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Full text of "Revue historique de droit français et étranger"

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NOUVELLE 


REVUE  HISTORIQUE 


DE 


DROIT  FRANÇAIS  ET  ÉTRANGER 


PUBLIEE    SOUS    LA    DIRECTION    DE    MM. 


Eugène  de  ROZIERE 

Sénateur,  Membre  de  l'Institut, 
Inspecteur  général  honoraire  des  ArehiYes. 

Adhémar  ESMEIN 

Agrégé  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 


Rodolphe  DARESTE 

Membre  de  l'Institut, 
Conseiller  à  la  Cour  de  Cassation. 

Jacques  FLACH 

Docteur  en  droit 
Professeur  à  l'École  des  Sciences  politiques 


Marcel  FOURNIER 

Docteur  en  droit 
ArchiTi«te-Paléographe,;Secrétaire  de  la  Rédaction. 


HUITIÈME  ANNÉE 


PARIS 

L.  LAROSE   ET  FORCEL 

Libraires-Editeurs 

22,    RUE    SOUFFLOT,    22 

1884 


NOUVELLE 


REVUE  HISTORIQUE 


DE 


DROIT  FRANÇAIS  ET  ETRANGER 


LE  TESTAMENT  DU  MARI 


ET  LA  DONATIO  ANTE  NUPTIAS. 


Beaucoup  d'anciennes  législations  font  à  la  femme  mariée  » 
quant  à  ses  droits  pécuniaires ,  une  condition  à  la  fois  rigou- 
reuse et  privilégiée.  D'un  côté,  le  plus  souvent,  les  biens 
qu'elle  apporte  en  se  mariant  passent  sous  la  domination  du 
mari  qui  en  a  la  jouissance  ou  même  la  propriété  ;  au  cours 
du  mariage,  elle  ne  peut  acquérir  sans  le  consentement  du 
mari ,  qui ,  bien  souvent  encore ,  a  la  jouissance  ou  la  pro- 
priété de  ces  acquêts.  D'autre  part ,  on  fait  à  la  veuve  d'im- 
portants avantages;  non-seulement  son  apport  lui  est  res- 
titué, mais  encore  elle  a  de  larges  gains  de  survie  prélevés 
sur  la  fortune  de  son  mari  défunt. 

Ces  idées,  si  familières  aux  coutumes  germaniques,  ont 
guidé  également  les  anciens  Romains;  mais,  dans  l'appli- 
cation, ceux-ci  leur  ont  donné  un  tour  particulier  conforme 
à  leur  génie. 

A  Rome,  la  forme  la  plus  ancienne  de  l'union  légitime, 
celle  qui  resta  longtemps  dominante,  fut  le  mariage  avec 

Rctoe  msr.  —  Tome  VIIT.  4 

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2  LE  TESTAMENT  DU  MARI 

manus  (1).  Tout  ce  qui  appartenait  à  la  femme  lors  de  la  con- 
ventio  in  tnanum ,  tout  ce  qu'elle  acquérait  dans  la  suite  >  se 
confondait  dans  le  patrimoine  de  son  mari ,  et  si  elle  mourait 
la  première ,  la  confusion  était  irrévocable ,  et  rien  ne  venait 
en  tempérer  les  effets.  Si,  au  contraire,  le  mari  prédécédait, 
les  droits  de  la  veuve  n'étaient  point  méconnus  :  la  succes- 
sion ab  intestat  s'ouvrait-elle,  la  femme,  sua  hœres,  venait 
à  côté  des  enfants  prendre  une  part  virile.  Mais  c'était  là 
un  accident  fort  rare  dans  les  mœurs  romaines.  Le  plus  sou- 
vent, le  paterfamilias  avait  testé,  et  alors  l'usage,  comme 
je  vais  le  montrer,  lui  imposait  toute  une  série  de  disposi- 
tions testamentaires  en  faveur  de  sa  femme,  qui  lui  assu- 
reront à  celle-ci  v  avec  la  reprise  de  son  apport,  d'importants 
gains  de  survie. 

Aux  yeux  des  anciens  Romains,  c'est  un  devoir  précis 
pour  le  mari  que  d'assurer  à  sa  veuve  une  vie  digne  et  facile  : 
c'est  la  compensation  du  rôle  humble  et  effacé  que  la  femme 
a  dû  tenir,  au  point  de  vue  juridique,  pendant  la  durée  du 
mariage.  Mais  ce  devoir,  ce  sont  les  mœurs  et  non  les  lois 
qui  l'imposent  au  mari  :  la  loi  ne  lui  fournit  que  le  moyen 
de  le  remplir,  en  lui  ouvrant  le  droit  de  tester.  11  agira  li- 
brement, dans  sa  pleine  souveraineté  de  chef  de  famille, 
lorsqu'il  fixera  les  droits  pécuniaires  de  sa  femme  dans  l'acte 
suprême  qui  doit  clore  son  règne  domestique. 

Les  anciens  Romains,  en  effet,  ont  eu  l'idée  de  cette 
communauté  des  biens  dans  la  famille  qui,  chez  les  Germains 
et  les  Slaves,  produit  parfois  des  effets  si  nets  et  si  puis- 
sants (2)  :  mais,  tant  que  vit  le  père,  ils  n'en  ont  fait  naître 
aucun  droit  des  membres  contre  le  chef  (3).  Dans  ce  patri- 
moine que  gouverne  le  paterfamilias  et  qui  est  le  sien,  se 
trouvent  confondus  bien  des  apports  divers;  le  bien  de  la 
femme,  le  travail  des  enfants  ont  contribué  à  le  grossir; 

(1)  Voyez  mon  étude  sur  La  manus,  la  paternité  et  le  divorce  dont  V ancien 
droit  romain  (Revue  générale  du  droit,  1863). 

(2)  Voyez,  par  exemple,  Czylahrz  :  Zur  Getchichte  des  ehetteken  Gùterrechts 
im  bdmisch-mâhrischen  Landrecht,  1883,  p.  1,  ssq. 

(3)  Si  ce  n'est  peut-être  le  droit  de  provoquer,  le  cas  échéant,  Vinterdictio 
re  et  commercio  du  paterfamilias.  Voy.  Voigt  :  Die  XII  Tafeln,  §  164,  tom.  II, 
p.  726,  eeq. 


ET  LA   DONATIO  ANTE  NUPTIAS.  3 

mais  c'est  le  père  seul  qui  fixera  dans  son  testament  la  part 
de  chacun.  Faire  son  testament,  c'est  donc  pour  lui  s'ac- 
quitter d'un  grand  devoir  moral  :  ne  pas  le  faire ,  c'est  éviter 
de  payer  une  dette  sacrée,  c'est  le  fait  d'un  homme  sans 
conscience  et  d'un  dépositaire  infidèle.  Voilà  pourquoi ,  sans 
doute,  et  non  sans  raison,  les  Romains  regardaient  comme 
quasi  déshonoré  celui  qui  mourait  intestat  (1). 

Avec  le  mariage  sans  tnanus  on  pourrait  croire  que  le  tes- 
tament du  mari  perdit  pour  la  femme  beaucoup  de  son  im- 
portance. Il  n'en  fut  point  ainsi,  et  il  ne  cessa  pas  d'être  à  son 
égard  un  acte  de  justice  distributive.  Le  mari,  en  effet,  était 
propriétaire  de  la  dot,  et,  pendant  longtemps,  la  loi  ne  donna 
aucune  action  à  la  femme  survivante  pour  en  réclamer  la 
restitution.  Tant  qu'il  en  fut  ainsi,  la  simple  uxor  ne  recou- 
vra ses  biens  dotaux  qu'en  vertu  d'une  clause  du  testament 
de  son  mari ,  et  si  celui-ci  mourait  intestat ,  elle  était  moins 
bien  traitée  que  la  femme  in  manu;  elle  n'était  point  sua 
ï&res  comme  cette  dernière,  et  le  préteur  lui-même,  lors- 
qu'il l'appela  à  la  succession  par  l'édit  Unde  vir  et  uxor, 
ne  lui  donna  qu'un  rang  bien  éloigné  parmi  les  bonorum  pos- 
sessores.  Sous  l'influence  de  ces  principes,  l'habitude  du  lé- 
gation dotis  s'enracina  tellement  qu'elle  âubsista,  alors  que 
Tactio  rei  uxorix  eut  atteint  son  complet  développement. 

Les  dispositions  testamentaires  que  l'usage  dictait  au  mari 
en  faveur  de  la  femme  in  manu  dépassaient  de  beaucoup  la 
restitution  de  la  dot;  elles  lui  faisaient  sa  part  dans  cette 
fortune  du  paterfamilias ,  qui  seule  avait  profité  de  son  labeur 
et  de  sa  vigilance.  Ces  libéralités  persistèrent  en  faveur  de 
la  simple  uxor.  Sans  doute,  celle-ci  avait  conservé  la  fa- 
culté d'acquérir  pour  elle-même  ou  pour  le  père  dont  elle 
devait  hériter  un  jour.  Mais  cette  faculté  d'acquérir  ne  pou- 

(1)  Voici  ce  que  Fronton  écrit  à  Marc-Anrèle.  11  est  question  de  testa- 
,  qu'on  devait  envoyer  des  provinces  à  Rome  pour  la  décision  d'an 
:  «  Qui  mos  si  foerit  inductus  ut  defunctoram  testamenta  ex  provin- 
unosarinis  Romani  mittantnr  indignias  et  acerbins  testamentoram  peri- 
erit  qaam  si  corpora  mtttantur  defunctorom  qui  trans  maria  testantur. 
Nam  bis  qoidem  nollnm  fere  gravins  periculum  super veni et...  At  ubi  testa- 
■iisilym  nanfragio  submersum  est,  ilîa  demain  et  res  et  domus  et  familia 
nanfraga  atqne  insepulta  est.  »  Lettres  de  Marc-Aurèle  et  de  Fronton ,  édit. 
Gaston,  tom.  I,  p.  155-6. 


4  LE   TESTAMENT   DU   MARI 

vait  être  productive  que  si  la  femme  avait  un  fonds  à  faire 
fructifier  :  or,  il  semble  que,  pendant  longtemps,  la  femme 
ne  reçut  rien  de  sa  famiÛe  en  dehors  des  biens  qu'elle  ap- 
portait en  dot  (1);  les  paraphernaux  ont  tenu,  pendant 
longtemps,  une  place  peu  importante  dans  le  droit  matri- 
monial romain  (2).  Dans  le  mariage  libre  comme  dans  le 
mariage  avec  manus,  la  veuve  avait  bien  droit  à  une  ré- 
compense. 

D'ailleurs,  les  legs  du  mari  à  sa  femme  répondaient  en 
partie  à  des  besoins  qui  sont  de  tous  les  temps ,  et  ils  fourni- 
rent aux  Romains  un  moyen  commode  pour  corriger  les  in- 
convénients que  présenta  la  prohibition  des  donations  entre 
époux. 

Je  voudrais  ici  retrouver,  à  l'aide  des  textes,  les  clauses 
qui  étaient  de  style  dans  le  testament  du  mari,  et  montrer 
aux  diverses  époques  la  portée  de  ces  dispositions  (3).  Je 
montrerai  ensuite  comment,  au  Bas-Empire,  s'établirent  pour 
la  femme  des  gains  de  survie  conventionnels  ou  légaux ,  qui 
reléguèrent  au  second  plan  le  testament  du  mari. 


(1)  Cela  semble  attesté  par  l'habitude  chez  le  père  de  léguer  à  sa  fille  sa 
dot,  tout  en  l'exhérédant.  L.  10,  §  2,  D.  xxxiv,  1  ;  L.  21,  D.  xxxm,  5. 

(2)  Les  jurisconsultes  de  l'époque  classique  parlent  fort  rarement  des 
biens  paraphernaux.  L.  9,  §  3,  D.  xxm,  3  ;  L.  95,  pr.  D.  xxxv,  2.  Cette  classe 
de  biens ,  qui  avait  un  nom  spécial  en  Gaule  et  en  Grèce ,  n'en  avait  pas  à 
Rome.  Jadis  on  les  avait  désignés  par  l'épithète  receplicia.  Aulu-Gelle,  AL 
X.,  xvii,  6, 1  et  6  :  ce  Quando  mulier  dotem  marito  dabat,  tum  quae  ex  suis 
bonis  retinebat  neque  ad  virum  transmittebat,  ea  recipere  dicebatur;  sicuti 
nunc  in  venditionibus  recipi  dicuntur,  quae  ezcipiuntur  neque  veneunt.  » 
Cf.  Festus,  v°  Rectpiicium;  Non.  Marc,  56,  6  et  12.  Cette  terminologie  indi- 
quait clairement  le  caractère  tout  exceptionnel  des  biens  non  dotaux  de  la 
femme.  Plus  tard,  l'expression  dot  recepticia  fut  employée  dans  un  autre 
sens.  Ulp.,  vi,  5.  La  pratique  que  constate  Ulpien  dans  la  loi  9,  §  3,  D.  xxm, 
3,  montre  que,  de  son  temps,  les  biens  paraphernaux  avaient  généralement 
peu  d'importance. 

(3)  Dans  les  habitudes  romaines,  le  testament  était  autant  l'œuvre  de  la 
jurisprudence  qui  en  fournissait  le  modèle  que  du  testateur  qui  y  déposait 
ses  volontés.  Pour  le  rédiger,  l'assistance  d'un  jurisconsulte  était  presque 
nécessaire;  c'était  faire  un  grand  éloge  d'un  scribe  que  de  dire  qu'il  pouvait 
rédiger  les  testaments  sans  cette  assistance.  Voy.,  par  exemple ,  Wilmanns , 
Intcript.,  n°  2473  :  «  Testaments  scrlpsit  annos  XIV  sine  jurisconsulte).  » 


ET  LA  DONATIO  ANTE  NUPTIAS.  5 

Le  testament  du  mari. 

I. 

Nous  trouvons  au  Digeste  de  nombreux  textes  qui  nous 
montrent  un  mari  instituant  sa  femme  héritière  (1)  ;  et  c'était 
certainement  la  règle  lorsque  la  femme  se  trouvait  in  manu 
mariti.  Celle-ci  était  alors  hœres  sua  de  son  mari;  il  fallait 
par  conséquent  qu'elle  fût  instituée  par  lui  ou  exhérédée,  et 
le  plus  souvent  il  l'instituait;  ce  qui  le  prouve,  c'est  que  le 
premier,  le  plus  important  des  legs  qu'il  lui  fera  porte  dans 
l'usage  le  nom  de  legs  préciputaire ,  «  prœkgatum  dotis  (2).  » 
Cependant  il  devait  arriver  assez  souvent  que  le  mari  exhéré- 
dât  bona  mente  la  femme  in  manu  avec  les  filles  et  les  petits* 
fils,  leur  laissant,  à  titre  de  legs,  leur  part  dans  le  patri- 
moine; il  réservait  alors  à  ses  fils  le  titre  d'héritier  et  le 
règlement  de  la  succession  (3).   Mais  je  croirais  que  moins 

(1)  Voy.  LL.  34,  §  3 ;  53,  §  1  ;  77 ;  88,  §  16  ;  89  pr.,  §  7,  D.  xxxi ;  LL.  41 
pr.f  §§  7,  14;  42,  D.  xxxii;  LL.  13,  §  1;  21,  §  2,  D.  xxxm,  1;  L.  21,  D. 
xxxm,  5;  LL.  14;  41,  §  14,  D.  xl,  5. 

(2)  On  a  soutenu  que  l'expression  prxlegatum  dotis  n'emportait  point  l'idée 
de  legs  préciputaire,  et  s'expliquait  par  l'idée  de  restitution  (V.  Dirksen, 
Mexuale,  v°  Prxlegaré);  mais  ce  point  de  vue  est  traduit  par  l'expression 
ios  relegata.  On  a  prétendu  aussi  que  Ton  disait  prxlegare  dotem  «  quod , 
intequam  ejus  reddendœ  dies  venerit,  ea  numerari  a  mariti  hsredibus  ju- 
betor  •  (Vicat,  Vocabulariwn  juris  utriusque ,  v°  Prxlegare).  Mais  c'est  une 
étymologie  peu  vraisemblable.  11  est  plus  naturel  de  conserver  ici  au  mot 
frxUqare  son  sens  propre ,  le  seul  qu'il  pût  avoir  pour  l'école  Sabinienne 
(Gaîus,  II,  217,  ssq.). 

(3)  Ce  qui  ferait  croire  à  cette  exhérédation  fréquente  de  la  femme  in  manu, 
des  filles  et  des  petits-fils ,  c'est  que ,  tandis  que  le  fils  doit  être  exhérédé 
nominalim,  toutes  ces  personnes  peuvent  être  exhérédées  inter  cxteros 
(Gaîos,  H,  128;  Ulp.,  xxn,  20).  Leur  exhérédation  était  donc  considérée 
an  quelque  sorte  comme  une  clause  de  style.  Mais  en  même  temps  le  pater- 
ftmdUu  leur  laissait  leur  quote-part  de  la  succession,  peut-être  dans  un  lega- 
hm  par tUionis.  Le  jut  accretcendi,  qu'on  reconnut  à  ces  personnes  lorsqu'elles 
avaient  été  omises ,  dut  être  mesuré  sur  la  part  de  biens  qu'on  leur  léguait 
d'ordinaire  dans  les  testaments  qui  contenaient  la  clause  :  exteri  exheredes 
tuêtc. 


6  LE   TESTAMENT   DU   MARI 

souvent  que  les  filles  et  les  petits-fils  la  materfamilias  était 
rayée  du  nombre  des  héritiers. 

Même  dans  le  mariage  libre,  la  femme  est  souvent  instituée 
par  son  mari.  Parmi  les  textes  du  Digeste  qui  contiennent  de 
semblables  institutions ,  quelques-uns  sans  doute  se  rappor- 
tent à  une  femme  in  manu  (1)  ;  mais  dans  le  plus  grand  nom- 
bre il  s'agit  d'une  simple  uxor.  Peut-être  doit-on  attribuer  cela 
à  la  force  des  anciennes  habitudes  ;  mais ,  d'autre  part ,  ces 
textes  attestent  chez  les  contemporains  des  grands  juriscon- 
sultes un  profond  respect  de  l'épouse ,  et  font  le  plus  heureux 
contraste  avec  les  témoignages  des  philosophes  et  des  sati- 
riques. Souvent  la  mère  est  instituée  à  côté  de  son  fils  (2); 
parfois  la  fille  est  exhérédée  alors  que  la  mère  est  instituée 
avec  le  fils  (3).  Fréquemment,  en  inscrivant  sa  femme  au 
nombre  de  ses  héritiers ,  le  mari  lui  remet  le  soin  de  sa  sépul- 
ture (4) ,  ou  lui  donne  la  mission  de  veiller  après  lui  sur  ses 
intérêts  les  plus  chers  (5). 

Mais  la  partie  la  plus  importante  comme  la  plus  intéres- 
sante dans  le  testament  du  mari,  c'est  l'ensemble  de  legs  en 
faveur  de  la  veuve,  dont  l'usage  lui  imposait  au  moins  les 

(1)  Voy.  LL.  14  et  41,  §  14,  D.  xl,  5.  Il  est  dit  dans  ces  textes  que  la 
femme  instituée  abttinuU  ab  hereditatt;  on  peut  eu  conclure  qu'elle  est  hères 
sua,  puisqu'elle  fait  usage  du /tu  abstinente. 

(2)  L.  77  pr.,  D.  xxxi  :  «  Gam  paterfllias  eorumque  matrem  heredes  insti- 
tuisset  »  (cf.  L.  89,  eod.  tU.;  L.  41  pr.,  §§  7, 14,  D.  zxxu). 

(3)  L.  21,  D.  xxxm,  S  :  «  Filium  et  uxorem  heredes  scripsit,  filiam  exhe- 
redavit  et  ei  legatum  dédit ,  cum  in  familia  nuberet ,  centum.  » 

(4)  L.  42,  D.  xxxii  :  c  Titius  heredes  instituit  Seiam  uxorem  ex  parte  duo- 
decima  Msviam  ex  reliquts  partibus,  et  de  monumeoto  quod  sibi  exstrui  vo- 
lebat,  ita  cavit  :  c  Corpus  meum  uxori  mes  toIo  tradi  sepeliendum  et  monu- 
mentum  exstrui.  » 

(5)  L.  41,  §  14,  D.  xxxu  :  «  Heredis  scripti  fidei  commiserat  ut  Seis  uxori 
unirersam  restitueret  hereditatem,  et  uxoris  fidei  commisit  in  hsc  verba  :  «  A 
te,  Seia,  peto,  ut  quidquid  ad  te  ex  hereditate  mea  pervenerit,  exceptis  his, 
si  qu«  tibi  legari,  reliquum  omoe  reddas  restituas  M&viœ  infanti  dulcissime  : 
a  qua  Seia  salis  exigi  veto  cum  sciam  eam  potius  rem  aucturam  quam  detri- 
mento  futuram.  »  —  L.  21,  §  2,  D.  xxxiii,  1  :  «  Filium  ex  dodraote,  uxorem 
ex  quadrante  instituit  heredes  et  fllii  fidei  commisit,  ut  novercs  restitueret 
hereditatem,  ab  ea  autem  petit,  ut  infirmitatem  fllii  commendatam  haberet, 
eique  menstruos  aureos  denos  pnestaret,  donec  ad  vicesimum  quintum  an- 
num  etatis  pervenerit,'  cum  autem  impleret  eam  ntatem,  partem  dimidiam 
hereditatis  ei  restitueret.  » 


ET  LA  DONATIO  ANTE  NUPTIAS.  7 

principaux.  Il  y  avait  là  une  série  de  clauses ,  qui  étaient  de 
style  (1)  et  dont  l'interprétation  se  rattachait  à  une  conception 
spéciale  des  droits  de  l'épouse  (2).  Essayons  de  les  reconsti- 
tuer. 

II. 

Le  premier  en  ordre  de  ces  legs ,  celui  qui ,  pendant  long- 
temps, fat  le  premier  en  importance,  c'est  le  legatum  dotis. 
Son  origine  remonte  sûrement  à  une  époque  où  la  femme  sur- 
vivante n'avait  pas  droit  à  la  restitution  de  sa  dot.  Même 
quand  il  instituait  sa  femme  héritière,  le  mari  détachait  de 
son  patrimoine ,  comme  une  valeur  étrangère ,  la  dot  qu'elle 
y  avait  apportée  et  la  lui  attribuait  à  titre  de  legs  précipu- 
taire,  prœlegatum  dotis  (3).  A  plus  forte  raison  la  femme  rece- 
vait-elle ce  legs  lorsqu'elle  n'était  pas  instituée  héritière.  Le 
legs  de  la  dot  est  souvent  qualifié  dans  les  textes  relegatum 
dotis  (4)  :  cette  expression  indique  bien  nettement  l'idée  d'une 
restitution;  c'est  un  bien  qui  retourne  au  véritable  ayant- 
droit. 

Ces  deux  termes  prœlegatum  et  relegatum  sont  d'ailleurs 
employés  pour  désigner  un  autre  legs  qui  se  rapproche  fort 
de  celui  de  la  dot  par  les  motifs  sur  lesquels  il  repose  :  le  legs* 
du  pécule  au  filiusfamilias.  Le  pécule  qu'administre  le  fils  déjà 
grandi  en  âge  n'est-il  pas  en  réalité  sa  création  et  sa  chose? 
Peut-être  même  a-t-il  rendu  à  la  caisse  du  père  les  premières 
avances  grâce  auxquelles  il  s'est  formé.  Comme  droit  à  son 
pécule,  le  fils  peut  invoquer  le  titre  qui  justifie  le  mieux  la 
propriété,  c'est-à-dire  le  travail.  En  léguant  par  préciputle 

(i)  L.  45,  D.  xxxii  :  «  In  usu  frequentissimo  rersatur,  ut  in  Ugatis  uxoris 
aàjiciatur  qaod  ejus  causa  parata  aint.  »  —  L.  33,  §  1,  D.  ibid.  ;  «  Uxori  sue 
vtfer  estera  ita  legavit.  » 

(9  L.  29  p.,  D.  xxxii.  Il  s'agit  d'uu  legs  fait  à  une  concubine  et  non  à  une 
wor .-  €  Labeo  id  non  probat,  quia  in  hujusmodi  legato  non  jus  uxorium  se- 
quandom,  sed  verborum  interpretatio  esset  facienda.  » 

(3)  L.  1,  §§  6,  13, 1.  9;  L.  15, 1.  17,  D.  xxxui,  4;  L.  51,  1.  78,  §  14,  D. 
ixxyi,  1;  L.  27  pr.,  D.  xxxm,  2. 

(4) L.  1  pr.,  §§  1, 2,  5,  9, 10, 11, 12, 14, 15;  L.  2  pr.,  I.  3  ;  L.  4,  D.  xxxm, 
4;L.  77,  §  12,  D.  xxxi  :  «  Dos  prtelegata. ..  reddi  potius  videtur  quam 
<i«ï.  J» 


8  LE   TESTAMENT  DU   MARI 

pécule  au  Gis  (1)  et  la  dot  à  la  femme,  le  paterfamilias  ac- 
complit un  même  acte  de  justice  distributive  :  les  mêmes 
expressions  employées  de  part  et  d'autre  montrent  que  Cette 
pensée  fut  bien  celle  des  anciens  Romains. 

L'habitude  de  léguer  à  la  femme  sa  dot  persista,  nous  l'a- 
vons dit,  après  que  l'action  rei  uxorix  fut  née  et  que  la  pra- 
tique des  cautiones  rei  uxorix  se  fut  répandue.  Le  jurisconsulte 
Paul  dit  encore  :  «  Paterfamilias  dotem,  ut  solet,  legavit  (2).  » 
Sans  doute  on  voit  là  surtout  la  force  d'un  ancien  usage  ;  mais 
le  legs  de  la  dot  présentait  aussi  pour  la  femme  des  avantages 
qu'elle  ne  trouvait  ni  dans  l'action  rei  uxoriœ,  ni  même  par- 
fois dans  la  stipulation  de  sa  dot  :  je  vais  le  montrer  tout  à 
l'heure. 

Le  legs  de  la  dot  se  présente  sous  deux  formes  :  le  tegatum 
dotis  proprement  dit  et  le  legatum  pro  dote.  Dans  le  premier 
cas,  le  mari  léguait  la  dot  elle-même  considérée  comme  une 
universalité,  comme  une  entité  juridique,  «  dos  ipsa,  dos  ge- 
neraliter  legata  est  (3);  »  dans  le  second,  il  léguait  à  sa 
femme  un  ou  plusieurs  objets  déterminés  pour  lui  tenir  lieu 
de  sa  dot  :  «  Non  dos  sed  pro  dote  aliquid  relegatur  (4).  » 

Aux  yeux  des  jurisconsultes  classiques  ces  deux  sortes  de 
legs  ont  des  effets  bien  différents.  Le  legatum  dotis,  quanta 
sa  portée ,  se  règle  exactement  sur  l'action  qu'aurait  la  femme, 
en  dehors  de  tout  legs,  pour  se  faire  restituer  sa  dot  :  «  verum 
est  id  dotis  legato  inesse  quod  actione  de  dote  inerat...  dotis 
actionem  continet  dotis  relegatio  (5).  »  Le  legatum  pro  dote, 
au  contraire,  est  un  legs  ordinaire  qui  porte  sur  un  ou  plu- 
sieurs objets  individuellement  déterminés ,  et  la  clause  qui  en 
fait  un  équivalent  de  la  dot  n'est  en  réalité  qu'une  demonstratio. 


(i)  L'habitude  pour  le  père  de  léguer  à  son  fils  son  pécule  paraît  ressortir 
des  textes.  V.  L.  26,  D.  xxxm,  8  :  «  Titi  fili,  e  medio  prœcipito  sumito  tibi 
que  habeto  domum  illara  item  aureos  centum.  Alto  deinde  captte  peculia  /Mis 
prxlegavit.  »  Cf.  L.  10,  ibid.;  L.  89  pr.,  D.  xxxi;  L.  7,  D.  xl,  1.  —  V.  Bris- 
sou  :  De  formulis  et  solemnibus  populi  romani  verbit,  lib.  VIII,  édit.  Paris, 
1583,  p.  715. 

(2)  L.  13,  D.  xxxm,  4. 

(3)  L.  6,  §  1;  L.  1,  §  14,  D.  xxxm,  4. 

(4)  L.  2  pr.;  L.  6,  §  1,  D.  xxxm,  4. 

(5)  L.  1  pr.,  §  5,  D.  xxxur,  4. 


ET  LA  DONATIO   ANTE  NUPTIAS.  9 

De  celte  distinction  fondamentale  découlent  des  différences 
secondaires  qu'énumèrent  les  textes,  et  dont  voici  les  princi- 
pales. Si  la  dot  consiste  en  corps  certains  non  estimés  et  que 
ces  choses  aient  péri  fortuitement,  le  legatum  dotis  s'éva- 
nouit (1);  le  legatum  pro  dote  subsiste  en  pareil  cas  pourvu 
que  son  objet  propre  n'ait  point  péri  (2).  Si  le  mari,  par 
extraordinaire,  a  légué  une  dot  qui  n'existait  pas,  le  legatum 
dotis  est  alors  nul,  le  legatum  pro  dote  est  valable  (3).  Si  la 
dot,  au  moment  de  la  dissolution  du  mariage,  était  encore 
due  par  la  femme  elle-même  à  qui  elle  est  léguée,  le  legatum 
dotis  ne  lui  procurera  que  sa  libération;  en  vertu  d'un  legatum 
pro  dote,  elle  pourrait  sans  doute  réclamer  l'objet  précis  du 
legs  (4).  Les  textes  nous  disent  que  dans  le  legatum  dotis  la 
femme  subira  les  mêmes  retentiones  qu'elle  aurait  supportées 
dansl'oclio  rei  uzori&($);  en  cas  de  legatum  pro  dote,  elle  ne 
devra  même  pas  compte  des  dépenses  nécessaires  faites  à 
l'occasion  de  sa  dot  (6).  Enfin ,  la  femme  ne  trouvait  dans  le 
legatum  dotis  que  la  valeur  exacte  de  sa  dot,  elle  pouvait  trou- 
ver dans  le  legatum  pro  dote  un  objet  d'une  valeur  beaucoup 
plus  grande. 

Cette  distinction  a  donc  une  très  grande  importance  à  l'é- 
poque classique ,  mais  il  est  fort  douteux  qu'elle  soit  très  an- 
cienne et  qu'on  l'ait  faite  de  tout  temps.  S'il  est  vrai  que 
l'usage  de  léguer  la  dot  à  la  femme  ait  existé  alors  que  Yactio 
reiuxoriœ  n'existait  pas  encore,  il  est  clair  qu'alors  l'interpré- 
tation du  legatum  dotis,  telle  que  nous  venons  de  la  donner, 
n'avait  pas  encore  pu  naître.  Elle  ne  put  se  former  que  quand 
l'obligation  de  restituer,  imposée  par  la  loi  au  mari ,  eut  donné 
au  terme  dot  une  valeur  juridique  et  un  objet  légalement  dé- 
terminé. Jusque-là ,  il  n'y  eut  à  vrai  dire  que  des  legata  pro 
dote:  mais  sans  doute  déjà,  lorsque  ceux-ci  étaient  conçus 
en  termes  fort  généraux ,  on  reconnaissait  au  juge  de  larges 
pouvoirs,  pour  déterminer  ce  que  devait  obtenir  la  femme. 

(i)  L.  1,  §  6,  D.xxxni,  4. 

(2)  L.  8,  D.  xzxiii,  4. 

(3)  L.  6,  §  i,D.  xxzm,  4. 

(4)  L.  1,  §  7,  D.  xxxm,  4;  cf.  L.  16, 1.  1,  §  9,  ibid. 

(5)  L.  i ,  §  3,  D.  xxxm,  4. 

(6)  L.  2pr.,  D.  xxxin,  4. 


10  LE   TESTAMENT  DU   MARI 

A  l'époque  des  grands  jurisconsultes,  le  legatum  dotis  n'a 
rien  en  lui-même  de  très  avantageux  pour  la  femme.  Le  profit 
le  plus  clair  qu'elle  en  retirera,  c'est  que  si  elle  avait  dû  pour 
réclamer  sa  dot  recourir  au  droit  commun  et  qu'il  s'agisse 
d'une  dos  quae  annua,  bima,  trima,  die  redditur,  elle  pourra 
agir  de  suite  et  profitera  du  commodum  repr&sentationis  (1). 

Le  legatum  pro  dote,  au  contraire,  pourra,  nous  l'avons  vu, 
lui  donner  beaucoup  plus  que  le  droit  commun.  Il  se  présen- 
tait d'ailleurs  sous  plusieurs  formes. 

La  formule  la  plus  usitée  et  la  plus  ancienne  paraît  avoir 
été  à  peu  près  la  suivante  :  «  Quantam  pecuniam  (  ou  summa) 
dotis  nomine  ad  me  pervertit,  tantam  pecuniam  (ou  tantumdem) 
pro  ea  dote  uxori  do  lego  (ou  hères  meus  dato)  (2).  »  D'ailleurs 
on  interpréta  d'abord  ces  termes  en  ce  sens  qu'on  vit  dans  le 
mot  pecunia  ou  summa  non  pas  la  valeur  de  la  dot  en  argent 
mais  la  dot  elle-même ,  les  objets  qui  la  constituaient  (3) , 
comme  ce  même  mot  pecunia  désignait  le  patrimoine  entier 
dans  la  nuncupatio  du  testament  per  œs  et  libram  (4),  et  c'est 
peut-être  sur  cette  ancienne  formule  que  la  jurisprudence 
édifia  la  théorie  postérieure  du  legatum  dotis  proprement  dit. 
Mais  il  n'est  pas  douteux  qu'à  l'époque  classique  elle  ait  été 
employée  par  des  testateurs  pour  léguer  à  la  femme ,  non  la 
dot  elle-même ,  mais  sa  valeur  en  argent  :  pecuniam  pro  dote 
legare  (5).  Et  alors  c'était  surtout  une  question  d'intention 
que  de  savoir  si  le  disposant  avait  voulu  faire  un  legatum  do- 
tis ou  un  legatum  pro  dote.  D'ailleurs  celui-ci,  s'il  se  décidait 
pour  le  second  parti ,  avait  un  moyen  bien  simple  d'écarter 


(1)L.  1,  §2,  D.  xxxm,  4. 

(2)  L.  6  pr.,  §  1  (Labéon),  D.  xxxm,  4;  L.  17,  §  1  (Scœvola) ,  ibid.;  L.  41, 
§  1,  D.  xxxi  ;  Brisson,  De  formulis,  p.  717  :  «  Plane  in  dotis  relegatione  so- 
lemnia  fuisse  verba  hœc  quantat  pecuniat  docet  Marcianus  in  lege,  95 ,  D.  De 
legatis,  ni.  » 

(3)  L.  95,  D.  xxxu  :  «  Aristo  res  quoque  corporales  contineri  ait ,  quia  et 
hoc  verbiim  «  quantat  »  non  ad  numeratam  dumtaxat  pecuniam  referri  ex  do- 
tis relegatione  et  stipulationibus  emptœ  hereditatis  apparet,  et  atumm»» 
appellatio  similiter  accipi  deberet,  ut  in  his  argumentis  quœ  relata  essent 
ostenditur.  » 

(4)Gaïus,  II,  104. 

(5)  L.  8,  l.  6,  §  i, in  fine,  D.  xxxm,  4. 


ET  LA  DONATIO  ANTE  NUPTIAS.  11 

toute  difficulté  :  c'était  de  fixer  la  somme  d'argent  qu'il  lé- 
guait pro  dote  (1). 

D'autres  fois,  c'étaient  des  corps  certains,  compris  dans  la 
dot  ou  pris  dans  le  patrimoine  du  mari  qui  faisaient  l'objet  du 
legs  (2).  Parfois,  enfin,  c'était  l'institution  d'héritier  elle- 
même,  faite  en  faveur  de  la  femme,  qui  était  destinée  à  lui 
tenir  lieu  de  sa  dot  (&). 

Le  legs  de  la  dot  sous  ses  deux  formes  distinctes  pouvait 
être  construit  per  prœceptionem  (4),  per  vindicationem  (5),  per 
damnationem  (6),  et  sans  doute  aussi  sinendi  modo.  Lorsque  le 
mari  avait  légué  individuellement  per  vindicationem  les  corps 
certains  composant  la  dot,  la  femme  avait  pour  les  réclamer  la 
revendication,  tandis  que  l'action  ra  nxoriœ,  comme  l'action 
ex  stipulatu  qu'elle  avait  pu  s'assurer,  étaient  des  actions  per- 
sonnelles. 

Si  le  legalum  dotis  proprement  dit  avait  été  fait  per  vindica- 
tionem, la  femme  pouvait-elle  également  revendiquer  les  corps 
certains  compris  dans  la  dot  et  non  aliénés  valablement  par  le 
mari?  A  ma  connaissance,  les  textes  ne  le  disent  pas;  mais 
on  peut  croire  qu'il  en  était  ainsi.  En  effet,  le  legs  de  la  dot 
ressemble  assez  à  celui  du  pécule ,  en  ce  que  de  part  et  d'au- 
tre l'objet  est  une  sorte  d'universalité ,  et  les  jurisconsultes 
romains  font  eux-mêmes  la  comparaison  (7)  :  or,  il  paraît 
bien  que  le  légataire  du  pécule  (dans  la  formel,  lego)  pou- 
vait revendiquer  les  corps  certains  qui  y  étaient  compris  (8). 

(4)L.  6  pr.,  §  1,  D.  xxxm,  4. 

(2)  L.  48,  D.  xxxi  :  «  Lidnius  Lucusta  Proculo  suo  talulem.  Cum  facial 
oondtcioDem  io  relegandat  dote,  ut  si  mallet  uxor  mancipia  que  in  dotem 
dederit  quam  peconiam  numeratam  recipere  ;  si  ea  mancipia  uxor  malit,  num- 
quid  etiam  ea  que  postea  ex  his  mancipiis  nata  sunt,  uxori  debeantur.  — 
ProaUus  Lueustx  suo  salutem.  «  Si  axor  mallet  mancipia  quam  dotem  accipere 
îpsa  mancipia,  quœ  seatimata  in  dotem  dédit,  non  etiam  partua  mancipiorum 
ei  debebuntur.  » 

(3)  L.  53,  §  1,  D.  xxx[  :  «  Hères  instituta  pro  dote.  » 

(4)  L.  17  pr.,  D.  xxxm,  4. 
(5)L.  10,  D.  xxxiu,  4. 

(6)  L.  3;  L.  6  pr.,  §  1,  D.  xxxm,  1. 

(7)  L.1,  §  10,  D.  xxxui ,  4;  L.  6  pr.,  §  1,  D.  xxxm,  8. 

(8)  L.  6  pr.,  D.  xxxtu,  8  :  «  Si  peculium  legetur  et  ait  in  corporibus ,  puta 
fondi  yel  «des,  si  quidem  nibil  sit  quod  servuB  domino  vel  conservis  libe- 


42  LE   TESTAMENT   DU   MARI 

Dans  ces  conditions ,  le  legatum  dotis  aurait  été  fort  avanta- 
geux même  à  la  femme  qui  aurait  pu  réclamer  sa  dot  par  l'ac- 
tion ex  stipulatu  :  et  c'est  peut-être  en  se  plaçant  à  ce  point 
de  vue  que  les  Instituées  de  Justinien  déclarent,  en  termes 
généraux  :  «  Si  uxori  maritus  dotem  legaverit ,  valet  legatum 
quia  plenius  est  legatum  quam  de  dote  actio  (1).  »  Dans  le 
droit  des  Institutes ,  la  légataire  aura  toujours  la  revendica- 
tion pour  les  corps  certains  compris  dans  la  dot  (2). 


III. 

A  côté  du  legs  de  la  dot ,  l'usage  en  plaçait  un  autre ,  dont 
l'origine  remonte  aussi  à  l'ancien  régime  du  mariage  avec 
manus.  Les  textes  en  fournissent  de  nombreuses  variantes, 
mais  dans  sa  teneur  la  plus  complète  il  était  ainsi  rédigé  : 
«  Titiœ  uxori  quidquid  vivus  dedi,  donavi,  ejus  causa  (ou 
usibus)  comparavij  confeci,  id  omne  do  lego  (3).  »  Cela  com- 
prenait plusieurs  chefs. 

Cela  comprend  d'abord  le  mundus  muliebris,  et  tout  ce  qui 
a  été  acquis  dans  le  ménage  pour  l'usage  particulier  de  la 
femme,  ou  mis  à  sa  disposition  par  le  mari  :  quœ  ejus  causa 
parata  sunt.  Que  ce  legs  fût  une  coutume  très  ancienne,  cela 
n'est  pas  douteux  (4),  et  Africain  nous  dit  expressément  qu'il 
était  de  style  :  «  Uxori,  uti  adsolet,  legavit  quœ  ejus  causa  pa- 
rata erunt  (5).  »  Il  est  aisé  de  comprendre  pourquoi. 

La  femme  soumise  à  la  manus  ne  conserve  rien  en  propre 
et  ne  peut  rien  acquérir  :  tous  les  objets  familiers ,  meubles , 
esclaves  attachés  à  sa  personne,  vêtements  et  bijoux,  au  milieu 
desquels  elle  a  vécu ,  ne  sont  donc  point  à  elle ,  pas  même 

risve  domini  debeat,  intégra  corpora  vinâicàbuntur.  »  L.  56,  D.  vi,  1.  — 
Voy.  Voigt,  Die  XII  Taftln,  §  101,  anm.  2,  4,  5. 
(l)Inst.,  I,  20,15. 

(2)  Il  est  vrai,  d'autre  part ,  que  dans  le  droit  de  Jastinien  la  femme  a  la 
revendication  des  biens  dotaux  non  aliénés  par  le  mari.  L.  30,  C.  v,  12  (de  l'an 
529). 

(3)  L.  13,  D.  xxxiv,  2;  L.  33,  §  1,  D.  xxxn. 

(4)  Voyez  Lonius  Marcellus,  v°  Mundus,  où  il  cite  ce  passage  de  Lucilius  : 
«  Legavit  quidam  uxori  mundum  omne.  » 

(5)  L.  2,  D.  xxxiv,  2. 


ET   LA  DONÀTIO  ANTE  NUPTIAS.  13 

ceux  qu'elle  a  apportés  en  se  mariant  de  la  maison  paternelle; 
tout  cela  appartient  au  mari  (1).  Cependant  tout  cela  ne  doit- 
il  pas  revenir  à  la  veuve?  D'autres  législations  qui ,  confon- 
dant également  le  patrimoine  de  la  femme  dans  celui  du  mari, 
permettent  de  plein  droit  à  la  veuve  de  reprendre  ces  ob- 
jets (i),  le  droit  romain,  suivant  sa  tendance  naturelle,  laisse 
au  mari  le  soin  de  faire  cette  attribution  dans  son  testament. 
D'ailleurs  ici  encore  le  mari  fera  pour  sa  femme  ce  que  fait  le 
père  de  famille  pour  la  fiilafamilias.  Voici  un  exemple  de  ces 
dispositions  :  «  Paulinœ  fiïix  meœ  dulcis&imx,  si  quid  me  vivo 
dcdi,  camparavi,  sibi  habere  jubeo;  eu  jus  rei  quxstionem  fieri 
veto  (3).  » 

Dans  le  mariage  libre,  l'habitude  se  conserva  pour  le  mari 
de  léguer  à  sa  femme  «  quse  ejus  causa  parata  fuerunt,  »  et  un 
intérêt  nouveau  justiûa  dans  la  suite  cette  habitude.  Sauf  le 
eas  où  ces  objets  constituaient  pour  elle  des  paraphernaux ,  la 
femme  ne  peut  pas  en  être  propriétaire  au  cours  du  mariage. 


(i)  Tel  était  jusqu'à  ces  derniers  temps  le  principe  admis  par  la  législation 
anglaisa.  L'acte  de  1882  (45  et  46  Vict.,  c.  75)  est  venu  renverser  les  règles 
traditionnelles,  que  d'ailleurs  la  pratique  ou  la  loi  avaient  partiellement  cor- 
rigées :  il  a  proclamé  l'indépendance  de  la  femme  mariée,  en  faisant  de  la 
Opération  de  biens  le  régime  de  droit  commun ,  une  séparation  de  biens  où 
la  femme  n'est  point  soumise  à  l'autorité  maritale.  C'est  depuis  lors  seule- 
ment qne  la  femme  a  pu  être  considérée  comme  propriétaire  des  bijoux  don- 
nés par  le  mari  avant  ou  depuis  le  mariage.  Voyez  Griffith  et  Worthington 
Bromfleld,  The  married  women's  property  acts,  London,  1883,  p.  5.  «  It  is 
ssbmiUed  that  a  married  woman  will  now  hold  her  paraphernalia  as  sepa- 
rate  properly...  They  consist  of  such  articles  of  dress  and  ornament,  as 
jcwels,  pearls,  watches,  and  rings  as  are  su  i  tables  to  her  station  in  life,  and 
are  giveo  to  her  to  be  worn  as  ornaments ,  wether  before  or  after  marriage 
bj  her  hnsband...  Before  this  act  a  married  woman  had  no  right  of  pro- 
perty in  her  paraphernalia  till  she  became  a  widow,  which  vested  on  her  on 
her  hnsband's  death...  while  her  husband  could  give  them  away  or  sell  or 
pledge  them,  though  ne  could  not  bequeath  them,  aud  they  were  liable  to 
his  debtes.  » 

(2)  Voyez,  pour  le  droit  anglais,  la  note  précédente. 

(3)  L.  34,  §  6,  D.  xxxi.  —  La  loi  88  pr.,  D.  xxxi,  montre  qne  le  même 
sentiment  d'équité  conduisait  à  des  legs  d'une  formule  plus  large  encore  au 
profit  de  tous  les  enfants  en  puissance  :  «  Lucius  Titius  testamento  ita  cavit  : 
Si  fmd  cuique  Uberorum  tneorum  dedi  aut  donavi  aut  in  usum  conesssi  eut  sibi 
•éfûisut  aut  ei  ab  aliquo  datum  aut  relictum  est,  id  sibi  prmâpiat,  sumat, 


44  LE  TESTAMENT  DU   MARI 

En  effet,  ou  bien  ils  faisaient  partie  de  la  dot,  ou  ils  avaient 
été  acquis  par  le  mari ,  et  la  coutume  qui  annulait  les  dona- 
tions entre  époux  empêchait  qu'ils  ne  passassent  dans  le  pa- 
trimoine de  la  femme  (1). 

Ce  legs  était  si  usuel ,  qu'il  avait  ses  règles  d'interpréta- 
tion particulières;  et  un  grand  nombre  de  textes  sont  con- 
sacrés aux  questions  qu'elles  soulevaient.  Ainsi  les  termes 
«  quw  uxoris  causa  parafa  suint,  »  comprenaient  non-seulement 
ce  que  le  mari  avait  acquis  pour  l'usage  de  sa  femme,  mais 
encore  tout  ce  qu'il  avait  mis  à  la  disposition  habituelle  de 
celle-ci ,  alors  même  qu'il  s'agissait  d'objets  dont  il  était  déjà 
propriétaire  avant  le  mariage  (2).  Gela  comprenait  même  les 
objets  qui  avaient  servi  à  une  première  femme  (3)  :  et  cette 
dernière  interprétation  était  considérée  comme  un  droit  de 
l'épouse,  tellement  qu'on  se  demandait  si  l'on  devait  l'étendre 
au  legs  fait  en  faveur  d'une  concubine  :  non  pas  qu'on  son- 
geât à  lui  attribuer  les  vêtements  et  les  bijoux  d'une  épouse 
décédée  ou  divorcée ,  mais  on  se  demandait  si  l'on  devait  lui 
attribuer  les  objets  qui  avaient  servi  à  une  précédente  conçu- 
bina.  Les  vieux  jurisconsultes  Cascellius  et  Trebatius  se  refu- 
saient à  l'admettre  (4).  Il  est  vrai  que  déjà  Labéon  décidait 
en  sens  contraire  :  il  donnait  pour  motif  que  le  droit  matri- 
monial n'avait  là  rien  à  voir,  qu'il  s'agissait  simplement  d'une 
interprétation  de  volonté  et  que  le  legs  fait  à  la  concubine 
devait  être  interprété  comme  celui  fait  à  la  filiafamUias  ou  à 
toute  autre  personne  (5).  Ulpien  est  plus  affirmatif  encore 
dans  le  même  sens ,  mais  pour  un  tout  autre  motif  :  «  Parvi 
autem  refert  uxori  an  concubin»  quis  leget  quœ  ejus  causa 


(1)  L.  7,  §  1;  L.  18;  L.  31  pr.,  D.  xxiv,  1. 

(2)  L.  45,  l.  47, 1.  48, 1.  49,  D.  ixxu. 

(3)  L.  47  pr.,  D.  xxxii;  oa  encore  à  une  fille  du  mari. 

(4)  L.  29  pr.,  D.  xxxii  :  «  Qui  concubinam  habebat  ei  vestem  prioria  con- 
cubin» utendam  dederat;  deinde  ita  legavit  :  restent  quœ  ejus  causa  empta, 
parata  esset.  Cascellius,  Trebatius  negant  ei  deberi  prions  concubin®  causa 
parata,  9111a  alfa  conditio  estet  in  uxore.  » 

(5)  L.  29  pr.,  D.  xxxn  :  «  Labeo  id  non  probat,  quia  in  ejuamodi  legato 
non  jus  uxorium  sequendum,  sed  ▼erborum  interpretatio  easet  facienda, 
idemque  vel  in  filia  vel  in  qualibet  alia  persona  juris  esset.  »  Et  Jaroienus 
ajoute  :  «  Labeonis  sententia  vera  est.  » 


ET  LA  DONATIO  ANTB  NUPTIAS.  15 

parata  sunt;  sane  enim  nisi  dignitate  nihil  interest  (1).  »  Ne 
peut-on  pas  voir  là ,  soit  dit  en  passant ,  une  preuve  de  lente 
transformation  qui  déjà,  dans  le  Haut-Empire ,  modiûa  peu  à 
peu  la  conception  du  concubinat?  Après  que  la  loi  Julia  de 
adultéras  l'eut  mis  au  nombre  des  unions  légales,  par  cela 
seul  qu'elle  l'exemptait  des  peines  dont  elle  frappait  les 
unions  irrégulières,  on  devait  tendre  de  plus  en  plus  avec  le 
temps  à  lui  reconnaître  une  valeur  juridique. 

Le  legs  des  parata  en  faveur  de  la  femme  se  présentait 
aussi  avec  une  formule  plus  détaillée ,  énumérant  soigneuse- 
ment les  diverses  catégories  d'objets  qu'on  voulait  y  com- 
prendre. C'est  ainsi  que  procéda  Labéon  dans  son  testament , 
dont  cette  clause  nous  a  été  conservée  par  Paul  :  «  Labeo 
testamento  suo  Neratiœ  uxori  su»  nominatim  legavit  :  Ves- 
tem,  mundum  muliebrem  omnem,  ornamentaque  muliebria 
omnia,  lanam,  linum,  purpuram,  versicoloria  fada  infectaque 
omnia  (2).  » 

Les  parata  légués  à  la  femme  étaient  le  plus  souvent  des 
cadeaux  que  lui  avait  faits  son  mari  au  cours  de  leur  union. 
Hais  peut-être  celui-ci  avait-il  voulu  lui  faire  des  donations 
plus  importantes  portant  sur  des  sommes  d'argent  ou  des 
corps  certains.  Cela  était  impossible  dans  le  mariage  avec 
manus;  ces  libéralités  n'avaient  fait  acquérir  aucun  droit  à  la 
femme  :  mais  ici  encore  l'usage  obligeait  le  mari  de  léguer  à 
la  materfamilias  ce  qu'il  lui  avait  inutilement  donné  de  son 
vivant  (3).  Sur  ce  point  comme  sur  les  autres ,  la  femme  in 
manu  était  assimilée  aux  enfants  en  puissance.  Ceux-là  aussi, 
en  droit ,  ne  pouvaient  recevoir  de  donations  du  pater,  mais 
l'habitude  était  que  le  père  transformât  en  legs  valables  ces 
donations  inefficaces  (4).  Et  même  une  jurisprudence  qui  se 
forma  au  cours  du  ni6  siècle ,  admit  que  les  donations  faites 
aux  filii  et  filix  familias  seraient  validées  de  plein  droit  par  le 

(i)  L.  49,  §  4,  D.  xxxii. 

(2)  L.  32,  §  6,  D.  xxxti. 

(3)  L.  107,  D.  xxx  :  «  Si  quando  quis  uxori  sus  ea  quœ  vivus  donaverat 
vvlgari  modo  leget.  »  —  Cest  à  cela  que  se  rapportent  les  termes  «  quidquid 
dcd»,  donaui ,  »  dans  la  formule  de  legs  plus  haut  citée. 

(4)  Voyez  la  formule  de  legs  dans  la  loi  88  pr.,  D.  xxxi  :  a  Quid  cuique 
ljberoram  meorum  dedi  aut  donavi...  sibi  prscipiat,  Bumat,  babeat.  » 


16  LE   TESTAMENT  DU  MARI 

décès  du  père ,  s'il  n'avait  pas  retiré  son  bienfait  avant  de 
mourir  (1).  Dès  lors,  pour  les  enfants,  le  legs  portant  sur  ces 
objets  n'avait  plus  d'utilité  ;  et  on  eût  sans  aucun  doute  appli- 
qué la  même  théorie  au  profit  de  la  femme  in  manu,  si  à  cette 
époque  la  manus  eût  encore  existé. 

Dans  le  mariage  libre  pendant  longtemps  Yuxor  put  recevoir 
de  son  mari  des  donations  entre-vifs  ;  c'était  encore  la  règle 
lorsque  fut  votée  la  loi  Cincia  (2).  Mais,  quand  la  coutume 
eut  fait  prévaloir  la  nullité  des  donations  entre  époux,  le 
legs  des  choses  données  eut  pour  Yuxor  la  même  importance 
que  pour  la  femme  in  manu  :  et  l'usage  l'imposa  de  même  au 
mari.  Par  là  la  règle  prohibitive  des  donations  entre  époux 
perdait  beaucoup  de  sa  rigueur.  Sauf  le  cas  où  le  mari  mou- 
rait intestat,  les  donations  qu'il  avait  pu  faire  à  sa  femme y 
étaient  toujours  confirmées  à  titre  de  legs.  Aussi  YOratio  An- 
toniniy  en  validant  les  donations  que  l'époux  aurait  maintenues 
jusqu'à  son  décès,  si  elle  modifia  profondément  le  droit  ne 
changea-t-elle  pas  le  fond  des  choses.  Elle  substitua,  à  une 
confirmation  testamentaire  qui  était  de  style ,  une  confirma- 
tion tacite ,  plus  commode  et  par  là  même  plus  équitable  : 
c'est  d'ailleurs  ce  qu'indique  fort  nettement  Ulpien  :  «  Oratio, 
autem  Imperatoris  nostri  de  confirmandis  donationibus ,  non 
solum  ad  ea  pertinet ,  quae  nomine  uxoris  a  viro  comparata 
sunt ,  sed  ad  omnes  donationes  inter  virum  et  uxorem  factas... 
cui  locum  ita  fore  opinor,  quasi  testamento  sit  confirmatum 
quod  donatum  est  (3).  »  Mais  dès  lors  le  legs  des  choses  don- 
nées à  la  femme ,  ne  fut  plus  maintenu  dans  le  testament  du 
mari  que  par  la  force  de  l'habitude. 


(!)  Paul,  Sent.,  V,  il,  3;  Frag.  Vat.,  §§274,  277,  278,  281;  L.  18  pr.,  C. 
III,  36;  L.  2,  G.  III,  28.  Cette  jurisprudence  n'existait  pas  encore  du  temps 
où  Papinien  rédigeait  ses  réponses.  Voy.  Frag.  Val.,  §  294.  Ce  texte  contient 
un  rapprochement  curieux  entre  la  donation  atteinte  par  la  loi  Cincia,  la 
donation  faite  par  le  paterfamilias  à  l'enfant  en  puissance ,  et  la  donation 
entre  époux  depuis  YOratio  Antonini. 

(2)  Frag.  Vat.,  §302. 

(3)  L.  32,  §  1,  D.  xxiv,  l. 


ET   LA   DONATIO  ANTB   NUPTIAS.  il 


IV. 

Ordinairement  le  mari  faisait  un  legs  d'usufruit  en  faveur 
de  la  femme  (1).  C'est  là  une  habitude  ancienne  (2)  et  qu'at^ 
testent  encore  les  jurisconsultes  de  l'époque  classique.  Lé 
titre  du  Digeste,  qui  traite  principalement  du  legs  d'usu- 
fruit (3),  contient  43  fragments,  et,  sur  ce  nombre,  il  en  est 
13  qui  parlent  d'un  usufruit  légué  à  la  femme  (4).  Lorsque 
tes  lois  caducaires  fixèrent  d'une  manière  spéciale  le  jus  ca- 
piendi  entre  époux,  à  côté  d'une  quotité  en  pleine  propriété, 
elles  établirent  une  quotité  supplémentaire  en  usufruit  (5). 

En  cela  les  Romains  suivaient  une  pente  naturelle  qui  en- 
traîne les  législations  modernes.  Toutes,  elles  font  consister 
principalement  en  usufruit  les  gains  de  survie  des  époux, 
eenx  de  la  femme  en  particulier.  Par  celte  combinaison ,  sans 
dépouiller  à  jamais  ses  héritiers  naturels ,  le  mari  peut  assu- 
rer à  celle  qu'il  laisse  après  lui  la  vie  facile  et  large  qu'il  lui 
faisait  de  son  vivant. 

Le  legs  d'usufruit  dans  le  testament  du  mari  pouvait  être 
conçu  de  diverses  manières.  Le  plus  souvent  il  s'agissait  d'un 
■sufraii  pour  la  vie  entière  de  la  femme  (6);  mais  parfois  il 
était  restreint  à  une  durée  préfixe  (7).  Fréquemment  il  devait 
prendre  fin  quand  les  enfants  du  testateur  seraient  en  âge  (8)*, 

(1)  L.  27,  D.  xxxm ,  2  :  «  Uxori  maritus  (per  fldeicommissum  )  usum  fruc- 
et  alia  et  dotera  preôlegavit.  »  Dans  cette  phrase ,  le  mot  alia  désigne 

aoctio  doute  le  legs  des  parala ,  etc. 

(2)  Dans  les  Topiques,  Cicéron  cite  ce  legs  parmi  les  clauses  usuelles  sur 
lesquelles  il  raisonne,  c.  ni,  17  :  a  Non  débet  ea  mulier,  cui  vir  bonorum 
saorutii  osumfructum  legavit,  ceUis  vïnariis  et  oleariis  plenis  relictis,  putare 
|d  ad  se  pertinent.  Usus  enim  non  abusas  legatus  est.  • 

(3)  Dig.  xxxi n ,  2  :  De  usu  et  usufructu  et  redit*  et  habitations  et  opuruper 
(évaluai  vel  fideicommitsum  datis. 

(4)  LL.  22,  24,  25,  27,  30  pr.(  31,  32,  $  2,  3,  4;  35,  37,  38,  39. 

(5)  Ulp.,  XV,  3  :  c  Prêter  décimant  eiiam  usumfruotum  tertio  partis  bono- 
ram  (ejoa)  capere  possunt...  4.  Hoc  amplius  mulier  praHer  decimam  dotem 
capere  potest  legatao»  sibi.  m 

($)  LL.  22,  23  pr.,  25,  27,  31»  3&,  IX  xxxra,  2. 

P)  Voy.,  par  exempte,  U  xxxv,  D.  xxxni,  2. 

(8)  L,  5,  C.  m ,  33  (Alexandre  Sévère)  :  c  Si  pater  usumfr uctum  pradi*- 

Revue  hist.  —  Tome  VIII.  2 


48  LE   TESTAMENT   DU   MARI 

la  volonté  du  père  de  famille  produisait  alors  au  profit  de  la 
mère  un  résultat  semblable  à  celui  qui  découle  pour  elle  de 
l'article  384.  du  Code  civil.  Si  le  droit  romain  n'organise  pas 
l'usufruit  légal  de  la  mère  survivante  (1),  que  nous  avons 
puisé  à  une  autre  source,  les  Romains  avaient  reconnu  au 
moins  en  partie  les  intérêts  légitimes  auxquels  il  correspond, 
et  ils  leur  donnaient  satisfaction  conformément  au  génie  de 
leurs  inslitulions. 

Au  lieu  de  faire  un  legs  d'usufruit,  pour  atteindre  le  même 
but,  le  mari  pouvait  laisser  à  sa  femme  par  voie  d'institution 
héréditaire  ou  de  legs  la  portion  de  biens  dont  il  voulait  lui 
assurer  la  jouissance,  et  la  grever  d'un  fidéicommis  au  profit 
de  ses  enfants  ou  autres  parents  (2). 

Parfois  la  disposition  portant  sur  un  revenu  ou  usufruit 
avait  un  caractère  plus  modeste.  Ainsi  le  mari  lègue  à  sa 
femme  Vannnum,  c'est-à-dire  la  pension  qu'il  lui  faisait  pen- 
dant sa  vie,  selon  les  habitudes  romaines  (3);  ou  encore  il  lui 


rum  in  lempus  vestro  pabertatis  matri  vestrs  reliquit.  »  —  L.  12,  ibid., 
(Justicier!)  :  «  Ambiguitatem  antiqui  juris  decidentes  sancimtis  sive  qui» 
uxori  aux  sive  alii  cuicumque  usumfructum  reliquerit  sub  cerlo  lempore,  in 
quod  vel  filiut  ejus  vel  quisquam  alias  pervenerit,  stare  usumfructum  in  an- 
nos,  in  quos  lestator  statuit,  sive  perso n a  de  cujus  œtate  compositum  est 
ad  eam  pervenerit  sive  non.  »  —  L.  32,  §  4,  D.  xxxm,  2  :  «  A  te  peto, 
uxor,  un  ex  usufructu,  que  m  libi  prestari  volo  in  annum  quintum  decimum 
contenta  sis  annuis  quadragentis,  quod  ampli  us  fuit  rationibus  heredis  here- 
dum  ve  meorum  inferatur.  »  —  L.  37,  D.  ibid.:  «  Uxori  mes  usumfruclam 
lego  bonurum  meorum  u$que  dum  filia  mea  annos  itnpleal  oclodecim.  » 

(1)  Le  père  survivant  trouvait  dans  les  effets  de  la  tnanus  ou  de  la  patrie 
potettas  des  avantages  qui  dépassent  de  beaucoup  la  portée  de  l'usufruit 
légal. 

(2)  L.  59  (al.  57),  §  2,  D.  xxxvi,  1  :  «  Peto  de  te,  uxor  carissima,  uti  cum 
morieris  beredilatem  raeam  restituas  filiis  mei  vel  uni  eorum  vel  nepotibns 
meis,  vel  cui  volueris,  vel  cognatis  meissi  cui  voles  ex  tota  cognatione  mea.» 
—  L.  39,  D.  xxxui ,  2  :  «  Uxori  vestem ,  mundum  muliebrem ,  laoam ,  linum 
et  alias  res  legavit  et  adjecit  :  proprietatem  autem  eorum,  qus  supra  script* 
sunt,  reverli  volo  ad  filias  meas  quœve  ex  bis  tune  vivent.  »  —  L.  41,  §  14, 
D.  xxxii  :  a  Uxoris  fldeicommisit  in  bec  verba  :  «  A  te,  Seia,  peto  ut  quidquid 
a  te  ex  hereditate  mea  pervenerit,  exceptis  bis,  si  qua  tibi  supra  legavi  reli- 
quum  omne  reddas  restituas  Mssvis  infanli  dulcissime.  A  qua  Seia  salis 
exigi  veto  cum  sciam  eam  polius  rem  aucturam  quam  detrimenlo  fuluram.  » 

(3)  L.  10,  §  2,  D.  xxxiii,  1  ;  cf.  L.  15  pr.,  L.  28,  §  6,  D.  xxrv,  1  ;  L.  6,  §  4, 
D.  xxxiii ,  S. 


ET  LA  DONATIO  ANTE  NUPTIAS.  49 

laisse  les  provisions  de  bouche  qui  se  trouvent  dans  la  mai- 
son (1).  Dans  un  texte,  l'usufruit  légué  à  la  femme  est  seule- 
ment destiné  a  lui  permettre  d'attendre  la  restitution  de  sa 
dot  (S). 

V. 

Les  diverses  dispositions  testamentaires  que  nous  venons 
d'examiner  formaient,  dans  le  droit  antique,  un  ensemble  har- 
monieusement combiné.  La  naissance  de  l'action  rei  uxoriœ, 
créée  pour  la  femme  divorcée,  mais  bientôt  après  étendue  à 
la  femme  survivante,  vint  jeter  quelque  trouble  dans  cette 
ordonnance.  L'habitude  du  legatum  dotis  n'en  persista  pas 
moins,  nous  l'avons  dit  :  mais  ce  legs  n'allait-il  pas  faire 
double  emploi  dorénavant?  La  femme,  ne  pouvait-elle  pas 
invoquer  tour  à  tour  le  testament  du  mari  et  la  coutume,  et 
se  faire  payer  deux  fois  sa  dot?  Cela  n'eût  point  été  impos- 
sible ,  surtout  s'il  s'agissait  d'un  legatum  pro  dote.  Pour  parer 
à  cet  inconvénient,  un  préteur  inconnu  rédigea  YEdictum  de 
aUerutro,  qui  forçait  la  femme  de  choisir  entre  ce  que  lui  lé- 
guait son  mari  et  ce  que  lui  assurait  la  loi.  Cet  édit  s'appli- 
quait sûrement  à  toutes  les  dispositions  testamentaires  faites 
en  faveur  de  la  femme  et  destinées  à  lui  tenir  lieu  de  sa  dot  : 
au  legatum  dotis ,  au  legatum  pro  dote  (3) ,  à  Yimtilutio  pro 
dote  (4).  11  n'était  même  pas  nécessaire  que  le  mari  eût  indi- 
qué explicitement  que,  dans  sa  pensée  telle  disposition  devait 
suppléer  la  restitution  de  dot  :  on  pouvait  démontrer  que  telle 
avait  été  son  intention  (5). 

Cela  était  parfaitement  raisonnable;  mais  il  semble  que 
l'édit  De  aUerutro  allait  plus  loin.  D'après  lui,  semble-t-il,  la 
femme  qui  intentait  l'action  rei  uxoriœ  renonçait  par  là  même 
à  tous  les  legs  quelconques  que  contenait  en  sa  faveur  le  tes- 
tament du  mari  (6).  Cela  se  comprend  moins  aisément,  car 

(1)  L.  i  pr.,  D.  xxxm ,  9. 

(2)  L.  30  pr.,  D.  xxxm,  2. 

(3)  L.  53  pr.,  D.  xxxi. 

(4)  L.  53,  §  1,   D.  xxxi. 

(5)  L.  2  pr.,  D.  xxxm ,  4;  cf.  L.  1,  §  14,  ibid.;  L.  6,  §  4,*D.  xxxvi,  2. 
(6)L.  unie,  §3,  V,  13. 


?Q  LS   TESTAMENT   DU  MARI 

cgftlegs,  ffré*.  pw  l'usage,  reposaient  sur  un,  sentiment,  d'é- 
qujté,  et  b^wçpup  d'wire  eu*  Devaient  aucian  yapppii  ttv*c 
1*  rçet^u^po  dp,  la,  doit  §'tf:  faut  accepter  comme  certaine.  eei(p 
disposition  de  l'édit,  voici  peut-être  comment  elle  s'e$pjiqi}% 

L'introduction  de  l'action  rei  uxorix,  quelque  équitable 
qu'elle  nous  paraisse,  portait  un  coup  sensible  à  l'ancienne 
organisation  familiale  :  elle  imposait  au  mari  une  responsa- 
bilité légale  inconnue  jusque-là.  Le  préteur  qui ,  le  premier» 
6j£&& A?  ÇLUerutfo,  chercha  sans  doute  à  conjurer  ce  danger  au- 
tant qu'il  était  possible.  Si  la  femme  voulait  s'çn  tenir  au  tes- 
ta&ent  dju  mari^  qui  jadis  fixait  seul  tous  ses  droits,  elle 
recueillait  toutes  les  libéralités,  qu'il  cpntenait  en  sa  favpur. 
Si,  au  çootçaire,  elle  n'acceptait  pas  le  règlement  arrêté  par 
jq  mari  PQur  1&  restitution  de  sa  dQt,  mariti  judicivfy  nonaqnQ- 
Vfiritt  ejle  pouvait,  maintenant  porter  la  question  devant  le 
jyfi^;  mais  alor$  ejle  ne  devait  plus  rien  attendre  de  ce  tes- 
t&ftçnjt  qu'elle  avait  méconnu.  Elle  devait  opter,  pour  ainçi 
o^i^v  e^rp^e  régime,  ancien  et  le  nouveau,.  Le  préteur  espérait 
foea.  que ,  d^ns  la  plupart,  dep  w...  fo  choix  de  la  fpmm  &'aV- 
tyçherçi  t  m  te^nj.epV du  mari,. 

Aftiç  çeluv-çi  çouv^i^  p*r  MP  dvclajrçtipn  Q*pi$.ss*«  sous- 
traire* l'appUQMÏQa  de  .PrçJU  tput  pu  pç^ie  dej,  fcgp,  qu'U 
f*U>ajt,4^  fpwp?e,  car  ij  n'y  *vjut.ÇQÎnt  là  umprè^la çl'prd.rç 
ÇUbHc,  Cfcquj  \e  montre,  bien.,  c'est  que  s*  la,  feflaqae  rpçlan^U 
**  dfrt  WW  JfiK  i'^fctooA  reti  woriv.,,  qaajij.  pas  Taptipa  ex  st&- 
imfaty*  iavpq^nt  ujîe.  promesse  formelle  de  restHjutipn,,  plfc 
pouvait  en  même  temps  réclamer  les  Ipg-s.  qrçp,  1#*  avajt  faite 
^pp  q^ri  t  çutreg.pQurtftjtf,  qu,P  le,  tyMum.  4otVL  pu  Ift*.  dQt$  (1). 
Qep^ndakat,,  ici'ewptfU  l*  MolçtfUé  du.  twteteW^eUfiqwnivÇ*- 


(1)  L.  noie,  §  3,  C.  V*  1*  :  «  Scieodum  itaqae  est  ediotum  pratoris  quod 
de  alterutro  introductum  est,  in  ex  stipulatu  aclione  cessare,  ut  uior  et  a 
marito  relicta  accipiat  et  dotem  conaequatur,  nisi  specialiter  pro  dote  ei  ma- 
ritos  ea  dereliquit,  quum  manifestissimum  esttestatorem,  qui  non  hoc  addi- 
derit,  voluisse  eam  otrumque  coosequi.  » 

(2)  L.  46,  D.  xxiv,  3  :  «Qui  dotem  stipulant!  uxori  promissent  eidem 
testamento  qusdam  legaverat,  ita  tamen,  ne  dotem  ab  heredibu*  paient;  ea, 
qu*|egaU  erant,  uxon  cape;*  non,  potueraj;  Fesppn$<feUs  ac^ionem  muiieri 
advenus  heredes  non  esse  denegandam.  » 


BT   LA   DONATIO  ANTE   MJPTIAS.  2t 


§4- 

La  j&ONAflb  Â^TÊ  tTOt>TIÂB. 

I. 

Dans  l'usage,  la  veuve  romaine  recueillait  des  gains  de 
sirvie  assez  importants*  mais  elle  les  tenait  tous  du  testament 
de  son  mari  (1,).  Cependant,  n'avait-elle  pas  pu  s'en  assurer 
par  convention?  Dans  le  mariage  avec  manus  il  n'y  fallait  pas 
songer,  mais  le  droit  romain  donnait  toute  facilité  pour  cela 
dès  qu'on  se  place  dans  le  mariage  libre.  S'il  défendit  de 
bonne  heure  les  donations  entre  époux,  il  admettait  sans  ré- 
serve les  donations  entre  fiancés  et  permettait  de  les  plier  aux 
combinaisons  les  plus  variées.  Pour  assurer  à  sa  future  épouse 
un  gain  de  survie  conventionnel ,  le  flancé  aurait  trouvé  un 
instrument  tout  prêt  dans  le  droit  de  l'époque  classique.  Ce 
n'était  point  la  donatio  mortis  causa  proprement  dite ,  qui  em- 
porte la  révocabilité  ad  nutum  et  qui  n'eût  pas  donné  à  la 
femme  plus  de  garantie  qu'un  legs.  Mais  le  futur  époux  pou- 
vait faire  valablement  une  donation  soumise  à  la  condition  de 
son  prédécès,  tout  en  s'interdisant  la  faculté  de  révoquer  (2). 

Cette  combinaison,  si  bien  appropriée  au  but»  ne  paraît  pas 
avoir  été  usitée  à  l'époque  classique  :  sans  doute  on  ne  sentait 
pas  alors  le  besoin  pour  la  femme  de  gains  de  survie  conven- 
tionnels. Ce  qu'on  trouve  ce  sont  des  donations  entre-vifs 
pures  et  simples,  faites  par  le  fiancé  à  la  fiancée.  Les  juris- 
consultes, d'ailleurs,  n'en  parlent  guère  que  pour  faire  re- 
marquer qu'elles  ne  tombent  pas  sous  le  coup  de  la  prohibition 
des  donations  entre  époux,  et  il  ne  paraît  pas  qu'elles  aient  été 
bien  fréquentes  et  usuelles. 

Si  l'on  descend  maintenant  au  Ëas- Empire,  on  y  trouve  la 
pratique  des  donations  ante  nuptias  tellement  développée , 

(!)  A  tboin*  qo'on  ne  voie  dans  l'action  YH  ttttort*,  Qui  lui  était  ouverte 
quand  te  ttiâtt  ptédécèdait ,  tira  gain  cfe  sdrvie  légal. 

(2)  L.  13,  §  1  ;  L.  35,  §  4,  D.  xxxix,  6.  —  Voyez  M.  Labbé,  édt  Ortolan  : 
Esfkeâtûm  historique  des  Institut* ,  12*  ééft.,  t.  ÎI,  appendice  IV,  p.  733,  ssq. 


22  LE   TESTAMKNT   DU   MAKI  \ 

qu'on  les  range  au  même  titre  que  la  dot  parmi  les  conditions     ', 
quasi-essentielles  du  mariage  :  «  Si  donation u m  ante  nuplias     ' 
vel  dotis  instrumenta  defuerunt ,  pompa  etiam  aliaque  nuptia-     ', 
rum  celebritas  omittatur,  nullus  seslimet  ob  id  déesse  recto 
alias  inito  malrimonio  fi  rm  i  Utero  (1).  »  Nous  voyons  en  même     1 
temps  que  ces  donations  sont  un  bénéfice  propre  à  la  femme, 
le  fiancé  seul  en  faisant  d'ordinaire  à  sa  fiancée  :  «  Si  sponsa... 
sponsaliorum  titulo,  quoi  raro  accidit,  fueril  aliquid  sponso      ' 
largita  (2).  » 

Ce  changement  s'explique  par  une  transformation  parallèle      ■ 
dans  l'organisation  de  la  famille.  Au  temps  des  grands  juriscon-      ', 
suites,  la  famille  était  forte  encore  et  unie  au  point  de  vue  du      ' 
droit.  Au  Bas-Empire,  elle  se  désagrège.  Les  droits  pécuniaires      1 
de  ses  membres  se  dégageaient  peu  à  peu  :  en  laisser  le  règle-      \ 
ment,  comme  jadis,  au  testament  du  jiaterfamilias ,  c'était,       I 
dans  les  idées  nouvelles,  les  mettre  à  la  merci  d'une  volonté       ' 
arbitraire  et  changeante.  Aussi  la  loi  affirmait  progressive- 
ment les  droits  privés  des  enfants  en  puissance.  Depuis  long- 
temps ,  la  femme  divorcée  ou  survivante  avait  un  droit  légal  à 
s  restitution  de  sa  dot.  Mais  elle  ne  se  contentait  pas  le  plus 
.  j —  J^oît  strictement  attaché  à  sa  personne,  et  par 
rendait  contractuelle  l'obligation  du  mari  de 
à  la  dissolution  du  mariage.  Il  était  naturel 
lement  assurer  par  un  acte  entre-vifs  les  avan- 
.ri  était  moralement  obligé  de  lui  faire  sur  Bes 
,  et  que  précédemment  il  ne  réglait  que  dans 

développement  des  donationes  ante  nuptias  , 

I.  7  (Thsod.  at  Val.,  a.  428).  Eu  l'an  388,  les  empereurs 
et  Théodose,  voulant  assurer  sui  enfante  d'un  premier 
des  biens  que  It  femme  remariée  avait  refus  de  son 
iront  ce*  libéralités,  dsn*  l'ordre  suivant.  L.  3,  C.  Th. 
nfaciillstibus  pnorum  marituramipoiuafionim/urt,  quid- 
ii  solemnitale  perceperinl ,  quidquid  sut  morti-  causa  do— 
,  testament!  jure  directe  sut  Hdeiconmissi  vel  legati  titulo 
litalis  pramio  el  bonis  marilorum  fuerint  sdseCuUB.  m 
us  et  Théo-dose  (L.  3,  C.  Tb.  III,  8),  traitant  le  même 
incipalscneni  des  choses  •  quai  nuptiarum  tentpore  s»n- 

[II,  S  (Constantin,  a.  336). 


ET  LA  DONATIO  ANTK  NUPTIAS.  23 

J  faut  aussi  reconnaître  l'influence  de  certaines  coutumes, 
fort  anciennes  sans  doute,  mais  qui,  pendant  longtemps,  n'a- 
vaient pas  eu  d'importance  juridique.  Cela  ressort  du  nom 
Biéme  dont  on  nomme  maintenant  les  donations  ante  nuptias  : 
on  les  appelle  sponsalia.  Cela  indique  clairement  qu'elles  in- 
terviennent à  l'occasion  des  fiançailles  dont  elles  forment  un 
incident.  Il  paraît  certain  que  de  tout  temps,  au  moment  des 
fiançailles  ou  au  moins  avant  le  mariage,  le  futur  époux  fai- 
sait à  la  Gancée  des  présents,  au  nombre  desquels  était  un 
anneau  (1);  de  même  que  le  lendemain  des  noces,  à  Rome 
comme  en  Germanie,  le  mari  faisait  un  nouveau  présent  à  la 
jeune  épousée  (2).  Mais  jusqu'au  Bas-Empire  ces  usages  n'a- 
vaient eu  aucune  importance  juridique.  Le  cadeau  du  fiancé, 
répondant  maintenant  à  un  besoin  véritable,  changea  de  na- 
ture ,  devint  une  sérieuse  et  importante  donation  et  passa  du 
domaine  des  mœurs  dans  celui  du  droit  (3).  C'est  ainsi  que  la 
dos  et  le  morgengabe  des  coutumes  germaniques,  probable- 
ment insignifiants  à  l'origine,  se  développèrent  dans  la  suite 
et  en  se  combinant  produisirent  notre  douaire  coutumier. 

Ce  n'est  pas  là  une  pure  imagination.  Un  fait  précis  assigne 
a  la  donatio  ante  nuptias  du  Bas-Empire  l'origine  que  nous 
venons  de  lui  donner.  Constantin  (dans  la  loi  5,  C.  Th.  III,  5), 
pour  décider  dans  un  certain  cas  si  cette  libéralité  sera  ou 
non  maintenue,  se  réfère  expressément  à  l'une  des  céré- 
monies des  fiançailles.  11  s'agit  de  savoir  si ,  l'un  d*>s  fiancés 
venant  à  mourir  avant  le  mariage,  la  donatio  ante  nuptias  déjà 


(1)  Ju vénal,  Sût.  VI,  25,  ssq  :  «r  Conventum  tameo  et  pactum  et  sponsalia 
ovin.  —  Tempes  ta  te  paras,  jamque  a  toosore  magistro  —  Pecteris,  et  digito 
pigous  fartasse  dedisti.  » 

(2,  Juvéoal,  VI,  200,  ssq  :  «  Docendi  nulle  videtor  —  Causa,  oec  est  quare 
CBoam  et  musUcea  perdas  —  Labenle  olficio  crudis  dooanda ,  nec  itlud  — 
Qmodprmapro  nocte  dutur  cum  lance  beala  —  Dacicui  et  tcripto  radiai  Germa- 
':*$  auro.  » 

(3)  Des  constitutions  impériales  de  la  seconde  moit  é  du  III*  siècle  parlent 
de  ces  présents  comme  d'une  chose  usuelle.  L.ff7,  C.  V,  3  vimpp.  Carus 
Carinas  et  Numeranus)  :  a  Si  cura  ante  nuptias  munera  dareotur.  »  —  L.  8, 
C.  ibid.  (Diocletianus  et  Maximianus)  :  «  Si  ante  matrimonium...  sponse  su», 
lacet  ante  sponsalia  ,  fond  uni  donavit.  »  —  Souvent  c'étaient  des  esclaves  qu 
faisaient  l'objet  de  la  donation.  L.  10,  L.  14,  C.  V,  3  (Diocletianus  et  Maxi- 
). 


24  LE   TESTAMENT  DU  MARI 

faite  subsistera  au  profit  de  la  femme  ou  de  ses  héritiers  (1). 
L'empereur  décide  qu'elle  est  maintenue  pour  moitié,  si  le 
baiser,  «  osculum,  »  a  été  échangé  entre  les  fiancés,  sinon  elle 
sera  annulée.  Or,  ce  baiser  symbolique  était  une  cérémonie 
qui  précédait  le  mariage,  qui  venait  sceller  définitivement  les 
fiançailles  (2),  et  que  les  chrétiens  avaient  empruntée  au  pa- 
ganisme. Elle  est  nettement  indiquée  par  Terlullien  :  «  Ad 
dpsponsationem  (virgines)  velantur  quia  et  corpore  et  spiritu 
masculo  mixta  sunt  ppr  osculum  et  dextras,  per  quœ  primum 
resignarunt  pudorem  spiritu  (3).  » 

L'usage ,  que  nous  signalons ,  était  si  bien  enraciné ,  qu'il 
a  probablement  donné  naissance  à  une  institution  coutumière 
d'une  région  de  la  France.  Dans  le  Poitou,  l'Aunis,  i'An- 
goumois ,  nous  trouvons  un  gain  de  survie  en  faveur  de  la 
femme ,  qui  n'est  point  le  douaire,  bien  qu'il  s'en  rapproche, 
et  qui  porte  les  noms  de  oscle,  ouscle,  osclage  (4).  N'est-ce  pas 
là,  transformée  avec  le  temps,  l'ancienne  donation  du  mari 

(1)  Une  décision  analogue  est  donnée  dans  le  Rômisck-Syrisches  Rechtsbuck, 
publié  par  MM.  Bruns  et  Sachau,  §  91. 

(2)  Gothof.  sur  la  loi  S,  C.  Th.  III,  6  :  «  Cui  sponsus  osculum  prebuit  plus 
qvam  sponsa  censeri  débet.  » 

(3)  De  veland.  virg.  C.  11.  —  La  dewtrarum  junetio  dont  il  est  ici  question 
était,  dans  la  Rome  païenne,  une  cérémonie  du  mariage  lui-môme.  Voy.  M. 
Voigt,  Die  XII  Tafeln,  t.  II,  p.  690.  Elle  figurera  aussi  dans  le  rituel  du  ma- 
riage chrétien. 

(4)  Coutumes  de  Charroux  (an  124Î),  art.  12,  17,  18.  (Oiraud,  Essai  tut 
l'histoire  du  droit  français,  II,  p.  402.)  —  Litre  du  Droit  et  des  commandmem 
d'office  de  justice,  §  934  :  «  Et  est  ouscle  c'est  le  tiers  denier  de  ce  que  son 
mari  ot  en  mariage  d'elle  en  argent  et  meuble,  que  la  femme  doit  prendre  sur 
les  biens  de  l'homme  après  sa  mort.  »  §  951  :  «  Il  est  coustume  que  quand 
argent  est  donné  à  feme  en  mariage,  après  la  mort  de  son  seigneur,  elle  a  la 
tiers  denier  en  oultre  selon  que  la  somme  monte  en  ouscle,  et  en  cestuy  ouscle 
elle  n'aura  que  sa  vie;  et  elle  morte  est  tenue  de  le  rendre  aux  hoirs  du  mari. 
Maie  femme  par  la  coustume  puet  eslire  ou  avoir  le  dit  ouscle  ou  la  moitié  à 
héritaige  dudit  ouscle.  .  Et  oppinions  sont  contraires  que  au  cas  que  le  mari  H 
fait  donnaison  de  meubles  et  acquêts,  quelle  ne  doit  point  prendre  ledit  douaire  : 
et  autres  oppinions  sont  contraires  que  les  gentils  femes  ne  prennent  point  tel 
douaire  en  deniers.  »  —  Coutume  de  k  Rochelle,  art.  46,  et  Valio,  sur  l'art. 
46,  n°  18  :  «  Pour  ce  qui  est  de  Yotelage,  il  y  a  toute  apparence  qu'il  vient 
d'oicafc/m,  mais  sans  nous  arrêter  à  examiner  si  cette  étymologie  est  juste, 
ni  si  l'oclage  est,  comme  os  Ta  prétendu,  pudicilim  prmmun,  il  suffit  de 
dire  que  dans  notre  usage  il  eat  le  tiers  en  montant  de  la  dot  qui  entre  dans  la 
communauté,  autrement  la  moitié  de  la  dot...  il  n'est  point  dû  à  la  femme 


ET  LA  DONATK)  ANTE  NUPTIAS.  25 

qulufcocnpftgtiait  ïoscuhm  \i)7  H  n'est  pas  probable  qufe  ai 
la  ihose  A4  même  le  nem  aient  été  introduits  par  la  renais* 
du  droit  romain. 


H. 

Dans  le  droit  du  Bas-Empire  comme  à  l'époque  classique, 
la  douatio  anle  nuptias  se  présente  tout  d'abord  sous  la  forme 
d*uue  dooalioo  entre- vifs  pure  et  simple.  Mais  cela  présentait 
des  inconvénients  évidents,  cela  entraînait  des  conséquences 
manifestement  contraires  à  l'intention  des  parties.  Il  fallait 
faire  disparaître  ces  inconvénients,  et  pour  cela  transformer 
la  nature  de  cette  donation;  c'est  ce  que  firent  peu  à  peu  la 
législation  et  la  pratique. 

f  •  La  donation  que  recevait  la  fiancée  était  nécessairement 
faite  en  vue  du  mariage.  Cependant  donation  entre- vifs  pure 
et  simple ,  elle  n'en  restait  pas  moins  acquise  à  la  donataire 
an  cas  où  le  mariage  ne  se  réalisait  pas.  Les  parties  pouvaient» 
il  est  vrai,  convenir  que  la  libéralité  serait  caduque  dans  ce 
cas»  Cependant  elles  n'avaient  point  toute  liberté  à  cet  égard; 
elles  ne  pouvaient  prendre  la  combinaison  d'une  condition 
suspensive,  au  moins  quand  la  donation  consistait  en  une 
datio;  car  alors  l'acquisition  étant  retardée  jusqu'à  l'accom- 
plissement du  mariage,  on  retombait  dans  la  donation  entre 


convention,  la  femme  ne  peut  le  demander  qu'en  renonçant  à  la  communauté... 
ce  point  d'usage  est  si  constant  qu'il  est  devenu  comme  de  style  dans  les 
contrats  de  mariage  où  Poctage  est  stipulé.  »  El  n°  0  :  «  Dans  notre  pratique 
le  douaire  et  rodage  peuvent  subsiste?  ensemble  quoique  nous  regardions 
l'oclage  comme  un  douaire  et  que  pour  l'ordinaire  H  en  tienne  lieu.  —  Côu- 
d'Angoumois,  art.  47  :  «  Par  la  coustume  gardée  entre  roturiers,  le 
soin,  la  femme  a  son  choii  de  prendre  la  moitié  des  meuble*  et 
faits  titrant  ledit  mariage  ;  ou  Me»  te»  menbtes  et  deniers  et  biens 
immeubles  qu'elle  y  aura  porté.  Auquel  dernier  cas,  elle  aura  lesdits  deniers 
par  elle  portes  en  Cavenr  4e  son  dit  mariage,  et  pour  sen  douaire  oa  ûcle, 
a«ra  le  tiers  des  deniers  setriesieat  en  montant.  Et  ce  outre  les  domaines  et 
deniers  par  elle  baille»  et  paye*.  »  Vey.  Vigier  sur  net  article. 

(1)  Oothof,  (Utiâ*.,  S*  G.  Th.  Iil,  5  :  «  Vestigism  istius  juris  aliquod  etiam- 
osjsft  «idemos  in  ooosoetndioe  Ruppellaoa,  art.  46,  qui  oavetur  mulierem  peut 
■Sjrili  obitom  in  ter  calera  sibi  aabere  quod  deaalô  aecepit  pre  jure  osefth* , 
volgo  «  peur  ton  ousclage.  » 


26  LE   TESTAMENT   DU   MARI 

époux  (1).  Ce  qu'on  pouvait  faire,  c'était  de  convenir  que  la 
donation  serait  résolue,  si  l'union  n'était  pas  consommée;  mais 
il  ne  semble  pas  que  cette  clause  ait  été  fort  usitée  (2) ,  peut- 
être  y  voyait-on  une  indication  de  mauvais  augure.  Cependant 
au  fond,  il  était  bien  conforme  à  l'intention  véritable  des  par- 
ties de  rendre  la  libéralité  conditionnelle.  C'est  ce  que  fit 
Constantin  par  une  constitution  de  l'an  319  (3).  11  décida,  que 
si  après  avoir  reçu  les  sponsalia ,  la  fiancée  ou  le  pater  sous 
la  puissance  duquel  elle  se  trouvait,  se  refusaient  à  célébrer 
le  mariage,  les  biens  donnés  feraient  intégralement  retour  au 
donateur.  Si,  au  contraire,  le  refus  procédait  du  fiancé,  la 
fiancée  conserverait  la  donatio  ante  nuptias  à  titre  de  dédom- 
magement (4).  La  même  loi  prévoyait  le  cas  où  l'un  des  fiancés 
viendrait  à  mourir  ante  nuptias,  elle  décidait  en  principe  que  la 
donation  alors  était  caduque;  cependant  lorsque  c'était  le  fiancé 
dont  la  mort  rendait  le  mariage  impossible,  la  fiancée  gardait  la 
donatio  qu'elle  avait  reçue  de  lui,  s'il  ne  laissait  ni  père,  ni 
mère,  ni  enfants  d'un  précédent  mariage.  Cette  décision  fut 
d'ailleurs  modifiée  par  une  autre  constitution  du  même  em- 
pereur de  l'an  336,  que  nous  avons  eu  déjà  l'occasion  de  ci- 
ter (5).  Elle  porte  que  si  le  décès  de  l'un  des  fiancés  se  produit 
après  que  le  baiser  symbolique  a  été  échangé  ,  la  donatio  ante 
nuptias  faite  à  la  fiancée  sera  toujours  maintenue  pour  moitié, 
soit  à  son  profit ,  soit  au  profit  de  ses  héritiers.  Si ,  au  con- 
traire, Vosculum  n'était  pas  encore  intervenu,  la  donation 
est  caduque  pour  le  tout  (6). 

(1)  L.  4,  C.  V,  3  :  et  Quod  sponsn  ea  lege  donatur  ut  tune  dominium 
ejus  adipiscatur,  quum  nuptis  fuerint  secut»,  sine  effectu  est.  » 

(2)  L.  2,  C.  Th.  III ,  5  :  a  Cura  veterura  sententia  displiceat,  quœ  donatio- 
nés  in  sponsam  nuptiis  quoque  non  secutis  decrevit  valere.  » 

(3)  L.  2,C.  Th.  111,5. 

(4)  La  constitution  ne  permet  point  de  justifier  le  refus  par  quelque  motif  : 
a  Cura  longe  autequam  sponsalia  contrahantur  bec  cuncta  prospici  debuerinL  » 

(5)  L.  5,  C.  Th.  III ,  5. 

(6)  «  Si  ab  sponso  rébus  sponsœ  donatis ,  intervenienle  osculo ,  ante  nup- 
tias hune  vel  illam  mori  contigerit,  dimidiam  partera  rerum  donatarum  ad  so- 
perstitem  pertinere  prœcipiraus,  dimidiam  ad  defuncti  vel  defunct»  heredes, 
cujuslibet  gradua  sint,  et  quoeumque  jure  successerint  :  ut  donatio  stare  pro 
parte  média,  et  solvi  pro  parte  média  videatur.  Osculo  vero  non  interveniente, 
sivesponsus  sive  épousa  obierit,  totam  infirmari  donationem  etdonatori  sponso 
sive  heredibus  ejus  restitui.  » 


KT  LA  DONATIO  ANTK  NUPTIAS.  27 

£•  Si  dans  l'intention  des  parties  la  donatio  ante  nuptias 
était  destinée  à  assurer  un  gain  de  survie  à  la  femme,  celle-ci 
ne  devait  y  avoir  aucun  droit  lorsque  le  mariage  se  dissolvait 
par  le  divorce  ou  par  son  propre  décès.  Or,  la  libéralité,  se 
présentant  sous  la  forme  d'une  donation  entre-vifs,  était  main- 
tenue dans  l'un  et  l'autre  cas. 

Dans  l'hypothèse  d'un  divorce,  le  législateur  du  Bas-Empire 
fit  disparaître  en  partie  cette  contradiction,  en  se  plaçant,  il 
est  vrai,  à  un  autre  point  de  vue.  Une  loi  célèbre  de  Théodose 
et  Valentinien,  en  l'an  449,  vint  modifier  profondément  la 
législation  du  divorce  (1).  Elle  ne  le  supprima  point,  elle  n'en 
soumit  même  pas  la  validité  à  une  sentence  judiciaire;  mais 
réagissant  indirectement  contre  l'institution ,  elle  édicta  des 
peines  ou  des  incapacités  contre  l'époux  qui  abuserait  du  droit 
de  répudiation  ou  qui  donnerait  à  son  conjoint  un  juste  motif 
de  repudium.  Si  c'était  la  femme  qui  se  mettait  dans  l'un  ou 
l'autre  cas,  elle  perdait  la  dot  et  la  donation  propter  nuptias, 
qu'elle  gagnait  au  contraire  toutes  les  deux,  si  le  mari  l'avait 
répudiée  sans  motif,  ou  lui  avait  fourni  une  juste  cause 
de  répudiation.  Les  empereurs  Théodose  et  Valentinien  n'a- 
vaient point  visé  le  divorce  par  consentement  mutuel,  qui 
restait  librement  permis,  comme  par  le  passé  (2)  :  mais ,  sans 
doute,  alors  le  libre  accord  des  parties  Gxait  le  sort  de  la  do- 
natio ante  nuptias.  On  sait  que  Justinien  ,  particulièrement 
dans  la  Novelle  117,  restreignit  encore  les  cas  où  le  divorce 
serait  exempt  de  peines,  tout  en  aggravant  les  pénalités  qui 
frappaient  les  divorces  désapprouvés. 

3°  Si  le  divorce  n'intervenait  point,  mais  que  le  mariage 
fût  dissous  par  la  mort  de  la  femme,  celle-ci  transmettait  à 
ses  héritiers  la  donatio  ante  nuptias;  c'était  le  contraire  d'un 
gain  de  survie.  Pour  remédier  à  cet  inconvénient,  il  semble 
qu'on  se  soit  avisé  d'abord  d'un  moyen  assez  simple;  il  nous 
est  indiqué  par  deux  des  textes  peu  nombreux  que  nous  avons 
sur  le  sujet  (3).  La  femme  ajoutait  à  sa  dot,  et  à  ce  titre  ren- 
dait à  son  mari  les  biens  qu'elle  avait  reçus  de  lui  par  dona- 

(i)  L.  s,  c.  v,  n. 

(2)  L.  9,  C.  V,  17  (Anastase,  a.  497). 

(3)  L.  1,  C.  Y,  3  (Severus  et  Antoninua);  L.  14,  ibid.  (Diocleliaous  et 
Maximianus) . 


2$  LE   TESTAMENT  DU  MARI 

tfon  tfûté-nuptiate.  Cette  combinaison  permettait  d^bord  «lu 
mari  de  gafder,  pendant  le  mariage,  la  jouissance  décès  biens. 
Ce  plus,  si  la  femrne  prédéeédait,  il  en  gardait  définitivement 
propriété,  du  moins  suivant  le  droit  commua.  Jusqu'à  Justt* 
nien,en  effet,  lorsqu'il  n'y  a  pas  eu  stipulation  de  la  dot,  teft 
héritiers  de  la  femme  prédécédée  n'ont  pas  d'action  pour  récla- 
mer la  dot  adventice,  qui  reste  acquise  au  mari  (I). 

Mais  ainsi  pratiquée,  la  donatio  ante  nuptias  n'était  p&M 
autre  chose  qu'un  supplément  de  dot  fourni  par  le  mari  lui- 
même.  C'est  la  conception  qui  se  conserva  en  Occident  ;  c'eât 
du  moins  celle  qu'on  retrouve  dans  la  pratique  de  nos  paya 
de  droit  écrit.  Uaugment  de  dot  (i)  semble  avoir  pris  son 
nom  et  ses  caractères  plutôt  à  une  ancienne  coutume  qu'aux 
dispositions  des  lois  du  Bas-Empire  sur  les  donationes  proptét 
nuptias  (3). 

En  Orient,  en  effet,  on  fît  de  la  donatio  ante  nuptias,  non  le 
supplément,  mais  le  pendant  et  la  contre-partie  de  la  dot,  en 
ne  considérant  celle-ci,  il  est  vrai,  qu'au  point  de  vue  du  droit 
de  survie  qu'elle  pouvait  constituer  pour  le  mari.  Déjà  bien 
avant  le  règne  de  Justiaien,  les  principes  de  Vactio  rei  uxoriœ, 
qui  maintenaient  la  dot  adventice  dans  le  patrimoine  du  mari 
en  cas  de  prédécès  de  la  femme,  trouvaient  rarement  leur 
application.  Le  plus  souvent  la  restitution  de  la  dot  était 
assurée  par  une  stipulation  ou  des  pactes  adjoints  à  la  cons- 
titution. Cela  n'excluait  point  un  gain  de  survie  pour  le 
mari;  seulement  ce  gain  était  déterminé  par  la  convention; 
une  clause  fixait  la  portion  de  la  dot  que  l'époux  garderait 
si  la  femme  prédécédait  constante  matrimonio  (4).  On  prit 

(1)  Cette  combinaison  avait  encore  on  antre  avantage.  Si  le  divorce  inter- 
venait et  qu'il  Tût  imputable  à  la  femme,  elle  permettait  an  mari  de  8e  Taire  at- 
tribuer en  partie  la  donatio  propter  nuptias  par  le  judicium  de  moribut  ou  la 
retenlio  pr opter  moret.  Cela  était  utile  avant  la  constitution  de  Théodose  et 
Valeetinien. 

(2)  Voy.  Laurière,  GiottH  v*  Atugmtnt  de  doU 

(3)  D'ailleurs ,  de  très  benne  heure  on  dut  simplifier  la  pratique  indiquée 
plus  haut.  La  donation  faite  par  le  mari  à  l'occasion  des  noces  prit  directe- 
ment le  caractère  d'un  supplément  de  dot,  sans  qu'il  fût  nécessaire,  comme 
au  début,  que  ta  femme,  après  avoir  reçu  le  bien  à  titre  de  tpontaUa,  le  ren- 
dît au  mari  dotis  nomine. 

(4)  L.  unie,  §  6,  C.  V,  13  :  «  Si  decesserit  mulier  constante  matrimonio, 
dos  non  in  lucrum  mariti  cedat  nisi  ex  quibwdam  pactionibtu.  » 


ET   LA,  DONÀTIO  A^TK   NUPTIAS.  29 

Habitude,  parallèle  pour  ainsi  dire,  de  fixer  aussi  daw 
ocelle  ppop&rtiou  l&doruUia  propter  nuplias  serait  acquise  é 
la  fana  19e  survivante.  Dès  lors,  ce  fut  eu  réalité  cette.  quater 
part  qui,  seule,  constitua  pour  elle  une  libéralité.  La  somw 
tptale  de  la  donation  onte  nupiw*  ne,  fut  plu^  qu'uoe  valeur 
fictive,  qui  servait  à  calculer  la  donation  dont  réellemeot  héué- 
feieraU  1*  femn>&  le  cas  échéant»  La,  (tomtio  WQPter  nu^ias 
était  devenue  uq  simple,  gain,  d&  Wvifik 

Pendant  le  mariage.,  eu  effet,,,  le  mari,  conservait,  qon-aeu- 
lemeat  la  jouissance,  mat*  la  propriété  des  biens  compris 
dans  la  donatioa.  Cela  ressort  bien  d'une  constitution  de 
Justioien ,  qui  permet  à  la  femme  d'exiger  le,  paiement  dç  la 
dot  et  de  la  fànaUo  yropltr  vtylùfr  en  cas  de  déconfiture  dp 
nari,  comme  elle  pourrait  le  faire  W  cas  de  prédécès  4e 
ceJui-ci  (t^  Alors,  par  fcxçapjtiûB ,.  «Ile.  aura  la  jouissance,  de 
<$»  bien*,  mais  sans,  pownei*  les.  aliéner  {Z\,  Uot  que  du- 
rara,  la  maçtage.  Mais,  dVdjnairei  fe  femme,  sa  faisait  co&- 
WAlirsur  ce*  objets  eu^mAmeg  une  hypothèque ,  qui  permet 
d'*capJoy.er  le.  mot  vityUçart  BQivr  iodiquer  qu'elle  les.  ré- 
clame (3). 

ta  4onatfo  antç  mptias  peu  à  peu  prenait  les  traita  de,  la 
<tpt,  encore  à  d'autres,  points,  de,  vue..  Ainsi,  camma  soq  90m 
lliidiqu»,  et  eomfljyB  la,  voulaient  ta*  aaqieos  principes  aloip 
W'ette  était  vrai  meut  une  donation,  en  U>e-  vifs,  ordinaire,  elle 
dirait  précéder  lfr  mariage;,  Mais  dorétuaveM  a'était-U  pas  nf/r 
turel  qu'elle  pût  être  çomm*  I*  4qL  cj*BsJ,itué>  au  augmenté? 
peqdant  le  mariage?  L'empereur  Justin  le  déoida  ainsi  (t).  Et 
JufiiMuieo ,  confcmaot  cette  loi,  enleva;  4  ces  donations  leur 
vieux  nom,  qui  ne  correspondait  plus  à  la  chose  nouvelle,  il 

(*)  fa.  29,  C.  V,  «  :  t  Ut  potaiMol  m  aMirimonia»  eo  modo  disaolutan 
easet  quo  dotia  et  ante  ouptiaa  donationia  exactio  ei  competere  poterut»  » 

(2)  IbûL  :  «  lu  Umen  ut  eadem  mulier  nullam  habeat  liceolian  eaa-  res 
attenaodi  viveote  marilo  et  matrimouia  iaier  eoedea»  coestitut,  sed  fracUtpua 
•train  «4  awaJfiBtaJiQae»  Um  auj  wa«  ami»  (Hiorumque,  ai  quoi  t*abet, 
aJwlalar.  » 

{tyikidn  :  «jBaafr  pftnajaiariim,  ton  oâwtettf»,  *ata  «edifcmbua  postemoti- 
bns,  vel  ab  aliis,  qui  non  potion* jura. Itgifeua  kabere  noaaunlu*.  ».  L.  Si  g*, 
C  V,  17  :  c  Bam  et  dotera  recuperare  et  ante  ouptias  denaUQAea  Uicro 
habere  aut  kgibus  vindicarê  cenaemus.  » 

(4)L.  i9,  C.  V.  3. 


30  LE   TESTAMENT  DU   MARI 

les  appela  donation?*  propter  nuptias  (1).  De  même,  en  tant 
que  donation  entre- vifs  la  donatio  ante  nuptias  était  soumise 
à  la  formalité  de  l'insinuation.  Justinien  commença  par  déci- 
der que  l'insinuation  pourrait  valablement  êire  faite  seulement 
au  cours  du  mariage  (2);  puis,  entraînée  par  la  logique,  il 
écarta  totalement  la  nécessité  de  l'insinuation  (3). 

Dans  ce  développement  des  donations  propter  nuptias ,  tel 
que  nous  l'avons  montré  jusqu'ici,  c'est  la  libre  volonté  des 
parties  qui  a  constitué  et  déterminé  le  gain  de  survie.  Mais  le 
commandement  de  la  loi  devait  intervenir  dans  une  certaine 
mesure. 

D'ordinaire,  on  proportionnait  dans  les  contrats  de  mariage 
les  gains  de  survie  des  deux  époux.  En  l'an  468 ,  les  empe- 
reurs LAon  et  Anthemius  imposèrent  aux  parties  une  exacte 
proportionnalité,  la  femme  survivante  gagnerait  sur  la  dona- 
tion ante  nuptias  la  même  fraction  que  le  mari  survivant 
devait  conserver  sur  la  dot  (4).  Justinien  changea  cette  pro- 
portionnalité en  une  égalité  absolue  :  il  décida  que  la  donatio 
ante  nuptias  et  la  dot  devraient  toujours  être  de  la  même  va- 
leur (5). 

Justinien  alla  plus  loin  :  il  assura  un  gain  légal  de  survie, 
à  la  femme  qui  ne  pouvait  bénéficier  des  dispositions  précé- 
dentes, parce  qu'elle  n'apportait  point  de  dot  :  ce  fut  la 
quarte  du  conjoint  pauvre  organisée  par  les  Novelles  53,  74 
et  117.  Ce  droit  accordé  d'abord  au  mari  comme  à  la  femme  (6), 
fut  ensuite  réservé  à  cette  dernière  (7). 

Les  biens  que  recueillait  la  femme  survivante,  soit  comme 
donatio  propter  nuptias ,  soit  à  titre  de  quarte  lui  apparte- 

(1)  L.  20  pr.,  C.  V,  3  :  «  Quasi  antipherna  hœc  possunt  intelligi  et  non 
simplex  donatio. . .  non  simplices  donatiooes  inteUigantur  sed  propter  dotem 
et  nuptias  factœ.  » 

(2)L.  20,  §  1,  C.  V,  3. 

(3)  Nov.  119,  C.  1;  Nov.  127,  C.  2. 

(4)  L.  9,  C.  V,  14  :  «  Quantam  partent  mulier  sti  palet  ur  sibi  lucro  cederr 
ex  anle  nuptias  donatione,  si  priorem  maritum  mon  cooUgerit,  tantam  et 
marilus  ex  dote  partem  non  pecuoie  quantitatem  stipuletur  sibi  si  constante 
matrimonio  prior  mulier  in  fata  collapsa  fuerit.  » 

(5)  Nov.  97,  C.  1. 

(6)  Nov.  53,  C.  6,  §  5. 

(7)  Nov.  117,  C.  5. 


ET  LA  DONATIO  ANTE  NUPTIAS.  31 

ûaient  en  principe  en  toute  propriété  :  mais ,  s'il  existe  des 
enfants  du  mari,  d'un  précédent  mariage,  la  loi  leur  réserve 
la  nue-propriété  des  biens  donnés  anle  nuptias  (1).  De  même 
la  quarte  du  conjoint  pauvre  se  borne  à  un  usufruit  lorsque 
le  mari  laisse  des  enfants  pour  héritiers. 

Au  cours  de  ces  changements,  le  testament  du  mari  a 
perdu  en  grande  partie  l'importance  qu'il  avait  pour  la  femme. 
Aussi  n'en  est- il  plus  guère  question  dans  les  lois  du  Bas- 
Empire.  Seuls  les  legs  d'usufruit  du  mari  en  faveur  de  la 
femme  paraissent  être  restés  à  l'état  de  disposition  usuelle  ; 
un  titre  leur  est  du  moins  consacré  dans  les  Codes  de  Théo- 
dose et  de  Justinien  (2).  Encore  ce  titre  ne  contient-il  qu'une 
seule  constitution,  dans  laquelle  les  empereurs  Arcadius  et 
Honorius  déclarent  que  l'usufruit  laissé  par  testament  à  la 
femme  est  perdu  par  elle  lorsqu'elle  se  remarie ,  alors  qu'elle 
conserve  l'usufruit  des  choses  données  ante  nuptias. 

A.  Esmein. 


*•« 


(i)L.  1,  C.  V,  40;  L.  2,  C.  Th.  III,  8;  Nov.  22,  C.  23-26. 
(2)C.Tb.  III,  9;C.J.  V,  10. 


LE  SENCHUS  MOR 


ÉTUDES 

URÉES  D'UN  COURS  PROFESSÉ  AU  COLLÈGE  DE  FRANCE 


PKNDAMT  LE  PREMIER  SEMESTRE  DE  L'ANNÉE   1883-1884 


I. 

Une  question  fort  intéressante  est  celle  de  savoir  à  quelle 
date  remonte  le  Senchus  môr.  On  sait  que  c'est  un  manuscrit 
de  la  seconde  moitié  du  xvi*  siècle,  qui  a  servi  de  base  à 
rétablissement  de  la  première  partie  du  texte  de  ce  document 
dans  le  tome  Ie*  des  Anciens  laws  of  Ireland.  Pour  la  suite,  du 
Senchus  môr,  dans  les  tomes  II  et  III  de  la  même  collection , 
le  manuscrit  le  plus  ancien  dont  les  éditeurs  aient  fait  usage 
existait  en  1350  et  avait  probablement  été  écrit  vers  le  com- 
mencement du  xiv6  siècle.  J'ai  en  1880  exposé  dans  la  Nou- 
velle Revue  historique  de  droit  français  et  étranger  (1),  les  rai- 
sons qui  me  font  croire  que  le  Senchus  môr  a  dû  être  mis  par 
écrit  vers  Tannée  800  de  notre  ère.  Je  ne  puis  que  renvoyer 
aux  deux  articles  publiés  par  moi  à  cette  date,  je  ne  résume- 
rai pas  ici  ce  qu'on  peut  lire  dans  la  publication  périodique 
précitée  ;  toutefois ,  dans  l'intérêt  des  paléographes ,  toujours 
tentés  de  prendre  pour  date  d'un  document  la  date  du  manus- 
crit le  plus  ancien  qui  nous  l'ait  conservé,  je  vais  ajouter  un 
mot  : 

Le  plus  ancien  manuscrit  de  la  première  partie  du  Senchus 

(1)  Quatrième  année,  p.  157-189,  513-534. 

Rtrui  historique.  —  Tome  VIII.  3 


34  LE   SENCHUS  MÔR. 

môr  qui  ait  été  signalé  jusqu'ici  date ,  paraît-il ,  de  l'année 
1578,  mais  les  savants  éditeurs  des  Anciens  laws  of  Ireland 
ont  négligé  de  dire  que  cette  partie  du  Senchus  Môr  est  citée 
dans  le  plus  ancien  manuscrit  littéraire  irlandais  qu'on  pos- 
sède aujourd'hui ,  dans  le  Leabhar  na  hUidhre,  écrit  vers  la 
fin  du  xi°  siècle  par  un  scribe  qui  fut  tué  en  1106.  L,e  docu- 
ment où  se  trouve  la  citation  dont  je  parle  est  un  commentaire 
du  morceau  intitulé  :  Amra  Coluimb  Chilli  ou  «  Éloge  de  saint 
Colomba ,  »  morceau  écrit  vers  la  fin  du  vie  siècle  et  qui ,  à  la 
fin  du  xie,  n'était  plus  guère  compris. 

L'auteur  de  ce  commentaire ,  étudiant  les  divers  sens  du 
mot  ferb  qui  se  trouve  dans  Y  Amra  9  cite  comme  exemple  le 
texte  suivant  dont  il  n'indique  pas  la  provenance  :  Teora. 
ferba  fira  do-sn-acht,  idon  ro-s-immaig ,  ASSAL  ar-Mog 
Nu  ad  at  (1),  en  français  :  «  Trois  vaches  blanches,  ce  fut 
d  Assal  qui  les  emmena  ou  les  enleva  [après  les  avoir  saisies] 
»  sur  Mog  [fils]  de  Nûadu.  »  Le  même  commentaire  nous  a 
été  conservé  par  un  second  manuscrit  £  peu  près  contempo- 
ain  du  premier  et  copié  de  même  avant  la  fin  du  xie  siècle , 
c'est  le  Livre  des  hymnes  du  collège  de  la  Trinité  de  Dublin  : 
la  même  citation  s'y  trouve  (2).  Or,  sur  les  neuf  mots  qui 
composent  cette  citation ,  sept ,  ceux  que  nous  n'avons  pas 
mis  en  italiques  sont  le  début  du  Senchus  môr,  dont  l'auteur 
du  commentaire  fait  usage  sans  en  indiquer  le  titre,  comme 
autrefois  Cicéron,  parlant  de  la  loi  des  Douze-Tables  :  A  par- 
vis didicimus  :  si  in  jus  vocat,  alque  alias  ejusmodi  leges 
nominare  (3).  Dans  ce  passage,  si  in  jus  vocat  sont  les  pre- 
miers mots  de  la  loi  des  Douze-Tables.  Non-seulement  Cicé- 
ron ne  croit  pas  nécessaire  de  le  dire ,  mais  pour  lui  et  ses 
contemporains,  ces  premiers  mots  du  texte  légal  tiennent 
lieu  du  titre  de  ce  document  si  connu  :  rien  n'est  plus  clair  à 
leurs  yeux.  De  même  le  commentateur  de  Y  Amra  Coluimb 
Chilli  se  croit  dispensé  d'indiquer  la  provenance  de  la  pre- 
mière ligne  du  Senchus  môr  qu'il  juge  bon  de  citer. 


(1)  Leabhar  nahVidhre,  p.  11,  col.  1,  lignes  2,  3. 

(2)  Collège  de  la  Trinité  de  Dublin,  manuscrit  £.  4.  2,  f°  34  b.  1,  cbei 
Whitley  Stokes,  Goidelica,  2*  édition,  p.  164,  lignes  11-12. 

(3)  Cicéron ,  De  legibut ,  l.  II ,  c.  4. 


LE   SBNCHUS   MÔR.  35 

Ainsi  à  la  fin  du  xie  siècle  le  Senchus  môr  existait ,  et  était 
an  texte  d'une  grande  notoriété.  Mais  ajoutons  un  détail  :  il 
était  glosé  :  les  deux  mots  idon  ro-s-mmaig  que  j'ai  mis  en 
italiques  dans  la  citation  sont  une  glose  de  do-sn-acht  «  il  les 
enleva,  »  troisième  personne  du  singulier  du  prétérit  en  t  du 
verbe  to-agaim  ou  mieux  to-ug  «  j'emmène.  »  Le  prétérit  en  t 
n'était  plus  usité  au  xi*  siècle ,  et  le  verbe  Umg  était  aussi 
hors  d'usage.  Ainsi  au  xi*  siècle  do-sn-acht  ne  se  comprenait 
plus  ;  pour  rendre  ce  mot  intelligible ,  il  fallait  l'accompagner 
d'une  glose  :  idon  ro-s-immaig,  qui  appartient  à  un  autre 
temps  de  l'indicatif,  et  à  un  autre  verbe  composé  imm-agaim. 
La  langue  du  Senchus  môr  était  donc  déjà  archaïque  à  la  fin 
du  xi"  siècle ,  et  elle  avait  besoin  d'interprétation.  Par  consé- 
quent, il  n'y  a  pas  à  se  préoccuper  de  la  date  récente  du 
manuscrit  qui  a  servi  de  base  à  l'édition  de  la  première  partie 
de  ce  vieux  monument  du  droit  celtique.  Aujourd'hui  on  ne 
peut  soutenir  que  la  date  des  manuscrits  du  Senchus  môr 
connus  par  les  éditeurs  des  Ancient  laws  of  Ireland  puisse 
servir  à  fixer  l'époque  où  a  été  rédigé  ce  monument  de  la 
législation  irlandaise. 


IL 


Le  Senchus  môr  commence  ex  abrupto  par  un  exemple  de 
saisie.  Une  des  causes  qui  amena  cette  saisie  est  la  rivalité 
des  (liâtes  ou  habitants  de  l'Ulster,  région  septentrionale  de 
l'Irlande  contre  les  habitants  de  la  région  centrale,  dite  au- 
trefois Midé  et  qui  correspond  à  peu  près  aux  comtés  mo- 
dernes de  Meath  et  de  West-meath.  Le  Midé ,  où  se  trouvait 
Tara , capitale  de  l'Irlande,  comprend  une  notable  partie  du 
bassin  de  la  Boyne.  Ses  habitants  s'appelaient  Féné  (1). 
Assal,  qui  était  un  Fôné,  fut  le  saisissant.  Il  prit  trois  vaches 
i  un  habitant  d'Ulster  qui  s'appelait  Mog ,  fils  de  Nûadu.  La 
saisie  fut  suivie  de  déplacement  immédiat.  Assal  emmena  les 
trois  vaches  passer  la  nuit  à  Ferta  sur  la  Boyne  ;  Ferta  est 

(1)  FM  ou  Fert  Tmrach:  Ancient  laws  of  Ireland,  t.  I,  p.  66,  lignes  19-20; 
p.  80,  ligne  3;  cf.  p.  70,  lignes  2,  4;  p.  74,  lignes  14,  15,  17. 


36  LE  SBNCHUS   MÔR. 

aujourd'hui  Slane,  dans  le  comté  de  Meath.  Mais  les  trois 
vaches  avaient  mis  bas,  peu  de  temps  auparavant,  des  veaux 
qu'elles  allaitaient  encore  et  qui  n'avaient  pas  été  compris 
dans  la  saisie.  Elles  les  avaient  laissés  dans  le  pâturage  d'où 
elles  avaient  été  emmenées  par  Assal.  Leurs  mamelles  pleines 
laissaient  couler  le  lait  en  taches  blanches  sur  le  sol.  Elles 
échappèrent  pendant  la  nuit  à  leurs  gardiens  endormis  et 
retournèrent  sans  guide  près  de  leurs  veaux.  Le  lendemain , 
Assal  retourna  dans  le  pâturage  où  il  avait  pratiqué  la  saisie 
de  la  veille.  Il  fit  une  saisie  nouvelle,  celle-ci  double  de  la 
première  :  au  lieu  de  trois  vaches  laitières ,  il  en  prit  six  à  la 
maison  de  bonne  heure  le  matin.  Alors  intervint  Coirpré 
Gnâthcôir,  c'est-à-dire  Coirpré  dont  la  justice  était  l'habitude, 
roi  d'Ulster,  nous  dit  la  glose ,  qui  prit  en  main  la  cause  au 
lieu  et  place  de  Mog  fils  de  Nuadu  son  sujet  ;  il  s'engagea  à 
soumettre  l'affaire  à  des  juges,  et  dans  l'hypothèse  où  con- 
trairement à  son  attente  ces  juges  lui  donneraient  tort,  il 
promit  de  réparer  le  dommage  causé  aux  Fônés.  En  consé- 
quence, il  donna  des  cautions  aux  Fênés.  Il  les  donna  pour 
six  motifs  :  à  cause  :  1°  de  la  première  saisie;  2°  de  la  seconde 
saisie;  3°  de  la  fourrière  ;  4°  de  la  garde  en  fourrière  ;  5°  de 
la  complicité  des  témoins  qui ,  voyant  Mog  recevoir  les  trois 
vaches  fugitives ,  ne  s'y  étaient  point  opposés  ;  6°  de  la  com- 
plicité du  chef  qui  avait  approuvé  sa  conduite. 

Voici  l'origine  de  la  contestation  au  sujet  de  laquelle  se 
produisit  cette  saisie.  Fergus  Ferglethech  ou  Fergus  le  guer- 
rier belliqueux ,  roi  d'Ulster,  avait  eu  sous  sa  protection  un 
guerrier  appelé  Echaid  Belbuide ,  ou  Echaid  aux  lèvres  jau- 
nes. Echaid  était  un  Féné.  Il  avait  été  chassé  de  son  pays  et 
il  avait  été  demander  asile  au  roi  d'Ulster  qui  l'avait  bien 
accueilli  et  lui  avait  accordé  sa  protection.  Au  mépris  de  cette 
protection ,  Echaid  avait  été  tué  par  des  habitants  de  Meath , 
c'est-à-dire  par  des  Fônés  appartenant  à  la  tribu  de  Conn. 
Fergus  avait  droit  à  une  composition  pour  ce  meurtre  accom- 
pli au  mépris  de  son  autorité.  Conn ,  chef  de  la  tribu  dont  les 
assassins  faisaient  partie,  traita  avec  Fergus  et  reçut  en  con- 
séquence le  surnom  de  Cétchôrach ,  c'est-à-dire  «  au  premier 
contrat  »  de  cet  «  premier  »  et  de  car  «  contrat ,  »  parce  qu'il 
est  l'auteur  du  premier  contrat  dont  il  soit  question  dans  le 


LE  SENCHUS  MÔR.  37 

Senchus  tnôr  (1).  Cette  convention  attribua  à  Fergus  1°  un 
pâturage  des  Fénès  et  de  la  tribu  de  Conn  ;  2°  une  femme 
libre  de  cette  tribu ,  femme  qui  lui  fut  livrée  avec  obligation 
de  le  servir  comme  esclave.  La  femme  cédée  par  les  Fênés 
au  roi  d'Ulster  s'appelait  Dorn.  Quant  au  pâturage,  abandonné 
en  même  temps ,  le  Senchus  môr  l'appelle  «  la  terre  des  va- 
ches de  Conn  au  premier  contrat,  »  Tir  ba  Chuind  Chêtchoraig . 

Fergus  avait  droit  au  service  de  Dorn,  mais  le  traité  quoi- 
qa'ôtant  à  Dorn  la  liberté,  n'avait  pas  autorisé  le  roi  d'Ulster 
à  disposer  de  la  vie  de  cette  femme.  Or  un  jour  Dorn  se  mo- 
qua d'une  difformité  qui  défigurait  le  visage  de  Fergus.  Le  roi 
irrité  la  tua,  et  peu  de  temps  après  il  périt  lui-même,  à  cause 
des  blessures  qu'il  avait  reçues  en  combattant  Fine  ou  Sine, 
le  monstre  de  Loch  Rudraidé  ou  de  Dundrum  bay,  dans  le 
comté  de  Down  en  Ulster.  La  mort  violente  de  Dorn  donnait 
aux  Fênés  droit  à  une  composition.  Ce  fut  alors  qu'Assal ,  un 
d'entre  eux ,  pratiqua  les  deux  saisies  dont  nous  venons  de 
parler.  Les  vaches  qu'il  emmena  se  trouvaient  précisément 
dans  le  pâturage  cédé  par  les  Fênés  au  roi  d'Ulster  Fergus  et 
qui  constituait  une  partie  de  la  composition  attribuée  à  ce 
prince  à  cause  du  meurtre  d'Echaid  Belbuide ,  son  protégé. 

Le  procès  occasionné  par  la  mort  de  Dorn,  ce  procès  dont 
la  saisie  des  trois  vaches  avait  été  le  premier  acte,  se  termina 
par  un  jugement  qui  fit  restituer  aux  Fênés  le  pâturage  des 
vaches  de  Conn  au  premier  contrat,  Tir  bâ  Chuind  Chêtchoraig. 
Cette  restitution  constitua  la  composition  payée  par  les  habi- 
tants d'Ulster  aux  Fênés  pour  le  meurtre  de  Dorn.  La  raison 
qui  amena  cette  décision  fut  probablement  la  violation  par 
Fergus  d'une  des  clauses  du  contrat  qui  lui  avait  fait  acquérir 
cet  immeuble.  Une  femme  esclave  valait  trois  vaches;  les 
trois  vaches  saisies  par  Assal  étaient  le  montant  de  la  com- 
position qu'en  toute  autre  circonstance  les  Fênés  auraient  dû 
obtenir. 

Deux  des  noms  qui  figurent  dans  ce  texte  nous  reportent 

(1)  L'auteur  de  la  glose  a  rendu  Ùitchôrach  par  Cêt-chathach  et  fait  ainsi 
de  Conn  un  roi  du  cycle  ossianiqne.  11  y  a  là  une  confusion  inadmissible, 
puisque  Fergus  appartient  au  cycle  de  Conchobar  et  Cûchulainn  et  que  sui- 
rant  la  chronologie  de  Tigernach ,  il  est  antérieur  de  deux  siècles  à  Conn 
Gêtchatbach. 


38  LE   SENCHUS   MÔR. 

au  cycle  héroïque  de  Conchobar  et  de  Cûchulainn.  L'un  de 
ces  Doms  est  celui  de  Fergus  Ferglethech ,  le  vainqueur  du 
monstre  de  Loch  Rudraidé.  Le  combat  contre  le  monstre  de 
lpch  Rudraidé  a  été  connu  de  l'annaliste  Tigernach,  qui  écri- 
vait au  xie  siècle  et  qui  place  ce  combat  entre  la  mort  de 
César  en  Fan  44  avant  notre  ère  et  l'avènement  d'Auguste  à 
l'empire  après  la  mort  d'Antoine,  quinze  ans  plus  tard.  Seu- 
lement au  lieu  de  donner  à  Fergus  le  surnom  de  Ferglethech, 
il  lui  donne  celui  de  Mac  Leti,  dans  un  manuscrit  du  xiue 
siècle,  Mac  Leidhe  (1).  Suivant  Tigernach,  Fergus  Mac-Leti 
serait  le  prédécesseur  de  Conchobar  au  royaume  d'Ulster.  La 
pièce  intitulée  «  Festin  de  Bricriu,  »  un  des  morceaux  qui 
constituent  le  cycle  de  Conchobar  et  de  Cûchulainn  compte 
Fergus  Mac-Leti  parmi  les  grands  seigneurs  d'Ulster  qui  vin- 
rent prendre  place  dans  la  salle  bâtie  par  Bricriu  pour  donner 
sa  fête  (2).  Cette  indication  s'accorde  approximativement, 
mais  non  d'une  façon  rigoureuse  avec  la  chronologie  de  Ti- 
gernach qui  fait  mourir  Fergus  Mac-Leti  antérieurement  au 
règne  de  Conchobar.  Dans  un  autre  morceau  du  môme  cycle, 
le  récit  du  festin  où  Mesroida  dit  Mac-Datho ,  roi  de  Leinster, 
offrit  aux  héros  de  Connaught  et  d'Ulster  un  cochon  célèbre 
en  Irlande ,  un  des  événements  honteux  reprochés  aux  guer- 
riers d'Ulster  par  leurs  rivaux  de  Connaught  est  que  les  pre- 
miers ont  laissé  prendre  et  tuer  un  fils  de  Fergus  Mac- 
Leti  (3).  Ici  il  y  a  un  complet  accord  entre  le  conteur  et  la 
chronologie  de  Tigernach. 

Coirpré  Gnâthcoir,  c'est-à-dire  «  dont  la  justice  était  l'ha- 
bitude, »  n'apparaît,  à  notre  connaissance,  dans  aucun  texte 
épique.  Mais  un  passage  du  Senchus  môr  fait  de  lui  un  con- 
temporain d'Ailill  et  de  Medb,  roi  et  reine  de  Connaught, 
les  célèbres  adversaires  de  Conchobar  et  de  Cûchulainn.  Ailill 
ne  laissait  qu'un  jour  l'objet  saisi  entre  les  mains  du  défen- 
deur, et  aussitôt  ce  court  délai  expiré ,  il  autorisait  le  deman- 


(i)  Fergus  mac  Leidhe  régnât  an  Eariain  annis  XII,  qui  conflixit  in  adhaig 
poésie  al-loch  Ruadhraidhe,  ocus  a  badhadh  and  :  O'Conor,  Rerum  Hiberni- 
eorum  scriptores,  t.  II,  première  partie,  p.  10. 

(2)  Windtech,  Irische  Texte,  p.  258. 

(3)  Windisch,  Iritche  Texte,  p.  100. 


LE     SENCHUS  MÔR.  39 

deur  a  enlever  l'objet  saisi  ;  ce  fut  Coirpré  Gnâthcoir  qui  lui 
fit  comprendre  la  nécessité  des  délais.  Ailill  consentit  à 
mettre  un  intervalle  de  trois  jours  entre  la  formalité  de  la 
saisie  et  l'enlèvement  de  l'objet  saisi.  Il  prit  cette  décision 
lots  des  poursuites  exercées  à  l'occasion  de  résistances  à  une 
levée  de  troupes.  Cette  levée  de  troupes  est  probablement 
«lie  qui  eut  lieu  lors  de  la  grande  guerre  entreprise  par  Ailill 
autre  l'ULster  pour   la.    conquête  du  taureau  de  Gûailngé  (1). 


III. 

On  remarquer  a  que  des  vaches  sont  l'objet  de  la  saisie  par 
tyoèùe  le  Senchtts    m&r  débute ,  et  que  le  procès  dont  cette 
Saisie  est  le  premier    acte  se  termine  en  faisant  changer  de 
mains  un  pâturage  9   «  la  terre  des  vaches  de  Conn.  »  Conn , 
dont  cet  immeuble  porte  le  nom ,  paraît  être  un  chef  de  tribu. 
A  l'époque  où.    nous    reporte  ce  passage  du  Senchus  môr,  la 
plus  grande  partie  du  sol  de  l'Irlande  n'a  d'autre  propriétaire 
que  la  tribu  représentée  par  son  chef,  entre  les  membres  de 
laquelle  il  est  indivis.  Il  n'y  a  guère  d'autre  propriété  immo- 
bilière individuelle  que  les  maisons  et  les  clos  qui  les  avoisi- 
sent.  Le  partage  définitif  sinon  de  la  totalité  au  moins  d'une 
partie  importante  du  territoire  romain  et  sa  répartition  en  pro- 
priétés privées  étaient,  suivant  la  légende  romaine,  des  opéra- 
tions terminées    dés   le  temps  de  l'antique  roi  Numa,  qui, 
entre  Van  714    et    l'an  671  avant  J.-C,  aurait  prescrit  un 
bornage  et  aurait  fait  attribuer  aux  bornes  un  caractère  sa- 
cré (&).  L.' histoire  d'Irlande  fait  honneur  du  partage  le  plus 
ancien  du  sol  à  des  rois  qui  vivaient  au  vn°  siècle  après  notre 
ère  et  qui  seraient  morts  vers  l'an  661  de  notre  ère ,  plus  de 
1,300  ans  après  Numa  (3). 

Le  pâturage  qui  est  le  mode  le  plus  fréquemment  employé 

TO  Ancien*  lotD»  oflrelœni,  1. 1,  p.  150,  152, 156. 
(2}  Denys  d'Halicarnasse,  livre  II,  chap.  74.  Comparez  Bruns,  Fontes  juris 
iMiHinwliijiii,  4*  édition,  p.  10. 

{%)  Conptrt  Conculainn ,  chez  Windisch ,  Irische  Texte,  p.  136.  Préfacée 
l'hymne  de  Golm&n,  chez  Whitley  Stokes,  GoUUlica,  2«  édition,  p.  121. 


40  LE  SENGHUS   MÔR. 

pour  l'exploitation  de  la  propriété  collective  tenait ,  chez  les 
Celtes,  sur  le  continent  avant  la  conquête  romaine,  et  con- 
serva depuis,  pendant  longtemps  en  Irlande,  une  place  beau- 
coup plus  considérable  que  l'agriculture.  Nous  ne  voulons  pas 
dire  que  l'agriculture  n'existât  point  :  la  bière ,  cuirm  en  ir- 
landais ,  xrfppa  ou  xoupfAt  en  gaulois ,  fabriquée  chez  les  uns 
avec  du  froment,  chez  les  autres  avec  de  l'orge,  comme 
Posidonius  et  Discoride  nous  l'apprennent,  suppose  la  culture 
des  céréales.  Les  Gaulois  d'Italie  labouraient  déjà,  suivant 
Polybe,  pendant  la  période  primitive  où  venant  d'arriver  dans 
cette  péninsule,  ils  étaient  la  terreur  des  Romains  (1).  César 
parle  des  blés  que  produit  de  son  temps  la  Gaule  transalpine, 
encore  indépendante  (2).  Mais  Polybe  fait  observer  que  les 
Gaulois  d'Italie,  à  l'époque  reculée  dont  il  parle,  vivaient  de 
viande,  c'est-à-dire,  mangeaient  probablement  fort  peu  de 
pain  et  ne  connaissaient  d'autre  fortune  privée  que  les  trou- 
peaux et  l'or  (3).  Les  Gaulois  orientaux  avaient  porté  les 
mêmes  usages  en  Galatie.  Ainsi  Cicéron  plaidant  pour  Déjo- 
torus,  roi  de  Galatie,  l'an  45  avant  J.-C,  et  voulant  mettre 
en  relief  tous  les  mérites  de  son  client,  dit  que  ce  prince  est 
un  agriculteur  très  soigneux  ;  «  mais ,  »  ajoute- t-il ,  «  il  n'est 
«  pas  moins  digne  d'estime  comme  propriétaire  de  trou- 
ce  peaux  (4).  »  Amyntas,  successeur  de  Dejotarus,  avait  en- 
core ,  dans  une  seule  province  de  son  royaume ,  plus  de  trois 
cents  troupeaux  de  moutons  (5). 

Il  faut  donc  se  représenter  les  pays  celtiques  au  temps  de 
l'indépendance  et  l'Irlande  jusqu'au  vue  siècle  de  notre  ère 
comme  un  vaste  pâturage  où  vivent  de  nombreux  troupeaux 
qui,  avec  quelques  autres  objets  mobiliers,  constituent  la 
fortune  privée  des  membres  de  la  tribu;  le  sol  est  une  ri- 
chesse commune,  à  l'exception  des  propriétés  bâties  et  de 
leurs  dépendances. 

(1)  Livre  II,  chap.  17,  §  10,  édition  Didot,  p.  80. 

(2)  Voyez,  par  exemple,  De  bello  Gallico,  livre  I,  chap.  16. 

(3)  Kpta^psrfilv....  "TirotpÇîçfe  p.rjv  ixaarafXv  6p4p.pia.Ta  xsdxpuaoç.  Polybe, 
livre  II ,  chap.  17,  §  10,  11,  édition  Didot,  p.  80. 

(4)  Diligentissimus  agricola  et  pecuariua  haberetnr.  Pro  rege  Dejolaro , 
cap.  ix. 

(5)  Strabon,  livre  XII,  chap.  6,  §  1,  édition  Didot,  p.  486,  lignes  51,  52. 


LE   SENCHUS   MÔR.  41 

La  plus  grande  partie  du  territoire  de  la  tribu  est  en  état 
d'herbages  ou  de  forêts  ;  la  terre  labourée  est  l'exception  ;  la 
colture  semble  avoir  été  donnée  en  commun  par  les  membres 
de  la  tribu.  Deux  passages  du  Senchus  môr  parlent  de  cette 
association  de  travail,  à  laquelle  ils  donnent  le  nom  de  co- 
mar  (i).  Ce  mot  est  composé  de  la  particule  corn,  avec,  et  de 
ar,  substantif  qui  a  perdu  sa  désinence  et  qui  a  la  même  ra- 
cine que  le  latin  arare.  Le  même  usage  existait  chez  les  Gau- 
lois ,  chez  lesquels  le  même  mot  s'écrit  keuar  au  xiue  siècle , 
aujourd'hui  cyfar>  et  après  avoir  signifié  exclusivement  une 
association  de  cultivateur  (2) ,  est  arrivé  à  désigner  l'arpent. 
Chez  les  Bretons  de  France,  ce  mot,  queuer  au  xve  siècle, 
aujourd'hui  kever,  n'a  plus  que  ce  dernier  sens  ;  mais  le  dé- 
rivé keverer  «  associé  pour  des  travaux  de  labour  »  a  gardé  la 
valeur  ancienne. 

De  ces  faits  il  résulte,  nous  le  répétons,  que  dans  la  société 
celtique,  aux  époques  les  plus  anciennement  connues  par  les 
textes ,  la  fortune  privée  était  surtout  mobilière  et  consistait 
principalement  en  troupeaux.  Cela  est  mis  en  relief  par  le 
début  de  la  principale  des  compositions  épiques  irlandaises,  le 
Tâin  bô  Cûailnge,  ou  «  Enlèvement  du  taureau  de  Cooley.  » 
Le  roi  Ailill  et  la  reine  Medb,  sa  femme,  se  querellent  sur  la 
question  de  savoir  qui  de  lui  et  d'elle  est  le  meilleur,  le  plus 
noble,  si  l'on  nous  permet  d'employer  une  expression  mo- 
derne. Or,  la  vieille  idée  irlandaise  est  que  le  plus  noble 
c'est  le  plus  riche.  Il  s'agit  donc  de  savoir  qui ,  du  roi  et  de 
la  reine ,  possède  la  fortune  la  plus  considérable. 

Ce  n'est  pas ,  en  Irlande ,  une  question  de  pure  théorie  :  la 
loi  irlandaise  distingue  plusieurs  sortes  de  mariages  ;  la  con- 
dition respective  du  mari  et  de  la  femme  est  très  différente 
suivant  les  cas.  Il  y  a  trois  hypothèses  principales  :  1°  le  mari 
et  la  femme  ont  la  même  fortune  ;  2°  la  fortune  appartient  au 
mari;  3°  la  fortune  appartient  à  la  femme  (3). 

Si  la  fortune  du  mari  et  celle  de  la  femme  sont  égales ,  le 

(1)  Ancient  laws  oflreland,  1. 1 ,  p.  126;  t.  II,  p.  158. 

(2)  Voyez  le  Code  vénédolien,  livre  III,  ch.  24.  Ancient  laws  and  institutes 
ofWaks,p.  153. 

(3)  Ancient  laws  oflreland,  t.  II,  p.  356. 


42  LE   SENCHUS   MÔR. 

mari  et  la  femme  sont  égaux;  chacun  d'eux,  par  exemple,  a 
le  droit  de  faire  annuler  les  contrats  que  l'autre  a  faits  sans 
sa  participation,  quand  il  prouve  que  ces  contrats  sont  préju- 
diciables à  la  société  qui  est  le  résultat  du  mariage  (1). 

Si  la  propriété  appartient  au  mari ,  le  mari  est  supérieur  à 
la  femme ,  et  en  règle  générale ,  sauf  quelques  exceptions ,  les 
contrats  qu'il  fait  ne  peuvent  être  annulés  sur  la  demande  de 
la  femme  (2).  Si  au  contraire  la  fortune  appartient  à  la  femme, 
c'est  elle  qui  est  au-dessus  du  mari ,  et  quand  elle  fait  des 
contrats,  le  mari  ne  peut  en  obtenir  l'annulation  (3). 

Ainsi  la  question  de  savoir  qui  était  le  plus  riche  du  roi 
Ailill  et  de  la  reine  Medb  n'était  pas  oiseuse.  Il  s'agissait  de 
déterminer  s'ils  étaient  légalement  égaux  l'un  à  l'autre.  Or,  à 
quel  moyen  recourent-ils  pour  vérifier  si  cette  égalité  existe 
ou  si  l'un  d'eux  l'emporte  sur  l'autre?  Ils  font  faire  une  en- 
quête et  dresser  une  sorte  d'inventaire  de  leurs  fortunes.  Mais 
d'immeubles,  il  n'est  pas  question.  La  fortune  privée  des  Ir- 
landais dans  la  période  épique  est  exclusivement  mobilière 
comme  chez  les  Gaulois  d'Italie  à  l'époque  reculée  où  nous 
fait  remonter  la  description  de  leurs  mœurs  par  Polybe. 

On  apporte  et  on  compte  les  pots  et  les  vases  de  toute 
sorte  que  possèdent  Ailill  et  Medb  ;  on  apporte  et  on  compte 
leurs  bijoux  et  leurs  vêtements  de  toute  couleur  :  pourpres , 
bleus,  noirs,  verts,  jaunes,  tachetés,  rayés.  Viennent  ensuite 
les  troupeaux.  Il  y  a  des  troupeaux  de  moutons,  de  chevaux , 
de  cochons,  de  vaches,  qui  paissent  dans  les  pâturages  des 
plaines  et  des  vallées,  dans  les  forêts  et  les  déserts.  On 
compte  toutes  les  têtes  qui  composent  ces  troupeaux  ;  le  roi 
et  la  reine  en  ont  chacun  autant ,  à  une  tête  près.  Le  roi  pos- 
sède un  taureau  de  plus  que  la  reine.  Cette  découverte  est 
pour  la  reine  une  humiliation  qu'elle  ne  peut  supporter  ;  son 
mari  a  la  supériorité  sur  elle.  Elle  veut  se  procurer  un  taureau 
qui  vaille  celui  de  son  mari ,  et  pour  atteindre  ce  but  elle  en- 
treprend contre  l'Ulster  une  guerre  dont  la  composition  épique 
irlandaise  raconte  les  sanglants  et  merveilleux  incidents. 

(1)  Âncient  latot  oflreland,  t.  II,  p.  356-362. 

(2)  Ancient  lawt  oflreland,  t.  II,  p.  380. 

(3)  Ancient  tam  of  Ireland,  t.  II ,  p.  390. 


LE  SENCHUS  MÔR.  43 

On  remarquera  surtout  dans  cet  épisode  l'importance  qu'il 
attribue  aux  troupeaux  et  notamment  à  ceux  de  bêtes  à  cornes, 
puisque  c'est  à  l'occasion  d'un  taureau  qu'eut  lieu  la  guerre 
célébrée  par  la  pièce  dont  ce  morceau  est  extrait,  c'est-à-dire 
par  la  principale  des  compositions  épiques  irlandaises.  Tâin 
est  le  mot  par  lequel  commence  le  titre  de  ce  récit  légendaire 
et  d'un  certain  nombre  de  morceaux  analogues ,  Tâin  est  un 
terme  de  droit  qui  veut  dire  saisie  de  bétail  (1).  Il  n'y  a  donc 
pas  lieu  de  nous  étonner  qu'il  soit  question  de  vaches  dès  la 
première  ligne  du  principal  traité  de  droit  que  l'Irlande  pos- 
sède. «  Trois  vaches  blanches  »  sont  les  premiers  mots  de  ce 
raité.  C'est  d'une  saisie  de  vaches  qu'il  s'agit. 


IV. 

Cette  saisie  n'a  pas  été  autorisée  par  ordonnance  de  juge. 
Le  droit  du  saisissant  est  fondé  sur  le  meurtre  d'une  femme 
appelée  Dora  qui  faisait  partie  de  la  tribu  du  saisissant  et 
qui  a  été  tuée  par  le  chef  de  la  tribu  du  saisi.  Cette  femme 
avait  été  livrée  en  esclavage  à  titre  de  composition  pour  un 
meurtre  commis  par  la  tribu  du  saisissant.  Une  femme  es- 
clave valait  trois  vaches  :  tel  est  le  titre  du  saisissant.  Il  va 
lui-même  pratiquer  la  saisie  ;  l'huissier  était  alors  inconnu  et, 
nous  le  répétons,  il  n'est  pas  question  d'ordonnance  de  juge 
qui  ait  autorisé  son  acte.  Notre  texte  nous  met  en  face  de  la 
forme  la  plus  ancienne  de  cette  procédure.  La  plupart  des 
textes  germaniques  que  nous  connaissons  s'accordent  pour 
exiger  l'autorisation  du  juge  avant  la  saisie.  Telles  sont  les 
prescriptions  de  la  loi  salique  (2),  de  la  loi  des  Bourgui- 
gnons (3) ,  de  l'édit  de  Théodoric  (4) ,  de  la  loi  des  Wisi- 
goths  (5),  de  la  loi  des  Bavarois  (6).  Toutefois  la  loi  des 

(1)  Âncient  laivs  of  ïreland,  t.  I,  p.  264. 

(2)  Titre  lzxy,  édition  Hessels,  p.  408;  cf.  titre  l,  ibid.,  col.  316  et  sui- 
vantes, j 

(3)  Titre  xix,  §  1  ;  chez  Walter,  Corput  juris  germanici  antiqui,  1. 1,  p.  314.  j 

(4)  Cfaap.  123, 124,  chez  Walter,  ibid.,  p.  410.  i 

(5)  Livre  V,  titre  vi,  §  1,  chez  Walter,  ibid.,  p.  527.  j 
(6)  Titre  xu,  chap.  i,  chez  Walter,  ibid.,  p.  275.  | 


i 


44  LE   SENGHUS   MÔR. 

Wisigoths  se  sert  de  termes  qui  sont  de  nature  à  faire  sup- 
poser qu'avant  la  promulgation  du  chapitre  dont  il  s'agit,  on 
avait  le  droit  de  saisir  sans  autorisation  du  juge  : 

Pignorandi  licentiam  in  omnibus  submovemus. 

Chez  les  Lombards  redit  de  Rotharis  n'interdit  la  saisie 
privée  que  lorsqu'il  s'agit  de  chevaux ,  de  vaches  et  de  porcs. 
Quand  on  veut  saisir  ces  animaux ,  il  faut  préalablement ,  dit 
cet  édit,  se  faire  autoriser  par  le  juge;  mais  pour  tout  autre 
objet ,  cette  autorisation  est  inutile  (1).  A  Rome ,  dans  la  pro- 
cédure la  plus  ancienne,  dans  la  procédure  des  actions,  le 
droit  de  saisir  sans  autorisation  a  presque  entièrement  dis- 
paru. Le  créancier  doit  s'adresser  au  magistrat  :  il  ne  peut 
devancer  la  décision  du  juge  que  dans  des  circonstances 
exceptionnelles,  que  la  loi  ou  l'usage  détermine;  alors  seu- 
lement, il  fait  régulièrement  acte  de  saisie,  pignoris  capio  (2). 

Dans  ces  circonstances  exceptionnelles ,  le  droit  primitif  est 
maintenu  ;  l'usage  et  la  loi  ont  laissé  permise  à  Rome  la  pra- 
tique ancienne ,  que  l'édit  de  Rotharis  maintient  en  certains 
cas,  que  la  loi  des  Wisigoths  supprime,  que  d'autres  lois 
barbares  prohibent  et  que  le  début  du  Senchus  môr  nous 
montre  en  pleine  vigueur  (3).  La  saisie  faite  par  le  demandeur 
sans  permission  du  juge ,  ne  peut  pas  se  confondre  avec  un 
vulgaire  acte  de  violence.  Elle  est  soumise  à  des  règles  dont 
l'exposé  a  fourni  185  pages  de  texte  irlandais  à  la  collection 
des  Ancient  laws  of  Ireland. 

H.  d'Arbois  de  Jubainville. 


(i)  EdUtum Rotharis,  249-256,  chez  Walter,  ibid.,  p.  729,  730. 

(2)  Gaïus,  livre  IV,  §  26  et  suivants. 

(3)  Ce  résultat  n'est  pas  d'accord  avec  Sohm ,  La  procédure  delalex  Sa- 
lica,  §  8,  traduction  Thévenin,  p.  26-34. 


ESSAI 


SUR 


L'ANCIENNE  COUTUME  DE  PARIS 


AUX  XIII8  ET  XIV  SIÈCLES 


INTRODUCTION. 

Parmi  les  documents  les  plus  intéressants  à  consulter  pour 
l'étude  des  origines  de  l'ancienne  Coutume  de  la  prévôté  et 
vicomte  de  Paris ,  il  faut  citer  les  Coutumes  notoires  du  Châtelet 
et  les  Décisions  de  J.  Desmares  publiées  par  Brodeau  à  la  suite 
de  son  traité  sur  la  Coutume  de  Paris  (1). 

En  parcourant  ces  Coutumes  notoires  et  ces  Décisions ,  j'ai  eu 
la  pensée  d'en  faire  la  base  d'un  travail  sur  la  très  ancienne 
Coutume  de  Paris  aux  xmeetxive  siècles.  J'ai  cru  qu'il  pourrait 
y  avoir  quelque  intérêt  à  reconstituer  cette  très  ancienne  Cou- 
tume et  à  la  comparer  aux  textes  officiels  des  Coutumes  de  1510 
et  de  1580. 

Les  deux  documents  publiés  par  Brodeau  contiennent  des 
règles  ou  des  décisions  sur  presque  toutes  les  matières  de  droit 
civil  (2). 

Le  premier  a  pour  titre  :  «  Coustumes  tenues,  toutes  notoires 
et  jugées  au  Chastelet  de  Paris.  »  C'est  un  résumé,  une  ana- 
lyse de  décisions,  datant  de  1300  à  1387  environ  qui  parais- 
sent avoir  été  rendues  à  la  suite  d'enquêtes  faites  au  Châtelet 
ou  d'après  des  avis  émanant  du  Parloir  aux  bourgeois  ;  elles 

(1)  Brodeau,  Commentaire  sur  la  Coutume  de  Paris,  1669,  2  vol.  in-f*. 

(2)  Ces  documents  se  trouvent  dans  le  manuscrit  de  la  Bibliothèque  natio- 
nale, Ponds  français,  n°  5359.  Notre  confrère,  M.  Ch.  Mortet,  doit  en  donner 
prochainement  une  nouvelle  édition. 


46  ESSAI  sur  l'ancienne 

fournissent  un  ensemble  très  précieux  des  solutions  données 
par  la  juridiction  du  Châtelet  aux  diverses  difficultés  que 
pouvaient  soulever  les  usages  et  coutumes  de  la  prévôté  et 
vicomte  de  Paris. 

Le  second  document  est  un  recueil  de  422  décisions  publiées 
par  Brodeau  sous  le  titre  de  :  «  Décisions  de  Messire  Jean  des 
»  Mares ,  conseiller  et  avocat  du  Roy  au  Parlement ,  sous  les  roys 
»  Charles  V  et  VI,  dans  lesquels  sont  transcripts  les  usages  et 
»  coustumes  gardées  à  la  cour  du  Châtelet  et  certaines  sentences 
»  données  en  plusieurs  cas  notables.  »  Brodeau  se  fonde,  pour 
les  attribuer  à  J.  des  Mares  ou  des  Marais  (Joannes  de  Ma- 
ris iis),  sur  ce  que  quelques-unes  sont  suivies  de  ce  nom. 

Juvénal  des  Ursins,  dans  son  Histoire  de  Charles  VI  (1)  nous 
fournit  des  renseignements  assez  précis  sur  Jean  des  Mares 
ou  Desmares.  Il  naquit  à  Provins  en  1310,  et  fut  successive* 
ment  avocat  au  Parlement,  conseiller,  et  enûn  avocat  du  roi. 
Il  joua  même  un  rôle  politique  important  dans  les  troubles  de 
la  fin  du  xive  siècle,  s'appliquant  à  concilier  l'autorité  royale 
et  les  aspirations  populaires.  Il  échoua  dans  ces  tentatives  et 
fut  mis  à  mort  en  13S3. 

Jusqu'à  présent,  rien  n'est  venu  corroborer  l'assertion  de 
Brodeau,  qui  repose  sur  un  motif  peu  concluant  ;  un  point  qui 
paraît  dès  maintenant  bien  établi,  c'est  qu'il  faut  renoncer 
à  attribuer  à  J.  Desmares  la  seconde  partie  des  décisions 
qui  portent  son  nom.  Cette  seconde  partie ,  commençant  à  la 
décision  253  et  pour  laquelle  Brodeau  donne  même  une  nou- 
velle rubrique  (2),  semble,  pour  la  plus  grande  part  du  moins, 
être  l'œuvre  d'un  jurisconsulte  d'Orléans;  bon  nombre  de  ces 
décisions ,  en  effet ,  donnent  la  jurisprudence  du  Châtelet  de 
cette  ville  et  non  celle  du  Châtelet  de  Paris. 

Il  y  a  un  peu  de  tout  dans  cette  compilation  :  des  ordon- 
nances, des  coutumes,  des  décisions  du  Châtelet,  soit  de  Paris, 
soit  d'Orléans,  des  maximes  et  des  axiomes  de  droit;  plu- 
sieurs décisions  ne  sont  même  que  la  reproduction  littérale 
de  quelques-unes  des  coutumes  notoires  du  Châtelet.  Néanmoins 
elles  sont  très  utiles  à  consulter  pour  l'histoire  du  droit,  par 

(1)  Histoire  de  Charles  VI,  éd.  1653,  pag.  3  et  34. 

(2)  Brodeau,  t.  II. 


COUTUME  DE  PARIS.  47 

suite  delà  grande  variété  de  matières,  soit  de  droit  civil ,  soit 
de  procédure ,  auxquelles  elles  se  rapportent.  La  date  de  ces 
décisions  est  facile  à  déterminer;  plusieurs  d'entre  elles  sont 
datées  ou  portent  le  nom  de  J.  Desmares  qui,  nous  l'avons  vu, 
fat  mis  à  mort  en  4383;  aussi  peut-on  dire  qu'elles  donnent 
un  tableau  assez  exact  de  la  coutume  suivie  à  Paris  dans  la 
seconde  moitié  du  xiv*  siècle. 

Mais  pour  reconstituer  l'ancienne  coutume  suivie  et  prati- 
quée dans  l'étendue  de  la  prévôté  et  vicomte  de  Paris,  aux 
xm6  et  xive  siècles ,  d'autres  sources  importantes  restaient  à 
consulter;  je  citerai  particulièrement  :  1°  les  Sentences  du 
parloir  aux  bourgeois;  2°  les  Olitn;  3°  le  Style  du  Parlement; 
4°  les  Constitutions  du  Ckâtelet;  5°  les  Questions  de  J.  Lecoq; 
6°  le  Cartutaire  de  Notre-Dame  de  Paris;  7°  enfin  et  surtout  le 
Grand  Coutumier. 

1°  Les  Sentences  du  parloir  aux  bourgeois  ont  été  publiées 
par  M.  Leroux  de  Lincy  dans  son  Histoire  de  VHÔtel-de-ViUe; 
elles  vont  de  l'année  1268  à  1325  environ  (1). 

Le  Parloir  aux  bourgeois,  qui  était  le  lieu  de  réunion  de  la 
confrérie  des  marchands  de  l'eau ,  à  la  tête  de  laquelle  on 
trouve,  dès  le  xm*  siècle,  un  prévôt  et  des  échevins ,  exerçait 
des  juridictions  très  diverses  :  juridiction  commerciale  sur  les 
membres  de  la  corporation  ;  juridiction  seigneuriale  comme 
propriétaire  d'un  certain  nombre  de  rues  de  la  ville;  juridic- 
tion volontaire  et  gracieuse  d'après  laquelle  il  recevait  les  con- 
ventions des  parties  et  leur  donnait  un  caractère  authentique, 
en  y  apposant  le  sceau  de  la  corporation  ;  souvent  aussi  il 
était  appelé  à  donner  son  avis  sur  des  questions  qui  lui  étaient 
adressées  par  le  prévôt  de  Paris.  Enfin  les  parties  avaient 
parfois  recours  au  Parloir  aux  bourgeois  pour  faire  juger 
leurs  différends  ;  elles  le  choisissaient  comme  arbitre ,  notam- 
ment dans  les  questions  de  succession;  on  ne  trouve,  dans 
les  Sentences  ,  des  traces  de  cette  juridiction  arbitrale  que  jus- 
qu'à la  fin  du  xiv6  siècle.  Parmi  les  sentences  qui  nous  sont 
parvenues,  un  petit  nombre  traitent  des  matières  de  droit 
civil,  telles  que  succession,  location  de  maisons,  rentes, 
etc. 

(1)  Le  Roui  de  Lincy,  Hùioira  de  l'Hôtcl-dt-VUU  de  Paru,  1846. 


48  ESSAI  sur  l'ancienne 

2°-3°  Dans  les  Olim  (1),  j'ai  pu  relever  un  certain  nombre 
d'arrêts  rendus  après  enquêtes,  constatant  l'usage  et  la  cou- 
tume suivis  dans  la  prévôté  et  vicomte  de  Paris  ;  j'ai  consulté 
également  le  Style  du  Parlement  de  G.  Dubreuil,  notamment 
en  ce  qui  concerne  les  fiefs  (chap.  28)  (2). 

4°  Les  Constitutions  du  Châtelet  avaient  été  publiées  par  de 
Laurière  à  la  suite  de  son  Commentaire  sur  la  Coutume  de  Pa- 
ris. Un  de  nos  confrères,  M.  Ch.  Mortet,  vient  d'en  donner 
une  nouvelle  et  savante  édition  (3)  ;  ces  Constitutions  ne  con- 
tiennent guère  que  des  règles  de  procédure.  J'ai  eu  cependant 
l'occasion  d'y  faire  quelques  emprunts. 

5°  Les  Questions  de  J.  Lecoq  ont  été  publiées  par  Dumou- 
lin (4).  C'est  un  recueil  de  décisions  du  Parlement  de  Paris , 
que  ce  jurisconsulte  avait  vu  rendre  dans  des  causes  où  sou- 
vent il  plaidait  lui-même  pour  l'une  des  parties. 

6°  Le  Cartulaire  de  Notre-Dame  de  Paris  contient  quelques 
décisions  intéressantes  au  sujet  des  censives  et  du  loyer  des 
maisons  (5). 

7?  Mais  le  document  le  plus  important  est  la  compilation 
connue  sous  le  nom  de  «  Grand  Coutumier  de  Charles  VI,  » 
qu'on  a  pu  appeler  non  sans  raison  «  un  style  du  Châtelet 
amplifié.  »  On  a  cherché  pendant  longtemps  quel  en  pouvait 
être  l'auteur.  M.  Delisle  a  mis  dernièrement  en  lumière  un 
manuscrit  qui  semble  apporter  quelques  éclaircissements  sur 
ce  point  et  qui  permettrait  d'attribuer  à  Jacques  d'Ableiges 
la  paternité  de  cette  compilation  (6).  Mais  si  considérable  que 
soit  ce  point  de  départ,  il  est  loin  de  donner  la  solution  entière 
de  la  question  et  il  reste  encore  à  reconnaître  les  différents 
éléments  qui  ont  concouru  à  la  formation  du  Grand  Coutu- 
mier et  à  en  dégager  ce  qui  peut  bien  être  l'œuvre  originale 
de  Jacques  d'Ableiges.  Jacques  d'Ableiges  paraît  avoir  com- 
posé son  ouvrage  entre  les  années  1385  à  1388,  alors  qu'il 

(1)  Documenté  inédits.  Beugnot,  1839-1840,  4  vol.  in-4°. 

(2)  Œuvres  de  Dumoulin,  t.  II;  nouvelle  édition  A.  Lot,  1875. 

(3)  Extrait  des  Mémoires  de  la  Société  de  l'histoire  de  Paru  et  de  Vile  de 
France,  t.  X  (1883),  p.  1-99. 

(4)  Œuvres  complètes,  t.  II  (Qutntapars). 

(5)  Documents  inédits.  Guérard,  1850,  2  vol.  in-4°. 

(6)  Mém.  de  la  Société  de  l'histoire  de  Paris,  etc.,  t.  VIII  (1881),  p.  140. 


COUTUME   DE   PARIS.  49 

était  bailli  d'Évreux.  Son  but,  ainsi  qu'il  l'indique  dans  une 
préface  publiée  par  M.  Delisle,  dans  le  tome  VIII  des  Mé- 
moires de  la  Société  de  V histoire  de  Paris,  etc.,  était  de  faciliter 
les  études  juridiques  de  ses  neveux. 

Tel  qu'il  nous  est  parvenu,  le  Grand  Coutumier  présente 
un  ensemble  de  coutumes  assez  confuses  et  souvent  contra- 
dictoires. Les  éditions  gothiques  du  xvie  siècle  ont  été  alté- 
rées par  des  additions  qui  permettent  difficilement  de  dégager 
le  texte  primitif.  L'édition  donnée  en  1868  par  MM.  Dareste 
et  Laboulaye  a  beaucoup  contribué  à  attirer  l'attention  sur 
cette  œuvre  si  importante  pour  l'histoire  du  droit.  La  décou- 
verte récente  de  M.  Delisle  va  permettre  d'en  publier  un  texte 
plus  sûr  et  plus  exact.  Dans  l'état  actuel,  on  ne  peut  recourir 
au  Grand  Coutumier  qu'avec  beaucoup  de  prudence ,  en  ayant 
soin  de  conférer  les  usages  et  coutumes  qu'il  contient  et  qui 
souvent  sont  contradictoires,  avec  ceux  suivis  à  la  même  date 
(fin  du  xive  siècle)  (1). 

Telles  sont  les  différentes  sources  que  j'ai  consultées  pour 
arriver  à  donner  une  physionomie  aussi  exacte  que  possible 
de  la  très  ancienne  Coutume  de  Paris  aux  xme  et  xive  siècles. 
Pour  Tordre  des  matières ,  j'ai  cru  devoir  suivre  le  plan  de  la 
Coutume  réformée  de  1580.  Bien  qu'il  soit  peu  logique  (2),  il 
m'a  paru  devoir  faciliter  le  rapprochement  que  je  désirais  faire 
entre  cette  très  ancienne  Coutume  et  le  texte  officiel  de  1580. 


(1)  Je  n'aurais  garde  d'oublier  ici  les  savantes  leçons  de  M.  Ad.  Tardif  sur 
l'histoire  du  droit  coutumier  qui  m'ont  été  d'un  secours  si  précieux  pour  mon 
trirail.  Y.  Bibl.  École  des  chartes,  2»«  série,  1. 1,  p.  397.  H.  Bordier. 

(2)  On  pourrait  cependant,  jusqu'à  un  certain  point,  justifier  cet  ordre, 
commun  du  reste  à  presque  toutes  les  coutumes  rédigées  au  xvi*  siècle. 
Aujourd'hui  il  paraît  très  simple  de  distinguer  les  personnes  des  biens  et  de 
traiter  des  unes  avant  les  autres;  mais,  au  moyen-Age,  sous  l'influence  des 
principes  de  la  féodalité,  la  condition  des  personnes  n'était  qu'une  dépen- 
dance de  la  condition  des  terres.  C'est  l'élément  territorial  qui  dominait  et 
qui  réglait  l'état  des  personnes,  nobles  ou  roturières.  On  peut  comprendre, 
alors,  qu'à  cette  époque,  on  commença  par  étudier  les  biens,  sauf  à  traiter 
accessoirement  des  personnes. 

Rbvub  bist.  —  Tome  VÏIÏ.  4 


50  ESSAI  sur  l'ancienne 


CHAPITRE  PREMIER. 


Des  Fiefs. 


Les  feudistes  du  siècle  dernier  définissaient  le  fief  «  une 
»  concession  faite  à  charge  de  fidélité  et  de  services  nobles 
»  sous  la  réserve  d'un  droit  de  seigneurie  directe  (1).  » 

Cette  définition  appliquée  aux  fiefs,  dans  les  premiers  temps 
de  la  féodalité,  serait  inexacte;  à  cette  époque,  en  effet,  le 
fief  n'est  pas  nécessairement  une  tenure  noble  ;  il  ne  prend 
cette  acception  qu'à  partir  du  xm6  siècle ,  bien  qu'à  ce  mo- 
ment on  trouve  encore  des  fiefs  vilains,  ainsi  que  le  montre  ce 
passage  de  l'article  65  des  Constitutions  du  Châtelet  :  «  Se 
»  plusiours  enfans  sont  demorez  de  père  et  de  mère  et  il  y  ait 
»  fief  franc  (2) ,  le  masle  ainsné  le  doit  tenir  et  avoir  ent  la 
»  seignorie ,  mais  s'il  doit  tous  les  autres  garder  et  assener 

»  et  se  le  fief  est  vilain ,  chascun  en  doit  avoir  sa  partie » 

Mais  dès  la  fin  du  xive  siècle,  le  mot  fief  ne  désigne  plus  que 
la  concession  faite  à  charge  d'hommage  et  de  services  nobles. 
L'essence  du  fief  consiste  alors  dans  la  foi  et  l'hommage ,  et 
c'est  le  premier  devoir  du  vassal  de  venir  prêter  à  son  suze- 
rain le  serment  de  fidélité. 

Pour  accomplir  cette  obligation ,  le  vassal  avait  un  délai  de 
quarante  jours  :  «  Dedans  quarante  jours  le  vassal  doit,  de- 
»  puis  la  démission  du  fié  achaté  (3)  par  luy,  se  traire  par  de- 
»  vers  le  seigneur  et  luy  requérir  ou  luy  demander  la  foy  et 
»  hommage  ou  souffrance  dudit  fié ,  et  offrir  ce  à  quoy  il  est 
»  tenu,  soit  bouche  et  mains  quand  le  fié  descend  de  père  et 
*>  fils  ou  quint  denier  d'estrange  à  estrange ,  et  se  ne  le  fet 
»  dans  quarante  jours ,  le  seigneur  en  fait  tous  les  proufits 

(1)  Cf.  de  Laurière,  Glossaire,  v°  Fief;  id.,  du  Cange,  v°  Feudum;  id., 
Brassel ,  Usage  général  des  fiefs ,  I,  liv.  1,  chap.  1. 

(2)  Le  mot  franc  est  ici  synonyme  de  noble  par  opposition  à  roturier  (de 
Laurière,  Commentaire  sur  la  Coutume  de  Parie ,  III ,  pag.  256). 

(3)  En  cas  de  décès,  le  délai  de  40  jours  courait  du  jour  du  décès  (J.  Des- 
mares ,  286). 


COUTUME  DE   PARIS.  Si 

»  ions  siens  jusqu'à  ce  que  le  vassal  ait  fait  son  devoir  et 
»  payé  le  quint  denier  à  cause  de  la  dite  debte  et  vente ,  et 
»  puet  le  seigneur  à  son  profit  tenir  le  fié  sans  homme  par  au- 
»  tant  de  temps  que  le  vassal  Ta  tenu  sans  seigneur  »  (J.  Des- 
mares, 193;  id.,  Coutumes  notoires,  134  (1). 

Le  défaut  de  foi  et  hommage  entraînait  donc  la  saisie  féo- 
dale faute  d'homme  et,  par  cette  saisie,  le  seigneur  faisait 
siens  tous  les  profits  du  fief;  mais  cette  main-mise  du  sei- 
gneur n'était  pas  une  confiscation  du  fief  et  le  vassal  pouvait , 
en  portant  la  foi  et  l'hommage ,  se  faire  restituer  le  fief  saisi , 
«  ...  et  habet  [vassalus]  quadraginta  dies  ad  deliberandum  an 
»  intret  fidem  et  homagium  pro  dicto  feudo  ;  intra  quos  si  non 
»  veniat  nulla  est  pœna.  Sed  post  dictum  tempus  dominus 
»  potest  assignare  manum  suam  ad  dictum  feudum  propter 
»  defectum  hominis  et  extunc  faciet  fructus  suos.  Sed  cum 
*  veniet  offerendo  debitum  ,  dominus  eum ,  quandocumque 
»  venerit ,  etiam  post  decem  annos ,  tenetur  recipere  et  res- 
»  tituere  dictum  feudum  »  (Stilus  curiœ  Parlamenti,  ch.  28, 
§14). 

Cette  exploitation  en  pure  perte  n'emportait  et  ne  compre- 
nait les  fruits,  au  profit  du  seigneur,  que  du  jour  de  la  saisie, 
pratiquée  après  l'expiration  des  quarante  jours.  A  l'origine 
de  la  féodalité ,  le  fief  retournait  au  seigneur  suzerain  qui  le 
possédait,  non  plus  pour  le  compte  du  vassal,  mais  pour  lui- 
même;  il  y  avait  là  une  véritable  confiscation  (2).  Aucun  délai 
n'était  admis  et  le  seigneur  était  saisi  du  fief  vacant  avant 
tout  autre.  Plus  tard  ce  droit  rigoureux  s'adoucit ,  et  dès  le 
xii6  siècle  on  admit  que  le  seigneur,  bien  qu'il  pût  saisir  le 
fief  dès  qu'il  était  vacant ,  n'en  ferait  les  fruits  siens  qu'après 
les  quarante  jours  expirés  :  «  Par  la  coustume  des  fiefs,  si  tôt 
»  comme  un  vassal  est  mort,  le  seigneur  peut  assigner  au  fief, 
o  mais  il  ne  peut  rien  lever  jusqu'à  quarante  jours  après  la 
d  mort  du  vassal  »  (Gr.  Coutumier,  liv.  II,  ch.  25,  p.  279). 

(1)  Voy.  Gr.  Coutumier,  liv.  II,  ch.  25,  pag.  279.  Les  renvois  aux  chapitres 
du  Grand  Coutumier  sont  faits  d'après  l'édition  de  MM.  Dareste  et  Labou- 
laye  v  Paris ,  1868. 

(2)  La  saisie  féodale  fat  introduite  comme  un  tempérament  équitable  aux 
lieu  et  place  de  cette  confiscation  ou  commise.  Voy.  Loysel ,  Inititutes  coutu- 
mièrtt.  liv.  IV,  tit.  m,  n«  575.  Cf.  J.  Lecoq,  162. 


52  essai  sur  l'ancienne 

Enfin  au  xiv*  siècle  un  nouveau  principe  commença  à  pré- 
valoir :  «  Tant  que  le  seigneur  dort,  le  vassal  veille,  » 
(J.  Desmares,  345),  c'est-à-dire,  que  le  vassal  était  constitué 
en  demeure  et  privé  de  la  jouissance  de  son  fief,  non  plus  à 
l'expiration  des  quarante  jours,  mais  seulement  au  jour  où  le 
seigneur  usait  de  son  droit  par  la  main-mise,  même  après 
l'expiration  du  délai  (1).  Le  silence  du  seigneur  était  regardé 
comme  une  souffrance  tacite  (2). 

Cette  saisie  féodale  pouvait  également  se  pratiquer  pour 
droits  et  profils  non  payés  (J.  Desmares,  193),  ce  qu'il  faut 
entendre ,  fait  remarquer  de  Laurière ,  que  le  seigneur  pou- 
vait refuser  la  foi,  jusqu'à  ce  qu'il  ait  été  satisfait  des  droits 
à  lui  dûs,  et,  par  suite,  exercer  alors  la  saisie  pour  faute 
d'homme  (3). 

La  rigueur  du  délai  de  quarante  jours ,  pendant  lequel  le 
vassal  devait  porter  la  foi  et  l'hommage  à  son  seigneur,  se 
trouva  atténuée  par  une  règle  généralement  admise  au  XIVe 
siècle  :  «  Souffrance  vaut  foy,  »  ou  encore  :  «  Souffrance 
»  baillée  par  le  seigneur  de  qui  le  fief  est  tenu  vaut  foy  (4).  » 
La  décision  63  de  J.  Desmares  donne  la  définition  de  la  souf- 
france ,  c'est  :  «  une  dilation  d'entrer  en  foy  jusques  à  tant 
»  que  on  soit  en  foy  ou  qu'on  y  doive  entrer.  »  Le  seigneur 
accordait  la  souffrance  lorsque  le  vassal  avait  une  excuse 
légitime  pour  ne  pas  entrer  en  foi;  il  était  même  obligé  de 
l'accorder  au  mineur  qui  n'avait  pas  de  gardien  ;  elle  était 
alors  réclamée  par  le  tuteur  (5).  Mais  cette  obligation  ne  fut 
admise  d'une  façon  générale  qu'à  la  fin  du  xiv*  siècle.  On 
n'avait  d'abord  accordé  qu'au  mineur  pauvre  le  droit  de  ré- 
clamer la  souffrance  :  «  Si  l'enfant  est  povre  et  qu'il  n'ait  de 
»  quoy  vivre,  sera  tenu  le  seigneur  de  luy  donner  à  vivre  ?  Rep. 
»  Certes  non;  mais  ledit  seigneur  sera  tenu  de  lui  bailler 
m  souffrance ,  se  ledit  mineur  le  requiert  ou  à  son  tuteur,  s'il 
»  en  a  ;  et  partant  ne  fera  ledit  seigneur  les  fruits  siens.  La- 

(1)  Cf.  Coût,  de  Paru,  art.  7.  En  1580,  on  ajouta  la  restriction  suivante  : 
«  A  la  charge  d'en  user  par  lui  comme  un  bon  père  de  famille.  » 

(2)  Voy.  de  Laurière,  art.  61  ;  Beaumanoir,  Des  Eritages,  XIV,  17. 

(3)  Voy.  de  Laurière,  art.  1,  p.  9-10. 

(4)  Cf.  art.  42. 

(5)  Cf.  art.  41. 


COUTUME   DE   PARIS.  53 

»  quelle  souffrance  durera  jusqu'à  ce  que  ledit  mineur  soit  en 
»  âge  de  faire  foi  et  hommage  »  (Grand  Coût.,  liv.  II,  chap. 
27).  Aux  xiie  et  xme  siècles,  le  seigneur  saisissait  faute 
d'homme  le  fief  du  mineur  qui  n'avait  ni  gardien  ni  bail  (1). 

La  souffrance  valait  foi  tant  qu'elle  durait;  mais  une  nou- 
velle ouverture  du  fief,  permettait  au  seigneur  de  saisir,  si  on 
ne  lui  portait  la  foi  et  l'hommage  (2). 

Il  y  avait  controverse  sur  le  point  de  savoir  si  on  pouvait 
porter  la  foi  et  l'hommage  par  procureur  :  «  Utrum  homa- 
»  gium  per  procuratorem  prœstare  posset?  »  J.  Lecoq,  dans 
ses  «  Quœstiones  (3) ,  »  distinguait  suivant  que  le  seigneur 
et  le  vassal  étaient  d'accord  ou  non  :  «  Credo  fore  dicendum 
»  quod  consentientibus  ambodus,  domino  et  vassali,  recipi 
»  potest  et  dari  homagium  per  procuratorem  ;  ad  contraria 
»  supradicta  pro  parte  utraque  responde.  »  Mais  cette  opi- 
nion n'était  pas  généralement  admise  et  J.  Lecoq  cite  les 
arguments  qu'invoquaient,  et  ceux  qui  soutenaient  qu'on  pou- 
vait porter  l'hommage  par  procureur,  et  ceux  qui  prétendaient, 
au  contraire,  que  l'intervention  personnelle  du  vassal  était 
indispensable. 

Les  premiers  disaient  que  rien  ne  s'opposait  à  l'intervention 
d'un  procureur  :  «  Non  prohibitur  nec  reperitur  jure  prohi- 
»  bitum,  »  que  ce  qu'on  pouvait  faire  soi-même,  on  pouvait  de 
même  le  faire  par  l'intermédiaire  d'autrui  :  «  regulariter  quis 
»  per  alium  potest  quod  per  se  in  régula  juris...  »  Les  autres 
soutenaient,  au  contraire,  que  le  lien  de  vassalité  devait 
s'établir  directement  entre  le  seigneur  et  le  vassal ,  «  interest 
»  domini  videre  et  cognoscere  personam  sui  vassali.  »  Ils 
invoquaient  aussi  les  principes  du  droit  romain  où  l'emphy- 
téose  (4)  devait  se  faire  :  «  non  per  conductorem  nec  procura - 
»  torem  sed  per  ipsos  dominos.  »  Ni  l'une  ni  l'autre  de  ces 
opinions  ne  purent  prévaloir,  et  c'est  celle  de  J.  Lecoq  qui  fut 

(1)  Voy.  Brodeau,  Coutume  de  Paris ,  I,  p.  109. 

(2)  Un  bailli  pouvait  recevoir  en  la  souffrance  du  roi ,  mais  non  en  foi  et 
hommage  (J.  Desmares,  61);  id.,  Grand  Coutumier,  liv.  II,  chap.  25,  p.  374. 
Voy.  Bibtiot.  de  V École  des  Chartes,  1876,  p.  51  :  «  Souffrances  féodales,  » 
par  P.  Bonnassieux. 

(3)  Quest.  301 . 

(4)  Loi  4,  Code,  lit.  66,  De  jure  emph. 


1 


54  ESSAI  sur  l'ancienne 

consacrée  par  l'article  67  de  la  Coutume  de  1580,  décidant, 
«  que  le  seigneur  n'est  pas  tenu ,  si  bon  lui  semble ,  de  rece- 
»  voir  la  foi  et  l'hommage  de  son  vassal  par  procureur,  hors 
»  le  cas  d'excuse  suffisante  (1).  » 

Lorsqu'il  y  avait  procès  entre  deux  seigneurs  au  sujet  de  la 
mouvance  d'un  fief,  le  vassal  devait  prêter  la  foi  et  l'hommage 
entre  les  mains  du  roi  (2).  «  Durant  le  plait  entre  lesdits  sei- 
»  gneurs ,  le  vassal  devra  entrer  en  la  foy  et  hommage  du 
»  dessusdit  fief,  du  roy  nostre  sire,  jusqu'à  ce  que  il  sera  dit 
»  par  jugement  et  declarié  auquel  desdits  seigneurs ,  la  foy 
»  et  hommage  appartiendront  »  (J.  Desmares,  135)  (3).  C'est 
ce  qu'on  appelait  se  faire  recevoir  par  main-souveraine  ;  ainsi 
pendant  le  procès ,  le  vassal  demeurait  en  pleine  propriété , 
possession  et  jouissance  de  son  fief;  c'était  une  sorte  de  sé- 
questre sous  la  main  du  roi  (4).  Le  procès  terminé,  le  vassal 
devait  porter  la  foi  à  celui  qui  avait  obtenu  gain  de  cause. 
L'article  60  de  la  Coutume  de  1580  ajoute  :  «  Quarante  jours 
»  après  la  signification  à  lui  faite  de  la  sentence  ou  arrêt.  » 

Nous  avons  vu  que  dès  la  seconde  moitié  du  xrv6  siècle, 
on  avait  admis  le  principe  que  «  tant  que  le  seigneur  dort,  le 
»  vassal  veille.  »  Mais ,  antérieurement  à  cette  époque ,  on 
n'admettait  pas  que  le  silence  du  seigneur  fût  une  souffrance 
tacite  qui  permît  au  vassal  de  se  regarder  comme  saisi  et 
possesseur  du  fief.  Pour  être  saisi  du  fief,  pour  être  vassal, 
il  fallait  avoir  prêté  la  foy  et  l'hommage  (5)  :  «  Ils  scavent 
»  que,  en  prévôté  et  vicomte  de  Paris,  un  vassal  ne  se  puet 
»  dire  saisi  du  fief  par  mort,  nec  alias,  se  il  n'en  est  en  foy  et 
»  hommage,  ou  souffrance  qui  le  vaille,  par  le  seigneur  de  qui 

(1)  Voy.  Loysel,  Intt.  Coût.,  liv.  IV,  tit.  m,  n«  558.  Cf.  Orléans,  art.  77. 

(2)  De  Laurière  distinguait  :  lorsque  les  deux  seigneurs  dépendaient  du 
même  suzerain,  le  vassal  devait  se  faire  recevoir  par  main-suzeraine.  On 
ne  devait  recourir  au  roi  que  lorsque  les  deux  seigneurs  relevaient  de  diffé- 
rents suzerains.  Telle  a  dû  être  la  règle  primitivement.  Mais  au  xive  siècle  on 
procédait  déjà,  dans  ce  cas,  à  la  réception  par  main-souveraine ,  ainsi  que  le 
montre  la  décision  135  dont  les  expressions  ont  un  sens  général. 

(3)  V.  Brodeau,  sur  l'article  60, 1,  p.  410  et  ss. 

(4)  «  Le  roi  por  le  débat  prenra  la  chose  en  sa  main  et  se  esgardera  droit 
»  à  lui  et  à  autrui.  Car  le  roi  n'emporte  pas  sesine  d'autrui  mes  on  l'emporte 
»  de  lui.  » 

(5)  Yoy.  Grand  Coutunier,  liv.  II ,  chap.  25. 


COUTUME   DE   PARIS.  55 

»  le  fief  est  tenu  »  (Coût,  no  t.,  135)  (1).  Et  encore  :  «  Si  c'est 
»  un  fief  noble ,  saisine  de  droict  ne  autre  n'est  acquise  sans 
•»foy;  car  le  seigneur  direct  est  avant  saisi  que  l'héritier; 
»  mais  par  faire  hommage  et  par  relief,  le  seigneur  direct, 
»  doit  saisir  l'héritier  »  (Grand  Coutumier,  liv.  H,  chap.  19). 
Hais  si  la  foi  et  l'hommage  étaient  indispensables  pour  avoir 
la  possession  et  saisine  du  fief,  cela  ne  suffisait  pas;  il  fallait 
aussi  une  appréhension  de  fait  :  «  Foy  et  hommage  ne  don- 
•  nent  pas  possession  se  il  n'y  a  appréhension  de  faict  »  (J. 
Desmares,  62)  (2). 

Comme  conséquence  de  ces  principes,  on  devait,  pour  pou. 
voir  exercer  une  complainte,  avoir  porté  la  foi  et  l'hommage  : 
«  Aucuns  en  cas  de  fies  n'est  à  oïr  ne  a  recevoir,  à  fere,  ou  in- 
»  tenter  demande  en  cas  de  nouvelleté  contre  aucun  autre,  se 
»  il  n'est  en  foy  et  hommage,  ou  en  souffrance  de  seigneur  qui 
»  vault  foy,  de  la  chose  dont  il  se  dit  estre  troublé  »  (J.  Des- 
mares, 177  ;  id.,  Coût,  no  t.,  53).  De  même,  pour  que  le  sei- 
gneur pût  recevoir  ses  vassaux  en  foi  ou  leur  donner  souf- 
france, il  fallait  qu'il  fût  lui-même  en  foi  vis-à-vis  de  son 
suzerain  :  «  Toutefois  que  aucun  est  en  foy  de  son  seigneur 
»  pour  cause  d'aucune  chose  qu'il  tienne  de  luy  en  fié,  il  luy 
»  loist  à  mettre  en  foy  ou  souffrance  celui  qui  de  luy  doit 
»  tenir  à  cause  d'iceluy  fié  »  (Coût,  not.,  54).  Ne  pouvant 
mettre  son  vassal  en  foi ,  il  ne  pouvait ,  par  suite ,  pratiquer 
la  saisie  féodale.  Mais  ce  droit  rigoureux  tendit  à  disparaître 
sous  l'influence  de  la  maxime  :  «  Tant  que  le  seigneur  dort, 
»  le  vassal  veille ,  »  que  nous  voyons  apparaître  dès  la  fin 
du  xrve  siècle  (3).  Aussi  Dumoulin,  après  avoir  dit  que  «  vas- 
»  salus  nondum  per  dominum  admissus  et  investitus  non  est 
»  intègre  et  absolute  vassalus ,  »  s'empressait  d'ajouter  :  «  et 
»  hoc  saltem  domino  vigilante  ;  çt  ut  verbis  nostra  consuetu- 
»  dinis  utar,  feudum  ad  suam  manum  revocante  (4).  »  En 
effet,  dès  le  xve  siècle  on  ne  doutait  plus,  dit  de  Laurière, 
«  que  le  vassal  qui  n'était  point  en  foi ,  pendant  que  son 

(1)  Cf.  Stilus  curia  Parlamenti,  chap.  28,  §  14. 

(2)  Yoy.  Grand  Coutumier,  liv.  II,  chap.  19,  pag.  234. 

(3)  Brodeau,  sur  l'art.  82,  I,  pag.  627  et  ss. 

(4)  De  Laurière,  I,  pag.  169. 


56  ESSAI  sur  l'ancienne 

»  seigneur  dormait,  De  pût  faire  saisir  féodalement  le  fief 
»  mouvant  de  lui  »  (De  Laurière,  Coût,  de  Paris,  I,  page 
171)  (1). 

Dans  le  cas  de  mutation  du  seigneur  suzerain  soit  par 
mort,  soit  autrement,  le  vassal  qui  était  en  foi,  la  conservait, 
nonobstant  cette  mutation ,  tant  que  le  nouveau  seigneur  n'a- 
vait pas  fait  faire  les  proclamations  et  significations,  pour 
que  ses  vassaux  lui  vinssent  rendre  foi  et  hommage  :  «  Chas- 
»  cun  qui  est  en  foy  d'aucun  seigneur,  lequel  seigneur  va 
»  de  vie  à  trespassement,  celuy  qui  est  en  foy,  la  continue 
»  toujours ,  iaçoit  que  celle  chouse  féodale  soit  mise  en  deux 
»  ou  trois  mains  et  hœc  intellige  dum  tamen  Dominus  sum- 
»  maverit  vassalum  »  (Coût,  not.,  56)  (2).  S'il  s'agissait 
d'une  mutation  par  vente ,  échange  ou  don ,  le  vassal  qui  se 
trouvait  en  foi  et  hommage,  n'était  pas  tenu  de  porter  la  foi 
à  son  nouveau  suzerain,  et  par  suite  de  «  laisser  son  premier 
»  seigneur  »  tant  que  celui-ci  ne  l'avait  «  quitté  par  bouche 
»  ou  par  lettres  authentiques  de  la  foi  ou  souffrance.  »  «  Se 
»  aucun  achète  héritage  ou  acquiert  par  eschange  d'autre 
»  terre  ou  par  don  ou  par  aultre  titre  et  a  iceux  héritages , 
»  comme  a  demaine  appartiegnent  fiefs  qui  en  soient  tenus 
»  et  dont  les  vassaux  fussent  en  la  foy,  ou  souffrance  qui  la 
»  vaut,  de  celui  qui  le  vend  ou  le  délaisse  au  profit  de  l'ac- 
»  quéreur,  le  délaissant  doit  quitter  son  homme  de  bouche 
»  ou  par  lettres  authentiques  de  la  foy  ou  souffrance ,  et  n'est 
»  tenu  le  vassal  ou  féodal  de  laissier  son  premier  seigneur  ne 
»  de  entrer  en  la  foy  du  nouvel  acquérant,  se  les  dites  solen- 
»  nités  ne  sont  avant  faites  »  (Coût,  not.,  42)  (3).  La  mutation 
du  seigneur  suzerain  n'emportait  pas  dissolution  du  lien  de 
vassalité  ;  telle  était  la  règle  au  xiv*  siècle.  Mais  une  nouvelle 
doctrine  tendit  à  s'établir  dans  la  suite ,  et  au  xvi°  siècle  on 
admettait  que  toute  mutation  soit  de  la  part  du  vassal,  soit  de 
la  part  du  seigneur,  emportait  dissolution  du  lien  de  foi.  Il 
faut  noter  cependant  deux  différences  essentielles  entre  les 

(1)  Mais,  même  à  cette  époque ,  il  n'était  pas  indifférent  de  porter  la  foi  et 
l'hommage  le  plus  tôt  possible,  car  le  délai  pour  exercer  le  retrait  ligoager 
courait  du  jour  où  on  avait  accompli  cette  obligation. 

(2)  V.  Brodeau ,  sur  l'art.  65,  I ,  pag.  456. 

(3)  V.  Loysel,  liv.  IV,  tit.  m,  art.  8.  Cf.  Paris,  art.  63. 


COUTUME  DE  PARIS.  57 

deux  cas  :  dans  le  second,  en  effet,  mutation  de  la  part  du  sei- 
gneur, il  n'y  avait  ouverture  qu'à  la  foi  et  non  aux  droits  et 
profits;  de  plus,  le  nouveau  seigneur  ne  pouvait  saisir  le 
fief  qu'après  avoir  fait  les  proclamations  et  sommations  re- 
quises, tandis  que  dans  le  cas  d'une  mutation  du  vassal,  le 
seigneur,  les  quarante  jours  passés,  pouvait  saisir  le  fief 
directement  sans  sommation  aucune. 

Ce  n'était  donc  qu'après  avoir  sommé  le  vassal,  que  le 
nouveau  seigneur  pouvait  saisir  le  fief  faute  d'homme,  si 
celui-ci  ne  venait  lui  porter  la  foi  et  l'hommage  :  «  Puis  que 
»  le  seigneur  a  sommé  son  vassal  au  domaine  de  fié  et  il  ne 
»  vient  au  seigneur  dedans  le  temps  à  luy  imposé ,  le  sei- 
»  gneur  puet  assigner  et  mettre  sa  main  au  fie  pour  contrain- 
»  dre  le  vassal  avenir  faire  l'hommage  »  {Coût.  not.t  55)  (1). 

L'obligation  du  vassal  de  porter  la  foi  et  l'hommage  à  son 
seigneur,  n'était  pas  prescriptible,  de  même  le  seigneur  ne 
pouvait  prescrire  contre  son  vassal  le  fief  saisi,  et  cela  bien 
«  ...  que  le  vassal  par  quarante  ans  n'ait  requis  son  fief  tenu 
»  par  son  seigneur,  ni  le  vassal,  tenant  son  fié,  fait  hommage 
»  à  son  seigneur  par  le  temps  dessusdit  »  (J.  Desmares, 
198)  (2).  Mais  dans  tous  autres  cas,  comme  tiers  acquéreurs, 
par  exemple ,  le  seigneur  et  le  vassal  pouvaient  prescrire  l'un 
contre  l'autre  (3). 

Après  avoir  porté  la  foi  à  son  seigneur,  le  vassal  devait 
faire  l'aveu  et  le  dénombrement ,  c'est-à-dire ,  se  reconnaître , 
s'avouer  vassal,  et  déclarer  très  exactement  au  seigneur 
l'état  et  l'étendue  du  fief  :  «  Nota  que  quant  aucun  seigneur 
»  met  aucun  acheteur  en  la  foy  et  hommage  d'aucun  fief,  il 
»  lui  doit  enjoindre  que  dedans  un  certain  temps  il  apporte 
»  son  dénombrement,  c'est  à  scavoir  lettres  d'aveu,  parles- 
»  quelles  il  avoue  tenir  telles  choses  et  telles  de  tel  seigneur, 
»  et  lui  en  a  promis  foy  et  loyaulté  et  service,  etc.  Et  est  à  sca- 
»  voir  que  le  terme  commun  d'apporter  celui  adveu  est  limité 
»  à  xl  jours  et  le  peult  le  seigneur  prolonger  s'il  lui  plaist , 
»  mais  apéticier,  non ,  si  la  partie  le  débat  ou  se  ne  consent. 

(1)  Ibid.,  J.  Desmares,  193. 

(2)  Cf.  Paris,  1510,  art.  7.  Voyez  Brodeao,  sur  l'art.  12  de  la  nouvelle 
Coutume  (1580). 

(3)  Voy.  Beamnanoir,  cbap.  24,  n°  9. 


S  8  ESSAI  sur  l'ancienne 

»  Et  qui  n'y  vient  infra  tempus ,  il  peult  faire  arrêster  le  fief 
»  par  ses  gens  et  mettre  en  sa  main  »  (Gr.  Coutumier,  liv.  II , 
chap.  25,  p.  274)  (1).  Mais  il  faut  remarquer  que  cette  saisie 
pour  dénombrement  non  baillé,  n'emportait  pas  perte  des 
fruits  pour  le  vassal  (2)  ;  car  le  fief  n'était  pas  vacant. 

Le  faux  aveu  emportait  perte  et  commise  du  fief  :  «  Selon 
»  droict  et  raison ,  si  un  vassal  aveue  a  tenir  son  fief  d'un 
»  autre  seigneur  que  du  propre  seigneur  féodal  dont  le  fief 
»  muet  et  est  tenu,  il  doit  perdre  le  dit  fief,  et  puet  le  droit 
»  seigneur  le  mettre  et  appliquer  en  sa  main  comme  commis , 
»  fourfait  et  acquis  »  (J.  Desmares,  134,  id.9  302.)  L'aveu 
partiel  emportait  perte  de  ce  qui  avait  été  recelé  (3).  L'ar- 
ticle 43  de  la  Coutume  de  1580  maintient  le  droit  de  com- 
mise ,  non  plus  pour  un  faux  aveu,  même  frauduleux  et  témé- 
raire, mais  pour  un  désaveu  formel  (4).  La  commise  était  une 
véritable  confiscation  ;  le  seigneur  confisquait  le  fief  et  le  réu- 
nissait à  «  sa  table.  »  Dans  les  premiers  temps  de  la  féodalité, 
la  commise  s'exerçait  aussi  pour  défaut  de  foi  et  d'hommage  ; 
mais  dès  le  xme  siècle,  comme  nous  l'avons  vu ,  elle  fut  rem- 
placée par  une  simple  saisie  emportant  perte  des  fruits,  et 
non  plus  confiscation  ou  réunion  du  fief  servant  à  la  «  table  » 
du  seigneur. 

La  commise  avait  encore  lieu,  au  xive  siècle,  pour  cause 
de  trahison  et  de  félonie,  soit  de  la  part  du  vassal,  soit  de  la 
part  du  seigneur  (5)  ;  car  dans  ce  cas  on  admettait  la  réci- 


(i)/Md.,  art.  5.  Paris,  1510. 

(2)  Cf.  Paris ,  art.  44. 

(3)  V.  Brodeau ,  sur  l'art.  43.  Quelques  coutumes  décidaient  que  dans  le 
cas  d'aveu  partiel,  le  vassal  perdait  tout  le  fief  (Coût,  de  Bretagne ,  etc.). 

(4)  Au  xiv«  siècle,  on  ne  distinguait  pas  entre  les  deux  cas  et  désavouer 
son  seigneur  ou  faire  un  faux  aveu  entraînait  les  mêmes  conséquences.  Voy. 
Loysel,  Inst.  coût.,  liv.  IV,  tit.  m,  n°  648,  et  les  auteurs  qu'il  cite. 

(5)  Brodeau ,  dans  son  commentaire  sur  l'article  43 ,  prétend  que  dans  ce 
cas,  le  fondement  du  droit  de  commise  est  le  même  que  celui  de  la  révo- 
cation des  donations  pour  cause  d'ingratitude.  Mais  cela  ne  suffirait  pas  pour 
expliquer  la  perte  du  fief  par  le  seigneur  au  profit  du  vassal ,  lorsque  ce  sei- 
gneur manque  à  ses  devoirs  envers  son  vassal.  Il  y  a  là  bien  plutôt  une  suite 
logique  de  cette  idée,  qu'en  recevant  la  foi  de  son  vassal,  le  seigneur  lui  a 
promis  aide  et  protection,  et  qu'en  manquant  à  sa  promesse,  il  dégage  ce 
vassal  de  tous  devoirs  envers  lui. 


COUTUME   DE  PARIS.  59 

procité ,  en  vertu  du  principe ,  que  dans  le  contrat  féodal  la 
foi  était  réciproque,  le  dévouement  mutuel,  et  le  seigneur 
traite  et  félon  envers  son  vassal  perdait  la  mouvance  et  l'o- 
béissance féodale  :  «  Le  seigneur  du  fié  puet  perdre  l'obéis- 
»  sance  de  son  fié ,  de  son  vassal ,  par  commettre  envers  son 
»  vassal  traison  et  felonnie ,  et  aussi  le  vassal  puet  forfaire 
»  son  héritage  tenu  en  fié  par  commettre  envers  son  seigneur 
»  traison  et  felonnie  »  (J.  Desmares,  299)  (1).  Le  faux  aveu 
était  regardé  comme  félonie  :  «  Crimes  feudaux  sont  felon- 
»  nie  ou  faux  aveu  a  escient  (2).  »  Et  plus  spécialement  on 
entendait  par  félonie  «  quand  le  vassal  par  maltalent  met  la 
»  main  sur  son  seigneur  a  tort,  se  il  s'arme  contre  lui;  se, 
»  sans  son  congié ,  il  pesche  en  ses  étangs ,  ou  chasse  en  sa 
»  garenne ,  ou  s'il  fortrait  sa  femme  ou  fille  pucelle  »  (Gr. 
Coût.,  liv.  II,  chap.  25,  p.  284). 

La  troisième  obligation  à  laquelle  se  trouvait  assujetti  le 
vassal  qui  prenait  possession  d'un  fief,  était  de  payer  certains 
droits  au  seigneur  :  droits  de  rachat  ou  relief  et  droits  de 
quint  (3). 

Au  xiii6  siècle ,  le  principe  de  l'hérédité  en  matière  de  fiefs 
avait  prévalu  ;  le  fief  ne  retournait  plus  au  seigneur  comme  à 
l'origine;  néanmoins,  on  était  loin  d'admettre  la  règle  que 
firent  triompher  les  légistes  :  «  Le  mort  saisit  le  vif.  »  Au  xiv* 
siècle  encore,  le  premier  saisi  à  la  mort  du  vassal  était  le  sei- 
gneur et  non  l'héritier,  et  le  droit  de  relief  représentait  alors 
la  rémunération  de  l'investiture  que  le  seigneur  devait  conférer 
au  nouveau  vassal  (4).  La  théorie  des  héritiers  siens  du  droit 
romain  vint  fournir  aux  légistes  une  de  leurs  armes  les  plus 
puissantes  contre  la  saisine  directe  du  seigneur.  Tout  d'abord, 
on  eut  recours  à  une  fiction.  Ni  le  seigneur,  ni  l'héritier  ne 
sont  saisis.  Le  fief  «  chiet  et  git  »  suivant  une  expression  du 
Grand  coutumier,  et  pour  que  l'héritier  puisse  le  prendre  et  le 
posséder,  il  faut  qu'il  soit  «  relevé  »  par  le  seigneur.  Enfin , 
dans  la  seconde  moitié  du  xive  siècle ,  le  droit  des  seigneurs 

(1)  Cf.  Paris,  art.  43.  Voyez  le  commentaire  de  de  Laurière  sur  cet  article, 
I,  pag.  113-144. 
(S)  Loysel,  Intt.  coût.,  liv.  VI,  tit.  n,  n»  842. 

(3)  Cf.  Grand  Coutumier,  liv.  II,  ch.  30.  Du  rachapt  des  fiefs. 

(4)  Voy.  de  Laurière  sur  l'article  61,  1. 1,  pag.  168  et  ss. 


60  ESSAI  sur  l'ancienne 

fléchissait  encore,  et  dès  les  premières  années  du  xve  siècle,  la 
règle  «  le  mort  saisit  le  vif  »  triomphait  définitivement,  du 
moins  en  ligne  directe. 

Le  passage  suivant  du  Grand  Coutumier  montre  bien  par 
quelle  suite  d'idées  on  arriva  à  faire  triompher  la  fiction  :  «  le 
mort  saisit  le  vif.  »  «...  Si  c'est  un  fief  noble,  saisine  de  droit 
»  ne  autre  n'est  acquise  sans  foi ,  car  le  seigneur  direct  est 
»  avant  saisi  que  l'héritier.  Mais  par  faire  foi  et  hommage  et 
»  par  relief,  le  seigneur  direct  doit  saisir  l'héritier...  Et 
»  semble  encore,  selon  la  commune  opinion,  qu'à  plus  propre- 
»  ment  parler,  l'on  peut  dire  que  par  la  mort  du  vassal,  le 
»  fief  chiet  et  git  en  telle  manière  qu'il  ne  peut  estre  possédé 
»  ne  par  le  seigneur,  ne  par  l'héritier  fors  quand  il  est  relevé 
»  par  le  seigneur  direct,  et  de  ce  relief  que  le  seigneur  fait, 
»  l'héritier  en  le  prenant  et  laissant  en  la  foi,  il  a  le  droit  qui 
»  est  appelé  relief,  que  l'on  dit  aucune  fois  rachat...  »  (Gr. 
Coutumier,  liv.  II,  ch.  19,  pag.  234). 

Lorsque  la  mutation  du  vassal  avait  lieu  par  suite  d'une 
vente  ou  contrat  analogue  (1),  ce  n'était  plus  le  droit  de  relief 
qui  était  dû,  mais  le  droit  de  quint  :  «  Quand  aucun  vend  au- 
»  cun  fié,  il  doit  payer  le  quint  denier...  »  (J.  Desmares,  201). 
Et  le  Grand  Coutumier  :  «  Quand  le  fief  est  vendu  selon  la 
»  coustume  de  France,  ainsi  comme  ventes  sont  deues  au  sei- 
»  gneur  pour  chose  vendue  en  censive ,  ainsi  est  deû  au  sei- 
»  gneur  le  quint  denier  de  la  vente  de  l'héritage  ou  chose 
»  mouvant  en  fief  de  luy...  »  (liv.  II,  chap.  25,  p.  273)  (2). 

Ces  droits  de  relief  et  de  quint  étaient  dûs  au  moment  de 
l'investiture  que  recevait  le  nouveau  vassal  et  non  au  moment 
de  l'acte  ou  du  contrat  opérant  la  mutation,  ainsi  que  cela  avait 
lieu  pour  les  censives.  Il  fallait  excepter  le  cas  de  fraude  : 
«  ...  Si  ce  n'est  en  cas  que  l'achateur  en  fraude  du  seigneur 
»  perce  les  fruits  et  émoluments  »  (J.  Desmares,  203). 
Alors  le  seigneur  pouvait  exiger  sans  délai  les  droits  qui  lui 
étaient  dûs.  En  cas  de  vente ,  le  vassal  vendeur  devait  se  dé- 
mettre du  fief  entre  les  mains  du  seigneur,  ou  l'acheteur  de- 

(1)  On  entendait  par  contrats  analogues  :  la  dation  en  paiement ,  la  licita- 
tion  avec  un  adjudicataire  étranger,  le  bail  à  rente  rachetable,  rechange  avec 
soulte.  Cf.  Paris ,  art.  33. 

(2)  Beaumanoir,  XXVII,  7. 


COUTUME   DE  PARIS.  61 

vait  le  reprendre  en  payant  le  quint  denier  :  «  Et  le  seigneur 
»  ne  baille  pas  la  saisine  à  l'acheteur,  s'il  ne  luy  plaist,  jusques 
»  à  tant  qu'il  soit  payé  de  son  quint  denier  »  (Gr.  Coût.,  liv. 
II,  chap.  25,  p.  273). 

Au  xvi*  siècle ,  ces  «  devets  et  ces  vêts  »  n'étaient  plus  en 
usage  ;  et  les  droits  de  relief  et  de  quint  étaient  de  simples 
droits  de  mutation,  dûs  indépendamment  de  toute  investi- 
ture (1). 

Généralement  le  relief  et  le  quint  ne  pouvaient  être  dûs  et 
perçus  en  même  temps  :  «  Quaeritur  quand  aucun  fief  doit 
»  quint  denier,  doit-il  rachapt?  Selon  la  coustume  de  France, 
»  non  ;  car  le  quint  denier  est  le  droit  que  le  seigneur  a  en 
»  cas  d'emption  et  vendition  des  fiefs...  mais  le  rachapt  est  le 
»  droit  que  le  seigneur  a  en  cas  de  succession  de  fief,  comme 
»  dit  est  »  (Gr.  Coutumier,  liv.  II,  chap.  30,  p.  313).  Cepen- 
dant la  décision  200  de  J.  Desmares  nous  montre  un  cas  où  le 
rachat  et  le  quint  pouvaient  être  dûs  ensemble  :  «  Au  cas  que 
»  rachat  a  lieu ,  le  quint  denier  n'a  pas  lieu,  si  ce  n'est  quand 
»  aucun  vend  aucune  chouse  tenue  en  fie  et  iceluy  venditeur 
»  muert  avant  que  l'achateur  en  soit  en  foy  et  hommage. 
»  Car  les  héritiers  du  vendeur  sont  tenus  du  rachat  en  tant 
»  qu'ils  entrent  en  foy  et  hommage  dudit  fief  vendu,  et  du 
»  quint  denier  à  cause  de  la  vente  commencée  par  leur  prédé- 
»  cesseur,  laquelle  ils  sont  tenus  de  parfaire.  » 

Il  y  avait  d'assez  nombreuses  exceptions  au  principe  que  le 
rachat  était  dû  au  seigneur  pour  toute  mutation ,  provenant 
d'une  cause  autre  que  la  vente  ou  contrat  analogue. 

Une  des  plus  importantes  était  celle  qui  avait  lieu  en  faveur 
des  héritiers  en  ligne  directe.  Nous  avons  vu  que  la  fiction 
«  le  mort  saisit  le  vif  »  n'avait  réussi  à  triompher  qu'à  la  fin 
du  xiv0  siècle.  Les  seigneurs  lui  opposaient  une  vive  résis- 
tance ;  admise  pour  tous  autres  biens ,  elle  était  sans  effet  à 
l'égard  dés  fiefs ,  dans  les  rapports  du  vassal  et  de  son  suze- 
rain :  «  Si  aucun  vassal  à  qui  le  fief  est  propre  héritaige  ou 
»  acquest  et  qui  est  légitime  ou  loyal  demenier  et  possesseur, 
»  va  de  vie  à  trespassement ,  son  hoir,  et  fut  son  propre  fils, 
»  n'en  est  pas  saisi ,  ne  en  possession  et  saisine,  ne  s'en  peult 

(1)  Voy.  de  Laurière  sur  l'article  33, 1,  p.  89. 


62  ESSAI  SUR  l'ancienne 

»  dire  par  le  droit  commua  ne  par  la  coustume,  le  mort  saisit 
»  le  vif  son  hoir,  ne  le  fils  de  son  demaine  ne  s'en  peult  dire 
»  possesseur  au  regard  du  seigneur,  jusqu'à  ce  qu'il  en  ait 
»  fait  foy  et  hommage  de  bouche  ou  de  mains  au  seigneur  de 
»  qui  il  meut ,  ou  qu'il  en  soit  par  le  seigneur  mis  en  souf- 
»  franco...  »  (Gr.  Coutumier,  liv.  II,  chap.  27,  p.  305.) 

Tout  ce  que  les  légistes  avaient  pu  obtenir  à  cette  époque, 
c'est  que  l'héritier  direct  ne  devrait  que  la  foi  et  l'hommage 
«  de  bouche  et  de  mains,  »  sans  être  astreint  à  payer  aucun 
droit  de  rachat  ou  de  relief  :  «  Item  aussi,  dit-on,  que  en  ligne 
»  directe  nul  ne  doibt  rachapt  par  la  coustume  générale  du 
»  royaume  de  France  »  (Gr.  Coutumier,  liv.  II,  chap.  27,  pag. 
304)  (1).  Et  d'après  la  Coutume  notoire  134,  le  vassal  ne  doit 
offrir  que  «  ce  à  quoy  il  est  tenu  soit  bouche  et  mains ,  quand 
»  le  fief  descend  de  père  et  fils  (2).  » 

La  même  règle  était  appliquée  aux  donations  en  ligne  di- 
recte :  «  Rachat  n'a  lieu  en  donation  de  fief  faite  simplement 
»  et  purement  »  (J.  Desmares,  199)  (3).  Ces  donations  étaient 
considérées  comme  des  avancements  d'hoirie;  mais  il  était 
difficile  de  les  envisager  ainsi,  lorsqu'il  s'agissait  d'une  dona- 
tion faite  par  un  fils  à  son  père  ou  autre  ascendant.  Dans  ce 
cas  on  était  guidé  par  la  même  raison  qui  avait  fait  admettre 
que  les  père,  mère  ou  aïeul,  gardiens  de  leurs  enfants  mineurs, 
ne  devraient  pas  le  rachat  (4). 

L'exemption  de  payer  le  rachat  pour  les  donations  en  ligne 
directe  n'était  pas  admise  sans  difficulté,  et,  au  commencement 
du  xvie  siècle,  la  fiscalité  pût  faire  admettre  une  distinction 
entre  les  donations  faites  purement  et  simplement  et  celles 
faites  en  avancement  d'hoirie  ;  les  premières  seules  ne  payaient 
pas  de  relief.  L'article  278  de  la  Coutume  réformée,  ayant  dé- 
cidé que  toutes  donations  des  père  et  mère  à  leurs  enfants 
seraient  réputées  faites  en  avancement  d'hoirie,  supprima 
la  distinction  (5). 

(1)  Ibid.,  Gr.  Coût.,  liv.  II,  chap.  30,  p.  310. 

(2)  Beaumanoir,  Des  privilèges,  cbap.  xiv,  8. 

(3)  Cf.  Gr.  Cout.y  liv.  II,  chap.  30,  p.  312  (en  note). 

(4)  De  Lanrière,  I,  p.  90.  C'était  un  bénéfice  introduit  en  faveur  des  pères 
et  mères. 

(5)  Voy.  de  Laurière,  sur  les  articles  26,  33,  278.  V.  Coût.  1510,  art.  22. 


COUTUME   DE   PARIS.  63 

Cette  exemption  de  payer  le  rachat  ne  s'appliquait  qu'aux 
héritiers  en  ligne  directe  ;  en  ligne  collatérale ,  le  rachat  était 
dû  au  seigneur  :  «  Se  aucun  vassal  demenier  et  possesseur 
»  d'un  fief  muert  et  il  ait  hoirs  collatéraux  auxquels  la  suc- 
0  cession  et  eschoite  soit  deue  et  apparteigne ,  eux  ne  puent 
»  faire  les  fruits  leurs  ne  en  jouir,  ne  en  sont  possesseurs  ne 
»  demeniers  jusqu'à  ce  qu'ils  aient  payé  une  finance  nommée 
»  rachat...»  (J.  Desmares,  287;  id.,  Gr.  Coutumier,  liv.  H, 
chap.  30,  pag.  311)  (1). 

Une  autre  exception  à  l'obligation  de  payer  le  rachat  au 
seigneur,  avait  lieu  lorsqu'une  veuve  prenait  possession  de 
son  douaire;  bien  qu'il  y  ait  mutation,  la  douairière  était  dis- 
pensée de  toutes  charges  et  services  ;  le  Parloir  aux  Bour- 
geois (2),  à  la  date  du  15  février  1293,  le  décidait  ainsi  :  «...  la 
»  dite  femme  [la  douairière]  aura  et  tendra,  tant  comme  elle 
»  vivra ,  en  douaire  la  moitié  dudit  fief ,  franchement  sans 
»  payer  aucune  chose  des  services  dont  ledit  fief  est  chargé.  » 
Il  semblerait  résulter  de  cette  décision  que  la  douairière  n'é- 
tait même  pas  tenue  de  porter  la  foi  et  l'hommage  pour  son 
douaire  (3);  cette  idée  prévalut,  plus  tard  ,  au  xvie  siècle ,  et 
l'article  40  de  la  Coutume  de  1580  décida  que  la  veuve  douai- 
rière ne  serait  pas  tenue  pour  son  douaire  de  «  faire  la  foi 
»  et  hommage  ne  paier  aucun  relief  ne  profit.  »  Mais  au  xiv6 
siècle,  il  n'en  était  pas  ainsi  et  la  douairière  était  obligée 
d'entrer  en  foi.  «  ...  (Elle)  ne  rachètera  point,  mais  il  con- 
»  viendra  que  dans  xl  jours  après  la  mort  du  chevalier,  elle 
»  se  tire  par  devers  les  seigneurs  et  qu'elle  leur  offre  la  bou- 
»  che  et  les  mains ,  tant  pour  son  héritage  comme  pour  son 
»  douaire...  Et  le  seigneur  la  doit  recevoir  sans  profit  »  (Gr. 
Coutumier,  liv.  II,  chap.  27,  p.  291). 

Bien  que  la  tenure  en  parage  (4)  ne  fut  pas  admise  comme 
droit  commun  dans  la  prévôté  et  vicomte  de  Paris,  on  admet- 
tait cependant  le  frère ,  fils  aîné ,  à  porter  la  foi  comme  seul 

(1)  Cf.  Paris ,  art.  3. 

(2)  Le  Roui  de  Lincy,  Hisl.  de  l'Hôlel-de- Ville ,  pag.  124. 

(3)  La  douairière  était  considérée  comme  une  usufruitière,  et  l'héritier  du 
mari  étant  seul  et  vrai  propriétaire ,  il  était  naturel  qu'il  acquittât  les  droits. 
Voy.  Brodean,  sur  l'article  40, 1,  pag.  292. 

(4)  Voy.  imfrà,  pag.  26. 


64  ESSAI  sur  l'ancienne 

et  unique  héritier  de  tout  le  fief  échu  eu  ligne  directe,  «  et, 
»  dit  de  Laurière ,  il  garantissait  ses  sœurs  majeures  ou  mi- 
»  neures  et  leurs  premiers  maris.  »  Aussi  lors  de  leur  pre- 
mier mariage,  ne  devaient-elles  point  payer  rachat  ou  re- 
lief (1)  :  «  Cette  fille  ne  doit  rachat  ne  finance  ne  autre  chose 
»  fors  que  la  bouche  et  les  mains  et  soit  aagée  ou  non  aagée , 
»  car  le  mâle  son  frère  commun,  l'affranchit  une  fois  en  la 
»  bénédiction  de  son  premier  mariage  »  (Gr.  Coutumier,  liv. 
II,  chap.  27,  p.  304).  Mais  le  frère  n'affranchissait  ses  sœurs 
qu'une  fois  et  pour  les  seconds  mariages,  le  relief  était  dû  (2). 
Lorsqu'il  n'y  avait  pas  de  frère,  le  seigneur  pouvait  exiger 
que  le  rachat  lui  fût  payé  par  la  «  demoiselle  »  (3)  :  «  Se  la 
»  demoiselle  demeure  orpheline  de  père  et  de  mère  et  ne  fut 
»  onques  mariée,  si  convient  qu'elle  entre  en  foi  des  fiefs  qui 
»  lui  sont  venus  et  échus  tant  de  père  comme  de  mère ,  rache- 
»  tera-t-elle  ?  Réponse  :  Oui ,  pour  ce  qu'elle  n'a  point  de 
»  frère  qui  la  puisse  garantir  »  (  Gr.  Coutumier,  liv.  II , 
chap.  27,  p.  300). 

Ainsi,  au  xiv6  siècle,  le  frère  affranchissait  ses  sœurs  de  l'o- 
bligation de  payer  le  relief  lors  de  leur  premier  mariage  ;  on 
songea  même  à  étendre  cette  exemption  au  cas  où  elles  rece- 
vaient ,  pendant  leur  premier  ou  autres  mariages ,  des  fiefs 
venant  de  ligne  directe  {Gr.  Coutumier,  liv.  II,  chap.  27, 
pag.  296)  (4).  Mais  cette  doctrine  ne  prévalut  pas.  Au  xvi° 
siècle,  lors  de  la  première  rédaction  de  la  Coutume,  l'article 
25  décida  que  la  femme  qui  se  mariait,  devrait  le  rachat  au 
seigneur  féodal  pour  les  fiefs  qu'elle  possédait.  L'article  3 
apporta  une  seule  exception ,  à  savoir  :  que  le  fils  aîné ,  en 
faisant  la  foi  et  l'hommage  au  seigneur  féodal,  acquitterait 
les  filles  de  leur  premier  mariage.  Dumoulin,  s'appuyant  sur 
cet  article,  s'efforça  de  restreindre  autant  que  possible  l'appli- 

(1)  Voy.  de  Laurière ,  sur  l'article  35, 1,  pag.  93. 

(2)  11  n'y  a  pas,  je  crois ,  à  distinguer  si  le  mariage  avait  eu  lieu  avec  ou 
sans  communauté. Voy.  Brodeau,  sur  l'article  35.  Cette  distinction  est  inutile, 
car  le  mari  payait  le  relief  non  comme  mari ,  mais  comme  bail  et  gardien  de 
sa  femme. 

(3)  Cf.  Paris,  1510,  art.  25. 

(4)  Les  veuves  ne  devaient  pas  de  relief  pour  leur  veuvage ,  mais  bien 
lorsqu'elles  se  remariaient  {Gr.  Coût.,  liv.  II,  chap.  25).  Cf.  Paris,  art.  39. 


COUTUME   DE   PARIS.  81 

»  tant  qu'il  ait  accepté  la  propriété  d'i celle  maison  baillée  et 
»  puet  faire  demande  et  action  contre  les  détenteurs  des  héri- 
»  tages  à  luy  obligiés  et  hypothéqués  par  ledit  accensement, 
»et,  est  la  raison  qu'il  fait  faire  lesdites  criées,  contraint 
»  pour  son  droit  conserver.  27  nov.  1374  »  (Coutume  not. 
169)  (1).  Il  était  de  toute  justice  d'admettre ,  dans  ce  cas ,  une 
exception  à  la  coutume  que  les  droits  du  censier  devenaient 
confus  dès  qu'il  acquérait  la  propriété  de  l'immeuble  chargé 
desdits  droits.  Mais  s'il  y  avait  plusieurs  censiers  et  que  le 
premier  prît  ainsi  la  maison  et  en  acceptât  la  propriété ,  il 
empirait  sa  condition ,  «  parce  que  la  propriété  est  tenue  de 
»  payer  les  charges  réelles,  et  il  n'a  plus  de  privilèges  contre 
»les  autres  censiers»  (Coût.  not.  119).  Il  perdait  donc  son 
droit  de  priorité  et  ne  pouvait  agir  contre  le  propriétaire  , 
son  débiteur,  qu'après  l'autre  ou  les  autres  censiers  dont  il 
aurait  primé  les  droits,  s'il  n'eût  acquis  la  propriété  de 
l'immeuble. 

Le  seigneur  censier  pouvait  encore  faire  crier  la  maison 
lorsqu'il  était  menacé  de  perdre  son  cens  par  la  ruine  de  la 
dite  maison  (Gr.  Coutumier,  liv.  II,  chap.  25;  Saisine  en  fiefs, 
pag.  277), 

Outre  le  cens ,  le  seigneur  censier  percevait  des  droits  ou 
profits  de  mutations  (2).  Ces  droits  étaient  très  anciens.  On  a 
cru  y  voir  une  application  des  règles  de  l'emphytéose  ro- 
main (3).  Sans  nier  l'influence  très  réelle  du  droit  romain  en 
cette  matière,  il  est  permis  de  penser  que  ces  droits  de  mu- 
tations payés  par  le  censitaire  ne  sont  qu'une  suite  des  prin- 
cipes du  droit  féodal.  Les  droits  de  lods  et  ventes  étaient 
pour  les  censives  ce  que  le  droit  de  quint  était  pour  les  fiefs. 
C'était,  à  l'origine,  le  prix  de  l'investiture,  de  l'ensaisinement 
donné  par  le  seigneur  à  son  vassal  ou  preneur  à  cens. 

Les  ventes  étaient  dues  dans  les  mêmes  cas  que  le  droit 
de  quint,  c'est-à-dire  pour  toute  mutation  par  vente  ou  acte 


(i)  là.,  Gr.  Coutumier,  liv.  II ,  chap.  37,  p.  354. 
(2}  Cf.  Brodeau,  I ,  sur  l'article  76,  pag.  576  et  as. 

(3)  Cf.  Loi  4  Cod.,  lit  66,  De  jure  empt.  Le  propriétaire  pouvait  exiger  comm  e 
salaire  de  son  consentement  à  la  mutation  que  se  proposait  de  faire  Tem- 
phjtéote,  un  droit  fixé  au  cinquantième  du  prix  ou  de  la  valeur  du  fonds. 

Revue  hist.  —  Tome  VIII.  6 


82  ESSAI  sur  l'ancienne 

équipollent  (t)  :  «  Qui  achète  aucun  héritage,  il  est  tenu  d'aler 
»  par  devers  le  seigneur  de  qui  l'héritage  muet  en  censive,  ou 
»  de  lui  faire  savoir  suffisamment,  et  de  luy  payer  le  dou- 
»  zième  denier  du  prix  dedans  les  huit  jours  après  la  vente 
»  faite,  sur  peine  de  soixante  sols  et  un  denier,  en  quoi  il 
»  enqueurt.  1373  »  (Coût.  not.  128;  id.,  J.  Desmares,  190). 
Le  taux  des  ventes  resta  fixé  au  douzième  du  prix  «  douze 
»  deniers  un  denier  »  lors  de  la  rédaction  officielle  de  la  Cou- 
tume. Quant  au  délai  dans  lequel  on  devait  acquitter  ces 
ventes,  il  fut  maintenu,  en  1510,  tel  qu'il  était  réglé  au  xiv* 
siècle,  d'après  le  texte  que  nous  venons  de  ci  1er.  L'article  54 
disait,  en  effet,  que  les  ventes  devaient  être  payées  ou  noti- 
fiées «  dans  la  huictaine  de  l'aiquisition.  »  Mais  en  1580  ce 
délai  fut  porté  à  vingt  jours  (art.  77)  (2).  11  courait  du  jour 
même  de  la  vente,  «  dedans  vingt  jours  de  l'acquisition  »  dit 
l'article  77;  il  en  était  de  même  au  xiv6  siècle  :  «  Incontinent 
»  que  chouses  qui  sont  en  censives  sont  vendues,  droit  est 
»  acquis  au  seigneur  des  ventes  sans  attendre  vest  et  devest, 
»  autrement  est  es  fief»  (J.  Desmares,  203)  (3). 

Lorsque  la  mutation  avait  lieu  par  succession  ou  par  tout 
autre  mode  que  la  vente ,  il  était  dû ,  dans  certaines  coutu- 
mes, une  redevance  qu'on  appelait  relevoison  ou  double  cens, 
parce  qu'elle  consistait  ordinairement  en  une  somme  double 
du  cens  annuel. 

Il  y  avait  plusieurs  hypothèses  qui  présentaient  des  difficul- 
tés, et  dans  lesquelles  on  se  demandait  si,  oui  ou  non,  les 
ventes  étaient  dues  au  seigneur,  et  dans  quelles  proportions 
elles  étaient  dues.  Ainsi ,  lorsqu'un  propriétaire ,  tenant  une 
maison  à  cens,  vendait  sur  cette  maison  une  rente  annuelle  et 
perpétuelle,  «  les  ventes  étaient  dues  au  seigneur  censier  » 
(J.  Desmares,  364)  (4);  mais  qu'arrivait-il  lorsque  la  maison 
était  ensuite  vendue?  Les  ventes  étaient-elles  dues  pour  le 

(1)  C'est-à-dire  :  Bail  à  rente  rachetable,  échange  avec  soulte.  V.  Brodeau, 
I,  p.  602,  603  et  II,  p.  54.  a.  art.  78. 

(2)  Cf.  Brodeau,  I,  sur  l'article  77,  pag.  583-584. 

(3)  Cf.  Gr.  Coutumier,  liv.  II,  chap.  23,  p.  267.  a  Si  tost  qae  le  contrat  de 
»  la  vente  est  faicl  et  accorde...  le  droict  des  ventes  est  acquis  au  seigneur.  » 

(4)  Art.  58,  Coût,  de  1510.  Cet  article  fut  supprimé  par  un  arrêt  du  Par- 
lement du  10  mai  1557.  Dumoulin,  1. 1,  pag.  798-799. 


COUTUME   DE  PARIS.  83 

prix  seul  de  la  maison ,  abstraction  faite  de  la  rente,  ou  bien 
étaient-elles  dues  tant  pour  le  prix  que  pour  la  rente?  Au  xiv* 
siècle,  il  n'y  avait  pas  de  doute  possible  surce  point  :  «  ...La  I 

»  maison  estant  depuis  vendue  à  la  charge  de  la  rente ,  les 
»  ventes  ne  sont  deues  que  de  l'argent  et  non  de  la  rente, 
»  mais  bien  lorsqu'elle  est  vendue  séparément  (J.  Desmares, 
364)  (1).  »  A  cette  époque  en  effet,  les  rentes  constituées  à 
prix  d'argent ,  assignées  sur  une  maison,  étaient  assimilées 
aux  rentes  foncières,  et  par  suite,  elles  étaient  réputées 
charges  réelles  du  fonds  et  elles  en  diminuaient  la  valeur.  Ainsi 
un  héritage  de  20,000  livres,  chargé  de  500  livres  de  rente, 
n'était  estimé  vendu  que  10,000  livres,  et  c'est  sur  ce  prix 
seulement  qu'étaient  dues  les  ventes  (2).  Cette  opinion  domi- 
nait encore  lors  de  la  première  rédaction  de  la  Coutume  de 
Paris.  Elle  fut  vivement  attaquée  par  Dumoulin,  et  sur  l'appel 
interjeté  par  le  prévôt  des  marchands  et  les  échevins  de  Paris 
contre  les  quatre  articles  58,  59,  60  et  61,  proposés  par  les 
commissaires  et  qui  consacraient  l'opinion  ancienne,  le  Parle- 
ment rendit  un  arrêta  la  date  du  10  mai  1577,  «  par  lequel 
dit  de  Laurière,  il  ordonna  que  ces  articles  seraient  ôtés  et 
qu'en  leur  place  il  y  aurait  l'article  suivant  :  «  Pour  rentes 
»  constituées  à  prix  d'argent  sur  maisons  ou  autres  héritages 
«assis  es  ville,  prévôté  et  vicomte  de  Paris,  ne  sont  dus  ^ 

»  aucuns  droits  de  lods  et  ventes  ni  autres  profits  seigneu- 
»  riaux,  soit  pour  la  constitution  de  la  rente,  ou  rachapt  des 
»  dites  rentes.  »  C'était  l'opinion  de  Dumoulin  qu'on  faisait 
prévaloir  ;  la  nature  des  rentes  constituées  se  trouvait  mo- 
difiée; elles  n'étaient  plus  des  charges  réelles  du  fonds;  aussi 
devait-on  les  considérer  «  comme  faisant  partie  du  fonds  vendu 
»  et  les  rentes  étaient  dues  non-seulement  pour  le  regard  des 
»  deniers  déboursés,  mais  aussi  pour  le  principal  desdites 
»  rentes  constituées  »  (Arrêt  du  10  mai  1557). 

Le  défaut  de  paiement  des  ventes  entraînait  des  pénalités 
très  graves  au  xiii6  siècle;  on  en  trouve  encore  des  traces  au 
xrve.  Mais  la  jurisprudence  s'efforçait  déjà  d'apporter  des 
adoucissements  à  ces  rigueurs;  ainsi,  à  la  date  du  5  août  1317, 

(1)  Cf.  Brodeau,  t.  I,  sur  l'article  83,  pag.  635. 

(2)  De  Laurière,  art.  83,  pag.  211  et  213. 


84  ESSAI  sur  l'ancienne 

un  arrêt  du  Parlement  confirmait  une  sentence  du  prévôt  de 
Paris  qui  avait  cassé  un  jugemeut  du  juge  de  la  cour  séculière 
du  prieuré  de  Saint-Éloi.  Le  prieur  avait  saisi  le  revenu  d'une 
maison  sise  en  sa  censive  et  avait  fait  ôter  les  tuiles  du  toit, 
conformément  à  la  coutume  de  Paris,  qui  autorisait  à  agir 
ainsi ,  tout  seigneur  d'une  maison  tenue  en  censive ,  pour  la- 
quelle on  ne  payait  pas  Les  droits  de  ventes  (1).  Ou  pouvait 
aussi  pour  le  même  motif  «  mettre  l'huis  de  la  porte  hors  des 
»  gons.  »  On  trouve  cette  coutume  rapportée  dans  le  Grand 
Coutumier  (liv.  II,  chap.  23)  (2),  bien  qu'elle  ne  fût  guère 
plus  en  usage  à  la  fin  du  xive  siècle. 

Dès  cette  époque,  en  effet,  le  non-paiement  des  ventes  en- 
traînait une  amende  de  60  sols  parisis ,  sans  aucune  exécution 
matérielle  :  «  Et  si  l'acheteur  ne  vient  requérir  par  devers  le 
»  seigneur  censier  ou  son  député ,  dedans  les  huit  jours ,  à 
»  compter  du  jour  de  la  vendition,  payer  les  ventes,  il  doit, 
»  pour  l'amende,  60  sols  parisis,  de  la  monnoie  du  pais,  pour 
»  ventes  recellées  et  n'en  doit  plus  pour  amende  »  (Gr.  Cou- 
tumier, liv.  II,  chap.  23,  p.  266).  Ces  ventes  et  amendes  ne 
pouvaient  se  poursuivre  que  par  voie  d'action.  Le  seigneur 
pouvait  exercer  cette  action  après  l'expiration  du  délai  de  huit 
jours  accordé  au  preneur  pour  s'acquitter  des  ventes  (J.  Des- 
mares, 190)  (3). 

Pour  avoir  la  saisine  et  possession  d'un  héritage  vendu  par 
un  preneur  à  cens ,  il  fallait  «  vest  et  devest ,  »  c'est-à-dire 
que  le  preneur  qui  vendait  l'héritage  devait  se  dessaisir  entre 
les  mains  du  seigneur  censier  qui  baillait  la  saisine  au  nou- 
veau preneur  :  «  En  vente  d'héritage  il  faut  vest  et  devest , 
»  combien  que  les  lettres  en  soient  faites.  Car  au  vendeur 
»  demeure  toujours  la  vraie  saisine  et  possession,  jusqu'à  tant 
»  qu'il  en  soit  dessaisi  en  la  main  du  seigneur  foncier  du  lieu, 
»  se  ainsy  n'est  qu'il  en  ait  joui  et  exploitié  par  tel  temps,  qu'il 


(1)  Olim,  IV,  p.  340. 

(2)  Il  pouvait  aussi  «  arrester  et  mettre  le  gason  de  l'héritage  en  sa 
»  main,  etc.  »  {Gr.  Coul.,  liv.  II,  chap.  23,  p.  267,  268). 

(3)  «  Premièrement  il  peult  faire  action  et  demande  pour  cause  des  ventes 
»  contre  l'acheteur  et  le  faire  convenir  par  devant  son  juge  ordinaire...  » 
(Gr.  Coût.,  liv.  II,  chap.  23,  p.  267). 


\ 


COUTUME  DB   PARIS.  85 

»  en  ait  acquis  saisine  et  possession  »  (Coût.  not.  124;  —  id., 
J.  Desmares,  189)  (1). 

Au  xvi°  siècle ,  on  n'était  plus  astreint  à  ces  formalités  : 
«  Ne  prend  saisine  qui  ne  veut ,  »  dit  l'article  82  de  la  Cou- 
tume de  1580.  Cependant  il  était  encore  utile,  à  cette  époque, 
de  prendre  saisine,  soit  pour  Qxer  le  point  de  départ  du  délai 
pendant  lequel  on  pouvait  exercer  le  retrait  lignager,  soit  pour 
pouvoir  exercer  la  complainte  de  saisine,  sans  attendre  la  pos- 
session de  Tan  et  jour. 

Parmi  les  décisions  du  Parloir  aux  bourgeois,  on  en  trouve 
un  assez  grand  nombre  ayant  trait  à  l'ensaisinement  et  au 
dessaisinement  des  maisons  situées  «  en  la  censive  et  sei- 
»  gneurie  »  dudit  parloir  (2). 

Ces  décisions  donnent  aussi  des  solutions  intéressantes  re- 
latives à  certaines  difficultés  qui  s'élevaient  entre  proprié- 
taires et  locataires.  A  la  date  du  13  novembre  1299,  le  Parloir 
aux  bourgeois  reconnaissait  à  un  locataire  le  droit  de  retenir 
une  partie  du  loyer,  si  le  propriétaire  n'exécutait  pas  dans  un 
certain  délai ,  des  réparations  qui  avaient  été  stipulées  dans 
le  bail  ;  le  preneur  pouvait  même  exiger,  en  outre ,  une  in- 
demnité pour  les  dommages  qu'aurait  pu  lui  causer  le  re- 
tard apporté  aux  réparations  :  «  ...  l'accorda  et  promist  [le 
»  propriétaire]  que  dedanz  III  semenes  procheoes  à  venir,  il 
»  fera  faire  les  dites  réparations  et  volt  que  des  dommages 
»  que  ledit  Henri  pourra  montrer  que  il  aura  eus  par  défaut 
»  de  choses  dessusdites  non  accomplies ,  que  nous  en  orde- 
»  nous  ;  et  en  promist  a  li  en  fere  guerre  selonc  nostre  orden- 
»  nance  et  en  son  content,  il  volt  que  ledit  Henri  retienne 
»  du  louîer  de  ladite  meson  devers  soi  6  livres  parisis  jusques 
»  à  tant  qu'il  est  accomplis  les  dites  chouses  (3).  » 

Par  une  autre  décision  du  17  janvier  1304,  le  Parloir  aux 
bourgeois  (4)  reconnaissait  que  c'était  une  coutume  notoire  à 
Paris,  que  le  locataire  qui  tenait  à  loyer  d'un  bourgeois  de 
Paris  une  maison  ou  un  moulin ,  lorsqu'il  voulait  laisser  la- 


(1)  Gr.  Coutumier,  liv.  II,  chap.  23,  p.  265. 

(2)  Le  Roox  de  Lincy,  Risl.  de  Wàtti-de- Ville ,? .  145,  163. 

(3)  M.,  p.  146. 

(4)  ld.,  p.  164. 


86        essai  sur  l'ancienne  coutume  de  paris. 

dite  maisoD  au  terme  échu ,  devait,  le  jour  du  terme,  appor- 
ter les  clefs  et  tous  les  arrérages  ou  en  faire  offres  ;  sinon  le 
bourgeois  n'était  pas  tenu  de  prendre  les  clefs  et  le  locataire 
demeurait  saisi  de  la  maison,  pour  Tannée  suivante,  aux 
mêmes  conditions  que  pour  Tannée  qui  venait  d'échoir.  C'est 
h  cas  de  tacite  reconduction  réglé  dans  notre  législation  ac- 
tuelle par  l'article  1736  du  Code  civil. 

H.    BuCHB. 


(A  suivre. 


+m 


ORDONNANCE  DE  LOUIS  XI 


SANCTIONNANT  DES  ARTICLES  ARRÊTÉS 


BNTBB 


LE  CONSULS  ET  LES  HABITANTS  DU  PUY-EN-VELAY 

POUR 

L'ADMINISTRATION  DE  CETTE  VILLE 

(Montils-lès-Toure,  Novembre  1469) 


L'institution  du  consulat  du  Puy  n'est  historiquement  cons- 
tatée qu'en  1219  (1),  et  faute  de  documents,  ce  n'est  que  par 
des  conjectures  plus  ou  moins  plausibles  qu'on  peut  lui  attri- 
buer une  origine  plus  reculée.  Au  xm*  siècle,  les  «  bonnes 
coutumes  »  et  les  «  bons  usages  »  de  cette  ville  devenue, 
grâce  à  son  célèbre  pèlerinage,  un  centre  industriel  et  com- 
mercial important,  avaient  acquis  une  assez  grande  notoriété 
pour  être  proposés  comme  exemple  dans  les  provinces  voi- 
sines et  comparés  à  ceux  de  Montpellier  (2).  Une  émeute 
populaire  survenue  en  1276  lui  fit  perdre  son  consulat,  sup- 
primé par  la  Cour  du  roi  au  Parlement  de  Pâques  1277  (3). 

(1)  Baluxe,  M ùeellanea ,  VII ,  326.  C'est  la  confirmation  par  Philippe-Au- 
to*te  (Vernon,  mars  1219)  d'un  accord  conclu  entre  Robert  de  Mahun, 
érêqoe  du  Puy,  d'une  part,  et  les  habitants  du  Puy,  d'autre  part ,  au  sujet 
des  tailles,  du  sceau  commun,  du  service  d'ost  et  de  chevauchée,  etc. 
L.  Delisle,  Cat.  des  octet  de  Ph.-Aug.,  1892. 

(2)  En  1270,  Bernard  et  Bertrand  de  la  Tour,  accordant  des  coutumes  et 
privilèges  à  la  petite  ville  de  Besse  (Puy-de-Dôme ,  ar.  Issoire) ,  les  quali- 
fient pompeusement  de  bot  usatget  el  bonas  eondumnhas ,  las  melhors  que  hum 
trûbariû  à  opt  de  bortet  à  Montpeleir,  ni  al  Poy,  ni  à  Salvanhec  (Souvigoy, 
Allier,  ar.  Moulins).  Chabrol,  Coût.  d'Aui.,  IV,  93. 

(3)  L.  Delisle,  Actes  du  Parlement,  Essai  de  restit.  d'un  vol.  des  Olim, 
dit  le  Livre  Pelu  Noir,  n°  267.  —  Chroniques  d'Etienne  Midicis,  bourgeois  du 
Puy, I,  212. 


88  ORDONNANCE   DE   LOUIS  XI. 

Il  ne  lui  fut  rendu  qu'en  janvier  1344  par  Philippe  de  Va- 
lois (1).  Les  élections  des  consuls  eurent  lieu,  pour  la  pre- 
mière fois,  le  4  février  1344  (2)  et  se  renouvelèrent  chaque 
année  le  3  février  jusqu'en  1553,  époque  où,  pour  des  con- 
venances sérieuses  d'administration,  elles  furent  avancées  et 
reportées  au  25  novembre  précédent,  quoique  le  3  février 
continuât  à  être  le  point  de  départ  de  l'année  ou  exercice 
consulaire  (3). 

Les  documents  originaux  relatifs  à  l'histoire  municipale  du 
Puy,  de  1344  au  xvn6  siècle,  ont  pour  la  plupart  péri  dans  un 
incendie  qui  consuma,  dans  la  nuit  du  9  au  10  octobre  1653, 
la  maison  commune  et  détruisit  la  majeure  partie  des  ar- 
chives. Mais,  par  voie  indirecte,  il  n'est  pas  impossible  d'en 
retrouver  quelques-uns  parfois  d'un  grand  intérêt. 

Un  heureux  hasard  nous  a  fait  rencontrer  dans  le  protocole 
d'un  notaire  du  Puy  du  xve  siècle  un  curieux  document  qui 
ajoute  un  chapitre  nouveau  à  l'histoire  municipale  de  cette 
ville.  Il  s'agit  d'une  ordonnance  du  roi  Louis  XI  (novembre 
1469)  qui  approuve  et  sanctionne  des  articles  arrêtés,  en  pré- 
sence de  Jean  de  Bourbon,  évêque  du  Puy,  et  de  Guillaume 
de  Varie ,  général  des  finances ,  entre  les  consuls  et  les  habi- 
tants sur  l'organisation  du  consulat  et  divers  points  d'admi- 
nistration et  de  comptabilité. 

A  la  date  où  d'un  commun  accord  furent  rédigés  ces  arti- 
cles, le  consulat  du  Puy  fonctionnait  depuis  cent  vingt-cinq 
ans,  et  son  fonctionnement  avait  donné  naissance  à  des  abus 
et  à  des  inconvénients  de  différente  nature.  C'est  pour  y  pa- 

(1)  Dom  Vaissète,  Hitt.  gén.  du  Lang.,  IV,  Pr.,  col.  197;  Chron.  d'Et.  Mé- 
dias, 1,220. 

(2)  Les  premiers  consuls  élus  le  4  février  1344,  furent  Lioutaud  seigneur 
de  Solignac,  chevalier,  Jacques  Rossel,  Raymond  Baudouin,  Jean  Guérin , 
Vidal  de  Mazan,  Mathieu  Rostaing,  Guillaume  Boyer,  Jacques  de  Freycenet, 
Giraud  de  Lorgue  et  Laurent  Bouchet.  Dans  les  premières  années,  le  nombre 
des  consuls  variait  à  peu  près  tous  les  ans;  il  était  de  10,  8  ou  6  suivant 
que  l'administration  s'annonçait  devoir  être  plus  ou  moins  laborieuse  à  rai- 
son de  la  levée  des  tailles. 

(3)  Chron.  d'Et.  Méd.,  I,  457.  Élus  le  3  février,  les  consuls  n'avaient  pas 
toujours  un  délai  suffisant  pour  établir  le  rôle  de  l'assiette  et  pourvoir  au 
receveur  du  premier  quartier  «  quasi  esche u  »  des  deniers  royaux ,  et  si  le 
receveur  général  du  diocèse  en  exigeait  le  paiement  à  l'échéance ,  il  leur  fal- 
lait fournir  argent  de  leur  bourse. 


ORDONNANCE  DE  LOUIS  XI.  89 

rer  que  fut  composé  un  petit  code  administratif,  divisé  en 
vingt-six  paragraphes  dont  la  disposition  laissé,  comme  tou- 
jours, dans  les  documents  de  ce  genre,  un  peu  à  désirer  sous 
le  rapport  de  la  méthode,  et  que,  pour  plus  de  clarté,  je 
ramènerai  à  la  classification  suivante. 

En  premier  lieu,  on  règle  la  forme  des  élections  consulaires 
(§  7),  leur  discipline  et  police  (§§  21,  22). 

Les  anciens  consuls  sont  déclarés  inéligibles  pendant  qua- 
tre ans  (§  23). 

On  fixe  le  nombre  et  les  gages  des  consuls ,  des  conseillers 
ordinaires,  des  clercs  conseillers  (§§  1,  2,  3,  4),  les  gages  du 
capitaine  général  (§  5),  des  messeurs  ou  valets  de  ville  (§  6)  et 
du  grefGer  (§  7). 

Suivent  des  règles  relatives  à  l'assiette  ou  répartition  des 
tailles  qui  est  faite  par  les  consuls  et  conseillers  avec  l'assis- 
tance de  66  délégués  des  22  îles  (§  8),  au  délai  —  quinze 
jours  —  dans  lequel  l'assiette  particulière  de  la  ville  doit 
suivre  l'assiette  générale  du  diocèse  (§  12),  à  la  confection  du 
rôle  (§  10)  et  aux  cotes  des  insolvables  (§  11),  à  la  mise  aux 
enchères  soit  de  chaque  taille  (§  13)  soit  aussi  des  revenus 
ordinaires  de  la  ville  (§  16),  aux  conditions  d'admissibilité  du 
receveur  (§  14),  à  sa  comptabilité  tant  en  recette  qu'en  dé- 
pense (§§  17,  18),  à  l'affectation  à  donner  aux  arrérages  des 
tailles  (§  15),  à  la  somme  de  deniers  dont  les  consuls  avaient 
la  disponibilité  pour  les  affaires  courantes  (§  19) ,  et  enfin  à  la 
justification  et  à  la  clôture  des  comptes  par  les  auditeurs 
(§§  25,  26). 

Comme  motif  spécial  de  la  faveur  qu'il  accorde  aux  habi- 
tants du  Puy,  le  roi  rappelle  leur  fidélité  à  sa  cause  lors  de  la 
Ligue  du  Bien  public  (1). 

Mon  tils-lès-1  ours,  Novembre  1469. 

Loys,  par  la  grâce  de  Dieu,  roy  de  France,  savoir  faisons 
à  tous  presens  et  advenir  nous  avoir  receue  l'umble  supplica- 
tion de  nous  (corr.  nos)  chers  et  bien  amez  les  consulz ,  bour- 

(i)  Médicis,  1, 252  et  s.,  raconte  les  incidents  de  cette  Ligue  dans  le  Velay, 
où  Tévêque  Jean  de  Bourbon  et  le  vicomte  de  Polignac  tenaient  le  parti  des 
princes. 


90  ORDONNANCE  Dfi   LOUIS  XI. 

goiz,  manans  et  habitans  de  nosire  ville  et  cité  du  Puy, 
contenant  que  pour  le  bien,  comodité,  proufist,  entretene- 
ment  et  poliicie  de  nostredite  ville,  ont  esté  ja  pieça,  en  la 
présence  de  nostre  très-cher  et  amé  cousin  l'evesque  du 
Puy  (1)  et  de  feu  Guillaume  de  Varie  en  son  vivant  nostre 
conseiller  et  gênerai  de  nous  finances,  advisez,  concludz  et  dé- 
libérés certains  articles,  statu z  et  ordonnances,  et  depuis  aient 
esté  moiennez,  accordez  et  modifiez  par  lesdiz  supplians  et  du 
commun  consentement  d'iceux ,  pour  estre  d'ores  en  avant  et 
à  toujoursmais  entretenus,  gardés  et  observés  moiennant 
toutesvoies  nostre  bon  plaisir;  desquelz  statuz  et  ordon- 
nances l'en  dit  la  teneur  estre  telle  : 

«  Comme,  pour  l'advis,  conseil  et  délibération  des  consulz 
et  certains  autres  procureurs  d'aucune  partie  des  habitans  de 
la  ville  du  Puy,  soyent  et  aient  esté  faiz  aucuns  articles,  ou 
pié  desquelz  se  soient  lesdiz  consulz  et  procureurs  de  leurs 
seings  manuelz  soubz  scriptz  et  signés,  ou  moien  desquelz 
Testât  et  police  de  ladicte  ville  se  doit  régir  et  gouverner, 
retenu  préalablement  le  bon  plaisir  et  vouloir  du  roy  nostre 
souverain  seigneur,  desquelz  articles  la  teneur  s'ensuit  : 

1.  —  «  Et  premièrement,  touchent  (sic)  le  nombre  des 
consulz  qui  a  esté  tousjours  par  cydevant  de  six,  qui  sou- 
ventes  foiz  se  faisoient  de[s]  plus  riches  et  aysés  de  ladicte 
ville,  et  ne  payoient  point  de  taillies,  et  avoient  vingt  livres 
de  gaiges  pour  leurs  robes ,  a  esté  ad  visé ,  délibéré  et  conclus 
que  ledit  nombre  de  six  consulz  demourera;  lesquelx  paie- 
ront taille  selon  leur  faculté  comme  les  aultres  habitans  de 
ladicte  ville  et  auront  pour  leurs  robes  et  gaiges,  Tannée  de 
leur  administration ,  chacun  des  deniers  de  ladicte  ville ,  la 
somme  de  trente  livres  par  an. 

2.  —  «  Item ,  que  les  autres  officiers  dudit  consulat  seront 
reduiz  au  nombre  et  aux  gaiges  c y-après  declairés,  et  paie- 
ront sembla[ble]ment  taille  selon  leurs  facultez ,  comme  les 
autres  habitans  de  ladicte  ville. 

3.  —  «  Et  primo  auront  lesdiz  consulz,  comme  ils  ont  acous- 
turaé,  le  nombre  de  douze  conseilliers  ordinaires  qui  avoient 

(\)  Jean  de  Bourbon,  évftqw»  du  Pny  MH3-H8S;  et  abbé  de  Cluny. 


ORDONNANCE  DE   LOUIS  XI.  91 

chacun  soixante  solz  tournois  de  gaiges  par  an ,  lesquelz  con- 
seillers n'auront  daurenavant  (sic)  que  quarante  solz  tournois  : 
qui  est  pour  tous  lesdiz  conseilhers,  en  somme  uni  versai, 
vingt  quatre  livres  tournois. 

4.  —  «  Item,  et  en  tant  que  touche  l'article  des  clercs  con- 
seilhers ,  a  esté  advisé ,  délibéré  et  concluz  :  que  les  consulz 
et  conseillierS  pourront  doresnavant  retenir  et  avoir  pour  con- 
seilhers durant  leur  année  ung  ou  deux  clers ,  selon  la  exhi- 
gence  et  concurrence  des  affaires  communs  de  ladicte  ville,  et 
si  besoing  estoit  de  en  avoir  plusieurs,  en  la  neccessité  le 
pourront,  que  lesdiz  consulz  et  conseilhers  auront  faculté  et 
aoctorité  de  en  avoir,  retenir  et  pourveoir  de  plus  grant  nom- 
bre et  à  Tacordante  disposition  desdiz  consulz,  conseillers  et 
quarante-quatre  personnages  de[s]  ving[t]  et  deux  ysles,  dont 
chescun  desdiz  clers  auront  huit  livres  tourneieses  de  gaiges 
pour  chescun  an ,  qui  sont ,  pour  toux  deux ,  seize  livres 
tournoises. 

5.  —  «  Item,  auront  leur  cappitaine  à  cinquante  solz  tour- 
nés de  gaiges  par  an. 

6.  —  «  Item,  auront  deux  serviteurs  appeliez  messeurs,  qui 
auront  leurs  gaiges  acoustumés,  c'est  assavoir  :  chascun  la 
somme  de  vingt  livres  tourneieses,  et  une  roube  de  livrée, 
pour  ce  qu'il[s]  servent  incessamment  audit  consulat. 

7. —  «  Item,  auront  semblablement  leur  greffier  ou  notaire 
ordinaire ,  qui  aura  quarante  livres  tourneieses  de  gaiges  par 
an.  Et  seront  lesdiz  greffier  et  messeurs  à  instituer  et  desti- 
tuer au  plaisir  et  vouloir  desdiz  consulz,  Tannée  de  leur 
administration ,  se  bon  leur  semble. 

8.  —  «  Item ,  en  tant  que  touche  l'assiete  et  coéquation  des 
tailles  royaulx  et  communes  que  doresnavant  seront  assises 
et  mises  sus  pour  le  roy  ou  pour  les  affaires  comuns  de  la- 
dicte ville,  quant  le  cas  y  escherra,  elles  seront  imposées  et 
assises  par  lesdiz  consulz  et  conseilhers,  appelle  avecques 
eulx  le  nombre  de  soixante-six  personnages  des  vingt-deux 
ysles  de  ladicte  ville,  et  non  autrement;  c'est  assavoir  :  de 
chascune  desdites  ysles  trois  personnes ,  lesquelz  prestaront 
serament  et  promectront  de  bien  et  loalmen[t]  conselher  les 
faiz  et  affaires  d'icelle  ville ,  et  auront  voix  en  ceste  partie 
avec  lesdiz  consulz  et  conseillers;  et  par  lo  (sic)  oppinion  et 


92  ORDONNANCE  DE  LOUIS  XI. 

ad  vis  de  la  plus  grant  et  saine  partie,  seront  assis  et  mis  sas 
les  deniers  ainsi  qu'ilz  verront  estre  expédient  et  neccessaire, 
et  y  sera  ou  pourra  estre  procédé  par  les  presens ,  en  la  ab- 
sence des  autres. 

9.  —  «  Item,  et  sur  la  forme  de  procéder  d'ores  en  avant  par 
chascun  an  à  l'élection  et  nomination  desdiz  consulz,  a  esté 
advisé ,  délibéré  et  conclu  :  que  par  les  consulz  et  conseilliez 
de  Tannée  lors  courant  au  temps  de  ladicte  élection,  seront 
premièrement  appeliez  vingt-deux  personnages  desdictes  vingt 
et  deux  ysles,  c'est  assavoir  :  de  chascune  desdictes  ysles 
une  personne  ;  lesquelz  vingt  et  deux  personnages ,  ainsi 
convoqués  ou  appeliez,  se  tireront  à  part  en  une  chambre  que 
leur  sera  baillée  en  ladicte  maison  comune ,  et  par  eulz  seront 
nommez,  esleuz  et  appelles  desdictes  ysles  autre  semblable 
nombre  de  vin[gt]  et  deux  personnages  en  la  forme  que 
dessus,  c'est  assavoir  :  ung  de  chascune  desdictes  ysles,  qui 
feront  en  tout  le  nombre  de  quarante  et  quatre,  et  auront 
voix  à  ladicte  élection  comme  les  consulz  et  conseilliers  de 
ladicte  année  lors  corant  ;  et  par  yceulx  consulz ,  conseilliers 
et  quarante-quatre  personnages,  se  fera  ladicte  élection,  et  y 
sera  conclud  comme  dit  est  en  l'article  précédant.  Et  n'en- 
tend-on pas  que  tous  ceulx  que  par  une  année  auront  esté 
appelles  desdictes  ysles,  y  soient  l'autre  année  ensuivant, 
mais  qu'où  moins  en  y  ait  la  moitié  d'autres  noveaux ,  et  que 
ladicte  élection  se  face  de  gens  notables  et  bien  renommez, 
de  quelque  estât  qu'ilz  soient,  contribuables  et  tenons  (sic) 
propre  domicelle  en  ladicte  ville;  et  tellement  que  du  moins 
y  soient  nommez  et  esleuz  deux  nouveaulx,  tous  les  ans, 
consulz  de  ladicte  ville. 

10.  —  «  Item ,  et  quant  se  verra  à  faire  lesdictes  assietes 
des  tailles ,  sera  faicte  l'assiete  des  particuliers  de  ladicte  ville 
payant  taille  par  les  dessusdiz ,  le  fort  portant  le  foible,  selon 
leurs  facultés  et  extimes,  ainsi  que  raison  le  veult. 

11-  —  «  Item,  et  pource  que  on  a  trouvé  que  en  faisant 
leurs  assietes  des  tailles,  Hz  imposoient  plusieurs  indigentes 
personnes  à  sommes  qu'ilz  n'ont  peu  paier,  dont  ilz  son[t] 
demourés  en  restez ,  et  ycelles  après  a  convenu  et  convient  de 
rechief  imposer  sur  les  aultres  habilans ,  leur  est  deflendu  et 
deffend-t'on  que  doresnavant  ilz  ne  imposent  nulles  povres 


ORDONNANCE   DE  LOUIS   XI.  93 

indigentes  personnes  qui  n'aient  de  quoy  paier.  Toutesfoiz 
s'ilz  le  veulent  faire  pour  voloir  garder  leur  possession,  faire 
le  pourront ,  pourveu  que  s'ilz  sont  povres  et  misérables,  ne 
les  contraignent  à  riens  payer,  et  dès  qu'ilz  feront  leurs  as- 
sietes  ,  les  mectent  pour  non-valoir  et  oultre  la  somme  juste 
qu'il  leur  fault  asseoir  pour  le  roy,  laquelle  ilz  asseoiront  sur 
personnes  solvables,  le  fort  portant  le  foible,  comme  dit  est. 

12.  —  «  Item ,  a  esté  et  est  ordonné ,  commandé  et  enjoint 
aux  desusdiz ,  c'est  assavoir  :  à  cbascun  desdiz  consulz ,  sur 
peine  de  quatre  marcs  d'argent,  à  chascun  desdiz  conseilhers, 
d'un  marc  d'argent,  et  à  chascun  des  autres  personnages  qui 
seront  esleuz  et  appelles  pour  adsister  avecques  eulx,  sur 
peine  de  demy  marc  d'argent ,  que  d'ores  en  avant  inconti- 
nent que  par  les  commissaires  que  seront  ordonnez  à  faire 
l'assiete  du  diocèse  (1),  la  pourlion  de  ladicte  villç  leur  sera 
baillée  et  départie ,  dedans  lo  (sic)  temps  et  terme  de  quinse 
jours  prochanament  (sic)  ensuivant ,  pour  toutes  préfixions  et 
delaiz,  ilz  aient  fait  leur  assiete  particulière  de  leurdicte  quote 
et  pourtioo  sur  les  habitans  de  ladicte  ville,  selon  leur  stilie 
et  forme  de  procéder  es  assietes  de  leurs  tailles  ;  et  que  de- 
dans ycelluy  terme  preux  ilz  aient  baillé  et  livré  en  la  main 
du  recevueur  l'assiete  ou  liève  de  ladicte  portion ,  à  ce  qu'il 
paisse  faire  diligence  de  lever  et  recevoir  les  deniers  aux 
termes  que ,  sur  ce ,  auront  esté  et  seront  ordonnez ,  autre- 
ment ,  non. 

13.  —  «  Item ,  et  pource  que  par  cydevant  la  manière  de 
lever  leur  taille  a  esté  fourt  (corr.  fort)  confuse,  pource  que 
les  deniers  se  sont  levez  par  le  consulat  et  n'a  esté  tenu  le 
receveur  de  rendre  compte  sinon  de  ce  qu'il  recevoit,  et  ce 
que  leur  restoit  recouvrer  bailloit  à  recouvrer  aux  consulz  et 
recevuers  (sic)  ensuivans ,  et  par  ce  sont  demourés  audit  con- 


(t)  Le  Puy  était  Tua  des  22  diocèses  du  Languedoc.  Une  fois  votée  par 
les  États -généraux  de  la  province ,  la  somme  accordée  au  roi  était  répartie 
entre  les  22  diocèses ,  le  contingent  diocésain  était  ensuite  réparti  entre  les 
mandements ,  et  le  contingent  de  chaque  mandement  était  enfin  réparti  entre 
les  contribuables.  Ces  répartitions  étaient  facilitées  par  des  tableaux  ou  comp- 
tes-faits que  des  praticiens  dressèrent  d'assez  bonne  heure.  Médicis,  II,  292 
et  s.,  a  conservé  un  spécimen  de  l'assiette  des  tailles  en  Languedoc.  La  con- 
tribution de  la  ville  du  Puy  s'élevait  au  cinquième  du  contingent  du  diocèse. 


94  ORDONNANCE   DE   LOUIS  XI. 

sulat  grans  deniers  deuz  et  à  recevoir,  et  une  grant  partie  de 
gens  puissans  qui  ont  esté  suppourtez,  et  ne  les  a  voulu  ne 
osé  ledit  receveur  contraindre,  poùrce  qu'il  n'estoit  tenu  de 
faire  bons  les  deniers,  a  esté  sur  ce  ordonné  ausdiz  consulz 
presens  et  advenir,  sur  peine  de  trente  marchs  d'argent  en 
tout,  [à]  appliquer  au  roy  vingt  marcs  d'argent  et  dix  marcs 
au  prouffist  du  comun  de  ladicte  ville  pour  iceulx  convertir  au 
paiement  de  la  taille  lors  courant,  que  après  que  ladicte  as- 
siete  de  la  taille  sera  faicte,  ilz  facent  crier  :  que  qui  vouldra 
prandre  [et]  recevoir  ladicte  taille,  il  y  sera  receu  à  rebats  de 
gaiges  au  prou f fit  de  la  chouse  publique;  et  sera  tenu  cellui 
qui  la  prendra  à  lever,  de  bailler  bonne[s]  et  seures  cautions 
de  payer  ladicte  recepte  aux  termes  qui  seront  ordonnés  ;  et 
autrement  ne  le  pourront  faire  lesdiz  consulz. 

14.  — «  Item,  et  pource  ainsi  qu'on  a  trouvé  qu'il  estoit 
deu  audit  consulat  plusieurs  grans  restes  montans  à  bien 
grans  sommes  de  deniers,  tant  de  leur  taille  précédente  que 
de  leurs  rentes,  revenues  et  deniers  comuns  de  la  ville,  leur 
a  esté  commandé  et  ordonné  que  lesdiz  restez  et  sonmes  ainsi 
audit  consulat  deuz  soient  baléez  par  lesdiz  consulz,  conseil- 
liers  et  soixante-six  personnes  dessus  nominées  (sic) ,  à  rece- 
voir à  personne  souffisante  et  bien  cautionnée,  celluy  qui 
plus  en  veuldra  donner,  ou  les  bailler  à  lever  à  personne  sou- 
fisant  et  cautionée  (sic)  à  deux  solz  tournés  pour  livre  ou 
autre  somme  plus  grant  ou  moindre,  ainsi  que  lesdiz  consulz, 
conseilliers  et  soixante  six  personnes  verront  estre  à  faire 
pour  le  mieulx  ;  pourveu  que  cellui  ou  ceulx  qui  ouront  la 
charghe  de  recouvrer  lesdiz  restes,  soient  tenus  les  faire 
bonnes,  se  les  personnes  ont  de  quoy  payer;  et  s'ilz  n'ont  de 
quoy,  seront  tenuz  en  faire  apparoir  en  monstrant  de  leur 
diligences.  Et  pour  se  [sic)  que  plusieurs  desdiz  restes  sont  en. 
question  ou  procès,  lesdiz  consulz  seront  tenuz  les  faire  vider 
en  tant  que  sera  en  eulx  et  que  sera  en  leur  faculté  et  povoir, 
dedans  leur  année  et  plus  toust,  si  possible  leur  est. 

15.  —  «  Item,  a  esté  enchargié  ausdiz  consulz  et  conseilhers 
que  tout  ce  que  pourra  venir  ens  desdiz  restes,  soit  converti 
et  emploie  aux  paiemens  de  leurs  tailles  que  d'ores  eu  avant 
seront  deues  au  roy  et  autres  affaires  raisonnables,  et  y  ten- 
dront lieu  tant  qu'ilz  se  pourront  extendre. 


ORDONNANCE  DE  LOUIS  XI.  95 

16.  —  «  Item,  et  pour  ce  que  Ton  a  trouvé  que  ladicte  ville 
a  certaines  rentes,  revenues  et  obventions,  lesquelles  ilz 
avoient  toutes  engaigées  à  trois  années  finissans  en  ce  presens 
(sic)  mois  de  mars  dernier  passé  pour  subvenir  à  aucunes 
grandes  réparations  de  murailles,  fontaines  et  autres  leurs 
affaires,  a  esté  et  est  ordonné  et  enjoint,  sur  semblables 
peines  que  dessus,  ausdiz  consulz,  conseilhers  et  absistens 
[corr.  adsistens)  que  ledit  bail  escbeu ,  ilz  facent  crier  à  son 
de  trompe,  ainsi  que  on  a  accoustumé  de  faire  es  fermes  du 
roy,  que  lesdiz  droiz  de  revenu  appartenans  à  ladicte  ville  se 
bay lieront  à  certain  prochain  jour  au  plus  oufrant  etderrenier 
enchérisseur,  à  tiercement  et  doublement ,  ainsi  qu'il  est 
acoustumé  de  faire  es  fermes  du  roy,  et  à  personne  bien  cau- 
tionnée, et  non  autrement. 

17.  —  «  Item,  -et  sur  la  revenue  de  ladicte  ville,  doresna- 
vant  se  prendront  les  gaiges  des  consulz,  conseilhers  et  autres 
officiers  desus  declairés ,  avec  toutes  leurs  neccessités  et  af- 
faires comuns;  et  seront  receuz  les  deniers  et  distribuez  par 
QDg  receveur  qui  y  sera  commis  et  nommé  pour  une  année  ou 
plusieurs  par  lesdiz  consulz  et  conseilhers,  et  lequel  receveur 
sera  tenu  de  faire  diligence  de  recouvrer  lesdiz  deniers  et  les 
faire  bons,  se  lesdiz  fermiers  son[t]  bons  et  bien  cautionnez; 
lequel  receveur  aura  trente  livres  tournés  de  gaiges  et  au 
dessoubz.  Et  qui  à  mendre  pris  en  vouldra  prandre  la  charghe, 
y  sera  receu  par  lesdiz  consulz ,  qui  seront  tenus,  audit  cas, 
prendre  et  recevoir  cellui-là  et  non  autre,  pourveu  que,  s'il 
estoit  consul,  sera  tenu  de  cautionner  souflisament ,  comme 
personne  privée. 

18.  —  «  Et  sera  tenu  ledit  receveur  de  faire  bons  les  deniers 
de  sa  recepte,  sans  rien  bailler  ne  mètre  en  non-valoirs;  et 
ne  pourra  faire  aucune  distribution  sans  mandement  et  ordon- 
nensa  desdiz  consulz  et  conseilhers  et  lettres  signées  de  la 
main  de  leurdit  greffier,  lesquelles  icelluy  receveur  sera  tenu 
randre  et  rapporter  sur  son  compte;  et  rendra  compte  par 
chascun  an,  sans  bai  Hier  nulz  deniers  en  reste,  pardevant 
quatre  auditeurs  que  par  lesdiz  consulz ,  conseilhers  et  audi- 
teurs auront  puissance  de  examiner,  oyr  et  clorre  lesdiz 
comptes,  ainsi  qu'il  appartiendra  par  raison. 

19.  —  «  Item,  et  aussi  deflend-on  ausdiz  consulz  et  con- 


96  ORDONNANCE    DE  LOUIS  XI. 

seilhers  que  d'ores  en  avant  ilz  n'ayent  à  donner  à  qualque 
personne  que  se  soyt,  de  leurs  deniers  communs  que  jusques 
à  la  somme  de  dix  livres  tourneses  et  audessoubz  pour  chas- 
cune  foiz,  senon  (corr.  sinon)  que  ce  feust  pour  voiages  ou 
urgentes  neccessités  touchant  le  fait  et  afaires  de  ladicte  ville; 
auquel  cas ,  leur  a  esté  donné  auctorité  et  permission  de  po- 
voir  prandre  et  distribuer  desdiz  deniers  communs  jusques  à 
la  somme  de  vingt  livres  tourneses  et  audesoubz ,  toutes  fois 
que  le  cas  le  requerra,  autrement  non,  et  sans  appeller  à  ce 
autres  personnages  ;  et  s'ilz  avoient  à  faire  dons ,  voiages  ou 
autres  despenses  de  plus  grant  somme,  en  ce  cas,  seront 
tenuz  à  ce  appeller  lesdiz  quarante  quatre  personnes  desdiz 
vingt  et  deux  ysles ,  et  en  faire  ce  que  sera  conclud  par  la 
plus  grant  et  saine  partie,  et  se  (sic)  sur  peine  de  le  recou- 
vrer sur  eulx,  le  tout  en  la  manière  desusdicte,  c'est  assa- 
voir :  que  les  presens  pourront  procéder  en  la  absense  des 
autres. 

20.  —  «  Item ,  et  par  la  teneur  de  ces  presens  articles  on 
n'entend  en  riens  prejudicier  en  autres  chouses  aux  privilèges 
et  libertés  de  ladicte  ville. 

21.  —  «  Item,  on  deffent,  sur  peine  d'amande  arbitraire, 
que  aux  assemblées  de  ladicte  ville  qui  seront  pour  faire  l'é- 
lection des  consulz  ou  aultres  affaires  de  la  ville,  nul  des 
absistens  ne  aultre  quelconque  ne  soit  si  ardy  de  faire  au- 
cune bende,  monopole  ou  assemblée,  ne  prendre  a[u]cun 
parti ,  quelqui  (sic)  soit ,  pour  faire  aucune  élection,  jusques  à 
ce  qu'on  lui  demandera  sa  voix  en  plain  conseil ,  et  non  au- 
trement ;  sur  la  peine  de  quatre  marcs  d'argent  contra  ung 
chascun  des  infracteurs,  et  d'estre  privé  à  tousjoursmais  du- 
dit  consulat  et  du  conseil  de  ladicte  ville. 

22.  —  «  Item ,  on  deffent  que  nul ,  de  quelque  estât  ou  con- 
dition qu'il  soit,  pour  ne  à  l'occasion  desdictes  divisions  et 
differances  ne  soit  si  ardi  de  injurier  l'un  l'autre,  ne  dire  ou 
proufferer  aucun  reproche  pour  ne  (1)  à  l'occasion  des  choses 
dessusdictes ,  affin  de  obvier  aux  inconveniens  qui  en  pour- 
raient avenir,  et  ce ,  sur  peine  que  dessus. 

(1)  Le  copiste  semble  avoir  omis  quelques  mots,  sans  doute  par  suite  d'un 
bourdon. 


ORDONNANCE   DE  LOUIS   XI.  97 

23.  —  «  Item,  a  esté  advisé,  délibéré  et  conclud  :  que  d'ores 
en  avant  nul  de  ceulx  qu'il  (sic)  auront  esté  consulz  n'y  pour- 
ront retourner  ne  avoir  élection,  que  quatre  années  ne  soyent 
entièrement  passées  et  révolues  inclusive ,  et  jusques  à  la  cin- 
quiesme  année  exclusive;  après  lesquelez  quatre  années  révo- 
lues, pourront  estre  esleuz  et  rooller  comme  les  autres  de 
ladicte  ville. 

24.  —  «  Item,  et  a  esté  dit,  promis,  juré  et  conclud  que, 
moiennant  les  chouses  desusdictes ,  sera  à  perpétuité  paix , 
amour  et  union  entre  Iesdiz  habitans ,  en  remettant  les  ungs 
aux  autres  toutes  offenses,  injures  et  opprobres;  et  sur  [ce]  a 
esté  et  est ,  en  tout  et  par  tout ,  le  bon  plaisir  du  roy  retenu. 

25.  —  «  Item ,  a  esté  ordonné  et  conclud  que  d'ores  en 
avant  Iesdiz  auditeurs  ne  aient  ne  puissent  passer  [à]  nulz  des 
consulz  ne  autres ,  nulles  sommes  de  deniers ,  qu'il  ne  conste 
raisonablement,  par  certification  raisonable  signée  de  notaire, 
ou  autrement  information  de  gens  de  bien  et  de  bonne  cons- 
cience, sur  peine  de  s'en  prendre  sur  Iesdiz  auditeurs. 

26.  —  «  Item ,  a  esté  ordonné  et  conclud  que  d'ores  en 
avant  les  auditeurs  ayent  [à]  clorre  les  comptes  dedans  la 
feste  de  saint  Biaise ,  et  se  (sic) ,  sur  peine  d'estre  privés  de 
leurs  gaiges  que  leur  pourroit  (corr.  pourraient)  parvenir  à 
cause  de  leurdit  office ,  s'ils  n'ont  excusation  raisonnable. 

«  Pierre  ROCHIER  consul.  PELLISSE  consol.  Guilhaume 
AYRAUD.  J.  GUITART.  Ita  est  :  Johan  FRONTALLIER 
consol.  Guilhaume  JONY  consol.  Gmoo  GUITARD.  L.  PER- 
MAILH.  BONINFFANTIS.  h.  J.  TRABALHAT. 

«  Et  depuis  Iesdiz  ainsi  finiz  et  passez,  assemblés  Iesdiz 
consulz  et  certains  habitans  particuliers  de  ladicte  ville  en  la 
maison  comune  et  consulat  d'icelle  ville  par  manière  de  con- 
seil ,  sont  et  ont  Iesdiz  articles  en  la  forme  dessus  scripte  esté 
passez  et  accordés  par  Iesdiz  consulx  et  autres  habitans  as- 
semblés audit  conseil. 

«  Oultre,  plus  a  esté  dit,  conclud,  accordé  et  délibéré  que 
pour  d'ores  en  avant  iceulx  articles  tenir,  garder  et  observer, 
que  l'on  obtint,  le  plus  brief  qui  seroit  possible,  la  confirma- 
tion et  auctorisation  d'iceulx ,  du  roy  nostre  seigneur,  si  son 
bon  plaisir  est,  ainsi  que  appert  de  ladicte  conclusion  et  déli- 
bération dudit  conseil  aux  livres  et  papier[s]  dudit  consulat. 

Revue  bist.  —  Tome  VIII.  7 


98  ORDONNANCE   DE  LOUIS  XI. 

«  En  tesmoing  des  chouses  dessus  dictes  et  scriptes,  je 
Gabriel  Pratlavi,  notaire  real  et  greffier  dudit  consulat ,  ay 
signé  de  mon  seing  manuel,  ce  jour  xxvn™  du  mois  de  juilhet 
l'an  mil  IÏIÏC  soixante  neuf.  Ainsi  signé  :  G.  PRATLAVI.  » 

Et  pource  que  lesdiz  statuz  et  ordonnances  sont  utiles  et 
prouffitables  pour  ladicte  ville ,  et  que ,  par  et  au  moien  d'i- 
ceulx ,  elle  sera  d'ores  en  avant  mieulx  gouvernée  et  policiée 
qu'elle  n'a  esté  autresfoiz,  lesdiz  supplians  nous  ont  très  hum- 
blement supplié  et  requis  qu'il  nous  plaise  lesdiz  statuz  et 
ordonnances  dessus  insérées  avoir  agreablez,  iceulx  louer, 
approuver  et  conformer,  et  sur  ce  nostre  grâce  benignement 
leu[r]  impartir;  savoir  faisons  que  nous,  reduisans  ad  mé- 
moire les  bons,  loyalx  et  notables  services  à  nous  (sic)  proge- 
niteurs  roys  de  France  et  à  toute  la  chou  se  publicque  de 
nostre  royaulme  faiz  par  lesdiz  supplians  et  leurs  prédéces- 
seurs habitans  de  nostredicte  ville ,  mesmement  de  la  bonne  et 
grande  loyaultê  que  lesdiz  supplians  nous  ont  gardée  et  tenue 
durant  les  derrenieres  divisions  et  differances  en  nostre  royaulme, 
où  Hz  se  sont  bien  et  notablement  emploies  tant  à  la  garde  de 
nostredicte  ville  que  de  tout  le  pats  d'environ  en  nostre  obéis- 
sance, voulans  par  ce  lesdiz  supplians  estre  favorablement 
tratctar  (corr.  traictés)  en  leurs  affairez,  avons,  de  nostre 
certaine  science ,  grâce  spécial ,  plaine  puissance  et  auctorité 
royaul  {sic),  iceulx  statuz  et  ordonnances  desus  inserez  et 
transcriptz,  louez,  ratifiez,  conformés  et  approuvés,  louons, 
ratifions ,  conformons,  approuvons  et  avons  agréables  par  ces 
présentes  ;  et  volons  et  nous  plaist  que  lesdiz  supplians  et 
leurs  successeurs  habitans  de  nostredicte  ville  du  Puy  joïs- 
sent  entièrement,  plainement  et  paisiblement,  d'iceulx  statuz 
et  ordonnances ,  et  qu'ilz  soient  entretenus ,  gardés  et  obser- 
vés douresnavant  à  tousjoursmais ,  selon  la  forme  et  teneur 
d'iceulx,  sans  aucun  débat,  contradit  ou empeschement  quel- 
conque. 

Si  donnons  en  mandement,  par  ces  mesmes  présentes,  aux 
seneschaulx  de  Beucafare ,  Thoulouse  et  Garcassonne ,  bayliz 
de  Vivarois,  de  Vellay,  de  Givaudan,  baile  et  juge  de  la 
court  commune  de  ladicte  ville  du  Puy,  et  à  toux  nous  autres 
justiciers  ou  à  leurs  lieutenans,  presens  et  advenir,  et  à  chas- 


ORDONNANCE   DE  LOUIS   XI.  99 

cun  d'eulx  sur  ce  requis,  que  de  nostre  présente  grâce,  con- 
firmation, ratification,  approbation  et  octroy,  et  de  tout  le 
contenu  en  ces  présentes ,  ilz  et  chascun  d'eulx ,  en  droit  soy , 
sur  ce  requis ,  facent ,  souffrent  et  laissent  lesdiz  supplians  et 
leursdiz  successeurs  joïr  et  user  plainement  et  paisiblement, 
sans  leur  faire  mètre  ou  donner,  ne  souffrir  estre  fait ,  mis  ou 
donné,  ores  ne  pour  le  temps  advenir,  aucun  destourbier  ou 
empeschement  ou  (corr.  au)  contraire,  en  aucune  manière; 
ainçois  s'aucun  leur  avoit  esté  ou  estoit,  en  ce,  fait,  mis  ou 
donné ,  si  Postent  et  mectent  ou  facent  ouster  et  mectre ,  in- 
continent et  sans  delay,  à  plaine  délivrance  et  au  premier 
estât  et  deu. 

Et  afin  que  ce  soyt  chose  ferme  et  stable  à  tousjours ,  nous 
avons  fayt  mectre  nostre  séel  à  cesdictes  présentes ,  sauf  es 
autres  chouses  nostre  droit  et  Tautruy  en  toutes. 

Et  pource  que  de  ces  présentes  lesdiz  supplians  pourront , 
ou  temps  advenir,  avoir  à  besoingner  en  pluseurs  et  divers 
lieux ,  nous  voulons  que  du  vidimus  d'icelles  fait  soubz  séel 
royal,  ilx  se  puissent  aider  où  besoing  sera,  et  foy  y  estre 
adjoustée  comme  à  l'originel. 

Donné  aulx  Montilx-lès-Tourz ,  ou  mois  de  novembre  l'an 
de  grâce  mil  IIIIC  soixante  neuf,  et  de  nostre  règne  le  neu- 
fiesme...  Par  le  Roy,  monsieur  le  duc  de  Bourbon ,  le  mar- 
quis du  Pont,  les  comptes  de  Vendosmes  et  de  Xanserre,  les 
sires  de  Tourcy,  de  la  Porest  et  du  Lude,  maistre  Pierre  d'O- 
riole  gênerai ,  et  autres  presens.  DE  CERISAY.  Contentor  : 
Duban. 

(Archives  départementales  de  la  Haute-Loire,  série  E, 
protocole  du  notaire  Jean  Maltrait,  reg.  in -4°,  papier,  f" 
xvm-xx.). 

Augustin  CHASSAING , 

archiviste-paléographe ,  juge  au  Tribunal  civil  du  Puy. 


COMPTES-RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES. 


HWIi 


Le  droit  civil  dans  les  provinces  anglo-normandes 
an  XIIe  siècle,  par  Caillemer,  doyen  de  la  Faculté  de  Droit 
de  Lyon. 

On  a  longtemps  cru  que  les  beaux  travaux  de  Savigny, 
sur  l'histoire  du  droit  romain  au  Moyen-âge,  avaient  à  peu 
près  complètement  épuisé  ce  sujet.  Mais,  dans  une  mine 
aussi  vaste,  il  reste  encore  bien  des  filons  à  exploiter;  le 
travail  de  M.  Caillemer  en  est  la  preuve.  Notre  savant  con- 
frère s'est  efforcé  de  réunir  tout  ce  qui  a  été  écrit,  surtout 
en  Allemagne,  sur  les  jurisconsultes  anglo-normands  du  xii° 
siècle,  et  il  y  a  joint  un  grand  nombre  d'observations  per- 
sonnelles fort  intéressantes. 

On  n'a  jamais  cessé  d'étudier  ni  d'appliquer  les  lois  ro- 
maines en  Gaule,  même  après  la  chute  de  l'empire  d'Occident 
et  jusqu'à  la  fondation  de  l'école  de  Bologne.  Le  bréviaire 
d'Alaric  était  la  base  principale  de  ces  études,  non-seulement 
dans  le  Midi ,  mais  encore  dans  les  autres  parties  de  notre 
pays  jusqu'au  Nord.  Il  paraît  même  que  le  Code  Théodosien 
a  exercé  une  influence  directe  sur  certaines  institutions ,  du 
moins  dans  le  midi  de  la  Gaule.  Il  serait  intéressant ,  mais 
difficile,  de  rechercher  quelles  sont  les  parties  du  Code  Théo- 
dosien qui  ont  été  connues  et  appliquées  directement  et 
quoiqu'elles  n'aient  pas  été  insérées  dans  le  bréviaire  d'A- 
laric. Pour  le  nord  de  la  France,  en  particulier  pour  la  Nor- 
mandie, cette  question  semble  à  peu  près  insoluble  à  cause 
de  l'insuffisance  des  documents  que  nous  possédons,  et  c'est 
probablement  pour  ce  motif  que  M.  Caillemer  ne  l'examine 
pas.  Il  se  borne  à  dire  que  le  droit  romain  était  surtout 
connu  en  Normandie  par  le  bréviaire  d'Alaric,  et  il  établit, 
en  effet,  que  ce  monument  législatif  était  étudié  vers  833 
dans  une  abbaye  de  ce  pays  que  les  Normands  devaient  bien- 
têt  détruire.  En  Angleterre  comme  en  France,  le  droit  ro- 


102  COMPTES-RENDUS   BIBLIOGRAPHIQUES. 

main  eut  ses  interprètes  jusqu'à  l'arrivée  de  Vacarius,  mais 
cet  enseignement  était,  comme  nous  l'avons  dit  ailleurs, 
obscur  et  presque  ignoré  :  c'était  aussi  le  bréviaire  que  trans- 
crivaient les  copistes  des  monastères.  Il  est  môme  permis  de 
conjecturer  que  l'étude  du  droit  romain  était  plus  répandue 
dans  ces  temps  reculés,  parmi  nous  qu'en  Angleterre.  La 
civilisation  était  restée  beaucoup  plus  romaine  en  Gaule  que 
parmi  les  Saxons;  le  droit  romain  était  appliqué  devant  les 
tribunaux.  En  Angleterre,  les  Saxons  avaient  détruit  tout  ce 
qui  venait  des  Romains.  C'est  seulement  dans  les  monastères 
qu'on  s'occupait  encore  un  peu  du  droit  des  anciens  con- 
quérants. L'établissement  des  Normands  fit  revivra  l'élude 
du  droit  romain  qui  jeta  môme  un  certain  éclat  aous  les  rè- 
gnes de  Henri  Ier  et  d'Etienne.  Mais,  sauf  l'œuvre  de  Vaca- 
rius, bien  des  points  demeurent  encore  obscurs,  môme  après 
le  travail  de  notre  émineat  confrère.  Il  reconnaît  lui-même 
qu'il  lui  est  presque  impossible  de  savoir  si  lies  jurisconsultes 
dont  il  cite  les  travaux  v  mats  dent  les  noms  reaient  presque 
toujours  inconnus,  écrivaient  en  Normandie  ou  en  Angle- 
terre, et,  pour  se  tirer  d'embarras,  il  se  borne  à  dire  que 
leurs  œuvres-  sont  anglo-normandes.  M.  Gaillemer  consacre 
à  ces  œuvres  la  plus  grande  partie  de  son  mémoire;  il  a  eu 
l'heureuse  fortune  de  consulter  un  manuscrit  de  bt  fin  du 
douzième  siècle  ou  du  commencement  du  treizième,  apparte- 
nant à  M.  Bélin,  juge  suppléant  à  Lyon ,  et  où  sont  contenus 
quelques-uns  de  ces  vieux  traités  de  pratique.  A  cette  époque, 
en  effet,  on  ne  voyait  le  droit  que  par  la  procédure,  la  forme 
cachait  le  fond  et,  pendant  des  siècles  encore,  la  plupart  des 
jurisconsultes  se  bornèrent  à  écrire  des  pratiques  judiciaires. 
Pour  notre  période ,  Ai.  Gaillemer  place ,  en  première  ligne , 
un  Ordo  judiciorum  que  l'on  désigne  habituellement  sous  le 
nom  de  Ulpiams  de  edendo.  L'auteur  de  ce  petit  traité  de 
procédure  est  resté  inconnu.  Un  des  manuscrits  qui  le  ren- 
ferme a  été  découvert  en  Angleterre,  en  1791.  Les  érudits 
discutent  encore  bien  vivement  sur  le  point  de  savoir  dans 
quelle  ville  écrivait  l'auteur  de  cet  Ordo  judiciorum.  La  seule 
localité  qui  y  soit  mentionnée  est  Paris  :  l'auteur  suppose 
qu'un  créancier  réclame,  dans  la  ville  où  il  écrit,  ce  qui  est 
dû  à  Paris.  On  en  a  conclu  que,  bien  certainement,  ce  petit 


COMPTES-RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES.  103 

traité  n'avait  pas  été  composé  dans  cette  ville;  H&nel  pense 
qu'il  a  été  écrit  en  Angleterre  et  qu'on  y  a  cité  Paris  à  cause 
de  sa  proximité.  Bethmann-Hollweg  adopte  cette  opinion  et 
ajoute  que  l'auteur  devait  appartenir  à  l'école  de  Vacarius. 
M.  Caillemer  le  réclame  pour  la  Normandie.  D'autres  pro- 
vinces pourraient,  à  notre  avis,  le  revendiquer  tant  qu'on 
n'aura  pas  de  renseignements  plus  précis  sur  le  lieu  où.  écri- 
vait l'auteur.  Une  seule  chose  est  acquise  :  c'est  que  tous  les 
manuscrits  connus  jusqu'à  ce  jour  de  Y  Or  do  judiciorum  vien- 
nent de  la  France  septentrionale,  des  provinces  belgiques 
ou  de  l'Angleterre. 

11.  Caillemer  comprend  plus  sûrement ,  parmi  les  travaux 
écrits  dans  les  provinces  anglo-normandes ,  un  traité  De  ac- 
ttortum  varie  taie,  sans  qu'on  sache,  d'ailleurs,  d'une  manière 
bien  précise,  si  son  auteur  était  Normand  ou  Français.  Le 
rédacteur  de  la  Summa  décret*  lipsiensis  est  rangé  avec  plus 
de  certitude  encore  parmi  les  canonistes  anglo-normands ,  et 
comme  il  connaît  tout  particulièrement  les  usages  français, 
on  peut  affirmer,  sans  trop  de  témérité,  qu'il  est  normand 
d'origine.  Ce  qui  est  plus  important,  c'est  la  revendication 
faite  par  M.  Caillemer  au  profit  de  l'école  anglo-normande 
d'une  Summa  que  les  historiens  attribuent  depuis  trois  siècles 
au  glossateur  Otto  de  Pavie.  Son  argumentation,  fondée  en 
partie  sur  l'examen  du  manuscrit  de  M.  Bélin,  nous  a  paru 
décisive.  Nous  ajouterons,  avec  notre  savant  confrère,  que 
nous  avons  peine  à  comprendre,  si  cette  Summa  est  l'œuvre 
du  glossateur  Otto,  qu'elle  soit  restée  inconnue  des  juriscon- 
sultes italiens. 

Tous  les  travaux  qui  précèdent  ont  été  écrits  par  des  au- 
teurs dont  les  noms  nous  sont  inconnus,  et  M.-  Caillemer 
n'essaie  pas  de  lever  un  voile  qui  lui  paraît  impénétrable.  Mais 
il  s'arrête  ensuite  à  Guillaume  de  Longchamp,  auteur  d'une 
Practica  legum  et  decretorum,  que  notre  savant  confrère  publie 
à  la  suite  de  son  travail.  Guillaume  de  Longchamp  ne  man- 
quait pas  d'esprit.  Voici  comment  il  définit,  par  exemple, 
la  science  du  droit,  au  début  de  son  livre  :  «  Juris  scientia 
res  quidam  sanctissima  est,  ex  qua  columbe  provenit  sim- 
plicitas  et  serpentis  prudentia  comparatur,  ne  vel  fratrem  in 
judicio  circumvenias ,  vel  aliorum  versutiis  supplanteris.  »  Il 


104  COMPTES-RENDUS   BIBLIOGRAPHIQUES. 

divise  les  hommes  en  deux  classes,  les  clercs  et  les  laïques, 
et  il  ajoute  :  «  Gladii  siquidem  duricia,  per  imperatorem , 
excessus  corrigi  voluit  laïcorum ,  clericorum  vero  vitam  pis- 
catoris  diligeatia  voluit  moderari.  Pênes  hos  auctoritas  resi- 
det  precipiendi;  ceteris  vero  incumbit  nécessitas  obediendi.  » 
Vient  ensuite  un  exposé  très  sommaire  de  la  procédure  des 
cours  laïques  et  de  celle  usitée  dans  les  cours  d'Église.  Pres- 
que toutes  les  règles  sont  empruntées  au  droit  canonique  et 
au  droit  romain.  Guillaume  de  Longchamp  relève  avec  soin 
que  la  procédure  laïque  est  beaucoup  plus  formaliste  et  qu'elle 
pratique  moins  l'usage  de  l'appel.  11  y  a  là  une  trace  évi- 
dente de  l'influence  persistante  de  l'ancienne  procédure  féo- 
dale. Ceux  qui  voudront  étudier  la  procédure  au  douzième 
siècle  pourront  consulter  avec  fruit  ce  petit  traité,  et  M.  Cail- 
lemer  a  rendu  un  véritable  service  en  le  publiant  dans  son 
travail.  Quant  à  ceux  qui  s'occupent  des  sources  de  notre  droit 
au  Moyen-âge,  ils  devront  se  reporter  à  l'œuvre  même  du  sa- 
vant doyen  de  la  Faculté  de  Lyon  qui  est  un  modèle  d'éru- 
dition fine  et  pénétrante  à  la  fois. 

E.  Glasson. 


L'Édit  perpétuel  restitué  et  commenté ,  par  Louis  Jous- 
serandot,  professeur  de  Pandectes  à  la  Faculté  de  Droit  de  l'Uni- 
versité de  Genève. 

Les  deux  volumes  que  M.  L.  Jousserandot  publie  sous  ce 
titre  :  VÊdit  perpétuel  restitué  et  commenté  sont  destinés 
avant  tout  à  l'enseignement.  Us  nous  donnent  le  résumé  des 
leçons  professées  par  l'auteur  à  la  Faculté  de  Droit  de  l'Uni- 
versité de  Genève;  en  même  temps  ils  contiennent  l'exposé  et 
l'application  d'une  nouvelle  méthode  d'enseignement  du  droit 
romain. 

L'essai  de  reconstitution  de  l'Édit  perpétuel  dû  à  Rudorff  a 
laissé  subsister  encore  bien  des  points  obscurs  sur  la  portée 
et  le  contenu  de  l'œuvre  de  Salvius  Julianus  (i).  M.  Jousse- 
randot ne  semble  pas  avoir  eu  la  pensée  de  s'absorber  dans  la 

(i)  Voir  uq  article  bibliographique  de  M.  Giraud  (Revue  de  Législation, 
1870-1871,  p.  193). 


COMPTES-RENDUS   BIBLIOGRAPHIQUES.  105 

solution  de  ces  problèmes,  ni  dans  un  travail  original  de 
restitution.  On  ne  trouvera  donc  dans  son  ouvrage  aucune 
étude  historique  sur  l'origine  de  l'Édit  perpétuel,  les  circons- 
tances de  sa  rédaction,  l'autorité  dont  il  a  pu  être  revêtu 
comme  acte  législatif.  Sur  tous  ces  points,  l'auteur  renvoie 
ses  élèves  au  Cours  d'Histoire  du  droit  romain,  et  se  contente 
d'indications  sommaires  dans  sa  préface.  Ce  qu'on  eût  désiré 
également  rencontrer  dans  le  livre,  ce  sont  les  grandes  lignes 
d'un  travail  de  restitution  soit  du  contenu  même  de  l'Édit,  soit 
du  plan  adopté  par  son  rédacteur.  A  cet  égard ,  l'auteur  s'est 
contenté  d'emprunter  à  Rudorff,  et  sans  les  soumettre  de  nou- 
veau à  la  critique  tous  les  résultats  auxquels  ce  dernier  était 
arrivé.  Mais,  puisqu'il  se  résignait  à  suivre  les  traces  de  l'é- 
radit  allemand ,  M.  Jousserandot  eût  été  bien  inspiré  s'il  ne 
se  fût  point  écarté  de  son  modèle ,  et  s'il  eût  imité  sa  réserve 
au  sujet  de  la  reproduction  du  texte  même  de  l'Édit.  Rudorff, 
en  effet,  s'était  gardé  de  vouloir  imposer  un  texte  de  fantaisie. 
H  s'était  borné  à  reproduire  le  langage  du  préteur  lorsqu'il 
nous  avait  été  conservé  par  les  commentaires.  Pour  les  pas- 
sages de  l'Édit  qui  ne  nous  sont  pas  parvenus ,  il  se  conten- 
tait d'indiquer  les  sources  où  il  y  était  fait  allusion.  Il  n'avait 
donné  libre  carrière  à  son  imagination  que  dans  la  recons- 
truction des  formules  inscrites  sur  l'album.  M.  Jousserandot 
va  plus  loin.  Non-seulement  il  reproduit  les  formules  imagi- 
nées de  toutes  pièces  par  son  devancier,  mais  il  en  crée  de 
nouvelles;  et  ce  qui  est  plus  hardi  encore ,  il  place  en  tête  de 
chacun  des  chapitres  de  son  commentaire  un  texte  latin  qu'il 
nous  présente  sans  faire  ses  réserves ,  comme  reproduisant  le 
langage  original  du  préteur. 

L'auteur,  nous  en  sommes  persuadés ,  n'est  pas  dupe  de  sa 
propre  fantaisie;  mais  ses  lecteurs  non  avertis  peuvent  s'y 
laisser  tromper,  pour  peu  qu'ils  n'aient  pas  la  précaution  de  re- 
courir aux  sources,  indiquées  d'ailleurs  par  des  renvois.  Si  l'on 
se  donne  la  peine  de  faire  cette  recherche,  on  voit  combien  la 
reconstruction  du  texte  est  artificielle ,  conjecturale  et  même 
invraisemblable.  Puisque  M.  Jousserandot  tenait  à  ces  essais 
de  restauration,  il  devait  au  moins  nous  mettre  en  garde 
contre  lui-même  et  nous  permettre  soit  par  une  note ,  soit  par 
le  moyen  de  caractères  spéciaux  d'imprimerie ,  de  discerner 


106  COMPTES-RENDUS   BIBLIOGRAPHIQUES. 

les  rares  passages  originaux  de  l'Édit,  de  ceux  qu'il  a  cru 
devoir  inventer  (2). 

S'il  y  a  des  inconvénients  sérieux  à  prêter  ainsi  à  l'Édit  un 
langage  qu'il  n'a  pas  tenu,  que  dire  de  certains  fragments 
restitués  qu'eussent  certainement  désavoués  les  rédacteurs  de 
l'Édit  eux-mêmes.  C'est  ainsi,  qu'à  propos  de  la  compensation, 
l'auteur  suppose  (t.  I,  p.  276)  que  l'Édit  contenait  une  disposi- 
tion relative  à  Yargentarius,  rédigée  dans  les  termes  suivants  : 
<(  Si  argentarius  intentione  compensatione  non  facta  plus  in- 
»  tendat  sibi  dari  oportere  quam  debeatur  condemnabo.  »  Var- 
gentarius  qui  n'a  pas  fait  la  compensation ,  commet  une  plus 
petitio,  il  est  repoussé  «  causa  cadit  et  ob  id  rem  perdit  (G. 
IV,  68).  Mais  ce  résultat  de  la  plus  petitio  encourue  ne  s'est 
jamais  exprimé  sous  la  forme  «  condemnabo  ».  La  condemna- 
tio,  d'ailleurs,  dans  le  sens  technique  du  mot,  n'atteint  ja- 
mais, sauf  de  très  rares  exceptions,  le  demandeur.  Ai-je 
besoin  d'insister?  M.  Jousserandot ,  dans  le  commentaire  du 
texte  supposé  de  l'Édit  et  dans  la  formule  qu'il  restitue,  se  ré- 
fute lui-même  de  la  meilleure  grâce  du  monde  (3). 

L'auteur  eût  certes  évité  toute  critique  de  ce  genre  s'il  eût 
pu  s'inspirer  de  l'excellente  restitution  de  l'Édit,  due  au 
Dr  Otto  Lenel,  professeur  de  droit  romain,  à  Kiel  (4).  Ici  on 
trouve  mises  en  œuvre  toutes  les  ressources  d'une  érudition 
patiente ,  d'une  sagacité  critique  dont  la  prudence  heureuse- 

(2)  Encore  moins  pouvons-nous  admettre  qu'on  s'exprime  ainsi  :  «  Le  Pré- 
»  teur  a  jugé  son  intervention  nécessaire,  et  il  a  statué  en  cet  termes  :  Eum 
»  cui  sub  jurisjurandi,  etc.  T.  II,  p.  144,  »  alors  que  la  loi  8  pr.,  D.  De 
eondit.  inttit.,  28,  7,  à  laquelle  l'auteur  renvoie ,  nous  prouve  que  le  préteur 
n'a  pas  tenu  ce  langage,  et  que  ces  termes  sont  pure  invention  de  Fauteur. 

(3)  Pourquoi  n'avoir  pas  non  plus  surveillé  d'un  peu  plus  près  le  style  des 
textes  restaurés  de  toutes  pièces.  Nous  nous  imaginons  difficilement  le  pré- 
teur s'exprimant  comme  le  prétend  l'auteur  (t.  I ,  p.  251),  dans  les  termes 
suivants  :  «  Si  obligatio  ex  mulieris  personft  calliditate  oreditorls  sumpserit 
»  primordium ,  exoeptione  Scti  Velleiani  contra  petit  ores  eam  defendi  ju- 
»  bebo.  »  Il  est  fait  allusion  à  cette  disposition  de  l'Édit  dans  une  Constitu- 
tion de  Dioctétien  et  Maximien  (19.  Code  ad  Set.  Velleianum,  4. 29).  Il  suffit 
de  se  reporter  à  cette  Constitution  pour  se  convaincre  que  l'auteur  n'a  pas 
hésité  à  attribuer  sans  réserves  à  l'Édit  la  latinité  de  la  chancellerie  Impé- 
riale du  iv*  siècle. 

(4)  Dot  Edictum  perpetuum ,  ein  Vertuch  tu  dette*  WiederkertteUung , 
Leipzig,  TauchniU,  1883. 


COMPTES-RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES.  107 

ment  tempérée  de  hardiesse  ne  laisse  rien  au  hasard.  Qu'il 
essaie  de  faire  révivre  le  texte  même  de  l'Édit,  lorsque  la 
rédaction  officielle  fait  défaut ,  qu'il  nous  rende  la  formule 
proposée  sur  l'Album ,  M.  Lenel  s'entoure  de  tous  les  docu- 
ments propres  à  entraîner  la  conviction.  Mate  il  se  garde  bien 
de  nous  cacher  ses  hésitations  :  bien  plus,  il  nous  y  associe 
et  qualifie  franchement  ses  essais  de  conjectures  plus  ou  moins 
probables. 

Aussi  bien,  peut-on  supposer  que  M.  Jousserandot  tenait 
avant  tout  à  se  donner  une  base  solide  sur  laquelle  il  pût 
appuyer  son  commentaire.  Nous  ne  pouvons  qu'applaudir 
aux  consciencieux  efforts  par  lui  tentés  pour  replacer  sous 
nos  yeux  le  tableau  des  principales  innovations  prétoriennes. 
Les  divisions  adoptées  :  Prasparatoria  judiciorum,  De  judiciis 
omnibus ,  De  exsecutionibus,  De  remediis  a  Prœtore  introductis , 
mettent  fort  bien  en  relief  le  caractère  de  l'Édit  perpétuel , 
véritable  codification  de  la  procédure  prétorienne,  et  par  là 
jettent  une  pleine  lumière  sur  la  nature  des  procédés  em- 
ployés pour  donner  au  vieux  droit  civil  plus  de  souplesse  et 
de  portée. 

Trop  souvent  cependant,  certaines  matières  se  trouvent 
rattachées  à  l'édit  d'une  façon  artificielle  :  par  exemple,  la 
théorie  de  la  loi  Aquilia,  celle  des  testaments  et  des  legs.  Là , 
d'ailleurs,  se  trahit  la  secrète  préoccupation  du  professeur  : 
tout  ramener  à  l'Édit  pour  borner  à  l'Edit  l'enseignement  du 
droit  romain.  Nous  sommes  bien  loin  de  partager  les  illusions 
de  M.  Jousserandot  sur  les  mérites  d'une  pareille  méthode. 
Il  faut  se  garder  d'exagérer,  comme  il  le  fait ,  le  rôle  joué  par 
le  préteur  dans  la  formation  historique  du  droit  romain ,  éviter 
surtout  de  négliger  systématiquement  le  droit  civil  ancien 
pour  lequel  M.  Jousserandot  semble  professer  un  dédain  in- 
justifié (5).  Sans  ce  droit  primitif,  comment  donner  la  raison 
d'être  de  l'Édit,  comment  expliquer  l'originalité  de  sa  physio- 

(5)  Ce  sentiment  se  traduit  par  des  assertions  comme  celles-ci  :  «  Que  jus- 
»  qu'au  siècle  de  Gcéron,  l'idée  de  justice  est  anti-romaine.  »  que  «les  actions 
»  de  la  loi  sont  des  pièges  tendus  à  la  bonne  foi,  »  que  «  dans  l'œuvre  du  pré- 
»  teur  se  trouve  le  droit  romain,  »  que  «  le  véritable  droit  romain  est  le  pro- 
»  duit  de  la  lutte  soutenue  par  les  jurisconsultes  contre  l'esprit  romain.  » 
(Préface,  p.  xra,  a ,  xvi.) 


108  COMPTES-RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES. 

nomie?  N'est-ce  pas  accréditer  une  grave  erreur  que  de  pré- 
senter le  droit  prétorien  de  l'époque  des  Antonins  comme  le 
seul  moment  important  de  l'évolution  juridique?  N'est-ce  pas 
méconnaître  la  haute  valeur  scientifique  du  droit  romain  que 
de  le  réduire  ainsi  aux  proportions  mesquines  d'une  procédure 
codifiée?  Tout  au  plus,  approuvons-nous  la  nouveauté  de  la 
tentative ,  à  condition  d'en  faire  l'essai  sur  des  esprits  déjà 
mûris  par  une  étude  approfondie  des  diverses  phases  de  l'his- 
toire des  institutions.  L'explication  de  ce  qui  nous  est  parvenu 
du  travail  de  Salvius  Julianus  remplacerait  alors ,  non  sans 
quelque  profit,  un  commentaire  des  Pandectes.  Mais  nous  ne 
saurions  aller  plus  loin ,  et  lorsqu'il  ne  s'agit  plus  des  initiés , 
nous  repoussons  une  méthode  qui  prétend  se  cantonner  dans 
l'Édit  sans  vouloir  remonter  aux  siècles  de  création  naïve  et 
franchement  romaine ,  ni  descendre  plus  avant  vers  les  épo- 
ques de  désagrégation  et  de  décadence.  Ainsi  restons-nous 
fidèles  à  cette  tradition  de  l'école  historique  dont  M.  Jousse- 
randot  se  proclame  l'adepte  et  dont  il  risque  cependant  de 
fausser  l'esprit. 

Gaston  May, 

Profateur  à  la  Faculté  de  Droit  de  Nancy, 


8AR-LE-DUC,  IMPRUIBMB  CONTAXT-LAOUBARB. 


COUTUME   DE   PARIS.  65 

cation  de  l'article  25.  C'est  ainsi  qu'il  réussit  à  faire  admettre 
que  les  fiefs  qui  arriveraient  à  la  femme  en  succession  ou  do- 
nation directe  ne  devraient  pas  relief,  et  que,  par  premier  ma- 
riage ,  on  entendrait  le  premier  mariage  contracté  du  vivant 
des  père  et  mère  et  non  pas  seulement  le  premier,  alors  même 
qu'elles  eussent  été  mariées  plusieurs  fois ,  que  les  filles  con- 
tractaient après  le  décès  des  père  et  mère.  L'opinion  de  Du- 
moulin fut  consacrée,  en  1580,  par  les  articles  35  et  sui- 
vants (i). 

Au  xiv*  siècle ,  on  n'admettait  pour  la  femme  l'exemption 
de  payer  le  relief  que  lorsqu'elle  en  avait  été  affranchie  par 
son  frère;  ainsi  en  donation  directe,  le  rachat  était  dû  par  la 
femme  ou  son  mari  pour  elle  :  «  Item  si  ung  homme  marie 
»  une  sienne  fille  a  laquelle  il  donne  partie  de  son  fief,  son 
»  gendre  doit  rachapt  par  la  coustume  »  (Grand  Coutumier, 
liv.  II,  chap.  30,  p.  312). 

La  nullité  du  mariage  entraînait-elle  l'obligation,  pour  la 
femme,  de  payer  le  rachat?  Un  arrêt  du  Parlement  de  1270 
décide  que  l'annulation  du  mariage  entraîne  mutation  et  par 
suite  obligation  de  payer  le  rachat.  Voici  quelle  était  l'es- 
pèce :  une  veuve  avait  porté  hommage  pour  son  héritage  et 
payé  le  rachat  ;  puis  elle  s'était  remariée  et  son  nouveau  mari 
avait  porté  hommage  et  payé  rachat  pour  les  biens  de  sa 
femme.  Au  bout  de  plusieurs  années ,  le  mariage  fut  cassé 
pour  cause  de  parenté.  La  femme  porta  de  nouveau  hommage 
et  refusa  de  payer  rachat ,  l'ayant  payé  une  première  fois ,  lors 
de  son  veuvage  (2).  Le  seigneur  prétendait  que  les  biens  ayant 
passé  en  d'autres  mains,  par  suite  du  mariage,  la  cassation 
de  ce  mariage  entraînait  une  nouvelle  mutation.  L'arrêt  du 
Parlement  consacra  cette  prétention.  Mais  cette  doctrine  ne 
prévalut  pas ,  et  l'annulation  du  mariage  n'était  pas  considé- 
rée, au  xiv6  siècle,  comme  une  cause  de  mutation  (3). 

Dans  les  cas  où  la  femme  devait  payer  le  rachat,  c'était  le 


(!ï  Voy.  Brodeau,  sur  les  articles  35  et  36. 

(2)  Cet  arrêt  semble  admettre  que  la  femme  veuve  payait  le  relief  pour 
son  veuvage.  Il  n'en  était  pas  ainsi  au  xiv*  siècle,  comme  le  montre  on  pas- 
sage du  Grand  Coutumier  déjà  indiqué  (liv.  II,  cbap.  25). 

(3)  Voy.  Brodeau,  art.  36,  I,  p.  265. 

RtruB  hist.  —  Tome  VIII.  5 


66  ESSAI  sur  l'ancienne 

mari  comme  gardien  et  bail  de  sa  femme  qui  devait  s'ac- 
quitter de  cette  charge  (1). 

En  cas  de  bail  ou  garde ,  il  y  avait  encore  des  exceptions 
au  principe  que  le  rachat  était  dû  pour  toute  mutation  de 
fiefs  autrement  que  par  vente  ou  contrat  analogue. 

Les  père  ou  mère,  aïeul  ou  aïeule  ayant  la  garde  de  leurs 
enfants  mineurs  ne  devaient  point  payer  le  rachat  :  «  Par  la 
»  Coustume  des  fiés,  gardien  ou  gardienne  de  leurs  enfans 
»  mineurs  ne  doivent  point  de  rachat  ni  de  relief,  mes  souffit 
»  d'offrir  la  bouche  et  les  mains  pour  entrer  en  sa  foy  et  son 
»  hommage,  ou  souffrance,  selon  les  us  et  coustumes  des  fiés 
»  de  France  »  (J.  Desmares,  194;  id.,  206;  id.,  Coût,  notai- 
res, 136  et  158)  (2).  Ainsi  en  ligne  directe,  d'une  façon  géné- 
rale ,  le  gardien  ne  devait  point  le  rachat  ;  il  fallait  excepter 
cependant  le  cas  où  les  enfants  mineurs  héritaient  d'un  fief 
venant  de  la  succession  de  leur  frère  :  «  Quand  la  mère  a  la 
»  garde  de  ses  enfants  auxquels  eschiet  aucune  chouse  tenue 
»  en  fié  à  cause  de  la  succession  de  leur  frère ,  elle  doit 
»  rachat,  car  ainsi  le  devraient  les  enfants  s'ils  étoient 
»  aagiez  »  (J.  Desmares,  205).  La  décision  206  généralise 
cette  règle  en  l'étendant  à  tous  les  cas  où  le  rachat  pourrait 
être  dû  par  les  enfants  eux-mêmes ,  s'ils  étaient  majeurs  (3)  : 
«  Item  qui  ha  le  bail ,  doit  rachat ,  se  les  enfans  que  il  ha  en 
»  bail,  pour  cause  des  fies ,  desquels  les  enfans  se  ils  estoient 
»  aagiez  le  payeroient,  à  cause  de  la  succession  de  leurs 
»  frères  et  seurs  ou  autres  de  ligne  transversal  ou  d'autre 
»  non  de  leur  lignage  »  (J.  Desmares,  206). 

En  ligne  collatérale,  les  parents  auxquels  le  bail  pouvait 
appartenir  devaient  racheter  :  «  Toutefois  le  père ,  la  mère , 
»  l'ayeul,  l'ayeule  qui  ont  la  garde  ne  rachèteront  point, 
»  mais  les  frères  et  parens  du  lignage  collatéral  auxquels  le 
»  bail  appartient  rachèteront  le  bail  d'une  année  »  (Grand 
Coutumier,  liv.  II,  chap.  27,  p.  292)  (4). 

(!)  Cf.  Grand  Coutumier,  liv.  II,  chap.  30,  p.  312. 

(2)  Cf.  Paris,  art.  46. 

(3)  Le  mineur  héritier  de  ses  père  et  mère  devait  aussi  payer  le  relief  lors- 
qu'il était  dû  du  chef  de  ces  derniers.  (Tétait  alors  une  dette  qu'il  acquittait. 
Voy.  Brodeau,  sur  l'art.  46,  I,  pag.  330-331. 

(4)  Lorsque  la  mère  se  remariait,  le  mari  payait  rachat  pour  la  garde  (Cr. 


COUTUME   DE  PARIS.  67 

Mais  dès  le  xv*  siècle  on  commença  à  réagir  contre  l'exemp- 
tion de  payer  le  rachat  dont  jouissait  le  gardien  en  ligne  directe. 
On  trouve  des  traces  de  cette  réaction  dans  le  Grand  Coutumier  : 
«  Garde  doit  rachapt  et  finance  tant  que  touche  les  fiefs  dont 
»  il  fait  les  fruits  siens  »  {Grand  Coût.,  liv.  II,  chap.  30)  (1). 
En  1510,  lors  de  la  première  rédaction  de  la  Coutume ,  cette 
opinion  triompha  et  l'article  32  décida  que  le  gardien,  faisant 
les  fruits  siens ,  serait  tenu  de  payer  les  droits  de  relief  ou 
rachat.  Cette  doctrine,  trop  fiscale,  disparut  eu  1580  et  on  re- 
vint à  l'ancienne  coutume  du  xiv*  siècle  (art.  46)  (2). 

A  l'origine  de  la  féodalité ,  le  taux  du  rachat  était  loin  d'être 
déterminé  d'une  manière  fixe ,  il  était  bien  plutôt  «  ad  mise- 
ricordiam  domini,  »  à  la  merci  du  seigneur  (3).  Il  en  fut 
ainsi  jusqu'au  premier  tiers  du  xm*  siècle.  Une  ordonnance 
de  1235  (4)  fixa  pour  la  première  fois  le  taux  du  relief.  Le 
règlement  qu'elle  contenait  devint  le  droit  commun  ;  le  taux 
du  relief  se  trouvait  fixé  au  revenu  du  fief  pendant  une  année; 
cette  règle  recevait  quelques  exceptions  résultant  de  la  nature 
et  de  la  culture  des  fiefs  (5). 

Au  XIVe  siècle,  le  relief  était  encore  fixé  au  revenu  d'une 
année;  mais  le  vassal  pouvait  s'en  acquitter  aussi ,  soit  en  of- 
frant une  certaine  somme,  soit  en  payant  un  prix  déterminé 
par  de  «  bonnes  gens.  »  «  Et  est  la  coutume  telle  toute  notoire 
»  que  li  héritiers  du  costé  se  doivent  traire  au  seigneur  du  fié 
»  et  luy  requerre  que  il  les  reçoive  à  la  foy  et  hommage  et  lui 
»  doit  l'en  offrir  une  certaine  somme  de  deniers  ou  une  année 
»  du  fief  ou  le  prix  de  bonnes  gens,  le  marc  franc  là  où  il 
»  eschiet...  »  (J.  Desmares,  287).  De  même  dans  le  Grand 
Coutumier  :  «  Et  si  leur  doibt  offrir  pour  le  rachapt  une 
»  somme  d'argent  ou  le  prix  que  la  terre  sera  prisée  par 


Coukmder,  liv.  II,  chap.  27,  p.  291).  Le  rachat  était  dû  à  chaque  mutation 
de  bail. 

(1)  Cette  règle  n'existe  pas  dans  tous  les  manuscrits  (Voy.  Gr.  Coutumier, 
Ht.  II ,  cbap.  30,  p.  312). 

(2)  Voy.  Brodeau,  sur  l'article  46. 

(3)  Voy.  Brodeau,  sur  l'article  47. 

(4)  Isambert,  t.  II,  pag.  244. 

(5)  Cf.  Beaumanoir,  XXVII,  2. 


68  ESSAI  sur  l'ancienne 

»  bonnes  gens  ou  le  revenu  de  l'année...  »  (Grand  Coutumier, 
liv.  II,  chap.  27,  p.  291)  (1). 

Pour  arriver  à  déterminer,  soit  le  revenu  du  fief,  soit  la 
somme  que  le  vassal  devait  offrir,  il  fallait  évaluer  le  fief.  La 
Coutume  notoire  138,  nous  donne  les  règles  qu'on  suivait  à 
cet  égard  :  «  Es  choses  féodaux ,  un  fie  de  cent  livres  bien 
»  venant,  mouvant  du  seigneur  sans  moyen  et  de  sa  directe 
»  seigneurie ,  vault  en  assiette  de  terre ,  au  profit  dudit  sei- 
»  gneur,  cent  sols  parisis  et  non  plus  par  prisée  de  terre ,  et 
»  se  il  y  a  arrière  fiefs,  chacun  arrière  fié,  de  quelque  valeur 
»>  qu'il  soit  quand  il  chiet  en  rachat,  tant  qu'il  est  en  la  main 
»  du  seigneur,  doit  et  peut  valoir  60  sols  qui  peuvent  être  es- 
»  timés  à  3  sols  parisis  de  rente  et  non  plus  »  (Coût.  noL 
138).  Ainsi  pour  les  arrière-fiefs,  on  payait  une  somme  fixe 
quelle  qu'en  fût  la  valeur.  C'était  au  seigneur  féodal  qu'appar- 
tenait le  choix  entre  les  revenus  d'une  année  ou  la  somme  of- 
ferte par  le  vassal  ou  celle  fixée  par  de  ce  bonnes  gens.  »  Au 
xvie  siècle ,  on  suivait  les  mômes  règles  pour  la  fixation  du 
taux  du  rachat  (art.  47)  (2). 

Le  démembrement  avait  lieu  lorsque  d'un  fief  on  en  faisait 
plusieurs  (3).  Il  est  facile  de  saisir  combien  cette  pratique 
pouvait  être  préjudiciable  au  seigneur ,  puisqu'elle  entraînait 
la  division  de  ses  droits.  Aussi  admettait-on  la  règle  que  nul 
ne  pouvait  démembrer  son  fief  au  préjudice  du  seigneur.  Si  le 
vassal  démembrait  son  fief  sans  le  consentement  du  seigneur, 
ce  dernier  pouvait  saisir  féodalement  la  partie  démembrée  et 
en  faire  les  fruits  siens  jusqu'à  ce  que  le  fief  ait  été  remis  en 
son  premier  état  (4)  ;  le  seigneur  pouvait  dire  «  à  celui  qui 
»  derrenièrement  auroit  baille  et  acensé  son  fie ,  vous  m'avez 
»  mon  fie  amenuisie  et  acensé  et  avelonni,  sachiez  que  je 
»  vueil  à  mon  fie  assener,  et  il  le  puet  faire  de  droit  »  (Corn- 
tit.  du  Châtelet,  art.  23)  (5).  Lorsque  le  seigneur  donnait  son 
consentement  au  démembrement,  son  suzerain  immédiat  pou- 
vait pratiquer  la  saisie ,  son  fief  ayant  été  abrégé ,  et  ainsi  de 

(4)  Cf.  Paris ,  art.  47. 

(2)  Voy.  aussi  art.  49  et  50. 

(3)  Cf.  de  Laurière,  sur  l'article  51. 

(4)  Voy.  Ch.  Mortet,  Le  Hore  des  cotutitucion*,  Iotrod.,  p.  17. 

(5)  Cf.  Olim,  t.  I,  1265. 


COUTUME  DE  PARIS.  69 

seigneur  en  seigneur  jusqu'au  roi.  L'ordonnance  de  1275  (1), 
sur  les  amortissements  et  abrègements  de  fiefs,  adoucit  ces 
rigueurs  du  droit  féodal,  et  le  vassal  put  amortir  avec  le  con- 
sentement de  son  seigneur,  en  payant  finance  à  trois  seigneurs 
médiats  seulement. 

Une  autre  sorte  de  démembrement  pouvait  avoir  lieu  lors- 
que le  vassal  aliénait  une  partie  de  son  fief,  tout  en  restant 
pour  le  tout  le  vassal  de  son  seigneur.  C'est  ce  qu'on  appelait 
le  jeu  de  fief  sans  démission  de  foi.  Ce  jeu  était  permis.  Mais 
le  vassal  devait  non-seulement  retenir  la  foi  entière ,  mais  en- 
core il  ne  pouvait  aliéner  ou  sous-inféoder  que  jusqu'à  con- 
currence du  tiers  et  il  devait,  en  outre,  retenir  quelque  droit 
sur  la  partie  aliénée  (2). 

A  la  théorie  de  l'abrègement  des  fiefs  se  rattachait  celle  de 
l'amortissement.  Le  passage  suivant  du  Grand  Coutumier 
nous  en  donne  la  définition  ;  c'est  «  un  congé  ou  octroy  que 
»  fait  aucun  hault  justicier  à  personne  ou  gens  d'église  de 
»  tenir  aucun  héritage  en  leur  main  à  perpétuité  sans  ce  que 
»  par  celluy  hault  justicier,  ni  par  autre  aiant  cause  de  luy, 
»  ils  puissent  doresnavant  estre  contrains  à  le  mettre  hors  de 
»  leurs  mains  »  (Gr.  Coutumier,  liv.  II,  chap.  21,  p.  358). 

La  possession  d'un  fief  par  une  personne  de  main-morte 
causait,  on  le  comprend,  de  sérieux  préjudices  au  suzerain, 
en  empêchant  la  perception  des  profits  de  mutations.  Aussi 
lorsque  le  possesseur  d'un  fief  l'aliénait  au  profit  d'une  per- 
sonne de  ce  genre ,  il  y  avait  abrègement  du  fief  et  on  devait 
alors  payer  finance,  c'est-à-dire  un  droit  d'amortissement,  aux 
seigneurs  suzerains  (3).  Au  xive  siècle ,  c'est  le  roi  qui  a  le 
droit  d'amortir  (4).  L'ordonnance  de  1275  (5)  régla,  pour  la 
première  fois ,  les  conditions  auxquelles  les  églises  et  autres 
personnes  de  main-morte  pourraient  posséder  des  fiefs. 

Dans  l'année  du  contrat,  le  seigneur  pouvait  les  contraindre 

(1)  Isambert,  t.  H. 

(2)  Voy.  Brodeàu,  sur  l'article  51  ;  id.,  sur  l'article  52. 

(3)  Cf.  Isambert,  II,  p.  658,  en  note. 

(4)  «  An  roi  seul  et  pour  le  tout  appartient  amortir  en  tout  son  royaume , 
»  à  ce  que  les  choses  puissent  être  dictes  amorties.  »  Isambert,  V,  p.  372. 
Ordonnance  de  1372.  Style  du  Pari.,  VII,  47. 

(5)  Isambert,  II,  p.  657. 


70  ESSAI  sur  l'ancienne 

à  mettre  le  fief  hors  leurs  mains  :  «  Se  aucune  église  a  achaté 
»  aucun  fié  et  le  seigneur  dlceluy  fié  reçoit  icelle  église  en 
»  foy  et  hommage,  il  puet,  ce  nonobstant,  denuncier  à  icelle 
»  église  à  mettre  ledit  fie  hors  ses  mains  dedans  un  an  depuis 
»  la  dite  dénonciation  puisqu'il  n'est  amorty,  et  se  il  ne  le  fait, 
»  le  seigneur  le  peut  mettre  en  sa  main  »  (J.  Desmares, 
202)  (1).  Passé  ce  délai,  les  gens  de  main-morte  ne  pouvaient 
plus  être  contraints  à  se  dessaisir  de  leurs  fiefs  ;  mais  ils  de- 
vaient amortir  sous  peine  de  confiscation. 

Lorsqu'un  vassal  vendait  son  fief,  le  seigneur  pouvait  exer- 
cer le  retrait  féodal,  c'est-à-dire  retirer  le  fief  aliéné  des  mains 
de  l'acquéreur,  réunir,  en  un  mot,  le  fief  servant  au  fief  do- 
minant. Le  retrait  pouvait  s'exercer  en  cas  de  vente  ou  d'alié- 
nation par  acte  analogue ,  c'est-à-dire  dans  tous  les  cas  où  le 
droit  de  quint  était  dû  :  «  Quand  aucun  vend  aucune  chouse 
»  en  censive ,  le  seigneur  de  qui  elle  est  tenue  ne  puet  icelle 
»  retenir  pour  le  prix ,  autrement  est  du  seigneur  duquel  le 
»  fief  vendu  est  tenu  »  (J.  Desmares,  204).  De  même  dans  le 
Grand  Coutumier  :  «  Le  seigneur,  après  le  dessaisissement  du 
»  vendeur,  peut  retenir  l'héritage  pour  tel  prix  comme  l'ache- 
»  teur  l'avait  acheté  »  (liv.  II,  chap.  25,  p.  274  (2).)  Au  xiv° 
siècle,  ces  formalités  de  dessaisissement  et  d'ensaisinement 
étaient  encore  obligatoires  ;  aussi  le  seigneur  pouvait-il  exer- 
cer son  droit  de  retrait  par  voie  de  rétention ,  lorsque  le  ven- 
deur venait  se  dessaisir  entre  ses  mains  ;  mais  au  xvie  siècle, 
elles  étaient  tombées  en  désuétude,  et  pour  exercer  le  retrait 
féodal  il  fallait  intenter  une  action  (art.  20)  (3). 

Le  retrait  était  une  suite  directe  du  droit  féodal.  Lorsque  le 
fief  devint  une  concession  héréditaire,  il  fut  tout  d'abord  con- 

(4)  Cf.  Gr.  Coutumier,  liv.  II,  chap.  21.  Des  admortissements. 

(2)  Le  rachat  ne  pouvait  s'exercer  en  cas  d'échange.  C'est  ce  que  décide 
un  arrêt  du  Parlement  du  5  juin  1311.  Il  faudrait  cependant  excepter  le  cas 
où  il  y  aurait  soulte  et  où  elle  serait  supérieure  ou  seulement  égale  à  la  va- 
leur de  l'immeuble  échangé. 

(3)  Le  seigneur  avait  quarante  jours ,  du  jour  de  l'exhibition  du  contrat, 
pour  exercer  le  retrait  féodal,  d'après  l'article  20;  s'il  n'y  avait  pas  exhibi- 
tion ou  notification  de  la  part  du  vassal ,  le  droit  d'exercer  le  retrait  durait 
30  ans,  comme  tous  les  antres  droits.  An  xiv«  siècle,  le  retrait  ne  s'exerçant 
pas  par  action,  U  n'y  avait  aucun  délai  fixé  et  le  seigneur  pouvait  toujours 
l'exercer,  lorsque  le  vassal  venait  se  faire  ensaisiner. 


COUTUME  DE  PARIS.  71 

cédé  au  seigneur  et  à  ses  hoirs  ;  il  faisait  retour  au  concé- 
dant, si  le  vassal  ne  laissait  pas  d'héritiers.  Plus  tard,  on 
admit  le  droit  pour  le  vassal ,  de  disposer  du  fief  au  profit  des 
tiers;  mais  on  eut  soin  de  réserver  au  seigneur  le  droit  de  re- 
tirer le  fief  des  mains  du  nouvel  acquéreur  et  de  prendre  le 
marché  pour  lui.  Telle  fut  l'origine  commune  du  retrait  féo- 
dal et  du  retrait  lignager  ;  ils  demeurèrent  tout  d'abord  con- 
fondus; ce  n'est  qu'au  xine  siècle  que  la  théorie  du  retrait 
lignager  se  développa  et  s'étendit  des  biens  nobles  aux  biens 
roturiers  (1). 

Le  titre  premier  de  la  Coutume  de  1580  traite  du  droit  d'aî- 
nesse et  par  suite  du  partage  des  fiefs  (art.  13,  14, 15). 

Une  ordonnance  de  Philippe  Auguste  du  1er  mars  1209  (2) 
avait  décidé  que,  dans  le  partage  des  fiefs,  les  puînés  ne  tien- 
draient pas  à  hommage  de  leur  aîné ,  mais  prêteraient  l'hom- 
mage au  seigneur  dominant.  Cette  ordonnance  ne  fut  pas 
observée  et  on  adopta  plus  généralement  le  système  de  la  te- 
nure  en  parage  :  tous  les  enfants  étaient  pairs  et  coseigneurs 
du  fief;  la  justice  s'administrait  en  leur  nom  commun;  ils  re- 
cevaient conjointement  l'hommage  de  leurs  vassaux  ;  mais  les 
fruits  et  revenus  étaient  partagés  dans  la  proportion  et  suivant 
les  règles  fixées  pour  la  succession  aux  biens  nobles.  On  em- 
pêchait ainsi  le  démembrement  du  fief  et  la  formation  d'ar- 
rière-fiefs; l'aîné  représentait  ses  puînés  dans  les  rapports 
avec  le  seigneur  suzerain;  lui  seul  rendait  la  foi  et  l'hom- 
mage (3). 

Ce  système  de  la  tenure  en  parage  ne  fut  jamais  admis 
comme  droit  commun  dans  la  prévôté  et  vicomte  de  Paris ,  et 
au  xine  siècle,  pour  organiser  une  tenure  en  parage,  il  fallait 
obtenir  une  autorisation  et  payer  finance.  On  la  considérait 
comme  une  sorte  d'amortissement.  On  y  admettait  plutôt  le 
mode  de  tenure  suivante  :  l'aîné  prenait  tout  le  fief  et  en  fai- 
sait tous  les  services ,  sauf  à  faire  participer  ses  puînés  aux 
revenus  dans  certaines  proportions  et  à  les  garder  s'ils  étaient 
mineurs  :  «  Se  pluisours  enfans  sont  demorés  de  père  et  de 

(1)  Cf.  Brodeau,  sur  l'article  20.  Loi  4  Gode,  lit.  66,  De  jure  empt. 

(2)  Iumbert,  I,  p.  203. 

(3)  De  Laurière ,  sur  l'article  54 . 


72  ESSAI  sur  l'ancienne 

»  mère ,  et  il  y  ait  fief  franc ,  le  malle  ainsné  le  doit  tenir  et 
»  avoir  en  la  seignorie ,  mes  il  doit  tous  les  autres  garder  et 
»  assener.  Et  se  le  fie  est  vilain,  chascun  en  doit  avoir  sa  par- 
»  tie.  Et  s'il  avenoit  que  li  ainsnéz  feist  chose  qu'il  ne  deust 
»  envers  son  lige  seigneur,  les  autres  enfans  i  porroient  bien 
»  avoir  damage  ;  que  le  chiez  sires  porroit  penre  le  fie  en  sa 
»  main  par  le  défaut  que  le  ainsnez  feroit  s'il  ne  faisoit  chose 
»  qu'il  ne  deust  envers  son  lige  seigneur  »  (Constitue  du 
Châtelet,6$)(i). 

Mais  dès  les  premières  années  du  xme  siècle ,  le  droit  d'aî- 
nesse avait  pénétré  dans  la  Coutume  de  Paris.  Inconnu  du 
droit  Germanique,  il  n'apparaît  pour  la  première  fois  qu'à  la 
fin  du  xiie  siècle,  dans  les  Coutumes  Anglo-Normandes  et 
dans  les  Assises  du  comte  Geffroy,  duc  de  Bretagne,  qui 
furent  arrêtées  et  délibérées  à  Rennes  en  1185.  La  similitude 
des  règles  et  des  dispositions ,  concernant  le  droit  d'aînesse, 
que  donnent  ces  deux  documents,  a  pu  faire  croire,  très  vrai- 
semblablement, qu'ils  procèdent  d'une  même  source,  qui  doit 
être  un  statut  du  roi  d'Angleterre  Henri  II  (2). 

Quoi  qu'il  en  soit,  aux  xme  et  xive  siècles,  l'aîné  avait  droit, 
dans  la  prévôté  et  vicomte  de  Paris ,  à  un  préciput  et  à  une 
part  avantageuse.  Le  préciput  était  le  manoir  principal  et  à 
Paris,  particulièrement,  l'hôtel  qui  lui  plaisait  le  mieux  :  «  Le 
»  fils  aine  emportera  l'hôtel  lequel  mieulx  lui  plaira  soit  par 
»  père  ou  par  mère,  avec  un  arpent  de  jardin  tenant  audit 
»hostel,  hors  part  »  (Gr.  Coutumier,  liv.  II,  chap.  27, 
p.  290)  (3). 

Quant  à  la  part  avantageuse,  elle  variait  suivant  que  le  dé- 
funt laissait  deux  ou  plusieurs  enfants  :  «  Le  chevalier  a  deux 
»  enfans  masles,  il  se  meurt,  comment  se  partiront  les  fiefs? 
»  Response.  L'ainé  en  aura  les  deux  pars ,  et  l'aultre  la  tierce 
»  partie  soit  fils  ou  fille  (Id.).  »  Mais  s'il  y  avait  plus  de  deux 
enfants,  l'aîné  ne  prenait  que  la  moitié,  au  lieu  des  deux 
tiers  (4)  :  «  Et  s'il  laisse  plusieurs  enfans  excédant  le  nombre 

(1)  Cf.  Loysel,  Itut.  coût.,  liv.  IV,  Ut.  m,  n™  611-612. 

(2)  M.  Ad.  Tardif,  à  son  cours  (1880). 

(3)  Cf.  Paris,  art.  13  et  33. 

(4)  Cf.  Brodeau,  sur  l'article  16. 


COUTUME   DE   PARIS.  73 

»  de  deux ,  l'aisné  aura  le  maistre  manoir  avec  la  moytié  de 
»  tous  les  autres  héritages  tenus  en  fief,  et  tous  les  aultres  en- 
»  fans  ensemble,  l'aultre  moytié  et  résidu  »  (Gr.  Coutumier, 
liv.  II,  chap.  25,  pag.  283,  en  note). 

Le  droit  d'aînesse  n'était  pas  admis  en  faveur  des  filles. 
Beaumanoir  accorde  seulement  à  l'aînée  la  maison  pater- 
nelle (1),  «  le  cief  manoir.  »  En  ligne  collatérale,  il  n'y  avait 
pas  non  plus  de  droit  d'aînesse  (2). 

L'article  32  de  la  Coutume  de  1580  traite  de  la  majorité 
féodale  ;  elle  est  fixée  à  vingt  ans  pour  les  mâles  et  à  quinze 
ans  accomplis  pour  les  filles.  Cette  règle  ne  diffère  pas  de 
celle  qui  était  suivie ,  en  cette  matière ,  aux  xme  et  xiv°  siè- 
cles :  «  Enfans  de  pooste  sont  aagiez  a  quatorze  ans  puis 
»  qu'ils  son  masles,  et  pucelles  sont  aagiees  à  douze  ans.  Mes 
»  ceux  qui  sont  nobles  sont  aagiez  a  vingt  ans  quant  as  chou- 
»  ses  nobles  et  feodataires  et  quant  à  celles  qui  sont  tenues 
»  en  villenage,  à  14  ans,  comme  dessus  est  dit  »  (J.  Des- 
mares, 249)  (3).  La  différence  entre  les  nobles  et  les  non 
nobles  résultait  de  la  nature  même  des  fiefs.  Les  nobles  n'é- 
taient considérés  comme  majeurs  que  lorsqu'ils  étaient  en 
état  de  porter  les  armes  et  d'aller  à  la  guerre;  quant  aux 
filles,  il  suffisait  qu'elles  fussent  en  âge  d'avoir  des  maris  qui 
fissent  pour  elles  les  services  féodaux.  Aussi  cette  majorité 
était-elle  spéciale  «  aux  chouses  nobles  et  feodataires  ;  »  pour 
le  reste,  le  noble  était  assimilé  au  roturier.  Mais  au  xvi° 
siècle,  sous  l'influence  du  droit  romain,  la  pleine  majorité 
fut  prorogée  à  vingt-cinq  ans  et  les  nobles  comme  les  rotu- 
riers y  furent  soumis  pour  tout  ce  qui  ne  concernait  pas  la 
foi,  l'hommage  et  les  charges  de  fief  (4). 

Aux  fiefs  on  opposait  les  alleux,  terres  qui  n'étaient  pas  en- 
gagées dans  la  hiérarchie  féodale  (5).  C'était  originairement  la 
terre  libre  par  excellence;  c'était  le  proprius  allodis ,  francus 
allodis,  le  franc  alleu,  et  on  disait  :  «  tenir  en  franc  alleu,  c'est 

(1)  Beaumanoir,  XIV,  4. 

(2}  Cf.  Brodeau,  sur  l'article  19.  Y.  Gr.  Coutumier,  liv.  II,  en.  27,  p.  298, 
note. 

(3)  a.  Gr.  Coût.,  liv.  II ,  chap.  25,  p.  278. 

(4)  Cf.  de  Laurière,  sur  l'article  32. 

(5)  V.  Du  Cange,  Gloss.,  v°  Alaudis.  Cf.  de  Laurière,  sur  l'article  124. 


74  ESSAI  sur  l'ancienne 

»  tenir  de  Dieu  seulement.  »  Dans  la  décision  371  de  J.  Des- 
mares, on  trouve  la  définition  suivante  :  «  Alleu  est  terra  libéra, 
»  de  qua  nemini  servicium  nec  census  debetur,  nec  tenetur  ab 
»  aliquo  domino.  »  Mais  il  s'en  fallait  de  beaucoup  qu'à  cette 
époque,  au  xiv6  siècle,  l'alleu  fût  une  terre  absolument  indé- 
pendante. Le  passage  suivant  du  Grand  Coutumier  donne  une 
idée  bien  plus  exacte  de  ce  qu'on  entendait  alors  par  alleu,  en 
disant  :  «  Franc-alleu  est  un  héritage  tellement  franc  que  il 
»  ne  doit  point  de  fons  de  terre,  ne  d'icelluy  n'est  aulcun  sei- 
»  gneur  foncier  et  ne  doit  vest  ne  devest,  ne  ventes  ne  sai- 
»  sine ,  ne  aultre  servitude  a  quelque  seigneur  ;  mais  qua&t 
»  est  a  justice ,  il  est  bien  subject  a  la  justice  ou  jurisdiccion 

d'aulcun  »  {Gr.  Coutumier,  liv.  H,  chap.  33).  C'est  la  même 
pensée  qu'expriment  ces  mots  de  la  décision  17  de  J.  Des- 
mares :  «  ...  Imo  ne  pro  allodio  recognoscitur  superior,  nisi 
»  quod  ad  ressortum ,  car  on  ne  fait  foy  ou  hommage  (1).  » 

Ainsi  donc  on  peut  dire  qu'au  xrv°  siècle  il  n'y  avait  pas  de 
terre  absolument  libre  et  le  franc-alleu ,  lui-même ,  était  sou- 
mis à  la  juridiction  du  seigneur  dans  la  justice  duquel  il  était 
situé. 


CHAPITRE  DEUXIÈME. 
Des  censives  et  droits  seigneuriaux. 

Le  titre  second  de  la  Coutume  de  Paris  traite  des  censives 
et  droits  seigneuriaux;  par  ces  derniers  mots,  il  faut  entendre 
les  ventes  et  les  amendes  (2). 

La  tenure  en  censive  occupait  le  second  rang  dans  la  hié- 
rarchie féodale  ;  mais ,  par  son  importance  et  sa  généralité , 
elle  ne  tarda  pas  à  devenir,  sous  des  formes  plus  ou  moins 
différentes ,  le  droit  commun,  le  mode  général  de  la  propriété 
foncière  dans  notre  ancien  droit. 

On  ne  trouve  guère  le  mot  censive  avant  le  milieu  du  xnie 
siècle;  à  cette  époque,  on  se  sert  encore  pour  désigner  la 

(1)  Cf.  Brodeau,  sur  l'article  68. 

(2)  Voy.  de  Laurière,  Commentaires  sur  la  Coutume  de  Paris,  titre  IT. 


COUTUME  DE   PARIS.  75 

terre  non  noble  des  expressions  :  terra  servilis,  terra  censua- 
tis,  etc.  (1).  On  peut  rattacher  l'origine  de  la  censive  au  pré- 
caire de  l'époque  mérovingienne ,  qui  n'était  lui-même  qu'une 
transformation  du  precarium  romain.  A  l'origine,  le  précaire 
était  constitué  pour  un  temps  déterminé,  il  était  irrévocable, 
mais  non  héréditaire  ;  il  obligeait ,  en  outre ,  au  paiement 
d'une  certaine  redevance  ;  le  precarium  romain ,  au  contraire, 
était  gratuit  et  toujours  révocable  au  gré  du  concédant.  La 
différence  s'accentua  encore  par  la  suite;  le  précaire  devint 
héréditaire  et  entra  dans  la  hiérarchie  féodale  (2). 

Au  xiv*  siècle ,  la  tenure  en  censive  est  opposée  à  la  tenure 
en  fief;  une  différence  essentielle  les  sépare;  dans  l'une  le 
Tassai  exploite  noblement,  dans  l'autre  le  censitaire  exploite 
roturièrement. 

Le  bail  à  cens  était  le  contrat  par  lequel  le  seigneur,  proprié- 
taire d'un  héritage,  en  aliénait  le  domaine  utile,  en  retenant 
sur  la  partie  aliénée  un  droit  de  seigneurie  directe,  qui  était  pour 
lai  la  source  de  certains  profits,  cens  ou  rentes  annuelles,  etc. 

Dans  la  Coutume  de  Paris ,  le  bail  à  cens  a  surtout  pour 
objet  des  propriétés  bâties,  des  maisons;  de  là  certains  droits, 
certaines  obligations ,  qui  étaient  particulières  aux  bourgeois 
et  habitants  de  la  ville  de  Paris. 

Une  des  principales  obligations  du  preneur  à  cens  était  de 
«  garnir  »  suffisamment  la  maison  pour  que  le  censier  puisse 
y  prendre  son  cens  ;  dans  les  décisions  du  Parloir  aux  bour- 
geois, à  la  date  du  15  novembre  1297  (3),  on  trouve  la  pro- 
messe suivante  :  «  Promist  par  devant  nous,  Marguerite  la 
»  Parisiane,  que  ele  garnira  soufisamment  de  ses  biens,  de- 
»danz  la  quinzaine  de  Noël,  une  seue  maison  asise  outre 
»  Petit- Pont,  en  la  grande  rue  Ste-Geneviève ,  en  nostre  cen- 
»  sivc...  en  tèle  manière  que  Nicolas  du  Pin  tanneur  i  puisse 
»  prendre  son  cens,  à  savoir  XXX  sous  de  cens,  et  por  ses 
»  arrérages ,  c'est  à  savoir  por  XLV  sous  qui  li  sont  deus,  se 
»  corne  elle  recognut;  ou  elle  li  paiera  les  diz  XLV  sous  de- 
»  danz  ledit  terme  (4).  » 

(1)  Voy.  do  Cange,  Gloss.,  v°  Census. 

(2)  Cf.  Digeste ,  XLIII,  tit.  26. 

(3)  Le  Roux  de  Lincy,  p.  137. 

(4)  Cf.  arrêt  du  Parlement,  Jugés,  I,  f.  474;  cf.  art.  1752  du  Code  civil. 


76  essai  sur  l'ancienne 

La  maison  devait  donc  être  suffisamment  garnie  pour  ré- 
pondre du  paiement  du  cens ,  et  cette  obligation  avait  pour 
but  de  permettre  aux  censiers  d'exercer  utilement  la  gagerie 
pour  cens  et  rentes  (1). 

De  Laurière  définit  la  gagerie  «  une  saisie  privilégiée  de 
»  meubles ,  sans  transport,  pour  laquelle,  il  ne  faut  ni  lettres, 
»  ni  obligation  scellée,  ni  condamnation.  »  Cette  saisie  s'exer- 
cerait non-seulement  pour  le  non-paiement  du  cens,  mais 
aussi  pour  le  non-paiement  des  arrérages  des  rentes  échues  et 
même  à  échoir,  comme  il  résulte  de  la  décision  suivante  :  ce  Se 
»  aucune  personne  est  condamnée  à  garnir  aucune  maison  et 
»  pendant  le  temps  qui  lui  est  donné  et  préfix ,  il  eschiet  au- 
»  cun  terme,  il  convient  que  le  garnisse  pour  tout  le  temps  qui 
»  est  passé ,  jusqu'au  jour  qui  lui  est  donné  et  préfix  pour  ce 
»  faire  »  (Coût.  not.  137)  (2). 

Mais  ce  droit  de  gagerie  ne  pouvait  s'exercer  indéfiniment 
et  le  seigneur  censier  qui  laissait  passer  l'an  et  jour  sans  agir, 
perdait  son  droit  :  «  Toutesfois  que  aucun  se  dit  avoir  droit 
»  de  gagerie  sur  autre  pour  raison  d'aucune  rente  ou  censive, 
»  et  il  laisse  à  gagier  par  an  et  jours  entiers ,  il  perd  ledit 
»  droit  de  gagerie,  et  ne  puet  d'ores  en  avant  gagier  après  le 
»  temps  dessusdit ,  et  a  juste  cause  de  soy  opposer,  celuy  sur 
»  qui  la  dite  gagerie  est  faite  (3)  »  (Coût.  not.  3  ;  id.,  36, 
81).  Toutefois  cette  prescription  (4)  du  droit  de  gagerie  ne 
courait  pas  contre  le  censier  tant  que  la  maison  était  vide  et 
non  garnie  (5),  «  tellement  que  les  censiers  n'y  treuvent  que 
»  gagier  pour  estre  payés  de  leurs  rentes ,  et...  durant  iceluy 
»  temps  qu'elles  sont  vides ,  lesdits  censiers  sont  et  demeu- 


(1)  De  Laurière,  art.  86,  p.  217. 

(2)  Le  temps  donné  et  préfix  était  40  jours,  ainsi  qu'il  résulte  de  ce  passage 
du  Grand  Coutumier  :  a  Nota  que  pour  faire  la  dicte  garnison ,  temps  de  40 
»  jours  doit  estre  préfix  par  le  juge  à  celluy  qui  est  coudera pné  à  garnir.  *> 
Liv.  II,  chap.  31,  pag.  316. 

(3)  Cf.  Coutumes  notoires  38-41;  id.,  Constitutions  du  Chût.,  61. 

(4)  Le  point  de  départ  de  cette  prescription  était  le  jour  du  dernier  paie- 
ment (Coût.  not.  179). 

(5)  L'inaction  du  censier,  bien  payé  par  le  propriétaire,  ne  permettait  pas 
de  prescrire  contre  lui ,  car  le  propriétaire  «  conserve  sa  possession  et  sai- 
»  sine,  »  et  ce  dernier  «  ne  puet  alléguer  saisine  de  franchise  »  [Coût.  n.  179). 


COUTUME   DE   PARIS.  77 

»  rent  en  saisine  suffisante  de  prendre  les  renies  sur  icelle 
»  maison;  »  ils  pouvaient  procéder  par  exécution  de  gagerie 
sur  les  biens  qui  se  trouvaient  par  la  suite  dans  la  maison  et 
cela,  pour  rentes  et  arrérages  dus  :  «  pour  le  temps  passé 
»  par  lequel  la  dite  maison  a  esté  tenue  vuide....  ou  dedans 
»  Tan  en  suivant  à  compter  du  jour  qu'elle  a  esté  garnie ,  si 
»  tost  comme  elle  est  ouverte  et  garnie  avant  que  ledit  an 
»  soit  passé  »  (Coût.  mot.  31). 

Ce  privilège  de  saisie,  de  simple  gagerie,  était  particulier 
aux  censiers  de  la  ville,  faubourgs  et  banlieue  de  Paris  (1); 
il  ne  pouvait  s'exercer  que  pour  trois  quartiers  seulement , 
puisque,  Tan  et  jour  passés ,  le  censier  ne  pouvait  plus  user 
de  son  droit  de  gagerie  (2).  L'article  86  de  la  Coutume  de  1580 
prorogea  ce  privilège  du  censier  à  trois  années  «  pour  trois 
»  années  d'arrérages  dudit  cens  ou  au-dessous.  »  Mais  cette 
prorogation  n'avait  lieu  que  pour  le  cens,  car  l'article  163  de 
la  même  Coutume  maintenait  l'ancien  délai  pour  les  rentes 
constituées  sur  les  maisons  sises  en  la  ville  de  Paris  (3). 

Lorsqu'il  y  avait  plusieurs  censiers  ayant  des  droits  sur 
une  même  maison  ,  le  premier  avait  un  droit  de  gagerie  sur 
le  second ,  et  ainsi  de  suite  :  «  Le  droit  du  derrenier  censier 
»  ou  rentier  est  obligié  pour  le  droit  au  premier,  tellement 
»  qu'il  est  tenu  de  garnir  le  lieu  souffisamment,  afin  que  y 
»  puist  trover  à  gagier  pour  les  arrérages,  et  se  il  est  contredi- 
»  sant  et  refusant,  son  droit  doit  être  adjugié  au  premier,  et 
»  es  despens,  pour  cause  de  son  contredit  et  torcionnier  refus  ; 
»  ainsi  est  derrenier  au  regard  du  propriétaire;  quar  le  pro- 
ii  priétaire  est  tenu  au  segond  censier  comme  le  segond  cen- 
»  sier  au  premier  »  (J.  Desmares,  224).  Ce  second  censier 
avait  donc  un  recours  contre  le  propriétaire  pour  le  forcer  à 
garnir  la  maison  (4). 

Lorsque  l'un  des  censiers  devenait  propriétaire  de  la  mai- 
son, il  empirait  sa  condition,  car  alors  son  sens  était  confus 

(1)  a.  Gr.  Coutumier,  liv.  II,  chap.  31,  p.  316. 

(2)  Cette  prescription  ne  s'appliquait  qu'aux  arrérages  et  à  la  saisie  que 
pouvait  pratiquer  le  censier.  Car  le  cens ,  en  tant  que  signe  récognitif  de  la 
seigneurie,  était  imprescriptible  {Gr.  Coutumier,  liv.  II,  chap.  8,  p.  199). 

(3)  De  Laurière,  I,p.  218. 

(4)  M.,  Gr.  Coutumier,  liv.  II,  chap.  31,  p.  315. 


78  ESSAI  sur  l'ancienne 

de  plein  droit,  tant  qu'il  demeurait  propriétaire  :  «...  Et  dès 
»  lors  est  tenu  de  payer  de  la  dite  maison ,  les  renies  que  y 
»  prennent  les  censiers  tant  comme  il  en  sera  propriétaire  » 
(Coût,  not.  117)  (1).  Ainsi  le  censier  était  toujours  préféré  au 
propriétaire  ;  nous  en  trouvons  une  nouvelle  preuve  dans  la 
Coutume  notoire  61  :  il  s'agit  d'une  maison  chargée  de  cens  à 
diverses  personnes  qui  «  est  louée  par  la  main  du  roy  à  aucun 
»  sine  prejudicio  censuariorum,  garnie  de  biens  par  le  demeu- 
»  rant  et  ouverte  continuellement.  »  Ce  fait  ne  causait  aucun 
préjudice  aux  censiers  :  «  Ni  la  dite  garnison  et  ouverture 
»  n'empeschent  point  que  un  censier  ne  puisse  appeler  l'autre 
»  afin  de  garnir  ou  qui  ter....  »  Le  propriétaire  restait  respon- 
sable vis-à-vis  d'eux,  bien  qu'ils  pussent  agir  directement 
contre  les  locataires,  du  moins  tant  que  ces  derniers  n'avaient 
pas  payé  les  loyers  au  propriétaire  (2).  Dans  ce  cas ,  en  effet, 
le  locataire  était  soustrait  aux  poursuites  des  censiers  :  «  Se 
»  conducteur  d'une  maison  paye  au  propriétaire  d'icelle  ce 
»  qu'il  doit  à  cause  du  louage  d'icelle  maison ,  par  ce  faisant, 
»  il  demeure  quite  du  dit  louage,  ne  à  plus  ne  sont  soumis  ni 
»  obligés  ses  biens  envers  les  censiers  qui  prennent  rente  sur 
»  icelle  maison.  10  juillet  1387  »  (Coût.  not.  151). 

Il  pouvait  arriver  qu'une  maison  chargée  de  cens  ou  de 
rente  fût  soumise  à  un  partage;  dans  ce  cas,  le  partage  ne  nui- 
sait point  à  la  solidité  du  cens  ou  des  rentes  ni  ne  préjudiciait 
au  seigneur  censier,  sans  le  consentement  duquel  il  avait  été 
fait  :  «  Division  ou  partage  fait  entre  aucuns  propriétaires , 
»  sans  le  consentement  du  censier  ou  rentier,  ne  grève  ni  ne 
»  nuist  de  rien  à  iceluy  rentier,  que  une  chacune  partie  d'ice- 
»  luy  héritage  ne  soit  obligié  pour  toute  la  rente  et  un  chacun 
»  rentier  pour  le  tout,  tenu  de  payer  icelle  rente,  tant  que  il 
»  soit  propriétaire,  se  il  n'y  avait  prescription  ou  autre  juste 
»  cause  ;  quar  leur  division  ne  doit  estre  préjudiciable  au  ren- 
»  lier  ou  censier  »  (J.  Desmares,  276;  —  id.,  Coût.  not. 
165  (3). 


(1)  Cf.  Gr.  CoutomUr,  Ihr.  II,  chip.  31,  p.  319. 

(2)  a.  art.  1753,  Code  civil. 

(3)  ld.,  Gr.  Coutumier,  liv.  II,  chap.  37,  p.  354  in  fine. 


COUTUME  DE  PARIS.  79 

Le  cens  et  les  rentes  foncières  ou  constituées  (1)  étaient 
donc  indivisibles,  en  ce  sens  que  chaque  partie  de  l'immeuble 
était  tenue  pour  le  tout  du  cens  ou  de  la  rente. 

Outre  ces  protections  inhérentes  à  la  nature  du  cens,  en  tant 
que  signe  récognitif  de  la  seigneurie ,  le  censier  pouvait,  dans 
le  contrat  d'accensement,  stipuler  des  garanties  spéciales  et 
se  faire  donner  des  sûretés  particulières  pour  le  paiement  des 
cens  et  rentes  qui  lui  étaient  dûs.  Ainsi  lorsqu'une  maison , 
baillée  à  cens,  était  jugée  insuffisante  pour  le  paiement  dudit 
cens,  on  pouvait  convenir  qu'il  serait  perçu  sur  une  autre 
maison  appartenant  au  preneur.  C'est  ce  qui  résulte  d'une  con- 
vention insérée  dans  un  bail  à  cens  passé  entre  un  bourgeois  de 
Paris  et  sa  femme  d'une  part,  et  l'Évêque  de  Paris  de  l'autre 
(22  septembre  1308)  (2).  A  la  même  date  nous  voyons  deux 
preneurs,  mari  et  femme,  qui  hypothèquent  tous  leurs  biens, 
notamment  une  maison  située  à  Paris ,  pour  sûreté  du  paie- 
ment du  cens  dû  à  l'évêque  de  Paris,  à  raison  d'une  terre  prise 
à  cens  par  eux.  Le  censier  pouvait  même  faire  insérer  dans  le 
contrat  que  les  preneurs  consacreraient  une  certaine  somme 
aux  améliorations  à  faire  à  l'immeuble  (3). 

Hais  pour  le  cens  comme  pour  les  rentes,  le  censier  ou 
bailleur  ne  pouvait  user  des  sûretés  spéciales  qu'il  avait  sti- 
pulées, qu'après  avoir  constaté  l'inefficacité  de  ses  poursuites 
sur  l'immeuble  baillé  à  cens  ou  à  rente  ;  c'est  ce  qui  résulte  de 
[&  Coutume  notoire  129  :  «...  L'acheteur  prendra  sadite  rente 
»  tant  comme  il  pourra  sur  la  première  maison  et  ne  puet  rien 
»  demander  sur  l'autre  maison  baillée  en  contreplege  si  la 
»  première  ne  devient  vague,  et  dès  lors  commence  son  action 
»  à  procéder  contre  l'autre  maison,  et  n'en  puet  le  propriétaire 
»  d'icelle  deuxième  maison  acquérir  prescription  tant  que  la 
»  première  est  vague  et  vide  (4).  » 

Le  défaut  de  paiement  de  cens,  en  la  ville  et  banlieue  de  Pa- 
ris ,  donnait  au  censier  le  droit  de  procéder  par  voie  de  saisie 

(1)  Au  ziv«  siècle,  les  rentes  constituées,  de  même  que  les  rentes  fon- 
cières ,  étaient  considérées  comme  des  charges  réelles  du  fonds. 

(2)  Guérard,  Cart.  de  Notre-Dame  de  Parie,  III,  p.  98. 

(3)  M;,  pag.  84. 

(4)  La  prescription  ne  peut,  en  effet,  courir  lorsque  le  droit  qu'elle  doit 
détruire  n'est  pas  encore  né. 


80  ESSAI  sur  l'ancienne 

ou  gagerie  sur  les  biens  garnissant  l'immeuble  baillé  a 
cens  (1);  en  dehors  de  ces  limites,  le  non-paiement  du  cens 
entraînait,  en  outre,  une  amende  :  «  De  cens  non  payé  a  terme, 
»  l'amende  est  de  cinq  ou  sept  sols  et  six  deniers  au  plus  »  (Coût, 
not.  112)  (2).  L'article  85  de  la  Coutume  de  1580  fixe  l'amende, 
dans  le  même  cas ,  à  cinq  sols  «  fors  et  excepté  les  héritages 
/>  assis  en  la  ville  et  banlieue  de  Paris  qui  ne  doivent  aucune 
»  amende  pour  cens  non  payé.  »  Ce  privilège  était  fort  an- 
cien. On  a  prétendu  qu'il  avait  été  accordé  par  les  rois  aux 
bourgeois  de  Paris  ;  mais  il  résultait  plutôt  «  de  l'usage  et  de 
»  l'ancienne  observance  commune  et  notoire  (3).  »  11  existait 
très  certainement  au  xive  siècle ,  ainsi  que  le  montre  ce  pas- 
sage du  Grand  Coutumier  :  «  Les  bourgeois  et  habitans  de 
»  Paris  ne  sont  point  tenus  de  payer  amande  à  cause  de  cens 
»  non  payé  pour  leurs  héritages  assis  en  la  ville  et  banlieue  de 
»  Paris,  s'ils  ne  sont  à  ce  expressément  obligés  »  (Gr.  Coutu- 
mier, liv.  H,  chap.  24,  pag.  271). 

Lorsque  le  propriétaire  d'une  maison  chargée  de  cens 
payait  moins  que  ce  qu'il  devait,  on  disait  qu'il  y  avait  cens 
recelé;  la  Coutume  notoire  113  nous  apprend  qu'il  n'était  pas 
dû  d'amende  pour  cens  recelé  pour  partie. 

Le  seigneur  censier,  lorsque  la  maison  était  vide  et  vague, 
ne  pouvait  plus  exercer  son  droit  de  gagerie  pour  le  paiement 
du  cens  ou  des  rentes  qui  lui  étaient  dûs  ;  dans  ce  cas  il  avait 
le  droit  de  faire  crier  la  maison  (Coût.  not.  169)  (4).  Il  pou- 
vait arriver  alors ,  qu'à  défaut  d'enchérisseur  et  le  proprié- 
taire ne  faisant  aucune  opposition ,  il  prît  ladite  maison  ;  dans 
ce  cas,  il  ne  souffrait  confusion  que  pour  le  principal  de  la 
rente,  et  non  pour  les  arrérages  échus  dont  il  demeurait 
créancier  comme  devant  :  «...  que  combien  que  icelle  rente 
»  soit  confuse  en  icelle  propriété ,  que  les  arrérages  qui  luy 
»  estoient  deus,  y  soient  confus,  et  en  vérité  ne  le  sont-ils  pas, 
»  mais  demeurent  en  debtes  et  sont  deus  au  bailleur,  nonobs- 

(1)  Lorsqu'il  s'agissait  d'un  fonds  de  terre,  le  censier  procédait  alors  par 
voie  de  saisie-brandon.  Cette  saisie  portait  sur  les  fruits  de  l'héritage.  Cf. 
Brodeau,  sur  l'article  74,  I,  pag.  348,  etc. 

(2)  Il  n'y  avait  pas  de  commise  pour  déni  du  cens.  Cf.  Brodeau,  I,  p.  541. 

(3)  Cf.  Brodeau,  I,  pag.  652. 

(4)  ld.f  Gr.  Coutumier,  liv.  II,  chap.  31,  p.  317. 


NOUVELLE 


REYUE  HISTORIQUE 


DE 


DROIT  FRANÇAIS  ET  ÉTRANGER 


LES    ORIGINES 

DU 

COSTUME  DE  LA  MAGISTRATURE (1 


BIBLIOGRAPHIE. 

Bonnard  (Camille).  Costumes  des  xin%  xive  et  xve  siècles, 
extraits  des  monuments  les  plus  authentiques  de  peinture  et  de 
sculpture  (dessinés  et  gravés  par  Paul  Morain),  avec  un  texte 
historique  et  descriptif.  La  ln  édition  française  a  paru  de 
1828  à  1836,  2  vol.  gr.  in-4°  (chez  l'auteur  et  chez  Treuttel  et 
Wùrtz).  L'ouvrage  avait  paru  précédemment  à  Rome.  Une 
nouvelle  édition  française  a  été  entreprise  en  1860  par  M.  Ch. 
Blanc. 

Brillon.  Dictionnaire  des  arrêts.  Nouvelle  édition,  1727,  6 
vol.  in-fol.  Voyez  v°  Habits.  On  y  trouvera  un  certain  nombre 
de  décisions  judiciaires. 

Gaignièrb.  Recueil  des  portraits  des  roys  et  reynes  de  France , 
des  princes ,  princesses ,  seigneurs  et  dames  et  des  personnes  de 

(1)  Ce  travail  a  été  lu  à  la  séance  publique  annuelle  des  cinq  Académies 
le  21  octobre  1882.  On  le  publie  toutefois  aujourd'hui  sous  une  forme  un 
peu  différente  avec  de  nombreux  détails  et  des  indications  qu'il  n'était  pas 
possible  de  donner  dans  une  lecture. 

Revue  hist.  —  Tome  VIII.  8 


112  LES   ORIGINES   DU   COSTUME 

lui-même  à  veiller  sans  cesse  et  jusque  dans  sa  tenue,  à  la 
dignité  de  son  caractère.  Il  y  a  dans  toute  fonction  publique 
une  partie  imposante  qu'il  ne  faut  jamais  négliger,  même ,  je 
dirais  volontiers  surtout,  dans  les  démocraties.  «  La  plus 
belle  fonction  de  l'humanité ,  écrivait  Voltaire ,  est  celle  de 
rendre  la  justice;  »  admirable,  en  effet,  par  la  grandeur 
qu'elle  présente ,  effrayante  par  les  vertus  qu'elle  exige.  Le 
magistrat  doit  être  l'organe  austère  et  impassible  de  la  loi. 
Cela  ne  suffit  même  pas  :  il  faut  encore  qu'il  paraisse  ce  qu'il 
est.  On  a  essayé  à  une  certaine  époque  de  supprimer  le  cos- 
tume des  magistrats;  la  tentative  n'a  pas  réussi  et  après  des 
tâtonnements ,  on  a  repris  la  robe  des  siècles  passés.  Il  n'est 
peut-être  pas  inutile  de  rappeler  cette  expérience  en  remon- 
tant d'abord  à  l'origine  du  costume  de  la  magistrature. 


Aux  xie  et  xne  siècles,  l'usage  s'introduisit  pour  les  hommes 
de  porter  de  longues  robes  comme  les  femmes.  Cet  usage  ve- 
nait d'Italie.  Telle  est  en  deux  mots  l'origine  du  costume 
de  notre  magistrature.  La  robe  longue  et  flottante  existait  déjà 
depuis  le  ive  siècle,  mais  elle  n'était  portée  que  par  les  gens 
d'église.  L'établissement  des  Francs  en  Gaule  n'avait  exercé 
aucune  influence  sur  le  costume.  Clovisse  revêtit  des  insignes 
du  consulat  pour  assurer  plus  facilement  son  autorité  sur  les 
Gallo-Romains.  Jusque  sous  le  règne  de  Charlemagne,  la 
forme  du  vêtement  dans  les  Gaules  suivit  la  tradition  romaine 
et  il  semble  même  que  les  Barbares  l'aient  acceptée. 

Les  plus  anciens  monuments  figurés  parvenus  jusqu'à  nous 
ne  présentent  pas  de  différence  sensible  entre  le  costume  civil 
des  Francs  et  celui  des  Gaulois. 

Sous  les  Carolingiens,  le  peuple  conserve  son  vêtement 
des  époques  antérieures.  Mais  les  hauts  personnages  de  l'Em- 
pire s'inspirent  peu  à  peu  des  modes  adoptées  en  Orient. 

L'Italie  et  la  Gaule,  la  première  surtout,  malgré  les  inva- 
sions ,  n'avaient  jamais  cessé  de  demander  à  Byzance  tout  ce 
qui  tenait  à  la  parure,  au  luxe  et  aux  arts.  Les  habitants  de 
l'Italie  étaient,  en  effet,  restés  en  relations  suivies  avec 
l'Empire  d'Orient,  et  ils  y  avaient  même  été  rattachés  un  ins- 
tant par  l'empereur  Justinien.  Sous  les  faibles  successeurs  de 


DE  LA  MAGISTRATURE.  113 

Charlemague,  les  nobles  commencent  à  adopter  les  longues 
robes  à  plis  fins ,  crêpelées  ou  brochées.  Mais  c'est  pendant 
le  grand  siècle  du  Moyen-âge,  aux  approches  de  Tan  1100, 
que  la  mode  des  robes  longues  devient  générale  pour  les 
hommes.  Il  s'opéra  alors  un  changement  complet  dans  leur 
habillement  :  de  court  qu'il  avait  été  pendant  plus  de  six 
cents  ans,  il  devint  long.  Comme  ce  changement  coïncida 
avec  le  triomphe  de  la  Papauté  sur  les  puissances  tempo- 
relles ,  on  a  parfois  cru  qu'il  s'était  accompli  sous  l'influence 
du  clergé.  Mais  il  n'en  est  rien  :  l'Église  le  condamna  au 
contraire  comme  un  symptôme  du  relâchement  des  mœurs. 
C'est  à  l'influence  de  l'Italie  qu'est  dû  ce  changement  dans  le 
costume.  Dans  le  Nord ,  Robert  Courte  Heuse ,  duc  de  Nor- 
mandie, l'adopta  un  des  premiers  et  le  fit  accepter  par  les 
nobles  de  son  entourage.  Orderic  Vital  reproche  à  ce  prince 
de  tolérer  que  les  jeunes  gens  de  sa  cour  s'habillent  à  la  façon 
des  femmes ,  d'encourager  les  chevaliers  à  paraître  la  nuque 
chargée  de  frisures  et  le  corps  enveloppé  de  vêtements  qui 
balayent  le  carreau.  Les  Normands  avaient  certainement  em- 
prunté cette  forme  de  vêtement  à  leurs  compatriotes  établis 
dans  la  Pouille  et  en  Sicile,  avec  lesquels  ils  étaient  restés  en 
relations  suivies;  lorsque  cette  mode  parut  dans  le  Nord  de 
notre  pays,  elle  existait  depuis  un  temps  assez  long  déjà  dans 
le  Midi,  plus  rapproché  de  l'Italie  et  jusqu'en  Gascogne.  Il 
suffît  de  rappeler  les  costumes  des  Français  et  des  Italiens 
pendant  le  xne  siècle  et  les  siècles  suivants  pour  se  convaincre 
de  leur  identité  complète.  En  Italie,  les  étoffes  de  couleur 
écarlate,  les  fourrures  d'hermine  ou  de  vair  étaient  exclusi- 
vement portées  par  la  noblesse ,  comme  signe  de  souveraineté 
et  d'indépendance.  D'ailleurs,  les  femmes  nobles  jouissaient 
de  ce  privilège  comme  les  hommes.  La  pourpre  domine  en 
Italie  dans  tous  les  costumes  des  nobles,  des  magistrats  de 
cette  époque  (1).  Ceux  qui  n'appartiennent  pas  à  la  première 
classe  de  la  cité,  portent  la  robe  longue  de  couleurs  diffé- 
rentes. Après  une  révolution  dirigée  à  Florence  contre  la 
noblesse,  les  juges,  pris  dans  l'ordre  des  marchands,  n'osent 

vl)  Voyez  dans  Bonnard ,  les  figures  suivantes  de  magistrats  florentins , 
I,  63,  151,  153;  II,  51,  57,  61,  83,  101, 113,  137,  169,  171,  183. 


116  LES   ORIGINES  DU   COSTUME 

réduire  l'ampleur  et  la  longueur  de  leurs  vêtements;  bientôt, 
dès  le  milieu  du  xrva  siècle,  la  robe  longue  fut  très  géné- 
ralement abandonnée  par  la  noblesse  et  même  par  la  bour- 
geoisie :  à  la  longue  tunique  on  substitua ,  sous  le  nom  de 
jaquette,  une  étroite  camisole  qui  n'atteignait  pas  les  genoux. 
Cet  habit  court  souleva  les  protestations  du  haut  clergé  et 
des  savants.  Le  chroniqueur  de  Saint-Denis  ne  peut  dissimuler 
son  indignation  :  «  Grand  estoit  aussi  la  deshonnesteté  des 
habits  qui  couroient  par  le  royaulme,  car  les  uns  avoient 
robes  si  courtes  qu'elles  ne  leur  venoient  qu'aux  fesses...  Et 
pareillement  elles  étoient  si  étroites,  qu'il  leur  falloit  aide 
pour  les  vestir  et  les  dépouiller,  et  sembloit  que  on  les  escor- 
choit  quand  on  les  despouilloit.  Et  les  autres  avoient  robes 
froncées  sur  les  reins  comme  femmes;  et  aussi  portoient  une 
chausse  d'un  drap  et  l'autre  d'un  autre,  et  leur  venoient 
leurs  cornettes  et  leurs  manches  près  de  terre ,  et  sembloient 
mieux  jongleurs  que  autres  gens.  Et  pour  ce,  n'est  pas  mer- 
veille si  Dieu  voulut  corriger  les  excès  des  François  par  sou 
fléau,  le  roy  d'Angleterre.  »  Le  jurisconsulte  Philippe  de 
Mézières  reproche  au  nouvel  habit  de  comprimer  l'estomac 
au  point  de  devenir  une  gêne  aux  heures  de  repas  et  de 
troubler  la  digestion ,  de  ne  pas  préserver  du  froid  et  d'occa- 
sionner souvent  des  maladies  mortelles.  La  robe  longue 
essaya  de  résister,  elle  fut  encore  portée  par  quelques  per- 
sonnes. Gaignière  nous  présente  des  bourgeois  revêtus  de 
ce  costume  sous  Charles  VU  ;  un  bourgeois  de  Beauvais  est 
encore  habillé  à  cette  ancienne  mode  en  1575,  mais  peut-être 
était-il  chargé  d'une  magistrature  locale  (1).  Néanmoins  la 
nouvelle  mode  entra  définitivement  dans  les  habitudes ,  et  la 
robe  longue  fut  abandonnée  pour  jamais. 

Mais  au  moment  ou  nobles  et  bourgeois  renonçaient  à 
l'ancien  costume  ample  et  long,  les  hommes  de  loi,  les  ma- 
gistrats de  toutes  sortes,  les  administrateurs  conservèrent 
l'ancienne  robe  longue  et  ample.  Le  roi  et  la  cour  devaient 
donner  cet  exemple.  C'est  à  partir  de  cette  époque  que  la 
robe  longue  devint  véritablement  un  costume  propre  à  la 
magistrature  et  à  certaines  autres  personnes  de  qualité.  Il  y 

(!)  Gaignière,  IX,  71. 


DE   LA   MAGISTRATURE.  117 

eut,  dès  lors,  deux  sortes  de  gens,  les  gens  de  robe  courte 
et  les  gens  de  robe  longue.  Les  magistrats  et  les  auxiliaires 
de  la  justice,  avocats,  procureurs,  huissiers  et  autres  ne 
forent  d'ailleurs  pas  les  seuls  qui  continuèrent  à  porter  la 
robe  longue  jusqu'à  la  Révolution.  Les  docteurs  des  Univer- 
sités, les  personnes  attachées  aux  conseils  des  princes  ou 
des  hauts  seigneurs ,  les  maires ,  consuls  et  échevins  et  autres 
magistrats  des  corporations  conservèrent  aussi  ce  costume 
et  le  portèrent  tout  au  moins  dans  les  cérémonies.  Les  cou- 
leurs de  ces  robes  variaient  à  l'infini.  Les  membres  des 
juridictions  inférieures  portaient,  au  temps  de  Charles  V, 
la  robe  lie  de  vin  avec  toque  noire  et  chaperon  de  même  cou- 
leur (1).  Gaignière  nous  fait  connaître  un  certain  nombre 
de  personnages  des  xiv*  et  xve  siècles  et  nous  les  présente 
sous  des  costumes  empruntés  à  des  peintures  du  temps  où 
ces  personnages  vivaient  :  un  conseiller  du  roi  Charles  V, 
en  robe  lie  de  vin ,  avec  chaperon  de  même  couleur  et  culotte 
rouge;  Alain,  forestier,  maître  es  arts  et  licencié  en  décret; 
Nicolas  de  Plancy,  maître  des  comptes;  Guillaume  le  Per- 
drier,  maître  en  la  chambre  aux  deniers;  Guart  de  Bruyères, 
notaire,  secrétaire  et  garde  du  roi  ;  Brochier,  clerc  du  trésor 
du  roi;  Guillaume  Hue,  lieutenant  de  sénéchal;  Morelet,  con- 
seiller du  roi  au  pays  de  Caux  et  bailli  d'Eu  ;  Raguier,  tré- 
sorier des  guerres  et  conseiller  de  la  reine ,  tous  ces  person- 
nages sont  gens  de  robe  longue,  sauf  le  dernier;  les  uns 
portent  le  manteau ,  les  autres  en  sont  dépourvus  ;  ceux  qui 
appartiennent  à  l'ordre  judiciaire  sont  ornés  du  chaperon  (2). 
L'Église  avait  prescrit  aux  membres  des  Universités  de  pré- 
férer les  couleurs  sombres  et  effacées  ;  les  peintures  les  repré- 
sentent en  effet  habillés  de  gris,  de  bleu  passé,  de  vert  foncé, 
d'amarante  obscure  ;  cet  usage  paraît  s'être  conservé  dans  la 
suite.  Le  portrait  d'un  recteur  de  l'Académie  de  Paris,  au 
XVIe  siècle,  nous  représente  ce  grave  personnage  revêtu  d'une 
robe  bleu  foncé  ;  son  front  est  couvert  d'ttae  toque  de  même 
couleur.  A  la  même  époque,  la  robe  et  la  toque  des  docteurs 
en  médecine  sont  noires  avec  agréments  rouges  et  manteaux 

(1)  Gaignière ,  IV,  44,  45,  46,  59. 

(2)  Cpr.  Gaignière,  V,  76,  78,  80,  82,  84,  86. 


118  LES   ORIGINES   DU   COSTUME 

courts  d'hermine  (1).  Les  lettrés  portaient  aussi  une  barrette 
comme  signe  distinctif  ;  les  étudiants  la  mettaient  lorsqu'ils 
étaient  reçu  maîtres  es  arts.  Cette  barrette  ressemblait  au  fez 
des  musulmans;  dans  la  seconde  moitié  du  xve  siècle,  sous 
l'influence  de  la  mode,  elle  prit  une  forme  haute  et  pointue; 
mais  cet  usage  ne  dura  pas ,  sauf  parmi  les  médecins  qui  ac- 
ceptèrent définitivement  cette  coiffure  en  forme  d'éteignoir. 
Les  robes  des  magistratures  populaires  étaient  ordinairement 
parties,  c'est-à-dire  d'une  couleur  à  droite  et  d'une  autre  à 
gauche ,  mais  ces  couleurs  variaient  à  l'infini  et  suivant  les 
circonstances.  Ainsi ,  la  robe  des  membres  de  l'hôtel-de-ville 
de  Paris  était,  sous  Charles  V,  partie  de  blanc ,  partie  de  vio- 
let; sous  Charles  VI,  elle  devint  moitié  blanche,  moitié  vio- 
lette. Au  sacre  d'Isabelle  de  Bavière,  en  1389,  les  couleurs 
étaient  le  vert  et  le  vermeil  ;  sous  le  gouvernement  des  An- 
glais, cette  robe  n'eut  plus  qu'une  couleur,  le  vermeil.  Mais 
lorsque  Charles  VII  rentra  en  possession  de  sa  capitale,  les 
magistrats  de  la  ville  portèrent  une  robe  partie  de  vermeil  et 
de  bleu.  Gaignière  nous  a  conservé  dans  sa  collection  la  mi- 
niature d'un  prévôt  des  marchands  du  xvie  siècle  dont  la  robe 
est  rouge  à  droite  et  violette  à  gauche  (2).  Toutefois,  les  robes 
de  ces  personnages  de  distinction  étaient  sans  chaperon.  Cette 
partie  du  costume  était  réservée  aux  magistrats  et  aux  doc- 
teurs des  Facultés.  Le  chaperon  conservait  d'ailleurs  encore 
la  forme  d'un  capuchon.  La  partie  inférieure  de  l'ouverture, 
renversée  sur  le  haut  de  la  poitrine ,  laissait  voir  la  fourrure 
dont  ce  chaperon  était  doublé.  Les  fonctionnaires  de  l'admi- 
nistration conservèrent  aussi  la  robe,  mais  elle  était  moins 
longue  que  celle  des  magistrats ,  fendue  par  devant  et  par 
derrière  jusqu'à  mi-jambes ,  bordée  de  fourrure  et  serrée  à  la 
taille  par  une  riche  ceinture,  tandis  que  les  robes  des  conseil- 
lers du  Parlement  n'étaient  ni  foncées  ni  ceintes.  Jusque  vers 
les  derniers  temps  du  Moyen-âge,  la  forme  et  la  couleur  des 
robe»  ne  furent  part  régulièrement  fixées,  sauf  pour  le  Parle- 
ment de  Paris,  qui  paraît  avoir  toujours  adopté  l'usage  de  la 
robe  rouge. 

(1)  Gaignière,  IX,  p.  109  et  111. 

(2)  Gaignière,  IX,  103  et  104. 


DE   LA   MAGISTRATURE.  149 

Nous  possédons  une  vieille  image  représentant  les  assises 
tenues  par  le  roi  Philippe  VI  de  Valois  dans  la  ville  d*  Amiens» 
le  neuvième  jour  de  juin  de  Tan  de  grâce  1329,  pour  le  juge* 
ment  du  procès  criminel  fait  à  Robert  d'Artois,  comte  de  Beau* 
mont.  Dans  le  haut  de  la  salle ,  un  trône  est  réservé  au  roi 
qui  préside  en  robe  bleue  avec  ornements  d'hermine ,  assisté 
à  sa  droite  du  roi  de  Navarre  revêtu  d'un  costume  semblable. 
Du  même  côté,  mais  plus  loin,  siègent  les  pairs  laïques,  éga- 
lement en  robes  bleues  avec  hermine;  en  face  et  à  gauche, 
les  pairs  ecclésiastiques  ;  au  fond  les  hommes  de  loi ,  et  au 
milieu  d'eux  l'accusé.  Tous  ces  hommes  de  loi  portent  deux 
robes ,  l'une  rouge ,  l'autre  bleue  ;  mais  les  uns  ont  mis  la 
robe  bleue  sous  la  robe  rouge ,  tandis  que  d'autres  en  ont  fait 
la  robe  de  dessus;  il  en  est  qui  sont  ornés  de  manteaux, 
mais  d'autres  ne  portent  pas  ce  vêtement;  on  constate  la  même 
diversité  pour  l'hermine.  Tous  laissent  leurs  chaperons  rabat- 
tus, sauf  un  seul  qui  s'en  est  coiffé  comme  d'un  capuchon  (1). 
Les  autres  peintures  ou  dessins  parvenus  jusqu'à  nous  attes- 
tent de  la  même  variété  ;  le  plus  souvent  les  hommes  de  loi 
portent  deux  robes  superposées ,  rarement  une  seule ,  il  n'est 
pas  absolument  certain  que ,  déjà  à  cette  époque ,  le  manteau 
ait  été  réservé  comme  marque  de  distinction  à  certains  ma- 
gistrats ,  bien  qu'en  fait  les  choses  se  soient  souvent  passées 
ainsi.  Les  robes  de  dessus  des  docteurs  et  des  personnages* 
de  l'ordre  judiciaire  portaient  le  nom  de  ganaches  ;  elles  étaient 
très  longues,  fermées  jusqu'au  cou,  à  manches  en  façon  de 
pèlerine. 

Telle  miniature  nous  représente  un  de  ces  magistrats  du 
temps  du  règne  de  Charles  V,  revêtu  d'une  robe  ganache 
bleue,  doublée  d'hermine,  avec  passe-poils  de  même;  les 
manches  de  la  robe  de  dessous  sont  rouges  et  en  forme  dfe 
pavillon  de  trompette.  Tel  autre  de  ces  personnages  graves.» 
endossé  une  cotte  à  manches  justes ,  une  robe  à  manches  à 
entonnoir,  mais  ne  descendant  pas  plus  bas  que  le  coude ,  et 
un  manteau  cape  très  ample ,  à  capuchon  (2). 

Le  roi  Philippe  le  Bel  créa,  on  le  sait',  un  second  Parle- 

(i)  Cpr.  Gaignière,  III,  p.  32. 

(2)  Cpr.  Viollet-le-Duc,  op.  cit.,  p.  261. 


120  LES   ORIGINES   DU   COSTUME 

ment  à  Toulouse  ;  ce  fut  le  premier  démembrement  du  Parle- 
ment de  Paris ,  mais  il  ne  dura  pas  et  le  Parlement  de  Tou- 
louse ne  tarda  pas  à  disparaître ,  soit  que  les  habitants  du 
midi  aient  préféré,  comme  par  le  passé,  porter  leurs  appels 
au  Parlement  de  Paris  malgré  son  éloignement,  soit  plutôt 
que  la  royauté  ait  craint  de  ne  plus  exercer  une  influence  assez 
directe  sur  un  grand  corps  judiciaire  établi  à  une  pareille  dis- 
tance. Quoi  qu'il  en  soit,  ce  Parlement  éphémère  fut  composé 
de  deux  présidents  laïques,  d'un  certain  nombre  de  conseil- 
lers laïques ,  de  six  conseillers  clercs ,  d'un  procureur  du  roi 
et  d'un  greffier.  Le  roi  Philippe  le  Bel  ouvrit  lui-même  cette 
assemblée  :  il  était  revêtu  d'une  robe  de  douze  aunes  de  drap 
d'or,  frisée  sur  un  fond  rouge  broché  de  soie  violette,  parsemé 
de  fleurs  de  lis  d'or  et  fourré  d'hermine.  Après  la  lecture  des 
lettres  patentes ,  le  roi  fit  remettre  aux  membres  du  nouveau 
Parlement,  par  le  héraut,  les  costumes  qui  leur  étaient  des- 
tinés. Les  présidents  reçurent  des  manteaux  d'écarlate  fourrés 
d'hermine ,  des  bonnets  de  drap  de  soie ,  bordés  d'un  galon 
d'or,  des  robes  de  pourpre  violette  et  des  chaperons  d'écarlate 
fourrés  d'hermine.  On  distribua  aux  conseillers  laïques  des 
robes  rouges  avec  passements  violets ,  des  robes  de  dessous 
ou  soutanes  de  soie  violette ,  des  chaperons  d'écarlate  parés 
d'hermine.  Les  conseillers  clercs  obtinrent  des  manteaux  de 
pourpre  violette  étroits  par  le  haut,  sorte  de  capes  rondes  ou- 
vertes seulement  pour  passer  la  tête  et  les  bras.  Leurs  sou- 
tanes étaient  d'écarlate  ainsi  que  les  chaperons.  On  donna  au 
procureur  du  roi  un  costume  semblable  à  celui  des  conseillers 
laïques;  mais  le  greffier  obtint  une  robe  spéciale  :  elle  était 
formée  de  bandes  d'écarlate  et  d'hermine. 

Il  était  d'usage  que  les  rois  et  grands  seigneurs,  à  certaines 
fêtes  de  l'année,  ou  dans  des  circonstances  solennelles,  par 
exemple  à  l'occasion  du  mariage  de  la  fille  aînée  ou  si  le  fils 
aîné  était  armé  chevalier,  donnassent  des  robes ,  c'est-à-dire 
des  habillements  complets  aux  personnages  de  leur  cour.  Les 
tablettes  de  cire  contenant  les  dépenses  de  la  maison  du  roi 
sous  le  règne  de  Philippe  le  Bel ,  nous  donnent  sur  ce  point 
de  curieux  renseignements.  Le  roi  distribuait  des  largesses 
aux  nobles  qu'il  venait  d'armer  chevaliers ,  et  ces  libéralités 
étaient  surtout  magnifiques  lorsqu'il  avait  conféré  à  un  prince 


DE  LA   MAGISTRATURE.  121 

l'ordre  de  la  chevalerie;  chacun  des  compagnons  du  prince 
recevait  un  cheval,  un  palefroi,  un  manteau,  un  habillement 
complet  et  une  qualification  (1).  Ces  robes  portaient  le  nom 
de  la  solennité  à  l'occasion  de  laquelle  elles  avaient  été  livrées, 
robes  de  Pâques,  robes  de  Pentecôte.  Les  membres  du  parle- 
ment, de  la  Chambre  des  comptes  recevaient  aussi  ces  robes 
ou  livrées  du  roi.  Il  paraît  même  qu'ils  abusèrent  de  ce  pri- 
vilège et  se  permirent ,  sous  prétexte  de  décence ,  de  réclamer 
un  costume  complet  chaque  année.  Des  ordonnances  royales 
essayèrent  plusieurs  fois  de  mettre  un  terme  à  ces  abus  en 
décidant  qu'à  l'avenir  les  magistrats  ne  recevraient  plus  de 
robes  qu'à  l'occasion  des  fêtes  et  solennités  consacrées  par  les 
anciens  usages  (2). 

Dans  la  suite ,  cependant,  une  coutume  plus  modeste ,  mais 
touchante  se  conserva  au  travers  des  âges  :  les  rois ,  princes, 
cardinaux,  ducs,  pairs  de  France,  archevêques  et  évêques 
continuèrent  à  donner  aux  Parlements,  à  titre  d'honneur  et  de 
déférence  au  renouvellement  du  printemps ,  au  mois  de  mai , 
des  roses,  des  bouquets  et  des  chapeaux  de  fleurs  (3). 

À  partir  du  commencement  des  temps  modernes,  sous  l'in- 
fluence d'usages  devenus  séculaires  et  aussi  en  vertu  d'or- 
donnances royales,  le  costume  des  magistrats  prend  définiti- 
vement la  forme  et  les  couleurs  qu'il  conservera  jusqu'à  la 
Révolution.  L'ouvrage  si  savant  et  si  curieux  du  président  de 
La  Roche-Flavin  nous  donne  à  ce  sujet  quelques  indications 
précieuses.  Le  style  de  ce  traité  sur  les  Parlements  de  France 
rappelle  par  son  charme  naïf  celui  d'Amyot  et  de  Montaigne, 
dont  les  ouvrages  ne  précèdent  le  sien  que  de  quelques  an- 
nées. Il  disait  dans  sa  préface  :  «  Conseiller  au  Parlement  de 
Paris ,  premier  président  de  la  Chambre  des  requêtes  à  Tou- 
louse, conseiller  au  conseil  privé  de  Sa  Majesté  pour  me 
rendre  capable  de  telles  charges  (qui  lui  furent  données  par 
Henri  III),  je  me  suis  penné,  depuis  trente-six  ans  à  fureter 

(1)  Cpr.  Ludwig,  Reliquim  manutcriptorum ,  Halle,  1741,  t.  XII,  p.  48  et 
suiv.  Boutaric,  La  France  tout  Philippe  le  Bel,  p.  336. 

(2)  Voyez  notamment  des  ordonnances  du  roi  Charles  VI,  de  janvier  1407 
et  mai  1413,  dans  Isambert,  III,  p.  160  et  292. 

(3)  La  Roche-Flavin,  Treite  livret  des  Parlemente  de  France,  livre  X,  chap. 
27  (p.  607  de  l'éd.  de  1617). 


122  LES   ORIGINES   DU   COSTUME 

et  voir  les  registres  des  Parlements,  et  remarquer,  observer, 
extraire  d'iceux  tout  ce  qui  semblait  être  bon,  propre  et  utile, 
pour  n'approcher  de  la  magistrature  ;  car,  d'y  parvenir,  il  est 
impossible.  »  Qui  le  croirait,  cet  ouvrage,  fruit  de  longues 
recherches,  inspiré  par  les  plus  nobles  intentions,  fut  con- 
damné par  le  Parlement  de  Toulouse  lui-même.  L'arrêt  du 
12  juillet  1617  ordonne  que  tous  les  exemplaires  de  ce  beau 
livre  seront  rompus  et  lacérés.  Le  procès-verbal  d'audience 
nous  rapporte  que  «  ledit  de  La  Roche  fut  mandé  venir  ouïr 
la  prononciation  de  son  arrêt  ;  et  lui  entré  dans  la  chambre, 
et  étant  derrière  le  barreau  des  présentations ,  debout  et  tête 
nue,  messire  Gilles  le  Mazuyer,  premier  président  en  ladite 
Cour,  lui  a  fait  les  susdites  remontrances  et  prononcé  le  sus- 
dit arrêt;  et  ce  fait,  ledit  livre  a  été  rompu  et  lacéré,  en  sa 
présence,  par  le  greffier  de  la  Cour,  Me  Etienne  de  Malen- 
fant (1).  On  ne  connaît  pas  encore  les  motifs  secrets  qui  ont 
pu  déterminer  le  Parlement  de  Toulouse  à  une  pareille  in- 
justice ,  quelques-uns  de  ses  membres  se  sont-ils  senti  atteints 
par  des  observations  un  peu  sévères  sur  la  dignité  et  la 
science  des  magistrats.  La  Roche-Flavin  compare  les  juges  à 
la  fois  savants  et  rompus  à  la  pratique  des  affaires  à  une  eau 
vive  et  limpide  qui  purifie  les  procès  les  plus  noirs  ;  mais  il 
dit  des  autres  qu'ils  sont  eau  de  citerne.  La  Roche-Flavin 
n'abuse  toutefois  pas  de  ces  traits  malins.  L'honnêteté  et  la 
bienveillance  de  l'écrivain  se  révèlent  à  chaque  page  dans  ce 
livre  remarquable.  La  Roche-Flavin  recommande  à  ceux  qui 
s'occupent  dés  affaires  de  la  République ,  comme  aux  magis- 
trats de  l'ordre  judiciaire ,  l'union  et  la  concorde.  «  Pour  la 
tuition  et  la  défense  de  la  République ,  dit-il ,  les  magistrats 
doivent  être  d'accord  et  unis  en  bonne  amitié,  et  ne  pas  imiter 
surtout  Agesilatis ,  roi  des  Lacédémoniens ,  qui ,  quoiqu'il  fût 
des  plus  illustres  qui  furent  oncques ,  pour  ravaler  le  crédit 
et  autorité  de  Lysandre,  cassait  toutes  ses  sentences  et  jugeait 
tout  le  contraire,  comme  il  dit,  en  dépit  de  lui  seulement.  » 
Ce  livre  est  vraiment  l'évangile  de  la  magistrature  entière. 
Rien  de  ce  qui  concerne  la  justice  n'est  indifférent  à  son  au- 
teur. 11  ne  se  borne  pas  à  tracer  les  grands  devoirs  des 

(1)  Cpr.  Lavieille,  Etudes  tur  la  procédure  civile,  p.  270. 


DE   LA   MAGISTRATURE.  423 

magistrats  ;  les  détails  les  plus  familiers  l'intéressent ,  et  le 
costume  des  magistrats  lui  apparaît  comme  un  des  meilleurs 
moyens  de  garantir  la  dignité  des  juges  et  d'établir  entre  eux 
dans  l'exercice  de  leurs  fonctions  une  véritable  égalité  exté- 
rieure sans  distinction  d'origine  ni  de  fortune. 

La  Roche-Flavin  nous  apprend  que  la  couleur  rouge  est 
exclusivement  réservée  aux  magistrats  des  cours  souveraines. 
Les  magistrats  des  Parlements  ont  seuls  le  droit  de  porter 
des  habits  de  pourpre  ou  écarlate.  C'est  la  couleur  royale  et 
le  signe  de  la  souveraineté.  Le  sieur  de  La  Terrasse,  maître 
des  requêtes,  président  du  présidial  de  Toulouse,  s'étant  per- 
mis de  sortir  en  robe  rouge ,  le  Parlement  lui  expédia  deux 
huissiers  qui  le  firent  changer  de  vêtements  (1).  Les  magis- 
trats des  sièges  non  souverains,  comme  aussi  les  avocats, 
procureurs,  huissiers,  portaient  la  robe  noire  et  les  membres 
des  parlements  (plus  tard  aussi  ceux  des  conseils  souverains) 
avaient  aussi  l'habitude  de  la  revêtir  pour  les  audiences  ordi- 
naires. D'ailleurs,  l'usage  avait  disparu  de  porter  deux  robes 
l'une  sur  l'autre.  Le  chaperon  avait  aussi  cessé  d'être  une 
coiffiire  pour  devenir  un  ornement.  Les  magistrats  le  portaient 
maintenant  abattu  sur  l'épaule  ;  le  chef  était  couvert  d'une 
barrette.  La  chausse  qui  figure  encore  sur  les  costumes  des 
magistrats  et  des  professeurs  est  l'image  en  petit  du  chape- 
ron abattu.  Le  rond  du  milieu  simule  la  coiffe.  Quant  aux 
manteaux,  mortiers,  robes  et  chaperons  fourrés,  ils  étaient 
devenus  le  privilège  exclusif  du  chancelier  et  des  présidents 
des  parlements.  Le  manteau  était  cependant  aussi  porté  par 
les  princes  et  par  les  hauts  dignitaires  de  l'Église.  Ce  manteau 
des  présidents  des  parlements  était  entièrement  fermé  à  l'en- 
colure et  s'ouvrait  sur  le  côté  droit.  Celui  du  premier  prési- 
dent se  distinguait  par  trois  galons  d'or  et  trois  bandelettes 
de  fourrure  blanche,  cousus  en  échelons  sur  chaque  épaule. 
Les  présidents  portaient  aussi  sur  la  tête  un  chapeau  rond  et 
plat,  en  velours,  passementé  d'or  et  connu,  à  cause  de  sa 
forme,  sous  le  nom  de  mortier.  La  Roche-Flavin  rappelle  que 
ce  costume  est,  sauf  le  sceptre  et  la  couronne,  celui  dont  se 
paraient  les  rois  de  France  dans  les  grandes  circonstances. 

(1)  La  Roche-Flavin,  liv.  X,  chap.  24  (p.  604  del'éd.  de  4617). 


124  LES   ORIGINES   DU   COSTUME 

C'est  ainsi  que  se  mit  en  effet  le  roi  Charles  V  pour  recevoir 
l'empereur  d'Allemagne  à  Paris  en  1378.  Jean  Chartier  repré- 
sente le  chancelier  de  France  habillé  de  la  même  manière ,  à 
l'entrée  de  Charles  VII  à  Rouen  en  1449.  Monstrelet  relève  le 
même  fait  et  il  ajoute  qu'à  l'entrée  du  roi  Henri  d'Angleterre 
à  Paris ,  ce  prince  fut  reçu  par  Philippe  de  Morvilliers ,  pre- 
mier président,  vêtu  en  habit  royal.  Le  même  auteur  nous  ap- 
prend qu'à  son  entrée  à  Naples,  le  roi  Charles  V11I  était  vêtu 
d'écarlate.  Les  peintures  du  temps,  parvenues  jusqu'à  nous, 
représentent  aussi  très  souvent  les  rois  vêtus  de  robes  rouges 
ou  bleues  dans  les  solennités  (1). 

L'usage  du  rabat  est  relativement  récent,  il  ne  date  que  du 
règne  de  Louis  XIV  et  tient  à  l'introduction  des  grandes  per- 
ruques et  à  la  suppression  de  la  barbe.  La  coutume  de  por- 
ter barbe  et  moustaches  était  déjà  fort  ancienne  lorsqu'en 
1143  le  roi  Louis  le  Jeune  se  laissa  raser  le  menton  par  l'évê- 
que  de  Paris  par  suite  de  l'interdit  que  le  Saint-Siège  avait 
lancé  contre  lui.  Cet  exemple  fut  imité  'par  ses  sujets  et  ce 
nouvel  usage  de  raser  la  barbe  subsista  jusqu'à  François  Ier. 
Le  pape  Jules  II,  en  1503,  laissa  croître  sa  barbe,  Charles- 
Quint  en  fit  bientôt  autant  et  François  Ier  imita  cet  exemple 
sous  prétexte  de  cacher  une  cicatrice  résultant  d'une  blessure 
qui  lui  avait  été  faite  par  un  courtisan,  le  capitaine  de  Lorges, 
dans  un  divertissement.  Nobles  et  bourgeois  se  hâtèrent  de 
suivre  un  exemple  qui  était  donné  par  un  roi,  un  empereur, 
un  souverain  pontife.  Régis  ad  exemplar  totus  componitur 
or  bis.  Le  clergé  suivit  avec  une  certaine  répugnance  la  nou- 
velle mode  adoptée  par  le  chef  de  l'Église;  puis  il  s'engoua  de 

(1)  On  trouvera  dans  Gaignière  un  assez  grand  nombre  de  portraits,  de 
présidents  et  conseillers  en  costume  :  Guillaume  de  Sens ,  premier  prési- 
dent du  Parlement,  mort  le  11  avril  1399  (V,  73);  Philippe  Desduc  Plantes, 
conseiller  au  Parlement  tle  Paris,  mort  le  6  avril  1519  (VIII,  50);  Nicole  de 
Caradas ,  docteur  es  droit  et  conseiller  au  Parlement  de  Rouen ,  mort  en 
1529  (VIII,  52);  de  Banquemare,  premier  président  au  Parlement  de  Rouen, 
mort  le  28  juin  1584  (IX ,  66)  ;  Adam  de  Cambrai ,  premier  président  au  Par- 
lement de  Paris,  mort  le  12  mars  1473  (VIII,  31);  Colombelle,  conseiller 
au  même  siège,  mort  le  4  avril  1475  (VIII ,  32);  Groulard,  premier  président 
au  Parlement  de  Rouen,  mort  le  1er  décembre  1607  (X,  13).  Voyez  encore 
IX,  99  et  suiv.  Au  xvi«  siècle,  le  chance' ier  porte  la  robe  bleu  foncé  (IX, 
96  et  97). 


DE   LA   MAGISTRATURE.  125 

la  barbe  à  ce  point  que  le  pape  Paul  III  ayant  ordonné  aux 
membres  de  l'Église  de  raser  leur  visage,  certains  évéques 
renoncèrent  à  prendre  possession  de  leurs  sièges  épiscopaux 
plutôt  que  de  sacrifier  leur  barbe.  La  magistrature  résista  long- 
temps à  l'innovation  de  François  Ier,  et  le  Parlement  de  Paris 
essaya  même  d'enrayer  l'extension  du  nouvel  usage,  en  défen- 
dant, par  arrêt  de  1535,  à  tous  autres  qu'aux  gentilshommes, 
officiers  royaux  et  militaires,  de  laisser  croître  leur  barbe. 
Toutefois,  les  magistrats  du  conseil  du  roi,  officiers  amovibles, 
s'empressèrent  d'imiter  l'exemple  du  roi.  En  1536,  François 
Olivier,  qui  fut  depuis  chancelier,  se  présenta  au  Parlement 
en  qualité  de  maître  des  requêtes  pour  y  siéger;  c'était  en 
effet  son  droit,  mais  comme  il  ne  s'était  pas  fait  raser,  les 
gens  du  roi  lui  firent  dire  qu'il  ne  serait  «  reçu  à  assister  au 
plaidoyer  qu'après  avoir  fait  couper  sa  barbe.  »  Le  Parlement 
ne  tarda  même  pas,  en  1540,  à  obtenir  une  ordonnance  royale 
qui  défendait  à  «  tous  juges ,  avocats  et  autres ,  de  porter 
barbe  et  habillements  dissolus.  »  Il  ne  semble  pas  que  cette 
ordonnance  concernât  les  magistrats  qui  siégeaient  au  con- 
seil. D'un  autre  côté,  les  chanceliers  furent  les  premiers  à 
n'en  tenir  aucun  compte.  Brantôme  dépeint  le  chancelier  de 
l'Hôpital ,  avec  sa  grande  barbe  blanche  qui  lui  donnait  l'air 
de  Caton  le  censeur.  René  de  Birague,  le  successeur  de 
l'Hôpital,  portait  aussi  la  barbe.  Cet  exemple  des  chefs  de  la 
magistrature  fut  bientôt  suivi  par  tous  les  gens  de  robe  et 
l'usage  de  la  barbe  fut  général  jusqu'à  la  mort  de  Henri  IV. 
La  Roche-Flavin  constate  ce  changement  qui  s'est  produit  au 
milieu  du  xvie  siècle  et  le  déplore.  «  Anciennement,  dit-il,  les 
présidons  et  les  conseillers  portoient  la  barbe  rase  :  mais  de- 
puis cinquante  ans  on  fait  le  contraire,  ce  qui  a  taillé  de  la 
besoigne  aux  barbiers ,  de  vérifier  la  façon  des  barbes ,  autant 
qu'il  y  a  d'humeurs  volages  et  bizarres  d'aucuns.  »  Il  se 
plaint  aussi  de  ce  «  qu'il  y  a  de  jeunes  magistrats  conseillers 
qui  portent  une  barbe  taillée  presque  au  ras  du  menton ,  la 
surmontent  de  grandes  moustaches  fort  relevées ,  retroussées 
et  frisées  avec  certains  fers  chauds  à  la  manière  turquesque.  » 
Sous  Louis  XIII ,  la  barbe  fut  détrônée  par  la  moustache  et  la 
royale  et  ce  nouvel  usage  fut  aussi  observé  pendant  une  par- 
tie du  règne  de  Louis  XIV.  De  Thou,  Orner  Talon,  Jérôme 

Revue  hist.  —  Tome  VIII.  9 


126  LES   ORIGINES  DU   COSTUME 

Bignon ,  le  premier  président  de  Lamoignon ,  le  chancelier 
Le  Tellier,  portaient  la  moustache  et  la  royale.  Mais  bientôt 
l'introduction  de  la  mode  des  grandes  perruques  amena  la 
suppression  complète  de  la  barbe;  c'est  alors  qu'apparut  seu- 
lement l'usage  du  rabat  ou  col  de  chemise  rabattu ,  puis  de  la 
cravate  à  bords  flottaats ,  puis  enfin  du  rabat  tel  que  le  por- 
tent aujourd'hui  les  ecclésiastiques.  Sous  Louis  XV  et  surtout 
sous  Louis  XVI ,  la  coiffure  s'éleva  à  k  hauteur  d'un  art  et 
les  perruquiers  conçurent  une  si  haute  opinion  de  leur  science, 
de  leur  adresse  et  de  leur  goût ,  qu'ils  inscrivirent  effronté- 
ment sur  les  devantures  de  leurs  boutiques ,  le  mot  académie. 
M.  d'Angivilliers ,  surintendant  des  bâtiments ,  fit  défendre 
aux  perruquiers  de  porter  un  titre  aussi  ambitieux.  Mais  cette 
fois,  la  magistrature  refusa  obstinément  de  suivre  ce  nouveau 
caprice  de  la  mode.  Elle  continua  à  porter  pendant  quelque 
temps  les  longues  perruques  du  règne  de  Louis  XIV,  qui  res- 
semblaient plutôt  à  des  crinières  qu'à  des  coiffures;  puis  elle 
abandonna  cet  usage  gênant  pour  se  contenter  d'une  perruque 
simple  et  courte. 

Pendant  tout  l'ancien  régime,  la  royauté  et  la  magistrature 
elle-même  veillèrent  avec  soin  sur  le  costume  des  hommes 
de  loi  et  s'attachèrent  à  obliger  les  magistrats  à  respecter  la 
dignité  de  leur  caractère  jusque  dans  leur  tenue.  Un  arrêt 
du  Parlement  de  Paris  donné  aux  grands-jours  de  Moulins , 
le  6  octobre  1550,  défendit  à  tous  juges  royaux,  avocats, 
enquêteurs  et  procureurs  d'entrer  au  barreau  avec  des  robes 
courtes,  longues  de  frise  ou  de  soie;  elle  leur  prescrivait  de 
porter  des  robes  longues  honnêtes  et  des  habits  décents.  Le 
bailli  de  Nemours  s'étant  permis  de  tenir  le  siège  en  robe 
courte,  avec  l'épée  et  la  dague,  toutes  les  procédures  qui 
s'étaient  accomplies  devant  lui,  tous  les  jugements  qu'il  avait 
prononcés  furent  cassés  par  arrêt  du  Parlement  du  22  février 
1569,  à  la  requête  du  procureur  du  roi.  Cette  mesure  avait 
toutefois  le  tort  d'atteindre  les  plaideurs  plus  encore  que  le 
juge.  N'était-ce  pas,  comme  on  l'a  dit,  traverser  d'une  épée 
le  corps  d'un  innocent  pour  faire  une  simple  égratignure  au 
vrai  coupable?  Le  Parlement  de  Toulouse  frappa  plus  jus- 
tement lorsque  ,  le  22  août  1678,  il  condamna  le  juge  de  la 
ville  de  Nulet  à  cinquante  livres  d'amende  envers  le  viguier, 


DE   LA   MAGISTRATURE.  127 

pour  Tavoir  assisté  sans  robe  et  sans  bonnet.  Un  conseiller 
ta  Parlement  dont  les  ancêtres  avaient,  dit-on,  porté  la 
livrée ,  osa  paraître  devant  le  premier  président  Harlay  avec 
ose  calotte  de  la  couleur  réservée  aux  laquais.  Ce  magistrat 
s'en  aperçât,  et  il  lui  dit  :  «  Je  ne  suis  point  surpris  de 
vous  voir  cet  habillement  cavalier;  on  aime  ces  couleurs 
dans  votre  famille.  »  De  nombreux  édits  royaux  rappelèrent 
aux  magistrats,  officiers  du  roi,  procureurs,  écoliers  es  lois 
de  porter  des  habits  décents  à  la  ville,  de  se  tenir  conve- 
nablement à  l'audience,  la  robe  fermée  et  non  ouverte.  Mais 
le  nombre  même  de  ces  édits  semble  prouver  qu'ils  étaient 
oubliés  de  temps  à  autre,  surtout  par  les  écoliers  es  lois, 
et  le  jurisconsulte  Brillon  ne  peut  s'empêcher  d'ajouter,  après 
les  avoir  rapportés  :  «  Cela  n'a  pas  empêché  que  quelques- 
uns  aient  continué  à  se  travestir  en  petits  maîtres;  aussi, 
na-tron  pas  vu  qu'ils  soient  devenus  de  grands  avocats,  ni 
même  des  juges  médiocres  (1).  Ces  questions  d'étiquette  sou- 
levaient parfois  aussi,  surtout  de  la  part  des  avocats,  des 
difficultés  sérieuses,  et  auxquelles  ils  attachaient  une  im- 
portance exagérée.  Tantôt  ils  prétendaient  qu'au  Parlement 

1  ùietionneire  des  arrêts,  v°  Habit*.  Voici  le  texte  de  l'édit  d'avril  1684, 
tel  qu'il  est  rapporté  par  Brillon,  toc.  cit.  ;  «  Voulons  que  le  règlement  fait 
par  notre  cour  de  Parlement  de  Paris  le  17  de  ce  mois ,  attaché  sous  le 
eratre-seel  de  notre  chancellerie ,  soit  exécuté  selon  sa  forme  et  teneur  et  ce 
fusant  que  les  présidents,  conseillers  et  autres  officiers  qui  sont  du  corps 
éi  noire  cour  porteront  leurs  robes  fermées  au  palais ,  aux  assemblées  pu- 
âëques  et  dans  tontes  les  fonctions  de  leurs  charges,  soit  dedans,  soit  dehors 
lews  maisons.  Que  dans  les  lieux  particuliers  ils  pourront  porter  des  habits 
doits  avec  manteaux  et  collets  ;  qu'ils  seront  invités  de  ne  point  se  trouver 
«lx  lieux  où  ils  ne  peuvent  être  vus  sans  la  diminution  de  leur  dignité  ;  que 
ledit  règlement,  ensemble  ces  préceptes  seront  lus  tous  les  ans  dans  les  mer- 
cariaies  ordinaires.  »  On  remarquera  que  cet  édit  se  borne  à  confirmer  un 
régiment  du  Parlement  de  Paris.  Les  cours  souveraines  avaient,  en  effet, 
*  droit  de  prendre  des  mesures  de  ce  genre  pour  la  discipline  des  magis- 
trats. Elles  veillaient  même  à  la  tenue  des  avocats.  Un  arrêt  du  Parlement 
fe  Toulouse,  rapporté  par  Brillon,  en  date  du  15  mars  1604,  fait  défense 
ui  avocats  du  Parlement  et  du  ressort  d'entrer  au  palais,  d'aller  par  la 
nlie ,  avec  des  habits  indécents  à  leur  qualité  ;  injonction  de  porter  au  palais 
<ors  bonnets  et  leurs  robes  longues,  d'aller  par  la  ville,  aux  églises  et  autres 
.  €ox  publics  vêtus  de  robes  longues  et  habits  noirs  décents  et  convenables, 
«os  peine  de  cent  livres  d'amende  pour  la  première  contravention  ;  pour 
a  deuxième ,  de  confiscation  des  habits  ;  pour  la  troisième ,  de  radiation. 


128  LES  ORIGINES  DU   COSTUME 

ils  avaient  le  droit  de  porter  la  robe  rouge ,  une  autre  fois ,  ils 
revendiquaient  le  privilège  des  avocats  généraux  de  plaider 
les  mains  gantées.  Il  fallut  un  arrêt  du  Parlement  de  Bour- 
gogne (10  mai  1610)  pour  leur  interdire  de  paraître  à  l'au- 
dience avec  des  gants,  soit  en  été,  soit  même  en  hiver. 
Le  Parlement  de  Paris  était  moins  rigoureux,  et,  pour  ne 
pas  mettre  cependant  les  avocats  au  même  rang  que  les  gens 
du  roi,  il  leur  permettait  de  plaider  une  main  gantée  (1). 
Les  magistrats  eux-mêmes  n'échappaient  pas  toujours  à  ce 
travers  qu'on  reprochait  aux  avocats.  Parfois  des  compagnies 
judiciaires  demandaient  avec  insistance  un  costume  ou  tout 
au  moins  un  signe  distinctif,  le  plus  souvent  pour  s'élever, 
tout  au  moins  en  apparence ,  au-dessus  du  rang  qu'elles  oc- 
cupaient. Les  officiers  du  présidial  de  Dijon  ayant  adressé 
une  demande  de  cette  nature  au  chancelier  Ponchartrain , 
celui-ci  leur  fit  cette  belle  réponse  :  «  Vos  prédécesseurs  ont 
trouvé  le  moyen  de  se  rendre  respectables  au  public  par  des 
endroits  plus  solides  et  plus  honorables  pour  eux;  c'est  par 
ces  mêmes  endroits  que  vous  devez  vous  efforcer  de  mériter 
la  même  considération  (2).  » 

La  pompe  des  audiences  des  parlements  de  Paris  et 
aussi  l'éloquence  des  avocats  y  attiraient  un  grand  nombre 
de  curieux.  Presque  tous  les  souverains  et  princes  étrangers 
qui  venaient  à  Paris  allaient  rendre  visite  au  Parlement,  et, 
dans  ces  circonstances ,  les  magistrats  devaient  revêtir  leurs 
fourrures,  même  en  plein  été,  pour  donner  plus  de  solennité 
à  la  réception.  Le  roi  Henri  IV  accompagna  lui-même  le  duc 
de  Savoie  à  une  audience  du  Parlement;  tous  deux  assistèrent 
aux  plaidoiries ,  et ,  lorsque  les  avocats  eurent  terminé  , 
Henri  IV  qui  avait  suivi  l'affaire  avec  une  grande  attention, 
fort  embarrassé ,  ne  put  s'empêcher  de  dire  :  «  Ils  ont  raison 
tous  les  deux.  »  La  reine  Marie-Christine  de  Suède  en  1656, 
Pierre  le  Grand  en  1717,  le  roi  de  Danemark  en  1768,  Jo- 
seph II  en  1780,  assistèrent  à  de  grandes  audiences  du  Par- 
ti) BriUon,  Dictionnaire  des  arrêté,  v°  Avocat.  Les  avocats  généraux  de- 
vaient, au  Parlement,  prendre  la  parole  avec  les  deux  mains  gantées;  mais, 
au  grand  conseil ,  l'usage  était  qu'ils  n'eussent  point  de  gants. 

(2)  Correspondance  administrative  sous  Louis  XIV,  dans  le  Recueil  des  Do- 
cument* inédits  relatifs  à  l'histoire  de  France,  II,  p.  50. 


DE  LA   MAGISTRATURE.  429 

lement.  Cet  usage  était  fort  ancien.  Louis  XII  ne  recevait  pas 
un  roi  ou  un  prince  étranger  qu'il  ne  le  menât  à  la  salle  des 
plaitz  où  il  lui  disait  avec  orgueil  :  «  N'est-ce  pas  heureux 
d'être  roi  de  France.  »  Rabelais  n'oublie  pas  non  plus  d'en- 
voyer Pantagruel  visiter  ceux  qu'il  appelle  les  Chats-fourrés, 
présidés  par  le  terrible  Grippeminaud.  Il  nous  décrit  leurs 
costumes  à  sa  manière  :  «  Les  Chats-fourrés  sont  bestes  moult 
horribles  et  espouventables;  ils  mangent  les  petits  enfants, 
et  paissent  sur  des  pierres  de  marbre...  ils  ont  le  poil  de  la 
peau  non  hors  sortant,  mais  au  dedans  caché,  et  portent  pour 
leur  symbole  et  devise  touts  et  chalcun  d'eulx  une  gibbes- 
sière  ouverte...  Ont  aussi  les  gryphes  tant  fortes,  longues  et 
acérées  que  rien  ne  leur  escbap ,  depuis  qu'une  fois  l'ont  mis 
entre  leurs  serres.  Et  se  couvrent  les  testes  aulcuns  de  bon- 
nets à  quatre  gouttières  ou  braguettes  :  aultres  de  bonnets 
i  revers,  aultres  de  mortiers,  aultres  de  caparassons  mor- 
tifiés. »  Le  plus  affreux ,  c'est  Grippeminaud  :  «  Les  mains 
avoit  pleines  de  sang,  les  gryphes  comme  de  harpye,  le 
museau  à  bec  de  corbin ,  les  dents  d'un  sanglier  quadrannier, 
les  yeulx  flamboyants  comme  yeulx  d'une  gueule  d'enfer, 
tout  couvert  de  mortiers  entrelassés  de  pilons  :  seulement 
apparoissoient  les  gryphes  (1).  » 

Toute  cette  ancienne  magistrature,  avec  ses  avocats,  pro- 
cureurs et  autres  hommes  de  loi,  disparut  à  la  Révolution. 
L'Assemblée  constituante  organisa  la  justice  sur  des  bases 
nouvelles;  les  magistrats  furent  élus  et  pour  un  certain  temps; 
il  y  eut  des  juges  de  paix,  des  tribunaux  de  district ,  des  tri- 
bunaux de  commerce,  un  tribunal  de  cassation.  Les  tribunaux 
d'appel  ne  furent  créés  que  plus  tard  :  on  ne  voulait  pas  à 
celte  époque  établir  de  grands  corps  judiciaires,  dans  la 
crainte  qu'ils  ne  prissent  la  place  et  l'autorité  des  anciens 
Parlements.  Les  corporations  d'hommes  de  loi  furent  égale- 
ment supprimées;  le  nom  même  d'avocat  fut  écarté  :  «  les 
hommes  de  loi,  portait  la  loi,  ci-devant  appelés  avocats,  ne 
devant  former  ni  ordre ,  ni  corporation ,  n'auront  aucun  cos- 
tume particulier  dans  leurs  fonctions  (2).  »  Ces  mots  jetés 

11)  Rabelais,  Pantagruel,  liv.  V,  chap  11. 
(2)  Loi  du  11  septembre  1790,  art.  10. 


430  LES   ORIGINES   DU   COSTUME 

négligemment  dans  une  loi  sur  le  costume  firent  disparaître 
pour  quelque  temps  Tordre  des  avocats.  La  question  de  savoir 
si  les  juges  seraient  sédentaires  ou  ambulants  fut  aussi  tran- 
chée en  partie  par  des  raisons  tenant  au  costume.  Garât  se 
prononça  contre  l'institution  de  juges  ambulants  d'assises  : 
selon  lui,  les  magistrats  qui  viennent  juger  en  poste  et  en 
bottes  manquent  de  la  gravité  de  caractère  et  de  tenue  qui  con- 
vient dans  l'exercice  de  ces  fonctions  ;  d'ailleurs ,  la  mission  du 
juge  exige  du  recueillement  ;  or,  les  juges  voyageurs  seraient 
exposés  à  des  distractions  continuelles.  Ces  raisons  détermi- 
nèrent l'Assemblée  nationale  à  se  prononcer  pour  la  création 
de  tribunaux  sédentaires.  Elle  ne  voulut  pas  laisser  à  ces 
tribunaux  les  costumes  portés  sous  l'ancienne  monarchie. 
On  ne  donna  d'abord  aux  juges  de  paix  aucune  marque  dis- 
tinctive  :  ils  pouvaient  néanmoins  porter,  attaché  au  côté 
gauche  de  l'habit,  un  médaillon  ovale  en  étoffe,  bordure 
rouge,  fond  bleu,  sur  lequel  était  inscrit,  en  lettres  blanches, 
ces  mots  :  la  loi  et  la  paix  (1).  Les  juges  des  tribunaux  de 
district  reçurent  un  costume  duquel  on  eut  soin  d'exclure  la 
robe  des  siècles  précédents.  Ils  portaient  dans  l'exercice  de 
leurs  fonctions  l'habit  noir,  le  manteau  de  drap  ou  de  soie 
noire ,  avec  parements  de  la  même  couleur  et  un  ruban  en 
sautoir  aux  trois  couleurs  de  la  nation,  auquel  pendait  une 
médaille;  sur  la  médaille  étaient  gravés  ces  mots  :  la  lai. 
Us  avaient  la  tête  couverte  d'un  chapeau  rond,  relevé  par  le 
devant  et  surmonté  d'un  panache  de  plumes  noires.  Le  cou- 
tume des  commissaires  du  roi  était  à  peu  près  semblable, 
mais  le  greffier  était  privé  de  panache  (2).  On  ne  laissa  même 

(1)  Loi  des  6-27  mars  1791,  art.  12. 

(2)  Voici  ie  texte  de  la  loi  du  il  septembre  1790,  art.  10  :  <r  Les  juges 
étant  eo  fonctions  porteront  l'habit  noir,  et  auront  la  tête  couverte  d'un 
chapeau  rond ,  relevé  par  le  devant  et  surmonté  d'un  panache  de  plumes 
noires.  Les  commissaires  du  roi  étant  en  fonctions  auront  le  même  habit  et  le 
même  chapeau ,  à  la  différence  qu'il  sera  relevé  en  avant  par  un  bouton  et 
une  ganse  d'or.  Le  greffier  étant  en  fonctions  sera  vêtu  de  noir,  et  portera 
le  même  chapeau  que  le  juge,  et  sans  panache.  — Les  huissiers  faisant  le 
service  de  l'audience  seront  vêtus  de  noir,  porteront  au  cou  une  chaîne 
dorée  descendant  sur  la  poitrine  et  auront  à  la  main  une  canne  noire  à 
pomme  d'ivoire.  Les  hommes  de  loi,  ci-devant  appelés  avocats,  ne  devant 
former  ni  ordre  ni  corporation,  n'auront  aucun  costume  particulier  dans  leurs 
fonctions.  » 


DE  LA  MAGISTRATURE.  131 

pas  la  longue  robe  aux  membres  du  tribunal  de  cassation  :  la 
marne  ridicule  de  se  séparer  absolument  du  passé  conduisit  le 
législateur  à*  les  affubler  du  costume  bizarre  que  portaient  les 
magistrats  des  tribunaux  de  district  (1).  Les  hommes  de  la 
Constituante  étaient  pleins  d'admiration  pour  leur  œuvre.  A 
cette  époque  d'illusion  sur  les  nouvelles  institutions  de  la 
France,  on  croyait  naïvement  que  les  justices  de  paix  allaient 
faire  régner  le  bonheur ,  la  concorde  et  la  paix  dans  les  cam- 
pagnes ;  les  orateurs  de  la  Constituante  firent  de  cette  insti- 
tution des  descriptions  touchantes  ;  l'un  d'eux  rappelait  celle 
où  Pléchier  avait  peint  M.  de  Lamoignon  accommodant  ses 
vassaux  «  plus  content  en  lui-même  et  peut-être  plus  grand 
aux  yeux  de  Dieu ,  lorsque  dans  le  fond  d'une  allée  sombre  , 
et  sur  un  tribunal  de  gazon,  il  avait  assuré  le  repos  d'une 
pauvre  famille,  que  lorsqu'il  décidait  des  fortunes  les  plus 
éclatantes  sur  te  premier  trône  de  la  justice.  »  Mais  tout  juge 
de  paix  n'est  pas  un  Lamoignon.  Il  y  eut  de  nombreux  mé- 
comptes ;  on  ne  tarda  pas  à  se  convaincre  que  le  retour  à  la 
justice  des  patriarches  n'était  qu'une  utopie.  Les  juges  de 
paix  se  permirent  des  excès  de  pouvoirs,  des  abus  d'autorité  ; 
élus  à  temps  et  par  les  citoyens  de  la  localité ,  ils  en  parta- 
geaient les  passions  et  les  égarements.  On  leur  reprochait 
même  de  ne  pas  toujours  tenir  leurs  audiences  avec  la  dignité 
dont  doit  s'entourer  tout  magistrat ,  même  le  moins  élevé  de 
l'ordre  judiciaire.  Les  autres  tribunaux  n'étaient  pas  non  plus 
entourés  de  toute  la  considération  qui  est  due  à  la  justice  ;  le 
système  de  l'élection  de  la  magistrature  avait  produit  de  mau- 
vais résultats  et  les  citoyens  n'éprouvaient  plus  pour  les  ma- 
gistrats de  Tordre  judiciaire  comme  pour  les  autres  fonction- 
naires, qu'un  respect  tout  à  fait  insuffisant.  Aussi  le  législateur 
de  la  Convention  songea-t-il  à  relever  la  partie  imposante  des 
fonctions  publiques  et  à  l'entourer  d'un  certain  éclat.  Le  3 
brumaire  an  IV,  la  Convention  vota  une  sorte  de  code  des 
costumes  et  cette  loi  donna  lieu  à  des  discussions  curieuses. 
Le  comité  de  l'instruction  publique,  chargé  d'examiner  la 

(1)  Voyez  la  loi  des  11-18  février  1791.  —  Cpr.  de  Raynal  :  Les  différents 
costumes  des  membres  du  Tribunal  et  de  la  Cour  de  cassation,  en  appendice  à  la 
publication  intitulée  Le  Tribunal  et  la  Cour  de  cassation ,  dont  il  a  été  parlé 
dans  la  Bibliographie. 


132  LES   ORIGINES  DU   COSTUME 

question  du  costume,  proposait  pour  les  membres  de  l'As- 
semblée législative  une  culotte  blanche,  un  habit  gros  bleu 
croisant  sur  la  poitrine  et  un  manteau  écarlate  descendant 
jusqu'au  genou.  Le  député  Hardy  reprocha  à  ce  costume 
d'être  trop  jacobin  ;  Bornier  l'accusa  de  remonter  au  temps 
de  François  Ier;  Marie-Joseph  Chénier  ne  le  trouvait  pas  assez 
digne  et  réclamait  un  habit  «  dont  les  formes  à  la  fois  com- 
modes et  respectables  imposassent  à  la  multitude  et  fussent 
conciliatrices  du  respect  des  peuples  pour  les  autorités  supé- 
rieures (1).  » 

On  s'entendait  quant  aux  couleurs  des  vêtements  officiels  ; 
on  les  voulait  nationales,  c'est-à-dire  rouges,  blancs,  bleus. 
Le  désaccord  n'existait  que  sur  la  forme  des  costumes.  L'abbé 
Grégoire  fit  enfin  prévaloir  son  opinion  :  «  Les  formes  de  nos 
habits,  disait-il,  sont  inartistes,  si  je  puis  m'exprimer  ainsi. 
Les  tableaux  ou  les  statues  ne  supporteront  jamais  la  mesqui- 
nerie de  nos  habits  actuels,  et  le  rétréci  de  nos  draperies.  Les 
formes  longues  sont  les  seules  qui  conviennent  à  une  assem- 
blée législative.  »  Sur  ces  observations,  on  décida  que  les 
membres  du  Corps  législatif  porteraient  une  robe  longue  et 
blanche ,  une  ceinture  bleue ,  un  manteau  écarlate ,  le  tout  en 
laine ,  et  une  toque  de  velours  blanc.  Nous  verrons  bientôt 
que  ce  costume,  emprunté  aux  temps  antiques,  fut  aussi 
adopté  par  le  Tribunal  de  cassation,  mais  avec  quelques  modi- 
fications, notamment  dans  la  disposition  des  couleurs  (2). 
Toutefois,  on  ne  voulait  pas  rendre  la  robe  aux  magistrats 
des  autres  juridictions,  dans  la  crainte  de  réveiller  d'anciens 
souvenirs  et  de  faire  revivre  avec  eux  les  vieilles  mœurs  par- 
lementaires. Cependant  le  législateur  comprenait  la  nécessité 
de  relever  la  dignité  extérieure  de  la  magistrature  qui  était , 


(1)  Voir  le  Moniteur  du  12  brumaire  an  IV. 

(2)  Les  membres  du  Directoire  portaient  deux  costumes,  l'un  et  l'autre 
assez  curieux  à  décrire  :  le  coutume  ordinaire ,  habit  manteau  à  revers  et  à 
manches  couleur  nacarat ,  doublé  de  blanc ,  richement  brodé  en  or  sur  l'ex- 
térieur et  au  revers;  veste  longue  et  croisée,  blanche  et  brodée  d'or;  l'é- 
charpe  en  ceinture  bleue  à  franges  d'or,  le  pantalon  blanc,  le  tout  en  soie; 
le  chapeau  noir,  rond,  retroussé  d'un  côté  et  orné  d'un  panache  tricolore; 
l'épée  portée  en  baudrier  sous  la  veste,  la  couleur  du  baudrier  nacarat;  le 
grand  costume,  l'habit  manteau  bleu,  et  par-dessus  un  manteau  nacarat. 


DE    LÀ   MAGISTRATURE.  133 

à  cette  époque ,  fort  compromise  ;  mais  les  mesures  que  Ton 
prit  durent  produire  un  effet  tout  contraire. 

On  imagina  de  donner  aux  juges  de  paix ,  comme  marque 
distinctive,  une  branche  d'olivier  en  métal  suspendue  sur  la 
poitrine  par  un  ruban  blanc ,  légèrement  liseré  de  bleu  et  de 
rouge.  Tout  juge  de  paix  devait  tenir  à  la  main ,  pendant  l'au- 
dience, un  grand  bâton  blanc,  surmonté  d'une  pomme  d'i- 
voire, et  sur  la  pomme  était  peint  un  œil  noir;  cet  œil  était 
celui  de  la  justice.  On  laissa  sous  le  Directoire  aux  tribunaux 
civils ,  devenus  tribunaux  de  département ,  le  costume  déter- 
miné par  la  Constituante;  mais  on  leur  attribua  une  marque 
distinctive  :  c'était  aussi  un  œil,  mais  en  argent,  et  porté  sur 
la  poitrine ,  suspendu  par  un  ruban  blanc ,  liseré  de  rouge  et 
de  bleu  (1).  Les  tribunaux  de  commerce  n'avaient  ni  costume, 
ni  marque  distinctive.  La  robe  fut  rendue ,  comme  nous  l'a- 
vons dit,  au  Tribunal  de  cassation,  mais  on  adopta  pour  le 
costume  de  ses  magistrats  les  couleurs  nationales  :  ceinture 
rouge,  manteau  blanc,  robe  longue  et  toque  bleu  clair  (2). 

On  remarquera  que ,  sauf  les  couleurs,  ce  costume  se  com- 
posait de  la  simarre ,  de  la  toge ,  et  de  la  toque  des  anciens 
magistrats.  Toutefois,  il  paraît  qu'il  n'a  jamais  été  porté; 
peut-être  a-t-il  été  trouvé  beaucoup  trop  coûteux  dans  ce 
temps  de  misère  publique  ;  dans  la  pratique ,  on  lui  substitua 
le  manteau  noir  (3). 

Sous  le  Consulat  et  l'Empire,  la  magistrature  fut  encore  une 
fois  réorganisée ,  le  premier  consul ,  bientôt  empereur,  la  re- 
constitua en  8'inspirant  parfois  du  passé  :  le  barreau  fut 
rétabli;  les  grands  corps  judiciaires  reparurent  sous  le  nom 
de  Cour  d'appel  ;  le  tribunal  suprême  devint  la  Cour  de  cas- 
sation; enfin  l'ancien  costume  fut  rendu  aux  magistrats. 
L'empereur  oublia  cependant  l'inamovibilité.  Ce  ne  fut  pas 
sans  certaines  hésitations  qu'on  se  décida  à  revenir  à'  cet  an- 
cien costume.  Un  arrêté  du  24  germinal  an  VIII  s'était  d'abord 
borné  à  prescrire  que  tous  les  magistrats  et  greffiers  fussent 

(1)  Cpr.  Hiver,  Histoire  critique  des  institutions  judiciaires  de  la  France, 
p.  399,  405. 
s2)  Hiver,  op.  cit.,  p.  419. 
(3)  De  Raynal,  op.  et  toc.  cit.,  p.  494. 


134  LES   ORIGINES  DU   COSTUME 

vêtus  de  noir  ;  ils  devaient  porter,  à  l'exception  des  greffiers, 
dans  les  cérémonies  publiques,  un  manteau  court  de  soie  noire 
à  collet  rabattu,  une  cravate  de  batiste  pendant  sur  la  poi- 
trine et  un  chapeau  à  trois  cornes.  Les  bords  de  ce  chapeau 
étaient  rattachés  à  la  forme  par  des  ganses  de  velours  noir; 
la  forme  était  serrée  par  un  ruban  de  velours  noir  avec  un 
gland  de  soie  noire.  On  avait  supprimé  dans  ce  costume  les 
ridicules  panaches  de  1790  et  les  rubans  symboliques  du 
Directoire ,  mais  il  prêtait  encore  à  la  critique  et  à  la  plaisan- 
terie par  plus  d'un  côté.  Aussi  un  arrêté  du  2  nivôse  an  XI 
rendit  enfin  la  robe  à  la  magistrature  reconstituée.  Les  mem- 
bres des  tribunaux  de  première  instance  portèrent  la  simarre, 
la  toge,  la  ceinture  noire  et  la  toque  noire  ornée  d'un  galon 
d'argent.  Dans  les  solennités ,  la  simarre  et  la  toge  devaient 
être  en  soie  et  la  ceinture  en  moire  bleu  clair  (1).  La  robe 

(1)  Voici  le  texte  de  l'arrêté  du  2  nivôse  an  XI  dont  la  plupart  des  dispo- 
sitions sont  encore  aujourd'hui  en  vigueur  : 

Art.  1er.  Les  membres  de  tous  les  tribunaux  de  la  République,  les  gens 
de  loi  et  avoués  qui  exercent  leurs  foliotions  près  d'eux,  porteront  tous,  à 
l'avenir,  dans  l'exercice  de  leurs  fonctions ,  un  habit  long  de  la  forme  et  de 
la  couleur  réglée  aux  articles  suivants. 

Art.  2.  Les  juges  des  tribunaux  d'appel  et  des  tribunaux  criminels,  les 
commissaires  du  gouvernement  et  leurs  substituts  près  de  ces  tribnfiatfx, 
porteront  :  —  Aux  audiences  ordinaires ,  simarre  de  soie  noire ,  toge  de  laine 
noire ,  à  grandes  manches  ;  ceinture  de  soie  noire  pendante ,  et  franges  pa- 
reilles; toque  de  soie  noire  unie;  cravate  tombante,  de  batiste  blanche, 
plissée  ;  cheveux  longs  ou  ronds.  —  Les  présidents  et  vice-présidents  auront, 
au  bas  de  la  toque,  un  galon  de  velours  noir,  liseré  d'or.  —  Aux  grandes  au- 
diences et  aux  cérémonies  publiques,  ils  porteront  le  môme  costume,  avec 
les  modifications  suivantes  :  —  La  toge  de  même  forme,  en  laine  rouget 
toque  de  velours  noir,  bordée  au  bas  d'un  galon  de  soie ,  liseré  d'or.  —  Le 
président  aura  un  double  galon  à  la  toque. 

Art.  3.  Les  greffiers  en  chef  porteront  le  même  costume  que  les  juges,  sans 
galon  à  la  toque.  Les  commis-greffiers  tenant  la  plume,  porteront,  aux  au- 
diences ordinaires,  la  toque  noire,  sans  simarre,  et  la  toge  noire  avec  simarre 
et  ceinture. 

Art.  4.  Les  juges  dey  tribunaux  de  première  instance,  les  commissaires  du 
gouvernement  et  leurs  substituts ,  ainsi  que  le  substitut  du  commissaire  du 
gouvernement  près  le  tribunal  criminel,  porteront  :  —  Aux  audiences  ordi- 
naires, simarre  et  toge  de  laine  noire,  à  grandes  manches,  ceinture  de  laine 
noire ,  pendante  ;  toque  de  laine  noire  unie ,  bordée  de  velours  noir  ;  cravate 
tombante,  de  batiste  blanche,  plissée  ;  cheveux  longs  ou  ronds.  —  Les  prési- 
dents et  vice-présidents  auront ,  au  bas  de  la  toque ,  un  galon  d'argent.  — 
Aux  audiences  solennelles  et  aux  cérémonies  publiques,  ils  porteront  le  même 


DE   LA  MAGISTRATURE.  135 

noire  fut  également  rendue  aux  hommes  de  loi  (avocats),  ans 
greffiers,  aux  avoués,  aux  juges  de  paix.  Elle  était  également 
portée  par  les  membres  des  tribunaux  d'appel  ;  mais  ils  revê- 
taient dans  les  solennités,  comme  aujourd'hui  encore,  la  robe 
rouge.  C'était  le  retour  à  peu  près  complet  au  costume  de 
Tanoienne  magistrature. 

Des  dispositions  spéciales  furent  consacrées  à  la  tenue  des 
magistrats  du  Tribunal  (de  la  Cour)  de  cassation.  Déjà  l'arrêté 
du  24  germinal  an  VIII  (1)  avait  attribué  des  signes  distinctifs 
pour  le  costume  des  magistrats  du  Tribunal  de  cassation, 
mais  en  dernier  lieu  ce  costume  a  été  définitivement  fixé  par 
un  arrêté  du  20  vendémiaire  an  XI,  qui  s'occupa  aussi  de  celui 
du  grand-juge  (ministre  de  la  justice).  «  Le  costume  des 

costume,  avec  les  modifications  suivantes  :  —  Une  simarre  de  soie  noire,  une 
ceinture  de  soie  ,  couleur  bleu  clair,  à  franches  de  soie  ;  un  galon  d'argent  au 
bas  de  la  toque.  —  Le  président  aura  un  double  galon. 

Art.  5.  Les  greffiers  en  chef  porteront  le  même  costume  que  les  juges , 
mais  sans  bord  à  la  toque.  —  Les  commis-greffiers  tenant  la  plume  porte- 
ront la  toge  fermée  sans  simarre. 

Art.  6.  Aux  audiences  de  tous  les  tribunaux ,  les  gens  de  loi  et  les  avoués 
porteront  la  toge  de  laine ,  fermée  par  devant  à  manches  larges ,  toque  noire, 
cravate  pareille  à  celle  des  juges ,  cheveux  longs  ou  ronds. 

Art.  7.  Les  juges  de  paix  et  leurs  greffiers ,  porteront  dans  l'exercice  de 
leurs  fonctions,  le  même  costume  que  les  juges  et  greffiers  des  tribunaux  de 
première  instance. 

Art.  8.  Tous  les  huissiers  porteront  un  habit  noir  complet ,  à  la  française, 
avec  un  manteau  de  laine  noire ,  revenant  par  devant  et  de  la  longueur  de 
l'habit.  Us  auront  à  la  mam  une  baguette  noire. 

Art  9.  Le»  membres  de  tous  les  tribunaux  porteront  à  la  ville  comme  habit 
de  cérémonie,  l'habit  noir  complet,  à  la  française,  manteau  court,  de  soie  ou 
laine  jeté  en  arrière;  cravate  de  batiste,  chapeau  à  trois  cornes,  cheveux 
longs  ou  ronds. 

(1)  L'article  2  de  cet  arrêté  du  24  germinal  an  VIII  portait  :  «  Les  man- 
teaux des  présidents,  vioe^présidents  et  juges  au  Tribunal  de  cassation,  tfo 
commissaire  du  Gouvernement  près  de  ce  Tribunal  et  de  ses  substituts,  sera 
garni  tout  autour  d'une  bande  de  soie  pourpre  de  la  largeur  du  collet  qui 
sera  d'un  décimètre.  Les  bords  de  leur  chapeau  seront  rattachés  à  la  forme 
par  des  ganses  d'or;  la  forme  sera  serrée  par  une  tresse  d'or  avec  le  gland 
pareil.  »  Un  autre  arrêté  du  23  frimaire  an  IX  décida  que  les  membres  du 
Tribunal  de  cassation  porteraient ,  hors  de  l'exercice  de  leurs  fonctions ,  un 
costume  consistant  en  un  habit  noir  avec  une  broderie  en  or  sur  le  parement 
et  au  collet.  Ce  costume  de  ville  fut  remplacé  par  un  costume  plus  simple, 
d'après  l'arrêté  du  20  vendémiaire  an  XI  ;  mais  il  a  été  ensuite  repris  sous  la 
Restauration  (décision  du  roi  Charles  X  de  mai  1827). 


136  LES   ORIGINES   DU   COSTUME 

membres  du  Tribunal  de  cassation,  porte  l'article  2  de  cet  ar- 
rêté ,  du  commissaire  du  Gouvernement  et  de  ses  substituts , 
sera  à  l'avenir  ainsi  qu'il  suit  :  1°  Aux  jours  d'audience  ordi- 
naire des  chambres  séparées  :  simarre  de  soie  noire ,  ceinture 
rouge  à  glands  d'or ,  toge  de  laine  noire  à  grandes  manches , 
toque  de  soie  noire  unie,  cravate  tombante  de  batiste  blanche, 
cheveux  longs  ou  ronds.  —  Les  présidents  et  vice-présidents 
auront  un  galon  d'or  à  la  toque  ;  2°  aux  audiences  des  cham- 
bres réunies  et  jours  de  cérémonie  :  toge  de  laine  rouge,  de 
la  même  forme  que  la  noire ,  toque  de  velours  noir  bordée 
d'un  galon  d'or,  et  de  deux  pour  les  présidents  et  les  vice- 
présidents,  cravate  en  dentelle.  Le  commissaire  du  Gouverne- 
ment et  ses  substituts  porteront  à  la  toge  noire  une  bordure 
rouge  devant  et  aux  manches ,  une  bordure  blanche  à  la  toge 
rouge;  3°  à  la  ville,  tous  les  membres  du  Tribunal  de  cassa- 
tion porteront  l'habit  complet  noir  à  la  française,  cheveux 
longs  ou  ronds.  Aux  audiences  ordinaires  du  conseil  ou  du 
grand-juge,  même  habit  qu'à  la  ville,  avec  ceinture  rouge  à 
franges  d'or;  chapeau  français  uni,  cravate  de  dentelle  pen- 
dante (1).  »  Ce  costume  est  resté  jusqu'à  nos  jours  celui  de  la 
Cour  de  cassation.  Il  n'a  subi  dans  l'application  que  de  légers 
changements  :  la  toque  de  soie  noire  des  audiences  ordinaires 
a  été  abandonnée  et  remplacée  par  la  toque  de  velours  noir  ; 
les  avocats  généraux  ont  renoncé  aux  marques  particulières 
qui  distinguaient  leur  costume  de  celui  des  conseillers.  Il  faut 
toutefois,  pour  être  complet,  relever  encore  deux  dispositions. 
Un  décret  du  29  messidor  an  XII  accorde  au  premier  prési- 
dent et  au  procureur  général  de  la  Cour  de  cassation  comme 
aux  premiers  présidents  des  Cours  d'appel  et  à  leurs  procu- 
reurs généraux ,  le  droit  de  porter  l'épitoge ,  c'est-à-dire  d'a- 
voir le  revers  de  leur  robe  doublé  d'une  fourrure  blanche. 
Un  autre  décret  du  4  juin  1806  confère  aux  présidents  de  la 
Cour  de  cassation  le  droit  de  porter  également  l'épitoge  dans 
leurs  fonctions ,  «  à  l'instar,  y  est-il  dit ,  du  premier  président 


(1)  L'article  attribuait  au  greffier  en  chef  le  même  costume,  mais  sans  or 
à  la  toque  et  à  la  ceinture ,  et  aux  commis-greffiers  la  robe  sans  simarre  et 
la  toque  de  laine  noire. 


DE    LA    MAGISTRATURE.  437 

et  de  notre  procureur  général  près  la  même  Cour  (1).  »  Le 
premier  président  et  le  procureur  général,  à  l'imitation  de 
leurs  prédécesseurs  des  anciens  Parlements ,  endossent  dans 
les  cérémonies  la  pèlerine  de  fourrure  blanche  et  le  manteau 
de  petit  gris.  Mais  aucune  disposition  législative  ne  consacre 
cet  ornement  et  ne  lui  donne  une  existence  légale.  Au  sacre- 
ment de  l'empereur  Napoléon  Ier,  par  le  pape  Pie  VII ,  en 
1804,  le  premier  président  Muraire  portait  déjà  ce  complé- 
ment de  costume ,  comme  l'atteste  une  gravure  composée  d'a- 
près un  tableau  d'Isabey,  qui  fait  partie  du  grand  ouvrage 
publié  sur  le  sacre  et  qui  se  trouve  au  parquet  de  la  Cour. 
«  Cette  innovation ,  si  c'en  est  une ,  qui  entrait  dans  l'esprit 
du  nouvel  empire,  dit  M.  de  Raynal,  ou  plutôt  cet  emprunt 
aux  anciennes  choses,  dont  le  décret  du  29  messidor  an  XII 
avait  donné  le  signal ,  a  dû  être  autorisé  ou  ordonné  par  l'em- 
pereur, au  moment  où  il  entendait  imprimer  une  splendeur 
extraordinaire  à  une  solennité  empruntée  elle-même  aux  tra- 
ditions monarchiques  et  qui,  à  ses  yeux,  devait  consacrer, 
pour  la  France  et  pour  l'Europe,  la  légitimité  de  son  pouvoir 
et  la  perpétuité  de  sa  race.  Dans  tous  les  cas,  on  voit  que  ce 
solennel  appendice  a  soixante-quinze  ans  de  date  (2).  » 

Ces  costumes  de  nos  magistrats  sont-ils  encore  une  fois 
menacés?  Nous  espérons  qu'on  n'enlèvera  pas  à  nos  magis- 
trats ces  insignes  séculaires  qui  leur  rappellent  un  illustre 
passé  et  leur  assurent  le  respect. 

E.  Glasson. 


(1)  Le  même  droit  fut  reconnu  aux  présidents  de  chambre  des  Cours 
d'appel. 

(2)  De  Raynal,  op.  et  toc.  cit.,  p.  497.  Sous  le  second  Empire,  un  nou. 
reau  costume  de  ville  avait  été  imposé  aux  magistrats  ;  mais  il  n'est  plus 
porté  aujourd'hui.  Voyez  les  décrets  des  22  mai  et  18-23  juin  1852. 


LES  COUTUMES  DE  LORRIS 


ET  LEUR  PROPAGATION 


AUX    XII-    ET    XIII-    SIECLES 


Les  Coutumes  de  Lorris  sont  parmi  les  plus  anciennes  et  les 
plus  célèbres  de  la  France.  Deux  textes  ont  été  désignés  sous 
ce  même  nom  :  le  premier  est  une  charte  donnée  par  Louis  VII 
en  1155  aux  habitants  de  Lorris;  le  second,  une  Coutume 
rédigée  officiellement  en  1494  et  réformée  en  1531.  Je  m'ef- 
forcerai de  les  distinguer.  Cependant,  je  n'étudierai  ici  que  la 
charte  de  1155  et  les  chartes  qui  en  sont  issues  aux  xn*  et  xm* 
siècles. 

Il  est  inutile  d'énumérer  les  auteurs  qui  ont  mentionné  la 
charte  de  Lorris  et  signalé  son  influence  :  autant  vaudrait 
dresser  la  liste  de  tous  les  historiens  qui  ont  parlé  des  insti- 
tutions du  Moyen-âge.  D'ailleurs ,  j'ai  donné  plus  loin  une 
bibliographie  spéciale  du  texte  de  1155,  et  aussi  une  liste 
chronologique  des  chartes  qui  en  sont  ou  l'imitation  ou  la 
copie  :  ayant  soin  d'indiquer  les  manuscrits  où  elles  sont 
transcrites  et  les  ouvrages  où  elles  sont  imprimées. 

La  Thaumassière  a  publié  dans  ses  Coutumes  locales  de  Berry 
et  celles  de  Lorris  commentées,  Paris,  1680,  in-f%  la  plupart 
des  documents  qui  ont  servi  de  base  au  présent  travail.  Il  en 
est  beaucoup  dont  les  originaux  et  les  copies  ont  disparu ,  et 
que  lui  seul  nous  a  conservés.  Il  est  regrettable  que  cet  illus- 
tre savant  ne  nous  ait  pas  laissé  de  dissertation  sur  les  Cou- 
tumes de  Lorris  et  qull  se  soit  contenté  d'insérer,  sous  forme 
de  notes ,  dans  l'ouvrage  cité ,  quelques  remarques  sur  cer- 
taines redevances  mentionnées  dans  le  texte  qui  nous  occupe , 
sur  les  rédactions  successives  de  ces  Coutumes  et  sur  leur 


140  LES   COUTUMES   DE   LORRIS 

diffusion.  C'est  toutefois  l'étude  la  plus  considérable  qui  ait 
été  faite  sur  la  matière. 

Augustin  Thierry  y  a  consacré  quelques  lignes  de  son  Ta- 
bleau de  la  France  municipale,  à  la  suite  de  Y  Essai  sur  V  histoire 
de  la  formation  et  des  progrès  du  Tiers-État,  Paris,  in-16, 
p.  309-310.  Son  jugement  paraît  trop  précipité;  son  opinion 
n'est  vraie  qu'en  partie. 

M.  R.  de  Maulde  a  analysé  rapidement  la  charte  de  Lorris 
dans  son  travail  intitulé  :  De  la  condition  des  hommes  libres 
dans  l *  Orléanais  du  xne  siècle,  Orléans,  1875,  in-8°.  Il  n'a  dit 
qu'un  mot  de  sa  propagation  :  se  bornant  à  transcrire  une 
phrase  de  Y  Histoire  des  pays  de  Gastinois  de  D.  Morin,  Paris, 
1630,  in-4°. 

M.  Combes  a  aussi  parlé  superficiellement  des  Coutumes  de 
Lorris  dans  un  article  des  Annales  de  la  Faculté  des  Lettres  de 
Bordeaux,  t.  II,  p.  58  et  suiv. 

M.  d'Arbois  de  Jubainville,  a  fait  une  étude  très  complète  de 
l'influence  des  Coutumes  de  Lorris  en  Champagne,  au  t.  IV, 
p.  707  et  suiv.  de  YHistoire  des  Comtes  de  Champagne. 

M.  Raynal  a  parlé  dans  son  Histoire  du  Berry,  1845,  4  vol. 
in-8°  (préface),  de  la  propagation  de  ces  mêmes  Coutumes 
dans  cette  province  ;  il  a  donné  aussi  la  liste  des  chartes  de 
Coutumes  du  Berry. 

Quant  aux  recueils  de  documents  imprimés  que  j'aurai  oc- 
casion de  citer  le  plus  souvent,  ce  sont,  outre  La  Thaumas- 
sière ,  les  Ordonnances ,  les  Layettes  du  Trésor  des  Chartes ,  les 
Cartons  des  rois ,  le  Cartulaire  général  de  l'Yonne  de  M.  Quan- 
tin ,  et  le  Recueil  de  pièces  du  XIII*  siècle  du  même  auteur. 

Je  n'ai  pu  réunir  qu'un  petit  nombre  de  documents  inédits, 
malgré  mes  recherches  dans  les  Cartulaires  du  centre  de  la 
France  déposés  à  la  Bibliothèque  Nationale. 

Les  registres  du  Trésor  des  Chartes  avaient  été  dépouillés 
par  les  éditeurs  des  Ordonnances  :  il  ne  me  restait  qu'à  gla- 
ner. J'ai  aussi  tiré  quelques  pièces  des  cartons  du  même 
trésor. 

Les  Archives  du  Loiret ,  et  spécialement  les  Cartulaires  de 
1  abbaye  de  Fleury  m'ont  donné  moins  qu'on  aurait  pu  l'es- 
pérer. 

Quant  aux  Archives  de  l'Yonne,  M.  Quantin  y  avait  si- 


ET  LEUR   PROPAGATION   AUX   XIIe   ET   XIII0   SIECLES.     141 

gnalé  (1)  et  recueilli  tous  les  actes  importants  relatifs  aux 
Coutumes  de  Larris. 

Restaient  les  Archives  du  Cher;  mais  l'archiviste,  à  qui  est 
confié  ce  dépôt,  m'a  assuré  qu'il  ne  contenait  rien  touchant 
l'extension  des  Coutumes  de  Lorris  dans  le  Berry. 


CHAPITRE  PREMIER. 
Lorris  et  le  Gâtinais  aux  XI«  et  XII»  siècles. 

Avant  d'aborder  l'étude  des  Coutumes  de  Lorris ,  il  est  né- 
cessaire de  donner  quelques  renseignements  géographiques 
et  historiques  sur  le  Gâtinais  région  où  elles  ont  pris  nais- 
sance. 

Un  diplôme  de  Dagobert ,  donné  vers  638,  est  le  plus  ancien 
texte,  qui,  à  ma  connaissance,  mentionne  le  pagus  Wastinen- 
sis  (2).  Au  ixe  siècle,  les  mentions  sont  fréquentes  (3).  Lors  du 
partage  que  Louis  le  Débonnaire  fit  en  837,  de  ses  états  entre 
ses  fils ,  ce  pagus  fut  attribué  à  Charles  ;  il  était  compris  dans 
la  Bourgogne  (4).  Vers  841,  un  comte  l'administrait  (5).  La 

(1)  Recherches  sur  le  Tiers-État  au  Moyen-âge,  Auxerre,  1851,  in-8°. 

(2)  Donation  par  Dagobert  à  l'église  Sainte-Colombe  de  Sens  de  la  villa  de 
Grandchamp  (auj.  Grandchamp ,  Yonne,  ar.  Joigny,  c0B  Cbarny).  «  Villam 
Grandem  Campum  in  Guastinensi,  »  ap.  Quantin,  Cartul.  de  l'Yonne,  t.  I, 
p.  10. 

(3)  «  Gaico  monasterio  constructo  in  pago  Wastinensi  »  (monastère  de 
Giy),  Formula  Senonenscf ,  ap.  D.  Bouq.,  t.  IV,  p.  517  a.  —  Le  même  mo- 
nastère est  dit  «  in  pago  Wastinensi  »  dans  les  Formula  Lindenbrogianse, 
n°  XXII,  ap.  D.  Bouq,,  IV,  550.  —  843,  Dipl.  par  lequel  Charles  le  Cb.  con- 
cède à  Nivelon  des  biens  dont  plusieurs  sis  au  pagus  de  Gâtinais,  ap.  D. 
Bouq.,  VIII,  435  e.  —  853,  à  la  suite  d'un  capitulaire  sont  transcrits  les 

noms  des  missi  dominici  envoyés  dans  ce  pagus  «  in  pago Wasteniso  »  ap. 

D.  Bouq.,  Vil,  617  a.  —  884,  11  juin.  Privilège  de  Carloman  pour  Saint- 
Germain-d'Auxerre.  «  Prœterea  quatuor  mansa  quœ  sunt  in  pago  Gastinensi 
in  villa  quœ  dicitur  Grandis  Campus,  »  ap.  D.  Bouq.,  t.  IX,  p.  436  e;  Cartul. 
de  l'Yonne,  i.  I,  p.  112.  —  886,  28  oct.,  même  mention  dans  un  privilège  de 
Charles  le  Gros  pour  la  même  abbaye,  ap.  Cartul.  de  V Yonne,  I,  117. 

(4)  «  De  Burgundia,  Tullensem,....  Senonicum,  Wastinentem,  Milidunen- 
sem,  Stampensem,  »  Nithard,  1. 1,  c.  vi,  ap.  D.  Bouq.,  t.  VI,  p.  70  a. 

(5)  «  Monasteriolum  quod  Giacus  nominatur  et  consistit  in  comitatu  Was- 
tinense.  »  Privilège  de  Lothaire  vers  841,  ap.  D.  Bouq.,  t.  VIII,  p.  377  d.  — 

Revue  hist.  —  Tome  VIII.  10 


442  LES   COUTUMES   DE  LOKRIS 

dernière  rédaction  des  Gesta  consulum  Andegavomm  indique 
comme  comte  de  Gâtinais  au  ixe  siècle  un  certain  Geoffroy  (1), 
dont  la  fille  Adèle  aurait  épousé ,  de  par  la  volonté  royale ,  le 
chambellan  Ingelgier.  Mais,  d'après  M.  Mabille,  ce  passage 
a  été  emprunté  à  un  recueil  de  miracles  ;  Geoffroy,  Adèle ,  In- 
gelgier, ce  sont  là  des  personnages  fabuleux  (2). 

Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  qu'en  1060,  à  la  mort  de 
Geoffroy  Martel,  comte  d'Anjou,  le  comté  d'Anjou  passa  à 
Geoffroy  le  Barbu,  fils  de  Geoffroy  ou  Aubri  de  Châteaulan- 
don,  comte  du  Gâtinais  et  d'Ennengarde  d'Anjou,  fille  de 
Foulques  Nerra  (3).  Foulques  Rechin,  frère  de  Geoffroy  le 
Barbu ,  eut  le  Gâtinais.  Une  guerre  s'étant  élevée  entre  les 

«  In  comitatu  Wastinensi  Ipduacovillam.  »  Privilège  de  Ch.  le  Ch.,  ap. 
Cartid.  de  l'Yonne,  1. 1,  p.  53.  —  933  «  cum  mansis  LX  ex  Wastinensi  co- 
mitatu, »  ap.  D.  Bouq.,  t.  IX,  p.  579  b. 

(1)  Chroniques  des  comte*  d'Anjou,  éd.  Soc.  de  l'Hist.  de  Fr.,  p.  40,  1.  3; 
p.  45, 1.  17. 

(2)  Mabille ,  Introduct.  aux  chroniq.  des  comtes  d'Anjou,  p.  LVIII.  —  Dana 
cette  introd.,  M.  Mabille  (p.  LXXXVI)  a  assimilé  les  vicomtes  d'Orléans  avec 
ceux  du  Gâtinais.  Je  ne  sais  sur  quels  textes  il  appuie  son  opinion,  car 
Geoffroi  et  Aubri,  dans  les  chartes  citées  par  M.  Mabille,  prennent  le  seul  titre 
de  vicecomes  Awrelianensium.  De  plus  au  ixe  et  au  x°  siècles ,  le  Gâtinais  est 
toujours  dit  comté.  —  Ce  n'est  que  plus  tard  qu'apparaissent  les  vicomtes  du 
Gâtinais ,  qui,  d'ailleurs,  existaient  peut-être  concurremment  avec  les  comtes. 
En  1112,  plainte  de  Boson,  abbé  de  Fleury,  contre  Foulques  vicomte  du 
Gâtinais,  ap.  B.  Nat.,  ms.lat.  12739,  p.  356-357.  En  1120,  Foulques  vendit 
au  roi  ses  droits  sur  Yèvre-le-Cbâtel ,  ap.  Aimoin,  1.  V,  c.  51.  Il  est  encore 
question  du  vicomte  du  Gâtinais  dans  une  charte  de  1154  donnée  à  Lorris  la 
18e  année  du  règne  de  Louis  VII,  cit.  ap.  R.  de  Maulde,  Condit.  forest.  de 
l'Orléanais,  p.  239,  n  4. 

(3)  «  Goffredus  quoque  cornes  filius  Fulconis  obiit...  Huic  successerunt 
nepotes  ejus ,  fllii  Alberici  Contracti  comitis  de  Gastina  :  Goffredus  et  Fulco 
Rechin.  »  Chronic.  S.  Maxentii,  ap.  Chron.  des  églises  d? Anjou,  p.  402.  — 
«  Ego  Fulco,  cornes  Andegavensis,  qui  fui  filius  Gosfridi  de  Castro  Landono  et 
Ermengardis ,  filiœ  Fulconis  comitis  Andegavensis ,  et  nepos  Gosfredi  Mar- 
lelli ,  qui  fuit  filius  ejusdem  avi  mei  Fulconis  et  frater  matris  mes.  »  Frag- 
ment, histor.  Andegav.  auct.  Fulcone  Richin,  éd.  Soc.  de  l'Hist.  de  Fr., 
p.  375.  —  «  Defuncto  Goisfredo  Martello,  fortissimo  Andegavensium  comité, 
successerunt  ex  sorore  duo  nepotes  ejus,  fllii  Alberici  comitis  Wastinensium, 
e  quibus  Goisfredus...  jure  primogeniti  obtinuit  principatum.  »  Orderic  Vital, 
ap.  D.  Bouq.,  t.  XI,  p.  244  c.  —  On  remarquera  que  la  chronique  de  Saint- 
Maixent  et  Orderic.  Vital  donnent  au  comte  du  Gâtinais,  époux  d'Ennengarde, 
le  nom  d' Aubri,  tandis  que  la  chronique  attribuée  à  Foulques  Rechin  le  nomme 
Geoffroy. 


ET  LEUR  PROPAGATION   AUX  XII0   ET   XIIIe   SIECLES.     143 

deux  frères,  et  comme  les  partisans  de  Geoffroy  demandaient 
au  roi  Philippe  de  délivrer  leur  seigneur  tombé  aux  mains  de 
sen  ennemi  Foulques  Rechin ,  celui-ci  se  hâta  de  promettre 
au  roi  la  cession  de  ses  droits  sur  le  Gâtinais  s'il  voulait  seu- 
lement garder  la  neutralité.  A  ce  prix,  Philippe  Ier  acquit 
Cbâteaulandon  et  le  Gâtinais,  en  1066;  c'est-à-dire  qu'il 
exerça  dès  lors  les  droits  du  comte  de  Gâtinais  (i).  Les  che- 
valiers du  comté  ne  lui  firent  hommage  qu'après  qu'il  se  fut 
engagé  par  serment  à  respecter  les  coutumes  du  pays  (2). 

Il  serait  difficile  de  déterminer  avec  une  extrême  précision 
les  limites  du  pagus  Wastinensis.  Les  études  de  M.  Quantin  (3) 
et  mes  propres  recherches  me  permettent  d'affirmer  qu'elles 
correspondaient  à  peu  près  à  celles  de  l'archidiaconé  du  même 
nom,  dont  l'étendue  a  peu  varié  à  travers  les  siècles  (4).  Les 
limites  de  l'archidiaconé  nous  sont  connues  très  exactement , 
grâce 4  une  carte  du  diocèse  de  Sens,  dressée  en  1741  (5).  Il 

(1)  «  Fulco  sabdoltts  frater  suum  nimium  cepit  impugnare Addo  Verbi 

incarnati  M  LXV10  proditores  perimuntur...  Fulco  Richin  Barbatum ,  fratrem 
soom,  sabdole  captum  in  vinculis  posait  et  atrumqae  comitatam  veluti  suum 
suscepit...  Helias  consul  Cenomannicus  et  complures  sui  consulatus  proceres 
Falconem  pro  Barbato  graviter  expugnabant  et  ut  Barbatum  deliberaret  pe- 

tebant,  et  auxilio  Philippi  régis  Francorum ipsum  vi  abstrabere  a  car- 

cere  nitebantur;  sed  Fulco  cum  Stephano concordatus,  regem  Francorum 

adiit  et  cum  eo  fœderatus  Philippo  régi  Landonense  castrum  concessit.  » 
Ckronica  de  gestit  consulum  Andegavor.,  Chroniques  d'Anjou ,  éd.  de  la  Soc. 
de  FHist.  de  Fr.,  p.  138-139.  Voyez  encore  :  Hist.  comUum  Ândegao.,  Ibid., 
p.  334;  —  Gesta  Ambaziensium  dominorum,  Ibid.,  p.  176;  Fragment,  ap. 
D.  Bouq.,  t.  XI,  p.  158;  Ex  libro  III  hUtoriv  Froncer.,  Ibid.,  t.  XII,  p.  217. 

(2)  «  Rex  autem  juravit  se  servaturum  consuetudines  terre  iUius  :  aliter 
eoim  nolebant  homines  facere  sua  hominia.  »  Histor.  Froncer.,  ap.  D.  Bouq., 
XII,  217;  même  rédaction  dans  le  fragment  publié  ap.  D.  Bouq.,  t.  XI, 
p.  158. 

(3)  Quantin,  Cartul.  général  de  l'Yonne,  t.  II,  Introduction. 

(4)  Toutefois  Grandckamp  (Yonne ,  ar.  Joigny,  con  Charny)  qui  faisait  par- 
tie au  xvui«  siècle  de  l'archidiaconé  de  Sens  était  dans  le  Gâtinais  aux  vh«  et 
ix«  siècles.  —  Vers  638,  donation  de  Dagobert  à  Sainte-Colombe  de  Sens 
«villam  Grandem  campum  in  Gaustinensi ,  »  ap.  Cartul.  de  l'Yonne,  t.  I, 
p.  10.  —  11  juin  884  :  «  In  pago  Gastinensi  in  villa  quœ  dicttur  Grandis 
Campus.  »  Privilège  de  Carloman  pour  Saint-Germain  d'Auxerre,  ap.  Cmrtul. 
de  l'Yonne,  1. 1,  p.  112.  Même  mention  dans  un  diplôme  du  28  octobre  886 1 
Ibid.,  p.  117. 

(5)  Carte  du  diocèse  de  Sens,  dédiée  à  J.  Languet,  par  M.  Outhier,  prêtre, 
1741. 


144  LES  COUTUMES  DE  LORRIS 

comprenait  la  vallée  du  Loing.  Son  point  le  plus  septentrional 
était  un  peu  au  nord  de  Fontainebleau.  De  là  sa  limite  suivait 
la  Seine  jusqu'auprès  de  Montereau  en  passant  à  l'ouest  de 
Bois-le-Roi  (1);  puis  elle  descendait  presque  en  ligne  droite, 
d'abord  parallèlement  à  l'Yonne ,  mais  à  quelque  distance  de 
cette  rivière,  jusqu'à  Champce vrais  (2),  en  comprenant  les 
villages  de  Noisy  (3),  Flagy  (4),  Saint-Ange-te-Vieil  (5),  Lor- 
rez-le-Boccage  (6),  Villebéon  (7),  Bazoches  (8),  laissait  en 
dehors  et  dans  l'archidiaconé  de  Sens  :  Courtenay  (9) ,  La 
Motte-aux-Aunays(lO)  et  Charny  (11).  Saint-Maurice-sur-l'Ar- 
veyron  (12)  était  en  Gâtinais.  La  limite  suivait  ensuite  une 
ligne  parallèle  à  la  Loire ,  et  au  nord  de  cette  rivière,  laissant 
au  sud  :  Verger  (13),  Escrignelles  (14),  Belair  (15),  Arra- 
bloy  (16),  Nevoy  (17),  traversait  la  forêt  d'Orléans,  et,  à  la 
hauteur  de  Bray  (18),  remontait  au  nord  jusqu'à  Yèvre-le- 
Châtel  (19),  en  décrivant  une  courbe,  suivait  le  cours  de  l'Es- 
sonne jusqu'à  Bonneveaux  (20),  et,  contournant  Milly  (£1), 
gagnait  la  Seine  au  nord  de  Fontainebleau  et  de  Bois-le-Roi, 
et  au  sud  de  la  Rochette  (22)  et  de  Livry. 

(1)  Bois-le-Roi,  Seine-et-Marne,  air.  et  con  Fontainebleau. 

(2)  Champcevrais ,  Yonne,  air.  Joigny,  con  Bléneau. 

(3)  îïoisy-le-Sec,  Seine-et-Marne,  arr.  Fontainebleau,  con  Lorrez-le-Bocage. 

(4)  Flagy,  même  canton. 

(5)  Saint- Ange-le- Vieil,  même  canton. 

(6)  Lorrez-le-Bocage,  arr.  Fontainebleau,  ch.-l.  c°». 

(7)  Villebéon ,  c°*  Lorrez-le-Bocage. 

(8)  Bazoches,  Loiret,  arr.  Montargis,  c°»  Courtenay. 

(9)  Courtenay,  Loiret,  arr.  Montargis,  ch.-l.  c0B. 

(10)  La  Mothe-aux-Aulnais ,  Yonne,  arr.  Joigny,  c°«  Charny. 
(il)  Charny,  Yonne,  arr.  Joigny,  ch.-l.  c°". 

(12)  Saint-Maurice-sur-Arveyron ,  Loiret,  arr.  Montagis,  c°*  Châlillon-sur- 
Loing. 

(13)  Le  Verger,  Loiret,  arr.  Gien,  c°»  Briare,  c»«  Escrignelles. 

(14)  Escrignelles,  c°»  Briare. 

(15)  Belair,  Loiret,  c»«  Arrabloy,  arr.  et  c«»  Gien. 

(16)  Arrabloy,  Loiret,  arr.  etc°*  Gien. 

(17)  Nevoy,  môrnec0». 

(18)  Bray,  Loiret,  arr.  Gien,c°°  Ouzouer-sur-Loire. 

(19)  Yèvre-le-Chatel ,  Loiret,  arr.  et  c°»  Pithiviers. 

(20)  Buno-Bonneveaux ,  Seine-et-Oise ,  arr.  Étampes ,  c°B  Milly. 

(21)  Milly,  Seine-et-Oise,  arr.  Étampes ,  ch.-l.  c°«. 

(22)  La  Hochette  et  Livry,  Seine-et-Marne ,  arr.  et  c«n  Melun. 


ET  LBUR  PROPAGATION   AUX   XIIe   ET   XIIIe   SIECLES.     145 

Quoi  qu'il  eu  soit,  Lorris  était  à  coup  sûr  dans  le  Gàtinais, 
comme  le  prouvent  de  très  nombreux  textes  (1).  Ce  village 
entra  donc  probablement  dans  le  domaine  royal  en  1066. 

Lauriacum  (2)  est  la  plus  ancienne  forme  de  son  nom  qui 
me  soit  connue  ;  cette  désignation  ne  remonte  qu'à  990.  Les 
renseignements  font  absolument  défaut  sur  ce  bourg  avant  le 
xne  siècle.  A  cette  époque  et  pendant  le  xme  siècle,  c'est 
toujours  Larriacum  (exceptionnellement  Loriacum),  d'où  en 
français  Lorri  (3),  que  je  rencontre  dans  un  document  de  1169, 
et  le  plus  souvent  au  xnie  siècle ,  Lorrïz  (4). 

La  position  de  ce  lieu  sur  la  lisière  de  la  forêt  d'Orléans 
détermina  les  rois  à  y  établir  une  de  leurs  résidences  (5).  Ils 
pouvaient  facilement  s'y  livrer  aux  plaisirs  de  la  chasse.  Le 
paiement  des  louvetiers  figure  dans  les  dépenses  de  la  pré- 
vôté de  Lorris  en  1202  (6).  Plusieurs  diplômes  de  Louis  VI 

(1)  Voyez  les  articles  4  et  27  des  Coutumes;  et  P.  Jus  t.,  n°  XXII.  —  4-18 
dot.  1317  :  «  Apud  Loriacum  in  Vastineto,  —  in  Vastinesio,  —  in  Vasti- 
nensi,  »  ap.  Rec.  des  hitt.,  t.  XXI,  p.  472-473.  —  Nov.  1322  :  «  Apud  Lo- 
riacum in  Vastineto,  »  ibid.,  p.  488  f.  —  18  août  1324  :  «  Apud  Lorriacum 
in  Vastinesio,  »  ibid.,  p.  492  c.  —  1328,  dans  l'inventaire  des  meubles  de  la 
reine  Clémence  :  «  Lorrys  en  Gastinois,  »  B.  Nat.,  Clairambault ,  vol.  471, 
p.  83. 

(2)  Dans  un  diplôme  par  lequel  Hugues  Capet  confirme  les  immunités  de 
l'église  d'Orléans,  ap.  D.  Bouq.,  X,  556.  Lorris  y  est  dit  situé  dans  le  pagus 
d'Orléans. 

(3)  Lorri  :  dans  la.  charte  pour  Le  Moulinet,  ap.  La  Thaumassière ,  Coût, 
toc.,  p.  396-397.  Je  ne  connais  pas  l'original  de  cette  charte. 

(4)  Lorriz  :  traduct.  de  la  charte  pour  Villeneuve  l'Archevêque,  xm»  siècle, 
ap.  Cartel,  de  l'Yonne,  i.  II,  p.  240.  —  1290,  vidimus  émané  de  la  prévôté  de 
Lorris,  Arch.  Nat.  J.  1046,  n°  22.  —  1304,  ap.  Ree.  des  histor.,  t.  XXI, 
p.  443  f.  —  1315,  Continuât,  chronie.  Girardi  de  Fracheto,  ibid.,  t.  XXI, 
p.  44,  J. 

(5)  D.  Morin  signale  dans  son  Histoire  générale  des  pays  de  Gastinois, 
p.  182,  les  vestiges  d'un  château.  —  Et,  R.  Hubert  dit  :  «  Ce  chasteau  a  esté 
autrefois  quelque  chose  de  considérable ,  puisque  les  Roys  en  faisoient  leur 
maison  de  plaisance.  Aussy  estoit  (sic)  un  lieu  fort  agréable  et  commode 
pour  la  chasse  ;  pour  marque  que  Lorry  estoit  le  séjour  assez  ordinaire  des 
Roys ,  c'est  que  une  infinité  de  lettres  patentes  et  de  chartes  données  (fie) 
an  chasteau  de  Lorris.  »  Hist.  ms.  du  pays  d'Orléanais,  t.  II,  Bibl.  d'Or- 
léans ,  ms.  n°  436,  non  folioté.  —  Voyez  encore  le  préambule  des  lettres  par 
lesquelles  Charles  VII  confirme  en  1448  les  privilèges  de  Lorris,  ap.  La 
Th.,  Cota,  foc,  p.  434. 

(6)  1202,  novembre,  «  Luparii  a  S.  Dionysio  usque  ad  diem  Mercurii  post 


146  LES   COUTUMES   DE   LORRIS 

sont  datés  de  ce  bourg  (1);  ceux  qu'y  a  expédiés  Louis  VII 
sont  phis  nombreux.  Quant  à  Philippe- Auguste ,  nous  cons- 
tatons sa  présence  à  Lorris  dans  les  années  1180-1182,  1185- 
1187,  1189-1191,  H93,  119-i,  1200,  1202,  1214(2). 

Des  voies  de  communication  assez  nombreuses  traversaient 
Lorris.  Une  grande  route  menait  à  Châteauaeuf  (3)  ;  un  autre 
chemin  public  reliait  Lorris  à  Sully  (4).  En  1254,  Eudes  Ri- 
gaud ,  archevêque  de  Rouen ,  revenant  de  Rome ,  s'arrêta  à 
Nevers,  Cosne,  Gien,  Lorris;  de  là,  il  gagna  Cépoy,  Nemours, 
Melun ,  Villeneuve-Saint-Georges  et  Paris  (5). 

Lorris  était  fortifié  en  1202  (6). 

L'abbaye  de  Saint-Benoît-sur-Loire  ou  de  Fleuri  y  possé- 
dait un  prieuré.  L'existence  en  est  constatée  dans  les  Veteres 
Consuetudines  monasterii  Floriaeemis ,  document,  que  l'édi- 
teur de  la  Bibliotheca  Floriacensts  fait  remonter  au  moins  an 
xi*  siècle  (7).  Louis  VII,  voulant  contribuer  à  l'achèvement  de 
l'église,  concéda!,  en  1144,  au  prieur  Bernard,  100  sous  à 
prendre  annuellement  sur  le  cens  royal  (8).  En  1202 ,  ce 
prieuré,  placé  sous  le  vocable  de  Saint- Sulpice,  reçut  en  don 
de  Philippe-Auguste  une  poterne  pour  y  bâtir  un  hospice  à 


omnium  Sanctorum  XXVIII  s.  »  Brussel,  U$age  des  fiefs,  t  II,  Charte*,  etc., 
p.  cxl.  —  1202,  février,  «  Luparii  de  LXXVI  diebus  usque  ad  ultimum  diem 
Februarii  LXXVI  s.  »  Ibid.,  p.  clxviii.  —  1203,  mai,  «  Luparius  pro  suis 
vadiis  duorum  mensium  LVI  s.  »  Ibid.,  p.  cxcui. 

(1)  1112,  3e  a.  du  règne,  «  Actum  Loriaci  in  palatio,  »  publ.  ap.  Mabillon, 
De  re  diplom.,  p.  642.  —  1124,  17«  a.  r.,  ap.  Quantin,  Cartul.  de  l'Yonne, 
t.  I,  p.  254.  —  1125,  18'  a.  r.,  ap.  Gallia  Christ.,  VIII,  instr.  col.  503.  — 
1127,  24*  a.  r.,  indiq.  ap.  Rréquigny,  t.  II,  p.  549. 

(2)  L.  Deliale,  Catalogue  des  actes  de  Ph.-Aug.,  Introduction,  p.  cm. 

(3)  Arrêt  du  Parlement  de  1260,  Otim,  I,  127,  cité  par  R.  de  Maulde, 
Condit.  forestière,  p.  239. 

(4)  Charte  de  1154,  constatant  la  vente  faite  par  Robert  du  Moulinet,  à 
Macaire,  abbé  de  Fleury,  de  toute  la  terre  :  «  quam  posaidere  eo  tempore 
videbatur  a  sirota  publica  qum  a  Lorriaco  Soliacum  ducit  usque  ad  Sanctum- 
Benedictum,  »  cité  ap.  R.  de  Maulde  ,  Ibid.,  p .  239,  note  4. 

(5)  Regestrum  visitationis ,  éd.  Bonnin,  p.  186. 

(6)  Pièces  just.,  n°  XIII,  concession  d'une  poterne  par  le  roi  au  prieur  de 
Saint-Sulpice. 

(7)  «  Prior  de  Lauriaco.  »  Bibliotheca  Floriacensis ,  p.  411. 

(8)  Pièces  just.,  n»  V. 


ET  LEUR  PROPAGATION   AUX   XIIe   ET  XIIIe   SIECLES.     147 

Tasage  des  moines  (1).  Déjà  Louis  VI  avait  donné  à  l'ab- 
baye de  Saint-Benoît  le  quart  du  revenu  des  fours  de  Lorris 
et  une  rente  annuelle  de  100  sous  à  prendre  sur  les  trois  au* 
très  quarts ,  réservés  au  roi ,  à  charge  de  célébrer  l'anniver- 
saire de  Philippe  Ier  :  donation  confirmée  par  Louis  VII 
avant  son  départ  en  Terre  Sainte  (2),  et  par  Philippe-Auguste 
en  1183  (3).  Quatre  siècles  après,  l'anniversaire  était  encore 
célébré  et  la  rente  payée  (4). 

L'église  paroissiale  de  Lorris,  dédiée  à  Notre-Dame  (5),  fut 
donnée  d'abord  par  Louis  VII,  puis,  en  1138,  par  Henri,  arche- 
vêque de  Sens,  à  l'abbaye  de  Saint-Benoît,  sous  réserve  de  la 
soumission  à  l'église  de  Sens  et  des  droits  des  prêtres  (6).  Des 
désaccords  ne  tardèrent  pas  à  s'élever  entre  l'archevêque  et  le 
chapitre  de  SainWÉtienne  de  Sens,  d'une  part,  et  l'abbaye, 
d'autre  part  :  d'abord  en  1171  (7),  puis  en  1180  :  à  cette  der- 
nière date ,  on  convint  qu'un  des  prêtres  de  Lorris  serait  à  la 
présentation  de  l'abbé  (8).  Le  pape  Innocent  III  confirma  l'ac- 
cord le  30  mai  1909  (9).  Toutefois,  nous  voyons  l'église  de 
Lorris  figurer  en  1187  (10)  parmi  les  églises  sur  lesquelles  le 
chapitre  de  Sens  étendait  son  patronage. 

(t)  Iodiq.ap.Deliflle,  Cotai,  des  octet  de  Ph.-Aug.,  n<>724.— P.jii#(.,n°XIII. 
(2)P./w*.,n<»VI. 

(3)  Indiq.  par  Delisle,  Catalogue,  n«  75.  —  P.  jutt.,  n«  XI. 

(4)  Voyex  aux  P.  jutt.,  n«  XXVI,  XXVII,  des  quittance» de  1419  et  1573. 

(5)  14  juillet  1340,  Pierre,  abbé  de  Saint-Benoît,  atteste  la  fondation  faite 
par  Pierre  Petitpied,  chanoine  de  Sens,  d'une  chapelle  dans  l'église  Notre- 
Dôme  de  Lorris  (Arch.  du  Loiret,  Copie  ap.  Cariai,  de  Fleury,  n»  212, 
p.  130-132. 

(6)1138,  Chàteaulandon;  Henri,  archevêque  de  Sens,  confirme  la  con- 
cession faite  par  Louis,  très  glorieux  roi  de  France,  à  l'abbaye  de  Saint- 
Benoît,  de  l'église  de  Lorris  (Archive*  du  Loiret,  Copie  ap.  Cartul.  I  de  Fleury, 
p.  281)- 

(7)  1171,  Sens;  Guillaume,  archevêque  de  Sens,  constate  l'accord  inter- 
venu entre  hti  et  le  chapitre  de  Sens ,  d'une  part ,  et  l'abbaye  de  Saint-Be- 
noît, d'autre  part ,  à  propos  du  patronage  de  l'église  de  Lorris  {Archive*  du 
Loiret,  Copie  ap.  Cartul.  I  de  Fleury,  p.  281-282). 

(8)  P.  ;fi**.,n<>IX. 

(*)  Bulle  donnée  à  Viterbe ,  le  3  des  calendes  de  juin ,  et  la  12»  année  dn 
Pontificat.  —  Pièce*  jutt.,  n»  XVIII. 

(10)  Charte  de  l'archevêque,  indiq.  ap.  Quantin,  Cartul.  de  V Yonne,  t.  II, 
p.  154. 


148  LES  COUTUMES  DE  LORRIS 

Dès  la  première  moitié  du  xne  siècle ,  les  habitants  de  la 
paroisse  de  Lorris  avaient  obtenu  du  roi  Louis  VI  une  feharte 
de  coutumes  devenue  rapidement  célèbre.  Le  texte  en  est  au- 
jourd'hui perdu  (1).  Les  registres  de  la  chancellerie  royale 
nous  ont  conservé  la  confirmation  de  Louis  VII  datée  d'Or- 
léans en  1155  (2).  Un  incendie,  survenu  à  Lorris  pendant  un 
séjour  de  Philippe-Auguste ,  détruisit  la  ville  presque  entière- 
ment et  consuma  l'original  de  la  charte  déposé  aux  archives 
de  la  communauté.  Le  roi  se  hâta  de  délivrer  aux  malheureux 
bourgeois  un  nouveau  diplôme  de  même  teneur  que  sur  celui 
de  1155.  Cette  confirmation  fut  délivrée  à  Bourges,  en  1187  (3), 
entre  le  29  mars  et  le  31  octobre.  Ces  privilèges ,  qui  font 
l'objet  de  la  présente  étude,  ont  été  encore  confirmés  par 
Charles  VII  en  1448  (4)  et  même  par  Louis  XIII  en  1625  (5). 

Pour  comprendre  les  causes  qui  ont  pu  déterminer  l'octroi 
de  cette  charte  au  commencement  du  xne  siècle ,  il  est  indis- 
pensable de  connaître  la  situation  économique  de  Lorris  à 
cette  époque.  C'est  un  point  sur  lequel  les  chartes ,  aussi  bien 
que  les  chroniques,  ne  nous  ont  transmis  que  de  rares  ren- 


(1)  L'existence  de  cet  acte  est  attestée  par  le  préambule  de  la  confirmation 
de  Philippe-Auguste  :  «  In  nomine  sancte  et  individue  Trinitatis,  Amen.  Phi- 
lippus  Dei  gracia  Francorum  rex.  Régie  interest  nobilitatis  quocumque  infor- 
tunio  afîlictis  misericorditer  subvenire  et  remedium  consolationis  impendere. 
Noverint  ideo  universi  présentes  pariter  et  futuri  quoniam,  cum  Domines  Lor- 
riaci  ab  avo  nostro  Ludovico ,  Francorum  rege ,  et  a  genitore  nostro  rege , 
Ludovico,  ejusdem  fllio,  consuetudines  impetrassent  et  ab  utroque  carias 
obtinuissent,  in  quibus  continebantur  ille  consuetudines,  pro  eorum  infortunio 
contigit  villam  fere  totam  et  cartas  in  quibus  scripte  erant  eorum  consuetudi- 
nes igné  consumi,  nobis  ea  hora  in  eadem  villa  pernoctantibus;  nos  vero  ex 
regia  liberalitate  eorum  infortunio  compacientes ,  consuetudines  quas  anti- 
quitus  habuerant  ipsis  concessimus  et  quasi  de  novo  statuimus.  »  (D'après  un 
vidimus  de  1290  émané  de  la  prévôté  de  Lorris,  Arch.  nat.,  J.  1046,  n°  22.) 
Ce  préambule  a  été  publié  dans  le  Rec.  des  Ord.,  t.  XI,  p.  200,  note;  mais 
les  mots  que  j'ai  soulignés ,  et  qui  établissent ,  d'une  façon  incontestable , 
que  la  charte  de  Lorris  a  été  rédigée  dès  Louis  VI ,  ont  été  omis. 

(2)  Voir,  ci-après,  le  texte  de  1155  :  Pièces  just.,  n°  I. 

(3)  Voir  Delisle,  Cotai.,  n°  187,  p.  45. 

(4)  Confirmation  donnée  par  Charles  VII  à  Montils-les-Tours ,  en  décembre 
1448,  la  27«  année  du  règne.  Ces  lettres  renferment  la  charte  de  Ph. -Auguste 
(Arch.  nat.,  JJ  224,  p.  n°  124,  publ.  ap.  La  Th.,  Coût,  toc,  p.  434-435). 

(5)  Indiq.  par  Le  Maire,  Hist.  d'Orléans,  t.  II,  p.  34;  et  ap.  Invent,  des 
arch.  du  Loiret,  A  986,  p.  228,  col.  2. 


ET  LEUR  PROPAGATION   AUX   XIIe   ET   XIIIe   SIECLES.     149 

seignetnents.  Suger  cependant  donne  des  détails  précis,  sinon 
sur  Lorris ,  tout  au  moins  sur  l'état  de  l'Ile-de-France,  et  plus 
spécialement  du  pays  d'entre  Seine  et  Loire.  On  sait  les  luttes 
continuelles  de  seigneur  à  seigneur,  luttes  au  milieu  des- 
quelles les  vilains  n'étaient  pas  épargnés.  Vers  4059,  les  ha- 
bitants de  la  Cour-Marigny  (1),  domaine  dépendant  de  l'ab- 
baye de  Fleury,  las  des  incessantes  déprédations  exercées 
sur  leur  village  par  un  petit  seigneur  de  Châtillon-sur-Loing, 
Aubri,  marchèrent  à  sa  rencontre  les  armes  à  la  main  (2). 
Que  pouvait  contre  des  chevaliers  solidement  armés  une  poi- 
gnée de  paysans  mal  équipés?  Aubri  mort,  son  frère  Seguin, 
non  moins  cruel ,  bravant  les  excommunications ,  continua  ses 
entreprises  contre  les  colons  de  l'abbaye.  Il  ne  fallut  rien 
moins,  pour  débarrasser  les  moines  de  ce  brigand ,  que  l'in- 
tervention miraculeuse  de  saint  Benoît  qui  le  fit  périr  d'une 
mort  misérable. 

A  l'approche  des  armées ,  les  paysans ,  saisis  de  crainte , 
cherchaient  un  asile  derrière  les  murs  des  églises ,  emportant 
avec  eux  leurs  meubles  et  leurs  récoltes  (3). 

Aux  ravages  de  la  guerre  s'ajoutaient  les  vexations  des  sei- 
gneurs empiétant  sur  les  droits  les  uns  des  autres,  usurpant 
les  biens  des  églises  (4)  et,  dans  leur  besoin  d'argent  pour 
guerroyer,  frappant  toujours  leurs  hommes  de  nouvelles  tail- 
les :  même  ils  en  exigeaient  des  colons  et  serfs  d'église.  Le 
paysan  ne  pouvait  plus  suffire  à  payer  les  impositions  dont 
on  le  chargeait  de  toutes  parts  (5).  A  Monnerville,  près  d'E- 


(t)  La  Cour-Marigny,  canton  de  Lorris. 

(2)  «  Albericus,  anus  ex  primoribas  castri  Castellionis ,  quod  est  situm 

super  Lapam  fluviolum ,  creberrimis  deprodationibus  prsdia  sœpius 

dicendi  Patris  devastabat  maxime  illa  que  Curti  Matriniacensi  adjacent 

Exterrili  qui  eam  inhabitant,  videntes  hominem  sibi  infestum  cum  tanta  adfore 
militum  multitadine  exierunt  ei  obvii  cum  armis  »  {Miracles  de  saint  Benoit, 
1.  VIII,  éd.  Soc.  de  l*Hist.  de  Fr.,  p.  296-297). 

(3)  Miracles  de  saint  Benoit,  1.  VIII,  p.  315,  année  1078. 

(4)  Voir  i>.  justif.,  n°  II.  —  Charte  de  1066. 

(5)  «  Possessionem  beati  Oionysii  in  qua  continetur  Mesnile  sancti  Dionysi 
et  Douma  Petra  et  estera)  villœ...  a  multis  rétro  tempo  ribus  tribus  tallis  ex- 
positam,  videlicet  domino  castri  Cabrosœ,  et  domino  castri  Nielph»,  et  Si- 
moni  de  Villa  Aten,  eorum  rapacitate  omnino  (ère  destilutam...  »  (Suger,  De 
admin.,  édit.  Lecoy,  ch.  X,  p.  165.) 


150  LES   COUTUMES   DE  LORRIS 

tampes  (1),  le  seigneur  de  Méréville  réclamait  des  habitants 
le  gîte  pour  lui  et  tous  ceux  dont  il  se  faisait  accompagner, 
enlevait  les  récoltes  au  moment  de  la  moisson ,  faisait  trans- 
porter son  bois  deux  ou  trois  fois  Tan,  s'emparait  des  porcs, 
des  agneaux ,  des  volailles  :  et  tout  cela  sur  le  domaine  de 
l'abbaye  de  SaintrDenis.  Il  «  dévorait  à  pleine  bouche  les 
biens  des  malheureux  colons.  »  Ce  n'était  pas  assez  des  maî- 
tres :  on  avait  encore  à  subir  les  déprédations  des  sergents , 
qui  saisissaient  les  agriculteurs  assez  hardis  pour  s'éloigner 
de  leur  demeure,  et  avec  eux  leurs  troupeaux  (2).. A  la  suite 
du  seigneur  venait  son  sénéchal ,  puis  son  prévôt ,  levant  cha- 
cun une  taille  à  son  profit  (3).  Les  abus  de  pouvoir  des  ser- 
gents royaux  et  l'incurie  des  officiers  du  monastère  de  Saint- 

(1)  MonnervUle,  Seine -et- Oise,  arr.  E  tampes,  c°»  Méréville.  —  «  ...  Mor- 
narvilla,  villa  omnium  facta  miserrima,  que  sob  jugo  castri  Merevillœ  con- 
culcata  non  minus  quam  Sarracenorum  dépressions  mendicabat  ;  cum  ejusdem 
castri  dominas ,  quotienscumque  vellet,  in  eadem  hospicium  cum  quibuscum- 
que  vellet  raperet,  rutticorum  bona  pleno  ore  devoraret,  talliam  et  annonam 

tempore  messis  pro  consnetudine  asportaret , 

Que  cum  tanta  oppressionne  per  multa  tempora  in  solitudinem  fere  jam  rédi- 
ger etur,  audacter  resistere  ...  elegimus.  Hugo,  castri  do  min  us, ...  beato  Dio- 
nysio  in  perpetuum  omnes  omnino  consaetadines...  relexavit,  remisit...  » 
(Suger,  De  admin.,  c.  XI,  édit.  Lecoy,  p.  168-169.)  La  remise  faite  par  Hu- 
gues de  Méréville  des  contâmes  qu'il  percevait  est  constatée  par  on  diplôme 
de  Louis  VII  (1144),  indiq.  par  Lecoy,  ap.  Suger,  p.  372. 

(2)  «  In  pago  Meldensi,  villa  qu»  dicitur  Marogilum  (Mareuil),  occasione 
cujusdam  viaturs  quam  Ansoldus  de  Gornello  fere  usque  ad  ipsas  ville  do- 
mus  possidebat ,  gravissime  mfestabatur  :  cum  nec  agricole  nec  alii  quilibet 
villam  eiire  tuto  auderent,  quin  occasionibus  multis  viaturs  a  servientibus 
Ânsoldi  raperentur,  et  ad  curiam  ejus  intercepti  ducerentur,  nec  minus  de 
pecoribus  villam  exeuntibus  redimerentur...  »  (Suger,  Ibid.,  c.  XXI,  édit. 
Lecoy,  p.  182.) 

(3)  «  Tauriacus  (Toury,  Eure-et-Loir)  igitur,  famosa  beati  Dionysii  villa... 
intolerabilibus  dominorum...  castri  Puteoli  angariis...  premebatur,  ut,  cum 
illuc  temporibus  antecessoris  nostri  bons  memoriœ  Ade  abbatis,  ut  prepo- 
situs  terre  providerem  Bâtis  adhuc  juvenis  accessissem,  jam  colonit  pêne  desti- 
luta  tanguer  et  t  rapacitati  Puteolensium  data  esca  populis  iEthiopum  omnino 
pateret.  Nec  enim  ipsa  domas  propria  beati  Dionysii  seipsam  aliquando  tue- 
batur  quin  ipse  dominus  per  satellites  suos  eam  frangeret,  qaecumque  reperta 
sacrilego  spiritu  asportaret,  adjacentes  villas  frequentibus  hospiciis  confuo- 
deret,  annonam  et  talliam  $ibi  primvm,  deinde  dapifero  tuo,  deinde  prmpo- 
tito  tuo,  rusticorum  vectigalibus  ad  castrom  deferri  cogère  t.  Vix  qui  aderant 
sub  tam  nefande  oppressionis  mole  vivebant.  »  (Suger,  Ibid.,  c.  XII,  p.  170- 
171.) 


ET   LEUR   PROPAGATION   AUX   XII6   ET   XIIIe   SIECLES.     151 

Denis  araient  amené  à  rien  le  domaine  de  Beaune-la-Ro- 
lande  (1),  voisin  de  Lorris ,  naturellement  fertile  en  vin  et  en 
froment. 

Aux  portes  de  Paris,  le  seigneur  du  Puiset,  «  plus  rapace 
qu'un  loup  (2),  »  les  seigneurs  de  Corbeil ,  de  Montlhéry,  de 
Châteaufort  barraient  les  routes  et  rendaient  périlleux  le 
voyage  de  Paris  à  Orléans.  Les  châtelains  ne  craignaient  pas 
de  dévaliser  les  marchands  qui  passaient  sur  les  routes 
royales  (3).  En  plein  cœur  de  la  France,  les  voyages  se  faisaient 
à  main  année  (4).  Il  y  eut  un  temps  où  le  roi ,  resserré  dans 
le  Parisis ,  ne  pouvait  plus  gagner  Melun  (5),  bien  loin  qu'il 
pût  traverser  le  Gâtinais  pour  se  rendre  à  Orléans,  cette  autre 
capitale  des  premiers  Capétiens  (6). 

Agriculture  et  commerce  dépérissaient.  Epuisées  par  tant 
de  maux,  les  populations  commençaient  à  se  révolter  (7); 

(1)  c  Inter  alias  una  de  melioribus  b.  Dionysii  possessionibus  in  pago 
Guastinensi  Belna  dinoscitur,  quœ  ...  frumenti  et  vini  opulentia  ferai, ...  si 
non  Yexetur  a  servientibos  domini  régis ,  seu  nostris,  omnibus  bonis  exube- 
rat,  que  per  incuriam  procuratorum  raro  incuUa  habiiatore  ad  lantam  decli- 
naverat  inopiam.  »  (Suger,  Ibid.,  c.  XV,  p.  174.) 

(2)  Expression  de  Suger,  Ibid.,  p.  72. 

(3)  m  Hugo  de  Pompona ,  miles  strenuos ,  castellanns  de  Gornaco ,  Castro 
saper  fluvio  Matrone  sito  {Gournay -sur-Marne ,  arr.  Pon toise),  mercatorum 
in  regia  strate  equos  ex  insperato  rapoit  et  Gornacum  adduxit.  »  (Soger, 
VU*  Ludovici,  c.  X,  éd.  Lecoy,  p.  41.) 

(4)  «  Camqae  a  fluvio  Sequan»  Corbolio ,  medio  viœ  Monteleherii,  a  dex- 
tera  Castello  forti,  pagas  Parisiacas  circumeingeretur  inter  Parisienses  et 
AureManênees  tantam  confasionis  chaos  firmatam  erat,  ut  neque  hi  ad  illos 
neqne  illi  ad  istos  absque  perfidoram  arbitrio,  nui  in  manu  forH  valerent 
transmeare.  »  (Soger,  Ibid.,  c.  VIII,  p.  25.) 

(5)  «...  Imo  aiiquod  tempus  fuit  in  quo  adeo  arctabatur, ut  nec  posset  exire 
Meledunum,  vel  ire  ab  urbe  Parisiensi  prope  Corbolium,  qaoniam  cornes 
Odo  ei  in  omnibus  adversebatur  :  nec  a  Parisiensi  ad  Stampas...  nec  etiam 
a  Stampis  Aorelianis  secure  ire  valebat  propter  Putheoli  castrum  interposi- 
tum.  »  (Exveteri  membrana,  ap.  D.  Bouquet,  t.  XII,  p.  64.) 

(6)  c  Fuit  namque  predicta  civitas  (Orléans)  antiquitus ,  ut  est  in  prœsen- 
tiarani ,  regum  Francorum  principalis  sedes  regia ,  scilicet  pro  sui  pukhritu- 
dîne  ac  populari  fraquentia  necnon  et  telluris  ubertate ,  perspicuique  irri- 
gatione  fluminîs.  »  (Raoul  Glaber,  1.  II,  ap.  D.  Bouq.,  t.  X,  p.  17.) 

(7)  En  1067,  les  serfs  de  Yiry  (tiry-ChdtMon ,  Seine-et-Oise,  c°»  Longju- 
meau)  s'insurgeant  contre  le  prévôt  et  les  chanoines  de  Notre-Dame  de  Paris, 
refusèrent  le  service  de  guet  nocturne ,  et  réclamèrent  le  droit  de  choisir 
librement  leurs  épouses.  Les  serfs  durent  reconnaître  leur  culpabilité.  (Gué- 
rard,  Cartul.  de  N.-D.,  t.  III,  p.  354.) 


152  LES   COUTUMES   DE  LORRIS 

plus  souvent ,  elles  quittaient  les  villages.  La  campagne  se 
changeait  en  désert.  Les  terres  restaient  en  friche.  En  1108 
et  1109,  on  constate  à  Sens  une  augmentation  singulière  dans 
le  prix  des  grains  (1). 

Admettons  que  les  excès  de  pouvoir,  dont  nous  donnions 
quelques  exemples,  fussent  des  exceptions,  toujours  est-il 
qu'aussi  souvent  répétés  et  sur  une  étendue  de  territoire  res- 
treinte, ils  suffisaient  à  entraîner  une  misère  profonde  au 
bout  de  peu  d'années.  Un  fait  certain  et  bien  constaté ,  c'est 
la  dépopulation  des  campagnes  au  début  du  xne  siècle  (2). 
Les  guerres  seigneuriales ,  la  rapacité  des  nobles  ne  sont  pas 
sans  doute  les  seules  causes  qui  l'ont  déterminée  ;  mais  à  coup 
sûr  elles  sont  parmi  les  plus  importantes. 

Je  n'ai  cité  que  des  textes  relatifs  à  des  domaines  ecclé- 
siastiques. Mais  je  crois  que  l'état  des  terres  seigneuriales  et 
royales  n'était  guère  plus  florissant.  Le  fait  que  Louis  VI  et 
Louis  VII  ont  pris  à  l'égard  de  leurs  villages  les  mêmes 
mesures  que  Suger  à  l'égard  de  ceux  de  son  abbaye ,  prouve 


(1)  «  Anno  M C VIII.  Hoc  quoque  anno  fuit  aliquanta  veoditio  annonœ  ita 
ut  vende retur  sextarius  frumenti  sex  solidis ,  ordei  IIII,  aven»  III,  siligi- 
nis  Y  d  (Clarius,  ap.  Bibl.  histor,  de  l'Yonne,  t.  II,  p.  516).  —  «  Anno  M 
CVIIII...  In  subsequenti  Maio,  vel  Junio  atque  Julio  venditio  annonœ  quam 
in  prœterito  anno,  verno  tempo re,  diximus  fuisse  frumenti  VI  solidorum, 
duplicata  est,  ita  ut  frumentum  venderetur  XII  solidis  :  ali»  annonœ  simi- 
liter  duplicata  sunt.  »  (Ibid.,  p.  519.) 

(2)  Aux  textes  déjà  cités  et  qui  se  rapportent  au  G&tinais,  ajoutons-en 
quelques-uns  relatifs  à  des  pays  voisins.  «  Gum  igitur  prsfatus  Philippus 
(Philippe ,  frère  bâtard  de  Louis  YI)  crebro  submonitus  auditionera  et  judi- 
cium  curiœ  superbe  refulasset,  deprsdationibus  pauperum ,  contritione  eccie- 
siarum ,  totius  etiam  pagi  ditsolutione  rex  lacessitus,  illuc,  licet  invitus,  pro- 
peravit.  »  (Suger,  Vita  Lud.,  c.  XVII,  éd.  Lecoy,  p.  67-68.)  —Vers  1105  : 
«  Quoniam  variis  tyrannice  insecutionis  violentiis  nostros  hospites  qui  Grosla 
morantur,  Gervasius  urgebat,  ut  ab  infmitis ,  quas  fuge  elongatione  jam  cogi- 
taverant  evadere ,  eriperentur  pressuris...  »  {CartuL  de  S. -Père  de  Chartres, 
n°  62,  p.  566.)  —  Entre  1076  et  1084,  dans  le  pagus  d'Auxerre  :  «  Item  cum 
Pulverenum ,  meliorem  hujus  ecclesie  terram ,  violentia  quorandam  tyran- 
norum ,  iniquam  duplicis  salvamenti  consuetudinem  singulis  annis  rapiendo, 
prope  desertam  ruricolis  et  aliis  bonis  effecisset,  fortitudo  presulis  istius 
subveniens.  d  (Gesta  episcop.  Autits.,  ap.  Bibl.  histor.  de  ï Yonne,  1. 1,  p.  399.) 
Voir  encore  la  charte  constatant  un  pariage  entre  Louis  VI  et  l'abbaye  de 
Sainte-Marie  de  Coolombes  (1119)  pour  la  remise  en  culture  d'une  terre 
«  in  solitudine  redacta.  »  (Brussel,  Usage  des  fiefs,  t.  I,  p.  394,  n.  A.) 


ET  LEUR   PROPAGATION   AUX   XIIe   ET  XIIIe   SIECLES.     133 

assez  qu'ils  avaient  à  remédier  aux  mêmes  souffrances.  D'ail- 
leurs ,  il  n'était  pas  inutile  de  rappeler  la  situation  des  terres 
d'église;  car  nombre  de  pariages  ont  été  conclus  entre  les 
rois  et  des  abbés  pour  la  jouissance  de  villages  dotés  des  Cou- 
tumes de  Lorris. 

De  plus ,  sur  les  domaines  du  roi ,  les  prévôts  dépassaient 
sans  cesse  les  limites  de  leur  pouvoir;  et,  cherchant  à  faire 
rendre  à  leur  office  le  plus  possible ,  prélevaient  sur  les  ré- 
coltes des  parts  exagérées,  exigeaient  des  marchands  de  nou- 
veaux droits  de  péages ,  s'attribuaient  chez  les  commerçants 
un  crédit  prolongé,  multipliaient  les  procès  et  par  suite  les 
amendes.  De  telle  sorte  que  les  paysans  se  trouvaient  accablés 
par  ceux-là  même  qui  auraient  dû  les  défendre.  Il  est  inutile, 
après  le  chapitre  de  M.  Luchaire  (1)  sur  les  dangers  de  l'ins- 
litution  prévôtale,  de  prouver  ce  que  j'avance  ici;  je  ne  pour- 
rais citer  de  nouveaux  textes.  C'est  en  partie  pour  mettre  fin 
à  ces  abus  de  pouvoir  que  les  rois  du  xii*  siècle  ont  fait  rédi- 
ger les  chartes  de  coutumes  :  les  redevances  y  sont  fixées ,  et 
désormais  le  prévôt  pourra  lever  celles-là  seulement  et  pas 
d'autres.  On  remarquera  encore,  dans  la  charte  de  Lorris,  un 
certain  nombre  d'articles  concernant  la  procédure  qui  n'ont 
d'autre  but  que  de  diminuer  la  fréquence  des  procès,  et  d'em- 
pêcher le  prévôt  d'évoquer  trop  facilement  les  parties  à  son 
tribunal. 

Ainsi  deux  causes  avaient  contribué  au  dépeuplement  des 
campagnes  :  les  excès  des  seigneurs  et  ceux  des  prévôts. 

En  prévenant,  par  l'octroi  de  chartes  de  coutumes,  le  re- 
tour de  pareilles  exactions,  Louis  VI  et  Louis  VII  cherchèrent 
à  repeupler  leurs  terres  et,  par  suite ,  à  augmenter  la  source 
de  leurs  revenus. 

Voici  comme  s'exprime  Louis  VI  en  tête  de  la  charte  accor- 
dée à  Angere- Régis ,  dans  l'Orléanais,  en  1419  :  «  Ego  Ludo- 

vicus cujusdam  terre  nostre  homines,  quam  Angere-Regis 

vocant  et  que  super  Ebulitione  est,  que  eciam  ita  déserta  erat 
ut  pêne  in  solitudinem  devenisset ,  majestatem  nostram  adie- 

runt  postulantes  ut  eam  liberam  esse  concederemus Nos 

vero  nobis  et  terre  nostre  consulantes ,  predictam  petitionem 

(4)  Luchaire.,  Institutions  des  premiers  Capétiens,  t.  I,  p.  228-231. 


154  LES   COUTUMES   DE   LORRIS 

eis,  ut  ipsi  postulaverunt,  concessimus  (1).  »  En  1159,  Louis 
VII  déclare  qu'il  a  confirmé  au  Moulinet  les  Coutumes  de  Lor- 
ris  pour  provoquer  un  accroissement  de  population  :  «  Itaque 
ut  villa  magis  ac  magis  crescat  petitione  inhabitantium  Lorri 
consuetudines  ipsis  concessimus  (2).  »  La  même  raison  le  dé- 
termina à  octroyer  ces  Coutumes,  en  1163,  à  Villeneuve-le- 
Roi  :  «  Ut  autem  villa  cresceret  in  brevi,  quia  volebamus 
multos  ibi  esse  habitatores,  ipsis  concessimus  omnes  cousue* 
tudines  Lorriaci  (3).  »  Dans  le  préambule  de  la  charte  par 
laquelle  Louis  VII  donna,  en  1165,  les  Coutumes  de  Lorris 
aux  habitants  de  Sénely  (4),  ce  roi  rappelle  que,  pour  le  profit 
de  sa  terre ,  comme  aussi  par  piété ,  il  réprime  partout  les 
exactions  et  tempère  la  dureté  des  mauvaises  coutumes  ;  aussi 
accorde-t-il  les  Coutumes  de  Locrts  aux  habitants  de  Sénely, 
domaine  que  les  déprédations  de  ses  sergents  et  de  quelques 
autres  hommes  avaient  réduit  à  rien. 

Citons  encore  le  préambule  de  la  charte  de  fondation  d'une 
ville  neuve,  près  d'Ètampes,  dans  la  plaine  de  la  Varenne  (5). 
Le  désir  de  Louis  VII  de  rendre  son  autorité  supportable  à 
ses  sujets  et  de  leur  assurer  des  garanties  d'existence  est  net* 
tement  marqué  en  tête  de  la  charte  pour  Dun-le-Roi  (1175)  : 
«  Regiam  decet  clementiam  subjectorum  molestiis  et  grava- 
minibus  misericorditer  occurrere,  ut  sub  nostro  dominio  com- 
morari  libentius  ap pétant  et  vivere  valeant  tutiores  (6).  » 

(1)  Ori.,  t.  VII,  p.  444-445. 

(2)  Ord.,  t.  XI,  p.  204. 

(3)  Ord.,  t.  VII,  p.  57. 

(4)  «  Ego  LudovictiB ad  utilitatem  et  incrementum  terre  nostre  pio 

utimur  temperamento,  ubicumque  indebitas  abolemus  exactiones  et  prava- 
ram  asperitatam  (corr.  atperUatei)  consuetudinum  mitigamus.  Notam  itaque 

facimus quod  villam  nostram  quam  Seneliacum  voeaot,  que  aggrava- 

tione  servientum  nostrorum  aliorumque  quorumdam  hominum  pêne  ad  nichi- 
lum  redacta  fuerat,  herbe rgiamus  ad  consuetudines  castri  nostri  Lorriaci.  » 
{Ordonn.,1.  XIII,  p.  520.) 

(5)  1169.  «  De  régie  pietatis  gracia  debemus  impensa  beneflcii  pauperes 
misericorditer  in vi tare,  ut  sub  nostre  defensionis  tnicione  venire  possint  se- 
curiores.  »  (Ord.,  t.  VII,  p.  684.) 

(6)  La  Thaumass.,  Coût,  loc.,  p.  67.  Les  mêmes  idées  sont  reproduites  à 
peu  près  dans  les  mêmes  termes  en  tête  de  deux  diplômes  de  Ph.-Aug.,  dont 
l'un  pour  la  même  ville  de  Dun-le-Roi ,  et  l'autre  pour  la  ville  de  Bourges 
(1181),  ap.  La  Th.,  Coût,  loc,  p.  68. 


ET  LEUR  PROPAGATION   AUX  XIIe  ET  XIIIe   SIECLES.    155 

L'indolence  de  Philippe  Ier  (1)  avait  encouragé  la  hardiesse 
des  seigneurs.  Il  était  temps  qu'un  roi  vînt  actif  et  vaillant 
qui  mît  fin  aux  entreprises  audacieuses  des  barons  et  aux 
exactions  des  prévôts  et  rendît  aux  campagnes  la  tranquillité. 
Ce  fut  chose  toute  nouvelle  (2)  de  voir  un  souverain  travailler 
à  la  paix  de  son  royaume  et  à  l'amélioration  du  sort  des  la- 
boureurs et  des  pauvres.  Nous  n'avons  pas  à  raconter  ici  les 
longues  et  pénibles  luttes  de  Louis  VI  contre  les  seigneurs 
d'entre  Seine-et-Loire.  Leurs  désordres  une  fois  réprimés,  res- 
tait à  assurer  aux  vilains  un  avenir  plus  heureux.  A  l'œuvre 
du  guerrier  devait  succéder  celle  du  législateur.  Mettre  fin 
aux  abus  de  pouvoir,  de  quelque  part  qu'ils  vinssent ,  repeu- 
pler les  campagnes  abandonnées ,  relever  l'agriculture  et  le 
commerce,  voilà  une  partie  de  l'œuvre  entreprise  par  Louis  VI, 
et  continuée  par  son  successeur. 


CHAPITRE  II. 
Les  Coutumes  de   Lorris. 

Après  avoir  cherché  à  déterminer  les  principaux  motifs  qui 
ont  porté  les  rois  à  faire  rédiger  des  chartes  de  coutumes 
et  particulièrement  oelle  de  Lorris,  il  faut  aborder  l'exa- 
men du  texte  même  qui  nous  occupe. 

La  plus  ancienne  rédaction,  faite  par  ordre  de  Louis  VI,  est 
perdue.  Nous  n'avons  donc  qu'un  texte,  celui  de  1155,  dont 
le  diplôme  de  Philippe-Auguste  est  la  reproduction  pure  et 
simple ,  sans  aucune  modification  apportée  ni  au  fond  même 
de  l'acte ,  ni  à  l'ordre  des  articles ,  ni  même  au  style. 

Il  m'a  paru  impossible  d'établir  exactement  la  relation  qui 

(1)  a  Philippas  vero  io  primis  multa  strenue  gessit  annis ,  sed  œtate  proce- 
deote,  mole  carme  aggravatus,  ampliorem  operam  cibo  induisit  et  somno 
qoam  rébus  bellicis.  »  (Mvracula  S.  Benedicti,  1.  VII I,  c.  24,  éd.  Soc,  de 
VBist.  de  France,  p.  314-315.) 

(2)  «  Lndovicus  ilaque  famoaus  juvenis...  ecclesiarum  utilitatibus  provide- 
bal,  oratorum,  laboratorum  et  pauperum,  quod  dît*  insoliium  fuerat,  qvieti 
tludebai.  »  (Suger,  Vita  Ludoviei,  c.  II,  p.  14.)  —  Voyez  Sager,  lbid.,  c.  XIV, 
p.  49. 


1S6  LES   COUTUMES  DE   LORRIS 

existait  entre  la  charte  de  Louis  VI  et  celle  de  son  succes- 
seur. Ce  dernier  se  contenta-t-il  de  confirmer  le  diplôme  ac- 
cordé par  son  père,  ou  bien  en  renouvela-t-il  la  rédaction  ?  Le 
préambule  de  la  charte  de  1155,  qui  aurait  pu  permettre  de 
résoudre  la  question,  ne  nous  est  pas  parvenu.  Quelques  vil- 
lages ,  comme  nous  le  verrons ,  ont  obtenu  les  Coutumes  de 
Lorris  dès  le  règne  de  Louis  VI  ;  mais  les  chartes  d'octroi  n'en 
contiennent  pas  la  transcription.  Seulement,  comme  des  dis- 
positions analogues  aux  articles  les  plus  importants  de   la 
charte  de  Louis  VII  pour  Lorris  sont  disséminées  dans  divers 
documents  émanés  de  la  chancellerie  de  Louis  VI ,  il  y  a  tout 
lieu  de  croire  que  Louis  VII  n'a  fait  qu'approuver  la  conces- 
sion de  son  père. 

Comme  cela  arrive  d'ordinaire  au  xne  siècle,  les  matières 
contenues  dans  la  charte  de  1155  sont  dans  le  plus  grand  dé- 
sordre. Pour  éviter  les  répétitions  et  rendre  l'exposition  plus 
claire  et  plus  logique,  je  me  crois  autorisé  à  grouper  dans 
cette  étude  les  articles  de  même  nature.  J'emploierai  indif- 
féremment, pour  désigner  ce  texte,  les  mots  :  Coutumes,  fran- 
chises ,  privilèges;  me  réservant,  après  avoir  dégagé  le  carac- 
tère de  cet  acte  royal,  de  dire  quelle  dénomination  il  me 
semble  préférable  d'adopter. 

Administration.  —  Un  prévôt  établi  à  Lorris  y  représentait 
le  roi.  Il  en  est  fait  mention  pour  la  première  fois ,  à  notre 
connaissance,  dans  un  mandement  adressé  à  lui  et  au  prévôt 
de  Sully  par  le  roi  Louis  VII,  probablement  en  1147,  avant 
le  départ  pour  la  Terre  Sainte,  et  certainement  avant  1162  (1). 
Le  prévôt  est  nommé  à  plusieurs  reprises  dans  la  charte  de 

(1)  Ce  mandement  a  été  publié  dans  D.  Bovq.,  t.  XVI,  p.  13,  d'après  une 
copie  de  D.  Estiennot ,  B.  fiât.,  ms.  lat.  12739,  p.  362-363.  Une  copie  du 
Cartul.  I  de  Fleury,  p.  281  (Arch.  du  Loiret)  offre  quelques  différences  avec 
celle-ci  :  Menasses  y  est  dit  abbé  de  Fleury,  au  lieu  de  Macharius.  Après  in- 
feratis ,  à  la  fin  de  l'acte,  on  lit  «  nec  permittatis  inferre.  »  Le  roi  par  ce 
mandement  enjoint  aux  prévôts  de  faire  respecter  les  privilèges  de  l'abbaye 
de  Saint-Benoît  qu'il  a  confirmés  à  la  requête  de  l'abbé  Machaire.  Machaire 
est  devenu  abbé  en  1146,  ou  peu  avant  (voir  Gallia  Christ.,  t.  VIII,  col. 
1557).  Il  s'agit  donc  d'an  diplôme  de  Louis  VII  daté  de  Reims,  1147,  la  11* 
année  du  règne  (P.  juttif.,  n°  VI).  Le  mandement  a  dû  suivre  de  près  le 
diplôme.  Machaire  est  mort  en  1162. 


ET  LEUR  PROPAGATION   AUX  XIIe   ET  XIIIe   SIECLES.     157 

1155  (1).  Toute  l'administration  était  entre  ses  mains  :  il  per- 
cevait les  revenus  du  roi  et  rendait  la  justice.  Rien  n'autorise 
à  croire  que  les  habitants  de  Lorris  aient  pris ,  aux  xue  et 
xnie  siècles ,  aucune  part  à  la  gestion  des  affaires  de  leur  pa- 
roisse (2). 

Chargé  de  faire  respecter  les  droits  royaux ,  le  prévôt  au- 
rait pu  violer  la  liberté  des  habitants  :  aussi  devait-il  à  son 
entrée  en  charge  s'engager  par  serment  à  maintenir  les  privi- 
lèges octroyés  par  le  roi  (art.  35). 

Le  mode  de  nomination  de  ce  magistrat  nous  échappe.  On 
remarque  seulement  dans  les  comptes  de  1202  que  les  recettes 
de  chaque  prévôté  montent  à  la  même  somme  pour  chacun 
des  trois  termes  de  l'année  :  à  Lorris  193  livres,  6  sous,  et  8 
deniers  en  novembre,  février  et  mai  (1202-1203)  (3)  :  d'où 
Brussel  a  pu  justement  conclure  que,  dès  1202,  les  prévôtés 
étaient  affermées  (4).  Une  charte  par  laquelle  Philippe-Au- 
guste donne  à  ferme  à  la  commune  de  Chaumont  la  prévôté 
de  cette  ville,  «  sicut  prepositus  eam  tenebat,  »  confirme  cette 
opinion  (5). 

Il  semble  qu'aussitôt  après  l'institution  des  baillis  royaux 
le  prévôt  de  Lorris  ait  été  placé  sous  la  surveillance  du  bailli 
d'Orléans.  Dans  le  compte  de  1202 ,  en  effet,  les  sergents  de 
Lorris  sont  énumérés  parmi  ceux  qui  dépendaient  de  la  baillie 
de  Guillaume  de  la  Chapelle  (6).  On  y  lit  encore  :  «  Hoc  débet 
recipere  Willelmus  de  Capella...  Pro  prœposito  Albegniaci  et 
praeposito  Lorriaci  (7).  »  Il  est  vrai  que  dans  la  dépense  de 
Nicolas  de  Hautvilliers,  bailli  de  Sens,  en  1234,  figurent  di- 


(1)  Art.  7, 12, 14, 18,  23,  35. 

(2)  Je  ne  sois  sur  l'autorité  de  quel  texte  M.  Combes  s'est  appuyé  pour 
écrire  :  a  Lorris  était  vraiment  un  bourg  fortuné.  Il  y  avait  aussi  un  conseil 
de  ville,  une  forte  administration  municipale  qui  ressemblait  encore  néan- 
moins à  un  simple  conseil  paroissial.  »  Annales  de  la  Faculté  des  lettres  de 
Bordeaux,  i.  II,  p.  62-63. 

(3)  Brussel,  Usage  des  fiefs,  t.  II,  Chartes ,  p.  cxl-cxm,  clxvui,  cxciii. 

(4)  Brussel,  ouv.  cité,  t.  I,  p.  422. 

(5)  Paris,  1205,  Reg.  C  de  Ph.-Aug.,  pièce  374,  Arch.  Nat.,  JJ  7-8,  2« 
partie,  f*  69  v°.  «  De  prepositura  Galvimontis  data  ad  firmam.  » 

(6)  Guillaume  de  la  Chapelle  était  bailli  d'Orléans.  Brussel,  ouv.  cité,  t.  II, 
Chartes,  p.  cxlviii,  1"  col. 

(7)  Brussel,  Ibid,,  p.  cliv,  2«  col. 

Revue  hist.  —  Tom.  VI H.  H 


158  LES  COUTUMES  DE  LORRIS 

verses  sommes  payées  à  Guillaume  «  de  Lorriaco  »  et  Aveline 
«  de  Lorriaco  (i).  »  Ce  qui  ne  prouve  pas  que  Lorris  fût  du 
ressort  du  bailliage  de  Sens;  car  le  même  document  nous  ap- 
prend que  divers  villages  du  Gâtinais  très  voisins  de  Lorris 
dépendaient  du  bailli  de  Sens  ;  des  personnes  originaires,  de 
Lorris  pouvaient  y  résider.  Il  est  certain  qu'en  4295  (2)  la 
prévôté  de  Lorris  était  comprise  dans  lp.  baillie  d'Orléans  ;  il 
en  était  de  même  au  commencement  dp  xive  siècle  (3). 

Au-dessous  du  prévôt ,  les  sergents ,  chargés,  d'exécuter  ses 
ordres  et  de  veiller  au  maintien  de  la  paix  publique.  Le  soin 
de  faire  la  police  incombait  appsi  daqp  une  certaine  mesure 
aux  chevaliers.  Chevaliers  et  sergents  devaient  saisir  les  ani- 
maux domestiques  qu'ils  trouvaient  dans  les  bois  royaux  et 
les  amener  au  prévôt  de  Lorris,  qui,  seul,  avait  qualité  pour 
prononcer,  s'il  y  avait  lieu ,  une  amende  contre  le  propriér 
tajrje  (art.  23). 

Au  moment  où  ils  étaient  investis  de  leur  office,  les  ser- 
gents juraient  de  respecter  la  charte  de  coutumes  (art.  35). 

Le  traitement  des  officiers  inférieurs  ne  consistait  guère,  au 
xjie  siècle,  que  dans  la  part  qu'ils  prélevaient  sur  les  récoltes  : 
de  là*  de  nombreuses  et  continuelles  exactions,  auxquelles  la 
royauté  chercha  à  mettre  fin.  en  réglapt  les  droits  de  prise*  H 
fut  établi  à  Lorris  que  chaque  laboureur,  cultivant  la  terre 
avec  une  charrue,  ne  paierait  plus,  au  temps  de  la  moisson, 
qu'une  mine  (4)  de  seigle  à  tous  les  sergents  de  la  paroisse 
(art,  22). 

(1)  Comptes  de  1234,  Rec.  des  histor.,  t.  XXII ,  p.  574  G-H. 

(2)  Compte  de  La  Toussaint  1295,  Rec.  des  histor.,  t.  XXII,  p.  657-660.  — 
Baillie  d'Orléans  :  «  Reccpta...  §  151  b.  De  traverso  Lorriaci  pro  toto  X.  lb. 
De  quadam  platea  juxta  Sanctum  Supplicium  de  Lorriaco  et  alia  ante  molen- 
dinum  ibidem  locata.pro  toto  IIII  a...  g  151  f.  De  sigillo  Lorriaci  VI.  lb.  Ea>- 
pensa,  §  152  k,  Lbrriacum ,  pro  operibus  factis  in  domibus,  in  villa,  in  pon- 
tibus  el  balis  ibidem  XVII I,  lb.  XIII,  s.,  X  d.  Pro  repparatione  cujusdam 
furni  ibidem  combusti  XL  lb.  V  s.,  VI  d.  Pro  parum  computato  de  factione 
vinearum  de  tempore  œstivali  et  pro  ipsis  vendemiandis,  C  s»  XII  d.  Pro 
operibus  factis  apud  Molinetum  pro  parte  domjni  régis  CX  a.  » 

(3)  Pièces  justificatives,  n°  XXII. 

(4)  Le  Gâtinais  avait  des  mesures,  particulières,  aux  xn«  et  xui«  siècles.  — 
Charte  de  Louis  VII  (1169)  portant  fondation  de  l'église  Saint-Saturnin  à  Fon- 
tainebleau :  «  Assignavimus  très  modios  frumenti  ad  mensuram  de  Gastmoi*.  » 
D.  Morin,  Hisl.  du  Gâtinais,  p.  510.  —  Charte  de  Louis  IX  (124$)  par  la- 


ET  LEUR  PROPAGATION   AUX  XIIe   ET   XIIIe   SIECLES.      159 

La  charte  de  1155  mentionne  encore  le  héraut  ou  crieur  pu- 
blie {preeo,  art.  21)  et  le  guetteur  (excubitor,  art.  21).  Le 
premier  faisait  connaître  sans  doute  les  ordres  du  roi  ou  de 
ses  officiers;  il  annonçait  les  bans  (1).  Quant  à  Yeoccubitor,  il 
faisait  le  guet  et  veillait  à  la  sûreté  de  la  ville.  Ni  l'un  ni 
l'autre  n'avaient  droit  à  aucune  redevance  lors  de  la  célé- 
bration d'un  mariage  à  Lorris  (art.  21). 

Il  était  de  l'intérêt  des  habitants  que  le  nombre  des  agents 
royaux  fût  le  plus  restreint  possible.  Aussi  le  roi  fit-il  défense 
d'établir  aux  fours  de  Lorris  des  porteurs  (art.  24)  (2). 

Condition  des  personnes.  —  Les  dispositions  de  la  charte 
de  1155  ne  s'appliquent  qu'à  ceux  des  habitants  de  Lorris 
qui  y  possèdent  une  maison.  Il  est  vrai  qu'on  lit  à  l'article  2  : 
«  Nullus  hominum  de  parrochia  Lorriaci...  »  Mais  il  s'agit 
des  hommes  désignés  ainsi  à  l'article  précédent  :  «  Quicum- 
que  in  Lorriaci  parrochia  domum  habebit.  »  Ce  qui  me  semble 
plus  décisif,  c'est  que,  par  arrêt  du  Parlement  de  1272,  les 
bourgeois  de  Lorris  possédant  une  maison  dans  la  censive 
du  roi  sont  seuls  déclarés  exempts  de  péage  à  Pithiviers  (3). 

Nous  ne  savons  pas  exactement  quelle  était  la  condition 
des  habitants  de  Lorris  avant  l'octroi  de  la  charte.  Le  fait 
que  cet  acte  ne  renferme  aucune  allusion  au  droit  de  main- 
morte laisse  à  penser  que  Jes  hommes  de  Lorris  n'y  étaient 
pa*  soumis.  L'article  17  porte  qu'il  sera  loisible  à  ceux  qui 
quitteront  la  ville  de  vendre  leurs  biens;  à  supposer  que  ce 
soit  là  un  privilège  nouveau ,  on  ne  peut  en  conclure  que  les 


qoeile  il  fonde  l'abbaye  du  Lys  :  «  Insuper  eidem  abbatie  et  monialibus  dedi- 
nos  quinquaginta  quatuor  modios  avene  ad  menturam  Gattinensem  siogulis 
•noi»  inperpetuum  capiendos  in  avenis  nostris  Gressii  et  Capelle  Régine  in 
f«io  omnium  sanctorum.  »  B.  fiât.,  Cartel,  du  Lys,  ms.  lat.  13892,  f<>  25  v<>. 

,1)  Accord  entre  le  chapitre  de  Sens  et  G.  du  P lésais  au  sujet  de  leurs 
droits  respectifs  à  Pont-sur-Yonne,  en  mars  1224  :  «  De  precone  ita  est 
qood  instituetur  a  capitulo  et  institutua  faciet  fldelitatem  capitulo  et  predictis 
Gaafrido  et  nepoti  ejus ,  et  clamabit  bannumex  parte  omnium insimul.  »  Arch. 
b  Mo*»,  Orig.,  G.  145. 

i2)  Voyex  :  Note  de  Secousse,  ap.  Ord.t  t.  IV,  p.  76,  note  bb.  —  Du  Congé, 
«d.  flenschel,  v°  Portator,  t.  V,  p.  363,  col.  1  ;  il  ne  cite  que  le  texte  de  Bois- 
Commun  qui  est  celui  de  Lorris. 

(3)Beugnot,  OKm,  t.  I,p.  410-411. 


L 


160  LES   COUTUMES   DE   LORRIS 

habitants  aient  été  mainmortables.  En  effet,  cette  clause  vise 
un  cas  particulier,  celui  où  un  homme  abandonne  sa  terre, 
et  ne  fait  que  supprimer  entièrement  le  droit  de  suite  qui 
s'appliquait  aux  biens  comme  aux  personnes.  Ce  qui  me  con- 
firme dans  cette  opinion ,  c'est  que  dans  la  charte  de  Mailly- 
la- Ville,  qui  reproduit  l'article  17,  deux  autres  dispositions 
ont  été  insérées  accordant  aux  habitants  le  droit  d'aliéner 
leur  maison  et  de  transmettre  leur  héritage  à  leurs  parents  (1)  : 
l'article  17  n'emportait  donc  pas  suppression  du  droit  de  main- 
morte. 

La  taille  est  supprimée  par  l'article  9.  Ainsi,  les  hommes 
de  Lorris  deviennent,  en  vertu  de  la  charte  de  1155,  com- 
plètement libres.  Sous  Philippe- Auguste ,  on  les  dit  bour- 
geois (2.) 

En  faisant  rédiger  ces  privilèges,  la  royauté  avait  voulu 
provoquer  un  accroissement  dépopulation.  Elle  distribua  donc 
à  un  certain  nombre  d'individus  des  terres  sur  le  territoire  de 
Lorris;  elle  y  établit  des  hôtes.  Elle  y  reçut  en  outre  les  étran- 
gers venus  d'autres  seigneuries  et  qui  avaient  satisfait  à  cer- 
taines conditions  requises  par  l'article  18,  et  dont  nous  allons 
bientôt  parler.  Les  hôtes,  dont  il  est  question  dans  une  charte 
de  1144  (3),  ne  constituent  pas  une  classe  particulière  d'indivi- 
dus. Leur  condition ,  à  partir  de  la  rédaction  des  franchises , 
est  la  même  que  celle  des  anciens  habitants  de  la  paroisse. 
D'ailleurs  les  privilèges  accordés  à  Lorris  sont  analogues  à 
ceux  donnés  aux  hôtes  établis  pendant  le  xne  siècle  par  la 
royauté  dans  les  lieux  incultes  de  la  même  région  :  par  exem- 
ple, aux  hôtes  du  Marché-Neuf  d'Étampes  (4),  à  ceux  de 
Villeneuve,  près  d'Étampes  (5),  des  Alluets  (6),  d'Acque- 


(i)  «  Quilibet  hominum  Maiiliaci  domum  suam  quaodo  voluerit  ad  libitum 
suum  vendat,  salvis  venditionibus  meis.  »  —  «  De  excasuris  ita  erit  quod 
semperad  propinquiorem  devenient...  » 

(2)  «  Débita  Henrici  de  Soliaco.  • .  Débet  Petro  Chapel,  burgeasi  Lorriaci  » 
{Arch.  nat.,  Reg.  C  de  Ph.-Aug.,  JJ  7-8,  2«  partie,  f°  145  v°). 

(3)  Pièces  justificatives ,  n°  V. 

(4)  Ord.,  t.  VII,  p.  34. 
(5)0rd.,  t.  VII,  p.  684. 

(6)  Alluets-le-Roi ,  Seine-et-Oise ,  arr.  de  Versailles,  canton  Poissy  (Ord., 
t.  VII,  p.  275).  • 


ET  LEUR  PROPAGATION   AUX   XIIe   ET  XIII6    SIECLES.     161 

bouille  (1).  Les  hôtes  ne  jouissent  pas  tous  à  cette  époque 
d'une  égale  liberté.  Ce  terme  désigne  les  individus  qui  ont 
reçu  une  hostise ,  une  maison  et  des  terres ,  à  des  conditions 
plus  ou  moins  onéreuses.  La  place  qu'ils  occupent  dans  la 
hiérarchie  sociale  est  donc  essentiellement  variable.  Ainsi  le 
roi  avait,  au  xne  siècle ,  des  hôtes  taillables  (2). 

Les  serfs  du  roi  qui  pouvaient  habiter  la  paroisse  de  Lorris 
au  moment  de  l'octroi  des  Coutumes  furent  probablement  ad- 
mis à  y  participer,  bien  que  dans  la  charte  il  ne  soit  nulle 
part  question  de  leur  affranchissement.  Lorsqu'on  1187,  Phi- 
lippe-Auguste accorda  aux  habitants  de  Voisines  ces  mêmes 
Coutumes ,  il  spécifia  que  ses  serfs  qui  y  résidaient  continue- 
raient à  y  demeurer,  sans  indiquer  quelle  serait  leur  condi- 
tion ,  mais  que  désormais  aucun  de  ses  hommes  de  corps  ni 
de  ses  hôtes  taillables  ne  serait  admis  dans  la  ville;  autrement 
il  eût  pu  perdre  son  droit  à  lever  la  taille  sur  eux.  Villeneuve- 
le-Roi  obtint  les  Coutumes  de  Lorris  en  1163.  Cependant  nous 
voyons  le  roi  y  disposer  de  l'eschoite  d'une  femme  de  corps , 
en  1221  (3). 

Quant  aux  vilains,  mentionnés  à  l'article  15,  nous  ne  sau- 
nons dire  avec  assurance  ce  qu'ils  étaient  :  probablement  les 
cultivateurs  de  la  paroisse  de  Lorris  vivant  en  dehors  de  l'en- 
ceinte du  bourg. 

Il  est  certain  que,  parmi  les  habitants  de  Lorris,  les  hommes 
du  roi  sont  seuls  atteints  par  la  charte  de  1155.  Au  commen- 
cement du  xnie  siècle,  on  comptait  dans  la  baillie  de  ce  vil- 
lage (4)  48  chevaliers,  9  veuves  nobles  et  14  valets,  qui, 

(1)  Etcoboliae.  Acquebouille ,  Loiret,  arr.  Pithiviers,  canton  d'Outarville , 
hameau  de  la  commune  de  Faron ville  (Pièces  jus tif.,  n°  IV). 

(2)  o  Hospitibus  nostris  taillabilibus.  »  Charte  de  Voisines,  en  1487,  voir  : 
Texte  des  Coutumes  de  Lorris,  art.  18,  var.  —  La  charte  par  laquelle  Arnoul, 
abbé  de  Ferrières,  du  consentement  de  Ph.-Aug.,  accorda,  en  1185,  aux 
serfs  et  aux  hâtes  de  la  paroisse  de  Saint-Éloi  et  de  la  banlieue  de  Fer- 
rières, le  droit  de  quitter  le  territoire  et  de  disposer  de  leurs  biens,  prouve 
qu'en  certains  lieux  les  hôtes  étaient  assimilés  aux  serfs  :  «  Habeant  licentiam 
et  potesUUem  tanquam  liberi  hospites  »  (D.  Morin,  p.  705). 

(3)  1221.  Donation  par  le  roi  à  Henri  Concierge,  son  chambellan ,  de  l'es- 
choite de  Théophanie,  sa  femme  de  corps  :  «  Eschaetam  que  nobis  accidit 
apod  Villam  Novam  Regiam,  de  Theophania,  femina  nostra  de  corpore.  »  ap. 
Quantin,  Recueil  de  pièces  du  XIII*  siècle,  n<>  266,  p.  117. 

(4)  Pièces  justif.,  no  XV. 


462  LES   COUTUMES   DE   LORRIS 

vraisemblablement ,  possédaient  des  serfs  et  des  hommes  de 
conditions  diverses.  Le  roi  n'avait  pas  pouvoir  de  les  doter  de 
franchises. 

Ainsi,  pour  être  régi  parla  charte  royale,  il  fallait  dépendre 
du  roi  et  posséder  une  maison  à  Lorris. 

Voyons  maintenant  à  quelles  conditions  devaient  satisfaire 
les  étrangers  pour  acquérir  le  droit  de  bourgeoisie  à  Lorris. 

Était  admis  à  la  jouissance  des  privilèges  dont  ce  bourg 
avait  été  doté  tout  homme  qui  y  avait  fait  résidence  d'an  et 
jour,  sans  qu'un  seigneur  y  eût  fait  opposition  ;  au  bout  de  ce 
temps ,  le  seigneur,  dont  il  avait  quitté  le  domaine ,  perdait 
tout  droit  à  le  réclamer  (art.  18). 

De  plus,  le  nouveau  manant  devait,  dans  le  cas  où  une 
poursuite  était  intentée  contre  lui  à  raison  de  sa  nouvelle  ré- 
sidence à  Lorris,  consentir  à  faire  droit,  c'est-à-dire,  à  com- 
paraître devant  le  tribunal  du  prévôt.  Tel  est  le  sens  des  mots 
«  neque  per  nos  sive  per  prepositum  recUtudinem  prokibuerU  » 
(art.  18)  (1). 

La  charte  de  Lorris  est  une  des  plus  anciennes  où  l'on  ren- 
contre la  disposition  en  vertu  de  laquelle  un  seigneur  perd 
son  droit  sur  un  serf  au  bout  d'un  an;  elle  avait  été  proba- 
blement insérée  dans  la  première  rédaction ,  au  temps  de 
Louis  VI.  On  la  trouve  déjà  en  1107  dans  la  charte  de  fonda- 
tion de  l'abbaye  d'Orbestier  au  diocèse  de  Luçon  (2),  et  encore 

(1)  L'éditeur  du  t.  IV  des  Ordonnancée  avait  renoncé  à  expliquer  cette 
phrase  (p.  72  ;  note  de  la  p.  75).  Pastoret  (Ord.,  t.  XV,  p.  168)  donne  an 
commentaire  inadmissible;  et  encore  modifie- 1- il  le  texte.  M.  Guizot  n'a  pas 
non  plus  donné  une  traduction  satisfaisante  (Hist.  de  la  civilisation,  t.  IV, 
p.  225).  —  Je  n'ai  pu  donner  le  sens  de  cette  proposition  que  grâce  à  la 
charte  accordée  à  Ervy,  par  Thibaut  III  :  «  Et  quicumque  in  parroohia  vel 
castellaria  mansurus  advenerit,  si  olamor  eum  secntus  fuerit,  et  per  me  vel 
prepositum  recUtudinem  facere  voluerit  t  liber  et  quittus  ibi  permaneat  ;  si 
autem  recUtudinem  facere  noluerit ,  usque  ad  tutum  locum  conductum  meum 
habeat  »  (art.  15,  Ord.,  t.  VI ,  p.  201). 

(2)  Le  comte  de  Poitiers  cède  à  l'abbaye  son  domaine  de  la  Biretere  : 
«  Volo  quod  omnes  homines  habitantes  et  habitaturi  in  dicta  villa  vel  in  ejus 
pertinentiis,  postquam  per  annum  et  diem  ibidem  permanserint ,  possint 
deinde  habitare  ubicumque  voluerint  per  totum  territorium  meum  de  Calma; 
et  sicut  immunô8  et  liberi  ab  omnibus  coustumis  et  taleis  et  serviciis...  » 
Charte  publ.  par  Besly,  Hist.  des  comtes  de  Poitou,  p.  352,  sous  la  date  de 
1007.  M.  de  la  Boutetière  lui  a  restitué  sa  vraie  date  qui  est  1107  {Bulletin 


ET   LEUR  PROPAGATION   AUX   XIIe   ET   XIIIe   SIECLES.     163 

en  1120  dans  la  charte  donnée  à  Fribourg  en  Brisgau  par 
Bertold  duc  de  Zaehringeo  (1). 

D'où  dérive  ce  terme  d'an  et  jour?  Dès  le  commencement 
du  xiie  siècle ,  le  fait  d'avoir  détenu  un  immeuble  pendant  an 
et  jour  est  mentionné  comme  donnant  la  saisine  (2).  Toutefois, 
cette  seule  détention  ne  suffit  pas  :  H  faut  au  possesseur  un 
titre  acquisitif .  Seulement ,  la  possession  paisible  et  légitime 
pendant  an  et  jour  faisait  naître  au  profit  du  possesseur  une 
exception  qu'il  pouvait  opposer  à  ceux  qui  l'auraient  attaqué, 
et  particulièrement  aux  lignagers. 

H  serait  naturel  de  penser  que  cette  prescription  défensive  ap- 
pliquée d'abord  aux  immeubles  a  été  ensuite  étendue  aux  serfs. 
Cette  affirmation  serait  téméraire.  Car,  le  délai  d'an  et  jour  ap- 
paraît en  même  temps  dans  les  Coutumes  du  xne  siècle  comme 
prescrivant  la  possession  des  immeubles  et  celle  des  serfs. 

Tout  ce  qu'on  peut  chercher  à  établir,  c'est  l'origine  de 
cette  prescription  d'une  année,  considérée  indépendamment 
de  son  objet  (3). 

Elle  ne  peut  provenir  du  droit  romain ,  comme  semble  le 
croire.  Laurière  (4).  Les  prescriptions  d'origine  romaine  sont 

dtlf  Société  des  Antiquaires  de  l'Ouest,  2e  série,  t.  I,  p.  96).  Elle  est  aussi 

paÀ.9  ap.  Archives  histor.  du  Poitou ,  t.  VI,  p.  1-4. 
1)  Art.  37.  «  Quicumque  in  hac  civilate  diem  etannum,  nullô  réclamante 

Srmanserit  secara  de  cœtero  gaadebit  liberUte.  »  Giraud,  Essai  sur  Vhist. 
lu  Droit  français,  t.  I,  Pièces  just.,  p.  126. 

(2)  Art.  17  de  la  charte  de  commune  de  Beauvais.  «  Si  contigerit  quod 
aliquis  de  communia  hereditatem  aliquam  emerit,  et  per  annum  et  diem  te- 
nuerit ,  et  edificaverit,  quicumque  postea  veniet  et  per  emptum  calumpniabi- 
tur,  super  illi  non  respondebitur  ;  sed  emptor  in  pace  remanebit.  »  Charte  de 
Louis  VII,  conflrmative  de  la  charte  de  Louis  VI,  Ord.,  t.  XI,  p.  193.  — 
Charte  d'Amiens,  1190,  art.  25  :  «  Si  quis  terram  aut  aliquam  hereditatem 
ab  aliquo  emerit,  et  illa,  antequam  empta  sit,  propinquiori  heredi  oblata 
faerit,  et  hères  eam  emere  noluerit,  nunquam  amplius  de  ea  illa  heredi  in 
causa  respondebit.  Si  autem  propinquiori  heredi  oblata  non  fuerit,  et  qui  eam 
emerit,  vidente  et  sciente  herede,  per  annuni  eam  in  pace  tenuerit ,  nunquam 
de  ea  amplius  respondebit.  »  Ord.,  t.  XI,  p.  266. 

(3)  Le  jour  n'a  été  ajouté  que  pour  mieux  marquer  le  complet  achèvement 
de  l'année. 

(4)  «  Chez  les  Romains ,  le  préteur  donnoit  à  celui  qui  avoit  été  chassé  par 
force  de  son  héritage  l'interdit  unde  vi  dans  Tannée  pour  en  recouvrer  la  pos- 
session, et  après  l'année  il  ne  luy  donnoit  plus  que  l'action  in  factum.  »  Lau- 
rlère,  Glossaire  du  droit  français,  t.  I,  p.  273.  —  Voyez  :  Laferrière,  Hist. 
du  droit  civil  de  Home  et  du  droit  français ,  1. 1 ,  p.  379-381 . 


164  LES   COUTUMES  DE  LOKRIS 

celles  de  dix,  vingt  et  trente  ans,  usitées  en  France  pendant 
la  période  carolingienne. 

Le  titre  XLV  (1)  de  la  Loi  saliqne  porte  que  tout  étranger 
qui  aura  demeuré  pendant  douze  mois  dans  un  village ,  sans 
que  personne  s'y  oppose,  jouira  des  mêmes  droits  que  les 
autres  habitants  du  vicus.  L'analogie  est  incontestable  entre 
le  titre  XLV  et  les  dispositions  des  chartes  de  coutumes 
concernant  l'acquisition  du  droit  de  bourgeoisie.  Il  ne  faut 
pas  cependant  trop  se  hâter  de  conclure  que  le  principe  cou- 
tumier  est  dérivé  directement  de  ce  passage  de  la  Loi  sa- 
lique;  mais,  prendre  garde  que  les  conditions  d'entrée  dans 
un  village  sont  différentes  au  Ve  et  au  xn*  siècles.  Dans 
Ja  Loi  salique  il  s'agit  d'un  village  dont  le  territoire  est  pos- 
sédé en  commun  par  les  habitants;  pour  qu'un  nouveau  venu 
puisse  occuper  une  terre,  le  consentement,  au  moins  tacite 
des  co-propriétaires  est  indispensable.  Au  xii*  siècle,  la  si- 
tuation n'est  plus  la  même.  Dans  un  village,  les  habitants 
n'ont  aucune  part  à  l'établissement  d'un  étranger  au  milieu 
d'eux.  Le  nouvel  arrivant  invoque  sa  résidence  d'an  et  jour, 
non  pas  contre  les  membres  de  la  communauté  où  il  entre, 
mais  contre  son  ancien  seigneur. 

Tout  ce  qu'on  est  en  droit  de  conclure  du  titre  XLV,  Vest 
que  les  usages  germaniques  n'accordaient  qu'un  délai  d'un  an 
à  une  partie  lésée,  ou  qui  se  croyait  telle,  pour  faire  valoir 
ses  droits. 

Ce  terme  d'un  an  persiste  à  l'époque  carolingienne  (2)  ; 
les  mentions  en  sont  toutefois  assez  rares. 

(1)  o  Si  quia  super  alterum  in  villa  raigrare  voluerit,  et  unus  vel  aliqui 
de  ipsis  qui  in  villa  consistant  eum  suscipere  voluerit ,  si  vel  unus  exteterit 
qui  contradicat,  migrandi  ibidem  licentiam  non  habebit...  Si  vero  quis  mi- 
graverit,  et  ei  infra  duodecim  menues  nullus  testatus  fuerit,  securus,  aient 
et  alii  vicini  manent,  ille  maneat.  »  (Éd.  Merkel.) 

(2)  Capitulaire  de  mai  825,  c.  11,  Pertz,  Legc$,  1. 1,  p.  252.  —  Au  ix°  siècle, 
les  lois  galloises  portent  que  la  potsestion  annale  produit  saisine  ;  texte  cité 
par  Laferrière,  Hist.  du  droit  franc.,  t.  II,  p.  124,  note  5  et  p.  126.  — 
M.  Viollet  cite,  Et.  de  saint  Louis,  t.  I,  p.  110,  un  diplôme  de  Lothaire, 
publ.  D.  Bouquet,  t.  VIII,  p.  410,  n°  X;  je  ne  vois  pas  qu'il  y  soit  question 
de  la  prescription  annale.  Le  roi  déclare  qu'une  possession ,  même  si  elle  a 
duré  plusieurs  années ,  «  per  annorum  curricula  dierumque ,  »  ne  peut  légiti- 
mer une  usurpation  et  prévaloir  contre  leB  dépositions  de  témoins  et  les 
titres. 


ET  LEUR   PROPAGATION    AUX   XIIe   ET  XIIIe   SIECLES.     165 

Ainsi ,  je  crois  que  la  prescription  coutumière  d'an  et  jour 
a  son  origine  dans  la  législation  germanique. 

La  facilité  avec  laquelle  s'acquérait  la  participation  aux 
franchises  de  Lorris  n'était  pas  moins  profitable  au  roi  qu'aux 
serfs  des  seigneuries  voisines  :  le  roi  y  trouvait  un  moyen 
commode  d'augmenter  le  nombre  de  ses  hommes;  les  serfs, 
une  voie  ouverte  à  l'affranchissement.  Aussi,  les  seigneurs 
s'efforcèrent-ils  de  retenir  leurs  serfs  ;  nous  verrons  plus  loin 
les  moyens  auxquels  ils  eurent  recours.  Disons  de  suite  que 
plusieurs  d'entre  eux  obtinrent  du  roi  qu'il  s'engageât  à  ne 
pas  retenir  leurs  hommes  à  Lorris ,  alors  même  qu'ils  auraient 
négligé  de  les  réclamer  dans  le  délai  prescrit.  En  1177, 
Louis  VII  promit  à  Joscelin  et  à  Gautier  de  Toury  de  ne  pas 
retenir  leurs  serfs  sur  ses  domaines  (1).  Par  suite  d'un  accord 
conclu  entre  Gilon  de  Sulli  et  Philippe-Auguste ,  les  hommes 
de  ce  seigneur  ne  devaient  pas  être  reçus  comme  hôtes  sur 
les  terres  du  roi  (2). 

Les  cultivateurs  de  Lorris  n'étaient  pas  attachés  au  sol  (art. 
17).  Il  n'était  pas  moins  facile  de  quitter  le  bourg  que  d'y  en- 
trer. Toute  liberté  était  accordée  à  chacun  pour  changer  de 
résidence  ;  il  avait  même  la  faculté  de  vendre  ses  biens  (3) 
avant  son  départ  pourvu  qu'il  acquittât  le  droit  de  ventes. 
Cela  fait,  on  ne  pouvait  plus  l'inquiéter.  Il  fallait  aussi  qu'il 
ne  fût  pas  sous  le  coup  d'une  accusation ,  qu'il  n'eût  pas  com- 
mis de  forfait  dans  la  ville  :  sans  cette  précaution ,  la  fuite 
eût  été  trop  aisée  aux  criminels;  d'autant  plus  que  la  charte 
de  1155  supprime,  dans  certains  cas ,  comme  nous  le  verrons, 
l'emprisonnement  préventif.  Ainsi ,  le  roi ,  bien  loin  qu'il  eût 
le  droit  de  poursuite  sur  ses  bourgeois,  renonçait  même  à 
exercer  la  main-mise  sur  leurs  biens. 


(1)  Pièces  jutt.,  no  VIII. 

(2)  Accord  conclu  en  1187  entre  Gilon  de  Sully  et  Ph.-Aug.,  Arch.  nat., 
Reg.  C  de  Ph.-Aug.,  JJ  7-8,  2«  partie,  f°  67  v°,  pièce  n°  354.  —  Publ.  par 
Kaynal,  Hitt.  du  Berry,  t.  II,  p.  553.  —  Relaté  dans  deux  arrêts  du  Parle- 
ment, l'un  de  1271  (Beugnot,  Olim,  t.  I,  p.  870-871),  l'autre  de  1272  {Ibid., 
1. 1,  p.  885). 

(3)  €  Re$  tuât,  »  Aucun  document  ne  me  permet  de  préciser  le  sens  qu'a 
ici  reg;  ce  mot  comprend-il  les  meubles? 


166  LES  COUTUMES  DE  LORRIS 

Droits  seigneuriaux.  —  Nous  sommes  naturellement  ame- 
nés à  passer  en  revue  les  charges  qui  pesaient  sur  les  hommes 
de  Lorris ,  et  à  examiner  ce  qu'elles  devinrent  en  vertu  de  la 
charte  de  1155.  Parmi  les  droits  seigneuriaux ,  ceux  qui  frap- 
paient les  personnes  étaient,  sinon  les  plus  lourds  et  les  plus 
nombreux ,  tout  au  moins  les  plus  nuisibles  au  travail  et  les 
plus  insupportables. 

Corvées.  —  Et  d'abord  les  corvées.  Elles  furent  supprimées, 
(art  15)  à  l'exception  d'une  seule;  encore  n'atteignait-elle 
que  les  plus  riches.  Une  fois  par  an ,  les  propriétaires  de  che- 
vaux et  de  charrettes  étaient  tenus ,  sur  la  semonce  qui  leur 
en  était  faite ,  de  transporter  le  vin  du  roi  de  Lorris  à  Or- 
léans ,  et  pas  ailleurs  ;  le  voyage  restait  à  leurs  frais  ;  ils  n'a- 
vaient aucun  droit  à  réclamer  le  gîte.  Aux  vilains  (art.  15) 
était  réservé  le  soin  d'amener  du  bois  à  la  cuisine  de  l'hôtel 
royal  à  Lorris. 

Service  militaire.  —  Dans  la  plupart  des  villages ,  le  soin 
de  faire  le  guet  incombait  aux  habitants  (1).  A  Lorris,  ils  en 
furent  dispensés  (art.  25).  11  y  avait,  comme  je  l'ai  dit,  un 
guetteur  (art.  21).  M.  de  Maulde  prétend  (2),  au  contraire,  que 
les  coutumes  de  Lorris  assujettissaient  les  bourgeois  à  faire 
le  service  de  guet.  Le  guetteur  (excubitor,  art.  21)  ne  serait 
dans  cette  hypothèse  qu'un  officier  chargé  d'organiser  ce  ser- 
vice, de  veiller  à  son  exécution.  M.  de  Maulde  traduit  sans 
doute  excubiœ  (art.  25)  par  guetteurs  :  «  Il  n'y  aura  pas  de 
guetteurs  à  Lorris  par  coutume  :  »  Il  pourrait  invoquer  l'au- 

(1)  1194,  Charte  pour  les  habitants  de  Charost  (Cher,  arr.  Bourges ,  ch.-l. 
con)  :  «  Excubiœ  autem  more  quo  prias  fient,  adfflonitu  tamen  boni  viri,  fideli- 
tate  ab  eo  prsposita  ut  nullum  ab  eis  pretium  extorqueat ,  sed  sicut  justum 
fuerit,  amoveat.  »  (La  Thaumassière,  Coût,  toc,  p.  75.)  — 1269,  Privilèges 
pour  les  habitants  de  Mennetou-sur~Cher  (Loir -et-  Cher,  arr.  Romorantin)  : 
«  Burgenses  excubabunt  villam  sicut  soient.  »  (Ibid.,  p.  96.)  —1301,  Franchise 
des  Ays  :  «  Quotiescumque  burgenses ,  si  moniti  fuerint  a  proposito  ville 
vel  ejw  mandate,  villam  tenebuntur  excobiare  ita  quod  imusquisque  qui  ïo- 
cum  et  focum  tenebit,  semel  in  hebdomada  tenebitur  ire  in  excubia  vel  mit- 
tere  nuntium  receptibilem  ûisi  in  aliqua  causa  rationabili  fuerit...  »  {Ibid , 
p.  123.) 

(2)  Chartes  municipales  d'Orléans  et  de  Montargis ,  Nouvelle  Revue  kistor. 
du  droit,  1883,  p.  28,  n.  3. 


ET  LEUR  PROPAGATION   AUX  XII6   ET  XIIIe   SIECLES.     167 

torité  de  la  traduction  des  privilèges  de  Villeneuve-l'Arche- 
vêque  faite  vere  1250  :  «  Es  fors  de  la  Noeve  vile  ne  seront 
pas  porteurs  par  costume ,  ne  tes  gueteurs  ne  seront  pas  par 
costume  (1).  »  Ces  privilèges  sont  copiés  sur  ceux  de  Lorris. 
Mais ,  je  crois  préférable  de  traduire  avec  le  texte  du  Vatican  : 
«  A  Lorriz  n'aura  point  de  guiet  de  coustume.  »  Comment 
admettre  que  dans  une  charte  de  coutumes,  où  la  précision 
est  nécessaire,  on  ait,  à  quelques  lignes  de  distance,  désigné 
par  des  expressions  différentes  des  officiers  de  même  catégorie. 

Les  habitants  de  Lorris  n'étaient  tenus  à  rendre  le  service 
d'host  et  de  chevauchée  qu'à  condition  de  pouvoir  revenir  le 
jour  même  chez  eux,  s'il  leur  convenait  (art.  3). 

En  principe,  tous  les  hommes  libres  devaient  le  service 
militaire  à  leur  seigneur.  Toutefois,  comme  ces  paysans,  arra- 
chés à  leurs  charrues,  ne  faisaient  que  d'assez  mauvais  sol- 
dats ,  les  rois ,  et  aussi  les  seigneurs ,  les  dispensèrent  assez 
volontiers  du  service  d'host  ;  au  moins  restreignirent-ils  les 
cas  où  ils  pouvaient  être  convoqués.  En  1118,  Louis  VI  se  ré- 
serva le  droit  d'appeler  les  hommes  de  l'abbaye  de  Saint-Spire 
de  Corbeil,  deux  fois  par  an  à  l'host;  et  encore  aux  chevau- 
chées, pourvu  qu'il  ne  les  entraînât  pas  à  plus  de  douze  lieues 
de  Corbeil.  Il  s'agit  d'hommes  d'église  et  non  de  sujets  directs 
du  roi.  Je  cite  cette  charte  (2)  parce  qu'elle  montre  qu'au  xne 
siècle  on  distinguait  encore  entre  l'host ,  expeditio ,  hostis ,  et 
la  chevauchée ,  equitaiio ,  cavalcaria  ,  le  premier  service  exigé 
en  cas  de  guerre  importante ,  le  second  pour  une  expédition 
moindre  ou  encore  pour  une  escorte.  En  1119,  Louis  VI  décida 
que  ses  hommes  d'Angere-Regis  (3)  n'iraient  à  l'host  qu'au 
cas  où  toute  la  communauté  serait  convoquée.  Le  même  roi, 
en  1123,  affranchit  pour  dix  ans  de  tout  service  d'host  et  de 
chevauchée  les  hôtes  du  marché  neuf  d'Etampes  (4).  En  1124, 


(1)  Quantin,  Cartvl.  général  d$  JT««ie,  t.  II,  p.  241. 

(2)  «  Nec  in  expeditiones  nostras,  niai  submoneantur  in  nomiae  belli,  tant, 
et  hoc  solummodo  bis  in  anno ,  in  cavalcariis  autem  nostris  iterum ,  si  sub- 
moneantur, vadent,  sed  duodecim  leucas  a  castros  Corboilo  non  excédent.  » 
Couard-Luyt.  Cartul.  de  Saint-Spire,  pièce  n°  2,  p.  5. 

(3)  Angerville  (?),  Seine-et-Oise ,  air.  Etarapes,  c0B  Méréville.  —  Ord.,  t. 
VII,  p.  444-445. 

(4)  Ord..  I.  XI,  p.  183. 


168  LES   COUTUMES   DE   LORRIS 

Louis  VI  et  Guillaume  de  Soisy,  tout  en  donnant  l'église  de 
Soisy  (1),  village  dont  ils  étaient  co-seigneurs ,  à  l'abbaye 
Saint-Jean  de  Sens,  se  réservèrent  certains  droits  sur  les 
hommes  de  l'église  :  ils  ne  pouvaient  exiger  l'host  et  la  che- 
vauchée qu'au  cas  où  ils  marchaient  à  la  tête  de  leurs  troupes. 
De  plus,  ces  hommes  devaient  accompagner  Guillaume  contre 
ses  ennemis  particuliers  et  répondre  à  la  semonce  du  prévôt 
de  Guillaume,  lorsqu'il  s'agissait  de  défendre  le  château; 
mais  dans  ces  deux  cas  ils  étaient  libres  de  ne  s'éloigner  que 
de  façon  à  pouvoir  rentrer  le  soir  chez  eux  (2). 

On  peut  affirmer  que  l'article  3  des  Coutumes  de  Lorris 
figurait  dans  la  charte  primitive.  Au  temps  de  Louis  VI,  il 
avait  sa  raison  d'être  :  le  roi  avait  intérêt  à  s'assurer  une 
journée  de  service  de  la  part  des  habitants  de  Lorris.  Une 
fois  les  seigneurs  rebelles  du  Gâtinais  et  de  l'Ile-de-France 
soumis,  les  rois  n'eurent  le  plus  souvent  que  des  guerres 
générales  à  soutenir,  et  dont  le  théâtre  fut  éloigné  de  Lorris 
de  plus  d'une  journée  de  marche.  Ainsi,  dès  l'époque  de  la 
confirmation  des  Coutumes  de  Lorris  par  Louis  VII ,  l'article  3 
équivalait,  ou  peu  s'en  faut,  â  une  dispense  du  service  mili- 
taire. 

A  la  fin  du  xinc  siècle ,  on  voulut  infliger  une  amende  aux 
hommes  de  Lorris  qui  avaient  refusé  de  se  rendre  à  l'armée. 
Ils  présentèrent  leur  charte,  et  un  arrêt  du  Parlement,  de 
la  Toussaint  1272,  leur  donna  gain  de  cause  (3),  ainsi  qu'aux 
habitants  d'Aubigni ,  de  Château-Landon ,  de  la  Chapelle  (4), 
de  Bois-Commun  (5)  et  d'Yèvre-le-Châtel  (6),  qui  jouissaient 
tous  des  usages  de  Lorris.  Le  même  privilège  fut  encore 

(1)  Soisy,  Seine-et-Marne,  arr.  Provins,  conde  Bray. 

(2)  «  Homines  ecclesie ,  infra  castrum  manentes ,  in  expeditionem  et  equi- 
tatum  cum  corpore  nostro  venient.  Et  si  Guillelmus  pro  castello  guerram  ha- 
buerit  et  inimicis  suis  forisfacere  voluerit,  cum  eo  ibunt,  ita  quod,  si  in 
mane  vel  in  nocte  de  hospitiis  suis  moverint ,  ad  sua  sequenti  nocte  hospitia 
redibunt.  Idem  etiam  preposito  Guillelmi  facient,  si  alicubi  pro  vindicte  cas- 
telli  accipienda  de  aliquo  ire  voluerit,  et  eos  ut  secum  eant  submonuerit.  » 
Quantin,  Cartul.  de  l'Yonne,  t.  I,  p.  255. 

(3)  Otim,  t.  I,  p.  887-888. 

(4)  Ibid.,  t.  I ,  p.  887-888. 

(5)  Ibid.,  t.  I,  p.  889. 
(6)/Md.,  p.  901. 


ET  LEUR   PROPAGATION   AUX   XIIe   ET   XIIIe   SIECLES.     169 

reconnu  par  la  Chambre  des  comptes  aux  hommes  de  Ville- 
neuve-le-Roi  près  Sens  (1). 

Au  milieu  du  xme  siècle,  le  privilège  des  hommes  de  Lorris 
était  de  droit  commun  en  Anjou.  Les  barons  ne  pouvaient 
mener  leurs  hommes  coutumiers  «  en  leu  dont  il  ne  puissent 
revenir  au  soir;  et  cil  qui  remaindroit  si  en  feroit  LX  s. 
d'amande.  Et  se  li  bers  les  voloit  mener  si  loing  qu'il  ne  s'en 
peûssent  revenir  au  soir,  il  n'i  iroient  mie,  se  il  ne  voloient, 
ne  n'an  feraient  ja  droit,  ne  nule  amande  (2).  » 

Redevances  pécuniaires.  —  Le  roi  s'engagea  (art.  9)  en  outre 
envers  les  habitants  de  Lorris  à  ne  plus  exiger  d'eux  ni  taille, 
ni  toltc  (3),  ni  aide;  en  un  mot,  il  renonçait  à  toute  levée  d'ar- 
gent extraordinaire.  En  même  temps,  il  interdit  à  qui  que 
ce  fût  de  tailler  ses  bourgeois.  Louis  VI  avait  accordé  le 
même  privilège  aux  habitants  d'Angere  Régis  (A)  (Angerville?) 
en  1119  et  aux  hôtes  du  marché  neuf  d'Étampes  en  1123  (5). 

Le  roi  n'avait  pas  entendu  se  réserver  l'aide  aux  quatre  cas, 
comprise  sous  les  termes  de  tallia  et  roga.  Cette  exemption 
n'étant  pas  spécifiée,  on  prétendit,  à  la  fin  du  xine  siècle, 
l'exiger  des  habitants  de  Lorris  et  des  hommes  de  plusieurs 
villages  jouissant  des  mêmes  franchises  à  l'occasion  de  la 
chevalerie  du  fils  aîné  du  roi  :  il  s'agissait  de  Philippe, 
fils  de  Philippe  III.  La  royauté  rencontra  chez  les  bourgeois 
une  vive  résistance.  Ce  n'est  qu'en  1285,  Philippe  devenu 
roi ,  que  le  Parlement  condamna  (6)  les  habitants  de  Lorris, 
Château -Landon,  Bois- Commun,  Montargis,  Bois-le-Roi, 
Bussières,  Yèvre-le-Châtel,   Flagy,  Grès,   La-Chapelle-la- 


(1)  Reg.  Pater,  f°  96  v°,  col.  2,  cité  par  Du  Gange,  éd.  Henschel,  v°  Hos- 
(if,  t.  III,  p.  712,  col.  1-2. 

(2)  Et.  de  saint  Louis,  éd.  Viollet,  1. 1,  c.  LXV,  t.  II,  p.  94-95.  —  Beau- 
temps-Beaupré,  Coût.  d'Anjou,  c.  LXVII,  1. 1,  p.  99. 

(3)  C'est  ainsi  que  nous  rendons  le  mot  ablatio.  Du  Cange  (éd.  Henscbel, 
U  I,  p.  23,  3e  col.,  v°  Ablata)  cite  un  texte  de  1173,  tiré  du  cartul.  de  Saint- 
Maur-des-Fossés ,  qui  justifie  cette  traduction  :  «  Eis  communem  talliam  et 
ablatam,  qux  vulgo  tolta  diciiur,  omnino  perdonamus.  » 

(4)  Ord.,  t.  VII ,  p.  444-445. 

(5)  Ord,,  t.  XI,  p.  183. 

(6)  Arrêt  du  Parlement,  de  la  Toussaint  1285,  ap.  Beugnot,  Olim,  t.  II, 
p.  249,  no  IV. 


170  LES   COUTUMES   DE  LORRIS 

Reine,  Villeneuve-le-Roi,  Chaumont,  à  payer  l'aide  pour  la 
chevalerie.  Déjà  en  1271  (1)  le  Parlement  avait  rejeté  les  pré- 
tentions des  habitants  de  Bourges,  de  Dun-le-Roi  et  d'Ys- 
soudun,  qui  se  disaient  exempts  par  leurs  chartes  du  paiement 
de  cette  aide  (2). 

Tous  se  retranchaient  derrière  les  articles  de  leurs  privi- 
lèges portant  affranchissement  de  tailles  et  de  toutes  espèces 
d'exactions.  En  effet,  tallia  (3)  désigne  quelquefois,  au  xne 
siècle,  les  loyaux  aides.  L'aide  qu'on  levait  pour  l'un  des 
trois  ou  quatre  cas  était  une  variété  de  taille.  D'ailleurs ,  en 
ce  qui  concerne  les  hommes  de  Lorris,  ils  étaient  dispensés 
de  la  roga,  terme  s'appliquant  encore  mieux  à  l'aide  que 
celui  de  taille.  Il  s'agit  évidemment  d'un  subside  requis  par 
le  seigneur,  d'un  auxilium.  Revouage,  tel  est  le  mot  qui  dé- 
signe souvent  l'aide  pour  la  chevalerie  (4).  Rogare  avait  donné 
rewer,  rouver,  d'où  revouage  qui  correspond  aux  mots  latins 
roga  et  rogatio  (5). 

Quelque  bien  fondée  que  fût  la  réclamation  des  bourgeois, 
ils  n'en  perdirent  pas  moins  leur  procès;  l'arrêt  du  Par- 
lement fut  exécuté  et  force  leur  fut  de  payer  (6). 

Aux  termes  de  leur  charte  (art.  1),  ils  ne  devaient  plus  au 
roi  annuellement  qu'une  redevance  pécuniaire ,  assez  minime, 
le  cens  qui  affirmait  le  droit  éminent  du  roi  sur  leurs  tenures. 


(1)  Beugnot,  Olim,  t.  I,  p.  848-849. 

(2)  Les  habitants  de  Bourges  et  de  Dun-le-Roi  avaient  été  déclarés  «  de 
tolta-,  taillia,  botagio  et  culcitrarum  exactione  immunes.  »  Ceux  d'Yssoudtn, 
libres  «  de  oroni  collecta,  rapina  et  exactione.  »  Les  habitants  de  Bourges 
résistèrent  encore  longtemps  à  la  royauté  et  prétendirent  ne  lui  accorder 
de  subsides  qu'à  titre  gracieux.  Non-seulement,  plus  tard,  ils  ne  se  rendi- 
rent pas  à  l'host  de  Flandre ,  mais  même ,  comme  quittes  «  dou  tout  en  tout 
de  toute  touUe  et  de  toute  taille,  »  ils  refusèrent ,  en  cette  circonstance,  d'aider 
Philippe  le  Bel  de  leur  argent.  Voyez  :  Arch.  nat,,  J  749. 

(3)  «  Concessimus  et  domno  Willelmo  quod,  si  ipse  flliam  suam  quam  U- 
men  de  uxore  sua  habuerit,  maritare  voluerit,  vel  si  castrum  emerit,  talliam 
in  hospitibus  terre  illius  facere  ei  licebit  per  manum  tamen  prions  S"  Romani  ; 
simili  modo  et  pro  redemptione  sua,  si  ipse  captas  fuerit ,  facere  ei  licebit.  » 
Charte  du  commencement  du  xn«  siècle,  ap.  Cartul.  de  Saint-Père  de  Char  ires, 
t.  II,  p.  484,  no  XXIII. 

(4)  Voyez  :  Pièce*  juttif.,  n*  XXII. 

(5)  Voyez  :  Du  Gange,  éd.  Henschel,  v»  Roga  4,  v°  Rogatio,  t.  V,  p.  789. 

(6)  Comme  en  témoigne  le  registre  Pater.  —  Pièces  just.,  n<>  XXII. 


ET  LEUR  PROPAGATION  AUX  XIIe  ET   XIIIe   SIECLES.     171 

Ce  cens  était  fixé  à  six  deniers  pour  une  maison  et  un  ar- 
pent de  terre,  de  quelque  façon  que  cet  arpent  fût  échu  au 
possesseur,  par  voie  d'héritage  ou  d'acquisition. 

Six  deniers  n'étaient  pas  une  somme  considérable  (1).  C'est 
le  taux  fixé  par  la  charte  de  1119  pour  Angere-Regis  (2).  Tou- 
tefois, dans  ce  village,  les  terres  où  les  habitants  construi- 
saient leurs  maisons  devaient  un  cens  de  huit  ou  dix  deniers 
par  arpent  ;  peu  de  chose ,  puisque  la  charte  d' Angere-Regis 
emploie  l'adverbe  tantum.  Les  hôtes  établis  par  Louis  VI  à 
Mureaux,  près  l'église  Notre-Dame  des  Champs,  ne  devaient 
qu'un  muid  de  vin  et  six  deniers  par  quartier  (3). 

La  prise  du  bois  mort  (art.  29)  fut  concédée  aux  habitante 
de  Lorris ,  sans  qu'on  exigeât  d'eux  aucune  redevance ,  dans 
le*  bois  royaux  en  dehors  de  la  forêt ,  c'est-à-dire  en  dehors 
des  bois  réservés  pour  la  chasse.  Le  cantonnement  fut  même 
plus  étroitement  délimité;  et,  en  1272,  les  bourgeois  ne  ramas- 
saient le  bois  mort  que  dans  les  bois  appelés  les  Usaiges  de 
Lorris  (4). 

Ce  privilège  subsistait  en  1403  (5).  M.  R.  de  Maulde  pré- 
tend que  les  coutumes  de  Lorris  avaient  créé  une  restriction 
au  droit  d'usage  (6)  :  pour  soutenir  cette  assertion,  il  faudrait 
savoir  quels  étaient  les  droits  des  habitants  de  Lorris  dans  les 
bois  royaux  avant  1155.  La  portion  de  bois  désignée  sous  le 
nom  d'Usages  de  Lorris  n'appartint  jamais  à  la  commu- 
nauté (7). 

(1)  D'après  les  calculs  de  M.  Guérard ,  le  denier  royal  valait  sous  Louis 
VI  :  0  fr.  10  c.  4/10  ;  6  deniers  =  0  fr.  8240,  et  la  valeur  relative  =  3  fr.  2960. 
L'arpent  est  aujourd'hui  à  Lorris  de  51  ares.  Les  terres  arables  paient  1  fr.  50 
à  2  fr.  d'impôt  foncier  par  arpent. 

(2)  «  De  arpentis  vero  in  quibus  mansiones  saas  facerent,  decem  vel  octo 
denarios  tantum  redderent;  si  vero  aliquam  de  terris  circumstantibus  plan* 
tare  veUent  et  plantèrent  denarios  sez  pro  arpento  in  censu...  exsolverent.  » 
0rd.,t.  VU,  p.  444-445. 

(3)  Lettres  oonfirmatives  de  Louis  VU  en  1158.  Brussel,  Usage  des  fiefs, 
L 1,  p.  182,  noie  a,  d'après  le  reg.  Pater;  Ord.,  t.  III,  p.  303,  d'après  JJ 
86,  pièce  n°  494. 

(4)  Arrêt  du  Parlement,  Delisle,  Restit.  d'un  volume  des  Olim,  n»  98,  ap. 
Beutaric ,  Actes  du  Parlement,  1. 1,  p.  160. 

(5)  Texte  cité  par  R.  de  Maulde,  Etude  sur  la  condition  forestière,  p.  175,  n.  4. 

(6)  R.  de  Maulde,  Ibid.,  p.  167-168. 

(7)  R.  de  Maulde,  Ibid.,  p.  166. 


172  LES   COUTUMES  DE   LORRIS 

Privilèges  commerciaux.  —  La  charte  que  nous  étudions 
tendait  surtout  au  développement  de  l'agriculture  et  du  com- 
merce. Aussi  voyons-nous  le  roi  préoccupé  d'apporter  des 
restrictions  à  ceux  des  droits  seigneuriaux  dont  l'exercice 
était  capable  d'entraver  les  échanges. 

Le  roi  retint  son  droit  de  banvin  (art.  10),  mais  seulement 
pour  le  vin  provenant  de  ses  récoltes  et  conservé  dans  son 
cellier.  La  charte  ne  fixe  pas  la  durée  du  banvin. 

Les  habitants  de  Lorris  ne  pouvaient  non  plus  exiger  que  le 
roi  leur  payât  comptant  ce  qu'il  faisait  acheter  pour  sa  nour- 
riture et  celle  de  la  reine  (1).  Mais  il  limite  la  durée  du  crédit 
(art.  11)  à  quinze  jours  accomplis.  Généralement,  le  seigneur 
n'avait ,  aux  xne  et  xiue  siècles,  droit  à  un  second  crédit  qu'a- 
près acquittement  de  la  dette  précédemment  contractée  (2). 
Bien  que  rien  de  pareil  ne  soit  stipulé  dans  la  charte  de  1155, 
cet  usage  devait  être  en  vigueur  à  Lorris.  A  la  fin  du  xie  siè- 
cle, il  en  était  déjà  ainsi  à  Rozoy  en  Brie,  où  le  temps  du 
crédit  seigneurial  n'était  pas  limité  (3). 

Dans  la  plupart  des  coutumes ,  le  temps  pendant  lequel  le 
seigneur  avait  droit  à  un  crédit  était  plus  long  :  en  Bourgo- 
gne, quarante  jours.  Il  est  vrai  que  dans  ce  cas  le  seigneur 
était  tenu  de  donner  un  gage. 

(1)  Exemple  de  crédit  illimité,  vers  1047.  Salomon  de  Lavarzin  fait  remise 
aux  moines  de  Marmoutiers  du  crédit  illimité  dont  il  usait  sur  les  habitants 
de  certaines  maisons  dépendant  de  l'abbaye  :  «  ad  credentiam  quantum  vellet 
accipiebat.  »  Copie  ap.  Hist.  de  l'abbaye  de  Marmoutiers,  B.  Nat.,  ma.  lat. 
12878,  f°H2. 

(2)  Il  en  était  ainsi  à  Meaûx  en  1179  :  «  Homines  de  Meldis  michi  de  pane 
et  vino  et  carnibus  et  aliis  victualibus  die  qua  Meldis  venero,  et  in  crastino, 
si  tantum  ibi  fuero ,  creditionem  facient  ;  et  si  infra  quindecim  dies  crédita 
non  reddidero,  nihil  ampli  us  mihi  credent  quousque  crédita  eis  persolvan. 
tur.  »  Carro,  Hist.  deMeaux,  p.  501. 

(3)  Rozoy,  Seine-et-Marne,  arr.  Coulommiers,  ch.-l.  c<"».  «  Quod  si  aliquo- 
ciens  voluisset  in  villa  concedere ,  quod  necessarium  esset  sumptui  sibi  cre- 
debatur;  si  precium  crediti  solveretur,  iterum  credebatur;  sin  autem,  non 
amplius  quicquam,  donec  redderet /credebatur.  »  Guérard ,  Car  lui.  de  2V.-D., 
t.  II,  p.  265-266.  —  Voyez  :  Charte  de  Hugues  III  pour  Dyon ,  1187,  art  2, 
Garnier,  Chartes  de  communes,  1. 1,  p.  5.  —  1194.  Auxerre,  Arch.  nat.,  JJ 
7-8,  2«  partie,  fo  46  v<>.  —  Auxonne,  1229,  art.  6,  Garnier,  t.  II,  p.  29.  — 
Nevers,  27  juillet  1231  ;  Teulet,  Layettes,  n°  2142,  t.  II,  p.  211  a.  —  Digoin, 
juillet  1238,  art.  24  ;  Canat,  Documents  inédits,  p.  43.  —  La  Rochepot,  art. 
6,  12,  33;  Ibid.,  p.  19. 


V 


ET   LEUR   PROPAGATION   AUX  XIIe   ET  XIIIe   SIECLES.     173 

La  perception  des  impositions  indirectes  fut  limitée  par  les 
articles  2  et  33. 

Les  hommes  de  Lorris  ne  payaient  (art.  2)  ni  le  minage 
pour  le  froment  récolté  grâce  au  travaiL  de  leurs  animaux ,  ni 
le  forage  pour  le  vin  provenant  de  leurs  vignes.  En  ce  qui 
concerne  le  minage ,  la  charte  de  Louis  VI  pour  les  habitants 
d'Etampes  (1)  contient  une  clause  analogue  quoique  plus  res- 
trictive. 

Le  forage  était  le  droit  perçu  par  le  seigneur  sur  la  vente 
du  via  (2).  A  la  fin  du  xme  siècle ,  le  bouteiller  de  France, 
Jean  de  Brienne  (3),  ayant  prétendu  au  droit  de  forage  à 
Lorris,  les  bourgeois  lui  opposèrent  leur  privilège;  auquel 
un  arrêt  du  Parlement,  rendu  en  leur  faveur,  le  18  mars 
1283,  donna  une  nouvelle  sanction  (4). 

L'article  2  leur  accorda  l'exemption  du  paiement  du  ton- 
lieu  ou  de  quelque  autre  coutume  que  ce  fût,  à  l'occasion  des 
achats  faits  pour  leur  nourriture;  l'article  33,  complétant  l'ar- 
ticle 2,  déclare  que  les  ventes  ou  achats  faits  par  eux  en  se- 
maine ne  donneront  lieu  au  prélèvement  d'aucune  coutume; 
mais  que  le  mercredi ,  jour  du  marché ,  ils  seront  dispensés 
du  paiement  de  la  coutume  seulement  pour  les  choses  achetées 
à  leur  usage ,  mais  non  pour  les  choses  vendues ,  ce  qui  re- 
vient à  dire ,  que  les  bourgeois  faisant  le  commerce  retom- 
baient sous  la  loi  commune,  au  moins  le  jour  du  marché  (5). 
Le  mot  tonlieu  ne  désigne  pas,  dans  notre  texte,  un  droit  d'en- 
trée (6)  ;  mais  une  taxe  proportionnée  au  prix  de  vente ,  et 

11)  Art.  4.  «  Nullus  insuper  minagium,  nisi  die  Jovis,  donabit.  »  Ord., 
t.  XI,  p.  183. 

(2)  Telle  est  l'opinion  de  Du  Gange,  (éd.  Henschel,  v°  Foragium,  t.  III, 
p.  344,  2»  col.)  D'autres  auteurs ,  et  notamment  M.  d'Arbois  de  Jubainville, 
[Hist.  des  comtes  de  Champagne,  L  III,  p.  294-295),  ont  prétendu  que  c'était 
le  droit  perçu  lors  de  la  mise  en  perce  du  tonneau. 

(3)  Jean  de  Brienne,  dit  d'Acre,  comte  d'Eu,  mort  en  1296,  Voir  :  P.  An- 
selme, Hist  généalog.,  3«  édit.,  t.  VIII,  p.  518.  —Aride  vérif.,  t.  II,  p.  800. 

(4)  a  Dicti  bsrgenses  et  hommes  sunt  a  dicto  foragio  liberi  et  immuftes , 
quantum  ad  vinum  quod  crescit  in  vineis  propriis  eorumdem.  »  Indiq.  par 
Bootaric,  Actes  du  Parlement,  n*  492,  t.  1,  p.  374-375;  publ.  par  La  Thau- 
massièro,  Coût,  loc.,  p.  434. 

(5)  Ce  que  confirme  le  tarif  du  xv*  siècle,  publié  ap.  Pièces  just,  n»  XXI V. 
(«)  Comme  l'a  traduit  Guizot,  Hist.  de  ta  civilis.,  t.  IV,  p.  223. 

Revue  hist.  —  Tome  VIII.  12 


174  LES  COUTUMES  DE  LORRIS 

payée  à  la  fois  par  l'acheteur  et  le  vendeur  :  ce  qui  résulte  de 
l'article  30  et  d'un  tarif  de  1403  (1). 

L'oubli  de  payer  le  tonlieu  n'entraînait  pas  d'amende, 
pourvu  que  le  coupable  réparât  sa  faute  dans  la  huitaine ,  et 
jurât  qu'il  n'y  avait  de  sa  part  qu'ignorance  ou  simple  omis- 
sion (art.  30). 

Le  roi  prit  des  mesures  propres  à  augmenter  l'importance 
des  marchés  et  des  foires  de  Lorris.  Il  plaça  sous  sa  sauve- 
garde les  individus  qui  s'y  rendaient  (art.  6).  Il  était  absolu- 
ment interdit  de  s'emparer  d'eux,  ni  de  les  inquiéter  à  l'aller 
ou  au  retour,  à  moins  qu'ils  n'eussent  commis  un  forfait  le 
jour  même.  La  charte  donnée  en  1123  au  marché  neuf  d'É- 
tampes  contient  déjà  des  dispositions  analogues  (2). 


(1)  Voir  des  extraits  du  tarif  aux  P.  Jus  t.,  n°  XXIV.  —  Rapprochez  de 
cet  article,  uue  disposition  de  la  charte  par  laquelle  Louis  VI  donne  en  1147 
les  foires  de  Moriguy  à  l'abbaye  du  même  lieu  :  «  Dum  ipsi  mercatores  in 
castello  nostro  erunt  si  aliquid  vendiderint  vel  emerint ,  teloneum  nostrum 
et  quod  consuetudinarium  est  habebimus.  a  (CartuL  de  Morigny,  Bibl.  Nat., 
ms.  lat.  5648,  f°  8  r°.) 

(2)  «  Omnes  quidem  illi  qui  in  predictum  forum  nostrum  vel  in  domos  hos- 
pitum  ejusdem'fori  annonam  vel  vinura  vel  res  quaslibet  adducent,  quieti  cum 
omnibus  rébus  simul  in  veniendo,  in  morando,  in  redeuodo  ita  permaneant, 
quod  pro  suo  vel  suorum  dominorum  forisfacto  a  nullo  homine  capientur  aut 
disturbentur,  nisi  in  forisfacto  presenti  deprehendantur.  »  Ord.,  t.  XI,  p.  183. 
—  Dans  la  charte  de  commune  donnée  à  Pontoise  en  1188 ,  trois  restrictions 
sont  apportées  à  la  sauvegarde  accordée  aux  marchands  forains  ;  1°  on  peut 
les  saisir  s'ils  ont  commis  un  forfait;  2°  le  créancier  peut  s'emparer  de  son 
débiteur;  3°  le  plége  peut  également  être  arrêté.  Art.  4,  Ord.,  t.  XI, 
p.  254. 

Un  rôle  intitulé  :  «  C'est  le  péage  le  roy  des  denrées  qui  passent  par 
Lorris ,  fait  Tan  de  grâce  1293  »  aurait  pu  nous  renseigner  sur  l'importance 
commerciale  de  Lorris  et  nous  montrer  le  résultat  des  mesures  prises  par  la 
royauté  pour  développer  le  commerce  dans  le  Gfttinais.  Je  regrette  de  n'avoir 
pu  me  procurer  ce  document.  Il  figure  dans  le  Catalogué  des  archivée  de 
M.  le  baron  de  Joursanvault  (t.  II,  p.  190,  sous  le  numéro  3271).  De  là  il  a 
passé  dans  la  bibliothèque  du  bibliophile  Jacob ,  vendue  en  1840.  On  lit  dans 
le  Catalogue  de  la  vente  (Paris,  Techener,  1839,  in-8°)  sous  le  n»  1374  : 
«  Manuscrits ,  chartes,  titres  et  documents  originaux  sur  l'histoire  de  la  ville 
de  Lorris  en  Gfttinais,  1144-1495.  »  1144  est  précisément  la  date  du  docu- 
ment le  plus  ancien  que  possédait  sur  Lorris  le  baron  de  Joursanvault.  Il  me 
paraît  certain  que  les  chartes  de  la  bibliothèque  du  bibliophile  Jacob  con- 
cernant Lorris  provenaient  des  archives  Joursanvault.  D'autant  plus  que 
parmi  les  numéros  de  ces  dernières  non  vendus  en  1838  figure  le  n°  3271 


ET  LEUR   PROPAGATION    AUX   XIIe   ET  XIIIe   SIECLES.     175 

En  même  temps ,  pour  garantir  la  sécurité  des  marchands, 
l'exercice  de  la  saisie  extra-judiciaire  du  gage  fut  tempéré. 

La  saisie  extra-judiciaire  dérive  du  droit  germanique  (1). 
On  chercha  à  en  restreindre  l'emploi  dès  l'époque  mérovin- 
gienne; mais  au  début  de  la  période  coutumière,  cet  usage 
reparaît  plus  florissant  que  jamais.  En  outre,  on  constate 
que  le  créancier  est  plus  solidement  armé  contre  le  fidéjusseur 
ou  plége  que  contre  le  débiteur  principal.  S'il  y  a  recrudes- 
cence dans  cette  pratique,  c'est  qu'au  xie  siècle  l'autorité 
judiciaire  est  affaiblie  et  que  les  particuliers  trouvent  moins 
de  garantie  devant  les  tribunaux.  Si  le  plége  couvre  le  dé- 
biteur, c'est  que  l'existence  de  ce  plége  est  la  condition 
essentielle  du  prêt  :  le  créancier  ne  prête  que  parce  qu'un 
plége  lui  garantit  l'acquittement  de  la  dette  (2).  Une  charte 
de  Louis  VU  pour  la  ville  de  Bourges  montre  combien  les 
particuliers  étaient  jaloux ,  encore  au  milieu  du  xne  siècle,  du 
droit  de  saisir,  sans  intervention  de  justice ,  le  gage  du  fidé- 
jusseur (3).  Les  habitants  de  Bourges  regardaient  comme  une 
mauvaise  coutume  qu'il  leur  fût  nécessaire  d'obtenir  la  per- 
mission du  prévôt  ou  du  viguier  pour  s'emparer  d'un  gage. 

Ce  droit  pour  le  créancier  de  saisir  le  gage  du  plége  existait 
à  Lorris;  mais,  afin  d'éviter  les  troubles  qui  auraient  pu 
en  résulter  les  jours  de  marché  et  de  foire,  le  roi  décida  que 

Yoy.  Delaborde ,  Les  ducs  de  Bourgogne,  t.  III,  IntroducL,  p.  uv).  Je  sois 
presque  assuré  que  ce  rôle  de  péage  fait  aujourd'hui  partie  de  la  collection 
d'un  savant  Orléanais. 

(1)  Voir  :  Sohm,  La  procédure  de  la  Lex  saUca,  traduct.  Thévenin,  p.  26. 
—  Esmein ,  La  plégerie,  Nouv.  revue  histor.  du  droit,  année  1883 ,  p.  99  et 
sut. 

(2)  Opinion  professée  par  M.  Thévenin ,  École  pratique  des  Hautes-Études  p 
cours  de  1882-1883. 

(3)  Charte  de  1145  par  laquelle  Louis  VII  confirme  l'abolition  faite  par  son 
père  de  mauvaises  coutumes  en  usage  à  Bourges  :  «  Prava  rursus  consuetudo 
Bitaris  tenebatur  in  fidejussoribus;  quod  fidejussoris  sui  vadimonium  capere 
sise  consensu  prepositi  seu  vigerii  nullus  audebat;  de  quo  preceptum  est 
abipso  (Ludovico  YI°)  ut  quicumque  fidejussorem  habuit,  sine  clamore  ali- 
quo  ad  prspositum  sive  vigerium  facto ,  vadimonium  ejus  secure  capiat.  » 
La  Thaum.,  Coût,  loc,  p.  62.  —  Cette  prava  consuetudo  est  consignée  dans 
un  acte  contemporain  de  Philippe  Ier,  où  sont  énumérés  les  droits  du  viguier 
de  Bourges  :  «  Homo  non  capiet  vadimonium  sine  vicario  ;  quod  si  fecerit, 
habebit  e*  eo  vicarius  septem  solidos  et  dimidium.  »  La  Thaum.,  Histoire  de 
Berru,  p.  24. 


176  LES   COUTUMES   DE   LORRIS 

nul  ne  pourrait  l'exercer  ces  jours-là;  à  moins  que  l'engage- 
ment n'ait  eu  lieu  un  précédent  jour  de  marché.  Cette  res- 
triction devait  être  introduite.  Autrement,  les  habitants  de 
Lorris  n'auraient  eu  aucun  recours  contre  les  étrangers,  les 
marchands  du  dehors  par  exemple,  qui  se  seraient  portés 
cautions. 

Le  gage  saisi ,  le  créancier  ne  pouvait  le  vendre  qu'après 
un  certain  délai  :  ordinairement  quinze  jours.  A  Lorris,  ce 
délai  n'est  que  de  huit  jours  ;  même  s'il  s'agit  d'un  gage 
donné  par  le  roi  (art.  11). 

Ce  n'était  pas  assez  d'instituer  des  marchés;  il  fallait  encore 
faciliter  les  rapports  commerciaux  entre  les  bourgs  et  villes 
de  la  même  région.  Les  garanties  de  sécurité  données  aux 
étrangers  qui  venaient  à  Lorris  devaient  provoquer  un  ac- 
croissement dans  le  nombre  des  marchandises  apportées  à 
Lorris.  Mais  des  mesures  propres  à  favoriser  l'exportation  des 
produits  du  sol  en  étaient  le  complément  nécessaire.  De  là 
les  exemptions  de  péages  en  faveur  des  homme?  de  la  paroisse 
de  Lorris,  jusqu'à.  Étampes,  Orléans,  Milly  en  Gàtinaia  et 
Melun  (art.  4).  Ils  pouvaient  ainsi  transporter  leurs  marchan- 
dises sans  rien  payer  au  fisc  royal  jusqu'aux  limites  du  Gâti- 
nais.  Une  fois  parvenus  dans  les  villes  énumérées  par  l'ar- 
ticle 4 ,  ils  étaient  assurés  d'y  trouver  le  facile  écoulement  de 
leur  blé  et  de  leur  vin.  Divers  privilèges  de  Louis  VI,  dont 
quelques-uns  ont  été  précédemment  cités ,  avaient  fait  d'É- 
tampes  un  centre  commercial.  Quant  à  Milly,  ce  bourg  était 
voisin  de  Corbeil;  d'où  les  blés  étaient  transportés  par  la 
Seine  jusqu'à  Paris  (1).  Il  se  tenait  d'ailleurs  à  Corbeil  des 
foires  dès  le  xne  siècle,  aux  fêtes  de  Saint-Spire  (1er  août) 
et  de  Saint-Gilles  (1er  sept.)  (2).  A  Melun,  les  marchands 
étaient  assez  nombreux  pour  que  Philippe-Auguste  eût  cru 
devoir  faire  consigner  dans  un  de  ses  registres  les  coutumes 
auxquelles  ils  étaient  tenus  (3).  Orléans  était  la  ville  avec  la- 

(1)  Ce  transport  par  eau  était  encore  en  usage  au  xvir»  siècle,  comme  en 
témoigne  Le  Maire,  HUt.  data  ville  d'Orléetu,  t.  II,  p.  2. 

(2)  Privilège  de  CélesUn  III  (1"  févr.  1196)  par  lequel  il  confirme,  entre 
autres  choses,  à  l'abbaye  Saint-Spire  la  possession  des  «  nundinas  quas  habetis 
apud  Corboilium  in  sollempnitatibus  beati  Exuperii  et  beati  Egidii.  »  Coûard- 
Luys,  Carlul.  de  Saint-Spire,  ch.  n°  3,  p.  7. 

(3)  Arch.  Nat.,  JJ  7-8 ,  2«  partie ,  f°  9  r*. 


ET  LEUR   PROPAGATION   AUX   XIIe   RT  XIIIe   SIECLES.     177 

quelle  les  habitants  de  Lorris  entretenaient  les  plus  fréquents 
rapports.  Je  montrerai  plus  loin  comment  c'était  le  débouché 
commercial  le  plus  important  de  cette  région. 

Les  habitants  de  Lorris  ne  payaient  non  plus  de  tonlieu 
(art.  28)  dans  quatre  bourgs  assez  considérables  du  Gâtinais  : 
Ferrières  (1),  Château-Landon  (2),  Puiseaux  (3)  et  Nibelle  (4). 
Une  abbaye  importante  était  établie  à  Ferrières  (5).  Je  ne 
saurais  donner  aucun  renseignement  sur  l'importance  com- 
merciale de  Nibelle.  Château-Landon  était  considéré  comme  la 
capitale  du  Gâtinais.  Un  arrêt  du  Parlement  de  1259  (6) 
reconnaît  aux  bourgeois  de  Lorris  la  faculté  de  porter,  sans 
acquitter  aucun  droit,  leurs  draps  aux  moulins  à  foulon  de 
Château-Landon.  A  Puiseaux,  Louis  VI  avait  établi,  en  1112, 
des  chanoines  réguliers  pour  desservir  la  nouvelle  église  de 
Notre-Dame  (7).  Il  leur  avait  assuré  l'existence  par  la  cession 
de  la  villa  de  Puiseaux,  avec  droit  d'y  tenir  un  marché  cha- 
que semaine  (8).  Mais  l'année  suivante,  il  transporta  ces  cha- 
noines à  Saint-Victor  près  Paris  ;  et  la  nouvelle  abbaye  hérita 
de  tous  les  droits  accordés  â  la  première  fondation  ;  l'église 
de  Puiseaux  tomba  â  l'état  de  prieuré  (9).  Outre  les  marchés 
ordinaires,  une  foire  annuelle  se  tinta  Puiseaux,  commen- 
çant la  veille  de  la  Nativité  de  la  Vierge  et  se  continuant 
pendant  huit  jours.  Par  acte  de  1145,  Louis  VII  en  céda 
les  revenus  â  l'abbaye  de  Saint-Victor  et  accorda  un  sauf- 
conduit  pour  l'aller  et  le  retour  aux  marchands  qui  s'y  ren- 
daient (10). 

(i)  Ferrières,  Loiret,  arr.  de  Montargis,  chef-lieu  de  canton. 

(2)  Ckékau-Landon ,  Seine-et-Marne,  arr.  de  Fontainebleau,  chef-lieu  de 
canton. 

(3)  Pmeemux,  Loiret,  arr.  de  Pithiviera,  chef-lien  de  canton. 

(4)  Nibelle,  Nibelle-SaintrSauveur,  Loiret,  arr.  de  Pithiviera,  c»*  de  Beanne. 

(5)  Voyez  :  GalUa  Christ.,  t.  VIII,  col.  1268. 

(6)  Parlement  de  la  Toussaint  ;  Bouiaric,  n»  382, 1. 1,  p.  33.  —  Otto»,  1. 1,  p.  91 . 

(7)  Diplôme  de  1112,  la  4*  année  du  rogne,  publ.  ap.  Met*,  de  la  Soc. 
êrekéêL  de  C  Orléanais,  t.  I,  p.  135-138. 

(8)  «  Meroatnm  etiam  in  eadem  villa  per  singulas  fieri  hebdomadas  regia 
potiwtate  in  perpetuum  annuimus.  ©  Diplôme  cité. 

(9)  Diplôme  de  1113,  Gall.  Christ.,  t.  VII,  hutr.,  n»  55,  col.  46.  —  Tardif, 
Cmions  des  rois,  n*  357,  p.  204-205.  Voyez  encore  sur  le  marché  de  Puiseaux  : 
Pièces  justif.,  n<>  XIX. 

(10)  Diplôme  de  1145,  la  9«  année  du  règne,  à  Orléans  :  «  Ecclesi»  Beati 


178  LES   COUTUMES   DE   LORRIS 

Les  habitants  d'Yèvre  et  de  Boiscommun  qui,  dès  le  règne 
de  Louis  VII,  avaient  obtenu  les  coutumes  de  Lorris,  ne 
payèrent  pas  le  tonlieu  à  Puiseaux  jusqu'à  ce  qu'en  1181  le 
roi  eût  autorisé  l'église  de  Puiseaux  à  percevoir  ce  droit  sur 
eux(l),  tout  au  moins  les  jours  de  marché.  Cependant,  quand, 
en  1186,  Philippe- Auguste  confirma  à  ses  bourgeois  de  Bois- 
commun  leurs  privilèges,  il  y  laissa  figurer  l'article  qui  les 
exemptait  de  tonlieu  à  Puiseaux.  Au  xine  siècle,  le  prieur, 
s'appuyant  sur  ce  fait  qu'il  tenait  les  marchés  de  concession 
royale  et  en  toute  liberté,  voulut  imposer  le  tonlieu  aux 
hommes  de  Lorrez-le-Bocage ,  dotés  au  xne  siècle  des  cou- 
tumes de  Lorris.  L'affaire  vint,  en  1263,  au  Parlement  qui , 
après  avoir  pris  connaissance  des  chartes  présentées  par  les 
parties ,  donna  gain  de  cause  au  prieur  (2). 

A  la  fin  du  xiii*  siècle ,  les  habitants  de  Lorris  étaient  dis- 
pensés de  rendre  le  péage  dû  à  l'évêque  d'Orléans,  à  Pithi- 
viers,  sans  qu'on  sache  l'origine  de  cette  exemption  (3). 

Orléans  était  le  centre  commercial  de  la  région.  Deux  foires 
s'y  tenaient  annuellement  dès  le  xne  siècle  :  l'une  à  Pâques , 
l'autre  à  la  Toussaint  (4).  Cette  dernière  ne  durait  que  quatre 

Victoria  Parisius...  feriam  quandam  in  crastino  festi  Nativitatis  gloriose... 
Virginie...  singulis  annis  in  villa  eorum  que  dicitur  Puteolis,  donamus,  et 
libère  et  quiète  possidendam  concedimus ,  ita  videlicet  quod  in  ea  nobis  ni- 
chil  prorsus  juris  retinemus...  Euntes  vero  ad  eandem  feriam  sive  redeuntes, 
undecumque  venerint  in  conductu  nostro  recepimus.  »  Mém.  de  la  Soc.  de  l'Or- 
léanais, t.  I,p.  142-143. 

(1)  Pièces  just.,  n°  X. 

(2)  Parlement  de  la  Pentecôte,  1263.  «  Prior  de  Puteolis  in  Gastinesio 
petebat  tbeloneum  apud  Putbeolos  in  Gastinesio ,  a  quodam  homine  de  Lor- 
riaco  in  Boscagio,  qui  vocatur  Robinus  Morgastel.  Idem  Robinus  respondebat 
quod  non  tenebatur  solvere  theloneum,  cum  ipse  et  alii  homines  de  Lorriaco, 
per  cartam  regiam,  secundum  tenorem  carte  Lorriaci  in  Gastinesio  quitti 
sint  de  theloneo  in  pluribus  locis,  et  specialiter  apud  Putheolos.  Prior  ad 
hoc  respondebat  quod  ipse  habebat  hanc  villam  libère  cum  omnibus  juribus 
et  aliis  ad  regem  pertinentibus ,  et  cum  mercato  ex  dono  domini  Régis,  et 
per  cartam  regiam  quœ  prior  est  quam  carta  ipsorum  hominum,  utdicebat, 
et  per  aliam  cartam  régis  Philippi,  que  de  quibusdam  aliis  villis  reddebat 
eidem  priori  theloneum  :  visis  et  inspectis  diligenter  cartis  predictis  et  au- 
ditis  bine  inde  propositis ,  determinatum  fuit  quod  idem  Robinus  tenebatur 
solvere  ipsum  theloneum  »  (Beugnot,  Olim,  t.  I,  p.  552-553). 

(3)  Arrêt  du  Parlement  de  1291  :  Delisle ,  Restitut.  d'un  vol.  des  OUm, 
no  125t  ap.  Boutaric,  Actes  du  Parlement,  t.  I,  p.  325,  n°  778,  t.  I,  p.  437. 

(4)  Voyez  :  Le  Maire,  Hist.  d'Orléans,  en.  LXXXIX ,  p.  321,  327-328. 


ET  LEUR   PROPAGATION   AUX  XII"   ET   XIIIe   SIECLES.     179 

jours.  Elle  commençait  le  jour  de  la  fête  de  saint  Simon  et  de 
saint  Jude  (28  octobre)  et  se  terminait  le  jour  de  la  Toussaint. 
Elle  appartenait  aux  frères  de  Saint-Lazare-les-Orléans ,  d'où 
son  nom  :  foire  de  Saint- Ladre  (1).  La  foire  de  Pâques  était 
plus  importante.  On  rappelait  aussi  foire  de  Mars;  ainsi  est- 
elle  désignée  dans  une  charte  de  Louis  VII  donnée  à  Étampes 
en  1178  (2)  et  dans  l'article  20  de  notre  charte.  C'était  le 
rendez-vous  des  paysans  des  bords  de  la  Loire,  qui  y  ve- 
naient vendre  leurs  céréales.  En  effet,  dans  un  tarif  de  péages, 
cité  plus  haut ,  et  qui  date  de  la  fin  du  xuie  siècle ,  le  rédac- 
teur a  soin  d'établir  les  relations  entre  le  muid  de  blé  d'Or- 
léans et  les  muids  de  Saint-Pourçain ,  Nevers ,  La  Charité , 
Cosne,  Donzy,  Tours,  Beaugency,  Meung,  Amboise ,  Blois, 
Saumur  (3).  L'agriculteur  pouvait  tout  à  la  fois  y  écouler  ses 
récoltes  et  faire  provision  d'une  foule  de  choses  utiles  qu'il 
n'eût  pas  trouvées  dans  son  pays.  Les  marchands  du  nord  y 
apportaient  leurs  produits  et  probablement  des  draps.  Beau- 
vais ,  Douai ,  Arras  :  chacune  de  ces  villes  avait  une  halle  à 
Orléans  (4).  Des  droits  étaient  dûs  aux  différents  seigneurs 
d'Orléans  pour  les  marchandises  apportées  aux  foires.  Ils 
furent  réduits  par  le  roi  en  faveur  des  habitants  de  Lorris  : 
ce  privilège  est  spécifié  dans  les  articles  20  et  26  de  la  charte 
de  coutumes ,  dont  le  tarif  du  xnie  siècle  fournit  la  traduction 
et  le  commentaire  :  «  Lorris,  Boiscommun,  Soisi,  Chesay, 
Aubegny,  Cleri,  Cepai,  Le  Pont-aux-Moines.  Tuit  cil  de  celés 
viles  franches  devant  dites  quant  il  mènent  à  Orliens  leur 
marchandise  ne  doivent  que  I  soeul  denier  de  la  charrette  au 
roys ,  fors  es  faires  de  Mars ,  quant  il  i  vont  pour  reson  de 


(1)  «  La  foire  de  Saint-Ladre  est  le  jour  de  la  Saint  Symon  et  Jude  jusqu'à 
Toussains  et  i  prent  S.  Ladçe  VIII 1.  et  par  la  men  au  rentiers  le  roy.  »  Mém. 
de  la  Société  de  l'Orléanais,  t.  II,  p.  224.  —  Passage  extrait  d'un  Tarif  de 
péage*  intitulé  :  Ce  sunt  les  rentes  a" Orliens,  rédigé  peu  postérieurement  à 
1296,  d'après  l'éditeur,  M.  de  Vassal. 

(2)  «  Homines  forinseci  non  cogantur  Aureliaois  Martii  nundinas  custo- 
dire.  »  Le  Maire,  p.  320. 

(3)  «  Equacion  des  mesures .  Li  muis  de  blé  de  Saint-Porcen  fera  Orliens 
IIII  muis. ...  »  Tarif  de  péages,  Mém,,  t.  II,  p.  236. 

(4)  «  Quatre  viles  i  a  qui  ont  leur  establies  ou  leur  huiches  abonnées  einsi 
que  il  ont  huiches  chascuns  en  sa  hare  c'est  assavoir  :  Beauves,  Orliens, 
Doai  et  Arrat.  »  Mém.  de  la  Société  de  l'Orléanais,  t.  II ,  p.  243. 


180  LES   COUTUMES  DE   LORRIS 

faire.  En  la  faire  de  Pasques  il  doivent  II  d.  à  l'antrée  de  la 
cité  pour  la  charrete  et  à  l'issue  IIII  d.  (1).  »  L'article  26  est 
le  complément  de  celui-ci  :  «  Si  quelqu'un  de  Lorris  conduit 
son  sel  ou  son  vin  à  Orléans ,  il  ne  doit  par  charrette  qu'un 
denier.  »  Ainsi,  en  temps  ordinaire,  les  habitants  de  Lorris 
ne  doivent  qu'un  denier  par  charrette,  pour  les  marchandises, 
et  spécialement  le  vin  et  le  sel,  qu'ils  amènent  à  Orléans. 
Pendant  la  foire  de  Pâques,  chacune  de  leurs  charrettes  paie 
à  l'entrée  deux  deniers  et  à  la  sortie  quatre  deniers.  Est-ce  à 
dire,  que,  ces  redevances  une  fois  payées,  ils  fussent  quittes 
de  tout  autre  droit  d'entrée  et  de  sortie.  Il  n'en  était  rien.  En 
effet,  à  la  fin  du  xme  siècle,  tout  homme  non  exempt  qui  ap- 
portait du  vin  à  Orléans  par  voie  de  terre  payait  huit  deniers, 
sur  lesquels  le  roi  prenait  six  deniers  et  une  obole ,  l'évêque 
une  obole ,  et  la  dame  des  Barres  un  denier  (2).  Il  est  évident 
que  le  roi  pouvait  rabattre  quelque  chose  sur  les  six  deniers 
qui  lui  revenaient,  mais  il  n'avait  pas  qualité  pour  exempter 
ses  hommes  des  villes  franches  des  redevances  dues  à  d'au- 
tres seigneurs.  Le  Parlement  se  prononça  dans  ce  sens  en 
1279  (3).  Tel  est  aussi  l'avis  exprimé  par  le  rédacteur  du 
Tarif  des  péages  d'Orléans  :  «  Je  ne  tieng  pas  qu'ils  saient 

(1)  Méf*.  de  la  Société  de  l'Orléanais,  t.  II,  p.  254. 

(2)  «  Quant  l'an  enmaine  vin  hors  d'Orliens  en  charrete  doit  VIII  d.,  cet 
asavoir  an  roy  VI  d.  et  o.,  a  l'evesque  o.,  a  la  dame  des  Barras  I  d.,  se  ele 
n'i  enmenoit  que  I  tonneau  mes  que  il  teinst  1  mui  ;  se  il  i  a  mains  d'un  mai, 
noient  ;  et  se  il  avoit  II  tonneaux  on  III  en  une  charrete ,  si  ne  devrait-il 
que  les  VIII  d.  »  Mém.  de  la  Société  de  l'Orléanais,  t.  II ,  p.  145.  —  Le  droit 
de  la  dame  des  Barres  est  constaté  dans  un  autre  document  :  «  Haec  sunt 
consuetudines  que  debentur  domine  Helyos  de  Barris  pro  conductu  suo  quod 
habet  apud  Aurelianensem...  Ipsa  capit...  de  quadriga  que  ducit  vinum  quam- 
diu  undine  Martis  durant,  que  dorant  per  octo  dies,  de  quali  equo  unum 
denarium,  et  post  nundinas  de  quali  quadrigata,  unum  denarium.  »  Ibid., 
t.  II ,  p.  255-256.  —  Cette  dame  des  Barres  doit  ôtre  Alix  de  Saint- Verain , 
femme  de  Pierre  des  Barres;  elle  était  veuve  en  1283,  comme  en  témoigne 
une  charte  du  CartuL  de  la  Cour  Notre-Dame,  f°  33  v°,  Ârch.  de  l'Yonne. 

(3)  Le  Parlement  déclara  que  la  dame  des  Barres  avait  droit  d'imposer  le 
péage  aux  hommes  de  Lorris  venant  à  Orléans;  Delisle,  ResHtut.  d'un  vol. 
des  Olim,  n°  352.  —  Il  est  vrai  qu'en  1257  le  Parlement  avait  rendu  un  arrêt 
contraire  :  «  Inquesta  facta  super  pedagio  seu  conductu  qoem  petit  dominue 
Petrus  de  Barris  ab  hominibus  Lorriact  apud  Aurelianum ,  de  quo  dioebat  se 
usum  fuisse  :  nichil  probavit  idem  Petrus  nec  habebit  saisinam.  »  Beugnot , 
Olim,  t.  I,  p.  12. 


ET  LEUR   PROPAGATION   AUX   XIIe   ET   XIIIe   SIECLES.     18! 

francs  des  coustumes  Saint-Ladre  et  au  chapistre  ne  dou  con- 
duit qui  est  à  la  dame  des  Barres  ne  de  la  coustume  l'evesque 
fors  là  où  la  marcheandise  ne  doit  II  d.  ou  mains ,  quar  se  la 
chairete  ne  doit  que  I  d.  ou  II  d.  li  evesque  prent  moitié ,  si 
que  il  ne  doivent  plus  à  l'evesque  ne  au  roy  ;  mes  s'ele  doit 
plus  de  II  d.  porceque  li  evesques  a  moitié  es  toules  et  es  pe- 
tites coustumes  ge  ne  tieng  pas  que  il  soit  quite  dou  seurplus 
qui  affiert  a  partie  l'evesque  (1).  »  Qu'il  y  eût  des  opinions 
différentes  et  que  les  privilégiés ,  se  retranchant  derrière  le 
manque  de  précision  de  leur  charte ,  cherchassent  à  ne  payer 
que  le  chiffre  indiqué  par  leurs  coutumes ,  c'est  ce  que  prou- 
vent assez  les  mots  :  «  Je  ne  tieng  pas  que.,.  » 

Tels  étaient  les  privilèges  commerciaux  accordés  aux  hom- 
mes de  Lorris.  Nulle  mesure  n'était  plus  propre  à  développer 
le  commerce  du  Gâtinais  et  par  suite  à  accroître ,  en  même 
temps  que  le  bien-être  des  classes  agricoles ,  les  revenus  du 
trésor  royal. 

Justice  et  procédure.  —  Les  habitants  de  Lorris  n'étaient 
justiciables  que  du  prévôt  royal  (art.  27).  La  charte  ne  donne 
aucun  renseignement  sur  l'organisation  du  tribunal  de  cet  offi- 
cier. Était-il  assisté  par  les  pairs  de  l'accusé  :  nous  ne  saurions 
le  dire.  Les  prévôts  d'Étampes  et  de  Pithiviers,  ni  aucun  des 
autres  prévôts  du  Gâtinais ,  n'avaient  droit  à  lever  d'amende 
sur  les  hommes  de  Lorris  :  ce  qui  revient  à  dire  qu'ils  ne 
pouvaient  les  juger,  et  qu'au  cas  où  ils  les  auraient  pris  en 
flagrant  délit ,  ils  étaient  tenus  de  les  remettre  au  prévôt  de 
Lorris  pour  qu'il  en  fît  justice.  Les  plaideurs  étaient  ainsi  as- 
surés de  voir  leurs  coutumes  et  privilèges  respectés  ;  le  prévôt 
ayant  pris  à  son  entrée  en  charge  l'engagement  solennel  de 
conserver  les  coutumes  des  habitants.  En  outre,  nul  ne  pou- 
vait appeler  en  justice  les  hommes  de  Lorris  en  dehors  de 
leur  bourg,  pas  même  le  roi  (art.  8). 

L'abbaye  de  Saint-Benoît-sur-Loire  avait  à  Lorris  des  do- 
maines d'une  certaine  importance.  Les  individus  qui  possé- 
daient sur  la  terre  des  moines,  soit  une  maison,  soit  une 
vigne,  soit  un  pré  ou  bien  un  champ,  un  bâtiment,  qui,  en 

(1)  Met*,  de  la  Société  de  l'Orléanais,  t.  II,  p.  254. 


182  LES   COUTUMES   DE  LORRIS 

un  mot ,  se  trouvaient  à  la  fois  censitaires  du  roi  et  de  l'ab- 
baye, n'étaient  tenus  de  répondre  en  justice  à  l'abbé  de  Saint- 
Benoît  ou  à  son  sergent  qu'en  matière  de  censive  ou  de  dîme  ; 
et  encore  dans  ce  cas  ne  pouvait-on  les  attirer  hors  de  Lorris 
pour  juger  leurs  causes  (art.  31). 

Ce  double  engagement  pris  par  le  roi  envers  ses  hommes 
de  Lorris  de  ne  les  faire  juger  qu'à  Lorris  et  par  le  prévôt, 
les  mettait  à  l'abri  de  tout  excès  des  seigneurs  ou  des  officiers 
royaux  ;  en  même  temps  qu'il  prévenait  les  conflits  de  juri- 
diction qui  auraient  pu  s'élever  à  l'occasion  des  procès  où  ils 
étaient  impliqués ,  particulièrement  entre  le  roi  et  l'abbé  de 
Fleuri. 

L'article  19  porte  que  «  nul  ne  plaidera  avec  un  autre  si  ce 
n'est  pour  recevoir  droit  ou  faire  droit.  »  En  d'autres  termes, 
une  partie  ne  peut  en  appeler  une  autre  au  plait  du  prévôt 
que  pour  réclamer  d'elle  la  réparation  d'un  dommage  ;  et  réci- 
proquement une  partie  n'est  tenue  à  comparaître  que  pour 
répondre  à  une  accusation  portée  contre  elle.  Article  inséré , 
me  semble-t-il,  pour  prévenir  la  fréquence  des  procès;  et 
analogue  au  chapitre  XXIV  des  Assises  de  la  cour  des  bour- 
geois (1)  ;  «  Ici  orres  de  quel  chose  ne  deit  estre  plais  en  cort 
et  ne  deit  estre  oys.  »  Toutefois  la  charte  de  Lorris  ne  tombe 
pas  dans  la  puérilité  du  rédacteur  des  Assises  qui  rappelle 
qu'on  ne  devra  pas  ouïr  deux  hommes  disputant  «  de  fabrica 
mundi ,  ce  est  de  la  grandesse  dou  ciel ,  ne  de  magnitudine 
firmamenti ,  ce  est  la  puissance  del  monde ,  et  de  impetu  ma- 
ris et  cursu  fluminum ,  ni  des  tempestes  de  la  mer.  » 

Un  certain  nombre  d'articles  donnent  des  détails  sur  quel- 
ques points  de  la  procédure  à  suivre  devant  le  tribunal  du 
prévôt. 

Au  xiie  siècle ,  pour  qu'un  juge  prît  en  mains  une  cause,  il 
fallait  que  la  partie  lésée  eût  préalablement  déposé  sa  plainte  : 
une  clamor  était  nécessaire.  Toutefois ,  on  sent  déjà  une  ten- 
dance de  la  part  du  roi  à  agir  d'autorité  contre  certains  crimi- 
nels ,  à  se  saisir  de  la  connaissance  des  crimes  commis  contre 
la  société.  Ainsi,  à  Lorris,  avant  d'en  appeler  à  la  justice, 
les  particuliers  pouvaient  conclure  un  accord.  Exception  est 

(iï  Assises  de  Jérusalem,  éd.  Beagnot ,  t.  II  v  p.  33. 


ET  LEUR   PROPAGATION   AUX   XIIe   ET   XIIIe   SIECLES.     183 

faite  par  l'article  12  de  notre  charte  pour  les  cas  où  il  y  a  eu 
entreprise  contre  le  château  ou  le  bourg  (1),  c'est-à-dire  lors- 
que la  tranquillité  publique  a  été  troublée.  Alors ,  le  prévôt 
doit  nécessairement  instruire  l'affaire.  Autrement,  si  un  pro- 
cès s'élève  entre  deux  bourgeois ,  ils  peuvent  s'accorder  à  l'a- 
miable (art.  12)  sans  déférer  la  cause  à  la  justice  :  le  roi  ni  le 
prévôt  ne  lèvent  dans  ce  cas  aucune  amende. 

La  plainte  une  fois  déposée,  le  prévôt  pouvait,  s'il  le  jugeait 
convenable,  avant  de  laisser  entamer  le  plait,  exhorter  les 
parties  à  la  paix  (2).  Les  prévôts  n'avaient  pas  intérêt  à  ce 
qu'une  affaire  portée  devant  eux  se  terminât  par  un  accord  : 
plus  la  procédure  avait  été  poussée  loin,  plus  était  forte  l'in- 
demnité à  eux  due.  Aussi  le  roi  ne  laissa-t-il  pas  les  plaideurs 
à  la  discrétion  du  prévôt  ;  il  leur  était  loisible  de  s'accorder 
après  le  claim  ;  seulement  ils  devaient  payer  au  prévôt  le  dis- 
trictum.  Je  crois  qu'il  faut  assimiler  ce  détroit  au  claim  du 
prévôt,  clamor  praepositi,  fixé  par  l'article  7  à  quatre  deniers. 
En  effet,  la  charte  de  Chaumont  en  Bassigny  copiée  sur  celle 
de  Lorris,  plus  précise  en  ce  point,  indique  le  taux  du  détroit 
comme  étant  de  quatre  deniers  (3). 

Il  importe  de  ne  pas  confondre  la  clamor  prœpositi  avec  la 
falsus  clamor,  cette  dernière  amende  étant  perçue  dans  le  cas 
où  un  individu  s'était  plaint  à  tort  (4). 


(t)  Sur  le  sens  de  «  castelli  vel  burgi  infractura,  »  voyez  Du  Gange,  éd. 
Henschel,  v°  Burghbrech ,  t. 1,  p.  814.  —  Plus  tard,  Beaumanoir  dira  qu'en 
cas  de  mêlées,  les  parties  ne  peuvent  délaisser  la  cause  «  sans  le  volenté  du 
segseur.  »  Ëd.  Beugnot,  en.  II,  §  23,  t.  I,  p.  55. 

(2)  «  Mais  aioçois  que  il  face  son  jugement,  s'il  li  plaist  et  il  voie  que  bien 
soit  et  loiautez,  il  doit  dire  as  parties  qu'il  facent  pais  et  doit  faire  son  loial 
pooir  de  la  pais.  »  Établ.  de  S.  Louis,  1.  II,  en.  xvi ,  éd.  Viollet,  t.  II ,  p.  377. 

(3)  «  Ex  quo  districtum ,  scilicet  quatuor  denarios  persolverit.  »  La  Thaum., 
Coût,  toc,  p.  428.  —  Dans  l'article  4  de  la  charte  de  Seaus  en  Gatinais,  qui 
correspond  à  l'article  7  de  Lorris ,  les  mots  clamor  prxpositi  sont  remplacés 
par  districta  :  «  et  districta  perdonabuntur  pro  quatuor  denariis.  »  Ord.,  t. 
XI,  p.  199. 

(4)  «  Se  aucuns  jeuee  au  dez  ou  au  tables  et  il  se  plaint  dou  jeu,  il  doit  XX 
d.  de  clameur,  car  il  s'est  plaint  de  chose  dont  l'en  ne  li  doit  pas  droit  fere, 
que  li  rois  défiant  que  l'en  ne  geuee  au  des.  »  Peines  de  la  duchée  d'Orléans, 
B.  Nat.,  ms.  lat.  14580,  f°  28  r°.  —  La  distinction  entre  le  claim  et  le  faux 
claim  est  parfaitement  établie  par  un  texte  des  coutumes  de  Saint-Julien  du 
Sault  au  diocèse  de  Langres ,  cité  par  Du  Congé ,  éd.  Henschel ,  v°  Clamor 


184  LES   COUTUMES  DE   LORRIS 

En  Berry,  on  distinguait  le  claim  du  prévôt  et  le  ni  atteint. 
Le  claim  était  dû  lorsqu'un  des  plaideurs,  avant  que  «  les 
parties  aient  juré  en  cause,  »  reconnaissait  son  tort  (1);  et 
aussi ,  lorsque  le  demandeur  (c'est  le  cas  prévu  par  l'article 
12  de  la  charte  de  Lorris)  s'accorde  avec  le  défendeur  ajourné 
devant  le  prévôt  (2).  Le  ni  atteint,  amende  plus  élevée,  était 
exigé  par  le  prévôt  au  cas  où  le  coupable  n'avouait  sa  faute 
qu'après  le  serment  prêté  (3). 

En  Orléanais  comme  en  Berry,  le  prononcé  d'une  amende 
enlevait  au  prévôt  le  droit  de  prendre  un  claim.  11  devait  en 
être  de  même  à  Lorris  (4). 

Enfin,  en  vertu  de  l'article  12,  le  roi,  ou  son  prévôt,  ne  pré- 
levait une  amende  que  si  le  coupable  réparait  le  préjudice  fait 
au  plaignant.  En  d'autres  termes,  l'amende  royale  était  tou- 
jours accompagnée  de  dommages-intérêts  au  profit  de  la  partie 
lésée. 

L'emprisonnement  préventif  est  supprimé  par  l'article  16  : 
«  Que  nul  ne  soit  retenu  prisonnier  s'il  peut  s'engager  par 
plége  à  se  présenter  devant  le  juge.  »  Déjà,  à  l'époque  méro- 
vingienne ,  on  laissait  en  liberté  l'accusé  qui  promettait  en 
donnant  des  cautions  de  comparaître  devant  le  tribunal  du 
roi  (5).  C'est  ce  dont  témoignent  Grégoire  de  Tours  et  plusieurs 


falsus,  t.  II,  p.  374  :  «  Et  la  clamors  au  Prévost  vaura  a  4  deniers  de  tour- 
nois et  ne  paiera  l'en  riens  de  fause  clamor.  » 

(t)  Les  coutumes  de  la  ville  et  septaine  de  Bourges,  art.  XXL  La  Thaum., 
Coût,  loc.,  p.  318. 

(2)  Les  coutumes  des  amendes  que  le  prévost  de  Bourges  a  accoustumé  à 
prendre.  La  Th.,  Coût,  loc,  en.  V,  p.  336  :  «  Item  se  aucun  faîsoit  adjourner 
ung  autre  a  lui  respondre  devant  le  juge,  et  cellui  qui  a  adjourné  soit  venist 
à  chevir  à  sa  partie  le  prévost  y  auroit  un  claim  qui  vault  six  blans.  »  *— 
Sur  le  sens  de  chevir,  voir  :  Laurière,  Gloss.,  p.  251  ;  Du  Cange,  éd.  Hene- 
chel,  v°  Cheviare,  t.  II,  p.  327. 

(3)  Coutumes  de  la  ville  et  septaine  de  Bourges ,  art.  XXII,  XXIII,  La 
Th.,  Coût,  loc.,  p.  318.  —  Les  coutumes  des  amendes,  c.  iv,  ibii.,  p.  336. 

(4)  «  La  ou  il  a  amande  juigée  n'a  point  de  clameur,  »  B.  Nat.,  ms.  lat. 
14580,  f<>  28  vo;  La  Th.,  Coût,  de  BeauvaUit,  p.  467;  Jostice  et  Plet,  1.  XVIII, 
c.  xziv,  §  15,  p.  279.  —  Pour  le  Berry  :  Coutumes  de  la  ville,  c.  ixiv.  La 
Th.,  Coût,  loc,  p.  318. 

(5)  Childebert,  ayant  ordonné  au  comte  de  Tours  de  saisir  le  viguier  Ani- 
modus  et  de  l'envoyer  lié  en  sa  présence ,  le  viguier  prit  l'engagement  de  se 
rendre  lui-môme  au  tribunal  du  roi  :  «  Sed  ille  non  résistons,  datis  fidejus- 


ET  LEUR   PROPAGATION   AUX    XIIe   ET   XIIIe   SIECLES.     185 

ormules  de  Marculfe  (1).  La  mise  en  liberté  provisoire  sous 
cautions,  nommée  dans  les  Coutumiers  récréance,  est  spécifiée 
dans  la  plupart  des  chartes  de  coutumes  et  de  franchises  de 
la  fin  du  xne  siècle  et  du  xine  siècle  (2).  Généralement  le  sei- 
gneur y  apportait  des  restrictions  en  ce  qui  touchait  les  crimes 
de  haute  justice  (3).  La  coutume  d'Orléanais  au  xine  siècle 
prévoit,  elle  aussi,  les  cas  où  la  récréance  ne  peut  avoir 
lieu  (4).  Mais  à  Lorris,  à  s'en  tenir  aux  termes  de  la  charte, 
tout  prévenu,  qui  peut  fournir  caution  suffisante,  est  tempo- 
rairement laissé  en  liberté. 

Nous  connaissons  trois  des  moyens  de  preuve  employés 
au  tribunal  du  prévôt  de  Lorris  :  les  témoins,  le  serment,  le 
duel. 

Les  témoins  sont  simplement  mentionnés  par  l'article  32. 

Le  même  article  porte  que,  «  si  quelqu'un  des  hommes  de 
Lorris  a  été  accusé  de  quelque  chose  et  que  l'accusation  ne 
puisse  être  prouvée  par  témoin,  l'accusé  se  disculpera  par 
son  seul  serment  contre  l'assertion  du  demandeur.  »  Par  pro- 
batio  du  demandeur  il  faut  entendre  son  affirmation.  Cet  ar- 
ticle n'implique  pas,  comme  le  pense  M.  Viollet  (5),  la  sup- 
pression des  cojurateurs.  Au  contraire,  on  peut  en  conclure 

soribus,  quo  jussus  est  abiit.  »  Greg.  Turon.,  éd.  Soc.  de  l'Hist.  de  Fr.,  1.  X, 
c.  y,  t.  II,  p.  219. 

(1)  Marcul/i  formula,  1. 1,  c.  xvu;  de  Rozière,  Rec.  de  formules,  n*  434,  t.  II, 
p.  527.  —  Marcul/i  form.,  1.  1,  c.  xxvm;  De  Rot.,  n°  435,  t.  II,  p.  527.  — 
De  Roz.,  n»  436,  t.  II,  p.  528. 

(2)  Charte  de  Louis  VII  pour  Dun-le-Roi,  1175  :  «  Nullus  eorum  vel  res 
su»  capientur,  quandiu  salvum  plegium  et  bonam  secoritatem  prœstare  po- 
terrt  et  voluerit  quod  justitiœ  stabit.  »  La  Th.,  Coût,  loc,  p.  68. 

(3)  Voyez  :  juin  1224,  Charte  de  Mathilde  de  Nevers  pour  les  habitants 
de  Tonnerre,  Quantin ,  Rec.  de  pièces  du  xm»  siècle,  p.  137.  —  Avril  1233, 
Franchises  de  la  Roche-Pot,  art.  I.  Canat,  Documents  inédits,  p.  17.  —  1241, 
Franchises  de  Montaigu,  art.  I,  ibid.,  p.  45.  — 1269,  Privilèges  de  Menestou- 
sur-Cher,  La  Th.,  Coût,  loc,  p.  95.  —  Chartes  de  Franche-Comté;  voyez  : 
Tuetey,  Étude  sur  le  droit  municipal  en  Franche-Comté,  p.  87. 

(4)  er  Recréance  ne  siet  mie  en  chose  jugiée ,  ne  en  murtre ,  ne  en  traïson, 
ne  en  rat,  ne  en  encis,  ne  en  agait  de  chemin,  ne  en  roberie,  ne  en  larrecin, 
ne  en  omicide ,  ne  en  trêve  enfrainte ,  ne  en  arson ,  selonc  l'usage  de  la  cort 
laie;  car  li  plege  si  n'an  porroient  perdre  ne  vie  ne  mambre...  mais  il  seraient 
en  la  volenté  au  seignor  des  héritages  et  des  muebles.  »  Et.  de  saint  Louis, 
1.  II,  c.  vin,  éd.  Viollet,  t.  II,  p.  343-344. 

(5)  Et.  de  saint  Louis,  éd.  Viollet,  t.  I,  p.  202. 


186  LES   COUTUMES   DE   LORRIS 

que  ce  mode  de  preuve  était  encore  eu  usage  à  Lorris  au  xnc 
siècle.  Seulement,  la  charte  prévoit  le  cas  où  le  défendeur 
sera  dispensé  d'y  avoir  recours  :  à  savoir  quand  le  demandeur 
ne  pourra  amener  des  témoins  pour  soutenir  son  accusation. 
D'ailleurs ,  à  l'époque  carolingienne ,  parallèlement  à  la  conju- 
ration, beaucoup  plus  fréquemment  employée,  on  rencontre 
déjà  le  serment  purgatoire  per  solam  manum,  ou  propria 
manu  (1). 

On  pouvait  dans  certains  cas,  non  indiqués,  dispenser  une 
partie  de  prêter  le  serment  qu'elle  devait  à  une  autre  ;  l'article 
13  n'indique  pas  clairement  si  cette  remise  était  faite  par  la 
partie  ou  par  le  juge  (2). 

Le  duel  judiciaire  était  un  des  modes  de  preuve  les  plus  em- 
ployés aux  xie  et  xii°  siècles.  Il  semble  qu'à  partir  de  la  fin  du 
ixe  siècle  il  ait  été  particulièrement  en  faveur.  Un  des  auteurs 
des  Miracles  de  saint  Benoît  rapporte  un  fait  curieux  (3)  qui  se 
passa  au  temps  de  l'abbé  Boson  (833-840)  (4).  Un  procès  s'é- 
tant  élevé  entre  l'avoué  de  Saint-Benoît-sur-Loire  et  celui  de 
Saint-Denis,  les  parties  s'en  remirent  à  la  décision  de  maîtres 
es  lois  et  de  missi  royaux.  Un  premier  plait  n'eut  pas  de  ré- 
sultat :  de  tous  les  personnages  présents  (Jonas,  évêque  d'Or- 
léans, y  était),  pas  un  ne  connaissait  suffisamment  la  loi 
romaine  qui  régissait  les  biens  d'église.  On  se  transporta  à 
Orléans  dans  l'espérance  d'y  rencontrer  des  juges  plus  ins- 
truits :  il  n'en  fut  rien.  Un  duel  judiciaire  :  voilà  le  seul 
moyen  que  les  docteurs  de  l'Orléanais  et  du  G&tinais  trou- 

(1)  Voyez  :  Pardessus,  Lot  Salique,  Dissertation  X!,  p.  631  ;  Du  Cange,  éd. 
Heoschel,  v°  Jurare,  t.  III,  p.  929,  col.  2.  —  Capital.  3  de  l'an  806,  c.  2  : 
Un  individu  est  accusé  d'avoir  donné  asile  à  un  voleur....  «  Si  autem  au- 
divit  quod  latro  fuisset ,  et  tamen  non  seit  pro  ftnniter,  aut  juret  solus  quod 
nunquam  audisset,  nec  per  veritatem,  nec  per  mandacium  eum  latronem  esse; 
aut  sit  paratus ,  si  ille  de  latrocinio  postea  convictus  fuerit ,  ut  similiter  dam- 
netur.  »  Baluze,  1.  III,  §  xxiii,  1. 1,  col.  758;  Pertz,  Leges,  t.  I,  p.  146. 

(2)  Je  ne  crois  pas  la  traduction ,  que  Laferrière  a  donnée  de  l'article  13, 
suffisamment  justifiée  :  «  Si  une  partie  a  déféré  en  justice  le  serment  à 
l'autre,  il  sera  permis  à  celle-ci  de  la  référer  au  demandeur.  »  Hist.  du  droit 
français,  t.  IV,  p.  158. 

(3)  Miracula  Sancti  Benedicti,  1.  I,  c.  25,  éd.  Soc.  de  l'Hist.  de  France, 
p.  56-57. 

(4)  Voyez  Gall.  Christ.,  t.  VIII,  col.  1543. 


ET   LEUR   PROPAGATION   AUX    XIIe   ET  XIII*   SIECLES.    187 

vèrent  pour  mettre  fia  au  différend.  Et  cela,  dit  le  chroni- 
queur, parut  juste  à  tous.  Les  écus  et  les  bâtons  étaient  prêts, 
quand  un  légiste  du  Gàtinais  proposa  de  partager  les  biens 
en  litige  entre  les  deux  avoués.  L'assemblée  se  rallia  à  cette 
opinion. 

Si,  au  ixe  siècle,  on  avait  aussi  facilement  recours  au  duel, 
ce  fut  bien  autre  chose  au  xi*  siècle.  Les  églises ,  à  cette 
époque ,  n'hésitaient  plus  à  trancher  leurs  débats  par  un  com- 
bat singulier  (1),  en  dépit  des  défenses,  d'ailleurs  timides  et 
rares ,  des  conciles  et  des  papes  (2).  Au  xiie  siècle  seulement, 
la  papauté  se  prononça  formellement  contre  l'emploi  du  duel 
dans  les  affaires  où  les  intérêts  d'une  église  étaient  engagés  (3). 
On  regardait  comme  privilégiés  ceux  des  seigneurs  qui  avaient 
droit  de  recevoir  les  gages  de  bataille  :  c'était  là,  en  effet, 
une  source  de  revenus.  Ainsi,  dans  une  donation  de  village 
faite,  en  1073,  par  Evrard,  vicomte  de  Chartres,  on  lit  :  «  11 
est  convenable  de  noter  que  le  dit  village  non  seulement  a  été 
jusqu'ici  entièrement  libre  de  toute  exaction,  mais  même  qu'il 
a  sur  les  autres  cet  avantage  singulier  que  de  long  temps 

(1)  En  1064,  charte  relatant  une  contestation  entre  les  moines  de  Saint- 
Serge  d'Angers  et  ceux  de  Saint-Aubin  d'Angers,  cit.  par  Marchegay,  Bibl. 
de  VEc.  des  Ch.,  t.  I,  p.  552,  n.  3.  —  Vers  1070,  duel  judiciaire  ordonné 
pour  terminer  un  procès  entre  l'abbaye  de  S.-Père  et  les  héritiers  d'un  cer- 
tain Robert  qui  avait  reçu  des  moines  l'usufruit  d'une  terre,  Cartul.  de  S.- 
Père  de  Chartres,  t.  I,  p.  160,  n©  33.  —  En  1098,  Guillaume  d'Aquitaine 
ordonne  un  duel  entre  l'abbaye  de  Marmoutiers,  d'une  part,  et  celles  de 
Sainte-Croix  de  Talmont  et  de  Sainte-Marie  d'Angles ,  d'autre  part.  Charte 
publ.  par  Marchegay,  Bibl.  de  l'Ec.  des  Ch.,  1. 1,  p.  561-564. 

(2)  Concile  de  Valence  (855),  can.  XII,  ap.  Labbe,  t.  VIII,  col.  140-141.  — 
Nicolas  Ier  n'approuvait  pas  le  combat  singulier,  comme  on  le  voit  dans  une 
lettre  à  Charles  le  Chauve,  ep.  148,  éd.  Migne,  col.  1144  D. 

(3)  1140,  Bulle  d'Innocent  II,  cit.  par  Du  Cange,  éd.  Henschel,  t.  II, 
p.  952,  col.  3.  —  1156,  Bulle  d'Adrien  IV,  adressée  à  Ardouin,  abbé  de 
Saint-Germain  d'Auxerre ,  lui  interdisant  d'avoir  recours  au  duel  pour  vider 
les  procès  relatifs  aux  biens  de  son  abbaye,  et  déclarant  nulles  les  préten- 
tions de  ceux  qui  ne  pourraient  prouver  leur  droit  contre  le  monastère  au- 
trement que  par  le  duel.  Publ.  par  Quantin,  Cartul.,  t.  I,  p.  544-545.  — 
En  1195,  Célestin  III  défend  l'emploi  du  duel  dans  les  affaires  concernant  les 
biens  des  églises,  Corp.  J.  C,  c.  1,  Xa,  V,  xxxv.  —  Ives  de  Chartres, 
dans  une  de  ses  lettres ,  désapprouve  l'évéque  d'Orléans  d'avoir  autorisé  un 
duel  dans  son  tribunal,  et  lui  rappelle  que  l'Eglise  romaine  n'admet  pas  ce 
mode  de  preuve.  Ep.  n°  247,  éd.  Migne,  t.  II,  col.  254. 


188  LES  COUTUMES  DE  LORRIS 

demandeurs  et  défendeurs  s'y  rendent  des  villages  d'alentour 
pour  le  jugement  du  fer  chaud  et  le  combat  avec  bouclier  et 
bâton,  et  que  toute  cause  est  déférée  au  tribunal  du  seigneur 
du  dit  village  (1).  » 

Un  des  articles  (art.  14)  des  Coutumes  de  Lorris  concerne 
les  amendes  à  percevoir  sur  les  plaideurs  qui  ont  recours  au 
duel  :  on  y  a  vu  un  effort  de  la  royauté  pour  diminuer  le 
nombre  des  duels.  Les  remarques  qui  précèdent  étaient  né- 
cessaires pour  montrer  jusqu'à  quel  point  le  combat  singulier 
était  passé  dans  les  mœurs  judiciaires.  C'est  à  peine  si,  au 
xn*  siècle,  la  voix  de  la  papauté  était  écoutée  par  les  clercs  (2). 
Louis  VI  ne  pouvait  songer  à  abolir  le  duel  judiciaire.  Lui- 
même  n'hésita  pas  à  y  recourir.  Ainsi  le  comte  de  Blois  ayant 
voulu  élever,  après  1111  (3),  un  château  dans  le  fief  du  Pui- 
set ,  le  roi  s'y  opposa  et  s'engagea  à  prouver  son  droit  par  un 
combat  :  son  sénéchal  devait  le  représenter  (4).  N'est-ce  pas 
le  même  roi  qui  augmenta  le  nombre  des  personnes  pouvant 
user  du  combat  singulier?  Il  accorda  aux  serfs  des  églises  de 
Notre-Dame  de  Paris  (5),  de  Sainte-Geneviève  (6),  de  Saint- 
Martin-des-Champs  (7),  de  Saint-Maur  (8),  et  de  Notre-Dame 
de  Chartres  (9)  le  privilège  de  se  battre  contre  les  hommes 
libres  en  même  temps  que  le  droit  de  témoigner  contre  eux 
en  justice.  Il  semble  toutefois  que  Louis  VI  et  Louis  VII  aient 


(1)  «  Non  absurde  aulem  videtur  hic  inserere  quod  prœdicta  villa  non  so~ 
lum  ipsa  ab  omni  prorsus  exactione  liberrima  hucasque  perseveraverit,  verum 
etiam  in  tantum  hujusmodi  privilegio  omnes  esteras  antecellit ,  ut  de  proaû- 
inis  circumquaque  villis  ad  judicium  calidi  ferri  portandum  et  ad  bellum  cam- 
pionum  clipeo  et  baeulo  faciendum,  ez  antiquitate  semper  illic  accusatorts  et 
aoouaati  conveniant,  totaque  causa  ad  ipsius  villas  domini  deferatur  audien- 
tiam.  »  Mabille,  Cariulaire  dunois,  n°  XLI,  p.  38-39. 

(S)  Nous  voyons  que  le  duel  judiciaire  était  encore  usité,  en  1176,  à  la  cour 
de  l'archevêque  de  Sens.  Eudes,  archevêque,  règle  les  droits  des  marguil- 
Uers  ;  «  Et  nullus  prêter  eos  possit  locare  scuta  ad  facienda  duella  in  caria 
arohiepisoopi.  »  Cartul.  de  V Yonne,  t.  II,  p.  285. 

^3)  Date  de  l'annexion  du  fief  du  Puiset  à  la  couronne. 

(4)  Suger,  Vita  Ludovici,  c.  XVIII,  éd.  Lecoy,  p.  76. 

(5)  1108.  Charte  publ.  par  Guérard,  Cartul.  de  Noire-Dame,  t.  I,  p.  246. 

(6)  1109.  Tardif,  Cartons  des  rois,  n»  344. 

(7)  HU.  Tardif,  lbid.,  no  346. 

l&)  Ut*.  /Md„  n»  371.  —  0rd.f  t.  I,  p.  3-4. 
v9)  Hâ8,  Ord.,t.  I,  p.  5. 


BT  LEUR  PROPAGATION   AUX   XIIe   ET   XIIIe   SIECLES.     189 

tenté  quelques  efforts  pour  restreindre  l'emploi  du  duel  judi- 
ciaire :  nous  allons  voir  dans  quels  cas  (1). 

Lorsqu'un  homme  de  Bourges  avait  négligé  de  se  rendre  à 
la  semonce  du  prévôt  ou  à  celle  du  voyer,  il  lui  fallait  prouver 
par  le  duel  qu'il  n'avait  pas  eu  connaissance  de  la  citation.  En 
1145,  Louis  VU,  renouvelant  une  disposition  déjà  prise  par 
son  père ,  déclare  que  le  prévenu  se  libérera  par  un  simple 
serment  de  l'accusation  portée  contre  lui  par  le  prévôt  ou  le 
voyer  (2). 

En  1174,  le  même  roi,  après  avoir  aboli  de  mauvaises  cou- 
tumes en  usage  à  Jusiers ,  près  Meulant ,  décide  qu'au  cas  où 
quelqu'un  voudrait  inquiéter  à  ce  sujet  l'église  ou  les  hommes 
de  l'église,  ceux-ci  pourront  se  défendre  contre  toute  vexa- 
tion et  garantir  la  liberté  de  leurs  coutumes,  s'en  assurer  la 
paisible  jouissance  par  le  simple  serment  de  vingt  d'entre 
eux,  sans  qu'on  puisse  les  forcer  à  prouver  leur  droit  par  le 
duel  (3). 

Enfin,  en  vertu  d'une  charte  de  1178,  le  combat  judiciaire 
ne  devait  plus  être  usité  à  Orléans  pour  une  contestation  au 
sujet  d'une  dette  inférieure  à  cinq  sous  (4). 

En  prenant  ces  dispositions ,  Louis  VI  et  son  fils  ne  cher- 
chaient pas  tant  à  substituer  au  duel  un  moyen  de  preuve 
plus  juridique  qu'à  améliorer  la  condition  des  non  nobles  de- 
vant les  tribunaux.  Seulement,  sans  l'avoir  voulu  et  indirec- 

(1)  Dès  1120,  à  Fribourg  en  Brisgau,  l'emploi  du  duel  était  restreint  à 
3  cas  :  «  Duellum  autem  non  débet  fleri  nisi  pro  sanguinis  effusione  vel  pro 
preda  vel  pro  morte.  »  Giraud,  Hisi.  du  droit  français,  t.  I,  Pièces  justif., 
p.  428. 

(2)  «  Prepositus  nrbis  prescript®  sive  vigerius  aliquem  hominem  ad  se 
mandabat  et  dicebat  :  mandavi  te  ad  me  et  contempsisti  venire;  fac  mini  rec- 
tum de  despectu.  Hanc  autem  consuetudinem  sic  pater  noster  emendavit, 
pnecipiens  at  si  ille  negare  potuerit  per  unum  planum  sacramentam  transeat, 
et  pro  despectu  aliquo  nullum  duellum  faciat  sicut  antea  esse  solebat.  »  La 
Thaum.,  Coût,  toc,  p.  62. 

(3)  «  Si  quis  igitur  predictas  consuetudines  pervertendo  ecclesiam  vel  ho- 
mines  injuste  veiare  presumpserit  statuimus  quod  tam  ecclesia  quam  eccle- 
siœ  Domines  vicesima  manu  poterunt,  sine  contradictione  et  sine  duello,  sua- 
rom  consuetudinum  probare  libertatem  et  probatam  sibi  illesam  retinebunt.  » 
CarUd.  de  S.-Père  de  Chartres,  n°  XLIII,  t.  II,  p.  651. 

(4)  «  Pro  debiti  citra  quinque  solidos  negatione  inter  aliquos  non  judicetur 
duellum.  »  Ord.,  1. 1,  p.  16. 

Rivuk  HiST.  —  Tome  VIII.  13 


t 


190  LES  COUTUMES  DE  LORRIS 

tement,  Louis  VI  et  Louis  VII,  par  le  fait  même  qu'ils  inter- 
disaient le  combat  judiciaire  dans  les  circonstances  où  son 
usage  pouvait  être  préjudiciable  à  une  certaine  classe  de  per- 
sonnes ,  en  ont  restreint  l'emploi.  H  est  évident  que  le  prévôt 
ou  le  vôyer  de  Bourges  avaient  à  leur  disposition  de  meilleurs 
champions  que  ne  pouvait  s'en  procurer  un  particulier  :  toutes 
les  chances  de  victoire  étaient  de  leur  côté;  de  là,  pour  eux, 
l'occasion  de  percevoir  une  amende  sur  le  vaincu. 

Venons  maintenant  à  l'examen  de  l'article  14  de  la  charte 
de  Lorris.  Dans  le  droit  féodal  primitif,  refuser  le  combat, 
c'était  s'avouer  coupable.  Il  était  cependant  barbare  de  con- 
traindre un  accusé  à  courir  les  chances  d'un  combat  sihgulier. 
La  royauté  chercha  à  apporter  un  tempérament  à  la  rigueur 
de  cette  procédure.  L'article  14  de  notre  charte  porte  :  «  Si 
les  hommes  de  Lorris  ont  donné  follement  des  gages  de  duel, 
et  qu'avec  l'assentiment  du  prévôt  ils  se  soient  accordés  avant 
de  donner  des  cautions,  chaque  partie  paiera  deux  sous  et  six 
deniers;  et,  si  les  cautions  ont  été  constituées,  chacun  paiera 
sept  sous  et  six  deniers.  »  Ainsi ,  les  hommes  de  Lorris  qui 
ont  remis  au  prévôt  leurs  gages  de  bataille,  ou  même  qui  ont 
établi  des  cautions ,  peuvent  en  venir  à  une  conciliation  en 
payant  au  prévôt  une  indemnité ,  bien  justifiée  d'ailleurs  par 
le  dérangement  qu'avait  occasionné  aux  officiers  royaux  ce 
commencement  inutile  de  procédure. 

L'imposition  de  ces  amendes  ne  nous  semble  pas  avoir  été 
en  elle-même  de  nature  à  diminuer  le  nombre  des  provoca- 
tions :  les  parties  hésitaient  moins  à  s'engager  dans  la  procé- 
dure du  duel  du  moment  qu'elles  savaient  n'être  pas  forcées 
de  la  suivre  jusqu'au  bout,  jusqu'au  champ  clos.  Mais,  comme 
à  deux  moments  différents  de  la  procédure  on  pouvait  l'inter- 
rompre et  conclure  un  accord,  il  est  certain  que  les  duels 
livrés  ont  dû  devenir  de  plus  en  plus  rares. 

J'ai  laissé  de  côté  la  dernière  partie  de  l'article  :  «  Et  si  le 
duel  a  eu  lieu  entre  hommes  légitimes  (1),  les  cautions  du 


(1)  Hominet  legitimi.  Cette  expression  désigne  quelquefois  les  hommes 
libres  par  opposition  aux  serfs.  Mais  comme  les  hommes  de  Lorris,  à  qui 
s'adressent  les  Coutumes,  sont  libres,  il  faut  sans  doute  entendre  iei  par 
cette  expression  «  les  hommes  ayant  le  droit  de  se  battre  en  duel ,  »  ou  en- 
core «  les  champions  légalement  constitués.  » 


ET  LEUR  PROPAGATION  AUX  XIIe  ET  XIIIe   SIECLES.     191 

vaincu  paieront  112  sous.  »  Deux  interprétations  se  présentent. 
Ou  bien  on  pent  entendre  que  ces  US  sous  sont  le  taux  de 
l'amende  à  payer  par  les  otages  dans  le  cas  où  l'accord  a  eu 
lieu  seulement  après  le  duel  ;  ou  bien ,  que  cette  amende  est 
payée  par  les  cautions  du  vaincu ,  dans  tous  les  cas  où  le 
duel  a  été  livré. 

n  semble  en  effet  que,  d'après  certaines  Coutumes,  l'accord 
pomvait  être  conclu  même  après  le  duel  terminé.  Sans  doute 
un  pareil  usage  ne  laisse  pas  que  d'être  fort  étonnant.  Com- 
ment les  plaideurs  peuvent-ils  transiger  sans  reconnaître  im- 
plicitement que  ni  l'un  ni  l'autre  n'ont  complètement  tort. 
Cependant  la  Coutume  d'Anjou  mentionne  la  paix  de  chose 
jugée  (1);  le  jugement  rendu  servait  de  base  à  la  transac- 
tion (2).  Beaumanoir  prévoit  le  cas  où  la  paix  est  conclue 
après  la  défaite  de  l'une  des  parties.  En  Beauvaisis ,  le  con- 
sentement du  seigneur  direct  ne  suffisait  plus  pour  la  conclu- 
sion de  cet  accord  ;  celui  du  comte  de  Clermont,  seigneur  haut 
justicier,  devenait  nécessaire  (3). 

La  conjonction  et  placée  en  tête  de  la  proposition  que  je 
cherche  à  interpréter  nous  oblige-t-elle  à  la  relier  au  reste  de 
l'article  et  à  traduire  :  «  Et  si  l'accord  a  eu  lieu  après  que  le 
duel  a  été  livré,  les  otages  du  vaincu  paieront  112  sous.  »  Je 
ne  le  crois  pas.  En  effet,  l'article  12,  nettement  séparé  dans 
le  registre  C  de  Philippe-Auguste  de  l'article  11  par  un  trait 
i  l'encre  rouge,  débute  par  la  conjonction  et;  cependant,  ces 
deux  articles  n'ont  aucun  rapport  entre  eux  ;  il  en  est  de  même 
de  plusieurs  autres. 

Ce  qui  est ,  selon  moi ,  décisif  et  doit  faire  abandonner  la 
première  explication  de  la  fin  de  l'article  14,  c'est  que  dans 
une  charte  accordée  par  Héloïse  de  Chaumont  à  ses  hommes 
de  Villemanoche  en  1248  (4),  et  où  je  signalerai  plus  loin  de 
notables  emprunts  aux  Coutumes  de  Lorris ,  le  rédacteur  a 

(1)  Et.  de  taxai  Louis,  1.  I,  c.  96,  éd.  Viollet. 

(2)  Viollet,  EL  de  tout  louit,  Introduction,  t.  I,  p.  209-210. 

(3)  «  n  loist  à  cascun  segneur  qui  a  gages  en  se  cort  de  soufrir  que  pes 
soit  fête  des  gages,  s'il  li  plest,  mais  que  ce  soit  avant  que  l'une  des  parties 
toit  tamcue,  car  **©»  atendoit  tant,  le  pet  ne  te  porroit  fere  tant  l'acort  du 
eonU.  »  Beaumanoir,  éd.  Beognot,  ch.  LX1V,  §  14,  t.  II,  p.  439-440. 

(4)  Pièces  justificatives ,  n°  XX,  art.  7. 


192  LES  COUTUMES  DE   LORRIS 

négligé  la  première  partie  de  l'article  14  et  n'en  a  transcrit 
que  la  dernière ,  à  la  suite  d'une  clause  portant  réduction  des 
amendes  :  «  Si  vero  de  legitimis  hominibus  duellum  factum 
fuerit ,  obsides  devicti  centum  et  duodecim  solidos  turonen- 
sium  persolvent.  » 

Ainsi,  dans  tous  les  cas  où  un  duel  avait  eu  lieu,  les  cau- 
tions du  vaincu  devaient  une  amende  à  la  justice.  Une  telle 
disposition  a-t-elle  été  prise  pour  effrayer  les  personnes  prêtes 
à  se  porter  cautions  et  diminuer  le  nombre  des  duels?  Ou 
bien  est-ce  là  un  privilège? 

Une  étroite  solidarité  unissait  les  pièges  à  celui  pour  qui 
ils  se  portaient  garants.  Dans  la  chanson  de  Roland ,  (et  il 
nous  est  bien  permis  d'invoquer  ce  poëme  qui  retrace  les 
mœurs  de  la  fin  du  xi°  siècle),  les  otages  de  Pinabel,  vaincu 
par  Thierry,  subissent  la  même  peine  que  lui  (1).  De  même 
dans  Huon  de  Bordeaux,  l'abbé  de  Cluny  n'hésite  pas  à  se 
porter  caution  pour  Huon ,  bien  qu'il  sache  le  sort  qui  l'at- 
tend si  Huon  est  vaincu  : 

«  Et  se  tu  es  ne  vencus  ne  maumis  » 

dit-il  à  Huon , 

«  Honnis  soit  Karles ,  li  rois  de  Saint  Denis , 
»  S'il  ne  me  pent,  ains  qu'il  soit  avespri, 
»  En  ma  compaigne  de  moines  IIII"  X  (2).  » 

Mais,  comme  l'a  fait  remarquer  M.  L.  Gautier,  les  mœurs 
sont  devenues  plus  douces ,  et  à  la  prière  de  Rainfrois ,  Char- 
les s'engage  à  ne  pas  pendre  les  otages  du  vaincu  :  il  confis- 
quera seulement  leurs  terres  (3). 

Établir  qu'à  Lorris  on  ne  frapperait  jamais  les  cautions  que 
d'une  amende  pécuniaire  (4),  quelle  que  fût  d'ailleurs  la  peine 
encourue  par  le  vaincu,  c'était  leur  donner  un  privilège. 

Donc,  ce  qu'il  faut  voir  avant  tout  dans  l'article  14,  c'est 

(1)  Chan$on  de  Roland,  éd.  L.  Gautier,  v.  3930-3933,  v.  3947-3955. 

(2)  Huon,  éd.  Guessard,  p.  43. 

(3)  Huon,  éd.  Guessard,  p.  44. 

(4)  Bien  qu'assez  élevée,  cette  amende  de  112  sous  ne  Tétait  pas  autant 
que  le  pense  M.  Combes  qui  Ta  évaluée  en  sous  d'or.  Annalet  de  la  Faculté 
des  lettre*  de  Bordeaux,  t.  II,  p.  62. 


ET   LBUR   PROPAGATION   AUX  XIIe   ET  XIIIe    SIECLES.     193 

an  adoucissement  apporté  à  la  rigueur  de  la  procédure  du 
duel.  De  plus,  en  permettant  les  accords,  la  royauté,  sans 
peut-être  qu'elle  se  fût  rendue  compte  du  but  qu'elle  attei- 
gnait, avait  porté  un  premier  coup  au  combat  judiciaire  :  les 
parties  continueront  à  se  provoquer ,  mais  elles  transigeront 
le  plus  souvent  sans  en  venir  aux  mains. 

Je  ne  puis  passer  sous  silence  un  proverbe  fameux  auquel 
le  texte  que  je  viens  d'examiner  a  donné  naissance  : 

C'est  un  proverbe  et  commun  dis 
Qu'en  la  coustume  de  Lorris , 
Quoiqu'on  ait  juste  demande, 
Le  battu  paie  l'amende. 

Tous  les  jurisconsultes  qui  ont  parlé  des  Coutumes  de  Lor- 
ris (1)  ont  cité  ce  dicton;  tous  en  ont  cherché  l'origine  dans 
l'article  14  de  la  charte  de  1155;  il  est  fort  difficile  de  L'y  rat- 
tacher. D'abord  l'amende  est  payée ,  non  par  le  vaincu ,  mais 
par  ses  otages  :  ceux-ci  avaient-ils  donc  un  recours  contre 
celui  pour  qui  ils  avaient  répondu?  Mais  il  ne  faut  pas  de- 
mander trop  de  précision  aux  dictons  populaires.  Admettons 
que  les  112  sous  aient  été  payés  par  le  vaincu  ou  ses  ayant 
cause.  Qu'y  avait-il  là  de  si  particulier?  Pasquier,  dans  ses 
Recherches ,  Delalande  dans  son  commentaire  de  la  Coutume 
d'Orléans ,  et  les  éditeurs  du  Nouveau  Coutumier  prétendent 
que  dans  la  plupart  des  coutumes  le  vaincu  n'encourait  d'autre 
peine  que  la  perte  de  son  procès.  Cependant  des  chartes  du 
xne  et  du  xine  siècles  et  de  divers  pays  fixent  la  somme  à 

(1)  Et.  Pasquier,  Recherches  de  la  France ,  1.  VIII,  c.  xxix,  éd.  1643,  p.  725. 
—  D.  Mono,  Hist.  du  Gastinoti,  éd.  1630,  p.  167.  —  Le  Maire,  Hit  t.  d'Or- 
léans, t.  H,  p.  35.  —  Ànt.  Loysel,  Institutes  coutumières,  éd.  Dupin,  1.  VI, 
t  I,  §  29,  t.  H,  p.  196.  —  Floris  de  Bellingen,  Recueil  de  Proverbes,  éd. 
1656,1.  II,  ch.  25,  n<>  60,  p.  208.  —  Nouveau  Coutumier  général ,  1724,  t.  III» 
p.  829.  —  Coutume  d'Orléans,  commentée  par  Delalande,  2*  éd.  1704,  t.  I, 
ancienne  préface.  —  Matinées  Sénonoises,  1789,  p.  83-84.  —  Du  Gange,  éd. 
1733,  v°  Duellum  3,  t.  II ,  col.  1670.  —  Le  Roux  de  Lincy,  Le  livre  des  Pro- 
verbes français,  t.  I,  p.  234.  —  Deligand,  Le  battu  paie  l'amende,  article  ap. 
BuUetm  de  la  Soc.  archéolog.  de  Sens,  t.  VI,  p.  50-56.  —  Dom  Morin,  Le  Maire 
et  Dncange  ont  imprimé  ainsi  le  premier  vers  : 

a  Cent  un  proverbe  et  commun  ris.  » 


194  LES   COUTUMES  DE   LORRIS 

percevoir  par  le  seigneur  sur  le  vaincu  (1);  et  Loysel  donne 
comme  une  règle  générale  sous  le  n°  817  de  ses  Institutes  : 
«  Le  mort  a  le  tort  et  le  batu  paye  l'amende.  »  Ce  sont  ses 
commentateurs  qui  en  ont  rapproché  le  proverbe  de  Lorris.  Il 
faut  croire  que  c'était  là  un  proverbe  particulier  à  la  région 
du  Gâtinais  où  la  plupart  des  villages  jouissaient  des  Coutumes 
de  Lorris. 

Pénalité.  —  La  punition  des  crimes  de  haute  justice  n'est 
pas  déterminée  dans  notre  charte.  Sur  ce  point  le  droit  com- 
mun resta  en  vigueur.  C'est  ce  qu'autorise  à  croire  une  clause 
spéciale  de  la  charte  de  Sceaux  en  Gâtinais ,  où  d'ailleurs  le 
tarif  des  amendes  est  le  même  qu'à  Lorris  (2).  Ces  crimes 
étaient  d'après  la  charte  de  Sceaux  :  l'homicide ,  la  trahison, 
le  vol,  le  rapt.  Il  faut  y  ajouter  le  meurtre  et  la  mutilation 
d'un  membre  (3).  Peut-être  les  criminels  passibles  d'une  peine 
supérieure  à  l'amende  de  60  sous  demeuraient-ils  à  la  merci 
du  roi  (4). 

La  confiscation  des  immeubles ,  et  plus  exactement  le  re- 
trait des  tenures,  existe  à  Lorris  dans  le  cas  de  forfait  envers 
le  roi  ou  quelqu'un  de  ses  hôtes  (5)  (art.  5). 

(1)  1190.  Enquête  sur  les  droits  de  Ph.-Aug.  et  de  Richard  Ier  à  Tours  : 
«  Si  autem  bellum  factum  fuerit ,  de  victo  dexaginta  solidos  habebit  cornes  et 
non  plus...  »  Teuiet,  Layettes,  t.  I,  p.  161  a.  —  Avril  1222  Coutumes  de 
Beaumont-sur-Oise,  art.  8  :  «  De  dueÙo  victo  (habebimus)  LXVII  Bolidos  et 
dimidium  si  duellum  fuerit  de  fundo  terre  vel  pecunia.  »  Ord.,  t.  XII,  p.  298. 
—  Charte  de  commune  de  Dijon,  art.  22  :  «  Si  duellum  victum  fuerit,  rictus 
LXV  solidos  persolvet.  »  Garnier,  Chartes  de  communes,  t.  I,  p.  9. 

(2)  Sceaux,  Loiret,  arr.  Montargis,  con  Ferrières.  —  Charte  de  1153,  art. 
5.  Ord.,  t.  XI,  p.  199. 

(3)  D'après  la  charte  donnée  par  Ph.-Aug.  aux  bourgeois  d'Orléans  en 
1183  :  a  Et  quod  nullus  eorum  pro  aliquo  forifacto  plusquam  LX  solidos 
emendabit  nobis ,  nisi  pro  furto ,  raptu ,  homicidio,  multro  et  proditione ,  vel 
niai  alicui  pedem  vel  manam,  vel  nasum,  vel  oculum,  vel  aurem,  vel  aliquod 
aliud  membrum  abstulerit  »  Ord.,  t.  XI,  p.  227. 

(4)  En  1169,  le  roi  fixant  les  droits  des  hôtes  de  Villeneuve  près  d'Étampes, 
réduit  le  taux  des  amendes  comme  à  Lorris  ;  il  ajoute  :  «  Quod  si  forisfac- 
tum  fuerit  plusquam  sexaginta  solidorum  ad  nostrum  beneplacitum  admensa- 
rabitur.  »  Ord.,  t.  VII,  p.  684.  —  H  en  était  de  môme  dans  la  franchise  de 
Beaumont-sur-Oise,  art.  9  et  art.  10.  Ord.,  t.  XII,  p.  298-299;  et  dans  la 
commune  de  Chambli,  art.  15;  Ord.,  t.  XII,  p.  304, 

(5)  Outre  que  le  texte  même  de  l'article  5  implique  qu'il  s'agit  de  la  con- 


ET  LEUR  PROPAGATION  AUX   XIIe   ET  XIIIe  SIECLES.    195 

M.  P.  Viollet  y  voit  le  résultat  d'une  influence  directe  du 
droit  romain.  Dans  le  très  ancien  droit  germanique,  les  meu- 
bles seuls  étaient  susceptibles  d'une  confiscation.  En  Touraine 
et  Anjou,  la  confiscation  des  terres  est  encore  inconnue  au 
xin*  siècle.  L'Orléanais  était,  d'après  le  même  auteur,  plus 
avancé ,  puisqu'à  Lorris ,  l'immeuble  peut  âtre  confisqué  dès 
le  xue  siècle  (1). 

D'abord ,  le  retrait  de  la  tenure  n'existe  à  Lorris  que  dans 
le  cas  de  délit  commis  contre  le  roi  ou  upe  personne  placée 
soi|s  sa  protection  immédiate  (2). 

Dans  la  législation  romaine,  la  confiscation  était  appliquée 
dans  plus  d'un  cas ,  et  elle  frappait  les  immeubles.  Justinien 
l'abolit  (3),  la  maintenant  toutefois  pour  la  punition  du  crime 
de  lèse-majesté  (4). 

Dans  la  Loi  Salique,  quand  un  accusé  refusait  de  comparaî- 
tre devant  le  tribunal  du  roi,  il  était  banni,  et  ses  biens 
confisqués  (5).  Un  titre  de  la  loi  des  Ripuaires  (6),  au  vu* 
siècle,  édictait  la  confiscation  contre  ceux  qui  avaient  manqué 

fiscation  de  la  terre  :  «  Quicumque  in  parrochia  Lorriaci  posBessionem  habue- 

rit »,  généralement  possessio  dans  la  langue  juridique  du  Moyen-âge 

désigne  les  immeubles  :  «  Si  Romanus  homo  poBsessor,  id  est  qui  res  in 
pago  ubi  commanet  proprias  possidet,  occisus  fuerit. ..  »  LexSalica,  t.  XLI, 
§  7,  Baluze,  t.  I,  col.  310.  —  On  lit  dans  les  franchises  de  Cuiseaux  (1265), 
art.  LVI  :  «  Item  volumus  et  concedimus  quod  habitantes  in  villa  Cuiselli  qu 

habqnt  possessiones  immobiles  in  distrjctu  nostro »  Canat,  Doçun* 

fat*.,  p.  80. 

(1)  «  L'influence  romaine  se  fera  sentir  plus  tard  lorsque  la  confiscation 
sera  prononcée  contre  le  crime  de  lèse-majesté. . .  L'Orléanais  est  plus  avancé 
que  l'Anjou.  »  P.  Viollet,  Établissements  de  saint  Louis,  Introduction,  1. 1, 
p.!Q7-108. 

(2)  Il  s'agit  non  pas  des  personnes  que*  le  roi  hébergeait  dans  son  chfieau 
de  Lorris,  mais  bien  plutôt  des  hôtes,  au  sens  étroit  du  mot,  des  hommes  à 
qui  le  roi  avait  donné  un  lot  de  terre.  On  lit  dans  la  charte  d'Ervy,  imitée  4e 
celle  de  Lorris  :  «  Quicumque  eorum  in  parrochia  sive  castellania  Erviaci 

possessionem nisi  adversum  me  vel  hominem  de  eadem  Hltertate  fore- 

fecerit.  »  Qrd.,  t.  VI,  p.  200. 

(S)  Année  535,  Nov.  XVII ,  cap.  XII. 

(4)  Par  un  édit  de  556,  Nov.  CXXXIV,  c.  XIII. 

(5)  LexSalica,  édit.  Merkel,  t.  LVI.  —  Voir  :  Sohm,  Procédure  de  taie» 
SeMca,  Jrad.  Thévenin,  p.  120. 

(£)  «  Si  quis  homo  Régis  infideli  eztiterit,  de  vita  componat,  et  omnes  res 
ejos  fisco  censeantur.  »  L.  Rip.,  LXIX;  titre  tiré  d'un  édit  de  Clotaire  II  ou 
deDagobert  Ier. 


196  LES  COUTUMES  DE  LOREIS 

à  la  fidélité  due  au  roi.  Enfin ,  la  saisie  des  immeubles,  pro- 
pres et  bénéfices,  revient  souvent  dans  les  Capitulaires  (1)  : 
elle  y  est  introduite  pour  les  cas  où  il  y  a  eu  manquement  au 
serment  de  fidélité  prêté  au  roi ,  infraction  à  un  ordre  du  roi , 
injure  envers  le  roi  ou  quelqu'un  de  sa  famille.  Je  ne  nie  pas 
que  le  titre  de  la  loi  des  Ripuaires  comme  les  dispositions  des 
Capitulaires  n'ait  été  rédigé  sous  une  influence  romaine.  Je 
voulais  seulement  établir  que  c'est  non  pas  tardivement  et 
par  suite  d'une  renaissance  du  droit  romain ,  comme  semble 
le  dire  M.  Viollet,  mais  bien  à  une  époque  très  reculée,  que 
la  confiscation  des  immeubles  s'est  introduite  dans  notre  lé- 
gislation ;  même  elle  a  pu  ne  jamais  disparaître  depuis  l'épo- 
que romaine  pour  les  crimes  de  droit  public. 

Quant  à  ces  forfaits  commis  contre  le  roi  ou  ses  hôtes  ,  et  à 
l'occasion  desquels  pouvait  être  prononcée  la  confiscation ,  la 
charte  a  négligé  de  les  définir.  Ce  sont  les  délits  qui  atteignent 
le  roi  ou  ses  hôtes  dans  leur  personne  ou  leurs  droits. 

Il  y  eut  un  temps  où  le  non-paiement  du  cens  pouvait  en- 
traîner la  confiscation  de  la  tenure.  Mais  déjà  au  xe  siècle,  on 
a  soin  de  spécifier  dans  la  plupart  des  concessions  de  terres  à 
titre  de  censives  qu'au  cas  où  le  censitaire  ne  paiera  pas  le 
cens,  il  en  sera  quitte  pour  payer  une  amende  au  seigneur  (2). 

(1)  D'abord  le  comte  au  nom  du  roi  met  la  main  sur  tous  les  biens  du  dé- 
linquant (Cap.  de  802,  édit.  Boretius,  n°33,  §  32,  1. 1,  p.  97;  Ibid.,  §  36, 
p.  98).  Cette  main-mise  provisoire  se  change  après  certains  délais  en  confis- 
cation (Capit.  de  803,  addit.  Legi  Hipuarix,  édit.  Boretius,  n°  41,  §  6,  t.  I, 
p.  118).  —  Par  un  diplôme  donné  à  Aix-la-Chapelle,  le  31  mars  797,  Charle- 
magne  absout  un  comte  nommé  Théodulphe ,  qui  s'était  révolté,  d'une  accu- 
sation de  crime  de  lèse-majesté  et  lui  restitue  les  biens  qui  lui  avaient  été 
confisqués  à  tort  ;  Théodulphe  s'étant  justifié  par  le  jugement  de  Dieu  :  «  Ali- 
qui  vero  fidèles  per  judicium  Dei  se  idoniaverunt ,  sicut  Theodoldus,  cornes 
fidelis  noster,  visus  est  fecisse,  cui  et  nos  omnes  res  proprietatis  sue,  juxta 
ejus  deprecationem , . . .  denuo  et  nostro  largitatis  munere ,  quantumcumqne 
ex  hereditate  parentum  aut  de  qualibet  attractum  juste  et  rationabiliter  antea 
possiderat. . .  jure  flrmissimo  ad  legitimam  proprietatem  reddi  fecimus...  » 
Tardif,  Cartons  des  rois,  n«  96,  p.  71.  —  Dans  un  capitulaire  d'entre  802  et 
813,  la  confiscation  de  Y her éditas  est  prononcée  contre  les  parricides  (édit. 
Boretius,  no  56,  §  3,  t.  I,  p.  143). 

(2)  En  985,  cession  de  terres  par  Guill.  Fier-à-Bras,  moyennant  le  paiement 
d'un  cens  annuel  de  5  sous  :  «  Quod  si  ex  jam  dicto  tardi  aut  neglegentes 
pro  aliqua  difficultateapparaerunt,  geminatum  censum  reddant  et  jam  dictas 
res  nullo  modo  perdant.  »  Musée  des  archives  départementales,  n°  16,  p.  35. — 


ET  LEUR   PROPAGATION   AUX   XIIe   ET   XIII*   SIECLES.    197 

Je  ne  puis  citer  aucun  texte  du  G&tinais  ou  de  l'Orléanais  : 
mais  il  y  a  lieu  de  croire  que  cet  usage  de  substituer  au 
retrait  une  amende  assez  minime  était  en  vigueur  dans  notre 
région  (4). 

L'amende  de  60  sous  est  réduite  à  5  sous  ;  celle  de  5  sous  à 
12  deniers  (art.  7). 

Cette  amende  de  60  sous  apparaît  déjà  à  l'époque  mérovin- 
gienne. D'après  la  loi  des  Ripuaires ,  elle  frappait  ceux  qui 
négligeaient  de  se  rendre  &  une  convocation  royale  (2),  ou 
ceux  qui  commettaient  un  délit  envers  une  personne  placée 
sous  la  protection  du  roi  (3).  On  l'encourait  encore  en  s'ap- 
propriant  un  bien  donné  par  le  roi  (4),  en  refusant  d'héberger 
un  envoyé  royal  (5) ,  en  mettant  un  voleur  en  liberté  (6),  en 
donnant  asile  à  un  banni  (7).  C'est  par  excellence  l'amende 
royale.  Tel  est  encore  le  caractère  qu'elle  revêt  dans  les  Capi- 
tulaires ,  où  elle  est  dite  par  le  roi  bannum  nostrum  (8).  En  dé- 

Entre  991  et  l'an  1000,  l'abbaye  de  Marmoutiers  accense  une  terre,  sise 
dans  le  Danois,  à  Gisbaud  et  Gui  :  «  Studeant  nobis  censum  reddere...  et  si 
de  eodem  censu  négligentes  aut  tardi  reperti  fuerint ,  liceat  emendare  eis  et 
quod  tenuerint  non  perdant.  »  Manille,  Cartul.  Dwiense,  n»  VI,  p.  7-8.  — 
Entre  1015  et  1020 ,  accensement  par  la  même  abbaye  d'une  terre,  sise  dans 
le  Danois,  à  Guérin  :  «  Ea  scilicet  ratione  ut  omni  anno...  studeat  solvere 
eensam.. .  Quod  si  neglezerit  liceal  illi  emendare.  »  Ibid.,  n°  XVIII,  p.  19. 
—  Voyez  encore  :  môme  cartel.,  n°  LU ,  p.  47. 

(!)  Au  moins  était-il  en  vigueur  au  xm«  siècle  :  «  Qui  ne  rent  son  cens  à 
jor,  il  doit  cinq  sols  d'amende.  »  JotUce  et  Plet,  p.  281. 

(2)  Loi  des  Ripuaires,  LXV,  1. 

(3)  Ibid.,  XXXV,  3  ;  LVIII ,  12. 

(4)  Ibid.,  LX ,  3. 

(5)  /Wd.,LXV,  3. 

(6)  Ibid.,  LXXIII ,  1 . 

(7)  Ibid.,  LXXXVII.  —  Ces  textes  ont  été  cités  par  M.  J.  Tardif,  Institut, 
politiques,  Période  méroving.,  p.  74. 

(8)  «  De  incestis.  Si  homo  incestum  commiserit  de  istis  causis,  de  Deo 
sacrataaut  commatre  sua...  pecuniam  saam  perdat,  si  habet;  et,  si  emen- 
dare se  noluerit,  nallus  eum  recipiat  nec  cibum  ei  donet.  Et,  si  fecerit,  LX 
soUdos  domno  régi  comportât.  »  Capital.  754-755 ,  éd.  Boretius,  n°  XIII,  §  1, 
L  I,  p.  31.  —  De  presbyteris  et  clericis  sic  ordinamus,  ut  arebidiaconas 
episeopi  eos  ad  synodum  commoneat  una  corn  comité.  Et  si  quis  contempse- 
rit,  cornes  eam  distringere  faciat ,  ut  ipse  presbyter  aut  defensor  suas  LX 
sotidos  componat  et  ad  synodum  eat.  Et  episcopus  ipsum  presbyterum  aut 
clericum  jaxta  auctoritatem  dijudicare  faciat;  solidi  vero  LX  de  ipsa  causa  in 
sacello  reçu  ventent...  »  Ibid.,  §  3,  p.  31-32.  —  <r  Dedimus  potestatem  comi- 


198  LES   COUTUMES   DE   LORR1S 

pit  des  variations  de  la  valeur  des  monnaies  à  travers  les  âges, 
le  taux  de  soixante  sous  persista  longtemps  après  l'époque  car- 
lovingienne.  C'est  bien  la  même  amende  qui  se  continue  de 
siècle  en  siècle.  Car,  encore  au  xrve  siècle,  le  mot  campositio 
sert  parfois  à  la  désigner  (1).  L'action  des  capitulaires  généraux 
allait  aussi  loin  que  les  limites  de  l'empire,  s'étendant  à  tous 
les  pays  soumis  à  l'autorité  de  l'empereur  ou  du  .roi.  Aussi, 
retrouve-ton  aux  xne  et  xme  siècles  l'amende  dé  soixante 
sous  dans  toutes  les  coutumes  de  France ,  aussi  bien  au  nord 
qu'au  midi,  à  l'ouest  comme  i  Test  (2).  Cette  amende  est  ré- 


tibus  bannum  mittere  infra  suo  ministerio  de  faida  vel  majorions  eausis  m 
solidos  IX;  de  minoribus  vero  eausis  comitis  banoum  in  solidos  XV  coosti- 
tuimus.  »  Capitul.  775-790,  De  par  tibus  Saxonise,  éd.  Boretius,  cap.  n°  XXVI, 
§  31,  t.  I,  p.  70.  —  «  Ut  raptum  vel  vim  per  collecta  hominum  et  incendia 
infra  patriam  nemo  facere  prssumat;  et  qui  hoc  commiserit,  sexaginta  solidos 
in  bannum  nostrum  componat.  »  Capitol.  Ad  legem  Baiwarior.,  éd.  Boretius, 
n°  68,  §  2,  t.  I,  p.  157-158.  —  «  Statuimus  ut  liberi  hommes  qui  tantum  pro- 
prietatit  habent  unde  hostem  bene  facere  possint,  et  jussi  facere  nolont,  ut 
prima  vice  secundmn  Ugem  illorum,  statoto  damno  subjaceant;  ai  vero  se- 
cunda  inventas  fuerit  negligens,  bannum  nostrum  id  est  LX  solidos  persohai. 
Si  vero  tertio  quis  in  eadem  culpa  fuerit  implicatus ,  sciât  se  omnem  auhs- 
tantiam  suam  amissarum,  aut  in  exsilio  esse  mittendum.  »  Capitol.,  mai  825, 
Perti,  Leges,  t. 1,  p.  251.  —  Voyei  :  Viollet,  Et.  de  saint  Louis,  Introduction, 
L  I ,  p.  245-246. 

(1)  On  lit  dans  la  charte  de  Nant  (1308)  :  «  Qui  libra  propria  falsa  vel 
marcha  propria  falsa  vendiderit,  sexaginta  solidos  componat,  et  domino  per- 
solvat.  »  Tuetey,  Droit  municipal  en  franche-Comté,  p.  67. 

(2)  Il  suffit  de  citer  quelques  textes  pris  au  hasard  parmi  les  contâmes  des 
régions  les  plus  diverses  :  Beauvaisis,  v.  Beaumanoir,  XXX,  22,  24,  29,  30, 
38.  —  Beavmont-sur-Oise  (avril  1222),  art.  7,  Ord.,  t.  XII,  p.  298.  —Chanbli, 
art.  4  (1222),  Ord,,  t.  XII,  p.  303.  —  En  Berry.  charte  d'Etienne  de  Sancerre 
(1178),  pour  les  habitants  des  paroisses  de  Beaulieu  et  Centrengiis  ;  a  De  omni 
aatem  forisfacto  quod  pœnam  irrogat  pecnniariam  non  poterunt  exigera  cano- 
nici  plusquam  sexaginta  solidos ,  sed  et  de  Ulis  LX*  solidis  poterunt  auferre 
et  moderari  decem  ilii  viri  qui  electi  faerint,  prout  eis  virum  fuerit,  juxta 
qaantitatem  delicti  usque  ad  duodecim  denarios.  »  Cartul.  Saint-Étienne  de 
Bourges,  B.  Nat.,  ms. lat.,  n.  acq.,  1274,  f°  219  v°.  —Charte  de  Mètièree 
(août  1233)  :  «  Si  autem  aliquis...  sanguinem  in  Castro  superios  sine  amis 
molatis  feeerit,  sexaginta  solidos  mihi  soivet.  »  Sénemaud ,  Mim.  histor.  sur 
les  châteaux  de  Métier  es,  Charleville,  etc.,  p.  18.  —  En  Champagne,  on  certain 
nombre  de  délits  sont  frappés  d'une  amende  de  60  s.  V.  d'Arbois  de  Ju- 
bain ville,  Eût.  des  comtes  de  Champagne,  t.  III,  p.  162;  et  les  Coutumes  de 
Champagne,  ms.  du  uv*  siècle,  B.  Nat,  ms.  fr.  6256,  f»  5  i*.  —  En  Bour- 
gogne, on  rencontre  l'amende  de  60  s.,  par  ex.,  à  Mdcon  (xm*  siècle),  art.  X, 


BT   LEUR  PROPAGATION  AUX  XIIe   ET  XIIIe   SIÈCLES.    199 

duite  à  5  sous  en  faveur  des  bourgeois  de  Lorris,  c'est-à-dire 
qu'ils  ne  paieront  plus  que  cette  dernière  somme  pour  les 
forfaits  passibles  jusqu'alors  d'une  amende  de  60  sous. 

De  même,  l'amende  de  S  sous  est  réduite  à  12  deniers. 
C'est  l'amende  inférieure  dont  il  est  déjà  question  dans  les  ca- 
pitulâmes :  elle  y  est  opposée  au  ban  royal  de  60  sous  ;  elle 
variait  avec  la  loi  d'origine  du  coupable;  lorsqu'à  la  person- 
nalité des  lois  succéda  le  principe  de  la  territorialité  des  cou- 
tumes, son  taux  fut  plus  ou  moins  élevé  suivant  les  pays  (1). 

Essayons  de  déterminer  quels  étaient  les  principaux  délits 
frappés  d'une  amende  de  5  sous;  quels  étaient  ceux  qui  n'en- 
traînaient qu'une  amende  de  12  deniers.  Je  ne  puis  tenter 
cette  classification  des  délits  que  pour  le  xuie  siècle;  car 
les  seuls  textes  que  je  puisse  invoquer,  sont  les  suivants  : 
le  tarif  d'amendes  inséré  dans  le  Livre  de  Jostice  et  Plet  (2), 
presque  semblable  à  celui  qu'a  publié  La  Thaumassière  (3),  in- 

Canat,  Documents  inédits,  p.  7;  Digoin  (i238),  art.  5,  9,  10,16,  ibid.,  p.  40- 
41.  —  Dijon,  sur  les  terres  de  Saint-Bénigne,  charte  de  février  1106.  Pérard, 
Rec.  de  plusieurs  pièces  curieuses  servant  à  l'hit  t.  de  Bourgogne,  p.  210  : 
«  Jostieiam  planam...  quod  intelligimus  LX  solidorum.  »  —  En  Bourgogne, 
cette  amende  s'élève  cependant  quelquefois  à  65  sous  :  charte  pour  Dijon  (1 187), 
art.  24,  26,  27,  29,  30.  Garnier,  Rec.  de  chartes  de  communes,  t.  I,  p.  10-11. 
Fribourg  en  Brisgau  (1120),  art.  32,  34.  Giraud,  Essai  sur  Vhist.  du  droit, 
L  ï,  P.just.,  p.  125.  —  Coutumes  dMJW(1220),  art.  9.  Giraud,  t.  I,  P.just., 
p.  87.  —  Charte  de  Aaimond,  vicomte  de  Turenne,  pour  Martel,  ibid., 
p.  81. 

(1)  Capital,  de  802,  §  7  :  «  Ut  bannus  quem  per  semetipsum  dominus  im- 
perator  banni  vit,  sexaginta  solidos  solvatur;  cœteri  vero  banni  quos  comités 
et  judices  faciunt,  secundum  legem  uniuscujusque  componatur.  »  Pertz, 
Leges,  t.  I,  p.  101.  —  Voir  les  autres  textes  cités  par  M.  Viollet,  Et.  de 
samt  Louis,  t.  I,  p.  245-246.  —  Un  capitulaire  pour  les  Saxons ,  entre  775  et 
790,  fixe  à  15  s.  cette  amende  inférieure  :  «  Dedimus  potestatem  comitibus 
bannum  mittere  infra  suo  ministerio  de  faida  vel  majoribus  causis  in  solidos 
LX;  de  minoribus  vero  causis  comitis  bannum  in  solidos  XV  constituimus.  » 
Capitol.,  n<>  XXVI,  §  31,  éd.  Boretius,  t.  I,  p.  70.  —  Cette  amende  de  5  sols 
porte  encore  quelquefois  au  xue  siècle  la  dénomination  de  lex.  Dans  la 
charte  de  Raoul  de  Clermont  pour  le  bourg  de  Gournay-sur-Âjronde ,  vers 
1165  :  «  Exsolvet  legem  quinque  solidorum  de  Belvaco.  »  De  Luçay,  Le  comté 
de  Clermont,  Pièces  just.,  n°  I,  p.  285. 

(2)  Liv.  XVIII,  c.  xxiv,  §  7  et  suiv.  «  Ties  sont  les  paines  en  la  duchie 

d'Orléans.  » 

(3)  La  Thaumassière  a  publié  ce  texte  à  la  suite  des  Coutumes  de  Beauvoir 

sis,  p.  467  et  suiv.  d'après  le  ms.,  aujourd'hui  à  la  Bibl.  Nat.,  Ms.  fr. 
14580. 


200  LES  COUTUMES  DE  LORRIS 

titulé  :  «  Les  peines  de  la  duchée  d'Orléans,  »  et  encore  les  pas- 
sages des  Établissements  de  saint  Louis  empruntés  aux  usages 
d'Orléanais.  Encore  cette  classiGcation  ne  vaut-elle  qu'à  con- 
dition d'admettre  que  le  droit  commun  du  Gâtinais  ne  différait 
pas  ou  très  peu  de  celui  de  l'Orléanais.  J'ai  cité  plus  haut  un 
texte  de  1183  qui  établit  que  l'amende  pécuniaire  la  plus  forte 
qui  fût  levée  à  Orléans  était  celle  de  60  sous. 

Elle  frappait  quiconque  agissait  «  contre  establissement  de 
prince  (1);  »  quiconque,  étant  retenu  par  ordre  du  roi  ou  de 
la  justice,  s'en  allait  sans  congé  (2);  l'individu,  qui,  usurpant 
le  titre  d'officier  seigneurial,  levait  un  droit  de  péage  (3).  Elle 
était  encore  prononcée  contre  celui  qui  refusait  de  livrer  son 
gage  à  un  sergent  (4)  ;  contre  celui  qui  interceptait  un  chemin, 
une  rivière,  ou  détournait  à  son  profit  l'eau  d'une  fontaine 
commune  (5)  ;  contre  celui  qui  ne  remettait  pas  à  la  justice  un 
objet  trouvé  (6).  Les  coups  suivis  d'effusion  de  sang  rentraient 
dans  la  même  classe  de  délits  (7) ,  ainsi  que  le  fait  de  détour- 
ner quelqu'un  du  tribunal  compétent  (8)  ou,  celui  de  refuser 
de  livrer  le  gage  à  celui  envers  qui  l'on  s'était  porté  cau- 
tion (9).  Étaient  passibles  de  la  même  amende  les  atteintes  à 
la  propriété  privée  accompagnées  de  violence  (10).  Pour  tous 
ces  délits ,  les  bourgeois  de  Lorris  ne  payaient  que  cinq  sous 
au  lieu  de  soixante  qu'on  exigeait  des  autres  habitants  de 
cette  région. 

L'amende  inférieure  de  cinq  sous,  abaissée  &  Lorris  jusqu'à 

(1)  Ms.  fr.  14580,  fo  25  r°;  La  Th.,  p.  467;  /.  et  PM,  i.  XVIII,  c.xxiv,  §  7, 
p.  278. —  Les  articles  n'étant  pas  numérotés  dans  La  Thaumassière ,  je  cite 
en  première  ligne  le  Ms.,  où  les  recherches  sont  faciles,  chaque  page  ne 
contenant  que  deux  ou  trois  articles. 

(2)  Ms.$  f°  31  i*;  La  Th.,  p.  468. 

(3)  Ms.,  f»  31  vo;  La  Th.,  p.  468;  /.  et  PM,  1.  XVIII ,  c.  xxiv,  §  50, 
p.  281. 

(4)  Ms.,  f°30  vo;  La  Th.,  p.  468;  S.  etPUt,  §  45,  p.  281.  — £«.  de  saint 
Louis,  1.  II,  c.  xxva,  édit.  Viollet,  t.  II,  p.  420. 

(5)  Ms.,  fo  31  vo;  La  Th.,  p.  468;  J.  et  PM,  §  36,  p.  280. 

(6)  Ms.,  fo  29  vo;  La  Th.,  p.  468;  S.  et  PM,  §  28,  p.  280. 

(7)  Ms.,  fo  28  ro,  fo  32  ro;  La  Th.,  p.  467-468;  /.  etPlet,  §  14,  p.  279. 

(8)  Ms.,  fo  24  ro,  fo  25  vo;  La  Th.,  p.  467  ;  /.  et  Plet,  §  7,  p.  278. 

(9)  Jfo.,fo30  vo;  La  Th.,  p.  468;/.  et  PM,%  30,  p.  280. 

(10)  Ms.,  fo  28  v.o  ;  La  Th.,  p.  467  ;  /.  et  PM,  §  14,  p.  279.  -  Ms.,  fo  31  r«; 
La  Th.,  p.  468;  S.  et  PM,  §  33,  p.  280. 


ET  LEUR   PROPAGATION   AUX   XIIe   ET   XIIIe   SIÈCLES.    201 

12  deniers,  frappait  ceux  qui  ne  se  rendaient  pas  à  une  se- 
monce (1);  ceux  qui  quittaient  l'assise  du  prévôt  sans  lui 
avoir  payé  la  «  clameur  »  ou  la  «  preuve  pardonnée ,  »  et  cela 
sans  lui  avoir  demandé  un  délai  (2);  les  pièges  qui  ne  li- 
vraient pas  au  jour  fixé  une  chose  engagée  devant  la  jus- 
tice (3).  Les  injures  et  même  les  coups ,  pourvu  qu'ils  ne 
déterminassent  ni  effusion  de  sang  ni  blessures,  appartenaient 
à  la  même  catégorie  de  forfaits  (A). 

Ces  amendes  ne  doivent  pas  être  confondues  avec  les  dom- 
mages et  intérêts  payés  par  le  coupable  à  la  partie  lésée ,  et 
dont  le  tarif  des  peines  du  duché  d'Orléans  les  distingue  net- 
tement en  maints  endroits.  Les  amendes  dont  nous  avons 
parlé  étaient  attribuées  à  la  justice;  à  Lorris,  elles  revenaient 
au  roi  comme  seigneur. 

Quant  au  daim  du  prévôt,  ce  n'est  pas  une  amende  propre- 
ment dite  ;  nous  en  avons  parlé  plus  haut  :  c'était  l'indemnité 
payée  au  prévôt  par  les  parties  qui  en  appelaient  à  son  tri- 
bunal. 

Ce  tarif  d'amendes  a  pu  figurer  dans  la  charte  primitive  de 
Lorris.  Car  Louis  VU  en  avait  établi  un  analogue  au  marché 
neuf  d'Étampes,  rabattant  i  cinq  sous  et  quatre  deniers  le 
forfait  de  soixante  sous,  et  à  seize  deniers  celui  de  sept  sous  et 
demi  (5).  En  1141,  Louis  VU  atteste  que  les  habitants  d'une 
terre  possédée  par  les  églises  Notre-Dame  et  Saint-Martin  d'É- 
tampes, ne  payaient  que  cinq  sous  pour  le  forfait  de  soixante 
sous,  et  12  deniers  pour  celui  de  sept  sous  et  demi  (6).  Enfin, 
la  charte  de  Sceaux,  antérieure  de  deux  ans  à  la  seconde 
charte  de  Lorris ,  et  qui  présente  avec  elle  les  plus  grands 
rapports,  reproduit  le  même  tarif  d'amendes  (7). 

Après  les  tailles  et  les  corvées,  les  amendes  étaient  les  im- 
positions qui  pesaient  le  plus  lourdement  sur  les  habitants 

(l)Jf*.,  f»  25  v°;  La  Th.,  p.  467;  /.  et  PUt%  1.  XVIII,  c  xxiv,  %  7, 
p.  278;  Et.  de  saint  Louis  ,\.  II,  c.xxvu,  édit.  Viollet,  t.  II,  p.  420-421. 

(2)  Mt„  fo  28  v°;  La  Th.,  p.  467. 

(3)  M$.9  f»  25  v«;  La  Th.,  p.  467;  J.  et  PUt,  §  7,  p.  278. 

(4)  Ms.,  fo  28  ro;  La  Th.,  p.  467;  /.  et  Plet,  §  15,  p.  279;  Et  de  saint 
Louis,  1.  II,  c.  xxv,  t.  II,  p.  418. 

(5)  En  1123,  Ord.,  t.  XI,  p.  183. 

(6)  Teulet,  Layettes,  n©  74,  t.  I,  p.  52  b. 

(7)  Ord.,  t.  XI,  p.  199. 


202  LES  COUTUMES  DE  LORRIS 

des  campagnes.  En  réduire  le  chiffre,  c'était  leur  donner  un 
privilège  considérable.  Telle  était  l'opinion  des  hommes  du 
Moyen-âge.  Car,  nous  voyons  qu'au  xiv6  siècle,  en  Bourgo- 
gne, il  était  interdit  aux  seigneurs  d'abaisser  le  taux  des 
amendes  sur  leurs  terres  :  d'abord  parce  qu'on  multipliait  par 
là  les  occasions  de  méfaire,  et  surtout  parce  que  les  hommes 
des  villes  voisines  se  retiraient  tous  dans  les  villes  où  les 
amendes  étaient  moindres  (1). 

L'article  7  des  Coutumes  de  Lorris  fut  celui  dont  la  diffu- 
sion fut  la  plus  grande  ;  on  l'introduisit  dans  bon  nombre  de 
privilèges  qui  ne  procèdent  en  rien  de  ceux  de  Lorris,  qui  ne 
se  rattachent  par  aucun  autre  point  à  la  charte  de  1155.  En 
1185,  le  roi  Philippe-Auguste,  confirmant  les  privilèges  accor- 
dés par  l'abbaye  de  Ferrières  à  ses  hommes  du  même  terri- 
toire, établit  que  les  amendes  seront  levées  d'après  la  Cou- 
tume de  Lorris  (2).  C'est  à  coup  sûr  sous  l'influence  de  la 
même  Coutume,  qu'en  1194  Pierre  de  Courtenay  octroya  à 
ses  bourgeois  d'Auxerre  la  même  réduction  du  chiffre  des 
amendes  (3).  Il  prit  les  mêmes  dispositions  en  faveur  des  ha- 
bitants de  Sainte- Vertu  (4).  Miles,  seigneur  de  Noyers,  rabat- 
tit, en  1232,  à  Noyers  (5),  Moulins  (6)  et  Valnoise,  les  forfaits 

(1)  Coutume  de  Bourgogne.  «Item,  s'aacun  seigneur  fait  en  sa  ville,  où  il 
a  toutes  justices ,  status  et  convention  es  hommes  de  la  ville  de  paier  moin- 
dres admendes,  qui  ne  soloient,  et  moindres  que  la  generaul  coustume  du  pais 
ne  vuelt,  telz  statuz  ne  valent  pour  plusieurs  causes;  premièrement  pour  ce 
qu'il  donne  occasion  de  mal  faire  pour  Ut  petite  admende  ;  item ,  pour  ce  que 
li  homme  des  villes  voisines,  ou  préjudice  de  leur  seigneur,  se  retrairient  en 
ladite  ville,  et  ce  seroit  oBter  la  generaul  coustume  du  pays  de  Bourgoingne.  » 
Giraud,  Estai  sur  l'histoire  du  droit  français,  l.  II ,  p.  277-278. 

(2)  «  Emendationes  erunt  ad  consuetudinem  Lorriaci.  »  D.  Morin,  p.  708. 

(3)  «  ConcesBi  etiam  quod  forifacta  LX  solidorum  ad  quinque  solide*  redu- 
cantur.  Cetera  autem  forifacta  de  quinque  solidis  et  infra  ad  duodecim  de- 
narios  redacta  sunt.  »  Charte  donnée  à  Sens,  en  novembre  1194.  Arch.  Nat., 
JJ  7-8,  2e  partie,  f°  46  v°.  —  Cet  article  a  passé  dans  la  charte  de  Mathilde 
en  1223.  Teulet,  Layettes,  t.  II,  p.  2  a. 

(4)  Sainte-Vertu,  Yonne,  arr.  Tonnerre,  canton  Noyers.  —  Charte  de  juillet 
1203  :  «  Forisfacta  sezaginta  solidorum  venient  ad  quinque  solidos;  quae 
vero  quinque  solidorum  erant,  venient  ad  duodecim  denarios.  »  Quantin,  Rec. 
de  pièces,  n°  21,  p.  9. 

(5)  Noyers-sur-Serein ,  Yonne,  arr.  Tonnerre,  ch.-l.  canton.  —  Quantin, 
liée,  p.  182. 

(6)  Moulins,  canton  Noyers. 


ET  LEUR   PROPAGATION  AUX  XII0   ET   XIIIe   SIECLES.    203 

de  60  sous  à  5  sous.  La  charte  des  habitants  de  Fouchères  (1), 
émanée  d'Érard  de  Valéry  en  juillet  1243,  procède  directe- 
ment, pour  ce  qui  touche  les  amendes ,  des  privilèges  de  Lor- 
ris  (2). 

Je  me  contente  de  signaler,  sans  pouvoir  en  indiquer  l'ori- 
gine, la  réduction  des  amendes  de  5  sous  à  12  deniers,  au  xine 
siècle,  dans  quelques  villages  de  Beauvaisis  (3). 

Les  seigneurs  qui  tiraient  de  leurs  bois  une  des  parties  les 
plus  considérables  de  leurs  revenus  ne  souffraient  pas  qu'on 
y  commît  des  dégâts.  Des  sergents,  et  aussi  les  chevaliers, 
exerçaient  une  surveillance  sur  les  bois ,  et  particulièrement 
sur  ceux  qui  étaient  entourés  de  haies ,  les  forêts ,  où  les  sei- 
gneurs se  livraient  au  plaisir  de  la  chasse.  De  là,  les  amendes 
qui  frappaient  les  propriétaires  dont  les  animaux  pénétraient 
dans  les  bois  seigneuriaux,  à  Lorris  les  bois  royaux.  Le  rôle 
des  sergents  et  des  chevaliers  se  bornait ,  à  Lorris ,  à  saisir 
les  animaux  trouvés  dans  les  bois  ou  la  forêt  (art.  23)  ;  ils 
devaient  les  remettre  au  prévôt,  à  qui  seul  appartenait  de 
prononcer  l'amende.  M.  R.  de  Maulde  (4)  pense  que  cette 
clause  a  été  introduite  pour  soustraire  les  habitants  de  Lorris 
à  la  juridiction  exceptionnelle  des  tribunaux  des  eaux  et  forêts, 
plus  sévères  que  les  tribunaux  de  droit  commun.  L'adminis- 
tration des  eaux  et  forêts  une  fois  constituée ,  tel  a  pu  être  le 
résultat  de  l'article  23.  Mais  il  n'est  pas  prouvé,  et  M.  de 
Maulde  le  reconnaît ,  que  les  maîtrises  fussent  organisées ,  et 
surtout  qu'une  juridiction  leur  fût  attribuée ,  dès  le  milieu  du 
xna  siècle.  Le  roi  a  voulu  seulement  prévenir  tout  abus  de 
pouvoir  des  sergents  ou  des  chevaliers.  L'amende  n'était  pas 
due  dans  tous  les  cas.  Elle  s'élevait  à  12  deniers  par  animal. 
Remarquons  qu'elle  n'est  pas,  comme  cela  se  voit  d'ordinaire 
dans  les  chartes  du  xn°  ou  du  xm*  siècle ,  proportionnée  à 


(1)  Touchera,  Yonne,  arr.  Sens,  canton  Chéroy. 

(2)  «  Pneterea  omnes  clamores  et  omnia  forefacta  ad  consvetudinetn  de 
Lorriaco  venient,  id  est  forefacta  sexaginta  solidorum  renient  ad  quinque 
solidos ,  et  forefacta  quinque  solidorum  ad  duodecim  nummos  et  clamor  ad 
quatuor  denarios.  »  Charte  d'Érard  de  Valéry  en  juillet  1243,  d'après  un  vi- 
dimus  de  la  prévôté  de  Sens  du  2  janvier  1405.  Arch.  de  l'Yonne,  E  562. 

(3)  Beaumanoir,  éd.  Beugnot,  ch.  XXX,  §  60. 

(4)  CondUwn  fortifier*  de  l'Orléanaii,  p.  368. 


204  LES   COUTUMES  DE   LORRIS 

l'importance  des  animaux.  Elle  n'était  percevable  qu'au  cas 
où  l'animal  avait  franchi  la  haie  au  su  de  son  gardien.  Mai.' 
le  propriétaire  n'était  tenu  à  aucune  indemnité  s'il  pouvait 
jurer  que  l'animal ,  poursuivi  par  les  mouches  ou  par  des  tau- 
reaux ,  avait  pénétré  dans  le  bois  malgré  les  efforts  de  son 
gardien. 

Conclusion  du  Chapitre  IL 

Le  caractère  de  la  charte  de  Lorris  se  dégage,  croyons- 
nous,  de  la  précédente  analyse. 

D'abord,  rien  ne  s'oppose  à  ce  que  Louis  VII  se  soit  con- 
tenté de  confirmer  et  de  reproduire  le  diplôme  accordé  par  son 
père  aux  hommes  de  Lorris;  puisque  nous  avons  rencontré 
dans  divers  actes  de  Louis  VI  des  dispositions  analogues  à 
celles  de  la  charte  de  1155,  du  moins  à  celles  qui  n'étaient 
pas  absolument  propres  au  bourg  de  Lorris. 

Nous  n'y  avons  signalé  aucune  concession  de  droits  poli- 
tiques :  ce  n'est  pas  une  charte  de  commune.  Il  n'y  a  pas  non 
plus  une  seule  disposition  de  droit  privé  ;  mais  seulement  re- 
nonciation de  quelques  règles  de  procédure. 

De  plus,  l'influence  de  la  renaissance  des  études  de  droit 
romain  ne  se  fait  pas  encore  sentir. 

Les  articles  les  plus  nombreux  sont  ceux  qui  portent  sup- 
pression de  redevances  et  octroi  de  privilèges  propres  à  déve- 
lopper l'agriculture  et  le  commerce.  Ce  qui  justifie  ce  que 
j'avançais  plus  haut,  à  savoir  qu'il  faut  chercher  dans  le  désir 
de  la  royauté  d'augmenter  la  population  et  par  suite  ses  reve- 
nus, la  cause  de  la  rédaction  de  la  charte  de  Lorris. 

Trouve-t-on  simplement  dans  cette  charte  une  constatation 
des  usages  pratiqués  dès  longtemps  à  Lorris ,  et  l'engagement 
pris  par  le  roi  de  s'y  conformer,  ou  bien  l'introduction  de 
nouvelles  coutumes  plus  favorables?  C'est  une  question  qu'il 
importe  de  résoudre.  D'abord  nous  avons  signalé  l'abolition 
de  la  taille,  des  corvées,  du  droit  de  poursuite.  De  plus, 
toutes  les  fois  que  nous  avons  pu  comparer  à  des  textes  juri- 
diques du  xiie  siècle  de  la  môme  contrée ,  les  dispositions  de 
la  charte  de  1155,  nous  avons  constaté  une  dérogation  au  droit 
commun  du  Gâtinais  ou  de  l'Orléanais.  La  rédaction  môme  de 


ET  LEUR   PROPAGATION  AUX  XIIe   ET  XIII0   SIECLES.     205 

■ 

certains  articles  implique  une  concession  de  privilèges  :  par 
exemple,  l'article  où  les  amendes  sont  rabattues  de  60  sous  à 
5  sous,  de  5  sous  à  12  deniers.  Il  ne  reste  donc  que  très-peu 
de  dispositions  qu'on  puisse  considérer  comme  anciennes. 

Je  ne  crois  pas  trop  m'avancer  en  disant  que  la  charte  ac- 
cordée en  1155  aux  habitants  de  Lorris  constituait  pour  eux 
tout  un  ensemble  de  privilèges. 

Je  puis  appuyer  cette  opinion  sur  des  preuves  matérielles. 
Dans  le  registre  A  de  Philippe- Auguste ,  la  charte  de  Lorris 
est  précédée  de  la  rubrique  :  «  Carta  franchesie  Loniaci;  »  et, 
dans  le  registre  C ,  elle  est  intitulée  :  «  Census  Lorriaci  et  li- 
ber tatis.  »  Louis  VII ,  fondant  en  1163  une  ville  neuve  sur  un 
territoire  qu'il  avait  acquis  de  l'abbaye  de  Saint-Marien 
d'Auxerre,  la  dota  des  coutumes  de  Lorris  et  lui  donna  le 
nom  de  Vïllefranche  le  roi  (1).  Lorsque  le  même  roi  accorda 
en  1175  la  charte  de  Lorris  à  plusieurs  villages  des  environs 
de  Lorris ,  il  la  fit  transcrire  et  précéder  des  mots  :  «  Sunt 
itague  Lorriaci  et  consuetudines  et  libertates  quas  predictis  vil- 
lis  tndtUsimus  (2).  »  Et,  si  Ton  veut  bien  parcourir  la  liste  des 
concessions  seigneuriales  de  la  charte  de  Lorris ,  on  y  retrou- 
vera à  plusieurs  reprises  les  expressions  «  libertas  Lorriaci, 
libertates  Lorriaci.  » 

Nous  comprenons  maintenant  pourquoi  ce  texte  ne  renferme 
qu'un  nombre  très  restreint  de  dispositions  :  le  roi  s'est  con- 
tenté de  déterminer  les  points  sur  lesquels  il  voulait  sous- 
traire les  hommes  de  Lorris  au  droit  commun  de  la  région. 
Dans  tous  les  cas  où  la  charte  de  1155  restait  muette,  les  bour- 
geois retombaient  sous  l'action  de  la  Coutume  du  Gàtinais.  La 
charte  de  Sceaux  en  Gàtinais  (1153),  qui  offre,  comme  on  le 
verra  bientôt ,  les  plus  grands  rapports  avec  celle  de  Lorris, 
stipule  qu'un  certain  nombre  de  crimes  continueront  à  être 
jugés  d'après  la  Coutume  du  Gàtinais  (3).  Cette  coutume  es 
déjà  mentionnée  dans  une  charte  de  1103  (4). 

(1)  Ord.t  t.  VII  f  p.  57. 

(2)  Arch.  %at.,  JJ  166,  f«  275  v*. 

(3)  Art.  5  :  «  ...  homicidium,  proditio,  furtum,  raptum  mulierum  et  simi- 
li* qu©  semper  ex  consuetudine  Gastinensi  judicabuntur.  »  Ord.,  t.  XI,  p. 
199. 

(4)  Pièces  justificative* ,  n°  III. 

Revue  hist.  —  Tome  VIII.  U 


206  LES  COUTUMES  DE  LORRIS 

Il  n'y  a  rien  d'étonnant  toutefois  à  ce  que  cette  charte  de 
Lorris  ait  reçu  aussi,  dès  le  xn'  siècle,  le  nom  de  Consuetu- 
dines  :  mot  qui  désignait  alors  les  redevances.  Or,  ce  que  la 
charte  règle  surtout,  ce  sont  les  redevances.  Mais,  depuis 
lors  le  sens  du  mot  Coutumes  a  changé.  De  telle  sorte  qu'il 
nous  semblerait  préférable  aujourd'hui  d'appeler  le  texte  de 
1155  :  Charte  de  franchise. 

En  effet,  le  nom  de  Coutumes  de  Lorris  donné  à  la  charte 
de  Louis  VII  n'a  pas  peu  contribué  à  amener  chez  les  auteurs 
depuis  le  xvitt  siècle  une  confusion  entre  les  privilèges  de 
1155  et  la  Coutume  de  Lorris-Montargis  rédigée  à  la  fin  du 
xv*  siècle. 

Voyons  maintenant  les  rapports  qui  existent  entre  ces  deux 

textes. 

La  Thaumassière  parle  d'une  rédaction  des  Coutumes  de 
Lorris  qui  aurait  eu  lieu  sous  Philippe  de  Valois  (1).  Je  n'en 
ai  trouvé  aucune  autre  mention.  Et  d'ailleurs  La  Thaumas- 
sière dit  lui-même  que  ce  n'est  là  qu'une  probabilité. 

Mais  en  1494,  le  lundi  £  avril,  après  Pâques,  on  commença* 
d'enregistrer  à  Montargis,  sur  Tordre  donné  par  Charles  VIII, 
dans  ses  lettres  du  28  janvier  1493  (2),  «  les  Coutumes  no- 
toires notoirement  tenues ,  gardées  et  observées  ez  bailliages 
de  Montargis ,  de  Cepoy,  des  ressorts  et  exemptions  d'iceux , 
du  duché  d'Orléans ,  régis  et  gouvernés  sellon  les  anciennes 
Coustumes  de  Lorris  en  Gastinois...  (3).  »  Ces  Coutumes  furent 
réformées  en  1531.  Mais  les  Coutumes  d'Orléans  avaient  été 
auparavant  séparées  de  celles  de  Montargis  (1509),  d'où  la 
distinction ,  au  xvie  siècle ,  entre  les  Coutumes  de  Lorris-Mon- 
targis  et  celles  de  Lorris-Orléans. 

Les  jurisconsultes  les  plus  distingués  et  des  historiens  de 
premier  mérite  ont  vu  dans  les  franchises  du  xiie  siècle  l'ori- 
gine de  la  Coutume  de  1494  (4).  Les  éditeurs  du  Coutumier 

(l)Coui.  toc,  p.  391. 

(2)  Lettres  publ.  ap.  La  Thaum.,  Coût,  toc,  p.  467-468. 

(3)  Texte  des  Coutume*  de  1494,  La  Thaum.,  Coût,  toc,  p.  440-472.  Ces 
Coutumes  comprennent  23  chapitres  eux-mêmes  subdivisés  en  articles) 

(4)  «  Ces  Coutumes  (celles  de  1155)  ne  contenoient  que  36  ou  37  articles.. # 
C'est  cependant  l'origine  des  Coustumes  de  Lorris  et  de  plusieurs  lieux  du 
royaume,  qui  furent  dans  la  suitte  de  beaucoup  augmentées  pour  le  droit  des 
fiefs,  censives,  champarts,  etc.  »  La  Thaumassière,  Coût,  toc,  p.  391. 


ET   LEUR  PROPAGATION  AUX   XIIe   ET   XIIIe   SIECLES.    207 

général  ont  cependant  noté  la  différence  capitale  qui  sépare 
la  charte  de  1168  et  lès  Coutumes  de  Lorris  du  iv8  et  dii  xW 
siècles  (1).  Klimr&th  a  fait  la  rtêmè  observation  (2),  et  atlisi 
Laferrière  (8).  Augustin  Thierry  a  bien  dit  que  la  situation 
faite  au*  habitants  de  Lorris  largement  dotés  de  frtinchtees 
par  la  charte  de  1155,  «  anticipait  en  quelque  sorte  la  plupart 
des  conditions  essentielles  de  la  société  moderne  ;  »  mais  il 
ajeute  que  la  nature  de  cette  charte  «  exclusivement  civile  la 
rendait  propre  à  passer  de  l'état  de  loi  urbaine  à  celui  de  Coti* 
tome  territoriale;  elle  prit  ce  rôle  dans  la  jurisprudence  et 
finit  par  régler  non-seulement  la  condition  des  bourgeois  de 
tel  ou  tel  lieu,  mais  le  droit  coutumier  de  toute  uùé  pro- 
vince (4).  » 

La  charte  de  1155  ne  pouvait  servir  à  régler  le  droit  d'une 
province  puisqu'elle  ne  contient  pas  un  seul  article  de  droit 
privé.  Et  même ,  les  privilèges  à  la  jouissance  desquels  elle 
donnait  lieu  pour  les  villages  qui  l'avaient  obtenue  au  xtt* 
ou  an  xm*  siècle  >  se  trouvaient  naturellement  annulés  dès  la 
fin  du  xv6  siècle ,  par  suite  des  changements  survenus  peu  à 
peu  dans  nos  institutions  au  cours  des  temps.  Il  suffit  de 
parcourir  les  titres  deB  divers  chapitres  de  la  Coutume  de 
Lorris  rédigée  en  1494  (5)  pour  se  convaincre  qu'il  n'y  a  au* 
cun  rapport  entre  elle  et  les  franchises  de  1155.  Il  y  a  plus  : 

(1)  Nouvètu  Coututnier  général,  1724,  t.  III,  p.  829,  note. 

(2)  TratwHU?  turVhist.  du  droit  français ,  t.  II,  p.  197-199. 

(3)  Hist.  du  irait  français,  4.  IV,  p.  154. 

(4)  Essai  sur  l'kist.  du  Tiers-État  (tableau  de  la  France  nwnioipale),  ed» 
in-16,  p.  309-310. 

(5)  La  Thaum.,  Coût,  loc,  p.  440-472.  —  Ch.  i,  Des  fiefs;  —  c.  u,  En 
oitière  censaelle;  —  c.  m,  De  terrage  ou  cnampart;  —  c.  iv,  De  past  otages, 
herbages  et  pessons;  —  e.  v,  Repaves;  •**  e.  vi,  Estangs  et  garennes;  —  e. 
vu,  Comme  enfans  sont  fakta  à  leurs  droicts  et  sont  hors  de  puissance  du 
père;  —  c.  vin,  De  communaulté  d'entre  homme  et  femme  mariés;  —  c.  ix, 
De  sociétés;  —  c.  x,  De  servitutes  réelles;  —  c.  xi,  De  donnations  faictes 
eutre-vits;  —  c.  xn,  De  donnation  faicte  en  mariage  ;  —  c.  xni,  De  donnations 
testamentaires  et  peur  cause  de  mort;  —  c.  xiv,  De  douaire;  -*-  c.  rv,  De* 
droits  de  successions;  —  e.  xn,  En  matière  de  retraict;  —  c.  xrti,  De  pres- 
criptions; —  c.  xvin,  Exécutions  de  louages  ou  rentes  de  maison;  —  c*  xix, 
En  matières  de  criées;  —  c.  xx,  Ajournemens  et  citations;  —  c.  xxi,  D'exé- 
cutions de  letres  obligatoires;  —  c.  xxn,  Cas  possessoires ;  —  c.  xxm  (nu- 
méroté par  erreur  xxn,  dans  La  Th.,  p.  472),  Des  appellations. 


208  LES  COUTUMES  DE  LORRIS 

aucuq  des  articles  du  texte  du  xn*  siècle  n'a  passé  dans  la 
rédaction  du  xve  siècle,  si  ce  n'est  l'article  23  reproduit  dans 
l'article  XI  du  chapitre  IV  :  «  Toutesfoys  quand  il  ad- 
vient que  les  bestes  fuient  par  mouches,  espouventement , 
poursuitte  de  loups  ou  autre  inconvéniant ,  sy  le  pastre  faict 
diligence  de  les  suivre,  il  n'y  a  point  d'amende  (1).  »  Le  texte 
que  nous  avons  étudié  est  une  suite  de  dérogations  au  droit 
commun ,  qui  n'avaient  pas  pour  la  plupart  raison  d'être  au 
xve  siècle;  la  coutume  de  Lorris  de  1494,  c'est  au  contraire 
la  consignation  par  écrit  du  droit  commun  du  Gâtinais  et  de 
l'Orléanais  à  cette  époque. 

Il  est  vrai  que  les  bourgeois  de  Lorris  obtinrent  d'abord  de 
Charles  VII  en  1448,  puis  de  Louis  XIII  en  1625  la  confirma- 
tion de  leur  charte  du  xiii6  siècle.  Ce  n'est  pas  un  fait  rare 
dans  notre  histoire  de  voir  les  rois  confirmer  ainsi  des  pri- 
vilèges tombés  en  désuétude ,  cherchant  par  là  à  s'attacher 
leurs  sujets  en  montrant  combien  ils  avaient  à  cœur  le  main- 
tien de  leurs  droits.  Cette  confirmation  vient  même  à  l'appui 
de  l'opinion  que  je  soutiens  :  si  la  Coutume  de  Lorris-Mon- 
targis  n'était  que  le  développement  de  la  charte  de  1155,  sa 
promulgation  officielle  au  xvie  siècle  aurait  exclu  toute  possi- 
bilité de  confirmation  de  cette  charte  au  xvntt  siècle.  Le  texte 
de  1155  n'est  donc  nullement  la  source  de  la  coutume  du 
xve  siècle. 

Mais  pourquoi  cette  désignation  de  Coutume  de  Lorris  ap- 
pliquée aux  usages  juridiques  du  bailliage  de  Montargis  et  du 
duché  d'Orléans  et  cela  dans  le  préambule  même  de  la  Cou- 
tume de  1494?  —  Nous  avons  vu  que  les  bourgeois  de  Lorris 
étaient  soumis  pour  tous  cas  non  prévus  dans  leur  charte  à  la 
Coutume  du  Gâtinais.  La  charte  de  franchises  fut  octroyée 
pendant  les  xiie  et  xme  siècles  à  un  très  grand  nombre  de 
villages ,  d'abord  à  ceux  du  Gâtinais  et  de  l'Orléanais ,  puis  à 
d'autres  plus  éloignés.  Il  arriva  même  qu'on  leur  accorda 
les  Coutumes  de  Lorris ,  sans  préciser  davantage ,  sans  en 
mentionner  un  à  un  les  articles.  Naturellement  les  commu- 
nautés d'habitants,  qui  obtinrent  la  charte  de  Lorris ,  furent 


(1)  Cout.  de  1494,  ch.  iv,  art.  XI,  La  Thaumassière,  Coul.  toc,  p.  454.  — 
Nouvelle  coul.  de  1531,  ch.  iv,  art.  XIV,  La  Th.,  p.  550. 


ET  LEUR   PROPAGATION   AUX   XIIe   ET   XIIIe   SIECLES.      209 

amenées  à  adopter  tous  les  usages  suivis  à  Lorris  :  les  Cou- 
tumes du  Gâtinais  ;  à  leurs  yeux,  c'étaient  les  Coutumes  de 
Lorris.  Nous  en  avons  la  preuve  dans  un  arrêt  du  Parlement 
de  1327  (1),  qui  confirme  une  sentence  du  bailli  de  Sens  sur 
une  question  d'héritage.  Il  y  est  dit  que  la  Coutume  de  Lorris 
régissait  les  villages  de  Dimont ,  les  Bordes  et  Villeneuve-le- 
Roi.  On  sait  d'autre  part  que  Dimont  et  Villeneuve  avaient 
obtenu,  l'un  en  1190,  l'autre  dès  1163,  la  charte  de  Lorris; 
or,  elle  ne  traite  en  aucune  façon  la  matière  des  successions. 
Le  droit  du  Gâtinais  se  répandit,  sous  le  nom  de  Coutumes  de 
Lorris,  sur  toutes  les  régions  où  un  nombre  considérable  de 
villages  avaient  reçu  les  privilèges  de  Lorris,  par  exemple  sur 
le  comté  de  Sancerre  qui  était  du  duché  de  Berry,  et  qui  fut 
compris  non  dans  le  ressort  de  la  Coutume  de  Berry  mais 
dans  celui  de  la  Coutume  de  Lorris-Montargis  (2). 

Ainsi,  il  importe  de  ne  pas  confondre  la  coutume  de  Lorris 
avec  les  coutumes  ou  franchises  du  même  lieu.  Il  n'y  a  entre 
ces  deux  textes  qu'un  lien  tout  extérieur  et  une  similitude  de 
noms. 

Maurice  Prou. 


(A  suivre.) 


(1)  Indiqué  par  Boutade,  Actes  du  Parlement,  t.  II,  p.  636.  —  Piècet 
justifie.,  no  XXIII. 

(2)  Voir  :  Coût,  de  1494,  Préambule,  La  Th.,  p.  440.  —  Nouvelle  Coutume 
de  1531,  procès-verbal  et  ch.  h,  art.  XLIV. 


VARIÉTÉS  ET  DOCUMENTS. 


NOTE  SUR  QUELQUES  MANUSCRITS 


DE  LA  BIBLIOTHÈQUE  ROYALE  DE  BERLIN 

(Collection  Hamilton.) 


Parmi  les  manuscrits  de  la  célèbre  collection  de  lord  Ha- 
milton (1),  dont  le  gouvernement  prussien  a  fait  en  1882 
l'acquisition,  il  en  est  quelques-uns  qui  offrent  un  grand  in- 
térêt au  point  de  vue  de  l'histoire  du  droit. 

Ce  sont  d'abord  cinq  manuscrits  de  droit  canonique  qui 
viennent  d'être,  de  la  part  du  professeur  Hinschius,  l'objet 
d'un  examen  approfondi. 

Le  ms.  n°  132  du  catalogue  de  vente  (il  n'y  a  pas  eu  d'autre 
classement  jusqu'ici),  grand  format  de  260  feuillets,  rognés 
par  la  reliure,  paraît  être  de  la  fin  du  vin0  siècle,  avec  des 
additions  nombreuses,    notes   ou  feuillets   intercalés,  que 

(1)  Elle  fut  d'abord  transportée  intégralement  ta  cabinet  des  estampes  du 
vieux  musée.  Mais  on  n'y  a  finalement  conservé  que  les  156  manuscrits  qui 
ont  surtout  une  valeur  artistique.  La  perle  de  la  collection  est  la  série  des 
88  dessins  de  Sandro  BoticeUi  destinés  à  l'illustration  de  la  Divine  eomédfc 
du  Dante.  Qu'il  nous  soit  permis  de  signaler  de  très  beaux  manuscrits  de 
plusieurs  de  nos  chansons  de  geste  :  en  particulier  Alexandre  de  Macédone, 
et  le  Roman  du  loyal  comte  Huon;  et  surtout  la  précieuse  collection  de  lettres 
autographes  et  de  papiers  d'État  concernant  les  rapports  entre  l'Angleterre 
et  l'Ecosse  de  1532  à  1545. 

Plusieurs  des  manuscrits  de  la  collection  Hamilton  ont  été  étudiés  déjà  par 
quelques-uns  des  plus  savants  professeurs  de  Berlin.  V.  notamment  P.  Ewald  : 
ffeuet  orcHt  der  Gesellsehaft  fur  altère  deuttche  Geschichte,  t.  VIII  (1883), 
p.  332;  Wattenbach,  ibid.,  p.  343;  P.  Hinschius,  Zeittchrift  fur  Kirchen- 
gesckkhle,  t.  VI  (1883),  2»  livraison ,  p.  193  ;  Karl  Mûller,  ibid.,  p.  247. 


212  NOTE   SUR  QUELQUES   MANUSCRITS 

M.  Ewald  croit  devoir  reporter  à  la  seconde  moitié  du  ixe  siè- 
cle. Il  renferme  une  série  de  décisions  de  conciles  orientaux, 
grecs,  francs  et  espagnols,  et  d'anciennes  décrétales  des 
papes,  à  partir  d'Innocent  Ier  (m.  en  417).  A  la  fin  du  ms. 
se  trouve  une  série  de  quœstiones  de  diversis  sermonibus  super 
canones  interpretantibus  ;  les  sept  derniers  feuillets  renfer- 
ment le  troisième  livre  de  la  collection  des  capitulaires  d'An- 
ségise. 

Nous  savons  que  M.  Maassen ,  le  savant  professeur  de  droit 
canonique  de  l'Université  de  Vienne,  a  déjà  utilisé  ce  ma- 
nuscrit pour  son  histoire  des  conciles  Francs. 

Le  ms.  n°  31  renferme  la  régula  canonicorum  du  concile 
d'Aix-la-Chapelle  (donnée  notamment  par  Mansi ,  SS.  ConcU. 
nova  et  ampl.,  coll.  XIV,  147-246).  C'est  un  ms.  du  ixe  siècle, 
qui  vient  de  l'église  d'Albi. 

Le  ms.  n°  345 ,  très  beau  manuscrit  du  xme  siècle ,  renferme 
des  extraits  de  la  Collectio  trium  patrum  et  des  Excerpta  Ivonis 
Carnotensis  episcopi  ex  decretis  summorum  pontificum. 

Le  ms.  n°  279,  gr.  in-f*  du  xme  siècle,  avec  miniatures 
et  initiales  des  plus  artistiques ,  contient  le  décret  de  Gratien 
avec  le  commentaire  de  Barthélémy  de  Brescia.  Quelques 
feuillets  intercalés  renferment  une  partie  des  décrétales  de 
Grégoire  IX  avec  une  glose  du  xme  ou  du  xive  siècle. 

Le  ms.  n°  181  renferme  les  Clémentines  avec  le  commen- 
taire de  Jean  d'André  (m.  en  1348),  et  les  décrétales  de  Jean 
XXII  avec  le  commentaire  de  Jessélinus  de  Cassanis. 

Les  deux  mss.  n°"  192  et  193  intéressent  spécialement  l'his- 
toire du  droit  français  (1). 

Le  mss.  n°  192  renferme,  en  2  petits  vol.  in-12,  le  texte 
français  du  Grand  Coutumier  de  Normandie  en  126  chapi- 
tres (2).  Le  chapitre  final  de  la  prescription  ne  s'y  trouve  pas. 

(1)  Ces  deux  manuscrits  viennent  d'être  signalés  par  M.  Henri  Brunner  dans 
une  notice  insérée  dans  làZeitschrift  der  Savigny-Stiftung  fur  RechUgeschichte, 
t.  XVII  (1883),  p.  232. 

(2)  C'est  la  traduction  du  texte  latin ,  plusieurs  fois  imprimé  au  xv«  et  au 
xvi«  siècles,  publié  de  nouveau  au  xvii*  siècle  par  Ludewig  (Heliquim  ma- 
nutcriptorum,  t.  VII),  puis,  en  1880,  par  M.  de  Gruchy,  magistrat  à  Jersey. 
M.  Joseph  Tardif  en  prépare  une  édition  critique ,  d'après  les  21  manuscrits 
connus,  pour  la  Société  de  l'hittoire  de  Normandie. 


DE  LA   BIBLIOTHEQUE   ROYALE  DE  BERLIN.  213 

Cette  lacune  existant  dans  d'autres  manuscrits,  il  est  permis 
de  supposer  que  ce  chapitre  a  été  ajouté  à  une  époque  plus 
récente.  Le  manuscrit  de  Berlin  porte  la  mention  :  Actum  et 
scriptum  anno  Domini  M0  CCCC0  tertio  post  festum  Assumptio- 
nem  béate  Marie  virginis,  mense  augusti. 

A  la  suite  de  la  Coutume  de  Normandie  se  trouve,  sous  la 
rubrique  «  Arrestz  d'Eschequier,  »  une  petite  collection  de 
seize  textes  dont  les  six  premiers  et  ravant-dernier  sont, 
croyons-nous,  inédits.  Les  autres  ont  été  publiés,  dans  le 
texte  latin,  par  M.  Delisle  :  Recueil  de  jugements  de  V Échiquier 
de  Normandie ,  n0B  6,  5,  8,  10,  13,  24,  26  n.,  et  226,  et  par 
Warnkônig  :  Franz.  Staats  und  Rechtsgesch.,  t.  II,  Urkunden- 
tac&>  P-  70,  jugements  2,1,3,  4,  7,  9,  10  et  11.  Us  sont 
datés  de  1207  et  1208,  ce  qui  permet  de  supposer  que  les 
six  premiers  de  notre  petite  collection  pourraient  bien  être 
plus  anciens. 

Le  ms.  n°  193  renferme  le  texte  complet  des  Coutumes  de 
Beauvoisis,  par  Philippe  de  Beaumanoir.  C'est  un  petit  in- 
4°  sur  vélin  (26  cent,  sur  19),  à  2  colonnes,  comprenant  224 
feuillets  (la  pagination  paraît  d'une  époque  plus  récente). 
L'écriture  est  celle  de  la  Gn  du  xm°  ou  du  commencement 
du  xive  siècle ,  et  une  note  insérée  en  tête  du  manuscrit  qui  a 
été  relié  et  doré  sur  tranche  à  une  époque  assez  récente ,  en 
indique  la  provenance  : 

«  Bucquet-Debracheux.  Ce  manuscrit  me  vient  de  Monsieur 
»  le  Mareschal  de  Fricourt,  lieutenant  particulier  au  prési- 
»  dial  de  Beauvais,  mon  parent,  et  oncle  de  Madame  Buc- 
»  quet,  mort  le 177..  qui  l'avait  eu  de  sa  famille 

»  Les  savants  qui  ont  vu  ce  manuscrit  le  jugent  nécessaire 
»  pour  procurer  une  édition  plus  exacte  que  celle  de  1690 
»  in-folio ,  de  cet  ouvrage  si  précieux  pour  l'Histoire  de  notre 
»  droit  public.  On  regarde  ce  manuscrit,  sinon  comme  ori- 
»  ginal ,  au  moins  comme  approchant  extrêmement  du  temps 
»de  l'auteur.  H  existe  d'ancienneté,  et  on  a  lieu  de  croire 
»  qu'il  a  toujours  existé  dans  sa  province » 

BUCQUET  DE  BraGHEUX. 

XbrM784. 


214 


NOTE  SUR  QUELQUES  MANUSCRITS 


M.  Beugnot,  dernier  éditeur  de  Beaumanoir  (édition  pu- 
bliée pour  la  Société  de  l'histoire  de  France,  1842),  n'a  pas  eu 
connaissance  du  manuscrit  4e  lord  Hamttton,  et,  comme  scm 
possesseur  du  «iàcle  dernier,  nous  croyons  qu'il  sera  néces- 
saire de  s'y  reporter,  si  l'on  entreprend  un  jour  une  nouvelle 
édition  de  notre  grand  jurisconsulte  oeutumier. 

Jusqu'à  quel  point  se  rapprocke441  du  texte  primitif?  C'est 
ce  qu'il  est  difficile  de  préciser.  Où  peut  seulement  affirmer 
qu'il  n'est  pas  écrit  dans  le  diaieete  picard  (1),  mais  plutôt 
dans  celui  de  r Ile-de-France. 

Ce  qui  du  moins  fait  présumer  l'importance  exceptionnelle 
du  ms.  de  Berlin,  ce  sont  les  74  miniatures  placées  en  tète 
des  chapitres.  C'est  le  seul  manuscrit  illustré  de  Beaamanohr 
actuellement  connu.  Ces  miniatures,  d'un  dessin  très  délicat, 
ont,  comme  celles  de  quelques  manuscrits  du  Sachsenpiegel, 
une  signification  juridique,  et  se  rapportent  quelquefois  à  un 
point  particulier,  presque  toujours  à  l'ensemble  du  chapitre  en 
tôte  duquel  elles  se  trouvent.  La  rubrique  suffit  bien  souvent 
à  en  expliquer  le  sens. 

La  comparaison  de  quelques  passages  du  ms.  avec  l'édition 
de  M.  Beugnot  permettra  de  se  faire  une  idée  de  sa  valeur. 


Édit.  Bbuonot,  ch.  I,  Tfi  4<6,  p.  £1. 

Li  baillis  n'a  pas  pooir  de  fere 
bonnage  ne  de  vendre  l'eritage 
son  seigneur  et  l'autrui,  s'il  n'a 
especial  commandement  de  son 
segneur  de  fere  le.  Et  se  li  sires 
le  veut,  porfltable  coie  est  as 
maroeans  que 

Ch.  XIV,  n"  27,  p.  241. 

Li  oncles  est  plus  prochains 
queli  niés,  car  il  est  un  point  plus 
aval ,  et  li  oncles 


Makuscrut  de  Berlin. 

Li  baillis  n'a  pas  pooir  de  faire 
bonnaige  ne  devise  entre  Firetage 
son  seigneur  et  l'autrui,  se  il  n'a 
especial  commandement  de  son 
seigneur  de  faire  loi  et  se  li  sires 
le  voit. 

Porfltable  chose  est  as  marchis- 
sans  que 

Li  oncles  est  plus  prochains  que 
li  niez,  car  li  niez  est  un  point 
plus  aval,  parce  qu'il  est  fiex  dou 
frère  ou  de  la  suer,  et  li  oncles 


(4)  Voy.  V Étude  sur  le  dialecte  picard  publiée  par  M.  Gaston  Raynaud  dans 
la  Bibliothèque  de  l'École  des  Chartes,  II»  série,  t.  XXXVII  (1876),  p.  317. 
V.  notamment  le  tableau  comparatif  de  la  p.  356. 


DK  LA  BIBLIOTHÈQUE   ROYALE  DE  BERLIN.  218 

Ch.  XLI,t.  II,  p.  153. 

...les  resonspor  quoi  on  les  pot  ...les  resons  par  quoi  on  les 
ester.  peut  débouter,  et  après  U  mot  re- 

oortie  ms.  ajoute  :  et  pour  ce  doit- 
il  bien  estr*  déboutés  qu'il  ne  soit 
arbitrez. 

Une  comparaison  attentive  entre  le  manuscrit  et  l'édition 
Beugnot  permettrait  de  multiplier  ces  exemples.  Le  chapitre  X 
est  précédé  d'une  rubrique,  différente  quant  à  la  forme,  de 
pelle  qae  M .  BeugMt  dit  avoir  du  tirer  de  la  table  des  oha~ 
pitres. 

Les  derniers  feuillets  du  manuscrit  contiennent  : 

1*  Une  petite  poésie  (51  vers)  dont  voici  le  début  : 

Qui  veult  en  paradis  aler 
Pour  avoir  joye  sans  finer 
Et  le  sentier  ne  scet  trouver 
Icy  pourra  considérer 
La  voye  qui  lui  doye  mener... 

£"  Un  petit  fragment  intitulé  les  Cousiumes  de  France.  C'est 
nu  petit  traité  sur  les  fiefs ,  rédigé  comme  une  sorte  de  caté- 
chisme par  demandes  et  par  réponses ,  et  qui  a  été  inséré 
dans  le  Grand  Qoutmmierde  France,  ch.  xxvn,  liv.  II.  Publié 
par  La  Thaumassière,  dans  ses  Anciennes  et  nouvelles  Cou* 
tûmes  locales  du  Berry,  p.  344,  il  a  été  donné  de  nouveau,  avec 
âne  introduction  et  des  notes,  par  M.  Bordter,  dans  la  Biblio- 
thèque de  VÈeole  des  Chartes,  IIe  série,  t.  V  (1849),  p.  45. 
Les  Coustumes  de  France  occupent  10  pages;  l'écriture  parait 
être  de  la  fin  du  xrve  siècle.  Le  ms.  de  Berlin  renferme  quel- 
ques variantes  ;  les  deux  derniers  alinéas  du  texte  donné 
par  M.  Bordier  n'y  sont  pas  reproduits.  Le  préambule  diffère 
quelque  peu  : 

«  Pour  monstrer  et  déclairer  les  fiefz  de  la  Coustume  de 
»  France  sur  ce  que  les  ungs  en  dient  avant  et  les  autres 
»  arrière.  Car  quand  il  eschiet  qu'il  y  a  ung  fort  seigneur  et 
»  ung  foible  vassal  ou  ung  foible  seigneur  et  un  fort  vassal, 
»  le  plus  fort  de  chacun  d'eulx  veult  fere  la  coustume  a  son 
»  propre  et  singulier  prouffit ,  soit  tort  ou  droit. 


218         NOTE  SUR  QUELQUES  MANUSCRITS 

10.  —  Item,  et  se  en  ung  mariage  a  voit  xn  filles  ou  plus 
l'aisnée  n'aura  point  gregneur  droit  es  fiefz  que  une  des 
puis  neez,  mais  par  ladite  coustume  chacune  en  aura  autant 
l'une  comme  l'autre;  car  en  filles  n'a  point  d'ainsneessez. 

11.  —  Item,  les  puis  neez  ne  tendront  pas  de  leur  ainsnee 
s'il  ne  leur  plaist;  mais  le  tendront  du  seigneur  de  qui  le  fief 
sera  tenus. 

12.  —  Item ,  se  ung  fief  ou  plusieurs  escheent  en  luigne 
colaterale,  femmes  ne  succèdent  point»  puis  qu'il  y  aura  hoir 
masle  aussi  prouchain  de  ligne  comme  les  femmes  seraient, 

13.  —  Item,  selonc ladite  coustume,  tous  fiefz  se  rachettent 
de  toutes  mutacions  de  vassaulx. 

14.  —  Item,  il  y  a  certains  fiefs  qui  sont  amectés  l'un  à 
x  sols ,  ou  plus  ou  moins ,  ou  a  un  chappel  de  roses  ou  ung 
espérons  dorez ,  quand  tels  fiefz  escheent  en  la  main  du  sei- 
gneur, le  dit  seigneur  ne  peult  demander  gregneur  somme 
que  celle  a  quoy  ilz  ont  estes  amectés,  mais  qu'il  soit  con- 
formé par  ceux  à  qui  il  appartient* 

15.  —  Item ,  il  y  a  certains  fiefz  que  l'en  noiûme  fiefz  de 
parage ,  esquelz  fiefz  a  plusieurs  branches  qui  tiennent  et 
possessent  des  branches  dudit  fief.  Et  y  a  une  desdites  bran- 
ches qui  est  nommée  miroir  dudit  fief  :  ce  miroir  fait  hom- 
mage pour  toutes  les  branches  au  seigneur  de  qui  le  fief  est 
tenus. 

16*  —  Item,  se  ledit  miroir  vendoit  tout  l'eritaige  qu'il 
ten droit  dudit  fief,  jusques  à  ung  quartier  de  terre  ou  iùains, 
si  demourra  il  tous  jours  miroir,  jusques  ad  ce  qu'il  ne  tiengne 
roye  de  terre  dudit  fief. 

17.  —  Item ,  se  le  seigneur  de  qui  ledit  fief  sera  tenu  n'aura 
point  de  prouffit  jusques  ad  ce  que  ledit  miroir  vende  tous  les 
héritaiges  qu'il  tendra  dudit  fief  ou  qu'il  voise  de  vie  a  trespas 
et  alassent  de  vie  a  trespassement  toutes  les  autres  branches 
dudit  fief. 

1S.  —  Item,  se  ung  noble  homme  tenant  fief  a  voit  enfans 
créés  en  mariage,  alloit  de  vie  a  trespassement,  et  laissoit 
les  enfans  mineurs  d'aage,  leur  mère  pourrait,  se  lui  plaisoit, 
prendre  et  appréhender  a  soy  le  bail  de  ses  dis  enfans.  Et 
s'elle  se  mariait  depuis  la  mort  de  son  dit  mari ,  de  tant  de 
foiz  comme  elle  se  mariroit,  le  seigneur  de  qui  les  fiefz  de  ses 


DE  LA  BIBLIOTHÈQUE   ROYALE   DE   BERLIN.  219 

dis  eofans  seraient  tenu*,  auroit  pour  chacun  mariaige  l'année 
des  fiefz  de  ses  dis  enfans. 

19v  —  Item*  et  que  se  ung  «aaltroqui  appartiendrait  de  ligne 
colatend  a  aucuns  enfans  qui  demeurroient  mineurs  d'aage,  et 
il  prenoit  et  apprebendôit  a  jouir  le  bail  et  gouvernement 
des  dis  enfans,  il  conveadroit  que  se  ilz  se  veodoient,  ou 
d'as  bail ,  qu'il  alast  devers*  le  seigneur  de  qui  les  fiefa  des 
enfans  serait  tenuz,  finer  et  fere  finance  de  ce  que  les  dis 
fiefz  pourraient  valoir  pour  uae  année.  Et  s'il  y  avoit  arrière 
fief  deppendans  de  plain  fiefz,  il  esconvendroit  que  il  les 
receupt  devers  les  dis  seigneurs ,  affin  que  les  dis  enfans  n'y 
trovassent  point  d'empeschement  quand  ils  demourroient  en 
leur  aage. 

20.  —  Item ,  quand  l'aisné  filz  des  dis  enfans  serait  entré 
en  son  xxiê  an ,  ledit  bail  serait  fine .  et  porroit  ledit  aisné  filz 
aler  devers  son  seigneur  pour  finer  de  ses  dis  fiefz ,  et  lui  fait 
finance  à  son  dit  seigneur,  il  en  peult  jouir  comme  de  sa 
propre  chose. 

21.  —  Item,  se  ung  fief  eschiet  en  la  main  d'aucun  sei- 
gneur par  mutation  de  vassal ,  et  que  son  dit  vassal  soit  allé 
de  vie  a  trespassement,  et  aulcun  ne  se  porte  héritier  de  son 
dit  vassal,  le  seigneur  par  ladite  coustume  peult  jouir  dudit 
fief  et  appliquer  à  soy  tous  les  prouffiz  et  revenuez  jusques  ad 
ce  qu'il  en  ait  homme  et  qui  de  ce  ait  fait  son  devoir  devers 
son  dit  seigneur,  bien  et  souffisaument. 

22.  —  Item  et  que  se  ungs  hoirs  tenoit  de  ung  certain 
seigneur  ung  certain  fief  duquel  deppendissent  certains  arrière 
fiefz  qui  seraient  tenus  du  second  seigneur,  et  le  dit  avant 
seigneur  mettoit  empeschement  es  héritages  du  dit  arrière 
fief,  le  possesseur  pourrait  fere  adjourner  ledit  second  sei- 
gneur pour  le  garandir  ou  demander  congé  de  soy  garandir 
lequel  pourrait  demander  et  requerra  a  veoir  ledit  empesche- 
ment et  pour  savoir  l'an  dudit  empeschement.  Et  après  a  lui 
pourrait  promettre  de  loy  garandir  de  dedens  les  m  qua- 
rantaines failliez.  Et  ou  cas  qu'il  ne  le  garandiroit  dedens  les 
dites  trais  xld"  qui  sur  celui  seraient  assignées ,  en  ce  cas  il 
perderoit  l'ommage  de  son  dit  arrière  fief,  et  vendrait  le  dit 
possesseur  en  la  foy  et  hommage  de  son  avant  seigneur. 

23.  —  Item,  se  ung  seigneur  veult  fere  son  vassal  entrer 


!  220         NOTE  SUR  QUELQUES  MANUSCRITS. 

en  sa  foi  et  hommage ,  il  convient  que  le  seigneur  le  somme 
et  lui  face  commandement  d'y  venir.  Et  se  le  vassal  veult ,  il 
aura  xl  jours;  passez ,  le  seigneur  peult  mettre  et  assigner  sa 
main  au  fief  que  son  vassal  tendra  de  lui,  jusques  ad  ce  qu'il 
soit  entré  en  sa  foy  et  que  lui  ait  fait  hommage. 

24.  —  Item,  et  samblablement  se  ung  seigneur  veult  re- 
cepvoir  son  vassal,  lui  sommé  de  paier  le  roncin  de  service, 
il  aura  le  delay  dessus  dit,  et  s'il  ne  lui  paie  le  roncin  ledit 
terme  passé,  le  seigneur  peut  mettre  et  assigner  sa  main  au 
dit  fief  comme  dit  est  dessus. 

Explicit. 

Georges  Blondel  , 

docteur  en  droit ,  agrégé  d'histoire. 


VARIÉTÉS  ET  DOCUMENTS.  221 


NOTE  SUR 


UNE  SOMME  FRANÇAISE  DU  XIVe  SIÈCLE 


SUR    IjB    CODE. 


Nous  nous  excusons  de  ne  pas  avoir  publié  plutôt  un  ren- 
seignement intéressant  pour  les  historiens  du  droit,  et  qui 
nous  avait  été  transmis  depuis  quelque  temps  déjà  par  M.  le 
professeur  Brunner,  de  Berlin. 

M.  Krueger,  de  Kœnigsberg,  dans  ses  recherches  à  la  Viti- 
cane,  avait  trouvé  un  manuscrit  français  du  xive  siècle,  conte- 
nant une  Somme  sur  le  Code  Justinien  ;  il  fit  la  copie  de  la  pré- 
face, la  communiqua  à  M.  Brunner,  qui  a  eu  l'obligeance  de 
nous  la  transmettre.  L'auteur  de  cette  Somme  est  un  clerc  de 
Bologne,  Ace  ou  Asces,  qui  composa  cet  ouvrage  sur  la  prière  de 
ses  collègues  et  pour  leur  instruction.  Il  critique  les  Sommes 
de  Placentin  (1192),  et  croit  en  avoir  fait  une  bien  préférable, 
car  sa  préface,  que  nous  reproduisons  ci-dessous,  montre  qu'il 
ne  péchait  pas  par  excès  de  modestie. 

Vat.,  reg.  1063,  manuscrit  du  xrv*  siècle. 

Ci  commence  la  somme  ace  seur  toz  les  tytres  de  code. 
Porce  que  plante  de  grâce  est  uenue.  puisque  escience  fu 
trouée,  et  engins  est  creuz  par  le  bénéfice  de  nature,  ce  nest 
pas  merueille  se  humaine  condition  reçoit  accroissement  par 
continuel  estuide  quar  la  coutumance  est  tornee  e  nature  et 
porce  chascuns  entent  au  plus  soutillment  quil  puet  por  auoir 
gloire,  nature  dôme  nest  pas  estable.  qar  sicome  Sale- 
mons  dit.  toutes  choses  renouuelent.  et  génération  dethar. 
et  desanc  nest  et  muert.  li  home  sont  donc  renouuele.  et 
escience  florist.  qar  li  ancien  mestre  liurerent  les  ars  et  les 

Revce  hist.  —  Tome  VIII.  15 


222  NOTE   SUR   UNE   SOMME  FRANÇAISE. 

esciences.  porquoi  il  doiuent  estre  loe.  mes  porce  ne  doiuent 
il  pas  estre  leue  par  desus  touz  autres,  qar  cil  qui  soutillment 
amende  ce  qui  est  fet  doit  estre  plus  loez  que  cil  qui  premiè- 
rement le  fist.  Ce  sai  bien  que  messires  placentins  qui  fu 
nobles  hom.  et  bien  ren ornez,  et  sages  hom  de  droit  a  Mont- 
pellier. Gt  moult  bonnes  sommes  seur  code  et  seur  institutes. 
ne  gênai  (je  n'ai)  pas  proposement  daler  contre  ce  que  il  dist. 
Car  ia  soit  ce  que  il  parla  en  aucun  leu  moult  briefment.  et  en 
aucun  leu  sanz  garder  ordre  et  en  aucun  leu  confusément,  ne 
porqant  il  n'en  doit  pas  estre  blasmez.  qar  auoir  tôt  en  mé- 
moire et  garder  soi  que  len  ne  pèche  en  aucune  chose  appar- 
tient plus  a  dieu  que  a  home.  Et  ge  asces  qui  demeure  a  bou- 
longne  en  la  compaignie  des  sages  homes  ai  obéi  humblement 
as  prières  de  mes  compaignons  qui  sont  bons  clerc,  et  de 
bone  uie  et  de  noble  lignage,  et  pour  ce  estudierai  ge  selonc 
leur  requestes  a  ordener  clerement  une  somme  seur  Code  et 
seur  Institutes.  qar  ge  uoudrai  que  liuieli  et  ligeune  [les  vieux 
et  les  jeunes]  i  puissent  legierement  trouuer  ce  que  il  quer- 
ront.  qar  il  selt  souuent  auenir  que  li  textes  an...  liure  [des 
anciens  livres?]  est  en  oscurez  par  la  glose  et  quant  il  co- 
nuient  querre  glose  sus  glose,  li  auditeur  ni  pueent  pas  fere 
leur  preu.  mes  quant  il  estuidient  es  doutes  des  gloses,  il  ni 
pueent  ueoir  goûte  et  par  ce  chieent  il  souuent  en  erreur.  Mi 
compaignon  receuez  donc  ceste  oeure  clere  et  aperte.  que  uos 
mauez  longuement  demandée  et  sachiez  qe  uos  ni  trouueroiz 
nule  chose  oscure.  ne  douteuse  ne  contrere  a  lois,  qar  toutes 
les  parties  qui  i  sont  sont  issues  del  cors  de  droit.  Ci  com- 
mence, etc. 

H.  Brunner. 


COMPTES-BENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES. 


Inscriptions  palmyréniennes.  Un  tarif  sous  l'Empire  romain, 
par  le  marquis  de  Vogué  ,  membre  de  l'Institut.  Extrait  du  Journal 
Asiatique,  Paris,  1883. 

L'inscription  dont  il  s'agit  a  été  récemment  trouvée  à  Pal- 
myre  par  le  prince  Abamélek  Lazareu,  qui  en  a  envoyé  les 
estampages  à  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres.  Elle 
contient  en  grec  et  en  araméen  le  texte  d'un  tarif  de  péage  et 
des  clauses  et  conditions  imposées  au  fermier  de  la  percep- 
tion. M.  de  Vogué  a  déchiffré  cette  inscription  et  la  publie  en 
entier,  avec  une  traduction  et  quelques  notes.  C'est  le  monu- 
ment le  plus  complet  que  nous  possédions  sur  la  matière  des 
douanes  et  péages  chez  les  Romains.  Il  contient  60  articles, 
et  quoique  mutilé  en  beaucoup  d'endroits ,  il  n'en  fournit  pas 
moins  des  données  toutes  nouvelles  et  très  précieuses. 

Le  tarif  est  de  l'an  137  de  notre  ère,  sous  le  règne  d'Ha- 
drien. Il  exige  un  droit  fixe,  d'entrée  et  de  sortie,  de  trois 
deniers  par  charge  de  chameau,  et.  d'un  denier  sans  doute, 
par  charge  d'âne.  En  outre,  toute  marchandise  payait  soit  à 
l'entrée,  soit  à  la  sortie ,  un  droit  ad  valorem.  Il  y  avait  aussi, 
paraît-il ,  des  taxes  de  fabrication ,  des  redevances  pour  l'u- 
sage des  eaux,  des  droits  d'enregistrement  sur  les  actes  de 
société.  Tout  le  contentieux  de  ces  perceptions  était  porté  de- 
vant une  juridiction  locale.  Le  fermier  avait  le  droit  de  pra- 
tiquer des  saisies  et  de  faire  vendre  les  objets  saisis.  Les 
principaux  objets  soumis  aux  droits  sont  les  esclaves,  les 
laines  et  les  huiles,  les  peaux,  les  épices,  les  parfums  et  les 
comestibles,  enfin  la  paille,  les  habits  et  les  chaussures. 

Nous  nous  bornons  à  signaler  l'importance  de  ce  monu- 
ment qu'il  faudrait  reproduire  tout  entier.  Quelques-unes  des 
lacunes  qu'il  contient  pourront  être  restituées.  Par  exemple, 


224  COMPTES-RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES. 

les  §§  41  et  43  du  texte  grec  contiennent  évidemment  des 
règles  sur  les  saisies  ou  prises  de  gage,  Ivtjppa  \a[6eiv].  Au 
surplus ,  on  attend  de  nouveaux  estampages ,  qui  permettront 
sans  doute  d'améliorer  le  texte  avec  une  entière  certitude. 
Déjà  le  travail  de  M.  le  marquis  de  Vogué  est  propre  à  rendre 
les  plus  grands  services  et  mérite  la  reconnaissance  de  toutes 
les  personnes  qui  s'occupent  des  antiquités  romaines. 

R.  Dareste. 


Recueil  des  instructions  données  aux  ambassadeurs 
et  aux  ministres  de  France  depuis  les  traités  de 
Westphalie  jusqu'à  la  Révolution  française,  tome  Ier, 
Autriche,  par  M.  Albert  Sorel,  i  vol.  in-8°,  Paris,  Alcan,  1883. 

Nous  sommes  heureux  de  pouvoir  reproduire  intégrale- 
ment, d'après  le  n°  du  Journal  officiel  du  15  mars  1884,  le 
rapport  que  notre  collaborateur,  M.  de  Rozière,  a  présenté 
sur  cet  ouvrage  à  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles- 
lettres. 

L'an  dernier,  à  peu  près  à  cette  môme  époque ,  j'avais  l'honneur 
d'offrir  à  l'Académie ,  au  nom  de  la  commission  des  archives  diplo- 
matiques, le  premier  volume  de  l'Inventaire  sommaire  du  dépôt  des 
affaires  étrangères. 

Je  me  souviens  encore  de  la  bienveillance  particulière  avec  la- 
quelle cet  hommage  fut  accueilli. 

Ce  volume  d'inventaire  était ,  en  effet ,  la  première  manifestation 
publique  et  comme  la  consécration  des  facilités  qu'une  suite  de  mi- 
nistres intelligents  venait  d'accorder  aux  travailleurs. 

Grâce  à  ces  facilités ,  le  nombre  des  ouvrages  dont  les  auteurs  ont 
utilisé  le  dépôt  des  affaires  étrangères  a  considérablement  augmenté. 

La  commission  des  archives  diplomatiques ,  fidèle  à  la  pensée  qui 
avait  présidé  à  sa  création ,  a  secondé  ce  mouvement  en  autorisant 
les  communications  avec  une  libéralité  jusqu'alors  inconnue.  Mais 
elle  a  pensé  qu'en  dehors  de  ces  autorisations  son  rôle  n'était  pas 
strictement  limité  à  la  direction  des  classements  et  des  inventaires  et 
qu'il  était  de  son  devoir  de  ne  pas  laisser  à  d'autres  le  soin  de  tirer 
des  archives  confiées  à  sa  surveillance  quelques-unes  de  ces  grandes 
publications  qui ,  par  leur  importance  et  le  but  élevé  qu'elles  se  pro- 
posent, semblent  appartenir  à  l'initiative  du  Gouvernement. 


COMPTES-RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES.  225 

Elle  a  donc  soumis  à  M.  le  Ministre  des  Affaires  étrangères  le  plan 
d'an  recueil  destiné  à  contenir  les  instructions  données  aux  ambassa- 
deurs et  ministres  de  France  depuis  le  traité  de  Westpbalie  jusqu'à  la 
Révolution  française.  Le  projet  a  reçu  l'approbation  ministérielle  ; 
la  commission  a  désigné  des  éditeurs ,  et  celui  dans  le  lot  duquel 
avaient  été  placées  les  relations  de  la  France  avec  la  Cour  de 
Vienne,  M.  Albert  Sorel  s'est  immédiatement  mis  à  l'œuvre.  Il  vient 
d'achever  sa  tâche ,  et  c'est  le  volume  publié  par  ses  soins  que  la 
commission  des  archives  diplomatiques  a  bien  voulu  me  charger  d'of- 
frir à  l'Académie. 

L'éloge  de  M.  Sorel  n'est  plus  à  faire.  Dans  ses  publications  sur 
l'action  diplomatique  de  la  France  pendant  la  période  révolutionnaire 
et  pendant  la  guerre  de  4870.  Il  avait  montré  ce  qu'on  pouvait 
attendre  de  lui.  Ceux  d'entre  vous  qui  parcourront  son  nouveau  tra- 
vail y  reconnaîtront  ces  qualités  maîtresses  d'exactitude ,  de  clarté , 
de  sobriété  dont  il  avait  déjà  fait  preuve  et  qui  constituent  le  fonds 
de  son  talent. 

Mais,  si  je  ne  craignais  d'abuser  des  moments  de  l'Académie  je  lu1 
demanderais  la  permission  d'exposer  en  quelques  mots  le  but  que  la 
commission  des  archives  diplomatiques  s'est  proposé,  les  raisons  qui 
ont  déterminé  son  choix  et  les  règles  qu'elle  a  imposées  à  ses  édi- 
teurs. 

La  commission  n'a  pas  eu  la  prétention  de  faire  une  œuvre  d'éru- 
dition. Elle  a  voulu  mettre  à  la  disposition  des  historiens  et  des  pu- 
blicistes  une  sorte  de  manuel  des  traditions  politiques  de  la  France , 
et  en  même  temps  offrir  aux  jeunes  gens  qui  se  consacrent  à  la  dé- 
fense des  intérêts  extérieurs  du  pays  les  modèles  les  plus  intéres- 
sants, les  plus  autorisés,  les  mieux  faits  pour  servir  à  l'étude  des 
questions  diplomatiques. 

Aucune  série  de  documents  ne  pouvait  répondre  d'une  manière 
plus  complète  à  ce  double  programme  que  la  série  des  instructions 
données  aux  ambassadeurs.  Il  était  en  effet  d'usage,  sous  l'ancienne 
monarchie ,  de  remettre  à  chaque  ambassadeur,  au  moment  de  son 
départ,  une  instruction  étendue  qui  contenait  l'exposé  des  relations 
antérieures  de  la  France  avec  la  cour  auprès  de  laquelle  il  était  ac- 
crédité, l'état  des  questions  pendantes  entre  les  deux  cabinets,  et 
enfin  le  tracé  de  la  ligne  de  conduite  jugée  la  plus  avantageuse.  Ces 
instructions  n'étaient  le  plus  souvent  que  le  résumé  des  mémoires 
composés  sur  les  documents  originaux  par  les  commis  des  affaires 
étrangères,  c'est-à-dire  par  des  hommes  très  éclairés,  très  informés, 
très  pénétrés  de  la  tradition.  Elles  sont  reliées  l'une  à  l'autre  par 
l'enchaînement  des  idées  qui  ont  formé  le  système  politique  de  la 
France,  et  constituent  le  commentaire  le  plus  lumineux  et  le  plus 


226  COMPTES-RENDUS   BIBLIOGRAPHIQUES. 

sûr  de  la  conduite  qui  nous  avait  assuré  une  si  grande  place  dans  la 
politique  européenne. 

Peut-être  la  commission  aurait-elle  pu  faire  remonter  sa  publica- 
tion plus  haut  et  la  faire  descendre  jusqu'à  une  époque  plus  rappro- 
chée de  notre  temps.  Mais  il  faut  reconnaître  que ,  si  la  constitution 
du  dépôt  des  affaires  étrangères  date  du  ministère  de  Richelieu ,  ce 
n'est  cependant  qu'à  partir  de  la  paix  de  Westphalie  que  les  relations 
diplomatiques  ont  pris  un  caractère  suivi  et  régulier,  et  que,  d'un 
autre  côté,  la  période  de  4790  à  4844  a  été  une  période  de  guerre, 
pendant  laquelle  ces  relations  ont  été  fréquemment  interrompues. 

Ces  considérations  ont  déterminé  la  commission  dans  la  fixation 
des  périodes  extrêmes  auxquelles  elle  a  cru  devoir  s'arrêter.  En  même 
temps ,  la  nature  des  documents  destinés  à  prendre  place  dans  son 
recueil  lui  imposait,  en  quelque  sorte,  le  mode  de  publication  qu'elle 
a  adopté.  Elle  a  prescrit  à  ses  éditeurs  de  n'abréger,  corriger  ou 
modifier  en  quoi  que  ce  soit  les  documents  qu'ils  publient;  ce  sont 
des  documents  historiques  et  qui  doivent  être  livrés  au  public  dans 
leur  intégrité  originale. 

Elle  leur  a  permis  de  placer  en  tête  de  chaque  volume  un  moroeau 
historique  résumant  l'ensemble  des  relations  de  la  France  avec  le 
pays  auquel  le  volume  est  consacré.  Enfin ,  elle  les  a  autorisés  à  re- 
lier chaque  instruction  à  celle  qui  précède  par  une  notice ,  dans  la- 
quelle sont  résumées  les  données  nécessaires  à  l'intelligence  du  do- 
cument. Ces  notices  qui,  dans  tous  les  cas,  devront  être  très  courtes, 
ne  seront  même  pas  toujours  indispensables.  En  effet ,  les  instruc- 
tions, commençant  en  général  par  un  précis  rétrospectif  des  relations 
entre  les  deux  Étals ,  se  suffisent  en  quelque  sorte  à  elles-mêmes ,  et 
contiennent,  pour  ainsi  dire,  leur  propre  introduction.  Les  notices 
ne  deviennent  nécessaires  que  lorsqu'entre  deux  ambassades  il  s'est 
produit  des  faits  diplomatiques  ou  des  faits  de  guerre  auxquels  le 
lecteur  a  besoin  d'être  initié. 

Je  suis  convaincu  que  la  publication  des  instructions  édictées  par 
M.  Sorel ,  dans  lesquelles  apparaissent  à  chaque  ligne  la  connaissance 
des  grandes  affaires ,  le  respect  de  la  tradition  nationale  et  le  dévoue* 
ment  aux  intérêts  de  l'État ,  fera  le  plus  grand  honneur  à  notre  an* 
cienne  diplomatie.  Je  regrette  de  ne  pouvoir  pas  mettre  sous  les  yeux 
de  l'Académie  quelques-unes  de  ces  instructions.  Mais  je  ne  puis 
résister  au  désir  d'en  citer  deux  courts  fragments,  qui  m'ont  vive- 
ment impressionné  : 

Je  lis  dans  les  instructions  données  en  4725  au  duc  de  Richelieu  : 
«  Lors  de  la  conclusion  des  traités  de  Westphalie,  ceux  qui  y  eurent 
la  principale  part  regardèrent  comme  un  point  essentiel  à  l'équilibre 
et  à  la  balance  en  Europe  les  privilèges  et  les  droits  que  l'on  procura 


COMPTES-RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES.  227 

an*  prioces  et  États  de  l'Empire  et  qui,  fixant  les  droits  de  la  cour 
de  Vienne  (impériale  alors),  empêcheraient  à  jamais  que  le  corps 
germanique  et  cette  cour  ne  formassent  un  seul  et  même  corps ,  qui 
serait  en  effet  formidable  à  toutes  les  puissances  de  l'Europe.  » 

Quelques  années  auparavant,  en  4745,  je  rencontre  dans  les  ins- 
tructions remises  au  comte  du  Luc  cette  phrase  :  «  C'est  ainsi  qu'ont 
grandi  les  maisons  de  Prusse ,  de  Savoie ,  de  Hanovre  et  de  Ba- 
vière; il  est  temps  peut-être  de  les  redouter  après  s'en  être  servi.  » 

Enfin,  en  4756,  le  département  des  affaires  étrangères,  revenant 
sot  la  question  des  rois  de  Prusse  et  de  Sardaigne,  écrivait  au  comte 
de  Stainville  :  «  Sa  Majesté  se  servit  en  4733  du  roi  de  Sardaigne  et 
en  4741  du  roi  de  Prusse,  comme  le  cardinal  de  Richelieu  s'était 
servi  autrefois  de  la  couronne  de  Suède  et  de  plusieurs  princes  de 
l'Empire,  avec  cette  différence  cependant  que  les  Suédois,  payés 
assez  faiblement  par  la  France,  lui  sont  demeurés  fidèles,  et  qu'en 
rendant  trop  puissants  les  rois  de  Sardaigne  et  de  Prusse,  nous  n'a- 
vons fait  de  ces  deux  princes  que  des  ingrats  et  des  rivaux ,  grande 
et  importante  leçon  qui  doit  nous  avertir  pour  toujours  de  gouverner 
l'un  et  l'autre  monarque  plutôt  par  la  crainte  et  l'espérance  que  par 
les  augmentations  de  territoires...  En  général,  il  faudrait  que  les 
uns  et  les  autres  dépendissent  de  nous  par  leurs  besoins;  mais  il 
sera  toujours  bien  dangereux  de  faire  dépendre  notre  système  de  leur 
reconnaissance.  » 

Vous  voyez,  Messieurs,  que  la  diplomatie  française  avait  pres- 
senti, plus  d'un  siècle  et  demi  d'avance,  les  événements  auxquels 
notre  génération  a  eu  la  douleur  d'assister,  et  que  dans  ses  patrio- 
tiques prévisions  elle  cherchait  le  moyen  de  les  conjurer! 


La  censure  sous  le  Premier  Empire,  par  Henri 
Welschinger.  Paris,  Charavay  frères,  4882,  in-8°. 

La  censure  est  ancienne  en  France.  C'est  une  création  de 
l'ancien  régime  ,  que  la  Révolution  commença  par  abolir, 
puis  qu'elle  reprit  pour  son  usage  et  que  l'Empire  perfec- 
tionna. Il  y  a  pourtant  une  différence  entre  la  censure  d'avant 
1789  et  la  censure  impériale.  La  première  se  contentait  de 
réprimer  les  écarts  des  écrivains  ;  elle  n'aspirait  pas  à  diriger 
l'opinion.  Sous  l'Empire,  au  contraire,  la  tâche  des  censeurs 
fut  de  gouverner  l'esprit  public.  L'État  mit  la  main  sur  les 
journaux  et  réserva  le  privilège  d'y  parler  politique  à  quel- 


228  COMPTES-RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES. 

ques  rédacteurs  officiels.  Le  théâtre  fut  condamné  à  la  glori- 
fication du  souverain,  de  son  génie,  du  nouvel  ordre  de 
choses  qu'il  avait  fondé.  Aucun  livre  ne  put  paraître  ou  circu- 
ler sans  l'agrément  du  pouvoir.  On  alla  jusqu'à  faire  de  l'im- 
primerie un  monopole  administratif.  L'empereur  enfin  pré- 
tendit donner  le  ton  à  la  littérature ,  et  lui-même ,  entre  deux 
bulletins  de  victoire ,  il  rédigeait  des  projets  d'opéras  et  de 
tragédies ,  qu'il  chargeait  ses  ministres  de  faire  exécuter  sur 
commande.  La  censure ,  en  un  mot ,  était  devenue  un  instru- 
ment de  gouvernement. 

Nous  savions  déjà  que  Napoléon  n'avait  pas  été  tendre  aux 
écrivains  indépendants ,  comme  madame  de  Staël  et  Chateau- 
briand. Mais  ce  qu'on  ignorait  jusqu'ici ,  c'est  l'organisation 
savante  de  la  censure  impériale ,  ses  procédés ,  sa  chronique 
au  jour  le  jour  et  le  bulletin  de  ses  exécutions.  Il  faut  remer- 
cier M.  Welschinger  de  nous  l'avoir  fait  connaître.  Son  livre 
plein  de  révélations  piquantes,  bourré  de  faits  et  de  docu- 
ments, forme  un  des  plus  curieux  chapitres  de  l'histoire  inté- 
rieure de  la  France  au  début  de  notre  siècle. 

La  première  partie  de  l'ouvrage  est  consacrée  à  décrire  le 
mécanisme  de  l'institution ,  la  censure  et  les  censeurs.  Puis 
l'auteur  nous  en  fait  voir  le  fonctionnement  :  il  passe  en  revue 
tour  à  tour  la  censure  des  journaux,  celle  des  livre,  celle  des 
théâtres.  Tout  cela  échappe  pour  ainsi  dire  à  l'analyse.  Grâce 
à  des  recherches  aussi  étendues  que  bien  conduites,  M.  Wels- 
chinger avait  à  sa  disposition  une  telle  quantité  de  matériaux , 
qu'il  n'a  eu  en  quelque  sorte  qu'à  les  juxtaposer  pour  faire  un 
volume  d'une  lecture  très  attachante.  Il  s'est  montré  sobre  de 
commentaire;  il  a  préféré  laisser  parler  les  choses  et  l'on 
doit  avouer  qu'elles  sont  singulièrement  éloquentes.  Comme 
il  le  dit  lui-même  dans  sa  Préface ,  «  quand  on  voit  à  quels 
procédés ,  à  quelles  vexations  en  arriva  le  gouvernement  si 
puissant  du  premier  Empereur,  pour  se  réserver  le  privilège 
d'écrire  sur  ses  propres  actes,  on  se  rend  un  compte  exact 
des  inconvénients  et  des  périls  de  la  censure.  » 

11  serait  injuste,  toutefois,  de  rendre  Napoléon  personnel- 
lement responsable  de  toutes  les  rigueurs ,  de  toutes  les 
maladresses  commises  sous  son  règne  par  les  censeurs  im- 
périaux. Il  était  le  premier  à  en  gémir.  Le  livre  de  M.  Wels- 


COMPTES-RENDUS   BIBLIOGRAPHIQUES.  229 

chinger  est  plein  de  ses  boutades  contre  les  excès  de  zèle  des 
agents  de  Fouché  et  de  Portalis.  On  ne  saurait,  en  effet, 
méconnaître  qu'au  fond  ses  intentions  fussent  libérales.  Mais 
l'Empereur  était  dupe  d'une  illusion.  Il  croyait  possible  de 
soumettre  la  presse  et  la  littérature  à  une  sorte  de  régime 
protecteur,  laissant  la  porte  ouverte  à  toutes  les  œuvres  de 
mérite,  mais  arrêtant  au  passage  les  écrits  susceptibles  de 
«  troubler  la  paix  de  l'État,  ses  intérêts  et  le  bon  ordre.  » 
C'est  ce  qu'on  appelle  la  liberté  du  bien.  Par  malheur,  celui 
qui  se  charge  de  distinguer,  en  pareil  cas,  le  bien  du  mal, 
est  forcément  juge  et  partie.  L'intérêt  général  et  son  propre 
intérêt  sont  identiques  à  ses  yeux.  Et  puis,  il  est  obligé  de 
s'en  remettre  pour  le  détail  à  des  sous-ordres ,  dont  les  goûts 
et  les  préjugés ,  les  caprices  et  les  rancunes  deviennent  né- 
cessairement la  règle  suprême.  C'est  en  dernière  analyse  la 
confiscation  de  la  pensée  publique  par  quelques  bureaucrates. 
L'exemple  de  Napoléon  est  la  condamnation  du  système.  A 
quoi  lui  a  servi  de  comprimer  pendant  quatorze  ans  la  liberté 
décrire?  Lui-même,  il  reconnut  son  erreur,  une  première 
fois,  au  retour  de  l'île  d'Elbe  et  plus  tard  à  Sainte-Hélène. 
Quand  il  confiait  à  Benjamin  Constant  la  rédaction  de  l'Acte 
Additionnel ,  il  lui  disait  :  «  Des  discussions  politiques ,  des 
élections  libres,  des  ministres  responsables,  la  liberté  de  la 
presse,  je  veux  tout  cela,  la  liberté  de  la  presse  surtout.  L'é- 
touffer est  absurde.  Je  suis  convaincu  sur  cet  article.  » 

G.  Grandjean. 


Traité  théorique  et  pratique  des  archives  publiques, 

par  G.  Richou,  archiviste  paléographe,  conservateur  de  la  biblio- 
thèque de  la  Cour  de  cassation.  Paris ,  1883,  Paul  Dupont. 

Ce  traité  est  un  extrait  du  Répertoire  du  droit  administratif 
de  MM.  Béquet  et  Dupré,  dont  les  dimensions  s'annoncent 
telles  qu'un  seul  article,  publié  à  part,  forme  un  volume  res- 
pectable de  plus  de  300  pages. 

M.  Richou  y  a  accumulé,  avec  la  méthode  qu'on  devait 
attendre  d'un  archiviste  traitant  des  archives,  une  quantité  de 
documents  qui  font  de  ce  traité  une  publication  de  la  plus 


230  COMPTES-RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES. 

grande  utilité.  Nous  ne  voulons  pas  parler  seulement  de  la 
partie  historique  du  sujet,  déjà  connue  par  l'ouvrage  de  M.  de 
Laborde,  sur  les  archives  de  la  France,  et  aussi  par  les  tra- 
vaux de  MM.  de  Boislisie  et  Ravaisson.  On  sait  trop  que  l'his- 
toire des  archives  est  en  grande  partie  l'histoire  de  leur  des- 
truction, et  que  l'incurie  administrative  dispute  au  vandalisme 
révolutionnaire  la  responsabilité  de  pertes  irréparables  et 
incalculables.  Le  mal  n'a  pas  encore  complètement  cessé,  si 
l'on  en  juge  par  les  détails  donnés  par  M.  Richou  sur  l'état 
actuel  de  bien  des  dépôts.  Le  remède  ne  sera  complet  que  le 
jour  où  le  service  des  archives  sera  centralisé  pour  toute  la 
France.  En  pareille  matière ,  toute  décentralisation  est  un  pé- 
ril, et  c'est  malheureusement  ce  que  le  législateur,  même  celui 
du  10  août  1871,  semble  avoir  trop  perdu  de  vue.  Mais,  outre 
ce  résumé  historique,  la  partie  essentielle  de  l'ouvrage  de 
M.  Richou  consiste  dans  la  revue  détaillée  des  divers  dépôts 
d'archives  et  de  ce  qu'ils  renferment.  C'est  ainsi  qu'il  repro- 
duit, non-seulement  les  divisions  principales  de  l'inventaire 
sommaire  des  archives  nationales,  mais  aussi  les  cadres  de 
classement  des  archives  de  la  guerre,  de  la  marine,  des  affaires 
étrangères,  etc.,  ainsi  que  des  archives  locales.  Ce  n'est  pas 
tout  :  il  fait  connaître  par  le  détail  les  règlements  intérieurs 
de  ces  dépôts,  les  conditions  auxquelles  le  public  y  est  admis, 
les  procédés  à  suivre  pour  y  faire  des  recherches.  C'est  un  Cl 
conducteur  qu'il  donne  au  public  et  qui  est  de  nature  à  mener 
rapidement  au  but,  par  des  indications  nettes  et  précises. 
Enfin ,  tout  ce  qui  a  trait  à  la  législation  des  archives  y  est 
mentionné  avec  soin  ;  sans  oublier  les  côtés  spéciaux  de  la 
matière,  comme,  par  exemple,  le  droit  de  l'État  de  retenir  les 
papiers  des  fonctionnaires  diplomatiques  ou  des  officiers  gé- 
néraux ,  consacré  par  l'arrêté  du  13  nivôse  an  X,  le  décret  du 
20  février  1809  et  l'ordonnance  du  18  août  1833  ;  —  et  la  ju- 
risprudence de  la  Cour  de  cassation  sur  les  articles  173,  254, 
255,  256  et  439  du  Code  pénal. 

Nous  croyons  en  avoir  assez  dit  pour  faire  connaître  et  ap- 
précier un  travail  qui ,  par  la  multiplicité  de  données  exactes 
qu'il  contient  et  le  soin  que  l'auteur  y  a  apporté  ,  est  appelé 
à  rendre  les  plus  grands  services. 

P.  Darbstb. 


CHRONIQUE. 


Les  lettres  françaises  viennent  de  faire  une  perte  irrépa- 
rable. M.  Mignet,  doyen  de  l'Académie  française  et  secré- 
taire perpétuel  honoraire  de  l'Académie  des  Sciences  morales 
et  politiques ,  est  mort  le  24  mars  à  l'âge  de  quatre-vingt-huit 
ans.  Bien  qu'il  eût  pris  le  grade  d'avocat  à  la  Faculté  de  droit 
d'Aix  et  qu'il  eût  débuté  dans  la  carrière  littéraire  par  un 
Mémoire  sur  la  Féodalité  et  les  Institutions  de  saint  Louis,  qui 
fut  couronné  en  1821  par  l'Académie  des  Inscriptions,  M.  Mi- 
gnet n'avait  jamais  prétendu  au  titre  de  jurisconsulte.  Son 
véritable  domaine  était  l'histoire  politique.  Il  lui  est  cependant 
arrivé  de  rencontrer  sur  sa  route  quelques  grandes  questions 
de  droit  public,  comme  dans  ses  Négociations  relatives  à  la  suc- 
cession d'Espagne ,  et  il  les  a  traitées  avec  autant  de  sûreté 
que  d'élévation.  D'autres  fois ,  il  a  été  conduit  par  son  sujet 
à  rechercher  quelle  avait  été  l'influence  des  lois  politiques  et 
civiles  sur  la  formation  des  États  (1),  et  il  a  résolu  ce  pro- 
blème avee  la  haute  compétence  d'un  érudit  qui  ne  compre- 
nait pas  que  l'étude  des  faits  pût  être  séparée  de  celle  des 
institutions.  Dans  plusieurs  de  ces  admirables  éloges  qu'il 
prononçait  chaque  année  à  la  séance  publique  de  l'Académie 
des  Sciences  morales,  dans  ceux  de  Merlin,  de  Siméon,  de 
Portalis,  de  Rossi,  de  Savigny,  de  lord  Brougham,  il  a  parlé 
la  langue  du  droit  avec  une  étonnante  précision  et  retracé  les 
travaux  de  ces  grands  légistes  comme  s'il  avait  passé  lui- 

(1)  Voy.  Essais  sur  la  formation  territoriale  et  politique  de  la  France,  4e 
l'Allemagne,  de  l Angleterre,  de  l'Italie  et  de  r Espagne.  —  Rapport  sur  le  con- 
cours relatif  à  la  formation  de  l'administration  monarchique  en  France.  Voy. 
aussi  Rapport  sur  le  concours  relatif  au  droit  de  succession  des  femmes  au 
moyen-âge. 


234  CHRONIQUE. 

chez  les  Grecs  et  les  Romains.  —  Faire  le  tableau  des  institu- 
tions civiles  et  politiques  de  la  Belgique  sous  la  dynastie  méro- 
vingienne; 2°  pour  1885  :  Comment  était  constituée  jusqu'au 
commencement  du  XVI9  siècle  la  représentation  des  communes 
de  Flandres. 


*    * 


La  Société  belge  pour  le  progrès  des  Etudes  historiques 
vient  de  mettre  au  concours  la  question  suivante,  qui  intéresse 
l'histoire  des  institutions  :  Dresser  la  liste  des  Consules  suffecti 
qui  ne  se  trouvent  pas  dans  l'ouvrage  de  Klein  et  comme 
appendice  à  cet  ouvrage  (Terme  :  deux  ans.  Prix  :  300  fr.). 


*  # 


Vlstituto  Veneto  vient  de  mettre  au  concours  les  sujets 
suivants  :  De  V origine  et  vicissitudes  des  biens  communaux  en 
Italie  (31  déc.  1884). 


* 


Par  décret  en  date  du  15  mars,  notre  collaborateur,  M. 
Flach ,  a  été  nommé  professeur  titulaire  de  la  chaire  d'His- 
toire des  législations  comparées  au  Collège  de  France ,  en 
remplacement  de  M.  Edouard  Laboulaye. 


* 


Le  6  mars,  M.  Camille  Jullian ,  ancien  élève  de  l'École  nor- 
male supérieure,  ancien  membre  de  l'École  française  de  Rome, 
a  soutenu  devant  la  Faculté  des  Lettres  de  Paris,  pour  l'ob- 
tention du  grade  de  docteur,  les  deux  thèses  suivantes  : 

Thèse  latine  :  De  protectoribus  et  domesticis  augustorum. 

Thèse  française  :  Les  transformations  politiques  de  V Italie 
sous  les  empereurs  romains. 


Le  6  février  dernier,  M.  Gustave  Bloch,  ancien  élève  de 
l'École  normale  supérieure ,  ancien  membre  des  écoles  fran- 
çaises de  Rome  et  d'Athènes,  a  soutenu  devant  la  Faculté  des 


CHRONIQUE.  235 

Lettres  de  Paris  pour  l'obtention  du  grade  de  docteur  les 
deux  thèses  suivantes  : 

Thèse  latine  :  De  decretis  functorum  magistratuum  orna- 
mentis.  De  décréta  adlectione  in  ordines  functorum  magistra- 
tuum usque  ad  mutatam  Diocletiani  temporibus  rempublicam. 
Accedit  appendix  epigraphica. 

Thèse  française  :  Les  origines  du  Sénat  romain.  Recherches 
sur  la  formation  et  la  dissolution  du  Sénat  patricien. 


*  * 


Par  décret  en  date  du  29  du  même  mois,  M.  Bloch  a  été 
nommé  professeur  d'antiquités  grecques  et  latines  à  la  Faculté 
des  Lettres  de  Lyon. 


* 
*  * 


M.  Delachenal  a  publié ,  dans  le  Bulletin  de  la  Société  de 
f  Histoire  de  Paris  et  de  Vile  de  France  (tome  X,  pag.  174  et 
suiv.),  des  Notes  pour  servir  à  la  biographie  de  Guillaume  du 
Brueil,  qui  complètent  et  rectifient  sur  plusieurs  points  im- 
portants les  notices  que  MM.  Bordier  et  Henri  Lot  avaient 
consacrées  dans  la  Bibliothèque  de  V École  des  Chartes  (tomes 
III,  pag.  47-62  et  XXIV,  pag.  119-138)  au  célèbre  auteur  du 
Stylus  Parlamenti. 


* 


Les  Monumenta  Germaniœ  viennent  de  s'enrichir  de  deux 
publications  fort  précieuses  pour  les  historiens  du  droit  :  la 
Lex  Ribuaria  et  la  Lez  Francorum  Chamavorum ,  ces  deux  lois 
sont  éditées  pour  la  première  fois  d'une  façon  vraiment  criti- 
que par  M.  R.  Sohm  et  font  partie  du  tome  Y  des  Leges. 


M.  Ernest  Nys,  juge  à  Bruxelles,  vient  d'éditer,  chez  Mu- 
quardt  à  Bruxelles,  Y  Arbre  des  Batailles  d'Honoré  Bonnet.  C'est 
un  des  premiers  traités  de  droit  international  écrit  en  langue 
française.  M.  Nys  a  également  consacré  quelques  pages  à 
consulter  aux  Siete  Partidas  d'Alphonse  de  Castille  étudiées 
au  point  de  vue  du  droit  de  la  guerre. 


236  CHRONIQUE. 


*  * 


Nous  lisons  dans  la  Revue  historique ,  que  le  Dr  Vladimir 
Pappafava,  de  Zara  (Dalmatie),  s'occupe  de  composer  une 
bibliographie  critique  des  ouvrages  de  droit  international 
public  et  privé  qui  ont  été  publiés  depuis  l'époque  la  plus  re- 
culée jusqu'à  nos  jours.  Il  prie  tous  les  auteurs  qui  se  sont 
occupés  de  droit  international  de  bien  vouloir  lui  faire  par- 
venir le  titre  exact  de  leurs  livres  et  aussi  de  leurs  articles  de 
revues  et  de  journaux,  avec  tous  les  renseignements  biblio- 
graphiques, ainsi  que  le  relevé  complet  des  comptes  rendus 
dont  ces  ouvrages  ont  fait  l'objet,  y  compris  l'indication  des 
pages  et  des  numéros  des  revues  ou  journaux  où  ils  ont  paru. 


*  ♦ 


La  commission  historique  de  l'Académie  des  Sciences  de 
Bavière,  a  accordé  à  M.  Specht  le  prix  dans  le  concours  qui 
avait  pour  sujet  :  Histoire  de  l'enseignement  en  Allemagne  de- 
puis  les  temps  les  plus  reculés  jusqu'au  milieu  du  XIIIe  siècle. 


* 
*  < 


Nous  pouvons  annoncer  la  publication  d'une  nouvelle  revue 
provinciale  :  La  Revue  bourbonnaise  historique  ,  artistique ,  ar- 
chéologique ,  publiée  sous  la  direction  de  M.  Georges  Grasso- 
reille,  ancien  élève  de  l'École  des  Chartes,  archiviste  de 
l'Allier. 


BAR-LB-DUC,  IMPRIMBHIE  CONTAMT-LAOUBHRB. 


NOUVELLE 


REVUE  HISTORIQUE 


DE 


DROIT  FRANÇAIS  ET  ÉTRANGER 


ÉTUDE 

SUR  LA   SOLIDARITÉ 


Si  quelques  institutions  de  droit  civil ,  en  passant  des  Ro- 
mains dans  nos  lois ,  ont  changé  de  caractère  et  de  destination, 
sans  changer  de  nom,  beaucoup  d'autres,  en  plus  grand 
nombre,  sont  demeurées  ce  qu'elles. étaient.  Pour  des  raisons 
faciles  à  apercevoir,  cette  permanence  se  rencontre  surtout 
dans  le  domaine  des  Obligations,  quoi  qu'en  ait  paru  dire 
notre  cher  et  regretté  collègue  et  ami  M.  Gide,  au  début  de 
ses  remarquables  Études  sur  la  Novation.  Je  voudrais  essayer 
de  démontrer  cette  proposition  sur  la  Solidarité  de  la  part  des 
débiteurs.  Deux  ou  plusieurs  personnes  sont  obligées  à  une 
même  chose ,  de  manière  que  chacune  d'elles  peut  être  con- 
trainte par  le  créancier  pour  la  totalité  (solidum  debiti),  et  que 
le  paiement  fait  par  l'une  les  libère  toutes  :  les  Romains  di- 
saient de  ces  débiteurs  qu'ils  étaient  rei  promittendi ,  rei  de- 
bendi  :  nous  disons  qu'il  y  a  solidarité  entre  eux,  qu'ils  sont 
des  débiteurs  solidaires.  Cette  espèce  d'obligation ,  dans  son 
but  et  ses  caractères  essentiels ,  est  telle  encore  que  la  juris- 
prudence romaine  l'avait  construite.  Des  quelques  modifica- 
tions qu'elle  a  subies,  les  unes  ne  sont  que  secondaires,  les 
autres  des  conséquences  de  principes  généraux,  différents 

Rbvub  hist.  —  Tome  VIII.  16 


238  ÉTUDE  SUR  LA   SOLIDARITÉ. 

dans  les  deux  législations  :  la  solidarité  n'a  pas  subi  une  pro- 
fonde transformation,  comme  le  pensent  quelques  juriscon- 
sultes modernes,  ou  elle  n'a  subi  d'autres  transformations  que 
celles  qui  ont  frappé  les  obligations  en  général  (V.  notam- 
ment Demolombe  :  Oblig.,  t.  III,  n*  119). 

Aussi  pour  désigner  l'institution  en  droit  romain ,  je  me 
garderai  d'employer  l'expression  aujourd'hui  si  usitée ,  de 
CorréaUté,  et  je  me  contenterai  de  la  locution  du  Code  civil  : 
car  les  principes  énoncés  dans  les  articles  1200  et  suivants 
correspondent  aux  mêmes  idées  que  celles  des  Romains. 

A  cette  situation ,  de  beaucoup  la  plus  fréquente ,  on  a  pris 
l'habitude  de  comparer  et  d'opposer  un  autre  état  qu'il  est 
facile  de  confondre  avec  le  premier,  à  cause  de  certains  effets 
communs.  Deux  ou  plusieurs  personnes  ont  commis  ensemble 
un  délit  ou  un  quasi-délit  civil;  d'après  une  jurisprudence  et 
une  doctrine  presque  unanimes,  ces  personnes  sont,  aujour- 
d'hui ,  déclarées  chacune  pour  le  tout,  responsables  des  dom- 
mages-intérêts dus  à  la  partie  lésée  :  celle-ci  a  le  droit,  comme 
si  elle  avait  des  débiteurs  solidaires ,  de  réclamer  à  l'un  quel- 
conque des  auteurs  du  fait  illicite  la  totalité  de  l'indemnité, 
la  réparation  intégrale  du  préjudice  qui  lui  a  été  causé,  et  le 
paiement  de  cette  indemnité ,  émané  de  l'un ,  les  libère  tous. 
Nous  n'avons,  là  encore, 'qu'une  tradition  des  lois  romaines  : 
comme  sur  la  solidarité,  nous  avons  suivi  fidèlement  les  idées 
des  Romains.  Ils  disaient  de  ces  débiteurs  qu'ils  étaient  tenus 
in  soUdum  :  ils  ne  les  qualifiaient  plus  de  rei  promittendi.  Les 
modernes  ont  caractérisé  la  situation  par  les  expressions  d'o- 
bligation in  solidum,  solidarité  simple  ou  imparfaite.  La  déno- 
mination importe  peu  :  ce  qu'il  est  nécessaire  de  rechercher, 
c'est  la  raison  d'être  ;  la  base  et  les  effets  de  chacun  de  ces 
deux  états ,  de  la  solidarité  d'une  part  (corréalité  des  auteurs 
modernes)  et  de  la  responsabilité  pour  le  tout  ou  collective  (so- 
lidarité imparfaite ,  obligation  in  solidum)  (1). 

(l)Dans  ses  Appendices  si  lumineux  aux  Instituts  d'Ortolan,  notre  éminent 
collègue ,  M.  Labbé ,  appelle  Tune  des  situations  solidarité  artificielle,  obli- 
gation solidaire  corréale,  et  l'autre,  solidarité  naturelle,  ou  simple.  Pour  évi- 
ter toute  confusion ,  je  crois  préférable  de  ne  pas  étendre  au  cas  de  respon- 
sabilité le  mot  solidaire,  solidarité,  qui  a  pris  aujourd'hui  un  sens  technique 
(Instituts  d'Ortolan,  12*  édit.,  t.  III ,  p.  818  et  s.). 


ÉTUDE   SUR  LA   SOLIDARITÉ.  239 


I.   DE  LA  SOLIDARITÉ. 


La  solidarité  est  une  des  institutions ,  imaginées  par  la  pra- 
tique ,  et  organisées  par  la  loi  pour  procurer  au  débiteur  du 
crédit ,  et  au  créancier  une  sécurité  que  la  promesse  de  son 
débiteur  est  impuissante  à  lui  donner  :  elle  constitue ,  comme 
le  cautionnement,  un  procédé  de  sûreté  personnelle;  accessoi- 
rement elle  facilite  au  créancier  le  recouvrement  de  ce  qui  lui 
est  dû.  Deux  ou  plusieurs  personnes ,  ordinairement  en  com- 
munauté d'intérêts,  associés,  copropriétaires,  époux,  ont 
besoin  d'emprunter  ou  d'acheter  à  crédit  :  si  chacune  d'elles , 
isolément,  inspire  confiance,  elles  s'obligeront  divisément 
dans  la  mesure  de  l'intérêt  qu'elles  ont  à  l'opération  :  l'obli- 
gation de  chacune  n'aura  pas  d'autre  étendue ,  d'autre  objet 
que  l'utilité  retirée  par  elle  du  contrat  :  celui  des  emprun- 
teurs qui  n'aura  touché  que  le  tiers  de  la  somme  avancée,  ne 
sera  débiteur  que  de  ce  tiers.  Mais  le  capitaliste  se  défie ,  et 
exige  une  garantie  :  au  lieu  de  réclamer  de  celui  ou  de  ceux 
dont  il  redoute  l'insolvabilité ,  des  cautions ,  débiteurs  acces- 
soires ,  au  lieu  de  faire  engager  tous  ses  emprunteurs  comme 
cautions  les  uns  des  autres  pour  ce  qui  excède  leur  intérêt 
dans  l'affaire ,  il  leur  impose  la  nécessité  dé  s'obliger  en  qua- 
lité de  débiteurs  principaux,  comme  si  chacun  d'eux  avait 
reçu  la  totalité  de  la  somme  et  avait  seul  intérêt  à  l'opération  ; 
«  utriusque  ftdem  in  solidum  sequi  vult  :  »  flunt  duo  rei  promit- 
tendi.  Ils  sont  des  débiteurs  solidaires  :  l'obligation  de  chacun 
est  à  peu  près  aussi  étendue  et  complète  que  s'il  avait  con- 
tracté seul.  Le  créancier  est  dispensé  de  former  plusieurs  de- 
mandes ,  il  échappe  à  des  paiements  divisés ,  et  surtout  il  se 
met  à  l'abri  de  l'insolvabilité  possible  de  l'un  de  ses  débiteurs  : 
il  lai  suffit  qu'il  en  reste  un  de  solvable  pour  que  la  dette  soit 
intégralement  acquittée. 

A  l'époque  très  reculée ,  où  le  cautionnement  ne  se  donnait 
que  sous  forme  d'adpromissio ,  de  stipulation,  et  où  les  cau- 
tions n'avaient  pas  reçu  les  droits  et  les  faveurs  dont  elles 
furent  plus  tard  gratifiées,  il  n'y  avait  pas  de  différence  bien 
considérable  entre  le  cautionnement  et  la  solidarité  :  le  débi- 
teur principal  et  la  caution  étaient,  comme  les  débiteurs  soli- 


240  ETUDE   SUR  LA   SOLIDARITE. 

daires,  duo  rei  ejusdem  obligations  (V.  Papinien,  f.  116  de  F. 
0.,  XLV,  1).  Sauf  le  caractère  viager  de  l'obligation  du  sponsor 
et  du  fidepromissor,  caractère  qu'il  me  paraît  difficile  d'expli- 
quer autrement  que  par  des  considérations  politiques ,  que  je 
regarderais  volontiers  comme  une  dérogation  apportée  après 
coup  à  la  pureté  des  principes  (1),  et  qu'il  était  d'ailleurs  facile 
d'écarter  en  fait ,  en  exigeant  un  certain  nombre  de  cautions , 
l'engagement  de  la  caution  n'était  pas,  pour  le  créancier, 
d'une  valeur  inférieure  à  celle  du  débiteur  solidaire. 

Mais  à  mesure  que  la  nature  accessoire  de  l'obligation  de  la 
caution  s'est  plus  nettement  accusée ,  et  que  la  condition  des 
cautions  s'est  adoucie ,  la  supériorité  de  la  solidarité  sur  le 
cautionnement  s'est  accentuée  ;  et  c'est  alors  sans  doute  que 
la  pratique,  détournant  la  première  de  sa  destination  normale, 
suggéra  aux  créanciers  la  pensée  d'y  recourir,  là  où  l'affaire 
ne  concernait  qu'un  seul  des  débiteurs  (V.  Ulp.,  f.  7,  §  8  ad 
S.  C.  Maced.,  XIV,  6  ;  Diocl.,  C.  5,  Si  certum  petatur,  IV,  2  ; 
Diocl.,  C.  4,  Deduob.  reis,  VIII,  40;  C.  civ.,  art.  1216,  1431). 
La  solidarité,  dans  cette  application,  n'a  plus  qu'un  but, 
soustraire  le  créancier  aux  risques  d'insolvabilité  de  son  débi- 
teur. En  pareille  circonstance,  toujours  connue  du  créancier, 
ne  serait-il  pas  équitable  d'accorder  aux  débiteurs  solidaires , 
qui  sont  désintéressés  dans  l'opération,  quelques-unes  au 
moins  des  faveurs  octroyées  à  la  caution  ?  Le  législateur  ne  l'a 
pas  pensé.  Ces  faveurs ,  ces  bénéfices  sont  abandonnés  à  la 
discrétion ,  au  bon  vouloir  du  créancier  :  s'il  est  impitoyable 
et  qu'il  impose  ses  conditions ,  comme  cela  se  présente  assez 
souvent ,  il  refusera  des  cautions ,  et  exigera  de  son  débiteur 
des  coobligés  solidaires  (2). 

Le  cautionnement  et  la  solidarité,  tout  en  ayant  chacun 

(1)  En  déduisant  ce  caractère  de  ce  que  c'est  un  service  d'ami,  il  serait 
logique  de  faire  disparaître  le  cautionnement ,  non-seulement  à  la  mort  de  la 
caution ,  mais  également  au  décès  du  débiteur  principal. 

(2)  Le  cautionnement,  lui  aussi,  peut,  en  droit  romain ,  présenter  cette  ano- 
malie que  la  caution  seule  soit  intéressée  à  l'affaire  :  c'est  le  cas  du  fldéjus- 
seur  in  rem  tua*  :  le  débiteur  principal  rend  un  service  à  la  caution  :  c'est 
un  expédient  imaginé  après  coup,  notamment  pour  atténuer  les  inconvénients 
du  principe  de  la  non-représentation.  Ce  bizarre  Ûdéjusseur  ne  peut  pas ,  la 
raison  le  dit  assez,  jouir  de  tous  les  avantages  de  la  caution  ordinaire.  V. 
Labbi  sur  Machelard,  p.  461  et  s.,  Paul ,  f.  24,  de  pactis,  II,  14. 


KTUDE   SUR  LA   SOLIDARITE.  241 

une  physionomie  propre,  leur  utilité  distincte,  ne  remplissent 
pas  moins  la  même  fonction  économique  :  ils  peuvent  se  sup- 
pléer, et  il  existe  entre  eux  bien  des  points  de  ressemblance  : 
«  La  solidarité  est  une  forme  perfectionnée  de  cautionne- 
ment »  (Hauriou,  Origine  de  la  corréalité;  Nouv.  Rev.  histor., 
1882,  p.  227).  Au  fond,  chaque  débiteur  solidaire  est  caution 
pour  partie  de  son  codébiteur,  dit  Mourlon,  Subrog.  pers.9 
p.  108.  Les  Romains  l'avaient  déjà  bien  aperçu  (V.  Val.  et 
Gai.,  C.  13  De  locato,  IV,  65)  :  en  l'absence  de  solidarité, 
chaque  locataire  ne  peut  être  actionné  alieno  nomine  :  quand 
il  y  a  solidarité,  chacun  peut  être  actionné  et  suo  et  alieno 
nomine,  et  le  sens  de  la  formule  alieno  nomine  nous  est  donné 
par  Gaius,  f.  1,  §  8  de  0.  et  A.  XLIV,  7.  Le  fidéjusseur 
s'oblige  alieno  nomine,  dans  l'intérêt  d' autrui. 

Ainsi  l'une  et  l'autre  s'offrent  à  nous  comme  des  modalités, 
des  accidents  dans  la  formation  des  obligations,  des  dérogations 
apportées  par  la  volonté  humaine  à  ce  qui  constitue  la  situation 
normale.  Quand  je  m'oblige  envers  quelqu'un  sans  y  être  dé- 
terminé par  un  sentiment  de  libéralité  envers  lui ,  mon  enga- 
gement trouve  sa  cause  toute  naturelle  dans  l'avantage  pécu- 
niaire que  j'attends  ou  que  je  retire  de  mon  créancier,  et  il 
a  pour  mesure  cet  avantage.  Telle  ne  se  présente  pas  à  nous 
l'obligation  de  la  caution ,  ni  celle  du  débiteur  solidaire.  «  Le 
contrat  qui  intervient  entre  la  caution  et  le  créancier,  n'est  pas 
de  la  classe  des  contrats  bienfaisants le  cautionnement  ren- 
ferme un  bienfait  à  V égard  du  débiteur  pour  qui  la  caution 
s'oblige  »  (Pothier,  Obligations,  n°  365  in  fine).  L'obligation  de 
la  caution  envers  le  créancier  est  une  obligation  sans  cause 
naturelle  (1),  une  obligation  qui  n'a  d'autre  cause  que  la 
volonté  de  la  caution  d'assumer  onus  obligationis  envers  quel- 
qu'un pour  rendre  service  à  un  autre.  S'il  y  a  un  procédé 
qui  se  prête  bien  à  la  création  d'un  pareil  engagement  (et  de 
plusieurs  autres  qui  offrent  le  même  caractère,  expromis- 
sion,  etc.),  c'est  la  stipulation  romaine,  cette  forme  de  contrat, 
dans  laquelle  la  formule  tient  lieu  de  cause ,  et  qu'on  prend 

(1)  Le  Gode  civil  n'a  pas  défini  la  coûte;  il  s'est  référé  à  Pothier,  Obligat., 
n»  42,  et  pour  Pothier,  la  cause ,  élément  de  toute  obligation  contractuelle, 
c'était  l'avantage  juridique  (pécuniaire)  que  le  débiteur  acquiert ,  ou  l'inten- 
tion de  libéralité* 


242  ÉTUDE  SUR  LA  SOLIDARITE. 

avec  grande  raison  l'habitude  d'appeler  :  contrat  formel  ou 
formaliste.  L'obligation,  d'ailleurs,  c'est  pour  les  Romains, 
personœ  obligatio ,  un  aete  par  lequel  je  dispose  de  ma  per- 
sonne, plus  que  de  mon  patrimoine  :  les  voies  d'exécution 
forcée  portaient  originairement  sur  la  personne  du  débiteur  : 
le  fUiusfamUias  a  une  personne  complète  en  dehors  de  la 
domus,  dont  il  est  un  des  membres  :  il  s'oblige  tanquam  ut 
paterfamilias ,  bien  qu'il  n'ait  pas  de  patrimoine  personnel. 
Celui  qui  s'oblige  est  libre  de  disposer  de  sa  personne  pour 
une  cause  quelconque. 

Cette  particularité  que  nous  constatons  dans  le  cautionne- 
ment, se  retrouve  dans  la  solidarité  :  aussi  accentuée,  quand 
la  dette  solidaire  ne  regarde  que  l'un  des  obligés  :  vis-à-vis 
des  autres ,  l'obligation  est  dépourvue  de  cause.  Quand  l'af- 
faire est  commune  à  tous ,  aucune  pensée  de  libéralité  ne  les 
inspire  :  s'ils  s'obligent  au  tout ,  c'est  pour  obtenir  un  crédit 
partiel ,  qui  manquerait  à  chacun  traitant  isolément  :  en  ce 
sens ,  leur  engagement  est  intéressé.  Mais  chacun  ne  s'oblige 
pas  moins  au  delà  de  l'avantage  que  lui  a  procuré  le  contrat. 
La  cause  naturelle  de  leur  engagement  les  conduirait  à  être 
des  débiteurs  conjoints  :  pour  ce  qui  excède  la  valeur  par  eux 
retirée  de  l'opération,  leur  obligation  n'a  plus  de  cause  : 
comme  celle  de  la  caution ,  elle  n'a  qu'une  cause  légale ,  utili- 
taire ,  l'intérêt  à  ce  que  les  affaires  soient  facilitées  par  Tac- 
cession  d'une  sûreté  personnelle,  cautionnement  ou  solidarité, 
à  ce  que  les  hommes  puissent  se  prêter  mutuellement  leur 
crédit. 

De  ce  caractère  commun  aux  deux  procédés,  les  Romains 
et  plusieurs  législations  modernes  ont  conclu  que  le  caution- 
nement et  la  solidarité  ne  doivent  pas  se  présumer  :  quand  il 
y  a  doute  sur  la  volonté  des  parties ,  on  applique  le  droit 
commun ,  l'absence  d'engagement  pour  la  caution ,  la  division 
pour  ceux  qui  s'obligent  ensemble  dans  un  intérêt  commun  : 
(Ulp.,  f.  29  De  solut.,  XLVI,  3  ;  Pap.,  f.  11,  §  2,  De  duob. 
rets,  XLV,  2;  C.  civ.,  art.  1202,  2015).  Mais  la  pratique  a 
démontré  que  quand  plusieurs  personnes  s'obligent  dans  une 
affaire  commune,  le  créancier  ne  manque  jamais  d'exiger 
d'elles  la  solidarité,  qui  devient  une  clause  de  style.  Le  Code 
prussien  de  1794  (Allgemeines  Landrecht  fur  die  preussischen 


ETUDE  SUR  LA  SOLIDARITE.  243 

Staaten,  part.  I,  tit.  v,  §§  424  et  s.),  décide  que,  sauf  décla- 
ration contraire,  la  solidarité  est  présumée  dans  tous  les 
contrats  où  plusieurs  personnes  s'obligent  dans  un  intérêt 
commun.  En  matière  commerciale,  la  solidarité  se  présume 
également  depuis  des  siècles  déjà  (V.  les  autorités  citées  par 
Rodière,  de  la  Solidarité,  n°  234),  et  beaucoup  de  juriscon- 
sultes modernes  ,  s'appuyant  sur  la  tradition ,  enseignent 
qu'il  y  a  solidarité,  sans  clause  spéciale,  entre  commerçants 
qui  contractent  ensemble  pour  fait  de  commerce  (Boistel, 
Précis  de  droit  commercial,  n°  435;  Lyon-Caen  et  Renault, 
Précis  de  droit  commercial,  n°*  333,  597).  Le  Code  de  com- 
merce allemand ,  art.  280,  en  a  une  disposition  expresse. 

L'obligation  qui  résulte  du  cautionnement,  n'a  pas  de 
cause  propre.  Elle  n'a  pas  non  plus  d'objet  qui  lui  soit  pro- 
pre :  ce  que  doit  la  caution ,  c'est  ce  que  doit  le  débiteur 
principal.  «  L'objet  de  Yadpromissio  est  nécessairement  iden- 
tique à  l'objet  de  l'obligation  principale  »  (Accarias,  Précis, 
n°  557).  «  Idem  fide  tua  esse  jubés?  Idem  fidejubeo  »  (Gaius, 
G.  111,  §  116).  Quand  le  débiteur  principal  doit  un  prix  de 
vente ,  un  compte  de  tutelle ,  une  amende  à  raison  d'un  délit 
par  lui  commis,  la  caution,  le  fidéjusseur  doit  également  un 
prix  de  vente,  un  compte  de  tutelle,  une  amende.  Aussi  tout 
obligée  qu'elle  est  en  vertu  d'un  contrat  de  droit  strict ,  d'une 
stipulation ,  elle  n'aura  pas  besoin  de  faire  insérer  une  excep- 
tion dans  la  formule  d'action ,  si  elle  entend  soutenir  injudi- 
cio ,  que  la  dette  de  l'acheteur  doit  se  compenser  jusqu'à  due 
concurrence  avec  une  obligation  corrélative  (ex  eadem  causa) 
dont  le  vendeur  est  tenu  à  raison  de  négligences  par  lui  com- 
mises dans  la  garde  de  la  marchandise  (Cpr.  Gide,  Novat., 
p.  Si 3).  En  revanche,  tout  ce  que  doit  le  débiteur  principal, 
la  caution  le  doit  également.  Le  débiteur  d'un  capital  en 
argent,  l'acheteur,  doit  des  intérêts  ex  nudo  pacto,  ex  mora  : 
le  fidéjusseur  les  doit  également,  bien  que  celui  qui  s'oblige  à 
une  somme  d'argent  par  un  contrat  de  droit  strict,  ne  doive 
d'intérêt  ni  ex  pacto,  ni  ex  mora  (1). 


(1)  Celte  identité  d'objet  des  deux  obligations,  principale  et  accessoire,  ne 
se  rencontre  pas  avec  la  même  rigueur  dans  tous  les  procédés  de  garantie 
personnelle  pratiqués  à  Rome  :  aussi,.  Gide ,  op.  cit.,  p.  129  et  150,  a-t-i1 


244  ETUDE   SUR  LÀ   SOLIDARITE. 

La  solidarité  consiste  également  en  ce  que  le  rapport  juri- 
dique, multiple  par  les  liens,  composé  d'autant  de  vincula 
qu'il  y  a  de  débiteurs,  est  unique  quant  i  son  objet. 

L'obligation  solidaire  est  multiple  par  les  liens  qu'elle  con- 
tient :  l'un  des  débiteurs  peut  être  engagé  purement  et  sim- 
plement ,  l'autre ,  l'être  à  terme  ou  sous  condition  ;  la  pres- 
cription courra  au  profit  du  premier  :  elle  ne  courra  pas  au 
profit  du  second.  L'un  des  liens  peut  être  civil,  l'autre  natu- 
rel seulement.  L'une  des  obligations  peut  être  seule  garantie 
par  une  caution  (Julien,  f.  6,  §  1  De  duob.  reis).  Les  deux 
obligations  peuvent  être,  séparément  et  distinctemeut,  forti- 
fiées par  des  cautions,  qui  ne  seront  pas  des  cofidéjusseurs.  Le 
créancier  poursuivant  l'un  d'eux,  ne  pourra  pas  se  voir  oppo- 
ser par  lui  le  bénéfice  de  division  (Pap.,  f.  51,  §  2  De  fidej., 
XL VI  ,1).  En  se  plaçant  à  ce  point  de  vue,  certains  juriscon- 
sultes ont  pu  dire  qu'il  y  avait  dans  la  solidarité  pluralité 
d'obligations  (v.  not.  Ulp.,  f.  5  De  fidej.  in  fine;  Inst.,  III,  16, 
§  1  :  «  In  utraque  obligatione  »). 

Mais  toutes  ces  obligations  se  rattachent  l'une  à  l'autre  en 
ce  qu'elles  ont  toutes  un  seul  et  même  objet  :  «  una  res  verti- 
tur,  »  dit  Justinien  {Inst.,  III,  16,  §  1),  tous  les  débiteurs  sont 
tenus  d'une  seule  prestation,  ils  sont  tel  ejnsdem  debiti,ejus- 
dempecuniœ;  et  c'est  en  envisageant  sous  cette  autre  face  la 
situation,  que  les  Romains  ont  pu  dire  :  una  est  obligatio, 
duo  sunt  rei  ejusdem  obligations  (Ulp.,  f.  16,  De  acceptil., 
XLVI,  4). 

Pothier,  Obligat.,  n°  263,  s'inspirant  de  ces  fragments,  di- 
sait :  «  Il  faut  surtout  que  les  débiteurs  (pour  être  solidaires) 
se  soient  obligés  à  la  prestation  de  la  même  chose.  »  L'article 
1200  du  Code  civil  a  reproduit  la  même  idée  :  «  Il  y  a  solida- 
rité de  la  part  des  débiteurs,  lorsqu'ils  sont  obligés  à  une 

même  chose »  L'unité  d'objet  ou  de  prestation  n'est  donc 

pas  une  conception  particulière  à  la  législation  romaine  -,  elle 
ne  tient  pas  à  la  nature  de  l'action  qui  sanctionne  cette  obli- 
gation (Démangeât,  Oblig.  solid.,  p.  99,  en  note),  à  la  forme 


bien  raison  de  qualifier  la  convention  de  constitut  (j'ajoute  le  mandatant  pe- 
cunix  credendx),  de  quasi-cautionnement,  et  de  dire  que  la  fidejussio  indetn- 
nitatis  n'est  pas  une  vraie  fidejutsio. 


ÉTUDE   SUR  LA   SOLIDARITÉ.  24S 

du  contrat  (Hauriou,  op.  cit.)  :  elle  constitue  le  caractère 
propre  et  distinctif  de  la  solidarité ,  aujourd'hui  comme  autre- 
fois. La  créance  de  celui  qui  a  plusieurs  débiteurs  solidaires 
(ou  un  débiteur  principal  et  un  ou  plusieurs  fidéjusseurs) ,  est 
unique  quant  à  son  objet;  l'intérêt  qu'il  a  est  unique,  et  les 
créances  contractuelles  ont  pour  destination  de  permettre  aux 
hommes  de  donner  satisfaction  à  leurs  intérêts  pécuniaires 
(§  19,  Inst.  de  Justin.,  liv.  III,  tit.  xix).  Ici  un  seul  intérêt  est 
enjeu  pour  le  créancier  :  il  n'a  prêté  qu'une  somme  de  100 
et  il  ne  peut  être  créancier  que  de  100  :  il  n'a  vendu  qu'une 
marchandise  et  ne  peut  être  créancier  que  d'un  prix.  Cela  est 
si  vrai  que,  s'il  est  nécessaire  de  dresser  l'inventaire  de  la 
fortune  du  créancier,  la  créance  qu'il  a  contre  plusieurs ,  ne 
figurera  qu'une  fois  au  tableau  de  l'actif.  Son  droit  (Vermô- 
genstoff,  disent  des  auteurs  allemands)  doit  être  un  égale- 
ment (1). 

En  l'absence  de  ce  caractère,  il  n'y  aura  pas  solidarité. 
Deux  obligations  qui  n'ont  pas  le  même  objet,  fussent-elles 
contractées  ensemble,  ne  sont  pas  des  obligations  solidaires. 
Ayant  besoin  d'une  maison  dans  la  ville  où  je  vais  aller  fixer 
ma  résidence ,  je  me  suis  fait  promettre  par  Paul  la  maison 
A,  par  Pierre  la  maison  B.  Paul  et  Pierre  ne  sont  pas  des 
débiteurs  solidaires.  Le  paiement  fait  par  l'un  de  sa  pro- 
messe, peut  bien  avoir  pour  effet  de  libérer  l'autre,  plus 
exactement  de  le  dégager  de  la  promesse  conditionnelle  qu'il 
m'avait  consentie.  Mais  mes  débiteurs  ne  sont  pas  des  dé- 
biteurs solidaires ,   parce  qu'ils   ne  doivent  pas  la  même 

(4)  La  matière  de  la  solidarité  a  fait ,  en  Allemagne ,  le  sujet  de  nombreuses 
monographies  :  la  dernière  est  une  étude  du  D*  Unger,  président  du  Reichs 
gericht,  à  Vienne,  dans  les  Jahrbûcher  fur  die  Dogmatik  des  heutigen  rômis- 
chen  und  deuttchen  Privatrechtt ,  t.  XXXII,  p.  207.  Les  uns,  c'est  le  plus 
grand  nombre ,  font  prédominer  dans  l'obligation  solidaire  (corréalité)  l'idée 
d'unité  :  Les  autres ,  la  notion  de  la  pluralité  d'obligations.  D'autres  (Fitting) 
font  intervenir  l'idée  d'alternative  :  celui-là  seul  sera  débiteur  qui  sera  choisi 
(ekctus)  parle  créancier,  comme  dans  une  obligation  alternative,  l'objet  unique 
de  l'obligation ,  c'est  celle  des  prestations ,  choisie  par  le  débiteur  ou  le  créan- 
cier (V.  le  résumé  des  points  de  vue,  très  divers,  imaginés  pour  expliquer  la 
solidarité  dans  Amdtt,  Pandekten ,  §  213,  notes  5  et  6) .  Le  Dr  Unger  voit  dans 
l'obligation  corréale  une  unité  collective,  un  groupe ,  un  ensemble  d'obliga- 
tions, formant  un  tout,  comme  le  quadrige  forme  un  tout,  bien  qu'il  comprenne 
plusieurs  têtes. 


246  ETUDE   SUR  LA  SOLIDARITE. 

chose  :  il  n'y  a  pas  tmum  et  idem  debitum.  La  demande  eu 
justice,  dirigée  contre  l'un,  ne  produirait  aucun  effet,  ni  far 
vorable ,  ni  défavorable  à  l'égard  de  l'autre. 

Désireux  d'acquérir  la  maison  A,  dont  la  propriété  est 
contestée  entre  Paul  et  Pierre,  je  traite  avec  l'un  et  l'autre; 
je  me  suis  fait  consentir  deux  promesses  de  vente  :  il  est 
entendu  que  je  n'exigerai  que  la  réalisation  de  l'une  d'elles , 
de  celle  souscrite  par  celui  qui  sera  reconnu  propriétaire.  J'ai 
deux  créances  conditionnelles;  mais  je  n'ai  pas  deux  débi- 
teurs solidaires  ;  ils  me  doivent  la  même  chose  matérielle , 
mais  non  pas  la  même  prestation  juridique  (Adde  Gide,  op. 
cit.,  p.  138  et  s.  :  l'auteur  montre  bien  que  l'identité  d'objet 
matériel  n'est  pas  synonyme  d'identité  d'objet  juridique). 

Papinien  (/*.  9,  §  1,  De  duob.  reis)  se  demande  s'il  y  aura 
idem  debitum  et  solidarité,  quand  les  deux  obligés,  dépo- 
sitaires dans  l'espèce  de  la  même  chose,  ont  assumé  pour 
la  garde  de  la  chose  une  responsabilité  différente  :  l'un  d'eux 
ne  doit  répondre  que  de  son  dol  :  l'autre  s'est  engagé  à 
répondre  de  ses  fautes.  Le  jurisconsulte,  non  sans  hésita- 
tion ,  refuse  de  voir  là  deux  débiteurs  solidaires  :  leurs  en- 
gagements sont  impares.  J'ai  quelque  peine  à  admettre  cette 
décision  et  à  la  transporter  dans  notre  droit.  «  11  n'est  pas 
nécessaire,  dit  M.  Demolombe,  n°  204,  que  chacun  des  dé- 
biteurs solidaires  doive  exactement  autant  que  son  codébi- 
teur. »  Pierre  et  Paul  empruntent  20,000  fr.,  et  la  solidarité 
n'est  pour  Pierre  stipulée  que  jusqu'à  concurrence  de  10,000 
fr.  Paul  doit  20,000  fr.,  Pierre  n'en  doit  que  10,000;  ils  sont 
solidaires  dans  les  limites  de  cette  somme.  De  même  nos 
deux  dépositaires  sont  solidaires  pour  les  faits  de  dol  :  le 
dol  commis  par  l'un  rejaillira  sur  l'autre.  Mais  pour  les 
simples  fautes ,  la  solidarité  n'existe  plus  :  il  y  a  retour  au 
principe  de  droit  naturel,  d'après  lequel  chacun  ne  doit 
répondre  que  des  fautes  qui  lui  sont  personnelles. 

Le  phénomène  d'une  dette  commune  à  plusieurs  et  ayant 
un  seul  et  même  objet,  se  rencontre  également  dans  l'obli- 
gation indivisible  quand  il  y  a  pluralité  de  débiteurs.  Tous 
les  débiteurs  d'une  prestation  indivisible  doivent  idem  :  ils 
le  doivent  in  solidum,  et  le  paiement  fait  par  l'un  les  libère 
tous.  Mais  cette  seconde  situation  diffère  de  la  précédente , 


ÉTUDE   SUR  LA  .  SOLIDARITE.  247 

surtout  quand  l'obligation  est  indivisible  à  raison  de  la  nature 
indivisible  de  son  objet.  Ici  l'indivisibilité  n'est  plus  une 
modalité  :  elle  tient  à  l'essence  même  des  choses  :  le  con- 
traire ne  pourrait  pas  se  supposer.  Il  n'est  pas  au  pouvoir  de 
l'homme  de  décomposer,  même  in  partes  indivisa*,  en  frac- 
tions aliquotes,  une  prestation  indivisible  natura.  S'il  essaie 
de  le  faire,  s'il  se  fait  promettre  la  moitié  d'une  servitude 
prédiale,  il  fait  un  acte  nul  et  sans  valeur,  parce  que  le 
debitum  est  sans  utilité  pécuniaire.  A  la  différence  de  la  moi- 
tié d'un  droit  de  propriété  ou  d'usufruit,  la  moitié  d'une 
servitude  prédiale  ne  peut  pas  procurer  au  créancier  une 
utilité  proportionnelle  à  celle  de  la  chose  tout  entière.  Si  la 
prestation,  objet  de  l'obligation,  n'a  pas  de  valeur  pécu- 
niaire ,  la  convention  n'a  pas  elle-même  d'utilité  ;  elle  est  dé- 
pourvue d'objet  et  nulle. 

Mais,  comme  la  solidarité,  l'indivisibilité  peut  être  arbi- 
traire ,  conventionnelle  :  les  parties  contractantes  impriment 
à-  une  prestation ,  divisible  naturellement ,  le  caractère  de 
^'indivisibilité  :  elles  l'envisagent  sous  un  rapport  tel  que, 
pour  le  créancier,  la  décomposition  en  fractions  aliquotes 
enlèverait  à  l'obligation  toute  utilité  sérieuse.  L'indivisibilité 
(qualifiée  obligations  par  Dumoulin)  devient  une  modalité  de 
l'obligation.  Elle  diffère  encore  de  la  solidarité.  Celle-ci  est 
un  procédé  de  garantie  :  le  créancier,  en  l'exigeant,  entend 
se  procurer  un  surcroît  de  sûreté.  L'indivisibilité  donne  sa- 
tisfaction à  un  intérêt  d'un  autre  ordre  :  le  but  poursuivi  par 
le  créancier  ne  peut,  suivant  lui,  être  atteint,  avoir  son  plein 
effet  que  par  le  moyen  de  l'indivisibilité ,  par  un  accomplis- 
sement intégral  de  la  prestation.  Le  débiteur  solidaire ,  pour- 
suivi in  solidum,  peut  obtenir  de  ne  payer  qu'une  partie, 
dans  les  circonstances  où  un  débiteur  unique  jouirait  de  cette 
faveur  (Julien,  f.  21,  De  reb.  cred.,  XII,  1;  C.  civ.,  art.  1244). 
Le  débiteur  d'une  dette  indivisible,  même  obligatione,  ne 
pourrait  pas,  je  crois,  obtenir  pareil  bénéfice. 

Le  créancier  qui  a  deux  ou  plusieurs  débiteurs  solidaires , 
a  contre  chacun  d'eux  la  même  étendue  de  droits  et  de  pou- 
voirs ,  la  même  puissance  juridique  :  toutes  les  obligations 
sont,  comme  le  disent  les  Romains,  ejusdem  potestaUs.  Le 
créancier  peut  donc  diriger  sa  demande  en  paiement  contre 


248  ÉTUDE   SUR  LA   SOLIDARITE. 

l'un  quelconque  de  ses  débiteurs  (en  supposant  l'absence  de 
terme  et  de  condition),  et  exiger  de  lui  seul  solidum  debiti  : 
tel  était  son  but,  lorsqu'il  a  fait  de  la  solidarité  la  condition 
du  contrat  qu'il  concluait  :  il  voulait  éviter  les  inconvénients 
d'un  paiement  divisé ,  et  diminuer  les  risques  d'insolvabilité 
auxquels  il  était  exposé  :  pour  une  créance  unique  dans  son 
objet,  il  a  exigé  plusieurs  débiteurs,  dont  chacun  se  trouve 
en  face  de  lui ,  comme  s'il  était  seul  et  unique  obligé.  Ainsi 
l'affaire  a  consisté  dans  une  avance  d'argent ,  un  mutuum  :  le 
débiteur  solidaire,  qui  n'a  reçu  qu'une  partie  de  la  somme 
(qui  peut-être  même  n'en  a  rien  touché ,  parce  qu'il  était  dé- 
sintéressé dans  l'opération),  ne  pourra  pas  de  non  numemta 
pecunia  queri,  intenter  la  condictio  obligations  ou  opposer 
Yexceptio  non  numeratœ  pecunùe.  Les  motifs  de  protection,  qui 
ont  fait  introduire  en  faveur  des  emprunteurs  d'argent  cette 
querela  non  numeratx  pecunùe,  n'existent  pas  ici  :  chaque 
codébiteur  doit  répondre  à  la  demande  comme  s'il  avait  seul 
reçu  l'intégralité  de  la  somme  prêtée  (Diocl.,  C.  4,  De  duob. 
reis,  VIII,  40). 

Il  faut  toutefois  se  garder  d'exagérer  cette  proposition, 
vraie  en  général,  que  chacun  des  coobligés  solidaires  est  ex- 
posé à  être  par  le  créancier  traité  comme  s'il  était  seul  et  uni- 
que débiteur.  Le  créancier  ne  peut  pas  faire  absolument  abs- 
traction de  ce  fait  qu'il  a  vis-à-vis  de  lui  plusieurs  débiteurs 
pour  la  même  dette ,  pour  la  satisfaction  du  même  intérêt , 
surtout  lorsque,  comme  c'était  le  cas  ordinaire  à  Rome,  et 
aujourd'hui  la  situation  toujours  supposée  par  le  législateur, 
il  existe  entre  les  codébiteurs  une  société ,  ou  tout  au  moins 
une  communauté  d'intérêts,  connue  du  créancier.  Celui-ci  ne 
peut  pas  par  son  fait  porter  atteinte  à  cette  communauté ,  dé- 
sassocier  les  débiteurs  :  il  s'est  enlevé  ce  droit  en  les  accep- 
tant comme  débiteurs  :  après  avoir  fait  avec  l'un  d'eux  un 
compromis,  avoir  accordé  à  l'un  d'eux,  par  libéralité,  désis- 
tement ou  transaction ,  une  remise  totale  ou  partielle  dans  la 
forme  d'un  pacte  de  non  petendo ,  il  lui  est  interdit  de  s'adres- 
ser à  l'un  des  autres  et  de  le  poursuivre  comme  s'il  était  seul 
débiteur.  Dans  notre  droit,  conformément  à  une  doctrine 
presque  unanime ,  le  créancier,  actionnant  l'un  des  débiteurs, 
est  exposé  à  se  voir  opposer  l'exception  dilatoire  de  garantie. 


ETUDE   SUR   LA  SOLIDARITÉ.  249 

Même  en  face  de  codébiteurs  non  sociiy  le  créancier,  poursui- 
vant l'un  d'eux ,  ne  peut-il  pas  se  voir  repoussé ,  s'il  refuse 
de  lui  céder  ses  droits  et  actions,  et  si  le  negotium,  auquel 
s'est  adjointe  la  solidarité,  est  un  negotium  bonœ  fidei?  ne 
risque-t-il  pas  de  se  voir  débouté  de  sa  demande ,  au  moins 
dans  la  limite  du  préjudice  par  lui  causé,  s'il  n'a  pas  conservé 
pour  les  céder,  les  droits  et  actions  qu'il  avait?  Le  droit  du 
créancier  contre  chacun  de  ses  débiteurs  solidaires  n'est  donc 
pas  aussi  entier,  aussi  complet  que  s'il  n'avait  qu'un  débi- 
teur. 

Quels  sont  les  événements  qui,  se  produisant  dans  la  per- 
sonne de  l'un  des  débiteurs ,  réagiront  en  bien  ou  en  mal  sur 
l'obligation  de  ses  codébiteurs?  Je  ne  veux  porter  mon  exa- 
men que  sur  trois  de  ces  événements  (1),  l'acceptilatio ,  l'im- 
possibilité d'exécution  et  la  litis  contes tatio. 

Vacceptilatio ,  consentie ,  donationis  aut  transactions  causa, 
à  l'un  des  débiteurs  obligés  verbis,  a  pour  effet  de  libérer  les 
autres,  et  cet  effet  est  nécessaire,  inévitable.  En  vain,  dans 
la  quittance  solennelle  par  lui  donnée ,  le  créancier  aurait-il 
inséré  des  réserves  :  elles  sont  nulles  et  sans  valeur  :  la  for- 
mule de  Vacceptilatio  et  son  caractère  d'acte  solennel  résistent 
à  ce  qu'elle  puisse  être  ainsi  restreinte ,  modalisée  :  elle  opère 
toujours  in  rem.  Uipien  au  f.  3,  §  3,  De  libérât,  leg.,  XXXIV, 
3,  le  suppose  :  un  créancier,  qui  avait  deux  débiteurs  soli- 
daires non  sociiy  a  légué  à  l'un  d'eux  sa  libération ,  et  ei  soli 
consultum  voluit.  Le  débiteur,  créancier  en  vertu  de  son  legs 
du  droit  à  être  libéré ,  ne  peut  pas  exiger  de  l'héritier,  son 
débiteur  ex  legato ,  une  acceptUatio,  qui  entraînerait  la  libéra- 
tion de  l'autre  débiteur  solidaire.  Si  des  réserves  avaient  pu 
être  insérées  dans  Vacceptilatio ,  le  débiteur  légataire  aurait 
été ,  en  vertu  de  son  legs ,  créancier  d'une  acceptilatio  avec 
réserves.  Depuis  que  le  préteur  a  attaché  une  vertu  juridique 
à  la  convention  de  remise ,  au  pactum  de  non  petendo ,  le  but 
qui  ne  pouvait  être  atteint  avec  Vacceptilatio ,  ou  qui  ne  le 
pouvait  que  difficilement  au  moyen  d'une  novation  et  de  l'ad- 


(1)  Le  sujet  a  été  traité  complètement  par  M.  Démangeât,  op.  cit.,  je  ne 
ferais,  en  l'exposant  a  nouveau,  que  reproduire  des  développements  déjà 
présentés. 


252  ETUDE  SUR  LA   SOLIDARITÉ. 

• 

factura,  c'est  le  fait,  mettant  obstacle  à  l'accomplissement  de 
l'obligation  (§  16,  De  légat.,  Inst  de  Just.,  II,  20  ;  g  2,  3e  phr.v 
De  inut.  stipul.,  III,  19).  Alors  reste  la  difficulté  de  mettre  la 
décision  de  Pomponius  d'accord  avec  celle  de  Marcien  et  de 
Paul  touchant  l'effet  de  la  demeure  (quelques-uns  ont  cru 
aune  divergence  de  doctrine).  Les  conciliations  et  les  explica- 
tions n'ont  pas  manqué  depuis  les  glossateurs  :  elles  sont  trop 
connues  pour  être  présentées  à  nouveau  (V.  Démangeât,  op. 
cit.,  p.  374  et  s.;  Labbé,  Étude  sur  quelques  difficultés  relatives 
à  la  perte  de  la  chose  due,  n°"  19  à  22Ï.  Aucune  d'elles  n'est, 
à  mon  avis ,  complètement  satisfaisante.  Je  ne  méconnais  pas 
que  pratiquement  il  y  ait  une  différence  entre  la  demeure 
et  la  faute,  et  que  le  créancier  ait  plus  d'intérêt  à  être  ga- 
ranti par  l'engagement  de  tous  contre  la  faute  de  l'un  que 
contre  la  mise  en  demeure.  Mais  je  n'accorde  pas  facilement 
la  décision  de  Pomponius  avec  la  règle  d'interprétation,  qui 
veut  que  dans  le  doute  une  convention  s'interprète  en  faveur 
du  débiteur.  Peut-être  serait-on  tenté  de  dire,  pour  justifier 
cette  dérogation,  que  si  la  règle  touchant  la  faute  était  la 
même  que  celle  relative  à  la  demeure,  les  créanciers  qui 
font  ordinairement  la  loi,  ne  manqueraient  jamais  de  faire 
insérer  une  clause  de  garantie  réciproque,  qui  deviendrait 
de  style ,  qui  l'est  devenue  à  Rome ,  et  qui  a  fini  par  devenir 
une  règle  de  droit.  Mais  les  créanciers  ne  sont  pas  toujours 
les  maîtres  :  il  y  a  des  contrats  dans  lesquels  les  parties  trai- 
tent sur  le  pied  de  l'égalité  (vente,  louage),  certains  même 
dans  lesquels  c'est  le  débiteur  qui  dicte  ses  conditions  (dépôt). 
M.  Labbé,  loc.  cit.,  a  bien  raison  de  dire  que  le  système 
de  Dumoulin,  adopté  par  le  Code  civil,  article  1205,  con- 
tenait le  germe  d'une  disposition  équitable,  et  qu'il  n'était 
pas  injuste  de  modérer  à  l'égard  de  ceux  qui  ne  sont  pas 
en  faute,  l'estimation  des  dommages-intérêts.  Ne  conviendrait- 
il  pas  de  faire  un  pas  de  plus ,  et  de  décider  que ,  sauf  con- 
vention expresse,  les  débiteurs  solidaires  ne  sont  pas  garants 
de  la  faute  et  de  la  demeure  les  uns  des  autres?  Le  Code 
fédéral  des  Obligations  pour  la  Suisse,  dit  (art.  165)  :  «  L'un 
des  débiteurs  solidaires  ne  peut  pas  aggraver,  par  son  fait 
personnel,  la  position  des  autres.  »  Cette  disposition  a  été 
empruntée  au  Code  prussien,  I,  5,  §  438,  et  néanmoins  on 


ÉTUDE   SUR  LA  SOLIDARITE.  253 

discute  en  Prusse ,  si  la  disposition  de  la  loi  romaine ,  rela- 
tive à  la  faute,  doit  être  appliquée.  Il  y  a  des  jurisconsultes 
qui  limitent  le  §  438  aux  actes  juridiques  intervenus  entre  le 
créancier  et  l'un  des  débiteurs  solidaires  (V.  Dernburg,  Dents- 
ches  Privatrecht ,  §  49).  Le  problème  est  donc  d'une  solution 
difficile;  il  n'a  guère  d'ailleurs  qu'une  importance  théori- 
que :  presque  toutes  les  dettes  solidaires  ont  pour  objet  de 
l'argent. 

En  matière  de  cautionnement ,  la  règle  diffère  de  ce  qu'elle 
est  pour  la  solidarité.  En  droit  romain,  le  fidéjusseur  qui  a 
promis  idem,  est  garant  et  de  la  faute  et  de  la  demeure  du 
débiteur  principal,  et  l'opinion  générale  est  que  ces  principes 
doivent  être  suivis  en  droit  français  (C.  civ.,  art.  2016).  Cette 
différence  entre  les  deux  procédés  de  garantie  peut  à  la  ri- 
gueur s'expliquer.  La  caution,  qui  ne  limite  pas  son  enga- 
gement, promet  tout  ce  que  peut  devoir  actuellement  et  dans 
l'avenir  le  débiteur  principal  :  en  ce  sens ,  son  obligation  est 
accessoire.  Les  débiteurs  solidaires  doivent  tous  idem  au 
moment  de  la  naissance  de  l'obligation  :  mais  chaque  obli- 
gation peut  désormais  avoir  sa  vie  propre  :  l'un  peut  être 
déchargé  sans  que  l'autre  le  soit,  tandis  qu'il  est  fort  rare 
que  la  caution  demeure  tenue,  alors  que  le  débiteur  prin- 
cipal est  libéré.  Quoi  qu'il  en  soit,  nous  avons  aujourd'hui 
encore,  avec  la  disposition  bienveillante  de  l'article  1205 
C.  civ.,  une  différence  entre  la  solidarité  et  le  cautionnement 
à  l'avantage  de  la  première.  Le  créancier  qui  voudrait  la 
supprimer,  n'aura  qu'à  exiger  de  ses  débiteurs  le  cumul  des 
deux  sûretés  :  c'est  là,  peut-être  en  droit  romain,  le  prin- 
cipal intérêt  pour  le  créancier  à  ce  que  les  débiteurs  solidaires 
se  cautionnent  réciproquement. 

La  Utis  contestatio,  engagée  avec  l'un  des  débiteurs  soli- 
daires ,  engendre  au  profit  des  autres  une  fin  de  non-recevoir, 
défense  ou  exception,  suivant  une  distinction  bien  connue 
(Gaius,  C.  IV,  §§  103  et  s.).  Il  n'y  a  pas  que  le  paiement  ou 
toute  autre  satisfaction,  tenue  par  le  créancier  pour  équi- 
valente au  paiement,  qui  ait  pour  effet  d'éteindre  ou  de  pa- 
ralyser la  créance  à  l'égard  de  tous  les  débiteurs  solidaires. 
La  même  puissance  a  été,  jusqu'à  Justinien,  attachée  à  la 

Revub  hbt.  —  Tome  VIII.  17 


254  ETUDE  SUR  LA  SOLIDARITE. 

poursuite  judiciaire,  dirigée  par  le  créancier  contre  l'un  des 
débiteurs  solidaires,  alors  même  que  cette  poursuite  n'abou- 
tirait pas  à  faire  obtenir  au  créancier  tout  ce  qui  lui  était 
dû.  Certains  de  nos  anciens  auteurs,  qui  ne  connaissaient 
pas  les  Institutes  de  Gaius ,  et  qui  n'avaient ,  avec  les  frag- 
ments des  Pandectes,  en  apparence  contradictoires,  parce 
que  quelques-uns  avaient  été  interpolés,  que  la  constitution 
de  Justinien ,  abrogative  de  notre  règle ,  avaient  cru  à  une 
controverse  entre  les  jurisconsultes  romains  sur  les  effets  de 
la  litis  conlestatio ,  controverse  que  Justinien  aurait  tranchée 
en  faveur  des  créanciers  (V.  Doneau,  Comm.  in  codicem,  ad 
tit.  40,  lib.  VIII,  De  duob.  reis,  tom.  IX,  col.  1342,  édit.  de 
Florence).  Depuis  la  découverte  du  manuscrit  de  Vérone,  il 
est  avéré  que  ce  dissentiment  n'existait  que  dans  l'imagi- 
nation des  commentateurs.  Des  textes  nombreux  qui  formu- 
lent le  principe ,  soit  à  propos  des  débiteurs  solidaires ,  soit 
à  propos  des  fidéjusseurs,  pour  lesquels  la  règle  est  la  même, 
je  ne  veux  citer  que  le  f.  5  in  fine,  De  fidej.,  XLVI,  1  :  le 
jurisconsulte  Ulpien  s'occupe  de  la  solidarité  active  et  pas- 
sive, pour  trancher  une  question  de  confusion.  L'un  des 
débiteurs  solidaires  succède  à  l'autre  :  les  deux  obligations 
continuent  à  subsister  au  profit  du  créancier  :  mais  s'il 
poursuit  l'exécution  de  l'une,  il  épuise  l'une  et  l'autre;  car 
il  est  dans  la  nature  de  cette  espèce  d'obligations  que  quand 
l'une  est  deducta  in  judicium,  l'autre  est  consommée  égale- 
ment. 

Il  importe  de  s'arrêter  sur  cet  effet  attaché  à  la  litis  con- 
testatio  :  c'est  lui,  et  lui  seul,  je  le  crois  bien,  qui  a  suggéré 
les  opinions  nouvelles  sur  le  caractère  de  la .  solidarité  ro- 
maine ,  qui  en  a  obscurci  la  notion ,  et  du  même  coup  celle 
de  l'obligation  in  solidum,  de  la  solidarité  imparfaite.  Notre 
collègue,  M.  Hauriou,  au  début  de  son  Étude  sur  V origine 
de  la  corréalité,  exprime  bien  cette  influence  exercée  sur 
certains  romanistes  modernes,  lorsqu'il  dit  :  «  La  corréalité 
avait  une  physionomie  toute  particulière,  et  ce  qui  lui  donnait 
cette  physionomie ,  c'était  la  libération  des  débiteurs  correi  par 
la  litis  contestatio.  »  On  a  trouvé  la  règle  bien  dure  pour  les 
créanciers ,  et  on  a  cherché  à  en  circonscrire  le  domaine  dans 
les  limites  les  plus  étroites,  comme  si  cette  règle  était  une 


ÊTUDR   SUR  LÀ  SOLIDARITE.  255 

particularité  de  la  solidarité  et  de  la  fidéjussion  ,  alors  qu'elle 
n'est  qu'une  conséquence  des  principes  généraux  de  la  pro- 
cédure romaine ,  Tune  des  nombreuses  manifestations  d'une 
pensée  qui  domine  toute  la  législation  romaine,  la  crainte 
des  procès. 

C'est  une  chose  désirable ,  au  point  de  vue  de  l'intérêt  gé- 
néral comme  de  l'intérêt  privé,  qu'il  y  ait  aussi  peu  de  procès 
que  possible,  et  que  ceux  qui  surgissent,  se  terminent  très 
promptemenU  Or,  s'il  y  a  une  législation  où  ce  désir  se  mani- 
feste avec  énergie,  c'est  la  législation  romaine.  Le  procès, 
c'est  la  guerre  privée  régularisée  :  surtout  dans  une  société 
peu  avancée,  il  suscite  et  entretient  des  haines,  qu'il  faut 
éviter  à  tout  prix.  En  indiquant  les  institutions  qui ,  directe- 
ment ou  indirectement,  étaient  destinées  à  empêcher  les  pro- 
cès de  naître  ou  de  se  prolonger,  nous  nous  expliquerons 
mieux,  si  nous  ne  pouvons  la  justifier  en  équité,  la  puissance 
attachée  à  la  litis  contestalio  en  toutes  matières,  et  spéciale- 
ment dans  celle  de  la  solidarité  et  de  la  fidéjussion. 

Nos  lecteurs  connaissent  tous  le  système  des  peines  pécu- 
niaires ou  infamantes ,  infligées  aux  plaideurs  téméraires  :  la 
témérité  punie  ne  supposait  pas  nécessairement  l'esprit  de 
chicane,  la  mauvaise  foi  :  était  réputé  téméraire  et  en  faute, 
celui  qui  succombait  (Gains,  C.  IV,  §§  13,  175  et  s.).  Nous 
rappellerons  également,  sans  y  insister,  la  péremption  d'ins- 
tance (Gaius,  C.  IV,  §§  103  à  105),  la  création  de  la  formule 
de  stipulation ,  dite  stipulation  aquilienne ,  imaginée  pour 
faciliter  les  désistements  et  les  transactions,  c'est-à-dire  l'ex- 
tinction des  droits  litigieux  (V.  Gide,  op.  cit.,  p.  141);  l'in- 
troduction par  le  préteur  des  exceptions  Mis  dividuœ  et  rei 
restaux  (Gaius,  C.  IV,  §  122),  ainsi  que  l'introduction  des 
actions  pour  sanctionner  des  pactes  relatifs  à  la  solution  des 
différends,  les  pactes  de  serment  et  de  compromis;  le  prin- 
cipe, enfin,  d'après  lequel  toute  condamnation  judiciaire  doit 
avoir  pour  objet  une  somme  d'argent,  ce  qui  dispense  les 
plaideurs  de  revenir  devant  les  tribunaux  pour  faire  liquider 
les  dommages-intérêts  dus  pour  inexécution  de  la  condamna- 
tion ,  qui  porterait  sur  la  chose  réclamée. 

Dans  un  autre  ordre  d'idées ,  le  formalisme  bien  connu  du 
droit  romain ,  la  nécessité  de  soumettre  l'expression  de  la 


258  ÉTUDE  SUR  LA  SOLIDARITE. 

ne  dise  qu'elle  a  éteint  le  droit,  bien  ou  mal  fondé,  d'agir  en 
justice  (1). 

Mais  le  procès  peut  prendre  fin  autrement  que  par  un  juge- 
ment sur  le  fond  :  le  demandeur  a  laissé  périmer  l'instance  : 
il  a  été  débouté  pour  avoir  réclamé  plus  que  ce  à  quoi  il  avait 
droit,  pour  n'avoir  pas  tenu  compte  d'une  exception  dilatoire 
qui  lui  était  opposée  :  son  action  est  malgré  tout  épuisée;  son 
droit  est  éteint  (ici  l'expression  est  plus  exacte)  :  il  ne  peut 
plus  faire  l'objet  d'une  instance  nouvelle.  Les  hommes  sont 
tenus  d'être  vigilants ,  attentifs  en  plaidant  comme  en  contrac- 
tant. Le  demandeur,  avec  plus  de  précautions ,  pouvait  éviter 
la  perte  qui  l'atteint.  Jura  vigilantibtis  scripta  sunL  Gaius ,  f. 
42  de  R.  J.,  L,  17  (Cpr.  Keller,  Procéd.  civ.,  §  60). 

Ce  système ,  qui  consistait  à  avancer  autant  que  possible 
le  moment  où  le  droit  litigieux  était  épuisé ,  à  le  placer  à 
l'instant  de  la  litis  contestatio  plutôt  qu'à  celui  du  jugement , 
était  empreint  d'une  certaine  rigueur  :  il  n'était  pas  plus  ri- 
goureux que  beaucoup  d'autres  institutions  romaines ,  carac- 
téristiques du  slrictum  ou  ipsum  jus,  par  exemple,  l'absence 
de  toute  protection  au  profit  de  celui  qui  dans  un  acte  juridi- 
que avait  été  victime  de  manœuvres  frauduleuses  ou  de  me* 
naces.  Dès  lors  nous  ne  devons  pas  nous  étonner  de  le  ren- 
contrer dans  la  matière  de  la  fidéjussion  et  de  la  solidarité. 
Le  créancier  qui  a  soit  un  débiteur  principal  et  un  ou  plu- 
sieurs fidéjusseurs,  soit  plusieurs  débiteurs  solidaires  (duo 
pluresve  rei  promittendi),  n'est  créancier  que  d'une  res  :  son 
action  tombe  sous  le  coup  de  la  maxime  :  bis  de  eadem  re  non 
est  actio  :  quand  il  agit  contre  l'un  d'eux,  il  épuise,  il  con- 
somme son  droit  d'action  à  la  fois  contre  celui  avec  lequel  il 
a  fait  Mis  contestatio,  et  contre  les  autres  :  suivant  le  langage 
d'Ulpien  au  f.  5,  De  fidej.,  XLVI,  1,  quum  altérant  duarum 
obligationum  quas  habet,  in  judicium  deducit,  altéra  consumi- 
tur  :  il  les  épuise  en  totalité ,  s'il  a  poursuivi  l'un  d'eux  in 
solidum  :  quand  il  ne  poursuit  l'un  que  pour  une  partie  de  sa 
créance ,  il  n'épuise  son  droit  contre  tous  que  pour  cette  frac- 


(1)  Il  faut  observer  que  les  expressions  toUere  et  consumere  sont  parfois 
prises  indifféremment  Tune  pour  l'autre  (V.  rubr.  et  f.  i  de  utufr.  ear.  rer., 
D.  VII,  5;  Papin.,  F.  66  ckprocvr.,  III,  3). 


ETUDE   SUR  LA   SOLIDARITÉ.  2S9 

lion  :  il  s'enlève  le  droit  de  réitérer  ses  poursuites  et  contre 
le  défendeur  qu'il  a  choisi,  et  contre  les  autres. 

Ce  créancier  cependant  a  pu  perdre  son  procès  pour  une 
inexactitude  de  procédure  :  il  a  pu  le  gagner,  mais  trouver 
en  face  de  lui  un  défendeur  insolvable  :  malgré  cela ,  le  droit 
de  poursuivre  les  autres  n'existe  plus  au  profit  du  créancier  : 
il  n'avait  qu'a  ne  pas  être  négligent ,  qu'à  ne  pas  se  tromper 
dans  le  choix  qu'il  a  fait ,  qu'à  se  renseigner  d'avance  sur  la 
solvabilité  de  celui  des  débiteurs  qu'il  a  attaqué  :  c'était  chose 
facile  dans  une  société  restreinte  comme  l'était  au  début  la 
société  romaine ,  avec  la  publicité  dont  étaient  entourés  an- 
ciennement tous  les  actes  juridiques.  Si  chacun  de  ses  débi- 
teurs n'était  solvable  que  partiellement,  il  n'avait  qu'à  les 
poursuivre  chacun  pro  parte,  dans  la  mesure  de  leur  solvabi- 
lité (1).  S'il  s'est  trompé  dans  ses  recherches,  qu'il  supporte 
les  conséquences  de  son  erreur.  Sans  doute  cette  défense  qui 
lui  est  adressée  de  poursuivre  successivement  tous  ses  débi- 
teurs ,  cette  nécessité  qui  lui  est  imposée  de  s'enquérir  préa- 
lablement de  l'état  de  fortune  de  ses  obligés,  enlève  à  sa 
sûreté  une  partie  de  son  énergie.  Mais  l'intérêt  public  veut 
qu'il  en  soit  ainsi,  et  il  prime  l'intérêt  privé  du  créancier. 
Celui-ci  est  armé  de  grands  pouvoirs  vis-à-vis  de  son  débi- 
teur :  est-il  absolument  inexplicable  qu'en  retour  il  ait  quel- 
que responsabilité  ? 

Notre  savant  et  regretté  collègue,  M.  Machelard  (Disserta- 
tions de  droit  romain ,  p.  175),  s'était  déjà  préoccupé  de  recher. 
cher  la  raison  juridique  de  cette  défense  adressée  au  créancier 
de  poursuivre  successivement  et  jusqu'à  parfait  paiement 
tous  ses  débiteurs  solidaires ,  et  il  la  trouvait  lui  aussi  dans 
l'effet  extinctif  ou  libératoire  de  la  litis  contestatio ,  combiné 
avec  ce  principe  que  tous  les  débiteurs  doivent  la  même  res, 
sont  tenus  de  la  même  obligation  quant  à  son  objet.  Il  refu- 
sait son  assentiment  à  une  autre  explication ,  qui  a  eu  des 

(1)  Le  droit  pour  le  créancier  d'agir  pro  parte  contre  chacun  de  ses  débi- 
teurs, est  appuyé  par  les  textes,  et  il  ne  méconnaît  pas  la  règle  :  bis  de  eadem 
renon  est  actio.  Y.  Labbé,  sur  les  Instituts  d'Ortolan,  p.  824,  note  2.  J'a- 
joute que  la  solidarité  étant  dans  son  intérêt ,  il  est  libre  d'y  renoncer  et  de 
traiter,  quant  à  la  poursuite ,  ses  débiteurs  comme  des  débiteurs  simplement 
conjoints. 


260  ÉTUDE  SUR  LA   SOLIDARITE. 

défenseurs  en  Allemagne  (V.  Vangerow,  §  573,  I),  et  d'après 
laquelle  la  dette  solidaire  ne  pèserait  pas  au  moment  de  sa 
naissance,  d'une  façon  ferme  sur  tous  les  débiteurs,  mais 
demeurerait  suspendue,  incertaine  sur  la  tête  de  chacun  jus- 
qu'à la  poursuite  dirigée  contre  l'un  d'eux  par  le  créancier  : 
chacun  d'eux  serait  débiteur  sous  une  espèce  d'alternative, 
ou  sous  la  condition  suspensive  implicite  qu'il  serait  actionné, 
choisi  par  le  créancier  :  la  poursuite  dirigée  contre  l'un  aurait 
pour  conséquence  non  pas  de  libérer  les  autres ,  mais  de  faire 
défaillir  la  condition,  et  de  les  empêcher  de  devenir  débi- 
teurs. Quelque  spécieuse  que  cette  explication  puisse  paraître, 
elle  n'est  pas  d'accord  avec  les  textes,  notamment  avec  l'ex- 
pression liberantur  (Sent.  Paul,  II,  17,  §  46)  (Gpr.  Déman- 
geât, op.  ciï.,p.  72). 

Notre  éminent  collègue,  M.  Labbé,  en  publiant  les  disser- 
tations de  M.  Machelard,  est  revenu  à  son  tour  sur  le  pro- 
blème (eod.  opère,  p.  213  et  s.).  Suivant  lui,  il  y  aurait  trois 
explications  possibles  à  donner  de  cette  limitation  du  droit  du 
créancier  qui  a  plusieurs  débiteurs  solidaires ,  l'idée  d'alter- 
native, l'effet  extinctif  de  la  litis  contestatio ,  et  la  règle  bis  de 
eadem  re  non  est  actio;  c'est  cette  troisième  explication  qui  a 
séduit  notre  collègue,  comme  il  le  dit  ailleurs  (Appendices  aux 
Instit.  d'Ortolan,  t.  3,  p.  913  en  note).  «  Si  après  la  litis  contes- 
tatio engagée  contre  l'un  des  débiteurs ,  aucune  autre  action  n'é- 
tait possible ,  cela  dérivait  de  la  nature  de  l'obligation  corréale 
(unité  d'objet ,  eadem  res)  et  non  pas  de  l'effet  extinctif  de  la 
litis  contestatio.  »  Je  ferai  d'abord  remarquer  que  cette  ma- 
nière de  résoudre  le  problème  ne  cadre  guère  avec  le  langage 
des  jurisconsultes  romains  et  de  Justinien.  Ulpien  au  f.  5,  cit. 
supra  de  fidej.,  rattache  manifestement  l'extinction,  l'épuise- 
ment de  toutes  les  obligations  à  l'effet  extinctif  de  la  litis  con- 
testatio :  quand  l'une  d'elles  est  deducta  in  judicium,  les  autres 
se  trouvent  également  consommées.  Justinien,  C.  28,  De  fidej., 
dit  de  même  :  ce  contestatione  contra  unum  facta.  »  Me  sera-t-il 
permis  d'ajouter  que  la  maxime  :  bis...  ne  me  paraît  être  que 
la  formule  théorique  d'un  vieux  principe ,  dont  l'effet  extinc- 
tif de  la  litis  contestatio  n'est  que  la  mise  en  application,  la 
conséquence,  qu'il  n'y  a  là  qu'un  seul  et  même  principe? 
Une  vieille  loi ,  probablement  celle  des  Douze-Tables ,  avait 


ETUDE   SUR  LA  SOLIDARITÉ.  261 

dit  dans  son  langage  concis  :  Bis  de  eadem  re  ne  sit  actio  : 
pour  un  intérêt  unique  on  ne  peut  pas  agir  deux  fois  en  jus- 
tice, intenter  deux  actions  successivement  de  eadem  re.  Les 
jurisconsultes  font  application  de  ce  principe  au  créancier  qui 
a  plusieurs  débiteurs  solidaires  de  la  même  chose  :  quand  il 
agit  contre  l'un,  et  fait  avec  lui  litis  contestatio ,  de  eadem  re 
advenus  caeteros  amplius  agere  non  potest  :  obligatio  ejus  dis- 
tolvitur  aut  tollitur  litis  contestatione  (Gaïus,  C.  III,  §  i80  et 
C.  IV,  §§  107  et  108). 

Mais,  dit  M.  Labbé,  l'opinion  qui  se  rattache  à  l'effet 
extinctif  de  la  litis  contestatio ,  méconnaît  la  maxime  que  la 
Mis  contestatio  améliore  au  lieu  d'empirer  la  condition  du 
demandeur  :  car  le  droit  déduit  en  justice  n'est  ici  remplacé 
par  un  droit  nouveau  que  contre  le  débiteur  solidaire  pour- 
suivi. Je  réponds  qu'il  faut  se  garder  de  généraliser  des 
maximes  auxquelles  les  jurisconsultes  romains  ne  donnent 
qu'une  portée  toute  relative.  Le  droit  nouveau ,  né  de  la  litis 
contestatio,  n'est  pas,  quoi  qu'en  dise  mon  collègue,  équi- 
valent au  droit  ancien.  Le  droit  ancien  était  un  droit  per- 
pétuel :  le  nouveau  est  essentiellement  temporaire;  il  faut 
que,  pour  échapper  à  la  péremption  d'instance,  le  deman- 
deur le  fasse  valoir,  poursuive  le  procès  dans  un  délai  très 
bref. 

Si  on  fait  reposer  sur  la  litis  contestatio  la  libération  des 
débiteurs  non  poursuivis ,  on  sera  amené ,  pense  notre  col- 
lègue, à  admettre  que  le  créancier  peut  poursuivre  cumu- 
lativement  tous  ses  débiteurs ,  et  requérir  contre  chacun  une 
condamnation  solidaire.  Je  ne  le  crois  pas.  L'effet  attaché 
à  la  litis  contestatio  constitue  un  principe  d'ordre  public ,  au- 
quel pendant  longtemps  il  a  été  interdit  de  déroger,  soit 
directement  par  une  convention  contraire  insérée  dans  l'en- 
gagement solidaire  (V.  Gide,  op.  cit.,  p.  95),  ou  par  une 
prsescriptio  insérée  dans  la  formule  à  la  requête  du  deman- 
deur (1),  soit  indirectement  en  poursuivant  cumulativement 

(1)  U  ne  faudrait  pas  croire  que  le  demandeur  peut  faire  insérer  une  pr&s- 
cripiio  tontes  les  fois  qu'il  y  a  un  intérêt;  une  pareille  faculté  bouleverserait 
toute  l'économie  de  la  procédure  romaine.  Il  en  est  de  cette  prxscriplio  comme 
delà  formula  incerta  dont  parle  Gains,  C.  IV,  §  54  :  «  In  paucissimis  causis 
dari  tolet.  » 


262  ETUDE  SUR  LA   SOLIDARITÉ. 

tous  ses  débiteurs  et  en  demandant  contre  chacun  une  con- 
damnation solidaire.  Libre  au  créancier,  si  les  règles  de 
compétence  ne  s'y  opposent  pas ,  d'agir  en  même  temps 
contre  tous  ses  débiteurs  ;  mais  il  ne  peut  agir  contre  chacun 
que  pro  parte.  Les  textes  ne  résistent  pas  à  cette  décision , 
M.  Labbé  Ta  bien  montré. 

Il  y  a  une  seconde  conséquence  qui,  d'après  notre  collè- 
gue, serait  différente  suivant  l'explication  qu'on  adopterait. 
En  supposant  que  l'un  des  débiteurs  solidaires  soit  obligé 
sous  condition ,  et  en  admettant  que  le  créancier  conditionnel 
n'épuise  pas  son  droit  en  agissant  ante  conditionem ,  ceux 
qui  rattachent  la  libération  des  débiteurs  non  poursuivis  à 
la  litis  contestatio  9  doivent  autoriser  le  créancier  qui  a  vai- 
nement agi  contre  le  débiteur,  obligé  purement  à  agir  ensuite 
contre  celui  qui  était  obligé  conditionnellement  à  l'arrivée  de 
la  condition ,  tandis  qu'en  s'attachant  à  l'unité  d'action ,  à  la 
maxime  bis  de,  on  est  amené  à  lui  refuser  ce  droit.  En 
l'absence  de  textes ,  il  est  délicat  de  se  prononcer  :  je  serais 
porté  à  admettre,  comme  mon  collègue,  que  dans  la  combi- 
naison en  question ,  le  créancier,  en  agissant  contre  le  débi- 
teur tenu  purement ,  épuise  d'avance  son  droit  contre  l'autre , 
qui  doit  sous  condition.  L'épuisement  est  la  conséquence  non 
pas  de  la  nature  pure  ou  conditionnelle  du  droit,  mais  de 
l'identité  d'objet  des  deux  dettes.  Le  créancier  peut  attendre 
l'arrivée  de  la  condition,  afin  de  poursuivre  l'autre.  Sans 
doute,  dans  l'intervalle,  le  débiteur  obligé  purement  peut 
devenir  insolvable.  Mais  le  créancier  savait  à  quoi  il  s'expo- 
sait en  se  faisant  consentir  deux  promesses  solidaires,  dont 
l'une  était  affectée  d'une  condition  suspensive. 

Il  reste  une  dernière  objection,  la  plus  embarrassante, 
adressée  à  l'opinion  qui  fait  intervenir  ici  la  litis  contestatio. 
C'est  un  principe  certain  que  la  consummatio  litis  (comme 
plus  tard  la  force  légale  qui  sera  attachée  à  la  chose  jugée) 
est  subordonnée  à  la  fois  à  l'identité  d'objet  et  à  l'identité  de 
personnes  dans  les  deux  instances.  Or,  si  le  créancier  qui 
veut  poursuivre  un  second  débiteur  solidaire  après  en  avoir 
infructueusement  poursuivi  un  premier,  se  heurte  à  l'identité 
d'objet ,  il  ne  rencontre  pas  la  seconde  condition.  Comment 
se  fait-il  que  le  droit  d'agir  contre  le  second  lui  soit  refusé? 


ÉTUDE   SUR  LA   SOLIDARITE.  263 

Un  auteur  allemand,  Brinz  (Pand.,  §  253,  noies  34  et  suiv.), 
a  soutenu  que  les  codébiteurs  solidaires  se  représentaient  ré- 
ciproquement, qu'il  y  avait  entre  eux  une  cognitoris  datio 
tacite,  qu'en  réalité  le  débiteur  poursuivi  défend  au  procès 
8ho  et  cdieno  nomine,  et  fait  Mis  contestalio  pour  tous.  On  serait 
heureux ,  dans  l'intérêt  des  créanciers,  de  rencontrer  dans  les 
textes  quelque  appui  pour  cette  conception  ingénieuse  :  car, 
avec  les  réformes  prétoriennes,  elle  conduirait  à  admettre 
que  le  créancier  qui  a  obtenu  condamnation  contre  l'un  des 
débiteurs  solidaires ,  peut  intenter  Yactio  judicati  utilis  contre 
les  autres  débiteurs  solidaires,  et  ainsi  serait  écarté  le  danger 
de  la  litis  contestatio.  Mais  rien  dans  les  textes  ne  peut  étayer 
cette  explication.  11  faut  se  résigner  à  admettre  que  l'identité 
d'objet  était  la  condition  essentielle ,  principale  de  la  consum- 
matio  litis;  c'est  la  seule  dont  fassent  mention  la  vieille 
maxime  bis  de...,  ainsi  que  Gaius  (C.  1Y,  §§  106  à  108,  §121). 
La  diversité  de  personnes  n'était  pas  d'ailleurs  complète ,  ab- 
solue :  à  raison  de  l'identité  d'objet ,  il  avait  fallu  admettre 
que  beaucoup  d'actes  intervenus  entre  le  créancier  et  l'un  des 
débiteurs  solidaires ,  produiraient  leur  effet  au  profit  des  au- 
tres, nonobstant  la  maxime  res  inter  alios  acta...;  on  fut 
amené  également  à  admettre  qu'il  en  serait  de  même  de  la 
btis  contestatio ,  malgré  le  principe  res  inter  alios  contestata 
QMtjudicata...  (Cpr.  Hauriou,  op.  cit.,  Nouv.  Rev.  hist.,  1882, 
p.  238). 

Cette  puissance,  si  dangereuse,  attachée  à  la  litis  contestar 
tio,  avait  eu  ses  avantages  :  elle  n'était  plus  guère  compatible 
avec  le  développement  de  l'empire  romain  et  des  relations 
juridiques.  L'art  des  jurisconsultes  romains  va  consister  à 
l'affaiblir,  à  l'atténuer  par  des  tempéraments  équitables,  jus- 
qu'à ce  qu'elle  disparaisse  législativement  sous  Justinien.  Il 
est  curieux  d'assister  à  cette  lente  décadence  :  on  y  voit  d'a- 
bord la  preuve  que  le  caractère  d'ordre  public  de  la  litis  con- 
testatio et  de  ses  effets  allait  diminuant,  et  en  outre,  dans 
notre  matière  des  garanties  personnelles,  on  y  trouve ,  pour 
l'époque  classique ,  une  réponse  au  reproche  d'iniquité  et  de 
rigueur  adressé  à  cette  institution  ;  les  créanciers  qui  veulent 
échapper  aux  périls  de  la  litis  contestatio,  ont  à  leur  disposition 
des  moyens  soit  préventifs ,  soit  répressifs ,  imaginés  par  la 


264  ETUDE   SUR   LA   SOLIDARITE. 

pratique  et  reconnus  par  la  jurisprudence.  Il  n'y  a  plus  en 
réalité  que  ceux  qui  sont  imprudents  ou  profondément  négli- 
gents qui  sont  exposés  à  perdre. 

Les  moyens  préventifs ,  nous  les  rencontrons  dans  la  ma- 
tière du  cautionnement  :  il  n'y  a  pas  de  témérité  à  conjecturer 
qu'ils  devaient  être  employés  par  les  créanciers  qui ,  au  lieu 
d'exiger  des  fidéjusseurs,  voulaient  la  solidarité.  Le  premier, 
c'est  la  fidejussio  dite  indemnitatis.  Elle  est  bien  connue;  qu'il 
sufûse  de  rappeler  qu'elle  eut  quelque  peine  à  se  faire  ad- 
mettre dans  la  pratique  romaine  comme  dérogation  au  prin- 
cipe bis  de  eadem  re...  (V.  Gide,  op.  cit.,  p.  150,  note).  Mais  le 
caractère  de  la  litis  contestatio  s'affaiblissant  et  les  nécessités 
pratiques  aidant,  on  finit  par  admettre  que  l'obligation  du 
débiteur  principal  et  celle  du  fidéjusseur  n'avaient  pas  le 
même  objet ,  et  que  la  poursuite  dirigée  contre  l'un  n'aurait 
plus  pour  effet  d'épuiser  le  droit  du  créancier  contre  l'autre. 
Qui  empêche  le  créancier,  faisant  une  avance  d'argent  à  deux 
personnes,  d'exiger  qu'elles  se  portent  fidejussores  indemni- 
tatis l'une  de  l'autre  ?  ne  voyons-nous  pas  la  solidarité  et  la 
fidéjussion  accolées  l'une  à  l'autre  dans  une  même  affaire? 
(V.  Accarias,  n°  573,  sur  la  fidejussio  alterna). 

Le  second  expédient,  imaginé  aussi,  semble-t-il,  à  propos 
de  la  fidéjussion ,  mais  qui  devait  s'appliquer  au  cas  de  soli- 
darité ,  c'est  ce  mandat  donné  par  le  débiteur  au  créancier,  et 
mentionné  au  §  2  Inst.  de  Just.,  De  mandato  :  l'un  des  débi- 
teurs solidaires,  menacé  de  poursuites  par  le  créancier,  et 
désireux  de  ne  pas  faire  l'avance  de  la  totalité  de  la  dette  , 
donnera  mandat  au  créancier  de  poursuivre  un  autre  des  dé- 
biteurs solidaires.  Le  créancier  accepte,  et  il  y  trouve  cet 
avantage ,  s'il  n'est  pas  complètement  désintéressé  par  le  se- 
cond débiteur,  de  pouvoir,  comme  mandataire,  se  retourner 
contre  le  premier,  et  lui  demander,  sous  forme  d'indemnité , 
le  reliquat  de  sa  créance.  Ce  second  expédient  suppose ,  H  est 
vrai ,  le  consentement  du  premier  débiteur  :  mais  il  a  trop 
d'intérêt  à  un  pareil  arrangement  pour  ne  pas  le  conclure. 

Un  troisième  expédient ,  d'une  date  vraisemblablement 
beaucoup  plus  récente  que  les  deux  premiers  (  Accarias , 
p.  364,  note  2,  le  place  au  Bas-Empire),  consistera  dans  une 
convention  intervenue  ,  au  moment  même  du  contrat ,  le  plus 


ETUDE   SUR  LA   SOLIDARITE.  265 

souvent  imposée  par  le  créancier,  et  aux  termes  de  laquelle 
elui-ci  se  réserve  le  droit  d'agir  successivement  contre  tous 
les  débiteurs  solidaires  jusqu'à  parfait  paiement.  L'effet  atta- 
ché à  la  litis  contestatio,  autrefois  d'ordre  public,  a  perdu 
complètement  ce  caractère  :  les  particuliers  peuvent  à  leur 
gré  le  modifier.  Justinien,  C.  28  De  fidej.,  nous  parle  de  cette 
convention  :  elle  était  l'avant-coureur  de  la  réforme  de  l'em- 
pereur. 

Les  moyens  répressifs  sont  de  deux  sortes  :  le  premier 
consiste  dans  l' in  integrum  restitutio  ob  errorem ,  que  le  ma- 
gistrat se  réserve  d'accorder  cognita  causa,  et  dont  nous 
avons  une  application  dans  le  cas  de  la  plus  pétition ,  au  §  33 
lus*,  de  Just.,  De  action.  Le  créancier  qui  a  perdu  son  procès 
pour  un  vice  de  procédure  contre  l'un  des  débiteurs  soli- 
daires, implorera  du  magistrat  Vin  integrum  restitutio,  et 
recouvrera  son  action  à  la  fois  contre  le  débiteur  absous  et 
contre  ses  codébiteurs. 

Le  second  remède ,  c'est  l'obligation  naturelle  qui  survit  à 
l'obligation  civile,  éteinte  ou  paralysée  par  l'effet  de  \&  litis 
contestatio.  Les  codébiteurs  de  celui  qui  a  été  poursuivi ,  de- 
meurent tenus  de  cette  obligation  naturelle ,  et  nous  pouvons 
sans  hésiter  la  ranger  parmi  celles  qui  produisent  des  effets 
contre  la  volonté  du  débiteur  :  elle  pourra  notamment  être 
opposée  en  compensation. 

La  rigueur  de  l'effet  attaché  à  la  litis  contestatio  s'était  donc 
considérablement  adoucie.  Justinien,  dans  la  C.  28  déjà  citée, 
sous-entend ,  dans  les  contrats  de  cautionnement  et  de  soli- 
darité, la  clause,  devenue  sans  doute  de  style,  qui  réservait 
au  créancier  la  faculté  de  poursuivre  successivement  tous  ses 
débiteurs ,  et  il  décide  que  les  poursuites  dirigées  contre  l'un 
n'empêcheront  plus  le  créancier  d'en  exercer  de  pareilles 
contre  les  autres.  Les  pouvoirs  des  créanciers  vis-à-vis  de 
leurs  débiteurs  sont  notablement  diminués  quant  aux  voies 
d'exécution  :  il  est  juste  qu'en  retour  ils  soient  renforcés 
quant  au  nombre  des  poursuites  possibles.  Les  procès  sont 
d'ailleurs  beaucoup  moins  à  redouter  qu'autrefois  :  on  se  rap- 
pellera toutes  les  réformes  apportées  à  ces  vieilles  institu- 
tions, dont  le  but  était  d'empêcher  ou  d'abréger  les  procès. 

Désormais,  il  n'y  a  plus,  au  point  de  vue  des  effets,  de 


266  ÉTUDE   SUR  LA   SOLIDARITÉ. 

différence  notable  entre  la  solidarité  romaine  et  la  solidarité 
française.  Le  créancier  est  libre  depuis  la  C.  28  d'agir  simul- 
tanément pour  le  tout  contre  tous  ses  débiteurs ,  d'agir  suc- 
cessivement contre  chacun  d'eux,  sans  que  les  poursuites 
qu'il  dirige  contre  un  second  débiteur,  puissent  être  suspen- 
dues, arrêtées  par  l'exception  de  litispendance ,  basée  sur 
les  poursuites  encore  pendantes  contre  le  premier  (4)  :  l'ar- 
ticle 1204  Code  civil  paraît  bien  rédigé  dans  cet  esprit.  Il  est 
libre  enfin,' après  avoir  achevé  ses  poursuites  contre  l'un, 
d'en  diriger  contre  l'autre.  Le  créancier,  en  un  mot,   a  dé- 
sormais autant  d'actions  que  de  débiteurs.  Mais  alors,  s'é- 
lève une  question,  qui  ne  pouvait  guère  se  présenter  en 
droit  classique.  Le  jugement  rendu  entre  le  créancier  et  l'un 
des  débiteurs  solidaires ,  a-t-il  effet  à  l'égard  des  autres  ; 
peut-il  être  invoqué  par  eux;  si  c'est  un  jugement  d'absolu- 
tion ,  basé  sur  un  moyen  de  défense  commun  à  tous?  peut-il 
être  invoqué  contre  eux,  si  c'est  un  jugement  de  condamna- 
tion? Justinien  a  admis  ,  par  dérogation  à  la  règle  :  res  inter 
alios  acta...  que  la  reconnaissance  volontaire  de  la  dette  par 
l'un  des  débiteurs  aurait  effet  à  l'égard  de  tous.  11  semble  lo- 
gique et  conforme  à  la  pensée  de  l'empereur,  de  décider  éga- 
lement que,  par  dérogation  à  la  règle  :  res  inter  alios  judicata... 
la  chose  jugée  sur  l'existence  de  la  dette  contre  l'un  des 
débiteurs ,  doit  avoir  effet  contre  les  autres ,  et  équitablement 
que  le  jugement  rendu  au  profit  de  l'un,  doit  profiter  aux 
autres  (V.  Labbé,  sur  Ortolan,  t.  III,  p.  825;  cpr.  Déman- 
geât, op.  cit.,  p.  95).  La  Cour  de  cassation,  Ch.  civ.,  vient 
de  décider  que  la  chose  jugée  contre  l'un  des  débiteurs  soli- 
daires ,  était  opposable  aux  autres  débiteurs  (Arrêt  du   28 
décembre  4881  ;  Sirey ,  1883, 1 ,  465). 

Gérardin  , 

professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Parie. 
(A  iuivre.) 


(1)  Le  Code  civil  autrichien,  art.  891,  veut  que  le  créancier,  pour  agir  con- 
tre le  second,  se  désiste  de  la  demande  formée  contre  le  premier. 


LES  COUTUMES  DE  LORRIS 


ET  LEUR  PROPAGATION 


A  TJX    XII*    ET    XIII'    SIÈCLES 


(auiTï) 


CHAPITRE  III. 
Propagation  des  Coutumes  de  Lorris  dans  le  domaine  royal. 

L'influence  des  Coutumes  de  Lorris  se  fit  sentir  de  bonne 
heure  dans  le  domaine  royal,  et  tout  d'abord  dans  le  Gâtînais, 
avant  même  que  Louis  VII  ne  les  eût  confirmées  en  1155.  La 
plupart  des  clauses  de  la  charte  accordée  par  ce  roi  aux  habi- 
tants de  Sceaux-en-Gâtinais  en  1153  (1)  ont  été  empruntées  à 
la  charte  primitive  de  Lorris.  Les  hommes  du  roi  à  Sceaux 
peuvent  librement  quitter  la  ville  (art.  2).  La  franchise  s'ac- 
quiert par  résidence  d'an  et  jour  (art.  9).  Le  service  militaire 
est  réglé  comme  à  Lorris  (art.  7).  Les  impositions  extraor- 
dinaires sont  supprimées  (art.  1).  On  ne  peut  entraîner  les 
habitants  hors  du  bourg  pour  les  juger  ni  les  retenir  en  prison 
lorsqu'ils  ne  cherchent  pas  à  se  soustraire  à  la  justice  (art. 
10).  Le  serment  purgatoire  sans  cojurateurs  existe  pour  les 
petits  forfaits  (art.  5).  Les  amendes  sont  abaissées  de  60  sous 
à  5  sous,  de  5  sous  à  12  deniers;  le  destroit  n'est  que  de  4 
deniers  (art.  4).  Louis  VI  et  Louis  VU  avaient  donné  de  sem- 

(1)  Sceaux,  Loiret,  arr.  Montargis,  c°*  Ferrières.  1153,  17°  année  du  règne, 
publ.  par  La  Thaamassière ,  Coutumet  locales,  p.  706,  d'après  le  Cartulaire 
de  l'abbaye  de  Saînt-Maur,  et  Ordonnancée,  t.  XI,  p.  199,  d'après  La  Thau- 
massière.  Je  renvoie  au  texte  des  Ordonnances  divisé  en  articles. 


268  LES  COUTUMES  DE  LORRIS 

blables  privilèges  à  la  ChapeUe-la-Reine  (1),  et  aux  villages 
de  sa  baillie.  Nous  n'en  connaissons  que  la  confirmation  par 
Philippe-Auguste  en  1186  (2).  La  rédaction  de  cette  charte 
est  presque  identique  à  celle  de  la  charte  de  Sceaux. 

Il  est  d'autant  moins  téméraire  de  supposer  que  ceux  des 
articles  des  chartes  de  Sceaux  et  de  la  Chapelle  que  nous 
citions  sont  dérivés  des  Coutumes  de  Lorris  que  nous  savons 
d'une  façon  positive  que  la  réputation  de  cette  charte  avait 
commencé  dès  le  règne  de  Louis  VI.  Ce  roi  avait  accordé  les 
franchises  de  Lorris  aux  habitants  du  Moulinet  (3),  et  cela  à 
la  requête  de  Blanchard,  un  de  ses  familiers,  seigneur  et 
fondateur  de  ce  village  (4).  En  1157,  Louis  VU  acheta  de 
Robert,  fils  de  Blanchard,  la  terre  du  Moulinet  et  associa 
pour  moitié  l'abbaye  de  Saint-Benoît-sur-Loire  à  la  jouissance 
des  droits  et  revenus  de  cette  seigneurie  (5).  Deux  ans  après, 
il  confirma  les  habitants  dans  la  jouissance  des  Coutumes  de 
Lorris  (6).  Mais  les  habitants  de  deux  dépendances  du  Mou- 
linet, la  Gourmandrie  et  le  bois  Saint -Père  de  Mont  de 
Brème ,  ne  participaient  pas  à  la  concession  (7). 


(1)  La  ChapeUe-la-Reine,  Seine-et-Marne,  air.  Fontainebleau ,  ch.  I.  c°*. 

(2)  Publ.  ap.  Ord.,  t.  XI,  p.  239-240.  —  Cette  charte  a  été  confirmée  en 
juillet  1470,  et  encore  par  lettres  de  Louis  XII  données  à  Blois  en  décembre 
1509  (Mémoire  de  M.  Bimbenet,  Bullet.  de  la  Soc.  archéol.  de  l'Orléanais, 
t.  III,  p.  51). 

(3)  Le  Moulinet,  Loiret,  arr.  et  con  Gien. 

(4)  Préambule  de  la  charte  par  laquelle  Louis  VII  confirma  les  privilèges 
du  Moulinet  en  1159  :  «  Blancardus,  autem  de  Lorr[iaco]  caros  nobis  et 
patri  nostro  bons  memoris  régi  Ludovico,  familiaritate  regia  potens  effectua 
sdificavit  Molinetum,  cujus  loci  babitatoribus  prece  Blancardi,  patris  mei 
indulgentia  contribuit  consuetudines  Lorriaci.  E^usdem  Blancardi  filius  et 
hsres  Robertus  bene  Molinetum  tenere  non  poterat;  quia  nobis  excambivit 
et  ipsius  cambii  medietatem  ecclesiœ  Beati  Benedicti  donavimus.  » 

(5)  1157,  Charte  constatant  cette  acquisition,  donnée  à  Paris  en  1157,  la 
26e  année  du  règne,  publ.  par  R.  de  Maulde,  Condition  forest.  de  l'Orléa- 
naie,  p.  17,  note  2.  —  Voyez  une  confirmation  de  ce  pariage  émanée  de 
Louis  VII,  à  Lorris,  1173,  ap.  Luchaire,  Inttit.  det  prem.  Capétiens,  t.  II, 
p.  328,  Appendices,  n°  27. 

(6)  Lorris,  1159,  0rd.9 1.  XI,  p.  204.  —  Voyez  :  La  Th.,  Coût,  loc,  p.  390, 
et  Bullet.  de  la  Soc.  archéol.  de  l'Orléanais,  t.  IV,  p.  66. 

(7)  D'après  la  charte  de  1157,  les  dépendances  du  Moulinet  étaient  :  «  Verum 
quoniam  de  appendiciis  Molineti  facta  est  mentio ,  ut  breviter  et  succincte 
fere  omnia  complectamur  hec  sunt  :  Curtis  Romanerîa,  CurtiB  Audoeni,  Ne- 


LEUR  PBOPAGATION   AUX  XIIe   ET  XIIIe  SIECLES.    269 

Un  pariage  fut  conclu,  en  1155  (1),  entre  le  roi  et  l'abbaye 
de  Saint-Jean  pour  la  possession  des  villages  de  Chéroy  (2), 
(3)  et  Youlx  (4),  qui  appartenaient  à  l'abbaye.  Grâce  à 
actes  d'association  si  nombreux  sous  Louis  VU  et  Phi- 
lippe-Auguste, la  royauté  étendait  peu  à  peu  sa  puissance 
sur  des  terres  jusque-là  soustraites  à  son  autorité  directe.  Les 
petits  seigneurs  et  les  abbayes  y  trouvaient  aussi  avantage; 
car  le  roi,  en  retour  de  la  part  qui  lui  était  cédée  sur  ces 
biais  les  défendait  contre  les  empiétements  des  seigneurs 
voisins.  Et  spécialement,  en  ce  qui  regarde  Chéroy,  Lixy  et 
Voolx,  ce  fut  ce  qui  décida  l'abbé  de  Saint-Jean  à  mettre  ces 
domaines  sous  la  protection  du  roi  en  lui  cédant  une  part 
dans  les  revenus  (5).  Un  grand  nombre  de  villages  du  Gàti- 

mms  Scncti  Pétri  Monsbreme,  Garlamandria.  »  «  Sane  omnes  alios  qui  man- 
ierai ad  Garmaneriam  et  ad  Boscum  Sancti  Pétri  excipimus  a  supradictis 
coosaetndinibus  »  [Ord.,  t.  XI,  p.  399).—  Le  Cartul.  de  Fleury,  aux  Arck.  du 
Leiret,  n°  I,  p.  17-19,  porte  «  Germandiam  et  ad  Boscum  Sancli  Pétri.  »  Il 
l'est  pas  douteux  qu'il  faille  identifier  le  Boscus  Sancti  Pétri  avec  le  Nemus 
Sancti  Pétri  Monsbreme. 

(1)  Charte  de  pariage  conclu  en  1155  entre  Louis  VII  et  l'abbaye  de  Saint- 
Jean  de  Sens  pour  les  villages  de  Chéroy,  Voulx  et  Lixy,  publ.  par  D.  Mar- 
tène,  Ampl.  coUect.,  t.  I,  p.  832  ex  ms.  Colbertino;  Ord.,  t.  XI,  p.  203 
d'après  le  reg.  D  de  Ph.  Aug.,  f°  90  r°,  col.  2;  copie  aux  Arch.  du  Loiret, 
A  1350,  indiq.  Invent,  sommaire,  p.  299,  col.  2.  —  Autre  charte  (actum  Gis- 
iiciaci),  1155,  d'un  pariage  conclu  entre  Louis  VU  et  la  même  abbaye  pour 
le  village  de  Chéroy,  Arch.  de  t  Yonne,  Cartul.  de  S. -Jean,  f°  9  r°-v°,  publ. 
par  D.  Morin,  Hist.  du  Gastinois,  p.  546-547,  et  par  Quantin,  Cart.  de  V  Yonne, 
t.  I,  n*  372 ,  p.  532-533,  d'après  une  copie  du  xvm*  siècle.  —  V Invent,  des 
Arch.  dis  Loiret  indique  (A  1497,  p.  325,  col.  2)  une  «  copie  informe  de  la 
donation  faîte  (en  1160)  par  l'abbé  de  Saint-Jean-lès-Sens  au  roi  Louis  VI 
de  la  moitié  de  la  terre  de  Voulx.  »  —  Charte  de  pariage  en  1176,  à  Bois- 
coaman,  entre  le  roi  et  la  même  abbaye  pour  le  village  de  Lixy,  publ. 
par  Quantin,  Cartul.,  t.  II.  p.  287-288,  n°  269,  d'après  le  Cartul.  de  S. -Jean; 
copie  aux  Arch.  du  Loiret,  A  1496,  In  vent.,  p.  325,  col.  2. 

(2)  Chéroy,  Yonne,  arr.  Sens,  ch.-l.  con. 

(3)  Lixy,  Yonne,  arr.  Sens,  con  Chéroy. 

(4)  Voulx,  Seine-et-Marne,  arr.  Fontainebleau,  con  Lorrex-le-Bocage. 

(5)  c  Ecclesia  Sancti  Johannis  Senonensis  quandam  villam  habebat  Lixia- 
com  Domine,  in  mala  vicinia  affligebatur  graviter  et  vastabatur;  obtentu  de- 
fensionis  et  considerationis  in  posterum  emendationis  abbas  ejusdem  loci, 
Reoardus  collegit  ad  medietatem  totius  ville  nos  in  qaibuscumque  redditibus. 
Charte  de  pariage,  en  1176,  pour  Lixy.  Quantin,  Cartul.,  t.  II,  p.  287.  —  On 
retrouve  le  même  préambule  dans  la  charte  de  pariage  pour  Chéroy  en  1155. 
Quantin,  Ibid.,t.  I,  p.  532. 

Rkvus  hist.  —  Tome  VIII.  18 


270  LES  COUTUMES  DE  LORRIS 

sais  <ra  dés  pays  voisins  tenus  en  partage  par  le  roi  et  une 
abbaye  obtinrent  les  Coutumes  de  Lorris  :  le  roi  avait  intérêt 
à  provoquer  leur  développement. 

Voulx  ,  Lixy  et  Ghéroy  avaient  à  la  Un  du  xm*  siècle  «  loa 
os?  les  coutumes  et  les  privilèges  »  dé  Lorris  (1).  Bien  qu'il  né 
soit  pas  fait  mention  de  cet  octroi  dans  les  chartes  de  pariajgto 
il  y  a  lieu  de  croire  qu'il  Remonte  jusqu'à  H  53  ou  au  moîfts 
au  règne  de  Louis  VII.  Les  moines  de  SaforWeam  avaient  fait 
transcrire  au  xm*  siècle,  à  la  fin  de  leur  cartulaire ,  la  charte 
de  Philippe-Auguste  pour  Lorris  (2). 

En  1163,  les  franchises  de  Lorris  sortent  du  Gâtinais  :  «  Au 
nom  de  la  sainte  et  indivisible  Trinité,  Amen.  Je ,  Louis ,  pair 
la  <grftce  de  Dieu  roi  de  France,  faisons  savoir  à  tous  présents 
et  à  venir  que  nous  avons  acquis  de  l'abbaye  Saint-Marien 
d'Auxerre  une  terre  sise  près  d'Egriselles  pour  y  établir  une 
ville  neuve  dite  Villefranche  le  roi.  Afin  de  déterminer  un 
rapide  accroissement  de  la  ville  et  parce  que  nous  voulions 
que  les  habitants  y  fussent  nombreux ,  nous  leur  avons  con- 
cédé tant  à  ceux  de  l'intérieur  qu'à  ceux  du  dehors  de  l'en- 
ceinte toutes  les  coutumes  de  Lorris  (3).  »  Il  s'agit  ici  de 
ViUeneuve-le-Roi  (4). 

L'archevêque  de  Sens,  Guillaume  de  Champagne,  suivant 
l'exemple  du  roi ,  contribua  à  la  diffusion  de  ces  Coutumes  dans 
la  même  région.  Il  en  dota  deux  villes  neuves,  Tune  Villeneuve- 
V Archevêque  (5)  (1172),  à  laquelle  l'avait  associé  le  chapitre  de 
Saint-Jean  de  Sens  (6),  l'autre  qu'il  fonda  à  RoussonÇl)  (1175). 

C'est  encore  pour  augmenter  le  nombre  de  ses  sujets  et 
relever  le  village  de  Sennely  (8),  ruiné  par  les  exactions  des 
sergents  que  le  roi  l'admit ,  en  1165,  à  la  jouissance  des  Cou- 
tumes de  Lorris,  et  y  établit  des  hôtes  (9). 

(i)  Pièces  justificative! ,  n»  XX II. 

(2)  Arch.  de  VYonne,  H  376,  Cartel,  de  Sttfat-Jesn ,  f°  42  7»-f»  43  V. 

(3)  Charte  publ.  OrH.,\.  VU,  p.  57. 

(4)  VilUneuve-le~Roi ,  Yonne,  arr.  Joigny, ch.-l.  c««. 

(5)  Villexeuve-V  Archevêque,  Yonne,  arr.  SenB,oh.-l.  c°n. 

(6)  En  1172,  charte  ap.  Qaantin,  forfait,  de  VYonne,  t.  II,  p.  240-242. 

(7)  Houston,  Yonne,  arr.  Joigny,  c°&  Villeneure-Bor-Yonne.  —  Quentin, 
Cartel.,  t.  II,  p.  272-274. 

(S)  Sennely,  Loiret,  arr.  Orléans,  c«  La  Ferté-Saintr Aubin. 
(9)  Charte  de  Louis  VII,  1165,  Ord.,  t.  XIII,  p.  520-521. 


ET  LEUK  PROPAGATION   AUX  XIIe   ET  XIII*   SIECLES.     271 

Un  peu  plus  tard ,  Louis  VII  conclut  avec  l'abbé  de  Saint- 
FtoreBtitt-de-Boflneval  (1)  uu  partage  pour  les  terres  dépen- 
drai des  villages  de  Lorrez($)  sur  le  Lunain  et  de  Préaux  (3). 
Les  coseigneurs  convinrent  d'y  établir  une  viile  qui  serait 
régie  par  les  Coutumes  de  Lorrts  (4). 

La  Thaumassière  assigne  à  cette  charte  la  date  de  il 59(5), 
et  le  texte  qu'il  publie  porte  MCLXXIX  (6).  Les  historiens 
de  l'abbaye  de  Bonneval  ont  imprimé  MCLXIX.  Duchesne  en 
a  donné  une  copie  qui  porte  la  date  de  1160  (7).  L'année  du 
règne  n'est  nulle  part  indiquée.  Mais  les  auteurs  sont  d'accord 
sur  les  noms  des  grands  officiers  :  Thibaud  sénéchal ,  Ma- 
thieu chambrier,  Gui  bouteiller,  Raoul  connétable  (8).  Or, 
en  1159,  Mathieu  Ier  de  Montmorency  était  connétable  (9). 
Eo  1160,  il  y  avait  vacance  de  la  conn  établie.  Nous  ne  pou- 
vons davantage  admettre  la  date  de  1179.  A  cette  époque,  le 
chambrier  était,  non  pas  Mathieu,  comte  de  Beaumont,  mais 
Renaud  (10).  Des  quatre  années  proposées,  1169  est  la  seule 
où  les  officiers  nommés  plus  haut  aient  été  tous  en  fonc- 
tions. 


(1)  Samt- Florentin- de-Bonnevol ,  Eure-et-Loir,  arr.  Ch&teaudon. 

(2}  Lorrez-le-Bocage ,  Seine-et-Marne,  air.  Fontainebleau,  ch.-l.  c°n. 

(3)  La  Th.,  Coût.  loc.t  p.  396,  et  les  Ord.,  t.  XI,  p.  213,  ont  imprimé 
f  in  potestate  Lorri  vel  Petrelli.  »  Le  texte  donné  par  D.  Jean  Thjnuax  et  D. 
Lambert,  Hist.  de  l'abb.  S. -Florentin,  p.  74,  porte  «  in  potestate  Lorri  vel 
Perell».  »  On  lit  dans  le  vol.  191  de  la  Collection  Gaignièrse,  B.  Nat.,  me. 
lai.  17139,  p.  18  :  c  Hnbertos  qui  eodem  anno  (1169)  nonnolla  cnm  Ludo- 
Tieo  YII°  Francorum  rege  commotavit  et,  cessa  média  parte  Lorreti  le  Bocage 
dicti,  medtos  PrateUos  aeoepit.  »  Prèaw,  Sèment-Marne,  arr.  Fontainebleau, 
c«  Lorrez-le-Bocage. 

(4)  «  Ex  amborum  itaqne  assensa  constitatam  est  ut  ibidem  c&stellum  seu 
villa  constituatar  ad  consnetudinem  alterins  Lorry,  in  omnibus  redditions,  in 
omnibus  utilitatibns  regibus  Francis  et  eeclesiœ  Bornsvallonsi  semper  et  per 
omnia  communia.  »  Ord.,  t.  XI,  p.  213. 

(S)C*ui.  loc.,p.  391. 
(6)/Kd.,p.39T, 

(7)  B.  Nat.,  Coll.  Duchesne,  vol.  76,  f°226. 

(8)  La  copie  de  Duchesne  porte  S.  Richard*  constabularii;  il  est  probable 
qi'il  y  avait  sur  l'original  R.  Il  n'y  a  pas  en  sous  Louis  VII  de  connétable  du 
Btm  de  Richard. 

(9)  Lnchaire,  Amales  de  la  Faculté  des  Lettres  de  Bordeaux,  U III,  p.  66. 

(10)  Luchaire,  loc.  cit.,  p.  65-66.  —  Delisle,  Cotai,  des  actes  de  Ph.-Aug., 
htroduct.,p.  82-83. 


4 

4 


s. 


^  s* 


270 

Dais  ou  ^  je  Lorris  à  1  * 

abbay-  war^  c'est-à-dire  pro- 

fit pr<  w  vl).  C'étaient  Cour- 

V  ?n&ttum  (4) ,  Montes-Estue, 

n?"  .,,„«  v7),  Ban/tfte  (8),  Gau- 

..-•»  «fc  Go»  (Elodium  de  Goy), 

s  erre  de  Sainte-Marguerite  en  la 

i ,  la  Bourg -Neuf  de  la  Brosse  (13). 

^irit  I  accès  de  ces  terres  fut  interdit 

";U  pjt,  qui  seraient  devenus  libres  par 

"  *   ^  M)  :  *e  ro*  préférait  augmenter  le 

"  ^  litres  dans  son  domaine  au  détriment 

>  *  j  «ijaitoor-  Louis  VII  fit  transcrire,  pour  l'usage 

.  Ij^vn.  publ.  Ord.t  t.  X,  p.  49-52. 
**^*!!.jÊ*ti  Loiret,  arr.  Pithiviers,  c°»  Beaune-la-Rolande.-—  Le 

*  ^<"f!ï*>uti*t~~  '*  s**8*0  un  nameau  dit  «  *M  Courcelles  »  plus  près 
,  x«e  p****     .j^tiui  dans  la  commune  d'Ouzouer-des-Champs ,  et  qui  était 
~*  k^Zt***  chltelleoie  de  Lorris. 
**  x¥**l\Li0nnaiices  donnent  à  tort  BriconUlare;  le  reg.  JJ  166  porte  Brù- 

rtt*T*.t^e  ffrgoMUU  dans  la  commune  de  Beaune-la-Rolande? 
.  Qirirtj,  lieudit  de  la  commune  de  Batilly. 
Batiglhto*tÊ*r  BatiUy,  c°»  Beaune-la-Rolande. 
m  S'arit-U  de  Breteau,  Loiret,  arr.  Gien,  c°»  Briare;  ou  bien  du  hameau 
a  t  Les  Breteau»,  «•  cl  c°tt  0rléan9t  CM  Mardié? 
($)  BarviUe,  c"  Beaune-la-Rolande. 

m  Gaubertin,  c0B  Beaune-la-Rolande.  Le  registre  JJ  166  porte  terra  nostra 
iCaubertin  et  non  pas  Gambertin,  comme  l'ont  imprimé  les  éditeurs  des 

Ordonnances. 
/ 40)  Clausum  Régis.  —  Il  7  avait,  au  xvm6  siècle,  un  fief  de  ce  nom  dans  la 
roisse  de  Dampierre-en-Burly,  arr.  Gien,  coa  Ouzouer-sur-Loire. Voyez  : 
/***«.  fa  Aftk.  du  Loiret,  A.  279,  p.  48.  —  Mais  il  s'agit  plutôt  d'an  fief 
.   mgme  nom  sis  en  la  paroisse  de  Ghemault,  con  Beaune-la-Rolande.  (Voyez 
éme  /»»«<•»  A.  18it  P-  30)  ou  encore  d'un  lieudit  de  la  commune  de  Lorris. 
Ml)  Saint-Loufhdes-Vignes »  c°*  Beaune-la-Rolande. 
M2)  Le  registre  JJ  166  donne  «  terra  eciam  nostra  in  parrochia  sancti  Mi- 
chaelis  seita  Marguerite.  »  Je  corrige  teita  en  sancte.  —  Saint-Michel,  c°* 
Beaune-la-Rolande.  Sainte-Marguerite  n'est  plus  qu'une  ferme. 

(13)  Les  éditeurs  des  Ord.  ont  identifié  Broscie  avec  La  Brosse  au  sud  de 
Corbeilles  en  Gatinais,  arr.  Montargis,  con  Ferrières.  Il  y  a  non  loin  de  là 
Bourgneuf,  cM  Auzy,  c00  Beaune-la-Rolande.  —  Dans  la  forêt  d'Orléans,  on 
trouve  Bourgneuf,  arr.  Orléans,  c»*  Neuville-aux-Boia,  cn«  Loury  ;  et  à  côté 
un  lieu  àii  Les  Brosses. 

(14)  Ord.,  t.  X,  p.  52. 


(5) 


ET  LEUR  PROPAGATION   AUX  XIIe   ET   XIIIe   SIECLES.    273 

des  terres  ci-dessus  énumérées ,  les  privilèges  de  Lorris  en  y 
apportant  quelques  modifications.  Le  cens  fut  élevé  à  12  de- 
niers (1).  Une  seule  corvée  subsistait  :  les  habitants,  pos- 
sesseurs de  chevaux  et  de  charrettes  étaient  tenus  d'apporter 
une  fois  par  an  à  Lorris  le  grain  qui  provenait  du  cham- 
part  (2). 

En  1177,  Hugues  le  Noir  de  Mareuil  conclut  un  traité  de 
pariage  avec  le  roi  pour  ses  terres  de  Flagy  (3)  et  de  Biche- 
veau  (4),  afin  d'y  établir  des  hôtes  que  les  coseigneurs  gra- 
tifieraient des  Coutumes  de  Lorris.  Tous  les  revenus  étaient 
partagés  par  moitié.  Le  prévôt  et  les  sergents,  établis  par 
le  roi  et  Hugues  le  Noir,  prêtaient  à  l'un  et  l'autre  le  serment 
de  fidélité  (5).  Les  seigneurs  prenaient  l'engagement  de  ne 
pas  admettre  sur  les  terres  qu'ils  voulaient  peupler  les 
hommes  de  Gilon  de  Moret  et  de  Guibert  de  Caneris  (6), 
seigneurs  dont  relevaient  en  fief  lesdites  terres. 

C'est  sous  le  même  règne,  sans  que  nous  puissions  préciser 
la  date,  mais  probablement  avant  1152,  quand  Louis  VII 
était  encore  duc  d'Aquitaine,  que  les  hommes  d'Yèvre-le- 
Châtel  (7)  en  Gâtinais  obtinrent  les  Coutumes  de  Lorris  (8). 

Philippe-Auguste  était  homme  trop  entendu  aux  affaires  du 
gouvernement  pour  ne  pas  comprendre  tout  le  profit  qu'il 
pouvait  tirer  de  pareilles  concessions.  Aussi,  sous  son  règne, 
les  Coutumes  de  Lorris  continuèrent-elles  de  se  répandre 
dans  le  domaine  royal. 

En  1185,  Philippe -Auguste  confirma  l'affranchissement 
concédé  par  Arnoul ,  abbé  de  Ferrières ,  à  tous  les  hommes 
et  femmes  de  corps  et  leurs  descendants  établis  dans  la  pâ- 
ti) Art.  33,  Ord.,  t.  X,  p.  52. 

(2)  Art.  14, /Wd.,p.5l. 

(3)  Flagy,  Seine-et-Marne,  arr.  Fontainebleau,  con  Lorrez-le-Bocage. 

(4)  Bichereau,  S.-et-M.,  même  canton,  cB«  Thoury-Férottes. 

(5)  Charte  de  pariage,  Pièces  just.,  n°  VIL 

(6)  Cannes  (??),  Seine-et-Marne,  arr.  Fontainebleau,  c°*  Montereau. 

(7)  Yèvrc-U-Chdtel,  Loiret,  arr.  et  c°»  Pithiviers. 

(8)  Arrêt  du  Parlement  de  1272  :  «  Hommes  de  Evera-castro  quibus  con- 
cessum  est  per  cartam  cujuBdam  régis  Ludovici ,  ducit  Aquitanie,  quod  ha- 
béant  consuetudînes  quas  habent  hommes  Lorriaci  per  Gastinesium  :  visa 
carta  ipsa,  absoluti  sunt  ab  emenda  que  ab  eis,  eo  quod  in  exercitum  non 
vénérant,  petebatur,  cum  homines  Lorriaci ,  quorum  habent  consuetudines , 
ad  hoc  minime  teneantur.  »  Beugnot,  Olim,  t.  I,  p.  901,  n°  XLIX. 


274  LES   COUTUMES  DB  LORRIS 

roisse  de  Saint-Éloi  et  la  banlieue  de  Perrière*  (1).  Cette 
terre  devint  une  franchise.  Aussi  le  roi  stipula-t-il  que  l'abbé 
n'y  recevrait,  sans  son  consentement,  aucun  de  ses  hommes 
de  corps,  ni  de  ses  hôtes,  ni  même  de  ses  bourgeois.  La 
charte  contient  la  fixation  de  certains  droits  seigneuriaux  et 
de  quelques  redevances.  Pour  les  cas  non  prévus ,  les  habi- 
tants de  Ferrières  devaient  se  régler  désormais  d'après  la 
Coutume  de  Lorris  (2). 

L'année  suivante  (1186),  en  même  temps  que  Philippe- 
Auguste  confirmait  aux  habitants  de  Boiscommun  (3)  ces 
mêmes  Coutumes  qu'ils  tenaient  de  son  père ,  il  donnait  aux 
manants  [tant  ibi  manentes  quam  post  tnamuri)  d'Angy  (4) 
une  charte  sur  laquelle  celle  de  Lorris  a  marqué  son  in- 
fluence. Elle  ne  comprend  que  cinq  articles  :  le  premier  cons- 
tate le  pariage  intervenu  entre  le  roi  et  les  chanoines  de 
Saint-Frambaud;  un  autre,  l'engagement  pris  par  le  roi  de 
ne  pas  aliéner  le  domaine.  Les  trois  autres  qui  concernent  la 
taille,  l'host  et  la  chevauchée,  les  amendes,  sont  presque 
textuellement  empruntés  à  la  charte  de  Lorris. 

En  1187,  les  habitants  de  Voisines  obtinrent  les  franchises 
de  Lorris  dans  leur  intégrité  (5). 

Mais  en  1188,  Philippe-Auguste  transplanta  cette  même 
charte  en  Auvergne;  il  la  concéda  au  village  de  Nonette  (6). 
Un  diplôme  de  Louis  Vil,  daté  de  Paris  l'an  1171,  la  trente- 
quatrième  année  du  règne  (7),  où  sont  rapportées  tout  au 
long  les  luttes  du  vicomte  de  Polignac  contre  F  évoque  du 

(1)  Ferrières,  Loiret,  arr.  Montargis,  ch.-l.  c0*.—  Charte  donnée  à  Lorris 
en  1185.  D.  Morin,  p.  705-709. 

(2)  «  Reliquat  conBuetudines  et  emendationes  erunt  ad  consnetudinem  Lor- 
riaci.  »  D.  Morin,  p.  708. 

(3)  Boiscommun,  Loiret,  arr.  Pithiviera,  c«»  Bea une-La-Rolande.—  Charte, 
Ord.,  t.  IV,  p.  73-77. 

(4)  Angy ,  Oibo,  arr.  Qermont,  con  Moui.—  Charte  publ.  ap.  Ord.,  t.  IV, 
p.  129-130. 

(5)  Voisines,  Yonne,  arr.  Sens,  c°*  Villeneuve-f Archevêque.  —  Charte 
publ.  Ord.,  t.  VII,  p.  455. 

(6)  Nonette,  Puy-de-Dôme,  arr.  Issoire,  c<»  Saint-Germain-Lembron.  — 
Charte  :  P.  just.,  n«  XII.  M.  Rivière,  Institut,  de  l'Auvergne ,  t.  I,  p.  266, 
a  rapporté  à  1288  l'octroi  des  Coutumes  de  Lorris  au  village  de  Nonette;  il  a 
confondu  la  date  d'un  vidknus  avec  celle  de  la  concession  primitive. 

(7)  Baluie,  flirt,  généalog.  de  la  maison  d'Auvergne,  t.  H,  p.  6<Hft. 


ET  LEUR  PROPAGATION  AUX   XII9  ET  XIII*  SIECLES.    275 

Puy  et  les  efforts  du  roi  pour  y  mettre  fin,  rappelle  que  le  roi 
vint  mettre  le  siège  devant  le,  oh&teau  de  Nonette,  poases- 
non  du  vicomte  de  Polignap  (4).  Cette  expédition  se  place  ep 
Tannée  1169  (â).  Coabrai&t  de  déposer  les.  armes ,  le  vicomte 
fut  condamné  i  laisser  dans  la  main  du  roi  tous  les  fiefs  qu'il 
tenait  de  lui  jusqu'au  prononcé  d'un  jugement  définitif  (3). 
Cette  main-mise,  changée  peut-être  en  confiscation,  ne  se- 
rait-elle pas  l'origine  de  l'annexion  de  NoneUe  au  domaine 
royal  (4)î  De  longues  contestations  s'élevèrejit  entre  Philippe- 
Auguste  et  le  roi  d'Angleterre  au  sujet  de  la  suzeraineté  de 
l'Auvergne.  La  lutte  se  ranima  en  1186  (5).  Il  n'y  a  donc 
rien  d'étonnant  à  ce  que  le  roi  ait  cherché  à  se  concilier  les 
populations  en  donnant  de»  franchises  aux  quelques  terres 
d'Auvergne  dont  il  avait  le  domaine  direct.  La  concession 
que  j'ai  signalée  a  une  importance  toute  particulière.  En 
effet,  au  siècle  suivant,  Nonette  devint  ville  de  bourgeoi- 
sie (6).  Le  roi  en  fit  un  centre  d'où  il  étendit  son  action 
tout  à  l'entour  enlevant  aux  seigneurs  voisins  leurs  hommes 
pour  les  soumettre  à  la  juridiction  royale.  Les  habitants  de 
Nonette  ne  furent  plus  seuls  en  Auvergne  à  jouir  des  privilè- 
ges de  Lorris.  Y  participèrent  tous  ceux  qui ,  possédant  une 
maison  à  Nonette ,  y  faisaient  résidence  an  et  jour  au  com- 
mencement die  leur  bourgeoisie.  Et  même  si ,  pendant  cette 

(1)  «  Coatigit  nos  in  Alverniam  propter  has  et  alias  regni  causas  cupo  eier- 
dtu  venisse  et  castrum  Nonetts  obsedisse.  »  Baluze,  Hist.  ginéal.  de  la 
maison  dP Auvergne,  i.  I,  p.  66. 

(2)  Nous  avons  deux  diplômes  de  Louis  VII  datés  de  H6Ô,  l'un  a  apud 
Nonedam,  »  l'autre  «  cum  ettemut  in  Alvernia  in  expedUhne  apud  Nonnetam,  » 
Voyez  Histoire  du  Languedoc,  nouv,  édit,  t.  VII,  p.  &,  note  HK 

(3)  Diplôme  de  1171,  cité  plus  haut 

(4)  Dans  le  reg.  B  de  Pq.-Aug.,  Arth.  naL,  JJ.  7-8,  1»  partie,  f*<  60  f% 
on  trouve  la  liste  des  cités  et  châteaux  du  domaine  du  roi  (ci vitales  et  castra 
que  rex  habet  in  domanio);  Noneta  y  figure  à  la  fin  de  la  liste. 

(5)  Rigord,  D-  Bouq.,  t.  XVII,  p.  23. 

(6)  Voir  la  charte  de  Philippe  le  Bel,  1380,  P.  put.,  n*  XXI.—  M.  Ri- 
vière, Institut,  die  l' Auvergne,  t.  II,  p.  337,  a  publié  une  pièce  des  Arch.  naL, 
J.  1046,  n°  3,  où  les  conditions  requises  pour  être  reconnu  bourgeois  de 
Nonette  sont  un  peu  différentes  de  celles  exprimées  dans  la  charte  que  je 
donne.  Au  lieu  de  résider  à  Nonette  à  la  Toussaint  et  à  la  Chandeleur,  le 
bourgeois  est  tenu  à  la  présence  aux  quatre  fêtes  de  Tannée.  Mais  il  semble 
que  cette  charte  n'ait  pas  été  expédiée;  car,  outre  qu'il  y  a  plusieurs  ratures 
et  corrections ,  elle  n'a  pas  été  scellée. 


276  LES  COUTUMES  DE  LORRIS 

période  de  temps,  leurs  affaires  les  appelaient  ailleurs,  il  leur 
était  loisible  de  s'absenter,  sans  perdre  leurs  droits ,  pourvu 
que  leur  famille  demeurât.  On  exigeait,  en  outre,  la  présence 
à  Nonette  du  bourgeois  du  roi  ou  de  quelqu'un  des  siens  cha- 
que année  aux  fêtes  de  la  Toussaint  et  de  la  Chandeleur. 
A  ces  conditions,  on  acquérait  le  droit  à  se  réclamer  de  la 
juridiction  royale.  Mais,  si  le  roi  y  gagnait,  les  seigneurs 
n'y  trouvaient  pas  leur  compte.  Ce  fut  même  la  source  de 
longs  débats  et  procès  entre  les  officiers  de  Philippe  le  Bel 
et  le  chapitre  de  l'église  de  Brioude  (1),  dont  les  hommes  se 
faisaient  à  l'envi  bourgeois  de  Nonette. 

En  février  1189,  Philippe  -  Auguste  prit  en  sa  garde 
et  protection  les  habitants  de  SaintrAndré-U-Désert  (2),  qui 
dépendaient  de  l'abbaye  de  Moutiers-Saint-Jean  (3),  et  leur 
concéda  les  Coutumes  de  Lorris  à  condition  que  la  moitié  de 
tous  les  revenus  de  la  posté  lut  serait  acquise. 

Cette  charte  de  Saint- André  est  probablement  la  source  où 
en  1236  Josseran,  seigneur  de  Brancion,  puisa  un  certain 
nombre  de  dispositions  pour  les  introduire  dans  les  franchises 
de  Cortevais  (4).  On  ne  saurait  expliquer  autrement  la  relation 
évidente  qui  existe  entre  la  charte  de  Lorris  et  celle  de  Cor- 
tevais. Les  hommes  de  Cortevais  sont  déclarés  exempts  de 
taille  (art.  2).  Voilà  une  disposition  qui  n'est  pas  suffisam- 
ment caractéristique;  mais  qu'on  veuille  bien  remarquer  la 
rédaction  de  cet  article  dans  la  charte  de  Cortevais ,  et  on  ne 
pourra  s'empêcher  de  croire  que  le  seigneur  de  Brancion 
a  eu  connaissance  du  texte  de  Lorris  (5).  La  résidence  con- 

(1)  Voir  les  pièces  de  ces  procès  :  Arch.  nat.,  J.  1046. 

(2)  SaUU-André-le-Déscrt,  Saône-et-Loire,  air.  Mftcon,  c°*  Cluny.  La  charte 
est  publ.,  Ord.,  t.  XI,  p.  252.  —  Les  édicteurs  des  Ôrd.  indiquent  qu'il 
s'agit  de  Saint-André ,  au  diocèse  de  Mftcon ,  dépendance  de  l'abbaye  du 
Mootiers.  Or  on  lit  dans  no  Pouillé  de  cette  abbaye,  écrit  au  xv«  s.,  B.  Nat., 
ms.  lat.  10031,  f°  26  r°-v«  :  «  In  arcbipresbyteratu  de  Rosey  solvunt  deci- 
mam...  Prior  SaneH  Andrée  Deserii...  Seqauntur  non  boI ventes  decimara; 
tamen  solvant  subvencionem  episcopalem. . .  Curatus  Sancti  Andrée  Deserti.  » 

(3)  Moutiers-Saint-Jean ,  abb.  bénédict.,  dioc.  de  Langres,  C6te»d'Or,  arr. 
Semur,  c°»  Montbard. 

(4)  Cortevais,  Saône-et-Loire,  arr.  Mftcon,  c°»  Seint-Gengoux.  —  Charte 
publ.  par  Caoat,  Documents  inédits,  p.  31-32. 

(5)  Art.  2  «  Nullus  nec  nos  nec  successores  nostri  hominibus  Gortevasii 
taUliam  nec  ablationem  ?el  rogam  facient.  »  Canat,  p.  31.  Cf.  Lorris,  art  9. 


ET  LEUR  PROPAGATION  AUX  XII*  ET  XIII*  SIÈCLES.    277 

tinoée  à  Cortevais  pendant  an  et  jour  conférait  la  franchise, 
n  y  a  encore  ici  une  imitation  partielle  de  l'article  18  de 
Lorris;  seulement  le  rédacteur  de  la  charte  qui  nous  occupe 
a  cru  devoir  régler  la  procédure  à  suivre  pour  réclamer  un 
serf  avant  l'expiration  du  délai  de  12  mois  (1).  Pour  pouvoir 
quitter  librement  la  ville ,  les  bourgeois  de  Cortevais  avaient 
à  satisfaire  aux  mêmes  conditions  que  ceux  de  Lorris  (S). 
Josseran  limita  à  une  journée  le  temps  pendant  lequel  il 
pouvait  exiger  le  service  d'host  (3).  Les  Coutumes  de  Bour- 
gogne ont  pour  la  plupart  fixé  à  40  jours  la  durée  du  crédit 
seigneurial  (4)  :  ici  nous  trouvons  comme  à  Lorris  le  terme 
de  quinze  jours  (5).  Josseran  se  conforme  toutefois  à  l'usage 
bourguignon  en  donnant  à  son  créancier  des  gages  ou  des 
cautions.  L'article  4  par  lequel  il  prend  sous  sa  protection 
les  marchands  qui  se  rendent  aux  marchés  de  Cortevais  est 
calqué  sur  l'article  6  de  Lorris  (6).  Et  encore,  l'empri- 
sonnement préventif  est  supprimé  dans  le  cas  où  l'accusé 
peut  fournir  des  garanties  (7);  il  serait  téméraire  d'affirmer 


(1)  Art.  3.  «  Si  quis  in  poteatate  Cortevaaii  per  tannin  et  diem  maaterit, 
nnllo  clamore  enm  seqaeate,  neqae  per  nos  aut  per  mfoistros  nostros  recti- 
tadioem  prohibuerit,  deinceps  liber  et  quietus  permanent,  nfsl  de  servitute 
poterit  légitime  eonrinci  et  infrà  aonom  impetitus  fuerft;  et  convietu*  non 
reddetnr  competitori,aed  licebit  et  pergere  qao  Tolnerit...  »  Canat,  p.  31, 
—  CL  Lorris,  art.  18. 

(2)  Art.  14  bit.  «  Item  si  qoii  res  aoaa  vendere  voluerit,  veadat,  et  a 
villa,  ai  recedere  volnerit,  reddito  jure  vendieionis,  liber  recédât,  niai  in 
villa  foriauetnm  feeerit.  »  Canat,  p.  34.  —  Cf.  Lorris,  art.  17. 

(3)  Art.  13.  «  Item  collas  eoram  in  expeditione  Tel  eqniUtione  fbft,  niai 
eadem  die  ad  domom  sum,  ai  voluerit,  revertalor;  née  etiam  tnoe  oial  pro 
negocoa  nostria.  »  Canal,  p.  34.  —  CL  Lorris,  art.  3. 

(4)  Voyez  les  texte»  cités  à  la  page  172. 

(5)  Art.  14.  «  Nos  eredieionea  babebiatos ,  datas  ydooeis  radtts  vet  Ade- 
jnaaoribas,  naqae  ad  quindeetm  dies  persoivendam.  s  Canat,  p.  34.  —  Cf. 
Lsrrû,  act.ll. 

(6)  Art.  4.  «  NoBw  ad  mercalnm  venieas  stve  rediens  eaptafor  vei  4istar~ 
netar,  sM  ipsm  die  forelactnai  fceerit;  Tel  aatea  raptusa  feeerit,  *H  savle» 
tram,  Tel  nomicidimn ,  Tel  furtma  ;  et  salins  m  die  mercati  vadîam  piegii 
an  Tel  désolons  eapiat,  niai  die  eosaunili  plepacâ©  iUa  vei  débitas*  factnm 
faerîL  a  Canat,  p.  31-32.  —  CL  Lorris,  art.  *- 

(7)  Art.  6.  «  S  ous  defonveril,  ai  jns  lace»  vetft  et  pro  ponte  ont 
secnritatan  dederil,  neone  eorpos  ejos  neqae  res  ejns  cap  a«t 

tractari  défient,  a  Canat,  p.  32.  —CL  Lonrk,  art.  «a. 


278  LES  COUTUMES  DE  LORRiS 

qu'il  y  a  eu  ici  çmprunt  à  la  charte  de  Lorris  ;  la  rédaction 
ne  noua  y  autorise  pas  ;  et  c'est  là  une  clause  qu'op  retrouve 
dans  nombre  de  coutumes  du  xme  siècle.  En  ce  qui  touche 
les  amendes ,  elles  sont  réduite? ,  mais  d'une  antre  fagçn  qu'à 
Morris  (1). 

Dixmont  reçut  en  1190  les  Coutumes  de  Lorris  (2)  précé- 
demment accordées  dans  la  même  région  à  Villeneuvç-ie-Roi, 
Villeneuve-r Arche vêque ,  Rousson  et  Voisines ,  tous  villages 
sis  sur  les  confins  du  comté  de  Champagne.  Philippe-Auguste 
avait  été  précédemment  associé  à  la  possession  de  la  terre  de 
Dixmont  par  le  prieur  de  la  Charité-sur-Loire  (3).  Les  nou- 
velles acquisitions  devaient  être  mises  en  commun.  Le  prévôt 
était  nommé  à  la  fois  par  le  roi  et  le  prieur. 

Les  hommes  du  comté  de  Champagne ,  quittant  les  terres 
de  leurs  seigneurs,  se  portèrent  vers  la  nouvelle  franchise.  En 
1205  le  roi  reconnut  à  ces  seigneurs  (4)  le  droit  de  s'emparer 
de  tous  les  biens  des  fugitifs  ;  en  même  temps  qu'il  déclarait 
siens  tous  les  hommes  résidant  alors  à  Dixmont.  Cette  chvte 
n'était  pas  faite  pour  donner  satisfaction  aux  seigneurs  cham- 
penois. Ils  ne  perdaient  rien  de  leur  domaine  foncier.  Mais  à 
quoi  bon  les  terres  si  les  bras  manquaient  pour  les  cultiver.  Ce 
qui  leur  importait,  c'était  d'arrêter  les  empiétements  de  plus 
en  plus  marqués  de  la  royauté ,  dont  la  juridiction  et  le  terri- 
toire allaient  toujours  s'étendant.  En  1207,  Philippe-Auguste 
s'engagea  vis-à-vis  de  Blanche  de  Navarre,  régente  de  Cham- 
pagne ,  Gui  Gasteble  et  Henri  de  Maunid  (5)  à  ne  plus  édifier 
de  ville  neuve,  à  ne  plus  contracter  de  pariage  sur  le  territoire 
compris  entre  les  limites  suivantes  :  de  Dixmont  à  Malay-le- 
Roi  (6),  de  là  à  Fontaine  (7),  de  là  à  Voisines,  et  de  là  à 

(1)  Art.  4.  a  Forefactum  aatem  de  sexaginta  sotidis  ad  XV  veniet,  de  XX 
ad  quinque,  deeem  ad  très.  »  Canal,  p.  32.  —  Cf.  Lorris,  art.  7. 

(2)  Dixmont,  Yonne ,  arr.  Joigny,  c00  Villeneuve-sur- Yonne.  Charte  p«bL 
ap.  Ord.,  t.  XI ,  p.  268. 

(3)  Diplôme  de  Ph.-Aug.  donné  en  1187  entre  le  29  mars  et  le  31  octobre* 
publ.  parTeulet,  LayeUet,  n°  348, 1. 1,  p.  148. 

(4)  Dipl.  de  Ph.-Aug.,  nov.  1205,  indiq.  par  Delisle,  n°  962;  publ.  Quaa- 
tin ,  Recueil  de  pièces  du  XIII'  t.,  no  53,  p.  25. 

(5)  Charte  indiq.  par  Delisle,  Catalogue,  n»  1055  ;  P.  just.,  no  XVI. 

(6)  Malay,  Yonne ,  arr.  et  c°»  nord  de  Sens. 

(7)  Fonlaine-la-GaUlarde,  ©*■  nord  de  Sens. 


ET  LEUR  PROPAGATION   AUX  XII0   ET  XIIIe   SIECLES.    279 

Thorigny  (1),  et  de  Thorigny  k  Y  Yonne  en  suivant  le  cours  de 
l'Oreuse  (5).  Il  annula  même  l'association  qu'il  venait  de  faire 
avec  les  chanoines  de  Sens  pour  la  terre  de  Thorigny.  En  re- 
tour de  ces  concessions,  il  reçut  mille  livres  parisis.  Quelques 
années  après  (septembre  1210)  Philippe-Auguste  promit  (3) 
de  ne  recevoir  sur  ses  terres ,  ni  dans  ses  communes,  ni  dans 
ses  villes  franches  les  hommes  ou  femmes  de  la  comtesse  de 
Champagne  jusqu'à  la  majorité  de  son  fils  Thibaud.  Blanche 
prit  envers  le  roi  un  engagement  réciproque  (4).  Saint  Louis 
promit  encore  en  1229  à  Thibaud  IV  de  n'admettre  aucun  de 
ses  bourgeois  ou  hommes  taillables  à  Sens ,  ni  à  Villeneuve- 
le-Roi,  ni  à  Dixmont,  avant  d'avoir  atteint  sa  vingt  et  unième 
année  (5).  Cependant,  au  milieu  du  xiie  siècle,  l'émigration 
vers  les  villes  dotées  des  franchises  de  Lorris  continuait.  En 
4257,  l'abbaye  de  Saint-Pierre-le-Vif  réclamait  comme  ses 
serfs  nombre  d'individus  qui  avaient  élu  domicile  à  Ville- 
neuve-le-Roi  (6).  L'abbé  Geoffroy  ne  trouva  qu'un  moyen 
d'arrêter  cette  désertion ,  et  c'était  le  meilleur  :  il  affranchit 
tous  les  hommes  et  femmes  demeurant  sur  les  terres  de  l'ab- 
baye comprises  entre  la  Seine  et  l'Yonne,  de  Bray  (7)  jusqu'à 
Sens  et  Nogent-sur-Seine  (8),  et  de  Sens  jusqu'à  Villeneuve- 
l'Archevêque ,  Arces  (9),  Dixmont  et  Villeneuve-le-Roi.  Il 
leur  fit  remise  de  la  main-morte,  les  déclara  libres  de  corvées 

(i)  Thorigny,  Yonne  ,  arr.  Sens ,  c°*  Villeneuve-l' Archevêque. 

(2)  Oreuse,  ruisseau  qui  prend  sa  source  à  Thorigny  et  se  jette  dans 
l'Yonne,  près  de  Ser bonnes,  en  aval  de  Pont-sur-Yonne. 

(3)  Charte  ind.  Delisle,  n«  1230,  p.  283;  B.  Nat.,  ms.  lat.  5992,  Cartul.  3 
de  Champagne,  f°  48  r°.  Pobl.  par  D.  Martène,  Ampl.  CoUedio,  t.  I, col. 
1098. 

(4)  Ind.  par  Delisle ,  Catalogue,  n°  1231,  p.  283. 

(5)  Charte  de  Thibaud  IV  donnée  en  avril  1228  avant  Pâques ,  indiq.  par 
d'Arbois  de  JubainviUe ,  Catalog.  des  octet  des  comtes  de  Champagne,  n°  1823. 
Publ.,  Teulet,  Layettes,  n°  1995,  t.  II,  p.  153,  et  Quantin,  Rec.  de  pièces , 
n°  356,  p.  160.  —  En  mai  1230,  saint  Louis  renouvela  sa  promesse  pour  3  ans 
à  compter  de  juin.  Ind.  par  Quantin,  Rec,  p.  160,  d'après  le  Liber  primdp., 
BiU.  NaL,  ms.  lat.,  f»  28  v<>. 

(6)  Vidimus  donné  par  saint  Louis  à  Melun,  mai  1257,  31*  année  du  règne, 
d'un  acte  du  même  mois,  par  lequel  l'abbé  de  Saiot-Pierre-le-Vif  de  Sens, 
affranchit  ses  serfs;  publ.  par  Quantin  ,  Rec.  de  pièces,  n°  567,  p.  270-272. 

(7)  Rray^ur-Seine,  Seine-et-Marne,  arr.  Provins,  ch.-l.  con. 

(8)  Nogent-surSeiM,  Aube. 

(9)  Arces,  Yonne,  arr.  Joigny,  c°»  Cerisiers. 


280  LES  COUTUMES  DE  LORRIS 

et  de  tailles,  abandonna  son  droit  de  poursuite,  et  réduisit 
les  amendes  de  60  sous  à  15,  de  15  sous  à  5,  et  de  5  à  2  sous. 
Le  roi  était  d'ailleurs  intervenu  en  faveur  des  serfs,  et  avait 
député  auprès  des  moines  noble  homme  Gilon  de  Villemar- 
chez  et  Etienne  Tatesaveur,  bailli  de  Sens.  Mais,  comme  mal- 
gré toutes  ces  concessions,  il  pouvait  encore  arriver  que  les 
affranchis,  autorisés  à  quitter  librement  les  terres  des  moines, 
préférassent  la  protection  et  la  juridiction  royales  à  celles  de 
l'abbé,  celui-ci,  pour  ne  rien  perdre  de  ses  revenus,  exigea 
d'eux  une  somme  de  six  mille  livres  parisis. 

Avec  le  xme  siècle,  la  diffusion  des  Coutumes  de  Lorris 
dans  le  domaine  royal  se  ralentit.  Cléri,  village  à  la  possession 
duquel  Philippe-Auguste  avait  été  associé  par  Hécelin  de  Li- 
nays  les  reçut  cependant  en  1201  (1).  Elles  ne  furent  modi- 
fiées qu'en  un  point  :  le  cens  de  six  deniers  était  remplacé 
par  un  fouage  ou  festage  de  quatre  sous  par  maison  (2). 

En  1202,  le  roi  accorda  aux  hommes  de  Sancoins  (3)  les 
Coutumes  de  Lorris  ,  au  moins  en  ce  qui  concernait  le  tarif 
des  amendes.  Mais  ces  mêmes  hommes  restaient  justiciables 
des  moines  de  la  Charité-sur- Loire ,  qui  percevaient  les  fruits 
de  la  justice.  Le  prévôt  royal  prétait  aux  moines  serment  de 
fidélité. 

Dalmas  de  Luzy  ayant  cédé  au  roi  vers  1220  la  moitié  de 
ses  droits  sur  le  village  de  Salornas  (?),  les  deux  seigneurs 
convinrent  qu'on  y  suivrait  les  usages  de  Lorris  (4). 

Le  roi  saint  Louis,  confirmant  en  mai  1239  un  acte  par 
lequel  Philippe- Auguste  avait  dès  1190  (5)  abandonné  au 
chapitre  Saint-Étienne  de  Sens  tous  les  droits  de  justice  à 
Pont- sur-Yonne  (6),  stipula  que  les  chanoines  ne  pourraient 

(1)  Cléri,  Loiret,  arr.  Orléans,  ch.-l.  c°».  —  Charte  publiée  ap.  Ord., 
t.  VII,  p.  3. 

(2)  c  Ita  tamen  qnod  unaqueque  masura  illias  ville  nobis  dabit  annuatim 
quatuor  aolidos.  »  Arch.  Nat.,  JJ.  198,  n«  19,  f°  19  v°. 

(3)  Sancoint,  Cher,  arr.  Saint-Amand-le-Rond,  ch.-l.  c°*.  —  Charte,  P.jutt., 
no  XIV. 

(4)  Charte,  publ.  par  Teulet,  Layettes,  t.  I,  p.  507.  «Hoc  etiam  aditiendum 
ut  omne8  consoetudinee  secundum  maneriara  et  usum  de  Losriz  in  supradicta 
villa  teneantur.  » 

(5)  Charte  de  Ph.-Àug.,  publ.  par  Quantin,  Cartel.,  t.  H,  p.  427. 

(6)  Pont-tur-Yonne ,  Yonne,  arr.  Sens,  ch.-l.  con. 


ET  LEUR  PROPAGATION   AUX   XIIa  ET   XIIIe   SIECLES.    281 

lever  d'amende  sur  les  hommes  du  roi  qu'à  condition  de  leur 
appliquer  le  tarif  fixé  par  la  charte  de  Lorris  (1). 

Héloïse,  dame  de  Chaumont  (2),  et  Pierre  des  Barres,  son 
fils,  dont  les  domaines  étaient  situés  sur  la  limite  du  Gâtinais, 
suivirent  l'exemple  du  roi.  En  1248,  ils  affranchirent  (3)  de 
toute  corvée  et  exaction  leurs  hommes  demeurant  à  VUlema- 
noche  (4),  Pont- sur -Yonne,  Gisy  (5),  la  Chapelle -Champi- 
gny  (6),  ViUeneuve-la-Guyard  (7),  ViUeblevin  (8),  Chaumont, 
Diant  (9),  et  sur  les  rives  de  l'Yonne  jusqu'à  Moret.  Ils  leur 
accordèrent,  entre  autres  privilèges,  la  réduction  des  amendes 
telle  qu'elle  était  à  Lorris  (art.  6).  Les  cautions  du  vaincu 
dans  un  duel  judiciaire  devaient  payer  cent  douze  sous  tour- 
nois (art.  7).  L'article  concernant  les  amendes  (art.  8)  exi- 
gibles des  propriétaires  dont  les  animaux  avaient  pénétré 
dans  les  bois  seigneuriaux  a  été  inspiré  par  les  Coutumes  de 
Lorris  ;  mais  ici  l'amende  est  réduite  à  4  deniers  tournois ,  et 
même  à  un  denier  pour  les  brebis.  Les  hommes  n'étaient  tenus 
à  l'host  qu'au  cas  où  ils  pouvaient  revenir  le  jour  même  chez 
eux;  restaient-ils  plus  longtemps,  le  gîte  leur  était  dû  (art. 
12).  Ils  ne  pouvaient  être  emprisonnés  lorsqu'ils  promettaient 
sous  caution  de  se  rendre  au  plaid  (art.  15). 

Nous  savons  par  un  arrêt  du  Parlement  de  1272  que  les 
habitants  d'Aubigny  (10)  et  de  Châteaulandon  (11)  jouissaient 
des  Coutumes  de  Lorris ,  sans  qu'il  nous  soit  possible  de  dire 
à  quelle  époque  remonte  la  charte  de  concession  (12). 

(1)  Lettres  de  Louis  IX  données  à  Melun  en  mai  1239,  pnbl.  par  Quantin, 
Ree.  de  pièces,  n°  456,  p.  206-207.  «  Capitulum  Senonense  habebit  justicias 
et  remansiones  in  villa  de  Pontibus  secundum  quod  in  predictis  litteris  con- 
tinetur,  hoc  excepto  quod  non  poterit  levare  emendas  ab  hominibus  nostris 
in  eadem  villa  commorantibus,  nisi  ad  usas  et  consuetudines  Lorriaci  prout 
in  carta  Lorriaci  continetur.  » 

(2)  Chaumont,  Yonne,  arr.  Sens,  con  Pont-sur-Yonne. 

(3)  Lettres,  P.  jutt.,  n°  XX. 

(4)  Villemanoche ,  Yonne,  arr.  Sens,  c°»  Pont-sur-Yonne. 

(5)  Gisy,  même  canton. 

(6)  La  Chapelle,  hameau  de  la  commune  de  Champigny,  c°»  Pont-sur-Yonne. 

(7)  Villeneuve-la-Guy ard ,  même  canton. 

(8)  ViUeblevin,  même  canton. 

(9)  Dianl,  Seine-et-Marne,  arr.  Fontainebleau,  con  Lorrez-le-Bocage. 

(10)  Aubigny,  Cher,  arr.  Sancerre ,  ch.-l.  c°». 

(11) Châteaulandon,  Seine-et-Marne,  arr.  Fontainebleau,  ch.-l.  c°». 
(12)  Pari,  de  la  Toussaint  1272  :  «  Visa  carta  hominibus  Lorriaci  con  cessa, 


282  LES  COUTUMES  DE  LORRIS 

Les  hommes  d'ÂrconviUe  (1)  usaient  des  mêmes  franchises. 
Car  un  arrêt  du  Parlement  de  1281  les  déclare  du  ressort  de 
Lorris  {2).  Le  Parlement  reconnut  en  1300  (3)  aux  habitants 
de  Chalon  (i)  et  de  Moulinenx  le  droit  de  suivre  les  Coutumes 
de  Lorris  et  de  profiter  de  la  réduction  des  amendes.  C'est  la 
reine  Adèle  qui  avait  donné  à  Chalou  les  franchises  de  Lor- 
ris; son  octroi  avait  été  confirmé  par  Louis  VU  dès  1175  (5). 
Une  enquête  de  la  Chambre  des  comptes  faite  en  1314  (•) 
nous  permet  d'ajouter  à  cette  liste  Ballot  (7)  et  Ferrottes  (8). 

L'abbaye  de  Saint-Denis  a  pris  soin  de  faire  noter  dans  son 
Cartulaire,  dit  Livre  Vert,  rédigé  en  1411  (9),  ceux  d'entre 
ses  domaines  du  Gàtinais  qui,  à  ce  moment,  usaient  des 
coutumes  et  privilèges  de  Lorris  :  c'étaient  les  paroisses  de 
Saint-Michel  et  de  Batilly  que  j'ai  citées  {dus  haut;  les  ha- 
meaux dépendant  de  Saint-Michel  :  Gabveau  et  Champ-Ber- 
train  (10),  le  terroir  de  NibeUe  (11),  Somf  (12),  FréwiUe  (13), 

per  qaara  eis  conceditur  quod  in  expedicionem  et  exercitum. . . .;  item  caria 
hominum  Albigniaci,  per  quam  hominibus  Àlbigniaci  conceduntûr  «sus  et 
consuetudines  Lorriaci  ;  item,  visis  diligenter  cartis  hominum  de  CastrthNm- 
tonii  qui  sont  ad  usus  hominum  Lorriaci,  vel  quasi;  item  visa  carta  homi- 
num de  Capella;  pronunciatum  fuit  quod  homineB  dictarum  villarum  non 
tenentur  ad  ezercitum  domino  régi ,  pro  quo ,  cum  submoniti  non  venissent , 
emenda  petëbatur  ab  eis.  »  Beugnot,  Olm,  1. 1,  p.  887-888. 

(1)  ÀrtonMe,  Loiret,  c°*  Beaune-la-Rolaode ,  cM  de  Batilly. 

(2)  «  Visa  oarta  hominum  de  ArcontiUa,  declaratum  fuit  ipsos  non  debere 
trahi  extra  Arconvillam  placitaturi,  nisi  fuerit  per  resortum,  et  tune  erunt  de 
resorto  Lorriaci.  »  Beugnot,  Olûn,  t.  H,  p.  186,  n°  XLIV. 

(3)  Boutaric,  Actes  du  Parlement,  n°  3014,  t.  II,  p.  4. 

(4)  Chalou-MouRncux ,  Seine-et-Of  se ,  arr.  Étampes,  c«»  Méréviile. 

(5)  Charte  de  Louis  VU  pour  Sonchalo,  Qrd.,  t.  VIII,  p.  34-35.  —  J'iden- 
tifie Sonchalo  avec  Chalou-la-Reine  devenu  Chalou-Moulineiu. 

(G)  Pièces  justif.,n*XXU. 

(7)  Dollol,  Yonne,  arr.  Sens,  c°*  Chéroy.  —  Le  document  que  je  cite  porte 
Doleti;  une  autre  copie  donne  Doleit.  —  La  forme  lat.  de  Dollot  était  DooU- 
ium  (Comptes  de  1295,  Prévôtés,  art.  45,  Bec.  des  hist.,  t.  XXII,  p.  635). 
Dans  ce  compte,  Doolehtm  occupe  la  même  place  que  dans  l'enquête  de  m  Co- 
des comptes,  entre  les  prévôtés  de  Chéroy,  Lixy  et  Voulx,  et  celle  de  Flagy. 

(8)  Près  Flagy,  con  Lorrez-le-Bocage, 

(9)  Pièces  justifie.,  n<>  XXV. 

(10)  Gabwau,  lieudit  de  la  commune  de  Saint-Michel. 

(11)  Nibelle-Saint-Sauveur,  Loiret,  arr.  Pithiviers,  c°«  Beaune4a-Rolande. 

(12)  Soissy,  ancien  nom  de  BeUegarde,  arr.  Montargis,  cb.-l.  con. 

(13)  FrêviUe,  arr.  Montargis,  c«"  Bellegarde. 


ET  LEUR  IpROPAQATION  AUX  XIIe  ET  XIII*   SIECLES.    283 

Matières  (i)J  et  plusieurs  hameaux  de  la  paroisse  de  Lorqf  (3); 
tous  les  bourgeois  du  Val  de  Saint-Leu  ;  enfin  le  Clas-le-Rcti  de 
RàtnainviBë  (3). 

H.  R.  de  Maulde  a  donfcê  (4),  d'après  D.  Moriû  (5), 
rémunération  d'un  assez  grand  nombre  de  villages  du  Gâtt- 
nais  qui  fcuraïeht  eu  la  charte  de  Lorris.  Ce  sont  Ouzoi  (6), 
Thorailles  (7) ,  Courtemaux  (8) ,  les  Noues  (9)  en  la  pa- 
roisse de  Rosoy-le-Vieil,  Bougligny  (10),  Arville  (11),  Invil- 
liera  (12) ,  Burcy  (13),  la  Neuville  (14),  Givraines  (15),  Saint- 
Pierre-lez-Puiseaux  (16),  Vulaines  (17),  TEspuys  et  Sorques 
en  la  paroisse  de  Montigny-sur-Loing  (18),  Saint- AndréJez- 
Châteaulan#ons  la  Selleniur-le-Bied  (1 9),  Saint-Geneal,  Saint- 
Piere-de-Chon,  Saint-Loup-de-Bezard.  M.  de  Maulde  aurait 
pu  jouter  Nargi«  (20),  Grisolles  (21),  Fontetiay  (32),  Brans- 
les  (2S)  et  Pers  (24).  Il  y  a  ici  une  méprise.  Le  texte  cité  par 
B.  Utorin  prouve  simplement  que  toutes  ces  terres  étaient 
régies  fpair  l'ancienne  Coutume  de  Lorris,  rédigée  en  1531, 

(1)  Éfézières-en~Gatine ,  arr.  Montargis,  eon  Bellegarde. 

(2)  tofcg,  cbinintme  du  canton  de  Beaune-la-Rolande. 
•p)  fitmtfmtiUe,  hameau  de  la  commune  de  Beaune. 

(4)  Mém.  de  la  Soc.  de  VOrléanan,  t.  XIV,  p.  218-219. 

(5)  D.  Morin,  HisL  du  Ga*tinois,p.  174-175. 

(6)  Probablement  Louzouer,  Loiret,  arr.  Montargis,  c°»  Courtenay. 

(7)  ThorûiUes,  m&ne  éanton. 

(S)  'Céurfetnaux,  Loiret,  arr.  Montargis,  c«»  de  Courtenay. 

(9)  Les  Noues,  cnede  Rozoy,  con  Courtenay. 

{10)  Bougligny,  Seine-etrMarne,  arr.  Fontainebleau,  c°*  Gh&teau-Landon. 

(11)  Arville,  même  canton. 

'(12)  IkvttHers.loiret,  arr.  et  c«n  Phhiviefs  t  c««  Givrai bes. 

(13)  Burcy,  Seine-et-Marne,  arr.  Fontainebleau,  c°*  La -Chapelle- la  - 
Reine. 

(14)  La  NttwUU,  Loiret,  arr.  Pithiviers,  c°"  Puiaeaux. 

(15)  Gwraines,  canton  de  PithWiers. 
(-W)  Faubourg  Îaint-Père  de  Puiaeaux. 

(17)  VUlomes-tur-Seine ,  Seine-et-Marne,  arr.etc0»  Fontainebleau. 
<4S)  Mcmtigny-eur-Loiag,  Seine-et-Marne,  arr.  Fontainebleau,  c«  Moret. 
(ift)  La SeUe-eur-le-Bied ,  Loiret,  arr.  Montargis ,  c«*  Courtenay. 
(ÎA)  NargU ,  Loiret ,  arr.  Montargis ,  c°»  Ferrières. 
(24)  GrUeUes ,  même  canton. 

(22)  Fontenay,  même  canton. 

(23)  BransUs,  Seine-et-Marne ,  arr.  Fontainebleau,  c°»  Cbâteau-Landon. 

(24)  Pers ,  Loiret ,  arr.  Montargis ,  c°»  Courtenay. 


) 

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I 

284  LES   COUTUMES  DE  LORR1S  ! 

rien  de  plus;  et  nullement  qu'elles  aient  obtenu^  les  fran- 
chises de  Lorris  (1).  | 

C'est  par  suite  de  cette  confusion  entre  deux  textes  si  diffé- 
rents qu'on  a  pu  exagérer  la  diffusion  et  la  popularité  de  la 
charte  de  Lorris,  et  porter  à  plus  de  300  (2)  le  nombre  de& 
villes  ou  villages  qui  en  avaient  sollicité  et  obtenu  l'octroi . 


CHAPITRE  IV. 

Propagation  des  Coutumes  de  Lorris  dans  les  domaines 
des  malsons  de  Gourtenay  et  de  Sancerre. 

La  maison  de  Courtenay  ne  contribua  pas  peu  à  la  diffu- 
sion des  Coutumes  de  Lorris.  D'ailleurs,  les  terres  que  Pierre 
de  France,  fils  de  Louis  le  Gros,  tenait  de  sa  femme  Elisa- 
beth, comprises  pour  la  plus  grande  partie ,  dans  le  Gâtinais , 
confinaient  au  domaine  royal  ;  ce  prince  ne  pouvait  rivaliser 
de  puissance  avec  son  frère  Louis  Vil  qu'à  la  condition  d'u- 
ser des  mêmes  procédés  de  gouvernement.  La  royauté  avait 
amélioré  la  situation  des  classes  agricoles  dans  la  région  cen- 
trale. Les  villes  royales ,  dotées  de  franchises ,  n'auraient  pas 
manqué  d'absorber  la  population  des  domaines  de  Pierre  de 
France  et  de  ses  descendants ,  sans  la  précaution  qu'ils  eurent 
de  retenir  leurs  hommes  dans  leur  dépendance  par  l'octroi  de 
franchises. 

Montargis  fut  la  première  ville,  à  notre  connaissance  du 
moins,  qui  reçut  de  Pierre  (3)  les  Coutumes  de  Lorris  en 

(1)  «  Les  lieux  qui  sont  sons  la  Coutume  de  Lorris  se  voyent  dans  le  Cous* 
tumier  de  la  ville  de  Sens,  ainsi  qu'il  sait.  Par  le  cardinal  de  Tournon,  abbé 
de  Ferrières ,  religieux ,  prieur  et  convent  d'icelle  abbaye  a  esté  remonstré 
par  Dumas  que  les  terres ,  justices  et  chastellenies  dudit  Ferrières,  Nargy 
(suivent  les  noms  des  villages  cités)  et  aussi  les  prieurés  dépendans  d'icelle... 
ont  de  tout  temps  esté  mis  et  régis  et  sont  de  présent  régis  et  gouvernes  souba 
l'ancienne  Constnme  de  Lorris  rédigée  et  accordée  en  la  ville  de  Montargis 
l'an  1531 . . .  »  D.  Morin,  p.  174-175.  —  Voyex  :  Procès-verbal  de  4a  coutume 
de  Sens  en  1555.  Coutume  de  Sent,  commentée  par  Juste  de  Laistre,  Paris  , 
1731,  in-4«,p.  487. 

(2)  Menaolt,  article  sur  Les  villes  neuve*.  Revue  moderne,  t.  XLVIII,  p.  478. 

(3)  La  Thaumassière  a  publié  dans  les  Coutume*  locales  deux  textes  de  oatte 


ET  LEUR  PROPAGATION  AUX  XII*  ET   XIII*   SIÈCLES.     285 

1170.  Pierre  y  apporta  toutefois  quelques  modifications.  D'a- 
bord, il  préserva  les  habitants  de  toute  oppression  possible 
du  prévôt  et  des  sergents  en  donnant  plus  d'importance  au 
serment  que  ces  officiers  prêtaient  à  leur  entrée  en  charge  de 
respecter  les  coutumes.  L'exercice  de  leur  autorité  était  su- 
bordonné à  cette  condition  (1).  En  ce  qui  touche  l'état  des 
personnes ,  on  peut  s'étonner  de  ne  pas  retrouver  dans  le 
texte  publié  par  La  Thaumassière  l'article  18  de  la  charte  de 
Lorris ,  si  important  pour  le  développement  de  la  ville.  Le 
service  d'host  n'est  pas  non  plus  mentionné.  Le  cens  pour 
une  maison  et  un  arpent  de  terre  est  porté  à  cinq  sous  (2).  La 
durée  du  crédit  seigneurial  est  fixée  à  un  mois  (3).  Les  habi- 
tants de  Montargis  avaient  l'usage  du  bois  mort  en  dehors  de 
la  forêt  (4).  Ils  pouvaient  transporter  leurs  marchandises 
dans  toute  l'étendue  du  domaine  de  leur  seigneur  sans  ac- 
quitter aucune  redevance  (5).  Interdiction  d'avoir  recours  au 
duel  judiciaire  pour  vider  une  querelle  entre  deux  individus  : 
on  devait  s'en  rapporter  à  la  déposition  de  deux  ou  trois  té- 
moins ,  renforcée  au  besoin  par  un  serment  (6).  Le  seigneur 

concession,  l'an  qui  semble  n'être  qu'un  abrégé  (p.  401,  ch.  V)  d'après  le  régis, 
tre  de  Philippe  le  Long;  l'autre  où  la  charte  de  Lorris  est  reproduite  en  son 
entier,  mutatis  mulandU  (p.  401-403,  ch.  VI)  d'après  l'original  de  la  confirma- 
tion donnée  à  Ch&teauneuf-sur-Loire ,  Tan  1320,  en  avril. 

(1)  «  Quotiescumque  Montis-Argi  tam  prœpositorum  quam  servientium  fiet 
commatatio,  toties  istas  consuetudines  tenendas  et  inviolabiliter  servandas 
alter  post  alterum  jurabit.  Si  hoc  aliquis  jurare  noluerit,  homines  pro  eo 
nichil  facient  donec  sacramentum  fecerit.  »  {La  Thaumassière,  p.  403,  cf. 
Lorris,  art.  35. 

(2)  «  Qusque  domus  ad  festum  S11  Johannis  Y  solidos  census  persolvet , 
quœ  Lorriaci  cum  uno  arpento  terrée,  sex  denarius  census  persolvit.  »  La 
Thaumassière,  p.  402. 

(3)  c  Homines  de  Monte-Àrgo  domino  suo  de  rébus  suis  pro  victu  creditio- 
nem  per  unum  mensem  facient.  Et  si  prepositus  Montis-Argi  debitum  domini 
non  persolverit,  dominus,  facta  conquestione  a  creditoribus  ,  illud  infra 
mensem  alium  persolvi  faciet.  »  La  Th.,  p.  402. 

(4)  a  HomineB  de  Monte-Argo  nemus  mortuum  ad  usum  suum  extra  forestam 
capiant.  »  La  Th.,  p.  403. 

(5)  «  In  tota  terra  domini  homines  de  Monte-Argo  nullam  debent  consuetu- 
dinem.  »  La  Th.,  p.  402. 

(6)  «  Et  si  aliquis  erga  aliquem  dicto  vel  facto  inimicitiam  incurrerit ,  non 
fiet  inde  duellum;  sed  duorum  vel  trium  tertium  ori  committetur,  subséquente 
tamen,  si  necesse  erit,  sacramento.  »LaTh.,  p.  402. 

Revue  Hist.  —  Tome  VIII.  19 


286  LES   COUTUMES  DE  LORRIS 

devait  justice  aux  étrangers  résidant  à  Montargis  (1).  Les 
articles  20,  26-28  de  Lorris  sont  naturellement  supprimés;  ils 
concernent  des  exemptions  de  péages  à  Orléans  et  dans  des 
villes  royales  du  Gâtinais ,  exemptions  que  Pierre  de  France 
n'avait  pas  pouvoir  d'accorder.  L'article  31,  qui  réglait  les 
rapports  des  bourgeois  de  Lorris  avec  l'abbaye  de  Saint-Be- 
noît, n'avait  pas  non  plus  ici  sa  raison  d'être.  Quant  aux  arti- 
cles 2  et  33,  une  clause  analogue  leur  est  substituée  (2).  Ces 
privilèges  s'étendaient  aux  hommes  du  Chénoy  et  d' Amilly  (3) . 
La  charte  dont  Pierre  gratifia  Bois-le-Roi  (4)  à  l'autre  extré- 
mité du  Gâtinais,  en  1171,  est  absolument  semblable  à  celle 
que  je  viens  d'analyser. 

Pierre  de  Courtenay,  fils  de  Pierre  de  France,  épousa 
Agnès ,  héritière  des  comtés  d'Auxerre  et  de  Nevers.  Il  ac- 
corda les  Coutumes  de  Lorris  aux  populations  groupées  sur 
son  domaine  de  Mailly  qu'il  avait  acheté  de  sa  belle-mère, 
la  comtesse  Mahaud  (5).  La  charte  pour  Mailly-le-Château 
n'est  pas  datée  (6).  Elle  est  rendue  au  nom  de  Pierre  et  de 
sa  femme  Yolande  de  Flandre.  Elle  n'est  donc  pas  antérieure 
à  1193,  date  à  laquelle  Pierre  convola  en  secondes  noces 

(1)  «  Alienos  autera  Montis-Argi  permanentes  dominus  eos  tenebit  ad  jus 
contra  snosaccusatores.  »  Ibid.,  p.  402. 

(2)  «  Nullus  hominum  de  parrochia  Montis-Argi ,  de  quacumque  re  emerit 
vel  vendiderit  nullam  consuetudinem  dabit.  »  Ibid.,  p.  401. 

(3)  «  E©  autem  consuetudines  sicut  concesss  sunt  hominibas  de  Monte- 
Argo  similiter  communes  sunt  hominibus  qui  habitant  in  Calceia  qu©  est  inter 
Burgum  et  domum  Leprosorum.  Homines  de  Casneio  qui  sunt  positi  in 
consuetudinibus  Montis-Argi  et  homines  qui  habitant  in  partem  quam  habe- 
mus  in  Atrio  Amiliaci  eodem  judicio  et  eodem  modo  tractabuntur  quo  et 
illi  qui  sunt  de  castello.  »  La  Th.,  p.  403. 

(4)  Bois-le-Roi,  Seine-et-Marne,  arr.  et  con  Fontainebleau.  —  La  charte 
de  Bois-le-Roi  est  publ.  par  La  Thaumassière ,  Coût,  loc,  p.  413-414. 

(5)  1207,  charte  de  Pierre,  comte  d'Auxerre  et  de  Tonnerre,  où  il  rappelle 
qu'il  a  acheté  Mailly  de  madame  Mahaud  (le  texte  porte  Maria),  comtesse 
de  Tonnerre,  et  qu'il  a  rendu  hommage  pour  cette  terre  successivement  à 
Marie,  comtesse  de  Champagne,  (régente  jusqu'à  la  majorité  de  son  fila  Thi- 
baud,  arrivée  le  29  juillet  1187,)  à  Thibaud,  et  à  Blanche  de  Navarre.  Chan- 
tereau-Lefebvre,  Traité  des  fiefs,  preuves,  p.  32. 

(6)  Charte  publ.  ap.  Ord.,  t.  V,  p.  713-717.  Je  ne  sais  quelles  sont  les 
raisons  qui  ont  déterminé  M.  Quantin  à  dater  cette  charte  de  l'année  1206r 
Rec.  de  pièces,  n°  56,  p.  26-27.  —  Mailly-le-Château,  Yonne,  arr.  Auxerre, 
con  Coulanges-sur-  Yonne. 


ET  LEUR  PROPAGATION   AUX  XIIe  ET   XIIIe  SIECLES.    287 

avec  Yolande  (1).  De  plus,  Pierre  y  prend  les  titres  de 
comte  (FAuxerre  et  de  Tonnerre,  seigneur  de  Mailly.  A  la 
suite  de  démêlés  avec  Hervé  de  Gien ,  il  avait  été  obligé  en 
1199  de  lui  donner  en  mariage  sa  fille  Mathilde  avec  le  comté 
de  Nevers  pour  dot  (2).  Dès  lors,  il  cessa  de  s'intituler 
comte  de  Nevers,  qualification  qu'il  prenait  toujours  jusque- 
là  dans  ses  actes  (3)  et  qui  passa  à  Hervé  (4).  A  partir  de 
1200,  la  suscription  de  ses  chartes  porte  cornes  Autissiodo- 
rensis  et  Tornodorensis  (5).  D'autre  part,  après  la  mort  de 
Philippe,  son  beau-frère,  arrivée  en  octobre  1212,  le  comte 
cTAuxerre  prit  la  qualification  de  marquis  de  Namur  (6).  Je 
crois  donc  qu'il  faut  placer  entre  1200  et  1212  l'acte  par 
lequel  Pierre  concéda  les  Coutumes  de  Lorris  aux  habitants 
de  Mailly-le-Château  et  ses  faubourgs.  C'est  à  peine  si  j'ai 
besoin  de  rappeler  qu'on  a  laissé  de  côté  les  articles  portant 
dispense  de  péages  dans  le  Gâtinais ,  articles  dont  j'ai  signalé 
la  suppression  dans  la  charte  de  Montargis.  La  franchise  s'ac- 
quérait par  résidence  d'an  et  jour  à  Mailly.  Les  serfs  des 
chevaliers,  dont  les  fiefs  relevaient  du  château  de  Mailly, 
ne  pouvaient  toutefois  se  prévaloir  de  cette  prescription  (7). 

(1)  Lebeof,  Mém  concernant  Vhist.  d'Auxerre,  éd.  Chatte  et  Quantin,  t.  III, 
p. 127. 

(2)  Voyez  Lebeuf,  Op.  cit.,  t.  III,  p.  132-133. 

(3)  1188,  charte  de  Ph.-Ang.,  «  Cognatus  noster  Petras  cornes  Niver- 
oensis.  »  (Lebeuf,  éd.  Challe,  preuves,  n<>  78,  t.  IV,  p.  57.)  —  1188,  29  juil- 
let :  «  Ego  Petrus  cornes  Niverneusis.  »  {Ibid.,  n°  79,  p.  58.)  —  1190, 
c  Petras...  Nivernensis  cornes.  »  {Ibid.,  n°  80,  p.  58;  no  81,  p.  58.)  —  1193, 
«  Ego  Petras  Nivernensis  cornes.  »  {Ibid.,  n°  85,  p.  60.) 

(4)  1205,  25  août.  «  Ego  Herveus  cornes  Nivernensis.  »  (Lebeuf,  Op.  cit., 
n<>  101,  p.  68).  Hervé  prend  le  même  titre  en  1207.  {Ibid.,  n«  102,  p.  69.) 

(5)  1200 ,  charte  de  Ph.-Aug.  :  «  Quod  cornes  Petras  Autissiodorensis  et 
Tornodorensis.»  (Lebeuf,  Op.  cit.,  n°  87,  t.  IV,  p.  61.)  —  1209,  «  Ego  Pe- 
tras cornes  Autissiodor,  »  (n°  104,  p.  69).  —  1209,  «  Ego  Petrus  cornes 
Aatissiodorensis  et  Tornodorensis.  »  {Ibid.,  n°  105,  p.  69.)  —  Juillet  1210, 
même  suscript.  {Ibid.,  n»  109,  p.  71);  sept.  1210,  idem,  (Ibid.,  no  110,  p.  71). 

(6)  Voyez  :  Lebeuf,  Op.  cit.,  t.  III,  p.  144.  —  Janv.  1213,(1214)  «  Ego 
Petrus  marchio  Namucencis  et  cornes  Autiss.  et  Tornod.  »  {Ibid.,  n°  120, 
t.  IV,  p.  76);  (n<>  121,  p.  76).  —  1214,  «  Ego  Petras  marescalas  Namu- 
eensis,  cornes  Autissiodor.  et  Tornod.  »  {Ibid.,  no  122,  p.  76.)  —  Il  est  vrai 
qu'en  novembre  1216 ,  on  trouve  :  «  Ego  Petrus  cornes  Autissiod.  et  Tor- 
nodor.  »  {Ibid.,  no  134,  p.  81). 

(7)  Art.  18  de  Lorris  «. .  .Quitus  permaneat  ;  hoc  tamen  observato  quod  si 


288  LBS  COUTUMES  DE  LORRIS 

Le  seigneur  pouvait  exiger  des  habitants  possesseurs  de 
chevaux  et  de  charrettes  qu'ils  transportassent  une  fois  par 
an  ses  vivres  à  Bétry  (1),  Voutenay  (2)  ou  Coulanges  (3)  ;  et 
aussi  son  bois  à  brûler  de  la  forêt  de  Frétoy  (4)  à  sa  maison 
de  Mailly  (5).  Le  cens  est  remplacé  par  un  festage  de  5  sous 
par  maison  payable  à  la  Saint-Remi  en  monnaie  auxerroise  ; 
les  clercs  et  les  chevaliers  en  étaient  dispensés  (6).  Les  habi- 
tants conservaient  le  droit  d'usage  qu'ils  avaient  d'ancienneté 
dans  le  bois  du  Frétoy  (7)  ;  les  amendes  pour  les  délits  fo- 
restiers étaient  abaissées  comme  les  autres,  de  60  sous  à 
5  sous,  et  de  5  sous  à  12  deniers.  Une  amende  de  5  sous 
frappait  ceux  qui  chassaient  dans  la  garenne;  mais,  à  moins 
de  flagrant  délit ,  on  se  disculpait  de  cette  accusation  par  un 
simple  serment  (8).  Le  comte  confirma  l'ancienne  coutume  en 
vertu  de  laquelle  la  vente  d'une  maison  n'emportait  le  paie- 
ment d'aucun  droit  par  le  vendeur  ou  l'acheteur  (9).  Nous 

aiiquis  militum  casatorum  Mailliaci  aliquem  hominem  apud  [Mattliacum]  pro 
servo  suo  calumpniaverit  et  hec  tercia  manus  militum  et  procioctu  parentale 
probare  poterit,  ille  servus  ultra  quindecim  dies  non  tenebitur  apud  Mail- 
liacum;  sed  in  salvo  conductu  extra  castellaniam  Mailliaci  conducetur.  a 
(Ord.,  t.  V,  p.  716.) 

(1)  Bétry,  lieu  détrait  au  xiv°  siècle,  près  Vermanton. 

(2)  Voutenay -sur -Cure,  Yonne,  arr.  A  vallon,  c°»  Vézelay. 

(3)  Coulanges-tur-Yonne,  Yonne,  arr.  Auxerre,  ch.-l.  c°». 

(4)  La  forêt  de  Frétoy  est  voisine  de  Coulanges. 

(5)  «  Nullus  hominum  Mailliaci  aliquam  curvatam  nec  michi  nec  alteri  faciat, 
nisi  tantum  illi  qui  quadrigas  babebunt,  qui  semel  in  anno,  si  submoniU 
fuerint,  quadrigas  suas  michi  usque  ad  Betriacum  vel  usque  ad  Voletenetum 
vel  usque  ad  Collengias,  pro  cibis  meis  quadrigandis  accomodabunt;  et 
semel  in  anno  michi  adducent  ligna  de  Frétoy  in  domum  meam  de  Mailliaco 
ad  comburendum  si  inde  submoniti  fuerint.  »  (Ord.,  t.  V,  p.  716.) 

(6)  a  Quilibet  hominum  Mailliaci,  singulis  annis  in  festo  Sancti  Remigii , 
quinque  solidos  monet©  Antissiodorensis  pro  festagio  domus  suas  michi 
dabit  ;  salva  tamen  libertate  clericorum  et  militum  qui  nullum  debent  festa- 
gium.  »  (Ord.,  t.  V,  p.  715.) 

(7)  «  Homines  de  Mailliaco  illam  usagium  habebant  in  bosco  de  Frétoy, 
quem  in  eo  semper  habuerunt,  hoc  etiam  observato  quod  forifacta  mea  de 
bosco  sicut  et  alia  de  sexaginta  solidis  ad  quinque  solidos  et  de  quinque 
solidls  ad  duodecim  denarios  veniant  »  (Ord.,  t.  V,  p.  717). 

(8)  «  Si  cul  impositum  fuerit  quod  in  garena  mea  in  planum  ▼enatus 
fuerit,  solo  juramento  se  deculpabit;  alioquin ,  quinque  solidos  emendabit.  » 
(Ord.,  t.  V,  p.  717.) 

(9)  <c  Quilibet  hominum  Mailliaci  domum  suam,  quando  voluerit,  ad  libi- 


ET  LEUR  PROPAGATION   AUX  XII0   ET   XIIIe   SIECLES.    289 

constatons  l'introduction  de  deux  articles  de  droit  privé. 
L'un  n'accorde  aux  lignagers  que  le  délai  d'an  et  jour  pour 
faire  valoir  leurs  droits  sur  un  immeuble  vendu ,  à  moins 
d'absence  du  lignager  pendant  l'année,  auquel  cas  il  peut 
après  ce  délai  revendiquer  l'immeuble  vendu  en  remboursant 
à  l'acquéreur  le  prix  d'achat  (1).  L'autre  article  règle  les 
successions.  Les  biens  du  défunt  passent  à  son  hoir  le  plus 
proche;  si  un  bourgeois  meurt  sans  laisser  d'héritiers  connus, 
ses  co-bourgeois  détiennent  sa  succession  pendant  an  et 
jour;  de  façon  à  pouvoir  la  remettre  à  celui  qui  prouverait 
son  droit  par  témoins  légitimes;  si  personne  ne  se  présente, 
les  biens,  à  l'expiration  du  délai  prescrit,  reviennent  au 
seigneur  de  Mailly-le-Château  (2). 

La  charte  pour  Mailly -la- Ville  est  semblable  à  la  précé- 
dente (3).  Elle  n'est  pas  davantage  datée.  Gui,  comte  de  Fo- 
rez, qui  avait  épousé  en  1225  (4)  Mahaud,  fille  de  Pierre  de 
Courtenay,  héritière  du  comté  de  Nevers,  la  confirma  en 
1229. 

Robert  de  Courtenay  (5),  second  fils  de  Pierre  de  France , 
dota,  en  1216,  le  village  de  la  Selles  (6)  en  Berry,  des  Cou- 
tumes de  Lorris.  La  redevance  annuelle  due  pour  une  maison 

tom  snum  juxta  antiquam  domorum  libertatem  vendere  poterit,  nec  pro  ea 
sire  emptor  sive  venditor  aliquam  consuetudinem  dabit.  »  (Ord.,  t.  V,  p.  716.) 

(1)  c  Quicumque  in  parrochia  Mailliaci  domum  suam  aut  praturn  aut  vineam 
aut  igrum  aut  quamcumque  aliam  possessionem,  anno  et  die  pacifiée  tenuerit, 
Dulli  saper  hoc  de  cetero  respondebit ,  niai  aliquis  qui  se  jus  sciât  in  hoc 
habere  et  qui  per  illum  annum  extra  patriam  moram  fecerit  voluerit  recla- 
mare.  »  (Ord.,  t.  V,  p.  716.) 

(2)  «  De  excasuris  ita  erit  quod  semper  ad  propinquiorem  heredem  deve- 
niet  Si  vero  mortuus  nullum  heredem  habuerit,  burgenses  Mailliaci  tenebunt 
per  aoDum  et  diem  in  manu  sua  excasuram;  et  si  infra  illum  termiuum 
aliquis  venerit  qui  se  sciât  jus  habere  in  excasura,  quiquid  per  legitimorum 
tettimn  probationem  acquirere  poterit,  habebit;  alioquiu,  post  annum  et 
et  diem,  ad  dominum  Mailliaci  deveniet  excasura.  »  (Ord.,  t.  V,  p.  717.) 

(3)  MaiUy-la-Ville,  Yonne,  arr.  Auxerre,  c°n  Vermenton.  —  Charte  publ.  par 
La  Th.,  Coût,  loc,  p.  708-710,  avec  la  confirmation  par  Gui  de  Forez  en 
1229,  contenue  dans  un  vidimus  royal  de  1382. 

(4)  Voy.,  Art  de  vérif.  les  dates,  3*  éd.,  t.  II,  p.  469-470. 
(5)Voy.  P.  Anselme,  t.  I,  p.  481-482. 

(6)  La  Selles-sur-Cher,  Loir-et-Cher,  arr. Romorantin,  ch.-l.  con.  —  Voyez» 
sur  CeUes-en-Berry,  La  Thaum.,  Hist.  du  Berry,  p.  730.  —  Charte  publ. 
par  La  Th.,  Coût,  loc,  p.  83-84. 


290  LES  COUTUMES  DE  LORRIS 

était  d'un  setier  d'avoine ,  douze  deniers  de  monnaie  courante 
et  deux  gélines  (1).  Le  même  seigneur  fit  la  même  concession 
en  1219  aux  habitants  de  Mehun-sur-Yèvre  (2),  village  qu'il 
tenait  de  sa  femme  Mahaud.  En  1481,  certains  des  privilèges 
conférés  par  la  charte  de  Lorris  étaient  encore  maintenus  en 
faveur  des  bourgeois  de  Mehun.  Le  séjour  dans  le  village  ou 
la  «  voirie  »  conférait  la  franchise  (3).  La  réduction  des 
amendes  subsistait  (4).  Les  franchises  de  Mehun  furent  éten- 
dues à  Saint-Laurent-sur-Barenjon  (5).  A  Mehun,  comme  à 
Saint-Laurent  les  possesseurs  d'une  maison  et  d'un  arpent  de 
terre  devaient  annuellement  un  setier  d'avoine  et  douze  de- 
niers ;  ceux  qui  n'avaient  pas  de  maison  n'étaient  tenus  qu'au 
paiement  d'une  mine  et  de  six  deniers  (6). 

Gui  de  Forez  et  Mahaud  sa  femme ,  qui  avaient  confirmé 
aux  habitants  de  Mailly  leurs  privilèges  octroyèrent  en  1235 

(1)  «  Quicuraque  in  parrochia  Cellensi  domum  habebit  pro  domo  sua  dabit 
unum  sextarium  avenae,  duodecim  denarios  usualis  monets  et  duos  gallinas.  » 
La  Th.,  Coût,  loc,  p.  83. 

(2)  Mehun-sur-Yèvre ,  Cher,  arr.  Bourges,  ch.-l.  c°».  —  La  Th.  n'a  publié 
qu'une  traduct.  de  la  charte  de  Mehun,  Coût,  loc.,  p.  425-426,  qu'il  a  par 
erreur  datée  de  1209;  date  qui  n'a  pas  laissé  que  de  le  jeter  dans  rembarras 
(Hist.  du  Berry,  p.  378),  la  charte  étant  rendue  au  nom  de  Robert  et  de 
Mahaud,  dame  de  Mehun  :  or,  en  1211,  Mahaud  offrait  encore  seule  l'hom- 
mage pour  sa  terre  de  Mehun  à  l'archevêque  de  Bourges.  Il  faut  restituer  la 
date  de  1219  donnée  par  la  Coutume  de  Mehun  de  1481. 

(3)  Coutumes  de  Mehung-sur-Yèvre  mises  par  écrit  en  1481,  publ.  par  La 
Th.,  Coût,  toc,  p.  375  et  suiv.  :  «  Et  premièrement  du  droict  des  personnes, 
qui  est  tel  que,  en  icelle  ville  et  veherye  de  Mehung-sur-Evre,  n'a  nuls  gens 
serfs  ne  de  serve  condition  :  ains  que  tout  homme  qui  vient  demourer  en  la 
dicte  ville  et  veherye  de  quelque  lieu  que  ce  soit  est  franc...  par  la  cous- 
tume  sur  ce  notoirement  tenue  et  gardée  en  la  dicte  ville  et  veherye  de 
tout  temps  et  d'ancienneté  comme  il  nous  est  aparu  par  letres  et  privilèges 
faictes  et  données  par  Messire  Robert  de  Corthenay  et  Mahault  sa  femme 
seigneurs  de  Mehung ,  et  dactées  de  l'an  deux  cens  dix-neuf  le  premier  jour 
de  juillet  et  seelées  du  seel  des  dicta  seigneur  et  dame  en  cire  rouge  et  laz 
de  soye.  »  Rubrique  1,  art.  I,  Coût,  loc,  p.  376. 

(4)  Pour  les  bourgeois,  l'amende  de  60  s.  est  réduite  |à  5  s.  (Rubri- 
que I,  art.  III,  La  Th.,  p.  376;  rub.  I,  art.  IX,  p.  377).  Celle  de  5  s.  est 
réduite  à  12  deniers  (R.  I,  art.  IV,  p.  376;  art.  IX,  p.  377). 

(5)  Saint-Laurent-sur-Barcnjon,  Cher,  arr.  Bourges,  con  Mehun-sur-Yèvre. 
Charte  de  1234  (La  Th.,  p.  426-428)  concédant  aux  hommes  de  Saint-Laurent 
c  consuetadines  Magdunenses  secundum  consuetudines  Lorriaci,  exceptis  illis 
fœminis  qus  marital©  sunt  hominibus  aliis  ab  hominibus  nostris.  » 

(6)  La  Thaum.,  Coût,  loc,  p.  426. 


ET  LEUR  PROPAGATION   AUX  XIIe   ET  XIIIe   SIECLES.    291 

les  Coutumes  de  Lorris  à  leurs  bourgeois  de  Vertnenton  (1). 
C'est  la  charte  de  Lorris  moins  les  articles  spéciaux  (2).  De 
plus  le  cens  y  est  dit  festage  (3).  Le  marché  qui  se  tenait  le 
jeudi  à  Bétry  est  transféré  à  Vermenton  (4).  Un  article  règle 
les  successions  (5).  La  protection  des  classes  agricoles  semble 
avoir  préoccupé  tout  particulièrement  le  comte  Gui.  C'est  lui 
qui  défendit  à  ses  barons  de  détruire  les  habitations  des  la- 
boureurs et  de  saisir  leurs  bestiaux  ou  leurs  instruments  de 
culture  dans  l'étendue  du  Nivernais,  de  l'Auxerrois  et  du  Ton- 
nerrois  ;  tout  manquement  à  ces  prescriptions  entraînait  pour 
le  seigneur  coupable  la  confiscation  de  ses  fiefs  et  le  bannis- 
sement (6). 

Jean  de  Courtenay,  seigneur  de  Champignelles,  qui  épousa 
Jeanne,  dame  de  Saint-Briçon ,  fille  d'Etienne  II  de  San- 
cerre  (7),  confirma  en  avril  1303  à  ses  bourgeois  de  la  châtel- 
lenie  de  la  Ferté-Loupière  (8)  les  Coutumes  de  Lorris  que  leur 
avait  successivement  concédées  dès  la  fin  du  xne  siècle  les 
comtes  de  Sancerre,  Etienne  I,  Guillaume  et  Louis  I. 

Nous  avons  vu  que  Robert  de  Courtenay  avait  donné  les 
Coutumes  de  Lorris  à  deux  villages  du  Berry.  Mais,  bien 
auparavant ,  les  comtes  de  Sancerre  avaient  fait  pénétrer  ces 
Coutumes  dans  la  région  d'entre  Loire  et  Cher.  Ces  deux 
grandes  maisons,  de  Courtenay  et  de  Sancerre,  si  étroitement 
unies  par  des  liens  nombreux  de  parenté  et  par  le  voisinage 

(1)  Vermenton,  Yonne,  arr.  Auxerre,  ch.-l.  con.  —  Charte  ap.  Ord.,  t.  IX, 
p.  576-579.  En  1214-15,  Pierre  de  Courtenay  et  Yolande  promettent  à  leurs 
hommes  de  Vermenton  et  de  Bétry  de  les  maintenir  dans  leurs  droits  et  coû- 
tâmes; en  1231-32,  Gui  et  Forez  et  Mahaud  renouvellent  cette  promesse. 
Quantin,  Reckerchet  sur  l'hist.  de  Vermanton,  Auxerre,  1876,  in-8°,  p.  9-10. 

(2)  C'est-à-dire  les  art.  15,  20-23,  26-29  delà  charte  de  Lorris. 

(3)  Art.  1;  Ord.,  t.  IX,  p.  577. 

(4)  Art.  6;  JMd. 

(5)  Art.  5;  Ibid. 

(6)  Ordonnance  rendue  par  Gui,  d'accord  avec  ses  barons,  en  avril  1235, 
publ.  par  Quantin,  Rec.  de  pièces,  n°  737,  p.  387-388. 

(7)  Voyez  P.  Anselme,  t.  I,  p.  486.  Le  P.  Anselme  donne  ce  Jean  de  Cour- 
tenay comme  fils  de  Robert  I  de  Courtenay.  Mais  dans  la  charte  pour  La 
Ferté,  Jean  nomme  «  Guillaume  de  Courtenay  et  Agnès,  sa  femme  »  ses  feu 
père  et  mère. 

(8)  La  Ferté-Loupière,  Yonne,  arr.  Joigny,  con  Charny.  —  Charte  ap.  La 
Th.,  Coût,  loc,  p.  435437.  La  charte  est  du  21  avril  1303  (n.  st.). 


292  LES  COUTUMES  DE  LORRIS 

de  leurs  domaines ,  employèrent  leurs  efforts  communs  à  ré- 
pandre sur  leurs  terres  les  franchises  de  Lorris.  Sancerre  en 
obtint  l'octroi  d'Etienne  I  (1).  La  Thaumassière  a  publié  la 
confirmation  qu'en  donna  Louis  II  en  1327  (2).  Mais  ce  texte 
est  très  défectueux  et  présente  des  lacunes  (3).  Le  comte  se 
réservait  son  tonlieu ,  son  droit  de  ban-vin,  son  péage,  ses 
moulins ,  ses  fours  (4).  Chaque  feu  était  tenu  au  paiement 
annuel  de  cinq  sous  (5).  Des  privilèges  spéciaux  étaient  attri- 
bués aux  familles  dont  les  membres  remplissaient  héréditai- 
rement l'office  de  sergent  (6).  En  1190,  la  charte  de  Lorris 
fut  donnée  à  Barlieu  (7)  par  le  même  seigneur.  Le  cens  y  est 
de  12  deniers  (8).  C'est  du  même  Etienne  que  Ménétréol-sous- 
Sancerre  (9)  tenait  les  Coutumes  de  Lorris  :  la  charte  est  pres- 
que semblable  à  celle  de  Barlieu;  toutefois  le  taux  du  cens 
est  de  cinq  sous.  L'Êtang-le-Comte  reçut  les  mêmes  Coutumes 
en  1199  de  Guillaume,  fils  d'Etienne  (10)  :  le  taux  du  cens  fut 
maintenu  à  6  deniers.    En  1210,  le  frère  de  Guillaume, 

(1)  Probablement  en  1190  avant  le  départ  d'Etienne  pour  la  Terre  sainte 
où  il  mourut  au  siège  d'Acre. 

(2)  1327  (1328,  n.  st.)  7  février.  —  La  Th.,  p.  421-422. 

(3)  On  m'a  assuré  qu'il  n'en  existait  pas  d'autre  aux  Archives  de  Bourges. 

(4)  a  Notum  facio....  quod  cas  tell  u  m  meum  de  Sancero  intra  muros  et 
extra  ad  consuetudines  Lorriaci  amodo  ait  et  in  perpetuum ,  exceptis  reddi- 
tions meis,  ttieloneo  meo,  banno  meo  in  vino,  pedagio  meo,  molendinis  meis, 
forais  meis.  De  cœtero  consuetudines  autem  Lorriaci  Sancero  constituo  ob- 
servari.  »  La  Th.,  Coût,  loc,  p.  421. 

(5)  «  Quicumque  in  terra  mea  de  qua  agitur  domum  habuerit  in  qua  focuB 
fiât  pro  domo  iUa  quinque  solidos  persolvat  annuatim  ;  domus  autem  in  qua 
focus  non  fuerit,  censam  istam  non  debebit,  necarea  vacans;  et  si  in  eadem 
domo  plures  manserint  familiœ,  singuli  foci  quinque  solidos  debebunt;  si 
antem  una  familia  in  mansione  sua  plures  habuerit,  non  idcirco  plusquam 
quinque  solidos  persolvat.  »  La  Th.,  p.  421. 

(6)  «  NuIIub  eorum  qui  quondam  servientes  erant  de  proprietate  sua  quam 
vendet,  aliquam  dabit  consuetudinem ,  vel  imbreviaturas.  Hœc  sunt  gênera 
eorum  qui  servientes  esse  soient. . .  »  Ibid. 

(7)  Barlieu,  Cher,  arr.  Sancerre,  c°»  Vailly.  —  Charte,  La  Th.,  p.  415-416. 

(8)  «  Quicumque  Barloci  infra  ambitum  mûri  domum  habebit,  pro  domo  et 
pro  quolibet  arpento  terrs,  si  in  eadem  parrochia  habuerit,  duodecim  dena- 
rioB  census  persolvat  tantum;  et  si  illud  acquisierit  ad  censum  domus  su© 
illud  teneat.  »  La  Th.,  p.  415. 

(9)  Ménétréol-sous-Sancerre ,  Cher,  arr.  et  con  Sancerre.  —  Charte  confir- 
mée en  1241,  LaThaum.,  Coût,  loc,  p.  419-420. 

(10}  Charte  publ.  ap.  La  Th.,  Coût,  loc,  p.  416-418. 


ET  LEUR  PROPAGATION   AUX   XII1  ET  XIIIe   SIECLES.    293 

Etienne,  seigneur  de  Châtillon,  assura  aux  habitants  de  Saint- 
Brisson  (1)  la  jouissance  des  Coutumes  de  Lorris  dont  son 
père  Etienne  I  les  avait  dotés.  Les  bourgeois  devaient  an- 
nuellement un  cens  de  deux  sous  de  monnaie  de  Sancerre  et 
une  mine  d'avoine  payables  à  la  Saint-Remi  (2).  Ceux-ci, 
ayant  renoncé  au  droit  de  pâture  et  à  l'usage  du  bois  mort 
dans  les  bois  seigneuriaux ,  leur  seigneur  en  retour  réduisit  à 
trois  semaines  la  durée  de  son  ban-vin  jusque-là  illimitée  (3). 
11  les  dispensa  de  tout  péage  (4)  jusqu'à  Châtillon-sur- 
Loire  (5),  Concressault  (6)  et  Pierrefitte  (7),  ainsi  que  de  ton- 
lieu  dans  l'étendue  de  ses  terres  (8). 

Vers  1212,  Archambaud  de  Sully  fît  rédiger  pour  ses  hom- 
mes de  la  châtellenie  de  La  Chapelle  Dam  Gilon  (9)  une  charte 
de  libertés  où  il  inséra  le  tarif  des  amendes  de  Lorris  (10).  On 
peut  encore  considérer  comme  emprunté  à  la  même  charte 
l'article  portant  suppression  de  la  prison  préventive,  dans  le 
cas  où  le  prévenu  fournit  caution  (11).  Philippe- Auguste , 


(1)  SaUU-Brisson,  Loiret,  ar.  et  c"  Gien.  —  Charte ,  La  Th.,  p.  423-424. 

(2)  «  la  censibus  domorum,  de  quibus  prœdicti  burgenses  debent  duos  so- 
tidos  Sacri  Cœsaris  monetœ,   ad  festum  Sancti  Remigii  persoivendos  et 

nnam  minam  avene.  »  La  Th.,  p.  423. 

(3)  «  Et  quoniam  burgenses  de  Sancto-Bricio  nobis  et  heredibus  nostris, 
dominis  Sancti  Bricii,  quittaverunt  pasturas  et  usuarium  suum  quod  habebant 
ad  mortuum  nemus  in  nemoribus  nostris,  volumus  ut  bannus  noster  qui  erat 
in  villa  nostra  Sancti-Bricii  ad  volontatem  nostram  de  vino  nostro  proprio  de 
cellario  nostro  vendendo ,  duret  solummodo  per  très  septimanas  et  incipiat 
oltima  die  Maii.  »  La  Th.,  Ibid. 

(4)  «  Nullus  eoram  ad  Castellionem  nec  ad  Concorsault,  nec  ad  Petram 
fictam  pedagium  reddat.  »  Ibid. 

(5)  Châtillon-sur-Loire,  Loiret,  arr.  et  con  Gien. 

(6)  Concrenault ,  Cher,  arr.  Sancerre,  con  Vailly. 

(ï)  Pierre/itU-èt-Bois ,  Loiret ,  arr.  Gien,  c«»  Châtillon. 

(8)  «  Nullus  eorum  in  terra  nostra  jtahit  tonleium.  »  La  Th.,  p.  424. 

(9)  La  Chapelle-d'Angillon,  Cher,  arr.  Sancerre,  ch.-l.  c°».  —  Cette  ville  tire 
son  nom  de  Gilon  de  Sully,  père  d'Archambaud  III.  —  L'orthographe  ac- 
tuelle était  déjà  adoptée  au  temps  d'Expilly  (t.  II,  p.  218). 

(10)  «  Yolo  quod  forisfactum  sexaginta  Bolidorum  ad  V  solidos  parisienses, 
et  de  quinque  solidis  par.  ad  duodecim  denarios  par.  redigantur,  nisi  fori- 
factum  fuerit  de  furto  vel  raptu  vel  homicidio ,  quœ  in  mea  remanebunt  vo- 
lontate...  Pro  clamoré  facto  ad  prspositum,  praepositus  habebit  quatuor  tan- 
tum  denarios  parisienses.  »  La  Th.,  Coût,  /oc,  p.  78. 

(11)  «  Neminem  autem  capiam  seu  capi  faciam  neque  res  ipsius  nec  incar- 


296  LES  COUTUMES  DE  LORRIS 


CHAPITRE  V. 
Propagation  des  Coutumes  de  Lorris  en  Champagne. 

Louis  YII  et  Philippe-Auguste  avaient  accordé  la  charte  de 
Lorris  à  plusieurs  villages  voisins  de  la  Champagne  ;  de  là , 
chez  les  hommes  du  comte  de  Champagne  une  tendance  à  se 
porter  vers  les  franchises  royales.  J'ai  rappelé  plus  haut  les 
traités  intervenus  au  commencement  du  xm*  siècle  entre  le 
roi  et  la  comtesse  Blanche,  à  l'effet  d'arrêter  cette  émigration. 
Dès  la  fin  du  xn°  siècle  cependant  les  comtes  avaient  pris  des 
mesures  plus  efficaces  en  accordant  à  leurs  sujets  un  grand 
nombre  de  chartes  de  coutumes.  Parmi  ces  chartes,  quelques- 
unes  ont  été  copiées  sur  la  charte  de  Lorris ,  d'autres  ont  été 
rédigées  sous  son  influence  (1). 

Les  habitants  de  Chaumont  (2)  en  Bassigny  reçurent  d'Henri 
II,  en  1190,  les  Coutumes  de  Lorris,  comme  le  porte  le 
préambule  de  leur  charte.  Naturellement,  les  articles  qui  con- 
tiennent des  exemptions  de  péages  dans  le  Gâtinais,  sont 
supprimés  ;  aucune  disposition  analogue  pour  la  Champagne 
ne  les  remplace.  La  résidence  d'an  et  jour  donne  droit  à  la 
participation  aux  privilèges  de  la  paroisse  de  Chaumont.  Mais 
le  comte  s'engage  à  ne  pas  y  retenir  les  hommes  d'un  certain 
seigneur,  Girard  de  Eschit.  Cette  charte  diffère  en  quelques 
points  de  celle  de  Lorris.  Il  n'y  est  question  ni  de  l'host  ni  du 
guet  (excubiœ).  Le  comte  se  réserve  le  droit  de  faire  amener 
son  vin  de  Bar  à  Chaumont,  ou  de  tout  autre  endroit  dans  un 
rayon  de  huit  lieues.  Il  fixe  à  un  mois  la  durée  de  son  ban- 
vin.  Chaque  laboureur  ne  paie  aux  sergents  lors  de  la  mois- 
Ci)  Voyez  l'étude  qu'a  faite  de  ces  chartes  M.  d'Artois  de  Jubainville,  Hist. 
des  comtes  de  Champagne,  t.  IV,  p.  707. 

(2)  Chaumont,  chef-lieu  du  département  de  la  Haute-Marne.  —  LaThau- 
massière  a  publié  la  charte,  Coût,  foc,  p.  428.  Ces  privilèges  furent  confir- 
més en  1198  par  Thibaud  III,  par  Thibaud  IV  en  1228,  par  Thibaud  V  en 
1259,  et  Philippe  de  Valois  en  janvier  1338. 


ET  LEUR  PROPAGATION  AUX   XIIe  ET  XIIIe   SIECLES.    297 

son  que  deux  bichets  de  froment  ;  à  Lorris ,  c'était  une  mine 
de  seigle.  Les  habitants  de  Chaumont  ne  sont  justiciables  que 
du  prévôt  de  cette  ville.  Les  amendes  infligées  aux  proprié- 
taires d'animaux  qui  ont  pénétré  dans  les  bois  seigneuriaux 
sont  en  proportion  des  dégâts  que  ces  animaux  ont  pu  causer  : 
ainsi,  pour  le  bœuf,  la  vache  et  son  veau,  le  cheval,  la  ju- 
ment et  son  poulain,  on  paye  12  deniers;  mais  on  ne  doit 
que  4  deniers  pour  le  porc  et  l'âne  ;  1  denier  seulement  pour 
la  brebis  et  la  chèvre. 

En  1199,  Thibaud  III  concéda  à  ses  hommes  de  la  châtelle- 
nie  à!  Ervy  (1)  et  aux  aubains  qui  s'y  établiraient  la  liberté  de 
Lorris  «  liber  tatem  Lorrwci.  »  La  charte  d'Ervy  est  toutefois 
notablement  plus  courte  que  celle  de  Lorris;  les  privilèges 
octroyés  sont  moins  nombreux.  D'abord,  aucune  restriction 
n'est  apportée  au  service  d'host  et  de  chevauchée  (2).  Une 
seule  corvée  est  réservée  :  les  hommes  d'Ervy  amèneront  le 
vin  seigneurial  de  Danemoine  (3)  à  Ervy.  Le  cens  est  de  six 
deniers  pour  une  maison  et  un  arpent  de  terre;  mais  les  an- 
ciennes redevances  dues  pour  les  maisons  et  les  terres  sub- 
sistent (4).  La  taille  n'est  pas  abolie.  Aucune  disposition  n'est 
prise,  propre  à  favoriser  le  commerce;  cependant  l'article  2 
de  Lorris  est  transcrit.  Hais  les  articles  8-10  sont  supprimés 
ainsi  quç  les  articles  20,  21,  23-29.  Dans  le  cas  où  un  homme 
de  la  franchise  meurt  intestat  et  sans  hoir,  le  comte  hérite  de 
ses  biens  (5). 

Nous  devons  passer  à  l'examen  d'une  série  de  chartes 
champenoises ,  dont  plusieurs  antérieures  aux  précédentes,  et 
que  M.  d'Ârbois  de  Jubainville  a  regardées  comme  des  abré- 

(1)  Ervy,  Aube,  arr.  Troyee,  ch.-l.  c0*.—  Charte,  ap.  Ord.,  t.  VI,  p.  199- 
200. 

(2)  Art.  3  d'Ervy,  Ord.,  t.  VI,  p.  201.  «  In  expedicionem  et  exercitum  ibunt, 
quociens  ex  parte  mea  fuerint  reqnisiti.  » 

(3)  La  Thanmasaière  a  la  Denmoine;  et  les  Ord.,  Denenrame. 

(4)  Art.  1,  p.  200.  «  Qaicumque  homo  reus  in  Castellania  Erviaci  sive  al- 

banus  infra  terminos  parrochie  Erviaci  manserit,  pro  domo  sua  et  pro  uno 

'arpenno  terre,  sex  denarios  census  persolvet;  salvo  michi  et  aliis  dominis 

censu  nostro  aliisque  consuetadinibas  que  de  domibus  sive  terris  ab  antiquo 

debentur.  » 

(5)  Art.  21,  p.  202.  «  Si  aliquis  eonun  intestatus  obierit,  herede  suo  non 
apparente,  res  ejns  mee  eront.  » 


298  LES  COUTUMES  DE  LORRIS 

gés  des  Coutumes  de  Lorris  (1).  Jusqu'à  quel  point  cette  opi- 
nion est-elle  vraie  ? 

La  plus  ancienne  est  la  charte  concédée  en  1165  à  Chaour- 
ce  (2)  et  à  Metz-Robert.  La  taille  est  supprimée.  Les  habitants 
sont  exempts  de  péage  et  de  tonlieu  sur  les  terres  du  comte. 
Ils  ne  doivent  l'host  qu'au  cas  où  le  comte  ou  quelqu'un  des 
officiers  de  sa  maison  est  présent  à  l'armée ,  et  où  ils  peuvent 
revenir  le  jour  même  chez  eux.  Il  leur  est  loisible  de  quitter 
le  pays ,  après  avoir  vendu  leurs  maisons ,  leurs  meubles  et 
leurs  vêtements  (permis).  Le  tarif  des  amendes  est  exactement 
le  même  qu'à  Lorris.  Mais,  chaque  habitant  doit  rendre  an- 
nuellement à  la  Saint-Remi  au  comte  et  à  l'abbé  de  Montié- 
ramey  12  deniers  et  une  mine  d'avoine.  Les  privilèges  de 
Maraye-en-Othe  (3)  (1173)  étendus  en  1198  à  Saint-Mards  (4), 
le  Chemin  et  Vauchassis  (5)  sont  semblables.  Toutefois,  les 
hommes  qui  ne  possèdent  pas  d'animaux  propres  au  labou- 
rage ne  payent  que  12  deniers.  On  voit  qu'il  n'y  a  dans  ces 
chartes  qu'un  souvenir  assez  vague  des  Coutumes  de  Lorris  ; 
l'influence  n'est  évidente  qu'en  ce  qui  concerne  les  amendes. 
Remarquons  que  les  habitants  de  Maraye-en-Othe  étaient  forts 
voisins  de  Villeneuve -l'Archevêque  dotée  en  1172  de  la 
charte  de  Lorris. 

Les  privilèges  de  ViUeneuve-au-Châtelot  (6),  donnés  par 
Henri  I  en  1175,  s'éloignent  bien  plus  encore  de  ceux  de 
Lorris.  Comme  à  Maraye ,  les  habitants  doivent  annuellement 
chacun  12  deniers  et  une  mine  d'avoine;  ce  qui  ne  les  em- 
pêche pas  de  rendre  encore  4  deniers  de  cens  par  arpent  de 
terre.  Nous  retrouvons  le  tarif  d'amendes  de  Lorris.  Toute- 
ois,  l'amende  de  60  sous  subsiste  pour  blessure  faite  sans 
arme  le  jour  du  marché.  Dans  le  cas  de  provocation  au  duel 

(i)  D'Arbois,  op.  cit.,  t.  IV,  p.  709-710. 

(2)  Chaowce ,  Aube ,  arr.  Bar-sur-Seine,  ch.-l.  con.  —  Charte  publ.  par 
d'Arbois,  Voyage  paléograph.  dans  le  département  de  VAube,  p.  69-71. 

(3)  Maraye-en-Othe,  Aube,  arr..Troyes,  c0B  Aix-en-Othe.  —  Charte  publ.  ap. 
d'Arbois,  Hist.  des  comt.,  t.  III,  p.  462-463. 

(4) Saint-Mards ,  Aube,  arr.  Troyes,  con  Aix-en-Othe. 

(5)  Vauchassis,  même  arr.,  con  Estissac.  —  Charte  de  1198,  ind.  ap.  d'Ar- 
bois, Catalogue,  n°466. 

(6)  Villeneuve-au-Châtelot,  Aube,  arr.  Nogent-sur-Seine,  c°*  Villeneuve.  — 
Charte  publ.  ap.  Ord.,  t.  VI,  p.  319-320. 


ET  LEUR  PROPAGATION  AUX  XII0   ET  XIIIe   SIECLES.    299 

judiciaire,  les  parties  peuvent  s'accorder  après  la  remise  des 
gages  en  payant  chacune  2  sous  et  6  deniers  au  prévôt,  et,  si 
les  otages  ont  été  constitués ,  7  sous  et  6  deniers  ;  mais ,  le 
prévôt  est  libre  de  permettre  ou  non  l'accord.  Le  vaincu  d'un 
duel  doit  100  sous.  Ainsi,  voilà  plusieurs  articles  qui  ont  pu 
être  inspirés  par  la  charte  de  Lorris;  mais  ils  ont  subi  des 
modifications  très  importantes.  Enfin,  et  cela  établit  entre  les 
deux  chartes  une  différence  capitale ,  les  habitants  de  la  ville 
neuve  élisent  six  échevins  qui  administrent  le  bourg  de  con- 
cert avec  le  prévôt  et  assistent  à  ses  plaids. 

En  1198,  Thibaud  III  détermina  les  charges  et  les  droits 
des  hommes  de  Jonchery,  La  Harmand,  Treix  et  Bonmar- 
chais  (1),  domaines  de  l'abbaye  Saint-Remi  de  Reims.  La 
charte  de  Lorris  n'a  fait  sentir  ici  son  influence  qu'en  un  seul 
point  :  la  Coutume  de  Chaumont  doit  régler  les  amendes  des 
forfaits  et  des  duels  :  depuis  1190,  Chaumont  se  régissait 
d'après  les  Coutumes  de  Lorris. 

La  comtesse  Blanche  s'associa  en  1200  à  l'abbé  de  Montié- 
ramey  pour  fonder  une  ville  neuve  à  Pargues  (2).  La  charte 
de  pariage  fixe  les  coutumes.  Une  seule  disposition  a  pu  être 
empruntée  aux  Coutumes  de  Lorris  :  le  droit  de  bourgeoisie 
s'acquiert  par  résidence  d'an  et  jour,  à  moins  de  juste  récla- 
mation d'un  seigneur  pendant  ce  laps  de  temps;  encore,  la 
rédaction  de  cette  clause  est-elle  très  différente  dans  les  deux 
chartes  (3). 

Quant  aux  chartes  de  la  Montagne  au  delà  de  l'Aisne  (4) 


(1)  Jonchery,  Hante-Marne,  an*,  et  c°n  Chaumont  en  Bassigny.  —  Treix, 
arr.  et  c°*  Chaumont.  —  Charte  publ.  ap.  Ord.,  t.  VIII,  p.  408. 

(2)  Pargues,  Aube,  arr.  Bar-sur-Seine,  con  Chaource.  —  Charte  de  pariage 
ap.  Cariul.  de  Montiéramey,  B.  Nat.,  ms.  lat.  5342,  f°  66  r«-67  v°.  — 
Publ.  ap.  Teulet,  Layettes,  1. 1,  p.  346,  n»  915. 

(3)  M.  d'Arbois  de  J.  n'a  d'ailleurs  pas  rattaché  les  Coutumes  de  Pargues 
à  celles  de  Lorris.  —  a  Quicumque  eciam  in  eadem  villa  per  annum  et  diem 
manserit,  nisi  dominos  suus  eum  infra  annum  et  diem  coram  prepositis  de 
Pargis  reclamaverit ,  si  facultatem  habuerit  reclamandi,  in  eadem  villa  sicut 
abus  quilibet  burgensis  sine  contradictione  remanebit.  »  B.  Nat.,  ms.  lat. 
5432,  f«  67  y*. 

(4)  Charte  de  la  Montagne  concédée  par  Thibaud  III  en  oct.  1200,  d'Ar- 
bois, Catalogue,  n°  523.  —  Bibl.  Nal.,  Cartul.  de  Champagne,  ms.  lat.  5992, 
f •  44  r«. 


300  LES  COUTUMES  DE  LORRIS 

(oct.  1200),  de  Maurupt  (1)  (nov.  1200)  et  de  ViUiers-en-Ar- 
gonne  (2)  (oct.  1208)  toutes  trois  identiques,  il  est  impossible, 
non-seulement  d'y  voir  un  abrégé  de  la  charte  de  Lorris, 
mais  même  de  les  y  rattacher  par  quelque  point  que  ce  soit. 
En  voici  les  dispositions.  L'administration  n'est  pas  toute 
entre  les  mains  du  seul  prévôt.  A  Maurupt,  à  côté  de  lui,  il 
y  a  un  maire  élu  par  les  habitants.  A  la  Montagne ,  quatre 
jurés  veillent  au  maintien  des  droits  du  comte  et  de  la  com- 
munauté. En  justice,  leur  témoignage  prévaut.  La  même  ins- 
titution existait  à  Villiers-en-Argonne.  Et  il  est  probable  qu'il 
faut  assimiler  ces  jurés  aux  échevins  mentionnés  dans  la 
charte  du  pariage  (3)  conclu  entre  l'abbé  de  Saint-Remi  et  la 
comtesse  de  Champagne  pour  la  fondation  de  cette  nouvelle 
ville.  La  taille  à  la  volonté  du  seigneur  est  abolie  ;  des  rede- 
vances annuelles  basées  sur  la  quantité  de  terre  ou  le  nombre 
d'animaux  possédés  par  le  laboureur  la  remplacent.  Ce  n'est 
pas  là  un  trait  suffisamment  caractéristique.  Dans  la  plupart 
des  chartes  de  coutumes ,  on  trouve  la  suppression  des  exac- 
tions arbitraires.  La  présence  à  l'armée  du  comte  ou  d'un  de  ses 
officiers  est  nécessaire  pour  que  le  service  militaire  puisse  être 
exigé  des  hommes  de  ces  trois  villages.  A  Lorris,  la  restric- 
tion à  ce  service  était  d'une  autre  sorte.  Le  sang  versé  entraîne 
une  amende  de  15  sous;  la  simple  amende  est  de  12  deniers. 
La  punition  du  vol,  du  rapt,  de  l'homicide  et  du  meurtre  est 
réservée  au  comte.  Les  amendes  imposées  aux  plaideurs  qui 
avaient  recours  au  duel  judiciaire  sont  très  différentes  de 
celles  des  Coutumes  de  Lorris.  Le  tarif  des  amendes  est  ce- 
pendant l'article  de  ces  Coutumes  qui  a  été  le  plus  répandu  ; 
il  a  pénétré  là  même  où  les  autres  dispositions  n'ont  laissé 
aucune  trace.  Les  habitants  de  la  Montagne ,  Maurupt  et  Yil- 
liers  peuvent  quitter  ces  terres  et  obtiennent  un  sauf-conduit 


(i)  Maurupt,  Marne,  arr.  Vitry-le-François ,  con  Thiéblemont.  —  Charte, 
publ.  ap.  de  Barthélémy,  Diocèse  ancien  de  Chdlons-tur-Marne ,  t.  II,  p.  109- 
110. 

(2)  VUliers-en-Argonne,  Marne,  arr. et  c°*  Sainte-Ménehould.  —  Charte  don- 
née par  Blanche  de  Navarre,  oct.  1208.  —  Pièces  justifie.,  n<>  XVII. 

(3)  «  Notandum  quod  prepositus  monacus  noster,  qui  in  eadem  villa  ma- 
nebit  pro  nobis,  et  prepositus  comitisse  majorem  et  scabinos  eligent  per  com- 
mune. »  B.  Nat.,  ma.  lat.  5992,  f»  181  v°. 


ET  LEUR  PROPAGATION  AUX  XIIe   ET  XIII6   SIECLES.    301 

du  comte.  Ils  doivent  dans  ce  cas  vendre  leur  maison  ou  la 
louer,  mais  non  la  détruire. 

Si  ces  trois  chartes  ont  dans  leur  allure  générale  une  cer- 
taine ressemblance  avec  les  Coutumes  de  Lorris ,  c'est  qu'il 
est  impossible  qu'il  n'y  ait  pas  une  analogie  entre  des  textes 
rédigés  sous  l'influence  des  mêmes  idées,  dans  le  même  but, 
à  la  même  époque ,  et  dans  deux  régions  où  l'état  social  ne 
différait  guère.  D'ailleurs,  à  s'en  tenir  aux  grandes  lignes,  tà 
ne  pas  entrer  dans  les  détails,  toutes  les  franchises  de  vil- 
lages, au  xne  siècle  et  dans  le  centre  de  la  France,  se  ressem- 
blent :  aux  mêmes  maux,  les  mêmes  remèdes.  Des  ressem- 
blances très  caractéristiques  permettent  seules  d'établir  la 
parenté  de  plusieurs  chartes  de  coutumes. 

En  résumé ,  Chaumont  en  Bassigny  et  Ervy  sont  les  deux 
seules  villes  qui  aient  reçu  des  comtes  de  Champagne  les 
Coutumes  de  Lorris. 

Les  chartes  de  Chaource  et  de  Maraye-en-Othe  ont  subi 
légèrement  l'influence  de  ces  mêmes  Coutumes  sans  qu'elles 
en  soient  un  abrégé  :  on  y  retrouve  le  même  tarif  d'amendes 
qu'à  Lorris. 

Quant  aux  chartes  de  Villeneuve-au-Châtelot,  de  la  Mon- 
tagne au  delà  de  l'Aisne ,  de  Maurupt  et  Villiers-en-Argonne , 
aucun  de  leurs  articles  n'a  été  emprunté  à  la  charte  de  Lor- 
ris ;  on  n'y  retrouve  pas  même  son  influence. 

Nous  avons  vu  l'immense  succès  de  la  charte  de  Lorris, 
et,  comment  gagnant  de  proche  en  proche,  elle  était  devenue 
aux  xii6  et  xiii6  siècles  la  loi  d'un  grand  nombre  de  villages 
du  centre  de  la  France. 


La  cause  de  sa  diffusion ,  on  pourrait  dire  de  sa  popularité 
se  trouve  dans  ce  fait  qu'elle  était  également  profitable  aux 
habitants  des  petites  villes  qui  les  recevaient  et  aux  sei- 
gneurs qui  les  concédaient.  Il  est  vrai  qu'elle  ne  conférait 
aux  premiers  aucune  espèce  de  droit  politique.  Mais  les 
paysans ,  occupés  à  la  culture  de  la  terre ,  étaient  sans  doute 
peu  jaloux  de  participer  à  l'administration.  11  leur  suffisait 
d'être  à  l'abri  de  toute  exaction  :  or,  comme  on  l'a  vu ,  cette 
garantie  de  leur  liberté  individuelle  et  de  leur  fortune,  ils 

Revue  hist.  —  T.  VIII.  20 


302  LES  COUTUMES  DE  LORRIS  ET  LEUR  PROPAGATION. 

Jp,  trouvaient  dans  la  charte  ,de  ^qnfis.  D'autre  part,  l'octroi 
de  cette  charte  était  pour  les  seigneurs  un  moyen, d'^t^r 
„çur  leurs  terres  de  pouypaujt  h^bitajits  et  d'accroître  ,^urs 
,reyfmjw. 

iPp  pp  doit  pas  nQa  plus;oublipr  qu?a,vant  de  devepir^çirte 
^igppuriale,  la  charte  de  Lorris  a,vait  été  royale.  Les  rças- 
^fti^x  (du  roi  p'ppt  C9.it  qpo  spiyre  la  voie  que  leur  ayait 
montrép  Ipur  suzerain.  Et  couvent  ,même  les  seigneurs, 
.mpip&  gép^rppx  que  le  roi,  ont  supprimé  ou  modifié  tes 
.ç}ausep  qui  .leur  paraissaient  entraîner  une  trop  grand e-dimi- 
.pution.de  Jeuçs  droits,.  Si  laih^rte  dp  Lorris  n'est  pas  .typlps 
.ancienne  des  chartes  de  coutumes,  c'est  tout.au  mpjps  ,)& 
première  qui,  dans  .le  cqptre  de  la  France,  ait  été  rédigée  ay^c 
autant  d'ampleur  et  de  précision.  De  telle  sorte  qu'on  peut 
dire  que  Louis  VI  et  Lpuis  VII  ont  pris,  à  leur  plus  grande 
gloire,  l'initiative  de  l'amélioration  du  sort  des  .çlaq^çp  agri- 
coles. 


LISTE    CHRONOLOGIQUE 

DES  CHARTES  COPIÉES  EN  TOTALITÉ  OU  EN  PARTIE 
PIJR.XJÇS  CQUTU^ŒS  DE  LOR^IS. 


1  (p.  268)  (1). 

Le  Moulinet  (Loiret,  air.  et  con  Gien). 

JEotre  1108  et  1137.  — Louis  VII  accorde  ajix. habitants  du 
.Moulinet  les  Coutumçs  de  Lorris  comme  en  témoigne  une 
coqûrmation  de  Louis  VII  donnée  à  Lorris  en  1159, 

Copie  d'après  l'original,  Cartul.  I  de  Fleury,  XVIII  s., 
p.  17-19,  archives  du  Loiret.  —  Autre  copie,  Bibl.  Nat.,  col- 
lect.  Duchesne,  vol.  ,^8,  f°  83. 

Publ.  La  Thaumassière ,  Coût,  loc.,  p.  397-399.  —  Orfl., 
t.  XI,  p.  204 ,  d'après  La  Thaum. 

Indiq.  Bréquigny,  Table  des  diplômes,  t.  III,  p.  277. 

2  (p.  268). 

Chapelle-la-Heine  (Seine-et-Marne ,  arr.  Fontainebleau , 
cn.-l.  canton). 

Entre  il  08  et  4437. 

1486,  7e  a.  du  règne  (du  43  avril  au  34  octobre),  Vitry- 
aux-Loges.  —  Philippe-Auguste  confirme  les  coutumes  accor- 
dées aux  habitants  de  la  Chapelle  par  Louis  VI  et  Louis  VII; 
certains  articles  ont  été  empruntés  aux  Coutumes  de  Lorris. 

Publ.  La  Thaum.,  Coût,  loc,  p.  707,  d'après  le  Mémorial  0 
de  la  Chambre  des  comptes,  f°  47.  —  Ord.,  t.  XI,  p.  239-1240, 
d'après  le  même  Mémorial.  —  Ord.,  t.  XVII,  p.  324,  d'après 
un  vidimus  de  4470,  JJ  495,  pièce  n°  475. 

Confirmation  de  Louis  XII,  à  Blois,  décembre  4509,  indiq. 
ap.  buUetin  de  la  Soc.  drchéolog.  de  l'Orléanais ,  t.  III ,  p.  54 . 

Indiq.  Bréquigny,  Table  des  dipl,  t.  IV,  p.  82. 

(1)  J'indique  pour  chaque  charte  la  page  du  présent  travail  où  Ton  trou- 
vera des  renseignements  plus  complets  sur  cette  charte. 


\ 


304  LES   COUTUMES   DE  LORRIS 

.3  (p.  273). 

Yèvre-le-Châtel  (Loiret,  arr.  et  con  Pithiviers). 

Entre  4137  et  1152.  —  La  concession  des  Coutumes  de  Lor- 
ris  aux  habitants  d'Yèvre  par  Louis  VII,  roi  de  France  et  duc 
d'Aquitaine,  est  constatée  dans  un  arrêt  du  Parlement  de 
1272. 

Indiq.  Boutaric,  Actes  du  Parlement,  n°  1837,  t.  I,  p.  169. 
Publ.  Beugnot,  Olvm,  t.  I,  p.  901. 

4  (p.  267). 

Sceaux  en  Gâtinais  (Loiret,  arr.  Montargis,  cou  Ferrières). 

1153, 17e  a.  du  règne.  Actum  Bussis.  —  Louis  VII  accorde 
aux  hommes  de  Sceaux  des  coutumes  semblables  à  celles  de 
la  Chapelle-la-Reine  (voy.  n°  2). 

Publ.  La  Thaum.,  Coût.  loc.9  p.  706,  d'après  le  Cartul.  de 
l'abbaye  de  Saint-Maur,  f°  152  v°.  —  Ord.,  t.  XI,  p.  199,  d'a- 
près La  Thaum. 

Indiq.  Bréquigny,  Table  des  diplômes,  t.  III,  p.  214. 

5  (p.  270). 

Villeneuve-le-Roi  (Yonne,  arr.  Joigny,  ch.-l.  con). 

1163,  Sens.  —  Louis  VII  fonde  une  ville  neuve  sur  une 
terre  achetée  de  l'abbaye  de  Saint-Marien  d'Auxerre,  et  la 
dote  des  Coutumes  de  Lorris. 

Publ.  Ord.t  t.  VII,  p.  57,  d'après  un  vidimus  donné  par 
Charles  VI  à  Paris  en  février  1383,  Arch.  nat.,33  124,  pièce 
n°  97.  —  Quantin  ,  Cartul.  de  l'Yonne,  t.  II,  p.  160,  n°  145, 
d'après  une  copie  du  1er  avril  1467  émanée  de  la  prévôté  de 
Villeneuve,  aux  Arch.  de  V Yonne. 

6  (p.  298). 

Chaource  (Aube,  arr.  Bar-sur-Seine,  ch.-l.  con). 

1165  (du  4  avril  1165  au  23  avril  1166),  Troyes.  —  Henri, 
comte  de  Champagne,  donne  aux  habitants  de  Chaource  des 
privilèges ,  et  spécialement  le  tarif  d'amendes  de  la  charte  de 
Lorris. 

Publ.  d'Arboi*  J~  ^^nville,  Voyage  paléograph.  dans  le 


BT  LEUR  PROPAGATION   AUX  XIIe   ET   XIII0   SIECLES.     305 

dép.  de  l'Aube,  p.  69-71,  d'après  un  vidimus  de  1412  aux 
Arch.  de  Chaource.  —  Indiq.  par  d'Arbois,  Catalogue  des  actes 
des  comtes,  n°  135. 

7  (p.  270). 

Sennely  (Loiret,  arr.  Orléans,  con  La  Ferté-Saint- Aubin). 

1165,  Châieauneuf.  —  Louis  YII  accorde  les  Coutumes  de 
Lorris  à  son  village  de  Sennely,  ruiné  par  les  exactions  des 
sergents  royaux  et  des  seigneurs  voisins. 

Publ.  Ord.,  t.  XIII,  p.  520-521,  d'après  un  vidimus  de 
Charles  VII  à  Bourges  en  novembre  1447,  26e  a.  du  règne, 
contenant  une  précédente  confirmation  du  roi  Jean  à  Paris , 
mars  1360,  JJ  179,  p.  n°  26,  f°  12  r°. 

8  (p.  271). 

Lorrez-le-Bocage  (Seine-et-Marne,  arr.  Fontainebleau, 
ch.-l.  c0B). 

1169,  Orléans.  —  Louis  VU  déclare  avoir  été  associé  par 
H.,  abbé  de  Bonneval,  à  la  jouissance  du  territoire  dépendant 
de  Lorrez  et  Préaux;  les  coseigneurs  y  établiront  une  ville 
neuve  qui  sera  régie  par  les  Coutumes  de  Lorris. 

Copie,  Bibl.  nat.,  Collect.  Ducheme,  vol.  78,  f°  226,  avec 
une  confirmation  de  Philippe  le  Bel  en  décembre  1292  à 
Paris. 

Publ.  D.  Thiroux  et  D.  Lambert,  Histoire  abrégée  de  l'ab- 
baye de  Saint-Florentin  de  Bonneval,  éd.  par  Beaupère  et  Le- 
jeune,  Châteaudun,  1876,  in-8°,  p.  74-75.  —  La  Thaum., 
Coût,  loc,  p.  396-397,  sous  la  date  de  1179,  d'après  un 
vidimus  de  Philippe  le  Bel  donné  à  Paris  le  24  décembre 
1295.  —  Ord.,  t.  XI,  p.  213,  d'après  La  Thaum. 

Indiq.  Bréquigny,  Table  des  dipl.,  t.  III,  p.  553.  —  La 
Thaum.,  p.  391.  —  Collect.  Gaignières,  191,  ms.  lat.  17139, 
p.  18. 

9  (p.  284). 

Montargis (Loiret,  ch.-l.  d'arr.). 

1170.  —  Pierre  de  France,  frère  de  Louis  VII,  accorde  aux 
habitants  de  Montargis  les  Coutumes  de  Lorris.  Il  y  apporte 
quelques  modifications. 


306  LB8  COUTUMES  DE  LORRI8 

Copié,  Collect.  Duckesne,  vol.  78,  f*  68. 

Publ.  Dubouchet,  Hi$t.  généalogique  de  la  maison  de  Cour- 
tenay,  Preuves,  p.  7,  d'après  le  registre  de  Philippe  le  Long, 
p.  n*  90.  —  La  Thaum.,  Coût,  loc.,  p.  401,  ch.  V,  d'après  le 
même  registre.  —  Ibid.,  p.  401-403,  ch.  VI,  d'après  l'original 
de  la  confirmation  donnée  par  Ph.  le  Long  à  Châteauneuf-sur- 
Loire,  avril  1320. 

Indiq.  Ms.  E  426  de  la  Bibl.  de  Montargis  (xvni*  s.),  p.  5. 
—  Ms.  n°  478,  même  Biblioth.,  2e  vol.,  p.  631.  La  charte  y 
est  indiquée  à  la  date  du  18  nov.  1170.  —  Bréquigny,  Table 
des  diph,  t.  III,  p.  430. 

10  (p.  286). 

Bois-le-Roi  (Seine-et-Marne,  air.  et  c°*  Fontainebleau). 

1171,  —  Pierre  de  France  donne  à  ses  hommes  de  Bois-le- 
Roi  les  Coutumes  de  Lorris. 

Publ.  La  Thaum.,  Coût,  loc.,  p.  413-414. 
Indiq.  Bréquigny,  Table  des  dipl.,  t.  III,  p.  455. 

11  (p.  270). 

Villeneuve-V  Archevêque  (Yonne,  arr.  Sens,  ch.-l.  cant.). 

1172,  Sens.  —  Guillaume,  archevêque  de  Sens,  dans  le  but 
<f  accroître  la  ville  neuve,  à  laquelle  l'avait' associé  le  cha- 
pitre de  Saint-Jean  de  Sens,  lui  donne  les  Coutumes  de 
Loms. 

Traduction  du  xin*  s.,  publ.  par  Quantin,  Cartulaire  de 
l'Yonne,  n°  225,  t.  H,  p.  240-242,  d'après  une  pièôe  des  Ar- 
chîvei  dé  V  Yonne,  qui  renferme  aussi  la  confirmation  par  Mi- 
chel,' archevêque,  eh  1197. 

12  (p.  298). 

Mataye-en-Othe  (Aube ,  arr.  Troyes ,  c0ft  Aix). 

1173,  Troyes.  —  Henri  Ier,  comte  de  Champagne,  conclut 
avec  les  habitants  de  Maraye  une  convention ,  en  vertu  de 
laquelle  il  leur  donne  des  privilèges,  où  a  été  introduit  le  tarif 
des  amendes  de  Lorris. 

Publ.  d'Ajrbois  de  Jubainville ,  Hist.  des  comtes  de  Cham- 
pagne, t.  III,  p.  462-463. 
Indiq.  Ibid.  Catalogue  des  actes  des  Comtes,  n°  214  bis. 


ET  LEUR  PROPAGATION   AUX  XIIe   ET  XIIIe   SIECLES.    307 

13  (p.  272). 

Courcelles-le-Roi ,  et  autre?  Villages1  dé  la  pesté  <fr  Lorris 
(Loiret,  arr.  MbntargW,  c6"*  Bëatihe-la-Jlolaûde). 

fl7#,  Étaûipe&  —  Louis  VlP  cbncède  les  Coutumes  et  liber- 
tés de  lorris  à  il  vidages  sïs  dais  la  posté  de  Lorris. 

ftttf.  Ont.,  t.  X,  p*.  49-52,  d'apr&  un  vrdimus  de  Charles 
VI,  Paris,  janv.  1412,  la  38*  a',  d'à  règne,  JJ  166,  p.  né  440, 
f»275v°-f°276'rV 

14  (p.  282). 

Chalou-la-Reine  (auj.  ChaTou-Moulineux ,  Seine-et-Oise, 
arr.  Étampes ,  c0*  Méréville). 

1*75,  Ptfris.'  —  Louis  VII  confirme  l'octroi  fait  par  la  reine 
Adèle,  aux  habitants  <fe  Chalou  (Sonchafo)  des  Coutumes  de 
Lorris. 

PiM.  Orâ.,  t.  VII'ï,  p.  34-35,  d'après  uri  vidfimus  de  Charles 
VI  à  Paris*  janviefr  1395,  16e  a.  du  règne.  —  Hubert^  Anti- 
quités histor.  de  l'église  Saint-Aignan  (FOrléafts,  Preuves, 
p.  83. 

Indiq.  Bréquigny,  Table  des  dipl.,  t.  III ,  p.  505. 

15  (p.  270). 

Èôu&fon  (Yonne,  arr.  Joigny,  c6*  Villeneùve-sur-Yorine). 

117!>.  —  Guillaume ,  archevêque  dé  Sens,  fonde  à  Rousson 
ùùë  ville  neuve  qu'il  dote  des  Coutumes  de  Lorris. 

AM.  Quantin,  CartuL  de  l'Yonne,  n°  254,  t.  II,  p.  2YÔ-274, 
d'après  une  charte  dé  confirmation  de  Gautier,  archevêque 
de  Sens,  datée  de  1223,  Arch.  de  l'Yonne. 

16  (p.  2Ï3). 

Flagy  (Seiné-ét-Màrriè ,  arr.  Fontainebleau,  con  Lôrrez), 
et  Bichereau  (même  canton,  commune  Thoury-Férottes). 

1177.  —  Louis  VII  fait  savoir  qu'il  a  été  associé  à  la  pos- 
sedlton  des  terres  dé  Flagy  et  Bichereku  par  Hugues  le  Noir 
etmàdâme  Fàida,  pour  y  établie  dés  hâtes,  tégis  par  leë  Cdu- 
tûtoes  dé  Lorris. 

Pièces  justificatives,  n°  VII,  d'après  le  reg.  C  de  Phil.-Aug., 
Arch.  Itat.,  JJ  7 -g,  2é  partie,  î°  76  r°. 


308  LES   COUTUMES   DE  LORRIS 

17  (p.  273). 

Ferrières  (Loiret,  air.  Montargis,  ch,-l.  canton). 

1185,  7e  a.  du  règne  (entre  le  1er  nov.  1185  et  le  12  av. 
1186).  —  Philippe-Auguste  accorde  aux  hommes  de  la  pa- 
roisse de  Saint-Éloi  et  de  la  banlieue  de  Ferrières ,  affranchis 
par  l'abbé  Arnoul ,  les  Coutumes  de  Lorris ,  en  partie  seu- 
lement, et  spécialement  en  ce  qui  touche  les  amendes. 

Publ.  D.  Morin,  Hist.  du  Gastinois,  p.  705-709,  d'après 
l'original.  —  Indiq.  Delisle,  Calai.,  n°  145. 

18  (p.  274). 

Boiscommun  (Loiret,  arr.  Pithiviers,  con  Beaune). 

1186,  7e  a.  du  règne  (du  13  avr.  au  31  oct.),  Lorris.  —  Ph.- 
Auguste  confirme  aux  habitants  de  Boiscommun  les  Coutumes 
de  Lorris  qu'ils  avaient  obtenues  de  Louis  VII. 

Publ.  Ord.,  t.  IV,  p.  73-77,  d'après  un  vidimus  du  roi  Jean 
donnée  Vaudreuil,  avril  1351,  JJ  81,  n°  204,  f°  113.  —Indiq. 
Delisle,  Catal.,  n°  163.  —  Bréquigny,  Table  des  dipl.,  t.  IV, 
p.  82. 

19  (p.  274). 

Angy  (Oise,  arr.  Clermont,  con  Moui). 

1186,  8e  a.  du  règne  (entre  le  1er  nov.  1186  et  le  28  mars 
1187),  Pontoise.  —  Ph.-Aug.,  en  même  temps  qu'il  renouvelle 
le  pariage  intervenu  entre  son  père  et  les  chanoines  de  Saint- 
Frambaud  de  Senlis,  pour  le  village  d'Angy,  accorde  aux 
manants  trois  privilèges  probablement  empruntés  à  la  charte 
de  Lorris. 

Publ.  Ord.,  t.  IV,  p.  129-130,  d'après  un  Vidimus  du  roi 
Jean,  mai  1363,  JJ  96,  n°  92. 
Indiq.  Bréquigny,  Table  des  dipl.,  t.  IV,  p.  82. 

20  (p.  274). 

Voisines  (Yonne,  arr.  Sens,  con  Villeneuve-1' Archevêque). 

1187,  8e  a.  du  règne  (du  29  mars  au  31  octobre),  Sens.  — 
Philippe-Auguste  accorde  les  Coutumes  de  Lorris  aux  habi- 
tants de  Voisines. 

Copie,  Biblioth.  Nat.,  CoUect.  Duchesne,  vol.  78,  f°  81. 


ET  LEUR  PROPAGATION  AUX   XII0   ET  XIII0   SIECLES.    309 

Publ.  La  Thaum.,  Coût,  loc.,  p.  399.  —  Ord.,  t.  VII,  p.  455, 
d'après  un  vidimus  de  Charles  VI  daté  de  Paris  en  février 
1391,  JJ  143,  n°  30,  f°  18.  —  Quantin,  Cartel,  de  r Yonne, 
t.  II,  p.  381-383,  d'après  une  copie  duxvn'  siècle,  faite  sur 
le  vidimus  de  1391,  Arch.  de  l'Yonne,  fonds  de  l'abbaye  de 
Saint-Jean  de  Sens. 

Indiq.  Bréquigny,  Table  des  dipl.,  t.  IV,  p.  95.  —  Delisle, 
Cotai.,  n°  194.  —  Quantin,  Recherches  sur  le  Tiers-État,  pp. 
23,  99. 

21  (p.  274). 

Nonette  (Puy-de-Dôme,  arr.  Issoire,  coa  Saint-Germain- 
Lembrun). 

1188,  9e  a.  du  règne  (entre  le  17  avril  et  le  31  octobre),  Le 
Pui.  —  Philippe- Auguste  accorde  les  Coutumes  de  Lorris  aux 
habitants  de  Nonette. 

Pièces  justif.,  n°  XII,  d'après  un  vidimus  de  1290,  Arch. 
nat.,  J  1046,  n°  2. 

Indiq.  Rivière,  Hist.  des  institut,  de  V Auvergne,  1. 1,  p.  266, 
sous  la  date  de  1288. 


(p.  276). 

« 

Saint- Àndré-le-Désert  (Saône-et-Loire ,  arr.  Mâcon,  c0D 
Cluny). 

1188,  février  (1189,  n.  st.),  Sens.  —  Philippe-Auguste 
prend  les  habitants  de  Saint-André  sous  sa  protection  et  leur 
accorde  les  Coutumes  de  Lorris ,  à  condition  qu'il  percevra 
la  moitié  des  revenus  de  cette  posté. 

Publ.  Ord.,  t.  XI,  p.  252,  d'après  Rouvière,  Historia  mo- 
nasterii  S.  Joannis  Reoamensis ,  p.  220. 

Indiq.  Delisle,  Catal.,  n°  229. 

23  (p.  278). 

Dixmont  (Yonne,  arr.  Joigny,  c0tt  Villeneuve-sur-Yonne). 

1190,  11e  a.  du  règne  (du  25  mars  à  juillet),  Fontaine- 
bleau. —  Philippe-Auguste  accorde  les  Coutumes  de  Lorris 
aux  habitants  de  Dixmont. 

Copie,  Collect.  Duchesne,  vol.  78,  f°  66. 

Publ.  Galand,  Traité  du  franc-aleu,  p.  375,  d'après  l'orig. 


3t0  LÉS  COUTUMES  DE  LORïtIS 

—  La  Thaum.,  Coût,  loô.,  p.  432,  d'après  Galand.  —  Ord., 
t.  XI,  p.  268,  d'après  les  précédents. 

Indiq.  Bréquigny,  Table  dès  dipl.,  t.  IV,  p.  15Ù.  —  Dfe- 
lisle ,  Calai.,  n°  275.  —  Confirmation  de  140#,  in^iij.  par  La 
Thaûtfi.,  p.  391. 

24  (p.  292). 

Barlieù  (Cher,  arr.  Sancerre,  con  Vailly). 

1190.  —  Etienne  I,  comte  de  Sancerre,  concède  les  (Sot*- 
tumes  de  Lorris  à  ses  hommes  de  la  paroisse  de  Barlieu. 

Copie,  Collect.  Duchesne,  vol.  78,  î°  85,  ex  transcripto  sub 
sigilio  ducis  Bituric.  praepositurae  antiquorum  ressôrtorom 
Albigniaci  et  de  Concorcello. 

Publ.  La  Thaum.,  Coul.  loc,  p.  415-416. 

Indiq.  Bréquigny,  Table  des  dipl.,  t.  IV,  p.  133'. 

25  (p.  292). 

Sancerre  (Cher). 

Entre  1152 et  1190.  —  Etienne  I,  comte  de  Sancerre,  avait 
accordé  aux  habitants  de  son  château  de  Sancerre  les  Cou- 
tumes de  Lorris,  comme  en  témoigne  la  confirmation  du 
comte  Louis  II,  donnée  le  7  février  1327  (1328,  n.  st.). 

Publ.  La  Thàum.,  Coût.  l6c.,  p.  421-422. 

26  (p.  293). 

Saint- Brisson  (Loiret,  arr.  et  c°*  Gien). 

Entre  1152  et  1190.  —  Octroi  des  Coutumes  de  Lorris  aux 
habitants  de  Saint-Brisson ,  par  Etienne  I,  comte  de  Sancerre, 
constaté  dans  la  confirmation  d'Etienne,  seigneur  de  Châ- 
tillon,  en  date  de  Châtillon,  sept.  1210. 

Copie,  Collect.  Duchesne,  vol.  78,  f°  77. 

Publ.  La  Thaum.,  Coût,  loc.,  p.  423-424. 

Indiq.  Table  des  dipl.,  t.  IV,  p.  488. 


•  i 


27  (p.  292). 

Ménétréol-sous-Sancerre  (Cher,  arr.  et  c0B  S  an  ceinte). 
Entre  1152  et  1190:  —  Les  habitants  de  la1  paroisse  de  Mé- 
nétréol  avaient  obtenu  d'Etienne  I  lès  Coutumes  dé  Lorris , 


ET  LEUR   PROPAGATION   AUX   XIIe   ET  XIIIe   SIECLES.     311 

comme  en  témoigne  la  éonfirmation  de  Louis  I,  comte  de 
Sancerre,  en  1241. 
Publ.  La  Thaum.,  Coût,  loc.,  p.  419-420. 

28  (p.  291). 

La  Ferté-Loupière  (Yonne,  arr.  Joïgny,  cta  Charny). 

Entre  1152  et  1190. 

1302,  6  avril.  —  Jean  de  Courtenay,  chevalier,  seigneur 
de  Champignelles ,  et  Jeanne,  sa  femme ,  confirment  les  habi- 
tants de  la  châtellenie  de  la  tferté ,  dans  la  jouissance  des 
Coutumes  et  franchises  de  Lorris ,  qu'ils  tenaient  des  conces- 
sions des  comtes  de  Sancerre,  Etienne  I,  Guillaume  I,  Louis  I, 
et  de  Guillaume  de  Courtenay  et  Agnès,  sa  femme. 

Publ.  Du  Bouchet,  Hist.  généalog.  de  la  maison  de  Cour- 
tenay, Preuves,  p.  74,  d'après  l'original  autrefois  au  Trésor  de 
Chevillon.  —  La  Thaum.,  Coût,  loc.,  p.  435,  d'après  le  même 
original. 

Indiq.  Bréquigny,  Tabl.  des  dipl.,  t.  VII,  p.  573. 

29  (p.  296). 

ChaumOnt-en-Bassîgny  (Haute-Marne). 

1190  (après  le  24  mars),  Troyes.  —  Henri  II  de  Champagne 
accorde  aux  habitants  de  Chaumont  les  Coutumes  de  Lorris. 

Copie,  Collect.  Duehesne,  vol.  78,  f°  75. 

Publ.  La  Thaum.,  Coût,  loc,  p.  428-430,  avec  les  confir- 
mations de  Thibaud  III  (1198),  de  Thibaud  IV  (1228),  de 
Thibaud  V  (1259).  —  Ord.9 1.  XII,  p.  48-53,  d'après  La  Thaum. 

Indiq.  d'Arbois  de  Jubainville,  Catal.  des  actes  des  comtes, 
n°  403,  t.  III,  p.  397 ;  n°  467,  t.  V,  p.  14;  n°  1894,  t.  V,  p.  262. 

La  Thaumassière  a  publié,  p.  431-432,  des  lettres  de  Phi- 
lippe VI  données  à  Paris  en  1338  apportant  quelques  modifi- 
cations à  la  charte  précédente. 

30  (p.  294). 

Marchenoir  (Loir-et-Cher,  arr.  Blois,  ch.-l.  c0B). 

1193.  —  Louis,  comte  de  Blois,  concède  aux  habitants  de  la 
ville  et  des  bourgs  de  Marchenoir  des  coutumes  pour  la  plu- 
part calquées  sur  celles  de  Lorris. 

Publ.  Poulain  de  Bossay,  Chartes  octroyées  par  Louis  I, 


312  LES  COUTUMES  DE  LORRIS 

Châteaudun,  1875,  in-8°,  p.  19-22,  d'après  un  vidimus  du  22 
jauv.  1481,  Bibliothèque  de  Châteaudun,  L  17. 

31  (p.  298). 

Saint -Mards  (Aube,  arr.  Troyes,  con  Aix-en-Othe)  et  Vau- 
chassis  (arr.  Troyes,  con  Estîssac). 

1198,  Troyes.  —  Thibaud  étend  les  privilèges  de  Maraye- 
en-Othe  aux  habitants  de  Saint-Mards ,  le  Chemin  et  Vau- 
chassis  (Voyez  n°  12). 

Indiq.  d'Arbois  de  Jubainville,  Catal.  des  actes  des  comtes, 
n°  466.  —  M.  d'Arbois  de  Jubainville  indique  comme  existant 
aux  Arch.  Nat.  une  copie  que  je  n'ai  pu  y  retrouver. 

32  (p.  297). 

Ervy  (Aube,  arr.  Troyes,  ch.-l.  c0B). 

1199,  Troyes.  —  Thibaud  III  donne  à  ses  hommes  de  la 
châtellenie  d'Ervy  la  liberté  de  Lorris. 

Publ.  La  Thaum.,  Coût,  loc.,  p.  472-474,  d'après  des  lettres 
de  Charles  V,  mai  1376,  la  13e  a.  du  règne,  contenant  un 
vidimus  de  Philippe  VI,  à  Orléans,  mars  1332,  JJ  109,  p.  n° 
8.  —  Ord.,  t.  VI,  p.  199-200,  d'après  la  même  pièce. 

Indiq.  d'Arbois  de  Jubainville,  Catalogue,  n°  50t.  —  Bré- 
quigny,  Table  des  dipl.,  t.  IV,  p.  275. 

33  (p.  292). 

L'Étang -le -Comte  (Loiret,  arr.  Gien,  c°"  Châtillon-sur- 
Loire). 

1199.  —  Guillaume ,  comte  de  Sancerre,  concède  les  Cou- 
tumes de  Lorris  à  l'Étang. 

Publ.  La  Thaum.,  Coût,  loc.,  p.  416-418,  d'après  le  Trésor 
de  Sancerre. 

Indiq.  Bréquigny,  Table  des  dipl.,  t.  IV,  p.  276. 

34  (p.  280). 

Cléri  (Loiret,  arr.  Orléans,  ch.-l.  coa). 

1201,  23e  a.  du  règne  (1201  du  1"  nov.  au  13  av.  1202), 
Paris.  —  Ph.-Aug.  accorde  les  coutumes  de  Lorris  aux  habi- 
tants de  Cléri. 

Publ.  La  Thaum.,  Coût,  loc.,  p.  710,  d'après  un  vidimus 


ET    LEUR  PROPAGATION  AUX  XIIe   ET   XIII0   SIECLES.    313 

d'avril  1383,  la  3e  a.  du  règne,  à  Orléans,  JJ  122,  n°  248,  f° 
125.  — Ord.,  t.  VII,  p.  3-4;  les  édit.  des  Ord.  n'ont  reproduit 
du  texte  des  privilèges  que  le  1er  article.  —  Ord.,  t.  XV,  p. 
166,  d'après  un  vidimus  donné  à  Tours,  oct.  1461,  1"  a.  du 
règne,  contenant  la  confirmation  de  1383,  et  une  autre  d'oc- 
tobre 1434,  à  Orléans,  la  12»  a.  du  règne,  JJ  198,  n°  19,  f> 19 
v°.  —  Ord.,  t.  XX,  p.  201,  d'après  un  vidimus  donné  à  Or- 
léans, déc.  1489,  7e  a.  du  règne,  JJ  220,  n°  294. 
Indiq.  Delisle,  Catalogue,  n°  683. 

35  (p.  280). 

Sancoius  (Cher,  arr.  Saint-Amand-Mont-Rond ,  ch.-l.  c0B). 

1202,  24e  a.  du  r.  (du  1er  nov.  1202  au  5  av.  1203),  Bourges. 
—  Ph.-Aug.  accorde  les  Coutumes  de  Lorris,  en  partie,  aux 
habitants  de  Sancoins. 

Pièces  justif.,  n°  XIV,  d'après  une  copie  (xvme  s.)  du  Cartul. 
du  Prieuré  de  Paray,  Bibl.  NaL,  ms.  lat.  9884,  f°  47. 

Indiq.  Delisle,  Catalogue,  n°  733. 

36  (p.  286). 

Mailly-le-Château  (Yonne,  arr.  Auxerre,  con  Goulanges-sur- 
Yonne). 

Entre  1200  et  1212.  —  Pierre,  comte  d'Auxerre  et  de  Ton- 
nerre, du  consentement  de  sa  femme  Yolande  et  de  son  fils 
Philippe,  concède  les  Coutumes  et  la  franchise  de  Lorris  aux 
habitants  de  Mailly-le-Château. 

Publ.  Ord.,  t.  V,  p.  715-718,  d'après  un  vidimus  de  Char- 
les V  d'oct.  1371,  contenant  une  confirmation  de  ces  Coutumes 
par  Gui,  comte  de  Nevers  et  Mathilde,  sa  femme  en  1229, 
JJ  105,  f°  90.  —  Quantin ,  Recueil  de  pièces  du  xine  s.,  n°  56, 
p.  26-27,  d'après  les  Ord.,  sous  la  date  de  1206.  —  Le  même 
vidimus  de  Charles  V  contient  une  charte  de  Gui  de  Nevers , 
confirmative  d'un  acte  du  comte  Pierre  réglant  l'usage  dans 
le  bois  de  Frétoy. 

37  (p.  289). 

Mailly-la-Ville  (Yonne,  arr.  Auxerre,  coa  Vermenton). 
Entre  1200  et  1212.  —  Pierre,  comte  d'Auxerre  et  de  Ton- 
nerre, seigneur  de  Mailly,  du  consentement  de  sa  femme 


314  LES  COUTUMES  DE  LORRIS 

Yolande,  et  de  son  fils  Philippe,  concède  les  Coutumes  et  la 
liberté  de  Lorris  &  ses  bourgeois  de  Mailly-la- Ville ,  dans  le 
bat  d'accroître  la  population. 

Publ.  La  Thaum.,  Coût,  loc.,  p.  708-7,10,  d'après  un  vùti- 
mus  de  Charles  VI,  à  Paris,  oct.  ,1382,  la  3*  a.  du  règne,  con- 
tenant une  confirmation  de  Gui  c(e  Forez  çn  1229. 

38  (p.  293). 

La  Chapelle  d'Angillon  (Cher,  arr.  Sancerre,  ch.-l.  c0D). 

Vers  1212.  —  Archambaud  de  Sulli  accorde  à  ses  hommes 
de  la  châtellenie  de  la  Chapelle ,  des  privilèges,  parmi  les- 
quels est  inséré  le  tarif  des  amendes  de  la  charte  de  Lorris. 

Publ.  La  Thaum.,  Coût.  loc.,  p.  78.  —  Nouv.  Coutomier 
général,  t.  III,  col.  1004. 

Indiq.  Bréquigny,  Table  des  dipl.,  t.  IV,  p.  554.  —  Delisle, 
Calai.,  n°  1418. 

39  (p.  289). 

La  Selles-en-Berry  (La  Selles-sur-Cher,  Loir-et-Cher,  arr. 
Romorantin ,  ch.-l.  canton). 

1216.  Oct.  — Robert  de  Courtenay  concède  aux  habitants  de 
La  Selles  une  charte  de  libertés ,  imitée  de  celle  de  Lorris. 

Publ.  La  Thaum.,  Coût,  loc.,  p.  83-84,  d'après  un  titre  du 
Trésor  de  Selles. 

Indiq.  Bréquigny,  Table  des  dipl.,  t.  V,  p.  57. 

40  (p.  290). 

Mehun-sur-Yêvre  (Cher,  arr.  Bourges,  ch.-l.  canton). 

1219,  11  juillet.  —  Robert  de  Courtenay  et  Mahaud,  9a 
femme,  accordent  les  Coutumes  de  Lorris  à  leurs  hommes  de- 
meurant en  la  ville  et  viguerie  de  Mehun. 

Traduction  faite  par  un  praticien  et  publ.  par  La  Thaum., 
Coût,  loc.,  p.  425-426. 

Original  mentionné  dans  les  Coutumes  de  Mehung,  rédigé 
en  1481,  La  Thaum.,  p.  376. 

41  (p.  280). 

Salornas.  (?) 

Vers  1210.  —  Pariage  entre  Dalmas  de  Luzy  et  Ph.-Àug. 


ET  LEUR  PROPAGATION   AUX  XIIe  ET  XIII0   SIECLES-    315 

pour  le  village  de  Salornas.  Les  habitants  suivront  toutes  les 
Coutumes  de  Lorris. 

Publ.  Teulet,  Layettes,  t.  I,  p.  507,  d'après  l'orig.,  J  398, 
n°38. 

Inftiq.  Délire ,  Catalogue ,  n°  3025  A. 

42  (pi  294). 

Isdes  (Loiret ,  arr.  Gien ,  con  Sully). 

1227,  mars.  —  Henri  de  Sulli  et  Marie  de  Dampierre,  sa 
femme ,  accordent  des  libertés  à  leurs  hommes  possédant  une 
maison  à  Isdes.  Cette  charte  contient  le  tarif  des  amendes  de 
Lorris. 

Publ.  La  Thaum.,  Coût,  toc,  p.  84-85. 

r 

43  (p.  290). 

^^t-^jpent-sur-jtarenjon  (Cher,  arr.  Bourges,  c0tt  Me- 
hun-sùr-Yèvre). 

i_2#4.  —  Rpbçrt  de  Courtenay  et  Mahaud,  sa  femme,  accor- 
dent les  Coutumes  de  Mehun,  qui  sont  celles  de  Lorris,  à 
leurs  hommes  de  Saint-Laurent. 

Copie,  Coll.  Duchesne,  vol.  78,  f>  79. 

Publ.  La  Thaum.,  Coût,  loc.,  p.  426-428,  d'après  l'original 
scellé. 

* 

Indiq.  Bréquigny,  Table  des  dipl.,  t.  V,  p.  475. 

44  (p.  291). 

Termenton  (Yonne,  arr.  Auxerre,  ch.-l.  canton). 

1235,  24  juillet,  Vermenton.  —  Gui,  comte  de  Nevers  et 
de  Forez ,  et  Mahaud,  sa  femme ,, accordent  à  leurs  bourgeois 
de  .Vermenton  et  à  tous  ceux  qui  viendront  habiter  sur  Jeur 
domaine  dans  cette  ville  les  libertés  et  les  Coutumes  de 
Lorris. 

Copie,  Archives  delà  Côte:d' Or,  copie  faite  par  Peincedé, 
d'après  l'original  à  lui  communiqué  en  1770  par  le  maire  de 
Vermenton. 

Publ.  Ord.,  t.  IX,  p.  576-579,  d'après  un  vidimus  de  Charles 
VI,  avril  1410  avant  Pâques,  JJ  165,  pièce  n°  88,  fl>  59  v°.  — 
Quantin ,  JRec.  de  pièces ,  n°  425,  p.  192-193,  d'après  les  Ord. 


316  LES  COUTUMES  DE  LORRIS 

Indiq.  Quantin,  Recherches  sur  Vhist.  de  Vermanton,  Auxerre, 
1876,  in-8°,  p.  10. 

45  (p.  276). 

Cortevaix  (Saône-et-Loire,  arr.  Mâcon,  c0B  Saint-Gengoux). 

1236,  janvier  (1237,  n.  st.).  —  Josseran,  seigneur  de  Bran- 
don et  de  Cortevaix,  accorde  des  franchises  aux  habitants 
de  la  posté  de  Cortevaix.  Un  certain  nombre  de  dispositions 
sont  empruntées  à  la  charte  de  Lorris. 

Publ.  Canat,  Documents  inédits,  p.  31-34. 

46  (p.  280). 

Pont-sur- Yonne  (Yonne,  arr.  Sens,  ch.-l.  canton). 

1239,  mai,  Melun. —  Louis  IX,  confirmant  un  diplôme 
par  lequel  Philippe- Auguste  avait  reconnu  au  chapitre  de  Sens 
le  droit  de  justice  à  Pont-sur-Yonne,  stipule  en  outre  que  le 
chapitre  lèvera  les  amendes  sur  les  hommes  du  roi  d'après  les 
usages  de  Lorris. 

Publ.  Quantin,  Ree.  de  pièces  du  xiii*  s.,  n°  456,  p.  206-207. 

47  (p.  201). 

Fouchères  (Yonne,  arr.  Sens,  c0tt  Chéroy). 

1243,  juillet.  —  Érard  de  Valéry  fixe  les  Coutumes  du  vil- 
lage de  Fouchères.  Il  réduit  les  amendes  d'après  les  usages  de 
Lorris. 

Vidimus  de  la  prévôté  de  Sens  (2  janvier  1405),  Arch.  de 
V Yonne,  E  562. 

48  (p.  294). 

Graçay  (Cher,  arr.  Bourges,  ch.-l.  canton). 

1246,  juin.  —  Pierre  de  Graçay  accorde  aux  habitants  de 
Graçay  une  charte  de  franchises ,  en  partie  imitée  de  celle  de 
Lorris. 

Publ.  LaThaum.,  Coût,  loc,  p.  86-88,  d'après  une  charte 
du  Trésor  de  l'église  Notre-Dame  de  Graçay. 

Indiq.  Bréquigny,  Table  des  dipl.,  p.  107. 

4»  (p.  283). 
Chaumont  (Yonne,  arr.  Sens,  coa  Pont-sur- Yonne). 


ET  LEUR  PROPAGATION  AUX  XII0   ET  XIIIe   SIECLES.    317 

1547,  S9  mare  (lâ48v  n.  st.).  —  Hélofee,  dame  de  Gfaan- 
mont ,  et  Pierre  des  Barres ,  son  fils  ,  affranchissent  ïmts 
hommes  demeurant  à  Chaumont,  Villemanoche ,  et  autres 
lieux  voisins,  et  leur  accordent  une  charte  de  coutumes  em- 
pruntée «n  partie  à  la  charte,  de  Lomûs. 

Vidimus  d'Eudes,. officiai  de  Seps  en  août  12SI,  des  lettres 
de  Pierre,  officiai  de  Sens,  données  le  29  mars  1247,  publ. 
Quantin,  Rec.  de  pièces  duxine  s.,  n°  573,  ,p.  274-276,  d'après 
un  vidimus  de  la  cbâtellenie  de  Bray-sur-Seine ,  du  19  avril 
1408.  Arch.  de  l'Yonne,  E  636.  —  Pièces  justif.,  n°  XX. 

Copie  du  xniê  s.  de  la  charte  de  Tofficial  de  Sens ,  Arch. 
flta.,  J  203,  n°  56,  indïq.  par  Teulet,  Layettes,  ri6  3&42,t.  III, 
p.  23. 

Mêmes  lettres  (TuffrandiissemeTit  rédigées  au  nom  d'fftloïse 
et  de  Pierre,  fév.  1247-1248,  dans  un  vidimus  de  la  «chfttdte- 
nie  de  Bray  du  4  fév.  1511,  Arch.  de  l'Yonne,  E  636. 

50  (p.  294). 

Chàteauneutisur-Cher  (Cher,,  arr.  Saint- Amande  ch.-L  con). 

1258,  octobre.  —  Jftqnoul  de  Gulant  pt  Pierre  de  Saint- 
Palais  ,  chevaliers ,  donnât  â  leurs  Sommes  de  Chàteauneuf- 
sur-Cher  une  charte  de  privilèges  où  sont  i&sérés  -quelques 
articles  tirés  de  la  «charte  de  Lorris. 

Publ.  La  Thauai,,  Coût.  ,loc~,  j>.  155-139,  d'après  une  con- 
firmation de  saint  Louis  donnée  à  Paris  en  novembre  1275, 
tirée  du  Trésor  de  Châteauneuf.  —  Nouveau  Coutumier  gêné- 
rai  t.  III,  col.  1018. 

Indiq.  Bréquigny,  Table  des  dipl.,  t.  VI,  p.  334. 

51  (p.  281). 

Aubigny  (Cher,  arr.  Sancerre ,  ch.-l.  coa). 

Avant  1272.  —  Un  arrêt  du  Parlement  de  la  Toussaint  1272 
constate  que  ce  village  jouissait  des  Coutumes  de  Lorris  ;  Beu- 
gnot,  Olim,  t.  I,  p.  887. 

52  (p.  281). 

Châteaulandon  (Seine-et-Marne,  arr.  Fontainebleau,  ch.-l. 
canton). 
Avant  1272.  —  Un  arrêt  du  Parlement  de  la  Toussaint  1272 

Revus  hist.  —  Tom.  VIII.  21 


318  LES  COUTUMES  DE  LORRIS 

constate  que  ce  village  jouissait  des  Coutumes  de  Lorris;  Beu- 
gnot,  Olim,  t.  I,  p.  887. 

53  (p.  282). 

Arconville  (Loiret,  air.  Pithiviers,  con  Beaune,  c*e  Batilly). 

Avant  1281.  —  Un  arrêt  du  Parlement  de  la  Pentecôte 
1281  constate  que  ce  village  était  régi  par  les  Coutumes  de 
Lorris;  Beugnot,  Olim,  t.  II,  p.  186,  n°  XLIV. 

54  (p.  282). 

Moulineux  (Chalou-Moulineux ,  Seine-et-Oise,  arr.  Etam- 
pes,  c0tt  Méréville). 

Avant  1300.  —  Arrêt  du  Parlement  de  1300.  Indiq.  par 
Boutaric,  Actes  du  Parlement,  n°  3014,  t.  II,  p.  4. 

55  (p.  269)  (p.  282). 

Chéroy  (Yonne,  arr.  Sens,  ch.-l.  canton). 

Voulx  (Seine-et-Marne,  arr.  Fontainebleau,  c°*  Lorrez). 

Lixy  (Yonne ,  arr.  Sens ,  con  Chéroy). 

Dollot  (Yonne,  arr.  Sens,  c°*  Chéroy). 

Ferrottes  (Seine-et-Marne,  cBB  Thoury,  con  Lorrez). 

Ces  villages  jouissaient  des  coutumes  et  privilèges  de  Lor- 
ris avant  1314,  comme  le  constate  une  enquête  de  la  Chambre 
des  comptes,  Pièces  just.,  n°  XXII. 


ET  LEUR  PROPAGATION  AUX  XIIe   ET  XIIIe   SIECLES.    319 


LISTE  ALPHABÉTIQUE 

DES  VILLES  ET  VILLAGES  DONT  LES  CHARTES  SONT  COPIÉES 
EN  TOTALITÉ  OU  EN  PARTIE  SUR  LES  COUTUMES 

DE  LORRIS  (1). 


1.  Amilly,  près  Montargis,  9. 

29.  Courcelles-le-Roi,43. 

2.  Àngy,  49. 

30.  Diant ,  46. 

3.  Arcon ville,  53. 

34.  Dixmont,  23. 

4.  Àubigny,  54. 

32.  Dollot,  55. 

5.  Barlieu,24. 

33.  Ervy,  32. 

6.  Barville,  43. 

34.  Étang-le-Comte  (F),  33. 

7.  Batilly,  43. 

35.  Ferrières,  47. 

8.  Bicherau,  46. 

36.  Ferrottes ,  55. 

9.  Boiscommun,  48. 

37.  Ferté-Loupière  (la),  28. 

10.  Bois-Girard,  43. 

38.  Flagy,  46. 

14.  Bois-le-Roi,  40. 

39.  Fouchôres,  47. 

12.  Bourg-Neuf-de-la-Brosse, 4  3. 

40.  Gaubertin,  43. 

43.  Bratellos,  43. 

41.  Gisy,  46. 

14.  Bricovillare ,  43. 

42.  Goi  (Taleu  de),  43 

15.  Chalou-la-Reine ,  44. 

43.  Graçay,  48. 

46.  Chaource,  6. 

44.  Isdes,  42. 

17.  Chapelle-d'Àngillon  (la),  38. 

45.  Lixy,  55. 

18.  Chapelle-Champigny(la),49. 

46.  Lorrez-le-Bocage,  8. 

49.  Chapelle-la-Reine  (la),  2. 

47.  Mailly-le-Château ,  36. 

20.  Chàteaulandon ,  52. 

48.  Mailly-la-Ville,  37. 

24.  Chateauneuf-sur-Cher,  50. 

49.  Maraye-en-Othe,  42. 

22.  Chaumont-en-Bassigny,  29. 

50.  Marchenoir,  30. 

23.  Chaumont-sur-Yonne,  49. 

54.  Mehun-Bur-Yèvre,  40. 

24.  Chemin  (le),  34. 

52.  Ménétréol-soui-Sancerre ,  27. 

25.  Chéroy,  55. 

53.  Montargis,  9. 

26.  Cléri,  34. 

54.  Montes-Estue,  43. 

27.  Clos-le-Roi  (le) ,  13. 

55.  Moulinet  (le),  4. 

28.  Cortevaix,  45. 

1    56.  Moulineux,  54. 

(4)  Le  numéro  qui  suit  chaque  nom  de  lien  renvoie  au  numéro  de  la  Litte 
chronologique  qui  précède. 


320 


LES  COUTUMES  DE  LOBAIS,  ETC. 


57.  Nonette,  24. 

58.  Pont-sur-Yonne,  45  et  49. 

59.  Préaux ,  8. 

60.  RouBson,  15. 

64.  Saint-André-le-Désert,  22. 

62.  Saint-Brisson,  26. 

63.  St-Laurent-s-Barenjon,  43. 

64.  St-Loup  (la  baillie  de),  13. 

65.  Saint-Mards,  31. 

66.  Sainte-Marguerite,  en  la  pa- 

roisse de  St-Michel,  13. 

67.  Salornas,  41. 

68.  Sancerre,  25. 

69.  Sancoins,  35. 


70.  Sceaux-en-GAtinais,  4. 

71.  Selles  (la),  en  Berry,  39. 

72.  Sennely,  7. 

73.  Vauchassis,  31. 

74.  Vermenton,  44. 

75.  VOleblevin,  49. 

76.  Yillemanoche,  49. 

77.  Villeneuve-l'Archevêque,!! 

78.  Villeneuve-la-Guyard,  49. 

79.  Villeneuve-le-Roi,  5. 

80.  Virgutellum,  13. 

81 .  Voisines ,  20. 

82.  Voulx,55. 

83.  Yevre-le-Châtel,  3. 


Maurice  Prou. 


(A  suivre.) 


ESSAI 


SU* 


L'ANCIENNE  COUTUME  DE  PARIS 

AUX  XIII»  ET  XIV«  SIÈCLES 

(8WT«) 


•    '  m  t       m    ■         ni    p^^»^t 


CHAPITRE  TROISIÈME. 
Quels  biens  sont  meubles  et  immeubles? 

Parmi  les  textes  des  xm*  et  xiv*  siècles  relatifs  à  la  cou- 
tume de  la  prévôté  et  vicomte  de  Paris,  on  en  trouve  quelques- 
uns,  ayant  trait  à  la  division  des  biens ,  en  biens  meubles  et 
immeubles.  Au  xvi*  sièole,  lors  de  la  première  rédaction  de 
la  Coutume,  on  ne  crut  pas  devoir  consacrer  un  titre  spécial 
à  cette  division  des  biens;  les  réformateurs  de  1580  réparèrent 
cet  oubli,  en  ajoutant  à  la  Coutume  réformée,  le  titre  troi- 
sième, et  en  empruntant  aux  praticiens  des  siècles  précé- 
dents ,  les  différentes  règles  dont  ils  fermèrent  les  articles  88 
à  95(1). 

La  distinction  des  biens  en  meubles  ou  immeubles  était  gé- 
nérale, s'appliquant  à  tous  les^biens  :  «  Les  ungs  sont  meubles, 
»  les  autres  immeubles.  Les  biens  meubles  sont  comme  or, 
»  argent,  biens  ustensiles  de  maison,  pain,  vin  et  aultres 
»  choses  qui  sont  d&legier  muables  d*ung  lieu  en  aultre,  sans 

(1)  Ces  articles  ont  surtout  pour  but  de  faire  connaître  quels  biens  sont 
réputés  meubles  ou  immeubles.  V.  Laurière,  I,  page  220  ;  cette  division  des 
biens  n'est  pas  la  seule  dont  se  soient  occupés  nos  anciens  auteurs  du  ixw* 
siècle;  ils  distinguaient  encore  les  bienB  corporels  et  les  biens  incorporels, 
les  propres  et  les  acquêts ,  etc.  V.  Gr.  Coutumier,  liv.  II ,  ch.  iv,  y  et  xu  ; 
Betumanoir,  XXIII ;  Loysel,  Ut.  II,  Ut.  i,  De  la  Msimction  de*  bien*. 


322  ESSAI  sur  l'ancienne 

»  destruction  de  ediffice,  ou  despoillement  de  héritage    » 
(Grand  Coutumier,  liv.  II,  chap.  12,  pag.  207)  (1). 

Ces  choses,  qu'on  ne  pouvait  «  mettre  hors  sans  despiecer 
»  l'héritage  »  (Grand  Coutumier ,  p.  229),  étaient  réputées  im- 
meubles par  destination  ;  il  en  était  de  même  de  celles  ce  te- 
»  nant  à  clou,  à  cheville  et  à  racine.  »  (Arrêt  de  1280)  (2).  Le 
bois  coupé  était  meuble;  mais  le  bois  à  couper  était  réputé 
immeuble.  Il  y  avait  divergence  dans  les  coutumes  pour  cer- 
taines choses ,  telles  que  fruits  pendants  par  racines  et  pois- 
sons d'étangs.  «  Aux  coutumes  vous  tenez,  »  trouve-t-on  dans 
le  Grand  Coutumier,  à  ce  sujet  (id.). 

Dans  la  prévôté  et  vicomte  de  Paris,  au  xiv«  siècle,  les 
fruits  pendants  par  racines,  les  blés  ou  foins  non  coupés, 
étaient  réputés  immeubles ,  «  quia  quicquid  sei'itur,  plantatur 
»  vel  edificatur  solo,  solo  cedit,  id  est  reputatur  hereditas  si- 
»  eut  et  ipsa  terra  »  (Grand  Coutumier,  id.,  p.  230).  Mais  dès 
qu'ils  étaient  séparés  du  sol,  ils  devenaient  meubles,  «  naluram 
»  mobilium  adispiscuntur  »  (id.)  (3). 

Quant  aux  poissons  des  étangs ,  on  distinguait  s'ils  étaient 
dans  l'étang,  à  l'état  libre  «  sans  autre  retenue,  »  ou  bien  s'ils 
étaient  «  en  un  salvoir  vel  alio  continente  ;  »  dans  le  premier 
cas,  ils  étaient  regardés  comme  faisant  partie  de  l'étang  et, 
par  suite,  étaient  réputés  immeubles;  dans  le  second,  on  les 
tenait  pour  meubles  (Grand  Coutumier,  id.)  (4). 

Les  immeubles  étaient  corporels  ou  incorporels,  «  toute 
»  chose  est  corporelle  que  l'en  peult  palmer  et  tenir  à  la 
»  main.  »  Les  immeubles  incorporels  étaient  les  servitudes  et 
autres  droits  tels  que  cens ,  rentes  foncières  ou  constituées  : 
«  Mais  les  biens  immeubles  et  incorporels  sont  servitudes 
»  perpétuelles  qui  sont  imposées  aux  biens  corporels,  si  comme 

(1)  Cette  môme  énamération  se  trouve  danB  un  arrêt  du  Parlement  de 
1280  :  «  Or,  argent,  pierres  précieuses,  deniers,  Taiselments  d'argent,  cbe- 
»  vaux ,  pavelons,  arbeleites,  vins  en  ce  liera,  coûtes,  coisins ,  tables,  formes 
»  et  autres  garnison  par  oustel  et  vaissieaux  sont  muebles  partantes.  De 
»  engins  il  ne  fut  rien  dit.  Derechief ,  il  fut  esgardé  que  toute  chose  qui 
»  tient  à  clou,  à  cheville  et  à  racine,  n'est  mie  mueble  {Olim,  II,  p.  164).  » 

(2)  Cf.  Paris,  art.  90. 

(3)  Cf.  Paris,  art  92.  V.  loi  44,  Digeste.  Liv.  VI ,  Ut.  i.  De  rei  vend. 

(4)  Cf.  Paris,  art.  91. 


COUTUME   DE  PARIS.  323 

»  cens  9  rentes  et  aultres  debvoirs  »  (Grand  Coutumier,  liv.  II, 
chap.  12,  page  207)  (1). 

Enfin  une  somme  d'argent  pouvait  être  réputée  immeuble  ; 
il  en  était  ainsi  de  la  somme  donnée,  dans  un  contrat  de  ma- 
riage ,  par  des  ascendants  pour  être  employée  à  l'achat  d'im- 
meubles ;  de  même ,  du  prix  de  l'héritage  propre  à  la  femme , 
vendu,  pendant  le  mariage,  par  le  mari.  J.  Lecoq  attribuait 
ce  prix  à  l'héritier  des  propres,  et  non  au  plus  proche  héritier. 
Il  admettait  la  subrogation  du  prix  à  l'héritage.  Mais  c'était 
une  opinion  personnelle;  le  Parlement,  en  effet,  décidait  au 
contraire,  que  le  prix  devait  revenir  au  plus  proche  héri- 
tier (2)  (J.  Lecoq,  Quœst.  I). 


CHAPITRE  QUATRIÈME. 

De  la  complainte  en  cas  de  saisine  et  de  nouvelleté 

et  simple  saisine. 

On  pouvait  acquérir  la  saisine  ou  possession  de  droit  soit 
par  une  possession  acquise  par  succession,  soit  par  une  posses- 
sion acquise  par  tradition,  soit  par  une  détention  ou  possession 
de  fait  continuée  pendant  un  certain  temps  ;  mais  pour  qu'il  en 
fût  ainsi,  dans  ce  dernier  cas,  il  fallait  que  cette  possession 
n'eût  été  acquise  nec  vi,  nec  clam,  nec  precario  :  «  C'est  as- 
»  savoir  que  la  chose  ne  soit  mye  occupée  par  force,  ni  clan- 
»  destinement ,  ne  par  prière,  mais  paisiblement,  publique- 
»  ment,  et  non  à  tiltre  de  louaige  ne  de  prest.  »  (Gr.  Coutumier, 

(1)  Voy.  Brodeau  sur  l'article  94.  Cf.  Paris,  1510 ,  art.  97.  On  réputait  en- 
core immeubles,  les  meubles  précieux  tels  que  joyaux,  bagues,  etc.  Loysel, 
liv.  II ,  tit.  i ,  n°  219.  Quant  aux  actions ,  elles  étaient  mobilières  ou  immo- 
bilières Buivant  qu'elles  tendaient  à  un  meuble  ou  un  immeuble.  Voy.  Lan- 
rière,  I,  p.  224. 

(2)  Voy.  Brodeau  sur  l'article  93.  —  Loysel,  liv.  II ,  tit.  i,  n»  212  :  a  De- 
»  niers  destinés  pour  achat,  ou  procédant  de  vente  d'héritage  ou  de  rachats 
»  de  rentes  et  remployantes ,  sont  réputés  immeubles ,  mémement  en  faveur 
•  des  femmes  contre  leurs  maris,  et  des  mineure  contre  leurs  tuteurs.  » 
Ainsi,  toute  somme  destinée  à  effectuer  un  remploi,  était  réputée  immeuble. 
(Test  l'opinion  que  soutenait  J.  Lecoq  et  qui  finit  par  triompher  aux  xv*  et 
xvi*  siècles. 


301  ESSAI  SUR  L'j 


Hi:-i;i:;:- 


liv.II,eh.  19,pag.  231)(i).  Continuée  dans  les  mêmes  eoftdkioB& 
pendant  le  délai  d'un  an  et  on  jour,  cette  possession  4e  fait 
démenait  alors  la  saisine  on  possession  de  droit  :  «  Qa  at> 
»  qmeii  la  saisine  et  possession  d'vA»  chose  par  icejle  avoir 
»  de  fait  appréhendée  et  possessée  et  do  ksalle  avoir  jeuy  et 
»  nsé  par  an  et  jour  paisiblement  an  vea  et  scea  de  eaux  qo* 
n  empeschement  y  voudraient  mettre  *  (Coma,  nei.»  181  ;  M», 
J.  Deamares,  41  S)  (S), 

Cette  saisine  était  défendue,  dés  la  fin  du  xn*  siècle,  par 
des  dams  ou  complaintes,,  grâce  auxquels  le  possesseur  po*h 
vait  faire  cesser  tout  trouble  apporté  &  sa  possession.  Mai» 
cette  théorie  de  la  possession,  mieux  défendue  que  la  pro- 
priété elle-même ,  ou  du  moins  d'une  façon  plus  simple  et  plus 
rapide  (3),  ne  se  dégage  nettement  qu'après  la  renaissance 
des  études  juridiques ,  sous  l'influence  des  interdits  romains, 
c'estrà-dire  vers  la  seconde  moitié  du  xn*  siècle.  A  cette  épo- 
que,, celui  qui  était  troublé  dans  sa  possession  pouvait  exercer 
les  claims  de  force,  de  nouveau  trouble  ou  de  nouvelle  des- 
saisine ,  suivant  que  le  trouble  dont  il  se  plaignait  avait  en 
lieu  avec  on  sans  violence.  Le  possesseur  agissait  alors  ad 
reeuperanéam  vel  retinendam  possesswnem  (-4). 

On  n'admettait  pas  encore,  en  effet,  que  la  possession  pût  sa 
conserver  animo  Untom  ;  toute  interruption  de  fait  entraînait 
dessftistne,  et  le  possesseur  qui  plaidait  ad  recupermdampos* 
seaianem  devait  prouver  la  continuité  de  sa  possession  (5)r. 
Mais  au  xiv*  siècle,  on  simplifia  cette  procédure  ;  on  admit  que 
le  possesseur  resterait  saisi ,  alors  même  qu'il  aurait  perdu  la 
possession  de  fait,  en  un  mot,  que  la  possession  pourrait  ae 
conserver  animo  tantum. 

Dès  lors  il  ne  pouvait  plus  être  question  de  recouvrer  la 

(1)  Voy*  Digeste,  liy.  XLI ,  lit.  u. 

(2)  Laurière,  I,  p.  256-257. 

(3)  Cf.  Loysel,  iiv.  V,  tit.  îv,  n°  740.  Voy.  le  Umr$  des  Constitution*,  éd. 
Cb.  Mortel  (i883),  p.  65,  note  3. 

(4}  Cf.  Laurière,  I,  p.  231.  Beaumanoir,  xxxu. 

(5)  ûr.  Coukmier,  Ut.  H,  chap.  19  :  «  Car  au  libelle  4e  aoquérix  saisine* 
»  et  an  libelle  de  recouvrer  saisine,  il  est  requis  et  nécessaire  de  alléguer  et 
»  menstrer  tiUre  par  lequel  le  demandeur  se  dit  avoir  droit  en  la  possessioa 
»  acquérir  ou  recouvrer.  » 


COUTUME  DE  PARIS.  325 

possession ,  mais  seulement  de  la.  retenir  ;  les  trois  actions  de 
force ,  de  nouveau  trouble  et  de  nouvelle  deasaîsine  se  fon- 
dèrent en  une  seule.  Ce  fut  la  complainte  enensde  saisine  et 
de  nowtlleté  (i). 

Cette  réforme  paraît  devoir  être  attribuée  à  messire  Symon 
de  Buci,  qui  fut  premier  président  au  Parlement  de  Paris 
vers  1350  (2);  e'est  du  moins  ce  que  semble  indiquer  ce  pas- 
sage du  Grand  Coutumier  ;  «  Messire  Symon  de  Buci  qui 
»  premièrement  trouva  et  mist  sus  les  cas  de  uouvelleté...  » 
(liv.  II,chap.l9,  p.  253). 

Lft  première  condition  pour  pouvoir  exercer  une  complainte 
était  d'avoir  la  saisine  ou  vraie  possession  de  la  chose  faisant 
l'objet  de  la  complainte.  Nous  avons  vu  que  cette  saisine  pou- 
vait résulter  de  trois  modes  différents  de  possession  ;  1°  pos- 
session acquise  par  occupation;  2°  possession  acquise  par 
succession  ;  3°  possession  acquise  par  tradition  de  fait. 

Dans  le  cas  d'une  possession  acquise  par  occupation,  il  fal- 
lait „  pour  acquérir  la  saisine,  avoir  réellement  appréhendé  la 
chose ,  car  une  appréhension  de  fait  était  nécessaire  ;  de  plus , 
il  fallait  l'avoir  possédée  pendant  un  an  et  un  jour,  paisible- 
ment» publiquement  et  à  titre  de  propriétaire  (Coût.  noL,  181; 
Grand  Coutumier,  liv.  II,  chap.  19,  p.  331)  (3). 

liais  cette  possession  annale  n'était  plus  nécessaire  en  cas 
dft  possession  acquise  par  succession.  Au  xive  siècle ,  la  cou- 
tume «  le  mort  saisit  le  vif  »  avait  triomphé  en  ligne  directe, 
sauf  pour  les  fiefs,  «  ou  saisine  de  droit  ne  aultre  n'est  acquise 
sans  foy  (4).  »  L'héritier  acquérait  donc  la  saisine,  dès  qu'il 
avait  appréhendé  la  chose  «  quia  saisina  deffuncti  descendit  in 
vimm»  »  saaos  qu'il  eût  besoin  «  de  aller  ne  au  seigneur,  ne  au 
juge,  ne  a  autre  (5).  »  Dès  qu'il  avait  appréhendé  la  chose,  il 
était  saisi  :  «  et  se  momentanément ,  et  avant  Van  et  jour  de 
»  saisine,  ils  se  apparent  aucuns  opposans  ou  empeschans, 
»  icelluy  peult  contre  eux  intenter  ledict  libelle  et  soy  ayder 


(1)  M.  Ad.  Tardif  à  son  cours  (1880). 

(2)  Voy.  Laurière,  I,  p.  257. 

(3)  Gf.  Parit,  art  96. 

(4)  Beaumanoir,  VI,  4. 

(5)  Loysel,  liv.  V,  Ut.  nr,  n°  745. 


328  essai  sur  l'ancienne 

»  eeste  qualité  de  nouvelleté  seulement  »  (Grand  Coutumier, 
id.)  (1). 

Cette  action  de  simple  saisine  était  générale  au  xrv*  siècle 
«  tant  pour  les  fonds  que  pour  les  rentes  »  (Laurière,  I,  p. 
269).  Dès  le  xve  siècle,  on  la  trouve  restreinte  aux  rentes, 
foncières  ou  constituées.  Enfin  au  xyi6,  elle  ne  s'applique  plus 
qu'aux  rentes  foncières,  les  rentes  constituées  ayant  perdu 
leur  caractère  de  charges  réelles. 

Lorsqu'une  des  parties  plaidait  en  même  temps  sur  la  pos- 
session et  la  propriété ,  par  cela  même ,  elle  reconnaissait  que 
son  adversaire  était  en  possession  et  saisine  :  «  de  la  chouse 
»  contentieuse  et  qu'elle  en  ha  joy ,  et  par  ce  doit  estre  tenue 
»  et  gardée  en  sa  possession  et  saisine  et  doit  joir  de  la  dite 
»  chouse  pendant  le  plaid  et  semble  que  l'autre  partie  se  dé- 
»  parte  de  la  possession;  quar  la  cause  de  la  possession  doit 
»  estre  traitiée  avant  celle  de  la  propriété  »  (J.  Desmares, 
300)  (2). 

Il  n'était  pas  indifférent  d'être  tenu  pour  possesseur  de  la 
chose;  car  il  y  avait  présomption  en  faveur  du  possesseur  et 
la  saisine  lui  était  adjugée,  si  l'adversaire  ne  prouvait  son 
droit ,  sans  qu'il  fût  obligé  de  faire ,  lui-même ,  aucune  preuve 
(Grand  Coutumier,  id.,  p.  239). 

La  procédure  en  matière  de  complainte  était  une  procédure 
sommaire.  Les  ajournements  se  faisaient  sans  solennité, 
comme  en  cas  personnel ,  bien  que  la  complainte  fût  une  ac- 
tion réelle,  se  plaidant  devant  le  juge  de  la  situation  de 
l'immeuble  (J.  Desmares,  116);  il  n'y  avait  ni  jour  d'avis, 
ni  jour  de  vue,  ni  jour  de  conseil  (3).  L'opposition  faite  sur 
le  lieu  valait  vue  (Grand  Coutumier,  wL,  p.  251).  Un  seul  dé* 
faut  faisait  perdre  la  saisine  au  défaillant  et  la  possession  était 
adjugée,  sans  autre  ajournement,  i  la  partie  comparante.  La 
chose  contentieuse  était  toujours  mise  en  la  main  du  roi , 
c'est-à-dire  sous  séquestre,  durant  le  débat  (Grand  Coutimier, 
ùt.,p.23&)(4). 

(1)  Cf.  Paris,  art.  98. 

(2)  Cf.  Grand  Coutumier,  liv.  II ,  eh-  19,  p.  247. 

(3)  En  actioa  réelle,  U  y  avait  trou  dîUUona  :  d'à  via,  de  vue  et  de  con- 
seil. Voy.  Grand  Coutumier,  liv.  III,  chap.  3. 

(4)  Voy.  Laurière,  Glossaire  :  V*  Main  du  roi,  U II. 


COUTUME  DE  PARIS.  329 

Enfin  les  complaintes  étaient  mises  au  nombre  des  cas 
royaux  par  prévention  :  «  Causas  novitatis  cognitio  ad  regem 
spécial,  dum  prima  ad  ewm  recurrilur  »  (J.  Desmares,  310; 
Grand  Coulumicr,  id.,  p.  240). 


CHAPITRE  CINQUIÈME. 
Des  actions  personnelles  et  d'hypothèque. 

Les  détenteurs  et  propriétaires  d'héritages  chargés  de  cens, 
rentes  ou  autres  charges  réelles  étaient,  dans  le  dernier  état 
du  droit  coutumier,  au  xvni°  siècle,  soumis  à  trois  actions  : 
1°  l'action  personnelle;  2°  l'action  spéciale  hypothécaire; 
3°  l'action  mixte.  L'action  personnelle  s'exerçait  contre  le  pre- 
neur direct,  qui  pouvait,  en  outre,  être  soumis  aux  deux 
autres  actions.  L'action  spéciale  hypothécaire  s'exerçait  sur- 
tout contre  le  sous-acquéreur;  enfin  l'action  mixte  avait  pour 
faut  de  forcer  le  sous-acquéreur  à  passer  titre  nouvel  et  à  se 
reconnaître  ainsi  débiteur  personnel  (1). 

Dans  les  textes  du  XIVe  siècle,  nous  ne  trouvons  mention- 
nées que  deux  actions  au  profit  du  seigneur  censier  ou  du 
bailleur  à  rente  :  une  action  personnelle  et  une  action  réelle 
hypothécaire.  Quant  à  l'action  mixte  qui  avait  surtout  pour 
but  de  forcer  les  tiers  détenteurs  à  se  reconnaître  débiteurs 
personnels,  afin  qu'on  pût  exercer  contre  eux  l'action  person- 
nelle; elle  n'aurait  eu  aucune  utilité  pratique  aux  xiu*  et  xiv* 
siècles.  À  cette  époque,  en  effet,  et  c'est  une  remarque  que 
fait  de  Laurière  dans  son  commentaire  sur  l'article  99,  l'inféo- 
dation  et l'ensaisinement  qu'on  n'omettait  point,  constituaient 
une  publicité  suffisante  pour  que  les  tiers  détenteurs  n'igno- 
rassent pas  les  charges  dont  pouvaient  être  grevés  les  héri- 
tages qu'ils  possédaient  et  par  suite  de  cette  connaissance 
qu'on  pouvait  légitimement  supposer,  ils  se  trouvaient  tenus 
personnellement,  quasi  ex  contracta.  Il  n'était  donc  pas  utile 
d'avoir  recours  à  une  action  spéciale  pour  leur  faire  passer  un 

(1)  Voy.  Pothier,  TrûUé  du  bail  à  rente,  ohap.  V,  art.  4.  Loysaau,  Traité  du 
digverpissenmt,  liv.  V,  ch.  10  (Paris,  1597,  1  vol.  in-4«). 


330  essai  sur  l'ancienne 

titre  nouvel  qui  permît  de  les  poursuivre  personnellement. 
Cette  utilité  n'apparut  que  lorsque  les  formalités  de  l'inféoda- 
tion  et  de  l'ensaisinement  furent  tombées  en  désuétude  (1). 

Nous  avons  vu  que  dés  la  fin  du  xrve  siècle,  elles  tendaient 
à  disparaître  ;  c'est  donc  avec  raison  que  de  Laurière  critique 
vivement  le  texte  trop  général  de  l'article  99  de  la  Coutume  de 
1580  qui  soumet  le  tiers  détenteur  à  l'action  personnelle.  Car, 
au  xvie  siècle,  les  formalités  de  «  vest  et  devest,  »  qui  consti- 
tuaient une  sorte  de  publicité  pour  les  charges  grevant  un 
héritage,  avaient  depuis  longtemps  disparu  (2). 

Il  y  avait  donc  au  xiv°  siècle  deux  actions:  1°  une  action 
personnelle  s'exerçant  contre  le  détenteur  primitif,  et  aussi 
contre  le  sous-acquéreur,  pour  les  arrérages  échus  durant 
leur  possession  ;  2°  une  action  réelle  hypothécaire  s'exerçant 
contre  les  mêmes,  non-seulement  pour  ces  arrérages  échus, 
mais  aussi  pour  ceux  dûs  à  l'époque  de  leur  entrée  en  posses- 
sion et  dont  ils  étaient  tenus  comme  détenteurs  de  l'héritage 
{Caut.  not.,  180)  (3). 

Ils  étaient  tout  d'abord  tenus  personnellement,  sans  dis- 
tinction :  «  Le  propriétaire  d'un  héritage  chargé  de  cens  ou 
»  de  rente  est  tenu  de  l'acquit  d'icelle  debte  et  charge  aux 
»  créanciers...  et  peuvent  les  créanciers  contraindre  les  pro- 
»  priétaires  à  payer  les  dites  rentes  et  charges  tant  comme 
»  ils  sont  propriétaires  de  iceux  héritages  et  en  peuvent  les 
»  créanciers  faire  libelle  personnel.  Et  aussi  en  use  l'en  au 
»  chastellet  de  Paris  (Coût,  not.,  43)  (4). 

Outre  cette  action  personnelle,  il  y  avait  contre  tout  posses- 
seur d'un  héritage  obligé  ou  hypothéqué  à  des  charges  réelles, 
une  action  réelle  hypothécaire  :  «  Toute  chose  réelle,  qui  est 
»  obligiée  et  hypothéquée  par  celui  qui  faire  le  puet  en  aucune 

(1)  Voy.  Brodeau ,  sur  l'article  99. 

(2)  Voy.  Laurière,  I,  p.  277. 

(3)  c  Ains  U  appert  qu'il  (le  cerisier  ou  bailleur)  a  bonne  cause  et  action 
»  personnelle  et  ypothecque...  C'est  assavoir,  personnelle  a  ce  qu'il  (le  pre- 
»  neur),  soit  condempné  à  paier  la  rente  et  arrérages  tant  comme  il  sera 
»  propriétaire  de  la  dite  terre;  et  ypothecque  afin  qu'il  soit  dict  et  déclairé 
9  icelle  terre  estre  obligée  et  ypothecquée  pour  la  dite  rente  et  les  dicts 
p  arrérages  »  (Gr.  Coutumier,  liv.  III,  ch.  60,  p.  549). 

(4)  Cf.  Paris,  article  99. 


COUTUME  DE  PARIS.  331 

»  debte  envers  aucun  créancier,  s'en  va  a  tout  sa  charge  en 
»  quelque  main  qu'elle  soit  transportée  et  peuvent  estre  pour- 
»  suivis  les  propriétaires  et  les  possesseurs  qui  la  tiennent, 
»  en  action  hypothécaire,  à  la  requeste  du  dit  créancier  et  de 
»  ses  hoirs  et  ayant  cause  de  lui...  »  (Coût.  not.,  35). 

Les  tiers  détenteurs  se  trouvaient  donc,  de  même  que  le 
propriétaire  tenus,  et  personnellement  quasi  ex  contracta, 
comme  n'ayant  pu  ignorer  les  charges  de  la  propriété  qu'ils 
détenaient,  et  hypothécairement  comme  détenteurs  de  l'héri- 
tage. Cet  héritage  était  considéré  comme  le  débiteur  des 
arrérages  (J.  Desmares,  277)  (1). 

Le  demandeur  à  l'action  hypothécaire  n'avait  à  prouver  ni 
sa  possession,  ni  celle  de  son  prédécesseur,  sur  le  droit  qu'il 
réclamait;  il  devait  seulement  montrer  le  contrat  ou  l'obliga- 
tion passés  à  son  profit  ou  au  profit  de  son  prédécesseur  :  «  In 
»  hypothecarianon  est  actoris  probare  quod  suus  predecessor 
»  possedit  in  rem  quam,  vel  super  quam  ,  petit  jus,  scilicet 
»  usum,  pecuniam  vel  redditum  ad  vitam,  imo  sufficit  osten- 
»  dere  obligationem  vel  litteram  obligatoriam  »  (Coût,  not., 
29;  J.  Desmares,  172). 

Mais ,  par  suite  de  cette  idée  que  ce  n'était  pas  tant  le  dé- 
tenteur que  l'héritage  lui-même ,  qui  était  débiteur  des  arré- 
rages des  cens  et  rentes,  on  fut  amené  à  admettre  que  le  dé- 
tenteur pourrait  se  soustraire  au  paiement  des  arrérages, 
en  abandonnant  l'héritage  sous  certaines  conditions,  en  un 
mot,  en  déguerpissant  (2).  Et  cela  fut  admis,  même  pour  le 
preneur  primitif ,  pour  celui  qui  avait  été  partie  au  contrat 
d'accensement  ou  au  bail  à  rente.  La  Coutume  notoire  171, 
nous  en  donne  la  raison  :  «  Se  aucun  prend  à  cens  une  maison 
»  assise  à  Paris,  supposé  qu'il  s'oblige  à  payer  la  dite  rente, 
»  c'est  à  entendre  tant  qu'il  sera  propriétaire  de  la  dite  maison 
»  et  sur  le  lieu  seulement  et  ne  regarde  et  ne  puet  regarder  la 
»  dite  obligation  fors  seulement  la  dite  maison  par  luy  prise 
»  et  accensée.  Et  puet  iceluy  propriétaire  renoncier  à  icelle 
»  maison  et  par  renonciation  il  est  quite  de  la  dite  rente  par 


(4)  Cf.  Paris,  article  101. 

(2)  Voy.  Loyaeau,  Ut.  I ,  chap.  2,  n°  13. 


332  E8WUiS0R  l'àITCIENNE 

»  payant  les  arrérages  qui  seraient  échus  au  temps  de  la  re- 
»  nonciation...  »  (Coût,  not.,  171)  (1). 

Le  preneur  pouvait  donc  renoncer  à  l'héritage  bien  qu'il 
Bût  promis  de  payer  la  fente*,  cette  simple  promesse  De  s'<em- 
tendait  que  «  tant  comme  il  est  propriétaire  >et  non  depuis  *> 
ifiout.  net.,  97).  Mais  il  en  était  autrement  lorsque  la  promesse 
était  accompagnée  d'une  clause  ou  obligation  spéciale,  «  «xi 
»  cas  que  il  n'y  aurait  obligation  expresse  et  plus  largo  de 
»  payer  la  rente  que  dit  n'est  cy-dessus.*.  »  (Coût.  not.9 
171)  (2). 

Ainsi,  par  exemple,  la  clause  de  faire  vàkir  entraînait  pour 
le  preneur  l'obligation  de  payer  la  rente  à  perpétuité  :  «  Se 
»  aucun  prend  aucune  maison  à  rente  et  baille  contreplege 
»  pour  la  faire  valoir  et  fournir  perpetuo  et  renonce  par  foy  à 
»  toutes  exceptions  et  fait  par  décret  confirmer  iceluy  contrat, 
»  jamais  il  ne  puet  renoncer  à  iceluy  contrat,  maxime  quand 
»  il  n'a  grâce  de  roy  ni  dispensation  de  prélat  »  (Coutume  no- 
toire, 95). 

La  renonciation  du  preneur,  pour  être  valable ,  devait  se 
faire  en  justice,  partie  présente  et  appelée  :  «  qui  veultjrenon- 
»  cer  à  aucune  chouse  que  il  tient  à  cens,  il  doit  fere  appeler 
»  tous  les  censiers  et  leur  payer  les  arrérages  passés  et  le 
»  terme  après  ensuivant,  ains  que  la  renonciation  vaille  et 
»  est  tout  de  notoriété  »  (J.  Desmares,  183  ;  Grand  Coutumier, 
liv.  II,chap.  51,  p.  317)  (3). 

Il  était  naturel  que  a  les  censiers  et  ayans  droicts  incorpo- 
rels »  fussent  appelés  à  la  renonciation  ;  ils  pouvaient  avoir 
des  réserves  à  faire  sur  un  acte  qui  pouvait  porter  atteinte 
à  leurs  intérêts.  Aussi  avaient-ils  le  droit  de  faire  protestation 
de  débattre  la  renonciation  en  temps  et  lieu  (Coutume  no- 
toire, 96). 

Le  preneur  qui  renonçait,  devait  payer  les  arrérages  échus, 
plus  le  terme  suivant ,  «  les  arrérages  que  d'iceux  droicts  in- 
»  corporels  sont  deubs  depuis  le  temps  lors  passé  jusques  à  la 
»  renonciation,  avec  le  terme  subséquent...  »  (Cout.noL,  70; 

(1)  Voy.  Brodeau,  sur  l'article  101. 

(2)  Voy.  Laarière,  sur  l'article  109.  Cf.  Loyseaa,  du  Dégverpistemênt. 

(3)  Cf.  Paris,  art.  109;  voy.  Brodeau,  sur  eet  artiole. 


COUTUME  DB   PARIS.  333 

id.y  Coût,  not.,  98)  (1).  Tous  les  biens  meubles  et  immeubles 
du  délaissant  étaient  obligés ,  et  pouvaient  être  exécutés  pour 
«  Yentretenement  d'icelle  obligation  »  (Coût,  not.,  96). 

On  a  vu  que  lorsqu'il  y  avait  plusieurs  censiers  prenant  cens 
ou  rentes  sur  un  même  héritage,  les  droicts  des  derniers 
censiers  étaient  obligés  pour  ceux  des  premiers ,  en  ce  sens 
que  les  derniers  devaient  garnir  la  maison  et  étaient  respon- 
sables du  paiement  des  arrérages.  Mais  ils  pouvaient  se  sous- 
traire à  cette  obligation  en  renonçant  à  leur  droit  (Coût,  not., 
115)  ;  dans  ce  cas,  ils  n'avaient  aucun  arrérage  à  payer  :  «  Sa- 
»  chez  que  quand  le  derrenier  censier  renonce  à  son  droit , 
»  il  ne  paye  nuls  arrérages ,  et  si  le  propriétaire  renonce ,  il 
»  les  paye  »  (J.  Desmares,  225).  Si  donc  ce  dernier  censier 
était  poursuivi ,  il  pouvait  appeler  en  garantie  le  propriétaire, 
qui  seul  était  le  vrai  débiteur  des  arrérages  (2). 

Le  recours  en  garantie  s'exerçait  alors  dans  des  conditions 
particulières.  Selon  le  droit  commun,  en  matière  réelle,  le 
garant  devait  être  sommé  «  avant  le  plait  entamé  et  contesta- 
tion en  cause ,  »  c'est-à-dire  avant  qu'il  y  ait  eu  règlement  sur 
les  demandes  et  défenses  des  parties  (J.  Desmares,  140,  354; 
Coût,  not.,  67)  (3).  Mais  lorsqu'il  s'agissait  du  recours  en  ga- 
rantie du  dernier  censier  contre  le  propriétaire,  on  suivait 
une  toute  autre  règle  et  le  censier  pouvait  sommer  le  proprié- 
taire garant  en  tout  état  de  cause,  même  après  condamna- 
tion... «  nonobstant  que  le  défendeur  sommé,  ne  dénonce  au 
»  propriétaire,  se  il  n'est  de  la  garantie  de  la  rente  et  posé  que 
»  le  défendeur  quia  possidet,  condemnetur  à  garnir  la  dite 
»  maison  ou  à  quiter  jus  suum ,  pour  ce  n'est  pas  quite  le  pro- 
»  priétaire  des  arrérages  des  dites  rentes ,  mais  le  défendeur, 
»  condemné  par  justice...,  somme  le  propriétaire  des  arré- 
»  rages  qu'il  a  payés  pour  la  dite  maison  acquitter  et  ledict 
»  propriétaire  aussi ,  nonobstant  que  sommé  n'en  ait  été  avant 
»  la  condamnation  »  (Coût,  not.,  114). 

Pour  terminer  avec  le  titre  V,  de  la  Coutume  de  1580,  il 
reste  à  dire  quelques  mots  de  la  compensation.  Auxiv*  siècle 

(1)  Voy.  ordonnances  de  Charles  VIT,  nov.  1441.  Isambert,  IX,  p.  86.  — 
Beaumanoir,  XXIV,  10. 

(2)  Voy.  infrà,  cbap.  2,  De$  cenmes. 

(3)  Voy.  Grand  Coutumier,  liv.  III ,  chap.  16 ,  De  garand. 

Revus  hist.  —  Tome  VIII.  22 


334  ESSAI  SUR  l'ancienne 

comme  au  xvie,  elle  n'avait  lieu  qu'entre  dettes  liquides  : 
«  En  cour  laye  compensation  ha  lieu  de  liquido  ad  liquidum  » 
(J.  Desmares,  136).  Ainsi  un  débiteur  ne  pouvait  convertir  en 
paiement  une  chose  donnée  par  lui  au  créancier,  si  ce  dernier 
«  ne  li  accorde  de  estre  déduite  et  rabatue  sur  la  dette  d'icelle 
»  obligation...  »  {Coût,  not.,  111;  J.  Desmares,  187  (1). 

Au  xive  siècle,  on  n'admettait  pas  la  reconvention,  c'est-à- 
dire,  que  le  défendeur  prît ,  dans  un  procès,  des  conclusions 
qui  eussent  pu  le  constituer  demandeur  à  son  tour  :  «  Reconven- 
»  tion  n'a  lieu  en  cour  laye...  »  (Coût,  not.9 111).  Au  xvie  siècle, 
cependant,  sous  l'influence  du  droit  romain,  on  admit  la  de- 
mande reconventionnelle  lorsqu'elle  était  la  défense  contre 
l'action  premièrement  intentée  (art.  106).  Le  défendeur  par 
ses  défenses  pouvait  alors  se  constituer  demandeur,  ce  qui  n'é- 
tait pas  admis  au  xive  siècle  (J.  Desmares,  147)  (2). 


CHAPITRE  SIXIÈME. 
De  la  prescription. 

Le  Grand  Coutumier  nous  donne  la  définition  suivante  : 
«  Usucapion  et  prescription  ne  sont  autres  choses ,  fors  justes 
»  saisines  continuées  par  longtemps.  Usucapion  est  dicte  en 
»  meubles,  a  trois  ans,  ce  qui  est  dict  en  héritage  prescrip- 
»  tion  à  dix  ans.  Mais  en  l'ung  et  en  l'aultre ,  il  convient 
»  avoir  juste  tiltre,  de  bonne  foy  et  continuation  »  (liv.  II, 
»  chap.  8,  p.  198  en  note)  (3).  Pour  prescrire ,  il  fallait  donc, 
au  xive  siècle,  trois  conditions  :  juste  titre,  bonne  foi  et 
possession  ou  saisine  prolongée  pendant  un  certain  temps  : 
«  Se  aucun  a  juste  titre  et  bonne  foy  possède  aucune  chouse 
»  immeuble  par  dix  ans  entre  présens  et  vingt  ans  entre 
»  absens ,  sans  inquiétation ,  il  prescrit  et  acquiert  tout  droit 
»  et  seignorie  d'hypothèque  ou  quelqu'autre  et  contre  aagiez 
»  et  non  fors  paisiez  et  non  privilégiez  (J.  Desmares,  232)  (4).  » 

(1)  Voy.  Laurière,  sur  l' article  105. 

(2)  Cf.  Paris,  article  106. 

(3)  Voy.  Loyael,  Ut.  V,  tit.  m,  Des  pre$criptiotu . 

(4)  Cf.  Paria,  art.  113. 


COUTUME  DB  PARIS.  335 

On  entendait  par  présents  ceux  qui  étaient  domieiliés  dans 
le  même  diocèse  et  plus  tard  dans  le  môme  bailliage;  par 
absents  ceux  qui  appartenaient  à  des  diocèses  ou  bailliages 
différents  (1). 

Le  délai  de  10  ouSO  ans  fut  généralement  admis  dès  la  seconde 
moitié  du  xiii*  siècle;  toutes  les  courtes  prescriptions,  dont 
on  trouve  des  traces  dans  les  chartes  du  xn*  siècle ,  avaient 
d'sparu  ou  étaient  repoussées  parla  jurisprudence  (2). 

La  prescription  pouvait  être  acquisitine  ou  libératoire  sui- 
vant qu'elle  avait  pour  but  l'acquisition  de  la  propriété  ou 
la  libération  de  certaines  charges  :  «  Héritage  ainsi  possédé 
»  et  acquitté  est  deschargé  de  toutes  charges  et  mesmement 
»  de  hypothèques,  mais  non  mye  de  chief  cens  ou  fons  de 
j>  terre,  en  quoy  Ton  ne  peult  prescrire  contre  seigneur  » 
(Gr*  Coutumier,  liv.  II,  ch.  8,  p.  199;  id.  J.  Desmares,  106, 
222;  Coût,  not.,  99,  130)  (3).  Nous  avons  déjà  vu,  en  effet, 
que  le  cens  était  imprescriptible  (4)  (Coût,  not.,  125);  mais 
pour  toutes  autres  charges,  notamment  les  rentes,  la  pres- 
cription était  admise  :  «  Se  aucun  tient  et  possède  paisible- 
d  ment  aucun  héritage  franc  et  quite  d'aucune  rente  et  rede- 
d  vanoe  que  Ton  y  pourroit  demander,  par  l'espace  de  dix 
»  ans  continuels  à  bon  et  vray  et  juste  titre  entre  présens , 
»  aagiez  et  non  privilégiez,  il  a  acquis  prescription  ou  cas 
»  que  le  contrat  sur  lequel  le  demandeur  fonde  son  intention 
o  n'auroit  aucune  condition  dérogeant  à  ce.  22  avril  1370  » 
(C<w*.  ntrt.,  152;  id.  99)(5). 

L'inaction  du  créancier,  alors  même  qu'elle  était  prolongée 
pendant  10  ou  20  ans,  ne  permettait  pas  toujours  au  tiers 
détenteur  de  se  libérer  des  rentes  ou  autres  charges,  gre- 
vant l'immeuble  qu'il  détenait.  Il  fallait,  en  effet,  excepter 
le  cas  où  le  créancier,  bien  payé  de  sa  rente  par  son  débi- 

(1)  Voy.  Laurière,  sur  l'ait.  116.  Loysel,  id.,  n«  717. 

(2)  Jugés ,  I.  f°  196  v°.  Un  arrêt  du  3  avril  1322  confirme  une  sentence  da 
prévôt  de  Paris  qui  avait  cassé  un  jugement  du  maire  de  Poissy,  admettant 
une  prescription  d'un  an  et  un  jour. 

(3)  Cf.  Laurière,  I,  p.  355. 

(4)  Cf.  Paris,  art.  123-124.  Mais  le  cens  pouvait  se  prescrire  par  seigneur 
contre  seigneur  par  30  ans. 

(5)  a.  Paris,  art  114. 


336  ESSAI  sur  l'ancienne 

teur,  n'avait  pas  à  poursuivre  le  tiers  détenteur.  La  déci- 
sion 309  de  J.  Desmares  rapporte  un  arrêt  du  Parlement 
cassant  une  sentence  du  prévôt  de  Paris  et  décidant  qu'un 
tiers  ne  pouvait  prescrire,  bien  qu'il  n'eut  pas  été  pour- 
suivi ,  tant  que  le  créancier  était  payé  de  sa  rente  foncière. 
Mais  cette  jurisprudence  ne  prévalut  pas,  et  dès  le  xiv*  siè- 
cle ,  on  conseillait  au  créancier  de  faire  ajourner  le  tiers  dé- 
tenteur pour  s'entendre  dire  que  l'héritage  qu'il  détenait 
était  chargé  de  telles  et  telles  rentes  (Gr.  Coutumier,  liv.  II , 
chap.  31,  p.  318-319).  En  1549,  le  Parlement  modi6a  lui- 
même  sa  jurisprudence  et  admit  que  le  créancier  pourrait 
conclure  contre  le  tiers  détenteur  à  ce  que  l'héritage  par 
lui  acquis  fût  déclaré  affecté  et  hypothéqué  à  la  continuation 
de  la  rente.  Le  paiement  régulier  de  la  rente  par  le  débiteur 
ne  pouvait  donc  plus  justiûer  l'inaction  du  créancier  contre 
le  tiers  détenteur,  et  par  suite  suspendre  la  prescription  à 
son  profit.  Cette  action  en  déclaration  d'hypothèque  pouvait 
être  intentée  contre  le  tiers  détenteur  dès  le  jour  de  son  ac- 
quisition (Gr.  Coutumier,  id.  (1). 

L'article  115  de  la  Coutume  de  1580,  consacra  la  jurispru- 
dence de  l'arrêt  de  1549,  en  y  apportant  un  tempérament. 
«  Toutefois  si  le  créancier  a  juste  cause  d'ignorer  l'aliéna- 
tion... la  prescription  n'a  cours.  » 

Le  délai  de  la  prescription  pour  les  meubles  était  de  trois 
ans;  il  fallait,  en  outre,  de  même  que  pour  les  immeubles, 
juste  titre  et  bonne  foi  (Gr.  Coutumier,  liv.  II,  chap.  8, 
p.  198). 

A  défaut  des  conditions  requises  pour  la  prescription  de 
10  ou  20  ans,  on  pouvait  prescrire  par  30  ans.  «  Et  à  trente 
»  ans  possessio  continuata  est  sine  titulo  »  (Id.  en  note). 
Mais  la  bonne  foi  était  toujours  indispensable  :  «  Car  pos- 
session de  malle  foy  ne  usucapit  ne  prescrit  nul  temps  pour 
vice  de  maie  foy  qu'il  a  »  (Id.t  p.  199)  (2). 

La  prescription  ne  courait  pas  contre  les  mineurs  et  les 
privilégiés ,  «  Prescription  ne  cueurt  point  contre  mineurs.  » 

(1)  Voy.  Brodeaa  sur  l'article  115.  Cette  action  en  déclaration  d'hypothèque 
est  encore  utile  de  nos  jours. 

(2)  Cf.  Paris,  118.  On  pouvait  joindre  à  la  possession  celle  de  son  prédé- 
cesseur. Arrêt  du  Parlement  de  1260.  Olitn,  I,  p.  503. 


*."^^*^% 


^E  DB   PARIS.  337 

^^.  prescription ,  même  en  faveur  des 

*&&  _  .e  trouvaient,  avec  des  mineurs,  pos- 

«?"  t-ages  susceptibles  d'être  prescrits  (1). 

ilégiées  dont  parlent  les  textes ,  étaient 

/les  Communautés.  Ces  personnes  étaient 

descriptions  spéciales...,  «   de  trente  ans 

-  XL  contre  l'Église  et  contre  l'Église  de  Rome 

r.  Coutumier,  id.)  (2). 

^*  5  se  prescrivaient  par  trente  ans;  la  décision  294 

jares  nous  en  donne  un  exemple  pour  l'action  en 
.  hérédité, 
-ition  d'hérédité  directe  et  collatérale  ne  puet  estre 
icrite  par  mens  de  trente  ans  et  convient  que  le  prescri- 
rait ait  bonne  foy  et  juste  titre  »  (J.  Desmares,  294). 
Contre  un  arrêt  du  Parlement,  on  pouvait  s'ensaisiner  par 
an  et  jour  »  (J.  Desmares  39).  De  même  les  mandements 
royaux  étaient  prescrits  par  le  même  délai.  «  Les  mandements 
»  royaux  sont  expirés,  et  ne  eulx  ne  sont  a  recevoir  quand  on 
»  passe  un  an,  ne  le  juge  ne  les  doit  entériner  ne  accomplir 
»  se  eulx  ne  lui  sont  présentés  dedans  l'an  que  ils  furent 
»  donnés  »  (J.  Desmares,  383). 

Enfin  les  dîmes  étaient  imprescriptibles  par  :  «  quelque 
»  longueur  de  temps  que  on  le  délaisse  de  payer,  mes  l'en  les 
»  doit  des  propres  fruits  que  l'on  cueille»  (J.  Desmares, 
115)  (3). 

CHAPITRE   SEPTIÈME. 
Du  retrait  lignager. 

Il  y  avait  controverse  entre  nos  anciens  auteurs  au  sujet  de 
l'origine  du  retrait  lignager.  Les  uns  voulaient  le  faire  dériver 
du  droit  romain  ;  d'autres,  au  contraire,  le  regardaient  comme 
un  produit  direct  de  la  féodalité  ;  enfin ,  dans  une  troisième 
opinion ,  sans  nier  l'influence  du  droit  romain  et  du  droit  féo- 
dal ,  on  faisait  remonter  l'origine  du  retrait  lignager  à  l'idée 

(1)  Voy.  Grand  Coutumier ,  liv.  II,  chap.  8,  p.  199. 

(2)  Voy.  Laurière,  sur  l'article  123. 

(3)  On  pouvait  en  prescrire  la  quotité.  Voy.  Loysel,  liv.  V,  Ut.  m,  n°  729. 


338  ESSAI  sur  l'ancienne 

de  la  copropriété  de  famille,  qui  était  un  des  principes  essen- 
tiels du  droit  germanique  (1). 

Sans  doute  le  droit  romain  ne  fut  pas  sans  influence  sur  le 
développement  du  retrait  lignager  (2) ,  mais  on  aurait  tort  d'y 
chercher  son  origine,  et  les  efforts  que  les  jurisconsultes  du 
xvi*  siècle  firent  dans  ce  sens ,  n'avaient  pour  but  que  de  dé~ 
fendre  le  retrait  lignager  contre  les  attaques  violentes  dont  il 
fut  l'objet  aux  XVe  et  xvi6  siècles  (3). 

D'autre  part,  on  a  vu,  au  sujet  du  retrait  féodal ,  comment 
on  pouvait  rattacher  cette  idée  de  retrait  à  la  nature  même  des 
concessions  féodales  dans  les  premiers  temps  de  la  féodalité. 
Mais  on  peut  dire  qu'en  ceci  les  principes  du  droit  féodal  ne 
firent  que  corroborer  l'idée  plus  ancienne  de  la  copropriété  de 
famille.  Dans  le  droit  germanique,  les  biens  patrimoniaux 
appartenaient  à  la  famille;  d'où  pour  les  parents  le  droit 
d'être  protégés  contre  l'aliénation  de  ces  biens  (4). 

Cette  idée  persista,  et  aux  vnie  et  ixe  siècles,  la  protection 
consistait  à  requérir  pour  la  validité  de  l'aliénation  le  con- 
sentement des  héritiers  présomptifs  ;  par  la  suite ,  ce  consen- 
tement ne  fut  plus  obligatoire  ;  on  se  contenta  d'une  offre , 
faite  par  l'aliénateur  aux  héritiers,  de  prendre  pour  eux  le 
marché.  On  trouve  encore  des  traces  de  cette  coutume  dans 
les  Établissements  de  saint  Louis  (5).  Mais  dès  le  xme  siècle 
l'offre  était  elle-même  tombée  en  désuétude  ;  l'acquéreur  était 
réellement  propriétaire  et  il  ne  subsistait  plus  que  le  droit 
pour  l'héritier  le  plus  proche,  dans  chaque  ligne,  de  prendre 
pour  son  compte,  dans  un  certain  délai,  la  vente  de  l'héritage 
propre,  aliéné  par  un  parent  lignager  au  profit  d'une  personne 
étrangère. 

De  cette  définition  il  résulte  que  le  retrait  lignager  ne  pou- 
vait s'exercer  qu'en  cas  de  vente  d'un  bien  propre ,  c'est-à- 
dire  d'un  bien  venu  au  vendeur,  à  titre  de  succession;  il  fallût 
en  outre  que  le  bien  vendu  fût  un  immeuble  ;  que  l'acheteur 

(1)  Voy.  Laurière,  II,  p.  1  à  10.  Brodeau,  t.  II,  p.  309  à  326  (édit.  1658). 

(2)  Code,  loi  3,  liv.  IV,  tit.  45.  De  jure  empkyt.;  loi  14,  De  contrat,  empt. 

(3)  Voy.  Dumoulin,  Œuvres  complètes ,  t.  I,  p.  919.  Cf.  BouteiUer,  liv.  I, 
tit.  1. 

(4)  Pothier,  Du  retrait. 

(5)  Établissements,  éd.  P.  Violiet  (1884)  t.  II,  p.  297. 


COUTUME  DE  PARIS.  339 

fût  «  tout  estrange  du  lignage  du  vendeur,  du  costé  et  ligne 
dont  le  bien  était  venu  ;  »  que  le  retrayant  fût  du  lignage  du 
vendeur;  enfin  que  l'ajournement  fût  fait  par  le  retrayant 
dans  Tan  de  la  saisine  ou  inféodation  (Gr.  Coutumier,  liv.  II, 
ch.  34,  p  328). 

La  règle,  que  les  propres  seuls  pouvaient  écheoir  en  re- 
trait (1),  comportait  cependant  deux  exceptions  :  1°  Lorsque 
l'acheteur  se  trouvait  être  parent  du  vendeur,  du  côté  et  ligne 
dont  l'héritage  vendu  était  venu  à  ce  vendeur,  bien  que  cet 
héritage  fût  pour  lui  un  conquêt,  s'il  le  vendait  à  un  étranger, 
l'héritage  pouvait  être  retrait  dcms  l'an  et  jour,  «  et  est  la 
»  cause  telle,  car  retrait  fut  premièrement  introduit  en  faveur 
»  du  lignaige  affin  que  les  héritaiges  demeurassent  ès-lignes 
»  dont  ils  sont  venus  et  pour  l'honneur  du  dict  lignaige  » 
(Gr.  Coutumier,  id.,  p.  343)  (2). 

2°  La  seconde  exception  avait  lieu  lorsqu'une  personne, 
ayant  acheté  un  héritage  soumis  au  retrait  et  qui  effec- 
tivement lui  avait  été  retrait ,  se  trouvait  acquérir  à  nouveau 
le  même  héritage  à  titre  de  conquêt;  dans  ce  cas  si  elle  le 
vendait  à  une  personne  étrangère ,  l'héritage  tombait  en  re- 
trait «  par  la  Coutume  de  France...  nonobstant  qu'il  y  ait 
»  coustume  disant  que  en  conquest  n'y  gist  point  de  retraict, 
»  car  icelle  est  générale  et  ceste  spéciale  qui  desroge  à  la 
»  générale  »  (Gr.  Coutumier,  id.). 

Les  meubles  ne  pouvaient  cheoir  en  retrait  ;  on  attachait 
moins  d'importance  à  leur  maintien  dans  le  patrimoine  de  la 
famille  (3). 

Parmi  les  biens  incorporels,  on  soumettait  au  retrait  les 
cens,  rentes  et  autres  droits  perpétuels  «  ut  census,  sive 

(1)  «  Item  en  ventes  faites  a  Heu  retrait  quand  est  héritage  »  (J.  Des- 
mares, 212;  Coût,  not.,  16,  57).  L'héritage  retiré  était  propre  an  lignager  qui 
l'avait  retiré  (Cf.  Paris,  art.  139).  Yoy.  Pothier,  Traité  des  propres» 

(2)  Lorsque  le  propre  était  vendu  à  un  lignager,  il  n'y  avait  pas  lien  à  retrait 
car  «  Lignager  sur  lignager  n'a  droit  de  retenue  »  (Loysel ,  liv.  III,  Ut.  v, 
n°  430).  On  trouve  cependant  dans  les  Établissements  de  saint  Louis,  un  an- 
cien usage  permettant  au  plus  proche  parent  de  retraire  sur  le  plus  éloigné 
(liv.  I,  chap.  161).  Mais  cet  usage  n'était  pas  admis  au  xtv*  siècle  dans  la 
Coutume  de  Paris  (Gr.  Coutumier,  p.  328). 

(3)  Cf.  Paris,  art.  144.  Il  fallait  faire  exception  cependant  pour  certains 
meubles  précieux,  qui,  nous  l'avons  vu,  étaient  réputés  immeubles. 


340  ESSAI  sur  l'ancienne 

»  redditus  vel  alla  servitus  et  cum  hoc ,  quod  sic  perpétua  » 
(Gr.  Coutumier,  id.y  p.  328). 

Ainsi  la  vente  d'une  rente  perpétuelle  «  en  et  sur  héritage 
et  possession  de  propre  »  était  assimilée  à  la  vente  de  l'héri- 
tage lui-même,  et  par  suite  sujette  à  retrait  (J.  Desmares, 
284;  Coût,  not.,  89;  Gr.  Coutumier,  id.,  p.  347). 

Lorsque  la  vente  avait  eu  successivement  pour  objets  la 
rente  et  l'héritage ,  au  profit  d'un  même  acquéreur,  ce  dernier 
pouvait  être  évincé  de  l'héritage  par  retrait ,  tout  en  restant 
propriétaire  de  la  rente  (Coût,  notoire,  89)  (1). 

Le  retrait  s'exerçait  en  cas  de  vente  seulement.  Certains 
contrats  se  rapprochant  de  la  vente  pouvaient  donner  lieu  à 
des  difficultés.  En  échange  le  retrait  n'avait  pas  lieu;  on  ad- 
mettait qu'il  y  avait  subrogation  de  l'héritage  acquis  au  pro- 
pre aliéné  :  «  11  est  de  coustume  par  tout  le  royaume  de 
»  France  que  se  aucun  permeue  ou  eschange  de  son  héri- 
»  tage  but  à  but ,  tel  héritage  venu  par  telle  cause  ne  mue 
»  en  rien  sa  nature ,  mais  est  propre  héritage  de  celuy  à  qui 
»  il  est  baillé  comme  estoit  celuy  même  qu'il  a  baillé  à  l'en- 
»  contre  »  (J.  Desmares,  298,  197,  145)  (2).  Mais  pour  qu'il 
en  fût  ainsi  il  fallait  que  les  choses  échangées  fussent  «  ejus- 
»  dem  qualitatis ,  respectu  immobilitatis  et  quod  una  rerum 
»  permutatarum  sit  ita  bene  immobilis  sicut  alia  »  (Gr.  Cou- 
tumier, id.,  p.  341)  (3). 

Lorsque  l'échange  avait  eu  lieu  avec  soulte ,  le  retrait  pou- 
vait s'exercer  jusqu'à  concurrence  de  la  soulte,  «  en  tant 
»  qu'il  y  a  soulte,  relraict  y  chiet,  selon  la  portion  de  la 
»  soulte,  se  il  luy  plaist;  car  en  tant  comme  il  touche  la 
»  soulte,  c'est  nature  de  vente  »  (Gr.  Coutumier,  id.,  p.  337). 
Au  xvie  siècle,  le  retrait  n'était  admis ,  en  ce  cas ,  que  lorsque 
la  soulte  excédait  la  moitié  de  la  valeur  de  l'héritage  (art. 
145)  (4). 

(1)  L'héritage  vendu  par  décret  était  soumis  au  retrait  {Gr.  Coût.,  p.  344). 

(2)  En  cas  de  vente  d'une  dîme  inféodée,  il  n'y  avait  pas  retrait ,  si  la  vente 
était  faite  a  une  église  {Olim,  I,  p.  897;  arrêt  de  1272). 

(3)  Cf.  Paris,  ar.  145.  Voy.  Loysel,  liv.  III,  lit.  v,  n°  445. 

(4)  En  donation,  il  n'y  avait  pas  lieu  à  retrait  :  «  Impositum  fuit  silencium 
»  domine  Virsionis  super  terra  quam  dominum  de  Paluello  dédit  Petro  de 
»  Brocia  quam  dicta  domina  petebat  per  bursam  ;  cum  ibi  nulla  fuerit  ven- 
»  dicio,  sed  purum  donum  »  (1281).  Olim,  II,  p.  173. 


^E  PARIS.  341 

!>ail  à  rente  n'étaient  pas 

.ict  n'ont  lieu  en  échange 

.  Desmares,  197).  Dans  ces 

-os  que  le  preneur  s'engageait 

-.   le  patrimoine  du  censier  ou 

,i  mobilier,  droit  de  propriété  per- 

•  u  sur  l'héritage  baillé  à  cens  ou  à 

pas  changement  dans  la  nature  des 

par  suite  il  ne  pouvait  être  question  de 

du  xive  siècle,  on  voit  qu'il  fallait  pour 
.o  retrait  être  parent  du  vendeur  «  du  costé 
it  l'héritage  sujet  au  retrait,  lui  était  venu, 
tre  habile  à  lui  succéder,  car  tel  était  le  sens 
it  alors  à  cette  règle,  ainsi  qu'il  résulte  de  l'exem- 
us  le  Grand  Coutumier  (2). 
jit  d'exercer  le  retrait  n'appartenait  pas  concurrem- 
i  tous  les  parents ,  mais  au  plus  proche  seulement  : 
.r  la  Coustume  se  aucun  vend  son  propre  héritage ,  les 
.mis  du  vendeur,  par  espécial  le  plus  prochain ,  le  puent 
et  doivent  avoir  en  remplant  la  bourse  de  l'acheteur  de  la 
»  somme  par  luy  payée  et  des  loyaux  coustements,  se  ils  sont 
»  plus  prochains  ou  prochain  du  vendeur  du  côté  et  ligne 
»  dont  le  héritage  vient...  »  (J.  Desmares,  82;  Gr.  Coutu- 
mier, id.,  p.  328).  Lorsqu'il  y  avait  plusieurs  héritiers  du 
même  degré,  on  les  admettait  à  venir  ensemble,  chacun  pour 
sa  portion  (Gr.  Coutumier,  id.,  p.  339)  (3). 

Pour  que  ce  plus  proche  parent  pût  exercer  le  retrait,  l'a- 
cheteur devait  être  «  tout  estrange  du  lignage  du  vendeur. 
»  Car  s'il  en  estoit  tant  fut  de  loing ,  aultre  plus  prochain 
»  d'icelle  mesmes  ligne  ne  d'aultre  ne  seroit  pas  receu  à  le 
»  retraire,  secundum  stilum  prœpositurœ  Parisiemis  »  (Id., 
p.  328). 

(1)  Cf.  Paris,  art.  137.  Lorsqu'on  eut  admis  le  rachat  des  rentes,  on  fut 
amené  à  distinguer  entre  le  bail  à  rente  non  rachetable  et  le  bail  à  rente  ra- 
chetante. Dans  ce  dernier  cas,  on  décida  qu'il  y  aurait  lieu  à  retrait,  le  bail 
à  rente  rachetable  ayant  été  assimilé  à  une  vente  dont  la  rente  était  le  prix. 

(2)  Gr.  Coutumier,  lir.  II,  ch.  34,  p.  346;  Loysel,  M.,  n<>  439. 
(3) a.  Paris,  art.  141. 


342  ESSAI  sur  l'ancienne 

L'action  en  retrait  était  une  action  réelle  (J.  Desmares,  257)  ; 
elle  allait  devant  le  juge  de  la  situation  de  l'immeuble  et  pou- 
vait s'exercer  contre  les  sous-acquéreurs.  L'acheteur  en  ac- 
quérant un  héritage  propre,  n'en  devenait  propriétaire  que 
sous  condition  suspensive,  à  savoir,  si  on  n'exerçait  pas  le 
retrait  dans  un  certain  délai  ;  comme  propriétaire ,  il  pou- 
vait transmettre  son  droit  à  un  tiers  (Coût,  not.,  144),  mais 
ce  droit  passait  dans  les  mains  de  ce  tiers  affecté  de  la  même 
condition  suspensive.  Aussi,  lorsque  la  vente  avait  eu  lieu 
dans  le  délai,  pendant  lequel  on  pouvait  exercer  le  retrait, 
le  sous-acquéreur  s'y  trouvait  soumis;  passé  ce  délai,  il  ne 
pouvait  plus  être  appelé  en  retrait  :  «  Après  l'an  et  jour  de 
»  la  saisine  du  contract  de  la  première  vente ,  le  second  ac- 
»  quéreur  ne  peut  plus  être  appelé  en  retrait  »  (Coût.  noU% 
145). 

Le  retrait  devait  donc  s'exercer  contre  celui  qui  était  le 
vrai  propriétaire  «  ou  temps  de  l'évocation  et  adjournement  » 
(Coût.  noUy  146).  Il  fallait  cependant  excepter  le  cas  où  la 
seconde  vente  avait  eu  lieu  depuis  l'ajournement  ;  l'action 
en  retrait  s'intentait  alors,  non  pas  contre  le  propriétaire 
actuel ,  mais  contre  son  auteur,  c'est-à-dire  le  premier  ache- 
teur. «  Car  pour  que  question  d'aucun  héritage  est  menée 
»  et  commencée  contre  aulcun  détenteur  d'iceiluy,  ledict  dé* 
»  tenteur  ne  le  peult  vendre  ne  aliéner  durant  la  question 
»  d'iceiluy,  ni  faire  chose  qui  soit  préjudiciable  au  procès  » 
(Gr.  Goutumi&i\  id.f  p.  335). 

Le  retrait  ne  pouvait  s'exercer  pour  partie,  en  ce  sens 
que,  si  l'acquéreur  le  jugeait  préférable,  il  pouvait  exiger 
le  retrait  pour  le  tout.  Il  pouvait  y  avoir  lieu  à  exercer 
le  retrait  pour  partie,  notamment  lorsque  l'héritage  vendu, 
dépendant  de  plusieurs  seigneurs,  l'héritier  poursuivait  le 
retrait  devant  l'un  des  seigneurs  seulement  et  pour  la  part 
relevant  de  ce  seigneur;  l'acheteur  pouvait  alors  se  défendre 
et  dire  :  «  Certes,  il  est  bien  voir  que  j'aie  achaté  tel  chose, 
»  c'est  assavoir  tel  héritage  de  tel ,  et  tout  ensamble.  Or  re- 
»  querrez  à  avoir  l'une  des  parties,  et  la  meillor  puet  estre, 
»  et  l'autre  me  demoroit;  ceste  voie  seroie-je  deceu,  quar 
»  droit  ne  vaudra  ja,  que  retret  soit  fet  par  parties;  mes  se 
»  tu  veulz  retraire  tout  ensamble  et  par  la  bourse,  j'en  aurai 


COUTUME   DE   PARIS.  343 

»  conseil  volontiers,  et  autrement  je  n'i  vneil  pas  respondre 
»  à  toi...  »  {ùmstit.  du  Châtelet,  art.  86)  (1). 

L'action  en  retrait  devait  s'intenter  dans  l'an  et  jour  de  la 
saisine,  hommage  ou  souffrance  baillés  à  l'acheteur  :  «  L'an 
»  du  retrait  est  entendu  commencier  dès  la  journée  de  la 
»  possession  prise  et  saisine  et  non  pas  de  la  vente,  pour 
»  ouster  la  fraude  qui  s'y  porroit  commettre  en  celant  la  vente 
»  jusques  à  ce  que  l'an  fut  passé,  et  ce  est  entendu  tant  en 
»  fié  comme  en  censive  »  (J.  Desmares,  207).  Ainsi  on  avait 
admis,  comme  point  de  départ  du  délai  de  l'an  et  jour,  la 
saisine  ou  inféodation,  parce  que  ces  formalités  constituaient 
une  publicité  empêchant  toute  fraude.  Dans  le  cas  d'une  se- 
conde vente,  le  sous-acquéreur  ne  pouvait  être  poursuivi 
que  si  on  se  trouvait  encore  dans  le  délai ,  dont  le  point  de 
départ  était  pour  lui,  de  même  que  pour  l'acquéreur  primitif, 
«  la  saisine  du  contrat  de  la  première  vente  »  {Coût,  not., 
145)  (2). 

Au  xiv*  siècle,  il  suffisait,  pour  que  l'action  en  retrait 
fût  valablement  intentée,  que  l'ajournement  eût  été  signifié 
dans  l'an  et  jour  «  Ja  soit  que  la  journée  escheut  dehors  l'an , 
»  non  nocet  »  (Gr  Coutumier,  id.,  p.  329).  Une  règle  plus 
rigoureuse  prévalut,  au  xvi*  siècle;  l'ajournement  et  l'assi- 
gnation durent  échoir  dans  l'an  et  jour  (art.  130). 

Le  délai  pour  le  retrait  courait  contre  les  mineurs  (3). 

Le  retrayant  était  soumis,  en  exerçant  le  retrait,  à  cer- 
taines obligations.  Il  devait  rembourser  l'acheteur  et  lui  payer 
les  loyaux  coûts  et  frais  du  contrat  :  «  Celui  qui  retrait  doit 
»  remplir  la  bourse  de  l'acheteur  de  la  somme  par  luy  payée 
»  et  des  loyaux  coustements  »  (J.  Desmares,  82;  Gr.  Coutu- 
mier, éd.,  pag.  340).  Ce  remboursement  devait  se  faire  le  jour 
même  où  le  retrait  était  adjugé  sous  peine  de  déchéance  «  car 
»  sejourpassoit,  il  descherroit  de  son  exploit  »  (J.  Desmares, 
208,  82).  Le  jour  s'entendait  jusqu'au  soleil  couchant,  «  et  se 
»  il  n'a  présentement  toute  la  somme  en  jugement,  que  l'hé- 
«  ritage  a  esté  vendu,  il  aura  et  doit  avoir  delay  de  la  par- 

• 

(1)  Voy.  Beaumanoir,  xuv,  40. 

(2)  Voy.  Brodeaa ,  sur  l'article  139.  OUm,  I,  p.  329  (arrêt  de  1269). 

(3)  Cf.  Paris,  article  131.  Voy.  Loysel,  lnr.  in,  tit.  v,  n<>  467. 


344  ESSAI  sur  l'ancienne 

»  faire  dedens  soleil  couchant  d'icelle  journée  et  non  plus,  ne 
»  il  n'en  doit  plus  demander  »  (J.  Desmares,  83;  Gr.  Coutu- 
mier,  id.,  p.  340  (1). 

Il  ne  suffisait  pas  que  le  retrayant  payât  la  somme  néces- 
saire pour  rembourser  l'acheteur,  le  jour  même  de  l'adjudica- 
tion du  retrait;  il  devait  encore  en  avoir  fait  l'offre  dès  l'ou- 
verture du  procès,  et  même  l'avoir  répétée  à  chacune  de3 
journées  du  procès  :  a  Quand  on  fait  ajourner  l'acheteur  en 
»  cas  de  retrait,  au  jour  assigné,  doit  présenter  en  juge- 
»  ment  le  retrayant  mailles,  deniers  à  l'acheteur,  avec  les 
»  loyaux  coûts,  despens  ou  mises  et  aussi  toutes  les  journées 
»  qui  s'ensuivent  en  icelle  cause...  »  (J.  Desmares,  83)  (2). 

Lorsque  l'acheteur  refusait  la  somme  offerte  «  ou  pour  dis- 
»  cord  de  monnoie  ou  pour  discord  de  pris  ou  aultrement  de 
»  sa  volonté,  »  le  retrayant  était  autorisé  à  consigner  cette 
somme  «  en  main  de  justice  »  en  ayant  soin  de  faire  signifier 
cette  consignation  à  son  adversaire  (3). 

Le  prix,  que  devait  rembourser  le  retrayant,  était  le  prix 
réel  et  non  le  prix  fictif  que  les  parties,  le  vendeur  et  l'ache- 
teur, stipulaient  souvent  dans  le  but  d'empêcher  le  retrait. 
Elles  exagéraient  le  prix  de  vente,  espérant  écarter  ainsi  le 
retrayant  par  l'importance  de  la  somme  à  rembourser  (4). 

Parmi  les  frais  et  loyaux  coustements,  on  ne  devait  pas 
comprendre  les  ventes  que  l'acheteur  avait  payées  au  seigneur 
censier,  car  le  retrayant  n'avait  pas  à  les  rembourser  à  l'ache- 
teur :  «  Cely  qui  retrait  aucune  chose  tenue  en  censive ,  n'est 
»  pas  tenu  de  payer  les  ventes  à  cely  de  qui  il  retrait  icelle 
»  chouse,  lesquelles  ventes  cely,  de  qui  la  chose  est  retraite, 
»  a  payé  au  seigneur  de  qui  la  chouse  retraite  est  tenue,  ne 
»  recueurre  icelles  ventes  à  icely  quili  vendit  icelle  chouse...» 
(J.  Desmares,  211).  Telle  semble  être  la  règle  générale,  appli- 

(4)  Cf.  Paris,  article  136. 

(2)  Voy.  Laurière,  sur  l'article  140. 

(3)  Gr.  Coulutnier,  liv.  II,  ch.  34,  p.  340.  Voy.Brodeau,  sur  l'article  136, 
pag.  20. 

(4)  Olim,  I,  f.  30.  On  avait  souvent  recours  à  la  fraude,  pour  écarter  le 
retrait  lignager,  en  dissimulant  une  vente  sous  le  nom  d'un  échange  ou  d'une 
donation.  Voy.  Loysel,  W.,  no  447.  Gr.  Coutumier,  liv.  II,  ch.  34,  p.  331- 
332. 


COUTUME   DE   PARIS.  345 

cable  à  tous  les  cas  au  xine  siècle  et  dans  la  première  moitié 
du  xrve  siècle,  bien  que  déjà  une  nouvelle  opinion  se  fasse 
jour,  ainsi  que  le  montre  ce  passage  de  la  décision  367:«Com- 
»  bien  que  aucuns  dient  le  contraire,  est  à  entendre  que  cely 
»  qui  retrait  ne  paie  nulles  ventes  quand  il  est  cousin-germain 
»  ou  plus  prochain  de  cely  qui  a  vendu  la  chouse ,  aultrement 
»  le  contraire  est  vray  (1).  » 

Cette  distinction  entre  le  cousin-germain  ou  les  parents  plus 
proches  et  les  autres  lignagers  paraît  être  admise  sans  con- 
teste à  la  fin  du  xive  siècle.  Le  Grand  Coutumier  (liv.  II,  ch.  34, 
p.  331)  l'établit  très  nettement.  La  règle  peut  alors  se  for- 
muler ainsi  :  «  Tout  lignager  exerçant  le  retrait  doit  rendre 
les  ventes  à  l'acheteur,  s'il  n'est  cousin -germain  ou  plus 
proche  parent  du  vendeur.  » 

Mais  le  retrayant  n'en  devait  pas  moins  payer  les  ventes  au 
seigneur  dont  dépendait  l'héritage  retrait,  et  cela  sans  aucune 
distinction  :  «  Nota  que  selon  la  Coustume  de  la  prévoté  et 
»  viconté  de  Paris  quiconques  retraict,  il  doibt  telles  saisines  et 
»  ventes  au  seigneur  comme  devoit  le  premier  achepteur...  » 
(Gr.  Coutumier,  id.f  p.  330). 

Lorsque  les  ventes  n'étaient  pas  remboursées  à  l'acheteur, 
ce  qui  avait  lieu  dans  tous  les  cas  au  moins  jusqu'à  la  seconde 
moitié  du  xive  siècle,  celui-ci  avait-il  un  droit  de  recours 
contre  son  vendeur?  A  l'origine,  il  faut  répondre  négative- 
ment, «  ne  (l'acheteur)  recueurre  icelles  ventes  à  icely  qui 
»  li  vendit  icelle  chouse  »  (J.  Desmares,  367).  Et  la  même 
décision  nous  en  donne  la  raison  :  «  Et  la  raison  pourquoi 
»  icely  de  qui  on  retrait  ne  recueurre  aucunes  ventes  de  cely 
»  qui  ly  a  vendu,  est  telle,  quar,  quand  li  achata  la  chouse,  li 
»  devoit  soy  pourveoir  contre  son  vendeur  à  cause  des  ventes, 
»  et  en  cas  de  retrait,  par  stipulation  ou  autrement,  et  se  il  ne 
»  est  pourveu,  il  se  doit  imputer  considéré  que  il  devoit  savoir 
»  que  le  retraiant  ne  rend  point  les  ventes  à  cely  de  qui  il 
»  retrait  et  que  la  chouse  pooit  choir  en  cas  de  retrait.  » 

(1)  Voy.  Brodeau,  sur  l'article  136,  parag.  12.  A  a  xvie  siècle,  les  lods  et 
ventes  étaient  compris  dans  les  frais  et  loyaux  cousis  que  le  retrayant  devait 
rendre  à  l'acheteur.  Nous  avons  vu  que  la  nature  de  ces  droits  s'était  modi- 
fiée dès  le  xve  siècle  ;  ils  étaient  devenus  de  simples  droits  de  mutation.  Il 
était  donc  naturel  de  les  comprendre  dans  les  frais  et  cousts. 


346  ESSAI  sur  l'ancienne 

Plus  tard ,  vers  la  fin  du  xiv6  siècle ,  on  admit  que  l'ache- 
teur aurait  de  droit  un  recours  en  garantie  contre  son  ven- 
deur, sans  qu'il  fût  besoin  d'aucune  stipulation  préalable  ;  il 
devait  seulement,  lorsqu'il  était  poursuivi  par  le  retrayant  t 
sommer  son  vendeur  «  souffisamment  en  jugement,  durant 
»  la  dilation  de  garand ,  et  de  proposer  ses  bonnes  raisons 
»  de  prendre  la  garantie  du  procès  ou  de  luy  enseigner 
»  bonnes  raisons  pour  soy  aider  contre  le  retraieur...  »  (Gr. 
Coutumier,  id.9  p.  331). 

L'acheteur  pouvait  avoir  fait,  durant  sa  possession,  des 
réparations  à  l'héritage  qui  lui  était  retiré  par  un  lignager. 
Les  dépenses  qu'elles  avaient  entraînées  devaient-elles  lui 
être  remboursées?  Il  fallait  distinguer  entre  les  dépenses 
nécessaires  ou  seulement  utiles  d'une  part,  et  les  dépenses 
volontaires  de  l'autre.  Quant  aux  premières,  faites  avec  au- 
torisation de  justice,  elles  étaient  réputées  «  loyaulx  mises 
et  coustemens,  »  et  comme  telles,  le  retrayant  devait  les 
rembourser  ;  faites  sans  autorisation ,  le  retrayant  n'en  devait 
rien  :  «  Le  retrayant  ne  rend  nulles  réparations  nécessaires 
»  ne  utiles ,  si  elles  n'ont  été  fêtes  par,  authorité  de  justice  et 
»  se  autrement  il  les  fet,  il  semble  qu'il  les  veuille  donner...  » 
(J.  Desmares,  213).  Cette  supposition  était  difficilement  ap- 
plicable aux  réparations  nécessaires,  aussi  n'était-elle  pas 
admise  sans  controverse,  et  la  même  décision  ajoute  :  «  Com- 
»  bien  que  aucuns  dient  qu'il  n'est  pas  nécessité  de  faire  les 
»  nécessaires  par  authorité  de  justice.  »  Cette  dernière  opi- 
nion, plus  équitable,  finit  par  l'emporter  (Gr.  Coutumier,  id.t 
p.  333)  (1). 

Quant  aux  réparations  volontaires,  elles  ne  pouvaient  ja- 
mais être  remboursées  :  «  Quant  est  des  volontaires,  il  n'est 
»  nulle  doubte  qu'elles  ne  povent  estre  répétées,  soient  fêtes 
»  par  authorité  de  justice  ou  non  »  (J.  Desmares,  id.). 

Les  détériorations  provenant  du  fait  de  l'acheteur  lui  étaient 
imputables ,  et  il  était  obligé  de  rétablir  l'héritage  dans  son 
premier  état  ou  d'indemniser  le  retrayant  de  la  moins-value 
(Gr.  Coutumier,  id.,  p.  334). 

Pour  les  fruits,  l'acheteur  était  assimilé  à  un  possesseur  de 

(1)  Cf.  Paris,  art.  146. 


COUTUME   DB  PARIS.  347 

bonne  foi,  et  il  ne  devait  rendre  que  ceux  perçus  depuis  te 
demande  en  retrait  :  «  Celui  de  qui  on  retraict  ne  doit  rendre 
»  les  fruicts  perçus  et  recueillis,  jaçoit  que  le  héritage  ait  esté 
»  plus  vendu  pour  la  raison  des  fruits  perçus  et  levés ,  car 
»  ieeux  fruicts  estaient  siens,  si  ce  n'estoit  qu'il  eust  esté  trait 
»  en  jugement  pour  le  retrait,  et  depuis  levés  et  perceus  » 
(J.  Desmares,  214)  (1). 


CHAPITRE  HUITIÈME. 
Arrests;  exécutions  et  gageries. 

Dans  les  textes  du  xive  siècle  nous  trouvons  trois  formes 
principales  de  saisies  mobilières  :  l'arrêt,  l'exécution,  la  ga- 
gerie.  Cette  dernière  avait  lieu,  tout  particulièrement,  au 
profit  des  censiers  et  bailleurs  à  rentes.  Il  en  a  été  traité  au 
chapitre  II  :  Des  censives.  L'exécution  et  l'arrêt  étaient  d'une 
pratique  plus  générale  (2). 

On  ne  pouvait  procéder  par  voie  d'exécution  ou  d'arrêt  que 
dans  quatre  cas ,  qu'on  trouve  énumérés  dans  le  passage  sui- 
vant du  Grand  Coutumier  :  « premièrement,  par  lettres 

»  obligatoires  ;  secondement ,  par  vertu  d'une  sentence  obte- 
»  nue;  tiercement,  par  lettres  de  privilèges....;  quartement, 
»  si  ladicte  debte  est  privillegée ,  si  comme  sont  debtes  du 
»  roi  »  (Liv.  II,  chap.  15,  p.  219). 

Les  lettres  obligatoires  devaient  être  scellées  de  scel  au- 
thentique ,  ou  si  elles  étaient  sous  signature  privée ,  le  débi- 
teur devait  en  avoir  reconnu  et  approuvé  la  signature.  «  Le 
»  créancier  puet  faire  exécuter  son  débiteur  par  vertu  de 
»  lettres  obligatoires,  scellées  du  scel  authentique  du  débiteur, 

(i)  Yoy.  Loysel,  liv.  1ÏI,  tit.  v,  n°  470.  —  n  y  avait  de  nombreuses  diffé- 
rences entre  le  retrait  féodal  et  le  retrait  lignager.  Le  premier  ne  s'exerçait 
que  pour  les  fiefs,  propres  ou  acquêts;  le  second  pour  tous  les  héritages 
propres.  Le  retrait  lignager  durait  un  an;  le  retrait  féodal  durait  40  jours,  à 
compter  de  la  notification  faite  au  seigneur  ;  s'il  n'y  avait  pas  eu  notification, 
il  durait  30  ans  comme  tous  les  autres  droits  (Paris,  art.  20).  Enfin,  le  re- 
trait lignager  primait  le  retrait  féodal ,  en  ce  sens,  que  le  seigneur  qui  avait 
retrait  le  fief  pouvait  être  évincé  par  un  lignager  (art.  22),  etc.,  etc. 

(2)  Voy.  Brodeau,  sur  le  titre  VIII ,  tom.  II ,  pag.  494. 


348  ESSAI  SUR  l'ancienne 

»  se  il  a  reconnu  son  scel  et  apreuve  le  seel ,  ou  par  vertu 
»  d'arrest  du  Parlement  ou  de  sentence  de  juge  ou  de  debtes 
»royaulx,  et  nul  n'est  receu  a  opposition  sans  garnir  la 
»  main  »  (J.  Desmares,  111)  (1). 

Cette  obligation  de  «  garnir  la  main  »  pouvait  être  imposée 
au  débiteur  qui  reconnaissait  son  scel  (J.  Desmares,  104). 
Elle  était  exigée  toutes  les  fois  qu'on  voulait  s'opposer  à  une 
exécution  {Gr.  Coutumier,  id.t  p.  221)  (2). 

Les  obligations  scellées  du  scel  du  Châtelet  de  Paris  étaient 
exécutoires  à  Paris  et  dans  la  banlieue ,  et  même  dans  toute 
l'étendue  de  la  prévôté  et  vicomte  de  Paris ,  «  mesmement  en 
»  la  terre  des  seigneurs  hault  justiciers  et  à  ce  sont  appelles 
»  le  maire  ou  sergens  du  lieu  se  l'en  les  trouve  et  si  non ,  les 
»  sergens  du  Chastellet  en  leurs  absences  font  leurs  exploicts  » 
(Gr.  Coutumier,  éd.,  p.  214). 

L'exécution  ne  pouvait  avoir  lieu  que  pour  dettes  liquides 
et  certaines  :  «  Exécution  et  vente  judiciaire  ne  peut  se  faire 
»  que  pour  une  somme  certaine  ou  pour  espèces  préalable- 
»  ment  estimées  »  (J.  Desmaras,  311)  (3). 

On  pouvait  procéder  par  exécution ,  en  vertu  de  Lettres  de 
privilèges;  ainsi  les  bourgeois  de  Paris  pouvaient  aller  par 
voie  d'arrêt  ou  d'exécution  contre  leurs  débiteurs  forains,  sans 
qu'il  fût  besoin  de  lettres  scellées  ou  de  sentence  du  juge.  Ce 
privilège  des  bourgeois  était  très  ancien;  on  en  retrouve  la 
trace  dans  une  charte  de  Louis  le  Gros  de  1134  (4)  :  «  Li 
»  bourgois  et  habitans  de  Paris  puent  aler  par  voie  d'arrest 
»  en  la  ville  de  Paris  et  es  fauxbourgs  d'icelle  sur  les  biens 
»  de  leurs  débiteurs  forains  pour  estre  payés  de  leur  dettes , 
»  combien  qu'elles  échéent  en  connaissance  de  cause  et  de  ce 
»  user  ne  porroient  contre  ceux  qui  auroient  domicile  à  Paris, 
»  car  privilèges  contre  privilèges  ne  vaut  »  (J.  Desmares, 
233)  (5).  Les  étrangers  ayant  domicile  à  Paris,  c'est-à-dire  y 
ayant  séjourné  Tan  et  jour,  étaient  soustraits  à  l'exécution 


(1)  Cf.  Paris,  art.  164-165. 

(2)  Voy.  Laurière,  Glossaire,  v°  Garnir  la  main. 

(3)  Cf.  Paris ,  art.  166. 

(4)  Isambert ,  I ,  p.  143. 

(5)  Voy.  Brodeaa,  sur  l'article  173. 


COUTUME  DE  PARIS.  349 

privilégier  des  bourgeois  (Coût,  not.,  49;  Gr.  Coutumier,  ûl., 

p.  *!9); 

Il  y  avait  encore* Vautres  casoè  on  pouvait,  p»1  privilège, 
procéder  par  voie  d'exécution?;  c'était  en  cas  de«  louage  de 
maisons  et  de  censive.  C'est  ce1  qu'on  appelait  lft'gagerie 
pour  cens  et  rentes  (1). 

L'exécution  commencée  dirait  se  poursuivre  dansera»  et 
jour  sous  peine  de  déchéance,  a  Se  il  advient  que  aucun 
*  créancier  se  départe  an  et  jour  de  poursuivre  son  exécution , 
»  il  fait  interruption  de  son  procès,  ne  ne  puet  poursuivre  son1 
v  exécution  première;  mais  il  puet  commander  exécution1 
»  nouvelle  et  perd  les  despens  de  la  première  »  (J.  Desmares, 
148;  Coût,  not.,  6). 

Lorsque  le  débiteur  était  mort,  on  ne  pouvait  poursuivre 
ses  héritiers  par  voie  d'exécution;  il  fallait  alors  agir  par' 
action  (2)  (J.  Desmares,  105)  :  «  Se  aucun  est  obligié  à  un 
vautre  par  lettres  exécutoires,  se  il  muert,  le  créancier  ne 
a  puet  faire  exécuter  les  héritiers  du  mort,  ains  le  doit  conve- 
»  nir  par  action,  se  il  n'es  toit  fils  ou  fille ,  car  eadem  persona 
»  censetur  cum pâtre  »  (J.  Desmares,  132)  (3). 

Hais  lorsque  l'exécution  avait  été  commencée  du  vivant 
du  débiteur,  elfe  pouvait  se  continuer  contre  les  héritiers, 
du  moins  quant  aux  biens  pris  et  exécutés  :  «  L'exécution 
»  de  perpétue,  après  la  mort,  sur  les  biens  pris  et  exécutés  du 
»  vivant  du  défunt  et  non  sur  les  autres  biens  qui  ne  furent 
»  oncques  pris,  et  convient  que  ses  hoirs  soient  appelés  à  les 
»  voir  vendre,  consentans  ou  défaillans,  ou  qu'il  soit  dit  par 
»  jugement,  parties  ouyes,  qu'ils  seront  vendus,  mesmement' 
»  immeubles,  alias  rien  ne  vaut  »  (Coût.  nùt.%  65;  J.  Des- 
mares, 162).  Ces  textes  nous  donnent  la  procédure  qu'on 
suivait  pour  terminer  l'exécution  commencée  du  vivant  du 
débiteur  (4). 

L'exécution  commencée  se  poursuivait  également,  lorsque 
le  débiteur  vendait  ou  transportait  à  des  tiers  les  héritages 

(1)  a.  Paris,  art.  161-163. 

(2)  a.  Paris,  art.  168. 

(3)  Id.  J.  Desmares,  133. 

(4)  a.  Paris,  art.  168,  in  fine. 

Revus  hjst.  —  Tome  VIII.  23 


3S0  ESSAI  sur  l'ancienne 

pris  et  exécutés,  et  cela  «  sans  congé  de  justice,  »  sans  appe- 
ler le  créancier  «...  en  quelques  mains  que  les  héritages  soient 
»  en  fait ,  ils  s'en  vont  à  la  charge  et  danger  dudit  arrest 
»  et  main-mise  et  puet  le  créancier  ladite  exécution  ...  pour- 
»  suivre  et  faire  parfaire  par  voie  exécutoire,  tant  aussi  bien 
»  que  si  l'obligé  ou  condamné  vivoit  ou  qu'il  n'eut  jamais 
)>  vendu  ou  transporté  ses  biens,  mesmement  pendant  Fex- 
»  ploict  et  procès  sur  ce  »  (Coût,  not.,  5). 

L'exécution  pouvait  avoir  lieu  non-seulement  sur  les  biens 
du  débiteur  principal,  mais  aussi  sur  ceux  de  la  caution; 
le  créancier  devait  d'abord  exécuter  le  débiteur;  ce  n'est 
qu'après  qu'il  pouvait  agir  contre  la  caution.  Les  héritiers 
de  la  caution,  comme  ceux  du  débiteur  principal,  étaient 
tenus  de  l'exécution  commencée ,  du  moins  quant  aux  biens 
pris  et  arrêtés  du  vivant  de  leur  auteur  :  «  Toutesfois 
»  que  aucune  exécution  est  commencée  sur  un  obligié  et  sur 
»  ses  biens  et  aucune  tierce  personne  en  répond  suffisamment, 
»  la  main  garnie  en  main  de  justice,  et  de  ce  il  appert  due- 
»  ment  et  suffisamment,  on  puet  procéder  sur  les  biens  d'ice- 
»  luy  ainsi  répondant  par  voie  d'exécution  en  son  vivant; 
»  et  se  perpétue  la  poursuite  de  la  dite  exécution ,  sur  les 
»  biens  prins  et  mis  en  la  main  de  justice,  au  vivant  dudit 
»  répondant  »  (Coût.  noL,  62). 

En  règle  générale,  les  biens  d'un  débiteur  étaient  consi- 
dérés comme  le  gage  commun  de  ses  créanciers,  sans  aucune 
distinction.  Mais  de  bonne  heure,  on  admit,  par  exception, 
des  créanciers  à  jouir  de  privilèges  qui  leur  permissent  d'exer- 
cer leurs  droits  sur  certains  biens  de  leur  débiteur,  même  à 
rencontre  des  autres  créanciers.  Nos  textes  des  xin*  et  xiv* 
siècles  nous  fournissent  plusieurs  exemples  de  ces  privilèges. 

Les  hôteliers  avaient  un  privilège  pour  le  recouvrement  des 
dépenses  «  d'hostelage  »  faites  chez  eux.  Ce  privilège  s'ex- 
plique facilement  ;  car  obligés  par  état  de  recevoir  les  voya- 
geurs sans  pouvoir  s'assurer  de  leur  solvabilité,  il  était  juste 
de  leur  permettre  d'exercer  leurs  droits,  de  préférence  aux 
autres  créanciers,  sur  les  biens  apportés  par  les  voyageurs 
dans  l'hôtellerie  (1)  :  «  Les  despens  d'hostelage,  livrés  par 

(1)  Voy.  Brodeau,  sur  l'article  175. 


COUTUME  DE  PARIS.  351 

»  hoste  à  pèlerin  et  à  ses  chevaux  sont  privilégiés  et  présens 
»  et  à  payer  devant  tout  autre  debte  sur  les  biens  et  chevaux 
»  hostelés  et  le  puet  l'hostelier  retenir  jusqu'à  paiement  des 
»  despens  faits  par  luy  aux  pèlerins...  Et  ce  vray  en  la  ville 
»  et  banlieue  de  Paris,  des  despens  franchement  administrés, 
»  iceux  biens  et  chevaux  estant  en  la  maison  de  l'hostelier  «lu 
»  temps  de  la  poursuite,  et  dont  il  n'avoit  terme  contraire  à 
»  ce  privilège  »  (Coût.  noUy  50;  J.  Desmares,  176). 

Le  privilège  de  l'hôtelier  ne  pouvait  s'exercer  qu'autant  que 
les  effets  du  voyageur  étaient  restés  dans  la  maison;  aussi 
donnait-on  à  l'hôtelier  un  droit  de  rétention  jusqu'à  l'entier 
paiement  de  ses  déboursés. 

Les  «  marchands  de  VEaue  »  à  Paris,  lorsqu'ils  faisaient 
transporter  des  marchandises  par  bateaux,  avaient  un  privi- 
lège sur  les  bateaux ,  comme  garantie  des  malversations  des 
bateliers  :  «  Le  basteau  respond  des  malversations  du  voictu- 
»  rier,  bien  qu'il  n'en  soit  pas  propriétaire  »  (Coût,  not., 
154)  (1).  Le  marchand  pouvait  arrêter  le  bateau,  mais  cela 
n'était  vrai  qu'autant  que  ce  bateau  se  trouvait  «  en  et  sur  le 
»  port  ou  lieu  où  les  dites  denrées  auroient  été  menées.  »  Dans 
tout  autre  cas,  le  marchand  ne  pouvait  procéder  que  par  voie 
d'action  (1370,  Coût.  noL,  155). 

Ces  deux  privilèges ,  celui  des  hôteliers  et  celui  des  mar- 
chands, nous  montrent  que  les  meubles  étaient,  du  moins 
dans  certains  cas,  susceptibles  d'un  droit  de  préférence.  Mais 
étaient-ils  susceptibles  d'un  droit  de  suite?  Nous  avons  vu 
que  l'hôtelier  ne  pouvait  exercer  son  droit  de  préférence  sur 
les  objets  et  chevaux  qui  n'étaient  plus  en  sa  possession  et 
que  le  marchand  ne  pouvait  plus  arrêter  le  bateau  qui  avait 
quitté  le  port.  Ces  exemples  semblent  bien  indiquer  qu'il  n'y 
avait  pas  de  droit  de  suite  sur  les  meubles;  telle  est,  en  effet, 
la  règle ,  qu'on  trouve  fréquemment  énoncée  dans  les  textes 
du  xive  siècle  :  «  Meuble  n'a  point  de  suite  ;  c'est  à  entendre 
»  quand  est  tenu  à  juste  titre  et  à  bonne  foi  et  que  par  exécu- 
»  tion ,  le  créancier  auroit  vendu  et  livré  iceux  biens  de  son 
»  obligié  et  sans  opposition ,  avec  la  solemnité  qui  y  appar- 
»  tient  »  (J.  Desmares,  165;  Coût,  not.,  23)  (2). 

(4)  Voy.  Leroux  de  Lincy,  Bût.  de  l'Hôtel  de  Ville. 
(2}  Voy.  Brodeao,  sur  l'article  470. 


354       ESSAI  sur  l'ancienne  coutume  de  paris. 

notoire  143  et  la  décision  192  de  J.  Desmares  donnent  le  texte 
du  passage  de  l'ordonnance  relatif  à  ces  cessions  ou  trans- 
ports. Outre  la  nullité,  ils  étaient  punis  d'une  amende  arbi- 
traire. Contrairement  aux  principes  du  droit,  l'ordonnance 
avait  un  effet  rétroactif,  du  moins  quant  aux  dettes  dont  «  la 
»  question  n'était  pas  encore  déterminée.....  en  quelque  estât 
»  que  le  procez  soit.  » 


H.  Bûche. 


(A  suivre.) 


NOTE  SUR  LA  DATE 


DU   STILUS   PARLAMENTI 


DE  GUILLAUME  DU  BREUIL 


Pour  bien  fixer  la  date  du  Stilus  Parlatnenti  de  Guillaume 
du  Breuil ,  on  avait  recours  à  un  arrêt  de  règlement  inséré 
au  chapitre  «  De  coutumacia  et  defectu  et  utilitate  ipsorum  » 
(ch.  VI  de  l'édition  donnée  par  Du  Moulin)  et  daté  comme  il 
suit  :  «  Anno  Domini  1329  (vieux  style)  die  sabbathi  in  crastir 
num  Sancti  Cathedre  Pétri.  »  Cet  arrêt,  comme  beaucoup  d'au- 
tres cités  par  Du  Breuil,  n'avait  pas  encore  été  retrouvé  dans 
les  registres  du  Parlement.  Plus  heureux  que  mes  devanciers, 
je  l'ai  rencontré  dans  le  registre  X1*,  au  f*  130  r°,  entre 
divers  arrêts  du  20  avril  1336  (nouveau  style).  Il  porte  la 
date  de  1319  (vieux  style).  Évidemment  il  n'est  pas  à  sa 
place.  Le  registre  X1?,  qui  contient  des  lettres  et  des  arrêts, 
commence  au  19  novembre  1334  et  finit  le  19  juillet  1337. 
Notre  arrêt  aurait  dû  être  inséré  au  premier  registre  des  ju- 
gés X1*  qui  va  du  8  décembre  1319  au  17  septembre  1327. 
Pourquoi  le  greffier  a-t-il  rapporté  cet  arrêt  important  sur  la 
partie  restée  blanche  du  f°  130  r°  entre  les  arrêts  classés 
VIP1!  et  VII1*  II  du  registre  X1  *?  La  réponse  n'est  pas  pos- 
sible. Dans  la  marge  de  gauche ,  une  main  est  dessinée  à  la 
plume ,  et  le  mot  «  stilus  »  a  été  écrit  au  xv°  siècle.  A  la 
marge  de  droite  est  reproduit  le  signe  A  qui  indique  que  Le- 
nain  a  fait  copier  l'arrêt. 

Peut-on  dire  que  le  greffier  s'est  trompé ,  qu'il  a  écrit  ccc° 
xix°  pour  ccc°  xxix0?  Mais  alors  il  faudrait  invoquer  la  même 
raison  à  propos  de  trois  manuscrits  du  Stilus  qui  ont  aussi  la 
date  1319,  et  qui  ne  semblent  pas  dériver  l'un  de  l'autre, 
tant  les  variantes  sont  nombreuses  et  souvent  caractéristi- 


3S6        NOTE   SUR  LA  DATE  DU   8TILUS  PÀRLAMENTI 

ques  (1).  La  date  de  oet  arrêt  est  donc,  tout  au  moins,  très- 
douteuse,  et  on  ne  saurait,  dès  lors,  se  servir  de  ce  texte 
pour  déterminer  la  date  du  Stilus  Parlamenti. 

Deux  autres  Arrêts  cités  sont  datés  de  1329  (Stilus,  XIII, 
§  1  et  XXIII,  §  6),  je  ne  les  ai  pas  encore  retrouvés  dans  les 
registres;  mes  recherches  ont  abouti  seulement  à  en  identifier 
un  de  1327  (Stilus,  IV,  §  17)  qui  est  dans  le  troisième  registre 
des  jugés  (X1  e,  1*  18  v°)  à  la  date  du  7  janvier  1327  (vieux 
style);  un  autre  du  9  décembre  1328  [Stilus,  XVIII,  §  21)  est 
dans  le  même  registre  au  f°  66  r°. 

Au  lieu  de  dire  que  le  Stilus  est  certainement  postérieur  à 
un  arrêt  de  règlement  du  23  février  1330  (nouveau  style)  et 
antérieur  à  l'arrêt  de  règlement  relatif  à  la  capacité  des  mi- 
neurs impliqués  dans  des  procès  en  matière  réelle  (2),  on 

(1)  Les  trois  manuscrits  sont  à  la  Bibliothèque  nationale,  fonds  latin,  n"  : 
4,641B  (xv«  siècle,  certainement  postérieur  à  1434.  Voirf0  59  r°,  papier  et 

quelques  feuilles  de  parchemin).  Le  Stilus  commence  au  fo  1  r°  et  finit  au 
f©  57  v©. 

12,812  (xv*  siècle,  parchemin.  Enluminures.  Majuscules  ooloriées  en  bien 
et  en  rouge,  au  f°  108  r°  est  cité  un  arrêt  de  novembre  1493).  Le  Stihu  com- 
mence au  f°  1  r°  et  finit  au  f»  43  v°.  An  f°  45  r°  l'arrêt  de  règlement  est  re- 
produit avec  la  dale  de  1309,  ici  l'erreur  est  évidente. 

14,669  (xv«  siècle,  papier.  Au  f°  266  v<>  est  un  arrêt  de  février  1424,  les 
autres  arrêts  cités  sont  antérieurs).  Le  Stilus  commence  au  f»  194  r°  et  Jflxrit 
au  fo  238  ro. 

Les  autres  manuscrits  donnent  la  date  de  1329,  ce  sont  : 

4,641A(xv*  siècle,  parchemin.  Semble  contemporain  du  ma.  4,641B.  Un 
paléographe  exercé,  M.  H.  Omont,  partage  cette  opinion).  Le  Stilus  commence 
au  f°  1  r°  et  finit  au  f°  46  r». 

4.643  (xv«  siècle,  papier).  Le  StUnt  va  du  f°  1  r«  au  f«  27  r«. 

4.644  (xvp  siècle,  papier).  Le  Stilut  va  dnf*  22  r*  au  f»  145  r*. 
9,844  (xv«  siècle,  parchemin).  Le  Stilus  va  du  fo  1  i«  au  fe  98  v*. 
9;845  (copie  datée  de  1478,  papier).  Le  Stilus  va  du  fo  5  v°  au  fo  55  v*. 
9,846  (xv*  siècle,  parchemin).  Le  Stilus  va  du  fo  1  r°  au  f°  33  ro. 

Fonds  français  : 

5,277  (achevé  en  1478,  papier.  Ms.  appartenant  à  François  Barbier).  Le 
Stilus  va  du  f°  184  au  f°  243  v<>,  en  français. 

18,110  (xvo  siècle,  papier).  Le  Stilus  yest  en  latin,  du  fo  99  r°  au  f»  164  v«. 

Je  n'ai  pu  avoir  communication  des  mss.  4,642  (fonds  latin)  et  5,359  (fonds 
français). 

(2)  Ordtm.,  t.  II,  p.  63.  Ce  texte  Important  n'a  pas  d'antre  date  que  celle 
de  1330;  les  éditeurs  root  placé  après  des  ordonnance»  datées  de  4930  (vies* 
style).  Dans  les  registres  des  ordonnances  du  Parlement.  (X* a &>603  f»  6r»}, 


DE  GUILLAUME  DU  BREUIL.  357 

doit  donc  se  contenter  d'affirmer  que  Du  Breuil  a  composé 
son  ouvrage  dans  une  période  qui  s'étend  depuis  1329  jusqu'à 
k  fin  de  l'année  13ao  (1). 


Texte  de  V arrêt  de  règlement  transcrit  dans  le  Stilus  Par- 
lamenti  (ch.  IV),  —  et  rétabli  d'après  le  registre  :  X1 7, 
•    fM30r*. 

Anno  Domîni  m°  ogc°  xix°,  die  sabbati  in  erastino  festi 
Cathedra  Sancti  Pétri  (2)  Apostoli,  de  oonsensu  omnium  ma- 
jgistronum  existencium  in  parlamento,  ac  vocatis  >ad  hoc  ad*- 
vocatis  parlamenti  antiquioribus  et  provectioribus ,  et  delibe- 
tatione  super  hoc  inter  ipsos  et  cum  eis  habita  diligenti  super 
quatuor  articulis  infra  scriptis,  dicti  parlamenti  nostri  curia 
deciaravit  in  parkmentis  longis  temporibus  observatum  fuisse, 
et  ordinando  decrevit  sic  deinceps  observari  debere  vide- 
licet  : 

Quod  in  casu  novitatis  indebite  parti  conquerenti  littera 
domini  régis  concessa  de  justicia  in  forma  consueta  per  ejus 
•executorem  propter  oppositionem<  partis  adverse,  debato  hu- 
jusmodi  ad  mauum  domini  régis  tanquam  superiorem  posito , 
et  assigna  ta  partibuscerta  die  in  parlamento  ad  procedendum 
ulterius  super  debato  predieto,  si  ad  dietum  diem,  compa- 
rante dicto  conquerenti,  pars  que  se  opposuit  non  compareat , 
nec  excusatorem  mittat,  dictus  non  comparons  ponetur  in 


cet  arrêt  daté  simplement  de  1330  est  placé  entre  une  ordonnance  de  janvier 
1328  (vieux  «tyle)  et  «une  antre  de  janvier  1324  (vieux  style). 

(1)  Schwalbath  (9ff  Cttilprocess  des  Pariter  Parkanenh  Mohdem  «  stilus  » 
Du  Bruetis  (au  parag.  1,  p.  1),  1881.  Fribourg*en«Bri8gau  et  Tubingue  a  cru 
que  Du  Breuil  avait  connu  l'ordonnance  du  9  mai  1330  sur  l'appel.  La  pro- 
cédure de  cette  ordonnance  est,  il  est  vrai,  reproduite  dans  le  Stilus.  Mais 
on  ne  peut  rien  en  conclure,  sinon  que  la  jurisprudence  du  Parlement  l'avait 
depuis  longtemps  admise ,  puisque  Du  Breuil  se  réfère  à  un  arrêt  de  1323 
i/Siïku,  IV,  §  4).  D'ailleurs,  |la  date  exacte  de  cette  ordonnance  est  le  9  mai 
1332  (V.  Registre  A  des  ordonnances  du  Parlement,  X1  A  8,602,  f°  6  r°). 

(2)  C'est-à-dire  le  23  février,  car  il  s'agit  ici  de  la  Chaire  de  saint  Pierre  à 
Antioehe  qui  se  célèbre  le  22  février.  La  fête  de  la  Chaire  de  saint  Pierre  à 
Rome  n'était  pas  célébrée  au  xiv*  siècle.  Bile  ne  fut  rétablie  qu'en  1958  par 
Paul  IV  qui  la  fixa  au  18  janvier  (D.  Guéranger,  Année  liturgique ,  Le  temps 
de  No&,  t.  II,  p.  399  de  la  6*  édit.  Oudm ,  in-12). 


358         NOTE   SUR  LA  DATE  DU  STILUS  PARLAMENTI 

defeciu  et  statim ,  absque  nova  dilatione ,  res  contentiosa  que 
erat  in  manu  regia ,  ponetur  in  manu  dicti  comparent'»  et  in 
ejus  saisina  deffendetur,  salva  questione  proprietatis  super 
hoc  parti  adverse  (1). 

Item,  in  causa  pendente  Parisius  in  parlamento,  facta 
commissione  super  articulis  parcium,  si  ad  subsequens  par- 
lamentum ,  pro  renovanda  dicta  commissione ,  pars  una  com- 
pareat,  altéra  non  comparente  nec  excusatorem  mittente,  ad 
requisitionem  dicte  partis  comparenti  pars  non  comparens  po- 
netur in  defectu,  vel  statim  renovabitur  dicta  commissio  ad  uti- 
litatem  tantummodo  partis  comparentis,  scilicet  si  hoc  maluerit 
dicta  pars  comparens  ;  et  si  dicta  pars  non  comparens  pro  se 
mittat  excusatorem,  si  ipsa  suum  adversarium  non  fecerit 
adjornari  ad  proximum  subsequens  parlamentum  ad  videndum 
purgari  suum  defectum  predictum,  ipsa  super  purgatione 
dicti  defectus  amplius  non  audietur,  et  deinceps  renovabitur 
dicta  commissio  (2)  ad  utilitatem  predicte  partis  que ,  ut  pre- 
missum  est,  dictam  commissionem  ad  utilitatem  suam  tan- 
tummodo optinuit  renovari. 

Si  vero  super  purgatione  dicti  defectus,  adjornata  parte 
adversa  competenter,  ut  premissum  est,  purgatus  fuerit  suf- 
ficienter  dictus  defectus,  dicta  commissio  ex  tune  absque  alia 
dilatione  renovabitur  pro  utraque  parte. 

Item  si  a  judicato  contra  se  lato  pars  appellaverit  ad  parla- 
mentum Parisius ,  et  ad  procedendum  in  dicta  causa  appel- 
lations suum  fecerit  ad  certain  diem  adversarium  adjornari , 
adveniente  dicta  [die,  si  pars,  que  pro  se  judicatum  optinuit, 
compareat,  parte  appellante  non  comparente,  nec  excusatorem 
mittente ,  ipsa  pars  appellans ,  si  hoc  dicta  pars  appellata  que 
comparuit  requirat ,  in  defectu  ponetur,  et  statim  dabitur  ipsi 
parti  appellanti  littera  quod  judicatum  pro  se  factum  execu- 
cioni  mandetur. 

Presumendum  enim  est  pro  dicto  judicato  ex  quo  non  com- 
paret  nec  excusatorem  mittit  ad  diem  ad  hoc  sibi  assigoatam 

(1)  Le  ms.  14,669  ajoute  :  «  Et  iste  stillos  est  verus  et  ita  dictam  fait  pro 
»  uxore  magistri  Roberti  La  Léon.  » 

(2)  *9*  signifie  ici  commistio,  c'est  la  première  fois  que  je  trouve  cette 
abréviation  dans  les  registres  du  Parlement. 


DE   GUILLAUME  DU  BREUIL.  359 

pars  que  dictum  judicatum  per  suam  appellationem  impu- 
gnare  videbatur  (1). 

Si  vero  pars  que  appellavit  ad  dictam  diem  compareat, 
parte  que  pro  se  judicatum  habuit  non  comparante  nec  excu- 
satorem  mittente,  ipsa  pars  non  comparons  ponetur  in  de- 
fectu  et  readjornabitur  super  utilitate  dicti  defectus  ad  subse- 
quens  parlamentum ,  non  enim  ita  de  facili  procedendum  est 
ad  annulandum  sicut  ad  exequendum  aliquod  judicatum  cum 
pro  dicto  judicato  presumendum  sit  prima  facie  si  ipsum 
rationabiliter  non  impugnetur  vel  appellatio  contra  dictum 
judicatum  interposita  diligenter  non  fuerit  prosequta. 


Félix  Aubert, 

avocat ,  archiviste-paléographe. 


(1)  «  Presumendum  est  enim  pro  ipso  judicato  ex  quo  ipso  appellans  non 
»  comparait,  nec  ezcusatorem  misit,  quod  judicatum  per  ejus  appellationem 
»  non  videtur  impugnare  »  (édit.  Du  Moulin).  Le  ms.  14,669  donne  la  variante 
«...  quod  judicatum  per  ejus  appellationem  non  velit  impugnare.  » 


DE  LÀ 


CIRCONSCRIPTION  DES  COMMUNES 


PAR  LA  CONSTITUANTE  DE.1789 


Dans  un  article  inséré  as  numéro  de  marB-avriM877  de 
cette  Revue,  nous  ayons  rectifié  l'erreur  généralement  répan- 
due que-;  d'après  l'organisation  votée  par  la  Constituante  de 
1789,  le  département  n'était  qu'une  simple  division  territoriale 
destinée  à  faciliter  Faction  politique  et  administrative  du  pou- 
voir central.  Nous  avons  publié  le  budget  spécial  d'un  dé- 
partement-en  1791  et  nous  avons  prouvé  d'une  manière  irré- 
futable que,  dès  leur  création,  les  départements  ont  eu  une 
existence  propre,  des  intérêts  distincts  de  ceux  dé  l'État,  et 
que,  dans  la  pensée  de  la  Constituante,  ils  étaient  appelés  à 
jouer,  en  France,  le  rôle  que  l'élément  provincial  joue  chez  les 
autres  nations; 

Nous  voulons  aujourd'hui  rectifier  une  seeende  erreur  non 
moins  répandue;  on  croit  que  si  nous  avons  des  communes 
de  cent  à  trois  cents  habitants ,  la  faute  en  est  à  l'Assemblée 
constituante  qui  aurait  placé  une  municipalité  dans  toutes  les 
anciennes  paroisses.  Pour  réfuter  cette  erreur,  nous  recour- 
rons à  la  source  où  nous  avons  trouvé  la  réfutation  de  la  pre- 
mière ,  c'est-à-dire  aux  registres  des  délibérations  des  assem- 
blées de  département  (i). 

Nous  y  avons  trouvé  la  preuve  que,  bien  loin  de  conserver 
toutes  les  paroisses  à  l'état  de  communes,  les  assemblées 
de  département,  d'après  les  instructions  de  la  Constituante, 
en  avaient  supprimé  une  grande  partie  et  n'avaient  conservé 
que  les  plus  importantes. 

(1)  Ces  registres  sont  déposés  aux  archires  de  chaque  préfecture. 


364  DE  LA  CIRCONSCRIPTION  DES  COMMUNES 

conscription  des  paroisses  fat  faite  dans,  le  département  des 
Côtes-du-Nord. 

Dans  le  district  de  Dinan,  les  paroisses  conservées  furent 
an  nombre  de  25,  à  savoir  :  Dinan,  Saint-Sam  son ,  Plestin, 
Plessis-Balisson,Ploubalay,  Samt-Potan,  Pluduno,  Planooêt* 
Corseul,  Quévert,  Bourseul,  Plélan-le-Petit,  Vildé-Guinga- 
lan,  Brusvilly,  Yvignac,  Saint-Juvat ,  Tréveron,  Goenroc, 
Plouasne,  Evran,  Saint-Solain,  Saint-Hellen,  Pleudihen. 

Les  paroisses  supprimées  furent  les  29  suivantes  :  Taden, 
Langrolay ,  Trigavou ,  Tremereuc ,  Languenan  ,  Lancieux , 
Saint-  Michel ,  Saint  -  Meloir,  Lalandec  ,  Saint  -  Maudé , 
Trébédan,  Plumaudan,  Bobital,  Saint-Carné,  le  Hinglé,  Saint- 
Maden,  Saint- André,  Tréfumel,  Le  Quiou,  Guitté,  Saint-Ju- 
doce,  Lehon,  Tressaint,  Calorguen,  Lanvallay,  Languedias  et 
Plorec. 

Les  paroisses  dont  les  noms  sont  en  italiques ,  étaient  con- 
servées comme  succursales  pour  le  culte. 

La  circonscription  des  paroisses  s'opéra  d'une  manière  ana- 
logue dans  les  autres  départements;  nous  citerons  un<  autre 
exemple ,  celui  de  l'Orne. 

Le  conseil  général  y  nomma  aussi  une  commission  pour; 
examiner  le  travail  des  directoires  de  district;  il  commença 
l'examen  des  projets  présentés  par  cette  commission,  le  10 
décembre  1791* 

Voici  le  résultat  pour  le  canton  d'Alençon  (1)  : 

1°  Notre-Dame  d'Alençon,  église  principale; 

2°  Saint-Pierre  de  Montsort ,  seconde  paroisse  de  la  même 
ville; 

3°  Saint-Léonard  d'Alençon,  succursale  de  Notre-Dame 
d'Alençon; 

4°  Courteiile ,  église  paroissiale  ; 

5°  Cérisé  supprimée  et  réunie  à  Courteiile  ; 

6°  Valframbert,  paroisse  conservée; 

7°  Congé ,  supprimée  et  réunie  à  Valframbert; 

8°  Damigny ,  conservée  paroisse  ; 

9°  Colombiers,  conservée  paroisse; 

(1)  Le  canton  de  cette  époque,  différait  du  canton  aotael. 


PAR  LA  CONSTITUANTE  DE  1789.        365 

10°  Lonray,  succursale  de  Colombiers; 

il0  Pacé,  conservée  paroisse; 

12°  Condé-sur-Sarthe ,  succursale  de  Pacé; 

13°  Saint-Germain  duGorbéis,  succursale  de  Saint-Pierre; 
de  Montsort,  paroisse  d'Alençon; 

14°  La  Ferrière-Bochard,  conservée  paroisse; 

15°  Mieuxcè ,  conservée  paroisse  ; 

16°  Saint-Cénery,  succursale  de  La  Ferrière-Bochard  ou  de 
Mieuxcé  à  son  choix  ; 

17°  Saint-Denis-si^r-Sarthon ,  conservée  paroisse; 

18°  Gandelain,  conservée  paroisse; 

19°  La  Roche-Mabille ,  conservée  paroisse  ; 

20°  La  Lacelle ,  conservée  paroisse  ; 

21°  Somalie,  conservée  paroisse; 

22°  Larré ,  succursale  de  Somalie  ; 

23°  Radon ,  conservée  paroisse  avec  partie  de  Feugerets 
l'autre  partie  réunie  à  Vingt-Hanaps ,  canton  d'Essay  ; 

24°  Forge ,  succursale  de  Radon  ; 

25°  Feugerets,  supprimée  et  réunie,  partie  à  Radon  et 
l'autre  partie  à  Vingt-Hanaps  ; 

26°  Guissai ,  conservée  paroisse  ; 

27°  Saint-Nicolas ,  succursale  de  Guissai  ; 

28°  Le  Froust,  oratoire  de  Guissai  ; 

29°  Hesloup,  conservée  paroisse. 

On  conserva  donc,  dans  le  canton  d'Alençon,  15  paroisses 
sur  29  ;  on  en  conserva  1 4  sur  25  dans  le  canton  de  Carrouges  ; 
14  sur  26  dans  celui  de  Sèes;  11  sur  17  dans  celui  d'Essai  (qui 
n'existe  plus)  ;  10  sur  11  dans  celui  de  Courtomer.  En  résumé, 
64  paroisses  seulement  sur  108  formant  le  district  d'Alençon, 
furent  des  sièges  de  municipalités. 

Malgré  le  soin  que  Ton  avait  pris  de  maintenir,  comme 
succursales  pour  le  culte,  un  certain  nombre  de  paroisses 
non  érigées  à  l'état  de  communes ,  les  habitants  se  trouvaient 
souvent  trop  éloignés  des  églises ,  surtout  à  une  époque  où 
les  chemins  étaient  peu  nombreux  et  en  mauvais  état.  Sous 
l'influence  de  la  réaction  religieuse  qui  suivit  le  9  thermidor, 
il  y  eut  de  nombreuses  réclamations.  Ce  fut  la  Constitution  de 
l'an  III,  qui  rétablit,  sous  le  nom  général  de  communes,  la 

Rbtub  hist.  —  Tome  VIII.  24 


366  DE  LA  CIRCONSCRIPTION  DES  COMMUNES 

plupart  des  anciennes  paroisses  supprimées  en  1791.  Dans  l'ar- 
rondissement de  Dinan,  elles  furent  toutes  rétablies,  même  les 
plus  petites.  Dans  le  canton  d'Alençon,  nous  en  comptons  trois 
qui  ne  le  furent  pas. 

Il  faut  remarquer  que  d'après  la  Constitution  de  l'an  III 
l'administration  municipale  avait  été  transférée  au  canton 
(art.  174).  Dans  les  communes  dont  la  population  était  infé- 
rieure à  cinq  mille  habitants ,  il  n'existait  pas  de  pouvoir  dé- 
libérant, on  n'y  trouvait  qu'un  simple  agent  municipal  et  un 
adjoint  qui  n'avaient  d'autre  fonction  que  d'exécuter  les  ordres 
des  administrations  municipales  de  canton.  H  n'y  avait  donc 
pas  grand  inconvénient  à  ériger  à  l'état  de  communes ,  même 
des  paroisses  trop  petites  pour  s'administrer  elles-mêmes.  11 
n'en  fut  pas  ainsi  lorsque  la  Constitution  de  l'an  VIII  eut 
décidé  qu'il  y  aurait  «  un  conseil  municipal  dans  chaque  ville, 
»  bourg  ou  autre  lieu  pour  lequel  il  existe  un  agent  munici- 
»  pal  i>  (art.  XV).  Il  est  vrai  que  les  attributions  de  ce  conseil 
étaient  alors  fort  peu  importantes;  mais  elles  ont  été  succes- 
sivement augmentées  par  les  lois  de  1837,  de  1867  et  de  1884  ; 
aujourd'hui  les  conseils  municipaux  prennentun  grand  nombre 
de  délibérations  réglementaires,  c'est-à-dire  définitives.  Le 
maire  est  devenu  électif,  il  fait  exécuter  toutes  les  délibérations 
réglementaires  sous  la  simple  surveillance  de  l'administration 
centrale,  il  a  été  chargé  d'exécuter  un  grand  nombre  d'actes 
pour  le  compte  de  l'État. 

Il  est  difficile  de  trouver  dans  des  communes  de  cent  à  trois 
cents  habitants ,  des  maires  et  des  conseils  ayant  le  degré 
d'instruction  et  de  capacité  administrative  nécessaires  à  ces 
importantes  attributions;  les  petites  communes  ont  montré 
et  montreront  de  plus  en  plus  leurs  inconvénients ,  à  mesure 
qu'augmenteront  les  libertés  municipales  ;  elles  seront  toujours 
un  obstacle  au  développement  complet  de  ces  libertés. 

Faut-il  conclure  à  la  suppression  des  petites  communes  réta- 
blies en  l'an  III?  Nous  ne  le  pensons  pas  ;  les  habitants  de  la 
campagne  tiennent  beaucoup  à  leurs  municipalités  et  à  leurs 
clochers;  une  foule  d'intérêts,  de  sentiments,  de  souvenirs 
personnels  les  y  rattachent;  ils  sentiraient  comme  une  diminu- 
tion de  tête,  pour  nous  servir  d'une  expression  romaine,  si 
leur  commune  allait  s'absorber  dans  une  autre. 


PAR  LA  CONSTITUANTE  DE   1789.  367 

Nous  pensons  qu'il  faut  conserver  toutes  les  communes  qui 
ne  sont  pas  absolument  dénuées  de  ressources  en  hommes  et 
en  argent.  C'est  par  l'organisation  cantonale ,  par  l'association 
des  communes  entre  elles  pour  l'exécution  des  entreprises 
au-dessus  de  leurs  forces,  qu'on  obviera  aux  inconvénients  des 
trop  nombreuses  petites  communes  qui  existent. 


H.  de  Ferron, 

Conseiller  de  préfecture  de  la  Seine. 


-*- 


CHRONIQUE 


<«••• 


Notre  collaborateur,  M.  Flach ,  dont  nous  annoncions  dans 
notre  précédent  numéro  la  nomination  à  la  chaire  d'Histoire 
des  législations  comparées,  nous  adresse  la  lettre  suivante  : 


«  A  Messieurs  les  Directeurs  de  la  Nouvelle  Revue  histo- 
rique DE  DROIT  FRANÇAIS  ET  ÉTRANGER. 

«  Paris,  ce  7  avril  1884. 

«  Messieurs  et  honorés  collègues, 

«  Les  devoirs  d'un  double  professorat  àù  Collège  de  France 
et  à  l'École  libre  des  sciences  politiques ,  ta  publication  d'un 
ouvrage  considérable  sur  l'histoire  du  droit  français,  dont 
une  partie  est  sous  presse  et  qui  sollicite  tons  mes  efforts , 
m'empêchent  de  donner  désormais  à  la  Revue  tout  le  temps 
qu'une  bonne  direction  exige.  Il  m'est  pénible  de  me  séparer 
de  vous ,  de  nos  excellents  collaborateurs  de  la  France  et  de 
l'étranger,  de  nos  lecteurs  fidèles ,  après  dhc  ans  de  travaux 


370  CHRONIQUE. 

poursuivis  en  commun.  Mais  je  ne  veux  pas  retenir  l'honneur 
d'être  un  des  Directeurs  de  l*  Revue,  du  moment  que  je  ne 
pourrai  plus  lui  apporter  une  collaboration  vraiment  active. 

«  Veuillez  croire,  Messieurs  et  honorés  collègues,  à  mes 
sentiments  bien  dévoués, 

«  Jacques  Flach.  » 


Nos  lecteurs  comprendront  sans  peine  les  regrets  que  nous 
inspire  la  résolution  de  M.  Flach  et  s'associeront  aux  senti- 
ments de  gratitude  que  nous  tenons  à  lui  exprimer  ici  pour 
sa  longue  et  utile  collaboration. 


Le  concours  d'agrégation  pour  les  Facultés  de  droit ,  ouvert 
à  Paris  le  1er  mars,  s'est  terminé  le  3  mai.  Voici  la  liste  des 
candidats  admis  définitivement  par  le  jury  : 

1.  Jay  (Faculté  de  Paris). 

2.  Mérignhac  (Faculté  de  Toulouse). 

3.  Pillet  (Faculté  de  Grenoble). 

4.  Mouchet  (Faculté  de  Dijon). 

5.  Saleilles  (Faculté  de  Paris). 

6.  Berthélemy  (Faculté  de  Paris). 

7.  Timbal  (Faculté  de  Toulouse). 

8.  Surville  (Faculté  de  Paris). 

9.  Charvériat  (Faculté  de  Lyon). 
10.  Jacquey  (Faculté  de  Nancy). 


CHRONIQUE.  371 


*  * 


Nous  avons  reçu,  après  la  composition  définitive  du  présent 
numéro,  une  réponse  que  M.  Jousserandot,  de  Genève,  adresse 
à  M.  May  au  sujet  du  compte  rendu  de  l'ouvrage  :  L'Êdit  perpé- 
tuel restitué  et  commenté  (Revue  de  janvier-février).  La  lettre 
de  M.  Jousserandot  sera  insérée  dans  le  prochain  numéro. 


BAR-LS-DUC,   IMPRIMERIE  C0NTA5T-LA0DERRE. 


NOUVELLE 


REVUE  HISTORIQUE 


DE 


DROIT  FRANÇAIS  ET  ÉTRANGER 


LA 

TRANSCRIPTION  LES  TENTES 

EN  DROIT  HELLÉNIQUE 

D'APRÈS  LES  MONUMENTS  ÉPIGRAPHIQUES 

RÉCEMMENT  DÉCOUVERTS 


Dans  la  plupart  des  villes  grecques ,  la  loi  avait  pris  des 
mesures  pour  assurer  la  publicité  des  droits  réels.  En  général, 
on  transcrivait  sur  une  stèle  de  marbre  un  extrait  des  con- 
trats emportant  translation  de  propriété.  Cette  transcription 
s'appelait  ivocypa^  et  complétait  la  translation ,  en  la  rendant 
opposable  aux  tiers.  Aristote  dans  sa  Politique  (livre  VII,  cha- 
pitre 5)  et  Théophraste  dans  son  Traité  des  lais  (fragment 
conservé  dans  le  recueil  de  Stobée,  chapitre  42),  font  con- 
naître cette  institution. 

De  récentes  découvertes  épigraphiques  viennent  compléter 
sur  ce  point  important  les  indications  d'Aristote  et  de  Théo- 
phraste. Les  quatre  inscriptions  dont  nous  donnons  ici  la  tra- 
duction et  l'analyse  juridique  peuvent  servir  de  base  à  l'étude 
de  la  transcription  dans  le  droit  hellénique 

Revue  hist.  —  Tome  VIII.  25 


374  LA   TRANSCRIPTION   DES   VENTES 

La  première,  et  de  beaucoup  la  plus  intéressante,  provient 
de  l'île  de  Ténos,  et  se  trouve  aujourd'hui  au  British  Muséum. 
Bœckh  Ta  publiée  dans  le  Corpus  inscriptionum  graecarum , 
sous  le  n°  2338,  mais  d'après  une  copie  imparfaite.  Un  nou- 
veau texte ,  beaucoup  plus  complet  et  plus  exact  vient  d'être 
donné  par  M.  Newton  dans  le  Recueil  des  inscriptions  grec- 
ques du  British  Muséum,  tome  II  (1883),  n°  397. 

La  seconde  inscription,  trouvée  à  Amphipolis,  a  été  publiée 
pour  la  première  fois  par  Pantazidès  dans  le  Recueil  intitulé 
PhUistor,  en  1862. 

La  troisième ,  trouvée  dans  l'île  d'Amorgos ,  a  été  publiée 
pour  la  première  fois  par  Weil  dans  le  premier  volume  des 
Mittheilungen  des  archœologischen  Instituts  in  Athen  (1876). 

Enfin  la  quatrième,  qui  se  compose  de  plusieurs  fragments, 
a  été  trouvée  dans  l'acropole  d'Athènes  et  publiée  pour  la 
première  fois  par  Ross,  en  1847.  Nous  suivons  ici  le  texte 
donné  par  M.  Kôhler  dans  le  deuxième  volume  du  Corpus 
inscriptionum  Atticarum  (1883),  sous  le  titre  de  Rationes  cente- 
simarum. 

Une  cinquième  inscription,  trouvée  en  1873  dans  l'île  de 
Myconos ,  contient  une  sorte  de  registre  des  constitutions  de 
dot  et  fournit  un  point  de  comparaison  intéressant.  Mais  cette 
inscription  a  été,  ici  même,  l'objet  d'une  étude  approfondie 
de  notre  collaborateur  M.  Barrilleau.  Nous  ne  pouvons  rien 
ajouter  à  son  savant  travail. 

I. 

La  population  de  Ténos  était  d'origine  ionienne  comme  celle 
de  l'Eubée  et  de  l'Attique.  Les  lois  civiles  et  politiques  étaient 
à  peu  près  les  mômes  qu'à  Athènes.  Une  inscription  du  pre- 
mier siècle  avant  notre  ère,  conservée  au  Musée  du  Louvre, 
à  Paris ,  et  publiée  par  Bœckh  sous  les  n0B  202  à  206  du  Cor- 
pus insaiptionum  grœcarum  contient  plusieurs  listes  des  ma- 
gistrats de  Ténos.  Ils  étaient  alors  renouvelés  tous  les  six 
mois.  On  y  remarque  un  archonte ,  qui  est  le  magistrat  épo- 
nyme ,  et  trois  astynomes. 

Le  texte  que  nous  allons  étudier  est  intitulé  :  Registre  des 
ventes  immobilières  et  des  constitutions  de  dot.  La  seconde 


EN  DROIT  HELLÉNIQUE.  375 

partie,  celle  qui  contenait  les  dots,  ne  nous  est  point  parvenue, 
mais  la  première  nous  fait  connaître  par  extrait  quarante-sept 
actes  de  ventes  passés,  ou  du  moins  transcrits,  sous  l'archon- 
tat  d'Àminolas ,  dans  une  période  d'environ  quinze  mois. 

Nous  venons  de  voir  qu'à  Ténos  les  magistrats  étaient  re- 
nouvelés tous  les  six  mois,  mais  peut-être  en  était-il  autre- 
ment à  l'époque  du  monument  que  nous  étudions;  on  peut 
conjecturer  que  les  magistrats  restaient  en  fonctions  un  an 
entier,  et  même  plus ,  ou  qu'ils  étaient  rééligibles. 

A  la  première  ligne  du  monument,  après  le  nom  de  l'ar- 
chonte Àminolas ,  il  y  a  une  lacune.  Le  texte  de  M.  Newton 

donne ouç  ourcu «<nv.  Nous  pensons  qu'il  faut  restituer 

irpàç  xo&ç  éoTuvopouç,  et  que  les  mots  qui  suivent  sont  les  noms 
propres  des  trois  astynomes.  Ces  magistrats  étaient  chargés 
de  la  police  urbaine  et  de  la  voirie.  On  peut  supposer  qu'ils 
avaient  à  Ténos  la  charge  de  tenir  les  registres  de  transcrip- 
tion ,  et  d'admettre  ou  de  rejeter  les  actes  présentés  à  la  for- 
malité. La  préposition  irprfç  est  d'ailleurs  technique  en  pareil 
cas.  Aristote ,  dans  le  passage  cité  plus  haut  s'exprime  en  ces 
termes  :  'Et/pa  S 'dtp^j  irpoç  ijv  âvaeypa^eoOac  âet  xd  te  fôta  cvjx6oXaia 
xat  tIç  xpureiç  èx  twv  SataaTi)pu»v. 

Quoique  l'île  de  Ténos  fût  très  petite ,  la  population  y  était 
cependant  divisée  en  plusieurs  tribus  et  phratries ,  comme  on 
le  voit  tant  par  notre  inscription  que  par  une  autre  inscription 
de  Ténos  qui  est  actuellement  au  Musée  du  Louvre  et  que 
Bœckh  a  publiée  sous  le  n°  2330.  Nous  ne  nous  attacherons 
pas  à  en  donner  la  liste ,  non  plus  qu'à  restituer  le  calendrier 
Ténien  dont  nous  ne  connaissons,  malheureusement,  que 
neuf  mois  sur  douze.  Nous  devons  seulement  dire  quelques 
mots  des  actes  dont  on  va  lire  la  transcription,  et  des  induc- 
tions qu'on  peut  en  tirer  pour  la  connaissance  du  droit  civil 
tel  qu'il  était  pratiqué  à  Ténos. 

Les  quarante-sept  actes  dont  il  s'agit  sont  tous  des  actes  de 
vente ,  en  la  forme ,  mais  au  fond  plusieurs  d'entre  eux  sont 
des  rétrocessions,  faites  en  exécution  de  pactes  de  rachat 
stipulés  dans  des  ventes  antérieures.  L'opération  principale 
a  donc  été  un  prêt  d'argent. 

C'est  probable  pour  le  n°  2,  où  le  texte  offre  malheureuse- 
ment des  lacunes.  Cela  est  certain  pour  le  n°  7,  en  partie  pour 


376         LA  TRANSCRIPTION  DES  VENTES 

le  n°  12.  Il  est  question  d'un  rachat  de  ce  genre  dans  le  n°30. 
Le  n°  34  est  une  dation  en  paiement.  Le  n°  39  est  une  rétro- 
cession pure  et  simple.  Les  n°*  40  et  41  ne  forment  en  réalité 
qu'une  seule  opération  :  Phaniko  achète  une  propriété  de  8,000 
drachmes ,  et  revend  immédiatement  à  un  tiers  la  moitié  de 
cette  propriété,  pour  4,000  drachmes.  Il  y  a  aussi  un  lien 
entre  les  n0B  44  et  45  par  lesquels  trois  personnes  achètent 
certains  terrains  pour  300  drachmes ,  et  les  revendent  immé- 
diatement, pour  le  même  prix,  à  leur  vendeur.  Le  second 
acte  détruit  le  premier.  C'est  en  réalité  une  résiliation.  Les 
deux  actes  sont  présentés  et  transcrits  le  même  jour.  Enfin , 
le  n°  46  est  expressément  l'exercice  d'un  réméré  à  la  suite 
d'un  prêt  d'argent. 

La  formule  ordinaire  des  actes  est  :  un  tel  a  acheté,  éicpCoro. 
Toutefois  on  remarque  au  n°  30  une  autre  formule  :  un  tel  a 
vendu,  <fas&»xe,  et  l'acheteur  n'est  même  pas  nommé. 

Les  mineurs  et  les  femmes  ne  contractent  qu'avec  l'assis- 
tance de  leurs  tuteurs,  xoptoi.  Mais  cette  formalité  suffit,  pour 
acheter  comme  pour  vendre.  On  trouve  au  n°  2  une  vente 
faite  entre  deux  personnes  ayant  le  même  tuteur.  Au  n°  7, 
Axioniké  fille  de  Pythocritos ,  de  Thrya ,  achète  un  immeuble 
assistée  de  son  kyrios  Alkisthénès  fils  d'Àglogénès  de  Thrya. 
Au  n°  10  la  même  Axioniké  vend  un  autre  immeuble ,  et  cette 
fois  elle  est  assistée  de  trois  kyrioi,  à  savoir  Isandros  et 
Theb&os,  tous  deux  fils  de  Pisicratès,  de  Thrya,  et  Pisi- 
cratès,  fils  d'Isandros.  Comme  les  deux  actes  sont  séparés 
par  un  intervalle  d'au  moins  un  mois,  on  pourrait  croire 
qu' Alkisthénès  est  décédé  depuis  la  rédaction  du  premier 
acte,  et  qu'il  a  été  remplacé  pour  le  second  par  les  trois  tu- 
teurs, Isandros,  Thebaeos  et  Pisicratès.  Mais  précisément 
Alkisthénès  reparaît  au  n°  11,  où  il  achète  un  immeuble  en 
son  nom.  Nous  ne  voyons  pas  la  solution  de  cette  difficulté. 

Au  n°  12  une  autre  femme,  Amphylis,  contracte  avec  l'as- 
sistance de  son  père.  Il  en  est  de  même  de  Philothéaau  n°  13. 
Au  n°  20  une  autre  femme,  So...  achète  assistée  de  son  frère. 
Au  n°  23  deux  mineurs ,  Simias  et  Aristis  vendent  assistés 
de  leur  frère.  Au  n°  31,  Aristomaché  intervient  assistée  de 
deux  tuteurs  qui  sont  ses  fils.  Au  n°  32,  le  mineur  vendeur 
paraît  être  assisté  de  son  père.  Les  n"  33,  36,  39  et  40,  nous 


EN  DROIT  HELLÉNIQUE.  377 

montrent  une  femme  qui  vend  ou  achète  avec  l'assistance  de 
deux  tuteurs  lesquels  paraissent  être  ses  parents.  Au  n°  38, 
les  mêmes  tuteurs  figurent  comme  assistant  un  mineur.  Au 
n°  41,  Phaniko  vend  assistée  de  son  père.  Enfin  au  n°  47, 
Théocléia  vend  assistée  de  son  frère.  Les  autres  personnes 
indiquées  dans  les  actes  comme  tuteurs  de  femmes  sont  pro- 
bablement des  maris. 

Outre  le  vendeur  et  l'acheteur,  on  voit  quelquefois  certaines 
personnes  figurer  dans  les  actes  comme  intervenant  pour 
donner  à  la  vente  leur  consentement  et  leur  approbation. 
Ainsi  au  n°  8,  deux  femmes  qui  ne  sont  pas  sœurs  et  qui  ont 
pourtant  le  même  kyrios ,  et  ce  kyrios  n'est  autre  que  l'ache- 
teur. Il  y  avait  donc  opposition  d'intérêts ,  et  en  pareil  cas ,  la 
loi  française  exige  un  tuteur  ad  hoc,  mais  la  loi  grecque  ne 
paraît  pas  s'être  préoccupée  de  ce  cas.  Au  n°  16,  on  voit  in- 
tervenir le  vendeur  et  le  père  de  l'acheteur.  Au  n°  17,  deux 
personnes  inconnues,  et  au  n°  24,  une  femme  qui  est  l'arrière 
venderesse.  Au  n°  31  une  femme  intervient ,  assistée  de  ses 
deux  tuteurs.  Au  n°  44,  le  vendeur  des  vendeurs  intervient 
pour  donner  son  consentement  et  déclare  qu'il  se  porte  lui- 
même  vendeur,  ouwtoXouvroç;  une  autre  personne  intervenant 
dans  le  même  contrat  paraît  agir  dans  l'intérêt  de  l'acheteur. 
Au  n°  45,  une  femme  intervient  assistée  de  son  kyrios  qui 
est  précisément  le  vendeur,  et  qui  paraît  bien  être  son  mari. 
Il  est  probable  que  ces  interventions  équivalent  à  des  renon- 
ciations. Les  intervenants  se  désistent  de  tous  droits  et  de 
toutes  prétentions  sur  l'immeuble,  et  notamment  de  leur 
hypothèque  quand  ce  sont  des  femmes  ou  des  mineurs. 

Dans  presque  toutes  les  ventes ,  il  intervient  des  garants , 
d'ordinaire  au  nombre  de  deux.  Cependant  on  en  trouve 
quatre  au  n°  11,  cinq  au  n°  12,  un  seul  aux  n"  13,  14  et  19, 
quatre  au  n°  22,  onze  au  n°  23,  trois  au  n°  25,  un  seul  au  n° 
27,  cinq  au  n°  32,  un  seul  au  n°  35,  sept  au  n°  36,  un  seul  au 
n°  42,  enfin  trois  au  n°  45. 

Ces  garants  s'appellent  rcpa-uTjpeç,  c'est-à-dire  vendeurs.  Au 
n°  41,  ils  s'appellent  7tf>otT7jps;  xal  (kêaitorîjpeç ,  vendeurs  et  con- 
tinuateurs de  la  vente.  Ils  s'obligent  en  général  solidairement. 
La  formule  est  xal  piaû  iwcvreç  xal  XWP^  £x*arb<  rcàVtoç  tou 
àpYupiou,  c'est-à-dire  tous  ensemble,  et  chacun  à  part  pour  le 


378         LA  TRANSCRIPTION  DES  VENTES 

tout.  Toutefois,  dans  quelques  actes  la  responsabilité  se  divise 
et  chacun  des  garants  ne  s'oblige  que  jusqu'à  concurrence 
d'une  certaine  somme.  On  trouve  des  exemples  de  cette  divi- 
sion aux  n°*  23,  32  et  36.  Dans  ce  dernier  acte,  deux  des 
garants  s'obligent  pour  une  partie  seulement,  et  les  cinq 
autres  pour  le  tout. 

Ces  garants  sont,  en  général,  des  parents  du  vendeur.  Ainsi 
au  n°  6  c'est  un  (ils  du  vendeur,  au  n°  10  deux  des  trois  kyrioi 
de  la  venderesse.  Au  n°  11,  un  des  trois  vendeurs  figure 
comme  garant.  Au  n°  12  un  des  garants,  Stratonique,  paraît 
être  l'oncle  paternel  de  la  venderesse.  Au  n°  14,  un  des  ven- 
deurs est  encore  garant.  Au  n°  18,  un  frère  de  l'acheteur;  au 
n°  20,  le  kyrios  de  la  venderesse;  au  n°  25,  un  des  vendeurs; 
au  n°  32,  un  frère  du  vendeur;  au  n°  33,  les  kyrioi  de  la  ven- 
deresse; au  n°  36,  un  des  kyrioi  de  la  venderesse;  au  n°  38, 
les  kyrioi  de  la  venderesse,  de  même  au  n°  40.  Au  n°  41,  le 
frère  et  le  père  qui  est  en  même  temps  kyrios  de  la  vende- 
resse. 

On  voit  par  là  que  l'obligation  de  garantie  est  absolument 
distincte  de  l'obligation  du  vendeur.  Le  vendeur  n'est  pas 
garant,  de  droit,  mais  il  peut  le  devenir  par  une  clause 
expresse  de  l'acte. 

Le  n°  13  mérite  une  attention  particulière.  Philothéa  vend 
à  Anaxiclès  certaines  constructions  qui  ont  fait  entre  les  par- 
ties l'objet  d'un  procès  perdu  par  Philothéa.  Le  prix  n'est  pas 
indiqué.  Il  n'est  pas  difficile  d'apercevoir  l'opération  qui  se 
cache  ici  sous  la  forme  d'une  vente.  Un  jugement  a  tranché 
une  question  de  propriété  ;  il  a  condamné  Philothéa  à  resti- 
tuer un  immeuble  à  Anaxiclès.  Philothéa  s'exécute,  mais  il 
ne  suffit  pas  de  restituer,  il  faut  encore  rendre  cette  restitu- 
tion, emportant  translation  de  propriété,  opposable  aux  tiers. 
En  conséquence,  les  parties  déguisent  l'opération  sous  la 
forme  d'une  vente ,  qui  est  transcrite.  Ainsi ,  à  Ténos ,  con- 
trairement à  ce  que  dit  Aristote  dans  le  passage  cité  plus  haut , 
on  ne  transcrivait  pas  les  jugements  sur  la  propriété,  mais  on 
transcrivait  les  actes  passés  en  exécution  de  ces  jugements. 

Après  avoir  examiné  et  analysé  tous  ces  actes  au  point  de 
vue  juridique,  il  ne  nous  reste  plus  que  quelques  observa- 
tions à  faJ*^ 


EN   DROIT   HELLÉNIQUE.  379 

Et  d'abord  il  est  facile  de  remarquer  qu'à  Ténos  les  im- 
meubles circulaient  et  qu'il  s'en  faisait  un  véritable  com- 
merce. Les  mêmes  noms  reviennent  fréquemment.  On  achète 
et  on  vend,  on  vend  et  on  achète.  Nous  n'avons  pas  besoin 
de  relever  ici  les  noms  de  toutes  les  personnes  qui  se  livrent 
à  de  doubles  opérations.  Nous  signalerons  seulement  Calli- 
phon  qui  figure  comme  vendeur  au  n°  15,  comme  acheteur 
au  n°  16  et  encore  comme  vendeur  au  n°  27.  Astymaque 
figure  comme  acheteur  aux  n°*  22  et  24,  et  comme  vendeur 
au  n°  45.  Enfin  Iphicrité  vend  aux  n°*  33  et  36,  achète  au 
n*  39  et  vend  au  n°  40,  sans  parler  d'une  vente  antérieure 
faite  par  elle,  et  mentionnée  au  n°  41.  Tout  cela  dans  un 
espace  d'environ  quinze  mois  (1). 

Parmi  les  personnes  qui  achètent  ou  vendent ,  nous  trou- 
vons quatre  corporations,  à  savoir  le  Thiase  de  Damyia  (n°  il), 
les  Thiasites  (probablement  de  la  ville,  n°  23),  les  Agési- 
léides  qui  sont  peut-être  une  des  tribus  de  Ténos  (n°  31),  et 
enfin  les  Théoxéniastes ,  qui  paraissent  être  une  corporation 
religieuse  (n0B  44,  45).  Pour  la  connaissance  de  ces  corpora- 
tions, il  nous  suffit  de  renvoyer  au  livre  de  M.  Foucart,  Des 
associations  religieuses  chez  les  Grecs,  Paris,  1873.  Ces  cor- 
porations vendent  et  achètent  sans  qu'il  soit  fait  mention 
d'aucune  formalité  particulière.  On  ne  voit  même  pas  qu'elles 
soient  représentées  par  un^ agent  dénommé  dans  l'acte. 

Enfin  nous  signalerons  une  expression  remarquable  qui  se 
trouve  aux  n0B  31  et  47.  C'est  celle  de  to  fArriu>pov  xal  ôtcotukov 
pour  désigner  le  droit  qui  fait  l'objet  de  la  vente.  Ces  deux 
mots  s'expliquent  l'un  par  l'autre ,  et  nous  pensons,  avec  M- 
Newton,  qu'il  faut  traduire  ici  :  un  droit  incertain  et  litigieux. 

Voici  la  traduction  de  cette  inscription  : 

«  Ventes  de  terrains  et  de  maisons ,  et  constitutions  de  dots 
faites  sous  l'archontat  d'Aminolas ,  par  devant  les  astynomes 
N,  N,  etN... 

Du  mois  d'Artémision. 
i:  —  Crinylios,  fils  de  ....idès  de  Thestia,  avec  son  kyrios 

(1)  Nous  savons  d'ailleurs  que  l'Ile  de  Ténos  était  riche.  En  Tan  425,  sa 
contribution  fédérale  annuelle  était  de  dix  talents,  c'est-à-dire  environ 
60,000  francs  (V.  Corpus  inscriptionum  Atticarum,  I,  37). 


380         LA  TRANSCRIPTION  DBS  VENTES 

Sombrotos,  fils  de  Strymon,  de  Donaké 

a  acheté  la  maison  et  les  terrains  sis  à  Donaké....  ayant 
pour  voisins pour  deux  mille  cinq  cents  drachmes  d'ar- 
gent. Garants  de  la  vente  ....istos 

Du  mois  de,...,  le  dernier  jour. 

,2.  —  Callistarété,  fille  de  Calliphoros...  ayant  pour  kyrios 
Androgénès,  fils  de  Myrtosis,  d'Eschatia,  a  acheté  de  N, 
d'Eschatia,  ayant  pour  tuteur  Androgénès,  fils  de  Myrtosis, 
d'Eschatia,  la  maison  sise  dans  la  ville,  dans  la  septième  rue, 
ayant  pour  voisins que  Tisimachos  avait  prise  en  hypo- 
thèque pour...  trois  cent  vingt  drachmes  d'argent....  à  An- 
drogénès, fils  de  Myrtosis,   d'Eschatia,   Callistarété à 

Eutéléia  sa... 

3.  —  N,  fils  de  Gripion,  d'Héraclée,  a  acheté toutes  les 

constructions ayant  pour  voisins pour  cent  drachmes 

d'argent. 

4.  —  Praxis,  fils  de  ....sandre ayant  pour  voisin,  à 

gauche  en  entrant,  Théophante....  le  quart....  pour...  drach- 
mes d'argent.  Garants  de  la  vente  N ,  fils  de  N  de  Donaké , 
Aratoskos,  fils  d'Amaklétos,  d'Eschatia,  tous  ensemble  et 
chacun  pour  le  tout. 

5.  —  Phérécratès,  fils  de  Phéréclès...  a  acheté  de  N...  de 
Thrya ,  les  terrains  sis  à  Sichné ,  le  tout  tel  que  Nicodrome 

l'a  acheté  de  Phérécratès,  ayant  pour  voisins pour.... 

drachmes. 

6.  —  ...atos,  fils  d'Héraclios,  de  Clyméné,  a  acheté  de  Stra- 
tios,  fils  de  Pantaléon,  de  Thrya,  un  emplacement  à  Panor- 

mos,  connu  sous  le  nom  de....  ayant  pour  voisins  Pisic 

Garant  de  la  vente ,  Pantaléon,  fils  de  Stratios. 

Du  mou  (TApellœon ,  le  quinzième  jour. 

7.  —  Axioniké,  fille  de  Pythocritos ,  de  Thrya,  ayant  pour 
kyrios  Pisicratès,  fils  d'Isandros,  de  Thrya,  a  acheté  de  N.. 
ayant  pour  kyrios  Alkisthénès ,  fils  d'Aglogénès ,  de  Thrya , 
la  maison  et  les  terrains  sis  à  Sichné ,  au  prix  de  mille  six 
cent  soixante  et  dix-huit  drachmes  d'argent,  trois  oboles, 
ayant  pour  voisins  N ,  fils  de  Gorgiadès ,  d'Eschatia ,  Cléoni- 
kos,  fils  de  Calliphon,  d'Héraclée;  le  tout  tel  qu'Amphiko, 


EN  DROIT   HELLÉNIQUE.  381 

assistée  de  son  kyrios  Démoniaque,  Ta  acheté  d'Axioniké 
assistée  de  son  kyrios  Pisicratès. 

8.  —  Antichares ,  fils  d'Euporion ,  de  Thrya  a  acheté  de 
Pasiphon,  fils  de  Pirios ,  de  Donaké,  la  maison  et  les  terrains 
sis  à  Elseonte ,  avec  toutes  les  dépendances  de  ces  terrains ,  et 
l'eau,  ayant  pour  voisins  Al...  le  tout  borné  par  la  route  qui 
conduit  du  bourg  à  la  tour,  et  en  contrebas ,  tel  que  Pasi- 
phon Ta  acheté  de  Simos,  fils  d'Anaxiclès,  à  ce  consentant 
N,  fille  d'Antipater  de  Thrya  et  N.,  fille  de  N  de  Phyca,  et 
leur  kyrios  Antichares ,  fils  d'Euporion,  de  Thrya,  et  Cleo- 
phane ,  fils  de  Cléothéos  d'Élithyia ,  pour  cinq  mille  drachmes 
d'argent. 

9.  —  Mnésarque,  fils  de  N  de  Thestia,  a  acheté  de  Dinarque, 
fils  d'Archéon  de  Thestia  la  maison  sise  dans  la  ville...  ayant 
pour  voisin  N,  fils  de  N  de  Donaké ,  pour  deux  cent  trente- 
cinq  drachmes  d'argent. 

Du  mois  de  Hérœon. 

10.  —  Alcidamas ,  fils  de  N  de  Clyméné ,  a  acheté  d'Axio- 
niké, fille  de  Pythocritos,  de  Thrya,  ayant  pour  kyrioi  Isan- 
dros  et  Thebaeos ,  fils  de  Pisicratès ,  de  Thrya ,  et  Pisicratès , 
fils  d'Isandros,  de  Thrya,  la  maison  et  les  terrains  sis  à.... 
pour  deux  mille  trois  cents  drachmes  d'argent,  ayant  pour 
voisins  Crésilas,  fils  d'Agiadès,  d'Eschatia,  Cléonique,  fils 
deCalliphon,  d'Héraclée.  Garants  de  la  vente  Isandros,  fils 
de  Pisicratès  de  Trya,  Thebaeos,  fils  de  Pisicratès ,  de  Thrya. 

11.  —  Alkisthénès,  fils  d'Aglogénès,  Nicodromos,  fils  de 
Nicodème,  Ac....os,  fils  de  Démétriadès,  de  Thrya,  et  la  com- 
munauté du  Thiase  de  Damyia,  ont  acheté  de  N,  fille  de  Phi- 
lodème ,  de  Donaké ,  et  de  Callinique ,  fils  d' Aristodème ,  de 
Gyra ,  la  maison  sise  dans  la  ville ,  dans  la  deuxième  rue , 
ayant  pour  voisins  Pytho...  et  ....clitos,  au  prix  de  mille  deux 
cent  quatre-vingt-sept  drachmes  quatre  oboles.  Garants  de  la 
vente  Philarchidès ,  fils  de  Pythoclès,  de  Iakinthe,  N,  fils 
de  ....opolis,  de  la  ville,  Simias,  fils  d'Aristylos,  de  Thrya, 
Callinique ,  fils  d' Aristodème,  de  Gyra ,  tous  ensemble  et  cha- 
cun pour  le  tout.  Sur  la  somme  totale  les  Thryéens  payent 
sept  cent  soixante  et  dix-sept  drachmes  quatre  oboles ,  et  les 
Damyiens  cinq  cent  dix  drachmes. 


à 


382  LA.  TRANSCRIPTION  DES  VENTES 

Du  mois  de  Hérœon ,  le  sixième  jour. 

12.  —  Amphylis,  fille  de  Philophon,  de  Thestia,  ayant 
pour  kyrios  Philophon,  fils  de  Philothéos,  de  Thestia,  a 
acheté  de  Diognète,  fils  d'Euclès,  de  Thrya,  les  parties  des 
terrains  et  de  la  maison  sis  aux  Nothiades ,  ayant  pour  voisin 
Posidonios ,  ainsi  que  les  terrains  ayant  autrefois  appartenu 
à  Euthycratès,  et  qu'Architelès  avait  achetés  d' Amphylis, 
assistée  de  son  kyrios  Philophon,  au  prix  de  quatre  cents 
drachmes  d'argent.  Garants  de  la  vente  Architélès,  fils  d'Hé~ 
géstratos,  de  Gyra,  Antichares,  fils  de  Grypion,  de  Thrya, 
É....lor,  fils  de  Pasiphon,  deDonaké,  Dém....,  fils  de  ....icos, 
d'Eschatia,  Stratonique,  fils  de  Philothéos,  de  Thestia,  tous 
ensemble  et  chacun  pour  le  tout. 

13.  —  Anaxiclès,  fils  d'Anaximénès,  de  Tbrya,  a  acheté  de 
Philothéa,  fille  de  Proxène,  de  Thrya,  et  de  son  kyrios 
Proxène,  fils  de  Socles,  de  Thrya,  les  quatre  enclos  sis  à  Sa- 
péthos ,  en  contrehaut  du  terrain  cultivé  qui  est  en  bas ,  du 
côté  du  verger,  limité  en  haut  par  le  chemin ,  et  en  bas  par 
le  ruisseau,  ayant  pour  voisins  -dEschron...  les  dits  enclos 
ayant  fait  l'objet  du  procès  gagné  par  Anaxiclès  contre  Phi- 
lothéa. Garant  de  la  vente,  Aristoclès,  fils  de  Polyxène. 

14.  —  Onésimos,  fils  deSimos,  d'Eschatia,  a  acheté  de 

Pis Timocrite,  fils  de  Timomaque 

d'Héraclée,  la  maison,  les  terrains  et  dépendances  sis  à  Her- 
minia,  ayant  pour  voisins  Clitarque,  Philotas...  pour  quatre 
cents  drachmes  d'argent.  Garant  de  la  vente,  Timocrite,  fils 
de  Timomaque,  d'Héraclée. 

Du  mois  de  Bouphonion,  le...  jour  après  le  10. 

15.  — Anaxinoé,  fille  de  Lyandros,  de  Clyméné a 

acheté  de  Calliphon,  fils  de  Cléton,  de  la  tribu  des  Héraclides, 
la  maison  entière,  sise  dans  la  ville,  ayant  appartenu  à  Calli- 
phon, dans  la  cinquième  rue,  ayant  pour  voisins 

Gléagoras,  fils  de  Ménippe,  d'Elithyia,  avec  neuf  portes  à 
deux  battants  et  les  croisées  qui  sont  aux  fenêtres ,  pour  deux 
mille  soixante  et  dix  drachmes  d'argent.  Garants  de  la  vente 
....  s'obligeant  tous  ensemble  et  chacun  pour  le  tout. 

Du  mois  Apatourion. 
4*  —  Calliphon,  fils  de  Ctéton,  de  la  tribu  des  Héraclides, 


EN   DROIT   HELLÉNIQUE.  383 

a  acheté  de  Phocos,  fils  de  Phocion,  deThrya,  la  maison 
ayant  autrefois  appartenu  à  son  père  Ctéton ,  ayant  pour  voi- 
sins Simias  et  Callicratès,  pour  mille  sept  cent  drachmes 
d'argent ,  avec  le  consentement  de  Phocos,  et  de  Ctéton,  père 
de  Calliphon. 

Du  mois  Apatourion ,  le  deuxième  jour  de  la  première 
décade. 

17.  —  Timocritos,  fils  de  Timomaque,  de  la  tribu  des  Hé- 
raclides ,  a  acheté  de  Crinylios  et  de  son  kyrios  Sombrotos , 
fils  de  Strymon ,  de  Donaké ,  tous  les  terrains  sis  à  Héristhos, 

appartenant  à  Simos,  ayant  pour  voisin  Morychion,  fils 

de  Theaenète ,  de  Donaké ,  pour  quatre  cents  drachmes  d'ar- 
gent, avec  le  consentement  d'Hérésinos,  fils  de  Philopolis 
...  et  d'Anikos,  fils  de  Sotélès,  de  Sestaïs. 

18.  —  N,  fils  d'Alcméon,  d'Eschatia,  a  acheté  la  maison 
et  tous  les  terrains  sis  à  Éléonte,  achetés  par  ^Enikos  de  ... 
ayant  pour  voisin  Pénios,  pour  cinq  cents  drachmes  d'argent. 
Garants  de  la  vente  N,  fils  de  ...tratidès,  de  la  tribu  Pisis- 
tratide ,  et  Agatharque ,  fils  d'Alcméon,  tous  les  deux  d'Es- 
chatia. 

Du  mois  de  Posidéon,  le  5  de  la  deuxième  décade. 

19.  —  N,  fils  de  ...arque,  de  Thrya,  a  acheté  de  Philothée, 
fils  de  Dorothée....  la  maison  entière  sise  dans  la  ville,  avec 
les  portes  dont  elle  est  garnie ,  et  tout  l'emplacement  atte- 
nant à  la  maison ,  le  tout  tel  qu'il  appartenait  à  Philothée , 
dans  la  sixième  rue ,  pour  six  cents  drachmes  d'argent 
ayant  pour  voisins  N  ,  fils  d'Anaxicrate ,  et  ...méclès,  fils  de 
Phanoclès.  Garant  de  la  vente,  Nicésilas,  fils  d'Astios,  de  Cly- 
méné. 

Du  mois  de  Posidéon,  le  S  de  la  première  décade. 

20.  —  So...  fils  de....  de  Thestia,  avec  son  kyrios  Ctésiar- 
que,  fils  de  ...  a  acheté  de  Phaniko,  fille  de  Cléosthène, 
de  Jakinthe,  et  de  son  kyrios  Isoclès,  fils  de  Cléosthène,  de 
Jakinthe,  le  terrain  appelé  ...  limité  par  le  chemin  qui 
l'entoure ,  ayant  pour  voisins  Plistarque  et  Artymaque ,  pour 
cent  vingt  drachmes  d'argent.  Garants  delà  vente,  Isoclès, 
fils  de  Cléosthène,  de  Jakinthe,  N,  fils  de  Cléonique,  Théo- 
doros ,  s'obligeant  tous  ensemble  et  chacun  pour  le  tout. 


384  LA  TRANSCRIPTION  DES  VENTES 

Du  mois  Anthestérion,  le  S  de  la  première  décade,  et  du 
mois  Artémision. 

21.  —  Télésiclès,  fils  d'Euclès,  des  Héraclides,  a  acheté 
d'Ortheus,  fils  d'Orthias ,  de  la  ville,  les  maisons,  le  quart  de 
la  tour  et  tous  les  terrains  sis  à  Jakinthe,  le  tout  tel  qu'Or- 
theus  l'a  acheté  de  Polycrate,  fils  d'Epicrate,  ayant  pour  voi- 
sins Plistarque  et  Artymaque,  pour  deux  mille  quatre  cents 
drachmes  d'argent. 

22.  —  Artymaque,  fils  d'Aristarque,  des  Héraclides,  a 
acheté  de  Télésiclès,  fils  d'Euclès,  Héraclide,  la  maison  et 
les  terrains  sis  à...  le  tout  formant  la  part  échue  à  Télésiclès 
dans  la  succession  de  son  père,  et  le  surplus  acheté  par  lui 
de  son  frère  Callitélès ,  ayant  pour  voisins  Plistarque  et  Arty- 
maque ,  et  toutes  les  dépendances  qui  ont  appartenu  à  Télé- 
siclès et  à  Callitélès,  les  conduites  d'eaux  qui  font  partie  de 
ces  terrains,  et  en  outre  le  quart  de  la  tour,  de  la  citerne  qui 
est  dans  la  tour,  et  de  la  couverture  en  tuiles ,  tel  qu'il  a 
appartenu  à  Télésiclès ,  et  encore  la  maison  et  le  verger  que 
Télésiclès  a  achetés  d'Euthygénès ,  les  récipients  de  poterie 
qui  sont  dans  les  maisons ,  l'âne  qui  sert  au  manège  du  mou- 
lin ,  et  le  pressoir,  pour  trois  mille  sept  cents  drachmes  d'ar- 
gent. Garants  de  la  vente  Aratridès,  fils  de  Tychon,  de 
Thestia,  Artymaque,  fils  d'Euclès  d'Héraclée,  ....arque,  fils 
de  Timéphène,  de  Jakinthe,  Euthygène,  Aristarque,  fils  de 

d'Héraclée,  s'obligeant  tous  ensemble  et  chacun  pour  le 

tout. 

23.  —  Thrasygoras,  fils  de  Charestadès,  de  la  ville,  a 
acheté  de  Simias,  fils  d'Aristis,  d'Eschatia,  et  d'Aristis,  fils 
d'Aristis,  d'Eschatia ,  ayant  tous  deux  pour  kyrios  Simos, 
fils  d'Aristis,  d'Eschatia,  les  maisons,  la  poterie  et  les  ter- 
rains sis  à  ifilsilé ,  le  tout  tel  qu'il  a  appartenu  à  Aristis ,  les 
dépendances  et  les  conduites  d'eaux  qui  font  partie  des  dits 
terrains,  ayant  pour  voisins  Alexinos,  fils  de  Cailias  et  ...atès, 
fils  d'Isodème ,  pour  quatre  mille  sept  cents  drachmes  d'ar- 
gent. Garants  de  la  vente  Harpalinos,  fils  d'Onétor,  d'Elithyia, 
pour  deux  cent  cinquante  drachmes.  Pasitecton ,  fils  de  Sym- 
maque,  de  Ciyméné,  pour  huit  cent  cinquante  drachmes, 
Hiéron,  fils  de  Hiéropolis,  d'Elithyia,  pour  deux  cents  drach- 
mes, Euthytès,  fils  d'Héraclios,  d'Elithyia,  pour  deux  cents 


BN   DROIT   HELLÉNIQUE.  385 

drachmes,  Philiscos,  fils  de  ...canos,  de  Thrya,  pour  cent 
vingt  drachmes,  Thrasygoras,  fils  de...,  pour  cinq  cents 
drachmes,  N,  fils  de  Morychion,  de  Donaké,  pour  mille  huit 
cent  trente  drachmes,  Archagoras,  fils  de  Morychion,  de 
Donaké,  pour  cinq  cents  drachmes,  Démocrate,  fils  de  ...aeos, 
de  Thestia,  pour  cent  drachmes,  K...  de  Clyméné,  et  la 
communauté  des  Thiasites,  pour  cent  cinquante  drachmes. 

24.  —  Simos,  fils  d'Anaxiclès ,  de  Thrya,  a  acheté  de  Pha- 
sios  et  de  Méropos,  de  Thestia,  ayant  pour  kyrios  N,  fils  de 
Simon,  de  Thrya,  la  moitié  des  terrains  sis  à  Eléonte,  de  la 
dépendance,  de  la  maison  et  de  la  tour,  le  tout  tel  qu'Am- 
phylis  Ta  acheté  de  Cléothéa,  fille  de  Cléothéos  et  de  son 
kyrios  Cléophanès,  ayant  pour  voisin  N...  pour  sept  cent  cin- 
quante drachmes  d'argent,  du  consentement  de  Cléothéa, 
fille  de  Cléothéos ,  et  de  son  kyrios  Cléophanès. 

25.  —  Xénodémos ,  fils  de  Mœrégénès,  d'Ilithyia,  a  acheté 
de  Pisicratès,  fils  d'Isandros,  de  Thrya,  la  moitié  de  la  maison 
sise  dans  la  ville ,  avec  les  portes  dont  elle  est  garnie ,  et  la 
moitié  de  l'emplacement,  ayant  pour  voisin  Akésimbrotos, 
pour  deux  cent  cinquante  drachmes  d'argent ,  le  tout  tel  que 
Pisicratès  l'a  acheté  de  Thrason ,  fils  de  Thrasybule.  Garants 
de  la  vente  Isandre  et  Thébaeos,  fils  de  Pisicratès,  de  Thrya, 
et  Isandre,  fils  de  Phanoclès,  s'obligeant  tous  ensemble  et 
chacun  pour  le  tout. 

Du  mois  d'Artémision. 

26.  —  Callicrate,  fils  de  Simias,  d'Eschatia,  a  acheté  de 
Tharsagoras ,  fils  d'Agathon ,  et  de  Simias,  fils  de  ...  d'Héra- 
clée  et  de  la  tribu  des  Héraclides,  l'enclos  sis  à  Neuclios,  et  dé- 
signé sous  le  nom  de  Liménia,  tel  qu'ils  l'ont  acheté  de  Thra- 
symède,  d'Héraclée,  ayant  pour  voisins  Simias  et  Ctéton,  pour 
quatre  cents  drachmes  d'argent. 

Du  mois  d'Artémision. 

27.  —  N,  fils  de  N,  d'Eschatia,  a  acheté  de  Calliphon,  fils  de 
Ctéton ,  d'Héraclée,  le  terrain  sis  à  Héraclée,  où  est  le  monu- 
ment situé  en  haut  des  terrains  de  ...,  borné  par  le  torrent  qui 
descend  sur  le  chemin,  le  long  des  terrains  de  Callicrate,  ayant 
pour  voisins  Ctéton  et  Simias,  pour  quatre  cent  cinquante 


386         LA  TRANSCRIPTION  DES  VENTES 

drachmes  d'argent.  Garant  de  la  vente  Sotadès,  fils  d'A pos, 

d'Héraclée. 

Du  mois  Targélion. 

28.  —  N,  fils  de  ....pos,  d'Eschatia,  avec  son  kyrios  Epan- 
dros,  fils  de  Cléanor,  de  la  ville,  a  acheté  de  N,  fils  de 
...adès,  de  la  ville,  la  maison  et  les  terrains  sis  à  Sapéthos, 
le  tout  tel  que  N  Ta  acheté  de  Timothéa,  pour  huit  cent  cin- 
quante drachmes. 

29.  —  Sosias,  fils  de  Phanentas,  d'Eschatia,  et  son  kyrios 
Aristoxène,  fils  de  Théophane,  de  Jakinthe,  a  acheté  de  Praxias, 
fils  de  N,  d'Eschatia  et  de  son  kyrios  Philarchidès,  de  Jakinthe, 
la  maison  sise  dans  la  ville,  dans  la  sixième  rue,  ayant  pour 
voisin  Épandros,  pour....  soixante  drachmes  d'argent.  Ga- 
rants de  la  vente  N,  fils  d'Aristothée ,  de  Donaké,  Euthytès, 
filsd'Héraclios,  d'Élithyia. 

30.  — Archis de  la  ville,  ayant  pour  kyrios  Timoma- 

que,  fils  de  Timomaque,  d'Héraclée,  a  vendu  la  maison  qui 
avait  appartenu  à  Eubule,  et  que  Praxias  avait  achetée  d'Eu- 
bule,  pour  sûreté  d'un  prêt,  sous  l'archontat  d'Archos,  fils 
d'Euporion,  ayant  pour  voisins  Callidamas,  Pantaléon,  pour 
cent  drachmes  d'argent.  Est  intervenu  à  l'acte  de  prêt  et  s'est 
obligé  en  même  temps  Pythocrite,  fils  d'Androgène,  de  la 
ville. 

Le  dernier  jour  du  mois  d'Ëlithyœon. 

31.  —  N,  fille  de  N,  de  Clyméné,  avec  son  kyrios  Cléo- 
mède,  fils  de  Pythostratidas,  d'Héraclée,  a  acheté  de  N,  d'Es- 
chatia, et  de  la  communauté  des  Agésiléides,  la  propriété  in- 
certaine et  litigieuse  de  la  maison ,  sise  dans  la  ville ,  ayant 
appartenu  à  N ,  pour  cent  drachmes  d'argent ,  ayant  pour 
voisins  Philarchidès,  fils  de  Théoxène,  de  Jakinthe,  à  ce 
consentant  Aristomaché,  fille  de  Sosimène  avec  seskyrioi  qui 
sont  ses  enfants,  Pyrrhakos  et  Thespieus. 

Du  mois  de  Hérœon,  le  deuxième  jour  de  la  première  dé- 
cade, 

32.  —  Sosigène,  fils  de  Sosicrate,  de  Thrya,  a  acheté  de 
Thespieus,  fils  de  Dorothée,  de  Thestia,  et  de  son  kyrios 
Dorothée,  fils  de  Critodème,  de  Thestia,  la  maison  et  tous  les 
terrains  sis  aux  Bains ,  et  les  eaux  qui  dépendent  de  ces  ter- 


EN   DROIT   HELLÉNIQUE.  387 

rains,  ayant  pour  voisin  Callicratès,  jusqu'au  cours  d'eau, 
le  tout  borné  par  le  mur  qui  forme  la  limite  des  terrains  de 
Callicratès  et  qui  remonte  vers  le  chemin  et  qui ,  à  partir  du 
chemin ,  s'infléchit  vers  la  source,  et  encore  borné  par  le  mur 
de  Mélisson,  situé  dans  les  terrains  de  Callicratès,  fils  de 
Mélisson ,  ledit  mur  enfermant  la  propriété,  encore  par  le  tor- 
rent, en  remontant  vers  les  terrains  de  culture  de  Callicratès, 
en  suivant  le  mur  circulaire  jusqu'à  la  borne  de  la  moitié  du 
pacage,  vers  le  torrent  qui  descend  à  la  mer  et  qui  confine  aux 
terrains  de  culture  de  Mnéso,  sept  jarres  en  terre,  un  pressoir 
et  des  portes  à  deux  battants,  pour  cinq  cents  drachmes 
d'argent.  Garants  de  la  vente  Conon,  fils  de  Phéréclès,  de 
Thestia,  pour  125  drachmes,  Déméas,  fils  de  Nicomaque,  de 
Thestia,  pour  125  drachmes,  Néoptolème  et  Diagoras,  fils 
d'Astios,  tous  deux  de  Thestia,  pour  125  drachmes,  Boéthos» 
fils  de  Dorothée,  de  Thestia,  pour  125  drachmes.  Boéthos  est 
aussi  garant  de  la  vente  pour  les  autres  375  drachmes. 

33.  —  Stratios,  fils  de  Pantaléon,  de  Thrya,  a  acheté  d'I- 
phicrité ,  fille  de  Chérélas,  d'Élithyia,  assistée  de  ses  kyrioi 
Timocrate,  fils  de  Chabyssios,  de  Thestia,  la  maison  sise 
dans  la  ville,  ayant  pour  voisins  Anticlès  et  Néoptolème ,  pour 
mille  drachmes  d'argent;  garants  de  la  vente  Timocrate  et 
Chérélas,  fils  de  Chabyssios ,  de  Thestia. 

34.  —  Aristonoé,  fille  de  Nicostrate,  de  la  tribu  Sestaïde, 
avec  son  kyrios  Pantaridès,  fils  de  Pantaléon,  de  Thrya,  a 
acheté  de  Chérélas ,  fils  de  Chabyssios,  de  Thestia,  la  maison 
et  les  terrains  sis  à  Casménion,  et  toutes  les  dépendances 
des  dits  terrains,  ayant  pour  voisins  Pyrracos  et  Chartados, 
pour  quatre  mille  neuf  cent  cinquante  drachmes  d'argent,  prix 
du  surplus ,  duquel  prix  Chérélas  était  resté  débiteur  envers 
Aristonoé  sur  le  prix  des  terrains  sis  à  Ms'ûé  et  à  Casménion , 
et  achetés  par  lui  d' Aristonoé. 

35.  —  Aglaïs,  fille  d'iEn...  de  la  ville,  ayant  pour  kyrios 
Isodème,  fils  d'Isodème,  de  Donaké,  a  acheté  de  N.,  fils  de 
N.  de  la  ville,  la  maison  et  les  terrains  sis  à  Panormos  ,  dési- 
gnés sous  le  nom  de  Emmélia,  ayant  pour  voisins  P...  et 
Bascbion,  et  toutes  les  dépendances  des  dits  terrains,  pour 
sept  cents  drachmes.  Garant  de  la  vente  Hégéléos,  fils  do 
Télestrate,  de  Thrya. 


388         LA  TRANSCRIPTION  DES  VENTES 

Le  premier  du  mois  de... 

36.  —  Hégéas,  fils  d'Amphion,  d'Élithyia,  a  acheté  de 
Chérélas ,  fils  de  Chabyssios ,  de  Thestia ,  de  Phido ,  fils  de 
Chabyssios,  de  Thestia,  d'Iphicrité,  fille  de  Chérélas  d'Éli- 
thyia ,  et  de  ses  kyrioi  Timocrate  et  Chérélas ,  fils  de  Cha- 
byssios ,  tous  deux  de  Thestia ,  la  maison  et  les  terrains  sis  à 
Gyra,  le  tout  tel  qu'il  a  appartenu  à  Chabyssios ,  père  de  Ché- 
rélas et  de  Phido,  ayant  pour  voisins  Aristandre  et  Mantinée, 
les  dits  vendeurs  s'obligeant  tous  ensemble  et  chacun  pour  le 
tout,  tout  le  terrain  et  toutes  les  dépendances  de  ces  terrains, 
et  toutes  les  eaux  qui  servent  à  la  culture ,  et  toute  la  poterie 
qui  s'y  trouve,  et  les  portes  qui  y  sont,  et  tout  l'aménagement, 
pour  six  mille  drachmes  d'argent.  Garants  de  la  vente  Stra- 
tios ,  fils  de  Pantaléon ,  de  Thrya ,  pour  mille  drachmes,  Po- 
lycrate,  fils  d'Épicrate,  de  Donaké,  pour  mille  drachmes, 
Pasiphile,  fils  de  Philémon,  de  la  ville,  Pantaride,  fils  de 
Pantaléon ,  de  Thrya ,  Timocrate ,  fils  de  Chabyssios ,  de 
Thestia,  jEnésias,  Aristonax,  fils  d'Aristolochos ,  tous  deux 
de  Thestia,  tous  ensemble  et  chacun  pour  le  tout. 

37. —  iEnésias,  fils  d'Aristolochos,  de  Thestia,  a  acheté 
de  Pasiphon,  fils  de  Pirios,  de  Donaké,  la  maison  sise  dans 
la  ville,  ayant  pour  voisins  Aristide  et  Néopt...  pour  six  cent 
cinquante  drachmes  d'argent,  la  dite  maison  hypothéquée  à 
Philémon.  Garants  de  la  vente,  Philémon,  fils  de  Pasiphilos, 
Pasiphilos,  fils  de  Philémon,  de  la  ville. 

38.  —  Aristonax,  fils  d'Aristolochos,  de  Thestia,  a  acheté 
de  Phido,  fils  de  Chabyssios,  de  Thestia,  assisté  de  ses  kyrioi 
Timocrate  et  Chérélas,  fils  de  Chabyssios,  de  Thestia,  la 
moitié  de  la  maison  et  des  terrains  sis  à  Héristhos,  et  de  leurs 
dépendances ,  ainsi  que  de  l'eau ,  tel  que  le  tout  a  appartenu 
à  Chérélas,  père  de  Phido,  ayant  pour  voisins  Iphicrité  et  les 
enfants  de  Dicratès,  pour  deux  mille  cinq  cents  drachmes 
d'argent.  Garants  de  la  vente ,  Timocrate  et  Chérélas ,  fils  de 
Chabyssios ,  de  Thestia. 

39.  —  Iphicrité,  fille  de  Chérélas,  d'Élithyia,  assistée  de 
ses  kyrioi  Timocrate  et  Chérélas,  fils  de  Chabyssios,  de 
Thestia,  a  acheté  d'Archagoras ,  fils  de  Morychion,  de  Do- 
naké, la  maison  et  les  terrains  sis  à  Élithyia,  le  tout  tel  qu'Ar- 


EN  DROIT  HELLENIQUE.  389 

chagoras  l'a  acheté  d'Iphicrité ,  ayant  pour  voisins  Cléagoras 
et  Aristophane ,  pour  cinq  mille  drachmes  d'argent. 

A  la  bonne  Fortune.  —  Sous  l'archontat  d'Aminolas. 
Du  mois  de  Bouphonion,  le  cinquième  jour  de  la  première 
décade. 

40.  —  Phaniko ,  fille  de  Pasiphilos ,  de  la  ville,  assistée  de 
son  tuteur  Pasiphilos,  fils  de  Philémon,  de  la  ville,  a  aeheté 
d'Iphicrité,  fille  de  Chérélas,  d'Élithyia,  assistée  de  ses  kyrioi 
Timocrate  et  Chérélas,  fils  de  Chabyssios,  tous  deux  de  Thes- 
tia,  la  maison  et  les  terrains  sis  à  Élithyia,  avec  les  dépen- 
dances et  les  eaux  appartenant  aux  dits  terrains ,  et  tout  l'a- 
ménagement agricole ,  ayant  pour  voisins  Cbarippidès  et 
Cléagoras,  pour  huit  mille  drachmes  d'argent.  Garants  de  la 
vente,  tous  ensemble  et  chacun  pour  le  tout,  Timocrate  et 
Chérélas,  fils  de  Chabyssios,  tous  deux  de  Thestia. 

41.  —  Épandre,  fils  d'Hégéléos,  de  Clyméné,  a  acheté  de 
Phaniko,  fille  de  Pasiphilos,  de  la  ville,  assistée  de  son  kyrios 
Pasiphilos,  fils  de  Philémon,  de  la  ville,  la  moitié  des  terrains 
et  de  la  maison  sis  à  Élithyia,  et  des  dépendances,  le  tout 
tel  que  Phaniko  Ta  acheté  d'Iphicrité,  ayant  pour  voisins 
Cléagoras  et  Charippidès,  pour  quatre  mille  drachmes  d'ar- 
gent. Garants  et  confirmateurs  de  la  vente  des  terrains  et  de 
la  maison  Philémon ,  fils  de  Pasiphilos ,  de  la  ville ,  et  Pasi- 
philos, fils  de  Philémon,  les  deux  ensemble  et  chacun  pour 
le  tout. 

Sous  l'archontat  d'Aminolas ,  mois  de  Bouphonion. 

42.  —  Alkippé,  fille  de  Cléophanès,  d'Élithyia,  assistée  de 
son  kyrios  Hégéléos,  fils  d'Épandre,  de  Clyméné,  a  acheté 
de  Kallio,  fils  de  Diodème,  de  Thestia,  et  de  son  kyrios  Diap- 
tos,  fils  de  Posidonios,  de  Thestia,  la  maison  sise  dans  la 
ville ,  dans  la  troisième  rue ,  ayant  pour  voisins  Polyaenos  et 
Apémantos,  le  tout  tel  que  Callio  et  son  kyrios  Diœtos,  l'ont 
acheté  de  Théodippos,  pour  neuf  cents  drachmes  d'argent. 
Garant  de  la  vente,  Cléagoras,  fils  de  Ménippos,  d'Élithyia. 

43.  —  Aristokidès,  fils  de  Télésagoras,  d'Héraclée,  a  acheté 
de  Socles ,  fils  de  Leukippos ,  de  Thrya ,  les  terrains  sis  aux 
Nothiades ,  le  tout  tel  que  Leukippos  l'avait  acheté  d'Aristy- 
los ,  ayant  pour  voisin  Philoclès ,  y  compris  la  maison  et  l'a- 

Revub  bist.  —  Tome  VIII.  26 


392  LA  TRANSCRIPTION  DES  VENTES 

reste  en  possession  des  immeubles  à  titre  de  fermier,  et  ppye 
l'intérêt  de  la  somme  prêtée,  sous  forme  de  fermage,  à  10  0/0. 
C'est  pourquoi  il  s'engage  à  payer  cette  somme  franche  d'im- 
pôt, et  sans  retenue,  comme  nous  dirions  aujourd'hui.  Mais 
ce  qu'il  y  a  de  remarquable,  c'est  que  parmi  les  terrains  ainsi 
vendus  à  réméré  par  Nikératos,  il  s'en  trouve  quelques-uns 
dont  Nikératos  n'est  proprétaire  lui-même  qu'à  titre  pigno- 
ratif, comme  créancier  d'Exakestos,  en  sorte  qu'Exakestos 
pourra  exercer  le  réméré  non-seulement  contre  Nikératos, 
mais  encore  contre  Ctésiphon,  tiers-acquéreur.  La  charge  qui 
pèse  sur  le  fonds  est  indiquée  dans  l'acte ,  et  Ctésiphon  s'en- 
gage, par  là  même,  à  la  supporter. 

Dittenberger  (1)  suppose  que,  Exakestos  étant  devenu  in- 
solvable, la  propriété  incommutable  et  définitive  a  passé  à 
Nikératos  par  l'effet  du  pacte  commissoire,  qui  opérait  de 
plein  droit.  Cela  est  possible,  mais  l'hypothèse  n'est  pas  né- 
cessaire. Celui  qui  est  propriétaire  à  charge  de  réméré  a  le 
droit  de  vendre,  toujours  à  charge  du  réméré.  En  outre, 
l'expression  du  texte  à  iyti  ôéjxevoç  paraît  bien  indiquer  que  la 
charge  n'est  pas  éteinte,  qu'elle  dure  encore.  La  femme  de 
Nikératos,  Hégécraté,  intervient  au  contrat,  assistée  de  son 
kyrios  Télénikos ,  autre  que  son  mari.  Son  intervention  n'a 
évidemment  d'autre  but  que  de  renoncer  à  l'hypothèque 
qu'elle  a  sur  les  biens  vendus ,  à  titre  d'à-Kvziwivx ,  pour  ga- 
rantie de  sa  dot. 


IV. 

A  proprement  parler,  il  n'y  avait  pas ,  à  Athènes ,  de  re- 
gistre des  transcriptions.  Mais  on  arrivait  au  même  résultat 
d'une  autre  manière.  Théophraste  nous  l'apprend.  «  La  vente, 
dit-il ,  est  afûchée  à  l'avance ,  dans  le  lieu  où  siège  le  magis- 
trat ,  pendant  soixante  jours  au  moins ,  et  l'acheteur  paye  le 
centième  du  prix ,  pour  qu'il  soit  libre  à  tout  venant  de  ré- 
clamer et  de  contester,  et  que  l'on  sache ,  par  le  paiement  du 
droit,  quel  est  le  juste  acquéreur.  »  En  d'autres  termes,  on 
tieût  registre ,  non  des  ventes ,  mais  du  droit  fiscal  acquitté 

(1)  Sylloge  inscriptionum  grascantm  (1883),  n°  438. 


EN  DROIT   HELLENIQUE.  393 

par  lés  acquéreurs,  ce  qui,  en  fin  de  compte,  revient  au 
même.  M.  Kôhler,  dans  le  deuxième  volume  du  Corpus  ins- 
criptionum  atticarum,  publié  en  1883,  a  réuni,  ainsi  que  nous 
l'avons  déjà  dit,  sous  le  titre  de  Rationes  centesimarum ,  les 
fragments  qui  nous  sont  parvenus  de  ces  registres  du  cen- 
tième denier.  Ces  fragments  qui  sont  du  rve  siècle  avant  notre 
ère,  sont  assez  mutilés.  Voici  pourtant  ce  qui  offre  un  sens 
assez  certain  pour  être  traduit  : 


1.  — au  dème  d'Alopèque;  acheteurs  Stratippos,  fils 

de  Strat Lysithéos,  fils  de  Lysithéos,  de  Tithrasia. 

2.  —  Les  hiéromnémons  d'Héraclès,  Charisandros ,  fils 

de  Démocritos,  Démodés,  fils  de d'Alopèque,  ont  vendu 

un  terrain  à  Alopèque.  Acheteur  Lysicratès,  fils  de  Lysima- 
que  d'Aténé. 

Total  13  talents  3,300  drachmes 
dont  le  centième  est  813  drachmes. 

B 

3.  —  De  Salamine  le  président  des  Eicadiens,  Olympiodore, 

fils  d'Eumélos a  vendu  un  terrain  à  Salamine,  à  Chytreae; 

acheteur  Dorothée,  fils  de  Théodore,  d'OEa,  20 

4  — un  jardin  à  Pallène.  Acheteur ippos,  fils  de 

Molpis ,  de  Pallène ,  prix  250 ,  centième  2  drachmes  3  oboles. 

5.  — administrateur fils  de  Théopompe,  de  Pal- 
lène, a  vendu  un  terrain  à  Pallène.  Acheteur énès,  fils  de 

Charios,  de  Pallène,  50  drachmes,  centième  3  oboles. 

6.  —  administrateur  fils  de  Théophile  d'Ana- 

phlyste,  a  vendu  un  terrain  à  Anaphlyste.  Acheteur idès, 

fils  de  Dioclès  de  Sounion  ;  800  drachmes,  centième  8  drachmes. 

Total  20  talents  3,644  drachmes 

dont  le  centième  est  1,236  drachmes  3  oboles. 


7.  — une  autre  parcelle  aux  Kydantides.  Acheteur  Ni- 

coclès,  fils  de  Lysiclès,  de  Kydanta.  162  drachmes  3  oboles. 


394         LA  TRANSCRIPTION  DBS  VENTES. 

8.  —  Un  autre  terrain  aux  Kydantides.  Acheteur  Nico- 
charès,  fils  de  Théophile,  de  Kydanta.  1,000. 

9.  —  Un  autre  terrain  aux  Kydantides.  Acheteur  Anticli- 
dès,  fils  d'Antigènes,  de  Kydanta.  875. 

Total  4,837  drachmes  3  oboles, 

dont  le  centième  est  48  drachmes  2  oboles. 

D 

10.  —  Euphanès  a  vendu  une  parcelle  à  Képhala. 

Acheteur  Nicomaque,  fils  de  Polylœos  de  62  drachmes 

3  oboles ,  centième  3~  oboles. 

11.  —  Straton ,  administrateur  des  esclaves ,  fils  de  Mnési- 
phanès  de  Cothoke ,  a  vendu  un  terrain  à  Cothoke.  Acheteur 
Straton,  fils  de  Mnésiphanès,  de  Cothoke.  100,  centième 
1  drachme. 

12.  —  L'administrateur  des  Aphidantides ,  Léontios,  fils 
de  Cailiadès,  d'Épiképhisia,  a  vendu  un  terrain  à  Cothoke. 
Acheteur  Mnésimaque,  fils  de  Mnésochos.  250  drachmes,  cen- 
tième 2  drachmes  3  oboles. 

Les  trois  autres  fragments  ne  contiennent  que  des  noms , 
et  sont  trop  mutilés  pour  qu'il  y  ait  intérêt  à  les  traduire.  On 
voit  très  bien,  par  ceux  qui  précèdent,  comment  étaient  tenus 
les  registres  qui  étaient ,  avant  tout ,  des  comptes  de  percep- 
tion du  centième  denier,  et  qui  servaient  accessoirement  de 
registres  de  transcription. 

Nous  ne  ferons  qu'une  observation.  Au  n°  11,  Straton,  fils 
de  Mnésiphanès ,  de  Cothoke ,  figure  à  la  fois  comme  vendeur 
et  comme  acheteur.  C'est  qu'il  vend  en  qualité  d'administra- 
teur, et  qu'il  achète  en  son  nom  personnel.  La  loi  prescrivait- 
elle  quelques  mesures  pour  les  cas  de  ce  genre?  Nous  n'en 
connaissons  aucune.  Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  que  le 
percepteur  du  centième  denier  n'avait  pas  à  s'en  préoccuper. 

R.  Darkste. 


LA 


GARANTIE  D'ÉVICTION 


DANS  LA  VENTE  CONSENSUELLE. 


r«OOtO 


Dans  le  système  juridique  que  nous  avons  jusqu'à  présent 
étudié  (1),  la  garantie  d'éviction  nous  est  apparue  comme  ex- 
clusivement volontaire,  comme  entièrement  indépendante  de 
la  convention  de  vendre  et  d'acheter.  Elle  résulte  d'une  man- 
cipation  ou  d'une  stipulation.  Elle  ne  résulte  pas  du  contrat 
de  vente.  Pour  que  l'acquéreur  évincé  puisse  se  plaindre ,  il 
faut  qu'il  ait  reçu  soit  une  mancipation ,  soit  une  promesse 
verbale,  et  qu'il  soit  dans  les  conditions  de  Yactio  auctoritatis 
pour  le  premier  cas ,  dans  les  termes  de  la  stipulation  pour  le 
second.  La  vente  est  une  chose,  la  garantie  en  est  une  autre. 

Le  progrès  devait  consister  à  les  solidariser,  à  rattacher  la 
seconde  à  la  première  comme  l'effet  à  la  cause ,  et  il  est  suffi- 
samment connu  que  ce  progrès  a  été  fait.  Ce  qui  nous  inté- 
resse ,  c'est  la  façon  dont  il  s'est  opéré.  Or,  les  phases  ont  été 
multiples,  les  procédés  divers  et  compliqués. 

Le  droit  romain  a  d'abord  admis  d'une  manière  plus  ou 
moins  large  que  l'acheteur  aurait ,  en  cette  seule  qualité ,  le 
droit  d'exiger  l'accomplissement  de  l'un  des  actes  nécessaires 
à  fonder  le  recours ,  parfois  de  la  mancipation ,  parfois  de  la 
stipulation.  Puis  on  en  est  venu  à  sous -entendre  sinon  la 
mancipation,  au  moins  la  stipulation,  à  réputer  accomplie 
pour  fonder  un  recours  après  l'éviction  la  promesse  qu'il  eût 
été  permis  de  réclamer  auparavant.  Enfin ,  on  a  reconnu  à 

(4)  Nouvelle  Revue  historique,  1882,  pp.  180  et  bs.;  1883,  pp.  537  et  as. 


396  LA  GARANTIE  D'ÉVICTION 

l'acheteur  une  action  dans  des  hypothèses  où  ni  la  mancipation 
ni  la  stipulation  ne  lui  en  auraient  donné. 

Ce  sont  les  trois  dernières  étapes  de  l'histoire  de  la  garantie 
à  Rome.  A  la  première  on  ne  fait  encore  qu'essayer  gauche- 
ment de  combiner  avec  la  théorie  naissante  de  la  vente  con- 
sensuelle le  vieux  système  de  la  garantie  formelle ,  extérieure 
au  contrat,  produite  artificiellement  par  un  acte  distinct.  A  la 
troisième ,  on  est  presque  intégralement  parvenu  à  la  notion 
moderne  de  la  garantie  naturelle,  immanente  au  contrat  dans 
lequel  elle  ne  se  produit  que  comme  un  prolongement  de  l'o- 
bligation de  délivrance. 


I. 


Le  premier  moyen  de  contraindre  le  vendeur  à  assumer 
une  obligation  de  garantie ,  celui  qui  se  présente  le  premier  à 
l'esprit  et  qui  était  le  plus  facile  à  imaginer,  c'était,  étant 
donnée  l'action  auctoritatis ,  d'obliger  le  vendeur  à  faire  la 
mancipation  qui  la  produit. 

Bien  qu'il  y  ait  eu  sur  ce  point  quelques  hésitations,  il  ne 
me  semble  pas  sérieusement  douteux  qu'à  l'époque  classique 
l'acheteur  d'une  chose  mancipi  n'eut  en  principe  le  droit  d'en 
exiger  la  mancipation  (1).  La  mancipation  n'existant  plus  à 
l'époque  de  Justinien,  on  ne  peut  s'attendre  à  trouver  dans  sa 
compilation  des  témoignages  directs.  Mais  elle  en  fournit  d'in- 
directs ,  et  il  y  en  a  de  directs  dans  les  textes  qui  nous  sont 
parvenus  par  des  voies  indépendantes. 

Deux  de  ces  derniers  sont  bien  connus.  Ce  sont  un  passage 
des  Institutes  de  Gains,  IV,  §  131  a,  et  un  autre  des  Senten- 
ces de  Paul ,  1, 13  a,  §  4.  Le  premier  suppose,  sans  impliquer 
mais  aussi  sans  écarter  positivement  l'existence  d'une  con- 
vention spéciale ,  un  acheteur  qui  intente  l'action  de  son  con- 
trat pour  obtenir  la  mancipation  de  la  chose  vendue.  Le  se- 

(1)  Voir  Accariâa,  Précis,  II,  p.  470;  Degenkolb,  Zeittchrift  fût  Rêchts- 
getchichte,  IX,  1870,  p.  149;  Eck,  Verp/tichhmg  det  Verhaûfert,  p.  28;  Becb- 
mann,  derKauf,  I,  p.  548;  Karlowa,  Rechtsgeschàft,  p.  212,  note  l.Voir  en 
sens  contraire,  Bernhôft,  Beiirag  zurLehre  vom  Kauf,  1874,  pp.  126  et  suiv. 


DANS  LA  VENTE  CONSENSUELLE.         397 

coud,  qui  est  à  mon  avis  plus  probant,  dit,  en  termes  abso- 
lument généraux ,  excluant  toute  idée  de  clause  particulière  : 
«  Si  id  quod  emptum  est  neque  tradetur  neque  mancipetur, 
venditor  cogi  potest  ut  tradat  aut  mancipet.  »  Il  est  difficile  de 
ne  pas  voir  ici  l'indication  que  le  vendeur  devra,  selon  la 
nature  de  la  chose  vendue,  en  faire  tradition  ou  mancipation. 

A  ces  deux  témoignages  directs,  certains  auteurs  en  ajou- 
tent un  troisième  qui  serait  fourni  par  Plaute.  Quelques-uns 
des  passages  de  Plaute  que  l'on  invoque  pour  soutenir  que  la 
vente  consensuelle  existait  déjà  de  son  temps ,  attesteraient 
également  que  l'acheteur  avait  dès  cette  époque  lo  droit  de 
demander  la  mancipation  (1).  Mais  ce  sont  là  des  documents 
d'une  valeur  bien  douteuse. 

Le  Digeste  interrogé  avec  soin  fournit  un  argument  plus 
sérieux.  L'argument  se  tire  du  passage  dans  lequel  Ulpien 
définit  l'obligation  de  délivrance,  de  la  L.  11,  §  2  D.  De  act. 
empti,  19,  1. 

«  Et  in  primis  ipsam  rem  prsestare  venditorem  oportet,  id 
est  tradere  :  quae  res  si  quidem  dominus  fuit  venditor,  facit  et 
emptorem  dominum,  si  non  fuit  tantum  evictionis  nomine 
venditorem  obligat  si  modo  pretium  est  numeratum  aut  eo 
nomine  satisfactium.  » 

Du  moment  que  l'on  considère  le  vendeur  comme  obligé  à 
manciper,  on  est  naturellement  amené  à  tenir  ce  texte  pour 
interpolé ,  à  admettre  qu'il  ne  disait  pas  :  id  est  tradere ,  mais 
soit  en  s'occupaot  seulement  des  choses  les  plus  importantes  , 
id  est  mancipare ,  soit  d'une  façon  plus  complète  avec  les  sen- 
tences de  Paul ,  id  est  tradere  aut  mancipare  (2).  On  peut  aller 
plus  loin.  Le  texte  porte  en  lui  la  preuve  de  l'interpolation  et 
par  conséquent  prouve  l'obligation  de  manciper.  En  effet ,  il 
déclare  que  l'acte  dont  il  traite  rendra  l'acheteur  propriétaire 
si  le  vendeur  l'était  et  sinon  rendra  le  vendeur  responsable 
de  l'éviction  ;  or,  s'il  n'est  déjà  pas  très  exact  de  dire  que  la 
tradition  rende  responsable  de  l'éviction  —  c'est  seulement  de 
la  mancipation  que  c'est  vrai  à  cause  de  Yactio  auctoritatis,  — 

■ 

(1)  Voir  notamment  dans  ce  sens ,  M.  Karlowa,  Legis  Aciionen ,  p.  139,  qui 
renvoie  au  Perta,  IV,  4,  40  et  M.  Bechmann,  d$r  Kauf,  I,  p.  549,  qui  ren- 
voie à  la  MosteUaria. 

(2)  C'est  ce  que  remarque  M.  Accarias ,  Contrats  innomés,  1866,  p.  138. 


n 


398  LA  GARANTIE  D  EVICTION 

il  serait  contraire  au  droit  en  vigueur  à  l'époque  d'Ulpien  de 
proclamer,  sans  distinction  et  d'une  manière  générale ,  que  la 
tradition  transfère  la  propriété ,  rend  l'acheteur  propriétaire. 
Elle  rend  propriétaire  des  choses  nec  mancipi.  Elle  ne  rend 
pas  propriétaire  des  choses  mancipi.  Il  ne  faut  pas  ici  se  lais- 
ser égarer  par  la  terminologie  moderne  qui  parle  de  propriété 
prétorienne  pour  les  cas  dans  lesquels  une  personne  a  seule- 
ment la  chose  in  bonis,  ni  même  par  les  précédents  que  ce 
langage  peut  trouver  dans  quelques  expressions  incidentes 
des  textes.  Ce  n'est  pas  le  langage  technique;  en  particulier, 
ce  n'est  pas  le  langage  technique  d'Ulpien.  Quand  Ulpien  fait 
par  exemple  la  théorie  des  modes  d'acquérir,  il  prend  grand 
soin  de  réserver  le  mot  dominus  pour  désigner  celui  qui  a  la 
propriété  quiritaire  (1).  Si,  dans  un  texte  directement  destiné 
à  préciser  l'effet  acquisitif  d'un  acte ,  il  dit  que  cet  acte  «  facit 
emptorem  dominum,  »  ce  doit  être  également  que  cet  acte 
crée  la  propriété  quiritaire. 

Ou  bien  Ulpien  disait  en  s'occupant  exclusivement  des  cho- 
ses mancipi  que  l'obligation  de  livrer  s'accomplit  par  une 
mancipation  qui  transfère  la  propriété  si  l'aliénateur  est  pro- 
priétaire ,  et  qui ,  s'il  ne  l'est  pas ,  fait  naître  une  action  en 
garantie ,  l'action  auctoritatis.  Ou  bien  il  visait  les  deux  caté- 
gories de  choses  et  disait  que  le  vendeur  doit,  selon  les  cir- 
constances, faire  mancipation  ou  tradition,  ce  qui ,  si  la  pro- 
priété appartient  à  l'aliénateur,  la  transfère  et,  si  elle  ne  lui 
appartient  pas ,  assure  un  recours  en  garantie ,  soit  en  vertu 
de  la  mancipation  par  l'action  auctoritatis ,  soit  en  vertu  de  la 
vente,  par  l'action  empti.  Dans  la  dernière  supposition,  l'au- 
teur est  plus  complet;  dans  la  première,  il  est  plus  exact; 
mais  dans  l'une  et  l'autre ,  le  texte  est  la  preuve  de  l'obliga- 
tion de  manciper  qui  pèse  sur  le  vendeur  d'une  chose  man- 
cipi. 

Je  crois  même  que  le  vendeur  ne  remplirait  pas  son  obli- 
gation en  remplaçant  la  mancipation  par  une  injure  cessio.  On 

(1)  Régulas,  19,  §  7  :  «  Traditio propria  est  alienatio  rerum  nec  man- 
cipi. Hardm  rbrom  dominium  ipta  traditions  adprehendimut...  §  5.  Uiucapione 
dominium  adipiscimur  ta  m  mancipi  rerum  quam  nbc  mancipi.  —  Comparez  Gains, 
Inst.  IV,  §  34  et  les  observations  de  M.  Àccarias,  Précis,  I,  p.  686,  note  2, 
sur  ce  dernier  texte. 


DANS  LA  VENTE  CONSENSUELLE.         399 

dît  souvent  le  contraire.  Mais  cette  opinion ,  qui  n'a  pas  d'ap- 
pui dans  les  textes,  est  exclusivement  basée  sur  ridée  que  les 
effets  de  Fm  pare  cessio  sont  identiques  à  ceux  de  la  mancipa- 
ûon.  Or  cela  n'est  pas.  L't»  jmrt  cessio  transfère  bien  la  pro- 
priété des  choses  mandpi  comme  la  mancipation,  mais  elle  ne 
fonde  pas  comme  elle  Yactio  mmetoritatis  (1).  L'acheteur  qui  a 
le  droit  d'exiger  la  mancipation  ne  peut,  sauf  convention  con- 
traire, pas  plus  être  forcé  de  se  contenter  de  Y  i*  jure  cessio  ou 
encore  de  la  mancipation  mammo  uno ,  que  de  la  tradition.  Il 
a  droit  à  une  mancipation  régulière ,  produisant  son  plein  et 
entier  effet. 

Quant  au  moment  historique  auquel  l'obligation  de  manci- 
per  lut  imposée  au  vendeur,  la  détermination  en  dépend  un 
peu  de  la  base  qu'on  assigne  à  l'obligation.  En  dehors  de 
l'argument  problématique  tiré  de  Plaute,  son  existence  ne 
nous  est  attestée  que  par  des  textes  d'Ulpien,  de  Paul  et  de 
Gains,  c'est-à-dire  par  des  textes  d'époques  où  la  théorie  de 
la  vente  avait  reçu  sa  constitution  définitive.  Faut-il  ne  voir 
dans  cette  obligation  qu'un  des  derniers  développements  de 
la  théorie,  ou  bien  en  était-elle  un  des  éléments  primitifs? 

J'hésiterai  à  la  placer  bien  haut  dans  le  passé  si  elle  se 
rattachait  à  l'obligation  d'accomplir  les  clauses  de  style  ou 
plus  largement  à  celle  de  s'abstenir  de  dol.  En  tout  cas ,  on 
ne  pourrait  alors  la  faire  tout  au  plus  remonter  qu'aux  débuts 
de  la  phase  historique  dans  laquelle  la  vente  a  pris  le  carac- 
tère de  contrat  de  bonne  foi.  Mais  il  y  a  une  autre  explication 
que  je  préfère  et  dans  laquelle  cette  obligation  a  pu  exister 
indépendamment  de  toute  idée  de  bonne  foi ,  non-seulement 
dès  qu'il  y  a  eu  une  vente  consensuelle ,  mais  en  un  certain 
sens  avant  elle,. dès  le  temps  où  la  vente  ne  pouvait  se  faire  que 
par  stipulations.  C'est  l'opinion  qui  considère  l'obligation  de 
manciper  comme  comprise  dans  l'obligation  de  délivrance  (2). 

Le  vendeur  est  obligé  à  délivrer,  à  tradere,  à  vacuampos- 
sessionem  tradere ,  dit-on  d'autres  fois.  Mais  que  faut-il  en- 
tendre par  là?  Que  comprend  cette  obligation  de  délivrance? 
Si  elle  comprend  l'obligation  de  manciper,  il  est  clair  qu'il 

(1)  Voir  Nouvelle  Revue  historique,  1882,  p.  191,  note  1. 

(2)  Voir  dans  ce  sens,  Bechmann,  der  Kauf,  I,  pp.  546  et  680. 


400  LA   GARANTIE  D  EVICTION 

n'y  a  pas  besoin  de  faire  intervenir  l'idée  de  bonne  foi  pour 
astreindre  le  vendeur  à  manciper.  Or,  le  texte  même  d'Ulpien 
dans  lequel  nous  avons  trouvé  la  preuve  de  l'obligation  de 
manciper,  la  loi  11,  §  2  D.,  De  act.  empti,  19-  1,  qui ,  avec  la 
correction  dont  nous  avons  établi  la  nécessité,  oblige  le  ven- 
deur à  manciper,  ne  rattache  pas  cette  obligation  spéciale  à 
l'obligation  générale  de  s'abstenir  de  dol  ;  elle  la  rattache  à 
l'obligation  générale  de  délivrance  ;  le  vendeur,  disait  le  texte 
dans  sa  forme  première ,  doit  rem  prae&tare,  id  est  mancipare. 

La  question  de  savoir  si  le  vendeur  d'une  chose  mancipi  est 
tenu  à  manciper  a  donc  pu  se  poser  sur  son  obligation  de 
délivrance,  en  dehors  de  la  question  de  savoir  s'il  est  tenu  à 
s'abstenir  de  dol,  avant  même  qu'on  ne  se  posât  cette  der- 
nière, et,  en  se  plaçant  à  ce  point  de  vue,  il  n'y  a  pas  d'obfr* 
tacle  à  faire  remonter  la  réponse  affirmative  très  loin  dans  le 
passé  (1). 

Depuis  le  jour  où  cette  solution  fut  admise,  l'acheteur  d'une 
chose  mancipi  trouva  dans  l'exécution  même  du  contrat  le 
fondement  d'une  sûreté  contre  l'éviction,  de  Yactio  auctoritatis, 
et  rien  ne  porte  à  penser  que  cette  sûreté  lui  ait  fait  défaut 
avant  que  la  maucipation  elle-même  ne  disparût.  Organisée 
dès  les  premiers  âges  de  Rome,  bien  longtemps  avant  la 
chute  du  plus  ancien  système  de  procédure ,  l'action  auctori- 
tatis passa ,  avec  la  plupart  des  actions  du  vieux  droit ,  dans 
la  procédure  des  formules  —  elle  dut,  comme  toutes  les  ac- 
tions civiles,  être  alors  inscrite  à  son  rang  dans  l'édit  du 
préteur,  et  une  tentative  ingénieuse  vient  même  d'être  faite 
pour  y  déterminer  sa  place  (2).  —  Mais  elle  ne  paraît  pas  plus 
avoir  été  atteinte  par  la  suppression  de  la  procédure  formu- 

(t)  C'est,  je  crois,  l'explication  qui  s'imposerait,  si  l'on  trouvait  dans  Plaute 
la  preuve  de  l'obligation  de  manciper. 

(2)  M.  Lenel,  Edictum  perpetuum,  1883,  pp.  423  et  as.,  estime  qu'elle  devait 
se  trouver  à  la  (in  de  l'édit ,  au  milieu  des  formules  de  stipulations ,  à  côté 
de  la  formule  de  la  stipulation  de  garantie.  Son  principal  argument  est  tiré 
de  ce  que  des  textes  sur  l'édit  de  Paul,  d'Ulpien  et  de  Julien  qui,  dans 
leur  forme  présente,  se  rapportent  à  la  stipulation  du  double,  sont  également 
répartis  dans  deux  livres  consécutifs  :  Ulpien,  80 ,  81  ;  Paul ,  76,  77  ;  Julien, 
57,  58  ;  or,  surtout  lorsque  Ton  considère  que  cette  théorie  ne  remplit  com- 
plètement les  deux  livres  ni  chez  l'un  ni  chez  l'autre  des  auteurs ,  il  est  diffi- 
cile de  penser  que  les  trois  commentateurs  aient  commencé  l'étude  d'une 


DANS  LA.  VENTE  CONSENSUELLE.  401 

faire  qu'elle  ne  l'avait  antérieurement  été  par  la  suppression 
des  Actions  de  la  loi ,  et  il  est  bien  à  croire  que ,  lorsque  sa 
disparution  s'est  produite,  ce  n'a  pas  été  par  suite  d'une 
abrogation  législative  directe,  mais  par  contre-coup  de  la  dé- 
suétude de  la  mancipation. 

Cependant,  si  précieuse  que  fut  cette  première  sûreté,  et 
si  longue  qu'ait  été  sa  vie  juridique,  elle  ne  suffisait  pas  4 
tout.  Elle  avait  ses  lacunes ,  celles  même  de  l'action  anctori- 
tatis.  On  sait  qu'il  y  avait  des  cas  où  l'acquéreur  ne  pouvait , 
même  en  se  faisant  faire  mancipation ,  s'assurer  cette  action 
et  où,  par  conséquent,  il  devait  se  ménager  d'autres  sûre- 
tés, par  exemple  le  cas  où  la  vente  n'avait  pas  lieu  entre 
citoyens ,  ceux  où  elle  portait  sur  des  choses  non  romaines , 
ou  encore  sur  des  choses  nec  maneipi.  Dans  de  telles  hypo- 
thèses ,  il  eût  été  bien  inutile  à  l'acheteur  de  réclamer  une 
mancipation  qui  ne  lui  eût  servi  de  rien.  Ce  dont  il  avait  alors 
besoin,  c'était  de  pouvoir  exiger  la  promesse  qui  lui  était  vo- 
lontairement faite  dans  la  vente  libre.  Le  droit  lui  en  fut  pro- 
gressivement reconnu  tant  par  la  législation  civile  ordinaire 
que  par  l'édit  spécial  des  Édiles  curules. 


II. 


C'est  probablement  en  vertu  de  l'édit  des  Édiles  curules , 
pour  les  ventes  d'esclaves  soumises  à  leur  contrôle ,  que  le 
résultat  fut  d'abord  atteint.  Cet  édit  particulier,  —  ordonnance 
spéciale  dont  les  dispositions  furent  plus  tard  empruntées  par 

même  institution  à  la  fin  d'an  livre  pour  la  continuer  au  début  du  livre  sui- 
vant. Il  est  plus  naturel  d'admettre  que  les  dispositions  contenues  à  la  fin 
d'un  livre  traitaient  d'un  moyen ,  et  celles  placées  au  début  du  livre  suivant 
d'un  autre.  M.  Lenel  suppose  que  celles  contenues  dans  les  livres  80  d'Ulpien, 
76  de  Paul,  57  de  Julien  se  rapportaient  à  Vactio  auctoritatit,  tandis  que 
celles  des  livres  81  d'Ulpien,  77  de  Paul  et  58  de  Julien  auraient  seules  visé 
une  promesse  de  garantie,  et,  une  fois  l'attention  éveillée  par  le  raisonne- 
ment, U  y  a  sans  conteste  plusieurs  des  textes  suspects  dans  lesquels  la  main 
des  interpolateurs  se  laisse  parfaitement  surprendre.  Voir  en  particulier  les 
lois  39  de  Julien,  51  d'Ulpien  et  9  de  Paul,  D.  h.  t.  21.  2,  avec  le  commen- 
taire de  M.  Lenel. 


402  LA   GARANTIE  D'ÉVICTION 

le  droit  commun ,  mais  qui ,  dans  sa  portée  première ,  dut  se 
limiter  aux  ventes  des  marchés  comme  les  pouvoirs  de  ses 
auteurs  (1),  —  ne  prescrivait  pas  seulement  de  déclarer  aux 
acheteurs  les  vices  cachés  des  choses  mises  en  vente;  il  pres- 
crivait en  outre ,  pour  les  ventes  d'esclaves ,  de  faire  à  l'ache- 
teur une  promesse  du  double.  Or,  cette  promesse  du  double 
n'était  autre  que  la  promesse  du  double  ordinaire,  celle  dont 
nous  avons  déjà  déterminé  la  formule  complexe,  comprenant 
à  la  fois  la  promesse  incertaine  que  certains  vices  n'existent 
pas  et  la  promesse  conditionnelle  que  le  double  du  prix  sera 
rendu  si  l'acheteur  est  dépouillé  par  une  éviction.  Mais  ici 
nous  devons  insister  en  présence  d'opinions  divergentes. 

On  ne  conteste  guère  que  l'édit  des  édiles  prescrivit,  en 
matière  de  ventes  d'esclaves,  une  promesse  du  double  (2). 
Mais  beaucoup  d'auteurs  supposent  que  cette  promesse  se  rat- 
tachait exclusivement  aux  vices,  et  ceux  mêmes  qui  recon- 
naissent que  le  vendeur  devait,  d'après  cet  édit,  promettre  le 
double  du  prix  pour  le  cas  d'éviction  admettent  presque  tous 
qu'il  devait ,  de  plus ,  faire  une  promesse  du  double  pour  les 
vices,  sauf  ensuite  aux  uns  et  aux  autres  à  discuter  si  la 
somme  qu'on  double  est  la  totalité  du  prix ,  ou  une  fraction 
du  prix  proportionnelle  à  l'importance  du  vice ,  ou  encore  le 
montant  du  préjudice  causé  (3).  A  mon  sens,  l'édit  des  édiles 
n'oblige  jamais ,  pas  plus  dans  les  ventes  d'esclaves  que  dans 
les  autres,  à  faire,  à  raison  des  vices,  une  promesse  du  double 

(1)  Voy.  en  ce  sens  Mommsen,  Rômisches  Staaisrecht,  H,  1,  2e  éd.  1877, 
p.  490,  note  4;  Bechmann,  der  Kauf,  I,  p.  412;  Wiassack,  Zur  Gesckichte  der 
Negotiorum  Gestio,  p.  168,  note  24;  Hanausek,  Haftung  des  Verkailfers,  1, 1883, 
p.  20,  note  4. 

(2)  C'est  ce  que  dit  expressément  Pomponius  dans  la  loi  5  pr.  D.  De  V.  0. 
45,  1.  «  ...  Item  duplœ  stipulatio  venit  ab  judice  aut  ab  aedilis  edicto.  » 

(3)  Il  est ,  je  crois,  inutile  d'énumérer  les  auteurs  qui  admettent  l'existence 
d'une  stipulation  du  double  relative  aux  vices.  C'est  de  beaucoup  l'opinion  la 
plus  répandue.  11  suffit  de  citer,  pour  la  France,  M.  Accarias,  Précis,  II, 
p.  469;  pour  l'Italie,  M.  Seraflni,  Pandettedelprof.  Arndts,  III,  p.  315  ;  pour 
l'Allemagne,  M.  de  Vangerow,  Pandekten,  III,  §  609,  note  2,  n°  vu;  M.  de 
Brinz,  II,  2,  §  327,  note  13,  et  §  337,  note  14,  et  l'ouvrage  spécial  de  M.  Ha- 
nausek, pp.  36  et  81.  On  peut  cependant  citer,  dans  le  sens  contraire,  M. 
Windscheid,  Lehrbuch  des  Pandektenrechts ,  II,  §  394,  note  17;  M.  Lenel, 
Edictum  perpetuum,  p.  441;  et  au  moins,  implicitement,  M.  Rudorff,  Edk~ 
htm,  p.  263,  et  M.  Bechmann ,  der  Kauf,  I,  p.  402,  note  7. 


DANS  LA  VENTE  CONSENSUELLE.         403 

quelconque.  Il  oblige,  dans  les  ventes  d'esclaves,  à  faire  la 
promesse  du  double  ordinaire ,  ni  plus  ni  moins.  On  ne  s'y 
est ,  je  crois ,  mépris  que  par  suite  d'une  notion  inexacte  de 
cette  stipulation.  On  n'a  pas  remarqué,  d'une  part,  qu'elle 
contient,  à  côté  de  la  promesse  du  double  pour  l'éviction,  une 
promesse  incertaine  d'absence  de  certains  vices,  et,  d'autre 
part,  que  les  Romains  désignaient  le  tout  constitué  par  les 
deux  clauses  du  nom  collectif  de  stipulatio  duplœ  (1).  Et,  par 
suite ,  on  a  cru  trouver  des  stipulations  du  double  relatives 
aux  vices  dans  les  textes  qui  visent  les  stipulations  relatives 
aux  vices  de  la  stipulation  du  double.  Si  on  se  rappelle ,  au 
contraire ,  la  rédaction  habituelle  et  le  nom  courant  de  la  sti- 
pulatio duplœ y  tout  conduit  à  la  reconnaître  dans  les  textes  re- 
latifs à  la  stipulatio  duplœ  prescrite  par  les  édiles. 

C'est  la  solution  qu'indiquent  les  vraisemblances  histori- 
ques :  il  est  naturel  que,  voulant  imposer  la  formation  de  con- 
trats verbaux  relatifs  aux  vices  et  à  l'éviction ,  les  édiles  aient 
pris  la  formule  usitée  dans  la  pratique  au  lieu  d'en  inventer 
de  nouvelles.  C'est  aussi  la  solution  la  plus  conforme  à  la  ter- 
minologie romaine  :  elle  explique  parfaitement  pourquoi  les 
jurisconsultes  parlent  indifféremment  de  stipulatio  duplœ  pour 
le  droit  ordinaire  et  le  droit  des  édiles  ;  ils  emploient  dans  les 
deux  cas  la  même  expression  parce  que ,  dans  les  deux  cas , 
elle  désigne  la  môme  chose.  Enfin,  ce  qui  est  plus  important 
que  tout  le  reste ,  non-seulement  ce  système  rend  compte  de 
tous  les  textes  (2),  mais  il  y  en  a  certains  qui  l'imposent.  Le 
Digeste  fournit  la  preuve  directe  que,  d'après  l'édit  des  édiles, 
l'acheteur  stipulait  premièrement  que  certains  vices  n'exis- 
taient pas,  et  secondement  que,  dans  l'hypothèse  d'éviction, 
on  lui  rendrait  le  double  du  prix ,  c'est-à-dire  exactement  les 
deux  chefs  de  la  stipulatio  duplœ. 

En  premier  lieu,  l'édit  des  édiles  oblige  à  faire,  quant  aux 
vices,  une  promesse  qui  n'est  pas  une  promesse  pénale  d'un 

(1)  Voir,  sur  les  deux  points,  Nouvelle  Revue  historique,  1883,  pp.  576  et  ss. 

(2)  On  s'en  assurera  facilement  en  se  reportant  aux  différents  textes  invo- 
qués par  l'opinion  contraire.  Le  passage  de  la  paraphrase  de  Théophile, 
qu'on  .cite  toujours  à  notre  propos ,  ne  dit  par  exemple  pas  que  la  stipulation 
du  double  relative  aux  vices  soit  obligatoire ,  ni  même  qu'elle  soit  habituelle, 
il  l'indique  uniquement  comme  possible. 


404  LA  GARANTIS  D  EVICTION 

double  quelconque ,  mais  une  simple  promesse  incertaine  de 
leur  inexistence.  Autrement  on  ne  s'expliquerait  pas  la  1.  32 
D.  De  evict.  21.  2,  où  le  jurisconsulte  Ulpien  cite  comme 
termes  relatifs  aux  vices  de  la  stipulation  présenta  par  les 
édiles,  non  pas  une  promesse  conditionnelle  de  peine,  mais 
la  promesse  de  l'absence  de  certains  vices  qui  sont  également 
visés  dans  la  stipulation  du  double  ordinaire  :  «  Cùm  quis 
stipulatur  fuqitivum  non  esse  erronem  non  esse  et  cetera 
qux  ex  edicto  œdilium  promituntur.  »  On  ne  s'expliquerait  pas 
que,  lorsque  dans  la  loi  31  D.  De  xdil.  edict.,  21.  1,  il  défend 
la  validité  de  la  stipulation  :  «  Sanum  esse ,  furem  non  esse , 
vispellionem  non  esse ,  »  il  la  fonde  sur  cet  argument  que  sans 
cela  la  stipulation  prescrite  par  les  édiles  elle-même  ne  serait 
pas  valable  :  il  n'y  aurait  pas  à  raisonner  pour  l'appréciation 
d'une  stipulation  directe  où  le  vice  est  in  obligatione  de  la  va- 
lidité d'une  stipulatio  pœnœ  où  le  vice  serait  in  conditions 
Enfin ,  on  ne  comprendrait  pas  non  plus  que  Gaïus ,  citant  in- 
cidemment notre  disposition  de  l'édit  dans  la  loi  1.  32  D.  b. 
t.  21.  1,  la  désigne  en  disant  que  l'édit  astreint  le  vendeur  à 
déclarer  les  vices  et  à  promettre  que  l'esclave  n'en  est  pas 
atteint:  «  et  praeterea  in  his  causis  non  esse  ut  promittat  (1).  » 

(1)  Od  peut  encore  invoquer  dans  ce  sens  un  texte  un  peu  compliqué  qui 
est  parfois  cité  par  les  partisans  de  l'opinion  traditionnelle,  la  loi  58  pr.f 
§  1,  §  2,  D.  h.  t.  21.  1.  Paul  y  est  consulté  au  sujet  de  la  vente  d'un  esclave 
qui  a  pris  la  fuite  en  volant  l'acheteur.  L'esclave  étant  fugitivus ,  l'acheteur  a 
en  môme  temps  l'action  rédhibitoire  en  vertu  de  la  disposition  de  l'édit  sur 
les  vices  non  déclarés  et  l'action  ex  stipuiatu  en  vertu  de  la  promesse  que 
l'acheteur  lui  a  faite  d'après  le  même  édit.  Le  consultant  suppose  d'abord 
qu'on  intente  l'action  rédhibitoire  et  que  la  résolution  de  la  vente  soit  pronon- 
cée. Paul  décide  que  l'acheteur  qui  est  tenu  à  rendre  la  chose  —  s'il  Ta ,  — 
pourra  réclamer  non-seulement  son  prix ,  mais  une  indemnité  égale  à  la  va- 
leur des  choses  volées;  seulement,  en  vertu  d'un  principe  abusivement  em- 
prunté à  la  matière  des  actions  noxales  et  posé  notamment  par  la  1.  61 
(Mommsen,  62),  §  5,  De  furlit  47.  2,  du  principe  non  oportere  cuiquam  plus 
damni  per  tervum  evenire  quam  quanti  ipse  tervus  tit,  le  jurisconsulte  permet 
au  vendeur  d'éviter  le  paiement  de  cette  dernière  indemnité  en  renonçant  à 
ses  droits  sur  l'esclave,  en  en  faisant  l'abandon  noxal;  de  sorte  que  l'ache- 
teur reprendra  son  prix  en  vertu  de  la  redhibitio  et  gardera  l'esclave,  une 
fois  retrouvé,  à  titre  noxal.  Le  consultant  passe  ensuite  à  l'action  qu'on  a 
en  vertu  de  la  promesse  relative  aux  vices  de  la  stipulatio  duplm.  Il  de- 
mande ,  autant  qu'on  peut  supposer,  car  la  détermination  du  texte  présente 
certaines  incertitudes,  si,  tout  en  gardant  l'esclave ,  on  ne  peut  pas  aussi  agir 


DANS  LA  VENTE  CONSENSUELLE.         405 

En  second  lieu ,  l'édit  des  édiles  oblige  à  faire ,  pour  le  cas 
d'éviction ,  la  promesse  de  rendre  le  double  du  prix.  C'est 
déjà  ce  qui  résulte  des  trois  textes  que  je  viens  de  citer.  Ils 
démontrent  que  la  promesse  relative  aux  vices  est  une  pro- 
messe incertaine  du  simple;  par  conséquent,  puisque  il  y 
avait  une  promesse  du  double ,  elle  ne  pouvait  être  relative 
qu'à  l'éviction.  Mais  ici  encore  il  y  a  des  preuves  directes.  La 
première  est  fournie  par  la  1.  37  D.  De  evict.  21.  2.  Ulpien  y 
parle  des  cas  où  l'on  doit  faire  la  stipulatio  duplœ  ordinaire , 
et  au  §  1,  il  dit  :  «  Per  edictum  au  te  m  œdilium  curulium, 
etiam  de  servo  venditor  cavere  jubetur.  »  Dans  ce  qui  précède 
et  dans  ce  qui  suit ,  Ulpien  parle  de  la  cautio  duplœ  ordinaire 
donnant  le  droit  de  réclamer  le  double  au  cas  d'éviction,  c'est 
encore  la  cautio  duplœ  donnant  le  droit  de  réclamer  le  double 
au  cas  d'éviction  qu'il  dit  au  milieu  du  texte  être  exigible 
d'après  l'édit  des  édiles.  Voici  un  autre  argument  d'une  por- 
tée plus  élevée  :  il  y  a  trois  auteurs  qui  ont  commenté  l'édit 
des  édiles ,  Gaïus ,  Paul  et  Ulpien  ;  or,  tous  trois  ont ,  dans  le 
livre  second  et  dernier  de  leurs  commentaires,  étudié  la  théo- 
rie de  la  stipulatio  duplœ  de  evictione  (1);  c'est  évidemment 
qu'ils  trouvaient  dans  cet  édit  —  probablement  formulée  à  sa 

en  vertu  de  cette  promesse  pour  demander  la  valeur  de  l'esclave.  La  réponse 
de  Paul  pour  laquelle  le  texte  est  heureusement  certain  est  ce  qui  nous  inté- 
resse. Si  la  promesse  était  du  double ,  Paul  répondrait  qu'on  peut ,  comme  il 
Ta  déjà  dit,  garder  l'esclave  noxx  nomine  pour  les  choses  volées  et  qu'on 
peut  en  outre  demander  le  double  de  la  perte  causée  par  le  vice,  le  double 
de  ta  valeur,  en  vertu  de  la  stipulatio  duplx.  Au  lieu  de  cela ,  il  renvoie  à  sa 
réponse  antérieure  pour  les  choses  volées  et  le  droit  de  garder  l'esclave 
noxx  nomine  —  si  on  le  reprend  bien  entendu ,  —  et  il  dit  qu'on  pourra  de. 
mander  ta  valeur  en  vertu  de  la  stipulatio  duplx ,  c'est-à-dire  de  la  clause 
fuçUivum  non  este  de  la  stipulatio  duplx.  a  Paulus  respondit  de  pretio  servi 
»  repetendo  competere  actionem  etiam  ex  duplœ  stipulatione  :  de  rébus  per 
»  furtum  ablatis  jam  responsum  est.  » 

(1)  Paul,  lois  35,  41,  56  D.  De  evict.  21.  2;  1.  48  D.  Ad  legem  Aquiliam,  9, 
2;  Ulpien,  1.  55  D.  h.  t.  21.  2;  Gaïus,  1.  57  D.  h.  t.  21.  2.  Il  y  a  un  de  ces 
textes  dans  lequel  le  point  de  vue  spécial  d'où  les  jurisconsultes  sont  ame- 
nés à  envisager  la  stipulatio  duplx  se  révèle  avec  une  netteté  singulière. 
C'est  la  loi  56  D.  De  evict.  21 .  2  dont  le  pr.  porte  :  «  Si  dictum  fuerit  ven- 
dendo,  ut  simpla  promittatur,  vel  triplum  aut  quadruplum  promitteretur, 
ex  empto  perpétua  actione  agi  poterit. . .  »  Dans  ce  texte,  qui  n'est  pas  tou- 
jours sainement  entendu ,  Paul  ne  fait  autre  chose  qu'appliquer  à  notre  sti- 
pulation le  principe  posé  ailleurs  par  Ulpien  dans  son  commentaire  sur  l'édit 

Revue  hist.  —  Tome  VIII.  27 


406  LA  GARANTIE   D'ÉVICTION 

fin  après  avoir  été  prescrite  plus  haut,  comme  les  stipulations 
prétoriennes  dans  l'édit  du  préleur  (1)  —  la  stipulation  qu'ils 
analysaient. 

La  stipulation  dont  les  édiles  ordonnaient  l'accomplisse- 
ment dans  une  disposition  qui  ne  nous  a  pas  été  transmise , 
dont  la  formule  devait  être  insérée  à  la  fin  de  leur  édit,  c'était 
la  stipulation  du  double  ordinaire  avec  ses  deux  clauses  ha- 
bituelles ,  fondant  là  comme  ailleurs,  en  cas  de  violation  de 
l'une  ou  de  l'autre,  les  actions  justiciables  des  tribunaux  ordi- 
naires qui  naissent  d'une  stipulation,  et  formant  là  comme  ail- 
leurs un  ensemble  qu'on  désignait  d'un  mot  en  parlant  de  stir 

des  édiles  (loi  31  D.Depactis,  2. 14),  que  Ton  peut  par  convention  déroger 
aux  prescriptions  de  l'édit.  Il  décide  que  Ton  pourra  convenir  dans  la  vente 
qu'au  lieu  d'être  du  double ,  la  promesse  sera  du  simple ,  du  triple  ou  du  qua- 
druple ,  et  qu'alors  on  aura  pour  obtenir  cette  promesse ,  au  lieu  des  actions 
édilitiennes  qui  sanctionnaient  l'édit ,  l'action  empti  qui  sanctionne  les  pactes 
adjoints  au  contrat.  L'ordre  d'idées  dans  lequel  se  place  le  jurisconsulte  res- 
sort :  1°  de  ce  fait  qui  étonnait  déjà  les  anciens  commentateurs  que  ,  pour  le 
taux  de  la  promesse,  Paul  parle  du  simple,  du  triple  et  du  quadruple,  mais 
pas  du  double  :  «  Si  dictum  fuerit  vendendo  ut  limpla  promittatur,  vel  triplum 
vel  quadruplum  promitteretur.  »  La  convention  a  précisément  pour  but  d'écarter 
la  promesse  du  double  qui  pourrait  être  exigée  sans  elle  ;  2°  de  ce  qu'il  in- 
siste sur  le  caractère  perpétuel  de  l'action  empti  «  ex  empto  perpétua  actione 
agi  poterit.  »  C'est  par  opposition  aux  actions  édilitiennes  qui  sont  tempo- 
raires ;  3°  de  ce  que  dans  la  suite  du  texte  il  suppose  toujours  que  la  chose 
vendue  est  un  esclave  :  «  §  2....  cum  homo  venditur...  non  potest  videri 

homo  evictus §  3....  unde,  si  evictus  est  servut....  »  C'est  la  seule 

marchandise  pour  laquelle  les  édiles  prescrivent  la  promesse  du  double. 

(1)  De  même  le  préteur  ordonnait  à  l'usufruitier  de  fournir  caution  dans 
un  passage  de  son  édit  qu'Ulpien  commentait  à  son  livre  51  et  Paul  à  son 
livre  47,  et  il  donnait  à  la  fin  de  l'édit  la  formule  de  cette  promesse  qu'Ul- 
pien commentait  à  son  livre  79  et  Paul  à  son  livre  75.  De  même  il  prescri- 
vait à  celui  qui  plaidait  alieno  nomine  de  fournir  la  cautio  de  rato  dans  un 
texte  qu'Ulpien  rapporte  au  livre  9  de  son  commentaire ,  que  Paul  commen- 
tait au  livre  9  du  sien,  Julien  au  livre  3  de  son  Digeste,  et  il  en  donnait  à 
la  fin  de  l'édit  la  formule  qu'Ulpien  étudie  à  son  livre  80,  Paul  à  son  livre  76 
et  Julien  à  son  livre  56.  De  même  Ulpien  rapporte  à  son  livre  53  le  texte 
dans  lequel  le  préteur  prescrit  la  cautio  damni  infecti ,  Paul  le  commente  à 
son  livre  48,  Gaïus,  au  livre  19  de  son  commentaire  sur  l'édit  provincial, 
tandis  qu'ils  retrouvent  à  la  fin  de  l'édit  la  formule  de  cette  cautio  pour  la 
discuter  à  nouveau,  Ulpien  à  son  livre  81,  Paul  à  son  livre  78  et  Gaïus  à  son 
livre  28.  On  trouvera  les  différents  textes  en  se  reportant  soit  au  divers  livres 
de  ces  ouvrages  dans  la  Palingenetia  librorum  juris  veterum  de  Hommel, 
soit  aux  renvois  faits  pour  chaque  point  par  M.  Lenel. 


DANS   LA  VENTE   CONSENSUELLE.  407 

pulatio  duplœ.  Toute  l'innovation  des  édiles  consiste  à  la  rendre 
obligatoire  pour  les  vendeurs  d'esclaves ,  à  contraindre  ces 
marchands  à  faire  la  promesse  dont  l'édit  donnait  la  formule 
en  tant  qu'ils  ne  s'en  seraient  pas  déchargés,  soit  quant  à  l'évic- 
tion, soit  quant  à  tel  ou  tel  vice,  par  une  déclaration  formelle  (1  ). 

Il  faut  maintenant  chercher  les  motifs  qui  poussèrent  les 
édiles  à  cette  innovation,  l'époque  à  laquelle  ils  la  firent,  et 
les  procédés  pratiques  par  lesquels  ils  la  réalisèrent. 

Quant  au  choix  des  procédés ,  il  leur  fut  commandé  par  les 
limites  de  leurs  attributions.  Le  préteur,  ayant  à  la  fois  ce 
que  les  jurisconsultes  classiques  appellent  Yimperium  et  ce 
qu'ils  appellent  la  jurisdictio ,  pouvait  assurer  l'accomplisse- 
ment des  stipulations  prescrites  dans  son  édit,  soit  en  déli- 
vrant des  formules  d'action  en  vertu  de  sa  jurisdictio,  soit, 
plus  souvent,  en  vertu  de  son  imperium,  en  procédant  par 
voie  de  contrainte  directe ,  par  voie  de  missio  in  possessionem 
notamment.  Les  édiles  curules  n'avaient  pas  Vimperium;  ils 
n'avaient  que  la  jurisdictio  ;  ce  n'est  donc  que  par  voie  de 
délivrance  d'action  qu'ils  pouvaient  imposer  l'obéissance  à 
leurs  injonctions  (2). 

(i)  Nous  savons  par  Aulu-Gelle  (N.  A.  IV,  2.  1  et  VII,  4.  1)  que  ces  dé- 
clarations se  faisaient  à  l'aide  d'écriteaux  ou  d'emblèmes  attachés  aux  esclaves 
mis  en  vente  et  que ,  par  exemple ,  on  coiffait  d'un  bonnet  de  feutre  ceux  à 
raison  desquels  on  n'entendait  assumer  aucune  garantie,  —  pas  même  celle  de 
l'éviction,  je  crois;  car,  d'après  Ccelius  Sabinus,  dont  Aulu-Gelle  rapporte 
les  expressions ,  on  vendait  de  cette  façon ,  comme  servi  pileati  ceux  à  rai- 
son desquels  le  vendeur  ne  voulait  rien  fournir,  «  quorum  nomine  venditor 
nihil  prœstaret.  »V.  en  sens  contraire ,  Muller,  Eticktion,  1851,  p.  21,  note  21, 
et  les  autorités  qu'il  cite.  V.  aussi  sur  d'autres  signes  employés,  les  détails 
réunis  par  Brisson,  De  formulis,Vl,  10.—  Le  texte  de  l'édit  rapporté  par  Ulpien, 
1. 1  pr.  h.  t.  21. 1.  qui  commence  par  indiquer  que  les  vendeurs  devront  faire 
cet  affichage  préalable  (qui  mancipia  vendunt  certiores  faciant  emptores  quid 
morbi  vitii  cuique  sit,  quia  fugitivus  errove  sit,  noxare  solutus  non  sit  )  et 
qui  continue  en  prescrivant  la  déclaration  verbale  des  vices  au  moment  de  la 
vente  (eademque  omnia  cum  ea  mancipia  venibunt  palam  recte  pronuntianto) 
indique  probablement  une  transformation  historique  qui  a  fait  greffer  la  se- 
conde prescription  sur  la  première  tenue  désormais  pour  insuffisante. V.  dans 
ce  sens,  Bechmann,  der  Kauf,  I,  p.  399.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  mode  de  pu- 
blicité visé  par  la  première  est  une  des  preuves  qui  montrent  le  mieux  quelle 
étroite  connexité  liait  primitivement  l'édit  des  édiles  aux  ventes  des  marchés. 

(2)  L.  4  D.  Dejurisdictione,  2.  1.  Voir  Rudorff,  Ediclum,  p.  262,  note  32; 
Bekker,  Aktionm,  II,  p.  100  ;  Bechmann,  der  Kauf,  I,  p.  403. 


408  LA  GARANTIE   D  EVICTION 

C'est  par  délivrance  d'action  qu'ils  forçaient  les  vendeurs  à 
la  garantie  des  vices  dans  les  ventes  autres  que  celles  d'es- 
claves. Ils  donnaient,  d'une  part,  des  actions  à  l'acheteur 
pour  demander,  suivant  les  délais,  soit  la  résolution  de  la 
vente,  soit  la  diminution  du  prix  quand  un  vice  venait  à  se 
révéler;  ils  lui  donnaient,  d'autre  part,  et  probablement  dès 
une  époque  plus  ancienne,  le  droit  d'intenter,  dans  un  délai 
plus  court,  des  actions  voisines  et  semblables  si  le  vendeur  refu- 
sait de  promettre  l'absence  des  vices  qu'il  n'avait  pas  déclarés. 

C'est  également  par  délivrance  d'actions  que  les  édiles  pro- 
cédaient dans  les  ventes  d'esclaves  :  ils  donnaient  également 
à  l'acheteur  soit  les  premières  actions  si  des  vices  se  révé- 
laient, soit  les  secondes  si  le  vendeur  refusait  de  répondre  à 
la  stipulatio  duplœ. 

Le  seul  point  qui  nous  intéresse ,  puisque  nous  nous  occu- 
pons de  l'éviction  et  non  des  vices,  l'existence  des  actions 
fondées  sur  le  défaut  de  promesse,  est  attestée  par  la  1.  28 
D.  De  xdilit.  edict.,  21.  1,  extraite  du  livre  premier  de  l'ou- 
vrage de  Gaïus  sur  l'édit  des  édiles. 

«  Si  venditor  de  his  quae  edicto  continentur  non  caveat, 
pollicentur  adversus  eum  ad  redhibendum  judicium  intra 
duos  menses,  vel  quanti  emptoris  intersit  intra  sex  menses.  » 

Tandis  que  la  révélation  des  vices  donne,  comme  on  sait, 
à  l'acheteur  l'action  rédhibitoire  pendant  six  mois,  et  l'action 
quanti  minoris  pendant  un  an ,  le  défaut  des  promesses  pres- 
crites par  l'édit  des  édiles,  et  par  conséquent  en  particulier 
de  la  promesse  du  double ,  donne  à  cet  acheteur  le  droit  d'a- 
gir pendant  deux  mois  par  l'action  rédhibitoire,  et  pendant 
six  mois  par  une  autre  action. 

Les  deux  actions  soulèvent  d'abord  une  question  com- 
mune :  celle  de  savoir  si  elles  ne  sont  pas  arbitraires ,  en  ce 
sens  que  le  juge  serait  invité  à  prescrire  l'accomplissement 
de  la  stipulation  pendant  le  procès ,  ou  si ,  au  contraire ,  il 
n'est  pas  trop  tard  pour  fournir  la  promesse,  dès  lors  que  le 
procès  est  engagé  (1).  On  dit  souvent  les  deux  actions  arbi- 

(1)  On  ne  confondra  naturellement  pas  cette  question  avec  celle  toute  dif- 
férente de  savoir  si  l'action  rédhibitoire  est  arbitraire  en  ce  sens  qu'avant 
de  passer  à  la  condamnation,  le  juge  qui  prononce  la  rtdhibitio  ordonne  au 
défendeur  d'y  procéder. 


DANS  LA  VENTE  CONSENSUELLE.         409 

iraires.  La  négative  serait,  à  mon  sens,  plus  conforme  à  l'es- 
prit ancien  de  l'institution. 

Quoi  qu'il  en  soit ,  quelle  est  la  contrainte  exercée  contre  le 
vendeur,  quel  sera  le  préjudice  qu'il  subira  lorsque ,  faute  de 
promesse  fournie  en  temps  utile,  le  procès  sera  tranché  contre 
lui? 

Pour  l'action  donnée  pendant  six  mois,  l'étendue  de  la 
condamnation  dépendra  de  la  nature  de  cette  action.  On  peut 
y  voir  une  action  quanti  minoris,  et,  par  suite,  décider  qu'elle 
entraînera  la  réduction  que  l'acheteur  eût  réclamée  sur  le  prix 
s'il  avait  su  qu'on  ne  lui  ferait  pas  la  promesse.  Mais  ce 
n'est  pas  ce  que  dit  le  texte  :  il  ne  parle  pas  d'une  réduction 
de  prix  proportionnelle  à  la  différence  de  valeur  de  la  chose 
vendue ,  il  parle  directement  d'une  indemnité  égale  au  préju- 
dice causé  au  vendeur  par  le  défaut  de  promesse.  Les  deux 
sommes  seront  parfois  égales ,  mais  elles  peuvent  aussi  être 
différentes  :  il  n'est  donc  guère  douteux  qu'il  s'agisse  ici 
d'une  action  spéciale  ayant  ses  conséquences  propres  (1). 

Quant  à  l'action  rédhibitoire ,  c'est  l'action  rédhibitoire  or- 
dinaire; mais,  pour  savoir  ce  qu'elle  fera  obtenir  à  l'acheteur, 
il  faut  trancher  une  question  que  cette  action  soulève  partout. 
Ici,  ou  elle  est  donnée  faute  de  promesse,  comme  dans  les 
cas  où  elle  est  donnée  faute  de  déclaration  du  vice ,  quel  effet 
produira  la  reconnaissance  du  droit  du  demandeur?  Il  y  a  un 
texte  capital  qui  me  paraît  ne  pas  laisser  place  à  discussion. 
C'est  la  1.  45  D.  De  œdilit.  edict.,  21.  1,  également  extraite 
du  livre  premier  du  commentaire  de  Gaïus,  sur  l'édit  des 
édiles. 

«  Redhibitoria  actio  duplicem  habet  condemnationem  :  modo 
enim  in  duplum,  modo  in  simplum  condemnatur  venditor. 
Nam ,  si  neque  pretium  neque  accessionem  solvat  neque  eum 
qui  eo  nomine  obligatus  erit  liberet,  dupli  pretii  et  accessionis 
condemnari  jubetur  :  si  vero  reddat  pretium  et  accessionem 
vel  eum  qui  eo  nomine  obligatus  est  liberet,  simpli  videtur 
condemnari.  » 

D'après  ce  texte,  lorsque  l'action  rédhibitoire  est  reconnue 

(1)  V.  en  ce  sens  RudorfT,  Edictum,  p.  263.  Hanausek,  Haftung  des  ver- 
kàufers,  I,  p.  34.  V.  en  sens  contraire,  Lenel,  Edictum  perpetuum,  p.  442. 
Comparex  Bechmann,  der  Kauf,  I,  406. 


410  LA  GARANTIE   D  EVICTION 

comme  fondée  —  après  que  le  juge  a  vainement  prescrit  la  sti- 
pulation ,  si  on  admet  que  la  formule  l'invitait  à  le  faire  —  le 
juge  prescrit  la  redhibitio,  ordonne  au  vendeur  de  rendre  le 
prix  et  ses  accessoires,  ou  de  libérer  ceux  qui  en  sont  débiteur 
contre  la  restitution  de  la  chose  offerte  par  l'acheteur.  Puis 
de  deux  choses  Tune  :  ou  le  vendeur  refuse  de  s'exécuter,  et 
alors  il  est  condamné  au  double  du  prix  et  de  ses  accessoires, 
ou  il  s'exécute ,  et  alors ,  suivant  une  solution  qui  a  été  con- 
testée, mais  qui  ne  me  paraît  pas  douteuse,  il  est  condamné 
au  simple.  On  peut  lire  la  fin  du  texte  comme  on  voudra  :  ou 
bien  y  supprimer  les  deux  derniers  mots  avec  d'anciens  au- 
teurs ,  ou  y  lire  avec  d'autres  jubetur  au  lieu  de  videtur,  ou 
accepter  le  suspect  videtur  de  la  Florentine  ;  elle  signifie  qu'il 
y  a  condamnation  au  simple ,  et  non  pas ,  suivant  une  inter- 
prétation dont  les  partisans  mêmes  reconnaissent  l'étrangeté, 
qu'il  semble  être  condamné  au  simple  parce  qu'il  a  été  dans 
la  nécessité  de  rendre  le  prix.  Ce  simple  qu'il  doit  payer  à 
côté  du  prix  en  cas  d'inexécution ,  après  le  prix  en  cas  d'exé- 
cution ,  est  la  peine  qu'il  subit  pour  s'être  mis  dans  le  cas 
d'être  poursuivi  par  l'action  rédhibitoire  (1). 

Maintenant,  quelle  pensée  conduisit  les  édiles  à  donner 
cette  action  pendant  deux  mois,  l'autre  pendant  six,  à  l'a- 
cheteur d'esclaves  qui  n'avait  pas  obtenu  la  promesse  du 
double? 

On  pourrait  croire  que  la  réponse  va  de  soi  et  que  le  but 
des  édiles  a  été  tout  simplement  d'assurer  à  la  vente  son 
plein  et  équitable  effet,  en  imposant  au  vendeur  une  obliga- 
tion conforme  aux  usages  du  commerce.  C'est  une  explication 
qui  n'a  rien  de  choquant  pour  nos  habitudes  d'esprit  et  qui, 
probablement,  eût  même  pu  satisfaire  un  jurisconsulte  de  l'é- 
poque classique  accoutumé  aux  règles  sur  les  clauses  de  style 
et  sur  les  pactes  adjoints  aux  contrats  de  bonne  foi.  Mais  il 
est  bien  douteux  qu'elle  soit  conforme  à  la  vérité  historique. 

Il  y  a  une  hypothèse  qui  cadre  singulièrement  mieux  tant 
avec  les  vraisemblances  générales  qu'avec  les  particularités 
de  l'édit.  C'est  la  théorie  qui  voit  dans  les  diverses  règles 
établies  par  les  édiles  en  matière  de  vente ,  non  pas  les  pres- 

(1)  V.  en  ce  sens,  Lenel,  Edictumperpetuum,  pp.  437  et  439,  et  surtout  les 
développements  de  M.  Hanausek,  Haftung  des  Verkàufers,  I,  pp.  23  et  88. 


DANS   LA  VENTE   CONSENSUELLE.  41  i 

criptions  de  magistrats  soucieux  d'arriver  à  la  meilleure  in- 
terprétation des  conventions  privées,  mais  celles  d'officiers 
de  police  exclusivement  préoccupés  de  réprimer  les  fraudes 
des  marchands  placés  sous  leur  surveillance  (1). 

Les  édiles  curules  étaient,  avant  tout,  des  officiers  de  po- 
lice. Leurs  grandes  fonctions  étaient,  avec  l'organisation  des 
jeux,  la  police  de  la  voie  publique  et  celle  des  halles  et  mar- 
chés (2).  Ils  avaient  la  police  de  la  voie  publique.  C'est  pour 
cela  que,  comme  montre  la  1.  13  D.  De  peric.  et  commod. 
rei  venditœ,  18,  6,  ils  faisaient  détruire  les  objets  encombrants 
laissés  sur  la  rue.  C'est  pour  cela  que,  dans  leur  édit,  ils  don- 
naient une  action  pénale  contre  ceux  qui  occasionnaient  quel- 
que dommage  en  tenant  des  animaux  dangereux  à  proximité 
des  lieux  de  passage.  Ils  avaient  la  police  des  marchés  pu- 
blics. C'est  pour  cela  qu'ils  pourvoyaient  aux  arrivages  de 
subsistances ,  qu'ils  saisissaient  les  marchandises  dont  la 
vente  était  prohibée ,  qu'ils  vérifiaient  la  sincérité  des  poids 
et  mesures.  C'est  exactement  pour  le  même  motif  qu'ils  pre- 
naient des  dispositions  contre  les  marchands  qui ,  sans  avoir 
fait  de  déclarations  formelles ,  prétendaient  éviter  la  respon- 
sabilité des  vices  dans  toutes  les  ventes ,  celle  de  l'éviction 
dans  les  ventes  d'esclaves.  Là  encore,  leurs  habitudes  pro- 
fessionnelles leur  faisaient  voir  des  fraudes  à  punir  et  non  pas 
des  contrats  à  interpréter.  Assurément,  l'édit  profite  à  l'a- 
cheteur, mais  son  but  est  de  punir  le  vendeur.  Il  n'y  a  là , 
a-t-on  dit  justement ,  qu'une  conséquence  naturelle  et  forcée 
du  système  des  délits  privés  où  le  soin  d'agir  est  confié  à  la 
victime.  Il  n'y  a  là ,  pourrait-on  dire  d'une  façon  plus  large , 

(1)  Cette  conception  n'est  que  la  conséquence  du  systôme  exposé  par 
M.  de  Ihering,  Zweck  im  Recht,  1,  1877,  p.  493,  d'après  lequel  les  attributions 
des  édiles  ont  pour  trait  commun  de  leur  être  conférées  dans  l'intérêt  public, 
et  non  pas  dans  celui  des  particuliers.  Le  caractère  pénal  des  actions  édili- 
tiennes  en  résulte  nécessairement.  Il  a  surtout  été  indiqué  par  M.  Wlassack, 
Negotiorum  gestio ,  p.  175.  V.  aussi  Huschke,  Nexum,  p.  212  ;  Pernice,  Labeo, 
II,  p.  248;  Hanausek,  Haftung  des  Verkaûfers,  p.  24,  note  19. 

(2)  On  trouvera  sur  le  détail  des  fonctions  des  édiles  curules ,  tous  les  ren- 
seignements désirables  dans  les  différents  dictionnaires  ou  manuels  d'anti- 
quités romaines,  particulièrement  dans  le  Rômisches  Staatsrecht  de  M.  Momm- 
sen,  II,  1,  pp.  462  et  ss.,  et  dans  l'article  ASdiles  de  M.  Humbert,  Diction- 
naire des  antiquités  grecques  et  romaines  de  Daremberg  et  Saglio. 


412  LA  GARANTIE  D  EVICTION 

qu'un  aspect  particulier  de  l'inévitable  connexité  qui  existera 
toujours ,  pour  le  trafic  en  plein  vent  des  marchés  publics 
avant  tout,  entre  la  répression  de  la  fraude  et  l'appréciation 
des  actes. 

Sans  doute,  plus  tard,  quand  l'expérience  eut  montré  les 
avantages  pratiques  présentés  pour  l'exécution  loyale  des  con- 
trats par  le  système  de  l'édit  des  édiles,  lorsque,  par  suite, 
on  le  fit  passer  de  cette  ordonnance  spéciale  dans  le  droit  com- 
mun de  la  vente ,  un  nouveau  point  de  vue  se  fit  jour.  L'idée 
ancienne  fut  obscurcie ,  ces  conséquences  les  plus  saillantes 
eu  furent  effacées ,  mais  elle  a  pourtant  laissé  sa  trace  dans 
les  textes.  Ulpien  ne  l'indique  pas  seulement  à  côté  de  la  nou- 
velle quand  il  dit  dans  la  loi  1  §  2  D.  h.  t.  21. 1,  que  l'édit 
a  été  fait  «  ut  occurratur  fallaciis  vendentium  et  emptoribus 
succurratur;  »  il  reconnaît  en  termes  exprès,  dans  un  texte  très 
frappant,  le  caractère  pénal  des  actions  édilitiennes  :  «  Pœnales 
esse  videntur,  »  dit-il  dans  la  loi  23  §  4  D.  h.  t.  21.  1  (1). 

Le  moyen  de  faire  ce  caractère  pénal  ressortir  dans  toute 
sa  pureté ,  c'est  de  ramener  les  choses  à  leur  simplicité  primi- 
tive en  les  dégageant  des  additions  ultérieures  ;  c'est  de  rap- 
peler que  l'action  rédhibitoire  paraît  la  plus  ancienne  des  ac- 
tions établies  par  les  édiles ,  qu'il  est  probable  qu'elle  a  été 
donnée  faute  de  stipulation  pendant  deux  mois  à  une  époque 
chronologique  où  elle  n'était  pas  encore  donnée  à  raison  de 
la  révélation  des  vices  pendant  dix ,  et  enfin  qu'il  n'est  pas 
prouvé  que  l'acheteur  y  pût,  anciennement  surtout  (2),  éviter 
l'ordre  de  rédhibition  en  faisant  la  promesse  au  cours  du  pro- 

(1)  C'est  encore  à  raison  de  son  caractère  pénal,  dit  M.  Wlassack,  que  l'ac- 
tion rédhibitoire  ne  tend  pas  seulement  à  la  résiliation  de  la  vente,  mais  à 
l'application  d'une  amende  véritable ,  de  l'amende  du  double  si  la  redhibUio 
s'exécute  et  du  simple  si  elle  ne  s'exécute  pas  (1.  45,  D.  h.  t.  21.  1);  que 
Ton  admet  cette  solution  incompréhensible  au  point  de  vue  contractuel  d'a- 
près laquelle  l'acheteur  évincé  peut  agir  à  raison  des  vices  qui  ne  lui  ont  pas 
causé  de  préjudice  (1.  44  §  2  D.  h.  t.  21.  1);  que  l'on  admet  cette  autre  so- 
lution plus  contraire  encore  aux  principes  généraux  des  contrats  d'après  la- 
quelle le  recours  pour  les  vices  est  possible  malgré  la  mort  de  l'esclave  ou 
de  l'animal  (lois  47  §  1,  48  pr.,  et  38  §  3  D.  h.  t.  21.  1). 

(2)  Dans  le  droit  relativement  récent,  le  défendeur  aurait  toujours  pu,  au 
moins  d'après  l'opinion  sabinienne,  invoquer  la  règle  Omnia  judicia  sunt  abto- 
lutoria  (Gaïus,  Inst.  IV,  114)  pour  faire  utilement  la  promesse  au  cours  du 
procès. 


#  ^^CONSENSUELLE.  413 

>.        ^^  freinte,  le  rôle  des  édiles 

**•%  •     %*^  jre-  ^eur  prétention  n'est 

^^^  y%^,     ^^  /ibutions  des  magistrats  ot- 

S/^ty  ^^^^tL  ij  ats-  Si  le  contrat  verbal  qu'ils 

v4fr    ^^y^ùjâ^t^  Qt  Pas  eux  ^  Interprètent, 

s/s»  ^^  ^%  **4fc  *  e3,  ^es*  8eu^ement  8 ^  na  P** 

-'ûto/       ftj    ^4*^*  Par  v0*e  ^e  délivrance  d'actions 

y&f, 4'  *o/fc.  ^  Us  de  répression.  Ils  ne  tranchent 

*'(%//     ''^foo^^ju  punissent  des  marchands  infidèles, 

%  ^i/jL^^d^  *  détenteurs  de  faux  poids,  comme  ils 

?•       9ty.  /h  *4b»  -aires  négligents  d'animaux  dangereux. 

z^9^  ~   **fa»  *  L  D<m  Pas  question  de  droit.  S'ils  se  sont 

-  ^$fo^ /*^V  avoir  fait  du  droit,  c'est  sans  l'avoir  voulu. 
^"&  -^ftfr  terminer  sur  cette  conception  du  rôle  des 
V  ^       4fc.                      »  qu'elle  s'accorde  au  moins  aussi  bien  que  tout 

-  ^'fityC  règles  spéciales  établies  pour  la  stipulatio  du- 
r<Zqp                      clatio  duplée  n'est  imposée  qu'aux  vendeurs  d'es- 

%^_  x  autres  vendeurs,  même  de  choses  mancipi,  on 

jf  a  de  promettre  que  l'absence  des  vices.  Pourquoi 

f  stinction?  C'est  que  la  peine  portée  contre  les  mar~ 

s  d'esclaves  qui  ne  font  pas  la  promesse  du  double  est 
ii Le  d'une  défiance  qu'on  n'éprouve  que  contre  eux.  On  ne 
porte  pas  contre  les  éleveurs  d'Italie  qui  viennent  vendre 
eurs  bestiaux  sur  le  marché  de  Rome  :  c'est,  trouve-t-on, 
assez  de  leur  imposer  la  déclaration  des  vices  ;  quant  à  l'évic- 
tion, ils  feront  le  plus  ordinairement,  pour  les  choses  man- 
cqri,  une  mancipation  qui  les  soumettra  à  l'action  auctoritatis, 
et,  s'il  n'y  a  pas  de  mancipation,  on  laisse  aux  acheteurs  le 
soin  de  savoir  quelles  précautions  ils  doivent  prendre.  Au  con- 
traire, les  marchands  d'esclaves  sont  des  personnages  d'une 
moralité  trop  équivoque  pour  qu'il  y  ait  un  fonds  à  faire  sur 
leur  probité  commerciale  (1);  leur  nationalité  est  toujours  trop 
incertaine  (2)  pour  que  l'on  soit  jamais  sûr  d'en  recevoir  une 
mancipation  valable  et,  par  suite,  d'avoir,  le  cas  échéant, 

(1)  «  Id  genus  hominum  ad  lucrum  vel  tarpiter  faciendum  promus  est ,  » 
dit  Paul  (1.  44,  §  2  D.  h.  t.  21.  4)  pour  justifier  une  autre  mesure  d'exception 
prise  par  les  édiles  contre  les  marchands  d'esclaves. 

(2)  Voir  Wallon,  De  Vetclavage  dans  l'anliquité ,  1847,  II,  p.  51;  Bechmann, 
ierKauf,  I,  p.  398,  note  3.  Comp.  Kuntze,  Excurie,  p.  234. 


414  LA  GARANTIS   D  EVICTION 

l'action  auctoritatis.  On  les  astreint  à  procéder  à  la  stipulatio 
duplœ  qui ,  l'éviction  survenant,  les  mettra  à  peu  près  dans  la 
situation  qu'eût  produit  une  mancipation  légale.  C'est  un  ar- 
rêté de  police  relatif  à  des  trafiquants  suspects.  On  ne  peut 
que  le  répéter  :  les  édiles,  en  voulant  faire  de  la  police,  se 
sont  trouvé  avoir  fait  du  droit;  mais  partout,  ici  comme  ail- 
leurs ,  c'est  de  la  police  et  non  pas  du  droit  qu'ils  ont  voulu 
faire.  Cette  explication  prosaïque  a  pour  elle  des  textes,  elle 
rend  compte  de  tous  les  faits ,  elle  a  le  mérite  capital  de  lais- 
ser les  surveillants  des  marchés  dans  leur  sphère  d'idées  et 
d'occupations  normale.  Je  la  préfère  à  toutes  celles  qui  les  en 
feraient  plus  ou  moins  brusquement  sortir  pour  fonder  une 
juridiction  rivale  en  face  de  la  juridiction  régulière,  créer 
tout  à  coup  un  droit  nouveau  à  côté  du  droit  commun,  et  don- 
ner aux  tribunaux  ordinaires  des  leçons  dans  l'art  d'entendre 
les  arrangements  privés. 

Ce  point  de  vue  a  son  importance  pour  la  dernière  difficulté 
que  présentent  nos  dispositions  :  pour  la  détermination  de  leur 
date.  Il  permet  de  les  concevoir  en  dehors  de  toute  idée  de 
contrat  de  bonne  foi ,  de  contrat  consensuel  même.  Comme 
l'obligation  de  manciper,  peut-être  plus  qu'elle  encore ,  l'obli- 
gation de  promettre  le  double  imposée  par  les  édiles  aux  ven- 
deurs d'esclaves,  peut  remonter  jusqu'au  delà  des  origines  de 
la  vente  consensuelle.  L'édit  punit  des  marchands  qui  n'ont 
pas  voulu  faire  à  leurs  acheteurs  une  promesse  qu'il  prescrit. 
Il  n'a  pas  eu  besoin  pour  cela  d'attendre  que  le  droit  civil  re- 
connût le  caractère  de  bonne  foi  des  actions  qui  appartiennent 
à  l'acheteur  et  au  vendeur,  que  le  droit  civil  reconnût  même 
ces  actions.  Son  existence  est  rationnellement  intelligible  à 
partir  du  premier  jour  où  des  marchands  d'esclaves  ont  con- 
duit leur  bétail  humain  sur  le  Forum  Boarium. 

Mais ,  si  nous  cherchons  dans  les  textes  des  indications  po- 
sitives, nous  n'en  rencontrons  que  de  récentes.  On  a  cru  trou- 
ver dans  Plaute  (1)  la  preuve  que  l'édit  sur  les  ventes  d'es- 

(i)  Miles  gloriotu$ ,  Ul ,  m  : 

Sicut  merci  pretium  statuit  quist  pro bus  agoranomus  : 
Quœ  probast  aut  luculenta  pro  virtute  ut  veneat, 
Que  improbast ,  pro  mercis  vitio  dominium  pauperet. 

Kudent,  11,379  : 


DANS  LA  VENTE  CONSENSUELLE.         415 

claves  était  déjà  promulgué  de  son  temps  (1),  et,  s'il  en  était 
ainsi ,  il  serait  à  croire  que  la  disposition  concernant  la  pro- 
messe du  double  y  était  déjà  contenue.  Par  malheur,  rien  n'est 
moins  certain  :  les  passages  cités  peuvent ,  comme  bien  d'au- 
tres du  même  auteur,  ne  contenir  qu'une  réminiscence  du 
droit  grec  (2),  et  quand  il  s'y  agirait  de  droit  romain,  il  ne 
serait  pas  sûr  qu'ils  parlent  plutôt  de  nos  actions  que  de  telle 
ou  telle  autre  mesure  de  police  prise  par  les  édiles  (3).  Le  pre- 
mier témoignage  incontestable ,  et  d'ailleurs  uniquement  rela- 
tif au  chef  de  la  stipulation  qui  concerne  les  vices,  nous  est 
fourni  par  Cicéron  (4).  Mais,  avec  Cicéron ,  nous  sommes  à  la 
fin  de  la  République,  en  pleine  procédure  formulaire,  en  plein 
régime  de  la  vente  consensuelle. 


III. 


Le  droit  pour  l'acheteur  de  choses  mancipi  d'exiger  la 
mancipation  dans  la  vente  consensuelle  ordinaire,  celui  pour 
l'acheteur  d'esclaves  d'exiger  la  promesse  du  double  dans  les 
ventes  régies  par  l'édit  des  édiles  présentent  l'un  et  l'autre 
ce  double  caractère  d'être  des  avantages  restreints  à  une 
catégorie  limitée  d'opérations,  mais  en  revanche  d'être  admis 

Quamvis  fastidiosus 
iEdilis  est  si  qu»  improba  sunt  mercis  jactat  ornais. 

Coptivi,  IV,  818  : 

Edicliones  hic  qtiidem  œdilicias  habet  ; 

Mirumque  adeost,  ni  hune  fecere  sibi  iEtoli  agoranomum. 

V.  Mostellaria,  lit,  784,  785. 

(t)  V.  Accarias,  PrécU,  II,  p.  466,  note  1,  et  847,  note  2;  Dernburg,  Fest- 
gaben  fur  Heffter,  1873,  p.  130;  Voigt,  Jut  naturale,  III,  p.  853;  IV,  p.  536; 
Wlassack,  Negotiorum  gestio ,  $.  174,  note  35. 

(2)  Voir  Mommsen ,  Staaltrecht,  II,  1,  p.  489,  note  3. 

(3)  V.  Bechmann,  der  Kauf,  I,  p.  396;  Kuntze,  Excurse,  p.  555,  note  7; 
Hanausek,  Haftung  des  Ferkàufers,  I,  p.  20,  note  7. 

(4)  De  officiit,  III,  17,  71.  Nec  vero  in  prsdiis  solùrn  jus  civile  ductum  a 
natorft  malitiam  fraudemque  vindicat ,  sed  etiam  in  mancipiorum  venditione 
fraus  venditoris  omnis  ezeluditur.  Qui  enim  scire  debuit  de  sanitate,  de  fugfi , 
de  fortis  prœstat  edicto  œdilium. 


420  LA.  GARANTIS  D  EVICTION 

tioos,  et  M.  Lenel  lui-môme  en  admet  (1).  L'objection  porte 
encore  bien  moins  si  Ton  remarque  que,  pour  avoir  été  réunis 
dans  Tédit  perpétuel,  l'édit  des  édiles  et  celui  du  préteur  n'en 
paraissent  pas  moins  avoir  gardé  leur  individualité  distincte, 
qu'ils  ont,  dans  une  certaine  mesure,  continué  d'établir  des 
moyens  différents ,  et  que  les  deux  catégories  de  magis- 
trats semblent  avoir  conservé  leurs  compétences  respec- 
tives (2). 

Le  second  argument  est  visiblement  celui  qui  a  déterminé 
M.  Lenel,  et  il  paraît  plus  sérieux.  On  peut  croire,  au  premier 
abord,  que  la  1.  5  D.  de  V.  0.,  implique  que  Tédit  des  édiles 
contient  seul  la  stipulation  du  double,  et  que  Tédit  du  préteur 
ne  la  contient  pas.  Mais  ce  n'est  qu'une  apparence.  Le  texte 
de  Pomponius  implique  bien  qu'il  y  a,  relativement  à  la  $U- 
pulatio  duplœ,  quelque  chose  qui  se  trouve  dans  Tédit  des 
édiles ,  et  qui  ne  se  trouve  pas  dans  celui  du  préteur.  Mais  ce 
n'est  pas  la  formule  de  la  stipulation ,  c'est  Tordre  de  la  faire. 
Pomponius  ne  dit  pas  où  la  stipulation  est  inscrite,  il  dit  d'où 
elle  vient.  La  stipulation  du  double  vient ,  ditil ,  soit  de  Tédit 
des  édiles ,  soit  de  l'autorité  du  judex.  Elle  est  prescrite  par 
Tédit  des  édiles  ou  par  le  juge.  Et  c'est,  en  effet,  la  différence. 
L'édit  des  édiles  ordonne  l'accomplissement  de  la  stipulation 
et  il  en  donne  la  formule.  L'édit  du  préteur  en  donne  la  for- 
mule ,  mais  il  n'en  ordonne  pas  l'accomplissement.  Il  ne  peut 
pas  l'ordonner;  car  l'action  qui  naît  de  la  vente  prescrit  seu- 
lement au  juge  de  voir  ce  qui  doit  être  accompli  d'après  la 
bonne  foi  :  Quidguid  ex  bond  fide  dore  facere  oportet.  C'est  le 
juge  qui  verra  si  la  bonne  foi  requiert  l'accomplissement  de 
la  stipulatio  duplœ.  Et  alors  elle  sera  faite,  non  pas  sur  Tordre 
du  magistrat,  mais  en  vertu  des  principes  du  droit.  Voilà 
pourquoi,  tandis  que  la  1.  37  D.  h.  t.  21.  2,  dit  qu'en  vertu 
de  Tédit  des  édiles,  le  vendeur  d'esclaves  «  cavere  jubetur  » 
elle  dit  des  ventes  civiles  que  «  emptori  duplam  a  venditore 
promitti  oportet.  Et  voilà  pourquoi  Pomponius  dit  très  exacte- 
ment qu'elle  vient  ab  judice  aut  ab  œdilium  edicto. 

Cela  ne  prouve  rien  contre  l'existence  dans  Tédit  du  pré- 

(1)  Voir,  par  exemple ,  pour  les  vols  commis  par  les  familix  publicanorun, 
Edictum  perpetuum ,  p.  208  et  p.  311,  note  13. 

(2)  Voir  notamment  Mommsen ,  StaaUreckt,  II,  p.  490,  note  2. 


DANS   LÀ  VENTE   CONSENSUELLE.  421 

leur  d'une  formule  de  stipulatio  àuplœ*  mise  à  »la  disposition 
du  juge  qui  voudra  prescrire  au  vendeur  de  s'obliger,  mise 
au&i  à  la  disposition  du  vendeur  qui  voudra  sans  procès  la 
fournir  d'une  façon  régulière.  Et,  en  admettant  avec  M.  Lenel 
que  les  textes  des  livres  80  d'Ulpien ,  76  de  Paul  et  57  de 
Julien ,  se  soient  dans  leur  forme  primitive  rapportés  à  Yactio 
-mctoritatis  >  rien  n'autorise  à  rapporter  ceux  des  livres  81„  77 
<ët  S8,  c'est-à-dire  les  lois  52,  53,  40,  48  D.  h.  t.  21.  S,  à  la 
mtisdatio  secunâkmmancipium.  Aucun  des  quatre. ne  s'entend 
tôneur  de  lasatôftfafto  secundim  maucipium  que  delà  stipulatio 
duplas;  car  il  n'y  a  rien  d'étrange  à  ce  que,  dans  la  1.  40,  une 
■stipulatio  dupte  soit  garantie  par  des  fidéjusseurs  —  les  tryp- 
-tiquesde  Transylvanie  contiennent  des  stipulations  du  double, 
M. <Lenel  ne  le  conteste  pas,  et  cependant  il  y  en  a  une  où 
•rengagement  du  vendeur  est  garanti  par  un  fidçjusseur.  —  Au 
contraire ,  il  y  a  un  des  textes ,  la  1.  53  de  Paul  dont  les  solu- 
tions se  rapportent  beaucoup  mieux  à  la  stipulatio  dupte  qu'à 
>\s.  satisdatio  secundùm  maucipium.  En  effet,  Paul  y  considère 
la  dénonciation  du  trouble  faite  par  l'acheteur  au  vendeur, 
non  pas  comme  un  préliminaire  de  l'action ,  ce  qui  serait  le 
cas  de  Yactio  auctoritatis  et  de  la  satisdaUo  secundim  mancir 
pium,  mais  comme  une  obligation  imposée  à  l'acheteur,  ce 
qui  est  le  cas  de  la  stipulatio  duplœ.  Il  est  vrai  que  M.  •  Lenel 
admet  qu'il  n'y  a  aucun  motif  de  supposer  que  la  satisdaUo 
secundùm  mancipiutn  concordât  absolument  avec  Yactio  aueto- 
titaHs  dans  ses  conditions  d'existence.  Mais  il  me  semble  qu'il 
y  en  a  encore  bien  moins  de  penser  que  la  copie  ait  différé.du 
modèle  dans  son  trait  le  plus  original. 

Enfin,  quand  les  textes  nous  disent  et  nous  répètent  que  le 
vendeur  est,  sauf  clause  contraire ,  obligé  à  fournir  une  pro- 
messe simple  et  non  pas  une  promesse  garantie  par  des  cau- 
tions (1),  il  est  bien  hardi  de  prétendre  que  la  formule  sou- 
'  taise  par  l'édit  du  préteur  aux  juges  et  aux  parties  fût  celle 
dans  laquelle  on  ne  doit  promettre  que  sur  convention  spé- 
ciale ,  une  satisdatio ,  au  lieu  d'être  celle  dans  laquelle  on  doit 
promettre  sauf  convention  spéciale,  une  repromissio  nuda. 
C'est  la  stipulatio  duplx  dont  l'édit  du  préteur  donne  la  for- 
Ci)  Papioien,  1.  4  pr.  D.  h.  t.  21.  2.  Ulpien,  1.  37  pr.  D.  h.  t.  21.  2.  Paul, 
1.  56  pr.  D.  h.  t.  21.  2. 

Rivui  BiST.  —  Tome  VIII.  28 


422  LA   GARANTIE  D  EVICTION 

mule  et  dont  l'on  pourra  dans  certains  cas  demander  l'accom- 
plissement par  l'action  ernpti  (1). 

11  faut  maintenant  chercher  dans  quels  cas  Ton  pouvait  ré- 
clamer l'une  ou  l'autre  promesse,  quelle  était  la  sanction  de 
l'obligation  du  vendeur  et  à  quelle  époque  cette  obligation  fut 
reconnue. 

Pour  déterminer  les  cas  où  l'une  ou  l'autre  promesse  pourra 
être  exigée ,  il  suffit  de  fixer  ceux  où  l'on  peut  demander  la 
stipulatio  duplx.  Dans  tous  les  autres ,  on  aura  droit  à  la  sti- 
pulation habere  licere.  Or,  le  domaine  de  la  stipulatio  duplœ 
est  restreint  à  plusieurs  points  de  vue.  Non-seulement  la  com- 
pilation de  Justinien  nous  apprend  qu'elle  ne  peut  être  de- 
mandée que  dans  les  pays  où  elle  est  adoptée  par  l'usage  — 
Gaïus,  1.  6  D.  h.  t.  21.  2  —  et  que  dans  les  ventes  volon- 
taires :  —  «  Hi  enim  demum  ad  duplae  cautionem  compellun- 
tur  qui  sponte  sua  distrahunt,  »  dit  Ulpien,  1.  49  D.  Fam. 
ercisc,  10.  2.  —  Mais  elle  n'est,  même  dans  ces  pays  et  dans 
ces  ventes,  exigible  que  pour  les  choses  précieuses;  c'est  ce 
que  décide  le  même  Ulpien  dans  la  1.  37  §  1  D.  h.  t.  21.  2  : 

«  Quod  autem  diximus  duplam  promitti  oportere  sic  erit 
accipiendum  ut  non  ex  omni  re  id  accipiamus ,  sed  de  his 
rébus ,  quae  pretiosiores  essent ,  si  margarita,  forte  aut  orna- 
menta  pretiosa  vel  vestis  Serica  vel  quid  aliud  non  contemp- 
tibile  veneat.  Per  edictum  autem  ssdilium  curulium  etiam  de 
servo  cavere  venditor  jubetur.  » 

Cependant,  tout  limité  qu'il  soit,  le  domaine  de  la  stipulatio 
duplœ  a  déjà  reçu  là  des  extensions  étrangères  au  but  primitif 
de  l'institution;  s'il  est  vrai,  comme  indiquent  toutes  les 
vraisemblances ,  que  la  stipulatio  duplœ  ait  d'abord  été  desti- 
née à  remplacer,  quant  à  la  garantie ,  la  mancipation  pour  les 
choses  mancipi,  elle  dut  d'abord  être  restreinte  aux  choses 

(1)  Il  me  paraît  donc  tout  à  fait  superflu  d'aller  comme  on  Ta  fait  parfois 
(Démangeât,  Cours  de  droit  romain,  1867,  II,  p.  255,  note  2),  chercher  l'hy- 
pothèse de  la  1.  5  D.  De  V.  0.  45.  1,  dans  la  loi  24  §  1  D.  DeNox.  act.,  9. 4. 
L'hypothèse  où  la  stipulatio  duplx  venit  ab  judice,  n'est  pas  une  hypothèse 
exceptionnelle  et  problématique,  mais  l'hypothèse  simple  et  normale  où  l'a- 
cheteur intente  Yactio  empti  pour  la  demander.  Je  remarque  même  que  notre 
solution  ne  serait  que  plus  naturelle,  si  l'on  décidait  avec  M.  Accarias,  Pré~ 
eit,  II,  p.  1140,  que  les  actions  de  bonne  foi  deviennent  arbitraires  quand 
elles  tendent  à  obtenir  une  promesse. 


DANS  LA  VENTE  CONSENSUELLE.         423 

mancipi,  et  parmi  ces  choses,  à  celles  qui  n'étaient  pas  man- 
cipées.  Or,  la  loi  37  §  1,  semble  bien  prouver  que,  dès  l'époque 
d'Ulpien,  elle  était  appliquée  aux  choses  précieuses  même 
nec  mancipi,  et,  si  l'on  admettait  qu'elle  n'a  pas  été  remaniée, 
elle  prouverait  que  dès  la  même  époque  elle  s'appliquait  aux 
choses  mancipi  qui  étaient  mancipées. 

La  première  extension  paraît  faite  dès  l'époque  d'Ulpien  et 
s'explique  assez  bien  :  la  pensée  de  la  sûreté  a  été  provoquée 
par  le  bénéfice  spécial  dont  jouissaient  certaines  choses ,  et  la 
sûreté  n'a  d'abord  été  appliquée  qu'à  ces  choses  ;  mais  plus 
tard,  lorsque,  à  côté  de  ces  choses  qui  jadis  étaient  les  plus 
précieuses,  il  s'en  est  trouvé  d'autres  aussi  précieuses,  on  a 
pu  naturellement  être  porté  à  étendre  le  bénéfice  à  celles-ci. 
C'est  ainsi  que  dans  notre  ancienne  législation  française ,  cer- 
taines règles  spéciales  ayant  été  faites  pour  protéger  la  pro- 
priété des  immeubles,  on  fit  ensuite  rentrer  fictivement  cer- 
tains biens  aussi  importants  dans  la  classe  des  immeubles 
pour  leur  étendre  la  protection.  A  Rome ,  le  droit  d'exiger  la 
stipulatio  duplœ  résultant  de  l'usage,  il  suffit  de  l'usage  pour 
accomplir  le  changement. 

La  seconde  extension  ne  serait  pas  beaucoup  plus  difficile  à 
expliquer.  On  la  justifierait  par  les  avantages  que  présente 
sur  l'action  née  de  la  mancipation,  \à  stipulatio  duplœ  qui  non. 
seulement  garantit  contre  les  vices  —  pour  cela  la  stipulatio 
habere  licere  suffisait  —  mais  surtout  est  de  maniement  plus 
facile,  moins  exposée  aux  vices  de  formes.  Seulement  il  n'est 
pas  sûr  que ,  dès  le  temps  où  écrivait  Ulpien ,  la  stipulatio 
duplœ  pût,  en  dépit  de  la  mancipation,  être  réclamée  par 
Yactio  empti  pour  les  choses  mancipi. 

Le  texte  d'Ulpien  ne  distingue  pas.  Mais  cela  ne  prouve 
absolument  rien  ;  car  il  est  impossible  qu'il  distingue  ;  en  effet, 
dans  la  législation  de  Justinien  à  travers  laquelle  il  nous  est 
parvenu ,  la  division  des  choses  mancipi  et  nec  mancipi  est 
disparue,  la  mancipation  elle-même  n'existe  plus.  Il  ne  se 
peut  donc  pas  que,  dans  les  recueils  de  Justinien,  un  texte 
nous  dise  qu'il  faut  distinguer  selon  qu'il  y  a  mancipation  ou 
non,  selon  qu'il  s'agit  de  choses  mancipi  ou  nec  mancipi. 
Qu'il  distinguât  ou  non  dans  sa  forme  primitive,  le  texte  n'a 
pu  nous  arriver  que  sans  distinction.  Tout  ce  qu'on  peut  es- 


424  LA  GARANTIE  ^'ÉVICTION 

pérer,  c'est  d'entrevoir  cîâbs  sa  rédaction  présente  quëtifùe 
indice  ou  qu'il  est  intact ,  ou  qu'il  est  mutilé  ;  or,  il  y  a  dès 
traces  de  mutilation.    .  . 

Il  y  en  a  deux.  D'aJbbrd  Ulpien  n'indique  dans  sa  liste  3e 
choses  'précieuses  que  des  choses  nec  mancipi,  il  ne  cite  pas 
une  de  ces  choses  mancipi  qui  constituent  le  fonds  des  for- 
tunes ,  il  ne  dit  par  exemple  rien  des  immeubles.  Ensuite  la 
construction  de  la  phrase  finale  est  bizarre  :  le  jurisconsulte 
ne  dit  pas  que  «  de  servo  etiam  per  edictum  œdilium  cavere 
jubetur,  »  ce  qui  signifierait  qu'il  y  a  une  nouvelle  législation, 
celle  des  édiles ,  en  vertu  de  laquelle  on  doit  encore  faire  la 
promesse  exigée  déjà  par  la  législation  civile,  il  dit  que  «  per 
edictum  aedilium  etiam  de  servo  cavere  jubetur,  »  ce  qui,  dans 
son  sens  naturel,  implique  qu'il  y  a  une  nouvelle  chose  à 
raison  de  laquelle  on  doit  la  faire ,  alors  que  cependant  les 
esclaves  sont  assurément  des  choses  précieuses  qui  seraient 
comprises  dans  la  première  phrase  (1). 

Les  deux  singularités  s'expliquent  parfaitement  par  la  con- 
jecture qu'Ulpien  disait  au  début  du  texte  qu'il  fallait  promettre 
si  on  ne  mancipait  pas,  par  l'idée  que,  par  exemple,  après  avoir 
indiqué  cette  distinction  au  proœmium ,  il  disait  au  début  du 
§  1  :  «  Quod  autem  diximus ,  si  mancipio  non  datur,  duplam 
promitti  oportere  »  ou  quelque  chose  d'analogue.  On  com- 
prendrait alors  très  bienl  qu'il  ne  citât  comme  exemples  de 
l'obligation  de  promettre  le  double  que  les  choses  nec  mancipi, 
—  car  ordinairement  celles  mancipi  seront  mancipées  —  et  on 
ne  comprendrait  pas  moins  bien  qu'il  dit  que,  pour  l'esclave 
pour  lequel  on  doit  déjà  <  promittere  duplam  si  mancipio  non 
datur,  »  on  doit  en  outre  —  etiam  tout  court  ou  mieux  etiam 
si  mancipio  datur,  —  faire  sans  distinction  la  promesse  du 
double  en  vertu  de  l'édit  des  édiles.  Il  n'est  donc  pas  établi 
qu'Ulpien  admit  déjà  l'obligation  de  promettre  le  double 
comme  pesant  sur  le  vendeur  quand  la  mancipation  fait  naître 
Yactio  auctoritatis. 


(1)  La  première  singularité  de  notre  texte  a  été  relevée  il  y  a  plus  de  qua- 
rante ans ,  par  M.  Mommsen ,  dans  sa  DUtertaHo  inauguraUs  ad  legem  de 
tcribù,  et  de  auctoritate,  4843,  p.  17.  La  seconde  est  signalée  dans  son  Ma- 
nuel de  Pandectes,  II,  p.  735,  note  16,  par  M.  de  Brini,  dont  le  témoignage 
est  d'autant  pins  frappant  qu'il  ne  se  pose  pas  la  question  d'interpolation. 


DANS  LA  VENTE  CONSENSUELLE.         425 

Au  reste ,  je  n'entends  pas  soutenir  pour  cela  que  la  stipu- 
latio duplx  n'ait  pas  fini  par  concourir  avec  la  mancipation. 
Il  est  très  possible  qu'on  ait,  avant  la  disparition  de  lia  man- 
cipation, pris  l'habitude  de  lui  joindre  régulièrement  une  sti- 
pulation du  double  et  que  précisément  cet  usage,  en  enlevant 
partout  son  utilité  dernière  à  l'ancien  mode  d'aliéDation  for- 
mel ,  ait  encor*  précipité  sa  désuétude.  Du  jour  où  l'habitude 
aura  été  formée ,  il  aura  fallu  là  comme  ailleurs  appliquer  le 
principe  en  vertu  c|uquel  on  peut,  par  l'action  empti,  demander 
l'une  ou  l'autre  des  promesses  relatives  à  l'éviction ,  le  prin- 
cipe que  les  clauses  de  style  sont  sous-entendues  dans  les  con- 
trats de  bonne  foi. 

Quel  est  maintenant  le  moment  historique  à  partir  duquel 
ce  principe  a  permis  de  demander  soit  la  promesse  du  double, 
soit  la  promesse  habere  licere? 

C'est  un  point  sur  lequel  nous  sommes  sensiblement  moins 
renseignés  qu'on  ne  pourrait  croire.  Il  semble  bien  pourtant 
qu'il  faut  distinguer  entre  la  stipulatio  duplx  et  la  stipulatio 
habere  licere. 

Pour  la  stipulatio  habere  licere ,  le  droit  d'en  exiger  l'ac- 
complissement nous  est  attesté  dès  l'époque  de  Trajan  par 
Neratius,  dans  la  1.  11  §  8  D.  De  act.  empti,  19.  1  que  j'ai 
déjà  citée  plusieurs  fois. 

Pour  la  stipulatio  duplœ ,  nous  n'avons  pas  de  témoignages 
directs  plus  anciens  que  ceux  fournis  par  Paul,  Ulpien  et 
Papinien ,  c'est-à-dire  par  les  grands  jurisconsultes  du  temps 
des  Sévères ,  et  nous  ne  pouvons  même ,  par  induction ,  pas 
trouver  d'argument  qui  nous  fasse  remonter  au  delà  de  celui 
d'Hadrien.  —  Varron  dit  bien  antérieurement  que  les  vendeurs 
d'esclaves  doivent  promettre  le  double  s'ils  ne  font  pas  man- 
cipation et  qu'il  faudra  une  convention  contraire  pour  qu'ils 
ne  doivent  promettre  que  le  simple  (1).  Mais,  en  admettant  qu'il 
pkrle  d'une  obligation  légale  et  non  d'un  simple  usage ,  il  est 
possible  qu'il  s'agisse  dans  son  passage  de  l'édit  spécial  fait 
par  les  édiles  pour  les  ventes  d'esclaves  :  on  peut  argumenter 
dans  ce  sens ,  soit  de  ce  qu'il  ne  donne  pas  la  même  solution 


(1)  De  re  Ruttica,  II,  10,  5.  V.  Nouvelle  Revue  kUtorique,  1882,  p.  195, 
note  2. 


426  LA   GARANTIE   D'EVICTION 

pour  les  autres  choses  mancipi  dont  il  s'occupe,  soit  de  ce 
que  les  personnes  auxquelles  s'adresse  spécialement  son  traité 
d'économie  rurale ,  feront  ordinairement  leurs  ventes  au  mar- 
ché, sous  l'empire  de  l'édit  des  édiles.  —  Neratius  dont  Ulpien 
rapporte  le  sentiment  dans  la  1.  37  §  2  D.  De  evict.,  21.  2, 
suppose  bien  une  personne  qui,  par  erreur,  a  demandé  la  pro- 
messe du  simple  au  lieu  de  celle  du  double.  Mais  il  peut 
s'agir  d'une  hypothèse  où  il  avait  été  convenu  qu'on  promet- 
trait le  double  et  où  le  pacte  adjoint  in  continenti  se  trouvait 
sanctionné  par  l'action  du  contrat;  l'erreur  supposée  par  Ne- 
ratius et  qui  pourra  se  produire  par  exemple  chez  un  héritier 
mal  informé  du  contrat  de  son  auteur,  est  même  beaucoup 
plus  concevable  pour  une  obligation  née  de  cette  façon ,  que 
pour  une  obligation  juridiquement  reconnue  comme  naissant 
du  contrat.  —  La  présence  de  la  stipulatio  duplœ  dans  la  codifi- 
cation de  l'édit  faite  par  Julien  sur  l'ordre  d'Hadrien,  me 
paraît  au  contraire  fournir  un  bon  argument  pour  cette  épo- 
que ;  car  il  est  difficile  de  supposer  qu'on  eût  mis  la  formule 
dans  l'édit  si  la  stipulation  n'avait  pas  encore  pu  être  exigée 
sans  convention  spéciale.  Nous  avons  donc  un  document  d'une 
certaine  portée  pour  le  temps  d'Hadrien,  mais  nous  n'en 
avons  pas  d'antérieur. 

Assurément ,  il  ne  faudrait  pas  conclure  de  là  que  le  droit 
de  réclamer  la  promesse  du  double  encore  moins  celui  de  ré- 
clamer la  promesse  habere  licere  n'ait  été  reconnu  qu'à  la 
date  des  monuments  les  plus  anciens  qui  nous  l'attestent. 
Ces  monuments  témoignent  d'un  droit  préexistant.  Il  n'en  est 
pas  moins  instructif  que ,  tandis  que  la  théorie  des  vices  est 
déjà  discutée ,  commentée  par  Cicéron  et  les  juristes  de  son 
temps ,  il  faille  pour  trouver  la  preuve  du  droit  d'obtenir  une 
promesse  relative  à  l'éviction  dans  la  vente  civile ,  descendre 
jusqu'à  l'époque  de  Trajan  pour  la  stipulation  habere  licere; 
jusqu'à  celle  d'Hadrien,  sinon  jusqu'à  celle  des  Sévères  pour 
la  stipulatio  duplœ. 

Reste  pour  finir  avec  l'obligation  de  fournir  cette  promesse 
à  déterminer  sa  sanction.  Quelle  condamnation  l'acheteur  ob- 
tient-il contre  le  vendeur  qui  lui  refuse  la  promesse  à  laquelle 
il  a  droit? 

Des  textes ,  qu'on  a  vainement  essayé  d'écarter,  répondent 


DANS  LA  VENTE  CONSENSUELLE.         427 

très  nettement  que  le  vendeur  sera,  faute  de  promesse,  immé- 
diatement condamné  précisément  à  la  somme  à  laquelle  il  eût 
en  vertu  de  la  promesse  été  condamné  après  l'éviction. 

Si  le  vendeur  avait  fait  la  promesse  habere  licere,  il  eût  été, 
l'acheteur  cessant  plus  tard  d'avoir,  condamné  à  des  dom- 
mages-intérêts égaux  au  préjudice  subi  par  l'acheteur;  il  la 
refuse;  il  sera  immédiatement  condamné  à  des  dommages- 
intérêts  équivalents  au  plus  grand  préjudice  que  l'acheteur 
puisse  craindre.  Si  le  vendeur  avait  fait  la  promesse  du  dou- 
ble ,  il  eût  été ,  l'éviction  survenant  plus  tard ,  condamné  à 
payer  le  double  du  prix  à  l'acheteur  ;  il  refuse  la  promesse  ;  il 
va  être  immédiatement  condamné  à  payer  à  l'acheteur  le  dou- 
ble du  prix. 

C'est  la  solution  donnée  pour  la  stipulation  habere  licere 
par  Neratius  que  cite  Ulpien  dans  la  1.  11  §  9  D.  De  act. 
empti,  19.  1  :  «  Idem  (Neratius)  ait  non  tradentem  quanti  in- 
tersit  condemnari ,  satis  autem  non  dantem,  quanti  plurimum 
auctorem  periclitari  oportet.  »  C'est  également  celle  donnée 
pour  la  stipulatio  duplœ  dans  la  1.  2  D.  De  evict.,  21.  2  : 
«  Si  duplœ  non  promitteretur  et  eo  nomine  agetur,  dupli  con- 
demnandus  est  reus.  »  Supposer  que  Paul  vise  une  éviction 
déjà  réalisée,  c'est  ajouter  au  texte  qui  dit  qu'on  agit  parce 
que  le  double  n'a  pas  été  promis  —  et  eo  nomine  agetur  —  et 
non  pas  qu'on  agit  après  l'éviction,  comme  signifierait,  par 
exemple,  et  evicta  re  agetur.  Supposer  que  la  condamnation  ne 
devra  être  exécutée  qu'après  l'éviction,  c'est  encore  ajouter 
au  texte  qui  dit  que  l'acheteur  sera  condamné ,  et  qui  ne  dit 
pas  qu'il  sera  condamné  sous  condition  (1). 

L'acheteur  qui  ne  veut  pas  s'engager  à  garantie  est  frappé 
de  la  même  peine  que  s'il  n'avait  pas  garanti.  La  solution  n'a 
paru  singulière  que  pour  n'avoir  pas  été  rapprochée  de  solu- 
tions analogues  déjà  données  dans  la  matière.  Non-seulement 
sur  Yactio  auctoritatis ,  l'auteur  de  la  mancipation  encourt  la 
peine  du  double  lorsqu'il  refuse  d'assister  son  acquéreur,  ab- 
solument comme  lorsqu'il  lui  fournit  vainement  son  assis- 
tance. Mais  nous  avons  déjà  rencontré  une  disposition  tout  à 

(1)  Voir  dans  ce  sens  Bechmann,  der  Kauf,  I,  p.  677;  Brinz,  Lehrbuch 
d.  Pandekten,  II,  2,  p.  734,  note  15. V.  en  sens  contraire,  Labbé,  Garantie, 
1866,  n°  10.  Comparez  Accarias,  Précis,  II,  p.  458,  note  1. 


428  LA  GARANTIE  D'éviCTION 

fait  symétrique  établie  en  matière  de  sHpul^tio.  duplœ  par 
Tédit  des  édiles.  Le  vendeur  exposé  à' l'action  rédhibitoire, 
parce  qu'il  n'a  pas  fait  la  promesse  du  double,  est  également 
obligé  à  fournir  immédiatement  le  double  du  prix  à  l'ache- 
teur, soit  qu'il  y  ait  redhibitio  et  que  par  conséquent  il  rende 
son  prix  et  soit  en  outre  condamné  au  simple ,  soit  qu'il  n'y 
ait  pas  redhibitio  et  que  par  conséquent  il  soit  directement 
condamné  au  double.  Il  en  est  à  peu  près  de  même  dans  la 
vente  civile.  Le  vendeur  qui,  par  l'entêtement  de  son  refus, 
s'attire  une  condamnation  immédiate  ne  peut  s'en  prendre 
qu'à  lui-même. 


IV. 


Nous  avons  maintenant  étudié  les  règles  d'après  lesquelles 
l'acheteur  peut  en  vertu  de  sa  vente  obtenir  soit  la  mancipa- 
tion  qui  lui  donnera  s'il  subit  une  éviction  Vaetio  auctoritatù , 
soit  la  stipulatio  duplœ  qui  lui  donnera  pareillement  une  ac- 
tion en  paiement  du  double ,  soit  la  stipulation  habere  licere 
qui  lui  donnera  une  créance  incertaine  de  dommages-intérêts. 
L'acheteur  peut,  en  vertu  de  l'édit  des  édiles,  exiger  la  pro- 
messe du  double  dans  les  ventes  d'esclaves  ;  il  peut ,  en  vertu 
des  principes  du  droit  civil ,  obtenir  la  mancipation  dans  les 
ventes  de  chose  mancipi ,  et  en  outre  dans  toutes  les  ventes  9 
soit  la  promesse  du  double ,  soit  la  promesse  habere  licere. 

Il  est  certain  à  mon  sens  que  l'acheteur  a  pu  requérir  ainsi 
non-seulement  la  mancipation  et  l'exécution  de  l'édit  des 
édiles  qui  sont  concevables  en  dehors  de  l'idée  de  bonne  foi, 
mais,  en  vertu  des  principes  mêmes  des  obligations  de  bonne 
foi,  la  promesse  habere  licere  et  peut-être  la  promesse  du 
double ,  avant  qu'il  ne  pût ,  en  vertu  des  mêmes  principes , 
demander  directement  une  indemnité  de  l'éviction,  soit  à 
raison  de  la  stipulation  sous-entendue ,  soit  d'une  façon  indé- 
pendante. 

On  peut  déjà  argumenter  dans  ce  sens  de  l'édit  des  édiles. 
Il  est  probable  que  l'acheteur  y  eut,  quant  aux  vices,  l'action 
rédhibitoire  pour  se  plaindre  du  défaut  de  promesse  avant  <Je 
l'avoir  pour  se  plaindre  de  leur  présence.  Il  est  certain,  quagt 


DANS  LA  VENTE  CONSENSUELLE.         429 

à  l'éviction ,  que  l'acheteur  y  eut  l'action  rédhibitoire  pour  sç 
plaindre  du  défaut  de  promesse  dans  les  ventes  d'esclaves  et 
qu'il  ne  l'eut  jamais  pour  se  plaindre  de  l'éviction  même. 
Cela  tient  sans  doute  à  un  arrêt  du  développement  produit 
par  la  confusion  postérieure  du  droit  spécial  des  édiles  et  du 
droit  commun.  En  droit  civil,  où  l'évolution  s'est  continuée, 
la  phase  à  laquelle  s'est  arrêté  l'édit  des  édiles  a  été  dépassée. 
Mais  elle  a  également  existé  et  elle  a  laissé  sa  trace  dans  des 
textes. 

Ges  textes  sont  ceux  qui  nous  indiquent  comme  objet  uni- 
que de  la  créance  de  garantie  non  pas  l'indemnité  qui  pourra 
être  due  après  l'éviction,  mais  la  promesse  qui  peut  être 
exigée  avant.  Il  est  permis  d'y  voir  une  de  ces  réminiscences 
inconscientes  d'un  état  législatif  disparu,  si  fréquentes  de 
tous  les  temps  dans  le  langage  des  jurisconsultes.  Je  renvoie 
spécialement  à  la  1.  1  D.  De  ver. permutât.,  19.  4,  de  Paul;  à 
la  loi  3  §  3  D.  De  jurejurando,  12.  2,  d'Ulpien;  à  la  1.  11 
§  8  D.  De  act.  empti,  19.  1,  où  le  même  Ulpien  cite  l'opi- 
nion de  Neratius  et  à  la  1.  3  §  17  D.  h.  1. 19.  1,  où  il  rapporte 
celle  de  Gelse.  Dans  la  première,  Paul  dit  que  le  vendeur  est 
obligé  à  livrer,  a  s'abstenir  de  dol  et  à  s'obliger  relativement 
à  l'éviction.  Dans  la  seconde,  Ulpien  indique  comme  objet  de 
Yactio  empti  la  tradition  et  la  caution  de  evictione.  Dans  la 
troisième,  Neratius  qu'il  cite,  admet  qu'on  a  l'action  empti 
pour  obtenir  la  tradition  et  la  promesse  habere  licere.  Dans 
la  quatrième,  Celse,  voulant  exprimer  que  le  vendeur  est 
obligé  à  garantie ,  tandis  que  le  copartageant  a  une  responsa- 
bilité plus  limitée,  dit  seulement  qu'il  devra pro  evictione  caT 
vers.  Il  y  a  là  un  indice  d'autant  plus  significatif  que ,  sur  le? 
quatre  textes,  deux  rapportent  les  décisions  d'auteurs  reloti r 
vement  anciens. 

Il  est  vrai  que  l'on  pourrait  dire  que  les  trois  derniers  textes 
n'excluent  pas  l'obligation  à  garantie  naissant  de  la  vente, 
mais  qu'ils  omettent  de  la  mentionner,  parce  qu'ils  n'indiquent 
que  les  obligations  dont  l'exécution  peut  être  immédiatement 
demandée.  Cependant  il  serait  bizarre  que,  dans  la  1.  11  §  $ 
surtout  où  Neratius  fait  un  sommaire  des  obligations  de  l'a- 
cheteur, il  eût  négligé  celle-là.  Mais  l'argument  ne  porte  pas 
contre  le  texte  de  Paul.  Il  fait  si  bien  une  énumération  com- 


430  LA  GARANTIE  D  EVICTION 

plète,  il  se  tient  si  peu  aux  obligations  dont  l'exécution  peut 
être  immédiatement  demandée,  qu'il  indique  non-seulement 
l'obligation  de  délivrance  et  celle  de  promettre  de  evictione , 
mais  l'obligation  de  s'abstenir  de  dol  dont  l'effet  plane  sur 
toute  l'exécution  du  contrat. 

Je  ne  crois  donc  pas  douteux  qu'il  y  a  eu  dans  l'histoire  de 
la  vente  un  moment  historique  où  l'acheteur  n'avait,  relative- 
ment à  l'éviction ,  d'autre  droit  que  de  demander  une  pro- 
messe verbale.  Et  cela  dans  la  vente  ordinaire  aussi  bien  que 
dans  celle  régie  par  l'édit  des  édiles.  Seulement  l'édit  des 
édiles  en  resta  là,  tandis  que  le  droit  civil  alla  plus  loin. 

Il  y  avait  d'abord  un  pas  qui  était  très-facile  à  faire,  qui  se 
confondait  presque  avec  le  précédent ,  en  droit  commun  sur- 
tout à  cause  de  la  manière  dont  la  stipulation  y  était  obtenue  ; 
c'était  de  tenir  pour  faite  la  promesse  qui  aurait  pu  être 
exigée.  Le  juge  auquel  la  formule  de  l'action  empti  confère 
le  pouvoir  d'apprécier  ce  qui  doit  être  fait  ex  ftde  bonâ,  ap- 
précie que  la  caution  eût  dû  être  fournie,  et,  quand  elle  ne 
l'est  pas ,  il  condamne  aux  dommages-intérêts  auxquels  elle 
eût  donné  lieu  après  la  violation.  Il  est  bien  naturel  qu'il 
condamne  aux  mêmes  dommages-intérêts  quand  la  violation 
n'est  plus  à  venir.  Le  motif  :  le  défaut  de  promesse ,  est  le 
même. 

Cependant  cela  a  été  contesté  sinon  pour  la  stipulation 
habere  licere  que  l'on  a  négligée  ici  comme  ailleurs ,  du  moins 
pour  la  stipulation  duplx.  Je  crois  que  le  montant  de  l'une 
et  de  l'autre  a  fini  par  pouvoir  être  exigé  après  l'éviction  en 
l'absence  de  promesse  comme  il  pouvait  l'être  avant  l'éviction 
sur  le  refus  de  la  promesse.  Seulement,  ce  qui  est  vrai ,  c'est 
qu'ici  encore  le  progrès  a  été  plus  rapide  pour  la  stipulation 
habere  licere  que  pour  la  stipulation  duplx. 

La  solution  ne  peut  d'abord  faire  question  pour  la  stipu- 
lation habere  licere.  C'est  son  montant  lui-même  qui  est  de- 
mandé le  plus  ordinairement  par  l'action  empti  en  garantie. 
Si  on  ne  s'en  est  pas  plus  aperçu ,  c'est  parce  qu'on  a  presque 
toujours  complètement  négligé  le  rôle  historique  de  notre 
stipulation  (1).  Les  mots  habere  licere,  rem  habere  licere , 

(1)  Je  pars  nécessairement  de  l'opinion  que  j'ai  antérieurement  exposée 


DANS  LA  VENTE  CONSENSUELLE.         431 

rem  habere  licere  prœstare  sont  ceux  qui  reviennent  cons- 
tamment dans  les  textes  pour  désigner  l'obligation  de  garan- 
tie. Africain,  dans  la  1.  30  §  1  D.  De  act.  empti,  19.  1,  définit 
l'obligation  du  vendeur  en  disant  :  «  Verum  est  venditorem 
hactenùs  teneri  ut  rem  emptori  habere  liceat,  non  etiam  ut 
ejus  faciat.  »  Dans  la  1.  11  §  17  D.  eod.  tit.,  19.  1,  Ulpien 
parle  d'un  cas  où  l'acheteur  évincé  n'aura  pas  le  droit  de 
demander  le  double,  mais  seulement  des  dommages-intérêts; 
il  dit  que  le  vendeur  «  in  hoc  tantùm  obligetur  ut  emptori 
habere  liceat  et  non  solùm  per  se  sed  per  omnes.  »  Il  y  a 
même  des  textes  qui  mettent  sur  la  même  ligne  l'hypothèse 
où  on  a  promis  et  celle  où  on  ne  l'a  pas  fait.  C'est  le  langage 
d'Ulpien  dans  la  l.  11  §  18  D.  eod.  tit.,  19.  1,  pour  un  cas 
où  la  garantie  est  restreinte  au  fait  du  vendeur  et  de  son 
héritier  :  «  Proinde  si  res  evicta  fuerit,  sive  stipulatio  in- 
terposita  est ,  ex  stipulatu  non  tenebitur,  sive  non  est  inter- 
posita,  ex  empto  non  tenebitur.  »  Dans  la  1.  8  D.  eod.  tit.,  19. 
1,  Gaïus  tient  le  même  langage  pour  la  stipulation  ordinaire; 
le  vendeur  qui  s'est  obligé  à  habere  prœstare  licere  pour 
l'esclave  vendu,  s'y  est  également  obligé,  dit-il,  bien  qu'il 
n'y  ait  pas  eu  de  stipulation  pour  les  choses  acquises  par  cet 
esclave  :  «  Sicut  obligatus  est  venditor  ut  prœstet  habere  licere 
hominem  quem  vendidit,  ita  ea  quoque  quae  per  hominem 
adquiri  potuerunt  prœstare  débet  emptori  ut  habeat  (1).  » 

(V.  Nouvelle  Revue  historique,  1883,  pp.  562  et  ss.),  d'après  laquelle  la  1. 38  D . 
De  V.  0.,  45.  1,  n'exprime  qu'une  opinion  isolée  sur  l'efficacité  de  la  stipula- 
tion habere  licere.  Mais,  en  admettant  môme  que  la  théorie  d  Ulpien,  d'après 
laquelle  le  promettant  n'est  tenu  que  de  son  fait  et  de  celui  de  son  héritier, 
ait  fini  par  prévaloir,  on  pourrait  néanmoins  défendre  notre  système  en  disant 
soit  que  par  suite  on  promettait,  comme  conseille  Ulpien  dans  la  loi  38  §  2, 
des  dommages-intérêts  si  habere  non  licebat,  soit  que  les  doutes  d'Ulpien  ne 
s' appliquaient  qu'à  la  stipulation  habere  licere  et  pas  à  la  stipulation  habere 
recte  licere,  soit  enfin  que  l'évolution  était  opérée  et  la  promesse  sous-en- 
tendue avant  que  les  scrupules  exprimés  par  Ulpien  se  fussent  produits. 

(1)  L'opposition  entre  l'obligation  assumée  par  une  promesse  expresse  et 
celle  qui ,  sans  promesse  préalable ,  résulte  de  l'éviction  réalisée ,  me  semble 
indiquée  par  le  rapprochement  du  présent  débet  et  du  passé  obligatus  est.  Si , 
du  reste,  on  veut  entendre  le  texte  comme  visant  dans  son  premier  membre 
de  phrase  une  obligation  sanctionnée  par  l'action  empli,  il  faut  l'ajouter  à 
ceux  déjà  cités  qui  donnent  pour  objet  à  l'action  empti  l'objet  même  de  la 
stipulation  habere  licere. 


432  LA   GARANTIS  D  EVICTION 

La  controverse  se  présente  pour  la  stipulation  duplœ.  Cujas 
coptçstait  déjà  qu'on  pût  réclamer  son  montant  par  l'action 
empti  après  l'évictioij ,  et  cette  opinion  a  été  reprise  de  notre 
temps  dans  les  deux  ouvrages  spéciaux,  publiés  en  Allemagne 
sur  la  vente  et  l'éviction,  celui  de  M.  Bechmann  que  j'ai 
déjà  cité  tant  de  fois  et  celui  de  M.  Muller  (1).  La  solution 
épurante  en  France  est,  je  crois,  plus  conforme  aux  textes  et 
aux  principes. 

Qi}ant  aux  principes,  on  ne  voit  pas  pourquoi  le  juge  de 
l'action  empti  trouverait  moins  équitable  de  donner  à  l'ache- 
teur l'avantage  d'une  clause  de  style  quand  le  besoin  qu'en 
a  l'acheteur  est  certain  que  lorsqu'il  est  douteux.  Du  droii 
d'obtenir  la  stipulation  à  celui  de  la  sous-entendre  la  tran- 
sition est  toute  indiquée;  elle  est  si  naturelle  qu'elle  s'est 
opérée  dans  une  matière  où  elle  présentait  beaucoup  plus  de 
difficultés ,  dans  la  matière  de  stipulations  prétoriennes  :  on 
n'avait  pas  là  comme  ici  une  action  toute  prête  au  cours  de 
laquelle  un  juge  saisi  pût,  à  sa  guise,  interpréter  la  bonne 
foi.  Cependant,  malgré  l'incertitude  que  présentait  la  déter- 
mination de  l'action,  on  a  permis  de  poursuivre  en  restitution 
le  quasi-usufruitier  duquel  le  créancier  n'avait  pas  songé  à 
demander  la  caution  pendant  la  durée  du  quasi-usufruit;  on 
a  fait  le  même  pas  en  matière  dérogation  d'impubères, 
peut-être  en  un  certain  sens  en  matière  de  damnum  infec- 
tum  (2).  Il  est  vraisemblable  qu'on  a  dû  le  faire  encore  plus 
facilement  en  matière  de  stipulatio  duplœ,  et  cette  vraisem- 
blance est  confirmée  par  les  textes. 

IL  faut,  il  est  vrai ,  écarter  du  débat  certains  textes  qu'on  y 

(0 Voir  Cujas,  Paratilla  ad  Codicem,  h.  t.  8.  44;  K.  0.  Muller,  Éviction, 
I,  pp.  65  et  bs.;  Bechmann,  der  Kauf,  I,  p.  678,  note  2  et  p.  680,  note  1. 
Voir,  en  sens  contraire,  Accarias,  Précis,  II,  p.  458;  Labbé,  Garantie,  1866  v 
n°  10. 

(2)  Voir,  pour  la  caution  dne  par  l'adrogeant  d'un  impubère,  la  1.  19  §  1 
De  adopt.,  1.7;  pour  la  caution  due  par  le  quasi-usufruitier,  la  1.  5  §  1  D. 
De  usuf.  earum  rerum,  7.  5  ;  la  l.  9  §  4  D.  Ad  exhibendum,  10.  4  ;  la  1. 10  D. 
De  prxscr.  verbis,  19.  5  ;  la  1.  1  §  17  in  fine,  D.  Ut  legatorwn,  36.  3,  et  les 
observations  de  MM.  Accarias,  Précis,  I,  p.  680,  note  1,  et  Windscheid, 
Lekrbuch,  I,  §  204,  note  1  ;  pour  la  cautio  damni  infecti,  les  lois  7  §  2,  8,  9 
pr.  J).  Darnn.  inf.,  39,  2  et  MM.  Accarias,  Précis,  II,  p.  772,  note  1  et 
Windscheid,  Lehrbuch,  II,  §  458,  note  3. 


BANS  LA  VENTE  CONSENSUELLE.         433 

invoque  parfois,  et  qui,  en  réalité,  se  rapportent  à  deb  hypo- 
thèses distinctes.  Ainsi  la  1.  2  B.  De  evict.,  21.  2,  est,  comme 
j'ai  déjà  admis,  relative  non  pas  à  l'hypothèse  où  Ton  demande 
le  double  après  éviction,  mais  à  celle  où  l'on  demande  au- 
paravant la  promesse  du  double;  ainsi  le  §  B  des  Fragments 
du  Vatican  paraît  se  rapporter  à  un  pacte  adjoint ,  à  une  lex 
contractus  portant  convention  de  restitution  du  double.  Mais , 
ces  documents  mis  de  côté,  il  en  reste  au  moins' deux  qui 
prouvent  que  la  stipulation  duplœ  peut  aussi  bien  être  soùs- 
entendue  après  l'éviction  qu'exigée  avant. 

Le  premier  est  aux  Sentences  de  Paul,  II,  17,  §  2  :  «  Sires 
simpliciter  traditœ  evincantur,  tanto  venditor  emptori  con- 
demnandus  est  quanto  si  stipulatione  pro  evictione  cavisset.  » 
Voilà  une  disposition  générale  qui  se  rapporte  assurément, 
bien  qu'on  omette  ici  comme  ailleurs  d'y  songer,  à  la  stipu- 
lation habere  licere ,  mais  qui  ne  se  rapporte  pas  moins  à  la 
stipulatio  duplœ.  Le  texte  dit  sans  distinction  ni  réserve  que , 
l'éviction  survenue,  le  vendeur  doit  être  condamné  à  la  même 
somme  que  s'il  avait  fait  ïa  promesse  de  evictione.  Pour  lui 
enlever  sa  force  probante,  on  n'a  d'autre  ressource  que  de  le 
prétendre  interpolé.  On  suppose  l'interpolation ,  mais  on  ne 
ta  prouve  pas. 

Bien  au  contraire,  le  témoignage  de  Paul  est  confirmé  par 
celui  d'Ulpien.  Ulpien,  dans  la  1.  37  §  S  D.  De  evict.,  21.  2, 
rapporte  l'opinion  de  Neratius  d'après  laquelle  lorsque,  par 
erreur,  on  a  stipulé  le  simple  au  lieu  du  double,  l'action  empti 
peut  servir  à  demander  soit  un  supplément  de  promesse,  si 
les  conditions  de  la  stipulation  ne  sont  pas  encore  réalisées , 
soit,  si  elles  le  sont,  un  supplément  de  condamnation.  «  Si 
simplam  pro  dupla  per  errorem  stipulatus  sit  venditor,  re 
evicta  consecuturum  eum  ex  empto  Yeratius  ait  quanto  minus 
stipulatus  sit ,  si  modo  omnia  fecit  emptor  quae  in  stipulatione 
continentur  :  quod  si  non  fecit  ex  empto  id  tantùm  consecu- 
turum ,  ut  ei  promittatur.  quod  minus  in  stipulationem  supe- 
riorem  consecutus  est.  »  Il  est  vrai  que  Neratius  écrivait  à  une 
époque  où  la  promesse  du  double  ne  pouvait  probablement 
encore  être  réclamée  par  l'action  empti  qu'en  vertu  d'une 
convention  spéciale.  Mais  si  on  pouvait  alors  la  sous-entendre 
en  vertu  de  la  clause  expresse  contenue  dans  un  contrat  par- 


434  LA  GARANTIE   D  EVICTION 

ticulier,  on  dut  également  pouvoir  le  faire  plus  tard  en  vertu 
de  la  clause  tacite  contenue  dans  tous  les  contrats  qui  réu- 
nissaient certaines  conditions.  En  tout  cas,  l'objection  ne 
porte  pas  contre  Ulpien  qui ,  en  reproduisant  la  décision  de 
Neratius ,  entend  l'appliquer  au  droit  de  son  temps. 

Ce  qui  est  vrai  seulement,  et  ce  qui  a  été  d'une  importance 
énorme  pour  la  formation  de  la  théorie  de  la  garantie,  c'est 
que  le  droit  de  réclamer  le  double  en  vertu  de  la  stipulation 
duplœ  sous-entendue,  n'a  été  reconnu  à  l'acheteur  qu'un  cer- 
tain temps  après  celui  de  demander  des  dommages-intérêts 
en  vertu  de  la  stipulation  habere  licere  sous-entendue. 

Nous  avons  déjà  vu  que  le  droit  de  demander  la  promesse 
du  double  dans  la  vente  civile  nous  est  plus  tardivement  at- 
testé par  les  textes  que  celui  de  demander  la  promesse  habere 
licere  :  Neratius,  au  temps  de  Trajan,  connaît  le  dernier  et  ne 
paraît  pas  connaître  l'autre.  La  même  gradation  chronolo- 
gique se  retrouve  pour  le  droit  de  les  sous-entendre. 

C'est  également  un  jurisconsulte  de  l'époque  de  Trajan, 
Javolenus ,  qui ,  dans  un  texte  d'ailleurs  discuté ,  paraît  bien 
dire  à  la  fois  que  l'on  ne  peut  pas  sous-entendre  la  stipula- 
tion du  double ,  et  que  l'on  peut  sous-entendre  celle  du  sim- 
ple, la  stipulation  habere  licere.  Le  texte  est  la  1.  60  D.  De 
evict.9  21.  2,  dans  laquelle  Javolenus  écrit  :  «  Si  in  venditione 
diclum  non  sit  quantum  venditorem  pro  evictione  praestare 
oporteat,  nihil  venditor  prœstabit  praeter  simplam  evictionis 
nomine  et  ex  natura  ex  empto  actionis  hoc  quod  interest.  » 
C'est,  semble-t-il  bien,  dire  que  faute  de  convention  expresse, 
on  ne  pourra  réclamer  le  double ,  mais  on  pourra  réclamer 
les  dommages-intérêts  que  ferait  obtenir  la  stipulation  habere 
licere. 

Nous  savons  donc,  par  Javolenus,  que  le  droit  de  sous-en- 
tendre la  stipulation  duplœ  n'existait  pas  de  son  temps.  Il 
faut  arriver  aux  grands  jurisconsultes  de  l'époque  de  Sévère, 
pour  le  trouver  attesté. 

Pour  la  stipulation  habere  licere  aussi ,  il  a  dû  y  avoir  une 
époque  où  elle  ne  pouvait  être  escomptée ,  une  époque  même 
où  elle  pouvait  être  exigée  avant  l'éviction,  sans  pouvoir  être 
sous-entendue  après.  Mais  le  pas  était  fait  dès  le  temps  de 
Javolenus,  l'ellipse  s'est  faite  très  vite,  si  vite  que  la  mémoire 


DANS  LA  VENTE  CONSENSUELLE.         435 

s'en  est  pour  ainsi  dire  perdue ,  qu'il  faut  en  chercher  la  trace 
dans  quelques  aveux  inconscients  des  textes.  L'ancienne  ac- 
tion née  du  contrat  verbal,  se  laisse  à  peine  entrevoir  derrière 
l'action  du  contrat  consensuel  qui  l'a  de  bonne  heure  absor- 
bée. C'est  pour  cela,  sans  doute,  que  l'édit  perpétuel  qui  con- 
tenait la  formule  de  la  stipulation  duplœ ,  ne  portait  pas  celle 
de  la  stipulation  habere  licere  :  le  travail  d'absorption  était  déjà 
pleinement  accompli  pour  la  seconde ,  alors  que  pour  la  pre- 
mière il  commençait  à  peine.  C'est  pour  cela  aussi  que  la 
théorie  de  la  garantie  d'éviction  ne  s'est  pas  modelée  sur  les 
règles  de  la  stipulatio  duplœ,  mais  sur  celles  de  la  nôtre  : 
quand  on  a  reconnu  que  l'acheteur  pouvait ,  en  vertu  d'une 
stipulation  expresse  ou  tacite,  réclamer  en  certains  cas  le 
double  du  prix,  il  y  avait  déjà  longtemps  qu'il  pouvait  se 
plaindre  dans  toutes  les  ventes  s'il  ne  conservait  pas  la  chose, 
si  rem  habere  non  licebat.  Il  y  avait  là  un  minimum  au-des- 
sous duquel  le  droit  de  l'acheteur  ne  pouvait  plus  descendre , 
qui  en  constitua  désormais  le  fonds  inébranlable.  L'acheteur 
pourra  parfois,  s'il  est  évincé,  réclamer  le  double  du  prix.  Il 
aura  toujours,  il  a  encore  dans  notre  droit  moderne,  le  droit 
de  demander  des  dommages-intérêts  dans  l'hypothèse  où  la 
stipulation  habere  licere  lui  eût  permis  d'en  exiger  (1). 


(1)  J'admets  donc  que  l'acheteur  qui  a  le  droit  de  réclamer  le  double  en 
vertu  de  la  ttipulatio  duplm  expresse  ou  sous-entendue ,  a  néanmoins  le  droit 
de  demander  par  l'action  empli  les  dommages-intérêts  peut-être  supérieurs 
que  lui  aurait  fait  obtenir  la  stipulation  habere  licere.  C'est  la  question  que 
Ton  pose  parfois ,  d'une  façon  un  peu  différente ,  en  se  demandant  si  la  ttipu- 
laiio  duplm  constitue  un  forfait  au  montant  duquel  se  limiterait  toujours  le 
droit  de  l'acheteur  qui  y  a  procédé  ;  je  ne  le  crois  pas.  V.  dans  notre  sens 
Labbé,  Revue  pratique ,  tome  XXXIV,  1872,  p.  308;  Accarias,  Précis,  II, 
pp.  459,  note  1,  et  305,  et  l'argument  d'analogie  fourni  par  la  1.  28  D.  De 
aet.  empti,  19.  1.  La  question  ne  présente  naturellement  guère  d'intérêt  que 
si  Ton  admet  que  la  condamnation  fondée  sur  l'éviction  pouvait ,  à  l'époque 
classique,  être  élevée  par  le  juge  de  l'action  empti  k  plus  du  double  du 
prix,  et  que  par  conséquent  la  loi  44  D.  De  act.  empti,  19.  1,  a  été  interpolée 
par  les  commissaires  de  Justinien  pour  être  mise  d'accord  avec  la  1.  un.  C. 
De  tenl.  qum  pro  eot  7.  47.  V.  en  ce  sens,  Labbé,  Revue  pratique,  t.  XXXIV, 
p.  295,  note  1;  Eck,  Verpftichtung  des  Verkaûfert,  p.  19,  note  1  ;  V.  en  sens 
contraire,  Vangerow,  Pandekten,  III,  §  571,  note  4;  Maynz,  Cours  de  droit 
romain,  II ,  p.  218,  note  34. 


tJL 


436  LA  GARANTIE  D  EVICTION 


V. 


Mats,  dans  notre  droit  moderne,  il  y  a  des  hypothèses  que 
Ton  rattache  ordinairement  à  l'éviction  et  où  l'acheteur  peut 
agir  en  dommages-intérêts',  bien  que  Ton  soit  sans  nul  doute 
aussi  bien  hors  du  domaine  de  la  stipulation  kabere  Hcere  que 
de  celui  de  la  stipulation  duplœ.  Assurément  le  droit  romain 
n'eût  pas  accordé  l'action  empti  dans  toutes;  mais  au  moins, 
à  sa  dernière  époque,  il  l'eût  accordée  dans  certaines  (1). 

La  législation  romaine  n'a  jamais  admis ,  d'une  façon  géné- 
rale, comme  notre  législation  actuelle,  que  l'acheteur  qui  n'a 
pas  été  rendu  propriétaire  ait  par  cela  seul  une  action  en  ga- 
rantie, encore  moins  qu'il  puisse,  en  dépit  des  moins-values , 
toujours  obtenir  la  restitution  intégrale  de  son  prix  (2).  On 
finit  cependant  par  reconnaître,  dans  certains  cas,  le  droit 
d'agir  au  vendeur,  quoiqu'il  n'eût  pas  encore  été  évincé,  qu'il 
gardât  la  chose  et  que,  par  conséquent,  ni  la  stipulation  duplœ 
ni  la  stipulation  kabere  licere  ne  donnassent  d'action.  L'étude 
approfondie  de  ces  cas  sortirait  de  mon  cadre.  J'indique  seu- 
lement les  principaux. 

Il  y  a  une  première  hypothèse  pour  laquelle  le  Digeste 
nous  indique  des  discussions  et  nous  fournit  des  noms  pro- 
pres :  l'hypothèse  où  l'acheteur  d'un  esclave  l'affranchit,  puis 

(1)  La  plupart  des  auteurs,  influencés  par  la  notion  moderne  de  la  garantie, 
"considèrent  sans  hésiter  cette  action  empti  comme  une  action  empti  fondée  sur 
'  L'éviction.  M.  de  Brinz,  Lehrbuch  der  Pandekten,  II,  2,  p.  742,  se  prononce  net- 
tement en  sens  contraire ,  et  sa  conception  est  peut-être  la  plus  conforme  à 
la  langue  des  textes.  Voir,  par  exemple,  la  loi  9  D.  h.  t.  21.  2  :  ...  Amis- 
tam  actionem  pro  evictione  quorum  servds  non  potbst  bvinci  sed  in  ex  empto 
decurrendum.  Mais,  que  les  jurisconsultes  romains  s'en  soient  plus  ou  moins 
nettement  rendu  compte ,  il  n'en  reste  pas  moins  vrai  que  les  nouvelles  ap- 
plications de  l'action  empti  ont  eu  pour  effet  nécessaire  l'extension  du  système 
de  la  garantie  d'éviction ,  et  c'est  pour  nous  le  point  capital. 

(2)  C'est,  en  dépit  de  l'opinion  de  Pothier,  Vente,  n°  69,  ce  que  tout  le 
monde  reconnaît  aujourd'hui  résulter  notamment  de  la  loi  70  D.  De  evict.  21. 
2.  V.  Labbé,  Revue  pratique,  t.  XXXIV,  pp.  290  et  ss.,  et  Explication  des 
Instituts  d'Ortolan,  12«  éd.,  1883,  p.  864;  Accarias,  Précis,  II,  p.  458, 
note  3. 


DÀN8  LA  VENTE  CONSENSUELLE.         437 

se  voit  dépouillé  de  ses  droits  de  patronat  par  suite  de  la  re- 
vendication du  véritable  propriétaire.  Ulpien  refusait  encore 
toute  action  de  ce  chef  à  l'acheteur,  non-seulement  l'action  ex 
8tipulatu  duplœ  qu'il  déclare  inapplicable  dans  la  loi  25  D.  De 
evict.,  21.  2,  mais  toute  action  quelconque;  en  effet,  Paul 
cite  à  la  loi  43  D.  De  act.  empti,  19. 1,  une  de  ses  réponses 
portant  que  l'acheteur,  après  l'affranchissement ,  ne  peut  plus 
rien  demander  au  vendeur  :  «  emptorem  nihil  posse  post 
manumissionem  a  venditore  consequi.  »  Cependant,  bien  avant 
Ulpien,  Julien  admettait  déjà  l'action  empti  en  dommages- 
intérêts,  et  Paul  rapporte  son  opinion  en  l'adoptant.  Mais 
Paul  ne  paraît  pas  avoir  eu  sur  la  question  un  avis  bien  ar- 
rêté ;  car,  tandis  que  dans  la  consultation  qui  forme  la  loi  43 
De  act.  empti,  il  ne  distingue  pas  et  affirme  qu'il  a  toujours 
suivi  l'opinion  de  Julien,  dans  la  loi  26  D.  De  evict.  empruntée 
à  son  commentaire  sur  Sabinus,  il  ne  donne  l'action  que  si  l'a- 
cheteur était  obligé  de  procéder  à  l'affranchissement  ou  si  le 
vendeur  était  de  mauvaise  foi.  Sans  vouloir  diriger  des  soup- 
çons posthumes  contre  l'intégrité  du  jurisconsulte,  il  est  même 
permis  de  chercher  plutôt  sa  pensée  définitive  et  réfléchie 
dans  la  décision  de  principe  extraite  d'un  ouvrage  de  doctrine 
que  dans  la  consultation  délivrée  pour  les  besoins  d'un  procès 
particulier. 

Des  textes  qui  ne  fournissent  pas  sur  la  transformation  et 
ses  difficultés  d'indices  aussi  précis  (1),  mentionnent  encore 
l'action  empti  comme  donnée  dans  d'autres  cas  où  les  deux 
stipulations  étaient  hors  de  cause ,  par  exemple ,  lorsque  le 
vendeur  était  de  mauvaise  foi;  par  exemple,  lorsque  l'ache- 
teur, tout  en  gardant  la  chose,  ne  la  gardait  pas  en  vertu  de 

(1)  La  loi  9  D.  de  Evict.,  21.  2,  a  para  à  M.  Salpius,  Novatio*  und  Déléga- 
tion, p.  230,  note  1,  indiquer  encore,  pour  le  cas  spécial  où  l'acheteur  hérite 
du  véritable  propriétaire,  que  l'action  empti  n'était  pas  admise  par  Sabinus 
et  l'aurait  été  seulement  par  Paul.  H  est  en  effet  bien  à  croire  qu'elle  n'était 
pas  admise  par  Sabinus ,  mais  le  texte  ne  le  dit  pas  positivement,  et  d'autre 
part,  il  est  vraisemblable  qu'elle  était  admise  avant  Paul.  M.  Salpius  cite 
un  autre  texte  où  l'on  peut  trouver  un  indice  plus  sérieux  d'un  progrès  ana- 
logue, c'est  la  loi  1  §  14  D.  De  act.  empti.  19.  1 ,  dans  laquelle,  en  oppo- 
sant les  solutions  de  Cassius  et  de  Julien ,  Ulpien  semble  bien  rapporter  une 
innovation  proposée  par  Julien  à  la  théorie  traditionnelle  formulée  par 
Cassius. 

Revue  hist.  —  Tome  VIII.  C9 


438  LA  GARANTIE  D'ÉVICTION 

la  vente ,  lorsqu'il  la  gardait  à  un  autre  titre ,  même  à  titre 
gratuit  (1). 

Mais  toutes  ces  décisions  se  placent  à  une  date  relativement 
récente ,  postérieure  à  l'époque  où  fut  admis  le  droit  de  de- 
mander la  stipulation  habere  licere ,  très  probablement  posté- 
rieure à  celle  même  où  fut  admis  le  droit  de  la  sous-entendre. 
Le  droit  de  la  demander  est  positivement  reconnu  sous  Tra- 
jan.par  Neratius;  celui  de  la  sous-entendre  paraît  bien  admis 
sous  le  même  empereur,  par  Javolenus;  en  tout  cas ,  il  est  si 
bien  reconnu  sous  Hadrien ,  que  Julien  ne  prend  pas  la  peine 
de  mettre  la  formule  de  la  stipulation  dans  son  édit.  Or,  il 
faut  arriver  à  l'époque  d'Hadrien,  au  même  Julien,  pour  trou- 
ver l'action  empti  donnée  dans  nos  hypothèses. 

En  somme ,  dans  le  dernier  état  du  droit  romain ,  une  théo- 
rie nouvelle  de  la  garantie  d'éviction  est  constituée  devant 
laquelle  ont  de  plus  en  plus  reculé  les  anciens  principes. 
L'action  auctoritatis  a  disparu  avec  la  mancipation.  La  stipu- 
lation habere  licere  a  perdu  son  existence  propre.  La  stipulation 
duplœ  subsiste  toujours ,  mais ,  au  lieu  d'être  un  acte  formel, 
distinct  de  la  vente ,  ayant  à  côté  d'elle  sa  vie  indépendante, 
ce  n'est  plus  qu'une  conséquence  virtuelle  du  contrat  princi- 
pal, dont  ce  contrat  principal  suffit  à  assurer  le  bénéfice. 
L'action  du  contrat ,  la  même  action  qui  sert  à  demander  la 
délivrance,  suffit  pour  faire  avoir  ce  que  l'on  obtenait  jadis  en 
vertu  de  la  stipulation  duplœ  ou  de  la  stipulation  habere  licere» 
pour  faire  obtenir  même  d'autres  satisfactions  à  la  génération 
desquelles  l'une  et  l'autre  auraient  été  impuissantes.  —  C'est 
en  vertu  de  la  vente  que  le  vendeur  est  obligé  à  la  garantie 
d'éviction,  et  c'est  l'action  empti  qui  sert  d'action  en  ga- 
rantie. 

Le  résultat  est  considérable.  Il  a  fallu  pour  y  conduire 

(1)  Voir,  pour  le  cas  où  Ton  a  vendu  sciemment  la  chose  d'autrui ,  Africain, 
1.  30  §  1  D.  De  art.  empti,  19.  1;  Paul,  1.  45  §  1  in  fine,  D.  h.  t.  19.ji, 
Ulpien,  1.  il  §  18  in  fine,  D.  h.  t.  19.  1;  1.  21  pr.  0.  De  evict.,  21.  2;  pour  le 
cas  où  l'acheteur  garde  la  chose  en  vertu  d'un  autre  titre  que  la  vente,  Julien, 
1.  29  D.  De  art.  empli,  19.  1;  1.  84  §  5  D.  De  légal.,  1°,  30;  1.  19.  De  0.  et  A., 
44,  7;  Ulpien,  1.  13  §  15  D.  De  art.  empli,  19.  1  ;  Paul,  \.  9  D.  De  evict. , 
21.  2  ;  Sentent.,  II,  17  §  8.  —  Comparez  sur  l'ensemble  de  ces  solutions  les 
développements  de  M.  Eok,  Verp/tichtung  des  Verkaûfert ,  pp.  23  et  s*.  Voir 
aussi  Salpius,  Notation  und  Délégation,  pp.  229  et  suiv. 


DANS  LA  VENTE  CONSENSUELLE.         439 

toutes  les  transitions  que  j'ai  étudiées  :  institution  de  Faction 
auctoritatis ,  invention  des  stipulations  de  garantie,  recon- 
naissance des  fonctions  diverses  de  l'action  empti.  J'ai  indiqué 
les  documents  qui  attestent  les  étapes  successives.  Nous  pos- 
sédons, je  crois,  au  moins  quant  aux  points  essentiels,  des 
preuves  directes  suffisantes.  Mais  il  y  a  de  la  vérité  générale 
des  conclusions  auxquelles  nous  sommes  arrivés,  une  pré- 
somption d'ensemble  qui  confirme  singulièrement  tous  les 
arguments  de  détails.  C'est  que  ces  conclusions  sont  rigou- 
reusement conformes  aux  lois  de  l'évolution  naturelle,  qu'elles 
ne  supposent  d'un  régime  à  un  autre  aucune  interruption 
brusque  ou  forcée;  qu'elles  nous  font  assister  à  un  travail  de 
création  régulier,  qui  substitue  toujours  à  des  organismes 
juridiques  inférieurs  des  organismes  plus  parfaits ,  qui  mène 
presque  insensiblement  de  conceptions  très  étroites  et  très 
grossières  aux  notions  larges  et  élevées ,  où  chaque  formation 
prépare  une  formation  nouvelle  qui  la  recouvre  sans  la  dé- 
truire ,  où  les  complications  s'expliquent  par  le  souvenir  des 
phases  antérieures  du  développement  scientifique  et  où  les 
idées  générales  apparaissent  comme  la  dernière  expression 
de  ce  développement. 

P. -F.  Girard, 

professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  Droit  de  Montpellier. 


LES  COUTUMES  DE  LORRIS 

ET  LEUR  PROPAGATION 

AUX    XII*   ET    XIII*    SIÈCLES 

(soin) 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 


I. 

TEXTE  DES  COUTUMES  DE  LORRIS. 

La  charte  par  laquelle  Louis  VI  avait  fixé  les  droits  et  les 
devoirs  des  habitants  de  Lorris  à  l'égard  de  la  royauté  est 
perdue.  Le  préambule  de  la  charte  de  Philippe-Auguste ,  déjà 
mentionné ,  témoigne  seul  de  son  existence. 

La  charte  de  Louis  VU  donnée  à  Orléans  en  1155  se  trouve 
transcrite  dans  le  registre  À  de  Philippe- Auguste  (Bibl.  du 
Vatican,  f.  Ottoboni,  n°  2796,  f»  52.  —  Copie  aux  Arch. 
Nat.,  33  9),  et  dans  les  registres  :  B  f»  58  v«,  C  f>  52  r°,  D 
P  65,  E  f> 107,  F  f*  79  v*.  Parmi  ces  textes,  le  plus  ancien 
est  celui  du  registre  A  d'où  sont  dérivés  les  autres  ;  le  texte 
du  registre  C  {Arch.  Nat.,  33  7-8,  2e  partie)  qui  renferme  déjà 
des  fautes  et  des  omissions  signalées  par  M.  L.  Delisle  {Cata- 
logue, Introd.,  p.  XIII,  note  1),  présente  toutefois  quelques 
bonnes  leçons.  Le  texte  de  B  a  été  copié  sur  A;  il  est  très- 
incorrect.  Les  textes  de  D  et  E  sont  des  copies  du  registre  C  ; 
F  est  une  copie  du  registre  E.  Dans  le  registre  A,  la  charte 
porte  ce  titre  :  «  Carta  franchesie  Lorriaci.  Hœc  est  carta  Ludom 
vici  régis  de  Lorriaco.  »  Vient  ensuite  la  formule  de  notifica- 
tion ,  puis  le  dispositif.  Dans  le  registre  G,  le  titre  est  le  sui- 
vant :  «  Census  Lorriaci  et  libertatis  »  puis  :  «  Ludovicus ,  etc. 
Notum  sit  omnibus  presentibus » 


442  LES  COUTUMES  DE  LORRIS. 

C'est  d'après  le  manuscrit  D,  autrefois  Bibl.  Nat.,  f.  fr.,  ms. 
9852  A,  aujourd'hui  b.ux  Archives  Nat.,  JJ  23,  que  cette  charte 
de  Louis  VII  a  été  imprimée  dans  le  Recueil  des  Ordonnance*, 
t.  XI,  p.  200-203  ;  texte  reproduit  par  Isambert,  t.  I,  p.  153. 
Warnkœnig  a  publié  cette  même  charte  (Franzôsische  Staats- 
und  Rechtsgeschickte,  t.  I,  Preuves,  p.  34-37)  d'après  les 
Ordonnances  et  avec  les  variantes  de  la  charte  de  Dixmont 
publiée  par  Galand  (Traité  du  Franc  aleu,  p.  375). 

L'original  du  diplôme  par  lequel  Philippe-Auguste  confirma 
à  Bourges  en  1187  (Delisle,  Catal.,  n°  187),  les  Coutumes  de 
Lorris  est  perdu.  MaisDom  Morin  (Hist.  générale  despays  de  Gas- 
tinois,  Paris,  1630,  in-4°)  l'a  connu.  Il  était  scellé  de  cire  jaune 
sur  lacs  de  soie  verte  et  jaune.  Malheureusement,  D.  Morin 
n'a  pas  su  en  faire  usage.  Sa  transcription  (p.  170-174)  est 
très-incorrecte.  Les  fautes  de  lecture  sont  si  nombreuses,  la 
ponctuation  est  si  bizarre,  que  ce  texte  est  presque  incompré- 
hensible. Nous  devons  dire ,  à  la  décharge  de  D.  Morin ,  que 
son  ouvrage  n'a  été  imprimé  qu'après  sa  mort.  De  plus ,  les 
éditeurs  n'ont  pas  pris  le  temps  de  lire  les  épreuves  (1).  La 
Thaumassière  a  publié  l'acte  de  Philippe-Auguste  dans  son 
ouvrage  intitulé  :  Coutumes  locales  de  Berry  et  celles  de  Lorris 
commentées,  Paris,  in-f°,  1680,  à  la  page  394.  Il  n'a  pas  indi- 
qué la  source  où  il  a  puisé.  Les  Ordonnances  n'en  ont  donné 
que  le  préambule ,  t.  XI,  p.  200. 

Il  existe  dans  le  supplément  du  Trésor  des  Chartes,  J  1046, 
n°  22,  une  transcription  de  l'original  dans  un  vidimus  scellé, 
émané  du  prévôt  de  Lorris  en  1290,  et  envoyé  aux  habitants 
de  Nonette  en  Auvergne. 

Je  signalerai  encore  une  transcription  de  la  charte  de  Phi- 
lippe-Auguste à  la  fin  du  Cartulaire  de  l'abbaye  Saint-Jean 
de  Sens  (xnie  s.,  Archives  de  V Yonne,  f°  42  vM*  43  v°)  ;  et  une 
copie  de  Duchesne,  à  la  Bibl.  Nat,  coll.  Duchesne,  vol.  78, 
anciennement  p.  151,  aujourd'hui  p.  64,  d'après  un  exem- 
plaire de  la  Bibliothèque  de  son  père. 

Une  traduction  française  du  xme  siècle  a  été  signalée  à  la 


(1)  «  S'il  y  a  quelque  erreur  à  l'impression,  faut  donner  cela  an  peu 
de  temps  qu'on  a  eu  à  lire  les  espreuves  de  ceux  qui  y  ont  travaillé.  » 
(Préface.) 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  443 

Bibliothèque  du  Vatican,  fonds  de  la  reine  Christine,  n°  980  (1), 
par  M.  Elie  Berger  (2)  et  avant  lui  par  M.  Paul  Lacroix  (3). 

L'inventaire  des  Archives  du  Loiret  (Série  A,  986,  Invent., 
p.  228,  col.  2)  mentionne  une  traduction  française  des  cou- 
tumes accordées  à  Lorris  par  Philippe-Auguste  en  1187,  sans 
en  indiquer  la  date.  Guizot  (Hist.  de  la  civilisation,  t.  IV,  p. 
223-226)  et  Laferrière  {Hist.  du  Droit  français,  t.  IV,  p.  155- 
160),  ont  donné  chacun  une  traduction  des  Coutumes  de 
Lorris. 

J'ai  cru  nécessaire  de  donner  ici  la  charte  de  1155,  non- 
seulement  pour  faciliter  la  lecture  du  présent  travail,  mais 
aussi  parce  qu'il  m'a  paru  qu'on  pouvait  améliorer  le  texte 
des  Ordonnances.  La  division  en  articles  donnée  par  les  édi- 
teurs des  Ordonnances,  consacrée  par  un  long  usage,  devait 

(1)  Ce  manuscrit  est  un  recueil  de  chartes  et  débris  de  chartes.  —  La  charte 
de  Lorris  a  0m,  357  de  haut,  sur  0m,  445  de  largeur.  Le  milieu  de  chaque 
ligne  est  caché  dans  la  reliure.  —  J'ai  supprimé  le  préambule  dans  la  transcrip- 
tion que  j'en  donne  plus  loin,  car,  comme  je  l'ai  dit  plus  haut,  cette  traduction 
a  été  faite  sur  la  charte  de  Philippe-Auguste.  Voici  ce  préambule  :  «ou  nom  de 
la  sainte  Trinité,  Amen.  Phelipes,  roys  de  France  par  la  grâce  de  Dieu.  Il 

apartient  a roiaus  noblece  que  elle  ayst  a  ceus  a  cui  il  meschiet  et  que  elle 

leur  doint remède  et  confort.  Pour  ce,  sachent  tuit  présent  et  a  avenir  que 
comme  li  home  de  Lorr[iz]  ...eusseint  coustumes  impetréde  nostreeolLoysroy 
de  France  et  de  nostre  père  Loys  son  fllz.et  Chartres  eusseint  eues  de  l'un  et 
de  l'autre ,  en  quoi  celles  leur  coustumes  estoient  contenues,  il  avint  que  par 
mescheance  la  ville  de  Lorrfiz]  ardi  [prjesque  toute,  et  les  Chartres  ausit, 
es  quelles  leur  coustumes  estoient  escriptes.  Et  demourains  celle  nuit  que  ce 
avint  en  celle  ville  de  Lorr[iz] .  Nous  adecertes  qui  de  royal  franchise  eusmes 
pitié  [de]  le  mescheance,  leur  ostroiasmes  les  coustumes  que  il  avoient  eues 
anciennement  et  les  donasmes  et  establismes  ansit  comme  de  novel.  Nous 
ostroiasmes  adecertes  que  qui  aura  maison » 

(2)  Notice  sur  divers  mss.  de  la  Bibl.  Vaticane,  Paris,  1879,  p.  32.  —  Je 
donne  plus  loin  cette  traduction  d'après  une  copie  faite  par  M.  E.  Berger, 
membre  de  l'École  française  de  Rome,  et  que  mon  maître,  M.  A.  Giry,  a  bien 
voulu  me  communiquer. 

(3)  Notices  et  extraits  des  mss...  conservés  dans  les  bibl.  d'Italie,  ap.  Cham- 
pollion-Figeac,  Documents  historiques  inédits ,  t.  III,  p.  279-280.  M.  Lacroix 
indique  cette  charte  comme  un  original  dont  on  trouverait  la  traduction  la- 
tine, Ord.t  t.  XI;  or,  on  sait  que  le  t.  XI  renferme  la  charte  de  Louis  VII 
et  non  celle  de  Ph.-Aug.;  en  second  lieu,  la  chancellerie  royale  n'employait 
pas  encore  la  langue  française  au  xir»  s.;  le  texte  du  Vatican  n'est  qu'une 
traduction.  D'ailleurs,  nous  savons  par  D.  Morin,  La  Thaumassiére  et  le  vi- 
dimus  de  la  prévôté  de  Lorris  que  l'origioal  était  en  latin.  —  La  note  de  M. 
Lacroix  se  trouve  reproduite  par  Migne,  Dict.  des  vus.,  t.  II,  p.  1130. 


444  LES  COUTUMES  DE  LORRIS. 

être  conservée.  Il  n'y  aurait  eu  lieu  d'ailleurs  de  la  modifier 
qu'en  deux  ou  trois  endroits;  ce  que  j'ai  fait  en  divisant  un 
même  article  en  deux  paragraphes.  J'ai  suivi  le  texte  du  Re- 
gistrum  veterius  (1)  de  Philippe- Auguste;  les  corrections  que 
j'ai  introduites  sont  en  italiques.  A  la  suite  de  chaque  article 
on  trouvera  les  variantes  du  registre  C,  et ,  pour  la  charte  de 
Philippe-Auguste,  celles  du  vidimus  de  1290,  émané  de  la 
prévôté  de  Lorris,  et  les  bonnes  leçons  données  par  D.  Ma- 
rin (2). 

Une  autre  série  de  notes  réparties  par  articles  donne  les 
variantes  d'un  certain  nombre  de  chartes  dérivées  des  Cou- 
tumes de  Lorris  (3). 

Ce  sont  les  chartes  de  : 

1°  Montargis  (1170),  d'après  La  Thaumassière ,  Coût,  toc, 
p.  401. 

2°  Bois-le-Roi  (1171),  d'après  La  Thaum.,  Ibid.,  p.  413. 

3°  ViUeneuve-l' Archevêque  (1172),  traduct.  du  xrae  siècle, 
d'après  Quantin,  Car  M.  de  l'Yonne,  t.  II,  p.  240. 

4°  CourceUes-le-Roi  (1175),  d'après  le  reg.  JJ  466,  f*>  275  v°. 

5°  Rousson  (1175),  d'après  Quantin,  Cartvl.de  l'Yonne,  t.  II, 
p.  272. 

6°  Voisines  (1187),  d'après  le  reg.  JJ  443,  t°  18. 

7°  Barlieu  (1190),  d'après  La  Thaum.,  op.  cit.,  p.  415. 

8°  Chaumont-enrBassigny  (1190),  d'après  La  Thaum.,  op.  cit., 
p.  428. 

9*  Ervy  (1199),  d'après  La  Thaum.,  op.  cit.,  p.  472. 

10°  U Étang -le-Comte  (1199),  d'après  La  Thaum.,  op.  cit., 
p.  416. 

11°  MaiUy'le-Château{mO-l<2i<2),  d'après  le  reg.  JJ  405,  f°  90. 

(1)  Le  premier  registre  de  Philippe-Auguste,  reproduction  héliotypique  publ. 
par  L.  Delisle,  1883,  in-4°. 

(2)  Le  regitt.  veterius  est  désigné  par  la  lettre  A;  le  registre  C  (JJ  7-8,  2« 
partie)  par  C;  le  vidimus  de  1290  par  N,  et  le  texte  de  Dom  Morin  par  D  M. 

(3)  Ces  variantes  permettront  au  lecteur  de  saisir  du  premier  regard  les  mo- 
difications introduites  dans  les  chartes  dérivées  des  Coutumes  de  Lorris.  U 
n'y  avait  pas  lieu  de  donner  les  variantes  des  filiales  autres  que  les  19  indi- 
quées ici;  car  les  unes,  telles  que  Boiscommun,  Dizmont  et  Cléri,  sont  la 
reproduction  intégrale  de  la  charte-mère  ;  les  autres  n'ont  subi  son  influence 
que  pour  un  certain  nombre  d'articles. 


PIECES  JUSTIFICATIVES. 


445 


*2°  MaiUy-la-VUle  (1200-1212),  d'après  LaThaum.,  op.  cit., 
p.  708. 

13°  Saint-Brisson  (1210),  d'après  LaThaum.,  op.  cit.,  p.  423. 

14°  La  Selles-enrBerry  (1216),  d'après  La  Thaum.,  op.  cit., 
p.  83. 

15°  Saint-Laurentsur-Barenjon  (1234),  d'après  La  Thaum., 
op.  cit.,  p.  426. 

16°  Vermenton  (1235),  d'après  le  reg.  JJ  465,  fl>  59  v°. 

17°  Ménétréolrsous-Sancerre  (1241),  d'après  La  Thaum.,  op. 
cit.,  p.  419. 

18°  La  Ferté-Loupière  (1302),  d'après  La  Thaum.,  op.  cit., 
p.  435. 

19°  Sancerre  (1327),  d'après  La  Thaum.,  op.  cit.,  p.  421. 

• 

Charte  donnée  par  Louis  VII  en  1155  aux  habitants 
de  Lorris  d'après  le  registre  A  de  Philippe-Auguste. 


CARTA  FRANGHESIE  LORRIAGI. 

HSC  BST  CARTA  LuDOVICI  REGIS 
DB  LORRIACO. 

Ludovicus,  etc.  (1).  Notum  sit  om- 
nibus presentibus  et  futuris  quod  : 

1.  Quicumque  in  Lorriaci  parro- 

chia  (2)  domum  habebit,  pro  domo 

sua,  et  pro  quodam  arpenno  (3) 

terre ,  si  in  eadem  parrochia  habue- 

rit,  sex  denarios  census  tantum 

persolvat;  et,  si  illud  acquisierit, 

ad  censum  domus  sue  illud  teneat. 

Variantes  du  texte  :  (1)  Ces  mots  sont  omis 
par  A  mais  se  trouvent  dans  G.  —  (2)  A  et  G 
portent  parrochtam;  corr.  parrochia  par  N, 
DM.  —  (3)  N,  DM  arpento. 


TRADUCTION  DES  COUTUMES  DE  LORRIS. 

(xnr  sieclr.) 

(Bibliothèque  dn  Vatican ,  Christine  980). 


1.  Qui  aura  maison  en  la  par- 
roisse  de  Lorr[iz]  pour  sa  [ma]ison 
et  pour  I  arpent  de  terre,  se  il  l'i  a, 
il  rende  tant  seulement  sis  deniers 
de  cens  ;  et  se  cel  arpent  il  acquiert, 
teigne  le  au  cens  de  sa  maison. 


Variantes  des  chartes  dérivées  des  Coutumes  de  Lorris. 

1.  Mohtargis  :  «  Quœque  domus  ad  festum  sancti  Johannis  quinque  solidos  cen- 
sus persolvet,  quœ  Lorriaci  cum  udo  arpento  terr»  sex  denarios  persolvet  cen- 
sus, et,  exceptis  clientibas  meis »  —  Bois-lb-Roi,  comme  Montargis  :  ......  ad 

festum  sancti  Remigii »  —  Roussoit  :  «  Quicumque  in  territorio  illo  domum 

habebit  pro  domo  sua  et  pro  arpenno  terre ,  duos  solidos  de  asisa  per  annum 
dabit;  omnes  in  parrochia  manentes  de  consuetudine  ad  furnum  et  ad  molendi- 
nom  nostrum  ibunt.  »  —  Coorcbllbs  :  «  Quique  pro  unaquaque  domo  sua  et  pro 


448 


LES   COUTUMES  DE  LORRIS. 


catum  Lorriaci  veniens  seu  rediens 
capiatur  nec  disturbetur,  nisi  die 
illa  (1)  forifactum  fecerit. 

Et  nullus  in  die  mercati  vel  ferie 
Lorriaci  vadium  plegii  sui  capiat, 
nisi  die  consimili  plegiacio  illa  facta 
fuerit. 

(i)Nipw. 

7.  Et  forifactum  de  LX  solidis  ad 
quinque  solidos,  et  forifactum  (1) 
de  quinque  solidis  ad  XII  denarios 
veniat  ;  et  clamor  prepositi  ad  IIII 
denarios. 

(1)  G  omet  forifactum. 

8.  Et  nullus  eorum  a  Lorriaco 
cum  domino  (1)  rege  placitaturus 
ezeat. 

(1)  Domino  omis  par  N. 

0.  Nullus ,  nec  nos  nec  abus ,  ho- 
minibus  de  Lorriaco  talliam,  nec 
ablationeni,  nec  rogam  faciat. 

10.  Et  nullus  Lorriaci  vinum  cum 
edicto  vendat  (1),  excepto  rege  qui 
proprium  vinum  in  cellario  suo  ven- 
dat (2). 

(1)  G  Cum  edicto  vinum  vendat;  N  vinum 
vendat  cum  edicto.  -  (?)  N  cum  edicto  vendat. 


foires  ou  as  marchiez  de  Lorr[izJ 
o[u]  [de]s  foires  ou  des  marchiez  ne 
soit  pris  ne  destourbez  se  il  ne  for- 
fet  à  celui  jour. 

Nul  au  jour  de  Lorr[iz]  ne  prei- 
gne  gaige  de  son  pleige  se  la  ple- 
gerie  n'a  esté  fête  en  jour  semblable. 


7.  Li  forfez  de  sexante  soulz  a 
[ci]nq  soulz,  li  forfez  de  cinq  bouIz 
a  doze  deniers;  et  la  clameur  au 
prevost  a  quatre  deniers. 


8.  Nul  de  la  parroisse  de  Lorr[iz] 
n'isse  de  Lorr[iz]  pour  plaidier  o  le 
roy. 

0.  Nul  d'aus,  ne  nous  ne  autre, 
ne  face  as  homes  [de]  Lorrpz]  ne 
taille  ne  tousse  ne  demande. 

10.  Nul  des  homes  de  Lorrfiz] 
ne  vande  vin  ou  ban  fors  le  roy  qui 
son  propre  vin  vandra  en  son  celier 
au  ban. 


7.  Omis  par  L'Étahg-lb-Comtb.  —  Mailly-la-Villb  :  «  Forifactum  ubicumque 
factum  faerit ,  sive  in  bosco ,  sive  in  piano ,  de  sexaginta  solidis  ad  quinque  soli- 
dos ,  et  forifactum  de  quinque  solidis  ad  duodecim  denarios  veniat ,  et  clamor 
prepositi  ad  quatuor  denarios.  » 

8.  Omis  par  Ervy.  —  Rousson  :  «  Nullus  eorum  nobiscum  placitaturus  a  villa 
exibit,  nisi  causa  christianitatis.  » 

9.  Omis  par  Ervt.  —  MAiLLY-LB-GaâTSAU  et  Mailly-la-Villb  :  « tailliam 

nec  ezactionem  neque  rogam  faciat.  »  —  Menbtreol  :  «  Quin  etiam  habitatores 
Monasterelli  ita  liberos  esse  ab  omni  ezactione  constituo ,  quod  nec  ego  nec  ali- 
quis  de  meis  successoribus ,  nec  quispiam  alius  qualemcumque  talliam ,  vel  aliud 
quid  inter  exactiones  deputandum,  ab  eis  violenter  exigere  poterit,  prœter  libéras 
consuetudines.  » 

10.  Omis  par  Ervy,  VsRMBirroif ,  Sancerrb.  —  Villbiieuvb-l'Archbvbqub  :  «  Et 
nus  en  la  Noeve-Vile  vin  à  ban  vende.  »  —  Barlibu  :  «  Mibi  autem  licebit  ven- 
dere  vinum  ad  bannum  tantummodo  per  mensem.  »  —  Chaumont  :  ......  excepto 


PIECES  JUSTIFICATIVES. 


449 


11.  Lorriaci  autem  habebimus 
creditionem  in  cibis  ad  nostrum  et 
regine  opus  ad  dies  quindecim  com- 
pletos  persolvendum  (1). 

Et,  si  quis  (2)  vadium  domini  ré- 
gis vel  alius  habuerit ,  non  tenebit 
ultra  octo  dies ,  nisi  sponte. 

(i)  N  Pertotvendam.  —  (S)  Quis  omis  par 
A  etC;  eorr.  par  N. 

12.  Et ,  si  alius  erga  alium  ini- 

miciciam  incurrerit ,  absque  castelli 

vel  burgi  infractura,  et  clamore  pre- 

posito  non  facto  concordaverit,  ni- 

chil  ob  hoc  (1)  nobis  nec  preposito 

nostro  8it  emendaturus  (2),  et,  si 

clamor  inde  factus  fuerit ,  Iicet  illis 

concordare ,  ex  quo  districtum  per- 

solverint  (3)  ;  et ,  si  alius  de  alio 

(1)  C  porta  propUr  hoc  après  preposito  no$- 
tro.  —  (8)  C  SmendoMtw.  —  (3)  A  et  C  per- 
êolverit;  corr.  pertolverint  par  N,  DM.  — 


11.  À  Lorr[iz]  nous  aurons  créan- 
ce en  viande  pour  nous  et  [pou]r  la 
roigne  a  paier  dedenz  la  quinzeine 
de  la  créance. 

Se  aucuns  de  Lonfiz]  tient  le 
gaige  le  roy  ou  l'autrui,  il  ne  le 
[tjendra  ja  outre  VIII  jourz,  se  n'est 
de  sa  volenté. 

12.  Se  aucuns  de  ceus  de  Lorrpz] 

encourt  haine  en l'autre  et  ini- 

mistié ,  mais  que  il  n'i  ait  briseure 
de  chastel  ou  de  bourc,  et  sanz 
claim  faire ,  il  faceint  pez ,  il  n'en 
amenderont  a  rien  pour  cen  a  nous 
ne  au  prevost.  Et,  se  clameur  i 
avoient  faite,  leur  loit-il  acorder 
ma[is]  que  il  rendeint  le  destroit.  Se 


comité  qui  proprium  vinum  in  cellario  sao  cum  edicto  potest  vendere ,  et  tantum 
per  anum  mensem  in  anno.  »  —  L'Étanq-lk-Comtb  :  «  Et  nullus  Stagni  vinum  ad 
bannum  vendat;  mini  autem  licebit  vendere  vinum  ad  bannum  tantummodo  per 

mensem.  »  —  Mailly-ls-ChAteau  et  Mailly-la-Villb  :  « nisi  dominas  Mailliaci 

qui  vinum  vinearum  saarum  tantum  in  mense  Augusto  vendere  poterit.  —  Saint- 
Brissoh  :  «  Et  quoniam  burgenses  de  Sancto-Bricio  nobis  et  heredibus  nostris , 
dominis  Sancti-Bricii ,  quittaverunt  pasturas  et  usuarium  saum ,  quod  habebant 
ad  mortuum  nemus  in  nemoribus  nostris  volumus  ut  bannus  noster,  qui  erat  in 
vilia  nostra  Sancti-Bricii  ad  voluntatem  nostram ,  de  vino  nostro  proprio  de  cel- 
lario nostro  vendendo ,  duret  solummodo  per  très  septimanas  et  incipiat  ultima 
die  Maii.  »  —  Menétrbol  :  et  Nulli  eorum  vinum  vendere  licebit  ad  bannum;  mini 
autem  licebit  vendere  vinum  ad  bannum  semel  in  anno  per  mensem  tantum.  » 

11.  Mohtàrqis  et  Bois-le-Roi  :  «  Hommes  de  Monteargo  domino  suo  de  rébus 
suis  pro  victu  creditionem  per  unum  mensem  facient.  Et,  si  pnepositus  Monti- 
sargi  debitum  domini  non  persolverit,  dominas,  facta  conquestione  acredttori- 
bus,  illud  infra  mensem  alium  persolvi  faciet.  Nullus  etiam  Montisargi  vadium 
alterins  tenebit  ultra  octo  dies ,  nisi  sponte.  »  —  Roubson  :  a  Nullus  eorum  ser- 
vientibus  nostris  creditionem  faciet,  nisi  voluntate  spontanea,  nobis  tamen  ezeep- 
tis,  sed  et  nobis  non  credent  nisi  usque  ad  quindecim  dies.  »  — MAiLLY-LB-CHâTSAu 
et  Mailly-la-Villr  :  a  Dominos  Mailliaci  habet  credicionem  in  cibis  ad  suum  et 
uzoris  sue  usum,  ipsis  eciam  apud  Mailliacum  presentibus  ad  dies  quindecim 
persolvendam,  et,  si  tune  soluta  non  fuerit,  homines  dicte  ville  nnllam  de  cetero 
debebunt  credicionem  donec  illa  persolvatur.  Si  quis  vadium » 

12.  Mortarqis  et  Bois-lb-Roi  :  «  Et  si  aliquis  erga  aliquem  dicto  vel  facto  ini- 


450 


LBS   COUTUMES  DB   LORRIS. 


clamorem  fecerit,  et  alter  erga  al- 
terum  nullam  fecerit  emendationem, 
nihil  (4)  pro  his  nobis  (5)  aut  pre- 
posito  nostro  erit  emeadaturus. 

(4)  A  et  G  portent  l'abréviation  de  niti,  n;  corr. 
nihil  par  N,  DM.  —  (5)  Nobit  omis  par  A  et 
G;  corr.  par  N,  DM. 

13.  Et  si  (1)  alius  alii  (2)  facere 
sacramentum  debuerit  condonare  ei 
liceat. 

(1)  Si  omis  par  A  et  C  ;  corr.  par  N,  DM.  — 
l2)N,DMaU4«it  alicut. 

14.  Et  si  hommes  de  Lorriaco 
vadia  duelli  temere  dederint,  et, 
prepositi  assensu,  antequam  tri- 
buantur  (1)  obsides,  concordave- 
rint,  duos  solidos  et  VI  denarios  (2) 
persolvat  uterque;  et,  si  obsides 
dati  fuerint,  VII  solidos  et  sex  de- 
narios (3)  persolvat  uterque. 

Et,  si  de  legitimis  hominibus 
duellum  factum  fuerit,  obsides  de- 
victi  G  et  XII  solidos  persolvent. 

(1)  G  dentur.  —  (î)  C  solidos  et  dimidium. 
—  (3)  G  solidot  et  dimidium. 

15.  Eorum  nullus  corvatam  no- 
bis faciet  (1),  nisi  semel  in  anno  ad 
vinum  nostrum  adducendum  Aure- 
lian[os]  (2)  ;  nec  alii  hoc  facient  (3) 
nisi  (4)  illi  qui  equos  et  quadrigas 

(1)  N.  DM  faciat.  -  (2)  N,  DM  ab  Aurcl.— 
(3)  N,  DM  faciant.  —  (4)  N  omet  niti. 


aucun  de  Lorr[iz]  fet  clameur  de 
l'autre,  et  puis  n'en  faceint  amende 
l'un  à  l'autre,  ja  amende  n'en  feront 
ausit  a  nous  ne  a  nostre  prevost. 


13.  Se  aucuns  de  Lorrfiz]  doit 
faire  serement  l[i  uns]  a  l'autre ,  il 
le  H  peut  pardonner. 


14.  Se  aucuns  des  homes  de 
Lorr[iz]  donne  folement  gaige  de 
bataille ,  et  faceint  paiz  par  assen- 
timent dou  prevost,  einçois  que 
ostages  soieint  donné,  paît  chescun 
II  soulz  VI  denier  [s]  et  néant  plus; 
et  se  ostages  estoieint  donné,  pait 
chescun  VII  soulz  VI  deniers. 

Et  se  batalle  est  faite  de  loiaus 
homes,  li  ostages  veincuz  paieront 
cent  et  doze  soulz. 


15.  Nul  des  homes  [de  Lorr[iz 
n[ou]s  face  corvée  fors  que  une  foiz 

en  l'an  a  nostre  vin  amefner] 

Orliens  ;  ne  n'i  seront  tenu  que  cil 
qui  auront  chevaux  et  charretes, 


micitiam  incurrerit,  non  fiet  inde  duellum;  sed  duorum  vel  trium  testium  ori 
committetor,  subséquente  tamen,  si  necesse  ait,  sacrameoto.  »  —  La  Fsrté- 
Loopibrb  :  «  Et  se  aulcum  a  noise  ou  débat,  ou  menace  à  l'autre,  et  qu'il  n'y  ait 
point  d'infraction  de  chasteau  ou  clameur  faicte  au  prevost,  il  peut  licitement 
accorder  sans  estre  amendante  à  nous  ne  à  notre  dict  prevost.  » 

13.  Mbnétrbol  :  «  Si  quis alteri  alterum  a  sacramento  relaxare  licebit.  » 

15.  Omis  par  Vermbnton  et  Méwétréou  —  Montarglb  et  Bois-lb-Roi  :  «  Nullus 
corvatam  Montiaargi  faciet,  nisi  domino  semel  in  anno,  in  adducendo  vinom 
suum  in  eamdem  villam;  ille  etiam  qui  habebit  equum  et  quadrigametsobmooitus 
erit.  »  —  ViLLEifSDvg-L'ARCHBvftQUB  :  «  Nul  de  cela  nos  face  corvée;  li  vilain  la 
busche  a  notre  cuisine  et  de  l'abbé  amèneront.  »  —  Courcbllbs  :  «  Eorum  nullus 


PIECES  JUSTIFICATIVES. 


451 


habueriot ,  et  inde  summoniti  fue- 
rint, nec  a  nobis  habebunt  procu- 
rât! onem.  Villani  autem  ligna  ad 
coquinam  nostram  adducent. 

16.  Nullus  eorum  cap  tu  s  tenea- 
Uir  si  plegium  veniendi  ad  jus  dare 
potuerit. 

17.  Et  eorum  quilibet  res  suas, 
si  vendere  voluerit,  vendat,  et,  red- 
ditis  venditionibus  (f),  a  villa,  si 
recédera  voluerit,  liber  et  quietus 
recédât ,  nisi  in  villa  forifactum  fe- 
cerit. 

(!)  N,  DM  venditionibus  mit. 


comme  amonesté  en  seront ,  ne  il 
n'auront  ja  de  nous  despens.  Li  vi- 
lain amèneront  [laj  bûche  a  nostre 
cuisine. 

16.  Nul  des  homes  de  Lorrfiz]  ne 
soit  tenu  près  se  il  peut  donner 
pleige  de  revenir  a  droit. 

17.  Chescuns  de  Lorr[iz]  vande 
ses  choses  quant  il  voudra  ;  et ,  les 
ventes  rendues ,  il  s'en  aust  de  Lor- 
rfiz] frans  [et]  quites,  ne  plus  n'i 
viaust  demourer. 


eorvatam  nobis  faciat  nisi  semel  in  anno  ad  annonam  terragii  supradictarum  villa- 

rnm  adducendam  Lorriacum;  nulli  vero  hoc  faciant  nisi  illi  qui  equos »  — 

Rocsson  :  «  .....  nisi  semel  in  anno  ad  vinum  Senonis  vel  ad  alia  nobis  necessaria 

addnceiida  faciant.  »  —  Voisines  :  « ad  vinam  nostram  adducendum  ab  Aure- 

tianis  velab  eque  remoto  loco;  illi  autem  hoc  facient  qui  equos »  —  Bahlibu, 

L*Étaj*g-lb-Comtb  et  La  Fbrté-Loupièrb.  «  Corvatam  semel  in  anno  habebo  ad 
vinam  meam  adducendum  de  Sacro-Cssaris  ;  hoc  autem  facient  illi  qui  quadrigas 
et  equos  habnerint  et  inde  submoniti  fuerint,  nec  a  me  habebunt  procurationem; 
céleri  vero  unam  corvatam  semel  in  anno  facient.  »  —  Chaumont  :  «  Nullus  homi- 
num  de  parochia  Calvimontis  corvatam  mihi  nec  alii  faciat  nisi  semel  in  anno  ad 
vinam  meum  adducendum  de  Barro  ad  Caivimontem,  vel  de  alio  loco  infra  leacas 

octo;  hoc  autem  facient  illi  qui  equos procurationem  habebunt.  »  —  Ervy  : 

«  Eoram  nullus  corveam  mihi ,  nisi  de  vino  meo  de  Denemoine  adducendo.  »  — 
Mailly-lb-Ch&tbau  et  Mailly-la-Villb  :  «  Nullus  hominum  Mailliaci  aliquam  cur- 
vatam  nec  michi  nec  alteri  faciat  nisi  tantum  illi  qui  quadrigas  habebunt  qui  semel 
in  anno,  si  submoniti  fuerint,  quadrigas  suas  michi  usque  ad  Betriacum  vel  us- 
que ad  Voietenetum  vel  usque  ad  Collengias  pro  cibis  meis  quadrigandis  acomo- 
dabunt,  et  semel  in  anno  michi  adducent  ligna  de  Fretoy  in  domum  meam  de 
Mailliaco  ad  comburendum ,  si  inde  submoniti  fuerint.  »  —  Saint-Brisson  :  «  Nul- 
las  eoram  corvatam  faciat  nisi  semel  in  anno  ad  vinam  nostrum  adducendum  a 
Castellione  vel  a  Sacro-Cœsare  ;  hoc  autem  illi  facient habebunt  procura- 
tionem. »  —  Sakcbrre  :  «  Item,  homines  hujus  franchisiœ  semel  in  anno  mihi 
corvatam  faciant  de  quatuordecim  leucis  in  longinquo ,  illi  scilicet  qui  equos 
vel  qaadrigam  habueriot,  si  inde  submoniti  fuerint,  facientque  illam  cum  sua 
procuratione.  » 

17.  Mohtarqi8  et  Bois-LB-Roi  ajoutent  :  a  Alienos  autem  Montisargi  permanentes 
dominas  eos  tenebit  ad  jus  contra  suos  accusatores.  »  —  MAiLLY-LB-CHftTKAU 
ajoute  :  «  Quilibet  hominum  Mailliaci  domum  suam  quando  voluerit  ad  libitum 
suum  jaxta  antiquam  domorum  libertatem  vendere  poterit ,  nec  pro  ea  sive  emp- 
tor  sive  venditor  aliquam  consuetudinem  dabit.  »  —  Mailly-la-Villb  ajoute  : 
«  Quilibet  hominum  Mailliaci  domum  suam  quando  voluerit  ad  libitum  suum 


452 


LES  COUTUMES  DE  LORRIS. 


18.  Et  quicumque  in  parrochia 
Lorriaci  anno  et  die  manserit,  nullo 
clamore  eum  sequente,  neque  per 
nos  sive  per  prepositum  rectitudi- 
nem  prohibuerit ,  deinceps  liber  et 
quietus  permaneat. 

10.  Et  nullus  cum  aliquo  (1)  pla- 

citabit  niai  causa  rectitudinis  reci- 

piende  et  exequende  (2). 

(4)  G  alio.  —  (3)  N,  DM  exequende  et  rt- 
cipiende. 

20.  Et ,  quando  homines  de  Lor- 
riaco  ibunt  Aurelfianos]  cum  mer- 


18.  Quiconques  aura  demouré 
en  la  parroisse  deLorr[iz]  an  et  jour, 
sanz  site  que  nul  ne  le  siegne,  et  (?) 
il  aura  refusé  droit  a  prendre  par 
nous  ne  par  nostre  prevost,  il  de- 
vient d'ileuc  en  avant  frans  et  en 
paiz 

10.  Nul  de  Lorr[izJ  ne  pleide  o 
autre  se  n'est  pour  raison  de  droit 
prendre  et  ensigre. 


20.  Li  home  de  Lorr[iz j ,  comme 
il  iront  a  Orliens  o  leur  marchan- 


vendat,  salvis  venditionibus  meis.  »  —  Vbrmbntok  :  a nisi  in  villa  foriffactum 

fecerit  pro  quo  debeat  relineri.  » 

18.  Omis  par  Montaroib  et  Bois-lb-Roi.  —  Rodsson  :  « et  nullo  de  eo  roc- 

titudinem  prohibente »  —  Voisuibs  :  «  Quicumque  eciam  in  villa  predicta  uno 

anno  et  uno  die  permanebit ,  nullo  clamore  eum  sequente ,  et  nullo  de  eo  recti- 
tudinem  prohibente,  deinceps  liber  et  quittas  permaneat  exceptis  hominibus  nos- 
tris  de  corpore  et  hospitibus  nostris  tailliabilibus  qui  in  ea  villa  retineri  non  po- 
terunt,  nisi  illi  qui  ante  composicionem  hujus  carte  ibi  fuerant.  »  —  Ghatooiit  : 

« exceptis  hominibus  domini  Girardi  de  Eschit  et  heredum  suoram  ;  soi  vero 

homines  non  retinebuntur  apud  Calvimontem.  »  —  Ervy  :  q Si  autem  recti- 

tudinem  facere  noluerit,  usque  ad  tutum  locum  conductum  meum  habeat.  »  — 

MAiLLY-LE-CHâTRAU  :  « hoc  tamen  observato  quod  si  aliquis  militam  casato- 

rum  Mailliaci  aliquem  hominem  apud  [Mailliacum]  pro  servo  suo  calumpniaverit 
et  hec  tercia  manu  militum  et  procinctu  parentele  probare  poterit,  illi  servus  ultra 
quindecim  dies  non  tenebitur  apud  Mailliacum  sed  in  salvo  conductu  extra  cas- 

tellaniam  Mailliaci  conducetur.  »  —  Vrrmwton  :  « permaneat,  hoc  excepto 

quod  homines  nostros  tailliabiles  de  foris  villam  venientes  in  dicta  libertate  non 
poterunt  retinere.  » 

19.  Mailly-lb-Ch&tbau  et  Mailly-la-Villb  ajoutent  :  «  Quicumque  in  parrochii 
Mailliaci  domum  suam  aut  pratum  aut  vineam  aut  agrum  aut  quamcumque  aliaoi 
posBessionem  anno  et  die  pacifioe  tenuerit,  nulli  super  hoc  de  cetera  responde- 
bit  t  nisi  aliquis ,  qui  se  jus  sciât  in  hoc  habere  et  qui  per  illum  annum  extra  pi* 
triam  moram  fecerit,  voluerit  reclamare.  » 

20.  Omis  par  Montarois,  Bois-lb-Roi,  Villkhbuvb-l' Archevêque,  Rousso*,  Cbao- 
mont,  Ervy,  Mailly-lb-ChAtbau,  Mailly-la-Villb  ,  S  aint-Bribson  ,  La  Selles-c*- 

BXRRY,  SAIlfT-LAURKAT-SUR-BARBlf  JON,  VlRMEIfTOIf ,  Là  FbrTB-LoUPIERB,  SAlfCSURS.  — 

Barlibu  et  L'ÊTAifo-LB-CoMTB  :  «  Et  quando  homines  de  Barloco  ibunt  Sacrum- 
Cssaris  cum  mercatura  sua  pro  quadriga  sua  solum  nummum  persolvent,  scilieet 
quando  ibunt  non  causa  ferie  ;  et  quando  causa  ferie ,  pro  quadriga  duos  dent- 
rios.  »  —  Mérbtréol  :  c  Quando  homines  de  Monasterello  ibunt  ad  Sacrum-Castris 


PIECES  JUSTIFICATIVES. 


453 


eatnra  (1) ,  pro  quadriga  sua  solum 
nommom  (2)  persolvent  (3)  m  urbis 
egrassu,  scilicet  quando  ibunt  non 
ctusa ferie.  Et,  quando  causa  ferie 
in  Marcio  ierint ,  in  egressu  Aure- 
ifanis]  II1I  denarios  persolvent  (4) 
pro  quadriga,  et  in  ingressu  II  de- 
narios. 

(f) N,  DM  mereatura  tua.  —  (2)  C  dena- 
râm. — (3)  N  ptnolpant.  —  (*)  N  persolvant. 

21.  In  nupciis  Lorriaci  preco 
consuetudine  nichil(l)  habebit,  nec 
excobitor. 

(1)  N  niehil  consuetudine. 

22.  Et  nullus  agricola  de  par- 

rochia   Lorriaci  qui  terram  colat 

cum  aratro  plusquam  unam  minam 

siligînis  omnibus  (1)  de  Lorriaco 

servientibus    consuetudinem   pre- 

beat,  quando  messis  erit. 

(i)  A  et  C  hominibus;  corr.  omnibus  par 
S,  DM. 

23.  Et  si  miles  aliquis ,  seu  ser- 
vieos,  equos  vel  alia  animalia  ho- 
minum  de  Lorriaco  in  nemoribus 


dise,  paieront  I  seul  denier  à  r[is]sue 
de  la  cité  ;  c'est  a  savoir  quand  il 
iront  non  pas  pour  reison  de  foire. 
Et ,  comme  il  iront  pour  reison  de 
foire  en  Marz ,  il  paieront ,  pouf  la 
charrete  a  l'issue  de  la  cité  quitte 
deniers  et  a  l'entrée  dfous]  deniers. 


21.  Li  crierres  ne  prendra  rien 
de  Lorr[iz]  es  noces  de  coustume , 
ne  cil  qui  fet  le  guiet. 

22.  Nul  de  la  parroisse  de  Lor- 
r[iz]  qui  cultive  terre  a  charrue  ne 
rende  plus  d'une  mine  de  seigle  a 
touz  les  [serjants]  de  Lorr[iz],  quant 
moissons  seront. 


23.  Se  chevalier  ou  serjant  treuve 
les  chevaux  ou  autres  bestes  as  ho- 
mes de  Lorr[iz]  en  noz  bois,  il  ne 


coin  mereatura  sua  et  quadriga  sua,  solum  nummum  persolvant,  nisi  tune  forte 
dies  feriœ  fuerit;  nam  die  feriœ  duos  denarios  pro  quadriga  persolvant.  » 

21.  Omis  par  Bois-le-Roi,  Ervy,  La  Selles  ,  Vermbrton,  Sakcbrrb.  —  Moutar- 
Goometiuc  eœcubitor. 

22.  Omis  par  Bois-le-Roi,  Mailly-lb-Ch&teau,  Mailly-la-Ville,  La  Selles,  Saint- 
Lutriht-sur-Barek  jon  ,  Vermentok,  Sancerrb.  —  Codrgellbs  :  «  .....  siliginis  sin- 
gnlarum  villarum  servientibus  omnibus.  »  —  Barlibu  :  «  Et  nullus  agricola  qui 
terram  cum  aratro  colat ,  niehil  reddat  prêter  decimam  et  terragium  :  omnibus 
vero  servientibus  de  Barloco  aliquam  consuetudinem  non  prœbeat.  »  —  Chau- 
«oht  :  «  Nullus  agricola  de  parochia  Calvimontis  qui  terram  colat  cum  aratro 
oihil  prster  duos  bichets  frumenti  omnibus  servientibus  Calvimontis  consuetu- 
dine prœbeat;  illos  autem  bichets  et  sez  supradictos  denarios  census  reddet 

Qousqaisque  eorum  td  festum  SancU-Remigii.  »  —  Ervy  :  « plusquam  unam 

minam  frumenti  ad  mensuram  Lorriaci  omnibus  servientibus »  —  L'Étako- 

Lt-CoMTB,  Saint-Brisson  et  Ménétréol  :  «  .....  unum  cartellum  siliginis » 

23.  Omis  par  Roosson,  Ervy,  La  Selles,  Sajnt-Laurbict-scr-Barbnjon,  Vbrmbn- 

to5.  —  Coorcelles  :  «  Si  miles  aliquis ducere  nisi  ad  bailli  vos  sepedictarum 

villarum »  —  Chadmort  ajoute  :  «  Pargia  pratorum  durabit  ex  quo  custodes 


Revue  hist.  —  Tome  VIII. 


30 


484 


LES   COUTUMES  DE  LORRIS. 


nostris  invenerit,  non  débet  illadu- 
cere  nisi  ad  preposiium  de  Lorriaco. 
Et,  si  aliquod  animal  de  parro- 
chia  Lorriaci  forestam  nostram  (1), 
a  tauris  fugatum  vel  a  muscis  coac- 
tum,  intraverit  sive  haiam  (2),  nic- 
hil  ideo  debebit  prepositis  emen- 
dare  ille  cujus  fuerit  animal  qui  (3) 
poterit  jurare  quod,  custode  invito, 
illud  (4)  intraverit  (5).  Et  si ,  aliquo 
custodiente  scienter,  intraverit  (6), 
XII  denarios  pro  illo  dabit;  et,  si 
plura  fuerint,  totidem  pro  quolibet 
persolvat  (7). 

(1)  Nostram  omis  par  G.  —  <3)  C  museis 
vel  haiam  nostram  intraverit.  —  N,  D  M  Lor- 
riaci a  tauris  fugatum  vel  a  muscis  coactum 
forestam  nostram  sive  hayam  intraverit.  — 
(3)  N,  DM  si.  —  (*)  G  illuc.  —  (5)  N,  DM  in- 
trasset.  —  (6)  A  porte  dabit  fuerit;  corr.tn- 
traverit  par  G,  N,  D  M.  —  (7)  C  solvat.       9 

24.  In  furnis  Lorriaci  non  erunt 
portatores  consuetudine. 

25.  Et  excubie  non  erunt  Lor- 
riaci consuetudine. 

26.  Et  aliquis  de  Lorriaco,  si 
duxerit  sal  vel  vinum  suum  Aure- 
l[ianos],  pro  quadriga  I  denarium 
dabit  (1)  tantum. 

(4)  G  omet  dabit. 

27.  Et  nullus  hominum  Lorriaci 


les  doit  mener  fors  que  au  prevost 
de  LorrfizJ .  Se  aucune  [bjeste  de  la 
parroisse  de  Lorr[iz]  entre  en  nostre 
forest  par  chace  de  toriaux  ou  par 
contreignement  de  mouches  ou  en 
nos  haies,  cil  qui  les  bestes  sunt 
ne  doit  point  d'amende  se  il  viaust 
jurer  qu'elle  i  entr...st  maugré  la 
garde.  Et ,  se  elle  i  est  trouvée  a 
garde  faite,  cil  cui  elle  sera  en  poiera 
doze  deniers,  et  se  pluseurs  sunt, 
autent  pour  chescune. 


24.  Es  fourz  de  Lorr[iz]  n'aura 
nul  porteur  de  coustume. 

25.  A  Lorr[iz]  n'aura  point  de 
guiet  de  coustume. 

26.  Se  aucuns  de  Lorr[iz]  moine 
son  vin  ou  son  sel  a  Orliens ,  il  ne 
paiera  que  I  denier  pour  la  char- 
rette: 

27.  Nul  des  homes  de  Lorr[iz] 


constituti  fuerint  donec  prata  incipientur  falcari.  Pro  pargia  segetum  edictam 
ponitur,  ex  quo  custodes  eorumdem  constituti  fuerint  donec  messores  incipient 
metere  segetes.  » 

24.  Omis  par  Bois-lb-Roi,  Ervy,  Là  Selles,  Ménétréol,  Sancerrb. 

25.  Omis  par  Bois-le- Roi,  Chaumont,  Ervy,  L'Étanq-lb-Comte  ,  La  Selles  i 
Ménétréol,  Sancerre. 

26.  Omis  par  Montàrois,  Bois-lb-Roi,  Villeneuve-l' Archevêque,  Rodsson,  Voi- 
sines, Chaumont,  Ervy,  Mailly-lb-Ch&tbau  ,  Mailly-la-Villb  ,  Saint-Brisbon  ,  La 
Selles  ,  Saint-Ladrbnt-sur-Barbnjon  ,  Vermbnton  ,  La  Fbrté-Loupièrb  ,  Sancerre- 
Barleeu,  L'Étanq-lb-Comte.  —  Ménétréol  :  «  Et  aliquis  de  Barloco,  si  duxerit  sal 
vel  vinum  suum  Sacrum-  Cssaris,  pro  quadriga  sua  unum  denarium  tantum 
dabit.  » 

27.  Omis  par  Mortarqis,  Bois-lb-Roi,  Viuleneuve-l' Archevêque ,  Ervy,  Mailly- 


PIECES  JUSTIFICATIVES. 


455 


débet  emendationem  (1)  preposito 

Stamparum,  nec  preposito  Piveris, 

nec  in  toto  Gastinesio. 

(1)  A,  N  demendationem;  eorr.  emendatio- 
nem pu  C 

28.  Nullus  eorum  dabit  tonleium 
Ferrariis,  nec  Gastronantone  (1), 
nec  Puteolis ,  nec  Nibelle. 

(1)  N  Castrinantoniê. 

29.  Et  homines  de  Lorriaco  ne- 
mas  mortuum  ad  usum  suum  extra 
forestam  capiant. 

30.  Et  quicumque  in  mercato 
Lorriaci  emerit  aliquid  vel  vendide- 
rit  (1)  et  per  oblivionem  tonleium 
suum  retinuerit,  post  octo  dies  illud 
persolvet  (2),  sine  aliqua  causa,  si 
jurare  poterit  quod  scienter  non  re- 
tinuisset  (3). 

(!)  C  vendent.  —  (8)  N,  DM  persolvat.  — 
(3)  G  retinueril. 


ne  doit  demende  au  prevost  d'Es- 
tampes, au  prevost  de  Peviers,  ne 
en  tout  Gastinois. 


28.  Nul  de  Lorr[iz]  ne  paiera 
tonli  a  Ferrieres,  a  Ghastialandon , 
a  Puysiaus ,  ne  a  Nibele. 

29.  Li  home  de  Lorr[iz]  pren- 
dront le  bois  mort  hors  de  nostre 
forest  pour  leur  usage. 

30.  Quiconques  ait  acheté  ou 
vendu  ou  marché  de  Lorr[iz]  et. . . 
. . .  coulz  oublié  à  paier,  rende  le 
VIII  jourz  après,  sanz  nulle  amende 
faire;  mais  que  il  jure  que  a  [es]- 
cient  il  ne  le  retenist. 


lb-Ch&tbad,  Mailly-la-Villb,  La  Sbllbs,  Saint-Laurent,  Vermenton,  La  Ferte- 
Loopibrb,  Sarcbrrb.  —  Roossoif  :  «  Nullus  hominum  ipsius  ville  dabit  demanda- 
tionem  preposito.  »  —  Barlibo  ,  L*Étanq-lb-Comtb  ,  Ménbtreol  :  «  Et  nullus  Bar- 
loci  dabit  emendationem  preposito.  »  —  Chaumont  :  «  Nullus  hominum  de  parochia 
Calvimontis  débet  emendationem  prœposito  Calvimontis,  nec  praBposito  Barri,  nec 
preposito  Trecarum,  nec  praBposito  Firmitatis,  nec  alium  servienti  comitis.  »  — 
Saint-Brisson  :  et  Nullus  hominum  S.  Bricii  débet  emendationem  prœposito  de 
Castellione  nec  prœposito  de  Concorsault,  nec  prœposito  de  Petraflcta.  » 

28.  Omis  par  Montargib,  Bois-le-Roi,  Villenbuve-l'Archbvbqub,  Rousson,  Chau- 

MONT,  ERVY,  MAILLY-LB-CHftTBAU,  M AILLY-LA- VlLLE ,  La  SbLLBS  ,  SaINT-LaURBNT-SOR- 

Barbiuor,  Vbrmbnton,  La  Fbrte-Lodpibrb  ,  Sancerrb.  —  Barlibu,  L'Étang-lb- 
Comtb,  Ménbtréol  :  «  Nullus  de  Barloco  dabit  tombeium  Sacro-Cœsaris  nec 
Castellione.  »  —  Saint-Brisson  :  «  Nullus  eorum  in  terra  nostra  dabit  tonleium.  » 

29.  Omis  par  Rousson,  Chaumont,  Ervy,  Mailly-la-Villb,  Saint-Brisson,  La 
Selles,  Vermenton,  Menétreol,  La  Fbrté-Loupibre  ,  Sancbrrb.  —  Mailly-le-Gha- 
tbac  :  «  Homines  de  Mailliaco  illum  usagium  habebunt  in  bosco  de  Fretoy  quem 
in  eo  semper  habuerint,  hoc  eciam  observato  quod  forifacta  mea  de  bosco  sicut 
ut  alia  de  sezaginta  solidis  ad  quinque  solidos ,  et  de  quinque  solidis  ad  duode- 
cim  denarios  veniant.  Si  cui  impositum  fuerit  quod  in  garena  mea  in  planum  ve- 
natus  fuerit,  solo  juramento  se  deculpabit,  alioquin  quinque  solidos  emendabit.  » 
—  Sawt-Laurrnt-sur-Barenjon  :  a  Homines  dicte  villœ  habebunt  usagium  in  Vost, 
sicut  habere  solebant  videlicet  homines  no  s  tri.  » 

30.  Omis  par  Mailly-la-Villb.  —  Chaumont  :  «  . . .  illud  persolvat  sine  emen- 
datione. . .  »  —  Vermenton  :  «  . . .  sine  aliqua  emenda. .  •  » 


456  LES  COUTUMES  DE  LORBIS. 

31.  Et  nullus  hominum  Lorriaci  31.  Nul  de  LorrfiiJ  qui  ait  mai- 

habentitun  domum  vel  vineam  vel     son ,  vigne ,  pré ,  champ ,  ne 

pratum  aut  agrum  vel  edificium     aul en  la ne 

aliquod  in  terra  Sancti-Benedicti  se  justisera  par  l'abbé  ne  par  son 

justificabit  (1)  se  pro  abbate  Sancti-  serjant  fors  que  de  la  gerbe  et  don 

Benedioti  vel  pro  ejus  serviente,     cens,  se  il  en  ma et,  et  lors 

nisi  pro  garba,  vel  pro  censu  suo  n'istra  il  ja  de  Lorr[iz]  pour  droit 

forifecerit  ;  et  tune  a  Lorriaco  non  prendre. 

ezibit  causa  rectitudinis  tenende. 

{i)  C,M,  DU  jusHciabit. 

32.  Et,  si  aliquis  hominum  de  32.  Se  aucuns  de  Lorrfiz]  est  ac- 
Lorriaco  accusatus  de  aliquo  fuerit,  cusez  d'aucune  chose. . .  ne  puisse 
et  teste  comprobari  non  poterit,  estre  prouvé  par  tesmoifn]  g,  il  s'en 
contra  probationem  impétenUs  (1)  passera  de  la  seurmise  par  son  se- 
per  solam  manum  suam  se  decul-  renient  seulement  contre  celui  qui 
pabit.  celi  aura  mis  Bas. 

(1)  A  probationem  impotentU  ;  G  prohibi- 
Uonem  impotente;  oorr.  probationem  impe- 
tenteparN. 

33.  Nullus  etiam  de  eadem  par-  33.  Nul  de  la  parroisse  de  Lor- 
rochia  de  quoeumque  vendiderit  vel  r[iz]  ne  paiera  coustume  de  chose 
emerit  super  septimanam,  et  de  que  il  achate  enseur  (sic)  seur  se- 


31.  Omis  par  Montarois,  Bois-lb-Roi»  Vilunbuvb-l'Archbvêqub,  Roosson,  Ervt, 

MaiLLY-LB-Cb&TBAU,  MaILLY-LA-ViLLB,  Là  SELLES,  SaINT-LaURKNT-SUR-BaRBNJON,  VER- 

mbnton  ,  Là  Fbrté-Lodpierb  ,  Sancbrrb.  —  Barlibu  ,  L'Étang-le-Comtb  :  «  De  omni 
autem  possessione  quam  tenoerint  homines  apud  Barlocum,  quantumeumque  villa 
crèvent,  in  burgo  et  castello  ibi  se  justificabunt.  »  —  Chaumont  :  «  Nullus  homi- 
num Calvimontis  habentium  domum  vel  vineam  vel  pratum  aut  agrum,  aut  aliquod 
edificium  in  alterius  terra  quam  comitis,  justificabit  se  pro  illo  cujus  est  terra, 
nisi  de  gerba  vel  de  censu  suo  forisfecerit;  et  tune  a  Calvimonle  non  exibit  causa 
rectitudinis  exequend©  pro  illo  cujus  erit  terra  vel  pro  serviente  ejus.  »  —  Sautt- 
Ërisson  :  a  Et  nullus,  [qui]  eodificium  aliquod  in  terra  ali cujus  [habuerit],  non 
justificabit  se,  nisi  pro  garba  vel  pro  censu  suo  forifecerit ,  et  tune  a  Sancto-Bric 
cio  non  ezibit  causa  rectitudinis  tenends.  »  —  Menétréol  :  «  De  omni  autem 
possessione  quam  habuerint  homines  de  Monasterello ,  ibi  se  justificabunt.  » 

32.  Omis  par  Montarois  et  Bois-le-Roi.  —  Voisines  :  «  Si  quis  autem  accusatus 
fuerit  de  aliquo,  et  teste  comprobari  non  poterit,  contra  probacionem  impetentis 
sola  manu  sua  licebit  se  purgare.  » 

33.  Omis  par  Montarois,  Bois-lb-Roi,  Mailly-la-Villr,  Sancbrrb.  —  Chaumont  : 
«  Nullus  etiam  de  eadem  parrochia  de  quoeumque  emerit  vel  vendiderit ,  supra 
septimanam,  vel  in  die  Mercurii,  vel  in  die  feriœ,  aliquam  consuetudinem  dabit.  » 
—  La  Fbrté-Loupikrb  :  «  Nul  de  La  Ferlé  ne  sera  tenu  payer  coustume  de  ce  qu'il 
achatera  en  la  sepmaine  ou  le  jour  du  marché  pour  son  usage.  » 


PIECES  JUSTIFICATIVES. 


457 


quocumque  emerit  in  die  Mercurii 
in  mercato  pro  usu  suo  nullam  (1) 
consuetudinem  dabit. 
(1)  N  aliquam. 

34.  Hec  autem  consuetudines, 
sicut  concesse  sunt  hominîbus  de 
Lorriaco ,  similiter  communes  sunt 
hominibus  qui  habitant  apud  Cor- 
palez  (1)  et  apud  Ghantelou  (2)  et  in 
balliata  Herpardi  (3). 

(1)  N  Courpalx,  auj.  CourpaUUt.  —  (9)  Aaj . 
la  MairU-ChanUUmp.  —  (3)  C  Barpardi;  N 
Hapardi,  aig.  la  Bapardière. 

35.  Proinde  constituimus  ut, 
quotiens  (1)  in  villa  movebitur  pre- 
positus,  unus  post  alterum  juret  se 
stabiliter  servaturum  has  consuetu- 
dines ,  et  similiter  novi  servientes , 
quotiens  movebuntur. 

Quod  ut  ratum  etc.  Actum  Aure- 
l[ianis]  anno  Domini  M°G0LV°. 


(1)  C  quoties. 


maine  ou  au  mercredi  ou  marchié 
pour  la  soigne  de  son  bostel. 


34.  Toutes  ces  [coujstumes,  si 
comme  elles  sont  octroies  as  homes 
de  Lorrfiz],  ausit  sunt  elles  com- 
munes a  ceus  de  Gourpalez  et  a 
ceus  de  Ghantelou  et  de  la  baillie 
Harpart. 


35.  Apres,  nous  establissons  que 
toutes  foiz  que  [prevo]st  seront 
mué  a  Lorr[iz]  il  jureront  li  uns 
après  l'autre  que  il  garderont  fer- 
mement toutes  ces  coustumes;  et 
ausit  li  serjant  toutes  foiz  que  il  se- 
ront mué. 

(Et  que  ce  soit  de  oremes  ferme 
et  estable  nous  [cjomandasmes 
meictre  notre  seel  et  seignet  de. . . 
l'espreinte  de  notre  non.  Ce  fu  donné 
à  Bourges.) 


34.  Omis  par  toutes  les  chartes.  Montarqis  lui  substitue  :  «  Eœ  autem  consue- 
tudines ,  sicut  concessœ  sunt  hominibus  de  Monteargo ,  similiter  communes  sunt 
hominibus  qui  habitant  in  Calceia,  quœ  est  inter  burgum  et  domum  leprosorum. 
Homines  de  Casneio  qui  sunt  positi  in  consuetudinibus  Montargi  et  homines  qui 
habitant  in  partem  quam  habemus  in  atrio  Amiliaci  eodem  judicio  et  eodem  modo 
tractabuntur,  quo  et  illi  qui  sunt  de  castello.  » 

35.  Montarqis  et  Boib-lr-Roi  :  «  Quotiescumque  Montisargi  tam  prœpositorum 
quam  servientium  fiet  commutatio  toties  istas  consuetudines  tenendas  et  inviola- 
biliter  servandas,  al  ter  post  alterum  jurabit.  Si  hoc  aliquis  jurare  noluerit,  ho- 
mines pro  eo  nihil  facient  donec  sacramentum  fecerit.  »  —  Rodsson  :  «  Prœterea 
volumus  quod  quociens  mutatio  prepositi  in  villa  illa  facta  fuerit ,  ille  qui  substi- 
tuetur  istas  consuetudines  inviolabiliter  tenendas  jurabit,  et  servientes  similiter 
jurabunt;  et  si  aliquis  eorum  hoc  facere  noluerit,  pro  eo  homines  nichil  facient 
donec  sacramentum  fecerit.  » 


Maurice  Prou. 


(A  suivre.) 


COMPTES-RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES. 


De  la  nature  des  condamnations  civiles  à  Rome, 

par  E.  Montagnon,  docteur  en  droit.  Lyon,  1883. 

Ce  n'est  pas  à  nous  qu'il  appartiendrait  de  présenter  au 
lecteur  un  travail  historique  de  procédure,  dont  l'objet  rayonne 
en  quelque  sorte  sur  presque  toutes  les  parties  de  la  législa- 
tion romaine.  Notre  seule  excuse  pour  en  parler  est  l'intérêt 
que  nous  avons  pris  d'assez  longue  date  à  la  réussite  d'une 
thèse  qui ,  mieux  connue  en  France,  y  recrutera  de  nombreux 
adhérents  et  pourrait  bien  engager  l'enseignement  du  droit 
romain  dans  une  voie  nouvelle. 

Il  y  a  dans  l'air  un  certain  nombre  de  vérités  se  rappor- 
tant aux  civilisations  disparues.  Ces  vérités  seraient  la  ré- 
sultante naturelle  de  premières  découvertes  qui  ont  fini  par 
rallier  l'opinion  générale.  Et  cependant  on  passe  à  côté  d'elles. 
Soit  hésitation  défiante  à  secouer  le  joug  des  idées  d'autre- 
fois ,  soit  qu'on  s'attache  sans  discuter  à  la  lecture  d'un  texte 
qui  comporterait  d'autres  interprétations  non  moins  plau- 
sibles ,  on  préfère  s'en  tenir  aux  errements ,  aux  erreurs  tra- 
ditionnelles. L'édifice,  dans  ses  conditions,  reste  sans  cou- 
ronnement, ou  plutôt  le  couronnement  jure  avec  l'architecture 
de  l'ensemble.  La  conclusion  contrarie  les  prémisses.  Vienne 
un  chercheur  plus  hardi  que  ses  devanciers ,  qui  soumet  le 
texte  à  une  nouvelle  épreuve  et  laisse  ressortir  le  sens  jus- 
qu'alors inaperçu  :  l'opinion,  à  demi  préparée,  ne  trouvera 
pas  mauvais  qu'on  lui  fasse  une  douce  violence  et  accueillera 
sans  grand  effort  une  doctrine  rétablissant  l'harmonie  dans 
ses  idées. 

Voilà  plus  de  trente  ans  qu'une  pléiade  de  jurisconsultes 
en  Allemagne  ont  cherché  après  Savigny  et  sont  parvenus  à 
démontrer  que  la  procédure  formulaire  n'a  été  que  la  conti- 


460  COMPTES-RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES. 

nuation  de  celle  des  actions  de  la  loi,  débarrassée  de  son 
appareil  liturgique  et  sacramentel  :  Relier,  Stinzing,  dont  la 
mort  tragique  vient  d'impressionner  si  vivement  la  science , 
Ihering  et  bien  d'autres  ont  plaidé  cette  thèse  qui  ne  soulève 
plus  aujourd'hui  que  de  timides  protestations.  On  partait  au- 
trefois de  l'idée  que  la  loi  iEbutia  était  venue  un  beau  jour 
jeter  à  terre  l'ancienne  organisation  judiciaire,  et  que  le 
préteur  avait  édifié  sur  un  sol  déblayé  une  procédure  de  sa 
création.  Cette  manière  de  voir  est  maintenant  bien  discré- 
ditée ,  sinon  unanimement  délaissée.  Tout,  au  contraire ,  tend 
à  prouver  que  les  lois  de  la  (in  de  la  République  n'ont  pas 
supprimé  la  procédure  en  cours ,  mais  l'ont  simplement  sécu- 
larisée :  à  Rome,  moins  que  partout  ailleurs,  la  législation 
ne  procède  par  secousses,  et  il  n'est  pas  vraisemblable  qu'un 
peuple  aussi  jaloux  de  ses  institutions  ait  brusquement  rompu 
avec  elles,  à  un  moment  donné,  pour  s'en  remettre  à  un 
magistrat  du  soin  de  constituer  Jes  procès  sur  de  nouvelles 
bases.  A  quoi  tient  l'emploi  d'un  mot  inexact!  Gaïus  dit  : 
sublatœ  sunt  legis  actiones  :  on  a  conclu  à  une  abrogation ,  à 
un  coup  d'épongé  donné  sur  le  passé,  c'était  un  tort.  Aulu- 
Gelle  s'est  servi  d'une  expression  plus  heureuse  :  omnis  Ma 
antiquUas,  legeJEbutia  lata,  consopita  est.  Les  lois  judiciaires 
ont  dépouillé  pièce  par  pièce  l'instance  de  son  formalisme 
primitif  :  la  loi  iEbutia ,  arrivée  l'une  des  dernières ,  n'a  plus 
eu  que  peu  de  chose  à  faire  pour  émanciper  définitivement 
les  procès,  mais  il  n'est  nullement  certain  qu'elle  ait  nécessité 
un  plus  grand  effort  que  les  lois  antérieures,  les  lois  Silia 
et  Calpurnia  par  exemple ,  ni  qu'elle  ait  laissé  sur  les  ima- 
ginations des  contemporains  une  empreinte  aussi  vive  que 
sur  les  nôtres.  Que  d'événements  dans  l'histoire  qui  semblent 
à  première  vue  le  point  de  départ  d'une  ère  nouvelle,  et 
n'apparaissent  plus,  lorsqu'on  les  a  examinés  de  près,  que 
comme  le  dernier  terme  d'une  marche  progressive  !  Quand  on 
ne  constaterait  que  l'exacte  concordance  des  deux  procédures 
dans  le  mouvement  de  l'instance ,  le  renvoi  au  juge  dans  l'une 
et  dans  l'autre ,  une  terminologie  identique  ,  et  pour  certaines 
actions  un  préliminaire  semblable  du  procès ,  il  n'en  faudrait 
pas  davantage  pour  prévenir  l'esprit  en  faveur  de  l'opinion 
sortie  de  l'école  allemande  et  aujourd'hui  dominante.  Après 


COMPTES-RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES.  461 

comme  avant ,  la  charpente  du  procès  est  la  même ,  le  fond 
n'a  pas  varié ,  il  n'y  a  même  pas  eu,  comme  on  le  dit  parfois, 
phénomène  de  transvasement,  ce  qui  donnerait  à  croire  que 
le  récipient  a  changé ,  Faction  est  simplifiée ,  voilà  tout. 

Cela  étant ,  un  point  grave  restait  en  suspens  :  on  était  en 
face  d'un  écueil  devant  lequel  la  théorie  tout  entière  risquait 
de  se  briser.  Sous  le  système  formulaire ,  les  condamnations 
sont  invariablement  pécuniaires,  elles  se  ramènent  à  une 
somme  d'argent  liquidée  par  le  juge,  Gaïus  le  dit  dans  le  §  48 
de  son  Commentaire  IV.  Mais  dans  ce  même  texte  il  dit  en- 
core que  sous  la  procédure  antérieure  le  juge  condamnait  à  la 
chose  même.  Voilà  donc  une  différence  marquée  entre  les 
deux  procédures,  et  lorsqu'on  soutient  que  la  seconde  est 
issue  de  la  première,  que  le  préteur  n'est  pas  l'inventeur  du 
système  qui  porte  son  nom,  on  émet  une  affirmation  que 
cette  seule  particularité  paraît  démentir. 

C'est  à  ce  prétendu  changement  survenu  dans  l'objet  de  la 
condamnation  que  ce  sont  attachés  les  jurisconsultes  qui  ont 
travaillé  la  matière  en  dernier  lieu  :  ils  se  sont  demandé  si 
l'on  ne  faisait  pas  dire  à  Gaïus  le  contraire  de  sa  pensée.  Il 
est  de  fait  qu'on  impute  au  préteur  une  singulière  réforme  > 
lorsqu'on  lui  attribue  la  substitution  d'un  nouveau  mode  de 
condamnation  à  un  mode  antérieur  plus  équitable  et  plus 
simple.  Comment  le  magistrat,  l'homme  du  progrès,  se  serait- 
il  ingénié  à  créer  de  son  autorité  propre  et  au  rebours  d'une 
saine  politique  un  système  de  sentences  d'où  ne  pouvait  ré- 
sulter pour  les  plaideurs  qu'une  satisfaction  par  équivalent? 
On  a  cherché,  il  est  vrai,  à  appuyer  cette  innovation  sur  des 
considérations  d'utilité  pratique.  Mais  les  raisonnements  les 
plus  habiles  n'empêcheront  pas  qu'un  plaignant  qui  réclame 
son  bien  et  qu'on  oblige  à  se  contenter  d'argent  à  titre  de 
réparation ,  ne  soit  imparfaitement  protégé  par  la  justice  de 
son  pays.  Le  préteur  lui-même  en  avait  si  bien  conscience, 
qu'il  imagina  l'action  arbitraire  pour  remédier  aux  inconvé- 
nients du  système  et  contraindre  indirectement  le  défendeur  à 
s'exécuter  en  nature.  Non ,  si  le  procès  formulaire  aboutit  à 
une  estimation  nécessaire,  c'est  que  le  magistrat  n'était  pas 
libre  d'agir  à  son  gré  et  qu'il  a  recueilli  la  condamnation  en 
lui  laissant  le  caractère  qu'elle  avait  auparavant.  Donc,  ou 


462  COMPTES-RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES. 

Gaïus  se  trompe ,  ou ,  ce  qui  est  plus  vraisemblable ,  son  pas- 
sage est  en  général  mal  interprété. 

L'honneur  d'avoir  rétabli  ce  que  nous  appelons  le  véritable 
sens  du  §  48  —  tant  l'exactitude  de  la  nouvelle  lecture  nous 
semble  évidente,  —  revient  à  un  jurisconsulte  italien.  C'est 
dans  un  article  très  travaillé,  paru  en  1878  à  YArchivioGiuri- 
dico  de  Bologne  que  M.  Brini  a  proposé  sa  version  du  texte, 
version  d'autant  plus  judicieuse  et  plus  probable,  qu'elle  ne 
nécessite  aucune  retouche  sur  le  manuscrit ,  mais  un  simple 
déplacement  de  ponctuation,  affaire  d'interprète  et  non  de 
copiste. 

Il  est  inutile  d'insister  sur  l'importance  de  la  découverte. 
Ce  qui  en  a  accru  la  gravité ,  c'est  que  son  auteur  a  considéré 
ce  redressement  de  l'erreur  commune  moins  comme  un  résul- 
tat final  que  comme  une  entrée  en  matière ,  comme  le  moyen 
de  projeter  sur  l'organisation  des  legis  actiones  un  jour  inat- 
tendu. 

M.  Montagnon  vient  de  soumettre  à  son  tour  aux  lecteurs 
français  la  théorie  de  M.  Brini.  Il  l'a  fait  avec  une  sûreté  de 
vues  et  une  vigueur  de  touche  qui  nous  prouvent  que  la  lignée 
de  nos  romanistes  n'est  pas  encore  sur  le  point  de  disparaître. 
En  outre ,  à  travers  le  jurisconsulte  perce  l'esprit  littéraire  : 
on  éprouve  un  double  plaisir  à  consulter  un  travail  bien  pensé 
et  bien  écrit.  Il  y  a  cependant  quelques  réserves  à  formuler. 
Si  l'on  comprend  à  la  rigueur  que  le  continuateur  de  Brini  ré- 
sume dans  un  but  de  généralisation  la  thèse  qu'il  entend  vul- 
gariser, et  néglige  les  solutions  de  détail  qu'une  insuffisance  de 
renseignements  pourrait  faire  taxer  de  fantaisistes,  la  manière 
laconique  dont  il  expose  la  théorie  même  et  ses  principaux 
arguments  s'explique  beaucoup  moins.  Ce  n'est  pas  assez  que 
la  phrase  soit  élégante  et  bien  frappée ,  il  faut  encore  que  la 
pensée  revienne  présentée  sous  diverses  formes,  afin  que  les 
personnes  non  initiées  au  système  en  saisissent  immédiate- 
ment les  grandes  lignes  sans  imposer  à  leur  attention  une 
trop  grande  contrainte. 

Le  texte  une  fois  rétabli  selon  son  exacte  teneur,  et  l'incise 
où  le  droit  ancien  est  visé ,  sicut  olim  fieri  solebat ,  étant  rat- 
tachée à  la  proposition  finale  contrairement  aux  habitudes 
suivies  jusqu'à  présent,  une  double  réflexion  surgit  à  l'esprit. 


COMPTES-RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES.  463 

Dans  le  premier  état  de  la  procédure,  les  Romains  n'ont 
pas  connu  la  condamnation  à  la  chose  même  :  la  notion  de 
l'estimation  du  procès  dérive   d'anciennes  traditions  natio- 
nales. Les  conjectures  d'Ihering  sur  le  règne  de  la  vengeance 
privée  au  début  de  toute  civilisation  et  sur  la  transformation 
de  cet  état  social  en  un  régime  de  composition  pécuniaire  de- 
viennent des  vérités  positives.  L'action  primitive  est  le  moyen 
de  redresser  un  tort;  quand  elle  tendrait  à  l'exécution  d'un 
contrat,  c'est  encore  d'une  idée  de  faute  qu'elle  émane.  Le 
défendeur  a  délinqué ,  il  doit  venir  au  prétoire  pour  y  répon- 
dre à  l'invitation  que  lui  fait  son  adversaire  de  transiger  et 
d'obtenir  moyennant  composition  la  cessation  des  poursuites. 
Les  plus  anciens  témoignages  s'accordent  à  prendre  le  mot 
damnum,  générateur  du  verbe  damnare,  dans  l'acception 
suivante  :  privation  pécuniaire  subie  par  une  personne  et  en- 
gageant la  responsabilité  d'une  autre.  Les  grammairiens  d'au- 
jourd'hui en  savent  plus  long  que  Vairon  et  F  est  us,  la  majeure 
partie  d'entre  eux  rapporteront  le  vocable  à  un  radical  da  ou 
dap,  qui  évoque  une  idée  de  partage  et  de  destruction.  L'ex- 
pression damnum  decidere  des  XII  Tables,  qui  s'est  maintenue 
en  droit  classique  dans  la  formule  de  certaines  actions  dé- 
lictuelles,  est  pleinement  édifiante  :  decidere  ne  signifie  pas 
réparer,  ce  n'est  pas  à  la  réparation  d'un  dommage  que  l'au- 
teur du  délit  est  tenu,  étymologiquement  du  moins,  mais 
plutôt  à  un  règlement  amiable.  Qu'on  se  souvienne  d'autre 
part  que  les  obligations  d'argent  ont  été  les  premières  revê- 
tues d'actions ,  comme  l'atteste  le  sens  étendu  des  mots  ses 
alienum,  pecunia,  et  que  par  conséquent  contrat  et  procès  ont 
marché  de  pair;  que  l'on  songe  aussi  à  la  manus  injectio, 
seule  voie  d'exécution  de  l'époque  primitive,  applicable  seu- 
lement aux  sentences  pécuniaires ,  c'est-à-dire  à  des  droits 
façonnés  d'abord  par  l'instance  à  l'image  du  patrimoine  du 
débiteur  dans  lequel  il  s'agit  de  les  faire  entrer  de  force,  et  on 
comprendra  tout  ce  que  gagne  la  science  du  droit  romain  en 
largeur  philosophique  à  voir  l'idée  de  la  pecuniaria  œstimatio 
reculer  jusqu'à  ces  lointaines  origines. 

Mais  la  nouvelle  lecture  du  texte  de  Gaïus  entraîne  l'inter- 
prète sur  une  autre  piste  non  moins  saisissable.  Si  le  juris- 
consulte s'exprime  ainsi  :  sicut  olim  fieri  solebat,  œstimata  re , 


464  COMPTES-RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES. 

pecuniam  eum  (judex)  condemnat ,  il  ne  veut  pas  établir  seule- 
ment un  rapprochement  entre  la  procédure  d'autrefois  et  celle 
de  son  temps.  S'il  avait  entendu  placer  les  deux  époques 
absolument  sur  la  même  ligne ,  le  lecteur  éprouverait  encore 
quelque  doute  :  pourquoi  Gaïus  parle-t-il  de  l'ancien  droit, 
quand  rien  ne  l'y  force?  Mieux  vaut  traduire  le  texte  ainsi  : 
le  juge  condamne  le  défendeur  à  une  somme  d'argent ,  comme 
cela  se  passait  autrefois  dans  les  litiges  qu'on  estimait.  Qu'est* 
ce  à  dire?  Dans  l'ancien  droit,  la  condamnation  en  nature 
n'était  point  connue,  et  cependant  toutes  les  instances  n'abou- 
tissaient pas  à  une  estimation  pécuniaire?  Il  existait  donc 
des  actions  de  la  loi  dépourvues  de  condamnation  1  Telle  est 
en  effet  la  conséquence  qui  s'impose. 

C'est  ici  que  la  thèse  de  Brini  prend  une  envergure  vrai- 
ment superbe.  Le  jurisconsulte  italien  met  en  regard  les  mots 
judicare  et  damnare ,  judex  et  arbiter,  et  il  prouve,  pièces  en 
mains ,  que  ces  deux  vocables ,  que  les  textes  présentent  tan- 
tôt ensemble ,  tantôt  isolément ,  répondent  à  des  idées  juri- 
diques très  distinctes.  On  croit  que  les  mots,  dans  le  vocabu- 
laire des  anciennes  sociétés ,  manquent  de  précision ,  et  qu'on 
les  emploie  indifféremment  les  uns  pour  les  autres  :  c'est  une 
erreur  :  bien  au  contraire ,  le  sens  des  mots  va  s'énervant  et 
s'affaiblissant  à  la  longue.  Pour  pénétrer  la  signification  res- 
pective de  ces  deux  termes ,  nous  aurions  bien  besoin  de  l'as- 
sistance des  linguistes  et  d'explications  grammaticales ,  telles 
que  M.  Bréal  en  présentait  naguère  dans  notre  Revue.  Autant 
qu'on  en  peut  conjecturer,  judicare  vient  de  jus  et  du  radical 
die ,  qui  répond  à  l'idée  de  se  prononcer  :  le  mot  n'implique 
donc  nullement  une  prestation  mise  à  la  charge  d'un  plaideur 
qui  succombe ,  mais  tout  simplement  la  constatation  du  droit: 
le  judex  émet  un  prononcé  de  droit ,  il  ne  condamne  pas. 
Tout  autrement  en  est-il  de  Yarbiter  :  il  rentrerait  dans  ses 
attributions  de  damnare,  c'est-à-dire  de  liquider  en  argent 
l'objet  du  procès.  Ce  n'est  pas  que  le  travail  étymologique 
aille  de  soi  dans  cette  seconde  partie  du  problème  :  arbiter 
viendrait  d'un  mot  ombrien ,  par  l'alliance  d'un  préfixe  ar  et 
d'un  verbe  betere ,  et  signifierait  celui  qui  marche  vers  un  but 
déterminé.  La  relation  qui  existe  entre  cette  notion  première , 
et  celle  de  juger  et  d'examiner  en  fait ,  de  fixer  le  chiffre  d'un 


COMPTES-RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES.  465 

dommage ,  de  condamner  enfin ,  ne  se  laisse  pas  bien  aper- 
cevoir. En  tout  cas,  cette  acception  était  déjà  proposée 
avant  -Brini ,  et  elle  vaut  mieux  que  celle  qui  tend  à  foire 
de  l'arbitre  un  juge  appréciant  le  procès  suivant  la  bonne 
foi. 

Maintenant  comment  les  choses  ont-elles  dû  se  passer  dans 
la  procédure  des  legis  actionesfhe  sacramentum,  qui  est  l'ins- 
tance la  plus  ancienne ,  donnait  lieu  à  un  renvoi  devant  un 
judez  :  celui-ci  disait  le  droit,  statuait  sur  un  pari,  décla- 
rait quel  était  le  plaideur  dont  le  sacramentum  était  justum ,  il 
ne  pouvait  pas  condamner,  n'ayant  reçu  aucun  mandat  à  cet 
effet.  Dans  ces  conditions,  pour  que  la  sentence  fût  suscepti- 
ble d'exécution  forcée  à  la  toute  première  époque ,  avant  l'ap- 
parition d'un  second  mode  de  procédure ,  il  fallait  de  toute 
nécessité  ou  qu'il  s'agît  dans  le  sacramentum  in  persanam 
d'une  créance  d'argent  d'ores  et  déjà  liquide ,  ou  dans  la  re- 
vendication que  l'attributaire  de  la  possession  s'engageât  de- 
vant le  magistrat,  non  pas  à  rendre  la  chose  même,  mais  à 
payer  une  somme  déterminée  représentant  l'intérêt  du  litige. 
Alors,  mais  alors  seulement,  la  partie  triomphante  pouvait 
user  de  la  manus  injectio  judicati. 

Sur  ces  entrefaites ,  est  introduite  le  judicis  postulatio  :  le 
moule  du  sacramentum  se  prêtait  mal  à  plusieurs  droits  d'une 
application  pratique  très  fréquente,  aux  droits  ayant  pour 
objet  un  incertum ,  ou  des  -prestations  réciproques  :  une  liqui- 
dation préalable  devant  le  magistrat  avant  que  bien  fondé  de 
la  prestation  ne  fût  établi  n'était -ni  commode  ni  rationnelle. 
De  là  sans  doute  la  création  de  cette  seconde  procédure ,  déjà 
moins  imprégnée  d'esprit  religieux  que  la  première,  et  qui, 
suivant  la  formule  de  Valerius  Probus,  tend  à  donner  aux 
plaideurs  un  judex  arbiterve.  Voilà  qui  est  caractéristique  :  le 
juge  devient  arbitre ,  il  est  investi  de  deux  fonctions  au  lieu 
d'une ,  il  statuera  sur  le  droit  et  en  outre  condamnera  s'il  y  a 
lieu.  Et  comme  on  voit  que  tout  s'enchaîne  rigoureusement! 
Cette  procédure  trouvait  surtout  son  emploi  dans  les  contrats 
à  obligations  réciproques,  où  le  juge  doit  déterminer  les  pres- 
tations mutuelles  pour  en  faire  ensuite  compensation,  il  com- 
pense ,  il  condamne. 

La  condamnation  apparaît  donc  avec  la  judicis  postulatio 


466  COMPTES-RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES. 

telle  qu'elle  est  restée  jusqu'à  Dioclétien,  et  l'augment  du 
mot  équivaut  à  une  marque  d'origine. 

Il  existe  dans  le  Digeste  quelques  fragments  sur  lesquels 
on  a  glissé  et  qui  donnent  à  ces  suppositions  une  réelle  va- 
leur. Contre  un  débiteur  qui  avoue  sa  dette  et  refuse  néan- 
moins de  la  payer,  la  formule  de  l'action  ne  pouvait  être 
délivrée  que  moyennant  des  modifications  destinées  à  avertir 
le  juge  qu'il  n'avait  pas  à  rechercher  l'existence  du  droit, 
mais  seulement  son  montant.  Si  l'antithèse  entre  le  judicare 
et  le  damnare  n'est  pas  strictement  conforme  à  la  termino- 
logie romaine,  si  le  juge  qui  liquide  l'objet  du  droit  n'est 
pas  Yarbiter,  comment  expliquer  que  la  qualification  d'arbiter 
soit  justement  réservée  par  les  textes  au  juge  dans  cette  hy- 
pothèse spéciale?  Quel  sens  donner  à  ces  propositions  :  Con- 
fessus  pro  judicato  est,  nullœ  partes  sunt  judicandi  in  confi,- 
tentes  (LL.  1  et  7  De  confess.,  25  §  2  Ad  leg.  Aquil.)? 

La  judicis  postulatio  a  vraisemblablement  réagi  à  la  longue 
sur  le  sacramentum  lui-même.  Les  procès  en  revendication 
ont  dû  donner  lieu  à  deux  instances  successives ,  jointes 
bout  à  bout,  se  développant  sans  doute  devant  le  même  juge, 
afin  que  le  procès  finît  plus  vite,  mais  parfaitement  sépa- 
rables,  l'une,  en  vue  de  prononcer  le  droit,  l'autre,  en  vue 
de  le  liquider.  Le  juge  ayant  statué  sur  le  sacramentum  de- 
venait arbitre,  le  litige  se  continuait  sous  la  forme  d'une 
judicis  postulatio,  l'obligation  de  restituer  les  vindicte,  ré- 
sultant de  la  promesse  faite  au  début  du  procès ,  se  trouvait 
déduite  en  justice  et  aboutissait  à  une  damnatio  qui ,  à  son 
tour,  justifiait  l'emploi  de  la  manus  injectio.  Peut-être  l'ar- 
bitrium  liti  œstimandœ,  mentionné  dans  le  siglaire  de  Probus , 
et  sur  lequel  manque  tout  autre  détail ,  se  réfère-t-il  à  cette 
situation;  peut-être  aussi  —  et  à  cet  égard  nous  suivrions 
plutôt  les  conjectures  de  M.  Montagnon  que  celles  de  Brini, 
—  le  passage  des  Douze-Tables  que  rapporte  Bruns  dans  ses 
Fontes  juris  antiqui  d'après  Festus  :  Si  tulit  faisant  vindi- 
ciam...  vise-t-il  encore  la  même  hypothèse.  Nous  ne  préten- 
dons pas  que  sur  tous  ces  points  Brini  ait  été  le  premier  à 
frayer  la  voie  :  l'idée  d'une  procédure  accessoire  en  liqui- 
dation a  déjà  été  émise  par  Keiler  notamment.  Mais  Brini  a 


'  ^ 


BIBLIOGRAPHIQUES.  467 

is  ces  points  épars,  au  bénéfice 

.ureusement  charpentée. 

de  leurs  recherches,  nos  auteurs 

.ie  à  rendre  compte  de  l'éclosion  de 

e  en  date  des  legis  actiones,  et  celle 

c  mécanisme  le  moins  compliqué.  Pour 

vant  eux,  elle  aboutit  à  un  simple  judi- 

ta  res ,  à  une  damnatio ,  c'est  logique.  Nous 

plutôt  quant  au  rôle  exclusif  qu'ils  assignent 

e  action  dans  la  formation  du  système  for- 

s  croire,  c'est  la  condictio  et  la  condictio  seule 

o  de  son  rituel ,  est  devenue  l'action  après  la  loi 

-a  ne  voit  pas  trop  pourquoi  ils  se  sont  abstenus  * 

participer  à  ce  transformisme  les  autres  actiones  legis. 

in ,  parmi  les  judicia  légitima,  qui  ne  sont,  comme  ils 

ont,  que  les  anciennes  actions  de  la  loi  épurées,  et 

>  lesquels ,  phénomène  caractéristique ,  la  consommation 

droit  s'opère  ipso  jure,  figurent  d'autres  actions  que  la 

jndictio ,  on  y  trouve  en  outre  les  actions  de  bonne  foi  par 

exemple,  qui  s'abritaient  auparavant  sous  le  couvert  de  la 

judicis  posttUatio. 

Si  M.  Montagnon  avait  fait  jouer  plus  longuement  la  théo- 
rie sur  l'action  réelle ,  il  aurait  rendu  saisissant  ce  rapport 
de  génération  pour  le  sacramentum.  Dans  le  droit  des  for- 
mules ,  la  revendication  a  lieu  d'abord  per  sponsionem ,  c'est 
un  décalque  du  sacramentum ,  on  y  retrouve  la  gageure  d'au- 
trefois (sponsio  prœjudicialis) ,  la  promesse  de  restituer  la 
chose  (stipulatio  pro  prœde  litis),  une  première  décision  du 
juge  (judicatum)  dépourvue  par  elle-même  de  toute  force  exé- 
cutoire ,  puis  une  nouvelle  instance  à  fin  de  liquidation,  ayant 
son  point  d'appui  dans  la  stipulatio  pro  prœde,  et  se  termi- 
nant par  une  condamnation  effective.  Enfin ,  un  dernier  pas 
est  franchi  :  la  formule  pétitoire  est  instituée,  le  droit  réel 
est  ostensiblement  produit  en  justice,  mais  par  lui-même  il  ne 
peut  pas  aboutir,  il  ne  donnera  lieu  qu'à  un  judicatum  dénué 
de  sanction,  il  faut  le  fortifier  au  moyen  de  promesses  annexes, 
par  une  cautio  judicati,  et  c'est  cette  cautio  qui  déterminera 
la  condamnation  terminale.  Ainsi  fût  devenue  manifeste  cette 


468  COMPTES-RENDUS   BIBLIOGRAPHIQUES. 

affirmation  qui,  tout  excessive  qu'elle  puisse  paraître,  est 
pourtant  d'une  rigoureuse  exactitude ,  à  savoir,  que  les  Ro- 
mains, avant  la  procédure  extraordinaire,  n'ont  pas  pratiqué 
l'action  réelle  avec  ses  droits  de  préférence  ou  de  suite,  et 
que  sous  l'action  réelle  c'est  encore  chez  eux  un  droit  de 
créance  qui  se  déroule  tant  devant  le  magistrat  que  devant  le 
juge. 

La  manière  dont  M.  Montagnon  avait  délimité  son  sujet 
devait  l'amener  à  traiter  des  actions  arbitraires.  Il  soutient 
l'opinion  d'après  laquelle,  à  aucune  époque  du  droit  formu- 
laire ,  le  jussus  du  juge  n'était  susceptible  d'exécution  forcée  » 
et  propose  une  nouvelle  explication  de  la  fameuse  loi  68  De 
rei  vindic.  qui  ne  laisse  pas  que  d'être  ingénieuse.  D'après 
lui,  ce  fragment,  dont  il  lit  la  première  partie  en  rejetant 
toute  idée  d'interpolation,  est  tiré  des  Commentaires  d'Ulpien 
relatifs  aux  fidéicommis ,  et  il  en  donne  la  preuve.  Tout  s'ex- 
plique :  les  procès  de  fidéicommis  étaient  des  cognitiones 
extraordinariœ ,  sur  lesquelles  statuait  le  magistrat  lui-même, 
et  le  magistrat ,  dépositaire  de  Yimperium ,  pouvait  faire  exé- 
cuter de  force  ses  injonctions.  Nous  ne  nous  portons  pas  garant 
de  la  justesse  de  l'explication ,  elle  est  du  moins  séduisante. 

Ce  qui  nous  plaît  moins,  c'est  l'idée  même  que  l'auteur 
se  fait  de  l'action  arbitraire  :  à  cet  endroit,  sa  théorie  manque 
de  contours  précis.  À  défaut  de  contrainte  directe,  le  ma- 
gistrat a  dû  organiser  un  mode  détourné  de  coaction ,  c'est  le 
serment  du  demandeur  qui  fera  entrer  dans  son  estimation 
la  valeur  d'affection  qu'il  attache  à  la  chose.  M.  Montagnon 
en  convient,  mais  il  admet  en  même  temps  que  ce  serment 
était  donné  dans  d'autres  actions  non  arbitraires.  Les  textes, 
nous  le  savons,  lui  paraissent  favorables,  mais  dès  qu'on 
cesse  d'établir  une  parfaite  concordance  entre  ces  deux  choses, 
actions  arbitraires ,  juramentum  in  litem ,  l'économie  des  ac- 
tions en  question  devient  une  véritable  énigme  :  Savigny 
l'avait  bien  compris ,  on  n'a  rien  trouvé  de  satisfaisant  à 
mettre  en  place  de  son  système. 

En  terminant  la  lecture  de  cette  intéressante  monographie, 
nous  nous  sommes  pris  à  regretter  que  l'auteur  n'eût  pas 
cherché  à  suivre  la  condamnation  pécuniaire  à  travers  les 
âges,  afin  de  voir  s'il  n'en  est  pas  resté  quelque  trace  dans 


COMPTES-RENDUS   BIBLIOGRAPHIQUES.  469 

les  procédures  d'une  époque  plus  récente.  C'est  peu  suppo- 
sable,  la  question  mériterait  cependant  d'être  élucidée.  Blacks- 
tone,  parlant  des  errements  judiciaires  suivis  en  Angleterre 
de  son  temps ,  rapporte  que  le  demandeur,  plaidant  en  ma- 
tière mobilière  devant  les  juridictions  de  droit  commun, ne 
peut  obtenir  de  force  le  recouvrement  de  la  chose  litigieuse. 
Le  verdict  de  condamnation  renfermait  deux  chefs  compris 
sous  alternative,  l'un  tendant  à  la  restitution,  l'autre  portant, 
à  l'instar  de  la  sentence  du  juge  romain ,  une  évaluation  du 
litige  (damages).  Le  demandeur  ne  pouvait  pas  obtenir,  au 
moyen  d'un  writ  d'habere  facias  saisinam,  l'exécution  directe 
du  premier  de  ces  chefs ,  il  n'y  arrivait  que  par  des  moyens 
détournés  qui  n'étaient  pas  toujours  efficaces  (Comment.,  trad. 
Chompré,  V,  p.  121;  Keller,  trad.  Capmas,  p.  66,  n°  225; 
Ann.  de  lég.  étr.,  III,  p.  17).  Ce  qui  rend  l'idée  d'un  emprunt 
fait  aux  Romains  très-invraisemblable,  c'est  qu'on  ne  voit 
pas  comment  les  Normands  auraient  soupçonné  le  mode  de 
condamnation  formulaire.  Les  Barbares  n'ont  connu  du  droit 
romain  que  ce  que  le  Code  Théodosien  leur  en  a  dévoilé  ;  or, 
au  ve  siècle,  la  condamnation  pécuniaire  avait  disparu.  Le 
recueil  De  judiciorum  ordine,  qui  passe  pour  un  des  plus 
anciens  monuments  de  la  procédure  romano-canonique  du 
moyen-âge ,  pose  hardiment  le  principe  de  la  condamnation 
à  la  chose  même  (Part.  3,  tit.  2  in  fine;  part.  4,  tit.  4,  §  3). 
A  plus  forte  raison  n'est-ce  pas  au  droit  classique  que  fait 
allusion  ce  passage  des  Feudorum  libri,  ouvrage  qui  a  puisé 
ses  inspirations  ailleurs  qu'aux  sources  romaines  :  Si  facta  de 
feudo  investitura  pœniteat  dominum  anteqnam  possessionem 
transférât  :  an  prœstando  interesse  vasallo  liberetur,  quœsitum 
fuit  (II,  26,  §  5).  Il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  que,  même 
après  la  vulgarisation  des  Pandectes,  nos  meilleurs  roma- 
nistes, à  commencer  par  Doneau,  se  sont  mépris  sur  la  portée 
delà  règle  formulaire,  qu'aujourd'hui  encore,  sans  la  décou- 
verte du  manuscrit  de  Vérone ,  elle  serait  pour  nous  envi- 
ronnée d'obscurités,  et  que  la  disposition  de  notre  article 
1142,  d'après  laquelle  toute  obligation  de  faire  se  résout  en 
dommages-intérêts,  quoique  copiée  sur  le  Digeste  (L.  13  §  1 
De  re  judic.),  a  été  complètement  détournée  du  sens  que  le 
jurisconsulte  Celse  entendait  primitivement  lui  attribuer. 

Revue  hist.  —  Tome  VIII.  31 


470  COMPTES-RENDUS   BIBLIOGRAPHIQUES. 

Nous  nous  apercevons  que  nous  avons  de  beaucoup  dépassé 
léb  bornes  d'un  simple  compté  rendu  :  le  lecteur  voudra  bien 
noua  excuser  d'avoir  abuse  de  sa  patience.  Le  plaisir  de 
reproduire  à  gros  traita  urid  théorie  destinée ,  croyon*-noud , 
à  faire  fortune ,  nous  a  illusionné  sur  notre  rôle.  Notre  in- 
tention n'était  pas  cependant  de  reprendre  en  quélqueâ  pages 
tin  travail  que  deux  esprits  de  marque  ont  mené  à  bien.  Si 
(jet  aperçu  rapide  et  trop  condensé  suggère  à  ceux  qui  le 
parcoureront  le  désir  d'étudier  la  thèse  dans  l'original,  nous 
nous  estimerons  heureux  du  résultat  de  la  propagande  :  il 
ïf'est  pas,  à  notre  connaissance,  de  doctrine  de  droit  romain 
ç|ui  mérite  d'être  prise  en  plus  sérieuse  considération. 

E.  Th ALLER, 
professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Lyon. 


Le  Tiers-État  d'après  la  charte  de  Beaumont  et  ses 
filiales,  par  Ed.  Bonvalot,  ancien  conseiller  des  Cours  de  Col- 
mar  et  de  Dijon.  —  Ouvrage  couronné  par  l'Académie  de  Stanislas. 
A.  Picard,  Paris,  1884. 

M.  Edouard  Bonvalot,  déjà  connu  des  lecteurs  de  la  Revue 
et  du  monde  savant  par  ses  remarquables  études  sur  plusieurs 
coutumes  d'Alsace  et  de  Lorraine ,  poursuit  le  cours  de  ses 
travaux  historiques. 

C'est  une  page ,  et  non  la  moins  inédite ,  qu'il  a  détachée 
de  l'histoire  du  tiers-État  en  France  et  qu'il  nous  présente 
avec  sa  «  Loi  de  Beaumont.  »  Il  nous  montre  les  institutions 
municipales  naissant  et  se  développant  dans  les  temps  trou- 
blés du  moyen- âge ,  défendant  la  faiblesse  contre  les  abus  de 
la  force,  et  préparant,  par  l'émancipation  graduelle  des  per- 
sonnes et  des  terres ,  l'avènement  politique  de  la  bourgeoisie. 
La  charte  de  Beaumont  est  l'un  des  monuments  de  l'époque 
féodale  qui  ont  le  plus  contribué  à  cet  affranchissement;  elle 
apparaît,  suivant  le  témoignage  de  M.  Guizot,  comme  le  mo- 
dèle le  plus  achevé  et  comme  le  type  le  plus  libéral  des 
chartes  communales  de  cette  période  de  notre  histoire.  Accor- 
dée en  1182  par  Guillaume  aux  blanches  mains,  archevôqtte 
de  Reims,  aux  habitants  de  Beaumont-en- Argonne ,  petite 


COMPTES-RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES.  471 

commune  de  l'arrondissement  de  Sedan,  aujourd'hui  triste- 
ment célèbre  par  la  surprise  du  corps  d'armée  du  général  de 
Fàilly  en  1870,  elle  a  été  pendant  plusieurs  siècles  un  objet 
d'envie  pour  les  populations  du  Nord-Est  de  la  France.  «  Etre 
mis  à  là  loy  de  Beaumont  »  était  pour  les  habitants  de  la 
Champagne,  du  BarroiS ,  de  la  Lorraine  et  des  Trois-ÉvêchéS , 
l'idéal  incessamment  poursuivi,  et,  au  xvine  siècle,  la  loi  de 
Beaumont ,  successivement  étendue  et  adaptée  aux  nécessités 
locales,  régissait  encore  dans  ses  traits  généraux  plus  de  ciriq 
cents  communes  du  ressort  des  Parlements  de  Metz  (1)  et  de 
Paris. 

Qu'est-ce  donc  que  cette  charte  ou  loi  de  Beaumont ,  dont 
l'influence  a  été  si  grande  sur  la  vie  municipale  d'autrefois , 
et  dont  les  filiales  ont  été  si  nombreuses? 

Son  texte  original,  qui  existait  encore  en  1588  dans  les 
archives  de  Beaumont,  en  a  disparu  depuis  cette  époque; 
mais  de  nombreuses  copies  suppléent  à  son  absence ,  notam- 
ment celle  des  Archives  nationales  de  France,  qui  est  là  plus 
ancienne,  et  celle  délivrée  en  1788  par  le  greffier  de  la  Cham- 
bre des  comptes  de  Bar  à  la  municipalité  de  Beaumont  ;  d'est 
à  ce  dernier  texte,  soigneusement  revu,  que  M.  Bonvalot 
s'est  principalement  référé. 

Mats,  éi  le  texte  de  la  loi  de  Beaumont  est  connu  et  fré- 
quemment cité ,  ses  dispositions  ne  paraissent  pas  avoir  jus- 
qu'ici fait  l'objet  d'analyses  bien  complètes  et  bien  approfon- 
dies. L'étude  que  leur  avait  consacrée ,  au  siècle  dernier,  un 
avocat  nancéien ,  Breyé ,  ne  nous  est  pas  parvenue ,  et  le  livre 
de  M.  l'abbé  Defourny  (2)  contient,  à  côté  d'une  foule  d'aper- 
çus intéressants  et  d'indications  utiles,  un  trop  grand  nombre 
de  lacunes  et  d'inexactitudes  juridiques.  L'ouvrage  dé  M. 
Bonvalot  est  donc ,  on  peut  le  dire ,  une  œuvre  d'initiation  ; 
il  a  tout  le  mérite  et  tout  l'attrait  de  la  nouveauté.  Au  prix  de 
patientes  recherches,  d'un  dépouillement  consciencieux  dès 
vieilles  archives  lorraines ,  l'honorable  magistrat  nous  donne 

(1)  Observations  détachées  sur  les  coutumes  et  les  usages  anciens  et  modernes 
du  ressort  du  Parlement  de  Metz,  par  Gabriel»  ancien  bâtonnier  de  l'Ordre 
des  avocats  au  Parlement  de  Metz.  Bouillon,  1787. 

(2)  La  loy  de  Beaumont,  coup  d'œil  sur  les  libertés  et  les  institutions  du 
moyen- âge.  Reims,  1864. 


472  COMPTES-RENDUS   BIBLIOGRAPHIQUES. 

sur  la  charte  de  Beaumont  et  sur  ses  filiales  un  commentaire 
substantiel ,  où  se  trouvent  unies  la  sagacité  de  l'historien ,  la 
finesse  du  jurisconsulte  et  la  sûreté  du  critique.  L'Académie 
de  Stanislas  de  Nancy  a  voulu ,  par  l'attribution  d'une  de  ses 
plus  hautes  récompenses ,  reconnaître  ces  qualités  brillantes; 
elleme  pouvait,  comme  l'a  dit  notre  regretté  collègue,  M.  Er- 
nest Dubois,  dans  la  séance  du  12  mai  1881,  inaugurer  d'une 
manière  plus  heureuse  les  concours  que  la  fondation  Herpin 
lui  a  permis  d'ouvrir  tous  les  quatre  ans  sçr  la  Lorraine  et 
sur  son  histoire. 

Les  trois  premiers  chapitres  sont  consacrés  à  ce  qu'on  pour- 
rait appeler  l'histoire  externe  de  la  loi  de  Beaumont.  L'auteur 
montre,  dans  un  tableau  saisissant,  ce  qu'était  au  xne  siècle, 
c'est-à-dire  lors  de  l'apparition  de  la  charte  nouvelle ,  la  situa- 
tion matérielle  et  morale  des  pays  situés  au  Nord-Est  de  la 
France.  Les  violences  des  seigneurs,  l'oppression  des  vas- 
saux ,  la  misérable  condition  des  serfs  appelaient  un  adoucis- 
sement et  une  réforme ,  et  cette  réforme ,  essayée  par  le  sys- 
tème des  avoueries  ecclésiastiques  et  par  la  royauté  combat- 
tant pied  à  pied  les  prétentions  féodales,  fut  l'œuvre  d'un 
prince  de  l'Église ,  Guillaume  de  Champagne.  Il  octroya  à  la 
commune  de  Beaumont,  comprise  dans  ses  domaines,  une 
charte  qui ,  modelée  sur  la  constitution  échevinale  de  Reims , 
assurait  à  ses  habitants  la  liberté  et  la  propriété  et  remplaçait 
par  une  administration  municipale  élue  le  gouvernement  di- 
rect et  arbitraire  du  seigneur.  Cette  charte  devint  bientôt 
populaire  sous  le  nom  de  loy  de  Beaumont  et  eut,  nous  l'avons 
dit,  une  force  d'expansion  prodigieuse;  Merlin  la  compare  à 
un  météore.  Trois  tableaux ,  dressés  suivant  le  degré  de  cer- 
titude que  présente  son  application  à  telle  ou  telle  commune , 
et  une  liste  chronologique  des  villes  auxquelles  elle  a  été  con- 
cédée rendent  compte  des  progrès  que  la  loi  de  Beaumont  a 
réalisés  pendant  plusieurs  siècles  dans  les  provinces  et  dans 
les  territoires  limitrophes. 

Dans  le  quatrième  chapitre,  M.  Bonvalot  s'occupe  de  la 
création  des  villes  neuves  :  «  Ce  terme,  dit-il  (p.  260),  mar- 
que une  phase  nouvelle  dans  la  vie  d'une  localité  déjà  exis- 
tante, une  révolution  juridique  dans  l'état  de  son  sol  et  de 
ses  habitants.  Il  exprime  la  substitution  de  la  liberté  au  ser- 


COMPTES-RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES.  473 

vage ,  la  transformation  d'une  ville  batice  ou  serve  en  une  ville 
franche  avec  coutumes  privilégiées.  »  La  création  d'une  ville 
neuve  n'implique  donc  pas  le  plus  souvent  l'érection  d'une 
cité  sur  un  territoire  inhabité ,  mais  seulement  la  concession 
de  privilèges  importants  aux  habitants  d'une  ville  déjà  fondée. 
De  nombreuses  villes  neuves  furent  ainsi  créées  au  type  de  la 
loi  de  Beaumont;  l'auteur  énumère  les  solennités  dont  furent 
entourées  ces  créations  successives  et  leurs  conséquences  ju- 
ridiques. 

Le  reste  de  l'ouvrage  analyse  les  dispositions  de  la  loi  de 
Beaumont.  Dans  le  chapitre  cinquième ,  il  est  question  de  la 
condition  des  personnes  et  des  terres  dans  les  pays  qui  en 
reconnaissent  l'autorité.  L'acquisition  et  la  perte  du  droit  de 
bourgeoisie,  les  distinctions  de  classes,  l'affranchissement  du 
sol ,  les  droits  de  chacun  sur  les  propriétés  communales  sont 
étudiés  avec  détail. 

Avec  le  chapitre  suivant,  l'administration  et  la  justice  des 
communes  affranchies  sont  examinées  dans  leurs  rouages  et 
dans  leur  fonctionnement.  À  la  tête  de  la  commune  sont 
placés  un  maire  et  des  échevins  {jurais  ou  hommes-quarante) 
élus,  sauf  exceptions,  par  le  suffrage  universel  à  deux  ou 
trois  degrés  :  peut-être  pourrait-on  conclure  de  la  charte  déli- 
vrée en  1365  par  le  duc  Robert  de  Bar  à  la  ville  de  Pont-à- 
Mousson ,  que  le  jus  suffragii  était  reconnu  aux  femmes  céli- 
bataires ou  veuves,  placées  à  la  tête  d'un  ménage?  Mais  M. 
Bonvalot  hésite  avec  raison ,  croyons-nous ,  à  croire  que  le 
moyen-âge  ait  ainsi  devancé  les  revendications  des  émanci- 
pateurs  modernes.  Le  maire  et  les  échevins ,  investis  de  l'ad- 
ministration municipale  et  de  la  gestion  des  intérêts  commu- 
naux ,  sont  en  outre  chargés ,  par  délégation  du  seigneur,  de 
rendre  la  justice,  en  trois  plaids  généraux  {parjurez),  qui  se 
tiennent  à  des  époques  variables ,  suivant  la  région. 

Le  chapitre  septième  passe  en  revue  tous  les  services ,  re- 
devances ,  amendes  dont  sont  tenus  les  bourgeois  des  villes 
neuves  envers  le  seigneur  qui  les  a  affranchis  ;  ils  sont  le  prix 
de  leur  liberté. 

La  loi  de  Beaumont  ne  se  cantonne  pas  sur  le  terrain  du 
droit  public;  sur  les  57  articles  entre  lesquels  les  commen- 
tateurs la  divisent  ordinairement  pour  la  facilité  de  leurs 


474  COMPTES-RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES. 

explications,  elle  en  consacre  28  au  droit  criminel  et  11  au 
droit  civil.  Le  chapitre  huitième  traite  des  règles  de  droit  et 
de,  procédure  qu'elle  édicté  eu  matière  pépale  et  en  matière 
ciyile,  et  ces  règles,  complétées  par  certaines  disposition? 
de?  chartes  filiales  de  celle  de  Beaumont ,  jettent  une  pleine 
lpmière  sur  l'organisation  si  défectueuse  encore  et  parfois  si 
fc$4>are  de  la  justice  au  moyen-âge. 

Dans  les  deux  derniers  chapitres ,  le  savant  auteur  suit  la 
loi  de  Beaumont  depuis  sa  promulgation  jusqu'à  la  Révolu- 
tion française  ;  il  examine  l'influence  qu'elle  a  exercée  sur  les 
destipées  du  Tiers-État  dans  les  pays  qui  en  ont  obtenu  le 
bénéfice  ;  il  signale  les  atteintes  nombreuses  qu'elle  a  reçues 
à  partir  du  xve  siècle  et  qui ,  attestant  sa  décadence ,  prépa- 
rât son  abrogation. 

Un  appendice,  contenant  plusieurs  documents  inédits ,  ter- 
mine utilement  ce  beau  livre ,  qui  a  sa  place  marquée  dans  lp. 
bibliothèque  de  tous  ceux  qui  aiment  à  chercher  dans  le  pa?sé 
le  secret  des  institutions  d'aujourd'hui  ;  nous  lui  souhaitons 
un  grand  et  durable  succès. 

André  Weiss, 

professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  droit  de  Dijon. 


Code  de  procédure  pénale  allemand  du  1er  février 
1877,  traduit  et  annoté  par  M.  Fernand  Daouin  ,  avocat  à  la  Cour 
d'appel  de  Paris. 

Un  nouveau  Code  étranger  vient  de  prendre  place  dans  la 
collection  que  préparent  le  Comité  de  législation  étrangère  et 
la  Société  de  législation  comparée ,  c'est  le  Code  de  procédure 
pénale  allemand,  l'une  des  quatre  grandes  lois  générales  qui 
sont  venues  en  1877  établir  l'unité  législative  dans  tout  l'Em- 
pire d'Allemagne  sur  des  matières  d'une  importance  considé- 
rable, l'organisation  judiciaire  ,  la  procédure  civile ,  la  procé- 
dure pénale  et  la  faillite. 

M.  Daguin  a  fait  précéder  sa  traduction  du  Code  de  pro- 
cédure pénale  d'une  introduction  magistrale  qui  nous  a  parti- 
culièrement frappé.  Il  a  cru ,  et  avec  grande  raison ,  que  «  il 
était  difficile  de  se  rendre  un  compte  exact  de  l'étendue  et  de 


COMPTES-RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES.  475 

la  portée  des  réformes  qu'a  consacrées  le  nouveau  Code  sans 
remonter  en  arrière  et  sans  étudier  l'état  du  droit  criminel  en 
Allemagne,  non-seulement  au  moment  de  sa  promulgation, 
mais  encore  dans  les  périodes  antérieures.  » 

La  première  partie  de  l'introduction  retrace  sommairement 
l'histoire  de  la  procédure  pénale  allemande  depuis  les  temps 
barbares  jusqu'à  nos  jours.  Il  était  difficile  de  résumer  plus 
exactement  et  plus  heureusement  les  différentes  périodes 
qu'a  traversées  l'instruction  des  procès  criminels ,  de  mieux 
indiquer  les  modifications  successives  du  droit  allemand. 
Pour  rédiger  ce  premier  chapitre,  M.  Daguin  a  mis  à  profit 
les  auteurs  les  plus  consciencieux  et  les  plus  érudits ,  soit  en 
Allemagne,  soit  en  France  et  en  Belgique,  notamment  MM. 
Eichorn,  Zôpfl,  Schulte,  Esmeinet  Thonissen. 

La  procédure  pénale  a  passé  en  Allemagne,  comme  en 
France  et  dans  la  plupart  des  États  du  continent  européen, 
par  trois  grandes  phases  successives. 

Au  début,  elle  est  purement  accusatoire.  Le  système  se 
maintient,  quoique  sensiblement  modifié,  pendant  toute  la 
période  que  nous  nommons  féodale. 

Au  moyen-âge  on  voit  naître  en  Allemagne  deux  institu- 
tions dont  l'une  surtout  est  célèbre ,  le  Gograviat  et  la  Sainte- 
Vehme. 

Le  Gograviat,  c'est  en  quelque  sorte  la  Lynch* $  Law,  pra- 
tique brutale  où  l'effervescence  du  moment  remplace  le  calme 
et  la  gravité  de  la  justice  et  qui  ne  peut  se  comprendre  que 
par  l'insuffisance  des  tribunaux  réguliers  due,  dans  le  moyen- 
âge,  aux  désordres  des  guerres  féodales,  dans  l'Amérique 
moderne,  à  la  corruption  de  certains  juges. 

La  même  cause  qui  avait  donné  naissance  au  Gograviat 
contribua  au  développement  de  la  Sainte- Vehme,  une  des  ins- 
titutions les  plus  curieuses  de  l'ancienne  Allemagne,  asso- 
ciation libre  et  secrète ,  dont  l'existence  était  d'ailleurs  offi- 
ciellement reconnue  et  qui  avait  pour  objet  la  répression  des 
crimes,  tribunal  mystérieux  et  redoutable  dont  la  puissance 
était  presque  illimitée  au  xve  siècle,  subie  par  les  princes  eux- 
mêmes,  mais  dont  l'autorité  fut  ruinée  par  ses  propres  abus 
et  par  une  organisation  plus  régulière  de  la  justice  au  temps 
de  Charles-Quint.  —  D'ailleurs,  dans  les  tribunaux  vehmi- 


476  COMPTES-RENDUS   BIBLIOGRAPHIQUES. 

ques,  comme  dans  les  juridictions  ordinaires,  on  maintint  en 
Allemagne ,  pendant  tout  le  moyen-âge ,  la  division  des  fonc- 
tions judiciaires  entre  le  président  et  les  assesseurs ,  comme 
au  temps  du  grafio  et  des  rachimbourgs. 

Les  règles  les  plus  importantes  de  la  procédure  dans  les 
tribunaux  allemands  du  moyen -âge,  M.  Daguin  a  été  les 
rechercher  directement  dans  les  coutumes  les  plus  célèbres, 
le  Miroir  de  Saxe  et  le  Miroir  de  Souabe.  C'est  toujours  le 
principe  «  Wo  kein  KJager  ist,  ist  kein  Richter,  »  là  où  il  n'y 
a  pas  d'accusateur,  il  n'y  a  pas  de  juge;  la  preuve  est  faite 
directement  à  l'audience  par  les  parties  qui  recourent  soit  au 
serment,  soit  aux  cojureurs,  soit  à  la  preuve  testimoniale  (le 
jugement  de  Dieu ,  sous  ses  deux  formes ,  les  ordalies  et  le 
duel  judiciaire ,  tomba  de  bonne  heure  en  discrédit)  :  l'accusa- 
tion et  la  défense  se  produisent  publiquement  à  l'audience  et 
la  condamnation  est  prononcée,  à  la  majorité  des  voix,  par  les 
assesseurs. 

Les  idées  de  codification  générale  se  sont  fait  jour  en  Alle- 
magne beaucoup  plus  tôt  qu'en  France,  mais  pour  n'aboutir, 
comme  nous  le  verrons,  que  beaucoup  plus  tard.  Dès  la  fin  du 
xve  siècle,  les  États  de  l'Empire  émettaient  le  vœu  qu'une 
ordonnance  pénale  générale  vînt  mettre  l'ordre  dans  la  con- 
fusion des  coutumes  locales.  Charles-Quint  poursuivit  l'idée 
de  doter  l'Empire  d'une  législation  pénale  uniforme  et  il 
réussit  à  faire  voter  en  1532,  par  la  diète  de  Ratisbonne,  l'or- 
donnance criminelle  bien  connue  sous  le  nom  de  la  Caroline, 
à  laquelle  avait  servi  de  modèle  l'ordonnance  promulguée  en 
1507  parl'évêque  de  Bamberg.  La  Caroline,  première  loi  de 
l'Empire  (du  Saint-Empire  romain!)  en  matière  criminelle 
a  donc  précédé  de  plus  de  trois  siècles  la  seconde  loi  de  l'Em- 
pire sur  les  mêmes  matières.  Mais  le  sort  de  la  Caroline  a  été 
bien  différent  de  celui  des  lois  de  1870-77,  car  l'ordonnance 
criminelle  de  Charles-Quint,  malgré  sa  supériorité  sur  les 
lois  antérieures,  ne  fut  point  adoptée  par  tous  les  États  et  elle 
ne  constitua  en  définitive  que  «  une  sorte  de  droit  subsidiaire 
invoquée  en  cas  de  silence  ou  d'insuffisance  du  droit  po- 
sitif. » 

La  Caroline  avait  déjà  subi  l'influence  du  droit  criminel 
canonico-romain  qu'elle  avait  cherché  à  combiner  avec  le 


COMPTES-RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES.  477 

vieux  droit  germanique.  La  transformation  des  institutions 
pénales  s'accentua  tous  les  jours  davantage. 

D'abord  la  composition  des  tribunaux  se  transforma;  les 
juges  de  profession  se  substituèrent  peu  à  peu  aux  échevins 
qui  ne  se  maintinrent  que  dans  quelques  justices  locales.  En 
même  temps,  la  procédure  revêtit  un  caractère  de  plus  en 
plus  rigoureux  et  finit  par  devenir  franchement  inquisitoire , 
écrite  et  secrète,  avec  la  théorie  des  preuves  légales. 

Depuis  la  Caroline  jusqu'à  la  dissolution  de  l'Empire ,  on 
ne  trouve  plus  de  lois  générales,  mais  seulement  des  Codes 
spéciaux  aux  différents  États  de  l'Empire  et  inspirés  plus  ou 
moins  par  l'esprit  de  rigueur  qui  prévalait  depuis  la  dispari- 
tion du  système  accusatoire. 

Au  cours  du  xviii6  siècle,  les  juristes  allemands,  secondés 
par  les  universités  protestantes  et  les  philosophes ,  réagirent 
vivement  contre  le  droit  issu  des  pratiques  de  l'Église.  Grâce 
à  leurs  efforts,  la  torture  fut,  dans  la  seconde  moitié  du 
siècle,  abolie  ou  restreinte  dans  la  plupart  des  États  de  l'Em- 
pire. Mais  la  procédure  inquisitoriale  subsistait.  Les  trois 
principaux  Codes  criminels  allemands  rédigés  au  commen- 
cement du  xixe  siècle,  les  Codes  autrichien,  prussien  et  ba- 
varois, n'apportaient  en  réalité  aucune  innovation  sérieuse. 

Cependant  les  inconvénients  du  système  inquisitoire  n'é- 
taient plus  contestés.  Plusieurs  lois  ou  Codes  furent  rédigés 
de  1843  à  1877,  sous  l'influence  des  idées  françaises,  en 
Wurtemberg,  en  Prusse  et  dans  le  grand-duché  de  Bade.  Mais 
la  Caroline  restait  encore  en  vigueur  dans  une  partie  consi- 
dérable de  l'Allemagne. 

Le  grand  mouvement  libéral  de  1848  eut  d'heureux  résul- 
tats relativement  à  la  procédure  criminelle.  Dans  la  plupart 
des  États ,  les  lois  criminelles  furent  révisées  dans  le  sens 
des  principes  proclamés  par  l'assemblée  de  Francfort  et  en 
prenant  pour  modèle  notre  Code  français.  Après  une  réac- 
tion qui ,  dans  certains  États ,  aboutit  à  la  promulgation  de 
lois  rétrogrades,  les  idées  libérales  finirent  par  triompher 
universellement  et  ce  sont  elles  qui  ont  été  consacrées  dans 
la  loi  d'Empire  de  1877. 

Nous  n'avons  pu,  dans  ces  quelques  lignes,  donner  qu'une 
idée  bien  sommaire  de  l'évolution  historique  à  laquelle  M.  Da- 


478  COMPTES-RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES. 

guin  nous  fait  assister  dans  son  introduction.  Quelque  inté- 
ressant que  soit  ce  premier  chapitre ,  sa  leoture  a  fait  naître 
en  nous  le  regret  que  l'auteur  se  soit  borné  à  un  simple  ré- 
sumé historique.  Sans  doute  il  lui  était  difficile,  dans  une 
introduction,  d'entrer  dans  plus  de  détails;  mais  nous  lui 
demandons  de  ne  pas  s'en  tenir  là  et,  g?ns  abandonnera 
législation  comparée  ,  de  nous  donner  un  jour  le  tableau  4$$ 
institutions  qu'il  a  simplement  esquissées ,  de  faire ,  en  un 
mot,  pour  la  procédure  criminelle  de  l'Allemagne,  ce  que 
l'un  de  nos  collègues  de  Paris  a  si  bien  fait  pour  la  Frange. 

Le  second  chapitre  de  l'introduction  nous  fait  assister  à  la 
confection  du  Code  depuis  le  30  mars  1868. 

Le  troisième  renferme  l'exposé  de  l'organisation  actuelle 
des  juridictions  pénales  en  Allemagne,  exposé  nécessaire 
pour  ^intelligence  du  Code  de  procédure  pénale,  Code  qui 
ne  contient  que  les  règles  de  procédure  sans  s'occuper  de  la 
composition  ni  de  la  compétence  des  tribunaux  répressifs. 

Enfin,  dans  un  dernier  chapitre,  M.  Daguin  a  heureuse- 
ment résumé  les  principales  dispositions  du  Code  de  1877,  ce 
qu'il  avait  fait  d'ailleurs,  avec  succès,  dans  l'Annuaire  de 
1878,  mais  à  un  point  de  vue  moins  élevé. 

Nous  arrivons  maintenant  à  la  traduction  même  du  Code. 
Comme  exactitude  elle  ne  laisse  rien  à  désirer,  ainsi  que  nous 
avons  pu  le  constater  en  vérifiant  un  certain  nombre  de  textes. 
Elle  est,  à  notre  avis,  supérieure  à  la  traduction  officielle 
publiée  à  Strasbourg  en  1879  et  notamment  pour  certaines 
expressions  allemandes  comme  Busse,  Augenschein,  M.  Da- 
guin a  su  trouver  des  équivalents  français  bien  plus  exacts 
que  le  traducteur  anonyme  de  Strasbourg. 

Mais  ce  qui  a  attiré  principalement  notre  attention ,  oe 
sont  les  annotations  dont  le  traducteur  français  a  accompagné 
le  texte.  Mettant  à  profit  les  documents  parlementaires ,  les 
commentaires  et  les  traités  allemands  les  plus  importants , 
les  recueils  d'arrêts  ,  il  a  rendu  extrêmement  facile  l'intelli- 
gence des  textes  parfois  obscurs  du  Code  allemand.  Lorsque 
se  présente  une  disposition  controversée,  il  résume  très-exac? 
ment  en  quelques  lignes  la  portée  et  les  solutions  de  la  con- 
troverse. Nous  trouvons  enfin  des  rapprochements  intéres- 
sants soit  avec  le  droit  antérieur,  soit  avec  les  Codes  français 


COMPTES-RENDUS   BIBLIOGRAPHIQUES.  179 

et  autrichien.  De  sorte  que  les  simples  notes  sont  devenues 
parfois,  et  nous  ne  nous  en  plaignons  point,  un  véritable 
commentaire. 

Un  appendice  assez  important  renferme  la  traduction  ou 
l'indication  des  dispositions  législatives  qui  servent  de  complé- 
ment au  Code  de  procédure  pénale  ou  qui  ont  pour  objet 
d'assurer  sa  mise  à  exécution. 

Nous  possédons  maintenant,  traduits  et  annotés,  trois  des 
Codes  généraux  de  l'Empire  d'Allemagne,  le  Code  pénal 
(publié  dans  V Annuaire  de  1872),  le  Code  de  commerce  et 
le  Code  de  procédure  pénale.  Si  nous  augurons  du  succès 
des  traductions  en  préparation  par  celui  des  traductions  pa- 
rues, nous  pouvons  dire  que  la  Société  de  législation  com- 
parée et  le  Comité  de  législation  étrangère  auront  rendu  un 
immense  service  au  public  de  langue  française  en  lui  rendant 
accessible  la  lettre  et  l'esprit  de  la  législation  du  nouvel 
Empire. 

Ludovic  Beauchet. 


482  CHRONIQUE. 

m'eût  été  bien  facile  de  faire  étalage  d'érudition.  Je  n'avais 
qu'à  prendre  parmi  les  travaux  des  auteurs  français  les  cinq 
études  de  Bouchaud,  Y  Histoire  du  droit  romain  de  Ch.  Giraud 
et  m'aider  de  YHistoire  dès  Édtts  d'HehiecCius.  Je  n'ai  pas  cru 
devoir  entrer  dans  cette  voie,  mon  livre  s'adressant  soit  à  des 
romanistes  à  qui  je  n'avais  rien  à  apprendre  à  ce  sujet,  soit 
à  des  jeunes  gens  déjà  avancés  dans  leurs  études ,  à  qui  il 
suffisait  d'indiquer  les  sources. 

Mais  il  m'est  impossible  de  laisser  sans  réponse  le  reproche 
de  n'avoir  fait  consciemment  qu'une  œuvre  de  pure  fantaisie, 
et  celui  tout  aussi  grave  d'avoir  commis  des  erreurs  maté- 
rielles* et  riiême  de  m'être  rendu  coupable  d'hérésie^  juridi- 
ques. 

Lorsqu'on  songe  à  restituer  une  œuvre  perdue ,  on  ne  doit 
pas  espérer  une  reproduction  absolument  fidèle.  Freinshemius 
n'a  pas  eu ,  je  le  suppose ,  cette  prétention ,  lorsqu'il  a  entre- 
mis dé  refaire  les  dix  livres  de  Tite-Live  qui  ne  nous  sont1  pas 
parvenus.  Mais  il  n'y  a  pas  de  présomption  excessive  dans  la 
certitude  de  se  rapproche*1  aussi  près  que  possible  de  l'origi- 
nal', l6rsqu- où  se  seH  d'élédents  dont  l'authenticité  erft  indis- 
cutable. 

Or,  si  au  point  de  vue  qui  nous  occupe  on  étudie  les  Com- 
mentaires de  l'Édit  perpétuel ,  il  est  facile  de  constater  qiie 
leurs  attteurs;  quand  thr  ont  simplement  analysé  les  textes  au 
lieu  de  les  donner  in  extenso ,  les  ont  copiés ,  tout  en  les  mo- 
difiaùt  le  moins  possible  du  reste  pour  les  besoins  de  la  dis- 
cussion, et  surtout  eta  écrivant  à  la  troisième  persbime  du 
présent  ou  du  passé  :  Pr&tor  mit,  vohdt,  vetat,  au  lieu  de 
parler  comme  le  préteur,  soit  à  la  première  du  futur  :  Judicinm 
ûabo ,  animwdvertam ,  vint  fieri  veto ,  soit  à  l'impératif  :  Exhi- 
bent! Restituas! 

Ranchin  n'a  pas ,  que  je  sache ,  laissé  le  secret  de  sa!  mé- 
thode ;  mais  si  on  compare  les  textes  de  sa  restitution  avec 
ceux  des  Commentaires  auxquels  il  renvoie ,  on  voit  qtrtl  les 
a  simplement  copiés  pour  la  plupart ,  en  leur  rendant  la  forme 
que  les  commentateurs  avaient  dû  leur  enlever  en  les  ana- 
lysant. 

Prenons  comme  exemple  (t.  II,  p.  \U  de  mon  livre)  le 
frag.  8  d'Ulpien  D.  De  cond.  inst.  (28.  7),  que  signale  M.  May  : 


CHRONIQUE.  483 

Voluit  (Prxt&r)  eum,  ctoi  sub  jurisjurandi  conditione  quid 
relietum  est,  ita  capere  ut  capiunt  hi  quibus  nulla  talis  juris- 
jurandi conditio  inseritur. 

Voici  le  texte  de  Ranchin  : 

Eum  y  cui  sub  jutisjùranâi  conditione  quid  relietum  est,  ca- 
pere Sinam  ,  ut  capiunt  hi  quibus  nulla  talis  jurisjurandi  can- 
Ûîtio  iûsteritûr. 

M.  May  dit  dans  une  note  que  ce  fragment,  auquel  je  ren- 
voie ,  prouve  que  le  préteur  n'a  pas  tenu  le  langage  que  je 
lui  prête  et  que  ces  termes  sont  de  ma  part  une  pure  inven- 
tion. 

Convenez,  Messieurs,  que  ce  n'est  pas  à  moi  que  ce  repro- 
che d'adressé,  niais  à...  Ulpien.  Dtl  reste,  ce  texte  n'est  pas 
de  moi ,  il  est ,  ainfei  que  je  viens  de  le  dire ,  de  Ranchin ,  qili 
a  simplement  remplacé  le  mot  voluit  d'Ulpien  par  le  mot 
sinam. 

C'est  également  ain&i  qu'a  procédé  Heinèccius ,  bien  qu'il 
soit  infiniment  plus  osé  que  le  professeur  de  Montpellier. 

Je  ferai  la  même  observation  pour  les  Constitutions  impé- 
riales qui  ont  visé  FÉdit. 

M.  May  me  reproche  dans  une  autre  note,  à  propos  du  sé- 
natus-consulte  Velléien  (t.  I,  p.  251  de  mon  livre),  de  n'avoir 
pas  hésité  à  attribuer  sans  réserve  à  l'Édit  la  latinité  de  la 
chancellerie  impériale ,  dans  ce  texte  : 

Si  obligatio  ex  mulieris  personâ  calliditate  creditoris  sumpse- 
rit  primordium ,  exceptione  SU  VeUeiani  contra  petitores  eam 
defendijubebo. 

Ce  texte,  dont  j'avoue  la  paternité,  a  été  copié  par  moi 
presque  textuellement  dans  la  constitution  19  des  empereurs 
Dioclétien  et  Maximien,  C.  J.  Set.  Velleianum  (A.  29).  Or,  je 
suis  convaincu  que  c'est  dans  ces  termes  qu'a  parlé  le  préteur. 

D'abord  la  langue  n'avait  pas  encore  subi  de  profondes  al- 
térations dans  la  seconde  moitié  du  m6  siècle. 

Ensuite  et  surtout ,  si  on  compare  le  texte  des  Constitutions 
qui  visent  l'Édit  perpétuel,  même  à  une  époque  postérieure, 
avec  celui  des  chefs  officiels  de  l'œuvre  de  Julien ,  ou  avec  ce 
que  l'on  en  sait  de  précis  par  les  Commentaires ,  on  voit  que 
les  employés  de  la  chancellerie  impériale,  chargés  de  la  rédac- 


484  CHRONIQUE. 

tion  de  ces  Constitutions ,  ont  fait  simplement  ce  qu'avaient 
fait  avant  eux  les  commentateurs  pour  leurs  analyses ,  et  ce 
que  font  et  feront  d'ailleurs  les  employés  dans  tous  les  temps 
et  tous  les  pays  ;  ils  ont  copié ,  tout  en  supprimant  ce  qui ,  à 
leur  époque ,  n'avait  plus  de  raison  d'être. 

Comparez  :  Rudorff,  §  105  et  Dioclétien  et  Maximien,  L. 
12  C.  J.  Quod  cum  eo...  (4.  26).  —  Ulpien,  L.  11,  13  D.  De 
act.  rer.  amot.  (25.  2)  et  Dioclétien  et  Maximien.  C.  J.  Rerum 
amotarum  (5.  21)  —  et  surtout  Rudorff,  §  179  et  Dioclétien  et 
Maximien,  L.  1.  C.  J.  De  libérait  causa  (7.  16)... 

Je  pourrais  multiplier  les  exemples,  mais  à  quoi  bon  in- 
sister? 

Enfin  (et  ici  je  me  reconnais  coupable ,  non  d'une  hérésie , 
mais  d'un  simple  lapsus  calami  qui ,  je  l'avoue ,  justifie  la  cri- 
tique de  M.  May),  il  me  reproche  le  mot  condemnabo  placé  à 
la  fin  de  la  disposition  relative  ,à  Yargentarius,  qui  n'a  pas 
fait  la  compensation  (t.  I,  p.  276  de  mon  livre)  : 

Si  argentarius  intentione  compensations  non  factâ  pins  inten- 
dot  sibi  dan  oportere  quàm  debeatur,  condemnabo. 

La  plus  petitio  encourue ,  le  sévère  professeur  de  Nancy  a 
raison  de  le  dire,  ne  s'est  jamais  exprimée  sous  la  forme 
condemnabo ,  parce  que  la  condemnatio  n'atteint  jamais ,  sauf 
de  très  rares  exceptions ,  le  demandeur. 

Mais  je  ne  pouvais  pas  employer  les  mots  qui  suivent  dans 
le  texte  de  Gaïus  et  dire  :  Causa  codât!  parce  que  ce  n'est  pas 
là  assurément  le  style  du  préteur.  J'aurais  dû  écrire  :  Judicium 
non  dabo,  ou  plutôt  summovebo  que  je  préférerais  dans  l'es- 
pèce; et  le  mot  condemnabo  est  tombé  de  ma  plume,  en  atten- 
dant, comme  l'observe  en  riant  M.  May,  que  je  me  contredise 
dans  le  Commentaire. 

Toutefois  mon  juge  me  permettrait-il  de  plaider  les  circons- 
tances atténuantes? 

Ne  confond-il  pas  quelque  peu  le  jus  et  le  judicium? 

Que  l'on  ne  puisse  pas  concevoir  une  formule  d'action  de- 
vant entraîner  la  condamnation  du  demandeur  in  judicio,  rien 
de  plus  vrai.  Mais  il  ne  s'agit  pas  d'une  formule  d'action  à 
délivrer,  nous  parlons  d'un  édit  destiné  à  prendre  place  dans 
V Album  et  à  prévenir  YargentaHus  qu'il  perdra  son  procès, 


CHRONIQUE.  485 

sa  créance,  qu'il  sera condamné  en  définitive,  s'il  ne  fait 

pas  d'avance  la  compensation.  D'un  autre  côté ,  quand  un  de- 
mandeur, ici  YargentarixiSy  se  présente  in  jure  et  demande 
qu'on  lui  délivre  une  formule ,  en  présentant  une  intentio  qui 
ne  comprend  pas  la  compensation  et  que  le  préteur  la  lui  re- 
fuse sur  l'observation  du  défendeur,  ce  refus  n'équivaut-il  pas 
à  une  condamnation?  Ce  demandeur  débouté  n'est-il  pas  par 
là  même  condamné?  Mais  je  reconnais  que  le  mot  condemnabo 
n'est  pas  correct. 

J'ajouterai  que  je  regrette  infiniment  de  n'avoir  pas  offert  à 
la  critique  de  M.  May  une  œuvre  scientifique.  Hélas  !  chacun 
dans  ce  bas  monde  fait  ce  qu'il  peut.  Je  ne  suis  pas  un  savant, 
Je  ne  le  sais  que  trop.  Aussi ,  pénétré  de  mon  ignorance ,  j'ai 
voulu  simplement  offrir  aux  hommes  d'étude  et  mettre  entre 
les  mains  des  jeunes  gens  qui  préparent  leurs  derniers  exa- 
mens, une  édition  de  YÉdit  perpétuel,  qui  a  été  après  la  loi 
des  Douze-Tables  le  monument  de  législation  le  plus  impor- 
tant du  monde  romain,  et  dont  le  Commentaire,  M.  May  le 
reconnaît,  peut  remplacer,  non  sans  quelque  profit,  un  Com- 
mentaire des  Pandectes. 

Assurément  je  ne  garantis  pas  l'exactitude  des  textes.  J'en 
ai  restitué  un  certain  nombre ,  j'en  ai  beaucoup  emprunté  à 
Ranchin ,  quelques-uns  aussi  à  Heineccius.  Il  me  suffit  que , 
suivant  la  propre  expression  de  M.  May,  cet  essai  mette  bien 
en  relief  le  caractère  de  l'Édit  perpétuel ,  et  par  là  jette  une 
pleine  lumière  sur  les  procédés  employés  pour  donner  au 
vieux  Droit  civil  plus  de  souplesse  et  de  portée. 

Je  ne  me  suis  jamais  dissimulé  que  je  m'aventurais  sur  le 
terrain  toujours  glissant  des  hypothèses ,  comme  l'a  observé 
M.  Henri  Brocher  ;  mais  j'ai  été  encouragé  dans  cette  entre- 
prise par  l'autorité  de  Pothier,  qui  attachait  une  telle  impor- 
tance à  l'Édit  perpétuel  et  tenait  en  si  grande  estime  la  resti- 
tution de  Ranchin,  qu'il  l'a  publiée  et  annotée  dans  sa  grande 
édition  des  Pandectes ,  ne  la  considérant  pas ,  je  suppose , 
comme  une  œuvre  de  pure  fantaisie.  J'ai  aussi  pensé  qu'il 
était  utile  de  vulgariser  en  France  le  plan  de  l'ouvrage  de 
Rudorff,  qui,  dans  sa  forme  simple ,  est  à  mes  yeux  une  œuvre 
de  premier  ordre ,  bien  que  n'offrant  pas  les  développements 
qu'a  donnés  M.  Otto  Lenel. 

Nouvelle  revue  hist.  —  Tome  VIII.  32 


486  CHRONIQUE. 

J'espère ,  Messieurs ,  que  vous  voudrez  bieu  insérer  cette 
lettre  dans  le  prochain  cahier  de  la  Bévue  que  vous  dirigez, 
ce  dont  je  vous  remercie  d'avance, 

Et  je  vous  prie  d'agréer  l'assurance  de  ma  considération  la 
plus  distinguée. 

Louis  JOUSSBRANDOT, 
profantir  à  la  Ronlté  de  Droit  4c  llïûfaraité  ds  Gaèn. 

Genève,  M  mai  1884. 


• 
*  * 


M.  May,  sur  la  communication  de  la  lettre  de  M.  Jousseron- 
dot,  nous  a  adressé  la  réponse  ci-dessous  : 

A  Messieurs  les  Directeurs  de  la  Nouvelle  Revue  histori- 
que DR  DROIT  FRANÇAIS  ET  ÉTRANGER. 

Messieurs  , 

Je  ne  puis  laisser  passer  sans  réplique  la  lettre  que  vous 
adresse  M.  Jousserandot.  L'honorable  professeur  a  beau  se 
défendre  d'être  un  savant,  et  vouloir  rabaisser  outre  mesure 
la  valeur  de  son  livre.  Je  ne  le  suivrai  pas  dans  cette  voie  de 
dénigrement  où  l'excès  de  modestie  désarme  forcément  la 
critique. 

Mes  observations  ont  avant  tout  visé  le  mérite  du  système 
de  restitution  adopté  par  le  commentateur  de  l'Édit.  Ce  qae 
j'ai  reproché  à  l'auteur,  et  ee  reproche  je  le  maintiens  dans 
son  entier.  C'est,  non  pas,  comme  il  semble  le  croire,  de  s'être 
aventuré  sur  le  terrain  glissant  «  des  hypothèses,  »  mais  de 
dous  y  engager  à  sa  suite  sans  nous  en  prévenir,  et  surtout 
d'avoir  trop  souvent  fait  parler  au  Préteur  une  langue  qui 
a' était  pas  la  sienne.  Les  exemples  que  j'avais  cités  m'avaient 
paru  suffisants  pour  mettre  en  relief  les  inconvénients  du 
procédé  divinatoire  employé  par  M.  Jousserandot.  J'aurais  pa 
sans  peine  les.  multiplier.  En  vain ,  l'honorable  professeur  es* 
saie-t-il  de  justifier  sa  méthode  en  invoquant  le  nom  des  sa- 
vants anciens  qui  l'ont  appliquée.  N'est-il  pas  permis  de  pen- 


CHRQMQUB.  487 

se*  que  «es  autorités  ont  un  peu  vieilli,  et  la  science,  mémo 
la  raina  ambitieuse  %  a  Vt-elle  pas  d'autres  exigences  aujour- 
d'hui que  du  temps  des  Ranchin  et  des  Heineccius?  Je  doute 
fort  en  tous  cas  que  ceux-ci  eussent  volontiers  pris  sous  leur 
patronage  la  mention  bien  inattendue  de  1'  «  actio  rei  vindica- 
tione  »  (I,  p.  154),  la  rubrique  du  titre  du  louage  au  Digeste 
ainsi  formulée  :  De  locati  conducti  (I,  p.  39Q  ;  H,  p.  618),  et  la 
formule  de  Y  actio  empti  donnée  à  deux  reprises  dans  les  ter- 
mes suivants  :  «  Quod  As  As  de  N°  N°  fundum  capetanum 
»  emptus  est  »  (I,  p.  63  ;  II,  p.  572). 

Quant  au  Commentaire  en  lui-même ,  si  la  méthode  n'en  est 
pas  absolument  impeccable  et  la  doctrine  toujours  parfaite- 
ment sûre  (1),  on  ne  peut  nier  qu'il  ne  contienne  une  somme 
de  consciencieuses  recherche».  Nous  n'avons  pas  attendu  la 
réponse  de  M.  Jousserandot  pour  le  reconnaître.  Nous  aurions 
pu  nous  borner  à  eette  bienveillante  constatation  si  nous  noua 
étions  contenté  de  jeter  sur  l'ouvrage  un  coup  d'œil  sommaire 
ou  distrait.  Mais  nous  avons  pensé  qu'un  Commentaire  de 
l'Édit  du  Préteur  méritait  un  examen  plus  approfondi,  et 
l'auteur  a  pu  se  convaincre  par  le  nombre  et  la  vivacité  même 
de  nos  critiques  que  son  livre  n'est  pas  de  ceux  auprès  des- 
quels on  passe  indifférent. 

Recevez,  Messieurs,  l'assurance  de  ma  considération  la 
plus  distinguée. 

Gaston  May, 

professeur  à  la  Faculté  de  Droit  de  Nancy. 


* 


L'Académie  des  Inscriptions  et  Belles -Lettres,  dans  sa 
séance  du  20  juin  dernier,  a  décerné  le  grand  prix  Gobert  à 
M.  Paul  Viollet,  bibliothécaire  de  la  Faculté  de  droit  de  Pa- 
ris, pour  le  premier  fascicule  de  son  Précis  de  V histoire  du 
droit  français;  et  dans  sa  séance  du  27  juin  elle  a  accordé  la 
troisième  médaille  du  concours  des  Antiquités  nationales  à 

(1)  Noos  citerons  tout  particulièrement  la  définition  suivante  de  Y  action 
PubUcienne.  «  Le  Préteur  considère  comme  accomplie  une  usucapion  qui  ne 
»  l'était  pas  et  il  accorde  Yaction  en  revendication,  rei  vindicatio  (I,  p.  103). 


488  CHRONIQUE. 

M.  Charles  Mortel,  bibliothécaire  de  l'Université  à  Bordeaux, 
pour  son  édition  du  Livre  des  constitutions  démenées  du  Chas- 
tellet  de  Paris. 


* 


L'Académie  des  Sciences  morales  et  politiques  a  décerné  à 
M.  Mispouiet  le  prix  Kœnigswarter  pour  son  ouvrage  sur  Les 
institutions  politiques  des  Romains. 


* 


Nous  signalons  aux  lecteurs  de  la  Revue  la  publication  du 
9e  fascicule  du  Dictionnaire  des  Antiquités  grecques  et  ro- 
maines. On  y  trouvera  nombre  d'articles  intéressant  l'histoire 
du  droit  et  des  institutions.  Nous  recommandons  notamment 
les  articles  Comitia  et  Colonia  de  M.  Humbert. 


NOUVELLE 


REVUE  HISTORIQUE 


OS 


DROIT  FRANÇAIS  ET  ÉTRANGER 


DE  LA 


FACULTÉ  ACCORDÉE  A  L'HÉRITIER 


DE  REVENIR  SUR  SA  RENONCIATION 


ÉTUDE  HISTORIQUE 


Les  rédacteurs  du  Code  civil  ont,  dans  l'article  790,  ac- 
cordé à  l'héritier  majeur  qui  a  renoncé  à  la  succession  à  la- 
quelle il  était  appelé,  la  faculté  de  revenir  sur  sa  renonciation 
tant  qu'il  ne  l'a  pas  perdue  par  la  prescription  ou  par  l'accep- 
tation d'un  autre  héritier.  Cette  décision  n'est  plus  en  harmonie 
avec  les  principes  qui  régissent  les  actes  faits  par  les  majeurs 
en  général,  ni  avec  celui  de  la  saisine  découlant  de  l'effet  ré- 
troactif donné  à  la  renonciation  dans  les  articles  785  et  786. 

Un  majeur  ne  peut  revenir  sur  un  acte  librement  et  vala- 
blement fait.  Ici,  particulièrement,  la  loi  lui  donne  les  moyens 
de  s'éclairer,  le  temps  pour  réfléchir  et  délibérer,  lui  permet, 
tout  en  acceptant  la  succession,  de  mettre  son  patrimoine  à 
l'abri  des  créanciers  héréditaires;  exige  la  publication  de  la 
renonciation  sur  un  registre  spécial  tenu  dans  les  greffes,  pré- 
cisément pour  en  assurer  l'efficacité  vis-à-vis  du  renonçant  et 

Rkvob  hist.  —  Tome  VIII.  33 


490  DE   LA  FACULTÉ  ACCORDEE   A  L'HÉRITIER 

de  tous  intéressés.  Si  la  renonciation  se  trouve  avoir  enlevé  à 
l'héritier  une  succession  qui  n'est  pas  si  mauvaise  qu'il  l'avait 
pensé ,  il  n'est  pas  lésé  dans  ses  propres  biens.  Or,  la  lésion 
même  dans  ses  propres  biens ,  ne  lui  permet  pas  de  revenir 
sur  l'acte  qui  l'a  causée.  Voilà  la  règle  écrite  dans  l'article 
1118.  Il  n'y  a  que  deux  exceptions  :  pour  le  partage  dont  l'é- 
galité est  la  base  (art.  887),  et  la  vente  d'immeubles,  lorsque 
le  besoin  d'argent  a  forcé  à  vendre  à  vil  prix  la  lésion  étant 
énorme ,  on  considère  la  volonté  du  vendeur  comme  n'ayant 
pas  été  libre  (art.  1674).  Encore,  dans  ces  cas  exceptionnels, 
le  majeur  ne  peut  revenir  sur  l'acte  lésionnaire  que  par  voie 
de  rescision,  en  soumettant  la  question  au  juge  libre  de  rejeter 
la  demande  si  elle  ne  lui  paraît  pas  suffisamment  justifiée.  Dans 
celui  qui  nous  occupe ,  la  seule  volonté  de  l'héritier  qui  a  agi 
librement  après  mûre  délibération  pourra  annuler  un  acte  pu- 
blié qui  ne  lui  a  causé  aucun  préjudice  dans  ses  propres  biens. 

Le  majeur  est  mis  dans  l'article  790  sur  le  même  pied  que 
le  mineur  dans  l'article  462.  Autre  dérogation  aux  principes 
posés  dans  les  articles  1118,  1123,  1125. 

Enfin,  et  c'est  la  plus  grave  dérogation,  la  faculté  accordée 
à  l'héritier  de  revenir  sur  sa  renonciation ,  permet  à  une  per- 
sonne devenue  étrangère  à  la  succession,  d'enlever,  par 
sa  seule  volonté  la  propriété  et  même  la  possession  de  cette 
succession  à  ceux  qui  en  sont  investis  de  plein  droit  à  son  dé- 
faut (art.  785,  786,  724). 

Comment  donc  les  rédacteurs  du  Code  ont-ils  été  amenés  à 
de  pareils  résultats?  Par  suite  d'une  mauvaise  interprétation, 
et  d'une  application  abusive  du  droit  romain  dans  notre  an- 
cienne France. 

Nous  laissons  de  côté  le  cas  de  prescription  visé  le  premier 
dans  l'article  790,  pour  ne  nous  occuper  que  du  second,  l'es- 
pèce d'énigme  placée  par  les  rédacteurs  dans  l'article  789,  a 
la  même  origine  historique.  Nous  pourrons  y  revenir  dans  un 
autre  article. 


DE  REVENIR  SUR  SA  RENONCIATION.       491 


DROIT  ROMAIN. 

En  dehors  de  l'institution  avec  crétion,  qui  laissait  jusqu'au 
dernier  jour  qui  lui  avait  été  assigné,  l'institué  libre  de  revenir 
sur  la  détermination  qu'il  avait  prise  (1),  l'héritier  externe  ma- 
jeur ne  pouvait  revenir  sur  sa  renonciation  librement  con- 
sentie (2). 

La  restitutio  in  integram  était  accordée  aux  mineurs  de  25 
ans  par  application  de  la  règle  générale.  La  crétion  d'abord 
supprimée  dans  certaines  successions  (3),  finit  par  être  complè- 
tement abolie  (4).  Elle  n'existait  plus  depuis  la  constitution  de 
Théodose  donnée  en  407. 

Il  ne  pouvait  être  question  de  renonciation  pour  les  héritiers 
nécessaires  qui,  pour  prix  de  leur  liberté,  devaient  prendre 
sur  leur  personne  ïignominia  de  la  vente  des  biens  du  défunt 
par  ses  créanciers  (5).  Ils  pouvaient  seulement  mettre  ceux  qu'ils 
acquéraient  dans  l'avenir,  à  l'abri  de  leurs  poursuites  par  le 
bénéfice  de  séparation  qui  leur  était  accordé  par  le  préteur  sur 
leur  demande,  dans  la  même  forme  que  celui  de  séparation  des 
patrimoines  aux  créanciers  héréditaires  (6). 

Les  héritiers  siens  et  nécessaires  acquéraient  aussi  l'héré- 
dité sive  velint,  sive  nolint  (7).  Ils  étaient  considérés,  nous  dit 
Paul,  comme  continuant  un  domaine  qu'ils  avaient  du  vivant 
de  leur  père.  On  pouvait  dire  qu'il  n'y  avait  pas  pour  eux  en 
quelque  sorte  de  succession,  mais  que  la  mort  de  leur  père 
faisait  passer  entre  leurs  mains  la  libre  administration  et  le 
droit  de  disposition  de  leurs  biens  (8) .  Ils  restaient  donc  héritiers 

(1)  Gaius,U,  166  et  168.  Ulp.,  Reg.,  XXII,  30. 

{2)Gaius,  II,  169.  Ulp.,  XXII,  29.  L.  13,  D.,  De  adq.  velomiti.  hercd.,  XXIX, 
2.  L.  4,  C,  Derepud.  vel  abtt.  hered.,  VI,  31. 

(3)  C.  Theod.,  De  maternit  bonis  et  materni  generis  et  cretionetublata,  VIII, 
18.  De  cretione  vel  bon.  pose.,  IV,  1,  et  Gothof.  hic. 

(4)  L.  17,  C.  Jast.,  De  jure  deUb.,  VI,  30. 

(5)  Gains,  II,  154.  Ulp.,  Reg.,  XXII,  24.  In* t.,  §  1,  De  hered.  quai  et  diff.  et 
Theoph.  hic. 

(6)  L.  1,  §  18,  D.,  De  séparât.,  XLII,  6. 

(7)  Gains,  II,  157.  Intt.,  De  hered.  quai,  et  di/f.,  §  2 . 

(8)  L.  11,  D., De  liber,  et  potth.,  XXVIII,  2.  —  L.  57,  D.,  0e adq.  velomitt. 
hered.,  XXIX,  2. 


t         »_  .  _  ». 


492      DE  LA  FACULTE  ACCORDEE  A  L  HERITIER 

jure  avili  et  ne  pouvaient  se  dépouiller  de  cette  qualité  par 
une  renonciation ,  ni  en  éviter  les  conséquences.  Ici  encore ,  le 
préteur  venait  à  leur  secours  s'ils  s'abstenaient  de  toucher  à 
l'hérédité,  ne  s'y  immisçaient  pas,  et  tant  que  cette  abstention 
durait  (1).  Ce  secours  prétorien,  qualifié  par  les  interprètes  de 
bénéfice  d'abstention,  n'était  ni  demandé  ni  obtenu  comme  celui 
de  séparation.  Il  résultait  de  la  seule  abstention  de  l'héritier 
contre  lequel  le  préteur  ne  délivrait  pas  d'actions  aux  créan- 
ciers héréditaires  (2),  mais  il  leur  permettait  de  faire  vendre  les 
biens  du  défunt.  Nous  n'avons  pas  à  nous  occuper  de  la  ques- 
tion controversée  de  savoir  à  qui  incombait  la  preuve  de  l'abs- 
tention ,  nous  la  supposons  prouvée.  Quel  en  était  le  résultat 
au  point  de  vue  de  la  position  de  l'héritier  qui  s'était  abstenu? 
Restait-il  héritier,  ou  les  biens  étaient-ils  dévolus  à  ceux  qui 
les  devaient  recueillir  à  son  défaut?  Pouvait-il  les  reprendre? 

Le  père  pouvait  faire  sortir  son  fils  de  la  classe  des  héri- 
tiers obligés  par  la  loi  à  recueillir  sa  succession  en  l'instituant 
sous  la  condition  si  volet  et  lui  substituer  une  personne  qui , 
dans  le  cas  de  renonciation  à  la  succession ,  la  prenait  à  sa 
place  (3).  Le  fils  étant  alors  assimilé  à  l'héritier  externe,  ne 
pouvait  revenir  sur  sa  renonciation  s'il  était  majeur  de  25  ans. 
La  question  de  savoir  ce  que  devient  la  succession  après  l'abs- 
tention de  l'héritier  sien  ne  peut  s'élever  qu'autant  qu'il  n'y 
a  pas  de  substitution  liée  à  l'institution  si  volet  qui  le  fait  pas- 
ser dans  la  classe  des  héritiers  externes.  Elle  était  déférée  au 
cohéritier  s'il  y  en  avait,  par  droit  d'accroissement  (4).  A 
défaut  de  cohéritier,  à  l'héritier  du  degré  subséquent  (5). 

On  sait  que  les  préteurs,  au  moyen  des  possessions  de 
biens,  corrigeant  les  imperfections  du  système  successoral 
de  la  loi  des  Douze-Tables ,  en  avaient  organisé  un  complet 
dans  YEdictum  successorium  où  il  nous  est  présenté  dans  son 
ensemble  (6).  Le  double  but,  atteint  dans  l'édit  successoral, 

(1)  Gains,  II,  158.  Inst.,  §  2,  De  hered.  quai,  et  diff. 

(2)  L.  57,  D.,0e  acquir.  vel  omit  t.  hered.,  XXIX,  2.  L.  12,  eod. 

(3)  LL.  86  et  69,  D.,  De  vulg.  etpup.subsi.,  XXVIII,  5. 

(4)  L.  55,  D.,  De  adq.  vel  omtit.  hered.,  XXIX,  2.  L.  44,  D.,  De  re  judi- 
cata,  XLII,  1. 

(5)  L.  2,  §§  8  et  14,  D.,  Ad  te.  TertyU.,  XXVIII,  17. 

(6Ï  De  succes$orio  edicto,  D.,  XXXVIII,  9.  QuU  ordo  in  possess.  servetur, 
D.   XXXVIÏI,  15. 


DE   REVENIR   SUR  SA   RENONCIATION.  493 

était  de  ne  pas  laisser  au  moins  trop  longtemps  les  succes- 
sions sans  maître,  ni  les  créanciers  héréditaires  qui  pou- 
vaient, dans  ce  cas,  se  faire  envoyer  en  possession  des  biens 
du  défunt ,  ou  le  fisc  à  qui  revenaient  les  biens  vacants ,  dans 
l'incertitude  (1).  Pour  cela,  le  préteur  avait  multiplié  le 
nombre  de  ceux  à  qui  il  accordait  la  possession  de  biens ,  en 
leur  imposant,  pour  la  demander,  un  temps  assez  court  passé 
lequel  ils  perdaient  le  droit  de  la  demander,  acquis  à  ceux  du 
degré  subséquent ,  comme  au  cas  de  répudiation  de  l'héritier 
le  plus  proche  (2).  Ce  délai  d'une  année  utile ,  à  partir  du 
décès,  pour  les  enfants  et  leur  père,  n'était  que  de  cent  jours 
aussi  utiles  quibus  scies  poterisque  pour  les  autres  successeurs. 
Seulement ,  les  héritiers  siens  qui  n'avaient  pas  demandé  la 
possession  de  biens  unde  liberi  pouvaient  revenir  en  première 
ligne  dans  l'ordre  suivant  unde  agnati  et  ainsi  de  suite  (3). 
Si,  au  cas  où  ils  s'étaient  abstenus,  personne  n'avait  demandé 
la  possession  de  bieos ,  le  préteur  envoyait  sur  leur  demande 
les  créanciers  en  possession  des  biens  héréditaires  qu'ils  ven- 
daient. Le  refus  d'accepter  la  possession  de  biens,  offerte  par 
le  préteur  in  jure  à  l'héritier  ordinairement  sur  leurs  pour- 
suites, avait  le  même  effet  que  la  répudiation  (4)  ou  l'expira- 
tion du  temps  accordé.  Jusqu'à  cette  vente  par  les  créanciers, 
l'héritier  sien  qui  s'était  abstenu,  pouvait  faire  cesser  l'effet 
de  son  abstention  soit  en  s'immisçant,  soit  en  demandant  la 
possession  de  biens  au  préteur  qui  lui  accordait  môme  le  tem- 
pus  deliberandi  pendant  lequel  les  créanciers  devaient  sur- 
seoir (5).  Aucune  autre  limite  que  celle  de  la  vente  des  biens 
n'était ,  dans  le  droit  classique ,  fixée  à  l'héritier  sien  pour  re- 
venir sur  son  abstention.  11  est  bien  entendu  qu'il  ne  fallait 
pas  qu'un  autre  successeur  eût  obtenu  la  possession  de  biens  ; 
les  nombreux  textes  que  nous  avons  cités  sont  formels.  11  ne 
saurait  d'ailleurs  être  question  de  la  vente  des  biens  lorsqu'il 

(1)  L.  1,  pp.  et  §  6,  D.,  De  tucccst.  ediclo. 

(2)  L.  1,  §§  6, 8,  10  eod. 

(3)  §§  il  et  12  eod.  L.  2,  D.,  Qui*  ordo  in  pose.,  XXXVIII,  25,  pour  le 
temps  utile. 

(4)/Wei.,§§  11  et  6. 

(5)  L.  8,  D.,  De  jure  delib.,  XXVIII,  8.  L.  6,  C.t  De  repud  tel  abst.  hered., 
VI,  31. 


494  DE   LA   FACULTÉ    ACCORDEE   A   L'HERITIER 

y  a  un  successeur  devenu  débiteur  sur  ses  propres  biens  des 
créanciers  héréditaires ,  surtout  à  une  époque  où  la  vente  de 
l'hérédité  se  faisait  en  bloc  au  bonorum  emptor  (1).  Il  fallait 
pour  cela  qu'elle  fût  vacante.  Gaïus  est  on  ne  peut  plus  expli- 
cite à  cet  égard  :  Mortuorum  bona  veneunt ,  velut  eorum  quitus 
certum  est  neque  heredes  neque  bonorum  possessores,  neque 
ullum  alium  justum  successorem  existera  (2).  Je  ne  m'arrêterai 
donc  pas  à  réfuter  l'opinion  de  ceux  qui  ont  prétendu  que 
l'héritier  sien  pouvait  reprendre  la  succession  à  ceux  qui  l'a- 
vaient acceptée  à  son  refus.  Cela  ne  pouvait  être  que  l'effet 
de  la  reslitutio  in  integrum  accordée  pour  violence  ou  au  cas 
de  minorité.  Ici,  il  n'y  avait  qu'un  simple  changement  de  vo- 
lonté dans  la  personne  de  l'héritier.  Cette  première  erreur  de 
quelques-uns  de  nos  auteurs  français  a  amené ,  comme  nous 
le  verrons ,  celle  qui  a  été  consacrée  législativement  par  les 
rédacteurs  du  Code.  Elle  a  sa  source  dans  une  confusion  entre 
le  droit  civil  et  le  droit  prétorien. 

Justinien ,  dans  une  de  ses  cinquante  décisions ,  probable- 
ment dans  l'intérêt  du  fisc,  corrigea  l'ancien  droit,  en  limi- 
tant le  temps  pendant  lequel  l'héritier  sien  pourra  revenir  sur 
son  abstention.  S'il  était  majeur  de  25  ans  à  l'ouverture  de 
la  succession,  il  n'aura  que  trois  ans  pour  revenir  sur  son  abs- 
tention. Il  ne  change  rien  aux  autres  conditions.  Donec  res 
patentas  in  eodem  statu  permanent.  Pas  de  reprise  possible  si 
les  biens  ont  été  vendus. 

Si  l'héritier  sien ,  au  décès ,  est  mineur  de  25  ans  ou  dans 
les  quatre  années  qui  suivent  cet  âge ,  remplaçant  l'ancienne 
année  utile  pendant  laquelle  la  restitutio  in  integrum  pouvait 
être  demandée,  les  trois  ans  ne  commenceront  à  courir  qu'à 
l'expiration  de  ces  quatre  là,  c'est-à-dire  quand  l'héritier  aura 
29  ans.  Si  les  biens  paternels  ont  été  vendus  pendant  la  mi- 
norité de  l'héritier  sien ,  et  qu'il  obtienne  la  restitutio  in  inte- 
grum dans  le  temps  où  elle  peut  être  obtenue ,  c'est-à-dire 
avant  sa  29e  année  accomplie,  il  pourra  même  reprendre  ces 
biens  entre  les  mains  des  tiers.  C'est  l'effet  général  de  la 
restitutio  in  integrum;  mais  quand  elle  ne  peut  plus  être  obte- 


(1)  Gaîut,  III,  78  et  s.,  Insl.  de  suce,  subi.,  III,  12. 

(2)  Gaïus,  ibid. 


DE  REVENIR  SUR  SA  RENONCIATION.       495 

nue,  dans  les  trois  ans  qui  suivent ,  la  seule  volonté  de  l'hé- 
ritier ne  peut  avoir  d'effet  contre  les  tiers  (1). 

En  nous  résumant  :  dans  le  dernier  état  du  droit  romain, 
en  dehors  du  cas  de  restitution  pour  minorité ,  violence ,  l'hé- 
ritier sien ,  seul ,  pouvait  revenir  pendant  trois  ans  sur  son 
abstention  rébus  adhuc  integris.  11  n'en  pouvait  être  question 
pour  l'héritier  nécessaire.  L'héritier  externe  majeur  ne  pou- 
vait jamais  revenir  sur  sa  renonciation  (2). 

La  position  faite  à  l'héritier  sien  s'explique  très  bien,  puis- 
qu'il restait  héritier  aux  yeux  du  droit  civil,  s'il  s'abstenait, 
son  titre  lui  restant ,  il  n'avait  qu'à  ne  plus  s'abstenir  pour 
faire  cesser  l'état  dans  lequel  se  trouvait  la  succession  offerte 
par  le  préteur  aux  autres  héritiers  qui  ne  la  prenaient  pas,  les 
créanciers  n'ayant  pas  encore  vendu  les  biens.  Rien  de  plus 
logique;  c'était  rentrer  dans  les  principes  du  droit  civil  au 
lieu  de  s'en  écarter. 


ANCIEN  DROIT  FRANÇAIS. 

Pays  de  droit  écrit. 

En  France,  il  ne  pouvait  être  question  d'héritiers  néces- 
saires, l'esclavage  y  étant  inconnu. 

On  n'y  connaissait  pas  non  plus  les  héritiers  siens  et  né- 
cessaires. La  maxime,  il  ne  se  porte  héritier  qui  ne  veut, 
écrite  dans  l'article  316  de  la  Coutume  de  Paris,  était  suivie 
aussi  bien  en  pays  de  droit  écrit  qu'en  pays  de  coutume  (3). 
Il  semblerait  dès  lors  que  la  faculté  de  revenir  sur  leur  abs- 
tention ou  renonciation ,  accordée  aux  enfants  du  défunt  res- 
tés héritiers  nécessaires  aux  yeux  du  droit  civil  romain ,  dut 
disparaître  avec  sa  cause ,  puisque  la  renonciation  leur  enle- 
vait chez  nous  la  qualité  d'héritier  même  avec  effet  rétroactif 
au  jour  du  décès.  Néanmoins,  il  n'en  était  pas  ainsi  dans 
les  pays  de  droit  écrit.  Tous  les  auteurs  nous  attestent  que 

(1)  Loi  6,  C,  Derepud.  vel  abtt.  hered.,  VI,  31. 

(2)  L.  4,  C,  eod.  L.  13,  D.,  De  aeq.  vel  omU.  ker.,  XXIX,  2. 

(3)  Boutaric  et  Serres ,  ha  t.  sur  le  §  2,  De  hered.  quai,  et  dif.  Julien, 
Élém.  dejurwp,,  1.  II,  tit.  xu,  n°  11. 


496  DE  LA  FACULTE   ACCORDÉE  A  L'HERITIER 

la  loi  dernière  au  Code  De  rep.  vel  abst.  hered.  y  était  suivie 
pour  les  descendants  du  défunt,  sans  distinction  entre  les 
émancipés  ou  non,  dans  la  succession  de  la  mère  comme 
dans  celle  du  père,  parce  que  la  Novelle  118  ne  tenant  plus 
compte  que  des  liens  du  sang,  avait  mis  tous  les  descendants 
sur  la  môme  ligne  sans  s'arrêter  à  la  puissance  paternelle. 
Si  on  ne  les  tenait  plus  pour  héritiers  nécessaires,  on  con- 
tinuait à  les  regarder  comme  héritiers  siens,  et  la  décision 
de  Justinien  ne  mentionnant  que  cette  qualité  dans  la  loi  6, 
C,  De  repud.  vel  abst.  hered.  si  quis  suus  hères,  etc.;  elle 
leur  était  appliquée  (1).  La  reprise  de  la  succession  par  les 
enfants ,  disait-on ,  doit  être  favorisée  ;  elle  est  aussi ,  ajoute 
Henrys ,  dans  l'intérêt  des  créanciers  héréditaires  qui  trou- 
vent un  débiteur. 

Telle  était  la  jurisprudence  des  parlements  de  droit  écrit. 
Des  arrêts  auraient  même  beaucoup  étendu  la  décision  de 
Justinien.  Si  nous  en  croyons  Lapeyrière ,  celui  de  Bordeaux 
donnait  trente  ans  au  lieu  de  trois  (2).  Celui  de  Toulouse  en 
aurait  rendu  un  dans  le  même  sens ,  non  plus  au  proGt  d'un 
enfant,  mais  d'un  neveu  revenant  sur  la  renonciation  faite 
par  sa  tante,  au  dire  de  Fromental  (4).  Mais  les  autres  au- 
teurs de  ces  pays  ne  parlent  que  de  trois  ans  et  des  descen- 
dants du  de  cujus  lorsqu'elle  avait  été  faite  librement  par  un 
majeur,  ce  qui  n'était  peut-être  pas  le  cas  visé  dans  les  arrêts 
cités  (3).  Lorsque  la  renonciation  avait  été  faite  par  un  mi- 
neur ou  pour  lui  par  son  tuteur,  même  avec  les  formalités 
requises,  on  lui  accordait  conformément  à  la  doctrine  ro- 
maine la  restitution ,  seulement ,  les  quatre  années  après  la 
majorité  pour  la  demander  ayant  été  portées  à  dix  par  l'ar- 
ticle 134  de  l'ordonnance  de  Yiilers-Cotterets  (août  1539),  ce 
n'était  qu'à  partir  de  l'expiration  de  ces  dix  années  que  com- 


(1)  Montvallon,  Tr.  des  suce.,  ch.  III,  art.  iz,  1. 1,  p.  146.  Furgole,  Tr.  des 
tesUm.,  ch.  X,  sect.  2,  n°»  50  et  s.  Bretonnier,  sur  Henrys  ,1.  VI ,  quest. 
uzn,  n°*  10  et  s.  Julien,  Élém.  de  jurisp.,  1.  II,  tit  xn,  n°  19.  Fromental,  Dé- 
cis,  y  °  Héritier.  Lapeyrière,  Décis,  v°  Répudiation.  Despeisses,  Des  succes- 
sions, part.  III,  tit.  i,  sect.  11,  n°  9  duodecimo. 

(2)  et  (4)  V.  ces  deux  auteurs  aux  endroits  cités. 

(3)  V.  notamment  Furgole  qui  traite  la  question  Test.,  ohap.  X,  sect.  2f 
no  57. 


DE  REVENIR  SUR  SA  RENONCIATION.  497 

mençait  le  délai  de  trois  ans  pour  reprendre  la  succession  sans 
restitution  (1). 

La  loi  6,  C,  De  rep.  vel  abst.  hered.  n'accordait  à  l'héritier 
sien  majeur  qui  avait  renoncé  à  la  succession  le  droit  de  la 
reprendre  qu'autant  que  les  biens  n'avaient  pas  encore  été 
vendus ,  mais  ne  s'expliquait  pas  nettement  sur  le  cas  où  elle 
aurait  été  acceptée  par  un  autre.  De  là  une  question  qui, 
des  romanistes ,  s'était  perpétuée  chez  les  auteurs  du  pays  de 
droit  écrit.  La  succession  pouvait-elle  être  reprise  lorsqu'elle 
avait  été  acceptée  par  d'autres  héritiers?  Nous  avons  déjà 
résolu  cette  question  née  de  la  confusion  faite  entre  le  droit 
civil  et  le  droit  prétorien ,  en  refusant  à  l'héritier  le  droit  de 
revenir  sur  son  abstention  ou  sa  renonciation  lorsqu'un  autre 
avait  été  envoyé  en  possession  par  le  préteur.  C'est  ce  qui 
ressort  de  l'édit  successoral  clairement  exposé  par  Ulpien  et 
de  deux  lois  qui  n'en  sont  que  l'application  (2).  Telle  était 
aussi  la  doctrine  admise  en  pays  de  droit  écrit  par  les  au- 
teurs les  plus  corrects.  On  n'y  permettait  pas  à  l'enfant  qui 
avait  renoncé  librement  en  majorité  à  la  succession  paternelle 
de  la  reprendre  lorsqu'elle  avait  été  acceptée  par  un  autre  (3). 
Une  autre  question  était  celle  de  savoir  si  l'héritier  de  celui 
qui  avait  renoncé  à  la  succession  paternelle  pouvait  user  du 
droit  du  défunt.  La  question  était  généralement  décidée  par 
la  négative,  parce  que  cette  faculté  de  revenir  sur  sa  renon- 
ciation était  un  privilège  personnel  aux  enfants  du  défunt. 
Furgole  fait  une  exception  pour  les  descendants  de  l'héri- 
tier (4). 

Pays  de  coutume. 

La  question  de  savoir  si  le  privilège  accordé  aux  descen- 
dants du  défunt  de  revenir  sur  leur  renonciation  faite  libre- 

(1}  Furgole,  ibid.  et  dm  54,  57  et  63.  Il  observe  que  la  prescription  de 
trente  ans  ne  pourrait  s'appliquer,  les  choses  restant  entières ,  qu'autant  que 
le  fils  se  serait  abstenu  purement  et  simplement  sans  renoncer  expressément 
ou  en  faisant  quelque  acte  contraire  à  la  qualité  d'héritier,  n°  66. 

(2)  D.  XXXVIII,  9,  De  suecessor.  edicio,  L.  ult.,  D.,  De  adquir.  velmitt. 
kered.,  XXIX,  2.  L.  6,  §  1,  D.,  Ad  te.  Tertyll,  XXXVIII,  17. 

(3)  Furgole,  Test.,  ch.  X,  sect.  2,  n°  16.  Lapeyrière ,  v°  Répudiation.  Do- 
mat,  L.  civiles,  part.  2,  liv.  I,  tit.  m,  sect.  4,  art.  4. 

(4)  Test.,  ch.  X,  sect.  2,  n°  61. 


498  DL   LA  FACULTÉ  ACCORDÉE  A  L'HERITIER 

ment  en  majorité  y  devait  être  admis ,  était  très  controversée. 
Le  droit  romain  n'y  faisant  pas  loi ,  la  puissance  paternelle 
avec  les  effets  qu'il  lui  donnait  y  étant  inconnue,  cessant 
d'ailleurs  à  la  majorité  et  par  le  mariage,  on  n'y  pouvait  com- 
prendre des  héritiers  siens  et  encore  moins  nécessaires,  puis- 
que la  maxime  coutumière  était  que  nul  ne  pouvait  être 
héritier  sans  sa  volonté.  Ceux  qui  voulaient  appliquer  la  loi 
romaine  et  permettre  aux  descendants  qui  avaient  en  majorité 
renoncé  librement  à  la  succession  paternelle ,  de  la  repren- 
dre, s'appuyaient  sur  la  faveur  que  méritent  les  descendants 
du  défunt.  «  C'est  faveur  plus  que  vrai  droit,  mais  très  juste 
»  faveur,  trop  juste  pour  pouvoir  être  rejetée,  »  nous  dit 
Bourjon  (1). 

Le  premier  président  de  Lamoignon ,  dans  les  arrêtés  pris 
pour  rendre  uniforme  la  jurisprudence,  restés  à  l'état  de 
projet ,  déclarait  «  les  enfants  qui  renoncent  en  majorité  à  la 
»  succession  de  leurs  pères  et  mères  et  autres  ascendants 
»  restituables  dans  trois  ans  à  compter  du  jour  de  la  renon- 
»  dation,  supposé  même  qu'il  n'y  ait  aucun  dol,  fraude, 
»  surprise,  erreur  ou  ignorance;  et  néanmoins  les  procédures 
»  et  autres  actes  faits  de  bonne  foi  pendant  les  trois  ans  contre 
»  ceux  qui  étaient  en  possession  de  la  succession ,  demeurent 
»  en  leur  entier,  sans  que  les  créanciers  en  puissent  souffrir 
»  aucun  préjudice  (2).  »  Tous  les  auteurs  qui  admettent  en 
pays  de  coutume  les  descendants  à  revenir,  aux  termes  de  la 
loi  romaine,  sur  leur  renonciation,  n'en  donnent  d'autre  raison 
que  la  faveur  qu'ils  méritent  et  s'appuient  sur  quelques  ar- 
rêts du  xvne  siècle  du  seul  parlement  de  Paris,  qui,  même, 
ne  peuvent  pas  s'appliquer  directement  à  la  question. 

Bretonnier  nous  apprend  que  cette  jurisprudence  avait 
changé.  «  Quand  je  suis  venu  au  palais  (il  avait  été  reçu  avo- 
»  cat  à  Paris  en  mars  1678),  cette  jurisprudence  était  cer- 
»  taine  :  quand  j'étais  jeune  avocat,  je  suivais  les  audiences 

(1)  Droit  corn,  de  la  Fr.,  lit.  XVII,  Des  succès  s.  t  ch.  XIII,  sect.  1,  §  6, 
nM  22  et  s.  Dans  le  même  sens,  Brodeau,  Cowtn.  sur  la  Coût,  de  Parie,  pré- 
face du  lit.  de  la  Prescription,  t.  II,  p.  242.  Boucheui,  Des  conv.  de  suce., 
ch.  XXI,  n<>*  9  et  s.  Ferrières,  Corps  el  comp.  sur  l'article  316  de  la  Coût. 
de  Pâtis,  Henrys,  loi  6,  quest.  62. 

(2)  TU.  des  proscriptions  rédigé  en  1663  et  1664,  art.  21. 


DE  REVENIR  SUR  SA  RENONCIATION.  499 

»  du  Chàlelet  où  je  l'ai  va  juger  ainsi  plusieurs  fois.  Je  l'ai 
»  aussi  vu  jugera  l'audience  de  la  Grand'Chambre;  l'arrêt 
»  fut  rendu  au  rôle  de  Paris,  le  27  mai  1687.  Mais  depuis 
»  environ  dix  ans  (il  écrivait  cette  observation  vers  1708),  la 
»  jurisprudence  a  changé.  Ce  changement  est  fondé  sur  ce 
»  que  Ton  prétend  que  le  motif  de  cette  loi  (6,  C,  De  rep.  vel 
»  abst.  hered.)  est  établi  sur  la  puissance  paternelle,  parce 
»  qu'il  est  dit  si  quis  6uus  recusaverit  hereditatem ,  et  que 
»  ce  mot  mus  ne  peut  s'entendre  que  d'un  fils  qui  est  en 
»  la  puissance  de  son  père ,  d'où  l'on  induit  que  les  enfants 
»  émancipés  n'avaient  pas  le  même  privilège.  Or,  comme  en 
»  pays  de  coutume,  la  majorité  seule  émancipe,  cette  loi  ne 
»  peut  convenir  aux  enfants  ayant  renoncé  étant  majeurs  (1). 
Lebrun  qui  n'admet  pas  dans  les  pays  de  coutume  les  des- 
cendants à  revenir  sur  leur  renonciation  discute  très  au  long 
et  très  bien  la  question  (2).  Voici  le  résumé  de  ses  argu- 
ments. La  base  sur  laquelle  repose  la  doctrine  romaine 
n'existe  pas  en  pays  de  coutume.  Pas  d'héritiers  siens;  pas 
de  puissance  paternelle  d'où  découle  cette  qualité  pour  l'hé- 
ritier majeur  qui  en  est  justement  libéré  par  sa  majorité  et 
même  avant  par  son  mariage.  Pas  d'héritiers  nécessaires  res- 
tant toujours  héritiers  malgré  leur  renonciation  aux  yeux  du 
droit  civil  séparé  d'un  droit  prétorien.  On  ne  renonce  pas  à 
une  succession  sans  connaissance  de  cause ,  les  délais  pour 
faire  inventaire  et  délibérer  sont  accordés  chez  nous  aux 
descendants  comme  aux  autres  héritiers;  tous  sont  mis  sur 
le  même  plan,  admettre  les  enfants  à  revenir  sur  leur  renon- 
ciation c'est  prolonger  pour  eux  ces  délais  à  trois  ans.  Chez 
nous ,  l'enfant  ne  peut-il  pas  se  mettre  à  l'abri  des  dettes  par 
le  bénéfice  d'inventaire  !  C'est  ouvrir  une  source  de  procès. 
Il  discute  ensuite  la  valeur  des  arrêts  invoqués  dans  l'opinion 
contraire  rendus  par  le  seul  parlement  de  Paris,  dans  les- 
quels la  renonciation  avait  été  annulée  pour  cause  de  dol 
pratiqué  par  l'un  des  héritiers  ou  par  suite  de  minorité. 
«  Aussi,  dit-il,  la  question  s'étant  présentée  à  l'audience  du 
»  matin  le  vendredi  29  juillet  1701,  plaidans  maître  Moreau 


(i)  Obs.  sur  Henry  s,  liv.  VI,  quest.  62. 

(2)  Suce,  liv.  III,  cli.  vm,  sect.  î>,  u°»  413  et  s. 


500  DE  LA  FACULTE  ACCORDEE   A   L'HERITIER 

»  et  de  Lombreuil,  M.  l'avocat  général  Portail  portant  la  pa- 
»  rôle ,  fit  renaître  dans  le  ministère  public ,  des  principes 
»  bien  opposés  à  cette  routine  du  Palais  qui  décide  souvent 
»  des  questions  sans  aucun  fondement,  et  dont  on  ne  peut 
»  pas  s'empêcher  de  rougir  quand  on  en  trouve  la  source  ;  et 
»  M.  le  premier  président  prononçant  l'arrêt  débouta  de  la 
»  restitution  demandée  dans  les  trois  ans  contre  une  renon- 
»  ciation  faite  en  majorité.  » 

C'est  le  changement  de  jurisprudence  signalé  par  Breton- 
nier.  L'auteur  de  l'article  ,  Héritier,  au  Répertoire  de  Merlin, 
sect.  2,  §  2,  repousse  aussi  très  vigoureusement  l'introduc- 
tion en  pays  coutumier  du  privilège  accordé  dans  ceux  de 
droit  écrit  aux  descendants  du  défunt  et  la  plupart  des  au- 
teurs appartenant  aux  premiers  de  ces  pays  qui  ont  traité  des 
successions  dans  le  milieu  et  à  la  fin  du  xviii*  siècle  ne  posent 
même  plus  la  question ,  donnant  comme  irrévocable  la  renon- 
ciation faite  librement  par  un  héritier  quelconque  en  majorité* 
Ceux  qui  la  posent  la  résolvent  dans  le  même  sens  (1). 

Pothier  est  très  explicite  :  «  Celui  qui  répudie  une  suc- 
»  cession  perd  absolument  la  faculté  qu'il  avait  de  l'accepter 
»  et  n'y  peut  plus  dorénavant  revenir  que  par  la  voie  de  la 
»  restitution  en  entier  dans  le  cas  où  elle  peut  être  accordée  » 
(minorité ,  violence ,  dol  ou  fraude)  (2). 

Ainsi  donc ,  dans  le  dernier  état  de  notre  ancienne  juris- 
prudence en  pays  de  coutume,  l'héritier  majeur  qui  avait  re- 
noncé librement  à  une  succession  ne  pouvait  revenir  sur  sa 
renonciation  quel  qu'il  fût.  Au  pays  de  droit  écrit ,  on  faisait 
exception  pour  les  descendants  seulement  et  pendant  trois 
ans,  selon  la  doctrine  générale. 

(1)  Auroux  des  Pommiers  sur  la  Coat.  de  Bourbonnais,  art.  326.  Bannelier 
sur  Davot,  note  965,  t.  VI,  p.  545  de  la  pet.  éd.;  Poullain-Duparc,  t.  IV, 
n"  20  et  28,  liv.  III. 

(2)  Suce,  ch.  III,  sect.  I,  §  4  etlntr.  au  Ut.  17  de  la  C.  d'Orléans,  n°67. 


DE  REVENIR  SUR  SA   RENONCIATION.  501 


DROIT  MODERNE. 

Le  droit  intermédiaire  n'ayant  touché  qu'aux  renonciations 
à  successions  futures  pour  les  abolir,  laissa  les  choses  en 
l'étal  dans  la  question  qui  nous  occupe.  Où  donc  les  rédac- 
teurs du  Code  civil  ont  ils  puisé  la  disposition  qui,  dans  l'ar- 
ticle 790,  donne  à  tout  héritier  le  droit  de  revenir  sur  sa 
renonciation  et  de  reprendre  la  succession  tant  qu'un  autre  ne 
l'a  pas  acceptée,  ou  que  la  faculté  qui  lui  est  accordée  n'est 
pas  éteinte  par  la  prescription;  disposition  aussi  contraire 
aux  précédents  qu'aux  principes  qu'ils  viennent  de  poser. 

Les  précédents;  nous  venons  de  les  voir.  Les  principes;  le 
premier  ne  permet  pas  à  un  majeur  de  revenir  sur  un  acte 
qu'il  a  fait  en  pleine  liberté  et  connaissance  de  cause,  ici, 
particulièrement,  avec  les  délais  qui  lui  sont  accordés  pour 
s'assurer  de  la  valeur  de  la  succession  et  peser  mûrement  les 
conséquences  du  parti  qu'il  prendra.  Le  bénéfice  d'inven- 
taire ne  lui  réserve-t-il  pas  les  chances  favorables  d'une  ac- 
ceptation en  le  mettant  à  l'abri  des  autres.  Il  va  revenir  sur 
un  acte  qui  ne  peut  plus  être  fait  qu'au  greffe ,  inscrit  sur  un 
registre  public,  afin  précisément  qu'aucune  difficulté  ne 
puisse  s'élever  sur  sa  validité  pour  les  intéressés;  sur  un 
acte  qui  a  pour  effet  immédiat  de  faire  disparaître  rétroacti- 
vement même ,  sa  qualité  d'héritier  et  d'investir  de  plein  droit 
les  cohéritiers  ou  héritiers  du  degré  subséquent  de  la  succes- 
sion comme  s'il  n'existait  pas,  articles  785,  786,  724.  Est-il 
donc  dans  les  principes  qu'une  personne  par  sa  seule  volonté 
puisse  en  dépouiller  une  autre  de  sa  possession,  de  sa  pro- 
priété ou  même  du  simple  droit  qu'il  pouvait  y  avoir  comme 
en  droit  romain  pour  les  héritiers  externes  qui  devaient  faire 
adition  pour  acquérir  la  succession. 

Là,  les  principes  étaient  parfaitement  respectés.  L'héritier 
externe  qui  avait  renoncé  ne  pouvait  jamais  revenir  sur  une 
renonciation  librement  faite  en  majorité  et  enlever  le  droit  de 
s'approprier  la  succession  à  celui  qui  pouvait  faire  adition  à 
son  défaut.  On  restait  encore  dans  les  principes  en  permet- 
tant à  l'héritier  sien  et  nécessaire  de  reprendre  l'hérédité 


302  DE  LA  FACULTÉ  ACCORDÉE   A   L'HÉRITIER 

quand  il  s'était  abstenu ,  rébus  adhuc  integris  tant  qu'un  autre 
n'avait  pas  fait  adition ,  ne  s'était  pas  fait  envoyer  en  posses- 
sion, puisqu'il  restait  héritier  jure  civili  malgré  sa  renoncia- 
tion. Avons-nous  rien  de  semblable  chez  nous  où  nul  n'est 
héritier  qui  ne  veut,  où  la  renonciation  investit  immédiatement 
le  cohéritier  ou  l'héritier  du  degré  subséquent  même  le  succes- 
seur irrégulier  pour  la  propriété  seulement.  Ces  deux  règles 
existaient  déjà  dans  notre  ancienne  France ,  et  si  en  pays  de 
droit  écrit  on  appliquait  la  loi  romaine  aux  enfants  du  défunt, 
ce  n'était ,  nous  l'avons  vu ,  que  pure  faveur,  mais  on  n'allait 
pas  plus  loin. 

Quand  je  trouve  dans  le  Code  civil  une  disposition  qui  con- 
trarie les  principes ,  j'ai  recours  à  Domat ,  et  il  est  rare  que  je 
n'y  trouve  pas  son  origine.  Il  a  voulu  faciliter  l'étude  des  lois 
romaines  qu'il  appelle ,  comme  on  les  appelait  de  son  temps, 
les  lois  civiles.  Pour  cela,  il  a,  dit-il,  employé  deux  moyens; 
leur  traduction  sera  donnée  en  français,  et  elles  seront  rangées 
dans  un  ordre  qu'il  qualifie  de  naturel  (1).  Je  ne  dirai  rien  de 
l'ordre  suivi,  mais  souvent  le  sens  de  la  loi  romaine  n'est 
pas  passé  dans  la  traduction  française  très  libre,  d'ailleurs, 
donnée  par  l'auteur  ;  de  sorte  que ,  comme  dans  la  question 
qui  nous  occupe,  par  exemple,  Domat  ne  nous  donne  pas  le 
droit  romain  et  malheureusement  pas  le  droit  français  non 
plus.  Voici  son  passage  :  «  Quoique  la  renonciation  à  l'héré- 
»  dite  semble  n'avoir  pas  d'autre  effet  que  de  dégager  de  la 
»  qualité  d'héritier  celui  qui  pouvait  l'être ,  sans  obliger  à  rien  ; 
»  elle  a  cet  effet,  que  celui  qui  a  une  fois  renoncé  à  une  suc- 
»  cession  ne  peut  plus  la  reprendre  si  celui  qui  devait  succéder 
»  à  son  défaut  s'est  mis  en  sa  place.  »  Puis  il  appuie  sa  solution 
sur  la  loi  7,  C,  De  dolo  malo  (II,  21)  qui  dit  précisément  le  con- 
traire en  empêchant  d'une  manière  absolue,  le  frère  qui  a 
renoncé  à  la  succession  de  son  frère  de  la  reprendre.  Si  majw 
quinque  et  viginti  annis  hereditatem  fratris  tui  repudiasti  : 
nulla  tibi  faculias  ejus  adeundœ  reliquitur.  Ce  n'est  que  l'ap- 
plication du  principe  général  pour  tous  les  héritiers  externes 
tel  qu'il  est  posé  dans  les  textes  que  nous  avnos  cités  au  com- 
mencement de  cet  article.  Je  rappellerai  seulement  la  loi  4, 

(1)  Préface  des  Lois  civile  t. 


DE  REVENIR  SUR  SA  RENONCIATION.  503 

C,  De  rep.  vel  abst.  hered.;M\,  31.  Si  la  renonciation  du  frère 
à  qui  la  femme  du  défunt  était  substituée  avait  été  le  résultat 
du  dol  de  cette  dernière ,  la  loi  donne  au  premier  contre  sa 
belle-sœur,  seulement  l'action  de  dol.  Ce  n'est  encore  que 
l'application  d'un  autre  principe  général  (1).  Après  la  citation 
de  la  loi  7,  C,  De  dolo  malo,  Domat  ajoute  :  «  Si  après  une 
»  renonciation  l'héritier  qui  l'aurait  faite  venait  à  s'en  repen- 
»  tir,  les  choses  étant  encore  au  même  état ,  sans  qu'aucun 
»  autre  héritier  se  fût  présenté ,  rien  n'empêcherait  qu'il  ne 
»  reprît  son  droit.  »  Puis  viennent  les  annotateurs  de  Domat 
qui  signalent  deux  cas  dans  lesquels  l'héritier  qui  a  renoncé 
peut  reprendre  la  succession,  même  dans  les  mains  d'un  autre 
héritier,  le  cas  de  renonciation  faite  en  minorité  et  celui  des 
enfants  du  défunt  dans  les  trois  ans,  nous  avons  vu  la  contro- 
verse élevée  sur  ce  dernier  point  (2). 

Domat ,  en  admettant  un  héritier  quelconque  qui  a  renoncé 
en  majorité,  à  revenir  sur  sa  renonciation  tant  qu'un  autre 
n'a  pas  accepté,  ne  fait  pas  du  droit  romain  qui  ne  le  permet- 
tait qu'aux  héritiers  siens  et  nécessaires  et  seulement  pendant 
trois  ans  dans  le  dernier  état  ;  ni  du  droit  français  non  plus , 
même  du  pays  de  droit  écrit,  ou,  bien  qu'il  n'y  eût  plus  d'hé- 
ritiers siens  ni  nécessaires ,  on  ne  le  permettait  qu'aux  des- 
cendants pendant  trois  ans  en  maintenant  la  règle  de  l'irré- 
vocabilité  de  la  renonciation  pour  les  autres  héritiers.  C'était, 
nous  l'avons  vu,  pour  les  descendants,  un  privilège  de  faveur 
non  ratione  juris ,  disent  les  auteurs ,  en  prenant  dans  la  loi 
romaine  une  solution  appliquée  dans  les  pays  où  elle  était 
suivie,  abstraction  faite  des  causes  sur  lesquelles  elle  reposait. 
Il  ne  serait  cependant  pas  juste  de  laisser  à  Domat  seul  la 
responsabilité  que  Lebrun  doit  partager.  Cet  auteur,  après 
avoir  résolu  négativement  la  question  de  savoir  si  en  pays  de 
coutume  les  enfants  du  défunt  pouvaient  revenir  sur  leur 
renonciation  en  s'appuyant  sur  les  arguments  les  plus  con- 
cluants dont  nous  avons  donné  le  résumé,  admet,  au  n°  63, 
tous  les  héritiers  à  revenir  sur  leur  renonciation  tant  que  la 

(1)  J.  L.  9,  §  1,  D.,  De  dolo  malo,  IV,  3.  L.  4,  §  28 ,  D.,  De  doli  mali  et 
net.  excep.,  XLIV,  4. 

(2)  Lois  civiles,  2*  partie,  L.  I,  tit.  ni,  sect.  4,  n°  4,  p.  296  de  l'édition 
de  1117 . 


504     DE  LA  FACULTÉ  ACCORDEE  A  L 'HERITIER 

succession  n'a  pas  été  acceptée  par  ceux  auxquels  elle  est 
dévolue  à  leur  défaut ,  en  interprétant  le  droit  romain  aussi 
mal  que  Domat  si  ce  n'est  plus.  Voici  son  passage  :  «  La 
»  troisième  exception  (à  la  règle  qu'un  héritier  ne  peut  reve- 
»  nir  sur  la  renonciation)  est  au  cas  qu'après  une  renoncia- 
»  tion  on  fasse  une  déclaration  précise  d'être  héritier,  princi- 
»  paiement  si  elle  est  faite  en  jugement;  et  c'est  la  disposition 
»  de  la  loi  Si  filius  12,  D.,  De  interrogationibus  in  jure  fa- 
»  étendis  (XI,  i),  »  sans  s'apercevoir  qu'il  est  question  là, 
seulement,  du  fils  du  défunt  héritier  sien  et  nécessaire  qui, 
s'étant  abstenu,  actionné  par  les  créanciers,  était  libre  de 
faire  cesser  son  abstention  en  déclarant  in  jure  devant  le 
préteur,  qu'il  acceptait  la  succession  paternelle  que  personne 
n'avait  encore  appréhendée.  C'était  l'application  pure  et  simple 
des  principes  romains  puisqu'il  restait  héritier  jure  civili,  n'a- 
vait fait  d'ailleurs  que  s'abstenir.  Lebrun  l'applique  chez  nous 
à  tous  les  héritiers  en  faisant  observer  «  que  le  renonçant 
»  n'aura  pas  droit  de  revenir  à  la  succession  s'il  y  a  des  héri- 
»  tiers  qui  l'occupent.  »  Comment  concilier  ce  qu'il  dit  ici 
avec  l'exclusion  qu'il  prononce  même  contre  les  enfants  du 
défunt  en  écartant  les  lois  romaines ,  parce  que  chez  nous  il 
n'y  a  plus  d'héritiers  siens  et  nécessaires.  Par  une  double 
erreur  qu'il  a  commise  :  1°  en  interprétant  les  lois  romaines 
comme  admettant  les  descendants  du  défunt  à  reprendre  après 
renonciation  faite  en  majorité ,  l'hérédité  même  lorsque  ceux 
à  qui  elle  est  dévolue  à  leur  défaut  s'étaient  fait  envoyer  en 
possession ,  seul  cas  où  il  les  empêche  de  la  reprendre  en 
pays  de  coutume,  en  s'appuyant  sur  des  arguments  qui  s'ap- 
pliquent parfaitement  au  cas  contraire  (1).  2°  En  étendant  ces 
mêmes  lois  romaines  qui  n'accordaient  le  droit  de  reprise 
qu'aux  héritiers  siens  et  seulement  pendant  trois  ans,  dans  le 
dernier  état,  indéfiniment  aux  autres  héritiers  qu'elles  ex- 
cluaient, on  ne  peut  plus  formellement.  Aussi  est-il  immé- 
diatement repris  par  son  annotateur,  le  président  Espiard. 
«  Je  n'estime  pas,  dit-il,  qu'en  bonne  jurisprudence,  on  puisse 
»  soutenir  la  distinction  que  fait  ici  l'auteur,  car  dans  le  cas 
»  où  la  renonciation  est  valable ,  on  ne  peut  jamais  la  révo- 

(i)  L.  III,  ch.  xvm,  sect.  2,  n°*  4G  et  suiv. 


DE  REVENIR  SUR  SA  RENONCIATION.       305 

»  quer  par  des  actes  postérieurs ,  c'est  ce  que  décide  la  loi 
»  Sicut  major  4,  C,  De  repud.  vel  abst.  hered.  et  71,  D.,  De 
»  adquir.  vel  omitt.  hered.  Il  n'y  a  dans  les  termes  du  droit 
»  (romain)  que  les  renonciations  faites  en  minorité ,  ou ,  si 
»  elles  sont  faites  par  des  personnes  majeures ,  que  celles  qui 
»  sont  l'effet  du  dol  et  de  la  violence  ou  qui  sont  faites  par  les 
»  enfants  en  puissance  de  père  qui  sont  sujettes  à  révocation  ; 
»  encore  dans  ce  dernier  cas ,  la  révocation  ne  peut  s'en  faire 
»  que  dans  les  trois  ans,  ce  qui  même,  depuis  l'arrêt  de  1701, 
»  n'a  plus  lieu  pour  les  pays  coutumiers.  »  Voilà  la  vérité. 
L'erreur  de  Lebrun  était  si  forte  qu'elle  fit  tomber  Pothier 
dans  l'étonnement.  «  Il  est  étonnant  que  Lebrun  avance  qu'on 
»  peut  encore  en  plusieurs  cas  faire  acte  d'héritier  et  accepter 
»  une  succession  après  qu'on  y  a  renoncé,  pourvu  qu'elle 
»  n'ait  pas  été  occupée  par  d'autres  ;  il  cite  la  loi  Pro  hœrede , 
»  20,  §  Papinianus,  4,  De  adq.  hered.  et  la  loi  12  De  interro- 
»  gat.  (1);  mais  il  ne  fait  pas  réflexion  que  ces  lois  sont  dans 
»  le  cas  d'un  suus  hxres ,  d'un  héritier  nécessaire  ;  cet  héritier 
»  par  l'abstention  qu'il  faisait  des  biens  de  la  succession  ne 
»  cessait  pas  d'être  héritier,  il  acquérait  seulement  par  là  le 
»  droit  de  n'être  pas  tenu  des  dettes ,  et  il  le  perdait  si  après 
»  avoir  déclaré  qu'il  s'abstenait,  il  s'immisçait  dans  les  biens 
»  de  la  succession  ;  cette  loi  ne  reçoit  ici  aucune  application 
»  parmi  nous,  nous  n'avons  point  d'héritiers  nécessaires, 
»  n'est  héritier  qui  ne  veut.  L'héritier  qui  renonce  abdique 
»  tout  droit  à  la  succession,  il  n'en  conserve  plus  aucun,  et, 
»  par  conséquent,  il  ne  peut  plus  faire  acte  d'héritier  (2).  » 

Les  rédacteurs  du  Code  abandonnant  malheureusement  leur 
guide  habituel  si  sûr,  ont,  dans  leur  projet,  adopté  purement 
et  simplement  la  théorie  erronée  de  Domat  et  de  Lebrun. 
Après  avoir  dit  dans  l'article  94  du  titre  des  Successions,  que 
la  faculté  d'accepter  ou  de  répudier  ne  se  prescrit  que  par  le 
laps  de  temps  requis  pour  la  prescription  la  plus  longue  des 
droits  immobiliers ,  ils  ajoutent  dans  l'article  95  :  «  Les  héri- 


(1)  La  lre  loi  n'est  plus  citée  dans  la  dernière  édition  de  Lebrun  donnée 
en  1775,  trois  ans  après  la  mort  de  Pothier. 

(2)  Suce,  cb.  III,  sect.  ni,  §  3,  art.  1. 

Revue  hist.  —  Tome  VIII.  34 


506  DE  LA  FACULTÉ  ACCORDEE  A  L'HERITIER 

»  tiers  qui  ont  renoncé  ont  pendant  le  même  temps  le  droit 
»  de  reprendre  la  succession,  pourvu  toutefois  qu'elle  n'ait  pas 
»  encore  été  acceptée  par  un  autre  héritier.  » 

Le  tribunal  de  cassation  et  les  tribunaux  d'appel  ne  firent 
aucune  observation  sur  la  faculté  de  reprise  accordée  à  l'hé- 
ritier renonçant,  en  elle-même,  mais  sur  des  formes  à  suivre 
pour  la  faire  valoir,  encore  n'y  en  eût-il  que  deux.  Le  tribunal 
d'appel  de  Caen  dit  «  qu'il  serait  peut-être  bon  d'exprimer 
»  comment  doit  s'opérer  cette  reprise ,  car  l'immixtion ,  après 
»  renonciation,  est  quelquefois  réputée  »  (le  mot  suivant  laissé 
en  blanc  se  rapportait  probablement  au  détournement).  «  Les 
»  auteurs  ont  beaucoup  écrit  sur  cette  question;  un  article 
»  serait  nécessaire.  » 

Celui  de  Colmar  voulait  que  l'on  soumît  à  des  formes  spé- 
ciales l'acceptation  de  l'héritier  appelé  à  défaut  du  renonçant. 

On  ne  tint  compte  ni  de  l'une  ni  de  l'autre  observation. 
L'article  présenté  au  conseil  d'État  tel  qu'il  est  aujourd'hui 
dans  le  Code  sous  le  n°  790 ,  fut  adopté  sans  discussion  ni 
observation  (1).  Pas  un  mot  non  plus  dans  l'Exposé  des  motifs 
de  Treilhard  au  Corps  législatif.  Chabot,  dans  son  rapport  au 
Tribunat,  se  borne  à  reproduire  mot  pour  mot  le  texte  de  l'ar- 
ticle 790.  Siméon,  orateur  du  Tribunat,  en  dit  encore  moins 
dans  son  discours  au  Corps  législatif.  Le  droit  romain ,  l'an- 
cien droit  français  passent  inaperçus  ainsi  que  la  contrariété 
produite  avec  les  articles  785  et  786  si  rapprochés  de  l'article 
790.  Si  l'héritier  qui  renonce  est  censé  n'avoir  jamais  été 
héritier,  ceux  qui  viennent  à  son  défaut  sont  immédiatement 
investis  par  la  loi  de  la  propriété,  et  même,  s'ils  sont  héritiers 
légitimes ,  de  la  possession  de  la  succession  sans  qu'ils  l'ac- 
ceptent, art.  724.  C'est  ce  que  disait  Pothier,  qui  ne  permettait 
pas  à  un  héritier  majeur  de  revenir  sur  sa  renonciation  libre- 
ment faite (2).  «  Celui,  dit-il,  qui  répudie  une  succession  n'a 
»  jamais  succédé  au  défunt ,  mais  il  demeure  toujours  vrai 
»  que  la  succession  du  défunt  lui  a  été  déférée  et  la  part  qui 


(1)  Locré,  t.  X,  p.  112yno  24. 

(2)  Suce,  ch.  III,  art.  III,  sect.  i,  §§  4  et  5.  Intr.  au  tit.  17  de  la  Coût. 
d'Orléans,  n°  67. 


DE  REVENIR  SUR  SA  RENONCIATION.       507 

»  lui  était  déférée  et  qu'il  a  répudiée  accroît  à  ses  cohéritiers 
»  s'il  en  a,  c'est-à-dire  à  ceux  qui  étaient  appelés  conjointe- 
»  ment  avec  lui  à  cette  succession ,  lesquels  sur  son  refus 
»  sont  censés  saisis  immédiatement  par  le  défunt  de  la  portion 
»  répudiée...  Lorsque  le  renonçant  n'a  point  de  cohéritiers, 
»  son  droit  en  la  succession  est  dévolu  aux  parents  du  degré 
»  suivant,  lesquels  sur  son  refus  sont  réputés  en  être  saisis 
»  immédiatement  par  le  défunt  du  jour  de  l'ouverture  de  la 
»  succession.  »  Doctrine  passée  dans  les  articles  785  et  786, 
qui  ne  concorde  plus  avec  la  reprise  accordée  à  l'héritier  re- 
nonçant que  Pothier  repousse  énergiquement.  Voilà  donc  un 
majeur  devenu  étranger  à  la  succession  par  sa  renonciation , 
qui,  par  son  seul  caprice,  va  pouvoir  annihiler  un  acte  dont  la 
loi  lui  donne  le  temps  et  les  moyens  de  peser  les  consé- 
quences, qu'elle  ordonne  de  consigner  sur  des  registres  pu- 
blics ,  pour  en  assurer  les  résultats  ;  il  enlèvera  du  même 
coup  la  propriété  de  la  succession  à  celui  à  qui  elle  l'a 
donnée!!  Je  ne  parle  pas  des  procès  qu'engendrera  la  question 
d'acceptation  soit  du  renonçant  soit  de  celui  que  la  loi  appelle 
à  son  défaut,  puisqu'elle  peut  être  aussi  bien  tacite  qu'ex- 
presse. Les  tribunaux  d'appel  de  Caen  et  de  Colmar  avaient 
au  moins  raison  de  demander  des  formalités  spéciales  pour 
l'un  et  pour  l'autre.  Le  défaut  d'observations  sur  la  reprise 
elle-même  accordée  à  l'héritier  renonçant,  a  probablement 
tenu  à  l'idée  vague  et  fausse 'qui  ferait  considérer  jusqu'à 
l'acceptation  de  ceux  à  qui  elle  est  dévolue  par  suite  de  la 
renonciation  de  l'héritier  du  premier  degré,  la  succession 
comme  n'appartenant  à  personne,  reste  vacante,  ce  qui  semble 
bien  résulter  de  la  fin  de  l'article  790  qui  présente  une  nou- 
velle contradiction  avec  l'article  811  quand  il  y  a  un  héritier 
connu.  Les  inconnus  sont  du  reste  aussi  bien  saisis  que  les 
autres,  et  c'est  à  eux  à  retirer  la  succession  des  mains  du  cu- 
rateur s'il  en  a  été  nommé  un. 

Voyons  comment  les  interprètes  du  Code  ont  pu  concilier 
l'article  790  avec  les  principes. 

Les  uns  ont  dit  que  la  saisine  n'était  accordée  qu'une  fois 
aux  héritiers  du  premier  degré  seulement ,  et  ne  passait  pas 
par  leur  renonciation  à  ceux  du  second  ordre.  La  succession 


S08  DE  LA  FACULTE  ACCORDEE  A   L  HERITIER 

leur  était  seulement  offerte  comme  eiTdroit  romain  aux  hé- 
ritiers externes ,  leur  droit  ne  se  réaliserait  que  par  l'accepta- 
tion. Telle  était  la  doctrine  qui  paraissait  ressortir  de  l'article 
790  à  M.  Bugnet  lorsque  j'avais  l'honneur  de  recevoir  ses 
leçons.  Elle  est  contraire  aux  précédents  et  au  texte  des  ar- 
ticles 785,  786  et  724  combinés ,  de  l'article  790  lui-même, 
puisqu'il  met  les  cohéritiers ,  qui  sont  saisis ,  sur  la  même 
ligne  que  les  héritiers  du  degré  subséquent.  Quand  bien  même 
nous  aurions  adopté  le  système  romain,  pour  les  héritiers 
externes ,  de  l'acquisition  de  la  succession  par  l'acceptation , 
faudrait-il  permettre  à  celui  qui  a  renoncé  librement  en  majo- 
rité d'enlever,  par  sa  seule  volonté  à  ceux  à  qui  elle  est  dévo- 
lue à  son  défaut ,  le  droit  qui  leur  est  acquis  de  se  l'appro- 
prier en  l'acceptant.  Les  jurisconsultes  romains,  dans  les  lois 
que  nous  avons  citées,  décident  formellement  le  contraire  en 
s'appuyant  sur  le  modèle  que  nous  venons  de  donner. 

D'autres  ont  dit  que  la  saisine  n'était  accordée  à  tous  les 
héritiers  que  sous  la  condition  suspensive  de  l'acceptation  (1); 
théorie  qui  ne  peut  être  soutenue  devant  l'article  724  qui  dé- 
clare les  héritiers  saisis  de  plein  droit  au  moment  de  la  mort 
du  défunt,  et  de  l'article  785,  qui  ne  fait  cesser  l'effet  de  cette 
saisine  que  par  la  renonciation  pour  la  donner  du  jour  de  l'ou- 
verture de  la  succession  à  ceux  à  qui  elle  est  dévolue  par  suite 
de  la  renonciation.  Au  reste ,  cette  théorie  ne  justifierait  en 
rien  la  disposition  de  l'article  790.  Les  droits  conditionnels  ne 
doivent-ils  pas  être  respectés  comme  les  autres,  peuvent-ils 
être  enlevés  parla  seule  volonté  d'un  tiers? 

Enfin,  et  c'est  aujourd'hui  l'opinion  dominante,  les  derniers 
auteurs  qui  ont  écrit  sur  le  Code  reconnaissent  avec  raison 
que  l'héritier  est  saisi ,  propriétaire  et  possesseur  de  la  succes- 
sion à  laquelle  il  est  appelé  s'il  est  héritier  légitime,  proprié- 
taire seulement,  s'il  s'agit  d'un  successeur  irrégulier.  Ces 
effets  ne  peuvent  cesser  que  par  la  renonciation  qui  les  efface 
complètement  et  rétroactivement  dans  la  personne  du  renon- 
çant pour  les  transporter  à  ceux  qui  viennent  à  sa  place.  Ce 
qui  ne  rend  que  plus  injustifiable  la  disposition  de  l'article  790 

(1)  Delvincourt,  t.  II,  p.  27  de  redit,  de  1824. 


DE  REVENIR  SUR  SA  RENONCIATION.       509 

qui  permet  à  une  personne  devenue  étrangère  à  la  succession 
de  l'enlever  à  celui  à  qui  elle  appartient,  qui  en  est  saisi 
comme  le  premier  Tétait  et  devrait  par  conséquent  ne  pouvoir 
en  être  dessaisi  que  par  sa  propre  renonciation. 

Les  anomalies  suivantes,  toutes  contraires  aux  principes  po- 
sés par  les  rédacteurs  du  Code  eux-mêmes ,  résultent  de  l'ar- 
ticle 790.  i°  Un  majeur  peut  revenir  sur  un  acte  librement  fait 
par  lui,  il  est  assimilé  au  mineur  (v.  art.  462);  2°  il  peut  par 
sa  seule  volonté  enlever  à  quelqu'un  sa  propriété  ;  3°  la  sai- 
sine du  cohéritier  ou  héritier  du  second  degré  est  soumise  à  la 
condition  de  son  acceptation;  4°  elle  est  soumise  en  outre, 
non-seulement  à  la  condition  résolutoire  de  sa  renonciation, 
mais  encore  à  celle  purement  potestative  du  changement  de 
volonté  du  renonçant  primitif;  5°  après  la  renonciation  de  cet 
héritier,  la  succession  n'est  acquise  que  par  l'acceptation  de 
l'un  ou  de  l'autre  ;  6°  l'héritier  du  premier  et  du  second  degré 
sont  mis  sur  la  même  ligne;  7°  l'acquisition  de  l'hérédité 
sera  le  prix  de  la  course  ;  8°  le  temps  pour  faire  inventaire  et 
délibérer  n'appartiendra  plus  ou  ne  servira  à  rien  à  l'héritier 
du  second  degré ,  puisque  l'autre  peut  le  lendemain  de  sa  re- 
nonciation et  jusqu'à  l'acceptation  du  second,  lui  reprendre  la 
succession.  C'est  ici  surtout,  après  une  première  renonciation, 
qu'il  sera  besoin  de  temps  pour  s'assurer  des  forces  de  la  suc- 
cession. Il  ne  faudrait  pas  au  moins,  comme  Domat  et  Lebrun, 
invoquer,  à  l'appui  d'une  doctrine  qui  produit  de  pareilles  con- 
séquences, le  droit  romain  dans  lequel  les  principes  étaient  si 
bien  respectés  et  si  logiquement  appliqués. 

On  a,  pour  justifier  l'innovation  des  rédacteurs  du  Code,  dit 
que  la  reprise  de  la  succession  par  le  renonçant  éviterait  les 
frais  de  nomination  et  d'administration  d'un  curateur.  Cela 
n'est  vrai  d'abord  qu'autant  qu'il  n'y  a  pas  d'héritiers  connus 
auxquels  les  créanciers  et  légataires  pourront  s'adresser  (art. 
811).  S'il  n'y  en  a  pas  de  connus,  ou  que  tous  ceux  qui  le 
sont  renoncent ,  une  question  de  frais  ne  doit  pas  l'emporter 
sur  le  dépouillement  du  propriétaire  qui  peut  se  présenter. 
Les  frais  occasionnés  par  les  procès  sur  la  question  d'accep- 
tation qui  peut  n'être  que  tacite  de  la  part  du  renonçant  ou 
de  celui  qui  est  appelé  à  son  défaut,  seront  plus  grands ,  sans 


510       DE  LA  FACULTE  ACCORDEE  A  L'HERITIER,  ETC. 

compter  les  ennuis  et  les  lenteurs  du  procès.  Que  pourra  faire 
le  renonçant  avec  l'article  790?  Se  décharger  du  soiu  de  liqui- 
der la  succession  sur  le  curateur  qui  sera  nommé  comme  le 
suppose  cet  article,  et  la  reprendre  à  son  légitime  propriétaire 
qui  ne  sait  peut-être  pas  qu'il  y  est  appelé,  s'il  reste  quelque 
chose. 

VlLL  EQUEZ. 


RAPPORT 

FAIT  AU  NOM  DE  LA  SECTION  DE  LÉGISLATION 

A  L'ACADÉMIE  DES  SCIENCES  MORALES  ET  POLITIQUES 

PAR  M.   GLASSON 

SUR  LE 

CONCOURS  DU  PRIX  KŒNIGSWARTER 


L'Académie  est  appelée  à  décerner  pour  la  première  fois 
le  prix  Kenigswarter.  Ce  prix,  de  la  valeur  de  1,500  francs, 
doit  être  accordé  au  meilleur  ouvrage  écrit  sur  l'histoire  du 
droit  dans  les  trois  dernières  années.  S'il  n'offre  pas  des  avan- 
tages pécuniaires  considérables ,  du  moins  décerne-t-il  à  l'ou- 
vrage qui  l'obtient ,  un  titre  d'une  haute  distinction  ;  aussi  ne 
faut-il  pas  nous  étonner  que  dès  cette  année,  quatre  ouvrages 
importants  aient  été  soumis  à  vos  suffrages  et  il  est  permis 
d'ajouter  qu'on  en  aurait  probablement  présenté  d'autres  en- 
core, si  le  concours  avait  reçu  plus  de  publicité,  et  si  l'Aca- 
démie n'en  avait  pas  écarté,  avec  raison  d'ailleurs,  les  travaux 
qu'elle  a  déjà  récompensés  à  d'autres  titres. 

Les  quatre  ouvrages  inscrits  pour  le  concours  du  prix 
Kœnigswarter  portent  sur  les  sujets  les  plus  divers.  Trois 
embrassent  d'immenses  domaines,  le  quatrième  se  limite 
à  l'étude  d'une  charte  d'affranchissement.  Parmi  les  trois 
premiers,  l'un  concerne  le  droit  romain ,  le  second  le  droit 
canonique ,  le  troisième  le  droit  français.  La  section  de 
législation  a  la  satisfaction  de  déclarer  que  ces  quatre  ou- 
vrages sont  tous  des  œuvres  d'un  réel  mérite  et  qu'elle  aurait 
voulu  les  récompenser.  Mais  elle  n'a  même  pas  pu  songer  à 
partager  le  prix,  à  cause  de  la  somme  sur  laquelle  il  porte,  et 
qui ,  comparée  à  celles  d'autres  récompenses ,  est  relativement 
peu  élevée.  Elle  a  donc  dû  se  résigner  à  des  éliminations  né- 


512  RAPPORT  SUR  LE  CONCOURS 

cessaires,  mais  elle  tient  d'autant  plus  à  exprimer  le  regret 
qu'elle  éprouve  de  ne  pas  couronner  des  travaux  qui  méritaient 
à  tous  égards  une  haute  distinction. 

Parmi  les  quatre  ouvrages,  ai-je  dit,  un  seul  se  limite  à  on 
sujet  restreint.  Ce  n'est  d'ailleurs  pas  là  une  critique ,  mais 
une  simple  constatation.  Il  vaut  souvent  mieux  mettre  en  re- 
lief une  question  qui  n'a  pas  encore  été  traitée ,  que  de  repro- 
duire dans  un  ouvrage  général,  des  vues  d'ensemble  déjà 
connues.  Guidé  par  cette  pensée,  M.  Bonvalot,  ancien  con- 
seiller à  la  cour  de  Dijon ,  a  publié  dans  ces  derniers  temps 
une  histoire  du  «  Tiers  État  d'après  la  charte  de  Beaumont 
et  ses  filiales.  »  Depuis  longtemps,  on  a  établi  qu'en  Alle- 
magne la  charte  municipale  d'une  ville  servait  souvent  de 
modèle  à  celles  d'autres  villes  qui  parvenaient  à  la  liberté. 
Aussi,  appelait-on  Muterrecht  ce  statut  étendu  d'une  ville  à 
une  autre.  Le  même  fait  s'est  produit  en  France.  Les  chartes 
conférant  des  libertés  municipales  se  ressemblent  parfois  à 
cause  de  l'influence  du  droit  romain ,  ou  parce  qu'elles  pren- 
nent la  forme  de  chartes  d'affranchissement,  mais  souvent 
aussi,  une  ville  soit  spontanément,  soit  d'un  commun  accord 
avec  son  seigneur,  adoptait  les  statuts  d'une  autre  ville;  c'est 
ainsi  que  le  duc  de  Bourgogne ,  en  affranchissant  la  ville  de 
Dijon,  lui  fit  accepter  la  charte  de  Soissons.  Les  comtes  de 
Champagne  la  concédèrent  aussi  à  plusieurs  villes  et  notam- 
ment à  M  eaux.  De  même,  la  coutume  de  Lorris,  la  loi  muni- 
cipale de  Strasbourg,  ont  servi  de  modèles  à  plusieurs  reprises. 
On  pourrait  multiplier  les  exemples.  Un  savant  auteur  a  ré- 
cemment mis  en  relief  l'influence  qu'ont  exercée  les  Établis- 
sements de  Rouen,  jusque  dans  le  midi  de  la  France,  grâce  aux 
relations  commerciales  de  la  capitale  de  la  Normandie  avec 
un  grand  nombre  de  villes  plus  ou  moins  rapprochées  du  lit- 
toral de  l'Océan.  M.  Bonvalot  nous  fait  assister  à  un  semblable 
spectacle  dans  le  nord-est  de  la  France.  La  charte  de  Beau- 
mont  (1)  rendue  en  1182  servit,  dans  cette  région,  de  type  aux 
communes  affranchies.  Ce  fait  était  déjà  connu  ;  il  avait  été 
relevé  par  Augustin  Thierry  et  d'autres  l'avaient  rappelé  après 

(1)  Il  s'agit  de  la  commune  de  Beaumont  en  Argonne,  aujourd'hui  com- 
prise dans  le  canton  de  Mouzon,  arrondissement  de  Sedan,  département  des 
Ardennes. 


DU  PRIX   KŒNIGSWARTER.  513 

lui ,  mais  personne  n'avait  encore  entrepris  de  l'étudier  en  dé- 
tail, d'en  déterminer  la  portée  et  les  conséquences  histori- 
ques. M.  Bonvalot  a  voulu  remplir  cette  lacune  ;  il  nous  ex- 
pose d'abord  l'état  géographique,  politique  et  social  du  nord-est 
de  la  France  au  xn°  siècle ,  il  s'arrête  avec  détails  au  chaos 
féodal  et  nous  montre  les  populations  aspirant  avec  impatience 
à  un  état  social  meilleur.  C'est  à  ce  moment  que  Guillaume 
aux  blanches  mains,  archevêque  de  Reims,  promulgua  pour  la 
commune  de  Beaumont  en  Argonne,  placée  dans  ses  do- 
maines, une  charte  de  liberté  communale  empruntée  en  grande 
partie  à  la  constitution  échevinale  de  Reims.  Cette  charte  don- 
nait aux  personnes  la  liberté  et  leur  concédait  la  propriété  de 
la  terre,  elle  organisait  un  gouvernement  local  et  une  justice 
municipale,  confiés  à  des  hommes  choisis  par  les  habitants  de 
la  commune,  et  en  échange  de  ces  franchises,  l'archevêque  se 
bornait  à  exiger  des  redevances  fixes  et  modérées.  C'était  la 
liberté  substituée  à  l'arbitraire  et  au  servage.  Aussi,  la  charte 
de  Beaumont  devint-elle  un  objet  d'envie,  et  toutes  les  com- 
munes qui  parvenaient  à  s'affranchir  de  leurs  seigneurs  en  ré- 
clamaient instamment  l'application.  Notre  charte  se  propagea 
avec  rapidité  et  sans  interruption  pendant  quatre  siècles  dans 
la  Champagne  et  le  Barrois,  les  comtés  de  Chimay  et  de 
Luxembourg,  la  Lorraine  et  les  Trois-Évêchés.  Partout,  elle 
introduisait  de  tels  changements,  que  pour  en  consacrer  l'a- 
doption, on  disait  qu'elle  créait  une  ville  neuve.  Le  plus  sou- 
vent, cette  adoption  était  constatée  par  une  charte  solennelle 
d'affranchissement,  parfois  par  l'érection  d'une  croix  de  pierre; 
deux  pauvres  villages  champenois  réduits  à  une  misère  ex- 
trême, durent  se  borner  à  copier  la  charte  sur  des  ardoises. 
M.  Bonvalot  nous  expose  le  régime  qu'elle  consacrait,  l'état 
des  personnes  et  de  la  propriété ,  l'administration ,  la  justice, 
les  redevances,  le  droit  civil,  la  procédure,  le  droit  pénal.  Il 
termine  en  nous  faisant  assister  à  la  décadence  et  à  l'abroga- 
tion de  la  loi  de  Beaumont.  L'histoire  de  cette  charte ,  depuis 
sa  naissance  jusqu'à  son  extinction  complète,  devient  ainsi, 
dans  une  certaine  mesure ,  celle  du  développement  du  tiers 
état  dans  le  nord-est  de  la  France. 

Sauf  le  premier  chapitre  consacré  à  l'état  général  de  la  féo- 
dalité au  xne  siècle,  tout  le  livre  de  M.  Bonvalot  forme  une 


514  RAPPORT  6UR  LE  CONCOURS 

œuvre  vraiment  originale  et  neuve  digne  d'un  prix.  La  section 
de  législation  tient  d'autant  plus  à  exprimer  le  bien  vif  regret 
de  ne  pouvoir  lui  décerner  cette  récompense.  M.  Bonvalot  n'en 
est  pas  à  ses  débuts.  Il  est  connu  depuis  longtemps  par  d'im- 
portants travaux  qui  portent  tous  sur  notre  droit  coutumier; 
en  1864 ,  il  publiait  les  Coutumes  du  val  d'Orbey;  en  1865,  les 
Coutumes  du  val  de  Rosemont,  travaux  qui  ont  été  récompensés 
par  l'Académie  des  inscriptions;  en  1866,  les  «  Coutumes  de 
l'Assise;  »  en  1870,  les  «  Coutumes  de  la  haute  Alsace,  »  dites 
coutumes  de  Ferrette  ;  plus  récemment,  il  étudiait  «  Les  prin- 
cipales et  générales  coutumes  du  duché  de  Lorraine.  »  Dans  tous 
ces  travaux,  comme  dans  ceux  qu'il  soumet  actuellement  à 
vos  suffrages,  M.  Bonvalot  a  déployé  les  principales  qualités 
de  l'historien  et  du  jurisconsulte. 

M.  Beaune  est  aussi  un  ancien  magistrat;  il  a  présenté  à  no- 
tre concours  deux  volumes  d'une  nature  tout  à  fait  différente. 
Autant  le  sujet  de  M.  Bonvalot  est  limité,  autant  celui  de 
M.  Beaune  est  large.  L'ancien  procureur  général  de  la  cour 
de  Lyon  a  publié  deux  volumes  qui  forment  en  réalité  le  com- 
mencement d'une  histoire  générale  de  notre  droit  français. 
Le  premier  volume,  intitulé  «  Introduction  à  V étude  historique 
du  droit  coutumier  »  est  consacré  à  l'origine  de  nos  coutumes 
et  en  étudie  les  développements  jusqu'à  l'époque  de  leur  ré- 
daction officielle  à  la  fin  du  xve  ou  au  commencement  du 
xvie  siècle.  C'est  un  tableau  complet,  bien  composé,  vivement 
conduit  des  sources  de  notre  ancien  droit.  Le  style ,  d'une 
remarquable  facilité  rend  attrayante  la  lecture  de  l'ouvrage. 
Mais  peut-être  cette  facilité  de  composition  a-t-elle  conduit 
l'auteur  à  écrire  et  publier  ce  premier  volume  un  peu  trop 
rapidement.  Ce  qui  permet  de  le  dire,  ce  sont  certaines  in- 
corrections assez  nombreuses  qu'on  doit  prendre  pour  des 
inadvertances  plutôt  que  pour  des  erreurs,  sans  inconvénients 
graves  pour  le  lecteur  qui  sait ,  mais  dangereuses  pour  celui 
qui  apprend.  Avec  un  peu  moins  de  précipitation,  l'auteur 
aurait  évité  cet  écueil  et  la  préparation  d'une  seconde  édition 
lui  permettra  pour  l'avenir  de  se  mettre  à  l'abri  de  ce  repro- 
che. Le  second  volume  est  beaucoup  supérieur  au  premier. 
On  n'y  relève  plus  ces  légers  défauts,  et  les  qualités  de  l'au- 
teur se  développent  davantage  dans  l'exposition  de  la  condition 


DU   PRIX  KŒNIGSWÀRTER.  515 

des  personnes.  M.  Beaune  passe  successivement  en  revue  le 
clergé,  la  noblesse,  les  bourgeois  des  villes  et  des  campagnes, 
les  étrangers  aubains  ou  forains ,  les  serfs  personnels  et  les 
mainmortables ,  les  juifs,  les  protestants,  les  Lombards,  les 
lépreux,  les  cagots,  les  morts  civils,  les  bâtards,  les  mineurs, 
les  femmes  mariées,  les  personnes  civiles,  soit  communautés 
d'habitants,  soit  corporations  ou  confréries.  Il  n'est  pas  pos- 
sible d'être  plus  complet  ni  plus  exact.  Peut-être  aurait-il 
mieux  valu  séparer  les  périodes  au  lieu  de  les  réunir.  De  la 
condition  des  personnes,  M.  Beaune  passe  à  l'organisation 
de  la  famille  :  il  consacre  des  pages  intéressantes  au  mariage 
qui  en  est  la  base  ;  il  nous  fait  connaître  l'organisation  qu'il 
a  reçue  du  droit  canonique.  La  suite  du  volume  est  consacrée 
aux  effets  du  mariage  ,  c'est-à-dire  à  la  puissance  maritale  et 
à  la  puissance  paternelle.  L'auteur  est  tout  naturellement 
amené  à  terminer  par  l'étude  de  la  tutelle  qui  complète  l'orga- 
nisation de  la  famille.  Tous  ces  graves  problèmes  sont  abordés 
avec  une  grande  maturité  d'esprit  et  une  précision  parfois  re- 
marquable. L'auteur  a  évité  les  généralisations  faciles  ou  har- 
dies et  s'est  attaché  à  faire  revivre  la  famille  du  moyen  âge  telle 
qu'elle  a  existé  pendant  plusieurs  siècles.  S'arrêtera-t-il  à  ce 
tableau  de  la  famille?  On  peut  en  douter;  ne  continuera-t-il 
pas  son  œuvre  par  une  étude  semblable  sur  le  régime  des 
biens  dans  notre  ancienne  France?  Si  le  premier  volume  exige 
quelques  améliorations ,  le  second  semble  demander  un  com- 
plément. 

Avec  le  livre  de  M.  Fournier  nous  passons  de  l'ancien 
droit  français  au  droit  canonique.  Le  savant  professeur  de 
la  faculté  de  Grenoble  a  consacré  tout  un  important  volume 
à  l'étude  des  officialités  au  moyen  âge.  L'organisation  de  la 
justice  ecclésiastique  et  son  développement  au  travers  des 
siècles  soulèvent  encore  aujourd'hui  de  délicats  et  obscurs 
problèmes.  On  ne  voit  pas  toujours  avec  netteté  comment 
ont  pris  naissance  et  se  sont  transformées  ces  justices  d'É- 
glise; aucun  historien  n'a  encore  recherché  dans  une  étude 
spéciale  par  quels  procédés  la  royauté  est  parvenue  à  affai- 
blir complètement  les  justices  d'Église.  Mais  M.  Fournier  ne 
se  place  ni  à  l'époque  de  la  naissance  ni  à  celle  de  la  déca- 
dence de  ces  juridictions.  Il  les  prend  au  contraire  au  moment 


SI 6  RAPPORT  SUR  LE  CONCOURS 

où  elles  sont  en  possession  de  leur  complète  vitalité,  du  xn* 
au  xive  siècle.  M.  Fournier  s'occupe  d'abord  de  l'organisation 
des  officialités.  Il  nous  présente  successivement  l'official,  ses 
assesseurs,  le  promoteur,  les  auxiliaires ,  avocats,  procureurs, 
notaires  agents  d'exécution.  Cette  organisation  connue,  il 
aborde  ensuite  la  compétence  des  tribunaux  ecclésiastiques  et 
s'arrête  à  ce  propos  aux  conflits  qui  se  sont  élevés  entre  la 
monarchie  française  et  le  Saint-Siège.  La  dernière  partie  est 
consacrée  à  la  procédure  canonique  des  justices  d'Église.  Le 
livre  de  M.  Fournier  est  particulièrement  remarquable  par  la 
rigueur  de  la  méthode,  la  netteté  des  divisions,  la  sobriété 
des  développements.  On  parcourt  sans  effort  toutes  les  phases 
de  l'instruction  d'une  affaire.  L'auteur  est  à  la  fois  un  histo- 
rien, un  érudit,  un  jurisconsulte.  Son  livre  comble  une  véri- 
table lacune  qui  existait  en  France ,  comme  le  prouve  le  succès 
de  cette  première  édition,  complètement  épuisée  depuis  quel- 
que temps  déjà.  On  peut  comparer  ce  livre  aux  meilleurs  qui 
ont  été  écrits  sur  le  même  sujet  à  l'étranger  et  il  les  dépasse 
bien  certainement  par  la  méthode  et  par  la  précision.  M.  Four- 
nier s'est  pénétré  de  l'esprit  de  la  procédure  canonique  et  il 
l'a  reproduit  avec  une  parfaite  fidélité.  L'auteur  s'est  inspiré 
de  son  sujet  à  ce  point  que  son  style  rappelle  parfois  celui 
du  registre  d'un  officiai  et  sous  sa  plume ,  les  événements  les 
plus  graves  qui  ont  ébranlé  l'Europe  occidentale  au  moyen 
âge  semblent  naître  parfois  de  la  procédure.  La  mémorable 
querelle  qui  s'est  élevée  entre  Thomas  Becket  et  Henri  II  d'An- 
gleterre et  s'est  terminée  par  le  martyre  du  défenseur  des 
privilèges  de  l'Église ,  les  graves  conflits  qui  ont  éclaté  sous 
Philippe  le  Bel  entre  la  papauté  et  la  monarchie  française 
sont  ramenés  à  des  questions  de  compétence.  Les  abbés,  les 
prélats,  le  Saint-Siège  lui-même,  nous  apparaissent  sans  cesse 
entourés  d'hommes  de  loi ,  de  libelles ,  de  citations ,  d'excep- 
tions, d'enquêtes,  d'actes  publics  ou  privés,  d'expertises,  de 
sentences.  On  en  arrive  à  se  demander  si  toutes  ces  nuées  de 
procédures  qui  enveloppent  le  trône  de  saint  Pierre  n'en 
obscurcissent  pas  l'éclat  et  la  splendeur.  Ce  ne  serait  là  d'ail- 
leurs qu'une  pure  illusion,  tenant  à  ce  que  l'ouvrage  de 
M.  Fournier,  trop  limité  aux  règles  de  compétence  et  aux 
complications  des  instances  ne  nous  montre  l'Église  que  par 


DU  PRIX  KŒNIGSWÀRTER.  517 

un  seul  côté  à  une  époque  où  son  action  s'étendait  sur  tout. 
Mais  du  moins ,  le  traité  des  officialités  établit  avec  une  grande 
force  l'influence  de  la  procédure  romaine  sur  celle  de  l'Église 
et  l'action  de  la  procédure  canonique  sur  celle  du  droit  fran- 
çais. L'Église  condamnait  avec  raison  la  procédure  arbitraire 
et  formaliste  des  cours  féodales  ;  ses  officialités  appliquaient» 
pour  la  conduite  des  procès ,  des  principes  qui  formaient  une 
procédure  dans  le  sens  exact  et  scientifique  de  ce  mot  et  cette 
procédure  était  enseignée  avec  soin  dans  les  écoles  où  se 
formaient  les  clercs.  La  procédure  canonique  s'étendit  d'abord 
dans  les  cours  laïques  aux  procès  que  l'Église  était  obligée  d'y 
porter  ou  d'y  soutenir.  D'ailleurs,  un  grand  nombre  de  clercs 
siégeaient  dans  ces  cours  laïques  et  les  légistes  ne  faisaient 
aucune  difficulté  pour  reconnaître  que  la  procédure  des  cours 
d'Église  était  bien  supérieure  à  celle  des  autres  juridictions. 
L'étude  du  droit  romain  contribua  beaucoup  aussi  à  faire  en- 
trer les  formes  des  justices  d'Église  dans  les  cours  laïques, 
par  cela  même  que  le  droit  canonique  s'était  presque  toujours 
inspiré  de  la  législation  romaine,  tempérée  par  l'Évangile 
et  par  les  coutumes  germaniques.  Ces  transformations  ne 
se  firent  pas  sans  résistance  ;  l'adoption  du  droit  romain  par 
les  cours  d'Église  provoqua  de  vives  récriminations  de  la 
part  de  certains  clercs.  Pierre  de  Blois,  comme  nous  l'ap- 
prend M.  Fournier,  appelait  les  officiaux  et  les  gens  de  jus- 
tice «  des  vipères  d'iniquité  ;  ils  surpassent ,  disait  -  il ,  en 
malice  ,  l'aspic  et  le  basilic.  L'official  est  le  pasteur,  non  des 
brebis,  mais  des  loups.  La  loi  de  Justinien  est  une  cause  de 
perversion  et  vous  rend  fils  de  l'enfer.  Les  Pandectes  sont 
un  abîme  insondable,  une  forêt  ténébreuse,  un  océan  im- 
pénétrable; toute  une  vie  humaine  ne  suffit  pas  à  les  ex. 
plorer  (1).  »  Mais  l'immense  majorité  des  clercs,  les  pré- 
lats, le  Saint-Siège,  ne  tinrent  aucun  compte  de  ces  do- 
léances. Le  clergé  se  livra  avec  ardeur  à  l'étude  du  droit 
romain ,  et  c'est  en  s'inspirant  de  son  esprit  que  les  Décré- 
tâtes des  papes  sont  parvenues  à  organiser  cette  procédure 
savante  qui  a  fait  l'admiration  de  l'Europe.  Dégagée  de  tout 
formalisme   inutile ,    préoccupée    de    maintenir  sans    cesse 

<  Des  officialitét,  p.  8  et  9. 


520  RAPPORT  SUR  LE  CONCOURS 

ses  divisions.  A  notre  avis ,  M.  Mispoulet  a  eu  le  tort  de  plier 
le  droit  public  romain  aux  divisions  qu'on  donne  aujourd'hui 
de  ce  droit  et  qui  étaient  absolument  inconnues  des  Romains; 
il  fait  même  rentrer  dans  le  droit  public  une  partie  du  droit 
privé.  Ainsi ,  le  premier  volume  est  consacré  à  la  constitution 
et  le  second  à  l'administration.  Mais  cette  division  du  droit 
public  en  constitutionnel  ou  administratif  est  toute  moderne; 
elle  ne  compte  même  pas  un  siècle  d'existence.  A  propos  de 
l'administration  romaine,  M.  Mispoulet  nous  parle  de  l'orga- 
nisation de  l'Italie  et  des  provinces,  du  régime  municipal,  des 
finances,  etc.  C'est  bien  là  son  sujet.  Qu'il  y  fasse  encore 
rentrer  l'armée  romaine,  on  peut  l'admettre  sans  difficulté.  Il 
est  même  permis  d'y  joindre,  comme  il  le  fait,  la  religion,  car 
chez  les  Romains,  comme  dans  toute  l'antiquité,  la  religion 
était  une  partie  de  l'État,  bien  qu'au  début  on  ait  donné  une 
existence  propre  &u  jus  sacrum  et  qu'après  Constantin,  l'Église 
se  soit  attachée  à  s'isoler  de  la  société  civile  et  à  échapper  à 
ses  lois.  Nous  ne  critiquons  pas  non  plus  l'étude  consacrée  à 
l'organisation  des  tribunaux;  mais  il  semble  que  l'auteur  se 
soit,  dans  une  certaine  mesure,  mépris  sur  l'étendue  du  droit 
public  tel  que  le  comprenaient  les  Romains  lorsqu'il  y  fait 
rentrer  la  condition  des  personnes ,  les  sources  du  droit  et  la 
procédure;  toutes  ces  questions  appartiennent,  sans  aucun 
doute ,  au  droit  privé ,  et  si  l'auteur  les  avait  omises ,  elles 
lui  auraient  laissé  une  place  qui  lui  aurait  permis  d'exposer 
certaines  parties  du  droit  public  un  peu  écourtées.  Il  aurait 
mieux  valu  nous  présenter  le  droit  public  romain  comme  l'a- 
vaient compris  les  Romains,  en  le  dégageant  de  certaines 
parties  du  droit  civil  et  en  supprimant  des  divisions  emprun- 
tées au  droit  moderne.  D'ailleurs,  sous  cette  réserve,  l'ou- 
vrage de  M.  Mispoulet  ne  mérite  au  point  de  vue  purement 
juridique  que  des  éloges.  Il  comble  une  lacune  de  notre  litté- 
rature juridique  et  nous  met  au  niveau  de  l'étranger.  L'ouvrage 
de  M.  Mispoulet  l'emporte  sur  celui  de  M.  Bonvalot  par  l'é- 
tendue du  sujet  qu'il  embrasse  :  il  suppose  un  travail  non  pas 
plus  consciencieux,  mais  beaucoup  plus  long.  La  section  de 
législation  le  préfère  à  celui  de  M.  Beaune,  à  cause  du  progrès 
qu'il  réalise,  à  raison  de  l'absence  de  toute  inégalité  grave  entre 
les  diverses  parties  et  enfin ,  parce  qu'il  est  dès  maintenant 


DU  PRIX  KŒNIGSWARTER.  S21 

complet.  Le  livre  de  M.  Fournier  présente  les  mêmes  mérites, 
mais  il  n'embrasse  cependant  pas  un  horizon  aussi  vaste ,  et 
en  outre,  il  a  déjà  été  récompensé  par  l'Académie  des  inscrip- 
tions et  belles-lettres,  tandis  que  celui  de  M.  Mispoulet  n'a 
encore  obtenu  aucune  distinction  académique.  Ce  sont  là  de 
simples  différences  et  non  une  supériorité  que  la  section  de 
législation  relève  au  profit  de  M.  Mispoulet  vis-à-vis  de  M. 
Fournier;  mais  ces  différences  ont  cependant  paru  assez  im- 
portantes à  la  section  pour  lui  permettre  de  placer  l'ouvrage 
de  M.  Mispoulet  au  premier  rang.  Elle  vous  propose,  en  con- 
séquence, de  lui  décerner  le  prix  Kœnigswarter. 


»•*■ 


Revue  hist.  —  Tome  VIII.  35 


LES  COUTUMES  DE  LORRIS 

ET  LEUR  PROPAGATION 

ATXX   XII.    ET    XIII-   SIÈCLES 


PIEGES  JUSTIFICATIVES 

(6DITB  ET  PIN) 


IL 

Orléans,  1066,  8™  année  du  règne  (après  le  23  mai  1066)  (1).  —  Philippe  I 
constate  l'accord  intervenu  entre  Hervé,  son  chevalier,  et  l'abbaye  de  Saint- 
Benott-sur-Loire. 

Ego  Philippin,  gratia  Dei  Francorum  rex,  notum  esse  volumus 
omnibus  sanctœ  Dei  Ecclesiœ  fidelibus  quod  adierunt  prœsenciam  nos- 
tram  abbas  monasterii  S.  Benedicti,  Hugo  nomme,  et  cœteri  fratres, 
querimoniam  facientes  de  quodam  milite  nostro,  nomine  Hervœo,  qui 
terras  illorum  depradando  maie  vastabat,  eo  quod  calumniabatur  se 
debere  habere  quoddam  beneficium  ex  abbate  quod  dicebat  sibi  com- 
petere  ex  jure  hœreditario.  Nos  autem,  eorum  clamoribus  et  querimo- 
niis  permoti ,  utpote  qui  nolebamus  locum ,  quem  prœdecessores  nos- 
tri  Francorum  reges  multo  studio  deffensaverant ,  nostris  temporibus 
alteri  (sic),  decrevimus  ut  judicio  nostro  et  optimatumnostrorum  causa 
definiretur;  de  qua  re,  multis  verbis  ultro  citroque  habitis,  visum  est 
nobis  facilius  esse  et  melius  ut  res  concordia  quam  judicio  determi- 
naretur;  et,  quoniam  magnitudo  malefactorum  et  praedarum  summam 
trecentarum  librarum  excedebat,  qu»  ab  ipso  Hervœo  exsolvi  non 
poterat,  suasione  nostra  inter  utrosque  facta  est  haec  concordia,  ut,  ex 
his  quaB  jure  hœreditario  repetebat ,  partem  prorsus  et  perpetualiter 
sine  calumpnia  dimitteret,  partem  in  vita  et  sine  hœrede  ullo  sibi  re- 
tineret.  Hœc  autem  sunt  quae  sibi  in  vita  sua  concessa  sunt  :  terra  de 
Mileraio,  etc.  Actum  Aurelianis  publiée  anno  ab  Incarnations  Domini 
mlxvi,  régnante  Philippo  rege ,  anno  VIII. 

(1)  La  8*e  année  du  règne  de  Philippe  I  s'étend  du  23  mai  1066  au  23 
mai  1067 . 


526  LES  COUTUMES  DE  LORRIS. 

4.  Redditus  autem  ville  sic  statuti  :  in  Nativitate  Beati  Johannis 
Baptiste  quisque  hospitum  de  propria  masura  quoque  anno  Aurelia- 
nensis  mooete  sex  denarios  reddet  censuaies  ;  et,  mense  Augusti,  qua- 
tuor de  campartagio;  in  Natale  Domini,  duas  minas  ordei  ad  mensu- 
ram  granarii  Beati  Aviti ,  et  duos  capones ,  denarios  duos  et  panes 
duos  de  frumento. 

5.  Mense  Augusti ,  omnem  annonam  que  canonicorum  erit  hos- 
pites  ad  ecclesiam  Beati  Aviti  Aurelianum  cum  suis  expensis  défèrent  ; 
et  canonici  unicuique  quadrige  unum  denarium  dabunt  ;  partem  vero 
nostram  aut  apud  Stampas ,  aut  apud  Piverim  (1),  aut  aput  Curcia- 
cum  (2)  défèrent,  et  alios  redditus  suis  temporibus  similiter. 

6.  Sic  igitur  hospites  hujus  ville ,  prêter  de  redditibus  supra  deno- 
minati8 ,  ab  omni  tallia ,  ab  omni  exactione  liberi  erunt  et  immunes 
manebunt. 

7.  Post  decessum  vero  nostrum,  villa  ista  sic  hospitata,  sic  libéra, 
cum  universis  redditibus  ad  propriam  prefate  ecclesie  possession em  re- 
dibit;  nec  alicui  successorum  nostrorum  in  ea  aliquid  reclamare  licebit. 

8.  Major,  qui  in  villa  per  manum  decani  et  canonicorum  positus 
fuerit ,  nobis  et  decano  hominum  fîdelitatem  faciet.  Hac  tamen  con- 
dicione  quod,  post  decessum  ejus ,  nulli  filiorum  vel  heredum  in  ma- 
joria  aliquid  reclamare  liceat. 

9.  Ne  vero  inter  canonicos  et  majorem  aliqua  de  feodo  majorie  oria- 
tur  discordia,  statuimus  ut  major  in  feodum  habeat  terram  dimidie 
carruce  et  quintum  denarium  de  forifactis ,  nec  aliquid  amplius  in 
grangia  vel  in  aliquibus  ville  redditibus  sui  juris  esse  contendat. 

10.  Grangia  vero  nostra  et  canonicorum  communie  erit,  et  com- 
muni  expensa  edificabitur. 

11.  Si  autem  accident  quod  decanus,  vel  aliqui  canonicorum,  pro 
causis  ad  villam  pertinentibus ,  in  villam  venerint ,  communi  hospitum 
expensa  procurentur. 

Quod  perpétue  stabilitatis  obtineat  munimenta  scripto  commendari 
et  sigilli  nostri  auctoritate  muniri  nostrique  nominis  subter  in  scripto 
caractère  corroborari  precepimus.  Actum  publiée  Aurelianis,  anno 
Incarnati  Verbi  millesimo  centesimo  quadragesimo  secundo ,  regni  vero 
nostri  sexto  ;  astantibus'in  palacio  nostro  quorum  nomina  subtitulata 
sunt  et  signa  :  Signum  Radulphi  Viromandorum  comitis,  dapiferi  nos- 
tri. S.  Guillelmi  buticularii.  S.  Mathei  camerarii.  S.  consta  bularii. 

Data  per  manum  C&[Locus  monogrammatis]d\irci  cancellarii  : 

(D'après  le  Cartulaire  de  Saint- A  vit,  xm*  s.,  Bibl.  nat.,  ma.  lat.  12886, 
f°  78  r°-79  v°). 

(1)  Pithiviert,  Loiret,  ch.-l.  d'arr. 

(2)  Courcy-aux-Loget ,  con  el  air.  Pituiviera. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  527 


V. 


Lorris,  1144,  8«  année  du  règne.  —  Louis  VII  donne  au  prieur  de  Saint-Sul- 
pice  de  Lorris ,  pour  l'achèvement  de  son  église ,  une  rente  annuelle  de 
cent  sous  à  prendre  à  la  Nativité  de  Saint-Jean  sur  le  cens  des  hôtes  de 
Lorris. 

In  nomine  s.  et  individu®  Trinitatis ,  ego  Ludovicus ,  Dei  gratia 
rez  Francorum  et  duz  Aquitanorum,  notum  facimus  omnibus  tam 
futuris  quam  et  prasentibus  quod  ecclesiœ  S.  Sulpitii  de  Loriaco,  ad 
ipsam  perfîciendam ,  in  manu  Bernardi ,  tune  prions ,  solidos  centum 
de  censu  hospitum  castri  ipsius  contulimus,  eosque  singulis  annis  ad 
Nativitatem  B.  Joannis  solvendos  statuimus.  Quod  ut  in  posterum  ra- 
tum  et  inconcussum  permaneat  scripto  commendari,  sigilli  nostri 
impressione  signari  nostrique  nominis  subter  inscripto  caractère  prœ- 
cepimus  contestari.  Actum  publiée  apud  Loriacum ,  anno  ab  Incarn. 
Domini  1444,  regni  vero  nostri  octavo.  Astantibus  in  palatio  nostro 
quorum  nomina  subtitulata  sunt  et  signa.  Signum  Radulfi  Viroman- 
dorum  comitis,  dapiferi  nostri.  Signum  Mattbœi  camerarii.  S.  Mat- 
thaei  constabularii.  S.  Guillelmi  buticularii.  Data  per  manum  Cadurci 
cancellarii. 

(D'après  le  Cartxdaire  I  de  l'abbaye  de  Fleury,  p.  281  (xvm*  s.).  Archi- 
vée du  Loiret.) 


VI. 


Reims,  1147,  11e  année  du  règne,  avant  le  départ  pour  la  Terre  Sainte.  — 
Louis  VII  prend  l'église  de  Saint-Benoit  sous  sa  protection  et  confirme  les 
donations  de  ses  prédécesseurs ,  et  spécialement  l'abandon  fait  à  l'abbaye 
par  Louis  VI  du  quart  du  revenu  des  fours  de  Lorris  et  de  100  sous  à 
prendre  annuellement  sur  les  trois  autres  quarts,  à  charge  pour  les  moines 
de  célébrer  l'anniversaire  de  Philippe  Ier. 

In  nomine  sanctœ  et  individus  Trinitatis,  Ludovicus,  Dei  gratia 
rez  Francorum  et  duz  Aquitanorum ,  omnibus  in  perpetuum.  Sollici- 
tudini  nostre  principaliter  congruit  libertatem  ecclesiarum  inconcussa 
stabilitate  procurare  et  possessiones  earum  ac  jura  auctoritatis  regiae 
praeceptis  irrefragabilibus  communire.  Eo  nimirum  intuitu ,  beati  Be- 
nedicti  Floriacensis  ecclesiam  cum  universis  rébus  et  possessionibus 


530  LES  COUTUMES  DE  LORRIS. 


VIII  (»). 

Paris,  1177.  —  Louis  VII  s'engage  à  ne  recevoir  sur  ses  terres  aucun  des 
serfs  de  Joscelin  et  Gautier  de  Thoury.  En  retour,  Joscelin  de  Thoury 
abandonne  au  roi  la  prévôté  de  Thoury  qu'il  tenait  par  droit  héréditaire. 

In  nomine,  etc.  Ludovicus  Dei  gracia  Francorum  rex.  Notum  fa- 
cimus  universis  presentibus  et  futuris  nos  Joscelino  et  Galtero  de 
Thoriaco  (2)  heredibusque  eorum  concessisse  quod  neque  nos  neque 
heredes  nostri  aliquem  de  servis  nec  aliquam  de  ancillis  eorum  in 
villis  nostris  novis  nec  in  tota  terra  nostra  retinebimus  ;  et  si  aliquis  de 
servis  vel  aliqua  de  ancillis  predictorum  Joscelini  et  Galteri  de  Thei- 
riaco  [sic)  et  eorum  heredum  in  villas  nostras  novas  vel  in  terram 
nostram  secedant,  quod  fidelibus  testibus  comprobaverint,  sine  con- 
tradictione  et  sine  bello  eis  absolute  reddetur.  Ob  banc  autem  pac- 
tionem ,  Joscelinus  predictus  de  Theiriaco  (sic)  preposituram  Flagiaci 
quam  ex  dono  nostro  jure  hereditario  tenebat,  in  perpetuum  in  manu 
nostra  reliquit.  Quot  ut  perpetuum,  etc.  Actum  Parisius,  anno  Do- 
mini  m0  c°  septuagesimo  vuo. 

(D'après  le  reg.  C  de  Ph.-Aug.,  f°  76  r°,  p.  n°  429,  Arch.  Nat., 
JJ  7-8,  2'  partie.) 


IX. 

Les  Echarlis  (3) ,  1180.  —  Accord  entre  l'abbaye  de  Saint-Benott-sur-Loire 
et  l'église  de  Sens  réglant  leurs  droits  réciproques  sur  diverses  églises. 

Robertus  prior  et  universum  capitulum  Sancti  Benedicti  super  L*- 
gerim  omnibus  ad  quos  littere  iste  pervenerint  in  Domino  salutem. 
Notum  fieri  volumus  quod  ,  cum  inter  venerabilem  patrem  nostrum, 
Arraudum,  abbatem,  et  ecclesiam  nostram,  et  dominum  Guidonem, 
Senonensem  archiepiscopum,  et  ecclesiam  Senonensem,  super  pre- 
sentationibus  presbyterorum  in  quibusdam  ecclesiis  diu  habita  fuisset 

(1)  Publ.  d'après  le  même  registre  ap.  Luchaire,  Inttitut.  du  prmicrs  Ca- 
pétiens, t.  II,  p.  307,  Appendices,  n°  10. 

(2)  Thoriaco.  Dans  une  charte  d'Adèle,  transcrite  à  la  suite  de  celle-ci, 
Joscelin  et  Gautier  sont  dits  «  de  Chevriaco.  »  Or,  à  quelque  distance  de 
Flagy,  on  trouve  :  Thoury  et  Chevry-enSereine. 

(3)  Les  Echarlis,  Yonne,  c**  Villefranche,  c°*  Charoy,  arr.  Joigoy. 


PIECES  JUSTIFICATIVES.  531 

dissensio,  in  ecciesiis  videlicet  de  Monte-Barresio  (1),  de  Gastaneto  (2), 
de  Vetulis  domibus  (3),  de  Maceriis  (4),  de  Chataleta,  de  Buxedello,  de 
Ulseto  (5) ,  de  M usteriolo  (6)  et  de  Pruneto  (7) ,  tandem  in  hune  mo- 
dum  facta  est  transactio  :  quod  in  tribus  de  prenominatis  ecciesiis , 
in  ecclesia  de  Ulseto,  in  ecclesia  de  Musteriolo  et  de  Pruneto,  pro 
bono  pacis ,  idem  archiepiscopus  presentationes  presbyterorum  nobis 
et  ecclesie  nostre  in  perpetuum  habendas  concessit.  Goncessit  etiam 
nobis  predictus  archiepiscopus,  quod,  a  predecessoribus  suis  Senon. 
archiepiscopis  constabat  esse  concessum,  presentationes  videlicet 
presbyterorum  in  ecciesiis  Sancti  Pétri  Stampensis ,  de  Duisione ,  de 
Villari  Sancti  Benedicti  (8)  et  de  Lorriaco  (9)  in  altero  presbytero- 
rum, juxta  tenorem  (10)  domini  Willelmi  quondam  Senonensis  ar- 
chiepiscopi.  In  aliis  vero  ecciesiis  de  diocesi  Senonensi  de  cetero  pre- 
sentationes reclamare  non  poterit  ecclesia  nostra ,  nisi  in  posterum 
largitione  prenominati  archiepiscopi  vel  successorum  suorum  cano- 
nice  indultum  fuerit  et  concessum.  Alia  vero  bénéficia  que  in  supra- 
dictis  ecciesiis  sive  in  aliis  de  diocesi  Senonensi  possidemus ,  décimas 
etiam ,  et  redditus  alios  nobis  confirma  vit ,  statuendo  ut  in  eclesiis , 
in  quibus  usu  cotidiano  bénéficia  percipimus,  presbyteri  qui  cons- 
tituentur  fidelitatem  nobis  per  juramentum  faciant  de  omnibus  que 
nos  contingunt  portionibus.  Hec  autem  omnia  concessit  et  appro- 
bavit  Senonense  capitulum.  Quod  ut  ratum  inconcussumque  perma- 
neat  presentis  scripti  testimonio  et  sigilli  nostri  munimine  fecimus 
roborari.  Actum  Escharleiis,  anno  ab  Incarnatione  Domini  m0  c°  oc- 
togesimo. 

#  (D'après  l'original ,  sur  parchemin ,  autrefois  scellé ,  Archivée  de 
l'Yonne,  G  59,  pièce  n°  4.) 


(1)  Montbarroie,  Loiret,  arr.  Pithiviers ,  c0B  Beaune-la-Rolande. 

(2)  Châlenoy,  Loiret,  arr.  Orléans,  con  Chateauneuf. 

(3)  VieUles-Maisons  t  Loiret,  arr.  Montargis,  con  Lorris. 

(4)  Mézièret  en  Gatine,  Loiret,  arr.  Montargis,  con  Bellegarde. 

(5)  Houstoy,  près  de  Lorris. 

(6)  Montereau,  Loiret,  arr.  Gien,  con  Ouzouer-sur-Loire. 

(7)  Prenoy,  près  Chailly ,  con  Lorris. 

(8)  Villiert-Saint- Benoit ,  Yonne,  arr.  Joigny,  c0B  Aillant-sur-Tholon. 

(9)  Lorrie,  Loiret,  arr.  Montargis,  ch.-l.  c°". 

(10)  Charte  de  Guillaume,  archev.  de  Sens,  en  1171.  Copiée  dans  le  oartu- 
laire  1  de  Pleury,  p.  281,  Archivez  du  Loiret. 


532  LES  COUTUMES  DE  LORRIS. 


IX  bis  M. 

Ch&teaulandon,  1180  (entre  le  1er  novembre  et  le  4  avril  1181).  — Philippe- 
Auguste,  associé  aux  droits  de  l'abbaye  de  Saint-Pierre  de  Ferrièressur 
le  village  de  Rozoy  (2),  accorde  différents  privilèges  aux  habitants  de  ce 
village  (Indiq.  par  Delisle,  Catalogue  des  actes  de  Philippe-Auguste,  n°  14, 
p.  5). 

In  nomioe  sancte  et  individue  Trinitatis,  Amen.  Philippus,  Dei 
gracia  Francorum  rex.  Noverint  univers!  présentes  pariter  et  faturi 
quod  nos  universis  habitantibus  in  terra  Sancti  Pétri  de  Ferrariis 
aput  Rosetum,  quia  abbas  et  monachi  nos  in  eadem  villa  collegerunt, 
ex  gracia  has  consuetudines  indulgemus. 

1.  Volumus  siquidem  et  constituimus  universos  inhabitantes  dein- 
ceps  liberos  esse  et  immunes  ab  omni  tallia ,  ablatione ,  exactione  et 
questa,  salvis  siquidem  extra  villam  tam  nostris  quam  ecclesiarum 
quam  militum  nostrorum  consuetudinibus. 

2.  Quicunque  autem  in  villam  venerint,  quicquid  alibi  forifecerint, 
res  eorum  et  corpora  tuta  et  salva  erunt ;  et,  si  recedere  voluerint,  et 
in  guerra  et  in  pace ,  cum  rébus  suis  quo  eis  placuerit  secure  ibunt. 

3.  Quisquis  in  villa  forifecerit  secundum  consuetudinem  ville  emen- 
dabit  :  forifacta  LX  solidorum  quinque  solidis ,  et  forifacta  quinque 
solidorum  duodecim  nummis,  et  districta  perdonabuntur  pro  quatuor 
denariis. 

4.  Si  prepositus  forifacta  régis  requisierit  ab  aliquo  inhabitatore , 
nisi  disration  atum  fuerit,  per  solam  manum  suam  denegabit  et  quie- 
tus  erit,  exceptis  majoribus  malefîciis,  ut  est  homicidium,  proditio, 
furtum,  raptus  et  similia,  que  semper  ex  consuetudine  Gastineti  judi- 
cabuntur. 

5.  Universi  habitatores  ville  has  habebunt  consuetudines ,  excepto 
preposito  quamdiu  preposituram  administrabit  ;  qua  exutus  in  eisdem 
consuetudinibus  erit. 

6.  In  expeditionem  et  exercitum  numquam  ibunt  quin  eadem  nocte 
revertantur  ad  domos  suas. 

7.  Et  cum  aliquis  de  eadem  villa  vineam,  domum,  sive  terrain  ven- 
diderit,  rectas  venditiones  solummodo  reddet. 

(1)  Je  n'ai  connu  cette  charte  qu'au  moment  de  livrer  à  l'imprimeur  les 
Pièces  justificatives,  ce  qui  explique  pourquoi  elle  ne  figure  pas  dans  le  Ca- 
talogue des  chartes  dérivées  des  Coutumes  de  Lorris,  quoiqu'elle  en  ait  très 
manifestement  subi  l'influence. 

Vieil,  Loiret,  arr.  Montargis,  con  Courtenay. 


PIÈGES  JUSTIFICATIVES.  533 

8.  Census  et  oblatas  et  similes  consuetudines  solito  more  persol- 
vent. 

0.  Quicunque  vero  in  villam  venientes  per  annum  et  diem  Lbi  in 
pace  manserint ,  neque  per  regem  neque  per  prepositum  neque  per 
jnonachos  justiciam  vetuerint,  ab  omni  jugo  aervitutis  deinceps  liberi 
erunt. 

10.  Pro  Bubmonitione  extra  villam  nemo  ibit  ad  placitandum,  et 
quamdiu  tenuerit  justiciam  corpus  ejus  non  capietur. 

11.  De  rébus  venalibus  neque  rez  neque  monachus  in  eadem  villa 
bannum  habebunt. 

12.  Quotiens  autem  prepositus  movebitur,  bas  consuetudines  te- 
nendas  esse  jurabit,  nec  antea  ad  ejus  Bubmonitionem  necesse  erit 
homines  venire. 

13.  Major  quoque  monacborum  ville  similiter  jurabit  consuetu- 
dines. 

14.  Volumus  preterea,  sicut  jam  pro  parte  pretaxatum  est,  quod 
quicunque  inhabitantium  a  villa  recedere  voluerint,  cum  universis 
rébus  suis  et  in  guerra  et  in  pace  per  conductum  regium  secure  eant 
quocunque  eis  placuerit. 

Que  omnia  ut  perpetuam  stabilitatem  optineant,  presentem  pagi- 
nam  sigilli  nostri  auctoritate  ac  regii  nominis  karactere  inferius  anno- 
tato  corroborari  precepimus.  Actum  publiée  aput  Gastrum  Nantonis, 
anno  ab  Incarnation  e  Domini  m0  c°  lxxx0,  regni  nostri  anno  se- 
cundo. Astantibus  in  palatio  nostro  quorum  nomina  supposita  sunt 
et  signa.  Signum  comitis  Teobaldi  dapiferi  nostri.  S.  Guidonis  buti- 
cularii.  Signum  Mathei  camerarii.  Sigum  Radulpbi  constabularii. 

Data  per  manum  Hugo  [locus  monogrammatis]  nis  cancellarii. 

(D'après  l'original,  autrefois  scellé  sur  double  queue  de  cuir,  Ar- 
chive* nationale* ,  J  737,  n°  43.) 


x. 

Paris,  1181  (entre  le  5  avril  et  le  31  octobre).  —  Philippe-Auguste  déclare 
les  hommes  d'Yèvre  et  de  Bois-Commun  soumis  au  paiement  du  tonlieu 
envers  l'église  de  Puiseaux ,  le  jour  du  marché.  Il  en  exempte  les  hommes 
de  Bourg-la-Reine. 

In  nomine  sancte  et  individue  Trinitatis ,  Amen ,  Pnilippus ,  Dei 
gracia  Francorum  rex.  Noverint  universi  présentes  pariter  et  futuri 
quia  teloneum,  quod  homines  Evrie  (1)  et  Boscumini  (2)  (sic)  et  no- 

(1)  Ytore-le-Ch&Ul,  Loiret,  arr.  et  c<"  Pithiviers. 

(2)  Boûcommun,  Loiret,  arr.  Pithiviers,  c°*  Beaune-la-Rolande. 


534  LES  COUTUMES  DE  LORRIS. 

vorum  berbergagiorum ,  tempore  patris  nostri  constructorum ,  debe- 
bant  ecclesie  de  Puteoli  (1),  et  aliquociens  illud  per  patrjs  nostri  per- 
missionem  retinuerant ,  ecclesie  Puteoli  de  cetero  reddi  volumus  et 
precepimus  die  mercati ,  excepto  ab  hominibus  in  Burgo  Régine  (2) 
commorantibus,  hac  intencione  ne  per  hoc  quod  in  prejudicium  ec- 
clesie per  patris  nostri  permissionem  quondam  detentum  est ,  anima 
ipsius  impediatur  quominus  eterna  salute  frui  valeat.  Quod  ut  aput 
posteros  firmum  et  inconcussum  permaneat,  presentem  paginam  si- 
gilli  nostri  auctoritate  ac  regii  nominis  ka[ra]ctere  inferius  annotato, 
precepimus  confirmai!.  Actum  Parisius ,  anno  Incarnati  Verbi  n°  c° 
lxxxi0,  regni  nostri  secundo,  astantibus  m  palacio  nostro  quorum 
nomina  supposita  sunt  et  signa.  S.  comitis  Teobaldi ,  dapiferi  nostri. 
S.  Guidonis ,  buticularii.  S.  Mathei ,  camerarii.  S.  Radulphi ,  consta- 
bularii.  Data  per  manum  Hu[Locus  monogrammatis]gon\s  cancella- 
rii(3). 

(D'après  le  Cartalaire  de  Puiseaux  (xv«  s.),  Arch.  nat.,  S  2150,  n°  14, 
pièce  cotée  B.) 


XI. 

Fontainebleau,  1183,  la  4e  année  du  règne  (du  17  avril  au  31  octobre).  — 
Philippe-Auguste  confirme  le  diplôme  donné  par  Louis  VII,  en  1147,  en 
faveur  de  l'abbaye  de  Saint-Benott-sur-Loire  (Indiq.  par  L.  Delisle,  Cata- 
logue, n°  75). 

In  nomme  sanctœ  et  individus  Trinitatis ,  Amen.  Philippus ,  Dei 
gratia  Francorum  rex.  Qu»  a  patribus  nostris  juste  et  rationabiliter 
acta  sunt,  et  prœcipue  qus3  ecclesiis  collata  sunt  et  concessa  a  nobis 
irrefragabiliter  decet  observari  ut  et  successores  nostros  ad  observanda 
quœ  gerimus  congruis  invitemus  exemplis.  Eo  nimirum  intuitu,  Beati 
Benedicti  Floriacensis  ecclesiam  cum  universis  rébus  ac  possessioni- 
bus  suis  sub  nostrae  protectionis  perhenni  tuitione  suscipimus ,  et 
concessam  sibi  a  prœdecessoribus  nostris  antiquitus  libertatem ,  se- 
cundum  quod  ex  tenore  prœceptorum  patris  nostri ,  felicis  memoriae 
régis  Ludovici,  cognovimus, nos  quoque  pari  benignitate  concedimus 
et  per  prosentis  authoritatem  prœcepti  perpetuo  munimento  corrobo- 
ramus.  Sancimus  igitur,  juxta  prœfati  patris  nostri  et  prœdecessoris 
nostri  praeceptum,  ut  neque  nos  ipsi  neque  quilibet  successorum  no- 
strorum  regum  eundem  locum  causa  violentiae  adeamus ,  neque  inco- 

(1)  Puiieaux,  Loiret,  arr.  Pithiviers,  ch.-l.  canton. 

(2)  Bourg -la- Heine,  Seine,  arr.  et  c«*  Sceaux. 

(3)  Le  manuscrit  porte  :  Manum  Philippus  conit  cancellarii. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  53S 

las  ipsius  loci  cujuscumque  generis  aut  ordinis  per  nos  in  causam 
trahamus ,  vel  questum  ab  eis  quoquomodo  deinceps  exigamus.  Cœ- 
terum ,  si  nobis  aut  nostris  injuriam  fecerint ,  per  abbatis  manum  seu 
majoris  villœ,  ministerialibus  nostris  justitiœ  nostrœ  recipiendœ  causa 
a  nobis  illuc  directis,  justitiam  nostram  habebimus.  Goncedimus  prœ- 
terea  eidem  monasterio  et  perpetualiter  possidenda  firmamus  uni- 
versa  quœ  post  decessum  proavi  nostri ,  régis  Philippi ,  avus  noster, 
rex  Ludovicus,  Sancto  Benedicto  donavit  et  genitor  noster,  bonœ 
mémorise  rex  Ludovicus,  concessit  in  villis  quœ  subscribuntur  (1)  : 
Maisnilis  videlicet,  atque  parrochia  de  Bulziaco,  et  parochia  de 
Veteribus  domibus ,  et  in  parrochia  de  Castaneto ,  et  in  illa  de  Mat- 
zeriis ,  tam  in  bosco  quam  in  piano ,  prœter  cervum  et  bischiam  et 
capreolum ,  quamvis  quœdam  injuste  quœdam  juste  regia  potestate 
consuetudinarie  capiebat.  Goncedimus  etiam  quodcumque  memoratus 
pater  noster  ex  propria  largitione  donavit  :  videlicet  quartam  partem 
furnorum  de  Lorriaco ,  et  centum  solidos  quos  avus  noster,  pro  reco- 
lendo  anniversario  patris  sui,  régis  Philippi,  proavi  nostri  ecclesiœ 
Beati  Benedicti  donavit  in  reliquis  tribus  partibus  furnorum,  quœ 
nobis  remanere  assignavit ,  et  ab  eo  qui  furnos  habebit  absque  con- 
tradictione  abbati  S.  Benedicti  in  perpetuum  reddi  prœcepit,  Aurélia- 
nensis  videlicet  monetœ;  quos  et  nos  similiter  reddi  prœcepimus. 
Quœ  omnia  ut  perpetuam  stabilitatem  obtineant  prœsentem  paginam 
sigilli  nostri  authoritate  ac  regii  nominis  charactere  inferius  annotato 
prœcepimus  confirmari.  Datum  apud  Fontem  Blaudi,  anno  Incarnati 
Verbi  m0  c°  lxxxiii  ,  regni  nostri  anno  quarto.  Astantibus  in  palatio 
nostro  quorum  nomina,  subscripta  sunt  et  signa.  S.  comitis  Théo- 
baudi,  dapiferi  nostri.  S.  Guidonis  buticularii  nostri.  S.  Mathei  ca- 
merarii.  S.  Radulphi  constabularii.  Data  per  manum  Hugonis  can- 
cellarii.  Philippus. 

(D'après  le  Cartulaire  I  de  Fleury  (xvut«  s.),  où  la  copie  a  été  faite 
sur  l'original,  p.  7,  Archives  du  Loiret,) 


XII. 

Le  Poi ,  H  88 ,  la  9e  a.  do  règne  (entre  le  17  avril  et  le  31  oct.).  —  Philippe- 
Auguste  accorde  les  Contâmes  de  Lorris  aux  habitants  de  Nonette. 

In  nomine  sancte  et  individue  Trinitatis,  Amen.  Philippus,  Dei  gra- 
cia Francorum  rex.  Noverint  universi  présentes  pariter  et  futuri  quo- 
niam  universis  apud  Nonetam  (2)  habitantibus  et  habitaturis  conce- 

(1)  Voyez  la  Pièce  justif.,  n°  VI. 

(2)  Nonette,  Puy-de-Dome,  arr.  Issoire,  c*n  Saint-Germain-Lembron. 


536  LES   COUTUMES  DE  LORRIS. 

dirous  easdem  consuetudines  habendas  et  observandas  quas  babent 
et  observant  bomines  nostri  de  Lorriaco.  Quod  ut  in  posterum  ratum 
et  illibatum  permaneat  presentem  cartam  sigilb  nostri  auotoritate  ac 
regii  nominis  karactere  inferius  annotato  precepimus  confirmari.  Ac- 
tum  apud  Podium ,  anno  ab  Incarnatione  Domini  m°  c°  lxxx°  vui°, 
regni  nostri  anno  nono.  Astantibus  in  palacio  nostro  quorum  nomina 
subposita  sunt  et  singna.  S.  comitis  Theobaldi,  dapiferi  nostri.  S.  Gui- 
donis ,  buticularii.  S.  Mathei,  camerarii.  S.  Radulpbi,  constabularii. 
Data  vacante  [Locus  monogrammatù]  cancellaria. 

(D'après  un  vidimus  du  garde  du  sceau  d'Auvergne,  donné  en  juin 
4290,  Arch.  Nat.,  J  1046,  n<>  2.) 


XIII. 

Paris,  1202,  au  mois  de  décembre.  —  Philippe-Auguste  donne  au  prieur  de 
Lorris  une  poterne  sise  près  3aint-Sulpice,  à  Lorris  (Indiqué  par  L.  De- 
lisle,  Calai.,  no  12k). 

Philippus,  Dei  gratia  Francorum  rex.  Noverint  universi  ad  quos 
présentes  litterœ  pervenerint,  quod  nos  concedimus  priori  de  Lor- 
riaco posternam  qu»  est  juxta  S.  Sulpitium  ad  œdificandum  et  ad 
hospitandum ,  ad  opus  monachorum  ibidem  commorantium.  Quod  ut 
perpetuum  robur  obtineat  prœsentem  paginam  sigilli  nostri  auctori- 
tate  confirmamus.  Actum  Parisius  anno  1202,  mense  Xbrf. 

(D'après  le  Cartul.  I  de  Fleury,  p.  169  (xvm«  s.),  Archtoes  du  Loiret.) 


XIV. 

Bourges,  1202,  la  24e  a.  du  règne  (du  1er  nov.  1202  au  5  avr.  1203).  — 
Philippe-Auguste  accorde  aux  habitants  de  Sancoins  le  tarif  des  amendes 
contenues  dans  la  charte  de  Lorris,  et  détermine  les  droits  des  moines  de 
la  Charité-sur-Loire  et  les  siens  sur  les  dits  habitants  (Indlq.  par  Delisle, 
Catal.,  no  733). 

In  nomine  sancte  et  individue  Trinitatis,  Amen.  Philippus,  Dei 
gratia  Francorum  rex.  Noverint  universi  présentes  pariter  et  futuri 
quod  nos  ville  de  Genquonio  (1)  concedimus  quod  bomines  in  ea 
commanentes ,  cum  pertinentiis  ejus ,  sint  ad  usus  et  consuetudines 
Lorriaci  omnium  forifactorum  et  clamorum (2)  exercitiis.  Monachi 

(1)  Sancoins,  Cher,  arr.  Saint-Amand,  ch.-l.  c00. 
v2)  Espace  laissé  en  blanc  dans  le  manuscrit. 


PIECES  JUSTIFICATIVES. 


537 


autem  de  Karitate  habebunt  audientiam  omnium  forifactorum  et  ex- 
plettorum  et  justitiarum  ejusdem  ville,  et  omnia  que  anteain  eadem 
villa  habebant.  Et  prepositus  noster  ipsis  monachis  fidelitatem  faciet. 
Et  homines  ville  illius  nobis  reddent  consuetudines  bladi  et  denario- 
rum  quas  ipsi  hactenus  reddiderunt.  Quod  ut  perpetuum  robur  obti- 
neat,  présentent  paginam  sigilli  nostri  auctoritate  et  regii  nominis 
karactere  inferius 'annotato  confirmamus.  Actum  apud  Bituricas, 
ahno  Domini  millesimo  ducentesimo  secundo,  regni  vero  nostri  anno 
vicesimo  quarto.  Astantibus  in  palatio  nostro  quorum  nomina  suppo- 
sita  sunt  et  signa  :  dapifero  nullo.  Signum  Guidonis  baticularii.  S. 
Matbei  camerarii.  S.  Droconis  constabularii.  Data  vacante  cancellaria 
per  manum  fratris  Germani. 

(D'après  an  vidimus  de  la  prévôté  de  Saocoins,  daté  de  l'an  1302, 
transcrit  dans  la  copie  du  Cartulaire  du  prieuré  de  Paray  (xviu« 
s.),  BibL  Nat,  ms.  lat.  9884,  f°  47  r°-v°.) 


XV. 

Règne  de  Philippe-Auguste,  débat  du  xm*  siècle.  Liste  des  chevaliers , 
veuves ,  nobles  et  valets  de  la  baillie  de  Lorris. 

BALLIVA  LORRIACI. 
Milites. 


Fulco  Boche. 
Henricus  de  Groetian. 
Fulco  de  Machet. 
Guillelmus  de  Ghevillon. 
Henricus  de  Bulli. 
Hato  de  Bordell[is]. 
Rei  Dorin. 

Herveus  de  Rupibus. 
Gaufridus  Joceran. 
Galterus  Dorin. 
Gaufridus  de  Bulli. 
Stephanus  de  Ghacenai. 
Dominus  Hoiaus. 
Jocerannus  de  Bellocampo. 
Pontius  de  A  nia. 
Robertus  de  Monbarrois. 
Hugo  de  Monbarrois. 
Willelmusde  Monleart. 
Anulphus  Breon. 

Revitb  ihst.  —  Tome  VI  Tï. 


Gaufridus  de  Monbarrois. 
Gaufridus  Lumbarz. 
Gaufridus  de  Barvilla. 
Guillelmus,  frater  ejus. 
Guillelmus  de  Parrevilla. 
Odo  de  Gaubertein. 
Paganus  de  Mengricort. 
Arnul  Cord[er]. 
Amauricus  de  Monboseran. 
Petrus  de  Alneto. 
Hugo  Doilon. 
Willelmu8  Serene. 
Robertus  de  la  Broce. 
Odo  de  Aucerre. 
Simo  Serene. 
Guido  de  Aucerre. 
Gaufridus  de  Espineris. 
Gaufridus  de  Auvill[ari]  et  filius 
ejus. 

36 


538 


LES   COUTUMES  DE  LORRIS. 


Reginaldus  de  Tespont  et  filius 

ejus. 
Johannes  de  Montegni. 
Petrus  de  Gratelou. 
Guillelmus  de  Josenvill[ari]. 
Arnul  de  Vil[le]most[er], 
Imbertus  de  Vil[le]most[er]. 
Rei  de  Alto  Bosco. 
Henricus  de  Pruneio. 


Galterus  Mirele. 
Aubertus  de  Pruneio. 
Gaufridus  de  Ghailli. 
Tecelinus  de  Ghastelers. 
Guillelmus  de  Monte  Martis. 
Ansellus  Bullicans. 
Henricus  de  Bois. 
Henricus  de  Buxiis. 


Vidue  ejusdem  ballive. 

Florentia  de  Loisi.  Gila  de  Gauderi. 

Ermensenda  de  Blarete[in].  Adelina  de  Tespont. 

Odierne  de  Chaili.  Uxor  Gilonis  de  Capella. 

Mahauz  Boche.  Uxor  Girardi  Dorin. 

Elisabeth  de  Insula.  Philippa  de  Sanciaco. 


Ansellus  de  Suri. 
Guido  de  Gaudein. 
Hugo  de  Gaudein. 
Arnulphus  Pavo. 
Joscelinus  de  Meso. 


Valleti  ejusdem  ballive. 

Robertus  de  Meso. 

Gilo  Barbelin. 

Gilo  Dairon. 

Rei  Pagani. 

Guido  frater  vicecomitis. 


Willelmus  Godefridus. 
Stephanus  de  la  Broce. 


Milo ,  dominus  Broce. 
Willelmus  Pilus  Cervi. 


(D'après  le  registre  C  de  Philippe-Auguste,  Arch.  Mil.,  Ji  7-8, 
2«  partie ,  f°  VI  v«.) 


XVI. 


Fontainebleau,  1207  (du  le*  nov.  au  5  avril  4208).  —  Philippe- Auguste  s'en- 
gage vis-à-vis  de  Blanche  de  Navarre  à  ne  plus  édifier  de  ville  neuve  sur 
un  territoire  délimité  (Indiq.,  Delisle,  Catal.,  n°  1055). 

Littere  Philippi,  régis  Francorum,  qui  concessit  Blanche,  connusse 
Campante ,  et  Guidoni  Gasteble  et  Henrico  de  Malo  Nido ,  quod  non 
poterit  facere  villam  novam ,  sicut  hic  patet. 

In  nomine  sancte  et  indi vidue  Trinitatis ,  Amen.  Philippus,  Dei 
gracia  Francorum  rex.  Noverint  présentes  pariter  et  futuri  quod  nos 
concessimus  dilectis  et  fidelibus  nostris ,  Blanche ,  comitisse  Cam- 
panie,  Guidoni  Gasteble  et  Henrico  de  Malo  Nido ,  quod  nos  non  po- 
terimus  aliquam  villam  novam  facere ,  neque  societatem  alicujus  ca- 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  539 

père  infra  hos  terminos,  scilicet  :a  Dymonte  (1)  usque  Malleium- 
Regis,  et  inde  usque  ad  Fontes  juxta  Saliniacum,  etinde  usque  ad 
Voisiuas ,  et  inde  usque  ad  Thoreniacum ,  sicut  aqua  Oreuse  usque 
ad  Yonam  exinde;  exceptis  tamen  illis  que  ibi  erant  ea  die  quapre- 
sens  carta  fuit  facta.  Volumus  autem  et  pagina  presenti  decernimus 
ut  carta  illa,  quam  canonici  Senonenses  a  nobis  habent  super  socie- 
tatem  de  Thoreniaco,  nullius  de  cetero  valons  sit  aut  momenti.  Heo 
autem  supradicta  ipsis  et  eorum  heredibus  concedimus,  salvojure 
alieno,  et  salvo  jure  nostro  quod  babemus  in  villis  capitulorum  et 
ecclesiarum,  ratione  legalium  :  propter  hoc  autem  ipsi  dederunt  nobis 
mille  libràs  Parisiensis  monete. 

Quod  ut  ratum ,  etc.  Actum  apud  Fontem  Bliaudi ,  anno  m°cc* 
septimo,  etc. 

(D'après  le  Cartul.  3  de  Champagne,  BibL  nat.,  ms.  lat.    5992, 
fo  47  v«.) 


XVII. 

Sainte-Ménehonld ,  1208,  octobre.  —  Blanche,  comtesse  de  Champagne, 
donne  des  franchises  aux  habitants  de  la  ville  neuve  fondée  par  elle  et 
l'abbé  de  Saint-Remi  de  Reims  à  Villiers-en-Argonne. 

Ego,  Blancha,  comitissa  Trecensis  palatina,  notum  facio  prœsenti- 
bus  et  futuris  quod  ego  et  abbas  et  conventus  Sancti  Remigii  Remen- 
sis,  apud  Vilers  super  Aisniam,  villam  novam  constituantes,  omnibus 
in  eadem  villa  manentibus  etmansuris  hancconcessimus  in  perpetuum 
libertatem ,  quœ  in  presenti  carta  plenissime  continetur. 

1.  Quicumque  terram  excolet  proprio  animali  duos  solidos  et  unum 
sextarium  avenœ  michi  et  proedictis  abbati  et  conventui  annuatim 
solvet  in  festo  sancti  Remigii. 

2.  Qui  vero  propriis  manibus ,  tantum  duos  solidos  dabit. 

3.  Pro  simplici  emenda  dabunt  duodecim  denarios  ;  pro  sanguine 
XV  solidos. 

4.  Furtum,  raptum,  bomicidium ,  et  multrum  in  manu  nostra  reser- 
vamus. 

5.  Pro  duello  firmato  uterque  XII  denarios  dabit  ;  si  sanguis  fusus 
fuit,  XV  solidos;  si  duellum  victum  fuit,  victus  solvet  IX  libras. 

6.  Exercitum  et  calvacbiam  meam  etiam  facient ,  si  ego  vel  aliquis 
de  domo  proesens  fuit,  item  tamen  quod  Maternam  non  transibunt. 

7.  Quatuor  jurati  in  villa  erunt  qui  jura  nostra  et  villes  conserva- 
bunt. 

(1)  Voir,  pour  l'identification  des  noms  de  lieu,  p.  83. 


540  LES   COUTUMES   DE   LORRIS. 

8.  Et  ego  et  prœdicti  abbas  et  conventus  majorem  nostrum  ad  vo- 
luntatem  nostram  in  villa  ponemus. 

9.  Si  miscla  in  villa  forte  facta  fuerit,  qui  inde  accusatus  fuit,  se 
tertio  se  purgabit.  Si  unus  juratorum  misclam  viderit  non  poterit  se 
purgare. 

10.  Quicumque  ibi  domum  fecerit,  eam  vendere  poterit  sine  des- 
tructione;  si  vero  eam  locare  voluerit,  locare  poterit;  si  eam  manu- 
tenuit,  licet  alibi  maneat. 

11.  Quicumque  ibidem  mansurus  advenerit,  et  illinc  recedere  vo- 
luerit, conductum  habebit  per  undecim  dies. 

Ut  autem  h®c  libertas  et  hae  consuetudines  in  posterum  firmiter 
observentur,  in  confirmationem  et  testimonium  prœdictorum  pnesen- 
tem  cartam  fieri  volui ,  et  sigilli  mei  muni  mine  roborari.  Actum  apud 
S.  Menold,  anno  incarnati  Verbi  millesimo  ducentesimo  octavo,  mense 
octobri.  Datum  vacante  cancellaria. 

(D'après  un  placard  imprimé,  Bibl.  Nat.,  Collection  de  Champagne, 
vol.  136,  p.  244.) 

XVIII. 

Viterbe,  1209,  30  mai.  —  Bulle  d'Innocent  III  confirmative  de  l'accord  in- 
tervenu entre  l'abbaye  de  Saint-Benott-sur-Loire  et  l'archevêque  de  Sens , 
Guillaume ,  au  sujet  de  leurs  droits  sur  l'église  de  Lorris. 

Innocentius,  episcopus  servus  servorum  Dei,  dilectis  filiis,  abbati 

et  conventui  Sancti  Benedicti  Floriacensis ,  salutem  et  apostolicam 

benedictionem.  Solet  annuere  Sedes  Apostolica  piis  votis,  etbonestis 

petentium  precibus  favorem  benevolum  impertiri.  Eapropter,  dilecti  in 

Domino  filii,  vestris  justis  postulationibus  grato  concurrentes  assensu, 

compositionem  inter  vos  ex  parte  una,  et  bons  mémorise  W.  (1)  arcbie- 

piscopum  et  capitulum  Senonense  ex  altéra,  super  ecclesia  de  Loriaco 

initam ,  et  scriptis  autenticis  roboratam ,  sicut  sine  pravitate  provide 

facta  est,  et  ab  utraque  parte  sponte  recepta,  et  in  eisdem  autenticis 

plenius  continetur,  autoritate  apostolica  confirmamus  et  prœsentis 

scripti  patrocinio  communimus.  Nulli  ergo  omnino  hominum  liceat 

hanc  paginam  nostrae  confirmationis  infringere,  vel  ei  au  su  temerario 

contraire.  Si  quis  autem  hoc  attentare  prœsumpserit  indignationem 

omnipotentis  Dei  et  beatorum  Pétri  et  Pauli  apostolorum  ejus  se  no- 

verit  incursurum.  Datum  Viterbii,  111°  kal.  Junii ,  et  Pontificatus  no- 

s  tri  anno  duodecimo. 

(D'après  le  Cartulaire  I  de  Fleury,  p.  50,  pièce  n°  68  (xvin*  s.),  Ar- 
chives  du  Loiret.) 

(1)  Willelmus.  Guillaume  de  Champagne. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  541 


XIX. 

Paris,  1224,  la  1"  a.  du  règne.  —  Louis  VIII  déclare  que  l'abbaye  de  Fer- 
rières  n'avait  pas  le  droit  de  construire,  comme  elle  l'a  fait,  des  halles  à 
Puiseaux. 

In  nomine  sancte  et  individue  Trinitatis ,  Amen.  Ludovicus ,  Dei 
gracia  Francorum  rex.  Noverint  universi  présentes  pariter  et  futuri 
quod,  cum  esset  contencio  inter  ecclesiam  Sancti  Victoris  Parisiensis 
ex  una  parte  et  ecclesiam  Ferrariensis  ex  altéra  coram  nobis  super 
quibusdam  balis  quas  abbas  Ferrariensis  edificaverat  in  terra  sua , 
aita  Puteolis  in  Gastinesio,  partibus  coram  nobis  in  jure  constitutis 
et  jus  sibi  dici  postulantibus ,  judicatum  est  quod  baie  ille,  quas  dic- 
tus  abbas  edificaverat,  de  jure  cadere  debebant,  et  quod  nul  lus  pote- 
rat  in  terra  illa  de  Puteolis  vendere  in  die  mercati  nec  in  fenestras , 
nec  in  alio  loco  ;  in  aliis  vero  diebus  poterat  qui  volebat  vendere  in 
fenestris  tantummodo  et  non  alibi.  Quod  ut  perpétue  stabilitatis  robur 
obtineat,  presentem  paginam  sigilli  nostri  auctoritate  et  regii  nominis 
karactere  inferius  anottato  confirmamus.  Actum  Parisius,  anno  Domi- 
nice  Incarnacionis  m0  cc°  visesimo  quarto,  regni  vero  nostri  anno 
primo.  Astantibus  in  palacio  nostro  quorum  nomina  supposita  sunt 
et  signa  :  Dapifero  nullo.  Signum  Roberti ,  buticularii.  S.  Bartho- 
lomei,  camerarii.  S.  Mathei,  constabularii.  Dataper  manum  Guarini, 
Silvanectensis  episcopi ,  cancellarii. 

(D'après  le  Car tulaire  de  Puiseaux  (xv«  s.),  Arch.  Nat.,  S  2150,  n°  14, 
pièce  cotée  C.) 


xx. 

Vidimus  du  garde  du  sceau  de  la  chftteUenie  de  Bray-sur-Seine  en  date  du 
19  avril  1408,  contenant  des  Lettres  de  Charles  VI  (à  Paris,  mai  1402) ,  et 
une  charte  de  Thibaud  V,  comte  de  Champagne  (à  Troyes ,  le  9  avril  1269- 
1270),  toutes  deux  confirmant  les  Coutumes  accordées  par  Héloïse ,  dame 
de  Chaumont,  et  Pierre  des  Barres,  son  fils,  à  leurs  hommes  de  Chaumont, 
Villemanoche  et  autres  lieux  voisins,  par  lettres  passées  devant  l'officialité 
de  Sens,  le  29  mars  1247  (1248,  n.  st.).  (Archives  de  ?  Yonne,  E  636.) 

Une  copie  contemporaine,  sur  parchemin,  des  lettres  de  l'official  de  Sens,  du 
29  mars  1247-1248,  se  trouve  aux  Arch.  Nat.,  J  203,  n°  56.  Cette  pièce 
ne  porte  aucune  trace  de  sceau  :  ce  qui  nous  empêche  d'y  reconnaître 
avec  M.  Teulet  un  original  (  Layettes  du  Trésor,  n»  3642,  t.  III ,  p.  23  ). 
Cette  copie  est  très  mutilée;  toutefois  elle  permet  de  rétablir  dans  les  let- 
tres de  l'official  l'orthographe  du  xm«  siècle,  que  n'a  pas  toujours  respecté 
le  vidimus ,  que  je  transcris  ici. 


S42  LES   COUTUMES   DE   LORRIS. 

On  trouve  encore  aux  Archives  de  l'Yonne,  E  636,  un  vidimus  da  garde  des 
sceaux  de  la  châtellenie  de  Bray-sur-Seine,  daté  da  4  février  1511,  et  con- 
tenant la  môme  charte  de  Coutumes,  mais  rédigée  au  nom  d'Héloïse  et  de 
Pierre,  en  février  1247  (1248,  n.  st.)  et  donnée  sous  le  sceau  de  Pierre 
des  Barres  ainsi  décrit  dans  le  vidimus  :  «  Scellées  en  double  queue  de 
parchemin  d'un  grant  seel  et  contre-seel  en  cyre  jaune  ouquel  seel  estoit 
emprint  tout  environ  de  l'escripture  bien  encienne ,  et  ung  escu  tout  plain 
de  lozenges,  les  unes  basses  et  les  autres  eslevées,  et  par  dessus  une  barre 
en  travers  garnye  de  trois  lembeaulx  ;  et  ou  dit  contreseel  ung  escusson 
ouquel  avoit  une  croix  emprinte  renversée  par  les  quatre  boutz.  » 

A  tous  ceulx  qui  ces  présentes  lettres  verront,  Giles  Chauen,  garde 
de  par  le  Roy  de  Naveire ,  duc  de  Nemor,  du  seel  de  la  chastellerie 
de  Bray-sur-Seine,  Salut.  Sachent  tuit  que  l'an  de  grâce  Nostre  Sei- 
gneur mil  quatre  cens  et  huit,  le  jeudi  dix  et  neuf  jours  du  mois  d'a- 
vril après  Pasques,  Jehan  Billaust,  clerc,  commis  juré,  substitut  et 
establi  pour  et  en  absence  de  Jehan  Garnier,  clerc,  tabellion  juré  et 
establi  en  la  dicte  chastellerie  par  le  dit  seigneur,  tint,  vit  et  diligem- 
ment lut  de  mot  à  mot ,  unes  lettres  seines  et  entières  de  seel  et  d'es- 
cripture,  seelées  en  corde  de  soye ,  de  cire  vert,  du  seel  du  roy,  nos- 
tre sire ,  si  comme  l'inspection  d'icelles  le  tesmoigne ,  laquelle  est  tele 
et  s'ensuit. 

Karolus ,  Dei  gracia  Francorum  rex.  Notum  facimus  universis  tam 
presentibus  quam  futuris  nos  vidisse  litteras  formam  que  sequitur 
continentes  : 

Nos,  Theobaldus,  Dei  gracia  rex  Navarre,  Campanie  ac  Brie  cornes 
palatinus ,  notum  facimus  universis  présentes  litteras  inspecturis,  ta- 
ies litteras  infrascriptas  non  viciatas ,  non  corruptas  vidisse ,  et  de 
verbo  ad  verbum  legisse  sub  hac  forma  que  sequitur  : 

Omnibus  présentes  litteras  inspecturis,  magister  Odo,  officialis 
curie  Senonensis,  salutem  in  Domino.  Notum  facimus  nos  litteras  in" 
ferius  annotatas  vidisse  in  hec  verba  ; 

Omnibus  (1)  présentes  litteras  inspecturis,  magister  Petrus,  offi- 
cialis curie  Senonensis ,  salutem  in  Domino.  Notum  facimus  quod  co- 
ram  mandato  nostro,  videlicet  coram  magistro  Adam  de  Gressîo, 
clerico  jurato  curie  Senonensis ,  ad  hoc  audiendum  a  nobis  loco  nos- 
tri  specialiter  destinato,  constituti  nobilis  mulier  Heluysis,  domina 
Calvimontis  (2)  et  Petrus  de  Barris,  miles,  filius  ejus,  recognoverunt  : 

1.  Quod  ipai  quitaverant  imperpetuum  omnes  hommes  suos  ab 
omni  servitute  corporis ,  et  a  qualibet  alia  exactione ,  videlicet  tallie , 

(1)  Je  rétablis  l'orthographe  primitive  de  cette  charte  d'après  la  copie  con- 
temporaine aux  Arch.  Nat.,3  203,  n°  56. 

(2)  Chaumoni-tur-YonM ,  Yonne,  arr.  Sens,  c°»  Pont-sur- Yonne. 


PIECES  JUSTIFICATIVES.  543 

ablationis ,  roge  et  corveie ,  ita  videlicet  quod  quilibet  dictorum  ho- 
minum  tenebitur  reddere  annuatim,  ubicumque  eat  vel  maneat,  duo- 
decîm  denarios  turonensium ,  ratione  dicte  libertatis ,  ipsis  et  heredi- 
bus  suis  vel  eorum  mandato  in  crastino  Omnium  Sanctorum,  videlicet 
homines  de  Villamanesche  (4)  cum  pertinentiis  usque  ad  Senones, 
scilicet  de  Pontibus  (2)  et  de  Gisiaco  (3),  apud  Villammannesche,  et 
homines  de  Capella  (4)  et  de  Gampigniaco  (5) ,  de  Villa  nova  Guiar- 
di  (6)  et  de  Villa  Biovain  (7)  usque  ad  Moretum  (8)  tam  ci  tram  Yonam 
quam  ultra  commorantes  et  homines  de  Calvomonte  cum  pertinentiis 
apud  Galvummontem,  ac  homines  de  Dyante  (9)  apud  Dyantem. 

2.  Preterea  heredes  singuli  dictorum  hominum  qui  erunt  extra  ad- 
voeriam,  tutelam  seu  curationem,  sive  sint  cubantes  in  terra  dictorum 
Heluysis  Pétri  et  heredum  suorum,  sive  extra,  tenebuntur  reddere 
dictos  duodecim  denarios  turonensium,  ratione  dicte  libertatis,  ad 
dictum  diem  in  locis  predictis. 

3.  Poterunt  etiam  dicti  homines  maritare  filios  suos  et  filias  suas, 
ubicumque  et  cum  quibuscumque  voluerint',  verumptamen,  ubicum- 
que ibunt  vel  manebunt,  tenebuntur  reddere,  ut  dictum  est,  dictos 
duodecim  denarios  turonensium,  pro  dicta  libertate,  ipsis  seuheredi- 
bus  eorum  aut  mandato  suo. 

4.  Si  vero  ad  dictum  terminum  dictos  duodecim  denarios  non  redde- 
rent,  quilibet  ipsorum  deficiens  in  solutione ,  ut  dictum  est,  facienda, 
teneretur  reddere  quinque  solidos  turonensium  pro  emenda. 

5.  Si  autem  facere  voluerint  de  filiis  suis  clericos,  poterunt  hoc 
facere  sine  licentia  dictorum  Heluysis  et  Pétri  seu  heredum  suorum; 
ita  tamen  quod  si  clericus  ad  maritagium  récurrent,  vel  clericalem 
habitum  deposuerit,  tenebitur  similiter  ad  solutionem  dictorum  duo- 
decim denariorum  ad  terminum  supradictum. 

6.  Goncesserunt  etiam  dictis  hominibus  suis  quod  forefacta  sexa- 
ginta  solidorum  venient  ad  quinque  solidos  turonensium ,  et  forefacta 
quinque  solidorum  ad  duodecim  denarios  turonensium;  et  clamor 
prepositi  ad  quatuor  denarios  turonensium. 

7.  Si  vero  de  legitimis  hominibus  duellum  factum  fuerit ,  obsides 
devicti  centum  et  duodecim  solidos  turonensium  persolvent. 

(1)  Vtilmanoche,  même  canton. 

(2)  Poaf-fur- Yonne ,  arr.  Sens ,  ch.-l.  con. 

(3)  Gity ,  c0"  Pont-sur-Yonne. 

(4)  La  Chapelle,  même  con,  hameau  de  la  commune  de  Champigoy. 

(5)  Champigny ,  même  c°». 

(6)  Villeneuve-4a-&uyard ,  même  c°». 

(7)  Villeblevin,  même  con. 

(8)  Moret,  Seine-et-Marne,  arr.  Fontainebleau,  ch.-l.  con. 

(9)  Diant,  arr.  Fontainebleau,  c°n  Lorrez-le-Bocage. 


544  LES   COUTUMES  DE  LORRIS. 

8.  Si  autem  aliquis  equos  vel  aaimalia  dictorum  hominum  in  oe- 
moribus  dictorum  Heluysis,  Pétri  et  heredum  suorum  invenerit,  non 
débet  ea  ducere  nisi  ad  prepositum  ipsorum;  et,  si  aliquod  animal ,  a 
tauris  fugatum  vel  a  muscis  coactum ,  intraverit  boscum  suum ,  ni- 
chil  ideo  debebit  emendare  ille  cujus  animal  fuerit,  si  custos  ejusdem 
animalis  poterit  jurare,  quod ,  custode  invito,  illum  intrasset;  sed  si, 
aliquo  custodiente  scienter,  illud  inventum  fuerit,  quatuor  denarios 
turonensium  pro  illo  debebit  et  pro  unaquaque  ove  unum  denarium 
turonensium;  si  vero  plura  fuerint  animalia  ibi  inventa,  quatuor 
denarios  turonensium  reddet  ille,  cujus  eadem  erunt  animalia  pro 
unoquoque  animali. 

9.  Dicti  quoque  bomines  communi  assensu  eligent  messores  ad 
custodiendum  fructus  et  exitus  suos  ac  bona  ipsorum  ;  qui  messores 
dicte  Heluysi  et  Petro  et  heredibus  suis ,  seu  preposito  ipsorum ,  ju- 
rabunt  quod  dictos  fructus ,  exitus  et  bona  fideliter  conservabunt,  et 
quod  omnia  forefacta ,  de  quibus  debebit  emenda  haberi ,  dicto  pre- 
posito revelabunt  et  capciones  ei  adducent. 

10.  Si  vero  non  placuerit  eis  eligere  messores  nec  habere,  îpsi 
jurabunt  eisdem  Heluysi,  Petro  et  heredibus  suis  ,  seu  preposito  ip- 
sorum, quod  alter  alterius  fructus  et  bona  fideliter  servabit,  et  fore- 
facta suo  preposito  revelabit,  et  captiones  ei  adducet,  sicut  est  pre- 
dictum. 

11.  Si  vero  contigerit  quod  forefactum  ad  prepositum  devenerit, 
prepositus  faciet  1111 ,  cujus  forefactum  fuerit ,  dampnum  suum  restau- 
rare;  et,  si  forefactum  ad  prepositum  non  pertineat,  messores  ad 
illum,  cujus  dampnum  fuerit,  gagia  reportabunt;  et  ille  messoribus 
messeriam  suam  reddet,  videlicet  unum  denarium  turonensem  pro 
messeria. 

12.  Nullus  dictorum  hominum  in  expeditionem  vel  equitationem 
seu  citationem  ire  tenebitur  quin  ad  domum  suam ,  si  voluerit ,  redeat 
ipsa  die.  Si  autem  amplius  pernoctare  vel  amplius  moram  facere 
quemquam  contigerit ,  ipsi  Heluysis ,  Petrus  et  heredes  eorum  tene- 
buntur  ipsum  rationabiliter  procurare. 

13.  Quilibet  dictorum  hominum  tenebitur  habere  armaturam  se- 
cundum  possibilitatem  suam. 

14.  Dicti  hommes  pascua  in  nemoribus  dictorum  Heluysis ,  Pétri 
et  heredum  suorum  habebunt ,  post  quintum  folium ,  ad  oves ,  ani- 
malia et  equos  suos. 

15.  Nullus  dictorum  hominum ,  legitimus  seu  fidelis ,  captus  tene- 
bitur, si  plegium  veniendi  ad  jus  dare  potuerit. 

16.  Si  quis  dictorum  hominum  pro  debito  seu  forefacto  ipsorum 
Heluysis,  Pétri  seu  heredum  suorum  detentus  fuerit,  ille  pro  cujus 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  843 

debito  seu  forefacto  detentus  fuerit,  cum  suis  sumptibus  tenebitur 
eum  servare  indempnem. 

17.  Si  quis  dictorum  hominum  detentus  fuerit  pro  suo  debito  vel 
forefacto ,  dicti  Heluysis ,  Petrus  et  heredes  ipsorum  tenebuntur  eum 
liberare  cum  sumptibus  ejus  qui  debuerit  debitum  seu  commiserit 
forefactum. 

18.  lpsi  etiam  Heluysis  et  Petrus  et  heredes  sui  tenentur,  et  jura- 
mento  sollempniter  prestito ,  promiserunt  se  servaturos  inviolabiliter 
omnia  et  singula  supradicta ,  heredesque  et  successores  suos  ad  ea 
omnia  imperpetum  observanda  obligarunt,  et  esse  voluerunt  obli- 
gatos. 

19.  Voluerunt  etiam  quod ,  quotiens  alter  ipsorum  et  heredum  su- 
or  um,  unus  post  alium,  successerit;  et  etiam  prepositi  sui  et  heredum 
suorum,  quotiens  mutabuntur,  jurent  se  fideliter  servaturos  omnes 
dictas  consuetudines  cum  omnibus  et  singulis  prenotatis. 

20.  Nobilis  siquidem  mulier,  Aalidis ,  uxor  dicti  Pétri  de  Barris  > 
et  Guillelmus  ac  Guido ,  liberi  eorum ,  coram  mandato  nostro  predicta 
omnia  et  singula  concesserunt  spontanei ,  et  juramento  sollempniter 
prestito  promiserunt  se  ea  omnia  firmiter  et  fideliter  servaturos.  Ita 
quod  dicti  liberi  renunciaverunt  exception!  minons  etatis ,  beneficio 
restitutionis  in  integrum ,  et  exceptioni  que  posset  obici  pro  eo  quod 
tune  temporis  essent  in  advoeria  seu  tutela. 

21.  Prefata  quoque  Aalidis  renunciavit  expresse  exceptioni,  si  que 
posset  in  posterum  ei  competere,  ratione  dotis,  hereditatis,  conques- 
tus ,  sive  pro  eoquod  non  habebat  per  hoc  commutationem  alterius  rei. 

22.  Promiserunt  etiam  et  tenentur  dicti  Heluysis  et  Petrus  cum 
sumptibus  suis  perquirere  et  dare  dictis  hominibus  litteras  domini 
régis  Navarre  sigillo  ipsius  sigillatas,  continentes  quod  idem  domi- 
nus  rex  gratas  habet  et  acceptas  conventiones  has ,  quantum  ad  ea 
que  movent  de  feodo  ejusdem  domini  régis;  seque  supposuerunt, 
quantum  ad  predicta,  sepedicti  Heluysis  et  Petrus,  Aalidis,  Guillel- 
mus et  Guido  juridictioni  curie  Senonensis. 

In  eu  jus  rei  testimonium  presentibus  litteris,  ad  petitionem  ipsorum 
Heluysis,  Pétri,  Aalidis,  Guillelmi  et  Guidonis,  sigillum  curie  Seno- 
nensis duximus  apponendum.  Actum  apud  Calvummontem ,  coram 
dicto  mandato  nostro,  anno  Domini  millesimo  ducentesimo  quadrage- 
simo  septimo,  mense  Martio,  dominica  qua  cantatur  Letare  Jéru- 
salem. 

Quod  autem  in  dictis  litteris  vidimus  contineri,  de  verbo  ad  verbum 
transcribi  fecimus  et  sigillo  curie  Senonensis  sigillari.  Datum  anno 
Domini  millesimo  ducentesimo  quinquagesimo  septimo,  mense  Au- 
gusti. 


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LES   COUTUMES   DE  LORRlS  - 

>m  aiiquis  equos  vel  animaiia  dicto*"^* 
Lorum  Heluysis ,  Pétri  et  heredum  s  ^~ 
sere  nisi  ad  prepositum  ipsorum;  et. 


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um  vel  a  muscis  coactum,  intraverit     ***■*_    ~\ 

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>diente  scienter,  iliud  inventum  fuerî*t 

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im  fructus  et  exitus  suos  ac  bona  ?      -^ 

si  et  Petro  et  heredibus  suis,  sei| 

i  dictos  fructus,  exitus  et  bona  '\rf % 

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ero  contigerit  quod  fon  g  \  \  >  } 
Faciet  illi ,  cujus  forefac1  ;  \  \  > 
i  forefactum  ad  prepr;   \  '*  * 
i  dampnum  faerit,  çÀ    jk 
suam  reddet,  videl'H 

us  dictorum  homi  ^  V* 

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em  ire  tenebitur 
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i'iginal. 
>  disparu.) 

ies  Archives  de  l'Yonne,  E  636.  ) 


contigerit ,  ips  f 
m  rationabilit,  > 

ibet  dictorup,  ■" 
(sibilitatem  r 

homines  j 

suorum  7  XXI. 

ios  suos 

s  dicto      jppe*  ^  de  FraQce.  fixe  les  conditions  requise* 

çium       Jif ia  boureeoisie  royale  à  Nonette. 

18  .di      ^  de  DieQ  r°y  de  Ffaûce,  a  touz  ceus  qui  **• 
Jtn   /$**'  sa,ut'  Sachent  tuit  que  nous  voulons  et 


/' 


FSTIPICATIVES. 

~>oz  successeurs,  que  tuit  cil  qu 
"tel  de  Nonneite  et  des  a 
m  qui  a 'en  suie  ut. 
'"  ou  des  aparter 


4eui 


*«»•-       No- 


tant i 

^_  "^«f  .ndises 

,,_^  -  __r~^^3  UB  VOUlOl 

-^H^^^*  «fe-**"  1»  jour  desi 

"**«^y  jideuceen  saj 

.^^>.  bourgois;  et  vc 

^^%-,_   "*■  résidence  ou  dit  li 

*  mesniee  de  la  Toux 

iuz  avec  tout  ce  de  pa 
je  paier  au  dit  chas  tel, 
qui  est  desus  dit,  nous  li 
coustumes  et  les  franchises 
.usité,  ensamble  ou  toutes  les 
as  ou  noz  devanciers  avons  OtTO 
ù  ;  et  assouvies  les  choses  desus  dit 
.□us  melons  eus  et  chascun  d'eus  e 
.1  d'eus  en  nostre  garde  et  en  uostre  prot 
en  l'an  de  grâce ,  le  jeudi  empres  la  Saint 
-»a.tre  vins  et  dis. 
t'Va.  per  maaum  Philîpi  Oarempo  burgensis  I 

k>rèa  l'original,  sur  parchemin,  scellé  sur  simple  queue 
jaune,  Archiva  «ationaiei,  J  1040,  a"  3  bit.) 


XXII. 


les  villes  de  U  bai 
chevalerie  &  l'ég 


auete  de  la  Chambre  des  Comptes  sur  le 

w    —   .  „  prétendaient  exemptes  de  l'aide  de  la 

nt  les  villes  de  la  hailiie  de  Sens  qui  se  dieat  franches 


/<■> 


^onais  de  cette  enquête  deux  textes  peu  différents  :  le  preu 
ie  faite  au  xvm*  eiècls  avant  l'incendie  de  la  Chambre  des  Ce 
d'après  le  reg.  Pattr,  I"  19S,  et  contenue  dans  un  reg.  de  1s  Bibl 


546  LES   COUTUMES  DE   LORRIS. 

Nos  vero ,  libertatem  concessam  de  Galvomonte  et  de  pertinenciis 
ejusdem  ville,  necnon  et  de  Villablovain  et  de  pertinentiis  ejusdem 
ville,  volumus,  laudamus  et  approbamus.  Et,  in  testimonium  premis- 
sorum,  presentibus  litteris  sigillum  nostrum  duximus  apponendum. 
Datum  per  nos  Trecis,  die  Mercurii  ante  Resurrectionem  Domini, 
anno  Domini  millesimo  ducentesimo  sexagesimo  nono. 

Quas  quidem  litteras,  ac  omnia  et  singula  in  eisdem  contenta,  ratas 
et  gratas  habentes  eas  et  ea  volumus,  laudamus,  approbamus;  et 
tenore  presentium  de  speciali  gracia,  inquantum  homines  ville  de 
Calvomonte  et  de  pertinenciis  ejusdem,  et  de  Villablovain  et  de  per- 
tinenciis ejusdem  ville,  de  quibus  in  ipsis  litteris  fit  mentio,  usi  sunt 
débite,  confirmamus.  Mandantes  baillivo  nostro  Meldensi  ceterisque 
justiciariis,  ofiiciariis  nostris  presentibus  et  futuris,  vel  eorum  loca- 
tenentibus,  et  eorum  cuilibet,  proutad  eum  pertinuerit,  quatinus  dictos 
homines  nostra  presenti  gracia  et  confirmacione  uti  et  gaudere  paci- 
fiée faciant  et  permittant,  ipsos  in  contrarium  nullatenus  molestando 
seu  molestari  permittendo.  Quod  ut  firmum  et  stabile  permaneat  in 
futurum,  sigillum  nostrum  presentibus  litteris  duximus  apponendum, 
salvo  in  aliis  jure  nostro  et  in  omnibus  quolibet  alieno.  Datum  Pari- 
sius,  mense  Maii,  anno  Domini  millesimo  cccc0  secundo,  et  regni 
nostri  XXIIdo. 

Et  estoient  ainsin  signées  sur  la  marge  :  Per  regem  ad  relacionem 
consilii.  Mauloue.  Gollatio  facta  est.  Visa  contentor  Frérou. 

En  tesmoin  de  laquelle  chose,  nous,  Giles  Chauen,  garde  devant 
dénommé  par  le  rapport,  signet  et  seing  manuel  dudit  juré,  avons 
scellé  ce  présent  transcript  en  vidimus  du  seel  et  contreseel  de  la 
dicte  chastellerie  de  Bray .  Ce  fut  fait  l'an,  mois  et  jour  devant  diz. 

Billaust. 

Sur  le  repli  :  Gollacion  fut  faicte  à  l'original. 
(Le  sceau  de  la  châtellenie  de  Bray  a  disparu.) 

(D'après  les  Archives  de  l'Yonne,  E  636.) 


XXI. 

1290, 29  juin.  —  Philippe,  roi  de  France,  fixe  les  conditions  requises 
pour  acquérir  la  bourgeoisie  royale  à  Nonette. 

Ph[elipes],  par  la  grâce  de  Dieu  roy  de  France,  a  touz  ceus  qui  ver- 
ront ces  présentes  leitres ,  salut.  Sachent  tuit  que  nous  voulons  et 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  547 

otroions  pour  nous  et  pour  touz  noz  successeurs,  que  tuit  cil  qui  sont 
et  qui  seront  bourgois  de  nostre  chastel  de  Nonneite  et  des  aparte- 
nances, qu'il  soient  tenuz  de  faire  les  choses  qui  s'ensuient. 

Premièrement,  que  chascun  bourgois  dudit  lieu  ou  des  apartenances 
soit  tenuz  d'avoir  maison  ou  dit  chastel  ou  es  apartenances ,  en  la 
quele  maison  nous  et  noz  successeurs  puissons  prandre  sis  deniers  de 
rente  chascun  an  a  touzjours  mes  ;  et  voulons  que  chascun  des  diz 
bourgois  soit  tenuz  de  faire  résidence  au  commancement  de  sa  bour- 
goisie  ou  dit  chastel  ou  es  apartenances  un  an  et  un  jour  tant  seule- 
ment. Et,  se  il  avenoit  que  il  eust  a  faire  en  marcheandises  ou  en 
autres  besongnes  dedans  Tan  et  le  jour  desus  diz ,  nous  voulons  que 
sa  mesniee  face  résidence  pour  lui  au  dit  lieu  Tan  et  le  jour  desus  diz, 
et  que  autant  li  vaille  comme  se  il  avoit  faite  sa  résidence  en  sa  propre 
personne,  et  ausi  bien  soit  tenuz  pour  nostre  bourgois;  et  voulons 
encores  que  il  soit  tenuz  chascun  an  de  faire  résidence  ou  dit  lieu  ou 
es  apartenances  par  lui  ou  par  aucun  de  sa  mesniee  de  la  Touz  Sains 
jusques  a  la  Chandeleur;  et  qu'il  soit  tenuz  avec  tout  ce  de  paier  les 
autres  choses  qui  sont  acoustumées  de  paier  au  dit  chastel,  c'est 
asavoir  guet  et  maneuvre;  et  ce  fait  qui  est  desus  dit,  nous  li  don- 
nons, otroions  et  conformons  les  coustumes  et  les  franchises  de  la 
bourgoisie  du  dit  chastel  de  Nonneite,  ensamble  ou  toutes  les  cous- 
tumes et  les  franchises  que  nous  ou  noz  devanciers  avons  otroiées  a 
la  ville  de  Lorrez  en  Gastinaz;  et  assouvies  les  choses  desus  dites  par 
les  bourgois  desus  diz ,  nous  metons  eus  et  chascun  d'eus  et  touz 
leurs  biens  et  de  chascun  d'eus  en  nostre  garde  et  en  nostre  protection 
et  deffense.  Ce  fu  fait  en  l'an  de  grâce ,  le  jeudi  empres  la  Saint  Jehan 
Bap[tiste]  mil  ce  quatre  vinz  et  dis. 

Au  dos  :  Recepta  per  manum  Philipi  Garempo  burgensis  Briva- 
tensis. 

(D'après  l'original,  sur  parchemin,  scellé  sur  simple  queue  et  cire 
jaune ,  Archives  Nationales,  J  1046,  n°  3  bis.) 


XXII. 

1314.  —  Enquête  de  la  Chambre  des  Comptes  sur  les  villes  de  la  baillie  de 
Sens  qui  se  prétendaient  exemptes  de  l'aide  de  la  chevalerie  à  l'égard  du 
roi  (1). 

Ce  sont  les  villes  de  la  baillie  de  Sens  qui  se  dient  franches  de  la 

(1)  Je  connais  de  cette  enquête  deux  textes  peu  différents  :  le  premier  est 
une  copie  faite  au  xvm*  siècle  avant  l'incendie  de  la  Chambre  des  Comptes 
(1731),  d'après  le  reg.  Pater,  f°  196,  et  contenue  dans  un  reg.  de  la  Bibl.  Nat.t 


548  LES  COUTUMES  DE  LORRIS. 

subvention  de  la  chevalerie  le  Roy.  Et  y  sont  contenues  les  clauses  (l) 
de  leurs  privilèges  qui  peuvent  (2)  faire  à  leur  entention. 

Et  est  assavoir  : 

Que  le  roy  Philîppes  (3),  qui  mourut  (4)  en  Arragon ,  fut  faict  (5) 
chevalier  Tan  mil  deux  cens  soixante  sept  à  la  feste  de  la  Pentecoste  ; 
et  le  Roy,  qui  règne  présentement  (6),  à  la  my-aoust  l'an  mil  deux 
cens  (7)  quatre  vingt  et  quatre  ;  et  le  roy  Louis  de  Navarre  (8)  à  la 
Penthecoste  Tan  mil  trois  cens  treize,  et  ses  deux  frères,  scavoir  Phi- 
lippes  comte  de  Poictiers  et  Charles  comte  de  la  Marche. 

Sens  a  telle  clause  en  son  privilège  :  Volumus  etiam  quod  Domi- 
nes communias  liberi  permaneant  ab  omnibus  tailliis  (9)  et  tollis  (10) 
salvo  servitio  (il)  exercitus  et  equitationis  nostrae  (12). 

Et  s'est  trouvé  (13)  par  le  compte  (14)  de  la  baillie  de  Sens  l'an 

ms.  lat.  9045,  f°  258  v°,  f>  259  r°.  Cette  enquête  a  été  faite  sous  Philippe  le 
Bel  lorsqu'on  réclama  le  paiement  de  l'aide  de  la  chevalerie  des  fils  du  roi  : 
Louis  de  Navarre,  Philippe,  comte  de  Poitiers,  Charles,  comte  de  la  Marche, 
faits  chevaliers  à  la  Pentecôte  1313.  L'autre  texte  est  une  copie  faite  d'après 
le  reg.  Pater,  f°  152,  et  conservée  aux  Arch.  Nat.,  P  2289,  p.  152.  Le  roi 
Philippe  le  Bel  y  est  dit  régnant,  et  quelques  lignes  plus  bas,  on  lit  :  «  Charles 
qui  ores  règne,  lort  comte  de  la  Marche.  »  Ce  sont  là  les  seules  différences 
notables  qui  existent  entre  ces  deux  copies.  Mais  comment  expliquer  l'incom- 
patibilité des  indications  chronologiques  de  la  seconde.  Y  a-t-il  eu  deux  en- 
quêtes :  Tune  sous  Philippe  le  Bel,  l'autre  sous  Charles  IV?  En  ce  cas,  ces 
deux  enquêtes  n'auraient  pas  été  transcrites,  Tune  au  f°  196,  l'autre  au  f°  152 
du  même  reg.  Pater;  d'autant  plus  que  la  seconde  serait  au  f°  152  et  la  pre- 
mière au  f°  196.  Je  crois  donc  qu'il  n'y  a  eu  qu'une  enquête  faite  en  1314. 
J'accorde  plus  de  confiance  à  l'extrait  de  la  Bibliothèque  nationale  fait  anté- 
rieurement à  l'incendie  des  Mémoriaux.  Je  donne  toutefois  en  note  les  va- 
riantes du  texte  des  Archives  (A.  N.). 

(1)  La  copie  de  la  Bibl.  porte  cames;  celle  des  Archives  :  clauses. 

(2)  A.  N.;  puent. 

(3)  A.  N.  Philippe. 

(4)  A.  N.  mourusL 

(5)  A.  N.  fait. 

(6)  A.  N.  présentement  Philippe  le  Bel. 

(7)  A.  N.  miraoust  MCCLXXXllll. 

(8)  A.  N.  de  Navarre  et  ses  deux  frères  Philippe  conte  de  Poitiers  et  Charles 
qui  ores  règne  lors  conte  de  la  Marche  à  la  Pentecoste  l'an  MCCCXIII. 

(9)  A.  N.  taUiis. 

(10)  A.  N.  Le  texte  de  la  B.  Nat.  porte  soldis.  Je  corrige  toltis  d'après 
A.  N. 

(11)  A.  N.  et  salvo  servicio. 

(12)  A.  N.  nostre. 

(13)  A.  N.  et  est  trouvé. 

(14)  A.  N.  les  comptes. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  549 

1286  (1),  que  la  dicte  ville  de  Sens  paia  dou  revouage  levé  en  lieu 
de  la  chevalerie  le  Roy  (2),  pour  le  tout  :  xxvu  lb.  (3);  Item,  en 
l'an  1269  (4),  deux  mil  livres  pour  don;  et,  en  Tan  1284,  deux  mil 
livres  pour  don;  et  de  ces  deux  dons  n'a  exprimé  nulle  autre  clause  (5). 
Et  est  a  scavoir  (6)  que  li  privilège  (7)  est  donné  en  nom  de  la  com- 
mune ;  et  hors  de  la  commune  sont  de  (8)  plus  riches  hommes  de  la 
ville  de  Sens; 

Chasteaulandon  (9).  Et  est  trouvé  par  le  compte  (10)  que  la  dicte 
ville  paia  (11)  en  Tan  1286  (12)  du  revouage  levé  pour  subvention  de 
la  chevalerie  le  Roy  pour  le  tout  xxxu  lb.  (13). 

Lorris  ou  Boscage  (14). 

Dymons  (15) 

Voux  (16) 

Licy  (17)  )    nihil. 

Chesay(18) 

Doleil  (19) 

Flagi  (20)  et  Ferrettes  (21)  ensemble. 

Flagy  paia  (2*2)  en  celle  mesme  manière  comme  Chasteaulandon  (23), 


(1)  A.  N.  de  Van  MCCLXXXVI. 

(2)  A.  N.  du  Roy. 

(3)  A.  N.  vingt-sept  lioret. 

(4)  A.  N.  MCCLXIX. 

(5)  A.  N.  coûte. 

(6)  A.  N.  assavoir. 

(7)  A.  N.  privilèges. 

(8)  A.  N.  des. 

(9)  A.  N.  Chastiaulandon.  —  Châteaulandon ,  Seine-et-Marne,  ar.  Fontai- 
nebleau, ch.-l.  canton. 

(10)  A.  N.  les  complet. 

(11)  A.  N.  lad.  paya. 

(12)  A.  N.  MCCLXXXVI. 

(13)  A.  N.  trente-deux  livres. 

(14)  A.  N.  Lorres  ou  Boscage.  —  Lorrez  le  Bocage,  Seine-et-Marne,  arr. 
Fontainebleau,  ch.-l.  con. 

(15)  Dixmont,  Yonne,  arr.  Joigny,  c°»  Villeneuve-sar- Yonne. 

(16)  Voulx,  Seine-et-Marne,  arr.  Fontainebleau,  con  Lorrez-le- Bocage. 

(17)  A.  N.  Lia.  —  Lixy,  Yonne ,  arr.  Sens ,  c0B  Pont-sar-Yonne. 

(18)  Chéroy,  Yonne,  arr.  Sens,  ch.-l.  c°». 

(19)  A.  N.  Doleil.  —  DoUot,  Yonne,  arr.  Sens,  c"  Chéroy. 

(20)  Flagy,  Seine-et-Marne,  arr.  Fontainebleau,  con  Lorrez-le-Bocage. 

(21)  A.  N.  Ferrele.  —  Ferrottes,  près  Flagy. 

(22)  A.  N.  Flagi  paia. 

(23)  A.  N.  Chasliau  Lan  don. 


550  LES  COUTUMES  DE  LORRIS. 

et  pour  celle  mesme  cause  (i)  et  en  ce  mesme  an  la  somme  de  vingt 
cinq  livres  (2). 

Ferretes  (3)  nihil. 

Les  villes  dessus  dictes  (4)  ont  les  uz ,  les  coutumes  et  les  (5)  pri- 
vilèges ,  que  a  (6)  la  ville  de  Lorris  en  Gastinois ,  dessus  dicte  (7), 
qui  est  de  la  baillie  d'Orléans  (8),  et  ont  en  leurs  privilèges  les  dictes 
villes  (9)  telles  clauses  (10)  :  «  Nullus,  nec  nos,  nec  alius,  de  (il)  homi- 
nibus  de  Lorriaco  tailliam  (12)  nec  ablationem  (13)  »;  et  en  aucuns 
privilèges  «  toltam  neque  rogam  faciat.  » 

Sens,  Flagy  (14),  Ghateaulandon  (15),  la  Villeneufve  (16)  le  Roy 
sont  mis  (17)  en  suspens  et  pour  cause  :  car  la  somme  qu'ilz  ont 
paie  (18)  est  petite. 

VMeneufvele-Roy  (19). 

La  Villeneufve  (20)  le  Roy  si  a  lettres  (21)  que  elle  a  les  uz  et  les 
coustumes  (22)  de  Lorris  en  Gastinois ,  mais  il  n'y  (23)  a  pas  contenu 
qu'elle  ait  les  (24)  privilèges  de  la  dicte  (25)  ville  de  Lorris,  comme  ont 

(1)  A.  N.  celle  meisme. 

(2)  A.  N.  meisme  an  vingt  livres. 

(3)  Le  texte  de  la  B.  Nat.  porte  Flagy.  Je  restitue  FerreUs  d'après  A.  N. 
puisqu'il  est  dit  à  la  ligue  précédente  que  Flagy  paya  25  livres. 

(4)  A.  N.  dsssusd. 

(5)  A.  N.  tu  et  coutumes  et  les. 

(6)  B.  N.  porte  de.  A.  N.  donne  a. 

(7)  A.  N.  dessud. 

(8)  A.  N.  Orliens. 

(9)  A.  N.  Usd. 

(10)  A.  N.  telle  cloute. 

(11)  De  omis  par  A.  N . 

(12)  A.  N.  talliam . 

(13)  A.  N.  ablacionem. 

(14)  A.  N.  Flagi. 

(15)  A.  N.  Chastiau-Landon. 

(16)  A.  N.  Ville  Neuve. 

(17)  A.  N.  mises. 

(18)  A.  N.  que  il  ont  payé. 

(19)  A.  N.  omet  ce. titre.  —  Villeneuve-sur-Yonne,  Yonne,  arr.  Joigny, 
ch.-l.  c°». 

(20)  A.  N.  Villeneuve. 

(21)  A.  N.  lettre. 

(22)  A.  N.  les  us  et  Ut  coutumes. 

(23)  A.  N.  n'i. 

(24)  A.  N.  que  elle  a  Us. 

(25)  A.  N.  lad. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  551 

les  villes  dessus  dictes  (4).  Et  est  trouvé  par  les  Comptes  que  la  Ville 
neufve  (2)  en  Tan  1286  (3)  paia  dou  revouage  levé  (4)  pour  la  sub- 
vention de  la  chevalerie  (5)  le  Roy,  pour  le  tout  XXIIII  lb.  (6). 

Item,  et  que  ils  doibvent(7),  en  l'an  1269  (8),  Vie  lb. 

Item,  en  Tan  1284,  XII<*  lb.  (9) ,  maïs  il  n'y  a  cause  aucune  expri- 
mée pourquoy  (10)  ces  deux  dons  furent  faietz  (11). 

(D'après  an  manuscrit  d'Extraits  des  reg.  de  la  Chambre  des  Comp- 
tes, Bibl.  Nat.,  ms.  lat.  9045,  f»  258  vo.fo  259  r»;  copie  faite 
d'après  le  reg.  Pater,  f*  IX»  XVI.) 


XXIII. 

1327, 20  juin.  —  Arrêt  du  Parlement,  confirmant  une  sentence  du  bailli  de  Sens 
en  matière  de  succession  et  relatant  sur  ce  point  la  Coutume  de  Lorris , 
suivie  à  Dixmont  (12),  les  Bordes  (13)  et  Villeneuve  (14).  (Indiq.  par  Bou- 
taric ,  Actes  du  Parlement ,  n°  7998.) 

Lite  mota  coram  ballivo  Senonensi  inter  Stephanum  de  Grevies , 
nomine  suo  et  Johanne  uxoris  sue ,  ac  nomine  procuif atorio]  Johan- 
nis  Bossart,  fratris  dicte  Johanne,  liberorum  defuncti  Johannis  Bos- 
sait de  Villa  nova  et  defuncte  Edeline  uxoris  sue,  ex  una  parte,  et 
Stephanum  Presbyteri,  Gerardum  Plenier,  Johannemde  Gloriac,  tu- 
tores  seu  curatores  Stephani  et  Edeline,  liberorum  dictorum  Ste- 
phani  et  defuncte  Àdeline,  matris  sue,  procreatorum  ab  eisdem 
durante  matrimonio  inter  ipsos ,  ex  altéra  ;  super  eo  quod  dictus 
Stephanus  de  Grevies,  nomine  quo  supra,  dicebat  predictos  Johan- 
nem  et  Johannam  procreatos  fuisse  a  dicto  Johanne  Bossart  et  Ede- 
lina,  constante  matrimonio  inter  ipsos,  mortuoque  dicto  pâtre  et 
contracte  matrimonio  inter  Adelinam  et  Stephanum  Presbyteri  pre- 

(1)  A.  N.  dessusd. 

(2)  A.  N.  neuve. 

(3)  A.  N.  MCCLXXXVI  paya. 

(4)  Levé  omis  par  A.  N. 

(5)  A.  N.  ehevallerie. 

(6  A.  N.  vingt -quatre  livrée. 
(7))  A.  N.  item  que  il  donnaire. 

(8)  A.  N.  MCCLXXIX,  six  cent  litres. 

(9)  A.  N.  MCCLXXXIUI  douze  cent  livres,  ne  il  ni  a  cause  nulle. 

(10)  A.  N.  pourquoi. 

(11)  A.  N.  faits. 

(12)  Dixmont,  Yonne ,  arr.  Joigny,  c°»  Villeneuve-sur- Yonne. 

(13)  Les  Bordes,  arr.  Joigny,  c°»  Villeneuve-sur- Yonne. 

(14)  Villeneuve-sur -Yonne,  arr.  Joigny,  ch-1.  con. 


552  LES  COUTUMES  DE  LORRIS. 

dictos  apud  Villam  novam ,  predictis  Johanne  et  Johanna  liberorum 
predictorum  Johannis  Bossart  et  Edeline  in  minori  etate  existentibus, 
per  tutores  sibi  datos ,  porcione  de  bonis  ad  dictos  liberos  spectanti- 
bus,  racione  successionis  patris  solum,  per  divisionem  nulla  porcione 
sibi  data  de  bonis  materais,  licet  de  jure  communi  et  de  consuetudine 
et  usu  generaliter  et  notorie  observatis  apud  Lorriacum  in  Vas  tin., 
quibus  se  consertant  usus  et  consuetudines  ville  de  Ducio  {sic,  corr. 
Dimon) ,  de  Bordis  et  de  dicta  Villa  Nova  medietas  omnium  bonorum 
mobilium  et  conquestuum  pertinentium  ad  dictam  defunctam  Edeli- 
aam,  cum  aliis  bonis  que  babebat  ante  suum  matrimonium  contrac- 
tuel, ad  dictos  liberos  pertineré.  Quare,  petebat  quartam  partem  om- 
nium bonorum  mobilium  et  conquestuum  factorum  durante  matrimonio 
inter  dictos  Stephanum  Presbyteri  et  Edelinam,  matrem  predictorum 
liberorum ,  ad  ipsos  Stephanum  de  Grevies ,  racione  uxoris  sue ,  et 
Johannem  ejus  fratrem,  nomine  quo  supra,  declarari  pertineré,  ac 
predictos  Stephanum  Presbyteri  et  tutores  seu  curatores  dictorum 
Stephani  et  Edeline  ad  dictam  quartam  partem  reddendam  compelli. 
Dicto  Stephano  Presbyteri  ac  predictis  tutoribus  seu  curatoribus  ex 
ad  verso  proponentibus  quod ,  contracta  matrimonio  inter  ipsum  Ste- 
phanum et  Edelinam  matrem  predictorum  liberorum ,  facta  divisione , 
et  porcione  légitima  tam  de  bonis  paternis  quam  materais  data  pre- 
dictis liberis  ex  legitimo  matrimonio  procreatis,  mansionem  apud 
Bordas,  quod  est  in  et  de  prepositura  de  Dynon,  continue  contrahen- 
tes,  et  quod  de  usu  consuetudine  notorie  apud  Dinon  et  Bordas ,  et  a 
tempore  a  quo  non  extat  inconcusse  memoria,  observatis,  quod  si 
alter  conjugium  habens  ex  primo  matrimonio  liberos ,  si  ex  post  facto 
ex  secundo  matrimonio  contracto  alios  liberos  habeat,  facta  divisione 
et  porcione  primis  liberis  ante  procreacionem  liberorum  ex  secundo 
matrimonio  procreatorum ,  bona  mobilia  et  conquestus  aliquos  acqui- 
sierit,  liberi  ex  primo  matrimonio  procreati  in  conquestibus  et  bonis 
mobilibus  sic  acquisitis  nichil  percipere  debent  vel  possunt.  Quare, 
dicebat  Stephanus  Presbyteri  et  tutores  predicti ,  quantum  ad  bona 
mobilia  et  conquestus  inter  ipsos  factos  in  et  infra  preposituram  de 
Dimon  et  de  Bordis,  ab  impeticione  predictorum  actorum  debere 
absolvi.  Hiisque  et  aliis  pluribus  racionibus  facti  et  juris  hinc  inde 
coram  dicto  baillivo  prepositis ,  idem  baillivus  predictos  tutores  seu 
curatores  dictorum  Stephani  et  Adeline  melius  intencionem  suam 
probasse  quam  dictos  actores  quantum  ad  consuetudinem  de  Dimon , 
pronunciavit,  et  quod  medietas  mobilium  et  conquestuum  factorum 
durante  matrimonio  inter  ipsos  conjuges  in  prepositura  predicta  de 
Dimon  remanebit  predictis  Stephano  et  Edeline ,  et  si  aliqui  alii  con- 
questus facti  fuerint  extra  dictam  preposituram  de  Dinon  et  de  Bor- 
dis ,  fîet  de  predictis  commuais  divisio  inter  oranes  liberos  predictos 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  553 

secundum  consuetudinem  loci  ejus  conservatam.  A  quo  judicato  pre- 
dictus  Stephanus  de  Grevies ,  nomine  quo  supra,  ad  nostram  curiam , 
tanquam  a  falso  et  pravo  appellavit.  Auditis  igitur  dictis  partibus , 
recepto  visoque  processu  dicte  cause ,  examinato  diligenter  per 
eandem,  per  judicium  dicte  curie  fuit  dictum  ballivum  bene  judicasse 
et  dictum  actorem ,  nomine  quo  supra ,  maie  appellasse,  et  emenda- 
bit  appellans.  Datum  XXa  die  Junii. 

GUILLELMO  DROCON  (1). 

(D'après  le  reg.  du  Parlement,  Arch.  Nat.,  X*A  5,  f°  510.) 


XXIV. 

1403-1404.  —  Extraite  du  compte  de  la  recette  du  duché  d'Orléans 
pour  les  termes  de  la  Chandeleur  1403  et  Ascension  1404. 

Lorris. 

Item  s'ensuit  la  coustume  qui  est  le  tonlieu. 

C'est  assavoir  pour  chacun  cheval  vendu ,  le  vendeur  doit  1III  d. 
paris.,  et  l'achateur  MI  d.  par. 

Item  pour  la  jument  vendue,  le  vendeur  doit  II  d.  par.,  et  l'acha- 
teur II  d.  par. 

Pour  chascun  bœuf  vendu,  le  vendeur  doit  obole  et  l'achateur  obole. 


Les  pelletiers  pour  toute  leur  vente  de  la  journée ,  s'ils  vendent  a 
jour  de  marchié,  chascun  obole  parisis;  s'il  est  bourgeois,  l'achateur 
doit  de  chascun  marchié  obole  parisis. 

Chascun  tanneur,  s'il  est  bourgeois,  doit  pour  toute  l'année  XVIII 
d.  par. 

Chascun  mercier  bourgeois ,  pour  toute  l'année,  XII  d.,  et  l'estran- 
ger  chascun  obole. 

Chascun  mercier  qui  vent  buleteaux  a  jour  de  marchié ,  pour  toutes 
fois  qu'ils  vendent  a  jour  de  marchié,  chascun  mercier,  qui  n'est 
bourgeois  de  Lorris,  a  quelque  jour  que  ce  soit,  il  doit  obole;  s'il  est 
bourgeois ,  il  ne  doit  riens  de  la  foire  ne  du  marchié. 

Vendeurs  de  chanvre,  toille,  lin,  poivre,  que  s'ils  sont  detailleurs, 
et  ils  soient  bourgeois ,  ils  doivent,  pour  toute  la  vente  du  mercredy, 
potevine 


(1)  Il  y  a  une  abréviation  au-dessus  de  Drocon. 

Rrvor  hist.  —  Tome  VIU.  37 


v^ 


554  LES  COUTUMES  DE  LORRIS. 

Chascun  vendeur  de  laine  acrue,  se  il  vent  a  jour  de  marchié, 
obole,  se  elle  n'est  de  sa  ouillette,  et  s'il  n'est  bourgeois,  il  doit  de 
chascun  cens  VIII  d.  par 

•   ••»•••••••••   •••   *   ••••••••••   •   •   * 

dhascune  pièce  de  robe  vendue,  la  vendeur  doit  obole ,  et  l'aeha- 
teur  obole ,  s'ils  ne  sont  de  franchise 

Chascun  tonneau  de  vin  vendu  en  taverne  II  d.  par.,  se  il  n'est 
creu  en  l'heritaige  du  vendeur,  et  qu'il  [ne]  soit  bourgeois. 


Les  bourgeois  de  Lorris ,  pour  quelconques  denrées  qu'ils  vendent 
ou  achatent  a  quelque  jour  de  la  semaine,  ils  ne  doivent  point  de 
coustume  a  monseigneur  le  Duc,  ne  a  autre  seigneur  for  que  au  mer- 
credi. Et  eulx,  pour  toutes  les  denrées  qu'ils  vendent  ou  achatent  a 
icelluy  jour,  ils  ne  doivent  que  obole  de  coustume  senz  plus  à  monsei- 
gneur le  Duc,  et  non  a  autre  seigneur.  Et,  se  les  denrées  qu'ils  ven- 
dent sont  de  leurs  cuilletes,  ils  ne  doivent  point  de  coustume  ne  au 
mercredy  ne  a  autre  jour  de  la  sepmaine. 

Et  tous  ceulx  qui  ne  sont  pas  bourgeois  de  Lorwz ,  ou  qui  ne  sont 
de  franchise,  doivent  a  mon  dit  seigneur  le  Duc  telle  coustume,  comme 
dessus  est  dit  et  divisé,  de  toutes  choses  qu'ils  vendent  ou  achatent 
en  la  ditte  ville  de  Lorriz,  soit  a  jour  de  marchié  ou  a  autre  jour  de  la 
sepmaine. 

(D'après  une  copie  du  xviirt  siècle ,  provenant  des  Archives  du  Ghâ- 
telet  d'Orléans,  auj.  Archives  du  Loiret,  A.  246  (registre),  f°  109 
et  suiv.) 

xxv. 

1411.  —  Liste  des  villages  que  l'abbaye  de  Saint-Denis  possédait  en  Gatioais 
et  qui  jouissaient  des  coutumes  et  franchises  de  Lorris. 

Ce  sont  les  villes  qui  sont  Saint-Denys  en  Gastinoys ,  qui  sont  de 
telle  franchise  comme  Lorris,  dont  les  bourgoiz  paient  II II  d.  de  cla- 
mour  et  non  plus,  quant  ils  sont  adjoumez  lui  uns  comme  l'autre; 
et  de  l'amende  qui  par  coustume  monte  Vs.,  ils  s'en  passent  pour  XII 
d.;  et  de  l'amende  de  LXs.,  ils  se  passent  pour  Vs.  ;  et  ne  les  peut- 
on  justicier  hors  de  leurs  lieus,  s'il  ne  leur  plaist,  fors  as  assises  te- 
nues de  bailly  en  leurs  franchises. 

Premièrement,  Nibelle  (1)  et  tout  le  terrouer. 

(1)  Nibellc-Saint-Sauveur,  Loiret,  arr.  Pithiviers,  c0B  Beaune-la-Rolande. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  555 

Item,  Saint-Michiau  (1).  De  celle  parroche  est  Gabevau  (2),  Champ- 
Bertrain  et  les  appartenances. 

Item,  Batilly  (3)  ;  de  celle  parroche  est  Arconville  (4),  Boysgirart  (5) 
et  les  appartenances. 

Item ,  Soissy  (6)  ;  tout  ce  que  Saint-Denys  y  a. 

Item,  Fre&vîlle  (7);  tout  ce  que  Saint-Denys  y  a. 

Item,  Maisieres  (8)  et  toute  la  parroche  que  Saint-Denys  y  a. 

Item,  le  Mont  (9),  les  Rues  (10),  Gratelou  (41)  et  plusieurs  autres 
hamiaulx  que,  combien  qu'ilz  soient  de  la  parroche  de  Lorry  (12),  si 
sont-ilz  des  appartenances  de  Maisieres. 

Item,  tous  les  bourgoiz  du  Val  de  Saint-Leu  (13),  qui  furent  au 
seigneur  de  Sailly  (14),  et  généralement  toutes  les  personnes,  quelx 
qu'elles  soient ,  qui  demeurent  en  la  terre  qui  fu  au  dit  seigneur  en 
quelque  lieu  que  ce  soit,  sont  de  la  franchise  dessus  dicte. 

Item,  le  Gloos  de  Roy  de  Romainville  (15)  qui  contient  XII  masures 
et  aussi  de  la  dicte  franchise. 

Ce  sont  les  villes  qui  sont  d'ancienneté  Saint-Denys  des  apparte- 
nances de  Beaulne  qui  ne  sont  pas  de  franchise  et  paient  XV  d.  de 
clamour.  Geulx  qui  enchient  d'un  deflaut  de  preuve ,  d'un  ni  aconsou , 
d'un  deffaut  de  gagement,  de  chascun  Vs.;d'un  sanc,  d'une  rageusse, 
d'une  saisine  brisée ,  de  prison  brisée  sans  briser  forteresce  ne  despe- 
cier  huys  ne  fenestre,  LXs.  de  chascune,  et  autant  d'autres  meffaiz 
qui  sont  de  ceste  condition. 

(Suivent  les  noms  des  villes  qui  sont  des  appartenances  et  des  cou- 
tumes de  Beaune  :  Beaulne,  Saint  Leu,  Jensanville,  Maillenville , 
Orouer  delez  Soisy,  Beauchamp  delez  Lorriz,  Hauxi.) 

(D'après  le  Livre  Vert,  Cartulairede  Saint-Denis,  rédigé  en  1411,  1. 1, 
p.  457459,  Archives  Nat.,  LL 1209.) 

(1)  Saint-Michel,  commune  du  même  canton. 

(2)  Gakveau,  lieu  dit  de  la  commune  de  Saint-Michel. 

(3)  Batilly,  c»  du  c°»  de  Beaune-la-Rolande. 

(4)  Arconville,  c»°  de  Batilly. 

(5)  Bois-Girard,  lieu  dit  de  la  même  commune. 

{6)  Soissy,  ancien  nom  de  Bellegarde,  ch.-l.  con  de  l'arc  de  Montargis. 

(7)  Fréville,  Loiret,  arr.  Montargis,  con  Bellegarde. 

(8)  Stézières-en-Galine ,  con  de  Bellegarde. 

(9)  Le  Mont ,  lieu  dit  de  la  cne  de  Lorcy,  c°»  Beaune. 

(10)  Les  Bues,  lieu  dit  de  la  même  commune. 

(11)  Le  texte  porte  Gratelon;  mais  le  Livre  Vert  porte  Gratelou,  à  la  p.  463. 

(12)  Corr.  Lorcy,  cBe  du  c°»  de  Beaune. 

(13)  Peut-être  Saint-Loup-det- Vignes ,  même  canton. 

(14)  La  famille  de  Sailly  habitait  Chaussy-en-Beauce,  Loiret,  c0B  Outar ville. 

(15)  Romainville,  hameau  de  la  cn«  de  Beaune. 


556  LE8  COUTUMES   DE   LORRIS. 


XXVI. 

1419, 19  décembre.  —  Le  prieur  de  l'abbaye  de  Saint-Benott-sor-Loire  re- 
connaît avoir  reçu  du  commis  à  la  recette  du  domaine  du  duché  d'Orléans 
la  somme  de  100  sous  parisis  due  annuellement  à  l'abbaye  pour  la  célébra- 
tion de  l'anniversaire  des  rois  de  France. 

Sachent  tuit  que  nous  prieur  et  convent  de  l'esglise  de  Saint  Be- 
noist  sur  Loire ,  congnoissons  et  confessons  avoir  eu  et  receu  de  hon- 
nor.  et  discrète  personne  Robert  Baffart,  commis  à  la  recepte  du 
demayne  du  duchié  d'Orl[ien]s  la  somme  de  cent  solz  parisis  qui 
nous  sont  deubz  chascun  an  sur  la  dicte  recepte  au  terme  de  la  Mag- 
dalene  pour  cause  de  l'anniversaire  que  nous  faisons  en  nostre  dicte 
église  chascun  an  pour  nosseigneurs  fondeurs  les  Roys  de  France  et 
autres  Royaulx.  De  laquelle  somme  de  cent  s.  par.  nous  nous  tenons 
pour  bien  paiez  et  contens,  et  en  clamons  quicte  led.  commis  pour 
ceste  présente  année.  En  tesmoing  de  ce  nous  avons  seellé  ces  pré- 
sentes lectres  de  quictance  de  nostre  grant  seel.  Donné  et  escript  en 
nostre  chappitre  le  mardi  xixe  jour  du  moys  de  décembre  l'an  de 

nostre  S.  mil  cccc  et  dix  neuf. 

J.  Polîn. 

(D'après  l'original,  Archives  du  Loiret ,  A  271.) 


XXVII. 

1573, 14  octobre.  —  Le  chambrier  de  l'abbaye  Saint- Benoît  de  Fleury-sur- 
Loire  donne  quittance  au  receveur  du  domaine  d'Orléans  de  la  somme  de 
cent  sous  parisis  due  annuellement  à  la  dite  abbaye  pour  l'anniversaire 
fondé  par  Philippe  I. 

Frère  Jehan  de  la  Noue,  religieux  et  chambrier  de  l'abbaye  Saint- 
Benoist  de  Fleury-sur-Loire  confesse  avoir  receu  de  noble  homme 
Loys  Delatour,  receveur  ordinaire  du  domaine  d'Orléans,  absent,  la 
somme  de  cent  sols  parisis  pour  une  année  echeûe  à  la  Saint-Jehan 
Baptiste  an  mil  cinq  cens  soixante  unze  a  cause  de  pareille  somme  de 
rente  assignée  aus  dits  religieux  pour  ung  anniversaire  fondé  en  la 
ditte  abbaye  par  le  roy  Philipe  premier  de  ce  nom ,  lequel  se  cellebre 
le  douziesme  Juillet.  Presens  Pierre  Leroy  et  Claude  Rousseau  tes- 
moing, le  quatorziesme  octobre  Tan  mil  cinq  cens  soixante  treize. 
Signé  Rousseau  avec  paraphe. 

(D'après  une  copie  notariée  du  xvir*  s.,  Archivée  du  Loiret,  A.  271.) 

Maurice  Prou  . 


VARIÉTÉS. 


ÉTUDE  SUR  LA  DATE 


DU  FORMULAIRE  DE  MARCULF. 


Les  historiens  de  nos  institutions  reconnaissent  unanime- 
ment l'importance  exceptionnelle  des  Formules  de  Marculf 
pour  le  droit  public  et  le  droit  privé  sous  les  Mérovingiens. 
Depuis  deux  siècles  ils  s'accordent  pour  la  plupart  à  donner 
comme  date  à  ce  Formulaire  Tan  650  environ ,  parce  qu'il  est 
dédié  à  l'évêque  Landri,et  que  le  seul  évêque  de  ce  nom  dont 
l'existence  soit  notoire,  vers  cette  époque,  est  saint  Landri  de 
Paris  (650-656).  Toutefois,  cette  opinion  avait  été  contestée 
par  Launoy,  qui  avait  soutenu,  sans  donner  de  motifs  sé- 
rieux, que  le  Formulaire  de  Marculf  était  dédié  à  un  Landri 
évêque  de  Meaux,  du  temps  de  Pépin  le  Bref  et  de  Charle- 
magne  (1).  Du  Pin  adopta  cette  opinion  et  assigna  pour  date 
à  l'épiscopat  de  ce  Landri  l'an  780  (2). 

D'autre  part,  Adrien  de  Valois  voulait  lire  dans  les  mss. 
Candericus  au  lieu  de  Landericus,  et  il  faisait  de  l'évêque  de 
Marculf  un  prélat  lyonnais  (3).  Le  P.  Labbe  soutenait,  de  son 
côté ,  que  Marculf  était  un  moina  de  Bourges  (4),  et  l'Histoire 
littéraire  de  la  France  acceptait  cette  conjecture  (5).  Enfin 
Toussaint  du  Plessis ,  dans  son  Histoire  de  l'Église  de  Meaux, 

(1)  InquUitio  in  chartam  immunitalisbeati  Germant,  1657,  p.  26.  —  Assertio 
inquisUionis,  1658. 

(2)  Nouvelle  bibliothèque  de»  auteur»  ecclésiastiques,  VI,  36. 

(3)  Ditceplationii  de  batilici»  defensio,  1660,  p.  152. 

(4)  Sacroianeta  concilia,  VI,  col.  351. 

(5)  III,  567. 


558  ÉTUDE  SUR  LA  DATB 

prétendait  que  Marculf  avait  dédié  son  Formulaire  à  Landri 
de  Soignies  (ou  plutôt  de  Soignes  entre  Mons  et  Bruxelles), 
(ils  de  saint  Vincent,  fondateur  du  monastère  de  Hautmont 
près  Maubeuge,  puis  de  celui  de  Soignes  où  il  mourut,  et  de 
sainte  Waldetrude,  fondatrice  d'un  troisième  monastère  au- 
tour duquel  s'est  élevée  la  ville  de  Mons.  Ce  Landri  de  Soi- 
gnes n'aurait  pas  été,  selon  du  Plessis,  évêque  de  Meaux, 
car  il  ne  figure  point  dans  les  anciennes  listes  des  évoques  de 
cette  ville,  mais  seulement  chorévêque  in  castello  Meltis 
(Melteshem  ,  aujourd'hui  Meldesheim)  (1). 

Bignon ,  Lecointe ,  Mabillon ,  puis  Seidensticker,  Savigny, 
Eichhorn,  Stobbe,  E.  de  Rozière,  Sickel,  pour  ne  citer  que 
les  opinions  les  plus  considérables,  soutiennent,  au  contraire, 
que  le  Landri  de  Marculf  était  bien  l'évêque  de  Paris ,  et  que 
le  Formulaire  qui  lui  est  dédié  ne  peut  être  postérieur  à  l'an 
656. 

Mais  le  nouvel  éditeur  des  Formules,  dans  les  Monumenta 
Germaniae  historica,  M.  Charles  Zeumer,  a  repris  tout  récem- 
ment, avec  quelques  modifications,  l'opinion  combinée  de 
Launoy  et  de  Toussaint  du  Plessis;  en  1881 ,  dans  sa  remar- 
quable dissertation  sur  les  anciennes  collections  de  Formules 
franques  (2),  et  l'année  suivante,  dans  le  premier  fascicule 
de  son  édition  des  Formules  (3).  Pour  lui ,  Marculf  était  un 
moine  du  diocèse  de  Meaux ,  qui  écrivait  au  temps  de  Landri 
de  Soignes ,  évêque  de  cette  ville. 

Nous  résumerons  aussi  brièvement,  mais  aussi  exactement 
que  possible,  les  arguments  produits  par  M.  Zeumer,  à  l'appui 
de  sa  conjecture. 

1°  «  Les  Formules  1  et  2  du  livre  premier  du  Formulaire 
»  de  Marculf  ont  été  rédigées,  pour  la  plus  grande  partie, 
»  d'après  le  diplôme  accordé,  en  635,  par  Dagobert,  àl'ab- 
»  baye  de  Rebais,  du  diocèse  de  Meaux  (4).  Le  rédacteur  dd 
»  Formulaire  avait  certainement  ce  diplôme  sous  les  yeux  ;  il 


(1)  I,  67,  et  692,  n.  33. 

(2)  Neues  Archiv  der  Gc$cll$chaft  fur  xltere  Geschichtthmdê,  VI,  36  et  sohr. 

(3)  Monumenta  Germanie  historica.  Formule  Merowingici  et  Garolini  »vi.  éd. 
Karolus  Zeumer.  Pars  prior.  Hannovere,  1882,  4°,  p.  33,  34. 

(4)  Pardessus ,  Diplomata,  II,  275. 


DU  FORMULAIRE  DE  MARCULF.  559 

»  était  donc  très-probablement  moine  de  l'abbaye  de  Rebais. 
»  Gomûie  il  dédie  son  livre  à  Landri  son  évoque,  on  doit  en 
»  conclure  que  ce  Landri  était  évoque  de  Meaux  (l). 

2°  »  Cette  opinion  est  confirmée  par  les  Gesta  episcoporum 
»  CtHUerâcensiutn  qui  nous  apprennent  que  saint  Vincent,  fon- 
»  dateur  de  l'abbaye  de  Soignes*  fut  enterré  dans  ce  monastère, 
»  ainsi  que  son  fils  Landri,  évoque  de  Meaux  :  ibique.*..  «*•> 
»  pultots  cum  fiiio  suo  Landerico ,  Meldensi  episcopo,  in  pâté 
»  quiescit  (2). 

3°  »  Dans  la  Formule  25  du  livre  premier,  le  maire  du  palais 
»  assiste  au  placitum  palatii.  Le  premier  judicium  où  l'on 
»  trouve  le  major  domus  est  de  Tan  697.  Donc  le  Formulaire  est 
»  postérieur  à  cette  année  697.  L'auteur  n'a  pu  le  dédier  à  Lan- 
»  dri,  évêque  de  Paris,  mort  vers  686,  mais  bien  à  Landri  de 
»  Soignes,  et  il  nous  donne  le  droit  public  et  le  droit  privé 
»  de  la  un  du  vu0  siècle,  au  plus  tôt.  » 

Nous  allons  reprendre  et  discuter  ces  trois  arguments. 


I. 

«  Marculf  s'est  servi,  pour  la  rédaction  de  son  Formulaire, 
»  du  diplôme  accordé  en  635  à  l'abbaye  de  Rebais;  donc  il 
»  était  moine  de  cette  abbaye.  » 

Cette  conclusion  est  très  contestable.  Les  minutes  des  di- 
plômes des  rois  mérovingiens  étaient  conservées  à  l'abbaye  de 
Saint-Denis  :  un  moine  de  cette  abbaye  pouvait  tout  aussi 
bieti  prendre  copie  du  diplôme  de  Dagobert  qu'un  moine  de 
Rebais.  Marculf  nous  dit  d'ailleurs,  dans  sa  préface,  qu'il 
écrit  son  livre  ad  exercenda  initia  puerorum  ;  il  était  donc  le 
maître  d'un  école  de  jeunes  notarii.  Il  est  fort  douteux  qu'une 
semblable  institution  existât  dans  le  petit  monastère  de  Rebais, 
et  on  doit  bien  plutôt  la  chercher  dans  la  grande  abbaye  de 
Saint-Denis,  dépôt  des  archives  publiques. 

Dans  tous  les  cas ,  on  ne  saurait  nier  que  le  diplôme  de  Da~ 

(1)  Neuet  Arehiv,  VI,  40. 

(2)  Mon.  Germ.  Script.,  VII,  465,  no  66. 


560  ETUDE  SUR  LA  DATE 

gobert  a  pu  être  copié  ailleurs  qu'à  Rebais.  L'analogie  qui  existe 
entre  les  deux  premières  Formules  de  Marculf  et  ce  diplôme 
n'est  donc  pas  une  preuve  décisive  que  ce  livre  ait  été  com- 
posé à  Rebais  et  que  son  auteur  fût  moine  de  cette  abbaye. 

Ajoutons  enfin  que  plusieurs  diplômes  de  la  première  moitié 
du  vne  siècle  présentent  autant  d'analogie  que  le  diplôme  de 
Dagobert  avec  les  Formules  1  et  2  du  livre  premier  de  Mar- 
culf. La  ressemblance  signalée  par  M.  Zeumer  ne  prouve  donc 
rien. 


IL 

«  Les  Gesta  episcoporum  Cameracensium  disent  que  Landri 
»  de  Soignes,  fils  de  saint  Vincent,  a  été  évêque  du  diocèse 
»  de  Meàux,  où  se  trouve  l'abbaye  de  Rebais.  C'est  donc  à 
»  Landri  de  Soignes  que  Marculf,  moine  de  Rebais,  a  dédié  son 
»  livre.  » 

M.  Zeumer,  qui  discute  très  loyalement ,  reconnaît  que  le 
passage  allégué  des  Gesta  episcoporum  Cameracensium,  ne  se 
trouve  point  dans  les  anciennes  éditions ,  qu'il  a  été  ajouté  par 
Bethmann ,  le  dernier  éditeur,  et  que  celui-ci  l'a  emprunté  à 
la  VUa  Autberti  de  Fulbert  (1). 

Il  faut  donc,  pour  vérifier  ce  texte,  se  reporter  aux  manus- 
crits de  la  Vita  Autberti. 

Dans  un  de  ces  mss.,  cité  par  Bethmann,  Landri  de  Soignes 
n'est  point  qualifié  Meldensis  episcopus ,  mais  bien  Meltensis 
episcopus. 

On  pourrait  conjecturer,  à  priori,  que  cette  variante  est  la 
bonne  leçon.  Il  est  bien  plus  probable  que  Landri ,  de  la  fa- 
mille des  Arnulfinges ,  a  été  évoque  dans  une  contrée  où  cette 
famille  avait  une  très  grande  influence,  que  dans  un  diocèse  de 
Neustrie. 

Cette  conjecture  deviendra  une  certitude  si  l'on  considère  : 

D'une  part,  que  les  listes  les  plus  anciennes  et  les  plus  au- 
thentiques des  évèques  de  Meaux  ne  contiennent  pas  le  nom 
de  Landri,  que  ce  saint  n'a  jamais  été  l'objet  d'un  culte  dans 

(1)  Nêuet  Archiv,  VI,  39,  n*  1. 


DU   FORMULAIRE   DE   MARCULF.  56i 

ce  diocèse,  et  que  son  nom  ne  figure  point  dans  les  calen- 
driers et  les  propres  locaux  (1)  ; 

D'autre  part,  que  dans  les  quatre  mss.  connus  de  la  vie  de 
saint  Landri,  on  lit  qu'il  avait  été  évoque  de  Metz.  Cette  vie  a  été 
écrite,  peu  de  temps  après  sa  mort,  dans  le  monastère  de 
Soignes ,  où  il  a  passé  les  dernières  années  de  sa  vie ,  et  où  il 
a  été  inhumé  ;  elle  est  donc  digne  de  toute  confiance  et  on  a 
le  droit  d'en  conclure  que  Landri  a  été  évoque  de  Metz,  et  non 
de  Meaux. 

Mais  on  objecte  qu'il  n'est  pas  fait  mention  de  saint  Landri 
dans  les  anciennes  listes  des  évêques  de  Metz. 

Cette  difficulté  a  été  résolue  depuis  longtemps  par  Henschen. 
Le  savant  Bollandiste  a  fait  remarquer  que  «  les  anciens  ca- 
»  talogues  d'évêques  ont  été  dressés  à  l'aide  des  diptyques  des 
»  morts  (nécrologes  ou  obituaires) ,  et  qu'on  n'inscrivait  sur 
»  ces  diptyques  que  les  noms  des  évêques  en  fonctions  :  quant 
»  à  ceux  qui  avaient  résigné  leur  charge,  il  n'en  était  point 
»  fait  mention.  C'est  ce  qui  sera  arrivé  pour  Landri  (2).  » 

Rien  ne  saurait  donc  nous  empêcher  d'ajouter  foi  à  un  texte 
aussi  digne  de  confiance  que  la  vie  de  Landri  de  Soignes ,  ap- 
puyé d'ailleurs  par  un  des  mss.  de  la  vie  de  saint  Aubert,  et 
d'affirmer  que  ce  grand  seigneur  austrasien  a  été  évêque  de  Metz 
et  non  de  M  eaux.  Il  n'y  a  pas  lieu  de  s'arrêter  au  second  argu- 
ment de  M.  Zeumer,  et  nous  pouvons  arriver  au  troisième  qui 
est  tiré  de  l'histoire  de  nos  institutions  politiques. 


III. 

«  Le  Formulaire  de  Marcuif  ne  peut  pas  être  antérieur  à  la  fin 
»  du  vu6  siècle,  parce  que  le  Major  domus  figure  dans  la  Formule 
»  25  du  livre  premier,  prologue  ou  préambule  d'un  judicium 
»  régis  ou  palatii.  En  effet,  ce  grand  dignitaire  n'a  point  siégé 
»  au  plaid  du  palais  avant  l'an  697,  date  à  laquelle  on  le  voit 
»  figurer  dans  un  diplôme  de  Childebert  III  (3).  » 

(1)  In  Calalogis  Meldensium  episcoporum  nulla  mentio  ;  per  diocesim  non 
colitur;in  calendariis  omittitur.  Gall.  Christ.,  VIII,  col.  1601. 

(2)  Bibliothèque  de  l'École  des  Chartes ,  XLIV,  354. 

(3)  Mon.  Germ.  Hist.  Dipl.,  n°  60.  —  J.  Tardif,  Mon.  hist.,  n«  38. 


562  ÉTUDE   SUR  LA  DATE 

Celte  opinion  a  été  tout  récemment  adoptée  par  le  savant 
G.  Waitz,  dans  la  troisième  édition  du  tome  second  de  ba 
grande  Histoire  constitutionnelle  de  la  France  et  de  l'Allema- 
gne (1).  Il  est  donc  indispensable  de  la  discuter  avec  soin. 

Noua  présenterons  contre  cette  assertion  deu*  observa* 
lions  : 

1°  Peut-on  affirmer  que  le  Major  domus  n'ait  jamais  aâëisté 
à  Un  plaid  du  palais,  avant  697? 

Il  ne  nous  est  parvenu  que  huit  jugements  du  palais  avant 
celui  de  697. 

Les  n"  34,  36  et  37  de  l'édition  des  Mon.  Germ.  Hist.,  daté* 
des  années  658  et  659,  sont  extrêmement  mutilés  et  ne  don- 
nent plus  l'énumération  des  grands  personnages  qui  assistaient 
à  ces  plaids. 

Ils  ne  prouvent  donc  rien ,  ni  pour  ni  contre  l'opinion  de 
MM.  Zeumer  et  Waitz. 

Le  n°  35  nous  présente  une  lacune  dans  l'énumération  des 
assistants  au  plaid  ;  il  est  également  impossible  d'affirmer  que 
le  maire  du  palais  n'y  figurait  pas. 

Les  noa  59  et  60  sont  complets  (691-692);  mais  aucun  des 
grands  personnages  de  la  Cour  n'y  est  nommé;  ils  h'assid*» 
taient  aux  plaids  que  dans  les  affaires  plus  importantes  ;  le 
maire  du  palais  ne  devait  pas  plus  siéger  dans  ces  deux  juge* 
ments  que  les  autres  dignitaires. 

Lesn"  64  et  66  (J.  Tardif,  n"  32  et  33),  des  années  692  et 
693,  sont,  au  contraire,  des  sentences  rendues  au  plaid  du 
palais  dans  des  affaires  considérables,  qui  furent  jugées,  l'une 
à  Luzarches,  et  l'autre  à  Valenciennes.  Ces  sentences  contien- 
nent une  longue  énumération  de  hauts  fonctionnaires  bu  di- 
gnitaires parmi  lesquels  on  cherche  vainement  le  maire  du 
palais.  Ces  deux  textes  sont  les  seuls  sur  lesquels  puisse  s'ap- 
puyer l'opinion  du  nouvel  éditeur  deà  Formules  ;  mais  ils  ûô 
sont  pas  plus  probants  que  les  autres. 

Quel  était  le  maire  du  palais  en  692  et  693?  C'était  l'aus- 


(1)  Deuttche  Verfassungt  Gttchichte,  II.  Bd.  Dritte  AuQage,  1882,  p.  90, 
n.  4. 


DU  FORMULAIRE  DB  MARCULF.  563 

trasien  Pépin  d'Héristal,  le  véritable  roi,  en  Neustrie  comme 
en  Austrasie.  De  691  à  695,  il  était  reténu  en  Àustitosie  par  là 
guerre  de  Frise,  et  il  avait  d'astiaz  graves  préoccupations  pour 
ne  pas  revenir  assister  à  un  plaid  à  Luzarchés  et  à  Valén- 
ciennes. 

Il  était  d'ailleurs  représenté  en  Neustrie  par  Nordebercthft** 
ou  Norbert ,  qui  exerçait  pouf  lui  les  fonctions  de  maire  du 
palais,  quand  il  était  retenu  en  Austrasie  (1).  Or  Norbert  sié* 
geait  dans  ces  deux  plaids  de  692  et  693.  On  a  donc  le  droit 
d'affirmer  que  le  maire  du  palais  y  assistait,  non  point  en  per- 
sonne, puisqu'il  était  retenu  loin  de  la  cour,  mais  par  son  sup- 
pléant. 

Quel  historien  oserait  d'ailleurs  affirmer  que  si  Pépin  d'Hé- 
ristal, le  premier  fonctionnaire  du  palais,  bien  autrement 
puissant  que  le  roi ,  s'était  trouvé  à  Luzarches  ou  à  Valencien- 
nes,  en  692  et  693,  il  n'aurait  pas  eu  le  droit  d'assister,  comme 
ses  subordonnés,  au  plaid  du  palais,  ainsi  qu'il  le  fait  en  697, 
quand  il  en  a  le  loisir? 

D  n'est  donc  nullement  démontré  que  le  maire  du  Palais 
n'ait  pas  pu  assister  à  un  piaeitum  palatii,  avant  697. 

Nous  pouvons  faire  un  pas  de  plus  et  dire  que  l'argumen- 
tation de  M.  Zeumer  a  pour  point  de  départ  une  mauvaise  le- 
çon. 

2°  Est-il  en  effet  bien  certain  que  le  Major  domus  se  trouve 
dans  l'énumération  de  la  Formule  25  du  livre  premier  de  Mar- 
culf. 

On  ne  l'y  rencontre  point  dans  les  meilleures  éditions  des 
formules ,  notamment  dans  les  éditions  de  F.  Walter  et  de 
M.  Eug.  de  Rozière.  Mais,  ce  qui  est  bien  plus  grave,  il  n'est 
pas  mentionné  dans  le  ms.  de  Marculf ,  qui,  de  l'aveu  de  tous 
et  de  M.  Zeumer  lui-même  est  incomparablement  le  meilleur 
(B.  Nat,  ms.  lat.  4627). 

Le  Major  domus  est ,  il  est  vrai,  compris  dans  l'énumération 
que  donne  le  ms.  lat.  2123  ;  mais,  comme  le  reconnaît  encore 

(1)  M.  Zeumer  le  reconnaît  lui-même  très  loyalement,  Neuet  Arehin,  VI,  31. 


564  ÉTUDE  SUR   LA  DATE 

M.  Zeumer,  ce  ms.  n'est  pas,  à  proprement  parler,  un  ms.  de 
Marculf ,  c'est  un  grand  recueil  de  Formules  bien  plus  considé- 
rable :  Formularum  corpus  mullocopiosius,  où  les  Formules  ont 
été  modifiées  dans  leur  rédaction  :  negue  vero  omnes  quae  exis- 
tant formula  genuinœ  sunt,  sed  nonnullx  mutatx ,  quxdam 
sublatœ.  Le  nom  même  de  Landericus  a  disparu  dans  lapre/ato, 
et  il  a  été  remplacé  par  un  JEglidulfus ,  sur  lequel  on  disserte 
fort  inutilement  (1). 

Ce  ms.  ne  saurait  donc  inspirer  une  grande  confiance; 
mais  nous  pouvons  être  plus  affirmatif  et  donner  la  preuve 
matérielle ,  en  quelque  sorte ,  que  le  compilateur  a  modifié  la 
Formule  25  du  livre  premier  de  Marculf,  comme  il  en  a  mo. 
difié  plusieurs  autres. 

Il  suffit  pour  cela  de  mettre  en  regard  le  texte  du  ms.  4627, 
adopté  par  M.  de  Rozière,  n°  442,  et  le  texte  du  ms.  2123 
adopté  par  M.  Zeumer. 

Ms.  4627.  Ms.  2123. 

Gum  domnis  et  patribus  nostris        Gum  domnis  et  patribus  nostris 

episcopis,  vel  cum  pluris  opti-  episcopis,  vel  cum  plures  opitma- 

matibus   nostris   illis,    patribus  tibus  nostris,  illis  episcopis,  illi 

[pour  patriciis)  illis,  referendariis  majorent  domus,  illis  ducibus, 

illis. . . .  illis  patriciis ,  illis  referendariis. . . . 

En  comparant  ces  deux  textes,  on  remarquera,  dans  la 
leçon  adoptée  par  M.  Zeumer,  que  : 

1°  Le  mot  episcopis  revient  deux  fois; 

2°  Les  episcopi  se  trouvent  placés  après  les  optimales,  ce 
qui  est  sans  exemple  ; 

3°  Le  maire  du  palais  est  également  rangé  après  les  opti- 
mates,  tandis  qu'il  occupe  toujours  la  première  place  après  les 
évêques  (2). 

Les  mots  episcopis,  illi  majorem  domus,  illis  ducibus  sont 
donc  une  addition  faite  par  un  scribe  qui  ignorait  les  règles 
les  plus  élémentaires  de  la  chancellerie  royale  ;  ils  ne  sont  cer- 
tainement pas  de  la  main  de  Marculf,  ce  vieux  maître  in  arte 

(1)  Formula  merow.  et  carol.  acvi,  p.  35. 

(2)  Cf.  Dipl.  de  697;  J.  Tardif,  Mon.  hitt,  n«  38. 


DU   FORMULAIRE   DE   MARCULF.  565 

dictandi,  dont  le  Formulaire  est  un  modèle.  Le  mot  Majorent 
domus  n'était  assurément  pas  dans  la  formule  originale,  et  les 
déductions  qu'on  a  voulu  en  tirer  ne  reposent  que  sur  une  in- 
terpolation maladroitement  faite  sous  les  carolingiens. 

Le  troisième  argument  de  M.  Zeumer  n'a  donc  pas  plus  de 
valeur  que  les  deux  premiers,  et  nous  maintenons  énergique- 
ment  l'opinion  qui  considère  le  Landri  de  la  préface  de  Marculf 
comme  n'étant  autre  que  saint  Landri,  évêque  de  Paris,  et 
Marculf  comme  un  moine  de  ce  diocèse,  très-vraisemblable- 
ment de  l'abbaye  de  Saint-Denys,  qui  a  terminé  son  Formulaire 
pendant  l'épiscopat  de  Landri,  c'est-à-dire  de  650  à  656.  On 
peut  donc  se  servir,  en  toute  sécurité,  de  ce  recueil  de  for- 
mules pour  l'histoire  du  droit  public  et  du  droit  privé  sous 
les  derniers  Mérovingiens. 


Ad.  Tardif. 


-*•« 


ÉTUDE   CRITIQUE 


SUR 


LOS  PARAMIENTOS  DE  LA  CAZA 


Il  y  a  quelques  années,  M.  Castillon  (d'Aspet)  publia  la 
traduction  française  d'un  texte  fort  curieux  sur  la  chasse, 
attribué  par  lui  à  Sanche  le  Sage ,  roi  de  Navarre  (1). 

Ces  règlements,  est-il  dit  dans  la  Dédicace,  «  étaient  enfouis 
dans  les  Archives  provinciales  de  Pampelune  depuis  la  fin  du 
xne  siècle;  »  et,  plus  loin,  dans  son  Introduction ,  le  traduc- 
teur ajoute  :  «  C'est  dans  la  collection  des  Fueros  que  se  trou- 
vent les  Paramientos  de  la  Caza  (2)  ;  »  il  précise  encore  davan- 
tage lorsqu'il  nous  apprend  que  Gaston  Phébus ,  Fauteur  des 
Déduicts  de  chasse,  «  a  pu  prendre  connaissance  des  Para' 
mientos  transcrits  sur  le  grand-livre  en  parchemin  des  fueros, 
déposé  aux  archives  du  château  (3)  »  de  Pampelune.  Or,  j'ai 
eu  récemment  l'occasion  d'examiner  la  plus  ancien  manuscrit 
du  Fuero  General  que  renferment  les  Archives  de  Navarre  ;  il 
est  du  xive  siècle ,  et  c'est  le  seul  que  Gaston  Phébus  ait  pu 
voir  :  il  ne  contient  des  ordonnances  en  question  que  quel- 
ques paragraphes  dont  il  est  parlé  plus  bas  ;  quant  aux  Para- 

(1)  La  Paramientot  de  la  Cota,  ou  règlements  sur  la  chasse  en  général,  par 
don  Sancho  le  Sage,  roi  de  Navarre,  publiés  en  Tannée  1180.  Paris,  librai- 
rie centrale  d'Agriculture  et  de  Jardinage,  in-18.  —  J'ignore  pourquoi  M. 
Castillon  date  ces  règlements  de  1180,  attendu  que  rien  dans  le  texte  n'indi- 
que qu'ils  soient  de  cette  année-là. 

(2)  Op.  cit.,  p.  9. 

(3)  Op.  cit.,  p.  15. 


568  ÉTUDK   CRITIQUE 

mientos  eux-mêmes ,  on  n'en  trouve  trace  ni  dans  l'Inventaire 
très  complet  des  Archives ,  ni  dans  l'ouvrage  où  Yanguas 
mentionne  tous  les  documents  intéressants  de  ce  dépôt  qu'il 
connaissait  si  bien  (1),  ni  dans  les  Annales  du  P.  Moret  qui 
analyse  cependant  tous  les  actes  de  cette  époque.  On  n'a 
d'ailleurs  à  Pampelune  aucune  connaissance  de  ce  mystérieux 
manuscrit,  qui  semble  n'y  avoir  jamais  existé. 

En  effet,  si  Ton  étudie  le  texte  de  ces  ordonnances,  dans  la 
forme  et  dans  le  fond ,  on  n'a  pas  de  peine  à  se  convaincre 
qu'elles  sont  apocryphes. 

En  voici  d'abord  la  suscription  :  «  Sachent  tous  que  nous , 
don  Sancho ,  par  la  grâce  de  Dieu  et  la  volonté  de  mon  peuple, 
roi  de  Navarre  et  petit-fils  (yerno)  de  l'Empereur,  avons  établi 
los  paramientos  (règlements)  suivants ,  concernant  la  chasse  » 
afin  que  tous  nos  peuples  (pueblos)  s'y  conforment  et  qu'ils 
soient  observés  pendant  tous  les  temps  (por  todos  los  tiempos), 
ainsi  qu'ils  sont  mentionnés  dans  le  présent  écrit  (cart) ,  scellé 
de  notre  sceau  (2).  »  En  premier  lieu,  pas  une  des  nombreuses 
chartes  de  Sanche  le  Sage  que  j'ai  pu  étudier  i  Pampelune  ne 
débute  par  les  formules  de  notification  ;  c'est  seulement  sous 
le  successeur  de  ce  prince,  sous  Sanche  le  Fort,  que  l'usage 
s'introduisit  dans  la  chancellerie  de  Navarre  de  commencer 
ainsi  les  actes  ;  en  second  lieu ,  Sanche  le  Sage  ne  s'intitule 
pas  roi  «  par  la  volonté  de  son  peuple;  »  en  troisième  lieu,  et 
quoi  qu'ait  écrit  le  traducteur  à  ce  sujet  (3),  ce  roi  ne  rappelle 
pas  dans  la  suscription  de  ses  actes  qu'il  est  le  petit-fils  de 
1'  «  Empereur,  »  Alfonse  le  Batailleur;  j'ajoute  que  yerno  signi- 
fie gendre  et  non  petit- fils;  enfin,  Sanche  le  Sage  n'avait  pas 
de  sceau,  et  il  authentiquait  ses  chartes  en  y  faisant  dessiner 
son  «  signum.  » 

Il  est  dit  plus  haut  que  M.  Castillon  n'adonné  de  ces  règle- 
ments qu'une  traduction  ;  cependant  il  a  cité  entre  parenthèses 
quelques  termes  castillans  qui  ont,  en  général,  une  forme  bien 
différente  de  celle  qu'ils  affectaient  aux  xii%  xiue  et  môme  xnr* 
siècles  :  «  todos  los  tiempos,  son  Isidoro,  fueros,  pueblos,  alferez, 

(1)  Diccionario  de  las  antigûedades  de  Nararra,  por  d.  Joeé  Yanguas  y  Ma- 
rioa.  Pampelune,  1840,  3  in-! 2.  —  Adiciones,  Pampelune,  4843, 1  in-42. 

(2)  Op.  cit.,  p.  23-24. 

(3)  Op.  cit.,  Introduction ,  p.  8. 


SUR  LOS  PARAMIENTOS  DE  LA  CAZA.  569 

palo  de  hierro,  cuchillo  de  caza,  hidalgo,  no  tenian  hidalguia, 
harina  de  trigo;  »  ce  sont  là  des  expressions  usitées  dans  le 
castillan  moderne ,  mais  le  xue  siècle  aurait  dit  :  tempos,  santo 
Isidoro,  foros,  poblos,  alferiz,  fidalguia,  cuchieiUo,  ou  cutieillo, 
farina. 

Les  fueros  anciens  sont  écrits  très  simplement;  les  répéti- 
tions de  mots  et  d'idées  y  abondent  ;  et  les  rédacteurs  n'avaient 
qu'un  souci  :  éviter  l'amphibologie;  les  Paramientos  visent  à 
la  poésie,  et  l'atteignent  parfois,  trop  bien;  leur  ton  général 
est  emphatique,  et  jamais  législateur  du  xne  siècle  ne  parla 
la  langue  dont  se  sert  l'auteur  de  ce  livre ,  beaucoup  trop  beau 
pour  être  authentique  ;  que  l'on  en  juge  par  le  passage  sui- 
vant :  «  Lorsque  à  quatre  heures ,  les  cloches  annonceront  la 
présence  du  clergé  {clerigo)  sur  les  premières  marches  du  pé- 
ristyle de  l'église,  notre  étendard  royal  flottant  au-dessus  du 
cortège,  tous  les  invités  à  la  chasse  mettront,  à  mon  exemple, 
genoux  en  terre,  pour  recevoir  la  bénédiction  du  ciel.  Et 
pendant  que  l'évêque  (obispo),  répandra  sur  nous  ses  saintes 
bénédictions ,  chacun  de  nous  récitera  la  prière  de  saint  Isidore 
(san  Isidoro)  sur  l'heureux  succès  de  la  chasse,  après  quoi, 
hommes  et  équipages  se  tenant  debout,  les  trompes  et  les 
ceilleros  donneront  le  signal  de  la  retraite  du  soir  (1).  » 

Une  autre  remarque  à  faire  c'est  que ,  autant  l'ordre  et  la 
méthode  font  défaut  dans  les  textes  législatifs  contemporains 
des  Paramientos,  autant  le  plan  de  ceux-ci  est  logiquement 
conçu ,  nettement  tracé ,  et  rigoureusement  suivi  :  il  suffit  de 
les  comparer  à  ce  point  de  vue  avec  les  chartes  de  cette  époque 
publiées  par  M.  Munoz  y  Romero  pour  s'assurer  que  les 
Paramientos  ne  sont  pas  de  1180. 

Si  habile  qu'ait  été  l'auteur  de  ces  ordonnances  apocryphes, 
il  n'a  pas  su  éviter  les  anachronismes  et  les  invraisemblances  ; 
ainsi,  il  règle  les  moindres  détails  du  costume  des  chasseurs, 
piqueurs,  rabatteurs;  Sanche  Je  Sage  avait-il  dit  de  telles 
préoccupations?  A  une  époque  où  les  armées  elles-mêmes 
n'avaient  pas  idée  de  l'uniforme,  il  n'est  pas  vraisemblable 
qu'on  se  soit  avisé  de  l'imposer  à  des  troupes  de  chasseurs  et 

(1)  Op.  cit.,  p.  26-27. 

Rrvub  hist.  —  Tome  VIII.  38 


570  ÉTUDE  CRITIQUE 

de  légiférer  sur  la  forme  et  la  couleur  de  leur  coiffure  qui  de- 
vait être  le  «  berret  (boina)  de  couleur  sombre....,  sans  autres 
ornements  ni  ajustements  qu'une  jugulaire  en  cuir  (cuero)  pour 
le  retenir  sur  le  chef  (cabessa)  (1).  » 

On  se  demande,  en  outre,  de  quel  droit  les  Paramientos 
exigent  des  laboureurs  qu'ils  prennent  part  aux  chasses  royales 
pour  y  remplir  telle  ou  telle  fonction  :  les  charges  des  labou- 
reurs étaient  déterminées;  ils  n'étaient  point  corvéables  à 
merci  et  nulle  part  dans  le  Fuero  General  il  n'est  fait  mention 
de  cette  corvée  de  la  chasse. 

A  la  suite  des  Paramientos  vient  le  récit  de  chasses  faites 
«  pendant  l'hiver  de  1165  dans  les  montagnes  de  Roncevaux 
(Ronzasvallis)  et  de  Roncale  (2);  »  «  cette  note,  »  nous  dit  le 
traducteur,  «  se  trouvé  écrite  à  la  fin  des  Paramientos  et 
semble  en  être  la  conclusion  naturelle  (3).  »  Or,  parmi  les  sei- 
gneurs désignés  comme  ayant  assisté  à  ces  chasses,  il  en  est 
cinq,  quatre  richombres  et  un  cavayllero  (?),  dont  les  noms  se 
retrouvent  avec  la  même  orthographe,  dans  le  même  ordre  et 
avec  les  mêmes  titres  dans  le  préambule  de  l'addition  faite  en 
1330  au  Fuero  General  (4),  addition  qui  se  trouve  à  la  fin  du 
manuscrit  du  Fuero  et  qui  en  est  la  conclusion  naturelle;  le 
«  Fray  Pedro  »  cité  comme  ayant  pris  note  des  pièces  abattues 
en  1165,  était  clerc  du  roi  en  1330  et  a  rédigé  en  cette  qualité 
les  articles  additionnels  dont  il  est  parlé  plus  haut. 

En  résumé,  la  forme  diplomatique  des  Paramientos,  leur 
forme  philologique,  la  perfection  de  leur  exposition,  leur 
tournure  poétique  et  littéraire ,  et  de  nombreux  anachronismes 
prouvent  que  ce  texte  n'est  pas  de  Sanche  le  Sage. 

Cependant,  les  neuf  premiers  articles  du  chapitre  VIII,  in- 
titulé «  Ordonnances  concernant  la  chasse,  »  se  retrouvent 

(1)  Op.  cit.,  p.  36.  —  Un  éminent  archéologue  navarrais,  M.  Juan  Iturralde 
y  Sait ,  directeur  de  la  Revitta  Eutkara  et  membre  correspondant  de  l'Aca- 
démie royale  d'histoire  de  Madrid,  a  bien  voulu  me  faire  remarquer  que 
le  berret  ou  boina  n'était  pas  connu  au  xu*  siècle  dans  la  Navarre  où  il  s'est 
introduit  à  une  époque  relativement  moderne  ;  on  se  servait  anciennement  de 
la  gorra  ou  casquette  en  peau ,  dont  l'usage  ne  s'est  pas  perdu  entièrement, 
et  du  sombrero;  les  textes  anciens  ne  font  pas  mention  de  la  boina. 

(2)  Op.  cit.,  p.  404. 

(3)  lbid.,  note. 

(4)  Fuero  General  de  Navarra.  Pampelune,  1869,  in-4°,  p.  148. 


SUR  LOS  PARAMIENTOS  DE  LA  CAZA.       571 

avec  quelques  modifications  dans  le  Fuero  General  (1);  une 
partie  du  treizième  compose  l'article  x  du  Fuero  (2)  ;  enfin ,  le 
quatorzième  et  dernier  est  encore  un  paragraphe  défiguré  de 
ce  même  Fuero  (3). 

Le  reste  a-t-il  quelque  valeur  juridique?  Faut-il  voir  dans 
les  Paramientos  une  compilation  de  règlements  authentiques 
quant  au  fond,  mais  de  dates  diverses  et  bien  postérieures  à 
Sanche  le  Sage?  Je  crois  bien  plutôt  que  nous  nous  trouvons 
en  face  d'une  œuvre  de  pure  fantaisie ,  pour  ne  pas  dire  plus , 
et  que  ces  prétendues  Ordonnances  sont  dénuées  de  toute  au- 
torité. 

A.  Brutails. 


(1)  Liv.  V,tit.  z,  édition  1869,  p.  116-117. 

(2)  Ibid. 

(3)  Liv.  UT,  zv,  cap.  28,  p.  69. 


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COMPTES-RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES. 


Histoire  des  Justices  des  anciennes  églises  et  com- 
munautés monastiques  de  Paris,  suivie  des  Regis- 
tres inédits  de  Saint-Maur-des-Fossés,  Sainte-Gene- 
viève, Saint-Gerxnain-des-Prés,  et  du  Registre  de 
Saint-Martin-des-Ghamps,  par  L.  Tanon,  conseiller  à  la 
Cour  de  cassation.  —  Paris,  Larose  et  Forcel,  1883,  in-8°  de  568 
pages. 

Les  lecteurs  de  la  Nouvelle  Revue  historique  de  droit  con- 
naissent déjà  des  fragments ,  et  non  les  moins  importants ,  du 
bel  ouvrage  de  M.  Tanon.  Le  savant  auteur  ne  s'est  pas  borné 
à  reproduire  les  articles  qui  ont  paru  ici  même  et  que  le 
public  n'a  pas  oubliés  :  il  y  a  ajouté  des  chapitres  et  des 
documents  inédits  du  plus  haut  intérêt. 

Dans  cet  ouvrage ,  tout  entier  consacré  aux  justices  sei- 
gneuriales des  églises  de  l'ancien  Paris,  il  est  possible  de 
discerner  trois  parties  bien  distinctes  :  dans  la  première, 
après  avoir  rappelé  brièvement  l'origine  des  droits  de  justice 
des  églises  de  Paris ,  l'auteur  étudie  la  procédure  criminelle 
et  le  droit  pénal  qui  y  étaient  en  vigueur,  d'après  les  sources 
du  xme  et  du  xive  siècle;  il  termine  ces  notions  générales  par 
un  chapitre  où  il  traite  de  la  décadence  et  de  la  suppression 
des  hautes-justices  de  Paris.  —  Il  s'occupe  ensuite  de  cha- 
cune de  ces  justices ,  dont  il  délimite  le  territoire  et  décrit 
l'organisation  :  c'est  ainsi  qu'il  étudie  successivement  les  jus- 
tices de  l'évêque  et  du  chapitre,  des  abbayes  deSaint-Ma- 
gloire,de  Saint-Germain-des-Prés,  de  Sainte-Geneviève,  de 
Saint-Victor,  de  Montmartre,  de  Tiron  (qui  possédait  une 
seigneurie  à  Paris);  des  prieurés  de  Saint-Éloi,  de  Saint- 
Denis  de  la  C Dartre,  de  Saint-Martin-des-Champs ,  de  Saint- 
Lazare,  du  Temple,  du  Grand-Prieuré  de  France  et  de  la 


574  COMPTES-RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES. 

commanderie  de  Saint-Jean  de  Latran  ;  des  églises  collégiales 
de  Saint-Benoît,  Saint-Marcel  et  Saint-Merry.  —  Enfin ,  sous 
le  titre  de  pièces  justificatives,  M.  Tanon  publie  des  registres 
inédits  des  justices  de  Saint-Maur-des-Fossés ,  de  Sainte- 
Geneviève  ,  de  Saint-Germain-des-Prés ,  et  de  l'aumônier  de 
Saint-Denis ,  pour  la  seigneurie  de  la  Chapelle-Saint-Denis. 
Il  y  ajoute  la  réimpression  d'un  registre  déjà  publié  par  lui  et 
provenant  de  Saint-Martin-des-Champs.  Ces  registres  ne  sont 
pas  à  proprement  parler  des  collections  officielles  de  sentences 
criminelles;  ils  ont  été  rédigés,  comme  le  dit  fort  bien  l'au- 
tour, afin  de  faciliter  aux  églises  la  preuve  de  leurs  droits  de 
justice,  «  dans  les  contestations  si  fréquentes  qui  s'élevaient 
entre  leurs  officiers  -et  tes  officiers  du  roi.  »  Les  faits  qu'ils 
rapportent  se  placent  pour  la  plupart  de  la  fin  du  xnie  siècle 
au  xiv°. 

Ce  simple  aperçu  des  matières  traitées  par  M.  Tanon  donne 
la  mesure  du  service  rendu  par  lui  à  tous  ceux  qui  s'occupent 
de  l'histoire  de  Paris  et  de  ses  environs.  Mais  c'est  moins  sur 
ces  résultats ,  si  importants  qu'ils  soient ,  qu'il  convient  d'in- 
sister ici ,  que  sur  les  parties  du  livre  touchant  de  plus  près 
à  l'histoire  générale  du  droit  criminel.  Grâce  à  certaines  idées 
mises  en  lumière  par  M.  Tanon,  il  est  enfin  possible  de  se 
rendre  compte  du  développement  de  notre  procédure  fran- 
çaise :  les  chapitres  intitulés  :  du  duel  judiciaire,  de  la  pro- 
cédure ,  de  l'appel ,  fournissent  à  ce  point  de  vue  des  notions 
nouvelles  dont  plusieurs  sont  d'un  intérêt  capital.  Je  veux 
seulement,  m'inspirant  de  l'ouvrage  de  M.  Tanon  et  des 
jurisconsultes  contemporains,  essayer  d'indiquer  quelques 
traits  de  ce  développement. 

Gomment  est  introduite  l'affaire  criminelle  au  moyen-âge? 
Question  grave  :  car  la  répression  est  plus  ou  moins  bien 
assurée  suivant  que  la  poursuite  est  plus  ou  moins  facile. 

11  y  a  d'abord  un  moyen  très  simple  :  c'est  la  vieille  accu- 
sation «  par  partie  formée.  »  La  lutte  s'y  établit  directement 
evtre  l'accusateur  et  l'accusé ,  et  s'y  dénoue  le  plus  souvent 
par  le  duel  judiciaire.  Cette  voie,  périlleuse  pour  l'accusa- 
teur, fut  rapidement  délaissée  aa  moyen-âge.  Un  fait  analo- 
gue se  produisit  dans  l'Église  :  l'accusation  (moins  le  duel 
judiciaire),  avait  été  empruntée  par  les  lois  canoniques  aux 


COMPTES-RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES.  375 

lois  romaines  :  or,  au  xni°  siècle,  aucun  mode  d'instruction 
criminelle  n'est  moins  fréquemment  usité. 

A  défaut  d'accusateur,  comment  procéder?  Lorsque  l'initia- 
tive des  particuliers  vient  à  manquer,  il  faut  nécessairement 
recourir  à  l'initiative  du  «  bailli ,  »  qui ,  d'après  Beaumanoir, 
doit  «  courre  au  devant  des  meffet  et  justicier  selon  le  mef- 
fet  (1).  »  Le  rôle  du  bailli  est  facile  quand  les  crimes  sont 
avoués  spontanément,  ou  «  sont  aperts  et  se  prouvent  d'eux- 
mêmes  (2),  »  comme  il  arrive  lorsque  le  délit  est  flagrant  ou  le 
fait  notoire  :  le  bailli  peut  alors  les  «  justicier.  »  —  Mais  ce 
sont  là  des  circonstances  exceptionnelles  :  en  générai,  le 
bailli  se  trouvera  en  présence  de  prisonniers  incarcérés  à 
raison  des  soupçons  qui  pèsent  sur  eux,  sans  cependant  que 
la  preuve  de  leur  crime  soit  établie?  Comment  faire  cette 
preuve,  sans  la  volonté  ou  contre  la  volonté  de  l'accusé  1 
Gomment  le  condamner  à  la  suite  d'une  telle  instruction  !  Ne 
heurterait-on  pas  ainsi  des  idées  juridiques  anciennes  et  in- 
vétérées? 

A  la  vérité,  le  juge  peut  offrir  au  prévenu  de  «  se  mettre 
en  enquête.  »  Le  prévenu  est  libre  d'accepter  ou  de  refuser 
l'enquête.  S'il  l'accepte,  les  témoins  sont  entendus  contradic- 
toirement ,  et  le  juge  prononce  sa  sentence  d'après  le  résultat 
de  l'enquête.  S'il  refuse,  le  juge,  qu'il  agisse  de  sa  propre 
initiative  ou  qu'il  ait  été  mis  en  mouvement  par  un  dénoncia- 
teur, poursuit  l'instruction  comme  il  peut,  recueillant  des 
indices ,  formant  des  présomptions ,  entendant  des  témoins  : 
c'est  l'apprise,  bien  distincte  de  l'enquête.  Cette  instruction 
aboutit  à  l'un  des  trois  résultats  suivants  : 

Ou  les  charges  s'évanouissent,  et  le  prévenu  est  mis  en 
liberté. 

Ou  l'instruction  mène  le  juge  à  reconnaître  que  le  crime 
est  notoire  ou  flagrant  :  on  rentre  ici  dans  une  des  catégo- 
ries déjà  indiquées  (3). 

Ou  l'instruction,  sans  conduire  à  ce  résultat  exceptionnel, 
laisse  subsister  des  charges  graves.  En  ce  cas,  le  juge  n'a 
point  le  droit  de  prononcer  une  condamnation  capitale  :  en 

(1)  Beatiraan.,  ch.  I,  n°  35. 

(2)  Beauman.,  ch.  XXXI,  n<>  6. 

(3)  Beauman.,  ch.  XXXIX,  n°»  12  et  suiv. 


576  COMPTES-RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES. 

effet,  cette  condamnation  ne  serait  fondée  ni  sur  l'évidence 
ni  sur  un  véritable  procès  criminel.  11  pourra  seulement  ban- 
nir le  prévenu  de  la  terre  du  seigneur,  comme  il  arriva  en 
1290,  à  «  Pereste  de  Chartres  »  et  à  «  Jehanette  la  boçue  du 
Parvis ,  »  qui  furent  chassées  de  la  seigneurie  de  Sainte-Ge- 
neviève «  pour  soupçon  de  larrecin  (1).  »  Ou  bien  avant  de 
mettre  le  prisonnier  en  liberté,  il  pourra  lui  ordonner  de 
«  s'espurger  :  »  cette  justification,  à  la  fin  du  xme  siècle,  se 
fait  non  point  par  les  cojureurs  ou  le  jugement  de  Dieu,  mais 
au  moyen  de  témoins  à  décharge  (2). 

On  voit  le  vice  de  ce  système,  trop  favorable  aux  crimi- 
nels :  l'individu  sur  lequel  pèsent  de  graves  soupçons  échappe 
assez  facilement  à  la  peine  capitale  s'il  refuse  l'enquête.  Sans 
doute  on  le  gardera  longtemps  en  prison,  si  l'on  peut  espérer 
qu'un  accusateur  se  présentera  ou  que  l'on  arrivera  à  prouver 
la  notoriété  du  crime.  Sinon,  il  faudra  bien  le  mettre  en  li- 
berté, sauf  à  le  bannir  de  la  seigneurie,  ce  qui,  dans  Paris, 
équivalait  à  lui  imposer  l'obligation  de  changer  de  quartier, 

La  répression  était  insuffisante  :  une  règle  introduite  dans 
l'intérêt  des  prévenus  servit  à  la  rendre  trop  rigoureuse.  Le 
juge  peut  condamner  le  criminel  qui  avoue  :  il  faut  donc 
pousser  les  prévenus  dans  la  voie  des  aveux  ;  au  besoin ,  on 
les  y  amènera  en  les  soumettant  à  la  question.  La  torture, 
M.  Tanon  le  démontre  très  clairement ,  ne  fut  introduite  que 
pour  éviter  ce  que  nous  appellerions  en  style  moderne  des 
acquittements  trop  nombreux  :  elle  compense  pour  la  pour- 
suite  les  difficultés  de  la  preuve. 

Elle  apparaît  à  la  fin  du  xui*  siècle  dans  les  justices  de 
Paris.  On  n'appliquait  alors  la  torture  que  «  sur  des  indices 
graves,  après  une  information  préalable,  et  lorsque  le  pri- 
sonnier refusait  l'enquête  qui  lui  était  offerte  (3).  »  À  la  fin  du 
xive  siècle,  ces  tempéraments  sont  tombés  en  désuétude  ,  et 
la  torture  est  entièrement  abandonnée  au  pouvoir  discrétion- 
naire du  juge. 

Alors  le  juge,  en  présence  d'un  individu  soupçonné  de 
crimes,  peut  abandonner  l'ancienne  procédure  et  faire  donner 

(1)  P.  349. 

(2)  P.  356. 

(3)  P.  62. 


COMPTBS-RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES.  577 

la  question  à  l'accusé  pour  provoquer  les  aveux  :  c'est  pro- 
céder «  à  l'extraordinaire.  »  Que  si  l'accusé  se  résigne  à 
avouer,  il  est  condamné,  et  condamné  sans  appel  :  car  on 
déduit  de  certains  textes  du  Code  que  l'appel  ne  doit  pas  être 
reçu  en  cas  d'aveu,  non  plus  que  lorsque  le  crime  est  notoire 
ou  flagrant.  Voilà  la  procédure  extraordinaire  de  notre  ancien 
droit  dans  toute  sa  rigueur  :  M.  Tanon  a  le  très  grand  mérite 
de  nous  en  faire  bien  comprendre  les  origines.  Son  livre 
nous  montre  comment  l'application  de  règles  trop  favorables 
aux  accusés  amena  nécessairement  une  réaction  qui  dépassa 
bientôt  la  mesure  et  unit  par  produire  un  des  plus  mauvais 
systèmes  d'infraction  criminelle  qui  aient  été  en  vigueur  chez 
les  nations  civilisées.  Déjà  à  la  fin  du  xni4  siècle,  l'évêque  de 
Mende,  Guillaume  Durant,  écrivait  à  propos  de  la  procédure 
française  ces  mots  plusieurs  fois  cités  au  moyen-âge  :  «  Alibi 
celeritas  sœpe  justitiam  exorbitare  facit...  sicut  plerumque  in 
curia  Franciœ,  ubi  judiciarius  ordo  non  servatur,  experti  su- 
mus.  Iniquitas  enim  omnia  praecipitat  (1).  » 

On  ne  trouvera  pas  dans  le  livre  de  M.  Tanon  des  rensei- 
gnements nouveaux  sur  l'institution  du  ministère  public,  ni 
sur  la  formation  de  la  théorie  de  la  double  action  publique  et 
privée,  si  nettement  exposée  par  les  jurisconsultes  du  xvie 
siècle  :  il  ne  faut  guère  s'en  étonner,  car  les  documents  qu'il 
étudie  appartiennent  pour  la  plupart  à  une  période  où  appa- 
raissent à  peine  les  procureurs  et  les  avocats  du  roi.  Mais  on 
verra  dans  les  pièces  justificatives  des  mentions  de  tous  les 
incidents  qui  se  rencontraient  dans  la  procédure  :  il  y  est 
souvent  question  de  conflits  de  compétence  :  l'auteur  fait 
remarquer  à  ce  sujet  que  les  juges,  même  quand  ils  admi- 
nistraient la  justice  au  nom  des  Églises ,  rendaient  les  clercs 
emprisonnés  à  l'official ,  seul  juge  spirituel.  Je  constate  qu'ils 
élevaient  contre  les  officiaux  les  mêmes  prétentions  que  les 
juges  des  seigneurs  laïques  :  ainsi  en  1339,  la  justice  de  Saint- 
Martin-des-Ghamps ,  tout  en  restituant  à  l'official  certains 
clercs ,  s'efforce  de  retenir  le  procès  d'un  clerc  bigame  :  «  en 
protestant  de  ravoir  ledit  Simon,  qui  dit  qu'il  y  a  eu  deus 
famés  espousées  (2).  »  On  sait,  en  effet,  que  le  clerc  veuf  qui 

(1)  Specul.,  deAppell.,  S.  nunc  br éviter,  d°  5. 

(2)  P.  521. 


578  COMPTES  RENDUS   BIBLIOGRAPHIQUES. 

contractait  un  second  mariage  était  généralement  considéré 
comme  retombant  sous  la  juridiction  du  for  séculier.  —  De- 
vant les  tribunaux  séculiers  du  moyen-âge,  le  duel  judiciaire 
fut  longtemps  en  vigueur  :  à  ce  propos  M.  Tanon  explique  le 
sens  de  l'expression  «  les  cous  le  Roi,  ictus  Régis  »  et  com- 
plète les  textes  cités  par  Ducange.  Signalons  au  hasard  de 
nombreux  détails  caractéristiques.  «  La  restitution ,  réelle  ou 
symbolique ,  accordée  aux  seigneurs  dont  le  roi  avait  enfreint 
la  justice;  les  procès  contre  les  animaux;  d'abondants  rensei- 
gnements sur  les  peines  criminelles  et  leur  mode  d'exécu- 
tion ,  etc.  »  Citons  encore  les  expertises  médicales  dont  il  est 
fait  fréquemment  mention  :  chaque  tribunal  avait  à  son  ser- 
vice un  ou  plusieurs  «  mires  juris  »  aux  lumières  desquels 
ils  avaient  recours  quand  l'occasion  s'en  présentait. 

Déjà  les  tribunaux  tiennent  compte  de  circonstances  qui 
préoccupent  à  bon  droit  le  législateur  moderne.  Par  exemple, 
c'est  un  enfant  de  neuf  ans  qui  faisait  métier  de  «  vuidier  des 
bourses;  »  considéré  son  «  petit  âge,  »  il  sera  simplement 
battu  de  verges,  au  lieu  d'être  envoyé  à  la  potence  (1),  comme 
«des  coupeurs  de  bourses  »  plus  âgés  (2).  En  revanche,  la 
récidive  entraîne  une  aggravation  de  peine  :  ainsi  une  femme  de 
Soisy,  convaincue  de  vol,  est  condamnée  à  être  enfouie,  parce 
que  son  oreille  coupée  décèle  une  précédente  condamnation. 

Il  faut  louer  dans  ce  livre  la  conscience  d'érudit  avec  la- 
quelle l'auteur  a  exécuté  son  œuvre  :  il  cite  exactement  de 
nombreuses  sources,  n'a  pas  craint  de  rechercher  aux  Archives 
Nationales  les  divers  documents  de  nature  à  expliquer  les 
textes  qu'il  publie  correctement.  Toutefois,  le  lecteur  regret- 
tera peut-être  que  M.  Tanon  n'ait  pas  distribué  suivant  un 
plan  méthodique  les  matières  dont  il  est  traité  dans  la  pre- 
mière partie  :  cette  partie  semble  moins  un  livre  qu'une  col* 
lection  d'excellents  articles. 

Quoi  qu'il  en  soit,  la  publication  de  cet  ouvrage  marque  un 
progrès  sensible  pour  l'histoire  du  droit  criminel  au  moyen- 
âge  :  à  ce  titre ,  l'auteur  mérite  la  reconnaissance  du  monde 
savant. 

P.  Fournies. 

(1)  P.  476. 

(2)  PP.  368  et  488. 


COMPTES-RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES.  579 


Gode  pénal  des  Pays-Bas  du  3  mars  1881,  traduit  et  an- 
noté par  M.  Willem- Joan  Wintgens  ,  avocat  à  La  Haye  (Paris,  im- 
primerie Nationale,  1883). 

La  Société  de  législation  comparée  et  le  Comité  de  législa- 
tion étrangère ,  poursuivant  le  cours  de  leurs  traductions  des 
principaux  codes  étrangers ,  viennent  de  publier  le  nouveau 
Code  pénal  des  Pays-Bas  du  3  mars  1881,  traduit  et  annoté 
par  M.  Willem-Joan  Wintgens,  avocat  à  La  Haye. 

Sur  l'œuvre  de  traduction  elle-même,  nous  ne  pouvons 
guère,  dans  notre  ignorance  du  hollandais,  fournir  aucune 
appréciation.  Tout  ce  que  nous  dirons,  c'est  que  le  Code  que 
nous  avons  sous  les  yeux  est  d'une  lecture  facile  et  qu'on  peut, 
en  s'y  référant,  très  bien  saisir  la  portée  des  dispositions  édic- 
tées par  le  législateur  hollandais. 

Il  était  véritablement  utile  de  faire  connaître  aux  lecteurs 
français  la  nouvelle  législation  pénale  des  Pays-Bas ,  car  elle 
constitue,  comme  ses  auteurs  se  le  sont  proposé,  une  œuvre 
réellement  originale  et  beaucoup  plus  intéressante  pour  le  cri- 
minaliste  que  le  nouveau  Code  pénal  allemand. 

Les  Hollandais,  qui  avaient  gardé  jusqu'à  présent  le  Code 
pénal  français  de  1810,  modifié  par  de  nombreuses  lois  de  dé- 
tail, ont  entièrement  rejeté  le  système  et  le  plan  français  et 
ont  établi  leur  nouveau  droit  pénal  sur  des  bases  entièrement 
neuves. 

Après  avoir  posé  dans  le  titre  Iir  quelques  règles  sur  l'au- 
torité de  la  loi  pénale,  règles  évidemment  mieux  à  leur  place 
dans  un  Code  pénal  que  dans  un  Code  d'instruction  criminelle, 
comme  en  France ,  le  législateur  des  Pays-Bas  passe  à  l'énu- 
mération  et  à  l'organisation  des  peines. 

Il  écarte  la  peine  de  mort.  Nous  ne  voulons  exprimer  aucun 
regret  à  cet  égard ,  car  nous  pourrions  être  accusé  de  ne  pas 
être  à  la  hauteur  de  notre  temps. 

Le  Code  hollandais,  et  c'est  là  son  caractère  principal,  sup- 
prime les  peines  infamantes.  Il  se  souvient  que  le  crime  fait 
la  honte  et  non  pas  l'échafaud. 

Partant  de  ce  point  de  vue,  il  supprime  également  la  divi- 


580  COMPTES-RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES. 

sion  tripartite  des  infractions  en  crimes,  délits  et  contraven- 
tions. Il  n'y  a  plus  que  des  délits  (ou  méfaits)  et  des  contra- 
ventions. Le  critérium  de  cette  dernière  division  n'est  plus 
alors,  comme  chez  nous,  la  nature  de  la  peine  prononcée; 
ainsi  certaines  contraventions  peuvent  être  punies  de  l'empri- 
sonnement, peine  la  plus  grave,  et  pour  une  durée  plus  longue 
que  certains  délits  (V.  art.  456).  Le  législateur  a  voulu  ranger 
parmi  les  délits  les  faits  contraires  à  la  morale  (au  droit)  et 
parmi  les  contraventions  les  infractions  à  ce  qui  n'est  que 
simple  injonction  du  législateur  (la  loi).  Le  fondement  de  la 
distinction  est  sans  doute  préférable  à  celui  de  notre  Code  pé- 
nal ;  mais  on  ne  peut  pas  dire  cependant  que  le  législateur 
hollandais  ne  l'ait  jamais  perdu  de  vue;  ainsi  des  infractions 
mises  par  lui  au  nombre  des  délits  n'entraînent  pas  réelle- 
ment une  violation  des  principes  de  la  loi  morale ,  tels  sont 
certains  délits  commis  dans  l'exercice  des  fonctions  publiques, 
délits  relatifs  à  l'exercice  des  droits  et  des  devoirs  civiques , 
délits  contre  l'autorité  publique  ou  contre  la  dignité  royale. 

Les  seules  peines  principales  conservées  sont  l'emprison- 
nement, la  détention  et  l'amende.  La  déportation  et  le  ban- 
nissement disparaissent;  la  déportation,  parce  qu'elle  rend 
impossible  la  cellule  et,  partant,  difficile  l'amélioration  du 
condamné  ;  le  bannissement ,  parce  qu'il  constitue  une  peine 
inégale  et  inefûcace. 

L'emprisonnement  est  la  peine  la  plus  grave  prononcée  par 
le  Code.  Sauf  un  petit  nombre  d'hypothèses  où  il  est  à  vie,  sa 
durée  maximum  est  de  quinze  années  en  principe.  Il  se  subit 
en  cellule  dans  les  condamnations  à  moins  de  cinq  années,  et 
pendant  les  cinq  premières  années  seulement  pour  les  con- 
damnations d'une  durée  supérieure,  sauf  pour  le  condamné  la 
faculté  de  continuer  à  vivre  en  cellule  s'il  le  préfère.  Le  tra- 
vail est  imposé  au  détenu.  Pour  faciliter  sa  rentrée  dans  la 
société ,  le  Code  autorise  sa  mise  en  liberté  provisoire  après 
l'expiration  des  trois  quarts  de  la  peine  et  de  trois  ans  au 
moins. 

La  détention ,  qui  vient  en  second  lieu  dans  l'échelle  des 
peines ,  est  réservée  aux  contraventions  et  aux  délits  commis 
sans  intention.  Elle  consiste  dans  la  simple  privation  de  la 
liberté  et  le  condamné  n'est  soumis  ni  à  l'obligation  du  tra- 


COMPTES-RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES.  S81 

vàil ,  ni  à  la  cellule ,  à  moins  qu'il  ne  préfère  l'isolement.  La 
détention  peut  se  substituer  à  l'amende  en  cas  d'insolvabilité. 

À  propos  des  peines  accessoires,  nous  remarquerons  que 
le  Code  hollandais  a  bien  mieux  compris  que  notre  Code  pé- 
nal le  caractère  de  l'une  d'elles,  l'interdiction  de  certains 
droits ,  et  il  a  jugé  inutile  et  peu  logique  d'enlever  au  con- 
damné des  droits  qui  peuvent  profiter  à  la  société,  comme  le 
droit  de  témoigner  en  justice. 

Les  règles  sur  l'imputabilité  pénale  contenues  dans  le  titre 
III  n'offrent  rien  de  particulier.  lien  est  autrement  des  causes 
d'atténuation  ou  d'aggravation  des  peines. 

D'abord  pour  l'atténuation,  le  législateur  hollandais  a  aban- 
donné le  système  des  circonstances  atténuantes.  On  l'a  rem- 
placé en  n'édictant  qu'un  maximum,  de  sorte  que  le  juge  peut 
faire  descendre  l'emprisonnement  et  la  détention  à  un  jour, 
l'amende  à  50  cents  (1  fr.  10). 

Quant  aux  causes  générales  d'aggravation,  le  Code  n'en 
reconnaît  qu'une ,  celle  qui  résulte  de  la  qualité  de  fonction- 
naire ;  lorsque  le  coupable  en  abuse  pour  commettre  une  in- 
fraction, le  maximum  de  la  peine  peut  être  élevé  d'un  tiers. 
La  partie  générale  du  Code  ne  contient  aucune  disposition  re- 
lative à  la  récidive.  Le  système  admis  est  tout  différent  du 
nôtre.  D'abord  l'aggravation  n'existe  pas  dans  toute  seconde 
condamnation ,  mais  seulement  dans  les  cas  énumérés  par  la 
loi;  en  second  lieu,  une  condamnation  antérieure  quelconque 
n'entraîne  pas  nécessairement  l'aggravation  de  peine  ;  il  faut 
que  cette  condamnation  ait  été  prononcée  pour  un  des  délits 
spécialement  énumérés  par  le  Code. 

Le  législateur  des  Pays-Bas  a  naturellement  rejeté  l'assimi- 
lation ,  si  critiquée  de  nos  jours ,  de  la  tentative  au  crime , 
relativement  à  la  pénalité.  Il  a  néanmoins  laissé  subsister  l'in- 
térêt de  la  distinction  à  d'autres  points  de  vue,  notamment  en 
ce  qui  concerne  les  contraventions  dont  la  tentative  n'est  point 
punissable  et  la  complicité  qui  est  également  impunie  pour  la 
tentative.  La  peine  de  la  tentative  est  réduite  d'un  tiers,  ré- 
duction admise  de  même  pour  la  peine  de  la  complicité. 

La  partie  générale  comprend  enfin  les  règles  de  la  prescrip- 
tion dont  les  délais  sont  fort  abrégés. 

Pour  la  partie  spéciale  du  Code ,  nous  remarquerons  que  le 


582  COMPTES-RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES. 

maximum  de  la  peine  est  en  général  beaucoup  moins  élevé 
que  dans  notre  Code  pénal.  En  fait,  toutefois,  la  rigueur  de 
la  législation  française  n'est  point  aussi  grande  qu'elle  le  pa- 
raît quand  on  se  borne  à  comparer  les  textes  et ,  le  plus  sou- 
vent, la  peine  est  abaissée  chez  nous  soit  par  l'application  du 
minimum,  soit  par  l'admission  des  circonstances  atténuantes. 
Tout  en  reconnaissant  que  certaines  pénalités  édictées  par  le 
Code  pénal  français  sont  évidemment  exagérées  dans  l'état 
actuel  des  mœurs,  nous  nous  demandons  s'il  n'eût  pas  été 
peut-être  plus  prudent  de  ne  pas  procéder  en  Hollande  à  un 
abaissement  presque  général  et  assez  important  de  La  peine  et 
de  laisser  subsister  un  maximum  plus  élevé,  au  moins  comme 
une  menace. 

Parmi  les  différents  articles  de  la  partie  spéciale,  nous  si- 
gnalerons seulement  ceux  qui  régissent  le  duel  et  qui  Y  imités 
du  Code  pénal  allemand,  semblent  assez  heureusement  com- 
binés pour  déraciner  cette  funeste  institution  ;  celui  qui  établit 
l'égalité  entre  le  mari  et  la  femme  pour  la  répression  de  l'a- 
dultère dont  la  peine  maxima  est  d'ailleurs  réduite  à  six  mois 
(l'impunité  était  proposée  dans  le  projet)  ;  enfin  les  disposi- 
tions assez  malheureuses,  à  notre  avis,  des  articles  108  et  s. 
qui,  au  nombre  des  attentats  contre  la  dignité  royale,  rangent 
les  délits  commis  non-seulement  contre  le  roi,  mais  encore 
contre  la  reine,  l'héritier  présomptif  et  les  membres  de  la  fa- 
mille royale,  créant  ainsi  toute  une  classe  de  privilégiés,  con- 
trairement à  l'esprit  de  notre  temps. 

Le  Code,  sur  lequel  nous  venons  de  jeter  un  coup  d'oeil  si 
rapide,  ne  sera  mis  en  vigueur  que  lorsque  le  pays  sera  pourvu 
de  prisons  cellulaires  en  nombre  suffisant.  L'expérience  n'a 
pas  encore  commencé.  Souhaitons  qu'elle  soit  heureuse.  Quel 
qu'en  soit  d'ailleurs  le  résultat,  nous  doutons  fort  que  de  pa- 
reilles innovations  puissent  de  longtemps  s'introduire  en  France 
sans  amener  une  augmentation  notable  de  la  criminalité. 

Dans  tous  les  cas,  sachons  gré  au  traducteur  d'avoir  porté 
à  notre  connaissance  nombre  de  dispositions  dont  nos  législa- 
teurs pourraient  dès  à  présent  s'inspirer  s'ils  voulaient  procé- 
der à  une  nouvelle  révision  de  nos  lois  pénales. 

Ludovic  Beauchet, 
Agrégé  à  la  Faculté  de  droit  de  Nancy. 


COMPTES-RENDUS   BIBLIOGRAPHIQUES.  983 


Essai  de  droit  international  privé,  précédé  d'une  Étude 
historique  sur  la  condition  des  étrangers  en  France  et  suivi  du 
texte  de  tous  les  traités  intéressant  les  étrangers,  par  M.  Louis 
Durand,  avocat  près  la  Coût  d'appel  de  Lyon ,  docteur  en  droit.  — 
Ouvrage  couronné  par  la  Faculté  catholique  de  droit  de  Lyon  (mé- 
daille d'or)  et  par  l'Académie  de  Législation  de  Toulouse  (médaille 
d'or).  —  i  vol.  in-8°,  820p.  Paris,  Larose  et  Forcel,  1884. 

Il  y  a  dans  ce  volume  deux  parties  bien  distinctes ,  dont  la 
portée  et  aussi  l'utilité  ne  nous  paraissent  pas  égales.  Dans  un 
Appendice  dont  l'importance  relative  est  considérable  (250 
pages  en  petit  texte),  l'auteur  a  réuni  les  principaux  traités 
conclus  par  la  France  et  intéressant  la  condition  des  étran- 
gers. Ce  travail  est  sans  aucun  doute  des  plus  utiles,  et  il 
suffira  de  se  reporter  au  livre  de  M.  Durand  pour  trouver 
facilement  et  sûrement  les  textes  diplomatiques  dont  la  re- 
cherche eût  coûté  du  temps  et  de  la  peine. 

Mais  cet  Appendice  est  précédé  d'une  œuvre  à  laquelle , 
pour  commencer  par  les  critiques,  il  nous  paraît  difficile 
<f  assigner  un  caractère  bien  défini.  L'auteur  l'intitule  modes- 
tement :  Essai  de  droit  international  privé,  et  on  ne  saurait 
dire  que  ce  titre  très  vague  soit  mal  choisi.  Quel  a  été  le  but 
de  l'auteur?  Est-ce  une  œuvre  scientifique  qu'il  a  entendu 
faire,  ou  bien  un  simple  résumé?  Le  premier  point  de  vue 
peut  paraître  exact  si  on  considère  la  place  importante  (208 
pages)  faite  à  la  partie  historique  et  le  développement  donné 
à  certaines  questions.  Mais  il  y  a  à  cet  égard  des  inégalités 
marquées ,  toutes  les  matières  ne  sont  pas  traitées  avec  la 
même  étendue  et  on  songe  bien  plutôt  à  un  simple  résumé, 
surtout  quand  on  voit  que  l'exposition  doctrinale  n'occupe 
dans  le  livre  de  M.  Durand  qu'une  place  restreinte. 

Resterait  encore  à  savoir  quel  a  été  le  plan  de  ce  résumé. 
Nous  avouons  ne  point  l'apercevoir.  Il  est  question  de  beau- 
coup de  choses  et  cependant  tout  ce  droit  international  n'est 
pas  exposé.  Il  semble  (p.  1)  que  M.  Durand  se  soit  particu- 
lièrement posé  les  deux  questions  suivantes  :  Qui  est  étran- 
ger?—  Comment  l'étranger  est-il  et  doit-il  être  traité?  —  Mais 


584  COMPTES-RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES. 

l'indication  faite  au  début  de  l'ouvrage  paraît  avoir  été  ou- 
bliée dans  la  suite ,  et  l'auteur  traite  confusément  des  deux 
questions  annoncées  (V.  surtout  la  disposition  des  matières 
dans  les  sections  I  et  II). 

Il  y  aurait  bien  aussi  à  relever  quelques  inexactitudes  en 
matière  de  législations  étrangères  et  même  de  droit  civil  fran- 
çais. C'est  ainsi  que  M.  Durand  ne  cite  comme  actes  solennels 
que  le  mariage ,  le  contrat  de  mariage ,  la  donation ,  le  testa- 
ment, la  reconnaissance  d'enfant  naturel  (p.  313),  omettant  la 
convention  d'hypothèque  et  l'adoption. 

Pour  en  finir  avec  ces  critiques  qui  sont  surtout  pour  prou- 
ver à  M.  Durand  que  son  livre  a  été  lu  avec  le  soin  qu'il 
mérite ,  il  faudrait  signaler  quelques  incorrections ,  dont  les 
unes  sont  purement  typographiques ,  mais  vraiment  trop  fré- 
quemment répétées.  Pourquoi,  par  exemple,  M.  Durand 
a-t-il  laissé  imprimer  chaque  fois  M.  d'Ârtoy  pour  M.  d'Ârbois 
de  Jubain ville.  D'autres  sont  plus  sérieuses  et  ont  trait  à  la 
forme;  il  serait  facile  de  citer  (par  exemple  p.  3)  des  phrases 
dont  le  sens  est  à  deviner,  quelques  contradictions  au  moins 
apparentes  (par  exemple  pp.  2  et  4). 

Quant  à  la  doctrine  professée  par  M.  Durand,  elle  nous  a 
paru  en  générai,  sinon  incontestable  (cela  est  rare  en  droit 
international  privé),  du  moins  très  soutenante,  et  quoique 
nous  ne  partagions  pas  nombre  des  solutions  qu'il  a  cru  de- 
voir admettre ,  nous  ne  pouvons  méconnaître  qu'il  a  présenté 
en  général  d'une  façon  suffisamment  claire  et  complète  les 
principaux  éléments  de  discussion.  Ces  qualités  suffisent  à 
expliquer  les  distinctions  flatteuses  dont  le  livre  de  M.  Du- 
rand a  été  l'objet,  et  permettent  de  dire  que,  malgré  des 
défauts  qu'une  méditation  plus  attentive  eût,  croyons-nous, 
évités,  ce  travail  ne  sera  pas  inutile  à  consulter. 

F.  M., 

Docteur  en  droit. 


BAR-LE-DUO  ,  IMPfUMKHIB  COXTANT-LAGUBRRB. 


NOUVELLE 


REVUE  HISTORIQUE 


DE 


DROIT  FRANÇAIS  ET  ETRANGER 


La  rédaction  de  la  Revue  s'occupe  de  recueillir  les  éléments 
d'une  bibliographie  complète  des  travaux  de  M.  Laboulaye. 
C'est  un  travail  considérable.  Notre  regretté  collaborateur 
avait  abordé  tous  les  sujets  et  dispersé  ses  écrits  dans  un 
grand  nombre  de  journaux  et  de  revues.  En  attendant  que 
nous  puissions  tenir  rengagement  que  nous  avons  pris  envers 
nos  lecteurs,  nous  publions  ici  un  fragment  inédit  que  M.  La- 
boulaye a  laissé  dans  ses  papiers  :  ce  devait  être  le  premier 
article  d'un  compte  rendu  de  Y  Essai  sur  l'histoire  du  droit 
français,  publié  par  M.  Giraud  en  1846.  Il  y  a  bien  près  de 
quarante  ans  que  ces  pages  ont  été  écrites.  Depuis  lors  la 
science  a  fait  des  progrès.  La  publication  des  anciennes  lois  de 
l'Irlande,  conynencée  en  1865,  terminée  en  1879,  les  travaux 
faits  sur  ces  lois  par  divers  savants  anglais  et  en  France  par 
M.  d'Arbois  de  Jubainville,  ont  apporté  dans  la  question  un 
élément  nouveau  d'une  très  grande  valeur  et  ont  en  même 
temps  jeté  un  jour  inattendu  sur  les  anciennes  lois  du  pays  de 
Galles.  11  n'en  est  pas  moins  intéressant  de  connaître  aujour- 
d'hui ce  que  pensait  en  1847  un  savant  d'un  esprit  aussi 
sagace  et  aussi  pénétrant  que  celui  de  M.  Laboulaye. 

Les  lecteurs  de  la  Revue  apprendront  sans  doute  avec  plaisir 
que  l'enseignement  donné  par  M.  Laboulaye  au  collège  de 
France,  pendant  plus  de  trente  ans,  n'a  pas  entièrement  péri. 
Les  cahiers,  les  notes  dont  il  se  servait  pour  ses  leçons  con- 

Rbvue  hist.  —  Tome  VIII.  39 


386        essai  sur  l'histoire  du  droit  français 

tiennent  assez  de  morceaux  achevés  pour  qu'il  soit  possible  de 
publier  prochainement  un  ou  deux  volumes  de  souvenirs.  La 
famille  s'occupe  en  ce  moment  de  les  mettre  en  ordre. 

Note  de  la  Rédaction. 


Essai  sur  l'histoire  du  droit  français  au  moyen-âge, 

par  M.  Charles  Giraud,  membre  de  l'Institut,  2  vol.  in- 8°,  Paris, 
1846. 

Les  études  historiques  ont  été  accueillies ,  de  tout  tempsf 
en  France,  avec  une  faveur  singulière,  et  nulle  part  la  science 
ne  dispose  de  plus  riches  et  de  plus  nombreux  matériaux, 
cependant  par  une  mauvaise  fortune  inexplicable ,  la  France, 
si  bien  partagée  du  reste ,  est  le  seul  grand  pays  de  l'Europe 
qui  n'ait  point  d'histoire  de  sa  législation.  On  a  refait  cent 
fois  la  biographie  de  nos  rois  et  le  récit  de  nos  batailles ,  mais 
personne  encore  ne  nous  a  fait  assister  au  long  et  majestueux 
développement  de  nos  institutions  civiles.  Dans  cette  monar- 
chie constituée  par  des  légistes ,  il  n'y  a  pas  un  livre  où  Ton 
puisse  suivre  dans  ses  phases  diverses  l'action  lente  mais 
irrésistible  de  ces  baillis ,  de  ces  conseillers ,  de  ces  chevaliers 
es  lois,  qui  sans  autres  armes  que  la  loi  et  l'opinion  réduisirent 
les  ennemis  du  dehors  comme  les  ennemis  du  dedans,  vinrent 
à  bout  des  prétentions  de  la  cour  de  Rome  aussi  bien  que  des 
résistances  féodales ,  et  donnèrent  à  la  royauté  sa  puissance, 
à  la  France  son  unité.  Ce  n'est  point  cependant  qu'on  ait  né* 
gligé  cette  part  intéressante  de  nos  antiquités.  ^L'érudition  du 
xvie  et  du  xvii6  siècle  en  a  fait  ses  délices.  Pasquier,  Pithou, 
Coquille,  Loisel  ,  Ducange,   Dupuy,  Laurière  ,  Baluze  ont 
porté  la  lumière  sur  les  points  les  plus  obscurs  de  nos  an- 
ciennes institutions,  mais  malheureusement  nous  n'avons  de 
tous  ces  savants  que  des  recherches  particulières,  des  notes, 
des  dissertations ,  en  somme  rien  qui  fasse  corps  et  mérite  le 
nom  d'histoire.  Les  matériaux  sont  prêts  depuis  longtemps, 
mais  où  trouver  la  main  habile  qui,  assignant  sa  place  à  chaque 
pierre  de  l'édifice ,  nous  donnera  enfin  dans  son  ensemble  ce 
magnifique  monument  de  la  jurisprudence  française,  œuvre 
patiente  de  douze  cents  années? 


AU  MOYEN-AGE.  387 

Que  le  dernier  siècle  n'ait  point  exécuté  cette  noble  entre- 
prise, c'est  chose  peu  étrange  pour  qui  connaît  le  dédain  que 
les  beaux  esprits  du  temps  affectaient  pour  ce  qu'ils  nom- 
maient la  barbarie  et  la  superstition  du  moyen-âge.  Il  suffit  de 
lire  les  notes  d'Helvétius  sur  l'Esprit  des  lois,  pour  voir  com- 
bien Montesquieu  était  peu  compris  dans  cette  époque  qu'il  ho- 
norait de  son  génie,  ce  qui  est  plus  surprenant  c'est  qu'après  la 
forte  impulsion  donnée  aux  études  historiques  par  MM.  Guizot, 
Thierry  et  Guérard  il  ait  fallu  si  longtemps  pour  qu'un  juris- 
consulte osât  disputer  à  des  hommes  étrangers  à  la  science 
du  droit  la  gloire  de  nous  faire  connaître  l'origine  et  le  pro- 
grès de  nos  institutions.  Klimrath  fut  celui  qui  prit  cette  gé- 
néreuse initiative,  et  sans  doute  cet  esprit  sobre  et  patient  eût 
doté  la  science  française  d'une  œuvre  classique ,  si  la  mort  ne 
l'eût  prévenu,  en  lui  gardant  que  l'honneur  d'avoir  ouvert 
cette  voie  féconde.  Aujourd'hui  le  germe  laissé  par  Klimrath 
lève  de  toutes  parts  ;  il  n'est  pas  un  jurisconsulte  éclairé  qui 
ne  demande  une  histoire  de  notre  droit  ;  le  besoin  est  si  grand 
et  les  circonstances  si  favorables  que  trois  écrivains  ont  abordé 
ce  sujet  en  même  temps,  M.  Warnkœnig  en  Allemagne,  M.  La- 
ferrière  et  M.  Giraud  en  France,  tous  trois  connus  par  des 
travaux  sérieux,  tous  trois,  avec  des  qualités  diverses,  éga- 
lement à  la  hauteur  de  la  mission  qu'ils  se  sont  donnée.  Est-il 
nécessaire  de  dire  combien  la  vérité  profite  de  cette  honorable 
rivalité ,  et  combien  la  différence  du  point  de  vue  multiplie  les 
aspects  de  la  France ,  et  en  agrandit  l'horizon? 

M.  Giraud  (le  seul  de  ces  auteurs  qu'en  ce  moment  nous 
suivions  dans  ses  études) ,  s'est  proposé,  nous  dit-il,  de  recher- 
cher les  causes  et  les  résultats  des  révolutions  qui  s'accomplirent 
pendant  le  moyen-âge  (c'est-à-dire  du  xrac  au  xve  siècle)  dans 
V économie  générale  du  droit  français  et  dans  les  formes  variées 
de  sa  manifestation.  C'est  dans  cette  intention  qu'il  a  recueilli 
les  coutumes  inédites  qui  remplissent  la  seconde  moitié  de 
son  ouvrage;  ce  sont  les  preuves  de  son  Histoire  de  la  législa- 
tion française,  mais  cette  histoire  n'est  pas  encore  publiée.  Dès 
le  début  de  ses  recherches,  M.  Giraud  s'est  trouvé  en  présence 
d'une  question  des  plus  délicates,  celle  de  nos  origines  natio- 
nales ;  cette  question  si  grave,  il  a  voulu  l'épuiser,  et  le  sujet 
grandissant  sous  sa  plume,  ce  qui  devrait  être  un  chapitre  est 


588         ESSAI  sur  l'histoire  du  droit  français 

devenu  un  livre.  Le  premier  volume  de  M.  Giraud  est  con- 
sacré tout  entier  à  l'examen  des  institutions  qui  se  sont  succédé 
sur  le  sol  de  la  Gaule,  depuis  les  temps  les  plus  reculés  jusqu'au 
moment  de  la  conquête  germanique,  il  s'arrête,  par  consé- 
quent, au  point  ordinaire  où  commence  l'histoire  de  nos  insti- 
tutions. 

Le  sujet  est  trop  curieux  et  trop  sérieusement  étudié  pour 
qu'on  blâme  M.  Giraud  d'avoir  détaché,-  pour  le  soumettre  au 
public,  ce  fragment  d'une  œuvre  qui  sera  nécessairement  de 
longue  haleine.  En  soi  d'ailleurs,  c'est  un  travail  complet,  l'in- 
troduction naturelle  de  toute  histoire  du  droit  français.  Mais 
peut-être  trouvera-t-on  que  l'auteur  a  été  chercher  bien  haut 
les  origines  de  notre  législation  et  qu'en  tout  cas,  il  a  donné  à 
cette  partie  de  son  livre  un  développement  exagéré.  Pour  moi, 
je  suis  d'une  opinion  contraire  et  je  crois  qu'il  n'y  a  rien  de 
trop  dans  les  recherches  de  M.  Giraud;  la  question  des  ori- 
gines est  aujourd'hui  la  question  qui  domine  toutes  les  autres. 
Mais  comme  son  importance  tient  à  certaines  idées  encore  peu 
répandues  sur  la  nature  du  droit  et  les  formes  obligées  de  son 
développement,  il  n'est  peut-être  pas  inutile  d'exposer  en  peu 
de  mots  la  théorie  qui  la  première  a  saisi  l'histoire  du  droit 
sous  son  véritable  jour.  Une  fois  cette  théorie  connue  on  com- 
prendra mieux  la  grandeur  du  problème  dont  M.  Giraud  a 
cherché  la  solution. 

Si,  comme  on  Ta  prétendu,  le  droit  est  une  science  de  rai- 
sonnement et  non  d'expérience,  si  le  but  du  législateur  est  de 
découvrir  et  de  formuler  les  règles  immuables  du  juste,  règles 
qui  une  fois  trouvées  sont  nécessairement  bonnes  pour  tous 
les  temps  et  pour  tous  les  lieux,  l'histoire  du  droit  est  chose 
inutile.  Que  peut-elle  être,  en  effet,  sinon  l'exposé  des  erreurs 
qui  d'âge  en  âge  ont  obscurci  la  vérité ,  erreurs  d'autant  plus 
épaisses  qu'on  entrera  plus  profondément  dans  les  ténèbres 
du  passé. 

Et  d'un  autre  côté  si  l'on  accepte  les  idées  de  Hobbes ,  si  le 
droit  est  une  création  arbitraire  du  législateur,  si  un  homme , 
pourvu  qu'il  soit  le  plus  fort,  peut  avec  quelques  mots  écrits 
sur  un  papier  altérer  à  son  gré  les  institutions  de  tout  un 
peuple,  à  quoi  bon  rechercher  les  antiquités  d'une  j  urisprudence 
qui  a  cent  fois  changé  de  caractère  et  d'esprit?  Passe  encore 


AU   MOYEN-AGE.  589 

pour  l'étude  des  temps  modernes,  on  comprend  qu'il  y  ait 
profit  à  connaître  les  expériences  faites  par  des  gens  civi- 
lisés, mais  dans  quel  intérêt  dresser  le  catalogue  des  fan- 
taisies qui  en  des  siècles  peu  éclairés  ont  troublé  la  tête  de 
quelque  barbare  nouvellement  échappé  des  forêts  de  la  Ger- 
manie. 

C'est  ainsi  que  les  deux  opinions  extrêmes  qui  de  tout  temps 
se  sont  disputé  l'empire  de  la  science,  s'unissent  dans  un 
commun  dédain  pour  l'histoire  du  droit,  mais  il  ne  faut  pas 
une  longue  étude  pour  savoir  par  expérience  que  si  le  droit 
a  pour  base  essentielle  l'éternelle  justice,  il  n'appartient  pas 
cependant  à  l'ordre  des  vérités  immuables,  et  que  d'un  autre 
côté,  s'il  est  pour  une  grande  part  un  produit  de  la  liberté 
humaine ,  ce  n'est  pourtant  rien  moins  que  l'œuvre  éphémère 
du  caprice  individuel.  La  vérité  ne  se  trouve  ni  dans  l'un  ni 
dans  l'autre  de  ces  camps  ennemis. 

Qu'est-ce  donc  que  le  droit?  Une  science  sans  doute,  mais 
une  science  d'application  qui ,  variable  en  chaque  siècle  et  en 
chaque  pays ,  associe  dans  des  combinaisons  inépuisables  les 
principes  du  juste  et  de  l'utile,  pour  satisfaire  aux  besoins 
moraux  et  matériels  de  la  société,  besoins  infinis  et  qui  se 
renouvellent  chaque  jour.  Mais  si  le  droit  se  modifie  sans 
cesse,  son  développement  n'a  cependant  rien  d'arbitraire,  car 
ces  besoins  que  le  législateur  essaie  de  remplir,  ce  n'est  pas 
lui  qui  les  invente  ;  ces  idées  qu'il  fait  passer  dans  le  monde 
des  faits ,  ce  n'est  pas  lui  qui  les  impose  au  pays.  Les  idées 
et  les  désirs  d'un  peuple  sont  le  résultat  complexe  d'éléments 
divers  et  ces  éléments  qui  dominent  à  son  insu  la  nation  elle- 
même  ,  sont  toujours  plus  forts  que  le  génie  de  l'homme  qui 
gouverne.  C'est  d'en  bas ,  non  d'en  haut  que  part  le  mouve- 
ment social ,  le  législateur  n'improvise  pas  les  institutions , 
il  reconnaît  celles  qui  s'établissent  pour  ainsi  dire  d'elles- 
mêmes  parce  que  tout  le  monde  en  sent  la  nécessité.  Il  n'in- 
vente pas  des  lois,  il  écrit  celles  que  le  pays  lui  demande.  S'il 
sort  de  son  rôle ,  s'il  fait  prévaloir  son  caprice  sur  le  besoin 
national,  l'avortement  de  ses  essais  lui  prouve  bientôt  qu'il 
ne  lui  est  pas  permis  de  se  tenir  à  côté  ni  même  trop  en  avant 
de  son  siècle.  On  peut  jusqu'à  un  certain  point  diriger  ce 
courant  qui,  chaque  jour,  laisse  à  la  rive  les  idées  vieillies  et 


590         ESSAI  sur  l'histoire  du  droit  français 

se  grossit  des  idées  nouvelles  ;  mais  c'est  à  la  condition  de 
marcher  avec  lui. 

Si  cette  théorie  est  juste,  si  les  institutions  se  développent 
par  un  progrès  régulier ,  le  droit  a  donc  une  histoire.  Et  si 
les  institutions  tiennent  à  chaque  peuple  par  les  liens  les  plus 
étroits,  si  comme  la  langue  et  la  littérature,  elles  sont  une 
des  expressions  de  la  vie  nationale,  s'il  ne  se  fait  pas  un  chan- 
gement dans  la  condition  du  pays  sans  qu'elles  n'en  ressen- 
tent nécessairement  le  contre-coup  et  n'en  gardent  l'emprunt, 
l'histoire  du  droit  est  donc  d'un  point  de  vue  particulier 
l'histoire  même  de  la  nation  et  la  plus  certaine  qu'on  puisse 
imaginer,  puisqu'elle  est  écrite  non  par  un  chroniqueur  infi- 
dèle ou  prévenu,  mais  par  la  nation  même  qui,  jour  par  jour, 
consigne  dans  ses  lois  tout  ce  qu'elle  a  voulu ,  tout  ce  qu'elle 
a  fait ,  tout  ce  qu'elle  a  souffert.  Ainsi  l'histoire  du  droit  est 
une  branche  des  sciences  historiques  qui  ne  le  cède  à  aucune 
autre  en  importance  et  en  solidité.  Reste  à  dire  quelle  place 
y  tient  la  question  des  origines. 

La  première  de  toutes,  je  ne  crains  pas  de  l'affirmer.  Et 
en  effet,  qu'est-ce  que  cette  nation  dont  le  jurisconsulte  étudie 
les  institutions?  Est-ce  l'agglomération  d'individus  de  toute 
race  que  le  hasard  soumet  au  même  empire,  et  par  exemple 
la  Hongrie,  la  Bohême,  la  haute  Italie  forment-elles  une 
nation  autrichienne  parce  qu'elles  obéissent  toutes  trois  au 
même  souverain?  Non  sans  doute.  Qui  dit  nation,  dit  un  grand 
corps  formé  par  la  réunion  d'hommes  liés  invinciblement  par 
la  communauté  d'origine,  de  langue,  de  croyances,  de  mœurs, 
d'idées ,  d'institutions.  Tous  ces  éléments  constituent  la  na- 
tionalité, c'est-à-dire  la  vie  propre  de  chaque  peuple;  ce  sont 
les  conditions  de  son  existence,  et  il  est  évident  que  la 
France  envahie  par  une  race  étrangère  qui  n'aurait  ni  sa 
langue,  ni  ses  idées  ne  serait  plus  la  France.  Le  droit  qui 
établit  entre  tous  les  citoyens  d'une  même  patrie  un  lien  tout 
aussi  étroit,  une  parenté  toute  aussi  intime  que  peut  le  faire 
le  sang  qui  coule  dans  leurs  veines,  le  droit  n'est  pas  moins 
que  la  langue,  ou  les  croyances,  une  part  essentielle  de  la 
vie  nationale.  L'histoire  est  là  qui  nous  l'apprend  si  nous  pou- 
vions en  douter.  Pour  que  les  institutions  d'un  peuple  dispa- 
raissent tout  à  coup  il  faut  que  ce  peuple  même  ait  cessé  d'être. 


AU   MOYEN-AGE.  591 

Et  je  ne  parle  pas  de  cette  destruction  politique  qu'amèwe 
une  conquête  ;  pour  qu'une  nation  soit  anéantie ,  il  faut  autre 
chose  que  la  perte  de  son  existence  officielle.  Si  les  vaincus 
n'ont  point  été  dispersés  ou  asservis ,  le  droit  subsiste  comme 
la  langue,  et  il  semble  même  que  les  races  subjuguées  s'atta- 
chent à  leurs  institutions  avec  une  ténacité  toute  particulières 
et  qui  défie  l'effort  des  vainqueurs.  La  Grèce  nous  est  un 
exemple  entre  mille  de  la  vitalité  d'une  nation  rayée  de  la 
carte  politique.  Qui  ne  la  croyait  transformée  ou  détruite  par 
son  long  servage;  et  cependant,  quand  l'heure  du  réveil  a 
sonné,  qu'est-il  resté  d'une  agression  de  quatre  siècles?  Lan* 
gue,  religion ,  lois,  usages,  la  Grèce  avait  tout  sauvé  du  nau- 
frage où  périt  sa  liberté  ! 

Si  le  droit  est  tellement  propre  et  particulier  à  chaque  peu- 
ple que  la  conquête  même  ne  puisse  l'anéantir;  s'il  dure 
aussi  longtemps  que  se  maintient  la  nation;  si  le  mélange  de 
deux  races  sur  le  même  sol  amène  par  conséquent  le  mélange 
des  institutions  plutôt  que  leur  destruction,  qui  ne  voit  que 
la  question  des  origines  est  la  question  principale  dans  une  na- 
tion formée  de  plusieurs  races,  et  telle  est  la  France.  Trois 
peuples  ont  occupé  notre  territoire,  et  se  sont  fondus  ensemble, 
les  Gaulois,  les  Romains ,  les  Germains.  Quel  élément  de  ci- 
vilisation, en  d'autres  termes,  quelles  institutions  chacun  de 
ces  peuples  a-t-il  apportées  avec  lui,  quelle  idée  a-t-il  fait 
triompher,  quelle  autre  a-t-il  dépouillée  ou  subie,  comment  et 
dans  quelle  proportion  s'est  faite  la  fusion  des  vainqueurs  et 
des  vaincus  ;  ce  sont  là  les  solutions  qu'on  demande  aujour- 
d'hui à  la  science ,  et  qu'elle  peut  donner  en  interrogeant  le 
passé. 

Ainsi  la  question  de  l'origine  des  institutions  est  pour  l'his- 
toire du  droit  ce  que  la  question  des  races  est  pour  l'histoire 
générale.  Seulement  le  problème  est  renversé.  L'historien 
conclut  du  maintien  de  la  race  à  la  conservation  des  institu- 
tions; le  jurisconsulte,  au  contraire,  conclut  de  la  persistance 
des  institutions  à  celle  de  la  race;  deux  conséquences  égale- 
ment légitimes  si  le  droit  est  une  part  de  la  vie  nationale.  Dans 
ce  système ,  la  législation  offre  à  l'historien  un  moyen  infail- 
lible de  contrôler  nos  annales ,  et  les  lois  en  disent  plus  que 
les  histoires  et  les  poésies  du  temps  pour  qui  veut  bien  les 


892         ESSAI  sur  l'histoire  du  droit  français 

consulter.  Ainsi,  pour  le  grand  problème  de  la  conquête  ger- 
manique, on  peut  trouver  dans  les  coutumes  barbares  et  dans 
les  diplômes  une  solution  bien  plus  certaine  que  dans  les  lé- 
gendes ou  les  chroniques.  Les  Germains  sont-ils  demeurés 
étrangers  aux  vaincus?  chaque  peuple  a  dû  conserver  ses  lois. 
Se  sont-ils  mêlés  aux  Gallo-Romains,  les  institutions  ont  sans 
doute  un  caractère  simple  et  qui  répondit  au  croisement  des 
deux  races.  Les  conquérants  étaient-ils  si  peu  nombreux  qu'ils 
se  soient  confondus  rapidement  avec  les  anciens  habitants, 
le  droit  sera  resté  purement  romain.  Ce  sont  là  des  faits  d'une 
vérification  délicate ,  mais  néanmoins  possible,  et  qui ,  si  Ton 
admet  notre  théorie  sur  la  nature  du  droit,  donnent  à  l'histoire 
une  base  tellement  sûre  qu'elle  la  met  jusqu'au  rang  des 
sciences  exactes. 

Je  crois  en  avoir  dit  assez  pour  faire  comprendre  comment 
M.  Giraud  écrivant  une  histoire  du  droit  français,  était  natu- 
rellement amené  à  étudier  en  détail  les  institutions  de  la  France 
antérieurement  à  l'invasion  germanique.  Ces  recherches  étaient 
d'autant  plus  nécessaires  qu'il  s'en  faut  de  beaucoup  qu'on 
connaisse  avec  exactitude  chacun  des  éléments  qui  ont  formé 
par  leur  réunion  la  nation  française.  Il  est  assez  facile  de 
constater  et  de  deviner  les  institutions  qui  ont  suivi  la  con- 
quête, mais  souvent  leur  origine  est  pour  nous  un  mystère, 
et  dans  l'ignorance  où  nous  sommes  nous  attribuons  avec 
une  égale  légèreté ,  aux  coutumes  germaniques ,  ou  aux  usages 
du  Bas-Empire ,  des  établissements  qui  ne  leur  appartiennent 
pas,  au  moins  tout  entiers.  Je  citerai  par  exemple,  de  ces  ins- 
titutions dont  le  caractère  originel  n'est  pas  bien  déterminé , 
le  colonat,  les  fundi  limitrophe  les  terrœ  lœticœ,  la  puissance 
civile  des  évêques ,  les  immunités  ecclésiastiques  et  peut-être 
même  le  fief.  Je  pourrais  y  joindre  cette  foule  de  charges  et  de 
redevances  qui  pesèrent  sur  les  populations  du  moyen-âge, 
triste  héritage  de  misère  et  d'oppression  que  la  féodalité  reçut 
de  l'administration  impériale  aussi  bien  que  de  la  barbarie 
germanique. 

Il  était  donc  indispensable  de  dresser  un  inventaire  exact 
des  idées  et  des  institution  que  la  société  gauloise  apportait 
pour  sa  part  dans  cet  État  nouveau  qui  devait  s'appeler  un 
jour  la  France. 


AU   MO  YEN- AGE.  593 

Cette  société  avait  déjà  traversé  de  loagues  épreuves ,  et  au 
cinquième  siècle  de  notre  ère  la  Gaule  n'était  rien  moins  qu'un 
pays  habité  par  une  race  primitive,  ayant  conservé  ses  mœurs 
et  ses  lois  pures  de  tout  mélange  étranger.  César  avait  trouvé 
sur  le  sol  de  notre  patrie  trois  nations  qui ,  suivant  lui ,  diffé- 
raient de  langue  et  d'institutions  ;  c'étaient  les  Aquitains ,  les 
Gaulois  proprement  dits ,  et  les  Belges ,  les  premiers  d'origine 
ibérienne,  les  deux  autres  sortis  d'une  même  tige  gauloise  ou 
si  Ton  veut  celtique  (1).  Le  temps  et  les  événements  avaient 
rapproché  et  mêlé  ces  trois  peuples,  mais  pas  assez,  néan- 
moins ,  pour  effacer  entièrement  l'originalité  de  leur  caractère, 
et  quoiqu'on  ne  possède  sur  ce  point  qu'un  petit  nombre  de 
documents,  il  est  cependant  visible  que  les  historiens  ont  tort 
de  ne  pas  tenir  plus  de  compte  de  ces  diversités ,  et  que,  par 
exemple,  la  considération  dont  jouissaient  les  femmes  chez  les 
Ligures  (2),  permet  de  supposer  que  l'organisation  de  la  fa- 
mille différait  sensiblement  au  nord  et  au  midi.  La  conquête 
de  César  en  passant  sur  les  vaincus  le  niveau  d'une  adminis- 
tration uniforme  fit  disparaître  sans  doute  les  traits  les  plus 
saillants  qui  distinguent  ces  trois  races  primitives ,  mais  en 
même  temps  elle  introduisit  dans  la  civilisation  gauloise  un 
élément  nouveau  qui  changea  rapidement  la  face  du  pays. 
Qu'on  admette  ou  non  la  persistance  ou  l'anéantissement  du 
génie  celtique ,  il  est  certain  que  l'esprit  romain  pénétra  et 
transforma  la  société  gauloise ,  comme  il  avait  transformé  le 
reste  du  monde,  et  que  l'Italie  nous  a  imposé  ses  goûts,  sa  lan- 
gue et  ses  lois.  Enfin  devant  un  événement  plus  considérable 
que  la  conquête  même,  plus  puissant  que  toutes  les  résistances 
nationales ,  devant  une  religion  qui  régénérait  le  cœur  et  l'es- 
prit humain ,  tombèrent  à  la  fois  les  dernières  barrières  qui 
empêchaient  la  réunion  des  Romains  et  des  Gaulois  en  un 
seul  peuple,  et  l'alliance  fut  si  intime,  que  quand  les  Barbares 
eurent  passé  le  Rhin ,  ce  fut  le  nom  romain  seul  qu'ils  ren- 
contrèrent devant  eux. 

C'est  cette  Gaule  successivement  celtique,  romaine  et  chré- 
tienne que  M.  Giraud  nous  fait  connaître  dans  le  développe- 
Il)  Strabon,  Gèog.  IV,'  ch.  i,  §  1. 

(2)  Plutarque.  Les  vertueux  faits  des  femmes,  ch.  x.  —  Amédée  Thierry, 
Hit  t.  des  Gaulois,  ch.  u,  p.  1. 


594        ESSAI  sur  l'histoire  du  droit  français 

9 

ment  de  ses  institutions.  Les  origines  galliques ,  romaines  et 
canoniques  du  droit  français,  telles  sont  les  trois  grandes  divi- 
sions de  son  livre  ;  et  c'est  sur  ce  terrain  que  nous  allons  le 
suivre ,  laissant  de  côté  certaines  questions  intéressantes  mais 
qui  tiennent  moins  essentiellement  au  fond  du  sujet. 

§  1 .  Des  origines  galliques  du  droit  français. 

Après  un  court  exposé  de  la  géographie  des  Gaules ,  suivi 
de  judicieuses  réflexions  sur  l'esprit  général  des  peuples  cel- 
tiques ,  la  faiblesse  de  leur  gouvernement ,  le  caractère  mys- 
térieux de  leur  religion,  M.  Giraud  aborde,  dans  un  chapitre 
particulier,  la  condition  du  droit  chez  les  Gaulois.  Ce  point 
nous  est  imparfaitement  connu,  d'un  côté,  parce  qu'il  n'y 
avait  pas  plus  d'uniformité  dans  les  institutions  civiles  que 
dans  l'organisation  politique  de  ces  peuples  différents;  de 
l'autre ,  parce  que  César,  notre  principale  autorité ,  ne  s'est 
guère  occupé  que  des  Gaulois  proprement  dits ,  et  seulement 
pour  remarquer  les  usages  qui  l'étonnaient  par  leur  singula- 
rité. Sur  un  terrain  aussi  mal  éclairé,  on  ne  peut  avancer 
qu'avec  une  extrême  prudence ,  et  le  plus  sûr  est  souvent  de 
douter. 

Il  y  avait  chez  les  Gaulois  trois  classes  de  citoyens ,  les 
druides,  les  chevaliers  {équités)  et  le  peuple.  Les  druides 
étaient  tout  à  la  fois  pontifes  et  juges.  Le  premier  titre  leur 
donnait  l'éducation  de  la  jeunesse,  l'exemption  des  charges 
publiques ,  une  place  considérable  dans  les  assemblées  ;  le  se- 
cond les  rendait  maîtres  de  la  vie  civile ,  car  il  semble  pro- 
bable que  le  droit  faisait  partie  de  la  religion,  et  que  les 
druides  conservaient  comme  un  mystère  la  loi  qu'ils  appli- 
quaient comme  un  ordre  divin,  frappant  d'excommunication 
quiconque  résistait  à  leur  décision  (1).  Les  chevaliers,  tou- 
jours en  armes  comme  les  seigneurs  féodaux ,  partageaient  le 
pouvoir  avec  les  druides.  Quant  au  peuple ,  César  le  repré- 
sente comme  privé  de  tout  droit  politique  et  réduit  à  une 
condition  voisine  de  l'esclavage  :  Plebs  pœne  servorum  ha- 
betur  loco,  quœ  per  se  nihil  audet  et  nulli  adhibetur  consilio. 
PUrique,  quum  aut  œre  alieno,  aut  magnitudine  tributorm 

(i)  Cœsar,  B.  G.  VI,  13. 


m. 


AU   MOYEN-AGE.  595 

aut  injuria  potentiorum  premuntur,  sese  in  servitutem  dicant 
nobilibus,  in  hos  eadem  omnia  sunt  jura  quœ  dominis  in  ser- 
vos  (1).  M.  Giraud  remarque  avec  raison  qu'il  ne  faut  pas 
prendre  à  la  rigueur  les  paroles  de  César,  car  dans  les  com- 
mentaires on  voit  souvent  la  multitude  se  mêler  du  gouver- 
nement, au  moins  dans  les  villes  (2),  et,  quant  à  la  situation 
des  pêne  servorum  loco  habiti,  il  est  probable  que  le  Romain 
qui  ne  connaissait  point  d'état  moyen  entre  la  pleine  liberté 
et  l'absolue  servitude  a  mal  saisi  une  condition  nouvelle  pour 
lui.  Ces  Gaulois,  en  servage,  c'était,  comme  le  dit  l'auteur, 
«  c'était  plutôt  des  main-mortables ,  des  colons,  des  métayers 
»  que  des  esclaves.  Libres  et  serfs,  ajoute  M.  Giraud,  tous 
»  formaient  la  foule  des  clients  attachés  à  la  puissance  et  à  la 
»  fortune  du  chef  de  clan  (3).  » 

Cette  dernière  phrase  nous  semble  d'une  brièveté  excessive, 
et  on  doit  regretter  la  réserve  extrême  de  l'écrivain  sur  un  des 
sujets  les  plus  intéressants  et  les  plus  controversés  de  notre 
-ancienne  histoire.  On  est  d'accord  pour  reconnaître  que  l'ins- 
titution gauloise,  exposée  par  César  sous  la  forme  romaine  du 
patronat  et  de  la  clientèle ,  n'est  autre  chose  que  le  régime 
des  clans ,  régime  tout  à  fait  propre  à  la  race  celtique ,  et  qui 
s'est  maintenu  en  Ecosse  et  en  Irlande,  tant  ces  deux  pays  ont 
gardé  leur  indépendance.  Mais  César  ne  parle  pas  seulement 
des  clientes  9  il  nomme  à  côté  d'eux  les  ambacti,  les  obœrati, 
les  devoti  ou  soldurii.  On  eût  aimé  savoir  si  tous  ces  mots 
sont  synonymes,  ou  si,  au  contraire,  ils  désignent  chacun 
soit  une  condition  différente,  soit  un  degré  particulier  dans 
la  clientèle. 

Aujourd'hui,  par  exemple,  que  nous  connaissons  mieux 
les  formes  variées  du  patronage  chez  les  races  celtiques  et 
germaniques,  peut-on  continuer  d'admettre  sans  discussion 
que  les  obœrati,  ces  hommes  que  César  et  Tacite  semblent 
rattacher  aux  clients  (4)  étaient  des  débiteurs  ordinaires ,  ou 

(lfCœsar,  B.  G.  VI,  13. 

(2)  Cœsar,  B.  G.  1,  3,  17,  18.  V,  27.  VI,  20. 

(3)  T.  I,  p.  33. 

(4)  Cœsar,  B.  G.  I,  4.  Orgetarius,  ad  judicium  omnem  suam  famUiam  ad 
hominum  millia  decem,  undique  coegit,  et  omnes  clientes  obœraios  que  suos, 
quorum  magnum  numerum  habebat,  eodem  cooduxit.  Dans  ce  passage,  fa- 


596         ESSAI  sur  l'histoire  du  droit  français 

même  des  engagés  pour  dettes  comme  autrefois  les  Nexi  chez 
les  Romains.  Dans  ce  système,  comment  expliquer  qu'un  sei- 
gneur gaulois  trouvait  toujours  au  moment  du  péril  un  corps 
de  débiteurs  assez  nombreux  et  assez  dévoué  pour  s'en  faire 
une  armée?  Comment  comprendre  que  soixante -deux  ans 
après  la  conquête ,  Julius  Florus  soulève  d'un  mot  contre  la 
puissance  romaine  et  ses  clients  et  ses  obœrati  (1).  Assuré- 
ment, c'est  un  exemple  unique  dans  l'histoire  qu'une  société 
dans  laquelle  la  reconnaissance  des  débiteurs  eût  fait  cons- 
tamment la  force  des  créanciers ,  et  la  Gaule  en  ce  point  eût 
singulièrement  différé  de  l'Italie.  N'est-il  pas  plus  naturel  de 
rapprocher  ses  obœrati  de  certains  recommandés  chez  les  Ger- 
mains (2),  de  voir  en  eux  des  hommes  entretenus  par  le  chef 
du  clan,  des  clients  inférieurs  si  l'on  veut,  mais  dont  la  con- 
dition est  durable,  et  qui  sont  dans  la  disposition  perpétuelle 
de  la  main  qui  les  nourrit. 

Qu'était-ce  encore  que  Yambactus;  suivant  Festus,  c'était 
un  esclave  :  Ambactus  apud  Ennium  lingua  gallica  servus  ap- 
pellatur  (3);  suivant  une  glose  de  Labbé,  plus  explicite  et 
plus  curieuse ,  c'est  celui  qui  se  loue  comme  esclave ,  ambac- 

milia  semble  désigner  le  clan,  clientes  les  compagnons,  les  dévoués  (Conf. 
César,  B.  G.  VI,  15.  VII,  40),  obœrati  les  clients  d'un  ordre  inférieur.  — 
Tac,  Ânn.,  III,  42.  Pauci  equitum  corrupti,  plures  in  officio  mansive,  aUud 
tulgos  obœralorum  aut  clientium  arma  capit. 

(1)  A  ce  propoB ,  je  remarque  qu'il  n'est  point  exact  de  dire  avec  M.  Gi- 
raud  (pag.  53)  que  la  naturalisation  romaine  commençant  par  les  chefs  de 
clan,  aucun  des  anciens  rapports  de  droit  qui  existaient  entré  eux  et  leurs  clients 
ne  survécut  à  la  conquête. 

\2)  Conf.  Cœsar,  B.  G.  VI,  13,  et  la  formule  XLIV  de  Sirmond.  <c  Dum  et 
omnibus  habetur  per  cognitum  qualiter  ego  minime  habeo  unde  me  pascere 
vel  vestire  debeam,  ideo  petii  pietati  vestr»,  et  mihi  decrevit  voluntas,  ut  me 
tam  de  victu  quam  de  veatimento,  juxta  quod  vobis  servire  «t  promereri  po- 
tuero  adjuvare  vel  consolare  debeas,  et  dum  ego  in  caput  advixero,  inge- 
nuili  ordine  tibi  servitium  vel  obsequium  impendere  debeam,  et  me  de  yestra 
potestate  vel  mundeburde  tempore  vit»  mea  potestatem  non  babeam  subtra- 
hendi,  nisi  sub  vestra  potestate  vel  defensione  diebus  vit»  me»  debeam 
permanere.  » 

(3)  Festus  essaie  de  donner  à  ce  mot  une  étymologie  latine  :  Au  prspositio 
loquelaris  signiflcat  circum,  unde  supra  sereus  ambactus  id  est  circum  actus 
dicitur;  mais  si  cette  étymologie  était  vraie,  ambactus  voudrait  dire  un  af- 
franchi et  non  pas  un  esclave.  Pour  l'étymologie  d'ambactus,  V.  Ducange, 
v°  Ambactus  et  Bagaudm. 


AU   MOYEN-AGE.  597 

tus,  SouXoç  (j.t?Çci>roç  y  wç  "Ewtoç  (1).  Si  cette  glose  dit  vrai ,  am- 
bactus  pourrait  bien  être  le  nom  de  Vobœratus ,  et  ce  qui  auto- 
rise jusqu'à  un  certain  point  cette  conjecture,  c'est  que  César 
joint  les  ambactes  aux  clients  comme  ailleurs  les  obœrali  (2). 
Du  reste,  et  quelle  que  fût  la  position  des  ambactes  dans  la 
clientèle ,  leur  nom  ,  quoiqu'une  seule  fois  mentionné  par 
César,  a  pour  nous  cet  intérêt  particulier  qu'il  se  rencontre 
sur  les  monnaies  gauloises  (3),  et  qui  est  resté  dans  le  latin 
vulgaire  parlé  au  cinquième  siècle  dans  les  Gaules.  Dans  la  loi 
salique,  esse  in  dominica  ambascia,  veut  encore  dire,  être  aux 
ordres  de  son  seigneur  (4).  La  persistance  du  mot  qui  se  re- 
trouve même  aujourd'hui  dans  toutes  les  langues  romaines 
et  germaniques  permet  de  supposer  qu'il  était  resté  des 
traces ,  ou  du  moins  un  souvenir  durable  de  l'institution  pri- 
mitive, et  que,  par  conséquent,  les  ambactes  ont  tenu  quelque 
place  dans  la  société  gauloise.  Il  est  donc  à  regretter  que 
M.  Giraud  ait  passé  sur  ce  point  délicat. 

Quant  aux  soldurii,  l'auteur  leur  consacre  quelques  lignes; 
mais  ce  qu'il  en  dit  n'est  pas  satisfaisant  :•«  Les  jeunes  no- 
»  blés  qui  n'étaient  point  encore  chefs  de  famille  pouvaient 
»  choisir  un  chef  auquel  ils  attachaient  leur  fortune  et  dont 
»  ils  devenaient  les  soldures  dévoués  en  échange  de  la  pro- 
»  tection  et  de  la  solde  qu'ils  en  recevaient.  C'est  cet  enga- 
»  gement  exceptionnel ,  différent  de  celui  des  clients ,  que 
»  Perreciot  et  d'autres  auteurs  ont  confondu  avec  la  recomman- 
»  dation  germanique ,  et  avec  le  vasselage  féodal  du  moyen- 
»  âge  (5).  »  Je  ne  connais  aucun  texte  qui  réserve  ou  attribue 
de  préférence  le  nom  de  soldurii  aux  jeunes  nobles  qui  n'é- 
taient point  encore  chefs  de  famille,  et  quant  aux  caractères 

(1)  Ducange,  v°  Ambactus.  Diod.  Picul.  V,  29.  'Eirot'prrat  &  xaitopairev- 
Taç  cXE'jfttpouç  ex  twv  mrnvtav  xaTaXtpvT£;,  oiçtqvio'xoic  xat  TOxpourcraraïç  xp*™' 
rat  xarà  puxç  pax0^* 

(2)  Conf.  Cœsar,  B.  G.  VI,  15.  I,  4. 

(3)  Conf.  Duchalais ,  Description  des  médailles  gauloises  de  la  bibliothèque 
royale.  Paris,  1846,  pages  158  et  s. 

(4)  Grimm,  Rechttalterthûmer,  p.  304,  et  Grammatik,  II,  211,  donne  an  nom 
d'ambacht  une  étymologie  germanique,  mais  son  opinion  est  généralement 
abandonnée.  Muller,  Der  lex  salica,  Wurzbourg,  1840,  p.  218,  note  435. 
Waitz,  Dos  alte  Recht  der  salischen  Franken,  Kiel,  1846, 1. 1,  p.  279. 

(5)  Giraud,  p.  32. 


598        ESSAI  sur  l'histoire  du  droit  français 

qui  distinguent  la  condition  des  devoti  gaulois  de  celle  des 
recommandés,  ou  pour  mieux  dire  des  compagnons  germains, 
j'avoue  qu'ils  m'échappent,  et  je  regrette  que  M.  Giraud  ne 
les  ait  point  indiqués.  A  rapprocher  la  guerre  des  Gaules  et 
le  traité  des  mœurs  des  Germains ,  il  est  difficile  de  ne  pas 
admettre  que  César  et  Tacite  ont  peint  chacun  une  même 
institution ,  régnant  à  plusieurs  siècles  de  distance  chez  deux 
peuples  différents.  Faut-il  attribuer  cette  ressemblance  à  la 
parenté  des  deux  races  ;  faut-il ,  au  contraire ,  supposer  qu'un 
même  degré  de  civilisation  a  suffi  pour  amener  une  organisa- 
tion pareille  chez  des  peuples  étrangers  l'un  à  l'autre,  je 
l'ignore,  mais  quelque  délicate  que  soit  la  solution  du  pro- 
blème, les  données  n'en  sont  pas  moins  certaines. 

Du  droit  politique  M.  Giraud  passe  à  l'exposé  du  droit  civil. 
Chez  les  Gaulois,  il  pense  que  la  polygamie  était  même  en 
usage  au  moment  de  la  conquête ,  au  moins  pour  les  grands 
personnages;  ce  serait  un  point  commun  de  plus  entre  les 
Celtes  et  les  Germains  (1).  Mais  cette  opinion  est  très  contes- 
table ,  car  elle  ne  repose  que  sur  un  passage  des  plus  dou- 
teux (2),  tandis  qu'elle  a  contre  elle  des  textes  formels  (3) 
parmi  lesquels  il  suffira  peut-être  de  citer  le  serment  fameux 
par  lequel  chacun  des  nobles  Gaulois  s'oblige  comme  un  vé- 
ritable chevalier  du  moyen-âge  à  ne  s'abriter  sous  aucun  toit, 
à  ne  revoir  ni  ses  enfants,  ni  ses  parents,  ni  sa  femme  qu'il 
n'ait  traversé  deux  fois  les  rangs  ennemis  (4).  Il  paraît  d'ail- 
leurs difficile  de  concilier  avec  la  polygamie  le  régime  des 
biens  durant  le  mariage  tel  que  César  nous  l'indique  dans  un 

(i)  Cf.  Tacit.,  Germ.  18. 

(2)  Cœsar,  B.  G.  VI,  19.  «  Vivi  in  uxores  sicut  in  liberos  vit®  meisque  h'a- 
bent  potestatem,  et  quum  paterfamilias  illustriore  loco  natus  decepit,  agis 
propioqui  conveniunt,  et  de  morte  si  res  in  suspicionem  venit  de  uxoribus 
in  servilem  modum  quaestionem  habent ,  et  bï  compertura  est ,  igni  atque  om- 
nibus tormenlis  exeruciatos  interficem.  »  Qu'on  suppose  une  négligence  de 
style  dans  le  texte  de  César  et  le  système  de  M.  Giraud  croule  par  la  base. 
Conf.  B.  G.  VII,  66. 

(3)  Ammien  Marcell.  XV,  nous  peint  le  Gaulois  combattant  avec  la  femme, 
o  Nec  enim  eorum  quemquam  adhibita  uxore  rixantem,  multo  fortiori  et  glauca, 
peregrinorum  ferre  poterit  globus.  » 

(4)  Cœsar,  B.  G.  VII,  66.  «  Concernant  équités  sanctissimo  jurejurando  cod- 
fîrmari  oportet,  ne  tecta  recipatur,  ne  ad  liberos,  ne  ad  potentes,  ne  ad 
uxorem  aditum  habent,  qui  non  bis  perognem  hostium  perequitates.  » 


AU   MOYEN-AGE.  599 

passage  qui,  jusqu'à  ce  jour,  a  fait  le  désespoir  des  inter- 
prètes. 

M.  Giraud  a  été  mieux  inspiré  pour  l'explication  de  ce  texte 
difficile ,  et  on  n'a  rien  dit  d'aussi  satisfaisant  sur  cette  ques- 
tion embrouillée,  «  La  femme  portait  à  son  époux  une  dot 
»  au  sujet  de  laquelle  existait  une  singulière  coutume.  Le 
»  mari  mettait  en  fonds  commun  cette  dot  avec  une  valeur 
»  exactement  équivalente  fournie  par  lui-même.  Ce  capital 
»  social  était  exploité  dans  l'intérêt  des  époux  pendant  le  ma- 
»  riage,  mais  les  produits  en  étaient  constamment  réservés 
»  et  accumulés  ;  et  ces  fruits  réservés  ainsi  que  le  capital  ap- 
»  partenaient  au  survivant  après  la  dissolution  du  mariage  (1). 
»  Telle  est  cette  coutume  singulière  que  les  historiens  du 
»  droit  français  ont  généralement  confondue  avec  le  système 
»  de  la  communauté  coutumière  entre  époux  et  même  avec 
»  le  douaire  coutumier,  mais  dans  laquelle  on  ne  peut  voir 
»  qu'une  association  exceptionnelle  de  travail ,  sur  une  mise 
»  à  parts  égales ,  avec  réserve  de  tous  les  revenus ,  et  attri- 
»  bution  par  gain  de  survie  au  dernier  mourant  des  époux  ; 
»  conditions  complètement  étrangères  au  régime  de  commu- 
»  nauté  où  les  époux  profitent  de  tous  les  produits  de  la- 
»  collaboration  commune  qu'il  y  ait  ou  non  mise  de  fonds  de 
m  leur  part;  où  le  mari  a  non-seulement  la  disposition  des 
»  revenus,  mais  encore  du  capital  lui-même  des  conquêts, 
»  pendant  le  mariage ,  et  où  enfin  chacun  des  époux  n'a 
»  qu'une  part  égale  à  prétendre  sur  les  objets  qui  tombent  en 
»  communauté ,  après  la  dissolution  du  mariage.  La  coutume 
»  celtique  n'a  réellement  d'analogue  dans  aucune  autre  cou- 
»  tume  connue,  et  son  caractère  essentiellement  national  a 
»  disparu  avec  la  constitution  celtique  elle-même  (2).  »  Je 
n'ajouterai  qu'une  réflexion  à  cette  appréciation  du  texte  de 
César,  c'est  que  probablement  l'historien  des  Gaules  n'a  pas 
bien  saisi  un  des  caractères  de  l'institution  et  qu'il  s'est  mé- 

(1)  Cœsar,  B.  G.  VI,  19.  «  Viri,  quantas  pecunias  ai)  uxoribus  dotis  nomine 
acceperunt,  tantas  ex  sois  bonis  estimatione  facta,  cum  dotions  commani- 
caot.  Hujus  onrois  pecuniœ  coDJunctim  vatio  habetur  fructusque  aervantur; 
utereorum  vita  superarit,  ad  eum  pars  utriusque  cum  fructibus  superiorum 
temporum  pervenit.  » 

(2)  Pages  35,  36. 


600         ESSAI  sur  l'histoire  du  droit  français 

• 

pris  sur  la  condition  de  réserve  des  fruits  ;  comment  admettre 
une  main-morte  aussi  considérable?  Comment  supposer  que 
chez  toute  une  nation,  une  portion  notable  de  la  fortune  pu- 
blique s'immobilisa  entre  les  mains  des  chefs  de  famille,  et 
que  dans  chaque  ménage  il  y  eut  un  fonds  appartenant  aux 
deux  époux,  et  dont  aucun  cependant  ne  pouvait  disposer? 
«  Coustume  qui  me  semble  avoir  esté  merveilleusement  bizarre, 
dit  avec  raison  Pasquier,  de  dire  que  dans  la  Gaule ,  l'argent 
provenant  des  fruicts  fust  gardé  par  le  survivant  des  deux 
mariés,  car  ainsy  faisant,  les  deniers  demeuroient  oiseux, 
comment  donc  pou  voient-ils  supporter  les  frais  de  mariage? 
Et  que  le  fonds  fust  inaliénable  des  deux  costés,  pour  estre 
réservé  au  survivant,  chose  qui  me  semble  non  croyable  (1).  » 
Au  contraire,  ôtez  cette  clause  d'accumulation,  le  contrat  gau- 
lois n'offre  rien  d'insolite,  c'est  une  espèce  de  don  mutuel 
semblable  à  cet  avantage  réciproque  que  connaissent  certaines 
coutumes  espagnoles ,  et  qu'elles  nomment  Onidad  (2). 

La  puissance  paternelle  était  aussi  absolue  chez  les  Gaulois 
que  chez  les  Romains.  Gaïus  en  fait  la  remarque  pour  les 
Galates ,  et  César  nous  apprend  que  dans  la  Gaule  le  chef  de 
famille  avait  droit  de  vie  et  de  mort  sur  sa  femme  et  sur  ses 
enfants.  A  cette  occasion  M.  Giraud  fait  observer  que  les  Gau- 
lois avaient  bien  moins  de  goût  que  les  Germains  pour  la  vie 
de  famille.  «  On  peut  en  juger,  ajoute-t-il,  par  ce  que  dit  César, 
»  que  les  enfants  des  Celtes  n'étaient  admis  auprès  de  leurs 
»  pères  qu'à  l'époque  où  ils  étaient  devenus  aptes  à  porter 
»  les  armes.  Cette  coutume  devait  être  spécialement  propre  à 
»  la  caste  des  nobles.  »  Je  crois  que  l'auteur  a  mal  interprété 
les  paroles  de  César.  Le  texte  ne  traite  point  de  la  vie  inté- 
rieure des  Gaulois.  Il  porte  seulement  que  le  père  de  famille 
ne  se  laissait  aborder  en  public,  palam  in  publico,  par  ses  en* 
fants ,  que  le  jour  où  ils  étaient  en  état  de  porter  les  armes  (3) . 
Tacite  prête  la  même  coutume  aux  Germains ,  et  qui  rappro* 

(4)  Cf.  Laboulaye,  Recherches  sur  la  condition  des  femmes ,  p.  433. 

(2)  InstUutes  de  Justmie»  par  M.  Giraud,  p.  326. 

(3)  César  B.  G.  VI.  «  18.  In  reliquis  vit»  institutis  hoc  fere  ab  reliquis  dif- 
férant, quod  suos  liberos,  nisi  quum  adoleverint  ut  muna&us  militis  suati- 
nere  possint,  palam  ad  se  adiré  non  patiantur,  fllium  que  puerili  ©tate  in 
publico  in  conspectu  patois  adsistere  turpe  ducunt.  » 


AU  MOYEN-AGE.  601 

chera  les  deux  passages  y  verra  moins  une  différence  qu'une 
ressemblance  nouvelle  entre  les  deux  nations  (1). 

Pour  le  reste  du  droit  civil  :  propriété ,  succession,  obliga- 
tion, procédure,  M.  Giraud  a  réuni  soigneusement  le  petit 
nombre  de  textes  que  nous  possédons ,  mais  avec  une  réserve 
louable  en  présence  de  documents  si  rares  et  si  peu  suivis ,  il 
s'est  abstenu  de  toutes  les  hypothèses  dont  Grosley  et  son 
école  ont  si  encombré  l'histoire  de  la  législation  française.  Il 
a  jugé  qu'il  était  bon  d'étudier  les  institutions  germaniques 
avant  d'ériger  dès  le  début  en  coutumes  gauloises  les  princi- 
pes les  plus  vivaces  de  notre  ancien  droit ,  tels  que  la  distinc- 
tion des  propres  et  des  acquêts,  l'affectation  du  patrimoine  à 
la  famille,  la  défaveur  des  testaments,  le  retrait  lignager,  le 
don  mutuel.   Ces  usages,  qui  se  retrouvent  partout  où  ont 
vécu  les  Germains ,  ces  usages  si  opposés  aux  idées  romaines 
et  qui  n'ont  paru  visiblement  sur  notre  territoire  qu'après  la 
conquête  barbare,  on  a  essayé  dernièrement  de  les  faire  remon- 
ter jusqu'aux  Gaulois  de  César,  et  d'en  suivre  la  trace  au  tra- 
vers de  cinq  siècles  de  domination  et  de  civilisation  romaine. 
L'esprit  n'a  point  manqué  pour  construire  ce  système  basé 
sur  des  inductions  hardies ,  et  avant  tout  sur  la  parfaite  con- 
formité qu'on  suppose  entre  le  droit  primitif  de  la  Gaule  et  les 
anciennes  lois  galloises,  précieux  dépôt  que  nous  eût  conservé 
les  institutions  celtiques  sans  altérations  sensibles  et  comme 
pétrifiées.  Mais  de  pareilles  hypothèses  sont  plus  brillantes 
que  solides,  et  l'on  se  sent  plutôt  étonné  que  convaincu  quand 
on  voit  un  auteur  transporter  dans  la  Gaule  de  César  des  cou- 
tumes qui  ne  nous  sont  connues  que  par  un  recueil  rédigé  du 
dixième  au  douzième  siècle  dans  un  coin  de  la  Grande-Bre- 
tagne. Sans  doute  les  Gallois  sont  de  même  souche  que  les 
premiers  habitants  de  notre  patrie ,  sans  doute  ils  ont  gardé 
leur  langue  et  leurs  usages  avec  une  ténacité  singulière ,  mais 
néanmoins  que  de  questions  reste  à  résoudre  avant  qu'on  ait 
le  droit  de  reconnaître  une  institution  gauloise  dans  les  cou- 

(1)  Tacite.  Genn.  «  Arma  sumere  non  ante  cuiquam  moris  quam  civitas 
suffecturum  probaverit.  Tarn  in  ipso  concilio,  vel  principum  aliquis,  vel  pa- 
ter,  vel  propinquus  scuto  frameaque  juvenem  ornant,  hoc  apud  illos  toga, 
hic  primas  juvent»  honos,  ante  hoc  domuspars  videntur,  now  reipublics.  » 
Cette  dernière  phrase  est  le  commentaire  naturel  du  texte  de  César. 

Revue  hist.  —  Tome  VIII.  40 


602        ESSAI  sur  l'histoire  du  droit  français 

tûmes  de  Powys  ou  de  Gwynedh?  A  supposer,  (ce  qui  n'est 
pas  démontré,)  que  les  Gallois  sans  cesse  envahis  par  les 
Saxons  aient  résisté  à  ce  contact  de  tous  les  jours ,  et  n'aient 
rien  emprunté  à  leurs  vainqueurs ,  a-t-on  fait  dans  les  usages 
gallois  la  perte  du  caractère  national,  du  climat,  du  genre  de 
vie?  A-t-on  calculé  le  changement  profond  qu'ont  nécessaire- 
ment amené  dans  les  idées,  les  mœurs  et  les  lois,  une  religion 
nouvelle,  deux  invasions,  et  le  mouvement  de  dix  siècles? 
Tant  qu'on  n'aura  point  défini  ces  points  importants ,  et  je  ne 
sais  pas  même  qu'on  les  ait  touchés,  j'estime  que  tout  rap- 
prochement entre  les  coutumes  des  deux  pays,  légitime  pour 
la  Bretagne ,  qui  n'est  qu'une  colonie  venue  d'outre-mer,  est 
dangereux  et  prématuré  pour  le  reste  de  la  France ,  et  je  sais 
gré  à  M.  Giraud  de  s'être  tenu  prudemment  sur  un  terrain  où 
la  science  gagne  en  solidité  ce  qu'il  semble  perdre  en  étendue. 
Toutefois,  le  désir  de  distinguer  nettement  les  Gaulois  des 
Germains  pour  en  finir  avec  la  confusion  de  Grosley,  a  mené 
M.  Giraud  trop  loin  en  lui  faisant  involontairement  grossir  les 
points  de  dissemblance  et  diminuer  les  caractères  communs 
qu'on  a  remarqués  de  tout  temps  entre  les  deux  races.  Ainsi, 
par  exemple,  il  est  peu  concluant  de  dire,  qu'à  la  différence 
des  Gaulois ,  les  Germains  trouvaient  un  centre  d'unité  dans 
leurs  vieilles  familles  royales  qu'ils  considéraient  comme  sa- 
crées (1),  car,  au  temps  de  Tacite  (je  ne  parle  pas  de  la  con- 
quête), la  royauté  n'existait  que  chez  un  certain  nombre  de 
peuplades  germaniques,  et  chez  plusieurs,  elle  était  d'origine 
récente  (2).  IL  est  également  difficile  d'admettre  sans  discus- 
sion que  :  la  constitution  druidique,  le  régime  des  mariages,  la 
puissance  paternelle,  le  droit  de  propriété,  le  droit  des  serfs, 
les  habitudes  de  famille  sont  autant  de  points  capitaux  sur  les- 
quels  les  coutumes  celtiques  diffèrent  essentiellement  des  cou- 
tumes germaniques  (3).  Sans  doute,  le  droit  de  propriété  a  été 
plus  développé  dans  les  plaines  de  la  Gaule  que  dans  les  fo- 
rêts de  la  Germanie.  Sans  doute,  les  prêtres  Suèves  ou  Ché- 
rusques  n'étaient  point  des  druides  quoiqu'ils  eussent  aussi  une 


(1)  Estai,  p.  28. 

(2)  Tac.  Germ.,  25,  42, 43,  44.  Ânn.  If,  88.  Coof.  Beda,  Bisl.  Ecclés.,  V,  II. 

(3)  Essai,  p.  39. 


AU  MOYEN-AGE.  603 

place  dans  les  assemblées  et  le  droit  de  punir  (1).  Mais  sur 
les  autres  points,  que  de  conformité?  César  ne  parle  pas  de  la 
servitude  gauloise,  mais  le  nom  même  i'obœrati  semble  indi- 
quer une  condition  moyenne  entre  l'esclavage  et  la  liberté, 
telle  que  le  servage  germanique.  Et  quant  à  la  puissance  du 
chef  sur  ses  enfants  et  sur  sa  femme,  autant  qu'on  peut  voir 
dans  ces  obscures  origines ,  elle  n'était  guère  moins  absolue 
chez  les  premiers  Germains  que  chez  les  Celtes  (2).  C'est  le 
droit  du  barbare  de  laisser  mourir  le  nouveau-né  en  l'aban- 
donnant, c'est  son  droit  de  frapper  ou  de  vendre  sa  femme  et 
ses  enfants,  quelquefois  même  de  les  tuer  comme  il  ferait  d'un 
esclave  (3).  Enfin,  c'est  chez  une  peuplade  germanique,  chez 
les  Hérules,  qu'on  trouve  pour  la  dernière  fois,  en  Occident, 
l'horrible  usage  d'immoler  les  femmes  aux  mânes  des  maris  (4). 
En  présence  de  faits  semblables ,  il  est  bien  difficile  de  cher- 
cher dans  les  habitudes  de  famille  des  distinctions  tranchées 
entre  les  deux  nations. 

Cette  critique,  du  reste,  n'a  point  une  très  grande  impor- 
tance, et  je  me  retrouve  bien  vite  d'accord  avec  M.  Giraud. 
Tout  en  reconnaissant  aux  Celtes  de  César  et  aux  Germains  de 
Tacite  un  air  de  famille  prononcé  malgré  des  différences  sen- 
sibles dans  la  religion,  les  mœurs,  le  gouvernement  des  deux 
peuples.  Je  crois,  (et  c'est  là  le  nœud  de  la  question  et  le  point 
le  mieux  démontré  par  M.  Giraud,)  je  crois  que  la  conquête 
romaine  et  le  christianisme  avaient  trop  complètement  trans- 
formé la  société  gauloise ,  pour  qu'au  cinquième  siècle ,  cette 
société,  malgré  son  origine  celtique,  n'eût  rien  de  commun 
avec  les  barbares  qui  l'envahissaient.  En  somme,  la  compa- 
raison des  institutions  primitives  de  la  Gaule  et  de  la  Germanie 
aura  toujours  de  l'intérêt  pour  qui  poursuivra  dans  la  nuit 
des  temps  la  parenté  probable  des  deux  races,  mais  je  ne  vois 
pas  que  de  ce  parallèle  on  puisse  rien  conclure  touchant  la 
persistance  des  coutumes  celtiques.  A  moins  d'oublier  que  cinq 
siècles  séparent  la  conquête  de  César  de  celle  de  Clovis,  et  que 

(1)  Tac.  Germ.,  7, 11.  Montesquieu,  Esprit  des  lois,  XVIII,  31. 

(2)  Heineccius,  Antiq.  Germ.,  t.  III,  p.  206  et  302. 

(3)  V.  Grimm,  Deutsche  Rechtsalterthûmer ,  p.  450  et  455,  et  H.  Vilda,  Stra- 
frecht  der  Germanen,  p.  717  et  726. 

(4)  Procope,  Guerre  des  Goths,  H,  14.  Grimm,  D.  R.  A.  p.  451. 


604         ESSAI  sur  l'histoire  du  droit  français 

pendant  cette  longue  durée,  l'Occident  tout  entier  s'est  trans- 
formé sous  l'empire  de  la  civilisation  romaine.  Il  est  impos- 
sible d'admettre  que  l'entrée  des  Barbares  sur  notre  sol  ait 
amené  le  réveil  de  la  nationalité  gauloise ,  la  renaissance  des 
anciens  usages  comprimés  mais  non  détruits  par  l'occupation 
étrangère.  La  Gaule ,  quand  les  Germains  y  parurent,  ne  res- 
semblait ni  à  la  Grèce ,  telle  que  nous  l'avons  connue  sous  la 
domination  turque,  ni  à  l'Espagne  du  moyen-âge  écrasée, 
mais  non  détruite,  par  le  joug  des  Arabes.  La  Gaule  n'était 
point  un  pays  habité  par  deux  races  ennemies ,  divisées  par 
la  religion,  la  langue, les  mœurs,  la  haine  nationale;  c'était 
une  province  toute  romaine,  et  les  barbares  n'étaient  pas 
moins  des  étrangers  et  des  ennemis  pour  les  Gallo-Romains 
que  pour  les  autres  peuples  de  l'empire.  Si  les  coutumes  cel- 
tiques avaient  résisté  à  l'influence  du  vainqueur,  comment, 
dès  le  premier  siècle ,  aurait-on  tant  de  peine  à  reconnaître 
quelques  traces  demi-effacées  de  ces  institutions  qui  tran- 
chaient si  vivement  sur  le  fond  des  usages  romains?  Gomment 
ce  peuple  mobile ,  toujours  prêt  à  se  détacher  de  l'Italie ,  et, 
comme  dit  Vopiscus,  toujours  avide  de  faire  un  prince  ou  un 
empire  (1),  comment  ce  peuple  n'aurait-il  pas  rétabli  ses  an- 
ciennes lois  en  reprenant  son  indépendance?  Comment  serait- 
il  resté  jusqu'à  la  fin  le  plus  ferme  boulevard  de  l'empire  contre 
l'effort  incessant  des  barbares  (2)?  En  vérité,  quand  sous  le 
règne  de  Gallien,  on  voit  la  Gaule  rompre  avec  Rome,  et  ce- 
pendant garder  comme  siennes  toutes  les  institutions  qui  lui  fu- 
rent autrefois  imposées  par  la  maîtresse  du  monde ,  quand  on 
voit  Postume,  l'empereur  des  Gaules,  frapper  ses  médailles  au 
nom  de  Rome  éternelle  (3),  agir  et  parler  en  césar  et  non  pas  en 

(1)  Vopiscus  in  Saturnino.  a  Saturninus  oriiradus  fait  Gailis,  ex  gente  ho- 
minum  iaquietissima  et  avida  semper  vel  faciendi  principis  vel  imperii.  »  Tre- 
bellius  Pollio  dit  presqu'en  mêmeB  termes  dans  la  vie  des  deux  Galliens  : 
«  Galli  quibus  insitum  est  spe  le  vis,  ac  dégénérantes  civitate  romana,  et 
luxuriosos  principis  ferre  non  posse.  » 

(2)  Trebellias  Pallio,  dans  la  vie  de  Postume  :  a  Ita  Gallieno  perdente  rem 
publicam,  in  Gallia  primum  Postumus ,  deinde  Lollianus  Victorinus  deinceps 
postremo  Tetricus  assertores  romani  nominis  extiterunt ,  quos  omnes  datos 
divinitus  credo,  ne  cum  illa  pestis  inandita  luxuria  impediretur,  in  allia  pos- 
sidendi  romanum  solum  Germanis  daretor  facultas.  » 

(3)  Mionnet,!!,  64.  Sur  la  situation  des  Gaules  sons  le  règne  de  PosUme, 


AU   MOYEN-AGE.  605 

chef  gaulois,  il  est  difficile  de  ne  pas  croire  à  l'anéantissement 
du  vieil  esprit  celtique,  à  l'extinction  totale  de  la  nationalité 
gauloise.  Si  donc  après  la  conquête  barbare,  nous  retrouvons 
sur  le  sol  de  la  Gaule  certaines  coutumes  qui  nous  reportent 
aux  usages  décrits  par  César  comme  celtiques  et  par  Tacite 
comme  germains,  nous  aurons  le  droit  d'y  voir  une  importa- 
tion récente  d'outre-Rhin,  et  non  pas  la  seconde  floraison  d'un 
germe  dès  longtemps  épuisé. 

Sans  doute,  ce  ne  fut  pas  en  un  jour  que  la  Gaule  perdit  ses 
mœurs ,  ses  croyances  et  ses  lois ,  sans  doute  le  dédain  du 
vainqueur  nous  a  dérobé  la  connaissance  des  efforts  suprêmes 
des  dernières  convulsions  de  la  nationalité  celtique,  mais 
néanmoins  il  est  vrai  de  dire  avec  l'empereur  Claude,  que  ja- 
mais conquête  ne  fut  plus  rapide  et  plus  sûre  que  celle  de  la 
Gaule  (1).  Chez  aucun  peuple  de  l'Occident  la  transformation  n'a 
été  aussi  prompte;  nulle  part  l'esprit  romain  n'a  aussi  rapide- 
ment triomphé  d'éléments  étrangers.  D'où  vient  ce  fait  si  in* 
téressant  pour  notre  histoire  ?  L'influence  victorieuse  d'une 
civilisation  supérieure  souvent  alléguée  pour  justifier  ce  chan- 
gement nous  explique  bien  pourquoi  le  monde  entier  finit  par 
devenir  romain,  mais  elle  ne  rend  pas  raison  du  fait  particu- 
lier à  la  Gaule.  La  mobilité  de  l'esprit  celtique  n'est  pas  non 
plus  de  mise,  elle  est  inconciliable  avec  cette  adoption  franche 
et  sans  retour  d'institutions  et  de  mœurs  étrangères  ;  la  vraie 
cause  de  cette  prompte  soumission,  ce  fut  la  position  de  la 
Gaule  entre  Rome  et  la  Germanie,  position  qui  ne  lui  permet- 
tait pas  l'indépendance  et  ne  lui  laissait  le  choix  que  d'un 
maître.  J'insiste  sur  ces  considérations  qui  peut-être  jettent  un 
jour  nouveau  sur  nos  origines,  et  qui  touchent  à  l'honneur  des 
Gaulois  nos  aïeux. 

Quand  César  entra  dans  la  Gaule  déjà  entamée  par  les  Ro- 
mains, le  pays  ne  s'appartenait  plus  ;  Arioviste  en  commençait 
la  conquête.  La  guerre  .fut  dès  le  premier  jour  entre  Rome  et 
la  Germanie ,  notre  pays  ne  fut  que  le  champ  de  bataille  où 
pendant  cinq  siècles  la  civilisation  et  la  barbarie  se  disputèrent 

V.  Breqaigny  (Met*.  Acad.  des  Intcr.,  XXX),  et  les  judicieuses  réflexions  de 
M.  Amôdée  Thierry  :  Histoire  de  la  Gaule  tout  l'administration  romaine,  t.  Il, 
p.  351  et  suiv. 
(1)  Tacite,  Ann.  XI,  24. 


606        ESSAI  sur  l'histoire  du  droit  français 

l'empire  du  monde  avec  des  fortunes  diverses  (1).  Entre  ces 
deux  puissances  qui  se  heurtaient  sur  son  territoire,  comment 
la  Gaule  eût-elle  gardé  la  neutralité  ?  Pour  sauver  son  indé- 
pendance, il  lui  eût  fallu  repousser  tout  ensemble  et  ses  alliés 
et  ses  ennemis,  rejeter  les  uns  au  delà  des  Alpes ,  les  autres 
au  delà  du  Rhin  ;  mais  la  Gaule  ne  fut  jamais  assez  forte  et 
assez  unie  pour  entreprendre  cette  lutte  inégale ,  et  d'ailleurs 
César  la  réduisit  du  premier  coup  à  une  impuissance  dont  elle 
ne  se  releva  pas.  Un  million  d'hommes  tués ,  un  autre  million 
emmené  en  esclavage  ne  lui  laissèrent  de  salut  que  dans 
l'obéissance  (2).  Du  reste,  cette  obéissance  commandée  par 
le  sentiment  de  sa  faiblesse,  et  par  la  crainte  des  barbares,  fut 
singulièrement  encouragée  par  l'habile  administration  du  vain- 
queur. Si  la  Gaule  avait  besoin  de  l'appui  de  Rome,  Rome 
avait  un  besoin  encore  plus  grand  encore  de  la  Gaule.  Si  la 
frontière  n'était  pas  au  Rhin,  si  l'empire  reculait  jusqu'aux 
Alpes,  la  Gaule  peuplée  par  la  Germanie,  pouvait  une  seconde 
fois  inonder  et  couvrir  l'Italie.  La  peur  est  le  secret  des  fa- 
veurs de  Rome  pour  la  Gaule.  C'est  ce  qui  explique  comment 
une  prompte  communication  du  droit  de  cité  acheva  pacifique- 
ment ce  qu'avaient  commencé  les  armes  de  César.  Devant  les 
concessions  récentes  de  Galba  s'évanouit  le  fantôme  d'empire 
dont  Civilis  éblouissait  la  Gaule  pour  la  faire  tomber  isolée 
entre  les  mains  des  Barbares.  Déjà  nos  aïeux  avaient  senti  que 
la  cause  de  Rome  était  la  leur,  et  que  l'union  de  l'Occident  était 
le  seul  moyen  de  résister  à  ces  bandes  sauvages  que  la  Germa- 
nie débordée  poussait  sans  cesse  au  delà  du  Rhin.  Dès  le  règne 
de  Yespasien,  la  Gaule  n'est  plus  qu'un  département  de  l'em- 
pire, et  de  ce  qui  fut  naguères  le  génie  propre  d'une  nation , 
il  ne  reste  plus  qu'un  certain  esprit  provincial  dont  la  vivacité 
trahit  l'origine.  Ces  nouveaux  sujets  ne  sont  pas ,  sans  doute, 
devenus  des  Italiens,  mais  ce  ne  sont  pas  des  Gaulois,  ce  sont 
des  Gallo-Romains,  c'est-à-dire  un  peuple  mélangé  de  deux 
races,  soumis  à  l'influence  d'une  civilisation  puissante,  et  chez 
lequel  l'empreinte  romaine  efface  chaque  jour  davantage  le 
caractère  celtique.  S'il  en  fut  ainsi,  dès  le  premier  siècle  de  la 
conquête,  que  pouvait-il  rester  des  coutumes  primitives  quand 
les  Francs  entrèrent  dans  notre  pays? 

(1)  Voy.  dans  Tacite  le  discours  de  Cerialis.  Hitt.  IV,  73. 

(2)  Hiat.,  Vie  de  César.  Appien,  de  Rebut  GaU.,  frag.  I.Orose,  VI,  12. 


AU   MOYEN-AGE.  607 

C'est  ce  que  je  chercherai  plus  loin,  quand,  à  la  suite  de  M. 
Giraud ,  nous  aurons  étudié  les  changements  que  la  politique 
Romaine  introduisit  dans  le  gouvernement  et  les  lois  de  la 
Gaule. 

§  2.  Des  origines  romaines  du  droit  français. 

Il  n'est  point  de  peuple  ancien  ou  moderne  qui  puisse  riva- 
liser avec  les  Romains  dans  l'art  du  gouvernement.  Il  n'en 
est  aucun  qui  ait  su,  comme  ces  maîtres  du  monde,  imposer 
aux  vaincus  ses  mœurs ,  ses  idées ,  et  ses  lois  : 

Tu  regere  imperio  populos.  Romane,  mémento, 
Hœ  tibi  étant  dites  ! 

Conquérir  et  coloniser,  ou,  si  cette  expression  est  permise , 
romaniser  le  monde  c'était  la  mission  que  Rome  croyait  avoir 
reçue  du  destin,  c'était ,  suivant  les  Pères  de  l'Église,  la  mis- 
sion que  Dieu  même  lui  avait  donnée ,  et  son  règae  ne  fut  si 
grand  sur  la  terre  que  parce  qu'il  préparait  l'avènement  d'un 
règne  supérieur  par  l'étendue  et  la  durée,  celui  de  l'Évangile. 
Confondre  tous  les  peuples  sous  un  même  empire ,  les  élever 
au  même  degré  de  civilisation  en  leur  faisant  volontairement 
adopter  des  mœurs,  des  lois,  une  religion,  une  langue  étran- 
gère ,  c'est  dans  cette  œuvre  difficile  qu'excelle  le  génie  ro- 
main, et  plus  on  étudie  cette  politique  invariable,  qui  fait 
toute  l'histoire  de  Rome ,  plus  on  est  frappé  de  sa  grandeur 
et  de  sa  fécondité. 

De  tous  les  moyens  qu'employa  l'habileté  romaine,  pour 
transformer  les  vaincus  en  citoyens,  le  plus  simple  et  non  pas 
le  moins  énergique,  fut  la  communication  du  régime  municipal. 
Tant  que  le  pays  conquis  restait  province ,  sa  condition  était 
des  plus  mauvaises.  Soumis  au  despotisme  du  gouverneur, 
dépouillé  de  son  administration  et  de  ses  lois ,  toute  vie  politi- 
que lui  était  refusée  (1).  Mais  au  milieu  de  cette  dure  servitude, 
les  Romains  plaçaient  un  certain  nombre  de  centres  privilé- 
giés, jetés  dans  la  province  comme  autant  d'oasis  où  fleuris- 
sait la  liberté.  Tantôt  c'étaient  des  colonies  de  citoyens  qu'on 
installait  dans  les  points  principaux  du  pays ,  et  qui  implan- 
taient avec  elles  les  lois ,  la  langue,  l'organisation  romaine  (2). 
Tantôt  c'était  quelque  cité  provinciale  qu'on  ér  geait  en  mu- 

(1)  Cœsar,  B.  C,  VU,  77. 

(2)  A.  Gell.,  XVI,  13. 


608  ESSAI  SUR  L'HISTOIRE  DU  DROIT  FRANÇAIS  AU  MOYEN-AGE. 

nicipe,  et  qui,  par  l'adoption  des  lois  de  la  métropole,  devenait 
une  commune  italienne,  placée  au  milieu  de  pays  étranger. 
Quelquefois  on  créait  une  situation  intermédiaire  entre  la  li- 
berté romaine  et  la  servitude  provinciale.  Le  jus  MU  défendait 
à  la  fois  la  ville  privilégiée  contre  l'arbitraire  du  gouverneur, 
et  ouvrait  à  ses  administrateurs  cette  cité  romaine  si  ardem- 
ment convoitée  (1).  En  ce  point  paraît  toute  la  politique  ro- 
maine qui  dès  le  premier  jour  plaçant  la  liberté  près  de  la  ser- 
vitude, et  ne  laissant  point  de  prise  au  désespoir,  cause  ordi- 
naire des  révoltes ,  se  faisait  des  vaincus  même  une  défense  et 
un  appui.  Rome  bien  plus  libérale  que  les  modernes  n'établis- 
sait point  une  ligne  infranchissable  entre  ses  anciens  et  ses 
nouveaux  sujets.  Tout  au  contraire ,  en  répandant  ses  institu- 
tions municipales,  elle  ouvrait  la  cité,  les  magistratures,  le 
sénat,  à  quiconque  s'élevait  dans  la  province,  absorbant  ainsi 
dans  son  sein  tout  mérite  apparent ,  toute  supériorité  naissante, 
et  tournant  à  son  profit  les  forces  vives  du  pays  conquis.  La 
Gaule  eut  de  bonne  heure  sa  large  part  des  faveurs  romaines  : 
colonies  de  citoyens,  colonies  latines,  municipes  y  paraissent 
dès  le  premier  jour.  Et  non-seulement  Rome  implante  ainsi 
ses  lois  et  son  organisation,  mais ,  (et  ce  résultat  n'est  pas 
moins  important,)  du  même  coup  elle  transforma  le  pays  en 
faisant  passer  le  pouvoir  des  mains  des  chefs  de  clan  dans 
celles  des  habitants  des  villes.  «  Ce  fut,  dit  avec  raison,  M. 
»  Giraud,  le  moyen  le  plus  efficace  d'assimilation  qu'employa 
»  le  Gouvernement  romain...  La  multiplication  des  municipes 
»  créa  une  nation  nouvelle  représentée  par  la  classe  moyenne 
»  qui  devait  sa  naissance,  pour  ainsi  dire,  à  la  loi  municipale, 
»  et  dont  l'existence  et  ses  prérogatives  furent  aussi  intime- 
»  ment  unies  à  la  domination  romaine.  » 

La  franchise  municipale  fut-elle  aussi  grande  qu'en  Italie, 
ou  bien  la  Gaule  ne  reçut-elle  qu'une  organisation  incomplète, 
hormis  les  cités  privilégiées  du  jus  italicum  ?  Ce  dernier  sys- 
tème a  été  défendu  par  M.  de  Savigny,  mais  M.  Giraud  a, 
selon  nous,  prouvé  victorieusement  que  la  constitution  muni- 
cipale avait  été  la  même  des  deux  côtés  des  Alpes ,  et  cette 
démonstration  nous  paraît  la  plus  neuve  et  la  plus  intéres- 
sante de  son  livre.  Ed.  Laboulaye. 

(i)  Strab.  IV,  c.  i,  §  10.  Nîmes,  dit  Strabon ,  le  cède  à  Narbonne  en  impor- 
ance  commerciale  et  en  population,  mais  sa  position  politique  est  meilleure. 


DE 


L'ACQUISITION  DES  FRUITS 


PAR  L'USUFRUITIER. 


Les  articles  585  et  586  du  Code  civil  déterminent,  en  des 
termes  qui  ne  soulèvent  aucune  difficulté  sérieuse,  les  droits 
de  l'usufruitier  sur  les  fruits  de  la  valeur  grevée  d'usufruit. 
Le  problème  est,  en  droit  romain,  beaucoup  moins  simple  : 
la  jurisprudence  ne  paraît  pas ,  sur  cette  matière ,  être  arrivée 
à  une  solution,  qui  donne  une  suffisante  satisfaction  aux  inté 
rets  légitimes  de  l'usufruitier.  Je  vais  le  démontrer,  et  cons- 
tater le  progrès  qui  s'est  accompli,  la  supériorité  de  la  législa- 
tion française  sur  celle  des  Romains. 

En  nous  arrêtant  d'abord  aux  fruits  proprement  dits ,  pro- 
duits organiques  de  la  terre  ou  des  animaux ,  à  ces  revenus 
que  nos  anciens  auteurs  et  le  Code  civil  ont  appelés  fruits 
naturels  ou  industriels,  nous  ne  ferons  que  rappeler  une  règle, 
bien  connue,  quand  nous  dirons  qu'à  Rome  l'usufruitier  n'ac- 
quiert les  fruits  du  bien  frappé  de  son  droit ,  ne  les  fait  siens 
et  ne  les  gagne  que  par  la  perception ,  émanée  de  lui  ou  d'un 
des  siens.  Plusieurs  fragments  au  Digeste  le  constatent ,  en 
opposant  sur  ce  point  la  situation  de  l'usufruitier  à  celle  du 
possesseur  de  bonne  foi  qui  acquiert  la  propriété  des  fruits  de 


608  ESSAI  SUR  l'histoire  du  droit  français/ 
nicipe,  et  qui,  par  l'adoption  des  lois  de  la  m'  d,  séparés 

une  commune  italienne,  placée  au  milieu  '•  le  fait  a'un 

Quelquefois  on  créait  une  situation  interm  /nstitules,  au 

berté  romaine  et  la  servitude  provinciale.  s>i&  du  douaire , 

à  la  fois  la  ville  privilégiée  contre  l'arbil  '  du  droit  romain, 
et  ouvrait  à  ses  administrateurs  cette  c  .ursonne  de  perce- 
ment convoitée  (1).  En  ce  point  pars  .  héritage  sujet  à  un 
mainequi  dès  le  premier  jour  plaçan*  juilierque  par  la  per- 
vitude,  et  ne  laissant  point  de  prise  ,par  quelqu'un  de  sa 
naire  des  révoltes ,  se  faisait  des  vr  jeal  coupé  des  blés  sur 
un  appui.  Rome  bien  plus  libéral'  -'^e  avait  bien  l'action 
sait  point  une  ligne  infranchiss;  >  non  fume  surrepum. 
nouveaux  sujets.  Tout  au  contr  >#s  volées,  qu'on  appelle 
lions  municipales,  elle  ouvra;  j*  qu'au  propriétaire  des 
sénat,  à  quiconque  s'élevait  <  ""^priétaire  de  l'héritage,  et 
dans  son  sein  tout  mérite  ap<  .  > ';a  acquérir  les  fruits  par  la 
et  tournant  à  son  profit  le?  V'JrtleoT,  ce  voleur  ne  les  ayant 
Gaule  eut  de  bonne  heure  /,  -'/j  de  l'usufruitier.  Par  la  même 
colonies  de  citoyens,  col  ,.  ./'■jjcidait  que  les  olives,  qui  se 
dès  le  premier  jour.  F  r  .y^iombaient  de  l'olivier,  n'étaient 
ses  lois  et  son  organ:  /  -^'"Voire  jurisprudence  n'admet  pas 
moins  important,)  du  •;> '^iispour  règle  générale,  que  tous 
'  m  à  un  droit  d'usufruit,  qui  sont 
Je  où  ils  sont  pendants ,  pendant  le 
, l'usufruitier,  lui  appartiennent, de 
■ut  été  perçus.  » 

j  donc  pas  droit  aux  fruits  de  la 

•e  lui-même  :  son  jus  fruendi  n'est 

nplet  que  celui  du  propriétaire.  Le 

[u'il  la  possède  ou  non ,  et  sauf  ie 

iseur  de  bonne  foi ,  est  ou  devient 

:ette  chose ,  en  vertu  du  caractère 

droit;  peu  importe  que  ces  fruits 

à  son  insu  par  un  coup  de  vent,  le 

'  ssesseur  de  mauvaise  foi  :  il  eu  de- 

i  vaut  d'en  avoir  pris  possession,  et 

1  nunc  la  propriété  par  Vin  jure  cet- 

8  '  v indtcatùmem.  L'usufruitier  n'est 

bstitué  à  lui ,  mis  en  son  lieu  et 


rFRUITTER.  611 

l  à  la  perception.  Ulpien  nous 
sonsistit,  id  est  facto  aliquo  ejus 
dies,  VII ,  3). 
4?  nce ,  sévère  pour  l'usufruitier,  doit- 

fait  que  l'usufruitier,  à  la  différence 
è  foi,  n'a  pas  la  possession  du  bien 
,  en  est  que  détenteur,  et  qu'il  a  besoin 
/  une  possession  que  ne  peut  lui  commu- 
m  de  la  chose?  Mais  le  propriétaire,  lui 
is  posséder  sa  chose  :  ce  peut  être  un  léga- 
oit  est  acquis  par  le  fait  de  l'acceptation  de  la 
qui  n'a  jamais  possédé  la  chose  léguée.  Et  ce- 
l'uits  qui  sont  détachés  de  cette  chose  lui  appar- 
ô  trouverait-on  pas  plutôt  la  raison  de  la  règle 
dos  une  pensée  de  défaveur  vis-à-vis  de  ce  démem- 
de  la  propriété  ,  autour  duquel  la  vieille  loi  romaine 
<e  les  causes  d'extinction ,  et  qui ,  sans  présenter  un 
ère  alimentaire ,  est  destiné  au  fond  à  donner  satisfac- 
aux  besoins  personnels  de  son  titulaire?  Quand  celui-ci 
perçoit  pas,  cette  loi  lui  applique  cette  maxime,  dont  il  y 
i  dans  le  droit  romain ,  de  si  nombreux  exemples ,  jura  vigir 
lantibus  scripta  sunt  :  l'usufruitier,  qui  ne  perçoit  pas  les 
fruits  auxquels  il  a  droit,  est  réputé  en  faute,  et  il  ne  les  ac- 
quiert pas. 

Quoi  qu'il  en  soit ,  nous  allons  rechercher  d'abord  ce  qu'il 
faut  entendre  par  la  perception ,  condition  d'acquisition  des 
fruits ,  puis  nous  nous  demanderons  si  le  droit  romain  n'a  pas 
tempéré  sa  rigueur  primitive  en  cette  matière  comme  en  beau- 
coup d'autres. 

Le  jurisconsulte  Paul,  craignant  sans  doute  qu'on  n'attri- 
bue au  droit  de  l'usufruitier  un  caractère  alimentaire  trop  pro- 
noncé ,  a  soin  dans  deux  passages  (f.  78  De  rei  vindic,  VI,  1, 
et  13  Quib.  mod.  ususf.  amitt.,  VU,  è)  de  nous  prévenir  qu'il 
n'est  pas  nécessaire,  pour  qu'il  y  ait  perception,  que  les 
olives  soient  transformées  en  huile,  les  raisins  en  vin,  mais 
qu'il  suffit  que  la  récolte  soit  isolée  de  la  terre ,  ait  reçu  une 
existence  individuelle,  distincte  de  la  chose  frugifère.  La 
perception ,  c'est  donc  la  prise  de  possession  des  fruits  par 
l'usufruitier  anima  et  corpore,  animo  utique  suo ,  corpore  vel 


642  de  l'acquisition  des  fruits 

suo  vel  alieno.  Le  fait  matériel ,  inconscient  ou  accompli  sous 
l'empire  de  l'erreur,  le  corpus  tout  seul,  ne  serait  pas  un  acte 
de  perception  :  il  faut,  de  la  part  de  l'usufruitier,  un  acte  ac- 
compli en  connaissance  de  cause ,  avec  la  volonté  de  se  com- 
porter en  maître.  D'autre  part,  Y  animas  seul  ne  suffirait  pas 
pour  constituer  la  perception  :  les  fruits  sont  tombés  :  l'usu- 
fruitier le  sait  ;  mais  il  se  trouve ,  à  raison  de  son  éloigne- 
ment,  empêché  de  faire  sur  eux  acte  de  maître  :  la  volonté 
qu'il  peut  avoir  de  se  les  approprier,  est  impuissante  à  les  lui 
faire  acquérir. 

Mais  l'acquisition  de  la  propriété  par  le  canal  de  la  posses- 
sion, est  susceptible  de  se  réaliser  dans  deux  ordres  de  cir- 
constances :  dans  l'occupation,  mode  originaire,  et  dans  la 
tradition,  mode  dérivé.  Savigny  {Traité  de  la  possession,  §  22  *) 
rattache  l'acquisition  de  l'usufruitier,  ainsi  que  celle  du  fermier 
et  de  tous  ceux  qui  tiennent  du  propriétaire  leur  droit  aux 
fruits  à  l'idée  de  tradition.  «  L'appréhension,  dit-il,  équivaut 
à  une  véritable  tradition.  Si  le  propriétaire  de  la  chose  est 
propriétaire  quiritaire ,  il  s'ensuit  que  l'usufruitier  acquerra 
une  propriété  tantôt  quiritaire ,  tantôt  simplement  bonitaire  : 
quiritaire ,  si  la  chose  est  une  res  nec  mancipi  comme  tous  les 
produits  agricoles  :  bonitaire,  si  c'est  une  res  mancipi,  un 
cheval  par  exemple  (V.  dans  le  même  sens,  de  Fresquet,  Traité 
élémentaire  de  droit  romain,  t.  I,  p.  265;  Mainz,  Éléments 
de  droit  romain,  t.  I,  §  194,  note  34;  Puchta,  Pandekten7 
§  150). 

Je  reconnais  que  la  tradition  ne  consiste  pas  nécessairement 
dans  une  remise  de  la  possession ,  et  que  le  fait  de  laisser 
prendre  une  chose  peut  aussi  bien  emporter  tradition  (F.  Ulp., 
f.  6,  De  donaL,  XXXIX,  5).  Je  concède  également  que  le  rap- 
prochement de  l'usufruitier  et  du  fermier  est  de  nature  à 
prêter  à  cette  opinion  un  certain  appui.  J'ai  de  la  peine  néan- 
moins à  m'y  rallier,  et  avec  d'autres  auteurs  (Arndts,  Lehrbuch 
der  Pandekten,  §  156,  note  1),  je  suis  plus  porté  à  croire  que 
l'acquisition  de  la  propriété  des  fruits  par  l'usufruitier,  a  plus 
d'analogie  avec  l'occupation  qu'avec  la  tradition.  Le  proprié- 
taire abandonne  la  jouissance  de  sa  chose  et  l'usufruitier  s'em- 
pare des  fruits,  les  fait  siens  en  les  percevant.  Le  §  36  InsU  De 
rer.  divis.,  est  placé  à  la  suite  des  modes  originaires  d'acqui 


par  l'usufruitier.  613 

sition  :  l'exposition  des  modes  dérivés  ne  commence  qu'avec 
le  §  40  eod.  tit.,  qui  traite  de  la*  tradition  (1). 

Le  système  de  Savigny  donne  prise  à  une  objection  sé- 
rieuse, et  expose  le  droit  de  l'usufruitier  à  un  grave  danger. 
C'est  un  principe  élémentaire  que  la  propriété ,  de  même  que 
la  possession ,  qui  n'est  que  l'exercice  de  la  propriété ,  ne  peut 
avoir  pour  objet  que  des  res  certxy  des  choses  corporelles  in- 
dividualisées ,  douées  d'une  existence  indépendante  des  autres 
choses  qui  les  entourent.  La  tradition  qui  consiste  dans  la  re- 
mise de  la  possession,  ne  peut  elle-même  avoir  pour  objet  qu'une 
res  certa  (Pomponius,  f.  40  De  ad.  emti,  XIX,  1).  Or,  des 
fruits  futurs,  n'ayant  pas  d'existence  propre,  ne  peuvent  faire 
l'objet  d'une  tradition  qu'au  moment  où  ils  sont  détachés  de 
la  chose  :  le  droit  de  l'usufruitier  s'analyserait  en  une  série  de 
traditions  successives,  consenties  par  le  nu-propriétaire  à 
l'usufruitier,  au  moment  où  les  fruits  seraient  détachés  par 
celui-ci,  les  fruits  appartiendraient  un  instant  de  raison  au 
nu-propriétaire  et  le  fait  de  les  laisser  prendre  constituerait 
la  tradition.  Mais  pour  consentir  une  tradition,  il  faut  être 
propriétaire  et  capable  d'aliéner  :  le  nu-propriétaire  pourrait 
n'être  plus  propriétaire  de  la  chose  grevée  d'usufruit  :  il 
pourrait  être  devenu  incapable  d'aliéner,  la  tradition  devien- 
drait impossible  au  profit  de  l'usufruitier.  Pareille  conséquence 
est  difficilement  admissible. 

D'autre  part,  la  tradition,  en  tant  que  mode  dérivé,  fait 
acquérir  la  chose ,  grevée  des  droits  réels ,  qui  la  frappent  du 
chef  du  tradens.  Le  nu-propriétaire  a  pu,  depuis  la  constitution 
de  l'usufruit  (2),  hypothéquer  les  fruits  futurs  :  car  le  droit 
réel  d'hypothèque  peut  avoir  pour  objet  une  chose  future,  des 
biens  à  venir  (Gaïus,/".  15prM  Depignor.,  XX,  1).  L'usufruitier, 
acquérant  les  fruits  par  l'effet  d'une  tradition ,  serait  tenu  de 

(1)  Il  y  aurait  bien  à  dire  sur  cette  classification  des  modes  d'acquérir  plus 
moderne  qne  romaine.  Pour  les  Romains,  le  mode  type ,  c'est  le  mode  dit  ori- 
ginaire, l'occupation.  La  mancipation  dans  laquelle  l'acquéreur  joue  seul  un 
rôle  actif,  ne  serait  que  l'occupation  régularisée.  L'wt  jure  cettio  n'est,  en  la 
forme,  ni  l'un  ni  l'autre.  La  tradition  flotte  incertaine  entre  les  deux  :  Gpr. 
§  46  et  47  De  rer.  divit.  Inst.  II,  1. 

(2)  L'hypothèque  sur  les  fruits  futurs ,  antérieure  à  la  constitution  de  l'usu- 
fruit, serait  en  tout  cas  opposable  à  l'usufruitier,  ayant-cause  du  nu-pro- 
priétaire. 


614  DE  L'ACQUISITION   DBS   FRUITS 

respecter  cette  hypothèque  (V.  Jourdan ,  De  l'hypothèque  en 
droit  romain,  p.  328). 

Avec  l'opinion  qui  fait  de  la  perception  un  acte  juridique, 
analogue  à  l'occupation,  le  nu-propriétaire  peut,  après  coup, 
cesser  d'être  propriétaire,  perdre  la  capacité  d'aliéner  :  il  peut 
hypothéquer  les  fruits  futurs.  L'usufruitier  n'en  gardera  pas 
moins  le  droit  de  percevoir  les  fruits,  et  l'hypothèque  consentie 
par  le  nu-propriétaire  ne  lui  sera  pas  opposable. 

Quelle  que  soit  l'idée  à  laquelle  on  s'attache ,  il  faut  recon 
naître  que  la  perception,  condition  d'acquisition  des  fruits 
pour  l'usufruitier,  suppose  que  celui-ci  a  été  mis  en  rapport 
de  fait  avec  la  chose  grevée  de  son  droit,  a  obtenu  la  déli- 
vrance effective  de  son  legs  notamment  :  tant  qu'il  n'a  que  le 
droit,  sans  en  avoir  l'exercice,  il  lui  est  impossible  de  perce- 
voir et  d'acquérir.  Le  retard  apporté  à  la  mise  de  l'usufruitier 
en  jouissance  peut  être  imputable  à  faute  au  nu-propriétaire  : 
s'il  se  laisse  poursuivre  par  l'action  confessoire,  et  qu'il  suc- 
combe, le  juge,  dans  la  satisfaction  arbitrée  par  lui  ou  dans 
le  montant  de  la  condamnation ,  pourra  faire  entrer  en  ligne 
de  compte  les  fruits  que  l'usufruitier  aurait  pu  percevoir  (Ulp., 
f.  5,  §  3,  Si  usufr.  petetur,  VII,  6).  Julien  admet  même  que 
l'héritier  qui,  grevé  d'un  legs  d'usufruit,  retarde  son  accepta- 
tion de  la  succession ,  pour  empêcher  le  légataire  d'acquérir 
son  droit  et  d'en  exiger  la  délivrance,  doit  les  fruits  à  ce  lé- 
gataire (F.  35,  pr.  De  usufr. ,)(1). 

Mais  si  le  retard  dans  la  délivrance  du  legs  provient  de  la 

(1)  Le  légataire,  qui  peut  critiquer  une  acceptation  tardive,  ne  pourrait  pas 
se  plaindre  du  refus  d'acceptation  de  la  succession  par  l'héritier.  Le  succès* 
Bible  est  libre,  en  répudiant,  de  faire  tomber  tous  les  legs  (Gaïus,  f.  7,  Si  qui$ 
omUsa,  XXIX,  4).  Les  ûdéicommissaires  d'hérédité  (Ûdéicommissaires  uni- 
versels ou  à  titre  universel)  ont  seuls,  jusqu'à  Justinien,  le  droit  de  se  passer 
de  cette  acceptation,  de  forcer  l'héritier  à  accepter.  Je  ne  crois  pas  que  le 
légataire  de  l'usufruit  de  la  totalité  ou  d'une  fraction  de  la  succession  puisse 
invoquer  cette  disposition  du  S.  C.  Pégasien  :  car  a  seuls  peuvent  contraindre 
l'institué  à  faire  aditioo,  ceux  qui,  placés  loco  heredum  exonèrent  l'héritier  de 
toute  poursuite  de  la  part  des  créanciers.  »  {Inst.  d'Ortolan,  t.  II,  Append.  de 
M.  Labbé,  p.  749).  Le  légataire  d'usufruit,  en  droit  romain,  est  toujours  un 
légataire  à  titre  particulier,  sauf  le  droit  qu'il  aura  comme  tout  légataire, 
d'après  la  Nov.  I,  de  prendre  sous  certaines  conditions,  la  qualité  de  suc- 
cesseur universel  pour  éviter  la  caducité  de  son  legs  par  le  refus  d'acceptation 
de  l'institué. 


par  l'usufruitier.  615 

faute  de  l'usufruitier,  il  n'a  plus  le  droit  de  se  plaindre  :  tel  est 
notamment  le  cas  où  l'usufruitier  refuse  de  fournir  à  l'héritier 
la  cautio  usufructuaria,  ou  ne  lui  offre  qu'une  cautio  insuffi- 
sante :  l'héritier,  poursuivi  par  l'action  confessoire,  la  para- 
lysera per  exceptionem,  et  quand  ensuite,  l'usufruitier  se  déci- 
dera à  donner  caution,  je  ne  crois  pas  qu'il  doive  restituer  les 
fruits  qu'il  a  perçus.  Papinien,  f.  24,  De  usu  et  usuf.  leg., 
XXXIII ,  2 ,  décide  que  les  intérêts  de  la  créance  grevée  d'u- 
sufruit ne  sont  acquis  à  l'usufruitier  que  post  interpositam 
cautionem  :  il  doit  en  être  de  même  des  fruits  naturels.  L'ar- 
ticle 604  du  Code  civil  a  décidé  le  contraire. 

La  sévérité  du  droit  romain  vis-à-vis  de  l'usufruitier  s'est- 
elle  tempérée?  Quelques  auteurs  ont  soutenu  que  pour  cer- 
tains fruits  naturels,  le  croît  des  animaux,  l'usufruitier  en 
devenait  propriétaire  separatione,  et  non  ip&aperceptione  :  ainsi 
le  voudrait  le  §  37  InsL,  De  divis.  rer.9  II,  1.  Les  fruits  de  la 
terre,  ajoute-t-on,  ont  besoin,  pour  être  perçus,  du  fait  de 
l'homme  :  ce  fait  est  indispensable  pour  consommer  la  pro- 
duction; c'est  pour  cela  qu'un  acte  de  perception  de  la  part  de 
l'usufruitier  serait  nécessaire  pour  les  faire  entrer  dans  son 
patrimoine.  Le  croît,  au  contraire,  est  un  produit  qui  se  dé- 
tache de  lui-même,  sans  avoir  besoin  du  fait  de  l'homme  (V. 
Genty,  Traité  de  l'usufruit  en  droit  romain,  n°  i  68  ;  Wàchter, 
Pandekten,  §  154,  note  13).  Le  texte  ne  me  paraît  pas  suffi- 
samment explicite  pour  autoriser  une  dérogation  au  principe. 
Les  petits  des  animaux  ne  deviennent  la  chose  de  l'usufruitier 
comme  les  autres  fruits ,  que  par  la  perception  (V.  Arndts, 
Pandekten,  §  156,  notel).  La  perception,  d'ailleurs,  résultera 
du  fait  de  la  naissance  dans  l'étable  de  l'usufruitier  :  il  y  a  là 
une  prise  de  possession  suffisamment  caractérisée. 

En  admettant  que  la  règle  soit  absolue ,  faut-il  en  conclure 
que  les  fruits  qui  se  sont  détachés  d'eux-mêmes ,  par  l'effet 
de  la  maturité  ou  d'un  coup  de  vent,  première  circonstance 
dans  laquelle  les  fruits  peuvent  se  trouver  séparés  autrement 
que  par  le  fait  de  l'usufruitier,  deviennent  la  propriété  défi- 
nitive du  nu-propriétaire  et  sont  irrévocablement  perdus  pour 
l'usufruitier?  Cette  conséquence  fort  dure  paraît  bien  décou- 
ler d'un  texte  du  jurisconsulte  Paul,  le  f.  13,  Quib.  mod. 
ususf.  amitt.,  VII,  4  :  le  jurisconsulte  observe  que  la  décision, 


616  de  l'acquisition  des  fruits 

qui  est  donnée  au  cas  où  l'usufruitier  a  secoué  l'arbre  et  fait 
tomber  les  olives,  ne  doit  pas  être  étendue  à  celui  où  les 
olives  sont  tombées  d'elles-mêmes ,  et  la  raison  par  lui  don- 
née, c'est  qu'à  la  différence  du  possesseur  de  bonne  foi,  l'u- 
sufruitier ne  fait  les  fruits  siens  que  par  la  perception ,  qui 
n'a  pas  eu  lieu  dans  l'espèce.  Les  olives  sont  tombées  :  à 
moins  de  les  déclarer  res  nuttius,  ce  qui  serait  bizarre  et  dan- 
gereux, il  n'y  a  d'autre  ressource  que  de  les  faire  acquérir  au 
propriétaire.  Est-ce  à  dire  qu'il  n'y  ait  plus  de  perception 
possible  sur  ces  fruits  de  la  part  de  l'usufruitier?  Si  l'usu- 
fruitier les  ramasse  de  son  vivant,  ne  les  perçoit-il  pas,  et 
n'en  enlève-t-il  pas  la  propriété  au  propriétaire?  Le  texte  du 
jurisconsulte  n'y  fait  pas  obstacle  :  il  vise  l'hypothèse  de  la 
mort  de  l'usufruitier  :  il  est  placé  dans  le  titre  qui  traite  de 
l'extinction  de  l'usufruit.  Son  héritier  n'a  plus  le  droit  de 
perception  :  c'est  à  cela  qu'il  convient  de  limiter  la  portée  de 
notre  texte  :  les  fruits  tombés  ne  sont  perdus  pour  l'usufrui- 
tier que  quand  il  meurt  avant  de  les  avoir  ramassés ,  avant 
d'en  avoir  opéré  la  perception  (1).  S'il  les  recueille,  efface-t-il 
avec  effet  rétroactif  la  propriété  un  instant  acquise  au  nu- 
propriétaire?  La  question  n'est  pas  sans  intérêt,  si  celui-ci, 
en  prévision  d'une  extinction  toujours  possible  de  l'usufrui- 
tier, avait  hypothéqué  les  fruits  de  sa  chose. 

Une  seconde  circonstance,  dans  laquelle  la  jurisprudence 
romaine  a  certainement  tempéré  la  rigueur  de  la  règle ,  est 
celle  où  la  chose  grevée  d'usufruit  s'est  trouvée  pendant  plus 
ou  moins  longtemps  entre  les  mains  d'un  possesseur  ou  d'un 
quasi-possesseur  de  mauvaise  foi ,  d'un  individu  qui  se  pré- 
tend plein-propriétaire  ou  usufruitier.  L'usufruitier  véritable 
intente  contre  lui  l'action  confessoire.  Ulpien  (/".  5,  §  3  et  seq., 
Siusuf.  pet.,  VII,  6)  décide  que  le  demandeur  qui  triomphe  a 
droit  aux  fruits.  L'action  confessoire  est  une  sorte  de  reven- 
dication ,  et  c'est  une  action  arbitraire.  Or,  dans  les  actions 
arbitraires  (§31,  Inst.,  De  action.,  IV,  6),  le  juge  a  le  pouvoir 
d'arbitrer  ex  bono  et  xquo  le  montant  de  la  satisfaction  à  pro- 
curer au  demandeur,  et  aussi  le  montant  de  la  condamnation, 
à  défaut  d'exécution  de  son  jussum.  L'équité  veut  que  l'usu- 

(1)  Nec  obstat  le  §  36,  Intt.,  De  rer.  divis.,  qui  prévoit  le  cas  habituel. 


PAR  l'usufruitier.  617 

fruitier  ait  droit  aux  fruits  qu'il  aurait  dû  percevoir  :  le  juge 
en  tiendra  compte,  et  les  fera  restituer  en  nature  ou  en  valeur 
à  l'usufruitier.  Et  cependant  le  possesseur  de  mauvaise  foi 
n'était  pas  l'agent ,  le  ministre  de  l'usufruitier  :  il  a  perçu  suo 
rumine,  et,  en  percevant ,  il  n'a  pas  fait  acquérir  la  propriété 
des  fruits  à  l'usufruitier.  Malgré  cela,  l'usufruitier  a  droit  à 
ces  fruits.  S'il  y  a  droit,  le  nu-propriétaire  n'y  a  pas  droit,  et 
si  c'est  ce  dernier  qui  est  défendeur  à  l'action  confessoire ,  il 
en  doit  compte  à  l'usufruitier.  En  somme,  celui-ci,  triom- 
phant dans  l'action  confessoire ,  a  le  droit  d'être  replacé ,  au 
moins  par  équivalent,  dans  la  situation  où  il  aurait  été,  s'i 
avait  joui  lui-même  :  bien  qu'il  n'ait  pas  perçu  ou  fait  per- 
cevoir les  fruits ,  il  les  gagne. 

La  troisième  situation ,  dans  laquelle  la  dureté  de  la  règle 
romaine  soulève  une  difficulté  sérieuse ,  est  celle  où  les  fruits 
ont  été  détachés  de  la  chose  par  un  voleur.  Ce  maraudeur 
peut  être  un  tiers  ;  ce  peut  être  le  nu-propriétaire.  Si  c'est  un 
tiers,  les  jurisconsultes  Julien,  Marcellus  et  Ulpien  (/*.  12, 
§  5,  De  usuf.)  recherchent  lequel,  du  nu-propriétaire  ou  de 
l'usufruitier,  va  acquérir  contre  le  voleur  la  condictio  furtiva, 
la  créance  en  réparation  du  préjudice  causé  par  le  furtum ,  et 
Julien ,  approuvé  implicitement  par  Ulpien ,  l'accorde  au  nu- 
propriétaire  de  préférence  à  l'usufruitier.  La  raison  qu'il  en 
donne,  ainsi  que  Marcellus,  c'est  que  l'usufruitier  ne  peut 
devenir  propriétaire  des  fruits  que  par  la  perception  venant 
de  lui  :  or,  ici  l'usufruitier  n'a  pas  perçu,  et  comme  ce  ne  peut 
pas  être  le  voleur  qui  devienne  propriétaire,  ce  sera  le  nu- 
propriétaire  ,  et  ce  sera  lui  qui  aura  contre  le  voleur  la  con- 
dictio furtiva  :  car  c'est  un  principe  bien  connu  que  cette 
action,  destinée  à  suppléer  la  revendication,  ne  peut,  comme 
elle ,  appartenir  qu'à  celui  qui  est  propriétaire  de  la  chose 
volée. 

La  décision  est  dure  pour  l'usufruitier  :  un  événement 
absolument  indépendant  de  sa  volonté,  qui  ordinairement 
ne  lui  sera  pas  imputable ,  le  vol ,  va  avoir  pour  conséquence 
de  le  priver  d'une  partie  de  l'émolument  auquel  il  a  droit.  La 
raison  s'en  trouverait-elle  dans  ce  fait  que  les  fruits  volés 
étaient  mûrs ,  le  jurisconsulte  le  suppose ,  et  que  l'usufruitier 
peut  se  reprocher  de  ne  les  avoir  pas  recueillis  à  temps?  S'il 

Rkvub  hist.  —  Tome  VIII.  M 


618  de  l'acquisition  des  fruits 

en  était  ainsi,  il  faudrait  admettre  que  le  vol  des  fruits  non 
mûrs  engendrerait  au  profit  de  l'usufruitier  la  condictio  fur- 
tiva, ce  qui  est  contraire  aux  principes  :  le  jurisconsulte,  en 
mentionnant  la  maturité  des  fruits,  veut  dire  que  malgré  cette 
circonstance  les  fruits  ne  sont  pas  encore  la  propriété  de 
l'usufruitier. 

Suffit-il ,  pour  atténuer  la  rigueur  de  la  décision ,  et  la  ren- 
dre admissible ,  de  dire  que  l'usufruitier,  auquel  est  déniée  la 
condictio  furtiva,  l'action  en  réparation  civile  contre  le  voleur, 
aura  contre  lui  Yactio  furti,  l'action  en  paiement  de  l'amende, 
la  créance  pénale,  et  que  cette  créance  lui  tiendra  lieu  de  la 
créance  en  dommages-intérêts?  Mais  le  propriétaire,  victime 
d'un  furtum,  a  cumulativement  les  deux  créances  et  actions  : 
pourquoi  l'usufruitier  ne  les  aurait-il  pas  ?  En  outre  la  créance 
d'amende  supérieure  par  son  objet  à  la  créance  d'indemnité, 
lui  est  inférieure  à  plusieurs  égards  :  elle  est  exposée  à  s'é- 
teindre par  la  mort  du  voleur  :  elle  est  beaucoup  plus  fragile 
que  la  créance  en  réparation,  qui  est  pleinement  transmissible 
contre  les  héritiers  du  voleur.  Si  le  voleur  de  fruits  est  un 
esclave  de  peu  de  valeur,  mais  placé  à  la  tête  d'un  pécule 
considérable ,  Yactio  furti  ne  se  donnera  que  noxaliter,  et  le 
défendeur  n'hésitera  pas  à  faire  l'abandon  noxal  de  l'esclave  : 
la  condictio  furtiva  aurait  été  vraisemblablement  donnée  de 
peculio. 

L'usufruitier  aura-t-il  soit  contre  le  voleur,  soit  contre  le 
nu-propriétaire  d'autres  moyens  pour  faire  disparaître  cette 
inégalité ,  qui  existe  entre  lui  et  le  propriétaire? 

Contre  le  voleur  d'abord,  si  nous  supposons  que  le  vol  a 
été  commis  daos  des  circonstances  telles  qu'il  engendre  au 
profit  de  l'usufruitier  les  interdits  quasi-possessoires ,  qu'il 
constitue  un  trouble  à  sa  possessio  juris,  l'usufruitier  aura 
cootre  ce  voleur  des  interdits  utiles ,  et  il  arrivera  à  obtenir 
ainsi  une  indemnité  qu'il  ne  peut  pas  avoir  avec  la  condictio 
furtiva.  —  En  outre,  Ulpien,  au  f.  12,  §  2,  De  cond.  furt., 
XIII ,  1 ,  accorde  au  créancier  gagiste ,  dont  le  gage  est  volé, 
une  condictio  incertif  tenant  lieu  sans  doute  de  la  condictio 
furtiva  qu'il  ne  peut  pas  intenter,  parce  qu'il  n'est  pas  pro- 
priétaire. N'y  a-t-il  pas  même  raison  d'accorder  cette  con- 
dictio à  l'usufruitier,  d'autant  que  le  créancier  gagiste  a  un 


par  l'usufruitier.  6*9* 

moyen ,  l'action  pigneratitia  contraria  pour  se  faire  céder  la 
condictio  furtiva  par  le  propriétaire,  tandis  que  l'usufruitier 
n'a  pas  de  ressource  analogue?  N'est-ce  pas  un  motif  de  plus 
de  venir  à  son  secours? 

Contre  le  nu-propriétaire  ensuite,  l'usufruitier  peut-il,  invo- 
quant quelque  principe  de  droit,  être  armé  de  quelque  action 
à  l'effet  de  se  faire  retransférer  le  bénéfice  acquis  par  le 
premier  contre  toute  équité?  Il  y  a  bien  des  circonstances, 
surtout  en  droit  romain ,  dans  lesquelles  celui  qui  a  acquis 
un  droit,  une  action,  ne  les  gagne  pas,  est  tenu  de  les  re- 
passer à  un  autre,  ne  les  acquiert  que  pour  être  tenu  de 
les  céder  à  un  autre  qui  en  aura  le  bénéfice  définitif  :  tel 
est  notamment  le  vendeur  qui,  toujours  propriétaire  de  la 
marchandise  vendue,  acquiert  contre  le  voleur  de  cette  mar- 
chandise la  revendication,  la  condictio  furtiva,  même  Vactio 
furti,  mais  est  obligé  de  céder  ces  actions  à  son  acheteur 
(§  3  in  fine,  Inst.,  De  emt.  et  vendit.,  III,  23).  L'usufrui- 
tier ne  peut-il  pas,  lui  aussi,  exiger  du  nu-propriétaire  la 
cession  de  l'action  en  revendication  et  de  la  condictio  furtiva 
contre  le  voleur  de  fruits?  Pour  pouvoir  exiger  de  quelqu'un 
un  fait ,  une  prestation ,  ici  la  cession  de  certaines  actions ,  il 
faut  avoir  contre  lui  un  droit,  une  créance.  Or,  de  droit  com- 
mun l'usufruit,  droit  réel,  ne  crée  aucun  rapport  personnel, 
aucun  droit  de  créance  entre  l'usufruitier  et  le  nu-proprié- 
taire. Est-il  établi  entre- vifs  par  Vin  jure  cessio,  à  la  suite 
d'une  convention  de  donation ,  faite  par  exemple  entre  deux 
conjoints  qui  divorcent  bona  gratia ,  Vin  jure  cessio  est  un 
acte  juridique,  créateur  d'un  droit  réel,  et  rien  que  cela  :  il 
n'est  pas  un  contrat.  Est-il  constitué  par  legs,  le  legs  per 
vindicationem  fonde  l'usufruit  comme  droit  réel,  mais  n'en- 
gendre pas  de  droit  de  créance  entre  l'héritier  et  le  léga- 
taire. L'usufruitier  et  le  nu-propriétaire  sont  comme  deux 
voisins,  propriétaires  de  deux  immeubles  contigus  :  entre  ces 
deux  voisins,  titulaires  chacun  d'un  droit  réel,  il  n'y  a  pas  de 
rapport  de  droit.  Ces  deux  voisins  sont  tenus  sans  doute  l'un 
envers  l'autre  des  devoirs  dont  tout  homme  est  tenu  envers 
ses  semblables  ;  mais  ces  devoirs  ne  sont  pas  des  obligations  : 
autrement  tous  les  hommes  seraient  débiteurs  les  uns  des 
autres.  L'usufruitier  et  le  nu- propriétaire  sont,   en  droit, 


620  de  l'acquisition  des  fruits 

exactement  dans  la  même  situation  l'un  vis-à-vis  de  l'autre  : 
leurs  deux  droits  reposent  côte  à  côte  sur  la  même  chose  ma- 
térielle, mais  leurs  titulaires  ne  se  doivent  rien.  L'usufruitier, 
d'abord  n'est  pas,  à  raison  de  sa  seule  qualité,  débiteur, 
tenu  d'une  obligation  envers  le  nu -propriétaire  :  on  parle 
quelquefois  des  obligations  de  l'usufruitier  en  droit  romain 
comme  en  droit  français.  Il  faut  prendre  garde.  En  droit 
français ,  la  loi  a  établi  un  rapport  d'obligation  à  la  charge  de 
l'usufruitier.  Le  droit  romain  n'a  jamais  rien  connu  de  pareil. 
L'usufruitier  a  des  devoirs,  moins  étendus  qu'un  non-proprié- 
taire, parce  qu'il  a  le  droit  de  percevoir  les  fruits  ;  mais  des 
obligations  légales,  il  n'en  a  pas.  Pour  qu'il  soit  obligé,  il 
faut  qu'il  contracte  avec  le  nu-propriétaire ,  qu'il  s'oblige  par 
stipulation  :  c'est  la  cautio  usufructuaria. 

En  sens  inverse,  et  ceci  est  encore  vrai  aujourd'hui,  je 
le  crois  du  moins,  le  nu-propriétaire  n'est  légalement,  en 
vertu  de  sa  seule  qualité ,  débiteur  de  quoi  que  ce  soit  envers 
l'usufruitier.  Sans  doute  le  nu-propriétaire  ne  doit  rien  faire 
qui  puisse  nuire  à  l'usufruitier  :  mais  ce  n'est  pas  là  une 
obligation  :  c'est  un  devoir  qui  lui  est  commun  avec  tous  les 
hommes.  Aussi  à  la  différence  du  bailleur  qui  est  débiteur  de 
son  locataire,  le  nu-propriétaire  n'est  tenu,  ni  au  moment  de 
l'ouverture  de  l'usufruit ,  ni  pendant  son  cours ,  de  faciliter  à 
l'usufruitier  l'exercice  de  son  droit  :  il  lui  remet  la  chose  telle 
qu'elle  est,  et  il  n'est  astreint  à  aucune  réparation. 

De  même  en  outre  le  nu-propriétaire  qui  a  acquis  contre  le 
voleur  de  fruits  la  revendication  et  la  condictio  furtiva,  n'est 
pas  légalement  débiteur  de  ces  actions ,  à  moins  que  le  testa- 
teur, après  avoir  légué  l'usufruit,  ne  condamne  son  héritier  à 
céder  à  l'usufruitier  les  droits  et  actions  qu'il  pourra  ac- 
quérir dans  le  cours  de  l'usufruit  :  mais  dors  nous  avons 
deux  legs;  un  legs per  vindicationem,  legs  d'usufruit;  puis  un 
legs  per  damnaiionem  :  si  l'usufruitier  est  créancier,  c'est 
moins  comme  usufruitier,  que  comme  bénéficiaire  du  second 
legs. 

Mais  l'usufruitier  ne  peut-il  pas,  par  une  autre  voie,  arri- 
ver à  son  but?  On  sait  quelle  extension  la  jurisprudence  ro- 
maine a  donnée  à  la  théorie  de  la  condictio  sine  causa,  sanc- 
tion du  principe  d'équité  d'après  lequel  nul  ne  doit  pouvoir, 


par  l'usufruitier.  621 

sans  cause  légitime,  s'enrichir  aux  dépens  d'autrui.  L'usu- 
fruitier, se  plaçant  à  l'abri  de  ce  principe,  ne  peut-il  pas  se 
prétendre  créancier  quasi  ex  contracte  du  nu-propriétaire ,  du 
montant  de  l'enrichissement  injuste  procuré  à  celui-ci  par  le 
fait  du  voleur,  et  intenter  contre  lui  une  condictio  sine  causa, 
tendant  à  la  cession  des  actions  acquises  contre  le  voleur? 
Mais  pour  avoir  la  condictio  sine  causa,  sanction  de  cette 
créance  quasi-contractuelle ,  ne  faut-il  pas  qu'une  valeur  soit 
sortie  d'un  patrimoine  pour  passer  dans  un  autre?  et  ici  cette 
conditionne  fait-elle  pas  défaut?  Si,  malgré  cela,  nous  ac- 
cordons à  l'usufruitier  la  condictio  sine  causa,  nous  consta- 
terons que  sa  situation  est  encore  inférieure  à  celle  que  lui 
fait  le  droit  français  qui  le  déclare  propriétaire  des  fruits  : 
il  vaut  mieux  être  propriétaire  et  avoir  l'action  en  revendi- 
cation que  d'être  créancier,  et  d'avoir  seulement  une  action 
personnelle  à  l'effet  de  se  faire  céder  une  action  en  reven- 
dication :  le  débiteur,  ici  le  nu-propriétaire,  peut  être  insol- 
vable :  l'usufruitier  n'aura  pas  droit  à  la  cession  des  actions , 
à  l'exclusion  des  autres  créanciers  de  son  débiteur. 

D'autre  part ,  si  nous  refusons  à  l'usufruitier  tout  droit , 
direct  ou  indirect,  sur  les  fruits  volés,  ne  risquons-nous  pas 
de  nous  mettre  en  contradiction  avec  la  décision  équitable 
donnée  au  profit  de  l'usufruitier  qui  intente  l'action  confes- 
soire  contre  un  possesseur  de  mauvaise  foi  et  qui  a  droit  aux 
fruits,  bien  qu'il  ne  les  ait  pas  perçus?  N'y  a-t-il  pas  des 
raisons,  au  moins  aussi  puissantes ,  pour  venir  au  secours  de 
l'usufruitier,  victime  d'un  vol? 

Si  le  voleur  de  fruits  se  trouve  être  le  nu-propriétaire ,  les 
droits  à  accorder  contre  lui  à  l'usufruitier  dépendront  des  solu- 
tions qu'on  admettra  sur  la  situation  précédente.  Suivant  que 
nous  voudrons  donner  ou  non  satisfaction  à  l'équité ,  nous 
ouvrirons  à  l'usufruitier,  ou  exclusivement  Yactio  furti,  ou 
en  outre  la  condictio  sine  causa  ou  une  condictio  incerti. 

Enfin,  le  délit  commis  au  préjudice  de  l'usufruitier  peut, 
au  lieu  d'un  furtum,  être  le  délit  de  la  loi  Aquilie ,  une  des- 
truction ou  une  détérioration  de  fruits ,  commise  soit  par  un 
tiers ,  soit  par  le  nu-propriétaire.  Le  plébiscite  du  tribun 
Aquilius  exigeait,  pour  qu'il  y  eût  délit  punissable,  un  dam- 
num  corpori  datum,  un  dommage  causé  à  une  chose  corpo- 


622  de  l'acquisition  des  fruits 

relie,  au  droit  de  propriété.  Or,  l'usufruit  est  une  res  in- 
corporalis.  Le  propriétaire  seul  avait  l'action  legis  Àquilix, 
était  constitué  créancier  ex  delicto  d'une  amende  :  l'usufrui- 
tier ne  l'avait  pas.  La  loi  Aquilie  n'avait  voulu  protéger  que 
le  droit  de  propriété.  Mais  la  jurisprudence  a  élargi  la  notion 
du  délit  et  a  donné  à  l'usufruitier  Vactio  utilis  legis  Âquilia 
(Ulp.,  MM  10;  Paul,  f.  12,  Ad  leg.  AquiL,  IX,  2). 

En  somme,  la  règle  romaine,  d'après  laquelle  l'usufruitier 
doit  percevoir  les  fruits  pour  les  acquérir  et  les  gagner,  est 
sévère  et  donne  lieu  à  beaucoup  de  difficultés  d'application. 
En  l'abandonnant ,  notre  ancienne  jurisprudence  française  et 
le  droit  actuel  ont  réalisé  un  notable  progrès. 

Nous  examinerons  le  même  problème  à  propos  des  fruits 
dits  civils  (1),  les  créances  de  revenus,  qui  ont  pour  cause  la 
jouissance  d'un  capital,  mobilier  ou  immobilier.  Des  textes 
il  résulte  implicitement  que  l'usufruitier  ne  les  acquiert  pas 
de  la  même  façon  que  les  fruits  naturels ,  que  le  fait  du  paie- 
ment de  ces  créances  pendant  la  durée  de  l'usufruit  ne  cons- 
titue pas  l'élément  essentiel  de  l'acquisition.  Mais  c'est  en 
vain  qu'on  chercherait,  dans  ces  textes,  une  règle  spéciale, 
correspondant  à  celle  qui  régit  les  fruits  naturels  :  les  juris- 
consultes romains  se  sont  bornés  à  appliquer  à  l'usufruit  les 
principes  généraux,  soit  du  contrat  de  louage,  soit  des  legs, 
qui  sont  la  source  de  beaucoup  la  plus  fréquente  du  droit 
d'usufruit,  et  ils  sont,  avec  ces  principes,  arrivés  à  des  ré- 
sultats qui ,  pour  l'usufruitier,  ne  diffèrent  pas  sensiblement 
de  ceux  auxquels  conduit  la  formule  de  l'article  586  C.  civ.  : 
«  Les  fruits  civils  sont  réputés  s'acquérir  jour  par  jour.  » 

Nous  prendrons  d'abord  le  bail  à  loyer,  la  location  d'un 
bien  qui  ne  donne  pas  de  fruits  naturels.  L'usufruitier  d'une 
maison ,  d'un  navire ,  trouve ,  à  l'ouverture  de  son  droit ,  la 
chose  entre  les  mains  d'un  locataire ,  qui  avait  traité  avec  le 
propriétaire.  Dans  notre  droit  français,  l'usufruitier  est  tenu 
de  respecter  le  bail  :  il  est  subrogé  légalement  aux  droits, 

(1)  La  qualification  n'est  pas  romaine  :  ce  sont  nos  anciens  auteurs  qui , 
d'après  Papinien  [f.  62,  De  rei  vindic.,  VI,  1),  ont  imaginé  cette  expression. 
Mais  les  Romains  appelaient  déjà  fructus  les  créances  de  revenus  (Galas,  f. 
19,  pr.,  De  utur.  et  fruct.,  XXII,  i). 


par  l'usufruitier.  €23 

créances  et  obligations  du  bailleur,  et  il  acquiert  désor- 
mais, tant  que  durera  son  droit,  la  créance  de  loyers.  Cette 
créance  s'est  répartie  entre  le  nu-propriétaire  et  l'usufruitier, 
proportionnellement  à  la  durée  de  la  jouissance  de  chacun 
d'eux.  Telle  ne  sera  pas  la  situation  en  droit  romain  :  car,  de 
même  que  l'acquéreur  de  la  propriété,  l'usufruitier  n'est  pas 
obligé  de  maintenir  le  bail  consenti  par  le  propriétaire. 
«  Comme  le  preneur  n'a  pas  de  droit  réel,  dit  très  bien  M. 
Accarias  (Précis,  t.  II,  n°  616),  l'antériorité  de  son  titre  ne 
saurait  le  protéger  contre  le  titre  plus  fort  de  l'acquéreur,  et 
celui-ci  l'expulse  très  régulièrement  (1).  »  L'usufruitier,  en 
vertu  de  son  droit  réel ,  va  expulser  le  preneur  qui ,  bien  que 
mis  en  jouissance ,  ne  participe  en  rien  à  la  propriété  de  son 
bailleur  et  n'a  qu'un  droit  de  créance  (Paul,  f.  59,  §  1,  De 
u&ufr.).  Il  ne  peut  pas  être  question  pour  l'usufruitier  de  fruits 
civils. 

Mais ,  pour  éviter  le  recours  en  garantie  de  son  locataire , 
le  nu-propriétaire,  en  léguant  l'usufruit  de  sa  maison,  ne 
manquera  pas  d'imposer  à  son  légataire  l'obligation  de  ne  pas 
expulser  le  locataire  (2).  Je  ne  crois  pas  qu'en  pareil  circons- 
tance nous  ayions  une  répartition  de  créance  entre  le  nu-pro- 
priétaire et  l'usufruitier.  La  forme  habituelle,  sous  laquelle 
devait,  suivant  moi,  se  présenter  la  clause  en  question  ,  était 
celle  d'une  condition  suspensive  apposée  au  legs  d'usufruit , 
ou  tout  au  moins  d'une  charge.  Le  légataire ,  pour  accomplir 
la  condition ,  ou  exécuter  la  charge ,  et  obtenir  la  délivrance 
de  son  legs,  n'avait  qu'à  consentir  au  locataire  un  nouveau 
bail.  Ainsi  se  trouvait  écartées  toutes  les  difficultés;  il  n'y 
avait  pas  à  se  préoccuper  de  la  maxime  :  res  inter  alios  acta..., 

(1)  On  a  dit  qaelquefois  que  l'aliénation ,  totale  ou  partielle  de  la  ebote 
donnée  à  bail,  mettait  fin  an  bail.  Le  bail  prend  ai  peu  fin  que  l'expulsion  du 
locataire  par  l'acquéreur  ouvre  au  premier  une  action  en  garantie  contre  le 
bailleur.  Le  bail  ne  prend  pas  plus  fin  que  la  vente,  quand  le  vendeur  aliène 
la  marchandise  vendue  avant  de  la  livrer  à  son  acheteur.  Wachter  {Pandek- 
te*,  1. 1,  §  36)  a  raison  de  critiquer  l'adage  allemand  :  Kauf  bricht  Miethe.  Le 
vieil  adage  français  :  Vente  patte  louage,  est  plus  exact. 

(2)  Cette  clause  accessoire  peut  n'être  que  tacite ,  résulter  notamment  de 
ce  fait  que  le  testateur,  en  léguant  l'usufruit,  a  légué  en  outre  les  loyers  à 
écheoir.  Ce  legatum  nominis  emporte  tacitement  à  la  charge  de  l'usufruitier 
obligation  de  ne  pas  expulser  le  locataire  :  f.  59  cit. 


624  de  l'acquisition  des  fruits 

le  maintien  de  l'ancien  bail  au  profit  et  à  la  charge  de  l'usu- 
fruitier aurait  nécessité  des  cessions  d'actions ,  des  novations 
par  changement  de  débiteur.  Le  procédé  indiqué  évitait  tout. 
Si  l'usufruitier  était  créancier  et  débiteur  du  locataire ,  ce  n'é- 
tait pas  à  raison  de  l'ancien  bail ,  auquel  il  n'avait  pas  été 
partie,  mais  à  cause  du  bail  nouveau  par  lui  conclu.  Le  loca- 
taire pouvait  sans  doute  refuser  son  adhésion  au  nouveau 
bail  :  l'usufruitier  n'avait  alors  d'autre  moyen  que  de  prendre 
envers  le  nu-propriétaire  l'engagement  de  ne  pas  évincer  le 
locataire  ;  mais  alors  celui-ci  conservait  pour  créancier  et  dé- 
biteur son  bailleur  primitif,  sauf  des  arrangements  entre  lui 
et  l'usufruitier. 

Au  lieu  du  propriétaire ,  c'est  l'usufruitier  qui ,  suivant  son 
droit,  a  donné  à  bail  la  maison  grevée  d'usufruit.  Si  le  bail  a 
pris  fin  avant  l'extinction  de  l'usufruit,  il  n'y  a  pas  de  ques- 
tion :  le  contrat,  qui  est  l'œuvre  de  l'usufruitier,  produit  tous 
ses  effets  à  son  profit  et  contre  lui  :  peu  importe  que  les  loyers 
ne  soient  pas  encore  payés  au  jour  delà  mort  de  l'usufruitier  : 
ils  restent  dus  à  sa  succession.  Mais  le  temps  fixé  à  la  durée 
du  bail  n'était  pas  encore  expiré  au  moment  où  l'usufruit 
prend  fin.  Dans  notre  système  moderne ,  le  propriétaire ,  qui 
rentre  en  jouissance,  est  tenu  de  respecter  dans  une  certaine 
mesure  le  bail  émané  de  l'usufruitier,  et  la  créance  de  loyers, 
issue  de  ce  bail ,  se  répartit  entre  les  deux  proportionnelle- 
ment à  la  durée  du  droit  de  l'usufruitier,  sans  tenir  compte 
d'un  paiement  anticipé  de  loyers  qui  pourrait  avoir  eu  lieu , 
ou  d'un  retard  dans  le  paiement  de  loyers  échus.  Le  droit 
romain  était  beaucoup  moins  soucieux  des  intérêts  de  l'usu- 
fruitier :  le  bail  par  lui  conclu  était ,  quant  à  sa  durée ,  aléa- 
toire comme  son  droit  d'usufruit,  et  n'était  jamais  opposable 
au  propriétaire  :  car,  à  la  différence  de  l'usufruitier  qui ,  en- 
trant en  jouissance,  peut  se  voir  imposer  l'obligation  de  ne 
pas  évincer  le  preneur,  le  propriétaire  rentrant  en  jouissance, 
n'est  pas  l'ayant-cause  de  l'usufruitier,  et  en  vertu  de  son 
droit  de  propriété ,  il  a  le  droit  absolu  d'évincer  le  locataire  (1). 

(1)  Sauf  le  recours  en  garantie  de  ce  locataire,  si  l'usufruitier  en  louant 
s'est  présenté  comme  propriétaire  :  car,  s'il  a  fait  connaître  sa  qualité,  il 
n'est  pas  garant  :  l'extinction  de  l'usufruit  est  un  cas  fortuit,  une  destruction 
de  l'objet  loué,  qui  était  l'usufruit  (Ulp.,  f.  9,  §  1,  Locati,  XIX,  2). 


par  l'usufruitier.  625 

L'incertitude  qui  pesait  sur  la  jouissance  du  locataire  devait 
en  pratique  être  très  nuisible  à  l'usufruitier,  qui  probablement 
ne  trouvait  des  locataires  qu'avec  difficulté,  ou  n'en  trouvait 
qu'à  des  conditions  très  désavantageuses. 

Mais  si  le  bail  finissait  avec  l'usufruit ,  et  si  pour  l'avenir 
il  ne  pouvait  pas  s'agir  d'une  acquisition  de  loyers  pour  le  pro- 
priétaire rentré  en  jouissance,  pour  le  passé,  pour  le  temps 
pendant  lequel  avait  duré  le  bail ,  le  locataire  devait  les  loyers 
en  proportion  de  la  jouissance  qui  lui  avait  été  procurée  :  «  pro 
rata  temporis  quo  fruiius  est,  pensionem  prœstabat  »  (Ulp.,/; 
9,  §  1,  Locatï).  Le  bail  est  un  contrat  successif  :  il  engendre 
une  série,  une  succession  de  créances  futures,  autant  de 
créances  qu'il  y  a  de  jours  de  jouissance  effective  procurée  au 
locataire  par  son  bailleur  (V.  Bufnoir,  Traité  de  la  condition  en 
droit  romain,  p.  288,  note  et  p.  295).  «  Les  loyers  de  maisons, 
dit  Pothier  (De  la  communauté,  n°  220),  échéent  tous  les  jours 
et  sont  dus  tous  les  jours  par  portion.  »  Le  locataire  a  habité 
la  maison  deux  ans  par  hypothèse  :  il  doit  à  l'usufruitier 
deux  années  de  loyers.  L'usufruitier  a  acquis  quotidie  autant 
de  créances  de  loyers  qu'il  a  procuré  de  jours  de  jouissance  à 
son  locataire.  Les  fruits  civils ,  consistant  ici  dans  les  loyers, 
lui  ont  été  acquis  jour  par  jour,  et  lui  appartiennent  à  propor- 
tion de  la  durée  de  son  droit.  Il  n'y  a  là  rien  de  particulier  à 
l'usufruitier  :  c'est  l'application  des  règles  du  louage.  Le  ré- 
sultat final  pour  l'usufruitier  se  trouve  donc  être  le  même 
qu'en  droit  français.  Mais  entre  les  deux  législations  il  existe 
cette  différence  considérable ,  qu'il  n'y  a  pas  à  Rome  de  répar- 
tition d'une  créance  de  loyers,  issue  d'un  bail  unique,  entre 
l'usufruitier  et  le  nu-propriétaire  ;  même  dans  le  cas  où  le 
propriétaire  trouvant  excellent  le  bail  conclu  par  l'usufruitier, 
consentirait  à  laisser  le  locataire  en  jouissance  :  en  supposant 
que  le  locataire  y  consente ,  nous  serions  en  présence  d'un 
nouveau  bail,  et  nous  aurions  deux  créances,  émanées  de 
deux  contrats  distincts. 

Les  règles  que  nous  venons  d'exposer  à  propos  du  bail  à 
loyer,  doivent-elles  toutes  être  transportées  au  bail  à  ferme, 
à  la  location  de  biens  productifs  de  fruits  naturels?  Si  le  bail 
a  été  consenti  par  le  propriétaire  avant  l'ouverture  de  l'usu- 
fruit, les  principes  sont  les  mêmes  :  l'usufruitier  a  le  droit 


626  DE  L  ACQUISITION  DES  FRUITS 

d'expulser  le  fermier  et  de  cultiver  lui-même ,  de  faire  les  ré- 
coltes prêtes  peut-être  à  être  coupées,  sauf  le  recours  en  ga- 
rantie du  fermier  contre  son  bailleur.  Le  maintien  du  fermier 
peut  avoir  été  imposé  à  l'usufruitier  :  il  sera  procédé  comme 
nous  avons  dit  plus  haut. 

Le  bail  a  été  contracté  par  l'usufruitier  :  il  n'est  jamais  op- 
posable au  propriétaire  à  l'extinction  de  l'usufruit.  Dans  quelle 
mesure  l'usufruitier  ou  son  héritier  a-t-il  droit  aux  fermages? 
On  peut  soutenir  et  on  a  soutenu  (Genty,  op.  cit.,  n°*  173  à 
176)  que  le  bail  à  ferme  était  régi  exactement  par  les  mêmes 
principes  que  le  bail  à  loyer,  qu'il  n'y  avait  au  regard  de  l'u- 
sufruitier aucune  différence  à  faire  entre  ces  deux  espèces  de 
baux.  Ulpien,  au  f.  9,  §  1 ,  Locati,  met  sur  la  même  ligne  le  bail 
d'un  fundus  et  le  bail  d'œdes  ou  à'habitatio  :  or,  qu'est-ce  que 
peut  être  un  fundus ,  sinon  un  bien  rural  productif  de  fruits 
naturels,  et  des  deux  sortes  de  baux,  le  jurisconsulte  dit  : 
«  Pro  rata  temporis  quo  fruitus  est,  conductor  permonem  usu- 
fructuario  prœstare  débet  »  Telle  n'était  pas,  on  le  sait,  l'in- 
terprétation que  donnaient  du  droit  romain  nos  anciens  au- 
teurs (V.  Pothier,  Communauté,  n°  219;  Du  douaire,  n°  404. 
Nouveau  Denizart,  V.  Fruits,  §  3,  n°  3).  «  Les  fermages  sont 
dus  et  échus  du  moment  où  a  été  faite  la  récolte  des  fruits, 
parce  qu'ils  sont  le  prix  des  fruits.  Ainsi ,  ils  appartiennent  à 
l'usufruitier  qui  décède  postérieurement  à  cette  récolle,  quoi- 
qu'avant  le  terme  fixé  pour  le  paiement  de  ces  fermages  ;  et  si 
son  décès  arrive  pendant  le  cours  de  la  récolte,  sa  succession 
a  droit  à  une  partie  des  fermages ,  proportionnelle  à  celle  de 
la  récolte  qui  se  trouvait  faite  à  ce  moment.  »  Pour  le  décider 
ainsi,  nos  anciens  auteurs  s'appuyaient  sur  le  f.  58,  pr*,  De 
usufr.y  que  dans  l'opinion  contraire  on  regarde  comme  réglant 
uniquement  les  rapports  de  l'usufruitier  avec  le  fermier,  et 
non  ceux  de  l'usufruitier  et  du  propriétaire,  deux  ordres  de  re- 
lations qu'il  faut  soigneusement  distinguer.  La  question  est 
délicate  :  je  suis  porté  à  croire  que  nos  anciens  auteurs  avaient 
exactement  interprété  le  droit  romain.  L'assimilation  des  deux 
espèces  de  baux  peut  être  pratiquement  bonne  :  l'article  586 
du  G.  civ.  a  sagement  agi  en  la  décidant  :  mais  en  raison  pure, 
elle  n'est  pas  irréprochable.  Les  loyers  de  maisons  sont  la  re- 
présentation de  l'usage  qui  est  de  chaque  jour  :  il  est  juste 


par  l'usufruitier.  627 

qu'ils  soient  acquis  de  la  môme  façon  que  l'utilité  provenant  de 
l'usage  lui-même,  c'est-à-dire  jour  par  jour.  Les  fermages,  au 
contraire,  sont  l'équivalent  des  fruits  naturels  :  si  l'usufruitier 
avait  exploité  lui-même,  il  aurait  acquis,  conformément  à  la 
règle ,  des  fruits  naturels  ;  l'étendue  de  son  droit  ne  doit  pas 
varier,  parce  qu'il  donne  le  fonds  à  bail;  il  ne  doit  avoir  droit 
au  fermage  que  quand  la  récolte  est  déjà  faite  par  son  fermier, 
et  il  ne  doit  y  avoir  droit  que  dans  la  proportion  de  la  récolte 
faite  de  son  vivant.  Le  f.  9,  §  1,  ne  résiste  pas  à  cette  inter- 
prétation :  l'expression  fundus  signifiât-elle  terre  arable ,  ce 
qui  est  contestable,  le  fermier  qui  a  fait  toutes  les  récoltes ,  a 
eu  la  jouissance  intégrale,  et  doit  à  l'usufruitier  la  totalité  du 
fermage ,  alors  même  que  l'année  du  bail  ne  serait  pas  encore 
expirée  :  quand  il  n'a  fait  encore  que  la  moitié  de  la  récolte, 
il  n'a  eu  qu'une  moitié  de  jouissance,  et  il  ne  doit  que  la  moi- 
tié de  son  fermage.  Du  fermier  comme  du  locataire ,  on  peut 
dire  qu'il  doit  son  loyer  au  prorata  de  la  jouissance  qui  lui  a 
été  procurée.  Quant  au  f.  58 ,  ce  qui  me  porte  à  penser  qu'il 
n'est  pas  étranger  aux  rapports  de  l'usufruitier  et  du  nu-pro- 
priétaire, c'est  que  le  jurisconsulte  s'était  demandé  si  les  fer- 
mages ne  devraient  pas  être  répartis  entre  l'usufruitier  et  le 
nu-propriétaire  au  lieu  d'être  dus  intégralement  à  l'usufrui- 
tier. 

La  conclusion  à  tirer  de  ce  texte  est  donc  :  l°que  si,  comme 
il  le  suppose ,  toute  la  récolte  a  été  faite  du  vivant  de  l'usu- 
fruitier, c'est  l'usufruitier  qui  a  droit  à  la  totalité  du  fermage; 
2°  que  si  l'usufruitier  est  mort  avant  la  récolte,  il  n'aura  droit 
•à  aucune  portion  du  fermage ,  d'abord  parce  que  les  fruits 
naturels  n'ont  pas  été  perçus  de  son  vivant,  et  ensuite  parce 
que  le  propriétaire  a  le  droit  d'expulser  le  fermier  et  de  faire 
lui-même  la  récolte ,  sans  avoir  d'ailleurs  à  rembourser  à  l'u- 
sufruitier les  frais  de  labours  et  de  semences  que  celui-ci  peut 
•devoir  à  son  fermier;  car  ai  l'usufruitier  avait  cultivé  lui- 
même  ,  et  qu'il  fût  mort  la  veille  de  la  récolte ,  il  n'aurait  pas 
droit  à  ce  remboursement  ;  3°  que  si  l'usufruit  finit  au  milieu 
de  la  récolte;  il  n'y  aura  pas  lieu,  comme  on  a  dit,  à  un  partage 
proportionnel  du  fermage  entre  l'usufruitier  et  le  propriétaire. 
Le  bail  prend  fin  :  le  fermier /n'a  plus  le  droit  de  continuer  la 
récolte;  c'est  le  propriétaire  qui  l'achève.  Le  fermier  a  perçu 


628  DB  L'ACQUISITION  DBS  FRUITS 

une  partie  des  fruits  :  il  doit  à  l'héritier  de  l'usufruitier  une 
partie  correspondante  de  son  fermage. 

Il  ne  pouvait  être  question  d'une  répartition  de  la  créance 
de  fermages  que  dans  le  cas  où  le  bail  à  ferme  consenti  par 
le  propriétaire  avant  l'ouverture  de  l'usufruit,  maintenu  par 
l'usufruitier,  ne  serait  pas  encore  expiré  au  jour  de  l'extinction 
de  l'usufruit,  et  c'est  peut-être  à  une  combinaison  de  ce  genre 
que  songeait  le  jurisconsulte  Scévola,  dans  le  f.  58,  quand  il 
parlait  d'une  répartition  possible  des  fermages  entre  l'usufrui- 
tier et  le  nu-propriétaire  ;  le  texte  est  assez  peu  précis  et  peut 
se  prêter  à  cette  interprétation. 

L'immeuble  frappé  d'usufruit  peut,  au  lieu  d'avoir  été 
donné  à  bail ,  avoir  été  par  le  propriétairie  grevé  d'un  droit 
d'emphytéose  ou  de  superficie,  moyennant  une  redevance 
périodique.  A  la  différence  du  bail ,  dont  l'exécution  par  le 
bailleur  ne  confère  au  preneur  aucun  droit  réel,  l'emphytéose 
et  la  superficie  constituent  des  droits  réels  :  leur  antériorité 
confère  à  leurs  titulaires  droit  d'exclusion  ou  de  préférence 
vis-à-vis  de  l'usufruitier,  qui  est  tenu  de  les  subir.  Mais  il  a 
droit  à  la  redevance  :  le  propriétaire  lui  a  fait  un  legatum  no- 
minis,  en  lui  léguant  l'usufruit  du  fonds  grevé  :  l'usufruitier, 
légataire  des  redevances  i  échoir,  se  fera  céder  par  l'action 
ex  testamento  l'action  en  paiement.  Si  le  droit  est  un  droit  de 
superficie ,  analogue  au  bail  à  loyer,  la  redevance  de  l'année 
courante  au  jour  de  l'ouverture  ou  de  l'extinction  de  l'usufruit 
sera  répartie  entre  l'usufruitier  et  le  propriétaire  en  proportion 
du  droit  de  chacun  à  la  jouissance.  Si  le  droit  est  un  droit 
d'emphytéose,  voisin  du  bail  à  ferme,  il  faudra  prendre  en 
considération  la  récolte ,  et  régler  en  conséquence  le  droit  de 
l'usufruitier  à  la  redevance. 

Il  nous  reste  encore,  avec  les  textes,  deux  situations  à 
régler.  La  première  est  celle  de  l'esclave  grevé  d'usufruit  qui, 
au  lieu  de  travailler  pour  le  compte  de  l'usufruitier,  a  mis  son 
activité ,  son  industrie ,  son  talent  au  service  d'un  tiers.  Si  la 
location  de  l'esclave  a  été  conclue  (par  le  propriétaire  avant 
l'établissement  de  l'usufruit,  ou  par  l'usufruitier,  nous  appli- 
querons à  ce  bail  les  mêmes  règles  qu'au  bail  à  loyer  ordinaire  : 
c'est  une  locatio  rei.  Mais  il  arrivait  plus  souvent ,  semble-t-il, 
que  c'était  l'esclave  lui-même  qui  louait  ses  services ,  qui  né- 


par  l'usufruitier.  629 

gociait ,  débattait  le  prix  et  la  durée  du  bail  :  servus  locabat 
opéra  suas  :  servus  se  locabat.  Des  textes  que  nous  allons  citer, 
il  paraît  bien  résulter  que  le  contrat  ainsi  conclu  par  l'esclave, 
ne  subissait  dans  sa  durée  aucune  atteinte  par  suite  des  chan- 
gements de  maître  de  l'esclave  :  le  bail  continuait  nonobstant 
l'aliénation  soit  totale ,  soit  partielle  (constitution  d'usufruit) 
de  l'esclave.  Celui-ci  était  réputé  contracter  non  pas  tant  pour 
son  maître  actuel ,  pour  celui  qui  avait  droit  à  ses  operœ  au 
moment  du  contrat,  que  pour  celui  ou  ceux  qui,  pendant 
le  temps  du  bail  par  lui  fixé,  pouvaient  avoir  droit  à  ses  ser- 
vices :  il  contractait  pour  qui  de  droit,  obligeait  qui  de  droit  à 
respecter  le  bail ,  et  acquérait  à  qui  de  droit  la  créance  de 
loyers.  L'esclave,  conférant  sur  sa  personne  un  droit  ferme 
au  locataire  de  ses  services ,  pouvait  contracter  à  de  bonnes 
conditions. 

Mais  en  supposant  que  le  droit  aux  travaux  de  l'esclave 
passât  du  propriétaire  à  un  usufruitier,  ou  réciproquement, 
comment  acquérait-il  la  créance  de  loyers?  Si  cette  créance 
de  loyers  à  échoir  était ,  comme  l'ont  dit  quelques-uns ,  une 
créance  unique,  échelonnée  sur  divers  termes  d'échéance,  si 
même,  comme  d'autres  l'ont  soutenu,  elle  consistait  dans 
une  série  de  créances  conditionnelles ,  subordonnées  à  la  pres- 
tation effective  de  la  jouissance  promise,  elle  serait  acquise 
en  totalité ,  pour  toute  la  durée  du  bail ,  à  celui  qui  aurait , 
au  jour  du  contrat ,  droit  au  travail  de  l'esclave  :  car  c'est 
un  principe  que  l'esclave  qui  contracte  à  terme  ou  sous  con- 
dition ,  acquiert  la  créance  au  maître  du  jour  du  contrat.  Le 
résultat  eût  été  choquant.  Le  caractère  du  contrat  de  bail 
et  des  créances  qu'il  engendre  permet  de  l'éviter.  Le  bail  est 
un  contrat  successif  :  l'obligation  du  bailleur  a  pour  objet  une 
série,  une  succession  de  faits  de  jouissance,  d  actes  de  ser- 
vice :  la  créance  de  ce  bailleur,  corrélative  à  son  obligation , 
a  elle-même  pour  objet  une  série  de  prestations.  Cette  créance 
a  bien  son  principe  générateur  dans  le  contrat;  mais  elle 
naît ,  elle  se  renouvelle  au  fur  et  à  mesure  de  la  jouissance 
procurée  au  locataire.  Le  bailleur  accomplit  son  obligation 
tous  les  jours  :  il  devient  créancier  quotidie,  jour  par  jour, 
c'est  une  créance  future,  et  par  conséquent  elle  est  acquise 
successivement  au  profit  de  ceux  qui  peuvent  avoir  droit  suc- 


630  DB  l'acquisition  des  fruits 

cessivement  aux  travaux  de  l'esclave,  .et  en  sont  privés  par 
le  fait  de  la  locatio  servi,  et  elle  est  acquise  à  chacun  d'eux 
en  proportion  de  la  durée  du  droit  de  chacun ,  sans  tenir 
compte  d'un  paiement  de  loyer,  anticipé  ou  arriéré.  Ainsi  le 
décide  le  jurisconsulte  Paul,  au  f.  26,  De  usufr.  :  un  esclave 
grevé  d'usufruit  a  loué  ses  services  durante  usufructu  :  l'u- 
sufruit s'éteint  au  cours  du  bail  :  ce  qui  reste  à  échoir  de  la 
créance  de  loyers  est  acquis  au  propriétaire.  Si  le  proprié- 
taire devient  désormais  créancier  du  locataire  de  l'esclave, 
c'est  :  1°  qu'il  est  tenu  de  respecter  le  bail  conclu  par  l'es- 
clave :  s'il  pouvait  le  rompre  et  reprendre  l'esclave,  il  ne 
deviendrait  pas  créancier;  2°  que  la  créance  de  loyers  a  été 
acquise  à  l'usufruitier  en  proportion  de  la  durée  de  son  droit, 
jour  par  jour.  La  créance  de  loyers ,  provenant  du  bail  conclu 
par  l'esclave  sur  sa  propre  personne ,  se  répartit  donc  entre 
l'usufruitier  et  le  propriétaire  proportionnellement  à  la  durée 
du  droit  de  chacun.  Les  fruits  civils,  consistant  dans  le  loyer 
d'un  esclave,  sont  réputés  s'acquérir  jour  par  jour.  Tel  est  le 
résultat  auquel  conduit  le  f.  26,  De  usufr.,  si  on  admet  qu'il 
prévoit  dans  sa  première  partie  un  contrat  consensuel  de 
louage ,  ce  dont  pourrait  faire  douter  la  fin  du  texte. 

Ce  résultat  doit-il  être  modifié  quand  l'esclave ,  au  lieu  de 
se  contenter  du  contrat  consensuel  de  louage  et  de  l'acquisi- 
tion à  qui  de  droit  de  la  créance  de  bonne  foi  et  de  Yaclio 
locati,  a  cru  devoir,  comme  c'était  encore  l'habitude  fré- 
quente à  Rome  à  l'époque  classique ,  stipuler  du  locataire  le 
loyer,  le  lui  faire  promettre  verbis  pour  engendrer  contre  lui 
la  condictio  (1)?  Si  l'esclave  a  stipulé  de  son  conductor  tant 
par  jour,  decem  in  singulos  dies,  cette  stipulation,  bien  qu'u- 
nique en  la  forme ,  se  décompose  en  autant  de  stipulations ,  et 
donne  naissance  à  autant  de  créances  et  d'actions  qu'il  y  a  de 

(1)  La  reconnaissance  des  contrats  de  bonne  foi  avait  été  un  notable  pro- 
grès sur  le  rigorisme  antique.  Mais  le  formalisme ,  devenu  facultatif,  n'avait 
pas  été  complètement  abandonné  :  les  créanciers  recouraient  très  fréquem- 
ment encore  au  contrat  verbal ,  qui  offrait  de  notables  avantages  sur  le  con- 
trat non  formel,  c'est  ce  qui  eiplique  :  1°  qu'au  lieu  d'adjoindre  in  cwtmenU 
à  la  vente  un  pacte  rendant  le  vendeur  débiteur  du  double  du  prix  en  cas 
d'éviction,  les  parties  recourent  &  la  stipulatio  duplx;  2°  plus  généralement 
qu'au  lieu  d'insérer  dans  le  contrat  consensuel  une  promesse  de  peine ,  les 
parties  concluent  une  stipulatio  pœnw. 


par  l'usufruitier.  631 

jours  de  bail  :  ainsi  l'avait  décidé,  non  sans  hésitation,  la  juris- 
prudence (Paul,  f.  140,  §  1,  De  V.  0.,  XLV,  1),  au  moins  pour 
le  cas  où  le  nombre  des  créances  était  déterminé  à  l'avance  (1). 
Chacune  de  ces  créances  se  trouve  acquise  à  celui  qui ,  quo- 
tidie,  a  droit  aux  services  de  l'esclave  :  ce  sont  des  créances 
futures,  exactement  comme  celles  qui  proviennent  du  contrat 
consensuel  de  louage  (2)  :  elles  ne  seront  donc  pas  toutes 
acquises  à  celui  qui  a ,  au  jour  de  la  stipulation ,  le  droit  de 
jouissance  sur  l'esclave  :  elles  naissent  successivement  per 
servutn  au  profit  de  qui  de  droit;  au  profit  de  l'usufruitier 
d'abord ,  au  profit  du  propriétaire  après  l'extinction  de  l'usu- 
fruit. Il  y  aura  donc  autant  de  créances  futures  que  de  jours 
de  services  rendus  par  l'esclave  au  locataire,  et  chacune  de 
ces  créances  sera  acquise  per  servutn  k  l'usufruitier  et  au  pro- 
priétaire au  prorata  de  la  durée  du  droit  de  chacun. 

Mais  était-ce  l'habitude  de  stipuler  ainsi  le  loyer  in  singulos 
diss?  Il  est  permis  d'en  douter,  quand  on  voit  deux  juriscon- 
sultes supposer  que  l'esclave,  en  se  louant,  a  stipulé  in  singu- 
los annoe.  Cette  stipulation  se  décompose  comme  la  précé- 
dente :  elle  engendre  une  série  de  créances  ;  mais  si  nous  en 
croyons  Papinien  (/.  18,  §  3,  De  stip.  serv.) ,  ces  créances  ne 
sont  plus  acquises  quotidiè,  jour  par  jour  :  elles  sont  acquises 
initio  cujusque  anm,  à  celui  qui  a  droit  à  ce  moment  aux 
operx  de  l'esclave,  année  par  année  :  d'où  il  pourrait  bien 
résulter  que  si  l'usufruit  durait  encore  le  1er  janvier,  la  créance 
de  toute  l'année  est  acquise  à  l'usufruitier,  bien  qu'il  meure 
le  lendemain.  Le  résultat  peut  sembler  choquant  :  car  l'usu- 
fruitier étant  mort,  et  sa  succession  n'ayant  plus  la  jouissance 
de  l'esclave ,  la  créance  corrélative  à  cette  jouissance  ne  de- 
vrait pas  lui  appartenir.  L'explication  du  texte  est  possible. 

(1)  Si  le  nombre  en  demeurait  indéterminé,  par  exemple  dans  la  stipula* 
tion  de  rente  viagère,  le  même  progrès  n'avait  pas  été  admis  (Pompon.,  f. 
16,  §  1,  De  V.  0.).  Mais  à  l'aide  d'une  prmcriptio ,  le  demandeur  évitait  la 
consummatio  Mis.  11  était  dispensé  de  cette  précaution  dans  le  cas  du  f. 
140,  cit. 

(2)  La  créance  ne  perd  pas  son  caractère  futur,  parce  qu'elle  a  été  deducta 
in  stiptrtationem  :  il  n'y  a  pas  que  des  créances  de  bonne  foi  qui  soient  fu- 
tures :  la  stipulation  par  laquelle  un  esclave  grevé  d'usufruit  se  fait  promettre, 
la  restitution  d'une  somme  à  prêter  ultérieurement,  présente  le  même  carac- 
tère (Papin.,  f.  18,  §  S  in  fine,  De  ttipul.  sert.,  XLV,  3). 


632  DE   L  ACQUISITION   DES   FRUITS 

Si  l'habitude  était  que  les  esclaves  en  se  louant  stipulassent 
le  .salaire  de  leurs  services  insingulos  annos,  celui  qui  léguait 
l'usufruit  de  son  esclave,  savait,  ou  pouvait  savoir  ce  qui  l'atten- 
dait, connaissait  le  risque  que  courait  son  héritier  à  l'extinction 
de  l'usufruit,  et  s'il  voulait  l'écarter,  il  n'avait,  en  faisant  le 
legs,  qu'à  interdire  à  son  esclave,  en  se  louant,  de  stipuler  in 
singulos  annos.  Ne  l'eût-il  pas  fait,  il  y  avait  à  son  profit  une 
chance  favorable  en  sens  inverse  :  l'héritier  avait  la  chance 
d'avoir  le  loyer  de  l'année  pendant  laquelle  s'ouvrait  l'usufruit, 
si  l'esclave  dont  l'usufruit  était  légué,  se  trouvait  avoir  aupa- 
ravant loué  ses  services  et  stipulé  in  singulos  annos.  Il  se  pas- 
sait ici  quelque  chose  d'analogue  à  ce  qui  a  lieu  pour  les  fruits 
naturels. 

Papinien,  en  s'appuyant  sur  l'autorité  de  Julien,  admet  que 
le  bénéfice  de  la  stipulation  faite  par  l'esclave  est  acquis  suc- 
cessivement à  l'usufruitier  et  au  propriétaire,  qu'il  y  a  autant 
de  créances  que  d'années  de  bail,  et  que  chacune  de  ces 
créances  est  acquise  soit  à  l'un  soit  à  l'autre  :  tantum  quantum 
ratio  juris  permittit.  Le  jurisconsulte  repousse  brièvement  une 
autre  façon  d'arriver  au  même  résultat,  d'après  laquelle  la 
créance  stipulée  aurait  été  acquise  tout  entière  à  l'usufruitier, 
à  celui  qui  avait,  au  jour  de  la  stipulation,  la  jouissance  de 
l'esclave;  mais  cette  créance  aurait  été  transmise,  serait  passée 
(vi  legis  sans  doute),  au  propriétaire  à  l'extinction  de  l'usu- 
fruit. Le  jurisconsulte  réfuté  par  Papinien,  c'est  Ulpien  au 
f.  25,  §  2,  De  usufr.,  qui  nous  dit  en  effet  que  la  créance  de 
loyers  stipulée  est  acquise  tout  entière  à  l'usufruitier,  mais 
qu'elle  passe  (transit)  au  propriétaire,  par  dérogation  à  la  règle 
d'après  laquelle  les  créances  ne  passent  qu'à  un  héritier  ou  à 
un  adrogeant,  à  un  successeur  à  titre  universel  (1).  Ulpien 
refusait  sans  doute  à  la  créance  de  loyers  stipulée  le  caractère 
de  créance  future,  et  pour  mettre  le  droit  d'accord  avec  l'é- 

(1)  Ce  texte  De  démontre- t-il  pas  péremptoirement  que  les  créances  sont 
incessibles ,  à  titre  particulier,  qu'elles  diffèrent  des  choses  corporelles ,  de 
la  propriété?  Sans  doute,  leur  titulaire  peut,  comme  le  propriétaire,  en  faire 
argent,  les  donner,  les  constituer  en  dot  :  au  sens  économique  du  mot,  eUes 
sont  cessibles,  aliénables.  Mais  juridiquement  parlant,  elles  ne  le  sont  pas  , 
la  propriété  cédée,  aliénée,  reste  chez  l'acquéreur,  le  cessionnaire,  ce  qu'elle 
était  chez  l'aliénateur.  La  créance  se  transforme  :  elle  se  nove ,  en  passant 
d'un  patrimoine  dans  un  autre. 


par  l'usufruitier.  633 

quité,  pour  empêcher  qu'à  l'extinction  de  l'usufruit,  le  pro- 
priétaire ne  fût  complètement  frustré  du  loyer  de  l'esclave,  il 
portait  atteinte  au  principe  de  l'incessibilité  des  créances  à 
titre  particulier.  « 

Papinien,  dont  la  doctrine  doit  être  préférée,  n'admet  pas 
qu'il  y  ait  d'exception  au  principe,  qu'il  y  ait  transmission  de 
la  créance  de  l'un  à  l'autre.  Pour  lui,  les  créances  engendrées 
par  la  stipulation  de  l'esclave,  sont  des  créances  futures,  et  le 
droit  à  chacune  d'elles  est  acquis  successivement  à  l'usufrui- 
tier et  au  propriétaire  :  chacune  d'elles  prend  naissance  en  la 
personne  de  l'usufruitier  d'abord,  du  propriétaire  ensuite. 

La  dernière  espèce  de  fruits  civils,  ce  sont  les  intérêts  d'une 
créance  de  somme  d'argent,  d'un  prêt,  d'un  prix  de  vente,  etc. 
Comment  ces  intérêts  sont-ils  acquis  à  l'usufruitier  de  la 
créance?  Papinien  (f.  24  pr.,  De  usu  et  usuf.,  XXXIII,  2)  ré- 
sout implicitement  la  question  :  un  mari  avait  légué  à  sa 
femme  l'usufruit  de  tous  ses  biens  :  la  succession  comprenait 
des  créances  portant  intérêt,  provenant  de  placements  faits 
par  le  défunt  :  le  jurisconsulte  décide  que  l'usufruitier  aura 
droit  aux  intérêts  de  ces  créances  à  partir  du  jour  où  il  aura 
donné  à  l'héritier  la  cautio.  Nous  avons  déjà  conclu  de  ce 
texte,  en  le  généralisant,  que  l'usufruitier  n'avait  droit  à  la 
jouissance  des  valeurs ,  dont  l'usufruit  lui  est  légué ,  qu'après 
avoir  fourni  la  cautio  :  il  n'y  a  pas  de  raison  pour  restreindre 
la  décision  de  notre  texte  aux  intérêts ,  et  pour  distinguer 
entre  cette  espèce  de  fruits  et  tous  les  autres. 

A  partir  du  jour  où  il  est  en  règle ,  l'usufruitier  gagne  les 
fruits ,  ici  les  intérêts  :  l'héritier  n'y  a  plus  droit.  Comment 
se  fera- 1- il  payer?  il  n'a  pas  contracté  avec  l'emprunteur; 
il  ne  peut  pas  avoir  contre  lui  de  droit  et  d'action  de  son 
chef.  Mais  le  legs  qui  lui  a  été  fait,  implique  pour  les  intérêts 
à  échoir  pendant  la  durée  de  l'usufruit,  un  legatum  nominis. 
Or  le  legatum  nominis  emporte  au  profit  du  légataire  un  droit 
de  créance  contre  l'héritier,  et  la  condictio  ex  testamento.  Cette 
créance  a  pour  objet  la  cession  des  actions  de  l'héritier  contre 
le  débiteur.  Cette  cession  se  fera  par  les  différents  procédés 
juridiques,  successivement  organisés  à  Rome,  et  à  partir 
d'une  certaine  époque,  elle  sera  réputée  faite  par  ce  seul  fait 
qu'elle  est  obligatoire  :  le  légataire  sera  constitué ,  utilitatis 

Revue  hist.  —  Tome  VIII.  42 


634    de  l'acquisition  des  fruits  par  l'usufruitier. 

causa,  créancier  du  débiteur,  abstraction  faite  de  toute  eessie* 
effective,  et  investi  d'une  action  utile  en  paiement  des  intérêts. 

Si  le  légataire  d'usufruit  d'une  créance  a  droit  aux  intérêts 
courus  pendant  le  cours  de  son  usufruit ,  nous  pouvons  dire 
que  dans  ses  rapports  avec  le  nu- proprié  taire,  les  fruits  civils, 
qui  consistent  dans  ces  intérêts ,  sont  réputés  lui  être  acquis 
jour  par  jour  et  lui  appartiennent  en  proportion  de  la  durée 
de  son  droit. 

Malgré  tout ,  l'acquisition  des  fruits  civils  par  1  ^usufruitier 
à  Rome  ne  se  réalise  pas  d'une  façon  aussi  simple  que  dans 
notre  droit  français  :  ce  n'est  qu'avec  réserve  qu'il  oon vient  de 
se  servir,  pour  l'exposition  du  droit  romain ,  de  la  formule  de 
l'article  586  C.  civil. 


Gérarduh  , 

professeur  à  la  Faculté  de  droit  de 


ESSAI 


SUR 


L'ANCIENNE  COUTUME  DE  PARIS 

AUX  XIUB  ET  XIV  SIÈCLES 

(SUITE) 


CHAPITRE  NEUVIÈME. 
Des  servitudes  et  rapports  de  jurés. 

Les  servitudes  dont  s'occupent  le  titre  IX  de  la  Coutume 
de  1580,  sont  les  servitudes  réelles,  celles  «  de  la  chose  à  la 
»  chose,  comme  les  servitudes  des  esgous,  glacouers,  rus- 
»  ticorum  prœdiorum  et  urbanorum,  là  ou  aucunes  choses  sont 
»  serves  aux  autres  »  (Gr.  Coutumier,  liv.  II,  chap.  6).  Ce  sont, 
en  un  mot,  les  charges  établies  sur  un  fonds  pour  le  profit  et 
la  commodité  d'un  autre  fonda,  «  Jura  per  quae  praedia  unius 
»  alterius  praediis  serviunt  (1).  » 

Ces  servitudes  pouvaient  donner  lieu  à  des  contestations 
entre  les  propriétaires  des  deux  fonds  voisins.  Ces  contesta- 
tions étaient  jugées,  après  inspection  des  lieux,  par  des  ex- 
perts ou  jurés  chargés  de  faire  un  rapport  fidèle.  Ils  étaient 
nommés,  sur  la  réquisition  du  demandeur,  par  une  ordon- 
nance du  juge  rendue  en  jugement  en  présence  des  parties. 
Ces  jurés  devaient  visiter  les  lieux  et  faire  leur  rapport  ;  les 
parties  étaient  assignées  à  l'entendre  et  pouvaient  même  le 
contredire,  c'est-à-dire,  «  en  requérir  la  révision  ou  correc- 
tion (2).  » 

«  Se  jurez  par  ordenance  de  juge  faite  en  jugement,  en  la 
»  présence  des  parties,  vont  voir  aucun  lieu  contentieux  et 
»  sur  ce  font  leur  rapport,  les  parties  au  jour  à  elles  assigné 
»  à  aller  avant  sur  ledit  rapport,  puevent  dire  et  proposer 
»  toutes  leurs  bonnes  raisons  et  n'en  sont  pas  forcloses  par 

(1)  Digeste,  loi  57,  De  utufructu.  Voy.  Lanrière,  II,  p.  157. 

(2)  Voy.  Laorière,  sur  l'article  185,  II,  p.  162-164. 


636  ESSAI  sur  l'ancienne 

»  la  dite  ordenance  ,  ne  elles  ne  sont  consenties  et  soumises  i 
»  tenir  et  entériner  ce  que  les  dits  jurés  rapporteront  »  {Coût, 
not.,  75)  (1). 

Ce  droit,  pour  Tune  des  parties,  de  contredire  le  rapport  des 
jurés  fut  abrogé  par  l'article  184  de  la  Coutume  de  1580  (2); 
le  juge  seul  put  ordonner  plus  ample  information  (3). 

Au  xrvre  siècle ,  on  pouvait  acquérir  une  servitude  soit  par 
titre,  soit  par  destination  du  père  de  famille;  mais  la  pres- 
cription n'était  admise  dans  aucun  cas  :  «  L'en  ne  se  puet  dire 
»  en  possession  ne  saisine  de  veue  ne  de  agoust  qui  ne  mon- 
»  tre  titre,  nonobstant  quelconque  temps  que  on  ait  usé  »  (J. 
Desmares,  387;  id.,  Coût,  not.,  8).  Le  titre  constitutif  de  la 
servitude  devait  être  spécial  et  faire  mention  expresse  de  la 
forme  et  de  l'étendue  de  la  servitude  «...  et  par  la  Coustume 
»  de  Paris,  aucun  droict  de  servitude  ne  peult  estre  acquis 
»  sans  tiltre  especial  faisant  mention  comme  il  a  la  dicte  ser- 
»  vitude  »  (Gr.  Coutumier,  liv.  H,  chap.  38,  p.  353 ;  id.,  Coût, 
not.,  8)  (A). 

La  destination  du  père  de  famille  était  l'acte  par  lequel 
le  propriétaire  de  deux  fonds  faisait  servir  l'un  aux  profit 
et  commodité  de  l'autre  :  «  Se  aucun  seigneur  et  proprie- 
»  taire  d'aucunes  maisons  entretenans,  durant  le  temps  qu'il 
»  en  est  propriétaire,  fait  que  l'une  serve  à  l'autre,  d'aucun 
»  glasouer  ou  aisément,  telle  ordenance  vaut  titre  »  (Coût. 
not.t  80)  (5). 

La  destination  du  père  de  famille  valait  titre;  mais  pour 
qu'il  en  fût  ainsi ,  il  fallait  que  les  servitudes  établies  par  le 
propriétaire  eussent  été  expressément  déclarées  et  spéciûées , 
^ors  de  la  séparation  des  deux  héritages  :  «  Se  un  proprié- 
»  taire  de  plusieurs  maisons  entretenans ,  qui  les  a  aquestées 
»  et  assemblées  en  la  ville  de  Paris  de  plusieurs  personnes , 


(i)  Cf.  Gr.  Coût.,  iiv.  II,  chap.  39,  p.  361.  Paris,  1510,  art.  79. 

(2)  Voy.  Procès-verbal,  1580.  Coût,  général,  III,  p.  81. 

(3)  Ordonnance  de  mai  1690.  IsambertJ,  t.  XX,  p.  105. 

(4)  Voy.  Loisel,  liv.  II,  tit.  m,  n°»  285-286. 

(5)  La  destination  du  père  de  famille  ne  devait  pas  noire  aux  tiers  :  «  Cn 
»  propriétaire  de  maisons  se  pnet  diviser  et  faire  servir  Fane  &  l'autre ,  sans 
»  préjudice  d'un  tiers  et  telle  division  vanlt  tiltre.  Hoc  est  verum  tantum  en 
»  tant  qu'il  touche  les  propriétaires  »  [Coût,  not.,  126). 


COUTUME   DE   PARIS.  637 

»  chargées  envers  divers  censiers  de  plusieurs  et  diverses 
»  charges ,  vend ,  donne  ou  par  aultre  tiltre  met  hors  de  ses 
»  mains  Tune  des  dictes  maisons  avecque  toutes  ses  veues, 
»  agous  et  apartenances  qu'elle  pouvoit  et  devoit  avoir  rai- 
»  sonnablement  selon  les  usages  et  coustumes  de  la  ville  de 
»  Paris,  ne  telles  paroles  générales  ne  sont  et  ne  puent ,  ne 
»  doivent  estre  dites  ne  réputées  tiltre  juste  et  valable  pour 
»  avoir  servitude  sur  les  autres  maisons  qui  demeurent  au 

»  bailleur Mais  doibvent  estre  tousjours  ramenées  aux 

»  dits  usages ,  se  il  n'est  expressément  et  espécialement  dit 
»  et  déclarie ,  en  faisant  le  bail  de  ladicte  maison  ou  depuis, 
»  que  les  dites  servitudes  doivent  demeurer  en  Testât  »  (CotU. 
not.,  174;  M.,  108)  (1). 

Lors  de  la  réformation  de  la  Coutume  au  xvie  siècle ,  on  ne 
se  contenta  plus  d'une  déclaration  expresse ,  mais  pour  valoir 
titre ,  la  destination  du  père  de  famille  dut  être  rédigée  par 
écrit  (art.  216). 

Nous  avons  de  nombreux  textes  du  xive  siècle  se  rappor- 
tant aux  vues,  aux  murs  mitoyens  et  autres  servitudes  ur- 
baines, selon  l'expression  du  droit  romain,  c'est-à-dire  exis- 
tant le  plus  généralement  entre  propriétés  bâties  (2). 

Les  murs  séparant  deux  héritages  pouvaient  être  mitoyens 
ou  appartenir  à  l'un  des  propriétaires  :  «  Les  ungs  sont  moi- 
»  toiens  et  parconniers  et  les  autres  non ,  mais  proprement 
»  sont  à  certaines  personnes  »  (fir.  Coutumier,  liv.  II,  chap. 
38,  p.  355).  De  cette  distinction  naissaient  des  droits  diffé- 
rents pour  les  propriétaires  voisins. 

Lorsque  le  mur  n'était  pas  mitoyen,  mais  appartenait  à  l'un 
des  propriétaires ,  ce  dernier  ne  pouvait  avoir  jours  ou  fenê- 
tres dans  son  mur  qu'en  observant  certaines  règles,  relatives 
à  la  hauteur  et  à  la  nature  de  ces  jours  et  fenêtres  :  «  L'u- 
»  sage ,  coustume  et  commune  observance  de  la  ville  de  Paris 
»  sont  tels,  que  aucune  personne ,  ayant  mur  joingnant  sans 
»  moyen  à  aucun  heritaige  ou  maison,  ne  peult  en  iceluy 
»  mur  avoir  fenestres ,  lumières  ou  veues  sur  iceluy  heritaige 
»  ou  maison,  au  préjudice  d'iceluy  à  qui  est  ladicte  maison 

(1)  ld.,  Gr.  Coutumier,  liv.  II,  chap.  38,  p.  359.  Cf.  Paris,  art.  215. 

(2)  Voy.  Institutes,  liv.  II,  lit.  m,  §  1  et  2.  —  Digeste,  lois  !,  7,  etc.,  De 
sert.  prxd.  rust. 


638  ESSAI  sur  l'ancienne 

»  ou  heritaige,  et  s'ils  ne  sont,  au  rez  de  terre ,  a  neuf  pieds 
»  de  hault  quant  au  premier  estage,  et  quant  aulx  anltres 
»  estages ,  au  rez  de  chascun  plancher,  de  sept  pieds  de  hault 
»  et  tout  à  fer  et  à  voirre  dormant  »  (Gr.  Coutumier,  id.).  S'il 
n'observait  pas  ces  prescriptions,  le  voisin  pouvait  le  con- 
traindre à  fermer  les  jours  à  ses  dépens  ou  à  les  mettre  «  en 
»  ladicte  hautesse  et  manière,  nonobstant  quelque  laps  de 
»  temps  par  lequel  il  eust  aullrement  tenu,  sinon  qu'il  eust 
»  titre  espécial  »  (Id.)  (1). 

Lorsqu'il  s'agissait  d'un  mur  mitoyen ,  aucun  des  proprié- 
taires ne  pouvait  sans  le  consentement  de  l'autre ,  avoir  jours 
ou  fenêtres ,  «  en  quelconque  haultesse  ou  manière  que  ce  soit, 
»  à  verre  dormant  ou  aultrement  »  (Gr.  Coutumier,  id.,  p. 
358).  La  copropriété  du  mur  empêchait  l'un  des  propriétaires 
de  rien  faire  au  préjudice  de  l'autre ,  à  moins  qu'il  n'y  eût 
titre  contraire  :  «  En  un  mur  moitoien  entre  deux  voisins,  nuls 
»  d'iceux  ne  y  puet  avoir  veues,  agous,  glassouers  ou  caves, 
»  tant  comme  la  moitoirie  se  comporte  et  se  il  les  a  et  son 
»  voisin  s'en  veult  doloir  et  faire  poursuite  par  manière  deue, 
»  ils  doivent  estre  ostés  et  retraits  aux  despens  de  cely  qui 
»  les  y  a;  se  il  n'avoit  tiltre  suffisant,  autrement  que  par  près* 
»  cription  qui  n'a  pas  lieu  en  ce  cas  »  (Coût,  not.,  156  ;  id.,  77). 

Quant  aux  constructions  qu'on  pouvait  faire  contre  ou  sur 
un  mur  mitoyen,  il  fallait  distinguer.  Les  unes  pouvaient  ne 
présenter  aucun  danger  et  chacun  des  propriétaires  pouvait 
les  faire  à  son  gré  (Gr.  Coutumier,  id.,  p.  356).  Les  autres, 
au  contraire,  entraînaient  un  certain  péril;  dans  ce  cas,  le 
propriétaire  qui  les  faisait  élever,  devait  laisser  entre  le  mur 
et  ses  constructions  une  distance  réglée  par  la  coutume  :  «  Le 
»  four  d'un  boulanger  ou  d'un  tamelier  ne  doit  pas  joindre  au 
»  mur  mitoyen  des  voisins  pour  le  péril  qui  pourroit  venir 
»  pour  cause  de  la  chaleur  dudit  four.  11  convient  qu'il  y  ait 
»  entre  les  murs  du  voisin  demi-pié  de  ruele  et  espace  au 
»  contremur  suffisant  qui  le  vaille  pour  essir  et  pour  eschever 
»  tout  péril  et  tous  inconvéniens  qui,  à  cause  dudit  four  et  cha- 
»  leur  du  feu,  pourroient  advenir.  1373.  »  (Coût,  not.,  272)  (2). 


(1)  Cr.  Cout.  not.,  8.  Paris,  art.  192-202. 

(2)  Cf.  Paris,  188-191. 


COUTUME  DB  PABIS.  639 

Les  mêmes  prescriptions  s'appliquaient  aux  autres  construc- 
tions pouvant  nuire  aux  voisins,  telles  que  «  astables,  aise- 
i>mens,  glassouers,  etc.  »  (Gr.  Coutumier,  idM  p.  357)  (t). 
Aucune  prescription  n'était  admise  en  ce  cas  (ùmt.  not.,  173)* 

La  mitoyenneté  d'un  mur  joignant  deux  héritages ,  pouvait 
être  réclamée  par  le  voisin ,  malgré  l'opposition  du  proprié- 
taire ;  ce  dernier  était  forcé  de  lui  céder  la  copropriété  du  mur, 
mrf  indemnité  :  «  Item  se  aucun  rouit  faire  quelque  ediffiee 
i>  en  une  place ,  jardin  ou  terre  vuide  que  il  a  9  joignant  sans 
»  moyen  au  mur  de  la  maison  d'aucun  aultre  personne ,  qui 
»  n'est  pas  moytoien,  il  peult  faire  adjourner  icelle  personne 
»  et  requérir  qu'elle  soit  condempnée  et  contrainte  a  luy 
»  vendre  la  moytie  d'icelluy  mur  et  à  luy  délaisser  par  juste 
»  pris,  pour  édifier  dessus  et  ainsi  luy  doibt  astre  faictn  (Gr» 
C&utumier,  id.,  p.  356)  (2).  Lorsque  les  parties  ne  pouvaient 
se  mettre  d'accord  au  sujet  de  l'indemnité ,  le  juge  envoyait 
des  maçons-jurés  qui  devaient  faire  l'expertise  du  mur  et  il 
décidait  d'après  leur  rapport. 

La  propriété  du  sol  entraînait  celle  du  dessus  et  celle  du 
dessous  :  «  Qui  a  le  sol  a  le  dessus  pour  y  bastir  et  le  dessous 
»  pour  y  faire  puits ,  latrines  et  autres  ouvrages  souterrains, 
»  s'il  n'y  a  tiltre  contraire.»  Jugé  en  1369.  (Coût»  net.,  107)  (3). 
La  coutume  notoire ,  109,  fait  l'application  de  cette  règle,  en 
décidant  que  la  propriété  d'une  cave  construite  sur  un  héri- 
tage appartient  au  propriétaire  de  cet  héritage,  alors  même 
que  l'ouverture  se  trouverait  sur  l'héritage  voisin. 

CHAPITRE  DIXIÈME. 
De  la  communauté  de  biens  entre  mari  et  femme. 

Dès  le  milieu  du  xme  siècle ,  la  communauté  entre  époux 
tendait  à  devenir  pour  la  France  coutumière  le  régime  de 
droit  commun.  Dans  les  textes  de  cette  époque,  il  ne  s'agit 
plus,  en  effet,  d'un  simple  droit  de  survie  accordé  à  la 
femme,  comme  on  peut  en  trouver  ta  trace  dans  les  textes 

(1)  Id.,  Cout.  not.,  78. 

(2)  Cf.  Paris ,  205. 
(3) Cf.  Paris,  187. 


640  ESSAI  sur  l'ancienne 

antérieurs  (i),  mais  d'une  véritable  association  de  biens,  avec 
partage  égal  entre  les  deux  associés  ou  leurs  représentants , 
lors  de  la  dissolution  de  la  société.  Ces  deux  idées ,  associa- 
tion et  partage  égal,  se  rencontrent  pour  la  première  fois 
dans  les  chartes  de  villes  commerçantes  où  les  femmes  pre- 
nant une  part  plus  active  au  développement  de  la  fortune 
commune,  il  parut  juste  de  leur  attribuer  une  portion  des 
bénéfices.  Sous  l'influence  de  certaines  idées,  notamment 
Vidée  d'association  entre  personnes  vivant  ensemble  l'an  et 
jour,  le  système  de  la  communauté  entre  époux ,  ne  tarda  pas 
à  se  généraliser,  aussi  bien  entre  les  nobles  qu'entre  les  rotu- 
riers (2). 

Le  passage  suivant  de  Beaumanoir  nous  montre  quelles 
étaient,  à  la  fin  du  xnie  siècle,  les  principales  règles  de  cette 
communauté  :  «  Cascun  set  que  compagnie  se  fait  par  ma- 
»  riage ,  car  si  tost  comme  mariages  est  fes ,  le  bien  de  l'un  et 
»  de  l'autre  sont  commun  par  la  vertu  du  mariage.  Mais  voirs 
»  est  que  tant  corne  il  vivent  ensemble ,  li  hons  en  est  maim- 

»  burnisaire Mais  voirs  est  que  le  treffons  de  l'héritage 

»  qui  est  de  par  la  femme ,  ne  pot  li  maris  vendre,  se  ce  n'est 
»  de  l'octroi  et  volonté  de  la  feme ,  ni  le  sien  meisme ,  se  elle 
)>  ne  renonce  à  son  douaire....  »  (XXI,  n°  2).  Cette  compagnie 
ou  communauté  avait  pour  point  de  départ,  la  consommation 
même  du  mariage  ;  plus  tard ,  vers  la  fin  du  xive  siècle,  on  fit 
commencer  la  communauté  du  jour  de  la  célébration  du  ma- 
riage :  «  Par  contrat  de  mariage,  la  communauté  était  acquise 
»  entre  l'home  et  la  famme  tant  en  meubles ,  conquêts  faits 
»  depuys  le  mariage,  comme  es  debtes  et  obligations  depuis 
»  ou  par  avant  contractées  »  (J.  Desmares ,  247)  (3). 

(1)  Une  ordonnance  de  Philippe- Auguste  de  juillet  1219,  datée  du  Pont- 
de-1'Arche,  portait  que  lorsqu'une  femme  décédait  sans  enfants,  ses  héritiers 
ne  succédaient  pas  aux  conquêts  de  communauté ,  qui  restaient  en  totalité 
au  mari  :  c  Parentes  ipsuis  mulieris  non  participaient  cum  marito  suo ,  ex 
»  iis  qu»  ipsa  et  maritus  ejus  simul  acquisierunt ,  dum  ipsa  viveret,  in  mobi- 
»  libus  nec  in  tenementis,  imô  quiète  remanebunt  marito...  »  (Isambert,  I, 
p.  217).  C'était  bien  un  véritable  droit  de  survie,  et  non  de  communauté. 
Cette  ordonnance  n'a  été  appliquée  qu'en  Normandie.  Voy.  Laurière,  II, 
p.  186-187. 

(2)  Voy.  Laboulaye,  Condition  des  femmes,  p.  335. 

(3)  Voy.  Laurière,  sur  l'article  220,  II,  p.  189. 


COUTUME   DE   PARIS.  64 i 

Les  biens  communs  comprenaient  les  meubles  des  deux 
conjoints  et  les  acquêts  faits  depuis  le  mariage  :  «  Tous  les 
»  conquêts  que  deux  mariez  font  et  acquerent  durant  le  ma- 
»  riage  sont  communs  entre  eux  »  (J.  Desmares,  161).  Et  la 
Coutume  notoire,  19,  ajoute  :  «...  En  telle  manière  que  chacun 
»  d'iceux  mariés  a  droict  en  la  moitié  desdits  conquêts  et  à 
»  luy  appartient  icelle  moitié  de  son  plain  droict  pour  sa  por- 
»  tion.  »  Les  héritages,  que  les  deux  conjoints  possédaient  à 
l'époque  de  leur  mariage ,  leur  restaient  propres ,  sauf  pour  le 
mari,  avant  le  xm*  siècle  l'obligation  de  constituer  un  douaire 
à  la  femme  sur  ses  biens  propres  (1). 

Les  biens  qui ,  durant  le  mariage ,  venaient  aux  époux  par 
successions  en  ligne  directe  étant  des  propres ,  ne  tombaient 
pas  dans  la  communauté  ;  «  Ce  qui  vient  de  droite  ligne  n'est 
»  pas  réputé  conquest ,  mais  ce  qui  vient  de  transversal  ;  et 
»  partant  selon  la  coustumeque  la  femme  a  moitié  es  conquêts 
»  de  ce  qui  vient  depuis  le  mariage ,  de  droite  ligne  elle  n'y 
»  prend  rien  ;  mes  elle  prend  en  ce  qui  vient  de  son  mary  de- 
»  puis  le  mariage  de  ligne  transversal,  comme  de  frère...  » 
(J.  Desmares,  26;  Id.y  145)  (2).  Il  en  était  de  même  des  héri- 
tages donnés  par  des  ascendants,  «  ...  ces  héritages  ainsi 
»  donnés  sont  de  nature  de  propre  héritage,  ne  ne  seront  tenuz 
»  et  réputez  comme  conquêts  et  pourtant  ne  povent  estre  com- 
»  pris  en ,  ne  sous  mutuel  don  de  meubles  ne  de  conquêts.  » 
17  avril  1363  (J.  Desmares).  Quant  aux  biens  donnés  ou 
légués  par  toute  autre  personne,  ils  étaient  réputés  acquêts  et 
par  suite  tombaient  dans  la  communauté,  s'il  n'y  avait  au- 
cune clause  contraire  :  «...  Et  la  Coustume  est  telle  en  la  ville, 
»  prévosté  et  vicomte  de  Paris  ou  cas  que  en  faisant  le  legs , 
»  iceluy  legs  ne  seroit  causé  d'autre  cause  qui  deut  ou  peut 
»  déroger.  28  juin  1382  »  (Coût,  not.,  183)  (3). 

Durant  le  mariage ,  la  femme  participait  comme  commune 
à  tous  les  contrats  passés  par  le  mari  :  «  Se  aucun  mary  prend 
»  aucun  héritage,  sans  sa  femme  à  croix  de  cens  ou  fait  aucun 

(i)  Voy.  Beaumanoir,  XIII ,  n<>  12.  —  Laurière,  II,  p.  252. 

(2)  Arrêt  du  Parlement,  5  nov.  1317,  Olim.  (Bou tarie,  II,  n°5049).  Voy. 
Loisel,  liv.  III ,  Ut.  m,  n°  393. 

(3)  Les  dons  faits  pour  noces  avant  le  mariage  tombaient  toujours  en  com- 
munauté. Voy.  Loisel ,  liv.  IV,  lit  iv,  n°  657.  —  Paris ,  art.  246. 


642  ESSAI  sur  l'ancienne 

»  contrat  licite ,  elle  est  commune  par  la  coutume  »  (Coût. 
not.t  94)  (1). 

Le  passif  de  la  communauté  comprenait  toutes  les  dettes 
contractées  par  les  deux  conjoints  soit  avant,  soit  depuis  le 
mariage  (J.  Desmares,  347)  (2). 

Il  y  avait ,  dans  certains  cas ,  controverse  sur  le  point  de 
savoir  si  tel  héritage  devait  ou  non  tomber  dans  la  commu- 
nauté. Ainsi  l'héritage  vendu  a  réméré  par  le  mari  avant  le 
mariage  et  racheté  par  lui  avec  l'argent  commun  depuis  le 
mariage ,  devait-il  être  considéré  comme  un  conquêt  et ,  par 
suite ,  tomber  dans  la  communauté  ? 

J.  Lecoq,  dans  la  question  84,  rapporte  les  principaux  ar- 
guments invoqués  de  part  et  d'autre,  par  les  partisans  de  la 
négative  et  ceux  de  l'affirmative. 

Pour  les  premiers ,  le  mari ,  en  se  réservant  la  faculté  de 
rachat,  était  resté  en  quelque  sorte  propriétaire  de  l'héritage 
sous  condition  suspensive  ;  par  suite ,  en  exerçant  le  rachat , 
cet  héritage  ne  changeait  pas  de  nature  et  restait  propre  au 
mari.  Ils  assimilaient  ce  cas  à  celui  du  retrait  lignager  ou 
personne  ne  soutenait  que  l'héritage  retrait  fut  un  conquât. 

Les  partisans  de  l'affirmative  soutenaient  au  contraire  que 
l'héritage  ayant  été  racheté  «  de  communi  pecunia,  »  la  femme 
se  serait  trouvée  lésée ,  si  elle  n'avait  pas  eu  droit  à  la  moitié 
dudit  héritage,  comme  bien  commun;  on  devait,  tout  au  moins, 
soumettre  le  mari  à  l'obligation  de  récompenser  la  femme  ou 
ses  héritiers  de  l'argent  déboursé ,  comme  en  cas  de  rachat. 

J.  Lecoq  repousse  les  deux  systèmes  ;  il  distingue  si  le  mari 
a  vendu  sans  se  devestir  ou  non.  Dans  ce  dernier  cas  seule- 
ment ,  il  admet  que  l'héritage  racheté  devienne  un  bien  com- 
mun et  tombe  en  communauté.  11  ne  se  contente  pas  d'une 
récompense  accordée  à  la  femme  ou  aux  héritiers  :  car  s'il  en 
était  ainsi  en  cas  de  retrait,  c'est  que  le  retrait  était  un  béné- 
fice tout  personnel  pour  celui  qui  l'exerçait,  «  gratia  et  benefi- 
»  cio  illius  qui  et  cujus  nomini  retrahitur  (3).  » 

(1)  L'article  228,  ajouté  en  1580,  décide  que  le  mari  ne  peut  engager  U 
femme  an  delà  de  ce  qu'elle  ou  ses  héritiers  amendent  de  la  communauté. 

(2)  «  Qui  espouse  la  femme,  épouse  les  dettes.  »  Loisel,  n°  384.  —  UL, 
Gr.  Coutumier,  lir.  II,  en.  32,  p.  321.  Cf.  Paris,  art.  221. 

(3)  Cf.  Code  civil,  art.  1407,  1408  et  1433. 


COUTUME  DE  PARIS.  643 

La  renie  rachetée  pendant  le  mariage  par  l'un  des  conjoints 
était  considérée  comme  un  conquêt  et  elle  était  comprise  dans 
le  partage,  lors  de  la  dissolution  de  la  communauté  :  «  Se  deux 
d  conjoints  par  mariage  tiennent  une  maison  ensemble  laquelle 
»  est  de  l'héritage  ou  du  conquest  de  l'un  d'eux  »  et  laquelle 
»  maison  est  chargée  d'aucune  rente  et  le  mary  durant  le  ma- 
»  riage  la  décharge  d'aucune  rente ,  supposé  que  on  la  puisse 
»  dire  confuse  pendant  le  mariage ,  tamen  non  est  incommutar 
y>  biliter;  car,  l'un  des  conjoints  trespassé,  la  rente  se  divise 
»  moitié  tantwmmodo  à  cely  à  qui  est  la  maison,  et  l'autre  moi- 
»  tié  au  conjoint  ou  ayant  sa  cause  »  (Coût.  not.y  88)  (1). 

Quant  à  la  rente  achetée  par  le  mari  «  à  la  mort  de  lui  et  de 
sa  femme ,  »  elle  n'était  pas  comprise  dans  le  partage  de  la 
communauté ,  en  ce  sens  qu'elle  appartenait  toute  entière  au 
survivant  :  «  Par  la  coustume  du  royaume  de  France,  se  deux 
»  mariés  achètent  durant  leur  mariage  certaine  rente  à  vie,  se 
»  l'un  d'iceux  va  de  vie  à  trepassement ,  le  seurvivant  ha  et 
n  succède  à  toute  la  dite  rente  et  non  pas  li  héritier  du  mort  » 
(J.  Desmares,  124). 

Le  mari  était  seigneur  et  maître  de  la  communauté  :  «  De 
»  coustume,  la  femme  est  en  la  puyssance  de  son  mary,  aul- 
»  trement  est  de  droit  écrit  »  (J.  Desmares,  35;  tô.,  290). 
Cette  puissance  maritale ,  qui  n'existait  pas  dans  les  pays  de 
droit  écrit,  où  dominait  le  régime  dotal,  s'exerçait  sur  les  biens 
communs  dont  le  mari  était  «  vray  seigneur  et  administra- 
teur, »  et  même  sur  les  biens  propres  de  la  femme  dont  il 
avait  l'administration,  possession  et  jouissance  comme  gar- 
dien de  sa  femme  :  «  Femme  mariée  en  païs  coustumier  ne 
»  puet  estre  en  garde  ou  administration  d'aultre  que  de  son 
»  mary  »  (J.  Desmares ,  290)  (2). 

Sur  les  biens  communs ,  le  droit  d'administration  du  mari 
était  un  droit  très  étendu,  lui  permettant  d'en  disposer  sans 
le  consentement  de  sa  femme ,  à  titre  onéreux  et  à  titre  gra- 
tuit, du  moins  entre-vifs  (3)  :  «  Se  deux  conjoints  font  aucuns 
»  acquêts  ensemble ,  le  mary  est  réputé  pour  vray  seigneur 

(1)  Cf.  Paris,  art.  244.  Laurier©,  H,  p.  242-245.  Voy.  Gr.  Coût.,  liv.  II, 
chap.  32,  p.  324. 

(2)  Id.,  Gr.  Coutumier,  p.  322.  Paris,  art.  225. 

(3)  Paris ,  art.  225. 


644  ESSAI  sur  l'ancienne 

»  d'iceux  et  en  puet  disposer  et  ordener  à  sa  voulenté  et  ester 
»  sur  iceux  en  jugement  et  pour  ce  qu'il  est  vray  seigneur  et 
»  administrateur,  sans  ce  que  sa  femme  y  soit  ouye,  ne  veue 
»  en  aucune  manière  et  vaut  ce  que  par  le  dit  mary  est  fait, 
»  sans  icelle  femme  estre  appelles  ou  présente  et  est  réputé 
»  pour  ferme  et  astable  tout  ce  que  par  le  dit  mary  a  esté  ainsi 
»  fait)»  (Coût.  not.f  175;  id.,  14  ;  J.  Desmares,  152). 

Cependant  le  droit  de  disposition  qu'avait  le  mari  sur  les 
biens  communs ,  n'était  pas  absolu;  il  ne  pouvait  en  disposer 
par  testament  au  delà  de  la  moitié  qui  devait  lui  revenir,  lors 
de  la  dissolution  de  la  communauté  (J.  Desmares,  70)  (1). 

Sur  les  propres  de  la  femme,  le  mari  n'avait  qu'un  droit 
de  simple  administration  ;  il  ne  pouvait  ni  les  aliéner,  ni  les 
charger  de  charges  perpétuelles  :  «  Nota  quod  de  consuetudine 
»  maritus  est  procurator  légitimas  et  necessarius  uxoris  suae. 
»  Mais  le  propre  héritage  de  sa  femme  ne  peust-il  vendre  ne 
»  charger  de  charges  perpétuelles  sans  le  consentement  d'i- 
»  celle  ou  qu'il  ait  procuration  expresse  de  sa  femme  »  (Gr. 
Coutumier,  liv.  II,  chap.  32,  p.  322)  (2). 

Comme  seigneur  et  maître  de  la  communauté,  le  mari  exer- 
çait toutes  les  actions  concernant  les  biens  communs  ;  il  pou- 
vait ,  en  outre ,  exercer  les  actions  mobilières  et  possessoires 
de  sa  femme  :  «  Homme  qui  a  femme  espousée  puet  bien  de- 
»  mener  en  jugement  la  saisine  et  possession  des  héritages  de 
»  sa  femme  durant  le  mariage  »  (Coût,  not.,  161)  (3).  Quant 
aux  actions  réelles  pétitoires ,  il  ne  pouvait  les  exerer  sans  le 
consentement  de  sa  femme  :  «  Nul  ne  puet  démener  le  héri- 
»  tage  de  sa  famme  sans  son  congié  et  sans  estre  ou  procès 
»  ycelle  femme  en  cas  pétitoire ,  mes  ce  porroit-il  en  cas  pos- 
»  sessoire  et,  sans  son  congié,  il  le  puet  perdre  ou  gaignier» 

(i)  Voy.  Loisel,  liv.  I,  tit.  n,  no  121. 

(2)  Paris,  art.  226.  Voy.  Laurière,  II,  p.  206  et  s.  —  Lorsque  le  mari 
achetait  on  immeuble  avec  l'argent  d'un  propre  vendu ,  cet  immeuble  n'était 
pas  subrogé  de  plein  droit  au  propre,  mais  était  réputé  conquét  de  commu- 
nauté :  «  S'il  n'est  ains  que  en  vendant  son  héritage ,  il  dit  expressément  qu'il 
»  le  vend  en  intencion  d'acheter  autre  héritage  lequel  il  proteste  estre  son 
»  propre  héritage  comme  le  premier  »  (Biblioth.  nat.,  Mss.  franc.  n°  18419, 
f°  85).  Ces  protestations  devaient  se  faire  devant  le  juge.  Cf.  Paris,  232, 0\m, 
I,  f.  26.  Code  civil,  art.  1434-35. 

(3)  Paris ,  art.  233. 


COUTUME  DE   PARIS.  645 

(J.  Desmares,  20).  Aussi  lorsqu'on  voulait  faire  une  demande 
au  sujet  d'un  propre  de  la  femme ,  il  fallait  faire  ajourner  le 
mari  et  la  femme  :  «  Se  aucun  veut  faire  demande  en  cas  d'hé- 
»  ritage  et  de  propriété  contre  aucuns  conjoints  pour  cause 
»  de  propre  héritage  de  la  femme,  il  convient  qu'il  fasse  ap- 
»  peler  les  deux  conjoints  ensemble  et  se  il  fait  appeler  le 
»  mary  seul,  lequel  n'a  aucun  droit  audit  héritage,  folement 
»  le  fait  et  a  bonne  exception  afin  d'estre  folement  convenu  et 
»  de  non  procéder»  (Coût.  noU9  176)  (1). 

La  capacité  de  la  femme  mariée  était  subordonnée  à  l'auto- 
risation du  mari.  Elle  ne  pouvait  s'engager  ni  engager  ses 
biens  sans  cette  autorisation  :  «  Famme  mariée  faire  ne  puet 
»  accors,  contraulx,  obligations  ne  aultre  chouse  quelconque 
»  au  préjudice  d'elle  ni  de  son  mary,  sans  le  consentement  de 
»  son  dit  mari...  »  (J.  Desmares,  289)  (2).  De  même  elle  ne 
pouvait  agir  en  justice  sans  être  autorisée.  L'autorisation  du 
mari  pouvait,  dans  certains  cas  d'empêchement  légitime,  être 
suppléée  par  l'autorisation  de  justice,  notamment  en  cas  d'ab- 
sence :  «  Mais  si  le  mary  est  absent  por  longtemps ,  le  juge , 
»  en  la  faveur  de  la  femme,  le  peult  bien  autoriser  supplendo  » 
(Gr.  Coutumier,  liv.  II,  chap.  32,  p.  323)  (3). 

Une  exception  était  apportée  au  principe  de  l'autorisation 
maritale.  La  femme  mariée,  marchande  publique,  pouvait, 
dans  les  limites  de  son  commerce ,  s'engager  et  engager  ses 
biens,  sans  le  consentement  de  son  mari  :  «  ...  quar  lors  le 
»  puet,  quant  à  ce  qui  regarderait  le  fait  de  la  marchandise  tant 
»  seulement  »  (J.  Desmares,  289  in  fine).  Elle  pouvait  aussi 
ester  en  justice  :  «  Se  elle  est  marchande  publique ,  elle  puet 
»  estre  appellée  sans  son  mary  pour  les  choses  qui  touchent 
»  ou  dépendent  de  celle  marchandise,..  »  (J.  Desmares,  76)  (4). 

(1)  Olim,  IV,  f.  336  (Boutaric ,  n°  4923). 

(2)  Paris,  art.  234. 

(3)  Paris,  224.  Jusqu'à  la  seconde  moitié  du  xiv«  siècle,  l'autorisation  de 
justice  ne  pouvait  être  accordée  qu'en  vertu  de  lettres  royaux  (Arrêt  du  Par- 
lement, 9  avril  1326,  Greffe,  I,  f°  278.  Boutaric,  n°  7834).  V.  Loisel,  n°  124. 
Pour  injures  et  délits,  la  femme  pouvait  être  poursuivie  en  justice,  sans  qu'il 
fût  besoin  de  l'autorisation  maritale  (J.  Desmares,  76).  La  femme  séparée 
était  assimilée  à  la  femme  marchande  publique;  elle  pouvait  s'engager  et 
agir  en  justice ,  mais  elle  ne  pouvait  disposer  que  de  ses  meubles  et  reve- 
nus. Voy.  Laurière,  II,  p.  197  et  ss.  Loisel,  n°  126. 

(4)  Paris,  art.  234  et  236. 


646  essai  sur  l'ancienne 

La  mort  de  Ton  des  époux  entraînait  la  dissolution  de  la 
communauté  ;  on  procédait  au  partage  de  l'actif  et  du  passif. 
Ce  partage  se  faisait  par  moitié  entre  l'époux  survivant  et  les 
héritiers  du  défunt  (4). 

L'actif  à  partager  se  composait  de  tous  les  biens  communs, 
meubles  et  conquêts  :  «  Tous  les  conquests  que  les  mariés 
»  font  durant  le  mariage ,  sont  communs  à  eux ,  en  telle  ma- 
»  niôre  que  chacun  d'iceux  mariés  a  droict  en  la  moitié  desdits 
»  conquests  et  a  luy  appartient  icelle  moitié  de  son  plain  droict 
»  pour  sa  portion  »  (Coût,  not.,  49)  (2). 

Le  passif  comprenait  toutes  les  dettes  soit  antérieures,  soit 
postérieures  au  mariage  contractées  par  les  deux  conjoints  : 
<c  Se  l'un  des  deux  conjoints  par  mariage  va  de  vie  à  trespas- 
»  sèment ,  et  ils  doivent  aucunes  debtes  acereues  par  eux  ou 
»  par  l'un  d'eux  tant  avant  le  mariage  que  durant  iceluy,  le 
»  survivant  est  tenu  de  payer  la  moitié  des  debtes  et  les  héri- 
»  tiers  du  trespassé  l'autre ,  en  telle  manière  que  le  survivant 
»  en  demeure  chargé  et  tenu  de  la  moitié  tant  seulement,  et 
»  les  héritiers  du  trespassé  de  l'autre ,  et  non  de  plus  et  en 
»  peuvent  estre  poursuis  et  approchiez.  45  juin  4373  »  (Coût, 
not.,  468;  id.t  Coût,  not.,  45,  83)  (3). 

Il  fallait  excepter  les  frais  funéraires  qui  étaient  laissés  à  la 
charge  des  héritiers  du  défunt  :  «  Si  li  unz  des  deux  conjoins 
»  par  mariage  muert,  les  funérailles  sont  payés  des  biens  ou 
»  sur  la  part  du  mort ,  sans  ce  que  l'autre  survivant  desdis 
»  conjoins  soit  tenu  de  riens  en  payer  »  (J.  Desmares,  484 ; 
Coût.  not.9  70)  (4). 

Souvent  il  arrivait  qu'un  mari  donnait  à  sa  femme  par  con- 
trat de  mariage  une  somme  d'argent,  et  pour  en  assurer  Tina. 
Hénabilité,  on  stipulait  que  cette  somme  serait  déposée  au 
Temple,  par  exemple,  ou  qu'on  l'emploierait  en  acquisition 
d'immeubles  qui  étaient  déclarés  inaliénables.  J.  Lecoq(Qoasst., 

(1)  Paris,  art  229. 

(2)  Voy.  Gr.  Coutvmer,  liv.  II ,  chap.  32 ,  p .  322.  Paris ,  art.  230. 

(3)  Qlim,  II,  f.  51.  Boutaric,  n°  2295.  —  Paris ,  art.  221  et  228.  Voy.  Loi- 
sel,  Ut.  II  ;  Ut.  II,  n«  110  et  120. 

(4)  La  femme  du  condamné  à  mort  dont  les  biens  étaient  confisqués  n'était 
pas  tenue  des  dettes  :  «  La  famé  d'aucun  exécuté  pour  ses  démérites ,  duquel 
»  les  biens  sont  confisquez ,  n'est  pas  tenue  as  créanciers  de  son  mary  pour 
»  lamoytié  des  debtes  »  (J.  Desmares,  246). 


COUTUME   DE  PARIS.  647 

88)  se  demande  ce  qui  arrivait  lorsque  le  mari  venait  à  mou- 
rir avant  que  la  somme  ait  été  déposée  ou  convertie  en  im- 
muables :  «  An...,  nullis  ex  illo  matrimonio  procreatis  liberis, 
»  oapienda  erit  pecunia  ante  omnia  super  bonis  mariti  ad 
»  utilitatem  uxoris,  vel  si  pecunia  fuerit,  vivente  marito,  de- 
»  posifta,  si  convertenda  in  hsoreditagio  pro  ipsa  uxore  (1)?  » 

Powr  les  uns ,  il  n'y  avait  dans  l'espèce  qu'une  dette  person- 
nelle du  mari  envers  sa  femme  et  il  n'y  avait  pas  lieu  de  pré- 
lever la  somme  sur  les  biens  du  mari  ni  de  la  convertir  en 
immeubles.  Gomme  dette  personnelle  entre  époux ,  elle  tom- 
bait dans  la  communauté  et,  par  suite,  se  trouvait  comprise 
dans  le  partage  ;  il  y  avait  confusion  pour  partie  ;  mais  cette 
opinion  n'avait  pas  prévalu.  J.  Lecoq  la  combat  énergique- 
ment.  On  admettait  généralement  qu'on  devait  exécuter  la 
convention ,  en  prélevant  la  somme  promise  sur  les  biens  du 
mari  «  ...  débet  assignari  super  bonis  ipsius  mariti ,  nec  repu- 
»  Ubitur  esse  debitum  inter  eos  »  (Or.  Cwtinmier,  liv.  II , 
chap.  32,  p.  321). 

Cet  assignat  se  faisait  sur  un  ou  plusieurs  immeubles  d'une 
valeur  égale  à  la  somme  promise;  il  emportait  aliénation  de 
ces  immeubles  au  profit  de  la  femme.  Plus  tard,  au  xvie 
siècle,  la  femme  eut  seulement  un  droit  d'hypothèque  sur 
l'immeuble  ou  les  immeubles  assignés  (2). 

Par  suite  de  l'étendue  des  pouvoirs  du  mari ,  l'obligation 
pour  sa  femme  de  payer  la  moitié  des  dettes  parut  un  peu 
trop  dure  et  dès  le  xin*  siècle  on  lui  accorda  le  droit  de  s'y 
soustraire,  en  stipulant  dans  son  contrat  de  mariage  qu'elle 
reprendrait  son  apport  franc  et  quitte  :  «  Quand  un  mariage  se 
»  fait  par  telle  condition  que  la  famme  emportera  ce  qu'elle 
»  apportera  et  non  plus ,  en  cest  cas ,  si  le  mari  va  de  vie  à 
»  trespassement  et  la  femme  n'emporte  aulcune  chouse  des 
»  biens  de  son  mary,  fors  tant  seulement  ce  qu'elle  apporta  à 
»  mariage  avec  son  mary,  elle  n'est  tenue  de  payer  aulcune 
»  chouse  des  debtes  de  son  mary.  Aultrement  serait  se  il  estoit 

(1)  a.  Gr.  Coutuwûêr,  Ut.  II,  chap.  22,  p.  321  :  «  Et  si  aliquid  malien 
s  promiserit  [maritus]  in  contracta  matrimonii ,  si  maritas  moriatur  anteqaam 
»  dos  mulieri  fuerit  assigoata,  débet  assignari  super  bonis  ipsius  maritis, 
»  nec  reputabitur  esse  debitum  inter  eos.  »  Voy.  Loisel ,  liv.  III ,  n°  394. 

(2)  M.  Tardif,  à  son  cours  (1880).  —  Voy.  Loisel,  liv.  I,  Ut.  II,  n°  117- 


648  ESSAI  sur  l'ancienne 

»  dit  que  la  famme  emportent  certaine  somme  d'or  ou  d'argent, 
»  quar  a  donc  elle  paieroit  les  debtes  pour  la  rate  »  (J.  Des- 
mares, 129).  Cette  stipulation  était  d'autant  plus  utile  que 
jusqu'au  xv6  siècle  la  femme  ne  pouvait  renoncer  à  la  com- 
munauté et  se  soustraire  ainsi  au  paiement  des  dettes. 

En  effet,  le  droit  pour  la  femme  commune,  noble  ou  rotu- 
rière, de  renoncer  à  la  communauté  n'apparaît  pas  d'une  fa- 
çon très  nette  dans  les  textes  du  xm°  et  même  du  xive  siècle. 
Ce  qu'on  trouve ,  c'est  un  privilège  accordé  à  la  femme  noble 
de  renoncer  aux  meubles  pour  se  soustraire  au  paiement  des 
dettes.  Il  n'y  avait  là  rien  qui  ressemblât  à  une  renonciation  à 
la  communauté;  ce  n'était  qu'une  des  applications  du  prin- 
cipe généralement  admis  à  cette  époque,  que  les  meubles 
seuls  étaient  obligés  aux  dettes.  En  renonçant  aux  meubles , 
la  femme  noble  se  trouvait  quitte  des  dettes  (1);  le  passage 
suivant  du  Grand  Coutumier  nous  donne  les  raisons  qui  avaient 
fait  restreindre  aux  femmes  nobles  le  bénéfice  de  ce  privilège  : 
«  Et  la  raison  pourquoy  privillège  de  renonciation  leur  feust 
»  donné ,  ce  fut  pour  ce  que  le  mestier  des  hommes  nobles  est 
»  d'aller  as  guerres  et  voiages  d'oultre  mer  ;  et  a  ce  se  obli- 
»  gent,  et  aucunes  fois  y  meurent  et  leurs  femmes  ne  peuent 
»  pas  de  legier  estre  acertenées  de  leurs  obligations  faictes 
»  à  cause  de  leurs  voyages ,  de  leurs  rançons  et  de  leurs  ple- 
»  geries  qui  sont  pour  leurs  compagnies,  et  aultrement  »  (liv. 
II,  chap.  41 ,  p.  375). 

La  renonciation  à  la  communauté  procède  d'une  idée  ana- 
logue qui  ne  tarda  pas  à  s'imposer  dès  que  les  règles  de  la 
communauté  entre  époux  se  furent  dégagées  des  obscurités  et 
de  la  confusion  où  nous  les  trouvons  au  xme  et  même  dans  la 
plus  grande  partie  du  xive  siècle.  Les  pouvoirs  très  étendus 
du  mari ,  seigneur  et  maître  de  la  communauté ,  créaient  à  la 
femme  une  situation  trop  inférieure  pour  qu'on  n'essayât  pas 
de  lui  donner  un  moyen  de  se  soustraire  aux  conséquences  de 
l'autorité  presqu'absolue  de  son  mari.  Mais ,  par  une  anomalie 
qui  étonne,  il  semble  qu'on  n'ait  d'abord  songé  qu'à  protéger 
la  femme  noble  qui  pouvait  paraître  déjà  suffisamment  pro- 
tégée par  la  renonciation  aux  meubles ,  maintenue  en  sa  fa- 

(1)  Cf.  J.  Lecoq,  Quxst.  131.  —  Olirn,  II,  p.  240,  etc.  Beuguoi,  Doc.  inédits. 


COUTUME   DE   PARIS.  649 

veur  (1510 ,  art.  116).  Nulle  part,  il  n'est  question  delà  femme 
roturière,  en  faveur  de  laquelle,  on  aurait  pu  cependant,  dès 
le  xrve  siècle ,  faire  valoir  des  motifs  identiques  à  ceux  qu'é- 
numèrent  le  Grand  Coutumier  en  faveur  des  femmes  nobles* 
Devant  le  silence  absolu  des  textes,  il  paraît  bien  difficile 
d'admettre  que  la  femme  roturière  ait  eu  le  droit  de  renoncer  à 
la  communauté,  dès  le  xive  siècle.  Le  texte  de  l'article  115, 
de  la  Coutume  de  1510  ne  parle  que  des  femmes  nobles  et  il 
n'est  guère  permis  de  supposer  qu'on  ait  pu  enlever  aux  femmes 
roturières,  sans  protestation,  un  droit  aussi  favorable  que 
celui  de  renoncer  à  la  communauté.  Mais  la  jurisprudence  ne 
tarda  pas  à  admettre  en  leur  faveur  le  bénéfice  de  la  renon- 
ciation, bien  avant  la  réformation  de  1580  et  l'article  237  ne 
fit  que  confirmer  un  droit  préexistant  (1). 

Au  xiv°  siècle,  la  renonciation  de  la  femme  noble  s'accom- 
plissait par  une  cérémonie  symbolique;  la  femme  renonçante 
devait  jeter  sa  bourse  sur  la  fosse  de  son  mari  :  «  Et  ont 
»  d'usaige  si  comme  le  corps  est  en  terre  mis,  de  gecter  leurs 
»  bourses  sur  la  fosse  et  de  non  retourner  à  l'hostel  ou  les 
»  meubles  sont,  mais  vont  gésir  aultre  part,  et  ne  doibvent 
»  emporter  que  leur  commun  habit  sans  aultre  chose,  et 
»  parmy  ce,  elles  et  leurs  héritiers  sont  quittes  à  tous  jours 
»  des  debtes,  mais  se  il  y  a  fraulde  tant  soit  petite ,  la  renon- 
»  ciation  ne  vault  riens  »  (Gr.  Coutumier,  id.,  p.  376)  (2).  La 
veuve  perdait  le  bénéfice  de  la  renonciation  lorsqu'elle  dé- 
tournait tout  ou  partie  des  biens  communs  (J.  Lecoq,  Quœsl. 
131)  (3). 

La  communauté  pouvait  se  dissoudre,  au  xiv°  siècle,  par 
la  séparation  judiciaire.  La  femme  contre  laquelle  elle  était 
prononcée  perdait  son  douaire  et  les  autres  avantages  qu'a- 
vait pu  lui  constituer  le  mari.  Cette  séparation  était  pronon- 
cée par  le  juge  d'Église  :  «  Item  dicunt  quidam  quod  si  mulier 
»  peccavit  in  legem  matrimonii ,  perdit  dotem ,  si  probetur 
»  quod  est  verum  et  si  propter  hoc  separata  fuerit  per  judi- 

(1)  Dumoulin,  II,  p.  694.  —  Loisel,  Ut.  I,  tit.  u,  n°  113.  Voy.  Le  droit 
de  renonciation  de  la  femme  noble,  par  P.  Guilhiermoz  {Bibliothèque  de  l'École 
des  Chartes,  t.  XLIV  (1883).  —  Laboulaye,  Condition  des  femmes,  p.  289. 

(2)  Loisel,  M.,  n<>  132. 

(3)  a.  Loisel,  liv.  II,  tit.  u,  n*  133. 

Rbvob  hist.  —  Tome  VIII.  43 


650  ESSAI  sur  l'ancienne 

»  cem  ecclesiœ,  alias  non  »  (Gr.  Coutumier,  liv.  II,  chap.  32, 
p.  322).  Au  xvie  siècle,  le  juge  séculier  a  remplacé  le  juge 
d'Église  (1). 

La  mort  de  l'un  des  époux  n'entraînait  pas  nécessairement 
dans  notre  ancien  droit  la  dissolution  de  la  communauté.  On 
admettait,  en  effet,  que,  dans  certains  cas,  elle  pouvait  se 
continuer  avec  les  enfants.  Mais  cette  doctrine  ne  parvint  à 
triompher  qu'à  la  fin  du  xive  siècle.  Au  xm°  siècle ,  tout  ce 
que  les  enfants  acquéraient  durant  le  mariage  appartenait 
aux  père  et  mère,  c'est-à-dire  à  la  communauté  (J.  Desmares, 
248  (2),  sans  que  pour  cela  ils  fissent  «  compaignie  »  avec 
les  dits  père  et  mère  ;  il  en  était  de  même  après  la  mort  de 
l'un  des  époux;  ce  que  les  enfants  acquéraient,  appartenait 
au  survivant ,  sans  qu'il  y  eût  communauté ,  «  car,  dit  une 
»  sentence  du  Parloir  aux  bourgeois  du  8  juin  1293,  le  père 
»  ou  la  mère  sont  chief  d'ostel.  Ainsi  apert  il  que  quant  on 
»  ne  peut  compaignier  avecques  le  chief,  ceuz  qui  scent  de- 
»  souz  le  chief  ne  peuvent  compagnies...  (3).  » 

Mais  sous  l'influence  de  la  règle  que  tous  ceux  qui  vivaient 
en  commun  pendant  un  an  et  un  jour  contractaient  société  (4), 
on  admit  les  héritiers  du  conjoint  défunt  à  demander  com- 
munauté de  biens  avec  le  survivant ,  lorsque  ce  dernier  était 
resté  un  an  et  un  jour,  depuis  le  décès  de  son  conjoint,  sans 
faire  inventaire ,  partage  ni  division.  Ce  droit  appartenait  aux 
enfants  majeurs  ou  mineurs  :  «  Et  pour  ce ,  si  deux  conjoints 
»  ont  un  fils  et  après  l'un  d'iceux  conjoints  va  de  vie  à  tres- 
»  pas  et  depuis  ce,  iceluy  fils  demeure  avec  le  survivant,  sans 
»  faire  inventoire ,  partage ,  ne  division ,  tout  ce  que  le  sur- 
»  vivant  a  conquesté,  il  reviendra  à  communauté  avec  le  fils  » 
(Gr.  Coutumier,  liv.  II,  chap.  40,  p.  371)  (5). 

Au  xvie  siècle,  les  communautés  tacites  avaient  disparu 
dans  la  Coutume  de  Paris  ;  quant  à  la  continuation  de  com- 


(1)  Voy.  Laurière,  sur  l'article  224,  II,  p.  198-200. 

(2)  Id.,  Gr.  Coutumier,  liv.  II,  chap.  40,  p.  370. 

(3)  Le  Roux  de  Lincy,  Hitt.  del'H6tel-de-Ville,  p.  120.  Cf.  art.  118  (1510). 
Voy.  Laurière ,  sur  l'article  240. 

(4)  Arrêt  do  14  février  1322,  Bou tarie,  Actes  du  Parlement,  II,  p.  422. 
Beaumanoir,  XXI,  n°  5. 

(5)  M.,  Gr.  Coutumier,  id.,  p.  365.  Loisel,  liv.  III,  tit.  m,  n°»  386-387. 


COUTUME   DE  PARIS.  651 

munauté,  elle  demeura  seulement  en  usage  en  faveur  des 
enfants  mineurs  qui  purent  la  demander,  lorsque  le  survi- 
vant n'avait  pas  fait  inventaire  (art.  240-241)  (1). 

Lorsque  le  survivant  se  remariait ,  la  communauté  pouvait 
encore  se  continuer,  mais  pour  le  tiers  seulement  et  de  la 
façon  suivante  :  «  Item  que  si  ung  homme  se  marie  et  de  ce 
»  premier  mariage  ait  enfans,  et  après  sa  femme  meurt,  se 
»  depuis  secondement  il  se  marie  à  une  aultre  femme ,  sans 
»  faire  inventoire ,  partaige  ou  division  à  ses  dicts  enfans ,  par 
»  l'usage  et  coustume  de  la  ville  de  Paris ,  tout  leur  demeure 
»  commun  et  de  tout  sera  fait  trois  parties  dont  le  père  aura 
»  l'une ,  les  enfans  r aultre  et  la  seconde  femme  l'aultre ,  sup- 
»  posé  qu'elle  ait  peu  ou  assez  apporté...  »  (Gr.  Coutumier, 
liv.  II,  chap.  40,  p.  366)  (2). 

CHAPITRE  ONZIÈME. 
Du  douaire. 

On  peut  faire  remonter  l'origine  du  douaire  au  droit  germa- 
nique. Tacite  nous  apprend  que  chez  les  Germains  il  était 
d'usage  que  le  mari  offrît  une  dot  à  la  femme  :  «  Dotem  non 
»  uxor  marito,  sed  uxori  mari  tus  offert  »  (De  moribus  Germa. 
norum,  v,  §  18)  (3). 

Sous  l'influence  de  l'Église,  cet  usage  de  constituer  une  dot 
aux  femmes,  persista  chez  les  Gallo-Romains  ;  ce  devint  même 
une  obligation  que  nous  trouvons  confirmée  par  les  Capitu- 
laires.  Point  de  mariage  sans  dot,  telle  était  la  règle  aux 
Xe  et  xie  siècles.  Elle  était  encore  en  usage  à  la  fin  du  xn*, 
ainsi  que  le  rapporte  Beaumanoir  (XIII,  n°  12)  (4). 

Le  douaire  pouvait  être  conventionnel  ou  légal,  c'est-à-dire 
réglé  par  la  coutume  indépendamment  de  toute  convention. 

On  a  prétendu  qu'avant  Philippe-Auguste  le  douaire  était 
toujours  conventionnel,  et  que  ce  serait  à  l'ordonnance  de 
1214   qu'il  faudrait  rattacher  l'origine   du   douaire  cou  tu - 

(1)  Cf.  (1510),  art.  118. 

(2)  Cf.  Paris,  art.  242. 

(3)  Voy.  Du  Cange,  v°  Morganegeba.  —  Glossaire  du  droit  français ,  v 
Douaire. 

(4)  Du  Cange ,  v1»  Dos,  Doarium,  Loisel,  liv.  I,  tit.  m. 


652  essai  sur  l'ancienne 

mier  (1).  Il  paraît  plus  probable  que  l'ordonnance  de  Philippe- 
Auguste  (2)  ne  fit  que  consacrer  un  état  de  chose  préexistant; 
la  seule  innovation  introduite  par  l'ordonnance  fut  de  porter 
la  quotité  du  douaire  du  tiers  à  la  moitié  (3).  Et  encore  cela 
est-il  douteux ,  car  on  trouve  des  chartes  du  xitt  siècle  qui 
attribuent  à  la  femme  à  titre  de  douaire  la  moitié  des  immeu- 
bles du  mari.  D'ailleurs ,  même  après  1214,  le  douaire  resta 
fixé  au  tiers  dans  un  grand  nombre  de  coutumes  (4). 

Dans  la  prévôté  et  vicomte  de  Paris  on  avait  admis  la  quo- 
tité fixée  par  l'ordonnance  de  Philippe-Auguste  :  «  Mary  ne 
»  puet  doer  sa  femme  que  de  douaire  coutumier,  c'est  à  sca- 
»  voir,  de  la  moitié  de  ses  biens  et  non  plus  »  {Coût,  not., 
59)  (5).  Mais  cette  limite  à  la  moitié  des  biens  qu'on  ne  pou- 
vait dépasser  par  convention  ,  ne  s'appliquait  qu'aux  nobles  : 
«  Un  noble  ne  puet  doer  sa  famé  par  convenance  expresse 
»  oultre  la  moitié  de  ses  biens;  aultrement  est  en  personne 
»  non  noble  »  (J.  Desmares,  218).  Pour  les  non-nobles,  il  n'y 
avait  d'autre  limite  que  la  fortune  du  mari  :  «  Par  la  Cous- 
»  tume ,  le  maris  ne  puet  doer  famme  de  plus  que  il  n'a  vail- 
»  lant»  (J.  Desmares,  137)  (6). 

Le  douaire  devait  être  constitué  à  la  femme  avant  la  célé- 
bration du  mariage  :  «  Li  homs  ne  puet  douer  sa  famé ,  ne  a 
»  elle ,  à  cause  de  son  douaire ,  soy  obligier  durant  le  mariage 
»  d'eulx  deus,  et  se  fait  le  contraire,  l'obligation  est  nulle  et 
»  de  nul  effet  »  (J.  Desmares,  219)  (7).  On  trouve  un  certain 
nombre  d'arrêts  du  xme  siècle  qui  déclarent  suffisante  la  simple 
promesse ,  faite  par  le  mari ,  avant  la  célébration  du  mariage, 
de  constituer  un  douaire  à  sa  femme  (8). 

C'est  «  au  coucher  »  que  la  femme  gagnait  son  douaire; 
c'était  par  la  consommation  que  le  mariage  était  réputé  ac- 

(1)  Troplong,  Contrat  de  mariage ,  p.  109. 

(2)  Isambert,  I,  p.  211. 

(3)  Laboulaye,  Condition  des  femmes ,  p.  119-1 20. 

(4)  Bretagne,  art.  336.  —  Anjou,  art.  299.  Voy.  Olim,  arrêt  de  1264.  Bon- 
daric,  n<>  890. 

(5)  OKnt,  IV,  p.  346. 

(6)  Mais  dès  le  commencement  du  xv«  siècle ,  on  appliqua  aux  roturiers 
la  même  règle  qu'aux  nobles.  Voy.  Loisel,  1,  n°  139. 

(7)  ld.,  Gr.  Coutumier,  liv.  II,  chap.  32,  p.  321. 

(8)  Olim,  I ,  f°  56. 


COUTUME   DE  PARIS.  653 

compli  :  «  Item  par  la  Coustume  de  France,  la  femme  gagne 
»  son  doaire  quant  elle  a  jeu  avec  son  mari  en  lit  seule ,  en 
»  lui  accédant  et  autrement  non  (1).  »  Mais  dès  la  fin  du  xv* 
siècle ,  on  admit  que  la  femme  aurait  droit  au  douaire  à  partir 
de  la  bénédiction  nuptiale  (2). 

Nous  avons  vu  qu'aux  xme  et  xive  siècles,  il  n'y  avait  point 
de  mariage  sans  douaire.  Mais ,  durant  le  mariage ,  la  femme 
pouvait  renoncer  à  son  douaire  (3).  Au  xvne  siècle  on  admit 
même  «  contre  l'usage  de  neuf  ou  de  dix  siècles  »  que  la 
femme  pourrait  renoncer  au  douaire ,  par  son  contrat  de  ma- 
riage (4). 

Le  douaire  portait  sur  tous  les  biens ,  immeubles  et  héri- 
tages, que  possédait  le  mari  au  jour  du  mariage;  il  compre- 
nait la  moitié  ,  en  usufruit ,  de  ces  biens  :  «  La  famé  est  douée 
»  sur  tous  les  biens  immeubles  et  héritages  que  tenoit  le  mary 
»  au  jour  de  leurs  noces  et  y  a  la  moytié  en  usufruit  à  cause 
»  de  son  douaire;  se  ainsi  n'estoit  qu'elle  ne  fust  de  exprès  et 
»  espécial  douaire  par  convenance  expresse,  et  en  cas  que 
»  iceulx  héritages  ne  seroient  chargés  d'autre  douaire.  En 
»  pays  Coustumier  douaire  duquel  mention  est  faite  premiè- 
»  rement ,  n'emporte  que  usufruit  sans  propriété...  »  (J.  Des- 
mares, 175;  Id.,  Coût,  not.,  51)  (5).  Le  douaire  portait,  en 
outre,  sur  tous  les  biens  échus  au  mari  par  succession,  ou 
donation ,  en  ligne  directe  :  «  In  medietate  eorum  qui  sibi 
»  obveniunt  postea....,  successione  directa  »  (Gr.  Coût.,  liv. 
II ,  chap.  32,  p.  322)  (6).  Mais  étaient  exclus  les  biens  ve- 
nant de  ligne  collatérale.  Ces  biens,  en  effet,  tombaient  en 
communauté  et  le  douaire  ne  pouvait  se  prendre  que  sur  les 
biens  propres  du  mari  :  «  Famé  ne  puet  demender  es  chouses 
»  qui  viegnent  de  ligne  collatérale  depuys  les  noces ,  à  cause 
»  de  douaire  »  (J.  Desmares,  215)  (7). 

Lorsque  les  parties  fixaient  par  convention  un  douaire  spé- 

(1)  Mss  franc.,  Bibliot.  nat.,  n°  18419,  f.  86. 

(2)  Voy.  Laurière,  sur  l'article  248,  II,  p.  255. 

(3)  Arrêt  de  1268.  Olim,  I,  f.  165  v°. 

(4)  Laurière,  sur  l'article  247,  II,  p.  254. 

(5)  Paris  (1510),  article  136.  —  1580,  article  248. 

(6)  Cf.  Arrêt  de  1268,  Olim,  I ,  f.  165  v°. 

(7)  Voy.  Laboulaye,  loc.  cit.,  p.  265. 


654  ESSAI  sur  l'ancienne 

cial,  ce  douaire  faisait  cesser  le  douaire  légal  ou  couiumier. 
Nous  trouvons,  en  effet,  dans  la  plupart  des  textes  qui  parlent 
du  douaire  coutumier,  cette  restriction  :  «  ....  Se  ainsi  n'es- 
»  toit  qu'elle  ne  fust  douée  de  exprès  et  spécial  doaire  et  par 
»  convenance  d'expresse...  »  (Coût,  not.,  51;  J.  Desmares, 
175,  etc.)  (1). 

Il  y  avait  une  différence  capitale  entre  le  douaire  coutumier 
et  le  douaire  conventionnel.  La  femme,  dès  le  décès  de  son 
mari ,  était  saisie  du  douaire  coutumier,  mais  non  du  douaire 
constitué  «  par  convenance  expresse  »  :  «  La  famé ,  son  mary 
»  mort ,  est  censée  estre  dame  et  havoir  la  possession  et  sai- 
»  sine  du  douaire  coustumier,  sans  ce  que  luy  soit  baillié  par 
»  les  hoirs  de  son  mary  ;  aultrement  est  en  douaire  especia- 
»  lement  constitué ,  sans  convenance  expresse.  Aultrement 
»  seroit  de  ligne  directe.  Item  douaire  exprès  ne  queurt  jus- 
»  ques  a  tant  qu'il  soit  demandé  »  (J.  Desmares,  216).  Par 
suite ,  les  arrérages  du  douaire  coutumier  couraient  du  jour  du 
décès,  tandis  qu'en  cas  de  douaire  préfîx  ou  conventionnel  » 
ils  ne  couraient  que  du  jour  de  la  demande  en  jugement.  Telle 
était  encore  la  règle  suivie  au  commencement  du  xvie  siècle 
(art.  140  et  143  de  la  Coutume  de  1510).  Lors  de  la  réforma- 
tion en  1580,  on  supprima  cette  distinction  et  l'article  35ti 
décida  que  le  douaire  préfîx  saisirait  comme  le  douaire  coutu- 
mier (2). 

A  l'origine ,  dans  le  droit  germanique ,  la  dot  constituée  à 
la  femme  avait  surtout  pour  but  de  lui  assurer  des  moyens 
d'existence  après  le  décès  de  son  mari.  Mais  lorsqu'on  eut 
admis  entre  époux  la  communauté  de  biens  et  le  partage  par 
moitié  de  cette  communauté ,  la  nécessité  de  pourvoir  aux  be- 
soins de  la  femme  s'amoindrit,  et  on  fut  amené  à  modifier  la 
nature  du  douaire ,  et  à  en  faire  bénéficier  les  enfants.  Le 
douaire  ne  fut  plus  alors  regardé  comme  la  propriété  exclusive 
'  de  la  femme ,  il  devint  aussi  le  propre  héritage  des  enfants 
nés  du  mariage  (3)  :  «  Douaire  coustumier  ou  exprès  est  pro- 
»  pre  héritage  des  enfans  nés  d'yceluy  mariage ,  en  telle  ma- 
»  nière  que  au  préjudice  des  dis  enfans  le  père  ou  mère  ne  le 

(1)  Paris,  article  247. 

(2)  Laurière ,  II,  p.  280. 

(3)  Voy.  Beaumanoir,  X11I,  n"  2, 12,  18.  Loisel,  n°  158.  Paris,  art.  255. 


COUTUME   DB   PARIS.  655 

»  puent  vendre,  aliéner,  ne  chargier,  sans  consentement  des 
»  dis  enfans ,  eulx  estans  aagez ,  se  ce  n'est  par  autorité  de 
»  justice  ou  par  povreté  jurée  »  (J.  Desmares,  283;  Coût,  not., 
82).  Le  douaire  ne  pouvait  donc  s'aliéner  qu'avec  autorisation 
de  justice  ou  en  cas  de  pauvreté  jurée.  Cette  inaliénabilité 
n'était  qu'une  application  au  douaire  des  anciennes  idées  ger- 
maniques sur  la  copropriété  de  famille  (1). 

Le  douaire  étant  le  propre  héritage  des  enfants,  ces  der- 
niers l'acquéraient  alors  même  qu'ils  n'étaient  pas  héritiers  de 
leurs  père  et  mère,  et  les  créanciers  du  père  ou  de  la  mère 
n'avaient  aucun  droit  sur  les  héritages  venus  du  douaire  : 
«  ...  et  puent  lesdits  enfants,  après  la  mort  de  leurs  père  et 
»  mère,  en  jouir  paisiblement  sans  doubte  de  créancier  de  père 

»  seul  et  dont  ils  ne  sont  héritiers  aucunement et  si  un 

»  des  créanciers  du  père  vient  sur  les  héritages  venus  du 
»  douaire ,  il  le  fait  à  tort  et  les  enfants  peuvent  s'y  opposer  » 
(Coût,  not.,  82)  (2). 

Le  mari ,  à  la  mort  de  la  femme ,  recouvrait  la  jouissance 
des  biens  composant  le  douaire;  s'il  se  remariait,  le  douaire 
de  sa  seconde  femme  ne  portait  pas  sur  ces  biens ,  auxquels 
les  enfants  du  premier  lit  avaient  seuls  droit,  à  l'exclusion  de 
ceux  issus  du  second  mariage  :  «  Se  un  home  est  mariez  et  sa 
»  feme  ait  enfans  de  H  et  la  mère  soit  morte,  li  enfans  qui  de- 
»  meurent  auront  lor  partie  de  la  mère,  et  le  douaire  eschiet 
»  au  père.  Se  père  se  marie  seconde  fois ,  il  doue  sa  feme  de 
»  la  moitié  de  ce  qui  li  demore ,  s'il  ni  a  certaine  chose  motié. 
»  Et  se  ceste  seconde  feme  a  enfans  et  elle  muert,  li  enfans 
»  ont  la  partie  de  la  seconde,  et  les  premiers  enfans  ont  le 
»  douaire  de  lor  mère  aprez  la  mort  du  père  et  puis  partiront 
»  tous  les  enfans ,  comme  frères  et  suers ,  a  tout  ce  qui  de- 
»  mourra  de  par  le  père  »  (Const.  du  Châtelet,  26  ;  id.  Gr.  Cou- 
tumier,  liv.  11,  chap.  27,  p.  300-301)  (3). 

(1)  «  Item  nota  que  le  douaire  est  propre  héritage  aux  enfants  qui  naissent 
»  d'iceluy  mariage,  en  telle  manière  que  en  leur  préjudice,  le  père  ou  la 
»  mère  ne  les  peuvent  vendre,  aliéner  ne  eschanger  sans  le  consentement 
»  desdits  enfans,  eulz  estant  en  aage,  se  ce  n'est  par  auctorité  de  justice  ou 
»  povreté  jurée  »  ifir.  Coût.,  liv.  II,  chap.  32,  p.  322).  Arrêt  du  15  mars  1326 
(Jugés,  I,  fo  445  v«),  Boutaric,  n°  7823. 

(2)  J.  Desmares,  217.  Cf.  Paris,  art.  250. 

(3)  Paris,  art.  253. 


656  ESSAI  sur  l'ancienne 

La  mère  douairière  était  tenue  de  certaines  obligations. 
Ainsi  elle  devait  entretenir  et  réparer  les  biens  qui  compo- 
saient le  douaire,  et  le  mineur  «  venu  en  aage  »  avait  une 
action  contre  sa  mère  pour  ces  réparations  (1)  :  «  Iceiuy  enfant 
»  en  son  parfait  aage  et  ses  ayans-cause  ne  sont  tenus  de  rien 
»  mettre  du  leur  pour  soustenir  iceiuy  douaire,  jusques  à  tant 
»  que  la  mère  ait  mis  en  bon  estât  la  maison  tenue  en  fief  ou 
»  en  tel  qu'elle  estoit  quand  le  mari  trespassa  et  qu'elle  prit  la 
»  garde,  et  y  est  tenue  et  ne  puet  faire  demande  jusques  à  tant 
»  qu'elle  ait  ce  fait;  ainsi  ont  les  dessusdits  bonne  action  pour 
»  ce  faire  »  (Coût,  not.,  103;  J.  Desmares,  187,  196).  En  un 
mot,  elle  était  tenue  de  toutes  les  obligations  d'un  usufrui- 
tier :  «  Se  une  .femme  est  doée  d'aucun  héritage  ou  maisons, 
»  elle  les  doit  soutenir  de  couvertures,  cloisons,  de  fenestres 
»  et  choses  touchant  closture  et  le  propriétaire  gros  murs  et 
»  poutres...  »  (Coût,  not.,  104)  (2). 

D'après  la  Coutume  de  France,  les  veuves  pouvaient  porter 
les  demandes  relatives  à  leur  douaire ,  à  leur  choix ,  soit  à  la 
cour  d'Église ,  soit  à  celle  du  seigneur;  c'est  ce  que  décide  un 
arrêt  du  Parlement  de  1269,  déboutant  l'évêque  de  Beauvais 
qui  soutenait  la  prétention  contraire  (3). 

CHAPITRE  DOUZIÈME. 
De  la  garde  noble  et  bourgeoise. 

Lorsqu'un  possesseur  de  fiefs  venait  à  mourir,  laissant  des 
enfants  en  bas-âge ,  les  services  féodaux ,  auxquels  le  vassal 
se  trouvait  assujetti ,  ne  pouvaient  plus  être  remplis  ;  le  con- 
trat féodal  était  rompu ,  et  dans  les  premiers  temps  de  la  féo- 
dalité, le  seigneur  exerçait  alors  «  la  commise  par  défaulte 
»  d'homme  (4).  » 

On  ne  tarda  pas  à  apporter  un  tempérament  à  ce  droit  ri- 
goureux. Le  seigneur  continua  bien  à  saisir  le  fief  à  la  mort 
du  vassal ,  mais  cette  saisie  ne  fut  plus  considérée  que  comme 

(1)  Paris,  art.  262. 

(2)  Nous  avons  va  au  chapitre  Des  fiefs  que  la  douairière  ne  payait  point 
de  droit  de  rachat  à  cause  de  son  douaire. 

(3)  Olim,  I,  f<>  169.  Bou tarie,  no  1364. 

(4)  Voy.  Laurière,  II,  p.  290. 


COUTUME   DB  PARIS.  657 

un  séquestre  temporaire ,  et  s'il  percevait  tous  les  revenus  du 
fief  pendant  la  saisie,  le  seigneur  devait  du  moins  prélever 
sur  ces  revenus  ce  qui  était  nécessaire  à  l'entretien  des  en- 
fants mineurs  jusqu'à  leur  majorité ,  époque  à  laquelle  il  de- 
vait leur  donner  l'investiture  (1). 

Ce  droit  s'adoucit  encore  au  profit  des  mineurs  et ,  dès  la 
fin  du  xie  siècle ,  on  admit  que  le  seigneur  ne  saisirait  plus 
le  fief,  lorsque  l'un  des  parents  voudrait  se  charger  de  le  des- 
servir, moyennant  la  jouissance  des  revenus,  et  à  la  charge 
d'élever  et  d'entretenir  l'enfant.  Telle  fut  l'origine  du  bail  (2). 
Dans  l'Ile  de  France  on  alla  encore  plus  loin ,  et  alors  même 
qu'aucun  des  parents  de  l'enfant  ne  voulait  se  charger  de  des- 
servir le  fief,  on  décidait  que  le  seigneur  ne  pratiquerait  pour 
cela  ni  commise,  ni  saisie,  mais  qu'il  donnerait  souffrance, 
c'est-à-dire  qu'il  consentirait  à  ce  que  le  fief  ne  fût  pas  des- 
servi pendant  la  minorité  (3). 

Lorsque  le  père  ou  la  mère,  l'aïeul  ou  l'aïeule,  desservaient 
les  fiefs  de  Meurs  enfants  mineurs,  le  bail  prenait  le  nom  de 
garde  (4). 

Ces  mots  garde  et  bail  ont  eu  d'ailleurs,  au  xme  siècle,  dif- 
férentes acceptions  variant  suivant  les  coutumes  et  qu'il  im- 
porte de  bien  déterminer.  En  Normandie,  bail  et  garde  étaient 
synonymes  et  désignaient  l'administration  des  fiefs  d'un  mi- 
neur (5). 

Dans  la  plupart  des  autres  coutumes,  on  distinguait  le 
bail  de  la  garde.  L'administration  des  biens  du  mineur  était 
confiée  au  plus  proche  parent  du  côté  d'où  venait  les  fiefs , 
c'est-à-dire  au  plus  proche  héritier;  lorsque  ce  parent  appelé 
bail  ou  baillistre  était  un  collatéral,  on  se  gardait  bien  de 
mettre  entre  ses  mains  la  personne  de  l'enfant  dont  il  était 
l'héritier  présomptif,  et  à  côté  du  bail  destiné  à  assurer  la 

(i)  Voy.  Du  Cange,  v»  Bajulut. 

(2)  Cf.  Glossaire  du  droit  français ,  v°  Bail  du  mineur. 

(3)  Loisel,  liv.  I,  tit.  îv,  n°  476. 

(4)  J.  Desmares ,  256.  Gr.  Coutumier,  liv.  II,  chap.  27,  p.  292. 

(5)  En  Normandie ,  au  xue  siècle ,  le  mot  garde  désigne  la  main-mise  sur 
les  fiefs  du  mineur,  par  le  duc  et  ensuite  par  le  roi.  Dans  an  arrêt  du  Parle- 
ment de  1280,  rendu  d'après  la  Coutume  de  Normandie,  il  est  dit  que  les 
biens  propres  du  mineur  sont  sous  la  garde  du  roi  comme  baillistre.  Olim. 
Boutade,  n<>  2302. 


658  ESSAI  sur  l'ancienne 

bonne  gestion  des  biens,  on  organisait  une  garde,  on  confiait 
la  protection  et  l'éducation  de  l'enfant  à  un  parent  de  l'autre 
ligne  (1).  On  faisait  exception  en  faveur  de  certains  collaté- 
raux ,  les  frères  ou  sœurs ,  qui  ne  pouvaient  inspirer  aucune 
défiance.  Ce  bail  ne  comprenait  que  les  biens  nobles;  on 
trouve ,  à  la  même  époque ,  une  sorte  de  garde  pour  les  biens 
roturiers  ;  ils  étaient  administrés  par  un  gardien  qui  percevait 
les  fruits  pour  le  compte  du  mineur  (Coût.  not.y  157)  (2). 

Ces  trois  acceptions  du  mot  garde  —  garde,  synonyme 
de  bail  en  Normandie  —  garde  opposée  au  bail  dans  les 
autres  provinces  —  garde  spéciale  aux  biens  roturiers,  domi- 
naient surtout  au  xine  siècle.  Dès  la  fin  de  ce  siècle  apparaît 
un  sens  plus  étendu  ;  le  bail  et  la  garde  se  confondent,  c'est- 
à-dire  ,  qu'au  lieu  de  donner  le  bail ,  l'administration  des  fiefs 
au  collatéral  plus  proche  héritier  du  mineur,  on  le  remet  au 
gardien ,  généralement  un  ascendant.  Cette  réunion  entre  les 
mêmes  mains  du  bail  et  de  la  garde  forme  ce  qu'on  appelle 
la  garde  noble  (3). 

Enfin ,  c'est  au  xive  siècle  qu'apparaît  la  garde  roturière 
ou  plutôt  bourgeoise ,  accordée  par  privilège  spécial  aux 
bourgeois  de  la  ville  de  Paris  (4). 

Nous  trouvons  donc ,  à  cette  époque ,  dans  la  Coutume  de 
la  prévôté  et  vicomte  de  Paris ,  deux  sortes  de  garde ,  la 
garde  noble  et  la  garde  bourgeoise.  On  appliqua  à  cette  der- 
nière ,  par  analogie ,  les  principales  règles  de  la  garde  noble. 

La  garde  noble  était  confiée  aux  pères  ou  mères  et,  à  leur 
défaut,  aux  ascendants  :  «  Enfant  noble,  orphelin  de  père 
»  et  mère  et  ayant  ayol ,  icelui  ayol  à  la  garde  dudit  orphelin 
»  et  aussi  à  cause  de  la  garde  acquiert  tous  les  meubles  des- 
»  dits  père  et  mère  et  qu'ils  avoient  au  temps  de  leur  trespas, 
»  solvendo  débita,  notissima  inter  nobiles  »  (Coût.  not.t  25)  (5). 

(1)  «  Ne  doit  pas  garder  l'agnel ,  qui  doit  en  avoir  le  pel.  »  C'est  par  cette 
maxime  qu'on  expliquait  le  partage  des  soins  à  donner  à  la  personne  et  aux 
biens  du  mineur.  On  craignait  que  le  gardien ,  héritier  présomptif  du  mi- 
neur, ne  fût  tenté  d'abréger  les  jours  de  son  pupille  pour  s'emparer  de  ses 
biens  {Établis*,  de  saint  Louis,  Isambert,  II,  p.  270).  Cf.  Olim,  II,  f.  52. 

(2)  Voy.  Beaumanoir,  XV,  n°  7. 

(3)  M.  Tardif,  à  son  cours  (1880). 

(4)  Voy.  Laurière,  II,  p.  293. 

(5)  Paris,  art.  265. 


COUTUME  DE  PARIS.  659 

A  défaut  d'ascendant,  le  collatéral  le  plus  proche  pouvait 
prendre  l'administration  et  la  garde  de  l'enfant  mineur  : 
«  Père  et  mère ,  aieul  et  aieulle  ont  garde  des  enfans  soubs 
»  aage.  Frères  et  suers,  oncles  et  nepveux,  cousins  et  parens 
»  de  ce  costé,  ont  bail  »  (Gr.  Coutumier,  liv.  II,  chap.  27,  p. 
292)  (1).  Mais  l'aïeul  était  toujours  préféré ,  même  pour  les 
biens  venant  de  l'autre  ligne. 

Le  gardien  noble  avait  l'administration  des  immeubles  du 
mineur;  il  faisait  siens  tous  les  fruits  et  revenus,  et  il  acqué- 
rait même  la  propriété  des  meubles  :  «  ...  Tous  les  meubles 
»  et  revenus  des  enfants  sont  au  gardien...  »  (Gr.  Coutumier, 
id.,  p.  293;  Coût.  not.y  25)  (2).  Ce  droit  de  propriété  sur  les 
meubles  parut  exorbitant;  il  disparut  dès  la  première  rédac- 
tion de  la  Coutume  (1510,  art.  99)  (3). 

Que  devait-on  décider  relativement  aux  meubles  échus  au 
mineur  pendant  la  garde  par  succession  soit  directe,  soit 
collatérale,  ou  par  legs  et  donation?  Devenaient-ils  la  pro- 
priété du  gardien?  La  question  paraît,  de  tout  temps,  avoir 
été  très  controversée;  nous  la  voyons  encore  discutée  au  xvie 
siècle  pour  les  fruits  et  revenus  des  immeubles.  Certains 
auteurs  distinguaient  entre  les  meubles  venus  de  ligne  directe 
et  ceux  venus  de  ligne  collatérale  (4)  ;  les  premiers  devaient 
seuls  tomber  en  garde.  Mais  cette  distinction  ne  prévalut  pas, 
et  la  plupart  des  textes  du  xive  siècle  décident  que  tous  les 


(1  )  «  Garde  a  lieu  en  ligne  directe ,  bail  en  ligne  collatérale  »  (J.  Desma- 
res, 256).  Au  xvie  siècle,  le  bail  disparaît.  Eu  1510,  lors  de  la  première  rédac- 
tion de  la  Coutume ,  on  soumit  aux  commissaires  un  article  conforme  au  droit 
antérieur,  d'après  lequel  il  était  a  loisible  au  plus  prochain  parent  et  ligna- 
»  ger  d'aucuns  enfans  mineurs  en  ligne  collatérale  d'accepter  le  bail  desdits 
»  mineurs,  *  avec  les  mômes  droits  et  charges  que  le  gardien.  Après  diverses 
observations  sur  le  préjudice  qui  pouvait  en  résulter  pour  le  mineur,  cet  ar- 
ticle fut  supprimé  {Coutumier  général,  III,  p.  22). 

(2)  Voy.  J.  Desmares,  281.  Coût,  not.,  28.  Cf.  Paris,  art.  268. 

(3)  Voy.  Laurière,  sur  l'article  267. 

(4)  Cette  distinction  était  admise  en  Normandie  ainsi  que  l'indique  un  arrêt 
de  1280,  déjà  cité.  Cet  arrêt  décidait  que  le  fils  aîné  de  Guillaume  de  Vier- 
ville  ne  devait  pas,  selon  la  coutume  de  Normandie,  prendre  sa  nourriture 
sur  les  revenus  des  biens  qui  étaient  sous  la  garde  du  roi ,  si  les  revenus  des 
etehoites  (successions  collatérales)  qui  n'entr oient  pat  dans  le  bail,  suffisaient 
à  son  entretien. 


660  ESSAI  sur  l'ancienne 

meubles  qui  échoient  aux  mineurs  pendant  la  garde  appar- 
tiennent aux  gardiens  (1). 

Aux  xne  et  xin*  siècles ,  les  biens  nobles  étaient  seuls  com- 
pris dans  la  garde;  quant  aux  biens  roturiers,  ils  étaient 
soustraits  à  l'administration  du  gardien  ou  baillistre.  On  les 
confiait  à  un  simple  gardien,  qui  les  administrait  sans  rien 
percevoir  pour  lui-même  et  qui  devait  rendre  compte  à  la 
majorité  de  l'enfant  :  «  En  la  ville,  prevosté  et  vicomte  de 
»  Paris ,  rentes ,  héritages ,  possession ,  mouvans  et  tenus  en 
»  censives  ne  echeent  et  ne  peuvent  choir  en  bail ,  ne  un 
»  bailleur  ne  puet  ne  ne  doit  faire  les  fruits  siens,  mais  con- 
»  vient  que  de  toutes  choses  tenues  en  censives ,  compte  soit 
»  fait  et  rendu  aux  mineurs  quand  ils  sont  devenus  aagiez 

»  ou  à  ceux  qui  ont  d'eux  le  droit  et  la  cause »  (Coût,  not., 

157)  (2). 

Mais  la  Coutume  notoire,  157,  ajoute  :  «  Excepté  que  en  la 
»  ville  et  banlieue  de  Paris ,  le  père  ou  la  mère  ou  l'ayol  ou 
»  l'ayole  ayant  la  garde  d'enfans  meneurs  font  les  fruits  leurs 
»  par  le  bénéfice  de  garde  des  choses  mouvans  en  censive 
»  et  n'en  sont  tenus  de  rendre  compte.  »  Par  suite  de  ce  pri- 
vilège ,  les  bourgeois  de  Paris  purent  avoir  la  garde  de  leurs 
enfants  mineurs,  alors  même  qu'ils  ne  possédaient  pas  de 
fiefs.  Cette  garde  bourgeoise  présentait  une  grande  analogie 
avec  la  garde  noble  (3)  ;  le  gardien  bourgeois  avait  l'adminis- 
tration des  biens  de  son  enfant  mineur,  et  il  faisait  siens  tous 
les  fruits  et  revenus  ;  mais  il  n'acquérait  pas ,  comme  le  gar- 
dien noble ,  la  propriété  des  meubles  (Gr.  Coutumier,  liv.  II, 
chap.  41,  p.  374).  La  différence  s'accentuait  pour  les  charges 
et  obligations  auxquelles  étaient  soumises  le  gardien. 

Le  gardien  noble  était  obligé  de  payer  les  dettes  du  mi- 

(1)  Voy.  Laurière,  sur  l'article  269,  p.  301  etss. 

(2)  C'est  d'après  la  nature  des  bieas  et  non  d'après  la  condition  des  per- 
sonnes qu'on  décidait  s'il  y  avait  lieu  ou  non  à  bail.  Les  fiefs  possédés  par 
des  roturiers  étaient  soumis  au  bail  comme  les  fiefs  nobles  :  «  L'en  dit  que  un 
»  homme  de  pooste  n'a  point  de  bail ,  c'est  à  entendre  quand  il  n'ont  point 
»  de  terre  de  fief,  car  se  il  ont  fief,  puet  avoir  bail  et  l'emporte  le  plus  pro- 
»  cheins,  si  corne  je  vous  ai  dit  dessus  des  gentilshoums  »  (Beaumanoir,  XV, 
no  23).  Voy.  Laurière,  sur  l'article  265,  II,  p.  293-294. 

(3)  Au  xvi«  siècle  le  père  ou  la  mère  avaient  seuls  le  droit  de  garde  bour- 
geoise, et  non  l'aïeul  ou  l'aïeule.  Cf.  Paris,  1510,  art.  101;  1580,  art.  266. 


COUTUME   DK   PARIS.  661 

neur.  Cette  obligation  n'était  que  la  conséquence  du  principe, 
si  souvent  appliqué  à  cette  époque ,  que  celui  qui  avait  les 
meubles  payait  les  dettes  (Coût,  not.,  25  ;  Gr.  Coût.,  p.  374)  (1). 
Aussi  décidait-on  que  le  gardien  bourgeois ,  qui  n'acquérait 
pas  la  propriété  des  meubles ,  ne  devait  point  payer  les  det- 
tes (2);  par  suite  on  l'avait  astreint,  dès  le  début,  à  faire 
inventaire,  et  même  à  donner  caution,  s'il  ne  présentait  pas 
une  solvabilité  suffisante.  «...  Aussi  en  la  dite  ville  et  ban- 
»  lieue ,  le  survivant  à  la  garde  des  biens  meubles  de  leurs 
»  enfans  après  l'inventaire ,  soit  sans  bailler  caution ,  maxime 
»  quand  celui  survivant  est  de  bon  nom  et  possidens  immo- 
»  bilis  sufficientia  ad  restitutionem ,  alias  non  »  (Gr.  Coutu- 
mier,  id.,  p.  373)  (3). 

Mais  au  xvie  siècle ,  le  principe  «  qui  a  les  meubles ,  paie 
les  dettes,  »  est  tombé  en  désuétude.  L'obligation  de  payer  les 
dettes  résulte  alors  de  ce  que  le  gardien  acquiert  pour  lui  les 
fruits  et  revenus  des  biens  du  mineur.  Aussi  le  gardien  noble 
ou  bourgeois  est-il  tenu  d'acquitter  toutes  les  dettes  et  charges 
du  mineur.  Le  gardien  bourgeois  doit,  en  outre,  faire  in- 
ventaire et  bailler  caution  (1510,  art.  102)  (4);  l'obligation 
de  faire  inventaire ,  pour  le  gardien  noble ,  ne  fut  introduite 
qu'en  1580.  Quant  à  celle  de  fournir  caution,  elle  ne  leur 
fut  jamais  imposée,  bien  que  la  jurisprudence  ait  souvent 
condamné  à  bailler  caution ,  des  gardiens  nobles  dont  la  sol- 
vabilité ne  présentait  pas  de  garanties  suffisantes  (5). 

Le  gardien  devait  pourvoir  à  l'éducation  du  mineur  et  à 
l'entretien  de  ses  immeubles  :  «  Un  bailliseur  ou  gardien 
»  d'aucun  meneur  est  tenu  de  soustenir  à  ses  propres  cousts 
»  et  despens,  et  non  du  meneur,  durant  la  garde,  tous  les 
»  héritages  maisons  et  autres  héritages  féodaux  que  il  lient  à 
»  cause  de  la  garde,  et  en  la  fin  d'icelle  garde,  les  doit  rendre 
»  et  laissier  en  aussi  bon  estât ,  comme  il  le  prinst  primo  ;  et 

(1)  ld.,  Coût,  not.,  28;  J.  Desmares,  360. 

(2)  Les  dettes  étaient  payées  sur  les  biens  du  mineur. 

(3)  Cf.  Paris,  1510,  art.  101-102.  Voy.  Laurière,  sur  l'article  269,  II,  p. 
310-311. 

(4)  «  Quia  non  sol  vit  débita,  nobilis  etiam  sol  vit  débita  et  sic  videtur  quod 
»  consuetudo  hac  ratione  non  oneravit  eum  cautione  et  inventoria  »  (Dumou- 
lin, I,  p.  866). 

(5)  Paris,  art.  269.  Voy.  Laurière,  II,  p.  312-313. 


662  ESSAI  sur  l'ancienne 

»  aussi  est  tenu  le  dit  gardien  de  toutes  dettes  et  obligations 
»  d'arrérages ,  de  charges  et  d'héritages  féodaux ,  jusqu'à  la 
»  fin  d'icelle  garde  et  bail.  Coutume  prouvée  ce  1er  avril 
»  1367  »  (Coût.  noL,  100)  (1). 

La  garde  finissait  soit  par  la  mort  de  l'enfant  mineur,  soit 
par  sa  majorité.  Dès  la  mort  de  l'enfant,  le  gardien  perdait 

tous  ses  droits  :  « toutes  voyes  si  tost  que  ledit  enfant 

»  muert ,  la  garde  appartenant  aux  père  et  mère  finit  et  aussi 
»  pour  le  temps  advenir  expire  aux  père  ou  mère  survivans  la 
»  dite  garde  et  dès  lors  en  avant  après  la  mort  dudit  enfant, 
»  lesdits  père  ou  mère  survivans  ne  peuvent  réclamer  aucun 
»  droict  de  l'héritage  dudit  enfant  pour  raison  de  la  dite  garde 

»  ne  en  possession  ne  en  saisine,  propriété etc.  »  (Coût. 

not.,  28). 

L'époque  de  la  majorité  variait  suivant  les  personnes.  Les 
roturiers  mâles  étaient  réputés  majeurs  à  14  ans,  les  filles 
à.12.  Quant  aux  nobles  la  majorité  était  fixée  à  21  ans  pour 
les  fils ,  et  à  quinze  ans  pour  les  filles  (2)  :  «  Enfans  de  pooste 
»  sont  aagiez  a  14  ans,  puisqu'ils  sont  masles,  et  pucelles 
»  sont  aagieez  à  12  ans.  Mais  ceux  qui  sont  nobles  sont  agiez 
»  a  21  ans  quant  as  chouses  nobles  et  feodataires  et  quant  à 
»  celles  qui  sont  tenues  en  villenage  à  14  ans,  comme  dessus 
»  est  dit  »  (J.  Desmares,  249)  (3).  Pour  déterminer  la  majo- 
rité des  nobles,  on  tenait  compte  de  l'âge  auquel  ils  pouvaient 
rendre  les  devoirs  féodaux,  et  surtout  acquitter  le  service 
militaire;  pour  les  filles,  il  suffisait  qu'elles  fussent  en  âge  de 
prendre  un  mari  qui  put  s'acquitter,  pour  elles,  de  ces  devoirs 
et  services  (4). 

Au  xvie  siècle,  on  admit  que  le  second  mariage  du  père 
ou  de  la  mère,  gardiens  de  leurs  enfants,  mettrait  fin  à  la 

(1)  Id.,3.  Desmares,  185.  Cf.  Paris,  art.  263-267.  Le  gardien  de  ses  en- 
fants mineurs  ne  devait  pas  le  rachat  au  seigneur  (J.  Desmares,  194  ;  Coût, 
not.,  136).  En  1510,  on  décida  au  contraire  que  le  rachat  serait  dû  dans  ce 
cas  (art.  32)  ;  on  revint  à  l'ancien  droit  en  1580  (art.  45).  Voy.  Procès-verbal, 
1580,  Coût,  général,  III,  p.  77.  Voy.  infrà,  chap.  I,  Des  fief  t. 

(2)  C'est  toujours  la  nature  des  biens  qu'il  fallait  considérer  et  non  la 
condition  des  personnes.  Un  roturier  quant  à  ses  fiefs  n'était  majeur  qu'à 
21  ans. 

(3)  Id.  Gr.  Coutumier,  liv.  II ,  chap.  41,  p.  374 . 

(4)  Cf.  Paris,  art.  268. 


COUTUME   DE    PARIS.  663 

garde;  dans  ce  cas,  on  donnait  au  mineur,  un  tuteur  (1510, 
art.  99  et  100)  (1).  La  mère  remariée  pouvait  être  choisie 
comme  tutrice,  conjointement  avec  son  second  mari  (2). 

La  tutelle,  telle  qu'elle  existait  dans  le  droit  romain  (3),  ne 
se  rencontre  pas  dans  le  droit  coutumier  ;  pour  certains  cas , 
on  organise  bien  une  tutelle ,  mais  c'est  une  sorte  de  garde 
sans  fruits  qui  n'a  rien  de  commun  avec  l'administration 
comptable  des  tuteurs  romains.  Dans  les  coutumes,  on  nom* 
mait  des  tuteurs  lorsque,  pour  une  cause  ou  pour  une  autre, 
le  mineur  se  trouvait  sans  gardien  ou  baillistre,  et  enfin,  à 
partir  de  l'ordonnance  de  1330  (4),  toutes  les  fois  que  le  mi- 
neur se  trouvait  engagé,  soit  comme  demandeur,  soit  comme 
défendeur,  dans  un  procès  touchant  une  question  de  pro- 
priété. Ce  tuteur  était  nommé  à  Paris,  par  le  prévôt,  de  man- 
data curiœ  (5). 

Pour  déterminer  la  capacité  du  mineur,  on  suivait  la  plu- 
part des  règles  du  droit  romain  ;  jusqu'à  sa  majorité ,  le  mi- 
neur était  incapable;  il  ne  pouvait  tester,  et  tous  les  contrats 
passés  par  lui  étaient  annulables  pour  cause  de  lésion  (6). 
Enfin,  jusqu'en  1330  il  ne  pouvait,  en  matière  réelle,  ester 
en  justice.  Le  procès  était  renvoyé  à  sa  majorité;  on  n'avait 
pas  voulu  en  confier  le  soin  au  gardien  qui  aurait  pu  hésiter 
à  intenter  ou  soutenir  un  procès  dont  il  devait  supporter  les 
frais.  Mais  le  renvoi  du  procès  à  l'époque  de  la  majorité, 
pouvait  porter  préjudice  au  mineur  :  c'est  pour  y  remédier 
que  fut  rendue  l'ordonnance  de  1330  (7). 

Les  immeubles  appartenant  à  un  mineur  ne  pouvaient  être 

(1)  La  restriction  relative  ans  seconds  mariages  fut  ajoutée  en  1510  sur 
l'observation  des  commissaires  (Coutumier  général,  III,  p.  22,  23.  Procès- 
verbal  (1510). 

(2)  c  Quia  omnes  tutels  sunt  élective  »  (Dumoulin ,  I,  p.  864). 

(3)  ïnst.  lib.  I,  Ut.  ni. 

(4)  Isambert ,  IV,  p.  385. 

(5)  Paris,  art.  270.  Voy.  Loisel,  liv.  I,  tit.  iv,  n°  12.  Cf.  Lettres  de  Philippe- 
Auguste  établissant  la  tutelle  à  Bourges,  1197  (Isambert,  I,  p.  186).  Le  dé- 
fendeur pouvait  refuser  de  plaider  tant  que  le  mineur  n'avait  pas  un  tuteur 
qui  se  présentait  pour  lui  et  montrait  ses  lettres  de  tuterie  (Consl.  du  Cha- 
telet,  2). 

(6)  Arrêt  du  28  sept.  1311  (Olim,  IV,  f.  194)  ;  arrêt  du  26  avril  1320  (Jug., 
I,  f.  33). 

(7)  Beaumanoir,  XVI,  n°  8. 


664  essai  sur  l'ancienne 

vendus;  cependant,  dans  certains  cas,  cela  pouvait  devenir 
nécessaire ,  par  exemple ,  lorsque  ces  immeubles  étaient  char- 
gés de  dettes  onéreuses.  On  nommait  alors  un  tuteur,  qui,  de 
Tavis  des  parents  et  avec  l'autorisation  du  juge,  pouvait  les 
faire  vendre  :  «  Res  minorum  honerati  debitis  possunt  alie- 
»  nari  cum  auctoritate  tutorum  vel  curatorum  et  cum  con- 
»  sensu  amicorum  carnalium  et  etiam  cum  decreto  »  (J.  Des- 
mares, 12)  (1). 

Une  personne  majeure  pouvait  être  déclarée  incapable  et 
se  voir  retirer  l'administration  de  ses  biens  ;  elle  était  frappée 
d'interdiction.  Cette  interdiction  était  prononcée  en  justice 
pour  sottise ,  incapacité  ou  prodigalité  (2)  ;  on  nommait  un 
curateur  pour  administrer  les  biens  de  l'interdit  :  «  Se  à  au- 
»  cun  est  faite  interdiction  par  justice  du  gouvernement  et 
»  administration  de  ses  biens  et  icelle  interdiction  publiée  et 
»  notifiée  publiquement  et  a  iceluy  donné  curateur  par  justice 
»  au  gouvernement  de  ses  biens ,  après  l'interdiction  ainsi 
»  faite ,  iceluy  de  soy,  au  desceu  et  sans  l'authorité  de  ses 
»  curateurs ,  ne  puet  faire  contrats  ne  obligations  qui  soient 
»  valables,  et  se  il  les  fait,  iceux  contrats  sont  nuls  ipso  jure 
»  ou  au  moins  sont  à  annuler  »  (Coût.  noL,  178)  (3).  L'inter- 
diction devait  être  rendue  publique  afin  que  les  tiers  ne  puis- 
sent être  induits  en  erreur  et  traiter  avec  un  incapable.  Les 
curateurs  étaient  nommés  par  la  justice,  sur  l'avis  d'un  con- 
seil de  famille  (arrêt  du  Parlement  de  1294)  (4). 

(1)  Au  xiv«  siècle,  dès  leur  majorité,  les  mineurs  étaient  pleinement  ca- 
pables ;  cependant  deux  Constitutions  du  Châielet  (n°*  74  et  84)  semblent  vou- 
loir reculer  cette  pleine  capacité  jusqu'à  25  ans.  Ce  sont  les  seuls  textes 
qu'on  trouve  en  ce  sens.  Il  faut  y  voir  sans  doute,  comme  le  propose  M. 
Mortet,  une  tentative  pour  faire  pénétrer  dans  le  droit  coutumier,  les  règles 
du  droit  romain  (Le  livre  des  constitutions,  p.  81,  note  2).  Cette  tentative  ne 
devait  réussir,  sur  ce  point,  que  bien  plus  tard.  Voy.  Paris,  art.  272. 

(2)  Un  arrêt  du  Parlement  de  1294  ordonne  le  séquestre  des  biens  du 
sire  et  de  la  dame  de  Thiers  reconnus  prodigues  et  en  confie  l'administration 
à  une  personne  nommée  par  la  Cour,  sur  Tavis  du  conseil  de  famille  (constiù 
amicorum  carnalium). 

(3)  Arrêt  du  5  mars  1323  (Jug.,  I,  f.  291).  Boutade,  no  7108. 

(4)  On  pouvait  encore  nommer  un  curateur  en  cas  d'absence ,  arrêt  du  3 
fév.  1309  [OUm,  IV,  f.  104).  Boutaric,  n<>  3504. 


COUTUME   DE   PARIS.  665 

CHAPITRE  TREIZIÈME. 
Des  donations  et  dons  mutuels. 

Au  xiv6  siècle  la  donation  était  considérée  comme  un  con- 
trat réel  ;  c'était  l'acte  par  lequel  une  personne  se  dépouillait 
irrévocablement  d'une  chose  en  faveur  d'une  autre  personne 
qui  l'acceptait.  Il  fallait,  pour  sa  perfection,  le  consentement 
du  donateur  et  du  donataire  ;  de  plus ,  le  donateur  devait  se 
dessaisir  réellement.  La  tradition  réelle  de  la  chose  donnée 
était  indispensable,  comme  dans  l'ancien  droit  romain  (1);  la 
promesse  de  livrer  ne  suffisait  pas.  Enfin  le  dépouillement  du 
donateur  devait  être  actuel  et  irrévocable  (Gr.  Coutumier,  liv. 
H,chap.  9)  (2). 

Toute  personne  franche ,  majeure  et  jouissant  de  toutes  ses 
facultés  pouvait  faire  une  donation  :  «  Une  chacune  raisonna- 
»  ble ,  franche  personne  puet  à  son  vivant  et  par  manière  de 
»  don ,  cession  ou  donation  faite  entre-vifs  irrévocable ,  don- 
»  ner,  ordonner  et  disposer  de  son  propre  (3)  héritage  et  par 
»  conséquent  de  ses  meubles  et  conquets  à  sa  pleine  volonté 
»  et  s'en  dessaisir  et  devestir  au  profit  du  donataire  en  son 
»  vivant,  sans  ce  que  après  sa  mort  ses  héritiers  aucunement, 
»  valablement  ne  raisonnablement  puissent  contredire ,  ne 
»  empeschier,  au  cas  ou  aucuns  autres  n'y  auraient  aucun 
»  droit  acquis  paravant  le  don  et  que  la  personne  a  qui  le  don 
»  auroit  été  fait,  seroit  habile  à  iceluy  don  recevoir  et  accep- 
»  ter  tant  par  manière  de  donation  entre-vifs  que  par  disposi- 
»  tion  et  ordenance  de  testament,  et  valent  telles  donation 
»  quand  elles  sont  faites  par  affection  raisonnable ,  que  le 
»  donnant  puet  de  droit  avoir  au  donataire ,  quand  elles  sont 
»  faites  sans  fraude  et  fiction  »  (Coût,  not.f  143)  (4). 

(()  Digeste.  Lib.  XXXIX,  tit.  v. 

(2)  Mais  la  tradition  actuelle  ne  s'entendait,  pas  dans  le  même  sens  que  chez 
les  Romains  et  il  suffisait  que  la  tradition  de  la  chose  fût  faite  pendant  la  vie 
du  donateur,  afin  qu'il  ne  mourût  pas  saisi  (Laurière ,  II ,  p.  317). 

(3)  k  l'origine ,  on  ne  pouvait  disposer  de  ses  propres  par  donation ,  sans 
le  consentement  des  parents.  Voy.  Loisel ,  liv.  X ,  tit.  iv,  n°  662. 

(4)  Cf.  Paris ,  art.  272.  Jusqu'en  1580  toute  personne  majeure ,  c'est-à-dire 
ayant  plus  de  14  ou  20  ans,  suivant  qu'il  s'agissait  de  nobles  ou  de  non-nobles, 
pouvait  disposer  de  ses  biens  par  donation.  Mais  lors  de  la  réformatioo,  sous 

Rbvub  hist.  —  Tome  VIII.  44 


666  ESSAI  SUR  L  ANCIENNE 

Pour  être  valable ,  la  donation  devait  être  faite  à  une  per- 
sonne capable  ;  un  supérieur  ne  pouvait  recevoir  une  donation 
d'un  inférieur,  un  juge  d'un  de  ses  justiciables ,  le  gardien 
ou  baillistre  de  son  pupille  (4);  enfin,  on  proscrivait  la  do- 
nation entre  époux,  si  ce  n'est  dans  le  cas  de  don  mutuel  (2). 
Aucune  forme  spéciale  n'était  exigée  pour  la  validité  des  do- 
nations. Ce  n'est  qu'au  xvie  siècle ,  que  s'introduisit  l'usage 
de  l'intervention  des  notaires;  cette  intervention  ne  devint 
absolument  obligatoire  qu'en  vertu  de  l'ordonnance  de 
1731  (3). 

Les  donations  devaient  se  faire  sans  dol  ni  fiction  :  «  Dona- 
»  tion  faite  à  aucun  donataire  par  fiction ,  dol ,  barat  ou  mau- 
»  vestie  puet  estre  rappelée  »  (J.  Desmares,  141).  On  regar- 
dait comme  frauduleuses  les  donations  faites  par  une  personne 
insolvable  ;  ces  donations  n'étaient  pas  seulement  annulables, 
comme  en  droit  romain  les  donations  faites  en  fraude  des 
droits  des  créanciers,  elles  étaient  nulles  de  plein  droit,  le 
débiteur  ayant  donné  ce  qui  ne  lui  appartenait  pas  (4)  :  «  Quant 
»  uns  homs  done  une  chose,  soit  terre,  ou  vigne,  ou  pré,  ou 
»  maison ,  ou  cens ,  et  cil  que  tel  chose  a  [donée]  doit  autre 
»  tant  ou  plus  comme  celé  chose  vault  qu'il  a  donée  ou  plus 
»  et  cil  que  l'a  donée  n'a  plus  vaillant ,  drois  dits  que  le  don 
»  n'est  de  nulle  value;  et  pourquoi?  pour  ce  qu'il  a  doné  ce 
»  qui  n'estoit  pas  sien  »  (Constit.  du  Châtelet,  81). 

Les  donations  étaient  irrévocables  et  le  dessaisissement  réel 
du  donateur  au  profit  du  donataire  avait  pour  but  d'assurer 
cette  irrévocabilité.  «  Donner  et  retenir  ne  vaut  »  telle  était 
la  règle  que  nous  trouvons  reproduite  plus  tard ,  dans  l'article 
160  de  la  Coutume  de  1510  (5).  Mais  cette  irrévocabilité  n'é- 
tait pas  absolue  et  sous  l'influence  du  droit  romain ,  on  avait 

l'influence  du  droit  romain,  on  recala  la  majorité  à  25  ans  pour  les  donations. 
Les  mineurs  purent  à  cet  âge  seulement  disposer  de  tous  leurs  biens;  dès 
20  ans ,  ils  purent  disposer  de  leurs  meubles ,  s'ils  étaient  mariés  ou  émanci- 
pés. Voy.  Procès-verbal,  1580.  Coût,  général,  III ,  p.  83. 

(1)  Cf.  Paris,  article  276. 

(2)  Cf.  1510,  article  156.  —  1580,  article  282. 

(3)  Isambert,  XXI,  p.  343. 

(4)  Cf.  Beaumanoir,  UV,  n°  5.  —  Olim,  I,  p.  159. 

(5)  Paris,  art.  213.  Les  articles  274  et  275  expliquent  la  règle.  Voy.  Lan- 
rière,  II,  p.  330-331. 


COUTUME  DE   PARIS.  667 

admis  la  révocation  des  donations  pour  cause  d'ingratitude 
de  la  part  du  donataire  ;  cette  révocation  n'avait  pas  lieu  de 
plein  droit  ;  il  fallait  des  lettres  royaux  pour  pouvoir  intenter 
l'action  en  ingratitude.  Le  Parlement  admit,  dans  certains 
cas,  un  droit  de  retour,  notamment  au  profit  de  la  mère  qui  a 
fait  une  donation  à  son  enfant  (1). 

Les  donations  faites  sous  condition  étaient  valables  ;  la  con- 
dition ayant  un  effet  rétroactif,  il  n'y  avait  pas  là  une  excep- 
tion au  principe  de  l'irrévocabilité.  La  donation  subordonnée 
à  telle  ou  telle  condition  était  révoquée  par  le  non-accomplis- 
sement de  la  condition  ;  il  n'en  était  pas  de  même  de  la  do- 
nation faite  pour  une  cause  déterminée  :  «  Somme  donnée 
»  pour  payer  rançon,  ne  se  répète  du  prisonnier  qui  s'est 
»  sauvé  sans  en  payer.  Car  il  y  a  différence  entre  donation 
»  faite  par  condition  et  la  donation  fête  pour  cause.  » 

Lorsqu'une  donation  sub  causa  était  faite  à  un  enfant  en 
puissance  de  parents ,  cette  donation  n'appartenait  pas  aux 
parents ,  mais  devait  être  employée  en  la  cause  ;  si  la  cause 
venait  à  cesser,  la  donation  revenait  alors  aux  parents  :  «  Quant 
»  hom  donne  a  aucun  estant  en  la  puissance  de  aucuns  de 
»  ses  parents  pour  certaine  cause,  se  celuy  en  quel  puissance 
»  il  est,  n'y  a  propriété  ne  l'usufruit,  mes  doit  estre  converty, 
»  en  icelle  cause  »  (J.  Desmares,  248).  Et  dans  le  Grand  Cou- 
tumier  où  se  trouve  énoncée  la  même  règle,  l'auteur  ajoute  : 
«...  Et  encores  se  sa  cause  cessoit ,  ledict  lais  ou  don  revien- 
»  drait  à  moy  par  la  Coustume  de  la  prevosté  de  Paris  »  (liv. 
II,  chap.  l,  p.  372).  Les  donations  faites  sans  cause  aux  en- 
fants en  puissance  de  père  et  mère,  appartenaient  auxdits 
père  et  mère  (Id.,  p.  371)  (2). 

Lorsqu'un  enfant,  par  contrat  de  mariage,  recevait  de  ses 
père  et  mère  une  donation ,  il  se  trouvait  exclu  de  leur  suc- 

(1)  Voy.  Loisel,  Uv.  II ,  tit.  v,  n<>  333. 

(2)  M.,  liv.  II,  chap.  9,  p.  200.  La  donation  du  fils  an  père  était  nulle  : 
«  Il  fut  regardé  et  tesmoigné  par  eux  que  tel  don  fet  du  fuilz  au  père  est  d« 
»  nulle  value,  veu  et  regardé  et  considéré  les  fraudes  qui  en  suivroient  ou 
»  tens  à  venir,  veu  et  regardé  les  us  et  coustumes  de  Paris  et  de  la  vicomte 
»  qui  sont  tels  que  fuilz  ne  peut  donner  à  son  père  les  héritages  que  li  sont 
»  descendus  de  par  sa  mère ,  car  ainsi  seraient  déshérités  les  paréos  pro- 
»  chains  de  par  la  mère.  »  17  janv.  1304  (Le  Roux  deLincy,  Hist.  de  VHôiel- 
de-VUle,  p.  164). 


668  ESSAI  sur  l'ancienne 

cession,  à  moins  d'une  clause  contraire  insérée  au  contrat; 
telle  était  la  règle  qu'on  observait  aux  xin*  et  xrv°  siècles. 
Une  sentence  du  Parloir  aux  bourgeois  du  6  juillet  1290, 
rendue  d'après  la  Coutume  de  Paris ,  décide  en  effet  que  : 
«  Cil  ou  celé  que  père  et  mère  marient,  après  le  décès  de 
»  père  et  mère  ou  de  l'un  d'eux,  ils  ne  peuvent  venir  en  partie 
-»  avec  les  autres  enfants  qui  estoient  demourez  en  sêle  du 
-»  père  ou  de  la  mère  ou  de  l'un  d'eux ,  se  il  ne  fut  mis  en 
)>  convenant  ou  traitié  de  mariage...  »  Le  don  ainsi  fait  n'était 
pas  considéré  comme  un  avancement  d'hoirie,  sujet  à  rap- 
port ,  et  l'enfant  n'était  pas  admis  au  partage  de  la  succession 
avec  ses  frères  et  sœurs,  alors  même  qu'il  rapportait  les 
biens  donnés  ;  il  fallait  pour  cela  une  clause  expresse  au  con- 
trat de  mariage  (1)  :  «  Se  enfans  sont  mariés  de  biens  com- 
»  muns  de  père  et  de  mère  et  autres  enfans  demeurent  en 
»  selle ,  c'est  à  dire  au  domicile  des  père  et  mère ,  y  ceulx 
»  enfans  renoncent  paisiblement  à  la  succession  de  père  et 
»  mère ,  ne  n'y  puent  riens  demander  au  préjudice  des  autres 
»  demeurans  en  selle,  suppousé  qu'ils  rapportassent  ce  qui 
»  donné  leur  a  esté  en  mariage  ;  quar  par  le  mariage ,  ils  sont 
»  mis  hors  la  main  de  père  et  mère,  si  ce  n'est  que  par  exprès 
»  il  eust  esté  réservé  ou  traitié  du  mariage  que  par  raportant 
»  ce  que  donné  leur  a  esté  en  mariage ,  ils  puissent  succéder 
»  à  leur  père  et  mère  avec  leurs  frères  et  sueurs  qui  sont 
»  demeurés  en  celle  ;  et  se  tous  les  enfans  avoient  esté  mariés, 
»  vivans  père  et  mère  et  au  traitié  de  leur  mariage  ait  esté  dit 
»  que  par  rapportant...  etc.,  comme  dit  est;  toutefois  après  la 
»  mort  des  père  et  mère  ils  viennent  à  la  succession  d'y  ceulx 
»  sans  rapporter,  car  il  n'y  a  nuls  enfans  demeurés  en  selle, 
»  mais  sont  de  pareille  condition,  c'est  à  savoir,  mariés  » 
(J.  Desmares,  236)  (2). 

Alors  même  qu'ils  avaient  été  réservés,  les  enfants  mariés 
ne  pouvaient  venir  au  partage  qu'en  rapportant  les  biens 
donnés;  lorsque  tous  les  enfants  étaient  mariés,  il  n'y  avait 
pas  lieu  à  rapport. 

Cet  ancien  droit  fut  modifié  au  xvie  siècle ,  dès  la  première 


(1  Hist.  de  VHôM-de-VUle,  p.  106. 

(2)  Voy.  Laurière,  sur  l'art.  278,  II,  p.  340-344. 


COUTUME  DE   PARIS.  669 

rédaction  de  la  Coutume  en  1510  (art.  159).  Les  biens  donnés 
aux  enfants  par  les  père  et  mère  furent  considérés  comme 
donnés  en  avancement  d'hoirie  ;  par  suite  ces  enfants  furent 
admis  de  plein  droit  à  concourir  avec  leurs  frères  et  sœurs  au 
partage  de  la  succession  des  père  et  mère ,  en  rapportant  le? 
biens  qui  leur  avaient  été  donnés,  sans  qu'il  fût  besoin 
d'insérer  aucune  clause  spéciale  dans  les  contrats  de  ma- 
riage (1). 

Les  donations  étaient  interdites  entre  époux;  on  admettait 
cependant  une  exception  en  faveur  des  donations  mutuelles  : 
«  Mary  ne  puet  donner  à  sa  femme  en  testament  ou  autrement, 
»  se  ils  ne  font  don  mutuel  soit  à  vie  ou  à  héritage  et  soit 
»  meuble  ou  immeuble  et  se  ils  le  font,  tout  est  nul,  car  ils  ne 
»  peuvent  faire  contract  valable  l'un  à  l'autre  »  (Coût,  not., 
58;  Id.,  J.  Desmares,  235)  (2). 

Au  xiii6  siècle  le  don  mutuel  pouvait  comprendre  tous  les 
biens ,  quelle  que  fût  leur  nature.  «  Possumus  tamen  invicem 
»  donationem  mutuam  facere  omnium  bonorum ,  quaequidem 
»  donatio  valet  et  tenet.  »  (Gr.  Coutumier,  liv.  II ,  chap.  32). 
Mais  dès  le  xive  siècle ,  on  le  restreignit  aux  meubles  et  con- 
quêts  (J.  Desmares,  235).  Enfin  au  xvie  siècle,  on  alla  encore 
plus  loin  et  les  donations  mutuelles  ne  purent  comprendre  que 
l'usufruit  des  meubles  et  des  conquêts  immeubles  (1510,  art* 
155  ;  —  1580 ,  art.  280).  Le  conjoint  survivant  devait  bailler 
caution  suffisante  et  restituer  les  biens  donnés,  après  son 
trépas. 

Aux  xme  et  xiv6  siècles ,  on  ne  distinguait  pas  s'il  y  avait 
ou  non  des  enfants  issus  du  mariage.  Au  xvie,  le  don  mutuel 
n'était  valable  que  lorsque  les  conjoints  étaient  sans  enfants  (3). 

(1)  La  clause  d'avancement  d'hoirie  n'en  resta  pas  moins  de  style  encore 
fort  longtemps. 

(2)  Laboulaye,  Condition  des  femmes,  p.  281.  Voy.  an  Code,  De  donationi- 
bus,  Lib.  V,  tit.  ivi. 

(3)  Un  passage  an  Grand  Coutumier,  semble  supposer  qu'il  en  était  ainsi 
dés  le  xir*  siècle  :  mais  les  mots  «  non  exstantibus  liberit  et  non  »  n'existent 
pas  dans  tous  les  manuscrits  et  ont  dû  être  ajoutés  au  xvi«  siècle  [Gr.  Coût., 
liv.  Il,  ch.  32,  p.  321).  En  1510,  la  restriction  «  pourveu  qu'il  n'y  ait  en- 
^n  fans  »  ne  fut  ajoutée  à  l'article  155,  qu'après  «  plusieurs  causes  et  raisons 
»  sur  ce  desduites  et  alléguées  par  l'advis  et  délibération  des  Estats  dessus- 
»  dits  »  (Procès-verbal,  1510.  Coût,  général,  III,  p.  24). 


670       ESSAI  sur  l'ancienne  coutume  de  paris. 

Les  donations  mutuelles  étaient  irrévocables  (1)  ;  on  les 
simila  cependant  au  xvi°  siècle,  aux  donations  à  cause  de 
mort  et  cela  parce  qu'elle  ne  devait  avoir  leur  plein  effet  qu'au 
décès  du  donateur  et  que,  comme  pour  les  legs,  il  fallait  de- 
mander leur  délivrance  (2). 

Les  futurs  époux  pouvaient  se  faire  des  donations,  et  on 
n'exigeait  pas  qu'elles  fussent  mutuelles  ;  c'étaient  des  dona- 
tions pour  noces  :  «  Li  hons  puet  donner  avant  le  mariage  à 
»  celle  que  il  cuide  estre  après  sa  famé  et  est  appelé  don  qui 
»  est  fait  pour  noces  »  (J.  Desmares,  157).  Ces  donations  étaient 
des  donations  entre-vifs  soumises  aux  règles  ordinaires  (3). 

Les  donations  à  cause  de  mort  étaient  assimilées  aux  legs  ; 
on  les  appelait  «  dons  testamentaires.  »  Elles  étaient  révoca- 
bles et  le  donataire  n'en  était  pas  saisi  de  plein  droit  (4).  La 
donation  faite  pendant  la  dernière  maladie  était  considérée 
comme  donation  à  cause  de  mort  :  «  Don  qui  est  fait  pour 
»  cause  de  mort  est  comme  aucun  donne  aucune  chouse  par 
»  telle  manière  que  se  il  garist  que  il  le  rara  arrière  iceluy 
»  don ,  ou  se  il  se  repent  du  don,  ou  se  ce  luy  à  qui  il  a  donné 
»  muert  paravant  que  cely  qui  li  avoit  donné  et  se  fait  telle 
»  donation  pour  souppeson  de  mort  »  (J.  Desmares  ,  156). 

Enfin  le  Grand  Coutumier  parle  «  des  dons  faits  en  faveur 
»  d'estude  ;  »  ce  n'était  pas ,  à  proprement  parler,  des  dona- 
tions ,  et  les  biens  ainsi  donnés  étaient  réputés  conquêts  (liv. 
II,  chap.  9). 

H.  Buchk. 

(.4  suivre.) 


(1)  Elles  étaient  révocables  par  consentement  mutuel.  Cf.  Paris ,  article 
284. 

(2)  «  Don  mutuel  ne  saisit  pas  »  (Loisel,  liv.  I,  tit.  u,  n°  129).  Le  dona- 
taire mutuel  avait  à  sa  charge  les  frais  des  funérailles  et  les  dettes  du  défunt. 
Voy.  1510,  article  158  ;  —  1580,  article  286.  Les  époux  pouvaient  aussi  se 
faire  donation  de  tous  les  biens  communs  au  survivant.  Cette  donation  ne 
comprenait  que  l'usufruit  et  le  survivant  baillait  caution  (Arrêt  du  6  février 
1322.  Jug.,  I,  f.  169).  Paris,  articles  281-282. 

(3)  U.,  Gr.  Coutumier,  liv.  il,  chap.  32,  p.  321. 

(4)  Voy.  Loisel,  liv.  IV,  tit.  u,  p.  667. 


COMPTES-RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES. 


G.  F.  Schoemann.  —  Antiquités  grecques,  traduites  de  l'alle- 
mand par  C.  Galuski.  Tome  Ier,  in-8<>,  Paris,  Picard,  1884. 

Il  y  a  longtemps  qu'on  demandait  en  France  une  traduction 
de  l'ouvrage  de  Schoemann.  De  tous  ceux  qui  ont  été  publiés 
en  Allemagne  sur  le  même  sujet  il  n'en  est  point  qui  convien- 
nent mieux  aux  habitudes  et  au  goût  de  notre  public.  Sans 
appareil  d'érudition ,  d'une  lecture  facile  et  même  agréable , 
il  offre  en  deux  volumes  le  résumé  exact  de  tout  ce  que  l'on 
savait  à  l'époque  où  il  a  été  écrit.  C'est  un  excellent  manuel , 
donnant  tout  ce  qu'il  faut  pour  commencer  une  étude.  En  le 
mettant  à  la  portée  de  tous  les  Français  qui  ne  lisent  pas 
l'allemand,  le  traducteur  et  l'éditeur  ont  rendu  un  service 
dont  il  faut  leur  savoir  gré. 

Schoemann  avait  commencé  par  travailler  avec  Meier.  En 
1824  ils  avaient  publié  en  commun  un  volume  sur  la  procé- 
dure athénienne  (der  attische  Process),  mémoire  couronné  par 
l'Académie  de  Berlin.  Cet  ouvrage ,  dont  M.  Lipsius  publie 
en  ce  moment  une  seconde  édition ,  peut  être  regardé  comme 
ayant  épuisé  le  sujet.  Depuis  lors ,  Schoemann ,  devenu  pro- 
fesseur de  littérature  grecque  à  l'Université  de  Greifswald  en 
Poméranie,  a  donné  en  1831  une  édition  d'Isée,  la  meilleure 
que  nous  possédions ,  et  des  dissertations  sur  des  sujets  d'his- 
toire et  de  philologie  anciennes.  En  1838,  il  a  fait  paraître  un 
volume  intitulé  Antiquitates  juris  publici  Gr&corum.  Enfin  en 
1855  il  a  repris  le  même  sujet  et  l'a  traité  en  allemand,  mais 
sous  une  autre  forme  et  d'une  façon  beaucoup  plus  complète. 
Une  seconde  édition  a  paru  en  1861,  une  troisième  et  der- 
nière en  1871. 

Le  premier  volume  contient  une  introduction  sur  la  Grèce 
homérique.  Passant  ensuite  à  l'époque  historique  l'auteur 
expose  d'une  manière  générale  le  caractère  de  la  cité  grecque, 


672  COMPTES-RENDUS   BIBLIOGRAPHIQUES. 

révolution  politique  des  États  considérée  dans  son  ensemble , 
et  enfin  l'exposition  historique  des  constitutions  de  Sparte , 
de  la  Crète  et  d'Athènes.  Athènes  occupe  naturellement  la 
plus  grande  place.  Le  second  volume  traite  des  relations  in- 
ternationales et  du  culte  religieux. 

Ainsi  que  nous  venons  de  le  dire,  cet  ouvrage  résume  fidè- 
lement tout  ce  que  Ton  savait  en  1855.  Il  donne  notamment 
toute  la  substance  du  livre  de  Bœckh  sur  l'économie  politique 
des  Athéniens ,  et  de  celui  de  Meier  et  Schœmann  sur  la  pro- 
cédure athénienne.  Dans  la  seconde  et  la  troisième  édition 
Fauteur  n'a  fait  qu'un  très  petit  nombre  de  changements. 
Lui-même  le  reconnaît  dans  sa  dernière  préface,  et  à  vrai 
dire  on  ne  saurait  lui  en  faire  un  reproche.  Les  livres  trop  sou- 
vent remaniés,  et  trop  profondément,  finissent  par  perdre 
leur  caractère  et  leur  mérite  primitifs.  D'ailleurs  c'est  déjà 
beaucoup ,  même  aujourd'hui ,  que  de  savoir  exactement  où 
en  était  la  science  il  y  a  trente  ans.  Mais,  en  même  temps,  il 
faut  constater  le  fait ,  pour  prévenir  tout  mécompte.  Depuis 
trente  ans  la  science  a  fait  d'immenses  progrès.  Les  monu- 
ments épigraphiques ,  par  exemple,  se  sont  accrus  dans  une 
mesure  inespérée.  Le  nouveau  Corpus  inscriptionum  atticarum, 
dont  la  dernière  livraison  a  paru  en  1883,  contient  dix  fois 
plus  de  décrets  athéniens  que  le  recueil  de  Bœckh,  publié  en 
1828.  D'importants  travaux  ont  été  faits  sur  l'histoire,  la  my- 
thologie, l'archéologie,  le  droit.  Beaucoup  de  textes  ont  été 
revus,  critiqués,  améliorés  ou  définitivement  expliqués.  Pré- 
tendre résumer  tous  ces  travaux ,  et  en  faire  entrer  le  résultat 
dans  le  cadre  du  manuel  de  Schœmann  serait  une  entreprise 
vaine.  Il  vaut  mieux  se  résigner  à  la  nécessité  et  avouer  fran- 
chement que  la  destinée  des  manuels  est  de  vieillir  vite ,  au- 
jourd'hui surtout. 

Schœmann  n'était  pas  jurisconsulte.  Quoiqu'il  ait  bien  com- 
pris et  parfaitement  exposé  la  procédure  athénienne  ,  on  s'a- 
perçoit que  s'il  n'est  pas  étranger  à  la  langue  du  droit  il  n'ap- 
profondit pas  les  théories  juridiques.  C'est  peut-être  un 
défaut,  mais  peut-être  aussi  un  avantage,  car  dans  une  ma- 
tière où  il  s'agit  avant  tout  de  constater  et  de  recueillir  des 
faits ,  il  est  dangereux  d'argumenter  et  de  vouloir  tout  expli- 
quer, comme  le  font  trop  souvent  les  jurisconsultes.  On  peut 


\ 


COMPTES-RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES.  673 

toutefois  regretter  qu'à  côté  de  la  procédure  athénienne, 
Schœmann  n'ait  pas  exposé  en  peu  de  mots  ce  que  nous  sa- 
vons du  droit  civil,  particulièrement  en  ce  qui  concerne  la 
propriété  et  les  contrats  et  obligations. 

Schœmann  cite  peu  d'auteurs  français ,  et  à  vrai  dire  il  y 
en  avait  peu  à  citer  en  1855.  Le  traducteur,  M.  Galuski ,  a  eu 
l'idée  de  combler  cette  lacune ,  si  c'en  est  une ,  et  il  a  inséré , 
à  la  suite  de  l'introduction,  un  catalogue  d'une  vingtaine 
d'ouvrages  écrits  en  français.  C'est  trop  ou  trop  peu.  Il  fallait 
ou  donner  une  bibliographie  complète,  qui  aurait  eu  quelque 
utilité,  ou  ne  rien  ajoutera  l'œuvre  de  Schœmann.  La  tra- 
duction, au  surplus ,  est  bonne.  Elle  se  lit  facilement ,  ce  qui 
est  assez  rare  dans  les  traductions ,  et  on  n'est  pas  obligé  de 
recourir  à  l'original  pour  la  comprendre ,  ce  qui  arrive  sou- 
vent. Il  y  a  malheureusement  quelques  fautes  d'impression 
qui  ne  sont  pas  toutes  relevées  dans  l'errata  placé  à  la  fin  du 
volume.  En  somme ,  c'est  un  très  bon  travail ,  dont  on  doit 
espérer  le  prompt  achèvement. 

R.  Dareste. 


Histoire  des  institutions  monarchiques  de  la  France 
sous  les  premiers  Capétiens  (987-1180),  par  M.  Achille 
Luc  h  ai  re.  Paris,  imprimerie  nationale,  1883. 

Le  livre  de  M.  Luchaire  est  un  de  ceux  qui  se  font  du  pre- 
mier coup  une  place  d'honneur  dans  la  littérature.  A  vrai 
dire,  l'histoire  qu'il  nous  donne  n'avait  pas  encore  été  écrite 
depuis  la  renaissance  des  études  historiques;  les  matériaux 
en  étaient  rassemblés  pour  la  plupart;  chroniques,  Chartres, 
lettres  missives  se  trouvaient  réunies  dans  de  grands  recueils 
ou  recueillies  dans  des  publications  spéciales  ;  tel  ou  tel  cha- 
pitre de  cette  histoire  avait  été  tracé ,  parfois  de  main  de  maî- 
tre; mais  personne  n'avait  composé  l'œuvre  d'ensemble  où 
devaient  se  rapprocher  les  documents  épars  et  se  coordonner 
les  résultats  acquis. 

M.  Luchaire  a  accompli  sa  tâche  avec  critique  et  avec  talent. 
Il  n'a  négligé  aucun  document  qui  pût  jeter  quelque  lumière 
sur  cette  période  si  obscure  dans  l'histoire  de  nos  institutions  ; 


674  COMPTES-RENDUS   BIBLIOGRAPHIQUES. 

il  en  a  utilisé  un  assez  grand  nombre,  qui  étaient  inédits  jus- 
qu'ici. Il  connaît  les  travaux  divers  qu'a  produits  l'érudi- 
tion moderne  en  France  et  à  l'étranger,  et  son  exposition  a 
des  qualités  de  forme  et  de  style  qui  font  parfois  songer  au 
maître  dont  il  a  inscrit  le  nom  en  tête  de  son  ouvrage ,  à  l'il- 
lustre auteur  de  la  Cité  antique. 

Quel  caractère  eut  l'élévation  de  Hugue  Capet  au  trône  de 
France;  quelle  fut  la  nature  et  l'étendue  du  pouvoir  royal  sous 
les  premiers  Capétiens?  C'est  un  problème  difficile  et  célèbre, 
et  il  est  intéressant  de  rappeler  les  principales  solutions  qu'on 
lui  a  données  successivement. 

Dans  l'ancienne  France ,  par  un  respect  inné  du  pouvoir 
royal  autant  que  par  manque  de  critique,  on  se  faisait  volon- 
tiers de  l'avènement  de  Hugue  Capet  et  de  ses  conséquences 
une  idée  des  plus  simples ,  qui  a  reçu  son  expression  la  plus 
nette  et  la  plus  naïve  peut-être,  dans  les  Mémoires  des  intendants 
sur  les  généralités  dressés  pour  l'instruction  du  duc  de  Bourgo- 
gne :  «  Hugues  Capet,  y  est-il  dit,  à  son  avènement  à  la  cou- 
ronne ,  ayant  distribué  aux  seigneurs  du  royaume  des  terres 
nobles  avec  réserve  de  foi  et  hommage,  à  la  charge  de  le  servir 
et  de  le  suivre  à  la  guerre,  il  leur  accorda  aussi  le  droit  de  jus- 
tice haute ,  moyenne  et  basse  sur  leurs  hommes  et  sujets  et  se 
réserva  le  droit  de  ressort,  c'est-à-dire  les  appellations  de 
leurs  juges  à  ses  officiers  (1).  »  La  féodalité  était  ainsi  conçue 
comme  l'objet  d'une  grâce  royale  ;  elle  était  sortie  du  cerveau 
du  monarque ,  avec  une  belle  et  régulière  ordonnance. 

Il  ne  fallait  pas  une  science  bien  profonde  pour  renverser 
une  pareille  hypothèse.  On  lui  substitua,  peut-être  par  réac- 
tion, une  idée  diamétralement  opposée.  On  vit  dans  l'acte  de 
987  le  couronnement  de  la  féodalité  triomphante ,  qui  élisant 
pour  roi  l'un  des  siens,  sanctionnait  par  là  même  toutes  ses 
usurpations  :  si  bien  que  la  royauté  sortie  de  cette  élection 
aurait  été  une  royauté  toute  nouvelle,  le  roi  n'aurait  plus  été 
désormais  que  le  souverain  fieffeux  du  royaume,  et  le  relève- 
ment du  pouvoir  royal ,  que  contenait  l'avenir,  aurait  été  une 
véritable  résurrection.  Selon  M.  Luchaire,  cette  théorie  serait 
particulièrement  celle  des  juristes ,  et  il  cite  comme  l'ayant 

1  Edit.  Boislisle,  tome  I,  p.  169. 


COMPTES-RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES.  675 

professée,  MM.  Pardessus,  Laferrière,  Boutaric  et  Vuitry  (1)  : 
Il  aurait  pu  en  trouver  plus  anciennement  des  variantes  ;  par 
exemple,  chez  notre  vieux  et  savant  Loyseau  (2).  Combattre 
cette  idée  a  été  le  principal  effort  de  M.  Luchaire,  et  son  livre 
tout  entier  en  contient  la  réfutation. 

Pour  cela  il  a  d'abord  repris  à  son  point  de  vue  personnel , 
l'étude  des  origines  de  la  dynastie  capétienne,  que  déjà  M. 
Kalckstein  avait  poussée  fort  avant  dans  des  écrits  savants 
mais  d'une  lecture  difficile.  Il  montre  qu'aux  derniers  temps 
carolingiens  la  monarchie  était  vraiment  devenue  élective. 
Hugue  Capet  fut  à  son  heure  le  candidat  naturellement  dési- 
gné ;  mais  la  royauté  fut  entre  ses  mains  ce  qu'elle  avait  été 
aux  mains  de  ses  plus  proches  prédécesseurs.  Dans  le  capétien 
il  y  eut  toujours  non-seulement  le  souverain  fîeffeux,  mais  en- 
core le  roi  de  France  :  M.  Luchaire  établit  même  qu'en  plu- 
sieurs de  ses  parties  l'édifice  féodal  ne  reçut  sa  consolidation 
définitive  que  sous  les  premiers  successeurs  de  Hugue  Capet. 

Ces  idées  sont  faites  pour  entraîner  la  conviction.  La  criti- 
que moderne  nous  a  familiarisés  avec  les  lois  de  l'histoire  : 
nous  admettons  difficilement,  surtout  pour  les  temps  antiques, 
qu'il  y  ait  une  solution  de  continuité  entre  les  institutions  de 
la  veille  et  celles  du  lendemain;  il  nous  est  malaisé  de  croire 
qu'un  seul  fait  historique,  comme  un  coup  de  baguette  magique, 
renouvelle  le  droit  et  l'État.  M.  Luchaire,  en  thèse  générale, 
a  pleinement  raison  et  peut-être  insiste-t-il  surabondamment 
sur  son  idée  maîtresse,  comme  si  l'esprit  des  lecteurs  y  dût 
être  naturellement  rebelle  :  mais  il  ne  s'est  point  contenté 
d  affirmer  sa  thèse,  il  a  cherché  à  l'établir  scientifiquement,  en 
la  suivant  dans  le  détail  et  l'éclairant  sur  toutes  les  faces.  Il 
y  a  là  une  série  d'études  du  plus  grand  intérêt  où  se  trouvent 
beaucoup  de  choses  neuves,  et  où  les  points  déjà  connus  sont 
remis  dans  un  plus  grand  jour  ;  je  signalerai  comme  particu- 
lièrement importants  les  chapitres  sur  la  transmission  du 
pouvoir  royal,  sur  le  gouvernement  central  et  le  gouvernement 
local,  sur  les  assemblées  capétiennes ,  sur  les  rapports  de  la 
royauté  et  du  clergé.  D'ailleurs  il  ne  faut  rien  exagérer.  Il 

(1)  Tome  I,  p.  46-47. 

(2)  Traité  des  Seigneuries,  en.  V,  no  37. 


676  COMPTES-RENDUS   BIBLIOGRAPHIQUES. 

résulte  du  travail  même  de  M.  Luchaire  que  les  premiers  Ca- 
pétiens n'eurent  guère  d'action  effective  sur  la  société  laïque 
que  par  les  pouvoirs  bornés  et  précaires  que  leur  réservait  la 
logique  des  institutions  féodales.  Mais  ils  gardèrent  en  leur 
personne  l'image  traditionnelle  de  l'ancienne  royauté,  et  cou* 
servèrent  les  organes  anciens  du  gouvernement  central.  Sans 
doute,  souvent  cela  n'eut  guère  que  la  valeur  d'une  figuration; 
mais  la  tradition  restait  intacte,  les  organes  restaient  en  place; 
et,  sous  un  souffle  favorable ,  le  principe  pouvait  refleurir  et 
l'organisme  reprendre  son  activité.  Il  serait  intéressant  de 
constater  les  principaux  résultats  auxquels  aboutit  l'auteur 
dans  le  détail;  mais  cela  nous  mènerait  trop  loin.  Je  voudrais 
seulement  dire  un  mot  de  quelques  points  qui  intéressent 
particulièrement  le  juriste  historien  du  droit  et  sur  lesquels 
je  pourrai  présenter  peut-être  quelques  utiles  observations. 
J'en  choisirai  deux  :  la  patrimonialité  des  fiefs  et  la  procédure 
devant  la  Cour  du  roi. 

I.  M.  Luchaire  a  dû  étudier  la  question  capitale  de  l'héré- 
dité des  fiefs  :  il  cherche  à  montrer  que  l'hérédité  n'était  point 
encore  établie  d'une  manière  définitive  sous  le  règne  de  Hugue 
Capet  et  cite  en  ce  sens  un  certain  nombre  de  faits  impor- 
tants, bien  que  l'interprétation  qu'il  [en  donne  soit  parfois  un 
peu  forcée.  Il  ajoute  que  l'hérédité,  à  son  avis,  se  serait  éta- 
blie plus  tôt  pour  les  grands  fiefs  que  pour  les  fiefs  de  minime 
importance  (1).  Cette  dernière  affirmation  paraît  contestable 
ou  du  moins ,  pour  discuter  la  question  avec  quelque  préci- 
sion, il  faudrait  distinguer,  je  crois,  les  charges  concédées  à 
titre  de  bénéfice  (honores ,  comitatus ,  ducatus)  et  les  simples 
domaines  baillés  au  même  titre;  peut-être  faudrait-il  aussi  dis^ 
tinguer  entre  les  anciens  bénéfices  et  les  concessions  plus  ré- 
centes à  titre  de  fief  proprement  dit  (2). 

Pour  que  le  fief  devînt  patrimonial,  il  ne  suffisait  pas  qu'il 
fût  héréditaire ,  il  fallait  qu'il  devînt  librement  aliénable  :  il 
paraît  certain  qu'il  acquit  plus  difficilement  le  second  carac- 

(1)  Tome  II,  p.  18  :  «  H  me  paraît  certain,  néanmoins,  que  les  fiefs  de 
minime  importance  conservèrent,  beaucoup  plus  longtemps  qu'on  ne  serait 
tenté  de  le  croire,  leur  caractère  de  concession  faite  à  titre  viager.  » 

(2)  Voir  Boutario.  Le  régime  féodal,  son  origine  et  son  établissement,  p.  27 
ssq. 


COMPTES-RENDUS   BIBLIOGRAPHIQUES.  677 

tère  que  le  premier.  M.  Luchaire  n'a  point  fait  sur  l'aliéna- 
bilité  des  fiefs  les  mêmes  recherches  que  sur  leur  hérédité  ;  il 
n'en  parle  qu'en  passant.  Un  des  passages  où  il  en  est  ques- 
tion me  semble  môme  contenir  quelque  confusion.  M.  Luchaire 
remarque  qu'en  990  le  comte  Geffroi  consent  qu'un  de  ses 
bénéfices  soit  conféré  à  l'Église  cathédrale  de  Sainte  -  Croix 
d'Orléans  et  à  l'évêque  Arnoul  ;  «  mais ,  dit-il,  ce  n'est  point 
par  lui  et  en  son  nom  que  s'accomplit  cette  collation.  Elle  est 
faite ,  avec  son  consentement ,  il  est  vrai ,  par  Hugue  Capet, 
qui  redevient  au  moins  dans  la  forme  et  pour  un  moment  le 
propriétaire  du  bénéfice  ainsi  recouvré.  Sans  doute  cette  rétro" 
cession  du  vassal  est  plus  ou  moins  une  formalité,  mais  ce  lien 
si  faible  entre  la  royauté  et  le  bénéficier  ne  tardera  même  pas 
à  être  rompu  (i).  »  Outre  qu'il  s'agit  ici  d'un  amortissement, 
pour  lequel  le  consentement  du  seigneur  fut  toujours  exigé 
d'une  manière  particulière,  M.  Luchaire  croit  à  tort  que  la 
procédure  qu'il  décrit  disparut  de  très  bonne  heure  dans  l'a- 
liénation du  fief.  Il  n'en  fut  point  ainsi  ;  alors  même  que  le 
seigneur  ne  pouvait  plus  empêcher  son  vassal  de  vendre  le  fief 
(sauf  l'exercice  du  retrait  féodal),  pendant  longtemps  le  vassal 
vendeur  dût  se  dessaisir  de  son  fief  entre  les  mains  de  son  sei- 
gneur pour  que  celui-ci  en  saisît  l'acheteur  (2)  ;  et  il  n'y  a  pas 
de  raison  de  croire  que  la  procédure  fût  différente  lorsque  le 
seigneur  était  le  roi. 

Enfin ,  dans  cette  matière  des  fiefs,  M.  Luchaire  a  manqué, 
je  crois ,  à  l'une  des  règles  qu'il  s'est  tracées ,  et  qui  est  «  de 
n'utiliser  pour  l'étude  d'une  institution  envisagée  pendant 
une  certaine  période ,  que  les  textes  exclusivement  relatifs  à 
cette  période  même  (3).  »  Parlant  des  revenus  des  premiers 
Capétiens ,  il  nous  dit  :  «  Dans  les  fiefs  placés  sous  leur  domi- 
nation immédiate,  ils  exerçaient  le  droit  de  relief,  prix  de 
l'investiture  donnée  par  eux  à  chaque  héritier  nouveau  du 
fief;  le  droit  de  quint,  lorsqu'ils  consentaient  à  la  transmis- 

(1)  Tome  II,  p.  9. 

(2)  Voyez  Beaumanoir,  Coutumes  de  BeauvoiHs ,  édit.  Beugnot,  Ll,  20  : 
«  Çascuns  doit  savoir  quant  uns  héritages  est  vendus,  soit  en  fief  soit  en  vi- 
lenage,  et  li  venderes  se  dessaisit  en  la  main  du  seigneur  de  qui  li  héritages 
muet  et  ii  requiert  qu'il  en  saisisse  l'aceteur.  » 

(3)  Tome  I,  Préface,  p.  15. 


678  COMPTES-RENDUS   BIBLIOGRAPHIQUES. 

sion  du  fief  entre-vifs,  soit  par  une  vente,  soit  par  une  dona- 
tion; le  droit  d'amortissement,  quand  ils  permettaient  que 
l'immeuble  féodal  entrât  dans  le  domaine  d'une  seigneurie 
ecclésiastique  (1).  »  Ici  Fauteur  nous  paraît  viser  non-seule- 
ment le  langage  ,  mais  même  les  institutions  d'une  autre  épo- 
que. Sans  doute,  la  transmission  héréditaire  et  l'aliénation 
des  fiefs  durent  être  toujours  une  source  de  profits  pour  le 
seigneur,  et  M.  Luchaire  cite  un  passage  de  Suger  où  il  est 
question  des  relevationes  feudorum;  mais  les  droits  de  relief  et 
de  quint,  en  tant  que  profits  féodaux  ayant  leurs  règles  fixes 
et  leur  tarif  coutumier,  supposent  l'un  l'hérédité ,  l'autre  l'a- 
liénabilité  des  fiefs  depuis  longtemps  reconnue.  Ajoutons  que 
le  droit  de  quint ,  qui  fut  le  droit  le  plus  habituellement  perçu 
en  cas  de  vente ,  ne  fut  jamais  dû  pour  la  donation  ;  il  y  avait 
lieu  dans  ce  dernier  cas  au  relief  ou  au  rachat. 

II.  L'un  des  chapitres  les  plus  importants  du  livre  est  celui 
qui  traite  de  la  justice  royale  (1.  III ,  ch.  3).  L'auteur  s'est 
efforcé  par  de  minutieuses  investigations ,  d'établir,  pour  les 
temps  anciens  qu'il  étudie,  la  composition,  la  compétence,  la 
procédure  de  la  cour  du  roi.  Il  y  a  là  un  dépouillement  des 
textes  des  plus  utiles  et  des  plus  complets  ;  mais  leur  inter- 
prétation sur  certains  points  est  moins  satisfaisante. 

Ainsi ,  il  était  du  plus  haut  intérêt  de  déterminer  les  traits 
distinctifs  de  la  procédure  suivie  devant  la  cour  du  roi.  Il  fal- 
lait pour  cela  indiquer  en  quoi  elle  se  rapprochait,  en  quoi 
elle  différait  de  la  procédure  suivie  à  la  même  époque  devant 
les  cours  féodales.  Cette  procédure  ancienne  des  cours  féo- 
dales nous  est  aujourd'hui  suffisamment  connue  :  bien  que 
nous  ne  la  connaissions  guère  que  par  des  textes  des  xn*-xm* 
siècles ,  nous  pouvons  affirmer  que  nous  avons  ses  règles  tra- 
ditionnelles toutes  les  fois  que  nous  trouvons  un  principe  in- 
contesté, qui  ne  peut  se  ramener  ni  au  droit  romain  ni  au 
droit  canonique.  M.  Luchaire  a  négligé  de  faire  cette  compa- 
raison ,  et  par  là  même  beaucoup  de  ses  constatations  man- 
quent de  précision.  Il  serait  par  exemple  fort  intéressant  de 
savoir  si  la  cour  du  roi  pratiqua  de  bonne  heure  la  preuve 
par  enquête.  Or,  l'auteur  nous  dit  bien  que  les  conseillers  du 

(i)Tome  I,  p.  112. 


COMPTES-RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES.  679 

roi  «  en  général  ecclésiastiques  instruits  et  rompus  aux  affai- 
res ,  ne  tardèrent  pas  à  être  presque  exclusivement  chargés 
de  la  partie  essentielle  des  jugements,  c'est-à-dire  des  en- 
quêtes ,  de  l'examen  des  preuves  écrites  et  même  de  la  rédac- 
tion de  l'arrêt  (1).  »  Mais  lorsqu'il  parle  plus  loin  de  la  pro- 
duction des  témoins ,  tout  ce  qu'il  nous  en  dit  se  rapporte  au 
témoignage  formaliste ,  qui  se  faisait  non  devant  l'enquêteur, 
mais  en  pleine  cour,  et  pouvait  donner  lieu  au  faussement  (2). 
M.  Luchaire  a  senti  combien  il  était  important  de  déter- 
miner si  la  cour  du  roi  jouait  le  rôle  de  cour  d'appel.  Il  cons- 
tate d'abord  qu'il  n'a  point  rencontré  d'exemples  d'un  appel 
porté  au  roi  en  vue  d'obtenir  l'annulation  d'un  jugement 
rendu  par  ses  propres  officiers ,  notamment  par  un  prévôt  (3). 
Cela  est  parfaitement  conforme  à  ce  que  nous  savions  déjà  (4). 
Mais  M.  Luchaire  a  fait  plus  ;  il  a  voulu  trouver  les  plus  an- 
ciens appels  intentés  devant  la  cour  du  roi.  Il  en  trouve  un 
exemple  dans  un  acte  de  1132  rapporté  par  Baluze,  dans  ses 
MisceUanea,  «  par  lequel  Louis  VI  approuvant  une  sentence  de 
sa  cour,  réforme  l'arrêt  rendu  en  première  instance  par  les 
juges  de  l'église  d'Arras.  »  Pour  l'auteur,  «  il  serait  difficile  de 
trouver  un  exemple  plus  clair  de  l'appel  en  cour  royale,  et, 
ajoute-t-il ,  nous  ne  croyons  pas  que  l'histoire  en  fasse  con- 
naître de  plus  ancien  (5).  »  En  y  regardant  de  près,  on  voit 
qu'il  faut  en  rabattre.  Si,  en  effet,  l'ancienne  procédure  féo- 
dale ne  connaissait  point  l'appel  proprement  dit,  qui  soumet  à 
nouveau  et  dans  son  entier  aux  seconds  juges  la  question 
tranchée  par  les  premiers ,  elle  paraît  avoir  toujours  connu 


(1)  Tome  I,  p.  312,  313,  «  surtout,  dit  l'auteur,  sous  le  règne  de  Louis 
VII.  » 

(2)  Tome  I,  p.  318,  319. 

(3)  Tome  I,  p.  291. 

(4)  La  théorie  à  cet  égard  est  nettement  exposée  déjà  par  Dupuy,  dans  son 
Commentaire  sur  les  libertés  de  l'Église  gallicane  (dans  Durand  de  Maillane , 
Les  libertés  de  l'Église  gallicane ,  tom.  II ,  p.  757)  :  «  Toutes  appellations  ci- 
viles qui  sont  aujourd'hui  beaucoup  en  usage  estoient  du  tout  inconnues  à 
nos  anciens  françois.  Car  les  bail! ifs  et  seneschaux  jugeoient  en  dernier  res- 
sort et  nulle  appellation  n'estoit  relevée  en  Parlement...  il  ne  s'assembloit 
qu'une  ou  deux  fois  Tannée ,  tenoit  fort  peu  de  séances  et  lors  mesmes  il  ne 
connoissoit  que  des  grandes  causes  en  première  instance.  » 

(5)  Tome  I,  p.  292. 


680  COMPTES  RENDUS    BIBLIOGRAPHIQUES. 

une  sorte  de  prise  à  partie  brutale  et  grossière  qui  se  nom- 
mait Y  appel  de  faux  jugement.  L'appelant  faussait,  falsificabat, 
la  sentence,  c'est-à-dire  qu'il  accusait  les  juges  d'avoir  fait  un 
jugement  faux  et  mauvais.  Cet  appel  se  vidait  en  principe  par 
le  duel  judiciaire  entre  l'appelant  et  un  ou  plusieurs  des  ju- 
geurs,  et  selon  l'issue  de  ce  combat,  la  sentence  était  main- 
tenue ou  cassée,  jamais  réformée.  On  voit  quelle  différence 
profonde  existait  entre  cette  voie  de  recours  et  l'appel  propre- 
ment dit;  lorsque  ce  dernier  sera  pratiqué,  on  aura  bien  soin 
dans  la  suite  de  les  distinguer  l'un  de  l'autre  (1).  L'appel  de 
faux  jugement  se  portait  en  principe  devant  le  seigneur  de 
qui  était  tenue  la  justice  où  avait  été  rendu  le  jugement 
faussé  (2)  et  on  ne  voit  aucune  raison  pour  qu'on  n'ait  pas  de 
tout  temps  porté  devant  le  roi  l'appel  de  faux  jugement,  lors- 
que la  sentence  émanait  d'une  justice  directement  tenue  de 
lui. 

Il  me  paraît  certain  que  le  cas  cité  par  M.  Luchaire  était 
simplement  une  application  de  cette  théorie.  Il  s'agissait  d'un 
appel  de  faux  jugement,  car  il  est  dit  que  l'appelant  «  prx- 
dictos  judices  pro  ipsorum  judicio  falsificando  ad  nostram  au- 
dientiam  invitavit,  »  et  les  juges  de  la  cour  du  roi  «  judicavere 
prœdictos  judices  falsum  judicium  protulisse.  »  Seulement  l'ap- 
pel ne  se  vida  pas  par  le  duel  judiciaire ,  mais  par  l'examen 
de  la  part  des  juges  de  la  première  sentence  (retractatio). 
C'est  là  un  point  fort  important  et  dans  la  suite  l'appel  de  faui 
jugement  jouera  sous  cette  forme  un  grand  rôle  dans  la  cour 
du  roi.  Mais  peut-être  dans  cette  affaire  le  duel  ne  fut-il 
écarté  que  parce  que  les  jugeurs  étaient  en  partie  des  ecclésias- 
tiques (3)  qui  se  refusaient  absolument  à  ce  mode  de  preuve  (4). 

(1)  Voyez  Actes  de  Vincennes,  anno  1329  (dans  Durand  de  MaiLlane,  Liber- 
tés de  l'Église  gallicane,  tom.  III ,  p.  488)  :  «  Quod  si  in  curia  temporali  prs- 
iatorum  vel  subditorum  suorum  fiât  processus  aut  detur  judicium  temporale, 
et  super  hujusmodi  processu  vel  judicio  appellatio  ordinaria  aut  ratione  falti 
judicii  vel  alias  sequeretur,  débet  talis  appellatio  remitti  ad  examen  sui  ju- 
dicis  temporalis.  » 

(2)  Beaumanoir,  LXI ,  65. 

(3)  «  Les  débats ,  dit  M.  Luchaire  (I,  p.  292),  eurent  lieu  devant  une  cour 
composée  de  personnes  de  l'Eglise  d'Arras  et  d'une  partie  des  hommes  de 
Tévôque.  » 

(4)  Voy.  Ives  de  Chartres,  Episiolx,  cxxiv. 


COMPTES-RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES.  681 

Si  dès  cette  époque  l'appel  de  faux  jugement  avait  pris  devant 
la  cour  du  roi  cette  allure  pacifique  comme  procédure  ordi- 
naire, on  ne  comprendrait  point  que  Pierre  de  Fontaines,  dans 
la  seconde  moitié  du  xme  siècle ,  signalât  ce  fait  comme  une 
nouveauté  (1). 

En  terminant  disons  que  M.  Luchaire  annonce  pour  son 
livre  un  supplément  digne  de  l'ouvrage  :  il  va  donner  la  table 
des  actes  de  Louis  VII,  faisant  ainsi  pour  Louis  le  Jeune  le 
travail  que  M.  Léopold  Deiisle  a  si  bien  accompli  pour  Philippe- 
Auguste. 

A.  Esmein. 


Revue  de  la  législation  des  mines,  minières,  usines  métallur- 
giques ,  carrières  et  sources  d'eaux  minérales ,  de  la  jurisprudence 
et  du  droit  comparé  en  ces  matières ,  publiée  sous  la  direction  de 
M.  Emile  Delecroix,  docteur  en  droit,  avocat  du  barreau  de  Lille. 
—  Paris,  librairie  Marescqaîné.  Bruxelles,  librairie  G.  Muquardt. 

Dans  plusieurs  pays  étrangers,  en  Autriche  et  en  Allemagne 
notamment,  les  jurisconsultes  et  les  fonctionnaires  spéciaux 
ont,  depuis  de  longues  années,  fondé  des  recueils  consacrés 
à  la  législation  et  à  la  jurisprudence  ,  en  matière  de  mines. 
Le  plus  connu  peut-être  de  ces  recueils  est  celui  qui  fut  créé 
à  Bonn,  en  1860,  par  Achenbach  et  Brassert,  et  qui  est  di- 
rigé aujourd'hui  par  ce  dernier,  le  principal  auteur  de  la  loi 
prussienne  de  1865,  avec  un  remarquable  esprit  scientifique 
et  un  grand  sens  pratique.  En  France,  au  contraire,  la  Partie 
administrative  des  Annales  des  mines  pouvait  seule  être  citée 

(1)  Conseil,  un,  23  :  «  Je  meismes  menai  la  querele  pardevanl  le  roi  que 
tu  or  me  demandes ,  avoir  mon  se  jugemenz  puet  estre  rapelez  par  usage 
de  cort  laie  fors  par  bataille  :  Et  certes  je  vi  que  li  home  le  roi  à  Saint  Quentin 
firent  jugement  entre  deux  dames  dont  Tune  apela  À  la  cort  le  roi;  et  fiât 
ajorner  les  jugeors  et  la  partie  en  la  cort  le  roi  :  après  raolt  de  paroles  et 
molt  de  debaz  qui  i  furent,  li  rois  vout  oïr  le  recort  del  jugement  que  il 
a  voient  fet,  il  firent  le  recort.  Je  meismes  dis  por  la  dame  que  selonc  ce 
meismes  qu'il  recordoient,  qui!  a  voient  fet  à  la  dame  II  faus  jugemenz.  Après 
molt  de  paroles  l'en  demanda  as  homes  et  à  la  dame  qui  les  avoit  ajorné ,  sil 
voloientoïr  droit?  Ils  distrenl  que  oïl.  L'en  jugea  qu'il  avoient  fet  à  la  dame 
II  faus  jugemenz,  por  quoi  la  dame  recovra  quanqu'ele  i  avoit  perdu,  et  l'ar- 
mendèrent  au  roi.  Et  ce  fu  li  premiers  dont  je  oïsse  onques  parler  qui  fust 
rapelez  ou  Vermendois  sanz  bataille.  » 

Revue  mst.  —  Tome  VIII.  45 


682  COMPTES-RENDUS   BIBLIOGRAPHIQUES. 

comme  s'occupant  de  l'industrie  minérale  au  point  de  vue  ju- 
ridique et  personne  ne  sera  surpris  en  constatant  que  le  texte 
des  décrets  de  concession  et  les  circulaires  ministérielles  oc- 
cupent dans  ce  bulletin  officiel  une  place  beaucoup  plus  éten- 
due que  celle  qui  est  réservée  aux  articles  de  doctrine ,  i  la 
jurisprudence  et  aux  traductions  de  lois  étrangères  ;  j'ajoute 
que  la  Partie  administrative  ne  constitue  pas  une  publication 
distincte  de  celle  des  Mémoires  et  que ,  dès  lors ,  le  nombre 
de  ses  lecteurs  est  forcément  restreint  parmi  les  juriscon- 
sultes. 

Exerçant  la  profession  d'avocat  dans  cette  région  du  Nord 
où  l'industrie  minérale  s'est  si  largement  développée  au  cours 
de  ce  siècle,  M.  Emile  Delecroix  a  compris  qu'il  y  avait  là 
une  lacune  à  combler  et  il  a  entrepris  l'œuvre  dont  nous 
rendons  compte.  Déjà  connu  par  un  bon  Traité  des  Sociétés 
minières  et  par  une  Explication  de  la  loi  du  27  juillet  1880, 
M.  Emile  Delecroix  était  parfaitement  préparé  à  diriger  une 
Revue  de  la  législation  des  mines.  Dans  une  introduction  con- 
çue avec  une  largeur  d'esprit  à  laquelle  nous  sommes  heureux 
de  rendre  hommage,  l'auteur  indique  le  but  qu'il  se  propose 
d'atteindre  ;  il  n'écrit  pas  seulement  en  vue  d'être  utile  aux 
avocats,  aux  magistrats  et  aux  exploitants  de  mines  ;  son  désir 
est  de  préparer  les  éléments  d'une  réforme  générale  de  notre 
droit  minier.  Tandis,  en  effet,  que  dans  les  vingt  dernières 
années  des  améliorations  notables  se  sont  produites  autour  de 
nous,  nous  sommes  restés  à  peu  près  stationnaires  jusqu'en 
1880,  et  si  la  loi  du  27  juillet  a  modifié  dix  articles  de  la  loi 
de  1810,  c'est  là  une  réforme  fort  utile  assurément ,  incom- 
plète néanmoins. 

Comme  M.  Delecroix  le  fait  en  outre  remarquer,  «  dans  ces 
derniers  temps  surtout,  des  questions  d'une  haute  gravité  ont 
surgi  et  des  problèmes,  dont  la  solution  s'impose,  ont  pris 

peu  à  peu  une  importance  considérable Pour  ne  citer  qu'à 

titre  d'exemple,  la  forme  et  le  mode  de  constitution  des  Socié- 
tés fondées  pour  l'exploitation  des  mines ,  la  législation  des 
chemins  de  fer  d'embranchement  destinés  au  service  de  l'ex- 
ploitation, les  règlements  relatifs  à  l'organisation  du  travail 
dans  les  mines ,  les  responsabilités  rigoureuses  qui  peuvent 
être  encourues  en  cas  d'accidents,  la  question  d'établissement 


COMPTES-RENDUS   BIBLIOGRAPHIQUES.  683 

de  caisses  de  secours  réglementées  par  la  loi ,  les  associations 
syndicales ,  les  impôts  si  nombreux  enfin  qui ,  sous  tant  de 
formes  variées  et  de  détours  ingénieux  de  l'esprit  fiscal,  frap- 
pent les  exploitants  "de  mines,  sont  autant  de  difficultés  acces- 
soires de  la  législation  même  des  mines ,  mais  n'en  doivent 
pas  moins  à  un  égal  degré  attirer  notre  attention.  La  Revue  de 
la  législation  des  mines  abordera  l'étude  de  ces  graves  ques- 
tions qui  touchent  par  tant  de  points  aux  grands  problèmes 
sociaux ,  en  même  temps  qu'aux  plus  hautes  spéculations  du 
droit.  » 

En  vue  de  remplir  le  programme  que  nous  venons  de  faire 
connaître,  M.  Emile  Delecroix  divise  sa  Revue  en  trois  parties 
distinctes;  la  première  est  consacrée  à  l'interprétation  doctri- 
nale de  la  loi  française  ;  dans  une  seconde  section  sont  repro- 
duites les  décisions  des  cours  et  tribunaux  avec  des  notes  et 
des  renvois;  enfin  c'est  dans  la  troisième  partie  que  prennent 
place  les  recherches  sur  les  législations  étrangères.  Ce  n'est 
pas  là  sans  doute  une  énumération  absolument  limitative ,  et 
je  pense  qu'à  l'exemple  de  M.  Brassert,  qui  n'a  pas  hésité  à 
insérer  dans  sa  Revue  une  étude  de  la  Lex  metalli  Vipascensis 
(table  (FAljustrel) ,  M.  Delecroix  accueillerait,  à  l'occasion, 
des  travaux  sur  l'histoire  des  idées  juridiques  en  matière  de 
mines. 

Dans  les  trois  numéros  qui  ont  déjà  paru  (mars,  juin,  sep- 
tembre 1884),  les  monuments  de  jurisprudence  sont  abon- 
dants. Nous  avons  particulièrement  remarqué  les  arrêts  de  la 
cour  de  Douai  et  les  jugements  des  tribunaux  de  son  ressort 
dans  les  procès  auxquels  a  donné  lieu  la  liquidation  de  la  So- 
ciété houillère  de  Ferfay.  Le  droit  comparé  est  représenté  par 
un  exposé  des  législations  anciennes  et  modernes  sur  les 
juridictions  en  matière  de  mines.  Son  auteur,  M.  H. -F.  du 
Pont,  membre  fort  connu  du  conseil  des  mines  de  Belgique, 
s'occupe,  non-seulement  des  autorités  chargées  de  juger  les 
procès  qui  ont  leur  source  dans  la  recherche  et  l'exploitation 
des  mines ,  mais  aussi  de  l'administration  active. 

Avec  les  articles  de  M.  Aguillon  et  de  M.  Delecroix,  nous 
arrivons  à  l'interprétation  doctrinale  de  la  loi  française.  M. 
Aguillon ,  professeur  de  législation  à  l'École  des  mines ,  à  qui 
on  doit  un  remarquable  rapport  de  mission  fait  en  collabora- 


684  COMPTES-RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES. 

tion  avec  M.  Pernolet,  et  plusieurs  études  justement  estimées, 
!  donne  à  la  Revue  une  note  très  intéressante  sur  les  droits  et 

1  les  obligations  d'un  concessionnaire  de  mines  relativement 

aux  substances  minérales  non  concessibles  abattues  par  ses 
travaux. 

EnGn  M.  Delecroix  soutient  avec  talent  que  si,  au  moment 
de  la  cession  d'une  action  de  Société  minière ,  la  Société  est 
endettée,  le  cessionnaire  est  seul  tenu,  au  moment  de  la  liqui- 
dation, d'acquitter  sa  part  dans  la  dette  sociale  ;  l'auteur  traite 
d'ailleurs  d'une  façon  générale  de  la  responsabilité  des  action- 
naires et  intéressés  dans  les  Sociétés  de  mines  et  spécialement 
dans  les  Sociétés  houillères. 

Comme  on  le  voit ,  les  débuts  du  nouveau  recueil  sont  d'un 
bon  augure;  nous  ne  doutons  pas  qu'avec  le  temps  M.  Dele- 
croix n'améliore  encore  sa  publication.  On  nous  permettra  en 
effet  de  regretter  l'absence  d'un  bulletin  bibliographique  et 
critique  analogue  à  celui  qui  paraît  dans  cette  Revue  même; 
les  Mémoires  des  Annales  des  mines,  le  Bulletin  de  l'industrie 
minérale  de  Saint-Êtienne ,  la  Revue  universelle  de  Cuyper  et 
HabetSy  pour  me  borner  à  ces  citations,  contiennent  souvent 
sur  les  résultats  produits  par  telle  ou  telle  législation  minérale 
des  indications  précieuses  dues  à  d'excellents  observateurs; 
les  jurisconsultes  n'auraient-ils  pas  intérêt  à  être  avertis  de 
l'existence  de  ces  travaux?  Ajoutons  que  sans  enlever  à  la 
Revue  son  caractère  juridique,  il  serait  possible  d'insérer, 
avec  beaucoup  de  sobriété  bien  entendu ,  quelques  renseigne- 
ments statistiques  sur  l'industrie  minérale  et  quelques  docu- 
ments concernant  les  vœux  des  exploitants  de  mines,  de  leurs 
ouvriers  et  des  propriétaires  fonciers.  Quelle  que  soit  du  reste 
la  valeur  de  ces  observations,  la  Revue  de  législation  des  mines 
rendra  dès  maintenant  de  réels  services  à  tous  ceux  qui  étu- 
dient cette  branche  spéciale  de  notre  droit  et  nous  devons 
féliciter  sincèrement  M.  Emile  Delecroix  de  son  initiative. 

Emile  Jobbé-Duval, 

Agrégé  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris. 


CHRONIQUE 


i 

i 

■MNi 


M.  Faustin  Hélib  est  mort  le  23  octobre  1884.  Nous  ex- 
trayons du  remarquable  discours  prononcé  à  ses  funérailles 
par  M.  Martha,  les  passages  suivants  qui  sont  la  juste  appré- 
ciation de  ce  savant  jurisconsulte  : 

«  M.  Faustin  Hélie  n'a  jamais  voulu  être  qu'un  juriste;  et 
de  bonne  heure  il  semble  avoir  choisi ,  dans  le  vaste  domaine 
du  droit,  le  champ  plus  ou  moins  limité  qu'il  devait  retour- 
ner toute  sa  vie.  Cette  part  qu'il  s'était  réservée  et  qu'il  a 
cultivée  avec  une  infatigable  activité  et  une  sorte  d'amour, 
c'est  le  droit  pénal.  Par  une  chance  heureuse ,  qui  n'est  ac- 
cordée qu'à  peu  de  savants ,  il  ne  fut  pas  même  détourné  de 
ces  études  par  les  devoirs  des  fonctions  auxquelles  il  fut  suc- 
cessivement appelé.  Entré,  jeune  encore,  dans  les  bureaux 
du  ministère  de  la  justice ,  il  y  fut  chargé  des  affaires  crimi- 
nelles ;  et  plus  tard ,  à  la  Cour  de  cassation ,  c'est  encore  à 
la  chambre  criminelle  qu'il  siégea  pendant  vingt-cinq  ans, 
comme  conseiller  ou  comme  président.  Ainsi  il  lui  fut  donné 
de  poursuivre  ses  graves  et  difficiles  travaux,  sans  en  être 
jamais  distrait,  pendant  que  l'expérience  des  affaires,  la  froide 
pratique  de  chaque  jour  tempérait  la  chaleur  de  ses  médita- 
tions solitaires  et  peut-être  les  empêchait  de  dégénérer  en 
aventureuses  doctrines.  Car  notre  confrère,  jusque  dans  sa 
vieillesse ,  sous  une  science  sévère  et  sous  le  style  le  plus  so- 
bre cachait  un  esprit  ardent  et  des  espérances  de  perfection 
juridique  qui  paraissaient  quelquefois  plus  nobles  qu'immé- 
diatement réalisables.  Si  efficace  fut  chez  lui  cette  action  de 
la  pratique  sur  la  théorie  que  les  arrêts  rédigés  par  le  magis- 
trat ramenaient  toujours  à  une  juste  mesure  les  hardiesses  du 
théoricien. 


686  CHRONIQUE . 

«  M.  Faustin  Hélie,  né  dans  la  dernière  année  du  xvme 
siècle,  semblait  en  avoir  reçu  et  gardé  tous  les  souffles.  Il 
était  comme  un  héritier  de  ces  réformateurs  d'un  autre  âge, 
qui  avaient  alors  tant  de  raisons  de  protester  contre  les  procé- 
dures secrètes ,  contre  les  peines  barbares  et  la  disproportion 
des  peines  aux  délits.  Il  laissa  voir  dans  ses  écrits,  sous  des 
formes  rigides ,  la  mansuétude  de  Beccaria ,  dont  on  peut 
croire  qu'il  voulut  être  le  disciple ,  puisqu'il  le  traduisit  et  le 
commenta.  Aussi ,  dans  son  grand  ouvrage  sur  la  Théorie  du 
Code  pénal  et  dans  son  ouvrage,  plus  considérable  encore,  qui 
lui  ouvrit  en  1855  les  portes  de  l'Institut,  dans  son  Traité  de 
ï Instruction  criminelle,  il  se  montra  surtout  préoccupé  de 
protéger  l'accusé  contre  les  iniquités  possibles  de  la  légalité. 
Il  dévoila,  dans  chaque  formalité  de  la  procédure,  la  sourde 
lutte  des  deux  principes  que  l'histoire  surprend  éternellement 
aux  prises  dans  toutes  les  institutions  humaines,  je  veux  dire 
l'intérêt  de  la  sûreté  sociale  et  l'intérêt  de  la  liberté  indivi- 
duelle. M.  Faustin  Hélie,  tout  en  voulant  tenir  la  balance 
égale  entre  le  principe  de  Tordre  et  le  principe  de  la  liberté, 
paraît  le  plus  souvent  incliner  à  défendre  la  faiblesse  de  cha- 
cun contre  la  puissance  de  tous.  Voilà  pourquoi  cette  doctrine 
tutélaire  parvint  à  une  sorte  de  popularité  et  eut  cette  fortune 
bien  singulière  chez  un  magistrat ,  d'être  plus  célébrée  par  le 
barreau  que  reçue  par  le  tribunal.  Réduire  la  part  de  l'arbi- 
traire, enchaîner  de  plus  en  plus  la  conscience  faillible  du 
juge ,  telle  a  été  l'inspiration  et  la  constante  pensée  de  M. 
Faustin  Hélie  qui  semble  avoir  pris  pour  devise  ce  mot  d'un 
Spartiate  :  «  Les  lois  doiVent  être  maîtresses  des  hommes  et 
non  les  hommes  maîtres  des  lois.  » 

«  Si  notre  confrère  a  su  être  philosophe,  même  dans  des 
ouvrages  de  procédure ,  il  peut  prétendre  aussi  au  titre  d'his- 
torien. N'est-ce  pas  en  effet  une  véritable  histoire  que  cette 
revue,  dans  tout  un  volume,  à  travers  les  âges,  du  droit  et  des 
formes  d'accusation ,  de  l'instruction  ou  secrète  ou  publique , 
dans  Athènes,  à  Rome,  au  moyen -âge,  jusqu'à  la  Révolu- 
tion française?  Lamentables  ou  consolantes  annales,  avec  les 
éclipses  et  les  retours  du  droit,  où  l'on  voit  de  sûrs  principes, 
jadis  établis  par  les  plus  nobles  peuples  de  l'antiquité,  peu  à 
peu  dénaturés  par  une  application  vicieuse ,  puis  recueillis , 


CHRONIQUE.  687 

toujours  vivants ,  par  la  philosophie ,  quand  la  législation  les 
eut  répudiés,  jusqu'à  l'ère  moderne,  où  notre  code,  remon- 
tant aux  sources  du  droit,  retrouva  ces  principes  dans  leur 
antique  formule  et  mit  sa  gloire  à  les  ressaisir.  Comment  ne 
pas  accorder  un  vif  intérêt  à  cette  histoire ,  qui  est  celle  de  la 
justice  et  de  l'injustice  humaines,  où  les  iniquités  elles-mêmes 
sont  instructives ,  où  le  droit,  soit  qu'il  disparaisse ,  soit  qu'il 
reparaisse,  nous  éclaire  également  à  travers  les  siècles,  comme 
sur  les  mers  certaines  alternatives  de  lumière  et  d'obscurité 
sont  précisément  les  signes  qui  dirigent  de  loin  la  marche  des 
navigateurs? 

«  Après  une  longue  et  laborieuse  activité ,  respectée  même 
par  ceux  qui  ne  l'approuvaient  pas  toujours,  M.  Faustin  Hélie 
nous  apparaît  comme  un  juriste  philosophe,  qui  a  su  dégager 
de  textes  jusqu'alors  arides  l'esprit  qui  en  rend  raison ,  l'âme 
qui  les  anime;  et  pour  avoir  veillé  sans  cesse  dans  ses  écrits 
sur  la  vie  et  la  liberté  humaines ,  et  hâté  les  progrès  de  la  plus 
protectrice  des  sciences ,  pour  l'avoir  de  jour  en  jour  corrigée , 
comme  magistrat,  dans  ses  prudents  arrêts,  il  laisse  à  notre 
Académie  une  mémoire  honorée ,  et  à  sa  famille  le  plus  rare 
des  héritages,  un  nom  qui  ne  périra  pas.  » 


L'enseignement  et  la  science  ont  fait  cette  année  une  perte 
sensible  en  la  personne  de  M.  Charles  Poisnbl,  agrégé  près 
la  Faculté  de  droit  de  Douai.  Brillant  élève  de  la  Faculté  de 
droit  de  Caen ,  Charles  Poisnel,  avait  été  reçu  le  troisième 
au  concours  d'agrégation  de  1876  et  attaché  à  la  Faculté  de 
Douai ,  où  il  professa  le  droit  romain  d'une  manière  remar- 
quable. Ce  n'est  point  en  France,  que  la  mort  est  venue  le 
frapper,  mais  en  Italie ,  au  mois  d'octobre  dernier  :  il  était 
membre  de  l'École  française  de  Rome  depuis  deux  ans,  et, 
cette  année,  il  n'avait  voulu  prendre  aucun  repos  ;  il  était  resté 
à  Rome  même  au  fort  de  l'été  pour  terminer  des  travaux  com- 
mencés. C'était  un  travailleur  infatigable,  l'intensité  d'effort 
dont  il  était  capable  était  vraiment  surprenante  :  c'est  même 
sans  doute  à  des  excès  de  travail  remontant  déjà  loin,  mais 


688  CHRONIQUE. 

aggravés  encore  pendant  ces  dernières  années ,  qu'il  faut  en 
grande  partie  attribuer  sa  mort  prématurée. 

Charles  Poisnel  avait  une  haute  et  pénétrante  intelligence , 
et  une  âme  généreuse  :  mais  nature  délicate  et  réservée  à 
l'excès,  il  n'a  pleinement  révélé  qu'à  ses  seuls  amis  tous  les 
trésors  de  son  esprit  et  de  son  cœur.  Il  était  notre  collabora- 
teur et  nos  lecteurs  n'ont  point  oublié  ses  «  Recherches  sur  les 
sociétés  universelles  chez  les  Romains,  »  que  la  Revue  a  publiées» 
étude  originale  et  profonde  où  la  forme  était  aussi  remarquable 
que  le  fond.  En  1883,  il  donna  aux  Mélanges  d'archéologie  et 
d'histoire  publiés  par  l'École  française  de  Rome  des  «  Recher- 
ches sur  l'abolition  de  la  vicesima  hereditatium,  »  où  il  précisait 
un  point  obscur  de  l'histoire  du  droit  romain ,  par  des  obser- 
vations aussi  exactes  qu'ingénieuses.  Mais  ce  qu'il  a  publié 
n'est  rien  auprès  de  ce  qu'il  préparait.  Dans  sa  fréquentation 
passionnée  des  bibliothèques  d'Italie  et  d'Allemagne,  et  par- 
ticulièrement  de  la  Vaticane,  il  avait  réuni  des  notes  nom- 
breuses, de  véritables  richesses.  Il  avait  presque  terminé  une 
importante  étude  sur  les  Fausses  Décrétales.  Espérons  que  cet 
immense  labeur  n'aura  pas  été  entièrement  perdu ,  et  qu'on 
pourra  dans  une  certaine  mesure  en  faire  profiter  le  public  et 
la  science. 

A.  Esmbin. 

*  * 

La  Faculté  de  Caen  a  perdu  cette  année  l'un  de  ses  mem- 
bres les  plus  distingués. 

M.  Jules  Cauvet,  professeur  de  droit  romain,  est  décédé  le 
24  août  dernier,  à  la  suite  d'une  longue  et  douloureuse  ma- 
ladie qui,  depuis  quelque  temps  déjà,  le  tenait  éloigné  de  sa 
chaire. 

Né  le  21  juillet  1811  d'une  ancienne  et  riche  famille  caen- 
naise,  M.  Jules  Cauvet  choisit  la  carrière  du  professorat  et 
ne  voulut  devoir  sa  situation  qu'à  son  mérite  personnel  et  à 
son  labeur. 

Nommé  suppléant  au  concours  de  1846,  il  fut  appelé  à  la 
chaire  de  droit  romain,  en  qualité  de  professeur  titulaire,  le 
12  septembre  1853. 


CHRONIQUE.  689 

M.  Cauvet  a  beaucoup  écrit ,  mais  si  l'on  met  de  côté  quel- 
ques essais  purement  littéraires  qui  parurent  dans  la  Bévue  de 
Caen,  et  deux  ou  trois  mémoires  d'érudition  publiés  dans  le 
Bulletin  de  la  Société  des  Antiquaires  de  Normandie ,  tous  ses 
ouvrages  le  rattachent  à  deux  ordres  de  recherches  dans  les- 
quels il  s'est,  pour  ainsi  dire,  cantonné,  le  droit  romain  et  le 
droit  normand. 

À  la  première  de  ces  catégories  appartiennent  :  Le  droit 
pontifical  chez  les  Romains,  l'Empereur  Justinien  et  son  œuvre 
législative,  le  Genre  philosophique  et  littéraire  des  juriscon~ 
suites  romains. 

On  peut  y  rattacher  :  L'organisation  judiciaire  à  Athènes, 
et  un  rapport  sur  les  manuscrits  juridiques  de  la  bibliothèque 
d'Avranches ,  écrit  à  propos  d'un  mémoire  de  M.  Beautemps- 
Beaupré. 

Les  publications  relatives  au  droit  normand  que  M.  Cauvet 
affectionnait  par  dessus  tout,  sont  beaucoup  plus  nombreuses. 
Elles  ont  aussi ,  à  notre  sens ,  plus  de  portée  et  de  nouveauté. 

Citons  rapidement  :  Les  origines  du  droit  civil  de  l'ancienne 
Normandie,  Les  trêves  établies  entre  particuliers  d'après  le 
droit  normand,  Le  droit  civil  de  la  Normandie  au  xme  siècle, 
Le  droit  de  colombier,  le  droit  de  patronnage ,  le  droit  criminel 
de  l'ancienne  Normandie ,  L'organisation  de  la  famille  d'après 
la  coutume  de  Normandie,  L'histoire  du  collège  des  droits  de 
l'ancienne  Université  de  Caen. 

Ce  dernier  ouvrage  et  le  Droit  pontifical  chez  les  Romains 
sont ,  à  mon  sens ,  les  deux  publications  les  plus  importantes 
de  M.  Cauvet. 

E.  de  Beaurepaire. 


* 


Nous  avons  le  regret  d'annoncer  la  mort  d'un  de  nos  an- 
ciens et  dévoués  collaborateurs,  M.  Charles  Brocher,  décédé 
à  Genève,  le  19  septembre  dernier,  à  l'âge  de  73  ans.  M.  Bro- 
cher avait  été  successivement  juge,  substitut  du  procureur 
général ,  membre  et  même  président  de  la  Cour  de  cassation 
du  canton  de  Genève.  Il  avait  pendant  quelques  années  pris 
part  à  la  vie  politique  comme  membre  du  Grand  Conseil  et 


690  CHRONIQUE. 

de  l'Assemblée  constituante  de  1841.  Mais  c'est  surtout  à  son 
enseignement  comme  professeur  de  droit  civil  à  l'Académie 
de  Genève  et  à  ses  nombreux  travaux  sur  le  droit  internatio- 
nal privé  qu'il  a  dû  sa  légitime  réputation.  Bien  qu'il  eût 
suivi  avec  fruit  les  cours  de  Savigny,  Kleuze  et  Rudorff  i 
Berlin,  ceux  de  Mittermaier  et  Thibaut  à  Heidelberg,  M.  Bro- 
cher était  par  son  origine ,  par  les  tendances  de  son  esprit  et 
par  l'ensemble  de  son  éducation  juridique  essentiellement 
français.  —  A  côté  de  son  Cours  de  droit  international  privé 
suivant  les  principes  consacrés  par  le  droit  positif  français, 
dont  les  deux  premiers  volumes  ont  paru  en  1882  et  1883,  et 
qui  constitue  son  principal  titre  à  l'estime  des  jurisconsultes, 
nous  rappellerons  particulièrement  son  Étude  historique  et 
philosophique  sur  la  légitime  et  les  réserves  en  matière  de  suc- 
cession héréditaire,  qui  obtint  en  1868  les  suffrages  de  l'A- 
cadémie des  Sciences  morales  et  politiques ,  et  sa  Notice  sur 
Zachariae,  sa  vie  et  ses  œuvres,  qui  fut  couronnée  en  1870 
par  l'Académie  de  législation  de  Toulouse. 


Nous  apprenons  la  mort  de  M.  Arntz,  professeur  à  la  Fa- 
culté de  droit  de  Bruxelles,  où  pendant  près  d'un  demi-siècle 
il  avait  successivement  enseigné  les  pandectes,  le  droit  civil, 
le  droit  public ,  le  droit  naturel  et  le  droit  des  gens. 


*  * 


Nous  apprenons  également  la  mort  de  M.  Hornung,  qui 
avait  enseigné  tour  à  tour  la  littérature  comparée,  le  droit 
romain ,  l'histoire  et  la  philosophie  du  droit  à  Lausanne ,  et 
plus  tard  le  droit  pénal ,  le  droit  public  et  le  droit  des  gens  à 
Genève. 


* 
*  * 


Par  décrets  en  date  des  7  octobre  et  1er  décembre  1884  : 

M.  Ducrocq,  professeur  de  droit  administratif  à  la  Faculté 
de  droit  de  Poitiers,  doyen  honoraire  de  ladite  Faculté  et 
correspondant  de  l'Institut,  a  été  nommé  professeur  de  droit 
administratif  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris  (chaire  nouvelle). 


CHRONIQUE.  691 

H.  Barrilleau,  agrégé,  a  été  nommé  professeur  de  droit 
administratif  à  la  faculté  de  droit  de  Poitiers ,  en  remplace- 
ment de  M.  Ducrocq. 

M.  Lefebvre,  agrégé,  a  été  nommé  professeur  de  droit  cou- 
tumier  à  la  faculté  de  droit  de  Paris ,  en  remplacement  de  M. 
Chambellan ,  admis  à  faire  valoir  ses  droits  à  la  retraite. 


* 


Au  moment  de  la  réouverture  des  cours  d'enseignement 
supérieur,  nous  avons  pensé  qu'il  serait  agréable  à  nos  lec- 
teurs de  connaître  la  part  qui  est  faite  actuellement  à  l'étude 
historique  du  droit.  —  On  sait  qu'un  décret  en  date  du  28 
décembre  1880  a  institué  dans  toutes  les  facultés  de  droit  de 
l'État  un  cours  d'Histoire  générale  du  droit  français  public  et 
privé;  ce  cours  est  obligatoire  pour  les  étudiants  de  première 
année  et  doit  faire  l'objet  d'une  interrogation  spéciale  dans  le 
premier  examen  de  baccalauréat.  —  On  sait  également  qu'un 
second  décret  en  date  du  20  juillet  1882  a  décidé  que  l'histoire 
du  droit  français  ferait  nécessairement  l'objet  d'une  interro- 
gation particulière  et  distincte  dans  le  deuxième  examen  de 
doctorat.  Grâce  à  ces  décrets ,  il  existe  aujourd'hui  dans  cha- 
cune des  treize  facultés  de  droit  de  l'État  deux  cours  d'his- 
toire du  droit  français.  Celui  qui  s'adresse  aux  étudiants  de 
première  année  a  nécessairement  un  caractère  sommaire  ;  son 
objet  est  de  donner  une  vue  d'ensemble  des  différentes  phases 
que  dos  institutions  publiques  et  privées  ont  traversées.  Le 
cours  destiné  aux  aspirants  au  doctorat  est,  au  contraire,  en 
termes  d'école,  un  cours  d'histoire  du  droit  approfondie;  le 
professeur  choisit  d'ordinaire  une  institution  ou  une  époque, 
dont  il  développe  l'histoire  de  façon  à  faire  pénétrer  ses  audi- 
teurs dans  les  détails.  C'est  ainsi  qu'a  Grenoble  ce  cours 
portera  pendant  la  présente  année  scolaire  sur  le  régime  des 
personnes  et  des  terres  avant  l'ère  féodale  ;  à  Lyon,  sur  l'or- 
ganisation de  la  propriété  mobilière  et  immobilière  au  moyen- 
âge;  à  Rennes  sur  l'état,  et  la  capacité  des  personnes  dans 
l'ancien  droit  coutumier;  à  Montpellier,  sur  l'histoire  du  con- 
trat de  mariage  ;  à  Douai ,  sur  le  droit  public  et  privé  pendant 


692  CHRONIQUE. 

la  période  delà  monarchie  absolue.  —  Il  est  vrai  que  si  l'on 
excepte  la  faculté  de  Paris ,  où  renseignement  historique  du 
droit  est  doté  depuis  1829  d'une  chaire  magistrale,  les  cours 
d'histoire  générale  et  d'histoire  approfondie  institués  en  vertu 
des  décrets  de  1880  et  1882  n'ont  eu  jusqu'ici  que  le  rang  de 
cours  complémentaires ,  c'est-à-dire  qu'ils  sont  confiés ,  soit  à 
des  agrégés ,  soit  à  des  professeurs  titulaires  d'autres  chaires 
et  qui  consentent  à  se  charger  d'un  double  enseignement.  Il  y 
a  même  quelques  facultés  où  les  deux  cours  sont  faits  par  un 
seul  et  même  professeur.  Ce  sont  là  des  questions  secondaires 
et  de  pure  forme,  qui  ne  touchent  en  rien  au  fond  de  l'ensei- 
gnement. Elles  tiennent  aux  hésitations  qui  accompagent  né* 
cessairement  toute  organisation  nouvelle;  elles  tiennent  aussi 
à  des  considérations  budgétaires ,  peut-être  même  à  l'insuffi- 
sance actuelle  du  personnel.  Mais  l'important  était  que  l'en- 
seignement historique  du  droit  fût  déclaré  obligatoire ,  et  c'est 
ce  qu'ont  fait  les  décrets  de  1880  et  1882  en  réglant  la  matière 
des  examens. 

En  dehors  des  deux  cours  dont  il  vient  d'être  question,  les 
facultés  de  Paris  et  de  Toulouse  possèdent  depuis  1859  des 
chaires  de  droit  français  considéré  dans  les  origines  féodales  et 
coutumières.  La  faculté  de  Nancy  a  spontanément  inscrit  ce 
même  enseignement  au  nombre  des  cours  préparatoires  au 
doctorat. 

L'organisation  des  facultés  libres  étant  calquée  sur  celle  des 
facultés  de  l'État,  l'enseignement  historique  du  droit  y  a  na- 
turellement trouvé  place ,  bien  que  dans  des  proportions  un 
peu  plus  restreintes.  La  faculté  de  Paris  est  la  seule  qui  pos- 
sède les  trois  chaires  d'histoire  générale,  d'histoire  approfondie 
et  de  droit  coutumier.  Les  facultés  d'Angers,  de  Lille,  de 
Lyon  et  de  Marseille  n'ont  qu'une  seule  chaire  d'histoire  du 
droit  français;  il  est  vrai  que  par  une  sorte  de  compensation 
la  faculté  de  Marseille  possède  une  chaire  d'histoire  du  droit 
romain,  celle  de  Lyon  une  chaire  de  droit  coutumier •,  celles  de 
Lille  et  d'Angers  des  chaires  de  droit  canonique.  La  faculté 
de  Toulouse  est  à  cet  égard  la  moins  bien  dotée;  un  seul 
cours  y  est  institué  pour  les  enseignements  réunis  du  droit 
coutumier  et  de  Y  histoire  générale  du  droit  français. 

Les  facultés  de  droit,  officielles  ou  libres,  ne  sont  pas  d'ail- 


CHRONIQUE.  693 

leurs  les  seuls  établissements  d'enseignement  supérieur  où 
l'étude  historique  des  législations  ait  reçu  droit  de  cité  : 

Il  existe  au  collège  de  France  une  chaire  d'histoire  des  lé- 
gislations comparées,  illustrée  par  le  long  et  brillant  enseigne- 
ment de  M.  Laboulaye.  Le  successeur  du  maître  exposera 
cette  année  la  condition  juridique  des  paysans  de  l'Alsace,  de 
l'Allemagne  et  de  la  Suisse  au  moyen-âge  d'après  le  recueil 
des  Weisthùmer  de  Grimm. 

L'École  nationale  des  Chartes  possède  à  la  fois  une  chaire 
d'institutions,  dont  le  titulaire  passe  en  revue  chaque  année 
les  institutions  politiques ,  administratives  et  judiciaires  de  la 
France  depuis  la  conquête  des  Romains  jusqu'à  la  Constitu- 
tion de  Tan  VIII,  et  une  chaire  d'éléments  du  droit  civil, 
féodal  et  canonique ,  où  le  professeur  se  propose  cette  année 
d'exposer  l'état  du  droit  coutumier  dans  le  midi  de  la  France 
au  xm°  siècle  d'après  les  Coutumes  de  Toulouse  et  de  Mont- 
pellier. 

Les  maîtres  de  Conférences  de  l'École  pratique  des  Hautes- 
Etudes  annoncent  qu'ils  traiteront  de  la  bibliographie  du  droit 
français  antérieurement  au  xrv*  siècle,  des  rapports  de  la 
royauté  avec  les  villes  depuis  l'avènement  de  Louis  VI  jus- 
qu'à la  mort  de  Philippe  le  Bel ,  des  origines  de  l'appel  comme 
d'abus  et  des  rapports  de  l'Église  avec  l'État  du  xve  au  xvue 
siècle.  L'un  d'eux  doit  consacrer  un  jour  par  semaine  à  l'ex- 
plication des  chartes  de  communes ,  de  franchises  et  de  cou- 
tumes. 

Enfin  les  facultés  des  lettres  elles-mêmes  apportent  leur 
contingent  d'efforts  à  l'œuvre  commune.  Nous  ne  connaissons 
pas  encore  les  programmes  des  facultés  de  province  pour  la 
présente  année  scolaire,  mais  nous  voyons,  par  celui  delà 
faculté  de  Paris,  qu'un  professeur  traitera  de  l'histoire  des 
lois  agraires,  un  autre  des  institutions  de  la  France  du  vne 
au  ixe  siècle,  un  troisième  de  l'histoire  constitutionnelle  de 
l'Allemagne  depuis  la  Réforme,  et  que  deux  jeunes  docteurs, 
profitant  des  facilités  récemment  accordées  par  le  décret  du 
24  juillet  1883,  ouvriront  des  cours  libres,  l'un  sur  l'histoire 
des  institutions  grecques,  l'autre  sur  l'histoire  des  institutions 
romaines. 

Sans  doute  on  peut  encore  signaler  d'importants  desiderata. 


694  CHRONIQUE. 

L'histoire  du  droit  romain  n'est  associée  à  l'histoire  du  droit 
français  que  sur  les  programmes  des  facultés  de  Paris  et  de 
Nancy,  et  pour  combler  cette  lacune,  plusieurs  facultés  se 
sont  résignées  à  détourner  le  cours  de  Pandectes  de  sa  desti- 
nation naturelle.  C'est  ainsi  qu'à  Douai  le  professeur  de  Pan- 
dectes traitera  cette  année  des  sources  du  droit  à  Rome ,  qu'à 
Grenoble  il  interprétera  les  plaidoyers  de  Cicéron,  qu'à  Ren- 
nes il  exposera,  les  controverses  des  Proculiens  et  des  Sabi- 
niens.  Il  est  plus  regrettable  encore  qu'il  n'existe  dans  aucune 
des  facultés  de  l'État  des  cours  de  droit  canonique ,  dont  l'é- 
tude jetterait  une  si  vivre  lumière  sur  l'origine  et  les  dévelop- 
pements de  notre  procédure.  Mais  si  l'on  se  reporte  à  trente 
où  quarante  ans  en  arrière,  à  l'époque  où  l'enseignement  his- 
torique du  droit  n'existait  qu'à  la  faculté  de  Paris  et  n'y 
possédait  qu'une  seule  chaire,  on  ne  peut  méconnaître  les 
immenses  progrès  qui  ont  été  accomplis  et  on  prend  confiance 
dans  les  satisfactions  que  nous  réserve  l'avenir. 


E.  R. 


TABLE  DES  MATIÈRES. 


ARTICLES  DE  FOND. 

Pages. 

A.  Ebmein.  —  Le  testament  du  mari  et  la  Donatio  ante  nuptias. .        1 

D'Arbois  de  Jubainville.  —  Le  Senchus  môr.  Etudes  d'un 
cours  professé  au  Collège  de  France  pendant  le  premier  se- 
mestre de  Tannée  1883-1884 33 

Bûche.  —  Essai  sur  l'ancienne  Coutume  de  Paris  aux  xni*  et 
xiv6  siècles 46,  321,  635 

Chassaino.  —  Ordonnance  de  Louis  XI  sanctionnant  des  articles 
arrêtés  entre  les  consuls  et  les  habitants  du  Puy-en-Veiay 
pour  l'administration  de  cette  ville  (Montils-les-Tours,  no- 
vembre, 1469) 87 

Ernest  Glabson.  —  Les  origines  du  costume  de  la  magistrature.    109 

Maurice  Prou.  —  Les  Coutumes  de  Lorris  et  leur  propagation 
aux  xiï«  et  xin6  siècles 139,  267,  441 

Gerardin.  —  Etude  sur  la  solidarité 237 

Feux  Aubert.  —  Note  sur  la  date  du  Stilus  Parlamenti  de  Guil- 
laume du  Breuil 355 

H.  de  Ferron.  —  De  la  circonscription  des  communes  par  la 
Constituante  de  1789 361 

Rodolphe  Dareste.  —  La  transcription  des  ventes  en  droit 
hellénique ,  d'après  les  monuments  épigraphiques  récemment 
découverts 373 

P.-F.  Girard.  —  La  garantie  d'éviction  dans  la  vente  consen- 
suelle      395 

Villequez.  —  De  la  faculté  accordée  à  l'héritier  de  revenir  sur 
sa  renonciation 489 

Glasson,  —  Rapport  fait  au  nom  de  la  section  de  législation  à 
l'Académie  des  Sciences  morales  et  politiques,  sur  le  concours 
du  prix  Koenioswarter 511 

Gérardin.  —  De  l'acquisition  des  fruits  par  l'usufruitier 609 

VARIÉTÉS  ET  DOCUMENTS. 

Chronique 234,  369,  481,  685 

Georges  Blondel.  —  Notes  sur  quelques  manuscrits  de  la  Biblio- 
thèque royale  de  Berlin  (Collection  Hamilton) 211 

H.  Brunner.  —  Note  sur  une  Somme  française  du  XIVe  siècle  sur 

le  Code 221 

Adolphe  Tardif.  —  Etude  sur  la  date  du  Formulaire  de  Marculf.  557 

Brutails.  —  Etude  critique  sur  Los  Paramientos  de  la  Caza.. .  567 


696  TABLE   DES   MATIÈRES. 


COMPTES  RENDUS  BIBLIOGRAPHIQUES. 

Pages. 

Caillembr.  —  Le  droit  civil  dans  les  provinces  anglo-normandes 
au  XIIe  siècle  (Glasson) 101 

Louis  Jousserandot.  —  Ledit  perpétuel  restitué  et  commenté 
(Gaston  May) 104 

De  Vogué.  —  Inscriptions  palmyréniennes.  Un  tarif  sous  l'Em- 
pire romain  (Rodolphe  Dareste) 223 

Albert  Sorel.  —  Recueil  des  instructions  données  aux  ambas- 
sadeurs et  aux  ministres  de  France  depuis  les  traités  de  West- 
phalie  jusqu'à  la  Révolution  française,  tome  I,  Autriche  (E. 
de  Roziere) 224 

H.  Welschinger.  —  La  censure  sous  le  premier  Empire  (G. 
Grandjean) 227 

G.  Richou.  —  Traité  théorique  et  pratique  des  archives  publiques 
(Paul  Dareste) 229 

E.  Montagnon.  —  De  la  nature  des  conditions  civiles  à  Rome 
(E.  Thallbr) 459 

Edmond  Bonvalot.  —  Le  Tiers-État  d'après  la  charte  de  Beau- 
mont  et  ses  filiales  (André  Weiss) 470 

Fernand  Daguin.  —  Code  de  procédure  pénale  allemand  du  Ier 
février  1877  (Ludovic  Beauchet) 474 

L.  Tanon.  —  Histoire  des  justices  des  anciennes  églises  et  com- 
munautés monastiques  de  Paris ,  suivie  des  registres  inédits 
de  Saint-Maur-des-Fossés ,  Sainte-Geneviève,  SainlrGermain- 
des-Prés  et  du  Registre  de  Saint-Marlin-des-Champs  (P.  Four- 
nier) 373 

Willem-Joan  Wintgens.  —  Code  pénal  des  Pays-Bas  du  3  mars 
(L.  Beauchet) 579 

Louis  Durand.  —  Essai  de  droit  international  privé,  précédé 
d'une  Étude  historique  sur  la  condition  des  étrangers  en  France 
et  suivi  de  tous  les  traités  intéressant  les  étrangers  (F.  M.).     583 

Charles  Giraud.  —  Essai  sur  l'histoire  du  droit  français  au 
moyen-âge  (Ed.  Laboulaye) 586 

G.-P.  Schoemann.  —  Antiquités  grecques ,  traduites  par  C.  Ga- 
luski  (R.  Dareste) 671 

Achille  Luchaire.  —  Histoire  des  institutions  monarchiques  de 
la  France  sous  les  premiers  Capétiens  (987-1 1 80)  (A.  Esmein).    673 

Emile  Delecroix.  —  Revue  de  la  législation  des  mines,  minières, 
usines  métallurgiques,  carrières  et  sources  d'eau  minérales, 
de  la  jurisprudence  et  du  droit  comparé  en  ces  matières 
(Emile  Jobbé-Duval) 681 


BAH-LB-DUC,  IMPRIMERIE  CONTANT-LAOUBRRB. 


BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE 


ET  CRITIQUE 


PUBLICATIONS  NOUVELLES 

(LIVRES  ET  ARTICLES  DE  revue) 

1°  Biographie  et  Bibliographie. 

4.  Cunningham.  —  Adam  Smith  et  les  mercantilistes  [Zeitschrift 
f.  die  Gesammte  Staatswissensckaft,  XL-4 .  Tubingue,  1884). 

2.  Germain.  —  Mémoire  sot  les  manuscrits  autographes  laissés 
par  Pierre  Flameogin,  vicaire  général  de  l'évéqae  de  Magueloone, 
pais  abbé  de  Saint-Victor  de  Marseille  [Académie  des  Inscriptions 
et  Belles-Lettres,  28  sept.  4883). 

• 

3.  Hanréan.  —  Catalogne  des  manuscrits  de  Bordeaux  (Journal  des 
Savants,  4883,  nov.). 

4.  Jouanlt  (A.).  —  Abraham  Lincoln,  sa  jeunesse  et  sa  vie  politique. 
Histoire  de  l'abolition  de  l'esclavage  aux  États-Unis.  3«  édition,  in- 
48  jésns,  260  p.  avec  portraits  et  vignettes  [Paris,  Hachette  et  £»•). 

5.  Lagarde  (P.  de}.  —  La  collection  des  manuscrits  du  comte 
d'Asnburnham  [Naehrichten  von  der  K.  Gesellschaft  der  Wissens- 
chaften  su  Gvttmgen.,  4884,  n»  4). 

S.  Landwëhr.  —  Manuscrits  grecs  du  Fajoum  (Philohgus,  4883, 
n«  5). 

7.  Meyer  (P.).  —  Les  manuscrits  du  connétable  de  Lesdiguières 
{Romama,  XII,  4883,. 

8.  MoaHn  H.].  —  Portraits  judiciaires.  Claude  Gautier,  avocat  au 
Parlement,  4590-4666  [Paris,  Charavay,  in-8*,. 

9.  SanrhfT  de  Castro  (F.).  —  Apuntes  d*  la  literatura  y  bibfio- 
grafia  jaridîcas  de  Espana  [Madrid,  Murillo.  En  4*,  463  pages). 
Prix 5  fr. 

FUvra  cm.  —  Tome  VIII,  1* 


À  BULLETIN   BIBLIOGRAPHIQUE 

40.  Soultrait  (de).  —  Notice  sur  les  manuscrits  du  trésor  de  l'é- 
glise métropolitaine  de  Lyon  (Revue  lyonnaise ,  4883,  tome  V). 

M.  Thomas  (L.).  —  Bibliographie  de  la  ville  et  du  canton  de  Pon- 
toise  (Mémoires  de  la  Société  historique  du  Vexin). 

42.  Vœsen.  —  Catalogue  du  fonds  Bourré  à  la  Bibliothèque  natio- 
nale (Biblioth.  de  l'Ecole  des  Chartes,  4884,  fasc.  4). 

43.  Vidal  (G.).  —  Notice  sur  Henri  Rozy,  professeur  à  la  Faculté 
de  droit  de  Toulouse  (Académie  de  législation  de  Toulouse,  t.  XXXI, 
4883). 

2°  Philosophie  de  droit  et  des  Sciences  sociales. 

4  4.  Adler  (G.).  —  Rodbertus,  d.  Begrunder  d.  wissenschaftlichen 
Sozialismus.  Ëine  sozial-ôkonom.  Studie.  gr.  8.  IX,  90  p.  (Leip- 
zig ,  Duncker  et  Humblot) 2  fr. 

45.  Brissaud  (E.).  —  Identité  des  principes  de  morale,  de  droit  et 
d'économie  dans  leur  application  aux  institutions  de  prévoyance  ; 
Examen  critique  des  Statuts  de  l'Association  de  prévoyance  des 
employés  civils  de  l'Etat.  In-48  jésus,  85  p.  (Paris,  Guillaumin 
et&*) 4  fr. 

46.  Brockhausen  (G.)  et  Bruhns  (A.).  —  Rechtslehre.  Die  wich- 
tigsten  Rechtsbegriffe  u.  ihre  Bedeutung  im  praktischen  Leben. 
Zum  Gebrauche  an  Handels-,  Gewerbe-  u.  Mittelschulen ,  sowie 
zum  Selbstunterricht ,  gr.  8.  V,  442  p.  (Wien,  Brockhausen  et 
Brâuer) 3  fr. 

47.  Cisotti  (G.-B.).  —  Sulle  condizioni  délia  nostra  legislazione  ris- 
petto  aile  esigenze  del  civile  progresso  :  lettura,  ecc.  (Venezia,  tip, 
Fontana,  in-8.  pag.  24). 

48.  Fétis.  —  Cours  d'encyclopédie  du  droit,  autographié.  Cahier 
in-4°,  111-90  p.  (Bruxelles,  Mavolez). 

49.  Glasson  (E.).  —  Élément  du  droit  français  considéré  dans  ses 
rapports  avec  le  droit  naturel  et  l'économie  politique.  Nouvelle 
édition,  revue,  corrigée  et  augmentée,  2  vol.  in-8°,  t.  I,  704  p.; 
t.  U ,  vu  575  p.  (Paris,  Pedone-Lauriel) 46  fr. 

20.  Hosmer  (G.-W.-M.-D.).  —  The  people  and  poli  tics;  or,  the 
structure  of  the  states  and  the  significance  and  relation  of  political 
forms  (Boston ,  James  R.  Osgood  et  Co.,  64-339) 4  fr. 

21.  Ihering  (R.-V.).  —  DerZweckim  Recht.  2.  Bd.  Lex.-8.  xxx- 
746  p 20  fr. 

22.  Kahle  (A.).  —  Lasson's  System  der  Rechtsphilosophie,  in  seinen 
Grundzugen  beurtheilt.  Ein  Vortrag  nebst  der  dabei  staltgehabten 
Diskussion,  gr.  8.  Halle,  Pfeffer  (Philosophische  Vortrâge.  Neue 
Folge.  Heft  5). 4  fr.  50 


ET  CRITIQUE.  3 

23.  Kohler  (J.).  —  Shakespeare  vor  dem  Forum  der  Jurisprudenz. 
(In  2  Lfgn.)  4 .  Lfg.  gr.  8  (Wùrzburg,  Stahel.) 3  fr. 

24.  Kohler  (0.).  —  Der  Egoismus  u.  die  Civilisation.  Eine  sozial- 
philosoph.  Erôrterg.  8  (Stuttgart ,  Dietz) 4  fr.  50 

25.  Lightwood  (J.-M.).  —  The  nature  of  positive law (New  York, 
Macmillan,  44+449  p.  0.) 4  fr.' 

26.  Sturm  (A.).  —  Recht  u.  Rechtsquelien.  Eine  Abhandlg.  gr.  8 
(Kassel,  Wigand) 6  fr.  25 

27.  Wendt  Otto.  —  Rechtsatz  und  Dogma  Théorie  und  Praxis. 
(Jahrbùcher  f.  die  Dogmatik  d.  heut.  rœmischenu.  deut.  Priva- 
trechts,  4884,  t.  XXII,  fasc.  3-5). 


3°  Enseignement  et  Instruction  publique. 

28.  Brun-Durand.  —  Accord  entre  le  recteur  et  les  professeurs 
des  écoles  de  Romans  (Drôme)  en  4406  [Comité  des  trav.  histori- 
ques, 4883). 

29.  École  libre  des  sciences  politiques  à  Paris;  organisation,  pro- 
gramme des  cours,  renseignement  sur  les  carrières  auxquelles 
l'École  prépare  :  diplomatie,  consulats,  Conseil  d'État,  inspec- 
tion des  finances,  chemins  de  fer,  etc.  In-42,  57  p.  (Paris,  Po- 
thon) 4  fr. 

30.  Franck.  —  Les  sciences  occultes  au  xvi«  siècle  (Journal  des 
Savants, déc.  4883). 

34.  Germain  (A.).  —  La  Faculté  de  théologie  de  Montpellier  (Mé- 
moires de  l'Académie  de  Montpellier,  in-4o,  4884). 

32.  Knoll.  —  Ub.  das  Deutschthum  in  Prag.  u.  seine  augenblickli- 
che  Lage.  Vortrag,  geh.  am  20.  Màrz  4883  im  Deutschen  Vereine 
in  Prag.  2.  Aufi.  Gr.  in-8°  (Prag,  Dominions) 0  fr.  50 

33.  Laspeyres.  —  Les  Universités  allemandes  et  la  faveur  dont 
chacune  jouit  auprès  des  étudiants  d'après  les  statistiques  (Deutsche 
Bévue,  VIII,  8). 

34.  Les  sciences  naturelles  au  Moyen-âge  et  en  particulier  sur 
l'École  de  Fulda  au  ixe  siècle  (Historich-politische  Blœtter  f.  das 
Kathol.  DeutscKUmd,  t.  XCI,  4883). 

35.  Luschin  von  Ebengreuth.  —  Les  Autrichiens  aux  Univer- 
sités italiennes  lors  de  la  réception  du  droit  romain  (Blœtter  d. 
Vereins  f.  Landeskunde  von  Niederœsterreisch ,  XVI,  4882). 

36.  Munsterberg  (H.).  —  Studentenpfiicht  u.  Studentenrecht.  Ein 
Wort  an  d.  deut.  Studentenschaft ,  23  p.  gr.  in-8°  (Leipzig ,  G. 
Wolff) 0  fr.  75 

Revub  hist.  —  Tome  VIII.  1** 


4  BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE 

37.  Programme  et  règlements  des  Facultés  de  droit ,  d'après  les 
lois,  décrets,  circulaires  et  arrêté*  e»  vigueur  à  la  Faculté  de  droit 
de  Paris  (4883-4884).  In-42,  48  p.  [Paris,  Larose  et  Force!).  0  fr.  50 

38.  Report,  of  the  Committee  of  Gouncil  of  Education  (England 
and  Wales).  With  Appendix  (Àbridged)  4882-83.  Arrandged  by  J. 
H.  Hume.  8vo  (London,  Knight) 4  fr.  25 

39.  Schwicker.  —  Les  Universités  hongroises  (fondation,  histoire, 
constitution)  (AufderEœhe,  t.  VIII,  4883). 

40.  Wie  studirt  man  Jurisprudenz  ?  Von  e.  prakt.  Juristes,  vui- 
26  p.  (Leipsig ,  Rossberg) 0  fr.  80 

44.  Woli  (G.).  —  Zur  Geschichteder  Wiener  Universitat.  Gr.  in«8\ 
v-242  p.  (Wien,  Hôlder) 6  fr. 

4°  Droit  oriental  ancien  et  moderne. 

42.  Dabry  de  Thlersant.  —  De  l'origine  des  Indiens  du  Nou- 
veau-Monde et  de  leur  civilisation,  in-8<>  [Paris,  Leroux). 

43.  Dareste  (R.).  —  Les  anciens  Godes  brahmaniques  (Journal  des 
Savants,  janv. -février  4884). 

44.  Fulton  (J.  D.  D.).  —  The  law  of  marriage  :  containing  the  He- 
brew  law,  the  Roman  law,  the  law  of  the  New  Testament,  and 
the  canon  Law  of  the  universal  church  concerning  the  impediments 
of  marriage  and  the  dissolution  of  the  marriage  bond  ;  digested 
and  arrangea  with  notes  and  scholia  (New  York,  E.  et  J.  B.  Toung 
et  Co.  48+270) 3  fr. 

45.  Lebon  (G.).  —  La  civilisation  des  Arabes,  in-4°  (Paris,  Didot). 

46.  Letter  of  the  High  Court  of  Bengal  on  the  Indian  Criminal  Pro- 
cédure Bill.  8vo,  sd.,  pp.  30  (London,  Smith  and  Elder)..    4  fr.  25 

47.  Vernes.  —  Les  débuts  de  la  nation  juive.  État  social  et  poli- 
tique (Revue  de  l'histoire  des  religions,  VIII,  octob.  4883). 

5°  Droit  orec. 

48.  Belooh.  —  Sur  l'histoire  Onancière  d'Athènes  (Rheinisches  Mu- 
séum fur  Philologie,  t.  XXXIX,  4.  4884). 

49.  Duncker.  —  Le  procès  de  Pausanias  (R.  preussische  Ahad.  der 
Wissenschaften  tu  Berlin,  Sitzungsberichte,  4883 ,  fasc.  43). 

50.  Peigier.  —  Die  Urzeit  von  Hellas  und  Italien,  4883. 

54 .  Genthe.  —  Les  rapports  des  Grecs  et  des  Romains  avec  la 
Baltique  (Gelehrte  Estnische  Gesellschaft,  4883). 


ET   CRITIQUE.  5 

51.  Guiraud.  —  De  la  condition  des  alliés  pendant  la  première 
confédération  athénienne  (Annales  de  la  Faculté  des  Lettres  de  Bor- 
deaux, 5«  année ,  n°  S). 

59.  LoUing.  —  Documents  sur  la  Thessalie  ;  affranchissements,  ad- 
mission de  nouveaux  citoyens,  etc..  (Mitheilungen  des  deutsehen 
archooologischen  Institutes  in  Athen.,  4883,  VIII,  fasc.  3). 


6°  Droit  romain. 

54.  Autos  (S.).  —  The  History  and  Principes  of  the  Civil  Law  of 
Rome;  an  Àid  to  the  Study  of  Scieutiûc  and  Comparative  jurispru- 
dence. 8vo,  pp.  460  (London,  Paul,  Trench  and  Go.) 20  fr. 

55.  Aube  (B.).  —  Les  faillis  et  les  Libellatiques  pendant  la  persé- 
cution de  Dèce  (Revue  historique,  janvier  4884). 

56.  Drioux  (J.).  —  Droit  romain  :  las  Collèges  d'artisans  dans 
l'empire  romain;  Histoire  du  droit  de  la  gilde germanique;  droit 
français:  les  Coalitions  d'ouvriers  de  4789  à  nos  jours.  In-8°,  442  p. 
(Paris,  imp.  Lahure). 

57.  Fischer.  —  Studien  zur  byzaotinischen  geschichte  des  XI 
Jahrh  (Traité  de  l'élection  des  patriarches  au  xi«  siècle,  de  l'origine 
du  tractatus  de  peculiis,  du  tractatus  de  privilegiis  creditorum, 
ée  la  synopsis  logum  de  M.  Psellos). 

58.  Frennd  (F.).  —  Die  gesetzlichen  Beschrankungen  d.  Grundei- 
gesthums  im  rdmischen  Recht.  gr.  8. 38  p.  (Berlin,  Bahr) .     4  fr.  50 

59.  Gellens-Wiliord.  —  La  famille  et  le  cursus  honorum  de  l'em- 
pereur Septime-Sévère  [Bibliothèque  des  antiq.  afriq.  Paris,  Pi- 

tard}. 

60.  Granert.  —  La  donation  de  Constantin  (Gœres-Gessellschaft. 
Histerisches  Jahrbuch,lV ',  4.  4883). 

64.  Jullian.  —  Le  Breviarium  totius  imper ii  de  l'empereur  Au- 
guste (Mélanges  d'archéologie  et  d'hist.  de  l'École  de  Borne,  mai 
4883). 

62.  Jurien  de  la  Gravière.  —  Le  commerce  de  l'Orient  sous  les 
règnes  d'Auguste  et  de  Claude  (Bévue  des  Deux-Mondes,  *5  nov. 
1*89). 

63.  Kindel  (W.).  —  Die  Grundlagen  d.  rômischen  Besitzrechts.  gr. 
8  [Berlin,  Vahlen) i4  fr. 

64.  Madvig. —  L'état  romain,  sa  constitution  et  son  administra- 
tion, traduit  par  M.  Morel,  in-8°,  t.  III  (Paris,  Viewey). 

65.  Merkel  (J.).  —  Abhandlungen  aus  dem  Gebiete  d.  rômischen 
Eechts,  2.  Hft.  Ueber  die  Geschichte  der  klass.  Appellation,  gr.  8 
(Halle  Niemeyer 6  fr. 


i 


i 


6  BULLETIN   BIBLIOGRAPHIQUE 

66.  Picon  (J.).  —De  l'organisation  des  collèges  de  pontifes  en  droit 
romain  et  des  fabriques  paroissiales  en  droit  français,  in -8© 
(Angers,  Lachése). 

67.  Regnaud  (P.)*  —  L'origine  du  mot  latin  arbiter  (Revue  lyon- 
naise, 4884,  t.  VI). 

68.  S6hm(R.).  —  Institutionen  d.  rômischen  Rechts.  gr.  8,  xiv- 
390  (Leipsig,  Duncker  et  Humblot) 9  fir. 

69.  Ungor  (Joseph).  —  Correalitœt  und  solidaritœt  im  rœmischeo 
nnd  heutigen  Rechte  (Jahrbùcher  f,  die  Dogmatik  d.  heut,  rccnùs- 
eken  u.  deut.  PrivatrechU,  4884,  t.  XXII,  f.  3-5). 

70.  Weise.  —  De  quel  état  Rome  a-t-elle  subi  l'influence  dans  son 
développement  moral?  (Rheinisches  Muséum  fur  Philologie, 
t.  XXXVII,  4883). 

7°  Droit  canonique  ancien  et  moderne. 

74.  Audiat.  Documents  relatifs  à  l'évêché  et  au  chapitre  de  Saintes 
(4444  4785)  [Archives  historiques  de  la  Saintonge,  t.  X,  4882). 

72.  Boor  (de  C).  —  Sur  la  connaissance  des  manuscrits  des  histo- 
riens grecs  de  l'Église  (Zeitschrift  /\  Kirchengeschichte ,  VI.  3). 

73.  Denys  d'Aussy.  —  Un  plan  de  religion  civile  en  4797  [Revue 
des  questions  historiques,  4"  janv.  4884). 

74.  Ezerville  (F.-J.  d').  —  Le  tiers-ordre  séculier  de  Saint-Fran- 
çois, d'après  la  dernière  constitution  de  Léon  XIII,  in-8°  (Lille, 
Lefèvre). 

75.  Foucault.  —  Essa'  sur  Yves  de  Chartres,  in-8°  (Chartres,  Gar- 
nier). 

76.  Frémont  (G.).  —  Les  rapports  de  l'Église  et  de  l'État,  consi- 
déré au  double  point  de  vue  théorique  et  pratique.  In-48  jésus, 
442  p.  [Paris,  Berche  et  Tralin}. 

77.  Friedrich  (J.).  —  Geschichte  d.  Vatikanischen  Konzils.  2.  Bd. 
gr.  8.  xxxv-458  (Bonn  ,  Neusser) 44  fr. 

78.  Holscher.  —  Le  diocèse  de  Paderborn,  ses  anciennes  limites, 
ses  archidiaconés ,  ses  gauen  et  ses  anciennes  justices  (Zeiischrift 
f,  vaterl.  Geschischte  u.  alterthumskunde ,  XLI,  L.  4883). 

79.  Jeasop  (Dr).  —  La  vie  journalière  dans  les  monastères  du 
moyen-âge  (The  Nineteenth  Century,  janv.  4884). 

80.  Knoapfler.  —  Sur  l'inquisition  (Historisch-politische  Blœtter  f. 
dos  Katholische  Deutschland,  t.  XCI,  4883). 

84.  Lefevre  (abbé).  —  Saint  Bruno  et  l'ordre  des  Chartreux,  2  v. 
in-8<>  (Bordeaux). 


ET  CRITIQUE.  7 

82.  Molinier  (Ch.).  —  Un  traite  inédit  du  xm*  siècle  contre  les 
hérétiques  Cathares  {Annales  de  la  Faculté  des  Lettres  de  Bor- 
deaux, 5«  année,  n°  2). 

83.  Rittner.  —  La  collection  des  Décrétâtes  Grégoriennes  et  les 
quinque  compilationes  antiquse,  publiées  par  Friedberg  (Zeitschrift 
f.  Kirchenrecht ,  XIX ,  4  883) . 

84.  Roman.  —  Visites  faites  dans  les  prieurés  de  Tordre  de  Gluny 
du  Dauphiné,  4280-4303  (Bulletin  d'histoire  ecclésiastique,  nov. 
4883). 

85.  Wood.  —  Les  cours  de  commission  ecclésiastique  [The  con- 
temporary  Review ,  déc.  4883). 


8°  Droit  franc  et  germanique. 

86.  Bayet  (G.).  —  Les  élections  pontificales  sous  les  Carolingiens 
au  vm*  et  au  ix«  siècle ,  757*885  (Revue  historique ,  janvier  4884). 

87.  Ghamard  (Dom).  —  L'Aquitaine  sous  les  derniers  Mérovin- 
giens aux  vu©  et  vin*  siècles  (Revue  des  questions  historiques ,  jan- 
vier 4884). 

88.  Dareste  (R.).  —  L'Organisation  judiciaire,  le  Droit  pénal  et  la 
Procédure  pénale  de  la  Loi  Salique,  précédés  d'une  étude  sur  toutes 
les  classes  de  la  population  mentionnées  dans  le  texte  de  cette 
loi,  par  J.-J.  Thonissen.  In-4°,  26  p.  Paris,  imp.  nationale. 

(Extrait  du  Journal  des  Savants,  août-octobre  1883.) 

89.  Dûmmler.  —  Témoignages  disséminés  dans  les  auteurs  anciens 
sur  les  Germains  (Forschungen  sur  deutschen  Geschichte,  XXIII-4). 


90.  Dure.  —  Les  noms  de  lieu  des  traditiones  Corbeienses  [Zeitschrift 
f.  vaterlœndische  Geschichte  und  Alterthumskunde,  XLI,  4,  4883). 

94.  Hirschield.  —  Études  sur  les  Gaulois,  leur  organisation  poli- 
tique et  agricole  {K.  Akademie  der  Wissenschaften.  Sitzungsber. 
Vienne,  t.  Clll,  4883). 

92.  Loeher  (Von).  —  Les  sacrifices  humains  existaient-ils  chez  les 
Germains?  (Archiv.  f.  anthropologie,  XV,  fasc.  4-42,  4884). 

93.  Noaher  et  Christ.  —  Les  premiers  travaux  défensifs  élevés 
par  les  Germains  près  du  Rhin  supérieur  (Westdeutsche  Zeitschrift 
f.  Geschichte  und  Kunst,  Il  ,4883,  3). 

94.  Pappenheim.  —  Sur  Tordre  de  succession  dans  l'ancien  droit 
lombard  (Forschungen  zur  deutschen  Geschichte,  XXIII.  4). 

95.  Schrœder  (Rich.).  —  Ueber  die  frœnkischen  Formelsammlun- 
gen  (Zeitschrift  d.  Savigny-Stiftung ,  4883,  IV.  3). 


8  BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE 


96.  Schrœdar  (Rieb.V  —  GeseUsprecheraoU  nd  Piiuihalrt  bai 
den  GennaoeA  [Zeitsckrift  d.  Saoignf-Stiftvxg ,  48*3,  IV.  3). 

97.  Sepp.  —  L'hypothèse  de  Zeo9s  sur  l'origine  des  Bavarois 
(Oberbaierisches  Archiv  fur  vaUrlœndûeke  Gesekiekte,  i.  XU, 

4882). 

98.  8ohm  (R.).  —  Lex  Ribuaria  et  lex  Franconnn  ChamavoniM. 
Ex  monomeotis  Germania  historicis  récusa*,  gr.  8.  446  p.  In- 
nover,  Hahn) 3  fr. 

99.  Val  de  Lièvre.  —  Révision  der  Launegilds-theorie  (Zeitschrift 
d.  Saeigny-Stiftung  f  4883,  IV.  3). 

400.  Wagner.  Rud.  —  Zur  frage  nach  der  Entstehung  and  dem 
Geltungsgebiet  der  Lex  Romana  Utinensis  (ZeUschrift  d.  Savigny- 
8tiftung,mZ,IV.Z). 

404.  Werneburg.  —  Les  demeures  des  Ghérasques  et  le  pays  d'o- 
rigine des  Thuringiens  (K.  Akad.  Gemeinnùtziger  Wissenschaften 
zu  Erfurt,  4882,  fasc.  40). 

402.  Zenmer  (Karl).  —  Cartam  levare  in  Sanct  galler  Urkandea 
(Zeitschrift  d.  Savigny-Stiftung,  4883 ,  IV.  3). 

9°  Histoire  du  droit  français. 

403.  Archives  historiques  du  Poitou,  t.  XIII,  in-8»  (Poitiers,  Ou- 

din). 

404.  Archives  de  Bretagne ,  recueils  d'actes,  chroniques  et  docu- 
ments historiques,  t.  I.  Privilèges  de  la  ville  de  Nantes,  in-4* 
(Nantes,  Forest). 

405.  Aubert(F.).  —  Essai  sur  l'organisation,  les  attributions,  la 
compétence  et  la  procédure  civile  du  Parlement  de  Paris,  de  4380 
à  4449,  in-8<>  [Paris,  Derenne). 

406.  Blanc  (H.).  —  Le  compagnon  des  corporations  de  métiers  et 
l'organisation  ouvrière  du  xm«  au  xvm°  siècle. 

(Extrait  de  Y  Association  catholique  du  15  nov.  1883.) 

407.  Bournon.  —  Instructions  de  Sully  aux  officiers  de  l'élection 
de  Romorantin  pour  la  levée  de  l'impôt  en  4608  (Comité  des  ira», 
historiques,  4883). 

108.  Bronner  (H.).  —  Die  coutumiers  der  Hamiltons-Versamm- 
iung  (Zeitschrift  d.  Savigny.  Stiftung,  4883,  IV.  3). 

409.  Gharavay.  —  Protestation  d'un  noble  Normand  contre  l'abo- 
lition du  droit  d'atnesse  et  des  titres  de  noblesse  (La  Révolution 
française,  octobre  4883). 


ET   CRITIQUE.  9 

440.  Coliavru.  —  La  question  des  subsistances  en  4789  (La  Révo- 
lution française ,  oct.  4883). 

444.  Cou&ôt  (A.).  —  Une  information  devant  le  juge  royal  de  Mu- 
ret en  4782  (Académie  de  législat.  de  Toulouse  t.  XXXI,  18*3). 

442.  Courtois  (G.).  —  Uô  et  coutumes  du  canton  de  Bellème  (Orne), 
recueillis  jusqu'en  4883,  in-8°  (Bellème,  4884). 

443.  Decoux-Lagouste.  —  Notes  et  documents  pour  servir  à 
l'histoire  des  juridictions  royales  en  Bas-Limousin,  1468-4790,  in-8« 
(Tulle ,  Craujfon). 

444.  Dubédat.  — -  Le  procès  de  Galas.  Bitrait  de  l'histoire  du  Par- 
lement de  Toulouse  (Académie  de  législat.  de  Toulouse,  t.  XXXI, 
4883). 

445.  Dubord(R.).  —  Solomiac.  Histoire  de  cette  bastide  depuis  sa 
fondation  en  4322  jusqu'aux  temps  modernes. 

(Extrait  de  la  Revue  de  Gascogne.) 

446.  Durand  (À.).  —  Histoire  de  Mantes  depuis  le  ix*  siècle  jus- 
qu'à la  Révolution,  in-8°  (Mantes,  Gillot). 

447.  Esnault  (abbé).  —  Documents  relatifs  à  l'histoire  des  finances 
sous  le  règne  de  Louis  XIV  (Comité  des  trav.  historiques,  4883). 

448.  Faivre  (abbé).  —  Les  origines  de  BeHevaux ,  hôpital  et  prison 
depuis 4685  (Académie  de  Besançon,  4882). 

449.  Flammennont.  —  Le  chancelier  Maupeou  et  les  Parlements, 
io-8°  (Paris,  Picard). 

420.  Ginoulhiac.  —  Histoire  générale  du  droit  français,  4  v.  in-8° 
(Paris ,  Rousseau ,  4884). 

#24.  Grouchy  (de)  et  Marsy  (de).  —  Un  administrateur  au  temps 
de  Louis  XIV.  Correspondance  de  Robertot  avec  Mazarin  (Messa- 
ger des  se.  histor.  de  la  Belgique,  4883). 

122.  Guérln  (P.).  —  Recueil  de  documents  concernant  le  Poitou, 
contenus  dans  les  registres  de  la  chancellerie  de  Framce,  4302- 
4333  (Archives  historiques  du  Poitou,  t.  XI,  4884). 

423.  Guétat  (J.-E.).  —  Histoire  élémentaire  du  droit  français  de- 
puis ses  origines  gauloises  jusqu'à  la  rédaction  de  nos  Godes  mo 
dômes.  In-8°,  xix-600  p.  (Paris ,  Larose  et  Forcel) 40  fr. 

424.  Inventaire  des  archives  de  la  ville  de  Poitiers  (partie  anté- 
rieure à  4789)  (Société  des  antiquaires  de  l'Ouest.  Mémoires,  4882, 
t.  V,  2®  série). 

425.  Lacoste  (G.).  —  Histoire  générale  de  la  province  de  Quercy , 
in-8<>,  1. 1  (Cahors,  Girma). 

426.  Lamprecht.  —  Les  idées  religieuses  dans  le  monde  laïque  en 
France  pendant  le  xi»  siècle  (Zeitsckrift  fur  Kirchengeschichte , 
VI.  3). 


10  BULLETIN   BIBLIOGRAPHIQUE 

427.  Landsberg  (E.).  —  Die  Glosse  des  Accursius  a.  ihre  Lehre 
vom  Eigeathum.  Rechts.  a.  dogmengeschichtl.  Untersuchg.  Gr. 
in-8°,  xxxi-348  p.  {Leipzig,  Brockhaus) 44  fr. 

428.  Le  Guicheux.  —  Le  château  de  la  Chasseguerre  et  les  sei- 
gneurs de  Belin  et  d'Averton  (Fresnay-sous-Sarthe,  in-8*,  4884). 

429.  LepagefH.).  —  Sur  l'organisation  et  les  institutions  militaires 
de  la  Lorraine  (Nancy,  Berger-Levrault,  in-8o). 

430.  Leroux,  Molinier  et  Thomas.  —  Documents  historiques 
bas-latins,  provençaux  et  français  concernant  la  Marche  et  le 
Limousin.  T.  I  (Limoges,  Ducourtieux,  in-8°). 

434.  Leuridan  (Théod.).  — La  prévôté  d'Halluin  (Mémoires  de  la 
Société  des  Sciences  de  Lille,  t.  XI). 

432.  Luchaire  (A.).  —  Histoire  des  institutions  monarchiques  de 
la  France  sous  les  premiers  Capétiens,  987-4480  (Paris,  Picard, 
2  vol .  in-8o). 

433.  Metzger  (À.).  —  La  république  de  Mulhouse,  son  histoire, 
ses  anciennes  familles  bourgeoises  et  admises  à  résidence  depuis 
les  origines  jusqu'à  4798  (Lyon,  Storck,  in-8°). 

434.  Morey  (J.).  —  Les  Juifs  en  Franche-Comté  au  xive  siècle 
(Revue  des  études  juives,  juillet  4883). 

435.  Morin  (Dom).  —  Histoire  du  Gatinois.  T.  I  (Orléans,  Her- 
luison,  in-  4°). 

436.  Nisard(C).  —  Etat  précaire  de  la  propriété  littéraire  au  xvi* 
siècle  (Paris ,  Dupont,  in-8°). 

437.  Ordonnance  d'Arthur  de  Richemont,  connétable  de  France, 
pour  la  défense  et  l'administration  de  la  ville  d'Eu ,  4  436  (Société 
de  l'histoire  de  Normandie). 

438.  Pélissier  (G.).  —  Les  écrivains  politiques  en  France  avant  la 
Révolution  (Paris,  Weil  et  Maurice,  in-8<>). 

439.  Pellisson  (J.).  »  Le  corps  de  ville  de  Cognac  en  4748  (Ar- 
chives historiques  de  Saint onge ,  t.  X,  4882). 

4  40.  Quantin.  —  Liste  d'hommages ,  aveux  et  dénombrements  de 
diverses  terres  situées  dans  les  bailliages  de  Sens,  Troyes, 
Auxerre ,  etc.  [Société  des  se.  hist.  de  l'Yonne,  4883). 

444 .  Rédet.  —  Cartulaire  de  1  évôché  de  Poitiers  ou  Grand-Gauthier 
(Archives  historiques  du  Poitou,  t.  X,  4884). 

442.  Richemond.  —  Cartulaire  de  l'abbaye  de  la  Grâce-Notre- 
Dame  ou  de  Charon  en  Aunis  [Archives  historiques  de  Saintonge, 
t.  X,  4882). 

443.  Silberschmidt  (W.).  —  Die  commenda  in  ihrer  frûhesteo 
Entwickelung  bis  zum  XIII  Jahr.  Ein  Beitrag  zur  geschichte  der 
stillen  Gesellschaft  (Wurzburg,  4884,  8o,  Stuber). 


ET   CRITIQUE.  11 

144.  Toulgoêt-Tréana  (comte  de).  —  Histoire  de  Vierzon  et  de 
l'abbaye  de  Saint-Pierre ,  avec  pièces  justificatives  [Paris,  Picard, 
in-8°). 

4  45.  VioUet  (Paul).  —  Précis  de  l'histoire  du  droit  français,  ac- 
compagné de  notions  de  droit  canonique  et  d'indications  bibliogra- 
phiques. 4er  fascicule.  Les  sources,  les  personnes  (Paris, Larose et 
Foreel,  in-8<>,  1884). 

4  46.  Vuîtry.  —  Un  chapitre  de  l'histoire  financière  de  la  France. 
Les  abus  du  crédit  et  le  désordre  financier  à  la  fin  du  règne  de 
Louis  XIV  (Revue  des  Deux-Mondes ,  45  déc.  4883). 


10°  Histoire  des  législations  étrangères. 

4  47.  Aewens.  —  Des  usages  suivis  pour  relever  un  fief  au  xiv«  et 
au  xv«  siècles  (Zeitschrift  f.  die  Geschichte  des  Oberrheins,  xxxvi- 
4,  4883). 

148.  Becker.  —  Sur  l'histoire  des  tribunaux  autrichien»  (Btetter  d. 
Vereins  f.  Landeskunde  von  Niedero&sterreich ,  XVI ,  4882). 

449.  Beitrœge  zur  Geschichte  der  Bevôlkerung  in  Deutschland  seit 
dem  Anfange  dièses  Jahrhunderts ,  hrsg.  v.  F.  J.  Neumann.  4.  Bd. 
gr.  8.  Tiibingen ,  Laupp 40  fr. 

Tnhalt  :  Zur  Geschichte  der  Entwickelung  deutscher,  polnischer  u. 
jûdischer  Bevôlkerung  in  der  Provioz  Posen  seit  1824  v.  E.  v.  Berg- 
mann.  Mit  2  graph.  Darstellgn. 

450.  Bœlhau(H.).  —  Zur  chronologie  der  Angriffe  Klenkok's  wider 
den  Sachsenspiegel  (Zeitschrift  d.  Savigny-Stiftung ,  4883,  IV-3). 

454.  Borch  (L.  v.).  —  Die  Rechtsverhaltnisse  der  Besitzer  der 
Grafsch.  Haag  bis  zur  Erlangung  der  Reichsstandschaft  seit  4434 
nach  ungedruckten  Kaiserurkunden.  gr.  8.  IV,  62  p.  (Innsbruck, 
4884,  F.  Rauch) 4  fr.  25 

452.  Borchgrave  (E.  de).  —  La  Serbie  administrative,  économique 
et  commerciale.  In- 8°,  240  p.  (Bruxelles,  Weissenbruch.  . .     5  fr. 

453.  Boretius.  —  Des  modifications  introduites  dans  la  vie  juri- 
dique de  l'Allemagne  par  l'introduction  au  droit  romain  (Preussische 
Jahrbùcher,  T.  52 ,  fasc.  2). 

454.  Buck.  —  Ordonnance  relative  aux  procès  de  sorcellerie  dans 
la  Haute-Souabe  [Alemannia,  XI,  fasc.  2,  4883). 

455.  Busacca  (A.).  —  Storia  délia  legislazione  italiana  dai  primi 
fini  ail'  epoca  nostra  [Messina,  Carbone,  in-46,  pag.  785).     40  fr. 

456.  Ciotti  Grosso  (P.)-  —  Del  Diritto  pubblico  siciliano  al  tempo 
dei  Norman  ni.  Palermo,  tip.  dello  Statuto.  in-8°.  pag.  444.  —  L. 
2.  50  (PressoL.  Pedone  Lauriel). 


12  BULLETIN   BIBLIOGRAPHIQUE 

157.  Godez  diplomaticue  Anbaltinus.  Auf  Befohl  Sr.  Etob.  d.  Her- 
zogs  Leopoltl  Friedricb  v.  Anhalt ,  hreg.  von  0.  v.  Heinemam.  6. 
Thl.  :  Orts-  u.  Personenregister.  gr.  4.  VIII,  265  p.  (Dessau,  4882, 
Baumann) 45  fr. 

• 

458.  Flauss  (Von).  —  Histoire  des  biens  nobles  de  la  Prusse  occi- 
dentale (Zeitschrift  des  historischen  Vereins  fur  den  Regierungs- 
bezirk  Marienwerder,  4882). 

459.  Frensdorff.  —  Les  institutions  municipales  de  Hanovre  au- 
trefois et  aujourd'hui  {Hansische  Geschichtsblœtter,  4882). 

460.  Gobbers  (F.).—  Die  Erbleihe  und  ihre  Verbœltniss  zum  Ren- 
tenkauf  im  mittelalterlichen  Kœln  des  XII -XIV  Jabrh  (Zeitschrift 
d.  SavignySUftung ,  4883 ,  IV-3). 

4  64 .  Harster.  —  Documents  sur  la  fin  du  système  des  colocataires 
à  Spire  (Zeitschrift  f.  die  Geschichte  des  oberrheins,  XXXVI ,  fasc. 
4, 4883). 

462.  Henrici  de  Bracton.  —  De  legibus  et  Gonsuetudinibus  An- 
gliae.  Libri  quinque  in  va  nos  Tracta  tus  Distincti.  Ad  Diversorum 
et  Vetustissimorum  Godicum  Gollationem  Typis  Vulgati.  Edited  by 
Sir  Travers  Twiss,  Q.  G.,  D.  G.  L.  Published  by  the  Autherity  of 
the  Lords  Gommissioners  of  Her  Majesty's  Treasury,  under  the 
Direction  of  the  Master  of  the  Rolls.  Vol.  6  Roy.  8vo.  (Lvndon, 
Government  Publication) 42  fr. 

463.  Hertel.  —  Die  preussische  Ober-Rechnungskammer  [Rech- 
nungshof  d.  Deutschen  Reichs],  ibre  Geschichte,  Einrichtung  u. 
Befugnisse.  gr.  8.  xiv-562  [Berlin,  C.  Eeymann's  Verl.}.. .    44  fr. 

464.  Hœnigor.  —  De  l'origine  des  institutions  municipales  de  Co- 
logne (Westdeutsche  Zeitschrift  f.  geschichte  u.  Kunst.,  II,  4883,  3)* 

465.  Isaaosohn  (S.).  —  Geschichte  d.  preussischen  Beamtenthums 
vom  Anfang  des  45  Jabrh.  bis  auf  die  Gegenwart.  3.  Bd.  A.  a.  d. 
T.  :  Das  preuss.  Beamtenthum  un  1er  Friedrich  Wilhelm  I.  a. 
w&hrend  der  Anf&nge  Friedrich  d.  Grossen.  gr.  8,  xtt-442p. 
[Berlin.  Puttkammer  et  Mûhtbrecht) 42  fr. 

466.  Hymans  (B.).  —  Histoire  parlementaire  de  la  Belgique,  dédiée 
à  S.  M.  Léopold  II,  roi  des  Belges.  2°  série,  4880-4890,  3e  fasci- 
cule, Session  ordinaire  de  4882-4883.  In -8»,  p.  473-250  (Bruxelles, 
Bruylant-Christophe  et  C4). 

467.  Johnston  (A.  A.  M.).  —  The  Genesis  of  a  New  England  State 
(Gonnecticut).  Read  before  the  Historical  and  Politica!  Science 
Association,  April  43,  4883.  8vo,  paper,  pp.  29  (Baltimore  (MdX 
Prix 3  fr. 

468.  Korth.  —  Histoire  des  tribunaux  vehmiques  en  Haute-Lusace 
(NeuesLausiteisches  Muséum,  t.  LVIII,  4882). 


ET   CRITIQUE.  13 

469.  Lettre  d'inféodation  pour  Grégoire  de  Ploschwitz,  1482 
(Zeitschrift  d.  historischen  Vereins  fur  den  Regierungsbezirk  Marien- 
werder,  4882). 

470.  Matthael  (F.)  —  Die  wirthschaftlichen  Hûlfsquellea  Russ- 
lands  u.  deren.  Bedeutung  f.  die  Gegenwart  u.  die  Zukunft.  44-44. 
Lfg.  gr.  8  (Dresden ,  Baensch.) ;    4  fr.  25 

174 .  Maurer.  —  Ordonnance  municipale  de  Kenzingen,  45&0  (Zeits- 
chrift f.  die  Geschichte  des  Oberrheins,  t.  XXXVII,  4883). 

172.  Nagel.  —  Sur  l'histoire  de  la  propriété  foncière  et  du  crédit 
dans  les  villes  de  la  Haute-Hesae  (Oberhessischer  Verein  f.  Local- 
geschischte  Giessen,  4883). 

473.  Neuburg.  —  Le  conflit  entre  les  forestiers  et  les  mineurs  et 
.  les  corporations  à  Goslat  à  la  fin  du  xnte  siècle  [Zeitschrift  f.  été 

gesammte  StaatBWissenschaft ,  t.  XL,  4. 4884). 

474.  Nitzsch.  —  Le  droit  de  Soest  à  Lubeck,  484  (Hansische  Ges- 
chichtsblœtter,  4882). 

475.  Ohnesseit.  —  Sur  l'origine  de  l'édilité  dans  les  villes  ita- 
liennes (Zeitschrift  der  Savigny-Stiftung  f.  Rechtsgeschichte,  IV.  2, 
Romanische  Abth.,  4883). 

476.  Schrœder  (Rien.).  —  Ueber  die  Bezeichnung  der  Spindel- 
magen  in  den  œlteren  deotschen  Recbtstprache  {Zeitschrift.  d. 
Savigny-Stiftung ,  4883,  IV.  3). 

477.  Seidler  (G.).  —  Der  Staatsrecbnungshof  Oesterreichs.  gr.  8 
WienHôtder) 4  fr.  25 

478.  Sokolsky.  —  Sur  l'histoire  du  conseil  des  boyards  (Russische 
Revue,  XII,  fasc.  7). 

479.  Tagg.  —  Sur  l'ancienne  coutume  juridique  qui  consistait  à 
plier  l'index  en  forme  de  crochet  comme  symbole  dans  les  opéra- 
tions de  vente  (Zeitschrift  der  Gesellschaft  fur  Schleswig-Holstein 
Lauenburgischen  Geschichte,  XII,  4882). 

480.  Wendrinsky.  —  Situation  de  la  propriété  foncière  dans  la 
Basse-Autriche  à  l'époque  des  Babenberg  (Blœtter  d.  Vereins  f. 
LandeshundevonNiedercesterreich,  XVI,  4882). 

484.  Wiese  (E.  V.).  —  Die  englische  parlamentarische  Opposition 
u.  ihre  Stellung  zur  ausw&rtigen  Politik  d.  brittischen  Cabinets 
wàhrend  d.  ôsterreichrschen  Erbfolgekrieges  [bezw.  der  J.  4740- 
4744].  Ein  Beitrag  zur  Geschichte  jener  Zeit.  Inaugural- Disserta- 
tion, gr.  86  p.  [Woldenbwg  i.  ScW.  Gtittingen,  Vandenhoech  et 
Ruprecht) 3  f r . 

482.  Winter.  —  Sur  l'histoire  juridique  et  administrative  de  la 
Basse-Autriche  (Blœtter  d.  Vereins  f.  Landeskunde  von  Niedeïœs- 
terreich,XVl,  4882). 

483.  Yriarte  (G.).  —  La  vie  d'un  praticien  de  Venise  au  xvie  siècle, 
d'après  les  papiers  d'état  des  Frari,  in-8°  (Parts ,  Rothschild), 


14  BULLETIN   BIBLIOGRAPHIQUE 

11°  Droit  civil  français  et  étranger. 

484.  Butenval  (de).  — -  Les  lois  de  succession  appréciées  dans  leurs 
effets  économiques  par  les  Chambres  de  commerce  de  France,  in-8* 
{Paris ,  Larcher). 

485.  Godigo  civil  de  la  Republica  argentina  sancionado  por  el  ho- 
norable congreso  el  29  de  setiembre  de  4869  y  corregido  por  ley 
de  9  de  setiembre  de  4882.  Nueva  edicion ,  conforme  al  testo  ofi- 
cial ,  aumentada  con  las  correlaciones  entre  si  de  las  principales 
disposiciones  del  codigo  civil  y  codigo  de  comercio.  In-8°,  459  p. 
(Paris,  imp.  P.  Dupont). 

486.  Freudenstein  (G.).  —  Der  pecuniâre  Contract  in  der  Ebeu. 
andere  Bestimmungen  d.  deutschen  Rechtsiib.  Mitgift,  Eherecht, 
Ehescbeidung,  etc.  Gemeinverstandlich  bearb.  gr.  8.  IV,  443  p. 
[Leipzig,  Urban) 1  fr.  50 

487.  Gœppert  (H.).  —  Das  princip  :  «  Gesetze  haben  Keine  rûck- 
wirkende  Kraft.  »  Geschicbtlich  und  Oogmatisch  entwickelt  (JaAr- 
bûcher  f.  die  Dogmatik  des  heut.  ramisch.  u.  deut*  privatrechts, 
t.  XXII,  fasc.  4  et  2). 

488.  Hellwig  (K.).  —  Die  Verpfândung  u.  Pfandung  v.  Forderungen 
nach  gemeinem  Recht  u.  d.  Reichs-Civilprozess-Ordnung ,  unter 
BerUcksicht.  d.  preuss.  Allgemeinen  Landrechts  u.  d.  sachs.  bûr- 
gerl.  Gesetzbuchs.  gr.  8.  xiv-249  p.  (Leipzig,  Duncker  et  Humblot). 
Prix 6  fr. 

489.  Linstant-Pradine.  —  Les  Godes  haïtiens  annotés,  conte- 
nant :  4°  la  conférence  des  articles  entre  eux;  2<>  sous  chaque  ar- 
ticle les  titres  des  lois  et  actes  tant  anciens  que  nouveaux  qui  les 
expliquent,  etc.;  3°  une  table  générale  des  matières;  4°  une  table 
chronologique  des  arrêts.  Code  d'instruction  criminelle  et  code 
pénal.  In-8o,  xxxvm-608  p.  (Paris,  Pedone-Lauriel). 

490.  Losana  (G.).  —  Le  successioni  tes tamen tarie  secondo  il  Godice 
Givile  italiano  :  commento  pratico  (Torino ,  frat.  Bocca ,  in-8<\  pa- 
gine iv-532) 40  fr. 

494.  Oesterlen  (R.).  —  Der  m  eh  r  fâche  Verkauf  derselben  Sache. 
Inaugural-Dissertation,  gr.  8.  (Stuttgart,  Kohlhammer).     4  fr.  50 

492.  Parsons  (T.).  —  The  law  of  contracta.  7th  éd.,  wilh  additions 
by  W.  V.  Kellen.  (Boston,  Littlé,  Brown  et  Co.,  4883,  3  v.).    22  fr. 

493.  Sohlerusner.  —  Le  mariage  protestant;  origines  de  sa  condi- 
tion juridique  au  xvi«  siècle  (Zeitschrift  f.  Kirchengeschiehte ,  VI. 
3). 

494.  Stewart  (D.).  —  The  law  of  marriage  and  divorce,  as  esta- 
blîshed  in  England  and  the  United  States  (San  Francisco,  Whitney 
et  C,  4884.  xxiv-546  p.) 4  fr. 


ET   CRITIQUE.  15 

495.  Sulzer  (A.).  —  Der  Eigenthumserwerb  durch  Spécification. 
Eine  civilist.  Abhandlg.  gr.  8.  (Zurich,  Orell,  Fùssli  et  Ce).    3  fr.  75 

496.  Trigo  de  Loureiro.  —  Instituiçoes  de  direito  civil  brasileiro, 
t.  I,  in-8°  (Paris,  Mellier). 


12°  Procédure  civile  et  organisation  judiciaire. 

497.  Gode  de  procédure  civile  révisé  du  canton  de  Berne,  4883. 
Avec  une  table  analytique  des  matières.  In- 8°,  430  p.  (Berne,  A. 
Jenni). 

198.  Demurtas-Zichina  (P.).  —  La  giustizia  aniministativa  in 
Italia.  (Torino,  Unione  tipogr.-éditr. ,  in-8°,  379  pag.) 5  f r. 

499.  Gallinger(E.).  —  Der  Offenbarungseid  d.  Schuldners  im  Exe- 
cutions u.  Konkursverfabren  nach  seiner  geschichtlichen  Entwicke- 
lung  im  rômischen  u.  deutseben  Recbte.  gr.  8,  222  p.  (Mùn- 
chen,  Th.  Ackerrnann) 5  fr . 

200.  Jeanvrot.  —  Les  juges  de  paix  élus  sous  la  Révolution  (La 
Révolution  française,  44  décembre  4883). 

201.  Kaserer(J.). —  Handbucb  der  ôsterreiebiseben  Justizverwal- 
tung.  Mit  Benûtzg.  amtl.  Quellen.  3.  Bd.  gr.  8,  494  p.  (Wien, 
Hôlder) 44  fr. 

202.  Levi  (M.  V.).  —  Il  giuramento  litis  decisorio.  Milano,tip. 
Bortolotti  di  Dal  Bono  et  C,  in-8°,  gr.  pag.  85). 

203.  Mambelli  (A.).  —  Il  governo  del  Brasile  e  la  giustizia  (Piazza 
Armerina,  tip.  Pansini.  in-46,  26  p.). 

204.  Schimdt  (J.),  —  Lebrbuch  d.  preussischen  Rechts  u.  Pro- 
zesses  m.  Riichksicht  auf  die  Reicbsgesetzgebung ,  das  gemeine 
Recht  u.  den  gemeinrechtlichen  Prozess.  7.  v.  e.  hôheren  Justiz- 
beamtem  bis  auf  die  Neuzeit  erganzte  Aufl.  4.  Bd.  Landrecht 
(Breslau,  Maruschke  et  Berendt) 4  fr.  50 

13°  Droit  public  et  administratif. 

205.  Bazan  (J.).  —  Las  instituciones  fédérales  en  los  Estados-Uni- 
dos  (Madrid.  Estab.  tip.  de  Ricardo  Fe.  4883.  En  4<>,  xl-459  pag.) 
Prix 40  fr. 

206.  Brachelli  (H. -F.).  —  Die  Staaten  Europa's.  Vergleicbende 
Statistik.  4.  neu  bearb.  bis  auf  die  jiingste  Zeit  durchgefuhrte  Aufl. 
2-4.  Lfg.  gr.  8.  97-336  p.  (Brùnn,  Buschak  et  lrrgang.) .     2  fr.  50 

207.  Coliavru.  —  De  l'exercice  de  la  souveraineté  nationale  sous 
la  Constitution  de  4794  (La  Révolution  française ,  décembre  4883). 


18  BULLETIN   BIBLIOGRAPHIQUE 

230.  Hostilities  without  Déclaration  of  War.  An  Historical 
tract  of  the  Cases  in  wbich  Hostilities  hâve  occurred  between  Ci- 
vilised  Powers  prior  to  Déclaration  or  Warning.  From  4700  ta 
4870.  Compilée  in  the  Intelligence  Branch  of  the  Quatermaster- 
General's  Département,  by  Brevet-Lieutenant,  Colonel  J.  F.  Mau- 
rice. 8vo.  (London,  Government  publication) 2  fr.  50 

234.  Leech  (B.).  —  Des  lois  internationales  dans  l'antiquité  (The 
contemporary  Rinew,  décembre  1883). 

17°  Économie  politique.  Sciences  financières  et  sciences 

sociales. 

232.  Barthélémy  (L.).  —  La  prostitution  à  Marseille  pendant  le 
Moyen-âge  [Marseille,  Cayer,  in-8<>). 

233.  Bonito  (A.  M.).  —  Il  récente  programma  per  la  riforma  sociale 
in  Franc ia  :  brevi  osservazioni.  Milano,  tip.  S.  Gkezzi,  in-8°,  47  p. 
(Dal  periodico  La  scuola  cattolica,  annoXl,  vol.  XXI,  quad.  4%5). 

234.  Brentano  (L.).  —  Die  christlich-soziale  Bewegung  in  England. 
2.,  verb.,  durch  e,  Anh.  verm.  Ausg.  gr.  8,  vrn-424  [Leipzig, 
Duncher  et  Humblot) 3  fr. 

235.  Chabot  (Ch.).  —  La  Révolution  française  et  la  question  ou- 
vrière (La  Révolution  française,  44  déc.  4883). 

236.  Fabri  (T.).  —  Kolonieen  als  Bedùrfniss  unserer  natioaalem 
Entwickelung  (26  p.  in -8°,  Heidelberg,  C.  Winter) 0  fr.  50 

237.  Ferraris  (C.-F.).  —  Les  projets  de  législation  sociale  en  Italie 
rapport  spécialement  à  la  prévoyance ,  mémoire  adressé  au  Con- 
grès scientifique  international  des  institutions  de  prévoyance  (Rome, 
imp.  héritiers  Botta,  in- 4°,  29  p.). 

238.  Fournier  de  Flaix  (E.).  —  Études  économiques  et  finan- 
cières. 4"  série,  2  vol.  in-48  Jésus.  T.  I,  XL  p.  et  p.  4  à  456; 
t.  II,  p.  456  à  4039  (Paris,  Guillaumin  et  C  ;  Ghio) 40  fr. 

239.  Hyndman  (H. -M.).  —  The  Historical  Basis  of  Socialisai  in 
England.  Post  8vo,  490  pp.  (London,  Paul,  Trench  andCo). 

240.  Locher(F.).  —  Wetterleuchten.  Der  Staatssozialismus  u.  seine 
Consequenzen.  3.  Thl.  2.  Lfg.  u.  4  (Schluss-)Thl.  gr.  8  [Zurich, 
Schrôter). 

Inhalt  :  III ,  2.  Die  Brodfrage.  II.  Prolifération.  III.  Jnnungen  u.  In- 
nangflkasBen.  IV.  Réorganisation  d.  RechUgangs. 

244.  Loua  (T.).  —  Les  Grands  faits  économiques  et  sociaux  :  le 
Mouvement  de  la  population  en  Europe;  la  Consommation  du 
tabac  en  France;  le  Cabotage  en  France;  les  Décès  du  premier 
âge,  etc.;  4«  série  d'études  publiées  dans  V  Économiste  français  et  le 
Journal  de  la  Société  statistique  de  Paris.  In-8<>,  432  p.  (Nancy,  Ber- 
ger-Levraut et  Cie) . 


ET   CRITIQUE.  19 

242.  Ronsset  (A.»  et  Lomche-Desfontaines  VHJ,  —  Histoire 
des  impôts  indirects  depuis  leur  établissement  aux  premiers  temps 
de  la  monarchie  jusqu'à  leur  reconstitution  à  l'époque  impériale  : 
complétée*  annotée  et  publiée  par  H.  Louiche-Desfbntaines  (in-8\ 
ix- 394  p.  Paru,  Rousseau). 

243.  Rnhland  (G.).  —  Agrarpolitische  Versuche  vom  Standpunkt 
der  Sociaipolitik,  gr.  8  [Tùbingen,  Laupp.) 

244.  Seidensticker  (0.).  —  Die  erste  deutscbe  Einwanderung  in 
Amerika  u.  die  Grundung  v.  Germantown,  im  J.  4683.  Festschrifl 
zum  deulsch-amerikan.  Pionier-Jubilàum  am  6.  Octbr.  4883,  gr.  8 
[Philadelphia,  Pa.  Gôttingen,  Deuerlich.  gebS 2  fr.  50 

245.  Stolp(H.).  —  DieReform  d.  Eigenthumsrechts  als  Grundlage 
der  Social-Reform  u.  die  neue  privai-  und  wirthschaflsrecht- 
liche  Regelungd.  gesammten  Handwerks-  [u.  Gewerbebetriebos , 
gr.  8  {Berlin,  Issleib) 4  fr.  25 

246.  Stopel  (F.).  —  Soziale  Reform.  Beitr&ge  zur  friedi.  Umges- 
taltg.  der  Gesellschaft.  I.  Das  Kapîtal.  Enthullung  der  Mittel  zur 
Beseitigg.  der  Geldherrschaft  u.  Befroig  der  Arbeit.  gr.  8.  (Lrip- 
zig,  0.  Wigand) 4  fr.  25 

247.  Wuch  (Von).  —  Sur  l'histoire  de  l'économie  politique  et  sur 
celle  des  mœurs  (Zeitschrift  f.  die  Geschichte  des  Oberrheim, 
XXVI,  4.4883). 


Marcel  FOURNIER. 


BAR-LE- DUC,   IMPRIMERIE  COMTANT-LAOUBMHK. 


BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE 


ET  CRITIQUE 


PUBLICATIONS  NOUVELLES 

(livres  et  articles  de  revue) 

1°  Instruction  publique  et  enseignement. 

248.  Beaussire  (E.).  —  La  liberté  d'enseignement  et  l'Université 
sous  la  troisième  République  (In-8°,  364  p.  Paris,  Hachette  et  €*). 
Prix 6fr. 

249.  Bittard  des  Portos  (R.).  —  L'eut  actuel  de  l'enseignement 
en  Suède  (Paru,  Tolmer) 3  fr. 

250.  Enseignement  supérieur  à  la  faculté  de  droit  de  Grenoble. 
Année  scolaire  4883-4884  (In-8°,  83  p.  Grenoble,  Drevst). 

254.  Desplagnes  (A.).  —  Etude  sur  la  réforme  sociale  et  politi- 
que. La  question  de  renseignement  public  en  France.  Histoire  et 
état  actuel  (Paris ,  Oudin  frères,  in-8°) 5  fr. 

252.  Hippeau  (G.).  —  L'Instruction  publique  en  France  pendant  la 
Révolution;  Débats  législatifs,  publiés  et  précédés  d'une  introduc- 
tion. In-48  jésus,  xxxii-379  p.  (Paris,  4883,  Didier  et  Ce). .    6  fr. 

253.  Lavisse.  —  Les  universités  allemandes  et  françaises  (Revue  des 
Deux-Mondes,  4er  juin  4884) 7  fr. 

254.  Mayanx  (Y.).  —  Die  Universitat  d.  Volkes.  Die  Fortbil- 
dungsscbulen  od.  Kurse  f.  Erwachsene  [cours  d'adultes],  vom 
geist.,  sittl.,  wirtbschaftl.  u.  socialen  Gesichtspunkte  betchratet. 
Ausdem  Franz,  libers,  gr.  8  (p.  42  Strassburg, Schmidt). .    4  fr. 

Revue  hist.  —  Tome  VIII.  2* 


22  BULLETIN   BIBLIOGRAPHIQUE 

255.  Ueberfullung,  die  des  Juristenstandes.  Von  e.  jungen  Joris- 
ten  der  Reichs  lande,  gr.  8  (24  p.  Leipzig,  0.  Wolf).. .     0  fir.  75 


2b  Philosophie  du  droit  et  des  sciences  sociales. 

256.  Gavagnarl  (A).  —  La  filosofia  del  Diritto  e  la  propriété  letle- 
raria  (Padova,  tip.  Prosperini,  4883,  in-8°,  pag.  58) 3  fr. 

257.  Colins,  Science  sociale.  T.  fer  à  42.  In-8<>  [Bruxelles,  La- 
mertin) 66  fr. 

258.  Gaudenzi  (À.).  —  Lingua  e  diritto  nel  loro  sviluppo  parai le41o 
(Bologna,\n-%0,  pag.  36). 

259.  Menger  (C).  —  Die  Irrthiimer  d.  Historismus  in  der  deuts- 
chen  National  ôkonomie.  gr.  8  (x-87,  Vien.  Hôlder) 3  fr. 

260.  Vannois  (À.).  —  De  la  notion  du  droit  naturel  chez  les  Ro- 
mains. De  la  propriété  artistique  en  droit  français  (Paris ,  Hoquet , 
372  p.). 

3°  Droit  oriental. 

264.  Blumenstein  (J.),  die  verschiedenen  Eidesarten  nach  roo- 
saisch-talmudischem  Rechte  u.  die  Fâlle  ihrer  Anwendung.  Ein 
Beitrag  zur  àltern  Rechtsgeschicbte,  nach  den  Orig.-Quellen  bearb. 
gr.  8  (34  p.  Franhfurt  a/M.  4  883 ,  Kauffmann) 4  fr.  50 

262.  Eherecht,  Familienrecht  u.  Erbrecht  der  Mohameda- 
ner  nach  d.  haneûtiscben  Ritus.  gr.  8  (494  p.  Wien,  4883,  Hof-u. 

.  Staatsdruckerei) 4  fr. 

263.  Talmud  (der),  od.  die  Sittenlehre  d.  Judenthums ,  nebsi  Kul- 
turgescbichte  d.  Judenthums,  Ausspriichen  hervorrag.  M&oner 
aller  Zeiten ,  judisch  deutschem  Wôrterbuch ,  etc.,  5.  Aufl.  Wohlf. 

.  Volksausg.  gr.  8.  (45  p.  Berlin,  M.  Schulze) 4  fr. 

264.  Tornauw  (von).  —  Le  droit  successoral  dans  l'islamisme 
{ZeitschriftfûrvergleichendeRecht$wissenschaft,V,  2.  4883). 

4°  Droit  grec. 

265.  Beloch.  —  Sur  l'histoire  financière  d'Athènes  (Bheinisches 
Muséum  fur  Philologie ,  xxxix) 2  fr. 

266.  Schœffer.  —  La  royauté  macédonienne  (Gcerres-Gesellschaft, 
4884,  4). 


ET   CRITIQUE.  23 

267.  Talano.  —  L'esclavage  selon  Aristote  et  les  docteurs  scolasti- 
ques  (Studi  e  documenti  di  Storia  e  diritto,  V,  fasc.  4-2). 


5°  Droit  romain. 

268.  Bouqttié  (J.).  —  De  la  justice  et  de  la  discipline  dans  les  ar- 
mées, à  Rome  et  au  moyen-âge.  In-8°,  596  p.  (Bruxelles,  Galle- 
waert) 4  0  fr. 

269.  Carnazza-Rametta  (G.).  —  Studii  sut  Diritto  pénale  dei 
Romani  [Messina,  G.  Copra  eC.). 

270.  Déglin  (H.-E.).  —  Droit  romain  :  Développement  historique 
de  la  succession  ab  intestat;  —  Droit  français  :  le  Contrat  de  mariage 
en  droit  comparé  et  en  droit  international  (In-8°,  260  p.  Nancy, 
imp.  Crépin-Leblond). 

274.  Hild.  —  Les  Juifs  à  Rome  devant  l'opinion  [Revue  des  études 
juives,  4884,  n°  45). 

272.  Herzog  (E.).  —  Geschichte  u.  System  der  rômischen  Staats- 
verfassung.  4.  Bd.  Kônigszeit  u.  Republik.  gr.  8  (lxiii-4488  p. 
Leipzig,  Teubner) 20  fr. 

273.  Madvig  (J.-N.).  —  L'Etat  romain,  sa  constitution  et  son  ad- 
ministration. Traduit  par  Ch.  Morel ,  t.  III  (In-8°,  x-373  p.  Paris, 

Vieweg). 

274.  Montagnon  (E.).  —  Droit  romain  :  De  la  nature  des  condam- 
nations civiles;  Droit  français  :  Des  droits  d'auteur  (In- 8°,  428  p. 
Lyon,  imp.  Schneider,  frères). 

275.  Seuifert.  —  La  législation  de  Justinien  (Deutsche  Rundschau, 
4884). 

276.  Voigt  (M.),  die  XII  Tafeln.  Geschichte  u.  System  d.  Civil-  u. 
Criminal-Rechtes,  wie  Processes  der  XII  Tafeln,  nebst  deren  Frag- 
menter 4.  Bd.  A.  u.  d.  T.:  Geschichte  u.  allgemeine  jurist. 
Lehrbegriffe  der  XII  Tafeln,  nebst  deren  Fragmenten.  gr.  8  (xii- 
859  p.  Leipzig ,  Liebeskind.) 40  fr. 

6°  Droit  ecclésiastique. 

277.  Aichner  (S.).  —  Compendium  juris  ecclasiastici  ad  usum 
cleri ,  ac  praesertim  per  imperium  austriacum  in  cura  animarum 
laborantis.  Ed.  V.  novis  curis  recognita  et  emendata  Gr.  in-8° 
(IV,  840  u.  Beilagen,  lxix  p.  Brixen,  Weger) 12  fr. 


24  BULLETIN   BIBLIOGRAPHIQUE 

278.  Cavagnis  (F.).  —  Institutiones  Juris  jmblici  ecctoeiaslici  (Bo- 
rnas, 4883,  3  voi  in-.8«,  pag.  483,  279,  S**}. 

279.  Haureau.  —  Quels  sont  les  auteurs  do  VI»  livre  des  Décré- 
tâtes (Journal des  Savants,  48&4,  avril). 


7°   ÀNCffiN  DROIT  FRANÇAIS. 

280.  Bisson  de  Sainte-Maise.  —  Testament  de  Jacques  de  Ta- 
rente,  dernier  empereur  de  Gonstantinople ,  en  faveur  de  Louis 
d'Anjou  (45  juillet  4385)  [BibHoth.  de  FÉcole  des  charter,  f*8i, 
fase.  4). 

284.  Brandstetter.  —  Rôles  financiers  de  la  prévôté  et  de  L'au- 
mônerie  du  couvent  de  Lucerne  (Der  Geschichtsfreund,  XXXVIII, 
4*83). 

282.  Buchwald.  —  Sur  la  procédure  dans  les  jugements  de  Dieu 
(Kttheilungend.  Instituts  f.  œsterreischische  Qeschichtsfbrsehung., 

V,2). 

283.  Dom  Piolin.  —  Testament  du  cardinal  d'Angennes  de  Ram- 
bouillet, évoque  du  Mans,  4556-87  (Revue  hist.  et  archéol.  du 
Maine,  t.  XV,  4"  Iiv.,  4884). 

284.  Guérin.  —  Recueil  des  documents  concernant  le  Poitou,  con- 
tenus dans  les  registres  de  la  chancellerie  de  France  (Archives 
historiques  du  Poitou,  t.  XIII). 

285*  Guillouard.  —  Les  médecins  et  la  coutume  au  Moyen-âge 

(Société  des  antiq.  de  Normandie.  Bulletin,  t.  XI). 

28$.  Guyot  (Gh.).  —  Les  villes-neuves  en  Lorraine  (Société  d'archéo. 
logie  lorraine.  Mémoires,  3*  série,  t.  XI). 

287.  Huyaz  (M.).  —  Histoire  des  institutions  municipales  de  Lyon 
avant  4789  (In-48  jésus,  xvn-349  p.  Paris,  Dentu). 

288.  Luxer.  —  L'organisation  judiciaire  en  Lorraine  sous  Léopold 
et  les  réformes  de  ce  prince  (4697-4729),  discours  prononcé  à  l'au- 
dience solennelle  de  rentrée  de  la  cour  d'appel  de  Nancy,  le  3  no- 
vembre 4883  (In  8o,  29  p.  Nancy,  trop.  Vagner). 

289.  Moulin  (H.).  —  Portraits  judiciaires  :  Claude  Gaultier,  avocat 
au  Parlement  (4590-4666);  In-8°,  45  p.  Paris,  Chmravay  frères.  — 
Portraits  judiciaires  :  Jacques  et  Raoul  Spifame  (4495-4566)  (In- 
8*>,  46  p.  Paris,  Charavay  frères). 


8T   CRITIQUE.  28 

290.  Sohefier-Boiohorst.  —  Les  donations  de  Pépin  et  de  Char- 
kmagoe.  Contribution  à  la  critique  de  la  vita  Hadriani  (Mitthei- 
lungen  d.  Instituts  f.  œsterreichische  Geschicktsforsohung.,  V, 
fasc.  2). 

294 .  Stœbar.  —  Recherches  sur  le  droit  d'asile  dais  l'aneiftiitte 
république  de  Mulhouse  (Jkvtu  d'Alsace,  mars  4884). 

292.  Tholin.  —  Les  cahiers  du  pays  d'Agenals  aux  États  généraux 
(Revue  de  VA  g  mais,  4884). 

293.  Wirthschafts-u.  Verwaltungsstuden,  bayerische,  1. 
Or.  in-8<>.  Erlangen,  Deichert.  Inhalt  :  Zur  Geschichte  der  Colo- 
nisation u.  Industrie  in  Franken.  Von  Prof.  G.  Schanz  (XVtïi,  428 
u.  Urkunden,  x-356  p.). 


8°  Histoire  des  législations  étrangères. 

294.  Blasiis  (De).  —  Des  supplices  ordonnés  à  Naples  au  temps  des 
tumultes  de  Masaniello  {Archivio  Storico  per  le  provincie  Napole- 
tane,  IX,  fasc.  4). 

295.  Borch  (L.  v.).  —  Die  gesetzlichen  Eigenschaften  e.  deutsch- 
rômischen  Kônigs  u.  einer  Wâhler  bis  zur  goldenen  Bulle,  gr.  8.  (52 
p.  Innsbruck,  F.  Rauch) 4  fr.  25 

296.  Codex  Theresianus  (Der).  —  U.  seine  Umabeitungen  Hrsg . 
u.  m.  Aomerkg  veraehen  von  P.  Harras  Ritter  v.  Harrasowsky . 
(Wien.  Gerold's  Sokn)  2  v 2*  fr. 

297.  Gonrat  (Cohn).  —  Die  epitome  exactis  regibus  studien  zur 
Geschichte  d.  rœm.  Rechts  im  miltelalter  [Berlin ,  Weidmanh  4°), 
prix 20  fr. 

298.  Ermisch.  —  Sur  le  plus  ancien  coutumier  municipal  de  Stad- 
thagen,  4344  [Archivalische  Zeitschrift ,  Munich,  4883). 

299.  Holtze  (F.).  D.  Strafverfahren  gegen  d.  m&rkischen  Juden  im . 
J.  4540.  gr.  8.  (V,  79  p.  Berlin ,  Mittler  et  Sohn) 4  fr.  50 

300.  Jecklln  (C).  —  Urkunden  zur  Verfassungsgeschichte  Graubùn- 
dens.  2.  Heft  :  Die  Reformation  (bis  zum  Ende  des  Jahrh.).  Als 
Fortsetzung  von  Mohr's  Codex  diplomaticus,  V.  Bd.  gr.  ia-8û,  44  7 
p.  {Chur,  HUïsche  Buchh.) 4  fr.  50 


26  BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE. 

304.  La  Colla.  —  L'histoire  des  municipalités  italiennes  et  le  libre 
rosso  de  la  sicle  de  Salemi  (Arckivio  storico  Siciliano,  VIII,  fasc.  3-4). 

302.  Maasburg  (M.  F.  v.).  —  Die  Organisirung  der  bohmischea         I 
Halsgerichte  im  J.  4765.  gr.  8.  (IV,  424  p.  Prag ,  Bellmann    4  fr. 

303.  Salvioli  (G.).  —  L'assicurazione  e  il  cambio  marittimo  nella 
storia  del  Diretto  italiaoo  :  studii.  [Bologna,  Zanichelli,  in-80, 
vi-890  p.) 4  fr. 

304.  Schmitz.  —  Les  pénitentiaux  conservés  dans  les  bibliothèques 
de  Danemark  et  de  Suède  {Archiv.  fur  Katolisches  Kirchenrecht , 
4884,  fasc.  3). 

305.  Thaïe.  —  Une  ordonnance  sur  les  droits  seigneuriaux  et  réga- 
liens du  comté  de  Hohenzollorn  (Mittheilungen  des  Vereins  fur 
Geschichtein  Hohenzollern ,  XV,  fasc.  2). 


9°  Droit  civil  français  et  étranger. 

306.  Benêt  (L.).  —  Droit  romain  :  A  quels  actes  s'appliquent  les  rè- 
gles des  donations?  —  Droit  français  :  Dans  quelle  mesure  les  dona- 
tions ou  avantages  faits  aux  futurs  époux  par  le  contrat  de  mariage 
participent-ils  du  caractère  et  des  contrats  à  titre  onéreux?  (In-8°, 
245  p.  Paris,  Pichon). 

307.  Butenval  (de).  —  Les  lois  de  succession  appréciées  dans  leurs 
effets  économiques  par  les  chambres  de  commerce  de  France.  3* 
édition,  revue  et  complétée  (In-48  jésus,  vm-400  p.  Paris,  bar- 
cher). 

308.  Dargun.  —  La  propriété.  Son  origine  et  son  développement 
historique  (Zeitschrift  fur  vergleichende  Rechtswissenchaft.  V,  2). 

309.  Disleau  (G.).  Droit  romain  :  De  l'action  familiffî  erciscunda.  — 
Droit  français  :  Théorie  du  partage  déclaratif,  origines  cou  lumières 
applications  pratiques  dans  notre  droit.  In-8°,  265  p.  (Paris,  Larose 
et  Forcel). 

340.  Fialchella  (F.).  —  Sul  fondamento  del  diritto  di  propriété 
[Catania,  tip.  Borna,  4883,  pag.  200). 

344.  Garbasso  (G.  L.).  —  Il  diritto  di  ritenzione  ed  il  precario 
nella  legislazione  ital.  (Torino,  tip.  San  Giuseppe,  Coll.  degli  Arti- 
gianelli,  4883,  in-8<>,  pag.  520) 5  fr. 

342.  Jaoottet  (P.).  —  Manuel  du  droit  fédéral  des  obligations.  In- 
8o,  v  et  523  p.  (Neufchdtel,  J.  Attinger) 8  fr. 


ET  CRITIQUE.  27 

343.  Maigne  (M.).  —  Des  donations  entre  mari  et  femme,  en  droit 
romain  et  en  droit  français.  (In -8°,  360  p.  Nantes,  Plédran). 

344.  Ptaff  (L.).  et  Hofmann  (F.).  —  Zur  Geschichte  der  Fidei- 
commisse.  (Aus  :  a  Escarse  iib.  ôsterrallgemeines  biirgerl.  Recht  »). 
(gr.  8.  42  p.  Wien  Manz) 4  fr.  50 

345.  Seaborne  (H.  A.).  —  Concise  Manual  of  the  Law  of  Vendors 
and  Purchasers  of  Real  Property.  (Gr.  8vo.  London,  BuUerwortks , 
prix 45  fr. 

346.  Sloane  (G.  W.).  —  Treatise  on  the  law  of  landlord  and  te- 
nant, with  spécial  référence  to  the  law  to  the  State  of  New  York; 
to  which  are  added  statutes  and  forms  (New  York,  S.  S.  Peloubet  et 
Ce  87  +  264  p.  0.) 5  fr. 


10°  Procédure  civile  et  organisation  judiciaire. 

347.  Garsonnet  (E.).  —  Cours  de  procédure;  Organisation  judi- 
ciaire, compétence  et  procédure  en  matière  civile  et  commerciale 
à  la  Faculté  de  droit  de  Paris.  T.  II  (4er  et  2°  fascicules)  (In-8<>, 
262  p.  Paris,  Larose  et  Forcel). : 20  fr. 

348.  Loyer  (E.).  —  La  Police  judiciaire  militaire  en  temps  de  paix 
et  en  temps  de  guerre  (In-32,  224  p.  Limoges,  Charles-Lavauzelle. 
Paris,  même  maison) 4  fr.  50 

349.  MaurinfA.).  —  Les  Pirateries  de  la  justice  sous  la  république 
des  advocats  depuis  deux  siècles ,  ou  la  Justice ,  société  secrète , 
affiliée  aux  autres  sociétés  secrètes  ;  le  Mal  et  le  Remède  (In-8°, 
96  p.  Nantes,  imp.  Bourgeois,  l'auteur,  4,  rue  des  Arts). 

320.  Wirth  (M.).  —  Das  Geld.  Geschichte  d.  Umlaufsmittel  v.  d. 
àltesten  Zeit  bis  in  d.  Gegenwart.  Mit.  52  in  d.  Text  gedr.  Ab- 
bildgn.  8  (243  p.  Prag,  Tempshy.  —Leipzig,  Freytag). 


11°  Droit  public  et  administratif. 

324.  Bornhak  (G.).  —  Geschichte  d.  preussischen  Verwaltungs- 
rechts  [In  3  Bdnj.  4.  Bd.  Bis  zum  Regierungsantritt  Friedrich 
Wilhelms  I.,  gr.  8  (t.  XIV,  434  p.  Berlin ,  Springer) 40  fr. 

322.  Gossé  (E.).  —  Études  constitutionnelles.  III.  La  Dette  publi- 
que et  les  Dettes  de  l'État  (In-t8  jésus,  466  p.  Paris,  Bousseau). 


28  BULLETIN   BIBLIOGRAPHIQUE 

323.  Crétin  (D.).  —  Du  contentieux  administratif  et  de  la  jurispru- 
dence du  Conseil  d'État  en  matières  militaires  (In-8°,  248  p.  Paris, 
Baudoin  et  C<). 

324b  Ferron  (H.  de).  —  Institutions  municipales  et  provinciales 
comparées  ;  Organisation  locale  en  France  et  daoe  les  autres  pays 
de  l'Europe;  Comparaison,  influence  des  institutions  locales  sur 
les  qualités  politiques  d'un  peuple  et  sur  le  gouvernement  parle- 
mentaire .  Réformes  (In-8°,  xxi-576  p.  Paris,  F.  Alcan  ;  Larose  et 
Forcel). 

325»  Jacquey  (J.).  —  Des  droits  d'usage  des  indigènes  dans  les 
forêts  de  l'État  en  Algérie  (In-8°,  48  p.  Nancy,  Berger-LevrauU  et 
0e,  Paris,  même  maison). 

(Extrait  de  la  Revue  générale  d'administration.) 

326.  Morlot  (E.).  —  Droit  romain  :  Les  Comices  électoraux  sons  la 
république  romaine.  —  Droit  franc  :  De  la  capacité  électorale  (In- 
8°,  208  p.  Paris,  imp.  Capiomont  et  Renault). 

327.  Mosca  (G.).  —  Sulla  teorica  dei  governi  e  sul  governo  parla- 
mentare:  studii  storici  e  sociali  (Roma-Torino-Firenze ,  Loescher. 
In-8«,  pag.  356) 5  fr. 

328.  Perier  (A.).— Traité  de  l'organisation  et  de  la  compétence  des 
conseils  de  préfecture  et  des  règles  de  la  procédure  à  suivre  devant 
eux.  Ouvrage  contenant  la  loi  du  5  avril  4884  sur  l'organisation 
municipale.  2  vol.  in-8°,  1. 1,  iv-473  p.;  t.  II,  548  p.  [Paris,  Pion, 
Nourrit  et  &'). 

329.  Pontich  (H.  de).  —  Administration  de  la  ville  de  Paris  et  du 
département  de  la  Seine.  Ouvrage  publié  sous  la  direction  de  M. 
Maurice  Block.  In-8<>,  xxxu-4032  p.  {Paris,  Guillaumin  H  &•). 
Prix 45  fr. 

330.  Prat  (J.-G.).  —  La  Constitution  de  4793,  précédée  de  la  Décla- 
ration des  droits  de  l'homme  présentée  au  peuple  français  le  24  juin 
4793,  publiée,  annotée,  comparée  avec  la  Constitution  de  4848  et 
la  Constitution  des  États-Unis  d'Amérique  (In-32,  xiv-66  p.  Paris, 
Bailliére). 

334.  Saint-Girons  (A.).  —  Manuel  de  droit  constitutionnel.  In-8°, 
vw-609  p.  (Paris,  Larose  et  Forcel) 8  fr. 

332.  Scott  (6.).  —  The  Chamberlain  of  London  on  the  Municipal 
Government  of  London.  8vo  [London,  E.  Wilson) 6  fr. 


ET  CRITIQUE.  29 

12°  Droit  commercial. 

333.  Budde  (J.).  —  Die  rechtliche  Natur  d.  Wechsel-Indossaments, 
e.  Beitrag  z.  Lehre  vom  Indossamente.  gr.  8.  (V,  98  p.  Giessen. 
Rieker 2  fr. 

334.Thomasset(P.).  —  Droit  romain  :  Des argenUFH.—Dr<y?t fran- 
çais :  0e  la  transmissfoft  à  titre  de  propriété  des  valeurs  de  bourse 
nominatives  et  au  porteur.  Ib-8»,  278  p.  (Lyon,  imp.  WfUtener 

13°  Droit  criminel. 

335.  Alcindor  (L.).  —  Droit  romain  :  De  la  maxima  et  de  la  média 
capitis  demi  nu  tio.— Droit  français  :  De  la  condition  juridique  des 
condamnés  par  contumace  à  une  peine  perpétuelle  (In-8°,  283  p. 
Parié,  W>.  Lwrose  et  Forotl). 

336.  Andrien  (J.).  —  La  censure  et  la  police  des  livres  en  France 
sous  l'ancien  régime.  Une  saisie  de  livres  à  Agen  en  1775  (Revue 
de  V Agenças,  4884,  3*  livre). 

337.  Ghanvin.  —  De  la  réforme  de  la  procédure  criminelle  dans 
les  cahiers  de  89  (sénéchaussées  et  bailliages  compris  dans  le  res- 
sort de  la  cour  de  Poitiers).  Discours.  In-8°,  39  pages  (Poitiers, 
imprimerie  Tolmer  et  C**). 

333.  Bourrier  (F.  J.).  —  De  l'interdiction  de  l'eau  et  du  feu  et  de 
la  relégation,  en  droit  romain.  — De  la  surveillance  do  la  haute  po- 
lice, en  droit  français.  In-8<>,  206  p.  (Parts,  Rousseau). 

339.  Foville  (A.).  —  Etude  comparative  sur  les  législations  étran- 
gères en  ce  qui  concerne  les  aliénés  traités  à  domicile.  Ie-80,  45  p. 
Parts,  imp.  Boudet. 

(Extrait  des  Annules  médico -psychologiques,  t.  il,  janvier  1884). 

340.  Lombroso  (G.).  —  L'uomo  delinquente  in  rapporlo  att'antro- 
pologia,  giurisprudenza  aile  discipline  carcerarie;  terza  edizione, 
completamente  rifatta  (Torino ,  frat.  Bocca.  in-8<>,  pagine  xxxvi- 
610,  con.  17  Uv.  e  8  fig.  net  testo) 45  fr. 

14°  Droit  international  public  bt  privé. 

344.  Bergbohm  (G.).  Die  bewaffnete  Neutralitât  1780-4783.  Eine 
Entwickelungsphase  d.  Vôlkerrechts  im  Seekriege,  gr.  8  (VIII, 
290  p.  Berlin,  Puttkammer  et  Mùhlbrecht) 7  fr. 


30  BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE 

342.  Godigo  de  comercio  de  la  Republica  Argentina ,  seguido  de 
un  a  pend  i  ce  que  contiene  :  las  ordenanzas  de  aduana  de  la  Repu- 
blica, la  ley  sobre  cerlificados  de  deposito  y  warranta,  la  ley  de 
patentes  de  invencion  y  la  ley  sobre  marcas  de  fabrica  y  de  co- 
mercio. Nueva  edicion ,  conforme  al  testo  oficial ,  aumentada  (In- 
8°,  464  p.  Paris,  imp.  P.  Dupont). 

342  bis.  Godigo  de  procedimientos  en  mateira  civil ,  y  comercial  de 
la  capital  de  la  nacion  argentina ,  seguido  de  un  apendice.  Nueva 
edicion ,  conforme  al  testo  oficial  (Iq-8<>,  223  p.  Ports,  imp.  P.  Du- 
pont). 

342  ter.  Godigo  rural  de  la  provincia  de  Buenos  Aires ,  seguido  de 
un  apendice.  Nueva  edicion,  conforme  al  testo  oficial  (In-8°,  68  p. 
Paris,  imp.  P.  Dupont). 

(Coleccion  de  codigos  y  leyes  usuales.) 

343.  Desjardins  (A.).  —  Le  Congrès  de  Paris  (4856)  et  la  Juris- 
prudence internationale  (In-8°,  67  p.  Ports ,  Pedone-Lauriel). 

(Extrait  du  Compte  rendu  de  V Académie  det  science*  morale*  et  poli- 
tiques.) 

344.  Durand  (E.).  —  Sur  la  législation  minière  aux  États-Unis  (In- 
4°,  6  p.  Paris,  imp.  Tremblay). 

344  bis.  Durand  (L.).  —  Essai  de  droit  international  privé,  précédé 
d'une  étude  historique  sur  la  condition  des  étrangers  en  France,  et 
suivi  du  Texte  de  tous  les  traités  intéressant  les  étrangers  (In-8°, 
824  p.  Larose  et  Forcel) 40  fr. 

345.  Juifs  (les)  en  Russie.  —  Etude  historique,  législative  et  sociale  ; 
par  M.  G y.  In-8<>,  vui-492  p.  (Parts,  imp.  Warmont).    2  fr.  50 

346.  Lorimer  (J.).  —  The  Insti tûtes  of  the  Law  of  Nations  :  A 
Treatise  of  the  Jurai  Relations  of  Separate  Political  Gommunities. 
2  vols.  Vol.  2.  8vo,  pp.  630  (London,  Blachwoods) 25  fr. 

347.  Nachbaur  (P.).  —  Droit  romain  :  Etude  sur  la  procédure  in 
jure  dans  les  legis  actiones.  —  Droit  français  :  De  la  faillite  en  droit 
international  privé  ou  des  effets  du  jugement  déclaratif  rendu  à  l'é- 
tranger. In-8°,  247  p.  (Nanqj,  imp.  Crépin-Leblond). 

348.  Nys  (E.).  —  Les  origines  de  la  diplomatie  et  le  droit  d'ambas- 
sade jusqu'à  Grotius.  In-8o,  55  p.  (Bruxelles,  C.  Muquardt).    2  fr. 

(Extrait  de  la  Bévue  de  droit  international.) 


ET  CRITIQUÉ.  31 


15°  Économie  politique  et  sciences  sociales. 

349.  Gbailley  (J.).  —  L'impôt  sur  le  revenu ,  législation  comparée 
et  économie  politique.  In-8°,  654  p.  (Paris,  Guillaume  et  C"). 

350.  John  (V.).  —  Geschichte  der  Statistik.  Ein  quellenmâss.  Hand- 
buch  f.  den  akadera.  Gebrauch  wie  f.  den  Selbstunterricbt.  4 .  Thl. 
Von  dem  Ursprung  der  Statistik  bis  auf  Quetelet  [4835].  Gr.  in-8° 
(xv-376  p.  Stuttgart,  Enke) 42  fr. 

354.  Kerr  (À.  W.}.  —  History  of  Banking  in  Scotland.  8vo,  pp. 
240  [Edinburh,  Bryce) 8  fr. 

352.  Ijemire  (G.).  —  La  Colonisation  française  en  Nouvelle-Calédo- 
nie et  dépendances.  In-4°,  lxxiii-376  p.  avec  tableaux,  cartes, 
plans  et  gravures,  et  vue  photographique  du  chef-lieu  {Paris,  Chai- 
lameî  aine) 20  fr. 

353.  Meyer  (M.).  —  Geschichte  der  preussischen  Handwerkerpo- 
litik.  Nach  amtl.  Quellen.  4.  Bd.  A.  u.  d.  T.  :  Die  Handwerkerpo- 
litikd.  Grossen  Kurfiirsten  u.  Kônig  Friedrich 's  I  [4640-4743].  Gr. 
in-8°,  xu-526  p.  (Minden,  Bruns) 45  fr. 

354.  Plener  (E.  Y.).  —  Ferdinand  Lasalle.  [Aus  :  Allg.  deutsche 
Biographie] .  Gr.  in-8°,  V,  86  p.  [Leipzig,  Duncker  et  Humblot).  2  fr. 

355.  Reverdy  (H.)  et  Bardeau  (A.).  —  Le  droit  usuel  et  l'écono- 
mie politique  à  l'école:  naissance,  mariage,  décès;  l'homme,  la 
société;  matières  premières;  le  capital,  le  travail,  etc.;  leçon,  ré- 
cits, scènes  de  la  vie  active,  exercices  oraux  et  écrits,  devoirs  de 
rédaction  (nouveaux  programmes  officiels  à  l'usage  des  écoles  pri- 
maires, cours  supérieur  et  des  écoles  normales).  3e  édition.  In-48 
jésus,  246  p.  avec  vignettes  (Paris,  Picard-Bernheim  et  C#). 

Marcel  FOURNIER. 


BAR-LE- DOC,    IMPRIMERIE  COKTAHT-LAGUKRRE. 


BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE 


ET  CRITIQUE 


PUBLICATIONS  NOUVELLES 

(LIVRES  ET  ARTICLES  DE  revue)1 

1°  Biographie  et  Bibliographie. 

356.  Amiand  (Albert).  —  Aperçu  de  l'état  actuel  des  législations 
civiles  de  l'Europe  et  de  l'Amérique  avec  indication  des  sources 
bibliographiques  (Paris,  in-8°,  4884). 

357.  Bluntschli  (J.-C).  —  Denkvlirdiges  aus  meinem  Leben.  Auf 
Veranlassung  der  Familie  durchgesehen  u.  verôffentlicbt  v.  R. 
Seyerlen.  3  vol.  gr.  8  viii-454  ;  349.  524  u.  (Nordlingen  Beck). 
Prix 30  fr. 

358.  Gommunay.  —  Pierre  de  Lostac,  vice-chancelier  de  Navarre 
(Revue  de  Gascogne,  juin  4884). 

2°  Philosophie  du  droit  et  des  sciences  sociales. 

359.  Abate  Longo.  —  Schizzi  di  Filosofia  dello  stato  (Catania, 
4884). 

360;  Freund  (L.).  —  Forschungen  ùb.  Staat  u.  Gesellschaft.  I.  Stu- 
dien  u.  Streifziige  auf  social wissenschaftl.,  jurist.  u.  culturhistor. 
Gebieten.  I.  Hft.  gr.  8.  vn-99  p.  (Leipzig,  Foch) %  fr.  50 

364.  Hanriou  (M.).  —  L'Histoire  externe  du  droit.  In-8°,  45  p. 
(Paris,  Pichûn). 

(Extrait  de  la  Revue  critique  de  législation  et  de  jurisprudence.) 

362.  Post  (A. -H.).  —  Die  Qrundlagen  d.  Rechts  u.  die  Grundziige 
seiner  Entwickelungs-geschicbto.  Leitgedanken  f.  den  Aufbau  e. 
allgemeinen  Rechtswissenschaft  auf  sociolog.  Basis.  gr.  SLxix- 
492  p.  (Oldenburg,  Schulze) 9  fr. 

363.  Schmidt-Warneck  (F.).  —  Die  Sociologie  Fichte's.  gr.  8. 
24  5  p.  (Berlin,  Puttkammer  u.  Mùblbrecht) 7  fr. 

Rbuvb  hist.  —  Tome  VIII.  3* 


34  BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE 

364.  Stricker  (S.).  —  Physiologie  d.  Rechts.  gr.  8.  x-4  44  p.  (Wien, 
Toeplitz  et  Beuticke) 5  fr. 

365.  Sturm  (A.).  —  Gewohnheitsrecht  u.  Irrthum.  Ein  Beitrag  zar 
allgemeinen  Rechtsgeschichte  nebst  e.  rechtsphilosoph.  Anh.  :  Die 
monist.  Grundlage  d.  Rechts.  gr.  8.  48  p.  (Kassel,  Wigand).    t  fr. 

3°  Enseignement  du  droit  et  instruction  publique. 

366.  Barack.  —  Étudiants  badois  à  l'Université  de  Strasbourg  de 
4646  à  4794  (Zeitschrift  f.  die  geschichte  des  Oberrheins,  XXXVIII, 
fasc.  4-8). 

367.  Estoublon.  —  L'enseignement  du  droit  en  Algérie  (Revue  in- 
tentât,  de  l'enseignement ,  mai  4884). 

368.  Haynes  (J.-F.).  —  The  Student's  Statutes.  3rd  éd.  8vo  (Lon- 
dont  H.  Cox) 20  fr. 

369.  Parieu  (J.  de).  —  De  l'enseignement  agricole  en  France.  49  p. 
[Paris,  Gervais). 

(Extrait  du  Correspondant.) 

370.  Rondoni.  —  Les  règlements  et  les  vicissitudes  de  l'Université 
de  Florence  à  son  époque  primitive  [Archivio  storico  Italiano, 
XIV,  4). 

374.  Schrœder  (G.).  —  Das  volksschul wesen  in  Frankreich.  Dar- 
gestellt  nach  den  jetzt  gel  t.  gesetzl.  Bestimmgn.  unter  Berûcksicht. 
der  geschichtl.  Entwicklg.  der  Schulgesetzgebg.  T.  I,  gr.  8  (Kôln, 
Du  MontSchauberg) 4  fr. 

4°  Droit  oriental  et  grec. 

372.  Dareste.  —  Gode  rabbinique  d'Eben  Hœzer  (Journal  des  Sa- 
vants,  juillet  4884). 

373.  Neuville  (L.  de).  Les  origines  de  la  civilisation  chinoise  (Bé- 
vue des  questions  histor.,  4"  juillet  4884). 

374.  Schvarcz  (J.).  —  Die  Staatsformenlehre  d.  Aristoteles  u.  d. 
moderne  Staatswissenschaft.  Notizen  ûb.  die  âltesten  DenkmSler 
d.  Ministerverantwortlichkeits-Gedankens  in  der  europ.  Verfas- 
sungsgeschichte.  62  p.  in-8<>  (Leipzig,  4884) 2  fr. 

375.  Wilken  (G.-A.).  —  Das  Matriarchat  [das  Muterrecht]  bei  den 
alten  Arabern.  Autoris.  Uebersetzg.  aus  dem  Holt.  gr.  8.  72  p. 
(Leipzig,  0.  Schulze) 2  fr.  50 


ET   CRITIQUE.  35 

5°  Droit  romain. 

376.  Alibrandl.  —  Ad  legem  4  Godicis  de  solucionibus  et  libéra- 
tionibus  debitorum  civitatis.  L.  Xï,,T.  39  (Stndi  e  documenti  di 
storia  e  di  diritto,  V,  fasc.  3). 

377.  Baron  (J.).  —  Geschichte  d.  rômi9chen  Rechts.  I.  ThI.  :  Insti- 
tutionen  u.  Givilprozess.  gr.  8.  xn-474  p.  (Berlin,  Simion).    40  fr. 

378.  Bayet.  —  La  fausse  donation  de  Constantin  (Annuaire  de  la 
Faculté  des  lettres  de  Lyon,  2«  année,  4«  fasc). 

4 

379.  Brinz  (A.  v.)  et  Holder  (E.).  —  Zwei  Abhandlungen  aus  dem 
rômischen  Rechte.  Herrn  Prof.  ,Dr.  Adf.  v.  Scheurl  zum  50  jahr. 
Doctorjubilâum.  Im  Auftragder  Juristen-Fakultât  zu  Munchen  u. 
Erlangen  iiberreicht  gr.  8.  66  p.  Inhalt  :  Die  Freigelassenen  der 
Lez  Aelia  Sentia  u.  das  Berliner  Fragment  v.  den  Dediticiern.  Von 
A.  v.  Brinz.  —  Das  Wesen  der  Correalobligation.  Von  E.  Holder 
(Fribourg  en  Brisgau,  8°  Mohr) 3  f r. 

380.  Brugi.*—  Studi  sulia  dottrina  délie  servi  tu  prediali  (Archivio 
giuridico,  XXXIII,  f.  3-4). 

384 .  Durand  (L.).  —  Étude  sur  le  Dies  incertus  (droit  romain).  In-8°, 
xvi  p.  (Lyon,  imprim.  W aliéner  et  Ce). 

382.  Espéronnler  (G.).  —  Des  obligations  solidaires,  en  droit  ro- 
main et  en  droit  français.  In-8°,  274  p.  (Paris,  Larose  etForcel). 

383.  Gulli  (Fr.).  —  Del  furtum  conceptum  secondo  le  XII  Tavole  e 
la  legislazione  posteriore  (Bologne,  8»,  4884). 

384.  Mispoolet  (J.-B.).  —  Des  Spurii  (Bulletin  épigraphique,  juil- 
let-août 4884). 

385.  Mommsen.  —  L'édit  sur  la  conscription  à  l'époque  impériale 
(Hermès,  XIX,  fasc.  2). 

386.  Niocolosi  (Fr.).  —  Fondamento  razionale  délia  patria  potesta 
e  suo  i  limiti  giuridici  (Catania,  4884). 

387.  Pallu  de  Lessert  (G.).  —  Études  sur  le  droit  public  et  l'or- 
ganisation sociale  de  l'Afrique  romaine.  In-8<>,  90  p.  (Parts ,  Pi- 
card). 

388.  Pantalonei  Diomede.  —  Délia  auctoritas  patrum  neel'  an- 
tica  Roma  (Lœscher,  4884). 

389.  Picinelli  (G.).  —  Délia  dote  in  Diritto  romano;  appunti  didat- 
tici  (Cagliari,  tip.  del  Corriere,  4883,  in-8<>,  p.  72) 4  fr.  50 

390.;Pîsanelli-Codacci.  —  Le  azioni  popolari  [Archivio  giuridico, 
XXXIII,  fasc.  3-4). 


36  BULLETIN   BIBLIOGRAPHIQUE 

394.  Roby  (H.  J.).  —  An  Introduction  to  the  Study  of  Justinian's 
Digest,  containing  an  Account  of  its  Composition  and  of  the  Juriste 
used  or  referred  to  tberein ,  together  with  a  full  Gommentary  on 
one  title  (De  Usufructu).  8vo,  pp.  550  (London,  Cambridge  Ware- 
house) 20  fr. 

392.  Sohrutka-Rechtenstamm  (E.).  —  Ub.  den  Schlusssalz  in 
Gap.  XXI  legis  Rubriae  de  Galiia  Cisalpina  (Sitzungsber.  d.  k. 
Akad.  d.  Wiss.  Wien,  Gerold's  Sohn.) 0  fr.  50 

393.  Wlassak  (M.).  —  Critische  Studien  zur  Théorie  der  Rechts- 
quellen  im  Zeitalter  u.  klassischen  Jaristen.  gr.  8.  ix-204  p.  (Gra, 
Leuschneret  Lubensky) 5  fr. 

6°  Droit  ecclésiastique  ancien  et  moderne. 

394.  Geigel  (F.).  —  Das  franzôsische  u.  reichslândische  Staatskir- 
chenrecht  [christliche  Kirchen  u.  Israeliten],  systematisch  bearb. 
u.  verglichen  m.  den  neuesten  Gesetzen  u.  der  Rechtsprechg.  der 
deutschen  Staaten.  8.  xx-504  p.  (Strassburg,  JVwfaier). , ,    40  fr. 

395.  Reinardus.  —  Recueils  de  formules  et  manjueif  provenant 

des  bureaux  de  l'administration  pontificale  au  xv*  s.  (Neues  Ar- 
chiv,  X,  fasc.  4). 

396.  Schœrs  (H.).  —  Hinkmar  Erbischof  von  Reims  sein  leben  und 
seine  Schriften  (Fribourg,  8o,  4884).  ( , 

397.  Seidl  (J.  N.).  —  Der  Diakonat  in  der  katholischen  Kirche,  des- 
sen  hierat.  Wurde  u.  geschichtl.  Entwicklg.  Ejnqjtirchenrechts- 
geschichtl.  Abhandlg.  gr.  8.  xi-243  p.  (Regensburg,  Manz).    4  fr. 

7°  Droit  gaulois  et  germanique. 

398.  Bélot,  Nantucket.  Étude  sur  les  diverses  sortes  de  proprié- 
tés primitives  (Annuaire  de  la  Faculté  des  lettres  de  Lyon ,  2°  an- 
née, fasc.  4). 

399.  Berger  (E.).  —  La  formule  Rex  Francorum  et  Dux  Aquitano- 
rum  dans  les  actes  de  Louis  VII  (Biblioth.  de  r École  des  chartes, 
4884,  3e  fasc.). 

400.  Gaudenzi  (A.).  —  Gli  editti  di  Teodorico  e  di  Atalarico  e  il 
Diritto  romano  nel  regno  degli  Ostrogoli  (Turin,  4884,  8°). 

404 .  Mommsen.  —  Les  pagi  celtes  (Hermès ,  XIX ,  fasc.  2). 

402.  Palmer.  —  L'invasion  saxonne  et  son  influence  sur  notre  ca- 
ractère national  (Transactions  of  the  royal  historical  Society,  II , 
2«  partie). 


ET   CRITIQUE.  37 

403.  Sickel  (W.).—  Les  ducs  nationaux  dans  l'empire  franc  (Histo- 
rische  Zeitschrift,  XVI,  fasc.  3). 

404.  Tamassia.  —  Quelques  observations  sur  le  Cornes  Gothorum 
dans  ses  rapports  avec  la  constitution  romaine  et  l'établissement 
des  barbares  (Archivio  storico  lombardo,  XII,  2). 

8°  Histoire  de  l'ancien  droit  français. 

405.  Araskhaniantz.  —  La  législation  des  céréales  en  France  du 
moyen  âge  à  4789  (Staats  und  social  Wissenschafliche  Forschung, 
IV,  fasc.  3). 

406.  Gartulaire  de  l'ancienne  abbaye  de  Sain  t-Nicolas-des- Prés 
sous  Ribemont  (diocèse  de  Laon),  publié  par  Henri  Stein  (Saint- 
Quentin,  in-4o,  4884). 

407.  Gartulaire  Senonais  de  Balthasar  Taveau,  procureur  au  bail- 
liage et  siège  présidial  de  Sens ,  procureur  aux  causes  et  greffier 
de  la  chambre  de  ville,  publié  par  G.  Julliot  (Sens,  in-4<>,  4884). 

408.  Demaison.  —  Document  inédit  sur  une  assemblée  d'État  con- 
voquée à  Amiens  en  4  4SI  [Reims,  in-8°,  4884). 

409.  Duhamel.  —  Un  traité  de  commerce  au  xrv<>  g.  entre  la  prin- 
cipauté d'Orange  et  le  comtat  Venaissin  (Comité  des  trav.  histo- 
riques, 4884,  no  4). 

440.  Fonsagrives  (J.-B.).  —  Étude  historique  sur  le  droit  de 
bris  {Revue  maritime  et  coloniale,  4884). 

444.  Franklin  (A.).  —  Les  Corporations  ouvrières  de  Paris  du  xii6 
au  xvme  siècle,  histoire,  statuts,  armoiries,  d'après  des  documents 
originaux  ou  inédits ,  par  Alfred  Franklin.  4  3  cahiers  in-4o.  Tail- 
leurs, 42  p.  et  planche;  Barbiers-Chirurgiens,  42  p.  et  planche; 
Tabletiers,  42  p.  et  planche;  Perruquiers-Coiffeurs,  46  p.  et  plan- 
che; Passementiers-Boutonniers,  8  p.  et  planche;  Menuisiers-Ébé- 
nistes, 8  p.  et  planche;  Lingères ,  42  p.  et  planche;  Gantiers-Par- 
fumeurs, 42  p.  et  planche;  Drapiers  tisseurs  et  marchands,  42  p. 
et  planche;  Couvreurs,  Plombiers,  Ramoneurs,  42  p.  et  planche; 
Couturières,  8  p.  et  planche  ;  Couteliers,  8  p.  et  planche  ;  Brodeurs- 
Chasubliers  découpeurs,  42  p.  et  planche  (Paris,  Firmin-Didot  et 
C«).  Chaque  cahier 4  fr#. 

442.  Galabert  (abbé).  —  Les  associations  rurales  sous  l'ancien  ré- 
gime (Société  archéol.  de  Tarn-et-Garonne ,  4884): 

443.  Guyaz  (Marc).  —  Histoire  des  institutions  municipales  de  Lyon 
avant  4789  {Lyon,  in-42, 4884). 

♦* 


38  BULLETIN   BIBLIOGRAPHIQUE 

444.  Harlstoy  (abbé).  Recherches  historiques  sur  le  pays  basque. 
Les  fors  et  coutumes  des  trois  provinces  basques  ou  pyrénéennes 
(Ports,  Champion  y  in-8°). 

445.  Lavisse  (E.).  —  Étude  sur  le  pouvoir  royal  au  temps  de 
Charles  V  {Revue  historique ,  nov.-déc.  4884). 

446.  Lecoy  de  la  Marche.  —  Les  classes  populaires  au  xiii*  s. 
Les  Vilains  (Le  Correspondant,  4884, 40  et  24  sept.). 

447.  Loeb.  —  Deux  livres  de  commerce  du  commencement  du  xiv* 

s.  [Revue  des  études  juives ,  4884,  avril-juin). 

448.  Schmidt  (K.).  —  Der  streit  ueber  das  jus  primas  noctis  (Ber- 
lin, Moger,  in-8o,  4874). 

449.  Textes  de  droit  coutumier,  classés  et  mis  en  ordre  par  MM. 
E.  G.  et  Gl.  L.  —  Coutume  de  Paris.  In-8«,  26  p.  (Paris,  ûnpr. 
Lambert). 

9°  Histoire  des  législations  étrangères. 

420.  Abignente  (G.).  —  Elementi  délia  storia  del  Diritto  in  Italia, 
ad  uso  dello  insegnamento  universitario.  Parte  I  :  Délia  caduta 
dell'  impero  romano  fino  alla  costituzione  dei  feudi  (Napoli,  LaCava 
eSteeger.  In-8°  gr.,  p.  260). 

424 .  Baer.  —  Les  corporations  ouvrières  en  Allemagne  (Forschun- 
gen  zur  deutschen  geschichte,  XXIV,  fasc.  2). 

422.  Beok.  —  Droit  de  sorcellerie  en  Franconie  au  xvii«  s.  [Wûr- 
tembergische  Vierteljahrshefte  f.  Landesgeschichte ,  VII,  4). 

423.  Bovio  (G.).  —  Sommario  délia  storia  del  Diritto  in  Italia  dalf 
origine  di  Roma  ai  nostri  tempi,  ecc.  [Napoli,  Anfossi  edit.  (s.  t.)* 
In-8o,  p.  496). 

424.  Brandileone  (F.).  —  Il  Diritto  romano  nelle  leggi  normanne 
e  sveve  del  regno  di  Sicilia  :  studio  ;  con  introduzione  di  Bartolo- 
meo  Capasso  (Torino,  frai.  Bocca.  In-8°  gr.,  p.  438). 

425.  Burkhard  ( W.).  —  Wiirzburg ,  dessen  Stadt-  u.  Staats-Ges- 
chichte,  sowie  die  Rechtsgeschichte  d.  Hochstifts,  Entwicklung  u . 
Bedeutung  d.  frank.  Rechts  f.  Franken  u.  Deutschland  (Festschrifl 
zum  47.  deutschen  Juristentag). 

426.  Engelmann  (J.).  —  Die  Leibeigenschaft  in  Russland.  Eine 
rechtshislor.  Studie  gr.  8,  vm-375  p.  (Leipzig,  Duncker  et  Rum- 
blot) 9  fr. 

427.  De  Gasparis  (A.).  —  Sull'  autorité  del  Diritto  romano  e  lon- 
gobardo  neir  Italia  méridionale  dal  4046  al  4494  (Napoli,  tip.  dell* 
Academia  délie  Scienze). 


ET   CRITIQUE.  39 

428.  Hoffmann.  —  Histoire  des  impôts  indirects  en  Bavière  de  la 
fin  du  xine  s.  au  commencement  du  xix«  (StoaU  und  social  Wis- 
senschaftiiche  Forschsungen,  IV,  fasc.  5). 

489.  Hnber  (E.).  —  Die  historische  Grundlage  des  ebelichen  Gûter- 
rechts  der  Berner  Handfeste.  Gr.  4.  62  p.  (Basel,  Detloff).    2  fr.  50 

430.  La  Mantia  (V.).  —  Storia  délia  legislazione  italiana  :  I.  Roma 
e  Stato  Romano  (Torino,  frat.  Bocca.  In-8»,  p.  750). 

434.  Orlando  (V.-E.).  —  La  legislazione  statu  ta  ria  e  i  giurecon- 
sulti  italiani  del  secolo  XIV  memoria  {Firenze,  Loescher.  In-8°, 
p.  58) 2  fr. 

432.  Planok  (Von).  —  La  défense  de  porter  les  armes  et  la  mise  au 
ban  de  l'Empire  dans  le  Sachsenspiegel  (Baierische  Akademie  der 
Wissenschaften  histor.  Sitzungsber,  4874, 4). 

433.  Pyl  (T.).  —  Beitrâge  zur  pommerschen  Rechtsgeschichte.  4 . 
Hft.  gr.  8  (Greifswarld ,  Bindewald) 4  fr. 

434.  Sohoop.  —  Verfassungsgesch.  d.  Stadt  Trier  (Zeitschrift  f. 
Geschichte). 

435.  Seebohm  (F.).  —  The  English  Village-Community  Examined 
in  its  Relations  to  the  Manorial  and  Tribal  Systems ,  and  to  the 
Gommon  or  Open  Field  System  of  Husbandry.  3rd.  éd.  8vo.  p.  470 
(Londoriy  Longmans) 20  fr. 

436.  Steffenhagen  (E.).  —  Die  Entwicklung  der  Landrechtsglosse 
d.  Sachsenspiegels  IV.  Die  Tzersiedische  Glosse  (Sitzungsber,  d.  h. 
Akad.  d.  Wiss.  Lez.  8,  40  p.  Wien,  Gerolcfs  Sohn) 3  fr. 

437.  Studii  e  Documenti  di  storia  e  Diritto  ;  pubblicazione  periodica 
deir  Accad,  di  Conferenze  storico-giuridiche  ;  anno  V,  fasc.  4  et  2 
(Borna,  tip.  délia  Face.  In-4<\  p.  467). 

438.  Von  Weech.  —  Cartulaire  de  l'abbaye  cistercienne  de  Salem 
(Zeitschrift  f.  die  Geschichte  des  Oberrheins,  XXXVII,  fasc.  4). 

439.  Warschauer.  —  Sur  l'histoire  des  institutions  et  des  mœurs 
dans  la  ville  de  Posen  jusqu'en  4245  (Zeitschrift  f.  Geschichte  und 
Landeskunde  der  Provint  Posen ,  I,  fasc.  2, 4882). 

440.  Wolter.  —  Les  bourguemestres  et  le  conseil  municipal  de  la 
ville  de  Burg  (Geschichtsblœter  fur  Stadt  und  Land  Magdeburg, 
XIX,  fasc.  4-2). 

10°  Droit  civil  français  et  étranger. 

444.  Aubert  (H.).  —  Droit  romain  :  De  Vin  integrumrestitutio  en- 
visagée comme  voie  de  recours  contre'Ies  jugements;  droit  fran- 
çais :  Des  causes  d'ouverture  à  cassation  en  matière  civile.  In-8°, 
256  p.  {Paris,  Thorm). 


40  BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE 

442.  Bechmann  (A.).  —  D.  Kauf  n.  gemein.  Recht.  2.  Thl.  4 .  Abth. 
A.  u.  d.  T.  :  System  d.  Kaufs  nach  gemeinem  Recht.  4.  Abth.  gr. 
8.  xji-569  p.  (Erlangen,  Deichert) 25  fr. 

443.  Bédarride  (J.)  et  Rivière  (H.-F.).  —  Traité  du  dol  et  de  la 
fraude  en  matière  civile  et  commerciale.  4e  édition.  T.  I.  In-8°, 
493  p.  (Paris  9  Chevalier-Marescq). 

444.  Bernard!  (C.-A.).  —  Délia  querela  civile  di  falso  :  studio  teo- 
rico-pratico  (Torino,  Unione  tip.-edilr.  In-8°,  p.  264). 

445.  Bocchialini  (E.).  —  Sulla  dottrina  del  dolo  civile  e  délia  frode 
punibile  [Parma,  tip.  Adorni,  p.  80). 

446.  Bridel  (Louis).  —  La  femme  et  le  droit,  étude  historique  sur 
la  condition  des  femmes  {Paris,  4884). 

447.  Dalmau  y  de  Olivart  (R.).  —  La  Posesion  :  apuntes  y  frag- 
mentos  de  una  nueva  teoria  posesoria.  Nocion  en  el  Derecho  abs- 
tracto;  etimologia;  caracter  juridico  ;  base  de  su  protection  (Ma- 
drid, MuriUo.  En  4°,  clxmvi-549  p.) 20  fr. 

448.  Demante  (A.-M.)  et  Golmet  de  Santerre  (E.).  —  Cours 
analytique  de  code  civil.  T.  VIII  :  Contrats  divers;  Prescription. 
In-8°,  xxxii-587  p.  (Paris,  Pion,  Nourrit  et&) 9  fr. 

449.  Digby  (K.-E.).  —  Introduction  to  the  History  of  the  Law  of 
Real  Property,  wit  Original  Authorities.  3rd  éd.  8vo.  p.  440  (Loti- 
don,  Frowde) 42  fr. 

450.  Gabba  (C.-F.).  —  Teoria  délia  retroattività  délie  leggi  :  Vol.  I. 
2a  ediz.  riveduta  e  corretta  dall'  autore  (Torino,  Unions  Tipogr.- 
editr.  In-8°  gr.  p.  382) 8  fr. 

454.  Gianturco  (E.).  —  Délie  Fiducie  nel  Diritto  civile  Italiano 
(Rome,  in-8°,4884). 

452.  Hartmann  (G.).  —  Juristischer  Casus  u.  seine  Prâ3tation  bei 
Obligationen  auf  Sachleistung  insbesondere  beim  Kauf.  gr.  8.  82  p. 
(Jena,  Fischer) 2  fr. 

453.  Jacques  (G.).  —  Histoire  de  la  distinction  des  biens  en  meu- 
bles et  immeubles  à  Rome ,  en  pays  coutumier  et  dans  le  code  ci- 
vil. In-8°,  4884  p.  (Paris,  Larose  et  Forcel). 

454.  Marmod  (G.).  —  Droit  romain  :  Étude  sur  la  condition  juri- 
dique du  prodigue;  droit  français  :  Étude  sur  les  effets  de  la  nomi- 
nation d'un  conseil  judiciaire.  In-8°,  490  p.  (Paris ,  Derenne). 

455.  Moïsesco  (D.-G.).  —  Droit  romain  :  Des  meubles  et  de  leur 
acquisition  par  usucapion  ;  droit  français  :  Du  droit  de  suite  sur 
les  titres  au  porteur,  les  articles  2279  et  2280  du  code  civil  et  la 
loi  des  45  juin-5  juillet  4872.  In-8°,  474  p.  (Paris,  Derenne). 


ET   CRITIQUE.  41 

•      '  {  /     «s 

456.  Pappalava  (V.).  —  De  Ja  condition  civile  des  étrangers.  Es- 
sai historique  et  juridique,  traduit  de  l'italien,  par  G.  Wiliquet. 
In-8°,  22  p.  (Bruxelles,  À.  Manceaux) 4  fr. 

457.  Pepin-Lehalleur  (A).  —  Note  sur  l'interprétation  du  nouvel 
article  4^34  du  code  civil.  In-8°,  56  p.  (Paris,  imp.  Philipona). 

458.  Piédelièvre  (R.)<  —  De  l'internat  salvîen,  en  droit  romain; 
De  la  règle  :  les  meubles  n'ont  pas  de  suite  par  hypothèque ,  en 
droit. français.  In-8°,  294  p.  (Paris,  Laroseet  Forcel). 

459.  Polacco  (Vitt.).  —  Délia  Divizione  operata  da  ascendenti  fra 
Discendenti  (Padoue,  in-8<>,  4884). 

460.  Prévot-Leygorde  (G.).  —  Des  promesses  et  stipulations  pour 
autrui ,  en  droit  romain  et  en  droit  français.  In-8°,  263  p.  (Paris , 
imp.  Rougier  et  Ce). 

464.  Randa  (A.).  —  Das  Eigenthumsrecht  nach  ôsterreichischem 
Rechte  m.  Berûcksicht.  d.  gemeinen  Rechtes  u.  der  neueren  Ge- 
setzbucher.  4.  Hâlfte.  gr.  8  (Leipzig,  Breitkopfet  Hàrtel). 

462.  Schey  (J.  Frh.  v.).  —  Begriff  und  Wesen  der  Mora  creditoris 
im  ôsterreichischen  u.  im  gemeinen  Rechte.  Eine  civilist.  Unter- 
suchg.  gr.  8.  vi-432  p.  (Wien,  Manz) 4  fr. 

463.  Schollmeyer  (F.).  —  Die  Compensationseinrede  imdeutschen 
Reichs-Civilprocess.  gr.  8.  v-476  p.  (Berlin,  Guttentag). . .    5  fr. 

464.  Witz  (P.-E.).  —  Droit  romain  :  Des  moyens  de  mettre  fin  à 
l'indivision  d'une  hérédité ,  et  des  effets  du  partage,  à  Rome;  droit 
français  :  Du  caractère  et  des  effets  du  partage  dans  le  droit  fran- 
çais ancien  et  moderne  (art.  883  G.  G.).  In-8°,  479  p.  (Paris,  De- 
renne.) 

11°  Droit  public  et  administratif. 

465.  Bozérian  (J.).  —  Étude  sur  la  révision  de  la  constitution  de 
4875.  In-8°,  447  p.  (Paris,  Pion,  Nourrit  et  C<). 

466.  Flower  (F.-A.).  —  History  of  the  Republican  party  ;  embra- 
cing  its  origin ,  growth  and  mission  ;  with  appendices  of  statistics 
and  information.  Springfield,  III,  Union  pub.  Go.  464*9-623  p. 
por.  and  il.  0 2  fr. 

467.  Guérin  (F.-R.-A.).  —  De  la  responsabilité  des  magistrats  pu- 
blics, en  droit  romain;  De  la  responsabilité  des  fonctionnaires,  en 
droit  français.  In-8°,  296  p.  (Paris,  Rousseau). 

4(8.  Meucci(L.).  —  Instituzioni  di  Diritto  amministrativo.  Vol.  II, 
parte  I  :  Teorica  dei  demanii  pubblici  (Roma,  frai.  Bocca.  In-8<>, 
p.  4  96) 3  fr. 


42  BULLETIN   BIBLIOGRAPHIQUE 

469.  Norcross  (J.).  —  The  history  of  Democracy  Considered  as  a 
Party  Name  and  as  a  Political  Organisation.  8vo,  sd.  (New- 
York) 2  fr. 

470.  Perriquet  (E.).  —  Les  Contrats  de  l'État,  traité  comprenant 
notamment  les  règles  en  matière  de  ventes  domaniales ,  ventes  des 
coupes  des  bois  de  l'État,  fournitures  et  marchés,  concessions  de 
mines ,  concessions  sur  les  cours  d'eau ,  états  des  fonctionnaires , 
militaires  et  marins,  pensions  civiles,  militaires  et  de  la  marine, 
récompenses  nationales,  Légion  d'honneur,  etc.  In-8°,  xn-692  p. 
(Paris,  Marchai,  Billard  et  Ce) 9  fr. 

474 .  Reynaert  (A.).  —  Histoire  de  la  discipline  parlementaire.  Rè- 
gles et  usages  des  assemblées^politiques  des  deux  mondes  ;  l'En- 
quête du  Foreing  office  sur  la  clôture,  le  serment,  les  modes  de  vo- 
tation,  etc.;  la  Réforme  du  règlement  de  la  Chambre  des  com- 
munes :  suivi  d'une  table  alphabétique  des  auteurs  et  des  person- 
nages politiques  cités  dans  l'ouvrage,  t  vol.  in-8°,  1. 1,  452  p.;  t.  II» 
540  p.  {Paris,  Pedone-Lauriel). 

12°  Droit  pénal  et  instruction  criminelle. 

472.  Bournet  (A.).  —  De  la  criminalité  en  France  et  en  Italie , 
étude  médico  légale.  I,  Des  statistiques  judiciaires  italiennes  et 
françaises;  II,  De  la  criminalité  générale  en  France  et  en  Italie; 
III,  Des  crimes  contre  les  personnes;  IV,  De  quelques  causes  mo- 
dificatrices de  la  criminalité,  etc.  In-8°,  457  p.  et  planches  (Paris, 
Bailiiére  et  fils). 

473.  Bravo  (E.).  —  Legislacion  pénal  especial ,  tomosIII  (Madrid, 
P.Nunez.  En  8<>,  290  p.) 6  fr. 

474.  Garnazza-Rametta  (G.).  —  Il  positivismo  e  le  riforme  nel 
Diritto  e  nella  procedura  pénale  (Messina,  tfp.  fratelliMessina.  In-8°, 
p.  4*7) 4fr.  50 

475.  Ghnroh  (W.-S.).  —  A  treatise  of  the  writ  of  habeas  corpus , 
including  jurisdiction,  false  imprisonment,  writ  of  error,  extradic- 
tion, mandamus,  certiorari],  judgments,  etc.,  with  practice  and 
forma  (San  Francisco,  A.  L.  Bancroft  et  Co.  61+708  p.  O.).    6  fr. 

476.  Garraud  (R.).  —  Précis  de  droit  criminel ,  contenant  l'expli- 
cation élémentaire  de  la  partie  générale  du  code  pénal ,  du  code 
d'instruction  criminelle  et  des  lois  qui  ont  modifié  ces  deux  codes  ; 
2«  édition,  revue  et  corrigée,  xix-872  p.  (Paris,  Larose  et  For- 
cet) *0  fr. 


ET   CRITIQUE.  43 

477.  Guillot  (A.).  —  Des  principes  du  nouveau  code  d'instruction 
criminelle  (discussion  du  projet  et  commentaire  de  la  loi).  In-8«, 
ix-527  p.  (Paris,  Larose  et  Forcel). 


13°  Droit  commercial. 

478.  Behrend  (J.-Fr.).  —  Lehrbuch  d.  Handelsrechts.  4.  Bd.  3. 
Lfg.  gr.  8.  S.  385—544  (Berlin,  GuUentag) 4  fr. 

479.  Giordano  (V.).  —  La  procédure  commerciale ,  ossia  guida 
pratica  per  la  compilazione  degli  atti  di  procédure ,  secondo  il 
nuovo  codice  di  commercio,  ecc.  (Trani,  Veecki  e  C.  In-8°,  p.  vi- 
432) 40  fr. 

480.  Vlllard  (P.).  —  Des  administrateurs  dans  les  sociétés  ano- 
nymes. In-8°,  272  p.  (Paris ,  Pichon). 

14°  Droit  international  public  et  privé. 

484.  Asser  (T.-M.-C.)  et  Rivier  (A..).  —  Éléments  de  droit  inter- 
national privé,  ou  Du  conflit  des  lois.  Droit  civil ,  procédure,  droit 
commercial.  In-8°,  vi-303  p.  (Paris,  Rousseau) 8  fr. 

482.  Féraud-Giraud.  —  Les  Justices  mixtes'dans  les]  pays  hors 
chrétienté.  Causeries  à  l'occasion  d'un  essai  de  réglementation  in  - 
ternationale.  In-8°,  440  p.  (Paris,  Pedone-Lawriel). 

483.  Guelle  (J.).  —  Précis  des  lois  de  la  guerre  sur  terre.  Commen- 
taire pratique  à  l'usage  des  officiers  de  l'armée  active,  de  la  ré- 
serve et  de  la  territoriale.  Avec  une  préface]  par  M.  P.  Pradier- 
Fodéré.  T.  I.  Préliminaires  de  la  guerre  et  hostilités.  In-48  Jésus, 
xrv-300  p.  (Paris,  Pedone-Lauriel). 

484»  Levi  (Enrico).  —  La  convenzione  di  Berna  (Borne,  4884). 

485.  Moreau  (F.).  —  Effets  internationaux  des  jugements  en  ma- 
tière civile.  In-8°,  xii-272  p.  (Paris,  Larose  et  Forcel). 

15°  Économie  politique  et  science  financière. 

486.  Aristokratie,  die,  d.  Gestes  als  Losung  der  sozialen  Frage. 
Ein  Grundrissder  natûrl.  u.  der  vernunft.  Zuchtwahl  in  der  Mensch- 
heit.  gr.  8.  vn-468  p.  (Leipzig,  4885,  Friedrich) 4  fr. 

487.  Besson  (E.).  —  De  l'impôt  sur  le  revenu,  étude  historique  et 
critique.  In-8°,  vn-38  p.  (Paris,  Marchai,  Billard  etC*)...    4  fr. 

488.  Colajanni  (N.).  —  Socialismo  e  sociologia  criminale.  I.  Il  So- 
cialismo  :  appunti  (Catania,  Fil.  Tropea.  In-46gr.  p.  396). 


44  BULLETIN   BIBLIOGRAPHIQUE 

489.  Gothein.  —  L'état  social  et  chrétien  des  Jésuites  au  Paraguay 
{Staats  und  social  Wissemchaftliche  Forschurigen,  IV,  faac.'i). 

490.  Kaufmann  (R.  de).  —  Les  Finances  de  la  France.  Traduit 
de  l'allemand  par  MM.  Dulaurier  et  de  Riedmatten;  revu  par  l'au- 
teur. In-8°,  xv-636  p.  (Paris,  Guillaumin  et  Ce) 20  fr. 

494.  Philippovioh  v.  Philippsberg  (E.).  —  Die  Bank  y.  En- 
gland  im  Dienste  der  Finanzverwaltung  d.  Staates.  gr.  8.  viu-244  p. 
(Wien,  4885,  Toeplitz  et  QeuticKe) 7  fr. 

492.  Simon  (0.).  —  Die  deutsche  Reichsbank  in  den  J.  4876-4883. 
Eine  statist.  Uebersicht  tib.  deren  Gesch&fts-Éntwicklg.,  nebst  e. 
Gommenlar  zum  deutschen  Bankgesetz  vom  44.  Màrz  4875.  gr.  8. 
xn-92  p.  (Minden,  Bruns) 2  fr.  50 


Marcel  FOURNIER. 


BAR-LE-DUC,   IMPRIMERIE  COTTANT-LAQUERRE. 


ERRATA. 


P.  34,  note  1,  au  lieu  de  Delare  lisez  :  Delarc. 

P.  77,  entre  la  ligne  l  \  et  la  ligne  12,  ajoutez  : 

La  Déclaration  fut  imposée  à  l'enseignement  ecclésiastique 
par  Louis  XV,  en  1766;  par  Napoléon,  en  Tan  IX  (Articles  or- 
ganiques, 24). 

P.  139,  note  i,  ligne  4,  au  lieu  de  Andegarensem  lisez  : 
Andegavensem. 

P.  143,  ligne  13,  au  lieu  de  Arc  lisez  :  Acre. 

P.  240,  note  3,  ligne  3,  au  lieu  de  Vauters  lisez  :  Wauters. 

P.  2SS,  note  i,  au  lieu  de  VinogradofT  lisez  :  Winogradofî. 


-\) 


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