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Full text of "Revue hispanique; recueil consacré à l'étude des langues, des littératures et de l'histoire des pays castillans, catalans, et portugais"

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REVUE    HISPANIQUE 


MAÇON,     l'ROTAT     lUÉKI'.S,  IMPRIMEURS. 


REVUE 
HISPANIQUE 

Recueil  consacre  à  V étude  des  langues,  des  littêraiures  et  de  l'histoire 
des  pays  castillans,  catalans  et  portugais 

PUBLIÉ    PAR 

R.     Foulché-Delbosc 


PREMIÈRE    ANNÉE 
1894 


PARIS 

ALPHONSE   PICARD  ET   FILS,    ÉDITEURS 

Libraires   des   Archives  nationales  et  de  la   Société   de    l'Ecole    des  Chartes 

82,  Rue  Bonaparte,  82 

1894 


Ko' 

6.1 


LES    LANGUES     LITTÉRAIRES 
DE  L'ESPAGNE  ET  DU  PORTUGAL 


Des  trois  langues  littéraires  qui,  avec  leurs  dialectes  et  leurs 
variétés,  se  partagent,  à  l'exclusion  du  basque,  la  Péninsule  hispa- 
nique depuis  dix  siècles,  le  castillan  et  le  portugais  sont  devenus, 
sous  des  formes  spéciales,  les  idiomes  officiels  de  deux  nations 
qui  ont  joué  un  grand  rôle  dans  l'histoire  au  commencement  de 
l'âge  moderne;  la  troisième,  le  catalan,  subit  le  même  sort  que 
sa  sœur  jumelle  en  France  :  elle  a  été  sacrifiée  à  son  émule,  le  cas- 
tillan, comme  celle-là  le  fut  à  la  langue  d'oïl;  et  quoique  tou- 
jours plus  ou  moins  cultivée  dans  un  but  purement  artistique, 
elle  a  eu  son  expansion  naturelle  arrêtée,  tandis  que  ses  deux 
rivales  se  répandaient  au  dehors,  spécialement  dans  le  Nouveau- 
Monde,  où  elles  ont  toute  chance  de  progresser  et  de  se  créer  un 
champ  d'action  de  plus  en  plus  vaste,  le  castillan  surtout.  Celui- 
ci  aurait  de  même  éclipsé  sans  doute  le  portugais,  si  le  Portugal 
n'avait  pas  recouvré  en  1640  l'indépendance  politique  qu'il  avait 
perdue  en  1580  par  son  union  avec  l'Espagne. 

Toutes  trois  issues  du  latin  vulgaire,  introduit  dans  la  pénin- 
sule occidentale  de  l'Europe  par  les  légions  et  les  colonies 
romaines,  et  modifié  au  contact  des  différents  langages  qui  y 
étaient  parlés,  ces  langues  possèdent  un  fonds  de  vocabulaire 
latin,  en  grande  partie  commun,  accru  par  des  subsides  d'ori- 
gines différentes,  germanique,  arabe  et  autres  qui,  pendant  le 
moyen  âge,  les  ont  enrichies  également  sans  en  altérer  le  type. 

Revue  hispanique.  I 


A.    R.    GOXÇALVES    VIANNA 


Plus  tard,  dès  le  XVe  siècle  surtout,  le  portugais  et  le  castillan,  par 
leur  épanchement  indépendant,  ont  obtenu,  chacun  pour  son 
lexique,  de  nouvelles  richesses  empruntées  aux  langues  des 
peuples  avec  lesquels  ils  se  sont  trouvés  en  contact;  et  ce  trésor 
de  nouveaux  vocables,  usités  principalement  dans  les  colonies  du 
Portugal  et  de  l'Espagne,  s'est  lui  aussi,  dans  une  certaine  mesure, 
généralisé  en  grande  partie  dans  leurs  domaines  européens. 

Les  influences  littéraires  et  scientifiques,  venues  d'abord  de  la 
Provence  et  de  l'Italie,  puis  surtout,  dès  le  XVIIIe  siècle,  de  la 
France,  influences  toujours  croissantes,  mais  qui,  de  nos  jours, 
ont  pris  un  développement  extraordinaire,  aidées  qu'elles  ont  été 
de  tout  temps  par  les  études  classiques,  ont  rempli  le  vocabu- 
laire de  ces  langues  de  nouveaux  termes,  et  les  ont  poussées, 
spécialement  les  deux  premières,  à  en  emprunter,  plus  ou  moins 
correctement,  un  grand  nombre  au  latin  et  au  grec.  Une  partie 
considérable  de  ces  vocables  nouveaux  sont  devenus  d'un  usage 
général,  maintes  fois  au  préjudice  du  génie  des  langues  hispa- 
niques. Leur  grammaire  même,  la  syntaxe  surtout,  mais  parfois 
aussi  la  morphologie,  a  été  légèrement  entamée,  principalement 
dans  le  langage  littéraire  et  dans  celui  de  la  conversation  des 
hautes  classes  des  villes,  particulièrement  des  deux  capitales 
Madrid  et  Lisbonne.  Cette  altération  et  ce  trouble  n'ont  heureu- 
sement envahi  que  très  légèrement  jusqu'à  ce  jour  le  langage 
populaire;  il  en  est  cependant  menacé  par  l'agent  puissant  qu'est 
la  presse  journalière  dont  la  propagation  s'est  augmentée  depuis 
une  vingtaine  d'années  au  delà  de  toute  prévision. 

Des  trois  idiomes  qui  font  le  sujet  de  cet  aperçu,  le  portugais 
est  celui  qui,  comme  langue  littéraire,  a  le  plus  souffert  de  ces 
influences  perturbatrices,  et  dans  une  proportion  telle  que,  de  nos 
jours,  il  est  peu  d'écrivains  qui  n'aient  subi  l'effet  de  ce  fade  cosmo- 
politisme et  ne  s'en  fassent  même  une  gloire,  non  seulement  par 
l'adoption  inutile  de  mots  français,  mais  aussi  par  l'emploi  d'une 
syntaxe  et  de  tournures  que  le  langage  populaire  méconnaît  et 
désavoue.  On  ne  doit  pas  s'en  étonner,  puisque  dans  les  hautes 


LANGUES  LITTERAIRES  DE  L  ESPAGNE  ET  DU   PORTUGAL  3 

classes  et  les  classes  moyennes  des  principales  villes  portugaises 
tout  le  monde  connaît  et  parle  plus  ou  moins  bien  le  français, 
la  littérature  française  y  étant  plus  répandue  que  la  précieuse 
littérature  nationale,  tant  ancienne  que  moderne.  Il  faut  cepen- 
dant reconnaître  que,  depuisune  dizaine  d'années,  surtout  sur  la 
scène,  il  s'est  heureusement  produit  une  réaction  salutaire  contre 
l'invasion  outrée,  sous  la  forme  de  mauvaises  traductions,  des 
comédies  et  des  drames  français,  et  que  le  théâtre  franchement 
portugais  y  est  maintenant  le  plus  goûté.  On  doit  avouer  aussi 
que  les  éditions  des  bons  auteurs  de  ce  siècle  se  multiplient 
chaque  jour,  ce  qui  prouve  que  la  littérature  nationale  est  tou- 
jours estimée. 

Si  de  ces  éléments  du  langage  —  lexique,  morphologie,  syn- 
taxe —  nous  passons  à  celui  dont  l'action  est  toujours  conco- 
mitante et  dominatrice,  et  qui,  quoique  inaperçue  du  plus  grand 
nombre,  n'en  est  pas  moins  persistante  et  efficace,  —  la  pho- 
nologie, —  nous  voyons  qu'elle  a  pris  en  castillan,  en  portugais 
et  en  catalan  des  développements  entièrement  indépendants  de 
toute  influence  étrangère.  Pour  les  deux  premières  de  ces  langues, 
ce  développement  s'est  produit  de  telle  façon  qu'elles  sont  deve- 
nues de  plus  en  plus  distinctes,  soit  dans  ce  qu'elles  ont  perdu, 
soit  dans  ce  qu'elles  ont  acquis  de  nouveaux  matériaux  et  de 
nouvelles  lois. 

Je  laisserai  de  côté  pour  le  moment  le  catalan,  dont  l'évolu- 
tion phonétique  paraît  être  moins  considérable  si  l'on  en  com- 
pare les  anciennes  formes  aux  formes  modernes,  toutes  dégui- 
sées qu'elles  soient  par  l'orthographe  traditionnelle  et  avec 
quelque  peu  d'évidence  qu'elles  se  présentent  à  un  étranger  qui, 
comme  moi,  n'ayant  pas  eu  le  loisir  d'habiter  le  pays,  ne  peut, 
faute  de  travaux  sûrs  dans  ce  domaine  si  important,  se  foire  une 
idée  très  nette  de  l'évolution  qui  a  dû  se  produire  là  comme 
ailleurs.  Je  remets  donc  à  plus  tard  de  dresser  l'inventaire  des 
faits  caractéristiques  se  rapportant  à  l'évolution  phonétique  du 
catalan,   et   je   vais  jeter  un  coup  d'œil  plus  attentif,  quoique 


A.    R.    GONÇALVES    VIAXXA 


rapide,  sur  la  phonologie  des  deux  idiomes  officiels  de  la  pénin- 
sule. 

Un  fait  est  évident.  Plus  on  descend  dans  le  passé,  plus  le 
matériel  phonétique  des  deux  langues  se  ressemble.  Cette  res- 
semblance, toutefois,  n'est  pas  si  grande  qu'elle  puisse  justifier 
l'hypothèse  d'une  langue  commune,  d'une  phase  romane  his- 
pano-portugaise, dont  les  deux  idiomes  seraient  issus.  En  effet, 
la  ressemblance  que  nous  pouvons  constater  se  retrouve  surtout 
dans  le  système  des  consonnes,  celui  des  voyelles  se  présentant 
à  nous  toujours  distinct,  aussi  loin  que  nous  puissions  remonter. 

L'orthographe,  variable  et  individuelle  avant  l'introduction 
des  livres  imprimés,  était  sous  la  plume  des  scribes  du  moyen 
âge,  on  le  reconnaît  aujourd'hui,  basée  sur  la  représentation,  plus 
ou  moins  fidèle,  des  sons  du  langage  parlé,  troublée  quelquefois, 
il  est  vrai,  par  des  velléités  étymologiques  dues  à  l'usage  du  latin 
comme  langue  écrite.  Vers  la  fin  du  siècle  dernier,  l'Académie 
espagnole  a  très  judicieusement  proscrit  l'étvmologie  à  outrance 
comme  régulatrice  suprême  de  l'écriture,  tandis  que  l'influence 
de  l'orthographe  française  et  le  désir  de  faire  des  savants  et  des 
littérateurs  une  classe  à  part  dans  la  société  portugaise  amenaient 
la  nouvelle  Académie  de  Lisbonne  à  suivre  la  route  opposée, 
c'est-à-dire  à  perpétuer  et  à  ériger  en  principe,  en  en  tirant 
toutes  les  conséquences  extrêmes,  une  tradition  pédantesque 
de  l'orthographe  étvmologique  qui  s'était  lentement  propagée 
dans  la  langue  écrite,  depuis  l'introduction  de  l'imprimerie  en 
Portugal,  et  y  avait  exercé,  aussi  bien  qu'en  Espagne,  une  action 
prépondérante  dont  l'Académie  de  Madrid  sut  se  débarrasser  à 
temps.  En  effet,  quoique,  en  Amérique,  on  travaille  toujours  à 
l'amélioration  de  l'orthographe  espagnole,  et  bien  qu'elle  soit 
susceptible  de  quelques  perfectionnements,  on  peut  avec  raison 
la  classer  parmi  celles  qui  sont  réglées  par  la  prononciation  :  à  ce 
point  de  vue  elle  est,  parmi  les  langues  romanes,  à  peine  infé- 
rieure à  l'italienne,  sur  laquelle  cependant  elle  a  l'avantage  d'un 
tème  plus   parfait    d'accentuation   graphique.  On  doit  seule- 


LANGUES   LITTÉRAIRES  DE  L'ESPAGNE  ET  DU   PORTUGAL  5 

ment  regretter'  que  l'Académie  espagnole  n'ait  pas,  lors  de  là 
réforme,  cherché  à  mettre  un  peu  plus  d'accord  l'alphabet  espa- 
gnol avec  la  valeur  que  certaines  lettres  de  l'alphabet  romain 
avaient  acquise  dans  les  différents  idiomes  qui  s'en  servent,  et 
qu'elle  n'ait  pas  eu  plus  d'égards  pour  l'histoire  du  développe- 
ment de  cet  alphabet  dans  le  castillan  même.  Cette  circonstance 
fâcheuse  devient  plus  importante  lorsqu'on  prête  à  d'anciens 
textes  les  traits  de  cette  orthographe  réformée,  faussant  ainsi 
l'expression  phonétique  en  même  temps  que  l'écriture  de  ces 
documents.  Si  l'Académie,  par  exemple,  avait  adopté  le  x  de 
préférence  au  ;  pour  la  nouvelle  gutturale  qui  s'était  produite 
en  castillan,  et  le  ç  au  lieu  du  ~  pour  la  linguale,  elle  ne  se  serait 
pas  mise  en  opposition  avec  l'orthographe  portugaise,  catalane 
et  française,  et  en  même  temps  avec  sou  ancienne  orthographe. 

L'orthographe  portugaise,  de  son  côté,  n'a  fait  récemment 
qu'accroître  ses  difficultés,  et  l'on  ne  peut  raisonnablement  savoir 
gré  aux  grands  écrivains  de  la  renaissance  portugaise  dans  ce 
siècle  de  ne  s'être  pas  délivrés  de  cette  incommode  façon 
d'écrire  les  mots  les  plus  usuels  du  vocabulaire,  lourdement 
chargés  de  lettres  inutiles  et  qui  n'ont  jamais  eu  aucune  valeur 
dans  la  langue  prononcée.  Ils  n'ont  même  fait  qu'augmenter  le 
mal,  et  quelques  efforts  isolés  qui,  courageusement,  ont  voulu 
mettre  un  terme  à  ces  orthographes  déréglées  et  aristocratiques, 
n'ont,  hélas,  pas  eu  de  succès. 

L'orthographe  catalane  aurait  certainement  gagné,  elle  aussi, 
à  se  rapprocher  un  peu  plus  de  celle  de  sa  rivale,  qu'elle  n'a 
imité,  on  peut  le  dire,  qu'à  son  désavantage.  C'est  ainsi  qu'elle 
aurait  dû  bannir  certaines  particularités  traditionnelles  ou  capri- 
cieuses qui  la  mettent  en  désaccord  avec  l'orthographe  acadé- 
mique, telles  que  //  pour  /  +  /  et  /  palatal,  ny  pour  n,  ch  final 
pour  c  (==k),  tandis  que  l'explosive  palatale  affriquée,  repré- 
sentée en  castillan  par  ch,  y  est  figurée  par  tx,  ig,  etc.,  ou  plutôt 
n'a  pas  de  représentation  fixe.  D'un  autre  côté,  son  imitation 
servile  d'autres  traits  de  l'orthographe  académique  y  nuit,  parait- 


A.    R.    GONÇALVES    VIAXXA 


il,  à  la  représentation  fidèle  de  certains  accidents  phonologiques, 
tels  que  la  prononciation  double  des  explosives  qui,  à  en  croire 
quelques  grammairiens  ',  s'y  est  maintenue  jusqu'à  nos  jours. 

Le  système  de  consonnes  des  trois  langues  littéraires  de  la 
Péninsule  hispanique  est  actuellement  le  suivant,  en  omettant 
plusieurs  phonèmes,  qui  ne  se  trouvent  que  dans  quelques 
dialectes  : 

Consonnes  Sourdes  Sonores  Nasales 

Pharyngiennes  —     /; 

Vélaires  —     x 

Postéro-palatales  k  —  S  S  —  ^ 

Antéro-palatales  c  x  g  j  y  l  n 

Cacuminales  —     se  —  —  £  r  f 

Alvéolaires  t       s  —  d  â  ^  $  n 

Labio-dentales  —  /  —  v  — 

Bi-labiales  p  —  b  %  w  m 

Le  système  des  voyelles  y  est  : 

à 

—  à  a 

—     a     — 

è    e    —     —  ô 

i  —  —  —  u 

Dans  ces  deux  tableaux  je  me  suis  servi  de  signes  diacritiques 
arbitraires,   conservant,  autant   que   possible,   les    lettres   elles- 


i.  Rofarull  y  D.  A.  Blanch,  Gramàtica  de  la  lengua  catalana,  pp.  94-96. 
Barcclona,  1867. 


LANGUES  LITTÉRAIRES  DE  L  ESPAGNE  ET  DU   PORTUGAL  7 

mêmes.  Voici  la  valeur  des  caractères  dont  la  signification  pour- 
rait offrir  quelque  doute. 

.y  :  fricative  gutturale  sourde,  très  profonde,  représentée  en  cas- 
tillan par  j. 

c  :  ch  castillan  ou  anglais,  à  peu  près  tch  français. 

x  :  ch  français,  mais  un  peu  plus  palatal,  le  x  portugais,  asturien, 
galicien  et  catalan. 

g  :  j  anglais,  à  peu  près  dj  français. 

/  :  //  castillan  et  catalan,  Ih  portugais,  ill  du  français  du  Sud. 

/'/  :  h  castillan,  ny  catalan,  nh  portugais,  gn  français. 

ç  :  ~  castillan,  à  peu  près  //;  anglais  de  thanh. 

s,  ~  :  s  et  %  prononcés  avec  le  bout  de  la  langue  contre  la  partie 
la  plus  bombée  des  gencives,  presque  s  +  ch  et  ~  -j-/. 

r  :  r  prononcé  très  faiblement  du  bout  de  la  langue. 

f  :  r  prononcé  du  bout  de  la  langue,  mais  fortement  roulé. 

/  :  /  gutturalisé,  ressemblant  un  peu  à  ou  français,  f  polonais. 
Il  se  trouve  en  portugais  lorsque  le  /  forme  une  syllabe 
avec  la  voyelle  précédente. 

n  :  n  guttural,  prononcé  sur  le  même  point  que  k,  ng  anglais, 
c'est-à-dire  un  ;/  prononcé  avec  le  dos  de  la  langue  contre 
la  limite  postérieure  du  palais  dur. 

g,  d,t>  :  g,  d,  b  fricatifs,  à  peu  près^  allemand  de  tage,  th  anglais 
de  then,  iv  dialectal  allemand  de  wind;  les  sons  péninsu- 
laires, cependant,  ne  sont  pas  aussi  ouverts,  c'est-à-dire 
se  rapprochent  davantage  des  explosives  £,  d,  b. 

à  :  moyen  entre  a  et  d  français  de  patte  et  pâte. 

a  :  a  français  de  pdte\  il  se  trouve  en  portugais  devant  /  et  dans 
la  diphtongue  au. 

à  :  a  de  patte  légèrement  assourdi. 

a  :  a  anglais  de  arise,  presque  eu  fr.  très  ouvert. 

e  :  e  français  de  le. 

i  :  son  très  faible,  rappelant  le  y  polonais,  la  voyelle  repré- 
sentée par  l'apostrophe  dans  le  mot  cl)  val  pour  cheval. 

è,  d  :  à  peu  près  e,  o  ouverts  du  français  fer,  sort,  moins  pro- 
longés cependant. 


A.    R.    GONÇALVES    VIANNA 


è,  ô  :  e,  o  moyens. 

C,  ç  :  c,  o  fermés. 

/  :  i  de  l'anglais  bid,  entre  é  et  i  français. 

ï,  il  :  demi-voyelles  du  français  païen,  oui. 

i  :  i  français  très  bref. 

u  :  ou  français;  g,  ou  français  très  bref. 

Les  autres  lettres  ont  à  peu  près  le  même  son  qu'en  français; 
il  faut  néanmoins  se  rappeler  que  la  prononciation  des  consonnes 
n'est  pas  aussi  énergique,  et  que  la  distinction  de  quantité  dans 
les  voyelles  est  beaucoup  moins  sensible  que  dans  la  prononcia- 
tion française,  surtout  celle  du  Nord.  La  seule  exception  est  le  r 
initial  ou  double  (rr),  qui  est  toujours  fortement  roulé,  toute 
confusion  entre  r  médial  et  rr  étant  par  là  impossible.  Dans 
toutes  les  langues  de  la  péninsule,  y  compris  les  dialectes 
basques,  r  est  toujours  différent  de  r. 

De  ces  phonèmes  le  castillan  possède  aujourd'hui  : 
â,  ù,  i,  ô,  u;  i,  ù,  représentés  par  a,  e,  i,  o,  u;  i,  u. 
x;  h,  g,  g,  h;  c,  y,  /,  //;  /,  d,  d,  c,  s  (ou  s),  /,  r,  f,  n;f;  p, 
b,  t>,  iv,  m,  représentés  par  j  g;  c  qu,  g  gu,  n;  ch,  y,  //,  f/  ;  /,  d, 
~  c,  s,  1  r,  rr,  n;  j;  p,  b  v,  ha,  m. 

Le  portugais,  de  son  côté,  en  possède  les  suivants  : 
à,  a,  (i,  è,  (  i,  i,  i,  /,  ô,  o,  o,  u,  1,  ù,  représentés  par  â,  â  c, 
é,  c,  i,  e,  ô,  ô,  u  ;  i,  e,  o,  u  ;  h,  g,  g,  H;  x,  j,  l,  n;  t,  d,  d,  s,  ^,  l, 
/,  r,  r,  n;  f,  v,  p,  b,  b,  m,  représentés  par  c  qu,  g  gu,  n;  x  ch, 
jg,  Ih,  nh;  t,  d,  s,  %,  l,  r,  rr,  n;f,  v;  p,  b,  m. 

L'orthographe  portugaise  étant  étymologique,  plusieurs  de  ces 
phonèmes  v  sont  représentés  autrement  que  dans  ce  tableau. 
En  castillan,  aussi  bien  qu'en  portugais,  g  d  b  sont  des  variétés 
de  g  d  b,  en  général  entre  deux  voyelles,  qui  peuvent  être  rem- 
placées par  ces  explosives  sans  que  les  mots  s'en  trouvent  déna- 
turés, les  individus  qui  parlent  ces  langues  spontanément  n'ayant 
pas  conscience  de  cette  distinction,  toute  physiologique.  Il  en  est 
de  même  de  la  nasale  n,  qui  ne  se  trouve  que  devant  J:  g  (et 
aussi  devant  .y  en  castillan).  Parmi  les  voyelles,  /  et   //,  c'est-à- 


LANGUES   LITTÉRAIRES  DE  l' ESPAGNE  ET  DU  PORTUGAL 


dire  les  deux  demi-voyelles  palatale  et  labiale  sont  aussi  regardés 
comme  i,  u  très  faibles,  assyllabiques. 

Par  son  système  de  voyelles  et  de  consonnes,  le  catalan  se 
rapproche  beaucoup  plus  du  portugais  que  du  castillan  moderne, 
surtout  si  l'on  compare  son  système  de  consonnes  à  relui  du  dia- 
lecte portugais  de  Trds-os-Montes,  que  je  vais  mettre  sous  les 
yeux  du  lecteur,  parce  que,  plus  que  tout  autre,  il  reproduit 
l'ancien  système  commun  aux  trois  langues. 

Système  transmontain  Système  catalan 

Postéro-palatales  :  k  g  H  k  g  H 

Antéro-palatales  :    c — ù  x      /  c  g  n  x  l 

Apicales  :                 t  à  n  s  s  su  l  i  r  f  t  an  s      ~  1  r  f 

Labio-dentales  :                 /  f 

Bi-labiales  :             p  b  m  p  b  m 

Parmi  ces  consonnes,  le  catalan  représente  dans  son  ortho- 
graphe usuelle  h  par  c,  cb,  qu;  g  par  g,  gît  ;  n  par  u  ;  c  par  tx, 

in  s  Par  tg;  i  par  W;  «  par  *y  >  x  Par  x- 

Dans  le  dialecte  portugais  de  Trâs-os-Montcs,  ch  représente 
c;  s,  s  et  %;  ç,  s;  ^,  %;  toutes  les  autres  consonnes  y  sont  repré- 
sentées comme  dans  le  portugais  littéraire. 

D'un  autre  côté,  le  système  vocalique  du  catalan  ressemble  au 
portugais  en  ce  qu'il  distingue  nettement  e  et  o  fermés  de  e  et  o 
ouverts,  et  aussi  parce  qu'il  admet  une  voyelle  sourde  ou  neutre 
£,  qui  y  répond  aux  deux  voyelles  portugaises  i  et  a  (des  mots  me, 
para),  et  qui  paraît  avoir  un  son  un  peu  moins  ouvert  que  Va 
portugais,  c'est-à-dire  plus  près  de  œ  ou  eu  ouvert  français  de  seul, 
tantôt  représenté  par  a,  tantôt  par  e,  atones.  Va  catalan  tonique 
paraît  être,  lui  aussi,  plutôt  Yà  portugais  que  l'a  castillan,  que 
nous  retrouvons  en  portugais  dans  quelques  parlers  du  Minho, 
aussi  bien  qu'en  Galice.  Une  autre  conformité  entre  la  phoné- 
tique portugaise,  galicienne  et  asturienne  et  la  phonétique  cata- 
lane, constatée  par  Mild  y  Fontanals,  c'est  l'obscurcissement  en  u 
(ou  français)  de  Yo  atone,  que  l'on  retrouve  aussi  en  provençal 


10  A.    R.    GONÇALVES    VTANNA 

moderne  avant  la  tonique,  mais  qui,  dans  ces  autres  langues 
embrasse  la  presque  totalité  des  o  atones,  exception  faite  des  dia- 
lectes brésiliens  du  portugais,  et  de  certains  parlers  de  la  Galice. 
En  catalan  toutefois,  cette  particularité  paraît  ne  pas  être  géné- 
rale. Je  représente  par  o  cet  o  atone,  identique  à  u  très  bref. 

J'ai  dit  que  les  phonétiques  du  castillan  et  du  portugais,  diffé- 
rentes dans  leur  phase  moderne,  se  ressemblaient  à  un  tel  point 
dans  leur  phase  ancienne  qu'on  pourrait  les  considérer  comme 
identiques  en  ce  qui  concerne  leur  système  de  consonnes.  En 
effet,  par  la  description  de  ces  consonnes  faite  par  les  grammai- 
riens des  deux  nations  depuis  le  XVIe  siècle  jusqu'aux  premières 
années  du  siècle  dernier,  aussi  bien  que  par  les  traits  de  la 
phonétique  espagnole,  que  nous  révèlent  d'abord  la  littérature 
aljamiada  et  la  transcription  des  écrivains  arabes,  puis  les  deux 
curieux  ouvrages  de  Pedro  de  Alcalà r,  on  constate  en  castillan 
l'existence  des  fricatives  sonores  £,  %,  /  (ou  g=dj),  lesquelles 
ne  se  sont  assourdies  que  plus  tard,  ainsi  que  celle  de  la  fricative 
x.  On  y  constate  également  l'absence  de  la  fricative  gutturale 
sourde  .y  (/  d'après  l'orthographe  actuelle),  dont  la  valeur  a, 
plus  tard,  aussi  remplacé  à  elle  seule  les  deux  fricatives  pala- 
tales sourde  et  sonore,  .v,  j. 

On  en  peut  dire  autant  de  l'apicale  ç  (;(,  ce,  ri  de  l'orthographe 
moderne),  car  le  ç  de  l'ancienne  orthographe  y  était  probable- 
ment identique  au  ç  portugais,  c'est-à-dire  d'abord  à  Is,  puis,  par 
l'absorption  du  /,  à  s  (s  français  à  peu  près2).  D'un  autre  côté, 
le  portugais  du  Sud  a  dû,  comme  celui  du  Nord,  posséder  jus- 
qu'au xvinc  siècle  les  consonnes  s  (différente  de  ç)  et  ~  (différente 


i.  Vocabulista  aràbigo  en  letra  castellana,  et  Arte  para  aprender  ligeramente  la 
hfigita  aràbiga. 

2.  On  sait  que  le  nouveau  phonème  r  acquis  au  castillan  a  non  seulement 
remplacé  l'ancien  Ç  =  S  dans  la  nouvelle  Castille,  mais  aussi,  dans  la  vieille 
Castille  et  dans  une  partie  de  l 'Aragon,  le  d  final,  égal  à  et  ou  nul  ailleurs,  des 
mots  tels  que  Cid,  salud,  tisted  v  étant  prononcés  çiç,  sctlnç,  iislcr.  C'est  là 
encore  l'assourdissement  d'une  ancienne  fricative  sonore,  comparable  à  celui  de 
S  pour  £ 


LANGUES  LITTERAIRES  DE  L  ESPAGNE  ET  DU  PORTUGAL  I  I 

de  %),  comme  c'est  le  cas  encore  aujourd'hui  dans  les  parlers 
populaires  de  Tras-os-Montes  et  d'une  partie  du  Minho.  Les 
études  sur  ces  dialectes  publiées  jusqu'ici,  principalement  dans  la 
Revista  Lusitana,  l'ont  mis  clairement  en  évidence.  Il  en  est  de 
même  en  ce  qui  concerne  le  ch  =  c  =  l\.  La  seule  consonne  qui 
faisait  une  distinction  entre  le  système  portugais  et  le  système 
castillan  était  donc  le  /;  qui,  comme  on  le  sait,  y  a  remplacé  le 
/initial  roman  et  primitif,  aussi  bien  que  celui  qui  tenait  lieu 

des  fricatives  gutturales  verae  arabes  — -  r,  du  ^ 9  ou  /,  dans 

les  mots  empruntés  à  cette  langue,  tant  à  l'initiale  qu'à  la 
médiale.  Ce  /;,  prononcé  d'abord  dans  tout  le  domaine  castillan, 
a  fini  par  devenir  nul,  exception  faite  de  l'Andalousie,  où  il  se 
maintient  sous  la  forme  .y  ou  quelque  chose  d'approchant  ', 
faisant  concurrence  au  /. 

Par  rapport  au  portugais  du  Sud,  on  pourrait  ajouter  un  trait 
caractéristique,  la  distinction  entre  b  et  v,  qui  le  séparerait  de 
celui  du  Nord  aussi  bien  que  du  castillan,  s'il  était  parfaitement 
avéré  que,  du  moins  pour  le  Sud  de  l'Espagne,  la  confusion, 
actuellement  générale,  de  ces  deux  consonnes  s'était  déjà  pro- 
duite, car  la  distinction  entre  b  et  b  n'a  rien  à  voir  avec  cette 
confusion,  que  l'on  constate  aussi  partout  dans  le  Nord  du  Portu- 
gal et  en  Galice,  et  qui  pourrait  bien  être  un  trait  de  la  phoné- 
tique péninsulaire  d'une  grande  ancienneté,  puisqu'on  le  retrouve 
aussi  en  basque. 

On  ne  saurait  néanmoins  regarder  comme  un  trait  castillan  le  y, 
c'est-à-dire  la  fricative  médio-palatale  sonore  qu'il  possède,  et  qui, 
en  portugais,  est  remplacé  par  î,  car  la  prononciation  du  y  varie 
d'un  dialecte  à  l'autre  depuis  l'Andalousie  jusqu'à  l'Aragon  et  la 
Vieille  Castille,  tandis  que,  en  Portugal,  on  ne  retrouve  cette 
fricative  que  dans  le  mirandais,  et  peut-être  aussi  dans  les  deux 
autres  langues  de  la  frontière,  le  riodonorês  et  le  guadnviiilcs,  dont 
le  domaine  est  borné  à  deux  petits  villages,  à  ce  qu'il  paraît. 

1.  Là,  comme  le^  en  Galice,  /;  et;  ont  la  valeur  du  /;  polonais.  V.  plus  loin. 


12  A.    R.    GONÇALVES   VIANNA 

Nous  avons  vu  que  le  système  des  vo}'elles  était  différent  dans 
les  deux  langues.  Outre  les  distinctions  que  nous  avons  déjà 
signalées,  il  y  en  a  encore  une  qui  rapproche  d'une  manière 
étrange  le  système  de  vovelles  du  portugais  de  celui  du  français  : 
c'est  l'existence  des  vovelles  nasales  qui,  du  Nord  au  Sud,  y  sont 
de  plus  en  plus  faibles.  En  France  aussi,  la  nasalité  n'en  est  point 
partout  la  même. 

Les  vovelles  nasales  portugaises,  si  l'on  y  comprenait  celles  qui 
se  retrouvent  dans  les  dialectes  du  Nord,  et  qui  probablement 
faisaient  partie  de  son  svstème  primitif,  seraient  des  plus  nom- 
breuses :  à,  à,  c,  < ,  1,  ;,  ô,  o,  il,  neuf  en  tout. 

Ces  voyelles  nasales,  dans  les  dialectes  du  Sud,  se  trouvent 
actuellement  réduites  aux  suivantes  :  à  (seulement  dans  les  crases 
de  a  -f-  à  atones),  à,  è,  1,  à,  il. 

Dans  la  prononciation  actuelle,  on  ne  les  rencontre  pures  que 
finales  ou  devant  des  fricatives  (.v,  ;',  s,  %,  f,  v)  ',  lorsqu'elles  sont 
suivies  d'une  consonne  explosive  (k,  g,  l,  d,  />,  />),  il  se  produit, 
entre  la  voyelle  nasale  et  la  consonne  explosive  une  consonne 
nasale  de  transition,  s'accommodant  à  l'organe  auquel  appartient 
cette  explosive,  an},  fini,  àiup,  par  exemple.  Dans  l'ancienne 
langue,  toutefois,  elles  se  retrouvaient  aussi  devant  une  consonne 
nasale  suivie  de  voyelle,  c'est-à-dire  appartenant  à  la  syllabe  sui- 
vante, âna,  ùfia,  àma,  par  exemple,  fait  bien  connu  en  ancien 
français. 

Comme  finales,  dans  les  dialectes  du  centre,  à,  1,  ù  sont  seules 
d'un  usage  plus  fréquent,  Ô,  l  v  étant  devenues  le  plus  souvent 
des  diphtongues  nasales  du,  ci  (écrites  ào,  eni).  Cette  diphtongai- 
son est  si  commune  qu'on  y  trouve  rarement  ô,  jamais  <\ 

Un  autre  trait  aussi  caractéristique  du  portugais  est  l'abondance 
de  diphtongues  orales,  et  la  présence  de  diphtongues  nasales. 
Nous  laisserons  de  coté  les  diphtongues  croissantes,  qui  n'y  sont 
pas  regardées  comme  de  vraies  diphtongues  et  qui,  en  grande 
partie,  sont  communes  aux  trois  langues,  quoique  ic,  ite,  si  régu- 
liers en  castillan  pour  r,  ô  haïs  latins,  soient  étrangers  au  portu- 


LANGUES  LITTERAIRES  DE  L  ESPAGNE   ET   DU   PORTUGAL  13 

Dans  cette  langue,  les  diphtongues  décroissantes  ont  pour 
voyelles  faibles  i  ou  û,  et  elles  sont  orales  ou  nasales.  Dans  le 
dernier  cas  les  deux  cléments  de  la  diphtongue  sont  des  voyelles 
nasales  ai,  âù,  par  exemple. 

Diphtongues  orales  : 

Subjonctive  i  :  ai,  al,  èi,  ci,  ôl,  oi',  ni. 
Subjonctive  ù  :  au,  èù,  eu,  où. 
Diphtongues  nasales  : 

Subjonctive  i  :  ai     êï,  Il     oi,  în. 

Subjonctive  ù  :  (au)  ait     (eii)     (ou). 

Les  diphtongues  âù,  eu,  dû  et  ii  ont  disparu  de  la  langue  litté- 
raire, et  ne  se  sont  conservées  que  dans  les  dialectes  du  Nord;  la 
diphtongue  iïi  est  aussi  très  rare.  Dans  la  plupart  des  parlers 
portugais,  y  compris  ceux  de  Lisbonne  et  de  Coïmbre  ci  et  ci  ont 
également  disparu  et  y  ont  été  remplacées  par  ai,  ai.  Il  en  est  de 
même  de  la  diphtongue  çù,  qui  est  devenue  g  dans  les  dialectes 
du  centre  par  l'absorption  de  17/.  Cette  diphtongue  devient  ou 
dans  les  parlers  de  Tras-os-Montes,  pour  se  réduire,  par  l'absorp- 
tion de  ù  à  g  dans  ceux  de  Beira  Baixa  et  dans  les  parlers  insu- 
laires1. La  diphtongue  àù  parait  n'avoir  jamais  appartenu  à  tous 
les  dialectes  du  portugais.  Dans  la  plupart  des  dialectes  ou  alterne 
avec  oi,  quelle  que  soit  d'ailleurs  son  origine.  Prenant  comme 
exemple  un  mot  assez  usuel,  voici  l'évolution  de  la  diphtongue  : 

Latin  au  ru  m,  roman  *  auro  :  Minho où 

Minho,  Douro  et  Beira-Alta     où 

Sud p,  oi 

Tras-os-Montes où 

Beira-Baixa,  Açores  et  Madère    Q 

De  la  sorte,  dans  le  portugais  littéraire,  ou  ne  se  distingue  plus 
de  Yo  fermé,  si  ce  n'est  que  celui-ci  devient,  comme  tous  les  0,  0 


1.  g,  c'est  le  ô  allemand  ouvert  de  hôlle.  La  diphtongue  ou  a,  dans  Tris-os- 
Montes,  la  prononciation  de  Vow  du  mot  knoiv  dans  l'anglais  du  Sud. 


I_|  A.    R.    GONÇALVES    VIANNA 

(u  =  ou  français)  en  devenant  atone,  tandis  que  la  diphtongue 
garde  le  son  de  o,  lors  même  qu'elle  cesse  d'appartenir  à  la 
syllabe  tonique.  Il  faut  toutefois  remarquer  que,  dans  la  pronon- 
ciation populaire  du  Sud,  cet  ou  atone  devient  à,  et  aussi  o  dans 
quelques  mots,  tels  que  apoquenlar,  que  l'orthographe  usuelle 
écrit  déjà  sans  Vu.  A  cette  unification  on  peut  comparer  celle  qui 
s'est  produite  dans  le  français  moderne  où  au  et  ô  sont  devenus 
tous  les  deux  g. 

Les  diphtongues  èi,  bl  à  leur  tour  ne  se  retrouvent  que  très 
rarement,  hors  le  cas  où  elles  sont  le  résultat  de  la  chute  de  / 
médial,  comme  dans  les  mots  painèis,  socs  (au  singulier  painel, 
sol),  cette  chute,  ainsi  que  celle  de  ;/  médial  avec  la  nasalisation 
très  fréquente  de  la  voyelle  précédente  étant,  comme  on  sait, 
deux  traits  caractéristiques  particuliers  au  portugais. 

Nous  avons  vu  plus  haut  que  l'un  des  traits  les  mieux  caracté- 
risés du  portugais,  du  moins  dans  sa  phase  moderne,  est  l'assour- 
dissement des  voyelles  atones,  qui  d'ailleurs  paraît  être  très 
ancien.  Outre  les  voyelles  atones  g,  i  et  g,  on  y  remarque  aussi 
un  i  très  bref,  i,  valeur  que  prend  tout  e  sourd  (/)  et  tout  i 
atone  devant  ou  après  les  consonnes  palatales  .y,  y,  /,  //,  s'il  n'est 
point  précédé  ou  suivi  de  r  ou  /,  et  devant  tout  s  palatal  (=.v,  /'), 
quelle  que  soit  l'autre  consonne  avec  laquelle  Ye  sourd  se  trouve 
en  contact;  ex.  :  mexer,  desejar,  engelhar,  engenhar,  prononcés, 
dans  le  Sud  surtout,  mixer,  dj^ijar,  ïji'lar,  ïjiiïar;  desdar,  Icslar, 
prononcés  ciijdar,  tixlar;  mais  gérai,  ehgcr,  prononcés  jircil, 
ilijcr.  Cet  i  est  chuchoté,  et  il  en  est  de  même  de  o  et  de  la 
diphtongue  croissante  /<>  à  la  fin  des  mots,  lorsqu'ils  se  trouvent 
en  contact  avec  des  consonnes  sourdes.  L7,  ou  e  sourd,  est 
supprimé  à  la  lin  des  mots  devant  un  repos,  s'il  est  précédé 
d'une  consonne  explosive  sourde  (k,  I,  p),  laquelle  devient  par 
là  aspirée;  elle  le  devient  également  lorsqu'elle  est  suivie  de  o, 
/o;  ex.  :  toco,  toque,  toque-o,  ate,  ato,  ate-o}  lape,  tapo,  tape-o,  pro- 
noncés tàkho,  tbkh,  lokl.uo,  lui),  àthç,  àthîo,  tàph,  làpho,  tàphîç. 

Une  autre  loi  non  moins  intéressante  est  celle  qui  règle  la  pro- 


LANGUES  LITTERAIRES  DE  L  ESPAGNE  ET  DU   PORTUGAL  I  5 

nonciation  de  17  d'une  série  de  syllabes  où  il  suit  toujours  la 
voyelle  :  dans  une  suite  de  ces  syllabes  atones,  lorsque  17  n'est 
pas  précédé  ou  suivi  d'une  consonne  palatale,  il  devient  i  dans 
toutes  ces  syllabes,  la  dernière  exceptée;  ainsi,  le  mot  dividir  se 
prononce  dividir,  privilégia  se  prononce  privilèjio.  Il  y  a  cependant 
des  exceptions.  Cet  assourdissement  de  17'  doit  être  très  ancien, 
car  il  se  trouve  représenté  par  e  dans  des  mots  appartenant  au 
fonds  primitif  de  la  langue,  veçinho,  menistro,  écrits  aujourd'hui 
vi^inho,  ministro,  mais  toujours  prononcés  vifinho,  ministro,  toute 
autre  prononciation  étant  pédantesque  et  inconnue  au  peuple, 
pour  lequel  elle  est  on  ne  peut  plus  ridicule.  L'assourdissement 
de  l'e  atone  a,  comme  conséquence  inévitable,  due  à  son  peu  de 
sonorité,  sa  chute  toutes  les  fois  qu'il  se  trouve  entre  deux  con- 
sonnes semblables,  ou  dont  la  différence  consiste  simplement  dans 
la  présence  ou  l'absence  de  la  voix  ;  les  deux  consonnes  qui,  par 
cette  chute,  se  trouvent  en  contact,  se  prononcent  alors  comme 
le  redoublement  de  la  deuxième,  surtout  d'un  mot  à  l'autre,  par 
exemple  :  aima  de  Deus,  passe-se,  qui  sont  prononcés  aima  ddefix , 
passi;  pede  fit,  prononcé  pèth't. 

Cette  assimilation,  dont  le  résultat  est  l'existence  de  consonnes 
redoublées  en  portugais,  y  doit  être  très  ancienne,  car  nous  voyons 
que,  pour  éviter  ce  redoublement,  on  a  eu  recours  dans  bien  des 
mots  à  un  changement  de  la  voyelle  atone,  le  plus  souvent  o  ou 
/  pour  i  :  sossegar  pour  sessegar,  et  des  formes  populaires  telles 
que  pipino,  didal,  pour  pepino,  dedal.  Quelquefois  aussi  on  a  évité- 
la  suppression  de  17  par  la  dissimilation  des  deux  consonnes 
semblables,  comme  dans  la  forme  populaire  Ce^ilia  pour  Cecilia. 
On  a  ainsi  évité  la  perte  de  la  syllabe  initiale,  car  ces  mots 
ne  pouvant  pas,  d'après  la  phonologie  de  la  langue,  com- 
mencer par  une  consonne  redoublée  sans  le  changement  de  la 
voyelle  atone,  ils  se  trouveraient  réduits  à  segar,  pi  no,  dal, 
Cilia.  En  effet,  si  la  contraction  ou  la  perte  de  syllabes  à  l'inté- 
rieur ou  à  la  fin  du  vocable  est  très  fréquente  en  portugais,  elle 
y  est,  pour  le  moins,  assez  rare  au  commencement.  Il  est  permis 


l6  A.    R.    GONÇALVES   VIANNA 

d'attribuer  la  même  origine  aux  formes  anciennes  et  encore 
populaires  buber,  somana,'  pour  beber,  semana.  On  explique  ordi- 
nairement ces  formes  par  l'influence  de  la  labiale  b  ou  m.  Je  crois 
que  le  choix  de  la  voyelle  g  pour  e  a  cette  origine,  mais  il  me 
semble  aussi  que  ce  changement  est  dû,  comme  dans  les  mots 
cités  plus  haut,  au  désir  d'empêcher  la  chute  de  la  syllabe  atone 
initiale,  maintenant  de  la  sorte  l'intégrité  du  vocable. 

Une  autre  particularité  non  moins  intéressante  de  la  phono- 
logie des  voyelles  portugaises,  en  tant  que  voyelles  toniques,  se 
retrouve  dans  le  fait  que  cette  langue  présente  dans  tous  ses  dia- 
lectes (ceux  de  Tras-os-Montes  exceptés),  un  parallélisme  ou  une 
homophonie  des  voyelles,  la  valeur  de  la  voyelle  tonique  des 
paroxytons  se  réglant  en  certains  cas  sur  la  voyelle  finale  atone, 
dans  les  conditions  suivantes  : 

Voyelle  finale  atone  sombre  g,  o  (=  //)  :  Voy.  tonique  fermée  e  i  ç  u. 
Voyelle  finale  atone  claire      e  (=/)  :  Voy.  tonique  ouverte  ê  à. 

Cette  homophonie,  dont  il  serait  trop  long  d'exposer  toutes 
les  lois  minutieuses  et  tous  les  accidents,  affecte  la  flexion  des 
verbes  aussi  bien  que  la  flexion  des  noms,  et  ne  se  trouve  dans 
aucune  autre  langue  romane  poussée  à  un  aussi  remarquable  degré 
de  précision.  C'est  ainsi  que  les  verbes  des  deux  conjugaisons  en 
~çr  et  en  -ir  nous  offrent  un  changement  de  la  voyelle  radicale 
tonique  des  plus  frappants  : 

V    h      I  l^v-r  '  "'!''',,''  ^Wj  dêve;  cgçer  :  cç%p,  cçn@;  cb%e. 
(  fçrir  :  j'irg,  firçi  ;  jerc  ;  fugir  :  fnjo,  fujç  ;  fôge. 
Adjectifs  :  formçso  ;  formosos  ;  forniôsa,  formbsqs. 
Substantifs  :  çvç;  àvçs,  àvç}  ôvçs. 

Les  verbes  de  la  première  conjugaison,  celle  en  -.<//-,  échappent 
aux  lois  de  rhomophonie,  mais  ils  sont  soumis  à  une  autre  règle 
tout  aussi  curieuse  :  leur  voyelle  tonique  radicale,  e  ou  o,  y  est 
toujours  ouverte,  tandis  que  celle  du  nom  verbal  est  fermée  si  la 
voyelle  finale  y  est  o,  ouverte  si  elle  v  est  a,  quelle  que  soit 
d'ailleurs  la  qualité  de  IV  ou  de  ïo  tonique  du  nom  dont  le  verbe 


LANGUES  LITTÉRAIRES   DE  L  ESPAGNE  ET  DU   PORTUGAL  I  "J 

puisse  dériver;  ex.  :  cgmeçar  :  g  cgmeço,  eu  cgmêço;  rodar  :  g  roda, 
g.  roda,  eu  roda;  regar  :  g  regg,  g  rêga,  eu  règg;  trgcâr,  g  trgcg,  g 
trbcg,  eu  tràcg. 

Après  avoir  parcouru  rapidement  le  système  vocalique  du 
portugais,  qui,  comme  on  vient  de  le  voir,  s'éloigne  si  considé- 
rablement de  celui  du  castillan,  disons  quelques  mots  des  con- 
sonnes. 

Le  système  primitif  des  consonnes  a  dû,  pour  les  langues 
issues  du  latin  vulgaire  parlé  dans  la  Péninsule  hispanique,  pré- 
senter une  assez  grande  analogie  avec  celui  que  nous  retrouvons 
dans  les  dialectes  transmontains,  exception  faite  du  //  initial  (/ 
palatal,  /),  qui  s'est  produit  en  castillan  pour  des  groupes  romans 
à  /  subjonctif  (pi,  cl,  fi),  et  en  catalan  pour  /  initial  latin.  Ce 
système  commun  aux  trois  langues  y  a-t-il  été  altéré  par  le  con- 
tact des  langues  germaniques  et  de  l'arabe  ?  En  ce  qui  concerne 
les  premières,  il  se  peut  qu'elles  aient  contribué  un  peu  à  former 
ce  système,  et  peut-être  pourrait-on  en  dire  autant  des  langues 
pré-romaines,  telles  que  le  basque  et  les  idiomes  celtiques.  Pour 
l'arabe,  nous  voyons  que  les  langues  péninsulaires  n'ont  adopté 
aucune  des  particularités  phonétiques  qui  le  caractérisent,  dans  le 
millier  de  mots  qu'ils  lui  ont  emprunté.  On  lui  a,  il  est  vrai, 
attribué  à  tort  la  valeur  actuelle  du  /  castillan,  qui  ne  date  que 
de  trois  siècles.  On  pourrait  également  y  chercher  l'origine  de  la 
prononciation  c  donnée  à  l'ancien  ç;  cette  prononciation,  cepen- 
dant, n'est  probablement  pas  aussi  ancienne  que  l'altération  subie 
par  le  x  et  j,  car  dans  l'Andalousie,  où  l'arabe  s'est  fixé  plus 
longtemps,  le  ç  n'existe  pas,  assimilé  qu'il  y  est  au  s  en  un  son 
unique,  qui  est  celui  de  Ys  français  et  portugais  du  Sud,  le 
domaine  de  IV  des  dialectes  du  Nord  et  du  basque  commençant 
au  nord  du  Tage  en  Espagne  et  au  Nord  du  Mondego  en  Portu- 
gal ;  à  cette  différence  près  qu'en  Espagne  il  paraît  y  avoir  une 
région  où,  ainsi  que  dans  une  partie  de  la  Galice,  le  s  coexiste 
axec  le  ç,  la  différente  faite  ailleurs  entre  ç  =  r  et  s  =  s  s'y  main- 
tenant sous  la  formule  s  :  ,r  :  :  ç  :  ç. 

Revue  hispanique.  X 


l8  A.    R.    GONÇALVES   VIANNA 

Si  maintenant  on  jette  un  regard  sur  les  parlers  du  Sud  de 
l'Espagne,  on  est  bien  obligé  de  reconnaître  que  l'andalou  est  à 
son  tour  un  des  dialectes  les  plus  remarquables  du  castillan,  et 
par  là  du  roman  dans  la  Péninsule  hispanique.  On  y  constate 
d'abord  l'absence  de  distinction  entre  s  et  ç,  confusion  qui  se 
retrouve  depuis  plus  de  deux  siècles  dans  le  Sud  du  Portugal; 
puis  la  présence  des  fricatives  sonores  %  et  A',  représentées  dans 
l'orthographe  commune  par  s  et  j  entre  deux  voyelles;  puis 
encore  la  suppression  du  d  intervocalique,  qui  a  amené  celle  de 
la  voyelle  suivante  lorsque  celle-ci  est  a,  et  qu'un  autre  a  précède 
le  d  (joa  pour  toda,  alabâ  pour  aîabada,  na  pour  nada)  ;  puis  enfin 
le  changement  de  bù  en  gtl,  comme  dans  gïieno  pour  bueno,  et  le 
remplacement  de  /  (/  palatal)  par  y  Çpoyo  pour  poyo  et  polio  du 
castillan).  A  ces  particularités  vient  s'ajouter  l'affaiblissement  de  la 
vélaire  x  (j  castillan)  en  une  sorte  de  /;  aspiré  (sourd  ou  sonore  g), 
affaiblissement  qui  est  le  résultat  d'un  rapprochement  des  organes 
facteurs  moindre  que  celui  qui  produit  le  x,  phénomène  que 
l'on  observe  aussi  dans  quelques  parlers  galiciens  où  le  g  devant 
a,  o,  u,  r  est  aussi  un  x  affaibli. 

Un  autre  fait  depuis  longtemps  indiqué  comme  une  caracté- 
ristique des  parlers  de  l'Andalousie  est  la  valeur  de  ce  nouveau 
phonème  prêtée  non  seulement  au  h  muet  de  la  langue  litté- 
raire, mais  aussi  au  s  final  ou  suivi  d'une  consonne,  le  son  /; 
étant  dans  ce  dernier  cas  encore  plus  faible.  Cette  dernière  pro- 
nonciation, enfantine,  bégayée,  se  retrouve  également  dans  les 
basses  classes  madrilègnes  où  elle  a  été  vraisemblablement  intro- 
duite par  les  toreros,  Andalous  pour  la  plupart,  et  s'est  répandue 
à  la  faveur  de  Yaficiôn,  comme  cela  s'est  aussi  produit  à  Lisbonne 
pour  cette  prononciation  confuse  et  mâchée  (masligada),  en  usage 
parmi  les  fadislas  repoussants,  et  qui  rappelle  en  un  certain  sens 
celle  des  cockneys  londoniens. 

Le  portugais  du  Sud,  de  son  côté,  offre  dans  la  prononciation 
de  Ys  à  la  fin  d'une  syllabe  une  palatalisation  qui  frappe  toute 
oreille  étrangère.  L's  final  d'un  mot  suivi  d'un  repos  ou  d'une 


LANGUES  LITTERAIRES  DE  L  ESPAGNE  ET  DU  PORTUGAL  19 

consonne  sourde,  même  à  l'intérieur  d'un  mot,  prend  le  son 
d'un  x  affaibli  ;  si,  dans  les  mêmes  circonstances,  il  est  suivi 
d'une  consonne  sonore,  il  devient  sonore  lui-même  et  se  pro- 
nonce alors  comme  un  /  également  affaibli.  Lorsqu'il  est  suivi 
d'une  voyelle  il  devient  ^,  tout  comme  en  français.  Ces  ss  pala- 
talisés  le  sont  davantage  lorsque  la  voyelle  qui  les  suit  ou  les 
précède  est  elle-même  palatale,  e  ou  i  ;  il  en  est  de  même  pour 
x,  j  en  contact  avec  ces  voyelles. 

Cette  palatalisation  semble  n'être  qu'une  permutation  de  son 
simplement  imitative,  x,  j  y  ayant  remplacé  s,  £  de  l'ancien  por- 
tugais et  des  parlers  du  Nord,  parce  que  l'effet  acoustique  en  est 
presque  semblable.  Us  final  de  syllabe  a  échappé  de  la  sorte  à 
cette  assimilation  au  ç  et  au  ^  qu'il  a  subie  dans  les  parlers  du 
Sud  devant  une  voyelle  ou  entre  deux  voyelles.  Cette  hypothèse 
est  d'autant  plus  vraisemblable  que  dans  le  Nord  même,  à  Oporto 
par  exemple,  le  s  et  ~  ne  se  retrouvent  qu'à  la  fin  d'une  syllabe, 
le  s  initial,  aussi  bien  que  ss  et  ç,  s'y  prononçant  comme  s,  et  le 
£  et  le  s  entre  voyelles  comme  ;(,  tous  les  deux,  cependant,  bien 
plus  sifflants  qu'à  Lisbonne,  à  Coïmbre,  ou  dans  l'Alemtejo  et 
l'Algarve. 

J'ai  fait  allusion  plus  haut  à  un  dialecte  du  castillan,  l'anda- 
lou.  Parmi  les  dialectes  du  portugais,  un  surtout,  parce  qu'il  est 
parlé  en  Espagne,  mérite  encore  une  mention  spéciale  dans  cet 
exposé.  Personne  ne  doute  aujourd'hui  que  le  galicien  ne  forme 
avec  l'ancien  portugais  une  langue  unique.  Actuellement  même, 
il  est  très  difficile  de  reconnaître  à  son  langage  si  un  individu  est 
né  en  Galice  ou  sur  la  frontière  septentrionale  portugaise.  Les 
seules  différences  que  l'on  puisse  constater  en  ce  qui  concerne  la 
prononciation  sont  peut-être  la  valeur  de  x,  ou  plutôt  d'une  sorte 
de  /;  aspiré,  donnée  en  Galice  au  g  devant  a,  o,  n,  r,  et  la  présence 
de  la  fricative  sonore  i  du  côté  du  Portugal.  On  peut  aussi 
ajouter  l'aspiration  de  p,  t,  k  devant  une  voyelle  tonique,  en 
Galice.  Des  deux  côtés  on  retrouve  le  s,  le  a  ouvert  devant  une 
nasale,  les  diphtongues  bu,  01,  le  b  pour  v,  etc. 

Maintenant,  le  galicien,  du  moins  celui  de  la  frontière,  a-t-il 
les  voyelles  nasales,  qui  sont  une  caractéristique  si  remarquable 


20  A.    R.    GOXÇALVES    VIANNA 

du  portugais?  Cette  question  est  restée  jusqu'à  présent  sans 
réponse,  malgré  l'intérêt  qu'y  attachait  feu  le  prince  L.-L.  Bona- 
parte. Les  voyelles  devant  les  groupes  formés  par  ///,  n,  n,  suivis 
d'une  consonne  y  sont-elles  nasalisées  ?  Un  n  final  précédé  d'une 
voyelle,  an  par  ex.,  est-il  prononcé  an,  an,  an,  an  ou  bien  à? 
C'est  là  une  question  de  fait,  et  pour  la  résoudre  il  faudrait  se 
rendre  en  Galice  ou  l'étudier  sur  des  Galiciens  de  la  frontière 
résidant,  par  exemple,  en  Portugal.  A  priori,  cependant,  nous 
pourrions  supposer  que  le  galicien  a  partagé  avec  le  portugais  la 
nasalisation  des  voyelles,  parce  que  ses  diminutifs  en  -iho  doivent 
avoir  la  même  origine  que  ceux  en  -inho  du  portugais,  c'est-à- 
dire  -ino  à  travers  -lo,  -li'io,  le  phonème  ;'/  après  i  ayant  été  le 
plus  souvent  précédé  de  la  nasalisation  de  la  voyelle  :  vinho  > 
vïûo^>  vlo^>  vino;  minha  >  mïïia  >  mïa  >>  mia  >  mïa  (écrit  mha 
au  moyen  àge)>-  meâ. 

Il  me  reste  encore  quelques  mots  à  dire  sur  la  quantité  des 
voyelles  et  l'accentuation  des  trois  langues  qui  font  le  sujet  de 
cette  étude. 

La  quantité  prosodique  y  est  peu  sensible.  Le  castillan,  et 
peut-être  aussi  le  catalan,  sont  néanmoins  différents  du  portugais 
en  ce  que,  pour  celui-ci,  la  voyelle  tonique  est  toujours  un  peu 
plus  longue  que  les  voyelles  atones,  lors  même  qu'elle  est  la 
finale  du  mot,  ou  qu'elle  est  suivie  d'une  consonne  dans  la 
même  syllabe,  exception  faite  des  cas  où  la  voyelle  atone  est  due 
à  une  crase  consciente,  soit  à  l'intérieur  du  mot,  soit  d'un  mot 
à  l'autre.  Dans  le  castillan,  au  contraire,  la  voyelle  tonique  est 
brève,  tandis  que  la  voyelle  de  la  syllabe  finale  atone  est  allon- 
gée lorsqu'elle  se  trouve  devant  un  repos  quelconque.  L'extrême 
brièveté  des  voyelles  toniques  suivies  d'une  consonne  à  la  fin 
d'un  mot  est  bien  connue  en  catalan. 

L'accentuation  d'intensité  est  la  même  dans  les  deux  langues, 
castillane  et  portugaise,  hormis  quelques  vocables  et  la  différence 
due  à  ce  que  la  syllabe  forte  d'un  radical  de  verbe  est  toujours 
la  dernière  en  portugais,  lors  même  qu'elle  n'est  formée  que 
d'une  simple  voyelle,  i  ou  u,  c  ou  o,  ce  qui  bien  souvent  n'arrive 
pas  en   castillan,  surtout  par   rapport  à  1'/;  ainsi,   tandis  que  le 


LANGUES  LITTERAIRES   DE  L  ESPAGNE  ET  DU  PORTUGAL  2 1 

Castillan  dit  yo principio  «  je  commence  »,  le  Portugais  prononce 
eu  principio. 

Cette  coïncidence  de  l'accentuation  dans  les  deux  langues  est 
pour  beaucoup  dans  l'intelligibilité  mutuelle  des  individus  des 
deux  pays,  quel  que  soit  d'ailleurs  le  dialecte  qu'ils  parlent  et  le 
vocabulaire  spécial  qu'ils  emploient.  Un  changement  de  syllabe 
tonique  y  rend  les  mots  plus  méconnaissables  que  toute  autre 
altération  qu'ils  puissent  subir. 

De  tout  ce  qui  vient  d'être  énoncé  rapidement  nous  concluons 
à  l'indépendance  de  formation  des  trois  langues  littéraires  de  la 
Péninsule  hispanique.  En  ce  qui  concerne  le  catalan,  personne 
n'a  jamais  prétendu  qu'il  ne  fût  une  langue  différente  du  castillan. 
Par  rapport  au  portugais,  on  est  cependant  accoutumé  à  le  ranger 
en  un  seul  groupe  avec  le  castillan  et  ses  dialectes.  A  mon  avis 
on  a  tort  de  le  faire.  Nous  venons  de  voir  qu'il  a  dû  être  de  tout 
temps  indépendant,  car  on  ne  saurait  foire  dériver  ces  deux 
langues  l'une  de  l'autre,  ou  d'un  seul  type  antérieur  autre  que  le 
latin,  les  particularités  du  système  vocalique  du  portugais  s'y 
opposant.  Le  traitement  des  consonnes  latines,  lui  aussi,  est  bien 
différent  dans  les  deux  langues,  quoique  leur  matériel  phoné- 
tique primitif  ait  été  à  peu  près  identique  en  ce  qui  concerne  les 
consonnes. 

Tout  effort  pour  les  rattacher  l'un  à  l'autre,  même  au  moyen 
d'un  dialecte,  serait  aussi  vain  ;  ni  le  transmontain  ou  le  galicien 
parmi  les  dialectes  portugais,  ni  Yestremeno  ou  l'andalou  parmi 
ceux  du  castillan,  ne  sauraient  se  prêter  à  cette  hypothèse.  On 
peut  en  dire  autant  de  l'expédient,  qui  paraîtrait  avoir  quelque 
chance  de  succès,  d'avoir  recours  aux  co-dialectes  appelés  linguas 
raianas  «  langues  de  la  frontière  »,  tels  que  l'asturien  en  Espagne 
ou  le  mirandais  en  Portugal,  qui  ne  sont  apparemment  que  des 
variétés  d'une  forme  commune,  indépendante  elle  aussi. 

A.    R.    GONÇALVES   VlANNA. 


LA   TRANSCRIPTION 

HISPANO- HÉBRAÏQUE 


On  évalue  à  environ  trois  cent  mille  le  nombre  de  Juifs  qui,  en  1492,  furent 
chassés  d'Espagne  par  Ferdinand  et  Isabelle.  Les  uns  allèrent  en  Afrique,  d'au- 
tres en  Italie  où  ils  s'établirent ,  notamment  à  Ferrare,  à  Florence,  à  Venise  et 
à  Naples;  d'autres  passèrent  en  Portugal  ;  d'autres  enfin  trouvèrent  en  Turquie 
une  assez  large  hospitalité. 

De  même  que,  sous  la  domination  arabe,  les  Juifs  d'Espagne  parlaient  et 
écrivaient  l'arabe,  de  même,  sous  la  domination  castillane,  ils  parlaient  et  écri- 
vaient le  castillan.  Brusquement  transplantés  dans  des  pays  où  ils  furent  sou- 
mis à  des  lois  d'exception,  leur  isolement  maintint  chez  eux  l'usage  presque 
exclusif  de  la  langue  qu'ils  parlaient  dans  la  péninsule1.  En  Turquie,  au  Ma- 
roc2, en  Algérie',  en  Tunisie*,  en  Tripolitaine,  à  Vienne,  les  descendants  des 
expulsés  de  1492  parlent  encore  le  castillan  du  XVe  siècle,  mais  non  dans  toute 
sa  pureté,  il  faut  le  reconnaître,  altéré  qu'il  a  été  par  de  multiples  contacts  avec 
la  langue  ou  les  langues  dominantes  de  chaque  pays.  En  Turquie,  les  Juifs  es- 
pagnols sont  en  très  grande  majorité  ;  on  peut  en  compter  approximativement 
cent  trente  mille  dans  la  Turquie  européenne  d'aujourd'hui  >  et  la  Bulgarie- 
Roumélie.  Beaucoup  d'entre  eux  ignorent  le  turc. 


1.  Les  Juifs  de  Russie  et  de  Roumanie,  descendant  de  Juifs  allemands,  parlent  encore 
l'allemand,  à  côté  de  la  langue  du  pays  où  ils  résident. 

2.  Au  Maroc  les  Juifs  se  disent  eux-mêmes  Guerouch  Castilla,  «  Exilés  de  Castille.  » 
Ceux  de  Fez  et  de  Meknès  parlent  arabe  ;  les  autres  parlent  espagnol.  (F.lisée  Reclus,  Nou- 
velle Géographie  universelle,  t.  XI,  p.  698). 

3.  En  Algérie,  beaucoup  parlent  l'arabe  et  un  très  grand  nombre  le  français. 

4.  En  Tunisie,  les  Juifs  expulsés  d'Espagne  et  de  Portugal,  ainsi  que  tous  ceux  qui 
ont  immigré  pendant  ces  derniers  siècles,  sont  généralement  désignés  sous  le  nom  de 
Grana,  —  c'est-à-dire  Livournais,  —  Gourna  ou  Livourne  ayant  été  le  principal  marché 
des  Juifs  ebassés  de  l'Ibérie  (Elisée  Reclus,  Semelle  Géographie  universelle,  t.  XI,  p.  198; 
d'après  II.  von  M.ihzau  et  Ernest  Desjardins). 

5.  Les  centres  les  plus  importants  sont  :  Salonique,  60.000;  Constantinople,  50.OOO; 
Andrinople,  15.000.  A  Salonique,  il  y  a  trente  synagogues,  autant  que  de  mosquées;  les 
Juifs  y  forment  à  eux  seuls  près  de  la  moitié  de  la  population  :  ce  sont  de  beaucoup  les 
plus  actifs  et  les  plus  riches  de  tout  l'Orient. 


LA    TRANSCRIPTION    HISPANO-HEBRAÏQUE  23 

Depuis  plusieurs  années,  toute  une  presse  judéo-espagnole  a  été  créée  en 
Orient  '  ;  le  castillan  v  est  imprimé  en  caractères  hébraïques  2.  Il  faut  citer  aussi 
des  éditions  de  l'Ancien  5  et  du  Nouveau  Testament  *  et  un  certain  nombre  de 
brochures.  C'est  pour  faciliter  l'étude  de  ce  rameau  du  castillan  qu'a  été  com- 
posé le  présent  travail. 


La  transcription  hispano-hébraïque  est  une  transcription  essentiellement  pho- 
nétique, reproduisant  non  les  lettres  au  moyen  desquelles  on  écrit  un  mot, 
mais  les  sons  au  moyen  desquels  on  le  prononce.  Le  castillan,  de  son  côté,  s'or- 
thographiant  à  peu  près  phonétiquement  au  moyen  des  caractères  latins,  il  en 
est  résulté  une  similitude  presque  complète  des  deux  systèmes  de  graphie. 

Les  caractères  généralement  employés  pour  la  transcription  hispano-hébraï- 
que sont  les  caractères  dits  rabbiniques  ou  rachi  >  ;  on  ne  se  sert  des  caractères 
dits  carrés  que  pour  les  titres,  les  en-tête,  etc../' 

Les  caractères  hébraïques  n'étant  pas  assez  nombreux  pour  rendre  tous  les 
sons  du  judéo-castillan,  il  leur  a  été  ajouté  cinq  lettres  :  ce  sont  des  lettres  hé- 
braïques surmontées  d'un  petit  demi-cercle  nommé  rafé.  Ces  lettres  sont  2  (v), 
S  (<//',  tch),  ~\  (th  anglais),  i  (<//),  £  (/").  Le  rafé  se  place  également  au  dessus 
du  £"  (ch). 


1.  Je  connais  une  trentaine  Je  journaux  judéo-espagnols,  mais  plusieurs  n'ont  eu  qu'une 
existence  éphémère.  Je  publierai  plus  tard  une  notice  sur  ces  feuilles.  —  Le  Lu^ero  de 
Paciencia  qui  était  publié  à  Turnu-Severin  (Roumanie)  et  qui  a  paru  de  1885  à  1889  était 
imprimé  en  caractères  latins.  Cette  tentative  ne  semble  pas  avoir  eu  de  succès. 

2.  Le  gouvernement    ottoman  défendit  jadis  aux  Juifs  l'emploi  des  caractères  arabes. 

6;o  pp.  in-8,  1873.  rTET'ClN'CD^p 
C'est,  à  peu  de  chose  près,  la  reproduction  de  la  célèbre  Bible  de  Ferrare. 

4-    b\x  yiin  YnNitaxD  in  tpi^d  itcdwi:  h  ïtsifDK'PDi'Q  "avu  b\x 

.nSEircix'crrp  —  .-;-;  nx-;:^  xS  h  i-n-n'^xtc  :  rwn 

664  pp.  in-8,  1S77.  ^5n"13  .-  ,n  H  nxn^^x^DW 

5.  Ainsi  nommés  de  Rabbi  Salomon  ben  Isaac,  de  Troyes,  dit  Rachi  (1040-1105),  un 
des  commentateurs  les  plus  remarquables  que  le  judaïsme  ait  produits.  Ce  surnom  de 
Rachi  est  une  abréviation    formée   par    la   réunion  des  initiales  du  nom  complet     "Ql 

6.  Dans  la  présente  étude  j'ai  préféré  employer  les  caractères  carrés.  —  Dans  la  plupart 
des  publications  judéo-espagnoles,  par  suite  de  nécessités  typographiques,  quand  on 
emploie  les  caractères  carrés  (dans  les  titres,  les  en-tête,  etc.),  au  lieu  de  les  surmonter 
du  rafé,  on  les  fait  suivre  d'une  apostrophe  tracée  de  haut  en  bas  et  de  droite  à  gauche  : 
'2  —  'à  — -  '1  —  '?— -  'S. 


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Fac-similé  du  journal  constantinopolitain  El  Telegrafo  (Échelle  1/3). 


1 893  naowCTD  n   18— S654  niOTI  8  D'5.17 


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oîip  i"7mp*6  i  i  ppipih  *p  *p)  Pup'hSron 
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«•."aft'litaj  "h.'ï:-rh-;ft-ii3  •,•"  PP  pi»7'D 
piDP'h  -7  puuihn  7iihp  '7  i7hBp-h  i-s^ft 
.  p'ush  pi7h-p3i:h  pirrpft  >i  -h  pun-pj-h 

u  12  pft7ift  phih    p'tvS  ?t>  p'i-hij  '7 
-3*ft    p^-5  pii  n  pthp  iSfo    iu.3'3    îjth 
îSift  w  7  ph7ift  phi  psph  ;4  ysvna  pi»7*6 
7  phi  'T.ihB'pp-h  i'j'h  -u-'hu)  *3  ithp  *j 


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B316  ,B17ft?hB   pi**:6  Plih   1Ï71BB7  71B  ,P133'I 

pii  71B  phTi  •■>  vi'i)  Vh  '7  vphïs'inhft 

•7h7'ftllh  Pft  •133'I)'îl"lB31p  .  P,13:*'71p  S-13PB3 
P7'P  Pîl  P    PÏP'B    'p    lV7*0-7  'BIP    ,ih"7'P51*h 

rh  è":i"ppiT^  pp  ,  7hi3"j  pi  7iD  PBT'iip 
-P'3-d  ih  phlhr-iph  ph»ip  phi  oiip  7*ift 
p:'-h»  Pi'7  i**7**jp*:,l)  ifi  ,P77'J  Pi'7  V'7'U 
-3113)  rh-Ti'isrh  Pi-7  \i-'phii3P':'»ih  pih  "6 
,•3-3  pnp3hyp  phi  "7  î-Tisp-j-:)  i-h.^.-ftn 

-pb-,  OlDhp  Pli  -h!)71P3'h  ,PB3'Bip*P3ip  Vft 
500  *7  Pt>-l)Wt>  Pi  'P  P1W))61376B*7  PU) 
-*i  410,000  '7  P-*p  7»lh  Pi  chTi  i'1) 
46000  'b  P7TJ  pi'7  i"-.'VP'j';>   3"h   IIP   pt>7 

Pi-7  pwup'j'jj  cii  '7  uift  rlhp  rh  phTi 
.  rh-ri-ï-h  pi*i  -n  rsoha 
-3'h  p'3i"P'3-7i3:ip  phi  '7  ii"pp»V7  Pi— 
7'piTi  *7  v"P*'!orp  ri  ii'h  Ph'Jh  pftsp-7'7 
-•5  'h  ph"io  pni  ojip  psBvj  '7  pti'7'7  pib 

76133*3  7*rh  *7  vch  ,7lih5  *7  piï'Î3'B  pip 
piisp-n  *73ip  pp*tph*p  -p  *p  P73h3h7i3ip  pi 

.Cliip'1376 

-yp3-6  oi  îrh  ib-^'cu-n  rft*7*j*p3f>p  ri 

•73MJ  7'3*ï   '".'hlP   13   Bill*))  PBB'6    -p  ll"ph3 

-hn  phi  *7  iv*pp*T7  ri  îs^i'h  "h  lïp-p-h 
.  vsp'ftip  ri  i3*hi3  -7  ih'HiïP'fi  ^b  phs 

'7  v'phisp'j'DTh  ri-7  ph7h7B3'h  ph:— 


Fac-similé  du  journal  constantinopolitain  El  Tiempo  (Echelle  1/2). 


2  6  R.    FOULCHÉ-DELBOSC 

Par  contre,  cinq  caractères  hébraïques  représentent  des  sons  inexistants  en 
judéo-castillan.  Ce  sont  les  caractères  3,  "J,  *J,  XU,  T\.  On  ne  les  emploie  que 
dans  la  graphie  de  mots  d'origine  non  castillane. 

VOYELLES    MÉDIALES    ET    VOYELLES   FINALES 

Les  voyelles  placées  entre  deux  consonnes  ou  à  la  fin  d'un  mot  après  une 
consonne  se  transcrivent  de  la  manière  suivante  '  : 

X  (alef)  correspond  à  a;  mais,  à  la  fin  d'un  mot,  a  est  toujours  transcrit  par 
n  (hé).  Ex.:  n"1NS  para  —  rrnxSxE  païavra. 

La  préposition  à  se  transcrit  par  ,~!X.  Il  en  est  de  même  de  ha  (du  verbe 
baver). 

i  (iod)  correspond  à  la  fois  à  e  et  à  i.  Ex.:  "IIQITS  tenter —  yiQ  mil  —  "PJP3 
venir  —  "INpH'HS  predicar  —  CJ'DVE  persigues  —  'SiWHS  principe. 

Quand  c  ou  i  suivent  immédiatement  //  ou  n,  on  ne  les  transcrit  pas,  //,  lie, 
lli  étant  uniformément  représentés  par  "nb  et  h,  ne,  ni  étant  uniformément  re- 
présentés par  **;. 

1  (vav)  correspond  à  la  fois  à  o  et  à  u.  Ex.:  ÎQTlS  porto  — ■  mQlp  comodo 

—  mi3  mudo  —  m:  nudo  —  nTraiTO  tortura. 

VOYELLES   INITIALES 

Au  commencement  d'un  mot,  1  et  1  sont  toujours  précédés  d'un  X.  Ex.: 
1DT>SJ'N  enferma  —  C'X  es  —  13XDTN  S'N  el  (fyermano1  —  "INTO^N  entrar 

—  INTnipDW  escuridad  —  "|\N  îr  —  irx  (V)ijo  —  \\  y  —  IN  à  —  nialN 
otro '"ÎIIDIX  (h)ombre  —  ""x  uno  —  1NT331N  untar. 

Quand  un  mot  commençant  par  l  ou  1  devient  le  second  élément  d'un  mot 
composé,  il  conserve  son  x  préfixé.  Ex.:  IXZPXO'H  desechar  —  "llNSlplNDH 
desocupado  —  "WIJlND'n  desQi)onrar. 

Exception  :  Toutes  les  fois  qu'un  mot  commence  par  11  (voir  plus  loin 
voyelles  jointes),  on  ne  préfixe  pas  x.  Ex.:  "\2~\li  yerno  —  rS"  (h)ielo  — 
T1N11  ya-er  —  *"  yo  —  VT**  lulio. 

Au  commencement  d'un  mot,  X  correspondant  à  a  n'est  précédé  d'aucune 
lettre.  Ex.:  nQ7N  aima  —  n"X  asna. 


1.  A  la  suite  de  chaque  lettre  hébraïque  et  entre  parenthèses  j'ai  indiqué  son  nom  tel 
que  le  prononcent  les  Juifs  d'Orient. 

2.  h  castillan  est  presque  toujours  muet  en  judéo-espagnol  et  n'est  pas  transcrit,  par 
[uent;  il  n'est  aspiré  que  dans  haragan  et  un  nombre  très  restreint  de  mots.  Dans  ce- 
cas  il  est  transcrit  par  ]-|  (bel). 


LA    TRANSCRIPTION    HISPANO-HEBRAÏQUE  2J 


CONSONNES 
(L'ordre  ndopté  est  celui  de  l'alphabet  hébreu.  ) 

2  (bed)  se  prononce  b.  Ex.:  71130*0  baston  —  TaU  lever  —  y>2  bien  — 
1212  bivo—  r\TÛ.boda—  ip:xSl  blanco. 

2  (ved)  se  prononce  v.  Ex.:  DTlOirD  vosotros  —  71"1**3  varon  —  TQ.'h  Uvro 

—  "IN3''blN  olivar  —  11N2K  avaro  —  in*$J  nave  —  7N~2"D  civdad  —  i"tt3*ip 
cavsa —  n*T2H  devda. 

5  (guitnel)  se  prononce  comme  g  dur.  Il  représente  : 

io  g  devant  a,   o,   u  ou  une  consonne.  Ex.:  rUlAWD  sinagoga  —  13H  digo 

—  ÎTTUN  agora  —  nMND  sangre  —  -nblJ  golor  —  Tû^NlMIN  ungûento; 
2°  gu  devant  e,  i.  Ex.:  mu  ?uer(f)a ; 

3°  /;  devant  m>  (on  sait  que  &we  initial  castillan  se  prononce  à  peu  près^w, 
le  son  du  g  étant  plus  ou  moins  perceptible  suivant  les  contrées).  Ex.:  ID'NU 
gûeso  —  113T>Nia  gûerto  —  UnS"'13T»*{13  gûertelano. 

73  se  prononce  g%.  Ce  groupe  représente  x  lorsque  x  a  le  son  g%.  Ex.: 
Tl3Dna,|.*î  existir. 

j  (djimel)  se  pronoce  tantôt  </y  tantôt  tcb  : 

Quand  il  se  prononce  dj  il  représente  soit  g  devant  e,  i,  soit  y.  Ex.:  T3-N 
fl»o-c/  —  V7D3WT»5  gerenancio  (genêt acion)  —  VCNISy'/Zf/o  —  VaSi  jue\  — 
Vliifudio —  D113Jia/««/05 —  .-pm^N  injuria; 

Quand  il  se  prononce  tcb  il  représente  cb.  Ex.:  IJIE  mucbo  —  1JIN31D  mu- 
chacho  —  IJfH'H  derecho  —  IJU  noche  —  ÎJH  dicho  —  IJ^S  /v<7jo. 

7  (Jr//c(/)  se  prononce  d.  Ex.':  T1D  swd  —  DlXT*rPp  quedadvos  —  7*nb**E 
maldad. 

1  (dhaled)  se  prononce  à  peu  près  comme  th  anglais  ;  cette  lettre  représente 
le  d  intervocalique  des  participes  passés  en  ado  et  ido ,  le  d  final  des  mots  en 
dad  et  le  d  d'un  certain  nombre  de  mots.  Ex.:  17ND** amado  —  7*nT»3  verdad 

—  7N731D  civdad  —  *7xS  lado  —  17N13Dlp  costado  —  TpTTJO  ladrou  — 
vS^I^nS  ladrillo.  Remarque.  Dans  la  Bible  judéo-espagnole  imprimée  à 
Constantinople  en  1873  et  dans  le  Nouveau  Testament  judéo-espagnol  imprimé 
dans  la  même  ville  en  1877,  il  n'est  pas  fait  usage  du  7  ;  on  l'a  toujours  rem- 
placé par  un  7 . 

7  (gain)  se  prononce  comme  1  français  et  correspond  : 

1°  à  %  espagnol.  Ex.:  713  ve%  —  7lS  lui  —  TTH  de^ir  —  7NE  pa%  —  7N 
(b)ai  —  Vitàjuez; 

2°  à  s  intervocalique  Ex.:  H7Xp  casa —  17l73"H^S  péligroso  —  !T,,,D2'>'?'H3 
preseticia  ; 

30  à  s  précédant  certaines  consonnes.  Ex.:  H7H  desde  —  -|N7N~>7NTe  tras- 
ladar  —  107^12  mismo  —  ~"N  asna. 


28  R.    FOULCHÉ-DELBOSC 


7  (djairî)  se  prononce  dj  et  représente/  on  g  devant  e,  i.  Ex.:  n^PTN  oreja — 
"l>ttN"l*n  barajar  —  H71N  (J))oja  —  T^ID  mujer  —  îflp  cogi  —  TlTÏ'l  regi- 
dor  —  *7\\  (J))ijo  —  Hnj.  viejo  —  I^DIIp  consejo. 

Pi  (het)  se  prononce  comme  un  /;  fortement  aspiré.  Ex.:  TNiNINTI  haragan 
inNQ  wfl^o  (mou)  —  'U'i'îxn  ftop«o  (malade,  de  l'arabe  ,.^  j-^  triste,  affligé) 
—  "TI^N"  ba^inora  (maladie)  —  TX2"lxnx  aharvar  (frapper). 

13  (Jed)  se  prononce  /.  Ex.:  "IN12  X'2  matar  —  *T2:XT2  tanto  —  "ïaMan'lS  tes- 
tigo. 

S  (lamed)  se  prononce  /.Ex.  :  Sx  al  —  Tn  la  —  ITDJKIH  delante. 

ir-j  représente  les  //  mouillés  du  castillan  et  se  prononce  de  même.  Ex.  : 
"OtnîO'b  lîamar  —  1NT1"S  llorar  —  YPpib'>2N"!Na  maravilloso  —  vS'lDDNp 
castiïïo.  Remarque  :  iii  est  une  graphie  uniforme  pour  //,  lie,  lli,  Ici,  lie  et  li 
devant  a  (ia  formant  diphtongue).  Ex.:  "\2Hj  lleno  —  1X21'H  llevar  —  l'HNp 
calle  —  iiSn  alli  —  "S  ley  —  wb  lien\o  —  m'^N'CX  Italia. 

Q  {mon)  se  prononce  m.  Ex.:  "ix?2  mar  —  "H7XÏ2  madré  —  lJf.lD  mitcho.  A 
la  fin  d'un  mot,  S  prend  la  forme  D. 

;  (noun)  se  prononce  ».  Ex.:  îTTiU  nada  —  "UIM^  ninguno  —  M  no  — 
npJIJ  nunca.  A  la  fin  d'un  mot,  :  prend  la  forme  "J.  Ex.:  "jXE  pan  —  7TY12N3 
patron. 

iï;  représente  n  et  se  prononce  de  même.  Ex.  :  niX'f-X^  maiïana  — 
Sx-I'C  seùal  —  rplj'a  vina  —  "P^IXl  dafio  —  TP^'D  senor.  Remarque  :  112 
est  une  graphie  uniforme  pour  »,  îie,  ni,  net,  nie  et  ni  devant  a  (  ia  formant 
diphtongue). 

D  (sameh)  se  prononce  comme  s  initial  français.  Il  correspond  : 

i°  à  c  devant  e,  i.  Ex.:  npTD  cerca  —  D^DNS  faces  —  1TDTT3  tercero  — 
S'D"lNp  carcel  —  n^DI^C"1  licencia  —  SlDXS  facil  —  HD'D^N  encinia  — 
*p;7D  cinco; 

2°  à  ç  devant  a,  o,  ».  Ex.:  "INdSn  alçar  —  "IND'SniSJTN  entropeçar  — 
HDJX^CD  semejança  —  1D1T3  moço —  1DK13  braço —  "pDXTlp  coraçon; 

3°  à  se  devant  e,  i.  --  Ex.:  'h'Z"D'~  discipuh  —  H;',1D'!~  desciende.  Re- 
marque :  Dans  un  mot  composé,  s  dernière  lettre  du  premier  composant  et  c 
première  lettre  du  second  sont  représentés  par  DD.  Ex.:  DIISj^DDII  doscientos; 

4°  à  i"  au  commencement  ou  à  la  fin  d'un  mot.  Ex.:  H32ND  sangre —  DU 
nos  —  DNTON  auras  ; 

5°  a  s  précédé  ou  suivi  d'une  consonne.  Ex.:  1J22H  ansi  —  "INTSD'W espirar, 
'  -     INïZNbpD^N  esclamar  —  rcS*,2  boisa; 

6°  à  ss.  Ex.:  "INTDJIDN  assentar  —  nr,N2"^E  promessa  —  "1XDXE  passar. 

£  ( pé)  se  prononce/'.  Ex.:  'S^D^IS  principe  —  T»S^S  propio  —  HinS 
prova.  A  la  fin  d'un  mot,  £  prend  la  forme  tv  Ex.:  cp«p  Yus(e)p. 

£  (fê)  se  prononce/.  Ex.:  nU'SIIS  projeta  —  THS1D  sitfrir.  A  la  fin 
d'un  mot,  £  prend  la  forme  n  surmontée  du  rafê. 


LA    TRANSCRIPTION    HISPANO-HEBRAÏQUE  29 


p  (cof)  se  prononce  k.  Il  correspond  : 

1°  à  c  devant  a,  0,  u  ou  une  consonne.  Ex,:  iJIKp  carne  —  IpND  saco  — 
"PD'Hp  crimen  ; 

2°  à  <;«  devant  e,  i.  Ex.:  >p  que  —  "IKCp  quitar  —  ipx  aqui  ; 

3°  à  k  dans  certains  mots  étrangers.  Ex.:  DIT11  Fori. 

Dp  se  prononce  kç.  Ce  groupe  correspond  : 

10  à  ce  devant  e,  i.  Ex.:  vejH^DplN  Occidente; 

2°  à  x  dans  les  mots  où  x  se  prononce  fep.  Ex.:  rVYTJNDp'HN  Alexandria. 

"I  (ra//)  se  prononce  r.  Ex.:  "|ND  tnar  —  i'£~\"Z  norte. 

U?  (chiti)  se  prononce  comme  les  ch  du  mot  français  chercher.  Il  correspond  : 

10  à  x  de  l'ancien  castillan.  Ex.:  ï&H  <&œ  —  "lt&H  dùo  —  1NUH  *.w  — 
"1n£\N2N  abaxar  —  irN2H  rfétoo  —  DT&">b  ^'.vo5  —  IJNUn  /cvaho  — 
lSsnii&JiN  enxemplo  —  pni'&'nTa  truxeron  —  "pT^'B  texierou  —  TPItfï'O 
/&w7/o  —  lUlp  coxo  —  "!N3V£*"N  enxugar ; 

2°  à  5  dans  certains  mots  où  5  est  suivi  du  son  Z.\  Ex.:  "INpUIH  fawaw  — 
"|Np»&'3  pescar; 

3°  à  w  final  des  deuxièmes  personnes  du  pluriel  des  verbes ,  quand  is  est 
précédé  d'une  voyelle  :  Ê'NQN  amais  —  U^CU  temeis  —  UN'C'H  dexais  ; 

4°  à  is  dans  le  mot  'C'iC  sets. 


Outre  les  consonnes  qui  viennent  d'être  étudiées,  il  convient  d'en  citer  cinq 
autres  qui  ne  sont  usitées  que  dans  des  mots  d'origine  non  castillane. 

3  (caf)  se  prononce  k.  Ex.:   D^ïSD   Oipros.  A  la   fin  d'un  mot,  Z  prend  la 
forme  "i. 
I  "J  (ain)  a  le  même  son  guttural  que   le   r,   turc,  son  beaucoup  moins  rude, 

C  ^    . 

par  conséquent,  que  le   r.   arabe.  Ex.:  ipi\N"l2y  hebraico — ■  "pyD'tt/"  Simon. 

S  (sadï)  se  prononce  ts.  Ex..:  ]V2  Sion.  A  la  fin  d'un  mot ,  'J  prend  la 
forme  V. 

\1'  (««)  a  ^e  même  son  que  D  (samek).  Les  Juifs  d'Orient  ne  font  aujourd'hui, 
dans  la  prononciation,  aucune  différence  entre  ces  deux  lettres.  Ex  :  yc  w"  Satan. 

n  (/<«•)  a  le  même  son  que  12  (ted).  Les  juifs  d'Orient  ne  font  aujourd'hui, 
dans  la  prononciation,  aucune  différence  entre  ces  deux  lettres.  Ex.:  ni"IT2 
Martha  —  Cl^SlNT!  Theofihs  —  np'JlbNDT  Thessahmica  —  rP1E\S",n\N 
Ethiopia  —  DVn:mp  Corinthios  —  riDin  Thoma. 


CONSONNES    DOUBLES 


On  ne  redouble  généralement  pas  les  consonnes.  Ex.  :  ni^tS  tier(/)a  — 
m'lMr)fl-WlN  ar(r)iva  —  "INTD  cer(r)ar  —  nmp  cor(f)er.  Cependant 
on  trouve  quelquefois  le  redoublement  :  mi»!:  tierra  —  HITS  guerra,  etc.. 


R.    FOULCHE-DELBOSC 


LIGATURE 

La  seule  ligature  employée  dans  la  transcription  hispano-hébraïque  est  àlef- 
îatned  ;  mais  l'emploi  n'en  est  pas  obligatoire. 

VOYELLES   JOINTES 

Groupes  de  deux  voyelles  dont  aucune  n'est  i. 

Quand  deux  voyelles  se  trouvent  l'une  à  côté  de  l'autre,  si  la  seconde  n'est 
pas  a,  un  x  les  sépare  : 

,;-•       ixx     Ex.  :  TXXHI2  traer  —  IICD'XX'Z  maestro; 

ao      'xx     Ex.  :  -ixaiXN  aQîpgar  —  mixx  a(h)ora; 

au  1XX  Ex.  :  11XX  ami  —  "1XT2^~2*XX  aumentar  —  nuSxTGDlXX  Aus- 
tralia  ; 

ee        ixi     Ex.  :  "xnp  crée —  iTX"Hp  encré  —  DV2\S'iSi£  peleemos; 

eo        ixi     Ex.  :  "x,;2  veo  —  yiWS  peor  —  1X1Ï21DX  açoteô; 

eu       ixi     Ex.  :  IplJlxiX  eiuiuco ; 

oe        ixl     Ex.  :  DixlSx  alocs; 

ue       "X"     Ex.  :  IIPXID  fuego  —  DWSDH  despues  —  HDJ'NiaT'2  verguença  ; 

uo      1X1     Ex.  :  1X1^X12  fraguô. 

Quand  la  seconde  voyelle  est  a,  on  n'emploie  pas  le  x  intermédiaire  si  les 
deux  voyelles  ne  terminent  pas  le  mot  ;  mais  on  l'emploie  si  les  deux  voyelles 
sont  les  deux  dernières  lettres  du  mot.  Dans  ce  dernier  cas,  a  final  est,  on  l'a 
déjà  dit,  transcrit  par  n. 

Dans  le  corps  d'un  mot  :  A  la  lin  d'un  mot  : 

ea    1713*013  teatro — "WUNTD  bor(f)achear  — 
■jxzx,~""1  rodeavan; 

ua    DX" X  aguas  —  ITJXlp  cuamlo  —  111X15X13 
fraguador. 

Groupes  de  deux  voyelles  dont  l'une  est  i. 


nxiC  sea; 

nxiax  agua  —  nx'pcxE 
Pascua. 


groupes  et  et  ie  formant  diphtongue  sont  transcrits  uniformément  par  n 
ei     "■!  ley  -  -  "INJ^I  reinar  ; 
ie     lis  pie  —  "jiip  quien  —  iSuc  cielo  —  ITCjiHX  adientro  —  i:"|ii  yerno  — 

(h)ielo  —  ÏÏ2')Vi  (]})ierva. 

Toutes  les  fois   que   i  suit  ou  précède  une  des  voyelles  a,  o,   u  et  forme 
diphtongue  avec  elle,  il  est  transcrit  par  n. 

ai  lïN     Ex.  :  »N  Q))ay  —  HJiHX  (b)aiga  —  il-iX  aire; 

wnonfinal  x"     Ex.  :  "WSQibN  alimpiad  —  "WHii  yaqer; 

la  final        n"i     Ex.  :  rpi  va  —  n^DN  Asia  —  riiiC'Sx^  màlicia; 


LA    TRANSCRIPTION    HISPANO-HEBRAÏQUE 


oi  ni     Ex,  :  iilD  soy  —  HTeD\N  estoy  —  W1H  oigo  —  ïvin  (h)oy — 

1VD  voy; 

io  Vi     Ex.  :  il"!  yo  —  "PH  Dio  —  ViVD  medio  —  IHDnSnS pàlacio 

—  T^SkD  salià  —  pilDJiT3JiN  intention  —  lllîijlN 
envia  ; 

ui  111     Ex.  :  nm  inuy  —  "iNT'np  a«<far  —  VTNTnip  cuidado; 

iu  "|ii    Ex.  :  liiSln  Iulio. 

Quand  les  huit  groupes  de  voyelles  que  l'on  vient  d'énumérer  ne  forment 
pas  diphtongue  (chaque  voyelle  appartenant  à  une  syllabe  distincte),  i  est 
transcrit  par  un  seul  i  et  est  séparé  de  l'autre  voyelle  par  un  N.  Il  convient 
toutefois  de  ranger  à  part  le  groupe  ta. 

ei     îN'i     Ex.  :  DlQWIp  creimos  —  itODiiOlp  creiste; 

ie     \\i     Ex.  :  SwSjfeJ —  SiN'E^N  infici  ; 

ai   inn     Ex.  :  n~;iNNl  dainda  : 

oi     \\*1     Ex.  :  "PN"IN  oïr —  VPNlN  oido  —  UH2D1N1N  oisteis  ; 

io  Mil  Ex.  :  1N17N2  va%io  —  iN'i^JiN  envio  —  INIQ  mio  —  "llN'lTSlD 
super  ior  ; 

ui    \x"1     Ex.  :  *PN1*N3DH  destruir  —  "piDWlS  juicio. 

A  la  fin  d'un  mot,  ia  (ne  formant  pas  diphtongue)  est  transcrit  par  HNi. 
Ex.  :  HN'il  dia  —  nt02N  (Ji)avia  —  HN'ifK  (h)ti^iu.  Dans  le  corps  d'un  mot,  la 
(ne  formant  pas  diphtongue)  est  transcrit  par  JO.  Ex.  :  DNH  dias  —  7N1ZX 
(li)avian  —  DlQtfi3>*  (h)avianios  —  7Ni~i"T  deçian  —  iSîixH  diavlo  —  17N12 
viaje  —  HDZNif  Jlp  confiança. 


Pour  que  l'on  puisse  mieux  saisir  l'application  des  règles  précédentes,  je 
reproduis  ici  les  premières  lignes  de  la  Genèse  d'après  la  Bible  judéo-espa- 
gnole imprimée  à  Constantinople  en  1873  ',  et  un  article  du  journal  El 
Telcgrafo,  en  date  du  23  janvier  1894. 

DlS   VH  SiN    lN'Hp   1H21DJ11S    SiN   VU       En  el  principio  criô  el  Dio  los 
niniD     nS     IX.     mua     nS     \S'     DiSud  cielos  y  la  tier(f)a.  Y  la  tier(f)a 
"TN*P"npCiN  in   ;  rWTN3  1N   n;xz    HTN  era  vana  y  vatfa  :  y  escuridad 
-DUN*    Sh    DlDNS    Ciih  i"121D    n2N12D\X  estava  sovre  las  faces  del  abis- 


1.  Il  ne  sera  pas  sans  intérêt  de  copier  ici  les  premières  lignes  de  la  Bible  de  Ferrare  : 
En  Priçipio  crio  el  Dio  :  à  los  çielos,  y  à  la  tierra.  Y  la  tierra   era  vana  y  vazia,  y 

escuridad,  sobre  faces  del  abysmo  :  y  espirito  del  Dio  se  movia,  sobre  faces  de  las  aguas. 

Y  dixo  el  Dio,  sea  luz  :  y  fue  luz.  Y  vido  el  Dio,  à  la  luz,  que  buena  :  y  aparté  el  Dio, 

entre  la  luz,  y  entre  la  escuridad.  Y  llamô  el  Dio  à  la  luz,  dia  ;  y  à  la  escuridad,  llamô 

noche  :  y  fue  tarde  y  fue  manana,  dia  uno. 


R.    FOULCHE-DELBOSC 


*r    lui    Sll    ViZ'^'ED'X     pH     ix    :    1C  tno  :  y  el  espirito  del  Dio  se 
.DN13.N  DnS  H  DiDNS  DX;  ilîllD  iltfiiilD  tnovia  sovre  las  faces  de  las  aguas. 
'X'Z     "X    7*'^    ïIJOD    VH    S\N     IT&n    ">X    Y  dixo  el  Dio,  sealu^,  y  fui 
7WH    ip  "îlb   nS    VT   S\X    1T3    'X    ."m  Z«^.  Y  vido  el  Dio  la  lui  que  era 
vyQVH   Vi~    b\X    TC1N3N    \X    :    n;\x*2  buena  :  y  aparté  el  Dio  entre 
S\X  "ICNnS  \X  .IxmipDiN  nS  \X  ~lS  nS  lalu\y  la  escurîdad.  Yllamô  el 
-7"TlpDiN  nb  HX  itf  nx1"  TtS  H;  Î1X  lui  D/'o  a  /a  Z«^  dia,  y  d  la  escuri- 
1N  HINC  nS  \\13  \X   :  IJU  lON^i;  TXT  dad  llamô  noche  :  y  fui  la  tarde  y 
.HX"!  "px  riJNHJNQ  nS  Ai  manana  un  dia, 

lbi"CD*X  ITODiNlJ  Nuestro  estilo 

-HZ"2   r'Z  *p   ''WDNpJîOS  DlDXATliaN     Atorgamosfrancamenteque  nos  topa- 
WVZ  CxS  0X1112  lDNlîOQiN  S^X  "PX  Dl*2  mos  en  elembaraço  todas  las  ve%es 
i"12lD  !"lTlp  njljSx  "11 7H  H  ni2X"H2  1D  ip  quesetratadede^iralgunacosa  sovre 
-VT£  D1112D\X12  Sxlp  nS  H  nTJNn  ÎTJ  la  maner a  de  la  cual  nuestros  perio- 
-T7X    "IIS  1iD"liDi"13DpiN  "î^in   DUlDDil  distas  deven  exprimirsen  por  (h)a%er- 
~S  ipTiS  DilTCpiS  D1D  il  "IHJIIDJIN  TiD  rera  entender  de  sus  leclores  porque  la 
if  iS2i"l2SiDlD  1D1*1N3  D1J  *:  ■jV'CD'X'p  cuestion  no  nos parece  susceptivle  de 
11112    ilîllD    \X    "pUDlTID    H31X    "PIliDil  recivir  una  solucion y  sovre  todo 
Sx  niNplbVnS  piiDNiai^N  nS   ip  miXX  a(h)ora  que  la  agitacion  provocada  al 
.niND^Np  nuS  D\X  n,,'S,X    n    UTTOJiN  entorno  de  élla  es  lia  (ya)  calmada. 
-DiN-lNml   Sx  HJiXl3,i112N  13  "PX  11112       Todo  en  no  atrtbuendo  al  judeo-es- 
-nSs  'D'  Di:iaSx  ip  D^lTaTâ  CxS  SlnjXE  /whoZ  Aw  virtudes  que  algunos  se  pla- 
D1DKDJ1S   DTTOTîlJ    ,i ;"PDl"pi"l    HX   "T^T  ^'»  à  reconocerle,  nosotros  pensamos 
il  i;2iDl£  D\X  D13  II  ip  13QH1D  1T12  ip  que  todo  tiempo  que  no  nos  esposivlede 
DNT3D111HT3     DlTCCNi:     ,lS"ix:ii:X2X  abandonarlo,  nuestros periodistas 
-'".T.'t^Z    il   "pDlNDTNlSDiN  7X11211  devrian  esfuerçarsen  de  perfection 
H    lllNpTDN  nx    HJXpi&ia  "PX    ,lblX3  narlo,  en  buscando  à  acercarlo  de 
•j'X   :  naiTl  SiN  Sxlp  ilS  H  nxi:rS  nS  Ai  lengua  de  la  cual  èl  dériva,  eu 
lbbV>DiDpN  ,,^x"::,:i  1D  Tin    H  iTQDi3  wsta  d«  renrf«r  i«  lenguaje  accesivl 
il    IN    DilTDpiS    D1D    H    HONG    nS    7\X  à  la  masa  de  sus  lectures  y  de 
ClS  H  nuiNliTSib  IiSnÎI  "^  "'X"^:^21XX  aumentar  la  valor  literaria  de  los 

."pIlTH    r"""'-"x   ip   D"*'iX,'l  &n'w  <///.'  r/Aw  redigen. 
-iSsn  r-:  D11T3171J   ,D1J  H  D\X  ip  iS  113     Por/o  que  es  de  nos,  nosotros  nosapli- 
-r^rx  ■";":  '"  Dil23N  TD  nx  DiailNp  caremos  à  ser  antes  de  todo  enten- 
-ibsDiN   VU  IpiSaiS   "*,-l2-,x":  il   DIIH  didos  de  nuestro publico  en  emple- 

*x  r 3NSD1N  DN'IÎInSnS  113QHD  *~:x  ando siempre palavras  espahol 

-D31p  H;  DNDN1S  DNliaDiNU    nx  11JN1  dando  à  nuestros  frasas  la  cons- 
/""IN'îl'n  "j",*r"',w~  truccion  espanol. 


LA    TRANSCRIPTION    HISPANO-HEBRAÏQUE  33 

"IH\N12    H    ï'pïD^'D'HS    rh    DIO^IS    M      No  teuemos  la pretension  de pueder 
-p'STS  71p  "l'D'HpDlN  HN  IN'^IIN  1D2N  ansi  arrivar  à  escrivir  cou  perfec- 
11   ,«  DïTDaiOTD  »    H  rWWH   nS  "J111D  cio«  fa  laigna  de  «  Cervantes  »,  rfe 
,  «  rW-â    H     'Su  »    n    1N*    «  ïlinSKp  »  «Calderon  »  y  Je  «  LopedeVega». 
-in   DNG    71 D    D'WDJilMW   DN"TCD\Si:  Nuestras  intenciones  sou  mas  mo- 
-n'N  H  D\N  TamSIlS  ÎTOÛ^U  .DN73DH  i«to.  Nuestro  proposito  es  de  em- 
-J'Unn  VTHDWJ  INp^niE  nx  DIJIN^S  plearnos  à  purificar  nuestro  jerigon- 
y&  DND   H    lS'l"T:N,7,'Sv:NEC1N    7^n  m  ça  en  espanoliqmdolo  de  mas  en 

R.  Foulché-Delbosc. 


Revue  hispanique 


ÉTUDES 


SUR 


LA   LITTÉRATURE   ESPAGNOLE   AU  XIXe   SIÈCLE 


JOVELLANOS1 

La  plus  grande  partie  de  la  vie  de  Jovellanos  appartient  au 
xvine  siècle,  mais  il  a  exercé  une  influence  si  considérable  sur  la 
génération  du  début  du  siècle  suivant ,  il  a  soulevé  et  essayé  de 
résoudre  tant  de  problèmes  dont  la  solution  devait  passionner 
ceux  qui  vinrent  après  lui  r  qu'il  doit  nécessairement  figurer  au 
début  d'une  étude  sur  la  civilisation  moderne  de  l'Espagne.  Alors 
même  que  nous  nous  renfermerions  dans  les  limites  un  peu 
étroites  d'une  étude  strictement  littéraire,  Jovellanos  forme,  avec 
Meléndez,  Quintana  et  Moratin,  un  groupe  d'écrivains  qui  permet 
d'étudier  à  différents  points  de  vue  ia  transition  entre  les  deux 
époques.  Je  dis  un  groupe,  et  non  une  école,  car  il  y  a  des  diffé- 
rences très  sensibles,  non  seulement  dans  leur  talent,  mais  encore 
dans  leurs  principes  littéraires.  Cependant  ils  ont  tous  ceci  de 
commun,  c'est  qu'ils  essaient,  avec  plus  ou  moins  de  décision 
et  de  succès,  d'introduire  dans  les  anciennes  formes  littéraires 
des  idées  modernes,  et  d'unir  aux  inspirations  traditionnelles 
l'esprit  nouveau,  dont  la  France  avait  été  la  principale  introduc- 
trice en  Espagne. 


i.   Cet  article  a  été  rédigé  d'après  des  notes  d'un  cours  professé  à  la  l'acuité 
des  Lettres  de  Toulouse. 


ETUDES  SUR  LA   LITTERATURE  ESPAGNOLE  AU  XIXe  SIECLE       35 

Quoique  nous  n'ayons  rien  à  ajouter  de  nouveau  à  la  biogra- 
phie de  Jovellanos1,  nous  ne  saurions  la  passer  absolument  sous 
silence,  car  il  est  de  ceux  dont  on  a  pu  dire  que  leur  chef-d'œuvre 
était  leur  vie  elle-même.  Il  a  réalisé,  dans  la  mesure  de  ses  forces, 
l'idéal  qu'il  avait  exprimé  dans  ses  œuvres,  et  les  événements 
ont  donné  à  son  existence  quelque  chose  de  grand  et  de  drama- 
tique. 

Gaspar  Melchor  de  Jovellanos  (ou  Jove-Llanos)  naquit  le 
5  janvier  1744  à  Gijôn,  province  d'Oviédo,  dans  les  Asturies. 
Il  termina,  par  des  études  de  droit  à  l'Université  d'Alcalâ,  son 
éducation  commencée  ou  poursuivie  à  Gijôn,  à  Oviédo  et  à 
Avila.  Après  quelques  velléités  d'entrer  dans  la  carrière  ecclésias- 
tique, dont  on  le  détourna  sans  beaucoup  de  peine,  il  fut  nommé 
alcalde  de  la  Sala  del  crimen  à  l'Audience  de  Séville.  L'unique 
recommandation  que  fit  le  ministre  d'Aranda  au  jeune  magistrat, 
lorsque  ce  dernier  vint  prendre  congé  de  lui,  paraît  singulière, 
mais  elle  cache  plus  de  sens  qu'elle  n'en  a  l'air  tout  d'abord  : 
«  Croyez-moi,  Monsieur,  lui  dit-il,  ne  vous  coupez  pas  vos  beaux 
cheveux...  Faites-vous  les  friser  sur  le  cou,  et  commencez,  par 
votre  exemple,  à  bannir  ces  toisons  (çomience  â  desterrar  taies 
%aJeas)  qui  n'ajoutent  rien  au  respect  ni  à  la  dignité  de  la  toge.  » 
D.  Francisco  Silvela2  assure  que  c'est  depuis  lors  que  les  magis- 
trats espagnols  ne  portent  plus  perruque.  Tfakalde  de  crimen, 
Jovellanos  devint  bientôt  oidor.  Nous  le  voyons  à  cette  époque 
très  mêlé  à  la  société  dont  le  célèbre  Pablo  de  Olavide  était 
rame.  Dans  ce  milieu,  si  favorable  aux  idées  réformatrices  et  aux 
innovations  de  toute  sorte,  Jovellanos  s'occupe  avec  une  égale 
ardeur  des  choses  les  plus  diverses,  mais  surtout  d'économie  poli- 
tique et  de  poésie.  En  même  temps  qu'il  étudie  la  culture  de 


1.  Ceân  Bermûdez,  Mémoires  de  Jovellanos,  1814.  —  Cindido  Nocedal  (Obras 
de  J.  dans  la  Bibl.  de  Aut.  Esp.).  —  Julio  Somoza,  Jovellanos,  1885. 

2.  Franc.  Silvela,  Jovellanos,  conferencias  del  Ateneo,  t.  II  (1887),  p.  37. 


36  E.    MÉRIMÉE 


l'olivier,  les  filatures,  les  prairies  artificielles,  l'organisation  des 
hospices,  il  entretient  des  relations  suivies  avec  les  poètes  de 
Salamanque,  compose  des  idylles,  des  drames  tels  que  Y  Honnête 
criminel  CEI  delincuente  honraào} ,  ou  Pelayo.  Lorsqu'en  1778, 
nommé  aïcalde  de  Casa  y  Corte  à  Madrid,  il  dut  quitter  Séville,  ce 
ne  fut  pas  sans  un  déchirement  de  cœur  qu'il  se  sépara  de  ses 
amis.  «  Loin  de  toi,  ô  Séville,  loin  de  vous,  ô  mes  amis,  com- 
ment mon  cœur  pourrait-il  s'ouvrir  à  la  joie  ?  »  Il  resta,  à  Madrid, 
ce  qu'il  avait  été  à  Séville,  et  nous  le  voyons  écrire,  tout  en  fai- 
sant une  enquête  sur  un  vol,  cette  Epistola  ciel  Paular,  l'une  de 
ses  meilleures  inspirations  poétiques.  Ces  années  de  Madrid  sont 
parmi  les  plus  fécondes  de  sa  vie  :  membre  de  la  Société  Écono- 
mique, de  l'Académie  de  l'Histoire,  de  l'Académie  Espagnole, 
de  celle  de  San  Fernando ,  et  de  Jurisprudence  ;  il  n'est  aucune 
forme  de  l'activité  intellectuelle  qui  lui  reste  étrangère.  Il  com- 
pose, en  1788,  l'Éloge  de  Charles  III,  rédige  le  Rapport  sur  la  Loi 
agraire  ,  la  Consulta  sur  la  Juridiction  temporelle  du  Conseil  des 
Ordres,  dont  il  était  membre,  le  Règlement  du  Collège  impérial  de 
Calai  rava.  Jovellanos  partagea,  en  1789,  la  disgrâce  de  son  pro- 
tecteur Cabarrus.  Exilé  à  Gijôn,  sous  prétexte  d'un  rapport  à 
faire  sur  des  mines  de  charbon,  il  s'acquitte  de  sa  mission,  orga- 
nise Y  Institut  royal  Aslurien ,  rédige  des  mémoires  sur  Y  ouverture 
de  la  route  de  Léon  a  Oviédo  ou  Sur  la  police  et  l'origine  des  spectacles 
publics  en  Espagne.  Au  début  du  règne  de  Charles  IV ,  le  Prince 
de  la  Paix,  sur  les  sollicitations  de  Cabarrus,  nomma  Jovellanos 
ministre  de  la  Justice,  mais  il  ne  réussit  pas  à  faire  du  trop  per- 
spicace homme  d'Etat  un  partisan  aveugle  de  sa  politique.  Il  ne 
lui  pardonna  pas  son  manque  d'enthousiasme,  ni  même,  paraît-il, 
son  manque  de  complaisance  pour  des  amours  royales1.  Exilé 
de  nouveau,  Jovellanos  fut  emprisonné  le  13  mars  iSor,  conduit 
à  Majorque  et  emprisonné  successivement  dans  la  Chartreuse  de 


1.  Voy.  sur  ce  point  Blanco-White,  Letters  front  Spahi,  p.    346,  cité  par 
Mcnéndez  Pelayo,  Heterodoxos,  III,  p.  294. 


ETUDES  SUR  LA.   LITTERATURE  ESPAGNOLE  AU   XIXe   SIECLE        37 

Valdemuza  et  au  château  de  Bellver.  Il  n'y  resta  pas  inactif: 
c'est  de  là  que  sont  datées  de  nombreuses  poésies,  son  Mémoire 
sur  le  château  de  Bellver,  une  volumineuse  correspondance  et  son 
Traité  sur  l'Education  publique.  Il  n'en  sortit  que  le  22  mai  1808, 
pour  rentrer  en  Espagne  au  moment  où  les  événements  les  plus 
dramatiques  s'y  déroulaient.  Murât,  Sébastiani,  Napoléon  lui- 
même  lui  firent  les  avances  et  les  offres  les  plus  séduisantes, 
estimant  sans  doute  que  le  libéralisme  de  ses  idées  aussi  bien  que 
le  ressentiment  des  persécutions  subies  le  désignaient  comme 
l'un  des  soutiens  de  la  dynastie  nouvelle  imposée  à  l'Espagne. 
Jovellanos  n'eut  pas  un  moment  d'hésitation.  «  Quand  bien 
même,  disait-il,  la  défense  de  la  patrie  serait  aussi  désespérée 
qu'ils  le  pensent,  ce  serait  la  cause  de  l'honneur  et  de  la  loyauté, 
et  celle  que  doit  suivre,  coûte  que  coûte,  tout  bon  Espagnol.  » 
De  toutes  les  pages  écrites  par  Jovellanos,  —  et  elles  sont  nom- 
breuses, —  je  n'en  sais  pas  qui  lui  fasse  plus  d'honneur  que  sa 
lettre  du  24  avril  1809,  en  réponse  à  des  offres  nouvelles  de 
Sébastiani. 

Le  choix  que  firent  de  Jovellanos  ses  compatriotes  des  Asturies 
pour  les  représenter,  en  septembre  1808,  à  la  Junte  suprême  de 
gouvernement,  fut  une  juste  récompense  de  la  netteté  de  son 
attitude.  A  la  Junte  centrale  aussi  bien  qu'aux  Cortes,  il  se  signala 
par  la  fermeté  et  par  la  modération  de  ses  opinions  aussi  éloi- 
gnées de  l'absolutisme  des  uns  que  des  exagérations  révolution- 
naires des  autres.  On  sait  quel  sort  attendait  les  membres  de  la 
Junte  :  indignement  calomniés  et  poursuivis,  ils  durent  fuir  et 
attendre,  pour  se  justifier,  des  temps  meilleurs.  Comme  il  regagnait 
les  Asturies  par  mer,  Jovellanos  fit  naufrage  à  Muros  de  Noya, 
près  de  la  Corogne.  Il  y  reste  un  an,  non  sans  être  vivement 
inquiété  par  les  émissaires  du  gouvernement.  Ce  fut  pendant  cette 
retraite  forcée  qu'il  écrivit  son  éloquent  Mémoire  en  défense  de  la 
Junte  centrale,  si  précieux  pour  sa  biographie.  A  peine  était-il  de 
retour  à  Gijôn,  en  juillet  181 1,  que  les  troupes  françaises  enva- 
hissaient de  nouveau  les  Asturies.  Jovellanos  s'efforça  de  réveiller 


38  E.    MÉRIMÉE 


l'enthousiasme  patriotique  de  ses  concitoyens,  et  les  excita  à  la 
résistance  : 

i  A  las  armas,  validités  Astures  ! 
Empunadlas  con  nuevo  vigor, 
Que  otra  vez  el  tirano  de  Europa 
El  solar  de  Pelayo  insultô. 

Mais  les  temps  de  Tyrtée  étaient  passés  :  il  fallait  fuir  de  nou- 
veau devant  les  Français  victorieux.  Jovellanos  reprit  donc  préci- 
pitamment la  mer,  mais  sa  barque  naufragea  à  Vega,  et  ce  fut  là 
que  mourut,  le  27  novembre  181 1,  celui  que  l'on  devait  appeler 
bientôt  le  Père  de  la  Patrie. 

Quelque  rapide  qu'il  soit,  le  résumé  de  cette  vie  si  bien  remplie 
suffit  à  montrer  qu'il  y  eut  tout  à  la  fois  en  Jovellanos  un  homme 
d'Etat,  un  économiste,  un  écrivain,  et  c'est  en  effet  à  ce  triple 
point  de  vue  qu'il  mérite  d'être  étudié.  Le  politique,  l'écono- 
miste paraissent  nous  échapper  et  rester  en  dehors  de  notre  sujet, 
mais  tout  se  tient  si  bien  dans  cet  esprit  sagement  équilibré,  qu'il 
semble  que  l'écrivain  n'existerait  plus  s'il  n'était  inspiré,  soutenu 
sans  cesse  par  son  idéal  politique  et  social.  Ce  serait  donc  le 
rabaisser,  le  découronner,  en  quelque  sorte,  que  de  ne  voir  en 
lui  que  l'artiste. 

Mais  avant  de  le  suivre  dans  l'exposition  de  ses  idées  politiques 
ou  économiques,  essayons  de  dire  quelle  fut  la  marque  distinc 
tive  et  caractéristique  de  son  esprit.  Que  l'on  considère  ses  idées 
ou  ses  actes,  on  s'aperçoit  bientôt  qu'il  tend  toujours  vers  le  vrai, 
le  juste,  le  pratique,  et  que  pour  lui  vérité,  justice,  utilité  ne  sont 
que  les  trois  faces  d'une  même  chose.  Son  but,  vers  lequel  il 
marche  avec  l'enthousiasme  confiant  de  la  plupart  de  ses  contem- 
porains, c'est  le  bonheur  de  l'individu,  de  la  nation,  de  l'huma- 
nité, trois  termes  qui  ne  s'opposent  point  les  uns  aux  autres, 
mais  qui  marquent  les  trois  étapes  d'une  évolution  fatale.  Ht  pour 
réaliser  un  jour  ce  bonheur  définitif,  la  vraie  méthode,  c'est 
l'observation  scientifique  des  faits  moraux,  historiques  et  sociaux. 


ÉTUDES  SUR   LA   LITTERATURE   ESPAGNOLE  AU  XIXe   SIECLE       39 

Car  l'homme  ne  doit  pas  attendre  le  bonheur  du  hasard  des  évé- 
nements ou  d'un  don  gratuit  de  la  Providence  :  il  peut,  autant 
que  son  imperfection  le  lui  permet,  se  l'assurer  lui-même  en  se 
soumettant  aux  prescriptions  de  la  raison ,  dont  la  science  lui 
formulera  les  lois.  Ainsi  me  paraît  pouvoir  se  résumer  la  philo- 
sophie sociale  de  Jovellanos,  mais  je  dois  dire  que  nulle  part  il 
ne  l'a  formulée  en  termes  exprès  :  sa  doctrine,  si  tant  est  que  ce 
mot  convienne  ici ,  se  réduit  à  un  mélange  assez  incohérent  de 
Locke,  de  Hume  et  de  Condillac1.  Il  est  avant  tout  estadista.  Au 
lieu  de  partir  de  principes  abstraits  pour  aboutir  à  des  conclusions 
qui,  malgré  la  rigueur  logique  des  déductions,  se  trouveront  peut- 
être  en  contradiction  avec  la  réalité  des  faits ,  c'est  au  contraire 
des  faits  particuliers  qu'il  s'élèvera  jusqu'à  la  constatation  d'une 
vérité  sociale  ou  d'une  loi  économique.  Il  est  de  la  même  famille 
d'esprits  que  Montesquieu,  bien  plus  que  de  celle  de  J.-J.  Rous- 
seau. Si  son  nom  est  moins  illustre  que  celui  de  l'auteur  de: 
Y  Esprit  des  Lois,  c'est  qu'il  s'appliqua  plutôt  à  faire  passer  dans 
la  pratique  les  réformes  suggérées  par  l'observation  qu'à  réunir 
en  un  majestueux  ensemble  les  faits  que  son  expérience  ou  celle 
d'autrui  lui  fournissaient. 

Mais  ce  qui  paraît,  dans  l'histoire  des  idées  en  Espagne,  plus 
nouveau  encore  que  la  méthode,  c'est  l'esprit  qui  inspire  cette 
philosophie  sociale  de  Jovellanos.  Bien  des  moralistes  avant  lui, 
depuis  Ferndndez  de  Navarrete ,  avaient  essayé  de  déduire  de 
l'observation  des  faits  les  principes  de  la  science  sociale;  ce  qui 
est  particulier,  si  je  ne  me  trompe,  c'est  que  ce  patricien,  non 
plus  par  élan  de  générosité,  ni  par  charité  chrétienne,  ni  par 
quelque  réminiscence  de  philosophie  stoïcienne,  mais  par  une 
conviction  fondée  sur  les  données  de  l'histoire  et  de  la  philo- 
sophie, oriente  résolument  sa  politique  dans  une  direction 
nouvelle  :  le  peuple,  entre  les  diverses  classes  duquel  il  n'y  a 


1 .  Voy.  une  ingénieuse  Vindicaciôn  de  l'orthodoxie  de  J.  au  tome  III,  livre  VI, 
ch.  III,  des  Hcterodoxos  de  M.  Menéndez  Pelayo. 


4o 


E.    MERIMEE 


désormais  d'autres  différences,  selon  lui,  que  celles  justifiées 
par  la  diversité  des  mérites  ,  ou  consacrées  par  l'intérêt  histo- 
riquement reconnu  de  la  communauté.  Voilà  qui  commence  à 
bien  marquer  l'originalité  propre  a  Jovellanos. 

Je  sais  bien  qu'à  mesure  que  l'on  pénètre  plus  avant  dans  l'his- 
toire un  peu  confuse  de  la  société  espagnole  au  xvme  siècle,  cette 
originalité  de  Jovellanos  paraît  moins  grande.  Beaucoup  d'esprits, 
amis  du  progrès  ou  simplement  aventureux,  avaient,  sous  la 
double  influence  des  encyclopédistes  et  des  économistes  anglais, 
propagé  en  Espagne  ces  idées  nouvelles,  essayé  même  des  réformes 
pratiques.  On  retrouverait  assez  facilement  les  principales  idées  de 
notre  auteur  chez  Campomanes,  Penaflorida,  Olavide,  Cabarrus 
et  quelques  autres.  Mais  Jovellanos  me  paraît  avoir  apporté,  dans 
l'exposition  de  ces  nouveautés,  plus  de  mesure,  plus  de  désinté- 
ressement et  plus  de  précision,  de  telle  sorte  que  l'opinion,  qui 
ne  juge  qu'à  distance  et  en  gros,  lui  en  fait  volontiers  honneur. 


L'œuvre  maîtresse  de  Jovellanos  homme  d'Etat,  c'est  le  Mémo- 
rial pour  la  Junte  centrale.  Il  dut  naissance  à  l'un  de  ces  événements 
qui  font  époque  dans  la  vie  d'un  peuple.  Il  est  à  remarquer  d'ail- 
leurs que  le  hasard  des  événements  ou  quelque  impulsion  reçue 
du  dehors,  plus  encore  que  le  développement  régulier  de  sa  pen- 
sée personnelle,  ont  dicté  à  Jovellanos  ses  œuvres  caractéristiques. 
Après  la  disparition  tragique  de  l'ancienne  monarchie  qui,  en  face 
de  l'envahisseur,  laissait  l'Espagne  sans  gouvernement,  sans 
direction,  il  fallait  refaire  l'édifice,  ou  du  moins  approprier  les 
éléments  encore  utiles  de  ce  dernier  à  ce  qu'on  allait  mettre  à  sa 
place.  Nous  n'avons  pas  à  rechercher  ici  comment  les  hommes 
appelés  à  l'honneur  redoutable  de  foire  face  à  cette  situation  sans 
précédents  furent  amenés  à  créer  de  toutes  pièces  cette  Consti- 


ÉTUDES  SUR   LA   LITTÉRATURE  ESPAGNOLE  AU   XIXe  SIÈCLE       41 


tution  de  Cadix  qui,  en  dépit  de  ses  insuffisances,  de  ses  contra- 
dictions, de  ses  naïvetés,  témoigne  de  leur  honnêteté  et  de  leur 
largeur  d'esprit.  Jovellanos  prit  une  part  des  plus  actives  aux  tra- 
vaux de  la  Junte  centrale,  et  il  est  facile  de  marquer  dans  quel 
sens  s'exerça  son  influence,  soit  par  les  procès-verbaux  des  déli- 
bérations, soit,  plus  commodément,  en  lisant  le  Mémorial,  qu'il 
rédigea,  de  juillet  à  septembre  1810,  dans  les  rares  moments  de 
tranquillité  que  lui  laissèrent  la  guerre  ou  les  persécutions  de  ses 
ennemis. 

Le  gouvernement  qu'il  eût  voulu  donner  à  ses  concitoyens  ne 
diffère  pas  beaucoup,  au  fond,  de  la  monarchie  constitutionnelle 
et  représentative,  telle  à  peu  près  qu'elle  existait  en  Angleterre, 
avec  séparation  très  nette  des  trois  pouvoirs  exécutif,  législatif, 
judiciaire,  et  garanties  constitutionnelles,  destinées  à  éviter  les 
conflits  et  à  assurer  l'indépendance  à  chacun  de  ces  pouvoirs, 
dans  sa  sphère  d'action.  Parmi  ces  garanties,  Jovellanos  comptait 
un  corps  intermédiaire,  ou  Sénat,  et  la  responsabilité  ministé- 
rielle. Cette  conception  de  l'Etat  moderne  n'était  certes  pas  une 
nouveauté,  mais  jamais  elle  n'avait  été  formulée  en  Espagne  avec 
autant  de  netteté.  On  sait  quel  avenir  lui  était  réservé.  Il  est 
permis  de  conclure  des  lamentables  événements  qui  déchirèrent 
la  péninsule  pendant  la  période  suivante,  qu'elle  heurtait  encore 
trop  violemment  les  traditions  et  les  habitudes  pour  qu'elle  pût 
passer,  sans  secousses,  du  domaine  spéculatif  dans  la  réalité.  Il 
semble  que  Jovellanos  en  ait  eu  le  pressentiment.  Mieux  avisé 
que  beaucoup  de  ses  concitoyens ,  —  parce  qu'il  voyait  plus 
loin,  —  il  ne  prétendit  point  réaliser  sans  retard  ni  tempérament 
tout  ce  que  lui  dictait  la  raison,  et  c'est  peut-être  ce  qu'il  y  a  de 
plus  admirable  dans  son  action  politique.  Au  lieu  d'accuser  les 
différences  entre  l'ancien  et  le  nouveau  régime,  il  s'applique  à 
faire  voir  que  l'ordre  de  choses  à  établir  ne  devait  pas  être  un 
divorce  ni  constituer  une  révolution,  mais  sortir  naturellement 
de  l'antique  constitution  espagnole,  et  qu'il  avait  ses  précédents, 
sa  raison  d'être,  et,  par  suite,  sa  légitimité,  dans  les  entrailles,  en 


_|2  E.    MERIMEE 


quelque  sorte,  de  la  vieille  loi  nationale.  Il  pensait,  à  peu  près 
comme  M.  Taine,  que  cet  organisme  infiniment  compliqué  et 
délicat  qu'on  nomme  la  constitution  ou  le  régime  politique  , 
produit,  par  son  développement  normal  à  travers  les  siècles, 
une  certaine  manière  d'être  qui  devient  la  vie  propre  de  la  nation, 
et  que  si,  par  suite  d'excès  ou  d'infidélités  à  la  loi  fondamentale 
de  son  existence,  cet  organisme  dépérit,  ce  n'est  pas  en  lui  infu- 
sant brutalement  une  sève  étrangère,  un  sang  emprunté,  qu'on 
lui  rendra  la  santé,  mais  en  éliminant,  par  une  hygiène  attentive, 
les  éléments  morbides  qui  s'y  sont  introduits,  et  en  te  ramenant 
à  sa  pureté  originelle.  Il  ne  faut  pas  détruire,  répète-t-il  sans 
cesse,  il  faut  guérir,  améliorer,  et  le  remède  est  dans  l'étude  de 
la  constitution  du  corps  malade. 

Cette  manière  de  voir  explique  la  répulsion,  l'antipathie  de 
Jovellanos  pour  les  constructions  à  priori ,  à  la  manière  de 
Rousseau,  antipathie  qui  se  manifeste,  par  exemple,  à  propos  du 
prétendu  contrat  social,  ou  des  droits  préhistoriques  du  citoyen, 
ou  même  de  la  maxime  que  tous  naissent  libres  et  égaux.  De  là 
encore,  dans  l'ordre  des  faits  historiques,  sa  sévérité  contre  la 
Révolution  française.  La  façon  dont  il  en  parle  parfois  l'a  fait  juger 
sévèrement  par  certains  critiques;  elle  étonne  en  effet  chez  un 
esprit  si  capable  d'en  comprendre  l'idée  généreuse,  chez  un 
homme  d'Etat  qui,  en  somme,  aboutissait  sur  bien  des  points  à 
des  conclusions  analogues.  Ce  sont  ses  excès,  il  est  vrai,  plus  que 
ses  principes,  qui  excitent  son  indignation.  (Ct.  la  Oda  Sâjïca,  à 
Poncio.) 

De  là  enfin  ses  efforts  pour  concilier  le  passé  historique  de  la 
nation  avec  les  exigences  de  la  civilisation  moderne,  et  pour 
établir,  entre  le  droit  d'autrefois  et  celui  d'aujourd'hui,  une  suite 
ininterrompue,  gage  et  condition  du  développement  pacifique  de 
ses  destinées.  Ce  sage  mais  difficile  tempérament  entre  la  révolu- 
tion et  la  tradition  constitue  la  véritable  originalité  du  rôle  poli- 
tique de  Jovellanos  :  il  explique  aussi  la  diversité  des  jugements 
qu'il  a  inspirés.  Tous  les  partis,  Cristinos  ct  carlistes,  libéraux  et 


ETUDES  SUR   LA   LITTERATURE  ESPAGNOLE   AU    XIXe   SIECLE      43 

traditionnalistes,  le  revendiquent  également,  et  tous  prétendent 
trouver  dans  ses  écrits  de  quoi  justifier  leurs  prétentions.  C'est 
qu'à  ne  tenir  compte  ni  des  dates  ni  des  circonstances,  ses  opi- 
nions paraissent  parfois  inconsistantes,  voire  même  contradic- 
toires. Le  jeune  magistrat  de  Séville,  séduit  par  les  nouveautés 
philosophiques  et  économiques  à  la  mode  au  four  de  lui,  ne 
parlait  ni  ne  pensait  comme  le  prisonnier  de  Majorque  ou  le 
constituant  de  Cadix.  L'expérience,  la  réflexion  calmèrent  l'en- 
thousiasme trop  prompt  de  la  jeunesse,  mais  elles  n'enlevèrent 
jamais  à  l'homme  mûr  cette  passion  généreuse  pour  la  liberté, 
pour  la  justice  sociale,  cette  foi  dans  les  progrès  de  l'humanité, 
qui  étaient  le  fond  de  son  caractère.  C'est  pourquoi  les  prétentions 
des  uns  et  des  autres,  de  M.  Nocedal  ou  de  M.  Azcarate,  ne  me 
semblent  fondées  qu'en  partie  :  Jovellanos  n'appartient  exclusive- 
ment ni  au  parti  de  la  tradition  ni  au  parti  de  la  révolution, 
parce  que  ce  sage,  ce  modéré,  a  cru  de  bonne  foi  à  une  concilia- 
tion possible  entre  ces  deux  choses  peut-être  inconciliables. 

Tel  est,  dans  ce  qu'il  a  d'essentiel,  le  principe  sur  lequel  repo- 
sent toutes  les  conceptions  politiques  de  Jovellanos.  Il  ne  peut 
être  question  ici  d'en  suivre  le  développement  dans  le  détail,  ni 
d'énumérer  les  solutions  qu'il  a  données  aux  nombreux  problèmes 
de  la  politique  pratique.  Je  n'ajouterai  que  deux  remarques  sur 
ce  point.  La  première,  c'est  que  par  tournure  d'esprit,  peut- 
être  aussi  par  suite  des  habitudes  contractées  dans  sa  vie  de 
magistrat  et  de  ministre,  Jovellanos  s'attarde  peu  dans  le  domaine 
de  l'abstraction  :  il  va  droit  à  la  réalité  concrète,  à  la  difficulté  de 
fait,  à  la  solution  pratique.  En  second  lieu,  sa  méthode  à  la  fois 
historique  et  critique,  qui  dans  les  faits  s'efforce  de  saisir  la  loi, 
constituait  une  nouveauté  et  un  progrès  dans  la  science  politique 
espagnole;  elle  rattache  Jovellanos  à  notre  siècle.  Cependant, 
tout  en  accordant  leur  importance  aux  faits  historiques,  tout  en 
fondant  sur  eux  la  légitimité  des  institutions  nationales,  il  est 
trop  de  son  siècle  pour  aboutir  à  une  sorte  d'indifférence  éclec- 
tique ou  de  scepticisme,  sans  principes  comme  sans  idéal.  Soit 


44  E.    MERIMEE 


qu'il  ait  subi  l'influence  des  doctrines  de  Condillac  et  de  Condor- 
cet,  soit  que  sa  confiance  dans  l'efficacité  de  la  science  écono- 
mique, alors  dans  toute  la  fraîcheur  de  la  jeunesse  en  Espagne, 
suffise  à  expliquer  son  enthousiasme,  ses  illusions,  il  estime  que 
c'est  le  bonheur  des  individus  et  des  nations  que  les  Constitutions 
ont  pour  but  d'assurer,  et  qu'en  se  rapprochant  de  plus  en  plus 
de  cet  idéal,  elles  amèneront  un  jour  sur  la  terre  pacifiée  le  règne 
de  la  vertu,  et  avec  la  vertu,  la  félicité  universelle.  On  peut  voir 
l'expression  naïve  de  cet  espoir  dans  YEpître  à  Inarco  (Moratin)  : 
«  O  société,  ô  lois,  ô  noms  cruels,  qui  promettez  protection  au 
monde  trompé  et  ne  lui  donnez  que  guerres,  effroi,  oppression 
et  larmes!  Mais  il  viendra,  ce  jour,  il  viendra,  Inarco,  pour 
éclairer  le  monde  et  pour  consoler  les  chagrins  des  mortels. 
Alors  ce  nom  fatal  de  propriété,  ce  nom  détesté  sera  oublié.  Mot 
infâme  et  funeste...,  etc.  »  Cette  vision,  assez  inattendue,  d'un 
communisme  qui  s'ignore  nous  fait  vaguement  songer  à  celui  de 
Dupont,  dans  la  fantaisie  de  Musset  : 

De  magistrats  néant,  de  lois,  pas  davantage  ! 

ou,  si  ce  rapprochement  paraît  irrévérencieux,  rappelons-nous  le 
rêve  du  mineur  Etienne  dans  Germinal ,  de  Zola  :  «  ....Tout  le 
malheur  disparaissait,  comme  balayé  par  un  grand  coup  de  soleil, 
et,  sous  un  éblouissement  de  féerie,  la  justice  descendait  du  ciel. 
Une  société  nouvelle  poussait  en  un  jour,  ainsi  que  dans  les 
songes  une  ville  immense  d'une  splendeur  de  mirage,  où  chaque 
citoyen  vivait  de  sa  tâche  et  prenait  sa  part  des  joies  communes..  » 
Jovellanos  se  fait  de  bonne  foi  l'ouvrier  de  ce  bonheur  qu'il 
goûte  par  avance  :  il  est  persuadé  qu'il  y  travaille  efficacement 
en  perfectionnant,  par  exemple,  les  moyens  de  .production  ou  en 
répandant  l'instruction  dans  les  masses.  «  Qui  ne  voit,  s'éçrie- 
t-il,  que  le  progrès  même  de  l'instruction  conduira  quelque  jour, 
d'abord  les  nations  éclairées  de  l'Europe,  et  enfin  celles  de  la  terre 
entière  à  une  Confédération  générale,  qui  aura  pour  objet  d'as- 
surer à  chacune  d'elles  la  jouissance  de  ses  avantages  naturels, 


ÉTUDES  SUR   LA   LITTERATURE  ESPAGNOLE  AU   XIXe   SIECLE       45 

de  maintenir  entre  toutes  une  paix  inviolable,  de  réprimer  — 
non  par  des  armées  ni  à  coups  de  canon  ,  mais  par  l'autorité  de 
ses  ordres,  plus  forte  et  plus  redoutable  —  le  peuple  téméraire 
qui  oserait  troubler  le  repos  et  le  bonheur  du  genre  humain  ?  » 
Ces  rêveries  sentimentales  paraîtront  peut-être  bien  démodées, 
et  il  serait  facile  de  tourner  en  ridicule  l'expression  naïve  de  cet 
optimisme,  qui  fut  pourtant  celui  des  grands  esprits  de  l'époque. 
Si  toutefois  nous  nous  replaçons  en  imagination  dans  le  temps 
et  dans  le  milieu  où  elles  furent  écrites,  peut-être  nous  laisserons- 
nous  toucher  par  cette  philanthropie  ,  dont  l'expression  a  pu 
vieillir,  mais  qui  n'est  point  un  simple  artifice  de  rhétorique  : 
on  y  sent  l'accent  d'un  sentiment  sincère  et  d'une  passion  réelle 
pour  les  intérêts  de  l'humanité.  Songeons  que  c'était  au  bruit 
du  canon,  dans  des  gîtes  de  hasard,  au  fond  d'un  pays  envahi, 
dévasté,  asservi,  que  l'auteur  écrivait  ainsi.  Cette  vaste  sympathie 
pour  la  misère  universelle,  ce  cosmopolitisme  généreux,  si  étran- 
ger jusque-là  aux  préoccupations  des  penseurs  espagnols,  ne 
devait  pas,  ce  me  semble,  être  oublié  dans  une  étude  sur  Jovel- 
lanos  :  elle  forme  l'un  des  traits  caractéristiques  de  cette  figure. 


il 


Lorsque  l'on  réfléchit  à  l'idée  que  les  politiques  espagnols , 
depuis  Charles  Quint  et  Philippe  II,  se  faisaient  des  devoirs 
des  gouvernants,  il  semble  qu'ils  se  soient  crus  responsables 
du  bonheur  de  leurs  sujets  uniquement  dans  l'autre  monde. 
Leur  politique,  du  moins,  tant  extérieure  qu'intérieure, 
paraît  une  application  constante  de  cette  pensée.  Ce  n'était  point 
celle  de  Jovellanos.  Il  estimait,  au  contraire,  que  le  rôle  du 
gouvernement  était  d'abord  d'assurer,  dans  la  mesure  du  possible, 
la  félicité  de  la  nation  sur  cette  terre,  de  s'occuper  de  ses  intérêts 
matériels,  du  développement  de  sa  richesse  commerciale,  indus- 


46  E.    MÉRIMÉE 


trielle  et  agricole.  Par  ses  travaux  et  par  ses  écrits,  il  a  fait  autant, 
pour  pousser  l'Espagne  dans  cette  voie,  si  nouvelle  pour  elle, 
que  les  Aranda,  les  Olavide,  les  Floridablanca  ,  les  Cabarrus. 
Non  seulement,  comme  ministre  ou  comme  simple  particulier, 
il  continue  l'œuvre  de  ces  derniers,  mais  comme  écrivain,  par 
une  foule  de  mémoires,  de  rapports,  de  projets,  il  lance  ces  idées 
dans  la  circulation.  Ce  poète,  cet  auteur  dramatique,  cet  artiste 
a  par  dessus  tout  le  sens  du  réel,  du  pratique,  du  positif  :  c'est  à 
la  fois  sa  force,  et,  dans  un  sens  que  j'expliquerai  tout  à  l'heure, 
son  infériorité.  Le  «  berger  »,  le  mayoral  Jovino,  comme  l'appe- 
laient ses  amis  de  Salamanque  qui  nous  le  représentent  chantant 
sur  ses  pipeaux  le  long  des  rives  du  Bétis  ou  du  Tonnes,  est  en 
réalité  ingénieur,  minéralogiste,  agronome,  industriel,  péda- 
gogue. On  le  croit  occupé  à  rimer  des  endechas  ou  des  bouquets 
à  Chloris  :  il  rumine  les  moyens  d'améliorer  la  filature  de  la  soie, 
ou  de  développer  l'industrie  des  mousselines  ;  il  calcule  le  tracé 
d'une  grande  voie  qui,  reliant  la  Castille  aux  Asturies,  servira  de 
débouché  aux  produits  de  la  première  de  ces  provinces,  lesquels 
se  perdent  sur  place. 

Il  fera  mieux.  Comme  Olavide  avec  ses  colonies  agricoles 
ou  Penaflorida  avec  ses  sociétés  d'Amis  du  pays  et  son  Ecole 
patriotique  de  Vergara,  bravement,  à  ses  risques  et  périls,  il 
donnera  l'exemple  de  l'initiative  privée  et  fondera,  à  Gijôn, 
YInstitut  Asturien,  sorte  d'école  pratique  et  professionnelle  d'où 
sortiront  des  ingénieurs  et  des  officiers  de  marine.  Le  but  qu'il 
se  propose  par  cette  création  originale,  il  l'a  exposé  souvent 
lui-même  :  «  C'est  de  vulgariser  les  connaissances  utiles  pour 
développer  les  arts  productifs,  pour  fournir  des  aliments  nouveaux 
au  travail  honnête,  pour  donner  de  nouveaux  débouchés  au 
commerce  et  à  la  navigation,  pour  augmenter  la  population  et 
l'abondance  et  pour  fonder  sur  une  même  base  la  sûreté  de  l'Etat 
et  le  bonheur  de  ses  membres.  »  La  -devise  qu'il  donne  au  nouvel 
Institut  est  celle  qu'il  avait  choisie  pour  lui-même  :  Quidverum, 
quitl  sit  utile  :  vérité  et  utilité  !  Lui-même  en  rédigera  les  règle- 


ÉTUDES  SUR  LA  LITTERATURE   ESPAGNOLE   AU   XIXe   SIECLE       47 

ments  par  le  menu  :  nous  les  avons,  et  ils  mériteraient  une  étude 
spéciale.  Ses  mémoires  sur  différents  points  d'économie  politique 
sont  très  nombreux  :  il  faut  laisser  aux  gens  du  métier  le  soin  de 
les  apprécier.  Je  ne  saurais  dire  à  quelle  école  se  rattache  exacte- 
ment Jovellanos,  ni  même  s'il  se  rattache  à  aucune  des  sectes 
françaises  ou  anglaises  qui  se  disputaient  alors  la  prépondérance. 
A  vrai  dire,  je  ne  vois  pas  qu'il  ait  exposé  nulle  part  la  théorie 
de  la  science  économique  telle  qu'il  la  comprenait,  ni  qu'il  ait 
tenté,  comme  Quesnay,  Smith,  Turgot  ou  Say,  d'appuyer  sui- 
des principes  abstraits  et  des  déductions  philosophiques  cette 
«  science  du  bonheur  ».  Ce  qui  importe  ici,  ce  me  semble,  c'est 
moins  la  valeur  philosophique  que  la  portée  pratique  de  ses 
réformes.  Or  il  est  manifeste  que  les  tentatives  de  Jovellanos,  si 
elles  n'eussent  pas  été  si  malheureusement  entravées  par  les  évé- 
nements, étaient  de  nature  à  modifier  la  situation  de  l'Espagne 
et  à  lui  faire  prendre  rang  parmi  les  nations  qui  se  disputent  la 
suprématie  commerciale  ou  industrielle.  Cette  gloire  en  vaut  une 
autre.  Et  pour  montrer  avec  quelque  précision  combien  Jovella- 
nos a  de  titres  à  cette  gloire,  pour  prouver  aussi  que  tout  en  se 
méfiant  des  généralisations  ambitieuses,  il  prétendait  appuyer  ses 
plans  de  réformes  sur  le  fondement  de  la  vérité  et  de  la  justice, 
on  me  permettra  de  prendre  quelques  exemples,  entre  beaucoup 
d'autres. 

J'emprunte  le  premier  au  célèbre  Rapport  sur  la  Loi  agraire 
(Informe  sobre  la  Ley  agraria).  L'auteur  se  proposait  d'y  présenter 
au  roi  Charles  III  quelques  observations  sur  la  Constitution  ou 
Code  de  l'agriculture,  que  ce  monarque  réformateur  voulait 
édicter.  Ce  Rapport,  qui  est  peut-être  le  principal  titre  d'honneur 
de  l'homme  d'Etat,  rappelle  à  la  fois  les  mémoires  de  Turgot  (et 
il  serait  instructif  de  pousser  plus  à  fond  ce  rapprochement),  les 
cahiers  généraux  de  notre  Tiers-Etat  et  la  Déclaration  des  Droits 
de  l'homme.  C'est  en  réalité ,  sous  des  apparences  modestes  et 
une  forme  précise,  la  Charte  constitutionnelle  d'un  régime  nou- 
veau. L'auteur  énumère  dans  trois  chapitres  les  obstacles  poli- 


48  E.    MÉRIMÉE 


tiques  ou  légaux,  les  obstacles  moraux,  enfin  les  obstacles  phy- 
siques ou  matériels  que  rencontre  le  développement  de  l'agri- 
culture en  Espagne. 

Les  obstacles  politiques  et  civils  que  les  lois  ou  les  coutumes 
lui  opposent  ce  sont  :  les  baldios  ou  terrains  en  friche  qu'il  faut 
aliéner  et  mettre  en  vente  par  parcelles;  les  tierras  concejiles  ou 
biens  communaux,  qui  sont  abandonnés,  et  que  l'industrie  privée 
peut  seule  mettre  en  valeur  (il  faut  les  vendre  ou  les  louer  avec 
bail  emphytéotique);  la  abertura  de  las  heredades  ou  autorisation 
de  pâturer  dans  les  propriétés  privées;  le  caprice  des  protections 
à  telle  ou  telle  culture  aux  dépens  des  autres  ;  les  privilèges  de  la 
Mesta,  qui  doivent  disparaître,  à  l'exception  des  canadas  ou  sen- 
tiers de  passage  pour  les  mérinos;  enfin  les  biens  de  main- 
morte, tant  du  clergé  séculier  et  régulier  que  des  Grands  et  des 
Mayoraçgos.  Jovellanos  traite  ce  point  capital  avec  autant  de  dexté- 
rité que  de  fermeté.  Il  signale  l'insatiable  ambition  de  certains 
ordres  mendiants,  «  esta  portentosa  multiplication  de  conventos.  »  — 
«  Quelles  barrières  pourraient  résister  aux  entreprises  de  la  cupi- 
dité et  de  la  religion  coalisées  ?  Que  barreras  podrian  bastar  contra 
los  esfuer^os  de  la  codicia  y  de  la  dévotion  reunidos  ?  »  Quant  aux 
majorats,  «  c'est  une  institution  qui  répugne  aux  principes  d'une 
législation  sage  et  juste,  et  la  première  mesure  réclamée  par  la 
nation,  c'est  l'abolition  de  toutes  les  lois  qui  permettent  de  sub- 
stituer les  biens  d'une  famille  aux  aînés.  »  —  Faudra-t-il  donc 
dépouiller  violemment  ces  derniers  ?  Non,  la  propriété  est  sacrée, 
alors  même  que  cette  propriété  ne  résulte  que  d'un  contrat  qui 
peut  être  considéré  comme  caduc,  l'une  des  parties  ne  remplissant 
plus  les  conditions  du  contrat.  Mais  le  principe  est  tellement 
nécessaire,  qu'il  ne  faut  rien  faire  qui  puisse  l'affaiblir.  Jovellanos 
compte  sur  les  dispositions  législatives  nouvelles  et  sur  les  privi- 
légiés eux-mêmes,  qui  comprendront  sans  doute  leurs  véritables 
intérêts.  Nous  sommes  loin,  on  le  voit,  de  Ylipilrc  à  Inarco. 

Le  commerce  intérieur  des  grains  et  autres  produits  du  sol 
doit  être  libre.   «   C'est  se  faire  illusion  que  d'attendre  le  bon 


ÉTUDES  SUR  LA  LITTERATURE  ESPAGNOLE  AU   XIXe   SIECLE       49 

marché  d'autre  chose  que  de  l'abondance  ,  et  l'abondance  que 
du  libre  trafic  des  fruits  de  la  terre.  »  Et  ailleurs  :  «  Il  convient, 
Sire,  d'établir  la  liberté  du  commerce  intérieur  par  une  loi  perma- 
nente qui  réveille  l'intérêt  individuel ,  oppose  le  monopole  au 
monopole,  et  mette  fin  à  ces  affaires  suspectes  qui  se  trament  à 
l'ombre  des  lois  prohibitives.  »  La  seule  restriction  à  ce  principe 
de  liberté  s'applique  au  commerce  extérieur  des  blés.  Les  désa- 
vantages de  l'échelle  mobile  sont  exposés  avec  précision  ;  il  faut 
prohiber  l'exportation  et  permettre  l'importation  sous  conditions. 

Un  dernier  obstacle  que  l'agriculture  rencontre  dans  les  lois, 
—  et  l'un  des  plus  graves  assurément ,  —  c'est  l'inégalité  de 
l'impôt.  Cette  inégalité  est  un  mal  et  une  injustice.  «  L'égalité, 
que  la  justice  exige  par  dessus  tout,  doit  se  manifester  de  deux 
manières.  Il  faut,  en  premier  lieu,  que  tous  les  citoyens,  sans 
aucune  exception,  contribuent  aux  charges  publiques,  ainsi  que  le 
proclamaient  déjà  les  Lois  Alphonsines  et  les  Cortes  de  Guada- 
lajara,  et  comme  le  veulent  l'équité  et  la  raison.  Puisqu'il  s'agit 
en  effet  du  bien  général,  aucune  classe,  aucun  citoyen  ne  peut, 
sans  injustice,  s'exempter  de  ce  devoir.  Il  faut,  en  second  lieu, 
que  tous  contribuent  proportionnellement  à  leurs  ressources,  car 
l'on  ne  peut  réclamer  autant  du  pauvre  que  du  riche.  D'ailleurs 
si  ces  bienfaits  que  l'Etat  assure  s'appliquent  à  toutes  les  classes 
de  la  société,  il  est  clair  que  ceux-là  surtout  pourront  en  jouir 
qui  ont  plus  de  fortune,  et  que  conséquemment  ils  doivent  con- 
tribuer proportionnellement  à  cette  fortune.  » 

Les  obstacles  moraux  proviennent  de  l'abandon  dans  lequel 
l'Etat  laisse  les  intérêts  de  l'agriculture,  et  de  l'ignorance  des 
agriculteurs,  auxquels  l'Etat  devrait  assurer  l'instruction  élémen- 
taire et  l'enseignement  technique.  «  Daigne  Votre  Altesse  multi- 
plier partout  l'enseignement  primaire;  qu'il  n'y  ait  point  d'en- 
droit, de  village,  de  paroisse  qui  en  soit  privé;  qu'il  n'y  ait  point 
de  citoyen,  si  pauvre,  si  misérable  soit-il,  qui  ne  puisse  recevoir 
cette  instruction  facilement  et  gratuitement  !  Alors  même  que  la 

Revue  hispanique.  4 


50  E.    MERIMEE 


nation  ne  devrait  pas  ce  bienfait  à  tous  ses  membres,  bienfait  par 
où  se  manifeste  surtout  sa  protection  et  sa  sollicitude,  elle  se  le 
devrait  à  elle-même,  car  c'est  le  moyen  le  plus  simple  d'augmenter 
sa  puissance  et  sa  gloire.  Eh  quoi  !  n'est-ce  pas  le  témoignage  le 
plus  honteux  de  notre  négligence  que  de  voir  ainsi  abandonnée 
et  négligée  une  branche  d'instruction  d'une  portée  si  générale, 
si  nécessaire,  si  profitable,  au  moment  même  où  nous  multi- 
plions avec  tant  d'ardeur  les  foyers  d'enseignement  partiel,  inutile 
souvent  et  dangereux  ?  » 

Quant  aux  obstacles  naturels  que  l'agriculture  rencontre  dans 
les  choses,  Jovellanos  les  groupe  sous  les  titres  suivants  et  les 
examine  successivement  :  manque  d'irrigations ,  manque  de 
communications  par  terre  ou  par  eau  ,  manque  de  ports.  Il  pro- 
pose un  ensemble  de  mesures  pratiques  pour  remédier  à  ces 
maux  et  termine  en  étudiant  les  ressources  budgétaires  qui 
doivent  faire  face  aux  dépenses.  Il  recommande  rétablissement  — 
avec  comptabilité  distincte  —  d'un  budget  général  ou  national, 
d'un  budget  provincial  et  d'un  budget  municipal. 

Tel  est,  dans  ses  lignes  générales,  ce  célèbre  Rapport,  dont 
l'importance  saute  aux  yeux,  et  dont  les  conclusions  dépassaient 
singulièrement  ce  qu'on  en  pouvait  attendre.  C'était  une  belle 
préface  à  la  Constitution  de  Cadiz.  Linguet  s'est  moqué  quelque 
part  de  ce  beau  zèle  des  réformateurs  :  «  Si  l'Espagne,  dit-il, 
s'imagine  repeupler  ses  champs  avec  les  belles  phrases  qu'a  consi- 
gnées sur  le  papier  un  agriculteur  théorique,  elle  se  trompe  fort. 
Si  elle  s'imagine  que  ses  manufactures  vont  renaître  parce  qu'une 
brave  fille,  dirigée  par  un  économiste  enthousiaste,  au  lieu  de 
l'être  par  son  confesseur,  file,  en  un  an,  deux  ou  trois  livres  dé- 
plus que  sa  voisine,  elle  ne  se  trompe  pas  moins.  Le  temps  que 
l'on  donne  à  la  théorie  est  perdu  pour  la  pratique.  »  N'en  déplaise 
à  ce  critique  chagrin,  avant  de  faire  passer  les  réformes  dans  la 
pratique,  il  fallait  y  habituer  les  esprits,  en  montrer  l'utilité,  la 
nécessité,  triompher  des  résistances  acharnées,  convaincre  le 
public,  et  cette  tâche,  personne  n'était  plus  apte  à  la  remplir  que 


ÉTUDES  SUR   LA   LITTÉRATURE  ESPAGNOLE  AU   XIXe  SIECLE        5  I 


Jovcllanos.  Le  meilleur  éloge  de  son  œuvre,  je  le  trouve  dans  ces 
lignes  de  M.  Nocedal  :  «  Après  tant  d'années,  tant  d'expériences, 
tant  de  leçons  et  d'excès,  nous  en  sommes  revenus  à  ce  que  pro- 
posait Jovellanos  :  à  lo  que  proponia  Jovcllanos,  hemos  venido  à 
parar.  » 

L'originalité  de  Jovellanos  ne  se  montre  pas  moins  en  matière 
d'enseignement  public.  Ses  écrits  relatifs  à  l'instruction ,  les 
plans,  les  règlements  concernant  les  trois  ordres  d'enseignement 
fourniraient  ample  matière  à  une  étude  qui  mettrait  en  lumière 
cette  curieuse  Hgure  de  pédagogue  homme  d'Etat.  On  peut  avancer 
que  personne  en  Espagne,  ni  Campomanes,  ni  Olavide,  ni  Roda, 
n'avait  montré  à  un  tel  degré  un  tel  souci  de  l'instruction  publique 
et  que  nul  éducateur,  jusqu'à  Pablo  Montesino,  n'a  eu  sur  ce  sujet 
des  idées  plus  nettes  et  plus  fécondes.  C'est  ce  que  l'on  montre- 
rait suffisamment  en  résumant,  parmi  tant  d'autres  écrits,  les 
quatre  suivants  :  i°  Règlement  littéraire  et  pédagogique  du  Collège 
impérial  de  Calatrava,  à  Salamanque;  2°  Cours  d'humanités  et  Règle- 
ment pour  l'Institut  Asturien;  30  Principes  pour  la  formation  d'un  plan 
général  d'Instruction  publique;  40  et  surtout,  Mémoire  sur  V Educa- 
tion publique,  écrit  pendant  la  captivité  de  l'auteur  à  Bellver. 

Ce  souci  de  l'instruction  des  classes  moyennes  et  populaires 
est  l'un  des  indices  de  la  formation  d'une  société  nouvelle.  A  vrai 
dire,  presque  tout  était  à  faire  en  Espagne  à  ce  point  de  vue  : 
de  la  base  au  sommet  l'édifice  était  à  restaurer,  sinon  à  recon- 
struire. En  dépit  de  quelques  tentatives  de  réformes,  telles  que 
celles  qui  révolutionnèrent  un  moment  Salamanque,  les  grandes 
universités  étaient  immobilisées  dans  des  programmes  et  des 
méthodes  qui  dataient  de  plusieurs  siècles.  Les  témoignages  de 
Torres  Villaroel  et  d'Olavide,  ou,  si  ces  derniers  inspirent  quelque 
défiance,  ceux  d'hommes  modérés  tels  que  Pérez  Bayer,  sont  ins- 
tructifs sur  ce  point.  Il  n'y  avait,  en  matière  d'enseignement 
secondaire  ou  primaire,  aucune  suite,  aucune  unité  de  vues, 
aucune  coordination.  Ce  fut  sur  ces  deux  derniers  points  que 


52  E.    MERIMEE 


Jovellanos  concentra  ses    efforts   :  c'est  là  aussi  que   ses  vues 
paraissent  le  plus  originales. 

Il  part  de  ce  principe,  qui,  depuis  le  suffrage  universel,  semble 
évident,  à  savoir  que  l'instruction  de  l'individu  est  une  nécessité 
sociale,  et  que  conséquemment  c'est  le  devoir  de  l'Etat  d'assurer 
cette  instruction,  dans  la  mesure  qui  convient  aux  intérêts  et  au 
salut  communs.  L'Etat  doit  donc  multiplier  les  écoles  populaires 
où  Ton  enseignera  la  lecture,  l'écriture,  le  calcul,  les  éléments 
de  la  religion.  On  apportera  un  soin  particulier  à  l'éducation 
physique  en  instituant  des  exercices  de  gymnastique  et  des  exer- 
cices militaires.  Il  faut  «  habilitât-  los  ninos  para  la  defensa  de  la 
patria,  cuando  fuesen  llamados  A  ella  ».  Et  comme  ce  devoir  est  le 
même  pour  tous,  tous  indistinctement  seront  soumis  à  ces  exer- 
cices. On  fondera  dans  ce  but  des  écoles  de  tir,  comme  en  Suisse. 
L'enseignement  moral  et  civique  doit  surtout  être  confié  au  père 
de  famille,  mais  il  sera  bon  de  rédiger  des  Manuels  pour  préciser 
ces  notions,  qui  restent  vagues  dans  l'esprit  populaire  :  «  Esios 
libros  deberân  contenir  un  cueso  abreviado  de  doctrina  natural,  civil  y 
moral,  acomodado  à  la  capacidad  de  los  ninos.  »  L'éducation  reli- 
gieuse devait,  en  Espagne,  occuper  une  place  importante  dans 
tout  système  d'éducation  générale.  Jovellanos  propose  d'y  consa- 
crer un  jour  par  semaine,  le  dimanche,  et  naturellement  de  le 
confier  au  prêtre.  En  même  temps  que  les  écoles  de  garçons , 
l'Etat  multipliera  les  écoles  de  filles,  distinctes  et  également  gra- 
tuites. De  même  il  établira,  au  dessus  de  ces  dernières,  des  collèges 
où  l'on  recevra,  moyennant  finances,  une  instruction  plus  com- 
plète. 

On  remarquera  que  sur  la  double  question  de  l'obligation 
et  de  la  gratuité,  Jovellanos,  pour  son  propre  compte,  n'hésite 
pas  :  Tune  et  l'autre  conclusion  découlent  naturellement  de  son 
principe.  Dans  le  Rapport  à  la  Junte  constituante }  il  laisse  à  cette 
dernière  le  soin  de  trancher  la  question,  quoique  ne  dissimulant 
point  son  opinion  personnelle.  Cabarrus,  son  protecteur  et  son 
ami,  dans  une  série  de  lettres  à  lui  adressées  en  1792,  allait  réso- 


ÉTUDES  SUR  LA  LITTERATURE   ESPAGNOLE  AU   XIXe   SIECLE       53 

lument  jusqu'au  bout  et  réclamait  la  laïcité.  Jovellanos  n'ose  le 
suivre  jusque-là  :  il  déclare,  au  contraire,  que  l'instituteur  le 
mieux  situé  et  tout  naturellement  désigné,  c'est  le  curé.  D'ailleurs 
il  a  conscience  de  la  grandeur  de  la  tâche  entreprise,  et  l'on  n'est 
point  surpris  de  trouver,  au  milieu  de  ses  plans  et  de  ses  règle- 
ments, des  appels  émus  au  dévouement  des  éducateurs  du  peuple  : 
«  O  mes  amis  du  pays  de  Majorque,  si  vous  désirez  le  bonheur 
de  notre  patrie,  si  vous  êtes  bien  convaincus  que  le  gage  le  plus 
sûr  de  ce  bonheur  c'est  l'instruction,  faites  le  premier  pas  dans 
cette  voie  !  Réfléchissez  que  l'instruction  élémentaire,  c'est  la  clef 
de  toute  instruction,  et  que  les  progrès  de  tous  les  autres  ensei- 
gnements dépendent  delà  façon  dont  celui-là  est  organisé.  Songez 
que  c'est  celui-là  seul  que  pourra  recevoir  la  grande  masse  de  vos 
compatriotes.  Appelés  par  leur  condition  à  travailler  dès  la  jeu- 
nesse, leur  temps  sera  consacré  au  labeur  et  non  à  l'étude.  Réflé- 
chissez surtout  que  sans  cela  la  majeure  partie  de  cette  foule 
restera  éternellement  vouée  à  l'ignorance  et  à  la  misère,  car  dans 
un  pays  où  la  propriété  publique  et  commune  est  à  peine  connue, 
où  la  propriété  individuelle  est  accumulée  dans  quelques  mains 
et  répartie  en  vastes  domaines  que  leurs  propriétaires  exploitent 
à  leurs  risques  et  périls,  à  quoi  peut  aspirer  un  peuple  sans  édu- 
cation, si  ce  n'est  à  la  condition  servile  et  précaire  de  journalier  ? 
Eclairez-le  donc,  apprenez-lui  les  connaissances  indispensables, 
donnez-lui  l'instruction  dont  il  a  besoin  :  nous  aurons  ainsi  la 
véritable  éducation  populaire.  Ouvrez-lui  la  porte  des  carrières 
industrielles,  mettez-le  sur  le  chemin  de  la  vertu  et  du  bien-être. 
Instruisez-le,  et  pour  lui  avoir  ainsi  donné  le  droit  d'être  heureux, 
vous  aurez  assuré  votre  gloire  et  celle  de  votre  patrie  !   » 

C'est  en  matière  d'enseignement  secondaire  que  l'initiative  de 
Jovellanos  paraît  surtout  originale  et  hardie.  Conséquent  avec  ses 
habitudes  d'esprit  et  fidèle  à  sa  méthode  habituelle,  il  ne  prétend 
point  cependant  bouleverser  le  vieil  édifice  qui  menace  ruine, 
mais  il  en  veut  reprendre  les  fondements  en  sous-œuvre,  de  telle 
sorte  que,  lorsqu'il  s'écroulera  de  vétusté,  il  se  trouvera  bientôt 


54 


E.    .MERIMEE 


remplacé  par  un  édifice  solide,  commode,  mieux  adapté  aux 
besoins  de  la  société  nouvelle.  Pour  parler  sans  métaphore,  ce 
que  Jovellanos  recommande  surtout,  ce  qu'il  a  même  créé  avec 
ses  seules  ressources,  c'est  un  type  absolument  nouveau  de  collège 
secondaire,  qui  fait  songer  à  notre  enseignement  spécial  ou  moderne. 
On  y  apprendra  les  sciences,  si  dédaignées  dans  les  vieilles  uni- 
versités, la  langue  castillane,  dont  l'étude  scientifique  n'était  pas 
moins  négligée  (a-t-on  fait  sur  ce  point  beaucoup  de  progrès 
depuis  Jovellanos?),  l'histoire  et  la  géographie,  le  dessin  (cuya 
grande  utilidad  asi  para  las  ciencias  como  para  las  artes  général  mente 
esta  reconocida),  enfin  les  langues  vivantes. 

Notre  temps  n'a  pas  tout  inventé  :  les  mêmes  questions  qui 
sont  aujourd'hui  si  débattues  l'étaient  déjà  en  Espagne  dans  les 
dernières  décades  du  xvmc  siècle,  et,  sur  la  plupart  d'entre  elles, 
Jovellanos  avait  pris  une  attitude  aussi  résolue  que  tel  ou  tel  de 
nos  contemporains.  Il  tient  pour  la  substitution  des  langues  et 
des  littératures  modernes  aux  langues  anciennes.  Feijôo  avait 
déjà  proposé  de  remplacer  l'étude  du  grec  par  celle  du  français. 
Jovellanos  est  plus  radical,  et  je  ne  sais  si,  depuis,  les  partisans  des 
humanités  modernes  ont  trouvé  beaucoup  d'arguments  nouveaux. 
«  On  a  cru  jusqu'à  présent,  et  peut-être  croit-on  encore  que 
l'étude  des  langues  grecque  et  latine  et  celle  des  préceptes  de  la 
rhétorique  et  de  la  poétique  constituaient  le  fonds  des  humanités, 
mais  cette  croyance,  qui  a  pu  être  légitime,  et  qui,  à  coup  sûr, 
a  été  très  profitable,  est  devenue  maintenant  funeste  à  l'éducation 
générale,  etc..  Les  langues  vivantes,  que  l'on  pouvait  mépriser 
dans  leur  enfance  et  dans  leur  période  de  formation,  sont  éman- 
cipées aujourd'hui.  Elles  ont  fait  leurs  preuves,  elles  sont  éduca- 
trices  autant  que  les  anciennes  et  suggestives  comme  elles...  Au 
lieu  de  copier  les  Grecs,  faisons  comme  eux,  qui  étudiaient 
surtout  la  nature  et  le  cœur  humain.  D'ailleurs  il  faut  se  résigner 
à  faire  un  choix  :  on  ne  peut  tout  apprendre.  » 

Entre  autres  questions  que  le  constituant  posera  à  la  Junte 
centrale  de  1808,  je  relève  celle-ci  :  «  Comment  éviter  la  surcharge 


ETUDES  SUR   LA   LITTERATURE   ESPAGNOLE  AU   XIXe  SIECLE        5  5 

dans  r éducation  de  la  Jeunesse?  »  Pour  lui,  son  sacrifice  est  fait. 
«  Parmi  les  connaissances  qu'il  faut  sacrifier,  la  raison  désigne 
dès  à  présenties  langues  mortes...  L'étude  des  langues  vivantes 
est  plus  utile  et  plus  nécessaire  :  cl  estudio  de  las  lenguas  vivas  es 
mâs  provechoso  y  necesario.  »  Est-ce  donc  qu'il  faille  abandonner 
absolument  les  premières?  Non,  répond  Jovellanos,  mais  ni  les 
limites  assez  étroites  où  il  les  confine,  ni  les  raisons  d'utilité 
professionnelle  qu'il  fait  valoir  en  leur  faveur,  ne  satisferaient, 
j'en  ai  peur,  les  défenseurs  de  l'ancienne  culture  classique.  «  Cette 
étude,  dit-il,  restera  toujours  nécessaire  pour  le  théologien,  le 
canoniste,  peut-être  le  juriste  et  le  médecin  :  elle  doit  être  libre 
pour  les  autres.  »  Il  proposera  plus  tard  à  la  Junte  centrale  de 
déterminer  par  règlement  les  carrières  où  les  langues  mortes  sont 
nécessaires.  Dans  tous  les  cas,  il  faut  commencer  par  réformer 
les  études  antiques  elles-mêmes.  Mais  il  est  raisonnable,  il  est 
nécessaire  de  donner  cet  enseignement  en  espagnol  et  non  plus 
en  latin.  Au  surplus,  si  ces  études  ont  besoin  d'être  fortifiées,  il 
y  aurait  danger  à  trop  les  répandre,  «  pour  ne  pas  donner  aux 
jeunes  gens  appartenant  à  la  classe  industrielle  la  tentation  d'en 
sortir,  ce  qui  serait  aussi  désastreux  pour  eux  que  pour  l'Etat, 
con  tan  poco  provecho  suyo  como  grau  daùo  del  Estado.  » 

Entre  les  langues  vivantes,  le  choix,  au  temps  de  Jovellanos, 
n'était  pas  difficile.  L'italien,  le  français,  l'anglais,  ces  deux  der- 
nières langues  surtout,  s'imposaient.  Il  serait  intéressant  —  si 
nous  pouvions  nous  arrêter  aux  détails  de  son  plan  d'études  — 
de  discuter  les  raisons  par  lesquelles  Jovellanos  établit  l'utilité 
relative  de  chacune  de  ces  langues  pour  ses  compatriotes,  raisons 
tirées  des  services  variés  qu'elles  pouvaient  rendre  comme  de 
leur  plus  ou  moins  de  rapport  avec  la  manière  de  penser  natio- 
nale. On  ne  saurait  nier  sur  ce  point  la  compétence  de  l'auteur  : 
il  a  rédigé  lui-même,  en  même  temps  qu'une  foule  de  manuels, 
deux  petites  grammaires,  française  et  anglaise,  pour  ses  élèves 
de  l'Institut  Asturien.  Quant  à  l'enseignement  de  la  philosophie, 
il  le  réduit  beaucoup  et  le  découronne,  en  le  bornant  à  la  logique 


56.  E.    MÉRIMÉE 


(no  esta  lôgica  escolâstica  y  abstracta  de  nuestras  universidades),  et  à 
la  morale,  efficace  protection  des  principes  fondamentaux  de  la 
Société  :  «  Si  algûn  dique  se  puede  oponer  â  este  mal  (l'impiété  et 
l'anarchie)  es  la  buena  y  sôlida  instrucciôn.  » 

Je  crains  de  trop  m'attarder  sur  ce  sujet,  mais  je  ne  rendrais 
pas  justice,  ce  me  semble,  à  l'originalité  de  vues  et  à  la  perspica- 
cité de  cet  éducateur,  si  je  n'avais  indiqué,  au  moins  par  quelques 
détails,  avec  quelle  netteté  se  posait  pour  lui  la  question  de  l'édu- 
cation moderne.  Que  de  points  intéressants  il  traite  en  passant, 
sur  lesquels  il  présente  une  solution  pratique,  la  surcharge,  l'imité 
des  livres  et  des  manuels,  les  examens  de  passage,  les  examens  de 
sortie,  etc.,  etc.  !  Parmi  ces  questions  il  en  est  une  sur  laquelle  ses 
opinions  se  rapprochent  singulièrement  de  celles  des  meilleurs 
pédagogues  modernes  :  c'est  celle  de  Yinîernat.  Il  est  absolument 
opposé  au  régime  de  l'internat,  pour  des  raisons  qui  étaient  déjà 
les  mêmes  à  son  époque  qu'à  la  nôtre.  Cependant  les  internats, 
ou  les  séminaires,  comme  il  les  appelle,  sont  nécessaires  pour 
certaines  catégories  d'étudiants  dont  la  famille  est  éloignée. 
Jovellanos  recommande  donc  le  développement  des  pensions 
de  famille,  pupilajes,  et  il  n'avait  point  besoin,  sur  ce  point,  de 
demander  des  modèles  à  l'Angleterre  universitaire  :  l'institution 
était  vieille  de  plusieurs  siècles  en  Espagne. 

Ce  plan,  si  complet,  d'enseignement  public,  se  termine  par  cette 
déclaration,  bien  digne  de  l'auteur  :  «  La  liberté  de  penser,  d'écrire 
et  d'imprimer,  prudemment  réglée,  doit  être  considérée  comme 
absolument  nécessaire  au  progrès  des  sciences  et  à  l'instruction 
des  peuples.  » 


III 


Jovellanos  fut,  avant  tout,  un  homme  d'Etat  et  un  réformateur. 
Mais  notre  étude  demeurerait  incomplète,  si  nous  passions  sous 
silence  les  mérites  de  l'écrivain.  Au  surplus,  quoique  son  activité 


ETUDES   SUR  LA   LITTERATURE  ESPAGNOLE   AU   XIXe  SIECLE       57 

littéraire    soit    de    moindre    portée,    il    n'est   pas    sans    intérêt 
d'essayer  de  la  définir. 

Par  un  contraste  qui  n'est  pas  rare,  —  et  qui  paraîtra  plus 
frappant  encore  lorsqu'on  étudiera  Quintana,  --  cet  esprit,  si 
libre  ailleurs,  nous  paraît  timide,  arriéré,  en  matière  de  théories 
littéraires.  N'a-t-on  pas  fait  la  même  remarque  à  propos  de 
Voltaire  ?  En  ce  qui  concerne  Jovellanos,  j'ai  hâte  d'ajouter 
d'abord  que  ce  respect  trop  scrupuleux  de  la  tradition  classique 
s'attache  beaucoup  plus  à  la  forme  extérieure  (mythologie, 
phraséologie  de  convention,  périphrases,  etc.)  qu'aux  idées  elles- 
mêmes,  et,  en  second  lieu,  que  l'originalité  d'une  pensée  qui  essaie 
de  briser  ces  liens,  se  manifeste  de  plus  en  plus  à  mesure  que 
l'auteur  avance  dans  sa  carrière.  La  première  période,  celle  de 
la  jeunesse,  peut  être  négligée,  sans  préjudice  pour  sa  gloire.  Elle 
comprend  des  poésies  lyriques,  des  pastorales  surtout,  claires 
mais  froides  et  d'une  fadeur  aujourd'hui  insupportable.  C'est 
chez  Meléndez  qu'il  faudra  étudier  cette  société  de  bergers  poètes, 
ainsi  que  leurs  bergères.  Ces  bucoliques,  très  à  la  mode  alors, 
semblent  plus  puériles  encore  sous  la  plume  du  grave  Jovino. 
Mais,  à  l'approche  de  la  Révolution,  l'Europe  semble  une  vaste 
Arcadie  où  flûtes  et  pipeaux  se  mêlent  au  lointain  roulement  du 
tonnerre.  De  temps  à  autre,  quelques-uns  de  ces  bergers  s'inter- 
rompaient inquiets,  et  semblaient  dire,  comme  dans  la  chanson  : 

Voici  venir  l'orage, 
Voici  l'éclair  qui  luit  ! 

Jovellanos  était  un  de  ces  derniers,  et  le  ridicule  de  cette  poésie 
inopportune  ne  lui  échappait  point.  «  En  vain  de  mon  cœur, 
attentif  aux  rumeurs  du  forum,  ému  des  pleurs  de  l'opprimé, 
de  la  veuve  et  de  l'innocent  orphelin,  je  prétendrais  tirer  de  doux 
accents,  ma  lyre,  autrefois  harmonieuse,  mais  maintenant  désac- 
cordée, ne  résonnerait  plus  sous  mes  doigts. 

Que  en  vano  de  mi  pecho,  penetrado 
Del  forense  rumor  y  conmovido 
Al  llanto  del  opreso,  de  la  viuda 
Y  huérfano  inocente,  presumiera 


58  E.    MÉRIMÉE 


Lanzar  acentos  dulces,  ni  mi  lira, 
Otras  vcces  sonora  y  ahora  falta 
De  los  trementes  armoniosos  nervios , 
Al  acordado  impulso  respondiera.  » 

La  tragédie  de  Pelage  (1769)  appartient  encore  à  cette  première 
période.  Elle  est  scrupuleusement  construite  sur  le  modèle  clas- 
sique, ou,  pour  parler  plus  exactement,  sur  le  patron  taillé  par 
Racine  et  revu  par  Voltaire.  «  Si  Horace  vivait  aujourd'hui,  disait 
l'auteur,  probablement  nous  conseillerait-il  de  lire  Racine  et 
Voltaire.  »  Mais  si  la  forme  manque  décidément  d'originalité,  le 
choix  du  sujet  est  louable.  Jovellanos,  qui  se  moque  volontiers  de 
LaHuerta1,  tient,  comme  lui,  pour  le  théâtre,  ou,  du  moins,  pour 
les  sujets  nationaux.  S'il  blâme  les  classiques  espagnols  dans  son 
opuscule  sur  les  Divertissements  publics,  ce  n'est  point  précisément 
qu'ils  soient  trop  espagnols  :  c'est  qu'ils  lui  paraissent  trop  peu 
moraux2.  «  Pourquoi  chercher  des  arguments  dans  l'histoire  des 
autres  nations,  quand  la  nôtre  nous  en  offre  tant  de  si  heureux 
et  de  si  sublimes? 

Vea...  el  pueblo  hispano 
En  sus  tablas  los  héroes  indigenas.  » 

Sur  ce  point  du  moins,  Jovellanos,  parfois  si  dur  pour  les 
dramatiques  de  l'âge  d'or,  était  dans  la  vieille  tradition  espagnole. 
Depuis  Castro  et  Lope  de  Vega  jusqu'à  La  Huerta,  l'histoire  natio- 
nale avait  alimenté  le  drame  et  inspiré  bien  des  chefs-d'œuvre. 
Il  faudrait,  certes,  beaucoup  d'indulgence  pour  ranger  le  Pclayo 
parmi  ces  derniers.  Il  n'est  point  difficile  assurément  d'y  signaler 
quelques  situations  dramatiques,  d'en  extraire  quelques  beaux 
vers,  ceux-ci,  par  exemple,  que  les  Espagnols  asservis  pouvaient 
répéter  pour  leur  propre  compte  :  «  Voici  l'instant  du  suprême 


1.  Voy.  dans  ses  poésies,  sa  satire  contre  ce  dernier. 

2.  Memoria  sobre  los  Espcctâados...  primera  parte,  Pro/anos. 


ÉTUDES  SUR   LA   LITTERATURE   ESPAGNOLE  AU   XIXe   SIECLE       59 

péril  :  nous  y  touchons.  Toute  porte  nous  est  fermée;  plus 
d'autre  ressource.  Il  n'en  est  plus  qu'une  :  combattre  pour  la 
patrie,  et  acheter  avec  ce  qui  nous  reste  de  vie  la  mort  ou  la 
victoire  ! 

Es  el  ûltimo  instante  del  peligro  ; 
Ya  nos  vemos  en  él  ;  esta  cerrada 
La  puerta  â  otros  recursos.  Uno  solo 
Nos  queda,  el  de  lidiar  por  nuestra  patria, 
Comprando  con  el  resto  de  las  vidas 
La  muerte  ô  la  Victoria...  » 

Mais  ce  qui  manque  dans  cette  tragédie,  c'est  l'intérêt,  la 
passion,  la  vie.  Les  personnages  sont  de  pures  abstractions,  des 
types  dessinés  sur  un  modèle  de  convention.  Munuza,  c'est  «  le 
tyran  »,  Pelayo  «  le  libérateur  »,  Rogundo  «  l'amant  »,  Dosinda 
«  la  fiancée  ».  Ils  n'ont  pas  plus  de  personnalité  que  le  milieu 
où  ils  se  meuvent  n'a  de  couleur  locale.  Et  cependant  Covadonga 
et  les  montagnes  des  Asturies  formaient  un  décor  capable  de 
tenter  le  poète,  mais  ce  dernier  avait  plus  de  raison  que  d'imagi- 
nation et  de  fantaisie. 

D'ailleurs  «  l'art  pour  l'art  »  était  un  principe  incompréhen- 
sible pour  Jovellanos  '.  Le  réformateur,  qui  avait  pris  pour  devise  : 
quid  utile,  quid  vent  m,  devait  surtout  considérer  la  littérature 
comme  un  moyen  d'agir  sur  les  esprits  ou  sur  les  mœurs,  et  le 
magistrat  qui,  au  grand  scandale  de  ses  collègues,  fut  le  premier 
juge  espagnol  sans  perruque,  devait  comprendre  le  vide  de  cette 
poésie  de  convention.  Aussi  se  sent-il  bientôt  attiré  vers  les  Jeux 
genres  qui  ont  le  plus  de  rapports  avec  la  réalité  et  l'action,  la 
poésie  didactique  et  le  drame  à  thèse.  C'est  là  que  sont  ses  titres 
littéraires  les  plus  sérieux.  Ses  satires,  qui  sont  au  nombre  d'une 
dizaine,  sont  particulièrement  intéressantes,  par  leur  mérite 
propre   et   par   les   renseignements    qu'elles   fournissent  sur   la 


1.  En  littérature,  tout  au  moins,  car  il  juge  plus  librement  des  beaux-arts.  V. 
le  fragment  imprimé  au  vol.  L  de  la  Bibl.  de  A  ut.  Esp.,  p.  544. 


éo  E.    MÉRIMÉE 

société  du  temps.  Elles  me  semblent  d'autant  meilleures  que  le 
sujet  en  est  plus  précis  et  moins  général.  Voyez,  par  exemple, 
dans  la  Deuxième  Satire  à  Arnesto,  sur  la  noblesse  dégénérée,  le 
portrait  du  patricien  ignorant,  livré  aux  valets  et  vivant  avec  les 
toreros,  les  manolas,  les  picaros  de  toutes  sortes, 

...Sus  dedos  y  sus  labios 
Del  humo  del  cigarro  encallecidos, 
Indice  de  su  crianza.  Nunca  pasô 
Del  be  a  ba.  Nunca  sus  viajes 
Mas  alla  de  Jetafe  se  extendieron... 

Oye  y  dirâte 

Quién  de  Romero  ô  Costillares  saca 
La  muleta  mejor,  y  quién  mas  limpio 
Hiere  en  la  cruz  al  bruto  jarameno...  etc. 

Toute  cette  satire,  de  même  que  l'ode  sur  le  lamentable  état 
de  l'Espagne  de  Godoy,  sont  d'un  beau  mouvement.  Dans  ces 
pièces  la  colère  échauffe  et  aiguillonne  un  peu  la  Muse  :  facit 
indignatio  versum.  Mais  les  inspirations  ordinaires  du  poète  sont 
la  Raison  et  la  Vertu.  Jl  aime  à  moraliser  à  la  manière  d'Horace. 
«  Tu  seras  savant  et  heureux,  si  tu  es  vertueux,  car  la  vérité  et 
la  vertu  sont  unes;  celui-là  seul  qui  les  possède  est  heureux; 
elles  peuvent  assurer  à  votre  âme  la  paix  de  la  conscience,  la 
modération  des  désirs,  la  joie,  la  douceur  de  bien  faire  :  le  reste 
n'est  que  vent,  vanité,  misère,  lo  demàs  viento,  vanidad,  miseria.  » 
{Epitre  a  Bermudo  =  Ceân  Bermûde^.)  Ce  qui  seul  donne  quelque 
intérêt  à  ces  lieux  communs,  c'est  que  l'auteur,  lorsqu'il  les  écri- 
vait, était  lui-même  malheureux,  calomnié,  emprisonné.  A 
défaut  du  coup  d'aile,  la  justesse,  la  noblesse  des  idées  n'y 
manquent  jamais. 

Ces  mérites  nous  font  pardonner,  parfois  même  oublier,  ce 
que  ses  vers  ont  souvent  de  pénible,  de  sec  et  de  prosaïque. 
Jovellanos  est  certainement  un  médiocre  versificateur.  «  Son 
style,  disait  déjà  Quintana,  est  plutôt  une  prose  noble,  élégante, 
qu'une  diction   véritablement  poétique.   Les   vers   sont   courts, 


ÉTUDES   SUR  LA   LITTERATURE  ESPAGNOLE  AU   XIXe   SIECLE       6l 

mal  construits,  sans  grâce,  sans  cadence  et  sans  harmonie.  » 
M.  de  Cueto  confirme  ce  jugement  sévère  :  «  Comme  versifica- 
teur, Jovellanos  n'est  pas  un  modèle  :  il  abuse  des  licences  poé- 
tiques; il  lutte  sans  cesse  contre  l'accent,  les  césures,  les  syna- 
lèphes,  et  il  ne  sort  pas  toujours  vainqueur  de  cette  lutte.  »  Si 
j'osais,  j'ajouterais  ici,  pour  ma  part,  que  le  prosateur  lui-môme 
me  semble  un  modèle  suspect.  C'est  en  vain  que  le  grammairien 
Salva,  élevé  sans  doute  à  cette  école,  le  cite  volontiers  parmi  les 
maîtres  de  la  langue;  son  style  me  paraît  plein  de  gallicismes, 
de  tours  nouveaux,  d'accords  insolites,  qui  trahissent  la  fréquen- 
tation assidue  d'auteurs  étrangers.  Jovellanos  est  l'un  des  écri- 
vains espagnols  dont  la  phrase  se  plie  le  mieux  à  la  pensée  fran- 
çaise, mais  donne  en  même  temps  l'idée  la  moins  favorable  de 
la  richesse  de  vocabulaire  et  de  tours  de  la  langue  castillane.  Au 
surplus,  il  ne  se  fait  pas  illusion  sur  le  mérite  de  ses  vers  tout  au 
moins  :  il  les  juge  au  contraire  à  leur  juste  valeur,  en  reconnais- 
sant que,  s'ils  sont  pleins  d'idées  sensées  et  de  sentiments  hon- 
nêtes, ils  manquent  un  peu  trop  de  grâce  et  d'aisance  : 

Alla  van  à  tus  manos 
Mis  versos,  oh  Paulino, 
Mis  versos  mal  limados, 
Mis  versos  bien  sentidos. 
De  afecto  y  verdad  llenos 
Si  de  primor  vacios. 

Ce  sont  encore  de  très  nobles  paroles,  attendries  par  une  émo- 
tion vraie,  que  les  variations  sur  V Impavidum  ferient  ruina,  par 
lesquelles  Jovellanos,  emprisonné  depuis  sept  ans  à  Bellver,  char- 
mait sa  captivité  : 

Que  el  alto  estruendo  de  la  horrenda  ruina 
Escucharâ  impertérrita  mi  aima  l. 


i.  A  Posidonio,  Bellver,  8  août  1802. 


62  E.    MÉRIMÉE 


A  force  Je  raison  et  de  stoïcisme,  le  prisonnier  de  Bellver, 
comme  jadis  celui  de  Saint-Marc  de  Léon,  Quevedo,  touche  à  la 
véritable  poésie.  Mais,  si  l'on  osait  s'exprimer  ainsi,  c'est  cette 
même  raison  qui  coupe  les  ailes  du  poète,  ou,  plutôt,  qui  les 
empêche  de  pousser.  Il  n'a  besoin  de  personne  certes  pour  être 
vertueux  :  il  l'est  plus  qu'Horace  à  coup  sûr.  Il  semble  cepen- 
dant que,  sans  ce  dernier,  il  ne  saurait  exprimer  ses  nobles  sen- 
timents. Il  n'a  pas  la  splendida  bilis  de  Juvénal,  son  modèle,  ou 
de  Chénier,  son  contemporain.  Dans  son  Epître  à  Poncio  (Ponce 
Vargas),  il  raconte  son  voyage  de  Léon  à  la  Rioja.  Ce  qui  le 
frappe,  ce  qui  l'inspire,  ce  ne  sont  ni  les  beautés  naturelles,  ni 
les  grands  souvenirs  historiques,  ni  le  pittoresque  des  mœurs  et 
des  costumes,  ce  sont  les  diverses  manières  de  cultiver  les  terres, 
les  productions  spéciales  à  chaque  pays,  les  efforts  de  l'industrie. 

Si  dans  le  poète  nous  retrouvons  trop  l'économiste,  il  n'est 
pas  moins  facile  de  reconnaître  le  législateur  philosophe  dans 
l'auteur  dramatique.  Dans  son  drame  célèbre,  YHonnêtc  criminel 
CEI  delincuente  honrado),  il  prétend  montrer  «  la  cruauté  des  lois 
qui,  sans  distinguer  entre  le  provocateur  et  l'insulté,  punissaient 
indistinctement  les  duellistes  de  la  peine  capitale  ».  Ces  ordon- 
nances avaient  été  renouvelées  récemment  par  Charles  III.  Pour 
les  besoins  de  sa  thèse  (et  n'est-ce  pas  la  grande  objection  contre 
ce  genre  de  pièces  ?)  Jovellanos  imagine  une  intrigue  très  roma- 
nesque, dans  laquelle  le  beau  rôle  appartient  naturellement  au 
meurtrier  involontaire  du  provocateur.  Si  l'on  ajoute  que  ce 
meurtrier,  Toreuato,  épouse  la  veuve  du  mort,  et  qu'il  se  trouve 
être  le  fils  naturel  du  juge  (D.  Justo),  forcé  de  l'envoyer  à  l'écha- 
faud,  on  devinera  que  ce  n'est  pas  le  pathétique  qui  manque  à  ce 
drame.  Le  juge  D.  Justo,  c'est  Jovellanos  lui-même.  Il  estime 
qu'une  législation  qui  ne  serait  faite  que  pour  des  philosophes 
serait  inapplicable  :  summum  jus,  summa  injuria.  Elle  doit,  dans 
une  certaine  mesure,  tenir  compte  des  traditions,  des  mœurs,  du 
milieu,  voire  des  préjugés.  Les  tirades  sur  les  exigences  tyran- 
niques  de  l'honneur  (Actes  I,  4,  et  IV,  6)  rencontraient  sans  doute 


ÉTUDES  SUR  LA   LITTERATURE  ESPAGNOLE  AU   XIXe  SIECLE       63 

autant  d'écho  chez  le  public  espagnol  que  celles  du  Cid  chez  les 
contemporains  des  Montmorency  et  des  Bouteville.  Il  est  assez 
piquant  d'ailleurs  de  voir  un  magistrat  plaider  pour  l'équité  véri- 
table contre  la  loi  écrite.  «  Oui,  je  le  sais,  le  véritable  honneur 
est  celui  qui  résulte  de  l'exercice  de  la  vertu  et  de  l'accomplisse- 
ment de  nos  devoirs.  Le  juste  ne  doit  pas  se  soucier  des  préjugés 
vulgaires,  mais,  par  malheur,  la  solidité  de  cette  maxime  échappe 
à  la  foule.  Chez  un  peuple  de  philosophes,  la  loi  qui  punirait 
sévèrement  celui  qui  accepte  une  provocation  serait  excellente, 
car  à  leurs  yeux  ce  serait  un  crime.  Mais  dans  un  pays  où  l'édu- 
cation, le  climat,  les  coutumes,  le  caractère  national,  la  consti- 
tution elle-même  inspirent  à  la  noblesse  ces  sentiments  fougueux 
et  jaloux  que  l'on  nomme  le  point  d'honneur,  dans  un  pays  où 
le  plus  honoré  est  le  moins  patient,  dans  un  pays  où  la  sagesse 
se  nomme  lâcheté,  et  la  modération  pusillanimité,  sera-t-elle 
juste  cette  loi  que  seuls  pourront  respecter  les  saints  ou  les 
lâches?  » 

Peut-être  l'auteur  a-t-il  raison,  mais  il  devrait  garder  quelque 
peu  de  cette  condescendance  pour  les  préjugés  ou  les  goûts  de  la 
foule  lorsqu'il  juge  le  vieux  théâtre  national,  écrit  non  pour  des 
philosophes,  mais  pour  des  Espagnols  du  xvie  et  du  xvne  siècle. 
«  La  réforme  des  mœurs,  dit-il  dans  son  Mémoire  sur  les  divertis- 
sements publics,  doit  commencer  par  le  bannissement  de  tous  les 
drames,  non  seulement  ceux  qu'un  goût  barbare  et  sot  met 
aujourd'hui  en  faveur,  mais  ceux  qui  ont  été  justement  célèbres 
chez  nous,  et  qui,  considérés  à  la  lumière  des  préceptes  et  sur- 
tout de  la  saine  raison,  sont  remplis  de  vices  et  de  défauts  que  la 
morale  et  une  sage  politique  ne  peuvent  tolérer.  »  Ici,  Jovella- 
nos  ne  trouve  plus  de  circonstances  atténuantes,  pas  même  dans 
le  charme  de  ce  théâtre  dont  il  déclare  faire  ses  délices,  los  dra- 
mas  de  Calderôn  y  Moreto  que  son  hoy...  nuestra  delicia.  Il  n'en  trou- 
vera pas  davantage,  lorsque,  dans  ce  même  Mémoire,  il  parlera 
des  Courses  de  taureaux.  Tout  à  l'heure,  il  s'appuyait  sur  les 
mœurs  populaires  contre  la  sévérité  d'une  loi,    interprète  trop 


64  E.    MÉRIMÉE 


absolue  de  la  pure  raison.  Il  s'appuiera  maintenant  sur  la  raison 
pour  proscrire  le  divertissement  national  par  excellence.  «  Croire 
que  l'audace  et  l'habileté  d'une  douzaine  d'hommes,  élevés  dès 
l'enfance  à  ce  métier,  familiarisés  avec  ses  dangers  et  qui  y 
périssent  ou  s'en  retirent  estropiés,  peuvent  être  données  à  l'Eu- 
rope comme  une  preuve  de  la  valeur  et  de  l'intrépidité  espagnoles, 
c'est  une  absurdité.  Et  soutenir  que  l'interdiction  de  tels  diver- 
tissements, interdiction  qui  peut  amener  d'heureux  résultats,  cau- 
serait quelque  perte  réelle  à  la  nation,  au  point  de  vue  de  la 
morale  ou  d'une  juste  police,  c'est  certainement  une  illusion,  un 
préjugé,  une  folie  '.  » 

Mais  je  reviens  à  YHonnéte  Criminel.  Cette  pièce,  représentée 
avec  un  grand  succès  en  1784,  fut  l'une  des  premières  apparitions 
sur  la  scène  espagnole  du  drame  sentimental  importé  de  France. 
L'auteur  reconnaît  de  bonne  grâce  qu'il  n'a  pas  inventé  ce  genre, 
mais  il  semble  fier  de  l'avoir  introduit  dans  son  pays.  Dans  le 
Cours  d'humanités  qu'il  écrivit  pour  l'Institut  Asturien,  il  cite  lui- 
même  sans  embarras  le  Delincuente  honrado  comme  modèle  de 
cette  comédie  nouvelle,  «  qui  développe  dans  les  cœurs  les  utiles 
sentiments  d'humanité  et  de  bienveillance.  »  Et  il  profite  de 
l'occasion  pour  exposer  une  fois  de  plus  l'idée  qui  lui  tient  à 
cœur,  à  savoir  que  «  l'amour  de  la  vertu  et  l'horreur  du  vice 
sont  la  fin  principale  que  se  doit  proposer  tout  poète  drama- 
tique, et  même  tous  ceux  qui  cultivent  un  genre  quelconque  de 
poésie  ». 

Pour  achever  par  un  dernier  trait  cette  figure  si  complexe  de 
Jovellanos,  il  faudrait,  après  le  politique,  l'économiste,  le  poète, 
l'auteur  dramatique,  étudier  le  critique  d'art,  montrer  qu'il  a 
senti  et  analysé  les  beautés  artistiques  mieux  que  la  plupart  de 
ses  contemporains,  et  qu'il  a,  l'un  des  premiers,  introduit  dans 
la  littérature  espagnole  un  sentiment  assez  rare  jusque-là. 


1 .  Cf.  la  lettre  à  José  Vargas  Ponce  Sobre  fiestas  de  toros. 


ÉTUDES  SUR  LA   LITTÉRATURE  ESPAGNOLE  AU   XIXe   SIECLE       65 

MM.  Fortunato  de  Selgas  et  Menéndez  Pelayo  '  ont  très  bien  mis 
en  lumière  ce  côté  intéressant  de  l'activité  intellectuelle  de  Jovel- 
lanos.  La  tâche  était  d'ailleurs  rendue  facile  par  le  grand  nombre 
de  discours  ou  d'écrits  de  notre  auteur,  relatifs  aux  Beaux-Arts. 
Eloge  des  Beaux-Arts,  14  juillet  17S1  ;  Rapport  sur  les  monuments 
de  Cor  doue  et  de  Grenade,  14  mai  1786;  Mémoire  descriptif  sur  le 
Château  de  Bellver;  Mémoire  sur  les  couvents  de  Santo  Domingo  et 
de  San  Francisco  de  Palma;  Description  de  la  Lonja,  de  Palma; 
Eloge  de  D.  Ventura  Rodrigue^,  19  janvier  1788;  Réflexions  et  con- 
jectures sur  l'ébauche  originale  du  tableau  de  Felâ^que^,  Las  Meni- 
nas;  Correspondance  avec  Fr.  Manuel  Bayeu,  avec  Antonio  Ponz, 
avec  Cedn  Bermûdez,  etc.,  etc. 

Ce  qui  caractérise  surtout  Jovellanos  critique  d'art,  c'est  l'in- 
dépendance relative  de  ses  idées,  moins  assujetties  aux  tradi- 
tions strictement  classiques  qu'en  matière  littéraire.  Malgré  cer- 
taines précautions  oratoires,  qu'il  est  parfois  obligé  de  prendre, 
surtout  dans  ses  discours  officiels,  il  n'est  pas  dupe  des  conven- 
tions académiques  ni  des  théories  étroites  qui  avaient  cours 
parmi  les  admirateurs  de  Mengs,  ni  A  plus  forte  raison  des  fan- 
taisies extravagantes  de  Churriguera.  Son  culte  sincère  pour 
Velâzquez,  Murillo  et  les  grands  maîtres  de  l'Ecole  nationale  lui 
montrait  clairement  la  fragilité  de  ces  théories  et  le  formalisme 
creux  de  ces  conventions.  Aussi  a-t-il  semé  ses  écrits  spéciaux  de 
pensées  où  l'on  sent  des  aspirations  nouvelles,  contenues  encore 
par  la  tradition  et  par  l'idéalisme  classiques.  «  La  vérité  est  le 
principe  de  toute  perfection  :  la  beauté,  le  goût,  la  grâce  ne 
peuvent  exister  en  dehors  d'elle.  Cherchez-les  dans  la  nature.  » 
Mais  il  se  hâte  d'ajouter  :  «  Choisissez  ce  qu'elle  vous  offre  de 
plus  parfait,  les  formes  les  plus  belles...,  »  et  il  ajoute  encore  une 
note  pour  atténuer  l'audace  du  conseil  :  «  Si  la  peinture  idéaliste 


1.  Menéndez  Pelayo,  Iclcas  esteticas,  t.  III,  vol.  II,  p.  453  et  sv.  —  Fortunato 
de  Selgas  :  Joveïïano  considerado  cotno  crltico  de  Artcs,  in  Rcv.  de  Espana,  28  avril, 
13  mai  1883. 

Revue  hispanique.  S 


66  E.    MÉRIMÉE 


cause  plus  d'admiration,  dit-il  encore,  la  peinture  naturaliste 
cause  plus  de  plaisir;  et  d'ailleurs  l'admiration  que  la  première 
excite  est  le  privilège  d'un  groupe  restreint,  tandis  que  le  plaisir 
que  la  seconde  provoque  est  ressenti  par  la  grande  majorité, 
sinon  par  la  totalité  des  hommes.  »  Partant  de  ces  principes,  il 
rend  pleine  justice  aux  grands  maîtres  espagnols  et  parle  de  ces 
admirables  artistes  avec  une  sympathie  éloquente  :  «  Que  d'autres, 
dit-il  à  propos  de  Velâzquez,  célèbrent  cette  beauté  idéale  que 
poursuivent  vainement  ceux  qui  prétendent  corriger  la  vérité  et 
la  nature;  applaudissons  à  leurs  efforts,  soit  !  mais,  en  attendant, 
accordons  à  Velâzquez  la  gloire  d'avoir  su  reproduire  cette  vérité 
et  rendre  la  nature.  Quel  peintre  eut  jamais  un  coloris  plus  juste, 
un  clair-obscur  plus  vigoureux,  une  expression  plus  simple,  des 
types  plus  variés,  plus  vrais,  plus  profondément  étudiés?  »  — 
«  O  grand  Murillo,  s'écrie-t-il  ailleurs,  j'ai  vu  dans  tes  œuvres 
les  miracles  de  l'art  et  du  génie  :  j'y  ai  vus  peints  l'air,  l'atmo- 
sphère, les  atomes,  la  poussière,  le  mouvement  des  eaux  et  jus- 
qu'aux lueurs  tremblantes  de  la  lumière  du  matin.  »  Et  sur 
Ribera  :  «  Qui  a  manié  le  pinceau  avec  plus  d'énergie  que  Ribera? 
Qui  a  traité  avec  plus  de  vigueur  les  lumières  et  les  ombres  ? 
Qui  a  su  exprimer  plus  vivement  les  misères  de  l'humanité, 
affaiblie  par  la  vieillesse,  épuisée  par  les  macérations,  pantelante 
et  moribonde  dans  l'agonie  et  les  tortures  ?  »  Si  je  cite  ces  passages  ', 
ce  n'est  pas  qu'en  eux-mêmes  ils  aient  rien  de  particulièrement 
remarquable  ou  qu'ils  expriment  rien  qui  n'ait  été  depuis  redit 
cent  fois,  et  même  avec  une  intelligence  plus  pénétrante  du  génie 
de  ces  artistes,  mais,  à  l'époque  où  ils  furent  écrits,  ils  durent 
paraître  plus  hardis,  plus  originaux,  car  alors  l'enseignement  offi- 
ciel s'inspirait  presque  exclusivement  de  doctrines  d'un  idéalisme 
étroit.  Sous  prétexte  de  poursuivre  la  beauté  parfaite  et  absolue, 
on  négligeait  l'étude  scrupuleuse  de  la  nature,  comme  si  l'art 
pouvait   vivre   d'abstractions.    Aussi  ce  dernier   s'affadissait,  se 


i.  Déjà  cites  par  McnOndez  Pelayo,  op.  cit. 


ÉTUDES  SUR   LA  LITTERATURE   ESPAGNOLE  AU  XIXe   SIECLE       6j 

subtilisait,  s'académisait  :  il  était  urgent  de  rappeler  les  artistes 
de  cette  poursuite  stérile  d'un  idéal  sans  consistance  à  l'imita- 
tion directe  de  la  nature  et  de  leur  montrer  que  l'exactitude,  la 
conscience  dans  l'étude  de  la  réalité  avait  fait  surtout  la  gloire 
des  maîtres  espagnols.  Ce  fut  le  mérite  de  Jovellanos. 

De  même,  comprendre  et  expliquer,  avant  Chateaubriand, 
avant  Victor  Hugo,  le  genre  de  beauté  spécial  de  l'architecture 
gothique,  n'était  point  encore  devenu  une  idée  banale.  Jovellanos, 
tout  en  émettant  sur  les  origines,  d'ailleurs  si  discutées,  du  style 
ogival,  des  théories  très  aventurées,  tout  en  multipliant  les  res- 
trictions, parle  du  moins  avec  intelligence  de  «  ce  respect  silen- 
cieux et  profond  qui  s'empare  de  nous  dans  les  églises  gothiques 
et  qui  nous  dispose  doucement  à  la  méditation  des  vérités  éter- 
nelles ».  Sans  doute,  les  proportions  violent  les  règles  classiques, 
«  mais  quelle  splendeur,  quelle  délicatesse,  quelle  auguste  gravité 
dans  les  célèbres  églises  de  Bûrgos,  de  Tolède,  de  Léon  et  de 
Séville!  »  Les  ruines,  les  monuments,  les  pierres  avaient  pour  lui 
un  langage  et  une  âme  :  elles  évoquaient  dans  son  imagination 
la  vision  des  temps  passés;  elles  lui  ont  inspiré  quelques-unes  de 
ses  œuvres  les  meilleures,  telles  que  sa  Description  du  Paular,  qui 
est  peut-être  son  chef-d'œuvre  poétique,  ou  ses  Notices  sur  la 
Lonja  de  Pal  ma,  et  le  Château  de  Bellver.  «  Qui  donc  peut  con- 
templer ces  monuments,  qui  ont  survécu  aux  siècles,  sans  se  voir 
assailli  de  toutes  les  idées  que  provoque  naturellement  la  compa- 
raison entre  cet  âge  lointain  et  le  nôtre  '  ?  »  Et  en  efîet,  dans  la 
belle  notice  sur  la  forteresse  qui  lui  servit  si  longtemps  de  prison, 
tout  s'anime,  tout  prend  une  forme  vivante  ;  les  ruines  retrouvent 
leur  jeunesse  et  se  peuplent  de  chevaliers,  de  pages  et  de  nobles 
dames,  comme  au  moyen  âge  :  c'est  le  cadre  qui  a  inspiré  le 
tableau.  Jovellanos,  chez  qui  l'idée  pure  trouvait  rarement  une 
forme  véritablement  poétique,  a  été  poète  cette  fois,  c'est-à-dire 
créateur.  De  là  à  en  faire  un  précurseur  du  romantisme,  il  y  a 

i.  Description  de  Bellver,  Bibl.  de  Aut.  Esp.,  tome  XLVI,  p.  395. 


68  E.    MÉRIMÉE 


loin,  je  l'avoue;  mais  enfin,  toute  proportion  gardée,  l'antique 
forteresse  féodale  a  été  pour  lui  ce  que,  quarante  ans  plus  tard, 
Notre-Dame  de  Paris  devait  être  pour  Victor  Hugo. 

En  résumé,  si  Jovellanos  n'est  ni  un  très  grand  écrivain,  ni  un 
poète  supérieur,  ni  un  moraliste  ou  un  économiste  dont  les  idées 
aient  laissé  une  trace  bien  profonde,  il  a,  dans  presque  toutes  les 
voies  ouvertes  à  l'activité  de  l'esprit  humain,  devancé  ses  compa- 
triotes. Mais,  en  même  temps,  —  et  c'est  le  trait  saillant  de  sa 
physionomie,  —  tout  en  indiquant  des  routes  nouvelles,  où 
d'autres  iront  plus  loin  que  lui,  il  a  deviné  les  écueils,  signalé  les 
périls,  donné  quelques  conseils  qui  auraient  pu  épargner  bien 
des  erreurs  et  éviter  bien  des  retours  en  arrière. 

Quintana,  très  digne,  il  est  vrai,  de  comprendre  Jovellanos, 
a  résumé  en  une  phrase  cette  noble  et  féconde  existence. 
«  L'éloquence  réclame  Jovellanos  pour  ses  beaux  Eloges,  l'his- 
toire pour  ses  Discours  sur  les  spectacles  et  mille  recherches 
curieuses  et  érudites  sur  nos  antiquités,  les  Beaux-Arts  pour  sa 
passion,  son  goût  exquis,  la  protection  qu'il  leur  accorda,  l'éco- 
nomie  pour  son  admirable  Loi  Agraire,  la  politique  pour  ses 
éloquents  Mémoires,  les  sciences  pour  l'Institut  qu'il  fonda,  la 
philosophie  pour  l'esprit  élevé  qui  anime  tous  ses  travaux,  la 
vertu  pour  les  exemples  de  dignité,  de  justice,  d'intégrité,  de- 
patriotisme,  d'humanité  qu'il  prodigua  pendant  toute  sa  vie  avec 
le  zèle  le  plus  ardent  et  la  constance  la  plus  généreuse.  » 


H.  MERIMEE. 


UNE   POÉSIE   INÉDITE 


De    Rodrigo    COTA 


La  Bibliothèque  Nationale  de  Madrid  possède,  sous  la  cote  K.  97,  un  recueil  de  papiers 
divers  du  commencement  du  xvi°  siècle,  à  la  page  94  duquel  se  trouve  la  très  curieuse 
poésie  que  je  retranscris  plus  loin.  Les  strophes  51,  52  et  53  font  allusion  à  des  événe- 
ments des  années  1470,  1471  et  1472.  La  lecture  de  cette  poésie  est  fort  pénible  ;  les  feuil- 
lets sont  rongés  par  endroits.  Certains  mots  sont  complètement  inintelligibles;  néan- 
moins, je  n'ai  écrit  en  italique  que  ceux  dont  la  lecture  pouvait  présenter  quelque  doute. 

R.  Foulchh-Delbosc. 

Diegarias,  contador  mayor  de  los  Reyes  Catôlicos,  casô  un  hijo  ô  sobrino 
con  una  parienta  del  cardenal  don  Pero  Gonçalez  de  Mendoça.  Conbidô  para 
Segobia  todos  sus  deudos  :  olvidôse  6  hi'çose  olvidado  de  Rodrigo  Cota  el  Viejo, 
natural  desta  ciudad  de  Toledo.  Sentido  délia,  celebrô  la  boda  con  ese  epitala- 
mio.  Leyéndole  la  reyna  dona  Ysavel,  dijo  que  bien  parescia  ladron  de  casa. 


4- 


Pergonçalez,  Pergonçalez,  5. 

no  sabeys  donde  batalla 

saveys  do  bino  esta  habla 

de  Aquel  que  os  guarde  de  maies. 

Entre  Vos,  hermano,  y  yo,  6. 

bino  aqueste  topamiento 

por  algun  buen  casamiento 

que  quiso  juntar  el  Dio. 

Dad  aca  con  vendiçion,  7. 

casemos  a  vuestra  hija, 

queste  coraçon  me  aguija 

por  ganar  este  jubon. 

Pues  luego  si  Vos  quisierdes,  8. 

revolvelda  con  Manuel  : 

tal  sea  el  ano  cual  es  el 

en  quanto  mano  pusierdes. 


Unas  acelguillas  llevo  ; 

ya  hablallo  he  con  mi  hermana 

si  esgradare  del  mançevo 

yo  os  responderé  manana. 

Si  esgradare,   me  decis, 

duelo  bino  en  don  Abrahan 

para  el  Dio  siete  letran 

con  seys  mill  maravedis. 

Dolor  he  de  Alvendalon 

floxo  xende  Alvendama 

solo  en  botas  y  jubon 

farre  aca,  farre  aculla. 

Con  el  deseo  quel  toma 

de  aquel  frito  de  sarten 

badeando  agua  daten 

en  un  charco  se  nenfoga. 


70 


R.    FOULCHE-DELBOSC 


9.    Yolvamos  a  nuestro  hecho 
es  un  mançevo  sin  mal 
de  muy  honrado  cahctl 
arrendador  de  cohecho. 

10.  De  un  agùelo  Avenzuzen 
y  del  otro  Abenami^s 

de  la  madré  Sophomias 
del  padre  todo  Cohen. 

1 1 .  Sobrino  de  Avençavoca 
negro  nieto  de  Confrel 
guarde  el  Dio  callad  la  boca, 
negro  sea  quien  mal  le  quier. 

12.  Ah  !  Judi  hi  del  Açaque 

el  que  va  y  viene  a  Valencia 
haze  cuenta  con  Maguaque 
con  Hervor  y  con  Hemençia. 

1 3 .  Barravas  son  aparceros 

y  que  tienda  y  que  caudal 
los  mejores  recepteros 
que  hay  ahora  de  su  ygual. 

14.  Juan  Gonçalez  nuestros  deudos 
estos  que  viviendo  mueren 
cuerdos  son  y  aun  no  los  quieren 
cuanto  mas  locos  o  beudos. 

15.  Quando  os  vieredes  en  sala 
entre  los  nobles  barones 
asentaos,  que  Dios  os  vala, 
que  dizen  en  hora  mala: 
quien  lo  hizo?  los  ratones. 

16.  Ajuar  quier  que  le  den 

lo  ques  da  a  un  confesohonnrado 
su  cedaço  y  su  sarten 
y  su  caldcra  tanbien 
para  guisar  jamilado. 

17.  Porque  un  malo  Pormalvar 
dixo  que  comiô  tocino 

y  no  vcays  mas  pesar 


que  él  lo  oliô  ni  viô  el  mezquino, 

18.  due  comiendo  una  adafina 
entré  a  su  casa  el  odrero 
ciego  que  no  ve  un  dinero 
le  levante  tal  résina. 

19.  Hanme  dicho  que  se  trata 
con  la  hija  de  Çorrillo 
pues  porque  se  desvarata 
porquesverguença  deçillo. 

20.  Una  malvada  vezina 
a  su  casa  a  verla  vino 
vido  un  poco  de  ceçina 
levante  que  era  tocino. 

21.  Jurô  al  Dio  non  lo  faria 
fasta  apurar  esta  fama 

y  aun  por  vida  del  Aljama 
ques  una  grande  falsia. 

22.  Que  persona  tan  aguda 
que  no  tiene  de  seso  onça 
si  supies  cual  es  Aldonça 
él  la  tomaria  desnuda. 

23.  Vivame  cual  es  Aldonça 
si  es  hermosa,  yo  lo  se, 
que  pareçe  en  su  almenen 
hija  de  los  deMendoça. 

24.  Bonita  y  de  buen  aseo 
blanca  como  un  alcanfor 

con  que  gracia  v  con  que  aseo 
jura  ansi  :  viva  senor. 

25.  Guayas  de  blanca  y  de  flor 
v  de  sus  negros  maçales 
guayas  de  Clara  '  Gonçalez 
guayas  que  harâ  mayor. 

26.  Vereys  que  dos  javatillas  ; 
guardeos  Dios  de  tal  pililla! 
florenquin  y  camarilla 

fide  traga  tajadillas. 


1.  Dans  le  mss.  on  a  raturé  Clara  et  écrit  au  dessus  Elvira. 


UNE    POESIE    INEDITE    DE    RODRIGO    COTA 


71 


27.  Aldonça  que  vos  vivays 

y  viva  nuestro  senor 
l  por  cual  razon  lo  Jejays 
o  porque  ya  no  os  casays 
como  lo  manda  el  Criador? 

28.  Un  exemplo  oy  contar 

j  parayso  liaya  mi  madré! 
que  la  hija  sin  la  madré 
siempre  queda  por  casar. 

29.  Por  el  Dio  quehegran  dolor 
como  de  las  hijas  mias 

de  vos  y  de  vuestro  honor 
que  chica,  grande,  y  mayor 
se  os  van  en  balde  los  dias. 

30.  Délias  veays  placer  bueno 
j  hdgalas  Dios  maridadas  ! 
que  como  vezino  bueno 
os  doleys  del  mal  ajeno 
pareçe  quien  soys  a  osadas. 

3  1 .    No  fueron  taies  mis  hadas 
que  venga  en  miente  a  mi  padre 
que  mis  yguales  casadas 
tienen  ya  hijas  prenadas 
j  asi  el  Dio  os  guarde,  compadre  ! 

32.  Quitaos  esas  gramavas 
y  serbinos  de  altamias 

que  ansi  me  andava  yo  en  sayas 
quando  era  de  vuestros  dias. 

33.  Y  tomad  esa  altamia 

y  llevadsela  a  la  no  via 
y  decid  que  se  la  envia 
su  tia  que  vien  de  Segovia. 

34.  Hu  que  guesmo  y  que  guisado 
nuncas  mançilla  en  su  cara 
siempre  los  del  almanjara 
hazen  esto  jamilado. 

35.  Daca  mas  almocarrado 
por  vida  de  Juan  Gonçalez 
daca  hinche  esos  briales 
de  la  miel  de  las  atacas. 

36.  Que  tardanças,  que  paranças 
en  fretir  siete  bunuelos 


moços,  moças,  diablos  duelos 
vino  para  harba  dan  cas. 

37.  Venga  ya  el  armin  tostado 
y  el  toston  frito  en  sarten 
y  a  vos  le  dexo  acabado 

y  es  muy  contento  y  pagado 
que  el  Dio  le  ha  quesido  bien. 

38.  En  la  boda  desta  aljama 
no  se  comiô  peliagudo 
ni  pescado  sin  escama 

con  quanto  el  marido  pudo  ; 

39.  sino  mucha  berengena 
y  açafran  con  acelguilla 
quien  Jesu  diga  en  la  çena 
que  no  coma  alvondiguilla. 

40.  Casamiento  que  hecistes 
bueno  tal  sea  vuestra  vida 
veys  aqui  Aldonça  parida 
despues  que  la  bendijistes. 

41.  Un  fijuelo  llorador 
luengo  como  un  filisteo 
que  en  el  duysca  si  non  creo 
que  ha  de  ser  arrendador. 

42.  Asi  era  su  padre  agudo 
con  unas  gramayas  rotas 
que  por  atacar  las  botas 
al  alvor  saliô  desnudo. 

43.  Desganavas  sobre  un  figo 
negro  arrendador  de  çiençia 
que  jamas  hizo  avenençia 
sin  gallina,  queso,  o  trigo. 

44.  Por  el  lodo  quel  cubriô 

que  es  hoy  viernes  quel  saba 
quiso  sorber  al  abba 
solo  porquel  guisopo. 

45.  Es  un  huerco  baratero 
que  vende  iongos  y  salsa 
del  lodo  haze  dineros 
vende  jerapliega  falsa. 

46.  Vende  mucho,  vende  caro, 
repica  bien  de  almirez 
conoceys  Anton  de  Faro, 


I* 


R.    FOULCHE-DELBOSC 


a  ese  quita  la  vez. 

47.  Saveys  que  hacia  el  mançel 
al  escreuir  lo  pagado 
echava  queso  rallado 

par  aflecho  en  el  papel,  54. 

48.  porque  viniesen  ratones 
a  fazer  en  ello  estrago 

en  guis  que  los  maharones 

dos  vezes  hiziesen  pago.  55. 

49.  Yo  le  vi  a  Manuel  y  a  el 
por  el  siglo  quesperamos 
vender  vadeas  entramos 

a  las  puertas  de  Xocrel.  56. 

50.  Y  despues  por  nuestra  ley 
aun  no  pasô  un  aiïo  entero 
yo  le  vi  a  tienda  de  Rey 

con  criraya  despeçiero.  57. 

5 1 .  Yol  vi  el  aiïo  de  setenta 
trafagando  y  con  que  acucias 
arrendador  de  minuçias 
sobre  si  toda  la  renta. 

52.  Y  aun  el  bien  aventurado  58. 
sin  tenerarrimo  alguno 

ano  de  setenta  y  uno 
arrendô  carne  y  pescado. 

53.  No  direis  Aldonça  en  que  ano 


si  dire  ansi  vivays  vos 
ano  de  setenta  y  dos 
cuando  feçimos  los  dos 
al  del  garico  el  engaiïo 
Miembraseos  de  la  merienda 
de  alla  del  soto  del  lobo 
quando  travaron  contienda 
Manuel  y  el  hijo  del  Hobo. 
Quiça  se  me  accordara 
quando  el  hebre  de  Alcalâ 
se  travô  de  los  cabellos  ; 
i  que  negros  tiempos  aquellos 

Y  la  negra  sabrosia 
de  la  Roscadeça  maya 
mientra  el  otro  en  la  porfia 
nos  comimos  la  alcalaya. 
Ques  de  aquellas  corunbias 
de  en  cas  de  nuestras  agùelas 
aquellas  alcominias 

el  placer  las  donosias 
aquel  hervir  de  caçuelas. 

Y  de  aquel  negro  atayfor 
de  Pero  Lopez  Momen. 
Bendicto  nuestro  senor 

que  vive  por  siempre.  Amen. 


LOS  BESOS  DE  AMOR 

ODAS   INÉDITAS   DE  DON   JUAN  MELÉNDEZ  VALDÉS 


Dans  le  tome  premier  du  Catdlo^o  de  la  Biblioteca  de  Sàlvâ  figure  l'article 
suivant  : 

316.  POESIAS  EROTICAS  de  varios  autores  de  fines  del  siglo  XVIII  y  principios  del 
XIX.  Manuscrite  en  40. 

Comprende  este  legajo  composiciones  de  diferentes  poetas  modernos  :  entre  ellos 
descuellan  D.  Tomas  de  Iriarte,  D.  Juan  Meléndez  Valdés  y  D.  Leandro  Fernandez 
Moratin.  La  mayor  parte  son  inéditas  y  dificilmente  venin  la  luz  pùblica  por  ser  dema- 
siado  obscenas. 

Cette  liasse  de  manuscrits  m'appartient  depuis  peu.  La  lecture  attentive  de 
ces  poésies  m'a  convaincu  de  l'injustice  du  jugement  de  Salvd  :  sans  doute 
quelques-unes  ne  pourraient  être  que  difficilement  publiées,  mais  la  plupart, 
tout  en  étant  d'un  genre  badin  ou  même  léger,  sont  loin  de  mériter  le 
reproche  d'obscénité  que  leur  a  adressé  le  célèbre  bibliographe. 

J'ai  eu  le  plaisir  de  trouver,  parmi  les  pièces  qui  composent  ce  recueil  factice, 
une  série  de  23  odes  de  Meléndez  Valdés,  formant  un  cahier  de  42  pages 
(206x146  millim).  Le  premier  feuillet  porte  au  recto  l'inscription  suivante  :  Los 
Besos  de  Amor  De  Juan  Segundo  Traducidos par  el  D<  Z>  Juan  Melénde^  l'aidés. 
Malgré  ce  titre  explicite,  placé  là  comme  pour  dérouter  le  lecteur,  ces  odes  ne 
sont  pas  la  traduction  des  Basia  de  Jean  Second.  Que  le  poète  espagnol  se  soit 
inspiré  de  l'œuvre  latine,  la  chose  n'est  pas  douteuse  ;  mais  il  n'a  ni  traduit 
ni  même  imité  :  dans  ses  23  odelettes  on  ne  retrouve  que  de  loin  en  loin 
une  concordance  avec  tel  ou  tel  passage  d'un  des  19  Basia. 

11  eût  été  très  regrettable  que  les  Besos  de  Amor  fussent  demeurés  inconnus  ; 
je  les  considère  en  effet  comme  un  des  chefs-d'œuvre  de  la  poésie  anacréon- 
tique  espagnole.  A  l'inverse  du  poète  silésien  Gùnther  qui  ne  sut  pas  être 
décent  dans  sa  traduction  des  Baisers  de  Jean  Second,  Meléndez  Valdés  s'y 
révèle  comme  le  plus  chaste  des  chantres  delà  volupté. 

Sans  avoir  de  données  sur  l'époque  de  la  composition  de  ce  petit  poème, 
j'incline  à  croire  que  le  poète  espagnol  l'écrivit  dans  ses  jeunes  années.  Jean 
Second  n'avait  pas  vingt-cinq  ans  quand  il  mourut  ;  c'était  peut-être  l'âge  de 
Meléndez  quand  il  s'inspira  de  son  célèbre  devancier.  L'un  et  l'autre  auraient 
pu  donner  pour  épigraphe  à  leurs  poésies  ce  vers  de  Mimnerme  : 

T1'?  oé  ft.o;,  Tt  oe  teo-vÔv  %-.iz  ypudéTjç  '.Vf  poo;T7]ç  ; 

R.  Foulché-Delbosc. 


74 


JUAN    MELENDEZ    VALDES 


LOS  BESOS  DE  AMOR 


mis  labios,..  ay!  se  oprimen 
pues  con  los  que  te  he  dado 
mi  sed  no  satisfice. 


lte,  agite  ac  pari  ter  sudale  medullis 

Omnibus  inter  vos  ;  non  murmura  vestra 

\coluniba 

Brachia  non  hederœ ,  non  vincant  oscula 

[coucha'. 

Fragm.  Epithal. 

Imper.  Gallieni. 

Al  lecho,  al  lecho;  y  en  arâiente  fuego 
los  miembros  se  os  derritan  ; 

no  los  arrullos  del  palomo  ciego 
con  los  vuestros  compitan; 
no  los  amantes  bravos 

la  hiedra  envidieu  en  sus  dulces  la^os  ; 

ni  las  couchas  del  mar  innumerables 

excedan  vuestros  besos  incesables. 


ODA  i» 


Los  besos  regalados 
que  en  medio  de  iaslides, 
dulcisimas  de  Venus 
mil  veces  recibiste  ; 
los  que  à  tus  dulces  labios 
besdndome  apacibles 
mas  dulces  que  las  mieles 
robe  tambien  felice  ; 
en  numéros  sonoros, 
mi  musa  los  repite, 
y  mi  amor,  Galatea, 
te  los  consagra  humilde. 
Ôyelos  pues,  y  afable 
porque  su  ardor  alivie 
à  darmelos  de  nuevo 
querida  te  apercibe, 
que  ya  de  mil  m  illares 


ODA  2* 

Quando  la  vez  primera 
di  a  Nise  un  dulce  beso, 
florido  amomo  y  casia 
respiraba  su  aliento, 
y  de  su  dulce  boca 
mis  labios  recogieron 
tan  dulce  miel  quai  nunca 
la  diô  el  collado  hibleo  ; 
asi  por  apurarla 
con  hidrôpico  anhelo, 
mil,  y  mil,  y  mil  veces 
cada  dia  la  beso , 
y  el  numéro  acabado, 
torno  à  darla  de  nuevo 
mas  besos  que  â  su  Adonis 
dar  pudo  la  aima  Venus. 

ODA  s* 

Quando  mi  blanda  Nise 
lasciva  me  rodea 
con  sus  nevados  brazos, 
y  mil  veces  me  besa  ; 
quando  a  mi  ardiente  boca 
su  dulce  labio  aprieta 
tan  del  placer  rendida 
que  casi  a  hablar  no  acierta  : 
y  yo  por  alentarla 
corro  con  mano  inquiéta 
de  su  nevado  vientre 
las  partes  mis  sécrétas  ; 
y  ella  entre  dulces  ayes 
se  mueve  mas,  y  alterna 
ternuras  y  suspiros 
con  balbucicntc  lengua  ; 


LOS    BESOS    DE    AMOR 


75 


ora  Hijito  me  llama, 
ya  que  cese  me  ruega, 
ya  al  besarme  me  muerde, 
y  moviéndose  anhela. 
Entonces  j  ay  !  si  alguno 
contô  del  mar  la  arena, 
cuente,  cuente,  las  glorias 
en  que  el  amor  me  anega. 

ODA  4* 

Juguemos,  Nisa  mia, 

y  quando  el  sol  dorado, 

forme  el  rosado  dia, 

é  lo  esconda  inclinado 

en  las  esferias  olas, 

hallenos  siempre  à  solas 

en  retozos  y  en  juegos. 

Yo  enamorado  y  ciego 

te  dire...  j  ay  !  Palomita, 

y  tu  con  voz  blandita 

me  diras  :  Pichon  mio, 

y  quando  en  el  exceso 

de  mi  furor  te  diga 

dame,  Paloma,  un  beso, 

tu  a  mi  cuello  enredados 

los  dos  brazos,  amiga, 

mil  y  mil  delicados 

y  otros  mil  bas  de  darme, 

y  vibrando  de  prisa 

la  lengùita  al  besarme, 

me  herirâs  de  un  muerdito, 

diciéndome  :  jay  !  i  no  es  Nisa 

tu  Palomita,  hijito, 

tu  miel  y  tu  dulzura  ? 

tuya  soy  j  que  ventura  ! 

mâs  mas  bésame  y  mira 

quai  bullen  descubiertos 

mis  pechos  tan  cargados 

por  ti,  que  ya  retiran 

la  holanda  en  que  guardados 


estaban.  i  Ay  !  ;  do  vas?  dônde 

tu  dedo  j  ay  ! . . .  i  ay  !..  se  esconde 

lascivo!  jque  hacemos!... 

Asi,  Nisa,  juguemos, 

asi  mientras  floridos 

ambos  gozar  podemos 

de  Venus  la  dulzura. 

Ni  en  vano  huyan  perdidos 

nuestros  tiempos  mejores, 

que  ya  con  mil  dolores 

la  vejez  se  apresura 

y  en  llegando,  mi  vida, 

la  fuerza  ya  perdida 

ay  me  !  la  tos  obscura 

vendra  en  desquite  luego 

del  retozo  y  del  juego. 

ODA  s* 

El  que  con  tiernos  ojos 
rendido  una  vez  miras 
de  piedra  es  si  no  salta 
con  sûbita  alegria  ; 
y  si  el  mismo  en  tus  labios 
mil  dulces  besos  liba , 
feliz  très  y  mâs  veces 
le  digo  ya  en  tal  dicha  ; 
empero  si  en  tu  lecho 
recibirle  te  dignas , 
no  ya  feliz  le  llamo, 
Dios  es,  Dios,  blanda  Nisa 

ODA  6* 

Dicen  que  te  doy,  Nisa, 
mil  delicados  besos, 
quai  nuestros  viejos  tristes 
nunca  darlos  supieron  ; 
mas  yo  si  en  tiernos  lazos 
cino  tu  blando  cuello 
y  al  besarte  y  besarme 


76 


JUAN    MELEXDEZ    VALDES 


quasi  de  placer  muero, 
l  he  de  indagar  curioso 
mi  vida  ?  nada  de  esto , 
quando  do  esté,  ô  quien  sea 
saber  apenas  puedo. 
La  bella  Nisa  oyôme, 
riôse,  y  al  momento 
con  su  nevada  mano 
ciiîô  mi  amante  cuello 
y  un  beso  tan  lascivo 
con  rostro  tan  risueho 
me  diô,  quai  nunca  a  Marte 
dar  pudo  el  aima  Venus, 
diciéndome:  ique  ternes 
la  grita  de  los  viejos  ? 
i  ay  !  de  tus  besos  dulces 
yo  sola  juzgar  debo. 

ODA  7* 

Pedite  un  dulce  beso, 

y  tû  al  ddrmelo,  Nisa, 

los  labios  de  mi  boca 

tan  de  ligero  guitas, 

que  quai  huye  asombrado 

el  que  en  la  hierba  pisa 

la  vi'bora,  asi  lejos 

de  mi  tu  faz  retiras. 

i  Ay!  ...  ay! ...  esto  no  es  darme 

un  beso,  sino  vivas 

ansias  de  que  me  beses 

mil  vezes,  vida  mia. 

ODA  8» 

Mil  besos  te  he  pedido  : 
tû  fiel  à  mis  promesas 
mil  veces  solamente 
blanda  Nisa,  me  besas. 
Mas,  ay  !  ay  !  porque  avara 
asi  luego  escaseas 
tus  besos  regalados, 
que  me  los  das  por  cucnta? 


I  Si  dan  Ceres  y  Baco 
sus  dones  à"  la  tierra, 
las  cubas  y  los  troxes 
contando,  los  hinchieran  ? 
I  Si  llueve  el  almo  Jove 
las  gotas  con  que  riega 
los  âridos  sembrados, 
contadas,  que  sirvieran? 
Pues;  ay  !  tu  siendo  Diosa 
muy  mas  que  Venus  bella 
l  â  que  contar  los  besos 
y  no  contar  mis  penas? 
I  Si  es  que  contarlas  puedes 
tus  dulces  besos  cuenta  ; 
sino,  jucunda  Nisa, 
sin  numéro  me  besa. 

ODA  9a 

Quando  en  tus  dulces  labios 
descanso,  mi  seiïora, 
chupando  de  tu  aliento 
las  flores  olorosas, 
por  uno  de  los  Dioses 
que  en  el  Olimpo  moran 
me  tengo  y  mas  si  aun  cabe 
ventura  mas  gloriosa. 
Mas  luego  que  te  apartas, 
yo  el  que  por  Dios  ahora 
me  tuve,  y  mas  si  aun  hubo 
mayor  alguna  cosa, 
dcl  Orco  ya  me  siento 
ay  !  en  las  negras  sombras 
y  mas  si  aun  hubo  suerte 
màs  baja  y  mas  penosa. 

ODA  io» 

Quando  con  tiernos  brazos 
me  enlazas  y  rodeas, 
v  el  cuello  reclinado 
el  pecho  y  faz  risuena, 
tus  labios  a  mis  labios, 


LOS    BESOS    DE    AMOR 


77 


oh!  blanda  Nisa,  llegas, 

y  atrevida  me  muerdes 

y  mordida  te  quexas, 

y  aqui,  y  alli,  vibrando 

la  balbuciente  lengua, 

ya  chupas,  ya  respiras, 

la  dulei'sima  y  tierna 

aura  de  tu  suave 

anima  que  alimenta 

mi  vida  misérable  ; 

quando  blanda  me  besas 

y  agotando  esta  mia 

caduca,  y  con  la  fuerza 

del  ardor  encendida, 

del  ardor  que  alimenta 

el  impotente  pecho, 

le  burlas  y  le  templas 

de  un  soplo;  ay  !  aura  dulce 

que  mi  calor  recréas  ! 

perdido  exclamo  entonces 

que  Dios  de  Dioses  sea 

Amor,  y  que  ninguno 

ser  mayor  que  Amor  pueda. 

Empero  si  algun  otro 

aun  le  excède  en  alteza, 

tu  sola  mayor  ères 

que  el  Amor,  Nisa  bella. 

ODA  n* 

Ay  !  déjame,  luz  mia, 
déjà,  donosa  mia 
y  mis  dulces  amores, 
besar  esos  ojuelos 
que  el  aima  y  pecho  mio 
tanto  alegran  ;  y  déjà 
que  el  tu  pelo  dorado 
que  al  dorado  cabello 
de  Apolo  y  al  de  Baco 
se  aventaja,  yo  bese. 
Ay  ingrata  !  Ay  esquiva  ! 
que  tan  ligero  premio 


niegas  y  este  descanso 
à  tu  amante  y  poeta. 
iQue  te  burlas  donosa? 
1<D  porque  asi  présumas 
que  me  veas,  forzada 
por  pedirtelo  huyes 
de  lo  que  mas  deseas? 
Pues  ay  !  he  de  cogerte 
por  fuerza,  y  a  tu  cuello 
he  de  enredar  mis  manos, 
y  juntar  a  mi  rostro 
el  tuyo,  y  a  tus  labios 
los  mios  ;  y  aunque  niegues 
y  reniegues  y  luches, 
que  fiera  me  amenazes, 
te  daré  hasta  mil  besos  : 
tu  morderàsme  todo, 
y  aqui,  y  alli,  tus  unas 
me  heriran,  pero  en  vano, 
que  sus  surcos  no  temo, 
ni  tus  muerdos,  mas  antes 
quanto  mas  me  araiïares 
y  fiera  me  mordieres, 
mas  regalados  besos 
te  daré,  y  con  mas  fuerza 
te  estrecharé  en  mis  brazos. 
j  O  dulci'simas  rinas! 
i  O  muerditos  suaves  ! 
I  Hacerme,  Nisa,  quieres 
feliz  ?  pues  niega  siempre 
tus  besos  a  mis  ruegos 
para  que  yo  asi  pueda 
robados  de  tu  boca 
gustarlos  mas  suaves. 

ODA  12* 

Despues  de  los  dolores 
de  largo  enojo  y  doloroso  olvido, 
torna  a  unirnos  Cupido 
en  sabrosos  amores 
y  ya,  Amarilis  mia, 


78 


[UAN    MELENDEZ    VALDES 


danos  Venus  la  paz  que  dar  solia. 

Ya  me  da  que  ver  pueda 
tus  lascivos  ojuelos  y  tu  boca 

que  a  mil  besos  provoca, 

y  gozar  no  me  veda 

tuspechos  y  tu  seno, 
dulce  miel,  dulce  mal,  dulce  veneno. 

Ay  !  Ay  !  si  yo  gozara 
en  regalado  lecho,  aquella  rosa 

tanto  a  Venus  odiosa, 

y  quai  olmo  abrazdra 

tu  cuello  delicado, 
en  un  mar  de  deleites  anegado  ; 

y  el  amor  en  su  vaso 
nos  diera  el  quinto  nectar  delicioso 

en  el  lance  glorioso 

do  jamas  anda  escaso 

en  derramar  su  cebo 
y  es  paso  un  gusto  de  otro  gusto  nuevo, 

i  por  quan  bien  empleado 
diera  el  antiguo  enojo  y  el  olvido  ! 

A  la  Diosa  de  Gnido 

ante  el  ara  postrado 

tu  zona  dedicdra, 
y  un  par  de  palomitas  consagrdra. 

Entonces  tus  ojuelos 
ardieran  en  mirdndome,  alternando 

tu  labienzuelo  blando 

entre  amantes  anhelos, 

el  muerdo  y  la  saliva 
y  el  beso  burlador  que  el  aima  priva. 

O  con  voz  amorosa 
el  queridito  mio,  aprisa,  aprisa 

entre  lasciva  risa 

al  andar  deliciosa 

por  tu  vientre  nevado 
mi  mano,  otro  besito  regalado. 

Que  alliamor  nos  moviera 
mezcldndose  de  entr.unbos  el  aliento, 

y  si  el  mole  ardimiento 

cesdra  entonces  fuera 


quando  en  mansos  quejidos 
en  deleites  queddramos  dormidos. 

Mas  al  punto  excitando 
mil  amorosas  burlas  y  caricias, 

para  nuevas  delicias 

nos  fuéramos  probando, 

y  entre  lascivos  juegos 
nos  inspira  amor  deleites  nuevos. 

Con  esta  dulce  vida 
recompensa  Amarilis  los  dolores 

que  causan  tus  rigores 

y  olvido,  y  fé  perdida, 

y  premio  de  ambos  sea 
la  amiga  posesion  que  amor  desea  : 

que  tû  ya  premiar  sabes 
mi  carino,  y  aun  tengo  en  la  memoria 

la  dulci'sima  gloria 

de  los  besos  suaves 

con  que  diste  algun  dia 
cebo  d  mi  amor,  y  aliento  d  mi  porfia. 

ODA  13a 

O  noche  deliciosa  ! 
O  afortunado  lecho  !  o  gloria  mia  ! 

O  Amarilida  hermosa  ! 

mi  amor  en  ti  confia 
la  dulci'sima  gloria  de  este  dia. 

Pensando  en  mi  amor  ciego 
los  venideros  ratos  concertados 

y  aquel  lascivo  juego 

con  tus  pechos  ncvados, 
y  mil  sabrosos  besos  d  hurto  d'ados, 

quando  en  tiernos  abrazos 
d  tu  cdndido  cuello  asido  estaba 

quai  la  vid  con  mil  lazos, 

v  tu  boca  sonaba 
con  los  ardientes  besos  que  me  daba. 

Qucdéme  ayer  dormido 
i  o  nunca  despertara  d  mds  dolores  ! 


LOS    BESOS    DE    A.MOR 


79 


Ay  !  yo  soné  el  cumplido 
premio  de  mis  amores 
gozdndote,  mi  bien,  entre  las  flores. 

i  Quan  dulces  cosa  via  ! 
que  brazos  !  y  que  pechos  !  que  cintura  ! 
mi  vista  discurria 
con  ardiente  presura, 
ansioso  de  gozar  tanta  hermosura 

y  al  cerïir  d  tu  cuello 
mis  amorosos  brazos  en  cadena, 
ora  tu  labio  bello, 
con  dulces  vozessuena, 
y  ora  al  quejarse  mi  furor  refréna. 

Mas  yo  de  amor  perdido, 
ya  tus  ayes,  donosa,  me  aplacaban, 
va  de  tu  ardor  movido 
las  ropas  te  quitaba 
y  toda  de  mis  besos  te  anegaba. 

i  Que  de  luchas  trabamos, 
quitada  ya  la  luz  !  y  d  quantos  juegos 
de  nuevo,  ay  me!  tornamos  ! 
ora  humilde  à  mis  ruegos, 
ora  pugnando  entrambos  de  amor 

[ciegos. 
Ya  las  tetas  mostrabas 
redonduelas  y  cdndidas  quai  nieve, 

y  ya  las  ocultabas 
porque  de  nuevo  pruebe 
mi  mano  d  hallarlas,  y  en  su  ardor  se 

[cebe. 
Mas  quando  amor  instiga 
al  dulce  ayuntamiento  apetecido 
y  en  sabrosa  fatiga 
me  falta  ya  el  sentido, 
de  un  éxtasis  dulcïsimo  impedido, 

tû  con  lasciva  mano 
tocdndome  proterva,  a  nueva  vida 
del  sueno  soberano 
me  tornas  at revida. 
y  un  besito  d  otro  suerïo  me  convida. 


Asi  se  dobla  el  fuego 
y  los  halagos  crecen  al  sonido 

del  alternado  ruego 

respondiendo  d  un  quejido 
el  muerdito  en  el  beso  confundido. 

Y  entre  el  murmullo  lento 
el  anima  parece  en  suspirando 

salirse  entre  el  aliento, 

0  que  nos  va  faltando 

para  tantos  deleites  no  bastando. 

Engdnase  el  que  intenta 
poner  término  d  amor  y  sus  furores, 

porque  él  sabe  sin  cuenta 

mil  deleites  y  ardores, 
y  mil  modos  de  abrazos  y  favores. 

1  Que  aprovecha  d  lo  obscuro 
envolver  el  amor?d  la  luz  clara. 

gôzelo  yo  seguro 

sin  que  me  niegue  avara 
la  divina  Amaralida  su  cara. 

Yea  de  sus  ojuelos 
el  lascivo  mirar  y  oiga  el  sonido 

de  sus  blandos  anhelos, 

quando  a  compas  movido 
mi  muslo  suene,  d  su  muslo  unido. 

Y  la  vista  derrame 
por  su  nevado  vientre  y  por  sus  lados, 

v  tanto  amor  me  inflame 

que  en  lazos  duplicados 
mil  veces  nos  gozenlos  ayuntados, 

saciândose  mis  ojos 
en  quanto  el  hado  crudo  asi  lo  ordena 

pues  los  fieros  cerrojos 

la  muerte  al  lado  suena 
del  Orco  do  tan  presto  nos  condena. 

Por  esto,  gloria  mia, 
la  verdad  de  mi  sueno  no  tardemos, 

y  en  ardiente  porfia, 

ahora  que  podemos, 
los  dulces  gustos  del  amor  gozemos. 


8o 


JUAN    MELENDEZ    VALDES 


ODA  i4a 

Diera  yo,  blanda  Nisa, 
con  amoroso  anhelo 
a  tus  frescas  mexillas 
y  a  tus  ojos  parleras 
v  ;i  tus  purpûreos  labios 
cien  regalados  besos, 
cien  mil  à  tu  garganta 
y  a  tus  nevados  pechos 
mil  veces,  mil  y  tantos 
millares  como  el  cielo 
de  estrellas,  y  el  mar  tiene 
de  arenas  en  su  seno. 
Pero  av!  que  al  inclinarme 
a  besar  de  amor  ciego 
tus  amorosos  labios 
y  brillantes  ojuelos, 
ni  las  tiernas  mexillas, 
ni  los  ojos  traviesos, 
ni  de  tu  amable  boca 
las  dulces  risas  veo, 
que  quai  las  negras  sombras 
del  cielo  ahuyenta  luego 
que  el  sol  de  Oriente  nace 
banando  en  lu/,  el  suelo, 
tal  tu  amorosa  gracia 
templa  mi  llanto,  y  luego 
del  aima  echa  las  penas, 
los  ayes  de  mi  pccho, 
mi  bien,  que  dulces  lides! 
j  quanto  bcsarte  quiero  ! 
mis  labios  y  mis  ojos 
reiiir  ardientes  veo. 

ODA  i$â 

Mi  humilde  rostro  hierc 
ci  m  ufias  atrevidas, 
que  asi  amor  se  alimenta 
de  rcgaladas  rinas, 


y  arrancame  y  revuelve 
la  cabellera  riza, 
y  estorba  mis  deseos 
en  tu  ropa  ceîïida, 
que  tanto  son  sabrosas, 
j  ay  !  quanto  resistidas, 
o  blanda  Galatea 
de  Venus  las  delicias. 

ODA  i6* 

No  entre  tan  blanda  risa 
me  beses,  Galatea, 
ni  asida  de  mi  cuello 
mas  de  lasciva  prendas. 
Modo  hay  en  los  placeres 
y  aquél  que  mas  deleita 
bien  presto  repetido 
ya  el  aima  lo  de  sécha, 
y  asi  si  te  pidiere 
nueve  besos,  tû  déjà 
dos  solamente  y  grita 
los  siete  de  la  cuenta  ; 
y  ni  hûmedos  ni  luengos 
procura  bien  que  sean, 
quai  darlos  suele  al  padre 
la  cândida  doncella  : 
mas  con  lasciva  planta 
huye  luego  y  ligera 
guarte  à  mis  blandos  ojos 
en  una  oculta  pieza; 
yo  en  pos  lie  de  seguirte 
porque  al  hallarte  en  ella 
pueda  enlazar  mis  manos 
de  tu  garganta  bella, 
rnkindote  amoroso, 
quai  en  sus  unas  fieras 
la  flaca  palomita 
el  gavilan  se  lleva. 
Tû  las  vencidas  palmas 
tenderàs,  Galatea, 


LOS    BESOS    DE    AMOR 


81 


y  enredada  en  mi  cuellp 

quai  del  olmo  la  hiedra, 

ya  con  los  siete  besos 

Je  regalado  nectar 

querrâs  templarme;  v  quanto, 

regalo  mio,  yerras? 

Pues  para  perdonarte 

me  debes  dar  setenta, 

v  aun  entre  tiernos  lazos 

te  he  de  tener  sujeta 

hasta  que  por  tus  gracias 

me  jures  que  deseas 

por  otro  tal  delito 

llevar  la  misma  pena. 

ODA   17a 

Mis  ojos  à  los  labios, 
si  à  te  besar  me  llego, 
luego  envidian,  ni  pueden 
carecer  de  tu  aspecto, 
y  si  en  tu  dulce  vista 
los  ojos  saciar  quiero, 
mis  labios  envidiosos 
me  lo  resisten  luego, 
porque  el  candor  nevado, 
de  tu  purpûreo  pecho 
los  atrae  y  provoca 
como  el  iman  al  hierro. 
j  Ay  soberana  fuerza 
de  hermosisimo  objeto  ! 
que  obliga  à  que  yo  propio 
Jisienta  de  mi  mesmo. 

ODA  18* 

De  besos  regalados, 
de  amores,  de  caricias, 
en  tu  mullido  lecho 
Iléname,  Filis  mia  ; 
v  enrédate  a  mi  cueilo 

Revue  hispanique. 


las  bocas  tan  unidas, 

que  tû  mis  aires  bebas, 

yo  tu  aliento  reciba  ; 

tus  dos  ojuelos  brillen 

y  al  entrarse  lasciva 

con  blando  afan  mi  mano 

por  la  dorada  cima, 

suene  un  murmullo  blando, 

y  â  par  de  la  latiga 

dulefsima  de  Venus 

con  débil  voz  suspira; 

tus  quejidos  me  alienten, 

muérdame  tu  iengùita, 

tus  brazos  me  aprisionen, 

tu  anhelo  me  dé  prisa, 

v  venga  j  ay  me!  la  muerte, 

que  entre  tanta  delicia,! 

Filis,  si  llegar  osa 

no  es  muerte  sino  vida. 

ODA   19' 

Paloma  amorosa 
basta  no  te  quejes 
que  va  de  tus  brazos, 
colgado  me  tienes  ; 
ya  mi  dulce  boca 
de  la  tuya  bebe 
tu  aliento  mas  dulce 
que  las  dulces  mieles; 
mi  lengua  vacila 
mi  pecho  se  enciende, 
i  Ay  que  desfallezco  ! 
Bien  mio,  sostenme  ' 
sostenme,  v  tus  brazos 
màs  y  mas  me  estrechen, 
y  ni  tu  ardor  pare 
ni  tus  besos  cesen  ; 
i  Que  dulce  muerdito 
con  lascivo  diente 
me  bas  dado  !  Repara 


JUAN    MELEXDEZ    VAEDES 


que  el  labio  me  hieres. 
£  Que  quejas  son  estas  ? 
I  que  es  esto  ?  détente, 
que  en  tantas  delicias 
mi  anior  desfallece; 
l  suspiras  y  anhelas 
y  à  par  que  te  mueves 
tus  ojuelos  bullen 
v  tus  ayes  crecen? 
I  Que  es  esto,  amor  mio? 
reposa... i  que  tienes  ? 
I  me  abrazas,  y  gimes  ? 
I  que...  Nisa...  que  sientes 
j  Av  !  ique  te  desmayas? 
No  temas  ;  advierte 
que  va  delicioso 
mi  amor  te  sostiene, 
reposa  en  mis  brazos 
v  tu  ardor  se  temple, 
mas  no  de  mi  cuello 
los  tuyos  descuelgues, 
y  déjà  â  mis  labios 
que  el  aima  alimenten 
en  los  albos  pechos 
y  en  ellos  se  ceben  ; 
ni  tû  de  cansada 
mil  besos  me  niegues 
que  activos  de  nuevo 
mis  Hamas  alienten, 
porque  alli,  bien  mio, 
en  blandos  placeres 
tan  dulces  desmayos 
gozeraos  mil  veces. 

ODA  20» 

Los  lascivos  besos 
quL  entre  blandas  risas 
me  das  amorosa 
y  amor  los  envidia 
repite  mil  veces, 


dulcfsima  Nisa, 

pues  asi  se  alienta 

el  anima  mia, 

y  no  son  mas  dulces 

las  mieles  de  Hiblia 

que  el  nectar  que  en  ellos 

tus  labios  destilan  ; 

ni  asi  las  palomas 

al  amor  heridas 

con  trémulos  picos 

se  besan  amigas, 

ni  tantos  olores 

el  Arabia  cria 

quai  blandos  aromas 

tu  pecho  respira. 

i  Av  !  trémula  suena 

tu  dulce  lengùita, 

v  el  labio  amoroso 

se  queja  y  suspira  ! 

Cesemos,  cesemos, 

y  alla  te  retira, 

que  el  aima  fallece 

con  tanta  delicia. 

ODA  21» 

Con  blanda  boca  un  beso  regalado 

me  diô  la  ninfa  mia, 

v  mas  dulce  v  preciado 
me  parecid  queel  nectar  v  ambrosia, 
quai  del  tomillo  y  casia  deliciosa 

al  ir  Febo  rayando 

en  verano  oficîosa 
la  abeja  liba  entre  susurro  blando. 
V  con  proterva  planta  diôligera 

a  correr  v  esconderse, 

porque  lasciva  espéra 
poder  en  las  tinieblas  guarecerse  ; 
emperoquan  envano!  que  escondida 

no  quiere  amor  dejarla, 

v  la  antorcha  encendida 


LOS    BESOS    DE    AMOR 


83 


en  su  busca  me  alumbrahasta  toparla. 
Ya,  ya,  segunda  vez  te  tengo  asida 

,;  de  que  tiemblas  en  vano? 

j  Ay  mi  bien  !  Ay  mi  vida! 
ya  te  tengo  y  te  asf  con  blanda  mano. 
Por  tan  dulce  trabajo  nueve  besos 

en  pago  dame,  y  todos 

con  tus  labios  traviesos 
dàmelos,  Nisa,  de  diversos  modos. 
I  Di,  di,  no  sientessime  estas  besando 

que  a  los  labios  concurren 

las  aimas  y  buscando 
la  mitad  que  les  falta,  ambas  discurren? 
Asi,  mi  vida,  asi,  Paloma  mia, 

las  aimas  ayuntemos, 

y  tal  que  en  ningun  dia 
tan  dulci'simo  lazo  separemos. 
Antes  quando  los  plazos  sean  cum- 

[plidos 

de  nuestra  fragil  vida 

un  solo  espi'ritu,  unidos 
los  labios,  de  dos  bocas  se  despida. 

ODA  22* 

Para  que,  Galatea, 
para  que  tus  mexillas, 
si  no  para  besarlas 
despues  de  bien  lamidas? 
Pero  haciéndolo  todo 
con  blanda  lengùecita 
que  goze  y  no  lastime 
su  purpura  florida, 
que  no  en  vano  Citeres 
de  sus  rosas  mas  finas 
y  de  sus  azuzenas 
te  las  sembrô  benigna  ; 
asi  no  mas  las  guardes, 


no  mis,  Paloma  mia, 
que  labios  de  un  amante 
besando  no  lastiman. 

ODA  23» 

Dulce  Paloma 
del  aima  mia, 
mas  no  te  quejes 
de  amor  herida, 
ni  el  tierno  labio, 
que  dm  bar  respira 
nuis  tristes  ayes 
fi  110  repita. 
Ya  vuelvo  al  lecho 
do  tû  lasciva 
con  mil  besitos 
mi  ardor  atizas  ; 
ya  de  mi  cuello 
puedes  asida 
pender,  que  arable 
ya  te  convida. 
Llega  y  volvamos 
d  las  delicias 
de  amor;  un  beso 
dame  benigna, 
ddmelo,  empieza 
que  me  lastima, 
bien  mio,  el  aima 
verte  afligida  ; 
y  no  tus  brazos 
me  cansan,  Nisa, 
mas  por  provarte 
fingî  que  huia. 
Ya  vï  tus  ansias  : 
llega,  mi  vida, 
y  el  ceno  trueca 
por  juego  y  risa. 


VA  R I A 


1.   Notes  sur  Guillén  de  Castro. 

I.  Sur  le  séjour  de  C.  en  Italie.  —  On  sait  qu'à  la  suite  d'événements  drama- 
tiques, encore  mal  connus,  Guillén  de  Castro  passa  plusieurs  années  dans  le 
royaume  de  Naples.  Mais  les  dates  de  ce  séjour  étaient  restées  obscures.  Une 
note  des  Amantes  de  Teruel  de  Juan  Yagùe  de  Salas  m'a  permis  d'établir  qu'en 
1616,  il  était  depuis  quelque  temps  déjà  rentré  à  Valence  (voy.  Mocedades  del 
Ciel,  p.  xxvn).  Quant  à  la  date  de  son  départ  pour  l'Italie,  elle  me  semblait 
pouvoir  être  placée  entre  1603  et  1606.  Un  document,  que  je  dois  à  l'obli- 
geance de  M.  B.  Croce,  de  Naples,  me  permet  aujourd'hui  de  préciser  cette 
date.  Ce  sont  les  lettres  patentes  du  gouvernement  de  Scigliano,  octroyées  à 
G.  de  C.  à  la  date  du  Ier  juin  1607.  {Archiva  di  Stato  di  Napoli.  —  Officîorum 
Collatérale,  vol.  II.  1606-1608,  fol.  99  recto  :  Giiglielmus  de  Castro.) 

«  Expediu  fuit  provisio  patens  officii  Capitaneatus  terre  Scigliani  in  personam 
Mci  Don  Guglielmi  Je  Castro,  pro  uno  anno  integro  et  deinde  in  antea  ad 
beneplacitum  cum  pensione  lucris  gagiis  et  emolumentis  solitis  et  consuetis, 
qui  prestidit  juramentum  in  manus  m0'  et  circumspecti  Pétri  de  Valcassel  {sic 
p.  ValcârcelT)  regii  Collateralis  consiliarii  et  regiam  cancellariam  regentis,  cum 
aliis  clausulis  solitis  et  consuetis  in  forma  regiae  cancellariae.  Datum  Neap1  die 

p"  Junii  1607. 

El  coude  de  Ven.ivente.  » 

C'est  donc  très  vraisemblablement  à  la  fin  de  1606  ou  dans  les  premiers  mois 
de  1607  que  Castro  arriva  dans  le  Royaume  de  Naples.  Cette  ville  de  Scigliano, 
dont  on  avait  fait  Seyano,  Sejano,  se  trouve  dans  la  Calabre  Citéricure,  non  loin 
de  Martorano,  district  de  Cosenza. 

H.  —  Sur  la  date  de  la  première  édition  des  Comédies  de  G.  d.  C.  —  Ximeno 
dans  ses  Escritores  del  Ri  yno  de  Valencia,  assure  que  les  deux  parties  des  Comédies 
dé  C.  se  réimprimèrent  (se  reimprimieron)  à  Valence,  en  1 61 8.  Salvâ,  La  Barrera 
et  d'autres  ont  mis  en  doute  l'existence  de  cette  édition,  qui,  pour  des  raisons 
exposées  dans  l'ouvrage  cité  plus  haut,  me  paraissait  certaine.  La  chose  est 
hors  de  doute  depuis  que  M.  A.  L.  Stiefel  a  assuré  avoir  tenu  entre  les  mains 
un  exemplaire  (le  seul  connu)  de  cette  édition  sortie  des  presses  de  F.  Mey. 


VARIA  8  5 

(Zeitschrift  f.  rom.  Phil.  1891,  XV  Bd,  1.2.  H.)  Mais  il  y  a  plus.  Non  seule- 
ment il  faudrait,  si  l'on  en  croit  M.  Stiefel,  admettre  une  édition  de  la  Primera 
parte  de  1614,  mentionnée  par  Ticknor,  mais  même  reculer  encore  cette  date. 
En  effet,  Lope  de  Vega,  dans  sa  Dama  Bdba  (III,  2),  cite  las  «  Comedias  de 
Don  Guillen  de  Castro  ».  Or  il  existe,  selon  La  Barrera  (Catdlogo,  p.  434), 
dans  le  fonds  Osuna  de  la  Bibl.  Nation,  de  Madrid,  un  manuscrit  de  la  Dama 
Boba,  signé  de  Lope,  et  daté  du  28  avril  161 3.  Si  le  fait  est  bien  exact,  il  en  faut 
conclure  qu'il  avait  paru,  avant  cette  date  de  161 3,  au  moins  un  recueil  des 
Comédies  de  Castro,  et  c'est  à  ce  recueil  que  C.  fait  allusion,  lorsque,  dans  la 
ire  partie  authentique  (1621)  et  dans  la  2e  partie  authentique  (1625),  il 
nous  apprend  que,  pendant  son  absence  (esiando  yo  ausenté),  un  libraire  peu 
scrupuleux  avait  imprimé  «  douze  comédies  »  de  lui.  La  conjecture  de  Stiefel, 
pensant  qu'il  s'agit  bien  dans  la  Dama  Boba  d'une  publication  originale  et  non 
d'un  recueil  factice  de  Sacltas,  paraît  donc  très  vraisemblable,  mais  il  faut 
remarquer  d'autre  part  que  Castro  ne  parle  que  d'une  seule  Parte  (doce  Comedias) 
apocryphe. 

E.  Mérimée. 


2.   Deux   lettres  inédites  d'Isabelle  la   Catholique   concernant 
la  famille  de  Rodrigo  Cota. 

On  sait  combien  sont  rares  les  données  que  nous  possédons  sur  Rodrigo  Cota,  l'auteur 
du  dialogue  de  l'Amour  et  du  Vieillard.  La  Bibliothèque  Nationale  de  Madrid  possède, 
sous  la  cote  Dd  59,  un  recueil  renfermant  une  série  de  documents  des  xv°  et  XVIe  siècles, 
dont  la  plupart  concernent  Tolède.  Ces  documents  ont  été  recopiés  au  commencement  du 
xvmc  siècle.  A  la  page  91  et  suiv.  se  trouvent  deux  lettres  d'Isabelle  la  Catholique,  l'une 
du  Ier  novembre  1462,  l'autre  du  27  mai  1472,  qui  serviront  peut-être  de  point  de  départ 
pour  de  nouvelles  recherches  sur  Cota  et  sa  famille. 

Première  lettre  : 

Io  la  Princesa  de  Castilla  e  de  Léon,  Reyna  de  Sicilia,  Princesa  de  Aragon 
embio  mucho  a  saludar  i  Vos  los  honrados  Assistente,  Alcaldes,  Alguacil, 
Regidores,  Jurados,  Cavalleros,  Escuderos  de  la  muy  noble  Cibdad  de  Toledo 
como  aquellos  q  mucho  precio.  la  creo  que  sabeis  como  el  Mariscal  Fernâdo 
de  Ribadeneyra,  y  Pedro  de  Ribadeneyra  su  fijo,  y  Christoval  Bermudcz  de  un 
mes  a  esta  parte  poco  mas  u  menos  tienen  presos  en  la  Fortaleza  de  Canales  al 
Jurado  Sancho  Cota,  e  a  Rodrigo  Cota  su  fijo  a  los  quales  prendieron  por 
razon  que  el  Bachiller  Alfonso  de  la  Quadra,  Alcalde  en  la  muy  noble  Cibdad 
de  Avila,  fijo  del  dicho  Sancho  Cota  fizo  cortar  la  mano  por  justieia  a  un  escu- 
dero  del  dho  Mariscal  Fernando,  diciendo  demas  desto  q  le  havia  lebado  ciertos 


86  VARIA 

castellanos  :  e  agora  nuevamente  me  es  dicho  que  es  libre  el  dho  Rodrigo 
Cota  por  resta  de  que  del  ovieron  de  noventa  mill  mfs,  llevando  luego  prendas 
por  los  sesenta  mill  mfs,  por  lo  restante  quedô  preso  el  dho  Sancho  Cota,  de 
lo  quai  todo  soy  muy  maravillada  del  dho  Mariscal  facer  ni  dar  consenti miento, 
que  semejante  dano,  e  agravio  tan  indebidam'0  se  les  ficiesse  no  se  yendo 
encargo  alguno.  Por  lo  q  el  dho  Bachiller  Alfonso  de  la  Quadra  su  fijo  fizo 
por  via  y  execucion  de  justicia  y  non  haviendo  llevado  los  dhos  castellanos  ni 
parte  dellos  por  cierta  informacion  que  sobre  ello  yo  he  havido  e  por  quanto 
no  en  menos  estima  tengo  qualquier  agravio  y  dano,  q  por  esta  causa  hayan 
recebido,  q  si  en  mi  mesma  se  ficiesse,  por  q  se  ha  fecho,  y  face  en  ofensa  mia, 
y  en  menosprecio  de  mi  justicia,  e  por  que  a  vosotros  es  cosa  honesta  dar 
sobre  esto  el  remedio  q  cumple  a  mi  servicio  y  a  la  buena  deliberacion  del  dho 
Sancho  Cota,  y  no  dar  lugar  ni  consentir  q  semejante  deservicio  y  mengua 
por  esta  causa  se  me  siga,  mayormte  por  los  dhos  Mariscal  e  su  fijo,  e  Chris- 
toval  Ikrmudez  ser  Vecinos,  y  Parientes  vuestros  por  ende  afectuosamte  vos 
ruego  si  complacer  e  servirme  deseais,  como  confio  de  vos,  tengais  luego 
manera  como  el  dho  Sancho  Cota  sea  libre  de  la  dha  prision,  e  sin  rescate 
alguno  travajando  assimismo  con  todas  vfas  fuerzas  como  restituyan  las  pren- 
das y  bienes  que  tienen  por  el  rescate  de  los  dhos  sesenta  mill  mfs  enteramte, 
pues  q  no  han  tenido  ni  tienen  razon  alguna  para  lo  detener  preso  ni  mucho 
menos  para  llevar  los  mfs  del  dho  rescate  pr  q  si  algo  por  este  caso  se  hoviesse 
de  dar,  yo  lo  havria  de  pagar  e  no  ellos,  por  ser,  como  es,  la  causa  mia  propia, 
e  tocar  a  mi  este  fecho,  e  si  assi  lo  ficieredes,  sed  ciertos  vos  lo  regradecere  en 
mayor  grado  q  podriades  pensar,  y  conoceré  de  vosotros  q  demas  de  facer  en 
esto  vro  deber,  teneis  voluntad,  y  deseo,  de  me  complacer,  y  servir,  y  me  dareis 
por  ello  cargo  para  mirar  por  el  bien  vro  y  desa  ciudad,  y  si  ansi  no  lo  ficie- 
redes, y  en  ello  alguna  escusa  y  dilaciô  pusieredes,  sed  ciertos  q  a  cargo  vro, 
ps  el  caso  tanto  me  toca,  mandaré  proveer  en  ello,  como  cumple  à  mi  servicio, 
y  al  bien  del  dho  Sancho  Cota  y  sus  hijos.  De  la  Villa  de  Tordelaguna  a  pri- 
mero  dia  de  Noviembre  de  lxij  anos.  Io  la  Princesa.  Por  mandado  de  la 
Princesa.  Alonso  de  Avila. 

I  )]  UXJÈME   LETTRE  : 

La  Reyna 

Asistente,  Alcaldes,  Alguacil,  Regidorcs,  Cavalleros,  Jurados,  e  Hombres 
buenos  de  la  muy  noble  e  muy  leal  ciubdad  de  Toledo  :  vi  la  carta  q  con  Juan 
de  Ribadeneyra,  e  Diego  de  Villarreal,  Regidores  desa  muy  noble  Ciudad  me 
embiasteis,  en  q  me  embiabades  a  suplicar  mandase  embiar  a  esa  Cibdad  la 
Muger,  y  hijos  del  Tesorero  Franro  Cota,  e  soy  muy  maravillada,  por  q  el  Rdo 
Padre  Obispo,  quando  de  alla  vino,  me  dixo  como  el  noble  Marqs  de  Villena,  y  el 
con  todos  vosotros  dexaba  asentado  en  q  por  el  bien  y  paciflcacion  desa  ciudd 


VARIA  87 

yo  mandasse  emhiar  las  prendas  de  los  ochoztos  m;n  mfs  y  q  sobre  esto  voso- 
tros  me  haviades  de  embiar  vros  mensageros,  y  con  me  decir  el  Rdo  Obpo  q 
esto  estaba  asentado  con  vosotros,  aunq  por  ser  cosa  fïierte,  à  mi  plugo  de  lo 
mandar  cumplir,  como  por  otra  carta,  q  vos  huve  escrito  havreis  visto,  y  vereis 
y  agora  me  embiô  a  decir  q  se  entregue  la  Mujcr  e  fijos  del  dho  tesorero,  qui- 
riendo  luego  cumplir  con  las  dhas  prendas,  e  con  mas,  si  necesario  fuere, 
pareciô  cosa  muy  fuerte  facer  tantos  asientos  en  este  negocio,  pero  por  que 
veais  quanto  yo  hé  gana  de  mirar  el  bien  y  honra  desa  muy  noble  cibdad,  yo 
embio  manana  mensagero  de  mi  Casa  a  Pedrarias  pa  q  si  el  quiere  soltar  los 
presos,  e  prendas  q  tiene  fechas  a  esa  noble  cibdad  e  asegurar  de  non  facer  e 
pedir  lo  suyo  por  justicia  como  spfe  dice  que  quiere,  yo  entregaré  en  poder  del 
noble  Marques  en  esa  cibdad  la  dha  Muger,  e  fijos  del  dho  Franco  Cota,  p-'  q 
clla  y  sus  fijos  esten  en  esa  cibdad,  donde  el  dho  noble  Marqs  los  pusiere  fasta 
q  su  deuda  sea  averiguada  e  pague  lo  q  justamte  se  hallare  que  debe  e  donde  el 
dho  Pedrarias  assi  no  quisiere  parecer  con  las  prendas  como  quedô  assentado 
con  los  dhos  Rdo  Obispo,  y  noble  Marques,  para  sacar  a  paz,  y  a  salvo  al 
Asistente  y  a  su  Fiador  :  e  fasta  saber  la  respuesta  del  dho  Pedrarias,  yo  mandé 
à  los  dhos  Regidores  que  esperassen  aqui  p-1  que  de  lo  uno,  y  de  lo  otro  lleven 
recaudo.  De  Escalona  a  xxvij  de  Mayo  de  lxxij. 

R.  Foulché-Delbosc. 


BIBLIOGRAPHIE 


Langue. 


Dialecto  colombino  (Gramâtica),  por  D.  Bernardo  Garcia  Yerdugo.  Madrid  : 
Alfredo  Alonso,  in-8,  xn-26  pp.  —  1  pes. 

R.  Foulché-Delbosc.  Abrégé  de  grammaire  espagnole.  3e  édition.  Paris  :  H. 
Welter,  1894,  pet.  in-8,  162  pp.  —  2  fr.  50. 

R.  Foulché-Delbosc.  Abrégé  de  grammaire  portugaise.  Paris  :  Guillard, 
Aillaud  et  Gie,  1894,  pet.  in-8,  270  pp.  —  4  fr. 

Histoire,   etc.. 

Mi  cmbajada  extraordinaria  à  Marruecos  en  1863,  por  D.  Francisco  Merry  y 
Colom,  Conde  de  Benomar.  Madrid  :  Viudade  Hernando  y  Comp.,  1894,  in-8, 
141  pp.  et  3  grav.  —  2  pes.  50. 

Historia  gênerai  de  Chile,  por  Diego  Barros  Arana.  Santiago  :  Cervantes, 
1892  à  1894.  Tomo  XII  (1818  à  1820),  in-8,  678  pp.  et  2  plans.  —  17  pes.  50. 

Juan  Cousin,  verdadero  descubridor  de  America  segûn  el  capitàn  inglés 
Gambicr,  R.  N.  Informe  lei'do  en  la  Real  Academia  de  la  Historia,  por  Cesàreo 
Fernândez  Duro.  Madrid  :  Fortanet,  1894,  in-8,  14  pp.  (Non  mis  dans  le 
commerce.) 

Averiguaciones  de  las  antigûedades  de  Cantabria,  enderezadas  principalmente 

à  descubrir  las  de  Vizcaya,  Guipùzcoa  y  Alava y  à  honor  y  gloria  de  San 

[gnacio  de  Loyola....  Su  autor  el  P.  Gabriel  de  Henao.  Nueva  ediciôn,  corre- 
gida  por  cl  P.  Miguel  Yillalta.  Tomo  I.  Tolosa  :  E.  Lôpez,  1894,  in-8,  406  pp. 
—  5  pes. 

Estadismo  de  las  islas  Filipinas  ô  mis  viajes  por  este  pais.  Por  cl  P.  Fr. 
Joaquin  Martmez  de  Zûniga.  Publica  esta  obra  por  primera  vez,  extensamente 
anotada  W.  E.  Retana.  Madrid  :  Minuesa  de  los  Rios,  1894,  2  tomes  in-8, 
xxxvm-550  et  632  pp.  —  20  pes. 

La  Florida  :  su  conquista  y  colonizaciôn  por  Pedro  Menéndez  de  Avilés, 
por  Eugenio  Ruidi'az  y  Caravia.  Obra  premiada  por  la  Real  Academia  de  la 


BIBLIOGRAPHIE  89 


Historia.  Madrid  :  J.  A.  Garcia,  1894,  2  tomes  in-8,   ccxLiii-414  et  803  pp., 
2  cartes,  3  portraits  et  12  gravures.  —  20  pes. 

Los  reyes  catôlicos  (Historia  gênerai  de  Espana),  par  D.  Victor  Balaguer. 
Tomo  I.  Madrid  :  El  Progreso  editorial,  1894,  in-8,  xxxvi-567  pp.  et  11  grav. 
—  broché  1 5  pes.  ;  toile  20  pes. 

Littérature. 

El  misticismo  de  San  Juan  de  la  Cruz  en  sus  poesfas  (Ensayo  de  cn'tica 
literaria),  por  Martin  Dominguez  Berrueta.  Madrid  :  Felipe  Pinto,  1894,  in-12, 
v-)7  PP-  —  1  pes-  25. 

Discursos  leidos  ante  la  Real  Academia  Espanola  en  la  recepciôn  pûblica  de 
D.  Francisco  Ferndndez  y  Gonzalez  el  dia  28  de  Enero  de  1894.  (Influencia  de 
las  lenguas  y  letras  orientales  en  la  cultura  de  los  pueblos  de  la  Peninsula  Ibé- 
rica.)  Contestaciôn  al  discurso  anterior  por  D.  Francisco  A.  Commelerân  y 
Gômez.  Madrid:  El  Progreso  editorial,  1894,  in-8,  2  ff.  préls.  et  104  pp.  (Non 
mis  dans  le  commerce.) 

Examen  de  criticos,  por  Francisco  A.  de  Icaza.  Madrid:  Rivadeneyra,  1894, 
in-12,  141  pp.  —  2  pes. 

Discursos  leidos  ante  la  Real  Academia  Espanola  en  la  recepciôn  pûblica  del 
Sr.  D.  Santiago  de  Liniers  el  dia  2  de  Febrero  de  1894  (Florecimiento  del 
estilo  epistolar  en  Espana),  y  contestaciôn  al  mismo,  por  D.  Francisco  Silvela. 
Madrid  :  Fortanet,  1894,  in-8,  104  pp.  (Non  mis  dans  le  commerce). 

Diccionario  biogrârko  y  bibliografico  de  escritores  y  artistas  catalanes  del 
siglo  xix;  apuntes  y  datos,  por  D.  Antonio  Elias  y  Molins.  Cuadermo  35. 
Tomo  II,  pp.  381  à  412.  Barcelona,  1894.  —  1  pes. 

Literaturas  malsanas  :  estudios  de  patologia  literaria  contemporanea,  por 
Pompeyo  Gêner.  Gerona.  Madrid  :  F.  Fé,  1894,  in-12,  408  pp.  —  4  pes. 

En  pro  y  en  contra  (criticas),  por  U.  Gonzalez  Serrano.  Madrid  :  Suarez,  s. 
d.  (1894),  in-8,  vm-360  pp.  —  3  pes. 

Textes. 

Torquemada  en  la  cruz,  por  Benito  Pérez  Galdôs.  Madrid  :  Impr.  «  La  Guir- 
nalda  »,  1894,  in-8,  288  pp.  —  3  pes. 

j  Cômpluto  !  (Alcala  de  Henares).  Apuntes  para  un  libro  pensado  y  no  escrito, 
por  Javier  Soravilla.  Madrid  :  Hijos  de  M.  G.  Hernandez,  1894,  in-8,  96  pp., 
2  ff.  d'index  et  d'errata.  —  2  pes. 

Valbuenismos  y  valbuenadas  (a  propôsito  de  Ripios  ultramarinos,  por 
Antonio  Valbuena),  por  Abel  de  Sorralto.  Buenos  Aires:  Jacobo  Penser,  1894, 
in-8,  47  pp.  —  1  pes. 


90  BIBLIOGRAPHIE 


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1894,  in-8,  191  pp.  —  3  pes. 

El  ingenioso  hidalgo  Don  Quijote  de  la  Mancha,  compuesto  por  Miguel  de 
Cervantes  Saavedra,  y  comentado  por  D.  Diego  Clemencïn.  Tomo  I.  Madrid  : 
Hernando,  1894,  in-12,  xcv-336  pp.  —  3  pes.  (Biblioteca  clasica,  tomo  180.) 

Cuentos  nuevos,  por  Etnilia  Pardo  Bazan  (Obras,  tomo  X).  Madrid  :  Agustin 
Avrial,  s.  d.  (1894),  in-12,  304  pp.  —  3  pes. 

La  de  San  Quintin;  comedia  en  très  actos  y  en  prosa,  por  Benito  Pérez 
Galdôs.  Representôse  en  el  teatro  de  la  Comedia  la  noehe  del  27  de  Enero 
de  1894.  Madrid  :  la  Guirnalda,  1894,  in-12,  100  pp.  —  2  pes. 

Ferruse,  por  AurelioRibalta.'Corurïa  :  Ferrer,  1894,  in-16,  78  pp.  —  1  pes.  25. 

Folerpas  (poesias  gallegas)  por  Eladio  Rodnguez  Gonzalez.  Coruna  :  Casa  de 
Misericordia,  1894,  in-12,  250  pp.  —  3  pes.  (Biblioteca  gallega.  Tomo  35.) 

C.  Suarez  Bravo.  Soledad;  novela.  Madrid  :  Murillo,  1894,  in-12.  —  4 pes. 

Cancionero  de  Melilla,  por  un  poeta  del  Rif.  Segunda  parte.  Madrid  :  R. 
Velasco,  1894,  in-12,  63  pp.  grav.  —  o  pes.  50. 

Obras  de  D.  Juan  Donoso  Cortés,  Marqués  de  Valdegamas.  Nueva  ediciôn 
aumentada....  Publicada  por  su  hermano  D.  Manuel,  bajo  la  direcciôn  de 
D.  Juan  Manuel  Orti  y  Lara,  y  noticia  biognifîca  por  D.  Gabino  Tejado. 
Madrid  :  Suarez,  1891-1894,4  vol.  in-8,  cxv-372,  xm-649,  xxm-959,  cv-221 
pp.  —  50  pes. 

La  rencorosa  ;  comedia  en  très  actos  y  en  prosa,  original  de  D.  José  Eche- 
garay.  Estrenadaen  el  teatro  de  la  Comedia  la  noche  del  13  de  Marzo  de  1894. 
Madrid  :  José  Rodn'guez,  1894,  in-12,  86  pp.  —  2  pes. 

Obras  complétas  de  D.  Armando  Palacio  Valdés.  Tomo  I.  El  idilio  de  un 
enfermo.  Madrid:  Suarez,  1894,  in-8,  xix-309  pp.,  portrait.  —  4  pes. 

Enseignement. 

Practicas  de  ortografi'a  dudosa,  por  D.José  de  Casas,  Manuscrito  para  copia, 
dictado  y  primer  grado  de  lectura.  Quinta  ediciôn.  Madrid  :  V*  de  Hernando 
y  Comp.,  1894,  in-12,  xv-14  1  pp.  —  1  pes. 

R.  Fouché-Delbosc.  Exercices  espagnols.  3e  édition.  Paris:  II.  W'elter,  1894, 
pet.  in-8,  229  pp.  —  2  fr.  50. 

Périodiques. 

Bolettn  de  la  Real  Academia  de  la  Historia.  Tomo  XXIV. 
Cuaderno  i°.  Enero  de  1894.  Madrid,  1894,  in-8,  pp.   1  à  96.   —  1  pes.  25. 
Sommaire:  I.  Via  romain  de  Chinchilla  à  Zaragoza,  por  Francisco  Coello.  —  II. 
Inscripciones  romanas  y  hebreas,  por  Fidel   Fita.  —  III.  Suarez  cm    Coimbra,   por 


BIBLIOGRAPHIE  91 


Antonio  Garcia  Ribeiro  de  Vasconcellos.  —  IV.  Noticias  de  un  manuscrito  aràbigo 
adquirido  por  la  Academia,  por  Manuel  Fernândez  y  Gonzalez.  —  V.  Noticias  del  dia 
de  la  muerte  y  del  lugar  del  enterramiento  de  Cristobal  Colon  en  Valladolid,  por 
Cesâreo  Fernândez  Duro.  — Adquisiciones  de  la  Academia  durante  el  segundo  semestre 
del  ano  1893.  —  Variedades.  Extractos  de  los  diarios  de  los  Verdesotos  de  Valla- 
dolid. —  Noticias. 

Cuaderno2°.  Febrero  de  1894.  Madrid,  1894,  in-8,  pp.  97  a  176. —  1  pes.  25. 
Sommaire  :  I.  Monumentos  prehistôrieos  de  Mallorca  y  Menorca,  por  Emilio 
Hùbner.  —  II.  Las  cuevas  de  Olihuelas,  por  el  vizconde  de  Palazuelos.  —  III.  Cifra 
diplomdtica,  por  Antonio  Rodriguez  Villa.  ■ — IV.  Compendio  de  historia  delà  Ame- 
rica central,  por  Cesdreo  Fernândez  Duro.  —  V.  Espana  y  Camoens,  por  Antonio 
Sdnchez  Moguel.  —  VI.  La  reina  Santa  de  Portugal,  por  Antonio  Sdnchez  Moguel. 

—  VII.  El.  Dr.  D.  Juan  de  Jaso,  padre  de  San  Francisco  Javier.  Su  «  Crônicadelos 
reyes  de  Navarra  »,  por  Fidel  Fita.  —  VIII.  Juan  Cousin,  verdadero  descubridor  de 
America,  segûn  el  capitdn  inglés  Gambier,  R.  N.,  por  Cesàreo  Fernândez  Duro. — 
Variedades  :  I.  Las  cuevas  de  Olihuelas,  por  Juan  Moraleda  y  Esteban.  —  II.  Nertô- 
briga  betùrica,  por  Juan  de  Dios  de  la  Rada  y  Delgado.  —  III.  El  primer  Marques 
de  Lanzarote,  por  Fidel  Fita.  — ■  Noticias. 

Cuaderno  30.  Marzo  de  1894.  Madrid,  1894,  in-8,  pp.  177a  256.  —  1  pes.  25. 
Sommaire  :  I.  Bronces  epigrdficos  de  Clunia  y  de  Bilbilis,  por  Emilio  Hùbner.  — 
II.  Vidas  de  espanoles  célèbres,  por  Quintana;  Navarrete,  Clemencin,  por  José  Muso 
y  Valiente.  —  III.  Diccionario  biogrdfico  de  espanoles  célèbres;  Fr.  José  de  la  Canal 
por  José  Muso  y  Valiente.  —  IV.  Archivo  municipal  de  Talavera  de  la  Reina,  por 
Luis  Jiménez  de  la  Llave.  —  V.  Viaje  erudito  d  B.irbastro,  Barcelona,  Gerona  y 
Vich,  por  Pedro  Sainz  de  Baranda.  —  VI.  Continuaciôn  de  la  Espana  Sagrada 
en  1861  :  Carlos  Ramôn  Fort,  Juan  Manuel  Montalbdn,  por  Vicente  de  la  Fuente. 

—  VIL  Archivos  de  Tarazona,  Veruela,  Alfaro,  Tudela,  Calatayud  y  Borja,  por 
Vicente  de  la  Fuente.  —  VIII.  El  concilio  nacional  de  Palencia  en  el  ano  1100  y 
y  el  de  Gerona  en  1101  por  Fidel  Fita.  —  IX.  Una  carta  del  Doctor  Eximio,  por 
Antonio  Sdnchez  Moguel.  —  Variedades  :  I.  El  pergamino  mds  antiguo  de  la  Biblio- 
teca  Nacional  referente  al  Monasterio  de  San  Millàn,  por  Julidn  Paz  y  Espeso.  —  IL 
Documento  insigne  del  Archivo  de  San  Milldn,  por  Fidel  Fita.  —  Noticias. 

La  Nouvelle  Revue.  Paris,  1894,  in-8.  —  Le  n°  du  15  février  1894  contient  : 
Léo  Quesnel.  La  Littérature  contemporaine  en  Espagne,  1892-1893. 

La  Espana  moderna.  Director-propietario  J.  Lazare 

Enero  de  1894.  Madrid  (1894)  in-8,  206  pp.  —  3  pes. 

Sommaire  :  Addn  y  Eva  (novela),  por  Emilia  Pardo  Bazdn.  —  Los  explosivos,  por 
José  Echegaray.  —  D.  José  Maria  Quadrado,  su  vida  y  sus  eseritos,  por  M.  Menéndez 
y  Pelayo.  —  Noticias  curiosas,  particularidades  y  anéedotas  relativas  al  Quijote,  por 
José  Maria  Asensio.  —  La  eonquista  de  Melilla,  por  Eduardo  Ibarra.  —  El  anar- 
quismo  y  la  defensa  social,  por  César  Siliô.  —  El  espanol  Blanco  White,  por  W. 
Gladstone.  —  Crônica  internacional,  por  Emilio  Castelar.  —  Impresiones  literarias, 
por  F.  F.  Villegas.  —  Obras  nuevas. 

Febrero  de  1894.  Madrid  (1894)  in-8.  206  pp.  —  3  pes. 

Sommaire  :  Ad.iu  y  Eva  (continuaciôn),  por  Emilia  Pardo  Bazdn.  —  Humor.idas, 
por  Ramôn  de  Campoamor.  —  Historia  coutemporànea,  Amores  del  Rey  D. 
Alfonso  XII,  par  Antonio  Pirala.  —  Los  explosivos,  II,  por  José  Echegaray.  —  Tor- 
quemada  en  la  cruz,  por  el  Licenciado  Pero  Pérez.  —  El  jurado  médico  y  la  causa  de 


COMPTES    RENDUS 


Varela,  por  Rafaël  Salillas.  —  El  estandarte  y  cl  arcôn  de  Oquendo,  por  Cesdreo 
Fernandez  Duro.  —  Crônicajnternacional,  por  Emilio  Castelar.  —  Impresiones  lite- 
rarias,  por  F.  F.  Villegas.  —  Revista  critica,  por  M.  Ménendez  y  Pelayo.  —  El 
espanol  Blanco  White  (continuaciôn),  por  W.  Gladstone.  —  Obras  nuevas. 

Marzo  de  1894.  Madrid  (1894)  in-8.  246  pp.  —  3  pes. 

Sommaire  :  Espana  en  la  Biblia,  por  Fr.  R.  Martinez  Vigil.  —  Cabeza  y  corazôn 
(dolora),  por  Ramon  de  Campoamor.  —  La  educaciôn  del  Rey,  por  Adolfo  Posada.  — 
Lo  verde,  por  el  Dr.  Thebussem.  —  Las  cinco  cartas  amatorias  de  la  monja  portu- 
guesa  Mariana  Alcofurado,  por  el  Licenciado  Pero  Pérez.  —  Adrin  y  Eva  (conti- 
nuaciôn), por  Emilia  Pardo  Bazàn.  — Revista  critica,  por  M.  Ménendez  y  Pelayo.  — 
—  Crônica  internacional,  por  Emilio  Castelar.  —  Impresiones  literarias,  por  F.  F. 
Villegas.  —  El  espanol  Blanco  White  (conclusion),  por  W.  Gladstone.  —  Obras 
nuevas. 

Collections. 

Colecciôn  de  libros  espaûoles  raros  o  curiosos.  Tonio  22.  Comedia  llamada 
Thebayda.  Madrid,  1894,  in-12,  vin-545  pp.  — 7  pes.  50. 


COMPTES    RENDUS 


Pequeneces...  por  el  P.  Luis  Coloma  de  la  Companfa  de  Jésus.  Quinta 
ediciôn.  Bilbao,  1891,  in-8,  552  pp. 

Pequeneces  est  le  titre  d'un  des  romans  qui  ont  fait  le  plus  de  bruit  en  Espagne 
dans  ces  dix  dernières  années  '.  Il  a  pour  auteur  le  Père  Louis  Coloma  de  la 
Compagnie  de  Jésus.  La  première  mais  non  la  seule  raison  de  son  succès  est 
facile  à  démêler  :  c'est  que  Pequeneces  est  une  attaque  violente  contre  l'aristo- 
cratie espagnole  de  race  ou  d'argent  et  contre  le  monde  politique  madrilègne, 
ou,  pour  mieux  dire,  un  sermon  plein  de  menaces  et  savamment  déguisé  sous 
une  forme  séduisante.  Dans  la  préface  qui  a  précédé  la  publication  de  son 
ouvrage  dans  une  revue  religieuse3,  l'auteur  nous  apprend,  en  effet,  que  tout 
en  ayant  l'apparence  d'un  romancier  il  n'est  qu'un  missionnaire,  un  Jérôme 
Savônarole  qui  sait  s'accommoder  aux  exigences  de  son  temps  et  qui,  ne  pou- 


I.    Une   adaptation    française    de    /'  paru  d'abord   dans  k  Journal  des  Débats, 

puis  en  volume  séparé. 

:.    /  /  Mensajero  del  Sagrado  Corazôn  de  Jcsits. 


COMPTES    RENDUS  93 


vant  aller  prêcher  sur  les  places  publiques  comme  le  célèbre  dominicain,  se  sert 
de  la  plume  de  Gil  Blas  pour  faire  parvenir  à  leur  adresse  de  dures  vérités. 
Personne,  constate-t-il  avec  amertume,  ne  se  soucierait  d'aller  les  entendre  au 
prône  et  il  serait  même  difficile  de  les  y  prononcer  sans  porter  atteinte  à  la 
majesté  du  saint  lieu. 

On  a  voulu  voir,  dans  Peqitcùeces,  un  roman  à  clef  et  l'on  a  considéré  les 
noms  des  principaux  personnages  comme  de  simples  pseudonymes  d'une  trans- 
parence voulue.  Le  P.  Coloma  s'en  défend  à  plusieurs  reprises  dans  des  notes, 
tout  en  laissant  courageusement  entendre  que  ces  personnalités  supposées  ne  lui 
sont  guère  plus  sympathiques  que  celles  qu'il  a  littérairement  créées,  mais 
qu'il  en  a  pitié  et  qu'il  ne  voudrait  pas  se  charger  la  conscience  d'une  calomnie 
rendue  possible  par  le  repentir  éventuel  des  pécheurs.  La  question,  au  reste, 
importe  peu  et  ces  allégations  et  ces  restrictions  mentales  n'ont  que  faire 
lorsqu'on  envisage  le  livre  comme  une  simple  œuvre  d'art  avant  une  portée 
morale  indépendante  de  toute  individualité  et  de  tout  pays. 

D'après  le  P.  Coloma,  la  haute  société  madrilègne  se  composerait  de  trois 
classes  distinctes  :  quelques  brebis  galeuses  d'une  part,  quelques  agneaux  sans 
tache  de  l'autre,  puis  le  troupeau  innombrable  des  moutons  de  Panurge  qui 
suit  volontiers  les  premières,  esclave  de  la  mode,  faisant  le  mal  par  manie 
d'imitation,  mais  pouvant  aisément  être  ramené  au  bien  par  les  bons  exemples, 
surtout  lorsqu'ils  viennent  de  haut.  Chacune  de  ces  classes  est  représentée  et 
étudiée  dans  Pequeneces  ;  d'un  côté  la  comtesse  d'Albornoz  incarne  les  vices 
élégants,  la  sécheresse  de  cœur  et  l'ambitieuse  dépravation  d'une  grande  dame 
qui  ne  vit  que  par  le  monde  et  pour  le  monde;  de  l'autre,  la  marquise  de 
Sabadell  et  la  marquise  de  Villasis  sont  des  modèles  de  dévouement  et  d'abné- 
gation ;  enfin,  tous  les  brillants  fantoches  qui  s'agitent  autour  de  Currita, 
confidents  et  parfois  complices  de  ses  déportements,  et  qui  l'abandonnent  sans 
vergogne  quand  il  n'y  a  plus  rien  à  espérer  d'elle,  complètent  heureusement 
ce  tableau  de  mœurs  mondaines  où  tout  n'est  que  futilité,  pequehe^,  sauf  les 
futilités  elles-mêmes. 

A  notre  avis,  c'est  dans  la  peinture  du  vice  que  le  P.  Coloma  excelle  : 
le  caractère  de  Currita  est  dessiné  de  main  de  maître;  il  se  soutient  jusqu'au 
bout  avec  un  relief  extraordinaire.  On  pourrait  pourtant  chicaner  l'auteur  sur 
la  conversion  d'abord  simulée  puis  sincère  d'une  telle  comédienne  et  trouver 
que,  malgré  tout,  elle  ne  s'explique  pas  suffisamment,  mais  ce  serait  mettre  en 
doute  la  théorie  de  la  grâce  qu'un  religieux  a  bien  le  droit  de  faire  intervenir. 
Le  principal  reproche  que  nous  ferons  au  roman,  c'est  qu'il  est  un  peu  long  et 
diffus;  l'attention  se  disperse  sur  un  trop  grand  nombre  de  personnages;  on 
perd  de  vue,  au  cours  de  l'action,  les  deux  enfants  qui  jouent  un  rôle  si  consi- 
dérable dans  le  dénouement.  D'autre  part,  ce  dénouement  peut  paraître  hasardé, 
il  fait  songer  aux  romans  feuilletons  des  journaux  populaires  et  l'on  hésite  à 


94  COMPTES    RENDUS 


imaginer,  même  chez  un  Espagnol,  une  telle  précocité  dans  le  point  d'honneur 
et  une  telle  persévérance  dans  le  ressentiment. 

Quant  à  ce  qui  relève  uniquement  du  missionnaire,  c'est-à-dire  l'homélie 
qui  se  dissimule  sous  le  roman,  elle  est  vraiment  remarquable,  écrite  dans  un 
style  vigoureux,  tout  frémissant  d'une  indignation  qui  perce  sous  une  ironie 
que  l'écrivain  a  grand'peine  à  maintenir  courtoise.  Son  franc  parler  est  d'autant 
plus  admirable  que,  jésuite,  il  s'en  prend  à  une  société  dont  l'éducation  a  été- 
faite  en  grande  partie  par  les  jésuites.  Le  P.  Coloma  a  néanmoins  une  très  haute 
idée  de  son  ordre  :  tous  les  ecclésiastiques  qui  jouent  un  rôle  dans  Pequeneces 
sont  des  jésuites  et  il  a  mis  un  soin  jaloux  à  en  écarter  le  clergé  séculier  dont 
il  semble  se  soucier  assez  peu.  Aussi  bien,  le  ton  général  de  l'ouvrage  et  quelques 
allusions  désobligeantes  aux  jansénistes  suffiraient  presque  à  déceler  la  commu- 
nauté religieuse  à  laquelle  appartient  l'auteur. 

Venons-en  aux  détails,  aux  pequeneces  de  la  critique.  Le  P.  Coloma  est  un 
homme  très  instruit  et  d'une  lecture  très  étendue;  connaissant  les  grandes 
langues  modernes  il  ne  dédaigne  pas  de  nous  le  faire  savoir  en  insérant  de  nom- 
breuses citations  françaises,  anglaises  et  italiennes.  Malheureusemenl  il  n'a  pas 
toujours  une  notion  suffisante  de  la  signification  exacte  des  mots  étrangers; 
ainsi  quand  il  appelle  «  pamphlet  »  une  histoire  faite  à  plaisir  et  «  garçon- 
nière »  une  loge  de  théâtre  occupée  par  des  jeunes  gens,  il  fait  une  erreur 
d'ailleurs  excusable.  Et  puis  que  vient  faire  l'épithète  de  Monsieur  Alphonse 
accolée  au  nom  de  Jacobo?  Il  est  préférable  parfois  de  ne  pas  appeler  les  choses 
par  leur  nom.  Préoccupé  de  donner  à  ses  lecteurs  une  description  minutieuse 
des  rues  de  Paris,  le  P.  Coloma  commet  une  autre  petite  erreur  en  faisant 
passer  une  voiture  allant  de  la  gare  de  Lyon  au  Grand  Hôtel,  d'abord  par  les 
boulevards  puis  par  la  place  de  la  Concorde.  Enfin,  l'auteur  de  Pequeneces  doit 
avoir  une  très  grande  mémoire,  car  il  lui  arrive  de  reproduire  textuellement  ou 
à  peu  près,  des  bribes  de  phrases  retenues  de  ses  lectures,  telles  qu'un  vers  de 
Lamartine  qu'on  retrouvera  aisément  sous  ces  mots  :  aquella  palabra  mil  veces 
repetida  sin pensar  jamàs  en  su  àlcance  infinito.  /  Adios  1  Et  ces  passages  empruntés 
au  livre  de  M.  Edmondo  de  Amicis  (Ricordi  di  Parigi)....  de  la gran plaça  irre- 
gular  de  la  Bastïlla  en  que  desenibocan  cuatro  boulevards  y  dieç  calles  »  au  lieu  de  : 
li  la  grande  piaçça  irregolare  délia  Bastiglia  nella  quàle  sboccano  quattro  boulevards  e 
dîeci  vie,  puis....  à  Costa  de  su  oro  el  vieio  y  la  locura  de  los  cuatro  dngulos  de  la 
tierra.  Alli  la  càlle  se  convierte  en  plaça,  la  acera  eu  colle...  remplaçant  :  Dovt 
affluisce  l'oro,  il  viçio  e  lajoïlia  dai quattro  angoli délia  terra.  Qui  lastrada  diventa 
pia^a,  il  marciapiede  diventa  strada,  la  bottega  diventa  museo,  etc.... 

Mais  il  faut  reconnaître  aussi  que  l'auteur  de  Pequeneces  a  retiré  de  ses  lectures 
d'autres  avantage,  moins  discutables  et  que  le  commerce  des  grands  prosateurs 
classiques  espagnols,  qu'il  a  certainement  cultivés  et  approfondis,  lui  a  laissé 
une  pureté  de  langue  et  une  variété  d'expression  bien  rares  en  Espagne  à  la  lin 
du  XIXe  siècle.  H.  Pi-.seux-Richard. 


COMPTES    RENDUS  95 


Novelas  espanolas  contemporaneas  por  B.  Pérez  Galdôs.  —  Torquemada  en 
la  cruz.  —  Madrid  :  Administraciôn  de  los  Episodios  nationales,  1894,  in-8, 
288  pp. 

Le  dernier  roman  de  M.  Pérez  Galdôs  est  la  continuation  d'une  étude  ' 
détaillée  et  originale  sur  l'avarice,  non  pas  l'avarice  telle  que  nous  la  trouvons 
dépeinte  dans  le  La\arïlle,  le  Gran  Tacano  ou  le  Castigo  de  la  miseria,  c'est- 
à-dire  comme  un  vice  inoffensif,  ne  faisant  de  mal  qu'aux  avares  eux-mêmes,  de 
pauvres  diables  que  l'on  se  représente  difficilement  prodigues  et  magnifiques, 
mais  l'avarice  active,  la  torture  infligée  aux  besoigneux,  roturiers  ou  marquis,  par 
le  poids  écrasant  des  gros  intérêts  et  par  l'angoisse  des  signatures  extorquées, 
l'usure  en  un  mot  ;  car  Torquemada  est  un  type  d'usurier  et  de  parvenu.  La  reli- 
gion des  temps  passés,  la  Foi,  avait  produit  le  grand  inquisiteur,  la  religion 
d'aujourd'hui,  l'argent,  a  enfanté  D.  Francisco  Torquemada,  qui  doit  avoir  sans 
doute  dans  les  veines  un  peu  du  sang  de  ceux  que  son  aïeul  spirituel  faisait 
rôtir  sur  la  place  publique.  Pourtant  cet  homme  impitoyable,  cet  usurier  fana- 
tique a  aussi  son  calvaire  :  si  ses  intérêts  matériels  sont  toujours  prospères,  il 
va  être  frappé  dans  ses  affections  les  plus  chères  par  la  mort  de  son  fils  unique, 
enfant  d'une  prodigieuse  intelligence,  merveille  de  précocité,  monstre  de  la 
nature,  comme  Lope  de  Vega.  Tel  est  le  sujet  de  :  Torquemada  en  la  hoguerra, 
le  roman  que  l'on  doit  lire  avant  celui  dont  nous  nous  occupons.  Enfin,  après 
avoir  été  sur  le  bûcher  par  la  perte  de  ses  espérances,  il  va  être  soumis  au 
dernier  supplice,  à  la  croix  du  mariage.  Faut-il  voir  là  une  intention  malicieuse 
de  l'auteur  ou  bien  cette  figure  s'explique-t-elle  par  les  circonstances  particu- 
lières de  cette  union  avec  une  famille  noble  réduite  à  la  plus  noire  misère? 
chacun  l'entendra  à  son  gré. 

L'ouvrage  en  lui-même  n'est  pas,  à  notre  avis,  l'un  des  plus  heureux  du 
grand  romancier  espagnol;  il  est  loin  de  Dona  Perfectâ,  de  Marianela  et  de  bien 
d'autres.  La  préoccupation  d'y  introduire,  après  coup,  une  thèse  sociale,  pro- 
voquée sans  doute  par  des  événements  récents,  nuit  un  peu  à  son  unité  et  peut 
paraître  puérile.  D'autre  part,  peut-être  avec  intention,  l'écrivain  laisse  le 
lecteur  dans  une  sorte  d'équivoque  pénible.  On  ne  sait  vraiment  qui  l'on  doit 
plaindre  le  plus,  de  Torquemada  ou  de  Cruz;  on  se  demande  si  celui-là  n'est 
pas  la  victime  d'une  comédie  habilement  jouée  et  si  celle-ci  n'est  pas,  malgré 
tout,  un  modèle  d'abnégation  et  de  volonté.  Donoso  peut  être  pris  pour  une 
nature  supérieure  ou  pour  un  simple  casamentero  de  vohtntades  intéressé.  En 
outre,  certaines  scènes,  telle  que  celle  où  l'usurier  parle,  en  imagination,  à  son 
fils  mort,  s'écartent  un  peu  trop  de  la  gravité  que  l'on  suppose  chez  un 
romancier  de  mérite. 


1.  Voyez  Fortunata  y  Jacinta. 


96  COMPTES    RENDUS 


Quant  à  la  langue,  elle  est  toujours  claire  et  nerveuse,  mais  certaines  négli- 
gences de  style  tendraient  à  faire  croire  que  le  livre  a  été  écrit  un  peu  vite.  Les 
gallicismes,  qui  sont  la  plaie  de  l'espagnol  depuis  bientôt  deux  siècles,  n'v  sont 
pas  en  grand  nombre,  mais  on  jurerait  que  M.  Pérez  Galdôs  a  voulu  se  dédom- 
mager sur  la  qualité  :  qu'on  en  juge  par  la  phrase  suivante  :  Habia  dado  Rufi- 
nita  en  la  tecla  de  refistolear  los  negocios  de  su  padre.  Castillaniser  des  substantifs 
français  et  même  des  verbes  et  des  tournures  de  phrases,  est  chose  courante  en 
Espagne,  mais  enrichir  la  langue  de  mots  empruntés  au  vocabulaire  plus  que 
familier  est  beaucoup  plus  grave,  surtout  chez  un  auteur  dont  les  Episodios 
nationales  ont  fait,  pour  ainsi  dire,  l'Erckmann-Chatrian  de  l'Espagne  et  qui  a, 
moins  que  tout  autre,  le  droit  d'être  afrancesado.  Pourtant  il  est  vrai  que  c'est 
déjà  un  progrès  quand  on  songe  à  une  phrase  de  Torquemada  en  la  hoguera,  ou 
un  mot  de  la  plus  pure  germania  des  faubourgs  de  Paris,  affublée  d'une  dési- 
nence espagnole,  prouve  péremptoirement  qu'il  n'v  a  plus  de  Pyrénées  :  Lo 
publicoy  notorio  es  que  la  viuda  aquella  cascô  y  que  Bailôn  apareciô  al  poco  tiempo 
nu  dinero.  H.  Peseux-Richard. 

Curiosidades  de  la  vida  americana  en  Paris,  por  Angel  Cuervo.  —  Paris,  1893 
(Chartres,  imprenta  de  Durand),  in-18,  xvi-333  pp.  —  3  fr.  50. 

La  colonie  hispano-américaine  est  nombreuse  à  Paris  ;  elle  se  compose  presque 
exclusivement  de  gens  riches  amenés  par  la  mode,  la  politique  ou  le  plaisir,  et 
qui  y  dépensent  allègrement  leur  argent.  Si  nous  voulons  connaître  les  mœurs, 
les  habitudes,  la  manière  de  vivre  et  surtout  les  travers  de  cette  partie  de  la 
haute  société  parisienne,  le  livre  de  M.  Angel  Cuervo  nous  donnera  toutes 
facilités.  Écrit  sous  la  forme  de  petites  scènes,  souvent  dialoguées,  la  lecture  en 
est  facile  et  intéressante.  L'idée  qui  domine  l'ouvrage  tout  entier,  c'est  que  les 
Français  ignorent  profondément  tout  ce  qui  se  rapporte  aux  républiques  de 
l'Amérique  du  Sud  dont  les  habitants  sont  pour  eux  un  objet  de  risée  et  un 
thème  à  plaisanteries  d'opérette,  due  M.  C.  se  rassure  :  si  les  Français  ne 
connaissent  pas  et  ne  sont  pas  à  même  de  juger  impartialement  ses  compatriotes, 
qui  vivent  à  des  milliers  de  lieues  de  leur  pays,  ils  ne  connaissent  pas  davantage 
d'autres  peuples  qui  sont  à  leurs  portes.  Les  Italiens  et  les  Espagnols,  par 
exemple,  c'est-à-dire  ceux  dont  l'affinité,  sinon  de  race,  du  moins  de  langue 
et  de  civilisation,  devrait  leur  faciliter  l'étude,  leur  sont  plus  inconnus  que  les 
Malais  ou  les  Touaregs.  Pour  la  grande  généralité  des  Français,  tout  Espagnol 
est  un  torero  affublé  d'une  guitare,  et  tout  Italien,  un  mangeur  de  macaroni 
qui  joue  du  violon  ou  de  la  harpe.  Il  n'y  a  donc  pas  à  s'alarmer  du  jugement 
que  peuvent  porter  des  gens  si  bien  informés.  Malheureusement  pour  M.  ('.., 
l'impression  qui  se  dégage  de  la  lecture  des  Curiosidades,  c'est  que  les  Français 
pourraient  bien  n'avoir  pas  tout  à  fait  tort  dans  leurs  appréciations  tout  instinc- 
tives sur  l'ensemble  des  Latins  d'Amérique  :  amour  du  clinquant,  préoccupation 
constante  d'éclipser   les  autres,    absence   de   tout   idéal    politique,  dédain  des 


COMPTES    RENDUS 


97 


qualités  solides  mais  non  brillantes,  horreur  des  livres  et  fâcheuse  tendance  a 
oublier  tout  de  leur  pays,  jusqu'à  sa  langue,  au  bout  de  peu  de  mois  et  à 
s'approprier  une  apparence  de  parisianisme,  tels  sont,  si  je  ne  me  trompe,  les 
traits  distinctifs  des  personnages  mis  en  scène  par  l'auteur  et  tels  sont  aussi  les 
débuts  les  plus  saillants  qui  distinguent  les  Hispano-Américains  aux  yeux  des 
Français.  11  va  sans  dire  que  réserve  est  toujours  faite  pour  les  exceptions; 
M.  C.  le  fait  remarquer  quand  il  juge  les  Français  et  nous  savons  trop  qu'il  est 
mieux  que  personne  à  même  de  nous  prouver  que  la  race  espagnole  d'Amé- 
rique n'est  pas  une  race  inférieure  pour  ne  pas  reconnaître  qu'elle  a  produit  des 
hommes  éminents  et  qui  plus  est,  étant  donné  son  amour  de  l'apparat,  des 
savants  modestes  et  solides  dont  pourrait  s'honorer  toute  grande  nation. 

M.  C.  écrit  dans  un  castillan  des  plus  casti^ps.  Non  seulement  il  est  moins 
enclin  au  gallicisme  que  les  écrivains  de  son  pays  qui  en  sont  infestés,  mais 
je  ne  vois  guère  en  Espagne  qu'un  petit  nombre  d'auteurs  qui  puissent  lui  être 
comparés  sous  ce  rapport.  Cela  ne  veut  pas  dire  que,  de  temps  à  autre,  il 
n'attribue  à  un  mot  espagnol  le  sens  du  mot  français  correspondant,  alors  qu'il 
aurait  le  choix  entre  trois  ou  quatre  vocables,  espagnols  de  forme  et  de  sens  ; 
mais  les  expressions  purement  castillanes  abondent  dans  son  style.  On  dirait 
même  qu'il  met  une  certaine  recherche  à  les  employer,  surtout  les  expressions 
familières,  à  la  façon  de  Trueba  et  de  Fernân  Caballero.  Cela  donne  beaucoup 
d'originalité  et  de  piquant  tout  en  laissant  des  doutes  sur  la  spontanéité  de  la 
phrase  et  sur  le  laisser-aller  de  l'inspiration.  H.  Peseux-Richard. 

Revista  lusitana,  Archivo  de  estudos  philologicos  e  ethnologicos  relativos  a 
Portugal,  dirigido  por  J.  Leite  de  Vasconcellos.  —  30  Anno,  Numéro  1, 
1893-1894.  Porto,  1893,  in-8,  96  pp. 

Summario  :  Contos  populares  portugueses  —  colligidos  por  D.  Cecilia  Schmidt 
Branco. 

Curso  Je  lingua  portuguesa  archaica  —  por  J.  Leite  de  Vasconcellos. 
Ciganos  portugueses  do  sec.  xvi  —  por  Pedro  de  Azevedo. 
Dialectos  trasmontanos  —  por  J.  Leite  de  Vasconcellos. 
Algumas  tradiçôes  populares  —  por  Alfredo  Alves. 

Miscel'anea  :  I.  Notas  açorianas,  por  Henri  R.  Lang.  —  IL  Ceramica  popular  por- 
tuguesa :  (assobios  de  agua),  pelo  Dr.   F.   Ferraz  de  Macedo.  —  III.  Collocaçào  do 
adjectivo  em  português,  par  D.  Carolina  Michaëlis  de  Vasconcellos.  —  IV.  Tradiçôes 
populares,  por  Pedro  d' Azevedo. 
Bibliographie. 

La  Revista  Lusitana  est  un  des  très  rares  organes  péninsulaires  qui  aient 
entrepris  une  étude  vraiment  scientifique  des  faits  philologiques  et  ethnolo- 
giques intéressant  le  Portugal.  On  n'y  trouve  jamais  ces  articles  inutiles  qui 
abondent  dans  d'autres  revues  où  l'œuvre  sérieuse  n'est  qu'une  exception  que 
l'on  semble  avoir  honte  de  publier.  Dans  le  présent  numéro,  Mrae  Cecilia 
Schmidt  Branco  a  mis  une  fois  de  plus  son  grand  talent  d'écrivain  au  service 


COMPTES    RENDUS 


d'une  étude  rationnelle  "du  folk-lore  portugais.  Les  quatre  contes  populaires 
qu'elles  a  recueillis  nous  sont  narrés  avec  cette  forme  naïve,  enfantine  parfois, 
à  laquelle  bien  des  folk-loristes  ne  savent  pas  s'astreindre. 

Mais,  parmi  les  travaux  contenus  dans  le  dernier  fascicule  de  la  R.  L., 
il  convient  de  mettre  hors  de  pair,  d'une  part,  une  étude  sur  les  Dialectes  tras- 
montanos;  d'autre  part,  le  Curso  de  lingua  portuguesa  archaica,  professé 
en  1891  par  M.  Leite  de  Vasconcellos  à  FAcademia  de  Estudos  Livres  de 
Lisbonne,  et  enfin  publié.  Le  portugais  archaïque  est  le  nom  donné  par  M.  L. 
de  V.  à  la  langue  qui  commence  à  transparaître  sous  les  formes  du  latin  barbare 
du  ixe  siècle  et  atteint  le  xvie  où  commence  la  période  moderne.  Je 
regrette  de  ne  pouvoir  suivre  l'auteur  pas  à  pas  dans  sa  savante  dissertation, 
mais  je  ne  veux  pourtant  pas  passer  sous  silence  certain  chapitre  (Utilidade  para 
firmar  o  sentimento  da  nacionalidade)  dont  la  lecture  devrait  être  recomman- 
dée à  tous  ceux  qu'une  trop  .grande  affection  pour  les  modismes  étrangers, 
français  principalement,  amène  insensiblement  à  ne  plus  écrire  qu'un  immuable 
jargon  :  «  Outra  causa  que  contribue  para  a  decadencia  da  nossa  lingua  litte- 
raria  é  a  lingua  francesa,  que,  pelo  seu  uso  câ,  ora  insensivelmente,  ora  de 

proposito,  se  vae  infiltrando  na  nossa »  Et  M.  L.  de  V.  cite  de  nombreux 

exemples  de  gallicismes  éhontés  :  demandant  uu  jour  à  un  journaliste  pourquoi 
il  se  servait  d'un  langage  ainsi  corrompu,  cet  afrancesado  lui  répondit  :  «  que 
isto  era  gentil.  »  On  ne  saurait  trop  approuver  les  vrais  lettrés  de  leur  résis- 
tance énergique  à  toute  invasion  de  ce  genre.  Le  gallicisme  n'a  que  trop  péné- 
tré le  castillan  ;  puisse-t-il  être  franchement  repoussé  par  tous  les  vrais  amis  de 
la  pure  langue  portugaise  !  R.  Foulché-Delbosc. 

Colecciôn  de  escritores  castellanos.  Tomo  98.  Fernan  Caballero.  Obras  com- 
plétas. Fernan  Caballero  y  la  novela  contempordnea  por  D.  José  Maria  Asensio. 
Novelas.  I.  La  familia  de  Alvareda.  —  Madrid  :  Sucesores  de  Rivadeneyra,  1893, 
petit  in-8,  452  pp.,  portrait.  5  pes. 

On  ne  peut  qu'applaudir  à  la  publication  d'une  édition  des  œuvres  complètes 
de  Fernan  Caballero;  le  tome  L'r  vient  de  paraître,  souhaitons  qu'on  ne  nous 
fasse  pas  attendre  les  autres  trop  longtemps.  L'édition  est  précédée  d'une  étude 
de  240  pages,  de  D.  José  Maria  Asensio,  intéressante  à  plus  d'un  titre,  mais 
qui  ne  saurait  être  considérée  comme  un  travail  définitif  sur  la  célèbre 
romancière.  Cette  étude  est  divisée  en  trois  parties  :  L  Précédentes;  ojeada 
histôrica.  — IL  Estudio  biogrdfico.  —  III.  Movimiento  literario  ;  novelistas 
contempordneos.  De  la  première  partie  je  préfère  ne  rien  retenir,  et  de  la 
troisième  je  parlerai  peu  ;  cela  me  permettra  de  dire  tout  le  bien  que  je  pense 
de  l'étude  biographique  qui  forme  la  deuxième,  M.  Asensio,  qui  eut  l'honneur 
d'être  des  amis  de  Fernan  Caballero  pendant  les  dernières  années  de  sa  vie,  a 
recueilli]  avec  une  véritable  piété  tout  ce  qui  pouvait  le  guider  dans  sa  tâche  : 


COMPTHS    RENDUS  99 


on  lit  avec  intérêt  tout  ce  qui  concerne  le  père  de  Fernân,  Bôhl  de  Faber,  qui  a 
laissé  un  nom  assez  estimé  comme  éditeur  de  la  Floresta  de  rimas  antiguas  cas- 
tdlanas  et  du  Teatro  espaiiol  anterior  à  Lope  de  Vega.  Toute  la  jeunesse  de  la  roman- 
cière passe  devant  nos  yeux  :  son  premier  mariage  en  1816  avec  Planells;  son 
deuxième  en  1822  avec  le  marquis  de  Arco  Hermoso  ;  son  troisième  en  1837 
avec  Arron  de  Ayala  plus  jeune  qu'elle  de  17  ans.  Tout  ce  qui  touche  à  sa  vie 
privée  est  abondamment  documenté;  011  ne  saurait  trop  louer  M.  Asensio  de  la 
précision  dont  il  fait  preuve.  Il  ne  devrait  pourtant  pas  accepter  sans  contrôle 
—  surtout  quand  le  contrôle  en  est  si  simple  —  les  pièces  qui  passent  entre  ses 
mains.  Il  commet  au  sujet  du  lieu  de  naissance  de  F.  C.  une  inexactitude 
géographique  aisément  évitable  :  disons  à  sa  décharge  que  le  premier  coupable 
est  un  document  conservé  à  Y  Archiva  de!  Supremo  Consejo  de  Guerra  y  Marina 
de  Madrid.  C'est  une  copie  de  l'acte  de  baptême  de  la  romancière,  qui  com- 
mence par  ces  mots  :  Van  1796  et  le  25  Décembre  est  née  à  Marges,  dans  le  canton 
de  Berne,  et  le  1  }  mars  suivant  par  moi  Curé  soussigné  a  été  baptisée  dans  l'église 

paroissiale  de  Saint-Jean  d'Echallens,  Cécile La  copie  est  évidemment  fautive  : 

Morgcs  se  trouve  dans  le  canton  de  Vaud  et  non  dans  celui  de  Berne;  il  en  est 
de  même,  du  reste,  d'Echallens.  11  aurait  fallu  relever  cette  légère  erreur  :  ni 
M.  Asensio,  ni  onze  ans  avant  lui  M.  de  Bonneau-A venant  (Deux  nouvelles  anda- 
louses  posthumes  de  F.  C.  Paris,  1882,  p.  12)  n'y  ont  songé. 

Nous  retrouvons  Fernân  installée  à  l'Alcazar  de  Séville  où  elle  passe  dix 
années  de  tranquillité;  mais  vient  la  révolution  de  1868  et  il  lui  faut  aban- 
donner cette  poétique  retraite.  C'est  dans  une  modeste  maison  de  la  rue  Juan 
de  Burgos  (aujourd'hui  rue  Fernân  Caballero)  qu'elle  vivra  désormais  :  c'est  là 
qu'elle  mourra  le  7  avril  1877,  à  l'âge  de  80  ans,  avant  eu  la  consolation  de 
voir  l'œuvre  d'une  restauration  politique  et  surtout  religieuse  qu'elle  avait 
appelée  de  tous  ses  vœux.  Toute  cette  étude  a  une  tonalité  générale  des  plus 
adoucies  :  c'est  moins  une  biographie  qu'un  panégyrique,  car  nous  ne  voyons 
le  plus  souvent  l'héroïne  qu'au  milieu  d'un  nimbe  semblable  à  ceux  des 
madones  devant  lesquelles  elle  aimait  à  se  prosterner.  Toute  critique  est  soi- 
gneusement écartée  :  la  chose  se  comprend  pour  la  personne  même  de  Fernân 
Caballero  dont  la  vie  exemplaire  y  prête  peu,  mais  cela  est  inadmissible  pour 
ses  œuvres  sur  lesquelles  il  y  aurait  autre  chose  à  écrire  qu'une  suite  ininter- 
rompue d'éloges.  Ces  réserves  faites,  il  faut  savoir  gré  à  l'auteur  de  nous  avoir 
donné  des  documents  qui  ne  manqueront  pas  d'être  utilisés  un  jour  :  il  faut  le 
louer  surtout  d'avoir  recueilli  la  correspondance  de  Fernân  que  nous  serons 
heureux  de  voir  imprimer.  —  J'aime  moins,  je  l'ai  dit,  les  considérations  qui 
précèdent  et  suivent  l'étude  biographique  ;  M.  Asensio,  qui  est  un  des  premiers 
cervantistes  de  notre  époque,  semble  hanté  par  la  grande  figure  de  l'auteur  de 
Don  Quichotte  et  des  Novelas  ejemplares,  et  est  trop  tenté  d'y  rattacher  toute 
manifestation  littéraire:  parlant  de  La  Gaviota,  il  écrit  (p.   185)  :  «  La  cadena 


100  CHRONIQUE 


interrumpida  désde  la  publicaciôn  de  las  Navelas  ejempîares  se  reanudaba  :  sin 
eslabones  in.termedios  se  enlazaron  a  través  de  dos  siglos  de  distancia,  los 
nombres  de  Miguel  de  Cervantes  Saavedra  y  de  Fernàn  Cabàllerô.  »  Un 
phénomène  du  même  genre  se  produit  en  ce  qui  touche  les  contemporains  : 
M.  Asensio  semble  ne  voir  dans  le  mouvement  littéraire  de  nos  jours  que 
l'influence  exclusive  de  Zola  et  cela  l'amène  à  des  rapprochements  tout  au 
moins  imprévus  :  «  Entre  Fernàn  Caballero  y  Emilio  Zola  média  un  abismo 
que  no  es  posible  medir  ni  cabe  exagerar  »  (p.  164).  Il  faut,  en  effet,  convenir 
que  ces  deux  noms  juxtaposés  jurent  étrangement.     R.  Foulché-Delbosc. 


CHRONIQUE 


Le  THÉÂTRE  espagnol  a  Paris.  —  Dans  les  derniers  mois  de  l'année  1893, 
a  été  représentée  chez  une  lettrée  parisienne,  Madame  Adam,  une  traduction 
de  Folie  ou  Sainteté  d'Echegaray,  due  à  M.  Edouard  de  Huertas.  Cette  traduc- 
tion avait  déjà  paru  en  volume  il  v  a  quelques  années  (Paris,  1883);  M.  de 
Huertas  s'y  est  astreint  à  un  mot  à  mot  trop  strict  :  la  lecture  en  est  pénible 
et  le  traducteur  semble  ne  pas  manier  assez  aisément  le  français.  Nous  sup- 
posons que  sur  la  scène  mondaine  où  elle  a  été  transportée,  cette  œuvre  a 
subi  de  sérieuses  retouches. 

Une  tentative  plus  originale  a  eu  lieu  le  16  mars  1S94,  à  l'Hôtel  des  Sociétés 
savantes  :  la  Société  pour  la  propagation  des  langues  étrangères  en  France  n'a 
pas  hésité  à  laire  jouer  EN  espagnol  1:1  Si  de  las  Xhnis.  C'est  la  première  fois, 
croyons-nous,  qu'une  œuvre  espagnole  est  entendue  à  Paris  dans  la  langue 
même  où  elle  a  été  écrite.  Il  n'y  a  que  des  félicitations  à  adresser  aux  organisa- 
teurs d'une  telle  soirée  :  ils  ont  prouvé  qu'en  dépit  du  mépris  avec  lequel  l'en- 
seignement officiel  traite  la  langue  de  Cervantes,  il  v  a  depuis  quelques  années 
tout  un  public  soucieux  de  l'étudier  non  seulement  dans  un  but  mercantile, 
mais  aussi  en  vue  de  s'assimiler  les  chefs-d'œuvre  qu'elle  a  produits;  sept 
cents  personnes,  en  effet,  assistaient  à  cette  séance.  Ce  chiffre  prouve  surabon- 
damment que  les  récents  etforts  de  certains  hispanophiles  sont  loin  d'avoir  été 
stériles. 


Le  Gérant,  Aug.  PICARD: 

Arcbi  vistt  -  Paléogi  aphe. 


MAÇON,    l'ROTAT    I  KKKKS,  IMI'RIMLURS. 


ÉTUDE 


SUR 

LA    GUERRA    DE    GRANADA 

DE 

DON  DIEGO  HURTADO  DE  MENDOZA 


La  Guerra  de  Granada  de  Don  Diego  Hurtado  de  Mendoza  n'a 
encore  été  l'objet  d'aucune  étude  critique;  ce  texte  qui,  tant  au 
point  de  vue  historique  qu'au  point  de  vue  littéraire,  présente 
un  si  vif  intérêt,  a  toujours  été  réimprimé  d'après  une  édition 
princeps  fautive  et  incomplète,  faite  plus  d'un  demi-siècle  après 
la  mort  de  l'auteur  par  un  «  érudit  »  complètement  inapte  à  ce 
genre  de  travail.  Ce  ne  sont  cependant  pas  les  manuscrits  qui 
font  défaut  :  j'en  connais  actuellement  dix-huit;  et  quoique 
l'original  ne  se  trouve  pas  parmi  eux,  il  en  est  qui,  intelligem- 
ment mis  à  contribution,  fourniraient  quelques  passages  inédits 
en  même  temps  que  de  très  nombreuses  variantes  et  rectifications 
de  détail. 

C'est  l'histoire  du  texte,  ce  sont  ses  éditions  et  ses  manuscrits 
qui  font  l'objet  de  la  présente  étude;  l'édition  critique  viendra 
ultérieurement. 

I.    —    MENDOZA    A    GRENADE    (1569-I575). 

Un  jour  de  l'année  1568,  Don  Diego  Hurtado  de  Mendoza  se 
prit  de  querelle  avec  Don  Diego  de  Leyva  en  plein  palais  royal  : 

Ra'ue  hispanique.  1 

9 


102  R.    FOULCHE-DELBOSC 


tous  deux  mirent  les  armes  à  la  main,  mais  Mendoza  put  arra- 
cher le  poignard  de  Leyva  et  le  jeter  au  loin.  Les  deux  gentils- 
hommes furent  aussitôt  arrêtés  et  emprisonnés  :  l'ancien  ambas- 
sideur  eut  pour  lieu  de  détention  la  forteresse  de  Médina  del 
Campo  jusqu'à  la  fin  du  procès  né  de  la  querelle.  On  condamna 
les  deux  adversaires  à  une  amende  et  à  servir  le  roi  à  la  frontière 
qui  leur  serait  assignée.  Grâce  aux  bons  offices  de  quelques  puis- 
sants amis  que  Mendoza  sut  faire  agir,  et  sur  les  instances  de 
l'archiduc  de  Savoie,  Philippe  II  donna  l'ordre  à  Mendoza  de 
partir  pour  Grenade  sans  passer  par  la  cour  et  de  se  présenter 
dans  les  quinze  jours  qui  suivraient  sa  sortie  de  la  forteresse  de 
Médina  au  marquis  de  Mondéjar  qui  lui  transmettrait,  s'il  y  avait 
lieu,  ses  instructions.  L'ordre  royal1  fut  signé  au  Pardo  le 
27  janvier  1569. 

Le  27  février  1569,  Mendoza  requit  le  gouverneur  de  Médina 
de  le  mettre  en  liberté  suivant  l'ordre  reçu  de  la  cour  2.  Le 
17  avril  1569,  il  se  présenta  devant  le  marquis  de  Mondéjar  >  et 
se  mit  à  sa  disposition.  Mais  ses  services  ne  furent  pas  utilisés. 

Comme  on  le  voit,  Mendoza  prit  près  de  deux  mois  pour  se 
rendre  à  Grenade,  alors  que  l'ordre  royal  ne  lui  accordait  que 
deux  semaines.  De  ce  fait  et  de  sa  non  utilisation  dans  une  armée 
quelconque,  il  est  permis  de  déduire  que  le  ressentiment  de 
Philippe  II  contre  l'ancien  ambassadeur  de  Charles-Quint  n'était 
pas  aussi  fort  qu'ont  bien  voulu  le  dire  certains  historiens. 

Cet  éloignement  forcé  de  la  cour  nous  a  valu  la  Gitcrra  de 
Granada. 

Mendoza  passa  près  de  six  ans  à  Grenade  ;  en  1575,  le  roi  mit 


1.  Il  se  trouve  aujourd'hui  à  l'Archivo  de  l'Alhambra  (Legajo  98  n°  12)  et 
a  été  publié  dans  :  D.  Diego  Hurlado  de  Mendoza.  Apuntes  biogrâfico-criiicos  por 
Eloy  Senàn  y  AIomo.)ctq7.,  1886,  in-8  (page  53). 

2.  Voir  le  procès-verbal  publié  à  la  page  54  de  l'ouvrage  ci-dessus  indiqué. 

3.  Voir  la  page  y-,  du  même  ouvrage. 


ETUDE  SUR  LA  GUERRA    DE    GRANADA  103 

un  terme  à  son  exil  et  il  put  revenir  à  la  cour;  on  sait  qu'il 
mourut  au  mois  d'avril  de  cette  même  année,  âgé  de  72  ans. 

Quand  Mendoza  se  présente  au  marquis  de  Mondéjar,  le 
17  avril  1569,  où  en  sont  les  opérations  contre  les  Maures?  Il 
n'y  a  pas  quatre  mois  que  la  guerre  est  commencée  :  ce  n'est 
en  effet  que  le  23  décembre  1568  qu'Aben  Humeya  a  quitté 
Grenade  ;  mais  la  première  partie  de  la  guerre,  celle  pendant 
laquelle  Mondéjar  a  dirigé  en  chef  les  opérations,  est  terminée  : 
depuis  quatre  jours  (13  avril  1569),  le  nouveau  commandant  en 
chef,  Don  Juan  d'Autriche,  frère  naturel  du  roi,  est  arrivé  à 
Grenade.  La  guerre,  avec  des  péripéties  diverses,  se  prolongera 
jusqu'au  15  mars  1571,  date  de  la  mort  d'Aben  Abo  :  on  voit 
donc  que,  pendant  près  de  deux  ans,  c'est-à-dire  pendant  la  plus 
grande  partie  de  la  durée  de  la  guerre,  Mendoza  sera  à  Grenade, 
à  portée  des  événements.  S'il  n'est  pas,  au  sens  strict  du  mot,  le 
témoin  oculaire  des  marches  et  contre-marches  des  armées  espa- 
gnoles à  travers  les  Alpuxarras  et  les  montagnes  de  Ronda,  il  est 
du  moins  sur  le  théâtre  de  la  guerre,  au  lieu  de  passage  obligé 
de  toutes  les  troupes  qui  vont  guerroyer  ou  qui  reviennent  de 
guerroyer  contre  les  rebelles.  On  comprend  ainsi  aisément  qu'il 
ait  pu  dire  en  parlant  de  la  guerre  de  Grenade  :  parte  de  la  quai 
yo  vi,  i  parte  entendi  de  personas,  que  en  ella  pusieron  las  manos,  i  el 
entendimiento. 

Une  de  ses  principales  occupations  pendant  son  séjour  forcé 
à  Grenade  fut  d'écrire  le  récit  de  la  rébellion  des  Maures  :  il  ne 
faut  voir  dans  cette  œuvre  qu'un  simple  passe-temps  de  grand 
seigneur  lettré,  qui  ne  pensa  certainement  jamais  que  son  histoire 
de  la  guerre  de  Grenade  serait  un  jour  entre  les  mains  de  tous. 
C'est  peut-être  à  cela  qu'il  faut  attribuer  les  lacunes  et  les  inéga- 
lités d'une  œuvre  qui  intéresse  à  plus  d'un  point  de  vue  histo- 
riens et  littérateurs.  On  ne  doit  donc  pas,  disons-le  dès  mainte- 
nant, voir  dans  la  Guerra  de  Granada  une  œuvre  ayant  le  fini  que 
son  auteur  lui  aurait  donné  s'il  l'avait  destinée  à  d'autres  qu'à 
quelques  intimes. 


104  R-    FOULCHE-DELBOSC 


ii.  —  de  la  mort  de  l'auteur  (l)7)) 
a  l'édition  princeps  (1627). 

Peu  d'années  après  la  mort  de  Mendoza,  son  œuvre  était 
connue  et  appréciée;  on  en  faisait  des  copies,  car  il  ne  fallait  pas 
songer  à  la  publier  de  sitôt  :  l'historien  avait  porté  tel  ou  tel 
jugement,  dessiné  tel  ou  tel  portrait,  dont  la  sévérité  ou  le  mor- 
dant, quoique  empreints  de  la  plus  scrupuleuse  exactitude, 
rendait  difficile  la  divulgation.  Dire  ou  écrire  la  vérité  eût  été  à 
cette  époque  chose  fort  dangereuse,  et  personne  ne  s'y  hasarda. 

Cinquante-deux  ans  s'écoulèrent  entre  la  mort  de  l'auteur  et 
la  publication  de  la  première  édition.  Pendant  ce  demi-siècle,  des 
récits  de  la  guerre  de  Grenade  furent  publiés,  les  uns  isolés,  les 
autres  dans  des  ouvrages  embrassant  l'ensemble  de  l'histoire  des 
musulmans  d'Espagne.  De  ces  récits,  trois  seront  étudiés  par 
nous,  par  suite  de  l'intérêt  qu'ils  présentent  pour  une  histoire 
du  texte  de  Mendoza. 

Le  premier  en  date  est  la  Historia  del  Rebelion  y  castigo  de  los 
Moriscos  del  reyno  de  Granada  de  Luys  del  Marmol  Carvajal, 
imprimée  en  1600  à  Malaga  par  Juan  René,  aux  frais  de  l'au- 
teur '  ;  mais  l'œuvre  était  achevée  depuis  une  vingtaine  d'années, 
puisque  dans  le  privilège  accordé  à  Barcelone  le  6  juillet  1599, 
il  est  dit  qu'on  lui  en  avait  déjà  donné  un  en  1580. 

A  en  croire  Benito  Monfort 2  «  Luis  del  Marmol  copiô  a 
la  letra  algunos  periodos  en  su  segundo  Libro  de  la  rebelion 
capitulo  tercero  ».  Cette  assertion  est  erronée  :  le  chapitre  en 
question  est  intitulé  :  Como  se  quitô  à  los  Moriscos  que  no  pudiesen 
servir  se  de  esclavos  negros;  y  se  les  manda  à  los  que  tenian  licencias  de 
armas,  que  las  llevasen  à  sellar  anle  el  Capitan  gênerai  :  il  a  environ 


1.  In-folio,  4  tï.  prels.  n.  ch.,  245  fï.  ch.  et  4  ff.  de  Tabla  postl.  n.  ch.  La 
2e  édition  fut  publiée  en  1797  à  Madrid  par  Sancha,  en  2  vol.  in-4.  Il  en  existe 
une  réimpression  dans  le  tome  X\i  de  la  Biblioteca  Rivadenevra. 

2.  Mendo/a,  Guerra  de  Granada,  édition  de  1776,  page  m. 


ETUDE  SUR  LA  GUERRA    DE    GRANADA  10) 

120  lignes.  Dans  Mendoza  (livre  I,  §  5)  on  ne  trouve  que  cette 
phrase  :  «  (El  Rey)  quitoseles  el  servicio  de  los  esclavos  negros 
a  quienes  criavan  con  esperanças  de  hijos...  »  Il  n'y  a  pas  un 
seul  mot  relatif  à  l'obligation  où  se  trouvaient  les  Morisques  de 
faire  estampiller  leurs  armes. 

Mais  si  le  chapitre  ni  du  second  livre  de  la  Historia  del 
Rebelion  ne  renferme  aucune  phrase  de  Mendoza  ;  d'autres,  en 
revanche,  nous  montrent  en  Marmol  un  homme  qui,  ayant  en 
sa  possession  un  manuscrit  de  la  Guerra  de  Granada,  en  trouva  le 
texte  si  bien  écrit  qu'il  jugea  ne  pouvoir  mieux  témoigner  son 
admiration  qu'en  en  copiant  a  la  letra,  non  plus  algunos periodos, 
mais  bien  des  pages  entières.  Personne  n'a  encore  indiqué  que  le 
chapitre  ni  du  livre  IX  et  les  chapitres  i,  ni,  iv  et  vu  du  livre  X 
avaient  été  presque  exclusivement  composés  par  Marmol  à  l'aide 
des  paragraphes  6  à  14  du  livre  IV  de  Mendoza.  Les  phrases  ont 
souvent  subi  de  légères  modifications,  mais  sont  toujours  recon- 
naissables;  rien  de  ce  qui  est  purement  descriptif,  comme  le  long 
historique  de  Séville,  ou  de  ce  qui  n'a  qu'un  intérêt  rétrospectif 
comme  le  récit  de  la  mort  de  don  Alonso  de  Aguilar,  n'a  été 
utilisé  par  Marmol.  Il  semble  s'être  trouvé  assez  embarrassé  pour 
décrire  les  opérations  de  la  siéra  de  Ronda  auxquelles  il  n'assistait 
pas,  n'ayant  servi  que  dans  les  Alpuxarras  ;  possédant  un  manu- 
scrit de  l'œuvre  de  Mendoza  qui  lui  fournissait  les  données  dont 
il  manquait,  il  en  copia  à  peu  près  textuellement  la  plus  grande 
partie.  Quant  au  nom  de  Mendoza,  on  le  cherche  en  vain  :  nulle 
part  Marmol  ne  l'a  mentionné. 


C'est  en   1608,  dans  l'œuvre  du  licencié  Francisco  Bermudez 
de  Pedraza  *,  que  figure  pour  la  première  fois  le  nom  de  Don 


1.  Antigvedad  y  Excelencias  de  Granada.  Por  el  Licenciado  Francisco  Bcrmude^ 
de  Pedraza,  natural  délia  :  Abogadoen  los  Reaies  Consejos  de  Su  Magestad.  Dirigido 

a  la  muy  noble,  nombrada  y  grau  Ciudad  de  Granada.  —  Madrid,  por  Luis  Sanche\ 


106  R.    FOULCHÉ-DELBOSC 


Diego  de  Mendoza  comme  celui  de  l'auteur  d'un  récit  de  la 
guerre  de  Grenade.  Ce  fait  n'a  pas  encore  été  mentionné.  Bien 
que  le  titre  de  ce  volume  porte  1608,  il  était  déjà  écrit  depuis 
six  ans  :  l'approbation  est  datée  du  25  juillet  1602;  le  privilège 
du  25  août  1602. 

Pedraza  indique  toujours  en  marge  le  nom  de  l'auteur  sur 
l'autorité  duquel  il  s'appuie1,  par  exemple  au  f.  3  verso  : 
Mèdoça  en  el  rebelion  de  Granada. 

Dans  le  livre  II  nous  trouvons  un  emprunt  de  quelques  lignes  : 

Las  razones  porque  la  ciudad  de  Illiberia  se  llamô  Granada.  Cap.  XVII 

(f-  54). 

La   septima  es   de  don  Diego  de  Mendoça,  cuyas  Don  Diego 

son  estas  palabras.  Otros  dizen  que  Granada  se  di-  d*  Mendoça 

xo  por  vna  cueua  que  esta  junto  a  la  puerta  de  Biba-  c"  'a  ',,sl°- 

taubin,  morada  de  la  Caua,  hija  del  Conde  don  lu-       "a  ' e     .  " 
..  .  •  xt  1    a         Ho  in  prin. 

lian,  cuyo  nombre  propio  era  Natta,  porque  el  de 

Caua,  todas  las  historias  Arabes  afirman  que  le  fue 
puesto  por  auer  entregado  su  voluntad,  al  Rey  de 
Espaiîa  don  Rodrigo  ;  y  en  lengua  Arabe  Caua  quie 
re  dezir  muger  libre  de  su  cuerpo  :  pues  deste  nom- 
bre Gar,  que  significa  la  cueua,  y  Natta  que  fue  el 
nombre  propio  desta  dama,  se  dixo  Garnata. 


Ce  passage  est  sensiblement  conforme  aux  premières  lignes  de 
la  page  3  de  l'édition  de  1627. 

Dans  le  livre  III  nous  trouvons  plusieurs  notices  sur  Don 
Diego  :  la  première  est  assez  étendue  et  très  intéressante  en  ce 
qu'elle  nous  montre  la  Guerra  de  Granada  comme  très  appréciée 
et  très  copiée  à  cette  époque  : 


1608,  petit  in-4,  12  ff.  de  prels.  190  M",  et  6  de  Tablas.  Le  livre  IV  (f.  149) 
a  un  titre  spécial  :  Libro  qvarto  Del  Santo  Môle  Ilipulilano,  y  sas  excélencias .  lin 
Madrid,  Por  Luis  Sâche%,  impressor  del  Rey  X.  S.  Aùo  M.DC.VII.  Mais  la  pagi- 
nation est  uniforme  pour  tout  le  volume. 

1.  Pedraza  cite  quelquefois  Marmol,  auquel  il  consacre  (f.  150)  la  notice 
suivante  :  Luis  del  Marmol  escriuio  la  primera  y  segunda  parie  -Je  la  description  (/<' 
Africa,  y  la  guerra  del  rebelion  de  Granada. 


ETUDE   SUR    LA    GUERRA    DE    GRANADA  IO7 

De  otros  hijos  desta  Ciudad  que  han  escrito  varias  materias.  Capitulo  XXV. 

F.  129  :  Don  Diego  de  Mendoça  cauallero  del  abito  de  Alcantara,  hermano 
del  Marques  de  Mondejar,  embaxador  del  Rey  don  Felipe  II.  en  Roma,  Sena, 
y  Venecia,  donde  rescatô  vn  sobrino  del  gran  Turco  Soliman,  y  se  lo  présenta 
bien  adereçado.  El  Turco  informado  de  la  calidad  de  don  Diego,  de  su  erudi- 
cion,  y  de  la  aficion  que  ténia  a  libros,  màdô  buscar  los  mas  curiosos  que  se 
pudiessen  hallar  en  toda  Grecia,  y  dellos  le  hizo  vn  gran  présente  :  con  los 
quales  hizo  una  libreria  tan  famosa,  que  por  ser  digna  de  la  persona  Real,  la 
mandô  por  su  testamento  al  Rey  don  Felipe  II  el  quai  la  puso  en  su  Escurial. 
Escriuio  vn  libro  de  la  guerra  y  rebelion  de  los  Moros  de  Granada  :  el  quai 
aunque  no  esta  impresso  tiene  tan  grandiloco  y  élégante  estilo,  que  todos  los 
letores  lo  trasladan  :  y  ay  tantos  manuscritos  que  no  haze  falta  la  estampa. 

F.  1 30,  verso  :  De  los  hijos  desta  Ciudad  que  han  florecido  en  la  Poesia. 
Capitulo  XXVI. 

De  los  que  ha  tenido  esta  ciudad,  don  Diego  de  Mendoça,  hermano  del 
Marques  de  Mondejar,  cauallero  del  abito  de  Alcantara,  con  gallardo  estilo 
escriuio  la  fabula  de  Narciso,  y  otras  muchas  obras  que  celebran  los  hombres 
curiosos. 

Enfin   Mendoza  est  encore  nommé  aux  ff.  136  verso  et  143. 

*  * 

En  16 18,  nous  trouvons  l'œuvre  de  Mendoza  presque  entière- 
ment imprimée  dans  le  sixième  livre  de  la  Coronica  de  los  Moros 
de  Espana  de  Bleda  '.  Elle  y  occupe  les  pages  652  à  755. 


1.  Coronica  de  los  Moros  de  Espana,  dividida  en  ocho  libros  por  el  Padre  Presen- 
tado  Fray  Jayme  Bleda...  En  Valencia  ano  1618.  — In-folio,  1072  pages,  outre 
des  pages  non  chiffrées  au  commencement  et  à  la  fin.  L'ouvrage  est  dédié  au 
duc  de  Lerme. 

Le  sixième  livre  de  Bleda  n'est,  à  quelques  lignes  près,  que  le  texte  de  la 
Guerra  de  Granada.  En  le  comparant  au  texte  de  l'édition  princeps  de  Mendoza, 
on  remarque,  à  côté  de  certains  passages  entièrement  identiques,  une  grande 
quantité  de  variantes,  de  suppressions  et  d'additions,  non  seulement  au  com- 
mencement et  à  la  fin  des  divisions  faites  par  Bleda,  mais  même  dans  le  corps 
du  récit.  Les  trois  passages,  qui  manquent  dans  toutes  les  éditions  antérieures 
à  celle  de  1776  et  qui  furent  retrouvées  en  1769  par  Iriarte,  manquent  dans 
Bleda,  comme  dans  la  plupart  des  manuscrits  de  Mendoza.  Ces  trois  passages 


I08  R.    FOULCHÊ-DELBOSC 


Bleda  nous  apprend  lui-même  au  début  de  son  livre  VI 
(p.  652)  qu'il  s'est  servi  du  texte  de  Mendoza1  : 

Libro  sexto.  De  la  rebelion,  guerras  y  castigo  de  los  Moriscos  del  Reyno  de 
Granada. 

Daze  razon,  de  quien  se  aprouecha  el  Autor  para  escriuir  este  libro  Sexto. 

Cap.  1. 

Para  escriuir  la  guerra  q  el  Rey  catholico  de  Esparïa  don  Felipe  Secundo, 
hijo  del  nunca  vêcido  Emperador  Carlos  tuuo  en  el  Reyno  de  Granada  contra 
los  rebeldes  nueuamente  conuertidos,  me  he  ualido  de  una  relacion  que  délia 
dexo  don  Diego  Hurtado  de  Mendoça 

Tambien  vi  lo  que  curiosamente  escriuio,  desta  guerra,  y  muy  por  estento 
Luys  del  Marmol  Carvajal 

Si  en  este  libro  se  hallare  el  estilo,  y  lenguaje  mejor,  atribuyase  a  su  legitimo 
Autor,  que  es  en  la  mayor  parte  el  dicho  don  Diego  de  Mendoça 

Y  en  este  libro  (le  sixième)  errara  tambien  si  priuara  al  lector  de  la  elegancia, 
y  estilo  remontado  de  don  Diego  de  Mendoça (p.  654,  col.  2). 

L'utilisation  de  la  plus  grande  partie  du  texte  de  Mendoza  par 
Bleda  est  restée  ignorée  de  presque  tous  les  bibliographes,  à 
l'exception  de  Tamayo  de  Vargas  qui  le  premier,  en  1627, 
signale  le  fait  dans  des  notes  demeurées  manuscrites,  et  de 
Nicolas  Antonio  qui  semble  s'en  être  rendu  compte.  Nommons 


ne  sont  remplacés  par  rien  :  le  récit  continue  sans  interruption.  Bleda  a  seule- 
ment intercalé  entre  les  mots  «  para  remedialla  del  todo  »  et  «  Saliô  el  duque  de 
Granada  »  qui  se  trouvent  au  commencement  du  livre  IV  de  Mendoza,  un  assez 
long  passage  allant  (dans  sa  Coronica)  de  la  page  734,  col.  2,  ligne  2,  à  la 
page  735,  col.  2,  ligne  13,  et  dans  lequel  il  parle,  entre  autres  événements, 
de  la  mort  de  Luis  Quixada. 

Le  manuscrit  dont  se  servit  Bleda  se  terminait  à  n'en  pas  douter  là  où  se 
terminent  tous  les  manuscrits  de  la  2e  famille,  à  en  variai  figuras  y  semejan^as. 
C'est  par  ces  mêmes  mots  que  se  terminent  dans  la  Coronica  de  los  Moros 
(p.  751,  col.  2)  les  emprunts  faits  à  Mendoza.  Aussitôt  après,  Bleda  a  recours 
à  Marmol  et  le  suit  jusqu'à  la  ligne  10  de  la  première  colonne  de  la  page  753. 

1.  Bleda  est  très  consciencieux  et  ne  cherche  pas  à  dissimuler  ses  emprunts  : 
...Todas  estas  reglas  guardaron  los  Autores,  de  quiè  me  aproueche  en  los 
libros  passados,  y  fuera  hazerles  agrauio  a  ellos,  y  a  quien  leyera  en  esta  obra 
sus  trabajos,  si  yo  los  disfraçara,  y  boluiera  de  arriba  abaxo,  como  es  costùbre. 
(p.  654,  col.  2). 


ETUDE  SUR  LA  GUERRA    DE    GRANADA  IO9 

aussi  Monfort  qui,  aux  pages  ni  et  iv  de  l'édition  de  Valence 
1776,  après  avoir  parlé  de  soi-disants  emprunts  de  Marmol, 
ajoute  :  «  Lo  mismo  confiesa  de  si  el  Padre  Presentado  Fr.  Jaime 
Bleda  en  su  Chronologia  (sic)  de  los  Moros  de  Espana  libro  sexto, 
capitulo  primero.  »  Il  est  vraiment  bien  étrange  que  personne 
ne  se  soit  avisé  de  comparer  le  livre  VI  de  Bleda  et  le  texte  de 
Mendoza.  Comment  les  historiens  du  règne  de  Philippe  II  qui, 
traitant  de  la  révolte  des  Maures,  citent  constamment  Mendoza  et 
Bleda,  n'ont-ils  pas  vu  que  les  deux  textes  n'en  font  qu'un  ? 
Prescott  seul,  dans  son  Histoire  du  règne  de  Philippe  II,  l'in- 
dique vaguement,  mais  sans  y  attacher  d'importance  :  parlant  de 
la  publication  de  l'édit  du  23  juin  1569,  édit  qui  n'était  que  le 
prélude  de  l'expulsion  des  Maures  de  Grenade,  il  dit  que  «  Bleda 
(Cronica  de  Espana  (sic),  p.  705)  n'a  fait,  dans  cette  partie  de  son 
ouvrage,  que  reproduire  le  récit  de  Mendoza,  avec  tant  d'inatten- 
tion, qu'il  se  trompe  d'un  mois  sur  la  date  de  cet  événement  ». 
(Traduction  française,  tome  IV,  p.  244.) 

III.    —    UNE    ÉDITION    SUPPOSÉE    (l6lo). 

La  Guerra  de  Granada  fut  publiée  pour  la  première  fois  à 
Lisbonne  en  1627,  par  les  soins  de  Luis  Tribaldos  de  Toledo. 

Avant  d'étudier  cette  édition,  il  convient  de  rectifier  une 
erreur  commise  par  Nicolas  Antonio  dans  sa  Bibliothcca  Hispana 
et  répétée,  d'une  part  par  presque  tous  les  bibliographes  espa- 
gnols et  étrangers,  d'autre  part  par  certains  éditeurs  de  Mendoza. 
A  en  croire  Nicolas  Antonio,  l'édition  princeps  aurait  été  publiée 
en  16 10  par  les  soins  de  ce  même  Tribaldos,  et  l'édition  de  1627 
ne  serait  qu'une  réimpression.  Voici^du  reste,  ce  qu'on  lit  dans 
la  Bibliotheca,  à  l'article  Didacus  de  Mendoza  (ire  édition,  tome  I, 
p.  224,  col  1)  '  : 


1.  Ce  passage  est  intégralement  reproduit  dans  la  2e  édition  {Bibliotheca 
Hispana  Nova,  tome  I,  p.  291.) 


110  R.    FOULCHE-DELBOSC 


Guerra  deGranada  bêcha  por  el  Rey  de  Espaiïa  D.  Felipe  II.  contra  los  Moriscos 
de  aquel  reino  sus  rebeldes  ;  Sallustii  Iugurthio,  Catilinariôque,  aut  veterum  cui- 
cumque  alii  comparandum.  Certè  hase  Historia  in  schedis  M.SS.  diù  cursitavit 
per  omnium  manus,  scriniaque  aliorum,  Iacobi  praecipuè  Bleda;  Historia  Mau- 
riscorum  scriptoris,  ditavit.  Demura  in  lucem  prodiit  Ludovici  Tribaldi  regii 
Chronographi  operâ,^Matriti  1610,  in-4.  deinde  Olissipone  apud  Craesbek  1627. 
Ex  quatuor  libris  finem  tertii,  quem  mutilum  deprehenderat,  elegantissimè 
supplevit  D.  Ioannes  Silva  Portalegrensis  Cornes,  verè  purpuram  authoris 
purpura;  attexens. 

Mettons  tout  d'abord  en  lumière  que  Nicolas  Antonio  indique 
clairement  —  et  il  est  le  seul  après  Tamayo  de  Vargas,  dont 
l'œuvre  est  restée  manuscrite  —  les  emprunts  faits  par  Bleda; 
mais  cela  nous  le  montre  en  contradiction  avec  lui-même.  Il 
nous  dit  en  effet  que  l'édition  de  Tribaldos  parut  après  l'œuvre 

de  Bleda  :  démuni  in  lucem  prodiit c'est-à-dire  le  volume  de 

Bleda  était  déjà  connu  quand  fut  publiée  l'édition  princeps  de 
Mendoza.  Or,  comment  Tribaldos  aurait-il  pu  publier  une  édition 
de  Mendoza  en  16 10,  alors  que  la  Coronica  de  Bleda  n'a  paru 
qu'en  1618?  Il  y  a  là,  de  la  part  de  Nicolas  Antonio,  un  oubli 
manifeste  de  la  date  d'apparition  de  la  Coronica  ;  mais  il  y  a  sur- 
tout chez  tous  ceux  qui,  jusqu'ici,  ont  lu  la  notice  de  la  Biblio- 
theca  Hispana,  un  singulier  manque  d'esprit  critique,  puisque 
aucun  d'eux  n'a  eu  l'idée  de  comparer  ces  deux  dates. 

Quoi  qu'il  en  soit,  cette  preuve  ne  saurait  nous  suffire  :  on 
peut,  en  effet,  admettre  que  Nicolas  Antonio  a  simplement 
commis  l'erreur  chronologique  que  nous  venons  de  relever  et 
que  l'édition  de  16 10  existe  réellement.  Il  ne  faut  pas  oublier  que 
dans  sa  Bibliotheca,  à  l'article  Ioannes  de  Silva  (le  comte  de 
Portalegre),  il  s'exprime  ainsi  (ire  édition,  tome  I,  p.  597, 
col.  2)  I  : 

Supplevit    etiam    Historiam    RebeUionis    Granatensis    ab   clarissimo    viro 

D.  Didaco  de  Mendoza  coriscriptam  aliquot  successuum  relatione,  quse  in  illius 


1.  Ce  passage  est  intégralement  reproduit  dans  la  2e  édition. 


ETUDE   SUR    LA    GUERRA    DE   GRANADA  III 

aurei  libclli  M.SS.  exemplaribus  deerant,  purpuram  herclè  purpuras  attexens  : 
quo  cum  supplemento  editus  fuit  Ludovici  Tribaldi  regii  Indiarum  Chrono- 
graphi  cura  Matriti  1610,  deindéque  Vlissipone  1627.  in-4. 

Cette  seconde  note1  venant  corroborer  celle  que  renferme 
l'article  consacré  par  Antonio  à  Mendoza,  indique  donc,  chez  son 
auteur,  une  croyance  absolue  à  l'édition  de  16 10.  Aussi  devons- 
nous  rassembler  le  plus  de  preuves  possible  pour  démontrer  que 
cette  édition,  que  personne  n'a  vue,  n'a  jamais  existé.  On  peut 
établir  en  premier  lieu  que,  de  16 10,  date  de  l'édition  supposée, 
à  1627,  date  de  la  véritable  édition  princeps,  on  ne  trouve  chez 
aucun  de  ceux  qui  ont  eu  à  s'occuper,  soit  de  Mendoza,  soit  de 
la  rébellion  des  Maures,  la  moindre  trace  d'une  telle  édition  ;  en 
second  lieu,  que  jusqu'à  l'année  1672,  date  de  la  publication  de 
la  première  édition  de  la  Bibliotheca  Hispana,  personne  ne  s'était 
avisé  qu'il  existât  une  édition  de  la  Guerra  de  Granada  antérieure 
à  celle  de  1627;  ce  n'est  que  postérieurement  à  1672  que  l'on 
signale  l'édition  introuvable  en  se  fiant  à  l'autorité. de  Nicolas 
Antonio. 


En  1618,  Bleda,  nous  l'avons  vu,  copie  d'un  bout  à  l'autre 
l'œuvre  de  Mendoza  :  si  une  édition  de  la  Guerra  de  Granada 
avait  paru  seulement  huit  ans  auparavant,  comment  Bleda  ne  le 
mentionnerait-il  pas,  alors  surtout  qu'il  le  fait  pour  Marmol 
auquel  il  recourt  à  chaque  instant  ? 

Mais  rien  de  tel.  Bleda,  parlant  de  Marmol,  laisse  clairement 
voir  qu'il  suppose  son  œuvre  connue  et  entre  les  mains  de  tous  : 

Tambien  vi  lo  que  curiosamente  escriuio  desta  guerra,  y  muy  por  estenso 

Luys  del  Marmol  Caruajal Escriue  Marmol  muchas  cosas  particulares,  y 

en  su  libro  parecen  bien,  por  ser  este  su  asumpto  y  suegeto  (sic)  principal  :  alli 
las  podra  ver  el  lector  (p.  652,  col.  2). 


1 .  A  l'article  Ludovicus  Tribaldos  de  Toledo,  Nicolas  Antonio  ne  parle  pas 
de  la  Guerra  de  Granada, 


112  R.    FOULCHE-DELBOSC 


Donc,  Bleda  est  bien  explicite  :  il  dit  en  propres  termes  que  les 
faits  particuliers  il  ne  les  mentionnera  pas  dans  son  œuvre  à  lui 
qui  est  une  histoire  d'ensemble,  mais  qu'on  les  trouvera  dans  le 
livre  de  Marmol.  Comme  il  n'y  a  aucune  équivoque  possible  à 
ce  sujet,  il  est  inutile  d'insister;  mais  on  va  voir  en  quels  termes 
bien  différents  il  parle  de  Mendoza.  Tout  d'abord,  et  alors  qu'il 
n'indique  que  par  treize  lignes  l'existence  de  l'œuvre  de  Marmol, 
la  jugeant  suffisamment  connue,  il  consacre  à  Mendoza  un  total 
de  84  lignes  '  :  non  seulement  il  parle  longuement  de  la  famille 
de  Mendoza,  mais  encore  il  vante,  autant  qu'il  le  peut,  et  la  véra- 
cité et  le  style  de  Don  Diego  :  je  n'en  cite  ici  que  les  passages 
les  plus  essentiels  : 

En  compania  del  Marques  (de  Mondéjar)  se  hallo  don  Diego  en  parte  destas 
guerras,  y  lo  demas  entèdio  de  personas  que  las  siguieron,  y  gouernaron  el 
exercito  ;  su  relacion  es  tenida  por  verdadera  (p.  652,  col.  2). 

Si  en  este  libro  se  hallare  el  estilo,  y  lenguaje  mejor,  atribuyase  a  su  legitimo 
Autor,  que  es  en  la  mayor  parte  el  dicho  don  Diego  de  Mendoça  (p.  653, 
col.  1). 

Y  en  este  libro  errara  tambien,  si  priuara  al  lector  de  la  elegancia,  y  estilo 
remontado  de  Don  Diego  de  Mendoça,  que  como  tan  sabio  en  la  disciplina 
militar,  tan  prudente,  y  experimentado  en  gouiernos  tan  docto,  y  auentajado 
casi  en  todas  las  sciencias,  con  la  grandeza  de  su  ingenio,  supo  referir  la  verdad, 
y  lo  que  passo  en  esta  rebelion,  y  guerras  de  Granada,  con  tanta  gentileza,  y 
facundia  verdaderamente  Retorica,  limpia  de  terminillos  v  frasis  escusadas,  y 
con  la  interpretacion,  y  ethimologia  de  los  terminos  proprios  de  la  milicia,  y 
vocablos  de  aquella  arte,  que  si  lo  lèvera  Ciccron,  juzgara,  que  es  vu  Demos- 
thenes,  o  Quintiliano  de  la  nacion,  y  lengua  Castellana,  o  vn  Tucidides,  el 
quai,  como  el  con  su  parecer  califica,  se  auentajô  en  el  artificio  Retorico  a  todos 
los  famosos  historiadores,  que  alli  se  nombran  :  porque  supo  dezir  tantas,  y  tan 
grandes  cosas  en  pocas  palabras,  que  las  sentencias  fueron  en  numéro  yguales 
a  las  dicciones,  y  hablo  con  tanta  propriedad,  y  subtilissima  breuedad,  que  no 
sabia  el  hazer  juyzio,  si  el  lenguage  daua  lustre  a  las  cosas,  o  si  las  sentencias 
le  dauan  a  las  palabras,  adornandolas.  Todo  lo  quai  propriamente  quadraa  don 
Diego  de  Mendoça,  como  se  vera  claramente  en  lo  que  de  su  papel  se  trasladara 
en  este  libro  (p.  654,  col.  2  et  p.  655,  col.  1). 

1 .   P.  652,  cols.  1  et  2  ;  p.  65  3,  col    1  ;  p.  654,  col.  2  et  p.  653,  col.  1 . 


ÉTUDE  SUR  LA  GUERRA    DE    GRAKADA  I  1 3 

Bleda  ne  pouvait  mieux  montrer  qu'il  recourait  à  un  texte  que 
tout  le  monde  ne  pouvait  pas  se  procurer,  à  un  document  que 
très  peu  de  gens  connaissaient,  à  un  manuscrit  en  un  mot.  Tout 
ce   qu'il  dit  de   Mendoza  était  inutile  si  la  Guerra  de  Granada 

avait  été  éditée  en  1610. 

* 
*  * 

L'œuvre  de  Mendoza  est  connue  de  l'auteur  d'une  histoire 
ecclésiastique  de  Grenade  qui  fut  vraisemblablement  achevée 
dans  les  premiers  mois  de  1 6 1 1 .  Cette  histoire,  presque  ignorée, 
est  restée  inédite,  et  il  serait  à  désirer  que  l'on  en  entreprît  enfin 
la  publication.  Le  manuscrit  appartient  à  la  bibliothèque  du  cou- 
vent du  Sacro  Monte  de  Grenade,  où  je  l'ai  examiné  avec  grand 
intérêt  : 

Hisîoria  ecclesiastica  de  Granada,  por  cl  Llio  Ivstino  Antoline\ 
de  Burgos  Provisor  de  Sevilla,  Arcediano  de  Granada  y  Abbad  del 
Sacro  Monte  ' . 

Le  titre  est  gravé,  ce  qui  semble  indiquer  que  l'auteur  se  dispo- 
sait à  faire  imprimer  son  œuvre;  ce  qui  peut  appuyer  cette- 
hypothèse,  c'est  que  le  volume  contient  deux  témoignages  de 
lecture,  l'un,  daté  du  2  juillet  161 1,  du  docteur  Luis  de  Bavia, 
commissionné  par  l'archevêque,  l'autre,  daté  du  5  juillet  161 1, 
de  l'archevêque  de  Grenade  Pedro  Gonçalez  de  Mendoza. 

Antolinez  de  Burgos  dit  qu'il  cite  Mendoza  d'après  un  manu- 
scrit \  il  cite  également  Marmol.  Si  la  Guerra  de  Granada  avait  été 
publiée  en  16  ro,  il  se  serait  évidemment  référé  au  texte  imprimé. 


L'auteur     anonyme    d'un    poème    sur    Grenade  2,    demeuré 

1 .  Ce  manuscrit,  in-quarto,  a  298  ff.  ;  il  est  divisé  en  deux  parties.  La 
troisième  partie  de  l'ouvrage,  qui  traitait  des  fameux  plombs  de  Grenade,  en  a 
été  détachée,  ainsi  que  l'indique  une  note  du  dernier  feuillet. 

2.  Granada  à  description  bistorial  del  insigne  reinoy  ciudad  ilustrisima  de  Gra- 
nada, bellisima  entre  todas  las  ciudades (Gallardo,  Ensayo  de  una  biblioteca 

espanola,  tome  I,  n°  773.) 


114  R-    FOULCHE-DELBOSC 


manuscrit,  composé  por  los  anos  de  i6ij  et  enrichi  d'additions 
en  prose  jusqu'en  1621,  donne,  à  la  suite  de  son  œuvre  poétique, 
une  série  de  notices  sur  les  Grenadins  illustres  à  un  titre  quel- 
conque. Gallardo,  qui  nous  a  donné  de  ce  manuscrit  une  minu- 
tieuse description,  et  qui  a  pris  soin  de  transcrire  une  très  grande 
partie  desdites  notices,  ne  s'est  pas  aperçu  qu'elles  étaient  presque 
littéralement  copiées  sur  celles  que  Francisco  Bermudez  de 
Pedraza  avait  publiées  en  1608  dans  ses  Antiguedad  y  Excelencias 
de  Granada.  Personne,  du  reste,  n'a  encore  signalé  le  fait.  Même 
division  de  chapitres,  même  ordre  adopté  dans  les  biographies; 
la  similitude  est  poussée  aussi  loin  que  possible.  Quelques  rares 
additions,  toutefois,  ont  été  faites  au  texte  de  Pedraza  par  l'ano- 
nyme de  1621.  C'est  ainsi  qu'on  le  voit  citer  celui  auquel  il 
emprunte,  sans  le  dire,  presque  toutes  ses  notices  : 

El  L.  Francisco  Bermudez  de  Pedraza,  escribiô  un  tratado  de  las  Grandezas 
de  su  patria,  y  Reliquias  del  Monte  Santo. 

En  ce  qui  concerne  Mendoza,  il  reproduit  presque  littéralement 
le  texte  de  Pedraza;  la  fin  seule  offre  pour  nous  quelque  intérêt  : 

Escribiô  D.  Diego  el  Rebelion  de  Granada,  y  aunque  no  tuvo  lugar  de 
emprimirlo  andan  tantos  traslatos  que  no  hace  falta  la  imprenta.  Es  de  muy 
gustoso  estilo. 

Comme  on  le  voit,  c'est,  à  peu  de  chose  près,  la  même  rédac- 
tion que  celle  de  1608;  mais  l'anonyme  ayant  mis  ses  notices  au 
Courant  des  publications  récentes,  il  est  bien  certain  que  si  une 
édition  de  Mendoza  eût  paru  en  r6io,  il  l'aurait  indiquée  au 
lieu  de  recopier  simplement  Pedraza. 

*  * 

Tamayo  de  Vargas1,  dans  sa  Junta  de  libros ,  la  mayor  que 
Espana  ha  visto  bas  la  el  ano  1622  2  (ou   1624  d'après  Antonio), 


1.  Mort  en  1 64 1 ,  à  54  ans. 

2.  Bien  que  la  bibliographie  de  Tamayo  de  Vargas  s'arrête  à  l'année  1622,  il 
dut  la  revoiret  la  retoucher,  ainsi  que  l'indique  la  mention  de  l'édition  de  1627. 


ETUDE  SUR  LA  GUERRA    DE    GRANADA 


"5 


qui  se  trouve  encore  à  l'état  de  manuscrit  à  la  Bibliothèque  Natio- 
nale de  Madrid  (Ff.  23),  consacre  à  Mendoza  (p.  136)  une  notice 
dont  voici  les  premières  lignes  : 

D.  Diego  de  Mendoza  embaxador  de  Venecia  del  Consejo  de  guerra,  de  los 
mas  entendidos  i  cortesanos  de  su  tiempo  i  mas  élégante  en  prosa  i  verso,  en 
latin  i  espanol,  sus 

Obras  en  verso 
recopiladas  por  Iuan  Diaz  Hidalgo  del  habito  de  S.  Iuan  Capellan  i  Musico 
de  su  MagJ.  Madrid  por  Iuan  de  la  Cuesta  1610  4°.  otras. 

Obras  M.  S. 
4°  mas  anadidas,  i  mejor  correctas  en  prosa 

Rebelion  de  Granada 
Ms.  40  que  casi  despues  trasladô  Fr.  Iaime  Bleda  Dominico  en  la  historia  de 
los  Moros;  este  arïo  1627  la  sacô  a  luz  el  Ld°  Luis  Tribaldos  de  Toledo  chro- 
nista  de  las  Indias,  en  Lisboa  por  Crasbeck 
4° 

Ainsi  la  note  de  Tamayo  de  Vargas  prouve  deux  choses  : 
d'abord  qu'il  n'avait  pas  connaissance  de  l'édition  de  16 10, 
ensuite,  qu'il  connaissait  —  et  il  est  le  premier  à  l'avoir  écrit  — 
la  présence  du  texte  entier  de  la  Guerra  de  Granada  dans  la  Coro- 
nica  de  Bleda  parue  en  16 18.  Ce  dernier  fait  nous  montre  en 
Vargas  un  homme  bien  documenté,  et  je  pense  que  celui  qui,  à 
cette  époque,  savait  trouver  Mendoza  dans  l'œuvre  de  Bleda, 
n'aurait  pas  ignoré  que  ce  texte  avait  déjà  été  imprimé  isolément. 

* 

*  * 

Enfin,  un  ouvrage  dans  lequel  nous  trouvons  encore  de  nou- 
velles preuves  —  concluantes,  pourrions-nous  dire  —  de  la  non 
existence  d'une  édition  de  1610,  c'est  l'édition  de  1627  elle- 
même. 

Luis  Tribaldos  de  Toledo,  dans  son  avertissement  al  Lector 
(verso  du  9e  feuillet  et  feuillet  10  de  l'édition  de  1627),  explique 
tout  au  long  pour  quels  motifs  la  Guerra  de  Granada  n'a  pas 
trouvé  plus  tôt  d'éditeur;  la  sévérité  avec  laquelle  sont  jugés 
certains  auteurs  de  cette  guerre  en  rendait  la  publication  sinon 


I  1 6  R.    FOULCHÈ-DELBOSC 


impossible,  du  moins  dangereuse  au  lendemain  même  des 
événements  qu'elle  relatait;  mais  le  temps  a  fait  son  œuvre  : 
aucun  de  ceux  nommés  par  Mendoza  n'est  plus  vivant.  «  Quanto 
a  lo  segûdo  oi  q  son  ya  passados  cerca  de  sessenta  afios,  i  no  ai 
vivo  ninguno  de  los  que  aqui  se  nombran,  cessa  ya  el  peligro  de 

la  escritura »  (feuillet   10  recto,  lignes  26  et  27).  Près  de 

soixante  ans,  dit  Tribaldos,  se  sont  écoulés  depuis  la  guerre  :  le 
calcul  est  facile  à  faire.  La  guerre  de  Grenade  (abstraction  faite, 
bien  entendu,  des  événements  qui  la  déterminèrent)  tient  tout 
entière  entre  le  23  décembre  1568,  date  où  Don  Fernando  de 
Valor  (Aben  Humeya)  quitta  Grenade  pour  les  Alpuxarras,  et  le 
15  mars  1 57 1,  date  de  la  mort  d'Aben  Abo.  L'édition  de  Tri- 
baldos a  paru  en  1627  ;  son  avertissement  al  Lector  était  peut-être 
écrit  en  1626;  entre  la  révolte  des  Maures  et  la  publication  du 
texte  de  Mendoza,  il  y  a  donc  soixante  ans  ou  près  de  soixante 
ans. 

Si  une  édition  avait  paru  17  ans  auparavant  —  en  1610  —  et 
par  les  soins  de  ce  même  Tribaldos,  il  est  certain  qu'il  aurait 
pris  soin  de  le  rappeler  en  publiant  celle  de  1627  x  ;  mais  il  n'en 
parle  pas  et  fait  même  plus  :  il  dit  en  propres  termes  que  la 
Guerra  de  Granaàa  n'a  pas  été  publiée  avant  lui  :  «  Solamente 
dire,  que  causas   huvo  para  no  publicarse  antes   :   las  que  me 

movieron  a  hazerlo  agora »  (al  Lector,  verso  du  feuillet  9, 

lignes  9  et  10).  Comme  si  cela  n'était  pas  suffisant,  il  va  jusqu'à 
prévoir  la  possibilité  d'une  seconde  édition  :  «  Deseava  yo  ornar 
las  margencs  co  lugares  de  autores  classicos  bien  imitados  por  el 


1.  Cela  ressort  jusqu'à  l'évidence  de  ce  passage  de  al  Lector  :  «  Muerto  dô 
Diego,  viviendo  aun  personas  que  el  nombraua,  durava  el  impedimento  q  en 
vida;  demâs  de  q  los  eruditos  a  quiè  semejantes  cuidados  tocâ,  quierê  nias 
ganar  fama  con  escritos  proprios,  que  aprovechar  a  la  republica  con  dar  luz  a 
los  agenos.  »  (Feuillet  10  recto,  lignes  21  et  suiv.)  L'homme  qui  pensait  ainsi 
n'aurait  pas  manqué  de  rappeler  au  lecteur  que,  17  ans  plus  tôt,  il  avait  eu  le 
dévouement  de  publier  l'œuvre  d'autrui. 


ÉTUDE  SUR  LA  GUERRA   DE   GRANADA  il  y 

nuestro,  i  no  me  fuera  mui  difficil  juntarlos  :  mas  guardandolo 
para  la  postre,  me  sobrevino  esta  enfermedad  tan  larga  i  pesada, 
que  me  impossibilité  :  i  porque  se  me  daa  mucha  priessa  los 
guardo  para  segùda  edicion  (si  a  caso  la  huviere)  que  espero  sera 
mui  gratos  a  los  doctos.  »  {Al  Lector,  verso  du  feuillet  10,  1.  18 
et  suiv.)  On  ne  peut  dire  plus  clairement  que  l'édition  présente 
est  la  première1. 


La  deuxième  édition  de  la  Guerra  de  Granada,  ce  fut  Mateo  de 
la  Bastida  qui  la  publia  en  1674,  -l  Madrid.  Quoique  la  Bibliotheca 
Hispana  de  Nicolas  Antonio  ait  paru  depuis  deux  ans  (1672),  il 
ignore  sans  doute  la  note  du  célèbre  bibliographe  relative  à  une 
édition  parue  en  1610;  en  effet,  dans  sa  dédicace  à  Don  Pedro 
Coloma,  il  appelle  sa  réimpression  segundo  buelo  :  «  Y  porque, 
para  hallar,  en  este  segundo  buelo,  benigno  el  ayre  juizioso  de 

las  censuras,  debe  solicitar  patrocinios 2.  »  Ainsi  donc,  pour 

Mateo  de  la  Bastida,  la  question  est  bien  simple  :  il  est  le 
deuxième  éditeur  d'un  texte  que  Tribaldos  a  déjà  publié  une  fois. 

La  quatrième  édition  (Valence  1766)  présente  de  nombreuses 
erreurs  :  elle  est  précédée  d'une  dédicace  al  Excmo.  Senor  D"  Joachin 
Monserrat,  Ciurana,  Cruillas,  Crespl  de  Valdaura,  Alfonso,  Cala- 
tayud,  Sans  de   la   Llosa;   Marques  de  Cruillas,  etc signée 


1.  De  plus,  indices  qui  ne  sont  pas  à  dédaigner,  d'une  part,  les  licenças  en 
portugais,  datées  de  Lisbonne,  1,  3,  4,  12  septembre  et  22  décembre  1626, 
indiquent  clairement  qu'il  s'agit  d'une  première  édition  ;  d'autre  part,  la  dédi- 
cace à  don  Vincente  Noguera  est  datée  du  4  décembre  1626,  et  fait  allusion  à 
des  faits  qui  se  sont  passés  en  1620.  Il  faudrait  donc  admettre  que  cette  dédi- 
cace est  spéciale  à  l'édition  de  1627,  mais  la  chose  est  contre  toute  vraisem- 
blance :  Tribaldos  publie  l'édition  de  1627  aux  frais  de  Noguera  ;  comment  en 
aurait-il  publié  une  autre  dix-sept  ans  auparavant  ? 

2.  Le  fait  a  déjà  été  signalé  par  Mr.  William  I.  Knapp  à  la  page  xxm  du 
prologue  de  son  édition  des  Obras  poèticas  de  D.  Diego  Hurtado  de  Mendo^a. 
Madrid  iSjj. 

Revue  hispanique.  8 


Il8  R.    FOULCHÉ-DELBOSC 


par  l'éditeur  Salvador  Fauli  et  d'une  aprobacion  signée  par 
Gregorio  Maya ns.  —  Fauli  connaît  Nicolas  Antonio  qu'il  cite  en 
note,  et  considère  son  édition  comme  la  troisième  :  «  Tercera 
vez  renace  de  sus  propias  cenizas  para  eternizar  sus  lucimientos 

Don  Diego  Hurtado  de  Mendoza »  et  plus  loin  :  «  Fue  tan 

feliz  la  Obra,  que  en  brève  tiempo  logrô  en  dos  ediciones  infi- 
nitas  alabanzas.  »  Quelles  sont  les  deux  éditions  dont  parle 
Fauli  ?  Peut-être  les  deux  éditions  citées  par  Nicolas  Antonio  : 
celle  de  1610  qui  n'existe  pas,  et  celle  de  1627  qui  existe.  Il  est 
possible  que  Fauli  n'ait  pas  eu  connaissance  de  celle  de  1674  dont 
ne  parle  naturellement  pas  la  Bibliotbcca  Hispana  parue  en  1672. 
L'expression  en  brève  tiempo  s'applique  à  l'intervalle  16 10-1627, 
mais  s'appliquerait  moins  aisément  à  l'intervalle  1 627-1 674. 
Quant  à  la  troisième  édition,  qui  parut  à  Valence  vers  1730,  il 
semblerait  étrange  que  Fauli  ne  Fait  pas  connue. 

L' aprobacion  de  Mayans  est  datée  de  Valence,  13  juin  1730.  Il 
est  probable  que  cette  aprobacion  fut  placée  en  tête  de  l'édition 
publiée  à  Valence  vers  1730  par  Vicente  Cabrera  et  que  Fauli  la 
réimprima  simplement  en  tête  de  la  sienne.  On  lit  :  «  Treinta  i 
cinco  anos  despues  de  la  muerte  del  Autor,  esto  es,  en  el 
aiio  mil  seiscientos  i  diez,  quando  ya  no  vivian  los  pri- 
meras Gefes  de  la  Guerra  de  Granada,  i  quedavan  poquisimos 
de  los  que  intervinieron  en  ella,  publicô  esta  Historia  el  Licen- 
ciado  Luis  Tribaldos  de  Toledo,  Chronista  mayor  de  Don  Felipe 

quarto,  nombre  mui  docto  i  erudito »  Mayans  laisse  supposer 

qu'il  commet  un  sérieux  anachronisme  :  en  1610,  Tribaldos  ne 
pouvait  être  grand  chroniqueur  de  Philippe  IV,  par  la  raison  bien 
simple  que  le  roi  d'Espagne  était  alors  Philippe  III;  Philippe  IV 
ne  régna  qu'à  partir  de  1621,  et  c'est  au  plus  tôt  cette  année-là 
que  Tribaldos  put  devenir  son  Chronista  mayor.  Mayans,  du  reste, 
dans  cette  aprobacion,  ne  se  pique  pas  plus  de  précision  que 
d'exactitude  :  quoiqu'il  ne  le  dise  pas,  il  est  vraisemblable  qu'il 
parle  de  l'édition  de  16 10  d'après  Nicolas  Antonio;  d'autre  part, 
il  laisse  supposer  qu'entre  1627,  date  de  l'édition  de  Tribaldos  et 


ÉTUDE   SUR    LA    GUERRA    DE   GRANADA  II 9 

1730,  date  de  son  aprobacion,  il  y  eut  plusieurs  éditions,  alors 
qu'il  n'y  en  eut  qu'une  seule,  la  seconde,  celle  de  Madrid  1674. 
«  Recibiôse  esta  Historia,  asi  en  Espana,  como  fuera  de  ella,  con 
gran  aplauso.  Tanto,  que  en  brève  tiempo  se  huvieron  de  repar- 
tir algunas  impresiones  para  satisfacer  al  deseo  de  los  letores  de 
buen  gusto.  » 

Cette  4e  édition  (Valence  1766)  n'est  vraisemblablement 
qu'une  reproduction  à  peu  près  fidèle  de  la  troisième  (Valence, 
vers  1730),  dont  je  n'ai  pu  trouver  d'exemplaire. 

Dans  la  5e  édition  (Valence  1776),  l'imprimeur  Benito  Monfort 

dit   :    «   se  conserva  manuscrita  hasta   que  la   publicô   Luis 

Tribaldos  de  Toledo    en  Madrid  ano  de   16 10,  en  quarto 

Reimprimiôse  despues  la  Obra  de  Don  Diego  en  Lisboa  en  1627. 
En  Valencia  se  han  hecho  dos  impresiones.  »  Comme  on  le 
voit,  Monfort  ne  signale  pas,  lui  non  plus,  l'édition  de  Madrid 
1674. 

Ce  n'est  qu'en  1830  que  Salvd,  en  publiant  la  sixième  édition, 
s'avise  de  relever  une  erreur  qui  dure  depuis  plus  d'un  siècle  et 
demi.  Voici  ce  qu'il  dit  avec  beaucoup  de  raison  dans  une  note 
de  son  Advertencia  del  Editor  : 

Ignoro  con  que  fundamento  pudo  decir  Nicolas  Antonio  que  la  primera 
edicion  hecha  por  Tribaldos  saliô  en  Madrid  el  ano  de  1610.  En  la  de  Lisboa 
impresa  por  Giraldo  de  la  Vina  en  1627,  que  tengo  d  la  vista,  se  halla  la  dedi- 
catoria  del  licenciado  Tribaldos  a  don  Vicente  Noguera,  fecha  en  4  de  diciembre 
de  1626,  en  la  cual  asegura  publicar  la  obra  estimulado  por  este  caballero.  Y  en 
el  prôlogo  espresa,  que  son  ya  pasados  cerca  de  60  anos  desde  el  1570  en 
que  se  terminé  laguerra;  lo  cual  no  séria  exacto,  si  se  refiriese  al  1610,  y 
no  al  1627,  en  que  indudablemente  debe  fijarse  la  primera  edicion. 

Malgré  cette  note  de  Salvd,  l'erreur  de  Nicolas  Antonio  a  été 
encore  reproduite  par  quelques  éditeurs  plus  récents  de  la  Guerra 
de  Granada  et  par  la  plupart  de  ceux  qui  ont  eu  à  s'occuper  de 
Mendoza,  Ticknor  entre  autres. 

Voilà  sans  doute  une  bien  longue  discussion  sur  une  édition 
supposée  ;  mais  l'autorité  qui  s'attache  au  nom  de  Nicolas 
Antonio  en  est  la  seule  cause  :  en  commettant  une  erreur  que 


120  R.    FOULCHE-DELBOSC 


l'on  repète  depuis  plus  de  deux  siècles,  le  célèbre  bibliographe 
nous  a  obligé  à  énumérer  toutes  les  preuves  qui  s'opposent  à  son 
allégation  ' . 


IV.  —  l'édition  princeps  (1627) 


En  1627,  le  licencié  Luis  Tribaldos  de  Toledo2,  bibliothécaire 
du  duc  d'Olivares  et  grand  chroniqueur  du  roi  pour  les  Indes, 
publia  à  Lisbonne  la  première  édition  de  la  Guerra  de  Granada 


1.  Signalons  une  dernière  erreur  :  celle-ci  se  trouve  dans  la  Noticia  de  los 
poetas  castellanos,  placée  en  tête  du  tome  IV  du  Pamasso  espanol  paru  à  Madrid, 
chez  Antonio  de  Sancha  en  1776  (la  même  année  que  paraissait  à  Valence 
l'édition  de  Monfort)  ;  il  y  est  dit  (p.  xix)  que  la  Guerra  de  Granada  a  été 
«  impresa  y  publicada  en  Madrid  ano  de  1610  y  en  Lisboa  ano  de  161 7  por  la 
diligencia  y  trabajo  del  Cronista  Luis  Tribaldos  de  Toledo.  »  Cette  édition  de 
Lisbonne  1617  n'existe  pas  plus  que  celle  de  Madrid  1610  :  Sedano  aura  vrai- 
semblablement voulu  parler  de  celle  de  Lisbonne  1627. 

2.  Luis  Tribaldos  de  Toledo  serait  né,  suivant  Nicolas  Antonio,  au  village 
de  Tebar,  dans  la  province  de  Cuenca  :  «  Ludovicus  Tribaldos  de  Toledo 
Tevarensis  (oppidum  est  Tevar  Conchensis  territorii  sacri)  non  autem  in  Sancti 
Clementis  oppido  natus,  quod  relatum  fuit  Auberto  Mirajo »  C'est  préci- 
sément le  contraire  qui  est  vrai  :  Tribaldos  est  né  à  San  Clémente  de  la  Man- 
cha,  ainsi  qu'il  le  dit  lui-même  dans  le  prologue  de  son  Historia  gênerai  de  la; 
continuadas  Guerras  y  dificil  Conquista  del  Grau  reino  y  provincias  de  Chile,  ouvrage 
qu'il  composa  en  1630  et  dont  Gallardo  nous  donne  la  description  (Ensayo  de 
una  biblioteca  espanola,  tome  III,  n°  4092).  Cette  ceuvre  est  «  escripta  por  Luis 
Tribaldos  de  Toledo,  cronista  mayor  de  Indias,  natural  de  la  villa  de  San 
Clémente  de  la  Mancha,  y  vecino  de  la  insigne  Corte  de  Madrid.  »  Dans  le 
prologue  il  parle  d'un  nommé  Lope  Aguado  «  a  quien,  dit-il,   conoci  en  mis 

menores  aiïos  en  la  villa  de  San  Clémente,  donde  yo  nascf »  Il  ne  saurait 

donc  y  avoir  aucun  doute  à  cet  égard. 

Quant  à  l'année  de  sa  naissance,  je  n'ai  d'autres  données  que  les  suivantes, 
qui,  si  elles  ne  nous  indiquent  pas  une  date  précise,  nous  montrent  cependant 


ETUDE   SUR   LA    GUERRA    DE   GRANADA  121 

(pet.  in-40,   12  ff.  prels  non  chiffrés  et  127  ff.  chiffrés.  Voir  le 
fac-similé  ci-contre)  '. 

Les  feuillets  préliminaires  contiennent  : 

f.  I.  Titre2. 

f.  II.  Licenças,  et  au  verso  les  armes  de  Noguera  au  dessous 

desquelles  sont  huit  vers  latins, 
f.  III.  A  Don  Viccnte  Nogvera,  Referendario  de  ambas  Signa- 

turas 

f.  IX  verso.  Luis  Tribaldos  de  Toledo,  al  Lector. 

f.  XI.  Brève  nia  noria  de  la  vida  i  mverte  de  Don  Diego  de  Mendoça 

escrita  por  don  Balta^ar  de  Çuhiga 

f.   XII.   Introdvccion  de  don  Ivan  de  Silva  Coude  de  Portalegre 

Governador  i  Cap  i  tan  gênerai  del  Reino  de  Portugal 

Dans  son  introduction,  Portalegre  dit  : 


qu'au  moment  où  il  publia  la  Guerra  de  Granada,  Tribaldos  était  d'un  âge 
avance.  Dans  une  plaquette,  aujourd'hui  fort  rare,  où  sont  décrites  les  fêtes  qui 
eurent  lieu  a  Madrid  en  1622  pour  la  canonisation  de  saint  Isidore,  saint  Ignace 
de  Loyola,  saint  François  Xavier,  sainte  Thérèse  et  saint  Philippe  Néri  (Relacion 
de  las  fiestas  que  se  han  hecho  en  esta  cor  te,  à  la  canonisation  de  cinco  Santos  :  copiada 
de  itiiti  earta  que  escribio  Manuel  Pouce  eu  28  de  Junio  622),  on  lit  que  le  crouista 
tnayor  était  au  nombre  des  concurrents  d'un  tournoi  littéraire  :  «  El  doctisimo 
maestro  Luys  Trivaldos  de  Toledo,  cuya  erudicion  y  doctrina,  adquirida  en 
cinquenta  atîos  de  perpetuos  estudios  en  todas  letras,  le  han  merecido  opinion 
del  mas  digno  sugeto  de  nuestros  tiempos,  y  epilogo  verdadero  de  la  gloria  de 
los  antiguos.  Quien  no  venera  su  nombre,  niega  las  honras  debidas  i  la 
virtud.  »  (In  fine.)  En  prenant  au  pied  de  la  lettre  les  cinquante  années  d'étude, 
il  faudrait  voir  dans  Tribaldos  un  homme  qui  aurait  été  septuagénaire  en  1627, 
date  de  l'édition  princeps  de  Mendoza.  Rien  d'étonnant  à  ce  qu'à  cet  âge  il  ait 
eu  à  subir  les  atteintes  d'une  maladie  larga  i  pesada  dont  il  parle  dans  son  avis 
au  Lecteur.  Je  crois  donc  que  l'on  peut  accepter  pour  la  naissance  de  Tribaldos 
la  date  de  1558  donnée  par  Nicolas  Antonio.  11  mourut  en  1634. 

1.  Sur  Vicente  Noguera,  aux  frais  de  qui  l'édition  était  faite,  voir  Zeitschrift 
fi'tr  romanische  Philologie,  tome  III,  Halle,  1879;  article  de  M.  A.  Morel-Fatio. 
—  La  dédicace  de  Tribaldos  est  datée  du  4  décembre  1626. 

2.  Certains  exemplaires  ont,  après  le  titre  :  Licencia  para  meterle  eu  Castilla, 
datée  d'août  1628,  et  Tassa  cou  licencia  para  venderle,  datée  de  septembre  1628. 


GVERRA 

DE  GRANADA 

HECHAPOR    ELREÏ    DE    ES. 

pana  don  Philippe  I  I.  nueftro  fenor  contra 

los  Morifcos  de  aqnel  reino,(bs  rebeldes. 

Hiïloria  efcrtta  en  quatro  libros. 

Por  don  Diego  de  Mendoça,del  confejo  del  Empera» 
dor  don  Carlos  V.  fu  Embaxador  en  Roma, 
i  Venecia;  fu  Governador  i  Capitan  Ge- 
neral en  Tofcana. 

Publicadapor  cllicenù&do  LuisTribaldos del '  oledûi 
Chr  unifia  mayor  del  Rey  nueUro  feaor  por  Us 
Indiasjefidente  en  Ucorte  de  Madrid, 
i  por  ci  dedicada, 

Adcn  VicenteNoguers,Rcferencariodearrbas  ${-> 

gnaturas  de  fu  Sanctidad,  del  Confejo  de  iasdos 

Mageftadcs  CefarearCutholica,  g^ntilhom- 

bredela  Camiradel  Archiduque  de 

Auifria  Leopoldo. 

Contodds  Us  licencias  neccjjàrias 


EN         L     I     S     B     O     A. 

Por  Git  al  io  de  la  Vma.    Con  privilégia»  An  o  i  :ir. 

Fac-similé  du  titre  de  l'éditionjie   1627. 


ÉTUDE  SUR  LA  GUERRA    DE    GRAXADA  123 

«  Tuvo  todavia  una  gran  desgracia  esta  historia,  que  por  ser  escrita  en  estvlo 
tan  diverse»  del  ordinario  se  corrompieron  miserablemente  las  copias,  que  délia 

se  sacaron,  y  fueron    muchas Resultarô  assi  mismo   tàtos  yerros  en  la 

ortographia,  i  en  la  punctuacion,  que  passô  el  dafïo  adelante  a  trocar  quitar,  i 
anadir  palabras,  sacando  de  su  sitio  las  conjunciones,  i  ligaduras  de  la  oracion. 

Costô  trabajo  emendar  de  dos  o  très  copias  esta Finalmente,  entre  esta 

copia  i  qualquiera  de  los  originales  de  donde  se  sacô,  ai  menos  différencia,  de 
la  que  ellas  entre  si  tenian.  » 

Dans  son  prologue,  Tribaldos  prend  soin  de  nous  dire  com- 
ment il  publia  son  édition  : 

En  esta  ediciô  lo  que  principalmente  procuré,  fuê  pûtualidad  ;  sin  dar  lugar 
a  ninguna  conjetura,  ni  emendar  alguno  por  juizio  proprio  :  cotejè  varios 
manuscriptos,  hallandolos  entre  si  mui  diferentes  ;  hasta  que  me  abracè  con  el 
ultimo  i  sin  dubda  alguna  el  mâs  original,  que  es  uno  del  Duque  de  Aueiro  en 
forma  de  4.  trasladado  de  mano  del  Comendador  Iuan  Baptista  Labana,  i 
corregido  de  la  del  Conde  de  Portalegre  :  con  el  quai  conoci  qui  en  balde 
havia  cansadome  con  otros.  Este  texto  es  el  que  sigo  sin  alterarle  en  nada,  i  es 
el  genuino  i  proprio  de  quiè  en  su  introduciô  habla  aquel  gran  Conde. 

Nous  devons  donc  essayer  de  reconstituer  ce  que  l'on  pourrait 
appeler  l'état  civil  du  manuscrit  que  Portalegre  avait  corrigé  et 
qu'il  avait  fait  précéder  d'une  introduction. 

Tout  d'abord,  il  convient  de  remarquer  que  Tribaldos  se  con- 
tredit lui-même  :  dans  son  prologue,  il  prétend  n'avoir  eu  entre 
les  mains  qu'un  seul  manuscrit  ayant  l'introduction  et  l'addition 
de  Portalegre.  Or,  au  feuillet  ioo,  à  la  fin  du  livre  III,  il  fait 
précéder  le  Dîscurso  del  conde  de  Portalegre  d'une  notice  de  treize 
lignes  dans  laquelle  il  nous  dit  :  «  En  pocos  exemplares  se  halla 

esta  addicion, »  d'après  sa  propre  déclaration,  on  voit  que 

cette  addition  se  trouvait  dans  quelques-uns  des  manuscrits  qu'il 
avait  tout  d'abord  abandonnés. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  manuscrit  du  duc  d'Aveiro  devait  se 
composer  en  premier  lieu  de  l'introduction  de  Portalegre  com- 
mençant par  ces  mots  :  Mostrô  don  Diego  de  Mendoça ;  puis  du 

texte  de  la  Giterra  de  Granada  tel  qu'il  nous  est  connu  par  l'édi- 
tion de  1627  ;  ce  texte  devait,  sur  le  manuscrit  même,  com- 
prendre une  division  en  livres  et  en  paragraphes  identique  à  celle 


124  R.    FOULCHE-DELBOSC 


qu'adopta  Tribaldos.  Autrement  dit,  la  division  en  livres  et  en 
paragraphes,  telle  que  nous  la  connaissons  aujourd'hui,  est  peut- 
être  due,  soit  à  Labana,  soit  à  Portalegre,  mais  n'est  sûrement 
pas  due  à  Tribaldos.  On  verra  plus  bas  sur  quoi  je  me  base  pour 
affirmer  le  fait. 

Le  manuscrit  du  duc  d'Aveiro  contenait  enfin,  entre  le  livre  III 
et  le  livre  IV,  le  Discurso  del  coude  de  Portalegre  commençant  par 
ces  mots  :  Hemos  llegado  a  unpeligroso  passo et  destiné  à  sup- 
pléer aux  lacunes  du  texte  de  Mendoza. 

Ce  manuscrit  ainsi  reconstitué,  avant  de  parvenir  à  Tribaldos, 
ou  peut-être  même  avant  d'appartenir  au  duc  d'Aveiro,  avait 
servi  de  modèle  à  quelques-unes  des  nombreuses  copies  que,  en 
l'absence  d'un  texte  imprimé,  recherchaient  les  lettrés  d'alors. 
L'existence  des  manuscrits  A  et  E  nous  en  fournit  la  preuve;  ces 
manuscrits  ont  l'introduction,  l'addition  de  Portalegre,  et  enfin 
la  même  division  en  livres  et  en  paragraphes.  Il  convient  toutefois 
d'ajouter  qu'ils  ne  possèdent  pas  les  paragraphes  16  à  19  du 
livre  IV  ;  mais  ce  fait,  commun  du  reste  à  tous  les  manuscrits  de 
la  Guerra  de  Granada,  n'infirme  en  rien  notre  thèse,  ainsi  que 
nous  le  démontrons  plus  loin.  Le  manuscrit  A  porte  en  tête  la 
mention  Setuval  ano  161S  ij  Julij  et  à  la  fin  la  mention  finis 
Anno  1619.  2S  Januarij.  Le  manuscrit  E  porte  en  tête  la  mention 
Setubalano  de  161 S  13  dejunio  et  à  la  fin,  la  mentionfinis  anno  161  y. 
L'existence  de  cette  double  date  nous  permet  de  constater  qu'en 
16 18  le  texte  de  Mendoza  était  déjà  tel  qu'il  devait  être  publié 
neuf  ans  plus  tard  par  Tribaldos,  prêt,  pour  ainsi  dire,  à  être 
imprimé,  grâce  aux  notes  de  Portalegre. 

A  quelle  époque  Portalegre  composa-t-il  son  introduction  et 
son  addition  ?  Il  nous  est  assez  difficile  de  le  dire,  mais  on  peut 
supposer  que  l'une  comme  l'autre  ont  été  écrites  en  1593.  C'est, 
en  effet,  au  mois  d'avril  de  cette  année-là  que  Portalegre  adresse 
à  Don  Hernando  de  Guzman  une  lettre  «  sobre  algunos  libros  y 
curiosidades  que  le  havia  enbiado  »,  lettre  où  l'on  peut  lire  ce 
qui  suit  : 


ETUDE  SUR  LA  GUERRA    DE    GRANADA  125 

«  No  juzgo  tan  profundamente  los  defectos  de  la  Istoria  de  Dn  Diego  de 

Mendoza,  si  bien  los  conozco  y  los  comfesara,  si  los  tubiera  por  historia,  mas 
pareçeme  vna  relazion  escripta  en  papeles  viejos  para  formar  historia  de  ellos, 
que  el  nunca  hiçiera,  y  asi  le  cauen  bien  los  loores  que  Vm.  le  da  porque  lo 
malo  es  lo  que  muchos  no  pudieron  enmendar  y  lo  bueno  tienen  lo  tan  pocos 
que  ne  conozco  yo  ninguno.  La  quiebra  que  ay  en  el  suceso  de  Galera  y 
muerte  de  Luis  Quixada  deven  faltar  adrede  por  no  lo  querer  publicar  el  que 
tiene  el  primer  orijinal,  si  ya  no  se  le  antoxo  a  Dn  Diego  ymitar  la  desgraçia 
de  Tito  Liuio,  de  cuyas  obras  falta  tanto  o  la  que  Iovio  finxe  con  los  papeles  que 
le  Robaron.  Sera  menester  pedir  prestado  esto  al  jurado  de  Cordova  o  a  un 
soldado  que  sera  mejor,  no  para  continuarlo  con  el  texto,  sino  para  referirlo 
secamente  a  parte.  » 

Ce  passage  nous  montre  Portalegre  occupé  à  reconstituer  le 
récit  des  événements  de  Galera  et  de  la  mort  de  Luis  Quixada  ; 
on  pourrait  même  voir,  dans  les  dernières  lignes,  comme  l'an- 
nonce à  peine  dissimulée  d'une  publication  prochaine. 

Nous  ne  pouvons  actuellement  remonter  plus  haut  dans  l'his- 
toire de  ce  manuscrit. 


En  cherchant  à  se  rendre  compte  de  la  manière  dont  a  été  faite 
l'édition  de  1627,  on  s'aperçoit  que  le  licencié  Luis  Tribaldos  de 
Toledo,  grand  chroniqueur  du  roi  pour  les  Indes,  a  publié  son 
texte  de  Mendoza  sans  grands  soins  et  sans  même  se  donner  la 
peine  de  lire  attentivement  ce  qui  avait  été  publié  jusqu'alors  sur 
la  révolte  des  Maures.  En  1627,  les  ouvrages  relatifs  à  la  guerre 
de  Grenade  étaient  peu  nombreux  ;  deux  surtout  auraient  dû  être 
consultés  par  un  éditeur  de  Mendoza  :  celui  de  Marmol,  paru  en 
1600,  et  celui  de  Bleda  paru  en  16 18. 

Si  invraisemblable  que  puisse  paraître  le  fait,  Tribaldos  ignorait 
Bleda.  Il  n'avait  jamais  lu  l'énorme  compilation  éditée  à  Valence 
huit  ans  seulement  avant  le  moment  où  il  écrivait  sa  dédicace. 
Sans  quoi,  comment  aurait-il  pu  s'empêcher  de  retrouver  tout  le 
texte  que  lui-même  allait  publier  et  dont  Bleda  prenait  grand 
soin  de  rejeter  le  mérite  sur  Mendoza  ?  Quant  à  Marmol,  Tribal- 


126  R.    FOULCHÈ-DELBOSC 


dos  le  connaissait,  puisqu'il  le  cite  quatre  fois  '  en  marge  du  texte 
de  la  Guerra  de  Granada,  comme  pour  en  corroborer  la  véracité; 
mais  c'est  à  peine  s'il  l'a  feuilleté  :  s'il  l'avait  lu  avec  un  tant  soit 
peu  d'attention,  il  se  serait  aperçu  que  Marmol,  sans  la  moindre 
délicatesse,  avait  donné,  comme  de  son  cru,  un  long  fragment  de 
Mendoza. 

Tout  en  sachant  gré  à  Tribaldos  d'avoir  le  premier  publié  une 
édition  détachée  de  la  Guerra  de  Granada  sous  le  nom  de  son 
auteur,  on  ne  peut  s'empêcher  de  reconnaître  en  lui  un  pauvre 
érudit,  totalement  dépourvu  de  connaissances  bibliographiques 
et  d'esprit  critique.  La  malchance  vint  s'y  ajouter  :  en  1628,  un 
an  après  la  publication  du  texte  de  Mendoza,  Tribaldos  put 
prendre  connaissance  d'un  manuscrit  qui  appartenait  au  duc  de 
Bejar.  Ce  manuscrit  n'avait  pas  les  lacunes  du  manuscrit  du  duc 
d'Aveiro,  lacunes  qui  avaient  nécessité  l'addition  de  Portalegre. 
C'est  évidemment  de  ce  manuscrit-là  que  Tribaldos  se  serait 
servi  s'il  l'avait  connu  un  peu  plus  tôt.  Comme  il  ne  fallait  pas 
penser  à  une  deuxième  édition  si  peu  de  temps  après  la  première, 
Tribaldos  se  borna  à  recopier  les  passages  retrouvés  et  à  les 
intercaler  dans  un  exemplaire  imprimé.  Cet  exemplaire  ainsi 
complété  demeura  à  la  bibliothèque  privée  de  Philippe  IV  et 
passa  de  là  à  la  Bibliothèque  royale  où  Juan  de  Iriarte  le  retrouva 
en  1769.  Je  l'ai  vainement  cherché  à  Madrid. 

V.    —    LES    ÉDITIONS    POSTÉRIEURES 


Deuxième  édition  : 

Guerra  de  Granada,  Hecha  por  el  Rey  de  Espaiïa  Don  Felipe  II.  nuestro 
senor,  contra  los  Moriscos  de  aquel  Reyno,  sus  rebeldes.  Ilistoria  escrita  en 
quatro  Libros.  Por  Don  Diego  Hurtado  de  Mendoza,  de!  Consejo  de!  Empera- 


1.   On  trouve  le  nom  de  Marmol  dans  les  marges  des  feuillets  11  verso, 
verso,  85  verso  et  126  recto. 


ÉTUDE    SUR    LA    GUERRA    DE    GRANADA  I2J 

dor  Don  Carlos  V.  su  Embaxador  en  Roma,  y  Venecia  ;  su  Gouernador,  y 
Capitan  General  en  Toscana.  Publicada  por  el  Licenciado  Lvis  Tribaldos  de 
Toledo,  Chronista  mayor  del  Rey  nuestro  seiior  por  las  Indîas,  résidente  en  la 

Corte    de   Madrid.    Dirigida   a    Don   Pedro  Coloma, En  Madrid,  En  la 

Imprenta  Real.  Ano  de   1674.  A  costa  de  Mateo  de  la  Bastida —  In-40, 

6  ff.  préls.  et  147  ff. 

Les  feuillets  préliminaires  contiennent  : 

f.  1  :  Titre. 

f.  2  et  f.  3  recto  :  A  Don  Pedro  Coloma...  (Dédicace  de  Mateo 
de  la  Bastida.) 

f.  3  verso  :  Licenças  de  l'édition  de  1627. 

ff.  4,  5  et  f.  6  recto  :  Lvis  Tribaldos  de  Toledo,  al  Lcctor. 

f.  6  verso  :  Licencia  del  Consejo  et  Suma  de  la  Tassa  de  la  pré- 
sente édition. 

Les  feuillets  chiffrés  contiennent  : 

Brève  memoria  de  la  vida,  y  muer  te  de  Don  Diego  de  Mendo^a, 

escrita  por  Don  Balta^ar  de  Zuhiga...  (f.  1). 
Introdvccion  de  Don  Ivan  de  Silva,  Coude  de  Portalegre...  (f.  2). 
De  la  Guerra  de  Granada,  de  Don  Diego  de  Mcndo^a  (ff.  3-147). 


Troisième  édition.  C'est  la  seule  édition  de  la  Guerra  de 
Granada  dont  je  n'ai  pu  trouver  d'exemplaire.  Elle  fut  fa i te  à 
Valence  (in-8)  vers  1730  (date  non  indiquée  sur  le  titre)  par 
Vicente  Cabrera. 

*  * 
Quatrième  édition  : 

Guerra  de  Granada  hecha  por  el  Rey  de  Espana  Don  Felipe  II.  nuestro 
senor,  contra  los  Moriscos  de  aquel  Reyno,  sus  rebeldes.  Historia  escrita  en 
quatro  libros.  Por  Don  Diego  de  Mendoza,  del  Consejo  del  Emperador  D. 
Carlos  V.  su  Embaxador  en  Roma,  y  Venecia;  su  Governador,  y  Capitan 
General  en  Toscana.  Con  las  licencias  necessarias.  En  Valencia  :  por  Salvador 
Faul;,  Mercader  de  Libros,  junto  al  Colegio  del  Vénérable  Senor  Patriarca, 
donde  se  hallarà  :  Ano  1766.  16  ff.  préls.  non  ch.,  1  f.  blanc  et  296  pp. 


128  R.    FOULCHH-DELBOSC 


Contient  : 

Titre. 

Al  Exe"10  Sehor  D"  Joachin  Monserrat,  Ciurana,  Cruillas,  Crcspi 

de  Faldaura,  Alfonso,  Calatayud,  Sans  de  la  Llosa  :  marques  de 

Cruillas 8  ff.  de  dédicace  par  Salvador  Fauli. 

Aprobacion  de  D.  Gregorio  May  ans,  i   Ciscàr (2  tî.)  datée 

de  Valence,  13  juin  1730. 
Luis  Tribaldos  de  Tolcdo,  al  Lector  (3  ff.) 
Brève  Menwria  de  la  vida,   y  muerte  de  D.  Diego  de  Mendoiu 

escrita  por  D.  Baltasar  de  Zuniga  (1  f.) 

Introduction  de  D.  Juan  de  Silva,  Coude  de  Portalegre (1  f.) 

De  la  Guerra  de  Granada  (pp.  1-296). 


En  1769,  Juan  de  Iriarte  publiait  à  Madrid  le  tome  I  de  : 
Regia  Bibliothecœ  Matritensis  codices  greeci  M.SS.  Il  annonçait  avoir 
trouvé  les  passages  qui  manquaient  dans  les  éditions  de  Mendoza, 
dans  un  exemplaire  de  l'édition  de  1627  qui  avait  appartenu  à  la 
bibliothèque  privée  de  Philippe  IV,  et  qui  devrait  se  trouver 
maintenant  à  la  Bibliothèque  Nationale  de  Madrid.  Ces  passages, 
Tribaldos  les  avait  copiés  lui-même  et  insérés  dans  cet  exem- 
plaire en  1628  (un  an  après  la  publication  de  son  édition),  en 
les  transcrivant  d'un  manuscrit  qui  appartenait  au  duc  de  Bejar. 

On  lit,  en  effet,  dans  le  volume  d'Iriarte  (p.  573,  col.  2)  : 

Fragmentum  ex  Didaci  de  Mendoza   Historiâ  de  Bello  Granatensi, 

quam  idem  Tribaldus  typis  edendam  primus  curavit,  ipsius  manu  descriptum, 
insertumque  foliis  99  et  100.  Exemplairs  excusi  è  Régis  Philippi  IV  olim 
Bibliothecâ,  quod  inter  Regii  Matritensis  Musei  Codices  M.SS.  ob  insignis 
Fragmenti  nonduni  editi  accessionem  honorificè  repositum.  In  hujus  autem 
fine  legitur  idiographa  Tribaldi  Subscriptio  : 

Sacola  L.  T.  de  T.  Coronista  de  su  Magestad  ano  de  1628. 

On  lit  plus  loin  (page  576,  col.  2)  : 

Alterum  Belli  Granatensis  à  Didacode  Mendoza  elucubrati  Fragmentum 

supra  memoratum,  quod  eo  consilio  libentus  hîc  integrum  à  nobis  describitur 


ETUDE  SUR  LA  GUERRA   DE    GRANADA  129 

ut  cùm  in  nullâ  omnino  ejus  historiœ  editione  reperiatur,  in  usus  suos  Litte- 
ratus  quisque  transcribat.  Quod  ita  se  habet  : 

Suivent  les  passages  retrouvés  qui  occupent  les  pages  576  à 
579.  Ce  sont  les  suivants  : 

Livre  III,  f.  100,  fin  :  en  que  havia  muchas  provincias  [Y  de 

alli  a  Guescar  —  y  porterie  cerco]  f.  103.  Livre  IV.  Lvego  que  don 
Iuan 

Livre  IV,  f.  104,  1.  9  :  i  de  Cahar.  [Mientras  el  duque  — 

con  mucho  regoyjo]  Hallavase  Abenabb 

Livre  IV,  f.  105  verso,  IL   10  et  n  :  i  de  alli  sin  estorvo  a 

Valor  [donde  se  alojaron.  Saliô  don  Juan  de  Ba%a  —  en  muchas  oca- 
siones.]  Abenabb  visto  que  el  Duque 

*  * 

Cinquième  édition  : 

Guerra  de  Granada,  que  hizo  el  Rei  D.  Felipe  II.  contra  los  moriseos  de 
aquel  Reino,  sus  rebeldes.  Escriviôla  D.  Diego  Hurtado  de  Mendoza,  del 
Consejo  del  Hmperador  Carlos  V.  su  Embajador  en  Roma  i  Venecia  ;  su 
Governador  i  Capitan  General  en  Toscana.  Nueva  impresion  compléta  de  lo 
que  faltava  en  las  anteriores,  i  escriviô  el  Autor  ;  i  anadida  con  su  vida,  i  lo 
que  se  avia  suplido  por  el  Conde  de  Portalegre.  Con  licencia  del  Real  Consejo. 
En  Valencia  :  en  la  Oficina  de  Benito  Monfort,  ano  1776,  pet.  in-40,  lvi- 
335  pp.  Portrait  de  Mendoza,  gravé  par  Brandi. 

Contient  : 

El  impresor  (III-IV). 

Vida  de  don  Diego  Hurtado  de  Mendoza  ( V-L VI,) . 

De  la  Guerra  de  Granada  (1-329). 

Addicion  del  Conde  de  Portalegre  (330-335). 

A  en  croire  Salva,  ce  serait  à  Mayans  que  reviendrait  l'hon- 
neur d'avoir  publié  cette  édition.  11  serait  l'auteur  de  la  vie  de 
Mendoza  qu'elle  contient,  la  plus  complète  des  biographies 
parues  jusqu'à  ce  jour.  D'après  Ticknor  au  contraire,  l'auteur 
de  cette  vie  de  Mendoza  serait  don  Inigo  (il  faut  rectifier  et  lire 
Ignacio)  Lopez  de  Ayala,  professeur  de  poésie  à  Madrid.  Ni  le 
nom  de  Mayans,  ni  celui  d' Ayala  ne  figurent  à  un  endroit  quel- 


I3O  R.    FOULCHE-DELBOSC 


conque  de  l'édition  de  1776.  —  Ainsi  que  l'indique  le  titre,  cette 
édition  contient  les  passages  qui  manquaient  dans  les  éditions 
antérieures1  et  que  Iriarte  avait  publiés  sept  ans  auparavant. 
Pourtant,  ces  passages  ne  furent  pas  copiés  exactement  sur  Iriarte  : 
Salva  les  rétablit  en  1830. 

Le  prologue  de  Tribaldos  ne  figure  pas  dans  cette  édition. 

Les  lignes  suivantes  (El  Impresor,  pp.  ni  et  iv)  sont  intéres- 
santes à  citer  : 

«  Todo  el  tiempo  que  pasô  desde  que  fue  escrita  hasta  su  impresion,  fue 
buscada,  copiada,  i  tenida  en  mucho  aprecio  por  los  eruditos,  como  se  vè  en 
el  uso  que  de  ella  hicieron  ;  pues  Luis  del  Marmol  copiô  a  la  letra  algunos 
periodos  en  su  segundo  Libro  de  la  rebelion,  capitulo  tercero.  Lo  mismo  con- 
fiesa  de  si  el  Padre  Presentado  Fr.  Jaime  Bleda  en  su  chronologia  de  los  Moros 
de  Espaiia  libro  sexto,  capitulo  primero.  ». 

Ces  lignes  démontrent,  en  effet,  que  Monfort,  tout  en  citant 
(quelques  lignes  avant),  d'après  Nicolas  Antonio,  l'édition  invi- 
sible de  16 10,  et  en  commettant  une  autre  erreur  au  sujet  de 
Marmol,  n'ignorait  pas  que  Bleda  s'était  servi  de  Mendoza. 


Sixième  édition  : 

Ciuerra  de  Granada  bêcha  por  el  Rey  D.  Felipe  II.  contra  los  moriscos  de 
aquel  reino,  sus  rebeldes.  Historia  escrita  por  D.  Diego  Hurtado  de  Mendoza. 
Nueva  edicion  corregida.  Valencia.  Libreria  de  Malien  y  Berard.  1830,  in-8, 
xvi-408  pp. 

Au  verso  du  titre  :  Impresû  en  Valencia,  por  Don  Benito  Monfort, 
1830. 


1.  On  sait  que  dans  l'édition  de  1627,  Tribaldos  avait  remplacé  ce  qui  man- 
quait par  l'addition  de  Portalegre.  A  la  page  3  30  de  l'édition  de  1776,  L'éditeur 
dit  :  «  En  la  edicion  que  ha  servido  de  original  de  esta,  se  halla  suplido  por 
D.  Juan  de  Silva,  Conde  de  Portalegre.  »  et  il  réimprime  le  passage  de  Porta- 
legre (pp.  330-335)- 


ETUDE   SUR   LA    GUERRA   DE   GRANADA  1 3  I 

Contient  : 

Portrait  de  Mendoza. 

Advcrtencia  del  editor  (pp.  iii-x). 

Luis  Tribaldos  de  Toledo  al  lector  (pp.  xi-xyi). 

Vida  de  Don  Diego  Hurtado  de  Mendoza  (pp.  1-54). 

De  la  Guerra  de  Granada  (pp.  55-398.) 

Diseur so  del  c onde  de  Portalegre  (pp.  399-407). 

Variantes  entre  la  edicion  de  Monfort  de  1776  y  la  de  Tribaldos 
de  162J  (20  mots  ou  locutions  modifiés).  Erratas  de  la  présente 
edicion  (p.  408,  n.  ch.) 

Cette  édition  fut  faite  par  les  soins  et  aux  frais  de  Vicente 
Salva  qui,  dans  une  Advcrtencia  del  Editor,  après  un  court  histo- 
rique des  éditions  antérieures,  dit  : 

«  Preferi la  ûltima  edicion  de  1776  como  el  testo  mas  seguro  y  com- 
plète), si  bien  noté  que  no  se  habia  guardado  la  exactitud  debida  al  copiar  los 
pasages  publicados  por  Iriarte  ;  pues  he  tenido  que  verificar  diez  correcciones, 
algunas  harto  importantes,  para  restituirlos  a  su  verdadera  y  genuina  lectura.  » 

Il  dut  remplacer  en  plus  d'un  endroit  des  mots,  modernisés 
parles  éditeurs  récents,  par  des  mots  vraiment  anciens;  il  dut 
aussi  modifier  la  ponctuation  défectueuse  des  éditions  antérieures 
qui  rendaient  le  texte  souvent  inintelligible. 

* 

Septième  édition  : 

Guerra  de  Granada  contra  los  Moriscos,  por  D.  Diego  Hurtado  de  Mendoza. 
Paris,  Baudry,  1840,  in-8,  xxm-124  pp.  (Tesoro  de  historiadores  espanoles.) 

C'est  une  réimpression  de  l'édition  de  Salvâ(i83o).  Le  volume 

comprend  aussi  les  œuvres  historiques  de  Melo  et  de  Moncada. 

Des  tirages  postérieurs  en  ont  été  faits,  notamment  en   1844  et 

en  1861. 

* 
*  * 

Huitième  édition  : 

Guerra  de  Granada  hecha  por  el  Rey  D.  Felipe  II  contra  los  moriscos  de 
aquel  reino,  sus  rebeldes.  Historia  escrita  por  D.  Diego  Hurtado  de  Mendoza. 


152  R.    FOULCHE-DELBOSC 


Seguida  de  La  Vida  del  Lazarillo  de  Tormes,  sus  fortunas  y  adversidades.  por 
el  mismo  autor.  —  Barcelona.  Imprenta  de  Juan  Oliveres  1842,  in-8°,  xxvm- 
237  pp.  Portrait  de  Mendoza.  (Tesoro  de  autores  ilustres,  tome  IV.) 


Neuvième  édition  : 

Biblioteca  de  autores  espanoles,  desde  la  formacion  del  lenguage  hasta 
nuestros  dias.  Tomo  21.  Historiadores  de  sucesos  particulares.  Coleccion  diri- 
gida  é  ilustrada  por  Don  Cayetano  Rosell.  Tomo  primero.  Madrid.  Imprenta 
y  estereotipîa  de  M.  Rivadeneyra  1852,  in-8,  xxxvm-543  pp. 

Contient  de  la  p.  65  à  la  p.  122  :  Gnerra  de  Granada por 

Don  Diego  de  Mendoza. 

L'édition  de  Rosell  est  faite  sans  le  moindre  soin.  Nous  le 
voyons  d'abord  déclarer  dans  la  note  1  de  la  page  vin  :  La  édi- 
tion principe  es  de  Madrid,  hecha  por  Luis  Tri  bai  dos  de  Toledo,  16 10, 
40,  puis,  quand  il  parle  (note  de  la  page  66)  de  cinq  manuscrits 
existant  à  la  Bibliothèque  Nationale  de  Madrid,  ajouter  qu'il  les 
a  cotejados  cou  la  primera  édition.  C'est  se  moquer  aimablement  du 
lecteur.  Quant  à  ces  cinq  manuscrits,  ils  présentent,  dit  Rosell, 
quelques  variantes,  mais  sont  très  inférieurs  à  la  première  édition. 
—  Un  seul,  poursuit-il,  mériterait  d'être  consulté,  le  G.  106 
(notre  manuscrit  J).  C'est  un  manuscrit  du  xvie  siècle  :  les 
nombreuses  corrections  et  annotations  marginales  font  supposer 
à  Rosell  qu'on  l'a  comparé  à  beaucoup  d'autres.  Il  en  donne 
quelques  variantes  dans  son  édition. 

*  * 

Dixième  édition  : 

Biblioteca  de  escritores  granadinos,  desde  la  civilizacion  arabe  hasta  nuestros 
dias.  Monumento  elevado  à  las  glorias  de  las  letras  patrias  por  la  iniciativa  y 
bajo  la  proteccion  del  Excmo.  Sr.  1).  José  Gutierrez  de  la  Vega,  ex-gobernador 
de  Granada,  y  gobernadorde  Madrid.  — '  Obras  de  D.  Diego  Hurtadode  Men- 
doza, coleccionadas  por  D  Nicolas  del  Paso  y  Delgado.  —  Tomo  primero.  — 
Granada.  Imprenta  de  El    Porvenir,  1864,  in-8,  xcn-333  pp. 


ÉTUDE  SUR  LA  GUERRA    DE   GRANADA  133 

Ce  volume  est  le  seul  qui  ait  paru  de  la  Biblioteca  de  escritores 
granadinos.  Le  texte  de  la  Guerra  de  Granada  (pp.  i  à  137)  est 
précédé  d'une  courte  notice  bibliographique  (pp.  lxvii  à  lxxix) 
indiquant  comme  édition  princeps  celle  de  16  co,  du  prologue 
de  Tribaldos,  de  l'introduction  et  de  l'addition  de  Portalegre. 
L'éditeur  n'a  fait,  du  reste,  que  reproduire  textuellement 
l'édition  de  Rosell,  mais  n'a  apporté  aucun  soin  à  la  correction 
de  son  volume  :  il  me  suffira  de  signaler  (p.  lxviii,  av.-dern. 
ligne,  une  erreur  que  la  moindre  attention  eût  évitée  :  Marchinveli 
au  lieu  du  Macchiaueli  de  l'introduction  de  Portalegre.  Le  reste 
est  à  l'avenant. 


*  * 


Onzième  édition  : 

Biblioteca  clâsica.  Tomo  XLI.  —  Obras  en  prosa  de  D.  Diego  Hurtado  de 
Mendoza.  Madrid,  Luis  Navarro,  editor  188 1  in-8,  vm-439  PP-  — '  *-Tn  ùrage 
postérieur  en  a  été  fait  en  1888  (Madrid,  Viuda  de  Hernando  y  (>)• 

Contient  : 

D.  Diego  Hurtado  de  Mendoza  (pp.  v-vm).  Notes  biographiques 
rédigées  d'après  Sedano  et  Rosell. 

De  la  Guerra  de  Granada  (pp.  1-187). 

La  vida  de  La^arillo  de  Tonnes,  Diàlogo  entre  Car  ont  e  y  el  anima 
de  Pedro  Luis  Famesio  et  :  Car  ta  de  D.  Diego  de  Mendoza  al  Capitan 
Sala^ar. 

Cette  édition  a  été  fixité  d'après  celle  de  Rosell. 

VI.    —    ÉTUDE    DU    TEXTE. 

Telle  est  l'histoire  du  texte  de  la  Guerra  de  Granada.  Maintenant 
une  question  se  pose.  Convient-il  d'accepter  ce  texte  tel  qu'il 
nous  est  connu  par  l'édition  princeps  simplement  augmentée 
des  trois  passages  retrouvés  par  Iriarte  en  1769  ?  Je  ne  le  crois 
pas. 

Rtine   hispanique.  9 


134  R-    FOULCHE-DELBOSC 

Mendoza,  on  l'a  déjà  dit,  écrivait  pour  lui  seul,  ou  tout  au 
plus  pour  un  petit  cercle  d'intimes.  On  ne  doit  donc  pas  consi- 
dérer la  Guerra  de  Granada  comme  une  oeuvre  arrivée  au  point 
de  perfection  qu'elle  eût  atteint  si  son  auteur  avait  supposé 
qu'elle  serait  publiée  un  jour.  Bien  que  spécieux,  le  raisonne- 
ment de  May  ans  dans  Vaprobacion  datée  de  1730  ne  manque  pas 
d'une  certaine  justesse  : 

Una  de  sus  Obras  mas  insignes  es  la  siguiente  Historia,  digna  de  la  mayor 
alabanza,  por  aver  sido  la  primera  que  se  escriviô  en  Espaiïol  segun  las  rigu- 
rosas  levés,  que  prescribieron  los  Criticos.  I  como  la  principal  sea  decir  la 
verdad,  Don  Diego  que  sabia,  que  escrivirla  el  Historiador,  es  obligacion  de  su 
empleo,  i  publicarla,  proximo  peligro  ;  como  generoso  quiso  profesarla,  i  como 
prudente  recatarla.  Escriviô  pues  con  libertad  :  i  cuerdamente  se  abstuvo  de 
dar  à  luz  su  Historia.  Quizà  por  este  respeto  no  le  diô  la  ultima  mano 

Jusque-là,  Mayans  est  dans  le  vrai.  Mais  il  fait  fausse  route 
quand  il  poursuit  : 

Quizà  por  este  respeto  no  le  diô  la  ultima  mano,  i  dejô  un  vacio,  que  con 
élégante  pluma  huvo  de  suplir  despues  con  un  brevissimo  sumario  el  discretis- 
simo  Conde  de  Portalegre  Don  Juan  de  Silva. 

Cette  lacune  dont  parle  Mayans  n'était  pas  intentionnelle  : 
Tribaldos,  nous  l'avons  vu,  l'avait  comblée  lui-même  en  1628, 
en  se  servant  d'un  manuscrit  du  duc  de  Bejar,  plus  complet  que 
celui  du  duc  d'Aveiro.  Depuis  1776,  du  reste,  toutes  les  éditions 
contiennent  les  passages  retrouvés  par  Juan  de  Iriarte  en  1769. 

Nous  voici  donc  en  présence  du  texte  tel  que  l'aurait  publié 
Tribaldos  si,  au  lieu  de  connaître  le  manuscrit  du  duc  de  Bejar 
en  1628,  il  l'avait  connu  deux  ans  plus  tôt,  en  1626,  au  moment 
où  il  mettait  la  dernière  main  à  son  édition  de  1627. 

C'est  ce  texte  ainsi  complété  qu'on  s'est,  jusqu'à  présent, 
habitué  à  considérer  comme  un  ensemble,  sinon  entièrement 
poli  et  limé,  du  moins  exempt  de  lacunes  importantes.  Exami- 
nons donc  deux  questions  : 

i°  Connaissons-nous  intégralement  le  texte  de  Mendoza? 
2°  Tout  ce  que  nous  connaissons  est-il  de  Mendoza  ? 


ÉTUDE  SUR  LA  GUERRA   DE   GRANADA  135 

Depuis  que  trois  passages  ont  été  retrouvés  par  Juan  de  Iriarte 
et  intercalés  à  la  place  qu'ils  doivent  occuper  régulièrement,  on 
peut  considérer  la  Guerra  de  Granada  comme  un  récit  ininter- 
rompu et  auquel,  au  point  de  vue  historique,  rien  d'essentiel  ne 
manque,  depuis  la  première  ligne  du  premier  livre  jusqu'au 
feuillet  ni  de  l'édition  de  1627.  Ce  récit  se  termine  par  la  prise 
de  Castil  de  Ferro,  qui  eut  lieu  le  2  mai  1570,  et  les  opérations 
de  don  Antonio  de  Luna  dans  les  environs  de  Vêlez  Malaga 
(premiers  jours  de  mai).  Les  derniers  mots  après  lesquels  il  con- 
vient de  faire  de  sérieuses  réserves  sont  :  con  ellos  mantenia  i  asse- 
gurava  mar  i  tierra  (livre  IV,  §  5  in  fine).  Dans  les  éditions  et  les 
manuscrits,  ces  mots  sont  immédiatement  suivis  d'une  phrase 
avec  laquelle  ils  n'ont  aucune  connexion  :  Tornù  cl  Rci  a  Cordova 
par  Iaen  i  por  Vbeda  i  Baeça,  remit  ticndo  la  conclusion  de  las  cor  les 
para  Madrid  donde  II  ego. 

Disons  tout  d'abord  que  la  phrase  ainsi  énoncée  est  inintelli- 
gible :  le  roi  qui  était  à  Séville  ne  pouvait  revenir  à  Cordoue  par 
Jaen,  Ubeda  et  Baeza,  villes  situées  toutes  trois  à  plus  de  cent 
kilomètres  à  l'est  de  Cordoue.  La  correction  est  facile,  le  bon 
sens  l'indique  et  plusieurs  manuscrits  la  confirment  :  il  faut  lire 
Tornù  el  Rey  de  Cordova...;  on  comprend  ainsi  que  revenant  de 
Cordoue  à  Madrid,  le  roi  puisse  passer  par  Jaen,  par  Baeza  et  par 
Ubeda. 

Mais,  même  ainsi  rétablies,  ces  deux  lignes  ne  sont  assurément 
pas  à  leur  place  :  il  n'a  pas  été  question  du  roi  depuis  assez 
longtemps  :  à  la  fin  du  §  3  (dern.  ligne  f.  109),  il  se  trouvait 
encore  à  Cordoue,  et  il  est  prématuré  de  nous  annoncer  son 
retour  à  Madrid,  retour  qui  n'eut  lieu  que  le  20  juin  ',  alors  que, 
quelques  lignes  plus  bas,  il  s'agit  d'opérations  militaires  s'effec- 
tuant  le  20  mai,  alors,  surtout,  que  nous  voyons  don  Antonio 
de  Luna  aller  à  Séville  auprès  du  même  Philippe  (§  7),  et  qu'un 


1.  Philippe  II  était  parti  de  Madrid  le  13  janvier  1570,  il  arriva  à  Cordoue 
au  commencement  de  février  et  à  Séville  le  lundi  Ier  mai.  Il  était  de  retour  à 
Madrid  le  20  juin. 


136  R.    FOULCHÉ-DELBOSC 


peu  plus  loin  (fin  du  §  8),  on  peut  lire  :  Estava  como  tengo  dicho  a 
la  sa^ô  el  Rei  dô  Philippe  en  Sévi  lia,  snpplicado  por  la  ciudad,  que 
viniesse  a  recebir  en  ella  servie io. 

Nous  nous  trouvons  très  vraisemblablement  en  présence  du 
commencement  d'un  paragraphe  inachevé  ou  perdu,  et  qu'il 
conviendrait,  dans  tous  les  cas,  de  reporter  ailleurs. 


A  partir  de  ce  point,  Mendoza  ne  pouvait  que  difficilement 
continuer  son  récit  en  se  laissant  guider  par  l'ordre  chronolo- 
gique seul.  L'action,  en  effet,  va  devenir  double. 

La  décision  du  roi,  d'expulser  du  royaume  de  Grenade  tous 
les  Maures,  rebelles  ou  non,  venait  d'être  le  signal  d'une  formi- 
dable insurrection  de  ceux  de  Ronda  qui,  jusque-là,  étaient  restes 
à  peu  près  soumis.  La  répression  commença  en  mai  1570  et  dura 
jusqu'en  novembre.  Il  ne  fallut  rien  moins  que  les  efforts 
d'Antonio  de  Lima,  d'Arévalo  de  Zuazo  et,  plus  tard,  du  duc 
d'Arcos,  pour  venir  à  bout  des  insurgés.  Cette  guerre  de  Ronda, 
quoique  engendrée  par  la  guerre  de  Grenade,  en  est,  en  quelque 
sorte,  distincte,  et  par  l'éloignement  du  théâtre  des  opérations  et 
par  le  manque  de  connexion  des  armées  qui  opéraient. 

Il  n'est  pas  inutile  de  faire  remarquer  ici  que,  d'une  part,  tous 
les  manuscrits  de  la  Guerra  de  Granada  qui  forment  la  ire  famille, 
s'arrêtent  là,  et  que,  d'autre  part,  parmi  ceux  de  la  2e  et  de  la  3  e 
famille,  les  uns  portent  la  mention  Aqui  acaban  muchos  originales, 
les  autres  ont,  pour  tout  ce  qui  suit,  un  titre  spécial  :  La  jornada  y 
sucesso  de  la  guerra  de  Honda.  Il  v  a  là,  dans  l'œuvre  de  Mendoza, 
une  coupure  bien  marquée,  autrement  rationnelle  que  la  division 
en  livres  et  en  paragraphes  qui  a  prévalu  jusqu'à  présent. 

Pendant  que  les  Lspagnols  guerroyaient  dans  la  sierra  de 
Ronda,  les  A  puxarras  continuaient  à  être  le  théâtre  d'une  guerre 
de  plus  en  plus  féroce,  mais  dont  on  pouvait  facilement  prévoir 
la  tin  prochaine.  Le  fait  le  plus  saillant  et  qui  permit  un  instant 


ÉTUDE  SUR  LA  GUERRA    DE    GRAXADA  137 

de  croire  que  tous  les  insurgés  allaient  déposer  les  armes,  est  la 
série  de  négociations  engagées  à  partir  du  13  mai  entre  les  Espa- 
gnols et  El  Habaqui  agissant  sur  l'ordre  d'Aben  Abo.  On  put, 
en  effet,  se  croire  bien  près  de  la  fin  de  la  guerre,  mais  Aben  Abo 
s'étant  ravisé,  il  fallut  continuer  la  campagne;  en  septembre  et 
octobre,  Requesens  fit  une  très  courte  campagne  dans  les  Alpu- 
xarras;  après  des  atrocités  sans  nombre,  le  pays  fut  à  peu  près 
dépeuplé  :  il  ne  restait  à  Aben  Abo  que  quatre  ou  cinq  cents 
partisans.  Le  30  novembre,  Don  Juan  d'Autriche  quitte  Grenade. 
Enfin,  le  15  mars  1571,  Aben  Abo,  trahi  par  les  siens,  est  mis  à 
mort. 

Comme  on  le  voit,  à  partir  de  mai  1570,  il  faut  faire  un  récit 
des  opérations  de  la  sierra  de  Ronda,  puis  se  reporter  aux  Alpu- 
xarras  et  raconter  les  négociations,  la  très  courte  campagne  de 
Requesens  et  la  mort  d'Aben  Abo.  C'est  ce  plan  qui,  en  divi- 
sant l'attention,  permet  une  clarté  plus  grande,  que  Gines  Perez 
de  Hita  a  adopté1.  Il   consacre  aux  opérations  de  la  sierra  de 


1.  Segunda  parte  de  las  guerras  civiles  de  Granada  y  de  los  crueles  bandos  entre 
los  convertidos  moi  os  y  vecinos  cristianos  cou  cl  levantamiento  de  todo  el  reino  y 
ùltima  rebeîion  sucedida  en  el  ano  de  mil  quinientos  sesenia  y  ocho.  Y  asimistno  se 
pone  su  total  raina  y  destierro  de  los  moros  por  toda  Castilla  :  cou  el  fin  de  las  gra- 
nadinas  guerras  par  el  rey  nuestro  seilor  Don  Felipe  II  de  este  nombre  por  Gines 
Pen'i  de  Hita.  Alcalâ  de  Hetiares,  en  casa  de  Juan  Gracian  1604,  in-8.  —  Aucun 
bibliographe  n'a  vu  cette  édition,  mais  son  existence  paraît  certaine.  (Voir  le 
Romancero  General  de  Duran,  t.  II,  p.  688,  col.  2.)  En  tous  cas,  il  existe  une 
édition  de  Barcelona,  Esterait  Liberos  161  y,  in-8,  souvent  décrite. 

Gines  Perez  de  Hita  semble  avoir  servi  comme  simple  soldat  sous  les  ordres 
du  marquis  de  los  Vêlez  pendant  la  guerre  de  Grenade.  Nous  n'avons  pas  à 
nous  occuper  ici  de  la  première  partie  de  ses  Guerras  civiles  de  Granada  ;  la 
seconde  nous  intéresse  seule  :  on  y  trouve  de  nombreux  détails  dignes  d'intérêt. 
Bien  que  publiée  en  1604,  cette  seconde  partie  était  terminée  en  1597,  ainsi 
que  l'indique  une  note  placée  avant  le  romance  final  : 

Sacôlas  en  limpio  y  acabôlas  Gines  Pere\  de  Hita,  vecino  de  Murcia,  en  jj  de 
Noviembre  de  1597. 

Hita  cite  souvent  La  Austriada,  poème  de  Juan  Rufo  Gutierrez,  jurado  de 


138  R.    FOULCHÉ-DELBOSC 


Ronda  une  partie  du  chapitre  xxm1  et  revient  ensuite  aux  évé- 
nements des  Alpuxarras  pour  ne  les  plus  quitter.  Marmol  a  suivi 
un  plan  beaucoup  moins  simple  :  dans  les  livres  IX  et  X  de  son 
Historia  del  Rebelion,  il  va  constamment  de  Ronda  aux  Alpuxarras 
et  des  Alpuxarras  à  Ronda,  ne  conservant  l'ordre  chronologique 
qu'aux  dépens  de  la  clarté. 

Mendoza  s'étend,  plus  qu'on  n'était  en  droit  de  l'attendre  de 
lui,  généralement  si  sobre  de  détails,  sur  les  opérations  enga- 
gées dans  les  montagnes  de  Ronda.  Son  récit  comprend  les  para- 
graphes 6  à  15  du  livre  IV,  soit  716  lignes  de  l'édition  de  1627  : 
Marmol,  je  l'ai  déjà  dit,  en  a  copié  à  peu  près  textuellement  la 


Cordoue,  qui  avait  paru  pour  la  première  fois  en  1584  (Madrid,  in-8)  La  2e 
édition  est  de  Tolède  1585;  la  3e  de  Alealâ  1586.  Cette  œuvre  est  loin  de 
mériter  les  éloges  que  lui  prodiguèrent  Gôngora,  Lupercio  de  Argensola  et 
surtout  Cervantes,  mais  elle  offre  un  très  grand  intérêt  pour  la  présente  étude, 
car  les  dix-huit  premiers  chants,  consacrés  à  la  guerre  de  Grenade,  ne  sont 
autre  chose,  à  quelques  modifications  près,  que  l'œuvre  de  Mendoza  mise  en 
vers. 

Je  n'hésite  pas  à  affirmer  que  Hita  avait  connaissance  de  l'histoire  de  Men- 
doza. Dans  le  récit  de  la  marche  du  duc  d'Arcos  à  sa  sortie  de  Casares,  il  y  a, 
entre  les  deux  textes,  une  coïncidence  bien  singulière  : 

Entrando  por  esta  sierra,  se  renovô  en  la 

memoria  de  los  cristianos  la  venganza  que 

debian  tomar  por  sus  pasados,  encontrando 

blanqueavan  calaveras  de       por    ella   grau    cantidad    de    calaveras    de 

hombres  i  buessos  de  cave I los  amontonados,        hombres  muertos,  y  de  despojos  de  ca ba Iles  del 

desparzidos,  segun  como    i  donde   havian        tiempo  en  que  don  Alonso  de  Aguilar  tué 

parado  ;  pedaços  île  armas,  frenos,  despojos        alli   muerto,    y  el  de  Viena  desbarat.uk)  ; 

de  jaezes  : (Mendoza,  IV,  9.)  tambien   habia  niuclios  troxps  de  ennuis  y 

cuchillas  de  lanzas  ; (Hita,  XXIII.) 

Il  y  a  surtout  une  ressemblance  frappante  entre  les  premières  lignes  des 
deux  textes  d'un  discours  de  Don  Juan  d'Autriche.  (Voir  plus  loin.") 

1.  De  l'or  es  le  tiempo  muchos  moros à  Mientras  pasaban  estai  cosasen  las  cer- 

canias  de  Ronda, soit  170  lignes  environ. 


ETUDE    SUR    LA    GUERRA    DE    GRAX.1D.1 


*39 


plus  grande  partie1.  Pourtant,  si  long  que  nous  paraisse  actuel- 
lement ce  passage  de  Mendoza,  il  ne  nous  est  qu'incomplètement 
connu.  Le  manuscrit  A  m'a  permis  d'en  combler  les  lacunes  :  je 
rétablirai  pour  l'instant  quatre  passages  omis  dans  les  éditions. 
i°  Edition  de  1627,  f.  114  verso,  ligne  5  : 

letra  s.  Demâs  del  concurso 

Le  manuscrit  A  donne  (f.   102,  1.  7)  : 

letra  s.   Otra  opinion  por  conjecturas  es,  q  uvo  como  aora  los  ay  ribera 

de  Guadalquibir  muchos  pueblos  à  una  i  otra  parte,  i  entre  ellos  uno  q  llama- 
ron  Oset,  libre  i  abitacion  de  Romanos,  como  Seuilla,  pero  mas  nuevo,  i  a 
différencia  de  Oset,  la  llamaron  los  Griegos  Ispalis  que  quiere  dezir  la  antigua. 
Algunos  rastros  q  confirman  esta  opinion  quedan  aora  en  Sevilla.  Pudo  ser  que 
viniesse  Rey  en  Espana  llamado  Hispalo  pero  en  Autores  aprovados  no  se  halla, 
que  lo  q  dizen  de  los  palos,  i  otras  cosas  tienese  por  fabuloso,  como  la  verdad 
lo  son,  i  tambien  inciertas  las  mas  origenes  de  naciones,  i  ciudades,  i  castas, 
procurando  cada  unoennoblecer  su  principio.  Demas  del  concurso 

2°  Edition  de  1627,  f.  115  verso,  11.  21  et  22  : 

...  .con  ciertas  condiciones.  Esto  affirmaron  en  nombre  de  todos 

Le  manuscrit  A  donne  (f.  103)  : 

Que  todos  los  moriscos  levantados  an  de  ser  obligados  a  se  venir  a  reduzir  a 
la  obediencia  i  servicio  de  S.  Magd  de  aqui  al  dia  de  S.  F^0  que  es  a  10  dias  del 
de  Agosto  del  présente  ano  de  1 570  i  dentro  deste  termino  an  de  rendir  i  entre- 
gar  todas  las  armas  que  tienen  sin  faltar  ni  incubrir  ningunas  a  la  persona  o 
personas  que  el  Duque  mandare,  entretanto  que  el  Rey  manda  a  quien  se  an 
de  entregar. 

Que  passado  el  dicho  termino  i  no  entreganao  las  armas  i  no  vi m'endosse  a 
reduzir  se  entienda  sin  otra  declaracion  que  quedan  declarados  por  rebeldes  i 
enemigos  para  que  se  les  haga  el  castigo  que  S.  MagJ  tiene  mandado. 


1 .  «  En  la  relaciôn  de  los  sucesos  de  esta  guerra  de  Ronda  se  detuvo  don 
Diego  de  Mendoza  mas  de  lo  que  era  de  esperar  de  la  brevedad  con  que  tratô 
los  de  la  gênerai  de  Granada.  Puede  verse  su  libro  IV  y  tambien  el  IX  v  X  de 
Marmol.  »  (Modesto  Lamente,  Hisloria  gênerai  de  Espana.  Parte  tercera,  capit. 
XII  )  —  Remarque  fort  juste,  assurément  ;  mais,  pas  plus  que  tous  les  histo- 
riens, Lamente  n'a  su  voir  que  Marmol  avait  copié  Mendoza. 


I40  R.    FOULCHE-DELBOSC 


Que  en  nombre  del  Rey  se  les  dara  licencia  para  que  vivan  en  sus  tierras  i 
casas  como  de  antes  vivian,  i  que  se  les  volveran  todos  sus  bienes  libremente  i 
sus  hijos  i  mugeres  que  les  an  tomado  despues  de  la  rebelion. 

Que  con  ellos  se  cumplira  i  guardara  lo  que  S.  Magd  concediere  a  los  Moris- 
cos  de  las  Alpuxarras  acerca  del  pagar  la  farda. 

Que  se  guardara  con  ellos  la  pramatica  de  S.  MagJ  que  habla  en  razon  de  las 
cercanias  de  los  delictos  q  se  cometen  en  tierra  de  los  moriscos,  sin  que  los 
juezes  ordinarios  ni  de  comission  les  hagan  agravio  en  razon  dello,  i  que  averi- 
guandose  quien  cometiô  el  delicto  no  seran  molestados. 

Que  en  todo  el  mes  de  Agosto  primero  venidero  se  dara  pasaje  seguro  para 
que  los  Turcos  i  Alaraves  que  estan  entre  ellos  passen  a  Berberia,  i  no  a  los 
demas  christianos  nuevos  baptizados. 

Que  se  les  bolveran  a  los  de  Tstan  todas  sus  mugeres  i  hijos  que  estan  cap- 
tivos  dando  por  ellos  el  precio  que  ovieren  costado  a  las  personas  que  los 
tuvieren. 

Esto  firmaron  en  nombre  de  todos  el  Arsabahi  i  el  Ataifor 

30  Edition  de  1627,  f.  116  verso,  11.  25  et  26  : 

como  las  que  recibiô.  Lloraronle  amigos  i  enemigos 

Le  manuscrit  A  donne  (f.  104  in  fine)  : 

como  las  q  recibio,  donde  mataron  los  capitanes  rendidos,  donde  tomaron 

los  estandartes,  donde  los  despedaçaron  y  escarnecieron,  como  lloraron  a  D. 
Al°  amigos  y  enemigos.  Mas  en  aquel  punto  renovaron  los  soldados 

40  Edition  de  1627,  f.  118,  11.  5  et  6  : 

las  espaldas  a  la  mar  ;  dexando  en  Ronda  a  Lope  Zapata 

Le  manuscrit  A  donne  (f.  105)  : 

las  espaldas  a  la  mar.  Embiaron  a  buscar  soccorro,  i  solicitaron  a  Abdalla 

Abenabo,  q  cntonces  mantenia  las  sobrasde  los  moros  en  el  Alpuxarra,  i  partio 
Mahamet  Abenabo  su  hermano  con  300  arcabuzcros,  mas  D.  Juan  embio  (un 
mot  en  blanc)  quien  le  rompio  i  prendio.  El  Duq  dexando  en  Ronda  a  Lope 
Çapata 

Ces  passages  suffisent  à  montrer  de  quelle  utilité  sera  le  manu- 
scrit A  lors  de  la  publication  de  l'édition  critique  de  la  Gucrra  de 
Granada. 


ETUDE   SUR    LA    GUERRA    DE   GRANADA  141 

*  * 

Mais  là  n'est  pas  le  blanc  le  plus  important  de  l'œuvre  de 
Mendoza  :  le  texte  imprimé  ne  nous  donne  pas  le  moindre  récit, 
ni  des  efforts  tentés  par  le  Maure  Hernando  El  Habaqui  pour 
arriver  à  la  conclusion  de  la  paix,  ni  de  ses  entrevues  avec  Don 
Juan  d'Autriche,  entrevues  sur  lesquelles  Marmol  s'étend  avec 
tant  de  complaisance. 

A  la  suite  du  Bando  en  favor  de  los  que  se  reduxesen1  qui  fut 
rendu  public  vers  le  milieu  d'avril  1570,  El  Habaqui  n'avait  épar- 
gné ancune  démarche  pour  amener  ses  coreligionnaires  à  se 
soumettre. 

Nous  le  voyons,  à  la  fin  du  chapitre  xxn  du  livre  VIII  de  Mar- 
mol, demander  à  Don  Juan  la  liberté  de  deux  Mauresques 
captives  : 

«  No  mucho  despues  de  esto  el  Habaqui  suplicô  d  Don  Juan  de  Austria  por 
la  libertad  de  aquellas  mugeres,  que  eran  sus  parientas,  y  pagô  doscientos 
ducados  por  el  rescate  de  ellas,  y  las  puso  en  libertad.  » 

Le  chapitre  xxvm  du  livre  VIII  nous  montre  El  Habaqui  s'oc- 
cupant  activement  de  résoudre  les  difficultés  auxquelles  donne  lieu 
l'interprétation  du  bando  : 

«  Aben  Aboo,  y  los  que  con  él  estaban,  entendian  diferentemente  el 

bando,  y  habia  escrito  el  Habaqui  sobre  ello  d  Don  Hernando  de  Barradas, 
entendiendo  que  se  suspendia  la  guerra  con  todos  mientras  se  trataba  de  la 
reducion  ;  y  aun  parecia  que  no  aseguraba  d  los  caudillos.  Tambien  habia  escrito 
Hernando  el  Habaqui,  que  los  de  la  Alpuxarra,  entendiendo  que  se  trataba  de 
sacar  los  Moriscos  de  las  ciudades  de  Guadix  y  Baza,  que  no  se  habian  rebe- 
lado,  estaban  escandalizados  : » 

«  Estos  mesmos  dias  se  tornô  d  ver  Don  Hernando  de  Barradas  con  el 

Habaqui  en  el  castanar  de  Lanteyra,  y  le  dixo  como  ténia  en  buenos  terminos 
el  negocio  de  la  reducion; » 

Au  même  chapitre,  Marmol  nomme  les  Espagnols  qui,  sur 
l'ordre  de  Don  Juan,  devront  se  rencontrer  avec  El  Habaqui  pour 
traiter  de  la  soumission  : 

1.  Voir  Marmol,  livre  VIII,  chap.  xxi. 


I42  K.    FOULCHE-DELBOSC 


«  Y  porque  se  habian  de  juntar  con  el  Habaqui,  y  con  los  caudillos  Moros, 
que  viniesen  a  tratar  de  la  reducion,  algunos  caballeros  de  nuestra  parte,  manda 
venir  a  Don  Juan  Enriquez  de  Baza,  don  Alonso  Habiz  Venegas  de  Almeria,  y 
Don  Hernando  de  Barradas  de  Guadix,  y  les  diô  orden  y  eomision  para  que 
juntamente  con  Don  Alonso  de  Granada  Venegas  entendiesen  en  ello  :...  » 

Le  30  avril,  Don  Juan  lève  le  camp  et  se  dirige  vers  Los 
Padûles  de  Andarax,  lieu  qu'il  jugeait  commode,  soit  pour  traiter 
de  la  paix,  soit  pour  continuer  la  campagne.  Le  6  mai,  un  Maure 
vient  à  Padûles  porter  une  lettre  d'El  Habaqui  à  Don  Alonso  de 
Granada  Venegas  :  El  Habaqui  propose  de  venir  avec  les  princi- 
paux chefs  des  révoltés  au  Fondôn  de  Andarax  et  de  s'y  trouver 
avec  les  plénipotentiaires  espagnols  ;  il  offre  même  des  otages 
pour  garantir  la  sécurité  de  ces  derniers  (chap.  xxvm). 

Au  chapitre  xxx,  le  duc  de  Sesa,  après  son  expédition  de  Castil 
de  Ferro,  est  de  retour  à  Adra  ;  de  là,  il  passe  à  Daîias  et  y  reçoit 
la  soumission  de  nombreux  Maures  : 

«  Y  vinieron  muchos  Moros  de  todas  las  taas  de  la  Alpuxarra  a  rendirse 
conforme  al  bando  ;  y  los  que  no  podian  ir  luego,  daban  sus  poderes  al  Haba- 
qui, corao  autor  de  aquella  paz.  » 

Mais  c'est  au  livre  IX  que  nous  sont  donnés  les  détails  les 
plus  étendus  :  les  Maures,  poussés  par  El  Habaqui,  se  sou- 
mettent en  grand  nombre,  et,  le  13  mai,  se  rencontrent  au 
Fondôn  de  Andarax,  d'une  part,  El  Habaqui,  Hernando  el  Galip, 
frère  d'Aben  Abo,  quatre  autres  Maures  et  douze  chels  barba- 
resques;  d'autre  part,  les  plénipotentiaires  espagnols.  Sur  l'obser- 
vation des  Espagnols  qu'ils  n'avaient  de  pouvoirs,  ni  d'Aben 
Abo,  ni  d'aucun  des  chefs,  les  musulmans  se  retirèrent,  emme- 
nant avec  eux  Juan  de  Soto  qui  était  à  la  fois  secrétaire  de  Don 
Juan  d'Autriche  et  secrétaire  de  son  conseil,  et  qui  devait  rédi- 
ger sous  leur  dictée  les  conditions  de  la  soumission.  El  Habaqui 
promit  de  revenir  au  même  endroit  huit  jours  plus  tard.  (Livre  X, 
chap.  1.) 

Le  vendredi  19  mai,  il  est  exact  au  rendez-vous  :  les  chefs 
maures  et  barbaresques,  qui  l'accompagnaient  la  semaine  précé- 


ETUDE    SUR    LA    GUERRA    DE    GRAXADA  I43 

dente,  sont  là,  eux  aussi,  moins  toutefois,  le  frère  d'Aben  Abo, 
Hernando  El  Galip,  qui,  ayant  vu  de  quels  égards  les  Espagnols 
entouraient  El  Habaqui,  a  soupçonné  quelque  trahison.  Don  Juan 
Enriquez  et  Juan  de  Soto  conviennent  alors  avec  El  Habaqui  de 
l'attitude  que  celui-ci  devra  prendre  en  présence  de  Don  Juan 
d'Autriche,  des  grâces  qu'il  implorera  pour  Aben  Abo,  pour  ses 
amis  et  pour  lui-même:  et  lorsque  tout  est  arrêté,  El  Habaqui  se 
met  en  route  pour  Los  Padûles  où  se  trouve  Don  Juan,  emme- 
nant avec  lui  Alonso  de  Velasco  et  trois  cents  soldats  maures. 
Son  entrée  au  camp  fut  quelque  peu  théâtrale,  si  le  récit  de 
Marmol  (livre  X,  chap.  n)  est  vrai,  et  rien  ne  prouve  qu'il  ne  le 
soit  pas. 

«  Entré  en  nuestro  campo  acompafiado  de  los  caballeros  comisarios,  y  sus 
trescientos  escopeteros  Moros  puestos  en  orden  a  cinco  por  hilera  :  a  los  quales 
tomaron  en  medio  quatro  companias  de  infanteria  que  los  estaban  aguardando. 
Luego  entregô  la  bandera  de  Aben  Aboo  por  mandado  de  Don  Juan  de  Austria 
a  Juan  de  Soto,  y  él  la  cogiô  en  el  hasta  ;  y  pasando  por  medio  de  los  esqua- 
drones  de  la  gente  de  â  pie  y  de  a  caballo,  que  estaban  puestos  en  sus  orde- 
nanzas  tocando  sus  instrumentes  de  guerra,  hicieron  una  hermosa  salva  de 
arcahuceria,  que  durô  un  quarto  de  hora.  Estaba  Don  Juan  de  Austria  en  su 
tienda  acompafiado  de  todos  los  caballeros  y  capitanes  del  exercito,  y  llcgando 
el  Habaqui  cerca,  se  apeô  del  caballo,  v  fue  à  echarse  a  sus  pies,  diciendo  : 
«  Misericordia,  serïor,  misericordia  nos  concéda  vuestra  Alteza  en  nombre  de 
su  Magestad,  y  perdon  de  nuestras  culpas,  que  conocemos  haber  sido  graves  »  ; 
y  quitandose  una  damasquina  que  llevaba  ceiîida,  se  la  diô  en  la  mano,  y  le 
dixo  :  «  Estas  armas  y  bandera  rindo  a  su  Magestad  en  nombre  de  Aben  Aboo 
y  de  todos  los  alzados,  cuyos  poderes  tengo  »  :  y  Juan  de  Soto  arrojô  a  sus 
pies  la  bandera  de  Aben  Aboo.  Don  Juan  de  Austria  estuvo  à  todo  esto  con 
tanta  serenidad,  que  representaba  bien  la  magestad  del  cargo  que  ténia,  y  man- 
dandole  que  se  levantase,  le  tornô  a  dar  la  damasquina,  y  le  dixo  que  la  guar- 
dase  para  servir  con  ella  a  su  Magestad,  y  despues  le  hizo  mucha  merced  y 
favor.  Los  trescientos  Moros  se  volvieron  i  Andarax,  y  el  Habaqui  quedô  en  el 
campo.  Llevôle  à  corner  a  su  tienda  Don  Francisco  de  Cordoba,  y  sobre  comida 
se  trataron  algunas  cosas  concernientes  al  bien  de  los  negocios,  que  quedaron 
apuntadas.  Otro  dia  le  Ilevô  à  corner  el  Obispo  de  Guadix,  que  no  holgô  poco 
de  verle  con  demostracion  de  arrepentimiento,  y  contento  de  haber  hecho 
aquel  servicio  à  Dios  y  a  su  Magestad.  » 

Le  22  mai,  El  Habaqui  quitte  le   camp  espagnol   pour  aller 


144  R-    FOULCHE-DELBOSC 


rendre  compte  de  son  ambassade  à  Aben  Abo  et  aux  autres  chefs 
maures;  le  même  jour,  Don  Juan  d'Autriche  quittait  Los 
Padûles  et  allait  s'établir  à  Codbaa  de  Andarax.  (Marmol,  livre  X, 
chap.  n). 

Il  est  à  présumer  que  la  confiance  qu'Aben  Abo  pouvait  avoir 
eue  jadis  en  El  Habaqui  était  alors  complètement  tombée;  son 
frère  El  Galip  lui  avait  déjà  rendu  compte  de  la  déférence,  suspecte 
avec  raison  à  ses  yeux,  avec  laquelle  l'avaient  traité,  le  13  mai,  les 
envoyés  espagnols.  D'autre  part,  le  seul  témoin  de  l'entrevue  du 
19  mai,  Alonso  de  Velasco,  avait  quitté  le  camp  espagnol  en 
même  temps  que  les  trois  cents  soldats  maures  d'escorte,  et 
n'avait  sans  doute  pas  manqué  d'établir  un  parallèle  fâcheux  entre 
l'accueil  aimable  fait  à  El  Habaqui  et  la  réception  tout  au  moins 
froide  qui  lui  avait  été  réservée  à  lui-même  :  il  avait  été  témoin 
de  la  scène  pompeuse  de  la  soumission  ;  il  avait  vu  l'étendard 
d'Aben  Abo  jeté  aux  pieds  de  Don  Juan.  Toute  cette  mise  en 
scène  constituait,  il  faut  l'avouer,  une  énorme  maladresse  de  la 
part  des  Espagnols  :  la  suite  le  prouva  bien.  Alonso  de  Velasco 
ne  dut  pas  se  faire  faute  de  montrer  à  Aben  Abo  le  peu  de  con- 
fiance que  l'on  devrait  avoir  désormais  dans  un  homme  aussi 
bien  vu  des  Espagnols  que  l'était  El  Habaqui. 

Quels  que  fussent  les  sentiments  dont  était  alors  animé  Aben 
Abo,  il  n'en  laissa  rien  paraître.  Par  ses  ordres,  El  Habaqui 
retourna  le  jeudi  25  mai  au  camp  espagnol,  à  Andarax  :  il  y 
régla  avec  Don  Juan  le  désarmement  des  Maures.  Des  commis- 
saires furent  nommés.  Don  Alonso  de  Granada  Venegas  était 
celui  auquel  était  échu  le  désarmement  des  Alpuxarras  ;  il  dut, 
sur  l'ordre  de  Don  Juan,  se  rendre  à  Mecina  de  Bombaron  où  se 
trouvait  Aben  Abo,  et  rassurer  ce  dernier.  Il  partit  de  Codbaa  de 
Andarax  le  dimanche  28  mai,  et,  le  lendemain,  trouvait  à  Cadiar 
Aben  Abo  et  El  Habaqui  venus  à  sa  rencontre;  sur  la  demande 
d'Aben  Abo,  le  désarmement  fut  différé  :  par  contre,  sur  la 
demande  d' Alonso  de  Granada  Venegas,  Aben  Abo  fit  abattre 
les  enseignes  que  l'on  portait  devant  lui.  Mais,  peu  après,  rede- 


ETUDE  SUR  LA  GUERRA    DE    GRANADA  145 

venu  méfiant,  il  dissuadait  les  Maures  de  faire  leur  soumission, 
leur  laissant  entendre  que  les  conditions  stipulées  par  El  Habaqui 
ne  leur  étaient  pas  assez  avantageuses. 

Les  n  et  12  juin  eut  lieu  l'embarquement  des  Turcs.  El  Haba- 
qui s'empressa  d'en  porter  la  nouvelle  à  Don  Juan  d'Autriche. 
Connaissant  aussi  le  revirement  d'Aben  Abo,  il  demanda  à 
Don  Juan  cinq  cents  arquebusiers  pour  s'emparer  du  chef  des 
révoltés.  Don  Juan,  ne  voulant  pas  aventurer  ses  soldats,  se 
contenta  de  lui  donner  800  ducats  d'or  pour  lever  une  troupe  de 
quatre  cents  Maures. 

El  Habaqui  quitta  Don  Juan  et  se  rendit  à  Legem  (ou  Yexen  ?) 
village  de  la  taha  de  Jubiles.  Là,  il  demanda  aux  Maures  pour- 
quoi ils  ne  se  rendaient  pas  :  ceux-ci  lui  répondirent  qu'ils  atten- 
daient l'ordre  d'Aben  Abo.  El  Habaqui  répliqua  que  si  Aben  Abo 
ne  se  soumettait  pas  comme  les  autres,  il  le  traînerait  à  la  queue 
de  son  cheval.  Le  propos  fut  répété  le  soir  même  à  Aben  Abo  : 
il  envoya  cent  cinquante  Turcs  et  deux  compagnies  de  Maures 
avec  ordre  de  s'emparer  d'El  Habaqui.  Celui-ci  était  alors  à 
Bérchul;  sa  maison  fut  cernée  pendant  la  nuit,  mais  il  put  néan- 
moins s'échapper;  le  lendemain  matin,  son  turban  blanc  et  son 
caftan  pourpre  le  firent  remarquer  des  gens  qui  le  poursuivaient. 
Pris,  il  fut  conduit  à  Cuxurio  où  était  Aben  Abo  (jeudi  15  juin); 
celui-ci  lui  reprocha  de  l'avoir  trahi,  et  le  lendemain  (vendredi 
16  juin),  l'ayant  fait  étrangler  en  secret,  il  ordonna  de  jeter  son 
cadavre  dans  un  fumier  où  il  demeura  plus  de  30  jours.  Aben 
Abo  tint  sa  mort  secrète  et  put  ainsi  faire  traîner  en  longueur  les 
négociations  avec  Don  Juan. 

Les  événements  que  nous  venons  de  résumer  occupent,  nous 
l'avons  dit,  une  très  grande  place  dans  Marmol  :  les  neuf  premiers 
chapitres  du  livre  IX  leur  sont,  en  effet,  à  peu  près  exclusive- 
ment consacrés.  Or,  dans  Mendoza,  on  ne  trouve  que  deux  allu- 
sions très  vagues  à  des  préliminaires  de  négociations  : 

i  los  que  embiô  (Abenabô)   hâzia   Granada  captivaron    peleando  con 

muchas  heridas  a  don  Diego  Osorio,  que  venia  con  despachos  del  Rey  para 


I46  R.    FOULCHÉ-DELBOSC 


don  Iuan  i  el  Duque  ;  en  que  se  trataba  la  resoluciô  de  la  guerra,  i  concierto 

que  se  havia  platicado  cô  los  Moros  i  Turcos  por  mano  del  Habaqui  : 

(f.  108  verso). 

Recogiôse  el  Duque  con  su  catnpo  en  Adra  esperando  en  que  pararia  la 
plàtica  q  se  trahia  cô  el  Habaqui  (f.  110  verso). 

La  soumission  de  El  Habaqui  est  pourtant  un  de  ces  tableaux 
que  Mendoza  devait  mettre  en  lumière.  Marmol,  dont  le  style 
est  beaucoup  moins  factice,  ne  peut  lui-même  s'empêcher  de 
souligner  tout  ce  que  cette  soumission  eut  de  pompeux.  On 
s'expliquerait  donc  mal  que  Mendoza,  d'une  part,  eût  complète- 
ment laissé  dans  l'ombre  les  pourparlers  qui  faillirent  aboutir  et 
amener  ainsi  la  soumission  définitive  des  Alpuxarras,  d'autre  part, 
n'eût  pas  saisi  avec  empressement  l'occasion  qui  s'offrait  à  lui  de 
placer,  dans  la  bouche  de  El  Habaqui  et  dans  celle  de  Don  Juan 
d'Autriche  un  de  ces  discours  dont  il  est  coutumier. 

J'avais  toujours  été  frappé  de  cette  lacune,  et  je  supposais 
qu'un  fragment,  assez  important  quanta  la  longueur,  très  impor- 
tant quant  à  l'intérêt,  était  perdu.  Je  ne  me  trompais  pas  :  ce 
fragment,  j'ai  été  assez  heureux  pour  le  retrouver,  en  189 1,  dans 
le  manuscrit  P.  Le  voici. 

Au  livre  IV  de  l'édition  de  1627,  le  paragraphe  14  (marqué  13 
par  erreur  '),  se  termine  ainsi  :  ...con  esto,  el  se  tornô  a  Ronda, 
i  aquella  guerra  quedô  acabada  la  tierra  libre  de  los  enemigos; 
parte  muertos  i  parte  esparzidos  o  idos  a  Berberia. 

Le  manuscrit  P  (page  202)  a  ce  qui  suit  : 

con  esto,  el  se  tornô  a  Ronda,  i  aquella  guerra  quedô  acabada  la  tierra  libre 
de  los  enemigos. 

Viendo  Abenavo  ya  sus  cosas  tan  derribadas  y  el  tan  sin  fuerças  y  desheehos 
todos  sus  disignios  y  esperanças  temeroso  y  arrepentido  y  no  hallandose  v.i 
seguro  entre  los  suyos  (condicion  propia  de  Tirano)  tratô  con  el  Abaqui  (a 
quien  ténia  por  amigo  familiar)  de  su  remedio  diziendole  como  entendia  que 
havia  entre  su  gente  quien  tratava  de  vendcrle  sin  respecto  de  su  auctoridad  y 


1.   Par  contre,  le  paragraphe  13  est  à  tort  marque  14. 


ÉTUDE    SUR    LA    GUERRA    DE    GRANADA  I47 

justicia  y  que  este  dafio  y  el  verse  con  tan  pocas  fuerças  para  resistir  a  sus 
enemigos  le  movia  desear  paz  por  salvar  la  vida.  El  Abaqui  le  puso  delante  los 
sucesos  pasados  y  el  mal  estado  en  que  les  havia  traydo  la  Fortuna,  la  poca 
esperanza  de  socorro  y  de  poder  permanezer  La  potencia  de  los  contrarios  y  la 
poca  resistencia  que  les  quedava  para  no  venir  a  sus  manos  y  que  asi  le  pareçia 
el  mas  seguro  camino  para  asegurar  las  vidas  y  todo  lo  demas  que  tratase  de 
paces  y  de  convenencia  y  mejor  estuviese  a  su  persona.  Esto  le  pareçio  bien  a 
Abenavo  y  dandole  comision  para  ello  le  rogo  que  lo  tratase  y  asentase  de  su 
parte  con  Don  Juan  de  Austria  como  el  fiava  de  su  entendimiento  lo  sabia  hazer 
con  esta  resoluçion  partio  el  Havaqui  a  otro  dia  para  el  campo  de  Don  Juan 
de  quien  fue  bien  reçevido  y  el  moro  explico  de  su  embaxada  diziendo  Abdalla 
Abenavo  sucesor  de  Aven  Humeya  y  cabeça  de  la  gente  rebelada  me  embia  a  ti 
gran  principe  a  declararte  su  yntento  y  es  que  considerando  con  atençion  los 
danos  de  la  guerra  halla  que  podrîa  estenderse  ynfinito  sin  otro  premio  mas 
que  la  sangrienta  vengança  que  de  ambas  partes  se  procura  pues  que  vençiendo 
Espana  110  acreçienta  sus  hazanas  ni  si  Abenabo  sustenta  su  yntencion,  no 
espéra  verse  en  tranquilidad  que  es  el  fin  de  la  guerra  assi  que  pues  no  promete 
ninguna  recompensa  pide  a  tu  Alteza  le  mandes  concéder  treguas  en  que  se 
confirmen  por  mi  miedo  (medio)  las  condiciones  que  tu  mandares  y  lo  que 
fuere  remedio  de  estos  danos  —  yo  soy  el  Havaqui  de  quien  por  ventura  habras 
oydo  dezir  vezino  de  Guadix  de  pobres  padres  mas  a  me  puesto  Abenavo  en 
tanta  altura  que  si  el  fuera  su  hermano  no  dudo  que  yo  fuera  otro  Ruygomez 
de  Silva  '  demas  de  lo  quai  sabras  Principe  que  yo  traygo  en  el  coraçon  la  ley 
de  Christo  de  quien  soy  regido  por  que  si  pareçe  que  hasta  agora  he  seguido  la 
secta  maldicta  a  sido  procurando  el  negocio  que  oy  trato  todo  lo  quai  mirando 
y  el  deseo  gênerai  de  toda  aquella  gente  deves  senor  sernos  amparo  y  defFensor 
donde  no  la  cruz  es  mi  tropheo  y  el  uno  y  trino  Dios  por  el  quai  vale  mas  ser 


1.  Ruy  Gomez  de  Silva,  duc  de  Pastrana,  prince  d'Éboli,  était  le  favori  de 
Philippe  II.  Il  avait  épousé  en  1553  Ana  Mendoza  de  la  Cerda,  fille  unique  du 
comte  de  Mélito,  âgée  de  13  ans.  (C'est  la  fameuse  princesse  d'Éboli  qui, 
veuve,  fut  la  m  iitresse  d'Antonio  Perez,  dont  son  mari  avait  été  le  protecteur 
et  qu'il  avait  fait  nommer  secrétaire  de  Philippe  IL'  On  connaît  une  lettre  de 
Mendoza  à  Ruy  Gomez  de  Silva  qui  lui  avait  demandé  des  nouvelles  de  la 
guerre  de  Grenade  ;  c'est  un  simple  billet,  d'un  laconisme  remarquable  : 

«  La  de  V.  Ex.  del  27  de  passado  recivi  a  las  dos  de  este,  y  cumpliendo  con 
lo  que  me  manda  en  darle  aviso  de  el  estado  de  la  guerra,  para  que  V.  Ex.  lo 
dé  a  S.  M.  digo  que  el  Sr.  D.  Juan  oye,  y  el  Duque  bulle,  y  Luis  Quixada 
rine,  y  el  Présidente  propone,  y  el  Arçobispo  bendice,  y  Munatones  guarduna, 
y  el  marques  de  Mondéjar,  mi  sobrino,  esta  alla  ;  que  no  haze  falta  acâ.  » 


I48  R.    FOULCHÉ-DELBOSC 


tu  esclavo  que  de  Abenavo  lugartiniente.  »  Don  Juan  que  atentisimo  le  escu- 
chava  le  respondio  '  «  Mucho  huelgo  Havaqui  de  conoceros  aunque  antes  de 
agora  lo  havia  hecho  por  vuestra  fama  y  antes  de  responder  a  vuestra  demanda 
quiero  agradeceros  la  fee  que  publicais  por  vuestra  bondad  es  justo  queprimero 
se  note  y  agradezca  y  assi  os  prometo  de  seros  de  aqui  adelante  fiel  amigo  en 
quanto  se  os  offreçiese  como  vuestra  constancia  lo  mereçe  y  en  quanto 
a  las  treguas  y  pazes  las  contradigo  por  no  ser  cosa  décente  pedirlas  los 
delinquentes  a  su  Rey  porque  mas  justo  séria  pedir  perdon  y  proponer 
la  emienda  y  darse  a  mi  sin  contradiçion  alguna  y  esto  sirva  de  respuesta 
por  vuestra  cabeça  y  para  todos  en  gênerai  porque  es  bien  que  entiendan 
que  esta  en  su  mano  con  esta  diligençia  moderar  el  rigor  de  la  justiçia  que 
por  sus  culpas  merecen.  »  Con  esto  bolvio  el  Havaqui  a  su  Rey  a  quien 
declarando  el  pensamiento  de  Don  Juan  amonesto  en  lo  que  vien  lestava. 
Mas  Abenavo  confuso  con  mil  varios  pensamientos  no  dandole  credicto  se 
quedo  perplexo.  Pero  Havaqui  con  ardid  y  mafia  procuro  reducir  a  los 
demas  moros  y  haviendolos  provocado  y  insistido  con  Abenavo  y  hallandole 
yndeterminable  bolvio  a  Don  Juan  que  le  esperava  y  le  informo  del  firme 
intento  que  hallo  en  su  gente  para  reduçirse  y  bolverse  a  Dios,  de  solo  Abe- 
navo dize  que  siente  al  contrario  y  que  se  esta  neutral  y  aun  obstinado  por  lo 
quai  dixo  que  el  se  profen'a  a  dalle  muerte  y  que  a  ello  pondria  su  vida  como 
catholico  christiano  y  con  esta  resoluçion  partio  el  mismo  dia  a  effectuarlo  pero 
saliole  al  rebes  porque  mientras  el  trato  esto  con  Don  Juan,  junto  Abenavo 
los  suyos  y  dandoles  a  entender  que  Havaqui  los  vendfa  por  cierto  ynterese, 
los  movio  a  indignarse  con  el  y  fue  a  tiempo  que  el  llego  y  luego  le  prendieron 
y  haziendole  cargos  de  traydor  y  que  pretendia  matar  a  su  Rey  y  dandole  ter- 
mino  muy  brève  para  el  descargo  le  quitaron  la  vida  repitiendo  en  el  ultimo 
aliento  la  voz  del  credo.  Fue  muy  sentida  del  campo  christiano  su  muerte 
aunque  no  fue  ella  parte  para  que  la  gente  convertida  dexase  la  reduçion  comen- 
çada  antes  por  el  rezelo  desta  culpa  venian  a  priesa  a  desculparse  vinieron  a 
montones  con  sus  harmas  pidiendo  clemençia  paz  y  remision  y  por  evitar 
ynconvenientes  venideros  como  se  yvan  reduçiendo  los  yvan  trasplantando  en 
Castilla.  Abenavo  desesperado  y  ostinado  sin  quererse  reduçir  y  no  hallando  ya 
lugar  ni  compania  con  quien  estar  seguro  se  metio  y  procuro  esconder  por 


1.  Cette  réponse  de  Don  Juan  à  El  Habaqui  doit  être  mise  en  parallèle  avec 
le  commencement  de  celle  que  l'on  trouve  dans  Hita  (ch.  xxv)  :  «  Mucho  me 
huelgo,  Habaqui,  capitan  valeroso,  de  conoceros  personalmente,  pues  de  fama 

ya  ténia  de  vos  larga  noticia  y  tambien  de  vuestras  cosas  ; «Je  considère 

comme  certain  que  le  manuscrit  de   Mcndo/a  que  possédait  Hita  contenait  le 
passage  que  seul  donne  aujourd'hui  le  manuscrit  P. 


ETUDE  SUR  LA  GUERRA    DE   GRANADA  149 

algunos  pocos  soldados  en  algunas  cuebas  por  aquella  montana  lo  quai  le  duro 
poco  tiempo  porque  al  fin  fue  muerto  por  un  moro  companero  suyo  y  entre- 
gado  a  los  Christianos  porque  se  acavo  la  Guerra  quedando  la  tierra  muy  llana 
y  pacifica  de  enemigos  parte  muertos  parte  esparçidos  en  Castilla  e  ydos  a 
Berveria. 

He  querido  tratar 

Tel  est  ce  fragment  qui  vient  combler  la  lacune  la  plus  sen- 
sible et  la  plus  inexplicable  du  texte  de  Mendoza  tel  que  nous  le 
connaissions  jusqu'ici.  Je  crois  que  l'on  y  reconnaîtra  sans  peine 
le  style  des  autres  parties  de  l'œuvre  et  que  ces  lignes  feront 
bonne  figure  à  côté  de  celles  entre  lesquelles  elles  s'intercaleront 
désormais. 

Je  puis,  au  surplus,  fournir  une  autre  preuve,  et  des  plus  mar- 
quantes, de  leur  authenticité.  Juan  Rufo  Gutierrez,  on  l'a  dit,  a 
composé  les  dix-huit  premiers  chants  de  son  poème  La  Aus- 
triada  en  ayant  recours  à  un  procédé  des  plus  simples  :  il  s'est 
contenté  de  mettre  en  vers  la  plus  grande  partie  du  texte  de 
Mendoza.  Il  se  servit,  bien  entendu,  d'un  manuscrit,  puisque  La 
Austriada  fut  publiée  en  1584,  quarante-trois  ans  avant  l'édition 
de  Tribaldos.  Or  le  manuscrit  dont  usa  Juan  Rufo  contenait  le 
fragment  que  j'ai  retrouvé  dans  le  manuscrit  P,  et  c'est  ce  frag- 
ment qui,  lourdement  allongé  par  endroits,  compose  la  plus 
grande  partie  du  dix-huitième  chant  :  il  suffit  de  faire  quelques 
suppressions  pour  retrouver  les  phrases  et  jusqu'aux  mots  même 
de  Mendoza  : 

y  recebido  bien  del  varon  fuerte, 
su  mensaje  refiere  desta  suerte  : 

«  Abdalla,  sucesor  de  don  Fernando, 
cabeza  de  la  gente  rebelada, 
a  ti.caudillo  delcristiano  bando, 
me  envia  â  reportar  una  embajada  ; 
y  es  que,  con  atencion  considerando 
los  darïos  desta  guerra  porfiada, 
halle  que  se  podria  su  conflito 
prorogar  y  extender  en  infinito, 

Revue  hispanique.  'O 


150  R.    FOULCHE-DELBOSC 


sin  otro  premio  mas  que  la  sangrienta 
venganza  de  ambas  partes  ofendidas, 
pues  que  venciendo  Esparïa,  no  acrecienta 
las  hazanas  que  has  hecho  esclarecidas, 
ni  si  Abenabo  su  intencion  sustenta, 
espéra  verse  en  tierras  conocidas, 
las  cuales  en  tranquila  paz  posea  ; 
fin  que  de  las  batallas  se  desea. 

Asi  que,  no  promete  recompensa 
esta  contienda  igual  à  parte  alguna, 
con  el  crecido  afan  y  dura  ofensa 
que  causa  el  varïar  de  su  fortuna  ; 
por  tanto,  pide  à  tu  bondad  inmensa 
le  mande  concéder  tregua  oportuna, 
para  que  se  confirme  por  mi  medio 
lo  que  mandares  y  el  coraun  remedio. 


Yo  soy  el  Habaqui,  que  por  ventura 
mi  nombre  habrà  llegado  a  tus  oidos, 
de  pobres  padres,  no  de  fa  ma  escura, 
vecinos  de  Guadix  y  alli  nacidos  ; 
mas  hame  puesto  Abdalla  en  tanta  altura, 
y  héchome  favores  tan  crecidos, 
que  si  él  tu  hermano  poderoso  fuera, 
yo  Rui  Gomez  de  Silva  ser  pudiera. 

Todo  lo  cual  mirado  y  su  deseo, 
y  el  gênerai  de  toda  aquella  gente, 
debes,  alto  senor,  sin  mas  rodeo 
sernos  amparo  y  defensor  clémente  ; 
y  donde  no,  la  cruz  es  mi  trofco 
y  el  uno  y  trino  Dios  omnipotente, 
por  el  cual  mas  me  vale  ser  tu  esclavo 
que  no  lugarteniente  de  Abenabo.  » 

El  de  Austria,  que  atentisimo  escuchaba 

«  Holgado  lie,  Habaqui,  de  conoceros, 
como  ya  por  la  fama  os  conocia  ; 


ÉTUDE   SUR   LA    GUERRA   DE   GRANADA  1 5  I 

y  asi,  primero  pienso  agradeceros 
la  fe  que  profesais  sagrada  y  pia, 
que  resolverme  para  responderos 
à  vuestra  principal  mensajeria  ; 


Y  asi,  à  ley  de  quien  soy,  os  juro  y  digo 
que,  en  cuanto  desde  hoy  mas  se  os  ofrecie.'e, 
tendréis  en  mi  seguro  un  buen  amigo, 
como  vuestra  constancia  lo  requière  ; 
mas  las  treguas  y  paces  contradigo 
a  vos  y  à  otro  cualquier  que  las  pidiere, 
por  no  ser  esos  términos  décentes 
entre  rev  y  vasallos  delincuentes. 

Pedir  perdon  y  proponer  la  enmienda, 
darse  a  merced  sin  condicion  alguna, 


y  entienda  cada  cual  que  esta  en  su  mano 
moderar  el  rigor  de  la  justicia 


Con  estos  y  otros  altos  documentos 
El  Habaqui  volviô  al  campo  agareno, 
donde  con  admirables  argumentos 
à  Abdalla  amonestô  lo  justo  y  bueno  ; 
mas  él,  perplejo  en  vanos  pensamientos, 
ni  de  crédito  dalle  estaba  ajeno, 


Mas  el  ardid,  la  mafia  y  la  prudencia 
del  cauto  y  senalado  mensajero 
redujo  presto  a  la  mejor  sentencia 
todo  el  comun  morisco  casi  entero  ; 


El  Habaqui,  en  sus  tràtos  verdaderos 
habiendo  algunos  dias  insistido, 
i  su  alteza  volviô  que  le  esperaba 
para  la  conclusion  que  se  trazaba. 


152  R.    FOULCHE-DELBOSC 

Despues  de  recebido  cortesmente, 
el  morisco  informé  muy  por  extenso 
del  firme  intento  que  hallô  en  su  gente 
para  volverse  a  Dios  piadoso,  inmenso; 
de  solo  Abdalla  dice  que  mal  siente, 
y  que  se  esta  neutral,  turbio  y  suspenso, 
porque  la  obstinacion  de  su  pecado 
debe  el  sentido  habelle  reprobado. 

Por  lo  cual  dijo  que  él  se  proferia 
à  dalle  muerte  por  su  propria  mano, 
y  que  en  ello  su  vida  arriscaria, 
como  bueno  y  catôlico  cristiano  ; 
y  asi,  partiô  resuelto  el  mismo  dia 
à  verse  con  el  âspero  tirano 
y  efetuar  aquel  herôieo  hecho 


Abenabo  le  manda  hacer  cargo 

en  término  abreviado  y  tiempo  estrecho  ; 


la  vida,  en  fin,  y  pasos  le  acortaron, 
y  él  acabô  como  fiel  cristiano, 
repitiendo  en  el  ûltimo  tormento 
la  voz  del  Credo  con  devoto  aliento. 

Fué  del  campo  catôlico  planida 
del  Habaqui  la  muerte  no  pensada  ; 


no  por  esto  la  gente  convertida 
dejô  la  reducion  ya  comenzada  ; 
antes,  por  el  recelo  desta  culpa, 
venian  mas  apriesa  à  dar  disculpa. 

Vinieron  con  sus  armas  à  montones, 
clemcncia,  remision  y  paz  pidiendo, 

y  por  mas  evitar  las  ocasiones 

de  los  tiempos,  que  siempre  van  volviendo, 

quedaron  trasplantados  a  millares 

lejos  de  los  man'timos  lugares. 


ETUDE    SUR    LA    GUERRA    DE   GRANADA  153 

Preguntarâme  alguno  por  ventura 
que  fin  al  bravo  Abdalla  diô  la  suerte  : 
el,  con  pocos  metido  en  la  espesura, 
en  unas  cuevas  se  hacia  fuerte, 
donde  al  fin  de  su  extrema  desventura 
un  alcaide  morisco  le  diô  muerte, 


y  el  aima  descendiô  â  pagar  sus  maies 
en  las  eternas  Hamas  infernales. 

Il  serait    difficile  de   pousser  plus  loin   la  précision  dans  la 
transposition  en  vers  d'un  texte  en  prose. 


La  seconde  question  est  plus  délicate  à  résoudre  :  tout  ce  qu'a 
publié  Tribaldos  a-t-il  été  écrit  par  Mendoza  ?  Au  premier 
abord,  il  peut  sembler  étrange  de  voir  émettre  une  semblable 
supposition  :  jusqu'à  présent,  personne  ne  s'en  est  avisé,  et  je 
dois,  avant  tout,  déclarer  que  je  suis  loin  d'avoir  une  conviction 
bien  établie  sur  ce  point.  Je  me  bornerai  à  exposer  quels 
indices  m'ont  amené  à  douter  et  à  pencher  vers  la  négative. 

Ce  qui  est  bien  fait  pour  étonner  quiconque  consulte  les  18 
manuscrits,  aujourd'hui  connus,  de  la  Giierra  de  Granada,  c'est 
qu'aucun  d'eux  ne  contient  les  cinq  derniers  paragraphes  du 
livre  IV  I,  ceux  qui  figurent  dans  l'édition  princeps  sous  les 
numéros  16,  17,  18,  19  et  19  (le  19  est  répété  deux  fois;  il  fau- 
drait substituer  20  au  dernier). 

Le  paragraphe   16  (JEsiava  don  Iuan  en  Granada ),   nous 

décrit  la  courte  compagne  du  grand  commandeur  dans  les  Alpu- 
xarras  ;  le  texte  ne  portant  pas,  à  partir  de  cet  endroit,  l'indication 
d'une  seule  date,  il  est  utile  de  les  rétablir.  Le  grand  comman- 


1 .  Ces  paragraphes  ne  figuraient  pas  non  plus  dans  le  manuscrit  de  la  Guerra 
de  Granada  dont  se  servit  Bleda,  puisque  celui-ci  ayant  à  parler  de  la  mort 
d'Aben  Abo,  copia,  à  peu  de  chose  près,  le  récit  de  Marmol. 


154  R-    FOULCHE-DELBOSC 


deur,  arrivé  à  Grenade  le  10  août  1570,  en  repartit  le  2  sep- 
tembre; sa  campagne  dura  deux  mois.  Il  était  de  retour  à 
Grenade  le  5  novembre.  Cette  expédition  nous  est  décrite  avec 
beaucoup  plus  de  détails  par  Marmol,  qui  en  faisait  partie,  dans 
les  chapitres  11  et  v  du  livre  X  de  la  Rebelion.  Hita  n'en  parle 
même  pas. 

Le  paragraphe  17  (Luego  que  llegb  a  Granada )  nous  informe 

du  départ  de  Don  Juan  d'Autriche,  mais  nous  y  relevons  une 
erreur  bien  singulière  :  «  i  hecho  esto,  don  Iuan  con  el  Duque  i 
el  comendador  mayor  se  partie»  a  Madrid  ;  i  de  alli  a  la  armada  de 

la   liga »    Don   Juan    d'Autriche    avait    quitté    Guadix    le 

10  novembre  pour  arriver  le  lendemain  1 1  à  Grenade  ;  le  duc  de 
Sesa  y  arriva  le  même  jour  (Marmol,  X,  vu).  Don  Juan  passa  dix- 
neuf  jours  à  Grenade  :  il  la  quitta  définitivement  le  30  novembre 
pour  retourner  à  Madrid.  Marmol  est  ici  bien  précis  :  parlant  de 
Don  Juan,  il  dit  :  «  quedô  en  su  lugar  el  Comendador  mayor  de 
Castilla  :  y  a  treinta  dias  del  mes  de  Noviembre  partiô  de  la 
ciudad  de  Granada  para  la  corte  de  Su  Magestad.  »  (Liv.  X, 
chap.  vu.)  Quant  au  grand  commandeur,  ce  n'est  qu'au  mois  de 
février  de  l'année  suivante  qu'il  devait  quitter  Grenade  :  «  y  por 
Febrero  de  aquel  aiîo  (1571)  se  fue  a  la  corte,  donde  llegô  tam- 
bien  el  Duque  de  Sesa,  habiendo  estado  algunos  dias  en  su 
estado.  »  (X,  vu  in  fine.)  Il  est  au  moins  bizarre  qu'habitant 
Grenade,  Mendoza  nous  signale  comme  s'étant  effectué  en  même 
temps,  le  départ  de  Don  Juan,  du  duc  de  Sesa  et  du  grand  com- 
mandeur, alors  que  ce  dernier  ne  partit  que  près  de  trois  mois 
après  le  frère  du  roi. 

Les  trois  derniers  paragraphes  (Entre  ellos  truxeron  un  Moro 

à  la  fin  du  volume),  sont  consacrés  au  récit  de  la  mort  d'Aben 
Abo.  Ce  récit  est,  à  peu  de  chose  près,  conforme  à  celui,  plus 
détaillé,  que  nous  en  fait  Marmol  (X,  vm). 

De  ce  qu'aucun  manuscrit  ne  contient  les  cinq  derniers  para- 
graphes de  l'édition  de  1627,  il  faut  donc  conclure  que,  seul,  le 
manuscrit  de  Portalegre,  dont  se  servit  Tribaldos,  possédait  ce 


ETUDE  SUR  LA  GUERRA    DE    GRANADA  I  5  5 

passage.  L'explication  de  ce  fait  est  peut-être  plus  simple  qu'on 
ne  serait  tenté  de  le  croire  :  je  ne  serais  nullement  surpris  que 
ces  cinq  paragraphes  ne  fussent  pas  l'œuvre  de  Mendoza.  J'incli- 
nerais même  à  y  voir  la  main  de  Portalegre. 

Les  deux  ou  trois  manuscrits  que  Portalegre  avait  eus  primi- 
tivement entre  les  mains,  s'ils  différaient  par  le  détail  et  s'ils 
abondaient  en  fautes,  dues  vraisemblablement  à  des  copistes,  se 
ressemblaient  par  les  mêmes  lacunes.  On  sait  que,  surpris  de  n'y 
trouver,  ni  le  récit  du  siège  de  Galera,  ni  celui  de  la  mort  de 
Luis  Quixada,  Portalegre  avait  pris  le  parti  d'y  suppléer  par  une 
addition  qui  tint  lieu  des  trois  passages  retrouvés  en  1628  par 
Tribaldos  dans  un  manuscrit  du  duc  de  Bejar  et  publiés  par 
Iriarte  en  1769.  Ces  lacunes,  nous  l'avons  dit,  ne  sont  pas  les 
seules;  nous  avons  signalé  l'absence  d'un  récit  des  négociations 
d'El  Habaqui  avec  les  Espagnols,  passage  retrouvé  et  publié  plus 
haut. 

Si,  comme  je  serais  tenté  de  le  croire,  les  manuscrits  de  Por- 
talegre s'arrêtaient,  eux  aussi,  à  en  varias  figuras  y  se>nejan~as, 
Portalegre  dut  être  frappé  du  silence  de  Mendoza  à  l'égard  de  la 
mort  d'Aben  Abo.  De  même  que,  pour  avoir  un  récit  du  siège 
de  Galera  et  de  la  mort  de  Luis  Quixada,  il  avait  eu  l'idée  de 
s'adresser  à  un  soldat  ayant  fait  la  campagne,  de  même  il  dut 
s'adresser,  pour  connaître  avec  quelques  détails  la  fin  d'Aben 
Abo,  à  un  témoin,  sinon  oculaire,  du  moins  placé  sur  le  théâtre 
de  ces  événements  '  :  une  fois  documenté,  il  aurait  rédigé  son 
récit  en  imitant  le  style  de  Mendoza.  Le  manuscrit  ainsi  complété 
serait  parvenu  entre  les  mains  de  Tribaldos  qui,  peu  clairvoyant, 
n'aurait  vu,  ni  où  finissait  le  texte  de  Mendoza,  ni  où  commen- 
çait la  nouvelle  addition  de  Portalegre.  Si  l'on  examine  attenti- 


1 .  Si  la  fin  de  la  Guerra  de  Granada  n'est  pas  de  Mendoza,  elle  a  dû  être 
écrite  (par  Portalegre  ou  tout  autre)  sur  les  indications  données  par  quelqu'un 
qui  se  trouvait  à  Grenade  à  la  fin  de  1570  et  au  commencement  de  1571  ;  cer- 
tains détails  topographiques  assez  précis  semblent  l'indiquer. 


I56  R.    FOULCHÉ-DELBOSC 


vement  les  paragraphes  en  question,  on  n'en  trouvera  pas  la 
valeur  littéraire  inférieure  à  celle  de  l'ensemble  de  la  Guerra  de 
Granada.  Le  pastiche,  si  toutefois  c'en  est  un,  est  habilement 
fait,  mais  il  n'y  a  à  cela  rien  d'étonnant.  La  première  addition  qui 
est,  sans  conteste,  de  Portalegre,  nous  a  déjà  montré  qu'il  savait, 
à  l'occasion,  souder  adroitement  deux  fragments  de  Mendoza. 
On  peut  même,  je  le  reconnais,  approuver  les  éloges  que  lui 
décerne  Nicolas  Antonio,  qui  le  déclare  vert  purpuram  auctoris 
purpura  atlexcns1,  on  purpuram  hercle  purpura  attexens2. 

Au  surplus,  savoir  si  la  fin  de  la  Guerra  de  Granada  est  due  ou 
non  à  Portalegre,  est  d'un  intérêt  secondaire;  ce  qu'il  importe- 
rait d'établir,  c'est  si  elle  est  ou  si  elle  n'est  pas  de  Mendoza. 

Les  motifs  qui  me  semblent  pouvoir  être  invoqués  à  l'appui 
d'une  réponse  négative  sont  les  suivants  : 

i°  Aucun  des  manuscrits  que  nous  connaissons  actuellement 
ne  donne  cette  fin  de  la  Guerra. 

2°  Le  paragraphe  17  contient  un  anachronisme  inadmissible 
chez  quelqu'un  qui,  comme  Mendoza,  écrivait  au  moment  même 
des  événements,  ou  seulement  peu  de  mois  après,  et  était,  par 
ses  relations  officielles,  admirablement  placé  pour  connaître  l'ins- 
tant exact  du  départ  de  personnages  aussi  importants  que  l'étaient 
Don  Juan  d'Autriche,  le  duc  de  Sesa  et  le  grand  commandeur. 

30  Le  manuscrit  P,  que  je  tiens  pour  un  des  meilleurs,  sinon 
comme  le  meilleur  de  ceux  que  nous  connaissons,  nous  donne 
un  récit  de  la  mort  d'Aben  Abo  qui  ferait  double  emploi  avec 
celui  contenu  dans  le  passage  contesté.  Il  est  peu  vraisemblable 
que  Mendoza  ait  raconté  deux  fois  cet  événement. 

Le  récit  du  manuscrit  P  est,  il  est  vrai,  autrement  concis  que 
celui  du  texte  imprimé,  mais  cette  concision  même  semble 
devoir  lui  faire  accorder  la  préférence.  Mendoza,  ordinairement 
très  précis,  ne  serait  pas  entré  dans  le  détail  de  la  basse  trahison 


1.  Article  Didacus  de  Mendoza. 

2.  Article  loannes  de  Silva. 


ÉTUDE  SUR  LA  GUERRA   DE   GRANADA  157 

qui  devait  aboutir  à  la  mort  du  dernier  chef  des  révoltés  ',  alors 
surtout  que  la  guerre  était  virtuellement  finie  depuis  plus  de  cinq 
mois.  Aben  Abo  ne  tenait  plus  la  campagne,  en  effet;  avec  ses 
derniers  fidèles,  il  en  était  réduit  à  se  dérober  constamment  aux 
colonnes  volantes  lancées  à  sa  poursuite  :  sa  capture  n'était  plus 
qu'une  question  de  jours,  et  la  trahison  vint  encore  accélérer  sa 
mort. 

Sans  doute,  à  l'heure  actuelle,  après  plus  de  trois  siècles  écou- 
lés, tout  esprit  impartial  éprouve  une  certaine  admiration  pour 
cet  infortuné  musulman,  qui  avait  donné,  en  plus  d'une  occasion, 
mainte  preuve  d'un  merveilleux  courage.  En  février  1569,  il  s'était, 
sans  proférer  une  seule  plainte,  laissé  infliger  la  plus  épouvan- 
table des  tortures 2  pour  protéger  la  fuite  d'Aben  Humeya  et  d'El 
Zaguer.   Proclamé  roi,  il  sut  mettre  à  profit  les  fautes  de  l'en- 


1 .  Je  m'étonne  pourtant  de  ne  pas  voir  figurer,  dans  le  récit  du  manuscrit  P, 
le  nom  du  principal  assassin  :  fue  muerto  por  un  moro  companero  suyo,  dit  le 
manuscrit.   Or,  Mendoza  n'ignorait  pas  que  ce  Maure  s'appelait  El  Xeniz,  il 

nous  le  dit  lui-même  par  avance,  au  paragraphe  7   du  livre  I  :   el  Xeni\, 

que  despues  vendiô  i  mata  al  Abeuabô  su  senor (f.  1 1  verso). 

2.  El  capitan  (Gaspar  Maldonado)  los  mandô  prender  a  todos,  y  preguntan- 
doles,  si  sabian  de  Aben  Umeya,  ô  del  Zaguer,  dixevon  que  no  los  habian 
visto,  y  que  los  que  alli  estaban  se  habian  reducido  con  la  salvaguardia  que 
Aben  Aboo  ténia.  Y  como  no  pudiesen  sacar  de  ellos  otra  cosa,  conociendo  que 
no  le  decian  verdad,  hizo  poner  a  tormento  a  Aben  Aboo,  mandandolo  colgar 
de  los  testiculos  en  la  rama  de  un  moral,  que  estaba  a  las  espaldas  de  su  casa  ; 
y  teniendole  colgado,  que  solamente  se  sompesaba  con  los  calcahales  de  los 
pies,  viendo  que  negaba,  llegô  a  él  un  ayrado  soldado,  y  como  por  desden  le 
diô  una  coz,  que  le  hizo  dar  un  vayven  en  vago,  y  caer  de  golpe  en  el  suelo, 
quedando  los  testiculos  y  las  vinzas  colgadas  de  la  rama  del  moral.  No  debiô 
de  ser  tan  pequeho  el  dolor,  que  dexâra  de  hacer  perder  el  sentido  a  qualquier 
hombre  nacido  en  otra  parte  ;  mas  este  barbaro,  hijo  de  aspereza  y  frialdad 
indomable,  y  menospreciador  de  la  muerte,  mostrando  gran  descuido  en  el 
semblante,  solamente  abriô  la  boca  para  decir  :  «  Por  Dios  que  el  Zaguer  vive, 
y  yo  muero  »,  sin  querer  jamas  declarar  otra  cosa.  (Marmol,  liv.  V,  ch.  xxxiv)» 
—  C'est  l'homme  capable  d'endurer  un  tel  martyre  que  les  Espagnols  espéraient 
amener  à  faire  sa  soumission  ! 


I  S  8  R.    FOULCHÉ-DELBOSC 


nemi,  le  harceler  sans  cesse,  lui  disputer  pied  à  pied  les  ravins 
de  son  éphémère  royaume,  le  leurrer  par  des  négociations  en  vue 
du  désarmement  et  de  la  soumission.  Il  luttait  encore  alors  que 
tout  espoir  de  vaincre  était  irrémédiablement  perdu,  alors  que 
les  Alpuxarras  n'étaient  plus  qu'un  désert.  Il  semble  avoir  tenu  la 
promesse  qu'il  faisait  le  Ier  août  1570  en  présence  de  Hernan 
Valle  de  Palacios  envoyé  par  Don  Juan  d'Autriche  pour  s'infor- 
mer du  sort  d'El  Habaqui  : 

«  Que  Dios  y  el  mundo  sabian  que  no  habia  procurado  ser  Rey,  y  que  los 
Turcos  y  Moros  le  habian  elegido  y  querido  que  lo  fuese  :  que  no  habia  impe- 
dido  ni  iria  a  la  mano  a  ninguno  de  los  que  se  quisiesen  reducir  ;  mas  que 
entendiese  Don  Juan  de  Austria,  que  habia  de  ser  él  el  postrero.  Que  quando 
no  quedase  otro  sino  él  en  la  Alpuxarra  con  sola  la  camisa  que  ténia  vestida, 
estimaba  mas  vivir  y  morir  Moro,  que  todas  quantas  mercedes  el  Rey  Felipe  le 
podia  hacer  ;  y  que  fuese  cierto,  que  en  ningun  tiempo,  ni  por  ninguna  manera, 
se  pondria  en  su  poder.  Y  quando  la  necesidad  lo  apretase,  se  meteria  en  una 
cueva  que  ténia  proveida  de  agua  y  bastimentos  para  seis  anos  :  durante  los 
quales  no  le  faltaria  una  barca  en  que  pasarse  a  Berberia  ».  » 

Mais  pour  un  contemporain  de  la  guerre,  pour  un  Espagnol 
surtout,  même  pour  un  Espagnol  comme  Mendoza,  les  derniers 
jours  de  ce  roitelet  sont  dénués  de  toute  grandeur,  comme  ils 
sont  dénués  de  toute  importance. 

Pedraza,  dans  son  Historia ecîesiastica  de  Granada 2  raconte  assez 
longuement  la  guerre,  mais  ne  parle  même  pas  de  la  mort  d'Aben 
Abo.  Van  der  Hammen,  dans  son  livre  sur  Don  Juan  d'Autriche, 


1.  Marmol,  liv.  IX,  chap.  xm. 

2.  Historia  ecîesiastica de  Granada  por  Don  Francisco  Vermnde\  tic  Pedraza. 

Granada  1638  ,in-fol.  ;àla  fin  :  /:'//  Granada.  En  la  hnprcnta  Real.  Ano  de  1639. 

Pedraza  écourte  singulièrement  le  récit  de  la  fm  de  la  guerre  :  Le  chapitre 
104  (marqué  par  erreur  c.vi.)  est  intitulé  Fin  de  la  Guerra  y  redneion  de  los 
Moriscos  rébeldes.  Il  décrit  les  négociations  qui  amenèrent  l'entrevue  de  Don 
|u.m  et  de  El  Habaqui,  et  cette  entrevue  elle-même,  mais  semble  la  considérer 
Somme  mettant  tin  à  toute  opération.  Il  n'est  pas  dit  un  mot  de  la  mort  d'Aben 
Abo.  Le  ebapitre  105  parle  aussitôt  d'un  voyage  de  l'archevêque  de  Grenade, 
don  Pedro  Guerrero,  aux  Alpuxarras,  en  août  1575. 


ETUDE  SUR  LA  GUERRA    DE    GRANADA  159 

publié  à  Madrid  en  1627,  la  même  année  que  l'édition  princeps 
de  Mendoza,  la  raconte  très  brièvement  '.  Il  en  est  de  même  du 
Murcien  Gines  Perez  de  Hita,  dont  la  relation,  nous  l'avons  dit, 
fut  publiée  en  1604. 

Le  récit  de  Hita  nous  présente  toutefois  deux  particularités 
assez  intéressantes.  Aben  Abo,  selon  lui  (chap.  xxv),  aurait  été 
pris  vivant,  et  c'est  pendant  qu'on  le  conduisait  à  Grenade  qu'il 
se  serait  intentionnellement  laissé  tomber  dans  un  précipice  : 


1.  Hallandose  tan  apretado  Abenaboo,  resoluio  esconderse  en  vna  cueua  que 
auia  junto  al  rio  de  Mecina,  camino  de  Iator,  con  su  muger,  dos  hijas,  y 
muchas  personas.  Supolo  D.  Ivan,  y  embiô  a  combatirla  a  Francisco  de 
Molina,  cô  buen  numéro  de  arcabuceros.  Resistieronse  al  principio  bien  los 
rebeldes  ;  y  viendo  auia  dificultad  en  el  ganarla,  los  dieron  humo,  con  que  se 
entregaron.  Prendiolos  a  todos,  sino  fue  a  Abenaboo,  que  se  saluo  por  vn  agu- 
jero,  aùque  para  pocos  dias.  Estaua  ofendido  dèl  Gonçalo  el  Seniz,  vno  de  los 
que  auià  ido  a  Argel  a  solicitar  el  socorro,  hôbre  determinado  y  dispuesto  para 
qualquiera  maldad.  Este  con  el  ayuda  de  otros  viendole  solo,  dando  color  a  su 
vengança,  con  la  quexa  de  que  reusaua  los  conciertos,  le  matô,  y  se  fue  con 
la  cabeça  a  Granada  al  Présidente  ;  y  el  Rei  le  dio  cien  mil  marauedis  de  por 
vida,  y  perdonô.  Fuese  a  viuir  a  Valladolid,  pero  despues  de  algunos  anos 
murio  descuartizado  por  salteador  en  Guadalajara  por  orden  del  Licenciado 

Lieuana,  Comissario  contra  salteadores (Don  Juan   de  Austria,  Libro  II, 

f.  123  verso,  ligne  9).  —  C'est  vers  le  15  septembre  1570  que  se  place  l'épisode 
de  la  grotte  de  Berchul  La  femme  et  les  deux  filles  d'Aben  Abo  y  moururent. 
Le  pocos  dias  est  insuffisant,  puisque  six  mois  se  passèrent  avant  la  mort  d'Aben 
Abo  (15  mars  157 1). 

Dans  son  Don  Felipe  el  Prudente  publié  à  Madrid  en  1625,  Van  der  Hammen 

raconte  le  fait  en  quatre  lignes  :  «  con  la  muerte  de  Abenaboo  cessô  todo. 

Matole  el  Seniz,  auièdose  librado  en  Mecina  de  los  Christianos  salièdo  por  vn 
agujero,  y  leuole  a  Granada  al  Présidente.  »  (f.  42). 

Dans  les  deux  ouvrages  de  Van  der  Hammen  (Don  Felipe  el  Prudente  et  Don 
Juan  de  Austria)  écrits  tous  deux  avant  la  publication  de  l'édition  de  Tribaldos 
(les  approbations  de  Don  Juan  de  Austria  sont  datées  de  1625),  on  trouve  des 
passages  entiers  de  la  Guerra  de  Granada  de  Mendoza.  Van  der  Hammen  n'in- 
dique jamais  ses  références,  mais  il  a  eu  sûrement  entre  les  mains  soit  un 
manuscrit  de  Mendoza,  soit  tout  simplement  la  Coronica  de  Bleda  dans 
laquelle  figure,  comme  on  sait,  la  plus  grande  partie  de  la  Guerra  de  Granada. 
Le  fait,  au  surplus,  est  ici  sans  grande  importance. 


l60  R.    FOULCHÈ-DELBOSC 


Finalmente,  todo  el  reino  se  redujo  y  rindiô  las  armas  ;  solamente  quedaba 
Avenabô  con  unos  quinientos  monfis,  pues  no  le  seguia  otra  gente  ;  y  asi 
salian  de  Granada  à  buscarle  para  prenderle  ô  matarle  ;  y  con  efecto,  toda  su 
gente  fue  muerta  y  destrozada,  y  al  fin  él  tambien  hallado  y  preso  ;  y  llevân- 
dole  à  Granada  montado  en  una  mula,  de  proposito  se  dejô  caer  de  unas  perlas 
abajo,  y  vino  a  dar  en  una  rambla  muy  honda  hecho  pedazos.  Alli  le  cortaron 
la  cabeza  y  la  llevaron  â  Granada,  do  esta  en  una  jaula  de  hierro  en  la  puerta 
del  Rastro,  con  un  letrero  encima  que  hoy  parece,  y  dice  desta  suerte  : 

Aquesta  cabeza  es 

del  grande  perro  Avenabo, 

que  con  su  muerte  diô  cabo 

i  la  guerra  é  interés. 

Un  fait  sur  lequel  sont  d'accord  Marmol,  Hita  et  l'auteur  de  la 
fin  de  la  Guerra  de  Granada,  c'est  que  la  tête  d'Aben  Abo  fut  pla- 
cée au-dessus  de  la  porte  du  Rastro  : 

«  y  la  cabeça  fue  puesta  en  una  jaula  de  hierro  sobre  el  arco  de  la  puerta  del 
rastro,  que  sale  al  camino  de  las  Alpuxarras,  donde  hoy  esta.  »  (Marmol.) 

«  la  cabeça  pusieron  encima  de  la  puerta  de  la  ciudad,  la  que  dizen  puerta 
del  rastro,  colgada  de  una  escarpia  a  la  parte  de  dentro,  i  encima  una  jaula  de 
palo  i  un  retulo  en  ella  que  dezia  : 

Esta  es  la  cabeça  del  traidor  de  abenabo,  nadie  la  qvite  so  pena  de 
mverte.  »  (Guerra  de  Granada.) 

Mais  il  y  a  divergence  sur  la  question  de  l'inscription  ;  Mar- 
mol, on  l'a  vu,  n'en  mentionne  aucune  :  il  est,  d'ordinaire,  si 
précis,  et  s'arrête  si  complaisamment  au  moindre  détail,  que  son 
silence  a  lieu  d'étonner.  Y  avait-il  ou  n'y  avait-il  pas  d'inscrip- 
tion ?  La  chose,  en  soi,  importerait  peu  et  ne  mériterait  pas  que 
l'on  s'y  arrêtât  longtemps,  si  l'on  n'espérait  en  tirer  quelque  éclair- 
cissement pour  l'étude  de  la  fin  de  la  Guerra  de  Granada.  Ce  qui 
semblerait  indiquer  que  l'inscription  existait,  c'est  qu'elle  ne  nous 
est  pas  connue  par  ce  seul  récit,  mais  aussi  par  l'ouvrage  de  Hita. 
Sans  doute,  celle  qu'il  donne  est  fantaisiste  l  :  mais  n'y  faut-il 


i.  Hita  transforme  même,  pour  les  besoins  du  vers,  le  mot  oxyton  Aben 
Abo  en  un  paroxyton  Abat  Abo. 


ÉTUDE  SUR  LA  GUERRA    DE    GRANADA  l6l 

pas  voir  un  rifacimento  de  quelque  letrero  véritable?  La  première 
moitié  est,  au  surplus,  à  peu  près  la  même  dans  les  deux  textes. 

* 
*  * 

Nous  n'avons,  actuellement,  aucune  autre  donnée  qui  puisse 
nous  permettre  de  nous  prononcer,  avec  quelque  sécurité,  sur 
l'authenticité  ou  la  non  authenticité  de  la  fin  de  la  Guerra  de 
Granada  :  on  est  toujours  en  droit  de  supposer  que  la  découverte 
de  nouveaux  manuscrits  viendrait  apporter  quelques  éclaircisse- 
ments, mais  je  doute  que  l'on  en  trouve  jamais  un  seul  qui  con- 
tienne les  passages  discutés.  Il  faudrait  donc  s'en  tenir,  comme 
je  l'ai  fait  dans  cette  étude,  à  un  texte  rétabli  d'après  le  manuscrit 
P,  et  considérer  comme  apocryphe  la  fin  donnée  par  Tribaldos. 


APPENDICE 


LES   MANUSCRITS 


Nous  connaissons  aujourd'hui  dix-huit  manuscrits  de  la  Guena  de  Granada. 
Deux  se  trouvent  à  Paris,  un  à  l'Escorial,  un  à  Séville,  dix  à  Madrid,  un  à 
Salamanque,  un  à  Murcie  ;  enfin  deux  m'appartiennent. 

On  peut  les  diviser  en  trois  familles. 

La  première  famille  comprend  cinq  manuscrits  (G,  K,  N,  R,  S).  Chacun  d'eux 
est,  sauf  de  nombreuses  variantes  à  divers  endroits,  conforme  à  l'édition  de 
1627,  mais  ne  va  pas  au-delà  de  la  phrase  :  «  Tornô  el  rey  i  Côrdoba  por  Jaen 
y  por  Ubeda  y  Baeza,  remitiendo  la  conclusion  de  las  cortes  para  Madrid  donde 
llego.  »  Aucun  de  ces  manuscrits  ne  parle  donc  des  opérations  militaires  de  la 
Sierra  de  Ronda,  récit  qui  occupe  environ  600  lignes  dans  les  autres  manuscrits, 
ni  de  la  mort  d'Aben  Abo.  Il  est  à  remarquer  que  certains  manuscrits  des  deux 
autres  familles  (mss.  J,  T)  portent  à  cet  endroit  l'indication  :  «  Aqui  acaban 


IÔ2  R.    FOULCHÉ-DELBOSC 


muchos  originales.  »  Ces  deux  manuscrits  ont  peut-être  été,  du  reste,  copiés  sur 
un  même  original.  Il  n'est  pas  inutile  de  faire  remarquer  cette  première  divi- 
sion ;  le  récit  de  la  guerre  de  Ronda  peut  être,  en  effet,  considéré  comme  une 
œuvre  presque  distincte  de  la  Gnerra  de  Granada  ;  c'est  ainsi  que  les  manuscrits 
B  et  F  portent  à  cet  endroit  un  titre  spécial  :  «  La  jornada  y  suçesso  de  la  guerra 
de  Ronda.  » 

La  deuxième  famille  comprend  onze  manuscrits  (A,  B,  C,  D,  E,  F,  H,  J,  L, 
M,  T).  Chacun  d'eux  est,  sauf  de  nombreuses  variantes  à  divers  endroits,  con- 
forme à  l'édition  de  1627,  mais  ne  va  pas  au-delà  de  la  phrase  :  «  como  se 

ven  en  el  alto  las  nubes  formadas  en  varias  figuras  y  semejanzas.  »  Aucun  de 
ces  manuscrits  ne  parle  donc  de  la  mort  d'Aben  Abo,  récit  qui,  dans  l'édition 
de  1627  et  les  éditions  postérieures,  occupe  près  de  300  lignes.  Le  manuscrit  A 
possède,  comme  je  l'ai  dit,  quelques  passages  inédits  dans  le  livre  IV.  Les  manu- 
scrits A,  D,  E,  L  semblent  provenir  d'une  même  source;  tous  les  quatre,  en 
effet,  ont  le  livre  IV  marqué  III  par  erreur. 

La  troisième  famille  ne  comprend  que  deux  manuscrits,  les  manuscrits  O  et 
P.  Ce  sont  les  seuls  qui  possèdent  les  trois  passages  retrouvés  par  Yriarte  au 
siècle  dernier,  passages  qui  avaient  été  remplacés  dans  les  éditions  par  un  dis- 
cours du  comte  de  Portalegre.  Ils  ne  s'étendent  pas  plus  loin  que  les  manuscrits 
de  la  deuxième  famille,  mais  j'ai  découvert  dans  le  manuscrit  P  le  fragment 
publié  plus  haut  ;  c'est  le  récit  des  négociations  d'El  Habaqui  avec  les  Espagnols. 


LISTE   DES   DIX-HUIT   MANUSCRITS 


A.  Paris,  Bibl.  nat.,  mss.  esp  n°  180  —  273/195  millim.  —  110  feuillets  — 
1618-1619  —  2e  famille. 

Au  f.  1  :  Setuval  Ano  16 18,  ij  Julij ;  au  f.  108  verso,  finis,  Anno  16 19, 
28  Januarij.  Même  division  en  livres  et  en  paragraphes  que  dans  l'édition  de 
1627  :  le  livre  IV  est  marqué  III  par  erreur.  Contient  l'introduction  et  l'addi- 
tion de  Portalegre. 

* 
*  * 

B.  Paris,  Bibl.  nat.,  mss.  esp.  n°  181  —  298/208  millim.  —  104  feuillets  — 
xvii1-'  siècle  —  2e  famille. 

A  un  titre  inexact  :  Comentarios  delaguerra  de  Granada  échos por  don  Diego  de 
Zuniga.  Au  f.  92,  titre  spécial  :  La  jornada  y  suceso  de  la  guerra  de  Ronda. 


C.  Escorial.  Catal.  Haencl,  col.  961  —  284/180  millim.  —  162  feuillets  à 
encadrement  rou^e.  Ecriture  très  nette.  Fin  xvne  siècle.  —  2^  famille. 


ÉTUDE  SUR  LA  GUERRA    DE    GRANADA  163 

Titre  :  Historia  de  la  Guerra  de  Granada  que  escriviô  Don  Diego  Hurtado  de 
Mendoça.  Les  premiers  feuillets  seuls  sont  divisés  en  paragraphes. 

* 

*  * 

D.  Séville.  Ancienne  Bibliothèque  de  San  Acacio.  Catal.  Haenel,  col.  982. 
Cote  actuelle,  332-32  —  148/203  millim.  —  23ofeuillets —  1621  —  2e  famille. 

Deux  notes,  ajoutées  au  xvme  siècle,  indiquent,  d'une  part,  les  éditions  de 
Tribaldos  et  de  Mayans,  d'autre  part,  la  publication  de  la  Biblioleca  Griega 
Matritense  d'Iriarte.  La  fin  de  la  Guerra  a  été  copiée  au  xvme  siècle  sur  une 
édition.  Le  livre  IV  est  marqué  III  par  erreur. 

* 

*  * 

E.  Madrid,  Bibl.  nac,  V.  229,  couverture  parchemin  —  300/206  millim.  — 
123  feuillets  —  1 618-16 19  —  2e  famille. 

Au  f.  1  :  Sehibal  ano  de  1618  —  13  dejunio;  au  f.  123  verso  :  finis  anno 
i6iç.  Contient  l'introduction  et  l'addition  de  Portalegre.  Même  division  en 
livres  et  en  paragraphes  que  dans  l'édition  de  1627.  Le  livre  IV  est  marqué  III 
par  erreur. 

*  * 

F.  Madrid,  Bibl.  nac.  G.  95,  reliure  veau  —  300/220  millim.  —  168  feuillets. 
—  xvne  siècle.  —  2e  famille. 

Sur  le  premier  feuillet  de  garde  :  Este  livro  se  intitula  Flor  de  Verdades  Catho- 
licas  ;  escrilnole  Iuan  Arias  quien  di%e  averlo  allado  en  todo  lo  que  rejiere  eu  este  livra. 

Plus  bas,  d'une  écriture  plus  moderne  :  Es  la  guerra  de  los  moriscos  de  Granada 
por  Mendoça.  Le  nom  du  copiste  Juan  Arias  reparaît  au  bas  des  feuillets  1  et  12, 
au  feuillet  60  verso  et  à  la  dernière  feuille  collée  à  la  reliure.  Le  feuillet  148 
est  suivi  de  3  pages  blanches  ;  sur  la  3e,  titre  spécial  :  La  jornada  y  suçesso  Je  la 
guerra  de  rronda.  Même  division  en  paragraphes  que  dans  l'édition  de  1627, 
mais  la  division  en  livres  n'existe  pas.  Des  noms  propres  sont  fréquemment 

laissés  en  blanc. 

* 

*  * 

G.  Madrid,  Bibl.  nac,  G.  99  —  288/208  millim.  —  155  feuillets  — 
xvne  siècle  —  ire  famille. 

(Le  G.  99  contient  deux  manuscrits  de  la  Guerra  de  Granada,  les  manuscrits 
G  et  H  de  la  présente  liste.) 

Titre  (sur  le  feuillet  de  garde)  :  Discursos  de  don  diego  de  mendoça  ambajor  Jel 
5r  rey  don  felipe  2  :  en  Roma  eu  la  guerra  del  lebantamiento  de  los  moriscos  dél 
reyno  de  granada.  —  Au  f.  1  :  De  la  Guerra  de  Granada.  Autor  Dn  Diego  de 
Mendoça  Embajador  de  Phelipe  2°  eu  Routa,  tiene  ij;  folios. 


164  R.    FOULCHÉ-DELBOSC 


H.  Madrid,  Bibl.  nac,  G.  99  —  288/208  millim.  —  119  feuillets  — 
xviie  siècle  —  2e  famille. 

Titre  :  De  la  guerra  de  granada. 

* 

*  * 

J.  Madrid,  Bibl.  nac,  G.  106  —  320/220  millim.  —  102  feuillets  — 
XVIIe  siècle  —  2e  famille. 

Au  f.  90,  après  la  phrase  .....para  Madrid  donde  llegà,  qui  est  la  dernière 
des  manuscrits  de  la  i«  famille,  on  lit  la  mention  :  Âqui  acaban  muchos  origi- 
nales. 

*  * 

K.  Madrid,    Bibl.   nac,   T.    216    —   278/205    millim.   —  92    feuillets  — 
XVIIe  siècle  —  ire  famille. 
Titre  :  De  la  Guerra  de  Granada.  Sans  nom  d'auteur. 

*  * 

L.  Madrid,  Bibl.  nac,  V.  8 —  300/215  millim.  —  127  feuillets  à  double 
encadrement  — xvne  siècle  —  2e  famille. 

Titre  :  Historia  da  Rebilliào  de  granada  de  Dom  Diego  de  Mendoça.  —  Au 
f.  2  :  Historia  de  Rebillaô  de  Granada  ;   au-dessous  une  signature  à    peu  près 

illisible  :  Dn  Fran° Puis  :   Prologo  de  Don  diego  de  mendoça  a  la  ystoria 

de  la  guerra  de  granada  que  uvo  por  el  levantamiento  que  los  moriscos  de  aquel  Reyno 
ycieron  ai'w  de  mil  y  quinientos  y  cinquenta  (sic)  y  nueve  anos.  —  Au  f.  3  :  Ysto- 
ria de  la  guerra  de  granada  de  don  diego  de  mendoça.  —  Même  division  en  livres 
et  en  paragraphes  que  dans  l'édition  de  1627.  Le  livre  IV  est  marqué  III  par 

erreur. 

* 

M.  Madrid,  Bibl.  nac,  G.  128,  reliure  veau  —  285/200  millim.  —  131 
feuillets  —  xvne  siècle  —  2e  famille. 

Sur  un  feuillet  de  garde  :  Faltan  en  este  Ms.  los  folios  19,  20,  21,  32  y  96.  La 
même  note  indique  des  interversions  de  feuillets.  Titre  :  De  la  guerra  de  gra- 
nada. Sans  nom  d'auteur.  Les  deux  derniers  feuillets  contiennent  une  table 
alphabétique  des  principaux  noms,  lieux  et  faits  de  l'ouvrage. 

* 

*  * 

N.  Madrid,  Bibl.  nac,  G.  208  —  210/150  millim.  —  137  feuillets  — 
xvii1--  siècle.  —  ire  famille. 

(Le  G  208  contient  deux  manuscrits  de  la  Guerra  de  Granada.  les  manuscrits 
N  et  O  de  la  présente  liste.  Il  contient,  en  outre,  entre  les  deux  manuscrits  de 
Mendoza  :  Invencion  DelSacro  Monte  de  Granada.  Con  las  vidas  de  los  Sanctos  que 
m  il  fueron  marliriçados.  l'or  Juan  Herreros  Je  Almansa  y  otras  cosas  que  veras  a 
la  niella.  50  feuillets.) 


ÉTUDE  SUR  LA  GUERRA    DE   GRANADA  165 

Titre  :  Historia  de  la  Guerra  y  Reveliou  de  Granada.  La  guerra  de  granada  eu 

tiempo  de  Phs  2°  tiene  13  y  folios. 

* 

*  * 

O.  Madrid,  Bibl.    nac,  G.    208  —  210/150  millim.  —   151   feuillets  — 

xvne  siècle  —  3e  famille. 

Titre  :  {Prologo  De)  La  Historia  de  la  Guerra  y  levantamiento  De  los  Moriscos 

del  Reyno  de  Granada. 

* 

*  * 

P.  Salamanque,  Bibl.  de  la  Universidad.  Est.  3,  Caj.  4,  Nûm.  16  — 
210/155  millim.  —  205  feuillets  —  xvne  siècle  — ■  3e  famille. 

Titre  :  Historia  de  la  guerra  y  levantamiento  de  los  Moriscos  del  Reyno  de  Gra- 
nada por  don  Diego  de  Mendoça  enibaxador  por  su  Md  en  Roma. 


R.  Murcie,  Bibl.   provinciale.  —  296/209   millim.  —    101    feuillets  —  fin 
xvne  siècle  —  ire  famille. 

Titre  :  La  Guerra  de  Granada  por  Don  Diego  de  Mendoça. 


S.  M'appartient  —  251/189  millim.  —  159  feuillets  —  xvne  siècle  —  ire 
famille,  mais  contient  en  outre  une  trentaine  de  lignes  semblables  à  l'édition 
de  1627. 

Titre  :  De  la  Guerra  de  Granada  (Prologo')  Por  don  diego  de  Mendoça. 


T.  M'appartient.  —  298/210  millim.  —  67  feuillets  —  xvne  siècle  —  2« 
famille. 

Titre  :  (Prologo)  De  don  diego  de  mendoça.  En  la  historia  de  granada. 


Les   dix-huit  manuscrits   présentent  à  peu  près  à  chaque  page  des   diffé- 
rences, dont  quelques-unes  assez  notables,  avec  le  texte  de  l'édition  de  1627. 

R.  Foulché-Delbosc. 


Revue  hispanique. 


POESIAS    INÉDITAS 


DE 


DON    JUAN    MELÉNDEZ    VALDÉS 


Les  poésies  inédites  de  Meléndez  Valdés  que  l'on  trouvera  ci-après  proviennent  de 
deux  sources.  L'epitre  à  Jovellanos  se  trouvait  parmi  les  papiers  de  Cadalso  ',  le  reste 
faisait  partie  du  recueil  516  de  la  Bibliothèque  de  Salvà-. 

R.  Foulché-Delbosc. 


1.  Ces  papiers  contenaient  également  les  poésies  de  Moratin  que  j'ai  publiées  en  1892. 
(Poesias  inéditasdeD.  Nicolas  Fernândez  de  Moratin  publicadas  por  R.  Foulché-Delbosc. 
Madrid  :  Murillo  1802,  pet.  in-8.) 

2.  C'est  dans  ce  même  recueil  que  se  trouvait  le  manuscrit  de  Los  Besos  d*  Amor  que 
j'ai  publiés  dans  la  Revue  Hispanique  (mars  1894,  pp.  73  et  suiv.). 


P0ES1AS    INÉDITAS  I  67 


AL    SEXOR    DON    GASPAR    DE   JOYE-LLANOS, 

OIDOR    EN    SEVILLA  '. 

SOBRE    MI    AMOR. 

SILVA   POÉTICA    EN    VERSO    BLANCO    ENDECASILABO 

Quamquam  animus  meminisse  horret,  lucttique  refugit, 
Incipiam. .. 

Virg.  jEneîd.  II.  ver.  12. 


Tiempo  fué,  gran  Jovino,  que  amarrado 
llevé  del  amor  crudo  la  cadena, 
la  pesada  cadena  a  cuyos  golpes 
el  anima  mezquina  tiembla  agora  : 
teniendo  por  eterna  bienandanza 
la  gloria  celestial,  el  rostro  bello, 
el  mirar  amoroso,  y  riso  afable, 
la  delicada  vôz,  y  blanda  queja 
de  aquella  pura  luz j  ay  !  ay  !  que  temo, 

10     y  aun  tiembla  el  corazon  al  acordarme 
inundada  la  faz  de  un  largo  lloro. 
i  Ah  malogrado  tiempo,  y  quien  pudiera 
tomar  atras  tu  rueda  voladora  ! 
j  oh  ninez  !  oh  cuidados  de  los  hombres  ! 
j  oh  ciega  voluntad  !  No  fuera  dado 
en  la  tierna  nihez  a  el  aima  débil 
el  augusto  consejo,  y  clara  lumbre 
que  goza  en  vano  la  vejez  cansada  : 
y  el  nombre  a  imagen  de  su  Dios  formado 

20     al  vicio,  y  al  error  en  el  principio 
mancipado  sera  por  su  lîaqueza. 

Yo  en  la  primera  edad  inocentillo, 
quando  apenas,  seiïor,  el  lento  curso 


1.  Cette  longue  épître  à  Jovellanos  est  peut-être  de  1779  :  c'est  du  moins  ce  que  l'on 
peut  inférer  du  trait  final  victus  cum  mettre  Cupido  que  l'on  retrouve  dans  une  lettre  de 
Mclcndez  à  Jovellanos,  datée  de  Salamanque  27  avril  1779  et  publiée  en  1871  par 
D.  Leopoldo  Augusto  de  Cueto  (Foetus  liricos  del  siglo  XVIII,  tomo  II,  p.  84,  dans  la 
Biblioteca  de  Rivadeneyra)  : 

...No  me  juzgue  V.  S.  por  ella  (una  bella  niiia)  ya  preso  ;  desde  el  ensueno  de  las 
Sagas  desperté  enteramente,  y  puedo  decir   Victus  cum  matre  Cupido. 


l68  JUAN'  MELÉNDEZ  VALDES 

quince  vezes  contara  al  sol  dorado 
del  Aries  à  los  Peces,  ni  rompiera 
la  delicada  barba  el  blando  bozo, 
ya  de  virtud  sécréta  conmovido, 
que  sembrô  Diva  en  mi  inocente  seno 
maldije  del  amor,  del  fuego  impuro 

30     del  lazo  inévitable,  do  enredado 
un  mozo  malhadado  vi  abrasarse. 
j  Ay  si  el  fatal  exemplo  me  salvara, 
y  en  el  ageno  dano  docto  fuera  ! 

Fué  mi  sencilla  diversion  entonces 
en  dulce  sombra  por  el  bosque  ameno 
cantar  desocupado  algunas  veces, 
seguir  las  artes  de  la  casta  Diosa, 
la  casa  freqùentando,  6  mas  humilde 
disponer  â  las  aves  blanda  liga, 

40     sus  nidos  inquirir,  y  tantos  fuegos 
do  la  aima  paz  y  la  inocencia  asisten 
à  una  con  el  candor  en  santo  lazo. 
Tiempo  voluble,  y  quai  la  sombra  vana 
ô  alegre  en  sueiîo  que  la  mente  burla, 
ni  luego  déjà  de  su  bien  seiïales. 

Porque  subito,  ay  Dios  !  senti  encenderse 
mi  blando  corazon  con  una  llama 
de  regalado  fuego,  que  en  los  huesos 
difundiô  su  veneno  tan  ligera, 

50     quai  suele  discurrir  por  el  otono 

ardiente  exalacion  en  noche  obscura. 

Difundiérala  amor,  que  descendiendo 
con  jiro  arrebatado  dende  el  cielo 
por  el  aire  vacio,  à  do  volando 
somete  cielo  y  tierra  en  mandar  crudo, 
de  la  dorada  Venus  sostenido, 
indignado  de  mi,  lanzô  una  flécha 
de  inestinguible  ardor,  que  en  las  entranas 
subito  levantô  tan  grandes  fuegos, 

60     y  huyô  volando  con  maligna  risa 
d  contar  i  su  madré  cl  fatal  hecho. 

Yo  di  al  punto  en  temblar  despavorido 
con  la  torpe  vision  la  sangre  helada, 
ignorando  el  misterio,  y  hacia  el  cielo 


POESIAS    1NEDITAS 


169 


las  palmas  levantando  en  taies  voces, 
medroso  y  triste  prorumpi  llorando. 

«  Acorre,  acorre,  o  Dios,  y  el  fuego  apaga 
«  que  el  misérable  corazon  dévora, 
o  y  el  funesto  tropel,  y  el  alboroto 
70     «  levantado  apacigua,  si  merece 
«  favor  el  inocente  perssguido, 
«  y  mis  himnos  sonantes  te  cantaron  : 
«  dame  amparo,  senor,  y  poderoso  confunde, 
«  confunde  el  enemigo.  »  En  este  punto 
santa  virtud  del  cielo  descendida 
con  agua  saludable  templô  el  fuego, 
y  liaciéndome  mas  fuerte  «  A  la  batalla, 
«  intrépido,  me  dijo,  te  apercibe, 
«  y  oponte  valeroso  al  gran  contrario. 
80     «   j  Ay  de  ti  misérable  !  si  cayeres, 

«  que  càrceles  te  quedan,  y  que  lloros, 

«  que  miseras  lamentos,  y  cadenas, 

«  y  que  mezquinos  ayes  !  »  Cesô  y  fuéce 

volando  al  cielo  con  serenas  alas, 

y  dejando  tras  si  de  clara  lumbre 

un  rastro  celestial,  y  perfumado 

de  etéreo  odor  de  liquida  ambrosia. 

Yo  la  miraba  con  atentos  ojos 
y  volviendo  en  el  ânimo  estas  cosas, 
90     sintiendo  ya  mi  corazon  tranquilo 
y  una  nueva  virtud  que  me  esforzaba 
contra  el  amor,  y  su  maligno  fuego  : 
pero  ;  oh  ciega  natura  !  y  misérable 
inclinacion  del  hombre.  à  las  virtudes 
rebelde  marmol,  y  â  los  vicios  cera  ! 

Desde  esta  fatal  hora  que  del  cuento 
de  los  anos  borrarse  fuera  digna, 
en  negro  olvido  envuelta,  mas  ufano 
trataba  va  de  amor,  ni  jamas  pude 
100     atizar  en  el  pecho  el  odio  antiguo 

malgrado  mis  esfuerzos,  ni  à  su  canto 
de  mdgico  poder,  y  létal  furia 
la  oreja  misérable  ya  negaba  ; 
mas  antes  sosegado  y  con  faz  leda 
en  platicas  de  amor  me  complacia 


1-0  JUAN    MELENDEZ    VALDES 

y  la  queja,  el  suspiro,  y  largo  lloro, 
el  ruego  humilde,  y  el  penar  contino, 
y  a  vezes  la  alta  gloria,  y  bien  sin  qùento 
del  anima  infeliz,  que  en  lamentable 
110     misera  esclavitud  adormescida, 

à  un  recîproco  amor  vive  ayuntada 
envidiaba  j  mezquino  !  y  ya  quisiera 
gozar  yo  en  torno  tan  falaces  bienes. 

?  Quantas  veces  tambien  el  blando  fuego 
excitaba  leyendo  ?  y  que  no  pudo 
el  ardiente  Tibulo,  y  el  divino 
Propercio  con  sus  numéros  sonoros  ? 
ô  el  que  llorô  del  pajaro  la  muerte 
delicias  de  su  Lesbia,  que  mudable 
120     por  otros  le  dejara  tan  liviana? 
ni  que  pccho  feroz  no  ablandarian 
el  deheado  Ovidio,  y  tierno  Laso, 
grande  nombre  del  Tajo,  do  aun  resuenan 
el  cantar  misérable  del  Salicio, 
y  los  suspiros,  y  el  amor  de  Albanio  ? 
j  Ay  numéros  divinos  !  quai  mi  seno 
llenasteis  de  letifera  ponzoiïa  ! 
v  j  ay  !  ay  de  mf  infeliz  !  quien  recel  ara 
de  tal  dulzura  tan  amargo  acibar, 
130     ni  peste  tan  fatal!  en  este  punto 
ya  sujeto  al  amor  sin  yo  sentirlo, 
llevaba  la  cadena,  y  las  doradas 
esposas  en  las  manos,  y  esta  fuera 
de  mi  ciego  dolor  la  causa  prima  : 
porque  hallado  en  el  mal,  y  alétargado 
del  veneno  mprtal  en  largo  olvido 
comencé  de  go/.arme  relajada 
la  antigua  propension  al  noble  estudio. 
Ninguno  de  repente  malo  fuera 
140     y  ;i  par  de  la  virtud  tiene  sus  grados 
el  vicio,  y  el  error,  ni  pasar  pudo 
subito  a  la  maldad  el  inocente, 
que  un  mal  otro  mal  llama.  Conducido 
yo  a  la  gran  corte  del  Monarcha  hispano, 
do  las  Magas  habitan,  que  trasforman 
(quai  escribe  la  fabula  de  Circe) 


POESIAS    INEDITAS  IJl 


con  mâgico  poder  en  aparîencias 
de  animales  los  nombres  misérables, 
v  en  formas  tristes  de  sangrientas  fieras, 

1 50     malgrado  mi  querer,  y  los  esfuerzos 
de  la  virtud  antigua  de  dar  hube 
cl  postrimero  paso  en  mi  ruina  : 
alli  acabé  de  hacerme  a  la  dorada 
carcel,  y  avezarme  al  error  ciego, 
porque  alli  plugo  a  Venus  que  morase 
todo  el  Reyno  de  amor,  y  la  hermosura 
j  oh  fuerza  del  exemplo  !  a  quai  no  arrastra 
la  freqùencia  del  mal,  ni  huyô  prudente 
del  vicio  en  la  costumbre  autorizado  ! 

160         Cabe  un  ameno  valle  de  odorosa 
yerba  y  flores  pintado  à  do  conduce 
un  camino  apacible,  con  la  inmensa 
mudiedumbre  de  gentes  y  de  pueblos, 
que  van  y  vienen  en  tropel  confuso, 
quai  suelen  en  verano  las  abejas 
en  largo  enxambre  acometer  las  flores, 
hubo  un  antiguo  bosque  venerado 
con  larga  religion,  y  santo  miedo 
de  la  enganada  gente,  las  encinas 

170     la  copa  alzada  al  cielo  no  permiten 
ver  del  dorado  Febo  la  luz  clara. 
Parece  que  los  Dioses  habitaron 
alli  quando  los  hombres  aun  no  fueran 
salidos  de  la  tierra,  tan  antigua 
veneracion  le  ocupa.  Conducido 
yo  de  mano  invisible  bien  adentro 
fuime  alejando  en  él  por  una  senda, 
que  â  mil  lados  revuelta  en  error  ciego 
envuelve  la  salida,  y  de  otra  parte 

180     sereno  arroyo  de  sonante  curso 

la  corta  y  cierra  con  su  vuelta  el  bosque. 

Aqui  beben  las  gentes  largo  olvido 

de  la  virtud,  y  el  bien,  y  en  torpe  sueno 

duermen  de  ciego  amor  aletargadas; 

la  orilla  es  venenosa,  y  el  deleite, 

el  infâme  deleite  el  mas  horrible 

de  los  humanos  maies  esparcido 


I72  JUAN  MELENDEZ  VALDES 

alli  con  larga  mano,  luego  causa 
la  blanda  ociosidad,  y  la  pereza. 

190        Tal  es  del  Dios  alado  el  ciego  imperio, 
tal  el  sagrado  bosque,  que  conduce 
a  su  dorado  Alcàzar,  j  quantas  cosas 
viera  yo  alli,  senor  !  oh  si  contarlas 
dignamente  pudiese  !  Blanda  Musa, 
dame  tu  voz,  y  tu  divino  fuego, 
mayores  cosas  canto,  mayor  orden 
empiezo  desde  agora,  a  ti  se  deba 
el  levantado  verso,  y  voz  sonora. 

Vulcano,  segun  cuentan,  el  sumptuoso 

200     Palacio  fabricara  quando  quiso 

al  thâlamo  llegar  de  la  aima  Venus  : 
los  entallados  jaspes,  las  columnas 
de  piedras  preciosisimas  demuestran 
el  divino  poder,  y  las  paredes 
de  esmeralda  y  chrisôlito  altamente 
reverberan  al  sol  en  lumbre  clara, 
venciendo  â  la  materia,  y  ricos  doues 
el  arte  y  docta  mano,  ni  jardines 
taies  hubo  en  Thesalia,  ô  tan  florido 

210     fué  el  valle  de  Dodona,  ni  las  selvas 
de  los  Elyseos  Campos  que  los  Dioses 
plantaron  de  propôsito,  y  colmaron 
de  primavera  eterna  y  manso  viento. 

Aqui  agrada  esperar  i  la  aima  Venus 
del  cristalino  Olimpo  descendida 
la  triunfal  pompa  del  amor  su  hijo, 
quando  hace  ostentacion  el  gran  Tirano 
del  crudo  imperio  en  que  los  hombres  manda 
él  en  carro  de  fuego,  y  por  seis  potros 

220     de  la  raza  apolînea  conducido, 

quai  en  la  clara  Roma  un  tiempo  fueron 
los  victoriosos  Cônsules  llevando 
tras  si  un  numéro  inmenso  de  varones 
y  los  vencidos  Reyes  en  cadena  ; 
tambien  Uevaba  en  torno  larga  tropa 
de  mczquinos  mortales,  que  en  ley  cruda 
su  mandar  obeJecen  misérables. 
Alli  vieras  los  Reyes  victoriosos 


POESIAS    1NÉDITAS  173 


acâ  un  tiempo  en  la  tierra  ser  vencidos, 

230     y  los  claros  varones,  que  inundaron 
el  orbe  de  su  fama  ir  como  siervos 
al  cuello  la  cadena,  y  bajo  el  rostro. 
Hercules,  y  Perseo  en  pos  de  Achiles 
con  el  grande  Agamenon  por  caudillos 
van  del  numéro  inmenso,  sin  que  faite 
de  divinos  ingenios  luenga  copia. 
A  todos  vence  amor,  ninguno  pudo 
de  sus  pesadas  redes  sacudirse. 

En  blando  fuego  por  su  dulce  Laura 

240     ardiendo  va  el  Petrarcha,  y  el  divino 
Orpheo  por  Erudice  aun  osando 
tornarla  con  sus  cantos  del  Averno, 
luego  en  pos  de  Propercio  y  mi  Catulo, 
el  amador  de  Nemesis,  y  Délia 
y  el  tnfeliz  Ovidio  acompanaban 
en  faz  llorosa  el  apolïneo  coro  ; 
jcomo  el  numéro  inmenso  contar  puede 
mi  voz  de  los  que  siguen,  quai  si  pinta 
primavera  la  tierra  de  mil  flores  ? 

2  >o     ;  ni  la  alta  Magestad  con  que  los  nuestros 
el  culto  Herrera,  y  el  ardiente  Laso, 
y  el  claro  Figueroa,  y  tantos  otros, 
tras  el  divino  Lope  en  talar  ropa 
a  par  cenidos  de  laurel  los  siguen? 
Amor  desde  su  carro  à  todos  manda 
y  enciende  mas  y  mas  en  voraz  fuego 
porque  el  pesado  yugo  no  sacudan 
con  que  su  cuello  y  libertad  humilia 
i  quai  linaje  de  mal,  ay,  amor  crudo 

260     à  tus  esclavos  mfseros  no  causan  ! 

Quando  hacia  mi  tornando  al  verme  aun  libre 
y  casi  exempto  de  su  ardor  el  pecho, 
indignado  en  el  rostro  tornô  â  hablarme 
con  taies  voces  de  furor  henchidas, 
que  temblô  al  empezar  la  esquadra  toda. 
«  ;  Y  aun  mîsero,  prétendes  resistirte 
«  del  poder  del  amor  !  y  aun  en  tu  pecho 
«  el  dardo  agudo  que  lancé  no  pudo 
«  prender  su  cruda  llama  !  escapar  quieres 


174  JUAX  MELEXDEZ  VALDES 

270     «  del  duro  cautiverio,  y  la  cadena  ! 

«  no  soy,  no  soy  yo  amor  quien  en  mil  formas 

«  de  Olimpo  hace  bajar  los  altos  Dioses? 

«  ô  algun  mortal  con  resistencia  inûtil 

«  de  mi  yugo  librarse  jamas  puede? 

«   Presto,  infeliz,  seras  de  entre  mis  siervos, 

«  y  sentiras  mis  penas,  y  quai  arde 

«  tu  empedernido  pecho  j  que  castigos, 

«  duros  castigos  de  mi  fuerte  mano 

«  te  quedan  que  llevar  !  no  me  enternecen 

280     «  tus  làgrimas  futuras,  no  tus  ruegos 

«  ni  el  crudo  lamentar  ;  por  luengos  dias 
«  arde  y  padece  misero  ».  Y  cesanJo, 
torna  a  seguir  con  la  dorada  pompa 
por  mil  regiones,  que  contar  no  puedo, 
al  Reyno  antiguo  de  su  dulce  madré. 
Hermosîsima  Virgen  en  pos  de  ella 
en  este  punto  de  otra  parte  asoma, 
de  las  gracias  seguida,  y  de  la  turba 
de  lascivos  amores  pequenuelos. 

290     1  bastaré  yo  a  pintarla?  ô  ser  humano 
puede  alabar  su  angélica  belleza  ? 
Enlazado  el  cabello  ô  libre  al  viento, 
oscuro  déjà  al  Sol  en  luengos  hilos, 
los  ojos  de  paloma,  y  con  tal  gracia 
que  el  m.îs  exempto  corazon  humillan, 
un  partido  rubi  la  dulce  boca 
de  do  la  blanda  persuasion  discurre 
con  la  esplendente  tûnica  que  muestra 
el  mds  que  humano  ser  del  alto  dueno. 

300     Tal  en  los  cinthios  valles  va  Diana 
seguida  de  mil  ninfas  descollando 
quai  palma  sobre  todas  en  belleza, 
y  del  ebûrneo  lado  el  carcax  pende, 
el  dorado  carcax  a  cuyos  tiros 
rinde  su  ligereza  el  alto  ciervo. 

Yo  que  a  tanta  beldad  hasta  aquel  punto 
jamas  mi  débil  vista  alzado  hubiera, 
absorto  de  su  gracia,  y  del  decoro 
del  rostro,  y  del  augusto  senorio, 

310     hincada  la  rodilla  por  très  veces 


POESIAS    INEDITAS  I75 


probe  d  adorarla,  y  lajuzgué  por  Diosa. 

Quando  un  ardor  secreto  se  fué  entrando 
de  subito  por  medio  de  mis  huesos 
que  todo  me  mudara,  y  en  silencio 
discurriendo  la  llama,  el  aima  Venus 
con  la  beldad  brillante,  v  blandas  gracias 
que  entre  los  Dioses  en  Olimpo  ostenta, 
asî  tomô  la  voz  con  dulce  risa 
capaz  de  seducir  al  almo  Jove  : 

320         «  El  Revno  del  amor,  y  el  feliz  lazo 
«  de  la  vinud,  y  angélica  hermosura 
«  goza,  joven  dichoso,  y  para  siempre 
«  en  mis  delicias  anegado  vive  : 
«  que  una  llama  os  abrase,  y  mis  placeres 
c<   juntos  bebais  en  una  misma  copa, 
«  y  en  ôsculos  iguales  vuestros  labios 
t«   las  amorosas  tôrtolas  imiten, 
«  y  que  Cupido  del  Olimpo  baje 
«  con  blanda  risa,  y  ademan  travieso 

330     «  d  reposar  en  medio  de  vosotros. 

«   j  O  très  veces  feliz  al  que  los  Dioses 
«  tal  suerte  concedieron,  y  el  que  puede 
«  en  mi  gremio  gozar  de  un  dulce  sueno  ! 
Enganosa  dijera,  y  de  la  mano 
à  entrambos  nos  uniô  con  blanda  fuerza, 
y  al  cielo  torna  respirando  amores. 

j  Quien  a  Venus  jamas  resistir  pudo, 
o  de  su  dulce  voz  no  fué  vencido  ! 
que  hiciera  yo  infeliz  !  La  sangre  helada, 

340     quedé  como  en  la  noche  el  caminantc, 
que  viô  el  agudo  rayo  desatado 
de  negra  nube  deshacer  el  roble, 
pasmado  de  temor  j  que  acerbas  penas 
la  vision  deliciosa  me  costara  ! 
quien  fuera  a  bien  contarlas  poderoso  ! 

Aun  el  ânimo  agora  se  horroriza 
con  la  cruda  memoria,  v  los  temores, 
y  las  cansadas  ldgrimas  que  un  tiempo 
del  anigido  corazon  lanzaba. 

3)0     Errores,  suenos,  y  dolor  de  muerte, 
miedo,  vergùenza,  y  suspirar  contino, 


I76  JUAN  MELÉNDEZ  VALDES 

confusa  ceguedad,  y  largos  ayes 
de  agudos  celos,  y  esperanza  vana, 
vergonzoso  sufrir,  y  en  mil  marieras 
pesada  servidumbre,  taies  fueron 
de  mi  amor  loco  los  acerbos  irutos. 
j  Av  misérable  amor  !  aletargado 
con  sus  blandos  halagos  ya  no  euro 
del  bien,  y  ciego  abandonando  todo 

360     cesa  el  ardiente  estudio,  y  de  las  letras 
el  augusto  exercicio  desdenado 
yace  hollado  por  tierra,  ni  i  los  dones 
doy  de  Minerva  reverente  oido, 
del  ciego  error  premiado,  que  en  mis  venas 
siembra  ya  libre  su  mortal  veneno. 
Mojados  de  las  lâgrimas  mis  ojos 
solo  amor  respiraban,  sus  delicias 
solo  cantaban  mis  dolientes  voces, 
y  el  misérable  pecho  asi  inflamado 

370     quai  si  tuviera  su  deidad  présente, 
con  mil  latidos  atizaba  el  fuego 
del  blando  corazon.  j  Ay  !  en  mi  rostro 
la  flaca  amarillez,  y  la  tristeza, 
y  el  dolor,  y  el  silencio,  iban  pintados. 

Asi  en  miseras  ansias  yo  acababa 
con  indigna  flaqueza,  â  todas  partes 
volviéndome  veloz,  quai  alto  ciervo 
que  hinche  los  montes  de  bramidos  tristes 
del  diestro  cazador  atravesado 

380     y  en  vano  intenta  con  veloz  corrida 
del  lado  sacudir  la  flécha  aguda  : 
ô  volviendo  la  noche,  y  en  las  alas 
de  su  callada  sombra  el  blando  sueno, 
yo  solo,  y  desvelado  i  quantos  votos 
(el  frio  lecho  en  lâgrimas  banado) 
desperdiciaba  en  vano  !  en  que  temores 
el  ânimo  alligido  se  anegaba  ! 
que  agudo  cavilar  !  j  Ay  infelice 
el  que  el  amor  airado  lia  bien  herido  ! 

390     pues  mortales  congojas  son  sus  suerïos. 

Que  de  veces  tambien  llamaba  en  vano 
la  muerte,  y  quai  la  rosa  desfallece 


POESIAS    INÉD1TAS  177 


perdiendo  con  el  sol  su  lozania, 
yo  me  iba  consumiendo,  sin  que  hallase 
otro  consuelo  à  mi  dolor  agudo 
que  la  callada  soledad,  en  ella 
los  infelices  casos  revolviendo 
de  mi  cuitado  error.  Acaso  un  dia, 
del  bosque  enmaranado  sin  pensarlo 
400    entrémetan  adentro,  que  â  una  cueva 
de  algun  selvaje  Dios  morada  inculta, 
(tanto  el  rûstico  adorno,  y  la  hermosura 
del  florido  terreno  tanta  fuera) 
llegué,  y  de  fatigado  el  flaco  cuerpo 
recliné  en  tierra  â  la  callada  sombra, 
que  en  très  lôbregas  noches  jamas  pude 
al  placido  descanso  dar  entrada. 

Algun  Dios  lo  dispuso  que  el  gobierno 
tiene  alla  de  las  cosas  de  los  nombres, 
410    y  mandandome  un  suerïo  sobrehumano 
la  regalada  paz  tornô  a  mi  pecho. 
Yo  durmiera  tranquilo  los  ardores 
del  insano  dolor  casi  estinguidos, 
quando  en  medio  las  sombras  j  quien  pudiera 
contarlo  agora  todo  dignamente  ! 
Minerva  del  Olimpo  descendida 
con  beldad  simple,  y  ademan  modesto 
armada  de  su  égida  impénétrable, 
v  en  la  derecha  la  brillante  lanza 
420     se  présenté  a  mis  ojos  :  yo  en  las  senas 
conociéndola  al  punto,  un  santo  miedo 
me  ocupô  todo  el  pecho,  y  erizados 
los  cabellos  de  horror  temblando  apenas, 
pude  en  tierra  postrado  humildemente 
adorândola  hablarla  en  esta  forma  : 
«  O  santa  Diosa,  poderosa  estirpe 
«  de  Jupiter  divino,  j  en  que  peligros 
«  estoy  agora  puesto  !  ô  donde  puedo 
«  tornarme  sino  à  vos  !  la  aguda  llama 
430     «  ya  por  el  pecho  libremenre  corre  : 

«  libradme  j  ay  !  ay  !  libradme  y  poderosa 
«  templad  el  fiero  mal.  »  Entonces  ella 
asî  torno  sus  voces  celestiales, 


I78  JUAN    MELÉNDEZ    VALDES 

blando  aroma  en  los  labios  respirando  : 

«  Al  que  una  vez  la  acata  y  las  razones 
«  divinas  oye  de  su  santa  boca, 
«  jamas  Minerva  abandonado  déjà  : 
«  huye  esta  fatal  tierra,  y  parte  luego 
«  a  la  ciudad  antigua,  do  mi  numen 

440     «  tiene  su  culto  y  aras,  y  el  fragante 

«  odor  siempre  es  quemado,  que  cortada 
«  te  tiene  allî  mi  mano  la  Victoria  : 
«  y  oye  en  la  orilla  del  undoso  Betis 
«  con  cïtara  dorada,  y  docto  labio 
«  reclinado  cantar  al  gran  Jovino, 
«  honor  augusto  de  la  toga  hispana, 
«  el  ensueno  de  amor,  y  los  encantos 
«  que  las  Magas  hicieran  a  tu  nombre, 
«   i  que  fiero  sonilegio  !  y  quai  scria 

450     «  con  él  martirizado  el  blando  pecho 
«  sin  su  sagrado  ruego  !  él  lo  deshizo 
«  tu  faz  librando  de  la  eterna  infamia  : 
«  asi  escûchalo  agora  y  quai  si  fuesen 
«  sus  preceptos  de  Apolo,  los  venera, 
«  porque  pueda  acabar  tu  mal  agudo. 
Luego  el  varon  clarisimo  descubre 
en  quien  Themis  guardara  sus  secretos, 
y  en  todo  semejante  al  cano  Orfeo, 
pues  quando  ornado  de  sus  largas  ropas 

460     diestro  la  lira  de  marfil  tania, 

las  aguas  se  pararon,  y  en  las  cumbres 
de  los  âsperos  montes  se  movieron 
los  ârboles  erguidos,  y  a  escucharle 
las  indômitas  fieras  se  humillaron. 

Yo  embelesado  con  la  voz  divina 
quasi  hablar  no  pudiendo,  quai  si  alguno 
viô  entre  sueiîos  su  muerte,  que  despierto 
d  respirar  no  acierta  de  alborozo, 
«  O  amigo,  0  Padre,  dije,  va  recibo 

470     «  con  voluntad  humilde  los  consejos 

«  que  os  dicta  el  almo  Apolo,  ya  mi  pecho 
«  los  sigue  arrepentido,  y  pues  los  Dioses 
«  tocados  de  mis  Liyrimas  humildes 
«  gozar  en  vos  me  dieron...  ;  ay  no  puede 


POESIAS    INEDITAS  179 


«  seguir  mi  flaca  voz ni  â  decir  basta 

«  la  regalada  llama,  y  blando  fuego 

«  de  la  santa  amistad  :  ella  nos  una 

«  con  vi'nculo  inmortal  que  eterno  dure, 

«  roto  el  del  ciego  amor  » La  Diosa  entonces 

480     mi  faz  viendo  bullir  en  lumbre  clara 
y  ya  en  santo  deseo  arder  mi  pecho 
de  seguir  sus  avisos  celestiales, 
con  su  diestra  tocô  mi  débil  vista 
tornândola  clarisima,  y  al  punto 
en  mi  acuerdo  volvi  del  dulce  sueno. 
Huyôse  la  vision  quedando  el  aire 
de  angélicos  aromas  perfumado, 
y  el  cielo  fulgidfsimo,  y  mi  pecho 
ya  del  acerbo  mal  del  todo  libre, 

490     merced  a  vos,  seiïor,  arrepentido 

de  haber  seguido  a  Amor,  y  sus  errores 


.l'ictus  ciim  maire  Cupido. 


i8o 


JUAN    MELENDEZ    VALDES 


A  qualquiera  Fulana 

ROMANCE 

Senora  mia,  supuesto 
que  yo  quiero  divertirme, 
usted  no  debe  extranar 
que  sin  mis  ni  mas  me  pinte. 

Va  usted  d  ver  mi  retrato, 
pues  no  es  cosa  incompatible, 
el  que  usted  no  me  le  pida 
con  el  que  yo  se  le  envie. 

Mi  cara  es  muy  pasadera, 
mas  Naturaleza  libre 
avara  anduvo  en  las  cejas 
y  prôdiga  en  las  narices. 

Ojos  de  color  de  cielo 
y  como  suele  decirse, 
no  veo  très  sobre  un  asiio, 
pero  asnos  solos  d  miles. 

Ni  soy  alto  ni  soy  baxo, 
soy  asi  como  quien  dice, 
entre  mercë  v  salaria  ; 
(lo  rubio  que  no  se  olvide). 

Algo  cargado  de  espaldas, 
no  cosa  que  escandalize, 
mira  bien  por  donde  andas 
es  un  consejo  sublime. 

Mi  deseo  se  ha  cumplido, 
mi  figura  va  la  dixe, 
yo  por  lo  que  soy  me  vendo, 
quien  no  me  quiera  que  avise. 


d  Venus  amorosa 
seguida  de  las  gracias  ! 

Como  sus  bellos  ojos 
el  corazon  encantan, 
y  al  mirarlos  se  queda 
mi  atencion  elevada  ! 

I  Pero  que  es  lo  que  digo? 
I  Que  es  lo  que  me  arrebata  ? 
Por  una  muger  viva 
doy  mild  Venus  pintadas. 


A  un  quadro  de  Venus 

ANACREONTICA 

Con  que  gracia  y  viveza 
viendo  estoy  retratada 


Carta  de  F...   a  Vecinta 
que  havian  puesto   monja. 

Victima  del  error,  de  la  violencia, 
que  con  un  yugo  bdrbaro  oprimida, 
Uoras  en  tu  retiro  silencioso, 
de  un  placer  ignorado  las  delicias  : 

oye  la  voz  de  un  nombre  que  te  ama; 
ah...  puedan  resonar  las  quexas  mias 
en  esa  tu  prision,  donde  gimiendo 
acabards  tus  infelices  dias. 

El  poder  abusô  de  tu  inocencia, 
tu  padre  te  arrastrô  con  mano  impia 
hasta  el  pie  del  altar  de  aquel  Dios  justo 
que  castiga  el  delito  y  la  injusticia. 

Tu  padre  débil  y  preocupado 
crevô  tal  vez  asegurar  tu  dicha, 
quéciegos  son  los  miseras  mortales...! 
ellos  mismos  sus  maies  se  fabrican. 

Piensan  que  el  Ser  Supremo  nos  prohibe 
hasta  el  menor  placer,  y  de  él  se  privas  : 
nada  pueden  con  Dios  los  sacrificios, 
la  virtud  sola  d  su  morada  guia. 

En  el  claustro  horroroso  las  pasiones 
adquieren  una  fuerza  mds  activa, 
y  tanto  mds  terrible  quanto  d  veces 
un  reposo  falaz  las  tranquiliza. 


POESIAS    INEDITAS 


181 


Asi  como  en  el  mar  quando  las  aguas 
alguaa  gran  borrasca  pronostican, 
esta  la  superficie  en  dulce  calma 
mientras  el  fondo  rdpido  se  agita. 

;  Que  en  fin  va  no  hay  reraedio  !  que  es 

[précise 
abandonar  à  la  infeliz  Vecinta...  ! 
I ...  Sabes,  Vecinta,  lo  que  renunciaste  ? 
la  obligacion  nids  dulce,  institûida 
por  aquel  mismo  Dios  â  quien  adoras... 

En  tristeza  indolente  sumergida, 
tu  corazon  en  movimiento  siempre, 
sin  disfrutar  jamas  de  sus  delicias, 
sentira  del  Amor  las  amarguras.... 

El  Ser  Supremo  no  es  como  le  pintas  ; 
en  él  terne  un  tirano  tu  respeto, 
en  él  un  padre  mi  carino  mira. 

Ven  â  mis  brazos...  rompe  tus  cadenas, 
la  fiel  Naturaleza  es  nuestra  guia, 
y  si  este  amor  tan  justo,  tan  sagrado, 
una  debilidad  te  le  imaginas, 

Dios  te  bizo  débil,  él  sera  indulgente; 
él  ve  mi  corazon. 

A  Dios,  Vecinta. 


Confesion  de  Flora 

l  Que  bas  diebo,  Flora  hermosa  ? 

pues  que  capriebo  es  ese  ? 
Conque  quieres,  mi  bien,  que  te  confiese? 

por  cierto,  extraiîa  cosa  ! 
<;  De  confesor  acaso  tengo  cara  ? 
I  tengo  aquella  modestia  tan  prudente 

que  con  astucia  rara, 

grave  y  humildemente 

ha  logrado  en  el  suelo, 

con  zelo  infatigable 

ser  juez  inapelable 

Revue  hispanique. 


de  culpas  cometidas  contra  el  cielo? 
No,  amable  Flora  mia  :  sin  embargo 

yo  tambien  me  hago  cargo 

(si  lia  de  decirse  todo) 
de  que  a  ellos  me  parezeo  en  algun  modo. 
Quando  un  fraile,  a  sus  pies,  modesta- 

[mente, 
ve  que  alguna  bonita  pénitente, 

los  ojitos  baxando, 
los  felices  pecados  va  contando 

en  que  se  ha  entretenido 

el  padre  reverendo, 

la  narracion  oyendo, 
la  escucha  un  si  es  no  es  enternecido, 
y  su  corazon  triste  y  aterido 
el  ardiente  deseo  va  encendiendo, 
tanto  que  al  cabo  cometer  quisiera 
quanto  su  casta  boca  vitupéra. 
Y  te  confieso,  Flora,  ingenuamente, 
que  lo  mismito  a  mi  me  sucediera, 

i  pesar  de  esagracia 
de  divina  eficacia, 
que  al  justo  anima  poderosamente. 

Ello  te  bas  empenado, 
y  el  convencerte  ahora  es  excusado  : 
l  que  no  baré  \-o,  mi  bien,  por  agradarte? 
Vamos...  ya  puedes,  Flora,  arrodillarte. 

Empecemos   :   alguna  vez,   hermana, 

vanidad  ha  tenido  ? 
Sera  muy  regular  :  habrd  sabido 
que  tiene  una  carita  soberana  ; 
se  lo  habran  dicho...  se  lo  habrd  crei'do... 
la  crïada,  la  amiga,  y  el  cortejo... 
se  habrd  visto  al  espejo... 
Ello,  que  todos  mientan  no  es  posible. 
Eh  !  milagro  no  ha  sido  que  lo  créas  : 
vaya,  que  no  es  pecado  tan  horrible  : 
la  humildad  se  inventô  para  las  feas. 

Prosigamos  :  diga,  hija,  escodiciosa? 
se  pone  colorada  ?  muy  bien  hecho  ; 


l82 


JUAN  MELENDEZ  YALDES 


porque  esculpa  gravîsima. . .  horrorosa, 
v  vicio  que  d  ninguno  trae  provecho. 

No  ve,  nina  avarienta 
que  del  bien  que  pudierahabernos  hecho 
ha  de  pedirla  Amor  estrecha  cuenta. 

Con  todo,  no  se  aflixa  : 

todo  pecado,  hija, 
el  arrepentimiento  le  repara. 
Déxese,  en  adelante,  de  rigores  : 

no  haga  à  todos  favores, 
pero  no  es  decir  esto  que  sea  avara. 

Es  glotona  ?  —  Cupido 
va  me  dice  al  oi'do, 
que  quando  hizo  esa  boca  tan  hermosa, 

en  corner  no  pensaba, 
y  â  otro  gusto  mayor  la  destinaba. 

Si  alguna  vez  furiosa, 
en  côlera,  hija  mia,  se  ha  encendido, 

habrd  sin  duda  sido 

porque  en  aquel  instante 

algun  rendido  amante 

andaria  atrevido. 
Hija,  razon  no  tuvo  ;  considère 
que  amor  quiere  de  veras  quando  quiere  : 
créame,  no  se  enfade  :  que  ya  veo 

que  el  ardiente  deseo 
que  inspira  su  hermosura,  no  se  aviene 
con  el  respeto  que  su  honor  merece. 

Vaya,  sobre  la  envidia,  me  parece 

nada  que  decir  tiene  : 
todos  en  adorarla,  hija,  se  emplean... 
I  De  quien  lia  de  poder  estar  zelosa  ? 
De  eso  se  acusardn  quantas  la  veau  : 
no  hablemos  mas  :  pasemos  à  otra  cosa. 

Otro  pecado  no  tan  horroroso 
hav  tambien...  y  me  temo 
que  la  gusta  en  extremo. 

Pecadillo  agradable  y  silencioso 


que  las  ninas,  a  solas,  en  la  cama 
cometen  d  menudo...  no  se  espante 

y  los  ojos  levante, 

que  pere^a  se  llama 

este  dulce  pecado 

que  la  daba  cuidado. 
Hija,  de  este  no  trate  de  enmendarse  : 

y  si  Amor  entre  suenos 
la  pintare  sus  gustos  halagùenos, 
verificarlos  luego  al  despertarse. 

Ya  al  fin  vamos  llegando  :  seis  pecados 

tiene  ya  confesados  : 
pero  falta  el  mejor...  el  escogido... 

Mas  si  en  él  ha  cai'do, 
no  solamente  su  razon  abono, 
sino  que  por  haberle  cometido, 
los  demas,  hija  mia,  la  perdono. 


SONETO 

Del  tierno  Amor  los  lazos  poderosos 
mi  libre  corazon  no  han  sugetado  ; 
de  la  inconstancia  pldcida  guïado, 
evito  sus  encantos  enganosos. 

Pocos  han  sido  por  amar  dichosos, 
y  no  alivia  el  Amor  al  desdichado, 
antes  siente  torraento  duplicado, 
al  ver  sentir  sus  maies  rigorosos. 

Pero  no  pende,  no,  del  valor  mio, 

mi  grata  libertad  apetecible  ; 

(que  esnecio  quien  vencer  al  Amor  piensa). 

Veo  mi  corazon...  y  desconfio, 
huyode  un  enemigo  irrésistible, 
y  mi  mismo  temor  es  mi  delensa. 


POESIAS    INÉDITAS 


Ii 


MADRIGAL 

Dexa,  Fenisa  hermosa, 
que  goze  de  mi  vida  libremente, 
sin  que  turbe  mi  paz  dulce  y  dichosa 

el  Amor  inclemente. 

Fenisa,  en  vano  quieres 

pintarme  sus  placeres  ; 

en  él  todo  me  asusta  : 
amado,  la  inconstancia  temeria, 
y  olvidado...  ay  Fenisa  !...  moriria. 


A  Dorila 

Ayer  mi  Dorila  hermosa 
al  Amor  durmiendo  viô, 
y  la  aljava  le  escondiô 
entre  la  yerba  arenosa  : 

y  yo  exclamé  con  temor, 
al  ver  que  le  despertaba  : 
no  tiene  fléchas,  ni  aljava, 

mas  mira  que  es  el  Amor. 

ANACREÔNTICA 

Un  beso  te  di,  Filis, 
pero  tu  con  despego 
por  ello  te  enojaste, 
diciéndome  con  ceno  : 
yo  nada  quiero  tuyo. 
Bien,  Filis,  pero  al  menos 
cûmpleme  tu  palabra 
y  viaélveme  mi  beso. 


A  P. 

Sonaba    esta   manana. 


ay  Dios...    fué 

[sueiîo  ! 


que  gozoso  veia 
a  la  pastora  mia  : 
yo  la  abrazé  impaciente, 
su  pudor  resistia  debilmente, 
y  en  el  feliz  momento  en  que  miraba 


que  su  rostro  mi  triunfo  me  anunciaba, 
despierto,  y  veo  absorto  y  confundido 
que  mi  felicidad  un  sueno  ha  sido. 

^Adonde  te  lias  ido 

encanto  halagùeno...  ? 

en  alas  del  sueno 

huyô  mi  placer  ! 

Ay...  !  j  que  desvalido 

sera  quien  amando, 

tan  solo  sonando 

feliz  puede  ser...  ! 

A  Susana 

Susana,  di,  que  es  esto  ? 

I  como  élevas  tan  presto 
tu  vanidad  extrema  y  mal  guiada 
y  que  (lo  peor  de  todo)  es  infundada  ? 

Mira  que  la  hermosura 
no  eternamente  dura. 
Un  sabio  dice  :  «  La  muger  hermosa 

viene  à  ser  quai  la  rosa  : 

la  coge  el  jardinero 

siempre  que  se  le  antoja, 
la  paga  algun  ricote  majadero, 
y  un  lacayo  \apisa  y  la  deshoja. 
Sea  pues  tu  marido  el  jardinero... 
(no  quiero  disputar  si  fué  el  primero 
que  te  cogiô,  Susana  ; 
la  verdad  es  dificil  se  descubra, 
y  aun  quando  tuera  fâcil  fuera  vana, 
y  es  mejor  que  el  silencio  nos  la  encubra). 

Hoy  vemos  los  ricotes, 
que  te pagan...  No  grites  ni  alborotes, 
diciendo  que  mi  envidia  maldiciente 
con  equivocos  quiere  licenciosa 
en  tu  honor  limpio  hincar  el  negro  diente  : 
quiero  decir  que  pagardn  la  rosa. 
Despues  que  de  los  ricos  pase  el  fuego, 

nosotros  los  menores 

con  doues  inferiores 


i84 


JUAN    MELENDEZ    VALDES 


tambien  alternaremos  en  cl  juego. 
Quando  por  tu  belleza  supla  cl  Artc, 
los  lacayos  vendrân  a  marchitarte  ; 

y  asi,  Susana  hermosa, 
tendras  el  paradero  de  la  rosa. 


El  maullido  de  las  gâtas 
CUENTO 

Hace  algun  tiempo  (quando  no  sabia 
en  que  el  ruido  raaldito  consistia 

que  arma  por  los  texados  y  desvanes 
la  gatuna  familia  tan  urana), 
pareciame  cosa  muy  extraùa 
que  las  esquivas  gâtas  no  quisieran 
permitir  que  la  cosa  las  meticran 

sin  arano  y  bufido  : 
mas  ahora  que  todo  lo  lie  sabido, 
digo  que  hacen  muy  bien  :  y  por  si  acaso 
alguno  lo  ignonire,  escuche  el  caso. 

Sucediô  que  una  gâta  cierto  dia.... 
(hemos  de  suponer  que  todavia 
ninguna  al  fornicarla  maùllaba) 

por  un  desvan  andaba 
buscando  algun  gatillo  comedido 

con  quien  folgar  un  rato  : 

a  cuyo  tiempo  un  gato 

hambriento  y  desvalido 
(en  causa  deshonesta  no  pensando) 
que  corner  iba  por  alli  buscando.  — 
La  gâta  al  verle,  con  rubor  fingido, 
poquito  â  poco  se  le  lue  acercando, 

y  con  dulce  maullido 
le  preguntô  porque  tan  cabizbajo 

estaba,  v  tan  doliehte. 
Tengo  hambre  (respondiôla  cortcsmcntc) 

y  ella  basta  aqui  me  traxo  : 
pero  perdon  os  pido,  gâta  hermosa, 

de  haber  hasta  aqui  entrado  : 
ved  si  mandais,  seiïora,  alguna  cosa, 

que  me  vuelvo  al  texado. 


La  gatilla  admirada 
de  ver  gato  tan  noble  v  bien  hablado, 

le  dixo  remilgada  : 
Apenas  la  criada  de  esta  casa 
(que  es  de  un  rico  canônigo,  y  escasa 

nunca  anda  la  comida) 
acabe  de  guisar  un  grande  plato 

(digno  en  fin  de  tal  gato) 
de  sardinas  v  sopa  bien  hervido, 
comeréis  —  entretanto  aqui  esperemos, 
y  al  sol  (si  gustais  de  ello)  nos  sentemos. 
Sentâronse;  y  el  gato  agradecido, 

deseoso  esperando 

el  plato  prometido, 
y  fuerzas  de  flaqueza  en  fin  sacando, 
la  requiriô  de  amores,  no  creyendo 
que  tuviera  gatilla  tan  modesta 

tanta  gana  de  fiesta. 
Pero  ella,  alzando  poco  â  poco  el  rabo, 
dixo   que   no...    que   si...    que   hay    mil 

[acasos... 
en  fin  quanto  se  dice  en  taies  casos. 

Ello  es,  que  tuvo  al  cabo 
el  gatazo  infeliz,  sin  saber  como. 

que  montarse  en  el  lomo 

de  la  gâta  paciente, 
que  lo  sufria  silenciosamente. 
A  este  tiempo  un  raton  pasô  corriendo 
no  creyendo  encontrar  aquella  gente, 

lo  quai  el  gato  viendo, 

de  gâta  y  de  sardinas  olvidado 
echa  â  correr  tras  el  desventurado, 

le  coge,  hfncale  el  diente, 
y  de  un  salto  se  pone  en  el  texado. 

La  gâta  avergonzada, 
à  las  demas  refiere  el  caso  todo, 
y  todas  juntas  inventaron  modo 
de  no  verse  en  la  afrente  va  citada  : 
y  fué  dar  mil  maùllos  y  bufidos, 
quando  tienen  los  rabanos  metidos, 
v  asi,  al  oirlaSj  nunca  los  ratones 
viencn  à  interrumpir  sus  diversiones. 


POESIAS    INEDITAS 


i8s 


Traduccion  de  Mr.  Parny 

El  dia  siguiente 

ODA 

Ya  Lisis  adorada, 
aquel  placer  divino  lias  disfrutado  ; 

aquel  dulce  pecado, 
que  temerosa  Lisi  apetecias, 
y  aun  quando  lo  gozabas  le  temias, 
di'rneLisi...  <jque  tiene  de  terrible...? 

que  ha  dexado  en  tu  aima  ? 
una  agradable  turbacion  ligera, 
una  memoria  dulce  y  lisongera, 
un  fuego  que  la  inflama  y  que  la  admin 
un  pesar  delicioso  y  un  deseo. 

En  tu  rostro  ya  veo 
que  brilla  n  los  colores  de  la  rosa  ; 
la  dulce  languidez,  tierna,  amorosa 

que  al  deleite  précède 

y  tambien  le  sucede, 

ya  en  tus  ojos  ocupa 

el  lugar  que  usurpaba 

cl  pudor  desdeiîoso. 

Tu  seno  delicioso 
va  no  con  tanta  timidez  se  imprime 

en  la  gasa  ligera 

que  te  puso  la  mano 

de  una  madré  sedera, 
y  que  menos  prudente  y  mas  benigna 
abrd  correr  la  mano  de  Cupido. 

Tu  espi'ritu  embebido 
en  una  suspension  quieta,  agradable, 
te  hace  olvidar  aquel  humor  risueno, 
aquel  genio  con  todos  halagûeno 

que  me  desesperaba. 
Tu  aima  enternecida  en  este  dia 

ya  se  abandona  deliciosamente 

al  tierno  sentimiento 
1  e  una  dulce  y  feliz  melancolia. 
Dexemos  â  los  n'gidos  censores, 


que  traten  de  delito  abominable 
este  consolador  de  nuestros  maies, 
este  puro  placer,  cuyo  principio 

puso  un  Dios  favorable 
en  todos  los  humanos  corazoncs. 

No  créas  su  impostura  ; 
de  su  zelo  la  bârbara  porfia 
ultraja,  Lisi,  à  la  Naturaleza... 
—  No  es  tan  dulce  el  delito,  Lisi  mia. 


Imitacion  de  La  Fontaine 
FABULA 

Estaba  la  Locura  cierto  dia 

con  el  Amor  jugando 
(hemos  de  suponer  que  todavia 

el  Amor  no  era  ciego), 

y  résulté  del  juego 
que  se  fueron  los  dos  ibrmalizando. 
FI  Amor,  como  nino  mal  criado, 
a  quexarse  à  su  madré  iba  corriendo, 

mas  la  Locura  viendo 

el  lance  mal  parado, 

sin  reparar  en  nada, 
le  diô  tal  golpe  al  infeliz  Cupido 

que  le  dexô  aturdido 
y  la  vista  perdiô.  Venus  airada 

se  alborotô  de  modo 

que  el  alto  Olimpo  todo 

estaba  consternado. 

El  caso  averiguado, 

los  Dioses  se  juntaron, 
y  despues  que  despacio  lo  miraron 
(y  vieron  que  la  cosa  estaba  hecha, 

y  el  mal  era  sin  cura)  ; 
dexaron  à  la  madré  satisfecha 
por  un  medio  justi'simo  y  sencillo, 
y  fué  de  condenar  a  la  Locura 
a  servir  al  Amor  de  lazarillo. 


i86 


JUAN    MELENDEZ    VALDES 


Imitacion  dcl  frances. 

El  muchacho  y  la  muneca 

FABULA 

A  cierto  senorito 
le  llevan  à  una  feria 
donde  ve  mil  juguetes 

que  su  atencion  elevan  ; 
ya  le  gusta  un  soldado, 
ya  quiere  un  purchinela,, 
y  ya  no  quiere  nada... 
Ve  al  fin  una  muneca, 
la  compra,  y  muy  contento, 
vuelve  à  casa  con  ella, 
la  desnuda,  la  vistc, 
la  acaricia,  la  besa, 
y  por  toda  la  casa 


alegre  la  pasea. 
Al  acostarse  llora, 
duerme,  y  con  ella  sueiïa, 
y  la  dulce  esperanza 
mitiga  su  tristeza. 
Dichoso  parecia... 
mas,  cielos  !...,;  quien  dixera 
que  al  fin  se  hizo  costumbre 
la.  posesion  mas  tierna? 
La  costumbre  y  el  tedio 
unidos  siempre  llegan  ; 
en  fin  mi  senorito 
lovida  à  su  muneca. 

De  todos  los  amantes 
que  necias  son  las  quexas  ! 
Ay  hombres,...  sois  muchachos, 
mugeres,...  sois  munecas. 


Traduccion  de  la  carta  de  Abelardo  a  Heloïsa, 
escrita  en  frances  por  Mr.  Colardeau.  - 

NOTA 

Mr.  Pope  escriviô  en  ingles  la  Caria  de  Heloïsa  ci  Abelardo,  y  Mr.  Colardeau  la  trnduxo  al  france 
aûadiendo  una  respuesta  original. 

He  visto  en  un  M. S.  (atribuido  â  Santibanez)  la  traduccion  (aunque  algo  alterada)  de  la  Caria  de 
Heloïsa  à  Abelardo  ;  pero  la  respuesta  que  en  dicho  M. S.  se  supone  île  Abelardo,  û  es  de  pura  invencion 
de  Santibanez,  6  la  sacô  de  otra  parte  que  ignoro  :  lo  cierto  es  que  la  respuesta  fie  Abelardo  segun 
Colardeau  es  la  présente.  V. 


Abelardo  esta  ocupado  en  lecturas  sagradas  quando  recive  la  Caria  de  Heloïsa, 


Abramos...  de  Heloïsa...  !  Ah  cielos  jus- 

[tos! 
oh  dia  el  mas  dichoso  que  he  tenido, 
esta  carta,  estas  letras  que,  estoy  viendo, 
encienden  otra  vez  mi  fuego  tibio. 
Depositarios  lugubres  y  obscuros, 
idos  lexos  de  mi,  sagrados  libros, 
en  donde  nuestra  le  se  pierde  en  medio 
de  confusos  misterios  escondidos. 
Todas  vuestras  verdades  tan  austeras, 


que  adoramos  temblando  sometidos, 
A  disipar  no  bastan  de  un  amante 
las  desgracias  acerbas  y  el  martirio. 
La  duda  en  vuestro  seno  me  rodea  : 
de  la  felicidad  solo  el  camino 
obscuros  me  mostrais,  pero  Heloïsa 
me  présenta  el  placer  mas  exquisito. 
Es  engano...  !  que  veo...  ?  Ay  infelice...  ! 
I  ...duda  entre  el  cielo  v  un  amante  fino? 
El  cielo  colma  mi  furor  zeloso, 


POESIAS    INEDITAS 


I87 


me  priva  de  mi  esposa  y  de  mi  mismo. 
I  ...De  tu  amor  te  avergûenzas,  Heloïsa? 
f  ...los  recuerdos  tu  amor  aun  no  ha  extin- 

[guido  ? 
Tu  Dios...  (oye  mis  voces,  fiel  amante,) 
ese  terrible  Dios,...  su  amor  divino, 
no  deben  ocupar  enteramente 
un  corazon  sensible,  y  que?  1  ...ofendido 
se  juzgara  de  este  deseo  inûtil 
el  Autor  del  placer,  ese  Dios  mismo  ? 
Consûltate,  légitima  es  su  llama, 
no  hay  virtud  si  el  amor  es  un  delito. 

Un  momento  contempla  al  universo  ; 
por  amor  animado  y  dirigido, 
es  el  mundo  feliz  ;  aquella  dulce 
conmocion  deliciosa  que  sentimos, 
la  ardiente  embrïaguez  que  nos  ocupa 
quando  estrechamos  con  ardor  activo 
de  nuestra  amada  el  seno...  es  un  tributo 
que  el  hombre  débil  paga  al  Ser  divino. 
La  preocupacion  no  te  domine, 
cesa  de  someterteâ  los  caprichos. 
si,  no  dudes,  tu  Dios  sea  Abelardo, 
y  mi  amada  Heloïsa  sera  el  mio. 

Esposa  fiel  de  un  infeliz  amante, 
yo  te  amo  y  mi  amor  es  mi  martirio. 
En  lo  interior  del  aima  yo  me  abraso, 
a  pesar  de  mi  Dios  y  â  pesar  mio. 
En  un  cuerpo  ya  helado  yo  conservo 
un  corazon  de  fuego  ardiente  y  vivo, 
y  yo  rëuno  en  mi...  (dolor  terrible...  !) 
por  un  contraste  pocas  veces  visto, 
de  la  vida  y  la  nada,  de  la  nieve 
y  del  fuego  los  limites  distintos. 

<;  No  soy  aquel  mortal  cuya  aima  activa, 
de  mi  amante  en  los  ojos  encendidos, 
sin  césar  se  abrasaba  en  otro  tiempo  ; 
y  lleno  de  un  amor  constante  y  fino, 
que  aumentaba  el  deseo  con  su  soplo, 
del  amor  supo  con  ardor  benigno, 
probarte  los  excesos  agradables 


por  un  exceso  de  ese  placer  mismo  ? 

En  vano  limitando  su  venganza 
me  hace  gozar  el  cielo  de...  (yo  expiro  !) 
de  un  resto  de  existencia  misérable... 
Favor  inûtil  !  Si,  favor  impio  ! 
existo  en  esta  vida...  (ay  infelice) 
solo  para  saber  que  ya  no  existo. 
Oh  muerte  !  n.e  lias  herido,  pero  débil, 
de  una  vez  destruirme  no  has  podido...  ; 
en  mi  yace  mi  ser  aniquilado, 
y  lo  que  de  mortal,  en  mi  destino 
me  ha  quedado,  avergùenza  y  horroriza 
a  la  Naturaleza...  Yo  deliro...  ! 

I  Deberé  confesar  tu  misma  ofensa? 
te  adoro...  quieres  mas?  Si,  lo  repito, 
te  adoro...  pero  no  tengo  esperanza... 
de  un  amante  furioso  los  delirios, 
Heloïsa,  perdona..  ,  mis  deseos 
hacen  brillar  mis  ojso  encendidos  : 
este  triste  recurso  me  ha  dexado 
el  acero  cruel  que  no  ha  podido 
de  la  Naturaleza,  en  mi  desgracia, 
secar  el  manantial  de  amer  lascivo. 

Solo  ocupado  en  tu  divina  imagen 
aun  al  pie  del  Altar,  con  mil  suspiros, 
un  amor  inmortal  jura  Abelardo. 

En  un  combate  barbaro  y  continuo 
paso  mis  dias...  —  dias  que  detesto  !  — 
Vîctima  de  la  muerte,  en  el  sombrio 
espacio  de  estas  lugubres  paredes, 
en  secreto  devoro  mi  martirio  ; 
como  en  el  centro  obscuro  de  la  tierra, 
dos  fuegos  poderosos,  oprimidos, 
hacen  sonar  con  truenos  horrorosos 
el  seno  de  sus  côneavos  abismos, 
y  en  vapores  estériles  se  exalan, 
al  lin  por  su  ardor  mismo  consumidos. 

Aun  yo  te  dire  mas,  quiero  que  veas 
de  mi  debilidad  el  colmo  iniquo  ; 
me     avergùenzo...     oprimido    con     mis 

[mal  es, 


i88 


JUAN    MELENDEZ    VALDÉS 


me  complazco  en  régir  este  recinto 
en  donde  la  infeliz  Naturaleza 
■A  mis  ojos  se  ofrece  en  sacrificio. 

De  mis  jôvenes  victimas  el  yugo 
hago  mas  duro,  injusto  las  oprimo, 
y  vo  castigo  en  estos  inocentes 
el  recuerdo  interior  de  mis  dtlitos  ; 
me  vengo  de  este  modo  (en  mi  desgracia) 
de  un  bien  que  deseoso  lesenvidio  .... 
del  que  va  por  mi  mal  gozar  no  puedo. 
Quando  contemplo  con  secreto  y  miro 
grabada  con  dolor  sobre  sus  frentes 
y  en  sus  lânguidos  ojos  abatidos 
la  triste  austeridad  palida  y  débil, 
me  creo  mas  felîz  y  mâs  tranquilo  ; 
v  de  estos  infelices  rodeados, 
que  no  es  tanta  mi  pena  me  imagino. 
—  Esta  borrible  pintura  te  estremece 
v  tu  sensible  corazon  ha  herido... 
Si  para  ti,  Heloïsa,  yo  viviese, 
(al  cielo  mismo  pongo  por  testigo) 
mi  voto,  el  juramento  quebrantara 
que  me  une  à  mi  Dios...  yo  te  lo  afirmo. 
Que  digo  ?  nada  tiene  el  universo 
que  ocupe  mi  deseo  ;  à  nada  aspiro  : 
,;  ...compite  con  un  beso  de  tus  labios 
acaso  quanto  abraza  en  su  recinto  ? 

Qj-iando  vi  que  mis  dias  se  eclipsaban, 
del  sepulcro  à  las  puertas,  fué  mi  asilo 
tu  Dios...  — iy  que  debia  hacer  enton- 

[ces? 
Tu  ternura,  tus  ojos,  s:',  ellos  mismos, 
con  ldgrimas  parece  que  culpaban 
;i  mi  debilidad...  —  era  preciso 
para  unirme  a  mi  Dios  abandonarte  .. 

culto  debi(')  desde  el  principio 
ocupar  à  un  amante  que  arrancaban 
de  tus  brazos,  pero,  ah...  que  gran  vacio 
de.xa  este  culto  en  un  corazon  débil 
à  quien  hace  el  amor  scr  tan  iniquo  ! 
Va  A  la  Naturaleza  la  contemplo 


como  un  desierto  horrible,  donde  miro 
que  à  su  pesar  el  dia,  de  sus  rayos 
à  un  infeliz  prodiga  el  claro  brillo. 
Mi  vista  opaca  extiende  tristemente 
aun  sobre  los  objetos  mas  lucidos 
el  vélo  que  la  oprime  v  la  obscurece. 
En  el  descanso  pldcido  y  tranquilo, 
siempre  veo  tu  imagen  que  me  sigue  ; 
todo  el  dia  le  paso  en  mis  suspiros, 
en  amor  por  la  noche  yo  me  abraso, 
V  quando  ansioso  creo  en  mi  delirio 
abrazar  à  mi  dueno,  enagenado, 
desaparezeo  de  mis  ojos  mismos. 

Esta  noche,  mi  bien. . .  (vana  esperanza  ! ) 
un  sueiïo  seductor...  av  !  mis  sentidos 
a  su  vigor  primero  habia  vuelto  — ■ 
yo  dormia  en  tu  seno,  dueno  mio, 
mi  aima  se  exalaba  enagenada 
sobre  tus  bellos  labios  encendidos... 
dulce  îlusion...  !  —  mas  ay!  que  va  en 

[las  alas 
del  fugaz  sueno  mi  placer  ha  huido  ! 
Me  contemplé  à  mi  mismo,  y  al  instante 
détesté  tus  hermosos  atractivos  : 
han  sido  mi  placer,  si,  mas  ahora 
causan  el  llanto  de  los  ojos  mios. 

Quai  estado  es  el  mio!   ;...y  porque 

[ahora 
contândote  mis  maies  infinitos, 
renovar  quiero  el  môvil  de  los  tuyos? 
Acuérdate  mâs  bien,  si,  dueno  mio, 
de  aquel  feliz  momento  de  mi  gloria, 
en  el  que,  à  tu  pesar,  Amor  benigno 
me  cediô  la  Victoria.  Va  al  Ocaso 
estaba  el  astro  de  la  luz  vecino, 
un  apacible  zéfiro  movia 
lasyerbasde  los  prados  va  sombrios  : 
te  conduxe  con  mano  vacilante 
à  un  canapé  de  murta  entretexido 

uché  con  un  gozo  inexplicable 
de  tu  virtud  dudosa  los  suspiros. 


POESIAS    INEDITAS 


l89 


El  fuego  de  mis  ojos  te  pintaba 

mi  deseo...  los  tuyos  luego  miro... 

la  senal  del  placer  en  ellos  veo... 

vueloâ  tus  brazos...  ay  !...  y  de  improviso 

del  amor  venturoso  nuestras  aimas 

agotaron  la  llama  y  los  delirios. 

^...Te  acuerdas,  Heloïsa...  (ay  infelice  !) 

de  placer  tantas  veces  repetido  ? 

Abelardo  triunfaba  enagenado 

de  un  corazon  amante  y  combatido  ; 

tu  voz  en  vano  interrumpida  y  débil, 

afear  pretendia  mi  delito  ; 

d  mi  vïctima  hermosa  entre  mis  brazos 

estrechaba  ardoroso  mi  carino. 

En  vano  el  trueno  hubiera  resonado, 

nada  escuchar  podian  mis  o:dos, 

y  era  feliz  entonces,  Heloïsa, 

aun  mas  por  tu  placer  que  por  el  mio. 

Si  contigo  estuviera,  tierna  amante, 
pudiera  una  mirada...  algun  suspiro, 
reanimar  mi  ser  tan  apagado  ; 
en  tus  ojos  veria  un  nuevo  brillo, 
pues  la  Naturaleza  sometida, 
obedece  de  amor  al  poderio. 
A  lo  menos  contenta  te  veria, 
con  un  sueno  ligero  y  fugitivo, 
prestarte  à  los  inutiles  esfuerzos 
de  un  engaùo  penoso  y  no  seguido 

Por  mas  que  el  Ser  Eterno  se  me  opon- 

fea, 

ya  rompo  el  lazo  que  con  él  me  lia  unido  : 

yo  volaré  hacia  ti  ;  tû  sola  puedes 

sacar  mi  corazon  de  tal  abismo  ; 

justo  es  mi  amor,  legîtimo  le  creo 

si  llegas  à  admitir  el  amor  mio. 

Ya  nada  puede  haberque  me  contenga, 

nada  hay  que  temple  mi  deseo  active  : 

Heloïsa  me  espéra,  entre  sus  brazos 

moriré...  moriré  con  regocijo. 

Ya  estoy  de  arrastrar  tanto  fatigado, 

la  cadena  forzosa  en  que  abora  vivo, 


de  religion  tan  triste  corao  austera. 
Con  mis  pasados  yerros  oprimido, 
y  baxo  el  yugo  humilde  y  agobiado, 
paso  mi  triste  vida  entre  martirios  ; 
no  hay  en  la  esclavitud  accion  alguna 
que  de  virtud  merezea  el  nombre  digno. 

En  vano  ante  mi  vista  se  présenta 
de  lo  futuro  algun  recuerdo  tibio  ; 
en  tus  ojos  encuentro  yo  mi  gloria, 
nada  me  importa  mas  —  à  nada  aspiro. 

Yo  volveré,  si,  i  ver  esos  lugares 
edificados  por  el  zelo  mio, 
asilos  de  la  ti'mida  inocencia 
à  quienes  tu'piedad  les  da  cultivo  ; 
esos  lugares  solitarios,  donde 
ufana  la  virtud  con  su  suplicio, 
a  si  misrha  se  impone  tristemente 
del  vicio  los  tormentos  y  el  castigo. 

Yo  darte  puedo  en  todos  tus  afanes 
algun  pequeno  y  momentâneo  aliviô  ; 
yo  puedo  dirigir  de  tus  hermanas 
el  tïmido  rebano  desvalido, 
de  sus  cândidas  aimas  temerosas 
alexar  con  ternura  los  peligros, 
v  de  su  obligacion  triste  y  severa, 
compasivo  allanarlas  el  camino. 
En  esa  mansion  triste,  mansion  donde 
el  arrepentimiento  encuentra  abrigo, 
verân  ante  sus  ojos,  aunque  en  vano, 
del  deleite  brillar  los  rayos  vivos  .. 

Mas  que  digo...  infeliz  !  —  Esta  palabra 
aumenta  mi  furor  y  mi  martirio.  — 
l  ...puedo  realizar  yo  por  ventura 
una  imagen  tan  dulce  ?  Que  delirio  ! 
I  A  ese  lugar  iré  donde  a  mi  vista, 
hermosos  é  inocentes  atractivos 
presentarân  inutiles  combates 
a  mi  corazon  débil  y  abatido  ? 
De  sus  habitadoras  la  belleza 
insultaria  siempre  con  gemidos 
mi  timida  flaqueza  vergonzosa  ; 


190 


JUAN    MELENDEZ    VALDES 


yo  volveria  à  ver  de  mi  caritîo 
al  objeto  estimable,  y  sin  gozarle 
siempre  arderia  en  un  deseo  activo? 
Todo,  todo  huiria  con  presteza 
de  un  mortal  de  desgracias  combatido, 
a  quien  dévora  un  inmortal  deseo 
y  oprime  de  su  ser  el  poderio. 
Y  tu  misma,  Heloïsa,  si,  tû  misma, 
buvendo  de  mi  barbaro  destino, 
detestarias  el  amor  funesto 
que  expiraria  entre  los  brazos  mios. 
I  Vemos  acaso  baxo  la  alta  encina 
que  abrasô  el  presto  rayo  enfurecido, 
descansar  a  la  tîmida  pastora  ? 
^  ô  vemos  en  los  prados  muy  floridos 


con  diligencia  activa  y  laboriosa 
un  enxambre  de  abejas  dividido 
sobre  la  adormidera  moribunda 
ô  sobre  el  lirio  cârdeno  y  marchito  ? 
Perdamos  esta  inûtil  esperanza  : 
volvamos  â  la  nada...  ella  es  mi  asilo  : 
adios...  mitiga  tu  pesar  acerbo  ; 
del  placer  goza,  déxame  el  martirio. 
Abelardo  fué  siempre  (si,  Heloïsa) 
el  amante  mas  tierno  y  el  mas  fino  ; 
pero  quando  un  amante  ya  no  existe 
...hay  quien  adore  su  sepulcro  frio? 
De  un  infeliz  extingue  la  memoria  ; 
solo  te  pido  tu  ûltimo  suspiro. 


Les  deux  poésies  suivantes  proviennent  des  papiers  de  Cadalso  à  qui  elles  sont 
dédiées  ;  bien  qu'elles  figurent  déjà  dans  les  œuvres  de  Meléndez.  (Edition  Rivade- 
neyra,  p.  187,  col.  2,  et  p.  194,  col.  1),  je  crois  intéressant  de  les  reproduire  à  cause 
des  nombreuses  variantes  fournies  par  mes  manuscrits.  Tout  ce  qui  n'est  pas  stricte- 
ment conforme  au  texte  des  éditions  est  imprimé  en  caractères  italiques.  ■ —  La  pre- 
mière de  ces  poésies  est  précédée  d'un  titre  qui  nous  indique  l'âge  auquel  la  composa 
Meléndez. 

CANCION    DE    UN  POE  TA   JOI'EX 

[DON  JUAN  MELÉNDEZ   VALDÈS,   DE   i9  ANOS  DE   EDAD) 

EN  ALABANZA  DE  SU  AMIGO   DALMIRO. 


Caro  Dalmiro,   quando  a  Filis  suena 

tu  armoniosa  lira, 
el  rio,  por  oirte,  el  curso  enfrena 

y  el  mar  templa  su  ira. 

Sacan  las  ninfas  la  dorada  (Vente 

coronada  de  flores  : 
suelta  Neptuno  el  hûmido  tridente 

y  escucha  tus  amores  '. 


Los  encontrados  vientos  se  adormecen 

sopla  zéfiro  blando  ; 
v  los  marchitos  prados  reflorecen 

quando  tû  estas  cantando. 

Desde  el  Olimpo  baja  Citerea, 
tanto  tu  ix\  le  agrada  : 

v  cou  el  dulce  canto  se  recréa 
de  su  Marie  blvidada. 


1.  Cette  strophe  lut  remplacée  par  une  autre  dans  les  éditions  de  Meléndez  postérieures  aux 
premières.  (Voir  le  texte  donné  dans  le  tome  LXIII  de  la  Biblioteca  de  Autores  espanoles de  Riv.i- 
deneyra,  p.  187,  col.  2.) 


POESIAS    INEDITAS 


191 


Tus  consonancias  signai  arrullando 

sus  nevadas  palomas  : 
sus  Cupidos  contino  estân  tirando 

sobre  ti  mil  aromas. 

Las  vagorosas  y  parleras  aves 

viendo  à  la  cipria  dea 
modulan  en  cromdticos  suaves 

(7  cantoque  recréait. 

Cou  trînadosy  tonos  no  aprendidos 
le  dan  la  bienvenida  ; 

y  oyendo  de  tu  lira  los  sonidos, 
queda  su  voz  vencida. 

Tù,  en  tanto  reclinado  estas  cantando 

sas  loores  divinos, 
y  el  favor  de  la  Venus  implorando 

en  mil  sâficos  himnos. 

Todo,  al  oirte,  calla  :  tu  voz  suena 

con  acento  amoroso  ; 
y  el  aima  embebecida  se  enagena 

en  éxtasi  glorioso. 

Pues,  no  ceses,  poeta  soberano, 
tu  son  dulce  y  subido, 

don  que  Febo  te  diô  con  larga  mano, 
y  que  tù  bas  merecido. 


ALLA   VA  SEA  LO   QUE  FUERE 
AL   BUEN  DALMIRO. 

De  pompa,  magestad  y  gloria  llena, 

baja,  sonora  Clio, 
y  infunde  herôiro  aliento  al  pecho  m'o 
con  alto  soplo  y  abundante  vena 

para  cantar  osado 
el  verso  de  Dalmiro  arrebatado. 


Arrebatado  sobre  el  alto  cielo 

y  los  dioses  que  atentos 
a  lo  sublime  estàn  de  sus  acentos 
envidiaudo  esta  gloria  al  bajo  suelo 

que  tiene  en  tal  poeta 
de  su  delicia  imitation  perfecta. 

Y  las  sagradas  mesas  olvidando, 

do  Jove  presidia, 
desamparan  el  nectar  y  ambrosia, 
y  bajan  todos  de  tropel  volando  ; 

y  Jove,  al  verse  solo, 
tambien  desciende  desde  el  alto  polo, 

a  escucbar  embebidos  los  loores 

que  del  Moratin  canta, 
Moratin  el  que  à  todos  se  adelanta  ; 
y  tal  vez  algun  dios  de  los  menores 

quai  bacante  furiosa 
la  ci'tara  acompana  sonorosa. 

Mas<;  que  furor  sagrado  acd  en  mi  pecho 
me  entré  sin  ser  sentido  ? 

parêceme  que  un  fuego  me  ha  encendido; 

el  orbe  inmenso  me  parece  estrecho, 
v  mi  voz,  mas  robusta, 

al  numéro  del  verso  no  se  ajusta. 

Quai  suele  el  sacerdote  arrebatado 

del  alto  dios  de  Delo 
mirar  con  ojo  ardiente  tierra  y  cielo, 
v  el  pecho  y  el  cabello  levantado, 

con  las  voces  espanta, 
el  tn'pode  oprimiendo  con  la  planta, 

asi  yo  tiemblo,  v  el  furor  que  siento 
me  inspira  que  le  cante, 

no  vestido  de  acero_y  de  diamante, 

con  la  cruz  del  apostol  que  ardimiento 
da  al  cora^on  hispano, 

y  ajrentoso  terror  al  africano  ; 


192 


JUAN    MELÉNDEZ    VALDES 


no  en  el  caballo  que  del  dueno  siente 

el  poderoso  mando, 
tascando  espumas  y  relinchos  dando  ; 
y  el  pie  sacude  y  gôzase  impaciente 

quando  al  son  de  las  trompas, 
rige  su  esquadra  netre  marciales  pompas. 

Mas  hiriendo  la  citant  sonante 

con  el  marfil  agudo, 
que  fieras  y  hombres  amansarlas  pudo 
ô  bien  cou  pecho  y  cora^on  constante 

à  su  Filis  cantando 
y  cl  caso  acerbo  Je  su  fin  llorando. 

Cenida  de  laurel  la  docta  f rente 
que  Febo  agradecido 
por  sus  sagrados  dedos  ha  tejido, 
}•  al  aima  Citerea  que  clémente 

iujicve  por  su  mano 
mirto  oloroso  al  lauro  soberano, 

con  los  dioses  menores  que  le  cercan, 
y  él  cantando  entre  todos 

con  alto  aliento  y  con  sublimes  modos  : 

alguuos  de  temor  no  se  le  acercan, 
mas  olros  diligentes 

corren  aunque  cou  pasos  reverentes. 

I  Quai  poêla  ô  quai  hombre  en  este  mundo 

ha  merecido  tanto  ? 
£qual  pudo  de  los  dioses  ser  encanto, 
y  no  de  los  del  Tartaro  profundo, 

sino  de  las  mansiones 
do  suben  pocos  fnclitos  varones, 

do  la  pa\  setupiterna  sin  nicJida, 
do  cl  couliuuo  i, 
•  ia  celeslial  calma  el  Jesco, 


do  del  ciclo  la  mùsica  subida 

calma  los  celcstiales, 
pasma  los  dichosisimos  mortalcs. 

Orfeo  y  Anfion  tan  celebrados, 
que  al  dulce  son  movian 

hombres,  fieras  y  montes  do  querian, 

y  el  otro  que  los  mares  allerados 
paraba  con  su  acento, 

y  la  vida  salvô  por  su  instrumento  ; 

la  citara  de  Pi'ndaro  divino, 
y  la  trompa  de  Homero, 

y  el  grau  Virgilio  que  cantô  guerrero 

las  armas  y  el  varon  que  a  Italia  vino 
oigan  todos  pasmados 

los  versos  de  Dalmiro  levautados. 

Las  saluas  moradoras  de  Pireue 

no  como  solas  canteu, 
ni  sus  sagradas  voecs  nuis  levauten, 
ni  su  instrumenta  armouico  resueue  ; 

110  cante  el  dios  de  Delo, 
pues  hay  ya  quien  le  igualc  aca  eu  el  stielo. 

Y  tu,  salve,  poeta  soberano, 

y  de  iniuortal  corona . 
adôrnese  tu  frentey  tu  persona  ; 
la  patria  te  la  ponga  por  su  mano, 

y  tù,  reconocido, 
con  tus  versos  la  libres  del  olvido. 

Salve,  Delio  espanol  y  venturoso, 

de  mil  grandes  -enroues 
los  hechos  y  las  iuclitas  acciones 
canta  ton  alto  verso  numeroso, 

y  tu  fama  <'//  el  suelo 
se  eslicnda  dignamente  y  toque  al  cielo. 


POESIAS    INEDITAS  193 


Dans  le  recueil  316  de  la  bibliothèque  de  Salvâ  se  trouvait  un  manuscrit  du 
sonnet  En  unas  bodas  (He  aqui  el  lecho  nupcial...)  ;  le  vers  5  commence  ainsi 
dans  ce  manuscrit  :  Yo  tambien  como  ta...  au  lieu  du  Tambien yo,  como  là...  des 
éditions. 


Dans  le  recueil  316  de  la  bibliothèque  de  Salvâ  se  trouvait  un  manuscrit  du 
romance  El  nâufrago  déjà  connu  (romance  XXXIX  de  l'édition  Rivadeneyra)  ; 
il  est  précédé  d'une  épigraphe  et  accompagné  de  notes  qui  ne  figurent  pas  dans 
les  éditions.  Le  texte  lui-même  différant  peu  du  texte  imprimé,  je  me  suis 
borné  à  indiquer  les  variantes  en  caractères  italiques. 

Alegorîa. 
Nupcr  sollicitum  qua  mihi  tadium, 
Nunc  desiderium  attaque  non  levis. 

HORAT.  carm.  !!!>.  I. 

Antes  tedto  solicito  me  fuiste; 
Ya  deseo  v  gravisimo  cuidado. 

ROMANCE 

El  nâufrago. 

vers  5     1  No  eran  ya,  dime,  sobrados 
tantos  agravios  y  ardides, 

vers  19     en  caliçinosa  noche 

vers  24     llegô  un  instante  a  reirme  ' 

1.  Cuando  fui  catedrâtico. 

vers  29     me  arrastraste  al  mar  ondoso  ». 

2.  Mi  ida  â  la  corte. 

vers  31     de  los  enconados  vientos  > 

3.  Jovellanos  y  Godoy. 

vers  32     entre  Scilas  y  Caribdis. 

vers  40     vivf  tranquilo  y  felice  +. 

4.  Mi  jubilacion  y  destierro  à  Zamora,  como  amigo  de  Jovellanos,  y  à  ins- 
tancias  del  favorito. 

vers  41,  42,  43  et  44  n'existent  pas  dans  le  manuscrit. 

vers  56     y  yo  en  medio  el  mar  me  vides. 

5.  La  revolucion. 


194  JUAX  MELENDEZ  VALDES 

vers  68     donde  naufragos  se  abriguen6 

6.  La  prision  del  rey,  y  el  desorden  y  abandono  en  que  se  vio  la  nacion. 

vers  72     subito/  o  dolor  !  hendirse 
vers  74     entre  las  vadosas  sirtes 

vers  76     en  los  abismos  sumirse  ' 

7.  Nuestras  pérdidas  y  derrotas. 

vers  80    el  ponto  en  sangre  se  tifie. 

vers  89,  90,  91  et  92  n'existent  pas  dans  le  manuscrit. 

vers  96     hacer  una  tregua  quise 8. 

8.  Mi  retirada  a  Francia. 

vers  99     la  desgracia  es  ominosa, 

vers  123     y  otros  tan  dichosos  dias, 
cual  son  estos  infelices  '->. 

9.  Mi  patria  en  sus  tiempos  de  tranquilidad. 

vers  127     que  un  tiempo  indagar  ansidba, 

vers  129,  130,  131,  132,  133,  134,  135  et  136  n'existent  pas  dans  le  manuscrit. 

vers  154     tanto ya  Uega i  afligirme, 

vers  177     Necesidad  imperiosa  ,0 

10.  El  huir  de  la  persecucion  y  los  punales. 

vers  180    de  cruJo  dogal  me  sirve. 

vers  192     no  mas  su  virtud  mancilles. 

vers  206     cual  otro  patiente  Ulises, 

vers  209     j  Cuando  mis  estrechos  lares, 

vers  212     tornardn  a  recibir;»!1, 

vers  216     contra  mi  bondad  conspiren  ! 

vers  221,  222,  223  et  224  n'existent  pas  dans  le  manuscrit. 

vers  236     tlejaré  fiel  de  servirte. 

vers  237,  238,  239,  240,  241,  242,  243  et  244  n'existent  pas  dans  le  manuscrit. 

vers  245     Asi  un  nàufrago,  en  desgracias 

vers  247     hablaba  à  su  amada  patria, 

vers     249     De  subito  mil  recuerdos 


POESIAS    INEDITAS 


195 


Cadalso  avait  dressé  une  liste  de  quelques-unes  des  poésies  qu'il  possédait  ;  celles  de 
Meléndez  étaient  au  nombre  de  dix-neuf,  sur  lesquelles  une  seulement  (Caro  Dalmiro...) 
a  été  retrouvée  par  moi  dans  ces  intéressants  papiers  :  les  dix-huit  autres  ont  disparu. 
Comme  on  le  verra  par  la  liste  que  je  transcris  ci-dessous,  huit  poésies  nous  sont  connues 
par  les  éditions,  et  onze  inédites  sont  actuellement  perdues.  — La  poésie  De  pompa,  mages- 
tac!...,  retrouvée  et  republiée  plus  haut,  ne  figure  pas  dans  la  liste. 

Edition  Rivadeneyra  : 

Elegia  C  rompa  ya  el  silencio p.  162,  col.  2 

Oda  Ahy  como  el  Palomito p.  167,  col.  1 

Oda  Caro  Dalmiro  ' .  p.  187,  col.  2 

Oda  Desciende  del  Olimpo p.  190,  col.  1 

Soneto  O  si  el  mal  que  en  rai  siento Inéd. 

Soneto  Quedense  de  tu  templo Inéd. 

Soneto  Quedate  a  Dios  pendiente Inéd. 

Oda  pindarica    Don  grande2 p.  231,  col.  2 

Idilio  Dame  sagrado  Apolo Inéd. 

Idilio  Que  te  pide  el  Poeta p.  101,  col.  3 

Oda  Iba  a  cantar  de  Marte Inéd. 

Oda  Vuela,  pues,  pajarillo Inéd. 

Oda  Decidme,  zagalejas Inéd. 

Oda  Texeme,  mi  Belisa Inéd. 

Oda  Como,  Cupido,  como Inéd. 

Oda  Pensaba,  quando  niiïo P-  95»  c°l-  J 

Oda  tr.  gr.  Si  es  forzoso Inéd. 

Oda  burlesca  Al  prado  fué  por  flores p.  100,  col.  1 

Letrilla  Venid,  Pajarillos Inéd. 


1.  Voir  plus  haut,  page  190. 

2.  On  savait  que  cette  ode  avait  été  lue  le  14  juillet  1787  à  une  séance  de  l'Académie 
de  San  Fernando,  mais  on  ignorait  l'époque  de  sa  composition  :  celle-ci  est  antérieure  à 
1782  puisque  Cadalso  en  possédait  une  copie. 


VA  R I A 


3.  Un  sonnet  retrouvé  de  Cervantes. 

Le  nombre  de  publications  de  tout  genre  sur  Cervantes  est  depuis  quelques 
années  si  grand,  en  Espagne  et  à  l'étranger,  que  je  ne  saurais  affirmer  que  le 
présent  sonnet  n'ait  déjà  été  «  retrouvé  »  par  un  autre  chercheur;  mais  comme 
il  ne  figure  dans  aucun  des  documents  cervantistes  que  j'ai  été  à  même  de 
consulter,  je  crois  intéressant  de  le  reproduire. 

Il  est  extrait  d'un  livre  médical  imprimé  à  Madrid  en  1588  et  aujourd'hui 
fort  rare  : 

Tratado  nuevamente  impresso,  de  todas  las  enfermedades  de  los  Rinones, 
Vexiga,  y  Carnosidades  de  la  verga,  y  Vrina,  dividido  en  très  libros.  Com- 
puesto  por  Francisco  Diaz  Dotor  en  Medicina,  y  maestro  en  Filosofia,  por  la 
insigne  universidad  de  Alcala  de  Henares,  y  Cirujano  del  Rey  nuestro  Senor. 
—  Dirigido  al  dotor  Vallès,  Protomedico  del  Rey  nuestro  Sehor,  y  Medico  de 
su  Camara,  etc..  Con  privilegio.  Impresso  en  Madrid  por  Francisco  Sanchcz. 
Atîo  1588.  —  in-8.  408  feuillets. 

C'est  au  feuillet  407  que  se  trouve  le  sonnet  suivant  : 

Al  dotor  Francisco  Diaz 
de  Miguel  de  Cervantes. 

SOXETO 

Tu  que  con  nuevo,  y  sin  igual  decoro, 
Tantos  remedios  para  un  mal  ordenas, 
Bien  puedes  esperar  destas  arenas, 
Del  sacro  Tajo,  las  que  son  de  oro. 

Y  el  lauro  que  se  deve  al  que  un  tesoro, 
Halla  de  ciencia  con  tan  ricas  venas 
De  raro  advertimiento,  y  salud  llenas, 
Contcnto  v  risa  del  eniermo  lloro. 

Que  por  tu  industria,  unadeshecha  piedra, 
Mil  marmoles,  mil  bronzes  a  tu  fama, 
Dara  sin  imbidiosas  competencias. 

Darate  cl  Cielo  palma,  el  suelo  yedra, 
Pues  que  el  uno  y  cl  otro,  ya  te  llama, 
Espiritu  de  Apolo  en  ambas  ciéncias. 

I  .  li.  Graser. 


VARIA  I97 

4.   Le  testament  d'un  Juif  d'Alba  de  Tormes  en  1410. 

Dans  les  documents  justificatifs  du  tome  II  de  la  Historia  social,  politica  y  religiosa  de 
les  judios  de  Es pa n n  y  Portugal  de  don  José  Amador  do  los  Rios  (Madrid,  1876)  figure 
(pp.  615  à  617)  le  testament  d'un  Juif  d'Alba  de  Tormes  provenant  de  l'Archiva  munici- 
pal de  cette  ville.  J'ai  trouvé  à  la  Bibliothèque  Nationale  de  Madrid  (K.  97,  ff.  87  et  88) 
un  texte  de  ce  même  testament  qui  présente  avec  celui  publié  par  Amador  de  los  Rios 
des  différences,  sinon  importantes,  du  moins  intéressantes  sous  plus  d'un  rapport. 

TÊSTAMENTO   DE   DON   JUDA,    JUDIO 

Doliente  y  en  el  postrimero  punto  de  su  postrimeria,  jazia  el  honrradu  don 
Juda  en  su  cama  echadu,  y  cabs  el  faziendo  gran  duelu  dona  Sol  su  muger, 
fija  de  Mosen  Tusillu  que  el  dio  guarde  de  mal,  y  junto  a  su  alfolla  Dona 
Jamilica,  nina  de  siete  anos,  andados  de  su  infancia  y  Sadoc  y  Benjamin  sus 
fijos,  nombres  robustos  y  de  gran  diligencia,  los  ojos  del  honrradu  viejo  pues- 
tos  en  ellos  dixo.  — 

Fago  mi  testamento  e  lecho  valga  como  cosa  fecha,  ygual  en  el  mundo 
para  el  siglo  que  nos  a  de  tener.  La  muerte  non  la  niego  pues  tan  çierta  es, 
mi  consejo  en  mis  postrimeros  dias  tomareis  tomadu,  que  non  tengais  ni  aya 
entre  vos  riiïas  ni  mal  dichu,  y  que  vos  honrredes  y  tengades  y  mantengades 
tan  buena  hermandad  y  parentesco,  non  postizo  ca  mis  fijos  sodés,  sino  digalo 
la  vra  madré  que  lo  sabe,  a  la  quai  se  le  de  toda  creedura  como  buena  q  ella 
es,  tal  sea  mi  fin. 

Yo  doy  gracias  al  alto  senor  Adonay  q  fizo  todo  el  mundo,  nos  mantiene, 
q  non  me  fizo  bruto  e  me  a  tenido  fasta  agora  en  sus  mandaderias,  ca  bueno 
y  noble  es  el  varon  q  en  su  postrimeria  y  senectud  muere  para  vivir;  y  asi  lo 
quiera  el  dio  ca  mi  esperança  siempre  fue  en  el  su  amor,  y  pues  tierra  soy  e  a 
la  tierra  buelvo,  mando  que  non  sea  lloradu,  nin  nadie  se  quebrante  por  mi, 
ni  vos  dona  Sol  fagades  malandança,  yo  vos  tengo  por  tal,  que  aunque  vos 
diera  el  llibelo  del  repudio  non  le  quisierades,  y  asi  me  lo  dixistes  vos  :  maguer 
me  diesedes  el  libello  non  le  tomare,  ca  el  vro  çapato  es  firme  porfia  del  mi 
coraçon  ;  e  yo  vos  dixe  :  ansi  lo  quiero  y  lo  quiera  el  Dio,  ca  marido  y  muger 
somos,  quarenta  y  très  anos  '  fizo  agora  poca  a  q  nos  gozamos  y  hazemos  en 
uno,  y  muero  en  el  tiempo  que  agrado  a  todos. 

Mi  cuerpo  sea  puesto  en  mortaja  y  aviso  me  entierren  en  el  campo  doradu 
do  yazen  nros  padres  y  pasadus  quel  Dio  buen  siglo  de,  en  tierra  tiesta  non 
tocada  non  tanida;  no  me  pongan  en  pie  ni  echadu,  sera  fecha  en  la  foya  una 
silleta  firme  donde  me  asienten,  mis  ojos  y  cara  puestos  fazia  el  oriente  decli- 


1.  Le  texte  d'Avila  donne  très veynte  anos. 

Revue  hispanique 


I98  VARIA 

nante  al  sol  y  su  salida  :  sientase  mi  muerte  por  las  dos  Aljamas  de  Segovia  y 
Alua  ca  bien  quisto  fui  de  toda  mi  parentela  y  asi  lo  espero  ser  en  el  siglo 
venidero,  digan  todos  :  guayas,  guayas,  que  murio  el  que  bien  fazta. 

Llevaran  el  tafeli  Rabi  santo  y  Mosen  Tusillu  y  su  fijo  Davidico  y  a  ratos  le 
ayudara  Samuel,  ca  mis  parientes  son.  Darles  han  sendas  aljubas  en  senal  que 
non  se  a  olvidado  el  parentesco  y  cantaran  el  talmud  (sic)  en  remembrança 
del  arca  del  testimonio  de  los  fijos  de  Isrrael  por  que  non  se  ponga  dudança 
que  fueron  sacados  de  la  captividad  terrible. 

Faran  todo  bien  en  la  sinoga  (sic)  y  non  diran  dichos  fermosos  sino  tristu 
de  tristeza  a  manera  de  los  que  dixeron  las  fijas  del  pueblo,  ca  yo  sabio  soy 
en  la  ley  e  muero  en  ella  como  bueno. 

Hago  mejoria  a  Dona  Jamilica  las  manteneduras  hasta  otros  siete  aiîos  sobre 
los  que  ha,  y  quien  la  tocare  o  dixere  mal,  por  si  lo  vea.  Tendranla  sus  her- 
manos  en  toda  honrra  por  que  se  vean  honrradus  fasta  que  se  le  de  marido  de 
nra  generacion,  el  quai  seiîalara  el  mayor  pariente,  quier  sea  hermano,  quier 
sea  primo;  y  de  mas  de  su  herencia  yguala  con  mis  fijos  llevara  de  dote  como 
lo  mandan  los  establecedores  de  las  leyes  cinquenta  mill  maravedis  de  la 
moneda  del  sr  rey  don  ferrandu  el  nuestru1,  quel  Dio  mantenga  y  mas  las 
alfajas  apodado  por  los  apodadores. 

Y  si  el  Dio  non  la  diere  fijos  no  es  mi  intencion  quitallo  a  Sadoc,  ca  buenu 
y  honrradu  me  lue,  el  quai  se  aventaje  en  ello  porque  yo  lo  quieru  y  el  lo 
mereçe  mereçidu,  que  en  Toledu  le  fizieron  en  una  piema  con  un  cuchillu  de 
carniçeru  y  non  se  querello  de  Buenu  ;  y  quien  paso  mal  e  derramo  sangre, 
que  le  fagan  bien  que  muriera  y  non  murio,  quel  Dio  le  guardo  para  aver 
bien. 

Mis  casas  en  las  yo  vivo  con  las  joyas  yo  la  di,  lleve  mi  mujer  y  mas  su 
dote  que  nadie  la  fable  en  ello  y  pues  es  suyo  ello  la  valga. 

Ayan  todos  mis  biencs  Sadoc  y  Benjamin  y  Dona  Jamila,  asegurados  de 
personas  de  quien  los  han  de  tomar  sin  rehierta  ni  engaiîo  que  no  es  bien  ni 
el  Dio  lo  quiere.  — 

Nos  Juçu,  Açobi,  y  Levi,  todos  très  fazederus  desta  escritura  le  diximos  : 
el  Dio  vos  lleve  por  buen  camino,  Don  Juda,  y  vos  de  por  ello  buena  postri- 
meria,  ca  aveis  hechu  como  buenu  y  sin  codiçia  que  aca  lo  dexais;  y  el  dixo  : 
si  dexo  porque  el  mundo  faga  como  mundo.  Y  el  bolvio  la  cara  fazia  la  pared 


1.  Le  texte  d'Avil.i  donne  :  cinquenta  mil  maravedis  de  la  moneda  de  nuestro  rey,  don 
Juan...  ("est  en  effet  Jean  II  qui  régnait  en  Castille  en  1410;  le  texte  de  Madrid  a  été 
modifié  par  le  copiste  qui  a  substitué  arbitrairement  au  nom  de  Jean  II  le  nom  du  roi 
qui  régnait  quand  fut  faite  la  copie,  Ferdinand  V  le  Catholique,  selon  toute  vraisem- 
blance. 


VARIA 


199 


con  grande  ansia  e  non  lloro  ca  esforçadu  era,  el  Dio  le  aya  en  su  guarda,  q 
muerto  es,  en  la  era  de  la  creacion  del  mundo  de  quatro  mill  y  ciento  y  diez, 
despues  del  diluvio  gênerai  en  el  segundo  dia  de  la  semana  a  seis  dias  del  mes 
de  Adar  en  la  villa  de  Alua,  siendo  testigos  dello  Azor  de  Galgala  y  Rabi 
Mosen  y  Zaifaçor  Alfayates  vezinos  del  testador  y  firmamoslo  Juçu,  Açobi, 
Levi. 

Les  dernières  lignes  semblent  avoir  été  remaniées  dans  le  texte  de  Madrid  :  il  convient 
de  reproduire  ici  le  texte  d'Avila  : 

ca  muerto  es  en  el  ano  de  mil  quatroçientos  é  diez  anos,  en  la  villa  de 

Alba  de  Tormes.  —  Testigos  :  Joide,  Galga,  Lain-Navi,  Moséh  Casa,  Soçal, 
Faya,  vecinos  del  testador  :  é  firmdmosla  con  nuestra  senal.  —  Juçé.  —  Acebi. 
—  Levi.  » 

Les  noms  des  témoins  diffèrent  dans  les  deux  textes,  mais  il  est  facile  de  voir  qu'il 
s'agit  simplement  d'une  erreur  de  copiste.  Quant  à  la  date,  il  est  à  peine  besoin  de  faire 
remarquer  que  le  quatro  mil!  y  ciento  y  àle\  donné  par  la  copie  de  Madrid  ne  doit  être 
considéré  que  comme  une  naïve  interversion  du  mil  quatroçientos  è  clic;  du  texte  d'Alba  ; 
le  6  Adar  4110  de  l'ère  juive  nous  ramènerait  en  effet  au  milieu  du  quatrième  siècle  de 
l'ère  chrétienne,  c'est-à-dire  à  une  date  antérieure  de  plus  de  dix  siècles  à  la  véritable. 

R.  Foulché-Delbosc. 


BIBLIOGRAPHIE 


Langue. 


Estudios  de  fonétika  kastelana  por  Fernando  Araujo.  Edizion  ispano-ameri- 
cana  en  ortografîa  reformada.  Toledo  :  impr.  de  Menor  hermanos,  1894,  in-8, 
156-vii  pp.  —  4  pes. 

Diccionario  valenciano  castellano  de  D.  José  Escrig  y  Marti'nez,  y  un  ensayo 
de  ortografia  lemosina  valenciana,  por  una  sociedad  de  literatos,  bajo  la  direc- 
ciôn  de  D.  Constantino  Llombart.  Cuaderno  29.  Pp.  1121  à  1160.  Valencia, 
1894,  in-4  à  3  col.  —  1  pes. 

Discursos  lei'dos  ante  la  Real  Academia  Espanola,  en  la  recepciôn  pûblica 
del  Sr.  D.  Francisco  Garcia  Ayuso,  el  dîa  6  de  Mayo  de  1894,  y  contestaciôn 
del  Sr.  D.  Francisco  Fernândez  y  Gonzalez.  (Estudio  comparativo  sobre  el 
origen  y  formaciôn  de  las  lenguas  neosanskritas  y  neolatinas).  —  Madrid  : 
Sucesores  de  Rivadeneyra,  1894,  in-4,  88  pp. 

Grammaire  catalane,  suivie  d'un  petit  traité  de  versification  catalane  ;  par 
Albert  Saisset.  Perpignan  :  imprimerie  Latrobe,  1894,  in-16,  93  pp. 

Borrones  gramaticales,  por  Miguel  Luis  Amundtegui.  Santiago  de  Chile  : 
Impr.  Cervantes,  1894,  in-8,  312  pp. 

Fragmentos  etymologicos,  colligidos  por  Carolina  Michaëlis  de  Vasconcellos. 
Porto  :  Typographia  de  A.  F.  Vasconcellos,  1894,  in-8,  62  pp. 

Histoire,  etc.. 

L'Espagne  du  quatrième  centenaire  de  la  découverte  du  Nouveau-Monde. 
Exposition  historique  de  Madrid  1892-1893,  par  Emile  de  Molènes...  —  Paris  : 
Ancienne  maison  Quantin,  1894,  in-8,  344  pp. 

Discursos  lei'dos  ante  Sus  Magestades  y  Altezas  Realcs  el  dia  i°  de  Abril  de 
1894,  en  la  solemne  inauguraciôn  del  nuevo  edificio  de  la  Real  Academia 
Espanola,  por  los  Excmos.  Sres.  Conde  de  Cheste  y  D.  Alejandro  Pidal  y 
Mon.  Madrid  :  Hijos  de  J.  A.  Garcia,  1891,  in-8,  47  pp.  (Non  mis  dans  le 
commerce.) 


BIBLIOGRAPHIE  201 


La  francmasonen'a  espaiîola.  Ensayo  histôrico-critico  de  la  orden  de  los 
francmasones  en  Espaùa,  desde  su  origen  hasta  nuestros  di'as  por  el  Ilmo.  Sr. 
D.  Nicolas  Di'az  y  Pérez.  Madrid  :  Ricardo  Fe,  1894,  in-8,  637  pp.  ;  tableau 
synoptique  et  portrait  de  l'auteur,  cart.  —  15  pes. 

Documentos  presentados  à  las  Cortes  en  la  legislatura  de  1894,  por  el 
Ministerio  de  Estado.  (Negociaciones  diplouuiticas  sobre  los  sucesos  de  Melilla.) 
Madrid  :  El  Progreso  editorial,  1894,  in-4,  xv-140  pp. 

La  intimidad  ibero-americana  ;  dhcurso  pronunciado  por  D.  Rafaël  M.  de 
Labra,  el  6  de  Noviembre  de  1892.  Madrid  :  Va  de  Hernando  y  Conip.,  1894, 
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La  conquista  de  Tetudn,  por  D.  José  Nûnez  de  Prado.  Madrid  :  Tip.  de  los 
Hijos  de  M.  G.  Herndndez,  1894,  in-8,  34  pp. 

Viaje  de  la  nao  Santa  Maria  en  el  siglo  xix,  por  Francisco  Vidal  y  Careta. 
Habana  :  Papelen'a  francesa,  1894,  in-8,  94  pp.  —  3  pes.  50. 

Discursos  leidos  ante  la  Real  Academia  de  Bellas  Artes  de  San  Fernando,  en 
la  recepciôn  pûblica  del  Senor  D.  José  Esteban  Lozano,  el  di'a  29  de  Abril  de 
1894,  y  contestation  del  Senor  D.  Cesdreo  Ferndndez  Duro  (On'genes  de  la 
medalla  conmemorativa).  Madrid  :  M.  Tello,  1894,  in-4,  37  PP- 

Discursos  leidos  ante  la  Real  Academia  de  la  Historia  en  la  recepciôn  pûblica 
del  Excmo.  Sr.  D.  Joaqui'n  Maldonado  Macanaz,  el  di'a  3  de  Mayo  de  1894,  y 
contestaciôn  de  D.  Antonio  Sdnchez  Moguel.  (Voto  y  renuncia  del  Rey 
D.  Felipe  V.)  Madrid  :  Imp.  de  Los  Huérfanos,  1894,  in-4,  122  pp. 

Historia  gênerai  de  las  Islas  Canarias,  por  Agusti'n  Millares,  de  la  Real  Aca- 
demia de  la  Historia.  Tomos  III,  IV.  Las  Palmas  :  J.  Miranda,  1894,  in-8, 
320  pp.,  272  pp.  —  Chaque  vol.  3  pes.  50. 

El  regionalismo  en  Galicia  (estudio  critico),  por  Leopoldo  Pedreira.  Madrid  : 
Est.  tip.  de  «  La  Linterna  »,  1894,  in-16,  312  pp.  —  3  pes. 

Discursos  leidos  ante  la  Real  Academia  de  la  Historia,  en  la  recepciôn  pûblica 
del  Excmo  Sr.  D.  Juan  Catalina  Garcia,  en  27  de  Mayo  de  1894.  Contestaciôn 
por  el  Excmo.  Sr.  D.  Juan  de  Dios  de  la  Rada  y  Delgado.  (La  Alcarria  en  los 
dos  primeros  siglos  de  su  reconquista.) Madrid  :  «  El  Progreso  Editorial,  »  1894, 
in-4,  i)4  PP- 

Averiguaciones  de  las  antigûedades  de  Cantabria,  enderezadas  principalmente 
d  descubrir  las  de  Vizcaya,  Guipûzcoa  y  Alava...  y  d  honor  y  gloria  de  San 
Ignacio  de  Loyola...  Su  autor  el  P.  Gabriel  de  Henao.  Nueva  ediciôn,  corre- 
gida  por  el  P.  Miguel  Villalta  Tomo  IL  Tolosa  :  E.  Lôpez,  1894,  in-8,  xlvii- 
349  PP-  —  5  pes. 

Historia  de  la  junta  de  defensa  de  Galicia,  por  Modesto  Castilla.  —  La 
Coruna  :  Ferrer,  1894,  in-8,  535  pp.  —  3  pes.  50. 

Présente  y  porvenir  de  Ceuta  y  Gibraltar  ;  estudio  y  descripciôn  eompa- 
rada  de  ambas  plazas,  consideradas  bajo  sus  diferentes  aspectos,  por  Horacio 


202  BIBLIOGRAPHIE 


Bentabol  y  Ureta.  Madrid  :  Imprenta  de  la  Revista  de  Navegaciôn  y  Comer- 
cio,  1894,  in-8,  36  pp.  —  1  pes. 

Bosquejo  histôrico  de  la  ciudad  de  Écija,  formado  desde  sus  primitivos  tiem- 
pos  hasta  la  época  contemporanea,  por  el  presbi'tero  D.  Manuel  Varela  y  Esco- 
bar.  Sevilla  :  Tip.  de  Di'az  y  Carballo,  1894,  in- 16,  168  pp.  —  2  pes. 

Guipûzcoa  pintoresca  ;  San  Sébastian  y  sus  cercani'as,  por  Angel  Pirala. 
Madrid  :  Murillo,  1894,  in-16,  79  pp.  et  carte.  —  1  pes.  50. 

La  campana  de  Melilla,  por  Ramôn  G.  Rodrigo  Nocedal.  Madrid  :  Imp.  de 
Felipe  Gonzalez  Rojas,  1894,  in-8,  xi-215  pp.  —  2  pes. 

Remembranzas  burgalesas,  por  Anselmo  Salvd.  Burgos  :  Hijos  de  Santiago 
Rodriguez  Alonso,  1894,  in-8,  167  pp.  —  2  pes. 

Las  conferencias  americanistas  ;  discurso-resumen  de  don  Antonio  Sànchez 
Moguel,  leido  el  19  de  Junio  de  1892  en  el  Ateneo  de  Madrid.  Madrid  :  Suce- 
sores  de  Rivadeneyra,  1894,  in-8,  21  pp.  —  1  pes. 

Utilidad  de  las  monografias  para  el  cabal  conocimiento  de  la  Historia  de 
Espaiîa.  Discursos  leidos  ante  la  Real  Academia  de  la  Historia  en  la  recepciôn 
pûblica  del  Excmo.  Sr.  D.  Lui's  Vidart,  el  dîa  10  de  Junio  de  1894,  y  contes- 
taciôn  del  Excmo.  Sr.  D.  Cesâreo  Femdndez  Duro.  Madrid,  1894,  in-8, 
62  pp. 

Reparaciones  histôricas  ;  estudios  peninsulares,  por  Sdnchez  Moguel.  Pri- 
mera série.  Madrid  :  Impr.  de  los  Huérfanos,  1894,  in-16,  xvi-303  pp.  — 
4  pes. 

Estudios  cn'ticos  acerca  de  la  dominaciôn  espanola  en  America,  por  el 
P.  Ricardo  Cappa.  Tomo  XI.  Parte  tercera  :  Industria  naval.  Madrid  :  MuriTlo, 
1894,  in-16,  242  pp.  —  3  pes. 

Opéra  minora.  Christophe  Colomb  et  les  Académiciens  espagnols.  Notes 
pour  servir  à  l'histoire  de  la  science  en  Espagne  au  xixe  siècle.  Par  l'auteur  de 
la  Bibliotheca  Americana  Vetustissima.  Paris  :  H.  Welter,  1894,  in-8,  153  pp. 
—  6  fr. 

La  ciencia  del  siglo  xix,  definida  por  Mr.  Henry  Harrisse  y  admirada  por 
Cesareo  Fernândez  Duro.  Madrid  :  Tip.  de  los  hijos  de  M.  G.  Herndndez, 
1894,  in-8,  17  pp.  (Non  mis  dans  le  commerce.) 

La  raza  de  color  de  Cuba,  por  D.  Rafaël  M.  de  Labra.  Madrid.  Est. 
Tip.  de  Fortanet,  1891,  in-8,  36  pp.  (Non  mis  dans  le  commerce.) 

Melilla.  Historia  de  la  campana  de  Âfrica  en  1893  à  94.  Por  Adolfo  Llanos  y 
Alcaraz.  Madrid  :  Murillo,  1894,  in-8,  365  pp.  et  2  ff.  d'index.  2  grav.  — 
3  pes.  50. 

Supersticiones  de  los  indios  filipinos.  Un  libro  de  aniten'as;  publïcalo  W.  E. 
Retana.  Madrid  :  Impr.  de  la  Viuda  de  M.  Minuesa  de  los  Rios,  1891,  in-16, 
xi.vi-105  pp.  —  2  pes.  jo. 

Port-Mahon.  La  France  à  Minorque- sous  Louis  XV  (1751-1763),  d'après  les 


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documents  inédits  des  Archives  de  France  et  des  Baléares;  par  E.  Guillon. 
Paris  :  Ernest  Leroux,  1894,  in-8,  121  pp.  et  carte.  —  3  fr.  50.  (Extrait  du 
tome  V  des  Nouvelles  Archives  des  missions  scientifiques  et  littéraires.) 

Scritti  e  autografi  di  Cristoforo  Colombo  con  prefazione  e  trascrizione 
diplomatica  di  Cesare  de  Lellis.  Tome  1(1892),  cxxx-312  pp  ;  tome  II  (1894), 
ccxvii-570  pp.;  tome  III  (1892),  xxii-clix  pp.  ;  Supplément  (1894),  vm-xi,  pp. 
et  planches.  — ■  130  fr. 

Balmaceda,  su  gobiernoy  larevoluciôn  de  1891  ;  por  Ju'io  Banados-Espinosa. 
Paris  :  Garnier  hermanos,  1894,  2  vol.  in-8,  xxxvi-723  pp.  et  portrait,  et 
791  pp. 

La  Guerra  del  Rif  ;  por  E.  B.  Paris  :  Charles  Lavauzelle,  1894,  in-8,  83  pp. 
—  1  fr.  75.  (Extrait  de  la  Revue  militaire  universelle.) 

Chypre  et  Lépante.  Saint  Pie  V  et  don  Juan  d'Autriche,  par  P.  A.  Farochon. 
Paris  :  Firmin-Didot  et  Cie,  s.  d.  (1894),  in-4,  320  pp.  et  74  grav. 

Histoire  de  la  vie  et  des  voyages  de  l'amiral  Christophe  Colomb,  d'après  des 
documents  de  l'époque  et  notamment  suivant  l'Histoire  véridique  de  l'amiral, 
écrite  par  son  fils,  don  Fernando  Colon;  par  A.  Fournier.  Paris  :  Firmin- 
Didot  et  O,  1894,  in-8,  xii-739  pp. 

Quatrième  centenaire  de  la  découverte  de  l'Amérique.  Comité  du  Puy-de- 
Dôme,  chargé  d'assurer  la  participation  du  département  aux  congrès  et  expo- 
sitions de  Huelva  et  de  Madrid.  Rapport  à  M.  le  Marquis  de  Croizier,  délégué 
général  du  centenaire  pour  la  France,  sur  les  travaux  du  comité  en  1892-93  ; 
parle  docteur  Pierre  Hospital,  président  du  comité  du  Puy-de-Dôme.  Clermont- 
Ferrand  :  imprimerie  Mont-Louis,  1894,  in-8,  16  pp. 

Commémoration  du  cinquième  centenaire  de  l'infant  dom  Henri  de  Portugal, 
dit  le  Navigateur  (1394- 1460),  au  nom  de  la  Société  de  topographie  de  France, 
le  19  avril  1894,  par  M.  Ludovic  Drapeyron.  Paris  :  Delagrave,  1894,  in-8, 
20  pp.  (Extrait  de  la  Revue  de  géographie.) 

Beaux-Arts. 

Ermita  de  Santa  Cristina  en  Lena  (Oviedo).  Reserïa  de  las  obras  hechas 
para  su  restauraciôn,  por  D.  Juan  Bautista  Làzaro.  Madrid  :  Fé,  1894,  in-4, 
33  pp.,  4  pi.  cart.  —  10  pes. 

Paseo  arti'stico  por  el  campo  de  Calatrava.  Estudio  de  las  très  principales 
residencias  de  la  orden,  ô  sea  Calatrava  la  vieja,  Calatrava  la  nueva  y  Almagro, 
por  D.  Rafaël  Rami'rez  de  Arellano.  Ciudad  Real  :  Impr.  del  Hospicio  provin- 
cial, 1894,  in-8,  63  pp.  (Tirage  de  200  exemplaires,  non  mis  dans  le  com- 
merce.) 

Une  châsse  de  la  Cathédrale  d'Astorga.  Communication  faite  au  ixe  congrès 
russe  d'archéologie,  tenu  à  Vilna(i893),  parle  baron  de  Baye.  —  Paris  :  Nilsson, 
1894,  in-4,  8  pp.  3  pi. 


204  BIBLIOGRAPHIE 


Hispanice  Schola  musica  sacra  ;  opéra  varia  (ssecul.  xv,  xvi,  xvn  et  xvm), 
diligenter  excerpta,  accurate  revisa,  seculo  concinnata  a  Philippo  Pedrell. 
Vol.  I.  Christophorus  Morales.  Barcelona.  Juan  Bautista  Pujol  y  Comp.,  1894, 
in-fol.,  xxxi-55  pp.  —  8  pes.  50. 

Voyages,  etc.. 

Por  levante  (notas  de  viaje),  por  Alfonso  Pérez  Nieva.  Tomo  I.  Valencia, 
Tarragona,  Barcelona.  Tomo  IL  Barcelona  (continuation),  Zaragoza.  — 
Valencia  :  Juan  Guix,  in-12.  162  et  156  pp.  (Biblioteca  selecta,  tomos  68  y 
69.)  —  Chaque  tome,  o,  50  cent. 

Andalusien.  Eine  Winterreise  durch  Sùdspanien  und  ein  Ausflug  nach 
Tanger.  Von  Ernst  von  Hesse-Wartegg.  Leipzig  :  Cari  Reiszner,  1894,  in-8, 
Yiii-443  pp. 

Léon  de  Rosny.  Taureaux  et  mantilles.  Souvenirs  d'un  voyage  en  Espagne 
et  en  Portugal.  Paris  :  G.  Charpentier  et  E.  Fasquelle,  1894,  in-12,  vn-372  pp. 
—  3  fr.  50. 

Recuerdos.  Notas  intimas  de  Francia  y  Espana,  por  Eusehio  Blasco.  Madrid  : 
Fé,  1894,  in- 16,  243  pp.  et  portrait.  —  3  pes. 

Pierre  Loti.  Au  couvent  de  Loyola  (dans  :  La  Revue  de  Paris  du  Ier  février 
1894),  Paris,  1894,  in-8.  —  2  fr.  50. 

Ricordi  di  Spagna  e  dell'  America  spagnuola,  di  Paolo  Mantegazza.  Milano  : 
Fratelli  Trêves,  in-16.  —  2  fr.  50. 

La  Navarre.  Huit  jours  à  bord  d'un  grand  paquebot-poste  transatlantique  ; 
La  Corogne,  Lisbonne,  Gibraltar,  par  Eugène  Lucciardi.  Avec  notice  technique, 
suivie  d'une  préface,  par  Maurice  Charpentier.  Illustration  de  Jean  d'Udine. 
Saint-Nazaire  :  Letourneur,  1894,  in-8,  74  pp.  —  3  fr. 

Le  caractère  espagnol,  conférence  faite  à  la  section  d'Auvergne  du  Club 
Alpin,  le  2  décembre  1893,  par  G.  Desdevises  du  Dezert.  Clermont-Ferrand  : 
imprimerie  Mont-Louis,  1894,  in-8,  22  pp. 

De  Paris  à  Huelva.  Les  fêtes  du  4e  centenaire  de  la  découverte  de  l'Amérique 
en  Espagne.  Notes  d'un  voyageur,  par  M.  Gaston  Routier.  Lille  :  imprimerie 
Danel,  1894,  in-8,  72  pp.  (Extrait  du  Bulletin  de  la  Société  de  géographie  de 
Lille.) 

Manuel  de  tauromachie  ou  Guide  de  l'amateur  de  courses  de  taureaux,  par 
J.  Sanchez  Lozano.  Traduit  de  l'espagnol  par  Aurélien  de  Courson.  Paris  : 
Sauvaître,  1894,  in-12.  281  pp. 

Littérature. 

Un  sabio  espanol  dcl  siglo  xvm.  Fr.  Miguel  de  San  José,  gênerai  de  los 
Trinitarios  descalzos.  Indicaciones  bio-bibliogrdficas,  por  D.  Juan  P.  Criado  y 


BIBLIOGRAPHIE  20) 


Dominguez.  Madrid  :  Sucesores  de  Rivadeneyra,  1894,  in-8,  37  pp.  (Tirage de 
50  exemplaires,  non  mis  dans  le  commerce.) 

Cervantes  en  la  Exposiciôn  histôrico-europea,  por  D.  Manuel  de  Foronda. 
Con  una  carta-prôlogo  del  Excmo.  Sr.  D.  Luis  Vidart,  y  dos  apéndices  conte- 
niendo  el  articulo  del  «  Doctor  Pôstumo  »  y  el  fotograbado  de  cuatro  de  las 
paginas  del  libro  parroquial  de  Santa  Maria  de  Alcazar  de  San  Juan.  Madrid  : 
Ruïz,  1894,  in-16,  95  pp.  —  2  pes.  50. 

Homenaje  a  Miguel  de  Cervantes  Saavedra,  soldado  Je  la  infanteria  espa- 
nola. (Revista  téenica  de  infanteria  y  caballeria,  tome  VII,  num.  8,  pp.  337  à 
384.)  Madrid  :  E^t.  tip.  de  Juliân  Palacios,  1894,  in-8.  —  1  pes. 

Discursos  lei'dos  ante  la  Real  Academia  Espanola,  en  la  recepciôn  pûblica 
del  Excmo.  Sr.  D.  Manuel  del  Palacio,  el  dû  13  de  Abril  de  1894,  y  contes- 
taciôn  del  Excmo.  Sr.  D.  Vicente  Barrantes.  (Sobre  la  poesfa.)  Madrid  :  Suce- 
sores de  Rivadeneyra,   1894,  in-4,  58  pp. 

Bastero  provenzalista  catalan.  Estudio  cn'tico  bibliografico  por  D.  Joaqui'n 
Rubio  y  Ors.  Barcelona  :  Est.  tip.  de  Jaime  Jepûs,  1894,  in-4,  I0°  PP- 

Discursos  leidos  ante  la  Real  Academia  Espanola,  en  la  recepciôn  pûblica  del 
Excmo.  Sr.  D.  José  Echegaray  el  dia  20  de  Mayo  de  1894,  y  conteslaciôn  del 
Excmo.  Sr.  D.  Emilio  Castelar.  (De  la  legalidad  comûn  en  materias  literarias.) 
Madrid  :  Hijos  de  J.  A.  Garcia,  1894,  in-4,  I0°  PP-  —  -  pes. 

Précis  des  littératures  étrangères,  anciennes  et  modernes ,  par-  Eugène 
Bouchet.  Paris  :  J.  Hetzel  et  Cie,  1894,  in-8,  v-430  pp.  —  7  fr.  50. 

Textes. 

Antologia  de  poetas  hispano-americanos,  publicada  por  la  Real  Academia 
Espanola,  con  un  prôlogo  de  D.  Marcelino  Menéndez  y  Pelayo.  Tomo  III. 
Colombia,  Ecuador,  Perû  y  Bolivia.  Madrid  :  Sucesores  de  Rivadeneyra, 
1894,  in-8,  ccxcix-492  pp.  —  10  pes. 

Anoranzas,  por  Victor  Balaguer.  Burgos,  historias,  recuerdos,  leyendas,  glo- 
rias  y  ruinas.  —  Orillas  del  Neva,  impresiones  y  apuntes  de  viaje.  —  La 
romeria  de  mi  aima,  traducciôn  de  un  poema  catalan.  Madrid  :  El  Progreso 
editorial,  1894,  in-8,  xin-223  pp.  cart.  (Non  mis  dans  le  commerce.) 

La  mujer  y  el  arte.  Conferencia  que  diô  en  el  Circulo  de  Bellas  Artes  en  la 
velada  del  17  de  Febrero  de  1894,  el  Excmo.  Sr.  D.  Victor  Balaguer.  Madrid  : 
E.  Jaramillo,  impresor,  1894,111-8,  23  pp. 

La  hoja  perdida  del  poema  del  Cid,  por  Eduardo  de  la  Barra.  Rosario  de 
Santa-Fé  :  Tip.  lit.  J.  Ferrazini  y  Comp.,  1894,  in-8,  11  pp. 

El  Doctor  Wolski.  Paginas  de  Polonia  y  Rusia,  por  Sofia  Casanova.  Madrid  : 
Impr.  del  Suc.  de  J.  Cruzado  a  cargo  de  Felipe  Marqués,  1894,  in-16,  321  pp. 
—  3  pes.  50. 


206  BIBLIOGRAPHIE 


El  origen  del  pensamiento.  Novela,  por  Armando  Palacio  Valdés.  Madrid  : 
Hijos  de  M.  G.  Hemàndez,  1894,  in-8,  477  pp.  —  4  pes. 

El  mundo  festivo,  por  Luis  Taboada  ;  dibujos  de  Pons,  fotograbados  de  Paez. 
Madrid  :  Sucesores  de  Rivadeneyra,  1894,  in-16,  272  pp. 

Los  barrios  bajos  ;  colecciôn  de  composiciones  en  verso  por  José  Lôpez  Silva, 
con  un  prôlogo  de  Ricardo  de  la  Vega.  Madrid  :  Hijos  de  M.  G.  Hernàndez, 
1894,  in-8,  4  ff.  prels  et  240  pp.  —  3  pes. 

El  gran  pecado  ;  novela  espanola,  por  M.  Marti'nez  Barrionuevo.  Madrid: 
Fortanet,  1894,  in-16,  301  pp.  —  3  pes. 

Addn  y  Eva  (ciclo).  Dona  Milagros,  por  Emilia  Pardo  Bazdn.  (Obras  com- 
plétas, tome  XL)  Madrid  :  Agustfn  Avrial  (1894),  in-8,  301  pp.  —  3  pes.  50. 

Cajôn  de  sastre,  por  Antonio  Pena  y  Goiïi.  Madrid  :  V->  de  J.  Ducazcal, 
1894,  in-16,  307  pp.  —  3  pes. 

El  ingenioso  hidalgo  Don  Quijote  de  la  Manche,  compuesto  por  Miguel  de 
Cervantes  Saavedra  y  comentado  por  D.  Diego  Clemencin.  Tomos  II,  III,  IV, 
V.Madrid  :  Viuda  de  Hernando,  1894,  in-12.  — Chaque  volume  3  pes.  (Biblio- 
teca  cldsica,  tomos  181,  182,  183,  184.) 

Filosofi'a  antigua  poética,  del  Dr.  Alonso  Lôpez  Pinciano,  médico  cesdreo 
(de  la  Emperatriz  Dona  Maria  de  Austria),  ahora  nuevamente  publicada  con 
una  introducciôn  y  notas,  por  D.  Pedro  Munoz  Pena.  Valladolid  :  Hijos  de 
Rodriguez,  1894,  in-8,  xxxiv-516  pp.  —  8  pes. 

Torquemada  en  el  purgatorio,  por  B.  Pérez  Galdôs,  Madrid,  1894,   in-16, 

337  PP-  —  3  pes- 

Teatro  cldsico  moderno.  Tomo  I.  obras  dramdticas  de  D.  Manuel  Breton 
de  los  Herreros,  D.  Juan  Eugenio  Hartzenbusch,  D.  Antonio  Garcia  Gutiér, 
rez  v  D.  Tomds  Rodriguez  Rubi.  Madrid  :  Sucesores  de  Cuesta,  1894,  in-8- 
432  pp.,  portrait.  —  3  pes. 

El  ingenioso  hidalgo  Don  Quijote  de  la  Mancha,  por  Miguel  de  Cervantes 
Saavedra.  Barcelona  :  Luis  Tasso,  s.  d.  (1894),  49 s  pp.  à  2  col.  —  1  pes. 

Los  besos  de  amor,  odas  inéditas  de  D.  Juan  Meléndez  Valdés,  publicadas 
por  R.  Foulché-Delbosc.  Madrid  :  Murillo,  1894,  in-8,  15  pp.  à  2  col.  —  2  pes. 

Chispas,  por  Manuel  del  Palacio.  Madrid  :  Murillo,  1894,111-8,  274  pp.  illustr. 
—  4  pes. 

Obras  complétas  de  Dona  Concepcion  Arenal.  Tomo  I.  El  visitador  del 
pobre.  Madrid  :  V.  Sudrez,  1894,  in-16,  251  pp.  ;  2  pes.  —  Tomo  IL  La  bene- 
ficencia,  la  filantropi'a  y  la  caridad.  Madrid  :  V.  Sudrez,  1894,  in-16,  244  pp.; 
2  pes.  —  Tomo  III.  Cartas  d  los  delincuentes.  Madrid  :  V.  Sudrez,  1894, 
in-16,  443  pp.  3  pes.  50. 

Dos  rivales,  por  D.  JoséSelgas.  Novelas.  Tomo  VI.  Madrid  :  Murillo,  189  |, 
in-8,  420  pp.  (Obras,  tomo  XIII).  — 4  pes. 

José  Maria  de  Heredia.  La  Nonne  Alferez.  Paris  :  Alphonse  Lemerre,  1894, 
in-32,  illustré.  —  2  fr. 


BIBLIOGRAPHIE  207 


Le  «  Don  Quichotte  »;  par  Cervantes.  Traduction  Filleau  de  Saint-Martin" 
Notice,  analyse  et  extraits  par  Emile  Caries.  Paris  :  Delagrave,  1894,  in- 18, 
175  pp.  (Petite  bibliothèque  des  grands  écrivains). 

Vie  et  Œuvres  spirituelles  de  l'admirable  docteur  mystique,  le  bienheureux 
Père  saint  Jean  de  la  Croix.  Traduction  nouvelle,  faite  sur  l'édition  de  Séville 
de  1702,  publiée  par  les  soins  des  Carmélites  de  Paris.  Préface  par  le  T.  R.  P. 
Chocarne.  3e  édition.  Tome  Ier.  Paris:  Oudin  et  Cie,  1894,  in-18,  xxxii-520 
pp.  et  3  grav. 

Branthôme.  Rodomontades  et  gentilles  rencontres  espagnoles.  Tome  IX  des 
Œuvres  complètes  de  Pierre  de  Bourdeilles,  abbé  et  seigneur  de  Branthôme. 
Publiées  pour  la  première  fois  selon  le  plan  de  l'auteur,  augmentées  de  nom- 
breuses variantes  et  de  fragments  inédits.  Paris  :  E.  Pion,  Nourrit  et  Cle,  1894, 
in- 16,  cart.  —  6  fr. 

Enseignement. 

Correspondencia  mercantil  hispano-francesa,  con  un  manual  de  conversa 
ciôn  comercial  en  los  mismos  idiomas,  para  uso  de  los  comerciantes  y  de  los 
que  estudian  la  lengua  francesa,  por  A.  Casasus.  Barcelona  :  Tip.  de  Luis 
Tasso,  1894,  in-8,  471  pp.  —  6  pes. 

Cours  élémentaire  de  langue  espagnole  suivi  d'un  précis  historique  de  litté- 
rature espagnole  à  l'usage  des  classes,  par  J.  M.  B.  Mareca...  2?  édition  entière- 
ment refondue.  Toulouse  :  Edouard  Privât,  1894,  in-16,  182  pp. 

Revista  dos  lyceus.  IV  an.  1°  semestre.  Junho  de  1894,  n°  1.  Porto  :  Typ. 
de  José  da  Silva  Mendonça,  1894,  in-8,  48  pp. 

Périodiques. 

Boletin  de  la  Real  Academia  de  la  Historia.  Tomo  XXIY. 

Cuaderno  4°.  Abril  de  1894.  Madrid,  1894,  in-8,  pp.  257  à  352.—  1  pes.  25. 
Sommaire  :  Anuario  de  la  Real  Academia  de  la  Historia  a  principios  de  1894. 
Informes.  I.  Materiales  para  la  historia  de  Espaiïa  en  el  archivo  secreto  de  la  Santa 
Sede,  por  Pedro  de  Madrazo.  —  II.  Concilios  nacionales  de  Carriôn  en  1103  y  de 
Léon  en  1107,  por  Fidel  Fita.  —  Varied.ides  :  Investigaciones  arqueolôgico-rornanas 
de  la  provincia  de  Almeria,  por  Enrique  Lôpez  Rull,  Trinidad  Cuartara,  Miguel 
Ruiz  de  Villanueva.  —  Noticias. 

Cuaderno  5°.  Mayo  de  1894.  Madrid,  1894,  in-8,  pp.  353  à  448.  —  1  pes.  25. 

Sommaire  :  Informes.  I.  Investigaciones  histôricas  referentesâ  Guipûzcoa,  porCamilo 

de  Echegaray,  por  José  Gômez  de  Arteche.  —  II.  Libros  procedentes  de  Marruecos, 

por  Francisco  Codera.  —  III.  Estaciôn  prehistôrica  de  Badajoz,  por  Luis  Villanueva. 

—  IV.  Xuevo  estudio  geogràfico,  Aureliano  Fernandez  Guerra,   Francisco  Coello, 
Fidel  Fita.  —  V.  Las  costas  de  Espana  en  la  época  romana,  por  Antonio  Bldzquez. 

—  VI.  El  sepulcro  del  doctor  Eximio,  por  Antonio  SAnchez  Moguel.  —  Variedades  : 


208  BIBLIOGRAPHIE 


I.  Carta  autôgrafa  del  beato  P.  Fr.  Diego  José  de  Cadiz,  por  Luis  Jiménez  de  la 
Llave.  —  II.  Lapida  monumental  del  beato  Diego  de  Gidiz  en  Cartagena,  por  Fidel 
Fita.  —  Noticias. 

Cuademo  6°.  Juniode  1894.  Madrid,  1894,  in-8,  pp.  449  à  560.  —  1  pes.  25. 

Sommaire  :  I.  Concilios  nacionales  de  Salamanca  en  11 54  y  de  Valladolid  en 
115 5,  por  Fidel  Fita.  —  IL  Cartas  inéditas  del  Beato  Padre  Maestro  Juan  de  Avila,  por 
Luis  Jiménez  de  la  Llave.  —  III.  El  primer  Coude  de  Ficallo,  por  Antonio  Sânchez 
Moguel.  —  IV.  Noticias  pôstumas  de  don  José  de  Vargas  Ponce  y  de  D.  Martin 
Ferndndez  de  Navarrete,  por  Cesdreo  Fernàndez  Duro.  —  Bulas  inéditas  de 
Urbano  IL  Ilustraciones  al  concilio  nacional  de  Palencia  (j-8  Diciembre  noo),  por 
Fidel  Fita.  —  Noticias.  — ■  Indice  del  tomo  XXIV. 

La  Espana  moderna.  Director-propietario  J.  Ldzaro.  Abril  de  1894.  Madrid, 
s.  d.  (1894)  in-8,  206  pp.  — ■  3  pes. 

Sommaire  :  Espana  en  la  Biblia,  por  Fr.  R.  Martinez  Vigil.  —  Cabeza  y  cora- 
zôn  (dolora),  por  Ramôn  de  Campoamor.  —  La  educaciôn  del  Rey,  por  Adolfo 
Posada.  —  Lo  verde,  por  el  Dr.  Thebussem.  —  Las  cinco  cartas  amatorias  de  la 
monja  portuguesa  Mariana  Alcofurado,  por  el  Licenciado  Pero  Pérez.  —  Adân  v 
Eva,  novela  (continuacion),  por  Emilia  Pardo  Bazin.  —  Revista  critica,  por 
M.  Menéndez  y  Pelayo.  —  Crônica  internacional,  por  Emilio  Castelar.  —  Impre- 
siones  literarias,  por  F.  F.  Villegas.  El  Espanol  Blanco  White  (conclusion)  por 
W.  Gladstone.  —  Obras  nuevas. 

Mayo  de  1894.  Madrid,  s.  d.  (1891),  in-8,  206  pp.  —  3  pes. 

Sommaire  :  Colecciôn  de  papiros  y  otras  antigùedades  de  Egipto,  pertenecientes 
al  archiduque  Raniero,  por  Juan  Valera.  —  Juan  del  Encina  y  los  origenes  del 
teatro  espanol  (obras  dramâticas  de  Encina),  por  Emilio  Cotarelo.  —  Cômo  han  iJo 
civilizàndose  los  japoneses  (episodio  del  galeôn  San  Felipe),  por  Cesdreo  Fernande/ 
Duro.  —  A  propôsito  de  la  causa  de  Varela,  por  Pedro  Dorado  Montero.  —  Adan  v 
Eva,  novela  (conclusion),  por  Emilia  Pardo  Bazàn.  —  Revista  critica,  por  M.  Menén- 
dez y  Pelayo.  —  Crônica  internacional,  por  Emilio  Castelar.  —  Crônica  cientifica, 
por  Luis  de  Hovos  Sainz.  —  Impresiones  literarias,  por  F.  F.  Villegas.  —  Obras 
nue  vas. 

Junio  de  1894.  Madrid,  s.  d.  (1894),  in-8,  203  pp.  —  3  pes. 

Sommaire  :  El  hechicero,  por  Juan  Valera.  —  La  psicologia  de  la  juventud  en  la 
novela  moderna,  por  Rafaël  Altamira.  —  Villergas  y  su  tiempo,  por  \'.  Barrantes. 
—  La  degeneraciôn  y  el  proceso  Willié,  por  Rafaël  Salillas.  —  Crônica  cientifica, 
por  Luis  de  Hovos  Sainz.  —  Revista  europea,  por  Emilio  Castelar.  —  Revista  cri- 
tica, por  M.  Menéndez  y  Pelayo.  —  Luis  Vives  (continuacion),  por  A.  Lange.  — ■ 
Obras  nuevas. 

Julio  de  1894.  Madrid,  s.  d.  (1894),  in-8,  205  pp.  —  3  pes. 

Sommaire  :  Las  obras  de  Villergas,  por  V.  Barrantes.  —  De  pedagogia,  por  Enrique 
(iil  y  Robles.  —  Vida  pùblica  de  I).  Enrique  de  Villena,  por  Emilio  Cotarelo.  —  La 
Celestina,  por  Lorenzo  Gonzalez  Agejas.  — ■  Revista  critica,  por  M.  Menéndez  y 
Pelayo.  —  Crônica  cientifica,  por  Luis  de  Hovos  Sainz.  —  Crônica  internacional, 
por  Emilio  Castelar.  —  Luis  Vives  (continuacion),  por  A.  Lange.  —  Obras  nuevas. 


BIBLIOGRAPHIE  209 


Collections. 

Mémorial  histôrico  espanol  :  coleccion  de  documentos,  opûsculos  y  antigùe- 
dades  que  publica  la  Real  Academia  de  la  Historia. 

Tomo  XXVII.  Madrid,  1894,  in-8,  464  pp.  —  3  pes.  50.  —  Sommaire  : 
Estado  de  Portugal  en  el  ano  de  1800.  Tomo  II,  que  trata  de  las  provincias  de 
Extremadura  y  de  la  Beira,  y  contiene  el  censo  de  sus  comarcas,  por  D.  José 
Comide. 

Tomo  XXX.  Madrid,  1894,  in-8,  268  pp.  —  3  pes.  50.  —  Sommaire  : 
Historia  de  Carlos  IV,  por  D.  Andrés  Muriel.  Tomo  II. 

Tomo  XXXI.  Madrid,  1894,  in-8,  239  pp.  —  3  pes.  50.  —  Sommaire  : 
Historia  de  Carlos  IV,  por  D.  Andrés  Muriel.  Tomo  III. 

Tomo  XXXII.  Madrid,  1894,  in-8,  203  pp.  —  3  pes.  50.  —  Sommaire  : 
Historia  de  Carlos  IV,  por  D.  Andrés  Muriel.  Tomo  IV. 

Nueva  coleccion  de  documentos  inéditos  para  la  Historia  de  Espana  y  de  sus 
Indias.  Publicanla  D.  Francisco  de  Zabalburû  y  D.  José  Sancho  Rayon. 
Tomo  V.  Madrid  :  Impr.  de  los  Hijos  de  M.  G.  Hernàndez,  1894,  in-8, 
378  pp.  et  4  ff.  d'index  n.  ch.  —  12  pes. 

Sommaire  :    Continuacion   de   la   correspondencia    de   D.    Luis  de  Requesens  y 

D.  Juan   de  Zûniga  con  Felipe  II   y  cou  el  Cardenal   de  Granvela,  D.   Diego  de 

Zùùiga,  el  Conde  de  Monteagudo,  etc..  etc.,  de  16  de  Agosto  i  7  de  Octuhre  de 

1574- 

Coleccion  de  documentos  inéditos  del  Archivo  gênerai  del  reinode  Valencia, 

publicada  por  Joaquin  Casdn  y  Alegre.  Tomo  I.  Valencia  :  Manuel  Alufre, 

1894,  in-8,  xxiv-219  pp.  —  10  pes. 

Sommaire  :  Pactos,  tratados  y  avenencias  que  mediaron  entre  los  reyes  de  Aragon, 

Navarra  y  el  bastardo  Enrique  de  Trastamara,  con  motivo  de  la  invasion  del  reino  de 

Castilla. 

Coleccion  de  documentos  inéditos  para  la  historia  de  Espana,  por  el  Marqués 

de  la  Fuensanta  del  Valle.  Tomo  CIX.  Madrid  :  Murillo,   1894,  in-8,  xn- 

499  pp.  —  12  pes. 

Sommaire  :  Ensayo  de  un  catàlogo  biografico-bibliogràfico  de  los  escritores  que  han 
sido  individuos  de  las  cuatro  ôrdenes  militares  de  Espana,  por  Frey  D.  Carlos  Ramirez 
de  Arellano  y  Gutiérrez  de  Salamanca,  del  hdbito  de  Calatrava. 

Bibliographie. 

Tipografïa  hispalense  ;  anales  bibliogrdficos  de  la  ciudad  de  Sevilla,  desde  el 
establecimiento  de  la  imprenta  hasta  fines  del  siglo  xvin,  por  D.  Francisco 
Escudero  y  Perosso.  Obra  premiada  en  concurso  pûblico  por  la  Biblioteca 
Nacional  en  1864,  é  impresa  i  expensas  del  Estado.  (Con  la  biograffa  del  autor, 
por  D.  A.  Maria  Fabié.)  Madrid  :  Sucesores  de  Rivadeneyra,  1894,  in-4,  xix- 
657  pp.  à  2  col. 


210  COMPTES    RENDUS 


Apuntes  para  un  catâlogo  de  periôdicos  madrilenos,  desde  el  ano  1661  la 
1870,  por  D.  Eugenio  Hartzenbusch.  Obra  premiada  por  la  Biblioteca  Nacio- 
nal  en  el  concurso  pûblico  de  1873,  é  impresa  à  expensas  del  Estado.  Madrid  : 
Sucesores  de  Rivadeneyra,  1894,  in-4,  xn-424  pp.  à  2  col.  —  7  pes. 

Biblioteca  colombina.  Catâlogo  de  sus  libros  hnpresos,  publicado  por  primera 
vez...  bajo  la  inmediata  direcciôn  de  su  bibliotecario  el  Ilmo.  Sr.  Dr.  D.  Ser- 
vando  Arboli  y  Faraudo...  con  notas  bibliogrâficas  del  Dr.  D.  Simon  de  la 
Rosay  Lôpez.  Tomo  III.  Sevilla  :  Tip.  de  Di'az  y  Carballo,  1894,  in-8,  vm- 
338  pp.  —  10  pes. 

Nota  bibliogranca  sobre  un  libro  impreso  en  Macao  en  1590,  por  José 
Toribio  Médina.  Sevilla  :  Impr.  de  E.  Rasco,  1894,  in-8,  1  s  pp.  —  3  pes. 

Catalogue  de  la  Bibliothèque  de  M.  Ricardo  Heredia,  comte  de  Benehavis. 
Quatrième  partie.  Paris  :  Ém.  Paul,  L.  Huard  et  Guillemin,  1894,  in-8,  vn- 
524  pp. 


COMPTES    RENDUS 


Colecciôn  de  escritores  castellanos.  Tomos  97,  100  y  102.  Historia  critica  de  la  poesia 
castellana  en  el  siglo  xvm  por  D.  Leopoldo  Augusto  de  Cueto,  marqués  de  Valmar. 
Tercera  ediciôn,  corregida  y  aumentada.  Madrid  :  Sucesores  de  Rivadeneyra,  1893,  3  vol. 
petit  in-8. 

C'est  en  1869,  en  tête  du  tome  premier  de  la  collection  des  poètes  lyriques 
du  xvme  siècle  publiée  dans  la  Biblioteca  de  au  tores  espanoles  de  Rivadeneyra, 
que  parut  pour  la  première  fois  l'œuvre  de  Don  L.  A.  de  Cueto,  sous  le  titre 
modeste  de  Bosquejo  bistôrico-critico;  nous  préférons  lui  voir  celui  d' Historia 
critica  auquel  lui  donnent  droit  et  son  étendue  et  le  soin  avec  lequel  elle  a  été 
composée.  L'auteur  ne  s'est  pas  borné,  comme  l'ont  fait,  hélas,  la  plupart  des 
préfaciers  d'éditions  compactes,  à  faire  précéder  les  œuvres  des  poètes  de  la 
période  à  laquelle  il  s'attachait  d'un  prologue  de  quelques  lignes  :  il  a,  d'une 
part,  dégagé  la  synthèse  de  cette  époque  de  transition  que  fut  le  xvm>-'  siècle, 
et,  d'autre  part,  tracé,  presque  toujours  sous  d'heureux  traits,  la  physionomie 
de  chaque  écrivain.  M.  de  V.  a,  en  effet,  adopté  pour  son  travail  un  plan 
excellent  et  que  l'on  ne  saurait  trop  recommander  :  sachant  combien  le  plus 
souvent  une  histoire  d'ensemble  laisse  dans  l'ombre  la  plupart  des  personna- 
lités d'une  époque  au  profit  de  quelques  noms  éclatants,  il  a  très  judicieusement 
réservé  toutes  les  notes  monographiques  dont  il  disposait  pour  en  former,  en 


COMPTES    RENDUS  2  I  I 


tête  des  œuvres  de  chaque  auteur,  autant  de  biographies  abondamment  docu- 
mentées. Enfin  il  n'est  pas  inutile  de  rappeler  que,  dans  les  trois  volumes  de 
la  Bïbîioteca  de  au  tores  espanoîes,  M.  de  V.  avait  réservé  une  très  large  place 
à  l'inédit,  mieux  inspiré  en  cela  que  les  autres  éditeurs  de  cette  même  collec- 
tion qui  ont  presque  tous  cru  devoir  faire  un  choix  dans  les  œuvres  des  auteurs 
qu'ils  republiaient.  Cet  inédit  a  contribué  dans  une  large  mesure  à  permettre 
au  collecteur  de  fixer  d'une  manière  définitive  bien  des  points  jusqu'alors 
obscurs  de  l'histoire  littéraire  du  siècle  dernier  :  qu'il  me  suffise  de  citer  les 
lettres  inédites  de  Meléndez  Valdés  à  Jovellanos,  écrites  de  1776  à  1779. 

VHistoria  crilica  reste  et  restera  vraisemblablement  longtemps  encore  la 
seule  œuvre  de  mérite  que  l'on  puisse  lire  sur  le  xvine  siècle  :  ce  siècle  qui, 
selon  les  propres  expressions  de  son  historien,  fut  un  siècle  sans  idées  propres, 
sans  doctrines  définitives,  sans  énergie  morale,  sans  enthousiasme  et  sans 
poésie,  a  néanmoins  laissé  un  héritage  vaste  et  varié  ;  héritage  qui  a  permis  au 
marquis  de  V.  de  nous  en  tracer  un  tableau  assez  attrayant  pour  nous  montrer 
que  son  jugement  est  peut-être  entaché  de  quelque  exagération  :  à  défaut  de 
doctrines  définitives  (quel  siècle  peut  se  vanter  d'en  avoir  vu  naître?),  d'idées 
propres  ou  d'énergie  morale,  il  n'est  pas  excessif  de  croire  que,  bien  qu'infé- 
rieur de  beaucoup  au  siècle  d'or,  le  xvme  n'a  manqué,  dans  certains  genres 
et  à  certains  points  de  vue,  ni  d'enthousiasme  ni  même  de  poésie. 

R.  Foulché-Delbosc. 

Estadismos  de  las  Islas  Filipinas,  ô  mis  Viajes  por  este  pais,  por  el  Padre  Fr.  Joaquin 
Martinez  de  Zuniga,  Agustino  calzado.  — •  Publica  esta  obra  por  primera  vez,  extensa- 
mente  anotada  W.  E.  Retana.  Madrid  :  \V.  E.  Retana,  Diciembre  de  M.DÇCC.XCIII, 
2  vols.  in-8.  —  20  pes. 

Tel  est  le  titre  in  extenso  d'un  ouvrage  précieux  que  vient  de  publier 
W.  E.  Retana,  et  pour  lequel  il  n'a  épargné  ni  son  temps,  ni  ses  soins,  ni  ses 
dépenses,  ne  reculant  devant  aucun  sacrifice  pour  perfectionner  son  œuvre  et 
s'y  dévouant  tout  entier.  C'est  ainsi  qu'il  fut  amené  à  visiter  Valladolid, 
Burgos,  Avila,  Ocaiîa,  etc.,  tous  les  lieux  en  un  mot  où  il  y  avait  un  document 
utile  ou  intéressant  a  consulter.  C'est  à  Paris  qu'il  a  fait  fondre  des  caractères 
spéciaux  d'imprimerie  et  fabriquer  le  beau  et  solide  papier  de  ses  deux  volumes 
sur  les  Philippines. 

L'ouvrage  du  P.  Joaquin  Martinez  de  Zuniga  est  remarquable  à  tous  égards; 
mais  avec  le  grand  nombre  d'additions,  annotations  et  appendices  dont  l'a 
enrichi  W.  E.  Retana,  il  constitue  une  véritable  encyclopédie  philippinaise,  un 
monument  unique  pour  l'étude  du  grand  archipel  magellanique.  Le  texte  de 
Zuniga  remplit  670  pages  d'impression  serrée,  il  a  été  augmenté  par  M.  Retana 
de  664  autres  pages,  dont  38  pour  le  prologue  et  626  pour  neuf  Appendices  qu1 
sont  autant  de  Mémoires  spéciaux  dignes  de  fixer  l'attention  du  monde  savant 


212  COMPTES    RENDUS 


par  l'exactitude  des  renseignements  de  toutes  sortes  qu'ils  fournissent  sur 
l'histoire,  la  géographie,  la  biographie,  la  topographie,  l'ethnographie,  la  géo- 
logie, l'histoire  naturelle,  la  statistique,  l'agriculture,  l'industrie  et  le  commerce 
des  îles  Philippines.  De  cette  mine  abondante  nous  nous  contenterons  de  signa- 
ler ici  quelques  filons  et  plus  particulièrement  les  appendices  suivants  : 

i°  Les  origines  de  la  fondation  de  l'imprimerie  aux  Philippines,  avec  le  cata- 
logue complet  des  livres  imprimés  et  des  imprimeurs,  depuis  1610  jusqu'à  la 
fin  de  l'année  1893  ; 

20  La  transcription  en  fac-similé  de  frontispices  d'ouvrages  rarissimes,  absolu- 
ment inconnus  aux  Philippines  ; 

3°  Un  catalogue  bibliographique  contenant,  outre  les  descriptions  de  plus  de 
quatre  cents  ouvrages,  des  notes  critiques  et  des  extraits  des  passages  les  plus 
importants  ; 

4°  L'appendice  coté  C,  où  se  rencontrent  neuf  cents  notes  géographiques, 
rangées  par  ordre  alphabétique  ; 

50  Les  appendices  D  et  E,  où  sont  classés  méthodiquement  une  multitude  de 
notes  relatives  à  l'histoire  naturelle. 

Enfin  cette  ample  collection  de  renseignements  curieux  et  instructifs  se  ter- 
mine par  de  nombreuses  notices  biographiques  qu'il  serait  très  difficile  de 
trouver  ailleurs.  Nous  ne  résistons  pas  à  l'envie  de  mentionner  ici  celle  relative 
à  un  jeune  héros,  le  type  du  chevalier  espagnol  au  xvie  siècle,  don  Juan  de 
Salcedo,  le  petit-fils  du  célèbre  conquistador  des  Philippines,  don  Miguel  Lopez 
de  Legazpi. 

On  sait  que  Legazpi,  parti  du  port  de  Natividad,  en  la  Nouvelle-Espagne,  le 
21  novembre  1564,  vint  mouiller  le  27  avril  1563  dans  la  rade  de  Mandave,  île 
de  Cébou,  non  loin  de  l'îlot  de  Mactan  où  Magellan  était  tombé  sous  les  coups 
des  naturels,  le  27  avril  1521.  Legazpi  demeura  six  ans  dans  Cébou  et  ne  quitta 
cette  île  que  le  15  avril  1 57 1  pour  aller  conquérir  Manille.  Le  20  août  1367 
arrivait  à  Cébou,  avec  deux  cents  hommes  partis  de  Mexico,  don  Juan  de 
Salcedo,  fils  de  Pedro  de  Salcedo  et  de  Theresa  de  Legazpi.  L'année  suivante, 
le  roi  de  Cébou  et  son  fils  âgé  de  vingt-cinq  ans  recevaient  l'un  et  l'autre  le 
baptême  ;  Legazpi  était  le  parrain  du  père  et  Salcedo  le  parrain  du  fils.  Don 
Juan  de  Salcedo  n'avait  que  dix-sept  ans  lorsqu'il  débarqua  dans  l'île  de  Cébou, 
mais  il  se  lit  remarquer  aussitôt  entre  tous  ses  compagnons  d'armes  par  sa 
bravoure  chevaleresque,  son  activité  infatigable  et  son  caractère  noble  et  entre- 
prenant. Envoyé  par  son  aïeul  à  la  conquête  de  Manille  sous  les  ordres  du 
mestre  de  camp  Martin  de  Goyti,  il  pénétra  dans  l'intérieur  du  pays  en  remon- 
tant le  Pasig  et  mit  en  fuite  les  naturels  qui  l'assaillirent  ;  c'est  là  qu'il  reçut  sa 
première  blessure  et  fut  atteint  d'une  flèche  au  genou.  Nul  plus  que  Salcedo  ne 
contribua  à  la  conquête  de  la  grande  île  de  Luçon,  dont  il  fut  le  premier  à 
découvrir  et  à  soumettre  les  diverses  provinces.  Manille  conquise  ainsi  que  les 


COMPTES    RENDUS  21 


pueblos  d'alentour,  le  jeune  capitaine  voulut  reconnaître  les  provinces  du  nord  ; 
il  arma  à  son  compte  une  expédition  et  Legazpi  lui  donna  quarante-cinq  soldats 
espagnols.  Avec  sa  petite  troupe  il  sortit  de  Manille  le  20  mai  1572;  il  ne 
devait  plus  revoir  son  aïeul  qui  mourut  dans  cette  ville  le  20  août  de  cette 
même  année,  à  l'âge  de  soixante-dix  ans  l.  Au  troisième  jour  de  navigation,  il 
arriva  à  la  pointe  de  Bolinao  ;  là  il  fit  rencontre  d'un  navire  chinois  qui  emme- 
nait en  esclavage  des  Tagales  et  leur  chef,  s'empara  des  captifs  et  les  rendit  à 
la  liberté.  Les  Tagales  qui  n'étaient  pas  accoutumés  à  de  tels  actes  de  magna- 
nimité, en  furent  si  vivement  touchés  que  spontanément  ils  se  reconnurent 
vassaux  du  roi  d'Espagne.  Continuant,  sa  route  vers  le  nord,  Salcedo  fut  le 
premier  descubridor  et  conquistador  des  provinces  de  Zambales,  de  Ilocos  où  il 
fonda  la  ville  de  Vigan ,  de  Cayagan,  puis  de  celles  de  Tayabas  et  de  Came- 
rines  au  sud.  Avec  une  poignée  d'hommes  il  avait  conquis  la  Laguna;  il  en  fut 
de  même  pour  la  province  de  Camarines,  fameuse  par  ses  mines  qu'il  alla  visi- 
ter, et  il  y  fonda,  sur  la  rivière  de  Bicol,  une  ville  qu'il  appela  Santiago  de 
Libôn.  Il  vainquit  les  naturels  de  l'île  de  Mindoro  et  les  soumit  à  l'obéissance 
au  roi  d'Espagne.  Il  était  mestre  de  camp  et  gouverneur  de  la  province  de  Ilocos, 
en  résidence  au  port  de  Vigan,  lorsque  voyant  passer  une  flotte  de  soixante- 
deux  sampans  chinois  et  supposant  avec  raison  qu'ils  allaient  attaquer  Manille, 
il  rassembla  à  la  hâte  tous  ses  Espagnols  et  s'embarqua  pour  défendre  la  capi- 
tale ;  c'était  la  flotte  du  fameux  corsaire  chinois  Li-Ma-Hong,  la  terreur  des 
côtes  des  Philippines,  qui  attaqua  Manille  en  1 574. 

Le  désir  de  revoir  ses  sœurs  qui  étaient  restées  à  Mexico  fit  que  Don  Juan 
de  Salcedo  demanda  un  congé  pour  retourner  au  pays  natal,  mais  avant  de 
s'embarquer  pour  la  Nouvelle-Espagne,  il  se  mit  en  route  pour  les  mines  de 
Ilocos,  dans  le  dessein  d'y  recueillir  quelques  échantillons  de  minerai  et  de  les 
faire  examiner  à  Mexico.  Après  deux  jours  de  marche,  malade  de  la  fièvre,  il 
but  de  l'eau  d'un  arroyo  et  mourut  quelques  heures  après,  le  11  mars  1576,  à 
l'âge  de  vingt-sept  ans,  laissant  la  réputation  d'un  des  plus  nobles  représen- 
tants de  cette  chevalerie  espagnole  qui,  à  cette  époque,  brillait  du  plus  vif  éclat 
et  passait  pour  la  première  de  l'Europe.  Aristide  Marre. 

Les  Jésuites  et  la  pédagogie  au  xvi"  siècle.  Juan  Bonifacio,  par  le  P.  J.  Delbrel,  de  la 
Compagnie  de  Jésus.  Paris  :  Alphonse  Picard  et  fils,  1894,  in-8,  xi-89  pp. 

Le  P.  Delbrel  nous  dépeint  la  vie  d'un  pédagogue  du  xvie  siècle,  le  jésuite 
Juan  Bonifacio  :  presque  célèbre  en  son  temps,  l'auteur  de  Cbristiani  pneri 
institutio,  de  De  Sapiente  Fruciuoso  et  de  YHistoria  Virginalis  était  tombé  dans 


1.  Ce  n'est  que  dans  ces  derniers  temps  que  l'Espagne,  tardivement  reconnaissante,  a 
élevé  une  statue  à  Lopez  de  Legazpi. 


214  COMPTES    RENDUS 


un  oubli  dont  il  faut  savoir  gré  au  P.  D.  de  l'avoir  tiré.  Bien  qu'on  y  sente  un 
peu  trop,  par  endroits,  un  plaidoyer pro  domo,  l'étude  est  bien  faite,  attrayante 
même  :  le  tableau  de  la  vie  scolaire  au  xvie  siècle  est  plein  de  détails  curieux 
que  l'on  désirerait  peut-être  un  peu  plus  spéciaux  a  l'Espagne.  La  bibliographie 
des  œuvres  de  Bonifacio  n'est  malheureusement  pas  aussi  précise  et  aussi  com- 
plète qu'il  eût  été  à  désirer.  F.  H.  Graser. 

Rafaël  Altamira  —  Juan  Ochoa  —  Tomâs  Carretero.  Novelas.  (Fatalidad.  Su  aniado 
discipulo.  Sagrado  sacerdocio.)  Madrid  :  Ricardo  Fé,  1894,  in-16,  vi-284  pp.  —  5  pes. 

Fatal idad,  de  D. Rafaël  Altamira,  occupe  près  de  la  moitié  du  volume  ;  l'œuvre 
eût  gagné  à  être  plus  étendue.  On  regrette  à  plus  d'un  endroit  ce  manque  de 
développement  qui  rend  la  psychologie  de  Guillermo  Moreno  quelque  peu 
obscure.  Le  début  surtout  prépare  insuffisamment  le  lecteur  :  on  se  demande 
pourquoi,  disposant  de  tant  d'éléments  de  bonheur,  le  héros  n'arrive  qu'à 
une  noire  mélancolie.  Quant  au  caractère  de  Teresa,  il  est  trop  laissé  dans 
l'ombre.  Le  dénouement  est  peu  plausible  ;  on  n'en  attend  qu'un  seul  :  le  sui- 
cide de  Guillermo.  Mais  l'espoir  en  un  lendemain  meilleur  est  bien  peu  dans 
la  nature  de  l'homme  que  l'on  nous  dépeint.  —  Les  qualités  de  style  sont 
supérieures  aux  qualités  d'observation  :  elles  nous  donnent  le  droit  de  penser 
que,  l'expérience  aidant,  M.  Altamira  pourra  occuper  un  rang  des  plus  hono- 
rables parmi  les  nouveaux  romanciers. 

Su  aniado  discipulo  est  une  très  simple  historiette  :  contée  sans  prétention, 
elle  se  distingue  par  beaucoup  d'originalité  et  plus  d'un  détail  heureux.  Il  n'y 
qu'à  en  louer  M.  Juan  Ochoa.  —  Quant  à  Sagrado  saccrdocio,  le  mieux  est  de 
n'en  rien  dire  et  d'attendre,  pour  juger  l'auteur,  qu'il  nous  donne  une  œuvre 
un  peu  plus  sérieuse.  F.  H.  Graser. 

Sofia  Casanova.  El  doctor  Wolski.  Paginas  de  Polonia  y  Rusia.  —  Madrid  :  imp.  dcl 
suc.  de  J.  Cruzado  à  cargo  de  Felipe  Marqués,  1894,  in-16,  320  pp.  —  3  pes.  50. 

C'est  un  type  assez  étrange  que  celui  de  ce  médecin  polonais  dont  la  vie 
entière  doit  être  consacrée  à  la  régénération  de  l'humanité  :  détraqué  plutôt  que 
philanthrope,  il  fait  le  malheur  d'une  fiancée  qui  l'adore  sans  réussir  en  fin  de 
compte  à  faire  son  propre  bonheur.  Mara,  belle  et  instruite,  élevée  par  le  doc- 
teur Wolski  pour  être  un  jour  sa  femme,  est  assez  lâchement  délaissée  par  lui 
quand  il  découvre  en  elle  les  germes  de  la  phtisie.  Wolski  ne  voit  du  reste  dans 
une  femme  que  la  mère  de  ses  futurs  enfants  ;  écrit-il  une  lettre  d'amour,  la 
plus  grande  partie  en  sera  consacrée  à  des  considérations  sur  l'hygiène...  Ne 
nous  étonnons  pas  de  le  trouver  peu  d'années  plus  tard  marié  à  une  jeune 
fille  qui  s'en  est  éprise  (cet  hygiéniste  est,  paraît-il,  irrésistible)  et  mettant  en 
pratique  les  fameux  préceptes  qui  lui  sont  chers.  Mais  un  premier  enfant  meurt 
et  c'est  tout  juste  si  sa  femme,  condamnée  désormais  à  la  stérilité,  survit  à  une 
douloureuse  opération.  En  même  temps  un  hôpital-modèle  —  la  plus  grande 


COMPTES    RENDUS  215 


pensée  du  docteur  —  s'abîme  dans  un  incendie.  Et  puis  c'est  tout,  car  il  n'y  a 
pas  de  dénouement  à  ce  roman  bizarre,  et  le  lecteur  est  libre  d'en  tirer  la  morale 
qu'il  voudra  ou  de  n'en  pas  tirer  du  tout. 

Le  livre  est  bien  écrit  et  ne  manque  pas  de  jolis  détails  :  je  reprocherai  seu- 
lement à  l'auteur  de  s'étendre  trop  complaisamment  sur  l'énumération  et  la 
description  de  mets  ou  de  boissons  russes  ou  tartares  ;  à  la  longue,  cela  fatigue 
et  dénote  l'amour  d'un  exotisme  facile  et  factice  qu'il  eût  mieux  valu  éviter. 

R.  Foulché-Delbosc. 

Tirso  de  Molina.  Investigaciones  bio-bibliogrdfkas  por  Emilio  Cotarelo  y  Mori.  — 
Madrid  :  imprenta  de  Enrique  Rubinos,  1893,  in-8,  221  pp.  —  3  pes. 

11  y  a  quelques  années,  l'Académie  espagnole  mit  au  concours  une  étude 
biographique  et  critique  de  Tirso  de  Molina.  Deux  monographies  seulement 
furent  présentées  :  l'une  de  dona  Blanca  de  los  Rîos  et  l'autre  de  D.  Pedro 
Murïoz  Pena.  Cette  dernière  est  la  seule  qui  ait  été  imprimée  {El  Teatro  de] 
Maestro  Tirso  de  Molina,  Valladolid,  1889,  in-8,  694  pp.),  mais,  tant  au  point  de 
vue  biographique  qu'au  point  de  vue  bibliographique,  elle  est  loin  d'être  aussi 
précise  qu'il  le  faudrait.  D.  Emilio  Cotarelo  y  Mori  vient  heureusement  de 
remédier  au  silence  de  tous  les  écrivains  qui  ont  eu  à  s'occuper  de  Tirso  et  nous 
donne  un  volume  où  ne  manquent  ni  les  faits  nouveaux,  ni,  chose  plus  rare 
chez  beaucoup  de  ses  compatriotes,  l'esprit  critique.  Il  serait  à  désirer  que  de 
semblables  monographies  fussent  plus  fréquentes  :  M.  C.  y  M.  a  prouvé  une 
fois  de  plus  que  l'initiative  personnelle  se  passe  souvent  fort  bien  des  encoura- 
gements officiels.  R.  Foulché-Delbosc. 


CHRONIQUE 


Le  Ier  avril  dernier,  l'Académie  espagnole  a  quitté  le  vieil  hôtel  qu'elle 
occupait  depuis  de  longues  années  rue  de  Valverde,  26,  et  s'est  installée  dans 
le  palais  récemment  construit  pour  elle  entre  le  Retiro  et  le  Prado.  Des  dis- 
cours ont  été  prononcés  à  cette  occasion  par  le  comte  de  Cheste  et  D.  Alejan- 

dro  Pidal  y  Mon. 

* 
*  * 

La  vente  Ricardo  Heredia.  —  La  bibliothèque  Salva  est  définitivement 
dispersée.  M.  Ricardo  Heredia,  comte  de  Benahavis,  qui  l'avait  achetée  il  y  a 
plusieurs  années,  s'en  est  dessaisi,  et  de  189 1  à  1894  la  vente  s'en  est  effectuée  : 


2l6  CHRONIQUE 


les  dernières  vacations  ont  eu  lieu  à  Paris  du  12  avril  au  11  mai.  M.  Heredia 
avait  considérablement  augmenté  cette  splendide  collection  :  tandis  que  le 
catalogue  de  Salva  ne  comprend  que  4.070  numéros,  les  quatre  volumes  du 
catalogue  de  vente  en  comprennent  8.304;  un  grand  nombre,  il  est  vrai,  ne 
sont  pas  des  livres  espagnols  et  n'ont  aucun  rapport  avec  ceux  au  milieu  des- 
quels ils  ont  été  assez  maladroitement  intercalés.  Ce  n'est  pas  précisément  un 
chef-d'œuvre  bibliographique  que  nous  ont  donné  MM.  Em.  Paul,  L.  Huard 
et  Guillemin,  libraires  de  la  Bibliothèque  nationale.  Tout  en  sachant  combien, 
le  plus  souvent,  sont  imparfaits  les  catalogues  dressés  en  vue  d'enchères 
publiques  (ainsi  le  veut,  paraît-il,  une  routine  contre  laquelle  personne  ne 
proteste),  il  est  permis  de  regretter  que  l'on  ne  se  soit  pas  adressé  en  cette 
circonstance  à  un  bibliophile  un  peu  au  courant  des  livres  d'Espagne,  et  l'on 
en  aurait  certainement  trouvé  à  Paris.  Nous  aurions  ainsi  possédé  un  ouvrage 
qui  aurait  pu,  à  certains  égards,  être  l'utile  complément  du  Catalogue  de  Salva. 
Mais  rien  de  tel  n'a  eu  lieu  :  on  a  préféré  disposer  les  choses  de  manière  à 
vendre  pendant  les  trois  premières  années  les  livres  les  plus  rares  et  reléguer 
dans  la  quatrième  partie  plus  de  la  moitié  de  la  bibliothèque  (n°s  3815  à  8304), 
qui  avait  une  valeur  moindre  :  on  comprend  aisément  à  quel  point  une  sem- 
blable disposition  peut  rendre  impossible  toute  classification  sérieuse.  Les  détails 
ne  rachètent  malheureusement  pas  ce  que  l'ensemble  a  de  défectueux,  bien 
au  contraire  :  qui  en  douterait  n'aurait  qu'à  se  reporter  au  Catalogue  de  la 
première  partie  (1891).  Suivant  un  usage  assez  répandu,  deux  bibliophiles  dont 
personne  ne  mettra  en  doute  l'érudition,  MM.  Manuel  R.  Zarco  del  Valle  et 
M.  Menéndez  y  Pelayo  adressent  à  M.  Ricardo  Heredia  une  assez  longue  le'.tre 
dans  laquelle  ils  font  l'éloge  de  sa  bibliothèque  et  en  vantent  les  raretés.  Ladite 
lettre  a  été  écrite  en  espagnol,  mais  on  nous  en  donne  simplement  la  traduction 
française,  la  vente  devant  avoir  lieu  à  Paris.  Que  dire  des   lignes  suivantes 

(p.  xvi)  :  votre  collection  de  Bibles,  qui  a  été  l'objet  de  vos  premiers  goûts  et  de 

vos  dernières  acquisitions.  Il  n'y  manque  ni  les  deux  Polyglottes,  la  complète  et  celle 

d'Anvers,  monuments  de  la  science  biblique  de  nos  ancêtres,  ni 

Qu'est-ce  donc  que  la  Bible  polyglotte  complète  ?  Ne  cherchons  pas  trop  loin  ; 
il  s'agit  du  n°  1  du  Catalogue  :  c'est  la  Bible  polyglotte  imprimée  à  Complu- 
tum  (Alcahi  de  Henares).  MM.  Zarco  del  Valle  et  Menéndez  y  Pelayo  avaient 
écrit  dans  leur  lettre  :  la  complutense,  et  les  traducteurs  ont  traduit  de  l'intelli- 
gente façon  que  l'on  sait.  On  jugera,  par  cette  échantillon,  du  soin  avec  lequel 
a  été  rédigé  le  catalogue  de  la  bibliothèque  de  M.  Ricardo  Heredia. 


Le  Gérant,  Aug.  Picard. 
Archiviste-Paléographe. 


MAÇON,    l'HOTAT    MU.Ri:S,   IMPRIMEURS. 


ÉTUDES 


SUR 


LA  LITTÉRATURE  ESPAGNOLE  AU  XIXe  SIÈCLE 


MELENDEZ    VALDES 

La  poésie  lyrique  espagnole,  à  la  fin  du  xviii0  siècle  et  au 
début  du  xixu,  ne  nous  présente  aucun  nom  plus  illustre  que 
celui  de  Meléndez  Valdés.  C'est  autour  de  lui  que  gravitent  les 
astra  minora,  dont  l'éclat,  un  moment  assez  vif,  paraît  bien 
amorti  aujourd'hui.  Il  est  le  représentant  le  plus  partait  d'une 
école  importante,  celle  de  Salamanque,  dont  il  permet  de  pré- 
ciser les  tendances,  de  fixer  les  principes,  et  aussi  de  mesurer 
l'influence.  De  son  vivant  comme  après  sa  mort,  il  est  regardé 
comme  le  meilleur  lyrique  de  son  époque,  quoique  d'autres, 
Cienfuegos,  Cadalso,  Forner,  Iglesias,  aient  eu  des  parties,  ou 
des  inspirations,  ou  des  dons  supérieurs.  Enfin  il  est  atteint  en 
pleine  carrière  par  le  flot  envahissant  des  idées  nouvelles,  et  son 
œuvre  porte  la  trace  de  la  révolution  produite  dans  les  esprits 
par  les  événements  historiques  contemporains.  A  ces  divers 
titres,  il  doit  être  étudié  comme  l'un  des  vrais  précurseurs  de 
l'époque  moderne. 

Nous  n'avons  pas  l'intention  de  raconter  ici  la  vie  de  Melén- 
dez. Quintana,  qui  s'honorait  d'avoir  été  son  disciple,  —  illu- 
sion touchante,  —  nous  a  laissé  de  lui  une  biographie,  trop 
académique  sans  doute,  mais  à  laquelle  il  n'y  a  rien  de  bien 

Revue  hispanique.  14 


2l8  E.    MÉRIMÉE 


important,  ce  me  semble,  à  ajouter.  Toutefois,  ceux  qui  souhai- 
teraient un  Meléndez  plus  familier,  plus  intime,  le  trouveront 
sans  peine  dans  les  Lettres  ou  dans  les  Poésies  publiées,  depuis 
Quintana,  soit  par  M.  L.  A.  de  Cueto,  marquis  de  Valmar,  dans 
sa  très  précieuse  Histoire  de  la  Poésie  espagnole  au  XVIIIe  siècle1,  soit 
tout  récemment  par  M.  Foulché-Delbosc,  à  cette  même  place2. 

Sans  vouloir  donc  refaire  —  sur  nouveaux  frais  —  ce  qui  a  été- 
bien  fait,  il  nous  suffira  de  rappeler  les  événements  principaux  de 
cette  existence.  Né  à  Riberadel  Fresno  (Badajoz)  le  n  mars  1754, 
Juan  Meléndez  Valdés,  orphelin  de  bonne  heure,  fit  ses  études 
dans  son  pays  d'abord,  puis  à  Madrid,  et,  à  partir  de  1772,  à 
Salamanque.  Il  se  lie,  dans  cette  dernière  ville,  avec  le  poète 
Cadalso,  qui  l'encourage  et  le  protège,  et  il  entre  bientôt  en 
relations  avec  d'autres  écrivains,  Iriarte,  Forner,  Jovellanos 
surtout.  Pendant  la  décade  qui  suit,  il  n'y  a  guère  à  signaler  dans 
sa  vie  d'autres  événements  importants  qu'une  grave  maladie  qui 
le  force  à  se  réfugier  aux  champs,  la  mort  de  son  frère  en  1777, 
le  prix  remporté  à  l'Académie  pour  son  églogue  de  Balilo  et  son 
séjour  à  Madrid,  où  il  fait  directement  connaissance  avec  Jovel- 
lanos. En  1782,  Meléndez  obtient  une  chaire  d'humanités  à 
Salamanque,  et  il  épouse  une  jeune  fille  de  bonne  famille,  dont 
Somoza  nous  a  laissé  un  curieux  portrait.  Deux  ans  plus  tard, 
nouveau  triomphe  académique  avec  les  Bodas  de  Camacbo,  sorte 
de  comédie  pastorale,  qui  échoue  devant  le  public.  Le  grand 
succès  de  sa  vie  d'écrivain  tut  la  publication  de  ses  poésies  en 
1786;  mais  ce  triomphe  littéraire  ne  lui  suffisant  pas,  il  songe  à 
utiliser  ses  amitiés,  et  se  fait  successivement  nommer  Alcalde  de 
Crimen  à  Saragosse  (1789),  Oidor  de  la  Chancilleria  de  Valladolid 
(1791),  puis  Fiscal  de  la  Sala  de  Alcaldes  de  casa  y  carte  (1797). 
En  cette    même    année,    il  publia   une   nouvelle  édition   de   ses 


1.  Historia    critica  de  la  poesia  casteïïâna   en  el  sigïo  XVIII...  tercera   edic. 

Madrid,  1893. 

2.  Revue  hispanique,  num.  1,  p.  73  et  suiv.j  num.  2,  p.  166  et  suiv. 


ETUDES  SUR  LA  LITTERATURE  ESPAGNOLE  AU  XIXe  SIECLE       219 

poésies,  enrichie  d'œuvres  nouvelles.  Meléndez  partagea  la  faveur, 
puis  la  disgrâce  de  Jovellanos  :  il  fut  exilé  à  Médina  del  Campo 
en  avril  1798,  et  à  Zamora  en  1800.  Il  avait  été  dénoncé  à 
l'Inquisition  quelques  années  auparavant  pour  avoir  lu  Rous- 
seau et  Montesquieu.  En  1802,  il  retourne  à  Salamanque  où  il 
vécut  dans  la  tristesse  et  le  découragement,  «  fruit  du  despo- 
tisme, »  assure  Quintana.  Son  rôle  pendant  l'invasion  française 
a  été  jugé  sévèrement.  Il  accepta  d'abord  des  Français  une  mission 
en  Asturies,  qui  faillit  avoir  une  fin  tragique.  Après  Bailén,  il  est 
nommé  fiscal  de  la  Junte  du  contentieux,  mais  bientôt  il  dut 
s'exiler.  Il  vécut  successivement  à  Toulouse,  Montpellier,  Nîmes, 
Alais,  et  mourut  à  xMontpellier,  le  24  mai   1817. 

Pour  quiconque  a  lu  la  biographie  de  Quintana,  quelque 
bienveillante  qu'elle  soit,  il  s'en  dégage  cette  conclusion,  aussi 
vraie  du  poète  que  de  l'homme,  que  Meléndez  manque  de 
caractère.  Il  en  manque  absolument,  dès  le  début  et  jusqu'à  la 
fin.  Très  indécis  au  moment  où,  ses  études  de  Salamanque  ter- 
minées, il  faut  qu'il  choisisse  une  carrière,  il  est  sur  le  point, 
parce  que  le  hasard  des  événements  l'y  pousse,  d'embrasser  l'état 
ecclésiastique.  Il  avoue  cependant  qu'il  ne  s'y  sent  que  médio- 
crement propre.  On  peut  voir  sur  ce  point  une  lettre  à  Jovellanos; 
à  son  défaut,  ses  poésies  erotiques  sont  là  pour  nous  renseigner 
sur  la  sincérité  de  sa  vocation.  L'on  ne  voit  pas  bien  l'auteur  des 
Bcsos  ou  de  la  Confesiôn  de  Flora1  appelé  à  diriger  les  âmes  dans 
les  voies  de  la  perfection.  A  Salamanque,  Meléndez  tombe  dans 
un  milieu  littéraire  où  l'on  a  le  goût,  la  manie  de  la  poésie  buco- 
lique. Il  s'y  essaye,  par  esprit  de  suite,  et  il  réussit.  Cette  fois, 
les  circonstances,  le  hasard  l'on  servi  à  merveille  :  il  a  trouvé  sa 
voie.  Mais  il  la  quitte  aussitôt,  parce  qu'on  J'y  engage,  et  il  se 
lance  dans  la  politique,  pour  laquelle  il  n'a  ni  goût  ni  aptitude. 


1.  Revue  hispanique,  nu  m.  2,  p.  181. 


220  E.    MERIMEE 


Il  aime  la  liberté  ;  il  se  laisse  remorquer  (par  Jovellanos  toujours) 
dans  le  courant  libéral,  ce  qui  ne  l'empêche  pas  de  célébrer  le 
Prince  de  la  Paix.  Il  «  entonne  la  trompette  »  pour  exciter  les 
Espagnols  à  résister  aux  Français  (voyez  son  Alarma  espanohï), 
et  il  accepte  honneurs  et  fonctions  de  Murât,  le  héros  du  2  mai, 
et  du  roi  intrus.  Il  prodigue  à  Joseph  Napoléon  les  déclarations 
les  plus  passionnées  (...  mas  juro  aniaros  cada  dia...)\  et  il 
accueille  la  rentrée  de  Ferdinand  VII  par  une  cantate  où  il  traite 
la  Constitution  de  Cadiz  de  «  monstruo  que  irisana  abortô  la  facciôn  », 
et  où  il  prédit,  le  malheureux!  le  retour  de  l'âge  d'or.  Tout 
cela,  admettons-le,  sans  arrière-pensée  d'intérêt  personnel,  non 
point  par  bassesse  d'âme,  mais  par  faiblesse,  par  manque  de 
volonté,  par  une  incurable  absence  de  volonté,  parce  que  les 
dieux  ou  les  hommes  en  ont  disposé  ainsi. 

Le  poète  est  tout  aussi  flottant,  inconsistant  et  mou.  Son  âme 
est  une  pâte  molle  qu'une  main  étrangère  pétrit  et  modèle  à  son 
gré.  Blanco,  remarquant  que  Meléndez  était  le  seul  Espagnol,  à 
sa  connaissance,  qui  eût  cessé  d'être  catholique  sans  devenir 
athée,  ajoute  qu'il  avait  très  développée  «  la  bosse  delà  vénération  ». 

Et  en  effet,  ses  admirations  successives  pourraient  être  aisé- 
ment cataloguées.  Il  subit  tout  d'abord  l'influence  de  Cadalso, 
poète  estimable,  dont  les  anacréontiques,  les  idylles,  les  endechas 
lui  révèlent  la  poésie  champêtre.  «  Sans  lui,  je  ne  serais  rien 
aujourd'hui.  Mes  goûts,  ma  passion  pour  les  bons  ouvrages,  mon 
talent  poétique,  mes  connaissances  littéraires,  tout  me  vient  de  lui. 
C'est  lui  qui  me  rencontra  au  cours  de  ma  seconde  année 
d'études,  qui  m'inspira  ce  noble  enthousiasme  pour  l'amitié  et 
pour  la  vertu,  et  qui  me  forma  le  jugement.  »  (Lettre  à 
Mena,  16  mars  1782.)  Ses  goûts  personnels,  si  tant  est  qu'il  en 
ait  de  bien  marqués,  le  poussent  évidemment  vers  la  poésie 
bucolique;  ses  succès  académiques  (Batilo,  Las  Bodas  de  Camctcho) 
l'engagent   tout  à  fait  dans  ce  genre,   où  il  excelle.  Et  peut-être 


1.  Ode  à  Joseph  Napoléon,  3  mai  18 10. 


ETUDES  SUR  LA  LITTERATURE  ESPAGNOLE  AU  XIXe  SIECLE       221 

i'aurait-il,  en  effet,  exclusivement  cultivé,  si  Jovellanos  ne  s'était 
avisé  de  l'en  détourner.  «  Et  toi,  ardent  Batile,  lui  disait-il, 
émule  insigne  du  chantre  de  Méonie  (!),  jette  les  pipeaux  rus- 
tiques et  porte  à  tes  lèvres  harmonieuses  la  trompette  retentis- 
sante... Que  nos  héros  espagnols  soient  l'objet  de  tes  chants!...  » 
L'excellent  Jovellanos  avait  raison  et  tort  tout  à  la  fois.  Il  avait 
raison  de  croire  que  s'il  n'est  pas  absolument  nécessaire  d'avoir 
des  idées  pour  être  poète,  il  est  impossible  cependant  d'écrire 
indéfiniment  sans  idées,  à  moins  d'avoir  une  sensibilité  capable 
de  renouveler  sans  cesse  sa  provision  d'images  et  d'impressions. 
Or,  ce  n'était  pas  le  cas  de  Meléndez,  lequel,  dès  1785,  avait 
épuisé  sa  provision  peu  abondante,  et  redit  déjà  ce  qu'il  avait  à 
dire.  Il  ne  pouvait  plus  que  se  répéter,  et  tourner  dans  le  même 
cercle.  La  saine  odeur  des  champs  est  agréable,  mais  trop  de 
rieurs  nous  affadit  et  trop  de  parfums  nous  écœure.  Peut-être 
Jovellanos  avait-il  encore  raison  de  croire  que,  dans  l'état  de  l'Eu- 
rope et  de  l'Espagne,  le  temps  des  Balilo,  des  Delio  et  des  Amintas 
était  passé,  et  qu'entre  les  enfantines  distractions  de  ces  bergers 
enrubannés  et  les  préoccupations  publiques,  il  y  avait  décidé- 
ment une  discordance  trop  criante.  La  grande  voix  qui  grondait 
au  loin  couvrait  trop  le  frêle  chalumeau  de  ces  Arcadiens.  Mais 
il  avait  tort  certainement  en  croyant  que  tous  sont  bons  à  tout, 
qu'on  peut  indifféremment  passer  d'un  genre  à  l'autre  et  prendre 
tous  les  tons.  Il  méconnaissait  lourdement  l'essence  de  l'inspi- 
ration poétique,  laquelle  ne  souffre  pas  la  contrainte,  et  il 
la  confondait  avec  le  métier,  qui  peut  s'apprendre  en  effet, 
puisque  lui-même  l'avait  appris.  Meléndez,  plus  sage,  sent  les 
limites  de  son  talent,  ce  qui  est  rare  chez  un  poète;  il  présente 
timidement  quelques  objections.  Il  parle  de  son  «  génie  doux  et 
affectueux  »  (yo  de  un  genio  suave  y  bondadoso),  de  son  «  cœur 
sensible  »  et  du  «  don  de  la  tendresse  »  qu'il  a  reçu  des  cieux 
(el  don  de  mi  Imuira)1.  Et  plus  tard,  au  milieu  de  ses  élans  et  de 

1.  Voyez,  la  pièce  El  Mediodia,  où  Meléndez.  définit  très  agréablement  son 
talent. 


222  E.    MERIMEE 


ses  efforts  vers  la  grandeur,  son  imagination  reviendra  d'elle- 
même  vers  ces  images  simples,  riantes,  naïves,  qui  avaient  suffi 
à  sa  Musc,  parce  qu'elle  se  sent  là  dans  son  vrai  milieu,  à  son 
juste  niveau,  et  que  l'effort  lasse  vite  son  aile.  Sans  le  vouloir 
sans  doute,  il  a  très  joliment  et  très  justement  caractérisé  sa  Muse 
dans  la  pièce  intitulée  :  Le  Chant  de  l'alouette.  Comme  l'alouette, 
en  effet,  elle  s'élève  d'une  aile  facile,  et  si  on  ne  la  voit  plus,  ce 
n'est  pas  précisément,  comme  elle  le  croit,  qu'elle  se  perde  dans 
les  hauteurs  ou  qu'elle  traverse  les  nuages;  c'est  plus  simplement 
qu'elle  est  assez  menue  et  fine.  En  réalité,  elle  ne  perd  jamais  de 
vue  le  sillon,  le  taillis  et  le  ruisseau.  Son  chant,  monotone  à  la 
longue,  plaît  par  sa  facilité, par  son  joli  timbre  net  et  clair  :  cette 
musique  manquerait  à  ce  paysage  tranquille.  Que  va-t-elle 
devenir  au  milieu  des  orages,  des  éclairs  et  des  convulsions  de  la 
nature  ? 

Meléndez  obéit  cependant.  Peut-être  est-il  las  de  tournoyer 
toujours  dans  le  même  cercle  et  de  voleter  au  dessus  des  mêmes 
buissons.  Il  veut  aller  plus  loin,  plus  haut,  et  cette  ambition, 
qu'on  lui  a  soufflée,  il  l'a  d'assez  bonne  heure.  Déjà,  en  1779, 
il  écrit  :  «  Le  genre  moral  me  plaît  infiniment,  quoique  je  me 
reconnaisse  sans  ressources  suffisantes  pour  y  réussir.  Mais  le 
désir  d'avoir  autre  chose  que  des  chants  d'amour  à  offrir  à  des 
personnes  dont  de  telles  bagatelles  sont  indignes,  m'a  engagé  à 
essayer  mes  forces...  »  Il  les  a  essayées,  en  effet.  Il  s'est  élevé  à 
l'ode  morale,  philosophique,  sociale,  politique,  et  il  l'a  fait,  en 
somme,  avec  un  succès  suffisant  pour  que  ces  graves  personnes, 
dont  il  parle,  aient  vu  là  ses  meilleurs  titres,  et  pour  que  les  fai- 
seurs d'anthologies,  qui  s'inspirent  volontiers  du  goût  de  ces  per- 
sonnes graves,  aient  fait  figurer  ces  «  morceaux  »  parmi  les 
modèles  de  la  lyrique  espagnole. 

Après  tout,  l'ambition  de  Meléndez  était  légitime.  Elle  prouve, 
sinon  une  conscience  bien  nette  des  limites  de  son  talent,  du 
moins  le  sentiment  très  juste  de  l'épuisement,  de  l'inanition 
dont  il  était  menacé  de  mourir.  Peut-être  aussi  y  a-t-il  quelque 


ETUDKS  SUR  LA  LITTERATURE  ESPAGNOLE  AU  XIXe  SIECLE       223 

injustice  à  enfermer  à  tout  jamais  le  poète  dans  le  domaine  où  il 
a  une  fois  excellé.  A  ce  compte,  Virgile  s'en  serait  tenu  aux 
Bucoliques  et  Victor  Hugo  aux  Odes  et  Ballades.  On  peut  même 
aller  plus  loin,  et  soutenir  que  Meléndez  n'avait  pas  à  «  forcer 
son  talent  »  autant  qu'on  pourrait  le  croire  pour  s'élever  de  ces 
pastorales  à  la  poésie  morale  et  philosophique  où  il  ambitionne 
de  s'exercer.  Pour  qui  admire  avec  intelligence  le  spectacle  de  la 
nature,  il  est  aisé  de  passer  du  fait  à  l'idée  que  ce  fait  enveloppe, 
de  la  matière  à  l'esprit.  La  poésie  des  champs  embellit,  mais  elle 
ne  cache  pas  nécessairement  la  philosophie  de  la  nature. Combien 
cette  poésie  est  suggestive,  c'est  précisément  ce  que  montraient, 
à  peu  près  à  la  même  époque,  J.-J.  Rousseau  et  Bernardin  de 
Saint-Pierre.  Peut-être  Meléndez,  à  torce  de  dépeindre  en  vers 
gracieux  les  spectacles  accoutumés  de  la  nature,  le  matin  et  le 
soir,  les  saisons  et  leur  perpétuel  écoulement,  les  astres  et  le  ciel, 
le  silence  des  nuits  constellées,  qui  effrayait  Pascal,  et  qui  inspire 
tant  de  métaphores  à  notre  poète,  peut-être  aura-t-il  la  tentation 
de  soulever  le  rideau,  pour  voir  quelle  main  machine  ce  spectacle. 
Peut-être  encore  s'avisera-t-il  quelque  jour  que  ces  bergers,  ces 
paysans,  qu'il  n'a  vus  que  sous  des  couleurs  trompeuses,  sont 
des  hommes  comme  les  autres,  en  chair  et  en  os,  qu'ils  vivent 
dans  un  monde  dur  pour  eux,  à  une  époque  qui  remue  confu- 
sément dans  leur  intelligence,  traversée  de  vagues  lueurs,  des 
idées  en  germe,  et  dans  leur  cœur,  des  sentiments  qui  cherchent 
leur  expression. 

Et  certainement  il  a  lait  cette  découverte,  une  fois  au  moins, 
en  voyant  ces  rustres  «  nus,  sales,  affamés,  courbés  vers  la  terre, 
près  d'exhaler  le  dernier  soupir  sous  l'écrasant  fardeau  que  le 
Destin  a  placé  sur  leurs  épaules, 

viendoles  desnudos, 

Escuàlidos,  hambrientos,  encorvados, 
Lanzando  ya  el  suspiro  postrimero 
Bajo  la  inmensa  carga  que  en  sushombros 
Puso  la  suerte...  » 


224  E-    MERIMEE 


Meléndez  pouvait,  partant  d'où  il  est  parti,  arriver  là.  La  fré- 
quentation de  la  nature  «  élève  l'âme  »,  comme  l'on  dit;  elle 
peut  suggérer,  à  qui  n'y  cherchait  tout  d'abord  qu'un  délasse- 
ment, des  idées  et  des  sentiments  qui  ont  leur  grandeur.  A  une 
double  condition  :  c'est  d'abord  que  l'on  fréquente  effectivement 
la  nature,  et  que  l'on  s'abandonne  ensuite  en  toute  sincérité  à 
l'impression  qu'elle  produit  sur  notre  esprit.  Cela  fut-il  le  cas  de 
Meléndez  ?  Je  le  rechercherai  tout  à  l'heure  ;  pour  le  moment, 
j'essaye  de  m'expliquer  le  développement  de  son  talent,  et  je 
signale  les  inspirations  auxquelles  il  a  successivement  obéi.  Et  à 
propos  de  ce  manque  d'originalité,  je  présenterai  une  dernière 
remarque,  qui   complète  ce  qui  précède. 

Comme  Meléndez  est  au  plus  haut  point  de  ces  natures 
faibles,  qui  ont  besoin,  pour  produire  elles-mêmes,  de  voir 
leurs  propres  sentiments  prendre  forme  au  préalable  dans  l'ima- 
gination d'autrui,  il  est  très  préoccupé  de  rechercher  et  d'étudier 
les  modèles.  Non  point  seulement,  —  ce  qui  est  la  condition 
du  progrès  et  un  apprentissage  indispensable,  —  pour  leur 
emprunter  des  procédés  nécessaires  au  génie  le  plus  vigoureux, 
pour  y  forger  et  y  aiguiser  l'instrument  dont  il  se  servira,  mais 
surtout  pour  substituer  aux  siennes  leur  pensée  et  leur  émotion, 
pour  essayer,  en  perdant  sa  propre  personnalité,  d'acquérir  la 
leur,  ce  qui  est  la  pire  façon  d'imiter.  Mèmeà  propos  de 
bergeries,  il  a  besoin,  pour  se  donner  le  ton,  de  lire  et  de  relire 
Boscan,  Garcilaso,  Francisco  de  la  Torre  et  généralement  tous 
ceux  qui  se  sont  signalés  dans  ce  genre,  depuis  Anacréon  jusqu'à 
Saint-Lambert.  Puis,  quand  il  éprouvera  le  besoin  d'enrichir  un 
peu  ou  de  refaire  sa  provision  d'idées  épuisées,  il  ira  dans  sa 
bibliothèque,  qui  parait  avoir  été  assez  riche',  et  il  ouvrira,  un  peu 
au  hasard,  l'un  de  ces  livres  qui  représentaient  alors  en  Espagne 
la  haute  culture  philosophique.  «  C'est  à  YEssaisur  l'entendement, 


i.  Voyez  les  lettres  publiées  par  M.  de  Cueto,  Historia  criiica tome  III, 

pp.  38-91- 


ÉTUDES  SUR  LA  LITTERATURE  ESPAGNOLE  AU  XIXe  SIECLE       22) 

dit-il,  que  je  dois  et  que  je  devrai  toute  ma  vie  le  peu  de  philo- 
sophie que  je  connaisse  :  Al  Ensayo  sobre  cl  entendimiento  debo  v 
deberé  toda  mi  vida  lo  poco  que  sepa  discurrir.  »  Prévenons  ceux  qui 
seraient  tentés  de  prendre  cette  déclaration  à  la  lettre  qu'ils  per- 
draient leur  temps  à  chercher  chez  Meléndez  la  trace  de  l'in- 
fluence de  Locke.  Mais  on  trouverait  aisément,  dans  ses  poésies 
de  la  seconde  manière,  la  traduction  des  idées  de  Turgot  ou  de 
Condorcet,  qu'il  a  connues  non  point,  je  crois,  d'original,  mais 
par  le  canal  de  Jovellanos.  Car  Meléndez  avait  encore  plus  raison 
qu'il  ne  croyait  quand  il  disait  à  ce  dernier  dans  une  effusion 
charmante  :  «  Obra  soy  tuya,  je  suis  ton  ouvrage.  »  Oui,  cela 
est  vrai.  Disciple  de  Jovellanos  ou  de  Cadalso,  des  bucoliques 
anciens  ou  modernes,  des  encyclopédistes  français  ou  des 
économistes  anglais,  de  Gessner  ou  de  Young,  Meléndez  n'a 
presque  toujours  été  qu'un  reflet  ou  un  écho,  dont  la  douceur 
peut  avoir  son  charme,  mais  qui  impatiente  parfois  parce  que 
l'on  y  cherche  vainement  une  réalité  que  l'on  puisse  saisir. 

A  s'en  tenir  à  ce  qui  précède,  le  mérite  réel  de  Meléndez  se 
réduirait  à  peu  de  chose.  Mais  ce  jugement,  tel  qu'il  est,  paraî- 
trait bien  sévère,  car  il  est  excessif  de  reprocher  à  un  moderne 
de  puiser  chez  ses  devanciers  et  de  les  imiter.  Tout  a  été  dit, 
et  il  n'y  a  plus  guère  de  façon  de  sentir  ou  d'exprimer  ses  senti- 
ments que  les  lyriques  n'aient  découverte.  La  seule  chose  qui 
importe  donc  n'est  pas  tant  de  savoir  si  la  poésie  de  Meléndez 
est  originale  dans  son  fonds,  —  il  est  clair  qu'elle  ne  l'est  en 
aucune  laçon,  —  que  s'il  a  su  marquer  de  son  sceau  personnel 
une  matière,  tombée  depuis  longtemps  dans  le  domaine  com- 
mun. Au  surplus,  en  ce  qui  concerne  tout  au  moins  ses  poésies 
anacréontiques  et  champêtres,  on  ne  s'étonnera  pas  outre 
mesure  de  n'y  trouver  ni  idée  originale  ni  sentiment  tant  soit 
peu  profond.  De  toutes  les  variétés  de  poésie  lyrique  il  n'en  est 
pas,  en  effet,  qui  nous  paraisse  aujourd'hui  plus  vide  et  plus 
fausse  que  celle-là,  et  ce  qui  nous  donne  le  droit  d'être  sévères, 
c'est    que,    depuis    Bernardin   de    Saint-Pierre,    Chateaubriand, 


226  E.    MÉRIMÉE 


Lamartine,  George  Sand  et  tant  d'autres,  nous  prétendons  mieux 
goûter  le  charme  de  la  nature,  et  plus  fortement  sentir  la  prise 
qu'elle  a  sur  nos  imaginations  ou  sur  nos  cœurs.  Il  n'y  a  au  fond 
rien  de  commun  entre  cette  traduction  éloquente  des  sentiments 
qu'éveille  en  une  âme  moderne  la  vue  de  la  nature  et  ce  que  les 
poétiques  classiques  nommaient  bucolique,  idylle,  pastorale. 

La  poésie  anacréontique  et  pastorale,  —  car  il  se  sert  indiffé- 
remment de  ces  deux  mots,  —  est  chez  notre  auteur,  comme 
chez  ses  prédécesseurs,  depuis  Virgile  jusqu'à  Garcilaso,  un 
genre  conventionnel,  un  cadre  banal  et  gracieux,  où  Ton  peut 
faire  entrer  une  foule  de  choses  fort  diverses.  C'est  un  fait  qu'à 
la  veille  de  la  Révolution,  ce  genre  était  à  la  mode  en  Espagne 
comme  dans  toute  l'Europe.  La  petite  société  de  Salamanque, 
où  vivait  Meléndez,  nous  offre  un  cas  bien  singulier  de  cette  épi- 
démie de  poésie  gessnérienne.  Nous  rencontrons  auprès  de  notre 
Hatilo,  affublés,  eux  aussi,  de  surnoms  champêtres,  deux  religieux 
Augustins,  les  PP.  Gonzalez  et  Fernandez,  les  pasteurs  Delio  et 
Liseno,  qui  se  sont  fait,  vers  1780,  une  réputation  de  poètes,  en 
entretenant  le  public  de  leurs  moutons  et  de  leurs  bergères.  On 
aimerait  —  si  l'on  ne  craignait  les  digressions  —  à  étudier  dans 
la  correspondance  de  l'un  d'eux,  Fr.  Diego  Gonzalez,  le  singulier 
état  d'âme  que  révèlent  ces  poésies.  Je  crois  bien  volontiers,  — 
puisque  M.  de  Cueto  et  d'autres  s'en  portent  garants,  —  que  ce 
dernier  resta  toujours  un  religieux  exemplaire,  un  amant  plato- 
nique, mais  on  m'accordera  en  revanche  que  le  berger  Delio, 
des  RR.  PP.  Augustins,  paraît  avoir  eu,  plus  qu'il  n'est  utile 
dans  l'état  ecclésiastique,  ce  «  don  de  lit  ternura  »  dont  parle 
Meléndez.  «  Mon  âme,  hors  d'elle-même,  s'écne-t-il,  aimait  ten- 
drement; elle  aimait  sans  mesure,  elle  aimait  enfin  de  telle  sorte 
que  même  maintenant,  en  y  songeant,  j'en  suis  tout  tremblant! 

El  anima  perdida 
Amaba  tiernamente, 
Amaba  sin  medida, 
Amaba  en  fin  de  modo 
Que  aun,  al  recordarlo,  tiemblo  todo.  » 


ÉTUDES  SUR  LA  LITTERATURE  ESPAGNOLE  AU  XIXe  SIECLE       227 

Et  cet  amour  n'est  pas  une  pure  métaphore  mystique,  comme 
celui  de  sainte  Thérèse  ou  de  Fr.  Luis  de  Leôn.  Nous  connais- 
sons les  deux  bergères,  égalas,  que  chante  le  P.  Gonzalez  : 
elles  se  nommaient  Melisa  et  Mirta.  Nous  savons  même  que  la 
première  habitait  Séville,  la  seconde  Cadiz,  et  que  celle-ci,  s'étant 
mariée,  et  déjà  mère  de  famille,  se  fatigua  à  la  longue  du  com- 
merce épistolaire  dans  lequel  elle  jouait  le  rôle  de  bergère,  et  le 
P.  Gonzalez  celui  de  berger.  Peu  soucieuse  de  prendre  place  dans 
l'histoire,  à  côté  des  Béatrix  et  des  Laure,  l'excellente  dame  laissa, 
paraît-il,  languir  et  tomber  la  correspondance,  car  Delio  s'en 
plaint  dans  une  lettre  du  8  août  1778,  adressée  à  Jovellanos, 
lequel,  ne  l'oublions  pas,  était  le  berger  en  chef,  cl  mayoral 
Jovino.  Il  s'en  console  philosophiquement  en  déclarant  qu'après 
tout,  cela  ne  changera  pas  grand' chose  à  la  nature  de  leurs 
relations  :  «  Delio  ne  l'en  aimera  pas  moins  de  la  même  façon 
et  au  même  degré  qu'autrefois,  car  il  ne  saurait  faire  autrement, 
et  il  n'est  point  dans  sa  nature  de  ne  plus  aimer  ce  qu'il  a  une 
fois  aimé.  »  Quant  au  P.  Fernândez,  auteur  d'œuvres  d'ailleurs 
ingénieuses,  telles  que  la  satire  philosophique  La  Crotalogia  ou 
Art  de  jouer  des  castagnettes,  il  ne  reste  pas  en  arrière,  et,  sans  plus 
d'ambages,  regrette  bravement  dans  ses  vers  d'être  fraile  «  étant 
jeune  et  sensé  ».  Tout  cela  à  distance  nous  semble  assez  extra- 
vagant et  très  digne  de  D.  Quichotte  lors  de  sa  crise  bucolique 
dans  la  Sierra  Morena,  mais  il  est  certain  que  l'on  ne  sentait 
alors  nullement  le  ridicule  de  tels  enfantillages. 

Ces  détails  connus,  on  ne  s'avisera  pas  de  chercher  dans  les 
poésies  de  ce  groupe  et  dans  celle  de  Meléndez,  son  principal 
représentant,  le  moindre  trait  de  vérité  particulière,  locale,  la 
moindre  préoccupation  de  description  exacte,  d'observation 
réelle.  La  nature  qu'ils  peignaient,  les  personnages  qu'ils  y  met- 
taient étaient  tout  entiers  dans  une  imagination  d'emprunt  et 
une  mémoire  pure-livresque.  Pour  les  voir,  il  leur  fallait,  non 
point  ouvrir  les  yeux,  mais  les  fermer  plutôt.  Je  serais  bien 
étonné  que  le  lecteur  de  Meléndez,  en  passant  par  Salamanque, 


228  E.    MÉRIMÉE 


pût  reconnaître  les  bosquets  d'Otea,  ou  le  Zurguen,  ou  les  bords 
du  Tonnes,  dans  les  vagues  descriptions  du  poète.  Je  sais  bien 
qu'il  n'est  pas  facile  non  plus  de  se  représenter  bien  exactement 
«  le  lac  »  de  Lamartine,  ou  les  rives  bordées  de  roseaux  du  Min- 
cio  de  Virgile,  ou  la  villa  d'Horace,  puisque  le  bon  abbé  de 
Chaupv  a  mis  plusieurs  années  à  la  retrouver,  et  encore  n'en  est- 
il  pas  lui-même  bien  sûr.  Mais  l'exactitude  descriptive  était,  au 
fond,  le  dernier  souci  de  Lamartine,  de  Virgile  ou  d'Horace, 
qui  voulaient  surtout  nous  parler  d'eux-mêmes.  Or,  la  psycho- 
logie que  l'on  peut  extraire  des  tableaux  champêtres  de  Meléndez 
est  une  quantité  négligeable.  Quant  à  leur  poésie,  un  contempo- 
rain, et  Quintana  après  lui,  trouvent  qu'elle  sent  le  thym  «  olia  ci 
tomillo  ».  C'est  affaire  de  goût  :  Alcalâ  Galiano,  lui,  était  d'avis 
qu'elles  sentaient  la  ville  :  «  Sus  campos  huelen  à  la  ciudad.  » 
Meléndez  n'était  sans  doute  pas  insensible  aux  charmes  de  la 
campagne,  mais,  au  témoignage  de  son  biographe,  il  ne  s'en 
aperçut  bien  qu'après  avoir  lu  Thomson,  Gessner  et  Saint-Lam- 
bert. Ce  qui  est  certain  du  moins  c'est  que  les  riants  tableaux 
qu'il  nous  décrit,  il  les  composait  au  fond  de  l'étroite  ruelle  de 
Sordolodo,  au  bruit  des  enclumes  et  des  marteaux  de  vingt  forges 
voisines.  Il  n'est  pas  étonnant  que  dans  ce  milieu,  dans  cette 
«  caverne  des  cvclopes  »,  comme  il  disait,  l'odeur  du  thym  se 
soit  vite  évaporée. 

Ainsi  qu'on  doit  s'y  attendre,  Meléndez  se  sert  souvent  de  la 
poésie  pastorale  ou  anacréontique  en  manière  d'allégorie,  pour 
nous  révéler,  en  jetant  sur  eux  un  voile,  d'ailleurs  transparent, 
les  petits  événements  de  sa  vie  intime  et  de  celle  de  ses  amis. 
Les  joies  de  l'amitié,  les  tristesses  de  l'absence,  le  charme  du 
retour,  la  sympathie  pour  les  maux  d'un  ami  ou  pour  ses  succès, 
tous  ces  sentiments  modérés  et  tendres,  tous  ces  lieux  communs 
de  la  sensibilité  banale  sont  traités  avec  une  douceur  aimable, 
encore  qu'un  peu  affadissante,  avec  une  élégance  infiniment 
supérieure  à  tout  ce  qui  existait  alors  dans  le  même  genre  Ces 
sentiments  moyens,  ces  amitiés,   ces  amours  tempérés,  c'est   le 


ETUDES  SUR  LA  LITTERATURE  ESPAGNOLE  AU  XIXe  SIECLE      229 

domaine  propre  de  Meléndez;  c'est  là  qu'il  faut  chercher 
quelques-unes  de  ses  meilleures  pièces,  telles  que  l'églogue  5e, 
Le  Berger  du  Tonnes,  où  il  décrit,  non  sans  émotion,  son  départ 
pour  Saragosse.  Il  y  est  aussi  naturel  et  aussi  sincère  que  le 
genre  adopté  et  le  goût  du  temps  le  lui  permettaient.  Il  est  vrai 
qu'il  ne  le  reste  pas  longtemps,  et  qu'à  côté  de  ces  heureuses  in- 
spirations, il  y  a  dans  son  œuvre  des  parties  absolument  illisibles 
aujourd'hui.  Catulle  a  consacré  une  chanson  au  moineau  de 
Lesbie  :  elle  se  termine  d'une  façon  inattendue  par  une  note 
mélancolique  qui  en  rend  le  charme  plus  pénétrant.  Meléndez  ne 
dédie  pas  moins  de  trente-et-une  odes  à  la  colombe  de  Philis 
{La  Paloma  de  Filis).  Et  il  déclare  en  note  «  qu'il  s'est  étendu 
sur  ce  sujet  plus  qu'il  ne  pensait,  mais  que  1  innocence  de  Philis 
et  les  grâces  de  sa  colombe  ne  sauraient  se  dépeindre  briève- 
ment ».  Quant  à  la  mélancolie  épicurienne  de  Catulle,  —  Surgit 
amari  aliquid...,  —  elle  est  trop  souvent  remplacée  chez  Melén- 
dez par  une  note  franchement  grivoise,  égrillarde,  qui  est,  elle 
aussi,  la  marque  de  l'époque,  mais  qui  détonne  au  milieu  de  ces 
fadeurs.  Elle  achève  cependant  de  définir  Meléndez  qui  a  beau- 
coup d'Ovide,  la  faiblesse  de  caractère,  la  facilité,  la  grâce  un 
peu  molle,  l'imagination  voluptueuse.  Il  s'est  d'ailleurs  très  sou- 
vent rencontré  avec  lui,  et  l'on  peut  comparer  son  ode  7%  inti- 
tulée le  Boudoir,  à  l'une  des  plus  célèbres  pièces  d'Ovide.  Parnv  a 
été  de  même  l'un  de  ses  modèles,  ainsi  que  l'auteur  des  Bai- 
sers, Jean  Second,  et  cela  très  probablement  dès  sa  jeunesse.  Les 
23  Besos  de  Amor  n'avaient  pas  été  jusqu'ici  publiés,  por  ser 
demasiado  1  bscenos,  selon  l'expression  de  Salvâ.  La  Revue  hispa- 
nique nous  les  a  fait  connaître  intégralement.  Les  lettrés 
doivent  lui  en  savoir  gré,  car  nulle  part  Meléndez  n'a  été  plus 
poète;  nulle  part  son  talent,  très  souple  et  très  riche  en  images, 
n'a  montré  plus  de  grâces  à  la  fois  et  plus  de  fécondité.  L'éditeur 
de  ces  Besos  les  considère  comme  «  l'un  des  chets-d'œuvre  de  la 
poésie  anacréontique  espagnole  »,  et  il  a  peut-être  raison.  Mais 
il   est  fâcheux  que  les  seuls  tableaux  quelque  peu  vigoureux, 


2}0  E.    MERIMEE 


voire  réalistes,  que  Meléndez  ait  tracés  soient  de  ceux  sur  lesquels 
il  semble  nécessaire  de  jeter  une  gaze  ou  même  un  rideau.  Evi- 
demment le  jeune  docteur,  frais  émoulu  de  Salamanque,  qui 
commentait  avec  une  si  belle  verve  l'œuvre  de  Jean  Second, 
n'avait  plus  grand'chose  à  apprendre  en  matière  d'amour.  Il  y  était 
passé  maître,  et  il  est  étonnant  même  qu'il  ait  pu  trouver  tant 
de  charmes  à  «  l'innocente  »  Philis  et  à  sa  colombe,  pour  ne  point 
parler  des  bergères  si  galamment  endoctrinées  par  les  PP.  Gon- 
zalez et  Fernandez. 

A  partir  d'une  certaine  époque,  avons-nous  dit,  et  sous  l'in- 
fluence de  Young,  Meléndez  s'exerça  dans  un  genre  qui  con- 
traste violemment  avec  les  anacréontiques  et  les  pastorales  du 
début,  celui  de  la  poésie  sentimentale  et  larmoyante.  On  dirait 
qu'un  orage  a  voilé  tout  à  coup  le  ciel  limpide,  éteint  la  riante 
lumière  qui  baignait  les  bosquets  et  chassé  tous  nos  bergers  de 
théâtre.  Ces  nuées,  chargées  de  tristesse,  déchaînées  sur  les  rives 
du  Tonnes  par  les  poètes  anglais,  surprennent  le  lecteur  comme 
un  contre-sens.  Et,  de  fait,  on  n'en  comprend  pas  la  raison;  on 
cherche  en  vain  ce  qui,  dans  la  vie  du  poète,  dans  l'histoire 
intime  de  son  âme,  a  pu  soulever  une  pareille  tempête.  C'est 
qu'elle  aussi,  je  le  crains  bien,  est  tout  entière  dans  son  imagi- 
nation, qui  repercute,  comme  un  écho,  un  bruit  lointain  : 

A  su  voz  lamentable  enternecidos 
Repitamos  sus  lugubres  gemidos. 

Et  il  les  répète  de  son  mieux,  racontant  à  la  Lune,  la  grande 
confidente  de  cette  école,  aux  Asti  es,  à  la  Solitude,  ses  douleurs 
incomprises,  soupirant  et  pleurant  sur  ces  mêmes  bords  témoins 
des  gentils  ébats  de  sa  muse  : 

Mi  dulce  musa 

No  sabe  va  sino  lanzar  suspiros, 
Ni  saben  va  sino  llorar  mis  ojos. 

Naguère  tout  était  joie,  amour  autour  de  lui;  maintenant  il 


ÉTUDES  SUR  LA  LITTÉRATURE  ESPAGNOLE  AU  XIXe  SIECLE      23  I 

ne  voit  plus,  sous  les  cieux  lourds,  que  douleur,  misère,  châti- 
ments immérités,  et  qu'un  refuge,  la  mort  : 

;  Nacen  los  nombres  â  penar  ?  1  Ajeno 

Es  el  bien  de  la  tierra?... 

El  mal  de  todos  lados  le  rodea, 

Hasta  que  da  por  termine  en  la  Muerte. 

Que  cet  accès  de  spleen  anglais  ne  s'était  pas  développé  spon- 
tanément chez  l'aimable  Batile,  on  l'eût  deviné  sans  peine.  Une 
lettre  à  Jovellanos,  du  17  juillet  1779  ' ,  nous  montre  les  premières 
atteintes  sérieuses  du  mal,  qui  remonte  assez  haut,  on  le  voit.  Il 
y  célèbre  «  l'inimitable  Young  et  la  force  divine  de  ses  pensées  ». 
Quoi  qu'en  ait  dit  Tineo,  il  savait  assez  bien  l'anglais.  «  J'ai 
beaucoup  lu  les  Nuits,  ajoute-t-il,  et  il  m'en  estresté  beaucoup.  » 
On  le  voit  de  reste,  en  lisant  La  Noche  y  la  Soledad,  qui  accom- 
pagnait la  lettre.  D'ailleurs,  s'ils  ne  mouraient  pas  tous,  beaucoup 
de  poètes  étaient  frappés  comme  Meléndez,  tant  Young  exerçait 
de  ravages  parmi  eux.  Les  Nuits  lugubres  de  Cadalso  en  sont  un 
témoignage  curieux,  et  surtout,  la  fantaisie  macabre  à  laquelle  il 
s'abandonna,  lorsque,  l'imagination  troublée  par  l'abus  des  poètes 
anglais,  il  s'avisa  de  déterrer  le  cadavre  de  sa  maîtresse,  l'actrice 
Maria  Ignacia  Ibanez,  aventure  véridique  qui  forme  proprement 
le  sujet  de  ses  trois  Nuits  lugubres. 

Je  n'insisterai  pas  sur  cette  nouvelle  phase  traversée  par  l'ima- 
gination de  Meléndez.  Si  les  grâces  mignardes  de  ses  pastourelles 
nous  fatiguent  assez  vite,  il  y  a  apparence  que  nous  ne  supporte- 
rons pas  non  plus  sans  impatience 

Les  pleurards,  les  rêveurs  à  nacelles, 
Les  amants jle  la  nuit,  des  lacs,  des  cascatelles. 

Veut-on  sentir  la  différence  entre  un  thème  d'école  honnète- 


1.  Citée  par  M.  de  Cueto,  Historla  critica...,  tom.  I,  p.  406.  —  On  voit  par 
une  autre  lettre  de  M.  que,  déjà  en  1778,  il  s'exerçait  à  imiter  le  poète  anglais. 


-;>- 


E.    MERIMEE 


ment  traité  et  l'inspiration  d'un  vrai  poète?  Que  l'on  compare 
l'élégie  dont  je  citais  plus  haut  quelques  vers,  au  Désespoir  de 
Lamartine,  lequel  se  termine  par  la  même  pensée  : 

.  .  .  Jusqu'à  ce  que  la  Mort,  ouvrant  sou  aile  immense 
Engloutisse  à  jamais  dans  l'éternel  silence 
L'éternelle  douleur  ! 

Je  préfère  de  beaucoup,  pour  ma  part,  les  poésies,  à  moitié 
philosophiques,  à  moitié  politiques,  inspirées  à  Meléndez  par 
son  commerce  avec  Jovellanos.  Ces  idées  de  bonheur  social, 
d'humanité,  de  progrès  indéfini,  chères  aux  réformateurs  de 
l'époque,  convenaient  mieux  à  l'âme  du  poète,  peu  profonde, 
mais  aisément  ouverte  aux  sentiments  tendres  et  sympathiques. 
Sans  doute,  ce  sont  encore  des  lieux  communs,  et,  comme  tou- 
jours, Meléndez  a  besoin  d'une  excitation  étrangère  pour  les 
aborder,  mais  enfin  ils  tiennent  si  profondément  au  cœur  de 
l'homme  qu'ils  y  remuent  toujours  quelque  fibre,  et,  défait,  c'est 
là  qu'il  faudrait  chercher  les  vers  les  plus  capables  de  donner  une 
idée  avantageuse  de  notre  auteur  :  YEpislola  à  Jovellanos,  lors- 
qu'il fut  nommé  ministre  de  Grâce  et  de  Justice;  l'ode  à  la 
Bienfaisance  : 

un  infelice 

Es  un  justo  acreedor  a  nuestro  auxilio. 
A  un  pecho  noble  y  gencroso  basta 
Ser  hombre  y  ser  desgraciado. 

Le  Philosophe  au  champ,  qui  marque  assez  heureusement  la 
transition  entre  les  deux  manières  principales  de  Meléndez; 
l'élégie  Les  Misères  humaines,  où  l'on  notera  un  tableau  un  peu 
trop  arrangé,  mais  touchant  en  somme,  des  maux  qui  accablèrent 
l'Europe  au  début  du  siècle  (Yo  vi  la  asoladora  guerra...}  et  qui 
se  termine  par  quelques  vers  dignes  de  Térence  : 

«    Miro  à  mi  hermano, 

Al  hombre  miro  en  infeliz  cadena, 

Y,  aunque  grave  mi  mal,  ya  me  es  liviano  ;  » 


ÉTUDES  SUR  LA  LITTERATURE  ESPAGNOLE  AU  XIXe  SIECLE       233 

Et  surtout  La  Despèdida  del  anciano,  les  Adieux  du  vieillard, 
où  Melétidez,  sous  le  coup  de  ses  malheurs  personnels  et  de  la 
tristesse  des  temps,  arrive  au  sentiment  juste  et  à  la  véritable 
poésie. 

En  résume,  on  trouve  dans  l'œuvre  poétique  de  Meléndez  une 
triple  inspiration.  D'abord  l'inspiration  bucolique  et  anacréon- 
tique,  —  celle-là  est  vraiment  nationale  et  castillane,  —  puis 
une  veine  sentimentale,  romanesque  ou  romantique,  qui  est  plus 
particulièrement  anglaise,  enfin  des  poésies  philosophiques, 
morales,  humanitaires,  où  se  manifeste  surtout  —  plus  ou  moins 
directement  —  l'influence  française.  On  aura,  je  crois,  une  idée 
assez  complète  des  éléments  qui  se  sont  unis  pour  former  le 
talent  de  Meléndez,  si  l'on  ajoute  à  ces  trois  inspirations  fonda- 
mentales —  qui  peuvent  être  caractérisées  par  les  noms  de 
Cadalso,  de  Young  et  de  Jovellanos  —  des  imitations  fréquentes 
des  poètes  espagnols  du  xvie  siècle,,  particulièrement  des  Sévil- 
lans. 

Remarquons-le  :  cette  succession  d'inspirations  qui  se  mêlent 
et  parfois  se  combattent,  était  le  résultat  des  influences  diverses 
exercées  successivement  sur  cette  âme  impressionnable  par  les 
idées  ou  les  goûts  contemporains.  Le  poète  est  l'écho  de  son 
temps  dans  ses  bergeries  aussi  bien  que  dans  ses  tirades  huma- 
nitaires et  dans  ses  aspirations  sentimentales,  qui  font  pressentir 
René  et  Werther.  Mieux  que  tout  autre,  en  Espagne,  il  a  reflété 
cette  époque  si  troublée,  et  c'est  là  ce  qui  donne  à  ses  œuvres 
une  sorte  d'intérêt  historique. 

Après  les  réserves  que  nous  avons  dû  faire  et  les  atténuations 
nécessaires  aux  éloges  hyperboliques  de  certains  critiques,  notre 
jugement  resterait  incomplet  si  nous  ne  constations  que  l'écrivain, 
chez  Meléndez,  est  incomparablement  supérieur  au  penseur  et  au 
poète.  Il  a  des  qualités  rares  à  toutes  les  époques  dans  la  litté- 
rature espagnole,  la  clarté,  la  limpidité,  le  choix,  le  goût  et  l'art 
de  composer.  Ses  idées  sont  courtes  et  maigres,  mais  les  images, 

Revue  hispanique.  1 J 


234  E-    MERIMEE 


quoiqu'un  peu  flottantes,  les  habillent,  les  enguirlandent  si 
richement  qu'elles  en  dissimulent  la  ténuité.  Cette  molle  abon- 
dance n'est  pas  sans  charmes  dans  les  meilleures  de  ses  poésies 
anacréontiques  ou  pastorales.  Son  talent  descriptif,  quoiqu'il 
doive  presque  tout  à  la  seule  imagination,  est  réel,  surtout  pour 
les  petites  choses  et  les  menus  détails.  Il  excelle  à  composer  en 
quelques  vers  un  paysage  gracieux,  aussi  peu  vrai  que  ceux  de 
Watteau  ou  de  Boucher,  mais  charmant  dans  son  lointain  vapo- 
reux et  sa  vague  poésie.  De  même,  il  sait  peindre  en  quelques 
mots  un  sentiment  tendre  et  doux,  tels  qu'en  peut  inspirer  cette 
riante  nature.  Ses  petits  vers  de  sept  et  de  huit  syllabes  sont  une 
musique  pour  l'oreille  et  un  plaisir  pour  l'imagination,  qu'ils 
bercent  agréablement.  Plus  tard,  on  constate  chez  le  poète  un 
effort  pour  donner  plus  de  nerf  au  style  en  même  temps  que  plus 
de  vigueur  à  la  pensée,  mais,  si  je  ne  me  trompe,  dans  ses  hen- 
décasyllabeset  ses  longs  vers,  la  gène,  la  tension  sont  manifestes  : 
le  manque  de  force,  qui  est  le  défaut  capital,  devient  plus  sen- 
sible. Il  est  à  peine  besoin  de  signaler,  —  car  on  les  retrouve 
malheureusement  dans  toutes  ses  œuvres,  —  cette  phraséologie 
pseudo-classique,  ces  élégances  d'école,  ce  vernis  mythologique 
qui  sont  la  marque  du  temps  et  dont  Meléndez  n'est  guère  res- 
ponsable :  c'est  cette  rouille  qui  donne  surtout  à  sa  poésie  cet 
air  vieillot  et  fané  qu'ont  aujourd'hui  la  plupart  des  œuvres  de 
l'époque.  Je  ne  dirai  rien  non  plus  des  critiques  qu'Hermosilla  et 
autres  rhéteurs  de  son  école  ont  dirigées  contre  les  gallicismes 
et  les  prétendues  incorrections  de  sa  langue  :  cette  polémique, 
qui  a  été  vive,  a  perdu  tout  intérêt  et  n'a  pas  empêché  Meléndez 
de  figurer  parmi  les  meilleurs  écrivains  de  ce  siècle.  On  trouvera 
beaucoup  moins  chez  lui  ces  défauts  d'emphase,  de  pompe,  d'fl/- 
tisonancia  et  de grandilocuencia,  qui  furent  ceux  du  lyrisme  espa- 
gnol, et  dont  les  néo-sévillans,  en  particulier  Roldan,  ReiriOSO 
et  Arjona,  prétendaient  encore  faire  des  qualités.  Reinoso  ne 
déclarait-il  pas  que  «  la  altisonancia  es  una  virtiid  eu  la  liried  v  cl 
poêla  debe  tener  uua  lengua   altisonante?  »   Certes,  la  langue  de 


ETUDES  SUR  LA  LITTERATURE  ESPAGNOLE  AU  XIXe  SIECLE       235 

Meléndez  est  encore  trop  ornée  à  notre  goût,  mais  c'est  celle  d'un 
poète.  Il  avait  surtout  du  vrai  poète  la  faculté  de  voir  les  choses 
sous  une  forme  imagée,  «  un  estilo  lleno  de  imagination,  calidad 
principal  suya  »,  a-t-on  dit  avec  raison.  Il  avait  le  sens  du 
rythme,  delà  période  poétique  et  de  l'harmonie,  toutes  qualités 
qui  devenaient  extrêmement  rares  à  son  époque,  où  le  prosaïsme 
et  la  platitude  triomphent.  Sous  ce  rapport,  la  poésie  de  Melén- 
dez, considérée  dans  sa  forme,  est  un  rajeunissement,  car  elle 
retrouve  des  qualités  perdues  depuis  longtemps  ;  elle  est  un  pro- 
grès certain,  car,  sur  cet  instrument  bien  accordé,  d'autres, 
comme  Q_uintana,  pourront,  d'une  main  plus  vigoureuse,  tirer 
des  accents  plus  énergiques. 

E.    MÉRIMÉE. 


HUMORADAS,    DOLORAS 


ET 


PETITS  POÈMES 


DON     RAMON     DE    CAMPOAMOR 


Rien  n'est  plus  difficile,  pour  le  public  lettré,  que  de  se  former 
une  opinion  sur  tel  ou  tel  écrivain  espagnol,  d'après  les  apprécia- 
tions formulées  par  les  critiques  même  les  plus  éclairés  et  les  plus 
remarquables  du  pays  de  Larra.  A  les  en  croire,  l'Espagne  serait 
peuplée  de  génies  :  le  moindre  barbouilleur  de  papier,  le  plus 
humble  folliculaire  y  sont  traités,  à  tout  le  moins,  d'écrivains 
distingués;  les  auteurs  qui,  dans  d'autres  littératures,  jouiraient 
de  quelque  notoriété,  y  deviennent  des  esprits  supérieurs;  quant 
à  ceux  qui  vraiment  ont  du  talent,  qui  tout  œuvre  durable  et 
parviennent  à  se  faire  lire  ou  traduire  à  l'étranger,  le  vocabulaire 
des  louanges  les  plus  ampoulées  ne  suffit  plus,  et  non  seulement 
les  critiques,  mais  encore  la  grande  masse  de  la  nation  est  loin  de 
penser  qu'il  puisse  y  avoir  dans  d'autres  pays  des  hommes 
capables  de  supporter  un  instant  la  comparaison  avec  eux.  Cette 
tendance  est  assurément  fort  respectable  :  elle  indique  un  grand 
fond  de  bienveillance,  des  mœurs  littéraires  pleines  d'aménité  et 
un  sentiment  de  fierté  nationale  qui  peut  produire  de  grandes 
choses;  malheureusement  elle  a  le  grave  défaut  de  réserver  des 
surprises  désagréables  au  lecteur  ingénu  qui  s'apprête  à  savourer 
un  chef-d'oeuvre  et  qui  souvent  échoue  au  milieu  de  préten- 
tieuses banalités. 


HUMORADAS,    DOLORAS    ET    PETITS    POEMES  237 

Ce  ne  sont  donc  pas  les  articles  dithyrambiques1  écrits  sur  Don 
Ramon  de  Campoamor  (de  l'Académie  espagnole)  qui  nous  ont 
engagé  à  étudier  ses  œuvres  avant  celles  d'autres  poètes  contem- 
porains. Notre  curiosité  à  son  sujet  a  été  plutôt  éveillée  par  les 
attaques  passionnées  dont  il  a  été  l'objet.  Ce  fait,  très  rare  en 
Espagne  quand  il  s'agit  d'un  littérateur  et  surtout  d'un  poète  qui 
n'a  rien  de  satirique  ou  dont  la  satire  est  impersonnelle,  semble 
d'autant  plus  étrange  qu'un  nombre  respectable  d'éditions,  se  suc- 
cédant à  des  intervalles  relativement  rapprochés,  paraît  indiquer 
que  la  poésie  de  Campoamor  est  goûtée  et  lue  dans  les  pays  de 
langue  castillane.  Prétendre  qu'elle  est  populaire  serait  peut-être 
exagéré  ;  le  poète  nous  dit  bien  quelque  part 2  que,  comme  Dante, 
il  cherche  à  plaire  aux  femmes  du  marché,  mais  il  ne  nous 
apprend  pas  s'il  y  a  réussi  et  d'ailleurs  il  se  désavoue  lui-même 
lorsqu'il  ajoute  3,  avec  une  noble  modestie,  que  ses  humoradas, 
la  partie  la  plus  abordable  de  son  œuvre,  sont  destinées  à  devenir 
le  chant  populaire  des  classes  éclairées.  Quoi  qu'il  en  soit,  il  est 
bien  certain  qu'une  telle  poésie  doit  être  intéressante  et  que 
l'opinion  du  public,  qui  s'obstine  à  la  trouver  belle  alors  que  les 
gens  du  métier  la  déclarent  insipide  et  ridicule,  mérite  d'être 
discutée.  Examinons  donc  sur  quoi  elle  repose. 

Nous  ne  parlerons  pas  ici  des  premières  poésies  de  Campoamor 
intitulées  Touchas  y  Flores  qui  ne  se  distinguent  pas  autrement 


1.  Le  prologue  de  l'édition  des  Doloras  que  nous  avons  entre  les  mains,  signé 
Leopoldo  Alas  (alias  Clarin)  est  un  chef-d'œuvre  du  genre.  Sa  brièveté  nous 
ptrmet  de  le  citer  ici  :  «  Campoamor  como  poeta  es  un  filôsofo  ;  y  como  filo- 
sotb  es  un  carâcter.  »  Il  y  aurait  eu  là,  pour  un  écrivain  gai,  une  charmante 
matière  de  chronique  amusante.  Cette  simple  phrase  sur  Campoamor,  maître 
Jacques  changeant  à  volonté  de  personnalité,  autoriserait  de  singulières  affir- 
mations. On  pourrait,  par  exemple,  dire  d'un  homme  :  comme  charpentier 
c'est  un  tailleur  et  comme  tailleur  c'est  un  Belge. 

2.  Procurando  en  mis  versos  como  Dante 
Custar  à  las  mujeres  del  mercado. 

Petits  poèmes.  Los  amores  de  mut  santa. 
].  Préface  des  Humoradas. 


238  H.    PESEUX-RICHARD 


de  celles  des  autres  poètes  espagnols  du  commencement  et  du 
milieu  de  ce  siècle  (Campoamor  est  né  en  18 17).  Ses  Fables,  qui 
forment  peut-être  la  partie  de  ses  œuvres  dont  la  valeur  est  le 
moins  contestable,  n'ont  que  peu  contribué  à  sa  renommée,  puis 
ce  genre  de  poésie  a,  au  dire  du  poète  ',  quelque  chose  de  faux 
et  de  conventionnel,  et  ne  peut  être  acceptable  que  dans  les  pays 
où  la  croyance  à  la  transmigration  des  âmes  a  laissé  des  traces  pro- 
fondes. Or  cette  croyance  paraît  avoir  disparu  depuis  longtemps 
de  l'Europe  occidentale,  si  tant  est  qu'elle  y  ait  jamais  existé. 
Nous  sommes  donc  dispensés  de  nous  y  attarder.  Du  poème  de 
Colon,  écrit  dans  le  mètre,  la  forme  et  l'esprit  ordinaire  de  ce 
genre  de  composition  poétique  assez  suranné,  il  n'y  a  pas  davan- 
tage à  retenir.  Quant  à  ses  Ayes  del  aima  et  à  son  Dnumi  uni- 
versai,  il  faudrait  sans  doute,  pour  les  juger  en  toute  connais- 
sance de  cause,  étudier  le  système  philosophique  du  poète  dans 
ses  œuvres  en  prose  sur  le  Personnalisme  et  l'Absolu,  et  cela 
sortirait  du  cadre  d'un  article  purement  littéraire.  D'autre  part, 
nous  ne  sommes  pas  assez  audacieux  pour  oser  pénétrer  dans 
cette  métaphysique  échevelée,  dans  ces  conceptions  nuageuses, 
dans  ces  obscurités  protondes,  dans  ce  voyage  à  travers  l'infini 
qu'il  n'est  pas  donné  à  tous  d'entreprendre  sans  danger  pour  leur 
raison.  L'auteur  lui-même  semblerait  nous  laisser  entendre  que 
la  sienne  n'en  est  pas  sortie  intacte,  si  l'on  en  juge  par  ces  deux 

vers  : 

Antique  muy  poco  &  poco 
Ya  llegué  al  gran  saber  :  j  Se  que  estoy  loco  !  2 

Mais  il  ne  faut  pas  prendre  cela  au  pied  de  la  lettre,  car  Cam- 
poamor, avec  la  sollicitude  d'un  homme  qui  prend  les  devants, 
que  se  cura  ensahul,  comme  on  dit  en  espagnol,  nous  avertit  qu'il 


1.  Poética,  p.  31. 

2.  Humoradas,  }L'  partie,  XXVIII,  corroborée  par  celle-ci  : 

lie  ;umdo  ;i  esn  mujer  Je  t.il  manera 

Que  no  me  volvi  loco,  porque  lo  era.     (/</.,  2°  partie,  XCIX.) 


HUMORADAS,    DOLORAS    ET    PETITS    POEMES  239 

faut  toujours  lire  entre  les  lignes  et  chercher  à  dégager,  sous  le 
sens  vain  et  fugitif  des  mots,  le  principe  général  qu'ils  ren- 
ferment. Chacun  est  donc  libre  de  découvrir  une  vérité  éternelle 
dans  la  boutade  du  poète,  et  nous  ne  demandons  pas  mieux  que 
de  pouvoir  l'interpréter  en  bonne  part. 

Le  Draina  universal,  malgré  l'envergure  de  la  thèse  qu'il  pré- 
tend développer  et  le  cadre  immense  où  il  est  enfermé  ',  a  peu 
fait  pour  accroître  la  gloire  de  son  auteur.  Son  obscurité  le  rend 
peu  accessible  à  la  masse  des  lecteurs,  et  ce  serait  une  tâche  par 
trop  ingrate  que  de  vouloir  l'éclaircir. 

Nous  nous  en  tiendrons  donc  à  des  compositions  poétiques 
plus  abordables  et  qui  ont  contribué  plus  que  toutes  les  autres 
à  taire  de  leur  créateur  un  grand  homme  aux  yeux  de  beaucoup 
d'Espagnols.  Il  s'agit  des  Humoradas,  des  Doloras  et  des  Petits 
Poèmes  :  ici,  Campoamor  n'est  plus  seulement  un  poète,  c'est 
l'inventeur  d'un  genre  poétique  nouveau  auquel  il  a  appliqué  des 
dénominations  nouvelles  et  qu'il  a  entrepris  d'acclimater  sur  le 
Parnasse  espagnol.  Malheureusement  pour  celui-ci,  il  y  a  réussi 
dans  une  certaine  mesure  :  la  dolora  est  aujourd'hui  cultivée  par 
plusieurs  écrivains  — -  et  non  des  moindres  —  et  tend  à  s'im- 
planter définitivement  au  delà  des  Pyrénées. 

Dans  l'esprit  de  Campoamor,  Yhumorada,  la  dolora  et  le  petit 


1.  Nous  pensons  qu'il  peut  être  curieux  de  donner  rénumération  des  lieux 
où  la  scène  se  passe  et  qui  sont  désignés  par  le  poète  au  commencement  de 
chaque  chant  :  le  jardin  d'un  couvent  —  le  Golgotha  —  une  forêt  —  un 
cimetière  — ■  les  cinq  parties  du  monde  —  le  ciel  —  entre  le  ciel  et  la  terre  — 
devant  le  soleil  —  dans  les  nuages  —  partout  —  au  dessus  et  pas  très  loin  du 
monde  —  au  dessous  et  près  du  ciel  —  une  cathédrale  —  le  corps  humain  — 
une  âme  —  le  cœur  de  l'homme  —  la  voûte  étoilée  — ■  un  astre  volcani^ado  — 
un  astre  d'or  —  un  astre  moribond  —  un  soleil  putréfié  —  des  deux  à  la  terre 
—  un  astre  paradisiaque  —  le  cadavre  d'un  astre  —  une  étoile  nébuleuse  —  le 
vide  du  ciel  —  un  astre  embryonnaire  —  le  jardin  de  Joseph  d'Arimathie  —  le 
sein  d'Abraham  —  l'enfer  —  la  tombe  de  Lazare  —  la  vallée  de  Josaphat  —  la 
montagne  des  Oliviers. 


24O  H.    PESEUX-  RICHARD 


poème  forment  les  trois  anneaux  d'une  chaîne,  l'évolution  d'un 
cycle  :  la  dolora  n'est  qu'une  humorada  convertie  en  drame  et  le 
petit  poème  une  dolora  amplifiée1.  Il  serait  donc  naturel  de  com- 
mencer cette  étude  par  Yhumorada,  mais,  à  vrai  dire,  cette  filia- 
tion poétique  n'a  été  inventée  qu'après  coup  :  c'est  la  dolora  qui 
est  née  la  première;  c'est  la  dolora  qui,  à  son  apparition,  a  suscité 
l'enthousiasme  de  beaucoup  d'écrivains  espagnols  et  exercé  la 
verve  satirique  de  beaucoup  d'autres;  c'est  elle  dont  la  création 
semble  le  plus  enorgueillir  le  poète  et  qu'il  a  défendue  avec  le 
plus  d'acharnement2. 

C'est  donc  par  la  dolora  qu'il  faut  commencer  quand  on  veut 
étudier  le  domaine  original  de  Campoamor.  Et  d'abord  était-il 
bien  opportun  de  faire  une  nouvelle  subdivision  dans  le  champ 
de  la  poésie  déjà  si  morcelé?  Les  panégyristes  de  Campoamor3 
ont  répondu  affirmativement  et  se  sont  appuyés  sur  les  progrès 
que  font  faire  aux  sciences,  à  la  botanique  par  exemple,  des  clas- 
sifications de  plus  en  plus  complètes.  Pourquoi,  disent-ils,  n'en 
serait-il  pas  de  même  en  littérature  ?  L'homme  ne  peut  pas  se 
condamner  à  verser  éternellement  sa  pensée  dans  les  mômes 
moules;  quiconque  inventera  un  cadre  nouveau  contribuera  au 
progrès  des  lettres. 

Malheureusement  le  progrès  en  matière  littéraire  n'est  qu'un 
vain  mot.  Comment  peut-on  juger  de  l'état  des  lettres  à  une 
époque  déterminée  ?  Le  critérium  varie  suivant  les  âges  et 
échappe  presque  toujours  à  une  génération  pour  s'apprécier  elle- 
même.  Dans  les  sciences,  au  contraire,  les  efforts  de  l'homme 
s'exercent  sur  une  matière  qui  est  toujours  la  même  :  en  isoler 
de  nouveaux  éléments,  deviner  de  nouvelles  forces  pour  les  taire 
servir  à  ses  besoins,  tel  est  le  but  où  il  doit  tendre  et,  dans  cette 
branche  de  son  activité,  tout  perfectionnement  a  son  utilité  et  sa 


1.  Voir  le  prologue  des  Humoradas. 

2.  Voir  sa  Poétique. 

,.   Voir  le  Juicio  crîtico  de  tas  Doloras  de  Gurnersindo  Laverde  Ruiz. 


HUMORADAS,    DOLORAS    ET    PETITS    POEMES  24 1 

raison  d'être.  Mais  préconiser  de  nouvelles  catégories  littéraires, 
cataloguer  la  poésie,  c'est  faire  œuvre  de  scoliaste  et  non  de 
poète.  De  grands  écrivains  ont  pu  créer  de  nouvelles  formes,  de 
nouveaux  modèles  de  pensée  et  d'expression,  mais  eux-mêmes 
n'en  ont  pas  soupçonné  le  côté  mécanique  :  ils  ont  laissé  ce  soin 
aux  grammairiens,  aux  rhétoriciens  et  autres  abstracteurs  de 
quintessence  qui  voient  les  choses  par  leur  petit  côté,  la  toile  par 
sa  trame,  la  poésie  par  ses  mètres.  Campoamor  peut,  à  juste 
titre,  être  rangé  parmi  ces  derniers.  Depuis  le  commencement  de 
la  littérature,  les  poètes  ont  fait  des  doloras  ;  il  est  le  premier  qui 
s'en  soit  aperçu  et  qui  ait  mis  l'étiquette  sur  ce  que  d'autres 
avaient  dédaigné  de  réduire  en  formules  à  l'usage  des  traités  de 
belles-lettres.  Il  avoue  en  effet,  mais  non  sans  peine,  qu'il  n'a 
pas  créé  de  toutes  pièces  la  àolora  et  qu'elle  a  existé  avant  lui  ', 
mais  il  prétend  en  avoir  reconnu  les  éléments,  dégagé  les  prin- 
cipes et  décrit  les  attributs,  et  il  se  fait  gloire  d'avoir  appliqué  un 
nom  de  son  invention  à  ce  nouveau  substratum.  Sur  ce  dernier 
point,  il  serait  puéril  de  chicaner  :  que  le  nouveau  genre  poétique 
s'appelle  àolora  ou  autrement,  peu  nous  importe. 

Et  maintenant  qu'est-ce  que  la  àolora}  Les  critiques  espagnols 
se  sont  donné  beaucoup  de  mal  pour  en  donner  des  définitions  à 
peu  près  intelligibles.  Il  vaudra  mieux,  croyons-nous,  pour  ne 
pas  nous  égarer,  nous  en  tenir  à  celle  que  l'auteur  a  donnée  lui- 
même.  Dans  une  lettre  au  comte  D.  Alvaro  Armada  y  Valdes , 
il  nous  apprend  que  le  mot  àolora  désigne  une  composition 
poétique  où  l'on  doit  trouver  la  légèreté  unie  au  sentiment  et  la 
concision  à  l'importance  philosophique.  D'autre  part,  la  263e 
humorada  de  la  2e  partie  est  conçue  comme  suit  : 


1.  Si  l'on  se  reporte  non  pas  au  précepte  du  poète,  mais  à  ses  poésies,  on 
peut  dire  que  toutes  les  littératures  fourmillent  de  doloras.  Pour  ne  citer  que 
des  pièces  universellement  connues,  Vode  d'Horace  à  Lydie  (IX  du  livre  m),  les 
copias  de  Jorge  Manrique,  la  Ballade  des  dames  du  temps  passe  de  Villon,  le  lrase 
brisé  de  Sully  Prudhomme,  le  Doigt  de  la  femme  de  Victor  Hugo,  sont  de 
véritables  doloras. 


242  H.    PESEUX-RICHARD 


Me  preguntas,  Luis  Montt  £  lo  que  es  dolora  ? 
—  Es  lo  que  vemos  desde  el  puerto  ahora  ; 
Mientras  résiste  un  bote  al  mar  bravio, 
Con  el  casco  al  rêvés  se  hunde  un  navi'o. 

L'une  et  l'autre  définition,  mais  surtout  la  seconde,  semblent 
s'appliquer  à  un  genre  littéraire  des  plus  anciens,  la  fable.  En 
effet,  la  scène  que  nous  dépeint  le  quatrain  ci-dessus  nous  rap- 
pelle un  des  morceaux  les  plus  connus  de  La  Fontaine  :  Le  Chêne 
et  le  Roseau.  D'autre  part,  dans  la  Poétique  que  le  poète  a  publiée 
pour  répondre  à  ses  détracteurs  et  exposer  sa  manière  de  com- 
prendre la  poésie,  il  semble  considérer  la  dolora  comme  un 
genre  assez  voisin  de  la  fable,  mais  qui  s'en  écarte  cependant 
parce  qu'il  repousse  les  métaphores  et  les  symboles  d'une  poésie 
indirecte.  Ce  serait,  selon  lui,  une  sorte  de  drame  tiré  directe- 
ment de  la  vie,  et  dans  lequel  on  doit  résoudre,  au  moyen  du 
sentiment  ou  de  l'idée,  un  problème  universel.  Néanmoins, 
Campoamor  professe  pour  la  table  une  singulière  prédilection  ; 
quelques-unes  de  ses  doloras  pourraient  porter  ce  nom,  entre 
autres  celle  qui  est  intitulée  Corla  es  la  vida,  et  la  poésie  des 
doloras,  dépourvue  de  tout  élan,  visant  à  la  sobriété  et  à  la  pré- 
cision plutôt  qu'à  l'harmonie,  rappelle  sans  cesse  un  fabuliste. 

Il  y  a  sans  doute  un  assez  grand  nombre  de  doloras  qui  fran- 
chissent les  limites  tracées  par  l'auteur  à  ce  nouveau  genre  poé- 
tique, et  ce  ne  sont  pas  les  moins  bonnes.  Aussi,  pour  ne  pas 
nous  exposer  à  donner  un  exemple  contestable,  citerons-nous 
avec  le  poète  et  ses  admirateurs',  comme  modèle  de  dolora,  le 
fameux  dizain  de  Calderôn  dans  la  Vida  es  Sueùo  : 

Cuentan  de  un  sabio  que  un  dia 
Tan  pobre  y  misero  estaba 
Que  solo  se  alimentaba 
De  las  yerbas  que  cogia. 
;  Ilabra  otro  (entre  si  decfa) 
Mis  pobre  y  triste  que  vo? 
Y  cuando  cl  rostro  volvié 
1  [allô  la  respuesta  viendo 
Que  iba  otro  sabio  cogiendo 
Las  yerbas  que  él  arrojo. 


HUMORADAS,    DOLORAS    ET    PETITS    POEMES  243 

Un  critique  non  prévenu  ne  pourrait  certes  pas  donner  à  cette 
admirable  composition  un  autre  nom  que  celui  de  fable  ou 
d'apologue.  Pourtant  la  dolora  a  d'autres  prétentions  :  la  table  se 
contente  de  tirer  d'un  exemple  pris  dant  la  nature  une  conclusion 
le  plus  souvent  pratique  ou  tout  au  moins  compréhensible  qui 
s'appelle  la  morale.  C'est  une  des  nombreuses  variétés  de  la 
poésie  didactique.  La  dolora,  au  contraire,  met  bien  en  scène  des 
êtres  mortels,  mais  elle  a  l'ambition  de  dégager  de  leurs  paroles 
et  de  leurs  actes  des  vérités  éternelles,  surhumaines  et  éthérées. 
Tel  est  le  sens  attaché  par  Campoamor  au  mot  intenciôn  par 
lequel  il  désigne  la  portée  philosophique  qui  s'arrête  on  ne  sait 
où  et  qui  lui  permet  de  se  moquer  des  défiances  et  des  railleries 
de  la  simple  raison  qui  n'a  cure  de  la  métaphysique  et  que  l'on 
peut  toujours  récuser  lorsqu'on  étaie  ses  théories  sur  des  sous- 
entendus  ou  des  mystères.  Campoamor  dédaigne  profondément 
ce  qu'il  appelle  fart  pour  Fart,  c'est-à-dire  le  culte  exclusif  de  la 
forme;  il  ne  s'arrête  pas  à  l'art  pour  F  idée,  car  avoir  des  idées 
c'est  donner  prise  à  la  critique;  et  il  se  décide  pour  Y  art  trans- 
cendani  où  il  se  croit  à  l'abri  des  regards  indiscrets  dans  les  hau- 
teurs où  il  plane.  Malheureusement  pour  l'auteur,  ces  vérités 
éternelles  qu'il  n'est  donné  qu'à  lui  de  regarder  face  à  face  pou- 
vaient sembler  hiératiques  à  des  Espagnols  du  milieu  du  siècle, 
mais  elles  sont  aujourd'hui  du  domaine  public  et  la  componction 
avec  laquelle  il  les  énonce  leur  donne  un  caractère  prudhom- 
mesque  tout  à  fait  ridicule. 

Seule,  la  forme  sous  laquelle  le  poète  les  présentait  pouvait 
les  rendre  acceptables,  mais  nous  savons  que  pour  lui  la  forme 
n'est  rien  et  le  sentiment  pas  davantage  :  la  poésie  doit  faire 
penser  et  non  pas  émouvoir.  Il  admire  ce  géomètre  qui,  après 
avoir  assisté  à  la  représentation  d'une  tragédie  de  Racine,  deman- 
dait :  Qu'est-ce  que  cela  prouve?  La  forme  lui  semble  même 
tellement  méprisable  qu'il  donne  à  des  amis  des  poésies  à  publier 
sans  s'exposer  au  supplice  de  les  relire  (c'est  lui-même  qui  s'ex- 
prime ainsi)  et  qu'il  ne  s'effraierait  pas  le  moins  du  monde  de  les 


244  H-    PESEUX-RICHARD 


voir  substituer  à  ses  vers  d'autres  vers  de  leur  composition, 
pourvu  que  l'idée  dominante  de  la  pièce  restât  intacte.  On  voit 
tout  de  suite  où  peut  mener  une  pareille  théorie  :  si  l'idée  seule 
importe,  pourquoi  l'affubler  des  oripeaux  de  la  poésie  ?  Les  traduc- 
tions en  prose  des  grands  poètes  étrangers  sont  du  même  coup 
assimilées  aux  originaux,  et  c'est  peine  perdue  que  de  chercher  à 
les  lire  dans  leur  propre  langue1. 

Il  ne  faut  donc  pas  chicaner  l'auteur  sur  la  forme  des  doloras  : 
leur  portée  philosophique  seule  doit  être  envisagée.  Campoamor 
fait  remarquer  avec  raison  (et  c'est  encore  un  des  nombreux 
points  où  il  fournit  à  la  critique  des  armes  contre  lui-même), 
que  les  grands  génies  ont  eu  l'intuition  des  mystères  inson- 
dables de  l'âme  humaine.  Cervantes,  en  écrivant  Don  Quichotte, 
n'avait  d'autre  but  que  de  combattre  le  goût  de  ses  contempo- 
rains pour  les  extravagances  des  romans  de  chevalerie,  et  pour- 
tant son  œuvre  reflète  plus  qu'aucune  autre  les  contradictions  de 
notre  nature  et  fait  naître  chez  nous  les  plus  hautes  pensées.  Les 
doloras  voudraient  en  faire  autant  et  c'est  justement  cette  idée 
fixe,  cette  tenace  et  obsédante  préoccupation  du  poète  qui  en 
rend  la  lecture  si  aride.  Au  lieu  de  nous  laisser  le  plaisir  de 
retrouver  sous  l'élégance  du  style,  sous  la  chaleur  des  sentiments, 
les  axiomes  que  nous  connaissons  tous,  il  les  énonce  comme  un 
théorème  qu'il  s'applique  à  gloser  avec  la  pédanterie  d'un  péda- 


i.  Sur  ce  point,  comme  sur  bien  d'autres,  Campoamor  se  contredit  :  il  a 
beau  dire  que  le  sujet  est  tout  et  que  la  forme  n'est  rien  ,  en  citant  ces  quatre 
vers  : 

El  que  freno  diô  al  mai-  de  blinda  arena.     (Lope  de  Vega) 

Celui  qui  met  un  frein  à  la  fureur  des  flots.      (Racine) 
Dios  al  bravo  niar  enfrena 
('.on  nuiro  de  levé  arena.      (Martine/,  de   la   Rosa) 

il  s'extasie  sur  le  premier  tandis  qu'il  conteste  la  beauté  du  second  et  qu'il 
condamne  les  deux  derniers  comme  trop  vulgaires.  A  quoi  tient  donc  l'impres- 
sion différente  que  produisent  ces  vers  si  ce  n'est  à  la  forme? 


HUMORADAS,    DOLORAS    HT    PETITS    POEMES  245 


gogue1.  Malgré  tout,  Campoamor  n'admet  pas  qu'on  traite  les 
doloras  de  poésies  didactiques,  il  tient  au  mot  de  «  trascendental  » 
qui  sonne  mieux  et  qui  est  moins  précis,  mais  ne  serait-il  pas 
préférable  de  qualifier  de  «  dogmatiques  »  ou  de  «  doctrinales  » 
ces  petites  dissertations  philosophiques,  artificielles  et  banales  ? 
Quant  aux  autres  critiques  adressées  à  Campoamor  à  qui  l'on 
a  reproché  son  scepticisme,  nous  n'avons  pas  à  nous  y  arrêter. 
Le  poète  s'en  montre  très  affecté  et  s'en  défend  avec  la  plus 
grande  vivacité;  mais  cela  n'a  rien  à  voir  avec  la  valeur  littéraire, 
et  puis  le  scepticisme  des  doloras  n'est  pas  bien  sérieux,  c'est  un 
scepticisme  de  bonne  compagnie  aussi  bien  que  le  pessimisme 
qu'on  a  voulu  y  découvrir  et  qui  n'a  assurément  rien  de  bien 
amer2.  D'autre  part,  on  a  voulu  voir  des  tableaux  un  peu  trop 


1.  Voici  quelques  échantillons  des  idées  qui  servent  de  matière  aux  gloses 
de  Campoamor  : 

Que  hunio  las  glorias  de  la  vida  son.  (Doïora,  IL) 

—  Que  la  inconstancia  es  el  cielo 

que  el  senor 
abre  al  fin  para  consuelo 
â  los  màrtires  de  amor.  (Dolora,  III) 

i  Ah  ! 
la  dicha  que  el  hombre  anhela 

Donde  esta?  (Doïora,  VII) 

—  Tarde  ô  temprano  es  infalible  el  mal.  (X) 

—  Todo  se  pierde,  si,  todo  se  pierde.  (XIV) 

—  Nada  me  importa  (XXI) 

—  Es  un  bàlsamo  la  ausencia 

Que  cura  maies  de  amor.  (XXVI) 

—  Que  es  el  placer  la  mente  del  hasti'o.  (XXXV) 

Comme  on  peut  s'en  rendre  compte  à  l'examen  de  ces  quelques  exemples, 
qu'on  pourrait  facilement  augmenter  de  beaucoup  d'autres,  les  conceptions 
philosophiques  de  Campoamor  n'ont  rien  de  transcendant.  Il  est  bien  peu  de 
poètes  qui  n'aient  eu  à  les  développer,  sans  pour  cela  se  croire  obligés  à  inven- 
ter une  forme  nouvelle  pour  des  propositions  si  vieillies. 

2.  Yo,  que  amante  meritorio 
Llevé  en  Espaha  mi  ardor 
De  un  jolgorio  a  otro  jolgorio 
Haciendo  el  don  Juan  Tenorio  • 
Con  doncellas  de  labor. 


246  H.    PESEUX-RICHARD 


légers  dans  dans  quelques-unes  des  dolents;  à  notre  avis,  il  n'en 
est  rien  et  cela  nous  importe  pou,  puisque  nous  avons  à  juger  un 
poète  et  non  un  moraliste.  Nous  n'avons  pas  à  nous  arrêter  non 
plus  aux  accusations  de  plagiat.  Sur  ce  point,  Campoamor  a  très 
bien  démontré  qu'une  idée  appartient  à  celui  qui  lui  a  donné 
sa  forme  la  plus  parfaite,  tout  en  n'admettant  pas  que  la  forme 
soit  un  facteur  sérieux  dans  le  mérite  d'une  composition  poé- 
tique. Il  serait  donc  superflu  de  rechercher  à  quoi  tient  cet  air  de 
famille  qu'ont  entre  elles  les  poésies  de  Campoamor  et  celles  de 
Heine  ni  quelle  influence  a  pu  exercer  la  philosophie  de  Fkhte  et 
de  Hegel  sur  la  métaphysique  de  l'auteur.  De  cette  façon,  nous 
n'encourrons  pas  le  reproche  de  faire  de  cette  critique  analytique 
qui  semble  négligeable  à  Campoamor.  Pour  lui,  la  chose  essen- 
tielle, c'est  la  intencionalidad  ;  or  nous  avons  dit  comment  cette 
préoccupation  constante  de  la  portée  philosophique  des  doloras 
qu'aucune  élégence  de  formes,  qu'aucun  élan,  qu'aucune  marque 
d'inspiration  ne  dissimule,  les  condamne  à  rester  un  genre  faux, 
pédantesque,  aride  et  par  dessus  tout  ennuyeux. 

La  dolora  n'a  pas  un  moule  poétique  qui  lui  soit  propre,  elle 
n'est  assujettie  à  aucun  rythme  déterminé;  salongeur  est  variable 
ainsi  que  l'emploi  des  vers  et  des  strophes.  On  y  trouve  des 
vers  de  trois  syllabes  et  des  hendécasyllabes  italiens,  des  redon- 
dillas  et  des  octaves,  et  il  faut  reconnaître  que  la  partie  technique 
des  doloras  est  particulièrement  soignée;  les  rimes  sont  faciles  et 
leur  arrangement  aussi  varié  que  possible. 

Il  en  est  de  même  dans  Yhiimorada,  mais  celle-ci  étant  le  germe 
de  h  dolora  doit  se  confiner  dans  un  cadre  plus  étroit.  La  majeure 
partie  des  humoradas  se  compose  de  pareados  et  de  quatrains,  et 
les  plus  longues  sont  des  seguidillas.  Mais  qu'est-ce  qu'une  bumo- 
rada  ?  On  peut  s'étonner  à  bon  droit  en  songeant  au  sens  ordi- 
naire du  mot  que  l'on  pourrait  traduire  par  «  saillie,  trait 
d'humour,  boutade  »,  qu'un  auteur  intitule  ainsi  un  livre  de  sa 
composition.  S'imagine- t-on  sur  la  couverture  d'un  volume 
«   Mes   traits  d'esprit,   par  M.  X.  ?  »    Heureusement  pour  Cam- 


HUMORADAS,    DOLORAS    ET    PETITS    POEMES  247 

poamor  et  malheureusement  pour  nous,  sa  modestie  n'est  pas  ici 
en  cause,  car,  dans  sa  pensée,  le  mot  humoradû  n'a  pas  cette 
signification  vulgaire  ;  elle  n'est  autre  chose  qu'un  rasgo  inten- 
cionado,  ou  si  l'on  préfère,  et  nous  croyons  en  effet  que  cela  est 
préférable,  parce  que  cela  est  plus  clair  :  los  pensamientos  adolora- 
dos  que,  por  carecer  de  forma  dratndtica,  no  se  deben  incluir  cuire  las 
doloras1.  L'humorisme  serait  la  contraposiciôn  de  situaciones,  de 
ideas,  actos  ô  pasiones  encontradas.  Le  poète  a  sans  doute  voulu 
dire  que  l'humorisme  était  non  pas  la  contraposiciôn,  etc.,  mais 
bien  la  tendance  à  remarquer  cette  contraposiciôn  et  à  exprimer 
plaisamment  l'effet  qu'elle  produit  sur  nous.  Il  paraîtrait,  d'après 
Campoamor,  que  la  métaphysique,  à  l'instar  de  l'Académie 
espagnole,  limpia  fija,  y  da  esplendor,  mais  il  faut  croire  qu'elle  ne 
donne  pas  la  clarté;  on  s'en  convainc  encore  davantage  si  l'on 
cherche,  dans  le  prologue  des  humoradas,  à  s'éclairer  sur  la  signi- 
fication du  mot  :  si  el  esceptismo  no  crée  en  lo  que  dice,  cl  humorismo 
hasta  se  rie  de  lo  que  crée,  no  dejando  de  créer  uada  de  lo  que  dice. 

Il  faudrait  avoir  la  subtilité  de  Lorenzo  Graciân  pour  expliquer 
ce  pathos2.  Plus  loin,  l'humorisme  est  défini  un  peu  plus  intel- 

1 .  A  ce  compte,  pourquoi  la  dolora  suivante  intitulée  :  Amor  al  mal  n'est- 
elle  pas  une  humorada  ? 

Por  nias  que  me  avergùenz.i  y  que  lo  lloro 
No  te  amé  buena  y  pérfida  te  adora. 

2.  La  prose  de  Campoamor  fourmille  de  phrases  aussi  peu  compréhensibles. 
Citons  un  passage  de  sa  Poétique  : 

«  El  arte,  al  condensar  la  idea,  saca  de  lo  gênerai  metafi'sico,  lo  particular 
artistico,  y  después  el  ingenio  trascendental  hace  que  de  lo  particular  artistico, 
se  deduzca  lo  gênerai  metaffsico. 

«  No  se  si  me  comprenderàn  las  mujeres  que  detestan  y  bacen  bien,  el  len- 
guaje  téenico,  pero  por  si  no  me  entienden,  explicaré  la  idea  de  otro  modo. 

«  El  arte  trascendental  éleva  las  ideas,  aplicadas  à  los  hechos,  à  afirma- 
ciones  générales,  a  categorias. 

«  Creo  que  todavi'a  no  me  explico  cou  bastante  claridad.  Quiero  decir  que  el 
que  escribe  ha  de  dar  reglas  universales  de  sentir  y  de  pensar.  » 

Ici  Campoamor,  en  tâchant  de  se  faire  comprendre  des  femmes,  laisserait  à 
penser  qu'il  est  persuadé  que  les  hommes  l'entendent.  Nous  avouons  à  notre 
grande  honte  que,  pour  notre  part,  il  n'en  est  rien  ;  c'est  à  peine  si  nous  entre- 
voyons sa  pensée  dans  la  dernière  phrase. 


248  H.    PHSEUX-RICHARD 


ligiblement  un  carnaval  reentrante  en  la  cuaresma;  enfin  ce  serait 
h  phrase  «  buen  humor1  »  qui  aurait  créé  le  genre  littéraire  que 
Campoamor  appelle  humorada.  Nous  savions  bien  qu'on  a  tou- 
jours attribué  au  Verbe  une  puissance  extraordinaire,  pourtant 
nous  étions  loin  de  supposer  que  deux  mots  pussent  avoir  une 
telle  initiative. 

Mais  revenons  aux  humoradas.  Nous  n'avons  pas  à  aller  bien 
loin  pour  voir  que  le  poète  s'est  souvent  déjugé  :  la  première 
humorada 

La  amo  tanto,  à  mi  pesar 
Que,  aunque  yo  vuelva  a  nacer 
La  he  de  volver  â  querer 
Aunque  me  vuelva  â  matar. 

ne  répond   pas   à  la  définition  qu'il  donne  de  Phumorisme  en 

général  et  de  Yhumorada  en  particulier.  Il  n'y  a  pas  là  d'antithèse 
et  pas  là  de  quoi  faire  rire  l'homme  le  plus  folâtre  du  monde. 
La  deuxième 

Desde  que  perdi  el  encanto 
De  mi  primera  pasiôn, 
No  he  entrado  en  mi  corazon 
Por  no  morirme  de  espanto. 

n'a  rien  d'humoristique  non  plus  :  elle  ne  fait  ni  rire  ni  pleurer; 
les  suivantes  sont  dans  le  même  cas.  Il  y  en  a  des  milliers,  dans  la 
littérature  espagnole,  faites  dans  cet  esprit,  et  quiconque  s'en 
est  occupé,  même  superficiellement,  ne  s'y  trompera  pas,  presque 
toutes  les  humoradas  écrites  sous  forme  de  quatrain  ne  sont  autre 
chose  que  des  copias  d'une  facture  plus  savante,  et  rimées  au  lieu 
d'être  imparfaitement  assonancées.  Ce  qui  confirme  cette  appré- 
ciation, c'est  qu'un  grand  nombre  d'humoradas  n'ont  pas  vu  le 


I.  Nous  croyons  devoir  faire  remarquer  que  si  les  mots  buen  humor  sont 
genuinamente  espagnols,  leur  équivalent  exact  «  bonne  humeur  »  est  aussi genui- 
namente  français;  comment  se  fait-il  qu'ils  n'aient  créé  en  France  rien  de  sem- 
blable à  Vbunioniila  ? 


HUMORADAS,    DOLORAS    ET    PETITS    POEMES  249 

jour  sous  ce  nom;  en  effet,  à  leur  naissance,  le  poète  les  avait 
baptisées  Cantares  et  on  peut  les  lire  sous  cette  rubrique;  ce  n'est 
que  plus  tard  et  pour  compléter  sa  trinité  littéraire  qu'il  leur  a 
donné  cette  nouvelle  dénomination.  Hâtons-nous  de  dire  que 
c'est  grand  dommage.  Un  grand  nombre  de  cantares  étaient 
charmants  et  méritaient,  ce  qui  est  le  suprême  mérite,  d'être 
confondus,  sans  nom  d'auteur,  dans  le  vaste  répertoire  de  la 
poésie  populaire.  Mais  là  Campoamor  était  dans  la  tradition 
purement  espagnole,  il  n'avait  pas  encore  le  parti  pris  d'un  chef 
d'école.  Il  n'en  a  plus  été  ainsi  dès  qu'il  s'est  imaginé  que  la 
poésie  devait  prouver  quelque  chose.  Le  quatrain  suivant 

Vuélvemelo  hoy  â  decir, 
Pues,  embelesado,  ayer 
Te  escuchaba  sin  oir 
Y  te  miraba  sin  ver. 

considéré  uniquement  comme  un  cantar  renferme  une  idée  ori- 
ginale joliment  exprimée,  mais  dès  qu'on  veut  lui  attribuer  une 
importance  métaphysique,  dès  qu'on  en  fait  une  bumorada,  le 
charme  disparaît. 

Pour  justifier  la  création  de  ce  diminutif  de  la  dolora,  l'auteur 
nous  expose  une  nouvelle  théorie.  Pour  lui,  c'est  peine  perdue 
que  de  faire  des  épopées,  des  tragédies,  des  poèmes,  des  chro- 
niques :  le  grand  art  consiste  à  trouver  la  forme  elliptique  qui  les 
synthétise.  Un  dizain  de  Calderon  reflète  toute  sa  façon  de  penser 
et  de  sentir;  tout  le  reste  est  inutile.  Calderon  eût  donc  agi 
sagement  en  se  bornant  à  écrire  dix  vers  :  mais  un  esprit  mal 
intentionné  pourrait  insinuer  que  celui  qui  aurait  encore  mieux 
fait  de  suivre  les  préceptes  de  Campoamor,  c'est  Campoamor  en 
personne  qui  s'est  montré  souverainement  inconséquent  avec 
lui-même  en  composant  son  poème  de  Colon,  son  Draina  nniver- 
sal  et  ses  autres  œuvres  de  longue  haleine. 

Et  pourtant  cette  idée  lui  est  chère,  il  y  revient  à  plusieurs 
reprises.   L'art   en    général,  dit-il ,  et  la  poésie  en  particulier, 

Revue  hispanique  16 


250  H.    PESEUX-RICHARD 


gagnent  en  intention  ce  qu'ils  perdent  en  extension.  Cela  ne  semble 
pas  évident  :  il  y  a  des  poèmes  admirables  et  des  sonnets  qui, 
comme  celui  d'Oronte,  sont  bons  à  mettre  au  cabinet.  Ce  ne 
sont  pas  toujours  les  plus  courtes  humoradas  qui  sont  les  moins 
mauvaises,  témoin  celle-ci  : 


ou  cette  autre 


De  esa  antigua  coqueta  la  hermosura 
La  gana  me  quitô  de  hacerme  cura. 


En  materia  de  flores  y  de  amores 
Estoy  por  los  amores  y  las  flores. 


Mais  il  y  a  plus  :  la  concision  n'est  pas  seulement  une  qualité 
chez  un  écrivain,  elle  devient  une  vertu,  une  force  supérieure 
aux  événements  et  qui  leur  survivra  à  l'infini.  Si  l'on  supprime 
quelques  phrases  inspirées,  la  Révolution  française,  au  dire  du 
poète,  n'est  plus  qu'une  orgie  de  cannibales.  Enfin,  tirant  les 
dernières  conséquences  de  sa  théorie,  il  conclut,  dans  un  langage 
digne  du  Draina  universal  :  «  No  hay  nada  sublime  que  no  sea 
brève.  Cuando  se  acabe  el  mundo  i<\uè  quedarâ  de  nuestras 
agitaciones,  deseos,  esperanzas,  ambiciones  y  temores  ?  Nada,  6 
casi  nada.  De  todas  nuestras  habladurias  solo  quedarân  cuatro 
frases  célèbres,  hasta  que  algûn  Homero  sidéral,  senalando  con 
el  dedo  el  vaeio  que  deje  el  mundo  en  el  espacio,  reduzca  las 
:uatro  expresiones  que  flotarân  sobre  el  lugar  del  planeta  extinto, 
a  una  sola  frase  parecida  a  esta  :  «  ;  alli  fué  Troya  !  » 

Nous  ne  pouvons  pas  abandonner  les  humoradas  sans  exposer 
encore  quelques  affirmations  contenues  dans  le  prologue,  qui 
complètent  celles  de  la  Poétique  et  qui  permettent  au  lecteur  de 
juger  les  œuvres  de  l'écrivain  à  un  point  de  vue  moins  étroit. 
Selon  Campoamor,  il  n'y  a  au  monde  que  deux  genres  de  poésie  : 
celle  qui  reste  en  deçà  des  choses  et  celle  qui  pénètre  au  delà,  el 
de  mâs  acâ  y  el  de  mâs  alla  de  las  cosas.  On  ne  peut  donc  pas  taxer 
notre  poète  de  matérialiste  :  pour  lui  le  phénomène  n'est  rien, 
les  choses  sont  dépourvues  de  poésie;  ce  n'est  pas   lui  qui  eût 


HUMORADAS,    DOLORAS    ET    PETITS    POEMES  25  I 

jamais  prononcé  le  fameux  sunt  lacrymœ  rerum.  Au  reste,  il  déve- 
loppe sa  conception  plus  loin  :  «  Il  y  a,  dit-il,  deux  systèmes 
poétiques,  l'ancien  et  le  nouveau  ;  l'ancien  peut  se  définir  le 
système  poétique  de  ce  qui  se  voit  et  le  nouveau  celui  de  ce  qui 
ne  se  voit  pas.  L'ancien  système  n'a  pas  besoin  d'explication,  le 
nouveau  consiste  à  voir  par  intuition  ce  que  l'on  ne  perçoit  pas 
à  première  vue,  à  faire  remarquer  au  lecteur  le  point  où  les  idées 
éclairent  les  faits,  en  lui  montrant  le  chemin  qui  conduit  du 
monde  matériel  au  monde  ultra-idéal.  »  Tout  cela  ne  serait  pas 
si  nébuleux  que  cela  en  a  l'air  si  Campoamor  avait  joint  l'exemple 
au  précepte;  malheureusement  ses  bumoradas  ne  nous  aident  pas 
le  moins  du  monde  à  nous  tirer  d'embarras. 
Prenons  quelques  exemples  : 

En  guerra  y  en  amor  es  lo  primero 
El  dinero,  el  dinero  y  el  dinero. 

Los  padres  son  tan  buenos 
Que  hasta  el  menos  iluso 
Anhela  para  yerno  un  noble  ruso 
O  un  principe  italiano  d  lo  menos1. 

Si  como  el  héroe  de  la  Mancha,  antano 
Realicé  por  tu  amor  grandes  hazanas, 
Hoy  sentado  d  la  sombra  de  un  castarïo, 
Pensando  mucho  en  ti,  como  castarïas2. 

Dans  ces  quelques  vers,  les  deux  systèmes  sont  sans  doute  com- 
binés :  il  y  a  bien  quelque  chose  que  l'on  voit,  c'est  le  sens  ordi- 
naire et  quelque  chose  qu'on  ne  voit  pas,  c'est  la  moindre  éléva- 
tion de  sentiment  et  la  moindre  tendance  à  l'idéal.  Il  vaut  donc 
mieux  croire  le  poète  sur  parole  et  ne  pas  approfondir  la  question. 
Nous  arrivons  a  la  dernière  manifestation  du  génie  inventif  de 
Campoamor,  au  pcqucno  poema.  Nous  savons  déjà  que  c'est  une 


1.  Humoradas,  2e  partie,  CCXXXI. 

2.  M.,  2e  partie,  CCXXXVI, 


zyz 


H.    PESEUX-RICHARD 


dolora  amplifiée.  Pourtant  on  dirait,  au  premier  abord,  que  cette 
tendance  à  tirer  d'un  fait  tangible,  d'une  scène  de  la  vie  journa- 
lière, une  vérité  philosophique,  s'est  un  peu  affaiblie.  Mais  il 
n'en  est  rien  :  cette  impression  tient  surtout  à  la  longueur  de 
quelques-uns  des  petits  poèmes.  Il  est  évident  que  la  forme 
dogmatique  apparaît  moins  dans  une  composition  qui  comporte 
parfois  un  développement  d'un  millier  de  vers  et  qui,  à  l'instar 
du  Diablo  miiudo  d'Espronceda,  est  souvent  coupé  de  digressions 
familières. 

Plusieurs  petits  poèmes  présentent  même,  comme  le  Train 
express  et  Y  Anneau  de  mariage,  de  fort  beaux  passages  et  détonnent 
heureusement  dans  l'ensemble  de  cette  poésie  prétentieuse.  La 
métaphysique  de  l'auteur  s'est  un  peu  humanisée;  il  traite 
volontiers  des  faits  d'expérience  et  il  est  tel  petit  poème  qui  n'est 
qu'une  dissertation  sur  un  proverbe.  Celui  qui  est  intitulé  Los 
bnenos  y  los  sabios pourrait  porter  comme  épigraphe  le  vieil  adage  : 
Ha^le  miel  y  comerte  ban  las  moscas.  On  peut  donc  affirmer  qu'en 
dépit  du  poète  qui  s'est  efforcé  que  en  el  fonda  de  los  Peqneiios 
poemas,  lo  mismo  que  en  las  Doloras,  palpilase  algo  de  lo  incondicional 
absohtto  humano,  la  lecture  des  petits  poèmes  est  moins  ingrate 
que  celle  des  doloras. 

A  propos  de  ces  dernières,  Campoamor  s'était  expliqué  sur  ce 
qui  doit  constituer  le  fond  de  la  poésie;  à  propos  des  petits 
poèmes,  il  aborde  la  question  de  la  langue  poétique.  Sur  ce  point 
comme  sur  d'autres1,  il  est  tout  a  lait  de  l'avis  de  Victor  Hugo  : 
il  veut  en  bannir  les  anciennes  expressions  ambitieuses  et  con- 
ventionnelles, les  épithètes  vaincs  et  monotones;  la  langue  de  la 
poésie  doit  être  la  même  que  celle  de  la  prose,  le  rythme  seul 
doit  les  distinguer. 

Campoamor  fait  donc  le  procès  du  cultisme  qui  consiste  aussi 
bien  dans  la  subtilité  de  ridée  que  dans  la  préciosité  de  la  forme, 


i.  Campoamor  estime  aussi  avec  V.  Hugo  que  toute  poésie  doit  être  aujour- 
d'hui dramatique. 


HUMORADAS,    DOLORAS    ET    PETITS    POEMES  253 

mais  ici  encore  il  lui  est  bien  pénible  de  suivre  ses  préceptes. 
Qu'y  a-t-il  de  plus  maniéré  et  de  plus  gongorique  que  les  vers 
suivants  : 

Como  no  vives  tû  en  mi, 

Vivo  en  ti,  mas  no  contigo, 

Y  hasta  no  vivo  conmigo 
Como  vivo  solo  en  ti  '. 

Mi  deseo  es  desear 

Mis  que  alcanzar  lo  que  quiero 

Y  mejor  que  lo  que  espero 
Lo  que  quiero  es  esperar 2. 

Ama  mucho,  mas  de  modo 
Que  eslés  siempre  enamorada 
De  un  cierto  todo  que  es  nada 
De  un  cierto  nada  que  es  todo  5. 

I  Conque  una  buena  dolora 
Me  pides,  Juana  ;  tan  llena 

De  candor  ? 
Tal  vez  tu  ignorancia  ignora 
Que  sera  si  es  la  mas  buena 
La  peor  i. 

Il  faut  faire  parler  à  chacun  son  langage  habituel,  dit  le  poète, 
mais  cette  règle  n'est  pas  toujours  appliquée  non  plus  dans  ses 
œuvres.  Dans  le  petit  poème  intitulé  :  Los  grandes  problemas, 
une  jeune  fille  du  peuple,  habitant  un  tout  petit  village,  s'écrie 
en  parlant  de  la  mer  qui  la  sépare  de  son  fiancé  : 

Como  siempre  fantastico  el  deseo 
Me  arrastra  a  orillas  de  la  mar,  vo,  â  sôlas 
Que  me  habla  de  él  y  su  venida,  çreo, 
El  monôlosïo  eterno  de  las  olas. 


1 .  Hamoradas,  V. 

2.  /</.,  cm. 

3.  Amar  al  vuélo.  Dolora. 

4,  Las  Doîoras.  Dolora. 


254 


H.    PESEUX-RICHARD 


Quant  à  l'allure  naturelle  et  exempte  de  prétention  du  voca- 
bulaire poétique  de  l'auteur,  on  ne  peut  guère  en  juger  par 
cette  strophe  d'une  dolora  intitulée  El  beso 

j  Gloria  à  esa  obscura  senal 
Del  hado  en  incubation, 
Que  es  el  germen  inmortal 
Del  aima  en  fermentation, 

Y  â  veces  trasunto  fiel 

De  todo  un  mundo  moral  ; 

Y  si  no,  dîgalo  âquel 

De  entre  el  cual  y  bajo  el  cual 
Naciô  el  aima  de  Platon  ! 

Les  anciennes  épithètes  fleuries,  les  ancienes  circonlocutions 
obligées  ont  disparu,  mais,  à  tout  prendre,  elles  étaient  encore 
préférables  à  cette  technologie,  à  ces  termes  scientifiques  dont 
sont  émaillées  ses  œuvres.  Citons  quelques  passages  : 

Tu  comercio  de  amor  naturalista 
No  gira  mâs  que  letras  à  la  vista  \ 

Y  a  los  diez  anos,  como  todas,  siente 
Su  inmersiôn  en  las  brumas  de  la  vida. 

A  Pablo  con  el  aire  de  la  ausencia 

Se  le  constipa  el  aima  con  frecuencia2,  etc. 

No  extranaré  que,  extâtica  y  nerviosa, 

Me  dé  una  amigdàlitis  amorosa 

Que  me  extinga  la  voz  en  la  garganta  ', 

La  virtud  se  le  subc  a  la  cabeza 

Y  siente  congestiones  religiosas*. 

j  Café  !  y  mas  café  !  Ven  tû 
A  dar  i  mi  sangre  ardor, 
Del  sueiïo  infalible  bû, 
Mana  que  oxida  el  dolort. 


i.  Humoradas,  2<  partie,  CCXXI. 

2.  Como  re^an  las  solteras,  petit  poème. 

3.  Loi  amorti  de  una  santa.  [d. 

4.  Don  Juan.  Id. 

5.  El  café,  Dolora. 


HUMORADAS,    DOLORAS    ET    PETITS    POEMES  255 

En  prescrivant  l'emploi  d'une  langue  plus  naturelle  que  la 
langue  poétique  traditionnelle,  Campoamor  avertissait  cependant 
qu'il  ne  fallait  pas  tomber  dans  la  vulgarité  ou  l'enfantillage.  Or, 
quoi  de  plus  trivial  que  ces  vers  d'une  humorada  ? 

Siempre  es  para  vosotras  peligroso 

Un  ànimo  aguerrido 

Y  un  uniforme  hermoso. 
El  fausto  militar  j  sexo  precioso  ! 
Siempre  ha  sido  v  sera  tu  prometido  '. 

Quoi  de  plus  puéril  que  ceux-ci  ? 

Jacinta,  siempre  fiel,  escribe  y  llora 
Y  a  veces,  por  variai',  llora  y  escribe-. 

Tels  sont  donc  les  caractères  distinctifs  de  la  poésie  de  Cam- 
poamor :  des  lieux  comuns  en  prose  rimée,  des  aphorismes 
vulgaires  présentés  comme  de  profondes  pensées,  des  maximes 
philosophiques  exposées  en  vers  de  mirliton,  des  sentences 
morales  empruntées  aux  poètes  et  aux  prosateurs  de  tous  les 
pays  et  de  tous  les  temps,  des  vérités  de  La  Palisse  '  ingénue- 
ment  rythmées,  des  subtilités  puériles,  une  tendance  à  traiter 
légèrement  les  choses  graves  et  gravement  les  choses  légères, 
voilà  ce  qui  frappe  à  la  lecture  des  pièces  qu'il  a  rangées  sous  la 
dénomination  pompeuse  de  humoradas,  doloras  et  pequenos poemas . 

Sans  doute,  tout  n'est  pas  aussi  mauvais  que  les  quelques 
passages  que  nous  avons  cités;  il  y  a  même  quelques  morceaux 
assez  remarquables  : 


1.  Humoradas,  2e  partie,  Cil. 

2.  Dulccs  cadenas,  petit  poème. 

3.  Nous  nous  contenterons  de  citer  un  exemple  : 

Esa  mujer  tan  bella 

Fué  por  mi  tan  querida 
Que  alguna  vez  para  morir  por  ella 
Tan  solo  me  faltô  perder  la  vida.  {Humoradas,  2'  partie,  CLXVI.) 


256  H.    PESEUX-RICHARD 


Preguntas  £qué  es  amor  ?  Es  un  deseo 
En  parte  terrenal  y  en  parte  santo 
Lo  que  no  se  expresar  cuando  te  canto 
Lo  que  se  sentir  cuando  te  veo  \ 

Les  doloras  intitulées  Vaguedad  de!  placer,  Todos  son  itnos , 
Todo  esta  en  el  cora~ôn,  Sufrir  es  vivir,  Los  progresos  del  amor,  sont 
bien  conçues  et  bien  écrites,  mais  cela  ne  suffit  pas  pour  justi- 
fier l'admiration  où  est  tenu  leur  auteur.  Campoamor  peut  être 
intencionado  —  nous  avons  vu  que  c'était  là  son  plus  grave 
défaut  —  il  n'est  jamais  inspiré  et  jamais  ému;  il  n'a  donc  rien 
de  ce  qui  peut  faire  pardonner  à  un  poète  quelque  négligence  de 
style  :  or  sa  forme  est  loin  d'être  impeccable  et  présente  des 
contrastes  extraordinaires  d'élévation  et  de  trivialité.  Son  seul 
mérite  est  d'avoir  tenté  de  proscrire  de  la  langue  poétique  tout 
le  clinquant  des  qualificatifs  inutiles  et  encombrants,  et  d'avoir 
préconisé  un  style  concis  et  nerveux,  c'est-à-dire  possédant  les 
qualités  dont  les  écrivains  espagnols  manquent  le  plus.  En  effet, 
comme  on  l'a  dit  souvent,  sa  poésie  n'a  rien  de  national.  Cam- 
poamor n'a  pas  cette  ampleur,  ce  feu,  cette  grandiloquence 
qui  ont  toujours  distingué  les  Ibères;  il  n'a  rien  non  pins  de  ce 
bon  sens  pratique,  de  cette  tendance  à  tout  matérialiser,  de  cet 
amour  de  la  réalité  qui  ont  toujours  dominé  dans  les  lettres  et 
les  arts  de  l'Espagne.  On  a  remarqué  avec  raison  qu'il  y  avait 
chez  lui  quelque  chose  de  germanique,  et  c'est  peut-être  cet 
exotisme  qui  a  éveillé  la  curiosité  et  déterminé  le  succès.  On 
peut  penser  aussi  que  la  première  apparition  d'une  poésie  exclu- 
sivement philosophique  a  pu  égarer  le  jugement  des  Espagnols 
ordinairement  si  sain  et  si  pratique.  Peut-être  aussi  saluaient-ils 
la  poésie  de  Campoamor  comme  une  réaction  contre  le  roman- 
tisme. Tout  cela  est  possible,  mais  ce  que  l'on  ne  s'explique 
plus,  c'est  qu'aujourd'hui  encore,  alors  que  le  romantisme  n'est 
plus  qu'un  souvenir,  que  les  pensées  philosophiques  n'ont  plus 

1.   Humoradas,  2e  partie,  I  .X XII 


HUMORADAS,    DOLORAS    ET    PETITS    POEMES  2)7 

l'attrait  de  la  nouveauté,  on  continue  à  publier  dans  de  grandes 
revues  espagnoles  des  humoradas  qui  ne  valent  pas  les  moindres 
menus  propos  d'un  journal  quotidien.  Y  a-t-il  là  une  question 
d'amour-propre  et  ne  veut-on  pas  se  déjuger  ?  Est-ce  un  résultat 
de  cet  engouement  qui  pousse  en  ce  moment  les  peuples  latins  à 
admirer  tout  ce  qui  est  conçu  dans  l'esprit  nuageux  et  exprimé 
dans  la  forme  aride  des  littératures  du  Nord,  de  cette  aberration 
qui  fait  goûter  certaines  pièces  d'Echegaray  en  Espagne  et  des 
imitateurs  d'Ibsen  en  France  ?  Le  problème  n'est  sans  doute  pas 
insoluble,  et  le  temps  le  résoudra  vraisemblablement  comme  il  a 
résolu  celui  de  la  popularité  de  Gôngora,  de  Marini  et  des  poètes 
de  l'Hôtel  de  Rambouillet. 

H.  Peseux-Richard. 


OBRAS    INÉDITAS 


DE 


DON    JOSÉ    CADALSO 


«  La  guerra  declarada  d  los  ingleses  en  1779  llevo  a  Cadalso  con  su  regimiento,  al 
egército  que  se  formô  para  el  bloqueo  y  sitio  de  Gibraltar.  La  nombradia  y  bucn  concepto 
de  este  sdbio  militar  le  captô  la  confianza  y  distincion  del  General  en  gefe  el  Excelenti- 
simo  Sr.  Don  Martin  Alvarez  de  Sotomayor,  hoy  Conde  de  Colomera,  quien  le  nombre 
desde  luegosu  Edecan  ô  Ayudante  de  Campo,  y  récompensé  su  mérito,  proporciondndole 
a  fines  de  1781  el  grado  de  Coronel  '  ;  pero  halldndose  por  ôrden  del  mismo  gênerai  en 
una  bateria  de  caiionesmuy  avanzada,  llamada  san  Martin,  frente  d  Gibraltar,  en  la  noche 
del  27  al  28  de  Febrero  de  1782,  a  las  nueve  y  média  se  viô  una  granada  disparada  de  la 
bateria  enemiga,  denominada  Ulises,  que  se  dirigia  al  parage  donde  se  ballaba  Cadalso. 
Advirtiéronle  del  riesgo  que  corria  ;  pero  despreciando  el  aviso  con  serenidad,  y  creyendo 
algunos  que  pasaba  la  granada  por  encima,  un  casco  de  ella,  que  le  hiriô  de  rechazo  en  la 
sien  derecha,  le  llevo  parte  de  la  frente,  y  acabô  con  su  temprana  vida  '-'.  » 

«  Eue  ocasiôn  de  su  muerte  el  haber  aquel  dia  él  entrado  de  servicio  en  lugar  de  un 
amigo  suyo,  Caraqueno,  hermano  de  la  Marquesa  de  Cuerpo-Santo  ;  el  cual,  nuierto 
Cadalso  por  hacerle  d  él  el  obsequio  de  reemplazarle,  de  pesar,  luego  se  entra  capuchino 
en  Sevilla,  donde  le  llamaban  el  padre  Caracas  3.  » 

Segùn  lo  refiere  Lafuente,  alentado  Lord  Elliot  con  los  refuerzos  y  socorros  que  d 
pesar  del  bloqueo  recibia,  se  habia  determinado  d  hacer  salidas  nocturnas  contra  las  obras 
mds  avanzadas  de  los  espanoles  :  en  la  del  26  de  noviembre  de  17S1  logro  destruir 
varias  baterias  enemigas;  mas  en  la  que  hizo  la  nocbe  del  27  de  febrero  siguiente  fué 
rechazado.  De  esta  ùltima  no  hablan  varios  autores  ingleses;  John  Drinkwater  '  dice 
solo  :  "  They  also  worked  on  tbe  magazine  of  the  S'  Martin's  battery,  and  deboucbed 
from  the  centre  of  tbe  parallel,  tbrowing  up  a  tritling  Une,  extending  towards  tbe  South- 
west. The  27U1,  four  rows,  of  ten  tents  each,  were  pitched  in  the  rear  of  the  Catalonian 
camp.  We  imagined  they  were  occupied  by  the  artillery  cadets.  At  night  the  Enemy 
added  several  traverses  to  their  thirteen-gun  battery.  » 

En  la  Biblioteca  Nacional  de  Madrid  (Pv.  31,  n°  6)  se  halla  una  carta  manuscrîta  de 
un  desconocido  d  D.  Leandro  Ferndndez  de  Moratin  en  la  cual  se  lee  : 


1.  Cadalso  era  coniandante  de  escuadron  del  regimiento  de  Borbon  y  ayudante  de  campo 
Jcl  gênerai.  (Gaceta  de  Madrid,  12  de  Marzo  de  17H2). 

2.  Prologo  .i  las  Obras  de  don  José  Cadabalso,  Madrid,  1818,  pp.  XVI  y  sig. 

3.  Apunte    autôgrafo   de   don    Bartolomé  José   Gallardo,   citado  en  el  tonio  61  de  la 
Colecciôn  Rivadeneyra,  p.  CVI. 

4.  A  bistory  of  the  late  siège  of  Gibraltar  by  John  Drinkwater.  London  1785,  pdg.  228. 


ia's    BATTCT[Y      [VLBCSj 


TOHT/i     ne     euhop> 


27  »  FEBRERO  û£1782 


2Ô0  JOSÉ   CADALSO 


«  El  prôlogo  puesto  en  la  ûltima  edicion  de  1818  por  Repulles,  da  noticia  bastante 
circunstanciada  de  su  vida,  y  su  sobrino  que  vive  en  Bilbao  actualmente,  dice  que  nada 
puede  anadir  porque  era  muv  joven  quando  aquel  muriô.  Lo  ûnico  que  dice  poder  ase- 
gurar  es  que  efectivamente  descendia  de  la  casa  solar  infanzona  de  Cadalso,  pues  descen- 
dian  ambos  de  un  mismo  abuelo,  y  dicho  solar  existe  en  el  dia  en  el  vinculo  de  la 
familia  ;  que  la  familia  de  su  madré  era  muy  distinguida  y  originaria  de  Estremadura. 
rambien  dice  que  oyô  decir  à  su  padre  que  quando  muriô  Cadalso,  se  présenta  al  gênera' 
en  gefe  su  eompanero  de  casa  que  era  otro  ayudante  Ilamado  Salin  as,  sobrino  de  Flori- 
dablanca,  que  en  el  dia,  si  vive,  es  teniente  gênerai,  y  le  dixo  que  Cadalso  le  ténia 
pedido  que  si  moria  de  pronto  le  hiciese  el  favor  de  quemar  todos  sus  papeles  ;  que  el 
gênerai  en  gefe  se  lo  permitiô  y  que  él  lo  ejecutô  ;  pero  que  esto  no  parece  probable.  Su 
vida  que  fué  singular  tanto  en  asuntos  serios  como  en  fruslerias,  la  ténia  escrita  hasta  el 
dia  en  que  muriô,  pues  él  mismo  la  escribia  todos  los  dias,  y  esta  no  llegô  à  manos  de 
su  sobrino.  a  pesar  de  que  él  mismo  le  dixo,  siendo  este  muchacho,  que  la  ténia  siempre 
con  una  carpeta  rotulada  à  su  nombre  para  quando  él  muriese.  Una  de  las  obras  que 
tambien  ténia  escritas  era  el  Diario  critico  del  sitio  de  Gibraltar  y  no  se  sabe  su  paradera 
entre  la  familia,  aunque  el  padre  del  aetual  Cadalso  la  leyô  poco  antes  de  que  el  poeta 
muriese,  y  se  la  devolviô.  Estas  son,  senor  Inarco  Celenio,  las  ùnicas  noticias  que  aiïade 
Cadalso  en  su  carta  al  Marqués » 

Es  cierto  que  cuando  muriô  Cadalso,  se  hallaban  varias  obras  suyas  inéditas  en  manos 
de  algunos  amigos  à  quienes  las  habia  mandado  '  y  otras  en  los  papeles  que  ténia  consigo 
durante  el  sitio  de  Gibraltar.  Constaban  à  lo  menos,  segùn  se  puede  inferir  de  la  carta  à 
D.  Leandro  Fernàndez  de  Moratin  que  existe  en  la  Biblioteca  Nacional  de  Madrid,  de  su 
propia  Vida  que  escribia  todos  los  dias  y  del  Diario  critico  del  sitio  de  Gibraltar.  Ahora  es 
posible  afirmar  que  mucho  mas  numerosos  eran  aquellos  papeles,  asi  como  no  se  puede 
dudar  que,  si  fueron  quemados  algunos  como  lo  deseaba  el  mismo  Cadalso,  se  extraviaron 
otros  muchos  que  estàn  hoy  dia  entre  mis  manos. 

Constan  estas  obras  autôgrafas  de  très  partes  distintas  :  poesias,  cartas  y  un  conjunto 
tan  curioso  como  ûnico  en  su  género  de  epitafios  para  los  monumentos  de  los  principales 
liéroes  espanoles  :  por  una  ironia  verdaderamente  notable,  quiso  la  suerte  que  el  ùltimo 
de  esos  epitafios  fuese  precisamente  dirigido  à  la  memoria  del  famoso  bloqueo  en  el  cual 
el  m.Uogrado  literato  habia  de  morir  tan  gloriosa  como  prematuramente  : 

Dignissimo  merito, 

Inclito  animo, 

prœclaraeque  constan tiae, 

et  fortitudini, 

in  obsidionalibus  lineis 

contra  Heracleam, 
famae  monumeimini. 


1.  Se  puede  leer  en  una  carta  de  don  Juan  Meléndez  Valdés  ;i  su  amigo  el  padre 
Mena,  escrita  en  Salamanca  cl  16  de  Marzo  de  17K2  :  «  Tengo  tambien  algunos  versos 
suyos  inéditos,  mejores,  sin  comparacion,  que  los  publicados  por  él,  como  cosa  de  sete- 
cientos.  Quiesiera  tambien  darlos  d  luz.  » 


OBRAS    INEDITAS  26  I 


Falta  el  texto  eastellano  que  acompana  à  los  demâs  y  quizà  no  sera"  temerario  suponer 
que  fueron  estas  las  ùltimas  lineas  que  escribiô  el  autor. 

Ademàs  de  sus  propias  ohras,  existian  en  sus  papeles  poesias  de  algunos  de  los  poetas 
mas  eminentes  de  aquel  tiempo  côn  quienes  mantenia  amistad  :  don  Nicolas  Fernande/ 
de  Moratin,  don  Juan  Meléndez  Valdés,  don  José  Iglesias,  Fray  Diego  Gonzalez,  don 
Alonso  Carbonel,  don  Juan  Forner.  Parte  de  estas  poesias  figurait  en  las  obras  respectivas 
de  sus  autores,  parte  se  han  publicado  ô  se  publicaràn  por  mi  diligencia. 

Al  mismo  tiempo  que  las  obras  de  Cadalso  cuyos  manuscritos  estin  en  mi  posesiùn, 
publico  ahora  varias  cartas  suyas  asi  como  un  Kalcndario  manual  que  posée  la  Biblioteca 
Nacional  de  Madrid.  Puede  ser  que  se  encuentren  todavia  en  manos  de  aficionados  ô  en 
los  estantes  de  alguna  que  otra  biblioteca  de  la  Peninsula  6  del  extranjero  fragmentos 
iuéditos  del  célèbre  Dalmiro  :  ;  ojahi  sus  posesores  los  den  à  conocer  à  los  amigos  de  las 
letras  castellanas  !  R.  Foulché-Delbosc. 


Reproducimos  aqui  el  indice  puesto  por  Cadalso  en  la  primera  pagina  del  cuaderno 
primero  de  sus  manuscritos  : 

Poesias  ineditas, 

con  algunas  otras  obrillas  de  Uteratura  compueslas  despues  de  las 

que  se  imprimieron  eu  Madrid  por  los  anos  de  iyji  y  17 72,  à  saver 

1.  Cartas  à  varios  amigos. 

2.  Noches  lugubres. 
j.  Carias  iiiarruecas. 

4.  Indice  de  una  Biblioteca. 

5,  Varios  fragmentos. 

De  las  obras  indicadas  en  este  indice  han  desaparecido  los  manuscritos  de  las  cuatro 
ùltimas  :  solo  quedan  las  poesias  y  las  cartas.  En  cuanto  a  los  epitafios,  forman  cuadernos 
distintos  de  los  anteriores. 

A  pesar  de  lo  expresado,  no  son  inéditas  todas  las  poesias  contenidas  en  los  papeles  de 
Cadalso  :  hé  aqui  la  lista  compléta  de  dichas  poesias  con  la  indication  de  las  publicadas  é 
inéditas. 

A  don  Nicolas  Fernandez  Moratin,  Sobre  su  estilo  magnitko  en  las  imitaciones  de 
Pindaro,  y  otras  composiciones  sublimes. 

Caution  (publicado) 

El  semidos  que  alzàndose  à  la  cumbre... 

Variantes  : 

versos  11  del  huerto,  vina,  monte,  campo  y  mares. 

17  mientras  durô  cantando 

20  ya  no  se  admira,  quando 

44  solo  el  guerrero  ardor  le  llena  el  pecho 

Esta  poesia  ha  de  ser  separadaen  cinco  estrofas  de  once  versos  cada  una,  y  cuatro  versos 
finales. 


26 2  JOSÉ    CADALSO 


A  un   quadro  en  que  se   ven  Jupiter,   Neptuno  y  Pluton  cou   todos  sus  atributos,  y 
Cupido  volando  mas  arriba. 

Epigrama  (publieudo). 
Ufanos  cou  el  o-obierno... 


Oda  pindârica  .i  Moratin,  sobre  el  mismo  asunto  de  la  canciôn  auterior  (publieada). 
[  Ay  si  cantar  pudiera 


Epigrama  (publiante). 
En  la  cabeza  le  diô 


Remitiendo  a  un  poeta  joven  las  poesias  de  Garcilaso  con  algunos  versos  mios.  (Véase 
pàg.  264-)  

Sobre  los  peligros  de  una  nueva  pasion.  Odas  en  sâficos  y  adonicos  (publicadas  x). 
ira  A  Cupido.  (Nifio  temido...) 

Variantes  : 

versos     i  Nifio  temido  de  los  Dioses  y  nombres 

7  quando  la  triste,  la  divina  ninfa 

9  Desde  que  el  hilo  de  su  tierna  vida 

ii  desde  que  el  Hado  la  llevo  à  la  oculta 

13  guardo  constante  la  promesa  justa 

27  otra  pastora  desde  tan  borrenda 
29  haz  que  a  mi  falso  corazon  as  us  te 
47  y  otro  castigo  que  es  el  ser  llamado 
j9  todo  me  llena  de  terror  y  al  suelo 
72  tu  alevosia. 

2'  A  Venus.  (Madré  divina ) 

Variantes  : 

versos   11  ni  el  que  por  s  11er le  se  llamo  tu  esposo 

15  blinda  alegria  Jove  con  la  copa 

17  y  el  eco  suena  por  los  altos  techos 

19  lleno  de  estrellas,  de  luceros  y  astros 

20  lu^  soberana, 

28  te  llamo  madré. 

38  bajar  del  cielo  ■.  tu  belleza  veo  : 

39  ya  mi  deseo  coronaste,  madré, 


1.  Véase  ademâs  p.  266  la  copia  de  un  manuscrito  de  la  Biblioteca  Nacional  de  Madrid. 


OBRAS    INÊDITAS  263 


Cou  motivo  de  haber  encontrado  en  Salamanca  un  joven  Poeta  (Don  Juan  Meléndez 
Valdés)  de  exquisito  gusto,  particularmente  en  las  composiciones  amorosas. 
Idilio  anacreôntico  (publicadd). 
Ya  110  venin,  o  Tonnes 

Variantes  : 
versos  10     con  mùsica  divina 

23     las  nueve  bermanas  cantan 
27     mcis  que  el  oro  que  llega 
3 1     para  tejerlc  flores 
35     Pues  ese  mismo  joven 


Al  mismo  sobre  el  propio  asunto  (publicadd). 

Quaudo  Laso  murio,  las  nueve  hermanas. 


Letrillas  puériles,  (publicadas,) 

De  amores  me  muero. 
Variantes  : 
Estrofas  3     versos  7     y  tierna  mirada 

4  3     quai  cosa  de  espanto 

7  3     se  pone  mas  rojo 


A  la  nave  en  que  se  embarcô  Ortelio  desde  Bilbao  para  Inglaterra. 
Sàficos  y  adonicos  (publicados). 
Ya  déjà  Ortelio  la  paterna  casa 


A  Meléndez  (publicado). 

Sigue  con  dulce  lira 

Variantes  : 
Estrofas     3     versos  5     tal  es  la  fuerza  del  ingenio  y  arte 
10  2     (los  anos  gratos  al  amor  y  ri  Febo 

12  2     no  pierdas  tiempo  en  tu  edad  florida 

12  5     en  milicirti  y  en  cortes  mal  perdida. 

13  4     à  los  moros  vencidos 

16  S     y  à  las  delicias  del  Averno  (sic)  llegue, 

20  4     y  a  quai  zagala  quieres 


Soneto  (publicado). 
Ya  veis  quai  viene,  amantes,  mi  pastora. 
Variante  : 
Verso  12     Ni  veis  ni  ois  el  misero  tormento 


Epistola  d  Batylo  y  Arcadio.  (Inédita.  Véase  pâg.  264.) 


Letrilla  por  el  mismo  estilo  que  las  impresas  (publicada). 

Que  un  sabio  de  mal  humor 

Solo  hay  en  el  manuscrito  las  estrofas  1  y  9 


264 


JOSE    CADALSO 


POESIAS 


REMITIENDO    A    UN'    PORTA   JOVEN    LAS    POESIAS    DE   GARC1LASO 
CON    ALGUN'OS    VERSOS    MIOS  ' 


Si  mis  âsperos  métros  yo  te  envio 
con  dulces  versos  del  divino  Laso, 
no  juzgues  que-  el  orgullo  necio  mio 


me  finja  que  le  igualo  en  el  Parnaso. 
Lo  hago  porque  juntas  quiero  darte, 
con  prendas  de  mi  amor,  reglas  del  arte. 


CUM    AMICO    CUIDAM    MEO    GARCI.E    LASSI    TOLETANI    CARMINA 
NEC   NON   MEA   MITTEREM,    HOC   QUOQUE  1LLI    DEDI 

EPIGRAMMA  3. 


Quos    feci    quondam  versus    juvenilibus  versibusin  nostris  pignus  amoris  habes. 

[annis,  Hoc  est  cur  mittam  Lassi  cura  carminé 

et  teneri  Lassi  carmina  mitto  tibi.  [nostrum  : 

Carmina  si  Lassi  Phœbi  prœcepta  viden-  non  tanti  socii  dignus  amore  fui. 

[tur, 


EPISTOLA 

    BATYLO    Y    ARCADIO, 

SOBRE    EL    RUMOR   DE    GUERRA   CON    PORTUGAL, 

Ô   DE   NUEVA    EXPEDICION    CONTRA   ARGEL. 


Vuelve  el  rumor  de  la  africana  guerra 
al  lusitano  campo  trasladada  ; 
y  el  trozo  antiguo  de  Borbon  repite 
lo  que  en  Nâpoles,  Flandes  y  Sicilia 
en  Aragon,  Castilla,  y  en  Valencia, 
hizo  en  pasados  siglos  ;  y  se  alientan 
los  jôvenes  que  hoy  siguen  sus  pendones, 


ansiosos  de  igualarse  con  los  viejos, 
6  superar  tal  vez  la  antigua  gloria, 
con  hechos  que  merezcan  mas  loores. 
Dulce  Batylo,  sentencioso  Arcàdio, 
amigos  ambosy  consuelos  mios 
en  cuyo  pecho  halle  dulce  consuelo, 
quando  sali  de  la  engaiïosa  corte, 


i.  Los  seis  versos  espanoles  se  hallan  en  las  obras  impresas,  pero  no  los  latinos. 

2.  Variante  : 

Si  mis  àsperos  versos  yo  te  embio 
con  dulces  metro  Jel  divino  Luso, 
no  créas  que .... 

3.  En  otra  copia  autôgrafa,  después  de  los  versos  castellahos,   no  se  lee  este  titulo  latino;  solo 
hay  :  El  mismo  pensamiento  en  latin. 


OBRAS    ÎNEDITAS 


2(> 


vosotros,  cuyos  nombres  dan  delicia, 
gozo,  dulzura  y  paz  à  mi  memoria, 
iserân  estos  los  ûltimos  renglones 
que  he  de  escrivir,  con  mano  que  enlazada 
con  las  vuestras  un  tiempo  fué  dichosa 
y  prenda  de  un  cariiîo  mutuoy  firme? 
Desde  hoy,  tal  vez,  no  tomarâ  mi  diestra 
la  pluma,  repitiendo,  quai  solia, 
de  la  sacra  amistad  el  dulce  empleo, 
sino  el  hierro  que  cântabras  montanas 
envian  a  Toledo,  desde  donde 
hecho  mortal  segur,  corta  las  vidas 
que  lloran  viudas,  huérfanos  y  madrés  ! 
I  No  mâs  pisar  entre  mis  dos  amigos 
en  plâticas  gustosas  é  inocentes 
las  orillas  que  bana  el  Padre  Tonnes 
y  resuenan  del  Eco  de  sus  nimphas, 
ni  el  âmbito  magnifico,  ostentoso 
de  la  Plaza  Mayor  de  Salamanca 
con  pôrticos  suntuosos,  y  columnas, 
y  bustos  de  los  héroes  de  Castilla, 
(empleo  digno  de  patriotas  manos). 
iNo  mâs  parar  la  noche  obscura  y  larga 
de  Enero,  juntos  con  preciosos  libros 
de  gustoso  moral  escrito  en  verso, 
por  Mendoza,  Léon,  Lope,  Argensola? 
Truécase   todo    en  sangre,    horror,    es- 

[truendo, 
por  inconstante  mar,  hôrrida  tierra, 
fértil  en  tigres,  vfvoras,  leones, 
ardiente  arena  y  bârbaros  contrarios, 
con  arroyos  de  sangre  agena  y  propia, 
cadâveres  y  cuerpos  desmembrados 
que  juntos  forman  pâlidos  montones, 
saliendo  de  ellos  lastimeras  voces, 
de  moribundos  ùltimos  alientos, 
tremenda  consonancia  del  ruido, 
y  el  estrépito  de  armas,  roncas  trompas 


y  relinchos  de  béticos  cavallos, 
cuyas  madrés  conciven  de  los  vientos, 
segun  la'antigua  tradicion  refiere. 
Si  alli  me  espéra  la  inflexible  Parca, 
Uorad,  llorad,  amigos,  como  os  dije 
en  la  lengua  de  Tulios  y  Marones, 
bien  que  en  bârbara  frase,  no  tan  pura 
como  quando  en  Paris  cursé  la  escuela. 
Llorad,  digo  otra  vez,  llorad,  amigos, 
que  yo,  espirando,  estenderé  la  mano 
al  que  tenga  mâs  cerca,  y  moribundo 
diciendo  :  muero  por  la  patria,  alegre, 
que  tal  muerte  es  honrosa  quanto  dulce. 
Si  acaso  vuelves  â  pasar  los  montes 
que  separan  las  dos  nobles  Castillas, 
â  Batylo  y  Arcadio  di  mil  veces 
que  nada  me  es  terrible  en  este  instante, 
sino  dejar  su  trato  y  su  carino  ; 
en  esto  moriré.  Los  ojos  yertos, 
herizado  el  cabello,  el  pecho  hinchado, 
la  lengua  seca,  y  todo  envuelto  en  polvo, 
pasto  tal  vez  de  fieras  ô  de  peces  '. 
Pero  luego  al  pasar  el  lago  Estigio 
el  dios  barquero  llevarâ  con  pocos 
mi  espi'ritu  hacia  el  campo  del  Eliseo. 
Yo  no  veré  de  Ixion  la  horrible  rueda 
ni  â  Sisifo,  ni  â  Tântalo,  ni  â  tantos 
que  sufren  bajo  el  brazo  de  las  furias 
castigo  justo  de  mortal  audacia 
que  no  viô  sin  espanto  el  pio  Eneas 
llevando  el  ramo  que  le  daba  el  hado 
guiândole  entre  sombras  la  Sibila, 
con  ser  nieto  de  Jupiter  tonante 
y  ser  â  quien  fiô  sus  dioses  Troya 
para  formar  en  Roma  el  pueblo  invicto 
cuyo  imperio  sin  fin  daria  leyes 
â  todo  el  orbe  desde  el  Capitolio. 
Iré  tranquilo  donde  viven  juntos 


1.  El  autor  habia  escrito  :  de  fieras  y  leones,  y  lo  borro  despucs. 
Revue  hispanique. 


266 


JOSE    CADALSO 


formando  coros  de  apacible  gozo 
los  que  (fieles  al  culto  de  los  dioses 
à  su  patria,  sus  hijos,  y  sus  padres, 
y  a  sus  amigos)  llegan  sin  recelo 
à  Minos  y  â  los  otros  rectos  jueces, 
cuya  vista  extremece  a  los  que  vivos 
despreciaron  el  rayo  del  gran  Jove, 
traidores  a  su  patria  la  olvidaron, 
con  mofa  hirieron  las  antiguas  leyes, 
del  Senado  y  la  purpura  y  corona, 
ô  del  anciano  padre  y  madré  tierna 
las  canas  y  el  amor,  que  â  tanto  obligan, 


(delitos  que  las  fieras  no  conocen 
privadas  de  la  luz  que  el  hombre  tiene) 
6  los  que  rasgan  con  atroz  malicia 
de  la  atnistad  el  cândido  regazo. 
Si  al  culto  de  la  Diosa  erigen  templo 
los  hombres  algun  dia,  quai  debieran 
en  sus  aras,  pondréis,  dulces  amigos, 
mis  cenizas  en  urna  de  diamante 
que  â  los   ejes   del    mundo   alcance  en 

[tiempo 
por  premio  del  amor  constante,  y  puro 
que  hasta  morir  os  profesô  Dalmiro. 


SOBRE   UN    NUEVO   AMOR. 
ODAS   EN    VERSOS    SÀFICOS   Y   ADÔNICOS   Â   VENUS   Y    CUPIDO1. 

(Biblioteca  National  de  Madrid,  P.   V.  40  —  C.  35  —  N°  46.  ) 


ODA    PRIMERA   À   CUPJDO 

Niiïo  temido  por  los  dioses  y  hombres  ! 
Hijo  de  Venus!  Ciego  amor!  tirano! 
Con  dévil  mano,  vencedor  del  mundo! 

Dulce  Cupido! 
Quita  del  arco  la  mortal  saeta 
Déjà  mi  pecho  que  con  fuerza  heriste, 
Quando  la  triste,  la  divina  nimpha 

Me  dominaba. 
Desde  que  el  hilo  de  su  dulce  vida 
por  dura  Parca  feneciô  cortado, 
desde  que  el  hado  la  Ilevô  a  la  sacra 

Cumbre  de  olimpo, 
Guardo  constante  la  promesa  antigua 
de  que  ella  sola  me  séria  cara, 
aunque  pasara  las  estigias  olas, 

Con  Aqueronte. 


De  lutos  largos  me  vestf  gimiendo, 
y  de  cipreses  coroné  mi  trente  : 
eco  doliente  me  sigitiô  con  quejas, 

hasta  su  tumba. 
Sobre  la  loza  que  regué  con  sangre 
de  una  paloma  negra  y  escogida, 
lue  repetida  por  mi  voz  la  triste 

justa  promesa. 
Nunca  las  voce  s  que  mi  fêjuraron 
creo  que  puedan  merecer  olvido  ; 
ni  tu,  Cupido,  punies  olvidarlas, 

si  las  oiste. 
Sacra  ceniza!  repeti  mil  veces, 
Sombra  de  Philis!  si  mi  pecho  adora 
otra  pastora,  desde  tau  horrenda, 

lôbrega  noche, 
Haz  que  .i  mi  l'also  corazon  castigue 
quanto  las  cuevas  del  Averno  ofrecen  ; 


1.  À  pesar  de  hallarse  ambas  odas  en  las  obras  impresas,  las  reproducimos  aqui  por  tener  cl 
manuscrito  de  la  Biblioteca  Nacioual  de  Madrid  notables  variantes  y  versos  inédites  que  indicamos 
en  itàlù 


OBRAS    INEDITAS 


267 


quanto  padecen  los  malvados,  quanto 

Sysifo  sufre. 
Jùrolo,  Philis,  por  mi  amor,  y  el  tuyo, 
por  Venus  misma,  por  el  Sol  y  Luna, 
por  la  laguna  que  venera  el  mismo 

Omnipotente. 
Las  iiegras  losas  a  mi  fino  acento 
mil  veces  dieron  ecos  horrorosos  ; 
y  de  dudosos  ayes  resonaron 

tûmulo  y  ara. 
Dentro  del  mdrmol  una  voz  contusa 
dijo  :  Dalmiro  !  cumple  lo  jurado! 
quedé  asombrado,  sin  mover  los  ojos, 

pâlido,  yerto. 
Temo,  si  rompo  tan  solemne  voto, 
que  Jove  apure  su  rigor  conmigo  ; 
v  otro  castigo,  que  es  el  ser  llamado 

pértido,  aleve. 
Entre  los  brazos  de  mi  nueva  amante 
temo  la  imagen  de  mi  antiguo  dueno  : 
ni  alegre  sueno,  ni  tranquilo  dia, 

ha  de  dejarme. 
En  vano  Cloris  cuyo  amor  me  ofreces, 
y  a  cuyo  pecho  mi  pasion  inclinas, 
pone  divinas  perfecciones  juntas 

ante  mis  ojos. 
Ante  mi  vista  se  aparece  Philis  ; 
en  mis  01'dos  su  lamento  suena  : 
todo  me  llena  de  terror;  v  al  saélo 

ti'mido  caigo. 
Ldstima  causen  a  tu  pecho,  oniho! 
las  voces  mias,  mis  dolientes  voces. 
Ay,  si  conoces  el  dolor  que  causas, 

ldstima  tenme  ! 
La  nueva  antorcha  que  encendiste  apaga, 
y  mi  constante  corazon  respire. 
Haz  que  no  tire  tu  invencible  bra{0 

otra  saeta. 
Ay,  que  te  alejas  ;  y  me  siento  herido  ! 
ardo  de  amores,  y  con  presto  vuelo, 
Uegas  al  cielo  ;  y  a  tu  madré  cuentas 

tu  tirania. 


ODA    SEGUNDA   A   VENUS 

Madré  divina  del  alado  nino  ! 
oye  mi  ruego;  que  jamas  oiste 
otra  tan  triste  lastimosa  pena, 
como  la  mia. 
Baje  tu  carro  desde  el  alto  Olimpo, 
entre  las  nubes  del  tranquilo  cielo. 
Rdpido  vuelo  traiga  tu  querida, 
blanca  paloma. 
Xo  te  detenga  con  amantes  brazos 
.Marte,  que  déjà  su  rigor  por  verte; 
ni  el  que  por  suerte  se  llamô  tu  esposo, 

sin  merecerlo. 
Ni  lu  delicia  de  la  sacra  mesa, 
quando  a  los  Dioses  lleno  de  ambrosia 
brinda  alegria  Jove  con  la  copa 

de  Ganimedes; 
Y  el  eco  suena  por  los  techos  altos 
del  noble  alcdzar,  cuyo  piso  huellas 
lleno  de  estrellas,  de  luceros  lleno, 

y  tachonado. 
Cerca  del  ara  de  tu  templo  en  Pafos, 
entre  los  himnos  que  tu  pueblo  dice, 
este  infelice  tu  venida  aguarda  : 

baja,  volando! 
Sobre  tus  aras  mis  ofrendas  pongo, 
testigo  el  pueblo  por  mi  voz  llamado; 
y,  concertado  con  mi  tono  el  suyo, 

lldinate  madré. 
Alzo  los  ojos  al  verter  el  vaso 
de  lèche  blanca,  y  el  de  miel  sabrosa  ; 
cino  con  rosa,  mirtos,  y  jazmines 

esta  mi  frente. 
Mi  palomita  con  la  tierna  pluma 
aun  no  tocada  por  pichon  amante 
pongo  delante  de  tu  simulacro  : 

no  la  deseches. 
Ya,  Venus,  miro  resplandor  céleste 
bajar  al  templo  :  tu  belleza  veo  : 
ya  mi  deseo  coronaste,  o  madré  ! 

madré  de  amores  I 


268 


JOSE    CADALSO 


Virgenes  tiernas,  nirios,  y  matronas  ! 
ya  Ih'ga  Venus]  vuestra  Diosa  viene! 
El  tetnplo  suene  con  alegres  himnos, 

)i\h\\o  grato. 
Humo  sabeo  saïga  de  las  urnas, 
dulces  aromas  que  agradarla  suelen, 
âmbares  vuelen,  tantos  que  a  la  excelsa 

bôveda  toquen. 
Pueblo  de  amantes  que  a  mi  voz  llegaste 
a  Venus  pide  que  â  mi  ruego  atienda  ; 
y  que  a  mi  prenda  la  pasion  inspire 

quai  yo  la  tengo. 

CORO    DE   NINAS 

Reina  de  Chipre,  Diosa  de  Citeres  ! 
tu  queâlosDioses  yâloshombres  mandas, 
porque  no  ablandas  â  la  dura  Cloris? 
mandalo,  Venus  ! 

CORO   DE   NINOS 

Reina  de  Pafos  y  de  amores  madré  ! 
tu  que  las  aimas  llenas  de  placeres, 
porque  no  quieres  que  Dalmiro  triumphe  ? 
mandalo,  Venus! 


I1-1    NINA 

Como  la  rosa 
agradecida 
da  mil  olores 
de  sus  aromas 
al  amoroso 
Zéfiro  blando 
quando  la  halaga 
y  la  rodea  : 

CORO   DE   NINAS 

Reina  de  Chipre  &c. 

2a  NINA 

Como  la  yedra 
halla  en  el  olmo 
vinculo  firme 
quando  la  abraza  : 


lr   NINO. 

Haz  que  reciva 
en  su  regazo 
Cloris  afable 
al  que  la  adora. 


CORO    DE   NINOS. 

Reina  de  Pafos  &c. 


CORO    DE   NINOS. 

Reina  de  Pafos  &c. 

2°  NINO. 

Haz  que  â  su  amante 
pldcido  rostro 
ponga  la  ninfa 
quando  la  vea  : 
pâbulo  nuevo 
halle  su  llama 
en  su  querida 
dulce  zagala. 

CORO    L)E    NINAS. 
Reina  de  Chipre  &c 


OBRAS    INÉDITAS  269 


EPITAFIOS 

PARA  LOS  MONUMENTOS  DE  LOS  PRINCIPALES 

HÉROES   ESPANOLES 

OBRA   PATRIOTA-MILITAR 

DEDICADA 

AL 

PRINCIPE   DE   ASTURIAS 

(NRO  senor) 

u  Dulce  et  décorum  est  pro  patria  mon'  » 
«  El  morir  por  la  patria  es  gusto  y  gloria.  » 
Horat. 


1.   Numancia. 


Posl  annos  14  in  obsessione  consutnptos, 

1res  debellatos  exercitus,  totidetn  gloriosos  anteavictos  consules1 

summique  Scipionis 

fortitudinem,  peritiam,  et  fortunam  superatas, 

super  combustam  palriam 

ga%as2, pueros,  maires,  saies,  Deos,  et  semetipsos projecerunt 

Numantini. 


In  eorum  memoriam  hoc  à  posteris  Hispanù  erigitm 
Monutnenium. 


Monumento 

levantado  por  la  posteridad  espanola  a  la  antigua 

Numancia, 

cuyos  habitantes,  después  de  14  anosdesitio, 

haver  vencido  très  exéreitos, 

derrotado  très  consules  hasta  entonces  gloriosos  3 

y  superado  el  valor,  pericia,  y  fortuna  del  gran  Scipion  1, 

incendiaron  su  patria, 

arrojdndose  a  la  hoguera,  con  sus  hijos,  madrés,  ancianos  y 

Dioses. 


1.  Variante  :  lot  idem  victos  consules  antea  gloriosos  ;  —  otra  :  tôt  idem  gloriosos  antea  consules. 
?.   Var.  :  natos,  mat  tes... 

3.  Var.  :  victoriosos. 

4.  Var.  :  y  superado  el  valor  del  gran  Scipion,  su  pericia  guerrera  y  su  fortuna. 


27O  JOSE    CADALSO 


2.   Sagunto. 

Pro  servando  cum  Romanis  facto  fadere 

Saguntini 

Numantinorum  fortitudinem  sunt  imitati 

(Jïirenle  Aunibale) 

et,  combustâ  patriâ, 

nihil  uisi  numquam  consummendam  famam  reltnquere  voluerunt. 


Hoc  hàbeant  constant  ici  et  amicitia 
Monumentum. 


Monumento 

a  la  constancia  y  lealtad  de  los  Saguntinos 

que,  por  no  entregarse  al  dominio  de  Anibal, 

ni  abandonar  la  alianzade  los  Romanos, 

imitaron  â  los  de  Numancia, 

poniendo  ellos  mismos  fuego  a  sus  casas  y  templos, 

y  nada  dejaron  de  su  patria  sino  la  fama  eterna  de  su 

firmeza  y  honradez. 


3.   Los  Càntabros. 


Cantàbra  genti 

jnga  Romanorum  ferre  indocta 

{[teste  Flacco  Horatio) 

Monumentum. 


Monumento 

à  la  memoria  de  los  càntabros 

que,  segun  Horacio,  jamas  supieron  llevar  cl  iugo  de  los 

Romanos. 

A.   Pelayo  f  737. 

Quoi  sunt  in  Hispania, 

expulsis  Mauris, 

templa,  mania,  domus1,  imo  et  arva, 

lot  sunt  Peîayi  illiusque  virtutis  monumenta. 

Hoc  tamen  habeat 

Héros  ille  cujus  ope veteribus  mis  cl  focis  fruimur 

Mou  mnenl  uni, 

'  1  itiilis  reîigione  innumeros  servandumper  iinnos-. 


Obi  il  au  no  à  Christo  j]j. 


1.  Var.  :  arces. 

2 .  Var.  :  Ha  tam<  » 

po  teritatis  reîigione  innu  ndum  per  miuos 

Héros 

CUJUS  ope  fruimur  cl  avis 


OBRAS    INEDITAS  27 1 


Monumento 

que  la  religion  de  los  Espanoles  conserva™  eternamente 

en  memoria  de  Pelayo 

à  cuyo  brio  debemos  libertad  y  culto 

por  la  derrota  do  los  Moros  ; 

y  a  falta  de  este,  lo  serân  quantos  templos, 

ciudades,  torres,  y  aun  canipos  tiene 

Espana 

restituida  por  él  a  su  antigua  religion  y  estadu. 

Alfonso  ei  Catôlico  y  757. 

Alfonsus  Catholicus 
qui  opus  à  Pelayo  incœptum,  paiicis  adhuc  viribus,  omnibus  autem  virtutibus, 

innixus 

contra  Mauros  perficere  conatus  est, 

nomenque  suum,  fausti  Augurii  pignus  posteris  œlatibus  reliquit, 

quot  ciiim  postea  Alfonsi  sunt  cognominati  loi  inter  maximos 

Hispania  reges  numerandi  sunt. 

Iïïi,  iîlisque  omnibus  hoc  commune  erigitur 

Mouumculmu. 


Obiil  anno  à  Christo 
7)7- 


Monumento 

de 

Alfonso  cl  Cathôlico 

que  seguido  de  pocos  soldados,  pero  acompanado  de  todas  las  virtudes 

procurô  concluir  la  obra  empezada  por 

Pelayo, 

dejando  su  nombre  por  feliz  agûero, 

pues  quantos  reyes  se  llamaron  conio  él,  tambien  fueron 

como  él  gloriosos. 

Sirva  a  la  memoria  de  todos  ellos. 

Muriô  757. 

6.   Ramiro  1°  7  850. 

Ramiro  1° 

Monumentum. 

Mauros  in  Gàllœcid,  Lusitaniâet  Bctica, 

nec  non  La  Coruna  Noiuiamlos 


2J2  JOSE    CADALSO 


aliosque  pyratas 
debellavit. 


Obîit  anno  à  Christo 
8jo. 


Monumento 

de 

Ramiro  i° 

que  venciô  los  Moros  en  la  Bética,  Lusitania  y  Galicia 

v  deshizo  cerca  de  la  Coruna 

los  piratas  de  Normandia  y  otros. 


Muriô  en  8so. 


7.  Ramiro  2°  ■'-  950. 

Rituiiro  2do 

qui,  post  limitas  contra  Mauros  inditas  victorias,  eos  gloriosissimè 

apud  Clavijo,  favente  divojacobo 

(ut  fides  nobis  est) 

minimo  exercitu,  omnino  debellavit, 

Monumentum. 


Obiit  anno  à  Ch  isto 
9)0. 


Var.  :  Ramiro  II 

(/ni,  post  militas  contra  Mauros  victorias 

illos  gloriosissimè  minimo  exercitu  apud  Clavijo. 

favente  Jacolo,  ut  pic  creditur, 

debellavit, 

Monumentum. 


Obiit  anno  9/0. 


Monumento 

a  Ramiro  2'1» 

que,  después  de  muchas  victorias  contra  los  Moros, 

los  deshizo  del  todo  en  Clavijo  con  tan  corto  exéreito 

que  se  atribuyô  su  triumpho  al  socorro  de 

Santiago. 


Muriô  en  050 


OBRAS    IN  ÉDITAS  273 


8.  Veremundo,  Garcia,  y  Fernan  Garcia.  998. 

Extinctd  inter  Cfmstianos  discordiâ 

qua  rursus  Mourorum  arma  Legionem,  Castellam,  et  Navarram  minabantur 

Veremundus,  Garcia,  et  Fernan  Garcia, 

Legionenses,  Navarros,  et  Castelîanos  suscitaverunt,  et  uni  la'  virtute1, 

Abderramanum 

/<)  triumphis  superbum  vicerunt, 

anno  à  Christo  998*. 

Trium  virorum  prœclara  nomhia  in  hoc  honoret  postentas 
Monumento. 


Monumento 

en  que  la  posteridad  venerarâ  los  nombres  de 

Veremundo,  Garcia,  y  Fernan  Garcia, 

Reyes  de  Léon,  Navarra,  y  Castilla, 

los  quales,  después  de  extinguir  las  discordias 

que  dividian  a  los  Christianos  de  Esparïa, 

humillaron  â  Abderramen 

orgulloso  con  las  50  victorias  que  havia  ganado 

â  los  Espanoles. 


9.   Fernando  1°  7  1065. 

Ferdinando  1  Casléïla  régi 

Monumentum. 

Post  horrida  bella, 

captis  demum  Toîeti,  et  César  Augustœ  regibus, 

réligioni, 

ïegïbus,  scieutiis  et  artibus  opérant  dédit. 

Obiit  anno  à  Christo 
106)  > 


Monumento 

de 

Fernando  i°  de  Castilla, 

por  haver  dado  digno  establecimiento  a  la 

Religion,  govierno,  y  ciencias, 


1.  Var.  :  et  unitâ  fortissimo  virtute. 

2.  Var.  :  JO  triumphis  superbum  anno  qqS  vicerunt. 

3.  Var.  :  Obiit  anno  ro6). 


274  JOSE   CADALSO 


después  de  hacer  prisioneros  a  los  reyes  moros  de 

Toledo  y  Zaragoza 

al  cavo  de  una  horrorosa  guerra. 


Muriô 
en  1065. 


10.   El  Cid  f  1099. 

Roderico  de  Vivar 
a  Mauris,  quos  sœpe  vieil,  Domino  (Cid)  cognominato, 

qui 

Toletum,  VaUntiam,  multasque  alias  civitates  cœpit1, 

Monumentum. 


Obiit  anuo  à  Christo 
I099 


Monument» 

de 

Rodrigo  de  Vivar 

que  tomo  Toledo  y  Valencia,  con  otras  muchas  ciudades 

à  los  Moros,  los  quales  por  respeto  le  llamaban 

Cid,  que  significa  Seiîor. 

Var.  :  Monumento 

â  la  memoria  de  Rodrigo  de  Vivar 

que  tomo 

Toledo  y  Valencia 

y  otras  ciudades  a  los  Moros  los  quales  por  respeto  le  llamaban 

el  Cid,  que  significa  Seiîor. 

11.   Alfonso  1°  de  Aragon  ■]■  1134,  y  Alfonso  1"  de  Castilla  y  1109. 

Pétri  Aragonia  Régis 

fratri  invicto  Alfonso 

propter  innumeras  contra  Mauros  pugnas  vnlgo  Batallador  cognominato, 

qui  Casar  Augustœ,  Tarracona,  Bilbilis,  Daroca  et  aliarum  urbium  mania 

religionis  et  patrice  vexillo  munivît, 

alioque  Castelhc  Régi,  eodem  nom'uie,  cognomine,  et  honore  insignito, 

commune  hoc  erigitur 

Monumentum. 


Hic  anno  à  Christo  1109  obiit  :  ille  vero  r  1 34. 


1.  Var.  :  alias  i\rpit  civitates. 


OBRAS    INEDIT  AS  2J$ 


Monumento 

para 

Alfonso,  el  invicto  hermano  de  Pedro  Rey  de  Aragon, 

llamado  el  Batallador  por  el  mucho  numéro  de  sus 

batallas, 

que,  con  la  insignia  de  la  Fé  y  de  la  Patria, 

honro  las  murallas  de  Zaragoza,  Tarragona,  Daroca, 

Calatayud  y  otras  ciudades  '  ; 

y  tambien  â  otro  rey  de  Castilla  del  mismo 

nombre,  sobrenombre,  y  heroismo. 


Este  muriô  1109,  y  aquel  11 34. 


12.   Batalla  de  Las  Navas  de  Tolosa.  1211. 

Castella,  Navarrœ,  et  Aragonia  regibus 

Alfonso  9,  Sancho  7,  Pet  10  2, 

qui  in  loco  vnîgo  Navas  de  Tolosa,  innumeris  interfectis  Mauris, 

religionem  et  patriam  statue  nuit, 

anno  à  Chr.  12 1 1 

hoc  in  remotissimas  imperii  hispani2 partes  et  atates  erectum  est" 

Monumentum. 

Monumento 

que  sera  famosô  para  todo  el  dominio  y  duracion  del 

imperio  espanol, 

Ievantado  en  memoria  de  los  reyes  de 

Castilla,  Navarra,  y  Aragon, 

Alfonso  90,  Sancho  70,  Pedro  2°, 

que  con  muerte  de  innumerables  Moros  en  las  Navas  de  Tolosa 

aseguraron  la  religion  y  estado, 

aiïo  de  121 1. 

Var  :  Monumento 

de  eterna  veneracion  para  todas  las  partes  y  edades  del  dominio  de  Espana 
por  ser  en  memoria  de 
Alfonso  9  de  Castilla 


1.  Var.  :  que  adornà  las  murallas  de  Zaragoza,  Tarragona,  Calatayud  v  Daroca 

y  otras  mâchas  dudades 
con  la  insignia  de  la  Fé  y  Patria. 

2.  Var.  :  hispani  imperii. 

3.  Var.  :  eregitur. 


276  JOSÉ    CADALSO 

Sancho  7  de  Navarra 

Pedro  2  de  Aragon 

que  juntos  aniquilaron  el  poder  de  los  Moros  en  la  batalla  de 

Las  Navas  de  Tolosa 

ganada  en  121 1. 

13.   Fernando  3°  y  1252. 

Duci,  Régi,  Sancto, 

Ferâinando  J 

Monumentum. 


Obiit  an  110  à  Christo  1252. 


Sive  :  Viro  immortali 

quem  pat  rem  vocant  cives,  heroem  castra,  sanctum  rcligio, 
quem  honorent  Hispani,  tiniuerunt  Mauri,  laudet  posteritas 

Monument  uni. 


Obiit  anno  à  Christo 

12}  2. 


Sive  :  FerdinanJo 

quem  cives  regem  vocant,  heroem  castra,  sanctum  rcligio 
Monumentum, 


Monumento 

de 

Fernando  y° 

a  quicn  la  religion  proclama  santo, 

las  tropas  héroe,  la  patria  rey. 

Muriô  en  1252. 


Var.  :  Monumento 

à  Fernando  3 

que  igualmente  mereciô  los  nombres  de 

General,  Rcy,  y  Santo. 


Muriô  1252. 


Var.  :  Monumento 

al  varon  inmortal 

que  la  patria  ha  llamado  dignamente  Padre, 

el  exército  Caudillo, 

y  la  Iglcsia  Santo, 

venerado  de  los  Espanoles,  temido  de  los  Moros,  celebrado  de  la  posteridad- 


Muriô  1252. 


OBRAS    INEDITAS 


277 


14.  Alfonso  2°  +  1350. 


AlfOHSO  2d° 

qui  jamdudum'  plurimis  contra  Mauros prœliis praclarus 

in  loco  vulgo  Salado, 

interfecto  bostium  vix  credendo  numéro, 

posteritatis  admiratiomm  acquisivit, 

Monumentum. 


Obiit  anno  à  Chris  lo  i])0. 


Monumento 

para 

Alfonso  2do 

digno  de  las  alabanzas  de  la  posteridad 

por  la  batalla  del  Salado  en  la  que 

muriô  un  numéro  apenas  creible  de  Moros 

después  de  haverles  ganado  muchas  otras 

victorias. 


Muriô  en  13SO 


Var.  :  A  Alfonso  2 

que  después  de  una  larga  série  de  provas  contra  los  Moros 

complété  su  gloria 

en  la  jornada  del  Salado 

y  por  el  numéro  increible  de  Moros  que  murieron  en  ella 

bizo  su  nombre  admirable  a  los  futuros  siglos. 


Muriô 
ijjo. 


15.  Martin  Bozo  -'-  1401. 


Ma  rt ii 10  Bo^o, 

Equiti  ordim  vulgo  de  la  Banda  jure  insignito, 

qui  non  an  te  atatis  sua  annutn  120  obiit, 

tt  in  pneliis  quotquot  integro  swculo  vidit  Hispania, 

puer,  juvenis,  vit,  senex,  adfuit, 

gloriosamque  tandem  in  pugnâ  vitam  anuo  1401 

peregit, 

Monumentum. 


1.  Var.  :  jam. 


2y8  JOSÉ    CADALSO 


Monuraento 

de 

Martin  Bozo 

digno  Cavallero  de  la  Banda, 

que  cumpliô  120  aiïos  de  edad, 

se  havia  hallado  en  todas  las  guerras  de  Espana 

durante  un  siglo  entero, 

v  nuirio  cl  ano  de  1401  con  las  armas  en  la  mano, 

como  las  havia  llevado, 

en  su  ninez,  juventud,  vigor,  y  vejez. 

Var.  :  A  Martin  Bozo 

Cavallero  de  la  Banda 

que  muriô  1401 

después  de  haver  vivido  120  afîos  hallândose  en  quantas 

guerras  alcanzô  en  un  siglo  entero. 

16.  Alfonso  Henriquez.  1407. 

Alfonso  Henrique^ 

Monumentum 

qui  Maurorum  è  Tutie\  et  Tremecen  classes  debellavit, 

régnante  Johanne  2  do 

annoà  Chris to  140J. 

Monumento 

de 

Alfonso  Henriquez 

que  derrotô  las  armadas  moras 

de  Tûnez  y  Tremecen 

reinando  Juan  2do 

ano  1407 

17.  Pedro  de  Vera.   1480. 

Pelro  de  Fera 

qui  aiuw  à  Domino  1480  Insulas  Fortunatas  subjugavit, 

Monumentum. 

Var  :  Petro  de  Vera 

propter  subjugatas  aiino  à  Domino  14S0  Fortunatas 

Insulas 

Monumentum 


OBRAS    INEDIT  AS  279 


Monumento 

de 

Pedro  de  Vera 

por  la  conquista  de  las  islas  afortunadas 

en  1480 


Var.  :  Pedro  de  Vera 

que  en  1480  conquistô  las  islas  fortunadas. 


18.   El  Gran  Capitan  f  1512. 

Gon\alo  Fernande^  de  Cordova 

Castelhe  exercitum  imperatori 

non  à  civibus  tantum  sed  etiam  db  hostibus  Magno  cognominato, 

a  Gallis  scïlicet  et  Mauris, 

Monumentum. 


Obiit  Granata  anno  à  Christo 

1)12 


A  Gonzalo  Fernandez  de  Cordova 

gênerai  espanol 

a  quien  no  solo  sus  conciudadanos  pusieron  el  nombre  de 

Gran  Capitan 

sino  tambien  sus  enemigos  los  Franceses  ylos  Moros. 


Muriô  15 12 


19.   Fernando  5°  -J-  1516. 

Ferdinando  V 

Aragonia  et  Castella  régi 

Monumentum. 

Victis  Gallis,  Navarram, 

et 

Mauris  debellatis,  Granatam, 

post  tôt  et  tanta  egregia  facta  fortiter  occupavil 


Anno  iji6  à  Christo 
Obiit. 


280  JOSÉ    CADALSO 

Var.  :  Ferdinando  5to 

propter,  devictis  Gallis  occupatam  Navarram, 

Maurisque  debellatis  Granatam 

Auno  à  Christo 

iji6 
Monumentum. 

Monumento 

de 
Fernando  Sto 
por  haver  tomado  la  Navarra  vinciendo  los  Franceses. 
y  el  reino  de  Granada  derrotando  a  los  Moros. 


Muriô  en  1 516 


Var.  :  A  Fernando  Sto 

Rey  de  Castilla  y  Aragon 

que  después  de  muchas  hazanas 

ocupô  la  Navarra  derrotando  â  los  Franceses 

y  Granada  venciendo  a  los  Moros 


Muriô  1 5 1 6 . 


20.  El  Conde  de  Cabra. 

Comiti  de  Cabra 

qui  horrendam  numéro  et  ira'  Turcàrum  classent 

prope  insulam  Gerbes, 

laulo  antea  etpostea  sanguine  inundatam, 

superavit, 

Monumentum . 

Al  Conde  de  Cabra 

que  derrotô  una  inmensa  armada  de  Turcos  junto  a  la 

Isla  de  Gerbes 

inundada  tantas  veces  con  sangre. 

21.  Hugo  de  Moncada. 

Comitis  de  Cabra 

in  Tu  ira  ru  m  uavibus  debelhindis,  el 

insuhi  Gerbes  subj Uganda 

digno  socio 

Hugo  de  Moncada 

Monumentum. 


OBRAS    1NÉDITAS  28  I 


A  Hugo  de  Moncada 

digno  companero  del  Conde  de  Cabra 

en  la  derrota  de  los  Turcos. 


22.   Duque  de  Najera. 

Duci  de  Najera 
Monumentum. 


Galloritm  prœdarum  ducem  Comitem  de  Foix 

post  pugnam  capit, 

Mosquée  Iota  Navarrâ  expuhit 

anno  à  Christo  1 521. 


Al  Duque  de  Najera 

que  después  de  echar  de  Navarra  â  los  Franceses 

hizo  prisionero  al  gênerai  de  ellos 

Conde  de  Foix 

1521 


23.   Sébastian  Cano  f  1525. 

Sebastiano  Cano 

qui 

audacid  vix  credendâ 

primas  ante  omiies 

Hispanos,  GaJlos,  Anglos,  Batavos,  Lusitaiiosque  nautas 

veterum  et  novum  mundum 

circumdedit, 

Monumentum. 


Obiit  anno  à  Christo 

1)2). 


A  Sébastian  Cano 

primer  mortal 

que  diô  la  vuelta  al  mundo  nuevo  y  viejo 

imitado  después 

por  los  Franceses,  Ingleses,  Holandeses,  Portugueses,  etc. 


Muriô  1525. 

Revue  hispanique. 


282  JOSÉ    CADALSO 


24.  Garcia  de  Holguin.  1525. 

Garcia  de  Holguin 

qui  navetn,  qud,  magnâ  comitante  catervd  procerum 

barbarorum  rex  Guatimo\vn  vehébalur, 

in  mediâ  illorum  innumerd  classe  capit  : 

quo  facto 

Mexicanum  Imperium 

nostris  (ut  infatis  erat)  succumbuit  armis 

die  iS  Agusti  anno  i )2j. 

A  Garcia  de  Holguin 
que  abordé  el  navio  en  que  iba  Guatimozin 

emperador  de  Méjico 

y  dândole  muerte  en  medio  de  su  armada 

y  de  su  innumerable  comitiva 

consumô  la  conquista  de  aquel  imperio 

que  Dios  havia  decretado 

18  de  agosto  1525 

25.  Beltran  de  la  Cueva  j  1526. 

Egregio  juveni 

Bertrano  de  la  Cueva, 

Ducis  de  Alburquerque  dignissimo  filio 

Monumentum. 


Gallos  c  lotd  Navarrd  rursus  expulsit. 
(  Mit  anno  à  Christo 

I$2Ô. 


Al  herôico  joven 

Beltran  de  la  Cueva 

digno  hijo  del  Duque  de  Alburquerque 

que  volviô  i\  arrojar  a  los  Franceses 

de  toda  Navarra. 


Murio  1526. 


26.   Fernando  de  Alarcon. 

Ferdinando  de  Alarcon 

qui 

virilité,  prudentid,  indole,  peritiâ,  imo  el  vullu, 
hostium,  eiviuni,  militum  el  Caroli  etiam  r 


OBRAS    INÉDITAS  283 


reverentiam  est  assecutus, 
Monumentum- . 


Illum  semper  Dominum  vocabat  Cœsar  invictus. 

Germanos  et  Hispanos  discordiâ  agitatos  placavit. 

Gallos prope  montes  Alpes  dux  débéllavit  et  miles. 

Vigiliœ  illius  et  prasidio 

duo  maximi  fuerunt  commissi  captivi, 

seilieel 

Pontifex  summits  Ecclesiœ  et  Gàlliœ  magnanimus  Rcx. 


A  Fernando  de  Alarcon 

llamado  por  Carlos  5  el  senor  Alarcon. 

Por  su  pericia  militar,  virtud,  genio  y  aun  por  su  aspecto 

se  adquiriô  la  consideracion 

de  su  rey,  de  sus  patriotas  y  enemigos. 

Reuniô 

los  Espanoles  y  Alemanes  que  se  hallaban  divididos  en  discordias  : 

como  gênerai  y  como  soldado  venciô  â  los  Franceses  junto  â  los  Alpes, 

y  tuvo  en  su  custodia 

los  dos  mayores  prisioneros  del  mundo 

a  sa ver 

el  Ponti'hce  Màximo  de  la  Iglesia,  y  al  magnànimo  rey  de  Francia. 


27.  Leiva,  Davalos,  Davilas. 

Strenuis  Viris 

Leiva,  Davalos,  Davilas, 

quorum  sanguine,  peritid,  etfiducid  toties  triumphavit 

Carolus 

V  apttd  Germanos,  apud  Hispanos  I 

Monumentum. 


A  los  varones  insignes 

Leiva,  Davalos,  Davilas , 

a  cuyo  esfuerzo,  pericia  y  fidelidad  debiô  su  Victoria 

Carlos 

primo  en  Espana  y  quinto  en  Alemania. 


284  JOSÉ    CADALSO 


28.  Antonio  Alaminos. 


Antonio  Alamino 
Monumentum. 


Navium  fuit  rector 

qitibus  in  Américain  vida  sunt  Hispaniarum  arma,  leges,  mores,  artes 

Réligio, 

nec  non  illis  à  cash  datum  in  novo  mundo  imperium  sine  fine. 

A  Antonio  Alaminos 

Piloto  que  fué  a  la  America  con  las  naves  que  establecieron  en  ella 

la  Religion,  tropa,  gobierno,  costumbres  y  artes 

de  la  Espaiîa 

y  el  imperio  que  para  siempre  les  ha  dado  el  cielo 

en  el  nuevo  mundo. 

29.   Hernan  Cortes  f  1554. 

Ferdinando  Cortes 
Monumentum. 

Patria  decus 
America  terror 
Europa  invidia. 

Obiit  anno  à  Christo  1554 

A  Hernan  Cortes 

honra  de  Espaiîa. 

terror  de  America 

embidia  de  Europa. 


Muriô  1554. 


29*  Hernan  Cortes  f  1554. 

Ferdinando  Cortes 
Monumentum. 


Haud  alio  similis 
quoi  fabula,  historiave  narrât  Hcroas  superavit. 


Obiit  anno  à  Christo  i$54- 


A  Hernan  Cortes 

héroe  solo  igual  a  si  mismo 

y  superior  d  quanto  la  historia  cuenta  y  la  fabula  ha  iingido. 

Muriô  1 5  s4 


OBRAS    INÉDITAS  28  S 


30.  Francisco  Pizarro  j-  1540. 

Francisco  Pizarro 

Monumentum. 

Quidquid  de  illius  savitid,  plura  et  majora  de  iïïius  fortitndine 

sunt  dicenda. 

Comitum  et  mïlitum  seditionem, 

ignoti  maris  et  inhospita  terra  pericula, 

morbos,  famem,  sitini,  œstum,  frigus,  belliim,  antbroyopbagos, 

circumspexit, 

et  ad  imperium  Peruviarium  subjugandum 

omnia  visu  et  dictn  borribilia 

çontempsit. 


Obiit  anuo  à  Cbristo 
1540 


A  Francisco  Pizarro 

de  cuya  crueldad  claman  tanto  los  extranos 

haviendo  tanto  mas  que  decir  de  su  mérito, 

pues  supo  aplacar  la  sublevacion  de  sus  companeros  y  sûbditos 

despreciô  los  riesgos  de  un  mar  desconocido  y  de  una  tierra  xxx 

para  conquistar  el  Peru 

y  desdenô 

la  sed,  hambre,  calor,  frio,  guerras,  antropôphagos 

y  todo  quanto  puede  aterrar  al  corazon  humano. 


Muriô  1540 


31.   Alvaro  de  Bazan,  marqués  de  Santa  Cruz  ■]-  1588. 

Alvaro  de  Ba\an,  Marq.  de  5,a  Cru\ 

Monumentum. 

Turcas,  Mauros,  Lusitanos,  Gallos  et  Auglos 

Asiœ,  Africa,  et  Europa  maribus 

débellavit. 

Félix  belîo,  morte  felicior. 

Tôt  enim  et  tanti  triumphi  unâ  tant  uni  clade  delendi  fuissent, 

arma  Pbilippo  in  Angliam,  fato  sinistro,  arma  pararentiir. 


Obiit  anno  1588 


286  JOSÉ    CADALSO 


A  Don  Alvaro  Bazan 

vencedor 

de  Turcos,  Moros,  Portugueses,  Ingleses  y  Franceses, 

muy  feliz  en  la  guerra,  y  mâs  en  la  muerte 

pues  toda  su  gloria  tal  vez  se  huviera  eclipsado  con  el  mando  que 

se  la  destinô  de  la  armada  que  Phelipe  2°  équipé  contra  los 

Ingleses  à.  quien  el  cielo  no  fué  propicio. 

En  aquella  época  muriô  1588. 


32.   Moncada,  Oquendo,  Requesens,  Valdés,  Verdugo  ■]■  1588. 

Verdugo,  Oquendo,  Moncada,  Requesens,  Valdes, 

contra  Britannorum  non  adversus  élementa  wissos, 

eîementa  débéllaverunt  non  Britanni, 

anno  à  Christo  1588. 

In  cor  uni  memoriam 

(proh  Dolor!) 

hoc  erigitur  a  posteris  Hispanis  commune 

Monumentum. 

A  los  Oquendo,  Verdugo,  Moncada, 

Requesens,  Valdés 

y  otros  héroes  que  su  gloriosa  carrera  concluyeron 

desgraciadamente 

ano  de  1 588 

en  las  costas  y  mares  de  Inglaterra 

no  por  el  brio  humano  de  los  Ingleses 

sino  por  la  voluntad  irrésistible  de  los  cielos. 


33.   Alfonso  Ercilla  de  Zùïiiga. 

Alphonso  Ercilla  et  Zttniga, 

contra  Araucanos  per  dies  pugnanti, 

per  noctes  pugnas  scribenti, 

Monumentum. 

A  Alfonso  Ercilla  de  Zûniga 

que  peleaba  de  dia  contra  los  Araucanos 

y  de  noche  escrivia  lo  acaecido. 


OBRAS    INEDITAS 


287 


34.   Fernando  de  Aguirre. 

Fernando  de  Aguirre 

qui 

terras  vulgo  Australes  detexit, 

mariaque  horrïbilia  superavit 

Monumentum. 


A  Fernando  de  Aguirre 

que 
descubriô  las  tierras  australes  v  domô  los  mares  horribles. 


35.  Juan  de  Ojeda. 

N.  Ojeda 

Monumentum. 

Détectant  ab  ipso  Auream  Castellam,  Novam  Beticam 

et  Darienem 

horrendo  subjugavit  bello. 

A  Juan  de  Ojeda 

que  conquistô  contra  horrorosos  salvajes  antropôphagos 

la  Castilla  Dorada,  Nueva  Andalucia  v  el  Dariense. 


36.  Valdivia  y  Pedro  Melendez. 

Regionem  vulgo  Chile 

ab  Almagro  détectant  subjugavit  Valdivia, 

haud  secus 

Pelrus  Melende^  Floridam  a  Johanne  Pouce  inventant, 

et  a  Coligni  cum  Gallis  hareticis  occupa  la  m. 

Ferdinandi  Cartes 

coustautiam  suut  imitati  illorum  cum  illius  nomiue 

in  hoc  légat  posteritas 

Monumento. 


Valdivia  y  Pedro  Melendez 

criados  en  la  escuela  de  Cortés 

conquistadores  de  Chile  y  de  la  Florida,  provincia 

no  poblada  de  Indios  indefensa  sino  ocupada 

por  los  herejes  franceses  al  mando  de 

Coligni. 


288  JOSÉ    CADALSO 


37.  Juan  de  Salamanca. 

Johanni  de  Salamanca 

qui 

in  valle  vulgo  Otumba  regium  Mexicanornm  vexïïlum 

ab  Mis  fortiter  et  religiose,  pro  aris  et  focis,  defensum 

i>  medià  barbarorum  acte 

vi  et  artnis  rapuit, 

Monumentum. 

A  Juan  de  Salamanca 

que  en  el  valle  de  Otumba  se  arrojô  al  medio 

del  exército  mejicano,  y  a  fuerza  de  armas 

arrancô  la  insignia  impérial  que  los  barbaros 

defendian  como  la  suma  de  su  religion,  estado  y  esperanzas. 

38.  Juan  Nunez  de  Mercado. 

Juvenis  quidam  Johannes  Nunê^  de  Mercado 

cxim  vix  essel  annos  16  rialus,  coram  utrdque  barbarâ  et  hispand  acie 

horrendum,  informent,  ingénient  americanimt, 

rumine  jubente,  tantumque  suadente  virtute, 

interfecit  : 

illiusque  gladium,  clypeum,  et  hastam  lattis  et  superbns 

Ferdinaiido  Cartes,  domino  suo 

obtiûit. 


Puero  Mo  lot  vivis  prœstantiori 

Monumentum. 


A  Juan  N ûnez  de  Mercado 

joven  de  tierna  edad ,  y  héroe  igual  a  los  de  la  mayor, 

pues  en  la  de  16  anos 

hallândose  de  page  de  Hernan  Cortés 

â  impulso  de  su  valor  y  sin  orden  que  se  lo  prescribiese 

se  arrojô  sobre  un  amcricano  agigantado 

que  desafiaba  d  los  christianos  à  singular  batalla 

v  dândole  muene  le  quitô  sus  armas 

v  lasdeposito  à  los  pies  del  gênerai  espaiiol 

el  quai  por  el  exceso  de  valentia 

le  perdonô  la  falta  de  subordinacion, 

y  con  un  abrazo  dado  al  freine  de  aquellas  tropas  vencedoras, 

le  diô  valor  para  empresas  mayores. 


OBRAS    IXÈDITAS  289 


39.   Jacobo  Ordax. 

Ignivomi  mentis  inhospitum  vertex  scandere  ausus  est 

Jacobus  Ordax. 

Mirabantur  Hispani  :  Americani  stnpebant 

et 

flammas,  stilpbur,  strepitum,  vapores,  monstrua, 

amicorum  lacrymas,  barbarorum  reh'gionem, 

horrendasqite  totius  naturce  ruinas  conlemnens', 

Duci  suo  makeriam  bellici  pidveris  in  gurgite  inventant  nuntiavit. 

Iïïius  nomini  et  jortitudini 

Monumentum. 


A  Jacobo  Ordax 

que  con  admiracion  de  los  Espanoles  y  espanto  de  los  Americanos, 

subiô  a  la  impénétrable  cima  de  un  monte  que  arrojaba  fuego 

v  descubriô  en  él  azufre  para  fabricar  la  pôlvora, 

por  entre  Hamas,  vapores,  ruido,  monstruos, 

lâgrimas  de  sus  amigos,  gritos  supersticiosos  de  los  bdrbaros 

y  la  amena/a  de  la  naturaleza. 


40.   Mesa  y  Montano. 

Artis  tormentaria  peritissimi 

Mcsa  et  Montano, 

in  baraihrum  à  Jacobo  Ordax  exploratum  ne  pulvere  bellico  carcrent  nostra  castra, 

(sine  qno  non  erat  novus  mundus  subjugandus) 

victis  periculis  et  obstaciilis,  patriœ  et  religionis  amore  ducti  et  pulsi 

descenderunt. 


Hoc  habeant  monnnientuni. 


A  los  famosos  artilleros 

Mesa  v  Montano 

que  llevados  del  amor  d  su  fé  y  a  su  rey 

bajaron  i  la  cueva  descubierta  por  Ordax 

a  pesar  de  tantos  peligros 

v  saecron  los  materiales  para  la  pôlvora  sin  la  quai 

no  se  podia  conquistar  aquel  nuevo  mundo. 


290  JOSE    CADALSO 


41.  Juan  de  Guzman. 

Mexicanorwn  Deorum  ante  aras  sanguine  bumano 

s.epissime  fœdatas, 

Johanni  de  Guzman  jugulato 

virtutis  sua,  gloria,  honoris,  et  erga  Cartes  amoris 

potius  quam  barbarorum  religionis 

victimœ 

Monumentum. 

A  Juan  de  Guzman 

vi'ctima  no  tanto  de  la  venganza  y  supersticion  de  los  Mejicanos 

que  le  sacrifioiron  en  sus  aras  tantas  veces  manchadas 

con  sangre  humana 

quanto  de  su  amor  a  Cortés  y  de  su  heroismo. 

42.  Conquista  de  Granada. 

/;/  subjugandi  Maurorum  nepotibus, 

in  quietis  pace,  beïïo  strenuis, 

adhuc  Granata  et  inter  montes  permanentibus 

Marquiones  tic  Mondejaret  Fêle;, 

Duces  tic  Arcos,  Osuna,  Medinasidonia,  Sesa 

nec  non  egregii  viri 

Requesens,  Ouijada,  Luna,  Villaroel, 

nomina  qu'idem  prastantia  praclariora  fcccruiit. 


In  coi  um  gloriam  hoc  commune  erigitur 
Monumentum 


A  los  héroes 

famosos  por  la  conquista  de  Granada 

y  derrota  de  los  Moros  y  Moriscos  que  aun  se  defendian  en  sus  montes, 

Marqueses  de  Mondejar  y  Vêlez 

Duques  de  Arcos,  Osuna,  Médina  Sidonia,  Sesa, 

y  los  Requesens,  Quijada,  Luna,  Villaroel. 

43.   Conde  de  Alcaudete. 

('ornes  Je  Alcaudete 
civitatis  Qran  mania  défaillais  contra  Maures 
eoi  non  semel,  nec  bis  tantum,  sed  sapissime  vicit. 
rlim 
diebus 


OBRAS    INEDITAS  29! 


Al  conde  de  Alcaudete 
que  defendiô  tantas  veces  los  muros  de  Oran  contra  los  Moros. 

44.  Conquista  de  America. 

De  viris  omiii  lande  dignissimis 

ut  pote 

Ferdinandi  Cartes  fortitudinis,  religionis,  et  gloriœ  soeiis 

inter  hispanorùm  castrôrum  in  America  pracipicos  milites  et  duces, 

Olid,  Lercano,  Alvarado,  Liste, 

Arguello,  Tapia,  Marin,  Monlejo,  Lugo,  Domingue^, 

Portillo,  Escalante,  Morbn,  Moral,  Sandovàl,  Dia\, 

Saucedo,  Ramire~,  etc 

tacente  invidiâ  loquatur  Posteritas, 

et  hoc  commune  in  eornm  memoriam 

Monumentum 

Monumento 
a  cuya  vista  calle  la  envidia  y  hable  la  posteridad 

en  perpetuo  elogio 

de  los  caudillos  y  soldados  mas  dignos  de  su  gefe 

Hernan  Cortés 

en  la  conquista  de  America 

À  saver 

Olid,  Lercano,  Alvarado,  Iuste,  Arguello,  Tapia, 

Marin,  Montejo,  Lugo,  Dominguez,  Portillo,  etc... 

45.  Bernardino  Avellaneda.  1596. 

Bernard! 110  Avellaneda 

qui  anglicant  classent  prope  Portobello  debellavit 

anno  à  Christo 

i)96 
Monumentum 

Bernardino  Avellaneda 

vencedor  de  la  esquadra  inglesa  en  Portobello 

ano  1 596 

46.  Juan  Ronquillo    Fajardo,  Contreras,   Fadrique  de  Toledo. 

Johannes  Ronquillo  Bàtavicas  noues  probe  Philippinas  insulas 

anno  1606  ; 

in  Africâ  Mauros,  in  Tago  Batavos  Fajardo 

anno  1606; 


292  JOSÉ   CADALSO 


Batavos  mari,  et  terra  Mauros  prope  Marmara  Contreras 

anno  1621  ; 

Batavos  propre  Africa  et  Am  \>  ica  littora  Fadrique  de  Toledo 

annis  16  21  et  162; 

debeîïaverunt. 

Hoc  commune  habeant 

Monumentum. 

Juan  Ronquillo 
(En  el  el  manuscrite»  no  hay  mas  que  estas  dos  palabras). 

47.  Jorge  Brito.  1647. 

Jorgio  Brito 

pro  Leridd  defensâ,  quant  Princeps  de  Condè  jure  Magnus  cognominatus 

exercitu  Gàllorum  fortissimo  frustra  expugnaverat 

anno  1647 

Monumentum. 

Monumento 

de 

Jorge  Brito 

que  defendiô  a  Lérida  contra  un  poderoso  exéreito  francés 

mandado  por  el  Principe  de  Condé,  jusiamente  llamado 

el  Grande 

ano  de  1647. 

48.  Rivera,  Menesses,  Aragon,   Bazan,   Andrade. 

Afrîcanorum  classent  seculo  iS  vicerunt 

Rivera,  Menesses,  Aragon,  Basait,  Andrade, 

quibus  hoc  commune  erigitw 

Monumentum. 

Monumento 

de 

Rivera,  Menesses,  Aragon,  Bazan,  Andrade, 

que  en  el  siglo  17  triumpharon  de  las 

armadas  africanas. 

49.  Marqués  de  Villadarias. 

Pracipuos  Baticarum  ndbiles 

in  arma  pro  Philippi  Borbonici  justissimd  causa 

amore,  labore,  et  Jivitiis  convocavit 


OBRAS    INEDIT  AS  293 


marquio  de  Villadarias . 

Il  lin  s  gloria  et  nomini 

Monumentum. 


Monumento 

del 

Marqués  de  Villadarias 

que  à  su  costa,  con  su  exemplo,  y  por  su  amor 

à  la  augusta  casa  de  Borbon 

puso  en  armas  la  nobleza  de  Andalucia 

en  justa  defensa 

de  Phelipe  el  animoso 

digno  nieto  de  Luis  el  grande,  rey  de  Francia. 

50.  Conde  de  Aguilar. 

Comiti  de  Aguilar 

aulw  et  exercitus  pracipuis  munerïbus  dignissime  ornato 

natura  dotïbus  prœdito 

origine  nec  non  virtute  clarissimo 

qui  posl  pugnas  multas  totidemque  victorias  prœsertim  apttd  Vïllavkiosa 

equitatum  phiïippicum 

non  modo  invictum  sed  etiam  invincibilem  esse  patefecit 

Monumentum. 

Monumento 

del 

Conde  de  Aguilar 

insigne  por  su  virtud,  cuna,  talentos  y  valor 

condecorado  con  los  primeros  empleos  de  la  corte  y  milicia 

y  famoso  después  de  muchos  triumphos 

por  haver  completado  la  Victoria  Villaviciosa 

à  la  cabeza  de  la  cavalleria  espanola 

acreditando  este  cuerpo  no  solo  de  invicto  sino  de  invencible. 


51.  Guerra  de  la  sucesion. 

Duci  de  Aytona 

Marquioni  de  Vàldecanas 

Comiti  de  las  Torres, 

et 

strenuis  militibus  Vallejo,  Bracanionte,  Cercuda, 


294  JOSE    CADALSO 


qui  ad  Philippi  V  tempora  diademate  hispano  cingenda 

belli  exercerunt  artes,  horreurs  contenipseruut, 

commune  hoc  erigitur 

Monument  uni. 

A  la  memoria 

de  los  egregios 

Duque  de  Aytona,  Marques  de  Yaldecarïas  y  Conde  de  las  Torres 

y  de  los  honrados  soldados 

Vallejo,  Bracamonte  y  Cercuda 

que  para  coronar  a  Phelipe  el  animoso 

exercieron  las  artes  de  la  guerra  y  despreciaron  sus  horrores. 

52.   Duque  de   Montemar  y  Marqués  de  la  Mina. 

Duci  de  Montemar,  et  Marquioni  de  la  Mina 

quorum  cineres  dignis  sub  teetis  jacent,  nempe 

Cœsaraugustœ  et  Barcinoue 

iioviim  ecce  erigitur 

Monumentum. 

Monumento 

de  los  Duques  de  Montemar  y  Marqués  de  la  Mina 

cuyas  cenizas  yacen  en  otros  dignos  sepulcros 

en  Zaragoza  y  Barcelona. 


53.  Juan  Josef  Navarro. 

Britannorum 

qui  sibi  imperium  pelagi  datum  credunt  etgîoriantur 

supei  biam  copiorâ  classe  inuixam  12  tantum  navibus  conculcavit 

Joseph  Navarro, 

a  niaguauimo  Philippo  )',  marquio  delà  Victoria  cognominatus. 

H 11  jus  nominis 

honorent  fatetur  Anglia,  lauJal  Hispania,  dicat  posterilas 

hoc  erecto 

Monumento. 

Obiit  Gadibus 

>772- 


De  Don  Juan  Josef  Navarro 

[lamado  por  Phelipe  5  Marqués  de  la  Victoria 

por  la  que  ganô  con  12  navios  à  los  Ingleses 

los  quales  con  una  armada  incomparablemente  maior 


OBRAS    INEDITAS  295 


se  atribuian  orgullosamente  el  supremo  senorio 

de  los  mares, 

pero  tuvieron  que  aplaudir  su  valor, 

como  lo  honrô  su  patria, 

y  lo  celebrarâ  la  posteridad. 


54.   Eslava  y  Leso  1740. 

Carthaginem  americanam 

contra  Britannorum  naves,  castra,  artes,  et  superbiam 

defenserunt 

Eslava  et  Lcso 

anno  1J40 

viri génère,  virhite,  cl  bellicis  factis  jam  toiige  antea  cogniti. 

lu  connu  memoriam 

Monumentum. 

Monumento 

de  Eslavo  y  Leso 

que  defendieron  Carthagena  de  Levante 

ano  de  1740 

contra  las  tropas,  naves,  astucias,  y  sobervia  de  Inglaterra 

quando  esta  va  havia  fingido  su  rendicion 

acunando  medallas  del  supuesto  triumpho  ; 

insignes  varones 

mucho  antes  conocidos  por  su  nacimiento,  valor,  y 

hazanas 


55.  Velasco  y  Gonzalez  -j-  1762. 

Velasco 

bellica  navis  prafecto,  atavis  edito  nobilibus, 

que  dextrd  gladium,  et  sinislrd  vexillum  rotam 

etiam  postquam  hostes  haberent  muros 

innumeris  cecidit  interfectus  vulneribus. 

Ncc  non  diguo  illius  socio 

paribus  virtutibus  ornato,  ccquâ  nobilitate  insigui, 

eâdem  morte  glorioso 

Gonifde^ 

qui  anno  à  Cbristo  IJÔ2  obicrunt 

Monumentum. 


29e  JOSÉ    CADALSO 


Monumento 

de 

Velasco 

capitan  de  navio, 

que  muriô  aûo  de  1762 

esgrimiendo  con  una  mano  la  espada 

y  con  otra  enarbolando  la  bandera  de  su  rey 

cayô  cubierto  de  innumerables  heridas 

aun  después  de  estar  el  castillo  poblado  de  Ingleses 

y  à  su  digno  companero 

Gonzalez 

igual  en  virtudes,  nobleza  y  gloriosa  muerte. 

56.  Marqués  de  la  Romana  y  1775. 

Primas  in  prima  acie 

socios  iu  arma  suscitans 

Maurorum  innumeras  legiones  irruit, 

et  vitam,  quant  diu  antea  Deo,  régi,  et patrice  voverat,  amissit 

prope  Argel 

8va  die  julii  an  110  à  Chrislo  ijjf 

Marquio  de  la  Romana. 

Veteris  Hispaïue  virtutis  recens  exemplum  in  hoc  légat  atas  nostra  hoc  irecto 

Monumento. 

Monumento 

de  un  héroe  moderno  que  ha  dado  reciente  exemplo 

del  antiguo  valor  espanol 

a  saver 

cl  marqués  de  la  Romana 

el  quai  guiando  las  primeras  tropas  se  arrojô  sobre  innumerables  Moros 

y  perdiô  gloriosamcnte  la  vida 

que  mucho  antes  havia  consagrado 

;i  la  patria,  al  rey  y  ;i  Dios 

ano  de  1775 

57.  Garcia  Ramirez  de  Arellano,  marqués  de  Arellano  -j-  1781. 

Aqui  yace 

Don  Garcia  Ramirez  de  Arellano 

Marqs  de  Arellano. 

Cavallero  comendador  de  la  Ov>  de  Santiago 


OBRAS    INEDITAS  297 


Mariscal  de  campo  de  los  Rs  exércitos. 

Naciô  en  Ezixa  en  20  de  Dizr<=  de  171 5 

Muriô  à  4  de  Mayo  de  1781 

de  Mayor  General  de  Cavalleria  y  Dragones 

en  el  Bloqueo  de  la  Plaza  de  Gibraltar. 

General  de  no  menos  luces  que  esperiencias  : 

tan  adornado  de  prendas  civiles  como  militares  : 

sirviô  en  quantas  guerras  tuvo  Espana  en  su  tpô*  : 

empleô  los  intérvalos  de  la  paz  en  utiles  estudios  : 

sus  obras  iluminaron  el  cuerpo  de  Cav.ria  y  Drag.s 

sus  virtudes  le  conciliaron  el  amor  de  todos. 

Su  aima  descanse  en  paz 

Amen. 


58.   Sitio  de  Gibraltar. 


Dignissimo  Merito 

Inclito  Animo, 

pneclarœque  constantiœ, 

et  Fortitudini, 

in  obsidionalibus  Liueis 

conlra  Hcraclcam, 

Faillie  Monumentum 


Revue  hispanique 


298  JOSÉ   CADALSO 


CARTAS 


A    DON  JOSÉ   IGLESIAS 

Dilectissimo  amico  suo  Arcadio  salutem  dat  plurimam 
Dalmirus. 

A  teneris  unguibus  studia  reliqui  ad  castra  é  scholis  vocatus;  et  ideo  latinam 
linguam  barbaro  more  loquor,  ineptiusque  scribo,  quamvis  illius  inter  omnes 
hominum  sermones  praestantiam  admiror.  Aurei  Divi  Augusti  saeculi  opéra 
omnia,  re  verà,  pro  manibus  habeo  ;  sed  ipso  quo  potest  modo  Barbarus  quili- 
bet  in  America;  nostrae  silvis  Garcia;  Lassi  Toletani  dulcia  possidere  poemata. 
Hac  de  causa  non  sine  timoré  linguâ  ipsâ,  quam  tibi  infundere  voluit  mater 
natura,  respondere  conabor,  amice  dilectissime,  musarumque  omnium  dignis- 
sime  alumne. 

De  Batvlo  nostro,  ipsiusque  amoribus  plura  dicas  :  quemnam  sese  gerit?  An 
tristis,  an  lastus  videtur?  Q.ucenam  de  amicâ  sua  carmina  facit,  favente  Phcebo  ? 
Dominam  suam  crudelem,  gratamve  vocat?  Tacetne  dubitans?  Facilis  est  inge- 
nio,  juvenis  ille,  forma  egregius,  a;tate  florens,  indole  amabilissimus.  Tôt  ergo 
et  tantis  causis  formosarum  puellarum  amore  nunc  et  diu  fruatur. 

Nuper  ego  ab  illo  litteras  habui  amores  suos  ncgante.  Sed  frustra.  Illius 
flammae  vestigia  agnosco.  Carmen  enim  ipsius  in  làtronem  quenidam  qui  Bdlyli 
colunibam  rapere  conatus  crut  legi.  Carmen,  mehercule,  cultum,  elegans  et  can- 
didum.  Dulcia  de  columbâ,  horrida  de  latrone  ab  illo  dicta  cor  ejus  amore  plé- 
num esse  probant  luce  mcridianâ  clarius. 

De  caeteris  amicis  ne  taceas  mecum;  sed  multa  et  saepe  scribas.  Nominaenim 
illorum  «ratissima  sunt  auribus  meis.  Hos  ego  fraterno  more  diligo,  vel  almse 
tua.'  académie  condiscipulos,  vel  probaj  patriae  tuas  cives.  Quamvis  multorum 
hominum  mores  vidi,  et  urbes,  in  patriâ  tuâ  vitas  me.e  finem  (si  lata  sinant) 
attingam,  procul  negotiis,  palatiis,  et  hominum  variis  stultitiarum  gerieribus. 

Jubé,  et  vale. 


OBRAS    INEDITAS  299 


A    DON   JOSÉ    IGLESIAS 

Arcadio  suo  Dalmirus  sal.  dat  plur. 

De  salute  tuâ,  de  Batyli  nostri  amoribus,  de  Cantabri  Bararrati  corde  erga 
puellam  tenero,  de  caeterorum  amicorum  vitâ,  de  incognito  alio  Cantabro,  quid- 
quid  mihi  latina  tua  elegantissima  epistola  nuntiat,  mihi  gratissimum  est. 
Omnia  enim  quœ  ad  tuae  civitatis  probissimos  viros.  almaeque  academiae  inge- 
niosissimos  alumnos,  necnon  doctores  sapientissimos,  magnâ  cordis  mei  laetitiâ 
semper  audio,  et  audiam  libentissime,  sive  in  hac  vivens  provintiâ  inhospitali, 
(pace  Batyli  nostri  dixerim)  sive  Matriti  inter  proceres,  sive  inter  régis  vexilla 
et  castra  apud  barbaros.  Qua  propter  iterum,  iterumque,  saepissime,  imo  et 
quoties  fie  ri  possit,  de  illis,  et  de  te  scribas.  Quod  si  facias,  amabo  te.  Quidquid 
de  amicitiâ  Batylo  nostro  nuper  dixi  tibi  dictum  ducas.  Mores  hominum  mul- 
torum  et  urbes  vidi  (sic  veritatis  gratia  praaterito  mente  scribebam),  in  nullâ 
autem  totius  orbis  civitate  amicitiae  digna  corda  sicut  in  patriâ  tuâ  inveni  ; 
quippe  claro  ingenio,  probo  corde,  indole  facili,  sermone  jucundo,  omati  non- 
nulli  numerandi  sunt  viri  :  et  nihil  amplius  ad  nostram  consummendam  vitam 
est  desiderandum.  Heu  illis  qui  alia  petunt  ignorantiâ  ducti  vel  invidiâ. 

De  8vo  Parnassi  volumine1  quid  tibi  videtur?ne  taceas,  precor. 

De  pugnâ  nuper  factà  in  civitate  vulgo  Melïllâ  carmen  componere  conabor, 
favente  Phcebo  :  et  quod  olim  de  Bello  apud  Clavijo  fueram,  principium  mihi 
praebet  et  ecce. 

(hic  24  versus  qui  in  initio  leguntur2.') 

De  bello  nunc  agens  quid  referam,  nisi  quod  gloriae  gratum,  et  amicitiaî 
triste?  Istius  borbonicas  cohortis  turmae,  Carolo jubente ,  castra,  ni  fallor,  vide- 
bunt.  Dux  primus  noster  (coroncl)  jamjam  in  Herculea  adest  civitate,  ibique 
sunt  naves,  milites,  arma,  bellica  tormenta,  caeteraque  mortis  gênera,  in  Afri- 
cam  parata.  Si  forte  in  illâ  avidâ  mundi  parte  mors  est  à  me  invenienda,  ecce 
Batylo  nostro  omnia  meâ  manu  scripta  opéra  relinquam,  amicitiâ;  pignora.  Si 
vero  reditum  meura  secunda  sinunt  iata,  \vxc  mihi  iterum  reddet  scripta,  eo 
pretiosiora,  quo  pro  manibus  tam  cari  amiei  fuerint.  Si  autem  sum  moriturus, 
lugete,  amici,  lugete.  Proborum  lacrymse  mortui  sunt  praestantissima;  laudes, 
quippe  eum  quoque  probum  fuisse  praedicant. 

Barbara  pyramidum  miracula,  quas  Memphis  laudat,  non  desideranda  mihi 
videntur.  Nec  ludos  optos  quos  habuit,  propter  patris  mortem  pius  ^Eneas,  cur- 
sum  scilicet  navalem,  ac  pedestrem,  cestuum  pugnas,  et  sagittarum  ejaculatio- 
nem.  Si  aliquando  inter  amicos  pia  cordis  mei  memoria  habetur,  si  nomen 
Dalmiri  inter  vos  audiunt  profani,  hilariter  sedes  tangam  beatas.  Et  quod  erit 
satis  mihi,  in  tumulo  humili, 


1.  Fué  publicado  en  1774.  Puede  conjeturarse  que  esta  carta  fué  escrita  aquel  mismo 
aiio. 

2.  No  se  hallan  en  el  manuscrite 


300  JOSE    CADALSO 


Epitaphium. 


Qui  jacet  hic 

mortuus  est,  quia  natus  est. 

Nec  de  nativitate  suà,  nec  de  morte  curavit  : 

natus  dives  ;  mortuus  pauper. 

Angliam,  Galliam,  Italiam,  Germaniam,  Bataviam,  vidit  : 

patriam  vero  suam  Hispaniam  dilexit. 

Puer  studia  coluit  :  arma  juvenis  gessit. 

Patrix'  laudes  cecinit  ;  de  illo  una  laus  tantum  est  dicenda, 

scilicet 

probus  fuit,  probosque  amavit. 

Quam  in  terra  vivens  omnibus  dédit  pacem  illi  mortuo  det  in  cœlo 

Deus 

optinius,  maximus, 

Amen. 

Post  mortem   nihil  est  (ut    ait    Seneca)    ergo    postquam    de    morte    nieâ 
loquutus  sum,  nihil  amplius  est  à  me  dicendum,  nisi  in  sternum 

Vale. 


A  DON  JUAN  MELENDEZ  VALDÉS. 

Amico  suo  jucundo  Batylo 
sal.  dat.  plur.  Dalmirus. 

Epistolam  tuam  mihi  latine  scriptam  nuntiavit  Arcadius  noster.  Hanc  diû 
maximo  desiderio  expectavi.  De  te  enim,  de  tuis  amoribus,  carminibus,  studiis, 
prosperis  rébus,  de  omnibusque  tuis,  libentissime  semper  audio.  Utinam  saepis- 
simel  Latino  vero  Deorum  sermone  quidquid  mihi  dicas,  tanto  me  gaudio 
felicem  facict,  quanto  ego  te  amore  prosequor. 

Tuas  tandem  accipiam  litteras  Ciceronis  more  scriptas,  tuncque  elegantiâ 
captus,  grati  nomini  memor,  clamabo  ipso  quo  Horatius  Flaccus  furore 

Odi  profanum  vulgus,  et  arceo,  etc. 

et  litteras  alias  à  multis  Matriti  hominibus  scriptas,  procul  à  me  llammis  dabo, 
iterum,  iterumque  sublimiori  voce  damans  Odi  profanum,  etc.  Ha;c  autem  à 
multis  scripta  quos  liomines  non  viros  voco,  quamvis  proceres  sunt,  et  atavis 
alite  regibus,  nihil  mihi  nisi  falsas  aulie,  civitatisque  artes,  quas  odi,  ofterunt  : 
tuœ,  vero,  dilectissime  Batyle,  omnia  delitiarum  gênera  habcre,  et  mihi  dare, 
vidintur.  Si  tempus  revocari  posset  (sed  fata  non  sinunt,  et  numquam,  eheu  ! 
numquam  reditura  tugit  quie  semel  abest  dies),  si  tempus,  inquam,  esset  revo- 


OBRAS    INED1TAS  3OI 


candum,  juvenilia  omnia  mea,  annos,  scilicet,  formam,  latina;  linguas  peritiam, 
cordis  et  oris  gaudium,  revocare  etiam  vellem,  non  mehercule,  ad  suprema 
militiae,  palatii,  togse,  vel  reipublica;  munera  obtinenda,  non  ad  incipienda, 
in  posteritatis  gratiam  opéra,  non  ad  alla  facienda  qua  facere  totis  viribus  non- 
nulli  volent  (quamvis  omnia  nihil  sunt  nisi  umbrae  et  nugas),  sed  ad  plures 
tecum  consumendos  annos  inter  juventutis  tua;  dulcissimas  horas  et  ingenii  tui 
cultissima  carmina. 

Quid  enim  nisi  amicitiam  probis  viris  dare  potuerunt  boni  Divi,  ut  humanse 
vita;  miserandam  sortem  aliquo  ferre  modo  valeamus?  tôt  inter  et  tantas  pala- 
tiorum  insidias,  castrorum  horrores,  togas  officia,  plebis  insolentiam,  procerum 
superbiam,  fortuna;  vicissitudinem,  mentis  insaniam,  phisici  corporis  morbos, 
c;eterasque  nostras  vix  numéro  continendas,  vix  nomine  distinguendas  calami- 
tates,  nihil,  nihil  profecto,  miseris  hominibus  solatium  prœbet,  nisi  amicitia, 
amicitia,  inquam,  etsi  à  multis  ficta,  apud  te  et  alios  (paucos,  re  vera)  inve- 
nienda.  Et  jure  apud  te  inventum  à  me  esse  dico  pretiosum  illud  cœli  donum, 
et  apud  nonnullos  quos  ego,  ut  ait  Ovidius  noster,  fraterno  dilexi  more. 

Quidnam  de  Hymena;o  tuo  credam?  Arcadius  qua;  affirmât  tu  negas.  Dice- 
turne  Hymenasus?  Vocibus  puerorum,  puellarumque  inter  pocula,  et  convivia 
diceturne  à  me  factum  epithalamium?  Eritne  tandem  inter  Hymemei  amo- 
risque  ignés  libero  pede  pulsanda  tellus?  Cingamne  tempora  floribus  sua  ve 
olentis  amarisi,  et  qua;  nuptialii  jubet  religio  hilariter  faciens,  concinamne  in 
modum  :  Io  Hymen,  Hymenœe  Io?  Die,  dulcissime,  responde,  âge. 

Phoebe,  musarum  pater,  qui  futura  scis,  vatibusque  nuntias,  salve.  Fata 
mihi  per  te  pateant.  Non  de  rébus  quee  ad  régna  attinent  interrogo.  Nec  de 
scientiis  colendis,  nec  de  armis  gerendis,  nec  de  finibus  imperiorum,  nec  de 
gentium  origine,  nec  de  veteris  terra;  partibus  consummendis,  nec  mundis  dete- 
gendis  novis,  scire  cupio.  Quid  enim  ad  me?  De  Batylo  autem,  de  Batvlo 
meo,  quem  plus  oculis  meis  amo,  nihil  mihi  taceas.  De  illo,  de  illius  uxore, 
natis,  natorum  filiis,  filiorumque  nepotibus,  sciam  quidquid  est  futurum.  Quod 
si  facias,  Jovis  Latona;que  fili,  laudes  tuas  canendo  verba  nova  per  audaces 
dithyrambos  devolvens  numeris  lege  solutis  ferar,  Horatii  instar,  Pindarum 
semulari  studentis. 

Tu  denique,  Deorum  hominumque  pater,  mundique  rector,  et  orbis  quem 
videmus,  invisibiliumque  numéro  carentium  opifex  omnipotens,  Jupiter,  fave. 
Amici  mei  prolem  bonis  omnibus  virtutibus  ornes  quas  in  tam  caro  capite 
admiror., 

Batyle,  jubé  et  vale. 


302  JOSE    CADALSO 


CARTA   AL   EXm°   Sor   MARQUES    DE   PENAFIEL 

CONDE   DUQUE    DE   BENAVENTE,    ETC. 

LA   MITAD   EN    LENGUAGE   ESPANOL   ANTIGUO, 

Y   DESPUÉS   EN    EL   ESTILO   AFRANCESADO 

QUE   HOY   USAN    ALGUNOS    DE   LOS   QUE    NI   SAVEN   CASTELLANO,    NI    FRANCÉS. 

Muy  excelente  Sennor  :  A  un  gentilhome  de  vro  talante  é  prez  non  vagard 
tiempo  de  escochar  mis  homildosos  acatamientos  :  mas  guay  de  mi,  si  por  ende 
yo  cometiera  el  desaguisado  de  non  saludarle.  Enderezo,  pues,  a  Vra  Grandeza 
mis  letras  cuibdosas  de  su  salud,  magùer  que  en  el  magin  se  me  ha  metido 
tendra  las  mien  tes  paradas  en  cosas  de  gran  pro. 

Asaz  éen  demasia  ha  atendido  vro  escodero  las  nuevas  de  Vra  Grandeza  sin 
tenellas,  nin  merecer  la  tardança  ;  fasta  que  fablando  con  mi  sobrina  é  sen- 
nora  prisé  la  buena  andanza  vra,  que  me  place  muy  mas  que  todo  lo  posible. 
De  grado  vos  rogo  non  me  las  escatimeis,  si  non  quereis  catarme  finarme  de 
tristura. 

Quijera  yo  escodrinar,  muy  magnifico  Sennor,  las  vras  tareas  ;  si  revolveis 
el  trotero  ;  si  esgozais  la  lanza  ;  si  con  uno  catareis  las  fiestas  de  toro  é  tomareis 
una  otra  vegada,  ô  si  non  cuibdais  de  ello.  Fabladme,  Sennor,  con  poridad, 
como  d  vro  amigo,  ca  tengo  en  mucha  valia  tal  nome,  é  fuera  muy  mas  pla- 
ciente  para  mi  anima  que  quanto  finca  scripto  en  tamanas  historias  de  aquende 
é  de  allende  de  los  amigos  que  hovo  marras  en  las  alcurnias  de  Griegos  é  de 
Romanos. 

Ansi  lo  fagais,  é  yo  os  deseo  que  de  la  su  diestra  os  bendiga  el  gran  Plasmador 
del  mundo  muy  muchas  eras,  en  compania  del  rapaz  vro  fijo,  é  de  mi  muy 
excelente  sobrina  é  sennora. 

(Pansa  y  se  inuda  el  estïlo  como  todas  las  cosas  del  mundo.) 

Esto  es  con  el  mas  gran  placer  que  yo  prendo  la  pluma  para  aprender  de  las 
nuevas  de  vra  salud.  Madama  la  Marquesa  y  el  pequeno  (que  esta  al  village 
con  su  nutriz  y  su  governadora)  se  portan  d  maravilla.  Yo  he  tenido  hoy  el 
honor  de  acompanarla  la  mds  grande  partida  de  la  jornada  d  la  mesâ,  al  paseo, 
y  al  spectaculo. 

A  proposito  de  spectaculo,  han  dado  hoy  al  teatro  del  Principe  alguna  cosa 
de  bonito.  Tienen  un  drolo  de  cuerpo  que  hace  el  maestro  de  mûsica,  y  bâte 
la  medida  superiormente.  El  teatro  de  aqui,  ello  es  verdad,  no  esta  purificado  ; 
pero  de  tiempos  en  tiempos  nosotros  alli  vemos  parecer  de  lo  sencillo  y  nat Li- 
rai que  nos  place  de  otro  tanto  nids  que  esto  nos  sorprende. 

Que  yo  huviera  querido  os  ver  ayer  después  de  corner  d  Madrid  para  que 
huvieseis  visto  al  cavallero  d'Auquendeaux  furioso  contra  su  buen  amigo,  el 
grueso  mayor  de  cavalleria,  pr  qe  este  aqui  le  dijo  una  frase  hechizanteempres- 


OBRAS    INEDIT  AS  303 


tada  del  francés.  La  conversation  rulaba  sobre  la  guerra  de  Alemania  ;  y  nro 
nombre  le  dijo  todo  buenamente  : 

Si  el  emperador  ataca  el  Rey  de  Prusia,  el  no  tendra  bello  jitego. 

O  mi  Dios.  como  el  montô  en  colera  !  Toda  la  asamble  se  metiô  â  reir,  etc., 
etc.  '. 


FRAGMENTO    DE   OTRA    A    DON    MAN1    LOrE7 

Misrespetos  al  Gefe,  â  quiendeseo  felices  Pascuas,  entradas  y  salidas  deano, 
segun  la  antigua  usanza,  con  aumentos  de  gracia  espiritual  y  temporal,  bien 
que  en  esta  no  cave  mas  gracioso  humor  que  el  que  le  acompana,  lo  quai  célé- 
bra pues  es  prueba  de  su  buena  salud  y  satisfacciones.  He  estimado  mucho 
quanto  vm.  me  dice  de  su  parte.  Respôndale  vm.  de  la  mia,  que  si  supiera  yo 
qe  havia  en  el  mundo  Vizcayno  mas  Vizcayno  que  yo,  iba  en  derechura  a  Viz- 
caya,  echaba  abajo  el  ârbol  de  Garnica ,  y  con  sus  ramos  y  tronco  pegaba 
fuego  â  un  pobre  y  pequeno,  pero  honrado  y  antiguo  solar  que  se  halla  en  la 
anteiglesia  de  Zamudio.  Anddale  vm.  que  si  algo  se  me  ha  pegado  de  los 
muchos  paises  que  he  visto  ha  sido  solo  de  lo  exterior  que  en  nada  influye  i  lo 
interior  ;  y  si  algo  he  sacado  de  ver  tanto  pi'caro  ha  sido  la  i Jea  de  que  pr  lo 
mismo  he  de  ser  yo  mas  hombre  de  bien.  Item  que  de  esto  me  he  formado  un 
sistema  del  quai  pr  ningun  acontecimiento  prospéra  û  adverso  me  apartaré 
hasta  morir;  y  que  para  perfeccionarlo  hago  un  estudio  formah'simo  qe  prefiero, 


1.  No  sera  inûtil  recordar  el  trozo  siguiente  Je  las  Cartas  Marrtiecas  : 
Hoy  no  lia  sido  dia  en  mi  apartamento  hasta  medio  dia  y  medio.  Tome  dos  tazas  de 
thé  :  pûseme  un  deshabillé  y  bonete  de  noche  :  hize  un  tour  en  mi  jardin  :  lei  cerca  de 
ocho  versos  del  segundo  acto  de  la  zaira.  Vino  Mr.  Labanda  :  empecé  mi  toeleta  :  no 
estuvo  el  Abate.  Mandé  pagar  mi  modista.  Pasé  a  la  sala  de  compania  :  mesequé  toda 
sola.  Entrô  un  poco  de  mundo;  jugué  una  partida  de  mediator  :  tiré  las  cartas.  Jugué  al 
piqueté.  El  maitre  de  hôtel  aviso.  Mi  nuevo  Xefe  de  cocina  es  divino,  él  viene  de  arrivar 
de  Paris.  La  crapaudina  mi  plato  favorito  estaba  deliciosa.  Tome  café  y  licor.  Otra  partida 
de  quince;  perdi  mi  todo.  Fui  al  espetàculo  ;  la  pieza  que  han  dado  es  exécrable  :  la 
pequena  pieza  que  han  anunciado  parael  Lunes  que  viene,  esmuy  galante,  pero  los  actores 
son  pitoyables  :  los  vestidos  horribles,  las  decoraciones  tristes.  La  mayorita  cantô  una 
cabatina  pasablemente  bien.  El  actor  que  hace  los  criados,  es  un  poquito  extremado,  sin 
eso  séria  pasable.  El  que  hace  los  amorosos,  no  jugaria  mal;  pero  su  figura  no  es  previ- 
niente.  Es  menester  tomar  paciencia,  porque  es  preciso  matar  el  tiempo.  Sali  al  tercer 
acto  y  me  volvi  de  alli  à  casa.  Tome  delà  limonada  :  entré  en  mi  gabinete  para  escribirte 
esta  porque  soy  tu  véritable  amiga.  Mi  hermano  no  abandona  su  humor  de  misantropo  : 
él  siente  todavi.i  furipsamente  el  siglo  pasado  y  no  le  pondre  jamas  en  estado  de  brill.ir  : 
aora  quiere  irse  à  su  provincia.  Mi  primo  ha  dexado  à  la  joven  persona  que  él  entretenia. 
Mi  tio  ha  dado  en  la  devocion  ;  ha  sido  en  vano  que  yo  he  pretendido  hacerle  entender  la 
razon.  Adios,  mi  querida  amiga,  hasta  otra  posta,  y  ceso  porque  me  traen  un  domino 
nuevo  para  ensayar. 


304  JOSE    CADALSO 

con  no  poca  estimacion,  d  los  qe  tuve  quando  nino  y  joven;  porque  miro  esto 
corao  principal  dcber  y  digna  ocupacion  del  nombre  ;  y  al  contrario  solo  aprecio 
como  meras  diversiones,  pasatiempos  y  adornos  quanto  se  puede  aprender  y 
ensenar  de  gramàtica,  retôrica,  poesia,  lenguas  muertas  y  vivas,  philosophia 
antigua,  phi'sica  moderna,  derecho  de  gentes,  historia,  mathemdticas,  y  mas 
lejos  iba  a  estender  este  catâlogo  de  lo  que  llaman  ciencias  ,  pero  suspendo  por 
temor  de  que  llegue  d  Salamanca,  y  el  claustro  pleno  me  anathemalise,  etc. 

De  mas  a  mas  diga  vm.  al  consavido  que  me  debe  a  mi  carta  sin  fecha  una 
respuesta,  y  que  a  trueque  de  ver  algo  de  su  alegre  genio,  juro  sobre  el  santo 
Libro  de  los  fueros  de  Vizcaya,  Guipuzcoa  y  Alava,  no  olvidar  ni  perdonar 
esta  deuda,  ni  en  la  présente  vida  ni  en  la  futura,  ni  para  aqui  ni  para  delante 
de  Dios.  —  Que  para  vengar  este  agravio,  si  le  alcanzo  en  dias  volveré  desde 
los  Campos  Eliseos  con  Aqueronte,  y  en  su  barca  traeré  d  Sisifo,  a  Tantalo,  a 
los  Titanes,  al  Briareo,  d  los  Centauros,  a  las  Scylas,  d  la  Quimera,  d  las  Har- 
pias,  Gorgonas,  Lapythas,  Ixion,  Eumenides,  y  toda  la  comparsa  infernal,  con 
aquello  de  las  achas,  culebras,  vivoras,  sierpes,  cerbero,  por  adelante,  hasta  su 
alcova,  y  armard  toda  esta  quadrilla  tal  estrépito  ,  estruendo,  rumor,  bulla, 
ruido,  griteria,  alaridos,  gemidos,  silbidos,  barahunda,  confusion,  horror,  tem- 
pestad,  tormento,  alboroto,  terremoto,  que  no  podrd  menos  de  dispertarse 
nuestro  buen  gefe,  sudar,  temblar,  dudar,  cerrar  los  ojos,  cubrirse  con  la 
almohada,  llamar  al  padre  capellan,  y  si  acaso,  por  quanto  dho  gefe  (tomemos 
un  polvo,  v  un  poco  de  aliento  que  yo  me  hallo  cansado  de  escrivir  tanto 
desatino,  y  vm.  lo  estard  mucho  mas  de  leerlos),  si  acaso,  repito,  nuestro 
gefe. . . 


    DON    NICOLAS   FERNANDE/.    DE   MORATIN 

(BibJiokca  National  de  Madrid,  P.V.  40— C.  s  S  —  N°  46.) 

Malvado  Moratin  :  No  solo  le  reprocho  d  vmd.  el  no  haverme  respondido  d 
mi  ûltima,  sino  que  le  encargo  me  escriva  de  nuevo,  y  me  envie  alguna  com- 
posicion  suya,  particularmente  de  lo  herôico  épico  6  pinddrico  ;  porque  d  mas 
del  gusto  que  tendre  en  verlo,  lo  deseo  tambien  por  complazer  d  Meléndez  y 
otro  que  bien  baila  que  continuamente  me  piden  cosas  de  vmd.  como  si  las 
tuviera  en  el  bolsillo,  ô  fuera  fdcil  hacerle  d  vmd.  hacer  una  cosa  buena  quai  lo 
séria  esta. 

Remito  d  vmd.  los  adjuntos  himnos  en  sdficos  ù  adônicos,  digo  sobie  poco 
mds  ô  menos  pues  tengo  muv  bajo  concepto  de  las  lenguas  vivas  para  créer 
que  quepa  en  ellas  la  harmonia  fija  de  brèves  y  largas  de  cuya  colocacion  y 
numéro  hicieron  los  griegos  y  latinos  sus  versos  :  pero  en  fin  alla  van  taies 
quales  me  los  ha  inspirado  una  nueva  pasion  que  acabô  al  empezar,  y  muriô  en 


OBRAS    INEDITAS  305 


la  cuna.  La  consonancia  del  segundo  verso  con  la  mitad  del  tercero  es  imitado 
de  Estevan  de  Villegas  y  creo  que  no  es  importuna  salvo  meliori  sententia  quai 
es  la  de  vmd.  a  la  que  me  remito. 

Aun  no  me  ha  dicho  Mr  Dupont  si  ha  recivido  la  carta  francesa  que  le  escrivi 
dirigida  à  la  fonda  de  S"  Sébastian  :  pregûntesele  vmd.  en  mi  nombre  para 
sacarme  de  esta  duda. 

Agur. 


A   DON   NICOLAS    FERNÀNDEZ  DE  MORATIN. 

(Biblioteca  National  de  Madrid,  P.V.  _/°  —  C.  3$  —  No  77.) 

Malvado  Moratin  :  recivo  la  carta  dogmdtico-poëtica  pero  haciéndole  yo 
menos  favor  a  nuestra  lengua  que  cl  que  vmd.  le  hace,  no  me  parece  practicable 
la  observacion  teôrica,  y  mucho  menos  la  prâctica  colocacion  de  las  brèves  y 
largas  :  tengo  por  imperceptible  toda  quantidad  que  no  sea  —  u  larga  en  los 
finales  que  llamamos  agudos,  y  v  6  brève  en  las  penûltimas  de  los  esdrûjulos  : 
todas  las  demds  sîlabas  me  suenan  indiferentes  en  este  oido  vizcaino  cuyo  tim- 
pano  debe  ser  tan  duro  como  el  hierro  de  su  patria.  La  derivacion  latina  sin 
duda  debera  guiarnos  pero  como  distinguiremos  v.  g.  la  a  final  de  musa  que 
en  el  nominativo  y  vocativo  es  brève  Mûsâ,  y  en  el  ablativo  es  largo  Mûsâ?  De 
estas  y  otras  consideraciones  me  he  hecho  un  sistema  tan  cômodo  de  prosodia, 
como  lo  es  la  Ley  de  Dios  pues  se  reduce  como  vmd.  sabe  y  prâctica,  a  dos 
mandamientos,  d  saver,  amar  à  Dios  sobre  todas  las  cosas  y  al  proximo  como  à  si 
viisino. 

Los  sonetos  se  leerdn  en  la  academia  de  Meléndez  y  su  companero  que  jun- 
tos  me  hacen  tertulia  dos  horas  todas  las  noches  leyendo  nuestras  obras  û  las 
agenas  y  sujetandose  cada  uno  de  los  très  d  la  rigurosa  cn'tica  de  los  otros  dos. 
Dentro  de  poco  tendra  vmd.  un  quaderm'llo  de  poesias  de  Meléndez  :  entre  otras 
hay  una  elegia  a  la  muertede  mi  Philis,  imitada  delà  de  vmd.  a  la  de  la  Reina1, 
que  le  ha  de  gustar  d  vmd.  no  solo  por  verse  hecho  modelo,  sino  por  el  ménto 
esencial  delà  imitacion.  Me  han  gustado tanto  las  composiciones  de  este  joven 
que  no  obstante  mil  cosillas  que  traigo  entre  manos  he  compuesto  con  este  mo- 
tivo  la  siçaiiente 


1.  Es  la  elegia  que  empieza  asi  : 

j  Oh  !  rompa  ya  el  silencio  el  dolor  mio 


306 


JOSE    CADALSO 


Sigue  cou  dulce  lira 
el  métro  blando  y  amoroso  accento 

que  el  gran  Phebo  te  inspira  ; 

pues  Venus  te  da  aliento, 
y  el  coro  de  las  musas  te  oye  atento. 

Sigue,  joven  gracioso 
de  mirto,  grato  à  Venus,  coronado: 

y  quedarà  embidioso 

aquel  siglo  dorado, 
por  Lasos  y  Villegas  afamado. 

Dichosa  la  Zagala 
à  quien  le  sea  dado  el  escucharte, 

pues  tu  musa  la  iguala 

à  la  Diosa  de  Marte  : 
tal  es  la  fuerza  de  tu  ingenio  y  arte. 

Aunque  mas  dura  sea 
que  màrmoles  y  jaspes  de  Granada, 

quai  otra  Galatea, 

ô  sea  màs  helada 
que  fuente,  con  los  hielos,  estancada. 

Al  punto  que  te  oyere 
te  ofrecerà  su  càndido  re *azo  ; 

si  tu  voz  prosiguiere, 

te  estrecharâ  su  brazo; 
v  Amor  aplaudirâ  tan  dulce  lazo. 


Mas  ay  de  aquellos  necios 
que  intenten  competir  con  tu  blandura! 

solo  hallaràn  desprecios 

de  aquella  bermosura 
que  una  vez  escuchàre  tu  dulzura. 

Diran  su  rabia  y  zelos 
en  el  bosque  màs  lôbrego  metidos, 

injuriando  a  los  cielos  ; 

y  oyendo  sus  gemidos, 
responderàn  las  fieras  con  bramidos. 

La  entrada  del  Averno 
parecerâ  aquel  bosque  desdichado  ; 

y  do  tu  métro  tierno 

huviere  resonado 
el  campo  que  a  los  buenos  darà  el  hado. 

Paso  mi  primavera, 
(los  anos  gratos  al  amor  y  à  Phebo 

quien  revocar  pudiera  !) 

y  à  juntar  no  me  atrevo 
mi  voz  cansada,  con  tu  tu  aliento  nuevo. 


Si  no.  yo  cantaria 
al  tono  de  tu  lira  mis  amores; 
y  al  tono  de  la  mia 
cantâras,  entre  flores, 
a  ton  i  tas  las  aves,  y  pastores2. 


Y  las  otras  pastoras 

de  embidia  correràn  por  selva  v  prado: 
y  ver.i   la  que  adoras 
el  triumpKo  que  lia  ganado 

por  baver  tus  ternezas  escuchado. 


Sigue,  signe  cantando  ! 
no  pierdas  tiempo  de  ht  edad  Honda 

que  yo  vov  acavando 

mi  fastidiosa  vida 
en  milicia,  v  en  coït?  mal  perdida. 


i.   Publicada  :  variantes  en  it.ilicas. 

2.  En  las  obras  impresas,  se  lee  : 

Cantâras  tiitre  flores 
conio  suelen  acordes  ruisi 
aïonius  Ijs  aves  y  pastores. 


OBRAS    INEDITAS 


307 


En  alas  de  la  fama 
tus  versos  llegardn  a  mis  oidos, 

si  la  trompa  me  llama 

a'  los  moros  vencidos 
û  à  los  indios  de  Apache  embravecidos. 

o  al  antàrtico  polo 

llevando  las  banderas  del  Gran  Carlos 
dirame  siempre  Apolo 
tus  versos;  y  a.  escucharlos 

acudirân  las  gentes  y  a  alabarlos. 

Ni  el  estrépito  horrendo 
de  Neptuno  que  ofrece  muerte  impia, 

ni  de  Marte  el  estruendo 

turbarà  el  aima  mia, 
si  suena  en  mis  oidos  tu  harmonia. 

Aun  quando  dura  Parca 
mayores  plazos  à  mi  vida  niegue, 

y  en  la  funèbre  barca 

por  la  estigia  navegue 
y  ;i  las  delicias  del  eliseo  llegue  ; 

Oiré  quando  Catulo 
â  la  sombra  de  un  mirto  recostado, 

con  Propercio  y  Tibulo, 

lea  maravillado 
los  versos  que  tu  musa  te  ha  dictado, 


Quando  acudan  ansiosos 
Laso,  y  Villegas  al  sonoro  accento, 
repitiendo  embidiosos  : 
«  i  que  celestial  portento  ! 
j  â  quien  ha  dado  Apolo  tanto  aliento?  » 

Yo,  que  serè  testigo 
de  tu  fortuna,  que  tendre  por  mia, 

dire-  :  yo  fui  su  amigo 

y  por  tal  me  ténia 
gozando  yo  su  amable  compania  x . 

Harànme  mil  preguntas 
puesto  en  medio  de  todos  :  De  quien  ères  ? 

y  quantas  gracias  juntas  > 

y  â  quai  zagala  quieres? 
y  como  baila  quando  el  plectro  hieres? 

Y  con  igual  ternura 
que  el  padre  cuenta  de  su  hijo  amado 

la  gracia  y  hermosura, 

y  se  siente  elevado 
quando  le  escuchan  todos  con  agrado, 

Responderé  contando 
tu  nombre,  patria,  genio,  y  poesia  : 

y  asombrarànse,  quando 

les  diga  tu  elegia 
a  la  memoria  de  la  Philis  mia. 


Tambien  le  he  compuesto  con  el  mismo  motivo  là  siguiente 


Quando  Laso  muriô,  las  nueve  hermanas 
lloraron  con  tristisimo  gemido  : 
destemplaron  las  liras  soberanas 


que  solo  daban  lugubre  sonido  : 
gimieron  mas  las  musas  castellanas, 
creyéndose  entregadas  al  olvido. 
Mas  Phebo  dijo  :  aliéntese  el  Parnaso; 
Meléndez  nacerà  si  muriô  Laso. 


1.  En  las  obras  impresas  se  lee  : 

y  por  tal  me  queria 
V  en  dulcisimos  versos  lo  decia 
gozanjo  yo  su  amable  compania. 

2.  Figura  en  las  obras  impresas.  Las  variantes  van  en  itâlicas. 


308  JOSÉ    CADALSO 


Veo  la  gran  pereza  de  vmd  en  no  querer  copiar  sus  poesias  :  haga  vmd.  una 
cosa  buena  que  es  remitirnos  por  el  ordinario  un  monton  de  ellas  :  por  aca  las 
veremos  despacio,  las  extractaremos  y  se  le  devolverân  pr  conducto  seguro. 

Esto  pide  la  academia,  y  con  sus  voces  y  veces 

Dalmiro. 

Se  solicita  saverquando  ha  de  salir  el  8V0  tomo  del  Parnaso1. 

Item  que  busqué  vmd.  a  sol  y  a  sombra  un  exemplar  de  mi  antigua  tragedia 
Don  Sancho  Garcia  y  que  me  la  remita  pr  el  correo. 

Item  que  pregunte  vmd.  a  Dn  Vicente  de  los  Rios  d  quantas  estamôs  de  la 
impresion  de  Villegas. 

Item  que  retratos  nos  dard  el  8vo  tomo  del  Parnaso. 


A    DON    TOMAS    DE    IRIARTE 

Biblioteca  National  de  Madrid,  Ms.  K.  356. 
1 

Mi  querido  v  muy  apreciable  amigo  :  Concluida  mi  corta  licencia  me  fué 
imposible  obtener  prorroga  alguna,  con  lo  quai  me  vi  obligado  a  venirme  con 
toda  precipitacion  por  no  perder  la  revista  à  este  destino  que  aseguro  a  vmd. 
ser  el  mas  infeliz  que  he  tenido  en  la  vida,  sin  que  pueda  figurarme  que  le 
haya  peor  en  todas  las  pobres  provincias  de  fira  penfhsula;  mediante  lo  quai  se 
me  hace  cada  dia  mâs  tedioso  este  ofkio. 

jDichoso  vmd.  que  vive  quieto  disfrutando  el  descanso  apetecible  de  la 
vejez  mezclado  con  los  gustos  de  la  juventud,  y  en  la  lectura  y  cultivo  de  las 
letras  que  debieran  ser  la  ûnica  ocupacion  de  los  nombres;  pues  es  la  iinica 
cosa  que  los  puede  hacer  mejores  y  mâs  sabios!  Anadiria  yo  de  buena  gana 
otrascosas  que  me  representan  como  muy  enbidiable  la  vida  de  vmd.  pero  las 
callo  todas,  menos  la  compania  de  dos  tan  amables  hermanos ,  a  quienes  dard 
vmd.  un  abrazo  muy  estrecho  de  mi  parte.  Yo  nunca  tuve  hermanos,  ni  ami- 
gos,  sino  los  comunes. 

Nunca  me  ha  sido  tan  sensible  la  salida  de  Madrid  como  ahora,  porque 
habia  hecho  ânimo  de  entablar  mi  gran  pretension  que  es  la  de  retirarme;  v  de 
imprimir  una  obrilla  la  quai,  sin  mi  presencta,  nunca  podra  salir  i  mi  gusto; 
siendo  lo  peor  de  todo  esto  que  el  mismo  dia  que  me  desaviaron  de  quédar  en 


1.   Fué  publicado  en  1774,  y  el  sétimo  en  1773  ;  puede  conjeturar.se  que  esta  carta  fué 
escrita  à  fires  de  1773  ô  â  principios  de  1774. 


OBRAS    INEDITAS  309 


Madrid ,   se  havia  presentado  en  el  Consejo  ;  de  modo  que  aqui  viene  bien  lo 
de  Le  vin  est  tiré  :  il  faut  le  boire. 

Supongo  que  ya  havrd  vmd.  recobrado  el  manuscrito  de  sus  poesias  :  avîse- 
melo  vmd.  para  mi  quietud  sobre  este  particular  y  para  en  caso  de  no,  escrivir 
que  se  lo  devuelva  el  sugeto  en  cuya  mano  quedô  que  es  de  toda  mi  confianza. 

Repito  à  vmd.  y  a  los  suyos  una  y  mil  veces  mi  inûtil  pero  cordial  amistad  y 
las  veras  con  que  les  soy  afecto. 

Cadat.so. 

PorMérida,  Montijo  31  oct.  1774. 

Sr.  Don  Thomas  Iriarte. 


Ni  al  saulo  el  voto,  niai  nifio  el  coco.  Con  que  asi  ha  hecho  vmd.  muy  mal  en 
no  darme  las  noticias  que  me  prometiô  del  papelote  panegîrico  del  Padre  Flo- 
rez  ;  siendo  asi  que  mi  curiosidad  esta  sumamente  exaltada  con  la  idea  que  for- 
mé en  vista  del  que  se  hizo  para  el  Padre  Sarmiento  y  vmd.  se  sirviô  extractar 
para  mi  consuelo.  No  le  perdono  d  vmd.  la  omision,  ni  se  la  perdonaré  in  arti- 
culomortis  quando  tenga  un  padre  capuchino  a  mi  derecha,  un  agonizante  a  mi 
izquierda,  el  bacin  a  la  cabecera,  el  orinal  d  los  pies  y  todo  lo  restante  de  estas 
comparsas.  Si  desdelacama  voy  al  cielo  como  lo  espero  de  los  méritos  de  Jesu- 
christo,  intercesion  de  la  Virgen  de  Atocha,  y  oraciones  de  una  tia  monja  que 
tengo  en  opinion  de  santa,  perderd  vmd.  mucha  parte  de  mis  buenos  oricios 
con  Dios,  por  esta  sola  culpa,  y  si  me  condeno  lo  que  no  permita  la  Virgen 
santi'sima  que  suceda  d  mi  ni  d  ningun  devoto  de  su  rosario,  le  atormentaré 
a  vmd.  en  suefios  haciendo  todas  las  noches  el  viaje  arrastrando  cadenas, 
echando  fuego  por  los  ojos  y  boca,  llenando  el  quarto  de  humo,  apestando  a 
azufre,  y  dando  unos  ahullidos,  rugidos,  relinchos,  rebuznos,  chillidos  y  otros 
gritos  que  se  ha  de  ver  vmd.  muy  negro  si  no  tiene  la  precaucion  de  poner  en 
sus  puertas  y  ventanas  un  letrero  que  diga  :  Ave  Maria  Padre  Roxas  û  otro 
conjura  semejante  de  los  que  hay  muchos,  y  vmd.  supiera  algunos  de  memo- 
ria ,  si  mirase  mas  por  su  pobrecita  aima  que  estard  save  Dios  como  :  Sobre 
cuyo  ûltimo  asunto  no  quiero  dilatarme  por  no  faltar  d  la  caridad  fraterna  ; 
pero  este  escrûpulo  no  me  ha  de  bajar  de  un  grado  el  zelo  para  la  salvaciôn  de 
las  aimas  de  mis  prôjimos  :  y  asi  me  reservo  la  facultad  de  acudir  d  la  piedad  y 
autoridad  de  sus  dos  hermanos  mayores  para  que  corrijan  al  hermano  menor, 
y  le  vuelvan  d  poner  en  el  camino  de  la  salvaciôn,  del  quai  se  ha  apartado 
sobradamente  :  con  cuyos  saludables  consejos  y  edificantes  exemplos,  ayudados 
de  mis  fervorosas  oraciones,  aun  espero  verle  d  vmd.  digno  de  gozar  la  vida 
eterna,  ad  quant  nos  perducat  etc.  Amen. 


10  JOSE    CADALSO 


Se  encarga  un  padre  nuestro  y  un  ave  maria  por  el  peligro  en  que  esta  el 
aima  del  predicador  por  la  vecindad  de  una  mozuela  que  vive  frente  por  frenie, 
y  tiene  dos  ojos  como  dos  îizones  sacados  del  infierno  para  abrasar  al  siervo  de 
Dios. 

Chantas  d  parte  soy  de  vmd.  y  de  sus  hermanos  muy  de  veras. 

Cadalso. 

Lo  de  chantas  y  veras,  que  tal  ? 


Ave  Maria. 

Mil  veces  me  he  puesto  a  escrivir  a  Vra.  Charidad,  hermano  en  Christo, 
sobre  la  muerte  de  los  dos  famosos  monstrnos,  como  Vra.  Charidad  los  llama 
con  todo  tervor  religioso,  pero  el  mal  enemigo  de  rïro  bien  espiritual,  aquel 
que  en  alianza  con  el  mundo  y  la  carne  se  opone  à  que  ganemos  el  reino  de  los 
cielos,  me  distrae  de  tan  santa  empresa,  poniendo  ante  mis  ojos  cierto  objeto 
de  concupiscencia,  cuya  vista  atormenta  la  quietud  de  mi  espîritu,  y  me  causa 
aquellos  vivos  estîmulos  de  la  carne  de  que  se  queja  tan  energicamente  Pablo, 
el  apôstol  de  lasgentes,  y  vaso  de  eleccion.  No  obstante  el  remedio  de  ayunos, 
cilicios,  oraciones,  y  los  restantes  que  aconsejan  todos  los  doctores  misticos, 
siento  una  ley  en  mi  sangre  contraria  a  la  divina,  y  como  nombre  frdgil,  hecho 
del  lodo,  y  concebido  en  pecado,  he  hecho  repetidas  veces  la  déplorable  espe- 
riencia  de  que  pienso  mas  en  cierta  Samaritana  que  en  todos  los  elefantes  del 
Asia  y  todos  los  carmelitas  de  Europa. 

Y  para  que  veais,  hermano,  quan  d  paso  de  gigante  camina  la  propagacion 
del  darïo,  llegué  pocas  noches  ha  a  figurarme  que  yo  no  era  espanol  ni  chris- 
tiano,  ni  vivia  en  Salamanca,  ni  en  el  afïo  que  segun  el  almanak  del  sucesor 
de  Don  Diego  de  Torres  es  6973  de  la  creaciôn  del  mundo  (antesde  cuya  época 
esta  tierra  que  pisamos  era  sin  duda  alguna  inanis  et  vacua  el  tenebra  erant  super 
faciem  abyssi  segun  Moises  en  el  libro  del  Genesis  hebraice  rvtL\\°2  sive  Beresith 
y  segun  Ovidio 

rudis  indigestaque  moles  etc. 

en  el  primer  libro  de  sus  transformaciones  :)  figuréme  bien  al  contrario  ser  yo 
un  poeta  griego  que  por  extravagancia  sabia  el  espanol  como  algunos  espaiïo- 
les  saben  el  griego  :  llena  la  cabeza  de  Dioses,  templo,  aras,  urnas  etc.  com- 
puse  a  Cupido  y  a  su  senora  madré  los  himnos  adjuntos  en  sàphicos  y  adôni- 
cos  que  remito  d  Vra.  Charidad  y  d  sus  hermanos  para  que  se  lean  en  el  primer 
capftulo  que  celebren  ;  con  protesta  de  que  comprehendo  muy  bien  que  en 
ninguna  de  las  lenguas  vivas  pueden  hacerse  talcs  versos  porque  rïras.  proso- 
dias  no  senalan  la  quantidad  de  todas  las  silabas  :  con  que  asi  lo  de  sdfico  y 
adônico  pretendo  se  entiendan  sobre  poco  mas  6  menos. 


OBRAS    INEDITAS  3  I  I 


En  medio  de  la  afliccion  que  me  causa  esta  tendencia  mia  â  lo  que  no  es  mas 
que  un  muladar  cubierto  de  nieve  (segun  Fray  Luis  de  Granada)  he  tenido 
estos  dias  un  consuelo  espiritual  que  ha  llenado  mi  aima  de  gozo.  El  caso  es 
como  sigue. 

Desde  que  tuve  uso  de  razon  (digo  ratkviis  ratiocinantis)  me  ha  llenado  de 
espanto  la  posesion  de  las  Américas  y  destruction  de  unos  14  millones  de  ai- 
mas hecha  por  unos  quantos  extremehos  que  fueron  alla  a  predicar  à  canona- 
zos  la  ley  del  Cordero  que  los  ancianos  vieron  sobre  el  Libro  de  los  Sellos  (Apo- 
cal.  Sn  Juan.  Cap.  V).  Pero  acaban  de  defenderse  en  este  claustro  pro  Univer- 
sitate  unas  conclusiones  tocantes  â  estos  asuntos  y  entre  otras  una  dice  asi  ni 
mas  ni  menos  : 

THEOREMA    SEXTUM. 

at  cum  in  Scripturis  canonicis  pcr  D.  P.iulum  tcstetur.  Quid  enitn  mihi  de  iis  qui  foris 
sunt  judicare  disserendum  venit  an  Ferdinand.  V  et  Elisabeth,  ob  eximiam  religionem 
catholicis  cognqjninatis,  S.  P.  AlexanderVI.  ann.  1493,  jure  ac  débite  ex plumbaria  Bulla 

committeret,  ut  hos  Indos  hispanico  subjicerent  imperio,  et  ad  Christi  fidem  reducendos 
curarent?  Nos  vero  havito  respectu  ad  dicta,  non  solum  affirmative,  verum  et  in  bello 
indico,  ita  processisse  contendimus,  prout  ad  tôt  Catholicos  decebat  Dynastas. 

Con  esto  me  he  aquietado  hecho  cargo  de  las  fuertes  razones  que  aqui  se 
irasinuan,  siendo  mucho  mayor  mi  humildad  que  la  de  algunos  doctores  que 
arguyendo  sobre  esto  se  dijeron  cosas  poco  conformes  i  la  charidad  christiana  y 
que  pasaban  de  correccion  fraterna. 

Otra  plumbaria  bulla  (que  para  eso  la  he  rayado)  sea  concedida  a  vos  y  vros. 
hermanos  para  que  tomeis  segura,  légitima  y  quieta  posesion  de  los  cielos. 
Amen. 

4 

Estimado  amigo  :  Sacaré  una  copia  del  Poema  Philosôphico  que  vnid.  me 
remite  y  le  devolveré  el  original. 

En  mis  Carias  marruecas  (obra  que  compuse  para  dar  al  ingrato  piiblico  de 
Espana,  y  que  detengo  sin  imprimir  porque  la  superioridad  me  ha  encargado 
que  sea  militar  exclusive)  he  tocado  el  mismo  asunto  aunque  con  menos  serie- 
dad.  Copiaré  de  mi  borrador  la  que  lo  trata,  y  alla  ird. 

Pero,  amigo,  no  hay  patria.  Todo  lo  que  sea  patriotismo  es  quando  menos 
inûtil  ;  tal  vez  peligroso.  Vmd.  créa  que  desde  los  chapuceros  â  quienes  viô 
Phelipe  2°  le  hicieron  créer  que  para  que  un  pueblo  fuese  fâcil  de  governar  era 
preciso  empobrecerlo,  desnudarlo,  abatirlo,  y  arrastrarlo,  no  se  lia  pensado 
sino  en  ello.  De  aqui  vino  una  série  larga  y  cruel  de  providencias  tomadas  para 
llevar  aquella  idea  a  efecto  total  y  cumplido.  Se  ha  logrado  tan  al  pié  de  la 
letra  que  ningun  hombre,  no  digo  patriota,  pero  solo  racional  y  humano,  se 
desmaya  de  dolor  al  ver  toda  hra.  peninsula  y  mucho  mas  si  la  compara  con 


12  JOSE    CADALSO 


otros  paises  de  Europa  bien  inferiores  â  ella  en  clima,  suelo  etc.,  etc,  y  cien 
mil  êtes.  De  quando  en  quando  se  ha  hecho  como  que  se  queria  mirar  por  esta 
patria,  pero  a  vuelta  de  una  distraction  semejante  (pues  se  [puede  llamar  dis- 
traccion)  han  retrocedido  las  gentes  al  sistema  destructor. 

Siendo  esto  asi  y  desde  este  punto  de  vista  que  llaman  los  franceses,  veo  très 
clases  de  espanoles.  Los  de  la  primera  son  los  ignorantes,  tan  lejos  de  compa- 
decerse  de  su  pais  natal ,  que  no  creen  haya  en  el  mundo  tierra  que  igualar 
con  él.  Los  de  la  segunda  sienten,  lloran,  gimen,  el  todo  inutilmente;  tal  vez 
hablan  ;  y  entonces  se  les  hace  callar.  Los  de  la  tercera  ven  el  mal,  no  ignoran 
el  remedio,  pero  conociendo  taies  y  taies  obstâculos  imposibles  de  vencer  se 
meten  en  unrincon.  De  aqui  el  Egoismo,  mas  inocente;  el  otro,  el  Egoismo  hor- 
roroso,  culpable,  maquiavelistico,  iniquo,  es  el  que  se  reduce  a  fabricar  su  casa 
en  las  ruinas  de  la  nation. 

Quan  lejos  nos  llevarian  las  reflexiones  que  naturalmente  dimanan  de  esto? 
no  quiero  contristar  su  corazon  de  vmd.  ni  el  mio  que  creo  igualmente  buenos 
y  por  consecuencia  igualmente  patriotas  :  y  asi  mudemos  concluyéndolo  con 
remitir  a  vmd.  una  copia  del  indice  de  dichas  Cartas  marruecas  por  las  quales 
vmd.  verâ  quantas  eran  las  que  iban  sobre  asuntos  que  tienen  conexion  con 
este. 

Al  hermano  ya  ausente  mil  expresiones,  al  présente  otros  tantos  abrazos  ;  y 
â  vmd.  otros  tantos  encargos  de  que  quiera  mucho  â  su  apasionado  invariable 
amigo 

Cadalso. 
5 

Querido  amigo  :  Â  la  fuente  por  agua.  Deseo,  y  necesito  me  diga  vmd.  muy 
despacio  ô  muy  deprisa,  segun  cl  tiempo  que  tenga,  todo  lo  que  le  parezea 
necesario  acerca  del  estilo  propio  de  las  inscripeiones  sépulcrales  paganas  y 
christianas;  asi  para  satisfacer  â  un  Erudito  de  por  acâ  como  para  confirmarme 
yo  mismo  ô  corregirme  en  la  idea  que  he  formado  de  ellas.  Esta  duda  se  ori- 
gine de  que  habiendo  extractado  un  monton  de  nombres  de  guerreros  ilustres 
antiguos  de  una  historia  de  Espana,  me  puse  por  diversion  â  acomodar  un  epi- 
tafio  corto  â  cada  uno  (no  como  el  Panthéon  extremeno  del  reverendo  Salas 
que  se  publicô  dos  anosha  en  Madrid)  sino  del  modo  que  vmd.  verâ  adjunto  '. 
De  cuya  lectura  me  dira  vmd.  con  voluntad  de  amigo  v  philôsopho  todo  quanto 
le  parezea,  con  igual  confianza  â  la  que  gasto  con  vmd.,  interrumpiéndole  sus 
ocupaciones  por  el  interés  de  literatura  )•  gusto  que  me  causan  sus  cartas. 

Un  abrazo  â  cada  hermano  y  todos  manden  à 

Cadalso. 


i.  Son  los  epitafios  que  publicamos  ahora. 


OBRAS    INEDITAS 


5M 


Talavera  la  Real,  16  de  Septiembre. 

Post  annos  XIV  in  obsessione  coiisiimptos, 

très  debellaios  exercitus,  totidem  vie  ta  imperatoret* 

summique  Scipionis 

frustra  contra   Numanliam  arma  gèrent is 

forlitudincm,  peritiam,    et    fortunam  superatas, 

nidlam  sperantes  salutem 

ga^as,  pneros,  maires,  senes,  Deos,  et  sctnelipsos 

in  combattant  patriam  projecerunt 

Nitmantini. 

Inconnu  memoriam  hoc  a  poste  ris  Hispanis  er  cet  uni  est 

monumentum. 

6 

Querido  amigo  :  Hagame  vmd.  la  fineza  de  decirme  si  ha  encontrado  en  ese 
archivo  algun  documento  por  donde  conste  que  sea  cosa  bien  hecha  el  olvidar 
a  los  sus  amigos.  Di'game  vmd.  que  ley  hecha  en  Cortes,  que  pragmâtica 
sancion  con  fuerza  de  tal ,  que  acuerdo  del  Consejo,  ô  que  diablo  Colorado, 
verde,  azul,  ô  pagizo  le  ha  metido  en  la  cabeza  el  no  hacer  caso  de  los  que 
andamospor  estos  montes  de  Extremadura  comiendo  bellota  utprisca  gens  mor- 
tàlium.  Mil  ahos  ha  (i  lo  menos  asi  me  lo  ha  parecido)  que  vmd.  no  me  escribe 
largo  ni  chico,  verso  ni  prosa,  serio  ni  jovial,  carta  ni  esquela.  Mire  vmd.  que 
i  todos  mis  trabajos  anteriores  se  me  ha  anadido  el  de  ser  sargento  mayo'r  de 
cavalleria,  oficio  en  que  sin  duda  alguna,  a  no  dulcificarme  vmd.  la  vida  con 
sus  renglones,  se  me  alarganin  las  orejas,  me  crecerâ  el  vello,  criaré  callo  en 
las  manos  y  pies  y  se  me  trocarâ  la  voz  en  rebuzno,  como  ha  sucedido  a  otros 
muchos  de  mis  gloriosos  antecesores. 

Que  dira  vmd.  quando  oiga,  vea,  û  lea,  û  todo  junto,  una  obra  militar  mia  ? 
Se  limpiarâ  vmd.  veinte  veces  los  ojos,  creyéndose  engahado  quando  vea  una 
leyenda  que  dice  asi  : 

Nuevo  sistema 

de 

Tactica,  Disciplina  y  Economia  para  la  Caballeria  espanola 

por  Don  Josef  C. 

Lo  estoy  acabando,  y  si  el  verano  é  invierno  que  viene  son  gente  de  paz,  iré 
a  Madrid  à  imprimirlo  :  Si  hay  guerra,  adios  la  teoria  y  todas  sus  bellas  espe- 
culaciones. 

Si  quiere  vmd.  saber  el  porque  lie  trabajado  este  asunto  ha  de  saber  vmd. 
que  son  dos  las  causas  impulsivas.  La  ia  es  que  me  he  visto  precisado  :i  repetir 

i.  Es  inûtil  advenir  que  Impcratorcs  signifka  générales  (Nota  de  CaJalso). 

Revue  hispanique.  20 


3  14  JOSE    CADALSO 


el  dicho  de  aquel  sugeto  que  dijo  en  cierta  ocasion  anche  son  io  pittore.  La  2* 
nace  de  aquella  copia  que  oî  cantar  una  vez  d  una  gitana  ojinegra,  canpi'cara 
etc.  y  era 

Mi  abuela  pariô  d  mi  madré  : 

mi  madré  me  pariô  d  mi  : 

en  mi  casa  todos  paren  : 

yo  tambien  quiero  parir. 

Cui'dese  vmd.  mucho  mds  que  al  archivo  :  olvideme  vmd.  menos  que  hasta 
ahora;  y  mande  vmd.  d 

Cadalso. 

Mil  cosas  d  los  hermanos. 

Montijo  io  de  1777  :  ya  me  canso  de  hacer  sietes. 


Estimado  amigo  :  Gracias  à  Dios  que  no  ha  encontrado  vmd.  en  ese  archivo 
documento  alguno  que  authorize  el  olvido  de  los  amigos,  antes  bien  ocasion 
para  escribirme. 

Acoto  la  obra  prometida,  y  dé  vmd.  en  mi  nombre  la  enhorabuena  a  su  her- 
mano  diplomdtico;  en  cuya  compania  Aid,  Thien,  Virthpintli,  Jehovah,  Jupi- 
ter, Dios,  y  el  gran  Causa  Causarum  guarde  d  vmd.  muchos  anos  como  desea 

CADALSO. 

Montijo  25  de  77. 

Se  me  olvidaba  el  vizcayno  Jaungoicoa  que  significa  Senor  de  alto  Nota  :  en 
el  idioma  cdntabro  no  hay  voz  que  signifique  directamente  Dios. 

8 

Haga  vmd.  quenta  que  he  entrado  en  su  quarto,  descalzo  de  pie  y  pierna; 
con  una  soga  al  cuello  ;  una  vêla  encendida  ;  la  melena  enmaranada  ;  la  barba 
hasta  aqui  (senalé  d  la  cintura);  los  ojos  bajos;  que  hice  très  jcnuflexioncs  d 
proporcionada  distancia  (si  su  quarto  de  vmd.  no  es  mayor  que  el  mio  volaron 
de  las  3  las  dos);  que  por  sérias  pedi  licencia  para  hablar;  que  negdndomela 
vmd.  por  hallarse  de  un  humor  de  todos  los  diablos,  me  fui  d  la  cocina,  v  me 
cubrl  el  cuerpo  deceniza;  y  volvi  de  rodillas  ante  su  acatamiento,  solicitando 
la  misma  gracia;  que  vmd.  me  la  concediô,  por  que  ya  sève,  séria  muchisimade 
la  crueldad;  y  querespirando  dije,  ô  que  dije  suspirando,  ô  que  sin  suspirar,  ni 
respirar,  sino  d  manera  de  autômata  con  habla;  porque  el  dolor  me  navra 
stupefacto (no) stu|xliecho(tampoco)stupehacido (menos).  Comodiremos  esto? 
Que  el  dolor  me  habrd  automatizado  (tambien  suena  mal)  Cuidado  que  me  lie 
metido  en  un  berengenal  de  los  buenos.  Demos  otro  tiento  para  salir.  Digo 
pues  que  el  dolor  me  havrd  petrificado  (nada,  nada  :  que  me  llevardn  al  gavi- 


OBRAS    INEDITAS  3  15 


nete  de  la  Historia  natural),  me  bavrd  dejado  sin  habla  (largo  es  como  un 
demonio,  pero  no  tiene  remedio.)  Senor,  pequé.  Desde  mi  salida  de  Madrid, 
me  ha  escrito  vmd.,  me  ha  remitido  cosa  de  gusto;  y  yo  ni  siquiera  he  res- 
pondido  :  gracias,  amigo  del  aima.  Malhecho  no  tiene  escusa,  ni  la  hallo  ni  la 
busco.  Solo  tratode  que  vuelva  vmd.  a  escribirme,  mucho,  bueno,  y  fréquente. 
He  estado  en  el  campo  de  Gibraltar.  He  entrado  en  la  plaza  que  me  ha  gus- 
tado  muy  mucho;  me  he  embarcado  mandando  170  nombres  del  campo  de 
San  Roque  a  bordo  de  los  jabeques  del  Rey  :  salimos  dos  veces  de  Algeciras 
tras  losmoros;  no  dimos  con  ellos.  Nos  desembarcamos:  el  regimiento  cumpliô 
su  ano,  y  ahora  estoy  en  Utrera  para  lo  que  vmd.  quiera  mandar  d  su  amigo 

Cadalso. 
30  de  Mayo  79. 

9 

Mi  querido  y  apreciable  amigo  :  Las  cartas  de  vmd.  me  sirven  como  el  mand 
diz  que  servia  al  pueblo  circunciso.  Si  quiero  saber  noticias  de  su  salud  las  hallo 
en  su  carta  :  si  se  me  antoja  oir  buenos  versos,  los  hallo  alli  mismo  :  si  quiero 
lamentar  el  triste  estado  de  la  literatura ,  a  eso  me  saven  sus  renglones.  Pro- 
siga  vmd  escribiendo  siempreque  pueda;  porque  es  tal  el  tedio  que  inspira  este 
pueblo  que  ni  aun  para  escribir  tengo  gusto,  ni  aun  â  los  amigos  de  mi  mayor 
aprecio  como  vmd.  lo  es,  y  sera  siempre.  Esta  es  una  vida  indolente,  floja, 
insipida,  y  como  dejé  en  Madrid  mis  libros,  creyendo  que  habria  mucho  que 
hacer  con  el  nuevo  exercicio,  y  deseando  evitar  la  nota  de  estudioso  que  se  me 
ha  echado  en  cara  por  los  savios  de  mi  carrera,  me  hallo  mas  solitario  que 
en  la  Thebaida.  Por  lo  quai  vuelvo  y  volveré  mil  veces  d  repetir  a  vmd.  el 
encargo  de  que  me  escriba  diciéndome  quanto  ocurra  de  rc  litteraria. 

Si  se  disipa  esta  niebla,  hago  dnimo  de  limar  una  tragedia  que  iré  remitiendo 
a  la  censura  de  vmd.  por  actos  :  pero  me  temo  no  estar  para  ello. 

Mil  abrazos  d  cada  uno  de  los  dos  hermanos  y  toda  la  trinidad  mande  d 
quien  es  muy  devoto  de  ella  d  saver 

Cadalso. 
10 

Estimado  amigo  :  Su  hermano  de  vmd.  Dominguito,  que  es  mds  nombre 
de  bien  que  vmd.  (aunque  no  es  grande  la  ponderacion)  me  dijo  ténia  vmd. 
unos  4  millones  de  versos  que  remitirme  :  y  vmd.,  que  es  mds  picaro  que  su 
hermano  Dominguito,  (y  esta  si  que  es  exageracion)  no  me  ha  enviado  uno 
siquiera.  Porque?  Si  es  olvido,  lo  siento  mucho.  Si  es  pereza,  le  alabo  d  vmd. 
el  genio  ;  y  esto  mds  tiene  de  simpatia  con  el  mio.  Adonde  hay  cosa  como  no 
hacer  cosa  alguna?  Una  de  las  cosas  que  como  buen  Cristiano  alabo  en  la  divina 
é  inefable  Providencia  es  haver  criado  el  mundo  de  una  vez  y  dejar  luego  que 


3  I  6  JOSÉ    CADALSO 


losastrosden  su  giro,  las  estaciones  se  sucedan,  el  mar  fluya  y  refluya,  los  ani- 
males se  perpetuen  etc.  y  no  tener  que  renovar  cada  instante,  dia,  semana,  mes, 
arïo,  û  siglo,  cada  una  de  las  cosas  que  vemos,  y  de  las  que  no  vemos,  sino  a 
fuerza  de  microscopios,  y  telescopios,  amen  de  aquellas  à  que  no  alcanza  toda 
la  telescoperia  y  microscoperia  de  Londres.  Créera  vmd.  que  me  enfada  mj 
relox,  quando  con  harto  dolor  de  mi  corazon  me  pongo  a  considerar  que  es  pre- 
ciso  darle  cuerda  cada  24  horas?  Si  por  algo  deseo  mi  retiro  es  por  tener  un 
relox  de  sol  fijo  en  mi  huerto,  jardin  û  corral.  Vestirse,  desnudarse,  corner, 
descomer,  beber,  desbeber...  puede  haber  mayores  trabajos?  es  tanto  mi  odio 
al  movimiento  y  amor  à  la  quietud  que  queriendo  ponderar  mis  méritos  a  una 
moza  y  desear  mi  premio,  segun  aquello  de  que  dignus  est  mercenorius  mercede 
sud,  la  dije  muy  despacio  y  tomando  aliento  diez  ô  doce  veces  (lo  quai  daria 
buena  idea  de  mi  fervor  amoroso)  :  nirïa  va  he...  venido...  très...  ô  quatro... 
veces...  d  lo...  mismo...  y  ...nada?...  cruel!...  y  me  volvî  al  propio  paso  à  mi 
casa  :  me  tumbé  en  la  cama  y  dormi  seis  horas  de  siesta,  para  descansar. 
Quando  leo  que  ha  havido  hombre  que  ha  dormido  uno,  dos,  très,  ô  mds  dias 
seguidos,  me  muero  de  embidia.  De  todos  los  8  tomos  del  Parnaso  espanoi 
nada  leo  con  gusto  sino  la  cancion  del  sevillano  Herrera  al  sueno  :  la  se  casi  de 
memoria;  y  la  recito  todas  las  noches  al  tiempo  de  meterme  en  cama.  Léala 
vmd.  y  dîgamesi  no  tengo  razon.  Sisueno,nose  me  aparece  otro  objeto  que  el 
de  la  Pereza  quai  la  pinta  Boilcau.  Mdsquisiera  haver  compuesto  aquella  pintura 
que  la  Iliada,  Odisea,  Eneida,  Paradiso  perdido,  Jérusalem  rescatada,  Araucana, 
Henriada  etc.;  aquello  de 

soupire ,  étend  les  bras ,  ferme  Vœil,  et  s'endort. 

no  tiene  precio  y  vale  por  veinte  parnasos  griegos,  romanos  etc. 

Si  vmd.  es  del  mismo  humor  no  dudo  que  me  quedaré  sin  los  talcs  versos 
prometidos  por  mas  deseos  que  tenga  de  verlos.  Pero  haga  vmd.  un  esfuerzo, 
sin  exemplar,  y  mande  que  se  copie  algo  y  se  me  envie. 

Esta  es  la  provincia  mds  triste,  mds  calurosa,  mas  enferma,  mas  inhospitablc 
de  Espana  :  estoy  mandando  un  esquadron  en  uno  de  los  pueblos  mds  melan- 
colicos  de  ella  :  tengo  aqui  pocos  companeros,  y  los  taies  son  poco  sociables  : 
lie  dejado  mis  libros  en  Madrid  :  no  hay  por  aed  una  personaque  me  congenie  : 
he  tenido  mis  tercianas,  de  lasquales  nadie  se  libra  en  este  pais.  Con  que  estoy 
sumamente  melancôlico.  Escn'vamc  vmd.  y  me  volverd  el  aima  al  cuerpo,  pues 
segun  me  hallo,  creo  esta  la  casa  por  alquilar  y  el  dueno  se  ha  ido  d  picos  par- 
dos.  Conque  asi,  lo  dicho  diclio;  y  dando  vmd.  un  abrazo  d  cada  uno  de  sus 
dos  hermanos  de  parte  de  este  tan  devoto  de  esa  trinidad,  no  deseche  vmd.  de 
su  memoria  d  su  amigo  que  lo  es  con  todas  veras 

Cadalso. 


OBRAS    INEDITAS  317 


en  el  sobrescrito  Extremadura 

Por  Mérida  Talavera  la  Real  (no  la  Reina) 

Revmo  Pe  Provincial  : 

Mi  dueno  :  En  vista  de  la  carta  de  V.  P.  R"13  llamé  â  mi  celda  al  hermano 
Fr.  Joseph,  y  le  mandé  leer  très  hojas  del  Flos  Sanctorum  del  padre  Rivadeneira, 
dos  capitulos  de  los  exercicios  de  Sn  Ignacio,  y  una  hoja  de  la  Vénérable 
Maria  Agueda  de  Jésus,  ydespuésde  haberle  hecho  tener  média  horade  oracion 
mental,  y  recitar  los  siete  salmos  penitenciales,  le  hablé  sobre  el  asunto  consa- 
vido,  con  todo  el  fervor  que  me  inspira  ir0  la  obediencia  i  V.  P.  R.,  2do  el 
deseo  de  la  salvacion  de  su  aima  y  30  el  honor  del  convento.  Tuve  el  consuelo 
espiritual  de  ver  con  estos  mis  ojos  que  un  llanto  copiosi'simo  de  amargura  y 
arrepentimiento  le  inundaban  las  mejillas  obesas  y  coloradas  hasta  banarle  el 
vientre  inmoderado  y  protubérante,  de  tanta  magnitud  y  volumen  que  parece 
digno  de  qualquiera  jubilado,  y  no  de  un  lego  de  la  orden.  La  gracia  no  solo 
suficiente,  sino  la  eficienie  le  iluminô,  y  en  la  energia  de  las  voces  con  que 
abjurô  de  la  poesia  profana  éthnica,  Ovidiana,  Virgiliana,  Horaciana,  Catuliana, 
Tibuliana,  Properciana,  y  otras  ejusdem generis,  le  conoci  digno  de  participar  a 
las  oraciones  de  V.  P.  R.  a  las  que  le  encomiendo. 

Me  prometiô  dedicar  su  poesia  en  adelante  â  variosasuntos  misticos,  heremî- 
ticos,  claustrales,  dogmàticos,  tvangélicos,  monacales,  edificantes,  apostôlicos, 
verbi  gratin  : 

1.  —  A  las  cinco  llagas  de  S"  Francisco.  Odas anacreônticas. 

2.  —  A  San  Antonio  teniendo  el  nino  Jésus  en  cueros  sentado  en  su  mano 
derecha.  ïdilio  anacreôntico. 

3.  — A  San  Bernardo  echàndole  lèche  la  Virgen  en  la  boca,  como  se  ve 
en  los  quadros.  Sdficosy  adônicos. 

4.  —  A  San  Anton,  criando  su  puerco.  Caneton pindârica. 

5.  —  A  los  dos  Angeles  que  fueron  a  Sodoma  en  busca  de  Lot  y  escaparon 
de  un  fierochasco.  Seguidillas. 

6.  —  A  las  bodas  de  San  Josef.  Epitalamio,  sin  aquello  de  :  Feu,  Himeneo, 
■ven,  ven,  Himeneo. 

7.  — •  Al  Juicio  final,  Jdcara. 

8.  —  A  la  obra  del  P.  Sanchez  «  de  matrimonio  ».  Madrigal. 

9.  —  La  vida  de  S"  Pablo.  Romance  en  el  mismo  métro  que  los  de  Fran- 
cisco Esteban. 

Omnia  sub  correctione  S,œ  Rœ  Eclœ 

Perocomode  todoslos  sermones  y  consejos  el  exemplo  es  el  que  mas  fuerza 
hace,  yo  mismo  hago  animo  de  ayudarle  en  esas  obritas  orthodoxas;  por  mâs 
que  el  mal  demonio  tan  enemigo  de  nras.  aimas  como  de  la  buena  poesia  me 
sugiera  cada  dia  nuevas  especies.  Por  exemplo  un  Letor  joven,  y  vivo  de  nra. 


3 I 8  JOSÉ    CADALSO 


orden  (que  se  llama  Don  Juan  Meléndez  y  concurre  mucho  à  mi  celda  con 
libertad  christiana  y  religiosa,  mozo  algo  inclinado  a  los  placeres  mundanales, 
ri  las  hembras,  al  vino,  y  al  campo  y  sobre  todo  afecto  con  demasia  ri  estas  cosas 
modernas;acompanadodemuy  buena  presencia,  20  aiios  no  cumplidos,  ypoco 
respeto  ri  los  prelados)  entrô  el  otro  dia  al  tiempo  de  estar  yo  en  profunda 
meditacion  sobre  el  Infierno  de  Virgilio  con  aquello  de 

Di,  quitus  imperium  est  animarum,  Umbreeque  silentes, 

Et  Chaos,  et  Pblegeton,  etc.  etc. 

entra  el  susodicho  mancebo  y  me  dijo  poco  mas  6  menos  : 

«  Padre  maestro  :  Benedicite  :  Me  muero  quando  leo  algo  del  vénérable  Ana- 
creonte  ô  bien  en  su  hermosïsimo  original,  ô  ya  en  las  primorosas  traduccio- 
nes  é  imitaciones  del  Maestro  Villegas.  Cierta  delicia  ocupa  mi  espîritu  y  mi 
cuerpo.  Tengo  envidia  al  primero  y  zelos  del  segundo  y  asi  lie  compuesto  las 
siguientes  odas  por  el  estilo  de  estos  dos.  >) 

Leyômelas  (Padre  Revmo),  leyômelas;  y  quando  crei'  que  el  techo  caeria,  que 
el  suelo  se  abriria,  que  el  diablo  se.  lo  llevaria,  me  encantô  entre  otras  la 
siguiente 

ANACREÔNTICA 

Sobre  el  tcnior  de  In  vida  futura. 
Si  es  forzoso,  Belisa, 
morir,  y  nadie  puede, 
por  mucho  que  la  tema, 
librarse  de  la  muerte 
ni  conocer  tampoco 
lo  que  después  sucede 
ni  donde  nos  quedamos 
niquien  alla  nos  tiene, 
agora  que  vivimos 
gocemos  los  placeres 
los  gustos  y  delicias 
que  Venus  nos  ofrece. 

Del  mismo  ténor  son  las  otras  que  componen  un  corto  quaderno  con  tïtulo 
de  Datilo,  nombre  escandaloso,  v  piarum  aurium  ofensivo,  respecto  de  que 
como  V.P.  R.  save,  el  susodicho  Batilo  fué  un  muchacho  a  quien  el  viejo  rnal- 
vado  Anacreonte  queria  un  poquito  mâs  que  como  ri  prôximo,  al  exemplo  de 
Jupiter  para  con  Ganimedes,  Apolo  para  con  Hiacinto,  Alexandro  para  con 
Ephestion,  Socrates  para  con  Alcibiades,  y  etc. 

La  silva  amatoria  que  V.  P.  R>»»  se  sirve  enviarme  se  leera  en  mi  celda  i 
los  piadosos  que  acuden  ri  ella,  se  copiarâ  de  muy  buena  letra,  y  se  le  devol- 
verà;  pero  hasta  entonces  nondum  venit  hora  tua. 

Al  tal  Letorcillo  joven  y  di'scolo  he  procurado  apartar  de  la  errada  senda  de 


OBRAS    INEDITAS  3  19 


la  poesia  :  le  he  dicho  muchas  veces  quanta  lâstima  nie  causa  su  pesaminosa 
inclinacion,  y  quan  pro/echoso  le  séria  su  talento,  si  lo  dedicàra  d  otras  cosas 
mas  sôlidas  como  d  comentar  a  Aristôteles,  ô  à  compotier  algunas  novenas 
devotas  à  Santa  Ursula  y  sus  11.000  companeras  de  martirio  y  de  virginidad. 
Pero  la  arrastra  su  inata  malvada  tendencia  al  inflerno  con  todas  las  senales 
de  proscrito  pues  se  inclina  con  predeterminacion  phi'sica  al  dicho  pasatiempo, 
y  d  estudios  serios  de  peor  naturaleza  quales  son  el  Espi'ritu  de  las  Leyes  de 
Montesquieu,  el  derecho  de  gentes  de  Vatel,  y  otros  de  gran  perjuicio  espiri- 
tual,  en  conocido  detrimento  de  su  aima.  Aun  le  he  oido  hablar  con  respeto  de 
Newton  y  otros  mathemdticos  y  phisicos  buenos. 

No  obstante  le  estimo  mas  que  â  otro  algun  joven  novicio,  corista,  letor,  y 
aun  tengo  mds  concepto  de  él  que  de  muchos  padres  graves  catedrdticos,  jubi- 
lados,  presentados,  definidores,  y  viendocon  ldstima  no  solo  el  malogro  de  sus 
prendas  intelectuales,  sino  tambien  el  positivo  riesgo  que  corre  su  salvacion  lie 
procurado  apartarle  d  lo  menos  de  la  poesia  con  las  siguientes  amonestaciones 
(miento  :  no  irdn  hasta  el  correo  que  viene,  pues  no  pueden  estar  copiadas  d 
tiempo  para  el  de  esta  noche.) 

Encomiéndome  muy  de  veras  d  las  oraciones  de  los  hermanos  en  Christo  Fray 
Domingo  y  Fray  Bernardo,  como  tambien  d  las  de  V.  R.  suplicdndole  me 
eche  su  benedicion  y  me  tenga  muy  présente  en  sus  coloquios  con  Dios. 

Fray  Rotundo  de  la  Panza. 

Nota  :  Sin  perjuicio  de  remitir  ut  supra  lie  prometido  las  amonestaciones 
que  hice  al  dicho  Lectorete,  en  el  correo  que  viene,  hay  tiempo  y  lugar  opor- 
tuno  para  la  siguiente  octava  que  hice  luego  que  vi  sus  primeras  poesias  : 

Quando  Laso  nmriô,  las  nueve  hermanas 
lloraron  con  tristisimo  gemido  : 
destemplaron  sus  liras  soberanas, 
que  solo  daban  funèbre  sonido  : 
gimieron  mds  las  musas  castellanas 
creyéndose  entregadasal  olvido. 
Mas  Phebo  dijo  :  aliéntese  el  Parnaso  ! 
Meléndez  nacera,  si  muriô  Laso. 

P.  D.  —  Por  en  iar  todo  junto  no  fué  esta  carta  al  correo  pasado,  dete- 
niéndose  hasta  el  de  hoy.  Devuelvo  la  silva  después  de  haberla  copiado  y 
reservado  la  copia  entre  los  papeles  de  mi  mayor  aprecio,  como  todo  lo  que 
venga  del  mismo  autor. 

Al  mismo  sobre  la  dulzura  de  sus  poesias  : 


320 


JOSE    CADALSO 


Sigue  con  dulce  lira 
el  métro  blando  y  amoroso  acento 

que  el  gran  Phebo  te  inspira; 

pues  Venus  te  da  aliento, 
y  el  coro  de  las  musas  te  oye  atento. 

Sigue,  joven  gracioso, 
de  mirto  grato  d  Venus  coronado  ; 

y  quedarâ  embidioso 

aquel  siglo  dorado 
por  Lasos  y  Villegas  afamado. 

Dichosa  la  zagala 
d  quien  le  sea  dado  el  escucharte; 

pues  tu  musa  la  iguala 

a  la  Diosa  de  Marte  : 
tal  es  la  fuerza  de  tu  ingenio  y  arte  ! 

Aunque  mas  dura  sea 
que  mârmoles  y  jaspes  de  Granada 

quai  otra  Galatea  ; 

6  sea  nids  helada 
que  fuente  por  los  hielos  estancada, 

Al  punto  que  te  oyere 
te  admitird  en  su  cdndido  regazo  : 

si  tu  voz  prosiguiere 

te  estrechard  su  brazo  ; 
y  Amor  aplaudira  tan  dulce  lazo. 

Y  las  otras  pastoras 

de  embidia  correrdn  por  selvay  prado 
y  verd  la  que  adoras 
el  triumpho  que  ha  ganado, 

por  havcr  tus  ternezas  escuchado. 

Mas  ay  de  aquellos  nedos 
que  intenten  competir  con  tu  blandura! 

solo  hallardn  desprecios 

de  aquella  hermosura 
que  una  vezescuehare  tu  dulzura. 

Dirdn  su  rabia  y  zelos 
en  el  bosque  mds  lobrego  metidos, 
injuriando  d  los  cielos  ; 


y,  oyendo  sus  gemidos, 
responderdn  las  fieras  con  bramidos. 

Entrada  del  Averno 
parccerd  aquel  bosque  desdichado  ; 

y  do  tu  métro  tierno 

huviere  resonado 
el  campo  que  à  los  buenos  dard  el  hado. 

Paso  mi  primavera, 
(los  anos  gratos  el  amor  y  Phebo 
quien  revocar  pudiera  !) 
y  d  juntar  no  me  atrevo 
mi  voz  cansada  con  tu  aliento  nuevo. 

Sino,  yo  cantaria 
al  tono  de  tu  lira  mis  amores  ; 

y  al  tono  de  la  mia 

cantiras  entre  flores 
como  suelen  acordes  ruisenores. 

Sigue,  sigue  cantando! 
no  pierdas  tiempo  de  tu  edad  florida  : 

que  yo  voy  acabando 

fastidiosa  vida 
en  milicia  y  en  cortes  mal  perdida. 

En  alas  de  la  fama 
tus  versos  llegardn  d  mis  oidos, 

si  la  trompa  me  llama 

d  los  moros  vencidos, 
6  d  los  indios  de  Apache  embravecidos, 

o  al  antdrtico  polo 

llevando  las  banderas  del  gran  CARLOS 
dirdme  siempre  Apolo 
tus  versos  ;  y  d  escucharlos 

acudirân  las  gcntes  y  d  alabarlos. 

Ni  el  estrtlpito  horrendo 
de  Neptuno  que    ofrece  muerte    impia; 

ni  de  Marte  el  estruendo 

turbard  el  aima  mia, 
si  suena  en  mis  oidos  tu  armonia. 


OBRAS    1NEDITAS 


321 


Aun  quando  dura  parca 
mayores  plazos  a  mi  vida  niegue, 
y  en  la  funèbre  barca 
por  la  estigia  navegue 
y  à  las  delicias  del  Eliseo  llegue 

oiré  quando  Catulo, 
à  la  sombra  de  un  mirto  recostado, 

con  Propercio  y  Tibulo 

lea  maravillado 
los  versos  que  tu  musa  te  lia  dictado. 

Quando  acudan  ansiosos 
Laso  y  Villegas  al  sonoro  acento, 
repiticndo  embidiosos  : 
Que  celestial  portento! 
à  quien  ha  dado  Apolo  tanto  aliento  î 

y  yo  siendo  testigo 
de  tu  fortuna  que  tendre  por  mia 
dire  :  «  yo  fui  su  amigo 


y  por  tal  me  queria  ; 
y  en  dulcisimos  versos  lo  decia  '.  » 

Harànme  mil  preguntas 
puesto  en  medio  de  todos  :  De  quien  ères  ? 

Y  quantas  gracias  juntas? 

Y  à  quai  zagala  quieres? 

Y  como  baila  quando  el   plectro  hieres? 

Y  con  igual  ternura 

que  el  padre  cuenta  de  su  hijo  amado 

la  gracia  y  hermosura, 

y  se  siente  elevado 
quando  lo  escuchan  todos  con  agrado, 

responderé  cantando 
tu  nombre,  patria,  genio  y  poesia  ; 

Y  asombrarânse  quando 
les  diga  tu  elegia 

à  la  memoria  de  la  Pbilis  mia  -'. 


11 


Condicion  preliminar  del  tratado  de  coniercio  literario  que  hacemos  vmd.  y 
yo  in  nomine  individua  trinitatis  etc.  Vmd.  respondera  à  mis  car  tas  y  me  escri- 
birâ  otras  de  impulso  propio  siempre  que  quiera  y  no  tenga  nada  que  hacer, 
sin  que  yo  forme  la  mejor  queja  y  vice  versa. 

Extraordinariamente  (como  dice  la  extraordinarîsima  conclusion  de  la  octava 
que  vmd.  me  dice  haverse  impreso  de  letra  de  molde  en  el  ano  de  mil  sete- 
cientos  y  setenta  y  très  de  nuestra  redempeion)  extraordinariamente  extraordi- 
naria,  vuelvo  i  decir,  es,  ha  sido  y  sera  siempre  la  carcajada  de  risa  que  me 


1.  Hace   referencia  esta   estrofa  a  la  canciôn  de  Meléndez,  dirigida  à  Cadalso  bajo  el 
poético  nombre  de  Dalmiro,  que  empieza  asi  : 

Caro  Dalmiro,  cuaudo  à  Filis  suena 

tu  deliciosa  lira, 
el  rio,  per  oirte,  el  curso  enfrena, 

y  el  raar  templa  su  ira,  etc. 

(Nota  de  D.  Leopoldo  Augusto  de  Cueto,  en  su   ediciôn   de  los  Poêlas  liricos  del  siglo 
XVIII.) 

2.  Esta  elegia  empieza  asi  : 

i  Oh  !  rompa  ya  el  silencio  el  dolor  mio  ! 
y  es  imitaciôn  de  la  de  Moratin  ;i  la  muerte  de  la  Reina  Madré.  (Nota  de  D.  Leopoldo 
Augusto  de  Cueto,  ïbîd.) 


JOSE    CADALSO 


causa  la  calidad  dcl  panegirico  del  gallego  mejor  que  huvo  en  Galicia,  y  el 
espanol  mejor  que  huvo  en  Espana,  y  del  Salomon  gallego  que  fué  llorado  con 
sosiego  porque  fué  gallego  corao  tambien  si  huviese  sido  manchego  y  que  si  en 
lugar  de  ser  gallego  o  manchego  huviera  sido  extremeno  huviéra  sido  llorado 
con  cefw  nec  non  si  huviera  sido  malagueho,  y  a  serel  Reverendisimo  granadi no, 
huviera  sido  llorado  con  desatino;  y  en  caso  de  ser  aragone's,  le  huvieran  llo- 
rado con  el  ojo  del  revês,  y  siendo  mallorquin  con  lâgrimas  de  bacin  et  sic  de 
caeteris. 
Gallego  llorado  con  sosiego  me  hace  â  la  memoria  aquello  de 

Bajalht  par  lo  dura  del  penasco 
una  bormiga  vestida  de  damasco 
y  lu ego 

y  al  enlrar  en  el  yermo, 

hallôse  luego  con  un  nionje  enfermo 

oyendo  todo  esto  y  conociendo  la  sujecion  servil  al  consonante  de  quien  no 
save  ô  no  quiere  manejarle  bien,  dijo  uno 

Si  comofué  penasco  fuera  pena 
bajaria  vestida  de  estamena 

y  luego 

Si  como  yermo  ha  sido,  fuera  buerto, 
se  encontraria  con  un  mon  je  muerto. 

ô  una  cosa  asi;  que  âfe  mia  hace  vaalgunos  anosque  01  este  juguete,  y  no  me 
acuerdo  de  las  voces  précisas,  pero  si  de  la  idea,  y  de  lasemejanza  con  el  lance 
présente;  porque  aqui  que  nadie  nos  oye  sino  los  dos  hermanos  y  tal  quai 
amigo  de  confianza  quien  mequitaria  decir  al  oir  que  el  gallego  fué  llorado  con 
sosiego  la  siguiente  retahila  : 

Sarmiento  fué  llorado  con  sosiego,  Y  porque  veas  Phebo  en  un  instante 

porque  el  dicho   Sarmiento  fué  galle  r0\  la  fuerza  del  maldito  consonante, 

que,  si  hubiera  nacido  en  la  Bane;  i,  con  que  a  las  musas  de  las  lengua 

ya  le  hubieran  llorado  con  vive^ci  ;  de  pena  cargas  y  de  gusto  privas, 

pero  siendo  Sarmiento  malagueho  si  al  sumamente  reverendo  Padre 

le  llorarian,  ya  se  ve,  con  cefw,  en  Toledo  le  faja  la  comadre 

y  al  contrario  si  fuese  de  Ahneria,  no  hallando  el  consonante  de  Toledo 

se  llorani  tal  vez  con  alegria.  diria,  que  le  lloran  con  un pedo, 

Pues  que  si  huviera  sido  de  Vahnciaï  verso  que  causària  mil  enojos 

le  llorarian  todos  con  viole/nia.  à  la  nariz  no  menos  que  à  los  ojos. 

Y  en  caso  de  que  fuese  granadino,  Triste  de  mi  !  si  el  hado  dispusiera 
como  le  llorarian?  con  grau  Uno.  que  mallorquin  por  nacimiento  fuera, 
Pues  démos  que  naciera  en  Albacetc  :  diria  :  ya  se  lia  muerto  el  mallorquin 
le  lloraran  bailando  el  minuete.  llorémosle  con  ojos  de  bacin  ; 

Y  «racias  à  que  no  naciô  en    Durango,  y  (en   caso  de  que  fuese  montanès) 
que  entonces  le  lloraran   con  fandango.  lloradle  con  el  ojo  del  < 

et  sic  de  cceteris  in  saicula  sa;culorum.  Amen. 


OBRAS    INEDITAS  323 


Si  lo  que  se  ha  de  publicar  cou  motivo  de  Fray  Fiorez  es  igual  d  lo  visto, 
serân  dos  monumentos  eternos  levantados  d  la  ignorancia,  pedanteria  y  a  la 
ignominia  de  nro.  pais  y  siglo.  No  hay  una  aima  caritativa  que  delate  al  tribu- 
nal de  la  razon  una  obra  semejante?  Haga  vmd.  una  visita  muy  formai  de 
mi  parte  d  Don  Amador  de  Vera,  autor  de  los  Literatos  en  quaresma,  para  que 
escriva  algo  sobre  este  asunto,  que  a  no  estar  tan  lejos  de  Madrid  Don  Joseph 
Vazquez,  autor  de  los  Erudilos  à  la  violeta,  ya  lo  trabajaria,  con  gusto.  El  luto 
que  insinua  el  Panegirista  que  debian  llevar  los  Benitos  habla  de  ser  no  por  la 
muerte  del  elogiado,  sino  por  el  infortunio  de  tener  en  sus  claustros  seme- 
jantes  elogiadores.  Yo  no  soy  amigo  de  hablar  del  govierno  pero  no  puedo 
menos  de  hacer  esta  pregunta  :  porque  se  permite  publicar  esta  especie  de  pro- 
ducciones  que  no  puede  causar  otro  efecto  que  el  empeorarnos  cada  dia  la  fama 
en  el  mundo  literario  y  confirmar  d  los  extrangeros  en  la  preocupacion  en  que 
estdn  contra  nuestras  obras  del  siglo  pasado  y  présente?  Las  academias  devie- 
ran  volver  por  la  honra  de  la  nacion  y  acudir  al  trono  pidiendo  alguna  resolu- 
cion  capaz  de  remediar  este  daiîo.  Si  yo  llegase  alguna  vez  à  entrar  en  una  de 
estas  asambleas  (lo  que  estoy  muy  lejos  de  merecer  ni  solicitar)  no  dejaria 
pasar  sesion  alguna,  en  que  no  solicitase  esta  especie. 

Va  esto  muy  serio  para  el  tiempo  que  hace  y  demasiado  para  quien  acava  de 
leer  los  extractos  del  papelon  :  remitamelo  vmd.  todo  entero,  si  fuese  su 
tamano  cômodo  para  el  correo  :  pero  si  después  de  bien  leido  le  parece  d  vmd. 
digno  (por  lo  ridi'culo)  de  remitirse,  aunque  de  volumen  tan  grande  como  los 
desatinos  que  contiene,  enviemelo  aunque  sea  menester  alquilar  una  carrete- 
ria  entera  como  las  que  llevan  el  métal  de  Vizcaya,  aquel  métal  tan  poderoso 
hasta  que  se  descubriô  con  abundancia  el  de  Mexico  y  el  Perd!  Y  vea  vmd.  su 
poco  de  moral  de  paso!  Ni  créa  vmd.  que  sea  importuna  esta  moralidad  ;  por- 
que no  déjà  de  haver  cierta  connexion  entre  oro  y  plata  y  mon j es  benitos. 

De  la  literatura  de  este  pais  no  puedo  decir  a  vmd.  mas  de  lo  que  vmd. 
mismo  me  dice,  y  aténgase  vmd.  â  su  dictamen  que  es  el  mas  verdadero  juicio 
que  se  puede  formar  del  estado  de  las  cosas  literarias  de  Salamanca  ;  pero, 
prescindiendo  de  lo  savio,  en  lo  demds  es  muy  buena  gente. 

Dard  vmd.  mil  abrazos  d  sus  hermanos  d  quienes  quiero  casi  casi  tanto  como 
d  vmd.  de  quien  soy  ex  corde 

j.  C. 

Abreviatura  de  mi  nombre  y  apellido,  muy  semejante  al  dulcisimo  nombre 
de  Jesu  Christo  que  tambien  se  suele  poner  J.  C,  cosa  que  me  llena  de  con- 
suelo  espiritual. 


324  JOSE    CADALSO 

12 

El  autor  de  los  Eruditos  d  la  violeta  saluda  al  autor  de  los  Literatos  en  qua- 
resma;  le  envia  esta  caria  y  le  pide  no  la  lea  delante  de  algun  majadero. 

Nota  :  y  pide  respuesta. 

Estimabilisimo  y  estimadfsimo  amigo  :  £  Quepuede  importar  a  vmd.  queyo 
haya  llegado  a  Salamanca  ô  me  haya  muerto  en  el  camino,  esté  bueno  û  malo, 
alegre  ô  triste,  libre  ô  enamorado,  fastidiado  6  divertido,  en  una  buena  posada  ô 
en  el  hospital?  Pero  d  mi,  si,  me  importa  y  muchoque  vmd.  sepa  que  le  estimo 
mucho,  y  por  tanto  le  dé  noticia  de  haber  llegado  bueno,  estar  de  buen  humor 
philosôphico,  bien  establecido  con  mis  libros,  y  bastantemente  favorecido  de 
estas  gentes  en  Salamanca,  doctisima  universidad,  donde  no  se  enserïa  mathe- 
mâthica,  phîsica,  anatomia,  bistoria  natural,  derecho  de  gentes,  lenguas  orien- 
tales, ni  otras  frioleras  semejantes,  pero  produce  gentes  que  con  voz  campa- 
nuda  pondrdn  sus  setenta  y  siete  mil  setecientos  setenta  y  siete  silogismos  en 
Baraliptonfrisesoiuoriiiii  ù  Sapesino  sobre  como  hablan  los  dngeles  en  su  tertulia, 
sobre  si  los  cielos  son  de  métal  de  campanas,  û  liquidos  como  el  vino  mds 
ligero,  y  otras  cosazas  de  semejante  entidad  que  vmd.  y  yo  nunca  sabremos, 
aprenderemos,  ni  estudiaremos. 

Dos  hermanos  tiene  vmd.  en  este  mundo  y  un  tio  en  el  otro  de  quienes 
deseo  noticias.  Démêlas  vmd.  y  muy  frescas.  A  los  dos  que  estdn  todavia 
por  acd,  dard  vmd.  muchos  abrazos  de  mi  parte  y  casi  iba  d  encargarle  lo  mismo 
para  el  que  va  pasô  la  barca  de  Aqueronte,  pero  no  me  atrevo  d  exponerle  d 
vmd.  d  que  por  complacerme  se  fuese  boniticamente  a  casa  delà  Sibila  d  pre- 
guntarla  el  camino  y  pedir  el  pasaporte  :  y  que  estando  vmd.  viendo  los  qua- 
dros  de  su  Capilla,  saliese  ella,  con  una  cara  de  esqueleto,  un  vestido  de  tela- 
rana,  y  una  voz  de  vieja  gangosay  carraspena,  le  mandase  comprar  unos  quan- 
tos  terneros  y  carneros,  matarlos,  y  luego  ella  hiciese  mil  gestos  quales  suelen 
hacerlos  los  endemoniados  de  hogaiîo;  y  después  le  diere  d  vmd.  por  no 
hacerle  esperar  tanto  tiempo  un  ramo  de  olivo  muy  guapo  con  sus  cintas,  6 
tal  vez  como  no  tuviese  mucho  que  hacer  aquel  dia,  tomase  su  mantilla  y  se 
fuese  con  vmd.  en  buen  amor  y  compana,  caminito  de  otro  mundo  donde  se 
encontrarian  de  manos  d  boca  con  varios  monstruos  que  no  se  ven  en  las 
ménageries  de  por  aed;  después  varias  animas  deseosas  de  entrar  como  las  de 
los  Sres.  Oronte  y  Palinuro;  después  la  barca  de  Aqueronte  el  quai  con  aspe- 
reza  de  verdadero  marino  se  haria  de  pencas  para  recibirlos,  hasta  que  viese  el 
ramo;  después  al  desembarcar  se  hallarian  con  el  cerbero  que  ladran'a  ende- 
moniadamente  hasta  que  le  echase  vmd.  û  la  companera  de  viaje  un  pastelillo 
para  que  se  entretuviese;  después  llegarian  adonde  estdn  los  chiquillos  que 
murieron  quando  apenas  podian  decir  caca;  los  que  se  mataron  d  la  inglesa, 
los  que  murieron  inocentes,  y  los  amantes  entre  los  quales  estant  mi  Philis  que 


OBRAS    INEDITAS  325 


se  muriô  y  me  dejô,  y  se  fué  sin  llevarme,  por  mas  que  yo  la  decia  como 
Hernando  de  Herrera  a  su  Lucinda 

Estréchame,  Lucinda,  entre  tus  bravos, 

y  pasaremos  juntos  el  Letheo. 

Después  verian  vmds.  el  puesto  destinado  para  los  verdugos  alquilados  para 
matar  â  sus  hermanos,  digo,  los  guerreros  insignes  como  los  que  célébra  la 
historia  y  yo  no  quiero  nombrar  ;  después  tirando  sobre  la  izquierda  encontra- 
rian  con  todos  los  bribones  condenados  por  sus  iniquidades  à  ser  los  unos  fri- 
tes en  aceite,  otros  a  ser  asados,  otros  a  estar  en  las  parrillas,  otros  a  la  cra- 
paudina,  otros  en  escabeche,  etc.,  etc.,  y  después  de  todos  estos  despueses, 
volviendo  sobre  la  derecha  se  hallaria  vmd.  en  un  campo  como  asi  me  lo 
quiero ,  donde  encontraria  la  compaïïia  mâs  honrada  del  mundo  de  gente 
savia,  quieta,  y  philosopha.  Alli  estaria  con  Seneca,  con  Marciaî,  con  Cervan- 
tes, con  Garcilaso,  con  Léon,  y  con  otros  savios  espaiïoles  el  vénérable  Iriarte 
que  saldria  al  preguntar  vmd.  â  aquellos  insignes  nombres  y  a  su  conductora 

Dtcite,  felices  anima,  tuque,  optime  vates, 
Qua  regio  Anchisen,  quis  habet  iocus  ?  etc. 

Virgil,  iEneid.  Lib.  VI.  vers.  669  et  sequ. 

13 

En  el  café  mas  concurrido  de  una  de  las  principales  ciudades  del  Planeta  que 
llamamos  Saturno  suelen  leerse  las  gacetas  mâs  auténticas  y  en  el  parrafo  ûlti- 
mo  de  una  de  ellas,  se  incluyô  poco  ha,  la  siguiente  noticia,  que  ha  sido  el  mo- 
tivo  de  todas  las  conversaciones  entre  todos  los  estados  politico,  eclesiàstico, 
militar,  escolâstico,  y  jurîdico  de  aquellos  paises.  Ha  venido  &  mis  manos  por 
arte  mâgico  de  una  bruja  que  vive  la  puerta  mds  abajo  de  mi  casa,  y  dice  asi  : 

«  En  un  globillo  compuesto  de  sôlido  y  liquido  que  anda  dando  vueltas  alrede- 
dor  del  grande  y  ûnico  luminar,  hay  una  pequeha  parte  llamada  Europa,  habi- 
tada  de  unos  bichillos  sumamente  despreciables  que  se  llaman  hombres.  Una 
porcion  de  la  tal  Europa  casi  inculta  y  despoblada  se  llama  Esparia.  De  la  tal 
Esparïa  una  provincia  se  llama  Extremadura,  si'ncope  de  extremamente  dura, 
nombre  que  le  conviene  perfectamente  por  su  suelo,  clima,  y  carâcter  de  sus 
habitantes  famosos  por  haber  aniquilado  muchos  millones  de  semejantes  suyos 
en  otra  parte  del  tal  globillo  llamada  America.  En  dicha  Extremadura  ô  extre- 
mamentedura  hay  un  monton  de  chozas  medio  caidas  con  nombre  de  Montijo. 
En  el  Montijo  hay  unos  animales  de  dos  pies  sin  pluma  que  llaman  hombres 
porque  en  lo  exterior  se  parecen  algo  a  los  hombres  de  otras  partes.  Entre  los 
taies  hombres,  6  lo  que  sean,  del  monton  de  casas  caidas  que  llaman  Montijo 
de  la  provincia  extremamente  dura,  del  pais  inculto  y  despoblado  que  llaman 
Europa,  menor  parte  de  las  quatro  que  componen  el  globulillo  compuesto  de 


326  JOSÉ    CADALSO 


sôlido  y  liquide»  que  anda  dando  vueltas  alrededor  del  grande  y  ûnico  lumi- 
nar,  vive  un  ente  de  tan  extrana  constitucion  que  no  puede  explicarse,  sino 
poniendo  aqui  la  distribucion  de  su  vida,  que  es  como  sigue. 

Muy  temprano  le  despiertan  sucesivamente  el  canto  de  un  gallo,  el  rebuzno 
de  un  burro,  y  el  martillo  de  un  herrador,  alguna  vez  se  aumenta  esta  mûsica 
con  el  chillido  del  niho  que  llora  azotado  por  su  madré,  ô  el  de  la  mujer  apa- 
leada  por  su  marido,  ô  el  de  un  muchacho  descalabrado  por  una  piedra  que 
otro  le  tira. 

À  esto  se  sigue  estarse  dos  horas  en  cama  à  ver  si  puede  dormir;  v  selevanta 
sin  haver  dormido. 

A  esto  se  sigue  llamar  â  otro  animal  semejante  a  él  mismo  que  le  sirve  por- 
que  le  paga,  y  â  quien  paga  porque  le  sirve  (aqui  ponia  el  gacetero  una  corta 
disertacion  sobre  amos  y  criados;  para  explicar  â  los  Saturneos  como  creyéndose 
todos  los  hombres  de  la  tierra  descendientes  de  un  mismo  nombre  y  por  con- 
siguiente  hermanos,  se  sirven  los  unos  à  los  otros  por  interés  y  no  por  amor. 
Se  omite  el  traducir  la  disertacion  por  inûtil).  A  esto  se  sigue  que  el  tal,  à  fuerza 
de  quemarse  la  lengua,  gaznate  y  paladar,  toma  por  primer  alimento  un  me- 
junje  negro  hirviendo,  soplando  y  sorbiendo  con  mucho  trabajo,  compuesto  de 
canela,  cacao,  y  azûcar,  desleido  en  un  poco  de  agua.  A  esto  sigue  que  entra 
en  el  quarto  del  tal  otro  tal  y  le  dice  :  mi  Capitan.  de  los  30  cavallos  de  la 
Compania  3  han  estercolado  tan  blando  que  nos  da  mucho  que  sentir  :  los 
demis  no  tienen  novedad  en  su  importante  salud.  De  los  quarenta  soldados, 
dos  han  sacado  la  espada  sobre  quai  es  mas  alta  si  la  Giralda  de  Sevilla  û  el 
campanario  de  Santa  Cruz.  Son  muchachos;  han  quedadoamigos.  Otros  dos  se 
han  dado  de  estocadas  sobre  quai  vale  mas,  si  la  Virgen  de  las  Angustias  de 
Granada  ûla  Virgen  del  Pilar  de  Zaragoza,  son  dos  carabineros  antiguos,  hom- 
bres de  juicio,  que  nunca  han  dado  que  decir  en  la  Compania  :  ambos  estàn 
heridos  en  la  cabeza  y  con  delirio;  se  curarân,  si  V.  quiere,  sin  que  se  sepa.  No 
hay  mas  novedad. 

A  esto  se  sigue  que  el  tal  dice  al  otro  tal  :  esta  muy  bien  ;  taparlo  todo, 
menos  lo  que  han  estercolado  duro  los  cavallos  :  de  eso  déle  V.  parte  al  sar- 
gento  mayor.  Avise  V.  quando  den  la  orden  para  tomar  la  paga. 

A  esto  se  sigue  que  el  tal  bosteza  quatro  ô  cinco  veces  solo  en  su  quarto;  y 
se  viste  para  salir  à  bostczar  otras  quatro  ô  cinco  veces  en  la  plaza  con  otros 
talcs. 

A  esto  se  sigue  que  los  cinco  ô  seis  después  de  habcr  bostezado  juntos  se 
separan  para  ir  a  corner  cada  uno  su  puchero  en  su  mesa  al  mismo  tiempo  que 
caJa  cavallo  corne  su  pienso  en  su  pesebre. 

A  esto  se  sigue  que  se  pasean  juntos  à  mariera  de  rebano  sin  pastor  y  que 
durante  el  paseo  hablan  del  buen  tiempo,  l  lu  via,  cevada,  trigo,  etc.  diciendo 
todos  los  dias  lo  mismo  a  la  misma  hora  y  con  el  mismo  tono  de  voz.  » 


OBRAS    IXEDITAS  327 


El  fragmente»  de  la  Gaceta  no  decia  mas,  y  los  savios  Saturneos  es  natural 
que  habian  especulado  sobre  la  naturaleza  de  los  vivientes  en  el  Montijo;  pro- 
poniendo  premios  a  los  que  traten  mejor  y  hagan  mas  juiciosas  conjeturas 
sobre  este  que  sera  para  ellos  fenômeno. 

Si  vmd.  tiene  algun  amigo  Colorado  en  estado  parecido  a  este,  téngale  vmd. 
tanta  lâstima  quanto  carino  tiene  â  vmd.  y  i  sus  hermanos  Cadalso. 

14 

Extracto  de  las  actas  de  esta  academia.  El  Viernes  Santo  propuso  un  acadé- 
mico  (notando  lo  delgado  de  la  voz  de  un  capon  que  cantaba  aquello  de  tibi 
soli),  que  conexion  phisico-anatômico-harmômca  tiene  la  voz  humana  con  los 
testiculos,  ô  sea  partes  pudendas.  El  Sdbado  Santo  después  de  cantar  el  gloria 
y  corner  pro  academia  dijo  un  académico  que  el  grito  bdquico  Evoe! Evoe! 
significa  rigurosamente  lo  que  dicen  maestros  borrachos  sendas  veces  al  salir 
de  la  taberna  â  saver  tarrarra!  tarrarra! 

El  Domingo  de  Pascuas,  perorô  un  académico  fervorosisimamente  sobre  lo 
conveniente  que  es  la  confesion  auricular  por  las  conversiones  que  suele  hacer 
por  Pascuas;  dando  por  si  mismo  un  exemplo  notable  contando  que  cierta  per- 
sona  se  le  habia  resistido  hasta  el  cumplimiento  de  la  Iglesia  después  de  cl 
quai  se  ha  ablandado  al  paso  que  el  académico  se  ha  puesto  duro. 

El  Lunes  de  Pascua  fué  la  Academia  a  la  Opéra,  y  un  miembro  de  ella  notô 
cierta  sensacion  â  la  primera  cabriola  abierta  que  hizo  una  bailarina  famosa, 
por  las  piernas  y  muslos  que  naturaleza  le  ha  dado,  y  servirdn  de  modelo  en 
nuestra  Academia.  Se  pregunta  quai  es  la  causa  phisico-analôgico-simpdtica  de 
este  suceso. 

El  Martes  de  Pascua,  la  Academia  lue  à  un  sermon  muy  afamado,  y  antes  de 
concluirse  el  exordio,  roncaban  pasmosamente  todos  y  cada  uno. 

Los  dias  siguientes  no  ha  habido  cosa  notable  que  apuntar  como  suele  acon- 
tecer  en  otras  muchas  academias  de  este  mundo. 

Hoy  15  de  Abril  présenta  un  individuo  la  siguiente 

ANACREÔN'TICA 

El  tiempo  a  Venus  grato  y  ;i  la  sombra  de  un  niirto 

es  el  frio  diciembre,  gozan  dulces  placeres. 


burlando  el  duke  fuego 
los  hielos  y  la  nieve. 


Tambien  el  triste  otono 
delicias  les  promete 
Tambien  la  primavera  quando  Pomona  y  Baco 

gustar  a  Venus  suele  sabroso  fruto  ofrecen... 

quando  brot.m  las  flores 


Pero,  Venus,  que  di^o? 
todo  tiempo  convient- 
Gustan  muchos  amantes  à  los  pechos  que  se  aman 


y  murmuran  las  fuentes. 

Gustan  muclios  amante: 

aun  del  estio  ardiente  quando  juntarlos  quieres. 


328  JOSÉ    CADALSO 


Hagoànimo  de  formar  para  mi  mismo  una  coleccion  de  mis  cartas  familiares 
y  asi  envieme  vmd.  las  que  tenga  mias  sino  se  ha  limpiado  el  culo  con 
ellas. 

15 

Querido  aniigo  :  De  Salamanca  me  avisa  un  amigo  haver  entrado  en  exer- 
cicios  spirituales  para  ponerse  en  estado  de  hacer  una  compléta  confesion  gêne- 
rai; y  ahade  que  habiéndole  entregado  su  director  la  Biblia  para  sacar  de  ella 
los  puntos  de  oracion  mental,  tropezô  conlo  de  Job,  y  se  le  quedôtan  impreso 
su  estilo  que  de  résulta  ha  compuesto  el  siguiente  soneto  '. 

Un  abrazo  â  los  dos  hermanos  y  todos  très  manden  a 

Cadalso. 


1.  Falta  en  cl  manuscrite). 


OBRAS    INÈDITAS  329 


KALENDARIO    M  AN  UAL 


KALENDARIO  MANUAL  Y  GUIA  DE  FORASTEROS  PARA  EL  CARNAVAL  DEL  ANO 
I768,  DE  DON  JOSEF  CADALSO,  COMANDANTE  DEL  REXIMIENTO  DE  CAVALLERIA 
DE  BORBON  Y  AUTOR  DE   LOS  ERUDITOS  A    LA    VIOLET  A  * . 

(Biblioteca  National  de  Madrid,  Ms.  KK.  var.  poes.  4.) 

Kalendario  manual  y  guia  de  forasteros  para  el  Carnaval  del  ano  de  1768  y 
otros,  contiene  los  acontecimientos  mas  particulares,  los  Ministros  que  compo- 
nen  los  tribunales  del  amor,  dias  de  gala,  y  otras  noticias,  con  el  estado  mili- 
tar  de  mar  y  tierra,  para  la  Guerra  de  Cupido  ;  impreso  con  superior  privilegio 
de  la  decencia,  en  la  oficina  de  Venus,  calle  de  los  Placeres,  enfrente  del  tem- 
plo  de  la  juventud  por  Adonis  Jacinto  del  Eco,  impresor  de  Camara  y  alcoba 
de  Chipre. 

Los  astrônomos  de  Chipre  dan  principio  al  càlculo  del  ano  desde  las  ocho 
de  la  noche  primera  del  Carnaval,  y  aunque  por  este  cômputo,  se  deberia  esta- 
blecerel  principio  de  qualquiera  mes,  en  la  noche  del  26  de  Diciembre,  acomo- 
dândose  nuestro  estilo  al  de  la  era  vulgar,  pero  por  la  correccion  Pétri  Paulina 
se  empieza  à"  contar  este  ano  desde  la  noche  de  el  4  de  Noviembre. 

Este  ano  es  el  de  68  de  la  libertad  y  expulsion  de  las  Golillas  :  mutacion  del 
chichisbeo  en  cortejo  :  el  no  se  quantos  de  la  fundacion  de  Saltantipolis  :  el  ter- 
cero  de  la  translacion  del  Principe  à  los  Canos  :  el  segundo  de  lamuerte  de  la 
Reina  de  los  teatros,  y  de  los  tavernâculos  en  el  Prado,  y  el  primero  de  el  vuelo 
retrôgrado  de  la  paloma  por  los  Pirineos. 

Cômputos  del  aùo. 

Aureo  numéro  301  y  6  ciclo  de  poco  importa. 
Fies  tas  movibles. 

El  4  el  12  y  otras  que  se  veràn. 


1.  No  puedo  asegurar  que  este  Kalendario  manual  no  se  ha  publicado  todavia;  el  dis- 
tinguido  literato  Sr.  D.  Emilio  Cotarelo  supone  que  esta  impreso  ya  en  un  periôdico  de 
fines  del  siglo  pasado  y  también  en  una  de  las  colecciones  tituladas  Almacèn  defrutos  lite- 
rarios  (quiza  la  segunda).  Lo  cierto  es  que  no  figura  en  ninguna  edicion  de  las  Obras 
complétas;  por  eso  no  me  parece  inùtil imprimirlo  6  reimprimirlo  aqui. 

Revue  hispanique  21 


330  JOSE    CADALSO 


Las  4  témporas. 
Ferias  :  Mascaras  :  Semana  Santa  y  noches  de  verano  en  el  Prado. 

Eclipses  de  sol. 

Muchos  Indianos  se  eclipsardn  de  la  noche  a  la  manana. 

De  la  luna. 

Algunas  vestales   para  Cddiz,  Barcelona   v  Valencia  :  estos  éclipses  serin 
inconocibles  para  los  caseros,  mercaderes,  sastres  y  otros. 


Reduccion  del  Almanak  de  Chipre  al  de  Esparïa  para  mas  fdcil  inteligencia 
de  los  menos  eruditos. 

Novietnbre. 

El  4  con  motivo  del  baile  de  mascaras  vendrdn  por  el  aire  su  natural  ele- 
mento  muchos  Senores  desde  el  Sitio  y  se  verân  muchas  exhalaciones  por  aquel 
camino. 

El  12  idem  per  idem  :  la  co;telacion  declarada  contra  las  mulas  de  colleras, 
guardas  de  las  puertas  y  criados  que  no  tengan  prevenidos  los  boletines  de 
entrada  y  dominoes.  Mas  exhalaciones  por  aquel  camino. 

El  19  mas  templada  la  atmosfera  de  puertas  afuera  del  Amphiteatro  y  nuis 
destemplada  de  puertas  adentro. 

Diciembre. 

El  4  Santa  Barbara  fiesta  de  muchos.  El  20  Santo  Tomas  ver  y  créer  :  el 
28  Santos  Inocentes  dias  del  autor  de  este  papelito  :  muchos  dias  de  mascara  : 
frio  para  los  cocheros,  mozos  de  sillas,  y  lacayos  de  la  Plazuelay  mucho  calor 
para  los  que  estdn  dentro  bailando. 

Enero  y  Febrero. 

Adeldntase  la  estacion  favorable  para  sembrar  y  recoger  :  el  que  la  pierda 
aprenda  otro  oficio.  Semana  Santa  Procesiones,  Misereres  en  las  Iglesias,  que- 
dando  solamente  una  luz  y  esa  de  tapadillo  :  raiedo  d  los  Diciplinantes  para 
meterse  en  los  portales  ;  sillas  de  manos,  y  mantos  de  puntas  de  encages,  todos 
los  oficiales  de  la  guarnicion  puestos  en  venta  desde  el  Jueves  Santo  hasta  cl 
Martes  de  Pascua  :  vacaciones  para  los  escrupulosos;  otros  dicen  que  ni  por 
esas.  El  24  Nuestra  Senora  de  la  Paz  d  quien  pido  no  se  enfaden  algunos  de 
mis  letores. 

Mar^p. 

El  4  San  Casimiro  gala  en  Portugal.  El  21  entra  la  naturaleza  en  la  prima- 
vtra  y  el  sol  en  Aries  :  entradas  andlogas. 


OBRAS    INEDITAS  33  I 


Abril. 

El  calor  va  aumentando  y  el  sol  de  Aries  en  Tauro  :  esto  es  creciendo,  pues 
mayores  son  los  cuernos  de  un  toro  que  los  de  un  camero.  El  25  San  Marcos 
procesion  gênerai ,  no  hay  abstinencia  en  Chipre. 

Mayo. 
El  sol  en  Gemînis  esto  es  en  los  dos. 
El  15  San  Isidro,  paseos,  meriendas  y  etc.,  etc.,  etc. 

Junio. 
El  1 3  San  Antonio  de  Padua  abogado  de  las  cosas  perdidas  :  santo  mio  de 
mi  aima.  Abrense  los  Jardines  del  Retiro  desde  el  principio  de  este  mes  hasta 
el  de  Septiembre  dura  la  quaresma  en  Chipre    :  en  este  tiempo  debe  haver 
abstinencia  rigorosa  de  los  manjares  comprendidos  en  Julio. 

Julio  y  Agosto. 
Ni  caracoles,  ni  coche,  ni  mosto  :  Julio,  sigue  la  quaresma  de  Chipre  buenas 
cosas  en  los  Jardines  del  Retiro  para  el  curioso  observador. 

El  6  Santa  Lucia  abogada  de  los  ciegos  que  no  ven  ô  no  quieren  ver. 

El  14  San  Buenaventura. 

El  16  triunfo  de  la  Cruz  de  la  moneda. 

Canicula. 
Sol  en  Léon  y  agua  de  cevada,   agua  de  achicorias  y  agua  de  limon,  nitro, 
nieve,  parco  en  medio,  y  durante  esta  temporada  se  pondràn  en  el  puerto  de 
Guadarrama,   cafés,  botillerias,  teatros,  y  otras  diversiones,  buenas  cosas  de 
los  jardines  del  Retiro. 

Agosto. 

Idem  per  idem.  Sol  en  Virgo  :  esto  se  entiende  en  otros  climas,  pues  en  el 
de  Chipre,  no  solo  no  hay  sol  en  Virgo,  pero  ni  virgo  en  sol,  y  menos  en  la 
canîcula. 

El  3 1  San  Ramon  Nonato  abogado  de  las  que  estdn  pariendo  como  Dios 
manda. 

Septiembre. 

Sale  la  canîcula  :  ojalà  no  hubiéramos  entrado  :  vamos  preparando  las  man- 
tas. 

El  14  la"exaltacion  de  la  Cruz  de  la  moneda.  El  21  feria  de  San  Mateo  :  al 
buen  entendedor  pocas  palabras. 

Octubre. 
Se  acaba  el  paseo  de  los  Jardines  del  Retiro  :  ique  lastima! 
El  3  San  Cândido  :  hay  pocos  del  nombre  de  este  bendito  Santo,  y  con  uno 
que  hay  sobra,  y  con  esto  se  concluye  el  aho  de  Chipre. 
Dinero  sobre  todo. 


332 


JOSE    CADALSO 


Juvileo. 

El  Jueves  en  casa  de  Santiago. 

El  Viernes  en  casa  de  Mendoza. 

Los  Miércoles  y  Sdbados  durante  el  Carnaval  enfrente  de  la  Real  Biblioteca, 
y  todos  los  dias  del  ano  en  la  Puerta  del  Sol,  Calle  Mayor,  casas  de  Geniani, 
Perez,  Lumbreras,  Tarsi,  Larus,  Vallejo,  Gallinas,  y  otras  de  la  misma  clase  y 
orden. 

Nota. 

Caballeros  existentes  en  la  insigne  orden  de  la  cadena.  Noticia  de  sus  madri- 
nas  de  hdbito  y  otras  necesarias  para  el  pleno  conocimiento  del  fioreciente 
estado  â  que  ha  llegado  esta  orden  en  estos  felicîsimos  tiempos  por  las  listas 
alphabéticas  de  la  ùltimacampana  de  la  orden,  en  la  quai  podria  haber  variacion 
en  un  mes  para  otro. 


A 

Alcan Pach. 

Alb Cordo. 

Almodo Sant. 

Adorn.  B Ros. 

Alba Saman. 

B 

Benave Ros. 

Bey Sal. 

Benda  Real  B Gonz. 

Bobad Egin'a. 

Borbon Lac. 

Ban  B Fuen. 

Bardai Cagi. 

C 

Ciru Sus. 

Cogo Pach. 

Cam  Bir Revillagi. 

Canet Co  de  Mo. 

Claramo Col. 

Cast.  fuert Alcnc. 


D 
Davi Diog. 

E 

Espelct Torre  Man. 

Eug Arram. 

F 

For Lia. 

Fontan Emb.  de  Fran. 

G 

Gra  R Ricar. 

G.   Hi Pénal. 

H 

Hues Mar  de  Mo. 

His Color. 

Hipol Bea  Guem. 

/ 

Isab1  del  Hoyo Leso. 

Isab1  Arno Laie. 

A' 

Konig Mich. 


OBRAS    INEDITAS 


333 


Mir. 

Mira 

Medinas-O Arc. 

Montu 

Murill Bria. 

Miran  de  Art Peat. 

Man-B Oliba. 

Monsag Berdug. 

Mor-B Sarti. 

0 

Osum Branqui. 

Orei.  O Samani. 

P 

Pen Pal. 

Port Bento. 

Par  Aroi Bad. 

Perale Cam. 

Penon  O Car. 

R 

Repa  Rox Ceba. 

Rox  In Pedr. 

Regal-O Vive. 


Sant Rubi. 

Salust B. 

Someru Idia. 

Salbador-B Amavi. 

Sastite Ruche. 

Salvati-B Mirall. 


Teve  B Sot. 

V 

Villafran Pesad. 

Valde  Carz  O Cresp. 

Villamay Losad. 

Villan P. 

Veg  de  Pozo Rice. 

Villa  Pater Cancel. 

Valen Bar. 

X 

Xavie  Orca Monsa. 

Xavie  Mat.  Belea Marq.  de  R. 


Y  doble  numéro  de  ellos  que  se  ocultan  por  buenas  razones  sin  contar  los 
cavalleros  y  candidatos,  y  otras  tantas  senoras  que  debian  serlo  ô  va  por  vani- 
dad,  pues  la  que  no  lo  es  en  esta  orden  esta  desairada  ô  ya  por  conveniencia 
ô  por  otras  razones  de  estado. 

Las  Madrinas  senaladas  con  una  B.  que  quiere  decir  Beleta,  lo  han  sido  ante- 
riormente  de  mas  cavalleros  existentes,  difuntos,  ausentes,  ô  expulsos  de  la 
orden. 

Los  caballeros  que  sus  madrinas  estan  senaladas  con  una  cruz  û  O  estân  ô 
pretendientes  û  ocultos  objetos  inestinguibles  y  mas  para  los  profesos. 
Excntos  de  la  orden. 

Retirados  con  los  honores  y  fueros  que  pueden  servir  para  Consiliarios  en 
los  capitulos  Maestros  de  novicios  é  informantes  para  las  pruebas  6  los  Preten- 
dientes. 

Fernan  :  :  —  Cadal  :  :  —  Gués  :  :  —  Lanças  :  :  —  Caves  :  :  —  Seguya  :  : 
Lain  :  :  —  Esete  :  :  —  y  otros  que  han  pasado  de  esta  orden  a  una  de  las  dos 
reformadas  que  son  las  del  juicio  y  la  del  desengano. 


334  J0SE    CADALSO 


Trtbunales. 

Junta  del  Montepio  que  socorre  a  los  cortejantes  pobres  de  solemnidad. 
La  Benabent  :  —  La  Salvatie.  —  La  Osun.   —  La  de  Alcani.  —  Y  otras 
muchas  de  igual  calidad  aunque  de  menos  lucimiento. 

Fiscales  de  lo  civil. 

Los  senores  capitulares  de  la  villa  de  Madrid  que  hacen  de  bastoneros  en  los 
bailes  de  mascara. 

Junta  Apostolica. 

La  Bond.  R1  —  La  Grac.  R1.  —  La  Ezpel.  —  La  Santiag.  —  Y  otras  que 
nos  pasman  à  la  francesa. 

Proto  Medicato. 

Dos  Exmas.  —  Dos  Seiîorias.  —  Dos  Mercedes.  —  Mùsica  y  acompana- 
miento  y  hay  bastante  en  que  escoger. 

Trtbunales  fuera  de  la  Cor  le. 

La  opéra  de  Barcelona.  —  La  de  Câdiz.  —  La  nueva  escuela  de  teatro  de 
Sevilla.  —  Las  comedias  de  la  légua. 

Nota. 

Haviendo  incluido  en  la  guia  de  Madrid  el  ano  pasado  el  estado  militar  del 
exército  v  la  Marina,  no  han  querido  los  ministrosde  Chipre  quela  suya  carezca 
este  suplemento. 

Exército  de  Chipre  para  campanas  de  Ctipido. 

Capitulo  i°. 

Reaies  guardias  de  Corps  alquilados  por  la  Comida,  vestido,  lavadura  de 
ropa  blanca,  escarapela  y  un  par  de  pesos  al  mes  ;  sirven  bien,  pero  quando 
les  falta  la  paga  la  cobran  d  palos. 

2°. 

Cadetes  de  Guardias.  Cuerpo  afamado  en  otros  tiempos,  no  entra  ya  en 
parada  con  los  demis  del  exército. 

3°- 
Reximiento  de  Mexico  y  el  Peru  son  invencibles,  estai)  cargados  de  trofeos, 
el  uniforme  amarillo  y  blanco. 

4°. 
Reximiento  de  frayles,  no  hay  reximiento  mejor  armado,  municionado,  ni 
mas  pronto  i  entrar  en  campana  ;  no   da  quartcl ,   y  tiene  en  las  banderas 
un  letrero  que  dice  :  vencer  6  morir. 


OBRAS    INEDITAS 


35 


5°- 

Reximiento  de  la  Grandeza,  es  un  reximiento  glorioso  y  triunfante,  el  uni- 
forme galoneado  y  bordado,  y  cargado  de  diamantes,  oro  y  plata,  solapa  y 
cuello  y  vueltas  de  encages,  admite  todo  género  de  gentes  espanolas,  extran- 
geros,  plebeyos,  nobles,  pages  y  otros  criados  mayores. 

Nota. 

No  faltan  exemplares  de  haber  enganchado  lacayos,  que  con  el  tiempo  han 
hecho  servicio  alternando  con  sus  amos;  no  es  reximiento,  es  légion. 

6°. 

Reximiento  de  la  Puerta  del  Sol,  este  reximiento  cargado  de  heridas,  fun- 
ciones,  enfermedades  contraidas  en  campana,  fué  reformado  el  arïo  de  1766. 
Algunas  partidas  sueltas  que  se  han  hallado  después  de  la  reforma  estdn  de 
guarnicion  en  la  ciudad  de  San  Fernando. 

Nota.  —  Hay  otros  cuerpos  de  tropas  ligeras  muy  perjudiciales  à  la  paz. 

Armada  de  Chipre. 


Navios 


Cahones 


Frasa  ta  s. 


La  vanidad 100 

El  escândalo 100 

La  obstentacion 100 

La  lujuria 100 

El  marido 90 

El  competidor 90 

La  mantilla 80 

El  coche  alquilado 80 

La  siesta  de  verano 80 

La  noche  de  invierno 80 

El  entretenido 80 

El  pretendiente 70 

El  plantado 70 

El  falso 70 

El  murmurador 60 

El  desesperado 60 

El  petardista 60 

El  canapé 60 

El  gabinete 60 

El  prado 50 

El  teatro 50 


La  chimenea. .  . 

El  abanico 

El  manguito. . . 
La  ocasion  .  . .  . 
La  astucia. . .  . 
La  permanente. 
La  casualidad  . . 


Brulotes. 


El  celoso.  . . . 
El  desafio. . .  . 
La  apariencia 
El  interino  .  . 
La  embidia . . 
El  chismoso . 


Javeqaes  de  navios  de  aviso. 

La  variedad 

La  vieja 

El  expreso 

El  volante 


30 
30 
30 

30 
30 

30 
30 


10 

10 
8 
8 
8 
8 


16 
16 
16 
16 


Los  navios  senalados  con  âneoras,  son  de  la  antigua  construccion  de  Chipre , 
sirven  poco  desde  que  se  maniobra  a  la  francesa,  a  la  inglesa,  a  la  italiana,  a 
la  turca  y  a  la  diabla.  Los  senalados  con  una  fior  de  llis  son  de  construccion 
francesa. 

FIN    DE    LA    GUIA    SIN    FIN. 


VA  R I  A 


5.  Notes  sur  la  bibliographie  française  de  Cervantes 

Dès  le  début,  Don  Quijote  a  fait  fortune  en  France.  Ce  fut  César  Oudin  qui, 
le  premier  parmi  les  étrangers,  imprima  le  conte  du  Curioso  Impertinente  à 
la  fin  de  la  Silva  Curiosa  de  Julio  Infguez  de  Medrano  (Paris,  1608,  pp.  274- 
328).  A  peu  près  en  même  temps  parut  :  Le  Curieux  Impertinent,  en  espa- 
gnol, et  traduit  en  français  par  ]\eari\  Baudoin.  A  Paris,  che\  Jean  Rieher,  160S. 
L'année  suivante  on  publia  une  traduction  anonyme  d'un  autre  épisode  sous 
le  titre  :  Homicidio  de  la  Fidelidad  y  la  Defensa  del  Honor.  Le  Meurtre  de  la 
Fidélité  et  la  Défense  de  l'Honneur,  où  est  racontée  la  triste  [et  pitoyable]  avanture 
du  berger  Pbilidon  et  les  raisons  de  la  belle  et  chaste  Marcelle,  accusée  de  sa  mort, 
en  espagnol  et  en  françois.  A  Paris,  che^Jean  Rieher,  1609 1. 

Dans  l'appendice  E  de  son  Hislory  of  Spanish  Literature  (Boston,  III,  pp. 
512-513)  Ticknor  nous  parle  des  traductions  françaises  de  Don  Quijote  dont 
la  première,  selon  lui,  ne  remonte  qu'à  1620.  J'ai  nommé  celle  de  César  Oudin, 
laquelle  fut  un  peu  devancée  par  la  version  anglaise  de  Thomas  Sheltoiv 
Quant  à  la  date  de  cette  traduction  française  complète  de  la  première  partie 
du  roman  de  Cervantes,  il  est  certain  que  Ticknor  s'est  trompé  en  l'indiquant 
à  une  date  aussi  tardive.  Au  reste,  s'il  a  tort,  il  a  tort  avec  presque  tout  le 
monde.  Il  n'a  fait  probablement  que  copier  la  bévue  de  Fernàndez  de  Navar- 
rete  (Vida  de  Miguel  de  Cervantes  Saavedra,  Madrid,  18 19,  p.  516).  Brunet 
(Manuel  du  Libraire,  Paris,  I,  col.  175 1)  a  signalé  une  édition  d'Oudin  publiée 
en  1616;  et  cette  fausse  attribution  a  été  généralement  acceptée.  M.  John 
Ormsby  dans  le  troisième  appendice  de  sa  traduction  de  Don  Quijote  (Londres, 
1885,  IV,  p.  421)  donne  la  date  1616,  et  M.  Henry  Edward  Watts  la  reproduit 
dans  sa  Life  of  Cervantes  (Londres,  1888,  p.  286).  Le  directeur  de  la  Revue 
Hispanique  répétait  cette  déclaration  dans  son  excellente  version  du  Licenciado 


1.  V.  Les  numéros  10424  et  10416  dans  le  Catalogue  des  livres  de  ta  bibliothèque 
de  feu  M .  le  Due  de  la  Vaïlière  (Seconde  Partie,  disposée  par  Jean-Luc  Nyon  l'Aine), 
Paris,  1788,  III,  pp.  275,  274;  et  le  Catalogne  des  Itères  composant  la  bibliothèque  de  feu 
M.  le  Union  James  d,  Rothschild  (Paris,  1887,  II,  p.  277).  Les  mots  entre  parenthèses  ne 
se  trouvent  pas  dans  le  Catalogue  de  Nyon. 


varia  337 

Vidriera  (Paris,  1892,  pp.  7-8,  et  note).  De  même,  m'appuyant  sur  l'auto- 
rité de  M.  Foulché-Delbosc,  j'ai  suivi  le  renseignement  de  Brunet  dans  l'es- 
quisse bibliographique  qui  suit  ma  Life  of 'Miguel  de  Cervantes  Saavedra  (Londres, 
1892,  p.  545). 

Néanmoins  j'avoue  que  j'ai  beaucoup  hésité  avant  de  me  décider.  Dans 
leur  réimpression  d'Oudin  (Paris,  1884,  I.,  i.,  v.),  M.  Emile  Gebhart  et  son 
éditeur  nous  disent  que  «  la  première  partie  de  cette  traduction  est  de  1614  ». 
D'ailleurs,  dans  le  Catalogue  de  M.  James  de  Rothschild  (Paris,  1887,  II,  p. 
277)  on  cite  un  exemplaire  de  l'édition  de  1614  dans  la  bibliothèque  de  M.  Da- 
guin.  Outre  cela,  il  y  avait  —  chose  capitale  —  la  date  du  Privilège  qui  se 
trouve  au  commencement  de  la  troisième  édition  de  1620,  la  seule  que  j'eusse 
vue  lorsque  je  m'occupais  de  mon  étude.  Cette  date,  qui  est  du  17  mars  1614, 
donne  furieusement  à  penser,  un  retard  de  deux  ans  étant  peu  vraisemblable. 
Bien  que  personne,  que  je  sache,  n'ait  dit  l'avoir  vue,  l'existence  d'une 
édition  de  1614,  sans  être  démontrée,  devenait  au  moins  probable.  C'est  ce 
que  j'ai  dû  signaler. 

Eiïectivement  j'avais  raison  d'hésiter.  Fernandez  de  Navarrete,  Ticknor, 
Brunet,  MM.  Ormsby  et  Watts,  M.  Foulché-Delbosc  et  moi,  nous  nous  sommes 
trompés.  Je  viens  justement  de  voir  un  exemplaire  de  l'édition  princeps  dont 
je  transcris  ici  le  titre  que  j'ai  sous  les  yeux  :  LIngenievx  \  Don  \  Qvixote  \  de 
la  Manche  \  Composé  par  Michel  de  \  Cervantes,  |  Tradvit  Fidellemenl  \  d'Espagnol 
en  François,  \  et  |  Dédie  au  Roy  |  Par  César  Oudin,  Secrétaire  Interprète  de  \ 
sa  Majesté,  es  langues  Germanique,  Italienne,  \  et  Espagnole  :  et  Secret,  ordinaire  de 
Mon-  |  seigneur  le  Prince  de  Coudé.  |  A  Paris.  \  Che^  Ieau  Jouet,  rué  saiuct  \ 
lacques  au  Rosier.  \  M.  D.  C.  XIV.  \  Avec  Privilège  de  sa  Maiesté.  |  A  la  suite 
du  Privilège,  où  l'on  cite  les  «  lettres  Patentes  de  sa  Majesté,  sur  ce  données  à 
Paris,  le  dixseptiesme  de  mars,  mil  six  cens  quatorze.  Sellées  du  grand  Seau 
de  cire  jaulne  sur  simple  queue,  Signe  parle  Roy  en  son  Conseil.  De  Vabres.  », 
se  trouve  la  phrase  «  Acheué  d'imprimer  le  4.  iour  de  Iuin,  1614  ».  C'est,  je 
crois,  décisif. 

Il  me  semble  que  cette  rectification  d'une  erreur  où  je  me  suis  rencontré 
avec  la  plupart  de  mes  prédécesseurs,  ne  sera  pas  sans  intérêt  pour  les  Cervan- 
tistes  de  la  Revue  Hispanique. 

James  Fitzmaurice-Kelly. 

6.  Note  sur  une  édition  de  Don  Quichotte. 

El  ingenioso  hidalgo  Don  Quijote  de  la  Mancha  compuesto  por  Miguel  de  Cervantes 
Saavedra.  Edicion  adornada  con  800  laminas  repartidas  por  el  contexto.  Barcelona  :  im- 
prenta  de  Antonio  Bergnes  y  Compania  M  DCCC  XXXIX  ;  2  vol.  in-4  :  646^655  pp. 
Portrait  de  Cervantes  gravé  sur  acier  ;  illustrations  gravées  sur  bois. 


33o  VARIA 

Les  gravures  de  cette  édition,  ainsi  que  le  dit  Salvd  (Catàlogo,  n°  1575), 
sont  les  mêmes  que  celles  employées  par  le  libraire  Paulin  pour  la  traduction 
française  de  Viardot.  Ce  que  Salva  a  oublié  d'ajouter,  c'est  que  la  Noticia 
sobre  la  vida  y  escritos  de  Cervantes  placée  en  tête  du  tome  Ier,  n'est  que  la  tra- 
duction littérale  de  la  Notice  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  Cervantes  due  au  traduc- 
teur français.  L'éditeur  de  Barcelone  n'indiquant  nulle  part  le  nom  de  l'auteur 
de  la  Noticia  et  personne  ne  s'étant  encore  avisé,  à  ma  connaissance,  de  relever 
ce  fait  que  la  similitude  absolue  de  l'édition  de  Barcelone  et  de  la  traduction 
de  Paris  rend  pourtant  d'une  constatation  bien  simple,  il  m'a  semblé  utile  de 
rendre  à  Viardot  ce  qui  appartient  à  Viardot.  F.  H.  Graser. 

7.  La  troisième  édition  de  la  Guerra  de  Granada  de  Don  Diego  Hurtado 

de  Mendoza. 

Dans  l'Etude  sur  la  Guerra  de  Granada  de  Don  Diego  Hurtado  de  Mendoza  que 
j'ai  publiée  dans  le  n°  2  de  la  Revue  Hispanique  (pp.  101  à  165),  je  disais  (p.  127) 
que  la  troisième  édition  était  la  seule  dont  je  n'avais  pu  trouver  d'exemplaire. 
M.  Johannes  Merck,  de  Hambourg,  possède  dans  sa  bibliothèque  cette  édition: 
il  a  eu  l'obligeance,  dont  je  le  remercie,  de  m'en  envoyer  la  description  : 

Guerra  de  Granada,  Hecha  por  El  Rey  de  Espana  Don  Felipe  II.  nuestro  senor, 
contra  los  Moriscos  de  aquel  Revno,  sus  rebeldes.  Historia  escrita  en  quatro  libros.  Por 
Don  Diego  de  Mendoza  del  Consejo  del  Emperador  Don  Carlos  V.  su  Embaxador  en 
Roma,  v  Venecia  ;  su  Governador,  y  Capitan  General  en  Toscana.  Con  licencia  :  —  En 
Valencia,  por  Vicente  Cabrera.  A  costa  de  Francisco  Roveda  Mercader  de  Libros,  en- 
frente  la  Diputacion.  —  In-8,  6  ff.  préls.  et  331  pp. 

Les  feuillets  préliminaires  contiennent  : 

f.  1  :  Titre. 

ff.  2  et  3  :  Aprobacion  de  D.  Gregorio  Mayans  i  Ciscar,  datée  de  Valence 
13  juin  1730,  et  l'Imprimatur. 

ff.  4,  3,  et  f.  6  recto:  Luis  Tribaldos  de  Toledo,  al  Leclor. 

f.  6  verso:  Licencia  dd  Consejo  à  Fr«  Roveda,  datée  de  Madrid,  18  mai 
1730. 

Les  pages  chiffrées  contiennent  : 

pp.  1  et  2  :  Brève  memoria 

pp.  3  et  4  :  Inlrodiiccion.... 

PP-  5—3 3 1  :  De  la  Guerra  de  Granada. 

Je  ne  me  trompais  donc  pas  en  écrivant  d'une  part  (p.  118)  :  «  Vaprobacion 
de  Mayans  est  datée  de  Valence,  13  juin  1730.  Il  est  probable  que  cette  apro- 
bacion fut  placée  en  tète  de  l'édition  publiée  à  Valence  vers  1730  par  Viccntc 
Cabrera  et  que  Fauli  la  réimprima  simplement  en  tète  de  la  sienne,  »  et  d'autre 
part  (p.  119)  :  «  Cette  40  édition  (Valence,  1766)  n'est  vraisemblablement  qu'une 
reproduction  à  peu  près  fidèle  de  la  troisième....  »      R.  Foulché-Deliîosc. 


BIBLIOGRAPHIE 


Histoire,  etc. 


L'Espagne  chez  Homère,  par  Théodore  Reinach.  Chartres:  imp.  Durand, 
1894,  in-8,  7  pp.  (Extrait  du  n°  d'avril  de  la  Revue  Celtique,  t.  XV). 

Souvenirs  du  pèlerinage  espagnol  à  Rome  (avril  1894)  ,  par  le  chevalier 
Mac  Swiney.  Evreux  :  imp.  Odieuvre,  1894,  in-16,  128  pp. 

Recueil  des  instructions  données  aux  ambassadeurs  et  ministres  de  France 
depuis  les  traités  de  Westphalie  jusqu'à  la  Révolution  française,  publié  sous  les 
auspices  de  la  Commission  des  archives  diplomatiques  au  Ministère  des  Affaires 
étrangères.  Espagne,  avec  une  introduction  et  des  notes  par  A.  Morel-Fatio, 
avec  la  collaboration  de  H.  Léonardon.  Tome  I  (1 649-1 700).  Paris  :  Félix 
Alcan,  1894,  in-8.  —  20  fr. 

Le  Bienheureux  Jean  d'Avila  (1500-1569),  par  le  P.  J.  B.  Couderc,  S.  J. 
Lille  et  Paris  :  Desclée,  de  Brouwer  et  Cie,  1894,  in-16,  141  pp.  illustré. 

Spain,  being  a  summary  of  Spanish  history  from  the  Moorish  conquest  to 
the  fall  of  Granada  (711 — -1492  A.  D.),  by  Henry  Edward  Watts.  London  :  T. 
FisherUnwin,  1894,  in-8,  xxvn  -315  pp. 

The  life  and  times  of  James  the  first,  the  conqueror  king  of  Aragon,  Va- 
lencia,  and  Majorca,  Count  of  Barcelona  and  Urgel,  Lord  of  Montpellier.  By 
F.  Darwin  Swift.  With  a  map.  Oxford,  1894,  in-8,  xix-311  pp. 

Descubrimiento  precolombino  de  la  America.  Ensayo  crftico-histôrico  por 
Baltasar  Vêlez,  Sacerdote  colombiano,  Cura  y  Promotor  en  la  Ciudad  y  Dio- 
cesis  de  Pamplona,  Misionero  Apostôlico,  etc.,  etc.  Paris  :  Garnier  Hermanos, 
1894, in-8,  xix-i 16  pp. 

Collection  de  Codes  étrangers  VIII.  Code  civil  portugais,  promulgué  le  Ier 
juillet  1867,  mis  en  vigueur  le  Ier  janvier  1868.  Traduit,  annoté,  précédé 
d'une  introduction  par  Fernand  Lepelletier...  Paris  :  Durand  et  Pedone-Lauriel, 
1894,  in-S,  xxv-483   pp. 

The  first  divorce  of  Henry  VIII  [(Divorce  of  Katherine  of  Aragon)  as  told 
in  the  State  Papers.  By  Mrs  Hope.  Edited,  with  notes  and  introduction  by 
Francis  Aidan  Gasquet.  D.  D.,  O.  S.  B.  London  :  Kegan  Paul,  Trench,  Trub- 
ner  and  Co.,  1894,  in-8,  xx-375  pp. 


34°  BIBLIOGRAPHIE 


Estudios  cn'ticos  acerca  de  la  domination  espanola  en  America  por  el  P. 
Ricardo  Cappa  Tomo  XII.  Parte  tercera  :  Industria  naval.  Vol.  3.  Madrid  : 
M.  Murillo,  1894,  in-8,  11-366  pp.  — 3  pes. 

Sommaire:  Expediciô:i  de  Anson.  —  La  industria  en  el  Perû,  1745-1824.  —  Piratas 
del  Pacifico.  — Callao.  —  Industria  en  el  AtLintico.  — Piratas  corsarios.  —  La  industria 
en  Cuba. 

Historia  gênerai  de  las  islas  Canarias,  por  Agustm  Millares,  de  la  Real 
Academia  de  la  Historia.  Tomo  V.  Las  Palmas,  Impr.  de  «  La  Verdad  »,  de 
J.  Miranda,  1894,  in-4,  300  pp.  Madrid  :  M.  Murillo.  —  3.50  pes. 

El  côdigo  pénal  de  1870  concordado  y  comentado,  por  D.  Alejandro  Groi- 
zard  )•  Gômez  de  la  Serna.  Tomo  V.  Salamanca  :  Esteban  Hermanos,  impre- 
sores,  1894,  in-4,  771  pp.  Madrid,  Sudrez.  —  15  pes. 

Luis  Vives,  por  A.  Lange,  autor  de  la  «  Historia  del  materialismo  »  ;  tra- 
duction directa  del  alemdn,  revisada  por  M.  Menéndez  y  Pelayo.  Madrid  :  Est. 
tipogrâfico  de  Agustîn  Avrial.  S.  a.  (1894)  (La  Espana  Moderna),  in-8,  90  pp. 
—  2.50  pes. 

Congreso  geogrdfico  hispano-portugués-americano,  reunido  en  Madrid  en 
el  mes  de  Octubre  de  1892.  Cuarto  centenario  del  descubrimiento  de  Ame- 
rica. Actas.  Tomo  IL  Impr.  del  Mémorial  de  Ingenieros.  Madrid  :  Murillo. 
1893-94,  in-8,  638  pp.  et  deux  cartes.  —  15  pes. 

Prisiones  espaiïolas;  estudios  penitenciarios,  visitas  d  la  cdrcel  modelo,  por 
El  Abate  Boussoni.  Madrid  :  Impr.  y  lit.deTerceno,  i894,in-i2,  16  pp. —  0.50 
pes. 

Apuntes  histôricos  sobre  la  villa  de  Torrijos  (Toledo)  y  sus  mas  esclare- 
cidos  bienhechores,  por  D.  Miguel  Antonio  Alarcôn.  Valencia,  Imprenta  de 
Francisco  Vives  Mora.  —  Madrid  :  E.  Hernandez,  1894,  in-8,  353pp.  —  3  pes. 

Influjo  civilizador  de  los  Cenobios  Medioevales  en  el  Noreste  de  Espana. 
Discurso  del  Présidente  del  jurado  delà  Asociacion  literaria  de  Gerona,  por  D. 
José  Pellicer  y  Pages,  licenciado  en  filosofia  y  letras,  C.  de  las  Reaies  Acade- 
mias  de  la  Historia  y  de  Bellas  Artes  de  San  Fernando,  etc.,  etc.  Certamenxxu 
de  la  Asociacion.  Gerona  :  Impr.  de  Paciano  Torres,  1894,  in-8,  42  pp. —  1.25 
pes. 

Historia  natural  y  moral  de  las  Indias,  escrita  por  el  P.  Joseph  de  Acosta, 
de  la  Compania  de  Jésus,  publicada  en  Sevilla  en  1590  y  ahora  iiclmente  reim- 
presa  de  la  primera  édition.  Madrid  :  Ramon  Angles,  irupresor,  1894,  2  tomos, 
in-8,  xxm-486  et  xvi-392  pp.  —  8  pes. 

La  guerra  del  moro  à  fines  del  siglo  xv,  por  don  Marcos  Jiménez  de  la 
Espada.  (Madrid  :  Fortanet,  1894),  in-8, 42  pp.  (Tirage  à  part  du  Boletin  de  la 
Sociedad  Geogrdfica  augmenté  de  quelques  notes). 

Historia  de    Montserrat ,  por   el   Abad   D.  Miguel   Muntadas,  continuada 


BIBLIOGRAPHIE  34I 


por  un  monje  del  mismo  monasterio.  Barcelona  :  Impr.  de  la  Casa  provincial 
de  Caridad,  1894,  in-8,  532  pp.  grav.  —  4.50  pes. 

Estado  social  del  Perû  durante  la  dominaciôn  espaiïola.  Discurso  leido  en 
la  Universidad  Mayor  de  San  Marcos  en  Lima,  en  la  ceremonia  de  apertura 
del  aho  escolar  de  1894;  porel  Dr.  Javier  Prado  y  Ugarteche.  Lima  :  Impr.de 
«  El  Diario  Judicial»,  por  M.  Agois,  1894, in-8,  xxn-191  pp.  Madrid,  Fé.  —  2.50 
pes. 

Compendio  de  la  doctrina  catalanista,  por  Enrich  Prat  de  la  Riba  y  Père 
Montanyola,  premiat  en  lo  concurs  regionalista  del  Centre  Catala  de  Sabadell 
y  aprobat  por  la  junta  permanent  de  la  Unio  Catalanista.  Barcelona  :  Impr.  de 
la  Renaixensa,  1894,  in-8,  52  pp.  —  1.25  pes. 

Beaux-Arts 

Renaissance  Architecture  and  Ornament  in  Spain.  A  séries  of  examples 
selected  from  the  purest  works  executed  between  the  years  1 500-1 560  meas- 
ured  and  drawn  together  with  short  descriptive  text  by  Andrew  N.  Prentice. 
London  :  B.  T.  Batsford  [1894],  in-fol.,  16  pp.  and  lx  plates. 

El  casco  del  Rey  D.  Jaime  el  Conquistador;  monografïa  critico-histôrica, 
por  el  Baron  de  las  Cuatro-Torres,  Conde  del  Asalto,  Madrid  :  Est.  tip.  de 
Agustin  Avrial,  1894,  in-8,  32  pp.  à  2  col.  et   gravures.  —  2.50  pes. 

Recuerdos  arqueolôgicos  de  Âlava.  La  basilica  de  Santa  Marfa  de  Estiba- 
liz.  Colecciôn  de  articulos  publicados  en  el  periôdico  La  Libertad,  por  el  coro- 
nel  teniente  coronel  de  Ingenieros,  D.  Sixto  Mario  Soto,  Académico  corres- 
pondiente  de  la  Real  de  Bellas  Artes  de  San  Fernando.  Vitoria  :  Impr.  de  Galo 
Barrutia,  1894,  in-8,  59  pp.  et  une  photographie.  —  2  pes. 

Folk-Lore 

Cien  refranes  andaluces,  de  meteorologfa,  cronologfa,  agricultura  y  eco- 
nomi'a  rural,  recogidos  de  la  tradiciôn  oral  y  concordados  con  los  de  varios 
paîses  romànicos,  por  Francisco  Rodriguez  Marin.  Segunda  ediciôn  anotada. 
Sevilla  :  Impr.  de  E.  Rasco,  1894,  in-4,  33  pp.  (Madrid,  M.  Murillo).  — 
1  pes. 

Voyages,  etc.. 

Excursion  en  Espagne.  Miraflores,  par  Tierny,  archiviste  du  Gers.  Mon- 
tauban  :  impr.  Forestié,  1894,  in-8,  15  pp. 

Excursion  en  Espagne.  Las  Huelgas  et  Avila,  par  Ch.  Baudon  de  Mony. 
Montauban  :  impr.  Forestié,  1894,  in-8,  12  pp. 


342  BIBLIOGRAPHIE 


Edouard  Conte.  A  travers  Majorque  (dans  La  Revue  de  Paris,  n°  16,  15 
septembre  1894).  Paris,  1894,  in-8. 

Maurrice  Barrés.  Du  sang,  de  la  volupté  et  de  la  mort.  (Un  amateur 
d'âmes.  Voyage  en  Espagne.  Voyage  en  Italie,  etc.)  Paris  :  G.  Charpentier  et 
E.  Fasquelle,  1894,  in-18,  326  pp. —  3  fr.  50. 

Henry  Bonnet.  En  Yacht  :  Autour  de  l'Espagne  (dans  La  Revue  de  Paris, 
n°  13,  Ier  août  1894).  Paris,  1894,  in-8. 

Un  combat  de  taureaux  à  Saint-Sébastien,  par  le  docteur  G.  Chevalier. 
Angers  :  Lachèse  et  Cie,  1894,  in-8,  35  pp. 

Unter  den  Naturvôlkern  Central-Brasiliens.  Reiseschilderung  und  Ergeb- 
nisse  der  zweiten  Schingû-Expedition  1888-1889  von  Karl  von  den  Steinen. 
Mit  5oTafeln(i  Héliogravure,  11  Lichtdruckbilder,  5  Autotypen,  und  7  lithogr. 
Tafeln)  sowie  iôoText-Abbildungen  nach  den  Photographien  der  Expédition, 
nach  den  original  aufnahmen  von  Wilhelmvon  den  Steinen  und  nach  Zeichnun- 
gen  von  Johannes  Gehrts  nebst  einer  Karte  von  Prof.  Dr  Peter  Vogel.  Berlin, 
1894,  gr.  in-8,  xvi-570  pp. 

La  tauromaquia  ô  arte  de  torear;  obra  utilisima  para  toreros  de  profesiôn, 
para  los  aficionados  y  toda  clase  de  sujetos  que  gustan  de  toros,  por  José  Del- 
gado  (alias  Hillo)  :  nueva  ediciôn,  seguida  de  un  apéndice  conteniendo  los 
precios  de  las  corridas  de  toros  y  novillos  en  la  Plaza  de  Madrid.  Madrid  : 
Imprenta  de  José  Rodriguez,  1894,  in-8,  100  pp. —  1  pes. 

Diario  de  un  peregrino,  1894.  Recuerdos  del  viaje  à  Roma  en  la  peregri- 
naciôn  nacional  obrera.  Barcelona  :  Tip.  «  La  Ilustraciôn  »  S.  a.  (1894),  in-8, 
136  pp.  avec  gravures.  (Madrid,  Hernàndez)  —  0.50  pes. 

Tauromaquia  hispana  ;  pintura  poética  en  octavas  rimas,  de  las  doce  suer- 
tes  o  lances  mas  principales  que  acaecen  en  una  corrida  de  toros,  siguiendo  la 
idea  y  représentation  con  que  estân  grabadas  en  el  juego  de  estampas  de  D. 
Antonio  Carnicero  ;  su  autor  D.  Pedro  Salanoba  (publicada  el  ano  1790  y 
ahora  nuevamente  reimpresa).  Madrid  :  Murillo,  1894,  in-8,  16  pp.  — 2  pes. 

Guia  itinerario  del  ait  pla  de  Barcelona  y  del  Baix  Vallès  dividida  en  76 
itinerarios  por  ArturOsona,  en  colaboraciôn  ab  Joseph  Castellanos  ab  dos  socios 
del  Centre  excursionista  de  Catalunya.  Tercera  ediciôn  corregiday  aumentada. 
Barcelona  :  Impr.  de  F.  Altés  y  Alabart,  1894,  in-8,  206  pp.  —  2.25  pes. 

Littérature. 

The  Humour  of  Spain  selected  with  an  introduction  and  notes,  by  Suscite 
M.  Taylor.  London  Walter  Scott,  in-8,  xvi-362  pp. 

Santa  Teresa.  Being  some  account  of  lier  life  and  times  together  with  some 
pages  froiîi  the  history  of  the  last  great  reform  in  the  religious  orders  by 
Gabriela  Cunninghame  Graham.  London  :  Adam  and  Charles  Black,  1894, 
in-8.  Tome  I,  x-463  pp.  Tome  II,  vi-452  pp. 


BIBLIOGRAPHIE  343 


El  arte  escénico  en  Espana  por  José  Yxart.  Volumen  I.  Introducciôn.  La 
tradiciôn.  La  decadencia.  —  El  drama.  —  Echegaray,  Gaspar,  Sellés,  Feliu  y 
Codina.  —  Nuevas  direcciones  dramdticas.  —  En  el  extranjero.  — ■  En  Espana. 

—  Pérez  Galdôs,  etc.  Epïlogo  Barcelona  :  Impr.  de  «  La  Vanguardia  ».  Madrid, 
Murillo,  1894,  in-8,  364  pp.  —  5   pes. 

Diccionario  biografico  y  bibliografico  de  escritores  y  artistas  catalanes  del 
siglo  xix  ;  apuntes  y  datos,  por  D.  Antonio  Elias  de  Molins.  Cuadernos  36  à 
40.  Barcelona,  1892  à  94,  in-8  à  2  vol.  (Torao  II,  pp.  413  à  572).  Madrid  : 
M.  Murillo  —  Chaque  livraison,  1  pes. 

El  caso  Garni;  monomani'a  maliciosa  de  forma  impulsiva  ;  estudio  de 
psiquiatria,  por  el  Dr  P.  Gêner,  de  la  Sociedad  Antropolôgica  de  Paris.  Gerona  : 
Impr.  de  Paciano  Torres,  1894,  in-8,  32  pp.  — ■  1  pes. 

El  supernaturalismo  de  Santa  Teresa  y  la  filosofïa  médica,  ô  sea  los  éxta- 
sis,  raptos  y  enfermedades  de  la  Santa  ante  las  ciencias  médicas  :  memoria  pre- 
miada  por  la  secciôn  literaria  de  Salamanca.  Tema  50  Porel  Dr.  Arturo  Perales 
y  Guticrrez,  catedrâtico  numerario  por  oposiciôn  de  la  Facultad  de  Medicina 
de  Granada  ;  con  un  prôlogo  del  Dr.  Fernando  Segundo  Brieva  Salvatierra. 
Madrid  :  Libr.  de  G.  Del  Amo,  1894,  in-8.  —  4  pes. 

Textes. 

The  heart  and  songs  or  the  Spanish  Sierras  by  George  Whit  White.  Illus- 
trated.  London  :  T.  Fisher  Unwin,  1894,  in-8,  pp.  197. 

Anthero  de  Quental.  Sixty-four  sonnets  Englished  by  Edgar  Prestage. 
London  :  David  Nutt,  1894,  in-8,  pp.  xm-133. 

Ensayos  religiosos,  polfticos  y  literarios,  por  D.  José  Maria  Quadrado  Se- 
gunda  ediciôn.  Tomo  II:  (Escritos  politicos,  primer  perfodo  1843-1846).  Pal- 
ma  de  Mallorca  :  Tipo-litografia  de  Amengual  y  Muntaner,  1894,  in-4,  500  pp. 

—  5  pes. 

Ripios  ultramarinos,  por  D.  Antonio  de  Valbuena  (Miguel  de  Escalada) 
Segundo  monton.  Madrid  :  Libr.  de  Suàrez,  1894,  in-8,  288  pp.  —  3  pes. 

Poesîas  escogidas  de  D.  José  Zorrilla  publicadas  por  la  Real  Academia  Espa- 
nola.  Madrid  :  Murillo,  1894,  in-8,  179  pp.  —  1  pes. 

Coleccion  de  escritores  castellanos.  Tomo  105.  Obras  complétas  de  D. 
Angel  de  Saavedra,  Duque  de  Rivas,  director  que  tué  de  la  Real  Academia 
Espanola,  présidente  de  la  de  Bellas  Artes  de  San  Fernando  é  individuo  de 
numéro  delà  Historia  ;  coleccionadas  de  nuevo  por  su  hijo  D.  Enrique  R.  de 
Saavedra,  Duque  de  Rivas.  Tomo  I.  Madrid  :  M.  Murillo,  1894,  in-8,  xxxn-487 
pp.  Portrait  de  l'auteur.  —  5  pes. 

Poesfas  inéditas  de  Don  Juan  Meléndez  Valdés  publicadas  por  R.  Foulché- 
Delbosc.  Madrid  :  M.  Murillo,  1894,  in-8,  32  pp.  —  2  pes. 


344  BIBLIOGRAPHIE 


Cartas  amatorias  de  la  monja  portuguesa  Mariana  Alcofurado,  dirigidas 
al  Conde  de  Chamilly,  capitân  del  ejército  francés.  Madrid  :  Agustin  Avrial, 
impresor  «  La  Espana  Moderna  »,  s.  d.  (1894),  in-4,  42  pp.  —  3  pes.  (tiré  à  200 
exemplaires). 

Antologia  de  poetas  mexicanos,  publicada  por  la  Academia  Mexicana,  cor- 
respondiente  de  la  Real  Espaiïola.  Segunda  ediciôn.  Mexico,  Tip.  de  la  Secre- 
tan'a  de  Fomento.  Madrid  :  G.  Sanchez,  1894,  in-4,  vii-488-m  pp.  —  12  pes. 

Panoramas  orientales;  impresiones  de  un  viajero-poeta.  Conferencia  dada 
en  el  Ateneo  cientffko,  literario  y  artistieo  de  Madrid  la  noche  del  7  de  Mayo 
de  1894,  por  D.  José  Alcali  Galiano.  —  Madrid  :  Tip.  de  los  hijos  de  M.  G. 
Hernandez,  1894,  in-4,  47  PP- —  1  pes- 

El  ingenioso  hidalgo  D.  Quijote  de  la  Mancha,  compuesto  por  Miguel  de 
Cervantes  Saavedra  y  comentado  por  D.  Diego  Clemenci'n.  Tomos  VI  y  VII. 
Madrid  :  Imprenta  de  la  Viuda  de  Hernando  y  Comp.,  1894,  in-8,  339  y  391 
pp. —  Chaque  vol.,  3  pes. 

Les  trobes  en  lahors  de  la  Verge  Maria,  publicadas  en  Valencia  en  1474, 
y  reimpresas  por  primera  vez.  con  una  introducciôn  y  noticias  biogrdficas  de 
sus  autores,  escritas  por  Francisco  Martî  Grajales.  (Primer  libro  impreso  en 
Espana  en  1474).  Valencia,  Impr.  de  Ferrer  de  Ortega.  1894,  in-8,  92  pp. 
prels.  et  60  ff.  n.  ch.  Madrid  :  M.  Murillo.  —  7.50  pes. 

Obras  de  D.  Marcelino  de  Aragon  Azlor  y  Ferndndez  de  Côrdoba,  Duque 
de  Villahermosa,  Conde-Duque  de  Luna,  de  la  Real  Academia  Espahola;  con 
un  prologo  de  D.  M.  Menéndez  y  Pelayo,  de  la  misma  Academia.  Madrid  : 
Establecimiento  tipogrdfico  Viuda  é  Hijos  de  M.  Tello,  1894,  in-8,  xvm-367 
pp.,  et  portrait.  (Non  mis  dans  le  commerce). 

Ecos  de  las  montanas.  Leyendas  histôricas,  por  D.  José  Zorrilla,  ilustrados 
por  Gustavo  Doré.  Barcelona  :  Montaner  y  Simon,  1894,  in-4,  446  pp.  y  36 
grav.  :  «  reducciôn  de  las  de  la  grande  y  primera  ediciôn  publicada  en  1868.  »  — 
6  pes. 

Enseignement 

Revista  dos  lyceus.  IV  an.  Porto  :  Typ.  de  José  da  Silva  Mendonça,  in-8. 

N°  2.  Julho  de  1894,  pp.  49  à  96. 

N°  3.  Agosto  de  1894,  pp.  97  à  144. 

Nos  4  et  5.  Setembro  e  Outubro  de  1894,  pp.  145  à  240. 

Introduction  to  Commercial  Spanish  by  Léon  Delbos.  London  :  Macmillan 
and  Co,  1894,  in-8,  xii-205. -3/6. 

The  living  method  for  leaming  how  to  think  in  Spanish  by  Charles  F. 
Kroeh,  A.  M.,  Professor  of  languages  in  the  Stevcns  Institute  of  Technology, 
Hoboken,  X.  J.  London:  Englandand  Hoboken,  N.  J.:  Published  by  the  Author 
[1894],  in-8,  278  pp. 


BIBLIOGRAPHIE  345 


First  steps  in  Spanish  idioms  containing  an  alphabetical  list  of  idioms,  ex- 
planatory  notes  and  examination  papers  by  Eduardo  Tolrd  y  Fornés.  Second 
Edition,  revised.  London  :  Librairie  Hachette  et  Cie,  1894,  in-8,  vi-117  pp. -1/6. 

Périodiques. 

La  Espana  moderna.  Director-propietario  J.  Ldzaro. 

Agosto  de  1894.  Madrid,  s.  d.  (1894),  in-8,  206  pp.  —  3  pes. 

Setiembre  de  1894.  Madrid,  s.  d.  (1894),  in-8,  207  pp.  —  3  pes. 

Octubre  de  1894.  Madrid,  s.  d.  (1894),  in-8,  208  pp.  —  3  pes. 

Archivo  do  Distrito  Fédéral.  Revista  de  documentos  para  a  historia  da 
Cidade  do  Rio  de  Janeiro.  Prefeito  :  Dr  Henrique  Valladares  ;  Redactor  :  Mello 
Moraes  Filho  (Director  Archivista)  1°  Anno,  Janeiro,  1894.  Rio  de  Janeiro. 
Redacçào  e  Administraçâo  :  Archivo  Municipal. 

Collections. 

Biblioteca  ardbico-hispana.  Torao  IX.  Index  librorum  de  diversis  scientiarum 
ordinibus  quos  a  magistris  didicit  Abu  Bequer  ben  Khair  ad  fidem  codicis  escu- 
rialensis  arabice  nunc  primum  ediderunt  indicibus  additis,  Franciscus  Codera, 
in  Universitate  Matritensi  arabice  lingue,  et  J.  Ribera  Tarrago.  Tomo  1. 
Caesaraugustae  in  Typographia  Fratrura  Comas;  Madrid  M  :  Murillo,  1894,  in-4, 
466  pp.  — 20  pes. 

*  Colecciôn  de  documentos  inéditos  para  la  historia  de  Espana,  por  el  Mar- 
qués de  la  Fuensanta  del  Valle,  de  la  Academia  de  la  Historia  y  de  la  de  Cien- 
cias  Morales  y  Poh'ticas.  Tomo  CX,  Madrid  :  Impr.  de  José  Perales  y  Marti'nez 
1894,  in-4,  512  pp. 

Colecciôn  de  libros  raros  que  tratan  de  America.  Volumen  IL  Très  tratados 
de  America  (siglo  xvtn).  Relaciôn  histôrica,  politica  y  moral  de  la  ciudad  de 
Cuenca,  poblacion  y  hermosura  de  su  provincia,  por  el  doctor  D.  Joaqui'n  de 
Merisalde  y  Santisteban,  corregidor  y  justicia  mayor  de  ella  —  Razôn  sobre  el 
estado  y  gobernaciôn  politica  y  militar  de  la  jurisdicciôn  de  Quito  en  1754, 
por  Juan  Pîo  de  Montufar  y  Frasco,  gobernador  y  capitan  gênerai  de  las  pro- 
vincias  de  Quito.  —  Diario  de  todo  lo  ocurrido  en  la  expugnacion  de  los  fuertes 
de  Bocachica  y  sitio  delà  ciudad  de  Cartagena  de  las  Indias  en  1741,  formado 
de  los  pliegos  remitidos  à  S.  M.  (que  Dios  guarde)  por  el  Virrey  de  Santa  Fé, 
D.  Sébastian  Eslava,  con  don  Pedro  de  Mur,  su  ayudante  gênerai.  Madrid  : 
M.  Murillo,  1894,  in-8,  256  pp.  —  3  pes. 

Boleti'n  de  la  Real  Academia  de  la  Historia.  Tomo  XXV.  Cuadernos  1  à  3. 
Julio  d  Septiembre  de  1894.  Madrid  :  M.  Murillo,  1894,  in-8,  pp.  1  à  256.  — 
Chaque  livraison  1.25  pes. 

Revue  hispanique.  22 


\^6  COMPTES    RENDUS 


Bibliographie. 

Catalogo  de  la  Biblioteca  pûblica  municipal  de  Jerez  de  la  Frontera.  Jerez 
Impr.  de  «  El  Guadalete  »,  1894,  irx-4.  3  IL,  prels  et  318  pp.  à  2  col.  (Non 
mis  dans  le  commerce). 

Bibliografïa  de  Mindanao  (epitome),  por  W.  [E.  Retana.  Madrid,  Imprenta 
de  la  Viuda  de  M.  Minuesa  de  los  Rios,  1894,  in-8,  69  pp.  —  1  pes. 


COMPTES    RENDUS 


FilosofIa  atnigua  poética,  del  doctor  Alonso  Lôpez  Pinciano...  ahora  nuevamente 

publicada  cou  una  introducciôn  y  notas,  por  D.  Pedro  Muiioz  Pena Yalladolid  :  Hijos 

de  Rodriguez,  1894,  in-8°,  xxxiv-513  p. 

Cette  réimpression,  la  première  qui  ait  été  faite  depuis  la  publication,  en 
1596,  de  l'œuvre  principale  du  Pinciano,  sera  bien  accueillie  du  public  spécial 
auquel  elle  s'adresse.  L'édition  princeps  est  rare,  et  d'ailleurs  fort  imparfaite  : 
celle  que  nous  donne  aujourd'hui  M.  Munoz  Pena,  déjà  honorablement  connu 
par  un  ouvrage  sur  Tirso  de  Molina,  sera  lue  et  consultée  avec  fruit.  Elle  se 
compose:  i°  d'une  Introduction,  dans  laquelle  l'éditeur  nous  entretient  de 
l'auteur,  de  son  œuvre,  et  de  la  nouvelle  édition  ;  2°  du  texte  de  la  Fiîoso/ia  ; 
30  de  notes  accompagnant  et  éclairant  le  texte.  Nous  nous  bornerons  à 
quelques  remarques  critiques    sur   chacun  de   ces  points. 

M.  M.  P.  semble,  de  propos  délibéré,  —  et  nous  le  regrettons,  —  s'être 
désintéressé  de  toute  recherche  biographique  sur  Alonso  Lôpez  :  il  s'en  tient  à 
ce  que  nous  apprend  Nicolas  Antonio.  C'est  peu.  Car,  même  pour  l'intelligence 
d'une  œuvre  purement  didactique,  il  y  aurait  intérêt  à  mieux  connaître  la 
personne,  l'éducation,  les  relations,  les  lectures  de  l'auteur,  la  date  de  la  com- 
position, etc. 

Un  seul  exemple  suffira  à  le  montrer.  M.  M.  P.  estime  que  la  Fibsofia 
Antigua  a  été  écrite  «  avec  l'objet  précis  de  réfréner  les  innovations  de  Lope 
—  con  objelo  precisamente  de  contener  esta  innovation,  »  et  il  ajoute  (p.  vm)  qu'il 
n'est  pas  douteux  que  l'ouvrage  n'ait  été  écrit  «  en  vista  y  cotno  consecuencia  del 
aplauso..  con  que  cran  recibidas  Un  producciones  de  Lope.  »  Pour  ma  part,  j'en 
doute  fort;  d'abord,  parce  que  L'auteur  ne  semble  se  préoccuper  ni  peu  ni  prou 
du  théâtre  contemporain  et  de  celui  de  Lope  en  particulier;   en   second  lieu, 


COMPTES    RENDUS  347 


parce  que  la  chronologie  se  prête  mal  à  cette  conclusion.  A  quelle  époque,  en 
effet,  l'œuvre  a-t-elle  été  composée  ?  Le  nouvel  éditeur  ne  nous  le  dit  point, 
mais  il  semble  résulter  du  début  de  l'Epître  première  qu'il  faut  placer  la  date  de 
la  composition  des  premiers  chapitres  tout  au  moins  vers  l'année  1590.  Or,  à 
cette  date,  les  œuvres  dramatiques  de  Lope  étaient-elles  si  nombreuses,  et  son 
influence  déjà  si  considérable  qu'il  fût  nécessaire,  pour  la  combattre,  d'un  si 
grand  effort  ?  Assurément  non,  car  ce  ne  fut  qu'à  partir  de  cette  date  que  Lope 
commença  à  «afyarse  con  la  monarquia  cômica  »,  et  par  suite  tombe  l'hypothèse 
de  M.  M.  P.,  qui  voit  dans  la  Filosofia  une  protestation  indirecte,  une  «  vo% 
de  alerta  » ,  contre  el  arte  nuevo. 

Si  nous  connaissons  mal  Lôpez  Pinciano,  nous  ne  connaissons  pas  du 
tout  les  interlocuteurs  qu'il  introduit  dans  ses  dialogues,  Fadrique,  Gabriel, 
Hugo.  On  aurait  pu  cependant  se  demander  si  ces  personnages  étaient  pure- 
ment imaginaires.  Il  y  a  bien  des  apparences  pour  que  l'un  d'eux  tout  au 
moins,  Fadrique,  ait  réellement  existé  ;  sinon,  les  mots  par  lesquels  Lôpez  le 
caractérise  n'auraient  plus  de  sens  :  «  un  hombre  que  tan  bien  podia  hablar  en 
aquclla  matériel  (la  politique)  por  haber  de  ella  escrito  muy  bien.  »  On  ne  s'éton- 
nera pas  des  éloges  que  l'éditeur,  après  M.  Menéndez  y  Pelayo,  décerne  à  la 
Filosofia.  Nous  souhaitons  qu'ils  ne  paraissent  pas  au  lecteur  quelque  peu  exa- 
gérés. Mais  je  crains  que  ce  dernier  n'éprouve  quelque  surprise  à  voir  traiter 
de  «  ingénia  genuinamente  nacional  »,  cet  honnête  commentateur  du  Filôsofo, 
dont  le  principal  mérite,  en  somme,  consisterait  à  s'être  servi  de  l'antiquité 
contre  ce  qu'il  y  a  de  plus  national  en  Espagne,  lé  théâtre. 

En  ce  qui  concerne  le  texte,  l'éditeur  a  respecté  avec  raison  la  forme  ar- 
chaïque des  mots  (pornd  =  pondra,  oyo  =  oigo);  mais,  selon  l'usage  à  peu 
près  constant  en  Espagne,  il  a  substitué  à  l'orthographe  du  xvie  siècle,  l'ortho- 
graphe courante  et  moderne,  «  par  crainte  d'effrayer  le  lecteur.  »  On  aime  à 
croire  cependant  que  les  lecteurs  de  la  Filosofia  Antigua  possèdent  une  culture 
suffisante  pour  ne  pas  être  trop  dépaysés  par  les  archaïsmes  orthographiques 
de  cette  époque.  Au  besoin,  quelques  notes  sur  ce  sujet  auraient  été  les  bien- 
venues. Celles  de  M.  M.  P.  ont  surtout  pour  but  d'éclairer  et  de  discuter  la 
pensée  de  l'auteur.  Il  y  en  a  d'excellentes  (hidalgo,  p.  67  ;  behetria,  p.  69,  etc.). 
D'autres  auraient  pu,  sans  inconvénient,  croyons-nous,  être  réduites  ou  même 
supprimées.  Est-il  bien  nécessaire,  par  exemple,  de  nous  apprendre  (p  63)  que 
Milon  de  Crotone  n'a  rien  de  commun  avec  le  Milon  que  défendit  Cicéron  ?— 
Une  dernière  observation,  qui  s'adresse  moins  à  l'auteur  qu'à  l'imprimeur.  Les 
fautes  d'impression  abondent.  Un  errata,  assez  riche,  en  corrige  un  certain 
nombre,  mais  il  en  reste  beaucoup,  dont  quelques-unes  fâcheuses  (Quintus  de 
de  Smyrne  placé  au  Ve  siècle  avant  J.-C.  (p.  92),  la  camion  de  Garcilaso  à  la 
flor  Guido  (p.  422)  etc.)  Serait-ce  enfin  être  trop  exigeant  que  de  rappeler  aux 
imprimeurs  espagnols  que  les  mots  grecs  ont  une  accentuation  particulière  î 


348  COMPTES    RENDUS 


En  dépit  de  ces  légères  imperfections,  qui  pour  la  plupart  ne  sauraient  être 
imputées  à  l'éditeur,  cette  réimpression  d'un  ouvrage  rare  fait  honneur  au 
laborieux  et  distingué  professeur  de  Valladolid.  Il  a  bien  raison  de  penser  que 
des  travaux  de  ce  genre  (quelque  modestes  qu'ils  puissent  paraître)  valent  mieux 
que  ces  généralisations  plus  ou  moins  brillantes  et  ces  fastidieux  «  livres  de 
textes  »  dont  la  Péninsule  est  inondée.  Espérons  que  son  exemple  sera  suivi, 
et  que  l'on  ne  nous  fera  pas  trop  attendre  de  bonnes  éditions  des  vieux  textes 
espagnols  dont  l'absence  se  fait  si  cruellement  sentir.  E.  Mérimée. 

Jamds,  por  Angel  Cuervo.  Segunda  ediciôn.  Paris,  en  casa  del  autor  4,  rue  Frédériç- 
Bastiat,  1893,  in-16,  204  pp.  —  2  fr. 

Les  romanciers,  désireux  de  flatter  la  manie  de  cosmopolitisme  qui  sévit 
parmi  nous,  peuvent,  à  bon  compte,  sans  quitter  les  alentours  du  grand  Opéra 
ou  du  Parc  Monceau,  faire  des  études  exotiques  sur  les  colonies  étrangères 
établies  parmi  nous.  Et  je  soupçonne  que  plusieurs  en  réalité  n'ont  guère  dé- 
passé ces  parages.  En  revanche,  il  se  trouve  de  temps  à  autre,  parmi  nos  hôtes, 
des  esprits  curieux  et  observateurs  pour  lesquels  la  grande  capitale  est  un  objet 
préféré  d'études  : 

Spectatum  veniunt,  veniunt  speclentur  ut  ipsi. 
Ces  témoignages,  assez  volontiers  superficiels  d'ailleurs  ou  même  malveil- 
lants, formeraient  une  collection  de  documents  sur  Paris  et  la  société  pari- 
sienne intéressants  à  consulter.  M.  Angel  Cuervo,  qui  est  un  Américain-Espagnol, 
et,  si  je  ne  me  trompe,  le  frère  du  très  érudit  grammairien  D.  Rufino  Cuervo, 
apporte,  dans  sa  nouvelle  intitulée  Jamds,  sa  contribution  à  la  description  mo- 
rale de  Paris,  qu'il  habite, —  nous  apprend-il,  — depuis  unedouzaine  d'années. 
M.  Cuervo  n'a  d'ailleurs  point  la  prétention,  trop  fréquente  de  l'autre  côté  de  la 
Manche  ou  des  Vosges,  de  s'ériger  en  philosophe  et  en  moraliste.  Il  a  simple- 
ment ouvert  sa  fenêtre,  qui  donne  sur  une  rue  modeste,  et  il  regarde  et  écoute. 
En  face  de  lui,  est  une  laiterie,  qu'il  s'amuse  à  observer  et  à  décrire;  puis,  des 
choses  passant  aux  personnes,  il  s'essaye  à  tracer  quelques  portraits,  qui  ne  se 
distinguent  point  naturellement  par  une  extraordinaire  originalité,  car  les  types 
originaux  ne  courent  pas  les  rues,  et  il  y  a  des  chances  pour  qu'un  instantané 
pris  sur  le  trottoir  ne  nous  révèle  que  des  physionomies  banales  ou  vulgaires. 
L'essentiel,  c'est  que  le  cliché  soit  net  et  clair.  Mais  ici  l'auteur,  tout  en  préten- 
dant «  prouver  que  le  trop  fameux  naturalisme  n'est  pas  un  temple  fermé  aux 
profanes  »,  ne  consent  pas  à  «  s'abaisser  jusqu'à  copier  servilement». 

Après  avoir  observé  il  invente,  grâce  «  à  la  facilité  que  Dieu  lui  a  octroyée 
pour  forger  des  historiettes  sur  un  mot  entendu  ou  sur  un  simple  détail  remar- 
qué ».  Distinguer  dans  le  roman  la  part  de  l'observation  exacte,  et  celle  de  l'ima- 
gination, je  ne  l'essayerai  pas.  J'imagine  cependant  que  l'on  peut,  sans  trop 
s'aventurer,  rapporter  à  la  première  la  description  de  la  laiterie,  avec  ses  batte- 


COMPTES    RENDUS  349 


ries  de  bidons  bien  fourbis,  ses  alignements  de  fromages,  de  beurres,  ses  cor- 
beilles d'œufs  frais,  et  aussi  les  croquis  de  M.,  de  Mme  Pothuau,  de  Lili,  l'hé- 
roïne de  l'histoire,  et  d'André,  le  garçon  boucher,  le  bon  ami  de  Lili  ;  tout 
cela  d'ailleurs  enlevé  rapidement  sans  insister  ni  trop  appuyer,  d'un  crayon 
d'amateur,  de  flâneur  (desocupadd).  Quant  à  la  part  de  l'imagination,  nous  la 
trouverions  sans  doute  dans  le  dénouement  tragique  des  amours  de  Lili  et  du 
romanesque  garçon  boucher.  Les  faits  divers  quotidiens  de  la  chronique  pari- 
sienne sont  là  pour  attester  que  de  tels  dénouements  ne  sont  p<*s  invraisemblables . 
D'ailleurs  le  positivisme  inconscient  de  la  petite  Lili,  qui  oublie  et  se  console  si 
vite,  corrige  ce  que  l'histoire  peut  avoir  de  mélodramatique.  En  somme,  Jaunis 
est  une  jolie  aquarelle  d'un  tout  petit  coin  de  Paris,  pris  au  hasard  et  bien 
étudié  :  il  fournira  aux  étrangers,  auxquels  il  est  destiné,  une  note  plus  vraie 
que  la  majorité  de  ces  prétendus  tableaux  de  mœurs  parisiennes,  signés  de 
noms  étrangers,  et  qui  se  ressentent  trop,  en  général,  des  lieux  et  des  personnes 
que  fréquentent  les  auteurs.  E.  Mérimée. 

The  life  and  times  of  James  the  first,  the  Conqueror.King  of  Aragon,  Valencia, 
and  Majorca,  Count  of  Barcelona  aud  Urgel,  Lord  of  Montpellier.  By  F.  Darwin  Swift. 
With  a  map.  Clarendon  Press,  Oxford,  in-8,  xix-311  pp. 

L'ouvrage  de  M.  Swift  est  médiocre  ;  en  le  lisant  je  comprends  parfaite- 
ment que  ce  soit  à  M.  Beazley  et  non  à  lui  qu'ait  été  décerné  le  prix  Lothian  à 
l'université  d'Oxford.  M.  Beazley  possède  de  rares  qualités  auxquelles  M.  Swift 
ne  saurait  prétendre  :  la  vision  nette,  le  style  pittoresque  et  tranchant,  le  don 
suprême  de  la  narration,  l'intelligence  judicieuse  et  supérieure.  Quant  à 
M.  Swift,  il  a  consulté  les  autorités,  il  a  fouillé  les  archives,  il  a  vérifié  les 
résultats  déjà  obtenus  et,  profitant  du  travail  de  M.  de  Tourtoulon,  il  a 
envisagé  les  faits  d'une  manière  indépendante.  Qu'il  n'ait  pas  beaucoup  ajouté 
à  la  somme  de  nos  connaissances,  cela  n'a  rien  de  surprenant  :  c'est  déjà  beau- 
coup que  de  nous  avoir  donné  un  résumé  utile  des  principaux  événements  qui 
marquèrent  la  vie  agitée  de  son  gigantesque  héros.  Rien  de  plus  intéresant  que 
l'histoire  de  ce  beau  colosse  barbare,  brave,  généreux,  brutal,  vantard,  malin 
et  naïf,  qui  porte  le  titre  retentissant  de  Conquérant.  A  travers  ses  amours,  ses 
ruses,  ses  guerres,  ses  singeries  cruelles,  on  remarque  en  lui  un  tempérament 
de  vainqueur.  En  nous  les  racontant  dès  ses  timides  débuts,  M.  Swift  a  réussi 
à  en  faire  un  récit  assez  vraisemblable  ;  il  tend  un  peu  trop  son  arc  de  temps 
en  temps,  mais  le  point  de  vue  auquel  il  se  place  n'a  rien  d'inadmissible.  Le 
style  est  assez  clair,  un  peu  fade  pourtant.  Je  n'en  puis  dire  autant  du  plan 
qui  laisse  beaucoup  à  désirer,  à  cause  d'une  faute  radicale  de  développement. 
Je  ne  sais  trop  les  motifs  de  cette  disposition  désordonnée,  si  ce  n'est  que  l'au- 
teur n'a  su  regarder  en  face  le  but  poursuivi  :  en  tout  cas  le  travail  y  perd  sous 
tous  les  rapports.  Dans  le  domaine  historique,  le  livre  de  M.  Swift  est  digne 


350  COMPTES    RENDUS 


d'approbation  ;  mais  la  partie  littéraire  est  d'une  insuffisance  pitoyable.  S'il 
devait  refaire  son  œuvre,  je  lui  conseillerais  de  biffer  tout  à  fait  le  vingt- 
troisième  chapitre,  salade  bizarre  ou  Milà  y  Fontanals  et  M.  Balaguer  se  trou- 
vent sur  le  pied  d'égalité.  Milâ  y  Fontanals,  dont  M.  Gautier  vient  de  faire  un 
éloge  mérité,  fut  un  savant  de  premier  ordre  :  personne  n'en  dirait  autant  de 
M.  Balaguer.  On  voit  que  M.  Swift  ne  sait  rien  de  la  littérature  catalane  ;  il  eût 
mieux  fait  de  nous  renvoyer  directement  à  Milâ  y  Fontanals  que  de  ramasser 
ce  fatras  d'idées  rebattues.  Au  reste,  l'ouvrage  de  M.  Swift  est  marqué  d'une 
connaissance  des  faits  et  d'une  impartialité  peu  communes.  Comme  je  l'ai  dit 
plus  haut,  la  brochure  de  M.  Beazley  dénote  des  dons  incomparablement  plus 
brillants  que  ceux  de  M.  Swift,  et  les  hispanisants  ne  peuvent  que  regretter 
que  celui-là  ait  abandonné  ses  études  espagnoles  au  bénéfice  de  l'histoire  du 
moyen-âge  anglais.  A  défaut  de  mieux,  il  faut  se  contenter  du  livre  utile, 
méritoire,  et  intéressant  de  M.  Swift.  J'ai  beaucoup  de  plaisir  à  le  signaler 
aux  lecteurs.  James  Fitzmaurice-Kelly. 

Spain  :  being  a  summary  of  Spanish  history  from  the  Moorish  conquest  to  the  fall 
of  Granada  (711-1492  A.  D.)  bv  Henry  Edward  Watts.  London,  T.  FisherUnwin,  1893, 
in-8,  xxvii-315  pp. 

Cet  ouvrage  s'adresse  apparemment  au  grand  public  ;  comme  simple  vul- 
garisation il  convient  donc  de  le  juger  avec  une  certaine  indulgence  dont  il  a 
grand  besoin.  Le  livre  de  Dunham,  comme  on  nous  le  dit  dans  Pavant-propos, 
est  suranné  ;  mais  je  ne  trouve  pas  que  celui  de  M.  Watts  vaille  mieux  sous 
aucun  rapport.  Comme  narration  il  vaut  beaucoup  moins  :  et  en  tout  cas  la 
modestie  ne  nuit  jamais.  Ce  qui,  dans  cette  esquisse,  a  quelque  valeur,  vient 
des  travaux  de  Dozy  ;  il  est  regrettable  que  l'on  n'ait  pas  également  utilisé  les 
nouvelles  recherches  de  M.  Eduardo  Saavedra  et  de  M.  Javier  Simonet,  et  que 
l'on  ait  négligé  la  belle  étude  qu'a  faite  le  P.  Tailhan  sur  l'anonyme  de  Cor- 
doue.  En  outre,  le  ton  de  l'auteur  est  par  trop  dogmatique  et  je  lui  reprocherai 
de  ne  pas  nous  exposer  les  motifs  qui  l'ont  poussé  à  soutenir  des  opinions 
abandonnées  ailleurs.  Le  travail  de  M.  Watts  est  plein  d'assertions  très  dis- 
cutables ;  les  renseignements,  les  parallèles,  les  jugements  littéraires  sont  des 
plus  téméraires.  Que  penser  de  ce  Theroulde  ou  Thorold  (p.  34),  jongleur 
français,  qui,  semble-t-il,  écrivit  la  Chanson  de  Roland  vers  la  fin  du  treizième 
siècle  ?  Que  dire  de  l'assertion  (p.  80)  que  le  Poema  del  Cid  est  infiniment  su- 
périeur à  Roland}  Cette  idée,  impérieuse  et  fixe,  se  retrouve  partout.  Il  s'agit 
encore  (p.  164)  du  Poema  del  Cid,  lequel  doit  prendre  rang  au  dessus  de  toutes 
les  épopées  européennes  :  reste  à  noter  que  le  Poema  date  de  1200,  c'est-à-dire 
(selon  cette  chronologie  si  personnelle)  est  d'un  siècle  antérieur  à  la  Chanson. 
C'est  un  crescendo  de  galimatias  dont  la  lecture  est  décourageante.  Hors  d'An- 
gleterre les  écrits  de  MM.  Gaston  Paris,  Paul  Meyer,  Léon   Gautier,  Morel- 


COMPTES    RENDUS  3  5  I 


Fatio,  Cornu  et  Vollmôller  sont  à  la  portée  de  tout  le  monde  :  à  parcourir  ces 
pages  amphigouriques  on  dirait  qu'ils  ont  travaillé  en  vain.  Que  croire  d'un 
écrivain  qui  nous  dit  (p.  144)  qu'Alphonse  le  Savant,  le  premier  parmi  les 
monarques  modernes,  s'adonna  à  la  littérature  ?  Bien  qu'il  ne  les  ait  pas  lus, 
M.  Watts  a  dû  entendre  parler  des  Lodi  délia  donna  amante  et  il  a  facilement 
pu  constater  que  Frédéric  II  mourut  deux  ans  avant  qu'Alphonse  ne  montât  sur 
le  trône.  11  se  peut  que  M.  Watts  méprise  les  prétentions  littéraires  de  Frédé- 
ric ;  il  me  pardonnera  peut-être  si  je  me  range  plutôt  à  l'avis  de  Dante. 

Il  paraît  (p.  148)  que  les  Siete  Partidas  remplacèrent  le  Fuero  Ju^go.  Voilà 
qui  est  bel  et  bon  :  le  Fuero  Viejo  et  le  Fuero  Real  sont-ils  donc  supprimés  d'un 
geste  superbe?  Comment  s'étonner  d'apprendre  plus  tard  (p.  164)  que  les 
romances  sont  la  base  de  l'histoire  du  pays  et  qu'en  Espagne  il  n'existe  pas 
d'autres  monuments  aussi  dignes  de  foi  ?  On  nous  déclare  (p.  166)  que  les 
chrétiens  voulurent  se  séparer  des  Arabes  autant  qu'il  leur  fut  possible  dans 
leur  genre  de  vie,  leurs  demeures,  leurs  habits,  leurs  occupations,  leurs  jeux, 
leurs  plaisirs.  En  consultant  les  Prolégomènes  d'Ibn-Khaldoun  dans  la  traduc- 
tion assez  répandue  du  baron  de  Slane  (p.  307),  on  eût  constaté  que  cet  éloi- 
gnement  n'était  pas  réciproque,  et  que  les  Arabes  avaient  l'habitude  d'imiter 
les  chrétiens  dans  les  plus  menus  détails  :  «  ils  leur  ressemblent  par  la  manière 
de  s'habiller  et  de  se  parer  ;  ils  ont  même  adopté  la  plupart  de  leurs  usages  » 
Es  remiendo  de  olro  pano. 

Il  est  difficile  de  tourner  deux  pages  sans  qu'une  bévue  quelconque  vous 
saute  aux  yeux  ;  les  signaler  serait  une  tâche  interminable.  Si  l'on  parle  de 
YEspaùa  sagrada  (p.  x)  on  nous  dit  que  le  dernier  volume  est  le  quarante- 
septième  ;  or  le  tome  51  a  été  publié  en  1879.  S'il  s'agit  d'une  traduction  an- 
glaise du  Poema  del  Cid  (M.  Watts  y  revient  toujours),  l'auteur  est  incapable 
d'en  avoir  raison  :  il  nous  dit  (p.  83,  note)  que  l'ouvrage  de  M.  Ormsby,  si 
louable  d'ailleurs,  est  de  1882  ;  la  vraie  date  est  1879.  Il  est  également  ques- 
tion (p.  128)  de  l'entrée  à  Valence  de  Jacques  le  Conquérant,  le  25  septembre 
1238  ;  cette  entrée  se  fit  le  9  octobre.  Il  y  a  pourtant  des  dédommagements. 

L'esprit  chercheur  de  M.  Watts  l'a  conduit  à  la  découverte  de  poèmes 
espagnols  des  onzième  et  douzième  siècles  ;  Como  ahora  llueven  albardas  !  C'est 
une  précieuse  trouvaille  et  des  plus  inattendues  ;  il  serait  à  désirer  que  la  publi- 
cation de  ces  romances  ne  fût  pas  retardée.  De  semblables  erreurs  fourmillent  à 
un  tel  point  que  je  ne  puis  les  considérer  comme  des  distractions;  le  premier 
hispanisant  venu  les  relèverait  aisément,  mais  il  trouverait  sans  peine  une 
tâche  plus  utile.  Le  style  ne  se  prête  pas  à  l'exposition  nette  des  événements 
embrouillés  du  moyen-âge  espagnol,  et  les  idées  de  l'auteur  sont  en  un  désordre 
tel  que  les  derniers  chapitres  sont  presque  inintelligibles.  En  somme,  je  ne 
saurais  louer  cette  tentative  insuffisante  qui  est  entièrement  à  refaire.  Toutefois 
je  ne  conseillerais  pas  à  M.  W'atts  de  l'entreprendre  ;   je  souhaiterais  plutôt  que 


352  COMPTES    RENDUS 


M.  Webster  ou  M.  Ormsby,  admirablement  doués  tous  les  deux,  s'empa- 
rassent du  champ  libre.  On  aurait  dit  d'avance  qu'il  eût  été  impossible  d'écrire 
sur  ce  sujet  un  livre  dépourvu  d'intérêt  ;  M.  Watts  a  peut-être  voulu  prouver 
le  contraire  :  je  lui  rends  justice  en  constatant  qu'il  y  a  pleinement  réussi  ; 
Bueno  anda  el  ajo  !  James  Fitzmauricf.-Kelly. 

Celestina  or  the  tragicke-comedy  of  Calisto  and  Melibea  englished  from  the  Spanish  of 
Fernando  de  Rojas  by  James  Mabbe  anno  1631.  With  an  Introduction  by  James 
Fitzmaurice-Kelly.  London,  David  Nutt,  1894,  petit  in-4,  XXXVI-287  pp.  (The  Tudor 
Translations,  edited  by  W.  E.  Henley.  VI). 

Il  serait  aujourd'hui  banal  de  proclamer  après  tant  d'autres  que  la  Célestine 
«réunit  le  coloris,  l'originalité,  la  verve,  l'intérêt  d'action,  la  vérité  des 
caractères  »  ;  bien  que  tout  n'ait  peut-être  pas  été  dit  sur  cet  incomparable  mo- 
nument de  la  littérature  castillane  de  la  fin  du  quinzième  siècle,  il  faut  convenir 
que  peu  d'oeuvres  de  cette  époque  ont  été  l'objet  d'autant  de  dissertations, 
d'études,  de  commentaires.  Sans  doute,  l'édition  critique  qui,  sévèrement  éta- 
blie sur  les  premières  éditions,  permettrait  enfin  de  se  passer  des  mauvaises 
réimpressions  contemporaines,  reste  toujours  à  faire  et  personne,  à  notre  con- 
naissance du  moins,  n'a  encore  commencé  ce  travail  ;  mais  en  attendant,  il  est 
intéressant  de  constater  que  dans  aucun  pays  la  Célestine  n'est  tombée  dans 
l'oubli,  et  qu'aujourd'hui  comme  il  y  a  une  cinquantaine  d'années,  à  l'époque 
où  paraissaient  la  traduction  française  de  M.  Germond  de  Lavigne  (1841)  et  la 
traduction  allemande  d'Eduard  von  Bùlow  (1843),  e^e  attire  les  vrais 
lettrés.  M.  Fitzmaurice-Kelly  vient  de  réimprimer  la  première  traduction 
anglaise,  celle  de  James  Mabbe,  parue  en  163 1.  C'est  Là  une  excellente 
idée  et  il  est  le  premier  à  l'avoir  eue  :  en  France,  en  effet,  on  n'a  pas 
réimprimé  la  traduction  de  Jacques  de  Lavardin  (1578)  et  l'on  a  eu  tort. 
Je  ne  sais  rien  de  plus  naïvement  curieux  que  ces  premiers  essais  de  traduction 
faits  à  une  époque  où  cet  art  était  encore  dans  l'enfance  :  la  Célestine,  clair 
miroiter  el  vertueuse  doctrine  pour  se  bien  gouverner,  ainsi  que  la  nomme  le 
gentilhomme  tourangeau,  ne  peut  être  lue  que  dans  les  éditions  originales, 
quand  on  les  trouve.  Il  en  est  de  même  des  traductions  italienne  et  allemande 
parues  avant  celle  de  Lavardin,  et  de  la  traduction  latine  ÇPornoboscodulascalus) 
du  célèbre  Gaspard  Bartb,  publiée  à  Francfort  en  1624.  Des  traducteurs  du 
seizième  et  du  dix-septième  siècle,  Mabbe  est  donc  le  premier  à  avoir  les 
honneurs  de  la  réimpression,  et  je  souhaite  aux  autres  d'avoir  la  même  bonne 
fortune  :  édition  irréprochable  et  de  grand  luxe,  préfacier  de  grand  mérite. 
M.  Fitzmaurice-Kelly  n'a  eu  qu'un  tort  —  encore  faut-il  ajouter  que  c'est 
vraisemblablement  un  tort  imputable  à  son  libraire  —  c'est  de  n'avoir  pas  écrit 
une  introduction  assez  longue.  Trente-six  pages  d'un  texte  un  peu  espacé  sont, 
en  effet,  insuffisantes  pour  une  introduction  à  la  Célestine,  surtout  quand  dans 
cette  introduction  sont  indiqués  certains  rapprochements  littéraires,  certaines 


CHRONIQUE  353 


comparaisons  d'écoles  ou  de  genres,  qui  par  leur  nouveauté  demanderaient  à 
être  expliqués  et  développés.  J'avoue  que  l'on  éprouve  quelque  surprise,  avant 
tout  autre  sentiment,  à  lire:  «  The  writer  nearest  akin  to  him  (Rojas)  in 
modem  literature  is  Guy  de  Maupassant.  »  Peut-être  M.  F.-K.  a-t-il  raison  et 
je  ne  demande  qu'à  me  laisser  convaincre,  mais  ce  n'est  pas  en  dix  lignes  à 
peine  que  peut  être  démontré  le  bien-fondé  d'une  telle  assertion.  Le  rappro- 
chement d'un  livre  aussi  ancien  que  la  Célestine  et  de  l'œuvre  d'un  contemporain 
me  semble  chose  hasardeuse  et,  je  le  répète,  peu  à  sa  place  dans  une  introduction 
où  l'on  ne  peut,  faute  d'espace,  établir  la  suite  de  parallèles  d'où  jaillirait 
l'évidence,  si  la  thèse  est  juste.  Cette  réserve  faite,  il  faut  reconnaître  en  M.  F.-K. 
un  écrivain  aux  connaissances  larges,  aux  aperçus  originaux  ;  il  est  au  courant, 
chose  rare,  des  récents  travaux  sur  le  moyen  âge  qui  éclairent  d'un  jour  nouveau 
plus  d'un  côté  de  la  littérature  espagnole  et  il  a  su  donner  sur  Mabbe  bien  des 
détails  dont  on  doit  lui  savoir  gré.  La  figure  de  ce  traducteur  était  demeurée 
jusqu'ici  à  peu  près  inconnue:  grâce  à  d'heureuses  recherches  dans  les  archives 
épiscopales  de  Wells,  M.  F.-K.  a  pu  écrire  une  notice  à  laquelle  on  ne  songera 
pas  à  reprocher  son  peu  d'étendue  en  songeant  aux  difficultés  qu'il  a  fallu 
surmonter  pour  l'établir. 

Le  livre  qui  renfermerait  la  biographie  et  l'étude  des  œuvres  des  hispanisants 
de  jadis  n'existe  malheureusement  pas,  mais  il  serait  rendu  singulièrement 
facile  par  des  travaux  de  la  valeur  de  celui-ci.  La  figure  de  Mabbe  était  peu 
connue;  les  exemplaires  de  sa  traduction  se  faisaient  rares:  M.  F.-K.  mérite 
donc  doublement  la  reconnaissance  de  ceux  qu'intéresse  la  reconstitution  fidèle 
et  intelligente  des  débuts  de  l'hispanisme  en  Angleterre. 

R.  Foulché-Delbosc. 


CHRONIQUE 


A  Paris  (Hôtel  Drouot),  on  a  vendu  le  S  mai  une  importante  collection  de 
faïences  hispano-moresques.  Signalons  parmi  ces  faïences:  une  plaque  rectan- 
gulaire à  reflets  métalliques  du  xive  siècle,  que  le  peintre  Fortuny  avait  trouvée 
incrustée  dans  une  maison  de  l'Albaicin,  à  Grenade,  payée  19.500  fr.  ;  un 
bassin  de  la  fabrique  de  Valence  du  xve  siècle,  décoré  en  bleu  foncé  et  en  jaune 
chamois,  à  reflets  métalliques,  7.300  fr.  ;  un  autre  bassin  de  la  même  fabrique 
et  de  la  même  époque,  décoré  de  feuillages  et  de  marguerites  dessinés  en  bleu 


3)4  CHRONIQUE 


et  en  jaune  chamois,  à  reflets  métalliques  sur  fond  blanc,  5.100  fr.  ;  une  assiette 
creuse  de  la  fin  du  XVe  siècle,  à  reflets  métalliques  très  vifs  sur  fond  d'émail 

blanc,  4. 100  fr. 

* 

Le  7  septembre  est  mort  un  des  érudits  dont  pouvait  à  juste  titre  s'enorgueillir 
le  plus  l'Espagne,  D.  Aureliano  Fernândez-Guerra  y  Orbe.  Né  le  16  juin  1816. 
il  étudia  le  droit  à  l'université  de  Grenade  et  obtint  très  jeune  la  chaire  de 
littérature  et  d'histoire.  De  1839  à  1842  il  fit  jouer  trois  drames  :  La  peïia  de  los 
enamorados,  La  hija  de  Cervantes,  et  Alonso  Cano  à  la  Torre  del  Oro;  il  composa 
également  La  Rica-hemhra  en  collaboration  avec  D.  Manuel  Tamayo.  Mais  le 
travail  qui  appela  sur  lui  l'attention  des  savants  tant  étrangers  qu'espagnols  fut 
l'étude  critique  placée  en  tête  de  l'édition  des  œuvres  deQuevedo,  publiées  en 
1859,  dans  la  Biblioleca  de  Autores  espaholes  de  Rivadeneyra.  C'est  le  premier 
travail  sérieux,  c'est  la  première  édition  consciencieuse  de  l'illustre  satirique. 
En  1856  il  avait  remplacé  D.  Gerônimo  de  la  Escosura,  à  l'Académie  espagnole 
dont  il  devint  bientôt  bibliothécaire  perpétuel  ;  l'Académie  de  l'Histoire 
ne  tarda  pas  à  l'appeler  à  siéger  parmi  ses  membres.  Citons  parmi  ses  nombreuses 
œuvres  la  Conjuration  de  Venecia  de  161S,  D.  Pedro  I  de  Casiilla,  el  Fuero  de 
Avilès,  une  étude  sur  la  Canciôn  de  las  rainas  de  Itâlica,  le  Libro  de  Santoha,  des 
monographies  historico-géographiques  et  un  grand  nombre  de  travaux  de  tous 
genres.  C'est  une  grande  perte  pour  la  science  espagnole  dont  celui  qui  aimait 
à  se  dire  estadiante  de  por  vida  était  un  des  plus  glorieux  représentants. 

*  * 
Au  mois  d'août  est  mort  M.  J.-P.  Oliveira  Martins.  Né  en  1845,  cet  écrivain 
distingué  s'était  tout  d'abord  occupé  de  littérature  pure  et  avait  publié  une 
étude  sur  Braga  et  le  Cancioneiro  er  un  Essai  sur  Camoens.  Il  faut  également 
signaler  son  travail  sur  ^Hellénisme  el  la  civilisation  chrétienne.  Nous  n'avons 
pas  à  nous  occuper  ici  de  ses  études  financières  et  sociales. 

* 

On  célébrera  l'année  prochaine  en  Espagne  le  troisième  centenaire  de  la 
naissance  du  grand  peintre  Velazquez. 

L'Académie  des  Beaux-Arts  de  Séville  a  déjà  arrêté  le  programme  des  fêtes  qui 
auront  lieu  à  cette  occasion  dans  la  cité  andalouse. 

Un  concours  sera  ouvert  afin  de  récompenser  la  meilleure  monographie  sur 
le  grand  peintre,  sa  vie  et  ses  œuvres.  On  frappera  une  médaille  commémo- 
rativeavecle  buste  de  Velazquez  et  une  légende  faisant  allusion  au  centenaire; 
il  sera  organisé  un  cortège  auquel  prendront  part  les  corporations  officielles  et 
les  sociétés  littéraires  et  artistiques  ;  et  il  sera  placé  une  plaque  commémorative 
sur  la  façade  de  la  maison  où  naquit  le  grand  artiste. 


TABLES 

DE     LA     PREMIÈRE     ANNÉE 
1894 


I.     TABLE     PAR     NUMÉROS 


NUMÉRO  1  —  MARS  1894 

A.  R.  Gonçalves  Vianna.  —  Les  langues  littéraires  de  l'Espagne  et  du 

Portugal 1 

R.  Foulché-Delbosc.  —  La  transcription  hispano-hébraïque 22 

E.  Mérimée.   —    Etudes   sur   la   littérature  espagnole    au  xixe   siècle. 

Jovellanos 34 

Une  poésie  inédite  de  Rodrigo  Cota 69 

Los  Besos  de  Amor,  odas  inéditas  de  D.  Juan  Meléndez  Valdés 73 

Varia.  —  1.  Notes  sur  Guillén  de  Castro.  —  2.  Deux  lettres  inédites 

d'Isabelle  la  Catholique,  concernant  la  famille  de  Rodrigo  Cota 84 

Bibliographie.  —  Comptes  rendus.  —  Chronique 88 

NUMÉRO  2  —  JUILLET  1894 

R.  Foulché-Delbosc.  —  Étude  sur  la  Guerra  de  Granada  de  Don  Diego 
Hurtado  de  Mendoza.  (I.  Mendoza  à  Grenade  1569-1575.  — IL  De 
la  mort  de  l'auteur  1575  à  l'édition  princeps  1627.  —  III.  Une  édition 
supposée  1610.  —  IV.  L'édition  princeps  1627.  —  V.  Les  éditions 
postérieures.  —  VI.  Étude  du  texte.  —  Appendice  :  Les  Manuscrits.)     101 

Poesias  inéditas  de  D.  Juan  Meléndez  Valdés 166 

Varia.  —  3.  Un  sonnet  retrouvé  de  Cervantes.  —  4.  Le  testament  d'un 
Juif  d'Alba  de  Tormes  en  1410 19^ 

Bibliographie.  —  Comptes  rendus.  —  Chronique 200 


356  TABLE   DES   MATIERES 

NUMÉRO  3  —  NOVEMBRE  1894 

E.   Mérimée.  —  Études  sur  la  littérature    espagnole    au   xixe  siècle. 

Meléndez  Valdés 217 

H.  Peseux-Richard.  —  Humoradas,  doloras  et  petits  poèmes  de  Don 

Ramôn  de  Campoamor 236 

Obras  inéditas  de  D.  José  Cadalso  (Poesias.  —  Epitafios.  —  Cartas.  — 

Kalendario   manuaï) 258 

Varia.  ■ —  5.  Notes  sur  la  bibliographie  française   de  Cervantes.  —  6. 

Note  sur  une  édition  de  Don  Quichotte.  —  7.  La  troisième  édition  de 

la  Guerra  de  Granada  de  Don  Diego  Hurtado  de  Mendoza , . .      336 

Bibliographie.  —  Comptes  rendus.  —  Chronique 339 

II.    TABLE    PAR    NOMS    D'AUTEURS 

Cadalso  (José). 

Obras  inéditas,  publicadas  por  R.  Foulché-Delbosc 258 

Cervantes  (Miguel  de). 

Un  sonnet  retrouvé  par  F.  H.  Graser 196 

Cota  (Rodrigo). 

Une  poésie  inédite,  publiée  par  R.  Foulché-Delbosc ....       69 

Fitzmaurice-Kelly  (James). 

Notes  sur  la  bibliographie  française  de  Cervantes 336 

Compte  rendu.  The  life  and  times  of  James  the  first,  the  Conqueror, 
king  of  Aragon,  Valencia,  and  Majorca...  By  F.  Darwin  Swift.  Oxford 

(1894) 349 

Compte  rendu.  Spain  :  being  a  summarv  of  Spanish  history  trom  the 
Moorish  conquest  to  the  fall  of  Granada,  by  Henry  Edward  Watts. 
London  1893 350 

Foulché-Delbosc  (R.). 

La  transcription  hispano-hébraïque 22 

Etude  sur  la  Guerra  de  Granada  de  Don  Diego  Hurtado  de  Mendoza. . . .  101 
La  troisième  édition  de  la  Guerra  de  Granada  de  Don  Diego  Hurtado  de 

Mendoza » 338 


TABLE    DES    MATIERES  3  57 


Texte.  Une  poésie  inédite  de  Rodrigo  Cota 69 

Texte.    Deux   lettres   inédites  d'Isabelle    la  Catholique,  concernant  la 

famille  de  Rodrigo  Cota 85 

Texte.  Los  Bcsos  de  Amor,  odas  inéditas  de  Don  Juan  Meléndez  Valdés.       73 

Texte.  Poesias  inéditas  de  Don  Juan  Meléndez  Valdés 166 

Texte.  Le  testament  d'un  Juif  d'Alba  de  Tormes  en  14 10 197 

Texte.  Obras  inéditas  de  Don  José  Cadalso 258 

Compte  rendu.  Revista    lusitana,  Archivo  de  estudos  philologicos  e 

ethnologicos  relativos  a  Portugal,   dirigido  por  J.  Leite  de  Vascon- 

cellos.  —  30  Anno,  Numéro  1.  1893-1894.  Porto,  1893 97 

Compte  rendu.  Colecciôn  de  escritores  castellanos.  Tomo  98.  Fernân 

Caballero.  Obras  complétas.  Fernân  Caballero  y  la  novela  contempo- 

ranea    por  D.    José   Maria   Asensio.  Novelas.  I.  La  familia  de  Alva- 

reda.  Madrid,  1893 98 

Compte  rendu.   Colecciôn  de  escritores  castellanos.  Tomos  97,  100  y 

102.   Historia  crîtica  de  la  poesia  castellana  en  el  siglo  xvm  por  D. 

Leopoldo  Augusto   de  Cueto,  marqués  de  Valmar.  Tercera  ediciôn, 

corregida  y  aumentada.  Madrid,  1893,  3  vol 210 

Compte  rendu.  Sofia  Casanova.  El  doctor  Wolski.  Paginas  de  Polonia  y 

Rusia.  Madrid,  1894 214 

Compte  rendu.  Tirso  de  Molina.  Investigaciones  bio-bibliogràficas  por 

Emilio  Cotarelo  y  Mori.  Madrid,  1893 215 

Compte  rendu.  Celestina  or  the  tragicke-comedy  of  Calisto  and  Melibea 

from  the  Spanish  of  Fernando  de  Rojas  by  James  Mabbe  anno  163 1. 

With  an  Introduction  by  James  Fitzmaurice-Kelly.  London,  1894.  .  .      352 

Gonçalves  Vianna  (A.  R.) 

Les  langues  littéraires  de  l'Espagne  et  du  Portugal 1 

Graser  (F.  H.) 

Note  sur  une  édition  de  Don  Quichotte 337 

Texte.  Un  sonnet  retrouvé  de  Cervantes 196 

Compte  rendu.  Les  Jésuites  et  la  pédagogie  au  xvie  siècle.  Juan  Bonila- 

cio,  par  le  P.  J.  Delbrel.  Paris,  1894 213 

Compte  rendu.  Rafaël  Altamira  —  Juan  Ochoa  —  Tomâs  Carretero. 

Novelas.  Madrid,  1894 214 

Isabelle  la  Catholique. 

Deux  lettres  inédites  concernant  la  famille  de  Rodrigo  Cota,  publiées  par 
R.  Foulché-Delbosc 85 


358  TABLE    DES    MATIERES 

Juif  d'Alba  de  Tormes  (Un). 

Testament,  publié  par  R.  Foulché-Delbosc 197 

Marre  (Aristide). 

Compte  rendu.  Estadismos  de  las  Islas  Filipinas,  ô  mis  Viajes  poreste 
pais,  por  el  Padre  Fr.  Joaquin  Martinez  de  Zuiîiga.  Publica  esta  obra 
por  primera  vez  W.  E.  Retana.  Madrid  1893 211 

Meléndez  Valdés  (Juan). 

Los  Bfsos  de  Atnor,  odas  inéditas,  publiées  parR.  Foulché-Delbosc 73 

Poesi'as  inéditas,  publiées  par  R.  Foulché-Delbosc 166 

Mérimée  (E.) 

Etudes  sur  la  littérature  espagnole  au  xixe  siècle.  Jovellanos 34 

Etudes  sur  la  littérature  espagnole  au  xixe  siècle.  Meléndez  Valdés 217 

Notes  sur  Guillén  de  Castro 84 

Compte  rendu.  Filosofi'a  antigua  poética,  del  doctor  Alonso  Lôpez  Pin- 
ciano...  ahora  nuevamente  publicada  con  una  introduction  y  notas, 

por  D.  Pedro  Munoz  Pena.  Valladolid,  1894 346 

Compte  rendu.  Jamas,  por  Angel  Cuervo.  Segunda  ediciôn.  Paris, 
1893 348 

Peseux-Richard  (H.) 

Humoradas,  doloras  et  petits  poèmes  de  Don  Ramôn  de  Campoamor. . .  236 
Compte  rendu.  Pequeneces...  por  el  P.  Luis  Coloma.  Quinta  ediciôn. 

Bilbao,  1891 92 

Compte  rendu.  Novelas  espanolas  contemporâneas  por  B.  Pérez  Galdos. 

Torquemada  en  la  cruz.  Madrid,  1891 9  S 

Compte  rendu.  Curiosidades  de  la  vida  americana  en  Paris,  por  Angel 

Cuervo.  Paris,  1 893 96 


Le  Gérant,  Aug.  Picard. 
Archiviste-Paléographe. 


MAÇON,    l'ROTAT    FRERES,    IMPRIMEURS 


^OTir^ 


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R5 

t.l 


Revue  hispanique;   recueil 
consacré  à  l'étude  des 
langues,  des  littéra- 
tures et  de  l'histoire 
des  pays  castillans, 
catalans,  et  portugais 


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