aux lois physiques qui 
dérivent de sa composition; mais, quand ces 
lois sont compliquées, quand il faut faire un 
raisonnement important pour déduire de ces lois 
les manœuvres correspondantes, la machine qui 
les exécuterait aurait l’air de faire elle-même le 
raisonnement et c’est là ce qui égare générale- 
ment le jugement des personnes qui s’occupent 
de cette question. 

Je rappellerai comme exemple les idées de 
Descartes sur ce point (Discours sur la Méthode, 
5° partie). 

Il admet sans difficulté qu’on puisse considérer 
le corps d’un animal «comme une machine qui, 
ayant été faite des mains de Dieu, est incompa- 
rablement mieux ordonnée eta en soi des mou- 
vements plus admirables qu'aucune de celles qui 
peuvent être inventées par les hommes ». 

Il ajoute que, « s’il y avait de telles machines 
qui eussent les organes et la figure extérieure 
d'un singe ou de quelque autre animal sans 


raison, nous n'aurions aucun moyen pour recon- 
naître qu'ellès ne seraient pas en tout de même 
nature que ces animaux ». 

Mais Descartes refuse, même à la toute-puis- 
sance divine, la faculté de construire des auto- 
mates capables d’imiter les actions humaines qui 
sont guidées par la raison. Il juge métaphysi- 
quement impossible, par exemple, qu'un auto- 
mate puisse user de paroles ni d’autres signes 
«pour répondre au sens de tout ce quise dira en 
sa présence, ainsi que les hommes les plus 
hébétés peuvent faire ». 

Il admet volontiers que l'automate puisse 
parler, mais il ne conçoit pas qu'il puisse parler 
raisonnablement. 

Imaginons une machine analogue à celle qui 
est représentée par le schéma de la figure 2, 
mais dans laquelle, au lieu de trois commuta- 
teurs, il y en ait des milliers ou des millions, 
s’il en faut, et que, au lieu de trois ou quatre 
positions différentes, chacun des commutateurs 
ait une position correspondant à chacun des 
signes d’écritures (lettres, chiffres, signes d'or- 
thographe, ete.). 

On comprend parfaitement qu'on peut, en se 
servant de ces commutateurs, écrire une phrase 
quelconque, ou même un discours plus ou moins 
long; cela dépend du nombre des commutateurs 
dont on disposera. 

A chaque discours correspondra done une posi- 
tion du système, et par conséquent un électro- 
aimant. Nous pouvons supposer que celui-ci 
déclanche un phonographe sur lequelest inscrite 
la réponse à la question qui a provoqué son 
déclanchement, et nous vbtenons ainsi un auto- 
mate capable de discuter de omni re scibili. 

Certes, l’étude préalable de toutes les questions 
possibles, la rédaction de la réponse à chacune 
d'elles, et finalement, la construction d'une telle 
machine, ne seraient pas des choses commodes, 
mais elles ne seraient pas beaucoup plus difi- 
ciles que la construction d’un singe ou d’un autre 
animal assez bien imité pour qu'il püt être 
classé par les naturalistes parmi les espèces 
vivantes. 

Il n’y a pas entre les deux cas la différence que 
voyait Descartes. Il a été égaré par cette idée que 
l’automate, pour répondre raisonnablement, 
serait obligé de faire lui-même le raisonnement, 
tandis que dans ce cas, comme dans tous les 
autres, c'est son constructeur qui raisonneraït 
pour lui. 


Il 


Je crois avoir 
cède qu'on peut 


montré par tout ce qui pré- 
aisément concevoir pour un 


604 TORRES Y QUEVEDO. — ESSAIS SUR L’AUTOMATIQUE 


automate la possibilité théorique de déterminer 
son action à un moment donné en pesant toutes 
les circonstances qu'il doit prendre en considé- 
ration pour réaliser le travail dont il est chargé. 

On peut de même concevoir un automate qui 
agisse avec une finalité: un automate qui réalise 
une série d'actions en pue d'obtenir un résultat 
déterminé. 

La question est trop compliquée pour qu'il me 
soit possible dela traiter d'une manière abstraite ; 
je risquerais fort de ne pas m'exprimer claire- 
ment. 

L'exemple à choisir pour illustrer mes explica- 
tions esttoutindiqué:les machines analytiques !. 

Les autres qu’on pourrait prendre présente- 
raient des difficultés d'exposition considérables, 
dues principalement à la nécessité de représen- 
ter (ne fût-ce que schématiquement) les sens et 
les membres de l’automate : les appareils destinés 
à le mettre en rapport avec le milieu ambiant, et 
les opérateurs qui devront exécuter des opéra- 
tions plus ou moins compliquées. 

Ces inconvénients n’existent pas dans les ma- 
chines à calculer. Chacune des valeurs qui doi- 
vent intervenir dans les calculs, soit les données, 
soit les résultats provisoires de ses opérations 
successives, sera réprésentée dans nos schémas 
par le déplacement d’un mobile, comme dans les 
figures 1 et 2. 

Calculer une valeur sera donc, pour l’auto- 
mate, déplacer le mobile correspondant, pour 
l’amener à la position voulue, et cette opération 
— répétée autant de fois qu’il sera nécessaire — 
est la seule que l'automate ait à exécuter. 

En outre, ces machines nous offriront, je pense, 
le cas le plus général qu’on puisse examiner, et 
toutes les conclusions qu'on tirera de son étude 
théorique seront facilement généralisées par le 
lecteur. 

Une machine analytique, telle que je l’entends 
ici, doit exécuter n'importe quels calculs, pour 
si compliqués qu’ils soient, sans le secours de 
personne. On lui donnera une formule et un ou 
plusieurs systèmes de valeurs particulières des 
variables indépendantes, et elle devra calculer 
et inscrire toutes les valeurs des fonctions ex- 
plicites ou implicites correspondantes définies 
par la formule. Elle devra suivre une marche 
analogue à celle d’un calculateur : exécuter né- 
cessairement une à une les opérations indiquées, 
en prenant les résultats des unes comme facteurs 
ou arguments des suivantes, jusqu'à l'obtention 
des résultats définitifs. 


1. J'emprunte ce nom à Babbage. Peut-être vaudrait:il 


mieux les appeler machines arithmétiques, 


Avant d'entrer dans la description de l’ensem- 
ble, je décrirai les appareils destinés à exécuter 
chacune des opérations élémentaires que l’auto- 
mate devra exécuter pour mener à bien ses cal- 
culs : 

a) Enregistrer une valeur particulière en dépla- 
çant le mobile correspondant. 

La règle À (fig. 3) peut glisser entre la butée B 
et le ressort B' qui exerce une pression modérée 
et elle est guidée en outre par l’un des rouleaux 
Q, Q’ qui tournent dans le sens des flèches.-Elle 
porte deux plots P, P', conjugués avec sept balais 
roro. 77, et un balai R, conjugué avec sept 
pPlotsWi em 

Les deux rouleaux tournent constamment dans 
le sens indiqué par leurs flèches, mais leur sépa- 
ration est un peu plus grande que la largeur de 
la règle À, de sorte que celle-ci n’est pas entrai- 
née ; elle est retenue par le frottement entre B 
et B’. 

Supposons qu’on rende positif! le balai 7’. 

Si ce balai est en contact avec le plot P, il s’éta- 
blira un circuit? qui passe par l’électro-aimant 
:, lequel attirera la règle À qui viendra s’ap- 
puyer sur le rouleau Q; le frottement qui se 
produit alors au point de tangence est suffisant 
pourentrainer la règle jusqu’au moment où le 
balai 7’, vient en contact avec l’espace qui 
sépare les deux plots et coupe le courant, en 
laissant ainsi inactif l’électro-aimant E. 

Si le balai 7’, se trouve en contact avec le 
plot P', les choses se passeront d’une manière 
analogue ; c’est l’électro-aimant E’ qui deviendra 
actif et la règle A, entrainée par le rouleau Q, 
marchera vers le haut, jusqu’à ce que le balai 7’, 
vienne se placer entre les deux plots P, P'. 

S'il se trouve dans cette position, au moment 
où il est rendu positif, la règle À ne bougera pas. 

Dans tous les cas, par le fait d’avoir rendu 
positif le balai r’,, nous avons amené la règle à 
cette position, et, par conséquent, nous avons 
établi le contact entre le balai R et le conduc- 
teur r,. Nous dirons alors que r7ous avons enre- 
gistre dans cet appareil la valeur R,. 


1. Nous dirons qu’un conducteur est positif quand il est en 
communication avec le pôle positif d’une source d'électricité. 
2, Nous supposerons dans ces dessins : 1° que les lignes 
rouges — telles que 4 — indiquent que les deux pièces aux- 
quelles elles aboutissent sont constamment en communica- 
tion électrique, mais elles ne représentent pas un conducteur 
de forme invariable. Ainsi la ligne # veut dire que le fil de 
l'électro-aimant E se trouve en contact ininterrompul avec le 
plot P, par un balai, par un fil flexible, ou par tout autre 
moyen qui ne gêne en rien les mouvements de la règle A: 
29 qu’un cercle avec un diamètre horizontal, tel que , repré- 
sente un pôle négatif, tandis qu'un cercle analogue avec deux 
diamètres perpendiculaires représente un pôle positif (voir 
fig. 6). 


TORRES Y QUEVEDO. 


b) Exécuter une des quatre opérations de 
l'arithmétique : addition, soustraction, multipli- 
cation ou division. 

Au point de vue de la construction, il n’y à 
aucune différence essentielle entre ces quatre 
opérations ; j'ai représenté, pour fixer les idées, 
dans le schéma 4 l'appareil qui exécute la multi- 
plication. 

Les facteurs sont représentés par les règles 
#,#°, etle produit par le faisceau m. 

Chacune des règles peut être manœuvrée, en 
rendant positif l’un ou l’autre des balais qui sont 
conjugués avec elle, par un dispositif analogue 
à celui que nous venons de décrire; mais, pour 
simplifier le dessin, on y a supprimé les butées, 
les électro-aimants et les rouleaux. 

La règle ; entraine dans son mouvement un 
tableau T avec plusieurs plots, et la règle z” 
porte un balai toujours actif, dont l'extrémité 
entre en contactavec l’un ou l’autre de ces plots, 
suivant la position de + et de >”. 

En rendant actifs — soit en même temps, soit 
successivement — un balai du groupe »7' et un 
autre du groupe #2”, on déplacera, comme il a 
été expliqué, les règles + et zx”, de maniere à 
représenter telles valeurs particulières des fac- 
teurs qu'on voudra. On voit représentées sur le 
dessin les valeurs 4 pour la règle et 3 pour la 
règle z”. 

Par ces manœuvres on amenera l’extrémité du 
balai H en contact avec un plot déterminé et 
par conséquent avec l’un des conducteurs du 
groupe 72. 

Or, l'appareil est construit de sorte que la va- 
leur représentée par ce conducteur est le produit 
des deux quantités enregistrées dans les règles 


1E sufjit donc d'inscrire les facteurs pour mettre 
en contact le conducteur M avec le conducteur du 
faisceau 72 qui correspond au produit. 

La construction se comprend sans peine. Le 
tableau T est en somme l’abaque de la multipli- 
cation dans lequelles courbes sont matérialisées 
par les conducteurs qui réunissent entre eux les 
plots correspondant à tous les produits égaux 
entre eux. 

Nous avons maintenant écrite, pour ainsi 
dire, sur l’appareil l'opération 4 X 3 — 12. 

Il suflit de varier le tableau T etses connexions 
avec les balaïs »7 pour que l’appareilexécute une 
autre quelconque des opérations arithmétiques. 
Il faut pourtant remarquer que, dans la multipli- 
cation et dans l'addition, on peut représenter 
indifféremment l’une ou l’autre des quantités 
données au moyen de l’une ou l’autre des règles 
#', 2”, tandis que dans les deux autres opérations 


KEVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 


- ESSAIS SUR L'AUTOMATIQUE 605 


il n’en va pas de même, parce qu'il ne s'agit plus 
de calculer des fonctions symétriques. 

Dans la division, on obtient deux résultats : le 
quotient et le reste; si on veut les obtenir tous 
les deux dans un même appareil, on pourra faire 
que la règle x’ porte deux tableaux et la régle z” 
deux balaïs ; mais c’est la un détail qui n’a aucune 
importance en ce moment. 

Dans tous ces arithmomètres, de même que 
dans celui de la multiplication qui a été décrit 
ci-dessus, {{ suffit d'inscrire les deux arguments 
de l'opération pour amener le contact entre M et 
le conducteur du faisceau m qui correspond au 
résultat de l'opération. 

c) Comparer deux quantités (fig. 5). 

Les deux règles x et z” sont 
comme il a été dit par les balais conjugués avec 
elles. 

L'une d'elles, z’, porte un balai H et l’autre, z”, 
trois plots. Quand les valeurs représentées par 
les deux règles sont égales, comme dans le cas 
actuel, l’extrémité du balai est en contact avec 
le plot P ; quand cette égalité n’existe pas, le ba- 
lai H vient en contact avec le plot P' si c’est la 
quantité de gauche qui estla plus grande, et avec 
le plot P” dans le cas contraire. 

d) Impression des valeurs données ou caleu- 
lées. 

Elle peut être exécutée par une machine à 
écrire; chaque touche correspondrait à une va- 
leur différente et, au lieu de la pousser avec le 
doigt, on la pousserait avec un électro-aimant. 
Il y aurait donc autant d’électro-aimants que de 
touches. 

Tous ces appareils pourront être utilisés par 
un calculateur, et le schéma 6 montre une dispo- 
sition qui faciliterait leur emploi dans ce but. 

Les appareils décrits ci-dessus y sont repré- 
sentés par des symboles très simples. 

Pour comprendre le fonctionnement, nous 
examinerons d'abord ce qui va se passer en sup- 
posant que le manipulateur c vient d'arriver à sa 
position indiquée en pointillé. 

Ila rendu positif le conducteur R et aussi — 
d’après ce que nous venons de voir (fig. 3) — un 
des conducteurs du faisceau H, celui qui corres- 
pondra à la valeur enregistrée en ce moment dans 


l'appareil R. 


manœuvrées 


1. On y voit un arithmomètre pour l'addition (-), un autre 
pour la multiplication (+), un enregistreur R et la machine 
à écrire ME, Nous pouvons supposer que ces appareils, ana- 
logues à ceux qui ont été décrits plus haut, sont enfermés 
dans des boîtes (représentées par les rectangles du dessin) 
qui ne laissent voir pour chacun d'eux que les faisceaux des 
facteurs {a', à”; mn, m'; r'), celui du résultat (a, =, r) et le 
conducteur (A, M, R) destiné à rendre actif au moment voulu 
le résultat enregistré dans l'appareil. 


606 TORRES Y QUEVEDO. — ESSAIS SUR L’AUTOMATIQUE 


Nous supposerons que le conducteur actif est 
celui qui a été représenté en pointillé. Une 
branche de ce conducteur pénètre dans l’appa- 
reil destiné à la multiplication, maïs il ne peut 
aboutir — comme on le voit dans la figure 4 — 
qu’à un plot isolé, ou au balai H, et par là au 
conducteur actuellement isolé M (fig. 6). On peut 
en dire autant relativement à l’appareil destiné 
à l’addition, mais celles qui aboutissent à #7?” et 
à e sont en contact, l'une avec un des conducteurs 
de l’arithmomeètre, l’autre avec l’un des conduc- 
teurs de la machine à écrire. Le premier (voyez 
la fig: 4) fera fonctionner la règle 2”, mais le 
conducteur positif est celui qui correspond à 
la valeur enregistrée dans l'appareil R : c’est- 
a-dire que celte même valeur sera représentée 
par la règle »#” quand — l'opération finie — elle 
restera dans sa nouvelle position. 

Le conducteur qui pénètre dans la machine à 
écrire fera que cette valeur soit écrite en même 
temps. 

Le résultat de l’opération a donc été : 

1° D’inscrire comme facteur, par le déplace- 
ment de la règle »”, la valeur qui était enregis- 
trée en R; 

2° D’écrire cette même valeur par la machine. 

Si maintenant on veut multiplier cette valeur 
par un nombre connu, il faudra : 

1° Déplacer les verroux ” et e vers la gauche 
pour couper la communication des balais qui 
y aboutissent; 

2% Rendre actif, par le moyen du commutateur 
ce, le conducteur »# correspondant à la valeur 
donnée; 

3° Déplacer »' vers la droite, pour rétablir les 
communications dans ce verrou. 

Un raisonnement absolument pareil à celui que 
nous venons de faire montrera que, dans ces 
conditions, on obtient comme résultat de l’opéra- 
tion exécutée par la machine l'inscription sur la 
régle +’ (fig. 4) de la valeur , représentée par le 
conducteur 7 rendu actif. 

Supposons encore qu'après que celte opéra- 
tion a été réalisée, nous déplacions les verrous e 
et « vers la droite, et le verrou 4’ vers la gauche 
et que nous rendions actif le conducteur M. 

En même temps que celui-ci, nous rendrons 
actif, d’après ce qui a été dit en décrivant l’ari- 
thmomètre (fig. 4), un des conducteurs du fais- 
ceau », celui qui correspond au produit des 
quantités inscrites dans les règles + et >” et, 
par les raisons déjà expliquées, ce produit se 
trouvera inscrit sur l’enregistreur R et sur la 
regle de l’arithmometre destiné aux additions. 
On peut continuer ainsi indéfiniment pour cal- 
culer une formule plus ou moins compliquée. 


L'opération exécutée par l’automate est au fond 
toujours la même : enregistrer dans un ou plu- 
sieurs appareils! une opération toujours la 
même. Cette quantité peut être déterminée arbi- 
trairement ou bien on peut la prendre dans l’un 
des appareils élémentaires où elle a été enregis- 
trée comme conséquence des opérations anté- 
rieures. 

La commande de cette machine est aussi très 
simple. On comprend que le rôle du calculateur 
qui l’utiliserait pourrait se réduire à appuyer de 
temps à autre sur certaines touches, et que ce 
travail peut être automatisé par un procédé ana- 
logue à celui qui a élé employé pour l’écriture 
musicale dans les pianos mécaniques. 


III 


Le schéma de la figure 7 représente un automate 
disposé pour calculer la valeur de la formule 
4 — ax (y — 3)? sans le secours de personne. 

On lui donnera la valeur du paramètre a et plu- 
sieurs systèmes de valeurs particulières des trois 
variables. L’automate doit exécuter tous les cal- 
culs, en écrire les résultats, et avertir que l’opé- 
ration est terminée. 

Son économie générale est facile à com- 
prendre. On voit en haut tous les opérateurs 
nécessaires dans ce cas particulier : 

Deux arithmomètres, l’un pour la soustraction 
et l’autre pour la multiplication, qui sont les 
seules opérations indiquées par la formule; 

Un comparateur qui servira à déterminer dans 
chaque cas laquelle des deux variables y ou est 
la plus grande, pour les inscrire chacune à sa 
place dans l'appareil qui doit faire la soustrac- 
tion ; 

Une machine à écrire; 

Et deux enregistreurs dont nous verrons bien- 
tôt l'utilité. 

Un peu plus bas se trouve une ligne de ver- 
rous analogues à ceux que nous avons vus dans 
la figure 6. Tous ceux que nous avons à consi- 
dérer maintenant sont disposés de la même 
manière. 

Dans la figure 7, on a supprimé les ressorts et 
les électro-aimants; on n'ya laissé que les verrous 
et les conducteurs {s', s”, m'...) destinés à mettre 
en activité l’électro-aimant qui commande chacun 
de ces verrous; leur jeu se comprend aisément; 
chaque fois qu’on rend actif un de ces conduc- 
teurs (e ou r',, par exemple), on établit les com- 
munications du verrou correspondant (celui de 
la machine à écrire ou celui de l’enregistreur R). 


72 


1. La machine à écrire est un appareil où les quantités à 
enregistrer sont imprimées au lieu d'être représentées par le 
déplacement d'un mobile. 


TORRES Y QUEVEDO. — ESSAIS SUR L'AUTOMATIQUE 


607 


La disposition de ce verrou est indiquée dans 
la figure 8. 

Dans la position actuelle, tous les balais sont 
isolés, Si l’électro-aimant entre en activité et 
attire le verrou, chacun des balais du groupe su- 
périeur entrera en contact avec le balai corres- 
pondant du groupe inférieur. 

La manœuvre est commandée par un tam- 
bour T (fig. 7) conjugué avec un groupe de 
PAUSE NM, me mi rl Ke ee, 
B, e, #, », v. Ce tambour est analogue à celui d'un 
orgue de Barbarie; il porte plusieurs plots qui 
viennent en contact avec les balais s’,s”, 
mesure que le tambour tourne dans le sens de la 
flèche. La distribution de ces plots est déterminée 
dans l’automate par la formule à calculer, de 
même qu'elle est déterminée dans l'orgue par la 
pièce à jouer. 


9, P à 


Dans le schéma de la figure 7, cette distribution 
a été rendue visible parce qu'on y a représenté le 
développement de la surface du tambour. Cette 
surface est divisée en 16 zones horizontales nu- 
mérotées. Quand le tambour tourne dans le sens 
indiqué par la flèche, toutes ces zones viennent, 
l’une après l’autre, passer sous les balais. Il est 
bien entendu que la première zone se présente 
immédiatement en contact après la seizième, 
puisque les lignes «b et a'b' représentent en réa- 
lité une même génératrice de cylindre. Le tam- 
bour est divisé en trois sections (4, (', {) séparées 
dans la figure par des bandes noires verticales. 
Tous les plots de chaque section sont reliés mé- 
talliquement entre eux, et isolés des autres. En 
outre, il y a contact métallique permanent entre 
la section f et leplot +, et de mêmeentre let -’ et 
entreaeltce. 

On voit encore dans le schéma une plaque rec- 
tangulaire P, de longueur indéfinie, conjuguée 
avec les balais ». C’est sur cette plaque qu'on 
inscrira, par les plots qui y sont distribués, les 
valeurs particulières des variables +, y, 3. Chaque 
valeur particulière sera inserite sur une bande 
horizontale : sur la première {cela est indiqué 
dans la figure) la valeur x,, sur la deuxième y,, 
sur la troisième z,; puis, sur les quatrième, cin- 
quième et sixième bandes, le second système de 
valeurs particulières données : x,, y, =, et ainsi 
de suite. On suppose dans le dessin que, dans ce 
cas particulier, le calcul doit porter sur quatre 
systèmes de valeurs. 

Outre le groupe de balais destinés à là repré- 
sentation des variables, il y a un balai r, dont 
l’objet est d'indiquer la fin de l'opération. 

Cette plaque tend à marcher dans le sens de la 
flèche, mais elle est arrêtée par le cliquet Q. 


Tous les plots qu’elle porte sont en communica- 
tion avec le conducteur V. 

Avant de commencer l'opération, il faut aussi 
mettre en communication le balai : avec le con- 
ducteur qui représente la valeur du paramètre a, 
ce qui est indiqué dans le schéma en supposant 
qu’on a cloué une cheville sur le plot correspon- 
dant à cette valeur. 
maintenant facile de suivre la 
marche de l’automate. 

Nous considérerons successivement plusieurs 
intervalles de temps qui correspondent chacun 
au passage d’une des zones horizontales du tam- 
bour T sous la ligne formée par les extrémités 
des balais. 

J'ai indiqué dans le tableau quels sont les ba- 
lais. qui, pendant chaque intervalle, se trouvent 
en contact avec les plots des trois sections £,#', t”; 
le tableau n’est du reste que la traduction de ce 
qu’on peut lire également dans le développement 
du tambour. 

Les explications que nous avons données en 
décrivant le schéma de la figure 4 suffisent pour 
comprendre ce qui va se passer dans chaque 
intervalle. 

1.— Sont rendus positifs les balais v, m', e. Le 
balai », à son tour, rend positifs tous les plots 
de la plaque P et, comme conséquence, le ba- 
lai du groupe > qui correspond à la valeur par- 
ticulière x,. 

Les balais »' ete établissent (fig. 8) les com- 
munications des verrous correspondants, et par 
conséquent, la valeur +, est en même temps 
écrite par la machine et représentée comme fac- 
teur dans l’arithmomètre. 

2.— Le balai »,qui devient positif momentané- 
ment, fait agir l’électro-aimant E. Celui-ci attire 
son armature et permet que la plaque P s’avance 
d’un pas. Elle avance lentement pour ne pas faire 
plusieurs pas pendant que E reste actif. 

3. — Le balai « rend actif le conducteur qui 
représente le paramètre désigné par la lettre 4, 
et le balai »° fait que cette valeur soit inscrite 
comme second facteur dans l'arithmometre. 
Nous avons donc enregistré dans cet arithmo- 
mètre le produit ax,. 

4. — Le balai devient encore une fois positif; 
mais, comme la plaque P s’est avancée d'un pas, 
c'est maintenant le conducteur correspondant à 
la valeur y, qui va devenir positif. 

Cette valeur, d’après les indications de la fi- 
gure, sera enregistrée en R,, sera imprimée par 
la machine à écrire eten même temps sera repré- 
sentée, comme premier terme de comparaison, 
dans l’appareil C. 

5. — La plaque P s’avance d'un pas. 


Il nous sera 


605 TORRES Y QUEVEDO. — ESSAIS SUR L’AUTOMATIQUE 


6. — La valeur z, est enregistrée en R,, écrite 
par la machine et représentée comme second 
terme de comparaison, dans l’appareil C. 

7. — Le balai » fait que la plaque P s’avance 
d'un nouveau pas. 

L'action du balai K est plus intéressante à con- 
sidérer. 

Il rend actif : 


1° le conducteur B si y, — 2}; 


2° — JÜSIOVIE ETS 
30 — d SI 
Premier cas : y, —:,. Puisque y, —32,,iln'ya 


pas lieu d'aller plus loin dans les calculs; on peut 
écrire « —0 et c’est là ce que fait l’automate en 
rendant actif le conducteur 8 qui va dans la ma- 
chine à écrire et qui correspond précisément à la 
valeur zéro. En outre, il fait fonctionner l'électro- 
aimant E’ qui coupe le contact en k. Or nousavons 
déjà dit que tous les conducteurs qui partent 
des opérateurs de la machine à écrire et des ver- 
rous pour se rendre au pôle négatif de la pile 
passent par la borne ; donc, du moment que la 
communication entre cette borne et la pile est 
coupée, aueun de ces appareils ne peut plus fonc- 
tionner. La non-communication durera autantque 
le contact entre le balai K et le plot, qui s’étend 
sans interruption Jusqu'à la 15° bande inclusive- 
ment; le tambour T continuera donc à marcher, 
mais l’automate ne réalisera aucune opération. 

Deuxième cas : y, => z,. Le conducteur y rend 
positifs les plots de la section / et la marche des 
opérations continue comme il suit : 

8. — Les balais actifs R, et s’ font que la valeur 
enregistrée en R, (la valeur y,) soit transportée 
dans la règle >’ (fig. 4) de l’appareil destiné à 
faire la soustraction. 

9.— La valeur z, est inscrite dans la règle x” 
du même appareil. La valeur enregistrée dans 
celui-ci, comme résultat de l'opération, sera donc 
UNE 1 

Troisième cas : y, < z,. Le conducteur à rend 
actifs les plots de la section /” et, comme on le 
voit dans le tableau et dans la figure, on altère 
par rapport au cas antérieur l’ordre dans lequel 
sont rendus positifs les conducteurs s’ et s”, ce 
qui fait qu'on inscrit z, dans la règle > et y, dans 
la règle ’. La valeur enregistrée dans l’appareil 
sera z, —7,. En réalité, maintenant, y, —z, est 
une quantité négative, mais l’automate n’a pas à 
s'occuper des signes, dans ce cas particulier, 
parce que c'est le carré de la différence qui inter- 
vient dans les calculs, et ce carré sera toujours 
positif. 

À partir de ce moment, la marche des calculs 
est la même pour les deux derniers cas. 

10. — L'automate, pour continuer le calcul, 


doit élever au carré la différence y, — z, (positive 
ou négative). Cela lui est très facile en utilisant 
l’arithmomètre de la multiplication, mais, en réa- 
lisant cette nouvelle opération, la valeur du pro- 
duit ax, qui était enregistrée va disparaitre. Or 
cette valeur doit figurer ultérieurement dans les 
calculs; il faut donc en prendre note avant de 
l’effacer, et c'est ce que fait l’automate dans l’in- 
tervalle actuel ; il enregistre la valeur ax, dans 
l’appareilR,.Il efface en même tempslavaleur,, 
car il n’a plus besoin de celle-ci. 

11.— La différencey,—z,ou :, —7y,est inscrite 
en même temps dans les deux règles »' et m” 
de l’appareil M. 

12. — La valeur{y, —:,) est enregistrée en R,. 

13. — Le produit 4x, est inscrit comme pre- 
mier facteur dans l’appareil M. 


14.— La valeur (y, — z,)? est inscrite comme 
second facteur. 
15. — La valeur 4,est écrite par la machine et 


l'opération est finie pour le premier système de 
valeurs particulières données. 

16. —'I1 faut que la machine à écrire laisse un 
blanc entre le premier système de valeurs et le 
second qui va être écrit immédiatement; à cet 
effet, il faut rendre positif le conducteur B,et cela 
dans les trois cas que nous avons considérés; 
c'est pourquoi le plot qui entre en contact avec 
le balai K ne se prolonge que jusqu'à la bande 
XVI. de sorte qu’à la fin de l'intervalle XV l’élec- 
tro-aimant E’ lâche son armature, le contact se 
rétablit et la machine à écrire fonctionne dès 
que le balai B devient actif, même dans le cas 
Yi) 

Mais le tambour T ne s'arrête pas, il continue 
de tourner. Comme nous l'avons vu tantôt, la fin 
de la période XVI coïncide avec le commence- 
ment de la période 1; les mêmes calculs sont 
donc recommencés; seulement, comme la pla- 
que P s’est avancée de trois pas, pendant le pre- 
mier tour du tambour T, les valeurs x}, y, et z, 
seront remplacées respectivement par æ,, 7, et 
z,. L’automate calculera donc une seconde va- 
leur particulière z,, et puis toutes les autres, sans 
discontinuer. 

On voit dans la plaque P, à la suite de tous les 
plots qui correspondent aux valeurs particulières 
des variables x, 7, :, un plot qui entre en contact 
avec le balai 7, dont le but est de signaler la fin 
des calculs et d'arrêter l’automate. Cette manœu- 
vre s'explique facilement : après que la dernière 
valeur de x a été calculée, le tambour commence 
un nouveau tour, rend positif le balai # et, par 
conséquent, le balai + laisse passer un courant 
qui traverse l'appareil L, amène le débrayage du 
tambour T, coupe la communication de la pile 


y SUPPLÉMENT À LA Feoue générale des Sciences nu 15 Novempre 1915. 
L. Torres y Queveno. Essais sur l'Automatique. 


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TORRES Y QUEVEDO. — ESSAIS SUR L'AUTOMATIQUE 609 


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avec l’automate, en somme fait le nécessaire 
pour arrêter l'opération et en même temps, si 
l’on veut, annonce le fait, en faisant sonner un 
timbre ou en utilisant un autre signal convenu. 


[V 


Cet exemple suflit à faire ressortir la généralité 
de la méthode. L'automate prend chaque valeur 
dont ila besoin, soit dans la plaque P, quandelle 
y figure parmi les données, soit dans l’un des 
opérateurs où elle est enregistrée, comme résul- 
tat d’une opération antérieure. Il exécute une à 
une toutes les opérations indiquées dans la for- 
mule à calculer, et il écrit tous les résultats qu'il 
faut conserver. 

L’automate procède en tout comme un être in- 
telligent qui suit certaines règles, mais je tiens 
à faire remarquer spécialement quil procède 
comme un être intelligent au moment où il faut 
choisir le chemin à prendre dans chaque cas par- 
ticulier ; avant de faire la soustraction indiquée 
dans la formule, il compare les deux quantités 
qui doivent être retranchées l’une de l’autre ; si 
elles sont égales, il écrit pour x la valeur zéro et 
attend sans rien faire que le tambour T ait fini 
le tour; si les deux quantités ne sont pas égales, 
les opérations se continuent, mais elles peuvent 
suivre deux chemins différents ; la différence con- 
siste seulement en ce que l’ordre d'inscription des 
deux variables y, 3 varie d’un cas à l’autre, parce 
qu'il faut inscrire la plus grande d’entre elles 
dans la règle >’, et la plus petite dans la règle z”. 

Certes, le cas considéréest très simple, mais la 
méthode est tout à fait générale. 

Dans d'autres cas, les règles imposées à l’au- 
tomate pour déterminer la route à suivre seront 
beaucoup plus compliquées : pour prendre une 
décision, il devra connaître plusieurs valeurs, 
données ou calculées dans les opérations anté- 
rieures ; ildevra savoirsi un certain fait s’est pro- 
duit, et, peut-être, le nombre de fois qu'il s’est 
produit, ou bien encore si une certaine quantité 
qui figure dans les calculs est réelle ou imagi- 
naire. Mais chacune de ces circonstances, et 
d'autres du même genre qui peuvent avoir à 
intervenir dans les décisions de l’automate, se- 
ront inscrites, une à une, pendant la marche des 
opérations, dans un appareil analogue à celui 
qui a été décrit en commençant (fig. 2). 

Il suffira à l’automaie, pour décider le chemin 
qu'il doit suivre, de rendre positif le conducteur 
R au moment voulu. Ce chemin arrivera, peut- 
être, à d’autres points de bifurcation, et, dans 
chacun d’eux, l'automate fera son choix en appli- 
quant le même procédé. 

J'ai insisté sur ce point parce qu’il est d’une 


importance capitale pour définir l’étendue de 
l’Automatique. 

On aflirme généralement qu'un automate ne 
peut jamais procéder par tâtonnements, et je 
tenais à faire voir que cette affirmation n'est pas 
fondée, ou du moins elle ne l’est pas quand on 
connaît avec précision les règles qu'il faut sui- 
vre dans les tâätonnements, et c’est là le seul cas 
qui nous intéresse. 


V 


Il est évidemment impossible de réaliser le 
schéma de la figure 7 dans des conditions d’uti- 
lité pratique, mais cela ne vient pas des difficultés 
présentées par l’automatisation. Celle-ci est ob- 
tenue par la disposition du tambour T et des 
balais conjugués avec lui; c’est dans le tambour 
qu'on a écrit au moyen de plots la formule à 
calculer; or, le tambour et ses balais seraient 
facilement construits. 

La difficulté vient des opérateurs et de la pla- 
que P, et encore elle ne dépend pas de la nature 
des mécanismes que la construction de ces appa- 
reils exige ; elle dépend exclusivement du grand 
nombre de valeurs particulières que peuvent 
prendre les variables qui interviennent dans les 
calculs. Si ce nombre était très limité — quinze, 
vingt, ou même cent, par exemple — le schéma 
pourrait être construit à peu près tel qu'il a été 
décrit. 

On peut lever la difficulté (on l’a levée dans 
tous les arithmomètres connus) en appliquant le 
principe de la numération décimale. 

Un nombre de plusieurs chiffresest traité dans 
lesopérations usuelles de l’Arithmétique, non pas 
commeune quantité simple, mais comme une 
quantité complexe : comme une somme de plu- 
sieurs quantités dont chacune est égale au pro- 
duit d’un nombre d’un seul chiffre par une puis- 
sance entière de dix. 

L'opération la plus simple, une addition, une 
multiplication, se transforme ainsi en une série 
d'opérations partielles, mais cette complication 
a été absolument nécessaire pour rendre possi- 
bles les calculs numériques, par ce fait que, dans 
chacune des opérations élémentaires, on ne doit 
prendre en considération que des nombres plus 
petits que dix. 

Chaque arithmomètre utilisé par l'automate 
dans ses calculs ne sera plus un appareil élémen- 
taire, mais une machine compliquée dans le genre 
de l’automate de la figure 7. 

L’automate, au moment voulu, lui donnera les 
deux valeurs particulières qui doivent figurer 
comme facteurs ou arguments, et déclanchera 
l'opération. Une fois celle-ci finie, et le résultat 


610 


TORRES Y QUEVEDO. — ESSAIS SUR L’AUTOMATIQUE 


enregistré, l'automate aura connaissance de ce 
fait par un conducteur pareil à + (fig. 7), et 
continuera ses calculs. 

Il n’y a pas lieu d’entrer ici dans des détails 
sur la manière de réaliser ces opérations, car 
elles sont analogues à celles dont nous avons 
ébauché la description, et j'espère qu’on admet- 
tra leur possibilité . 

Par ce moyen, nous avons rendu possibles, en 
les multipliant, les opérations élémentaires, mais 
leur nombre a été considérablement augmenté. 

Les très grands nombres sont aussi embarras- 
sants dans les calculs mécaniques que dans les 
calculs usuels ?. Dans ceux-ci, on les évite ordi- 
nairement en représentant chaque quantité par 
un petit nombre de chiffres significatifs (six à 
huit tout au plus, sauf les cas exceptionnels) et en 
indiquant par une virgule et des zéros, s'il ya 
lieu, l’ordre de grandeur des unités représentées 
par chaque chiffre. 

Parfois aussi, pour ne pas avoir à écrire beau- 
coup de zéros,on écritles quantités sous la forme 
n x 10m. 

Nous pourrons simplifier beaucoup cette écri- 
ture en établissant arbitrairement ces trois rè- 
gles très simples : 

l.n aura toujours le même nombre de chiffres 
(six par exemple). 

II. Le premier chiffre de n sera de l’ordre 
des dixièmes, le second des centièmes, etc. 

III. On écrira chaque quantité sous cette forme: 
n,m. 

Ainsi, au lieu de 2435,27 et de 0,00000341862, on 
écrira respectivement 243527; 4 et 341862; — 5. 

Je n’ai pas indiqué de limite pour la valeur de 
lexposant, mais il est évident que, dans tous les 
calculs usuels, il sera plus petit que cent,de sorte 
que, dans ce système, on écrira toutes les quan- 
tités qui interviennent dans les calculs avec huit 
ou dix chiffres seulement. 

On peut appliquer ce système aux arithmo- 
mètres dont nous nous occupons maintenant, et 
réduire ainsi suffisamment le nombre des opéra- 
tions élémentaires. Par contre, les règles pour 
chacune de celles-ci seront plus compliquées, 
mais il n’y a aucune difficulté à les formuler 
d’abord et à les traduire ensuite dans le tambour 
de l’arithmomètre. 


1. On pourrait aussi, d'après ce qui a été dit en commen- 
çant, construire un automate qui manipulerait un arithmo- 
mètre ordinaire. Il devrait alors déclancher à temps l'opé- 


ration nécessaire : faire faire un tour à la manivelle, déplacer 
le totalisateur, etc, 

2. Babbage prévoyait 50 roues pour représenter chaque va- 
riable, et encore elles ne seraient pas suffisantes si on n’a pas 
recours aux moyens que j'indiquerai plus loin, ou à un 


utre analogue, 


Voué depuis longtemps à l'étude de ces ques- 
tions, j'ai établi un schéma très complet, et 
même pour certaines parties un avant-projet 
d’arithmomètre,et je pense qu’ilest possible d’ar- 
river à des solutions pratiques, mais je ne pré- 
tends pas démontrer ici cette affirmation. Cela 
exigerait des développements qui ne peuvent pas 
prendre place dans cet article. J’ai voulu seule- 
ment signaler le chemin que j'estime le plus 
praticable pour arriver au but. 


VI 


Je dirai pourtant quelques mots sur les 
avantages du système électro-mécanique que j'ai 
tâché d’appliquer dans mes études et dans mes 
expériences. 

On préconise généralement pour ces appareils 
les solutions exclusivement mécaniques,et même 
on recommande de s’en tenir autant que possible 
aux mécanismes rigides, en supprimant les res- 
sorts, En somme, on veut avoir une confiance ab- 
solue dans là bonne marche de la machine ; on 
veut que, tant que la machine ne se détériore 
pas, les résultats de ses calculs soient absolu- 
ment exacts. 

Or, ilest évident que ce résultat ne peut pas 
être obtenu par des moyens électro-mécaniques: 
un contact peut manqueriet le résultat de l’opéra- 
tion en sera alors généralement faussé. 

J'ai done, comme tout le monde,pensé d’abord 
aux solutions mécaniques, mais là les difficultés 
paraissaient absolument insurmontables. 

Le grand nombre de mécanismes à considérer, 
les multiples connexions qu'il faut établir entre 
eux, la nécessité d’avoir des dispositifs qui per- 
mettent d’altérer à chaque moment ces conne- 
xions, la difficulté de combiner le tout sans que 
les mécanismes se gênent les uns les autres, et 
sans que les frottements empêchent les mouve- 
ments, beaucoup d'autres difficultés pratiques 
qu’on pourrait citer encore rendent le problème 
presque inabordable. 

Il a fallu le génie mécanique de Babbage pour 
l’attaquer, et encore, bien que pour le résoudre 
il ait dépensé sans compter son intelligence, son 
travail, sonargent etcelui de son pays, il n'a pas 
obtenu des résultats encourageants. 

Babbage avait, quand il entreprit le projet de 
machine analytique, une préparation théorique 
et pratique tout à fait exceptionnelle; mathéma- 
ticien distingué, il avait en outre travaillé pen- 
dant dix années à la construction de la machine 
des différences, et d’après le rapport de M. Mer- 
rifield à l'Association Britannique, ces travaux 
sont une merveille de mécanique. Du reste, tous 
les savants qui ont eu à juger l'œuvre de Babbage 


TORRES Y QUEVEDO. — ESSAIS SUR L'AUTOMATIQUE 611 


ont été frappés de l’ingéniosité et de la fécon- 
dité dont il a fait preuve dans son invention. 

M. Babbage eut à sa disposition un atelier ins- 
tallé par le Gouvernement anglais pour la cons- 
truction de la machine, et un laboratoire (esta- 
blishment) qu’il monta chez lui à ses frais pour 
les études et les essais. Il a dépensé tout près 
d'un million de francs: 500.000 de sa fortune per- 
sonnelle et 425.000 qui lui ont été fournis par le 
Gouvernement. 

Il a élaboré un système de notations méca- 
niques,système qui représente un travail énorme, 
pour pouvoir se débrouiller dans ses dessins. 
Il a étudié un grand nombre de solutions; il a 
fait, en somme, de cette œuvre, l’œuvre de sa vie, 
et il y a travaillé sans relâche pendant trente ans. 

Mais, malgré ses grands mérites, incontestables 
et incontestés, malgré son intelligence, son dé- 
vouement et sa constance, il a échoué. Ses des- 
sins et ses modèles sont conservés au musée de 
Kensington, mais il est à craindrequ'ils ne soient 
jamais utiles à personne. 

M. Babbage comptait écrire un livre : Histoire 
de la Machine analytique, mais la mort l’a sur- 
pris sans qu’il pût réaliser ce projet, et son fils lui- 
même, qui a été son collaborateur, déclare qu'il 
ne connait pas ses travaux dans tous leurs détails. 

Un autre triomphera peut-être un jour là où 
Babbage a échoué, mais la chose ne paraît pas 
aisée, et il serait téméraire à mon avis de suivre 
ses pas, tant que nous ne serons pas en posses- 
sion de principes mécaniques nouveaux qui nous 
donnent l'espoir de vaincre les difficultés de la 
route. 

Ce n’est pas mon cas. 

Les difficultés d'une solution purement méca- 
nique me paraissent insurmontables, du moins 
avec les moyens dont je pourrais disposer. Pour 
mieux dire, tant que, dans mes études sur les 
machines à calculer, je n'ai envisagé que des solu- 
tions mécaniques, je partageais l'opinion géné- 
rale; je ne croyais pas possible de résoudre le 
problème des calculs mécaniques avec toute la 
généralité qu’il comporte, tel que je l’ai examiné 
ici. 

C'est l'étude du télékine qui m'a mis sur la 
voie de ces nouvelles machines et des études 
d’automatique dont je viens de parler. 

Le télékine est en somme un automate qui exé- 
cute les ordres qu’on lui envoie par la télégra- 
phie sans fil. En outre, pour interpréter les or- 
dres et agir à chaque instant dans la forme 
voulue, il lui faut prendre en considération 
diverses circonstances. Sa vie de relation est done 
assez compliquée. 

Pendant la construction des divers modèles de 


| télékine que j'ai essayés, j'ai eu l’occasion d’ap- 


précier pratiquement la grande facilité que don- 
nent pour ces constructions les appareils électro- 
mécaniques, et j'ai pensé qu'on pourrait les 
appliquer avec succès aux machines à calculer. 

L'insécurité qu'on leur reproche est souvent 
efficacement combattue. On voit fréquemment 
des machines électro-mécaniques qui marchent 
longtemps sans se dérègler. Les grands réseaux 
télégraphiques ou téléphoniques fonctionnent 
en général très régulièrement, et les interrup- 
tions et les erreurs que tout le monde peut con- 
stater peuvent être imputées presque toujours, 
soit aux employés, soit au vent ou à la pluie, qui 
produisent des avaries sur les lignes. 

Il y a encore une cause qui dérange souvent 
ces appareils : c’est la production d’étincelles 
provoquées par la rupture des circuits. Ces étin- 
celles oxydentet salissent les métaux et finissent 
par les empêcher d'entrer en contact. L’impor- 
tance de cet inconvénient provient de ce que, 
dans les machines compliquées, les points de 
rupture des courants sont très nombreux et se 
trouvent parfois cachés, de sorte qu'il est très 
difficile de les visiter. 

Mais on peut, je pense, y remédier radicale- 
ment. Tous les circuits partiront du pôle positif 
pour arriver au pôle négatif ; donc il sera possi- 
ble, en théorie au moins, de les couper tous 
dans un même point; or, je crois, après avoir 
étudié posément laquestion, que cette possibilité 
théorique peut être pratiquement réalisée, et 
alors, n’ayant à s'occuper — au point de vue 
des étincelles — que d’un seul contact, il sera 
facile, en employant des précautions connues de 
tous les techniciens, de les tenir toujours en 
bon état. 

Je pense donc qu'avec une construction très 
soignée on arrivera à obtenir une sécurité sufli- 
sante. Elle ne sera pas absolue certainement; 
elle ne sera même pas aussi grande que celle 
qu’on pourrait obtenir avec des appareils exelu- 
sivement mécaniques, mais elle sera, je pense, 
égale ou supérieure à celle que peut nous offrir 
un calculateur habile. Or, cela suffit évidem- 
ment, puisque les calculateurs obtiennent des 
résultats auxquels nous accordons toute notre 
confiance. 

Ils y arrivent en répétant les calculs et plus 
souvent en les effectuant à deux mains, et les 
deux procédés pourraient être imités automati- 
quement; mais, malheureusement, il n’est pas 
encore nécessaire de nous occuper de ces ques- 
tions. 


Leonardo Torres y Quevedo, 
Membre de l'Académie Royale des Sciences de Madrid. 


612  PUGLIESE. — LA VALEUR ALIMENTAIRE DES DIVERS TYPES DE PAIN 


LA VALEUR ALIMENTAIRE DES DIVERS TYPES DE PAIN! 


La guerre meurtrière à laquelle participe 
l'Italie avec tant de courage, de sérénité et de 
certitude dans le triomphe assuré, devait néces- 
sairement soulever une série de graves problèmes, 
principalement ceux ayant trait à l'alimentation 
et à la santé du peuple. Ce sont les prolétaires 
qui fournissent le plus grand nombre de com- 
battantset qui, à tous points de vue, supportent 
les plus terribles effets de la lutte gigantesque. 

Parmi ces problèmes, un des plus importants 
est celui du pain, parce que le pain est l'aliment 
essentiel de nos classes de travailleurs et que sa 
rareté signifie pour le peuple misère et famine. 

Pour une nation comme l'Italie, forte consom- 
matrice de céréales sous forme de pain et de 
pâte, et qui ne produit pas tout le blé dont elle a 
besoin, il est évident que les difficultés d’appro- 
visionnement par les pays habituellement expor- 
tateurs de grains, telles qu’elles se sont produites 
dès le début de la guerre européenne, ont dù 
provoquer une perturbation profonde dans les 
cours du pain. 

Parmi les mesures prises pour rendre moins 
aiguë la crise du pain, celle d'imposer un type 
unique avec une farine blutée à 80c/, est particu- 
lièrement intéressante. On arrive ainsi à dimi- 
nuer notablement la quantité des produits de 
mouture enlevés normalement à l’alimentation 
humaine. 

Mais, bien avant que le Gouvernement italien 
prit cette décision, le Musée Social de l’'Umani- 
taria, la grande association milanaise qui s’est 
toujours occupée de l'alimentation populaire, 
avait décidé de faire étudier directement, sur des 
ouvriers qui font une forte consommation de 
pain, la valeur alimentaire du pain confectionné 
avec les différentes variétés de farine, pour déci- 
der quelle valeur alimentaire et économique on 
peut assigner au son. 

La question n’est pas nouvelle, Déjà Liebie, 
avec la grande autorité de son nom, s'était fait le 
chaud défenseur du pain intégral; son argumen- 
tation ne reposait d’ailleurs sur aucune donnée 
physiologique, mais uniquement sur l'analyse 
chimique, qui indiquait pour le son un pourcen- 
tage élevé de protéines et de substances extrac- 
tives non azotées. Mais le nœud de la question, 
comme l’observe judicieusement Rubner, est 
d'ordre physiologique et non chimique, et il 
reste à établir si le son, malgré sa richesse en 
substances albuminoïdes et hydrocarbonées, ne 

ne RS ER 


| Travail du Musée social de la société Umanitaria de 
Milan. 


représente pas autre chose qu'un lest pour notre 
estomac. 

Si, dans ces dernières années, Hindhede s’est 
fait le paladin du pain intégral, les recherches 
physiologiques poursuivies sur la valeur alimen- 
taire des pains obtenus avec des blutages diffé- 
rents laissent l'impression que le pain avec son 
est moins bon que les autres types de pain. 

Nous ne croyons pas que l’on puisse accorder 
aux résultats expérimentaux obtenus jusqu'ici 
une portée sociale. Il s’agit bien d'expériences 
scrupuleusement conduites, mais limitées à un 
ou deux sujets, tenus en observation pendant 
une période de temps trop brève, deux à trois 
jours, alimentés uniquement avec du pain in- 
géré en quantité excessive, de beaucoup supé- 
rieure à la normale. Fauvel seul maintenait son 
alimentation ordinaire, changeant seulement le 
type du pain, mais il eut le grand tort d’établir 
ses conclusions uniquement sur les analyses 
d'urine, méthode peu opportune pour décider 
de la digestibilité des différents types de pain. 

Il n’est donc pas étonnant de voir combien ces 
études physiologiques sur la valeur alimentaire 
du pain et de la farine ont donné fort peu de 
résultats, en dehors de la démonstration de la 
valeur thérapeutique du pain intégral dans la 
constipation. 

Mais il y a une série de problèmes qui, à cer- 
taines époques, présentent un intérêt de premier 
ordre : Les produits de mouture qui, en temps 
normal, ne sont utilisés que pour la nourriture 
des animaux peuvent-ils être employés avec 
avantage pour l'alimentation humaine ?— Le son 
peut-il être utilisé pour l’alimentation humaine 
et dans quelle limite? — Le pain doit-il être 
fabriqué avec une farine à haut blutage? Doit- 
on soustraire pour l’alimentation le minimum 
possible des produits de la mouture du blé ? 

Pour résoudre ces problèmes, qui dépassent 
de beaucoup les limites du laboratoire, il fallait, 
tout en conservant les méthodes et la rigueur 
scientifiques, opérer sur un nombre suffisant de 
sujets, maintenus dans les conditions de leur 
vie habituelle. 

La société Umanitaria a eu le grand mérite 
d'instituer des recherches dans ce but et suivant 
une méthode pratique qui n’avait pas encore été 
utilisée jusqu'ici. 


1. — PROGRAMME D'ÉTUDE 


Six ouvriers intelligents de la Maison du Tra- 
vail de l’'Umanitaria, reconnus sains et robustes 


PUGLIESE. — LA VALEUR ALIMENTAIRE DES DIVERS TYPES DE PAIN 613 


à la visite médicale, se prêtèrent de bonne grâce 
à l’expérience qui dura un mois, logeant et 
mangeant à la Maison du Travail, et continuant 
leurs occupations habituelles. 


Duglio 22 ans 60 k, 7 Portefuix travail dur 
Franzoni 25 » 69 k. 4 » » 
Inverselti 23 » 07 k. 8 Facteur travail modéré 
Andolf 28 » 70 k. Gardien » 
Talignani 29 » 68 k, 4 Gardien » 
Scotti 37 » 61 k. 4 Ex-cuisinier sans travail fixe 


Malgré la confiance que Ie directeur de la Maiï- 
son du Travail pouvait avoir dans ces ouvriers 
choisis, une surveillance rigoureuse était assurée 
par le directeur et par les deux gardiens, sujets 
eux-mêmes. 

Les fèces et les urines étaient recueillies en 
totalité et analysées chaque jour au laboratoire. 

Les aliments étaient régulièrement analysés. 
La question de l’alimentation à choisir était des 
plus graves; nous avons dû rejeter la méthode 
suivie par tous les autres expérimentateurs, qui, 
à l'exception de Fauvel, donnaient exclusive- 
ment du pain. Il ne serait pas possible de nour- 
rir des ouvriers, même avec la meilleure volonté, 
exclusivement de pain pendant plusieurs semai- 
nes. Ce serait d’ailleurs une faute physiologi- 
que, parce qu'une alimentation exclusive est 
absolument contraire et constitue une erreur so- 
ciale, car il n’est pas de famille, si pauvre soit- 
elle, qui se nourrisse uniquement de pain; nous 
avons pensé qu’il était préférable, pour étudier 
le mode de fonctionnement de l’appareil diges- 
tif, de procéder avec une alimentation mixte, 
dans laquelle seule variait l'espèce de pain. 

I était encore nécessaire de choisir une ration 
qui, par la nature des aliments, la quantité des 
principes nutritifs, leur valeur énergétique, s’ap- 
prochàt du type de la ration alimentaire de la 
population ouvrière milanaise, telle qu'elle res- 
sortait de notre enquête de 1914. 

Les aliments devaient être assez variés pour 
satisfaire l'appétit des ouvriers, condition indis- 
pensable pourune bonne élaboration du matériel 
nutritif, et cependant il fallait se limiter, cha- 
que espèce d'aliments devant être analysée rigou- 
reusement. 

Ces considérations diverses nous amenèrent à 
établir le type de ration suivante, qui a toujours 
été consommée entièrement et sans difliculté : 


Matin Midi Soir 
Pain 100 gr. Pain 250 gr. Pain 200 gr. 
Caféetlait 250 » Viande mai- Pâte et riz 
Sucre 15 » gre crue 100 » crus 170 » 
Légumes Beurre 12 » 
divers 100 » Lard 12 » 
Beurre 10 » Fromage 17," 
Vin 1/5 lit. Sauce 9 » 
Charcuterie 30 » 
Vin 1/5 lit: 


Au repas de midi nous avons donné 100 gram- 
mes de viande avec des légumes, parce que c’est 
le type du déjeuner des ouvriers milanais. Le 
soir, par contre, les ouvriers recherchent avec 
les pâtes un complément de charcuterie, fro- 
mage, etc. 

Tous les aliments étaient analysés à l’état cru, 
libérés de toutes les parties non comestibles, 
de sorte qu'ils étaient consommés en totalité. 
Abstraction faite petites variations 
apportées par les divers types de pain, la ration 
journalière présentait les données suivantes : 


des très 


Albumine 109 gr. 436 calories 
Graisse 60 » 534 _— 
Hydrates decarbone 485 » 1.940 — 
Cendres PSN Vin (400) 240 — 

677 gr. 3.150 calories 

Le pain représentait : 

Albumine 49 gr. 45,000/, de la quantité lotale 
Hydrates decarbone 303 » 62,240}, — 
Substances sèches 375 » 55,42 -- 
Calories 2,436 » 45,58 = 


Si l’on fait intervenir les 170 grammes de pâte 
ou de riz de la ration, on voit que les céréales 
fournissent : 


Albumine 60,09/, de la quantité totale 
Hydrates de GC. 88,45 = 
Substances sèches 80,23 = 
Calories 63,93 j — 


La ration alimentaire avait les caractères sui- 
vants : 

1° Correspondre à l’alimentation d’un ouvrier 
milanais gagnant un salaire suflisant, et fournis- 
sant 10 heures d’un travail non excessif ; 

2 Offrir une forte prédominance d’albumine 
végétale et une faible quantité de graisse, ce qui 
la rapproche encore du type alimentaire de nos 
ouvriers ; 

3° Etre constituée en grande partie par des cé- 
réales et surtout par du pain, ce qui était indis- 
pensable pour les recherches en cours. 


Les différents types de pain furent arrêtés par 
le Pr Minguzzi, spécialisé dans le problème de la 
panification. 

a) Type normal, tel qu'il était d'usage courant 
à Milan avant l'arrêté du type unique. Farine 
blutée à 751/,. 

b) Type unique officiel. Farine à 80 !/,. 

c) Type bis, avec son. Farine à 85°/,. 

d) Type mixte. Farine de froment à 80!/, : 
82 parties, contre 18 parties de farine de maïs. 

Ce dernier type est utilisé en Lombardie et 
coûte moins cher que le pain bis. 

Nous avons négligé l'étude du pain mixte blé 
et riz, qui a été très conseillé, parce que son prix 
est plus élevé que le pain mixte blé et mais. 


614  PUGLIESE. — LA VALEUR ALIMENTAIRE DES DIVERS TYPES DE PAIN 


Talignani 


PÉRIODE QUANTITÉ DE FÈCES 


SUBSTANCE SÈCHE AZOTE 


gr. 26,78 
51,70 
31,50 
34,80 
48,60 


Andolfi 


. 20,50 
41,95 
25,09 
25,92 


21,07 


Duglio 


22,02 

43,16 
26,60 
29.14 
30,25 


Scotti 


Inversetti 


ALBUMINE 
CORRESPONDANTE 


gr. 13.69 
25,31 
13,87 
17,43 
23,43 


CS D D & 9 


(ie) 
SG 


HORCES 07 
ReODaœ 
A 5] 


. 24,40 
50.46 
28.90 
29,95 
29,86 


Franzoni 


. 31:00 
54,71 
61.00 
39.60 
59,90 


La recherche fut divisée en cinq périodes de 
cinq jours chaque au minimum. Dans chacune 
d’elle, le type du pain seul était changé, le reste 
de l'alimentation et le travail accompli restant 
inchangés. L'ordre des périodes était le suivant : 


Pain normal, pain bis, pain normal, pain type 
unique, pain mixte. Après la période de pain 
bis, il était nécessaire de revenir à une période 
de pain normal, les effets du pain avec son se 
faisant sentir quelque temps encore après la 


cessation de son absorption. 


gr. 17,75 
24,12 
26,68 
18,62 
23,18 


O9 19 5 GRO 
3 «© 19 O0 Go 
RTS 


II. — RÉsuLrATS EXPÉRIMENTAUX 


L'étude des fèces étant de la plus haute impor- 
tance, nous avons réussi à limiter facilement et 
avec une exactitude suffisante les fèces de cha- 
que période, en donnant le dernier jour des 
haricots secs et du céleri. 

Les fèces de 24 heures étaient pesées avec 
soin; l'azote total, multiplié par 6,25, donnait les 
albuminoïdes éliminés de l'intestin. La des- 
siccation donnait le poids sec et l’eau. Sur la 


PUGLIESE. — LA VALEUR ALIMENTAIRE DES DIVERS TYPES DE PAIN 615 


substance sèche, on déterminait les graisses et 
les cendres. 

L'étude du tableau et des trois graphiques qui 
résument les cas les plus typiques montre que 
l'alimentation par le pain bis donne lieu à une 
ascension générale de toutes les courbes, avec 
retour à des chiffres voisins des chiffres initiaux 
quand on revient au pain normal, puis ascen- 
sion faible avec les pains à type officiel et mixte. 

Avec le pain bis, on voit que les quantités 
de fèces et des albuminoïdes perdues sont pres- 
que doublées, et cette action se prolonge parfois 
plusieurs jours après le retour au type normal. 
Chez l’un des sujets, Franzoni, cet effet persiste 
plus d’une semaine. 

Le pain officiel (à 80 %) donne des résultats 
presque identiques au pain normal, sauf une lé- 
gère action stimulante sur l'intestin. 

En ce qui concerne le pain mixte (blé et maïs), 
il y a des réactions individuelles ; alors que, sur 


110 A 
100 F 
90 F 


Quantité 


Albumine 


IP. 2°P. Ge 4°P SÈP 


Fig. 1. — Graphique de l'élimination chez Andolf. 


(Type moyen des quatre ouvriers normaux.) 


4 ouvriers, on ne constate qu'une faible aug- 
mentation des excreta, chez deux d’entre eux, 
il ya une augmentation très sensible, mais il 
faut ajouter que normalement ces sujets avaient 
toujours des excreta plus abondants. 

Il résulte de ces recherches que le pain avec 
son provoque chez tous les ouvriers une perte de 
substance nutritive considérable, et que le pain 
mixte, étant d'un prix inférieur au pain à 85 %, 
a une valeur alimentaire sans doute plus grande. 

L'état de santé des ouvriers s'est maintenu 
excellent pendant l'expérience, sauf pendant la 
seconde période, pain et son. Dans cette période, 
ils se plaignaient tous de la soif, et dans les 
24 heures la quantité d’eau absorbée passa de 
800-1.000 à 1.200-1.500 grammes. Cette sensation 
de soif disparut vers la fin de la période, sauf 


chez Franzoni. Tous accusèrent de petites dou- 
leurs viscérales, des selles nombreuses surtout 
dans les deux premiers jours. Chez Talignani et 
Franzoni, il y eut du météorisme, et chez ce der- 
nier de telles douleurs qu'il fallut donner du 
laudanum. 

Comment expliquer ces effets du pain à blu- 
tage à 85 % , effets tels qu'ils écartent toute idée 
de pousser les études sur des farines plus riches 
encore en son. 

On ne peut évoquer une irritation mécanique 
sur la muqueuse intestinale produite par la cellu- 
lose. En calculant, pour 100 grammes de son, 


210 
200 
130 
180 
170 


30 | F 


25 | Albumine | 
20 Re Te + 


15 | 
10 | | 


Fe 2°P 3<P 4°P 5£P 


Fig. 2. — Graphique de l'élimination chez Franzoni. 


35 grammes de cellulose, on trouve, pour 27 gram- 
mes de son contenu dans les 550 grammes de la 
ration quotidienne, 10 grammes de cellulose, 
chiffre insuffisant pour pouvoir agir avec cette 
intensité sur le péristaltisme intestinal, sur la 
composition des fèces, surtout chez des indivi- 
dus dont l’alimentation habituelle est déjà riche 
en cellulose. 

Il faut attirer l’attention sur une observation 
qui peut avoir un grand intérêt : Les fèces de 
nos sujets, normalement acides, devinrent très 
acides, avec forte odeur d'acide butyrique pen- 
dant la période du pain bis, et cette observation 
se répéta chez Franzoni et Talignani pendant 


616 


leur alimentation au pain mixte, que seuls ils 
supportèrent mal. 

Rubner avait déjà fait la même observation 
avec le pain intégral, et Fauvel avait signalé une 
augmentation de l’acidité urinaire avec le pain 


20] 
230 
220 
210 
200 
190 
280 
170 
160 
150 
140 
130 
120 


Albumine F 


IP 


2°P. 3£P 4°P S°P 


Fig. 3. — Graphique de l'élimination chez Talignant. 


complet. Ces résultats ne sauraient surprendre; 
on sait, en effet, que les farines fermentent 
d'autantplus facilement qu'ellessontmoinsfines, 
que le son fermente énergiquement dans l’intes- 
tin en produisant des gaz, des acides gras, par- 
ticulièrement de l’acide butyrique. C’est dans 
cette fermentation du son que nous voyons la 
cause des effets observés pendant l'alimentation 
avecle pain bis. 

Cette propriété fermentative du son justifie 
l'emploi du pain bis comme agent thérapeuti- 
que contre la constipation, mais ne peut être un 
argument pour le recommander dans l’alimen- 
tation populaire. 


Les conclusions tirées de l’analyse des fèces 
trouvent une confirmation nouvelle quand on 


PUGLIESE. — LA VALEUR ALIMENTAIRE DES DIVERS TYPES DE PAIN 


calcule la quantité absolue ou relative des prin- 
cipes nutritifs réellement absorbés pendant les 
diverses périodes. 

Dans la seconde période, avec le pain bis, non 
seulement on constate, comme on pouvait s’y 
attendre, une diminution d'absorption des élé- 
ments organiques et inorganiques de la ration, 
diminution qui se poursuit pendant la troisième 
période (pain normal), mais encore que cette di- 
minution proportionnelle porte principalement 
sur les substances protéiques. 

En passant du pain à 75°}, au pain à 85!/,, on 
voit l’utilisation de l’albumine baisser même de 
102/,. Ni les graisses, ni les hydrates de car- 
bone ne subissent une diminution pareille. 


Le pain ofliciel à 80°/, ne donne lieu à aucun 
des inconvénients observés avec le pain bis, et le 
degré d'utilisation se rapproche beaucoup de ce- 
lui obtenu avec le pain à 75!/;. 

On peut donc admettre que le pain à 80°/,, 
correspondant au pain de ménage, est un type 
excellent, qui, par suite de sa supériorité au 
point de vue économique, doit être maintenu en 
usage, même après la crise terrible actuelle et 
le triomphe du droit. 


Le pain mixte a une valeur alimentaire infé- 
rieure à celle du type ofliciel, mais supérieure 
au pain obtenu avec une farine à 85°/,. 

Le travail d’Hindhede, le défenseur du pain 
au son, est souvent cité par les partisans du 
pain intégral. Cette recherche a le grand tort, 
toutefois, de porter sur un seul individu qui 
s'alimentait avec une forte quantité de pain 
(1.000 à 1.200 grammes et 100 à 150 grammes de 
graisse; c’est seulement à certains intervalles 
qu'on ajoutait un demi-litre de lait). Vouloir 
tirer des conclusions d’ordre général d’une expé- 
rience poursuivie sur un sujet unique et doué 
d’un intestin aussi tolérant, c’est évidemment 
vouloir plier les recherches expérimentales à une 
thèse préconçue, 

Bien mieux, l'expérience de Hindhede vient 
même appuyer nos conclusions, puisque ce fut 
avec l'usage d’un pain riche en son que le sa- 
vant danois nota une perte marquée de l’albu- 
mine. Hindhede a étudié les différents types de 
pain au point de vue économique, et il résulte de 
ses tableaux que le pain intégral de seigle, sur 
lequel Hindhede insiste particulièrement, avait 
un prix si bas par rapport aux autres types de 
pain, qu'avec la même somme on devait néces- 
sairement acquérir une plus grande quantité de 
principes nutritifs qu'enachetant d’autres pains, 
même plus digestibles. Mais, en Italie, la diffé- 
rence de prix entre les pains à 75 et 85°/, est 


G. GRANDIDIER. — L'INDUSTRIE MINÉRALE A MADAGASCAR 617 


trop faible pour compenser la perte en protéi- 
ques observée avec les pains inférieurs. 

Les défenseurs du pain intégral soutiennent 
que la suppression du son entraine la perte de 
principes imporlants, comme la vitamine, très 
utile pour le métabolisme des systèmes nerveux 
et musculaire. Si on nourrit des jeunes pous- 
sins, canards, avec du riz non mondé, ils pous- 
sent normalement, alors que, si on le remplace 
par du riz émondé ou du pain blanc, ils présen- 
tent des troubles de polynévrite, qui disparais- 
sent en redonnant du riz non décortiqué ou de 
l'extrait même de l’enveloppe du riz. La nature 
de la vitamine est encore inconnue; nous igno- 
rons comment elle se comporte avec la chaleur. 
Dans le lait, elle paraît altérée par l’ébullition et 
c'est à cette destruction que l’on a attribué les 
mauvais effets du lait bouilli (maladie de Bar- 
low). 

La doctoresse Mile Neppi a aimablement 
accepté de rechercher si le pain intégral possé- 
dait encore les oxydases que l’on rencontre dans 

: son et qui donnent aux farines pauvres lacou- 
-eur sombre qui se communique au pain. 

Les recherches de Neppi ont établique la cuis- 

son suffisait pour détruire toutes les oxydases de 


la farine; il y a donc lieu de penser qu'il en est 
de même de la vitamine. Nous pouvons ajouter 
que nos lapins, nourris exclusivement au son, 
mème en quantité largement suflisante, deve- 
naient rapidement cachectiques. Malheureuse- 
ment, ces recherches ont été interrompues par 
les circonstances actuelles. 

Nous croyons pouvoir affirmer que la valeur 
alimentaire du pain n’est pas influencée par sa 
richesse en vitamine, en admettant même que 
celle-ci résiste à la cuisson. Les légumes que 
consommentnos ouvriersapporteraientd’ailleurs 
une quantité suffisante de cette substance. 

En fait, nous pouvons conclure queleson n’est 
pas un aliment utile à l’homme et que le pain qui 
ne contient qu'une modique quantité de son 
(farine à 85%) produit déjà une perte sensible, 
surtout en protéiques. 

Le pain de ménage, adopté par le Gouverne- 
mentitalien comme type unique à 80 % de blu- 
tage, est, au contraire, un pain excellent et dont 
l’usage doit être encouragé, même en temps 
normal. 


Angelo Pugliese, 
Directeur de l'Institut de Physiologie 
expérimentale de Milan. 


L'INDUSTRIE MINÉRALE A MADAGASCAR 
SON HISTOIRE. — SON ÉTAT ACTUEL 


PREMIÈRE PARTIE : MINERAIS MÉTALLIQUES 


PO RER. 


L'industrie du fer existe de temps immémo- 
rial chez la plupart des peuplades de Madagascar. 

Quelques-unes cependant, les Vazimba du 
Centre et de l'Ouest, les Betsimisaraka et les 
Bezanozano par exemple, ne la pratiquaient pas 
par respect des coutumes ancestrales : ce n’était 
pas, en eflet, par défaut de minerai, ni par igno- 
rance que ces indigènes ne travaillaient pas le 
fer; c'est parce que, leurs aïeux étant venus des 
îles madréporiques de l’'Extrême-Orient où il n'y 
a ni mines métalliques, ni argile, et où les usten- 
siles de ménageetles armes sont, parconséquent, 
d’un genre tout spécial, ils ont conservé leurs 
mœurs primitives et se sont refusés à pratiquer 
des industries qui leur étaient inconnues. Il faut 
ajouter toutefois qu'ils n’hésitaient pas à profi- 
ter, lorsque l’occasion se présentait, des pro- 
duits dus au travail des autres peuplades. 


A Madagascar, on trouve du minerai de fer à 
fleur de terre dans beaucoup de localités, surtout 
dans les terrains métamorphiques de l'Estet du 
Centre, à l’état soit de limonites ou d’hématites, 
soit, dans les quartzites, de magnétites !. Dans 
l'Est de l’Imérina, par exemple, on a reconnu 
une zone de terrains ferrugineux longue d'une 
centaine de kilomètres surune largeur de 12 à 15, 
zone dont fait partie l’Amoronkay ; de même, 
dansle sud de Boina, il y a des gisements impor- 
tants sur la rive gauche de la Mahajamba; dans 
ces régions, il suffit de creuser le sol de quelques 
décimètres pour se procurer du minerai de qua- 
lité excellente. 

Le procédé de fabrication indigène est à peu 


1. En certaines régions de Madagascar, sur la Cote Nord- 
Est par exemple, la magnétite abonde à tel point qu'elle fait 
dévier le compas des navires. 

Le minerai utilisé par les Malgaches contient souvent de 
65 à 70 °/, de métal. 


618 G. GRANDIDIER. — L'INDUSTRIE MINÉRALE A MADAGASCAR 


près le même dans toute l'ile; on concasse le 
minerai en très petits fragments avec un mar- 
teau; puis on le transporte dans des sobika ou 
grands paniers au bord d’un cours d’eau pour le 
laver en le brassant avec les mains dans tous les 
sens ; au cours de cette opération longue et péni- 
ble, son volume se réduit à peu près de moi- 
tié !. On dispose alors ce minerai de choix entre 
deux couches de charbon de bois, soit dans un 
trou fait dans le sol, soit plutôt entre quatre 
grosses pierres cimentées avec de la terre glaise, 
ou dans un fourneau d'environ 1 mètre de hau- 
teur sur 80 cm. de diamètre, lequel était cons- 
truit avec des pierres ou des scories, et enduit 
selon le cas extérieurement ou intérieurement 
d'argile. La charge de ces fourneaux est de 4 à 5 
sobika de minerai lavé, soit environ 150 à 200 ki- 
logrammes; le poids du lingot de fer qu’on en 
retire n'est que de 50°}, approximativement ; 
cette perte de moitié du poids du minerai est 
due au mâchefer et à la fonte quise mélange 
avec lui, et, comme ce culot n’est que partielle- 
ment réduit et qu'après l'avoir brisé à coups de 
marteau on est obligé d'en rejeter certaines par- 
ties, à la fin on ne retire guère plus de 25°}, 
du minerai traité. 

Pour soufller le feu, les forgerons malgaches 
emploient deux troncs d'arbres évidés, véritables 
corps de pompe en bois, hauts de 1 mètre et ayant 
environ 15 cm. de diamètre; ces tubes sont fermés 
dans le bas, à l'exception d’un petit orifice au- 
quel est adapté un tube de bambou ou de fer, par 
lequel on projette l’air sur le feu ; dans chacun de 
ces cylindres, il y a un piston en bois, au-dessous 
duquel est ajusté un tampon de rabane rembourré 
de paille, et que surmonte un bâton : la femme 
qui les manœuvre refoule l’air en abaissant l'un, 
pendant qu’elle l’aspire en soulevant l’autre, de 
sorte que le feu est activé régulièrement d’une 
manière continue. En Extrêéme-Orient, les Lao- 
tiens, les Cambodgiens et les indigènes de beau- 
coup d’iles océaniennes, ainsi que les habitants 
des rives du Zambèze,se servent d’un soufllet ana- 
logue. Par contre, au Menabé (région occidentale 
de Madagascar), les forgerons font usage d'un 
autre système plus répandu dans le centre de 
l'Afrique : c’est un soufllet en peau de chèvre, 
formé de deux outres qu’on presse avec la main. 

On chauffe pendant 6 à 8 heures; lorsque 
l’opération est terminée — ce qu’on reconnait à 
la couleur de la flamme — on laisse refroidir : on 
brise l'enveloppe pour retirer un culot de fer 
imparfaitement fondu qui ressemble plutôt à 


—————————————_—_—_—— 


1. En 1898, à Marorangotra, M. Bouts a inauguré le lavage 
mécanique du minerai et son transport dans des charrettes. 


une scorie qu’à un bloc de fonte. Les morceaux 
reconnus bons sont ensuite chauffés au rouge 
vif, et on les martèle pour en exprimer les impu- 
retés et les transformer en lingots ou en fer plat. 
Ces fers sont de bonne qualité. Assez souvent, 
cependant, ils sont brülés. | 

L’enclume est un simple morceau de fer d’une 
quinzaine de kilogrammes, posé sur le sol, et le 
marteau, à manche très court, pèse deux kilogs 
environ. : 

En modifiant les proportions relatives du 
charbon et du minerai, eten modérant l’action 
du soufllet, les Merina fabriquent de l'acier ou 
plutôt du fer aciéreux, qui est vendu sur le 
marché en masses spongieuses, et avec lequel 
ils font le tranchant de leurs outils. 

À peu près partout, à Madagascar, comme nous 
l’avons dit plus haut, on travaille le fer, surtout 
dans le but de fabriquer des sagayes, des bêches, 
des haches, des couperets et des couteaux, des 
fouines ou harpons, des hameçons, mais les 
Betsileo et surtout les Merina, plus industrieux 
et plus travailleurs, ont de tout temps été très. 
supérieurs aux autres peuplades sous ce rapport, 
comme d’ailleurs sous beaucoup d’autres : Les 
Merina, écrivait Mayeur, «le premier Européen 
qui a visité leur pays en 1777 et eu 1785 », sont 
tres habiles au travail des métaux et ils sont d’ex- 
cellents faussaires.. «A Nosiarivo (entre Ambato- 
manga et Ankeramadinikia), en outre de ceux 
qui travaillaient le minerai de fer, il y avait une 
partie des habitants qui forgeait avec beaucoup 
d'adresse des haches, des grilles, des bêches, 
des fers à nègres, des balances, des sagayes, des 
lampes, des limes, des marteaux, des ciseaux, 
des couteaux de toutes grandeurs et de toute 
espèce, des aiguilles, etc. Ils faisaient aussi 
toutes les pièces d’un fusil, assemblant bien 
celles de la batterie; le canon seul, qui n’est pas 
foré, mais soudé dans sa longueur, est défec- 
tueux et, au premier essai, crève ». Dans l'Amo- 
ronkay, région à l’est de l'Imerina, « neuf hom- 
mes et deux enfants peuvent par jour convertir le 
minerai en A8 livres de fer, et ce fer en huit 
bêches valant 2 piastres », raconte l'Anglais 
Hastie en 1817. En 1822, à l’arrivée des mission- 
naires et des artisans anglais, les habitants du 
centre de Madagascar savaient faire, en outre 
des objets énumérés par Mayeur, des pots de fer, 
des cuillers, des crocs, des limes, des rabots, des 
clous, des pinces à épiler et du fil de fer. M. Jones 
et l’ouvrier Chick leur ont appris à mieux tra- 
vailler et leur ont montré à faire des serrures, 
des vis, des baïonnettes et des sabres; M. Chick 
s'établit à Amparihibé, au nord du Champ de 
Mars de Tananarive, et le roi mit sous ses ordres 


G. GRANDIDIER. — L'INDUSTRIE MINÉRALE À MADAGASCAR 619 


de nombreux apprentis, 250 environ, dit-on, avec 
lesquels il fit Le balcon de la villa royale de Soa- 
nierana ainsi que la forte chaine qui l’entourait. 

Un créole français de l’île Maurice, nommé 
Cavaille, a appris aux Merina, en 1829, à tra- 
vailler le fer blanc, et les Zanakambony (5° classe 
de la noblesse merina) en eurent le monopole : 
les malles, les boites, les assiettes, les gobelets, 
les arrosoirs, etc., qu'ils fabriquaient n'étaient 
pas inférieurs aux mêmes articles faits par nos 
ferblantiers, mais il faut dire que le fer blanc 
venait d'Europe. Vers 1870, la caisse de 225 feuil- 
les pesant 50 kilogrammes valait à Tananarive de 
60 à 75 francs. 

Quelques années après la venue de Cavaille, 
Jean Laborde, ayant fait naufrage en 1831 au Sud 
de Mahela, trouva l'hospitalité chez M. de Las- 
telle qui l’amena à Tananarive. 

Mis en rapport avec un Français, M. Droit, qui 
avait établi une fabrique de fusils à Ilafy, près 
de Tananarive, il travailla avec lui jusqu’à son 
départ en 1835!, perfectionnant non seulement 
le forage des fusils, mais fondant et forant même 
des canons. Resté seul, il transporta en 1837 cet 
établissement, qui était loin de tout bois et de 
chutes d’eau, auprès du petit village de Mantasoa, 
à Soatsimanampiovana |(littér. : Beau lieu qui ne 
change pas), à 8 kilomètres à l’ouest de la capi- 
tale, où il a déployé une activité, une patience et 
une ingéniosité admirables, La demeure de la 
Reine, qui aimait à venir assister aux multiples 
travaux que M. Laborde faisait exécuter, était au 
centre de la cité industrielle qu'habitaient les 
3.000 ouvriers de l’établissement et leurs fa- 
milles, et tout autour s’élevaient la maison de 
Jean Laborde, un haut fourneau, tout en pierres 
de taille, et une foule de fabriques et d'ateliers de 
toutes sortes. 

C’est à l’aide des seuls manuels Roret que Jean 
Laborde à organisé les diverses usines : à côté 
du haut fourneau, il y avait le four de cémenta- 
tion, les forges, les fabriques de canons et de 
fusils, les ateliers de charpentiers et de tour- 
neurs, la verrerie, la fabrique de porcelaine, le 
four à chaux... et à une certaine distance la 
poudrerie. 

Le premier canon fait à Soatsimanampiovana, 
qu'on a appelé Mpamonjisoa [le sauveur], a été 
placé à Tananarive; les suivants ont été envoyés 
dans divers forts de l’intérieur ou des côtes. Le 


1. Droit avait épousé à Maurice la fille d'un Hovya et, venu 
à Tananarive, il avait commencé, à la demande de la reine, 
à fabriquer tant bien que mal -les canons de fusil, mais il dut 
quitter en 1835 parce qu'il refusa d’enirer dans le complot du 
Voltigeur, navire français acheté par Ranavalona pour aller 
sous notre drapeau surprendre les chefs Sakalava de la baie 
de Sainl-Augustin et s’en emparer traitreusement, 


haut fourneau avait 6 m. 50 de côté et 8 m. de 
hauteur et portait sur sa face l'inscription R. M. 
surmontée de la couronne royale (/?anavalona 
manjaka|Ranavalona était reine]) et la date 1841. 
Le four de cémentation avait environ 3 m. de 
côté sur 13 m. 50 de hauteur; à côté étaient cinq 
grands bâtiments séparés les uns des autres par 
un intervalle de 8 m.; le premier (fonderie de 
canons) mesurait 57 m. 60 sur 14 m.; la toitureen 
était soutenue par sept pilastres de 1 m. de côté; 
et les quatre suivants [lavoir de minerai, salle de 
forage des canons, papeterie et verrerie] 33 m. 
sur 11 m. Aux alentours, d’autres plus importants 
encore étaient consacrés à la forge, à la porce- 
laine, à la poterie, à la tannerie, etc.; d’un vaste 
bassin à écluses, l’eau se répandait dans les di- 
vers ateliers par des aqueducs souvent taillés 
dans le roc, et faisait aussi tourner quatre roues 
hydrauliques qui mettaient en mouvement les 
machines et dont l’une n’avait pas moins de 3 m. 
de diamètre. 

Cette usine, créée de toutes pièces en plein 
pays barbare, a excité à juste titre l’étonnement 
de tous ceux qui l'ont visitée et quien sont sortis 
pleins d’admiration pourl’hommedegrand carac- 
tère et de haute valeur qui a su l’édifier; il lui a 
fallu construire les ateliers, trouver les matières 
premières et les mettre en œuvre, former les ou- 
vriers; c’est au loin qu'il a dû aller chercher la 
plombagine pour faire les creusets, le manganèse 
pour faire le verre, la terre pour faire les briques 
réfractaires, le calcaire pour faire de la chaux ou 
des fondants, etc. Là ont été faits les premiers 
paratonnerres dont la ville de Tananarive a 
bientôt été hérissée sous sa bienfaisante impul- 
sion, car, à la saison des pluies, les orages y sont 
très fréquents et la foudre tombe souvent sur les 
maisons où elle causait jadis la mortde nombreux 
habitants. 

Cette magnifique usine a été abandonnée après 
la mort de Ranavalona l'*, qui en était très 
fière, parce que, Radama II ayant inconsidéré- 
ment aboli toute corvée, les ouvriers l’ont aban- 
donnée, s’en retournant chez eux; les voisins ont 
dès lors arraché morceau par morceau tout le fer 
des bâtiments, brisant les pierres qui encadraient 
les portes pour s'emparer des gonds, et aujour- 
d’hui il n’en reste plus que quelques vestiges. 
Toutefois, si ce remarquable établissement a dis- 
paru par la négligence et l’apathie des Merina, 
l'exemple et l’enseignement donnés par Laborde 
n’ont pas été perdus et ont produit de bons 
résultats. 

Un forgeron merina, qui se payait, en 1838, 
0 fr. 40, plus la nourriture (soit le double d’un 
ouvrier ordinaire), gagnait, à la fin du siècle 


620 G. GRANDIDIE R. — L'INDUSTRIE MINÉRALE A MADAGASCAR 


dernier, 0 fr. 50 à 1 fr. 25 (pour un ouvrier don- 
nant la moitié du rendement d’un Européen). 


II. — Or. 


Maluré les nombreux récits des anciens voya- 
geurs sur les richesses minières de Madagascar, 
la constatation de l’existence de minerais autres 
que ceux de fer est relativement récente. 

La première découverte authentique d'or à Ma- 
dagascar a été faite en 1845 par Laborde. Voici 
dans quelles circonstances: M. Laborde était à la 
chasse des bœufs sauvages avec la reine Ranava- 
lona Jre dans la plaine de Manerinerina, qui est 
située dans l'ouest de Madagascar au pied du 
grand massif central, lorsqu'il aperçut des par- 
celles d’or dans un torrent; il les prit et les mon- 
tra à la Reine : « L'or est bien mieux dans les 
entrailles de la terre où Dieu l’a mis que dehors, 
dit-elle, rejetez-le dans l’eau de la rivière. Si les 
étrangers savaient qu'il y a de l’orici, le pays ne 
m'appartiendrait plus. » L'incident fut tenu 
secret. Lorsque Radama IT succéda à sa mère, il 
prévit la probabilité des prospections minières, 
touten se réservant l'exploitation proprement 
dite, mais Ranavalona Il interdit de nouveau 
toute recherche. 1e 

En 1869, un mineur anglo-australien, sur le 
conseil de M. Parrett, étudia les alluvions decer- 
tains affluents de la Betsiboka et constata dans 
le sable de l'Ampisiria l'existence du précieux 
métal, mais il dut quitter le pays par ordre du 
premier ministre; en 1885, une nouvelle tenta- 
tive fut faite à l’instigation de M. Suberbie par 
un garçon boucher français nommé Cadière, qu'il 
envoya dans la vallée de Marokoloy (aux envi- 
rons de Malatsy, sur la route de Majunga) et qui, 
y ayant trouvé de l'or, le lui apporta; M.Suber- 
bie demanda (sans soufller mot de l’or) le terrain 
pour 25 ans « pour y faire des plantations de 
compte à demi, frais, direction à sa charge seule 
et les bénéfices devant être partagés ». 

Mais le Gouvernement malgache, qui ne savait 
comment payer les intérêts de l'emprunt émis 
pour son compte par le Comptoir d'Escompte, se 
décida à permettre à des étrangers, moyennant 
une redevance, d'exploiter les alluvions auri- 
fères. 

La premiére concession, située entre le Maha- 
jamba et la Mahavavy, avait 300 kilomètres de 
côté ; elle fut donnée en décembre 1886 à M. Su- 
berbie, qui établit le centre de son exploitation à 
Suberbieville, près de Maevatanana. Le Gouver- 
nement malgache devait fournir les ouvriers (que 
M. Suberbie crut néanmoins de son devoir de 
rétribuer dans une certaine mesure) et toucher 


10 % sur le produitbrut, plus 50 % des bénéfices, 
mais les débuts furent difficiles : en 1888, « dans 
les bons jours, la production atteignait une cen- 
taine de grammes ». Le premier ministre, ne 
voyant pas aflluer dans sa caisse les trésors sur 
lesquels il avait compté, condamna alors tous ses 
sujets, à l'exception des Nobles, à chercher de 
l'or par fanampoana, par corvée, surtout dans le 
sud du Betsileo. Cetravail obligatoire donna lieu 
à de nombreux abus et beaucoup de villages 
situés aux environs des gites furent désertés. 

Quant à M. Suberbie, il commença, à la fin de 
1889, à faire fonccr des puits et creuser des gale- 
ries pour exploiter un filon de quartz aurifère 
de 15 à 20 centimètres d'épaisseur qui existait à 
un kilomètre au sud de Maevatanana et, ayantfait 
venir des pilons, il mit en marche, au commen- 
cement de 1891, la première usine de broyage de 
quartz, d’amalgamation et d'extraction de l’or à 
A la fin de 1892, Suberbieville, 
centre des exploitations, à 4 kilomètres de 
Maevatanana, avait pres de 5.000 habitants; une 
douzainé de chantiers étaient établis aux alen- 
tours, de telle sorte que ce pays jusque-là désert, 
et qui l’est totalement redevenu aujourd’hui, 
comptait près de 20.000 habitants. 

Une autre concession a été accordée avec les 
mêmes charges, en 1891, à un Mauritien, M. Tal- 
bot, qui avait trouvé une mine d’or à Ambohi- 
pisaka, à 3 heures au nord-est d’'Ankavandra; 
cette concession s’étendait de Matseroka à Sa- 
ropitsahana en latitude et jusqu’au pied du Bon- 
golava dans l'Est, soit sur une étendue de pays 
d'environ 450 kilomètres sur près de 200. Mais, 
quand les 80 mineurs amenés de l'Afrique du 
Sud par son associé, le soi-disant capitaine Daw- 
son, qui leur avait promis des concessions de 
5544 mètres carrés, pour3 ans, moyennant 10 li- 
vres sterling une fois données et 55 0/, de l'or 
trouvé à payer au Gouvernement malgache, vou- 
lurent débarquer en août 1891 à la bouche du 
Manambolo (qui est dans le Menabé, non soumis 
aux Hova) pour se rendre à Ankavandra, les Sa- 
kalava les empêchèrent de passeret le bateau dut 
les conduire à Morondava, d’où ils se rendirent à 
Mahabo; mais, comme ils n’avaient pas de lettre 
du premier ministre,le gouverneur leurrefusa des 


Madagascar. 


‘porteurs et leur fit signer une attestation comme 


quoi il les avait dissuadés d'entreprendre ce 
voyage à travers un pays rebelle: 14 seulement 
ont réussi à atteindre Ankavandra où, contrai- 
rement à leur espoir, personne ne les attendait 
et ont été obligés de se rendre à Tananarive, 
comme le raconte le Madagascar News du 10 oc- 
tobre 1891; Dawson, qui avait empoché le prix 
des claims imaginaires qu'il leur avait vendus, 


G. GRANDIDIER. — L'INDUSTRIE MINÉRALE A MADAGASCAR 621 


ne les attendit pas et s'embarqua à Tamatave le 
27 septembre. 

Il résulte de ces récits qu’en réalité aucune ex- 
ploitation, ni même aucune recherche sérieuse 
n'ont été entreprises jusqu'aux dernières années 
du xix° siècle; aussi, dès notre prise de posses- 
sion, un engouement excessif pour les mines d’or 
de Madagascar s'est-il manifesté et traduit par 
des prospections nombreuses. 

L'or se trouve à Madagascar soit en filons dans 
le quartz où dans les schistes cristallins, soit le 
plus souvent dans des alluvions ou dans les laté- 
rites provenant des roches décomposées sur 
place par les agents atmosphériques; les régions, 
tant filoniennes qu’alluvionnaires, les plus riches 
enor sont disposées suivant des lignes defracture 
qui ont amené probablement au jour les filons 
aurifères. 

Les filons aurifères du Nord sont constitués 
par du quartz intercalé dans des grès liasiques ; 
c’est le cas, par exemple, de la riche mine d’An- 
davakoera, située à 100 kilomètres au sud d’Antsi- 
rana (Diego Suarez), entre les sources du Loky 
et le haut Mananjeba; découverte vers 1903, elle 
a produit, en 1909, 2.250 kilogs d’or; mais, dès 
l’année suivante, la production a diminué par 
suite des difficultés de l'exploitation en profon- 
deur. Ceux de l'Est sont constitués par du quartz 
intercalé au milieu des gneiss, micaschistes et 
schistes du massif archéen qui forme le centre 
de Madagascar ; dans la province de Mananjary, 
il y a des filons de ce dernier type atteignant 
quelquefois un mètre d'épaisseur, queles rivières 
torrentielles qui se jettent dans l’océan Indien 
coupent à angle droit; certains contiennent35 gr. 
à la tonne et on en a même, dit-on, trouvé un 
qui en à fourni 70. Des gisements importants 
existent d’ailleurs dans la chaine cotière orien- 
tale, entre 200 et 800 mètres d'altitude, depuis le 
Mananjary jusqu'au nord-ouest de la baie d’An- 
tongil ; ils sont coupés par l’Ampoasary (affluent 
du Mananjary), le Fanantara,le Sakaleona,divers 
affluents du Mangoro et de l’Iharoka [près de 
Beforona], le Maningory, etc. On a reconnu 
aussi une bande de terrain aurifère entre Man- 
dritsara et Ankavandra, longue d'environ 350 ki- 
lomètres ; elle se prolonge même, croit-on, jus- 
qu'au cœur du pays Betsileo, jusqu'à Ambohi- 
mandroso. Entre ces deux bandes, il y a çà et là 
de nombreux placers. 

Les filons qu'on à tenté d'exploiter dans le 
centre et l’ouest ont généralement traversé des 
gneissetse trouvent enclavés dans des quartzites, 
des calcaires cipolins et des micaschistes.Parlant 
des gisements du centre de l'ile, M. Lacroix dit 
que l’or « est un élément qui se trouve, rarement 


toutefois, dans les magmas granitiques ; il n’est 
donc pas étonnant qu’il apparaisse assez abon- 
damment à Madagascar dans les schistes cristal- 
lins sur lesquels le granit a fait sentir son 
influence, et les filons quartzeux auriléres de 
cette île semblent en relation avec le granit ». 

Les gisements alluvionnaires qui sont situés 
aux environs des filons riches attirent de préfe- 
rencelesexploitants, notammentceux des bassins 
du Loky et du Sambirano, dans le nord ; du Saka- 
leona, du Fanantara, du Sahampaka, de la Saka, 
du Mananjary et de son aflluent, l'Ampoasary, 
dans l’est; du Dabolava, de l’Antsaily, de l'Ando- 
voka, du Rafiatokana dans l’ouest; et dans le 
centre, du Sisaony, de l’Onivé, du Sakay. du 
Kitsamby, etc., ainsi que de l’Ikopa et du Betsi- 
boka, dans la région de Maevatanana. 

Les latérites, qui proviennent de la décomposi- 
tion sur place des granits, des gneiss, etc., sont 
parfois assez riches en or pour pouvoir être trai- 
tées utilement. Les pépites qu'on y trouve ne 
sont pas roulées et il n’est pas douteux qu'on les 
extrait de leur gisement originel. D'ailleurs on a 
des échantillons de gneiss contenant de l'or, 
gneiss qui, décomposés, forment les terres rouges 
de Madagascar. D’après M. Chauveau, l'or du 
Betsileo est retiré de terresrougesquisont elles- 
mêmes le produit de la désagrégation de roches 
amphiboliques qui contiennent des pyrites auri- 
fères ; ces terres fournissent de 1 à 2 grammes à 
la tonne. 

L'or de Madagascar était coté en 1910 de 2fr.20 
à 3 fr, 43, selon sa pureté. 

Le procédé d'extraction le seul usité autrefois, 
etle plususitéencore aujourd’hui, estceluidelor- 
paillage, qui existait déjà du temps de Salomon, 
c’est-à-dire du lavage au sahafa (ou van de bois), 
à la battée qui est le plus généralement ronde et 
légèrement concave; d'ordinaire, les hommes ex- 
traient à la bêche le sable ou la terre, et les 
femmes en opèrent le lavage. Assises sur la berge 
d’un cours d’eau ou y entrant jusqu'aux genoux, 
elles plongent la battée dans l’eau jusqu’au bord 
et lui impriment un mouvement giratoire, ma- 
laxant la terre et débourbant le contenu avec la 
main jusqu’à ce que l’eau ait entrainé les ma- 
tières légères, et, après quelques layages succes- 
sifs qui emportent le gravier, il ne reste plus 
que l'or et quelques parcelles de minerai de fer. 
Une femme fait par heure, dit-on, 7 battées de 
10 litres d’alluvions, soit environ 3/10 de mètre 
cube par jour, et, commeelles ne travaillent que 
cinq jours par semaine, elles ne lavent pas plus 
de 1 mètre cube 1/2 par semaine. 

La moyenne de la teneur en orne dépasse 
guère 20 à 40 centigrammes et le rendement 


622 G. GRANDIDIER. — L'INDUSTRIE MINÉRALE A MADAGASCAR 


par jour oscillait entre 14 centigrammes et 
1 gramme; quelques gisements cependant don- 
naient jusqu’à 8 grammes. Lesouvriers employés 
sur les concessions actuelles doivent fournir un 
rendementgratuit fixé d’avancesuivantlarichesse 
du placer, et l’or qu'ils recueillent en plus leur 
est payé à raison de 50 à 65 francs le poids de 
l’ancienne piastre espagnole (soit 27 grammes), 
suivantlescireonstances plusou moins favorables 
de l’exploitation etla quotité plus ou moins forte 
du prélèvement inilial : c’est ce genre de travail 
à la battée que préfèrentles Malgaches. 

Comme dans les alluvions pauvres il est néces- 
saire d'employer les méthodes industrielles, on 
a introduit sur certains chantiers les « sluices », 
dont le travail est facile, sans apprentissage, 
pour tout homme valide, qu'on paie de 0 fr. 30 
à O0 fr. S0 suivant les conditions locales. 

Le « sluice » ou lakantany, comme l’appellent 
les Malgaches, est un petit canal, long de 60 à 
80 mètres, large de O0 m. 20 à O0 m. 40 et profond 
de O m. 25 et ayant une certaine pente, canal 
formé par une série de compartiments en bois, ou 
« boxes » de 3 à 4 mètres de longueur qui portent 
un double fond mobile, une elaire-voieconstituée 
par des baguettes entrecroisées au-dessous des- 
quelles s’accumule l'or; l’alluvion se débourbe 
facilement pendantles dix premiers mètres où la 
pente est plus forte que dans le reste, où elle 
n'atteint que 4 ou 5 centimètres par mètre; grâce 
à sa densité, l’or reste entre les traverses. Vingt 
hommes suflisent à alimenter un « sluice » qui 
traite une vingtaine de mètres cubes d’alluvion. 
Au début, on n'avait d'ordinaire pas recours à 
l'amalgamation; aujourd'hui, on l’emploie dans 
une certaine mesure (dès 1898,dans les mines de 
Maevatanana [Suberbie] et de Maroandriana 
[Sescau], entre Ambositra et Ambohimanga du 
sud, etc.). 

Un « sluice » bien installé peut travailler avan- 
tageusement un placer dont la teneurne dépasse 
pas par mètre cube 0 gr. 5 d’or, l'extraction ne 
coûtant pas plus de 0 fr. 60, si elle est bien con- 
duite. Il y a donc réduction d'environ 50 % dans 
le prix de revient de l'or et également réduction 
dans le nombre des travailleurs nécessaires; ce 
qui est fort important dans un pays aussi peu 
peuplé que l’est Madagascar. Parmi les premiers 
sluices employés à Madagascar, il faut citer ceux 
de Tetezambato, sur la rivière Ivato, à 15 kilo- 
mètres au sud d'Ambositra où, en 1898, la Com- 
pagnie lyonnaise employait, dit-on, un millier 
d'ouvriers, et ceux d’Anasaha, à 70 kilomètres au 
sud-est de Fianarantsoa, où, cette même année, 
MM. Meurs et Boussand, qui y avaient établi une 
colonie minière comptant environ 500 cases, ont 


obtenu des rendements de 1 fr. 50 à 3 fr. 50 la 
tonne. 

Dans les exploitations filoniennes, on a 
recours aux pilons lourds pour broyer le quartz; 
après les installations de M. Suberbie, l’exploita- 
tion des roches filoniennes fut entreprise à 
Vohinambo, à 12 kilomètres au sud-est d'Arivo- 
nimamo, où l’or se trouve dans des bancs de schis- 
tes quartzeux, à Imaina, dans le Betsileo, à 
Benandrambo, près de Beforona, où le Syndicat 
lyonnais exploite des sulfures d'or ayant pénétré 
des quartzites, aux environs de Miandrivazo, à 
Andavakoera, etc. 


III. — Méraux AUTRES QUE LE FER ET L'OR. 


Il y a, à Madagascar, d'assez nombreux et im- 
portants gisements de métaux autres! que le fer 
et l'or : gisements de cuivre?, de plomb*, de 
nickel *, de zinc*, d’antimoine sulfuréf, de man- 
ganèse?, de titane, de bismuth”®, d'uranium et de 


1. On n'a encore constaté nulle part avec certitude la pré- 
sence d'étain; les petites perles que les indigènes tressent 
dans les bordures de leurs pagnes viennent de l'étranger. 

2. Dans le Betsileo, à Ambatofangehana (à 27 kilomètres 
S.S. O. d'Ambositra) en particulier, où il y a deux mines :: 
Awpanaovampiraka (où il y a aussi du plomb) et Voainana 
[chalcopyrite et malachite]; — dans l'ouest de l'Imerina, 
région du Vonizongo et de Betalo [cuivre natif, sulfure, 
chalcopyrite et malachite]; — dans le nord-est, baie d’Anton- 
gil et environs de Vohémar; — dans le nord, non lain de 
Diego-Suarez, à Ambobhimarina [cuivre natif]; — dans le 
nord-ouest, baie d'Ambavatoby [sulfure de cuivre]; — dans 
l’ouest, non loin du lac Kinkony, où une mine était exploitée 
par des forgerons sakalava et makoa qui faisaient avec le 
cuivre des bassins dans le goût indien, bassins qui étaient 
répandus dans tout le Maïlaka et l'Ambonygo. Il y avait aussi 
des gisements de minerais de cuivre dans le cercle de Main- 
tüirano, sur les bords de la Mahavavy et au Betsiriry. 

3. Dans le Betsileo, mine d'Ampanaovampiraka et à Manin- 
droa, au sud de Betafo; — dans le nord-ouest, à Ambava- 
toby ainsi qu'à Nosy-bé; — dans le nord-est, au nord d'Antongil 
et aux environs de Vohémar. 

4. À Ambositra, où il existe un important gisement de gar- 
niérile. 

5. A Nosy-bé et dans le nord-ouest du Boina. On dit aussi 
avoir trouvé de la cassitérite dans le Betsileo (près d'Amba- 
tofangehana), ainsi que dans le pays Tanala (près d'Ambohi- 
manga du sud), mais ces découvertes n'ont pas encore été 
confirmées. 

6. Dans le nord-ouest, au nord du cap Saint Sébastien et 
dans le sud de la baie d'Ampasindava, sur le Sambirano, où 
le sulfure d’antimoine se présente sous forme de veinules 
dans le quartz. Des colons ont signalé aussi de l’antimoine 
sulfuré dans le pays Mahafaly et dans l'ile de Sainte-Marie, 
mais le fait n'a pas été confirmé. 

7. Il existe de l’oxyde de manganèse à 70 kilomètres envi- 
ron au sud de Tananariye. C'est d'ailleurs de cette même 
région, sur le versant méridional du massif de l'Ankaratra, 
que M. Laborde a fait venir les rognons dont il se servait 
pour nettoyer le verre. On a signalé aussi l'existence de 
gisements de minerai de manganèse à 25 kilomètres environ 
au nord-ouest de Tananarive et dans le nord de l'ile de 
Sainte-Marie, 

8. Très répandu dans tout le sud du plateau central et le 
Betsilea sous la forme de fer titané, de niobo-titanates et de 
rulile. 

9. À Ampangabé, près de Miandrarivo. 


G. GRANDIDIER. — L'INDUSTRIE MINÉRALE A MADAGASCAR 623 


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radium!, de mercure?, de platine*’ et d’ar- 
gentt, mais la plupart n'ont été reconnus que 
depuis notre conquête et aucune mine n'a été 
exploitée jusqu'à ces derniers temps; seules les 
premières, celles de cuivre et de plomb d'Amba- 
tofangehana, l'ont été pour le compte du Gouver- 
nement malgache. 

Dès 1884, en elfet, le Gouvernement merina a 
fait étudier les ressources d'Ambatofangehana 
ainsi que celles d'Ambatofinandrahana, dans le 
but d'en extraire du cuivre et du plomb pour les 
besoins de la guerre, et peu après il a fait com- 
mencer les travaux. La méthode d'extraction du 
métal était primitive : au moyen du soufllet mal- 
gache à deux corps de pompe dont nous avons 
parlé plus haut, dans le paragraphe relatif au fer, 
on projetait la flamme sur un petit fourneau en 
argile contenant quelques kilogs de minerai qui 
fondait et s’écoulait par un tuyau; à Ambato- 
finandrahana il yavait une vingtaine de ces four- 
neaux en 1892. Peu après, pour augmenter le 
rendement, 1.500 corvéables ont apporté du mi- 
nerai à Tananarive où on pouvait mieux le trai- 
ter; le plomb a été employé à faire les balles 
pour la guerre avec les Français; mais, depuis 
notre prise de possession, l'exploitation de ces 
minerais a été, on peut dire, abandonnée, puis- 
que la production totale de cuivre, par exemple, 
n'a pas dépassé 8.000 kilogrammes de 1905 à 
1914, mais on a exporté pendant ce temps de 
8.000 à 9.006 kilogs de malachite. 


1. Dans toute la région d’'Antsirabé et dans le nord-ouest, 
aux environs d'Analalava, 

2. Gisements decinabre dans le Betsiriry. 

3: Dans la région orientale, on trouve çà et là quelques 
grains de platine mélangés à la poudre d'or qui semblent 
provenir de la décomposition de filons de pegmatite. 

4, En 1900, on a signalé de la galène argentifère dans le 
nord de Nosy-bé, puis, près d'Ambositra, de la cérusite légè- 
rement argentifère et du chlorure d'argent à Ambatofange- 
hana, enfin en 1910, de l'argent natifinjectant de la barytine 
blanche, dont la teneur était en certains points très élevée 
(on en a tiré cette première année 26 kilogrammes, puis 5 
en 1911 et rien de 1912 à 1914). 


Quant au nickel, qu'on exploite seulement 
depuis 1911, sa production a monté de 400 kil. 
(en 1911) et 450 (en 1912) à 4.550 (en 1913) et 10.050 
(pendant le 1‘ semestre de 1914). 

L'existence d'argent à Madagascar n’a été 
authentiquement prouvée qu'en 1845, année où 
Laborde, accompagnant la reine Ranavalona 
dans son voyage à Manerinerina, trouva quelques 
morceaux de minerai au pied du Bongolava, à 
4 mille au sud de Manjaray; il les montra au 
commandant en chef, qui lui dit'de n’en parler à 
personne à cause des idées de la reine à ce sujet, 
et, les ayant rapportés à son usine de Soatsima- 
nampiovana, illes fit fondre. Ce n’est qu'en 1900 
et surtout en 1910 qu'on en a découvert dans le 
nord. 

Dès 1869, M. A. Grandidier a rapporté des 
environs d'Antsirabé un échantillon d’uranite 
auquel M. Jeannetaz a trouvé la même compo- 
sition et les mêmes caractères optiques qu’à celle 
d'Autun. M. Lacroix a étudié cette même uranite 
ainsi que les niobotitanates uranifères radioactifs 
provenant des pegmatites décomposées d’Ambo- 
lotara, près de Betafo. En 1909, près d'Antsirabé, 
la Société des pierres et métaux a établi une usine 
d’enrichissement des minerais radifères de cette 
région provenant de la désagrégation de l’ura- 
nite ou phosphate d'urane qui existe dans les 
pegmatites de son gisement de la Manandona. 
D'après le chef du laboratoire de Chimie miné- 
rale de Tananarive, M. Pétré, la teneur de ces 
terres en oxyde salin d'urane varie de 0,1 à 0,8 %, 
teneur excessivement faible. 

L'exploitation des minerais uranifères et radi- 
fères a été, en 1909, de 500 kilogrammes, en 1910 
de 2.491, en 1911 de 29.124, en 1912 de 849 et 
en 1913 de 5.103. 


Dans une seconde partie, nous traiterons des 
richesses minérales non métalliques de Mada- 
gascar. 


G. Grandidier 


624 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


BIBLIOGRAPHIE 
ANALYSES ET INDEX 


1° Sciences physiques 


Bragg(W.H.),F. À. S., Professeur de Physique à l Uni- 
versité de Leeds, et Bragg (W.L.), Fellow de Trinit) 
College, Cambridge. — X Rays and Crystal Struc- 
ture (RAYONS X ET STRUCTURE CRISTALLINE), — 1 vol, 
in-5° de 229 p. avec 75 fig.. (Prix relié : 7 sh. 6 d.). 
G. Bell and Sons, Ltd., éditeurs, Londres, 1915. 


Il y a trois ans que Laue concevait l’idée d'employer 
un cristal comme « réseau de diffraction spatial » pour 
les rayons X!. L’heureuse réalisation de cette concep- 
tion par Friedrich et Knipping a ouvert un champ étendu 
de recherches, où ont été obtenus déjà des résultats de 
première importance. D'une part, l'analyse des rayons X 
ainsi rendue possible a permis de fixer définitivement 
leur nature ondulatoire et leur longueur d'onde et a 
conduit à des conclusions nouvelles sur les atomes qui 
les émettent sous un stimulus approprié, D'autre part, 
l'architecture interne des cristaux est devenue accessib!e 
à l’investigation et on est arrivé dans de nombreux cas 
à une connaissance exacte de l’arrangement des atomes 
à l’intérieur des cristaux. 

Parmi les savants qui ont travaillé avec le plus de 
fruits dans ce nouveau champ de recherches, MM. W.H. 
et W. L. Bragg figurent au premier plan. Dans ce 
livre, ils ont voulu donner un résumé des principaux 
résultats acquis par eux et par quelques autres expéri- 
mentateurs. 

Après une courle introduction consacrée aux idées 
qui régnaient jusqu'à présent sur les rayons X, les 
auteurs exposent les expériences de diffraction par les 
lames cristallines entreprises sur les indications de 
Laue, avec la théorie que ce dernier en a donnée, et 
d'autre part l'explication beaucoup plus simple, due à 
W. L. Bragg, qui repose sur la réflexion de ces rayons 
par les plans réticulaires à l’intérieur du eristal et qui 
l’a conduit à la formule très simple 7 — 2 d sin ô, qui 
relie la longueur d'onde ), la distance d des plans réti- 
culaires et l'angle d'incidence # des rayons. Cette théo- 
rie à conduit à la construction du spectromêtre à 
rayons X, dont les auteurs décrivent en détail la dispo- 
sition et les modes de fonctionnement. 

Après avoir rappelé les plus récentes recherches sur 
les rayons X antérieures à la découverte de Laue, en 
particulier celles de Barkla et de ses collaborateurs qui 
ont mis en évidence l'existence, dans les faisceaux des 
tubes à vide, de radiations caractéristiques appartenant 
à deux sériesK et Ldélinies par leur coefficient d’absorp- 
tion dans l'aluminium, MM. Bragg indiquent les prin- 
cipaux résultats auxquels a conduit l’étude des spectres 
de rayons X oblenus par réflexion cristalline. Les 
radiations caractéristiques des éléments, à la fois des 
séries K et L, ont été décomposées généralement en deux, 
quelquefois en trois radiations homogènes, de longueurs 
d'onde bien définies. Les fréquences de ces radiations 
présentent une relation étroite avec une nouvelle quan- 
tité, le nombre atomique, qui représente (à 2 ou 3 excep- 
tions près) la place des éléments dans la classification 
périodique, Ces résultats ont permis de vérilier certaines 
conséquences importantes des théories de Rutherford 
sur la structure de l'atome, de Bohr sur la fréquence 
des lignes spectrales émises par un atome donné et de 
Planck sur le quantum d'énergie. À ces recherches sur 
les spectres des rayons X s'attache surtout le non du 
jeune physicien anglais Moseley, récemment tombé au 
champ d'honneur dans la péninsule de Gallipoli, 


1. L. BruNeT : La nature des rayons X et la structure réti- 
culaire des corps cristallisés, Rev. gén. des Sc. du 


15 février 1913, t, XXIV, p. 101-103, 


Les autres chapitres de l'ouvrage de MM. Bragg sont 
consacrés à l'analyse de la structure des cristaux d’après 
les phénomènes de diffraction ou de réflexion des 
rayons X auxquels ils donnent lieu. L'étude des photo- 
graphies obtenues par la méthode de Laue renseigne 
sur la symétrie générale du milieu cristallin et sur la 
position et la nature, simple ou composée, des divers 
plans réticulaires ; mais il semble que son champ d'ap- 
plication soit restreint aux cristaux de structure assez 
simple. L'examen des spectres fournis par la méthode 
des Bragg permet d'entrer plus avant dans l’interpréta- 
tion de la structure cristalline, qui se révèle dans la 
distribution et l'intensité des lignes de divers ordres du 
spectre; les données obtenues permettent le caleul facile 
des distances entre les plans réticulaires et des dimen- 
sions du réseau. Les auteurs ont ainsi élucidé la struc- 
ture d’un certain nombre de cristaux, parmi lesquels 
les halogénures alcalins, la blende, le diamant, le spath 
fluor, la calcite et les carbonates isomorphes, la pyrite 
de fer, le quartz, le soufre, ete. 

Cet ouvrage, bien qu’il expose surtout les recherches 
et les idées personnelles des auteurs, et que beaucoup 
d’autres travaux sur les mêmes questions y soient à 
peine mentionnés ou omis, sera cependant lu avec grand 
intérêt par ceux qui désirent s'initier aux nouveaux 
développements de ces deux chapitres de la science 
autrefois sans aucun rapport :les rayons X et la struc- 
ture cristalline. 

Louis BRUNET. 


Spencer (L.-J.), F. G. S. — Données numériques de 
Cristallographie et de Minéralogie (ÆZxtrait du 
Tome III (1912) des Tables annuelles de constantes et 
données numériques). — 4 vol in-4° de vin-22 p. (Prix 
cart. : L fr.). Gauthier-Villars et Cie, éditeurs, Paris, 
1914. 

La 'evue a déjà signalé l'apparition de fascicules ex- 
traits des Tables annuelles de Constantes et Données 
numériques et consacrés chacun à une branche particu- 
lière de la science, ce qui rend plus facilement accessi- 
ble ce vaste recueil aux savants qui s'intéressent à une 
spécialité bien définie. Le présent fascicule, correspon- 
dant à la Minéralogie, renferme toutes les données nou- 
velles sur la composition chimique, sur les propriétés 
cristallographiques, optiques, thermiques, électriques, 
sur la dureté, la densité, les chaleurs spécifiques, les 
températures de fusion, de transformation, etc..., des 
minéraux existant dans la nature et aussi des innom- 
brables composés, minéraux ou organiques, préparés 
dans les laboratoires. 


r° Sciences naturelles 


Niox (Général), Directeur du Musée de l'Armée. — 
Géographie militaire. Les Pays balkaniques 
(3° édition). — 1 vol. in-12 de 188 p. (Prix: 2 fr. 50). 
Librairie Delagrave, Paris, 1915. 


Les pays balkaniques auront joué dans la conflagra- 
tion européenne actuelle un rôle si important et leur 
politique aura eu une telle influence sur la marche des 
événements, que l’on sent aujourd’hui partout le besoin 
de s’instruire davantage sur la géographie de ces con- 
trées et de mieux connaitre le caractère, les mœurs et 
les aspirations des peuples si divers qui y vivent. Pour 
cette étude, un guide précieux par sa clarté, par sa 
précision, par la sûreté des données scientifiques est, 
au premier chef, le volume que vient de faire paraître 
le général Niox : Les Pays ballaniques. Les travaux 
géographiques du général Niox jouissent d’une haute 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 625 


notoriété, son Grand Atlas de Géographie générale est 
universellement estimé, les volumes de Géographie mili- 
taire qu'il a publiés de 1887 à 1897 et dontil a donné 
plusieurs éditions ultérieures, ont eu un grand et 
légitime succès, C'est dire toute la valeur de l'ouvrage 
que nous signalons. 

Il embrasse comme sujet laseconde partie du tomelV 
des volumes de Géographie militaire, Autriche-Hongrie 
et Péninsule des Balkans, mais elle a été entièrement 
remaniée et mise à jour, de sorle que c’est en réalité un 
livre nouveau où l’auteur a développé et mis en relief 
tous les points qui peuvent éclairer les événements du 
jour. Avec juste raison, il a compris dans son étude la 
Transylvanie et la Roumanie, pays qui n’appartiennent 
pas à la Péninsule des Balkans, mais dont l’histoire est 
intimement liée à celle des peuples balkaniques. 

Une esquisse cthnographique nous montre d’abord 
ce que sont ces populations aux groupementsdifliciles à 
limiter et appartenant à plusieurs races nettement dis- 
tinctes ; une esquisse historique nous retrace ensuite la 
conquête de la Péninsule parles Turcs, point de départ 
des soulèvements etdes guerres qui ont rempli l'histoire 
des Balkans pendant tout le xix° siècle. Puis l’auteur 
décrit en détail chacun des Etats qui sont comme les 
« compartiments géographiques » où ces populations 
se sont groupées. Tous les développements de géogra- 
phie physique et d’ethnographie qu’il présente expli- 
quent admirablement les répartitions successives de ces 
populations dans la Péninsule, l’évolution et les pro- 
grès des divers Etats, et parlà même leur histoire, leurs 
intérêts politiques et économiques, leurs conflits et 
leurs luttes qui sont loin d’avoir pris fin. 

On peut aisément se rendre compte à la lecture de ce 
livre comment il se fait que, dans cette Péninsule cou- 
pée d'un massif montagneux, centre de divergence des 
eaux, les peuples, de race si différente, opposés par leur 
mentalité et leurs tendances, aux ambitions rivales, 
qui s’y sont rencontrés, heurtés et plus ou moins péné- 
trés ou soumis les uns aux autres, n’ont pu arriver 
encore à apaiser leurs querelles et à s'établir chacun 
sur un domaine définitif. 


G. REGELSPERGER. 


3° Sciences diverses 


Olphe-Gaillard (G.). — La Force motrice au 
point de vue économique et social. — { vol. in-8° 
de 305 pages de la collection des Etudes économiques 
et sociales. (Prix 7 fr.). M. Giard et E. Brière, édi- 
teurs, 46, rue Souflot, Paris, 1915. 


Dans cet ouvrage, l'auteur a esquissé une histoire 
économique et sociale de la force motrice, sous les di- 
verses formes où elle a été successivement miseen jeu : 
force animale, force hydraulique, vapeur, moteurs à 
gaz divers, force électrique. Il étudie le rôle qu'elles ont 
joué dans le développement de certaines industries : 
transports, métallurgie, textiles, leur prix de revient, 
leurs avantages et leurs inconvénients. Les chapitres 
consacrés à l'électricité, en particulier, constituent une 
importante partie du livre. Après avoir étudié les con- 
ditions de sa production par les moteurs thermiques et 
par les chutes d’eau, M. Olphe-Gaillard examine ses 
principaux emplois, qui sont l'éclairage, la traction et 
les industries métallurgiques et chimiques, ainsi que 
son introduction dans certaines industries à domicile, 
comme la rubanerie et le tissage de la soie, et dans les 
travaux agricoles. 

Les conclusions de l’auteur sont tout particulièrement 
intéressantes à retenir, Quel a été le rôle joué par la 
force motrice dans l’avènement de la grande industrie, 
le développement des transports et la révolution intro- 
duite dans le régime économique et dans les mœurs des 
sociétés modernes? M. Olphe-Gaillard estime que la 
force motrice est nonpas une cause directe et première, 
mais un moyen secondaire, à influence plus ou moins 


profonde. Le facteur primordial des transformations 
ci-dessus est d'ordre économique, et non technique : 
« C'est l'extension des débouchés, tenant elle-même à un 
ensemble complexe de relations sociales, el la concur- 
rence qui en est résultée parmiles producteurs, qui ont 
rendu nécessaire l'emploi de procédés rides el éco- 
nomiques de fabrication. Telle est la véritable cause de 
la concentralion industrielle. qui n’a pas attendu 
l'emploi de la force mécanique pour se réaliser sous la 
forme de la manufacture, » 

En ce qui concerne spécialement le développement 
de la force électrique, sur lequel on a fondé tant d’'es- 
poirs et de théories : fin de l'usine agglomérée, rempla- 
cée par l'atelier de famille, d’où fin des grands centres 
de populations ouvrières, disparition des grèves, ele.; 
accroissement de l'hygiène et du bien-être; déplacement 
de la richesse et de la puissance des pays qui possèdent 
les mines de charbon à ceux qui sont riches en force 
hydraulique, l’auteur, se basant sur l’observationexelu- 
sive des faits, arrive à des conclusions bien diffé- 
rentes : 

«Dansaucun pays et dans aucune branche de l’indus- 
trie, la houille blanche n’a, jusqu’à ce jour, chassé 
la houille noire de son domaine d'utilisation. La grande 
métallurgie, quiest l’une des industries où le concours 
de l'énergie électrique paraît avoir le plus d'avenir, con- 
tinuera à employer le charbon, en utilisant les gaz des 
hauts-fourneaux à la production de l'électricité, aulieu 
d'émigrer vers des régions peu accessibles où elle serait 
privée des facilités de transport qui lui sont indispen- 
sables. Pour ce même motif, les industries susceptibles 
d'un grand développement grâce à l'énergie électrique 
à très bas prix, comme les industries électrochimiques, 
ne pourront recevoir celte extension dans une mesure 
capable de modifier l’état social ou le régime industriel 
que dans les pays qui, comme la péninsule scandinave, 
sont particulièrement avantagés au point de vue des 
transporis comme à celui de la force hydraulique. En 
l’absence de ces conditions, le développement de ces 
industries dans les régionsde hautes chutes restera tou- 
jours limité. » 

« En ce qui concerne les industries dont certaines 
causes parliculières, d'ordre commercial, ont retardé 
l'évolution vers le régime de l’usine, la force électrique, 
malgré les facilités de son transport et de son morcelle- 
ment, qui lui permettent d'alimenter d’une façon pra- 
tique les petits moteurs à domicile, n’a pas contribué à 
empêcher la fatalité de cette évolution. C'est principa- 
lement la production d'articles dontle marché variable 
dépend de la mode, ou de ceux dont la fabrication com- 
porte une part importante du travail manuel, qui 
fait l’objet de ces industries. L'avantage de l'usine, qui 
consiste non seulement dans l'outillage mécanique, 
mais peut-être plus encore dans la division du travail 
et la concentration d’une production régulière et écono- 
mique, devait s'étendre à ces industries comme aux au- 
tres, dans la mesure où la régularité croissante de leurs 
marchés supprimait l'utilité du petit atelier. Le moteur 
à domicile ne constituait donc aucun avantage pour ce 
dernier, qui n’en retirait d'autre bienfait que la suppres- 
sion de l’effort physique et l'amélioration de l'hygiène: 
son résultat économique a été, au contraire, la surpro- 
duction, qui, dans des industries déjà en voie de déca- 
dence, ne pouvait qu'accentuer la crise. Dans la petite 
industrie, le seul rôle utile et fécond que puisse jouerle 
moteur électrique consiste à accroître la puissance et 
l’économie de production des artisans encore placés par 
les conditions de leur clientèle en dehors du domaine de 
la production centralisée. » 

Tous ceux qui s'intéressent aux questions à la fois 
industrielles, économiques et sociales liront avee fruit 
l’ouvrage de M. Olphe-Gaillard, auquel l'Académie des 
Sciences morales et politiques a d’ailleurs décerné 
l’une de ses récompenses, 


626 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 
Séance du 11 Octobre 1915 


M. le Président annonce la mort de MM. Ed. Pril- 
lieux, membre de la Section de Botanique, et Ph. Hatt, 
membre de la Section de Géographie et Navigation, 

1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, —- M. L. Lecornu : Sur 
le flambement d'une tige courbe. Pour une tige mince, de 
longueur !, ayant ses extrémités fixes et possédant par- 
tout la courbure 1/R, la pression capable d'amener le 

EI / 4 r?R? ù 
flambement est —, | —— 
R5 B 
une circonférence complète (E étant le coeflicient d’élas- 
ticité et 1 le moment d'inertie de la section droite). Cette 
limite tend vers zéro pour [= 2 FR; mais en même temps 
la variation de courbure, dans la déformation corres- 
pondante, s’atténue de plus en plus, en sorte que, pour 
l'anneau fermé, il ne subsiste qu'une rotation sans flam- 
bement; pour obtenir réellement le flambement de cet 
anneau, il faut pousser la pression jusqu’à la valeur 
3 EI/R$. — M. H. Arctowski : Sur les facules solaires. 
L'auteur a comparé les surfaces des taches et des facu- 
les solaires par groupes de 30 jours dans les observa- 
tions héliographiques de Greenwich. Les valeurs moyen- 
nes des taches diminuent jusqu’au 9° jour après le jour 
du maximum, puis augmentent jusqu’au 14° jour, dimi- 
nuent de nouveau et finalement, après le 20° jour, aug- 
mentent vers le maximum correspondant à la rotation 
complète du Soleil. La courbe des facules est assez irré- 
gulière. Elle présente un premier maximum le r* jour, 
c'est-à-dire le jour du maximum de taches, puis un se- 
cond maximum le 7° jour et un troisième le 18° jour. Si 
le 2° et le 3° maximum correspondent au 1" et au 2° 
maximum de taches, il y aurait un retard de 6 jours 
dans le premier cas et seulement de 3 dans le second. 
Quoi qu'il en soit, l’auteur considère le phénomène de 
la variation de fréquence des taches solaires comme 
n'étant qu'une manifestation subordonnée du phéno- 
mène de variation des facules. 

2° SCIENCES NATURELLES. — M. E. Demoussy : Sur la 
localisation des acides et des sucres dans les fruits 
charnus. L'auteur a reconnu que la composition des 
fruits varie d’un point à l’autre de leur masse. Quand 
on extrait le jus des fruits, les cellules qui se vident les 
premières, c’est-à-dire celles qui présentent la moindre 
résistance mécanique et la plus grande perméabilité, 
n'ont pas la même composition que celles qui fournis- 
sent les derniers liquides. Leur différence de constitu- 
tion physique est accompagnée d’une différence de 
composition chimique de leur contenu ; il y a localisa- 
tion. Par contre, il y a équilibre osmotique dans toutes 
les portions du fruit. — M. P. Lesage: Plantes salées 
et transmissibilité des caractères acquis. Les plantes 
issues de graines provenant de plantes salées, arrosées 
à l’eau salée, présentent les caractères de ces plantes 
salées ; en est-1l encore de même lorsqu'on arrose ces 
plantes à l’eau douce ? Les expériences de l’auteur per- 
mettent de répondre aflirmativémentà la question, sans 
qu'on puisse encore prétendre qu'il s’agit là de trans- 
missibilité des caractères acquis. 


1 


tant que / n'atteint pas 


Séance du 18 Octobre 1915 


M. le Président annonce le décès de MM, Gaston 
Vasseur et Henri Fabre, correspondants de l’Aca- 
démie, 

1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. L. Fabry et 
H. Blondel : Sur l'identité de la nouvelle planète Comas 
Sola avec (193) Ambrosie. Les auteurs ont calculé l’or- 
bite de la nouvelle planète signalée récemment par 


. 


M. Comas Sola et l’ont comparée avec le catalogue des 
orbites connues. Les éléments obtenus sont presque 
identiques à ceux de (193) Ambrosie, planète découverte 
en 1859 par M. Coggia et qui n'avait pas été revue. — 
M. J. Dejust : Sur l'emploi du tube de Venturi pour la 
mesure directe du débit d'une conduite. La méthode de 
l’auteur, qui consiste à placer, sur une dérivation éta- 
blie entre la section d’entrée et la section étranglée du 
tube de Venturi, un compteur ordinaire et un dia- 
phragme percé d’un orifice, a le grand avantage de ne 
nécessiter que l'emploi d’un compteur de calibre beau- 
coup plus faible que celui de la conduite. Le rapport p 
entre le débit de la conduite et celui de la dérivation est 
pratiquement constant. 

2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. Albert Colson : Des 
chaleurs de saturation de quelques sels alcalins. L'au- 
teur a déterminé les chaleurs de saturation du nitrate 
de potasse, du chlorure de potassium et du chlorure 
d’ammonium, entre 5° et 21°, Elles varient au moins de 
7°/0. Ces variations sont toutefois moindres que celles 
des chaleurs de dissolution à l’état permanent, c’est-à- 
dire au moment où ces dernières deviennent indépen- 
dantes de la dilution à température fixe, et c'est à tort 
que l’on considère comme des constantes les chaleurs de 
dissolution des Tables thermochimiques. — M. M. Dra- 
pier : Application de la cryoscopie à l'analyse chimi- 
que. L’auteur a reconnu que la cryoscopie peut rendre 
de grands services pour le dosage d’un corps organique 
dans les mélanges complexes que nous offrent en géné- 
ral la nature et l’industrie. Il envisage les deux cas d’un 
mélange binaire et d'un mélange plus complexe et 
donne une solution théorique du problème. Les vérifi- 
cations expérimentales qu’il a faites jusqu'ici de sa mé- 
thode ont donné des résultats très encourageants. — 
MM. Em. Bourquelot et A. Aubry : De l'activité. au 
cours de la synthèse biochimique des alcoolglucosides & 
par la glucosidase 8, des autres ferments qui l’accompa- 
gnent dans lémulsine. Les auteurs ont reconnu que les 
hexobiases qui accompagnent la glucosidase 8 dans 
l’émulsine doivent, concurremment avec ce dernier fer- 
ment, exercer leur action spécifique dans les solutions 
de glucose dans les alcools avec formation d'hexobioses. 
L'importance de cette action dépend des proportions 
réciproques de l’eau et du glucose qui entrent dans la 
composition de ces solutions, l'alcool étant sans 
influence sur l'équilibre à atteindre, 

3, SCIENCES NATURELLES. — M. F. d'Hérelle : Sur 
le procédé biologique de destruction des sauterelles. La 
destruction des sauterelles par le coccobacille présente 
quelques diflicultés par suite de l’atténuation rapide de 
la virulence du microbe et de la nécessité de faire des 
passages constants de sauterelle à sauterelle pour exal- 
ter la virulence, L'auteur a reconnu que les cadavres 
desséchés de sauterelles mortes de la maladie depuis 
un temps allant jusqu’à 2 ans renferment des coco- 
bacilles toujours vivants et aussi virulents que les 
cultures fraiches, Il suflit de réduire les cadavres 
en poudre, puis de délayer la poudre dans un 
bouillon stérile et d'isoler le coccobacille spécifi- 
que sur gélose par les procédés ordinaires pour avoir 
un virus prêt à servir, — MM. E. Aubel et H. Colin : 
Réaction du milieu et filtration des toxines. La filtration 
des toxines est fonction de la réaction du milieu : tan- 
dis qu’en milieu alcalin, les toxines filtrent bien, en 
milieu acide elles sont arrêtées en grande partie par 
le filtre, Les extraits en milieu alcalin sont plus actifs 
que les extraits en milieu neutre ou acide. La pauvreté 
en toxine des bouillons de culture acide résulte par- 
tiellement des difficultés de filtration en milieu acide. — 
M. A.Guilliermond : Quelques observations cytologiques 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 627 


sur le mode de formation des pigments anthocyaniques 
dans les fleurs. L'auteur montre que l’anthocyane se 
forme dans les fleursexactement comime dans les feuilles, 
c'est-à-dire aux dépens des mitochondries, — MM, G. 
Rivière et G. Baïilhache : /’Amygdalopersica For- 
monti L. Daniel. Cet hybride de greffe s’est constitué, en 
1908, par le développement de plusiéurs pousses 
d’amandier sur le tronc et les branches de charpente de 
deux vieux pêchers, dirigés en espalier et greflés en 
écusson et en pied sur des sujets d'amandier. Ces pous- 
ses, devenues très forles,ont montré depuis lorschaque 
année de nombreuses fleurs d'amandier qui, cette an- 
née, ont donné naissance à trois amandes, dont deux, 
arrivées à maturité, présentèrent un péricarpe vert pu- 
bescent, charnu, mais coriace, — MM. Th. Guilloz et 
E. Stock : Sur un compas pour la recherche des projec- 
tiles (voir p. 472). 


SOCIETÉ DE BIOLOGIE 


Séance du 9 Octobre 1915 


M. Ed. Retterer : Des hématies du chien. L'hématie 
du chieñ a 57 en moyenne; elle est sphérique ou hémi- 
sphérique et se compose d’un croissant hémoglobique et 
d'un ménisque peu hémoglobique ou anhémoglobique. 
En perdant son ménisque anhémoglobique, elle devient 
bi-concave où éupuliforme. — MM. Ed. Retterer et 
H. Neuville : Des hématies de l'éléphant, du chameau 
et du lama. Malgré leur configuration particulière, la 
structuré de ces hématies est la même que célle des 
autres mammifères; ellés sont, en effet, composées : 
19° d'une portion hémoglobique occupant le centre de 
l'élément; 2° d'une zone anhémoglobique qui se renfle 
sur l’une des faces en un ménisque; 3° d'un contour net 
hématoxylinophile simulant une membrane limitante. 
— M. A. Netter : Un cas de maladie sérique après in- 
jection de sérum humain dans le canal rachidien. L'au- 
teur, ayant praliqué dés injections de sérum humain 
dans le canal rachidien chez un enfant atteint de polio- 
myélite, a vu survenir des accidents analogues à ceux 
de la maladie sérique, On croyait généralement que 
celle-ci ne Se produit qu'à la suite d’injections de sérum 
hétérologue ; il est prouvé maintenant que l’éruption 
sérique peut succéder à des injections dé sérum homo- 
logue. — MM. M. Weinberg et P. Séguin : Le 
B. œdematiens et la gangrène gazeuse. Les auteurs ont 
trouvé dans de nombreux cas de gangrène gazeuse des 
bacilles spéciaux, différents du vibrion septique, dont 
l’un à été désigné sous le nom de Z, œdematiens. Ce 
microbe est un anaérobie strict, Il tue tous les ani- 
maux de laboratoire en produisant au point d'inocula- 
tion un œdème considérable, avec de rares bulles dé gaz. 
Des lapins préparés, les uns avec les corps microbiens 
de ce bacille, les autres avec sa toxine, ont fourni des 
sérums spécifiques agglutinants et antitoxiques. — 
MM. À. Ch. Hollande et J. Gaté : Albuminurie patho- 
logique et albuminurie Simulée par injection intravési- 
cale d’ovalbumine. Les auteurs signalent chez certains 
soldats une simulation de l’albuminurie pathologique 
par l'injection d'ovalbumine dans la vessie, La présence 
de l’ovalbumine dans l'urine humaine peut être facile- 
ment décélée par le liquide de Maurel et les réactions 
des précipitines, ainsi que par l’examen macéré- et mi- 
croscopique de l'urine. En outre, la disparition rapide 
(de 2 à 4 jours) de l’albumine des urines chez le sujet 
mis en observation où soumis à un lavage de vessie 
vient confirmer les résultats de l'analyse. — M. J. Ca- 
mus : Présentation d'un dynamo-ergographe général. 
Cet appareil a pour but l'étude des mouvements élémen- 
taires des membres tels que la pression de la main, l’'ex- 
tension et la flexion du membre supérieur et du membre 
inférieur, de façon à juger de la capacité ou de l’incapa- 
cité générale de travail d'un membre malade. Cet appa- 
reil est destiné à servir aux blessés de la guerre, afin de 
permettre : 1° d'établir les qualités des mouvements des 
membres, leur force, leur rapidité, leur amplitude, leur 


travail, leur fatigabilité ; 2° desuivre les progrès réalisés 
au cours du traitement; 3° de dépister les simulateurs; 
4° d'évaluer l'incapacité de travail pour les gratitications 
et les pensions. — MM. V. Riche et J. Arrous : Novo- 
caine et novine. Recherches expérimentales de toxicité. 
La découverte de la novocaine a fait de la rachi-anes- 
thésie une opération sans danger. Les auleurs ont re- 
cherché si l’on ne pourrait remplacer ce produit, d’ori- 
gine allemande, par un produit français de même valeur. 
ls montrent que la novine possède les mêmes proprié- 
tés anesthésiques et la même toxicité que la novocaïne. 


ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM 


Séance du 29 Mai 1915 


19° SCIENCES MATHÉMATIQUES. —M. Jan deVries : Con- 
gruences bilinéaires de courbes gauches déterminées 
par des réseaux de surfaces eubiques. — MM. Jan de 
Vries et W. Kapteyn présentent un travail de M. Chr. 
H. van Os : Puints conjugués d'un complexe de surfa- 
ces quadratiques. 

2° SCIENCES PHYSIQUES. — MM. H. A. Lorentz et H. 
Kamerlingh Onnes présentent un travail de M. P. 
Ebrenfest : emarque sur la théorie capillaire de La 
forme cristalline. Ilustration de là théorié énergétique 
de Gibbs et Curie au moyen d’un schéma moléculaire 
simplifié ; dans ce schéma, l'énergie superficielle est une 
fonétion continue de l'orientation de la surface, La 
forme sous laquelle, à volume donné, l'énergie superti- 
celle ést un minimum (condition d'équilibre) est un 
polyèdre. — MM. H. A. Lorentz et H. Kamerlingh Onnes 
présentent un travail de M. G. J. Elias : Sur un théo- 
rème éléctromagnétique général et son application à l'état 
magnétique d'une barre de fer tordue. Considérations 
théoriques à propos de l'observation de Wiedemann, 
d'après laquelle une tige de fer aimantée longitudinale- 
ment ou circulairement prend une aimantalion cireu- 
laire ou longitudinale lorsqu'on la tord, alors qu’une 
tige qu’on aimante à la fois longitudinalement et cir- 
culairement se déforme en se tordant. — MM. H, A. 
Lorentz et F. A. H. Schreinemakers présentent un tra- 
vail de M. J. J. van Laar : Quelques remarques sur la 
pression osmolique. Remarques critiques sur la note de 
M. Ehrenfest, communiquée dans la séance du mois de 
mars. — M. P. Zeeman : Le coefficient d'entrainement 
de Fresnel pour diverses couleurs. IL. Répétition de 
l'expérience de Fizeau pour diverses couleurs et vérifica- 
tion de l'exactitude de la formule du coeflicient d'entrai- 
nement. —M.H. A. Lorentz présente un travail deM.W. 
Voigt : Sur la dispersion des effets magnélo-optiques 
de l'acier et du cobalt dans l'ultra-violet. L'auteur tâche 
de tirer des données existantes quelques conclusions re- 
latives au mécanisme des actions magnéto-optiques dans 
les métaux ferromagnétiques. — M.F. A. H. Schreine- 
makers : Equilibres invariants, monovariants, et biva- 
riants. 1. Considérations théoriques aboutissant aux 
conclusions suivantes : Si l’on connaît les compositions 
des phases qui coexistent en un point invariant et les 
variätions d'entropie et de volume qui accompagnent 
les réactions, on peut déterminer dans un diagramme 
p, T les courbes partant de ce pointet la distribution 
des champs bivariants. Dans tous les systèmes binaires, 
la distribution et la situation relative des courbes et 
champs, partant d’un point quadruple, sont toujours les 
mêmes. — M. F. A. H. Schreinemakers et Mlle W. 
GC. de Baat: Combinaisons de l’anhydride arsénieux. 
Il, Examen dessystèmes ternaires H°0 — As? O3 — KCI, 
H20 — As?03 — NH'CI et H?20 — As°0* — Na CI à 30°. 
Il se forme des combinaisons additionnelles de l’'anhy- 
dride arsénieuxet du sel haloïde. — MM. S, Hoogewerff 
et F, A. H. Schreinemakers présentent un travail de 
MM. W.Reinders et F. Goudriaan: Sur des équilibres 
dans le système Cu-S-0 ; le processus de réaction du 
grillage du cuivre. — M. J. P. van der Stok : La rela- 
tion entre les conditions météorologiques dans les Pays- 
Bas et des localités voisines. Pression atmosphérique. 


39 SCIENCES NATURELLES. — M. L, Bolk: La dentition 
des Marsupiaux dans ses rapports avec celle des Kep- 
tiles et des Monodelphes. I. Dans ce travail, l’auteur 
s'est eflorcé de prouver que, dans son développement 
et sa constitution, la dentition des Marsupiaux présente 
encore des relations avec celle des Reptiles. Elle est, 
d’ailleurs, intermédiaire entre celle des Reptiles et des 
Mammifères monodelphes. — MM. L. Bolk et J, Boeke 
présentent un travail de M. J. A. J. Barge : Sur la 
signification métamérologique de la limite cranio-verté- 
brale. Dans laquestion du développementde la colonne 
vertébrale et du crâne, deux problèmes ont spéciale- 
ment attiré l'attention : la réarticulation de la colonne 
vertébrale et la mélamérie du crâne Bien que ces pro- 
blèmes aient élé étudiés en détail, les deux idées fonda- 
mentales qui ont dirigé les recherches ont toujours été 
traitées séparément. C’est là-dessus que l’auteur attire 
l'attention etil montre que par là la signification de 
faits importants a passé inaperçue. — MM, Max Weber 
et L. Bolk présentent un travail de M. K. Kuïiper Jr. : 
La physiologie de la vessie natatoire des poissons. II. 
Etude du rôle du conduit pneumatique des Physosto- 
mes. — MM.J. K., A. Wertheim Salomonson et G. van 
Rynberk présentent un travail de M. S. de Boer : Sur 
le rythme cardiaque. IV. Alternance du cœur. Expé- 
riences faites sur des cœurs de grenouille isolés et mon- 
trant l’activité allernante de cet organe. — MM. W. 
Einthoven, F. L. Bergansius et J. Bytel : Sur l'en- 
registrement simultané de phénomènes électriques à 
l'aide de deux ou plusieurs galvanomètres et son appli- 
cation à l’électro-cardiographie. Examen de la ques- 
Lion de savoir comment on doit régler les sensibilitésde 
trois galvanomètres, afin qu'ils enregistrent simultané- 
ment des courbes telles que les centimètres en ordon- 
nées représentent toujours en millivolts les variations 
de potentiel entre deux points de dérivation du corps. 
— M. C.E. A. Wichmann: Sur la phosphorite de l'ile 
Ajawr. Description du minéral et examen de son mode 
de formation. 


Séance du 26 Juin 1915 


1° SCIENCES PHYSIQUES. — M. J. P. Van der Stok : 
La relation entre les conditions météorologiques dans 
les Pays-Bas et les localités voisines. Différences de 
pression atmosphérique et vent. — M. P. Zeeman : Le 
passage de la lumière par la fente d'un spectroscope. 
Mesures relatives à la polarisation qui se produit dans 
le passage de la lumière par une fente étroite, — MM. 
H. A. Lorentz et P, Zeeman présentent un travail de 
M. H. K. de Haas : Une confirmation du principe de la 
relativité. Considérations relatives à des recherches, 
à résullal négalif, concernant la question de savoir s’il 
existe une vitesse de propagation de la gravitation; ces 
considérations vérilient un des théorèmes fondamen- 
taux de la théorié de la relativité, avec une précision 
plus grande que ne le permettent des mesures d'optique. 
— MM. Ernst Cohen et W. D. Helderman: ZLather- 
modynamique des éléments normaux. VII. Ea thermo- 
dynamique de l'élément Weston. De nouveaux caleuls 
établissent l'accord entre les valeurs de l’énergie chimi- 
que de l’élément normal déduites d'une part de données 
thermiques, d'autre part de données électriques. — 
MM. J. D. van der Waals et P. Zeeman présentent deux 
travaux de M. A. Smits : Allotropie moléculaire et al- 
lotropie de phase en Chimie organique. C’est surtout 
dans le domaine de la Chimie organique que l’existence 
d'une allotropie moléculaire peut être démontrée; l’au- 
teur pense que l'explication en doit être cherchée dans 
le fait que la vitesse de transformation d'une espèce de 
molécules en une autre est beaucoup plus faible en Chi- 
mie organique qu'en Chimie inorganique. C’est donc 
dans ce domaine que l’auteur pense pouvoir le mieux 
contrôler sa théorie de l’allotropie et il donne un aperçu 
du vaste champ d'études qui s'ouvre à ce sujet, — La 
contradiction apparente entre la théorie et la pratique 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


dans la cristallisation de substances allotropiques hors 

de divers solvants. La théorie de l'équilibre chimique 

apprend que le sens de l’isomérisation doit être indé- 

pendant de la nature du solvant, ce qui semble être 

contredit par l'expérience, D’après l’auteur, cette con- 

tradiction n’est qu'apparente et réside dans une fausse 
interprétation des résultats théoriques. — MM. A. F. 
Holleman et J. D. van der Waals présentent un travail 
de M. F. E. Schefter : Sur l'allotropie des sels haloïdes 
d'ammonium. I. Détermination du point de transforma- 
tion du chlorure d'ammonium, par mesures de solubi- 
lité et à l’aide de catalysateurs; celte température est 
184°,5. L'allotropie du chlorure d'ammonium peut se 
démontrer par cristallisation, en employant la glycérine 
comme solvant. — M. H. A. Lorentz et H. Kamerlingh 
Onnes présentent un travail de M.P. Weiss et Mlle E. 
D. Bruins:£a susceptibilité magnétique et le nombre de 
magnétons du nickel en solution de ses sels. Examen de la 
façon dont la susceptibilité magnétique du nickel en so- 
lution dépend de la concentration. Les recherches por- 
tèrent sur le sulfate, le chlorure et le nitrate en solution 
aqueuse; le nombre de magnétons est de 16 pour les 
trois sels. Ce nombre n’est pas modifié par l’addition 
d'acide sulfurique, mais est légèrement diminué par 
l’addition d’'ammoniaque. La susceptibilité atomique du 
nickel en solution saline suit la loi de Curie. — MM. H, 
A. Lorentz et H, Kamerlingh Onnes présentent un tra- 
vail de M. P. Weiss et Mlle C A. Frankamp : £xa- 
men magnélo-chimique de sels ferreux en solution. Le 
nombre de magnétons du fer en solution de sulfate fer- 
reux et de sulfate double ferro-ammoniacal est le même 
(26,5) et indépendant de ia concentration. — MM. H. 
Kamerlingh Onnes et W. H. Keesom : £a chaleur 
spécifique à basse température, 11. Mesures concernant 
la chaleur spécifique du cuivre entre 14° et 90° K. — 
MM. H. Kamerlingh Onnes, C. Dorsman et G. Holst: 
Isothermes de gaz diatomiques et de leurs mélanges bi- 
naires. XVII. Déterminations préliminaires relatives à 
l'isotherme de 20° C. de l'hydrogène entre 60 et 90 atm. 
Pour la mesure des pressions, le manomètre ouvert en 
cascade, en usage au laboratoire de Leyde, fut complété 
de façon à permettre des lectures allant jusqu'à 100 atm. 
— MM. H. Kamerlingh Onnes, C. A. Crommelin et 
Mlle E. J. Smid : /sothermes de gaz diatomiques et de 
leurs mélanges binaires. XNIII. L'isotherme de 200 C. 
de l'hydrogène de 60 à 100 atm. — MM. H.Kawmerlingh 
Onnes et J. P. Kuenen présentent un travail de M.C. A. 
Crommelin et Mile E. J. Smid : Comparaison d'un 
manomètre balance de Schüfjer et Budenberg avec le 
manomètre étalon ouvert du Laboratoire de Physique de 
Leyde entre 20 et 100 atmosphères ; contribution à la 
théorie du manomètre balance de S. et B. La sensibilité 
du manomètre-balance dépasse de beaucoup sa préci- 
sion, qui doit être contrôlée au moyen d’un manomètre 
ouvert. — MM. H. Kamerlingh Onnes et Sophus 
Weber: Nouvelles expériences avec l’hélium liquide. O. 
Sur la mesure detrès basses températures. XXN. Sur la 
détermination des températures accessibles au moyen 
de l'hélium liquide, surtout au point de vue de la mesure 
de latension de vapeurde l'hélium. Mesures faites à l’aide 
d’un thermomètre à hélium. où la pression du gazest mesu- 
réeau moyen d'un manomètredeKnudsen. — M.H. Ka- 
merlingh Onnes: Moyens et méthodes usités au labora- 
toire cryogénique. XVI. Le cycle du néon. —MM. H.Ka- 
merlingh Onnes et C.A.Crommelin:/sothermes de gaz 
diatomiques et de leurs mélanges binaires. :XIX. 150- 
thermes du néon et déterminations préliminaires concer- 
nant l'état liquide du néon. Isothermes de 20°, o° et des 
températures voisines de — 200°. Tensions de vapeur, 


point d'ébullition, point triple, densités du liquide. 
J.-E. V. 


(A suivre.) 


Le Gérant : Octave Doix. 


Sens. — Imp. Levé, 1, rue de la Bertauche. 


26° ANNÉE 


30 NOVEMBRE 1915 


Revue générale 


DS SOrencCes 


pures et appliquées 


Fonpareur : LOUIS OLIVIER 


Directeur : J.-P. LANGLOIS, Docteur ès Sciences 


A dresser tout ce qui concerne la rédaction à M. J.-P. LANGLOIS, 8, place de l'Odéon, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des 
travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France eten pays étrangers y compris la Suède, la Norvège et la Hollande, 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


$ 1. — Distinctions scientifiques 


Les prix Nobel pour 1914 et 1915. — L'Aca- 
démie des Sciences de Stockholm vient de décerner les 
Prix Nobel pour 1915,en même temps que ceux de 1914 
au sujet desquels toute décision avait été ajournée jus- 
qu’à présent par suite de la guerre. 

Pour la Physique, le prix de 1914 est attribué à M.M. 
von Laue, professeur à l'Université de Francfort, et ce- 
lui de 1915 à MM. W.-H. et W.-L. Bragg, professeurs 
l'un à l’University College de Londres, l’autre au Tri- 
nity College de Cambridge. Cette distinction est desti- 
née à récompenser les travaux de ces trois auteurs sur 
la diffraction des rayons X par les milieux cristallisés, 
dont la Revue commence dans ce numéro même un 
exposé détaillé! et qui constitue l’une des découver- 
tes capitales de la Physique en ces dernières années. 

Pour la Chimie, le prix de 1914 est décerné à M, Th. 
W. Richards, professeur de Chimie à l'Université Har- 
vard de Cambridge (Etats-Unis), l’un des chefs de l'Ecole 
physico-chimique américaine. Avec les ressources dont 
dispose son laboratoire et avec la collaboration des 
nombreux élèves qu'il a formés, il a entrepris, en par- 
ticulier, une série de travaux sur la détermination et 
la revision des poids atomiques des éléments, dont les 
premiers remontent à une trentaine d'années et qui ont 
fixé ces constantes si importantes avec une précision 
qui n'avait pas été atteinte. — Le prix de 1915 est al- 
tribué à M. R. Willstaetter, professeur de Chimie à 
l’Université de Berlin, auteur d’un grand nombre de tra- 
vaux de Chimie organique, en particulier sur les alca- 
loïdes et sur la chlorophylle, dont il a élucidé en grande 
partie la constitution? 


$ 2. — Nécrologie 


Ph. Hatt. — La mort a surpris en pleine activité 
d'esprit l’un des membres les plus éminents et les plus 


1. L. Bruner : Rayons X et structure cristalline, p.645. 
2. M. Tsverr : La chimie de la chlorophylle, Revue gén. 
des Se. du 29 févr. 1912, p. 141. / 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 


sympathiques du Corps des Ingénieurs Hydrographes, 
M. Ph. Hatt, membre de l’Institut et vice-président du 
Bureau des Longitudes. 

Né à Strasbourg en 1840, il entra à l'Ecole Polytechni- 
que en 1859 et en sortit élève ingénieur hydrographe. 
Il fut presque aussitôt envoyé en Egypte pour seconder 
M. Bouquet de la Grye, chargé de l'étude du port 
d'Alexandrie. Cette rencontre devait avoir sur la car- 
rière scientifique du jeune ingénieur la plus heureuse 
influence,et dès cette époque commença entre ces deux 
savants une affectueuse collaboration. 

M. Hatt fut ensuite envoyé en Cochinchine, où il fit 
de nombreuses reconnaissances. Pendant son séjour en 
Extrème-Orient, il observa avec l’astronome Stephan 
une éclipse de Soleil dans la presqu'ile de Malacca. 

Il fut chargé plus tard de diverses missions sur les 
côtes de la France, de l'Algérie et de l'Egypte. Il prit 
part en 1884 à l’observation du passage de Vénus sur le 
Soleil à l’Ile Campbell, puis en 1878 dans les Monta- 
gnes Rocheuses à celle du passage de Mercure, et il 
dirigea la mission du second passage de Vénus en 1882 
dans l’Argentine. De 1884 à 1890, il prit la direction du 
levé des côtes de la Corse. 

Tout en se livrant à ces importants travaux, Hatt a 
rédigé de nombreux mémoires scientifiques. 

En Géodésie, ses études sur le tour d'horizon, sur les 
coordonnées rectangulaires, sur la méthode graphique 
dans le calcul des signaux, sur la compensation d'un 
réseau de triangles, sur les coordonnées azimutales, 
sont devenues classiques et ont contribué à simplifier 
et à rendre plus précises les méthodes en usage au Ser- 
vice Hydrographique de la Marine. 

Dans ses ouvragessur les marées, après avoir résumé 
la théorie de Laplace, il présente des aperçus ingénieux 
qui permettent de se faire une idée de la loi générale du 
phénomène, et qui servent d'introduction à l'étude 
empirique de la marée. Le premier en France, il a fait 
connaître les méthodes de l'analyse harmonique dont 
les principes ont été posés par Sir William Thomson, 
et il les a appliquées au calcul des Annuaires des marées 
des côtes de la France et de nos colonies. 

Tous ces travaux avaient attiré sur lui l’attention de 


630 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


l'Âcadémie des Sciences, dont il fut nommé membre en 
1897 à la place de d'Abadie. En 1912, il remplaçait 
Radau au Bureau des Longitudes. 

Le 9 octobre dernier, il mourait subitement dans sa 
propriété de Guindalos aux environs de Pau. 

Sa vie tout entière a élé consacrée à la science et ses 
ouvrages sont parmi les plus importants de ceux qui 
ont paru depuis trente ans sur la géodésie et sur les 
marées, 


J. Renaud, 


Directeur du Service hydrographique. 


Gaston Vasseur. — La science francaise vient de 
faire une perte sensible en la personne du géologue 
Gaston Vasseur, Correspondant de l’Institut, professeur 
à la Faculté des Sciences de Marseille, directeur du Mu- 
sée d'Histoire naturelle de cette ville, collaborateur 
principal au Service de la Carte géologique de France. 

Ce savant émérite est mort subitement le Q octobre 
dernier, à l’âge de 60 ans. Né à Paris en 1855, Vas- 
seur se passionna dès l'enfance pour la géologie. 
A 18 ans, il avait déjà fait d’intéressantes découvertes 
paléontologiques dignes d’être publiées, notamment 
ce remarquable exemplaire de Palæotherium magnum 
à peu près complet quil sauva de la pioche des 
terrassiers dans les carrières de Vitry, et qui orne au- 
jourd'hui les galeries de Paléontologie du Muséum, 
Elève d'Hébert et de Munier-Chalmas, il fut bientôt un 
adepte fervent de la rigoureuse méthode de ces maitres 
stratigraphes, qui ont donné Lant d'éclat à la Géologie 
française, Ses premiers travaux, dans lesquels apparaît 
son talent. d'observateur éminemment scrupuleux et 
minulieux, ont trait à des études détaillées de coupes 
géologiques relevées dans des tranchées de chemins de 
fer de la région parisienne. 

Dès 1878, Hébert lui confia les fonctions de prépara- 
teur adjoint à la Faculté des Sciences de Paris. En 1881, 
à 25 ans, il soutint sa thèse intitulée : Recherches géo- 
logiques sur les terrains tertiaires de la France occiden- 
tale. Dans ce travail devenu rapidement classique, im- 
peccable par la méthode et la précision, Vasseur se 
révèle aussi fin analyste que judicieux et original dans 
la synthèse. Les nombreux gites fossilifères, découverts 
par lui en Bretagne lui ont permis d’établir un parallé- 
lisme rigoureux, terme à terme, entre les séries tertiai- 
res de Bretagne et celles du Bassin de Paris et de la 
Gironde. Grâce à de consciencieux levés cartographi- 
ques, il a pu reconstituer la forme exacte des golfes 
éocènes etoligocènes (Rupélien) armoricains et démon- 
trer qu'un bras de mer très important reliait la Manche 
à l'Atlantique pendant le Lutétien. Cet ouvrage fut 
couronné par l’Académie des Sciences et la Société géo- 
logique de France en 1882. 

En 1886, il fut chargé des conférences de Paléontolo- 
gie, puis d'un cours libre à la Faculté des Sciences de 
Paris.Il conserva ses fonctions jusqu’en 1888, année où il 
fut nommé professeur de Géologie et de Minéralogie à la 
Faculté des Sciences de Marseille, 

Durant celte période de 188r à 1888, Vasseur, dont la 
prédilection pour la cartographie géologique s’est mani- 
festée sans cesse, élabore avec le seul concours de son 
cousin, M. Carez, cette carte géologique de France au 
500.000° aujourd'hui répandue dans tous les établisse- 
ments d'enseignement supérieur et qui marque bien 
une étape dans l’histoire de la Géologie française. 

L'activité scientifique de Vasseurs’est développée dans 
toute son ampleur à l’Université de Marseille. Il sut at- 
tirer et grouper autour de sa chaire, tant par le charme 
de son enseignement que par son affabilité naturelle,un 
choix d'élèves qu'il a associés à ses travaux. 

Dès 1889, il avait accepté de Michel-Lévy cette tâche 
ardue de dresser pour le Service de la Carte géolo- 
gique la carte au 80.000 du vaste bassin tertiaire 
d'Aquitaine. Pareille entreprise avait rebuté bien des 
géologues, en raison des incessants changements de 
faciès de nos terrains du Sud-Ouest, trop souvent 


dépourvus de restes paléontologiques. 18 feuilles de la 
carte au 80.000 ont été ainsi levées par lui et cinq ou 
six de ses élèves préférés, Mon maître est mort avec la 
satisfaction d’avoir vu à peu près terminée cette œuvre 
que d’aucuns taxent des plus ingrates et qui cependant, 
à juste litre, a fait la joie des plus belles années de son 
existence de savant. Les deux dernières feuilles qui 
restent à publier (Bergerac et Villeréal) sont actuelle- 
ment à la gravure, et depuis deux ans nous procé- 
dions, en vue de l’établissement de la carte géologique 
au 320.000", à la revision rapide des feuilles levées 
anciennement par Jacquot, 

En 1901, l’Académie des Sciences récompensait l’in- 
fatigable et tenace géologue en lui accordant le prix 
Delesse pour le dur et fécond labeur qu’il accomplissait 
en Aquitaine ; en 1914, cette haute Assemblée lui témoi- 
gnait une nouvelle marque de son estime en l’élisant 
membre correspondant, 

Si nous regrettons tous que Vasseur disparaisse sans 
avoir écrit le mémoire d'ensemble qu'il se proposaitde 
publier un jour sur cette remarquable région française, 
unique en Europe par la variété et l'étendue de ses for- 
mations lacustres, du moins, à côté de l’œuvre incom- 
parable de cartographie qu'il laisse, nous a-t-il donné 
une série de notes explicatives des plus précieuses, 

Dans ces nombreux documents, parus aux Comptes 
rendus de l'Académie des Sciences ou dans le Bulletin 
des Services de la Carte géologique de France, l’âge des 
dépôts si variés de mollasses et de calcaires lacustres 
est sobrement discuté et établi sur les meilleures bases 
paléontologiques. Des tableaux synthétiques y mettent 
en lumière l’équivalence des divers termes de la série 
tertiaire du Sud-Ouest avec ceux du Nummulitique des 
Pyrénées et des Corbières, avec ceux de Provence et du 
Bassin de Paris. Je ne saurais omettre son travail sur 
le prolongement des poudingues dits de Palassou, dont 
il a suivi la trace jusque dans le Tarn, mettant ainsien 
évidence comment ces dépôts détritiques marquent la 
première amorce du rivage oriental de l’isthme qui. lors 
de la surrection des Pyrénées, a séparé la mer d’Aqui- 
taine de celle des régions méditerranéennes. 

Les gisements de Vertébrés qu'il a découverts en 
Aquitaine sont légion. Les nombreuses pièces qu'il en 
a extraites avec un artetune habileté qu'il semblaittenir 
de son maitre Munier-Chalmas ont été données par lui 
à la Faculté des Sciences de Marseille, où se trouve 
maintenant l’une des plus belles collections de Mammi- 
fères de notre sud-ouest, 

Ses travaux sur le bassin d’Aix-en-Provence et les 
environs de Marseille ne sont pas moins intéressants; 
malheureusement cette partie de son œuvre estinachevée. 
On lui doit la découverte, dans le voisinage des Marti- 
gues, d'une flore turonienne, une coupe d’une extraor- 
dinaire minutie intéressant la série crélacée des bords 
de l'étang de Berre, où les niveaux à Rudistes ont été 
fidèlement distingués, une étude stratigraphique des 
formations tertiaires du bassin d'Aix, etc. 

Au cours de ses explorations géologiques, qui ont 
occupé certainement plus de la moitié de sa vie, Vasseur 
a eu l’occasion de faire d’importantes découvertes tou- 
chant à la Préhistoire et à l’Archéologie, Parmi ses pu- 
blications de cet ordre, je me bornerai à citer le beau 
mémoire de 290 pages in-4°, orné de 17 merveilleuses 
planches en couleurs, qu'il faisait paraitre, quelques 
semaines avant sa mort, sous le titre : Les origines de 
Marseille. Le hasard l'ayant amené, il y a environ 
dix ans, dans le fort Saint-Jean, alors qu'on y creusait 
des puits pour les fondations denouvelles constructions, 
il découvrit, dans les déblais, des débris de poteries 
grecques qu'il soumit à l'examen de M. Pottier, l’un 
des éminents conservateurs du Musée du Louvre. Sur 
les conseils de ce savant, il surveilla les forages du Fort 
Saint-Jean et avec une patience sans égale passa au 
tamis une grande partie des terres de déblaiement pour 
en sauver les précieux documents qui s’y trouvaient, 
Les résultats qu'il obtint, complétés parune minutieuse 
étude stratigraphique des terrains fouillés, lui‘ ont 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


631 


permis de conclure que Marseille a une origine plus 
ancienne qu'on ne l'avait toujours pensé. 

La preuve en est faite par les nombreux débris de 
poteries peintes ioniennes du vu siècle avant notreère 
mises à jour par le regretté professeur et qui démontrent 
que, près d’un siècle avant l’établissements des premiers 
colons phocéens, Marseille eut pour berceau des 
comptoirs fondés par des navigateurs ioniens. 

Le temps qu'il consacrait à ces recherches, s'il n’a pas 
été tout à fait en pure perte pour la Géologie, retardait 
le moment où il devait s’adonner tout entier à la rédac- 
tion de son mémoire sur l’Aquitaine. Hélas ! ce moment 
n'est pas venu... qu'importe! La vie de ce laborieux 
naturaliste a été féconde pour la science, pour le beau 
renom de son pays qu'il aimait par-dessus tout, C’est 
une grande et originale personnalité qui disparait du 
monde des géologues français dans une auréole d'une 
rare probité scientilique, J. Blayac, 


Chef des Travaux pratiques 
de Géologie à la Sorbonne. 


S 3. — Electricité industrielle 


Les progrès de l'électrification des che- 
mins de fer. — L’électrification des voies ferrées se 
poursuit, en Amérique, avec une activité que justifient 
amplement les avantages du nouveau mode de traction, 
La locomotive à vapeur, malgré le poids énorme de sa 
chaudière, n’a qu'une adhérence souvent insuflisante, 
surtout aux démarrages; les saccades imprimées aux 
roues par le va-et-vient des bielles les prédisposent au 
patinage, et ce défaut limite aussi la vitesse, qui n’est 
accrue qu’en proportion du diamètre donné aux roues 
motrices. Le tracteur électrique, lui, doit à la régularité 
du couple rotatif qui l’entraine la suppression des 
à-coups et des mouvements de lacet. Il acquiert facile- 
ment une grande rapidité, sans qu'il soit nécessaire 
d'employer de grandes roues; il faut, au contraire, dans 
la plupart des cas, réduire la vitesse par un jeu d’en- 
grenages. Cependant, sur les locomotives du Vew- York 
Central Railroad, les induits des moteurs sont directe- 
ment montés sur les essieux. 

L'avantage le plus apprécié de la traction électrique 
est la possibilité de démarrer avec la plus grande accé- 
lération compatible avec l’équilibre statique des voya- 
geurs, Les trains à arrêts fréquents peuvent ainsi attein- 
dre une vitesse si élevée que la vitesse moyenne garde 
une valeur satisfaisante, malgré la fréquence des arrêts. 
La traction électrique estdonc tout indiquée,sur les lignes 
métropolitaines et de banlieue, où elle ne constitue, en 
somme, qu'une extension des réseaux de tramways. 

Sur les réseaux à longs parcours, il devient néces- 
saire de changer le mode de distribution de l’éner- 
gie. Si l’on se bornait à alimenter les moteurs par des 
courants à 6co ou 700 volts, il faudrait multiplier outre 
mesure les sous-stations transformatrices ou donner aux 
conducteurs de très grosses sections : dans l’un et l’autre 
cas, la dépense serait excessive. On a été ainsi amené à 
admettre des tensions assez élevées, 3.000 volts, par 
exemple, comme le fait le Chicago, Milwaukee and 
Saint-Paul Railroad. Cette solution ne paraissait d’abord 
pas compatible avec l'emploi Gu courant continu. Sur 
les réseaux où l'on se sert de ce genre de courant, la 
tension d'alimentation est généralement comprise entre 
500 et 750 volts. Quand la différence de potentiel atteint 
1.500 ou 3.000 volts, la traction est assurée par quatre 
ou huit moteurs couplés en série, au démarrage, et deux 
par deux ou quatre par quatre en parallèle, en pleine 
marche, de manière à ne pas dépasser 700 ou 750 volts 
aux bornes de chaque moteur. 

Le plus souvent, l'énergie est fournie sous forme de 
courants alternatifs. Bien que les moteurs à champ 
tournant soient très supérieurs aux alterno-moteurs 
simples, la distribution est rarement faite par courants 
triphasés, parce qu'elle exigerait au moins deux fils ou 
deux rails isolés, le troisième conducteur étant constitué 
par la voie ferrée ordinaire : outre la dépense d’instal- 


lation, il en résulterait une grande complication, aux 
croisements, les deux lignes devant rester parfaitement 
isolées l’une de l’autre, En revanche, ce système est le 
meilleur pour la récupération de l'énergie, à la descente 
des pentes, notamment; aussi en trouve-t-on quelques 
exemples dans les régions montagneuses, surtout en 
Italie et en Suisse. 

Le courant monophasé n’exigeant qu'un seul conduc- 
teur isolé, c’est généralement sous cette forme que 
l'électricité est fournie au train, Toutefois, comme le 
triphasé est plus avantageux pour la transmission de 
l'énergie à grande distance, la combinaison suivante est 
la plus usitée: l'énergie produite à proximité d’une mine 
de charbon ou empruntée à une chute d’eau est:amenée 
par courants triphasés à très haute tension jusqu'à une 
sous-station, où des convertisseurs rotatifs la transfor- 
menten courantalternatif simple à tension moins élevée. 
C’est ainsi que la General Electric C°, de Schenectady, 
a équipé 182 kilomètres de voie principale entre Three 
Forks et Deer Lodge. C’est le premier pas vers l’électrifi- 
cation d’une distance totale de 710 kilomètres. Les loco- 
motives ont une puissance normale de 3.000 chevaux ; 
elles sont actionnées par 8 moteurs et pèsent 263 ton- 
nes, La ligne est partagée par sections, alimentées cha- 
cune par une sous-station, dont la distance moyenne est 
de 56 kilomètres. 

Le courant alternatif destiné à la force motrice est 
avantageusement produit à basse fréquence, contraire- 
ment à la solution adoptée pour l'éclairage : la fréquence 
de 16 périodes par seconde’est reconnue la plus pratique, 
parce qu’elle permet d'utiliser des moteurs asynchrones, 
construits à peu près comme les moteurs à courant con- 
tinu, La tension aux bornes du collecteur ne dépasse 
pas 800 volts, et, comme la tension à l'archet est géné- 
ralement de plusieurs milliers de volts, elle est d’abord 
réduite dans des transformateurs statiques portés par le 
train, Les moteurs à collecteurs marchent bien, moins 
bien cependant avec les courants alternatifs qu'avec le 
courant continu. 

Le moteur à courant continu est le moteur de traction 
par excellence; mais, par contre, c’est sous la forme 
alternative que l'électricité se prête le plus simplement 
et le plus économiquement aux distributions à grande 
distance. L'idéal serait donc d'amener aux locomotives 
le courant alternatif et de le transformer, sur la machine 
même, en courant continu. Le convertisseur à mercure 
de Cooper Hewitt est tout désigné pour cet oflice, puis- 
qu'il ne comporte aucun organe mobile, et les modèles 
entièrement métalliques que l’on en construit actuelle- 
ment sont suffisamment robustes pour cette application. 
La Pensylvania Railroad Co, la New-York-New-Haven 
and Hartford et la Westinghouse Electric and Manufac- 
turing Co se sont associées, en 1913, pour construire et 
expérimenter une locomotive à quatre moteurs de 
225 chevaux munie de convertisseurs à mercure. Elle est 
actuellement en service sur les lignes de la New- Haven Co, 
et les résultats des essais paraissent satisfaisants, 

Malgré sa supériorité sur la locomotive à vapeur, la 
locomotive électrique ne constitue qu'une étape provi- 
soire, mais nécessaire, dans l’électrification deschemins 
de fer, Le remorqueur attelé à la tête du train absorbe 
pour sa propre traction environ un tiers de l'énergie 
dépensée, et, pour assureraux roues motrices l’adhérence 
indispensable, on est amené à concentrer sur un très 
faible espace un poids énorme, qui fatigue les voies. La 
mise en service des locomotives à vapeur dutype Pacific 
a obligé les compagnies à renforcer les ponts, et les 
locomotives électriques exigent les mêmes précautions, 
lorsqu'on veut les rendre aussi lourdes, L’électricité 
offre un moyen bien simple de supprimer le poids inu- 
tile du tracteur, en composant les trains de wagons 
munis d’essieux moteurs : en divisant ainsi l'effort, on 
répartit le poids nécessaire à l’adhérence sur une plus 
grande longueur de rails, et chaque point de la voie n’a 
qu'une charge beaucoup plus modérée à supporter. 

Si avantageuse que soit celte combinaison, on com- 
prend qu’elle ne soit pas immédiatement réalisable sur 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


tous les réseaux, car il ne faut pas songer à remplacer, 
du jour au lendemain, ni même d’une année à l'autre, 
tout le matériel roulant actuel. Les compagnies procè- 
dent donc par transformations partielles. La première 
phase est le remplacement progressif des locomotives, 
d'abord sur les lignes de banlieue, puis sur des parcours 
de plus en plus étendus. La seconde est l'établissement 
des trains à unités multiples, Ce programme est actuel- 
lement en voie de realisation sur denombreux réseaux. 
Nous en voyons, du reste, un exemple en France, sur 
les chemins de fer de 1 Etat, dont les nouvelles voitures 
automotrices, longues de 22 mètres, peuvent contenir 
200 voyageurs et comportent, en outre, un fourgon à 
bagages, ainsi qu'un poste de commande à chaque 
extrémité, Chacune de ces voitures réunit tous les élé- 
ments d’un train complet et peut ainsi assurer, à elle 
seule, le service aux heures de faible trafic. S'il y a 
plus de 200 voyageurs, on attelle à l’'automotricesoit une 
autre voiture semblable, soit queiques wagons ordi- 
naires. Si l'affluence l'exige, on forme un train aussi 
long qu'il le faut, avec des wagons ordinaires, en y 
intercalant un nombre convenable de voitures mo- 
trices. Ces dernières sont toutes reliées entre elles par 
des connexions et des relais établis de telle sorte que tous 
les moteurs et tous les freins soient commandés simul- 
tanément par le contrôleur placé en tête du train. Si 
long que soit le convoi, la direction n’en est pas plus 
difficile que celle d’un tramway, et un seul homme y 
suilit, Arrivé au terminus, le conducteur n’a qu’à se 
rendre dans la cabine arrière de la dernière voiture,qui 
devient alors l'avant du train : celui-ci peut donc immé- 
diatement repartir en sens inverse, sans aucune des ma- 
nœuvres qu'exigent les déplacements des locomotives. 
E. C. 


$ 4. — Chimie physique 


La perte de poids du muse dans un courani 
d'air set. — Plusieurs tentatives ont été faites, entre 
autres par Fischer et Penzoldt! et par Passy ?, pour dé- 
terminer la plus petite masse de substance odorante 
susceptible d’exciter le sens de l’odorat. Ces recherches 
partaient de l’idée que la sensation d’odeur est stimulée 
par le choc direct de particules de matière sur l’appareil 
olfactif. S'il en est ainsi, toutes les substances odorantes 
doivent perdre constamment de leur poids. En expéri- 
mentant sur le muse, il est arrivé de constater que ce 
parfum communique son odeur pendant des années sans 
diminution de poids; mais, élant donné le caractère 
hygroscopique des granules de muse, une faible perte 
peut être complètement masquée par l'absorption de 
l'humidité de l'air. 

M. Ch. B. Bazzoni * a repris ces expériences en s’en- 
tourant de toutes les précautions possibles. Les granules 
de muse (mélange complexe de composés organiques) 
sont placés dans une coupe minuscule fixée à l'extrémité 
d'une fibre de quartz horizontale, dont l'autre bout est 
encastré rigidement à l'intérieur d'une cage en verre. 
Les variations de poids du muse se traduisent par une 
diminution de flexion de la fibre, qu'on mesure au moyen 
d'un microscope placé en dehors de la cage. Cette micro- 
balance a une sensibilité deo,00001 mgr.Pendant mois, 
on a fait passer à travers la cage un courant d'air soi- 
gneusement desséché et noté la diminution de poids. 
Voici la moyenne de la perte en mgr. par jour pour 
chaque mois, l'échantillon initial pesant 1,32245 mgr. 
après dessiccation : 


Nov. Déc. Janv. Fév. Mars Avr. Mai 
0,00318 0,00135 0,00087 0,0003D 0,00025 0,00017 0,00002 


Au bout de ce temps, le muse fut retiré de la cage; 


1. Sitzungsber. der phys. med, Soc. zu Erlangen, t 
1885-1886). 

9,C R. Soc. Biol., t. XLIV, p. 84 (1892). 

3, Journal of the Franklin Institute, t, 

t. 1915. 


XVIII, 


CLXXX, p. 463; 


il ne présentait plus aucune odeur, même après broyage, 
exposition à l’air ou à l'humidité. 

De ces premiers essais, l’auteur conclut que : le muse 
perd de son poids quand il est placé dans un courant 
d'air sec; cette perte n’est pas due à l’'évaporation de 
l’eau; après que la perte de poids a cessé, le muse n’est 
plus odorant ; l'odeur n’est pas restaurée par exposition 
à l’air humide, D’autres expériences sont en cours avec 
d’autres parfums. 

$ 5. — Chimie biologique 

La structure moléculaire et la vie. — On sait 
qu'une foule de relations du plus haut intérêt ont été 
établies entre la constitution des corps el certaines de 
leurs propriétés, telles que la couleur, le pouvoir tineto- 
rial, la densité, la saveur, le pouvoir rotatoire, l’action 
pharmacologique, etc. Mais aucune tentative n'avait 
été faite, jusqu'ici, pour rattacher à la structure des 
molécules les propriétés d'ordre biologique. Tel est le 
problème abordé par M. A. Pictet dans son discours 
d'ouverture prononcé récemment à la 97° session de la 
Société helvétique des Sciences naturellesi, 

M. Pictet essaie de répondre aux trois questions 
suivantes : 

«1° Existe-il une relation entre la constitution chi- 
miqne d’un corps et le rôle qu’il joue au sein de l’orga- 
nisme vivant? 

« 2° Existe-t-il une condition de structure moléculaire 
qui rende une substance utile, indifférente ou nuisible à 
l'entretien de la vie, qui en fasse un aliment ou un poison? 

«39° Existe-t-i2 une condition semblable par laquelle 
la matière d'une cellule vivante se distingue de celle de 
celte même cellule morte, autrement dit la mort 
résulte-t-elle d’un changement dans l'architecture des 
molécules. » 

Les composés organiques actuellement connus appar- 
tiennent à deux types seulement : les composés à 
chaines ouvertes et les composés cycliques. Ces deux 
grandes classes des composés organiques sont séparées, 
au point de vue théorique, par un large fossé. Mais 
celui-ci n’est pas infranchissable. Il est possible, dans 
beaucoup de cas, par des réactions appropriées, d'agir 
sur les molécules des corps de manière à fermer sur 
elle-même une chaîne ouverte (c’est la c)clisation) ou de 
rompreune chaîne fermée (cyelolyse).On peut ainsipasser 
expérimentalement d’un type à l’autre. Encore faut-il 
remarquer que ce passage est incomparablement plus 
facile dans un sens que dans l’autre : un des caractères 
des chaines fermées est leur stabilité et il faut un tra- 
vail chimique toujours considérable pour en disjoindre 
les chainons; au contraire, la cyclisation — tout en 
exigeant un certain apport d'énergie, nécessité par l’in- 
flexion de la chaine rectiligne et la soudure de ses deux 
atomes terminaux — s'opère beaucoup plus aisément. 

Il ya, pense M. Pictet, tout un ensemble de propriétés 
fondamentales de la matière qui sont régies par la 
nature, cyclique ou linéaire, du squelette moléculaire. 
Ces propriétés sont celles qui entrent en jeu danstoutes 
les manifestations de la vie, L'étude des phénomènes 
vitaux considérés par M. Pictet porte sur les végétaux, 
où ces phénomènes se présentent à nous dans une 
simplicité relative. 

Si l’on passe en revue les substances qui jouent le 
rôle d’intermédiaires dans la synthèse végétale, et qui 
existent d’ailleurs dans toutes les plantes : aldéhydes 
formique et glycolique, sucres, amidon, acides végé- 
taux, asparagine, glycérine, matières grasses, lécithines, 
on est frappé de ce fait que leurs molécules ne renfer- 
ment que des chaines d’atomes ouvertes. Aucune d'elles 
ne présente la structure cyclique. « On constate ainsi 
une première relation entre la constitution et le rôle des 
substances végétales. Toutes celles que l’on peut légi- 
timement considérer comme les produits directs et 


l. Archives des sciences physiques et naturelles, 1. XL, 


p. 181, 15 sept. 1915. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 633 


successifs de l'assimilation, toutes celles qui contribuent 
à l'édification et à l'entretien du protoplasma vivant, 
appartiennent à la première classe des composés orga- 
niques. ) 

Mais ces substances sont loin d'être les seules que 
nous fournisse le règne végétal. A côté d'elles, la plante 
en produit une infinie variété d’autres, que l’industrie 
a été destout temps y chercher, non plus pour les uti- 
lisercomme aliments, mais pour tirer profit de quelqu'une 
de leurs autres propriétés. Ces substances : huiles essen- 
tielles, terpènes et camphres, colorants et pigments 
végétaux, résines, caoutchoues, tannins, glucosides et 
alcaloïdes, ne semblent pas jouer dans la plante le 
même rôle que les composés de la première catégorie, 

Ces substances ne sont point indispensables au déve- 
loppement des végétaux, puisque beaucoup d’entre eux 
en sont dépourvus. Et, loin d’être des produits d’assi- 
milation, ce sont, pense M, Pictet, des produits de dénu- 
trition. Ils représentent les déchets du métabolisme 
végétal et correspondent, d'après M. Pictet, à ce que 
sont chez l'animal l’urée, l'acide urique, le glycocolle, 
les pigments biliaires, ete. Les recherches sur la consti- 
tution de ces substances ont montré qu’elles appaïrte- 
naient toutes à la catégorie des composés cycliques. 

« Il y a donc, dans l'organisme végétal, deux pro- 
cessus de synthèse parallèles, l’un qui, réunissant les 
atomes par simple juxtaposition, forme les longues 
chaines ouvertes qui finiront par constituer la molécule 
complexe des protéines, l’autre qui, opérant un véri- 
table travail de voirie, nettoie l’organisme de tous les 
détritus laissés par la première synthèse, en fermant 
sur eux-mêmes tous les fragments qui ne peuvent plus 
concourir à la construction de l’édilice, ou qui s’en 
détachent lorsque cet édifice tombe en ruines. » 

Ces vues ont été confirmées par l’expérience. M. Pictet 
et ses collaborateurs ont, en effet, pu réaliser des syn- 
thèses d’alcaloïdes par cyclisations de substances que 
l’on sait être des produits de décomposition des pro- 
téines, On peut légitimement admettre que c’est ainsi 
que les alcaloïdes prennent naissance dans le végétal 
et, par analogie, on est en droit d'attribuer la même 
origine à tous les composés semblables. 

Une objection assez grave peut être faite. Dans l’énu- 
mération des substances qui ne contribuent pas à la for- 
mation du protoplasma de la plante, on a omis la 
plus importante de toutes, la cellulose, qui forme les 
parois des cellules et des vaisseaux et joue un rôle fon- 
damental de protection mécanique du protoplasma. 
Cette substance doit posséder une stabilité chimique 
suflisante pour résister aux actions multiples qui 
entrent en jeu dans le végétal. Et, si les idées précé- 
demment développées sont justes, la cellulose doit pos- 
sèder, comme tout autre composé que la plante écarte 
du circulus vital, la structure cyclique. 

Or tous les traités de chimie placent la cellulose à 
côté de l’amidon, parmi les composés à chaines ouvertes. 

L’objection n’est peut-être pas très sérieuse, car, au 
fond, la constitution de la cellulose n’a pas été déter- 
minée jusqu'ici avec certitude et l’analogie avec l’amidon 
ne suflit pas à l’établir, Une série d’expériences de 
M. Pictet et de ses collaborateurs semble plutôt montrer 
que la cellulose doit être éloignée de l’amidon dans la 
classification et placée parmi les composés de structure 
cyclique. 

Les expériences ont porté sur la distillation de la 
houille, qui provient sans nul doute de transformations 
diverses qui ont fait perdre à la cellulose son oxygène 
et son hydrogène. Les produits de la distillation ordi- 
naire de la houille, soudrons et coke, sontexelusivement 
formés de composés cycliques (le fait que le coke fournit 
par oxydation des acides aromatiques nous assure que 
les atomes de carbone qui le composent sont unis en 
chaînes fermées). Seulement, comme la distillation de 
la houille a été effectuée à des températures de 800° à 
1000° et que les expériences de Berthelot ont montré 
que ces températures sont amplement suflisantes pour 
provoquer la cyclisation de toutes les chaines ouvertes, 


on ne peut rien conclure de certain sur la structure des 
composés qui existent dans la houille. 

Aussi M. Pictet a-t-il institué des expériences de dis- 
tillation de la houille dans le vide, ce qui permet de ne 
pas élever la température au-dessus de 450°. On obtient 
ainsi un goudron spécial et un coke d’un nouveau genre, 
goudron du vide et coke du vide, qui sont de nature ex- 
clusivement cyclique, On peut conclure de là que les 
composés cycliques préexistent dans la houille et en for- 
ment certainement la majeure partie, 

Ilest alors naturel d'attribuer la même structure cy- 
clique à la cellulose, qui est, de toutes les substances 
contenues dans les végétaux, celle qui a certainement 
pris la plus grande part à la formation de la houille. 
L'objection possible est ainsi éliminée et l'hypothèse de 
M. Pictet trouve, au contraire, un nouvel exemple à son 
appui. 

M. Pictet cherche ensuite à préciser la différence 
chimique entre le contenu d’une cellule vivante et le 
contenu d’une cellule morte. 

Une cellule vivante est un organisme extrèmement 
complexe, dans lequel les matières protéiques ou albu- 
miniques doivent être considérées, sinon comme le fac- 
teur essentiel de la vie, du moins comme le théâtre de 
ses manifestations. « Elles seules possèdent, en effet, 
ces deux facultés éminemment vitales d'édifier leurs 
molécules avec celles du milieu et de réagir aux moin- 
dres impulsions d’ordre physique, chimique ou méca- 
nique. Elles sont, pendant la vie de la cellule, en état 
de perpétuelle transformation et ne se trouvent en état 
d'équilibre stable que lors dela mort de cette cellule; ou 
plutôt, devrait-on mieux dire, cette mort n’est que le 
résultat de la stabilisation des molécules protéiques ». 

Reste à savoir si cette stabilisation est d'ordre chi- 
mique, c’est-à-dire si elle provient d’une modification 
dans la structure moléculaire. Il faudrait pour cela con- 
naître la constitution de l’albumine vivante et celle de 
l’albumine morte. Or la Chimie ignore tout, ou presque 
tout de la première, car ses procédés d'investigation ont 
pour premier effet de tuer toute cellule vivante. On sait, 
au contraire, parfaitement, que les albumines retirées 
des tissus morts sont de structure cyclique. 

D'autre part, Loew a remarqué que tous les réactifs 
chimiques qui sont susceptibles d'attaquer les aldéhydes 
et les bases primaires, et d'agir sur les groupes aldé- 
hydes et aminogènes qui les caractérisent, sont inva- 
riablement des poisons du protoplasma vivant. Ces 
mêmes réactifs sont, en revanche, sansinfluence aucune 
sur l’albumine morte. Læw en conclut logiquement que 
la molécule de l’albumine vivante renferme lesdits 
groupes, tandis que la molécule de l’albumine morte ne 
les possède plus. 

Mais, par le fait de leur nature même, les groupes 
d'atomes précédents ne peuvent, en aucun cas, faire 
partie intégrante d’une chaine fermée. Etant tous deux 
monovalents, ils ne peuventse grefler que sur des chai- 
nes ouvertes. Leur existence dans l’albumine vivante y 
implique nécessairement la présence de ces chaînes. 

« La stabilisation de l’albumine vivante entraîne donc 
une eyclisation. En fermant sur elle-même ses chaines 
ouvertes, l’albumine du protoplasma cellulaire entre 
dans l'équilibre et le repos. Sa période d'activité se ter- 
mine de la même manière que celle de toutes les subs- 
tances qui concourent à son entretien. Pour les unes et 
les autres, la cyclisation est la mort. » 

Les considérations précédentes permettent donc d’éta- 
blir : que les phénomènes vitaux sont liés à une struc- 
ture spéclale de la molécule organique; que seule la 
disposition des atomes en chaines ouvertes permet 
l'entretien et les manifestations de la vie; que la struc- 
ture cyclique est celle des substances qui ont perdu cette 
faculté; et qu'enfin la mort résulte, au point de vue 
chimique, d’une cyclisation des éléments du proto- 
plasma. « Le serpent qui se mord la queue, symbole de 
l'éternité chez les anciens, mériterait de devenir, pour 
le biochimiste moderne, le symbole de la mort. » 


A. B. 


E.-L. BOUVIER. — LA VIE ET L'ŒUVRE DE J.-H. FABRE 


LA VIE ET L'ŒUVRE DE J.-H. FABRE 


L’ermite de Sérignan, celui qui fut appelé par 
Darwin l’ « observateur inimitable » et par Vic- 
tor Hugo | « Homère des Insectes », vient de 
s’éteindre à l’âge de 92 ans, dans les rayons 
d'une gloire qu'il n’avait pas cherchée et qui 
surgit spontanément de son œuvre. Il est mort 
au lieu où il avait vécu un grand demi-siècle, et 
son dernier regard a caressé les frondaisons de 
l’'enclos désormais célèbre qui.fut le séjour 
agreste de son heureuse solitude, le paisible 
théâtre de ses merveilleux travaux ; comme sa 
vie, la végétation mourante de l’harmas s’est 
éclairée de glorieuses couleurs avant d’entrer 
dans le repos ; comme son œuvre, elle ne cessera 
pas d’être vigoureuse et de produire les plus 
riches floraisons. 

Pourtant l'origine de Fabre fut très humble et 
sa jeunesse hérissée d'obstacles. Issu de parents 
pauvres qui tenaient un médiocre débit à Saint- 
Léons, dans la montagne du Rouergue, il est 
d’abord le jouet des vicissitudes paternelles qui 
l’entrainent un peu partout dans le Midi, et fina- 
lement au pays vauclusien qui deviendra sa pa- 
trie adoptive. Cette vie errante est aussi peu que 
possible favorable aux études; elle ne lui per- 
met pas de rester au collège de Rodez, où il 
payait ses classes en rendant quelques services, 
et l’oblige à se cultiver lui-même ; il entre pre- 
mier à l'Ecole Normale d'Avignon. C’est le salut, 
non le port où il trouvera sa voie définitive, Ins- 
tituteur primaire au Collège de Carpentras, pro- 
fesseur au Lycée d’Ajaccio et finalement au 
Lycée d'Avignon, il explore avec une ardeur inlas- 
sable toutes les directions de l'esprit humain ; 
bientôt les langues anciennes lui sont familières, 
les sciences mathématiques et physiques lui 
dévoilent leurs secrets. [laccumule diplômes sur 
diplômes, et le voici docteur ès sciences, lauréat 
de l’Institut ; c’est un admirable professeur, les 
élèves sont suspendus à ses lèvres, et il obtient 
un succès inoui dans les cours libres d’enseigne- 
ment secondaire qu'il a établis pour les jeunes 
filles à Avignon. Mais on le tient pour un « irré- 
sulier, fils de ses études solitaires », et malgré ses 
succès, ses diplômes et ses premiers travaux, 
malgré la faveur du ministre Duruy qui le décore 
et veut en faire un précepteur du Prince impé- 
rial, il abandonne l’«/ma mater et se retire à 
Orange, puis à Sérignan. Il lui faut l’indépen- 
dance, car les simagrées officielles déplaisent à 
il lui faut le plein air de la 
campagne, car ses premières recherches l'ont 


sa droite nature; 


enflammé et il brüle du désir de surprendre en 
leur élaboration les mystères de la vie. 

Il est libre, mais sans fortune, et ses charges de 
famille sont lourdes; comment subvenir aux 
besoins de la douce nichée? Par le travail sou- 
tenu et un inimitable talent; la journée sera 
aux recherches, les temps sombres et les nuits 
aux ouvrages d'enseignement. Car en brisant les 
entraves que lui apportait le professorat, il est 
resté un professeur lucide, délicieusement en- 

‘trainant, et il sera tel jusqu’à la fin de ses jours; 
seulement, il professera par la plume et par le 
livre. C’est alors que parurent coup sur coup les 
multiples ouvrages de vulgarisation et d’ensei- 
gnement qui ont fait le charme des élèves un peu 
avant et après 1870 : les Ravageurs des cultures, 


les Auxiliaires, la Cosmographie, la Physique, la . 


Chimie et quantité d’autres publications où l’au- 
teur se fait un jeu de rendre limpides et attrayan- 
tes les questions scientifiques les plus abstraites. 
Sous l'impulsion de Duruy, ces livres se répan- 
dirent partout dans les Ecoles et, tant ils avaient 
de charmes, instruisirent les parents non moins 
que les élèves. Maïs, à part quelques traités 
didactiques, ces petits chefs-d’œuvre étaient plus 
faits pour ouvrir l'esprit et pour attirer vers la 
Science que pour mener à un diplôme. Ils furent 
abandonnés pour les manuels indigestes que l’on 
délaisse avec bonheur une fois l’examen subi et, 
au grand détriment de la vraie culture, nos 
élèves ne les connaissent plus. Plaise à nos 
pédagogues qu’on y revienne, ou que tout au 
moinsilstrouventune place dansles bibliothèques 
agricoles et scolaires. 

Ce talent d'exposition, cette admirable luci- 
dité, cette puissance d’entraîinement sont des 
qualités qui luireviennent en propre, et qui font 
partie de sa nature. On les retrouve dans les 
œuvres scientifiques auxquelles il doitle meilleur 
de sa réputation, mais ici avec d’autres qualités 
plus frappantes encore : une langue savoureuse, 
un don particulier de rendre vivants les sujets 
qu’il expose. Il y met toute son âme et une pas- 
sion qui devient très vite communicative : ses 
favoris sont les insectes, animaux étranges et 
de mœurs bizarres ; il les aime depuis le plus 
jeune âge, il a toujours brûlé du désir de scruter 
les mystères de leur existence, et une fois en pré- 
sence du palpitant sujet, il ne se contente pas de 
décrire scientifiquement ses héros, il les fait 
vivre à nos regards, en plein milieu de la nature. 
« C’est l’un des plus savants naturalistes, a dit 


PERS 


E.-L. BOUVIER. — LA VIE ET L'ŒUVRE DE J.-H. FABRE 635 


de lui Maurice Maeterlink, et le plus merveilleux 
des poètes au sens moderne et vraiment légitime 
de ce mot. » Poète il le fut, dans ses Souvenirs 
entomologiques, comme il Pa été dans cette 
ode sur le Nombre qui rappelle Victor Hugo et 
dans son volume de chants provençaux, (Oubreto 
prouvençalo), qui fait songer à Mistral ; — mais il 
faut quitter un domaine où Maeterlink a le droit 
d'être juge et étudier les Souvenirs entomologi- 
ques pour bien connaitre l'œuvre scientifique 


de Fabre. 


Elle débute par un travail consacré aux organes 
reproducteurs des Myriapodes, thèse doctorale 
non dépourvue de qualités, mais qui n'indique 
point la direction où l’auteur devra trouver le 
succès et la gloire. Fabre ne fut pas plus anato- 
miste que systématicien : il voulait étudier la vie, 
et le scalpel de dissection comme l’épingle ento- 
mologique lui inspiraient une profonde horreur, 
en tant que voués à des morts. La lecture absolu- 
ment fortuite d'un mémoire de Léon Dufour lui 
montra « des horizons non encore soupçonnés » 
et l’engagea dans le sillon « qui devait être son 
lot ». Ce mémoire traite d’une guêpe prédatrice 
du genre Cerceris, qui capture exclusivement des 
Buprestes et les entasse pour sa larve dans une 
cellule creusée en terre. Les premières sont 
inertes, et Dufour les tient pour mortes, mais 
elles conservent plusieurs semaines toute leur 
fraicheur et, pour expliquer cet étonnant mys- 
tère, le vieil entomologiste des Landes suppose 
que le Cerceris, en les tuant, leur à inoculé son 
venin en guise d’antiseptique. C’est une hypo- 
thèse qui n’a rien d’invraisemblable; mais Fabre 
fut toujours un fervent de la réalité et il veut 
connaître tous les détails du drame. Comme le 
Cerceris bupresticide est rare en Provence, il 
s'adresse à nn chasseur de Charançons, le Cerce- 
ris tuberculé, qui abonde au voisinage de sa 
demeure ; et multipliant les observations, orga- 
nisant des expériences ingénieuses, il arrive à 
une conclusion qui détruit l'hypothèse de 
Dufour : les proies du Cerceris ne sont pas mor- 
tes; la guêpe les a frappées de son dard aux 
centres nerveux et immobilisées par sa piqüre 


venimeuse; rendues à peu près inertes, elles. 


seront pour la gloutonne larve du Cerceris des 
victimes sans défense et toujours fraiches. Ce 
travail inaugure, pour l’auteur, la série des re- 
cherches entomologiques; sa valeur propre est 
sérieuse, mais son grand mérite est d’avoir in- 
troduit dans l'étude des mœurs des Insectes la 
méthode expérimentale, presque complètement 
négligée par Réaumur et par les Huber. Cette 


méthode deviendra singulièrement féconde entre 
les mains ingénieuses du passionné chercheur 
qui s'en fit le protagoniste ; elle caractérise tous 
ses travaux entomologiques et constitue l’un de 
ses principaux titres à la gratitude des savants ; 
on en reconnait aujourd’hui toute la valeur, sur- 
tout en France et en Amérique, où elle est prati- 
L'Institut 
récompensa cette nouveauté en accordant au 
mémoire sur les Cerceris un prix de Physiologie 


quée par de nombreux biologistes. 


expérimentale. 

Un des plus beaux exemples de l’application 
de la méthode expérimentale à la biologie des 
Insectes nous est offert par les recherches de 
Fabre sur la ponte des Osmies. La plupart de 
ces abeilles solitaires établissent leurs cellules 
dans des cavités à leur convenance : coquille 
d'Hélice, galerie d’Anthophore, tige creuse des 
roseaux ou des ronces, etc. Quand elles nidifient 
dans des tiges creuses, leurs cellules sont dis- 
posées en série, les plus grandes en bas avec les 
œufs les premiers pondus, les dernières au som- 
met, plus récentes et plus réduites. Or de celles- 
ei naissent des mâles, qui sortent les premiers, 
et des grandes cellules primitives sortent ensuite 
les femelles. L’abeille aurait-elle l'instinct de 
déposer dans chaque cellule un œuf de sexe conve- 
nable ? Ou bienle sexe de l'œuf serait-il déterminé 
par la provision alimentaire de miel et de pollen 
qui est plus réduite dans les cellules de mâles 
que dans les cellules de femelles ? Par des expé- 
riences simples et concluantes réalisées dans son 
pauvre laboratoire, Fabre établit sans conteste 
la vérité de la seconde hypothèse : il fait pondre 
ses Osmies dans un roseau et, une fois la ponte 
faite, il intervertit les rations, mettant les gran- 
des dans les petites cellules et les petites dans 
les grandes. Le résultat est toujours le même : 
seulement les grandes cellules aonnentde petites 
femelles et les petites, maintenant bien approvi- 
sionnées, de gros mâles. Avec un roseau plus 
large, l'Osmie maçonne avec plus d’irrégularités, 
mais dépose toujours un œuf mäle dans les petites 
cellules, un œuffemelle dans les grandes; etsion 
l’oblige à faire des pontes fractionnées dans des 
coquilles étroites où il lui est impossible d'établir 
de grandes cellules, elle ne pond guère que des 
œufs mâles. Sur une ponte fractionnée de 26 œufs, 
Fabre obtint de la sorte 25 mâles et une seule 
femelle! Ainsi l’œuf qui descend des ovaires n’a 
pas de sexe déterminé; il acquiert son sexe en 
traversant les voies génitaleset la femelle possède 
l'instinct de déposer dans chaque cellule un œuf 
du sexe convenable; on dirait qu'elle a connais- 
sance du sexe de l'œuf qu'elle va pondre et 
qu’elle peut produire ce sexe à volonté. Voilà 


636 


une des plus belles découvertes de Fabre ; elle est 
due tout entière à l'application de la méthode ex- 
périmentale. Sans doute le déterminisme du phé- 
nomène reste inconnu, et l’on se perd en hypo- 
thèses pour l’établir, mais n'est-ce pas le propre 
des importants travaux de reculer le domaine de 
l'inconnu sans le faire totalement disparaitre! 
Pour scruter et suivre dans leur enchaiînement 
les habitudes mystérieuses des Insectes, il ne 
suffit pas d’être un expérimentateur ingénieux ; 
il fautune observation pénétrante, une patience 
que rien ne décourage et une puissance d’intui- 
tion peu ordinaire. Fabre possédait ces qualités 
jusqu’au génie et il en donna une preuve écla- 
tante dans ses études sur les Coléoptères vési- 
cants des genres Sitaris et Meloe. Tout ce qu'on 
savait sur le développement de ces Insectes, 
c’est que le prétendu pou des abeilles solitaires, 
pour lequel on avait fondé le genre T'riungulinus, 
n'est rien autre chose que la jeune larve d’un 
vésicant, mais on ignorait l’origine et la destinée 
de cette larve. Fabre jeta un plein jour sur cette 
question qui ménageait aux biologistes des sur- 
prises peu ordinaires. Les Sitaris se développent 
en parasites dans les cellules des Anthophores; 
ils en sortent en été, s’'accouplent et pondent un 
très grand nombre d'œufs qui donnent, un mois 
plus tard, des larves très agiles auxquelles on a 
laissé le nom de #riongulin. Ces larves passent 
l'hiver sans prendre de nourriture; au printemps, 
elles s'accrochent aux poils des Anthophores 
mâles, puis aux femelles quand se produit l’ac- 
couplement, et,aveccesdernières, pénètrent dans 
la cellule de leur hôte. Une fois établies dans ce 
gite, elles dévorent l'œuf déposé par l’Abeille sur 
le gâteau de mielet de pollen, subissent une mue 
et en sortent sous la forme d’un ver blanc obèse 
et peu mobile dont les pattes sont très courtes. 
Au lieu d’être carnivore comme le triongulin, 
cette larve secondaire se nourrit du gâteau pré- 
paré par l'abeille; elle le dévore tout entier, subit 
une mue, prend la forme d’une pseudo-chrysalide 
presque apode et passe l'hiver entourée de son 
Nouvelle mue et forme lar- 
vaire au printemps, l’insecte restant immobile 
entouré de d’une. Au 
début de l'été, cette larve tertiaire évolue en 
chrysalide tout à fait caractéristique, et celle-ci 
donne l'adulte qui perfore les deux enveloppes 
exuviales pour sortir du nid del’Anthophore. Ces 
phénomènes extraordinaires furent considérés 
par Fabre comme une hypermétamorphose, c'est- 


exuvie. nouvelle 


deux exuvies au lieu 


a-dire comme une complication du développe- 
ment normal ;iln’était guère possible de les carac- 
tériser autrement à l’époque où ils furent mis en 
lumière. Depuis lors, on a pu les suivre chez de 


E.-L. BOUVIER. — LA VIE ET L'ŒUVRE DE J.-H. FABRE 


nombreux vésicants et en établir le détermi- 
nisme; le triongulin est évidemment adapté à la 
recherche de lhôte; quant à la pseudo-chrysa- 
lide, on la considère avec Edmond Perrier comme 
une larve qui s’enkyste au moment des grandes 
chaleurs ou des grands froids pour attendre une 
saison plus propice. Les Méloés, étudiés aussi 
par Fabre, sont déjà moins anormaux que les 
Sitaris. 

Ausurplus,lepolymorphismelarvaireestundes 
nombreux chapitres que Fabre est venu ajouter 
à l’histoire entomologique, et, ce faisant, il a 
contribué à établir l’extrême plasticité des In- 
sectes à leur sortie de l’œuf, par suite à ex- 
pliquer la singulière prédominance de ces êtres 
dans le règne animal. Le /eucospis gigas est un 
Iyménoptère chalcidien dont les larves dévo- 
rent celles des Abeilles maconnes du genre 
Chalicodome; plusieurs femelles de Leucospis 
peuvent enfoncer leur ponte dans la cellule de 
mortier qui protège la future victime, et celle-ci 
ne peut suflire qu’à la nourriture d'un seul para- 
site; si tous les Leucospis éclosent, il y aura 
famine. Mais le polymorphisme écarte ce danger : 
la forme issue de l’œuf est une larve primaire 
très agile, munie de longues soies, qui arpente la 
cellule en toussens; la première éclose s’empresse 
de détruire tous les autres œufs, et une fois cette 
besogneaccomplie, devient une larve vermiforme 
qui se met à table et aspire par gorgées sa vic- 
time. À un autre parasite des Chalicodomes, le 
Monodontomerus, ce polymorphisme est inutile, 
car les larves sont de très petite taille et un grand 
nombre peuvent s’attabler autour de la nymphe 
qui leur sert de nourriture, Il devient par contre 
nécessaire aux Diptères du genre Anthra.r, qui pa- 
rasitent également l’abeille maçonne; mais ici 
les larves primaires ne sont pas exterminatrices : 
écloses en dehors de la cellule où les œufs de 
l’Anthrax furent déposés, elles ont pour rôle de 
franchir la paroi de mortier, de s’y faufiler par 
des fissures, à quoi se prête fort bien leur corps 
ténu etles soies longues qui le terminent. 

Les recherches de Fabre sur les Coléoptères 
des bouses nous mettent en présence de mœurs 
plus variées encore et peut-être plus intéressan- 
tes. Chaque espèce a ses habitudes propres et 
Fabre en a étudié en grand nombre : le Bousier 
sacré, les Onthophages, les Copris, les Onitis, 
etc. lei, l'observation est particulièrement diffi- 
cile, car ces Insectes nidifient sous terre, et 
c’est au fond de galeries obscures que s’élèvent 
leurs larves; mais l’ingénieux biologiste sut 
tourner de bien autres obstacles. 

Dans cette copieuse série, on peut choisir pour 
exemple l’histoire du bousier sacré, Ateuchus 


E.-L. BOUVIER. — LA VIE ET L'ŒUVRE DE J.-H. FABRE 637 


sacer, dont Fabre écrivit le premier chapitre 
vers le milieu du dernier siècle et le chapitre 
final cinquante années plus tard. Depuis les 
tempsantiques, on savait que le singulier insecte 
fait des pilules de bouse qu’il roule dans un ter- 
rier où il s’enfouit avec elles, et l’on admettait 
que cette pilule sert à nourrir l'adulte aussi 
bien que sa progéniture. Or il n’en est rien; si 
la pilule ronde suflit aux parents, elle est trop 
grossière pour l'intestin délicat des larves; à ces 
dernières, il faut une fiente spéciale, fine et bien 
triée, que la mère emporte dans son trou et 
qu'elle pétrit en une poire élégante qui servira 
de gite et de couvert à la future larve. La paroi 
en est durcie, le centre onctueux, et l’œuf, sem- 
blable à une grosse perle d’ambre,occupe le bout 
de la poire, niché dans une loge poreuse où l'air 
peut facilement arriver. C’est là qu’éclot la jeune 
larve, c'est de la matière onctueuse qu'elle fait 
son aliment, et c’est dans la coque durcie qu’elle 
évoluera en nymphe, puis en adulte. Il faut lire 
les étonnants chapitres consacrés à cette his- 
toire pour se rendre compte des difficultés que 
le biologiste eut à vaincre, et des erreurs enraci- 
nées qu'il réussit à faire disparaître. Parmi ces 
dernières, je signalerai celle qui consiste à voir 
dans ces insectes des êtres secourables, toujours 
prêts à offrir main-forte à un confrère embar- 
rassé : quand un.bousier roule à grand effort sa 
pilule ronde, un autre vient très souvent à la 
rescousse, mais ce n'est point pour donner aide, 
c’est pour profiter d’une absence qui lui permet- 
tra de ravir le précieux fardeau! 


On ne résume pas en quelques pages les ré- 
sultats d'un labeur qui dura sans répit pendant 
les trois quarts d’un siècle, et si j'ai insisté sur 
: quelques problèmes résolus par Fabre, c’est pour 
mettre en relief la portée de son œuvre. Pour faire 
connaître l’étendue et la singulière variété de 
celle-ci, je me borne à citer au hasard quelques- 
uns des nombreux chapitres qui la composent : 
celui des Lampyres ou vers-luisants,où l’on assiste 
au travail de ces insectes dont les larves se nour- 
rissent d’escargots vivants, le chapitre des Nécro- 
phores qui se livrent à un labeur inoui pour 
enterrerles cadavres où ils trouvent leur subsis- 
tance, etceux consacrés aux industries multiples 
des Charançons, les piqueurs de fruits, les cou- 
peurs de jeunes pousses,les cigariers ou rouleurs 
de feuilles. Fabre nous fait assister aux cruelles 
amours des Mantes et à la fascination qu’exer- 
centsur leurs victimes ces carnassiers voraces, à 
la ponte des criquets et à la singulière manœu- 
vres qu'emploient leurs jeunes pour sortir du trou 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 


de ponte, à la confection du fourreau des Phry- 
ganes et des Psychés, à la longue évolution des 
Cigales dans le sol, aux pérégrinations machi- 
nales des chenilles processionnaires. Mieux que 
Mac Cook, il a suivi le merveilleux travail des 
Araignées-orbiculaires,aussi bien que Moggridge 
les ruses des Mygales et des Lycoses à terrier; on 
lui doit un chapitre inégalable sur les habitudes 
des Scorpions.Que d'erreurs il a fait disparaitre! 
la ressemblance des Volucelles avecles Guêpes ou 
les Bourdons ne saurait être attribuée à un mimé- 
tisme défensif,car ces Diptères ne viventpointen 
parasites dans les nids de leurs hôtes,ils en sont 
les nettoyeurs; — Ja simulation de la mort est un 
mythe chez les Araignées aussi bien que chez les 
Insectes : lorsque ces bêtes deviennent inertes 
quand on les touche,elles ne se livrent pas à une 
manœuvre défensive, mais présentent tous les 
caractères d'un état cataleptique; c’est un cha- 
pitre neuf ajouté à l’histoire de l'hypnose. 

Fabre a toujours montré une prédilection pour 
les Hyménoptères qui chassent et paralysent 
les Insectes destinés à leur progéniture; c'est 
par eux qu’il débuta dans la carrière où il devait 
s'illustrer et c’est à eux qu'ilrevient fréquemment 
dans la suite. Il les a presque tous passés en re- 
vue, et chacun d’eux a renouvelé chez lui les 
extases qu'il avait éprouvées en étudiant les Cer- 
ceris : les Philanthes chasseurs d’Abeiïlles, les 
Ammophiles qui emmagasinent des chenilles, les 
Pélopées et les Pompiles qui s'adressent aux Arai- 
gnées, les chasseurs de Pucerons, d’Acridiens, 
de Mantes, de Grillons, de Mouches, de Coléop- 
tères, tous ont été successivement ses favoris, 
tous lui ont procuré le même émerveillement. 
C’est peut-être la partie la plus captivante de son 
œuvre; c'est à coup sûr la plus étendue et la plus 
originale; avant lui, on ne soupconnait absolu- 
ment rien de ces mœurs extraordinaires. Depuis 
lors, on a reconnu que Fabre accordait à l’in- 
secte une science anatomique excessive, que 
beaucoup de paralyseurs poignardent au hasard 
et que certains mêmes se bornent à mutiler leur 
victime; on a surtout contesté le fait de la pi- 
qûre dans les centres nerveux et attribué l’action 
paralysante au venin bien plus qu'à cette der- 
nière. Mais ce sont là des mises au point inévi- 
tables, comme en réclament toujours les recher- 
ches de grande envergure. Au surplus, quand 
on compulse l’œuvre de Fabre, on n’a pas de 
peine à s’apercevoir qu'aucun de ces détails ne 
lui avait échappé : il n’a jamais contesté l'action 
paralysante du venin inoculé ‘par l'insecte, et les 
belles recherches des Peckham sur les Pompiles 
chasseurs de Lycoses ont manifestement éta- 
bli que les coups de poignard donnés par le 


2 


638 E.-L. BOUVIER. — LA VIE ET L'ŒUVRE DE J.-H. FABRE 


————Z— 


prédateur produisent deux paralysies différentes : 
l’une fonctionnelle et souvent transitoire qui 
résulte de l’action du venin, l’autre structurale 
et persistante produite par le dard qui lèse 
plus ou moins les centres nerveux. 


En philosophie, Fabre est un réaliste, ennemi 
des hypothèses, et par cela même peu enclin à 
la biologie comparative, moins encore à scru- 
ter les temps évanouis; « les strates géolo- 
giques ont conservé les formes, dit-il, mais elles 
gardent le silence sur l’origine des instincts ». Il 
fut des lors un adversaire des théories évolution- 
nistes, qu'il cribla de ses objections, voire de ses 
railleries ; passionné dans ses études, il ne l'était 
pas moins dans ses conceptions ; il fut ardent à 
la lutte aussi bien qu’au labeur. On peut croire 
que ses recherches sur les paralyseurs donnèrent 
à son esprit la tournure philosophique dont ilne 
dévia jamais. Le Tachyte chasseur de Mantes 
pique au bon endroit et rend inerte sa victime 
redoutablement armée : il « sait done où gisent 
les centres nerveux de sa proie, ou, pour mieux 
dire, il se comporte eomme s'il le savait. Cette 
science qui s’ignore, lui et sa race ne l'ont pas 
acquise par des essais perfectionnés d’âge en àge, 
et par des habitudes transmises d’une généra- 
tion à l’autre... Le métier de paralyseur de Man- 
tes est des plus périlleux et ne comporte pas de 
demi-succès ; il fauty exceller dès la première 
fois, sous peine de périr. Non, Part chirurgical 
du Tachyte n'est pas un art acquis. D’où lui 
vient-il donc, sinon de la science universelle en 
qui tout s’agite et tout vit.» Fabre conclut pareil- 
lement en présence des larves de Scolies, très 
habiles à vider les larves de Cétoines paralysées 
pour elles et incapables de cet acte quand 
on leur offre une autre proie. Sans péril de 
mort, dit-il, elles n’ont pu acquérir progressive- 
ment cette habitude; l’art de vider les larves de 
Cétoines a dû, chez elles, se manifester parfait 
dès l’origine. « Mais alors, c’est l'instinct inné, 
l'instinct qui n’apprend rien et n'oublie rien, 
l'instinct immuable dans le temps. » 

En concluant de la sorte, Fabre était dominé 
par la règle et ne tenait pas compte des excep- 
tons ; dans la nature actuelle, les habitudes des 
Insectes sont le résultat d’une série d’actes qui 
s’enchainent mécaniquement et les déviations de 
ce mécanisme frappent beaucoup moins que le 
mécanisme lui-même. Non que ces déviations 
aient échappé à son esprit observateur; il était 
bien trop sagace pour ne pas les apercevoir et 
nul plus que lui n’en a signalé d’intéressantes; 


mais il les subordonnait à la régle et ne leur ac- 
cordait pas l'importance que la plupart des z00- 
logistes leur ont justement accordée depuis. Au 
fond, bien que séparé de Weismann par un abîme, 
il professait comme luil’innéité des habitudes et, 
comme lui également, que les habitudes acquises 
aucoursdel'existenceindividuelle ne sont pas hé- 
réditaires. Il faut noter, toutefois, que Weismann, 
évolutionniste convaincu, admet le changement 
des habitudes par mutations germinales, tandis 
que Fabre, ennemi des hypothèses, évite toute 
explication sur ce point et, quant à l’origine 
des habitudes, renvoie à « la Science universelle 
en qui tout s’agite et tout vit ». Il laisse la ques- 
tion ouverte et dirait plutôt comme Montaigne : 
« Je ne sais ». 

Il est homme de grande bonne foi, d’ailleurs, 
et s’il a fait maintes piqüres au transformisme, 
il relève ce qui peut en donner à son propre sys- 
ième. Les larves de paralyseurs seraient incapa- 
bles de toucher sans péril à une proie différente 
de celle qui leur estservie,etilnote avoir pu mener 
à bien « la larve de l'Ammophile hérissée avec un 
grillon noir adulte, accepté d'ailleurs aussi volon- 
tiers que le gibier naturel, la chenille ». ilne 
croit guère à l'éducation individuelle des Insec- 
tes, et il nous montrele triongulin des Sitaris sai- 
sissant d’abord, comme un poil d’Abeille, le 
mince fétu qu’on lui offre, puis, formé par l’expé- 
rience, refusant de se laisserprendre à cette ruse. 
Devant cesobservationsetheaucoup d’autres sem- 
blables, il fait fléchir sa thèse : « L’instinet pur, 
s’il était seul, dit-il, laisserait l’insecte désarmé 
dans le perpétuel conflit des circonstances. En 
cette mêlée confuse, un guide est nécessaire... 
Ce guide, l’insecte le possède certes, à un degré 
même très évident. C’est le second domaine de 
sa psychique. Là il est conscient et perfectible 
par l'expérience. N’osant appeler cette aptitude 
rudimentaire intelligence, titre trop élevé pour 
elle, je l’appellerai discernement. » Nous voilà 
bien près des idées les plus modernes, et très 
loin de l’école mécaniste allemande qui regarde 
les Insectes comme desimples machines réflexes. 

Un pas de plus, et nous arrivons au lamar- 
ckisme pur, à l’hérédité des habitudes acquises 
par expérience. Comme beaucoup d’autres pré- 
dateurs, le Sphex à ailes jaunes creuse son terrier 
avant de partir en chasse, puis, revenant à sa 
capture, dépose celle-ci au bord du trou pour 
faire une dernière visite au domicile; éloigne-t- 
on alors quelque peu sa proie, il la recherche en 
sortant, la ramène au bord du trou et recom- 
mence une visite. C’estle mécanisme de l'instinct. 
« Coup sur coup,une quarantaine de fois, j'ai 
répété la même épreuve sur le même individu, 


G. GRANDIDIER. — L'INDUSTRIE MINÉRALE A MADAGASCAR 639 


rapporte Fabre; son obstination a vaincu la 
mienne, et sa tactique n'a Jamais varié ». Mais, 
dans une bourgade étudiée l'année suivante, les 
Sphex étaient moins sots;apres deux ou trois 
épreuves, ils déjouaient la perfidie et pénétraient 
dans leur domicile avec le gibier. « Que veut 
dire ceci? demande-t-il. La peuplade que j'exa- 
mine aujourd'hui, issue d’une autre souche, car 
les fils reviennent à l'emplacement choisi par 
les aïeux, est plus habile que la peuplade de l'an 
passé. L'esprit de ruse se transmet : il y a des 
tribus plus habiles et des tribus plus simples, 
apparemment suivant les facultés des pères. » 
Nous voici bien au seuil du lamarckisme, car ces 
individus mieux doués ont dû apprendre par 
expérience à se mettre en garde contre un acci- 
dent qui ne doit pas être rare dans les condi- 
tions naturelles. 
I1 semble bien établi maintenant que l’évolu- 
tion psychique des Insectes a dû s'effectuer et 
s'effectue encore suivant deux voies: par sauls 
brusques ou mutations et lentement par l’expé- 
rience ; l’hérédité, dans l’un et l’autre cas, fixant 
les habitudes nouvelles qui prennent alors la 
forme automatique des instincts. En dépit de 
ses conceptions sur l'instinct immuable, Fabre 
aura contribué, plus que tout autre, à faire con- 
naître le mécanisme des phénomènes évolutifs : 
par l’attrait qu’il sut donner à ses observations, 
il a suscité en tous pays une pléiade de chercheurs 
ardents qui l’admiraient sans épouser sa doc- 
°trine; par ses critiques pénétrantes appuyées sur 
des faits minutieusement contrôlés, il a tenu les 
évolutionnistes en haleine et les a empéchés de 
s'endormir sur les lauriers des grands Maîtres 
qui établirent la théorie; enfin, par ses travaux 
eux-mêmes, il fut l'un des artisans qui contri- 
buërent le plus à fortifier cette dernière. 
Plus profond que Réaumur et d’un attrait dont 
celui-ci était dépourvu, il a exercé et exercera 
longtemps une influence autrement grande. Ce 


fut un Maitre dans la meilleure acceptation du 
terme, d’ailleurs un Maître d’une nature toute 
spéciale, qui vivait en solilaire et faisait éclore 
des élèves par la magie de son style, le puis- 
sant intérêt de ses travaux. En cela, comme en 
toutes choses, on doit lui reconnaitre une origi- 
nalité parfaite et du meilleur aloi, « Il doit peu 
aux autres, savants ou écrivains, a justement 
écrit de lui son sympathique biographe, M. le 
D: Legros, et la formule de son style comme le 
secret de son art, c’est uniquement dans son 
propre fonds qu'il les a trouvés. » 

Fabre a éprouvé plus que personne les diffi- 
cultés de la vie, mais il a su les dominer par son 
talent et par son courage, en conservant intacte 
l'indépendance qui lui tenait au cœur et qu’il 
considèra toujours comme son bien le plus pré- 
cieux. Modeste et simple dans ses goûts, pas- 
sionné dans ses recherches, éperdument amou- 
reux de la tranquillité champêtre, il a dû goûter 
les joies les plus profondes au cœur de l’harmas 
où il vécut solitaire parmi ses Insectes favoris 
et les plantes parfumées qui poussaient là sans 
entraves, comme en pleine Dans ce 
paradis terrestre du biologiste, maintenant 
acquis à la science par des amis pieux, son pas 
a tracé des sentes irrégulières et nombreuses, 
où viendront s'inspirer désormais les continua- 
teurs de son œuvre. C’est là que sont venus le 
trouver, j'allais dire le troubler, l'hommage de 
l'Institut qui fit de lui un de ses Correspondants 
et, sur le tard, les éclats d’un renom qu'il ne 
soupçonnait guère; c’est la qu’il s’est endormi 
pour toujours, laissant aux générations nou- 
velles l'exemple d’une vie rendue féconde parun 
passionné labeur, par une noble indépendance 
etpar la flamme d’un talent qui confinait au 
génie. 


nature, 


E.-L. Bouvier, 
Membre de l'Institut, 
Professeur au Muséum d'Histoire naturelle. 


L'INDUSTRIE MINÉRALE A MADAGASCAR 
SON HISTOIRE. — SON ÉTAT ACTUEL 


DEUXIÈME PARTIE : MINÉRAUX NON MÉTALLIQUES ! 


IV. — Pierres PRÉCIEUSES ET PIERRES FINES 


Le capitaine Jean Fonteneau, dit Alphonse le 
Saintongeois, qui a relâché en 1547 dans la baie 
de Boina et qui est le second Français ayant 


1. Voir la première partie de cet article dans la Revue gén. 
des Sc. du 15 novembre 1915, t. XXVI, p. 617 el suiv. 


abordé à Madagascar, dit qu’ «en cette ile, ily a 
de la pierrerie», et, depuis, de nombreux voya- 
geurs et colons ont vanté sa richesse en pierres 
précieuses ; quelques-uns,toutefois, ont constaté 
que «en France, on n'en faisait pas grand cas » 
et, en 1668, de Faye, que la Compagnie fran- 


caise des Indes avait envoyé contrôler ses 


G. GRANDIDIER. — L'INDUSTRIE MINÉRALE A MADAGASCAR 


comptoirs et qui a trouvé l’ile de Madagascar 
inférieure sous tous les rapports à la réputation 
qu’on lui a faite, écrit que «la Compagnie a été 
trompée au sujet des pierreries (topazes et amé- 
thystes de la rivière d'Itaperina) dont on lui 
avait promis monts et merveilles et dont aux 
Indes on n'aurait pas donné un sol au millier. » 
En 1769, le Gouverneur de Fort Dauphin, le 
marquis de Modave, envoya en France un lot de 
pierres soi-disant précieuses sur lesquelles il 
fondait de grandes espérances et qui ont été 
reconnues sans valeur. 

Jusqu'en 1889, à l'exception de quelques béryls, 
srenats et autres pierres sans valeur, on ne con- 
naissait aucune gemme de Madagascar, et les 
Malgaches n'avaient aucune idée de ce qu'était 
une pierre précieuse: ce qu'ils recherchaient 
comme parure, c'étaient le corail, les karana ou 
fuseaux de cornaline et les perles de verre de 
forme, de grosseur et de couleur variées. Les 
premières qu’on ait connues sont le gros et beau 
cristal de rubellite !, les tourmalines de couleurs 
diverses, les corindons, les rubis, les spinelles, 
les saphirs et leszireons venant du massif de l’An- 
karatra donnés au Muséum d'Histoire Natu- 
relle par M. A. Grandidier, mais ce n’est que 
depuis 1903 qu'on a commencé à les recueil- 
lir méthodiquement. Les pierres précieuses 
ont pour principal gisementles sables d'allu- 
vion qui proviennent de l’effritement des roches 
du massif cristallin par les agents atmosphé- 
riques et qui sont en même temps aurifères : 
les principales sont les tourmalines, les corin- 
dons (rubis, spinelles et saphirs), les béryls, les 
zircons, Les grenats et les topazes ; leur exploita- 
tion est liée à celle de l’or en alluvions. On en 
trouve aussi dans leur gangue, dans les roches 
dont ils dérivent : tourmalines (dans les pegma- 
tites et les granulites), béryls (dans les quartz 
roses) el grenats, mais les corindons, les topa- 
zes et les cymophanes proviennent tous des gise- 
ments alluvionnaires. 

Le premierenvoi régulier de pierres précieuses 
de Madagascar a eu lieu en 1904, et comprenait 
7.650 gr., dont 6.900 de tourmalines, en majeure 
partie des rubellites (provenant d’Antandro- 
komby sur la rive gauche du Manandona et du 
Mabharitra, sur un de ses affluents du nord, le 
Sahatany), et 750 grammes de rubis (provenant 
de Morarano, à 5 km.au N. O. du Mont Botrara 
-et à 40 km. au $S. O. de Tsinjoarivo). En 1905, on 
a exporté 7.590 gr.,tous de tourmalines (3.155 de 


1. Ce cristal de tourmaline rose ou rubellite avait étéremis 
1 M. A. Grandidier par MM. Bing et Alibert. [l avait la forme 
d'un prisme aplati à Ÿ paus terminé par un rhomboèdre pri- 


mitif. 


L2 


rubellites et 4.435 de tourmalines jaunes et 
vertes), mais c’est à partir de 1911 que ce com- 
merce a pris un grand essor; cette année là, en 
effet, la production a atteint 470 kilogs, auxquels 
se sont ajoutés 450 kilogs de pierres d'in- 
dustrie. 

Les tourmalines de Madagascar sont tantôt 
noires ou d’un brun foacé, tantôt bleues, mais 
opaques et inutilisables dans la joaillerie, tantôt 
d’un vert plus ou moins accusé, roses ou rouges. 
Eiles se présentent sous la forme, soit de géodes 
formées de plusieurs cristaux, soit de cristaux 
isolés mesurant quelquefois 5 à 6 centimètres de 
longueur sur 3 à 4 de côté; quelques-uns sont 
fort beaux et limpides et peuvent rivaliser avec 
ceux du Brésil, de Ceylan et de l'Oural; mais ils 
sont souvent constitués par des enveloppes con- 
centriques de couleurs différentes avec prédo- 
minence des teintes rouges et jaunes, ou bien par 
des zones superposées d'ordinaire roses et ver- 
dâtres. Les gisements qui ont fourni la presque 
totalité des pierres précieuses exportées de Mada- 
gascar depuis 1904, et dont la richesse semble 
diminuer lorsqu'on pousse les recherches au- 
dessous de quelques mètres, sont groupés dans 
un rayon d’une cinquantaine de kilomètres au- 
tour d’Antsirabé, mais il y en a d’autres, encore 
incomplètement explorés, dans les provinces 
d'Ambositra et de Fianarantsoa. Les rubellites, 
par contre, peuvent fournir des pierres utili- 
sables en joaillerie; elles se taillent suivant leur 
couleur en eabochons ou en brillants; le prix des 
rubellites ordinaires, en pierres taillées de 2 à 
5 carats, varie de 10 à 15 francs le carat, mais 
celles d’un rouge foncé se vendent plus cher 
(200 fr. une de 3 carats); il y en a une au Museum 
d'Histoire naturelle de Paris qui pèse environ 
20 carats et qu'il est diflicile de distinguer du 
vrai rubis d'Orient;taillée, on estime qu'elle 
pourrait donner une pierre de 5 à 7 carats, valant 
de 150 à 200 francs le carat. Quant aux tourma- 
lines noires qui sont incrustées en très grande 
quantité sous la forme de cristaux homogènes 
et purs dans les pegmatites et dans le quartz du 
massif central, surtout dans la région occiden- 
tale jusqu'au Bongolava, elles sont parfois uti- 
lisées pour remplacer le jais. 

Les corindons sont très abondants en menus 
fragments ou en cristaux très roulés dans les 
alluvions aurifères du Vakinankaratra et du 
Betsileo, ainsi que dans le district de Betroka 
(région d'Ihosy). On a trouvé des saphirs d’un 
beau bleu foncé au sud-est du massif de l’Anka- 
ratra, des rubis, dont quelques-uns, taillés, ont 
donné de belles pierres, dans le lit d'un affluent 
du [laut-Onivé et des corindons rosés et vert- 


L 


G. GRANDIDIER. — L'INDUSTRIE MINÉRALE A MADAGASCAR 


641 


pâle à l’est d'Ihosy. Il semble que ce sont les 
cipolins qui sont le gisement des corindons. En 
dehors de ces variétés colorées qui ne sont pas 
toutes, tant s’en faut, utilisables en bijouterie,on 
trouve en certains points, à la surface du sol, de 
gros cristaux très impurs de corindons bleuâtres 
ou d'un gris opâque,quipeuvent servir dans l'in- 
dustrie pour leurs qualités abrasives égrisage et 
fabrication de meules;en 1910, trois sociétés 
exploitaient ces industriels, 
le prix, en Europe, oscillait de 700 à 1.000 francs 
la tonne; presque tous les gisements sont situés 
dans le Betsileo#n 1913, l'exportation a dépassé 
1.100 tonnes. é 
Les béryls de Madagascar sont souvent d’un 
bleu ou d'un vert pâle, de la variété aigue-ma- 


corindons dont 


rine; ils se trouvent dans les mêmes gisements 
que les tourmalines, tant dans la région d’Ant- 
sirabé qu'aux environs de Fianarantsoa, où ils 
sont souvent enchassés dans le quartz; quelque- 
fois, cependant, ils se présentent isolés en gros 
cristaux de 30 à 40 centimètres de longueur sur 
15 à 20 de largeur, notamment à l’ouest du 
Mont Tongafeno, à Antsahalava. M. Lacroix en 
a rapporté un au Museum qui, quoique brisé au 
sommet, mesure près d'un mètre de longueur. 
On a aussi découvert du béryl rose, très sembla- 
ble d'aspect au quartz rose. 

Les zircons se rencontrent en cristaux très 
roulés, ou en prismes quadratiques, soit inco- 
lores, soit jaunes, brunäâtres ou rosés, mais les 
variétés hyalines sont de trop petites dimensions 
pour avoir une valeur marchande appréciable. 
Ils sont très abondants dans les sables aurifères 
des régions quientourentle Massif central; on en 
trouve aussi dans Île district d’Ikongo, dans les 
alluvions du Matitanana et du Zomandao, ainsi 
que dans la vallée du Rodo, non loin de la 
Montagne d'Ambre. 

Les grenats sont le plus souvent «almandins », 
d’un rouge plus ou moins foncé. On les trouve, 
roulés, dans les alluvions de presque toutes les 
rivières venant du Massif central où ils sont asso- 
ciés à des minéraux divers en cristaux nets, dans 
les gneiss, les pegmatites et les granulites. Des 
gisements, l’un à l’est de l’Ankaratra, l’autre au 
sud de Fianarantsoa (près du village de Mafaitra, 
sur la route d'Ambalavao à [hosy), ont fourni des 
grenats dont la couleur rouge est comparable 
à celle des rubis de Siam. 

Après ces diverses pierres, il faut encore citer 
à Madagascarles disthènes, qui se trouvent aussi 
bien dans les sables aurifères qu'en place dans 
les micaschistes de l'Imerina, mais qui sont 
difficiles à tailler par suite de la facilité avec 
laquelle ils se clivent; — les cymophanes ‘que 


M. Lacroix a signalés dans les sables des envi- 
rons de Maevatanana et qui, d'une belle couleur 
jaune, sont recherchés dans la joaillerie; — les 
triphanes, minéral signalé pour la première fois 
par Damour, sur la côte orientale, près de Fara- 
fata. 


V = Pignues DURES : 
CRISTAL DE ROCHE, AGATES, ETC. 


Le quartz abonde dans la plus grande partie 
de l'ile de Madagascar, l'Ouest excepté, mais 
c'est surtout sur la côte Nord-Est qu'on trouve 
du beau cristal de roche. Sur les bords du Manin- 
gory (vis-à-vis de l'ile Sainte-Marie), ditFlacourt, 
« on peut choisir du beau cristal dont certains 
blocs ont 4 pieds de long ». En 1658, le capitaine 
La Forest, quicommandait un navire du Maréchal 
de la Meilleraye, a mouillé à l'embouchure du 
Manantsatrana, en face de la pointe sud de 
Sainte-Marie, pour « lester son navire de pierres 
de cristalqui setrouventenamont »,mais, n'ayant 
pu obtenir des Malgaches qui étaient occupés à 
récolter leur riz qu'ils lui en apportassent, il 
s’'empara du chef et de quelques femmes pour 
les y contraindre; en effet, ils lui en amenèrent 
quelques pirogues, mais ayant réussi à l’attirer 
dans un village voisin de la «carrière de cristal », 
ils le tuèrent avec deux autres Français et s’en- 
fuirent dans la montagne. Le reste de l'équipage, 
après avoir tenu conseil, relàcha les otages quien 
somme n'étaient pas coupables et s'en fut à la 
Mer Rouge. 

François Martin, le fondateur de Pondichéry, 
qui vint sur ces lieux quelques années après, 
en 1665, visita cette «carrière» où il vit «plu- 
sieurs fossés d’où avait été extrait le cristal de 
roche»; en ayant fait tirer avec beaucoup de 
peine deux gros blocs «dont l’un ne pesait pas 
moins de 300 livres », il les fit casser à coups de 
marteau et le cristal lui parut beau. 

En fait, il y a fort longtemps qu'on exporte du 
cristal de roche de Madagascar, car déjà les 
immigrants arabes établis depuis le 1x° ou le 
x° siècle dans le Nord-Est comme dans le Nord- 
Ouest en expédiaient en Arabie et dans l'Inde, 
par la voie de Malindi, et probablement même 
en Chine. L'amiral hollandais Houtman, qui a 
relâché en 1596 dans la baie d’Antongil, dit 
qu'on y trouve beaucoup de et, au 
xvu: siècle, il y a eu, de temps en temps, un 
commerce d'exportation de cristal de roche en 


cristal 


France; beaucoup de nos lustres anciens ont été 
faits avec du cristal de Madagascar, qui est tou- 
tefois un peu bleuté et, par conséquent, a moins 
de valeur que celui du Saint Gothard et du Tyrol. 


642 G. GRANDIDIER. — L'INDUSTRIE MINÉRALE A MADAGASCAR 


Le cristal de roche et même le quartz translu- 
cide etgivreux ont, aux yeux de beaucoup de 
Malgaches, des propriétés magiques: chez les 
Merina, au moment où l’on dépose sur une des 
tablettes du caveau le corps d’un mort, l’époux 
survivant y jette un caillou noir (représentant la 
mort) et prend dans sa main un morceau de 
quartz, vato velona (litt. : pierre vivante) comme 
ils l'appellent, en disant « cette pierre qui est la 
mienne » pendant que les assistants psalmodient 
un chant funèbre. Ils ontaussil’habitude, comme 
quelques autres peuplades, lorsqu'ils viennent 
prier soit sur la tombe de leurs parents, soit 
auprès des cénotaphes ou pierres levées, après 
les avoinenduits de graisse, de déposer sur leur 
sommet un morceau de quartz. Le cristal de 
roche sert encore à certains #pistkidy ou diseurs 
de bonne aventure qui, tournés vers l'Est et 
ayant étalé devant eux une petite natte et mis à 
leur gauche la poignée de graines qui va servir 
à l'opération magique, en placent devant eux un 
morceau (souvent remplacé maintenant par un 
simple tesson de carafe ou de bouteille), grâce 
auquel le s#kidy « pourra mieux voir dans l’obs- 
curité de l’avenir ». 

On trouve aussi à Madagascar desagates, surtout 
dans le Nord de l’ile, en particulier aux environs 
du Mont de la Table, près de Vohémar, dans 
l'Ankarana et au sud deMahabo, sur la Betsiboka, 
dans un épanchement de basalte, ainsi que dans 
l’Antsihanaka et le Valalafotsy, et encore des cal- 
cédoines, dont de très beaux blocs blancs aux 
environs de Vohémar et des blocs bruns dans le 
sud du Betsileo, de l’amazonite, à Ambohibe- 
loma, etc. 


VI. — Houicce, LIGNITE ET GRAPHITE 


On a longtemps cru qu'il existait un bassin 
houiller dans le Nord-Ouest de Madagascar, no- 
tamment dans la baie d'Ambavatoby, que M. Dar- 
voy a tenté d'exploiter en 1855 : quoique cette 
partie de Madagascar ne futen réalité nioccupée, 
ni gouvernée par les Merina, dont l’autorité à 
cette époque ne s’étendait pas au Nord au delà 
d’Anorontsangana, dès quela Reine Ranavalonal 
apprit que des vazaha, des étrangers, se per- 
mettaient de fouiller «sa terre », car elle préten- 
dait être la maîtresse de l'ile entière, elle ordonna 
à ses soldats d’Anorontsangana de s'emparer de 
ces aventuriers et de les lui amener. C’est ce qui 
fut fait facilement, car le site de la mine n'était 
éloigné du fort merina que d’une quarantaine de 
kilomètres et les Français n’étaient qu’au nombre 
de trois ; les envoyés de la Reine n’eurent donc 
aucune peine à exécuter les ordres de leur sou-: 
veraine et, le 19 octobre 1855, ils tuaient le chef 


M. Darvoy et un de ses compagnons et ils emme- 
nérent prisonnier le troisième, qu’ils expédièrent, 
comme trophée de leur victoire, à Tananarive, 
où il fut d’ailleurs bien traité par le prince Rako- 
ton Radama et racheté par M. Laborde. Ce bas- 
sin, soi-disant houiller, n’est en réalité, comme 
M. A. Grandidier en a émis l’idée dès 1884, et 
comme l’a démontré M. Crié en 1889, qu’un gise- 
ment de lignite appartenant au Lias supérieur, 
gisement qui ne semble pas pouvoir être utile- 
ment exploité. Un ingénieur français en avait 
cependant demandé la concession au Gouverne- 
ment malgache en 1888 et l’avait obtenue par 
l'entremise de M. Le Myre de Vilers. Il y a fait 
foncer une vingtaine de puits et a dépensé 
30.000 francs sans arriver à un résultat favo- 
rable. 

On trouve du reste du lignite, parfois pyriteux 
et donnant un combustible de mauvaise qualité, 
en de nombreux endroits de l'Ile, notamment 
près de Maevatanana ainsi qu’à l'Ouest de Tana- 
narive. 

Mais, s'il n’y a pas de bassin houiller dans le 
Nord de Madagascar, il ne semble heureusement 
pas qu’il en soit de même dans le Sud, d’où, 
en 1908, M. le Capitaine Colcanap écrivait : « Je 
viens de découvrir du terrain permien dans la 
région arrosée par la Sakamena (affluent Sud de 
l’'Onilahy\ ; comme dans l'hémisphère austral les 
gisements de houille se trouvent dans le Permien 
ou dans les assises qui lui sont subordonnées, il 
est possible que des dépôts de combustibles 
minéraux s’y soient accumulés en certains lieux. 
Les grès de l’Isalo et de la Sakamena, qui occu- 
pent une surface énorme, méritent d'attirer 
l'attention à ce point de vue. » Peu de temps 
après, au commencement de 1909, — guidé par 
les renseignements paléontologiques que M. le 
professeur Boule, du Muséum d'Histoire natu- 
relle, lui avait adressés, — il pouvait annoncer 
au Gouverneur général de Madagascar la décou- 
verte d’un gisement de charbon qu'il venait-de 
faire avec le lieutenant Dauche dans les régions 
de Ranohira et d’Ambohibato, et un contrôleur 
de mines, M. Evesque, vint y faire des sondages 
et en étudier la géologie. Ce bassin, qu’on croit 
houiller, est entouré de tous côtés par le terrain 
archéen et semble appartenir au Permien infé- 
rieur; « on y a constaté l’existence d’un faisceau 
carbonifère comprenant quatre couches dont 
l’épaisseur totale de charbon mesure près de 
k m. 50. » Les gisements reconnus sont ceux 
d'Ianapera (situé sur la rive de l’afiluent sud de 
l'Onilahy, de même nom, non loin de Betioka), 
d'Iboandro ‘un peu au nord-est) et d'Ambohibato 
(à l’est de Benanitra, et paraissant appartenir à 


G. GRANDIDIER. — L'INDUSTRIE MINÉRALE A MADAGASCAR 643 


une couche située sur le bord droit de l'Ima- 
loto, affluent nord de l’'Onilahy. 

« Le graphite ou plombagine est abondant 
dans plusieurs parties de Madagascar, écrivait 
Ellis en 1838, et est utilisé pour noircir et vernir 
les poteries ». Connu sous le nom de manjarano 
ou de vanjarano, il a été employé de tout temps 
pour noircir les poteries, et Laborde s’en est 
servi pour fabriquer les creusets où il fondait le 
fer et l'acier pour forger les canons et les fusils. 
Le graphite est très répandu à Madagascar, où 
on le trouve dans les terrains archéens; sur les 
hauts-plateaux, il est d'ordinaire en amas inter- 
stratifiés dans le gneiss, amas tantôt considé- 
rables, tantôt très réduits, tandis que dans la 
région orientale, il est disséminé à l’état de pail- 
lettes occupant la place du mica. Les amas gra- 
phitifères, formés de gneiss décomposés, ont 
quelquefois jusqu’à 20 et 30 mètres d'épaisseur 
contenant de 1 à 2 mètres de graphite, qui est 
assez facilement séparé des détritus gneissiques 
par un simple lavage à la main, suffisant pour 
amener la teneur en carbone à 80 % au moins; 
l'extraction s'opère généralement à ciel ouvert, 
et les Malgaches, qu’on paie de 0 fr. 40 à 0 fr. 80 
par jour, y travaillent volontiers. Mais ce n’est 
qu’en 1905 qu'on a commencé à étudier scienti- 
fiquement les gisements de graphite, et à les 
exploiter méthodiquement; aujourd’hui, ce mi- 
néral est l’objet d'une exportation considérable. 
Le premier envoi fait en Europe a eu lieu en 1907 
et a été de 8 tonnes 1/2; les années suivantes, 
l'exportation a monté progressivement à 82, 198, 
545, 1536, 2732, 6099 (en 1913) et 6212 (1°" semes- 
tre de 1914). 


VIT. — BiTuME, PÉTROLE 


Le commandant Guillain a appris à Nosy Voa- 
lavo en 1842 qu'il existait dans le Milanja, au 
sud du ment Ambobhitsosy, « des lits de bitume 
que les Sakalava appellent Sakapanda... et que 
les Antalaotra emploient pour calfater leurs ba- 
teaux; il est noirâtre, dur et cassant lorsqu'on 
le prend le matin, mais à la chaleur du soleil, il 
se ramollit. Les lits de ce bitume sont à fleur de 
terre, mais les Sakalava n’en tirent d’autre parti 
que d'y pousser les bœufs sauvages, les y pre- 
nant comme on prend les oiseaux à la glu ». 
M. E.F. Gautier en a signalé entre le mont Fon- 
jay et Ankavandra, un à Ambohitralika [sur le 
Manambolomaty] et deux plus au nord sur les 
bord du Manambo, près de Morajenobé et près 
de Tsinjorano. Le lieutenant Vacher, en juin 
1899, en a reconnu d’autres au nord de ceux-ci, 
sur les bords d'un affluent du Mitsiotaka (affluent 
lui-même du Ranobé) qui s'appelle Sakopanja 


| (quiest le nom sakalava du bitume). Il y a encore 


des émergences bitumineuses dans le Sud-ouest, 
dans le bassin moyen du Fiherenana, et aussi 
dans le Nord-ouest où M. 
de Laborde ont découvert de nouveaux terrains 
pétrolifères près du village d’Ankaramy, dans la 
province d'Analalava. 


Levat et le Comte 


Depuis l'occupation francaise, plusieurs com- 
pagnies ont entrepris des sondages, dans le but 
de trouver du pétrole, qu’il faut aller chercher à 
d'assez grandes profondeurs, celui qu’on trouve 
près de la surface étant, comme l’on sait, généra- 
lement épais et partiellement oxydé en bitume. 
La Madagascar Oil Development C°, compagnie 
anglaise au capital de 50.000 livres sterlings, 
fondée en 1907,a son exploitation à Folakara (à 
une journée de marche N.-0. d'Ankavandra). 
Après avoir fait pratiquer un premier sondage 
sans résultat, cette compagnie, à une seconde 
tentative, en août 1911, a rencontré à une pro- 
fondeur de 180 mètres des huiles légères en 
abondance. 

Dans la même région, à Maroboaly, la Saka- 
lava C° a fait foncer deux trous de sonde et, en 
janvier 1914, à 80 mètres, on a atteint un pétrole 
léger. 

A Ankaramy,où l'on avait opéré un sondage 
dans le but de chercher du charbon, on a trouvé 
à une profondeur de 87 mètres une couche de 
bitume. 


VIII. — AUTRES PRODUITS MINÉRAUX 
UTILISÉS PAR LES MALGACHES 


Comme autres produits minéraux qu'utilisent 
les Malgaches, on peut citer : 

Le sel, dont quelques peuplades se servent 
pour leur alimentation. 

Ce sel est souvent extrait soit de petites sour- 
ces salées, soit d’efflorescences de sulfate de 
soude mêlé de carbonate et de chlorure. Sur les 
côtes, on le tire par évaporation de l'eau de mer, 
comme dans les estuaires du Betsiboka et d’Am- 
pasilava où l’on en fait un commerce important; 
à Diego-Suarez, il existe des salines qui ont été 
créées par des Européens en 1893. Dans les ré- 
gions orientale et occidentale, les indigènes 
obtiennent fréquemment du sel par l'incinération 
de diverses plantes: 

Le salpêtre et le soufre, avec lesquels les Me- 
rina faisaient de la poudre de guerre. 

Le salpêtre était recueilli sur les parois de 
certaines grottes ou obtenu par lixiviation du 
sol formé par du gneiss décomposé; le soufre 
provenait d’une solfatare située dans le Vakinan- 
karatra, au sud d’Antsirabé, d’où les Merina le 
transportaient à Ambohidratrimo au N.-E. de 


644 


G. GRANDIDIER. — L'INDUSTRIE MINÉRALE A MADAGASCAR 


Tananarive où ils l’épuraient par un procédé de 
sublimation grossier. Il y avait, paraît-il, un 
autre gisement au N.-0. du lac [tasy. Les indi- 
gènes du Plateau Central faisaient aussi du sou- 
fre avec les pyrites de fer qui sont abondantes à 
Madagascar, notamment aux environs du mont 
Ibity ainsi qu'au nord d’Antsirabé et sur le ver- 
sant septentrional du massif d'Ankaratra. Sur la 
côte de la baie d’Ampasindava, un peu au sud 
de l'embouchure du Kongony, il y a dans les 
schistes des bancs de nodules de pyrite de fer à 
structure radiée dont les brigands du nord-ouest 
se servent, non pour faire de la poudre, mais en 
guise de balles, balahara [balles de pierre] 
comme ils disent; 

Le kaolin, qui est de bonne qualité dansle cen- 
tre de l'ile et sert à faire de bonne porcelaine; il 
y à notamment des gisements de kaolin très pur 
dans le Betsileo et surle versant oriental de l'ile, 
entre autres à Imerinarivo d’où M. Laborde fai- 
sait extraire celui qui lui servait à Soatsimanam- 
piovana; 

L'argile plastique, qui existe en beaucoup d’en- 
droits ; dans le district de Betafo et dans le Bet- 
sileo, il y a en particulier une argile bleuâtre 
avec laquelle les indigènes font d'excellente po- 
terie, meilleure que celle de l'Imerina : 

La pierre à chaux, qu'on trouve surtout dans le 
nord-ouest, dans l’ouest, et dans le centre. 

Elle est tirée soit de cipolins comme dans le 
Betsiriry, où il y a deux gisements considérables 
donnant de l'excellente chaux hydraulique, l’un 
non loin du Dabolava, l'autre près de l’ancien 
poste optique du Kiranomena, soit de calcaires 
cristallins comme celui dont il existe un aflleu- 
rement à une vingtaine de kilomètres au sud de 
Tananarive, soit de tufs provenant de sources 
calcaires tels que ceux qui avoisinent les sour- 
ces thermales d’Antsirabé ou ceux de Madera (à 
une quarantaine de kilomètres au S.-0.de Tana- 
narive) où il y a un rocher calcaire #aniry[litt. : 
qui croit, qui se développe]; 

Le gypse et sulfate de chaux, qu'on exploite 
dans l’Imerina pour faire du plâtre et dont le 
principal gisement est aux environs d’Ambohi- 
manambolo. On trouve aussi du gypse fibreux, 
blanc et soyeux à Antsirabé, ainsi qu'auprès du 
pelit lac d’'Andranomena, Bernier a signalé en 
1834 du sulfate de chaux dans le nord-est, dans 
la baie d’Anilambato: 


Les silex pyromaques, qui sont abondants dans 
certaines régions de l’ouest et du sud, et diver- 
ses variétés de quartzites. 

Entre Vinanitelo et Malaimbandy, ainsi qu'à 
l'est de Salobé et sur le bord du Mandraré, il y 
a beaucoup de silex parmi lesquels les Bara et 
les Antanosy trouvaient les pierres à fusil néces- 
saires pour leurs mousquets; 

Les calcoschistes, les chloritoschistes et les mi- 
caschistes latéritisés du centre et du nord, dans 
lesquels les Malgaches taillaient au couteau 
divers vases et ustensiles de ménage; 

Le granit, dont on se servait surtout pour la 
construction des tombeaux, des cénotaphes et 
des monuments commémoratifs. 

Les Malgaches ne sciaient pas les pierres; ils 
en aplanissaient la surface avec de petits mar- 
teaux pointus et les détachaient du bloc dont 
elles formaient la couche supérieure en chauf- 


fant avec de la bouse de vache les lignes suivant 


lesquelles ils voulaient la couper; puis, lors- 


qu'elle était rougie, ils jetaient de l’eau froide: 


dessus. Jusqu'en 1828, époque à laquelle Came- 
ron découvrit de la pierre à chaux dans le Cen- 
tre de l'Ile et apprit aux Merina à la brûler, on 
cimentait ces pierres avec de l'argile rouge; 

Les ardoises, qui ont été employées d’abord 
pour couvrir les toits des écoles des missionnai- 
res, puis en 1869 ceux du Manjakamiadana ou 
Palais royal et du temple de la Reine, et dont 
on se sert couramment aujourd'hui. La prinei- 
pale des carrières d’ardoises est située à 14 ki- 
lométres à l’ouest d’Ambositra, sur le bord de 
l'Ivato, non loin de la mine de cuivre d'Am- 
batofangehana ; 

Le tale, dont on trouve ex certaines localités 
de belles feuilles, et le mica,dont on connaît des 
gisements tant dans le nord-ouest, dans le dis- 
trict d'Analalava, que dans le centre, dans la 
région d'Antsirabé; 

L’amiante, dont on a découvert un dépôt à 
l’ouest de Faliarivo, à 25 kilomètres à l’ouest 
d'Ambositra ; 

Et enfin les phosphates de la région de Maeva- 
tanana, qui ont une teneur de 43 à 50% de phos- 
phate de chaux tribasique et qui sont pro- 
bablement appelés à jouer un rôle important 
dans le développement agricole de Madagascar. 


G. Grandidier. 


+, CRT] 


fs 


L. BRUNET. — RAYONS X ET STRUCTURE CRISTALLINE 


645 


RAYONS X ET STRUCTURE CRISTALLINE 
PREMIÈRE PARTIE : RAYONS X 


Dans un article ! paru ici-même en 1913, nous 
avons fait connaître les remarquables expérien- 
ces de Friedrich et Knipping, appuyées sur les 
déductions théoriques de Laue, qui ont mis en 
évidence le pouvoir réfracteur,pourlesrayons X; 
de l'assemblage réticulaire des milieux eris- 
tallisés. Cette nouvelle méthode de recherche 
s'est montrée féconde entre les mains de plu- 
sieurs savants, en particulier de MM. W.H. Bragg, 
professeur à l'Université de Leeds, et W. L. 
Bragg, lecturer au Trinity College de Cambridge; 
ils ont accumulé sur ce sujet une série de tra- 
vaux remarquables?, qui ont fait faire des pro- 
grès importants à notre des 
rayons X et de la structure des cristaux. Nous 
voudrions essayer d'en donner ci-après un 
aperçu un peu détaillé. 


connaissance 


I. — DiFrRACTION ET RÉFLEXION DES RAYONS X. 


On a émis depuis longtemps l’idée que les 
rayons X sont constitués par des ondulations 
analogues à celles de la lumière. Une preuve dé- 
cisive de cette hypothèse consisterait à répéter, 
avec ces rayons, les expériences d'interférence 
qui ont mis hors de doute la nature ondulatoire 
des rayons lumineux ordinaires. On sait qu’un 
réseau optique, pour décomposer une onde lu- 
mineuse, doit posséder une constante (distance 
entre ses éléments) comparable à la longueur de 
cette onde. Des expériences de diffraction, peu 
concluantes, de Haga et Wind et de Walteret 
Pobl, ont montré que la longueur d’onde des 
rayons X, dans l'hypothèse ondulatoire, est ex- 
cessivement faible et voisine de 10 —$à 10 —* cm., 
c'est-à-dire de l’ordre des distances entre les 
molécules d’un solide. Or il est absolument im- 
possible de construire un réseau avec un espace- 
ment aussi faible. 

L'idée géniale de Laue a été de se servir de 
l’arrangement régulier des atomes ou des molé- 
cules dans un cristal comme d’un réseau de dif- 
fraction approprié aux rayons X. Le problème se 
complique du fait que le réseau cristallin est à 


1. L. BRUNET : La nature des rayons X et la structure ré- 
ticulaire des corps cristallisés. Rev. gén. des Sciences du 
15 février 1913, t. XXIV, p. 101-103. 

2, Mémoires publiés dans Proc. Cambridge Phil, Soc., 1. 
XVII, part T, p.43, et surtout dans Proc. Royal Soc., série À, 
t. LXXXVIIT, p.428 ; t. LÂXXIX, p. 246, 248, 277, 430, 468, 575. 
L'ensemble de ces recherches a paru dans un livre intitulé : 
« X Rays and Crystal Structure », 1 vol. in-8° de 229 p. avec 
75 fig. G, Bell and Sons, Londres, 1915. 


trois dimensions, tandis que les réseaux d’opti- 
que n’en ont que deux. Laue est cependant par- 
venu par le calcul à déterminer le trajet d'un 
pinceau de rayons X diffractés par les rangées 
d'atomes ou de molécules d'un cristal et la posi- 
tion des figures d’interférence formées par eux 
sur une plaque photographique. Les expériences 
de Friedrich et Knipping ont brillamment con- 
firmé ses vues et démontré tout à la fois la na- 
ture ondulatoire des rayons X et la réalité de 
l'assemblage réticulaire de la matière dans les 
corps cristallisés !. 

Mais le traitement mathématique, dû à Laue,du 
problème de la diffraction des rayons X par les 
réseaux cristallirs est d’une assez grande com- 
plication?. W. L. Bragg a montré qu'on peut 


1. L. Bruxer: Loc cit. 

2, Voir le mémoire original de l'auteur (Sitzungsber. der 
K. Bayerischen Akad, der Wiss., juin 1912, p. 363) et aussi le 
volume de E, Hurka : Die Interferenz der Rôostyenstrablen, 
F. Vieweg und Sohn, Braunschweig, 1914. Voici un résumé 
du rais nnement de Laue : 

Considérons le réseau parliculaire le plus général, celui 


du système triclinique. Les centres des atomes voi-ins se 
trouvent aux sommets de parallélipipèdes congruents. Soient 
a, &, a les longueurs des arêtes du parallélipipède élé- 
mentaire. Les coordonnées d'un atome quelconque, d'un atome 
du réseau, rapportées à trois axes orthoyonaux passant par 
le centre, seront représentées par les équations : 


ZT = MA jx + Raox + Paux 

Y = MA;y + RAoy + Pass 

Z — MA): + NRA»: <- pay 
où m,n,p sont des nombres entiers. 

Sur ce réseau tombe une onde plane de longueur ?, qui se 
propage dans une direction faisant avec les axes de coor- 
données des angles #v; Po; 70o- Chacun des atomes se comporte 
comme un nouveau centre de vibration, envoyant de nou- 
velles ondes dans toutes directions. En considérant 
l'effet total en un point suflisamment éloigné du cristal pour 
que toutes les ondes partielles soient supposées planes, el se 


les 


propagent dans la même direction caractérisée par les angles 
#, P; 7, Laue démontre, en suivant les méthodes courantes de 
l'Optique, que l'intensité sera nulle pour toutes les directions 
ne satisfaisant pas simultanément aux trois équations : 


&yxe + @jy B + az y = hi À + &ix oo + jy Bo + &i:/n 
Qox 4 + Aus B+ Que y = ho À + Qox 0 + Aus Bo + 
axe + any B + 43 7 = ha À + Qsx co + Gay Ba 
où k,, ko, 4 sont des nombres entiers. 
On obtient ainsi, pour une certaine direction du rayon in- 
cident, une famille de cônes dont les axes sont les arètes a. 
Comme les 4 sont des entiers, ces familles se composent 


£ 


d'une suite de cônes particuliers. Les directions dans les- 
quelles se produiront les maxima d'intensité seront les géné- 
ratrices communes aux surfaces coniques de même sommet 
dont les axes sont &,, a, et a, et qui correspondent à chaque 
système de valeurs entières de h1, L,, 4. Le nombre de ces 
génératrices communes est très faible, même lorsque le fais- 
ceau de rayons incidents ne correspond pas à une longueur 
d'onde À parfaitement définie, mais à une portion de spectre. 

Dans le cas particulier du système cubique, a, — as — a, ; 


646 L. BRUNET. — RAYONS X ET STRUCTURE CRISTALLINE 


l’aborder d’une façon beaucoup plus simple et 
tout à fait équivalente !. 

Supposons une série de particules matérielles 
situées dans un plan À A (fig. 1). Quand une pul- 
sation P P passe sur elles, chacune émet une 
onde diffractée, qui se propage dans toutes les 


Fig. 1. 


directions (les cercles de la figure représentent 
les ondesenvoyées parles particules du plan À A). 
Il est clair que toutes ces ondes diffractées tou- 
chent un « front d'onde réfléchie » P'’ P’. C'est 
une simple répétition de la construction d'Huy- 
gens pour le front de l’onde réfléchie par une 
surface plane. Ainsi, quand une pulsation passe 
sur une série de particules situées dans un plan, 
les ondes diffractées se combinent pour former 
un front d’onde qui obéit aux lois de la réflexion 
par un plan. 

Si nous passons au milieu cristallin, il est 
évident que ses particules possèdent cet arran- 
sement par plans. En choisissant l’un de ces 
plans et cherchant la direction dans laquelle une 
onde serait réfléchie par ce plan et les plans 
parallèles, on pourra s'attendre à un maximum 
d’interférence dans cette direction. Il existe, il 
est vrai, un assez grand nombre de manières de 
grouper les particules suivant des plans à 


les équations ci-dessus se simplifient considérablement et de- 
viennent : 
À 2 À ) 
u = hi = B—= 4 2% 1—y—=h3 -- 
a a a 
Sur un plan perpendiculaire au faisceau incident (la plaque 
photographique}, ces cônes découpent des courbes du second 


degré. Pour # — constante et Ê — constante, on obtient des 
hyperboles dont les axes sont perpendiculaires et dont le 
centre coïncide avec le point d'impact du rayon primaire ; les 
cônes 7 — constante forment des cercles dont le point d’im- 


pact est le centre. Les maxima d'interférences se trouvent 
aux points où ces cercles passent à l'intersection de deux 
hyperboles {voir fig. 7 et 8 de la 2° partie de cet article). 

1. L'équivalence de la théorie de Laue et de celle de Bragg 
a été démontrée d’une façon très élégante, d'abord par Waolff 
(Phys. Zeitschr., t. XIV, p. 217-220 ; 1913) et un peu plus 
tard par Terada (Proc. Tokyo mathem.-phys. Soc.,t. VII, 
p- 60-70; 1913). 


l’intérieur d’un cristal; mais tous ne sont pas de 
même importance : les plans de plus grande den- 
sité, généralement parallèlesauxfacesextérieures 
du cristal, ont une influence prépondérante. 
On peut donc admettre que, lorsqu'une pulsation 
tombe sur un cristal, son énergie diffractée se 
concentre en faisceaux définis, lesquels peuvent 
être considérés comme des réflexions faibles de 
la pulsation sur les faces possibles à l’intérieur 
du cristal. 

Cette « réflexion » diffère de la réflexion vraie 
de la lumière ordinaire par les surfaces en ce 
qu'elle ne dépend pas de l'existence d'une face 
polie à l'extérieur du cristal, mais seulement de 
l’arrangement des plans à l’intérieur de celui-ci; 
c'est dans ce sens très spécial que le terme 
« réflexion » est employé dans ce qui suit. 

Considérons maintenant la réflexion d’un train 
d'ondes régulier. Dans la figure 2, la structure 
cristalline est représentée par la série de plans 


Fig. 2. 


P; P; p, également distants de la quantité d ou 
espacement. À, A,,A,,A.,...représentent un train 
d'ondes de longueur d'onde } qui s'approche. 
Choisissons les ondes qui, après réflexion, se 
rejoignent dans la direction B C et comparons 
les distances qu’elles doivent franchir à partir 
d’une ligne telle que À A” avant d'atteindre le 
point C. Les trajets qu’elles suivent sont À BC, 
A" B'C, A” B"C, etc... Soit B N perpendiculaire 
à A’ B, et D l’image de B par rapport au plan qui 
passe par B’. Ou a B'B — B' Det A. N— AB. 
La différence entre A’ B' Cet A B C est égale à 
B'D — B'N— N D, soit 2 d sin 6. De même 
A" B” C dépasse A’ B' C d'une distance égale, et 
ainsi de suite. 

Si DN est égal à la longueur de l’onde, ou àun 
de ses multiples, tous les trains d’ondes réfléchis 
par les plans p, p, p sont de même phase et leurs 
amplitudes s'ajoutent. Si DN diffère, même 
légèrement, de la longueur de l'onde, les ondes 
réfléchies ont toutes les relations de phases pos- 
sibles entre elles et l’amplitude résultante est 
pratiquement nulle. 

Donc, quand un train d'ondes monochroma- 
tique frappe la surface d’un cristal, la réflexion 


L. BRUNET. — RAYONS X ET STRUCTURE CRISTALLINE 647 


n'a lieu que pour certaines valeurs de l’angle 
d'incidence. Ces valeurs sont données par les 
formules : 

1=—24s1n0; 
22 d'sine, 


3 1—2dsin6,, 


etc. 

La réflexion sous l’angle 0, est appelée « ré- 
flexion du premier ordre », sous l'angle 8, « ré- 
flexion du second ordre », et ainsi de suite. 

Passant à un autre arrangement des plans du 
cristal, d’un espacement différent d', la réflexion 
des rayons monochromatiques n’aura lieu que 
lorsque 
d'sinW’, 

d' sin 6',, etc. 

Par conséquent, si l’on mesure les angles 6,, 
5,, 9, sous lesquels la réflexion se produit, on a 
une relation entre }, la longueur d’onde des 
rayons, et d, la constante du réseau. En em- 
ployantla même face cristalline, on peut com- 
parer les longueurs d'onde des différentes vibra- 
tions monochromatiques; en employant la même 
longueur d'onde, on peut comparer la distance d 
pour différents cristaux et différentes faces du 
même cristal. 

On possède ainsi le moyen, d'une part, d'étu- 
dier la structure des cristaux, d'autre part, d'ana- 
lyser un faisceau de rayons. L'instrument le plus 
adapté à ces recherches, et qui a été réalisé in- 
dépendamment par MM. Bragg et MM. Moseley 
et Darwin, a été désigné sous le nom de « spec- 
tromètre à rayons X ». 


II. — LE SPECTROMÈTRE A RAYONS X 


Ce nouvel appareil ressemble au spectromètre 
ordinaire dans sa construction générale. Au col- 
limateur correspond une série de fentes étroites 
limitant un pinceau de rayons X, dirigé de façon 
à passer par l'axe de l'appareil. Un cristal, monté 
sur un plateau tournant, tient lieu du réseau de 
diffraction. La face du cristal, ou -plutôt la série 
de plans qui agissent comme réflecteurs, ren- 
ferme la direction de l'axe, et le cristal tourne 
autour de ce dernier jusqu’à ce que la face soit à 
l’angle convenable avec le pinceau incident. Le 
rayon réfléchi entre ensuite dans une chambre 
d'ionisation remplie de gaz. Cette chambre rem- 
place le télescope ordinaire, et la mesure du cou- 
rant d'ionisation par un électroscope correspond 
à l'observation par l'œil ou la plaque photogra- 
phique. 

La figure 3 représente la disposition générale 
de l'appareil de MM. Bragg en plan. Le tube à 
rayons X a une forme très spéciale : l’antica- 
thode Q y est placée perpendiculairement au 


faisceau de rayons cathodiques et les rayons X 
la quittent sous un angle presque rasant. Ce dis- 
positif diminue considérablement l'effet nuisi- 
ble du déplacement de la tache cathodique à la 


Fig. 3. — Spectromètre à rayons X 
de MM. Brage. 


P. cathode; Q, anticathode ; A,B,D, fentes : 
C, cristal, 


surface de l’anticathode et donne un pinceau de 
rayons émis par une source intense et presque 
ponctuelle. 

Le tube à rayons X estrenfermé dans une boîte 
en bois, couverte d’une épaisse plaque de plomb. 
Les rayons en sortent par une fente très étroite À, 
et passent quelquefois par une seconde fente B, 
mobile, qui peut prendre la position B° au voisi- 
nage immédiat du cristal C.Ce dernier est monté 
à la cire sur un plateau tournant, portant un bras 
dont l'extrémité est pourvue d'un vernier se dé- 
plaçant sur un cercle gradué. 

Le pinceau de rayons X réfléchis, après avoir 
traversé une autre fente ajustable D, entre dans 
la chambre d'ionisation, montée de façon à pou- 
voir tourner autour du même axe vertical que le 
cristal C. C’est un cylindre en laiton de 15 em. 
de longueur et 5 cm. de diamètre, percé d'un 
trou recouvert d’une mince feuille d'aluminium 
qui laisse entrer les rayons sans grande perte. La 
chambre est remplie d'un gaz absorbant forte- 
mentles rayons X et produisant un courant d’io- 
nisation intense; on emploie généralement SO? 
mais pour les rayons très pénétrants, comme ceux 
donnés par les anticathodes d’Ag, Rh ou Pd, le 
bromure de méthyle est encore préférable. 


648 


L. BRUNET. — RAYONS X ET STRUCTURE CRISTALLINE 


La chambre d’ionisation I (fig. 4) est isolée et 
maintenue à un potentiel élevé. Son électrode 
intérieure est reliée par un fil fin, protégé par 
métallique, à l’électroscope à 


une enveloppe 


Fig. 4. — Spectromèrre à rayons X de Bragg (Cliché de MM. Longmans, Green and Co). 


3, boîte contenant un tube à rayons X; Sj, S,, Ss, fentes ajustables; C, cristal; 
r: chambre d'ionisation; E, boîte renfermant l’electroscope ; M, miroir, K, clef de mise à la terre. 


feuille d’or E, du type Wilson. La feuille d’or 
est éclairée par réflexion au moyen d’un miroir M 
et examinée à travers un microscope. Un fort 
pinceau réfléchi fait mouvoir la feuille à raison 
de 10 à 20 divisions par seconde, 

Dans le dispositif de MoseleyetDarwin! (fig.5), 


r d 


m € C] 


Détecteur 


ES a 


a À 


Fig. 5. — Spectromètre à rayons X de MM. Moseley 
el Darwin. 


À, anticathode ; P, O, fentes ; K, cristal: D, détecteur; m, fenêtre de mica; 
r, écran en plomb; 
c, 4, X, YŸ, condensateurs; Pot, potentiometre; E, F, électromètres. 
les rayons X produits par l'anticathode A traver- 
sent les fentes P et Q et viennent se réfléchirsur 


1. Philosophical Magazine, 6°sér.,t. XX VI, p. 210-232 ; 1913. 


le cristal K qui les renvoie au détecteur D, formé 
d'une boite métallique imperméable. Ils péne- 
trent par une fenêtre de mica 77, entourée d’un 
écran en plomb r, et tombent sous une incidence 
presque rasante sur l’un des cou- 
vercles c de la boîte; ce dernier 
forme, avec une plaque paral- 
lèle d, le condensateur de mesure 
pour l'intensité du rayonnement 
incident. Le condensateur X Y 


sert à mesurer, par ionisation 
également, l'intensité du rayon- 
nement primaire; dans ce but, il 
est réuni à un électromètre par- 
ticulier F, tandis que le détec- 
teur est lié à l'électromètre E. Le 


est généralement l’hélium. 

Ce dispositif présente l’avan- 
tage de déceler les variations 
d'intensité qui peuvent se pro- 
duire dans le faisceau primaire 
au cours d'une expérience, et il 
permet d'en tenir compte dans 
l'appréciation des résultats enre- 
gistrés dans le détecteur; tandis 
que l'appareil plus simple de 
Bragg suppose que l’intensité du 
faisceau incident est constante, 
ce qui n’est pas toujours le cas. 

Le spectromètre à rayons X peut être employé 
de plusieurs façons différentes : 

Dans certains cas, on fixe le cristal dans une 
position définie et on déplace très lentement la 
chambre d'ionisation, en enregistrant le courant 
dans chaque position successive. Soit S (fig. 6) 


Fig. 6. 


la source et À B le cristal, et faisons mouvoir la 
fente de la chambre d’ionisation le long de l'are 
C D. Tous les rayons réfléchis paraissent venir 
de 5’, image de S par rapport à la ligne A B 
‘pour plus de simplicité, on suppose que la cou- 
che réfléchissante est très mince, de sorte que S' 
peut être pris comme un point ; en réalité, c'est 
une ligne S'S", prolongeant la ligne S S'). Les 


placé dans le tube du collimateur | 


gaz employé dans le détecteur. 


L. BRUNET. — RAYONS X 


rayons réfléchis en À ont une longueur d'onde 
(en ne considérant que la réflexion du premier 
ordre) donnée par la formule } — 2 d sin 6, où 6 
estl’angle S A N.Les ondes réfiéchies suivant BC 
ont une longueur égale à 2d sin S B N, et ainsi 
de suite. La radiation est donc analysée sous 
forme de spectre le long de C D, et en mesurant 
les divers angleset distances, on peut déterminer 
la longueur d'onde de chaque rayon particulier 
en fonction de 2 d, la constante du réseau cris- 
tallin. 

Dans ce mode de procéder, la fente A (fig. 3) 
doit être très étroite, pour que S soit assimilable 
à une source presque ponctuelle. La fente B n’est 
pas nécessaire, mais celle de la chambre d’ioni- 
sation doit être aussi très étroite. Si le cristal est 
assez grand et uniforme, on enregistre ainsi un 
spectre assez étendu. 

Moseley ! a modifié cette première méthode en 
remplaçant la chambre d'ionisation par une 

: plaque photographique. Pour diminuer l'absorp- 
tion des rayons émis par les diverses antica- 
thodes, ceux-ci sortent du tube à rayons X par 
une mince fenêtre en aluminium ou en pellicule 
d’or battu avant de passer sur le cristal; en outre, 
le spectroscope entier est enclos dans une enve- 
loppe où l’on a fait le vide, car les rayons seraient 
absorbés par quelques centimètres d’air. 

M. de Broglie? a utilisé une autre modifica- 
tion de la méthode photographique. Il monte le 
cristal sur un cylindre de baromètre enregis- 
treur, tournant avec une vitesse angulaire d’en- 
viron 2 par heure ; au début, le faisceau X inei- 
dent est parallèle à la face considérée du cristal; 
l’angle d'incidence varie régulièrement avec le 
temps,etle faisceau réfléchi, qui tourne deux 
lois plus vite, vient balayer une plaque oùil 
s'inscrit d'une façon continue. On obtient ainsi 
un véritable spectre de raies, ayant tout-à-fait 
l'aspect des photographies de spectres lumineux, 
et formé de la superposition de plusieurs 
spectres dus aux réflexions sur les plans réticu- 
laires différents qui sont entrainés par la rotation 
du cristal. Enfin MM. de Broglie et Lindemann * 
ont encore indiqué une méthode qui permet 
d'obtenir très rapidement les spectres de rayons 
Rüntgen. Le faisceau incident, émané d'une 
fente, tombe sur une lame de mica enroulée sur 
un cylindre fixe dont l'axe est parallèle à la fente, 
de façon qu’un des rayons extrêmes soit tangent 
à la surface du cylindre. Les divers rayons du 


1. Philosophical Mazazine, déc. 1913 et avril 1914. 

2. C: R. de l'Acad “des Sc de Paris, t, GLVII, p. 9%; 
17 nov. 1913, Journ.de Phys., 5" sér.,t. IV, p. 101; févr. 4914. 

3. C. R. de l’Acad. des Sc. de Paris, t. CLVIII, p. 944; 
30 mars 1914. 


ET. STRUCTURE CRISTALLINE 649 


faisceau se réfléchissent sur la surface cylin- 
drique sous des angles réguliérement variables 
et viennent former simultanément un spectre 
sur la plaque photographique disposée normale- 
ment au faisceau incident. 

Une seconde méthode d'emploi du spectro- 
mètre à rayons X mouvoir 
ensemble le cristal et la chambre, le déplace- 
ment de la seconde étant le double de celui du 
premier. Dans ce cas, la réflexion a toujours lieu 
sur la partie de la face cristalline qui est voisine 
de l’axe, La fente B est rendue alors très étroite, 
afin de définir plus nettement le pinceau inei- 
dent. On remédie ainsi à l'inconvénient que les 
diverses parties d'une même face cristalline 
sont souvent hors de l’alignement les unes par 
rapport aux autres. Cette méthode a été fort 
employée à la fois pour l’étude des spectres émis 
par diverses anticathodes et pour déterminer les 
constantes des cristaux. 

Dans une troisième méthode, on fait tourner 
le cristal pendant que la chambre d'ionisation 
reste immobile, sa fente étant maintenue grande 


consiste à faire 


ouverte. Dans ce cas, le pinceau incident doit 
être rendu aussi fin que possible ; pour cela, la 
fente B est rapprochée du tube et resserrée. 
Lorsque le cristal se meut, chaque longueur 
d'onde de la radiation incidente est réfléchie à 
son tour. 

D'une étude très complète à laquelle se sont 
livrés MM. Bragg, et dans les détails de laquelle 
nous ne pouvons entrer, il résulte qu'en général 
les spectres obtenus par l’une des méthodes 
précédentes sont d’une grande pureté et remar- 
quablement indépendants de la divergence des 
rayons incidents et des irrégularités du cristal. 


III — [Les rayons X CARACTÉRISTIQUES. 


Avant d'exposer les résultats obtenus dans 
l’étude des rayons X par l’emploi du spectro- 
mètre que nous venons de décrire, nous rappel- 
lerons brièvement l'état de nos connaissances 
sur ces rayons avant les recherches récentes !. 

On sait que les rayons X se produisent, dans 
les tubes à vide, par le bombardement d’une pla- 
que métallique, ou anticathode (Q, fig. 3), au 
moyen des électrons animésd'une grande vitesse, 
ou rayons cathodiques, émis par la cathode (P). 
Lorsque le vide est peu élevé, le nombre des 
électrons émis est considérable, mais leur vitesse 
est relativement lente, et les rayons X qu'ils 
engendrent ont un faible pouvoir pénétrant: le 
tube est dit «doux ». Quand le vide esttrès élevé, 


1. Dans les pages qui suivent, nous avons fait plusieurs 
emprunts à l'ouvrage de G. W. C. Kaye: X Rays (Longmans, 
Green and Co. Londres, 191%). 


650 L. BRUNET. — RAYONS X ET STRUCTURE CRISTALLINE 


\ 


et il tend à le devenir par l'usage, le nombre des 
électrons diminue ; ils acquièrent de plus gran- 
des vitesses et donnent naissance à des rayons X 
très pénétrants : le tube est alors dit «dur». 

Un faisceau de rayons X issu d’un tube à vide 
est généralement de composition très mélangée, 
et l'interprétation des résultats obtenus avec ces 
rayons hétérogènes est plutôt difficile. Mais il 
est possible d'obtenir des faisceaux de rayons X 
à peu près homogènes. Par une série de recher- 
ches très importantes, Barkla et ses collabora- 
teurs! ont montré qu’en faisant tomber des 
rayons X sur différents métaux: cuivre, argent, 
fer, platine, etc, ceux-ci émettent des rayons X 
dits caractéristiques, de qualité uniforme et 
variable suivant le métal. La qualité de chacune 
de ces radiations ne dépend que du métal seul 
eten aucune façon des rayons excitateurs. La 
seule condition est que ces derniers soient plus 
durs que la radiation caractéristique: si les 
rayons primaires sont trop doux, ils n’engen- 
drent aucune radiation caractéristique. Il se pro- 
duit simultanément deuxautres sortes de rayons: 
des rayons « dispersés », qui paraissent être 
identiques aux rayons excitateurs et dont la dis- 
tribution est variable autour du radiateur, et 
analogues, 
sinon identiques aux rayons cathodiques. Si 
l'on prend les précautions nécessaires pour 
éliminer ces deux catégories de rayons, dont la 
proportion est variable suivant le poids atomi- 
que des métaux employés, il ne reste que des 
radiations caractéristiques homogènes, distri- 
buées uniformément autour du radiateur. 

Une radiation caractéristique homogène perd 
des fractions successives égales de son énergie 
quandelle traverse une série de couches sembla- 
bles de la même substance. L'énergie transmisel 
peut s'exprimer, en fonction de l'énergie ini- 
tiale 1}, par la formule : 

II, eZ, 
où } est la constante d'absorption, x l'épaisseur 
traversée et e la base des logarithmes népériens. 


En introduisant la densité » de la substance, 
cette formule prend la forme : 


des rayons «corpuseulaires », très 


UE 
où la quantité )/ est désignée sous le nom de 
coefficient d'absorption de masse. La qualité d’un 
faisceau homogène peut être définie par son 
coeflicient d'absorption dans une substance prise 
comme type : c'est l'aluminium qui a été choisi 
dans ce but, 


1. Philos. Magazine, 1908. 


L'expérience a montré que le pouvoir péné- 
trant d’une radiation caractéristique augmente 
avec le poids atomique de l'élément qui l’émet; 
donc la radiation caractéristique d’un atome quel- 
conque peut exciter la radiation correspondante 
d’un atome plus léger, mais non celle d’un atome 
plus lourd. 

On a reconnu, d'autre part, que certains élé- 
ments émettent au moins deux radiations carac- 
téristiques dans des conditions appropriées. 
Barkla a nommé ces deux types « série K » et 
« série L » de radiations fluorescentes. Pour cha- 
que métal, la radiation K est environ 300 fois 
plus pénétrante que la radiation L. Les deux 
radiations deviennent plus dures quand le poids 
atomique du radiateur augmente !. Avec les élé- 
ments de poids atomique élevé (Ag à U, allant 
de 108 à 239), les radiations d’un tube à rayons X 
ordinaire ne peuvent exciter que la radiation ca- 
ractéristique L douce. Chez d'autres substances 
(Cr à Ce, poids atomiques allant de 52 à 140), 
la radiation K a seule été observée. Enfin les 
éléments légers (H à Mg) n’ont fourni jusqu’à 
présent aucune radiation (celle-ci étant sans 
doute très absorbable). Le tableau I indique les 


Tableau I 


)/p dans Al 


?/p dans Al 


Série K|Série L Série K|Série L 


ELEMENT BMETTANT 
LA RADIATION 
CARACTÉRISTIQUE 
ELÉMENT ÉMETTANT 
LA RADIATION 
CARACTÉRISTIQUE 


(108) 2,5 |700 
(119) 
(120) 
(127) 
(137) 
(140) 
(184) 
(195) 
(197) 
(207) 
(208) 
(214) 
(214) 
(230) 
(232) 
(238) 


Rb 


Sr SES 
Mo (96)... 
Rh (103)... 


1. Si l’on choisit un système de coordonnées rectangu- 
laires et si, pour chaque élément, on porte en abscisse le lo- 
garilhme du poids atomique du radiateur et en ordonnée le 
logarithme du coefficient d'absorption de masse de la ou des 
deux radiations caractéristiques, tous les points obtenus se 
rangent sur deux droites, dont l'inclinaison indique que la 
pénétrabilité est sensiblement proportionnelle à la 5° puissance 
du poids atomique du radiateur (E. A. Owen : Proc. Royal 
Soc., 1912). 


L. BRUNET. — RAYONS X ET STRUCTURE CRISTALLINE 651 


qualités des diverses radiations caractéristiques, 
exprimées par leurs coeflicients d'absorption de 
masse dans l'aluminium !. 

Les radiations caractéristiques présentent des 
analogies frappantes avec les lignes d’un spectre 
optique ; de même qu'il existe des relations con- 
nues entre les longueurs d'onde des lignes spec- 
trales associées, n’y en aurait-il pas aussi entre 
les séries K et L des rayons X? Whiddington a 
trouvé une relation empirique simple entre les 
pouvoirs pénétrants des deux radiations et le 
poids atomique. Si un élément de poids atomique 
A, émet une radiation douce (L) d’une certaine 
dureté, le poids atomique A, de l'élément dont 


la radiation K est de la même dureté est donné 


par la formule : A A 


Ko JUL 
suite de ses études sur la radiation L des métaux 
de poids atomique élevé, a obtenu l'expression : 


-— 50). Chapman, à la 


ait 
sultats obtenus. 

Les radiations caractéristiques des éléments 
présentent le phénomène bien connu de l'ab- 
sorption sélective. Un élément possède une 
transparence maximum pour les rayons X d’une 
qualité identique à celle d’une de ses propres 
radiations caractéristiques ; puis son absorption 
devient anormalement élevée pour les rayons X 
d'un pouvoir de pénétration un peu plus élevé 
que celui de l’une de ses radiations caractéristi- 
ques. Ainsi, si l’on mesure l'absorption par le 
cuivre d’une série de radiations X homogènes 
allant des rayons doux du Ca à ceux du Ce, 
celle-ci diminue d’abord d’une façon normale et 
graduelle à mesure que les rayons deviennent 
plus durs, pour atteindre un minimum quand les 
rayons X sont devenus aussi pénétrants que la 
radiation du Cu. Pour des rayons légèrement 
plus durs, l'absorption augmente rapidement; 
puis, comme la dureté continue à augmenter, 

l’absorption recommence à diminuer 
etéventuellement elle reprend letype 
normal. La figure 7 représente, pour 


=; (A, — A8), qui rend mieux compte des ré- 


1 

! 

1 

! 

ll 

hi SC F 

L— 

Fig. 7. — Représentation schématique de l'absorption par un 
élément particulier d'une série de rayons X de qualités diffe- 
rentes. — L'absorption atteint un minimum pour les rayons iden- 


tiques comme qualité à l'une des radiations caractéristiques K et L de 
l'élément; pour des rayons un p#u plus durs, l'absorption est anorma- 
lement élevée, — En abscisses, longueurs d'onde croissantes; en 
ordonnées, absorptions 1/2 croissantes. 


1. Les coefficients d'absorption sont indépendants de la 
température et également de l'association chimique. 


une série de qualités des rayons X incidents, les 
deux boucles de la courbe d'absorption d’un 
élément qui possède à la fois les radiations K 
et L. Cette courbe est purement schématique, la 
courbe d'absorption complète d’un seul élément 
n'ayant pu être obtenue jusqu’à présent. 

La transmission sélective des diverses radia- 
tions caractéristiques apparaît bien dans les ex- 
périences de Kaye! sur la génération directe de 
ces radiations par les anticathodes des tubes à 
rayons X. Ce savant a montré, en effet, qu'au 
lieu de faire tomber un faisceau de rayons X sur 
un radiateur, il est préférable de constituer l’an- 
ticathode du tube par le métal du radiateur; la 
majeure partie de la radiation ainsi produite est 
constituée par la radiation caractéristique du 
métal de l’anticathode, surtout si le tube est 
doux. En employant des écrans du même métal 
que l’anticathode, les autres radiations présentes 
sont soit absorbées, soit transformées en radia- 
tion caractéristique, et l’on obtient finalement 
un faisceau intense et presque pur de rayons ca- 
ractéristiques. 

Le tableau II montre l’effet de l’interposition 
du même écran métallique sur le trajet des 
rayons X de diverses anticathodes ; dans pres- 
que tous les cas, l'intensité des rayons trans- 
mis est fortement augmentée quand l’antica- 
thode est de la même substance que l’écran. 
Pour faciliter la comparaison, l'intensité de la 
radiation émise par l’anticathode d'Al est égalée 
à 100 pour chaque écran. 


Tableau II 


RAYONS X Ecran de 
d’une 
ANTICATHODE DE 


Aluminium | 100 | 100 
Fer 160 | 600 
Nickel | 180 | 200 


Cuivre | 210 | 210 
Platine 53 450 


Le phénomène de l’absorption sélective res- 
sort encore mieux de l'examen du Tableau 
Il (p. 652), qui donne, pour divers radiateurs, 
les coefficients d'absorption de masse ()/2) des 
radiations caractéristiques par différents élé- 
ments absorbants. 

Barkla et Collier ont reconnu que la forme des 
boucles d'absorption indiquée grossièrement 
dans la figure 7 n’est pas seulement analogue, 
mais identique, pour tous les éléments absor- 
bants, à condition de choisir convenablement 


1. Philos. Trans., 1908. 


2! L. BRUNET. — RAYONS X ET STRUCTURE CRISTALLINE 


Tableau III 


séperémn| | _ UN D sua en RES 
LA RADIATION [Série & Air Mg Al Fe Ni Cu Zn Ag Sn Pt Au 
CARACTÉRISTIQUE (12) | (14,59 | (9 (127) (56) (59) (64) (65) (108) | (119) | (195) | (197) 
CGT SAUCE K |15,3 — 126 136 10% 129 143 170 580 114 1517 |>507 
KEMMISO) EEE K 10,1 |15.6 80 88,5 | 66,1 | 83,8 | 95.1 |112 381 472 340 367 
(CN ET) ERSNE RAM 960MPT 63/511871/0 41167-20067 221075; 34100151 810280) 90208 PS1 306 
NIORT EE K | 6,58 |10,5 51,8 | 59,1 [314 56.3 | 61,8 | 74,4 |262  |328 1236 253 
Cu (64). K | 5,224/88 43 04154047 ,701268 62,7 | 53,0 | 60,9 |214 212 194 210 
Zona (65) EP RPC K | 4:26116:96 |13%,7 |: 39,4 1221 269 55, 001100101751) 225 162 178 
INSpNTIRES aeE K | 2:494104,10 | 19,3) 22:5 1134 166 176 203 10 131 106 106 
Se) rer K | 2:04 03.40 115,7" 18:5" 116 141 150 175 87,5 |112 92 102 
BrmAGD) Fr AE RER K ie) 3.02 = 16.3 = — | |128 E— 75.4 ST 135 
RDA (SD) EEE ee K 1.32 = = 10.9 = — — En 52,3 = 2 HS 147 
SENS TS. K | 146 [4,78 | — | 9,4| — | — |83,4| — |48,8| —”/\1800 460 
MoMmOO)PEArECRE K | 0:81 | 0,98 — 4,8 = = 40.3 = 24,4 = 9555) Au 

A (LOS) ES APR K | 0,46 | 0.59 22 2,507 400 T0 0 5027 ES SR GS 0 Ans 61.4 

SDMUAD)E EEE K | 0,35 | 0,39 — sa = — — — 16,5 = 47,1 51.7 
SDNUPD) FPE K "0/31 — = IE — — — — 56,1 = — — 
CN (1217) PEER: KM0;29 _ = (CPI — — — 46 — — —- 
BamAa) ER ter K 0,26 — — 0.8 — — — == 39,4 = — — 
Ce AID ER K 110,248) 2500 0 06 | EE Et RE ONE RSA 
NME) Retases L — — _ 30,0 — — |127 — |140 — 1139 — 
PEA95) Eee L — — — 29,2 — — |177 — |106 — |113 = 
BD 2UTEPEEEE L — — — 17,4 — — |139 — 15 — |128 = 
Bi (208) L — — —= 16.1 = — 127 — 72,9 — 125 = 
DAMO2) ETES L — — — S.0 — — 76,6 — 42.3 — |134 — 

UM (238)-r 2720 L SA — — 7,5 — — 702 — 40 — [132 = 

les échelles des coordonnées pour chaque | courbe obtenue par MM. Bragg avec les rayons 


courbe d'absorption. Autrement dit, si les 
échelles d'absorption et de longueur d’onde 
sont telles que l'absorption de la radiation K 
du fer dans le fer, celle de la radiation K du 
cuivre dans le cuivre, etc... soient toutes re- 
présentées par le même point sur le graphi- 
que, les, diverses courbes d'absorption dans la 
région de la boucle K coïncideront par su- 
perposition; il en sera de même pour la bou- 
cle L. 


1V — Les SPEGTRES DE RAYONS X 


Voyons maintenant les résultats obtenus par 
l'emploi du spectromètre à rayons X. Lorsqu'on 
fait tomber à incidence rasante sur un cristal un 
faisceau de rayons caractéristiques provenant 
d'une anticathode métallique, puis qu'on fasse 
tourner légerement le cristal, on observe pour 
chaque angle d'incidence une certaineionisation. 
Si l’on porte en abscisses les angles d’incidence 
eten ordonnéesles intensités du faisceau réfléchi, 
mesurées par l’ivnisation, on obtient une courbe 
continue, signe d’une réflexion générale des 
rayons sous tous les angles. Mais sur ce spectre 
continu se superposent, sous certains angles très 
nettement definis, des augmentations subites et 
prononcées d'intensité, se traduisant par des 
sommets abrupts de la courbe. 

À titre d'exemple, la figure 8 représente la 


d’une anticathode de platine, réfléchis sur les 
faces 100 et 111 du sel gemme.On y remarque trois 
sommets proéminents, marqués À, B et C, et 


Fig. 18. 


= 
5 . 
= 25° 
Æ 
d j° 35 
Fig. 8. — Courbes de réflexion sur un cristal de sel gemme 
{faces 100 et 111) des rayons X émis par une anticathode de 


platine. 


repétés trois fois. Les rayons correspondant à 
chacun de ces sommets sont homogènes, comme 
le montre la détermination de leur coefficient 
d'absorption parl’aluminium ou d’autres métaux, 
coeflicient d’ailleurs sensiblement égal à celui 
donné par Barkla pourles rayons caractéristiques 
du platine (voir tableau 1). Ces rayons sont en 
relation étroite avec le platine, car les autres mé- 
taux donnent une courbe différente; d'autre part, 
ils sont indépendants du cristal réfléchissant, 
car d’autres cristaux donnent une courbe de 


L. BRUNET. — RAYONS X ET STRUCTURE CRISTALLINE 653 


même forme générale et de mêmes proportions 
relatives. 

Si l’on mesure les angles de réflexion qui cor- 
respondent aux sommets B, par exemple, on 
trouve les valeurs 11255, 23°65 et 36°65, dont les 
sinus sont entre eux à peu près dans le rap- 
port 1, 2, 3. En se reportant à l'analyse du phé- 
nomène de la réflexion des rayons X par les 
cristaux (voir p. 646-647), on en déduit immédia- 
tement que les sommets A, B, C représentent 
trois séries différentes de rayons homogènes, 
qui se présentent ici successivement sous forme 
de spectres du premier, du second et du troi- 
sième ordre!. Les radiations caractéristiques 
des divers éléments se composent donc, non 
d'un seul constituant homogène, mais d'un 
groupe de rayons de longueurs d'onde bien déter- 
minées,en mélangeavec des rayonsindépendants 
de toutes longueurs d'onde. 

MM. Bragg ont étudié également les spectres 
de rayons X de l'osmium et de l'iridium, qui 
présentent en commun avec celui du platine 
trois groupes principaux de rayons homogènes, 
avec une assez forte proportion de radiation 
générale. Les spectres du palladium et du rho- 
dium (fig. 9) sont très analogues l'un à l’autre; 


Fig. 9. — Courbes de réflexion sur un cristal de sel gemme 
(plan 100) des rayons X émis par une anticathode de rhodtum . 


ils sont très homogènes, au moins avec les tubes 
doux, et renferment peu deradiation générale. A 
cause de cela, MM. Bragg ont surtout employé 
ces deux radiations pourleurs expériences sur la 
structure des cristaux. 

Mais c’est surtout Moseley qui a entrepris 
l’étude systématique des spectres émis par tous 
les éléments connus qui se prêtent à ce genre de 
recherches. IL a employé comme réflecteur un 
cristal de ferrocyanure de potassium, et il a 
enregistré les spectres par la méthode photogra- 
phique. La figure 10 représente le spectre des 
radiations caractéristiques des métaux allant du 
calcium au zinc (ce dernier comme constituant 


1. Moseley et Darwin, en employant leur appareil plus 
délicat, ont décelé 5 constituants homogènes dans la radia- 
tion du platine: en réalité, les sommets B et C sont des dou- 
blets très rapprochés, 


du laiton). Ce spectre consiste, dans chaque cas, 
en deux lignes nettement définies, celle de plus 
grande longueur d’onde étant la plus intense ; 
cette dernière est, à n’en pas douter, la radia- 
tion K. Les photographies séparées sont disposées 


Ça 


Fig. 10. — Spectres des radiations caractéristiques des métaux 
du calcium au zinc (constituant du laiton). 


Les longueurs d'onde vont en croissant de gauche à droite. 


suivant les longueurs d'onde croissantes, qui 
vont dans l’ordre inverse des poids atomiques. 
Le laiton présente le spectre du zinc et du cui- 
vre, et le cobalt contient évidemment du fer et 
du nickel comme impuretés. C'est là 
thode nouvelle et puissante d'analyse chimique. 
M. de Broglie !, en utilisant les radiations se- 
condaires émises par les éléments hors des tubes 
de Rüntgen sous l’excitation d'un faisceau de 
rayons primaires, radialions composées surtout 
desrayons caractéristiques de l’élémentemployé?, 
a obtenu également les spectres d'un certain 
nombre de substances. 
2 d' sin 8 nous 


une. mé- 


La formule nr À — donne le 
moyen de calculer maintenant la longueur d'onde 
des rayons X en fonction de la distance d des 
plans réticulaires du cristal qui a servi à les ré- 
fléchir. Nous verrons, dans la seconde partie de 
cet article, comment MM. Bragg ont, pour la 
première fois, déterminé Ja valeur de 4 chez le 


1. C. R. Acad. des Sc., t. CLVIIT, p.1493, 25 mai 1914; p. 
1785, 15 juin 1914; t. CLIX, p. 304, 27 juillet 1914. 

2, Cette méthode présente l'avantage de pouvoir opérer 
sur des corps dont on ne possède que de petites quantités et 
qu'on ne peut ou ne veut exposer au bombardement cathodi- 
que. 


654 L. BRUNET. — RAYONS X ET STRUCTURE CRISTALLINE 


sel gemme pour les plans parallèles aux faces du 
cube. Cette valeur est égale à 2,81 >< 10 —8 cm. 

Les rayons du palladium sont réfléchis par les 
faces précédentes d’une facon exceptionnelle- 
ment intense aux angles de 509, 11085 et 18015, 
dont les sinus sont dans le rapport 1 : 2 : 3. On 
se trouve donc en présence des spectres des pre- 
mier, second et troisième ordres d’une forte ra- 
diation monochromatique. En considérant le 4er 
ordre seulement, la longueur d’onde de cette ra- 
diation sera donnée par la formule : 


< 108 em. 


Les longueurs d’onde des rayons X monochro- 
matiques ou homogènes émis par les divers mé- 
taux ont été calculées par la même méthode. Le 
tableau IV donne les valeurs de ces longueurs 
d'onde obtenues par Moseley, auxquelles on a 
ajouté quelques valeurs obtenues par M. de Bro- 
glie (marquées d'un astérisque *). 


Tableau IV 
SÉRIE K SÉRIE L 
EE —— RQ 
72 G C2 8 
40 “em. 40 ‘cm. < 40 em 10 Sem 
Al 8.364 7,912 Zr 6,091 — 
Si 7,142 6,729 Nb 5.149 2,507 
CI 4,750 — Mo 5,423 »,187 
K 3,759 3.463 Ru 4,861 4,660 
Ca 3.368 3,094 Rh k,622 — 
Ti 2,758 2.52% Pd L,385 | 4,168 
V 2,019 2 AT Ag 4,170 — 
Cr 2,301 2,093 Sn 3,619 —= 
Mn AAA 1,818 Sb 3,458 3,245 
Fe 1,946 1,765 La 2,676 2471 
Co 1,798 1.629 Ce 2,561 2,360 
Ni 1,662 1,006 Pr 2,471 2,265 
Cu 1,549 1.402 Nd 2,382 2110 
Zn 1,445 1.306 Sa 2,208 2,008 
*Ga 1935 | — Eu 2,130 1,925 
“Ge 1,25 Gad 2,057 1.853 
Y 0.838 — Ho 1.914 AS rad 
Zr 0.79% — Er 1,79) 4,591 
Nb 0,750 = Ta 1:52) 1.330 
Mo 0,721 _— W 1,486 — 
Ru 0,638 == Os 1,397 1,201 
Pa 0.584 _ Ir 1,354 1,195 
Ag 0,560 —_ Pt 1.316 1121 
*Sn 0,50 0,43 Au 1,287 1,092 
*Sb | 0,48 041 
*La 0.38 É 


Les résultats expérimentaux qui précèdent 
peuvent être comparés avec les déductions de 


certaines théories de la radiation. 

Ainsi Bragg a mesuré le coefficient d’absorp- 
tion de masse dans l'aluminium des rayons cons- 
tituant le sommet B du platine et l’a trouvé égal 
à 23,7. Cette valeur correspond soit à la radiation 


K carastéristique d’un élément de poids atomi- 
que 72,5, soit à la radiation L caractéristique 
d’un élément de poids atomique 198. Or le poids 
atomique du platine est 195; la concordance est 
trop étroite pour être fortuite, et il n’est pas dou- 
teux que le sommet B est dù à la radiation L. 

D'après l'hypothèse de Planck, quand un vi- 
brateur produit des ondes dans l’éther, la quan- 
tité d'énergie émise est un multiple exact d'une 
certaine unité ou quantum, ou À, v étant la fré- 
quence ou nombre de vibrations émises par se- 
conde, et À une constante égale à 6,55 x 10 — ?7 
erg-sec. D'après Planck également, l'énergie 
cathodique nécessaire pour exciter la radiation 
K doit être égale à celle du rayon X excité. Choi- 
sissons la radiation ci-dessus du platine. Le calcul 
de sa longueur d'onde donne 1,10 >< 10 —S$ em. ; 
sa fréquence » estégale à la vitesse de la lumière 
divisée par sa longueur d'onde, etle produit As est 
égal à 1,78 X 10 -$ erg. D'autre part, la règle de 
Whiddington pour lesradiations K permetde cal- 
culer l'énergie cathodique nécessaire pourexciter 
la radiation K d’un atome de poids atomique 72,5 
(équivalente à celle qui excite la radiation L du 
platine) ; cette énergie est égale à environ 
2 %X 10 —$ erg. La concordance est suffisante et 
constitue une nouvelle vérification de la théorie 
de Planck. 

Les recherches de Whiddington ont également 
montré que l'énergie d’un rayon X caractéristi- 
que est à peu près proportionnelle au carré du 
poids atomique; en même temps, la théorie de la 
radiation de Planck indique qu'elle est inversé- 
ment proportionnelle à sa longueur d'onde. Les 
valeurs du tableau IV permettent de vérifier 
l'exactitude de ces relations. En prenant comme 
base de référence un des métaux intermédiai- 
res, le cobalt, et calculant, pour une douzaine 
d'éléments, les valeurs relatives du carré des 
poids atomiques a? et de l'inverse des longueurs 
d'ondes 1// de la radiation K forte, on obtient les 
chiffres suivants : 

Ca Ti V Cr Mn Fe Ni! Co Cu Zn Rh Pd 
a? A6 66 75 78 86 90 99 100 116 123 304 328 
1/2 53 65 72 78 85 92 108 100 116 124 298 314 
qui montrent, sur une échelle étendue, une con- 
cordance très satisfaisante. 

Mais une relation plus intéressante encore est 
celle que Moseley a découverteentre la fréquence 
» des rayons homologues des différents éléments 
etce qu'il appelle le xombreatomique N.II montre 
qu’on a très approximativement : 

y — À (N — a), 


1. Le nickel se comporte, au point de vue des rayons X\, 
comme un élément de poids atomique 61, 5. 


L. BRUNET. — RAYONS X ET STRUCTURE CRISTALLINE 655 


où A et a sont deux constantes et N un nombre 
entier, qui indique l’ordre des atomes dans la 
table périodique des éléments. 

Moseley a caleulé les valeurs de À et 4 pour 
les rayons Kzet Le, et ensuite les valeurs de N, 
en attribuant à Al la valeur N — 13. L'ordre des 
éléments défini par les valeurs calculées de N est 
le même que celuides poids atomiques croissants, 
à l'exception de l’argon et du potassium, du 
cobalt et du nickel, du tellure et de l’iode, dont 
les places sontinterverties. 

Le nombre atomique!, que ces expériences 
font ressortir d’une facon si frappante, doit donc 
représenter quelque propriété fondamentale de 
l'atome. Or, la théorie de Rutherford suppose 
que l'atome est constitué par un noyau positive- 
ment électrisé, entouré par une ou plusieurs 
enveloppes d'électrons négatifs, de charge équi- 
valente à celle du noyau. Rutherford et Geiger 
ont montré quela grandeur de la charge nucléaire 
est Ne, où eest la charge de l’électron et N un 
nombre approximativement égal à la moitié du 
poids atomique, c’est-à-dire très voisin du nom- 
bre atomique. Les relations entre les rayons X et 
lesatomes étantfondamentales ‘puisque l’absorp- 
tion des rayons X par les substances est tout à 
fait indépendante de l’état physique ou de la 
combinaison chimique), on peut supposer quela 
longueur d'onde des rayons caractéristiques 
dépend directement de la grandeur de la charge 
nucléaire et que la fréquence augmente réguliè- 
rement avec cette dernière. 

Moseleyacomparé ses résultats expérimentaux 
avec cette théorie. Pour cela, il s’est servi d’une 
formule due à Bohr? : 


2r2me2E? {1 . 
Au) 


: où » est la fréquence de la radiation atomique, e 
la charge de l’électron, » sa masse, E la charge 


1. Rydberg (Rev, gén. des Se., t. XXV, p. 734; 30 aoùt- 
30 sept. 1914) est arrivé par une autre voie àla même notion. 
Mais ses nombres atomiques diffèrent de 2 unités de ceux de 
Moseley, l'aluminium ayant le nombre 15 au lieu de 13. 

2. Philos. Mag., t. XXVI, p. 1, 476, 857; juillet, sept. et 
nov. 1913. 


nucléaire, À la constante de Planck et +, et r, 
des nombres entiers'. Si l’on pose +, 1 et 
r, = 2, et si l’on donne à E la valeur Ne, où N 
est le nombre atomique, la fréquence donnée par 
la formule ci-dessus est égale à celle de la ligne 
la plus intense dans le spectre à deux lignes des 
rayons X pour les substances placées entre Al et 
Ag. Prenant comme exemple le palladium, pour 
lequel N— 46, on trouve » — 5,21 X 10!'8 
on tire pour la longueur d'onde la valeur 
0,576 >< 10—$, qui concorde remarquablement 
avec la valeur expérimentale {voir tableau IV). 


ES 
, d’où 


L'ensemble de ces recherches permet d'intro- 
duire d’une façon définitive les rayons X dans la 
série des ondulations électromagnétiques, où ils 
serangent à l'opposé desoscillationshertziennes, 
n'étant eux-mêmes dépassés, sous le rapport de 
la petitesse de la longueur d’onde, que par les 
rayons y des transformations radio-actives *. 
Voici le tableau actuel des diverses radiations 
électromagnétiques, avecleurs longueurs d'onde: 


Espèce d'onde Longueur d'onde en cm. 


106 à 0,4 
0,013 à 7,7 x 10—5 
7,7 x 105 à 3,6 >< 10—5 


Ondes hertziennes 
Rayons infra-rouges 
— lumineux visibles 


—  ultraviolets 3,6 x 10—5 à 40—5 
Entladungstrahlen environ 10—6 (?) 
Rayons X —  10—8 

y — 10 (?) 


Dans une seconde partie, nous examinerons 
les résultats que l'emploi des rayons X a permis 
d'obtenir dans l’étude de la structure des cris- 
taux. 


Louis Brunet. 


1. En donnant à +, et +, diverses valeurs entières, cette 
formule donne les séries de Balmer, de Paschen et de 
Ritz. 

2, Ces rayons, qui paraissent être des rayons X très péné- 
trants, ont été soumis par Rutherford et Andrade (Phil. 
Mag., 1914) à la réflexion cristalline; ces auteurs ont obtenu 
un groupe de rayons homogènes, dont l'un paraît être une 
radiation L caractéristique. 


656 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


BIBLIOGRAPHIE 
ANALYSES ET INDEX 


Sciences naturelles 


Mawson (Sir Douglas), D. Sc., B. E. — The Home 
of the Blizzard, being the Story of the Australasian 
Expedition, 1911-1914. — 2 vol. gr. in-80 : vol. I, xxx- 
349 pages avec 17 figures, 1 frontispice en photogra- 
vure, 8 planches en couleur et 110 planches en simili- 
gravure contenant 140 photographies ; vol. IT, xm-338 
pages avec 20 figures, 1 frontispice en photogravure, 
10 planches en couleur, 93 planches en similigravure 
contenant 123 photographies et 3 cartes dans une po- 
chette. (Prix : 36 sh. net). William Heinemann, édi- 
teur, Londres, s.d.[1915]. 


Les lecteurs de la Revue générale des Sciences con- 
naissent déjà les dramatiques péripéties de l'Expédition 
partie de Hobart (Tasmanie) sur l’Aurora, le 2 décem- 
bre 1911, dans le dessein d’explorer les Terres Austra- 
les. Il s'agissait, on s’en souvient, d’étudier le secteur 
de l’Antarctide encore complètement inconnu, qui 
s'étend au Sud de l'Océan Indien et de l'Australie, en 
bordure du cercle Polaire, entre 90° et 150° de long. E. 
(Gr.) environ, — c’est-à-dire entre la Terre de Victoria, 
objet des mémorables découvertes de Ross, de Shackle- 
ton et de Scott, à l'Est, et le Mont Gauss, théâtre des 
recherches de Drygalskiet de ses compagnons, à l'Ouest. 

Dumont d'Urville, dès 1840, avait bien signalé dans 
ces parages la présence d’une ligne de côtes, à laquelle 
il avait donné le nom de Terre Adélie; et, la même an- 
née, l'amiral américain Wilkes indiquait, lui aussi, plu- 
sieurs terres vaguement entrevues à travers les neiges 
et les brouillards. Mais ces renseignements manquaient 
de précision, et l’on peut dire que, sur 1800 kilomètres 
au moins, la véritable position du rivage septentrional 
du Continent Antarctique restait à déterminer. Tel 
était, done, l’objectif principal que l'Expédition équipée 
en Australie se proposait d’atteindre. 

Le chef éminent et énergique qui la dirigeait, le D" 
(aujourd’hui Sir) Douglas Mawson — professeur de 
Géologie à l’Université d’Adelaïde, et qui avait déjà 
lui-même fait partie de la Mission Shackleton — vient 
d’en faire paraître un récit détaillé et d’en exposer les 
résultats généraux dans un magnifique ouvrage,en deux 
volumes, portant le titre, tout à fait justifié,de The Home 
of the Blizzard (« Au Pays des tempêtes de neige »). 
C'est qu’en effet la partie du Continent Antarctique où 
s'est déroulée cette campagne de trois ans (1911-1914) 
est certainement, de toutes les régions du globe, celle 
où la vitesse du vent atteint, pendant le plus grand 
nombre de jours, les valeurs les plus élevées; l’auteur 
en cite, parmi beaucoup d’autres, un exemple caracté- 
ristique : le 14 mai 1912, à la Terre Adélie, la vitesse 
moyenne a été de 90,1 milles anglais (145 kilom.) pen- 
dant 2/, heures consécutives, avec un maximum horaire 
de 97 milles, c’est-à-dire 156 kilom. (I, p. 119). Cette 
puissance formidable des tempêtes a frappé tous les 
voyageurs qui ont fréquenté les hautes latitudes de l'hé- 
misphère austral; et le graphique de la page 118 montre 
que, dans le secteur exploré par Sir Douglas Mawson, 
si la température, pendant les mois de mai et de juin, 
est analogue à celle qui règne plus à l'Est, dans les pa- 
rages bien connus de la Terre de Victoria. la vitesse du 
vent est deux ou trois fois plus forte, Les photogra- 
phies placées en regard des pages 120 à 132 témoignent 
de la difficulté qu'un homme robuste éprouve à se main- 
tenir debout, quand le vent souffle avec une pareille 
violence, Et c'est justement à celte poussée continuelle 
de l'air, soufflant sans désemparer du $S. S. E., qu'est 
due la présence, au voisinage de la Terre Adélie, d’une 
mer à peu prés libre, à laquelle Sir Douglas Mawson 


a donné le nom de Mer d’'Urville et qui a grandement 
facilité la tâche des explorateurs. 

Il est inutile de revenir sur l'historique de ce beau et 
fructueux voyage, dont M. G. Regelsperger indiquait 
ici même, l’année dernière, les événements principaux, 
au nombre desquels il faut malheureusement compter 
la perte de deux des membres de l’Expédition : le lieu- 
tenant Ninnis, disparu dans une crevasse, le 14 décem- 
bre 1912, au cours d’un raid en traineau sur la glace de 
la Terre du Roi George V, et un jeune savant de Bâle, 
le Dr Xavier Mertz, mort de froid et de fatigue quelques 
jours plus tard. Les pages dans lesquelles Sir Douglas 
Mawson fait le récit de cette double catastrophe, qui le 
laissait seul, au milieu d’une nature hostile entre toutes, 
sont parmi les plus poignantes qu'on puisse lire dans les 
annales de l'exploration polaire, déjà si riches, cepen- 
dant, en actes de courage soutenus et en sacrifices libre- 
ment consentis pour la Science. 

La forme narrative adoptée dans la rédaction de l’ou- 
vrage se prêtant mal à une analyse méthodique, l’on ne 
peut, ici, qu y relever quelques traits. 

Et d’abord, l'illustration, de tous points remarquable : 
c’est vraiment un tour de force que d’être parvenu à 
consacrer, sans tomber dans la monotonie, près de trois 
cents photographies à une contrée d’où les éléments or- 
dinaires du paysage sont presque toujours exclus, et où 
les neiges et les glaces ne laissent que bien rarement 
apparaître quelques parcelles du tréfonds de roches 
solides enfoui sous leur masse impénétrable. A la Terre 
Adélie et dans les autres tronçons de côtes visités 
par l’'Expédition, il n’existe pas, en effet, pour captiver 
les regards du spectateur comme à la Terre de Victo- 
rin ou dans les « Antarctandes », des chaînes de 
montagnes élevées et puissantes, ou de grands cônes 
volcaniques isolés comme le Mont Erebus. En dehors 
des colorations de l’atmosphère et du tracé du litto- 
ral, l'intérêt se concentre exclusivement sur l’enve- 
loppe immaculée de la mer et du continent : pack, ban- 
quises de tout âge et de toute taille, icebergs et floes 
aplatis, falaises de glace séculaires, rides parallèles, 
crevasses et sastrugi….., il y a là tout un monde de for- 
mes étranges et nouvelles, dont les deux volumes de 
Sir Douglas Mawson fournissent la plus riche et la plus 
attachante iconographie. Les admirables clichés de 
M. Frank Hurley, en particulier, d'après lesquels ont 
été exécutées la plupart des planches qui ornent le pre- 
mier volume, sont d’une rare perfection; ses panoramas 
(1, p. 68, 98, etc.) font très bien comprendre la façon 
dont la calotte glaciaire qui occupe l’intérieur s’abaisse 
lentement, en approchant du rivage, où la chute de 
fragments en avive sans cesse la tranche escarpée. Les 
photographies en couleur deP.E. Correll (I, p. 2, 60,108, 
130,172; Il, p 2, 32), avec leurs indigos et leurs tona- 
lités grisätres, ne sont pas moins dignes de retenir les 
yeux, de même que la belle épreuve autochrome du 
D: Mertz, intitulée : « lefeu des Alpes » (I, p. 156). 

A côté des glaces et des neiges, la nature antarcetique, 
par le spectacle des êtres vivants qui l'anime, offre 
encore d'inépuisables sujets aux photographes. Ceux 
de l'Aurora n'ont pas manqué d’en Lirer un excellent 
parti, et l’on trouvera, principalement au tome IL de 
The Home of the Blizzard, à propos de l'ile Macquarie, 
une très belle série d'images, instructives et souvent 
amusantes, où Phoques et Pingouins occupent, comme 
l'exige la tradition des voyages au Pôle Sud, une place 
privilégiée. Le dépliant s’ouvrant en regard de la 


|. Revue générale des Sciences, 25° année, n° 12, 30 juin 191%, 
p. 283-584. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


page 226 rend d'une façon saisissante le prodigieux 
grouillement d'une armée d'oiseaux appartenant à l’es- 
pèce dite Pingouin Royal (Catarrhactes Schlegeli) et 
remplissant le fond et les versants d'une vallée, qu'ils 
occupent en rangs serrés jusqu'à la grève. 

Passons au texte : il a été rédigé, pour la plus grande 
partie, par Sir Douglas Mawson en personne, assisté 
du D' A. L. MeLean, médecin en chef et bactériologiste 
de l’'£xpédition, Le tome f tout entier est le résultat de 
cette collaboration, sauf les trois derniers chapitres (XIV, 
A la recherche du Pole magnétique, par R,Bage; XV. 
Vers l'Est, sur la glace de mer, par C. ©. Madigan;et 
XVI. Horn Bluffet la Pointe desPingouins, parle mème). 
Au tome Il, le concours des chefs d'escouade, qui racon- 
tent chacun les aventures et les travaux de leurs groupes 
respectifs, se marque de façon plus visible : le Capitaine 
de l’Aurora,J. K. Davis, décrit d’abord son navire 
(chap. XVII) ; F. Wild fait connaître la base occiden- 
tale, baptisée par l’Expédition Terre de la Reine Mary 
(chap. XIX, XXI) et où s'opère la jonction avec la Terre 
découverte par l'Expédition du Gauss en 1902; enlin, 
G. F. Ainsworth consacre quatre-vingt-huit pages à 
l'Ile Macquarie (chap. XXV, XXVI, XXVII, où une 
équipe de naturalistes a séjourné pendant toute la durée 
du voyage, et où elle a recueilli de précieux documents 
seientitiques [voir les cartes topographiques : 1, p. 31, 
échelle de 1 : 200 000, courbes de niveau équidistantes 
de 200 pieds; If, p. 196: partie Nord de l'Ile, échelle de 
1 mille au pouce ou 1 : 63 360, équidistance 50 pieds). 

En attendant la publication détaillée de ces résul- 
tats, réservée à un ouvrage spécial pour lequel une 
somme de 8000 livres sterling a été prévue (Il, p. 312), 
on consultera utilement, au tome second, l’Appendice IL 
(Pp. 291-296) qui, sous une forme concise, en résume les 
traits essentiels, Bornons-nous à noter les suivants: 

L'Ile Macquarie est exclusivement constituée par des 
roches volcaniques; elle a été recouverte, à une époque 
récente, par une calotte de glace qui se déplaçait de 
l'Ouest à l'Est. 

A la Terre Adélie, les affleurements rucheux ne mon- 
trent que des terrains métamorphiques et des gneiss. 

La Terre du Roi George V présente à la fois des sédi- 
ments horizontaux arénacés, avec lits charbonneux, 
analogues au Beacon Sandstone dela Terre de Victoria, 
et des dolérites se désagrégeant en colonnes prismati- 
ques (I, p. 332-336). Les débris recueillis dans les 
moraines, au voisinage des quartiers d'hiver, montrent 
que cette formalion se poursuit sur de grandes dis- 
tances, vers l'Ouest, au-dessous de la calotte de glace!. 

Dans la région occidentale (Terre de la Reine Mary), 
les gneiss et les schistes prédominent, 

De nombreux échantillons de roches d’origine erra- 
tique ont été recueillis au cours des sondages profonds 
exécutés par l’Aurora dans les eaux antarttiques. 

Voilà pour la Géologie, — Au point de vue géogra- 
phique, la Mission a pu, d’abord, déterminer, au moyen 
de la télégraphie sans fil, la longitude exacte d’une sta- 
tion fondamentale, située à la Terre Adélie.Enfait d’iti- 
néraires nouveaux, ses membres ont relevé 2 4oo milles 
anglais (3 860 kilom.) au voisinage dela base orientale, 
et 800 milles (près de 1 300 kilom.) autour de la base 
occidentale, sur une étendue totale de 33°, dont 27° cou- 
verts en traineau. 


1. La découverte toute récente d'empreintes de Glossopteris 
dans le Beacon Sandstone de la Terre de Victoria a permis 
au Prof. Seward de fixer définitivement l'âge de ce niveau, 
qui vient ainsi se paralléliser avec les horizons similaires de 
l'Inde, de l'Australie, de l'Afrique du Sud et du Brésil, La 
présence de cette fougère aux abords du Pôle Sud confirme 
en même temps d'une façon éclatante l'hypothèse d'un 
ancien Continent Austral, le Continent de Gondwana, souvent 
invoquée pour rendre compte dela répartition de la flore fossile 
qu’elle caractérise; A.C. Seward : Antarctic Fossil Plants. 
British Antarctic (Terra Nova) Expedition, 1910. Natural His- 
tory Report, Geology, Vol. 1, n° 1. In-4, 49 pages, 6 fig., 
3 cartes et 8 pl. London, 1914 (British Museum, Natural 
History). 


657 


En mer, la forme du socle qui précède le Continent 
Antarctique a pu être reconnue par de nombreux son- 
dages, sur 55° en longitude!, La configuration du lit de 
l'Océan entre l'Australie et le Cercle Polaire a été préci- 
sée : c’estune immense cuvette dont la profondeur va en 
augmentant (le 4 000 mètres en moyenne, dans l'Est, à 
6 000 mètres (fosse de Jeffreys) dans le Nord-Ouest (voir 
le Lt. Il, p. 299 : coupe), Au Sud de la Tasmanie s'étend 
une sorte de bosse assez importante, qui a reçu le nom 
de Mill Rise; par contre, un couloir profond sépare l'Ile 
Macquarie du plateau sous-marin que couronne lIle 
Auckland. 

L'étude de la température et de la salinité des eaux 
marines n’a pas été négligée. 

En Météorologie, il faut porter à l'actif de Sir Douglas 
Mawson et de ses compagnons : deux années complètes 
d'observations à l'Ile Macquarie (G. F. Ainsworth)}); deux 
agnées à la Terre Adélie (C T. Madigan); et une année 
à la Terre de la Reine Mary (M.H.Moyes), —sans comp- 
ter les observations faites à bord de l’Aurora, pendant 
ses cinq voyages d’allée et venue entre Hobart et la ban- 
quise, et au cours des raids en traineau à partir des ba- 
ses permanentes. 

Les marées ont été étudiées dans deux stations avec 
des appareils enregistreurs. 

Le magnétisme terrestre a fait l'objet d’efforts tout 
particuliers : observations régulières simultanées avec 
Melbourne et Christchurch, délerminalions en divers 
lieux de l’inclinaison et de la déclinaison, etc. Signa- 
lons encore, dans ce domaine, les observations relatives 
aux aurores polaires. 

L'étude de l’eau solide, sous toutes ses formes, était, 
cela va sans dire, au premier plan du programme des 
travaux de la Mission, 

Quant à la Biologie, elle est représentée par des col- 
lections très nombreuses, intéressant la faune tant ma- 
rine que terrestre. Plusieurs espèces nouvelles ont été 
découvertes, et les œufs de divers oiseaux antarctiques 
recueillis pour la première fois. Les parasites des Pin- 
gouins, des Phoques et de divers Poissons ont été étu- 
diés. Desobservations bactériologiques, hématologiques 
et physiologiques variées ont élé consignées par les 
naturalistes et les médecins de l’Aurura. 

Deux mots, pour finir, sur les cartes, construites par 
A. J. Hodgeman et qui ont déjà paru dans le n° de sep- 
tembre 1914 du Geographical Journal. L'une représente, 
à l'échelle de 1 :1 000 000, la Terre du Roi George V ; on 
y voitdeux énormes langues de glace, prolongement des 
glaciers de Ninnis et de Mertz, s’avancer au loin en flot- 
tant sur la mer, tandis que le continent se relève pro- 
gressivement, dans l’intérieur, jusqu’à 4 500 pieds (1 300 
à 1.400 m.). Une seconde carte, établie à 1 : 1 500 000, 
figure la Terre de la Reine Mary, dont le relief parait 
moins régulier, et où un glacier à pente beaucoup plus 
rapide, le glacier de Denman, vient déboucher en cas- 
cade sur la banquise qui a reçu le nom de Shackleton 
Shelf. Peut-être n’est-il pas interdit de penser que la 
vue des cartes de la Mission Charcot a été pour quelque 
chose dans la manière dont a été traité le manteau de 
frimas qui enveloppe ce secteur, naguère inexploré, de 
l’Antarctide ?. 


Em. DE MARGBRIE, 


Ancien Président de la Commission Centrale 
de la Société de Géographie. 


1. La plupart de cessondages ont été utilisés dans la 2° édi- 
tion de la Carte générale bathymétrique des Océans dressée 
sous les auspices de S. A. S. le Prince de Monaco, feuille 
B’ri1 (portant la date du 1° juin 1914). Il n'a pu, malheureu- 
sement, en être de même pour le trait de côte, les limites de 
la banquise et la forme des glaciers, les cartes définitives de 
l’'Expédition Mawson n ayant pas encore paru au moment de 
la mise à jour de cette feuille. 

2. Il n’est pas sans intérêt de connaître ce qu'a coûté, tous 
frais déduits (moins les publications), l'Expédition Mawson : 
56 732 livres sterling, lit-on à j’Appendice VI (tome II, p. 312), 


— c'est-à- d‘re plus de quatorze cent mille francs. 


658 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 
Séance du 26 Octobre 1915 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. H. Arctowski : 
Sur les variations des rapports entre facules et laches 
solaires. L'auteur a déterminé pendant une période de 
11 ans les rapports par quotient entre les facules et les 
taches solaires. Dans cette période, il y a 5 maxima 
des quotients, dont le premier coïncide avec le minimum 
de taches ou le suit de très près, dont le second se 
trouve entre le minimum et le maximum etdont les trois 
autres se trouvent entre le maximum et le minimumde 
la courbe des tachessolaires. Ces variations ressemblent 
beaucoup aux variations climatiques que l’auteur a appe- 
lées « thermopléioniennes équatoriales » du type d'Are- 
quipa. 

2° SCIENCES PHYSIQUES, — M. St.Procopiu : La force 
électromotrice de mouvement. On sait que tout déplace- 
ment relatif du liquide et de l’électrode, dans un élé- 
ment galvanique, est accompagné d’une variation de la 
f.6. m., que l’auteur désigne sous le nom de /. é. m. de 
mouvement. Cette [. 6. m.de mouvement, dans les liqui- 
des à cathion H (eau, acides), suit la série continue des 
tensions osmotiques des métaux : les métaux qui ont 
une pression osmotique de dissolution moindre que 
celle de H deviennent négatifs, ceux qui ont une pres- 
sion plus grande deviennent positifs. Dans un liquide 
à cathion K(KOH), tous les métaux deviennent négatifs 
par mouvement. Quand la solution possède le même 
cathion que celui de l’électrode, lemétaldevienttoujours 
positif par le mouvement, — MM. H. Le Chatelier et 
B. Bogitch : sur la préparation des nitrates alcalins 
en partant du nitrate de chaux. La réaction du nitrate 
de chaux de Norvège sur les sulfates alcalins est simple : 
(NO3}? Ca + SO‘ (NH)? — 2 NO NH! + SO'Ca, et 
sensiblement complète par suite de la faible solubilité 
du sulfate de chaux, Mais la séparation du sulfate de 
chaux est presque impossible à cause de la finesse du 
précipité. Le contact prolongé du précipité avec les dis- 
solutions à 100° ne produit pas une transformation sufli- 
sante du précipité pour faciliter la filtration en grandes 
quantités. Par contre, le chauffage à 150° en tubes scel- 
lés transforme le précipité en une masse sableuse cris- 
talline facile à décanter. Les cristaux formés paraissent 
être des cristaux mixtes de sulfate de chaux anhydre 
et de sulfate hémihydraté. — M. F. Wallerant : Sur 
quelques particularités cristallographiques du nitrate 
d'aniline. Le nitrate d’aniline, cristallisé dans l’eau, se 
présente en lamelles très aplaties suivant les faces g!, 
tandis que, cristallisé dans l'alcool, il se présente en 
octaèdres presque parfaits. D'autre part, le nitrate d’ani- 
line est dimorphe : orthorhombique à la température 
ordinaire, il se transforme, à 97°,6, en cristaux mo- 
nocliniques. La transformation est réversible et indi- 
recte. 


Séance du 2 Novembre 1915 


M. le Président annonce le décès de M. Ch.-J. Bou- 
chard, membre de la Section de Médecine et Chirurgie. 

1° SCIENCES PHYSIQUES. — M. P. Zeeman : L'expé- 
rience de Fizeau pour différentes couleurs du spectre. 
L'auteur a répété l'expérience de Fizeau sur l’entraîne- 
ment des ondes lumineuses par l’eau en mouvement en 
se servant du dispositif de Michelson, mais en utilisant 
des lumières rigoureusement monochromatiques. Les 
résultats obtenus concordent avec les valeurs calculées 


; : - I à 
non par la formule simple de Fresnel 1 — — Mais par 
ni 


Le mplète de Lorentz 1 — — — ——;, qui 
a formule complète Lor 5 D q 


tient compte du changement de fréquence de Doppler. 
— M. J. Bergonié : La puissance électrique absorbée 
par l'électro-vibreur. Conditions du meilleur emploi de 
cet appareil. L'auteur montre que l’électro-vibreur actuel 
doit absorber aux environs d'un kilowatt de puissance 
vraie pour avoir une efficacité pratique supérieure. Avec 
de tels appareils, la vibration des projectiles superficiels 
et lourds est quelquefois un peu douloureuse, tellement 
elle est intense; l'éloignement de l'appareil fait dispa- 
raitre toute douleur; par contre, les projectiles très pro- 
fonds sont décelés comme lesintra-osseux ; la manœuvre 
en est plus facile et les contacts accidentels avec le 
champ opératoire mieux évités. 

20 SCIENCES NATURELLES. — M. L. Roule : Sur les mi- 
grations des poissons de la famille des Mugilidés. L'au- 
teur a constaté que les eaux de l'étang de Thau et celles 
de la merlittorale diffèrent comme température etcomme 
oxygénalion, Les eaux marines littorales sont mieux 
pourvues en oxygène dissous que celles de l'étang. Les 
Muges, dans leur migration reproductrice, se dirigent, 
toules autres choses semblables d’ailleurs, d’un milieu 
moins oxygéné dans un milieu plus oxygéné, le méta- 
bolisme consécutif à l'élaboration des volumineuses 
glandes génitales entraînant sans doute, comme chez le 
saumon, une activité respiratoire plus intense. — 
M.P. Vuillemin : /’androcée des Tropéolacées. L'oc- 
tandrie des Tropéolacées, munies de cinq pétales, cinq 
sépales et trois carpelles, estun caractère insolite. L'au- 
teur montre que l’androcée typique comprend 3 étami- 
nes épisépales et 6 étamines épipétales. Le nombre total 
est réduit à 8 dans la fleur normale paree que la 6° éta- 
mine épipétale se confond avec la 3° épisépale, comme 
le pétale VI avec le pétale I et le sépale VI avec le sé- 
pale IT. — M. M. Molliard : Production expérimentale 
de tubercules aux dépens de la tige principale chez la 
pomme de terre. L'auteur, en pratiquant des cultures 
de pommes de terre à partir de la graine en milieu à la 
fois aseptique et confiné, la solution nutritive renfer- 
mant des sels minéraux et du glucose, a vu se former 
aux dépens de l’axe hypocotylé et de la tigelle un véri- 
table tubercule, provenant d'une accumulation de sucres 
qui cheminent dans la plante de bas en haut. 


ACADEMIE DE MÉDECINE 
Seance du 12 Octobre 1915 


M. le Président annonce le décès de M. C. Finlay, 
Correspondant étranger, e 

M. G. Hayem : De la formation du sang sur les cellu- 
Les vaso-formatives des oiseaux. Les nouvelles recher- 
ches de l’auteur établissent que la production des glo- 
bules rouges par les cellules vaso-formatives se fait de 
la même manière dans toute la série des Vertébrés, 
qu'elle commence toujours par l'apparition d’hémato- 
blastes, ce qui démontre une fois de plus l'identité des 
hématoblastes d'apparence corpuseulaire des vivipares 
et des hématoblastes de forme cellulaire à noyau visible 
des ovipares. — M. A. Netter : Sérothérapie de la po- 
liomyélite, L'auteur a traité 32 malades par l'injection 
dans le canal rachidien de sérum de sujets atteints an- 
térieurement de paralysie infantile. Il a obtenu 6 guéri- 
sons complètes et rapides, 3 améliorations se rappro- 
chant de la guérison, 7 améliorations très sensibles, 
5 améliorations appréciables; 3 cas n’ont pas été modi- 
fiés. Il y a eu 8 décès, dont 7 par extension au bulbe, 
La sérothérapie est donc susceptible d'arrêter la marche 
envahissante de la paralysie, de faire disparaitre des 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 659 


paralysies déjà constituées, mais à la condition d'être 
appliquée de bonne heure (du 1° au 4° jour de la para- 
lysie). Le sérum des sujets qui ont eu une paralysie 
infantile conserve son eflicacilé pendant plus de 30 ans, 
Mieux toléré par le canal rachidien que le sérum de 
cheval, le sérum humain provoque toutefois une réaction 
inflammatoire deS méninges, qui peut se traduire par 
de la fièvre et des douleurs. Ces phénomènes sont rare- 
ment intenses et généralement de courte durée. 


Séance du 19 Octobre 1915 


M. Th. Tuffier : De l’intubation dans les plaies des 
grosses artères. Les plaies des grosses artères nécessi- 
tent une ligature, qui peut être suivie, par suppression 
de la circulation, d'accidents d’ischémie nécessitant 
parfois l’amputation. Pour obvier à ces accidents, l’au- 
teur propose de pratiquer l’intubation, puis la suspen- 
sion lente ou progressive du courant sanguin, qui n’est 
pas suivie des mêmes effets, Il recommande la techni- 
que suivante : nettoyer la plaie à la solution de Ringer; 
pratiquer l’intubation des deux extrémités de l’artère 
après s'être bien rendu compte de la perméabilité du 
vaisseau; puis, si au bout de 2 jours la circulation parait 
suflisamment rétablie, faire la compression au-dessus 
du tube pour faciliter la circulation collatérale, et ensuite 
pratiquer la ligature du vaisseau avec extirpation du 
tube anastomique. — MM. L. Roussel, M. Brulé, L. 
Barat el A. Pierre Marie : Aecherches bactériologi- 
ques sur les bières des Flandres. Les auteurs ont prati- 
qué plus de 200 examens de bières des Flandres et ont 
constaté dans la majorité des cas la présence du coli- 
bacille en quantité considérable, Celui-ci est introduit 
dans la bière, soit par l’eau qui sert au lavage des bras- 
series, soit par la levure impure. La consommation des 
bières souillées a dû être interdite aux soldats, 


Seance du 26 Octobre 1915 


MM. Edm. Sergent et L. Nègres : Les vaccinations 
mixtes antityphoïdiques et antiparatyphoidiques dans 
l’armée de l'Afrique du Nord. Plus de 100.000 vaccina- 
tions ont été pratiquées dans l’armée de l'Afrique du 
Nord, avec un vaccin mixte triple, antityphoïdique et 
antiparatyphoïdique. Les réactions locales et générales 
n'ont pas été plus fortes que dans les 37.000 vaccinations 
opérées dans le même milieu avec un vaccin antity- 
phoïdique simple préparé suivant la même technique, 
Le vaccin mixte ne compte donc pas d’autres contre- 
indications que celles du vaccin simple. L'emploi du 
vaccin mixte dans un milieu épidémique où la propor- 
tion des cas de paratyphoïde à ceux de typhoïde est 
de 1 à 4 environ a donné les meilleurs résultats, Ce 
vaccin s'est montré eflicace à la fois contre les paraty- 
phoïdes À et B et contre la fièvre typhoïde. — MM. F, 
Trémolières, P. Lœw et Maillart: Xecherches sur la 
vaccination antityphoide par la voie digestive. Les au- 
teurs ontéludié les réactions humorales chez un certain 
nombre de sujets vaccinés contre la fièvre typhoïde : 
les uns par voie sous-cutanée, les autres par voie diges- 
tive. Bien que les agglutinines, les précipitines, les 
sensibilisatrices, l'augmentation de l'indice opsonique 
ne soient pas les témoins nécessaires del’immunité, leur 
présence constante dans le sérum des premiers sujels, 
leur absence constante dans celui des seconds, établis- 
sent, d’après les auteurs, l’ineflicacité de la vaccination 
antityphoïdique par voie gastro-intestinale et la haute 
valeur de la vaccination par voie sous-cutanée. 


Séance du 2 Novembre 1915 


M.le Président annonce le décès de M. Ch. Bouchard, 
membre de l’Académie. 

MM. R. Mercier, E. Michelon et Chemineau : 
Utilisation digestive des graisses dans la fièvre typhoide. 
Les auteurs ont recherché si l’utilisation digestive des 
graisses, qui est normalement de g5°/,, varie au cours 
de la fièvre typhoïde, Au début de la période d'état, 
l’utilisation se rapproche de la normale; à mesure que 


celte période d'état se développe, la non-assimilation 
s'accentue et arrive à doubler le chiffre initial, Au cours 
de la défervescence, la proportion des graisses excrétées 
progresse rapidement; mais c'est en pleine convalescence 
que l'inutilisation graisseuse atteint son Summum, soit 
environ 50‘/,. — M. J. Lignières : Considerations sur 
la vaccination antiparatyphique. L'auteur rappelle que 
les bacilles paratyphiques appartiennent au groupe des 
Salmonella. Ces microbes, cultivés au laboratoire, per- 
dent généralement assez vite leurs qualités pathogènes 
primilives Aussi, pour préparer les vaccins antipara- 
typhiques, faut-il employer des microbesretirés récem- 
ment de cas Spontanés el graves d'infection ou des mi- 
crobes hypervirulents. Les expériences de vaccination 
antisalmonellique chezles animaux parla voie digestive 
ont donné à l’auteur des résultats encourageants. 


SOCIÈTE DE BIOLOGIE 
Seance du 23 Octobre 1915 


M. J. C. Parhon: L’adrénaline dans la dysenterie. 
L'auteur, ayant remarqué l’état de profonde adynamie 
el l’'hypotension artérielle considérable de malades at- 
teints de dysenterie, a eu l’idée de leur administrer de 
l’adrénaline, Quatre malades traités dès le commence- 
ment de la maladie guérirent ; deux traités tardivement 
moururent; six malades non traités moururent égale- 
ment. — M. Ed. Retterer : Ju rôle hématiformateur de 
la rate du chien, du chat et du cheval. Chez le mammi- 
fère adulte, les noyaux cellulaires du tissu ou pulpe 
splénique subissent la transformation hémoglobique et, 
après la fonte du corps cellulaire, ils deviennent héma- 
ties libres. — M. £. Sacquépée : Le bacille de l'œdème 
gazeux malin. I. Les propriétés toxiques. Le bacille de 
l æœdème gazeux malin, agent pathogène important des 
gangrènes gazeuses, donne un filtrat de culture très 
toxique pour le cobaye. La toxicité est maximum du 3*au 
6° jour de la culture; elle est détruite par le chauffage à 
60° pendant 30 minutes; elle ne se retrouve pas dans les 
précipités par l'alcool ou le sulfate d'anmmoniaque. 


SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 
Séance du 17 Juin 1915 (suite) 


M. E. W. Macbride et Mlle A. Jackson: L’hérédité 
de la couleur chez le Carausius morosus (insecte baguette). 
Les recherches des auteurs les ont conduits aux conelu- 
sions suivantes : 1° Tous les insectes-baguettes de l’es- 
pèce Carausius morosius naissent semblables ; tous ont 
un dessin coloré défini formé de pigments vert et brun. 
2° A mesure qu'ils croissent, dans la grande majorité 
des cas, le pigment verl surmonte le brun, de sorte que 
le dessin disparait et l’insecle apparaît à l’œil nu d’un 
vert pur. D’après Schleip, quelques traces du pigment 
brun peuvent toujours être décelées dans les cellules 
ectodermiques des insectes les plus verts. 3° Dans 3 */, 
des cas environ, le pigment brun augmente pendant la 
croissance et empêche de voir loute trace de vert ; dans 
ces cas, d’après Schleip, on n’aperçoit aucun pigment 
vert dans les cellules ectodermiques, même à l'examen 
microscopique, 4° Dans quelques-uns des cas où le pig- 
ment vert devient prédominant, le pigment brun reste 
en quantité suflisante pour affecter la couleur et donner 
naissance aux variétés vert brun, vertes à taches bru- 
nes, etc. 5° Dans certains cas plus rares, un pigment 
rouge jaune, qui parait toujours présent en petite quan- 
tité, s'accroit de façon à donner à l’insecte une couleur 
brun jaune ou brun rouge. 60 La proportion desinsectes 
qui acquièrent une couleur verte ou brune prédominante 
parmi la descendance n'est pas influencée par la couleur 
de la mère. 79° Des insectes verts purs peuvent être éle- 
vés aux dépens de larves exposées à une obscurité com- 
plète depuis l’éclosion. 8° L'élevage des insectes en lu- 
mière réduite n’augmente pas la proportion des bruns ; 
il n’y a pas de preuve qu'un insecte devienne brun par 
élevage à l'ombre. g° En général, la production d’une 


660 


petite proportion de bruns est une aide à la dissimula- 
tion de l’animal dans les conditions normales, car de tels 
spécimens ressemblent à des baguettes sèches. 10° Des 
mâles se produisent aux dépens d'œufs de femelles non 
fécondées, mais sont extrêmement rares. 


SOCIÈTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES 
Séance du 22 Octobre 1915 


M. T. Barratt : La radiation et la convection d’un fil 
chauffé dans une enceinte. L'objet des expériences de 
l’auteur était de déterminer la relation numérique entre 
les pertes par radiation et par convection d’un fil ou 
d'un barreau métallique chauffé placé dans un gaz à 
température constante. La méthode consiste à : 1° me- 
surer la quantité de chaleur requise pour maintenir la 
température du fil d’un certain nombre de degrés(environ 
10° C.) au-dessus de celle du gaz environnant, la surface 
du fil étant : a) recouverte d’un vernis noir, b) nue; 
2° comparer les radiations de deux surfaces exactement 
semblables à «) et b) au moyen d’une thermopile, Si 
la chaleur totale perdue par unité de surface du fil est a 
fois plus grande pour un fil noirei que pour un fil nu, 
tandis que la radiation de la surface noircie est b fois 
celle de la surface nue, on a : 

To a — b r b(a—b) 
= ————— ; 


= et CE — 
VIN C 


ES | 


où r, et r, sont les radiations des surfaces noire et nue 
respectivement el c la convection. L'expérience indique 
que, sur 100 parties de «chaleur totale » perdue par un 
fil à la température ordinaire, 2,5 proviennent de la 
radiation pour un fil nu et 12,6 pour un fil noirci. A 
100°, ces pourcentages deviennent respectivement 4,4 et 
20,7. — M. T. Barratt : La grandeur de la résistance 
thermique introduite à la jonction légèrement conique de 
deux solides. L'auteur étudie la chute de température 
causée par la résistance thermique à la jonction légère- 
ment conique de deux solides, en se servant d’un double 
joint, ce qui double l'effet de résistance thermique. 
Dans le cas de fils de petit diamètre, la chute de tempé- 
rature est de 2!/,°/,, c'est-à-dire que la température de 
l'extrémité chaude du fil est de 2!/,°/, plus basse que 
celle du bloc de cuivre dans lequel est fixée l’extrémité 
du fil. Cette chute °/, de température est pratiquement 
la même à toutes les températures de l’enceinte (jusqu’à 
100°) et indépendante de l'excès de la température de 
l'extrémité du til sur celle de l’enceinte (jusqu'à 10° ou 
120 C). Pour les fils de diamètre plus grand (6 mm.), la 
résistance est plutôt moindre que pour les petits fils. 


ACADÉMIE DES SCIENCES D’AMSTERDAM 
Séance du 26 Juin 1915 (suite) 


MM. H. A. Lorentz et H. Kamerlingh Onnesprésentent 
untravail deM. W.J. de Haas etde Mme G. L. de Haas- 
Lorentz: Une expérience de Muxwell et les courants 
moléculaires d'Ampère. En 1861, Maxwell avait ima- 
giné une expérience pour décider si un aimant contient 
de la matière en rotation; cette expérience n’avaitdonné 
aucun résultat, Les auteurs examinent la question 
théoriquement ; ils arrivent à cette conclusion que l’ex- 
périence n’est guère réalisable, — MM. F. M. Jaeger 
et Jul. Kahn : Xecherches sur les coefficients de tempé- 
ralure de l'énergie superficielle moléculaire de liquides 
entre — So°et16500 C, X. Mesures concernant une série de 
composés aliphatiques. Xei encore la substitution d'élé- 
ments ou radicaux négatifs dans la molécule augmente 
l'énergie superficielle moléculaire ; il semble donc que 
ce soit là un phénomène général, XI. La tension super- 
ficielle d’un certain nombre de triglycérides homologues 
des acides gras. XII. Mesures concernant les phases 
liquides optiquement anisotropes et isotropes de quel- 
ques azoxy-composés et de l'anisaldazine. S'il est exact 
qu'une petite valeur du coeflicient de température de 
l'énergie superficielle moléculaire indique une asso- 
ciation de la matière et une grande valeur une 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


dissociation, on doit s'attendre à ce qu’en-dessous de la 
température de transformation ce coeflicient soit plus 
petit pour le liquide anisotrope que pour le liquide iso- 
trope au-dessus de ce point. Or, l'expérience apprend 
que c’est le contraire qui a lieu. Aux environs du point 
de transformation, la courbe de l'énergie superficielle 
présente un saut brusque: la courbe relative au liquide 
isotrope est située plus haut que celle du liquide aniso- 
trope ; mais il semble que l’augmentation se produise 
d'une façon continue, bien que très rapide. 
MM. A. KF. Holleman et S. Hoogewerff présentent 
un travail de M. E. H.Büchner : La viscosité des solu- 
tions colloïdales. Une formule d’Einstein, relative à la 
viscosité d’un liquide contenant des particules en sus- 
pension, permet de trouver le volume total deses parti- 
cules; la numération de ces particules fait ensuite con- 
naitre leur volume individuel, L'application de cette 
méthode à des solutions colloïdales (bleu de molybdène, 
hydroxyde ferrique) apprend que les particules du col- 
loïde sont associées à une certaine quantité du solvant. 
— MM. Ernest CohenetF.M.Jaeger présententlestravaux 
suivants de MM. D. N. Bhattacharyya et N. Dhar : 
Sursaturation et cessation de la sursaturation. Etude 
systématique du phénomène de la sursaturation sur un 
grand nombre de substances. Il n’en ressort guère de loi 
générale; on constate seulement que les hydrates, les 
substances fortement solubles, et celles formant de gros 
cristaux donnent aisément des solutions sursaturées. Le 
coefficient de température de la conductibilité de solutions 
alcooliques et l'extension de l'hypothèse de Kohlrausch à 
de telles solutions. Kohlrausch a supposé qu’autour de 
tout ion il y a uneatmosphère du solvant, dont la dimen- 
sion est caractéristique de l’ion. Cette hypothèse est, 
applicable à des solutions alcooliques. Vitesses d'ions 
a 0° C. — MM. Ernest Cohen et F. M. Jaeger présentent 
le travail suivant de M.N.Dhar : Les propriétés des élé- 
ments et le système périodique.Recherches prouvant que 
la tension superficielle, le coeflicient de température de 
la conductibilité électrique, le coeflicientde température 
de la conductibilité calorifique, le module de Young et 
la rigidité torsionnelle, ainsi que leurs coeflicients de 
température, la chaleur spécifique, le coeflicient de dila- 
tation linéaire, la rotation magnétique moléculaire sont 
des fonctions périodiques du poids atomique.—M.P.van 
Romburgh présente une note de M. A. W.K.deJong: 
Action de la lumière sur les acides cinnamiques. La 
façon particulière dont l'acide cinnamique solide se com- 
porte sous l’action de la lumière solaire doit être 
attribuée à la facilité avec laquelle il passe dans l’état 


. métastable, — M. M. W. Beyerinck : Amidon cristal- 


lisé. La plupart des espèces d'amidon ont la propriété 
de se séparer sous forme de cristaux de leurs solutions. 
Le grain d’amidon naturel est d’ailleurs un agrégat d’ai- 
guilles cristallines. — Mille H. J. van Lutsenburg- 
Maas et M. G. van Iterson jr : Un microsaccharime- 
tre. Description d’un appareil permettant de déterminer 
par fermentation la quantité de sucre contenue dans de 
toutes petites quantités de liquides. 

20 SCIENCES NATURELLES. — M. W. Beyerinck présente 
un travail de M. $S.H.Koorders: Sloanea Javanica 
(Miquel) Szyszylowicz, une espèce d'arbre remarquable 
croissant à l’état sauvage dans le bois de Depok, 
réservé comme monument naturel (Contribution à la 
flore de Java. VII). — MM. L. Bolk et J. Boeke présentent 
un travail de M. J. A.J. Barge : La signification géné- 
tique de quelques variations de l'atlas. Dans un tra- 
vail précédent (présenté dans la séance de mai), l’auteur 
a montré qu'entre la limite caudale du crâne et la pre- 
mière vertèbre cervicale il doit se trouver un demi- 
segment libre, ce que l'observation vérifie. Il examine 
maintenant quelle est la signification de l'existence de 
ce demi-segment au point de vue de l’explication mor- 
phologique de quelques variations de l’atlas. 


JÉRRPANE 


Le Gérant : Octave Loin. 


Sens. — Imp. Levé, 1, rue de la Bertauche. 


26° ANNÉE 


N5:23 


15 DÉCEMBRE 19145 


kRevue générale 


des 


NCienc 


pures et appliquées 


FONDATEUR : 


LOUIS OLIVIER 


Direcreur : J.-P. LANGLOIS, Docteur ès Sciences 


Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. J.-P. LANGLOIS, 8, place de l’'Odéon, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des 
travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France eten pays étrangers y compris la Suède, la Norvège et la Hollande, 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


$ 1. — Distinctions scientifiques 


Les médailles de la Société Royale de Lon- 
dres. — Les distinctions que la Société Royale de 
Londres confère chaque année, à la fin de novembre, à 
quelques savants éminents, viennent d’être attribuées 
comme suit cette année : 

La Médaille Copley au professeur L. P. Pavlov, de Saint- 
Pétersbourg, pour ses recherches classiques sur la phy- 
siologie de la digestion et les centres supérieurs du 
système nerveux; 

La Médaille Davy au professeur Paul Sabatier, de 
Toulouse, pour ses recherches sur laction de contact et 
l'application des métaux finement divisés comme agents 
catalytiques; 

La Médaille Hughes au professeur P. Langevin, de 
Paris, pour ses contributions importantes à la science 
électrique ; 

Les Médailles Royales à Sir J. Larmor, pour ses nom- 
breux et importants travaux de Mathématiques et de 
Physique, et à M. W. H. R. Rivers, pour son œuvre 
ethnologique et ethnographique. 


$ 2. — Nécrologie 


Sir Andrew Noble. — En la personne de Sir 
Andrew Noble, décédé le 22 octobre à l’âge de 84 ans, 
la science de la Balistique vient de perdre l’un de ses 
représentants les plus éminents. 

Après avoir commencé sa carrière dans l’Artillerie 
anglaise, il fut appelé en 1860 par Sir William Arms- 
trong aux célèbres usines d’'Elswick, où il travailla 
pendant presque tout le reste de sa vie. C'est là qu'il 
entreprit ses expériences sur le tir des canons, à l’aide 
d’un chronoscope de son invention qui lui permit de 
déterminer la vitesse exacte des projectiles. Puis, en 
collaboration avec Abel, il se livra à des études appro- 
fondies sur la combustion des poudres à canon, qui sont 
devenues classiques dans l'histoire des explosifs, et où 
pour la première fois la chaleur de combustion et la 
pression développée ont été mesurées d’une façon pré- 
cise, Il tourna ensuite son attention vers les poudres 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 


sans fumée, la cordite en particulier, et après de labo- 
rieuses recherches parvint à obtenir des vitesses ini- 
tiales de tir de plus de 1000 m, par seconde, avec une 
énergie de pénétration presque quadruplée, 

La Société Royale de Londres avait ouvert ses portes 
à Noble dès 1870 et lui avait en 1909 décerné l’une de 
ses médailles « pour ses longues recherches sur la na- 
Lure et l’action des explosifs, qui ont eu pour consé- 
quencele développementet le perfectionnment de l’artille- 
rie moderne ». 


$ 3. — Art de l'Ingénieur 


La commande des moteurs employés à 
bord des sous-marins allemands!. — En rai- 
son des exigences du service auquel sont employés les 
sous-marins de haute mer et de la sécurité absolue 
que doit procurer le mécanisme d'immersion et de pro- 
pulsion, on s’est efforcé d’en rendre l'équipement sim- 
ple, quoique très eflicace. 

En surface, la propulsion s'opère par moteurs au pé- 
trole brut; en plongée, par de puissants moteurs élec- 
triques alimentés par une grande batterie d’accumula- 
teurs, ordinairement installée au milieu du navire. 

A bord des sous-marins allemands, la distribution 
est toute spéciale, sa particularité résidant surtout 
dans la suppression du rhéostat de démarrage. Même 
immergé dans l’huile, cet organe est, en effet, peu sûr; 
de plus, ilest encombrant et lourd. La batterie com- 
porte quatre unités de 6o accumulateurs chacune, con- 
nectées en série parallèle et pouvant être isolées à vo- 
lonté, Les accumulateurs sont d’un typespécial pouvant 
résister à des mises en court-circuit momentanées et réi- 
térées sans dommage sensible. Les plaques sont en 
plomb. Les bacs sont en vulcanite spéciale parfaitement 
étanche avec un vide de 60 mm. sous les plaques. Ces 
dernières sont séparées par des isolateurs en bois. Le 
navire peut prendre 2> degrés d’inclinaison dans une 
direction quelconque sans que l'acide déborde des bacs, 


1. Norman H. Woon : The Electrical Review, 28 mai 1915. 


662 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


Les moteurs sont du type double à enroulement 
shunt, pôles auxiliaires etenroulements compensateurs. 
Chaque moteur a deux induits sur le même arbre et 
deux champs, distinets mais également proportionnés, 
de 8 pôles chacun. A pleine charge, chaque induit 
donne la moitié de la puissance totale, soit 225 che- 
vaux. Les champs shunt sont disposés en série, avec 
une résistance non inductive en parallèle pour dériver 
le courant quand on ouvre le circuit des champs. Le 
tout est monté d’un seul bloc et forme une unité com- 
plète. 

La distribution (commutateurs, cäbles sous plomb, 
interrupteurs) est généralement placée aussi près que 
possible des moteurs principaux et pourvue du nombre 
voulu d’ampèremètres et d'ampère-heure-mètres du 
type moteur à mercure pour permettre à l’oflicier de 
service de s'assurer de l’état des unités de la batterie et 
d'en contrôler le rendement au besoin. 

La batterie ne peut être rechargée que lorsque le 
sous-marin navigue en surface. Les moteurs fonction- 
nent pour cela comme dynamos sous la commande des 
moteurs à pétrole. Des bornes spéciales permettent de 
recharger la batterie avec ses sections en série ou en 
parallèle. 

La capacité de la batterie permet la navigation en 
plongée à la vitesse de 10 nœuds pendant une heure 
et demie. 


$ 4. — Physique appliquée 


Extraction et localisation des projectiles 
par l’électro-aimant. — L’électro-aimant est depuis 
de nombreuses années utilisé en chirurgie pour l’extrac- 
tion de petits corps étrangers magnétiques intra-ocu- 
laires. Les électro-aimants de grande puissance que les 
constructeurs sont arrivés à établir ont fait espérer 
l'extraction non plus seulement de fines poussières 
métalliques contenues dans le globe ‘oculaire, mais 
aussi des aiguilles introduites sous la peau et mème des 
projectiles de guerre. 

Ainsi, avec un électro-aimant fonctionnant à 23 am- 
pères sous 110 volts el ayant une force portante de 
1.120 kilogrammes, M. Rollet! attire la balle allemande 
à une distance de 11 centimètres. Les éclats d’obus, 
souvent moins volumineux, sont attirés à des distances 
plus grandes, 15 centimètres environ. 

D'après M. Rollet, l’électro-aimant permet de recon- 
naître la présence et même de localiser les projectiles 
magnéliques (balle allemande à enveloppe de ferro- 
nickel et éclats d'obus). Quand lélectro-aimant, main- 
tenu normalement à la peau, se trouve au-dessus du 
projectile, celui-ci est attiré et soulève le tégument 
externe ; il se forme un cône très pointu si le corps est 
sous-cutané, un mamelon large si le corps est intra- 
musculaire. En même temps, le malade ressent de la 
douleur et éprouve une sensation de déchirure, 

L’électro-aimant peut donc venir en aide au chirurgien 
dans une intervention, à condition de se servir d'écar- 
teurs en maillechort et de pinces hémostatiques ou autres 
instruments en acier nickel à 25°), l'acier nickel étant 
une substance non magnétique. 

Le professeur Bergonié? a utilisé un puissant élec- 
tro-aimant pour mobiliser les projectiles. Par des 
séances d'attraction de 10 à 15 minutes, avec ouverture 
et fermeture du circuit magnétique, il arrive à les 
amener peu à peu au voisinage de la peau; l'extraction 
est ainsi grandement facilitée. 

Pendant ces expériences, M. Bergonié ayant observé 
que la rupture et la fermeture du courant continu qui 
alimente l’électro-aimant, faisant ainsi cesser et établir 
le champ magnétique, donnait de meilleurs résultats, 
eut l'idée d'utiliser le courant alternatif. Il s’aperçut 


R. de l'Académie des Sciences (Paris), t. CLIX, 
 sépt. 1914. 
2. R. de l'Académie des Sciences (Paris), t. CLX, p. 255 ; 


15 février 1915, et Archives d'électricité médicale, août 1915. 


que l’électro-aimant ainsi parcouru par du courant al- 
ternatif altire peut-être moins bien les projectiles, mais 
leur imprime un mouvement de vibration très marqué, 
susceptible d’être perçu à la surface de la peau, et dont 
on peut tirer parti pour la localisation !. 

L’électro-aimant à courant alternatif de M. Bergonié, 
connu sous le nom d’électro-vibreur, est construit ac- 
tuellement par la maison Gallot-Gaiffe. Le courant uti- 
lisé peut être soit du courant alternatif à 110-120 volts, 
soit du courant alternatif à 220-240 volts. Plus la puis- 
sance absorbée est considérable et plus l’appareil est 
eflicace. Pour trouver les projectiles petits et profonds, 
cette puissance ne doit pas descendre au-dessous de 
3 kilowatts (30 ampères sous 110 volts). 

Lorsqu'on ne possède que du courant continu pour 
alimenter un électro-vibreur, une commutatrice, desti- 
née à transformer le courant continu au courant alter- 
natif monophasé, devient indispensable. Il en est de 
même lorsqu'on ne possède que du courant triphasé, les 
Compagnies d'électricité ne se souciant pas de laisser 
prendre 30 ampères sur leurs lignes, ce qui déséquilibre 
les ponts. 

C’est là, actuellement, une difliculté sérieuse à l’ins- 
tallation des électro-vibreurs, car ilest très malaisé de 
se procurer des commutalrices ou les groupes moteur 
triphasé-alternateur nécessaires à la transformation du 
courant, : 

Dans les instailations radiologiques récentes, la com- 
mutatrice à contact tournant peut être utilisée pour 
actionner l’électro-vibreur; il suffit de prendre une 
dérivation sur les deux bagues du côté alternatif, » 

L’électro-vibreur se présente sous l'aspect d’une grosse 
et lourde masse cylindrique, mobile autour d'un axe 
horizontal dans un cadre rectangulaire en bois. Sus- 
pendu par une corde à une potence en bois mobile elle- 
même, maintenu en équilibre par un contre-poids, il 
peut être déplacé en Lout sens, et être présenté devant 
toutes les régions à explorer. 

Le manuel opératoire est alors le suivant : 

Le blessé étant supposé sur la table d'opération, car 
la plupart du temps, pour aller plus vite, l'extraction 
suit la recherche et la localisation, on déplace l’électro- 
vibreur de manière à comprendre successivement dans 
la région la plus intense du champ magnétique toute la 
partie du corps dans laquelle on recherche le projectile. 
« Pour cela, on n’a qu'à promener l’extrémité du noyau 
de l’électro-vibreur aussi près que possible de la peau 
de la région, en évitant soigneusement tout contact qui 
ferait percevoir des vibrations transmises venant du 
noyau, mais non engendrées in situ par celui-ci. Par un 
palper, superficiel d'abord, un simple eflleurage, on 
s'aperçoit immédiatement si la région voisine du vibreur 
frémit ou non, vibre ou non. S'il y a vibration, on peut 
alors palper plus profondément et rechercher, toujours 
par le palper de la partie exposée, le point de vibration 
maximum. Cest le point où le corps étranger est le plus 
rapproché de la surface, celui sur lequel l’incision doit 
être tracée pour conduire à l’extraction la plus facile du 
projectile. » 

L'incision est faite, l'appareil n'étant parcouru par 
aucun courant. Il n’y a done sur le champ opératoire ni 
vibrations induites dans les instruments, ni gêne d’au- 
cune sorte pour lechirurgien. Lorsque le sang estépongé 
et que l'exploration digitale a parcouru les diverses 
parties de l’incision sans rien découvrir, on éloigne les 
instruments de fer ou d’acier et l’on approche le plus 
possible, sans contact, Vélectro-vibreur, convenablement 
recouvert d’un manchon stérilisé?. On fait passer le 
courant alternatif et, d'ordinaire, le chirurgien qui ex- 
plore l’incision $ent immédiatement sous ses doigts la 


1. Archives d'électricité médicale, avril, mai, juin, juillet, 
août 1915, 

2. L'asepsie des instruments, fait remarquer M. Bergonié, 
est facile à obtenir, car le courant qui les traverse les porte 
assez vite, par le fait de l'énergie dissipée par les courants 
de Foucault, et surtout par hystérésis, à des températures 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 663 


vibration des chairs se produire dans une certaine 
direction, On coupe le courant et une nouvelle phase 
chirurgicale a lieu dans laquelle l’incision est appro- 
fondie dans la direction voulue. On recommence les 
mêmes opérations jusqu'à arriver au contact du pro- 
jectile, ce qui est généralement assez vite obtenu. Ces 
opérations « peuvent, d’ailleurs, être indéfiniment ré- 
pétées, sans qu'il en puisse résulter, ni pour les tissus, 
ni pour le chirurgien, ni pour les assistants aucun 
inconvénient », 

« Notons encore, pour éviter toute méprise, dit en ter- 
minant M. Bergonié, que c’est par l’acte chirurgical que 
le projectile magnétique est extrait, et non par l’attrac- 
tion magnélique de l’électro-vibreur. Le rôle de ce der- 
nier est terminé quand l'instrument ou le doigt du chi- 
rurgien sont sur le projectile à extraire; l’électro n'est 
là que comme un guide toujours prêt à répéter et pré- 
ciser ses indications, mais ne se substituant jamais au 
chirurgien, qui agit avec sa pleine liberté, son expé- 
rience et sa connaissance anatomique de la région. » 

Une seule précaution est à prendre au cours de l’opé- 
ration : supprimer tout corps magnélique autour du 
blessé. IL fant donc remplacer les épingles ordinaires 
par des épingles en bronze, et employer également des 
écarteurs et une sonde cannelée en bronze. Si la table 
d'opération est en fer, on devra la recouvrir de coussins 
épais; il est du reste préférable d’avoir une table en 
bois. Il est complètement inutile d’avoir recours à un 
bistouri et à des pinces de bronze ; il suflit d’éloigner 
ces instruments au moment où l’électro-vibreur est en 
activité. 

Pour pouvoir être décelés par l’électro-vibreur, les 
projectiles doivent être magnétiques. C'est le cas de 
tous les fragments d’obus et encore, quoique à un 
degré moindre, mais bien suflisant, dela balle allemande 
à enveloppe de nickel et âme de plomb. Par contre, les 
balles rondes de shrapnell ne vibrent pas du tout, pas 
plus que la balle française, parce que non magnétiques 
toutes deux. 

En augmentant la puissance absorbée par l’électro- 
vibreur jusqu'à 8 ou 10 kilowatts, M. Bergonié a 
constaté que certains métaux non magnétiques, comme 
l'aluminium, le cuivre et l'argent, le zine, peuvent être 
mis en vibration s'ils sont suflisamment voisins du 
noyau de l'appareil. On pourra peut-être arriver, sem- 
ble-t-il, à déceler des corps étrangers non magnétiques 
en aluminium, cuivre, laiton, zinc. Par contre, le mail- 
lechort qui forme l’enveloppe des balles de revolver, le 
plomb durei des shrapnells ne permettent que de min- 
ces espoirs; il faudrait augmenter considérablement 
l'induction de l’électro-vibreur. 

Signalons encore que M. Bergonié, après avoir étudié 
l’'échauffement d'échantillons de différents métaux sou- 
mis à l’électro-vibreur admet la possibilité, au point de 
vue pratique, d’échauffer les projectiles au sein des 
tissus à une température suffisante pour les rendre 
aseptiques. « Dans certains cas, cette stérilisation sur 
place pourrait avoir des indications et conduire à une 
tolérance inoffensive du projectile dans l'organisme, 
lorsque l'intervention chirurgicale aurait été contre- 
indiquée. » 

La nouvelle méthode proposée détrônera-t-elle la 
radiographie,que beaucoup de chirurgiens semblent n’ac- 
cepter encore que de mauvais gré comme trop compli- 
quée ? IL semble bien que non. Sans doute, dans tous les 
cas où des éclats d’obus, des balles allemandes entières, 
des enveloppes de ces balles sont inclus dans les mem- 
bres, on arrive à les déceler par l’électro-vibreur sans 
avoir nécessairement à consulter une radiographie. 
Mais, si le projectile n’est pas magnétique ou bien, si, 
quoique magnétique, il se trouve dans une région trans- 
mettant mal les vibrations, comme le tissu pulmonaire, 


———_—_——.—— 


auxquelles aucun microbe ne peut résister, Ils sont donc 
aseptisés, par le fait même de leur fonctionnement, Malgré 
cela, toutes les précautions ordinaires d'asepsie peuvent être 
prises avec eux. 


ou s’il est encastré dans un os, auquel cas il ne pour 
rait vibrer sans entraîner l'os entier, l’électro-vibreur, 
de l’aveu de M. Bergonié, ne s'applique pas ou s’appli- 
que mal, et l'emploi des rayons X devient nécessaire, 

Il semble que le rôle de l’électro-vibreur soit plutôt 
de parfaire les indications de la radiographie et de gui- 
der le chirurgien pendant l'intervention. Tous les chi- 
rurgiens qui ont expérimenté l’appareil de M. Bergonié 
sont unanimes à reconnaître qu’il constitue un guide 
extrémement précieux!, A. Boutaric. 


La protection des lignes à haut voltage con- 
tre les oiseaux. — De nombreux oiseaux sont tués 
le long des lignes de transmission électrique, et parfois 
en produisant un court-circuit.Ces accidents reconnais- 
sent trois causes : 1° le choc mécanique, lorsque des oi- 
seaux volant rapidement se heurtent contre les lignes ; 
2° un court-circuilentre deux lignes à potentiel diffé- 
rent touchées simultanément par les deux ailes d’un 
oiseau; 30 le fait qu’un oiseau se pose près d’un isola- 
teur et frappe le conducteur à coups de bec, ce qui pro- 
duit une terre à travers le poteau. . 

Le premier et le second cas se produisent rarement, Il 
faut noter toutefois que le second cas ne se réalise pas 
seulement avec de grands oiseaux; parfois, une série de 
pelits oiseaux se touchant par les extrémités de leurs 
ailes a créé un court-circuit, qui les a brûlés. Le troi- 
sième cas est celui qui a le plus d'importance dans la 
pratique. Dans un article récent”, M. R. von Erhardt 
décrit les mesures qui ont été prises, particulièrement 
en Allemagne, pour l'empêcher de se produire, 

On a constaté d’abord que les grandes lignes trans- 
portant des voltages supérieurs à 30.000 volts n’ont ja- 
mais été endommagées par les oiseaux, parce que les 
isolateurs sont placés trop haut; aussi un certain 
nombre d'entreprises placent-elles maintenant à la même 
hauteur les isolateurs des lignes à bas voltage. 

Mais la solution la plus rationnelle du problème con- 
siste à donner aux isolateurs et à leurs supports une 
forme telle que les oiseaux ne puissent pas venir s’y po- 
ser, De nombreuses dispositions ont été proposées et 
ont donné des résultats satisfaisants. 


$ 5. — Chimie 


Le Rapport du Comité international des 
Poids atomiques pour 1916. — Le Comité inter- 
national des Poids atomiques vient de publier son Rap- 
port pour 1916. Quoique la guerre ait interrompu bien 
des travaux scientifiques, d'assez nombreuses détermi- 
minations de poids atomiques ont été exécutées de- 
puis le précédent Rapport, en particulier aux Etats- 
Unis; elles ont porté sur les éléments : C, S, I, Cu, Ni, 
Cd, Hg, Pb, Sn, Ta, Pd. 

Suivant le désir exprimé au Congrès international de 
Chimie appliquée de 1912, le Comité n'avait procédé à 
aucune modification de la Table internationale en ces 
dernières années. Le moment lui paraît maintenant ar- 
rivé, par suite de nouvelles déterminations qui parais- 
sent meilleures que les anciennes, d’attribuer à un cer- 
tain nombre d'éléments les nouveaux poids atomiques 
qui suivent : 


1. Signalons en passant qu'on peut construire très com- 
modément de petits électro-vibreurs fonctionnant sous 
10 ampères et 110 volts et susceptibles d'être branchés sur 
deux phases d’une distribution en triphasé quelconque, en 
enroulant sur un noyaucomposé de fils de fer solidement lies 
(le noyau a environ 30 centimètres de longueur et5 à 6 cen- 
timètres de diamètre) un fil de cuivre de _ de mm. (envi- 
ron 120 mètres de fil). Ge petit appareil, relativement léger et 
très maniable, permet de reconnaitre très nettement la pré- 
sence de projectiles dontla profondeur sous la peau n'excède 
pas 3 à 4 centimètres. On le relie aux bornes de distribution 
du courant par l'intermédiaire d’une self ou d’un rhéostat 
quelconque. 

2, Electrotechn. Zeëtschr., 20 mai 1915, 


a 


O 
[ep] 
= 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


C 12,00 U 238,2 
S 32,06 ME 88,7 
He 4,00 Pr 140,9 
Sn 118,7 Yb 173,b 
Pb 207,20 Lu 179,0 
Ra 226,0 Kr 82,92 


Les poids atomiques des autres éléments restent sans 
changement. 

Le Rapport pour 1916 est signé de MM. F, W. Clarke, 
T. E. Thorpe et W. Ostwald; M. G. Urbain, empêché 
par ses obligations militaires de signer aucun rapport 
international pendant la guerre, a cependant déclaré 
qu'il approuvait les décisions prises par ses collègues, 


$ 6. — Biologie 


Le mécanisme de contrôle de la teneur en 
corpuscules rouges du sang. — Une étude atten- 
tive a montré que le nombre des corpuseules rouges par 
unité de volume du sang, chez l'individu normal, est 
sujet à des variations importantes et tres rapides sous 
l'influence des diverses conditions physiologiques, 
Ainsi l’asphyxie, sous toutes ses formes : réduction de 
la pression atmosphérique, diminution de la tension 
partielle de l'oxygène, obstruction des voies aériennes, 
obstruction de la circulation dans les poumons, etc., 
produit une augmentation du nombre des corpuscules 
rouges. Diverses substances existant naturellement 
dans le corps : épinéphrine, pituitrine, CO?, et des 
substances étrangères : nicotine, chlorure de radium..., 
altèrent d’une façon marquée la proportion des globules 
rouges du sang, Lamson a même montré que le nombre 
des cellules rouges est sous le contrôle nerveux : chez 
des chats effrayés par un chien, le nombre de ces cor- 
puscules par unité de volume s’est élevé de 1 à 2 mil- 
lions en 5 minutes. ; 

Quel est le mécanisme qui contrôle ces variations? 
Telle est la question que s’est posée M, Lamson et qu'il 
résout en partie à l’aide d'une série d'ingénieuses expé- 
riences!. 

Comme moyen de production de la polycythémie, il 
a choisi l’épinéphrine, qui peut être obtenue à l’état 
pur, existe déjà dans l'organisme et, injectée à la dose 
de 0,9 mgr. par kilog, produit régulièrement une aug- 
mentation d’un à deux millions de globules rouges par 
unité de volume en 15 à 20 minutes. 

Pour obtenir des résultats uniformes, les animaux 
sontanesthésiés à l’éther, eton retire du sang dela veine 
jugulaire ou fémorale à l’aide d’une aiguille hypoder- 
mique, 

L’'injection d'épinéphrine provoque la même augmen- 
tation du nombre des globules rouges chez des animaux 
témoins et chez des animaux auxquels on a pratiqué 
l’ablation de l'intestin entier, du mésentère, de la rate 
ou du pancréas, séparément ou simultanément; aucun 
de ces organes n’est donc le siège principal du méca- 
nisme de la polycythémie. Par contre, lorsqu'on isole le 
foie de la circulation par la ligature complète de tousles 
vaisseaux au-dessus du diaphragme, l'injection d’épiné- 
phrine ne produit aucune élévation de la teneur en glo- 
bules rouges. D’autres expériences, dans le détail des- 
quelles nous ne pouvons entrer, confirment le fait que le 
foie est l'organe capable d'augmenter la proportion des 
globules rouges dans le sang, à la condition toutefois 
que l’alimentation du foie en sang artériel soit intacte. 

Au cours des mêmes expériences, certains change- 
ments ont été observés dans le foie. Il y a une diminu- 
tion du volume du plasma, mais insuflisante pour expli- 
quer entièrement l’augmentation du nombre des globules 
rouges. Pendant la polycythémie, des cellules sont 
présentes dans la circulation qui n’y existaient pas 
auparavant, comme lemontre la diminution du diamètre 
moyen des corpuscules rouges et de leur teneur en hé- 
moglobine. Ces cellules ne présentent aucun caractère 


1. Proceed. of the National Acad. of Sciences (Washington), 
t1:in2107 p- 521 : oct. 1915. 


des cellules jeunes : elles ne sont pas nucléées, n’offrent 
aucune variation de fragilité et n’ont pas de métabo- 
lisme accru, | 

Le rôle du système nerveux dans le mécanisme de la 
polycythémie découle de l'augmentation des corpus- 
cules rouges observée après l'excitation des trones vago- 
sympathiques. Celui des glandes surrénales ressort de 
l'absence de polycythémie après leur ablation. 

Le mécanisme de la régulation du nombre des globu- 
les rouges dans le sang parait donc être sous la dépen- 
dance de plusieurs facteurs, au nombre desquels le 
système nerveux, les glandes surrénales et le foie jouent 
le principal rôle, 


La fragilité héréditaire des os. — La faiblesse 
ou la fragilité des os longs peut survenir à la suite de 
certaines conditions pathologiques; mais, d'autre part, 
on a reconnu depuis bientôt un siècle une tendance cons- 
titutionnelle à la fragilité des os qui se poursuit dans 
certaines familles à un tel point qu'elle démontre l’exis- 
tence d’un facteur héréditaire ; on lui a donné le nom 
d’ostéopsathyrose. 

Dans certains cas classiques d’ostéopsathyrose, le 
fémur est fréquemment fracturé à la naissance, mais 
il se répare rapidement Plus d’une fois au cours de la 
vie, un léger choc produit la rupture d'un os du bras ou 
de la jambe, et parfois avant la puberté l'individu a subi 
une vingtaine de fractures ou plus. Cette tendance s’ac- 
croit souvent après la puberté. Lovett et Nichols ont 
montré que, dans l'ostéopsathyrose, la formation 
osseuse périostale est surtout imparfaite, les systèmes 
de Havers ne se formant pas, 

MM. C. B. Davenport et S. H. Conard!, de l’Eugenics 
Record Oflice, viennent d'examiner un grand nombre de 
généalogies, qui montrent clairement que l’'hérédité 
dans l’ostéopsathyrose est directe, c’est-à-dire que 
le facteur qui détermine la formation irrégulière des_ 
os est dominant. L'hypothèse d’après laquelle cette 
affection serait due à quelque perturbation du méta- 
bolisme de la mère est controuvée par le cas, ob- 
servé par Schwarz et Bass, de deux jumeaux dont 
l’un présentait de l’ostéopsathyrose à la naissance 
et l’autre non, Les rares exceplions à la règlequ'aucune 
génération n’est sautée s'expliquent, d’après les auteurs, 
par le principe bien connu del’imperfection de la domi- 
nance ou par un défaut d'observation. 

Un autre argument en faveur de l'hypothèse que la 
fragilité héréditaire des os dépend d’un seul facteur 
dominant, c’est le fait que la proportion des enfants 
atteints d’ostéopsathyrose dans un groupe nombreux 
de frères et de sœurs est approximativement la moi- 
tié (55 0/0). 

On a souvent signalé une association de l’ostéopsa- 
thyrose avec la selérotique bleue; cette dernière paraît 
constituer également un facteur dominant, maisle petit 
nombre des observations héréditaires ne permet pas de 
dire s’il existe une association normale entre ces deux 
caractères. 

Les observations des auteurs leur ont montréque 
l'os qui se fracture le plus fréquemment est le fémur ; 
après vient l’humérus, et ensuite la elavieule. La fragi- 
lité est très variable: dans certaines familles, la moindre 
pression produit une fracture ; dans d’autres, les os sont 
assez résistants. 

En résumé, tout parent ayant présenté de l’ostéopsa- 
thyrose pendant sa jeunesse donnera naissance à des 
enfants dont la moitié au moins seront semblablement 
affectés. Mais, si aucun parent, quoique issu d’une 
famille affectée, n’a présenté la tendance à la fragilité 
osseuse, on doit s'attendre à ce qu'aucun des enfants 
n'aura des os fragiles. Quand un parent est affecté, il 
arrivera parfois que ses enfants présenteront la ten- 
dance héréditaire à peu près à la même époque de leur 
vie, dans les mêmes os etaumême degré. 


1. Proceed. of the National Acad. of Sciences (Washington), 
t. 1, n0 10, p. 537 ; oct. 1915, 


Euc. PITTARD. — LES PEUPLES DE LA PÉNINSULE DES BALKANS 


665 


LES PEUPLES DE LA PÉNINSULE DES BALKANS 
ESQUISSE ANTHROPOLOGIQUE 


Jusqu'à ces dernières années, les cartes anthro- 
pologiques de la péninsule des Balkans mon- 
traient encore de vastes espaces complètement 
blancs. Et les parties qui étaient colorées ne 
l'étaient guère qu'à l’aide de documents provi- 
soires, les faits représentés ne constituant que 
des séries insuflisantes. 

Quelques crânes examinés par ci par là, de 
petits groupes d'individus vivants mesurés dans 
de rares régions, les indications toujours très 
sommaires des recrutements militaires, ne four- 
nissant guère à l'anthropologie que les chiffres 
de la stature, quelques notations de couleurs 
d'yeux et de cheveux, composaient la presque 
totalité du bagage ethnologique de la péninsule. 
Ils ne pouvaient guère servir à des généralisa- 
tions. 

Les voyageurs scientifiques, généralement, sui- 
vaient les mêmes voies : celles que traversent les 
lignes de chemins de fer, ou les routes les plus 
facilement accessibles, et les populations au 
milieu desquelles ils circulaient ne se prétaient 
pas toujours de bonne grâce à un examen soma- 
tologique. Au surplus, sur ces chemins où passe 
tout le monde, les populations, fortement métis- 
sées par le seul fait d'une circulation plus 
intense, sont d'un médiocre intérêt pour l’ob- 
servateur. 

Pour ces diverses raisons, les anthropologistes 
qui s’occupaient de l'ethnogénie de la péninsule 
balkanique ne cessaient de se lamenter sur la 
pénurie de documents mis à leur portée. Et lors- 
qu'en 1899, Deniker, qui avait colligé avec un 
zèle inlassable tous les matériaux publiés, pré- 
sentait sa «carte de l'indice céphalique en 
Europe », ilexprimait avec autorité les regrets 


de tous, 


Ces lemps, malheureusement, ne sont pas 
complètement périmés. Toutefois, dans ces der- 
nières années, de vastes enquêtes ont été entre- 


prises; une quantité très grande de documents 


nouveaux ont élé recueillis et, aujourd'hui, nous 
pouvons donner à la science un aperçu des carac- 
tères anthropologiques des peuples balkaniques 
qui se rapprochera autrement plus de la réalité 
que tout ce qui avait été publié jusqu'alors. 


L'anthropologie de la péninsule des Balkans 
est, sans conteste, une des plus intéressantes à 


connaître, La position géographique des terri- 
toires en cause explique, à elle seule, cet intérêt. 

Peu de régions en Europe peuvent être com- 
parées à cette presqu'ile au point de vue des 
facilités qu’elle offrait à ceux qui, venant d'Orient 
où d'Occident, l’abordèrent pourla première fois. 
Elle les offre toujours. Et aujourd’hui encore cer- 
taines parties de sa périphérie gardent le souve- 
nir vivant des invasions pacifiques et guerrières 
qui tentèrent de la conquérir. 

Les deux promortoires qui sont les plus rap- 
prochés del’Asie, celui qui porte Stamboulet celui 
qui porte Gallipoli, sont comme deux mains 
tendues vers la Bithynie et la Mysie, prêtes à 
donner au continent voisin les masses ethniques 
qui étaient en arrière d'elles ou à recevoir les 
réserves d'hommes qui étaient de l’autre côté des 
détroits. La traversée du Bosphore n'est qu'un 
jeu et, dans les Dardanelles, la passe de Tchanak 
n'a que 1.270 mètres de largeur. De l'Asie, plu- 
sieurs vallées conduisent vers la Marmara, cette 
mer tranquille que le golfe d’Ismid prolonge 
vers l’est, accentnant la pénétration vers les 
terres fertiles de l’Anatolie et développant les 
rivages qui créent les marins et les aventuriers. 

Ilexiste un parallélisme singulier entre la dis- 
position générale de la péninsule anatolienne et 
de la presqu'ile des Balkans. Toutes deux sont 
bornées par deux mers: la Méditerranée et la 
mer Noire ; toutes deux se font précéder d’un 
chapelet d'îles et d’ilots et de caps, survivances 
des terres effondrées au Quaternaire alors que 
l'Europe, établissant son équilibre actuel, créait 
la mer Egée avec la Marmara. De chaque côté 
aussi les vallées anciennes, en descendant sous 
les flots, ont donné naissance à des golfes sans 
nombre. La multiplication des surfaces côtiè- 
res, par les découpures continentales et par les 
iles, est ainsi considérable et explique certaines 
particularités de l'histoire dans ces régions, 
notamment pour ce qui concerne les Grecs. Sur 
le littoral de la mer Egée, la péninsule des 
Balkans ouvre quelques vallées: le Vardar, la 
Maritza, que les peuples navigateurs ont facile- 
ment rencontrées. Au nord du Bosphore, la 
grande étendue de rivages de la mer Pontique 
assurait le peuplement par les migrateurs qui 
gardaient le contact du littoral pour ne point 
s'égarer. 

Enfin, et surtout, la large voie du Danube éta- 
blit à son tour le contact entre le monde asiatique 


666 Euc. PITTARD. — LES PEUPLES DE LA PÉNINSULE DES BALKANS 


A 


et le monde européen. Les Brachycéphales néo- 
lithiques l’ont probablement remontée pour, de 
sa région supérieure, se répandre au nord et au 
sud du massif alpin, et plus tard les masses con- 
quérantes des Huns et des Ottomans. À l’âge du 
bronze et à l’âge du fer, elle est la voie des 
échanges entre la Scandinavie et l’Archipel. 30 
siècles avant J.C., la civilisation égéenne fleuris- 
sait dans la péninsule des Balkans, puis la civi- 
lisation mycénienne. L'âge du fer lui apporte la 
civilisation halstattienne, puis celle de la Tène, 
par l’Illyrie, et certains auteurs pensent que 
cet apport de civilisation correspond à l'invasion 
dorienne dans le Péloponèse. 

Beaucoup d'hommes venant de l'occident ou 
du septentrion ont descendu cette voie comme 
un chemin naturel, pour se répandre vers le 
sud : tous ceux que nous appelons les Barbares, 
arrivés les uns de l’ouest comme les Gaulois, les 
autres écoulés des étendues de la Scythie. En 
bien des points, les bords du fleuve côtoient 
des plaines immenses, déroulant à l'infini leurs 
vagues de terre. D'une rive à l’autre, c'est l'invite 
à la conquête par les facilités de la pénétration. 
Les Néolithiques et les Protohistoriques connais- 
sant déjà cette route, il esttout naturel de voir 
les contrées qu’elle traverse, dès que s’écrivent 
les premières pages de l’histoire balkanique, 
assaillies de tous les côtés. Pendant des centai- 
nes d'années, la rive gauche du Danube est con- 
tinuellement battue par les flots des Barbares, 
qui viennent de l’est et du nord. Le fracas de 
leurs hordes en marche, durant plusieurs siècles, 
domine les bruits du fleuve aux flots pressés. 
Il vient aussi des envahisseurs par la mer. C'est 
l’époque où l'Asie occidentale déferle sur l'Eu- 
rope. Des masses d'hommes sans cesse renouve- 
lées s’acharnent à conquérir ce coin de terre 
comme si aucun autre n’était plus désirable. 

Doriens, Thessaliens, Pélasges, Ilyriens, Scy- 
thes. Thraces, Gètes, Dacesettousles autres mon- 
tent et descendent ou franchissent les vallées 
balkaniques, s’établissent sur les côtes ou en 
sont refouics. 

En 300, les Galates culbutent les Illyriens et Les 
Thraces. À la grande époque des migrations des 
peuples, les Slaves — nous retenons spéciale- 
ment leur arrivée — paraissent submerger la pé- 
ninsule. Il s’agit là, sans doute, d’un terme 
générique, d’une étiquette appliquée sur des 
peuples divers, d'origines ethniques différentes. 
D'ailleurs tous ces noms, et ceux des envahis- 
seurs qui viendront ensuite, n'ont pas, aujour- 
d'hui encore, de correspondances anthropologi- 
ques précises et nous ne notons leur présence 
que pour memoire. 


* 


Alors que les deux autres péninsules méditer- 
ranéennes, la péninsule Ibérique et l'Italie, par- 
ticipaient activement à la civilisation paléolithi- 
que la plus ancienne, la presqu'ile des Balkans 
parait, pour des causes qui échappent encore, 
avoir été en dehors de cette primitive civilisa- 
tion. Les grossiers quartzites découverts par le 
marquis de Cerralbo surles plateaux madrilènes 
etles coups de poing chelléens de l'Italie ne 
se retrouvent pas dans la péninsule des Bal- 
kans. Et, cependant, la glaciation du Quaternaire 
a été de faible étendue dans la presqu'ile. Elle 
n’a pu gêner les hommes dans leur extension. Il 
est done probable qu'il ne s’agit, en constatant 
cette absence de documents paléolithiques, que 
d’un état momentané de nos connaissances. 

La période néolithique nous est beaucoup 
mieux connue, quoiqu'elle laisse encore énormé- 
ment de choses dans l'ombre. Depuis une ving- 
taine d'années, une certaine quantité de stations 
de la pierre polie ont été découvertes dans di- 
vers lieux de la péninsule des Balkans : en Bos- 
nie, en Albanie, en Moldavie, en Serbie. Elles 
sont d’une physionomie générale semblable à 
celle des kourganes russes ou à celle des sta- 
tions asiatiques proches de l’Egée. La présence 
de statuettes à tête de chouette leur donne, à 
toutes ces habitations humaines, une singulière 
homologie et les archéologues ont pu penser, 
avec des chances de certitude, qu'une même ci- 
vilisation fleurissait, à ce même moment, autour 
de la mer Noire et de la mer Egée. 

Malheureusement, au point de vue anthropo- 
logique, nous n'avons, des périodes préhistori- 
ques et protohistoriques, que très peu de docu- 
ments. Ils sont même tellement insuflisants,pour 
une aussi grande étendue de territoires, qu'au- 
tant dire que nous n'avons presque rien. Les 
populations des kourganes russes paraissent 
avoir été des dolichocéphales de grande taille !. 


1. Voici, pour les lecteurs non familiarisés avec les tech- 
niques anthropologiques, quelques définitions de termes em- 
ployés dans l’article de notre collaborateur. 

L'indice céphalique est le rapport de la largeur maximum 
du crâne à sa plus grande longueur. Les crânes courts et 
larges sont brachycéphales ; les crânes longs et relativement 
étroits sont dolichocéphales. L'indice céphalique étant un 
rapport où le diamètre antéro-postérieur est réduit à 100, il 
s'exprime naturellement par des chiffres, Dans la nomencla- 
ture de Broca, les crânes dolichocéphales ont un indice infé- 
rieur à 75. Les cränes brachycéphales ont un indice supérieur 
à 83,33. Les formes crâniennes intermédiaires s'échelonnent 
entre deux. 

L'indice nasal est le rapport de le largeur à la longueur du 
nez. Sur le vivant, les individus leptorrhiniens ont un indice 


inférieur à 70, Les mésorrhiniens ont un indice compris entre 
70 et 85 et les platyrrhiniens débutent à l'indice 85. 
Û {La Réd.) 


Euc. PITTARD. — LES PEUPLES DE LA PENINSULE DES BALKANS 667 


Une petite série de squelettes provenant de la 
station de Cueuteni en Moldavie, et que j'ai étu- 
diés à l’université de Jassy, renferment déjà des 
mésaticéphales et un sous-brachycéphale. Si 
nous pouvions étendre cette observation à la 
péninsule des Balkans, elle enlèverait toute unité 
au groupe humain qui l’habitait à la période néo- 
lithique. IL est préférable de ne pas utiliser ces 
matériaux en vue d’une généralisation. Mais il 
faut insister auprès de tous les fouilleurs, de tous 
les archéologues, de tous ceux qui, pour une rai- 
son ou une autre, pourraient découvrir des sque- 
lettes préhistoriques ou protohistoriques dans la 
presqu'ile des Balkans, et les supplier de les con- 
server. Ce sont les seuls documents susceptibles 
d'établir l’ethnogénie des populations balkani- 
ques. Les archéologues de la Grèce — je veux 
dire, tous ceux qui ont travaillé en Grèce — sont 
impardonnables d’avoir laissé perdre les maté- 
riaux d'étude les plus précieux. Ils avaient de- 
vant eux les œuvres exhumées; ils ont délaissé 
les ouvriers qu'ils trouvaient à côté. Cette erreur 
scientifique est cause que nous ne savons pas en- 
core à quel groupe ethnique appartenaient les 
admirables artistes de la Grèce et de l'Asie mi- 
neure hellénique. Elle est cause également que 
nous ne pouvons rien dire, du point de vue an- 
thropologique, des successions de civilisations 
de la Grèce classique. Et cette observation, hé- 
las! peut être étendue à toute la péninsule des 
Balkans. Dans l’état présent de nos connaissan- 
ces, il est impossible derattacher les populations 
actuelles aux populations d’autrefois. 


# 


La péninsule des Balkans offre un champ ma- 
gnifique d'observations anthropologiques. Il y a 
d’abord à connaitre tout le vaste chapitre des po- 
pulations préhistoriques et protohistoriques, 
dans leur oräre de succession chronologique, 
et établir, pour chacune d'elles, leurs caractères 
ethniques. Je crois que la Bosnie-[lerzégovine est 
le pays balkanique qui, aujourd’hui, grâce aux 
missionnaires scientifiques du Landesmuseum 
de Sarajevo, a la possibilité d’aligner le plus 
grand nombre d'informations. Après elle, vient 
la Roumanie. 

Ensuite,ilfaudra établir la physionomie ethni- 
que des divers groupes de Barbares qui ont en- 
vahi la péninsule. Enfin, arrivés au seuil des 
temps modernes, les anthropologistes devront, 
dans une vaste enquête systématisée, relever les 
caractères somatologiques des habitants de cha- 
cune des parties de la presqu’ile. Nous pouvons 
assurer de belles récoltes à ceux qui entrepren- 
dront cette étude, vraiment passionnante. La 


Roumanie et la Bulgarie sont actuellement, de 
tous les pays balkaniques, ceux qui à cet égard 
sontles mieux connus. 

Au cours de cinq voyages dans la péninsule 
des Balkans, j'ai recueilli plus de cent mille 
notations anthropométriques et descriptives, et 
je crois pouvoir dire que bien des problèmes 
ethniques ont surgi, de ce fait, à mon horizon. 
Certains groupes ethniques de la péninsule sont, 
au point de vue de l’histoire de la presqu'ile des 
Balkans — et d’ailleurs de tout le bassin de la 
Méditerranée orientale — d’un intérêt capital : 
les Albanais, les Roumains, pourraient être 
donnés comme exemple. Tous les autres aussi 
d’ailleurs. 

Dans tous les cas, il est parfaitement certain 
que la péninsule des Balkans n’est pas habitée 
par des hommes d'une origine commune. Plu- 
sieurs groupes ethniques primitifs, plusieurs 
races, ou plusieurs unités anthopologiques, 
comme on voudra, ont participé à la constitution 
des peupes balkaniques et ils se sont juxtaposés, 
mélangés, triturés, dans desproportionsque nous 
ignorons encore. Les groupes humains can- 
tonnés dans les territoires qui s'appellent aujour- 
d'hui la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, 
l’Albanie, la Serbie, la Roumanie, la Bulgarie, la 
Turquie, la Grèce, sont loin de représenter, 
chacun d'eux, une de ces unités anthropologi- 
ques. Puis, au milieu d’eux, il ÿ a des nomades, 
les Tsiganes. Nos documents, tout incomplets 
qu'ils sont, nous permettent déjà, avec certitude, 
cette première aflirmation d’hétérogénéité. Il 
reste à savoir combien de groupes humains ont 
participé à la formation de la population actuelle, 
la manière dont ils sont rassemblés dans la 
péninsule et, pour les populations les moins 
homogènes, essayer de 
déceler la proportion des types divers qu’elle 
renferme. 

Quand cette première partie de la tâche sera 
achevée, il restera à rattacher ces populations à 
chacun de leurs ancêtres primitifs. Cette tâche 
sera surtout dévolue à nos descendants, mieux 
informés que nous. 


somatologiquement, 


* 


La Bosnie-Herzégovine a déjà été l’objet, dans 
cette Revue!, d'une série d'importants articles, 
tous dus à des spécialistes et constituant une 
sorte de monographie générale de ces deux 
régions, géographiquement si différentes. Il faut 
constater, cependant, que, dans cette série d’étu- 
des, l'anthropologie a été quelque peu sacrifiée. 


1. Voir la Revue des 30 mars et 15 avril 1900. 


668 Euc. PITTARD. — LES PEUPLES DE LA PÉNINSULE DES BALKANS 


Dans la péninsule des Balkans, le groupe Bos- 
niaque et Herzégovinien (et je crois tout à fait 
qu'on peut, à cet égard, lui adjoindre le groupe 
Monténégrin) constitue un élémenthumain ayant 
une physionomie à lui, différant, dans son ensem- 
ble, de celle de ses voisins balkaniques. Il est ca- 
ractérisé par la plus haute stature moyenne de 
toute la péninsule (1 m. 72), en même temps que 
par une brachycéphalie très accentuée (indice 
céphalique moyen 85,7, d’après Weisbach). 

La proportion des hommes très grands est con- 
sidérable, ce qui donne à cette population une 
remarquable unité. Après les Ecossais, qui, dans 
l’état actuel de notre documentation, sont les 
hommes les plus grands de la Terre (les Ecos- 
sais du Galloway ont plus de 1m. 78 comme 
stature moyenne), viennent— sur tout l’espace de 
l'Europe — se placer les Bosniaques-Herzégovi- 
niens. Et les Herzégoviniens sont même plus 
grands que les Bosniaques. Ce fait mériterait 
d'être examiné de près. La qualité géographique 
de l'Herzégovine, si différente dela Bosnie, et cer- 
tainement beaucoup plus pauvre, pourrait être 
rapprochée de cette différence somatologique. 
Ceux qui étudient l'influence du milieu sur la 
taille ont là un intéressant terrain de discus- 
sion. 3 

Dans la carte de Deniker !, la couleur employée 
pour représenter la haute stature des Bosnia- 
ques-Herzévoviniens est la seule de cette teinte 
dans tout l’orient de l’Europe. Pour la retrouver, 
il faut aller chez les Lives de la Baltique, dans 
quelques endroits de la Scandinavie et dans les 
iles Britanniques. Au nord de la Bosnie, une 
influence ethnique, venue vraisemblablement de 
la Mésopotamie Slavone, diminue un peu la taille 
moyenne de la population. Tous les voyageurs 
qui ont traversé la Bosnie et l’Herzégovine ont 
été frappés par la beauté physique des habitants 
de ces contrées, qu'il s'agisse des Croates (catho- 
liques), des Serbes (orthodoxes), ou des Tures 
(musulmans). Etle costume, toujours très seyant, 
fait valoir la haute stature et l'harmonie des 
formes. Les soldats Bosniaques-Herzégoviniens 
constituent les plus beaux régiments des armées 
de François-Joseph. 

L'indice céphalique des Bosniaques-Herzé- 
goviniens oscille autour de 85, ce qui repré- 
sente une brachycéphalie élevée. J’ai étudié tous 
les crâänes que possède le Landesmuseum de 
Sarajevo et la série en est déjà imposante. L'Her- 
zégovinien est plus brachycéphale que le Bos- 


niaque, et l'Herzégovine possède aussi une 


1. Nous utiliserons dans ce paragraphe les documents 
rassemblés par Deniker. 


proportion d'individus très brachycéphales plus 
grande que la Bosnie. Nous retrouvons icile phé- 
nomène déjà observé à propos de la taille. Le 
voisinage de la Croatie et de la Slavonie a mo- 
difié le type céphalique du Bosniaque du nord, 
tandis que l'Herzégovinien n’a pas subi au même 
degré les métissages. 

Les Bosniaques-Herzégoviniens, dans leur en- 
semble, appartiennent à la race Adriatique, qui 
associe à la haute stature et à la brachycéphalie 
des yeux et des cheveux foncés. On les considère 
volontiers comme les descendants des Illyriens. 
Mais il faut dire que nous ne connaissons pas 
grand’chose des caractères anthropologiques de 
ceux-ci. 


+ 
% + 


Le Monténégro est, anthropologiquement, très 
peu connu. Je l’ai trop rapidement parcouru pour 
faire des observations anthropométriques sérieu- 
ses. Les quelques Monténégrins que j'ai mesurés 
étaient tous des hommes de très haute stature et 
tous étaient fortementbrachycéphales. D'ailleurs 
la simple traversée du Monténégro, de Cattaro à 
Scutari d'Albanie, un séjour même rapide à Cet- 
tigné, suffisent pour se convaincre de la stature 
remarquablement élevée des Monténégrins et de 
leur physionomie ethnique générale, car celle-ci 
est uniforme. Je crois pouvoir dire — des études 
ultérieures le confirmeront sans doute — qu'on 
peut rattacher les Monténégrins, par l’ensemble 
de leurs caractères somatologiques, aux Bosnia- 
ques-Herzégoviniens. Peut-être pourrait-on en- 
core rattacher à ces trois groupes un certain 
nombre — mais un petit nombre, je suppose — 
de Serbes et d’Albanais. 


Jusqu'il y a très peu de temps, les caractères 
anthropologiques des Serbes nous étaient pres- 
que inconnus. Des chiffres peu utilisables de 
Lazarewitch relatifs à la taille, quelques indica- 
tions dues au prince Wiazemsky, concernant la 
couleur des yeux et des cheveux et celle de la 
peau (et aussi quelques chiffres de tailles) chez 
les Serbes de Serbie, constituaient à peu près 
toute la documentation mise entre les mains des 
ethnologues. Il n’existait aucune indication 
capable de nous renseigner sur les caractères de 
l'indice céphalique. Etant donnée cette pénurie 
de renseignements, ma petite série de 117 Serbes 
représente presque une fortune. 

La taille des Serbes est élevée (1 m. 70 à 1 m. 71 
probablement). Cette stature est un peu infé- 
rieure à celle des Bosniaques-Herzégoviniens, 
leurs voisins immédiats de l’ouest. En outre, ces 


Euc. PITTARD. — LES.PEUPLES DE LA PÉNINSULE DES BALKANS 669 


derniers ont une proportion d'individus très 
grands bien plus considérable. 

L'indice moyen des Serbes est de 80,42. Il in- 
dique la sous-brachycéphalie. Beaucoup de Ser- 
bes sont dolichocéphales.Parces deux caractères, 
ils s'éloignent tout à fait de leurs voisins du 
nord, de l’autre côté du Danube, les Magyars.Ces 
derniers sont des brachycéphales de petite taille. 

Il y a même, parmi les Serbes, plus de dolicho- 
céphales que de brachycéphales. Et c'est la rai- 
son pour laquelle nous avons dit tout à l'heure 
que, si des liens de parenté unissaient certains 
Serbes avec les Bosniaques-Ilerzégoviniens, ces 
Serbes devaient être en petit nombre. C'est aussi 
cette raison, nous le verrons plus tard, qui empèê- 
che de considérer certains Albanais comme les 
parents ethniques des Serbes. 

En même temps qu'ils sont sous-brachycé- 
phales,les Serbes sont des mésorrhiniens. Ilsont 
aussi fréquemment les yeux bleus ou gris. En 
additionnant les trois teintes : gris, gris bleu et 
bleu, j'obtins une proportion de 59,7 % d’indivi- 
dus possédant ces caractères. Les Serbes ont 
fréquemment lescheveuxchâtains (40 % }etbruns 
(32 % }, tandis que, chez eux, les cheveux blonds 
sont rares (8 %). Leur nez est droit dans la majo- 
rité des cas.Mais souvent —et ceci estintéressant 
à constater à cause de l’origine soi-disant slave 
attribuée aux Serbes — le nez de cette population 
est relevé à son extrémité. 

Quelle est l’origine ethnique des Serbes? Dans 
l’état actuel de nos connaissances, il est impos- 
sible de tenter même une esquisse de leur parenté 
avec les populations préhistoriques ou protohis- 
toriques de la péninsule. Mais, si l’on essaie de 
les apparenter aux peuples barbares qui envahi- 
rent les pays balkaniques du 1v° au ve siècle, 
nous pouvons, historiquement et linguistique- 
ment, les rapprocher des tribus slaves appelées 
par Heraclius, Mais alors ces Serbes nesont pro- 
bablement pas les parents des Croates attirés 
en même temps qu'eux. 

D'autre part, pour ce qui concerne les Slaves 
de la Russie, nous savons qu’en dehors de quel- 
ques groupes de taille relativement haute, — des- 
cendants des Varègues scandinaves — ils sont 


tous, en moyenne, de taille très inférieure à celle 
des Serbes. 


_ Les Roumains n'occupent pas seulement dans 
la péninsule des Balkans le territoire des an- 
ciennes principautés et celui dela Dobroudija qui 
forment aujourd’hui le royaume de Roumanie. 
Quelques-unes deleurs colonies sont disséminées 
au nord du Danube, en Serbie, en Bulgarie, en 


KEVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 


Thrace, en Macédoine, et jusqu'’autour du Pinde, 
où ils forment un massif compact. Ces Roumains 
du sud péninsulaire sont appelés par les Grecs 
Koutzo-Valaques ou Tzinzares. Jusqu'à présent 
les Roumains du royaume ne les ont pas aban- 
donnés. Entre autres choses, ils ont institué 
pour eux des écoles roumaines, où la langue mé- 
tropolitaine assure à ces enfants éloignés de la 
mère patrie les liens que donne une éducation 
semblable créant des traditions identiques, Au 
nord et à l’ouest de la frontière royale, il y a les 
masses compactes des Roumains de Transylvanie 
et du Banat ; à l’est ceux de Bessarabie. 

Naguère, la science était aussi dépourvue de 
documents anthropologiques au sujet des Rou- 
mains qu'au sujet des Serbes. Dans le texte 
accompagnant sa carte de l’indice céphalique en 
Europe, Deniker n’a rien pu mentionner qui se 
rapporte aux Roumains du royaume. Les maté- 
riaux qu'il a utilisés concernent les Roumains 
de Bulgarie et d’Autriche-Hongrie. 

J’ai examiné et mesuré au moins un millier de 
Roumains, mais comme j'espère poursuivre 
encore plus complètement mon enquête à leur 
sujet, je n’ai pas encore mis en œuvre tous ces 
matériaux. Je n’ai publié jusqu'à présent que les 
études de cinq ou six séries de crânes mesurés 
en divers lieux de la Roumanieetles indications 
fournies par l'étude anthropométrique de 
180 Roumains des deux sexes (la série féminine 
est très petite). 

Les Roumains recherchent leurs origines ethni- 
ques parmi les Gètes et les Daces romanisés 
par Trajan. Historiquement, les auteurs admet- 
tent volontiers que les Roumains sont les descen- 
dants des Daces, auxquels se mêlerent des colons 
venus d'un peu partout, attirés par l'empire. 
Les chroniques indigènes racontent qu’au mo- 
ment des invasions barbares le noyau du peuple 
roumain s'était réfugié dans le Marmarosch (Car- 
pathes hongroises), d’où, plus tard, il descendit 
vers les plaines dusud-est pour fonder définiti- 
vement la Roumanie actuelle. Les pasteurs 
transhumants qu'on rencontre à la tête de leurs 
moutons dans le Baragan et dans la Dobroudja 
accomplissentencore aujourd'hui le mème trajet. 
Le peuple roumain a toujours eu les regards 
tournés vers les Carpathes de Transylvanie, où 
il considère que se trouvent ses origines. Dans 
la guerre actuelle, il n'oublie pas ce souvenir. 

Du point de vue anthropologique, il serait 
d’un très grand intérêt d'étudier la population 
roumaine de la région montagneuse et de la com- 
parer avec celle de la plaine. J'ai esquissé une 
étude de ce genre, et j’en dirai deux mots tout à 
l'heure. 


t 


670 


Euc. PITTARD. — LES PEUPLES DE LA PÉNINSULE DES BALKANS 


Les caractères anthropologiques des Roumains 
sont en gros les suivants : taille moyenne 1 m. 65; 
indice céphalique 82,92: indice nasal 69,90. Cha- 
maeprosopie (face relativement courte et large). 

Le chiffre indiqué pour la taille moyenne con- 
firme ce que nous savions jusqu'alors de ce 
caractère, pour ce qui concerne les Roumains en 
général. Les Roumains du Banat paraissent plus 
petits (1 m. 63) et les Roumains de Bukovine 
plus grands (1 m. 67). 

Dans l’ensemble de notre série, il y a incom- 
parablement plus d'hommes dont la stature est 
grande que d'individus dont la stature est petite. 
La moyenne du groupe ethnique estobtenue non 
pas par un ensemble à peu près homogène, mais, 
au contraire, grâce à la compensation réciproque 
des hautes et des petites statures. Rien que cette 
constatation signale l'existence de populations 
mélangées se combinant pour la composition de 
la population roumaine. 

L'indice céphalique moyen indique la sous- 
brachycéphalie. Ce caractère est bien celui du 
plus grand nombre. En examinant le détail des 
diverses formes céphaliques, on constate que les 
cränes dolichocéphales sont en quantité moindre 
que les crânes brachycéphales. La majorité des 
Roumains est done bien composée par des 
hommes à crâne arrondi (les hyperbrachycé- 
phales sont même plus nombreux que les bra- 
chycéphales vrais). 

Dans les Carpathes transylvaines et dans la 
Bukovine, les Roumains ont un indice cépha- 
lique plus élevé (Himmel, Weisbach). Peut-être, 
dans notre série, les Roumains de la plaine, 
surtout ceux des bords du Danube, sont-ils plus 
souvent dolichocéphales ? — Résultats de mélan- 
ges avec les populations bulgares ou bulgarisées 
— ou serbes? Ou plus souvent mésaticéphales, 
résultats de métissages ? 

En séparant les Roumains de la montagne et 
ceux de la plaine, je constate que les premiers 
sont plus brachycéphales que les seconds. Si les 
suppositions historiques correspondent à la 
réalité, le type physique des Roumains vérita- 
bles devrait être, entre autres choses, caractérisé 
par la brachycéphalie. 

En même temps qu'ils sont brachycéphales, 
les Roumains du royaume sont leptorrhiniens. 
Chez eux, la platyrrhirie est rare. Ils ont géné- 
ralement les yeux bruns (51,4°/;), assez souvent 
gris ou gris mêlé de brun. Les yeux bleus (8,9!°/;) 
et les yeux gris {8,9°/;) ne sont pas très rares. 
Les cheveux des Roumains sont ordinairement 
foncés, beaucoup moins souvent (18°/;) châtains, 
rarement blonds (2,7 °/,). Leur nez est générale- 


ment droit ‘512/;) maïs, fréquemment, ce nez 


d’abord droit, c’est-à-dire non excavé à la racine, 
se relève à son extrémité. Ÿ aurait-il là un souve- 
nir d’une influence slave ? 


* 
XX % 


Les Bulgares ne constituent certainement pas 
un groupement ethnique homogène. Les pre- 
miers travaux des anthropologistes l’ont immé- 
diatement démontré. Les diverses régions du 
royaume de Bulgarie — pour ne pas sortir de 
cette circonscription géographique — renferment 
des hommes issus de diverses origines. Ils se rat- 
tachent d’une part aux autochtones, descendants 
des Néolithiques que trouvèrent les premiers 
Barbares en arrivant dans ce pays, et, d'autre 
part, à ces Barbares eux-mêmes. Il existe vrai- 
semblablement chez les Bulgares, dans des pro- 
portions qui ne sont pas égales, deux types 
principaux dont il s'agira de rechercher les 
liens héréditaires. 

Lorsque l'invasion bulgare s’est avancée dans 
la péninsule des Balkans, quelle était la physio- 
nomie ethnique de ces envahisseurs ? Son image 
était-elle pure ? Ou reflétait-elle déjà l'existence 
d'un métissage ? Voilà ce que nous ne savons pas. 
Nous pouvons essayer, à l'aide de nos enquêtes 
anthropologiques personnelles, de nous repré- 
senter quel pouvait être, probablement, le fa- 
cies des bandes bulgares qui, successivement, 
s’étendirent sur la presqu'ile. On sait que leur 
pénétration vers le sud a été très forte ; du moins 
l’histoire nous l’aflirme. Aujourd’hui, il existe 
probablement des groupes bulgares, originaires 
de ces bandes, disséminés en dehors du terri- 
toire délimité par le traité de Bucarest. Sont-ce 
des Bulgares au sens anthropologique de ce 
mot? Nous n’en savonsrien. Les visées politiques 
consistant à réclamer, pour les faire entrer dans 
le giron national, des populations bulgaropho- 
nes, sous le prétexte que ces populations sont 
bulgares de race, ne sont, au point de vue scien- 
üifique et à cause de l’état présent de nos con- 
naissances, qu'une chimère : pour lui donner de 
la puissance, on la revêt d’oripeauxethnologiques. 

Cette observation s'applique d’ailleurs à tous 
les essais de même nature qui, surtout depuis la 
guerre de 1877-1878, ont été tentés par les divers 
groupes politiques de la péninsule des Balkans. 

Entre le troisième et le sixième siècles, de 
nombreuses bandes de Bulgares ont traversé le 
Danube. L'une d'elles, d'origine « finno-oura- 
lienne » — ce qui est terriblement vague — a su 
fonder un État solide. Après avoir vécu longtemps 
dans la Sarmatie, les Bulgares s'étaient avancés 
vers la péninsule des Balkans. C’est vers 485 
probablement qu'ils s’établirent dans la Moldavie 


dun 


NP PT 


SE - 


Euc. PITTARD. — LES PEUPLES DE LA PÉNINSULE DES BALKANS 


671 


et dans la Valachie orientale (Obédénare). Après 
le départ des Ostrogoths, ils s'écoulent vers le 
sud. 

Les Bulgares qu’on trouve, au vie et'au vu‘ siè- 
cles, répandus dans la Macédoine et l'Épire, 
sont-ils véritablement des Bulgares, ou des Bul- 
garisés? Quelle est la part des Slaves, qui don- 
nèrent aux Bulgares leur langue, dans la compo- 
sition somatologique du groupe bulgare? Une 
foule de problèmes se posent. Certains historiens 
admettent qu’au 1x° siècle la population Slavo- 
Bulgare ne formait plus qu'un seul bloc, ethno- 
graphiquement et linguistiquement homogène. 
Cela n’est pas pour simplifier le problème. 

Depuis l'invasion ottomane, des peuples asia- 
tiques divers ont été installés par les sultans dans 
les territoires de la Bulgarie actuelle : des 
Tatars, des Tcherkesses, des Tures Osmanlis. 
Malgré divers auteurs qui ont cru pouvoir retrou- 
ver, dans les types physiques de la population 
bulgare, la preuve de mélanges — par exemple 
les Bulgare-Tatars d'Obédénare — nous ne pou- 
vons apporter à l’appui de cette assertion aucun 
témoignage anthropologique. 

Jusqu'en 190%, les documents somatologiques 
relatifs aux Bulgares étaient véritablement insuf- 
fisants. À ce moment-là, Wateff a publié les 
premiers résultats de la grande enquête qu'il a 
instituée pour connaitre les caractères anthropo- 
logiques de ses concitoyens. Personnellement, 
j'ai étudié de nombreux Bulgares, mais je n'ai 
publié que deux travaux les concernant (en 1901, 
avant Wateff, une étude de 61 individus; en 1914, 
une étude de 250 individus, dont 50 femmes). Je 
vais résumer ci-dessous ce que l’on sait actuelle- 
ment des caractères anthropologiques de ce 
groupe ethnique. 

La taille moyenne des Bulgares est de 1 m. 66. 
Peut-être les Bulgares de Macédoine sont-ils un 
peu plus grands : 1 m.67(?). Les statures relative- 
ment basses (tailles petites et au-dessous de la 
moyenne de la nomenclature) sont beaucoup 
moins fréquentes que les tailles au-dessus de la 
moyenne et les grandes tailles. Ces dernières, 
chez les Bulgares que j'ai étudiés, sont dans la 
proportion de 65°/,. 

L'indice céphalique des Bulgares doit osciller 
autour de la moyenne 79. La grande série de 
crânes mesurés par Wateff et les individus 
vivants examinés par le même auteur donnent 
des résultats semblables. Mes recherches per- 
sonnelles confirment cette indication. La sous- 
dolichocéphalie moyenne des Bulgares me paraït 
provenir de la présence d’une assez grande quan- 
tité d'individus à crâne vraiment dolichocéphale. 
Dans ma propre série, j'en trouve une proportion 


de 54°/,, tandis que les formes brachycéphales 
ne représentent que le 34°/ de la masse ethnique. 
On voit que, dans la formation du groupe ethni- 
que hétérogène portant le nom de Bulgares, ce 
sont des hommes à crâne allongé qui ont joué le 
rôle principal, C’est ce type-là que Kopernicki 
considérait comme le représentant de la race 
pure, celui qui, pour Obédénare, aurait été do- 
miné par les Bulwares-Tatars. 

Les proportions des diverses formes céphali- 
ques trouvées par Wateff ne sont pas les mêmes 
que les miennes ; mais sa classification n’est pas, 
non plus, la même. Il à rencontré un nombre 
plus grand de brachycéphales que moi. D'’ail- 
leurs, j'ajoute qu’à moi-même uneétudeancienne 
de 61 Bulgares de diverses régions de la Bulga- 
rie m'avait donné une majorité de brachycé- 
phales. Au surplus, pour le moment, peu im- 
portent ces divergences, au point de vue du résul- 
tat général, qui est de constater queles Bulgares 
sont un peuple parfaitement hétérogène, 

Si nous cherchons, parmi les voisins des Bul- 
gares, ceux qui présentent un indice céphalique 
rapproché de l'indice céphalique moyen fourni 
par les sujets du tzar Ferdinand, nous ne trou- 
vons que les Serbes qui, historiquement, ont tou- 
jours vécu à côté d'eux. 

La couleur dominante des yeux, chez les Bul- 
gares, est le brun, puis vient le gris. Les iris 
bleus ne sont pas rares. En ajoutant ces deux 
pigmentations peu prononcées, nous trouvons 
une proportion de 37%. L'enquête de Wateff 
donne des résultats à peu près semblables. 

Les cheveux des Bulgares sont souvent bruns 
et châtains. Les cheveux blonds sont exception- 
nels. Au contraire de moi, Wateff a trouvé beau- 
coup de Bulgares ayantdes cheveux blonds. Mais 
cette différence entre les résultats provient, en 
bonne partie, de ce que l’auteur bulgare a observé 
un grand nombre d'enfants chez qui les che- 
veux sont blonds dans la prime jeunesse, pour 
devenir, plus tard, foncés. C’est là un phénomène 
fréquent dans les populations européennes. 

L'examen de la forme du nez indique surtout 
des nez droits. Après ceux-là, ce sont les nez 
relevés à leur extrémité qui sont les plus com- 
muns. 

Il résulte donc de toutes ces constatations 
somatologiques : taille, indice céphalique, pig- 
mentation — nous pourrions en ajouter d’au- 
tres — que les Bulgares ne représentent pas un 
type anthropologique pur, une race. Ils sont 
composés par un mélange ethnique dans lequel 
le type dit slave doit avoir joué mi un rôle por- 
tant. 


672 


Euc. PITTARD. — LES PEUPLES DE LA PÉNINSULE DES BALKANS 


Parmi les peuples balkaniques, les A/banais 
constituent un problème ethnologique d’un très 
haut intérêt. L'origine de cette population est 
une des plus indéchiffrées.Des ethnographes, de 
l’ordre linguistique, comme de Hahn et Lejean, 
les considèrent comme les descendants des an- 
ciens Illyriens. Mais qui étaient ces Illyriens? 
D’autres auteurs, Albanais eux-mêmes comme 
Adamidi, les appellent les Pélasges du Nord. On 
sait que le fleuve Skhoum (Scombi, Genesus) sé- 
pare les Albanais en deux groupes géographi- 
ques : ceux du nord sont les Guègues; ceux du 
sud sont les Toskes. Ces Guègues (Ghègues) sont 
musulmans ou catholiques, les Toskes sont mu- 
sulmans ou orthodoxes. 

On signale des colonies albanaïises assez nom- 
breuses en dehors du territoire de l’Albanie bal- 
kanique, entre autres dans la Bessarabie et dans 
la Grèce, L'Italie du sud renferme des colonies 
albanaises (l’ancien ministre Crispi se réclamait 
de cette origine). Mais je crois pouvoir affirmer 
que ces colonies italiennes ne sont pas peuplées 
par des Albanais de race. Leurs caractères an- 
thropologiques sont loin d’être semblables à 
ceux des Albanais de la péninsule des Balkans. 

Les documents concernant la somatologie des 
Albanais sont rares. C’est qu’aussi on n'entre pas 
en Albanie comme au moulin. Un voyage secien- 
tifique dans ce pays est une chose plutôt malai- 
sée, C’est pourquoi, avant 1910, on ne connais- 
sait que l’étude de deux séries d'individus vivants: 
celle de Glück (30 Albanais provenant surtout 
des districts de Prizrend et de Djakova) et la 
mienne (25 Albanais de régions diverses). On 
peut y ajouter 17 hommes dont la taille a été 
mesurée par Weisbach. 

Nos connaissances purement craniologiques 
étaient encore moins riches. En 1910, j'ai publié 
le résultat d'un examen somatologique de 112 Al- 
banais. C’est, j'imagine, encore aujourd’hui, la 
plus grande série connue. 

La taille des Albanais, ceux-ciétant considérés 
en bloc, sans aucunespécification géographique, 
est de 1 m.67. Les Ghègues paraissent être plus 
grands que les Toskes. Mais une confirmation 
définitive de ce fait paraît nécessaire. NH y a chez 
les Albanais extrémement peu d'individus de 
petite stature. En suivant les indications de la 
nomenclature (Topinard), je n’en trouve que 
9 % ,tandisquelestaillesau-dessusde la moyenne 
et les grandes tailles sonttrès nombreuses(66 % ). 
Evidemment les Albanais sont moins grands que 
leurs voisins, les Bosniaques-Herzégoviniens et 
les Monténégrins. Ils sont aussi moins grands 


queles Serbes,mais ils dépassent — lésèrement— 
la stature des Grecs qui sontleurs voisins dusud. 
Rappelons que les Toskes qui sont au midi du 
Skhoum, et par conséquent les plus proches voi- 
sins des Grecs, paraissent avoir une taille plus 
petite que celle des autres Albanais. 

Le crâne des Albanaïs est très nettement bra- 
chycéphale. C’est le plus brachycéphale de toute 
la péninsule des Balkans. Son indice céphalique 
moyen (86,36) dépasse celui des Bosniaques- 
Herzégoviniens, qui sont pourtant fortement 
brachycéphales. 

Lorsqu'on examine individuellement l'indice 
céphalique des Albanais, on constate queles erà- 
nes dolichocéphales sont rares dans ce groupe 
ethnique, ce qui confirme déjà, d’une facon pé- 
remptoire, les caractères fournis par l'indice 
moyen. Sur 112 hommes, je n'en trouve que 10 
qui auraient un crâne de ce type (y compris la 
sous-dolichocéphalie), tandis que le 79,5 % dela 
série est brachycéphale. 

Les Toskes paraissent être plus brachycéphales 
que les Ghègues, etaussi plus souvent brachycé- 
phales qu'eux (88 % contre 66 %). 

Ainsi, en associant deux caractères,les Toskes 
seraient un peu moins grands,mais plus brachy- 
céphales que les Ghègues. 

Les Albanais, à quelque groupe qu’ils appar- 
tiennent, ont les yeux généralement bruns (58 % ). 
Un petit nombre d'individus ont les yeux bleus 
(9%). Les cheveux des Albanais sontfoncés ou 
très foncés : les cheveux noirs, bruns foncés et 
bruns, réunis, représentent le 78,4 % ; ils sont 
rarements blonds (4 %). Leur nez est droit avec 
tendance à l’aquilinie, ou franchement aquilin. 
Ces types représentent la majorité des cas (85 %}. 

Les Albanais paraissent avoir des crânes abso- 
lument et relativement peu développés. Ce sont 
les crânes les moins grands que nous ayons 
trouvés dans la péninsule des Balkans. Les Alba- 
nais sont des hommesdestature élevée possédant 
de petites têtes. Peut-être ce caractère pourra= 
t-il être utilisé ethnologiquement ? 


* 


Le traité de Berlin, puis la guerre de4913, ont 
considérable nent diminué le domaine politique 
des Turcs en Europe. Petit à petit les Ottomans 
suivent, dans le sens inverse, le chemin ouvert 
par leurs ancêtres dans l’Europe orientale. Néan- 
moins il reste, à peu près partout dans la pénin- 
sule, des contingents plus ou moins considé- 
rables de Turcs. Ils composent une partie de 
l'élément rural de da Dobroudja, de la Bulga- 
rie, de la Macédoine, etc. C'est une population 
travailleuse, calme, éminemment honnête; la 


Euc. PITTARD. — LES PEUPLES DE LA PÉNINSULE DES BALKANS 673 


prohibition de l'alcool leur assure des qualités 
qu'on chercherait en vain chez les Européens 
autour d'eux. 

Si les Tures se maintiennent encore, par-ci par- 
là, dans leurs anciens territoires, il n’en reste 
pas moins qu'ils ont beaucoup diminué dans 
l’ensemble de la Presqu'ile. Fréquemment, en 
pleine steppe,on rencontre des cimetières turcs 
abandonnés sans aucune trace de villages aux 
environs. Les noms mêmes des localités turques 
s'effacent du souvenir; ils sont remplacés par 
d'autres noms : bulgares, on grees, ou serbes, 
au roumains, 

L'étiquette à la fois politique et religieuse de 
Ture n’est qu'une étiquette. Elle n’exprime pas 
un résultat scientifique. Les caractères hétéro- 
gènes de la population turque s’expliqueraient 
déjà, en dehors de toute recherche anthropologi- 
que, par le rappel de l’histoire. En Asie, les con- 
quêtes des Sultans ont placé sous le nom ture 
des peuples de noms divers aux physionomies 
ethniques très différentes. Ordinairement, on 
fait entrer dansla «race turque » des populations 
variées répandues sur de vastes espaces en Asie, 
en Europe, dans l'Afrique du Nord, qui parlent 
des dialectes tres ou turco-tatars. 

Sans entrer dans le détail de cette répartition, 
nous allons esquisser rapidement ce que l’on sait 
des caractères anthropologiques des populations 
turques de la Presqu'île des Balkans en formulant 
encore ‘cette réserve : la Péninsule renferme des 
groupes humains inscrits sous le nom de Tures 
et qui historiquement sont simplement des isla- 
misés:;les « Turcs » de Bosnie-Herzégovine, les 
Pomaks de Bulgarie, ete, Ils sont rangés aujour- 
d'hui sous le drapeau du Prophète, mais leurs 
ancêtres n’ont jamais appartenu aux populations 
qui ont envahi la Péninsule à la suite de Maho- 
met II. Les caractères morphologiques de ces 
Turquisés ne seront pas analysés ici. 

Jusqu'à ces dernières années, les Tures d’Asie 
(grâce aux travaux de Chantre, d’'Eliséef, de von 
Luschan) étaient mieux connus que les Tures 
d'Europe, Ces derniers avaient été l’objet de deux 
ou trois petites études ; quelques crânes, de mo- 
destes séries d'individus vivants (Bassanovitch: 
42 Turcs de Bulgarie; Weisbach : 44 Tures di- 
vers). Au cours de mes voyages, j'ai mesuré des 
centaines et des centaines de Tures. Je donne ici 
les résultats d’une analyse anthropométrique de 
300 Osmanlis. 

La stature moyenne des Tures d'Europe doit 
osciller autour de 1 m. 67. Ce chiffre est en 
opposition complète avec celui précédemment 
donné (1 m. 64) et que l’on trouve dans les 
listes européennes. Deniker, sur la foi des 


renseignements qu'il possédait, a écrit : « Les 
Tures Osmanlis de l’Europe sont de petite ou de 
moyenne taille, autant qu'on en peut juger par 
les faibles séries.., ete. » Je soupçonne Bassano- 
vitch et Weisbach d’avoir, sous le nom de Tures, 
mesuré un certain nombre de Tartares. 

Dans tous les cas, les chiffres que j'indique se 
rapprochentde ceux fournis auxanthropologistes 
par les Turcs d’Asie-Mineure (Ernest Chantre : 
4 m. 71). Et j'ai le sentiment que le chiffre que je 
donne doit être plus exact que les chiffres pré- 
cédemment exposés, car j'ai essayé d'éliminer 
les causes d’erreur capables d'influencer une 
moyenne, D'ailleurs, la répartition des tailles in- 
dividuelles suffit à démontrer la réalité de mon 
observation. Les petites tailles et les tailles au- 
dessous de la moyenne n’interviennent que dans 
la proportion de 36 °/,. Les tailles au-dessus de 
la moyenne et les grandes tailles sont dans la 
proportion de 63 °/,. Le 25°/, de la série entière 
dépasse la taille de 1 m.72. La cause me paraît 
entendue. Au lieu d’être des hommes de moyenne 
et de petite taille, les Turcs Osmanlis sont des 
individus de stature élevée, 

L'indice céphalique moyendes Turcs Osmanlis 
est 82,24 (et ce chiffre doit représenter exacte- 
ment ce caractère, car je le trouve douze fois sur 
20 séries). Il marque la sous-brachycéphalie. 
Par cette indication morphologique, les Tures 
Osmanlis montrent qu'ils sont un groupe ethnis 
que mélangé. En examinant les indices indivi- 
duels, je trouve 49,5 0/, d'hommes à caractères 
brachycéphales, 260/, à caractères dolichocé- 
phales. Le quart des individus examinés étaient 
mésaticéphales, 

Les Turcs d'Asie paraissent plus nettement 
brachycéphales, Les séries de Chantre et d'Eliséef 
arrivent toutes deux au chiffre 84 pour représen- 
ter l'indice céphalique moyen, Les Ottomans de 
la Turquie d'Europe (ou de l’ancienne Turquie 
d'Europe, car celle-ci est bien diminuée |) parais- 
sent être en bonne partie des « Turquisés ». On 
en aurait encore une preuve indirecte dans ce 
fait que les crânes turcs mesurés par Ivanowski, 
dans la Roumélie Orientale, ont donné à cet au- 
teur l'indice céphalique moyen 75,4. C’est là un 
caractère de dolichoeéphalie. Or cette région 
bulgare est une zone de dolichocéphalie, et ces 
erânes prétendus turcs étaient simplement ceux 
d’islamisés dont l'origine ethnique est inconnue, 

Il faut ajouter que les Tures Osmanlis de la 
Péninsule des Balkans sont des leptorrhiniens, 
qu'ils ont les cheveux et les yeux généralement 
foncés. Cependant, chez eux, si les individus 
blonds sont exceptionnels (0,5°/,), on rencontre 
fréquemment des hommes aux yeux bleus(14°/,). 


674 Euc. PITTARD. — LES PEUPLES DE LA PÉNINSULE DES BALKANS 


Il serait intéressant de rechercher la provenance 
de ces iris clairs (il y a une forte proportion 
d'yeux gris, plus que d’yeux bleus) chez ces 
peuples orientaux. Ce caractere, d’ailleurs, n’est 
pas spécial à notre série; Chantre le relève égale- 
ment chez les Turcs d’Asie. Très rarement, on 
rencontre des Turcs ayant le nez relevé à son 
extrémité. Chez eux, c'est le nez droit qui est la 
forme normale; ensuite, c’est le nez droit con- 
duisant à l’aquilinie. 

En résumé, les Tures Osmanlis constituent un 
groupement hétérogène. C'est une 
image assez fidèle des alluvionnements humains 
qui, politiquement, ont constitué ieur nation. 


ethnique 


à 

Il serait bien intéressant de rechercher s’il 
existe une filiation entre les Grecs anciens et les 
Grecs modernes, et d'établir dans quelle pro- 
portion les Grecs d’aujourd’hui ressemblent aux 
Grecs anciens. Pour le moment, cette filiation 
est impossible à esquisser; nous avons dit pour- 
quoi dans le début de cet article : la documen- 
tation archéologo-anthropologique manque com- 
plètement. 

La petite quantité de crànes ayant appartenu 
à des Grecs anciens — qu'ils soient de l'Asie 
antérieure ou de l’Attique — a fourni un indice 
céphalique dolichocéphale aux environs de 75. 
Mais on constate déja, à ce moment-là, une pro- 
portion de 11°/,de brachycéphales. Ajoutons 
toutefois que cette série est trop faible, numé- 
riquement, pour nous permettre une conclusion 
définitive relativement à la forme de l'ovoide 
cranien des anciens Grecs. La taille moyenne 
des Grecs actuels paraît dépasser légèrement la 
moyenne européenne. Leur stature semble être 
comprise entre 1 m. 65 et 1 m. 67. Maïs les docu- 
ments que l'on possède à ce sujet sont encore 
très clairsemés. 

Les Grecs ont probablement une taille sem- 
blable à celle des Bulgares, peut-être un peu 
plus élevée que celle des Roumains; maïs leur 
stature est dépassée par celle de tous les autres 
Balkaniques. 

Le crâne grec est sous-brachycéphale (indice 
céphalique moyen 82,22), dans une série de 145 
Grecs que j'ai mesurés moi-même. Mais des 
petites, très petites séries que l’on possède (sauf 
celle de Clon Stephanos), il résulte que dans 
l’ensemble de la Grèce on remarque des variétés 
céphaliques nombreuses (exemples Epire, 
indice 88; Thessalie, 76,9; Péloponèse, 81, 7). 
L'Epire serait hyperbrachycéphale, tandis que 
la Thessalie serait dolichocéphale. 

En résumé, ce qui vient d’être démontré par 


l'indice céphalique montre qu'il ny a pas en 
Grèce de race pure. Les Grecs constituent un 
assemblage multiforme maintenu par des liens 
sociaux: politiques, historiques, religieux. On 
peut ajouter qu'au point de vue de l’histoire 
contemporaine, cette constatation ne manque 
pas d'intérêt. 

Quels sont, parmi les Grecs d'aujourd'hui, 
les descendants des Pélasges et des Hellènes? 
Sont-ce les hommes les plus petits ou les plus 
grands (il semble que la taille seule révèle la pré- 
sence de deux races principales) ? Les plus doli- 
chocéphales ou les plus brachycéphales ? Lorsque 
les fouilles seront plus intelligemment menées 
— j'entends du point de vue anthropologique — 
que celles qui ont été pratiquées jusqu'à pré- 
sent, il sera possible de répondre. 

Les Grecs, dans leur majorité, sont leptorrhi- 
niens. Dans la majorité des cas aussi, leurs yeux 
sont bruns (59,50/,). Les yeux bleus ne sont pas, 
chez eux, exceptionnels (7,5°/.). Nous avons vu 
que cette couleur n’est pas rare, non plus, chez 
les Turcs. On trouve chez les Grecs 24°/, d’indi- 
vidus ayant les iris clairs. 

Les cheveux foncés sont presque la règle uni- 
forme.Lescheveux blonds sonttrès rares (1,4°/,). 

Les Grecs ont le nez droit. C’est la forme clas- 
sique adoptée par les statuaires de l’Antiquité. 
On peut dire qu’ils ont rarement le nez relevé à 
son extrémité (13°/,). Cette dernière forme nasale 
est peut-être la persistance d’une influence 
ethnique ancienne venue du nord à l'époque de 
l'empire byzantin. 

Le sang des « Barbares » circule encore dans 
les veines d’un grand nombre d'individus qui se 
croient dégagés de cette filiation avec ces ancé- 
tres indésirables. Les sentiments se modifient par 
l'éducation, mais les caractères morphologiques, 
qui sont les caractères de race, se maintiennent 
dans leur intégrité. Quand ils sont modifiés, 
c’est dans des proportions correspondant aux 
arrivées de sangs différents. 

Comme les autres peuples balkaniques, les 
Grecs sont composés d’alluvions variées, venues 
de points divers et différents. Ils sont, pour 
partie, des Méditerranéens — et qui sait là qua- 
lité des influences subies aux périodes égéenne 
et mycénienne, par exemple? — mais ils sont 
aussi, pour partie, des hommes venus du Nord- 
Est. À ces deux éléments se sont ajoutés des 
Asiates de l'Asie antérieure — dans la Grèce con- 
tinentale comme dans l’ancienne Grèce asiatique. 
Peut-être que les Grecs d’aujourd’hui doivent à 
ceux-là une part, au moins, de leur brachycé- 
phalie ? 


Euc. PITTARD. — LES PEUPLES DE LA PÉNINSULE DES BALKANS 675 


+ 
Dans cette rapide esquisse des caractères 
anthropologiques des populations balkaniques, 
nous ne nous sommes occupés que des popula- 
tions européennes — auxquelles nous avons joint 
les Tures qui habitent la Péninsule depuis plu- 
sieurs siècles. Nous avons laissé de côté les Tatars 


parce que — bien qu'un grand nombre d’entre 
eux soient les descendants de colonies fort 
anciennes — il en est arrivé des contingents 


dans des périodes récentes. Nous avons aussi 
laissé de côté certains groupes ethniques dont 
l'importance numérique, en divers lieux, n’est 
cependant pas à dédaigner, tels les Arméniens, 
les Kurdes, les Lazes. Nous n'avons rien dit des 
Juifs. 

Mais il est un groupe humain répandu dans 
toute la Péninsuleetdont l’intérêtethnologiqueet 
social est tellement grand qu’il nous est impos- 
sible de le passer sous silence. Nous voulons par- 
ler des Tsiganes. Avec les Mocanes transylvains, 
dont la transhumance conduit les troupeaux du 
nord au sud de la Presqu’ile, les Tsiganes sont 
les seuls individus en continuelle nomadisation. 

Qui dira l'origine précise des Tsiganes? Je 
crois qu'aucune population européenne n’a été 
l’objet d'autant de recherches anthropologiques. 
La dernière liste bibliographique publiée sous 
les auspices de la Gypsy Lore Society énumère 
les titres de 4.577 travaux parus. Il est vrai que, 
dans ce nombre immense, les travaux de somato- 
logie n'entrent que pour une part très petite. 

Miklosic avait divisé les Tsiganes d'Europe en 
douze groupes. Et il évaluait leur nombre à 
600.000 (?). 

Nous ne savons pas encore à quelle époqué 
précise les Tsiganes sont apparus en Europe. 
1417 paraît être la date d’un grand exode vers 
l'occident européen des Tsiganes de la Pénin- 
sule des Balkans. Et la vallée du Danube semble 
avoir été la voie qu'ils ont suivie. De 1417 à 1434, 
ils ont abordé tous les pays européens. Ils sont 
en Suisse en 1415, en Provence en 1425, à Paris 
en 1427, etc. 

Aujourd'hui, il y a des Tsiganes un peu partout, 
mais la Péninsule des Balkans reste, sans con- 


tredit, leur terre de prédilection. Ailleurs, on les 
a obligés, plus ou moins, à devenir sédentaires. 
administration 


Sous l’'insouciante 


— heureusement pour l’ethnographe — s'est 


turque qui 


quelquefois perpétuée dans la Péninsule des 
Balkans, les Tsiganes ont pu continuer à noma- 
diser tranquillement. 

J'ai publié sur les caractères anthropologiques 
des Tsiganes de nombreux travaux. Je pense les 
coordonner prochainement et je ne fais que 
signaler ici, pour être à peu près complet, la 
présence de cette curieuse population parmi les 
autres Balkaniques. 


* 
%X % 


En résumé, la Péninsule des Balkans est habitée 
par des hommes dont la stature est élevée. La 
moyenne de la taille, pour l’ensemble des popu- 
lations balkaniques, dépasse notablement la 
moyenne de l’Europe en général. Dans la plupart 
des paysbalkaniques, c’estlasous-brachycéphalie 
qui semble prédominer. Aucun groupe ethnique 
n'est dolichocéphale. Ce sont les Bulgares qui 
possèdent la plus forte proportion (54°/, proba- 
blement) d'individus à crânes allongés. 

On pourrait se poser la question de savoir 
quelles sont, somatologiquement, les origines 
de ces diverses populations balkaniques. La 
réponse, je crois, serait prématurée. En se 
basant uniquement sur les caractères morpholo- 
giques relevés au cours de cette esquisse rapide, 
on pourrait conclure que les Balkaniques peu- 
vent trouver leurs attaches primitives dans un 
petit nombre de groupes ethniques primitifs 
{je l'ai indiqué dans une Note à l'Académie des 
Sciences, 25 mai 1915) : 1° un élément de haute 
taille faiblement dolichocéphale; 20 un élément 
également de haute taille, nettement brachycé- 
phale. Le groupe bulgaro-serbe appartiendrait 
au premier type; le groupe albanais au second. 

Mais je ne conclus pas d'une manière précise. 
Il nous manque encore trop d'éléments d’appré- 
ciation pour pouvoir formuler autre chose qu'un : 
peut-être! 

Eugène Pittard, 


Conservateur du Musée ethnographique 
de la Ville de Genève. 


676 CH. ACHARD. — Cn. BOUCHARD (1837-1945) 


CH. BOUCHARD (1837-1915) 


Le professeur Ch. Bouchard, que la mort vient 
de frapper à l’âge de 78 ans, était une des 
grandes figures médicales de notre époque et 
occupait dans la Médecine française les plus 
hautes situations. 

Né le 6 septembre 1837 
(Haute-Marne), il avait fait à l'Ecole de Lyon ses 
premières études de médecine avant de venir les 
compléter à Paris, où il parcourut rapidement 
les étapes successives de la voie des concours. 
Externe des hôpitaux en 1861, interne en 1862, 
docteur en 1866, agrégé et médecin des hôpitaux 
en 1870, il montra dès ses débuts ses aptitudes 
scientifiques en publiant des travaux sur l'iden- 
tité de l’herpes tonsurans et de l’herpes circiné 
et sur la pathogénie de la pellagre. Elève de 
Charcot, il consacra des mémoires devenus 
classiques à divers sujets de pathologie nerveuse, 
notamment aux dégénérescences secondaires de 
la moelle et aux anévrysmes miliaires dont il fit 
l’origine de l’hémorragie cérébrale. 

Appelé à succéder à E. Chauffard dans la 
chaire de Pathologie générale de la Faculté de 
Médecine, en 1879, il l’'occeupa pendant 30 ans. 
C’est là qu'il accomplit l’œuvre qui l’a fait uni- 
versellement connaitre comme un des maîtres de 
la Médecine française. 

Pour la première fais, il enseigna dans notre 
Faculté, en 1888, le rôle des microbes pathoge- 
nes. C'est également à son initiative que la chaire 
de Pathologie générale put s’adjoindre un labo- 
ratoire, d'abord très sommairement installé dans 
les bâtinrents du Musée Dupuytren, mais dont 
l’activité scientifique et le renom eurent bien 
vite montré que nulle chaire semblable ne pou- 
vait désormais se passer de cet organe essentiel. 
C’est de ce modeste laboratoire que sont sorties 
des recherches de premier ordre, faites sous la 
direction du maitre par des collaborateurs qui 


à Montier-en-Der 


bientôt gagnérent la maitrise à leur tour et parmi 
lesquels il convient de citer au premier rang : 
Capitan, Charrin, Roger. 

La pathologie des infections doit à Bouchard 
des études sur les néphrites infectieuses, la dé- 
couverte du microbe de la morve, la démonstra- 
tion de l'élimination de la toxine cholérique par 
les urines, une série de travaux sur le pouvoir 
bactéricide des humeurs et sur le rôle que jouent 
dans l’étiologie et l’évolution de l'infection les 
conditions dépendant de l'organisme (Les mi- 
crobes pathogènes, 1892). 

Ses travaux sur les maladies de la nutrition 


eurent pour objet de les rattacher à des eauses 
bio-chimiques. Il crut trouver l’origine de ees 
désordres dans un ralentissement des processus 
nutritifs et une dyscrasie acide (Maladies par 
ralentissement de la nutrition, 1882). 

Ces hypothèses n'ont pas toutes été vérifiées 
par la suite; mais on ne peut nier que cette con- 
ception chimique et humorale des maladies de 
cet ordre n'ait dirigé les chercheurs sur une voie 
fertile. Elle est venue réagir fort à propos contre 
les tendances un peu trop exclusives des ana- 
tomo-pathologistes qui, au risque de prendre les 
lésions pour les causes des maladies, s’appli- 
quaient à localiser en des organes déterminés le 
principe des troubles nutritifs. 

La question des auto-intoxications est une de 
celles que Bouchard a le plus étudiées. On peut 
même dire que c’est son œuvre maitresse, pour 
laquelle à juste titre ses collègues l’avaient pro: 
posé pour un prix Nobel. Ce sont ses recherches 
qui, patiemment poursuivies et appuyées sur de 
très nombreuses expériences, ont mis en lumière 
le rôle des poisons cellulaires, celui des poisons 
digestifs, celui des poisons microbiens élaborés 
au sein de l’économie, la toxicité des humeurs 
et des organes, le rôle pathogénique de la réten- 
tion de ces poisonsendogènes qui survient quand 
un obstacle est mis à leur élimination et à leur 
neutralisation (Leçons sur les auto-intoxications 
dans les maladies, 1887). 

Assurément certaines des expériences et des 
recherches sur lesquelles avaient été fondées ses 
conceptions premières n’ont pas résisté à une 
critique ultérieure; sans doute, la dilatation de 
l'estomac, par exemple, à laquelle il attribuait 
d’abord une importance de premier rang, n'a con- 
servé qu'une part minime dans la genèse des ac- 
cidents d’auto-intoxication; sans doute aussi 
l’antisepsie interne qu'il préconisait (T'hérapeur 
tique des maladies infectieuses. Antisepsie, 1889) 
n'a pas tenu dans la pratique toutes ses promes» 
ses théoriques. Mais du moins l’idée des auto- 
intoxicalions a-t-elle fait son chemin dans la Pa- 
thologie, qui l'invoque en maintes circonstances 
pour expliquer nombre de phénomènes morbides. 

Toujours attentif au progrès scientifique et 
toujours soucieux d'en faire bénéficier la Méde- 
cine, peu de mois après la découverte de Rônt- 
sen, Bouchard fut le premier à entreprendre 
l'exploration des organes profonds à l’aide des 
rayons X. Plus tard, il dirigea la publication d’un 
Traité de Radiologie médicale. 


Cu, ACHARD. — Cu. BOUCHARD (1837-1915) 677 


Epris de précision, l’un de ses principaux 
soins fut de chercher des procédés de mesure 
des processus pathologiques. Ses travaux sur la 
mesure de la toxicité, sur la détermination de la 
molécule élaborée moyenne témoignent de cette 
préoccupation constante. 

Bien que son nom ne soit pas attaché à quel- 
que découverte sensationnelle, comme celle du 
microbe ou du vaccin d’une maladie répandue, 
Bouchard était universellement connu des méde- 
cins, parce qu'il à su véritablement organiser la 
Pathologie générale. Grâce à son esprit métho- 
dique, il a donné à cette science ses cadres, il y 
a mis l’ordre, condition nécessaire du progrès. 
Le magistral Traité de Pathologie générale, dont 
il a dirigé la publication et dont la seconde édi- 
tion parait avec la co-direction de son élève 
Roger, est à cet égard un monument qui n’a pas 
son égal. Il avait aussi dirigé la publication du 
grand Traité de Médecine avec Charcot et Bris- 
saud, et il avait prêté son patronage à plusieurs 
périodiques, notamment le Journal de Physiolo- 
gie et de Pathologie générale, la Revue de Méde- 
cine, la Revue de la tuberculose. 

De l’œuvre de Bouchard subsiste, plus encore 
qu'une longue série de faits d'expérience et d’ob- 
servation, la direction qu'il a donnée au mouve- 
ment médical contemporain, On lui doit d’avoir 
maintenu la Médecine dans la voie physiologi- 
que, à une époque où, d’une part, l'anatomie 
pathologique l’orientait trop exelusivement vers 
l'étude des lésions histologiques et où, d'autre 
part, le merveilleux développement de la micro- 
biologie aveuglait certains médecins au point de 
leur faire négliger, dans l'interprétation des 
phénomènes morbides de l'infection, tout ce qui 
n'était pas inhérent au germe pathogène. À la 
suite de CI. Bernard, Bouchard proclama l'im- 
portance des fonctions troublées dans la mani- 
festation des accidents morbides. Il apprit aux 
médecins, comme il le disait volontiers, à penser 
physiologiquement et non pas seulement anato- 
miquement. Il revendiqua la part de l'organisme 
dans le déterminisme de l'infection et, au rôle 
du germe, il ajouta, selon l'expression consa- 
arée, celui du terrain. Il mit encore en lumière 
le rôle des humeurs etrajeunit en quelque sorte 
l’ancien humorisme par ses études sur la toxicité 
des humeurs et surleurs propriétés bactéricides. 

Parmi les qualités du chef d'école, celle qu'il 
possédait au plus haut point était l'autorité sur 
les esprits. Aussi son enseignement par la parole 
et par le livre a-t-il marqué de sa puissante 
empreinte toutes les générations médicales qui se 
sont succédé dans notre pays depuis 35 ans, 

Mais, s’il avait le don de l’antorité, il n’était 


pas dépourvu non plus de la tendance autoritaire 
du maître qui, animé d'une conviction profonde, 
dispose des moyens de se faire écouter et d'im- 
poser letriomphe de l’opinion qu'il croit juste. 
Aussi ne connut-il pas et ne rechercha-t-il pas, 
d’ailleurs, la popularité, facile à tant d’autres 
plus souples dans leurs manières et dans leurs 
convictions. La ténacité de ses opinions sur 
l’enseignement de la médecine, en particulier sur 
la question de l'agrégation, qu'il avait fait accep- 
ter au Conseil supérieur de l’Instruction publique, 
lui valut de nombreux adversaires et même fit 
dresser contre lui la grande masse des élèves et 
des praticiens, sans que leurs attaques souvent 
violentes eussent réussi à fléchir sa tranquille 
énergie, ni à le faire dévier de la voie qu'il s'était 
tracée paree qu'il la jugeait la meilleure. Un nom 
malheureux, celui du certificat d’études médi- 
cales supérieures, parlequelil avait désigné dans 
son projet le premier degré des épreuves d’agré- 
gation, suscita surtout le tumulte. Une nouvelle 
Commission fut chargée d’étudier la réforme : 
elle effaça le mot, mais accepta la chose. 

La force de volonté dont il était doué, ses 
puissantes facultés de conception se lisaient sur 
son visage pensif, sur ses traits vigoureusement 
accusés, dans son regard pénétrant et dans l’en- 
semble de sa physionomie austère. Son abord 
était froid et son accueil quelque peu distant. 
Mais cette apparente gravité se tempérait en 
maintes occasions et n'en cachait pas moins une 
réelle bonté, dont il a donné lui-même la plus 
heureuse formule en conseillant d’être à la fois 
l’ami de ses malades et le médeein de ses amis. 

Tous les honneurs étaient venus à Bouchard. 
Membre de l'Académie de Médecine en 1886, de 
l’Académie des Sciences en 1887, président de 
l'Institut, membre du Conseil supérieur de l’Ins- 
truction publique et chargé des fonctions d'’ins- 
pecteur général des Facultés de médeeine, grand 
croix de la Légion d'honneur, il a présidé pen- 
dant cinq ans la Société de Biologie et présidait 
dès sa fondation l'Association française pour 
l'étude du cancer. 

En 1910, avant d'avoir atteint la limite d'âge 
réglementaire, il avait résigné volontairement 
ses fonetions professorales, sans cesser de sui- 
yre le mouvement scientifique. 

Viotime, il y a 3 ans, d’un accident d’automo- 
bile, il ne s'était jamais complètement rétabli. 
Ses forces avaient décliné depuis la guerre et, 
après de oruelles souffrances, il s’est éteint le 
29 octobre, près de Lyon, dans une maison de 
santé. On ne peut songer sans tristesse à sa fin 
douloureuse, loin de son foyer, parmi les an- 
goisses d’une guerre sans précédent. La tendre 


678 


sollicitude de sa compagne en fut le seul adou- 
cissement. 

La disparition de ce maître n’est pas seule- 
ment un deuil pour la science de notre pays, 
mais aussi pour la médecine universelle, car son 
nom était connu partout et respecté au delà de 
nos frontières. Plus d’une fois le professeur 
Bouchard avait été le porte-drapeau de la méde- 
cine française à l'étranger, en divers congrès 


L. BRUNET. — RAYONS X ET STRUCTURE CRISTALLINE 


internationaux, à Londres, à Rome, à Stockholm, 
au Caire. 

Les éminents services rendus, au cours de sa 
longue et laborieuse carrière, à la science et à la 
patrie assurent à sa mémoire la reconnaissance 
de la postérité. 

Ch. Achard, 


Professeur à la Faculté de Médecine de Paris. 


RAYONS X ET STRUCTURE CRISTALLINE 
DEUXIÈME PARTIE : STRUCTURE CRISTALLINE 


Dans la première partie de cet article !, nous 
avons exposé les principaux résultats obtenus 
dans l'étude des rayons X par la diffraction ou la 
réflexion sur les plans réticulaires des cristaux. 
Nous allons voir maintenant comment ces mêmes 
recherches jettent une vive lumière sur la struc- 
ture cristalline. 

Deux méthodes peuvent être employées à l'é- 
tude de celle-ci. La première estbasée sur l’exa- 
men des photographies de Laue ; elle implique 
l'attribution de chaque tache de la photographie 
au plan qui l’a réfléchie à l’intérieur du cristal et 
donne les informations sur la position de ces 
plans etles nombres relatifs des atomes qu’ils 
contiennent. La seconde est fondée sur l'étude 
des spectres de rayons X obtenus par la méthode 
de Bragg; la structure du cristal se révèle dans 
Ja distribution etl’intensité des lignes de divers 
ordres du spectre; en utilisant la formule n) — 24 
sin 4, elle permet d'obtenir les dimensions des 
réseaux et constitue un instrument d'analyse 
plus que la précédente. Les deux 
méthodes se sont d’ailleurs prêtées une aïde 
mutuelle, et leur emploi a conduit à des résul- 


puissant 


tats concordants. 


] — ANALYSE DES CRISTAUX 
PAR LES PHOTOGRAPHIES DE LauE 


Les photographies de Laue (fig. 1) sont dues à 
la diffraction par le cristal de la radiation géné- 
rale hétérogène provenant d'un tube à rayons X. 
Chaque tache représente un maximum d’inten- 
sité dû à l'interférence des rayons diffractés par 
les particules d'une certaine série de plans réti- 
culaires parallèles du cristal.Comme nous l’avons 
vu dans la première partie (p. 645-646), pour 


1. Rev, gen. des Sciences du 30 novembre 1915, t. XXVI, 
p- 645 et suiv. 


un cristal du système cubique, les équations qui 
représentent le phénomène sont : 


À À 
AV) es 
a 


où z, 8, ysont les cosinus des angles que fait la 
direction du rayon réfracté avec les trois axes 
rectangulaires de coordonnées, } la longueur 


TD 
S 
LC 
1 
= 
: 5 = 
S = 
à - QI 
> se 
PS RE 


Fig 1. — Photographie obtenue avec des rayons X 
ayant traversé 
une lame de blende parallèlement à un axe quaternaire. 


d'onde de ce rayon, a la distance des plans réti- 
culaires et À,, k,, À, des nombres entiers. Il est 
facile de voir que les valeurs de k,,,, h; sont 
exactement équivalentes aux indices de Müller 
(A, k, l/) du plan réticulaire qui a réfléchi les 
rayons ayant donné la tache correspondante. 

Si l’on mesure les coordonnées de chaque 
tache sur la plaque photographique relativement 
à des axes rectangulaires avant leur origine au 
point où le faisceau primaire frappe le cristal, 
on peut déterminer les valeurs de &, 8 et y pour 
le rayon qui donne naissance à chaque tache 
particulière et en déduire les valeurs entières 


L. BRUNET. — RAYONS X ET 


* STRUCTURE CRISTALLINE 


679 


des paramètres L,, 4, et 4,. Chaque tache a ses 
valeurs propres de 2,, k, et A,, qui sont toujours 
simples. D'autre part, les valeurs associées de x 
Bet doivent obéir à larelation & +8 + —=1. 
11 en résulte qu'il n’y a qu'une seule valeur de )/« 
qui puisse satisfaire les trois équations pour 
chaque tache. 

En général, plus les valeurs des entiers A,, 2, 
h, sont grandes, plus fines sont les taches aux- 
quelles elles correspondent, quoique les plus peti- 
tes valeurs ne correspondent pas nécessairement 
aux taches les plus intenses. En outre, certaines 
taches associées à des valeurs simples de A,, L, 
h, sont absentes. Pour expliquer ce fait, Laue à 
supposé que le faisceau primaire est constitué 
par un nombre limité de constituants homogènes 


© À = 0,0977 


x x 
© Y = 0, 0563 
x 
x de= 0,0663 RS 
= © © 
e À= 0,1051 PMR CRE 
+ = 0,143 , © © à 
1 © 00 © Ë 
x CO AC x 
CP 6 o® x 
: O (e) È 
x © o © Eee © x 
x a 0 o ® x 
0 OO 
Oo © 
CREER CPC RC 
© © 
xxx 
x x 
Fig. 2. — Attribution à cinq sortes de rayons de longueurs 


d'onde définies des taches de la figure 1. 


indépendants, et il a attribué l’absence de cer- 
taines taches à paramètres simples à l'absence 
de la longueur d'onde particulière qui seule est 
capable de former la tache en question. Ainsi 
toutes les taches de la figure formée par les 
rayons ayant traversé une lame de blende zinci- 
que parallèlement à l’axe quaternaire peuvent 
être attribuées à cinq sortes de rayons de lon- 
gueurs d'onde parfaitement définies (fig. 2). 
Mais cette explication n'est pas entièrement 
satisfaisante, car ces longueurs d’onde devraient 
donner d’autres taches qui n'apparaissent pas 
sur la photographie (fig. 1). 

M. W. L. Bragg a proposé une autre interpré- 
tation, qui rend mieux compte des faits. Pour 
lui, le faisceau de rayons X incidents contient 
toutes les longueurs d’onde possibles sur un 
grand intervalle et forme un spectre continu. 
Lorsqu'un tel faisceau tombe sur un cristal, une 
petite quantité d'énergie est réfléchie par cha- 
cun des plans réticulaires du cristal (les plans 
les plus denses en atomes importent seuls). 
L'onde frontale du faisceau réfléchi par un plan 


particulier est formée par les petites ondes émi- 
ses par les atomes individuels du plan. Si la dis- 
tance entre les plans successifs est d et l'angle 
d'incidence des rayons 9, les trains d'onde réflé- 
chis par les différents plans du système se sui- 
vront à des intervalles 2 d sin 4, et si la longueur 
d'onde est telle que cette distance soit égale à 
un nombre entier de longueurs d'onde, les ondes 
se renforceront mutuellement et il y aura un 
maximum d'interférence dans cette direction. 
Dans ce cas, si le faisceau incident contient tou- 
tes les longueurs d’onde possibles, un système 
particulier de plans du cristal chorsit, pour ainsi 
dire, les longueurs d’ordes convenables, et le 
résultat du travail simultané des différents sys- 
tèmes de plans est de résoudre le faisceau inci- 
dent en ses constituants. Si l’on fait varier l’an- 
gle d'incidence, d’autres longueurs d’onde 
seront choisies pour former les maxima d’irter- 
férence. Dans cette hypothèse, les intensités 
variables des taches sont dues soit à une inégale 
distribution de l'énergie dans le spectre de 
rayons X, soit à une différence de densité des 
atomes dans les divers plans réfléchissants. 
Nous avons vu que les diverses taches des 
photographies de Laue sont groupées sur des 
ellipses de différentes dimensions qui passent 
toutes par la tache centrale. La représentation 
diagrammatique de ces photographies est assez 
longue à tracer et ne se prête pas très facilement 
à l’analyse. W. L. Bragg a montré qu'on peut la 
simplifierconsidérablement, sans déformer beau- 
coup la figure, en adoptant le mode de projec- 
tion stéréographique couramment usité en Cris- 
tallographie. 
Soit C (fig. 3) la section d’un cristal, qui reçoit 
des rayons X in- 
cidents prove- AVEZ 
nant de P. Les 
rayons qui traver- 
sent le cristal 
sans déviation 
tombent sur la 
plaque photogra- 
phique AD en A. 
Soit CZ la direc- 
tion d’un axe de 
zone du cristal; P 
les faisceaux ré- 
fléchis par les 
plans de cette 


sS's 


Fig. 3. 


zone se trouvent sur un cône circulaire de som- 
met C et d’axe CZ, dont CA et CB sont deux 


4. Comme nous l'avons déjà dit (p.646, note), cette inter- 
prélation est équivalente à celle de Laue au point de vue 
analytique, 


680 L. BRUNET. — RAYONS X ET STRUCTURE CRISTALLINE 


génératrices, Ce cône coupe une sphère de cen- 
tre C et de rayon CP suivant un cercle dont AB est 
le diamètre. Suivant une propriété bien connue de 
la projection stéréographique, la projection de ce 
cercle du pôle Psurle plan AD est aussi un cercle, 
dont le centre sera en Z, point où l’axe de zone 
perce la plaque photographique, ear AZ — ZS". 
Supposons que les tachessoient produites parles 
faisceaux réfléchis sur la sphère ABP et qu’elles 
soient projetées du pôle P sur le plan AD: Les 
taches correspondant à la réflexion dans le plan 
d'une zone se trouvent maintenant sur un cercle 
ayant son centre au point où l’axe dezone traverse 
la plaque AD, La tache $ faite par le faisceau 
réfléchi CB devient la tache S’ de la figure pro- 
jetée. La distorsion de la figure produite par la 
transformation est très faible, sauf pour les 
régions très éloignées du centre. Les figures 7 
et S fournissent des exemples des diagrammes 
ainsi obtenus; les diamètres des taches y sont 
proportionnels à leur intensité. 

Quels renseignements les diagrammes de Laue 
peuvent-il fournir sur la structure des cristaux 
qui les ont produits? On retrouve au premier 
coup d'œil sur ces diagrammes certains éléments 
de symétrie du réseau cristallin. Ainsi, sur la 
figure 1, formée par des rayons ayant traversé un 
cristal cubique parallèlement à un axe quater- 
naire, On aperçoit immédiatement certains élé- 
ments de ce système, Toutefois, comme l’a dé- 
montré le premier M, G, Friedel', dans aucun 
cas les radiagrammes de Laue ne peuvent révé- 
ler l'absence d’un centre de symétrie; par con- 
séquent, les seules symétries qu'ils puissent dé- 
celer sont les holoédries et les parahémiédries, 
à l'exclusion des hémiédries holoaxes et des anti- 
hémiédries ; autrement dit, ils ne peuvent met- 
tre en évidence que 11 des 32 symétries cristal- 
lines possibles. 

Mais peut-on aller plus loin et obtenir des 
indications sur la position et la nature des par- 
ticules matérielles (molécules ou atomes) dans 
les différents plans réticulaires ? 

Considérons pour cela, avec MM, Bragg, une 
structure cristalline composée de points sembla- 
bles et placés à des distances égales suivant trois 
directions rectangulaires, et dont la figure 4 re- 
présente une projection dans les plans OX et OY. 
Soit (fig. 5) une section d'un cristal de cette 
structure, placée en C sur le trajet d’un faisceau 
de rayons X provenant de A. La série de plans 
réticulaires représentés par des lignes pointil- 
lées sur la figure 4 et qui possèdent les indices 
(11), (21), (34), (A), réfléchissent chacun une 


1. C. R. Acad. des Se., t. CLVIT, p. 1533 ; 29 déc. 1913. 


portion du faisceau incident suivantles directions 
CS,, CS,, CS,,.., en faisant sur la plaque photoz 
graphique les taches P,, P,, P,... (le faisceau 
réfléchi OS, tombant ici en dehors de la plaque). 

Si l'on considère, d'une part, les propriétés 


Fig. 4. 


des rangées de points caractérisées par les indi- 
ces (11), (21)... : angle d'incidence des rayons sur 
la rangée, distance entre les rangées successives, 
densité des rangées, et d'autre part celles du 
faisceau incident : longueur d'onde, énergie, on 


3 
) ( 1) 


Far 


constate qu'elles varient d'une façon régulière à 
travers toute la série; on peut donc s'attendre 
à ce que l'intensité des taches produites par un 
cristal de cette nature varie également d’une 
facon régulière, c'est-à-dire que l'intensité de 
chaque tache soit plus ou moins intermédiaire 
entre celles de ses voisines et qu'il n'y ait pas de 
discontinuité dans la série. 

La figure 6 représente une structure différente, 
composée de points semblablement placés, mais 
alternativement de deux sortes distinctes, Les 
plans (11), (21),... ne sont plus cette fois de même 
nature : les rangées (11), (31), (51)... comprennent 
des points de même sorte, soit blanes, soit noirs ; 


L. BRUNET. — RAYONS X ET STRUCTURE CRISTALLINE 681 


a ————————…——…——……—…—…—…—…——….—….__._ “<a 


les rangées (21), (41), contiennent des points 
des deux sortes en nombre égal. Les propriétés 
de ces plans varient régulièrement dans cha- 


ue série, mais non plus lorsqu'on les prend 
; P 


Y 41 
A 


’ 


Fig. 6. 


dans leur ordre successif. Cette différence doit 
se retrouver dans l'intensité des taches : toutes 
les taches ne formeront plus une série régulière, 
mais il y aura deux séries, paire et impaire. 
Toutes les fois qu’on se trouvera en présence 
de cette dernière particularité, on sera conduit 
à l'attribuer à une structure cristalline analogue 


ON 
FA 


Ne 
HO 
a 


CS * 


7. — Diagramme des taches formées par un cristal de KCI. 


à celle de la figure 6, tandis que l'apparition de 
taches variant d’une facon régulière fera penser 
aune structure comme celle de la figure 4. C’est 
là le genre d'informations que peuvent donner 


les photographies de Laue sur l'architecture 
cristalline. 

A titre d'exemple, prenons la figure 7, qui re- 
présente diagrammatiquement la photographie 
donnée par le chlorure de potassium. (Les indi- 
ces des plans sur lesquels les rayons donnant 
naissance aux taches sont réfléchis sont indiqués 
sur un des quatre quadrants symétriques de la 
figure.) Sur un certain intervalle, tous les indices 
simples sont représentés et toutes les taches ont 
une intensité intermédiaire entre celles de leurs 
voisines. Cette parfaite régularité doit faire at- 
tribuer à ce sel cristallisé la structure de la 
figure 4, qui représente le réseau cubique le plus 
simple, celui qui possède une particule au som- 
met de chaque eube. Comme nous le verrons 
plus loin, ces particules peuvent être identifiées 
non à des molécules, mais à des atomes. Comme 
il y a ici deux sortes d’atomes, ceux de K et ceux 
de CI, il faut en conclure qu'ils ont la mème va- 
leur au point de vue de la réflexion des rayons X, 
ce qui concorde bien avec ee que nous savons des 
rapports des rayons X et des atomes et de la pres- 
que égalité de leurs poids atomiques (39 et 35,5). 

Comparons ce diagramme à celui de la figures, 


Fig. 8. — Diagramme des taches formées par un crisfal de NaCl. 


relatif au chlorure de sodium. La régularité par- 
faite de l'image précédente a disparu : il y a de 
nombreuses lacunes dans les taches à l’intersee- 
tion des cercles. Ainsi on trouve des taches cor- 
respondant à la réflexion dans les plans (541), 
(331), mais aucune correspondant aux plans (501), 
(521), (541). On observe (331),(351), mais non (341), 
et ainsi de suite. Il y a une prédominance des 
indices impairs sur les pairs. Ce diagramme doit 


682 L. BRUNET. — RAYONS X ET STRUCTURE CRISTALLINE 


être attribué à une structure semblable à celle 
de la figure 6, qui correspond à une autre forme 
de symétrie cubique, celle du cube possédant 
une particule à chacun de ses sommets et une 
autre au centre des faces. 

Quand on arrive à des structures plus compli- 
quées, l'interprétation des diagrammes de Laue 
devient très difficile, et même impossible !. La 
méthode de MM. Bragg, au contraire, continue à 
donner dans ces cas des résultats du plus haut 
intérêt. Nous allons voir maintenant en quoi elle 
consiste. 


IT. — ANALYSE DES CRISTAUX 
PAR LES SPECTRES DE BraGG. 


Cette méthode repose, comme nous l'avons 
dit, sur l'examen des spectres fournis par la ré- 
flexion sur les divers plans réticulaires des cris- 
laux. 

Prenons comme exemples les deux sels ci- 
dessus, KCI et NaCI, et étudions les spectres 
(Hig. 9) formés par la réflexion du principal rayon 


Sylvine 
K CI 


Fig. 9. — Spectres formés par la réflexion du rayon principal 
du palladium sur les faces (1001, (110) et (111) de KClet NaClI. 


du palladium sur les trois plans réticulaires de 
ces cristaux parallèles aux faces du cube 100), 
du dodécaëdre (110), et de l’octaèdre (111). Les 
spectres obtenus avec les faces correspondantes 
des deux substances ont une grande analogie, ce 
qui indique l'identité fondamentale de la struc- 
ture. 

Celle-ci ressort encore davantage des considé- 
rations suivantes. Choisissons la réflexion de 


l. Ewald (Phys. Zeitschr., 1914, p. 399) est cependant 
arrivé par celte voie à des conclusions très remarquables, 


premier ordre par les faces (100) dans chaque 
cas ; on a d’après la formule connue : 


. 400,43 1HAMo*S 
24, sin -—— —) et 24, sin —= —) 
soit : } 
d,—5,48X etd, —5%,85)), À 


4 
où d, et d,sont les distances des plans (100) pour. 
les deux sels, qui sont proportionnelles aux di-, 
mensions des structures atomiques. Le rapport” 
des volumes de ces structures, qui est égal à 
d#/d,*, doit être d’autre part identique au rap- 
port des volumes moléculaires des deux subs- 
tances, ce volume étant égal au poids molécu-" 
laire M divisé par la densité p. Autrement dit, 
dd, = (M,/p,1/(M;/p2). La quantité d\e/M doit 
donc être la même pour les deux eristaux et les 
autres membres de la même série. En effet, ona : 

pour KCI, d\e/M —1:69à 
5 NAaCl, » —H}027 
» KBr, Dr ARCS 
ce qui montre bien l'analogie de structure de ces 
cristaux. 

Un examen plus approfondi des spectres de la 
figure 9 nous révèle toutefois certaines différen- 
ces. Tandis que les intensités des spectres des 
divers ordres sur les faces (100), (110) vont en 
décroissant dans les deux cas, pour la face (111) 
cette régularité ne se retrouve que pour le spec- 
tre de KC]; dans celui de NaCI, au contraire, on 
observe d’abord une première réflexion faible, 
puis une deuxième forte, et une troisième tres. 
faible. Quelles conclusions peut-on tirer de ce 
fait? 

Considérons les trois systèmes de points qui 
possèdent la symétrie cubique : le cube avec un » 


a 


È 


Fig. 10. 


point à chaque sommet (fig. 10 a), le cube avec 
un point à chaque sommet et au centre de cha- 
que face (fig. 10 4) et le cube avec un point à 


ta VE 


L. BRUNET. — RAYONS X ET STRUCTURE CRISTALLINE 683 


chaque sommetet au centre du cube (fig. 10 c). La 
distance des plans (100), en supposant les figures 
réduites à lai même échelle, est la même dans les 
trois systèmes : d,,, —4a. La distance des plans 
(110) est la même dans les 1° et 2° systèmes : 
UN — a2; mais dans le 3° système, elle est de- 
venue double : d,19 = 2aV2. Enfin la distance des 
plans (111) est la même dans le 1'r et le 2° systè- 
mes: 7,1, — a\3; mais dans le 2° elle est deve- 
nue le double : d,,, — 2aV3. 

Nous avons done, entre les distances dans les 
trois systèmes, les relations : 


Ar ati 
CS dis din 
Réseau cubique simple. . 1 : V2 : 3 
» »  afacescen- 
LTEES TIR v2 V3/2 
» » centre. 1/V2 : 1V3 


Comparons ces valeurs avec les résultats des 
mesures. Pour KCI, on a, en prenant les réflexions 
de premier ordre sur chaque plan : 


1 1 1 Age : : £ 
ra di Sin 59,22 : sin 7°,30 : sin 9°,05 


div 110 dis 
10 00042 07 
1 . 140  :1,74 
"1. : V2 : V3 

KCI possède donc la symétrie du réseau cubique 

simple. 


Pour NaCl, si l’on choisit les réflexions les 
plus fortes, on arrive à la même conclusion; 
mais, si l’on adopte les réflexions du 1° ordre, 
on a : 
sin 80,250: 


RE ES Æ kon ER sin 5°,1 
dioo di dis 


=" - V2 VW 3/2 
NaCI posséderait donc la symétrie du réseau cu- 
bique à faces centrées. 

Comment concilier ces résultats avec l’isomor- 
phisme bien connu de tous les sels de la série 
des halogénures alcalins. L'explication la plus 
plausible, due à M. Bragg, consiste à admettre 
que la diffraction des rayons X est le fait non de 
la molécule, mais de l'atome, et qu’un atome dit- 
fracte d'autant plus qu'il est plus lourd. Quelest 
donc le groupement des atomes de métal et d’ha- 
logène qui, tout en étant commun aux sels iso- 
morphes ci-dessus, rendra compte de la diffé- 
rence de leurs spectres. En distinguant par des 
points blancs et noirs les deux espèces de cen- 
tres de diffraction, M. Bragg est arrivé à l'ar- 
rangement de la figure 11, caractérisé par le fait 
que : 1° il contient un nombre égal de points 
blancs et noirs; 2° l'arrangement des points 


blancs et noirs, pris ensemble, est celui du ré- 
seau cubique simple ; 30 l’arrangement des points 


Fig. 11. — Séructure des halogénures alcalins. 


noirs seuls et des points blanes seuls est celui 
du réseau cubique à faces centrées. 

Lorsque les centres blancs et noirs deviennent 
identiques, le réseau devient celui du type eubi- 
que simple. C’est le cas pour KCI, les poids ato- 
miques de K (39) et de CI (35,5) étant suflisam- 
ment voisins pour que les atomes deviennent à 
peu près identiques au point de vue de la dif- 
fraction. Pour NaCI, au contraire, la disparité 
des poids atomiques (23 et 35,5) laisse subsister 
les deux systèmes de centres, qui ont tous deux 
la symétrie du cube à faces centrées. 

L'études des spectres des divers ordres de ce 
dernier cristal confirme encore ce point de vue. 
La figure 12 représente l’arrangement diagram- 
matique des atomes dans les trois plans de ré- 
flexion : les plans (100) contiennent des atomes 


{100) {10) {u1) 


NaCU NaCl NaCt 
do) = & 


NaCL NaCL NaCl NaCl Na CL Na CL Na 
duo = 4/2 dan = 2a/4/8 


Fig. 12. — Arrangement des atomes dans les trois plans 


(100), (110) ec (111) de NaCl, 


des deux sortes Na et CI à la distance a; les plans 
(110) de même, mais leur distance est aV2; enfin 
les plans (111) sont de nature différente : ils con- 
tiennent alternativement soit des atomes de Na, 
soit des atomes de CI, et la distance de deux plans 
semblables est de 24/3. 

Les deux premières séries de plans donneront 
une réflexion normale, ce qui est bien le cas 
(fig. 9). Mais la réflexion produite par les plans 
(111) contenant des atomes de CI sera troublée 
par celle des plans (111) contenant les atomes 
plus légers de Na; l'effet de ces derniers sera 
d’affaiblir tous les spectres d'ordre impair (1er, 
3..), par rapport aux spectres d'ordre pair (2°..) 
Si les atomes de Na étaient assez légers pour 


684 L. BRUNET. — RAYONS X ET STRUCTURE CRISTALLINE 


n'avoir pas d'effet, les spectres d'ordre impair 
auraient une intensité normale. Si, au contraire, 
ils étaient assez lourds pour devenir aussi dif- 
fracteurs que les atomes de CI, les spectres d’or- 
dre impair disparaïitraient entièrement, car l’on 
aurait une succession de plans identiques à une 
distance d,,,/2, ce qui se réalise pour KCI. 

La structure du réseau cristallin étant ainsi 
fixée, il est facile maintenant d'en déterminer 
les dimensions exactes. 

Prenons le réseau cubique à face centrée 
(fig. 10 D). Le cube unité du réseau possède 
A points associés avec lui, mais chacun de ces 
points est commun à 8 cubes adjacents, de sorte 
que chacun des cubes unité n'est associé en 
réalité qu’à un demi-point. Si nous considérons 
la structure trouvée pour les cristaux de NaCI, 
par exemple, nous voyons qu'il y a un demi- 
atome de Na et un demi-atome de CI, soit une 
demi-moléeule de NaCI, dans chacun des petits 
cubes. 

Si m est la masse d’un atome d'H en grammes 
et M le poids moléculaire de NaCI, la masse 
associée avec le cube unité de la structure est 
M m/2. D'autre part, le volume du cube élémen- 
taire est égal à (d,,, 100 Sin 9. Si la den- 
sité du cristal est , la masse du cube unité doit 
être p(d,,59)°. On a donc: 


je où }—=d 


d'où il est facile de tirer la valeur de d,,,. Dans 
le cas de NaCI, » 1,64 X 10—2 gr., M/2 — 
29,25 et 2,17,.d'où : 

50 — 2,80 521078/cm.- 
On en tire pour la longueur d'onde du rayon du 
palladium : 

1—=10,576 M0 S'cm: 
cette longueur d'onde, on est 
maintenant en mesure de déterminer la distance 
des plans réticulaires d’un cristal quelconque. 
Prenons par exemple un cristal cubique de 
NH'CI, dont la face (100) donne un spectre de 


Connaissant 


premier ordre sous un angle de 4°,25, On a alors : 
0,576 X 1078 — 2 d,,, sin 40,26 
d'09 = 3,88 X10-8cem. 

On en déduit immédiatement que le volume 
du cube élémentaire p (d,,,)? = 88,2 >< 10-21 gr. 
Comme la masse d’une molécule de NHACI est 
égale à 1,64 >< 10 -A >< 53,5 — 87,8 < 10% gr., 
on reconnait aussitôt que chaque cube unité de 
la structure contient une molécule. 

En résumé, quelle que soit d’ailleurs la classe 
de symétrie à laquelle appartient le cristal, on 
peut mesurer une cellule élémentaire de sa struc- 
ture et trouver la masse qu’elle contient en 


multipliant son volume par la densité du cristal. 
Une comparaison de ce résultat avec la masse 
connue d’une molécule de la substance montre 
immédiatement combien de molécules sont con- 
tenues dans la cellule unité. La comparaison des 
spectres des diverses faces du cristal permet 
ensuite de trouver la disposition des atomes 
dans la cellule unité, et la structure du eristal 
se trouve ainsi déterminée. 


III. — APPLICATION DE LA MÉTHODE 
DE BRAGG A QUELQUES CRISTAUX. 


Par la méthode précédente, MM. Bragg ont 
fait l'analyse de la structure d’un assez grand 
nombre de cristaux. Nous donnerons ici les 
résultats obtenus pour quelques-uns d’entre eux, 
qui montreront les divers modes d'application 
de leur procédé. 

La blende zincique,qui cristallise dans le 
système cubique, offre un intérêt particulier 
parce que c’est sur elle qu'ont porté les pre- 
mières recherches de Laue. L'examen de son 
spectre (fig. 13) montre que les réflexions de 


2 
Pr] 242 
An PA A/Z/2 


Fig. 13. — Schéma du spectre de la blende. 


premier ordre ont les mêmes positions relatives, 
pour les trois faces, que dans le spectre du sel 
gemme. Le réseau cristallin paraît donc devoir 
être celui du cube à faces centrées. D'autre part, 
pour ce cristal, dV\o/M — 1,64), ce qui montre 
que, dans le cube élémentaire, il y a autant 
d'atomes de Zn et de S qu'il existe d’atomes de 
Na et de CI dans le cube unité de NaCI. 

Les plans (110) présentent seuls des spectres 
de 1er, 2° et 3° ordres dont l'intensité décroisse 
d'une facon normale; les atomes de S se trou- 
vent donc dans les mêmes plans (110) que les 
atomes de zinc. Les plans (100), par contre, ont 
un faible spectre de 1” ordre, comme les plans 
(111) du sel gemme; les plans du soufre doivent 
donc alterner avec ceux du zinc, et éteindre le 
spectre du 1‘ ordre par rapport au second. Si 
l'on place les atomes de Zn sur un cube à faces 
centrées, il faut, pour réaliser la disposition 
précédente, mettre ceux de S sur un cube ana- 
lowue coupant le premier de facon que les atomes 


L. BRUNET. — RAYONS X ET STRUCTURE CRISTALLINE 685 


de S soient au centre d’un des petits cubes élé- 
mentaires du réseau des atomes de Zn. La figure 
14 A montre cet arrangement, et la figure 14B 


(ui) 


Ql----—-—--- 


“ns ZnS ZnS ZnS. ZnS Zn 


Fig. 14. — Structure de la blende (A) et arrangement des atomes 
dans les trois plans principaux (B). 


indique la composition et l'espacement des plans 
suivant les trois faces principales. 

Les plans (111) présentent ici un type nouveau, 
la distance des plans Zn-7Zn y étant 4 fois celle 
des plans Zn-$S. Quelle influence cette disposi- 
tion peut-elle avoir sur le spectre? Il n’y a pas de 
raison pour que la réflexion de premier ordre 
soit ici diminuée; en fait, elle est plutôt 
augmentée. Pour la réflexion de second ordre, 
les ondes provenant des plans du S seront exacte- 
ment de phase opposée avec celles des plans du 
Zn; la seconde réflexion sera donc faible en com- 
paraison de la 1'* et de la 3°, et c’est bien ce que 
révèle l'examen du spectre. L'arrangement pro- 
posé semble donc bien conforme à la réalité. 


Un exemple un peu plus compliqué, mais tou- 
jours relatif au système cubique, est celui du 


SA/V2 8 S/32 


Fig. 15. — Schéma du spectre du diamant. 


diamant, dont la figure 15 représente schémati- 
quement le spectre. La première réflexion a lieu 
pour les trois faces sous des angles dont les sinus 
sont entre eux comme 2,12 et V3/2, rapport qui 


n’est caractéristique d'aucun réseau. De plus, le 
spectre réfléchi par la face (111) présente les ré- 
flexions des 1°r, 3°, 4e et 5e ordre, celle de 2° ordre 
étant totalement absente. Ces particularités doi- 
vent s'expliquer par l’arrangement d’atomes qui 
sont, ici, tous identiques. 

Dans la blende, le spectre de second ordre sur 
(111) est faible parce que les plans du soufre di- 
visaient la distance entre les plans du zine dans 
le rapport 1:3, mais ce spectre ne disparait pas 
entièrement parce que le poids atomique du sou- 
fre (32) est moindre que celui du zine (65). Si ces 
deux plans devenaient de nature identique en 
gardant le même espacement, le spectredesecond 
ordre disparaitrait entièrement. De plus, les 
spectres d'ordre impair sur (100) disparaitraient, 
car tous les plans (100) deviendraient identiques 
comme nature. 

Or le diamant présente exactement des spec- 
tres de ce genre. On est ainsi conduit à substi- 
tuer des atomes de C à tous ceux de Zn et de S 
dans la structure de la blende, et l’on obtient 
ainsi pour le diamant la structure de la figure 16. 


LIT PE 


A [VA 


AA 7 
A7 


Fig. 16.— Structure du diamant. 


Cetarrangement comporte-t-il le nombre exact 
d’atomes de carbone pour chaque unitéde struc- 
ture ? Si nous choisissons la réflexion de second 
ordre sur la face (100!, nous avons : 


21 —72 d sin 190,0 

d’où d = 3,06 ). 
Le poids moléculaire du diamant étant 24 et sa 

densité 3,51, on a: 

d\Ve/M = 1,62 }, 
chiffre identique à celui de ZnS, ce qui montre 
que le diamant et la blende possèdent le même 
nombre d'atomes dans chaque cube élémentaire. 


L. BRUNET. — RAYONS X ET STRUCTURE CRISTALLINE 


Une série intéressante de minéraux isomor- 
phes est constituée par les composés naturels 
MgCO3, CaCO%, MnCO', FeCO“ et ZnCO*, qui 
appartiennent tous à la classe rhomboédrique du 
système hexagonal. Le type de ces cristaux peut 
être représenté par le rhomboëèdre de la calcite, 
qui possède un axe de symétrie ternaire et trois 
axes de symétrie binaires qui lui sont perpendi- 
culaires, et trois plans de symétrie passant par 
ces derniers et l'axe ternaire. Ce cristal se clive 
d'une facon parfaite parallèlement aux faces du 
rhomboëèdre, ce qui conduit à supposer que la 
celluie unité possède cette forme de structure. 

En déterminant l'angle sous lequel le rayon 
principal du palladium est réfléchi par une des 
faces du rhomboëdre (5°,35), on peut calculer 
l'espacement d() des plans parallèles à ces fa- 
ces: on trouve 3,07 x 10—8 em. Connaïissant la 
forme du rhomboëèdre, on peut facilement calcu- 
ler son volume, qui est égal à 1,08 dis, et de là, 
au moyen de la densité de la calcite (2,71), la 
masse contenue dans la cellule élémentaire, soit 
8,50 X 10—%3 gr. Or la masse d’une molécule de 
calcite est 16,4 ><10—%gr. Il résulte donc de cette 
recherche préliminaire qu’il doit exister une 
demi-molécule de CaCO* dans chaque cellule 
élémentaire. 

Imaginons alors un réseau cristallin ayant la 
même forme que la cellule élémentaire précé- 
dente, mais de dimensions linéaires doubles, et 
par conséquent de volume 8 fois plus grand. 
Plaçons des points à chaque sommet et au centre 
de chacune des faces de la nouvelle cellule. En 
disposant une molécule de CaCO* autour de 
chaque point du réseau, il y aura 4 molécules de 
CaCO* associées à chaque cellule à faces centrées. 
L’espacement des plans parallèles aux côtés de 
la cellule, soit d,4,, sera égal à la moitié de la dis- 
tance entre deux faces opposées de la nouvelle 
cellule. On peut maintenant calculerles distances 
de tous les plans caractéristiques du réseau, et 
au moyende ces distances les angles souslesquels 
sera réfléchi le rayon principal du palladium. 
Le tableau suivant donne les valeurs calculées et 
les valeurs des angles observées : 


100 d'— 3,04 >% 10-8cm 5,43  5°,35 
110 d— 2,48 X 10-3cm 62,67 66 
AO TE N1,917 10-$cm 80,63 80,70 
de TE 70 10—8em  5°,92 59,77 
211 d — 1,43 10—8cm 11,59  11°,65 


La concordance parfaite des valeurs calculées 
et observées montre que le réseau choïsi est bien 
exact. 

L'arrangement de chacun desatomes de la mo- 
lécule de CaCO% associée aux points du réseau 


est déterminé ensuite d’après les caractères par- 
ticuliers des spectres réfléchis par chaque face. 
Une analyse un peu longue, dans les détails de 


Fig. 17. — Structure de la calcite. — Les cercles blancs repré- 
sentent Ca, les gros points noirs C et les petits O. 


laquelle nous ne pouvons entrer!, a conduit fina- 
lement à la structure représentée par la figure 17. 
Les plans perpendiculaires à l’axe ternaire sont 


at 100 =110 


Ca C0, Ca C0, Ca CaC00 O0 Cat0O0 Q Caco 


Fig. 18.— Arrangement des atomes dans les plans principaux 
de la oalcite. 


également distants et contiennent alternative- 
ment des atomes de Ca (de poids 40) et des grou- 
pes CO* (de poids 60) (fig. 18). 


IV. — L'INTENSITÉ DE LA RÉFLEXION PAR LES PLANS 
RÉTICULAIRES. 


APPLICATION A LA PYRITE. 


La structure de tous les minéraux cristallisés 
du groupe RCOS est semblable à celle de la cal- 
cite; en particulier, les plans perpendiculaires 
à l’axe ternaire ont tous le même arrangement. 
On peut encore faire rentrer dans ce groupe le 
nitrate de soude NaNO® et la dolomite MgCa 
(COS) ?, qui ont la même structure. L’examen des 
spectres (fig. 19) formés par la réflexion sur les 
plans (111) des cristaux de cette série conduit 
à des résultats d’un grand intérêt. 

La distance d,,, est celle qui sépare deux 
plans CO; mais à mi-chemin entre ces plans se 
trouvent les plans qui contiennent les atomes 
métalliques. Quelle est l'influence de ces derniers 


1. Voir Proc. Royal Soc., A,t. LXXXIX, p. 468: 1914. 


L. BRUNET. — RAYONS X ET STRUCTURE CRISTALLINE 687 


sur la réflexion par les premiers? Si l'effet des 
plans métalliques sur la réflexion est négligeable 
par rapport à celui des plans C0”, l'intensité des 
spectres de divers ordres ira en diminuant régu- 
lièrement. Si l'effet des plans métalliques est 
éval à celui des plans CO", la distance d,,, sera 


Fig. 19. — Schéma des spectres formés par la réflexion sur les 
plans (111) des cristaux de nitrale de soude et de carbonates 
alcalino-terreux et métalliques. 


ramenée à la moitié : les spectres d'ordre impair 
seront entièrement détruits, car les ondes des 
deux plans seront de même amplitude et de phase 
opposée. Si l'effet des plans métalliques est 
intermédiaire entre ces deux extrèmes, le rap- 
portdes spectres d'ordre pair aux spectres d’or- 
dre impair sera plus grand que le rapport nor- 
mal. 

L'examen de la figure 19, dans laquelle les 
spectres sont disposés par ordre croissant de 
poids atomique du métal, confirme complète- 
ment ces conclusions. Pour NaNO*, les plans Na 
ont peu d'effet comparés aux plans NO*, car le 
premier spectre est plus grand que le second; 
pour FeCO*, les plans Fe doivent être égaux aux 
plans CO* en pouvoir réflecteur, car le spectre de 
premier ordre est éteint. Or le poids atomique 
du ferest 56, et la somme des poids atomiques 
du groupe CO est de 60. Il en résulte que les 
plans alternatifs deviennent égaux en pouvoir 
réflecteur quand leurs masses par unité de surface 
sont égales, et que l'amplitude de chaque petite 
onde diffractée par un atome est proportionnelle 
à son poids atomique. 

Cette conclusion, que vérifient bien d’autres 
faits, permet d'aborder le problème général de la 
réflexion par des plans parallèles non identi- 
ques, placés à des intervalles irréguliers, et de 
l'intensité des rayons réfléchis. 


Soient deux séries de plans réflecteurs A et B, 
disposés alternativement et parallèlement à la 
face d'un cristal, et de masses relatives M, et M, 
M, et M, étant les sommes des poids atomiques 
des groupes d’atomes existant en nombre égal 
dans les deux plans. Quelle est l'influence de 
l’espacement sur l'intensité du faisceau réfléchi? 
Soit d la distance entre deux plans A et x la dis- 
tance entre un plan À et un plan B.Si x est nul, 
les plans successifs deviennent identiques, et on 
obtient une série de spectres dontles intensités 
I, L, L,, 1,,.... diminuent d'une facon normale. 
Dans ce cas, les plans A etB réfléchissent des 
ondes qui sont de même phase; dans les plans 
AB, l'amplitude de l’onde réfléchie est la somme 
des amplitudes dues à A et B indépendamment. 
L’amplitude étant proportionnelle à la masse du 
plan, l'intensité est proportionnelle à (M,+M,)?. 
En prenant comme type la réflexion sur les plans 
(100) du sel gemme, on a pour intensités norma- 
les : 


PARLE = AO0ES0EUES; 


Quand x est différent de zéro, les ondes des 
plans À et B différent de phase et d'amplitude. La 
différence de phase 5—27x/d pour le 1* spectre, 
krx/d pour le 2°, Grx/d pour le 3, et ainsi de 
suite. L'amplitude de l'onde résultante est pro- 
portionnelle à R, résultante de deux vecteurs M, 
et M, faisant un angle 6, de sorte que R? — M?,+ 
M? +2M,M, cos 6. L'énergie du train d'onde 
réfléchi est proportionnelle au carré de l’ampli- 
tude, ce qui donne les équations : 


M,2+M,?+2M,M, cos2rx/d 
er ME-EM 

Dry MM? +2M,M, cos érx/d 
PRET CINE EM 2 


L'=1, 


Appliquant ces formules à la réflexion par les 
plans (111) du sel gemme, on a : 3 


l',—0,045 1, 


la = L l 
DOS 0A STE 
RE 


Re 5 SONO ENS 

— 159 4 100: 10 
valeurs qui concordent assez bien avec les va- 
leurs expérimentales : 20 : 100 : 0 : 6. 

Aïnsi on peut rendre compte quantitativement 
aussi bien que qualitativement des intensités re- 
latives anormales des réflexions sur les diffé- 
rents plans réticulaires. 

Une vérification particulièrement frappante 
des considérations qui précèdent a été obtenue 
par MM. Brage dans l'étude des spectres de la 


688 L. BRUNET, — RAYONS X ET STRUCTURE CRISTALLINE 
Em 


pyrite de fer (fig. 20), qui présentent une dispo- 
sition plus compliquée que tous les précé- 
dents. 

Les spectres du 1° ordre, bien marqués, se 
présentent, pour le rayon principal du rhodium, 


(100) 
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Fig. 20, — Schéma des spectres de la pyrite de fer. 


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sous les angles de 130, 18°,1 et 11°,7, dont les 
sinus sont dans le rapport 1 : V2 £ V3/2, caracté- 
ristique du réseau cubique à faces centrées. Le 
calcul habituel montre alors qu’une molécule de 
FeS? est associée à chaque point du réseau. L’ar- 
rangement le plus simple consiste à placer des 
atomes de Fe à quatre des huit sommets du pe- 
tit cube élémentaire et un atome de soufre au 
centre de chaque petit cube. Mais cette disposi- 
tion ne suffit pas à rendre compte des partieu- 
larités du spectre. Déplaçons les atomes de sou- 
re de quantités égales le long d’un des axes 


21 — Structure de la pyrite de fer. — La moitié posté- 
rieure du cube a été déplacée vers la droite pour rendre la 
figure plus claire. 


ernaires du cube élémentaire; les trois autres 
axes ternaires disparaissent, mais celui-ci per- 
siste, ce qui suffit à maintenir la symétrie cubi- 
que. On obtient une structure semblable à celle 
de la figure 21 (on a fait glisser sur la droite la 
moitié postérieure du cube, afin de rendre la 
disposition des atomes plus apparente). 


Quelle doit être la position exacte des atomes 
de soufre? L'examen du spectre (100) permet de 
la déterminer approximativement. Dans ce spec- 
tre, le 1‘ ordre est prononcé, le 2e et le 3° trop 
faibles pour être décelés, le 4° et le 5° aisément 
mesurables. Les atomes de fer se trouvent sur 
des plans (100) dont la distance est la longueur 
de l’arête du cube élémentaire et les atomes de 
soufre sont sur des plans intermédiaires. Si la 
distance entre les plans Fe et S était d,,,/4, les 
plans S tendraient à détruire le spectre de 2 or- 
dre; si cette distance était d,,,/6, ils tendraient 
à détruire le 3° ordre. Comme ces deux alterna- 
tives se produisent, la distance doit être d,,,/5. 
L'atome de S doit donc être déplacé le long 
de la diagonale du cube élémentaire jusqu’à ce 
qu'il la divise dans le rapport 1 : 4, et, d’après 
l'examen des spectres (111), ce déplacement doit 
avoir lieu vers le coin vide, à l'opposé de l'atome 
de fer. 

La disposition des plans parallèlement à (100), 
(110), (111) est donnée par la figure 22, beaucoup 


(100) 
Fe S SATERS S Fe 
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Fig. 22. — Arrangement des atomes dans les plans principaux 


de la pyrite. 


plus compliquée que toutes les précédentes; 
mais le calcul des intensités des réflexions se fait 
par la même méthode que précédemment, ex- 
cepté qu'il y a ici plusieurs vecteurs au lieu de 
deux. La figure 20 indique les unes au-dessous 
des autres les intensités observées et calculées. 
La concordance est très satisfaisante, 

MM. Bragg ont appliqué avec succès leur mé- 
thode à plusieurs autres cristaux : Cu, KBr, KI, 
PDS, ZnO, CaF?, S, quartz, ete. Mais nous pen- 
sons en avoir dit assez pour montrer les résultats 
qu'elle peut donner et la lumière brillante qu’elle 
projette sur l'architecture interne des milieux 
cristallisés. 


Louis Brunet. 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 689 
BIBLIOGRAPHIE 
ANALYSES ET INDEX 
4° Sciences mathématiques Données numériques). Gauthier-Villars, éditeur 


Braude (L.), docteur ès sciences, — Les Coordonnées 
intrinsèques ; théorie et applications (Collection 
Scientia). — 1 vol. in-S de 100 pages avec 13 figures et 
un portrait d'ERNEST CEsaro (Prix cartonné : 2 fr.). 
Gauthier-Villars, éditeur, Paris, 1914. 


Il ne s'agit ici que de Géométrie plane. L'ouvrage 
comporte quatre chapitres, et ce sont les beaux travaux 
de Cesàro et de Mannheim qui ont constitué la méthode 
et la matière. 

Le chapitre I, intitulé Développements et méthodes, 
débute par une étude historique, L'auteur explique en- 
suite comment on transforme l'équation cartésienne ou 
polaire d'une courbe en équation intrinsèque, et inver- 
sement. Puis, à l’aide de cette dernière, il étudie la 
courbe. Il établit alors les équations de Cesàro et les 
utilise pour la recherche des coordonnées intrinsèques 
d’une courbe et d’une enveloppe (applications). Enfin, il 
traite du contact, de la courbe dite résultante de x cour- 
bes, des courbes parallèles et des développoides. 

Le chapitre II a pour titre : La courbe de Mannheim. 
Les courbes de cette nature (nombreux exemples) sont 
successivement passées en revue, depuis la courbe de 
Mannheim proprement dite jusqu'à la courbe générale, 
qui concerne une base quelconque et le centre de cour- 
bure d'ordre 7 de la roulante. L'auteur est conduit par 
là à l'étude des développées intermédiaires, dont il 
donne des applications, La fin du chapitre est consacrée 
aux propriétés de la radiale. 

Dans le chapitre II, intitulé L'Arcuïde, les propriétés 
de cette courbe sont établies, notamment celles des ar- 
cuides de courbes algébriques; puis la notion d’arcuide 

est généralisée, 

Enfin, le chapitre IV traite des roulettes. Des coordon- 

nées intrinsèques de la roulette, l’auteur déduit la 

conslruction de Savary. De même pour l’enveloppe 
d'une courbe du plan mobile. Une deuxième construction 
du centre de courbure de la roulette est aussi indiquée. 
Viennent ensuite les théorèmes de Habich et de Santan- 
gelo qui, avec celui de Steiner, concernent les relations 
entre la roulette et la podaire. Le chapitre se termine 
par des applications. 

Au commencement du livre, après la préface, sous le 
titre Notes bibliographiques, l'auteur a cité les principaux 
ouvrages qu'il a consultés. IL a d’ailleurs profité des 
recherches de sa Thèse. Pour compléter l'historique du 
début, une note donne (page 12) le détail des publica- 
tions auxquelles on pourra se référer pour les œuvres 
mentionnées dans cet historique, 

Les limites imposées par les dimensions de la Collec- 
tion Scientia ont interdit à M Braude un développement 
plus long de son sujet. Mais, conformément au vœu 
qu'il exprime, ce petit volume, avec son exposition 
claire et concise, avec ses applications de choix et ses 
nombreux exemples, engagera certainement le lecteur 
à pénétrer plus avant dans une partie intéressante de la 
Géométrie, 

G. FLoquer, 
Doyen de la Faculté des Sciences de Nancy. 


r° Sciences physiques 


Saphores (J.) et Bourion (F.). — Données numé- 
riques de Radioactivité, Atomistique, Electroni- 
que et Ionisation, publiées avec l'appui de l'Institut 
de Radioactivité de l'Université de Paris. — 1 vol. 
in-4° de VIII-13 p. (Prix cart. : 2 fr. 50). (Extrait du 
volume JI1 des Tables annuelles de Constantes et 


Paris, 1914. 


C'est avec une réelle satisfaction que physiciens, chi- 
mistes et techniciens ont vu commencer la publication 
des Tables annuelles de constantes et données numéri- 
ques, sous la direction de M. Ch. Marie, Aujourd’hui le 
Comité international qui préside à cette publication a 
l'heureuse idée d'éditer en des fascicules séparés les 
données relatives à un certain nombre de chapitres, 
dont la corrélation est particulièrement intime, tel le 
fascicule concernant la Radioactivité, l'Atomistique, 
l'Electronique et l’Ionisation. Ces fascicules séparés per- 
mettront aux spécialistes une recherche plus rapide 
des éléments numériques d'une question; grâce à ce 
groupement rationnel, chaque cherchenr peut, en effet, 
dans sa spécialité, se constituer à peu de frais la collec- 
tion complète des renseignements numériques les plus 
actuels et les plus sûrs relatifs à une question, et cela 
avec indication bibliographique des mémoires d’où les 
données sont extraites. C’est là un avantage précieux 
qui ne manquera pas d’être fort apprécié, 

Le fascicule dont nous rendons compte aujourd’hui 
contient plus spécialement des résultats numériques 
parus en 1912 et concernant le nombre d'Avogadro, la 
charge de l’électron, les masses et diamètres moléculai- 
res, les dimensions, la mobilité el autres propriétés fon- 
damentales des ions. Puis viennentles constantes diverses 
des corps radioactifs, la teneur en émanation des eaux 
radioactives et celle en radium d’un grand nombre de 
roches, ete, À noter également quelques données concer- 
nant l'électricité atmosphérique et un précieux tableau 
résumant les méthodes utilisées pour la détermination 
du poids atomique d’un certain nombre d'éléments. 

Ce trop court résumé montre, à titre d'exemple, tout 
le profit que les chercheurs et les membres du corps en- 
seignant retireront de la publication régulière et rapide 
de ces fascicules séparés des Tables annuelles ; ainsi pré- 
sentés, ils constituent de véritables annales de données 
numériques et cela dans les principaux domaines qui 
intéressent la science et l'industrie, 


Ch. Eug. Guxe, 
Professeur à l'Université de Genève. 


Dutoit (P.), Professeur à l'Université de Lausanne, 
Lewis (W. C. Me C.), Professeur à l'Université de 
Liverpool, et Mahlke (A.). — Données numéri- 
ques d'Electricité, Magnétisme et Electrochi- 
mie. Préface de M. M. Le BLanc, président de la 
Commission électrotechnique internationale. — 1 vol, 
ën-4° de 79 p. (Prix cart. : 10 fr.). (Extraits des Tables 
annuelles de Constantes et Données numériques, 
vol. IL, 1912). Gauthier-Villars et Cie, éditeurs, Paris, 
1914. 


Ce fascicule appartient à la même collection que le 
précédent et présente les mêmes avantages généraux 
que nous venons de signaler. Publié sous le patronage 
etavec l'appui du Ministère du Commerce, de l’Indus- 
trie et des Postes et Télégraphes de France, du Comité 
des Forgesde France (Paris), de la Société des Ingénieurs 
civiis (Paris) et de la Société internationale des Electri- 
ciens, il s'adresse non seulement aux physiciens et aux 
chimistes, mais aussi aux ingénieurs qui pourront puiser 
dans ce recueil des données numériques utiles ou néces- 
saires à leurs calculs et à l'élaboration de leurs projets. 
La partie relative à l’Electricité et au Magnétisme en 
général a été confiée à M. le D' Mahlke, de Hambourg ; 
celle concernant l'Electrochimie à M. P. Dutoit, de Lau- 
sanne, ainsi qu’à M. le professeur Lewis, de Liverpool, 


690 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


La science du Magnétisme et de l’Electricité est ac- 
tuellement trop vaste pour qu’il soit utile d’énumérer 
ici les titres des principaux chapitres de cette première 
partie. Disons seulement que les données numériques 
qui résultent des travaux les plus récents y ont été 
rassemblées avec le plus grand soin, — Il en est de 
même des deux subdivisions relatives à l’'Electrochimie. 
La première traite de la conductibilité des électrolytes ; 
c’est un ensemble très complet et fort bien ordonné des 
données numériques relatives aux diverses solutions : 
solutions aqueuses, électrolytes dans des dissolvants 
autres que l’eau, ou mélanges de dissolvants, ete. La 
seconde partie traite des forces électro-motrices; elle 
fournit d’utiles indications, particulièrement sur les va- 
leurs des f.é.m. des piles de concentration et des f.é.m. 
d’une électrode simple. 

Par son ordonnance rationnelle et bien comprise, 
par la clarté de sa classification et les nombreux ren- 
seignements numériques qu'il renferme, ce fascicule ne 
peut manquer de rendre de précieux services à tous 
ceux dont les travaux s'appuient sur la connaissance 
des éléments numériques empruntés au domaine de 
l’Electricité et de. l’Electrochimie, 

C. E. G. 


Vézien (L.), /ngénieur chimiste. — Industries des os, 
des déchets animaux, des phosphates et du phos- 
phore. — 1 vol.in-16 de 423 p. avec 50 fig. de l'Ency- 
clopédie scientifique. (Prix cart. : 5 fr.). O. Doin et 
fils, éditeurs, Paris, 1915. 


Ce livre a pour objet l'étude d'industries qu'on ren- 
contre fréquemment associées dans la pratique, Il se 
divise en trois parties : fabrication des colles et gélati- 
nes, fabrication des phosphates et des principaux 
engrais animaux, industrie du phosphore, 

En ce qui concerne les colles et gélatines, l’un des 
principaux objectifs de l’auteur a été de dégager les 
principes rationnels de cette fabrication purement empi- 
rique en faisant une part toute spéciale au côté chimi- 
que de cette industrie, 

La partie relative aux phosphates est traitée dans le 
même esprit, c’est-à-dire avec le souci constant d’appli- 
quer la théorie à la pratique, en particulier dans les 
questions si importantes de la rétrogradation et du 
séchage des superphosphates et des phosphates préci- 
pités. 

La fabrication du phosphore a subi dans ces dernières 
années une évolution qui a transformé d’une manière 
profonde les conditions industrielles et économiques de 
cette industrie; l’auteur a retracé les étapes de cette évo- 
lution et s'est efforcé de préciser les conditions de la 
fabrication du phosphore aussi bien dans les procédés 
nouveaux que dans les méthodes plus anciennes. 


3° Sciences naturelles 


Forty-sixth Annual Report of the Trustees of the 
American Museum of Natural History for the 
year 1914. — 1 vol, in-8° de 192 p. avec 17 planches 
et 1 carte hors texte. New-York, 1919. 


Le Musée Américain d'Histoire naturelle de New- 
York (l’un des trois grands musées des Etats-Unis,avec 
le Musée national de Washington et le Musée Field de 
Chicago) est une institution dont la fondation en 1868 
est due à l'initiative privée et qui, bien qu'elle reçoive 
aujourd’hui une dotation annuelle d’un million de franes 
de la ville de New-York, continue à se développer 
grace à la libéralité du public, sous la direction d’un 
Conseil d'administration nommé pour les souscripteurs. 

Dans la pensée de ses fondateurs et de ses directeurs 
actuels, la fonction du Musée est double : contribuer à 
l’éducation du peuple, d’une part, aux progrès de la 
science, de l'autre, Le Rapport qui vient d’être publié 


2 


pour l'année 1914 montre comment cette tâche a été” 
remplie. oi 


En ce qui concerne la tâche éducative, le Musée a, 


coopéré pendant l’année 1914 avec 451 écoles publiques: 
de la ville par l’envoi de collections d'histoire naturelle“ 
et l’organisation au Musée de conférences spéciales pour 
compléter l’enseignement scolaire de la géographie, de 
l’histoire et des sciences naturelles. Afin d'atteindre cer-« 
taines parties de la ville à population dense, où less 
parents ne peuvent envoyer leurs enfants au Musée, un: 
projet a été lancé qui comporte : 1° l'établissement" 
d’une série de centres locaux de conférences; 2° l’inau— 
guration d’un système de prêt de vues pour projections 
permettant aux instituteurs de donner un enseignement 
visuel dans leur propre classe; 3° l'ouverture d'un 
Musée d'éducation succursale dans l'Ecole supérieures 
Washington Irving, cette innovation pouvant se répé- 
ter dans d’autres écoles au fur et à mesure que les 
moyens le permettront. La réalisation de ce projet est, 
en cours d'exécution, À signaler également la coopéra- 
tion du Musée à l’enseignement des aveugles par l'envoi 
de collections spéciales, contenant en particulier des 
modèles réduits de certains grands animaux, et un 
grand globe terrestre en relief de 30 cm. de diamètre, 
ou par des visites au Musée, où toute facilité est donnée 
aux aveugles de toucher les objets dont on leur parle.n 

Parmi les objets d'enseignement dont les collections 
à l'usage du public se sont enrichies au cours de 
l’année, il faut signaler : un modèle de la mine de Cop- 
per Queen, à l'échelle d’un pouce pour 6 pieds, montrant 
en particulier le fonctionnement de l’extraction avec un 
moteur électrique automatique, et qui est sans doute le 
modèle de mine le plus parfait actuellement existant ; 
un modèle de la puce qui transmet le bacille de la 
peste du ratau rat et du rat à l’homme, agrandi 120 fois; 
une exposition d'hygiène militaire, montrant l'impôt 
terrible prélevé par la maladie dans les campagnes du 
passé et les méthodes employées pour en préserver 
actuellement les armées (purification des eaux, éloigne- 
ment des déchets et ordures, protection contre les insec- 
tes, soin des blessés et des malades, etc.). 

La contribution du Musée au progrès de la science a 
lieu surtout par l’organisation d’expéditions scientifi- 
ques envoyées dans les diverses parties du globe, avec 
la mission d'étudier certaines questions et derapporter 
des collections. En 1914, les expéditions organisées 
entièrement par le Musée ou subventionnées partielle- 
ment par lui ont été au nombre de 29, dont 23 dans 
l'Amérique du Nord, 3 dans l'Amérique du Sud et 3 en 
Afrique. Parmi elles, il faut citer surtout l'expédition 
Roosevelt dans l'Amérique da Sud, l'expédition Lang 
et Chapin au Congo et l'expédition à la recherche de la 
Terre de Crocker, qui ont donné des résultats impor 
tants. L'étude des collections rapportées par les expédi- 
tions envoyées par le Musée a donné lieu à 4/4 mémoires 
publiés dans le Bulletin et à un volume de mémoires 
anthropologiques. 

L'Association du Musée a compté l’année dernière” 
3669 membres, ayant fourni environ 150,000 francs de 
cotisations. Mais ce n’est là qu'une faible partie des res- 
sources du Musée. Les administrateurs eux-mêmes y 
ont contribué pour 230.000 francs de souscriptions per- 
sonnelles, et l'intérêt des fonds inaliénables s’est élevé 
à près de 540.000 francs. Le Musée a perdu cette année 
une de ses principales bienfaitrices, Mme Morris 
K. Jesup, qui a ajouté au legs de 5millions laissé autre- 
fois par son mari, un nouveau don de 20 millions de 
francs, dont les intérêts doivent être consacrés exelusi- 
vement à l’œuvre scientifique et éducatrice du Musée. 
C'est par de telles libéralités privées, assez courantes 
aux Etats-Unis, que la plupart des institutions scienti- 
fiques de ce pays ont été dotées de moyens d'action qui 
dépassent souvent ceux de nos vieilles institutions euro- 
péennes. L, B. 


ON. + ' : “ 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 691 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 
Séance du 8 Novembre 1915 


19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. M. d’Ocagne: 
Sur la rectification et la quadrature des épi-ou hypo- 
creloïdes. L'auteur arrive en particulier aux résultats 
suivants, La longueur d'une épi-ou hypocycloïde algé- 
brique quelconque est égale au périmètre du carré cir- 
conscrit à son cercle moyen. Son aire est égale à celle 
du cercle qui coupe orthogonalement tous les cercles 
inscrits dans la couronne comprise entre son cercle 
limite et son cercle moyen. 

20 SCIENCES PHYSIQUES. — M, L. Guillet: Sirène 
harmonique à corde. Mesure du module d’ Young: L’au- 
teur a constaté que les modes d’entrelien électrique du 
mouvement vibratoire appliqués avec succès au diapa- 
son s'adaptent à la corde vibrante, mais à la condition 
de bien combiner et de bien placer le contact. Le contact 
doit se trouver extrêmement près de l’un des points 
d'attache de la corde. Il y a lieu d'adopter un contact à 
charbon spécialement construit, dont l’un des pôles est 
solidaire de la corde et l’autre formé par un disque de 
charbon dont on peut régler, par ressort el bague file- 
tée, le degré de mobilité élastique. La corde est tendue 
sur un support stable à l’aide d’une vis micrométrique 
commandant, par translation, la pièce solidaire de l’une 
des extrémités de la corde. La corde étant en vibration, 
il suflit d'agir sur la vis d’une manière continue pour 
faire monter ou descendre le son et produire, par suite, 
l’effet bien connu de sirène. — MM. R. Ledoux-Lebard 
et Dauvillier : Nouvelle méthode radioscopique de 
recherche sûre des corps étrangers pendant les interven- 
tions cairurgicales. Cette méthode repose sur l'emploi 
d'une ampoule à double anticathode, donnant sur un 
écran fluorescent, à travers un diaphragme rectangu- 
laire d'ouverture variable, deux ombres d'un même 
point opaque et deux ombres d’une pince chirurgicale 
qui coïncideront lorsque la pince arrivera au contact du 
projectile. — MM. L. Tschugaeff et W. Lebedinsky : 
Sur deux séries de complexes dérivés du platine bivalent 
et correspondant à l'indice de coordination 6. En par- 
tant de l’acétonitrile et du chloroplatinite de potassium, 
Hofmann et Bugge ont obtenu le composé (Pt.2CH3CN. 
C1) ; les auteurs, en le chauffant avec prudence, l’ont 
transformé en une modification isomérique 8. Les deux 
isomères z et £ possèdent la propriété de fixer 4 mol. de 
NH, en donnant deux chlorures également isomères 
[Pt.2CH°CAz. 4NH°| CR, Ces faits montrent que les dé- 
rivés du platine bivalent, qui correspondent générale- 
ment à l'indice de coordination 4, peuvent aussi posséder 
l'indice 6. — M. A. Guilliermond : Sur l'origine des 
pigments anthocyaniques. L'auteur a reconnu que l'an- 
thocyane, bien que se formant souvent directement au 
sein des mitochondries comme dans les dents des folio- 
les de rosiers, semble cependant, tout aussi fréquem- 
ment, dériver de la transformation d'un composé phé- 
nolique incolore préalablement formé au sein des 
mitochondries et dissous dans les vacuoles. 

3° SCIENCES NATURELLES. -— MM. A. Marie et L. Mac 
Auliffe : Uaractères morphologiques généraux des alie- 
nés. Les auteurs confirment le fait que les pensionnaires 
des asiles d’aliénés présentent une morphologie très 
différente de la normale. La taille des aliénés, en vertu 
de la dégénérescence, est en majorité petite; ces mala- 
des présentent un buste court, ce qui paraît indiquer un 
arrêt de développement ontogénique des organes que le 
buste renferme : appareil pulmonaire et digestif. Par 
contre, les membres, surtout les membres inférieurs, 
semblent subir au cours de leur développement une 
poussée exagérée. Les mêmes phénomènes anormaux 


se constatent dans le développement ontogénique de la 
tête, dont la largeur est généralement grande, — M. 
Bonnefon: /alremulation physiologique de l'iris (fausse 
tridodonèse), La trémulation de l'iris ou iridodonése a 
été considérée de tout temps comme de nature exclusi- 
vement pathologique et liée à des modifications anato- 
miques bien délinies., L'auteur a observé chez des sujets 
normaux ou faiblement amétropes, indemnes de tout 
traumatisme récent ou ancien, l'existence d'une irido- 
donèse bien caractérisée sedistinguant de l'iridodonèse 
pathologique par son siège exclusivement périphérique 
et la faible amplitude des mouvements oscillatoires, — 
M. A. Ch. Hollande : Coloration vitale par lecarmin so- 
luble chezles Insectes.Les combinaisons acides du carmin 
se comportent bien différemment des combinaisons al- 
calines; les premières peuvent être absorbées par la plu- 
part des cellules absorbantes: cellules digestives, leu- 
cocytes-phagocytes, cellules péricardiques et cellules 
rénales; les secondes ne sont absorbées que par les 
leucocytes-phagocytes et les cellules péricardiques. De 
plus, les acido-carmins ne font, pour ainsi dire, que 
traverser la cellule, tandis que les carminates y séjour 
nent parfois de longs mois, fait qui s'explique aisément 
par la transformation du carminate en carmin pur, in- 
soluble dans l’eau. — M. Em. Haug: Sur la tectonique 
de la région de Brignoles (Var). 11 résulte des observa- 
tions de l’auteur que la série autochtone apparait dans 
la région de Brignoles exclusivement sous la forme de 
fenêtres ménagées par l’érosion dans la grande nappe 
de la basse Provence. A l’extrémilé orientale de chacune 
d’elles, leurs terrains s’enfoncent sous ceux de la dépres- 
sion permienne, qui fait elle-même partie de la nappe.Jus- 
qu'ici, les bauxites n'ont été exploitées que sur les lignes 
d'affleurement; les perspectives d'exploitation en profon- 
deur, sous les nappes, sont pour ainsi dire illimitées. 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 
Séance du 9 Novembre 1915 


M. S. Pozzi: Une observation de tétanos localisé pré- 
coce. L'auteur a observé, chez un soldat blessé par des 
éclats d’obus ayant fracassé les os de larégion tarsienne 
gauche et ayant reçu une injection préventive de sérum 
antitétanique 3 jours après sa blessure, l'apparition, 
au 5° jour, d’un tétanos localisé à la jambe gauche, avec 
douleurs horribles ne cédant à aucun calmant. L’ampu- 
tation du pied, pratiquée au 13° jour, n’a d’abord apporté 
aucune amélioration; puis, des injections massives de 
sérum antitétanique ont amené peu à peu une diminution 
des secousses et des douleurs; mais, après 6 semaines, 
la jambe reste toujours fortement fléchie sur la cuisse. 
Ces cas de tétanos localisé sont jusqu'à présent excessi- 
vement rares. — M. J. Lignières: Le traitement des 
plaies par le sérum de cheval. En dehors des sérums spé- 
cifiques, le sérum normal de cheval a été préconisé 
depuis longtemps en thérapeutique humaine, notam- 
ment pour le traitement des plaies. L'auteur a reconnu 
que le sérum frais de seconde saignée, pratiquée 24 heu- 
res après la première, sans chauffage, est celui qui 
donne les meilleurs résultats. — M, C. Lian : lL'alcoo- 
lisme cause d'hypertension artérielle. L'auteur a étudié 
150 sujets, qu'il a répartis en 4 catégories : sobres, 
moyens, grands et très grands buveurs. Les différences 
dans le nombre des hypertendus dans les quatre caté- 
gories sont telles que la conclusion s'impose : l’alcoo- 
lisme est un facteur important dans l’étiologie de 
l'hypertension artérielle. Son influence nocive se fait 
largement sentir à ce point de vue chez les grands bu- 
veurs, et est considérable chez les très grands buveurs. 


[°2 
© 
2 


Séance du 16 Novembre 1915 


M. le Président annonce le décès de M. A.-H. Mal- 
herbe, correspondant national. 

M. L. Camus: Pansement vaccinal protecteur. Le 
pansement vaccinal s'impose toutesles fois que des rai- 
sons sérieuses font craindre que, sur certains points des 
téguments, du virus vaccinal se développe s’il y est acci- 
dentellement transporté; ainsi on l’emploiera toujours 
quand la vaccination sera pratiquée chez un individu 
atteint de plaie cutanée traumatique ou pathologique 
grave. Dans les autres cas, le pansement vaccinal pro- 
tecteur devient un pansement decomplaisance, qui pré- 
sente toutefois certains avantages, en empêchant les 
inflammations dues aux traumatismes post-opératoires 
et aux infections secondaires. Un type de pansement 
recommandable consiste à utiliser, pour isoler et proté- 
ger le vaccin, l’espace libre obtenu par l'enlèvement 
d’une rondelle dans un tissu épais ; on recouvre les deux 
faces d’un enduit adhésif non irritant, et par-dessus on 
place une gaze. — M. Daumézon : Sur la morphologie 
du bacille typhique et du bacille paratyphique B culti- 
vés in vitro dans le liquide céphalo-rachidien de l'homme. 
Le bacille d'Eberth peut accidentellement présenter un 
allongement très considérable dans le liquide céphalo- 
rachidien /2 vivo ; il se raccourcit dans les cultures filles 
en milieu artificiel. Des ensemencements dans (8échan- 
tillons de liquides céphalo-rachidiens correspondant à 
des états pathologiques divers n’ont pas reproduit la 
forme longue originelle. Cependant, dans un de ces 
18 cas, un liquide de ponction a fourni artificiellement 
in vitro et en présence d'oxygène des formes indiscuta- 
blement plus longues que la normale, paraissant cons- 
tituer un terme de transition vers l’étirement considé- 
rable constaté in vivo. Cet étirement n’est pas spécial au 
bacille d'Eberth. 


SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE 


Séance du 6 Novembre 1915 


MM. Ed. Retterer et H. Neuville : Le la forme et 
de la structure de la rate des Carnivores, ainsi que de 
l’évolution du parenchyme splénique.I existe chez l'ours 
et le lion un syncytium qui entoure les artérioles splé- 
niques el non pas un réliculum dont les mailles con- 
tiennent des lymphocyteslibres. C’est ce syncytium qui 
représente le premier stade de l’évolution du paren- 
chyme splénique. Il est parcouru par des filaments gra- 
nuleux et anastomotiques (hématoxylinophiles) et non 
point par des fibres collagènes ou conjonctives; ce syncy- 
tium correspond aux centres germinatifs etse transforme 
en tissu réticulé à mailles vides par fonte du cytoplasme 
(2° stade). Par désagrégation du réticulum, les restes 
cellulaires deviennent libres (leucocytes) et, si le noyau 
a subi la dégénérescence hémoglobique, il devient une 
hématie. — MM. Et. Burnet et R. J. Weiïissenbach: 
Valeur des renseignements fournis par la culture en 
gélose à l’acétate ‘de plomb pour ia différenciation des 
bacille s lyphique et paratyphiques À et B. L’ensemen- 
cement en gélose à l’acétate de plomb, associé à l’ense- 
mencement en gélose glucosée au rouge neutre, consti- 
tue un moyen simple, rapide et sûr de différencier les 
bacilles typhique et paratyphiques A et B. Le paraty- 
phique À pousse dans le premier milieu sans le noireir 
ou ne noircit qu'après plusieurs jours ; le paratyphique 
B et le bacilletyphiquele noircissent en 18 à 24 heures. 
Dansle second milieu, le bacille typhique pousse sans 
faire virer le rouge neutre, tandis que les paratyphiques 
le font virer. La concordance des résultats de ce double 
ensemencement avec ceux que fournit l’agglutination 
est parfaitement constante, — M. A. Guilliermond : 
Sur un exemple de copulation hétérogamique observée 
dans une nouvelle levure : Zygosaccharomyces Nadsonii. 
Au moment de la copulation, les cellules sont arrondies 
et possèdent presque toutes 1 à 3 petits bourgeons encore 
réunis à elles. La copulation s'effectue entre une cellule 
mère et l'un de ses bourgeons. La cellule mère joue le 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


rèle de gamète femelle, tandis que le bourgeon repré- 
sente le gamète mâle, Les deux cellules s'unissent par 
un canal de copulation formé par la soudure de deux 
becs émis par elles. Le contenu du gamète mâle émigre 
dans le gamète femelle, qui se transforme en asque ren- 
fermant ordinairement deux ascospores arrondies, tan- 
dis que le reste du gamète mâle, c’est-à-dire sa mem- 
brane, se résorbe. — MM. H. Claude et R. Porak : 

Les troubles de la motilité dans les psychonévroses du 
type hystérique. Des € épreuves ergographiques auxquelles 
les auteurs ont soumis leurs malades se dégagent quel- 
ques conclusions générales :1° L’altération considérable 
de la forme des contractions musculaires, mise en évi- 
dence dans la détermination du poids maximum et 
dans les courbes de fatigue, caractérise l'instabilité 
motrice particulière des psycho-névroses du type hys- | 
térique. 2° L’aisance avec laquelle les malades effectuent, 
un effort très prolongé apparait au stade en plateau du, 
tétanos volontaire et, à en juger par le nombre des, 
contractions, dans les courbes de fatigue volontaire." 
Cette continuité d’un effort faible, il est vrai, est à rap" 
procher de la lente fatigabilité. 30 Enfin la D ASS 


peut être faite rapidement. 


SOCIÉTÉ FRANCAISE DE PHYSIQUE 


Séance du 2 Juillet 1915 


M. C. Raveau : Sur la liquéfaction industrielle de) 
l'air. I. Décrivant d’abord l'appareil de M. G. Claude,» 
M. C. Raveau donne aux deux parties distinctes dont 
il se compose le nom de circuit de liquéfaction L et des 
circuit de réfrigération R. Les deux circuits sont alimen- 
tés d’air à 4oatm; dans le premier L, une liquéfaction 
partielle se produit au cours d’une détente irréversible 
par libre écoulement à travers un robinet; dans le se-" 
cond R, l’air circule indéfiniment, subissant, dans un. 
ou plusieurs cylindres, une détente approximativement® 
réversible qui n’abaisse guère sa température au-dessous» 
de — 150° C. M. Raveau s’occupe surtout des échanges 
de chaleur qui ont lieu entre les circuits L et R d’une parts 
et les différentes parties du circuit L d’autre part. 11 
montre comment les données fournies par M. G. Claude” 
s'accordent avec les propriétés calorimétriques de l'air. 
telles que les a calculées Witkowski à partir des pro 
priétés thermo-élastiques, dans l'hypothèse de la con= 
stance approximative de la chaleur spécifique sous la 
pression atmosphérique. IL. Du point de vue thermody= 
namique, une machine à liquéfier l'air absorbe du tra= 
vail et dégage, à la température ambiante, une quantité 
de chaleur supérieure à l'équivalent de ce travail. L’ex= 
cédent représente la variation d'énergie du gaz qui se 
liquéfie. On démontre aisément que le rendement maxi 
mum serait atteint dans une machine qui fonctionne= 
rait d’une façon réversible, c’est-à-dire qui ne com- 
porterait ni détente par libre écoulement, ni surtout, 
d'échanges de chaleur entre des masses de gaz dont les: 
températures sont très différentes. Dans la première 
machine, définitivement abandonnée par M. G. Claude, 
la liquéfaction se produisait au cours d’une détente ré- 
versible sous piston, et l'air qui avait échappé à la li- 
quéfaction se réchauffait, depuis — 193" C., aux dépens 
de l'air comprimé qui se refroidissait jusqu’à la tempé- 
rature iniliale de la détente. Dans une telle machine, 
füt-elle parfaite sous tout autre rapport, cette chute de 
chaleur aurait pour effet d’abaisser le rendement aux 
2/3 de la valeur théorique maxima. La dépense théorique 
minima qu'exigerait la production de 1*8 d’air liquide 
serait de 0,26 cheval-heure. Si l'on admet pour le ren- 
dement pratique du compresseur la valeur 2/3 et pour les 
pertes inévitables la fraction 1/2, la dépense pratique 
d’une machine intérieurement parfaite serait de 0,78 
cheval-vapeur par kilogramme d’air liquide. Dans l’ap- 
pareil de M. G, Claude, la dépense est de 1,26 cheval- 
vapeur par kilogramme d’air liquide. 


Le Gérant : Octave Doix. 


Sens. — Imp. Levé, 1, rue de la Bertauche. 


26° ANNÉE 


N° 24 


30 DECEMBRE 1915 


Revue générale 


ES SCiences 


pures et appliquées 


| Fonpareur : LOUIS OLIVIER 


Dixecreur : J.-P. LAN GLOIS, Docteur es Sciences 


lAdresser tout ce qui concerne la rédaction à M. J.-P. LANGLOIS, 8, place de l'Odéon, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des 


$ 1. — Nécrologie 


H. Ch. Bastian. — Le 17 novembre est mort en 
Angleterre, à l’ägede 78 ans, un savant, le D'H,Charlton 
Bastian, dont le nom a été associé à l’une des contro- 
versés les plus retentissantes de la seconde moitié du 
siècle dernier. 

Bastian a fait toute sa carrière oflicielle dans l’ensei- 
gnement de la médecine et la pratique hospitalière; il 
s’est surtout intéressé à l’étude clinique dela neurologie; 
il était devenu un spécialiste autorisé des affections ner- 
veuses et il a laissé dans ce domaine des travaux de 
valeur sur les paralysies, l’hystérie, l’aphasie et les au- 
tres défauts de la parole et un livre : Le cerveau consi- 
déré comme organe de la pensée, qui a été traduit en 
français el en allemand. 

Mais c’est à un autre ordre de recherches que le nom 
de Bastian restera particulièrement attaché. Contraire- 
ment aux vues généralement acceptées, il niait que la 
vie se développe toujours aux dépens d’une vie préexis- 
tante; pour lui, le vieil aphorisme : Omne vivum ex vivo 
est pas vrai, el il soutenait non seulement que dans 
un passé éloigné un concours fortuit d’atomes a proba- 
lement donné naissance au premier commencement de 
la matière vivante, mais aussi que ce processus s’est 
toujours continué depuis, et qu'il se poursuit encore 
aujourd’hui. Il était, en somme, partisan de la doctrine 
de la génération spontanée ou, comme il préférait la 
nommer, de l’archébiose, et il exécuta un grand nombre 
de recherches laborieuses pour la prouver. 

Il employait des liquides formés de : a) phosphate 
d'ammonium, acide phosphorique etsilicate de sodium; 
b) sulfate ferreux et ferrocyanure de potassium; c) sul. 
fate ferreux, ferrocyanure de potassium et silicate de 
sodium. Ils étaient introduits dans des tubes de verre 
qu'on scellait, stérilisait à des températures diverses, 
maintenait dans certaines conditions de lumière et de 
chaleur et examinait après un certain nombre de mois. 
Dans plusieurs de ces tubes, des micro-organismes : bac- 
téries, torulas et même moisissures, semblent, d’après 
Bastian, avoir fait leur apparition. Les expériences 
étaient laborieuses et nombreuses les causes d’erreurs 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 


travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France eten pays étrangers y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


possibles. Bastian s'appliqua à prévenir toutes les cri- 
tiques et maintint jusqu’à la fin la justesse de ses obser- 
vations. Peu de personnes ont entrepris de les répéter; 
on ne peut dire qu’elles aient été confirmées, bien que 
divers chercheurs aient prétendu avoir observé le déve- 
loppement d'organismes inférieurs dans des tubes de 
cultures préparées suivant ses indications. 

Bastian soutenait également la doctrine de l’hétéro- 
génèse, c'est-à-dire de l'apparition soudaine d’une espèce 
d'organismes dans la descendance d’une autre espèce. 
Ainsi, d’après lui, des Ciliés et des Flagellés pouvaient 
succéder à des Amibes, sorties elles-mêmes d’une masse 
de zooglée bactérienne. 

Bastian défendait ses idées contre l’opposition una- 
nime avec une ténacité et une bonne foi qui lui gagnè- 
rent le respect de tous ses adversaires, au nombre des- 
quels Pasteur lui-même, qui l'avait vaincu, mais non 
écrasé, dans une séance mémorable du Congrès interna- 
tional de Médecine de Londres, en 1881. 


N 2. — Astronomie 


L'avenir des planètes. — Un grand nombre 
d'hypothèses ont été suggérées pour expliquer la cons- 
tance relative de la chaleur solaire : actions chimiques 
internes, énergie cinétique des molécules, chute de mé- 
téores, transformations radioactives, contraction pro- 
gressive, ete. Mais aucune de ces hypothèses n’est vrai- 
ment satisfaisante et ne résiste à un examen approfondi, 

Dans un article fort captivant!, M. Puiseux expose 
combien cette constance du Soleil est anormale vis-à- 
vis des étoiles qui lui sont comparables, et peu certaine 
pour l'avenir, 

La densité moyenne du Soleil, supérieure à celle de 
l’eau, mais inférieure au quart de celle de la Terre, peut 
sembler faible par comparaison. Elle est en réalité très 
forte pour un corps de cette étendueet, si l'on considère 
combienles couches superficielles sont raréliées,il semble 
de toute nécessité, à mesure que l’on pénètre un peu 


1. Scientia, octobre 1915. 


694 


profondément dans l’intérieur de l’astre, que la densité 
augmente et que la pression atteigne un nombre formi- 
dable d’atmosphères. 

Sous l'influence de cette pression, il se produit, d’après 
M. Innes, une libération d'énergie atomique, transfor- 
mant les éléments lourds en éléments légers : hydro- 
gène, hélium, nébulium, archonium, ces deux derniers 
entrevus seulement dans les nébuleuses. « Cette force, 
à l’œuvre dans le Soleil, est loin d’y avoir produit tous 
ses effets, et pourrait bien nous ménager, un jour ou 
l’autre, quelque formidable surprise. On en observe les 
résultats plus avancés dans les étoiles blanches, où le 
spectroscope ne révèle plus les raies des éléments 
lourds. Les étoiles nouvelles nous ont montré la méta- 
morphose totale établie dans un temps si court que le 
mot d’explosion ne semble pas exagéré pour la dépein- 
dre. Et le passage de l'étoile solaire à la nébuleuse n’est 
peut-être encore qu'un prélude. Si, comme le croyait 
Mendeléeff, l’éther possède une masse et diffère surtout 
de l'hydrogène par l’inertie chimique et le poids bien 
plus faible de son atome, il n’est pas défendu d’aller 
plus loin et de concevoir une transformation du nébu- 
lium en éther. Nous serions ainsi dispensés de cher- 
cher ce que deviennent les résidus des étoiles détrui- 
tes. » 

L'observation ne nous indique pas si nous devons 
considérer la catastrophe comme prochaine, La statis- 
tique stellaire, rassurante à un point de vue, puisqu'on 
a peu d'occasion d'observer des extinetions ou de fortes 
recrudescences, est inquiétante à un autre, car les seuls 
corps célestes auxquels on soit fondé à attribuer une 
densité moyenne égale ou supérieure à celle du Soleil 
n’ont que des masses beaucoup moindres. Quand on 
trouve,ce qui est le casle plus général, des masses supé- 
rieures à celle du Soleil, les densités moyennes sont 
bien plus faibles, et il devient de plus en plus probable 
qu'une grande masse est incompatible avec une forte 
densité. « Le Soleil est par là suspect d’être instable. Il 
serait à sa manière un sujet anormal, affecté d’un vice 
de constitution qui pourrait bien se traduire par une 
crise moins inoffensive que l’incessante formation des 
rayons coronaux, des protubérances, des taches et des 
facules.» 

Les planètes n’ont pas seulement à redouter une 
transformation brusque du Soleil. Chacune d'elle peut 
avoir dans sa structure le germe d'une crise analo- 
gue à celle que nous venons de prévoir. La Terre 
est, après Mercure, la planète la plus dense. Par suite, 
la pression doit atteindre, à l’intérieur de notre globe, 
des valeurs énormes, capables, d’après M, Innes, de 
produire sur les éléments un changement total de la 
structure moléculaire. Il y aurait libéra ition de l’éner- 
gie intra-atomique, comme nous le voyons dans les 
transformations radioactives, mais tous les éléments 
chimiques, ou peu s’en faut, y seraient intér s. 
On devrait chercher là l'origine des éruptions, des se- 
cousses sismiques. On ne s'étonnera point de l'intensité 
de ces effets si l’on note, avec Sir William Ramsay, 
que le radium peut dégager deux millions de fois plus 
d'énergie que la cordite, l’un des plus puissants explo- 
sifs connus. 

Le noyau central de notre globe est donc dans un 
état d’'instabilité qui semble lié à la grande densité 
moyenne de la Terre, etdont nous ressentons de temps 
à autre les effets, [l serait intéressant d’être renseigné 
sur la marche progressive ou régressive de cette ins- 
tabilité qui se manifeste dans les phénomènes volcani- 
ques. La connaissance du passé de la Terre est trop 
imparfaite pour que nous puissions dire si ces phé- 
nomènes sont actuellement dans une période de crois- 
sance ou si, au contraire, ils tendent à s’atténuer, 

Mais une indication peutêtre utilement demandée 
à l'examen de la surface de la Lune. Par suite de l’ex- 
trême sécheresse et de la rareté de l’atmosphère, en 
raison aussi de l'absence des sédiments et des nappes 
océaniques, les formes volcaniques de tous les âges se 
sont admirablement conservées. Ces formes ont évolué 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


pour se rapprocher finalement de celles de nos volcans 
terrestres, Mais l’activité volcanique parait s’être éteinte 
bien avant d’avoir gagné la surface entière, et une 
surveillance assidue n’en a révélé d’une façon sûre at 
cune manifestation nouvelle, La forme actuelle du vol 
canisme terrestre a été pour le volcanisme lunaire une 
forme finissante, 

QCIL paraît donc probable que les frémissements de 
la Terre sont déjà en voie de s’éteindre, ou tout at 
moinss’arrèteront avantd'avoir compromis sérieusement 
l'enveloppe solide qui nous porte. La force génératrice 
des océans et des montagnes est assoupie et ne se ré= 
veillera que sur un signal parti du Soleil, Mais, inévi= 
tablement, ce signal viendra. Plus instable’ qu'au- 
cune planète, l'astre central imposera, après lavoir 
subie pour lui même, une transformation profonde 
à tout son cortège. 


A. B. 
$ 3. — Physique 


Les propriétés magnétiques de quelques 
alliages de îer fondus dans le vide. — Nous 
avons déjà signalé les recherches de M. T. D. Yensen 
sur les propriétés magnétiques remarquables du fe 
électrolytique fondu dans le vide!. Ce savant vient 
d'étendre ses recherches à divers alliages formés par le 
fer électrolytique fondu, toujours dans le vide, ave 
d’autres éléments?. 

Les alliages fer-bore, fer-carbone, fer-cobalt ont été 
successivement étudiés, mais ce sont surtout les allia 
ges fer-silicium qui ont donné des résultats intéres= 


des teneurs de 0,15 et de 3,4 is de Si, après recuit à 
1100° C . Les valeurs de la perméabilité maximum pou 
cesäeux alliages sont supérieures à 50.000, et les HIER 
de la perte d hystérèse pour Brax — 10.000 et 15.000 
sont respectivement de 300 et de 1000 ergs par eme 
par cycle. La perte par hystérèse est respectivemen 
le 1/8 et le 1/3 de la perte correspondante pour l'acier 
au silicium commercial. 

Tandis que les deux alliages ont des propriétés magné- 
tiques analogues, l’alliage à 3,41/;de Si possède une 
résistance électrique environ 5 fois supérieure à celle 
de Palliage à 0,15°/0;il est donc particulièremen 
désigné pour l'emploi dans les machines électromagné- 
tiques aux endroits où l’on veut avoir une faible perte 
de courant parasite, en même temps qu'une haute per- 
méabilité et une faible perte par hystérèse. 


$ 4. — Electricité industrielle 


Un nouveau type de lampe à arc à électro- 
des inusables. — Les électrodes des lampes à are 
ordinaires {carbone, magnélile, etc...) sont soumises à 
une oxydation ou une volatilisation continue, quinéces=\ 
site leur remplacement fréquent et le nettoyage pério= 
dique de la lampe. S'il était possible de construire une 
lampe telle que le passage de l’are ne se fit pas aux 
dépens des électrodes, mais d’un gaz ou d’une vapeur 
environnant, sans destruction de ce dernier milieu, on 
aurait réalisé un système qui ne nécessiterait plus de 
remplacement et ne demanderait guère plus de soins 
qu'une lampe à incandescence ordinaire. 

Les essais entrepris dans cette direction par M. W. 
A. Darrah, et communiqués par lui à une séance com- 
mune de la Société électrochimique américaine et de 
la Société des ingénieurs de l’éclairage#, laissent entre- 
voir la solution pratique de ce problème. 

L'auteur a d’abord constaté que l'addition de faibles 
quantités de composés cériques ou caleiques à l'arc au 
carbone peut augmenter son rendement de près de 


1. Rev.aén. des Se. du 15 mars 1915, XXVI, p. 133. 
2. Proc. El the American Inst. of le RU t. XXXIV, 
>. 2455; oct. 1915. 


3. Electrical W orld, 1099 ; 43 nov. 1915. 


PLUXVI M0 "D: 


300°/, et que l'addition de titane (de préférence sous 
forme d'oxyde) à l’are à magnétite produit de même un 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 695 
$ 5. — Chimie 
Nickelage directde l'aluminium. — Il est as- 


“accroissement de la luminosité sans augmentation de 
“onsommation. Par contre, l'addition de cérium ou de 
calcium à l’are à magnétite, ou l'addition de titane à 
l'arc au carbone, ne produisent pas de gains de lumi- 
nosité correspondants. 

L'étude attentive de ces faits a conduit l’auteur à 

. penser qu'un arcpourrait être maintenu en vase clos 

en l’alimentant par ces éléments photogènes sous forme 
de vapeur, Voici la disposition qu'après plusieurs essais 

il a finalement donnée à sa lampe (fig. 1): 


Fiy. — Schéma de la lampe à arc à électrodes inusables. 


A, arc; E, enveloppe de la lampe; L, M, électrodes de tungstène ; 
[, isolateurs; F, enveloppe de l'arc; C, chambre de condensation; 
O, ouvertures pour le tirage; T, U, porte-électrodes. 


Elle consiste essentiellement en une enceinte E, au 
centre de laquelle l'arc A jaillit entre deux électrodes 
de tungstène L et M d'environ 4,5 mm. de diamètre. 
Ces électrodes sont partiellement entourées d’un isola- 
teur réfractaire I, destiné à empêcher l'arc de jaillir loin 
des extrémités des électrodes. Le tungstène constitue la 
meilleure matière pour les électrodes, à cause de son 
inertie chimique, même au rouge, en présence des 
diverses vapeurs utilisées. 

Tous les liquides employés pour fournir les vapeurs 
actives étant hygroscopiques et décomposés souvent 
par l’air humide, on doit faire le vide dans la lampe, 
puis la chauffer ainsi que les électrodes à basse pres- 
sion pour éloigner les pellicules d'air, et enfin intro- 
duire les liquides sans ouvrir l'enceinte à l'air. On y 
parvient au moyen d’un récipient scellé à la partie 
inférieure de la lampe et pourvu d’un robinet qui le 
relie à celle-ci ; on y introduit le liquide avec précau- 
tion, puis on ouvre le robinet lentement et la pression 
atmosphériqus fait pénétrer le liquide dans la lampe. 

Les vapeure expérimentées ont été celles de Sb Cl, 
CCLi, Sn Cl',Ti Cl',ete…. L'aspect de l'arc est très difré- 
rent de celui des autres lampes à arc;le spectre de la 
flamnre est caractéristique des éléments employés. Les 
courbes qui indiquent la relation entre la longueur 
de l’arc et le voltage montrent que la lumière émise par 
une lampe à arc au pentachlorure d’antimoine recevant 
10 ampères est 20 fois plus forte que celle d’une lampe 
recevant 2 ampères sous le même voltage, ce qui repré- 
sente un rendement à peu près quadruple. Lemaximum 
de rendement de cette lampe s'obtient pour 20 ampères 
envi ron, Des lampes au bromochlorure de titane ont 
été construites avec un maximum de rendement pour 
5 ampères environ, 


sez diflicile de déposer directement sur l'aluminium une 
couche bien adhérente de nickel, Aussi jugeait-on gé- 
néralement nécessaire, dans les ateliers électro-chimi- 
ques, d'effectuer le nickelage sur un dépôt préalable de 
cuivre, de fer ou de zinc. M. J. Canac a réussi à obtenir 
un dépôt direct en couche adhérente, aprèsavoir décapé 
l'aluminium de la façon suivante, 

Le métal est d'abord passé dans une solution bouil- 
lante de potasse caustique; on le lave, puis on le brosse 
avec un lait de chaux; après un lavage à l'eau pure, on 
l’immerge pendant quelques minutes dans un bain de 
cyanure de potassium à 2°/,. On le lave de nouveau et 
on le trempe dans : 


TEE 0 tree RIT CD ON cE 200 cc. 
Acide chiorhydrique ED :2500 pr. 
Fer. RE SRE Te 1 gr. 


Cette néon est Tue jusqu'à ce que l’alu- 
minium prenne un aspect particulier, rappelant le moiré 
métallique du fer-blanc soumis à l’action de l'acide chlor- 
hydrique et de l'acide azotique. 

Après un dernier lavage à l’eau pure, on procède au 
nickelage, dans le bain suivant : 


AU RNCE <a rare eur "1000 CC: 
C hlorure de nickel. HAE : 50 gr. 
ACidelborique et c 20 gr. 


M. Canac donne au métal ainsi traité le nom d’alu- 
minium-nichel, bien que ce ne soit pas là un alliage. 
Quoi qu’il en soit, le dépôt est très solide et supporte 
bien le martelage. On peut courber les plaques sans 
qu'il se forme la moindre craquelure, et c’est seulement 
par cassure de l’aluminium que celui-ci est mis à nu. Le 
métal supporte l'échauffement, sans déformation, jus- 
qu’au point de fusion de l’aluminium. Il ne s’altère pas 
à l’air humide, résiste à la plupart des réactifs chimi- 
ques, n’est pas attaqué par les vinset les alcools. L’em- 
ploi en est tout indiqué dans les cas où l’on a besoin 
d’un métal léger, résistant et inaltérable : ustensiles de 
ménage ou de voyage, matériel d'automobiles, canots, 
aéroplanes, appareils photographiques, ete. 


$ 6. — Biologie 


Relations entre la couleur spectrale et 
la stimulation chez les organismes infé- 
rieurs. — On sait que la plupart des organismes 
simples répondent d’une manière bien définie à l’excita- 
tion lumineuse : les uns s’orientent et se dirigentdirec- 
tement vers la lumière, d’autres en sens inverse, 
d’autres encore se dirigent vers elle dans certainescon- 
ditions et s’en éloignent dans d’autres, 

Dans un champ lumineux formé par deux faisceaux 
horizontaux se croisant à angle droit, ces organismes 
procèdent, dans un sens ou dans l’autre, par rapport à 
un point situé entre les deux faisceaux. La siluation de 
ce point dépend de l'éclairage relatif reçu des deux fais- 
ceaux par les organismes. S'ilest égal en qualité et en 
intensité, de sorte que l'excitation soit la même, ce 
point est approximativement à égale distance des deux 
faisceaux !. Par conséquent, quand les organismes pro- 
cèdent d’un point ainsi situé, on peut conclure que l’effel 
stimulant de la lumière des faisceaux est égal, quelles 
que soient son intensité ou sa qualité. Il enrésulte que, 
si la qualité d’un faisceau est maintenue constante (lu- 
mière blanche, par exemple), tandis que la couleur de 
l’autre varie, on pourra déterminer la stimulation rela- 
tive due aux diverses couleurs. Pour cela, il faut faire 
varier l'intensité lumineuse de la lumière blanche à 
chaque changement de couleur de l'autre faisceau, jus- 
qu'à ce que les organismes suivent le même trajet. L'effet 


1. S. O. Masr : Light and the behaviour of organisms, 
J.Wiley and Sons, New-York, 1911. 


CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 


stimulant des différentes couleurs sera alors directement 
proportionnel aux diverses intensités de la lumière 
blanche. Pourexprimercetteeflicacité relative en termes 
de longueurs d'onde et d'énergie, il suflira d'employer 
un spectre ayant une distribution connue d'énergie et 
de faire des corrections concordant avec cette distribu- 
tion. 

M. S. O. Mast!a appliqué cette méthode à l'étude de 
l'excitation relative des différentes régions du spectre 
chez une quinzaine d'organismes inférieurs : Chlam)- 
domonas, Trachelomonas, Phacus, Euglena (5 espèces), 
Pandorina, Eudorina, Gonium, Spondylomorum, versde 
terre, Arenicola (larves) et mouches à viandes (larves). 
Tous, excepté les trois derniers, sont des organismes 
microscopiques verts, de structure simple. 

Pour tous les organismes microscopiques, sauf un, 
les résultats se répartissent en deux groupes. Dans l’un, 
la région de stimulation commence dans le bleu, près 
du violet, entre 430 et 44o sr. De là vers le rouge, l’ex- 
citation s'élève, d'abord lentement, puis rapidement, 
pour atteindre un maximum dans le vert, près du 
jaune, entre 530 et 540»; puis elle diminue, d’abord 
rapidement, ensuite de plus en plus lentement, pour se 
terminer dans le rouge, vers 640 y. Dans l’autre 
groupe, la région de stimulation commence dans le 
violet entre 420 et 430 » , puis s’élèvetrèsrapidement 
pour attendre un maximum dans le bleu entre 480 et 
490 #2; elle diminue ensuite rapidement, pour se ter- 
miner dans le vert, vers 520 pp. Trois formes micro- 
scopiques appartiennent au premier groupe: Pandorina, 
Eudorina et Spondylomorum; les autres au second, qui 
renferme également les larves d’Arenicola etles vers de 
terre, Pour les Chlamydomonas, le maximum est dans le 
vert près de 510 x »; pour les larves de mouche, près 
de 520 p p. 

Ces résultats montrent que lastimulation,chez tousles 
organismes étudiés, dépend de la longueur d’onde lu- 
mineuse ; elle est beaucoup plus forte dans certaines 
régions du spectre ; mais sa distribution dans le spectre 
diffère beaucoup chez certains organismes de structure 
très voisine (p. ex. Zuglena et Gonium), tandis qu'elle 
est la même chez des organismes de structure très diffé- 
rente (p. ex. £Zuglena et vers de terre). 

M. Mast se propose d'étudier les phénomènes physi- 
ques et chimiques qui sont associés avec ces réactions 
chez les organismes. 


Recherches sur le développement du pou. 
— Parmi les parasites qui se sont multipliés considéra- 
blement dans les agglomérations de combattants depuis 
le commencement de la guerre, le pou est l’un des plus 
désagréables et des plus dangereux : désagréable parce 
qu'il produit une vive irritation de la peau, qui peut 
conduire à la perte presque complète de sommeil; dan- 
gereux parce qu'il est le vecteur des germes pathogènes 
de deux maladies au moins : le typhus exanthématique 
et la fièvre récurrente. 

Aussi des mesures sévères ont élé prises pour com- 
battre ce parasite et en enrayer la multiplication. A la 
demande du Gouvernement anglais, un parasitologiste 
distingué, M.C. Warburton, a entrepris au Laboratoire 
Quick, de l'Université de Cambridge, l'étude des meil- 
leurs moyens à employer dans ce but. Il lui a paru que 
la question ne pouvait être attaquée avec succès que si 
l’on possédait une connaissance complète, qui fait encore 
défaut, de l’évolution de l'insecte, et c'est de ce côté 
qu’il a d’abord dirigé ses recherches?. 

Celles-ci ont porté sur le pou de corps, Pediculus ves- 
timenti, qu'il faut distinguer du pou de tête, P. capilis, 


1. Journal of the Franklin fnst., t. CLXXX, n° 5, p. 617; 
Nov, 1915. 

2, Journ.of the Royal Soc. of Arts, t, LXIV, n° 3289, p. 43- 
4; 3 déc. 1915. 


moins important au point de vue qui nous occupe. L’ha-« 
bitat du pou de corps est le côté des vêtements de des- 
sous qui est en contact avec la peau. Le pou, qui suce le 
sang de son hôte au moins deux fois par jour, est tou- 
jours, pour cette opération, fixé à ce côté interne par les 
griffes d’une ou plusieurs de ses six pattes. On le trouve 
rarement à l’état libre sur la peau, tandis que souvent 
la face intérieure des vêtements de dessous en fourmille 
littéralement. { 

Après un grand nombre d'expériences, M. Warburton 
est parvenu à élever ces insectes délicats, mais seule-n 
ment dans des conditions bien circonscrites, dont l’une 
est leur fixation sur une sorte de flanelle ou de drap, ets 
la seconde la proximité de la peau humaine. Il plaçait 
donc ses spécimens sur de petits morceaux de drap, 
introduits dans de petites éprouvettes en verre portées 
jour et nuit près du corps et fermées par un tampon 
d’ouate qui empêchait le pou de sortir, mais laissait 
entrer l'air et les émanations du corps humain, Deux 
repas par jour étaient nécessaires pour maintenir les 
poux en vie; pour cette opération, les pièces de drap, 
dont les insectes ne se détachent jamais, sont pla- 
cées sur le dos de la main, ce qui annule pratiquement 
tout danger de fuite; une fois que l’accès à la peau lui 
est ainsi facilité, le pou se nourrit immédiatement et 
avec avidité. 

Après de nombreux insuccès, M. Warburlon a réussi 
à maintenir en vie un certain nombre d'insectes; il 
s’est proposé alors d'étudier leur reproduction. Une fe- 
melle est introduite dans une éprouvette, puis le jour 
suivant un mâle est admis auprès d'elle. L'accouplement 
a commencé le 6° jour, puis s’est reproduit à des inter- 
valles fréquents. Peu après, un œuf a été pondu, et 
dans les 25 derniers jours de son existence la femelle a 
pondu en moyenne 5 œufs par 24 heures. 

L'élevage de ces derniers est encore plus diflicile que 
celui des parents. Très peu arrivèrent à éclosion. Ce 
n’est qu’en les laissant à l'endroit où ils avaient été 
pondus, sans les toucher, el en les plaçant dans les 
mêmes conditions que celles où la mère avait vécu. que 
huit d’entre eux, sur les 4 pondus, firent éclosion 
après une période d’incubation de8 jours. Les 16 autres 
étaient morts en apparence; mais le tube qui les conte- 
nait ayant été laissé la nuit à la température du labo- 
ratoire (qui s’abaissa plusieurs fois au-dessous de o°), 
6 autres œufs firent éclosion après une incubation de 
plus d’un mois, On voit que la température joue un 
grand rôle dans la rapidité de développement et que des 
œufs de Pediculus vestimenti sont capables d’éclore 
pendant une période de 35 à 4o jours après la ponte. 

L'élevage des larves est celui qui a offert le summum 
de difficultés. Leur petite taille rend leur observation 
malaisée ; elles se déplacenttrès rapidement et se Cram- 
ponnent moins que les parents au drap ou à la flanelle, 
ce qui crée de grandes difficultés au contrôle. Elles com-" 
mencent à se nourrir dès qu’elles sortent de l’œuf. Elles : 
semblent passer par trois mues successives, à des inter: 
valles d'environ 4 jours, et le 11° jour elles atteignent 
la forme adulte, quoiqu'elles ne commencent à s’accou-" 
pler que 4 à 5 jours après. 

M. Warburton résume ainsi l’évolution de l’inseete : 
période d’incubation, 8 jours à 5 semaines; de la larve 
à l’imago, 11 jours; condition adulte non fonctionnelle, 
4 jours ; vie adulte : mâle, 3 semaines; femelle, 4 semai- 
nes, Maisilne faut pas oublier que ces chiffres sont 
basés sur des expériences de laboratoire, et que dans 
les conditions naturelles ces périodes peuvent se rac- 
courcir. 

Il résulte, d'autre part, nettement des expériences de, 
M. Warburton que le pou de corps meurt très rapide- 
ment s'il n’est pas régulièrement nourri. De tous les 
vêtements infestés envoyés à son laboratoire, très peu 
contenaient des insectes vivants. La larve nouvellement 
éclose périt en 11/, jour si elle ne peut se nourrir. 


7 


| 


s C' X... — L'ARTILLERIE LOURDE DE CAMPAGNE 697 


L'ARTILLERIE LOURDE DE CAMPAGNE’ 


PREMIERE PARTIE 


I. — [lisToRiQUE 


L'artillerie lourde jusqu'en 1870.— On sait que, 

. jusqu'à ces dernières années, le calibre des pie- 

ces auxquelles était réservé le nom de « pièces de 

campagne » restait compris entre deux limites 
assez resserrées. 

La limite inférieure devait tenir compte de la 
nécessité, pour Le projectile, de pouvoir être suf- 
fisant pour attaquer efficacement les obstacles 
courants et donner des éclatements permettant 
le réglage du tir. La limite supérieure devait 
tenir compte des conditions de mobilité d’un 
matériel qui, pour être trainé par six chevaux, 
ne devait pas dépasser, pour les voitures, 2200 k. 

De la sorte, le calibre restait compris entre 70 
et 9,0 mm. 

Mais la question s’est toujours posée de remé- 
dier à l'insuflisance de puissance du canon de 
campagne tel qu'il vient d'être défini, en lui 
adjoignant des pièces de plus forts ealibres et, 
par suite aussi, plus lourdes. 

Cette artillerie lourde, déjà employée au temps 
de Frédérie Il, était représentée dans les guerres 
de la Révolution par le canon de 8 (106 mm.) et 
de 12? (121 mm.), et dans les campagnes napo- 
léonniennes par: le canon de 12 (121mm.), l’obu- 
sier de 6 (185 mm.), le mortier de 24 (150 m m.). 

Elle a ensuite à peu près complètement dis- 
paru jusqu'après la guerre de 1870. 

L'artillerie lourde de 1870 à 1897.— Mais, quel- 
ques années après, par suite de la création des 
régions fortifiées de notre frontière de l'Est, 
l'Etat-Major allemand ne vit d'autre moyen de 
réduire les ouvrages de défense édifiés, que de 
doter les troupes de campagne, chargées de l’of- 
fensive, d'une artilleriesuflisamment mobile pour 
les accompagner, tout en restant assez puissante 
pour détruire rapidement ces forts d'arrêt. Dans 
cet esprit furent mis en service en Allemagne des 
obusiers de 15 et de 21 cm. 

Les Russes, qui avaient été les premières vic- 
times de l'insuffisance du canon de campagne, 
lors de la guerre d'Orient de 1877-78, adoptèrent 


1. Journal des Sciences militaires, 15/7 et 19/8/13, 1/3/14. 

PaLooue : Artillerie de campagne. Encyclopédie Scientifique, 
Paris. Doin, 1909, 

Buar : Artillerie de campagne. Paris, Alcan, 1911. 

Général Marrror : Les armées françaises et allemandes, 
Paris, Berger-Levrault, 1914. 

2. C'est-à-dire lançant un projectile deS8 livres, de 12 livres. 


en 1886 un mortier de campagne de 6 pouces 
(45 ci. 2). 

Cependant, de 1880 à un peu au delà de 1900, 
c’est-à-dire jusqu’à la guerre de Mandchourie où 
les résultats ne lui ont pas paru favorables, l’ar- 
tillerie lourde ne fait pas de grands progres. 

L'artillerie lourde de 1897 à 1912. — Mais en 
1897 l'apparition de notre canon de campagne de 
75, utilisant le recul du canon sur l'affût, permet 
d’entrevoir la possibilité de recourir à des dispo- 
sitions analogues pour les gros calibres. 

L'étude en est nécessairement longue et les 
premiers matériels sont peu satisfaisants : tel 
l’obusier allemand de 15 em. de 1902. 

En France, l’industrie construisaitdes piècesde 
gros calibres présentant les caractéristiques du 
canon de 75. Les Etablissements Schneider par- 
venaient à créerun système d'artillerie allant jus- 
qu'aux plusgros calibres (canons de 105,120, 150; 
obusiers de 165, 120, 150, 6 pouces, 8 pouces, 
9 pouces, mortiers de 11 pouces ou 280 mm.), qui, 
dans les concours institués par les Gouverne- 
ments étrangers, où il s’est trouvé en présence 
des matériels Krupp, a fini par s'imposer, pour 
ensuite affirmer sa supériorité dans -la dernière 
guerre des Balkans. Et, ainsi, nous voyons Ss’ar- 
mer de ces matériels la Bulgarie, la Grèce, l'Ita- 
lie, le Portugal, la Roumanie, la Russie et la 
Serbie. 

Situation de l'artillerie lourde au moment de la 
déclaration de guerre. — Dès 1912, le 1/4 de 
l'effectif de l'artillerie allemande, le 1/3 de l’effec- 
tif de l'artillerie autrichienne étaient affectés à 
l'artillerie lourde. 

En Allemagne, chaque corps d'armée dispo- 
sait : de 16 obusiers de 15 em. portant à 7.100 m., 
de 36 obusiers de 105 et de canons de 105 mm. 
portant à 10.500 m.,et éventuellement de 8 mor- 
tiers de 21 em. portant à 8.500 m. 

Enfin des Etats secondaires, comme la Bulga- 
rie, sont en possession d'obusiers de 120 et de 
150. 

En France, la question de l'artillerie lourde 
reste à l'étude, de sorte qu’au moment de l’en- 
trée en campagne nos corps d'armée ne dispo- 
sent d'aucune pièce d'artillerie, ni obusiers ni 
canons. Quant à l'artillerie lourde d'armée, elle 


1. Fexrus et Curey : Batterie automobile d'obusiers de 
150. Paris, Berger-Levrault, 190%. 


698 C! X... — L’ARTILLERIE LOURDE DE CAMPAGNE 


est réduite à 7 groupes de 3 batteries de 4 piè- 
ces, soit 21 batteries (pas même une par corps 
d'armée!) de canons Rimailho 155 T. R. d’une 
portée de 5.500 m., pouvant tirer 2 à 3 coups à la 
minute. 

Il importe d’abord, pour mieux fixer les idées 
sur ce qu'implique d'avance de réalisation, d’or- 
ganisation et de puissance, la dénomination 
même des matériels que nous nous proposons 


de décrire, de définir ce qu'il faut entendre par 


diffèrent que par leur longueur d'âme, qui est 
supérieure à 20 ou 25 calibres pour les canons, 
10 à 20 calibres pour les obusiers et inférieure à 
10 calibres pour les mortiers. 

Nous allons à présent passer à la description. 
d'un matériel Schneider de chacun de ces types 
de bouches à feu, description qui fera ressortir 
l’homogénité, les caractéristiques de construc- 
tion du système actuel de l’artillerie de campa- 
gne Schneider, dont les divers modèles, dans. 
chacune des classes envisagées, ne diffèrent que 


771 


Fig. 1. — Canon Schneider de 4? 


chacun des types dont l’ensemble constitue l’ar- 
tillerie lourde de campagne. 

L’artillerie lourde comprend un certain nombre 
de catégories de bouches à feu désignées sous le 
nom de:canons,obusiers, mortiers, lance-bombes. 

Ces désignations, sauf la dernière qui date de 
la guerre actuelle, avaient autrefois une signifi- 
cation précise. 

Le canon lançait en tir tendu un projectile 
plein avec une vitesse qui dépendait de la résis- 
tance maximum que pouvait offrir la pièce. Il 
tirait sous de petits angles inférieurs à 20°. L’obu- 
sier lançait un projectile creux, dit obus, renfer- 
mant un explosif muni d’un dispositif pour la 
mise de feu. Il était plus court que le canon et 
faisait un tir courbe sous des angles de 10 à 450. 
Le mortier, plus court encore que l’obusier, lan- 
çait un projectile creux muni d’anses que l’on 
portait au rouge pour le tir. Aujourd’hui, toutes 
les bouches à feu lancent des projectiles analo- 
vues, que la nécessité de combattre les buts 
aériens fait tirer sous de grands angles. Elles ne 


de campagne en batterie, vu de gauche. 


par leurs calibres et des détails d'organisation 
répondant à des destinations spéciales. 

Notre choix ne sera d’ailleurs pas arbitraire et 
portera sur des calibres qui nous permettront de 
montrer des dispositions différentes relatives au 
transport. C’est qu'en effet la mobilité du maté- 
riel est une affaire capitale, puisque c'est d’elle 
que dépend, pour les pièces d'artillerie, la possi- 
bilité d'arriver rapidement sur la ligne de feu et 
d’en être retirées en vue soit d’un retour à l’ar- 
rière soit d’une mise en batterie sur un nouveau 
point. Enfin la rapidité de mise en batterie elle- 
même dépend à son tour de l’organisation prévue 
pour la formation de route. 

Nous nous arrêterons donc à la description 
des pièces de campagne suivantes : 

Le canon de 42” (106,7 mm.), dont le transport 
se fait en une seule voiture. 

L'obusier de 8” (203,2 mm.), comportant deux 
voitures à la formation de route. 

Le mortier de 11” (279,4 mm.), exigeant la for- 
mation d’un train de 5 voitures. 


% 
L) 
| 

II. — LE CANON SCHNEIDER DE CAMPAGNE 


be 42” (106 mm. 7) 


Ce matériel (fig. 1 à 3) a été étudié avec le souci 
| de le doter à un haut point des qualités que doit 


ns, à sd 


C! X... — L'ARTILLERIE LOURDE DE CAMPAGNE 699 


Il possède, en effet, des caractéristiques en 
apparence contradictoires, mais qui, nous l'avons 
vu, sont les conditions même d'existence et 
d'emploi de l'artillerie lourde : 


dire la puissance et la mobilité. 


nous voulons 


Fig. 2. — Canon Schneider de 42" de campagne en batterie, vu de droite. 


s’efforcer d'atteindre une pièce de ce calibre pour | 


pouvoir prolonger jusque sur les derrières de 


Sa puissance efficace est définie par son tir, 
qui peut être exécuté avec précision à la cadence 


Fig. 3. — Canon Schneider de 42?" de campagne en formation de route. 


l'ennemi, c'est-à-dire jusqu’à une distance mini- 
mum de 10 km., les effets de l'artillerie ordinaire 
de campagne qui devient rapidement inefficace 
au delà de 4,5 à 5 km. 


de 8 coups à la minute et lance un projectile de 
16.380 kilogs à une vitesse initiale de 580 m. à 
une distance de 12.800 m. avec un angle de chute 
de 50°30 et une vitesse restante de 311 m. 


700 C' X... — L’ARTILLERIE LOURDE DE CAMPAGNE 


Sa mobilité a pour me- 
sure le poids de la pièce 
en batterie, qui est de 
2.170 kilogs, et celui de la 
voiture-pièce (2.486 kilogs) 
en formation de route. 


Ce sont là des propriétés importantes de ce 
matériel, à la description duquel nous allons 
maintenant passer en signalant, dès maintenant, 
quela formation de route ne comprend qu’une 
seule voiture. 

Le canon Schneider de 42” de campagne com- 


AUREZ 
SSH 


TTL 


CELL 


SSJSJSSSS 


DDT OIL 
SSSSSNN 


CLR LL LL ILL 


SSSSSSS 


ESSSSSSSSSS 


x. — Bouche à feu. — À gauche, coupe suivant ab; à droite, coupe suivant cd, 


Fig. 


d'indiquer brièvement à 
quelles dispositions de 
son organisation sont dues 
les qualités essentielles 
que nous venons de rap- 
peler. 

L'utilisation d’une gran- 
de masse soumise sur 
l'affût à un long recul 
amorti par un frein hy- 
draulique, l'emploi d’un 
récupérateur avec modé- 
rateur de rentrée en bat- 
terie et celui d’un sys- 
tème de pointage en direc- 
tion spécial procurent au 
matériel une grande sta- 
bilité, qui influe sur la 
rapidité et la précision 
du tir. D'autre part, la 
simplicité de manœuvre 
de la culasse, les nom- 
breuses sécurités dont est 
pourvu le mécanisme de 
fermeture, la protection 
dontjouissentles servants, 
en évitant les fausses ina- 
nœuvres et permettant un 
service régulier sous le 
feu sont de nouveaux fac- 
teurs qui contribuent à 
ausmenter la puissance et 
l'eflicacité du tir. 

Enfin, en raison du fai- 
ble poids de la pièce, des 
dispositions simples et 
peu nombreuses 
pour 


prises 
la formation de 
route, les changements de 
front ou d'emplacement 
sont faciles. Quant ‘aux 
changements d'objectifs 
dans le champ de tir de 
la pièce, ils sont rendus 
quasi instantanés par le 
coulissement de Laffüt sur 
l’essieu. 


x Avant de donner une | prend un certain nombre d'ensembles que nous 
2 description du matériel, | passerons successivement en revue et qui sont : 
\ il nous parait convenable La bouche à feu, le traineau (renfermant le 


frein, le récupérateur et le modérateur de ren- 
trée en batterie) dont la réunion constitue la 
masse reculante ; i 

Le berceau sur lequel s'opère le recul et qui, 
joint au système précédent, forme la partie 
oscillante; 

L’affüt sur lequel tourillonne le berceau; 

Le mécanisme de pointage en hauteur reliant » 
l'affût au berceau et commandant le tourillonne- 
ment de ce dernier; 

Le mécanisme de pointage latéral provoquant 
le coulissement de l’affut sur l’essieu et son pi- 
votement consécutif autour de la queue d’affüt; 

L’essieu et les roues, le masque protecteur; 

L'appareil de visée. 

Pour la formation de route, enfin, l'affût se 
relie à un avant-train par lequel nous termi- 
nerons. 


$ 1. — Bouche à feu 


La roucne À FEU (fig. 4) est constituée par un 
tube 1 renforcé à l'arrière par un manchon 2. 

Le tube, qui a 28 calibres de longueur, porte à 
l'arrière l’écrou de culasse3 dont l’axeest excen- 
tré de 5 mm. parrapport à celui du canon. L’écrou 
est partagé en quatre secteurs, dont deux sont 
lisses, les. deux autres filetés. L’arrière du tube 
abrite également les logements de divers dispo- 
sitifs du mécanisme de culasse. L'âme se com- 
pose, d’arrière en avant! : de la chambre de 
chargement, légèrement conique, du cône de 
raccordement et de la partie rayée présentant 32 
rayures à pas constant inclinées de 7°10 vers la 
droite ?. 

Le manchon est vissé et épaulé à l’arrière sur le 
tube. Il est posé avec serrage diamétral. 

L'arrière du manchon porte les oreilles du 
nœud de charnière du mécanisme de culasse. 

Le MÉCANISME DE cuLasse (fig. 5 à 8) est du sys- 
tème Schneider à vis excentrée et à filets inter- 
rompus, 

Il comporte un système de fermeture de la 


1. La pièce étanten position de tir, l'avant se trouve vers 
la bouche; en position de route, au contraire, l'avant est con- 
stitué par la queue d’affüt. 

2. La droite de la pièce est à la droite d'un observateur 
placé du côté de la culasse et regardant la bouche. 


_—_. 


NE 


C! X... — L’'ARTILLERIE LOURDE DE CAMPAGNE 


701 


culasse, des dispositifs de chargement, de rete- 
nue de projectile, de percussion, d'extraction de 
la douille du projectile et enfin une sécurité 
contre les longs feux. 

Le sYsTÈME DE FERMETURE est formé par une 
vis culasse, un volet portant à l’ouverture la vis 
culasse et pivotant autour d’un axe de charnière, 
un mécanisme de manœuvre. 

La vis culasse 7 constitue un bloc cylindrique 


CULASSE OUVERTE 


le grain 32 du percuteuret à l'arrière suivant 
son axe le bossoir du volet. 

Le volet 6 est maintenu entre les deux oreilles 
du nœud de charnière par l'axe de charniére. II 
est formé d’un large plateau portant à droite un 
talon percé d’un œil de charnière et sur sa face 
avant un bossoir sur lequel repose et glisse la 
vis culasse. Le portage de cette derniére est, d’au- 
tre part, consolidé, à l'ouverture, par son vissage 


CULASSE FERMÉE 


Fig. 5. — Culasse Schneider à vis excentrée et filets interrompus, à mise de feu à détente. 


en acier à canon trempé, présentant extérieure- 
ment deux secteurs lisses et deux secteurs filetés. 
Les bords des secteurs filetés sont limités sui- 
vant des arcs de cercle dont le centre est sur 
l’axe de charnière; les secteurs lisses sont l’un 
dépouillé, l’autre à bords abattus, toutes dispo- 
sitions qui permettent le dégagement de la vis 
de son écrou après dévirage, sans translation 
et par simple rotation autour de l’axe de char- 
nière. 

La vis culasse porte à l'arriere un filetage con- 
tinu et à sa partie supérieure arrière une den- 
ture e par l'intermédiaire de laquelle elle reçoit 
de la crémaillère 18 son mouvement de rotation. 
Elle loge à l'avant avec une excentricité de 5 mm. 


REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 


dans l’écrou que présente la même face avant du 
volet et dont les filets sont au même pas que ceux 
de l’écrou de culasse. 

Le MÉCANISME DE MANŒUVRE est formé 
levier et d’une crémaillère. 

Le levier de manœuvre 8, d'une seule pièce, se 
compose d’une branche horizontale coudée à 
angle droit et d’une branche verticale. 

La branche horizontale reçoit à son extrémité 
gauche la poignée de manœuvre 12 renfermant 
un bonhomme à ressort agissant sur la douille 
de la poignée. Cette douille porte un bec d’ac- 
crochage à la fermeture sur le volet et une en- 
coche logeant l’extrémité du bras d’un levier 
oscillant situé à l'intérieur de la 


d’un 


branche 


9 


702 C!' X... — L'ARTILLERIE LOURDE DE CAMPAGNE 


horizontale du levier de manœuvre. Ce levier est 
terminé à gauche par un bec d'accrochage, à 


Dans sa position haute, la planchette de char- 
gement continue vers l'arrière le parement de la 
chambre et est soutenue dans cette position à 
l'avant par un gradin sur lequel elle est venue 
reposer et à l'arrière par la tête de la bielle de com- 
mande. Dans sa position basse, la planchette 
repose au fond de son logement. 

Le pispOsrriF DE RETENUE DU PROJEC- 
Tics, destiné à empêcher le retour vers 
l’arrière des munitions entre le mo- 


Fig. 6. — Ælévation du mécanisme de culasse vu d'arrière. 


l'ouverture, surla bouche à feu. Sur la face infé- 
rieure de la branche horizontale du levier de 
manœuvre est enfin poussé un bouton de com- 
mande de la crémaillère 18. 

La branche verticale du levier forme l’axe de 
charnière autour duquel tourne tout le système 
de fermeture. Elle porte une nervure engagée 
dans une rainure de l'œil du volet et est main- 
tenue en place par un ressort plat à talon 10 fixé à 
sa partie inférieure. 

La crémaillère 18 est logée à la partie supé- 
rieure du volet dans lequel elle peut coulisser 
sous l’action de son bouton d'entrainement; sa 
denture reste constamment en prise avec la den- 
ture arrière de la vis culasse. Un verrou, constitué 
par un bloc 19 constamment repoussé par un 
ressort 20 du fond d’un logement pratiqué dans 
le volet, peut s'engager dans un cran de la cré- 
maillère. 

Le pisposirir DE CHARGEMENT est formé par une 
planchette 38 à surface cylindrique, logée à la 
partie inférieure de l’écrou de culasse. Elle est 
susceptible d’un mouvement de soulèvement ou 
d'abaissement, commandé par une bielle 40 
calée sur un arbre transversal 39 logé dans la 
tranche arrière de la bouche à feu. L’extrémité 
droite de cet arbre est coudée à angle droit et 
porte un bouton assujetti à décrire une rainure 
tracée sur une came 41 enfilée sur l'extrémité 
inférieure de l’axe de charnière. 


ment de l'introduction dans la cham- 
bre et celui de la fermeture de la 
culasse lorsque l’on tire sous de grands 
angles, se compose d’un verrou logé à 
la partie supérieure de l'écrou de 
culasse. Ce verrou, terminé à l'avant par 
un doigt A5 et à l'arrière par un talon 
limitateur de course, est monté sur un 
axe 44 logé à la partie supérieure 
arrière de la tranche de culasse. L’axe 
qui porte un tenon pouvant s'engager 
dans une mortaise du verrou est sus- 
ceptible d'une translation vers la droite 
ou vers la gauche. À cet effet, son 
extrémité droite est terminée par un 
bec commandé par une rampe ména- 
gée sur l'axe de charnière. 

Le MÉCANISME DE PERCUSSION (fig. 9) est du sys- 
tème à détente et à répétition. 


Fig. 7.— Coupe verticale du mécanisme de culasse. 


Il se compose d’un percuteur et d’un levier 
d'armé du percuteur. 

Le percuteur 23 est disposé dans le prolonge- 
ment de l'axe du tube. La partie avant, formant la 
pointe percutante, est abritée à l'intérieur d’un 


C' X.. — L'ARTILLERIE LOURDE DE CAMPAGNE 703 


grain 32 vissé dans la vis; l'arrière est cylindrique 
etinstallé dans une gaine 27 logée dans le bossoir 
avant du volet. La tête arrière du percuteur porte 
une gachette articulée munie d’un bec d'accro- 
chage 26 sur le levier d’armé. Entre la gaine et le 


TAN A 


V 
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A 
PIN 
LL 


TD 


ED 2207777777) 


LE CAPI 
CAS TOII TT 


étudié de façon à provoquer une rotation accélé- 
rée au doigt de l'extracteur, Une rampe tracée 
sur le volet commande à la fermeture le deuxième 
talon. 

La sécuRITÉ coNrne LES LONGS FEUX 34 est cons- 


Fig. 8. — Coupe horizontale du mécanisme de culusse. 


pereuteuret entourant ce dernier, un ressort spi- 
ral tend à ramener constamment vers l'arrière le 
percuteur, en effaçant toute saillie de la pointe 
sur la tranche avant de la vis culasse. Ce ressort 
s'appuie à l’avantsurune bague d’appui,entrainée 
vers l'arrière par des adents du percuteur, et à 
l’arrière sur une butée de la gaine. La gaine 27 
se termine à l’arrière par une rampe d'appui du 
galet du levier d’armé. 

Le levier d'armée 21 est formé par une pièce de 
section rectangulaire articulée en 28 sur le volet. 
Il porte du côté droit un galet qui s'appuie sur la 
vaine du percuteur et se termine du côté gauche 
par un bec recevant commande de la tringle de 
mise en feu. 

Le pisposiriF D'EXTRAGTION est constitué par un 
extracteur et son heurtoir. : 

L'extracteur 42 (fig. 8) est logé dans l’écrou de 
culasse. C’est un simple doigt dont le bec se 
coince entre la tranche arrière de la chambre de 
chargement et le bourrelet de la douille. Il peut 
osciller autour d’un axe vertical constitué par les 
deux bossages à tourillons qu'il porte: L'extrac- 
teur est enfin muni de deux talons. 

Le heurtoir d'extracteur 43 est une pièce rivée 
sur le volet, qui vient à l'ouverture frapper l’un 
des talons de l’extracteur pour le conduire en- 
suite dans sa course. Le profil du heurtoir est 


tituée par une masselotte ou bloc logé dans la 
tranche arrière du tube, qu'un ressort à boudin 
tend à repousser constamment du fond de son 
logement. Cette masselotte peut s'engager par 


SSSS 
NNNVNVNINS 


Fig. 9. — Mécanisme de percussion, coupe horizontale. 


son talon dans une entaille de la crémaillère. Un 
deuxième ressort plat est disposé sur le flanc du 
bloc et peut en être écarté par une butée de la 
crémaillère. 

Un dispositif spécial permet d'annuler l’action 
de cette sécurité enmaintenantrefoulé dans son 


704 C' X... — L’ARTILLERIE LOURDE DE CAMPAGNE 


logement la masselotte. Le dispositif comprend 
logée dans le volet une came présentant une 
rampe hélicoïdale s'appuyant contre le talon du 
bloc. Sur celte came est montée à l’arrière une 
petite manivelle 36 susceptible d’être placée et 
fixée dans deux positions marquées «manœuvre » 
et« tir ». 

$ 2. — Fonctionnement du mécanisme de culasse 

Nous supposerons être à l'instant qui suit im- 
médiatement la percussion. 

Le coup est parti ou non. 

1° Déverroutillage de la culasse. — Sile coupn'est 
pas parti, le bloc de la sécurité contre les longs 
feux est resté engagé dans son entaille de la cré- 
maillère et, celle-ci étant immobilisée, l’ouver- 
ture ne peut être obtenue. 

Dans ces conditions, ou bien le servant répète 
la percussion jusqu’au départ du coup, ou bien 
il annule {et forcément d'après un acte réfléchi 
ou sur ordre du chef de pièce) la sécurité contre 
les longs feux, en plaçant la manette dans sa po- 
sition de « manœuvre». L'ouverture de laculasse 
est dès ce moment possible. 

Si le coup est parti, à l'instant du recul, par 
suite de son inertie, la masselotte de la sécurité 
contre les longs feux rentre dans son logementen 
comprimantson ressort et dégage la crémaillère. 
Repoussé aussitôt après par son ressort, le bloc 
tend à la verrouiller de nouveau, mais le réen- 
gagement est rendu impossible par le ressort 
plat qui, écarté du bloc avant le retrait du ver- 
rou, est venu s'appliquer contre son flanc et 
s’arc-boute sur la face avant de la crémaillère. 

L'autorisation d'ouverture est donc automati- 
quement accordée par et seulement par le départ 
effectif du coup. 

20 Ouverture de la culasse. — L'ouverture de 
la culasse s'effectue d’un seul mouvement de ro- 
tation du levier de manœuvre ramené brusque- 
ment de gauche à droite. 

En saisissant la poignée, en appuyant sur la 
douille et attirant vivement à lui, le servant dé- 
gage le bec d'accrochage du levier sur le voiet. 

Dès lors, le levier peut obéir au mouvement 
de rotation qui lui est imprimé, et le bouton 
dont il est armé, réagissant sur la crémaillère, 
entraine le coulissement de cette dernière. Cette 
translation a pour effet de provoquer le dévirage 
de la vis culasse, qui recule sur le bossage du 
volet et se visse dans ce dernier. 

Les filets de la vis et de l’écrou de culasse sont 
complètement dégagés après un dévirage d'un 
quart de tour. À ce moment, la languette de l’axe 
de charnière venue au contact de l’un des bords 


de la rainure pratiquée dans l’œil du volet con- 
traint le volet, et par lui la vis culasse, à prendre 
part à la rotation du levier de manœuvre. La vis 
se dégage alors de son écrou. Dès que le décolle- 
ment du volet de la tranche arrière de la bouche 
à feu est amorcé, le verrou de crémaillère re- 
monte et cale la crémaillère; enfin le verrou de 
sécurité contre les longs feux rebondit du fond 
de son logement. 

Après une rotation de 65° du levier de manœu- 
vre, le dévirage de la vis est complet, 

A 101° la sortie de la vis est effectuée et la 
planchette de chargement, commandée par le 
doigt de son arbre, engagé dans une rainure de 
l’axe decharnière, commence à s'élever; le heur- 
toir d’extracteur frappe le talon de l’extracteur 
et éjecte la douille avec une force suffisante pour 
l’évacuer à plusieurs mètres. 

Enfin à 166° l'ouverture de la culasse est ache- 
vée, la douille éjectée ; l’ergot de l’axe du verrou 
de retenue du projectile ramené vers la droite 
quitte son logement; le verrou retombe, et, le 
servant abandonnant le levier de manœuvre, le 
bec du levier d'accrochage s'’amarre sur l’accro- 
chage à l'ouverture fixé sur la bouche à feu. 

3° Chargement. — Pour charger, on lance la 
cartouche sur la planchette de chargement. On 
l’engage suffisamment pour que le verrou de 
retenue, qu’elle a soulevé, puisse retomber en 
arrière etsans se préoccuper de la pousser à fond. 
La vis culasse assure ensuite sans danger, comme 
on le verra, le rôle de refouloir. 

40 Fermeture de la culasse. — Pour fermer la 
culasse, le servant, en appuyant sur la douille de 
la poignée du levier de manœuvre, dégage le bec 
du levier oscillant du tenon de verrouillage à 
l'ouverture et ramène ensuite vivement vers la 
gauche le levier de manœuvre. 

Dans ce mouvement, la crémaillère, d’abord 
immobilisée par son verrou et soumise à l’action 
du levier, entraine le volet et la vis culasse. Pen- 
dant ce temps, la rampe du volet, en agissant sur 
le deuxième talon de l'extracteur, repousse ce 
dernier vers l’avant et enfin la planchette de 
chargement commence à s’abaisser. Le mouve- 
ment de cette dernière est achevé quand la vis 
pénètre dans son écrou et rencontre le culot de 
la douille qu’elle repousse à sa position de char- 
gement. 

Des que le volet vient enfin s'appliquer contre 
la tranche arrière de la culasse, le verrou de cré- 
maillère estrefoulé par ce contact au fond deson 
logement : la crémaillère, butée jusque-là, rede- 
vient libre. Elle coulisse alors dans le volet et 
ses dents, engrenantavec la denture arrière de la 
vis culasse, font tourner celle-ci dans l’écrou de 


05 


4 


CAMPAGNE 


. — L’ARTILLERIE LOURDE D 


GENE 


‘n001 np uy d} à Anoyvapdnops ja Uto4 — ‘IL 81 


— 


C' X... — L'ARTILLERIE LOURDE DE CAMPAGNE 


culasse. Avant l'expiration de cette période, le 
verrou de retenue, qui a déjà été relevé par la 
vis, est enclanché. L’axe du verrou s’est, en effet, 
déplacé vers la gauche et son tenon est venu 
s'engager dans la mortaise du verrou. Enfin, 
pendant sa translation, la crémaillère a d’abord 
écarté du bloc le ressort plat de la sécurité des 
longs feux, puis a refoulé la masselotte et a 
ensuite présenté son entaille dans laquelle s’est 
alors précipité le verrou. Dès ce moment, la 
culasse est verrouillée. 

La poignée étant abandonnée, sa douille vient 
s’accrocher sur le volet et tout le système de fer- 
meture se trouve immobilisé. 

50 Mise de feu. — Pour mettre le feu, on exerce 
d'avant en arrière une traction sur la tringle de 
mise de feu dont il sera question plus loin. Un 
galet dont elle est munie vient frapper le levier 
d’armé de l’appareil de percussion. 

Sous cette influence, le levier pivote autour de 
son axe; son galet refoule vers l’avant la gaine 
du percuteur, tandis que son bec accroche le 
percuteur, l’attire vers l'arrière et l’arme. Il en 
résulte un bandage du ressort qui a pour ellet, 
au moment où, le mouvement du levier d'armé 
persistant, le percuteur se dégage de son accro- 
chage, de produire une détente qui lance vers 
l’avant le pereuteur sur l’étoupille. Dès la per- 
cussion produite et la poignée de la tringle de 
mise de feu abandonnée à l'instant de la sensa- 
tion du déclic par le servant, le ressort ramène 
vers l'arrière le percuteur qui, s’accrochant à 
nouveau sur le levier d’armé, se trouve prêt pour 
une nouvelle répétition de la percussion. 


k # 


La culasse Schneider à vis excentrée et filets 
interrompus présente, comme on a pu s’en assu- 
rer, une grande simplicité de fonctionnement. 
Elle peut, ce qui est important en campagne, 
être par des manipulations simples démontée 
entièrement à la main sans l'aide d’aucun outil. 

Elle offre sur la culasse à coin l’avantage d'un 
moindre encombrement, d’un plus faible poids 
et d’une résistance au déculassement plus grande 
en raison de la grande surface de portage de ses 
filets. 

Elle possède de nombreuses sécurités de ser- 
vice que voici : 

19 Sécurité contre le dévirage de la culasse au 
dépurt du coup, réalisée par l’accrochage du le- 
vier de manœuvre sur le volet, accrochage qui 
ne peut être annulé que par une pression sur la 
poignée, pression suivie immédiatement d’une 
traction. 

20 Sécurité contre les mises de feu prématurces 


par rupture de la pointe du percuteur coincée 
dans sa lumière et faisant saillie sur la tranche 
avant de la vis. Elle résulte de l’excentricité du 
grain du percuteur, qui ne peut ainsi se présenter 
devant l’étoupille qu'après virage complet de la 
vis culasse. 

3° Sécurité contre la mise de feu avant ferme- 
ture de la culasse, la vis culasse portant une 
échancrure qui n’est placée devant le levier 
d’armé que dans la position culasse fermée. 

ho Sécurité contre les longs feux, interdisant 
comme on l'a vu l’ouverture de la culasse tant 
que le coup n'est pas parti, sécurité essentielle 
dans la précipitation d’un tir rapide, au milieu 
du fracas de la bataille. 

5° Sécurité de route, composée d’une douille à 
tête moletée 30 dont l'extrémité à talon peut 
s'engager dans une entaille du levier d’armé du 
percuteur et prendre deux positions : l’une de 
tir, l’autre de route qui immobilise ce levier et 
rend impossible la mise de feu. 


$ 3. — Le traineau 


La bouche à feu est reliée, pour constituer et 
augmenter la masse soumise au recul, à un bloc 
prismatique d'acier désigné sous le nom de trai- 
neau. La liaison des deux pièces est assurée à 
l'arrière par des adents circulaires et un elave- 
tage, vers le milieu du canon par une agrafe, de 
telle sorte que tout mouvement relatif est rendu 
impossible. L 

Le traîneau est pourvu de chaque côté de pa- 
tins quiviennent embrasser les glissières du ber- 
ceau pour guider le recul. 

Dans la masse même du traineau sont forés 
les logements du frein et du récupérateur. 

Le frein (fig. 10 et 11), du type hydraulique, a 
pour objet de limiter et d’amortir le recul. Ilest 
étudié de façon à produire à chaque instant un 
effort résistant égal au moment de stabilité de 
l'affût. 

Il comprend un cylindre se mouvant par rap- 
port à une tige et une tête de piston fixes et une 
contre-tise mobile. 

Le cylindre, dont le logement est foré, nous 
l'avons dit, en pleine masse du traineau, est dis- 
posé à la partie inférieure gauche et parallèle- 
ment à l’axe du traineau. Il est fermé à l'arrière 
par un bouchon vissé 9, à l'avant par une garni- 
ture qui livre passage à la tige du piston. Îi est 
complètement rempli d’eau glycérinée. 

La tige 5 du piston est cylindrique, creuse et 
fixée sur l’entretoise avant du berceau. A son ex- 
trémité arrière, elle porte la tête du piston. 
Celle-ci est percée sur sa périphérie d’orifices 
convergents vers un conduit axial qui la traverse 


C! X... — L’ARTILLERIE LOURDE DE CAMPAGNE 707 


entièrement et permet, avec un certain jeu, le 
passage de la contre-tige. 

La contre-tige 6, fixée sur le fond arrière du 
cylindre, est logée à l’intérieur de la tige du pis- 
ton. Sa section 
croissante, d'arrière en avant, de manière à pro- 
voquer un étranglement calculé de l'écoulement 
de l’eau à travers le passage central de la tête du 
piston. 

Fonctionnement du frein.— Au départ du coup 
a lieu le phénomène bien connu du recul, pen- 
dant lequel la bouche à feu et le traîneau lancés 
vers l'arrière glissent sur le berceau. Pendant 


transversale est circulaire et 


ce déplacement, le liquide du frein, comprimé 
entre la face avant de la tête fixe du piston et 
l’arrière de la garniture du fond avant du cylin- 
dre, cherche à s’écouler. Les orifices de la tête de 
piston, continués par le passage central de la con- 
tre-tige, lui offrent la voie nécessaire pour venir 
occuper l'arrière du piston. Mais cette contre- 
tige étrangle progressivement la section d’écou- 
lementsuivant la loi signalée, en produisant une 
résistance au transvasement du liquide quiamor- 
tit et limite le recul à une valeur établie. 

Lorsque le recul est terminé, le récupérateur, 
dont il sera question dans un instant, ramène la 
masse reculante vers sa position primitive, et le 
liquide, refoulé par le fond arrière du cylindre, 
reflue, par la même voie qu’il a empruntée pen- 
dant le recul, vers sa position première en avant 
de la tête de piston. 

Le récupérateur, dont l’objet est de ramener 
après le recul le canon à sa position de tir, est 
complètement indépendant du frein. Il appar- 
tient au type hydropneumatique. Il comporte un 
cylindre fixe relativement à un piston et des 
réservoirs auxiliaires. 

Le cylindre, comme celui du frein, est logé par 
forage dans la masse du traineau, à droite et à la 
partie inférieure. Il est fermé à l'arrière par un 
bouchon vissé 10, à l’avant par une garniture à 
travers laquelle passe la tige cylindrique 3 du 
piston. La tête 4 de ce dernier est étanche et 
placée à l'extrémité arrière de la tige, dont l’ex- 
trémité avant est attachée sur l’entretoise avant 
du berceau. 

Les réservoirs cylindriques 1, au nombre de 
deux, sont placés symétriquement à la partie 
supérieure avant du traineau, parallèlement aux 
cylindres de frein et de récupérateur et sont 
obtenus comme ces derniers par forage en pleine 
masse du traineau. Ils sont en communication 
entre eux par un conduit transversal débouchant 
dans un troisième petit réservoir et avec le cylin- 
dre récupérateur par la lumière 2. 

Le cylindre, les canaux de communication et 


la moitié environ des réservoirs sont remplis 
d'eau glycérinée, au-dessus de laquelle règne 
dans les réservoirs uné atmosphère d'air com- 
primé initialement à une pression déterminée. 

Fonctionnement du récupérateur. — Au départ 
du coup et pendant le recul, le piston fixe chasse, 
dans les réservoirs où il produit une surcom- 
pression de l'air, le liquide renfermé dans le 
cylindre mobile. Le recul amorti par le frein, cet 
air se détend et fait refluer le liquide vers le 
cylindre. Le liquide, agissant alors par sa pres- 
sion sur la face avant fixe du piston et sur le 
fond mobile avant du cylindre, ramène ce dernier 
et la masse reculante auquel il appartient à sa 
position d'avant recul. 

La puissance de ce récupérateur est suffisante 
pour assurer la rentrée en batterie, quel que soit 
l'angle de tir, et vaincre les résistances addi- 
tionnelles provenant du dépôt inévitable sur les 
glissières du berceau de poussières ou de corps 
étrangers ou de leur entretien négligé. 

L’excès de puissance qu’il possède normale- 
ment produirait done, dans bien des cas, des lan- 
cers vers l'avant que l'on a supprimés par l’ad- 
jonction d’un modérateur de rentrée en batterie. 

Le modérateur de rentrée en batterie est cons- 
titué par une soupape de bout de contre-tige, 
deux rainures et des orifices de tige de piston. 

La soupape 8 est fixée à l’extrémité avant de 
la contre-tige du frein : un ressort à boudin la 
maintient appliquée sur son siège. Elle inter- 
cepte ou ouvre la communication entre l'avant et 
l'arrière de l’intérieur de la tige de piston, qu'elle 
diaphragme en deux capacités. 

Les rainures, au nombre de deux, sont tracées 
dans un plan méridien de la tige de piston. Elles 
sont creusées dans l'épaisseur de la paroi du 
côté interne. Leur largeur est constante, mais 
leur profondeur est variable et croit d'avant en 
arrière d’après une loi étudiée. 

Les orifices de la tige de piston sont pratiquées 
à l’arrière et au voisinage immédiat de la tête. 

Fonctionnement du modérateur. — Pendant le 
recul, le liquide du frein situé en avant du pis- 
ton s'écoule en partie en arrière de celui-ci, 
tandis qu’une autre fraction remonte le long de 
la contre-tige entre cette dernière et la tige de 
piston. À l’extrémité de la contre-tige, le liquide 
soulève la soupape et vient occuper l'espace de la 
tige de piston que la contre-tige a évacué. 

Dès que la rentrée en batterie s’amorce sous 
l'influence du récupérateur, la contre-tige, en 
rentrant dans son logement, comprime le liquide 
placé en avant de la soupape 8 et celle-ci vient 
s'appliquer sur son siège. A partir de ce moment, 
la rentrée de la contre-tige Se poursuivant, ce 


708 


C X.. — L’ARTILLERIE LOURDE DE CAMPAGNE 


liquide qui tend à s'échapper ne peut plus refluer 
vers sa position primitive que par les deux rai- 
nures, dont la section d'écoulement de plus en 
plus étroite finit par s’annuler. La résistance qui 
en résulte modère la rentrée en batterie, laquelle 
s'effectue sans choc et sans lancer vers l’avant 
grâce au liquide emprisonné en avant de la sou- 
pape et formant tampon hydraulique. 

Dans le récupérateur système Schneider, le 
ressort élastique que forme la masse d’air sup- 
prime les démontages longs et difficiles et, par- 
tant, l'immobilisation du matériel auquel donne 
lieu l'emploi des récupérateurs à ressorts. Il évite 
aussi la constitution d’un approvisionnement de 
rechange lourd et encombrant. Le réglage du 
récupérateur système Schneider peut enfin se 
faire sur le terrain même du combat à l’aide de 
la pompe à air existant dans les accessoires dont 
est muni chaque matériel ; son empattement ré- 
duit et sa disposition le protègent enfin, comme 
le frein, des coups de l'adversaire. + 

Le berceau est formé d’une simple tôle en acier 
emboutie en forme d'U et qui enveloppe le trai- 
neau. Les parties supérieures des deux branches 
de l'U sont garnies de guides en T sur lesquelles 
repose et recule le système canon-traineau par 
l'intermédiaire de glissières en bronze. 

Trois entretoises en acier forgé renforcent la 
tôle du berceau. Celle de l'arrière porte de cha- 
que côté le logement des verrous d'accrochage 
de route du berceau sur l'affût et du verrou d’im- 
mobilisation pour la route du traineau sur le 
berceau. L’entretoïse milieu porte les tourillons 
qui viennent se poser dans les sous-bandes de 
l'affût en permettant à tout le système canon- 
traineau-berceau d’osciller autour d'un axe 
idéal : l’axe des tourillons. L'entretoise avant 
présente enfin le dispositif d’attelage des tiges 
du frein et du récupérateur dont nous parlerons 
plus bas à propos de la sécurité de mise de feu. 

L'entretoise avant est protégée par une porte à 
charnières qui ferme le berceau à l'avant. 

Le mécanisme de mise de feu est porté par le 
côté gauche du berceau. Il comporte un arbre 
muni d’un ressort de rappel vers l'avant, et garni 
à son extrémité arrière, d'un galet butoir qui 
vient frapper le levier d’armé de l’appareil de 
percussion. Le mouvement de cet arbre, qui est 
provoqué par l’action du pointeur agissant sur 
une poignée, se fait à l’intérieur d’une coulisse 
en bronze fixée sur une plaque de garde. Cette 
dernière est reliée au berceau et protège le poin- 
teur lors du recul du canon. 

À la commande de mise de feu est annexée 
une sécurité empêchant la mise de feu lorsque 
les tiges de frein et de récupérateur ne sont pas 


attelées sur l’entretoise avant du berceau, déte- 
lage qui doit s’opérer lors des manœuvres de 
formation de route. 

A cet effet, l’entretoise avant présente une rai- 
nure dans laquelle glisse un volet qui peut dé- 
gager les écrous d’attelage des deux tiges. Pen- 
dant son coulissement, ce volet actionne un le- 
vier fixé au boutd’une tringle courant le long du 
côté gauche du berceau. Cette tringle commande 
à son tour, à l’aide d’un deuxième levier porté par 
son extrémité arrière, un doigt pouvant s'engager 
dans un logement de l’arbre de la commande de 
mise de feu. Celle-ci est donc immobilisée lors- 
que le volet est retiré et que les tiges de frein et 
de récupérateur ne sont plus attachées sur l’en- 
tretoise avant du berceau. 

l'affüt est formé par deux flasques en tôle for- 
mant les parois verticales d’un châssis cambré 
vers l’avant et s’eflilant vers l’arrière. Les bords 
supérieurs et inférieurs des flasques sont rabat- 
tus horizontalement. Ces flasques sont reliés par 
des tôles de dessus et de dessous, et cet assem- 
blage est consolidé vers le milieu par une entre- 
toise rivée sur les quatre tôles. La tôle de dessus 
est évidée pour permettre le passage de la masse 
reculante à tous les angles de pointage. La tôle 
de dessous porte à l’avant une échancrure 
laissant passer le berceau, échancrure bordée 
par une entretoise de tête d’affüt consolidant 
cette dernière et recevant une butée limitant la 
course du berceau au pointage négatif. Latête des 
flasques reçoit par l'intermédiaire de sous-bandes 
les tourillons du berceau sur lesquels se ferment 
des sus-bandes verrouillées par des axes à robi- 
inets. L'arrière de l’affût se termine par une 
crosse comprenant une bêche fixe et une bêche 
mobile. 

La bêche fixe sert d’arc-boutement à la pièce 
dans les tirs en terrains rocheux ou contre-appui. 
Elle est constituée par un petit soc triangulaire 
fixé sur les flasques par deux pattes arrière 
entre lesquelles se loge un bloc portant la lunette 
d'accrochage de l’affüt sur l’avant-train. 

La béche mobile, utilisée danslestirs en terrain 
meuble, est formée d'un grand soc sur lequel 
sont rivés deux bras d’articuiation autour d'un 
axe horizontal. La bêche mobile porte une échan- 
crure qui épouse la bèche fixe. Elle peut oc- 
cuper deux positions de tir, l’une inclinée de 
20°, l’autre de 40° sur la verticale, et une posi- 
tion de route dans laquelle elle est rabattue sous 
la flèche. 

La bêche estcomplétée par une large tôle d'ap- 
pui sur le sol, sous laquelle est fixée la pièce 
d'appui de la flèche sur le contre-appui de 
l'avant-train. 


C! X... — L'ARTILLERIE LOURDE DE CAMPAGNE 


709 


L’affût porte les deux verrous d'accrochage de 
route du berceau, un siège pour le servant de 
culasse à droite, un siège pour le pointeur à 
gauche. 

La queue d’affüt reçoit enfin l'articulation à 
excentrement et à manivelle d'un levier de poin- 
tage formé d’un tube d'acier terminé à l'arriere 
par une traverse. Le levier est maintenu dans sa 


n'auraient pas justifié l'emploi tactique de l’arme 
et la vitesse de tir qu’il est possible d'atteindre 
avec une pièce de ce calibre. 

Le mécanisme de pointage en hauteur (fig. 12) 
comporte deux secteurs dentés 127 fixés au ber- 
ceau, en prise chacun avec un pignon droit, 
montés sur un arbre porté par les flasques d’af- 
füt. Les centres des secteurs sont situés sur l’axe 


Fig. 12. — Mécanisme de pointage en hauteur. 


position de tir par un agrafage et dans la position 
de route est rabattu sur la flèche. 

LE MÉCANISME DE POINTAGE EN HAUTEUR est à 
ligne de mire ordinaire. Il n'y avait pas lieu, en 
effet, de recourir ici à la réalisation plus compli- 
quée de la ligne de mire indépendante', que 


1. Nos lecteurs savent que le mécanisme à ligne de mire 
indépendante, qui fut une conception nouvelle sur le 75 de 
campagne français, consiste à pouvoir donner d’une façon 
indépendante, c'est-à-dire par deux servants spécialisés et 
simultanément ou non, l’angle de site et l'angle de tir. Onsait 
aussi que l'angle de site (S) est l'angle que forme avec le plan 
horizontal l'axe de la bouche à feu lorsque le but est sur son 
prolongement, et que l’angle de tir ({) est celui que doit for- 
mer avec cette dernière direction l’axe de la pièce pour pou- 
voir atteindre l'objectif. L'axe du canon a alors sur l'horizon 
l'inclinaison (S+{) qui est l'angle de projection. 

test fonction de la distance ou portée du butet est donné 
par les tables de tir. 11 est pratiquement indépendant de S 
pourles valeurs de S inférieures à une certaine limite. Pour 
les valeurs supérieures, telles que celles atteintes dans le tir 
contre aéronef, { varie avec S et les tables de tir doivent en 
tenir compte. 


REVUE GÉNÉRALB DES SCIENCES 


tourillor; leur rotation entraine celle de toute 
la masse oscillante autour du même axe. 

A l'extrémité gauche de l’arbre à pignons est 
calée une roue hélicoïdale 133 engrenant avec 
une vis globique placée à l'extrémité inférieure 
d'un nouvel arbre 134. recevant à son autre extré- 
mité un pignon conique engrenant avec un 
deuxième pignon taillé sur l'axe du volant de 
commande. Les engrenages sont protégés par 
des carters; le système est irréversible. 

L'’amplitude du mouvement de pointage est de 
42° (— 5 à + 37°) et l'angle de projection est 
enregistré sur l’appareil de visée. 

Le MÉCANISME DE POINTAGE EN DIRECTION per- 
met le coulissement de l’affüt le long de l’essieu. 
Dans ce mouvement, l'affût pivote autour de 
la bèche de crosse et l’essieu se déplace légère- 
ment, de facon à rester normal au plan de 
tir. Pour faciliter le déplacement de l’affüt, 

3 


"81 ‘AU 


U01229.1p Ua 28vqu10d 2p 2lusruvopy 


10 C! X... — L’ARTILLERIE LOURDE DE CAMPAGNE 


—— celui-ci repose sur l'essieu par deux galets et 
ae | l'intermédiaire d’une suspension élastique. 
LOT Le mécanisme (fig. 13) comprend deux vo- 

lants 194, un à droite, l’autre à gauche, montés 
aux extrémités d’un même arbre et commandant 
par un pignon et une roue un deuxième pignon 
droit taillé sur le corps d’une vis sans fin 170 
disposée parallèlement à l’essieu. L’écrou 111 
de cette vis est encastré dans un bossage arrière 
de l’essieu. 

Le coulissement de l'affût sur l’essieu est 
D limité par des butées, et sa position est à chaque 
instant indiquée sur une réglette graduée fixée 
sur l’essieu même. 

L’amplitude du mouvement de pointage est 
de 3° à droite et à gauche. 

Tous les engrenages sont encore protégés par 
des boîtes et la commande est irréversible. 

Le mouvement de pointage latéral comporte 
un verrouillage de route. 

L’essieu, en acier spécial, est cylindrique dans 
sa partie médiane. Il se termine aux extrémités 
par des fusées tronconiques dont l’axe estlégère- 
ment incliné par rapport à celui de la partie 
milieu. Il est foré sur toute sa longueur et porte 
en son milieu l’écrou de la vis de pointage latéral. 
Il est protégé en même temps que la vis de 
pointage par une boîte constituée par l’entretoise 
avant l’affüt et rivée sur les flasques. Cette entre- 
toise est garnie à ses extrémités de rondelles en 
cuir qui balaient et débarrassent l’essieu des 
poussières qui gêneraient le coulissement de 
l'affût. 

Les roues se composent d’une jante en bois de 
grand diamètre cerclée en acier. Cette jante est 
réunie par 12 rais en bois à un moyeu en acier 
» garni en bronze. Les rais sont assemblés sur la 
jante par des sabots en acier, sur l’essieu par 
deux disques qui emprisonnent leurs extrémités 
accolées jointivement et que des boulons de ser- 
rage traversent ainsi que les disques. 

Le masque est en tôle d’acier de qualité spé- 
ciale. Il comprend deux parties : un bouclier 
mobile et un autre fixe. Le bouclier fixe, de 
forme rectangulaire, est percé au centre d'une 


+ 
| 
| 
| 
grande ouverture pour le passage de la bouche à 


PRES 


PRET 


7 


2 


D 


> 


SR em me mm DOTE 


feu à tous les angles de pointage. Il est fixé à 
l’essieu par deux supports. 

Le bouclier mobile est solidaire de l’affüt sur 
la tête duquel il est fixé. Il porte une grande 
ouverture qui livre passage à la partie oscillante 
et est percé d'une fenêtre de visée que peut fer- 
mer un volet. 

L'ensemble des deux boucliers assure une pro- 
tection continue d’une roue à l’autre à partir de 


C! X... — L'ARTILLERIE LOURDE DE CAMPAGNE 741 


0,450 mètre du sol jusqu'à une hauteur de 
1975 m. 

L'appareil de visée est fixé sur le tourillon 
gauche d’une partet de l’autre sur le côté gauche 
du berceau. Il participe ainsi au tourillonnement 
de la masse oscillante. [Il comprend: 

Un dispositif pour la correction de l’inclinai- 
son des tourillons; 

Un dispositif pour les angles de site ; 

Un dispositif pour les angles de tir; 

Une lunette panoramique pour la visée munie 
de deux goniomètres : l’un pour la mesure des 
angles zénitaux ou de site, l’autre pour la me- 
sure des angles azimutaux,les fronts et les 
dérives, et est enfin accompagnée d’un viseur 
chercheur. 

Nous décrirons l’ensemble et l'organisation de 
cet appareil à propos d'un des matériels suivants, 
en nous bornant à indiquer ici le rôle de cha- 
cun de ses dispositifs. 

Le dispositif de correction d'inclinaison des 
tourillons a pour objet de ramener le plan de 
visée dans le plan vertical lorsqu'il en est écarté 
par suite de l'installation du matériel sur un ter- 
rain où les deux roues présententl’une par rapport 
à l’autre une dénivellation qui fait que l’axe des 
tourillons n’est plus horizontal et que l'axe opti- 
que de la lunette, qui lui est perpendiculaire 
par construction, est sorti du plan vertical. 

Le dispositif des angles de site permet, en 
ramenant la bulle d’un niveau entre ses repères, 
de donner par rapport au plan horizontal à l’axe 
du canon, et à l'aide du mécanisme de pointage 
en hauteur, un mouvement de rotation d’ampli- 
tude égale à l’angle de site du but. 

Le dispositif des angles de tir, grâce au même 
niveau et au même mécanisme de pointage, per- 
met encore de faire tourillonner la bouche à feu 
d’un angle égal à celui qui, d’après les tables de 
tir, correspond à la portée du but.Ces deux rota- 
tions s'ajoutent algébriquement et constituent le 
pointage en hauteur. 

La lunette panoramique permet à son tour le 
pointage en direction. Elle autorise d’abord le 
choix d’un repère quelconque pris dans un azi- 
mut compris entre 0 et 360° et dont le site reste 
compris entre 0 et +300 millièmes!, A l’aide du 


1. On n’ignore pas que l’on doit à l'artillerie française l'in- 
troduction d’une nouvelle unité d'angle, le millième, qui a 
marqué un grand progrès. 

Le millième équivaut à : 

S arc tg 0,001 = 3'26" 

et son importance pratique s'aperçoit alors immédiatement 
en disant qu'il est l'angle sous lequel on voit une grandeur de 
1 m. placée à une distance de 1000 m,. Par suite, un objectif 
d’une longueur x m., aperçu sous un angle de y millièmes, 


mécanisme de pointage latéral, elle permet en- 
suite de donner à l'ouverture du dièdre formé par 
le plan vertical contenant l'axe du canon et le 
plan azimutal du repère une valeur égale à celle 
commandée, qui est d’ailleurs l'ouverture du dié- 
dre formé par les deux plans azimutaux du but et 
du repère corrigé des corrections du jour. 


$ 4. — L'avant-train d’affût 


Pour la route, la pièce est reliée à un avant- 
train d’aflüt qui ne porte pas de munitions. 

L'avant-train se compose d’un châssis, d’un 
essieu avec deux roues et d'un attelage. 

Le chdssis est formé d’un armon central fait de 
deux flasques en tôle d’acier emboutie, réunis 
par des tôles de dessus et de dessous et deux en- 
tretoises. Il est complété à l'avant par une tra- 
verse etsur les côtés par des tirants. 

L'armon central porte à l'arrière la cheville 
ouvrière, que coiffe la lunette de crosse, etle con- 
tre-appui sur lequel vient porter la pièce d'appui 
rivée à l'arrière de la flèche d’affût. 

L’essieu est réuni au châssis par deux brides 
etest encastré dansles tirants latéraux de l’avant- 
train. Il est formé de trois parties : celle du mi- 
lieu est faite d’un tube cylindrique d'acier et les 
deux autres d’une pièce forée formant fusées. 

Les roues sont analogues aux roues d’affüt. 

L'attelage est à timon, avec volée de bout de 
timon, et palonniers. Des liaisons élastiques 
réunissent l’attelage à l’avant-train pour suppri- 
mer les effets des chocs etles chances de rupture. 


$ 5. — Formation de route 


La simplicité et le nombre réduit des manœu- 
vres de formation de route constituent un facteur 
important dans la rapidité de changement d’em- 
placement, d’entrée en action ou de retrait de la 
ligne de feu. 

Nous devons doncattirer l'attention sur la solu- 
tion qui a été donnée ici à cette question capi- 


"tale. 


100> 


se trouve situé à une distance d — mètres de l’obser- 


vateur. Tout l'intérêt du millième réside dans le bénéfice 
que l’onvpeut retirer de cette relation. 


Circonf, 
Ona ere té 0,00 — 5 arc 000 = CirconE 
1000 27.1000 
1 à : 
= 6580 de circonférence, 
L'artillerie française a admis la relation arc tg 0,001 — 1 
6400 


de circonférence, qui constitue la définition du millième pra- 
: 1 A be lee us 2e 
tique valant 32”. L’artillerie russe a pris arc tg 0,001 — 6500 
de circontérence. « 

IL est plus avantageux d'adopter 6400 en raison du grand 
nombre de ses diviseurs, 


712  Jacours BOYER. — LA FABRICATION DES AMPOULES RADIOLOGIQUES 


La formation de route comprend seulement, 
sur ce matériel, le DÉrELAGE des tiges de frein et 
de récupérateur pourvu, comme on sait, d'une 
sécurité de mise de feu, le RECUL EXÉCUTÉ A BRAS 
de la masse reculante pour donner lieu à une 
meilleure répartition des poids sur les roues 
d'affût et d’avant-train, les VERROUILLAGES du 
berceau sur l'affût, du traineau sur le berceau, 
du pointage latéral, le nasarrement de la bêche 
mobile sur l’affüt, et enfin le coirrace de la che- 
ville d’avant-train par la lunette de crosse. 

Toutes ces opérations sont très simples et peu- 
vent être simultanément effectuées. 

La description qui vient d’être donnée du ma- 
tériel Schneider de 42” a déjà permis de s’assu- 
rer de quelle façon soignée a été étudiée son 
organisation. Pour en achever la connaissance, 
nous en donnerons quelques caractéristiques nu- 
mériques qui préciseront davantage les qualités 
qui lui ont été reconnues et que la dure expé- 
rience de la guerre a confirmées. 


RENSEIGNEMENTS NUMÉRIQUES 
sur le canon Schneider de 42" de campagne 


DONNÉES GÉNÉRALES 


CHADTER PR eee ele meet CE mm. 106,7 
Poids diprojectilen "enter kg. 16.380 
Vitesse ialent ee dentaire m. 580 
Portée maximum à l’angle de 37°... m. 12.800 
BOUCHE À FEU 
Puissance vive à la bouche, ......... tm. 280,8 
Rendement par kg. de la bouche à feu kgm. 333,2 
— — de la pièce en 
Patterie encre — 129,3 


Longueur totale du canon.......... mm. 2.987 
== — M ooee calibre 28 
Nombre de rayures..." LEE 32 
AFFUT 
Hauteur (fde feu PRET ER EEE mm 4.220 
de de visée Re etre — 1.285 
la ligne | de genouillère............ — 1.185 
égatif deg. sex. 
Amplitude | en hauteur ee e . LS 
# { positif — 37 
ù : . (àdroite — 3 
pointage fendirection , . À 
{à gauche — 3 
POIDS 
Pièce 
De la bouche à feu sans fermeture. kg. 803 
De la fermeture de culasse ,....... — 40 
Du traineau reculant...... RER = 287 
Du berceau complet ..-...... re 247 
De l’affüt sans roues ni masque.... — 495 
Destdenx OUEST ET ER Er — 200 
Du masque |épaisseur 4 mm). et des 
SUPPOTLS 2 net ee eme 100 
Poids total de la pièce en batterie .. — 2.172 
Voiture-Pièce 
Poids de l’arrière-train (composé de la 
pièce en! batterie)..." kg: 2472 
Poids de l’avant-train complet. .... — 314 
Poids total de la voiture-pièce..... — 2.486 
CX 


{A suivre.) 


LA FABRICATION DES AMPOULES RADIOLOGIQUES 


DURANT LA GUERRE 


Au commencement de la guerre, le Service de 
santé de l'Armée française fut pris au dépourvu 
pourinstaller des laboratoires radiologiques dans 
les formations sanitaires qu'il dut improviser à 
la hâte. Le matériel nécessaire et en particulier 
les ampoules à rayons X manquèrent dès les 
premiers mois, car, dans notre pays, deux usines 
seulement se livraient à cette délicate fabrica- 
tion : la Maison Thurneyssen, qui s’attachait sur- 
tout à produire des modeles de faible puissance, 
et les Etablissements Pilon, réputés principale- 
ment pour leurs tubesintensifs. Par l'importance 
et la perfection de leur outillage, ces derniers 
pouvaient rivaliser avec la plus grosse firme 


| allemande de cette spécialité. L'Administration 


militaire para aux premiers besoins, en réquisi- 
tionnant les ampoules à rayons X qui se trou- 
vaienten magasin chez divers constructeurs, mais 
ce stock se montra notoirement insuflisant devant 
la création de nombreux postes radiologiques. 
Pour remédier à cette situation, on remit en 
route, dès les premiers jours d’août 1914, la mai- 
son Thurneyssen, dont on confia la direction à 
M. Villard, membre de l’Académie des Sciences, 
M. Thurneyssen ayant préféré rester à l’armée 
comme capitaine d'artillerie de réserve. Quel- 
ques mois plus tard, le Service de santé fit reve- 
nir du front M. Pilon, afin qu’il pût rouvrir son 


En: 


Jacours BOYER. — LA FABRICATION DES AMPOULES RADIOLOGIQUES 


1 
_ 


usine fermée depuisla mobilisation. De leur côté, 
MM. Appert frères, de Clichy, guidés par M. Ma- 
tignon, professeur au Collège de France, réussi- 
rent à reconstituer le fameux verre dit « de Thu- 
ringe », utilisé pour la construction des tubes à 
rayons X. Il y a lieu de signaler l'effort de cette 
importante verrerie, qui put, malgré de multiples 
difficultés d'ordre économique ettechnique, met- 
tre au point, en quelques jours, une fabrication 
aussi délicate. La réalisation d’un verre déter- 
miné est, en effet, chose aisée dans un labora- 
toire, mais il en va tout autrement de sa produc- 
tion industrielle, comme le fit remarquer récem- 
ment le maître-souflleur M. Berlemont dans une 
très intéressante conférence sur la verrerie 
scientifique. 

Actuellement, sous le rapport radiologique, 
l’armée française est aussi favorisée que les em- 
pires du centre. Non seulement notre Service de 
santé peut s'approvisionner des tubes dont il a 
besoin, mais l’industrie française en fournit 
même aux ambulances et aux hôpitaux de nos 
alliés. Il nous paraît donc intéressant de décrire 
les opérations successives que nécessite la fabri- 
cation des ampoules. Rappelons toutefois aupa- 
ravant certaines notions sur le fonctionnement 
et la constitution de ces délicats appareils. 


I 


Une ampoule ou tube à rayons X se compose 
d’une boule de verre portant deux électrodes 
métalliques : l’une, lacathode,se relie au pôle né- 
gatif de la source électrique, l’autre, l’anode ou 
anticathode, au pôle positif. Le vide a été poussé 
dans cette enceinte à un degré très élevé, en 
tenant compte cependant qu'un certain nombre 
de molécules gazeuses doivent toujourssubsister 
dans l’ampoule pour qu’elle puisse fonctionner. 
Lors de la décharge, il se crée une attraction des 
molécules gazeuses vers la cathode: c’est l’afflux 
cathodique qui donne alors naissance au faisceau 
cathodique. Ce dernier, quittant normalement 
la cathode, par rapport à sa surface, va rencon- 
trer le miroir anticathodique avec une vitesse de 
quelques 100.000 kilomètres à l’heure et y pro- 
voque la formation de nouvelles radiations : les 
mystérieux rayons X, découverts par Rüntgen. 

Généralement, la cathode d’un tube radiologi- 
que ordinaire est constituée par un miroir con- 
cave afin de centrer le faisceau cathodique, au 
même titre que des rayons lumineux, sur un 
seul point de l'anticathode, pour obtenir une 
émission punctiforme et par conséquent la net- 
teté des images radiographiqnes. Ce bombarde- 
ment intensif provoque sur l’anticathode une 
chaleur très considérable, puisque la plus grande 


partie de l'énergie électrique s'est transformée 
en chaleur. On admet, en effet, que, dans un 
tube ordinaire, à peine 1/1.500 de l'énergie se 
mue en rayons X. D'autre part, afin de satisfaire 
à tous les desiderata de la pratique, les inven- 
teurs s’efforcèrent d'élever dans de notables pro- 
portions la quantité des rayons produits par 
l’ampoule, de façon à réduire les temps de pose 
en radiographie ou en radiothérapie, et d’aug- 
menter, en radioscopie, la luminosité de l'écran 
fluorescent — ce qui revient, en définitive, à 
accroître la puissance des décharges électriques. 
Mais il faut alors que l’anticathode puisse sup- 
porter des courants très intenses. Aussi les ré- 
cents perfectionnements des ampoules portèrent 
sur la structure de cet organe et ses modes de 
refroidissement. Pour accroitre la résistance de 
l’anticathode, on choisit des métaux à point de 
fusion très élevé (platine, iridium, et surtout 
tungstène); pour qu’elle résiste au choc cathodi- 
que, on lui donne une masse assez considérable 
et on la refroidit soit avec l’eau, soit par l'air, 
afin d'obtenir la rapide absorption de la chaleur 
dégagée. 

Le dernier progrès dans cette voie fut réalisé 
en 1914 par l'américain Coolidge !, qui imagina 
des tubes où règne un vide aussi parfait que pos- 
sible (1/100° de micron) — vide assez élevé pour 
que les molécules gazeuses n'aient plus aucune 
action électrique. Le fonctionnement de l'appa- 
reil dépend alors uniquement de l'échauffement 
d’un petit filament de tungstène servant de 
cathode. l’lus celle-ci s’échauffera, plus elle 
produira d'électrons capables de véhiculer la 
charge électrique, donc plus le tube pourra sup- 
porter d’ampérage. D'autre part, la vitesse de 
ces électrons étant régie par la différence de 
potentiel aux bornes, plus celle-ci deviendra 
grande, plus les véhicules auront de vitesse et 
plus les rayons X seront pénétrants. Il en résulte 
qu'à l'inverse des tubes ordinaires, l'opérateur 
commande à volonté, dans l’ampoule Coolidge, 
la quantité des rayons et leur pouvoir de péné- 
tration. 


Il 


Ces données acquises, assistons à la fabrication 
des ampoules radiologiques construites actuelle- 
ment pour l'armée française dans les Établisse- 
ments Pilon d’Asnières (Seine). Occupons-nous 
d'abord des pièces métalliques. 

La cathode, constituée par de l'aluminium pur, 
forme une espèce de réflecteur concave donton 


1. E. Cousrer : L'ampoule à rayons X de Coolidge. Revue 


générale des Sciences, 1. XXVI, n° 11, p.326-7 (15 juin 1915). 


714 


caleule le rayon de courbure suivantla dimension 
du tube, la masse et la forme, et selon le travail 
qu’elle aura à fournir. Dans les tubes à miroir 
anticathodique en métal peu résistant (nickel ou 
nickel platiné), on a tendance à faire converger 
le faisceau cathodique pour obtenir un point 
d'impact large, ce qui donne des épreuves radio- 
graphiques floues, puisque les rayons sont émis 


Jacoues BOYER. — LA FABRICATION DES AMPOULES RADIOLOGIQUES 


et soumis l’ensemble à un traitement thermique 
dans un four à gaz, on comprime à la presse 
hydraulique (fig. 1). L’adhérence des métaux 
formant masse anticathodique devient parfaite ; 
en outre, celte compression, à grande puissance, 
dans un gabarit spécial, communique au cuivre 
une forte homogénéité. 

Une fois le métal comprimé et le miroir anti- 


Fig. 1. — Compression du miroir anticathodique de tungstène dans son alvéole de cuivre 


au moyen de la presse hydraulique. 


d’un plus grand nombre de centres. Aussi, dans 
les ampoules, on adopte maintenant des miroirs 
en tungstène qui fond à très haute température 
(3200°) et permet de centrer le faisceau en un 
point d'impact tout à fait punctiforme. Toute- 
fois le miroir de tungstène est enchassé dans 
uneanticathode en cuivre rouge, qui, s’'échauffant 
en même temps que ce dernier, absorbe la cha- 
leur et la transmet à un réservoir d’eau qui 
l'élimine ensuite dans l'air. 

Cette anticathode se fabrique dans l'atelier de 
mécanique. On sectionne une barre de cuivre en 
morceaux de longueur convenable, dans lesquels 
on ménage ensuite un logement pour le tungs- 
tène. Après avoir placé le miroir dans son alvéole 


cathodique en tungstène ajusté et soudé, on 
tourne la pièce pour lui donner le diamètre 
voulu, puis on la perce dans le sens de sa profon- 
deur, afin qu’elle puisse recevoir plus tard le tube 
servant de fond au réservoir et on soude, sur son 
épaulement, un collet de platine qui permettra 
de la réunir ultérieurement au verre. On ajuste 
alors le tube de cristal qui prolongera l’antica- 
thode, on la polit, puis on la monte sur une élec- 


trode dans laquelle on fait le vide afin de cons- 


tater s’il n’y a aucune fuite soit à travers les 
soudures, soit à travers la réunion du cristal au 
platine. Après un essai de trois jours environ, on 
confie cette pièce au magasin, où elle reste quel- 
que temps avant son emploi. Quant à la cathode 


Fig. 2. — Atelier de soufflage des ampoules. 


Fig. 3. — Salle des pompes à vide. 


716 


Jacoues BOYER. — LA FABRICATION DES AMPOULES RADIOLOGIQUES 


en aluminium, elle se fait au tour. Notons, du 
reste, qu’à leur réception les barres en cuivre 
rouge ou en aluminium subissent un rapide 
essai chimique pour constater leur pureté et 


SU li 


ES 


une série de mesures électriques à titre de con- 
firmation. 

Le compresseur qui fournit l’air comprimé 
dans toute l’usine et la pompe qui y distribue 
également le vide préalable sous une dépression 
de 1/10 de mm. de mercure avec une très grande 
vitesse d'aspiration se trouvent dans le même 
atelier que le transformateur électrique qui pro- 
duit différentes sortes de courants, alternatif et 
continu, sous tous voltages. 

Les pièces métalliques, constituées etessayées, 
passent au soufilage. Dans cet atelier (fig. 2), nous 


voyons les ouvriers en train de travailler des bal- 
lons constitués par une boule de verre munie 
d'un col qui deviendra plus tard le col de 
cathode. Suivant le modèle du tube, ils placent 


.— Salle souterraine pour les études et essais radiologiques. 


un certain nombre d’appendices, l’un qui tiendra 
l'anticathode, l’autre qui supportera l’anode, 
l'autre le régulateur. Ces opérations délicates et 
complexes exigent des souflleurs très habiles qui 
vérifient, au moyen de gabarits, le centrage de 
l’anticathode et la disposition respective de la 
cathode. Quand les pièces métalliques sont pla- 
cées sur l'ampoule de verre, on établit un vide 
préalable, condition dans laquelle le tube reste 
pendant plusieurs jours, afin de contrôler s’il ne 
se produit aucune fuite, ni aucune avarie. 

Après cette vérification, l’ampoule arrive à la 


Jacours BOYER. — LA FABRICATION DES AMPOULES RADIOLOGIQUES 


salle des pompes {fig.3}. Là, on la soude au moyen 
d'un appendice, en général dans le prolongement 
du régulateur, sur une pompe à mercure dont le 
vide préalable s'effectue par la pompe centrale 
dont nous parlions plus haut. En cas d'accident 
à celle-ci, on utilise des pompes à vide auxiliai- 
res, toujours prêtes à fonctionner. 

Un poste de pompage comprend un appareil 


1 
1 


la pompe au moyen d’un chalumeau qui rétrécit 
la canalisation de verre au ras de l'ampoule. 
Remarquons, dans la salle de pompage, les 
moyens de protection très énergiques employés, 
afin d'éviter au personnel les moindres attaques 
par les rayons X. Chaque poste est entouré d'une 
sorte de cabine de bois recouvert de part et d’au- 
tre par une feuille de 5 mm. de plomb, soit un 


Fig. 5.— Modèles d'ampoules et de soupapes aux différentes phases de leur soufflage. 


producteur d'énergie à haute tension ,une bobine 
Rhumkorff,un tableau de réglageet des appareils 
de mesure (voltmètre, ampèremètre, milliampè- 
remètre) au même titre qu'une installation radio- 
graphique. 

Après les premiers moments du pompage, on 
met le tube en route, afin que l’énergie électrique 
qui va le traverser échauffe les pièces métalli- 
ques d’où se dégageront des gaz que la pompe 
absorbera. Lorsque le tube arrive à l’état de 
vide voulu, on l’isole de la pompe, sans le cou- 
per, et pendant un certain temps on constate si, 
malgré une marche à un régime intensif, il ne 
dégage pas une quantité de gaz excessive. Anrès 
ce contrôle, on sépare définitivement le tube de 


total de 10 mm. de plomb. Chaque paravent pèse, 
du reste, la bagatelle de 650 kilogs et les feuilles 
métalliques qui le constituent portent des fené- 
tres munies de verre anti-X en trois épaisseurs 
de 4 mm. chacune. Enfin, comme on s’en rend 
compte par notre photographie, tous les appareils 
de commande se trouvent placés à l'extérieur, 
sous la protection des paravents. 

Les ampoules sortant de la salle de pompage 
sont dirigées vers un premierlaboratoire d'essais 
où l’on constate, avant la finition, si leur marche 
estnormale. On les remet ensuite entre les mains 
d’une ouvrière qui place le radiateur, eimente le 
capuchon, fait au chalumeau diverses soudures 
etautres opérations de détail. 


718 


L'ampouie est alors achevée: mais, avant li- 
vraison, on la soumet pendant 8 ou 10 jours à 
une série de vérifications expérimentales dans 
plusieurs laboratoires. Le premier, sis au rez-de- 
chaussée des bâtiments, comprend un contact 
tournant grand modèle Gaïfle qui sert à action- 
ner les tubesradiologiques sous n'importe quelle 
puissance et d'une robustesse à toute épreuve, 
car il fonctionne pour ainsi dire sans arrêt. 

Dans une autre salle d'essais, située au sous- 
sol (fig. 4), lesingénieurs des Établissements Pilon 
mettent surtout au point les modeles, poursui- 
vent des études sur les rayons X, ete. On a établi 
ce souterrain de façon que l'opérateur puisse 
impunément faire fonctionner les ampoules les 
plus puissantes sans être inquiété par les rayon- 
nements direct ou secondaire. Une voûte suf- 
fisamment épaisse sépare cette pièce du reste de 
l’édifice et une cloison verticale, qu'aucun rayon 
secondaire ne peut traverser, la partage en deux 
parties. Dans cette cloison, on a ménagé une 
fenêtre munie d’une glace opaque aux rayons X 
et la porte est doublée de plomb. Les appareils 
producteurs d’énergie,ainsiqueletubeàrayons X, 
se trouvent dans le fond du laboratoire, et 
lorsqu'ils fonctionnent un écran de plomb de 
10 mm. d'épaisseur les encadre afin de protéger 
l'opérateur des rayons directs. Celui-ci surveille 
la marche de l’ampoule par l’intermédiaire d'une 
glace réfléchissante, puisque le paravent s'inter- 
pose entre elle et lui. Tous les instruments de 
commande et de vérification du tube sont placés 
dans la seconde partie de la salle. Le rhéostat 
déterminant l'intensité, qui doit passer dans le 
contact tournant, repose sur un support mobile. 
Un ampèremètre placé sous les yeux de l’opéra- 


teur lui indique la quantité d'électricité qui 


Jacoues BOYER. — LA FABRICATION DES AMPOULES RADIOLOGIQUES 


passe dans le transformateur et un voltmètre 
enregistreur, intercalé sur le circuit primaire, 
lui permet de connaître la différence de poten- 
tiel aux bornes du tube. 


LIT 


Telles sont les phases de la construction d’une 
ampoule à rayons X. D'ailleurs, une de nos vues 
(fig. 5), qui en représente deux modèles aux 
différents stades de leur soufilage, résume gra- 
phiquement cette fabrication. Quant aux pro- 
grès réalisés dans les appareils producteurs de 
rayons X, leurs grandeurs respectives les sché- 
matisent grosso modo. Dans les premiers temps 
de la radiologie, les tubes avaient une faible 
taille, tandis que les ampoules Pilon type O. M. 
en usage dans les armées françaises ou alliées et 
les tubes Coolidge-Pilon 1915 avec refroidisseur 
en métal sont de dimensions beaucoup plus 
imposantes. Ces derniers appareils permettent 
d'atteindre des pénétrations inconnues jusqu'ici: 
par exemple, des radiographies à travers plu- 
sieurs centimètres d’acier. Avec le modele O.M., 
on exécute des téléradiographies des parties 
les plus épaisses du corps humain à 3 mètres de 
distance, alors qu'avec les petits tubes du début, 
il fallait 2 minutes pour radiographier une 
simple main. 

Les ampoules à rayons X répondent donc au- 
jourd'hui à toutes les exigences médicales ou 
chirurgicales, et, malgré la guerre, l'industrie 
française est à même de satisfaire aux commandes 
du Service de santé, des hôpitaux civiis ou pri- 
vés. 


Jacques Boyer 


sai aoeé  EES 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 719 


BIBLIOGRAPHIE 
ANALYSES ET INDEX 


4° Sciences physiques 


Fernandez Navarro (Lucas), Professeur de Cristal- 
lographie et de Minéralogie descriptive à l'Université 
de Madrid, — Cristalografia geométrica elemen- 
tal. — 1 vol. in-8o de 408 p. avec 416 fig. (Prix : 
10 fr.) V. Suarez. éditeur, 48, Calle de Preciados, 
Madrid, 1915. 


Bien que l'Espagne soit riche en minéraux crislallisés 
et que les études cristallographiques y aient toujours 
attiré un assez grand nombre d'amateurs, la littérature 
espagnole ne possédait aucun précis moderne de Cris- 
tallographie. M. Fernandez Navarro a entrepris de re- 
médier à cet état de choses, et il nous présente aujour- 
d'hui un manuel de Cristallographie géométrique, qui 
sera suivi ultérieurement de deux autres ouvrages con- 
sacrés à la Cristallographie physique et à la Cristallo- 
graphie chimique. 

Outre une introduction, consacrée à la définition de 
la structure cristalline et à un bref historique des théo- 
ries cristallographiques, le livre actuel comprend deux 
parties. — La première, intitulée : Cristallographie 
géométrique générale, étudie le cristal en général et les 
lois auxquelles il obéit : loi du parallélisme des faces; 
loi de la constance des dièdres, qui conduit à l’exposé 
des différentes méthodes de mesure des angles; loi de 
symétrie, qui amène à la notion des 7 systèmes cristal- 
lins et à celle, plus générale, des 32 classes ou modes de 
symétrie de Hessel; loi des troncatures rationnelles, qui 
sert de base aux diverses notations cristallographiques 
principe des zones cristallographiques. Les deux der- 
niers chapitres sont consacrés à la représentation gra- 
phique des formes cristallines par les divers modes de 
projection usilés, et aux principes du calcul cristallo- 
graphique. — La seconde partie, ou Cristallographie 
géométrique descriptive,contient la description de toutes 
les formes cristallines possibles, classées par systèmes, 
avec l'indication d’un certain nombre de minéraux ou 
de substances chimiques cristallisant sous chaque forme 
et des exemples détaillés de calcul cristallographique 
dans chaque système. Celle partie se termine par un 
chapitre sur les complexes cristallins, en particulier les 
mâcles, avec leurs lois et les diverses théories de ces 
groupements. à 

En annexe à son ouvrage, M, Fernandez Navarro a 
donné : un tableau des formules trigonométriques les 
plus usitées dans le calcul cristallographique ; des ta- 
bleaux des valeurs angulaires caractéristiques des 
formes les plus fréquentes du système régulier; enfin un 
tableau des équivalences des diverses notations pour les 
formes principales de chaque système. 

Ce manuel parait fort bien compris, abondamment et 
clairement illustré, et il sera sans doute très favorable- 
ment accueilli dans tous les pays de culture espagnole. 


Louis BRUNET. 


Plimmer (R. H. Aders), Lecteur de Chimie physiolo 
gique à l'Université de Londres (University College). 
— Practical Organic and Bio-Chemistry. — 
1 vol. in-8° de 635 p. avec S6 fig. et 1 pl. en couleurs 
(Prix cart. : 15 fr. 75). Longmans, Green and Cv, 
39, Paternoster Row, Londres, 1915. 


Il faut que les événements actuels nous empêchent de 
voir désormais dans les Universités allemandes ce qu'on 
y à vu trop souvent jusqu'ici : une sorte de préémi- 
nence scientifique qui, à la fin, paraissait tenir du 
monopole, Nos rapports avecles savants des pays alliés 
doivent devenir plus fréquents et plus étroits; c’est à 
ce prix que nous revendiquerons avec fruit notre indé- 
pendance d’abord, et aussi notre droit d'occuper au so- 
leil la place honorable qui nous est due. 


Ces sentiments sufliraient à attirer l'attention des 
savants français sur le volume de M. R. H, A. Plimmer si 
d’autres mérites ne le recommandaient à notre estime. 
L'auteur a voulu écrire un traité où les étudiants, et plus 
spécialement les étudiants en médecine, trouveraient 
réunies les notions de Chimie organique qui leur sont 
indispensables à l'intelligence de la Chimie biologique 
et les faits essentiels concernant la Chimie biologique 
elle-même, Il a estimé, et, à mon avis, il a eu raison, 
que les deux disciplines étaient si étroitement enchevé- 
trées qu'il y avait lieu de les réunir en un seul traité 
didactique. En France, depuis quelques années, on a 
disjoint ces deux enseignements pour confier aux Fa- 
cultés des Sciences la Chimie organique, réservant aux 
Facultés de Médecine les leçons de Biochimie. La logi- 
que a reçu satisfaction; les intérêts des élèves n'ont pas 
été aussi bien servis. Les étudiants apprennent mal 
une science dont ils n’aperçoivent pas les applications 
el, un ou deux ans après, se refusent à étudier les appli- 
cations d’une science dont ils ont perdu de vue les no- 
tions fondamentales. Je ne révèlerai rien aux maitres 
familiers avec ces questions en leur rappelant les con- 
séquences plutôt regrettables du P. C. N. dans l’initia- 
tion scientifique des futurs médecins. 

Il est bien entendu quele volume de M.R. H. A.Plimmer 
n’a pas l'ambition d’être un traité complet de Chimie 
organique ou de Biochimie. Il se contente d'exposer 
successivement les faits qu'on ne peut pas disjoindre, si 
on veut bien les faire pénétrer dans l'esprit des élèves. 

La première partie est consacrée aux généralités de la 
Chimie organique; puis se suivent en bon ordre des 
chapitres consacrés aux hydrocarbures, alcools, acides, 
aldéhydes, amines, amides, dérivés du cyanogène, 
graisses, cires, lécithines. Les hydrates de carbone 
sont, comme il convient, étudiés avec soin, ainsi que les 
acides aminés,puis vient la série aromatique el ses pro- 
duits d’addition, les terpènes, la cholestérine, les pig- 
ments, les alcaloïdes. Enfin, avec l’étude des fermenta- 
tions et des protéines nous pénétrons dans le domaine 
de la Chimie physiologique. Les propriétés des protéines 
et des enzymes sont minutieusement décrites. Le volume 
se termine par un exposé des méthodes usuelles appli- 
cables à l'analyse du sang, de l'urine, des liquides et 
des tissus de l'organisme. Les formules des réactifs 
usuels, des tableaux de données numériques indispen- 
sables terminent ce volume de 600 pages, édilé avec 
luxe,imprimé avec soin sur beau papier, orné de figures 
qui éclairent le texte. y 

Le style de l'auteur est sobre, clair ; ses exposés sont 
fréquemment complétés par la description minutieuse 
d'une expérience démonstrative que l'élève peut répéter, 
et il est certain qu’un étudiant en médecine qui connai 
trait bien le programme développé dans le livre de 
M.R.H.A. Plimmer aurait maîtrisé ce qui estnécessaire 
à l'intelligence des faits et des méthodes que la Physio- 
logie, la Clinique, l'Hygiène ou la Biologie générale 
empruntent à la Chimie. 

Dr L. HuGouNENQ, 
Professeur de Chimie physiologique à la Faculté 
de Médecine de Lyon. 


20 Sciences naturelles 


Mougin (P.). /nspecteur des Eaux et Forêts. — 
Les Torrents de la Savoie. — 1 vol. in-5° de 
XI + 1251 avec nombreuses pl. en phototypte et 
cartes (Prix: 20 fr.). (Publié par la Société d'His- 
toire Naturelle de Savoie). Imprimerie générale, Gre- 
noble, 1914. 

La science des torrents est essentiellement d’origine 
française. Les bases en ont étéjetées par Alexandre 


720 


BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 


Surell dès 1841 dans un livre génial, où l’auteur, 
jeune ingénieur des Ponts et Chaussées, énonçait pour 
la première fois les lois de l’érosion par les eaux cou- 
rantes. 1l y définissait en outre avec précision les trois 
tronçons successifs (bassin de réception, canal d’écoule- 
ment, cône de déjection) que l’on peut distinguer dans 
un torrent normal, en même temps qu'il caractérisait, 
d'après leur état d'évolution, trois « genres » de tor- 
rents. On y trouve également la discussion des défenses 
employées contre les torrents et des moyens à leur 
opposer. Presque tous les exemples de torrents étudiés 
par Surell sont empruntés aux environs d’'Embrun, dans 
les Hautes-Alpes. Plus tard c’est surtout la vallée de 
Barcelonnette, dans les Basses-Alpes, qui est devenue 
le champ d'expériences pour la correction des torrents 
et le reboisement. Les ouvrages de P. Demontzey et 
d'E. de Gayilier l'ont rendue classique, Les princi- 
paux torrents des Pyrénées et de l'Isère ont été, eux 
aussi, décrits et figurés dans des «iconographies », Par 
contre, les torrents de la Savoie n'avaient jamais fait 
l’objet d’une étude détaillée, qu'ils méritaient cepen- 
dant par la variété de leurs aspects, par les ravages 
qu'ils ont exercés et par les travaux de défense qui 
leur ont été opposés. C'est cette lacune que vient com- 
bler M. Mougin en publiant, sous les auspices de la 
Société d'Histoire naturelle de Savoie, une monographie 
telle qu'il n’en existe certainement nulle part d'aussi 
détaillée. 

Le sujet pouvait être traité au point de vue du géo- 
logue ou du géophysicien, comme il l’a été dans les 
ouvrages de Surell et de L.-A. Fabre, au’ point de vue 
de l'ingénieur et du forestier, qui est celui de Demon- 
izey, ou encore au point de vue du géographe, auquel 
plusieurs auteurs étrangers se sont placés. M. Mougin 
a étudié les torrents de la Savoie surtout en archiviste, 
tout en ne négligeant pas entièrement les autres points 
de vue, Son livre comprend deux parties, d'importance 
très inégale : la première, consacrée à « l’origine des 
torrents de la Savoie », n'a que 215 pages; la seconde, 
intitulée « Monographie des principaux torrents de la 
Savoie », en a plus de 1.000. 

La première partie ne tient pas tout 
messes de son titre, 

Après une description topographique sommaire de la 
Savoie, l’auteur indique très brièvement les « causes de 
la torrentialité » (fäâcheuxnéologisme !)etrappellel’action 
de la forêt. Un long chapitre est consacré à la nature 
géologique du sol de la Savoie. C’est un résumé des 
nolions les plus essentielles sur la stratigraphie de 
chacune des régions naturelles de la Savoie:Jura, 
Préalpes, Chaînes Subalpines et Alpes. La tectonique y 
est réduite à la portion congrue. Un résumé énumère 
les « terrains torrentiels » (sic!), c’est-à-dire ceux qui 
sont le plus favorables à l’action torrentielle : schistes 
cristallins, schistes et grès houillers, gypses du Trias, 
schistes et marnes noirs du Lias, schistes et calcaires 
marneux du Bajocien, du Bathonien, du Berriasien et 
du Valanginien, argiles glaciaires. On remarquera 
l'omission des argiles oxfordiennes., où cependant tant 
de torrents ont leur bassin de réception. 

Un chapitre sur le elimat avait sa place indiquée 
dans un ouvrage sur les torrents. Les particularités du 
climat de la Savoie y sonttraitées avec une grande com- 
pétence, mais on y cherche en vain une application à 
la question de l’origine des torrents, à laquelle il n’est 
pas fait, dans ce chapitre, la moindre allusion. 

Le rôle du déboisement dans la formation des tor- 
rents est bien connu depuis les travaux de Surell. 
M. Mougin recherche, dans un chapitre fort intéres- 
sant, les causes du déboisement. Il passe en revue les 
principales : accroissement de la population; « la pré- 
voyance; l'esprit de lucre et larapine » ; le pâturage; le 
gaspillage du bois; l'usage du bois dans les mines et 
les salines, dans les verreries, dans les papeteries et 
autres usines ; les opérations de guerre; les travaux 
publies; les incendies ; lesavalanches, éboulements, etc. 
L'importance des déboisements est difficile à évaluer 


à fait les pro- 


d'une manière précise et, de même, il n’est pas facile 
de déterminer l'influence du déboisement sur le eli- 
mat de la Savoie, car ce n’est guère que depuis l’an- 
nexion que l’on possède des observations météorolo- 
giques régulières. L'augmentation des précipitations et 
l’abaissement de la température, constatés depuis cette 
époque, ne peuvent pas être attribués à une augmenta- 
tion de la superficie boisée ; elle résiderait uniquement 
« dans l'augmentation de densité des massifs, dans. 
l'enrichissement du matériel futaie et dans l’allonge- 
ment des révolutions de taillis ». 

La première partie se termine par un chapitre sur 
la « législation torrentielle ». 

Dans la seconde partie, l'acteur étudie individuel- 
lement tous les principaux torrents enles classant par 
bassins hydrographiques. Sept chapitres sont consa- 
crés respectivement aux bassins de la Dranse et du 
Léman, de l’Arve, des Usses, du Fier, de la Leysse et 
du lac du Bourget, de l'Isère, de l'Arc, Chaque 
section constitue une petite monographie indé- 
pendante, consacrée à un seul torrent et établie inva- 
riablement sur le même plan : renseignements géné- 
raux (source, longueur du cours et direction des divers 
tronçons, pente moyenne générale, étendue et délimi- 
tation du bassin, données géologiques, débit, surface 
occupée par les forêts), historique des crues et des 
laves ou des avalanches, travaux de défense et de cor- 
rection. La partie historique représente un travail 
énorme de dépouillement des publications locales et des 
archives départementales. 

Les résultats principaux sontsynthétisés dans une ta- 
ble chronologique des crues et inondations dans l’en- 
semble dela région. Mais c’est à cela que se borne l’œu- 
vre de synthèse de l’auteur. On aurait aimé trouver à 
la fin de l'ouvrage des conclusions, qui eussent peut- 
être mis en évidence une certaine périodicité des crues, 
certaines relations avec les variations de climat, avec 
les variations desglaciers, avec la déforestation. Il eût 
été intéressant de donner, soit dans chaque monogra- 
phie, soit dans un chapitre spécial, des indications 
sur l’état d'évolution des torrents, sur leur attribution 
à l’un ou à l’autre type de torrents. On se demande 
parfois si l’auteur a lu Surell. Dans tous les cas, il 
ne s’en est guère inspiré. 

La Bibliographie, placée à la fin de l’ouvrage, est 
très incomplète. Pour les ouvrages cités, il n'est fait 
aucune mention du format, du nombre de pages et de 
planches, de la date et du lieu de publication. 

L'illustration photographique est abondante et, en 
général, fort bien choisie. La plupart des clichés sont 
excellents; on ne peut pas toujours en dire autant de 
leur reproduction en simili-gravure, Dans le texte, il 
n’y est fait aucun renvoi et d’ailleurs les planches ne 
sont pas numérotées, ce qui est un grave inconvénient 
et rend toute citation précise impossible. Mentionnons 
cependant parmi les vues les plus expressives : les ébou- 
lements du Dérochoir et de la Griaz; les arrachements 
de Doucy; les torrents embryonnaires de Marignier et 
de Corbières; les lits de rivières torrentielles du Giffre, 
du Fier, de la Leysse; les bassins de réception de Re- 
ninge, de Lavanche, de Saint-Antoine; les canaux 
d'écoulement de Versoyes, de Reclus; le cône de déjec- 
tion de Rieubel; les barrages du Nant Saint-Claude, du 
torrent Morel, du Nant Trouble, 

L'auteur a joint à l'ouvrage un certain nombre de re- 
productions de plans anciens, maisonregrette l'absence 
complète de cartes représentant quelques-uns des 
principaux torrents levés à grande échelle. 

Malgré ces critiques de forme, l'ouvrage de M. Mou- 
gin rendra dans l’avenir les plus grands services aux 
géographes et aux géologues qui étudieront le phéno- 
mène des torrents et il sera consulté avec le plus vif 
intérêt par les admirateurs de la montagne. 


Emile HauG, 


Professeur à la Faculté des Sciences 
de l'Université de Paris. 


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ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


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ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 


ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 
Seance du 15 Novembre 1915 


1° SCIENCES PHYSIQUES. — M,1L. Bouthillon: Sur l'appli- 
cation à la télégraphie sans Jil à étincelles du procédé 
de charge des On deneaien rs au moyen de dynamo à f. 
6 1m. constante en combinaison avec un éclateur tour- 
nant. L'auteur à adopté comme type un circuit de charge 
comprenant une machine à courant continu à haute 
tension et, s’il y a lieu, des bobines de self et des dispo- 
sitifs amortisseurs de haute fréquence, et un circuit de 
décharge contenant un éclateur tournant, On réalise 
ainsi unecombinaison des avantages des deux systèmes, 
en évitant les inconvénients. — M. Alb. Colson : Sur 
les chaleurs d'équilibre et La loi des dissolutions saturées. 
L'auteur a déterminé les chaleurs d'équilibre des solu- 
tions saturées du sel marin, c’est-à-dire la quantité de 
frigories dégagées par une molécule solide en se dissol- 
vant dans une solution extrêmement voisine de la 
saturation. Il a trouvé : à 210,5, 293 frigories ; à 7°, 
8àa frigories ; à o° (par extrapolation), 16 calories. La 
chaleur d'équilibre change donc de signe vers 0°. Ce 
changement, en vertu de la formule connue, exigerait 
une variation corrélative dans la solubilité du sel marin. 
Au contraire, celle-ci augmenterégulièrement et propor- 
tionnellement à la température de — 159 à + 108°. La 
formule classique est donc en contradiction avec les 
faits pour le plus commun des sels. — M. Paul Bary : 
Sur la vitesse de dissolution des liquides dans le caout- 
chouc. L'auteur a reconnu que, dans le gonflement du 
caoutchouc vulcanisé par différents liquides, le poids p 
de liquide absorbé dans l’unité de poids de dissolution 
(gelée) peut être représenté par la formule : p — t p, 
(A + t), où t est le temps, p, la valeur de p pour la 
saturation et À un coeflicient dépendant des conditions 
de l'expérience. On en déduit pour la vitesse de disso- 
lution : # — B (p;-p}. — M. G.-A. Le Roy: Sur 
l'imperméabilisation des draps et tissus militaires. Le 
bain imperméabilisateur est constitué par une solution 
aqueuse d’aluminate de soude, plus ou moins concentrée 
selon les cas et additionnée de savon de soude. On 
obtient ainsi une solution sapo-alumineuse soluble, qui 
peut être en plus additionnée d’adjuvants tels que ca- 
séines, gélatines, corps résineux. Le drap ou tissu est 
immergé, foulé et imprégné dans cette dissolution, puis, 
après essorage, il est séché, Il est finalement immergé 
dans un bain constitué par de l’eau faiblement acidifiée 
avec de l’acide formique ou acétique, ou un sel à réac- 
tion acide, comme l’acétate d’alumine. On détermine 
ainsi la décomposition du produit sapo-alumineux fixé 
sur la fibre et la précipitation d’un savon d’alumine 
insoluble intimement mélangé avec le sel d’alumine, de 
soude et les corps gras libérés. Le mélange de ces sub- 
stances constitue un composé hydrofuge très adhérent 
et stable, qui rend le tissu imperméable à l’eau, tout en 
le laissant suflisamment perméable à l’airet à la trans- 
piration. 

2° SCIENCES NATURELLES. — M. Marage : Zraitement 
de la mutité consécutive à des blessures de guerre. 
L'auteur a observé des cas de surdimatité complète à la 
suite de blessures de guerre, où la surdité n’a pu être 
guérie par aucune méthode. Dans ce cas, on peut arriver 
à ramener l’usage de la parole par la méthode sui- 
vante : Au moyen d’un vibrateur mécanique, on prati- 
que le massage du larynx et des régions latérales du 
cou; on agit ainsi sur les muscles intrinsèques et 
extrinsèques du larynx. Au bout de 4 jours les malades 
commençaient à articuler en voix chuchotée des mots 
simples; après 8 jours de ce seul traitement, ils répé- 
taient des phrases qu’on leur faisait lire sur un papier, 


Au bout de 3 semaines, deux parlaient normalement, 
— Mlle J. Wiszniewska : Sérum anti-phénol. L'auteur 
a constaté qu’il se produit, dans certains proccdés pu- 
trides de l'intestin, une substance spécifique qui rappelle 
par ses caractères les leucomaïnes plutôt que tout autre 
corps. Elle se comporte, vis-à-vis des réactifs des phé- 
nols, comme un composé phénolique, mais ne peut pas 
être confondue avec l’acide p-oxyphénylacétique ni avec 
d’autres composés chimiques du phénol jusqu'ici con- 
nus. Ce corps, injecté à différentes reprises et à difré- 
rents animaux à des doses convenables, produit tou- 
jours les mêmes lésions de sclérose ; quand il est injecté 
par la voie veineuse àuncheval, il fournit des anticorps 
caractéristiques qui peuvent être employés dans un but 
thérapeutique. — M. H. Coupin : Sur le pouvoir fermen- 
taire des bactéries marines, L'auteur a étudié le pouvoir 
fermentaire de 43 bactéries marines sur douze sub- 
stances : trois monosaccharides, quatre polysaccharides 
et deux alcools. Quatre espèces seulement se sont mon- 
trées inertes. Ces bactéries ayant été isolées de l’eau de 
mer d'huîtres portugaises ou d’huîtres vertes, on peut se 
demander si le pouvoir digestif attribué à ces mollus- 
ques n’est pas dû, accessoirement ou principalement, à 
la présence des bactéries dans l’eau qui les baigne. — 
M. F. Kerforne : Sur la présence de mylonites à la base 
du Cambrien au sud de Rennes. L'auteur a observé, à 
Bois-Esnault et au rocher d’Ussel, deux contacts anor- 
maux du Cambrien et de l’Algonquien, avec mylonites, 
situés l’un sur le bord nord, l’autre sur le bord sud 
du synelinal. Ils montrent que le Cambrien et les cou- 
ches siluriennes qu’il supporte ne sont pas en place, et 
qu’il y a eu des actions de charriage indiscutables, pro- 
bablement du S au N, ce qui expliquerait la schistosité 
verticale, sensiblement E-W, des schistes cambriens, 


Sean-e du 22 Novembre 1915 


° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. P. Carrasco : Sur 
la structure du spectre de raies de la couronne solaire. 
L'auteur a constaté que la raie rouge 6374, qu'il a ob- 
servée dans le spectre de la couronne pendant l’éclipse 
de Soleil du 21 août 1914, appartient à la série, signa- 
lée par M. Nicholson : 5303, 4359 et 3534, dont les raies 
ont la même différence (1,1029) entre les racines cubi- 
ques de leurs longueurs d'onde. L'auteur a trouvé parmi 
les raies coronales un certain nombre d’autres séries 
analogues. 

20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. G. Sizes : Loi de réso- 
nance d’un corps sonore. Le son prédominant d’un corps 
sonore quelconque peut être considéré comme étant le 
terme médian d’une progression de 8 octaves. Consé- 
quemment, son nombre de vibrations égale la racine 
carrée du produit des nombres de vibrations des octaves 
extrêmes. Le son fondamental, ou son 1 de l'échelle gé- 
nérale, s’obtient en divisant le premier terme de la pro- 
gression parle terme numérique simple de la fonction 
harmonique du son prédominant, Cette fonction, varia- 
ble selon l'espèce de corps sonore, est déterminée à 
l’aide des rapports qu'ont entre eux les harmoniques qui 
accompagnent le son prédominant et particulièrement 
de ceux qui sont en fonetion de son 7 ou l’un de ses 
multiples. — MM. L. Tschugaef et I. Tschernjaeff : 
Sur les complexes hydroxylammoniés du platine biva- 
lent. Les auteurs ont préparé la série complète des compo- 
sés [Pt (NH?2OH)" (NH®)" —+] CP. Ce sont des substan- 
ces parfaitement incolores et plus ou moins solubles 
dans l’eau. Les atomes de C1 y présentent le caractère 
d’ions. Le composé [Pt (NH?0H)? (NH*)}?] CI? existe sous 
deux formes isomères etses sels également ; les sels de 
l'une des formes sont rose violacé, ceux de l’autre forme 
verts. — M. L. Maquenne: Action du saccharose sur la 


722 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


liqueur cupro-potassique. La courbe représentative du 
phénomène, dressée en prenant comme abscisses les 
poids de sucre et comme ordonnées les réductions cor- 
respondantes, s'élève au début très rapidement, puis 
s’infléchit, devient horizontale et enfin s’abaisse, si bien 
qu'avec 10 gr. de saccharose pur on réduit moins de 
cuivre en 3 min. qu'avec à gr. ou même seulement 2 gr. 
Il est probable qu'il se forme des sucrates complexes de 
cuivre et de potassium dont le coeflicient de dissociation 
décroit à mesure que la proportionaugmente de sucre, La 
présence de sucre inverti exerce sur le saccharose, tan- 
tôt une action protectrice, tantôt une action accéléra- 
trice de la décomposition, suivant la proportion du pre- 
mier deces sucres, 

3% SCIENCES NATURELLES. — M. L. Lapicque : Zechni- 
ques nouvelles pour l'électrodiagnostic. L'auteur pré- 
sente un chronaximètre clinique qui permet de mesurer 
rapidement, en temps absolu et sans avoir à tenir 
compte de la résistance de la peau, les chronaxies pa- 
thologiques qui, de la normale égale à 2/10.000 de 
seconde environ, s'élèvent jusqu’à 1/100 et davantage. 
Il montre, d'autre part, qu’en excitant par des courants 
progressifs (en plaçant en dérivation une série de con- 
densateurs à grande capacité, de 2 à 30 microfarads) 
des muscles sains et malades, on peut faire disparaître 
totalement l’action des uns et faire apparaître celle des 
autres avec toute son ampleur et ses caractères. — 
MM. Ch. Nicolle et L. Blaizot: Nouvelles recherches 
sur le typhus exanthématique. Les auteurs ont établi 
les faits suivants : 1° Il est possible de conserver indé- 
finiment le virus exanthématique par passage sur 
cobayes ; 2° Pendant la fièvre, le microbe inconnu du ty- 
phus est présent dans tous les organes, même débarras- 
sés de sang; 3° Le virus résiste à la glacière 6 jours au 
moins et2 jours à l’étuve; 4° Le lapin est sensible au 
virus ; ° Il est nécessaire de prendre la température 
des animaux en incubation de typhus pendant au moins 
45 jours. — M. E. Vasticar: Sur la termination du 
nerf acoustique. IL est généralement admis que les fila- 
ments du nerf acoustique se terminent par de petits 
renflements olivaires venant simplement en contact avec 
la surface extérieure de l’extrémité profonde de la cel- 
lule auditive. Une disposition de ce genre se rencontre 
assez fréquemment, mais n'est, pour l’auteur, qu’un des 
modes de terminaison apparente du nerf acoustique. 
Quels que puissent être les aspects de ces terminaisons, 
le trajet du filament nerveux ne reste pas limité à la 
surface extérieure de la cellule; il se poursuit au-delà 
par les canalicules du corps exoplasmique pour attein- 
dre le noyau, soit directement, soit par l'intermédiaire 
de corpuscules particuliers situés dans l’espace sous- 
nucléaire,Ce corpusculeintra-cellulaire peut être unique, 
etalors il est tantôt sphérique, et tangent simultané- 
ment au noyau et au corps exoplasmique ou tangent au 
premier et séparé du second, tantôt ovoide et siégant 
dans l'épaisseur même du corps exoplasmique.— M. L. 
Guignard: Nouvelles observations sur la formation du 
pollen chez certaines Monocotylédones. L'auteur a re- 
connu que la formation du pollen par quadripartition 
simultanée peut être considérée comme générale chez 
toutes les Iridacées. — M. M. Dalloni: Le Miocène 
supérieur dans l'ouest de l'Algérie. Couches à Hipparion 
de la Tafna. L'auteur a observé dans la vallée inférieure 
de la Tafna des couches renfermant des restes d’Æip- 
parion et toute une faune lagunaire caractéristique du 
Pontien, Les lagunes pontiennes s’étendaient donc lar- 
gement au seuil de la Méditerranée occidentale, qui se 
présente également de ce côté comme une mer fermée. 
D'autre part, si l'Europe a reçu sans conteste de l'Asie 
les premiers Hipparion, ceux-ci s'étaient répandus à la 
même époque sur tout le nord de l'Afrique, en partie 
par l'isthme de Gibraltar. — M. H. Colin: Sférilisation 
de l’eau par l'acide carbonique sous pression. L'auteur 
a reconnu que des eaux chargées de bacilles divers 
(bac. typhique, bac, de la dysenterie, du choléra, de la 
diphtérie,bac. pyocyanique), peuvent être stérilisées par 
l'action de l'acide carbonique sous une pression allant 


de 5 à 25 kilogs pendant un temps variant de quelques 
minutes à 2 jours, Le colibacille et le bacille subtil résis- 
tent pendant plus de 5 jours. 


Séance du 29 Novembre 1915 


M. le Président annonce le décès de M. Ch.-R. Zeil- 
ler, membre de l’Académie. 

1° SCIENCES PHYSIQUES. — MM. Oechsner de Coninck 
et Gérard: Poids atomique du cadmium. Le métal est 
purilié par passage successif à l’état de sulfate, de sul- 
fure, de chlorure, puis de carbonate. Un poids connu 
de carbonate est calciné, puis réduit par H, et le cad- 
mium obtenu est pesé. La moyenne de cinq détermina- 
tions a donné pour poids atomique du Cd 112,32 (au 
lieu de 112,40, chiffre de la Commission internationale). 
— M. ©. Bailly : Sur le mécanisme de l'action du phos- 
phate tribasique de sodium sur l'e-monochlorhydrine 
de la glycérine. L'auteur a constaté que, dans la prépa- 
ration du glycérophosphate de sodium par l’action de 
PO‘Na* sur l’z-monochlorhydrine de la glycérine, il y 
a formation intermédiaire de glycérine, puis de glycide 
et de Na?HPO!', et que c’est l’action de PONaH sur le 
glycide qui donne naissance au glycérophosphate. Celui- 
ci peut être aussi bien le composé # que le composé £. 

2° SCIENCES NATURELLES. — M. J. Bergonié : Nouvelle 
méthode de radioscopie chirurgicale en lumière rouge. 
L'auteur propose une nouvelle méthode de radioscopie 
chirurgicale, qui évitetousles inconvénients de la radio- 
scopie ordinaire. On opère en lumière monochromatique 
rouge, qui conserve au chirurgien et à ses aides toute 
leur sensibilité visuelle et leur donne, en même temps, 
par effel de contraste, une perception nelte et complète 
des images radioscopiques vertes. Aussi, lorsqu'on 
supprime la lumière rouge pour lui substituer la radios- 
copie en dessous du champ opératoire, les images sur 
l’écran sont-elles immédiatement et clairement perçues 
par tous. Une fois les indications fournies par cette ra - 
dioscopie momentanée bien fixées, l’écran, protégé par 
un tissu stérile, est écarté du champ opératoire et l’opé- 
ration continue en lumière rouge. — MM. À. Renault, 
L. Fournier et L. Guénot: /50 cas de syphilis traités 
pur un composé organique d'arsenic, de bromure d'ar- 
gent et d'antimonyle. Ce composé, qui dérive de l’arsé- 
nobenzène et a été préparé par M. Danysz sous le nom 
de 102, a donné dans le traitement de la syphilis des ré- 
sultats très favorables, comparables à ceux de l’arséno- 
benzène ; mais ces effets sont oblenus par des dôses 
d’arsenic moins considérables et avec des phénomènes 
réactionnels bien moins intenses et bien moins pénibles, 
On n'a jamais noté d'accident grave, bien que les injec- 
tions aient été faites à un jour seulement d'intervalle. 
— M. E. A. Martel: Sur la contamination des eaux 
souterraines par suite de la guerre. L'auteur discute la 
durée de contamination des eaux souterraines par suite 
des inhumations et autres causes de pollution dans les 
champs de bataille du N.-E, de la France. Il montre que 
l'infection de l’eau souterraine persiste au-delà d’une 
année entière dans toutes les circulations peu profondes 
qui ont été exposées depuis le début des hostilités à la 
multiplication des pollutions résultant des excreta, dé- 
chets contaminés, ensevelissements, etc. Donc il faut 
procéder le plus tôt possible aux assainissements du 
sous-sol dans tous les points où les eaux souterraines 
sont assez près de la surface pour que les contamina- 
tions continuent à s’y propager. — M. H. Douvillé: 
Les Orbitoidés: développement et phase embryonnaire; 
évolution pendant le Crétacé, L'auteur est amené à divi- 
ser les Orbitoïdes en deux groupes de formes : 1° un 
premier groupe, comprenant les sous-genres Orbitella 
et Simplorbites, dans lesquels la surface des logettes 
n’est que partiellement poreuse; la portion frontale est 
compacte; les ouvertures des logettes sont disposées en 
deux rangées aux extrémités de l’arc antérieur; 2° un 
second groupe, comprenant les sous genres Lepidorbi- 
toïdes et Clyperorbis, caractérisé par l'absence d’ouver- 
tures ; les pores envahissent toute la surface des logettes, 


nt ed ne nn Sd ns 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 723 


et celles-ci se développentpar filtration du protoplasme 
de la même manière que les chambres latérales, 


ACADÉMIE DE MÉDECINE 
Séance du 23 Novembre 1915 


M. Ch. Monod : A propos du tétanos lacalisé. L'auteur 
cite un cas de ce genre observé sur un blessé, ayant reçu 
une injection de sérum antitétanique 50 heures après 
sa blessure. Après amputation du bras pour gangrène, 
il survint dans le moignon et l'épaule des secousses 
violentes et très douloureuses avec contraction, qui ne 
cédèrent qu’au bout de 6 semaines au traitement par le 
chroral, les injections sous-cutanées de’ sulfate de 
magnésie et celles de sérum antitétanique. Les cas de 
tétanos localisé paraissent beaucoup moins rares qu'on 
ne le suppose. — M. A. Pinard : Quelques observations 
sur le traitement des plaies par la solution Delbet. 
Depuis le 12 octobre, l’auteur a employé exclusivement 
la solution stérilisée de chlorure de magnésium à 18°/, 
de sel cristallisé, pour l'irrigation des plaies à l'Hôpital 
militaire Bégin. Les résultats ont été remarquables. La 
suppuration a diminué très rapidement et la fétidité du 
pus s’est atténuée progressivement. La surface de la 
plaie devient d’un beau rougeet l'épidermisation se fait 
très rapidement, sans production de bourgeon charnu. 
— M.G. Maurange: Statistique de 39.215 injections 
antityphoïdes et antiparatyphoïdiques B. L'auteur a vac- 
ciné 11.316 personnes qui ont reçu en général 3 injec- 
tions ; 162 ont été éliminées aprèsexamen médical. Chez 
un certain nombre de douteux, on a pratiqué une injec- 
tion d’essai de 1/4 de em, suivie, lorsqu'il n’y avait pas 
de réaction, d’injections de 1/2,1,1!/, et2 em* en surveil- 
lant de près le sujet, L'âge a varié de 4 à 46 ans ; les 
réactions chez l'enfant sont nulles. A part une douleur 
d'intensité variable, l’auteur n'a observé aucune réac- 
tion locale ; les réactions générales (céphalée, fièvre) 
ont fait défaut dans 80 0/, des cas pour la vaccination 
typhoïde et 96,3 °/, pour la paratyphoïde B. 127 tuber- 
culeux ont pu être immunisés après avoir été soumis à 
l'injection d'essai. En somme, les résultats obtenus 
confirment l'innocuité de la vaccination antityphoïde 
lorsqu'elle est pratiquée avec asepsie et discernement. 


SOCIÈTE DE BIOLOGIE 


Séance du 20 Novembre 1915 


M. L. Camus : L'hordénine dans le traitement des 
affections adynamiques. À propos de l'emploi heureux de 
l’adrénaline dans le traitement de ces affections, l’auteur 
rappelle qu’il a montré autrefois que l’hordénine agit 
sur le cœur et la circulation d’une façon remarquable, 
fait qui a été corroboré depuis par de nombreuses ob- 
servations cliniques et que vient appuyer l’analogie 
de structure moléculaires des deux bases. Le sulfate 
d’'hordénine présenterait l'avantage d’être extrêmement 
soluble dans l’eau, et ses solutions se conservent sans 
altération. — M.Ed. Retterer : Structure et origine des 
athéromes. Si l'origine des ilots épithéliaux qui produi- 
sent les loupes ou athéromes a jusqu’à présent échappé 
à l'observation directe, la structure et l’évolution de ces 
néofromations prouvent leur natureépidermique : elles 
sont constituées par une couche génératrice formée d'un 
protoplasma strié en long etentravers. De nombreuses 
cellules possèdent un cytoplasma périnucléaire, tel 
qu'on l’observe dans lesrégionsatteintes d’inflamm ation 
chronique, Ces cellules de la couche génératrice évo- 
luent en une couche cornée à petits noyaux chromati- 
ques. Vers le centre de l’athérome, les éléments cornés 
se désagrègent, en même temps que les noyaux perdent 
leur chromatine ; il se forme ainsi une cavité remplie 
d'un magma grumeleux. — MM. M. Caullery et 
F. Mesnil : Sur des corps cœlomiques multinucléés de 
l'Eunice harassii, Au cours de recherches sur la faune 
des mares à Lilhothamnion, les auteurs ont observé des 


corpuscules spéciaux dans le cælome d’une AnnélidePo- 
lychète : Eunice harassii. Ces corps remplissent tous les 
segments de la région moyenne du corps; ils sont opa- 
ques, elliptiques, et renferment un grand nombre de 
noyaux. Ils doivent servir à l'élaboration et à l’emma- 
gasinement de réserves, dans la période de la vie de 
l’'Annélide qui précède la formation des produits géni- 
taux. — M. R. Dujarric de la Rivière : Sur l'existence 
d'une médusocongestine., L'auteur a observé à Calais de 
nombreux accidents plus ou moins graves dus aux pi- 
qüres de méduses, en particulier de l'espèce Xhizostoma 
Cuvieri. Par précipitation alcoolique des extraits de 
macération aqueuse de ces méduses, l’auteur a obtenu 
une substance qui, inoculée au cobaye ou au lapin, pro- 
duit des symptômes cliniques et des lésions montrant 
sa nature congestivante. Cette médusocongestine donne 
lieu à des phénomènes d’anaphylaxie fréquents, mais 
non constants. — MM. S. Costa et J. Troisier : Sur un 
bacille anaérobie ictérigène. Du foie d'un malade ayant 
succombé à un ictère infectieux, les auteurs ont isoléun 
bacille anaérobie, immobile, souvent filamenteux, se 
développant abondamment dans un bouillon préparé 
avec du foie de veau. Il tue le lapin en déterminant un 
ictère d’origine hépatique; par inoculalion intramusecu- 
laire chez le chien, il provoque, en même temps que la 
lésion locale, un ictère franc curable. Les auteurs nom- 
ment ce bacille B.icterigenes. —MM.H.Claudeet R. Po- 
rak: Les troubles dela motilité dans les psycho-névroses, 
II. Aux troubles dela motilité volontaire dans les psycho- 
névroses dutype hystérique (p. 692) s'ajoutent parfois 
des modifications de la courbe de fatigue par excita- 
tion électrique qui diffère beaucoup du côté paralysé et 
du côté sain : 1° la hauteur de chaque courbe de con- 
traction est très peu élevée; 2° les contractions sont 
cependant très nombreuses, d’où les caractères du quo- 
tient de fatigue qui est tout à fait comparable au quo- 
tient de fatigue par contraction volontaire. Ces anoma- 
lies, constatées chez des malades blessés depuis plus de 
2 mois, paraissent relever surtout de l’inactivité mus- 
culaire prolongée, — M. J. Nageotte: Développement 
de la gaine de myeline dans les nerfs périphériques en 
voie de régénération. La première ébauche de la gaine 
de myéline ne seforme pas par l’apposition de molécules 
isolées, mais par l'incorporation successive de particules 
déjà organisées : les grains de chondriome du neurite. 
Elle constitue done une membrane cylindrique de sub- 
stance mitochondriale et représente un élément composé 
du chondriome. A cette première phase d'agrégation en 
succède une seconde, de croissance : la membrane 
s'épaissit el se régularise, Puis dans une 3° phase, de 
sécrétion, qui débute vers le 20€ jour, la myéline pro- 
prement dite apparaît sous la forme d’une mince ligne 
plus claire, qui divise la membrane primitive en deux 
conches : ce sont les membranes juxtamyéliniques in- 
terne et externe. — M. R. Dubois : L’anticinèse rota- 
toire. L'auteur a constaté que les organismes les plus 
divers, placés sur un plateau tournant lentement, se 
meuvent en sens inverse du mouvement de rotation ou 
se placent dans une direction contraire à celle du mou- 
vement. Ce phénomène très général est à rapprocher du 
fait que les grandes migrations humaines ayant eu un 
caractère persistant ont marché en sens inverse du mou- 
vement de rotation de la Terre, c’est-à-dire de l'Est à 
l'Ouest. 


SOCIÉTÉ FRANCAISE DE PHYSIQUE 
Séance du 19 Novembre 1915 


M. M. Drapier : Application de la cryoscopie à l'ana- 
lyse chimique. Le dosage d’un constituant d'un mélange, 
surtout lorsqu'il s'agit de corps organiques. offre en 
général de grandes difficultés, Un tel problème pré- 
sente pourtant très souvent un grand intérêt, tant au 
point de vue pratique qu’au point de vue scientifique. 
Il est rare de trouver une méthode chimique qui per- 
mette de le résoudre, et l’on est le plus souvent réduit 


1 
[A 
ns 


à recourir à des méthodes empiriques. Aux conditions 
d’exactitude s’en joint une autre lorsqu'il s’agit de do- 
sages industriels : la rapidité d'exécution, C’est aux mé- 
thodes physiques : mesures de densité, d'indice de ré- 
fraction, de pouvoir rotatoire, etc., que l’on recourt en 
général. Il en est une autre que l’on ne parait pas avoir 
songé à utiliser d’une façon systématique : c’est la cryo- 
scopie. Elle est cependant susceptible de rendre de réels 
services, ainsi qu'il résulte des expériences qui ont été 
faites. Il importe de considérer deux cas, selon que l’on 
a affaire à un mélange binaire ou à un mélange plus 
complexe. Premier cas: Soit un mélange des corps A 
et B dont l’un puisse servir de dissolvant cryoscopique. 
La dissolution d’un poids déterminé de ce mélange dans 
un poids connu du corps À pur, par exemple, déter- 
mine un abaissement du point de congélation qui est 
proportionnel à la concentration du corps B dans le 
mélange, Deuxième cas: S'il s'agit d’un mélange plus 
complexe, la cryoscopie d’une solution de 7 grammes de 
ce mélange dans P grammes d’un dissolvant quelconque 
donne la relation : 

PL CRT sn à 
() =ÿ(ÿ DT CLS CL  ) 
où x,), z,... représentent les poids des corps À, B, 
C. ..., contenus dans 7 grammes de mélange, et M, M', 
M', … leurs poids moléculaires. La cryoscopie d’une 
solution de même concentration, maïs en employant 
cette fois comme dissolvant l’un des constituants du 
mélange, À, par exemple, donne : 


©) = pre + +) 


En remplaçant dans ()( = + 2 +) par la valeur 
; \M M ; 


de cette expression tirée de (2), on obtient : 


__Efzx A(P+x) 
Se É RTE É 


d’où l’on peut tirer la valeur de x, c’est-à-dire la con- 
centration du constituant A dans le mélange étudié.Cette 
méthode très expéditive et susceptible de grande gé- 
néralisation pourrait rendre de sérieux services dans les 
laboratoires. — M. G. Bigourdan : Sur l'examen ra- 
pide des lunettes et télescopes, particulièrement de ceux 
de petites dimensions. L'auteur rappelle d’abord les prin- 
vipales méthodes d'examen, notamment celle de l’écran 
et celle des diaphragmes, avec leurs avantages particu- 
liers quand on les utilise photographiquement. Ces mé- 
thodes sont d’une application assez longue et par suite 
ne sont pas pratiques pour lespetits instruments. L'im- 
portante notion du pouvoir optique offre un moyen em- 
pirique, mais assez sûr, pour reconnaitre la qualité des 
mêmes systèmes optiques. Des étoiles doubles convena- 
blementserrées se prêtent bien à ce mode d'examen; mais 
ici encore l'application est longue quand on veut la faire 
sur le ciel; de sorte que le seul moyen expéditif consiste 
dans l’emploi de {ests objets terrestres. Comme test, on 
emploie ordinairemeut des mires constituées par des ca- 
ractères typographiques de grandeur décroissante. Mais 
de telles mires ne peuvent être reproduites identique- 
ment à grandes distances et d’ailleurs doivent être em- 
ployées d’une manière purement différentielle. Pourcette 
raison, M. Bigourdan a proposé l’emploi d’une Wire 
universelle, constituée par un certain nombre de grou- 
pes de raies noires sur fond blanc; dans chaque groupe 
les traits noirs et les intervalles blancs ont tous même 
largeur, et celle-ci varie régulièrement d’un groupe au 
suivant. Chaque groupe porte un numéro 7 exprimant, 
en secondes d’are, l'angle sous-tendu par la somme des 


ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 


| largeurs d’un blanc et d’un noir consécutifs, quand la 

| mire est placée à 10% de distance. À une distance quel- 
conque d le même angle est donc 101)d. Or l'emploi de 
mires de ce genre a montré à Foucault qu’un objectifou 
miroir de bonne qualité et de o%,13 d'ouverture dédou- 
ble exactement 1°. D'ailleurs le pouvoir séparateur est 
proportionnel à l'ouverture de l'objectif, On peut facile- 
ment s'assurer si un objectif d'ouverture donnée a le 
pouvoir séparateur correspondant. (Pour plus de dé- 
tails, voir une Votice de l'Annuaire du Bureau des Lon- 
gitudes pour 1915.) Pour l'application de cette méthode 
il reste cependant à examiner diverses circonstances qui 
n’ont pas encore élé étudiées : 1° Influence de l’éclaire- 
ment plus ou moins intense de la mire, 2° Influence de 
la distance focale. Pour les grands objectifs, où le rap- 
port de l’ouverture O à la distance focale F est voisin 
de 1/15, on admet que ce rapport n’a pas d'influence. 
Mais quand il tombe au-dessous de 1/10, comme dans 
beaucoup d'objectifs de faible ouverture, il peut n'en 
être plus de même pour les objectifs de jumelles. 3° In- 
fluence du grossissement. Pour la solution de ce troi- 
sième point, on se heurte à une difficulté d’ordre prati- 
que. D'abord on n’a pas de moyen facile d’épreuve pour 
les oculaires. Ensuite les oculaires qui n’ont pas étéfaits 
spécialement ne sont pas interchangeables. Il serait 
utile d'adopter des diamètres réguliers, variant par 
exemple de 2°" en 2"" pour le diamètre extérieur des 
oculaires, En outre, leurs lentilles devraient être inter- 
changeables, Les conventions dece genre devraient 
être précédées de l'unification des filetages des tubes. 


SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE FRANCE 


Séance du 12 Novembre 1915 


M, G. André : Sur le déplacement par l'eau des ma- 
tières azotées et minérales renfermées dans les feuilles. 
L'expérience démontre que les feuilles, soumises aux 
influences naturelles, lorsqu'elles sont tombés sur le sol 
à l’automne, perdent la presque totalité de leur potasse 
dans un espace de temps assez court, alors que la perte 
de l'acide phosphorique, dans le même temps, atteint 
seulement les 2/3 environ du phosphore contenu dans 
les feuilles. L’azote s'élimine beaucoup plus lentement: 
1/14 seulement de cet élément est soustrait à la feuille, 
M. André a déterminé quelles étaient les quantités 
d'azote, de phosphore et de potasse susceptibles d’être 
déplacées lorsqu'on immerge complètement les feuilles 
dans l’eau; cette étude a été faitesur des feuilles de chà- 
taignier prises à divers moments de leur développement. 
— MM. Polonovski et Nitzberg: £tude sur les alca- 
loides de la fève de Calabar. Les auteurs ont étudié l’ac- 
tion des isocyanates de méthyle et de phényle sur l’ésé- 
rine, la génésérine et sur leurs dérivés : l’éséroline et la 
généséroline. Ils ont trouvé que, suivant les conditions 
dans lesquelles on se place, on obtient des produits de 
condensation différents : tantôt des composés d’addition 
peu stables, tantôt des combinaisons carbaminiques du 
type urée, l’isocyanate se fixant à l'azote, ou du type 
uréthane, quand l’éthérification a lieu à l’oxhydrile phé- 
nolique, tantôt des combinaisons mixtes uréo-uréthani- 
ques,lorsque deux molécules d'isocyanate entrent en ré- 
action. Du fait que la généséroline ne donne pas avec 
les isocyanates des combinaisons autres que celles du 
type uréthane, tandis que l’éséroline en fournit des deux 
types : urée et uréthane, il semble ressortir que la géné- 
séroline ne possède pas le groupement imide qui exis- 


\ 


Le Gérant : Octave Don. 


Sens. — Imp. Levé, 1, rue de la Bertauche. 


TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES 


CONTENUES DANS LE TOME XXVI DE 


(DU 15 


— CHRONIQUE 


Astronomie et Géodésie 


Le rayonnement des éloiles. . . . . . . . . . . 
Mavenirides planètes Ma ne TNT NN 


Anatomie et Physiologie 


La ration du soldat en temps de guerre. 

Influence du timbre et de l'intensité sur la localisation 
des sons . x 
étude analytique du remet, de l’ ‘écriture. : 

Le dimorphisme dimensionnel des spermatozoïdes et 
ses relations avec les chromosomes, 

La ration de guerre des diverses armées et les modifica 
tions proposées dans la fabrication des conserves 
pour l'armée française . . . . . . 

La valeur nutritive du bois, 

Le rôle des sels de calcium dans 1 limentation humaine, 
en particulier chez les soldats . 

La recherche de nouvelles substances alimentaires en 
Allemagne. . . 5 

La ventilation et les elets du ‘grand air et di ent sur 
les échanges respiratoires . . . 

Le mécanisme de contrôle de la teneur ‘en : corpuseules 
rouges du sang, . . PAT OLA S LEE? 

La fragilité héréditaire ÉÉOLE AR TE 


Biologie générale 


Existe-t-il un type physique du criminel ? : 
L'identité de l'héliotropisme chez les animaux et les 


plantes. . à : ETC EE 
Le nomadisme est- il héréditaire? RE EME UE à PEU A 
L'eugénique et la guerre. , . . SÉRS EEE D 
L'influence du climat sur le travail. A - 


La structure moléculaire et la vie. . . . 
Relations entre la couleur spectrale etla stimulation chez 
les crganismes inférieurs, . . , . . . . . 


Botanique et Agronomie 


L'inJustrie sucrière francaise et la question des graines 
de betterave. . . 

Un hybride du blé sauvage ‘et du blé ordinaire ; 

La lutte contre le désert. . ÉTÉ 

L'exsudation de glace par les tiges des plantes d 

Nouvelle méthode pour déterminer rapidement la vita= 
litérdes semences RC ER. a ir 

L'œuvre du reboisement en Algérie . . . : 

La végétation d'avant-garde du volcan Taal. 4 

L'emploi des substances radioactives comme engrais . 

Influence de l'orientation des lignes sur le sol sur la 
récolte des bétteraves sucrières. 

La production et la consommation des céréales en 1915. 


Chimie 
L'explosibilité des mélanges d'ammoniac et d'air . 
Le traitement au four des phosphates naturels een 
utilisation comme engrais . 


L'emploi de la viscose comme enveloppe pour les sau- 
DIBAOD SN RAS LM 2 ME AN RE UE AL EE 


LA REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 


JANVIER AU 30 DÉCEMBRE 1915) 


ET CORRESPONDANCE 


299 


693 


104 


136 
136 


169 


199 


939 


393 
456 
497 


664 
664 


La couleur des corps et leur conslilution chimique, . 

A propos du système des éléments chimiques . 

Une nouvelle sorte de pile . : 

Les liquides à point d'ébullition constant qui peuvent 
être employés pour les bains-marie à tempéralure 
constante. . - 

La préparation industrielle du bore et ses ‘s applications. 

Les répercussions de la guerre de 1914 sur l’industrie du 


sucre , , 

L'utilisation de la farine ‘de riz ‘dans Ja fabrication ‘au 
ER 

Le rôle de la science dans ln lutte OUDe ‘l'industrie 


allemande . ie 
L'analyse capillaire dulait . .. è 


La fabrication industrielle et les emp Se du fer élec TE 


lytique . . A EN RCE 
L'antimoine et la guerre. Jo ETS 
La récupération des graisses des boues d'é fgout. 
Poids atomique des éemanalions radioactives. 
L'action de l'acétylène sur les métaux . 
Isolement électrolytique du fil d'aluminium 
Les compressibilités des éléments et leurs relations! avec 
les autres propriétés. , . : 
Un procédé simple de purification du mercure : FA 
La doura comme succédané du blé dans la panification à 
Méthode pour distinguer les substances tautomères, iso- 
mères et polymères des substances polymor phes. 
Recherches sur les fusibles de chaudière en étain. 
L'influence de l'addition de cuivre sur la corrosion de 


lacrers. DO Me POMQL EE. - 0 TRES À 
L'étude des solutions troubles RE AUS 2 
DADAUENCE du titane sur les PERRET de l'acier. 

Le bronze turbadium . . . . Sale Re 


La perte de poids du muse dans un courant d'airsec . 

La structure moléculaire et la vie. 

Le Rapport du Comité international des poids atomiques 
pour 4916 . . . . c 

Nickelage direct de l’aluminium. 


Distinctions et solennités scientifiques 


Les prix Nobel pour 1914 et 1915. . . . . 
Les médailles de la Société Royale de ondes 


Electricité industrielle 


Cousrer (E.). — Le retour par la terre dans les trans- 
ports d'énergie électrique. 

L'inauguration de la téléphonie transcontinentale aux 
Etats-Unis, . . — 

Observations sur les perturbations des communications 
radiotélégraphiques : 

La lampe à arc à vapeur de cadmium . . No D 

Un grand progrès dans la téléphonie sans fil. LR ENET 

Les progrès de l’électrification des chemins de fer . . . 

Un nouveau type de lampe à are à électrodes inusables 


Enseignement et Sociétés 


Les effets de la guerre sur quelques institutions scienti- 
fiques internationales. . . . . . 


PURES ET APPLIQUÉES 


629 
661 


726 TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES 


Géographie et Colonisation 


REGELSPERGER (Gustave). — Mission Audoin pour le 
ravitaillement de la région orientale du territoire 
du Tchad. : 

— Mission du professeur ‘Emile Perrot pour l'étude 
des végétaux utiles de l’Afrique équatoriale . . . 

Les communications de la Russie et de la Sibérie avec 
l'Europe À : 405, 

Les colonies allemandes en Rusnie 5 

La colonisation intérieure en Sibérie en 1913. 

Le sort de l’Expédition arctique canadienne 

Géologie et Paléontologie 

Buix (Henri). — La question des engrais de potasse et 
les gisements de sels potassiques de l'Alsace. 

Découverte de bactéries alyonkiennes. . . 


Les gisements de sels potassiques de l” Espagne | see 
L'origine des récifs coralliens. . . . . 

L'origine des continents. . . 

Le prétendu desséchement progressif de la Terre. 


Industrie et Commerce 


Les conséquences industrielles et commerciales de la 
guerre . 


Mathématiques 


La simplification des opérations arithmétiques de l’in- 
volution et de l’évolution. . . , . . 


Mécanique et Génie civil 


Les projecteurs lumineux en temps de guerre . . . 


Le sauvetage des équipages après les batailles navales. 


A propos de lincendie de la J'ouraine : l'emploi des 
gaz brülés à l'extinction des incendies et aussi à la 
fumigation. 

Les problèmes techniques de l'utilisation de la tourbe. 

L'emploi des moteurs à naphtaline en Allemagne . 

Les bombes incendiaires allemandes, . . ER 

Une nouvelle théorie des fours à flamme . . . . . 

Le mouvement d'un fluide sans frottement . 

La lubrification par le graphite colloïdal es 

La commande des moteurs employés à _bord des sous- 
marins allemands . 


Météorologie et Physique du Globe 


Les cyclones CE et les basses pressions atmos- 
phériques . ere OR ee 2e CU 

Une nouvelle méthodes pour la fixation des variations 
de climat aux époques antérieures . . . . 

Les propriétés mécaniques de la Terre. 


Nécrologie 


BLayac (J.) — Gaston Vasseur. 
Crookes (Sir W.). 


— Quelques savants anglais récem- 


ment décédés : Gill, Poynüng, Minchin, Swan, 
Büurche LME SEUL ES CE TENTE CIE 
Maxcix ! (L.). — Edouard Prillieux . . RAP 
MATHi4S (E.). — E.-H. Amagat. . . Ke 
REGELSPERG: ER (Gustave). — Joseph Déchelette 4 
RENAUD (J.). — Ph. Hatt . Ve 
Roue (Louis). — Léon Vaillant . 2 
WizLeM (Victor). — A. A. W. Hubrecht. 
N. C. Duner ne 
Sir Georges Nares. OR É nfo co 0 
James /Geilies 1 RER: ILE CUNMINRE 
A. van Gehuchten.. 
Sir Andrew Noble . s RE OA À Cv CEE 
Hi CharltontBastan 7, UPPER Ce 


495 
328 
391 
392 
424 
569 


261 


Photographie 
Cousrer (Ernest). — La VB A par le 
procédé Paget- RCOÏGIE. 124 CASE ENEE = 
— Le voile dichroïque . sets ee SORENTRE È 
Pellicule de gélatine, souple et ininflammable, pour la 


Radiologie. 
Modifications du pouvoir développateur de l'hydroqui- 
none, résultant des substitutions effectuées dans le 
noyau aromatique . sRÉTE 
Exécution rapide des épreuve radiographiques. LA 
Développement des clichés à température élevée . . . 
L'utilisation de la lampe au tungstène à atmosphère 


d'azote en photographie RE NN CE 
Eclairage inactinique . . . 
Influence de l'humidité et de la température sur la sen- 
sibilité deaiplagques "1-2 
Physique 
Bouraric (A.). — Les théories actuelles de la gravita- 
HOT sels ORDRE 


— La structure de l'atome. : 
— Extraction et localisation des pr vjectiles par l'élec- 
tro-aimant . . 
Cousrer (Ernest). — L'ampoule à rayons X de Coolidge 
— Redresseur et amplificateur thermo-ioniques; le 
Kenotron et le Pliotron . 
Les signaux sonores et les zones de silence . 
Les propriétés magnétiquesetautres du ferélectroly tique 
et de ses alliages fondus dansle vide. . 133, 
La précipitation électrique des particules suspendues 
dans lés fluides "1e CRT ORNE 
Tubes à rayons X en métal. E PP CIEL ONRERE 
Une nouvelle sorte de pile . . : : 
Relation entre le spectre d'émission ‘d’un composé et le 
spectre d'absorption qu'il fournit en solution. . . 
Les propriétés physiques du sélénium. . . . . . 
La fusion du carbone 
Un nouvel isolant calorifique, le fibrox. o 
Quelques propriétés des émanations radio-actives . , . 
Les constantes du radium . . . . Mo. 
Quelques effets secondaires des rayons ‘Rœntgen. RSR 
Le passage des rayons z à travers les cristaux. , . . . 
Sur un nouvel appareil à à haute fréquence. . . 
Principe d'un nouveau Rép visuel de phototélé- 


graphie . . .. MS 
La tension superficielle des corps amorphes ME tn 
Les alliages métamagnétiques. . . . Se 


La nature des particules magnétiques ultimes. 
L'extension du spectre au delà de la +R de Schu- 


Cnimalosra se du Rte Een MÉNENE, o 2 9 

L'équivalent mécanique de la lumière È 3 

La protection des lignes à haut voltage contre les 
DISCAUX EP. Vo ART I-LT CERS Re RE 0 


Sciences médicales 
L'emploi de l'iode comme antiseptique sous forme 
solide” 7.7 
Les risques d’ épidémie de typhus exanthématique et de 
typhus récurrent dans nos armées en campagne et 
les mesures à prendre pour les en préserver . 
Les herbicides à base d’arsenic. . . cn 
La transmission de la malaria par les moustiques, aux 
Philippines 
Le procédé Dickson pour le traitement des eaux d’égout. 


Zoologie 


La sélection des couleurs par les moustiques . . . . 

L'élevage du dauphin en captivité . : 

Les changements de couleur et de dessin chez les pois- 
sonpiet l'&dap{fafion CCR CE re 

Le mimétisme chez les serpents | DS © 

L'influence de la pression barométrique et de la tempé- 
rature sur le développement des Lépidoptères . . . 

Recherches sur le développement du pou . 


| 
| 


TABLE ANALYTIQUE 


II. — ARTICLES ORIGINAUX 


Astronomie, Météorologie et Physique du Globe 


Legeur (A.).— L'histoire des doctrines cosmologiques 
de M. Duhem. . . : 
Puiseux (P.). — Revue annuelle d'Astronomie (914) 


Botanique et Agronomie 


Gain (Edm.). — La production et le commerce du blé 
ÉMIS AP ae etai ad lie eue 9 mel | « 

JumeLLe (Henri). — La culture du riz en CEE 

Pécuourre (K.). — Revue de Botanique. 

Perrot (Em.). — La culture du cacaoyer en Afrique 


occidentale française. Son avenir . . 
— Uninstitut africain de Technologie agricole et de 
recherches scientifiques. . . : : . . . . . . .. 
VayssiÈRE (P.). — Revue de ETODieeIsU re : 


ZouLa (D.). — Revue d'Agronomie . . . HR ce 
— Les ressources agricoles de la France. . . . . . . 
Chimie 
Berruoup (A.). — Revue de Chimie physique . . . 
Briner (Em.). — Le rôle de la pression dans les phés éno- 
mènes chimiques. : .:: + 4. . : + «.. 
Cousrer (E.).— L'état actuel de l'industrie des impres- 
sions photomécaniques. >. 41. +. +... +... « 
DEMENGE (E.). — La sidérurgie mondiale depuis la 
HOPRTO ee «ete : 
FOURNIOLS TAU A — La fabrication de l'hydrogène pour 
le gonflement des ballons. . . . DD MOUS FOTO 
Kayser (E.). — La fabrication du rhunthes UC à 
MAILHE Wa, — Kevue de Chimie minérale. . . . . . 
Moure1.o (J.-R.). — La synthèse minéralé au point de 
vue de ses méthodes, , . . . .. RATE ARR 
Géographie et Colonisation 
BLonpeL (G.).— Que faut-il penser de l'épuisement 
deAllema ne EME RON Eee re IR 
Brunet (Louis), — L'odyssée de J'Expédition arctique 
CHU AIN PRE EU Le Den ee ete ie cent 


PERROT (E.). — Un institut africain de Technologie 
agricole et de recherches scientifiques. . . . . . . .. 

REGELSPERGER (Gustave). — Les colonies allemandes. 
Leur situation avant la guerre et leur avenir . 


Géologie, Minéralogie et Paléontologie 


Bruner (L.). — Rayons X et structure cristalline. — I. 
Rayons x AO ER ES Luc 
— Il. Structure cristalline. : . . . . . . ... 

GrANDIDIER (G.). — L'industrie minérale à Madagascor. 
1. Minerais métalliques. , . . . . . . Horde 
II. Minéraux non métalliques. . . . . . . . 

LAuUNay (E. de). — Les Carpathes. . . . . . . 

Mancint (E.). — Le tremblement de terre de la Marsique 

(Italie centrale) du 13 janvier 1915, . . . . . D'ECROE 
Réviz (J.). — Revue annuelle de Géologie. 


Histoire des Sciences 


GAUTIER (Armand), 
science expérimentale moderne : 


— Un précurseur francais de Ia 
Jacques Rohauit. . 


Mathématiques 


Mirrac-LerrLer (M.-G.). — Les fondements de la Théo- 


MERS NOMDNES : ANNE CU RTE: 


Mécanique et Génie civil 


BaRRELET (A.). — Les ballons captifs allemands . . . . 

Cazras (P.). — Les projecteurs électriques . . . . . . . 

DEMENGE (Emile). — Pierre Martin. . . 

Fourious (A.). — Les derniers types de ballons dirigea- 
bles et leur rôle pendant la guerre actuelle, . . . . 

HaaG (J.). — Sur les principes de la Mécanique. . . . . 


HourLeviGuE (L.). — Les mines sous-marines fixes . . 


139 
107 


645 
678 
617 
639 
239 


146 
306 


267 


504 


; DES MATIÈRES 727 
PorTuOoNDO (| A.). — Notes de HéAURe sociale. L'éner- 
gie universelle 135 


REVERCHON MD Le chronométrie 
Berne. FLE a rire 

Tonres y Quevepo. — Essais sur l'Automatique, Sa 
définition, Etendue théorique de ses CPRAPAOE s 4 

VazLier (E.). — Le tir indirect en 1915. 

VIGHNIAK (J. j: — L'électricité et les mines sous-marines, 

X. — La rouille blanche et la houille grise en Russie. 


à l'Exposition de 


C' A. R. — L'usure des canons. é 
CIX. — L'urtillerie lourde de campagne. Première 
AE So 2 EM PTE Na te 
Nécrologie 
AcuaARp (Ch.). — Ch. Bouchard /1837-1915) . . . . . . 
Bouviex (E.-L.). — La vie et l’œuvre de J.-H. Fabre. . 
DEMENGE (Emile). — Pierre Martin. . . . . . . . . . . 
Le CHATELIER (H.). — Frédéric Winslow di aylor - 
Physiologie 
GLey (E.). — Comment s'est formée et comment a évo- 
lué la notion de sécrélion interne. . . . . . . . . . 
Pucziese(A.). — La valeur alimentaire des divers types 
dépainE te LT IC 0e Cr re Ee 
Physique 
Boxer (J.). — La fabrication desampoules radiologiques 
durant la guerre. . . . . . 
Brunet (L.). — Rayons X et Structure cristalline. I. 
Rayons EN PEN te CU cet Eee 
IR Structure cristalline A PARU 


Corarpeau (E.). — La localisation précise des projec- 
tiles dans le corps des blessés par voie rer 
phique ou radioscopique. . . 

Cousrer (Ernest). — La localisation Mes. projectiles par 
la radiographie, suivant la méthode Hirtz. D 0 

— La tarification de l'électricité. 


EcueGaray (J.). — Série de négations. 

NaGAoka (H.7. — La propagation des ondes électriques 
à la surface de la Terre et la couche ionisée de 
l'atmosphère f PI RENTE 

RUTHERFORD (Ern.). — Les radiations des atomes ‘explo- 
SIL UE UN MS be ee CNT CR ee 


Srock (E.).— La localisation des projectiles parla radio- 
graphie, suivant la méthode du D' Guilloz. . . . . 
VicuniaKk (J.). — L'électricité et les mines sous-marines 


Sciences médicales 


HarTmaAnN (H.). — Les premiers soins à donner aux bles- 

sés et leur mode d'évacuation. . . . . . . . . . . . 

— L'évacuation des blessés. = = :. : : . … … Se 
LancLois (J.-P.). — La fièvre paratyphoïde. , . . . . 


Zoologie et Anatomie 


Bouvier (E.-L.). — La vieet l’œuvre de J.-H. Fabre . . 

Bracuer (A.). — L'évolution d'une science : l'Embryo- 
LORIE EUR ES CR Cet et 2 EU Ce 

LAMEERE (Aug.). — L origine des sociétés d'insectes. 

Prrrarp (Eug.). — Les peuples de la péninsule des Bal- 
KA S ER MENENS U ENC NE R E ES e 

PRENANT (A.). — Les cils et leurs dérivés. : . . . . 

Ssosrepr (D' Y.). — La construction des nids chez les 
insectes. 

STEVENSON (A.). — Les ‘pêcheries ‘de baleines ‘des iles 
Falkland et de leurs dépendances . . . . . . . 
Wie (W.). — Comment les fleurs attirent les abeilles 

Revues annuelles 

MaiLuE (A.). — Revue de Chimie minérale. 

VayssiÈre (P.). — Revue de Phytopathologie. 

Zozra (D.). — Revue d'Agronomie. . . . . ... ... 
Révi (J.). — Revue annuelle de Géologie M 10 
Puiseux (P.) — Revue annuelle d’ Astronomie (1914) . . 
PecnouTre (F.). — Revue de Botanique . . . . . . LE 
Berruoup (A.). — Revue de Chimie physique. . . . . . 


368 


612 


TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES 


II. 


1° SCIENCES MATHÉMATIQUES 
Mathématiques 


BacneLier (L.). — Le jeu, la chance et le hasard. 
BARRIOL (A.). — Théorie et pratique des opéralions 

financières. : 
BLureL (E.). 
BoreL (Em.). 


Mathématiques spéciales. 
— tac géométrique à quelques 


théones physiques LOMME EME RE LS 
Deshasarde 06 PNA ENT et RC REEN 
BRAUDE (L.). — Les coordonnées intrinsèques, théorie 
et RARES EE ÉTORS oh, à 
BurALi-ForTr (C.). — Analyse vectorielle génér ale, Ï, 
Transformations linéaires, Il: Applications à la Mé- 
caniqueet à la{Physique - .. - 1.0. | Dr © 
Corrin (J. G.). — Calcul vectoriel.  . . . | . . . :. 
Dargsoux (G.).— Leçons sur la Théorie géné érale des sur- 


faces et les applications géométriques du Calcul 
infinitésimal. [. Généralités, coordonnées curvi- 
lignes, surfaces minima. 
DELExS (P.). — Problèmes d' Arithmétique anusantes 
HoRSBURGH (E.-M.). — Modern instruments and methods 
of ACIER + PARA 
Micuaup (Georges) et PoucET r (E douard)s — Cours de 
Géométrie analytique. 1. Géométrie à deux dimen- 
SON EN AE NES Te MER VAE AA A ET AE 
TrRiGwaART (A.). — Table auxiliaire d'intérêts composés, 


Mécanique générale et appliquée 


BRAIVE (Jean), Aide-mémoire de Mau 
tructeur de béton armé 

Bressox (Henri). — D'ÉtonnAire de »s ‘principales riviè- 
res de France utilisables pour la production de 


l'énergie électrique. 
Fiek (G.), Hinricusex (W.), "ARCHBUTT (SET) Por- 
TEVIN (A.), NusBAUMER (E ). — Données numéri- 


ques de l'Art de l'ingénieur et de la métallurgie. 
Francois (L.). — Formules, recettes, procédés à l'usage 
des ingénieurs . ARS PT OM LE ae D TE D à RER Te 
GRrAuL (G. DE). — Le fonctionnement économique du 
chauffage central. À 
Laugeur (M.). — Sous-marins et submersibles 
Leconnu (Léon). — Cours de Méc anigues tome I. . 
MARTINOT-LAGARDE fCerit aine C.). — Le moteur à explo- 
sion. PR RER ETS QU To AI 
TAYLOR (F. W. | cel Taompson == Pratique 
de la construction en béton et mortier de ciment 
armé où non armé, avec établissement rationnel des 
prix de revient . . 


Astronomie, Géodésie et Météorologie 


SAGERET (Jules), - 
à Newton . 
VÉRONNET (Alex.). 

modernes". CNT eue ERREURS 
Relatorio do Observatorio C: ampos Rodriguez. em Lou- 
renço Marques, ano de 1913 


Le système du monde des Chaldéens 


— Les hypothèses Pr 


2° SCIENCES PHYSIQUES 


Physique 


; èmes de l'atmosphère. 

3KHAGG (W.-H.) et Ban S G (W.-L.). — X Rays and crystal 
BETUCINrTE SPC ee 

BrunixGuaus (L.). — Donne es numé fériques de Spectlro- 
scopie (spectres d'émission, spectres d'absorption, 
phénomène de Zceman) . , . 

Cosranzo (G.) et Correz (A.). — Guia de Trabalhos pra- 
ficos deRiaica  Galore, RM ER ET: he: 

Curcaop (A.).— Installations électriques de force et lu- 
mière, de hémas de connexions . . 

Durorr (P.), Lewis (W.-C, Mc C.) et MARIKE (A). — 
Données D LE d'Electricité, :MeÉPAQEne et 
Electrochimie. , 

Lyman (Théodore). - 
uitraviolet, , 


— BIBLIOGRAPHIE 


Maurer (P.). — La téléphonie et les autres moyens 
d'intercommunication dans l'industrie, les mines et 
les chemins de fer (Description, montage et entrelien 


des appareils) NERO ET ENTRER 
RicnArpsON (O.-W.). — The Electron theory of muller , 
Rorné (E.). — Cours de Physique. . . Me 
SAPHoREs (J.) et Boumion (H.). — Données numériques 
de Radio-activité, Atomistique, Electronique et ioni- 
SALONS PR EE I ET 
SwYxxcepAUW (R.). — Cours d'Electrotechnique géné- 
rale et D IT. Le courant alternatit . us 
Tuompson (Sylvanus P.), — Radiations visibles et invisi- 


pleine RME NRA 
TRUDELLE (V.). — La lumière électrique et ses  difté- 
rentes applications au théâtre . . . . . . . . . . . . 
Wiccrams (Adolfo T.). — Investigaciones experimentales 
sobre los espectros de la descarga oscilante, . . . . 


Chimie 


ANDRÉ (G.). — Chimie agricole et végétale . . . . , . . 
ARIÈS (E.). — Chimie physique élémentaire. I, Les prin- 
cipes généraux de la Statique chimique. . . . . . 
BarTA R. ne Ceca (Jose). — Compendio de Electroqui- 
mica. 1'* partie. Introduction à l'étude de l'Electro- 
chimie. Princi, es fondamentanx. : . . . . . à: 
DuponcneLLE (J.). — Manuel pratique de fonderie ÉNRREs 
bronze, aluminium, alliages divers). Ep 
Giozrrri (Frédéric). Fa cémentation de l'acier . 
HankioT (M.), Carké (P.), SeYEwETz (A.), Hégerr (A. ) 
et CuaraBor (E.). — Principes d'analyse et de syn- 
thèse en Chimie organique. x Ste 
Jones (Walter). — Nucleicacids; their chemical proper- 
ties and physiological conduct . . . 
LonpE(A.). — La photographie à la lumière arti ficielle, 
Lyon (Dorsey A.) et Keknex (Rob. M.). — Electric fur- 
naces for making iron and steel . 3 
Mouriney (Gérald). — Carrelages et faïences (Technique 
de la fabrication des carreaux de grès). . 
Primmer (R.-H. Aders). — Practical organic and bio- 
ChOMIS IT NP ER ER EE 
Ranc (Albert). — Contribution à l étude des actions phy- 
siologiques de la lumière. Action des rayons ultra- 
violets sur les hydrates de carbone . . es 
Tuoree (Sir Edward). — Alcoholometric Tables . are à 
Turner (W. E. S.).— Molecular association. . . . . . 
Vennin (L.) et Cuesneau (G.).— Les poudres et explosifs 
etles mesures de sécurité dans les mines de houille, 
Vézien (L.). — Industrie des os. des déchets animaux, 
des phosphates et du phosphore. . . . . 


3’ SCIENCES NATURELLES 


Géographie 


ALEXINSKY (Grégoire). La Pussie et la guerre. . . 
CumminG (A. J.). — Our first half-century. À review of 
Queensland progress . . 


Dux (W. S.). — Handbook for New South Wales . . 
Gorpon (D, J.)et Ryan (V.H.). — Handbook of South 
Australia , . Fe « Su 


H.). —_ Federal Handbook. ee 
— "Handbook to Vic- 


Knisss (G. 
LaucuTon (A. M.) et HaLz (T. S.). 


tOrIA r A ce ee TES OR MORTE 
Mawson (Sir Douglas). - — The home ofthe Blizzard . 
N1ox (Général). — Géographie militaire, Les pays bal- 
kaniques . . . . . 
Smirn (J. Russel), — Industrial and commercial Geogra- 


TRE + DES 0 0  ATSTTORE 
X. — Handbook and Guide to Western Australia DOCS 


Mineralogie, Géologie et Paléontologie 


ALDEN (W.-C.). — Glaciers of Gla.ier National Park . . 

ARTINI (E.). — 1 Minerali ... . 

BracG (W.-H.) et BracG (W. 2 |. — Rayons Y et struc- 
ture cristalline. 4 : 

CamP8ELL (M.-R.). — Origin of the scenic features of 
the Glacier SA SR Park ,2.u. 

Décaecerre (Joseph). — Manuel d’ Archéologie ‘préhis- 
torique, celtique et gallo-romaine, II. Archéologie 
celtique ou protohistorique. 3° ÉAruSes Second âge 
du fer où époque de la Tène. . . .. . .. 


46 


485 
A85 


485 
485 


485 
656 


624 


381 
485 


414 
526 


624 
EU 


351 


DER RE EE RE ON US 


M 


TABLE ANALYTIQUE DES 


Deprat (J.). — Mémoires du Service géologique de 
l'Indo-Chine. NO ECANINE PILES SRE 2" à 

Duzieux (P.-E.). — Les minerais de fer de la province 
de Québec, Gisements et utilisation , . , . . . . . 

FernAñDez Navarro (L.). — Cristallografia geométrica 
Dim Le CR oder. en oi à DE 

KvowLron (F.-H.). — The fossil forests of the Yel- 
lowstone National NY RE RER NES EE 

Mansuy (A.). — Mémoires du Service seologique ‘de 
l'Indo-Chine, Vol. I, f. 3 à 5 . . . . . PS ENS 

Moucin (P.).— Les torrents de la Savoie. . , . . . . 

Pocue (Jos. E.). — The Turquoise . . . . . .. 

Réviz (Joseph). — Géologie des chaînes jurassiennes et 
subalpines de la Savoie. , . . . . . 

SPENCER (L.-J.). — Données numériques de Cristallo- 
graphie et de Minéralogie , . . . . . . . . . . 

Botanique et Agronomie 

Annales du Service des Epiphyties,t. IE. . . . 

Cuoux (P.1. — Etudes biologiques sur les Asclépiada- 
CCR CON ÉT EL OA RIRE 

JumeLLe (H.). — Les cultures coloniales, . . . . A 

Kozverup (L.).— The Botany ofIceland. . . . . . 

PERROT (E.). — Poisons de flèches et poisons d' épreuve 


Trouaro-Riozre {Mlle Yvonne), — Recherches morpho- 
logiques et biologiques sur les radis cultivés, . . . 


Zoologie, Anatomie et Physiologie 


ALcRIGH, CARRUTH, Davenport, ELLwoop, Honxes, 
HoweLL, JorDbAN, KELLER, TuHoRNDIKE, VAUGHAN, 
Weger, WoLcoTr, — See : Twelve universi y 
lectures. . . . r 

Carrera (Angel). __ ‘Faune ibérica. Mamiferos. : . 

GLEY (E.).— Les secrétions internes . 

Hewrrr(G.-G.). — The house fly. . . . . c 

Lanessan (J°-L. de). — Transformisme et créationnisme 


S MATIÈRES 


Launoy (L.). — L'appareil thymo-thyroïdien: thyroïdes, 
parathyroïdes, thymus . . . . . . . , . . ar 

Lors (J.). — La conce plion méce anique de la vie. 

Mircuezz (P, Chalmers). Evolution and war . 


Morrram (J.-C.). — Controlled natural selection and 
value marking. . . . . . . . . . . . . .. 
Ragaup (Etienne), — La Tératoger nèse, étude des var: 


tions de l'organisme . . 
Raverer-WarteL (C.). La piscie ‘ulture industrielle 
SPALLANZANI (Lazarro)., — Saggio di osservazioni micros- 

copiche concernenti il sistema della generazione dei 

signori di Needam e Buffon, 


4° SCIENCES MÉDICALES 
Médecine et Pathologie 


Bonnier {D: P.), — Défense organique et centres nerveux 
Gicsert (A.) et WeinBerG (M.). — Traité du sang. . . 


Hygiène et Thérapeutique 


BezAuLr (B.). — ts de l'hygiène publique en 
Erance®-0"# ste - 


5° SCIENCES DIVERSES 


Denis (Ernest). — La guerre. Causes immédiates et 


lointaines, L’intoxication d’un peuple. Le traité . . 
Finor (Jean). — Civilisés contre Allemands. . . . . .. 
GirauD (Victor). — Le miracle français. EPA 
JozLiver (Gaston). — Six mois de guerre, . , . . . . . 
OLpne-GatLLARD (G.). — La force motrice au point de 

vue économique et social . . . SEE TEE 
Souriau (Paul). — L'esthétique de la lumière ee 
TarAnzANO (Le P.-Ch.). — Vocabulaire français- chinois 


des Sciences mathématiques, physiques et naturelles 


IV. — ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE 
ET DE L'ÉTRANGER 


Académie des Sciences de Paris 
TA he. 


30 novembre 
décembre 
28 — ee: 
11 janvier 
25 — 
der 
8 et 15 
22 
1 et 8 
15 et 22 


Séances des 23 et 

— 7 
14 et 
4 et 
= 18 et 


février 


juillet 


| 
ut 
°® 
Eu 
= 
2 


août na de à 


30 — SE EE ans res « 
septembre 


octobre 


— 2 novembre 


Académie de Médecine 


Séances des 147 décembre 1914. . . . 


= 8 = Er 

— 22 et 29 — — 

— D'Aunvien 4915-05-20 
— 12 et 19 — CONS MAS 15: € 
— 26 — EE RE NE 

— 2 février — 

— 9 et 16 — SERRE 
— 23 — TN PT Et 
— 2 mars Rd ic à CE 
— 9 et 16 — a A re OS 
— 23 et 30 — NANTES Te 
— 6 avril — 

— 13 et 20 == —_ 

— 21 — or EUR 

_ & mai — 

— {let 18 —- — 

— 25 — — 

— 1 juin — 

— S et 23 — AS EEE 

= DEL IE == 

= 6, 13 et 20 juillet — 

= 20 ét 27 — RE mA à: Dre 
_— 3, 10, 17 et 24 août — 

_ 31 — — : 

—— 7 septembre — . . . 

= 14, 21 et 28 — — 

— 5 octobre — 

‘4e 12 Jui Fe 

— 19 et 26 — — 

— 2 novembre — 

— 9 Le. Æ k 

— 16 — — 

Lx 93 ee : 


729 


127 
516 


127 


730 


TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES 


Séances des 


Séance du 3 décembre 1914 


Société de Biologie 


31 octobre 


28 no 


vembre 


12 décembre 


23 


6 et 20 février 


6 

20 

17 

et 15 


mars 
avril 

mai 

juin 
juillet 


9 octobre 


6 novembre 


1914. 


9 janvier 1915 . . 


RÉUNION BIOLOGIQUE DE BUCARES* 


Société française de Physique 


Séances des 20 novembre 1914. 


Séances des 


Séances des 


h décembre — . 
18 — — . 
15 janvier 195. 
> février — 
19 = — 
» mars — 
19 — — 
16 avril — 
7 mai — 
ll juin — 
18 — — 
2 juillet — 
19 novembre — . 


Société chimique de France 


18 
12 
26 
26 
14 
12 


décembr 
février 
mars 
mai 
novembr 


e 1914. 
1915. 


MESSE 


Société Royale de Londres 


5 novembre 1914, . 


12 
19 


66 
162 
228 
289 
386 
724 


Séances des Sudécembre tt "VE TAS MEN 
_ 21 et 28 janvier MOTS ENNMENEAE 
— & février —- 


— 11 et 18 — UNE le VU 
— L mars A Re One 10 
_— 25 — —" ME NANTES DIRE 
== 22 avril Ro D Se 
_ 29 — RU 6 

— 6 mai OR - 

— 13 et 20 — st he TUE 
— 3 juin Te 120 0 OONADES 
5 17 es AO do OC 


Société de Physique de Londres 


Séances des 13 novembre 1914 , . . . . . 


— 9 2 — 


— 1S:Aécernbre =: 010 00 DORE Ë : 

— 22 janvier L'IOUE EN MRRRRET PRE 
_ 12 février ——) N'a NS ENRREU 

— 25 — — . Be: 0 
— 12 mars EE As OU 
— 26 = — 

— 23 avril PI AS ARE 

— 12 mai — . URRES STONES 

— di juin — 

A 95 A Le 


LUN 69 Véctobre ETS RER 
Société de Chimie de Londres 


Communications reçues pendant les vacances . . . 36, 
Séances des 5 novembre 1914. 3 
_ #, décembre: 1 NIET 


e 7 LE Es 


Société anglaise de Chimie industrielle 


Communications diverses. 400, 132, 164, 292, 323, 387, 
LION DN EN MENENEEES A 


Académie des Sciences d'Amsterdam 


Séances des 27 juin AILE RS ONE 
— 21 Septembre"... 
— 31 octobre — 
— 28 novembre — 


— 30 décembre — 5 

_ 30 janvier 1915". 

— 27 février Ver 

— 27 mars ST I El ve) 
— 23 avril ER TT oo 
—_ 29 mai — SHC, TN 
— 26 juin or SENTE 


163 
194 
228 
290 
290 
291 
323 
399 
386 
387 
451 
563 


659 


67 
163 
163 
163 
195 
260 
291 
292 
355 
387 
119 
152 
532 
660 


67 
99 
131 
132 


491 


195 
323 
356 
387 
388 
491 
192 
564 
995 
627 
660 


Mia, 


TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 


= CONTENUES DANS LE TOME XXV DE LA REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUEES ! 


SP 


A AMINO-AGIDES. — Essais de résolution des sels 
métalliques des amino-acides et d'autres sonpa 
ABEILLES. — Comment les fleurs attirent les abeilles 339 coordonnés N 132 
ABSORPTION. — Sur l'absorption des gaz par réso- AMMONIAC. — L 'explosibilité des mél langes d ammo- 
nance . ‘ . = 229; o8 niac et d’air. . . . LA 38 
ACCÉLÉRATION. — ‘Appareil destiné à la détermina- Aupoue. — L'ampoule à rayons X de ‘Coolidge DE 326 
tions directe des accélérations. . . . 61 — La fabrication des ampoules radiographiques . , 12 
AGéryLÈNe. — Action de l’acétylène sur les métaux. 455 ANALYSE. — Analyse harmonique RERQUES 163 
Acives, — Nucieic acids: their chemical properties = Analyse vectorielle # générale . 4 526 
and physiological conduct. : OU 31 ANALYSE CHIMIQUE. — Applic ation de la cr voscopie à à 
AGIER. — Le titane et ses effets sur l'acier. . 132, 568 l'analyse chimique à 723 
— L'acier au manganèse . . . . .. 132 ANNUAIRE. — Annuaire pour l'an 1915 publié par ‘le 
— La cémentation de l'acier - . . 155 Bureau des Longitudes, 14 
— Les propriétés élastiques de l'acier aux tempéra- ANTARCGTIQUE, — The homeof the Blizzard. 626 
tures modérées. . , . : 290 ANTIMOINE. — L'antimoine etla guerre, . . . 423 
— Sur les déformations ‘superficielles des aciers AnrisepriQue. — L'emploi de l’iode comme antisep_ 
trempés aux températures peu élevées. 417 tique sous forme solide . . . # 
— L'influence de l'addition de cuivre sur la corro- Anc.— Les vapeurs lumineuses distillées de l'arc, 
sion de l'acier . . . Cf A 4e Matt FE 239 avec applications à l’étude des séries spectrales et 
— Sur l’hétérogénéité des oies 59% de leurorigine. . . . 130 
AGTIVITÉ oPTIQUE. — Possibilité d’un nouveau cas — Dispositif per mettant d'obtenir facilement les 
d'activité optique sans atome de carbone us radiations d'arc des solides conducteurs en faisant 
trique. , Ê 68 emploi du courant alternatif . : 193 
AFRIQUE. — La culture du cacaoyer | en 1 Afrique « occi- ARCGHÉOLOGIE. — Manuel d’ Archéologie préhistorique, 
dentale française. Son avenir. 219 celtique et gallo-romaine . 351 
— Mission Emile Perrot pour l'étude des végétaux ARITHMÉTIQUE.— Problèmes d’ Artithmétique amusante 223 
utiles de l'Afrique équatoriale. . . . Ne 425 ARmMÉESs. — La misère phy sosie et la tuberculose 
—- La température en Afrique occidentale et équa- dans les armées. o 33 
toriale . . Pcabhoe 529 __ J'alimentation en eau des armées en 1 campagne. 3 
— Les climats de l'Afrique occidentale. . . . 530 — Les rations de guerre des diverses armées et les 
-— Sur les eaux souterraines en Afrique deciden: modifications proposées dans la fabrication des 
tale al. OA Ô 560 conserves pour l'armée française 199 
— La pression ‘atmosphérique, la pluie et la ten. ART DE L'INGÉNIEUR. — Données numér iques de l’ Art 
sion de vapeur en Afrique occidentale et équato- de l'ingénieur et de la Métallurgie . 484 
niale "17 SOON TE PRO E ARTILLERIE. — L'artillerie lourde de campagne. I. 697 
AGRONOMIE, — Revue d’ Agrononrie. ST OPOSOOIE 116 AscLÉPrADACÉES.— Etudes biologiques sur les As clé: 
— Les ressources agricoles de la France. BL EE 2°s piadacées de Madagascar . 95 
Aimants. — Sur le critère de l'acier propre aux ai- ASSOGIATION. — Association moléculaire . AAA 
mants permanents . . . Ê 195 ASTRONOMIE. — Revue annuelle d'Astronomie | 1914 A 40% 
ALGALOIDES. — Action de l'anhydride acétique sur ATLAS. — Atlas graphique et statistique de A Suisse. 126 
les alcaloïdes morphiniques . . . LUS 67 | Armospnère. — Les problèmes de l'atmosphère. 9% 
ALcooL. — L'emploi des mélasses conne Source ATOME. — La structure de l’atome . . sis 102 
d'alcool pour la production de l'énergie. . . . 292 AUSTRALIE, — Federal Handbook of Australia. . . 485 
ALCOOLISME. — Mesures à prendre contre l' Mroobone AUTOMATIQUE. — Essais sur l'Automatique. Sa défini- 
192, 257, 449) tion. Etendue théorique de ses applications . . 601 
ALGÉRIE. — L'œuvre du reboisement en Algérie. 168 AzoTe. — Recherches spectroscopiques en rapport 
ALIÉNÉS. — Caractères morphologiques généraux des avec la modification active de l’azote, IV. Un spec- 
AénEs Ne. « 690 tre de bandes du triazoture de bore . . 163 
AutmenrarTiox. — Le rôle des sels de calcium dans —_ Une modification chimiquement active de l’ azote 
l'alimentation humaine, en particulier chez les produite par la décharge électrique . 355 
soldats, . ROLE RS RO Et SO LO dont UD 393 
— La recherche de nouvelles substances alimen- B 
taires en Allemagne . . 456 
ALLEMAGNE. — Que faut-il penser de l'épuisement de BacTÉRIES. — Découverte de bactéries algonkiennes . 328 
l Allemagne?. dE DR To tot El 113 BaLeiNes. — Les pècheries de baleines des iles Falk- 
— Les colonies allemandes . : . . . . 331 landet de leurs dépendances, 181 
— Civilisés contre Allemands . . 6 É 447 BALKANS. — Géographie militaire, Les pays ‘balka- 
ALLIAGE. — Anomalies de dilatation des alliages 2 130 niques. . . S 624 
— La corrosion des alliages non ferreux, . . . . 292 — Les peuples de la péninsule des Balkans. Esquisse 
— Les alliages métamagnétiques . 429 anthropologique. . 665 
ALLUMAGE. — L'allumage des gaz par compression BazLons.— Les derniers types ‘de ballons dirigeables 
adiabatique . . . ec o 36 et leur rôle pendant la guerre actuelle, 5 
ALUMINIUM. — Rolement électrolytique du fil alu — La fabrication de l'hydrogène pour le wonflement 
minium. . * : 455 des ballons. +" 3£ 
— Nickelage direct de Taluminium 4 ; 695 —\Les ballons captifs : allemands . . . . : . 404 
BéroN. — Pratique de la construction en béton et mor- 
tier de ciment armé ou non armé, avec établisse- 
1, Les chitires gras reportent aux articles originaux. ment rationnel des prix de revient. 293 


Béron.— Aide-mémoire de l'ingénieur-constructeur de 
beton armé. 5 TÉL CT 
BETTERAVE. — L'indusérie sucrière ‘française et la 
question des graines de betterave : 
— [nfluence de l'orientation des lignes sur le sol 
sur la récolte des betteraves sucrières. 
BLé. — Un hybride du blé NE et du blé GUre 
naire. « : : 
— La production et le commerce du blé en 4914 . 


BLessés. — Les premiers soins à donner aux blessés 
etleur mode d'évacuation. . . . . . . . ... 
— L'évacuation des blessés 
BLessuRes. —E SARTHE radiologique des. Heseutes 
de guerre. . . ca À 
Bois. — La valeur nutritive Mau ibois LUE 
Bomges. — Les bombes incendiaires Semen 
Bore. — Le borurede magnésiumet le bore amorphe 
— La préparation industrielle du bore et ses appli- 
cations . 165.0 Mods 
BOTANIQUE. — Revue de Botanique. , 50 
BouEs. — La concentration des boues d’ égout. 
— La récupération des graisses des boue: d’égout. 
Bronze. — Le bronze turbadium. 
C 
Cacaoyer, — La culture du cacaoyer en Afrique occi- 
dentale française, son avenir. 


Cazcium. — Le rôle des sels de calcium ‘dans ae 
mentalion humaine, en particulier chez les sol- 
dats. 

CazcuL. — Calc ul Vertes Se 

— Modern instruments and methods cé calculation 

CaLrorre, — Protection du crâne contre les blessures 

de guerre par la calotte métallique. . 


Caxons? —-Lusure des canons: =... . 
CARBONE. — La fusion du carbone . 
CaxparuEes. — Les Carpathes. . . . . . . . .. 
CÉMENTATION. — La cémentation de l'acier. . . . . . 
CEnrRes.— Défense organique et centres nerveux. 
CéréaLes. — La production et la consommation des 
céréales en 1915. . . .:. . - De 
CuaLEur. — Rapport? des due Aer bises 
principales des mélanges de gaz. . . . . . .. 


— Id. ...des gaz et des vapeurs . 
— La théorie du rayonnement et lé chaleurs 
cifiques des solides, 
— Mesure de la chaleur spécifique de la vapeur à JE 
pression atmosphérique et à 10495 CG. . . 
Cuaupières. — Compte rendu du 43° Congrès des Dé- 
légués et Ingénieurs de l'Union internationale des 
Associations de surveillance des chaudières à va- 
peur . . 
CHAUFFAGE.— Lefonctionnement économique du Chant 
fage central . 5 
CneMiNs DE FER. — Les progi rès de l'électrification 
des chemins @e fer 3 à 
Cuimse. — Revue de Chimie minérale ; 
— Chimie agricole et végétale 
— Principes d'analyse et de synthès! se en 1 Chimie 
organique. . . : + 
— Chimie physique élémentaire. TA Les principes 
généraux de la Statique chimique. 
— Revue de Chimie physique. . : 
— Practical organic and bio- chemistry. 


‘spé- 


CnLoroPayLLe. — Sur la fonction de la ‘chlorophylle 
290, 
CuoLéxa.— Sur les bons effets de la bactériothérapie 


spécifique dans le choléra au cours de la cam- 
pagne de Serbie . 


CHROMOPHOTOGRAPHIE. — La chromophotogr aphie par 
le procédé Paget-color . . . ë 
CuronoMéTRiE. — La chronométrie à l'Ex xposition ‘de 


Berne 8 

— Roue à denture ‘harmonique. Application à la 
construction d’un chronomètre de laboratoire à 
mouvement uniforme et continu, 

Cirs. — Les cils et leurs dérivés . : 

CiMENT ARMÉ. — Pratique de la construction en béton 
et mortier de ciment armé ou non armé, avec éta- 
blissement rationnel des prix de revie nt. ; 

Civizrcés. — Civilisés contre Allemands. : 

CLapocires. — Le cycle évolutif des C ladocères, et 
remarques sur la physiologie de la croissance et 
de la reproduction chez les crustacés. . . . . 

CLicués.— Développement des clichés à température 
Cleyae ani Er Ne TE Eee Ne ITS 


TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 


CLimarT. — Une nouvelle méthode pour la fixation des 
variations de climat aux époques antérieures . 

— L'influence du climat sur le travail. . . 
— Les climats de l'Afrique occidentale . 


Cœur. — Le processus excitatoire dans le cœur du 
chien. II. Les ventricules. . . . 
CoLonies. — Les colonies allemandes, ‘Leur situation 


avant la guerre et leur avenir. : . Û 
Coususrion. — Combustion gazeuse aux hautes pres- 
SOTE RS ME . Re Po 
CoMPRESSIBILITÉS. — Les compressibilités adiaba- 
tique et isotherme des liquides entre 1 et 2? 
atmosphères depression MOMENT RTE 
— Les compressibilités des éléments et leurs 
relations avec les autres propriétés . . . 
Conserves. — Les conserves de viande du camp 
retranché de Paris . . . . FE Cao 
— Les rations de guerre des diverses armées et 
les modifications proposées dans la fabrication 
des conserves pour l’armée française. . . 
Coxsrantres. — Sur des rapports numériques entre 
les constantes électroniques atomiques, AO 0 
Consrirurion. — La couleur des corps et leur cons- 
titution chimique. 
ConTACT. — Sur la conduction de l’électricité aux 
contacts de pointes... . . . CIS ICI 
CONTINENTS. — L'origine des continents. set 
CG5orDoNNÉES. — Les RER EEE Théorie 
er applications. . . . AUS Ne 
CoraAux.— Biologie des coraux des grandes profon- 
deuxs”.# . rit 
— L'origine des récifs coralliens . Hate EMILE 
CokRosionN, — La corrosion des alliages non ferreux. 
— Les véhicules des peintures considérés comme 
agents protecteurs contre la corrosion. . . . 
Cosmoconie. — Les hypothèses cosmogoniques mo- 
dernéEe re 
CosMoLoGiE. — L’ histoire des doctrines cosmologiques 
de M. Dubem. 
Coureur. — La couleur des corps ‘et leur constitu- 
tion chimique TA 
Coups DE BÉLIER. — Sur les coups de bélier 256, 593, 
CRIMINEL. — Existe-t-il un type physique du criminel? 
CRISTALLOGRAPHIE. — Données agur de Cris- 
tallographie et de Minéralogie . . . . . . . . . 
— Cristalografia geométrica elemental . . . . .. 
Crisraux.— Le passage des rayons « à travers les 
cristaux . . DRM ,C d 
— X Rays and Crystal structure. 


— Rayons X et Structure cristalline. 645, 


Cuzrures. — Les cultures coloniales, IV. Plantes à 
condiments et plantes médicinales. V. Plantes 
oléagineuses . , « 

CYcLoNE. — Les cyclones tropicaux et les basses 
pressions atmosphériques. . . . . . . . . 

CYxToPHYLAXIE. — Cytophylaxie . . . . . . . . 

D 

Daupin.— L'élevage du dauphin en captivité. . 

DéserT. — La lutte contre le désert. . . . . . 

DEssécHEMENT. — Le prétendu desséchement progres- 
sif de la Terre 

DIFFRAGTION. — Les phénomènes ‘de diffraction et le 
mouvement de la Terre. . . Ê 

Dirrusion. — Sur la diffusion de la lumière ) par l'air. 

DILATATION. — Anomalies de dilatation des alliages. 

Doura.— La doura comme succédané du blé dans la 
PanHCAtION.2-0.5-- NUE NE 

E 

Eau. — Epuration des eaux, . Mec cmd, 

Eaux p'ÉGOUT, — Le procédé Dickson pour le traite 
ment des eaux d'égout . 3 ; 

EBuLLiTion. — Les liquides à point d’ ébullition cons- 


tant qui peuvent être employés pour les bains- 
marie à lempérature constante. . . . . . . . « . 

ECLAIRAGE. — Éclairage inactinique. . 

Ecripse. — Observations de l'éclipse de Soleil du 
21 EE AITEEUERE 

— Sur la photométrie des ‘éclipses de Soleil des 

17 avril 1912 et 21 août 1914. . . . d 

EcriTurE, — L'étude sus RUES du mécanisme ‘de 
l'écriture. . a. 

ELECTRICITÉ. — L'électricité et les mines sous-ma- 
nine. 


397 


TABLE ALPHABÉTIQUE 


RE 


Ececrricrré. — Dictionnaire des principales riviè- 
res de France utilisables rs la production de 
l'énergie électri ique. . . 

— Propagation de l'électricité à travers l'huile de 
paraïine. 

— Installations électriques de forreet lumière .Sché- 
mas de connexions. 

— La tarification de l'élec tricité t 

— Données numériques d'électricité, 
et Electrochimie. 


Magnétisme 


ELEGTRIFIGATION. — Les progrès de l'électrification 
des chemins de fer. 
ËLEGTRO-AIMANTS. — Appareil pour ‘la ‘comparaison 


des électro-aimants employés pour l'extraction des 
fragments de métaux magnétiques dans l'orga- 
nisme, particulièrement dans l'œil . VE 
ELECTKOGHIMIE. — Compendio de Electroquimica : 
ELecrrons. — The Electron theory of matter . , .. 
— Effets de différents gaz sur l'émission d'élec- 
trons par les solides incandescents. . .399, 


ELEGTRO-VIBREUR. — . . . . . 257, 353, 417, 560! 

ELEMENTS. — À propos du système des éléments 
chimiques . . . 

EMANATIONS. — Quelques propriétés des émanations 


radioactives . 

— Poids atomique des émanations radioactives. 

— Sur l'emploi de l’émanation du radium conden- 
sée en tubes clos à la place des composés radi- 
feres, et sur le dosage de l'énergie dépensée dans 
les applications radioactives en général. 


EmBryoLoGiE. — L'évolution d'une science .lEm- 
bryologie. . . . 
ENERGIE. — Sur les relations de l'énergie ‘radiante 


avec les autres formes d'énergie . . . . . . . . 
— Notes de Mécanique sociale : l'énergie univer- 
Selles ns 0 
ENGrais. — Le traitement au ‘four des phosphates 
naturels pour leur utilisation comme engrais . . 


— L'emploi des substances radioactives comme 
RENE NN COR RO PEN RE CO ONE 

EpiPayries. Annales du Service des Epiphyties . 

EPuisemenT. — Recherches RER na sur l'épui- 
sement. . . 

Erores. — Le rayonnement ‘des étoiles . 

EucéniquE. — L'’eugénique et la guerre . 

— Eugenics. Twelve University lectures , 

EuxenirEe. — Sur un gisement d’euxénite au Brésil 

Evozurion. — La simplification des opérations arith- 
métiques de l’involution et de l’évolution . 

— Evolution and the war. . . 

ExPépirion. — L'odyssée de l'Expéditiôn ‘arctique 


canadienne. . . DRE VE LC") LE 
ExPLosirs.— Les poudres et ‘explosifs et les mesures 
de sécurité dans les mines de houille . 


F 


FacuLes. — Sur les facules solaires . 
— Variations des rapports entre facules et taches. 


Farences. — Carrelages et faïences . 

FARINE. — Valeur alimentaire de la farine de froment 
blutée à 74°/, . . ° ? - 

FAUNE. — Fauna Dentas Mamiferos 3 $ 3 

FER. — Les propriétés magnétiques et autres du fer 


électrolytique fondu dans le vide. . 133, 
— Electric furnaces for making iron and steel. 
— La fabrication industrielle et les emplois du fer 
électrolytique. 
— les minerais de fer de la Drovince de Québec. 
FERRO-MAGNÉTISME. — Disparition rapide du ferro- 
magnétisme du fer à la température du rouge. . 
Fièvre TYPHOÏDE. — Communications diverses sur la 
fièvre typhoïde : diagnostic, traitement, bacille, 


vaccination, 33, 35, 65, 128, 160, 192, 225, 226, 355, 
384, 449, 450, 490, 191, 530, 531, 560, 562, 595, 

— La fièvre paratyphoïde. ae co 
FLammes. — Les vitesses des flammes dans les mélan- 
ges de méthane et d'air, . . . 4 del 
FLiuipr. — Le mouvement d'un fluide sans frottement 


FLUORESCENCE. —- Observations sur [es radiations de 
fluorescence etde résonance dela vapeur desodium 

FonpERIE. — Manuel pratique de fonderie (cuivre, 
bronze, aluminium, alliages divers) . : 

FoRGE ÉLECTROMOTRICE. — La f. é. m. de mouvement 

Force morRice. — La force motrice au point de vue 
économique et social 

Forèrs.— The fossil forests of the Yellow Stone Natio- 
nal Park . 


DES MATIÈRES 
Foupre. — Coups de foudre sur les lignes télégra- 
phiques OIL LOC NP UD TC OA 
Fours. — Une nouvelle théorie des fours à flamme . 


Fours ÉLECTRIQUES. — Electric furnaces for making 
iron and steel, . UTE 

FRAGILITÉ, — La fragilité Réréditaire! des os. 1 

FréQu .— Sur un nouvel appareil à haute fréquence 

Fusrer — Recherches sur les fusibles de chau- 
dières en étain. . 


G 


GANGRÈNE. — Recherches sur la gangrène gazeuse, 
129, 191, 
Gaz. — Etude clinique, analomopathologique et histo- 
chimique de cas d'intoxication par les gaz irri- 
tants employés par les Allemands a Langhemarck 
— Dispositif pour l'essai rapide des substances 
employées contre les gaz nocifs. 
GELURES. — Communications sur les gelures ‘dans 
l’armée. 98, 129, 161, 
GÉNÉRATION, — Saggio di osservazioni microscopiche 
concernenti il sistema della generazione dei 
signori di Needam e Buffon. 
GEOGRAPHIE. — Industrial and commercial Geography 
— Géographie militaire. Les pays balkaniques 
GÉoLoGrE., — Le rôle de la SPREe dans les opéra- 
tions militaires. . . EE 
— Revue annuelle de Géologie ACC 
GéoméTrie. — Introduction géométrique à quelques 
théories physiques . . . END OMS 
— Cours de Géométrie analytique. "I. Géométrie à 
deux dimensions , 
Grace. — L'exsudation de glace ‘par les tiges des 
plantes. . . 
GLACIERS. — Glaciers of Glacier National Park. 
GLucosipAsE.— Synthèses au moyen de la glucosidase 


226, 


417, 448, 489, 560, 593, 
GourTes. — Sur les lois d'écoulement pe gouttes 
par les orifices capillaires. 0820; 
GRaisses. — La PRE it des graisses des boues 
d'égout. . 
GrAPHITE. — La lubrification par le graphite colloïdal 
GRAVITATION. — Les théories actuelles de la gravita- 
lions . 
Guerre. — Les effets de la guerre s sur quelques insti- 


tutions scientifiques internationales . 
— Les conséquences industrielles et commerciales 


dela guerre. . . . . RD ER te -l-0-e 
— Evolution and the war. . . . . 
— La guerre. Causes immédiates et lointaines. L'in- 

toxication d'un peuple. Le traité . . . . . . 
SITAMOIS 14e PUBLIER U-el 

EH 
HASARD, — ES la chance et le hasard. . . 


— Le hasard . SAC NE : 
HÉLIOTHÉRAPIE. — Sur une installation per mettant 
d'appliquer l’héliothérapie intensive, en hiver, 
aux blessés et aux convalescents militaires. , 


HéLiorropisMEe. — L'identité de l'héliotropisme chez 
les animaux etles plantes . . 

Hémozyse.— Influence de la concentration ‘saline.s sur 
l'hémolyse. . .. 

HergBicipes. — Les herbicides à base d' arsenic, : 

HÉRÉDITÉ. — L'hérédité de la couleur chez le Carau- 
sius morosus (insecte baguette) . . . 

HouiLzLe. — La houille blanche et la houille grise en 
Russie. , . 

HuiLes. — L’ oxydation des huiles et des acides gras. 

— Les huiles siccatives polymérisées . . 

HyDROGÈNE. — La fabrication de l’hy drogène pour le 
gonflement des ballons, 3 

HYDROQUINONE. — Modifications du pouvoir ‘dévelop- 


pateur de l'hydroquinone, résultant des substitu- 
tions effectuées dans le noyau aromatique. u 
HyG1ène.— Législation del” Hygiène publiqueen France 
Hypoacousies. — Traitement des hypoacousies consé- 
cutives à des blessures de guerre. 530, 


3e 


IMPERMÉABILISATION. — Imperméabilisation des draps 
et tissus militaires. . . . -. 128, 448; 
Impressions. — L'état actuel de l'industrie des im- 
pressions pholomécaniques. . . . . . . . . 


733 


TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 


INCENDIE. — À propos de l'incendie de la Touraine: 
l'emploi des gaz brûlés à l'extinction des incendies, 
et aussi à la fumigation. 


INpiGo. — Sur la réduction catalytique de l'indigo et 
des colorants pour cuve, . . ë 
INDO-CuiNr. — Mémoires du Service géologique ‘de 


l’Indo-Chine . 

INpusTRiE. — Le rôle de la science dansla ‘lutte contre 
l'industrie allemande , . Û 

INGÉNIEURS. — Formules, receltes, procédés à ar usage 
des ingénieurs. 

Insecres.— La construction ‘des nids chez les insectes 

— L'origine des sociétés d'insectes . . . : F 

IxsTiITuT. — Un institut africain de Technologie agr i- 
cole et de recherches scientifiques . . . . 

Insrirurions. — Les effets de la guerre sur quelques 
institutions scientifiques internationales. 

INTÉRÈTS. — Table auxiliaire d'intérêts composés . 

INvoLuTION. — La simplification des opérations arith- 
métiques de l’involution et de l’évolution. 

Tone. — L'emploi de l'iode comme RTAHAGNNES sous 
forme solide . . . , . 

JoNISATION. — Les potentiels d’ionisation du mercure, 
du cadmium et du zinc et les spectres à une seule 
et à plusieurs lignes de ces éléments . 


ISLANDE, — The Botany of Iceland . . « 

ISOLANT. — Un nouvel isolant calorifique, le fibrox % 

ISOLEMENT. — Isolement électrolytique du fil d’alumi- 

HAUTE Me Ce AUTEUR Melle DES EC 

J 

JEU. — Le jeu, la chance et le hasard. . , . . . . . 
K 

KENOTRON. — Redresseur et amplificateur thermo- 


ioniques : le Kenotron et le Pliotron. . 


L 
Lair. — L'analyse cupillaire du lait. . . . . . . 
Lames. — Conductibilité intermittente des lames min- 


ces diélectriques. È ' 
LAMPE, — L'utilisation de la lampe a au tungstèr ne à 
atmosphère d’azote en photographie, . . . . . . 
— La lampe à are à vapeur de cadmium . . . . 
— Nouvelle lampe à arc à électrodes inusables . 
Lépipoprères, — L'influence de la pression baromé- 
trique et de la température sur le AÉTSOBP ES 
des Lépidoptères. Ô 
LiLIACÉES, — CORRE staminale du périgone des Li- 
liacées. 
Limons. — Etude sur ‘a formation des limons et leur 
charriage par les cours d'eau dans les Alpes et 
les Pyrénées. . 
— Etude sur la valeur agricole des limons charriés 
par les cours d’eau des Alpes et des Pyrénées. 


LiQUÉFAGTION. — Sur la diquéfaction industrielle de 
l'air . 
LIQUIDE. — Sur le flux des liquides visqueux à tra- 


vers des tubes circulaires lisses. . . hd 
LOCALISATION, — Localisation des projectiles ‘etexa- 
men des blessés par les rayons X 5, 3145, 469, 
162, 193, 227 


— Par l'électro-aimant. , . RAI LE ? 353! 
LUBRIFICATION, — La lubrification par le graphite 
coloidal tte Us EE 

LUMIÈRE. — L'esthétique de la lumièr re, 


— La lumière électrique et ses différentes applica= 
tions au théâtre. Installation et entretien . 
— Mesures quantitatives de l'absorption de la lu- 


mière, 1. Les extinctions moléculaires des cétones 
aliphatiques saturées , . SAPOLS €: 
— L'équivalent mécanique de la lumière. - 
Lunerre, — Sur l'examen rapide des lunettes et té- 
léscopes: : et REP OU ONE. 
M 
MapaGaAscAr. — L'industrie minérale à Madagascar. 
I, — Minerais métalliques er Ml Le 
If. — Minéraux non métalliques . 


MAGNÉTISME, — La variation magnétique diurne lu- 
naire et son changement avec la distance de la 
Dune Creer en OT NE ASS Le LR à 


61 


421 


61% 
639 


MaGnérisme.— Les figures magnétiques « caractéris- 
tiques » antarctiques et internationales , . . . 
— La nature des particules magnétiques ultimes , 
MarañiA. — La transmission de la malaria DUR les 
moustiques aux Philippines. . . 5 
MATHÉMATIQUES. — Lecons de Mathématiques spé- 
ciales . . . CURE 
MamièRE. — The ‘Electron theory ‘of Maïter AE or 
MécaANIQUE. — Sur les principes de la Mécanique . . 
— Cours de Mécanique. 
— Notes de Mécanique sociale : 
selle, 
MépaiLLes, — Les médailles de la Société Royale de 
Londres . 
MERCURE. Un procédé simple ‘de purification ‘au 
mercure, , 
MérauLurcir. — Données numériques ‘del’ ‘Art de l'in 
génieur et de la Métallurgie . . . , 
Méraux. — L'action de l’acétylène sur les métaux . 
Mimérismr. — Ee mimétisme chez les serpents . . , 
MiNÉRALOGIE. — Données numériques de Cristallogra- 
phie/et de Minéralopie 1 MENT 
MiNÉRAUX. — [ Minerali. . . . . SU cor. 
Mines. — Les mines sous-marines fixes. Me Dr Re 
— L'électricité et les mines sous-marines, . , . . 
MinAGLEe. — Le miracle français . 
Monpe. — Le Système du monde, des Chaldéens à 
Newton." . 
MorEurs. — L'emploi ‘des moteurs à à naphtaline en 
Allemagne, ere À. 
— Le moteur à explosion. HECTARES 
Moucrre. — The house-fly. . 
— Destruction des mouches et désinfection des ca- 
davres dans la zone des combats , . . . . . 
— Production et auto-destruction par le fumier ‘de 
cheval des mouches domestiques . 
Mousriques. — La sélection des couleurs par les 
moustiques. , . "here 
—_ La transmission dela malaria par les moustiques 
aux Philippines 


L'Énergie univer- 


MOUVEMENT BROWNIEN. — Ginématographie ‘da mou- 
vement brownien. 

Musc. — La perte de poids ‘du muse dans un courant 
d'airisec".e ENS EE UCRES 

Muscre, — La balance osmotique du muscle squelet- 
tique. . 


Museum. — Forty-Sixth | Annual Report of the Trus- 
tees of the American Museum of Natural FRE 
for the year 1914, . . . 


MuriLés. — La rééducation des mutilés ‘288, ‘320, 385, 
N 

NAPHTALINE. — L'emploi des moteurs à naphtaline en 
Allemapne RER UR IAE RNA 

NéGATIONS. — Série de Aépationse Me er 

NickeLaGe. — Nickelage direct de l'aluminium. à TE 

Nips. — La construction des nids chez les insectes. . 

NirRATEs. — La production des nitrates aux dépens 
de l'air, en particulier avec un nouveau four élec- 
trique. AA AT 


— Surla préparation des nitrates alcalins en partant 
du nitrate de chaux. . . s: CRT 
NiTRiTE. — Fabrication du nitrite de soude 5 MRC 
NomApisME., — Le nomadisme est-il héréditaire ?. 
Nowgres. — Les fondements de la Théorie des nom- 
Dress Le RO NME PANEENCANERE CIE 


[e) 


OgservatoiRe. — Relatorio do Observatorio Campos 
Rodrigues em Lourenco Marques, Ano de 1913. 

Onpes. — La transmission des ondes électriques sur 
la surface de la Terre . ; . 194, 

— Les ondes électromagnétiques dans un tube par- 
faitement conducteur. . . . . . . 

OPÉRATIONS. — Théorie et pratique des ‘opérations 
financières . . . 3 

— Le rôle de la géologie dans les opérations mili- 


taires. . . RU CO . 
ORBITOÏDES. — Les lOrbitoides d à L Lou, 
Os. — La fragilité héréditaire des os . 


— Industrie des os, des déchets animaux, des phos- 
Ve et du phosphore. 
Ossfine., — L'osséine, substance alimentaire 358, 2531, 


325 
167 
695 
s5 


164 
658 
120 
206 


504 


TABLE ALPHABÉTIQUE 


E 
Pain. — L'utilisation de la farine de riz dans la fabri- 
cation du pain , . . it 1200, 353 
— A propos du pain destiné aux prisonniers de 
guerre . . . ... 190 
— La valeur alimentaire des divers types de pain. 612 
PANtFIGATION. — La douro comme succédané du blé 
dans la panification. 495 
PARALYSIES. — Procédé simple pour l'examen électri- 
que des paralysies . . . 489 
Parc. — Origin of the Scenic features of the Glacier 
National Park #14 
— The fossil forests of the Yellowstone National 
Park" Nishe Eu 
Peau, — Contribution à nos ; connoissances sur la chi- 
mie de la coloration de la peau chez les animaux 
et sur le blanc dominant et récessif. 323 
PELLAGRE. — Sur la nature infectieuse de la pellagre. 256 
PERMÉABILITÉ. — Quelques expériences récentes sur 
la perméabilité élevée dans le fer . 420 
PHÉNOMÈNE. — Une explication possible du phéno- 
mène de Hall et du phénomène d’Ettingshausen. 385 
— Le rôle de la pression dans les phénomènes chi- 
miques.1. . . . . 551 
PnosenaTes. — Le traitement au four des phosphates 
naturels, pour leur utilisation comme engrais 73 
— Industries des os, des déchets animaux, des phos- 
phates et du phosphore. 690 
PnorocraPute, — La photographie à la lumière arti- 
SN ER ETTNE CT LUE : 30 
PHoTOTÉLÉGRAPHIE. = Principe” d'un nouveau récep- 
teur visuel de porattéRrapnte MACON CUITE UE 390 
Puororropie. — Sur la phototropie des sy stèmes inor- 
ganiques, Système du sulfure de calcium , 560 
Paysique, — Guia de Trabalhos praticos de Fisica. 
Calor-#5.: É CMS NE CAE 223 
— Cours de Physique UNE c 349 
PuyropatioLogie. — Revue de Phytopathologie à 51 
Pize, — Une nouvelle sorte de pile . “019; 197 
PiscicuLrure. — La pisciculture industrielle : 189 
PLaïes. — Désinfection et traitement des plaies, 98, 
128, 192, 321, 353, 418, 489, 529, 562, 595 
PLanères, — L'avenir des planètes tome NA 693 
PLaouss. — Influence de l'humidité et de la tempéra- 
ture sur la sensibilité des pliques. . 568 
PLaTine. — Dérivés complexes du platine :449, 691, 721 
PLiorron. — Redresseur et amplificateur thermo-ioni- 
ques : le Kenotron et le Pliotron. é 421 
Poips ATOMIQUE. — L'inertie électromagnétique et le 
poids atomique. . . 260 
— Le Rapport du Comité international des” poids 
atomiques pour 1916. : 663 
Porsons. — Poisons de flèches et poisons ‘d' épreuve. 224 
Poissons. — Les changements de couleur et de des- 
sin chez les poissons et l'adaptation . . . 392 
POLIOMYÉLITE. — Sérothérapie de la poliomyélite. 658 
Poryscope. — Le polyscope. . . 2 3 0e 164 
PorassE. — Les gisements de sels” potassiques de 
l'Espagne. DÉLOULE MT AT ONE 391 
— La question des engrais de potasse etles gisements 
de sels potassiques de l’Alsace. . . . 495 
POTENTIEL. — Interprétation concrète des potentiels 
thermodynamiques. 66 
Pou., — Recherches sur le développement du pou. 696 
POUVOIR DIATHERMANE. — Sur la correction de l'er- 
reur introduite par la cuve dans la détermination 
du pouvoir diathermane des liquides . o 530 
PRÉGIPITATION. — La précipitation électrique des par. - 
ticules suspendue: dans les fluides. 168 
PREssION. — Le rôle de la pression dans les phéno- 
mènes chimiques. . . ORCRCES 551 
Prix. — Les prix Nobel pour 1914 et 1915 . 629 
Prosecreurs. — Les projecteurs lumineux en temps 
de guerre. . . rates 70 
— Calcul de la por tée des projecteurs ‘de guerre sur 
terre et sur mer, . .. serres 97 
— Sur l'effet utile des projecteurs. £ 128 
— Les projecteurs électriques . . . 51s 
PROïIECTILES. — La localisation des projectiles dans 
le corps des blessés pan la Pa ns Méthode 
Colardeau. . . . .. : en EL: 5 
— Méthode Hirtz . .. 345 
— “ Guilloz. . + INR Net "AG 
— Autres méthodes . : 162, 193, 227, 566, 722 
— Localisation et extraction des projectiles par 
l'électro-aimant . UN TES vas 27 RUMOT 662 


DES MATIÈRES 


PROTECTION. — La protection de l'enfance pendant la 
première année de guerre dans le camp retran 
ché de Paris. 


Q 


Quégec. — Les minerais de fer de la province de Qué- 
LÉCUEN. ARE NC SEROUT 


R 


RapiATIONS. — Radiations visibles et invisibles 

— Methode pour calculer les coeflicients d'absorp- 
tion de la radiation X homogène , 

— Les radiations des atomes explosifs. 

— La radiation et la convection d’un fil chaulfé ‘dans 
une enceinte . . 

Ranioacriviré.— Etude de ! 'elet photogr: iphique des 
atomes qui subissent le recul radioactif, 

— L'emploi des substances radioactives 
engrais . . . v 

— Données numériques de ‘Radioactivité, 
tique, Electronique et Ionisation. 

RaDpioGRAPniE, — La localisation précise des projec- 
tiles dans le corps des blessés par voie radio- 
graphique ou radioscopique. 5, 345, 169, 162, 


997 
221, 


— Exécution rapide des éprenves radiographiques. 

RapioLoGiEe. — Pellicule de gélatine souple et inin- 

— flammable pour la Radiologie. 

Rapioscopie, — Détermination de la position des 
projectiles dans le AE humain par la radiosco- 


comme 


* Atomis- 


pie. EU QUE ,. 193; 
RADIOTÉLÉGRAPHIE. — Observations sur les pertur- 
bations des communications radiotélégraphiques. 
Rapis. — Recherches morphologiques et biologiques 
sur les radis cultivés . . AS 
Rapium. — Les constantes du radium. . . ÿ 
RaTioN. — La ration actuelle du soldat en campagne. 
Rayons. — Contribution à l'étude des actions physio- 


logiques de la lumiere. Action des rayons ultra- 
violets sur les hydrates de carbone, . . 
Tubes à rayons X en métal. . 

— L'ampoule à rayons X de Coolidge. 

— Quelques effets secondaires des rayons Rœntgen. 

— Le passage des rayons z à travers les cristaux . 

— Surle spectre des rayons X secondaires homo- 
gènes . . Ve mrfle 

— L' absorption par ‘le plomb des : rayons y émis par 
le radium B et le radium C. 

— Rayons X et structure cristalline. : 

— Rayons X et structure cristalline. I, Rayons x: 

IT, Structure cristalline. . 

RÉACTIONS. — moe des réactions RENE 
ques. L 

REBOISEMENT. — 1 œuvre du Teboisement en Algé rie. 

RééDucariON. — La rééducation professionnelle et la 
réadaptation au travail des estropiés et des muti- 
lés de la guerre . . . < 288, 320, 389, 

RÉSONANCE. — Quelques remarques sur l'absorption 
et la résonance des gaz. 

— Observations sur les radiations de fluoresc ‘ence et 
de résonance de la vapeur de sodium. 

Rerour. — Le retour par la terre dans les transports 
d'énergie électrique. 

Revue. — Revue de Chimie miné TÉrales 

— Revue de Phytopathologie . . . . 

— Revue d'Agronomie. . . AREA x 

— Revue annuelle de Géologie. CUT ER Eu 

— Revue annuelle d'Astronomie (1914) s 

— Revue de Botanique . . . . . . 

— Revue de Chimie phy sique. 

Raum. — La fabrication du rhum . . 

Riz. — La culture du riz en Europe. 

RussiE. — Les communications de la Russie” et de la 
Sibérie avec l'Europe. . . mire 

— Les colonies allemandes en Russie j s 

— La houille blanche et la houille grise en Russie. 

—_DalRussie et la puerre MEME - 00e. Er 


S 


SANG. — Traité du sang . . . 

— Le mécanisme de contrôle de la teneur. en cor- 
puscules rouges du sang 

SATURATION. — Des chaleurs de saturation de quel- 
ques sels alcalins 594, 626, 


736 TABLE ALPHABETIQUE DES MATIÈRES 
SAUTERELLES. — Sur le procédé PRE de des- T 
truction des sauterelles. . . . . .. on > 626 Te 
SAUVETAGE. — Le sauvetage des équipages a les Re ps Re pe Re 3 558 
Ole nie LL En Di VE 101 ACHES. — Sur les variations es rapports entre facu- 
SAVOIE. Géologie des chaines jurassiennes =: sub- DGSE Er ee ï $ 5 Ch 
Stice del de À ji M 62 Éns JATION. — Fe tarification & l'électricité : . 5:76 
— Les torrents de la Haute-Savoie : ! 22: 9 | TA futomères isomères et Dolyméres des 
SCIENCF. A n RER EUUE po * la science expé- 60 substances polymorphes . 5 en ; 539 
rimentale moderne, Jacques Rohault. . . . .. UC Tcnap. — Mission Audoin pour le ravitaillement de 
SCINTILLATION. — Rech. sur la scintillation . 320 la région orientale du Territoire du Tchad . 138 
SÉGRÉTIONS. — Les sécrétions internes. . . . . 285 TéLÉGRAPHIE. — Sur un courant alternatif non inter- 
— Comment s’est formée et comment a Érnine la é rompu pour la télégraphie par câble . . . . . . 37 
notion de sécrétion interne . . . . SEE 368 TéLépnonre. — L'inauguration de la téléphonie 
SELECTION. — Controlled natural eco and its transcontinentale aux Etats-Unis. à ? 103 
marking. . . . : TON 4 D 63 — La téléphonie et les autres moyens d’ intercom- 
SÉLÉNIUM. — Sur une variété de Sélénium particuliè- munication dans l'industrie, les mines et les che- 
rement sensible à la lumière. Application à la mins de fer. . . . : se 84 
construction de cellules pour photométrie . 66 — Un grand progrès ‘de la téléphonie sans fil . ë 599 
SEMENcCEs. — Nouvelle méthode pour déterminer rapi- TEMPÉRATURE. — La tempéralure en Afrique occiden- U 
dement la vitalité des semences. . . 5 135 tale et équatoriale. . . 529 
nan Neon dee Ve Sen pente à 425 TENSION dre LE. — La tension superficielle d des ; 
SéRuM. — Détermination de la valeur immunisante TE CORRE PONEERE T T 39 
et curative du sérum antitétanique . . . lote 449 ÉRATOGENÈSE. — La ératogenèse, étu 2 des varia- 
SERVICE MILITAIRE. — De l'aptitude visuelle au ser- DES JR Re TES SU ce La 
% BE 9: TERRE. — Les propriétés mécaniques de la Terre. 533 
vice militaire. . . . , -. 258 L 5 
— Le prétendu desséchement progressif de la Terre 569 
SIBÉRIE, — Les communications de Ja Huse dé de 1e PAT Than dla da . 34, 64,192, 49 
Sibérie avec l'Europe. . . . . 105, 600 —"Sur le tétanos tardif 2. REC EME 562 
— La colonisation intérieure en Sibérie en 1913. 266 = Sur le tétanos localisé. or 691 
SIDÉRURGIE. — La sidérurgie mondiale depuis la > Tuyxmus. — L'appareil thymothyroïdien : thyroïdes, 
guerre DURE ESS SLAM ARENA LC parathyroïdes, thymus . 190 
SiGNaux. — Les signaux sonores et les zones de Tayroipes.— L'appareilthymo- thyroïdien : thyroïdes 190 
silence . FEAR SRE Re RUE 38 Tir. — Le tir indirect en 1915 . È 1, 0297 
SILENGE. — Les signaux sonores et les zones de TiTanE. — L'influence du titane sur les propriétés de 
silence, . , MR OT ET 0 STD de oO 38 l'acier. 568 
SIRÈNE. — Sirène harmonique à à corde. Me du ToiLe. — Sur l'altération dite piqûre ‘des toiles de 
module d'Young . . . S 691 tente et des toiles à voile. 3 
SocvaT. — La ration du soldat en temps de guerre . 104 | Tons. — Sur les théories de Voight et d'Everett rela- 
SoLuTIONS. — L'étude des solutions troubles. o 567 tives à l'origine des tons de combinaison . 355 
Sos. — Influence du timbre et de l'intensité sur la Tour8e. — Les problèmes techniques de l'utilisation 
localisation des sons. . . . . 136 de la tourbe . ... 262 
Rene ab Ces mélanges gazeux ; 287 TRANSFORMISME. — Transformisme et créationnisme 31 
Sous-MARINS. — Sous-marins et submersibles . 590 FRERES — Le FA par la terre dans les trans- 534 
— La commande des, moteurs employés à bord des T ports RAR sep î 457 
sous-marins allemands. . . . . . . . . . . . . . 661 RAvAIL, — L'influence du climatisurhle travail. EE 
SoeCrR EME Orbites électrons nee PRO o ns mate TREMBLEMENTS DE TERRE, — Sur les derniers trem- 
rs * HEODA SpE blements de terre de Thèbes D'ERREURS 6 
ment permanentes et origine des séries spectrales,. 162 TNA TES i 
U — Le tremblement de terre de la Marsique (Italie 
—, Un nouveau type de séries dans le AE de - : 5 5 
centrale) du 13 janvier 1915 . . ... + 146, 159 
bandes associé à l’hélium. . . 298 : 
RS An ME aa ie — Tremblements de terre divers. . . 418,448, 490 
P plomb ordinair et du plom Turquoise. — The Turquoise. RAR RS 5 à 591 
d’origine radioactive. o 228 T V Fi Doit 
— Relation entre le spectre d’ émission d’un composé D A PER EL e.. 
lente se See ent E ] F 962 Typuus. — Les risques d’épidémie de typhus exanthé- 
Ere LS FRATPENÉ lune j 1e 75 nit en ee IR 28: matique et de typhus récurrent dans nos armées 
É persion des spectres prismatiques. e en campagne et les mesures à prendre pour les 
— Sur une formule de réduction des mr pris- s 40 
matiques . » 384 en préserver re em CCC UT EEE 
— Applic. des méthodes d’interférence à l'étude de U 
l'origine de certaines lignes spectrales . ! , . . . 452 
— L'extension du spectre au delà de la région UruGuay. — La Instruccion primaria en la Repüblica 
de Schumann . k ET Pr 493 oriental del Uruguay." CN NOT 255 
— Sur un spectre associé au carbone, en relation 
avec celui des étoiles Wolf-Rayet. SENTE 562 V 
— Les séries élargies de lignes dans les s ; Kraee : à : 
des Re Re shenehp ans (es PERS 563 VACCINATION. — Vaccination antityphique et antipara- 
— Investigaciones experimentales Édbre los ‘espec- Dppane à Ra 384, 530, pue 659 
tros de la descarga oscilante. à 590 YRAuLeE =. ur trois types e vanilles commerciales ss 
Se 3 ee de Tahiti. . . . 
RULES The Spectroscopy of the lextreme FE VÉGÉTATION. — La végétation Lavants garde duvole 
*- : 2e can Taal , .. 198 
s L DUÉES numériques de Spectr oscopie - 381 Vecéraux. — Mission Emile Perrot pour l'étude. des 
$ Pen Are — Le dimorphisme dimensionnel végétaux utiles de l'Afrique équatoriale . 42% 
es spermatozoïdes et ses relations avec les chro- d VENTILATION. — La ventilation et les effets du grand 
Sré LAN PE DR EP | Dies 169 air et du vent sur les échanges respiratoires. 497 
TS Shen MES fonce. roce= ap Verre. — Les causes de l'opalescence du verre . . 323 
: : - °p Vie. — Conception mécanique de la vie . . . . . . 255 
SUCRE. — Les répercussions de a guerre Æ 1914 L 32 
ss £ — La structure moléculaire et la vie. . . . . . . 632 
sur l'industrie du sucre. . 20% Vin. — Le vin désalcoolisé. 536 
SUISSE, — Atlas graphique et statistique ‘de la Suisse. 126 Viscose. — L’ emploi de la viscose comme ‘enveloppe 
SULFATES. — Les sulfates monocliniques contenant pour les saucissons. . . LCA 10% 
de l’ammonium, Achèvement de la série des sul- ViscosiTÉé. — La viscosité de Ta vapeur d' jode . 228 
fates doubles, Le 3 563 VisiBiLiTÉ, — Ba visibilité des objets à distance dans 
SURFACES. — Leçons sur la Théorie) SA nernle des sur- l’art militaire. PE lee 0 NT CRE 56 
faces et les applications ÉÉomenEnes du Calcul VOCABULAIRE. — Vocabulaire français-chinois des 
infinitésimal . , . . a NC. AT 558 Sciences mathématiques, physiques et naturelles 55 
Survorrace. — Le survolt: age 4 67 Voie. — Le voile dicroïque. 599 
SYNTHÈSE. — L a synthèse minérale au point de vue VoLcAn. — La végétation d'avant- garde du “volcan 
de ses méthodes 391 Taal 1H TEE ENS SE RP 198 


TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS" 


A 


Achard (Ch.), 385, 562,676 à 678. 

Addenbroke (G. L.), 291. 

Agnus, 417. 

Agulhon (H.), 258. 

Albrecht (Th.), 593, 

Alden (W.-C.), 414. 

Alexinsky (Grégoire), 446. 

Allen (H.S.;, 419. 

Amagat (E. H. h 160, 

Amar (J.), 64, 320, 417, 572 

Ancel (Louis), 35, 66: 

André (G.), 223, 724. 

Anthony (R.), 530. 

Arabu (N.), 352. 

Archbutt (S. L.), 484. 

Arctowski (H.), 626, 658. 

Ariès (E.), 413. 

Armagnat (H.). 226. 

Armand-Delille (P.), 595. 

Arnaud {G.), 225. 

Arrous (J.), 627. 

Arthus (Maurice), 190, 286. 

Artini (E.), 526. 

Aten (A. H. W.), 324. 

Athias (M.), 531. 

Aubel (E.), 626. 

Aubertin (Ch.), 258. 

Aubry (A.), 159, 417, 448, 489, 560, 593, 
626, 

Auger (V.), 228. 

Auwers (G. J.), 191. 

Ayrton (Mme H.}, 387. 


B 


Baat (Mlle W. C. de), 356, 492, 627. 

Babinski (J.), 98. 

Bachelier (L.), 61 

Back (M.), 290. 

Backer (H. J.), 324. 

Baïlhache (G.), 627. 

Bailly (O.), 159, 256, 353, 722. 

Baker (H. B.), 68. 

Bakhuyzen (G. van de Sande), 195. 

Baldet (F.), 561. 

Ballet (Gilbert), 192, 257, 

Balta R. de Cela (J.), 44%. 

Barat (L.), 659. 

Barbé (:.), 94. 

Barcroit (J.), 290. 

Barge (A. J.), 628, 660. 

Barker (T. V.), 132. 

Barnard !E. E.), 594. 

Barratt (T.), 163, 660. 

Barrelet (A.), 104 à 40%. 

Barrier (G.), 321. 

Barriol (A.), 126, 413. 

Bary (Paul), 721. 

Basset (J.), 226. 

Baudouin (M.), 

Bauer (Ed.), 

Bazy, 64, SES 

Bear (E.), 3 

Beauvy, 35. 

Beclère, 99, 227. 

Belbèze (R.), 98. 

Belot, 257. 

Benisty (Mme A.), 226. 

Bérard (L.), 562. 

Bergansius (F. E.), 628. 

Berget {A.), 94,284. 

Bergonié (J.), 160,257, 353, 417, 594, 658, 
722. 


419, 531. 


161. 
320. 


1. Les noms imprimés en caractères gras 
sont ceux des auteurs des articles originaux. 
Les chiifres gras reportent à ces articles. 


Bernard (L.), 595. 

Berthelot(Danie:), 227, 257, 28 

Berthoud (A.), 5s3 à 59. 

Bertin (L. E.), 159, 256. 

Besredka (A.), 385. 

Betim (A.), 960, 

Beyerinck (W.), 324 

Bezault (B.}, 127. 

Bhattacharyya (D. N.), 660. 

Bickerton (A. W.), 164. 

Bigourdan (G.), 97, 198, 
529, 724. 

Billon-Daguerre, 489. 

Bissett (C. C.), 100, 

Blaizot (L.), 722. 

Blanchard (R.), 65. 

Blayac (J.), 631. 

Blin (Henri), 497. 

Bloch 285, 319. 

Bloch (L.) Pr 258, 321. 

Block (H. (2 Je 

Blondel PRE ‘97, 128. 

Blondel (G.), 113 à 116. 

Blondel (H.), 6 626. 

Blutel (E.), 84. 

Bodroux (F.), 159, 530. 

Boeke (J.), 388, 596. 

Boer (S. de), 492, 596, 628. 

Boeseken (J.), 196, 356. 

Bogitch (B.), 417, 594, 658. 

Bois (D.), 560, 

Bois (H. du), 387. 

Bokhorst(S. C,), 324, 388, 596. 

Bolk [L.), 628. 

Bone (W. A.), 260, 291, 

Bonnefon, 691. 

Bonnier(P.), 127. 

Bordage(Edmond), 383, 530, 561. 

Bordas (F.), 33, 97, 18, 449, 489, 561. 

Borel (Em.), 30, 413, 

Bosch (J. ë van den), 324. 

Bose (J. Ch.), 194. 

Bosler(J.), 34, 128, 257. 

Bouchard (Ch. J.), 658, 659. 

Bouchet (L.), 160, 320. 

Bougault (J.), 128, 352, 386. 

Bourcart, 192. 

Bourges (H.), 449, 450. 

Bourion (F.), 689. 

Bourquelot (Em.), 159, 417, 448, 489, 
560, 593, 626. 

Boussinesq (J.), QUE 

Boutaric (A.), 73, 97, 103,285, 350,384, 
663. 

Bouthillon (L.), 448,721. 

Bouty (E.), 99. 

Bouvier (E. L.), 158,191, 634 à 

Bouvier (M.), 352. 

Bouzansky (Mme), 418. 

Boyer (Jacques), 155,212 718. 

Brachet (A.), 65, 512 à 517,593. 

Bradbury (H.), 100. 

Bradshaw (L.), 36. 

Bragg (W. H.), 624. 

Bragg (W. L.), 624. 

Braive (Jean), 253. 

Brandt, 129. 

Branly (Ed.),64. 

Braude {L.), 689. 

Bremekamp (C. E. B.), 564. 

Bresson (Henri), 318. 

Bridel (M }, 159, 448, 489. 

Brillouin (Marcel), 322. 

Briner (Em.), 551 à 55%. 

Brinkworth (J. H.), 451. 

Briscoe {(H.-V.-A.), 131. 

Brochet (André), 191, 228. 

Brocq, 33. 

Brouwer (H. A.), 


7,393, 960, 


, 660. 


159, 256, 


639. 


196, 356, 564. 


320, 


 ————— — 


Brouwer (L. 


E-J.), 595. 
Bruëre (S.), 


449, 489, 564. 


Bruin (G. de), 196, 388, 
Bruins (Mlle Ë. D.), 628. 
Brulé (M.), 659 
»t (Louis), 90 à 93, 127, 488, 
9, 592, 624, G45 à 655,678 
à 658, 721. 


Bruninghaus (L.), 381. 
Büchner (E.-H.), 660. 
Burali-Forti (C.), 526. 
Burgess (M.-J.),68. 
Burnet (Et.), 692. 
Busquet (H.), 256,448, 
Bytel (J.), 628. 


C 


Cabannes (J.), 97, 
Cabrera (Angel), 527. 
Calfas (P.), 51S à 525. 
Callendar (H. L.), 291. 
Camichel (C.},97, 593, 594, 
Campbell (G.), 36. 
Campbell (M. R.), 414. 
Camus (F.), 449. 
Camus (J.), 385, 627. 
Camus (L.), 354, 692, 
Caralp (J. » 191. 
Carré {P.), ne 
Carnot (P.). 33, 128, 193, 225. 
Carrasco(P.), A: 
Carrel (Al.), 5 
Caullery (M. fe Ps. 
Chabanier (H.), 258, 532. 
Chantemesse (A.) 362. 
Chapman (S.), 3. 
Chappell (E.), 290. 
Charabot (E.), 253. 
Chautard (J.), 98. 
Chauveau (A.), 33 
Chemineau, 659, 
Chesneau (G.), 189, 352. 
Chevalier (S.), 287. 
Chiray (M.), 288. 
Choux (P.), 95. 
Chree (G.), 260. 
Chudeau (B. 15298598: 
Clack (B.-W), 67. 
Ularens (J.), 418. 
Claude (H.), 692, 723. 
Cluzet (J.), 489. 
Coffin (J.-G.), 349. 
Cogan {K.-M \, 290, 
Cohen (Ernst), 196, 324, 
564, 596, 628. 
Cohen (W. D.), 356. 
Colardeau (E.), 5 à 14, 99 
Colin (H.), 418, 626, 722. 
Colson (A.), 594, 626, 721. 
Comas Sola (J.), 256, 529. 
Comstock (G.-F.), 132. 
Copaux (H.), 33. 
Coquidé, 160. 
Cortez (A.), 223. 
Costa (S.), 450, 723. 
Costantin (J.), 560, 
Costanzo (G.), 223. 
Cottin (Mlle), 595. 
Cotton (A.), 66. 
Coupin (A.), 321. 
Coupin (H.), 257 
Courant (Maur.), 599, 
Courtot (Ch.), 288. 
Coustet (Ernest), 31,126, 20% à218, 
231, 327, 345 à 348, 422, 535,5 
à &s2. 600. 
Cramer (W }), 386. 
Crendiropoulo, 450. 


723. 


356, 388, 492, 


Grile (G. W.), 161. 
Croîts (J. M }), 56. 

Crommelin (C “A. }, 160, 388, 628. 
Crookes (Sir W. 70. 

Crouzel (Ed.), 489 . 

Cruikshanks (G,. S.), 132. 
Cuénot (L.}, 32, 63, 255, 415. 
Curchod (Ad }), 526 

Curie (Mme), 99. 


D 


Daish (A.-J.), 36. 

Dakin (H.-D,), 530,59, 

Dalloni (M.), 722. 

Danysz (J.), 65, 128. 

Darboux (G.), 558. 

Darmezin du Rousset, 192. 

Darragh (Mlle M.), 355. 

Dastre (A.), 562. 

Daufresne, 595, 

Daumézon (G.), 160. 

Dauvillier, 691. 

Debat (F.),98. 

Debierne (A.), 594. 

Déchelette (Joseph), : 351. 

Dehelly, 595. 

Dejerine, 98. 

Dejust (J.), 626. 

Delbet (P.),35, 256, 257, 
561, 562. 

Delens (P. 223. 

Delezenne (C.), 129. 

Delorme (Ed, }, 98, 128, 161, 257, 560. 

Demenge (Emile), 94, 155, 157, 459, 
242 à 288, 42% à 430, 4 484. 

Démolis (E.), 253. 

Demoussy (E.), 626. 

Denis (Ernest) 488, 

Deprat (J.), 319, 352, 448, 489. 

Desch (C.-H.), 292. 

Desmoulins, 191, 

Devraigne, 385. 

Dhar (N.), 660. 

Diakonof* (Mlle), 531. 

Dieperink (J.-W.), 495. 

Distaso (A.), 385, 531. 

Dixon (H.-B.), 36. 

Docters van Leeuwen (J.), 596. 

Dorsman (C.), 388,628. 

Douvillé (H.), 529, 594, 722, 

Doyen, 35. 

Drapier (M.), 626, 723. 

Droogluver Fortuyn (A 

Droste (J.), 388, 

Dubarry (J.-P. 5 384. 

Dubois (R.}, 7 

Ducosté (M.), cn 

Dudding (B. Sp ), 2947 

Dujarric de la HAN qe ) 

Dulieux (P .-E.), 

Dumas, 595, 

Duponchelle (J,), 94. 

Dupoux, 128. 

Dupuy (E.-L.), 130. 

Dussaud (F.), 256. 

Dustin (A.-P.), 593. 

Dutoit (P.), 689, 


321, 417, 418, 


.-B.), 996. 


353, 723. 


E 


EÉchegaray (J.), 107 à 113. 
Eginitis (D.), 64,418, 490, 
Ehrenfest(P.), 356, 492, 564, 627. 
Ebrenfest-Afanassjewa (Mme H.), 323. 
Einstein (A.), 596. 

Einthoven (W.), 628. 

Elias (J.), 196, 627, 

Entwistle (F.), 563. 

Espine (Ad. d'), 595. 

Evan (E.-V.), 100. 
Ewart(A.-J.), 290, 

Eydoux, 97. 


F 


Fabre (Henri), 626. 
Fabry (L.), 626. 


Faidherbe (P.), 355. 

Fernandez Navarro (L.), 719. 

Fiek (G. ), 484, 

Fildes (P.), 131 

Finlay (C.), 658. 

Finot (Jean), 447. 

Fleurent (E.), 490. 

Fleury (M. de), 65, 226, 321, 490. 

Floquet (G.), 689. 

Fontaine Schluiter (J.-J. 

Fonzes-Diacon, 288. 

Forcrand (H.-R. de), 257. 

Foster (H_ -S.), 323, 

Fournier {Alfred), 65 

Fournier (M.), 33. 

Fourniols (A.), 245 à 252, 339 à 
315. 

Foveau de Courmelles, 193. 

Fowler (A.), 228. 

Franchimont (A.-P.-N.), 324. 

François (L.), 349. 

Frankamp (Mile C.-A.), 628 

Frasey (V.), 65, 593, 

Frouin (A.), 258. 


de la), 356. 


G 


Gachet (Dr), 289, 

Gaillard, 287. 

Gain ( Ed. ), 129, 224, 255, 280 à 283. 

NE (V.), 321, 599. 

Galitzine (B.) 159, 448, 561, 

Gallé PH) 4992, 

Gard (M.), 489, 

Garrigou (F.), 530. 

Gaté (J.), 627. 

Gaucher, 321, 

Gautier (Armand), 
222, 490 

Gautrelet (J. }, 385. 

Gélat (M.), 532. 

Gentil (L.). 418, 529. 

Germann (F.-E.-E.), 64. 

Géry (L.), 161. 

Gibon, 561. 

Gignoux (M.), 63. 

Gilbert (A.), 95, 416. 

Ginestous (E.), 258. 

Giolitti (Fréd.), 155. 

Giraud (Victor), 488. 

Girode, 35. 

Gizolme (L.), 562. 

Glagolew (M.), 384. 

Glénard (F.), 65. 

Gley (E.), 98, 258, 
374. 

Glover (J.), 384. 

Godin (Paul), 33 

Goodey (T.), 195. 

Goubert (G D) AGE 

Goudriaan (F. ), 627. 

Gouré de Villemontée (G.), 18. 

Grahl (G. de), 188. 

Gramont (A. de), 381, 594. 

@Grandidier (G.), 617 à 623, 639 
à G4H. 

Granger (Albert), 67, 95, 

Gravier (Gh.-J.), 128, 226, 385. 

Gray (Th.), 132. 

Grey (E.-Ch.), 36. 

Grifiths (E.), 452. 

Grifiiths (E.-A.), 452, 

Grignard (V.), 288. 

Grimbert (L.), 459, 490. 

Gross (G.), 288. 

Grossmann (J.), 420 

Guéguen (F.), 34, 

Guépin, 256. 

Guignard (L.), 257, 722. 

Guilbaud, Ne 

Guillet (A.), 159. 

Guillet (L. Ÿ 691. 

Guilliermond (A.), 

Guilloz (Th.), 627 

Gutton (C.), 529. 

Guye (Ch.-Eug.), 490, 689. 

Guye (Ph.-A.), 64. 

Gyôrgy (P.), 35. 


129, 159, 262 à 


285, 354, 368 à 


354, 626, 691, 692, 


TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS 


H 
Haag (J.), 25 à 85 
Haas (H.-K.), 628. 
‘Haas (W.-J. de), 388, 596, 660. 


Haas-Lorentz (Mme Ge. L. =, 660, 

Haga (H.), 196. 

Hale (A -J.), 323. 

Hall (E.-H), 385. 

Hall (J.-H.), 132. 

Haller (A.), 320. 

Hallimond (A.-F.), 163. 

Hamburger (H.-J.), 564. 

Hamy (Maurice), 193, 384. 

Hanriot (M.), 253. 

Hariot (P.), 96, 446, 488. 

Hartmann |(H.), 191 à 1575, 233 
à 238. 

Hartridge (H.), 387. 

Hatt (Ph.), 626. 

Haug (Em.), 6941. 

Haworth (W. N.),131. 

Hayem (G.), 658. 

Hébert (A.), 253. 

Heckel (Ed.), 97, 593. 

Heim (A.), 594. 

Heim (F.), 491. 

Helderman (W.-D.), 324, 356, 492, 564 
628. 

Hemmerlé (Mlle R.), 128. 

Henderson (J.-P.), 563. 

Henneguy (L.-F.), 226. 

Henny (G.), at 226. 

Henri (V.),9 

Hérelle (F. à, 161, 626, 

Heriot (T.-H.-P.\, 292. 

Heron-Allen (E.), 291. 

Hewitt (G. Gordon), 157. 

Hicks (W.-M.), 260, 563. 

Hill (A.-V.), 387. 

Hill (G.-W.), 191. 

Hinrichsen (V.), 484. 

Hittorf (W.), 191. 

Hoeflake (Mlle J.-M.-A.), 492. 

Hof (K.), 196. 

Hollande (A.-Ch.), 627, 691. 

Holleman (A.-F.), 356, 388, 492. 

Holst (G.), 196, 324, 388, 628. 

Horsburgh(E.-M.), 381. 

Horton (F.), 355. 

Houllevigue (L.), 200 à 

Hubert(H.), 160, 530, 560. 

Hugounenq (L.), 31 

Hyland (J.), 164. 

Hymans van den Bergh (A 


I 


Ibarra-Loring (E.), 532. 
Iterson jr (G. van), 660. 


J 


Jackson (Mile A.), 659. 

Jaeger (F.-M.), 196, 324, 564, 596, 660. 
Janet (P.), 350. 

Jenkin (C.-F.), 451. 

Jevons (V.), 163. 

Jollivet (Gaston), 528. 

Jones (B.-M.), 36. 

Jones (Walter), 31. 

Jong (A.-W. K.), 660. 

Jongh (A.-W.-K.), 564. 

Jordan (C.), 64. 

Josué (0.), 449. 

Jousset (A.), 161. 

Juéry, 162, 

Jumelle (Henri), 13 à 20, 129, 255. 
Jungelson (A.), 129, 287. 


K 


Kahn (Jul.), 196, 596, 660, 
Kapteyn (W.), 195. 
Karajanopoulo, 561, 563. 

Kato (T.), 290. 

Katz(J. R.), 324,492. 

Kayser (E.), 256, 165 à 468. 


L 


0%. 


-A.), 356. 


TABLE ALPHABÉTIQUE 


ee —————_—_—— 


Keene (H.-B.), 194, 
Keeney (Rob. M.), 350. 
Keesom (W.-H.), 356, 628. 
Keïlin (D.), 227 

pancay (R.), 291. 

Kent (A.-H, -S.), 291. 
Kerforne (K.), : 
Kilian (W.), 529! 


Kling (A.), 33. 

Kluyver (J. LE 356. 
Knowlton (F,-H.), 444, 
D A brost (E.), 561. 
Koorders (S.-H,.), 660. 
Kruyt(H.-R.), 196, 492, 
Ktenas (C.-A.), 352. 
Kuenen (J.-P.), 388, 492, 
Kuiper Jr (K.), 388, 628. 
Kuypers (H.-A.), 196. 


L 


Laar (J.-J. van), 196, 356, 627, 

Labbé (H.), 354. 

Laborde (Mme A.), 530. 

Lacroix (A.), 159, 417, 561. 

Lafont (Agasse), 191. 

Lagrange, 353. 

Lainé (E.), 287, 288. 

Laisant (C.-A.), 318. 

Lameere ace ), 459 à 164. 

Landouzy (L.), 353, no 

Lanessan (J. L. de), 3 

Langlois (J.-P.), 1% 25à 180, 224, 416. 

Lannois, 321. 

Lanquine (Antonin), 319, 529. 

Lapuge (G.), re 

Lapicque (L), 72 

Lasseur (Ph.), Fo 

Laubeuf (M.), 590. 

Launay (L. de), 238 à 244. 

Launoy ( L )}, 190. 

LR 129500 

Lavanchy (Ch.), 490, 

Laveran (A), 320. 

Lebedinsky (W), 691. 

Le Bel (A.), 225. 

Lebeuf (A.), 6?, 139 à 145. 

Le Brazidec (M.), 34. 

Le Châtelier (H.), 363 à 36%, 594, 
658. 

Leclainche, 192. 

Leclereq (J.), 353. 

Lecornu (L.), 223, 

Le Dentu, 385. 

Ledoux-Lebard, 691. 

Leduc (A.), 191, 225, 287, 391, 450, 5929. 

Lees (Ch.-H.), 130, 452. 

Léger (E.\, 353,530. 

Legueu (F.), 353. 

Lejeune (S.), 447. 

Lelieuvre (M.), 30, 285, 526, 558. 

Lemoine (G.), 490. 

Lemoine (J). 594. 

Lereboullet, 65. 

Leroide (J.}, 255. 

Le Roy (G.-A.), 448, 721. 

Lesage (P.), 626. 

Le Sueur (H.-R.), 99. 

Letulle (M.), 34. 

Lewis (T.), 259. 

Lewis (W. G. Mc G.), 689. 

Lhériaud, 97. 

Liais (L.), 129. 

Lian (C.), 691. 

Lignier (0.), 64. 

Lignières (J.), 659, 691. 

Lisbonne (M), 491. 

Lloyd (Mlle D. J.), 290. 

Lloyd (L. L.), 164. 

Loeb (J.), 255. 

Loew (P.), 659. 

Loewy (R.), 354. 

Londe (A.), 30. 

Lorentz (H.-A.), 196, 492. 

Lorier (S.), 381. 

Love (A.-E.-H.), 194. 

Lubimenko (V.), 160, 287. 


253, 318, 626. 


Lugeon (M.)., 191, 226. 

Lugol (P.), 32. 
Lutsenburg-Maas (Mlle H. J, 
Lyman (Théodore), 318. 
Lyon (Dorsey A.), 350, 


van), 660, 


M 


Mac Auliffe (L.), 691, 

Macbride (E.-W.), 659 

Mac Intosh (J.), 131. 

Mac Lennan (J. C.), 565. 

Mage (Mile), 35 

Mahlke (A.), 689, 

Mailhe (A.), 20 à 29. 

Maillart, 659, 

Maille, 65. 

Mairet (A.), 418. 

Maldiney (J.), 529, 

Malherbe (A.-H.), 692. 

Mancini (E.), 146 à 14%. 

Mangin (L.), 598. 

Mansuy (H.), 319. 

Maquenne (L.), 721. 

Märage, 550, 562, 721. 

Marbais (S.), 161, 162. 

Marcille (R.), 64. 

Marcolongo (R.), 526. 

Margerie (Emm,. de), 657. 

Marie (A.), 450. 

Marie (A. Pierre), 659, 691. 

Marie (C.), 444. 

Marie (P.), 161, 226, 354, #18. 

Marinesco (G.), 69. 

Martel (E. A.), 64, 722. 

Martin (G.), 100. 

Martin (L.), 65, 355. 

Martinot-Lagarde (C.), 444. 

Mathias (E.), 160, 167, 388. 

Maurel (E.), 531, 562. 

Maurer (P.), 484. 

Maurin (Em.), 353, 531. 

Mawson (Sir Douglas), 656. 

Mazé (P.), 35, 64, 130, 159, 227, 417, 
191. 

Meilière, 353. 

Ménard (M.), 129, 162, 257, 321. 

Mendelssohn (M.), 192. 

Mercier (R.}, 659. 

Merton (R,-T.), 228, 355,452, 563. 

Mesnil (F.), 723. 

Meunier (St.), 352, 417. 

Michaud (Félix), 66. 

Michelon (E.), 159. 

Milhaud (Georges), 253. 

Minvieille, 226. 

Mitchell (P. Chalmers), 446. 

Mittag-Lefiler (G.), 504 à 3511. 

Molengraaff (G. A. F.), 492. 

Molliard (M.), 191, 658. 

Monaco (Albert de), 129. 

Monod (Charles), 65, 490, 723. 

Montessus de Ballore (F. de), 225. 

Montpellier (J. A.), 485. 

Moore (H.), 420, 

Moreau (Fernand), 35, 258, 288. 

Moreau (Mme F.), 288. 

Morgagni (G. B.), 224. 

Morrell (R. S.), 164. 

Morton (W. B.), 355. 

Mosny (E.), 288. 

Mottram £e C.), 63. 

Mougin (P.),719. 

Mouliney (Gér ald), 95. 

Mourelo (J.-R.), 129, 394 à 403, 
560. 

Moutier (A.), 593. 

Muller (P.-Th.), 414. 

Muntz :A.),287, 288. 

Murgoci (G.), 352, 

Mysberg (W. A.), 596. 


N 


Nagaoka (H.), 570 à 555. 

Nageotte (J.), 98, 258, 289, 354, 
494, 723. 

Nègres (L.), 699, 


DES AUTEURS 739 


Netter (A.), 227, 449, 627, 658, 
Nettleton (H, R.), 163 
Neuville ‘H,), 627, 692, 
Newbery (E. }, 67. 

Nicholls (G. E.), 291. 
Nicholson (J. W 
Nicolle (Ch.), 722. 
Niox (Général), 624 
Nitzhberg, 724. 

Notta, 98. 
Nusbaumer (E.), 48%. 


), 260, 291, 452. 


(e) 


Ocagne (M. d'), 691. 

Oechsner de Coninck (W.), 722. 

Celsnitz, 192, 

Olaru (D.), 160. 

Olphe-Gaillard (G.), € 

Onnes (H,. K.), 160, 1 
628. 

Onslow (H.), 323. 

Ornstein (Le S. js 393. 

Orticoni (A.), 257, 354. 

Os (Chr.-H. van), 627. 

Oui (M.), 59. 

Owen (D.), 67. 


525. 
€ 


16, 324, 356, 368, 


1 


Parisot (J.), 226. 

Parker (A.), 36. 

Parhon (J.C.), 289,354, 659. 

Paris (E. Talbot), 292 

Pasteau (O.), 353. 

Patel, 321. 

Paterson (C.), 291, 

Patterson (S.-W.) 121. 

Paulian (D.-E.), 226, 289, 

Pavillard, 226, 

Peacock (D.-H.), 100. 

Péchoutre (F.), 453 à 483. 

Peczalski (Th.), 417. 

Pénaud (H.), 489. 

Pereira de Sousa, 225, 448. 

Périer (Ch.), 65. 

Pérot (A.), 320. 

Perreau (E.-F.;, 560. 

Perrier de la Bathie (H.), 129, 

Perrot (Em.), 219 à 222; 224, 
430 à 435. 

Perrucci !P.), 449, 

Pescher (J.), 564. 

Petit (P.), 489. 

Pétrovitch, 491, 531, 

Phélip (A.), 489. 

Philip (A.), 491. 

Pictet (A.), 352. 

Piédallu (A.),129 

Piéron.(H.), 418, 450. 

Piettre (M.), 225. 

Pinard (A.), 161, 321, 595, 723. 

Pinoy (E.), 289, 

Pittard (Eugène), 352, 384, 663 à 
675. 

Plimmer /R.-H.-A.), 719. 

Pogue (J. E.) na 

Policard (A. \. 130, 489, 

Polonovski, 72! 

Pontio (M.), 560. 

Porak (R.), 692, 

Porter (A. W. be 

Portevin (A.), 22 

Portier (P.), ET LE 

Portuondo (A.),433 à/443. 


Potter (M. C.\ 562: /£ 

Pouget (Ed.), 253. | 

Pouget (I.), 530. FAR AE + 
Pougnet (J.), 65. \ A 

Pozerski (E.), 129. \2 ï 
Pozzi, 98. À PR TE 
Prenant (A.), 41 à De Lo 
Prillieux (Ed.), 626. #3 
Prins (Mile Ada), 492. SE 


Procopiu (St.), 658. 

Przesmycky (A. M.), 162, 289. 
Pugliese (A.), G12 à G1%. 
Puiseux (P.), 188, 10% à 412 


740 


TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS 


EE — —— ——]—]_]_] ——————]—]——— | 


Pye (R.), 451, 
Pyman (H. L.), 


Q 
Quénu (E.), 98. 


R 


Rabaud (Et.), 161, 382. 

Ramond (F.), 161. 

Rance (Albert), 62. 

Rankine (O.), 228. 

Ranse (de), 65. 

Raphaël (Mile A.\, 593. 

Raveau (G.), 120, 692. 

Raveret-Wattel (C.), 189. 

Raverot (E.), 448, 

Ray (P.-Ch.), 67. 

Rayner (E.-H.), 195, 387. 

Rebière (G.}, 289. 

Régamey (hR.), 34. 

Regaud (CI.), 594. 

Regelsperger (Gustave',37,138,33 1 
à 339, 351, 426, 625. 

Reinders (W.), 324, 627. 

Rémond, 226. 

Renaud (J.), 630. 

Retterer (Ed.), 65, 98, 354, 385, 450, 531, 
627, 659, 692 1723. 

Reverchon IL.) 149 à 154. 

Révii (Joseph), 62, 306 à 31%. 

Rhead (A.-V.), 36. 

Rice (F.-O.), 131. 

Richardson (H.), 451. 

Richardson (S.-W.), 

RicLe (Mille V.), 627. 

Richet (Ch.), 561, 

Richet fils (Ch.), 595. 

Rivier, 128. 

Rivière (G.), 627, 

Robin (Albert), 35. 

Robinson (Mile G.-M.', 68 

Rocha (A. d'Almeida), 354. 

Rodhain (J.), 562. 

Rodiet (A.), 530, 

Roger (H.), 288. 

Romburgh (P. van), 388, 596. 

Ronchise, 192. 

Rosenblith (D'), 595. 

Rostaing (Marcel), 33 

Rothé (E.), 349. 

Rothschild (M.-A.), 259. 

Roubaud (E.), 227, 384, 562, 

Rouchelmann (Mlle N.). 384, 594. 

Roule (Louis), 69, 160, 189, 490, 658. 

Roussel (L.), 659. 

Roussy (G.,,258 35%. 

Routier (D.), 450. 

Rowett(F.-E.), 290. 

Rule (Al.:, 100. 

Russell (A.), 163. 

Rutherford (Ern.), 

Rynberk (G. van), 324. 


S 


Sacquépée (E.), s 90, 659, 

Sageret (Jules), 155. 

Suillard (Em.), 1. 

Sainton (Paul), es 

Salet, 384. 

Salimbeni, 65. 

Salkind {J.), 491. 

Salomonson (J.-K.-A. Wertheim), 387. 
Saltmarsh (Mlle M.;, 356. 

Sandberg (C.-G.-S.), 596. 

Saphores (J.), 689. 

Sarrailhé (A.), 595. 

Sartory (A.), 160, 192. 

Sauvage au (C.), 257. 
Savigni (Mme Th.), 354 

Savigni (E.), 354 

Schäer, 98. 

Scheffer (F.-E.-C.), 324, 388, 628. 
Schiller (J.), 385, 531. 


285, 563. 


498 à 504. 


! Schoeller {(W.-R.), 100. 

Schreinemakers (F.-A.-H.), 356, 
596, 627. 

Schurr (J.), 227. 

Scott (E.-K.), 164. 

Séguin (P.), 627. 

Sélys-Longchamps (M. de), 320. 

Sémichon (L.), 320. 

Sergent (Edm.), 659. 

Seurat (L.-G.), 34. 

Seyewetz (A.), 253. 

Shaw (P.-E.), 260. 

Siertsema (L.-H.), 564. 

Silberstein (L.), 194. 

Siméon (F.), 292. 

Simonin (P }, 226. 

Sitter { W. se) 491, 595. 

Sizes (G.), 721. 

Sjæstedt (Y.), S3 à 90. 

Skinner (S.), 563. 

Skossarewsky (M.), 34. 

Sluiter (C. H.), 388. 

Smid (Mlle E.-J.), 628. 

Smit (J.), 196. 

Smith (G.), 194. 

Smith (J. Russell), 381. 

Smith (S.-W.-J.),195. 

Smith (T.), 164. 

Smits (A.), 324, 388, 596, 628. 

Smull (J. LG )É 323. 

Sollier (P.), 418. 

ele (M.), 228. 

Souriau (Paul), 32. 

Spallanzani Πd 224. 

Sparre (de), 2 

Spek (Jac. van ee 492, 

Spencer (L.-J.), 624. 

Spillmann (L.), 160, 192. 

Squier (G.-0.), 532. 

Stassano (H.), 48. 

Steinhardt-Harde (Mlle E.), 

Steven (A.-I.), 195. 

Stevens (H.-P.), 387. 

Stevenson (A.), L81 à 186. 

Stock (E.) , AG9 à 473, 627. 

Stok (Re van der), 195, 627, 628. 

Strutt 1R.-J.), 130, 355, 387. 

Stuart Menteath (P.-W.), 594. 

Swinton (A.-C.), 195. 

Swyngedauw (R.), 350. 


E 


Taranzano (Le P. Ch.), 599. 
Taylor (F.-W.), 223. 

Témoin, 129. 

Tetrode (H.), 492. 

Thoinot, 321. 

Thompson (S.-E.), 225. 
Thompson (S.-P.), 195, 285, 356. 
Thompson (W.-R.), 98, 22/77. 
Thomson (Sir J.-J.), 532. 
Thorpe (Sir Edward), 558. 
Tifeneau (M.), 34, 67, 97, 489. 
Tilaous, 98. 
Tissot (J.), 562. 
Tixier (L.), 385. 
Tizzoni (G.), 256, 
Toch (M.), 452. 
Topley {W.-C.), 194. 


h49, 


Torresy Quevedo (L.), 601 à611. 


Towers (A.-E.), 291. 

Trémolières (F.), 659, 

Trignart (A.), 62. 

Trillat (A.), : 198. 

Troisie, (J,), 450, 723. 
Trouard-Riolle (Mile Yvonne), 488, 
Trouessart (E.), 528. 

Trudelle (V.), 126. 

Tschernjaeff (L.), 3 

Tschugaeff (L.), 149, 691, 721. 
Tucker (W,-S.), 355. 
Tufher (Th.), #18, 562, 
Turner (J.), 420. 
Turner (W.-E.-S.), 444 


227. 


Turpain (A.), 2 


595, 659. 


499, 


Tutton (A.-E.-H.), 563. 
Tyrer (D.), 67. 
U 
Uven (J. van), 195. 
V 

Vaillant (E.), 
Vaillant (P.), 5 
Vallée, 192. 
Vallier (E.), 297 à 299. 
Vallot (J.), 287, 530. 
Vaquez (H.), 257. 
Vasseur (Gaston), 626. 
Vasticar (E.), 490, 722, 
Vayssiere (P ), 51 à 60, 
Vennin (L.), 189. 
Vermeulen (H.-A.), 388. 
Véronnet (Alex.), 187. 
Vézien (L.), 690. 
Vichniak (J.), 300 à 305. 
Vidal (E.), 449. 
Ville (J.), 450. 
Vincent (H.), 225, 287, 531, 560. 
Violle (H.), 450. 
Vithers (J.-Ch.), 99. 
Vogt (E.), 224. 
Voigt (W. 627. 
Vries (Jan de), 

627. 
Vuillemin (P.), 560, 561, 


wW 


Walker (G.), 162. 
Wallerant (F.), 658. 
Wallich (V.), 529. 
Walpole (G.-S.), 163. 
Weill-Hallé (B.}, 33,128, 
Weill-Hallé (E. h ae 
Walton (A.-J.) 

Weber sheet Re 
Wesune (R.-A.), 492. 
Weinberg (M.), 35, 191, 416, 627. 
Weismann (R.),491. 

Weiss (P.), 628. 

Weissenbach (R.-J.), 692. 
Weizmann (Ch.), 100. 

Welsch (J. ), 594. 

Welter (E.), 562. 

Weusink (Mlle D.-W.}), 358. 
Werner (E.-A.), 100. 

Wheeler (R.-V.), 68. 

Wichmann (A.), 196, 628. 
Widal(F.), 257, 531. 

Wildeboer (N.), 195. 

Willem (Victor), 293, 339 à 543. 
Williams (Adolfo T.), 590. 

Wilson (E.), 420. 

Winkler (C.), 387. 

Wiszniewska (Mlle J.), 721 
Wladimiroff (N.), 449. 

Wolff (J.), . 594. 

Wolff (L.-K.), 196. 

Wolff (S.), 492, 596. 

Wollman (E.), 354. 

Woltjer Jr. (J.), 596. 

Wood (A.-B }), ÈS 

Woodcock {H.-M.), 131. 

Woude (W. van sis 564, 


Y 


387, 388, 491, 564, 595, 


562, 658. 


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12 


ET 


Yamanouchi, 39. 
Yates (H.-J.), 291. 


Z 


Zeeman (P.),196, 627, 628, 658. 

Zernike (F.), 323, 356. 

Ziller, 489. 

Æolla (D.) 
2s0. 

Zunz (Ed), 35, 531, 532. 

Zwaardemaker (H.), 596. 


116 à 125, 258 à 


Sens, — Imp. Levr, 


1, rue de la Bertauche. 


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