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Full text of "Revue historique"

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REVUE 


HISTORIQUE 


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HISTORIQUE 


Paraissant    tous    les    deux    mois. 


Ne  quid  falsi  audeat,  ne  quid  veri  non  audeal  hislorin. 
ClCÉRON,  de  Oral.  II,  i5. 


DIXIÈME  ANNÉE 


TOME    VINGT-SEPTIEME 


Janvier- Avril    1885 


PARIS 

ANCIENNE  LIBRAIRIE  GERMER  BAILLIÈRE  et  Q* 

FÉLIX  ALGAN,  Éditeur 

108,     BOULEVARD    SAINT-GERMAIN 
AU   COIN   DE    LA   RUE    BADTEFBUILL1 

1885 


i 

t.  JJ 


ÉTUDES  ALGÉIUEYNES 


LA  COURSE,  L'ESCLAVAGE  ET  LA  RÉDEMPTION 

A  ALGER. 


TROISIEME  PARTIE  :  LA  REDEMPTION. 
I. 

Dans  les  deux  premières  parties  de  cette  Etude,  nous  avons  vu 
comment  on  tombait  entre  les  mains  des  Algériens,  et  dans 
quelles  conditions  on  y  subissait  l'esclavage;  il  nous  reste  main- 
tenant à  dire  comment  la  captivité  se  terminait  pour  ceux  qui 
avaient  le  bonheur  d'être  appelés  à  revoir  leur  patrie. 

Celui  que  sa  mauvaise  fortune  avait  conduit,  dans  les  bagnes 
d'Alger  et  qui  n'avait  pas  pu  se  racheter  lui-même,  n'avail  plus 
à  espérer  de  reconquérir  sa  liberté  que  par  les  trois  moyens  sui- 
vants :  la  fuite,  l'intervention  des  Rédemptoristes,  ou  quelque 
heureux  accident  de  guerre  qui  le  ravissait  de  vive  force  ;i  !;i 
tyrannie  de  ses  oppresseurs.  Nous  allons  examiner  s 
ment  chacune  de  ces  trois  solutions. 

Tant  que  les  Espagnols  furent  en  possession  de  Bougie,  c'est- 
à-dire  pendant  la  première  moitié  du  wf  siècle,  la  fuit''  par  terre 
fut  possible,  quoique  loin  d'être  exempte  de  dangers.  La  distance 
n'était  pas  très  considérable:  on  n'avait  à  braver  que  sept  jours  de 
marche  en  pays  ennemi;  les  communications  étaient  £réqu< 
à  ce  que  nous  apprend  Haédo1,  qui  nous  dit  qu'il  était  même 

1.  Dialogo  de  los  Martyres,  d.  r.  (Martyre  de  Poil  un. In 

Rev.  Histor.  XXVII.   1er  fasc.  1 


2  ll.-l).    DB   GRAMMONT. 

permis  aux  soldats  de  la  garnison  espagnole  d'envoyer  des  pré- 
sents de  vivres  à  leurs  camarades  captifs,  pour  les  aider  à  célé- 
brer  Les  réjouissances  de  Noël.  Il  pouvait  donc  être  relativement 
facile  de  séduire  par  L'appât  d'une  bonne  récompense  un  Kabyle 
qui  servait  de  guide  aux  fuyards,  et  qui,  grâce  à  sa  connaissance 
des  lieux  et  aux  intelligences  qu'il  savait  se  ménager,  pouvait  les 
amener  à  bon  port  ' .  Mais,  à  partir  du  moment  où  Salah-Reïs  eut 
repris  Bougie  à  l'Espagne  et  où  Oran  devint  le  point  le  plus  rap- 
proché où  il  se  trouvât  des  troupes  chrétiennes,  la  fuite  par  terre 
devint,  pour  ainsi  dire,  matériellement  impossible.  Elle  fut  néan- 
moins tentée  par  quelques  désespérés  qui  périrent  misérablement 
en  route,  ou  tombèrent,  parmi  les  indigènes,  dans  un  esclavage 
pire  encore  que  celui  auquel  ils  avaient  cherché  à  échapper.  Sans 
guide,  sans  vivres,  ignorant  le  chemin  et  forcés  de  suivre  le  bord 
de  la  mer,  n'osant  marcher  que  la  nuit,  arrêtés  par  les  précipices, 
les  rivières  débordées  et  la  crainte  des  bêtes  féroces,  comment 
arriver  au  bout  d'une  aussi  longue  route  ? 

La  plupart  de  ces  infortunés  revenaient  donc  d'eux-mêmes 
tendre  leur  tête  au  joug  et  leurs  épaules  à  la  bastonnade  qui 
punissait  toute  tentative  d'évasion. 

De  retour  à  Alger,  ils  racontaient  à  leurs  compagnons  effrayés 
les  dangers  de  la  route  et  les  horreurs  des  nuits  où,  en  proie  aux 
hallucinations  de  la  fatigue  et  de  la  faim,  ils  avaient  dû  chercher 
un  refuge  incertain  sur  quelque  tronc  d'arbre  ou  sur  quelque 
pointe  de  rocher,  au  milieu  des  mugissements  de  la  tempête  et 
des  hurlements  des  fauves. 

Ce  fut  sans  doute  à  la  suite  de  récits  de  ce  genre  que  naquit  une 
sorte  de  crainte  superstitieuse  dont  nous  trouvons  des  traces  dans 
les  récits  de  tous  ceux  qui  ont  traité  la  question  de  l'esclavage  en 
Orient.  Les  captifs  ne  tardèrent  pas  à  être  convaincus  que  cer- 
tains marabouts  avaient  le  pouvoir  de  les  ensorceler  pour  s'op- 
poser a  leur  fuite.  Le  Hongrois  Barthélémy  Georgey2,  qui  fut 
pendant  treize  ans  captif  des  Turcs ,  écrivait  à  l'empereur 
Charles-Quint,  dans  le  Mémoire  intitulé  :  Les  misères  et  les 
tribulations  que  les  Chrétiens  tributaires  et  esclaves  tenus 

1.  Dans  Les  Illustres  Captifs,  d.  c,  le  P.  Dan  raconte  la  fuite  de  Diego  de 
Zamora,  qui,  ayanl  été  |>ri>  |>ar  Barberonsse,  se  sauva  à  Bougie,  n'ayant  d'autre 
arme  que  Bon  rosaire,  qui  le  conduisit  sain  et  sauf  à  travers  les  lions  et  les  sol- 
daU  (liv.  ni,  chap. 

2.  Le  P.  Dan  en  parle  dans  ses  Illustres  Captifs,  liv.  III,  chap.  xix. 


KTCDES   àLGBRIEHNES.  3 

parles  Turcs  souffrent  et  sont  contraints  (f  endurer:  «  Il 

«  lui  semble  (au  captif  évadé)  qu'il  soit  assailli  de  lvons  et  de 
«  dragons  et  que  la  mer  et  les  rivières  redondenl  contre  lui.  où 
«  aucunes  fois  que  tout  est  obscur  par  grandes  ténèbres;  et,  par 
«  tels  enchantements,  souvent  est  contraint  de  retourner  vers 
«  son  maître.  »  Le  Père  Dan  nous  apprend  comment  opère 
un  de  ces  enchanteurs1  :  «  Il  trace,  dit-il,  certains  caracté 
«  sur  un  papier,  enlassés  du  nom  de  l'esclave  fugitif  et  de  celui 
«  de  son  patron  et  en  fait  un  charme  qu'il  attache  à  la  porte  de 
«  son  logis.  Voilà  cependant  que  le  pauvre  fugitif  se  sent  saisi 
«  tout  à  coup  d'une  douleur  violente  qui  lui  perce  la  plante  des 
«  pieds  de  mille  aiguillons,  et  L'empêche  de  passer  outre;  néan- 
«  moins  la  crainte  qu'il  a  que  l'on  ne  lui  courre  après  lui  lait 
«  reprendre  du  courage  et  faire  un  effort  de  marcher,  malgré  la 
«  rigueur  du  mal  qui  le  presse;  mais  enfin  ce  charme  se  trouve 
«  plus  fort  que  lui  et  le  contraint  de  céder  à  la  nécessité.  Il  s'ar- 
«  rête  donc,  et  la  douleur  s'arrête  aussi;  mais,  connue  il  veut 
«  aller  plus  avant,  son  mal  recommence  et  le  travaille  plus  que 
«  jamais.  Alors,  voulant  éprouver  si,  rebroussant  chemin,  il  sen- 
«  tira  les  mêmes  douleurs;  chose  étrange,  voilà  qu'elles  cessent 
«  aussitôt.  Tellement  qu'il  s'en  retourne  sans  peine  et  ne  semble 
«  pas  marcher,  mais  voler.  Par  où,  ayant  reconnu  que  son 
«  patron  avait  eu  recours  aux  charmes,  et  se  trouvant  bien  en 
«  peine  s'il  devait  demeurer  ou  s'en  retourner,  il  aperçut  en  même 
«  temps  certains  hommes  de  cheval  qu'on  envoyait  après  lui 
«  pour  le  prendre,  comme  en  effet  ils  le  prirent  et  le  ramèneront, 
«  et  il  fut  quitte  de  cette  fuite  pour  deux  cents  coups  de  bâton  '-'.  » 
Ces  histoires  singulières  et  ces  craintes  puériles  eurent  au  moins 
un  bon  résultat,  en  éloignant  de  plus  en  plus  les  malheureux 
prisonniers  de  tentatives  qui  n'avaient  pas  la  moindre  chance  de 
succès. 

La  fuite  par  mer  offrait  beaucoup  plus  d'avantages  et  de  faci- 
lité; les  îles  Baléares  ne  sont  pas  bien  éloignées  d'Alger,  et,  dans 
des  circonstances  très  favorables,  une  bonne  balancelle  pouvait 
faire  le  trajet  en  vingt-quatre  heures  environ.  Les  captifs,  qui 
étaient  presque  tous  gens  de  mer  et  pratiques  de  la  Méditerranée, 


1.  ITistoire  de  Barbarie,  page  416  et  suiv. 

2.  Tout  ce  passage  est  la  reproduction  d'un  épisode  de  la  captivité  de  Jean 
Le  Voisin,  raconté  par  le  P.  Dan  au  chap.  xxi  du  livre  II  des  Illustres  Captifs. 


.',  n.-D.    DE    GRAMMO\T. 

n'ignoraient  pas  ce  détail;  aussi  ce  fut  la  voie  la  plus  générale- 
ment suivie.  Les  audacieux  marins  de  Mayorque  se  prêtèrent 
activement  à  ces  tentatives  de  fuite  et  en  firent  une  véritable 
industrie1.  Il  y  eut  des  entrepreneurs  d'évasions  qui  frétèrent  des 
bâtiments  légers  affectés  presque  uniquement  à  cet  usage.  La 
plupart  du  temps,  ils  avaient  été  captifs  eux-mêmes,  et  leur  par- 
faite connaissance  des  lieux  ne  leur  servait  pas  médiocrement 
dans  ces  aventureuses  entreprises.  Il  fallait  être  bon  marin,  adroit 
et  brave  ;  si  l'on  était  pris,  on  était  brûlé  vif.  Haëdo  nous  a  con- 
servé le  souvenir  de  quelques-uns  des  plus  hardis  de  ces  libéra- 
teurs d'esclaves  et  nous  vante  en  particulier  les  exploits  de  l'un 
d'eux,  Juan  Canete,  dont  le  nom  était  devenu  la  terreur  d'Alger; 
car,  tout  en  accomplissant  son  œuvre  de  délivrance,  il  ne  dédai- 
gnait pas  les  représailles  et  enlevait  tout  ce  qui  se  trouvait  à  sa 
portée. 

Mérimée 2  a  raconté  en  détail  les  nombreuses  tentatives  d'éva- 
sion de  Cervantes,  dont  l'indomptable  génie  et  l'infatigable 
ardeur  ne  furent  mis  en  défaut  que  par  l'inertie  ou  la  trahison  de 
ceux  pour  lesquels  il  exposa  si  souvent  sa  noble  existence. 

On  procédait  toujours  de  la  même  manière  ;  un  groupe  de  cap- 
tifs décidés  à  la  fuite  réunissait  la  somme  nécessaire  pour  fréter 
le  bâtiment  et  en  décider  l'équipage  à  affronter  les  risques  ter- 
ribles qu'il  avait  à  courir;  puis  on  arrêtait  le  jour  et  l'heure; 
on  choisissait  une  nuit  sans  lune  et  l'on  convenait  d'un  signal  et 
d'un  mot  d'ordre.  Lorsque  le  moment  était  venu,  le  navire  sau- 
veteur, qui,  pendant  tout  le  jour,  avait  abattu  sa  mâture  et  était 
resté  assez  éloigné  des  côtes  pour  ne  pas  être  aperçu,  s'appro- 
chait avec  précaution  du  lieu  désigné.  Cependant,  les  captifs,  qui 
avaient  eu  soin  de  se  faire  employer  à  la  culture  des  jardins 
situés  en  dehors  de  la  ville,  s'étaient  silencieusement  embusqués  le 
long  du  rivage  et  attendaient  impatiemment  l'heure  du  départ. 
Enfin,  une  barque  arrivait  sans  bruit,  portée  par  ses  avirons 
graissés  et  garnis  d'étoupes  ;  le  mot  d'ordre  était  échangé,  l'em- 
barquement se  faisait,  silencieux  et  rapide,  et  l'on  reprenait 
immédiatement  le  large.  Mais,  combien  de  périls!  on  était  à  la 
merci  d'un  bateau  de  pèche ,  de  l'insomnie  d'un  riverain ,  de 


1 .  Voir  le  Dialogo  de  los  Martyres  d'Haëdo.  (Vies  de  Juan  Canete  et  de  Cer- 
vantes.) 

2.  V.  la  Revue  des  Deux-Mondes  du  15  décembre  1877. 


ETUDES   ALGERIENNES.  5 

l'aboiement  d'un  chien  de  garde.  Aussitôt  retentissait  le  cri  :  les 
Chrétiens  !  les  Chrétiens  !  les  postes  des  portes  prenaient  bientôt 
l'alerte  et  donnaient  l'alarme;  les  galères  de  garde,  toujours 
armées  et  prêtes,  sortaient  en  toute  hâte  de  la  darse,  et  tout 
espoir  d'évasion  était  perdu.  Heureux  le  bâtiment  aventuré,  si, 
s'apercevant  à  temps  du  danger  qui  le  menaçait,  et  favorisé  par 
un  bon  vent,  il  pouvait  échapper  à  toute  vitesse  au  sort  fatal  qui 
l'attendait  s'il  se  laissait  prendre!  Heureux  encore  les  esclaves 
qui,  se  voyant  déçus  dans  leurs  projets,  pouvaient  obscurément 
regagner  leurs  cases  et  remettre  à  des  moments  plus  heureux 
l'espoir  de  briser  leurs  fers  ! 

Cette  ressource  elle-même  ne  tarda  pas  à  être  enlevée  aux 
esclaves  ;  l'accroissement  du  nombre  des  navires  de  course  rendit 
la  navigation  tellement  périlleuse  aux  Mayorcains,  qu'ils  durent 
y  renoncer.  En  même  temps,  les  abords  de  la  côte  devinrent  de 
plus  en  plus  difficiles;  car  les  environs  d'Alger  se  couvrirent 
bientôt  de  forts  et  de  batteries  dont  le  canon  tenait  les  navires  au 
large  et  dont  les  vigies  inspectaient  soigneusement  les  moindres 
criques  du  rivage.  Depuis  le  cap  Matifou  jusqu'à  Torre-Chica,  il 
fut  presque  impossible  à  une  barque  de  s'approcher  impunément, 
et  les  captifs  n'eurent  plus  à  compter  que  sur  eux-mêmes.  L'amour 
de  la  liberté  et  l'initiative  individuelle  engendrèrent  parfois  des 
prodiges.  Il  y  eut  des  évasions  d'une  hardiesse  fabuleuse  et  d'un 
bonheur  inouï.  Au  mois  d'octobre  1632 *,  on  vit  arriver  à 
Civita-Vecchia  un  vaisseau  dont  l'équipage  se  composait  de 
deux  hommes  seulement,  et  dont  la  cargaison  fut  estimée  deux 
cent  mille  écus.  C'était  une  prise  algérienne  que  ces  deux  heu- 
reux aventuriers  étaient  parvenus  à  détourner  avant  qu'elle 
n'eût  été  déchargée,  conquérant  ainsi  du  même  coup  la  fortune 
et  la  liberté.  Au  mois  de  juillet  1634 2,  un  matelot  français, 
nommé  Jean  de  Bayonne,  arriva  tout  seul  a  Marseille,  condui- 
sant un  vaisseau  dont  il  s'était  emparé  sur  la  côte  d'Alger.  Le 
9  novembre  1645 3,  un  vaisseau  algérien  de  36  canons  entra 
dans  le  port  de  Gènes ,  monté  par  vingt-quatre  esclaves  fugitifs, 
qui  avaient  profité  de  l'ivresse  de  l'équipage  pour  s'emparer  du 
navire  et  mettre  aux  fers  les  vingt-cinq  Turcs  qui  se  trouvaient 


1.  Gazette  de  France,  1632,  p.  487. 

2.  Gazette  de  France,  1634,  p.  288. 

3.  Jd.,  1645,  p.  1131  et  1177. 


(j  n.-D.    DE   GRAMMONT. 

à  bord.  Ils  en  firent  présent  à  la  République  de  Gênes,  qui  offrit 
en  échange  à  chacun  d'eux  une  chaîne  d'or  de  la  valeur  de  cin- 
quante écus.  Tous  les  faits  que  nous  venons  de  citer  sont  racontés 
par  la  Gazette  de  France.  Vers  la  même  époque,  cinq  Anglais 
parvinrent  à  s'enfuir  sur  un  bateau  de  toile  à  voiles  qu'ils  avaient 
fabriqué  eux-mêmes,  et  eurent  le  bonheur  de  gagner  Mayorque 
après  une  traversée  de  six  jours.  Au  mois  d'août  1665 l,  le  vais- 
seau le  Saint-Louis ,  de  la  flotte  du  duc  de  Beaufort,  recueillit 
en  mer,  à  quelques  lieues  d'Alger,  un  petit  esquif,  sans  voiles  ni 
gouvernail,  monté  par  onze  esclaves  chrétiens  ;  la  charpente  de 
ce  frêle  appareil  était  uniquement  composée  de  roseaux,  et  recou- 
verte tant  bien  que  mal  de  toile  cirée.  On  connaît  des  milliers  de 
tentatives  de  ce  genre  ;  bien  d'autres  restent  et  resteront  ignorées, 
ensevelies  dans  le  même  oubli  que  les  victimes.  L'horreur  de  la 
captivité,  le  souvenir  de  la  patrie  et  de  la  famille  poussaient 
quelques-uns  de  ces  misérables  à  des  entreprises  presque  insen- 
sées, dans  lesquelles  on  ne  pouvait  raisonnablement  voir  aucune 
chance  de  réussite.  C'est  ainsi  que  plusieurs  d'entre  eux,  embar- 
qués à  bord  des  galères,  attendaient  le  moment  où  le  Reïs  relâchait 
dans  un  des  petits  îlots  de  la  Méditerranée  pour  y  faire  du  bois  et 
de  l'eau,  et  se  sauvaient  dans  l'intérieur  de  l'île,  où  ils  se  déro- 
baient aux  regards  dans  les  maquis  ou  dans  quelque  caverne. 
Après  des  recherches  inutiles,  le  navire  repartait  sans  eux  et  les 
laissait  là,  seuls,  dénués  de  vivres  et  condamnés  à  périr  de  la 
plus  terrible  des  morts,  s'il  ne  survenait  pas  juste  à  point  une 
embarcation  chrétienne  pour  les  recueillir.  Et  lors  même  qu'elle 
arrivait  à  temps,  leur  salut  n'était  pas  assuré  pour  cela  ;  car  il 
y  avait  des  gens  assez  inhumains  pour  se  refuser  de  prendre  à 
leur  bord  une  bouche  inutile  ;  en  tout  cas,  celui  qui  était  sauvé 
par  les  pêcheurs  calabrais  ou  espagnols  était  considéré  par  eux 
comme  une  épave  et  dépouillé  du  peu  qu'il  possédait;  c'est  un 
trait  de  mœurs  atroce  qui  jette  une  lumière  sinistre  sur  la  bar- 
barie de  ces  populations 2  ;  cela  est  presque  incroyable  et  nous  est 
pourtant  attesté  par  des  témoins  dignes  de  foi.  Il  se  conçoit  aisé- 
ment qu'une  entreprise  aussi  dangereuse  que  celle  d'une  évasion 
de  ce  genre  ait  été  bien  rarement  tentée,  et  seulement  par  ceux 
qui  se  trouvaient  réduits  par  le  désespoir  à  employer  les  moyens 
les  plus  aventureux. 

1.  Gazette  de  France,  1G65,  p.  945. 

2.  Il  y  a  plusieurs  exemples  de  ce  fait  dans  le  Dialogo  de  los  Martyres. 


ETUDES    ALGERIENNES.  7 

Un  autre  mode  de  fuite,  plus  commode  et  moins  périlleux,  s'of- 
frait quelquefois  aux  esclaves,  mais  à  de  longs  intervalles  seule- 
ment, et  par  un  hasard  dont  il  fallait  savoir  profiter  a  l'instant 
même  où  il  se  présentait.  Le  moment  propice  était  celui  de  l'ar- 
rivée d'un  vaisseau  de  guerre  européen  dans  le  port  d'Alger. 
Dans  les  premiers  temps  de  la  Régence,  les  capitaines  des  vais- 
seaux marchands  consentaient  quelquefois  à  cacher  à  leur  bord 
des  esclaves  fugitifs1;  mais  ceux  qui  se  laissèrent  prendre  furent 
si  terriblement  punis,  que  les  autres  n'osèrent  plus  affronter  des 
chances  semblables.  Ajoutons  que  la  surveillance  la  plus  stricte 
était  exercée  :  que  le  navire  devait  remettre  son  gouvernail  et 
une  partie  de  ses  agrès  au  gardien  du  port  lors  de  son  arrivée,  et 
ne  les  recouvrait  au  moment  de  son  départ  qu'après  avoir  subi  la 
visite  la  plus  méticuleuse.  Il  fallut  donc  renoncer  à  cette  voie. 
Mais,  lorsqu'une  escadre  de  guerre  arrivait  dans  le  port  ou  même 
dans  la  rade  d'Alger,  lorsque  les  malheureux  captifs  voyaient 
flotter  le  pavillon  de  leur  patrie  ou  celui  d'un  pays  ami,  l'espoir 
renaissait  dans  tous  les  cœurs  ;  chacun  faisait  ses  préparatifs  ; 
ceux  qui  savaient  nager  se  jetaient  à  la  mer;  d'autres  s'amar- 
raient sur  des  bouts  de  planches  et  pagayaient  avec  les  mains, 
cherchant  à  gagner  l'asile  inviolable.  De  leur  côté,  les  Algériens 
faisaient  bonne  garde2,  la  Marine  et  le  môle  se  couvraient  de 
sentinelles,  et  des  barques  croisaient  incessamment  pour  courir 
sur  tout  objet  suspect.  Malgré  toutes  ces  précautions,  presque 
jamais  un  vaisseau  de  guerre  ne  partait  sans  ramener  avec  lui 
quelques-uns  de  ceux  qui  avaient  tenté  l'aventure.  Ces  fuites  à 
bord 3  furent  une  des  plus  grandes  causes  de  tracas  et  d'avanies 
pour  les  Consuls  européens,  et  l'on  peut  dire  d'une  manière  géné- 
rale que,  presque  toutes  les  fois  qu'un  de  ces  agents  fut  maltraité 
ou  emprisonné,  ce  fut  à  la  suite  de  faits  de  ce  genre.  Les  Pachas 


1.  Voy-  des  Lettres  de  captifs,  aux  archives  de  la  Chambre  de  commerce  de 
Marseille,  AA,  art.  507. 

2.  Ils  finirent  par  prendre  l'habitude  de  tenir  leurs  esclaves  à  la  chaîne, 
toutes  les  fois  qu'un  navire  de  guerre  européen  stationna  a  portée  d'Alger. 

3.  Voir  dans  les  archives  de  la  Chambre  de  commerce  de  Marseille  les  lettres 
suivantes  : 

9  mai  1675,  du  P.  Le  Vacher,  consul. 
7  mai  1680,  du  même. 
17  août  1709,  du  consul  Clairambault. 
12  août  1717,  du  consul  A.  Durand. 
24  octobre  1731,  du  consul  Delane,  etc. 


U.-D.    DE    GRAMMONT. 


et  les  Deys  ne  parvinrent  jamais  à  comprendre  que  des  vaisseaux 
d'une  nation  amie  ou  qui  se  présentaient  pour  conclure  un  traité 
prêtassent  leur  appui  à  un  acte  aussi  criminel  que  l'était  à  leurs 
yeux   une  évasion   d'esclaves.   Ils  considéraient  l'asile  donné 
comme  un  véritable  recel,  et  ne  cessaient  de  demander  qu'on 
leur  rendît  les  captifs.  De  leur  côté,  les  capitaines  des  navires 
de  guerre  se  seraient  regardés  comme  déshonorés  s'ils  avaient 
cédé  à  de  semblables  exigences,  et  il  n'y  avait  pas,  dans  tous 
leurs  équipages,  un  matelot  qui  ne  partageât  ce  sentiment.  Les 
réclamations  restaient  donc  inutiles,  et  les  menaces  des  envoyés 
de  la  Régence  étaient  accueillies  avec  un  mépris  qu'on  ne  se  don- 
nait même  pas  la  peine  de  cacher.  Alors  une  révolte  éclatait  dans 
la  ville;  les  propriétaires  des  captifs  qui  s'étaient  enfuis  se  por- 
taient tumultueusement  au  palais  des  Pachas  ou  des  Deys,  en 
criant:  Charallah!  Justice  de  Dieu!   La  foule  s'ameutait;  les 
Consuls  et  les  résidents  européens  étaient  injuriés,  maltraités, 
menacés  de  mort  et  traînés  devant  le  Divan.  Les  gouverneurs  de 
la  Régence,  qui  savaient  que  la  moindre  sédition  pouvait  leur 
coûter  la  tête,  cherchaient  à  apaiser  la  populace,  et  le  moyen  le 
plus  efficace  était  l'incarcération  du  Consul  de  la  nation  incri- 
minée. L'incident  se  terminait  généralement  de  la  manière  sui- 
vante :  au  bout  d'un  certain  temps,  le  Consul,  aidé  par  les  prin- 
cipaux négociants,  offrait  au  Dey,  en  échange  de  sa  liberté,  une 
certaine  somme,  dont  une  partie  était  employée  à  fermer  la 
bouche  aux  propriétaires  d'esclaves,  tandis  que  l'autre  était  par- 
tagée entre  les  Puissances.  L'apaisement  se  faisait,  et  la  tran- 
quillité durait  jusqu'à  l'arrivée  d'un  nouveau  vaisseau  de  guerre, 
moment  où  les  mêmes  scènes  recommençaient.  On  peut  affirmer 
que  tous  les  Consuls  d'Alger,  sans  exception,  furent  inquiétés  à 
ce  sujet;  aussi  protestent-ils  unanimement  dans  leurs  lettres1 
contre  l'envoi  des  escadres.   Ils  supplient  qu'on  ordonne  aux 
vaisseaux  du  Roi  de  se  tenir  éloignés  du  port,  et  demandent 
avec  instance  qu'on  ne  les  fasse  apparaître  que  le  plus  rarement 
possible,  et  même  jamais,  si  faire  se  peut.  Les  Deys  font  la  même 
demande  etla  renouvellent  à  chaque  instant,  sachant  fort  bien  que 
leur  existence  court  à  chaque  fois  un  fort  grand  péril2.  Ils  repré- 

1.  v.  les  lettres  <l«'-j;"i  citées,  p.  7.  n.  3. 

2.  V.  en  particulier  la  lettre  d'Ismaïï-Pacha  à  Louis  XIV,  en  date  du  20  sep- 
lembre  1673,  reproduite  In-extenso  dans  Les  Mémoires  de  la  Congrégation  de 
lu.  Mission,  t.  I,  p.  261  et  suiv. 


ÉTCDES    ALGÉRIENNES.  9 

sentent  que  l'arrivée  de  ces  navires  est  un  accroissement  de  peines 
pour  les  captifs,  qui,  au  lieu  de  vaguer  librement  par  la  ville, 
sont  chargés  de  chaînes  et  rigoureusement  enfermés  par  leurs 
maîtres  aussitôt  que  l'on  signale  le  pavillon  de  guerre;  que  les 
désordres  qui  résultent  des  fuites  à  bord  mettent  en  danger  la 
vie  de  tous  les  Européens,  et  que  l'on  s'en  prend  ensuite  à  eux 
des  sévices  qu'ils  ne  sont  pas  les  maîtres  d'empêcher.  Ces  plaintes 
ne  restèrent  pas  stériles,  et  des  ordres  furent  donnés  aux  bâti- 
ments royaux,  leur  enjoignant  de  mouiller  dans  la  rade  toutes  les 
fois  que  le  temps  le  leur  permettrait.  Cette  mesure  rendit  les  éva- 
sions très  dangereuses,  et  les  tentatives  devinrent  de  plus  en  plus 
rares.  En  même  temps,  la  rigueur  de  la  répression  s'était  accrue, 
et,  tandis  qu'autrefois  l'esclave  repris  en  était  quitte  pour  l'en- 
chaînement et  quelques  coups  de  bâton,  il  ne  devint  pas  rare  de 
le  voir  punir  par  des  mutilations,  et  par  la  mort  même,  lorsque  la 
faite  avait  été  accompagnée  de  violences  commises  sur  la  per- 
sonne des  gardiens.  Peu  à  peu ,  il  fallut  renoncer  à  l'espoir  de 
briser  soi-même  ses  fers,  et  tout  attendre  de  l'intervention  de 
compatriotes  ou  de  celle  des  Ordres  religieux  qui  s'occupaient 
spécialement  du  rachat  des  esclaves. 

IL 

Le  plus  célèbre  et  le  plus  ancien  de  ces  Ordres  fut  celui  de  la 
Sainte-Trinité  et  Rédemption  des  captifs,  dont  les  membres 
reçurent  les  diverses  appellations  de  Trinitaires,  Rédemptoristes 
et  Mathurins;  ce  dernier  nom  leur  vint  d'une  des  chapelles  de 
leur  couvent  de  Paris,  qui  était  placée  sous  l'invocation  de  saint 
Mathurin.  Leur  fondation  remonte  à  la  fin  du  xne  siècle.  Ce  fut 
en  1192  qu'un  gentilhomme  provençal,  Jean  de  Matha,  conçut 
la  première  idée  de  consacrer  sa  vie  et  ses  biens  au  soulagement 
des  misères  dont  il  avait  sans  doute  entendu  souvent  la  narra- 
tion dans  son  pays  natal.  Il  s'associa  pour  cette  œuvre  de  bien- 
faisance avec  un  autre  religieux  nommé  Félix,  qui  vivait  dans  la 
retraite  à  Gandelu  en  Brie,  et  tous  deux  se  mirent  à  prêcher  pour 
conquérir  des  adhérents  à  leur  sainte  cause.  Leurs  efforts  ne  res- 
tèrent point  stériles;  dès  l'année  1198,  le  pape  Innocent  III  auto- 
risait la  fondation  de  l'Ordre  sous  le  nom  qu'il  a  conservé  depuis, 
et  ils  avaient  déjà  récolté  suffisamment  d'aumônes  pour  pouvoir 
envoyer  l'année  suivante  au  Maroc  deux  d'entre  eux,  qui  y 


10  Fl.-D.    DE   GRAMMOTT. 

rachetèrent  cent  quatre-vingt-six  esclaves.  Ce  voyage  couronné 
de  succès  fut  le  début  de  la  longue  suite  de  missions  qui  s'est 
continuée  pendant  plus  de  six  cents  ans,  et  a  mis  un  terme 
aux  souffrances  de  tant  de  malheureux.  Gonzales  d'Avila  nous 
apprend  qu'en  1634  l'Ordre  avait  déjà  opéré  trois  cent  soixante- 
trois  rédemptions  et  racheté  trente-sept  mille  sept  cent  vingt  cap- 
tifs l.  Il  est  vrai  que  le  Père  Dan,  qui  écrivait  à  peu  près  à  la  même 
époque ,  se  plaint  amèrement  de  ce  que  le  zèle  des  fidèles  se 
soit  bien  refroidi,   et   nous   dit   que   les  aumônes  recueillies 
n'étaient  plus  suffisantes  pour  subvenir  à  des  besoins  qui  aug- 
mentaient de  jour  en  jour.  Les  causes  de  cette  décroissance  des 
revenus  étaient  multiples  ;  la  Réforme  avait  tout  d'abord  porté 
un  coup  fatal  à  l'institution,  en  lui  enlevant  de  riches  provinces 
de  quête,  ainsi  que  les  biens  domaniaux  et  les  rentes  dont  elle 
avait  été  généreusement  dotée  par  les  princes  catholiques  d'An- 
gleterre, d'Ecosse  et  d'Allemagne.  En  France  même,  les  guerres 
de  religion,  les  haines  et  les  discordes  qu'elles  engendrèrent,  les 
troubles  qui  en  furent  la  suite,  tarirent  bien  des  sources  qui  rem- 
plissaient autrefois  les  caisses  de  rachat.  La  longue  durée  des 
guerres  civiles  avait  livré  une  grande  partie  du  pays  à  la  misère 
et  à  la  famine,  et  l'immense  majorité  de  la  population  aurait  eu 
plutôt  besoin  d'être  secourue  qu'elle  ne  se  trouvait  à  même  de 
faire  l'aumône.  Les  Rédemptoristes  luttèrent  avec  un  zèle  infati- 
gable contre  toutes  ces  difficultés.  Sans  cesse  en  route,  parcou- 
rant, le  bâton  du  pèlerin  à  la  main,  les  villes  et  les  campagnes, 
s'arrêtant  dans  les  plus  humbles  bourgades,  ils  s'efforçaient  de 
réveiller  dans  toutes  les  âmes  le  sentiment  de  la  commisération 
et  de  la  solidarité  chrétienne.  Rs  disaient  ce  qu'ils  avaient  vu  et 
ce  que  souvent  ils  avaient  éprouvé  par  eux-mêmes;  ils  racon- 
taient les  longues  souffrances  de  l'esclavage,  les  journées  de  tra- 
vail subies  sous  un  soleil  de  feu  et  sous  le  bâton  des  gardiens,  les 
nuits  où  l'on  grelotte  sans  vêtements  sur  quelques  brins  de 
roseaux,  et  le  manque  de  nourriture,  et  la  soif,  et  la  nostalgie, 
et  le  désespoir.  Rs  faisaient  passer  devant  les  yeux  des  assis- 
tants les  figures  des  misérables  soumis  à  la  torture  de  la  chiourme  : 
Hâves,  exténués,  complètement  hébétés  par  l'excès  de  fatigue, 


1.  V.  Y  Histoire  de  Barbarie,  d.  c.  (p.  483-485),  et  le  Tableau  historique  et 
chronologique  de  toutes  les  rédemptions  qui  ont  été  faites  par  MM.  les  cha- 
noines réguliers  de  la  T. -S.  Trinité  (Paris,  1785,  in-4°). 


ÉTUDES   ALGÉRIENNES.  -H 

«  livides,  et  plus  semblables  à  des  cadavres  qu'à  des  hommes 
«  vivants1.  »  Ils  dépeignaient  encore  les  cruautés  et  les  supplices, 
et  les  malades  laissés  sans  remèdes  et  sans  secours,  et  les  mori- 
bonds sans  assistance  et  sans  consolations.  Ils  montraient  les 
femmes  et  les  enfants  contraints  par  les  mauvais  traitements  à 
renier  leur  foi,  subissant  un  sort  odieux,  et  arrachaient  des  larmes 
aux  yeux  de  toutes  les  mères.  En  même  temps,  ils  distribuaient 
gratuitement  ou  vendaient  à  des  prix  très  modiques  les  Relations 
des  dernières  rédemptions  qui  avaient  été  faites  par  leurs  soins. 
C'est  ainsi  que  lentement,  mais  continuellement,  ils  amassaient 
les  sommes  considérables  qui  leur  étaient  nécessaires  pour  mener 
à  bien  l'œuvre  qu'ils  avaient  entreprise.  Dirons-nous  que  leurs 
récits  et  leurs  écrits  furent  toujours  complètement  exempts  d'exa- 
gération, et  que  le  tableau  qu'ils  faisaient  des  misères  de  l'escla- 
vage fut  toujours  l'image  exacte  de  la  réalité  ?  Nous  ne  serions 
pas  d'accord  à  ce  sujet  avec  des  témoins  dignes  de  foi2.  Sans 
parler  de  nouveau  des  mémoires  laissés  par  des  captifs,  qui  nous 
font  eux-mêmes  voir  la  situation  générale  sous  un  jour  moins 
sombre,  nous  pouvons  écouter  avec  fruit  quelques  voyageurs 
et  quelques  agents  consulaires.  M.  Laugier  de  Tassy,  com- 
missaire de  la  marine,  qui  avait  longtemps  vécu  en  Barbarie,  et 
qui  nous  a  laissé,  sous  le  titre  :  Histoire  du  Royaume  d'Alger, 
un  ouvrage  fort  estimé,  écrivait  en  1724  :  «  Les  esclaves  ne  sont 
«  pas,  à  beaucoup  près,  aussi  malheureux  comme  on  le  débite 
«  dans  les  relations  fabuleuses  faites  par  des  moines,  ou  par  des 
«  gens  qui  ont  été  esclaves,  lesquels  ont  leurs  raisons  d'en  impo- 
«  ser  au  public 3.  »  Le  célèbre  voyageur  Peyssonel  nous  dit  de 
son  côté  *  :  «  Les  lecteurs  sont  peut-être  persuadés  que  les  Turcs 
«  d'Alger  sont  des  gens  sans  foi,  sans  loi,  dénués  de  bon  sens, 
«  inhumains,  barbares,  cruels,  sans  politesse.  Les  histoires  que 
«  les  religieux  ont  données  de  l'esclavage  d'Alger  et  qu'ils  auront 
«  lues  auront  rempli  leur  esprit  de  préjugés.  Le  zèle  de  ces  bons 

1.  Ilaëdo,  cl.  c,  Dialogo  de  la  Capiividad. 

2.  V.  Peyssonel,  d.  c.,  p.  384  et  suiv.  —  V.  encore  le  Sr  de  La  Croix,  qui 
avait  passé  une  grande  partie  de  sa  vie  en  Orient,  dans  le  service  de  la  chan- 
cellerie :  «  Il  faut  demeurer  d'accord  que  l'esclavage  turc  est  le  moins  rude  de 
o  tous,  et  qu'il  vaudrait  bien  mieux  tomber  entre  les  mains  du  moindre  Beig 
«  de  galère  que  du  Vice-Roi  de  Naples,  etc.  »  [Mémoires,  Paris,  1G24,  2  v.  in-12, 
t.  I,  p.  167.) 

3.  Histoire  du  royaume  d'Alger,  d.  c,  p.  329. 

4.  Loc.  cit. 


12  n.-n.    DE   OIUMMONT. 

v,  religieux  est  louable;  il  leur  convient  d'attribuer  beaucoup 
v,  d'inhumanité  aux  Turcs  pour  exciter  la  compassion  et  les 
,<  aumônes  des  fidèles;  mais  il  semble  que  la  vérité  doit  toujours 
«  paraître  partout  et  qu'on  doit  exposer  le  bien  comme  le  mal 
.  sans  dire  l'un  et  taire  l'autre.  »  D'après  ces  témoignages,  cor- 
roborés par  bien  d'autres  que  le  cadre  étroit  de  cette  étude  nous 
force  de  négliger,  il  paraît  bien  évident  que  les  Pères  Trini- 
taires,  dans  le  feu  de  leur  zèle  charitable,  ont  souvent  repré- 
senté sous  des  couleurs  trop  noires  les  souffrances  de  leurs  clients. 
Mais  qui  oserait  songer  à  leur  en  faire  un  crime? 

Ce  n'est  guère  par  des  raisonnements  philosophiques  qu'on 
peut  avoir  raison  de  l'indifférence  des  foules,  et  tous  ceux  qui  ont 
eu  l'occasion  de  s'adresser  à  elles  pour  en  obtenir  un  sacrifice 
savent  combien  il  est  nécessaire  de  frapper  fort  plutôt  que  de 
frapper  juste.  Or,  il  y  avait  des  besoins  pressants,  et  ils  étaient 
immenses.  Les  documents  que  nous  avons  sous  les  yeux  nous 
permettent  d'affirmer  que  la  moyenne  des  rachats  fut,  pour  la 
seule  ville  d'Alger,  d'une  centaine  de  mille  francs  par  an 1 ,  sans 
compter  les  secours  donnés  à  ceux  des  captifs  que  l'insuffisance  des 
moyens  forçait  à  laisser  dans  les  fers.  Et  Alger  n'était  qu'un  seul 
des  points  où  s'exerçait  la  courageuse  charité  des  disciples  de 
Jean  de  Matha.  Il  y  avait  encore  les  ports  du  Maroc,  Tunis, 
Tripoli,  l'Egypte,  Smyrne,  Constantinople,  la  Perse,  le  monde 
entier  !  Partout  où  l'esclavage  existait,  et  pendant  trop  longtemps 
il  a  régné  presque  partout ,  on  voyait  arriver  le  Rédemptoriste, 
prêt  à  tous  les  sacrifices.  Le  dévouement  et  l'abnégation  de  ces 
hommes  furent  admirables.  Ils  marchèrent  sans  hésitation  et  sans 
faiblesse  dans  la  voie  qu'ils  s'étaient  tracée,  jonchant  le  chemin 
de  leurs  morts,  augmentant  chaque  jour  le  glorieux  martyrologe 
de  leur  ordre.  Ils  vivaient  sans  cesse  au  milieu  des  dangers.  Il  y 
avait  les  périls  des  longs  voyages,  les  navigations  dans  des  mers 
infestées  de  pirates,  la  mauvaise  foi  de  l'ennemi ,  le  caprice  des 
souverains  barbares,  les  guerres,  les  famines  et  les  pestes2.  Ils 


1.  Voir  le  Tableau  historique  des  rédemptions,  d.  o.  —  11  est  à  remarquer 
que  ce  document  ne  mentionne  que  le  rachat  des  Trinitaircs,  et  qu'il  faut  ajouter 
ceui  <!•'  la  Mercy  et  des  Lazaristes. 

2.  Lorsque  les  Lazaristes  s'installèrent  à  Alger  et  à  Tunis,  les  cinq  premiers 

misai lairea  forenl  frappés  successivement  de  la  peste  en  moins  de  deux  ans 

H  demi;  quatre  d'entre  eux  m  moururent,  les  PP.  Guerin,  Lesage,  Noël  et 
Dieppe.  Le  P.  J.  Le  Vacher  survécut,  mais  demeura  estropié  par  l'éléphantiasis. 


KTCDES    ALGÉKIKWK-.  43 

traversaient  tout  cela  tranquillement,  et  nous  n'avons  pas  vu 
qu'un  seul  d'entre  eux  ait  montré  de  faiblesse.  L'article  4  de  leurs 
vœux  était  à  lui  seul  un  engagement  héroïque  ;  il  leur  enjoignait 
de  se  servir  de  tous  les  moyens  en  leur  pouvoir  pour  délivrer  un 
de  leurs  frères  souffrant  et  de  ne  pas  hésiter,  s'il  le  fallait,  a 
engager  leur  propre  liberté  en  échange  de  celle  du  captif.  Et  cet 
article  ne  resta  pas  lettre  morte,  nous  avons  maints  exemples  his- 
toriques de  son  accomplissement.  Depuis  Guillaume  de  Préaux, 
un  des  premiers  bienfaiteurs  de  l'Ordre1,  qui  s'offrit  à  rester  en 
gage  pour  Richard  Cœur  de  Lion,  il  y  eut  une  suite  non  inter- 
rompue de  dévouements  de  ce  genre.  Le  Père  Dan  nous  rappelle 
les  noms  d'Ignace  Tavares,  Antoine  de  la  Conception,  François 
de  Frocisal,  Antoine  de  la  Croix2  et  de  bien  d'autres  encore. 
Beaucoup  de  ces  héros  de  la  charité  moururent  dans  les  fers,  et  il 
y  en  a  plus  d'un  qui,  racheté  à  son  tour,  ne  voulut  pas  revenir 
dans  sa  patrie,  et  consacra  le  reste  de  sa  vie  à  soigner  et  à  con- 
soler ceux  au  milieu  desquels  il  avait  volontairement  pris  place3. 
Une  semblable  conduite  méritait  une  récompense,  et  elle  obtint 
rapidement  celle  qui  pouvait  être  la  plus  précieuse  et  la  plus 
désirée,  l'amour  et  le  respect  de  tous.  Il  faut  lire  dans  Cervantes 
les  lignes  attendries  qu'il  consacre  k  ses  libérateurs  pour  se  faire 
une  idée  de  la  reconnaissance  que  surent  inspirer  ces  grandes  âmes. 
Chez  les  gens  de  mer,  plus  exposés  que  tous  autres  k  subir  les 
rigueurs  de  l'esclavage,  ce  sentiment  de  vénération  dut  s'exalter 
plus  que  partout  ailleurs,  et  nous  retrouvons  encore  aujourd'hui 
des  traces  de  ce  sentiment  dans  leur  langage  familier.  Le  nom  de 
Mathurin,  qui  était  celui  sous  lequel  ces  religieux  étaient  le  plus 
généralement  connus  parmi  le  peuple,  est  devenu  de  bonne  heure 
pour  les  populations  maritimes  de  la  France  une  appellation 
affectueuse,  qui  sert  de  marque  k  une  sorte  de  fraternité  d'élec- 
tion et  rappelle  d'une  manière  touchante  les  services  rendus  et  les 
souffrances  partagées. 

Dès  l'origine,  les  encouragements  n'avaient  pas  fait  défaut  aux 
Trinitaires.  Témoin  de  leurs  premiers  efforts,  Philippe-Auguste 
fut  aussi  leur  premier  bienfaiteur,  et  ce  fut  grâce  k  ses  libéra- 
lités qu'ils  purent  élever  le  couvent  auquel  Jean  de  Matha  donna 

1.  V.  le  P.  Dan,  Illustres  Captifs,  d.  c,  liv.  I,  chap.  xiv. 

2.  Id.,  id.y  liv.  Il,  chap.  xvn. 

3.  Entre  autres,  Lucien  Hérault,  qui  mourut  en  1645,  et  Pierre  de  la  Con- 
ception, dont  nous  parlerons  plus  loin. 


44  n.-n.   DE  GRAMMOYT. 

le  nom  de  Cerfroy,  en  souvenir,  dit  la  légende1,  du  cerf  miracu- 
leux qui  lui  était  apparu,  portant  dans  ses  ramures  la  croix  de 
la  Délivrance.  Plus  tard,  les  services  nombreux  que  l'ordre  ren- 
dit pendant  les  Croisades  appelèrent  sur  lui  les  dons  généreux 
des  principaux  chefs  :  Gautier  de  Chàtillon,  Geffroy  de  Chateau- 
briand, le  maréchal  Baudoin,  le  duc  de  Brabant  leur  offrirent  de 
riches  apanages  ;  Jean  le  Maingre,  maréchal  de  Boucicaut,  n'oublia 
pas  la  charité  qu'ils  avaient  montrée  pour  lui  et  ses  compagnons 
après  la  funeste  bataille  de  Nicopolis.  Saint  Louis,  qui  avait  été 
accompagné  en  terre  sainte  par  le  Père  Nicole,  général  de 
l'<  Irdre,  fut  un  des  plus  grands  bienfaiteurs  des  Rédemptoristes  ; 
il  fonda  leur  couvent  de  Fontainebleau  et  ne  les  oublia  pas  à 
l'heure  de  sa  mort.  Son  exemple  fut  suivi  par  la  plupart  des  Rois 
de  France  et  par  d'autres  souverains 2  ;  en  1789,  l'Ordre  possé- 
dait deux  cent  cinquante  maisons  réparties  en  treize  provinces, 
six  en  France,  trois  en  Espagne,  deux  en  Italie  et  deux  en  Por- 
tugal. Les  revenus  étaient  centralisés  par  des  trésoriers  nommés 
à  cet  effet,  et  le  Général  ordonnait  le  départ  d'une  mission  de 
rachat  aussitôt  que  le  Trésor  avait  réuni  la  somme  nécessaire 
aux  dépenses  prévues. 

Le  deuxième  ordre  de  Rédemption  fut  fondé  en  1223  par 
Pierre  de  Nolasque,  gentilhomme  languedocien.  Ce  fut  au  com- 
mencement une  association  laïque,  qui  se  plaça  sous  l'invocation 
de  Notre-Dame-de-la-Mercy. 

En  1232,  Jacques  d'Aragon  lui  donna  son  premier  couvent  à 
Barcelone  et  le  pape  Grégoire  IX  en  approuva  les  statuts,  qui 
étaient,  à  très  peu  de  chose  près,  les  mêmes  que  ceux  des  Trini- 
taires.  Peu  à  peu,  l'Ordre  devint  entièrement  religieux,  et  la 
transformation  était  devenue  complète  en  1308,  époque  où  le 
pape  Clément  V  en  modifia  la  règle.  Les  religieux  de  la  Mercy 
tendirent  au  même  but,  employèreut  les  mêmes  moyens,  mon- 
trèrent le  même  zèle  et  la  même  charité  que  leurs  frères  de  la 
Sainte-Trinité  ;  tout  ce  que  nous  avons  dit  des  uns  est  applicable 
aux  autres,  et  nous  n'avons  pas  à  nous  répéter  ici.  Une  noble 
émulation,  faite  de  vertus  et  de  courage,  les  poussa  également  à 


1.  Légende  apocryphe,  car  le  nom  de  Cer froid  est  bien  antérieur  à  Jean  de 
Mat  lia. 

2.  Pour  tout  ce  qui  précède,  v.  le  P.  Dan,  Histoire  de  Barbarie,  d.  c, 
p.  406-498. 


ÉTUDES  ALGÉRIENNES.  <5 

affronter  les  fatigues  et  les  dangers  avec  une  ardeur  semblable, 
et  les  captifs  n'eurent  pas  moins  de  raisons  de  bénir  les  uns  que 
les  autres.  Si  nous  disons  maintenant  que  cette  rivalité  dans  le 
bien  amena  des  différends  et  parfois  même  des  querelles  entre  les 
deux  Ordres,  nous  ne  ferons  que  constater  un  fait  qui,  dans  l'es- 
pèce, était  presque  inévitable.  Il  faut  d'abord  remarquer  que  la 
Mercy  se  recrutait  presque  exclusivement  en  Espagne  et  en  Ita- 
lie, tandis  que  la  Trinité  était  surtout  composée  de  Français  ;  il 
résulta  naturellement  de  cette  différence  de  nationalité  un  défaut 
de  sympathie  tenant  à  la  fois  à  la  rareté  des  relations  et  aux 
guerres  qui  désunirent  si  longtemps  les  compatriotes  de  ces  reli- 
gieux. A  cette  première  cause,  vint  s'enjoindre  une  autre  d'une 
importance  tout  à  fait  capitale;  en  1608,   Marie  de  Médicis 
accueillit  à  Paris  les  Pères  de  la  Mercy  et  les  établit  dans  la  rue 
du  Chaume,  où  elle  leur  fit  don  d'un  couvent  et  d'une  église.  Peu 
de  temps  après  leur  installation,  ils  commencèrent  à  faire  des 
quêtes  pour  subvenir  aux  frais  de  leurs  missions.  Les  Trinitaires 
ne  tardèrent  pas  à  s'apercevoir  que  cette  concurrence  inattendue 
diminuait  leurs  revenus,  en  partageant  les  aumônes.  Ils  s'en 
montrèrent  excessivement  froissés,  obéissant  en  cela  à  un  senti- 
ment facile  à  comprendre  ;  il  est  dans  la  nature  humaine  de  s'in- 
téresser à  son  œuvre,  et  d'y  apporter  d'autant  plus  de  passion 
qu'elle  est  plus  belle  et  qu'on  y  a  travaillé  avec  plus  d'ardeur.  Ils 
affichèrent  donc  la  prétention  d'empêcher  les  Pères  de  la  Mercy 
de  quêter  dans  les  provinces  du  royaume  de  France,  et  firent 
valoir  les  édits  royaux  qui  les  avaient  seuls  autorisés  ;  la  lutte  fut 
longue,  et  nous  n'osons  pas  ajouter  acharnée;  mais  ceux  des  lec- 
teurs qui  voudront  s'édifier  à  ce  sujet  pourront  juger  de  l'état 
d'animation  dans  lequel  se  trouvaient  les  esprits  en  lisant  avec 
attention  un  très  curieux  ouvrage  du  Père  Egreville1,  la  Vive 
Foy.  L'ordre  de  la  Mercy  resta  victorieux  ;  le  28  mars  1636,  il 
reçut  des  lettres  patentes  l'autorisant  à  quêter  pour  les  rédemp- 
tions; le  24  juillet  de  la  même  année,  le  Conseil  privé  du  Roi, 
décidant  sur  l'opposition  faite  par  les  Pères  de  la  Trinité,  prit  un 
arrêt  confirmatif  ;  le  5  août  1638,  le  même  Conseil  partagea  les 
provinces  de  quête  entre  les  deux  Ordres,  après  avoir  reconnu 

1.  Paris,  1645,  in-8\  On  y  trouve  le  détail  des  querelles  juridiques  des  deux 
Ordres,  et  il  est  facile  d'y  constater  qu'à  Alger  même  ils  vivaient  en  assez 
mauvaise  intelligence. 


If.  1I.-D.    DE   f.RAMMONT. 

qu'il  y  avait  quelques  inconvénients  à  laisser  en  présence  des 
compétitions  rivales;  enfin,  et  nonobstant  une  nouvelle  opposi- 
tion des  Mathurins,  le  partage  fut  définitivement  consacré  en 
1646.  Cette  décision  engendra,  ou,  tout  au  moins,  facilita 
quelques  abus.  Des  mendiants  étrangers  se  revêtirent  de  l'habit 
des  Rédemptoristes,  et  parcoururent  le  pays,  détournant  à  leur 
profit  le  produit  des  aumônes ,  et  donnant  le  plus  souvent  un 
spectacle  peu  édifiant  et  peu  propre  à  exciter  la  charité. 

A  ces  deux  premières  causes  de  mésintelligence,  il  s'en  ajouta 
une  troisième  qui  ne  fut  pas  la  plus  faible  de  toutes.  Très  sou- 
vent, lorsqu'on  effectuait  un  grand  rachat,  les  sommes  qu'on 
avait  apportées  se  trouvaient  insuffisantes  ;  ce  fait  était  d'autant 
plus  fréquent  qu'on  n'était  pas  libre  de  se  limiter  et  qu'on  avait 
la  main  forcée  par  les  Pachas  ou  par  les  Puissances,  qui  tenaient 
à  se  débarrasser  d'esclaves  infirmes,  malades,  ou  de  peu  de  valeur, 
et  qui  déclaraient  alors  ne  vouloir  vendre  qu'en  bloc,  ne  don- 
nant l'autorisation  de  départ  qu'à  cette  condition.  Dans  ce  cas- 
là,  un  ou  plusieurs  des  Pères  demeuraient  en  gage  pour  ce  qui 
restait  dû  sur  le  prix  total  de  la  Rédemption,  et  leurs  confrères 
s'empressaient,  aussitôt  après  leur  retour,  de  réunir  l'argent 
indispensable  pour  les  libérer.  Mais  cela  n'était  pas  toujours 
facile  et  il  se  passait  quelquefois  de  longues  années  avant  que  la 
rançon  nécessaire  eût  pu  être  amassée.  Or,  s'il  advenait  que, 
pendant  cet  intervalle,  d'autres  religieux  arrivassent  à  Alger, 
les  Turcs  s'emparaient  immédiatement  de  ce  qu'ils  possédaient  et 
de  leurs  personnes  mêmes,  pour  assurer  le  paiement  de  la  dette. 
Ils  avaient  beau  vouloir  s'en  défendre  en  alléguant  qu'ils  n'appar- 
tenaient pas  au  même  ordre  et  qu'ils  n'avaient  pris  aucun  engage- 
ment personnel,  les  Algériens  s'obstinaient  à  les  considérer 
comme  solidaires.  «  Vous  êtes  tous  des  papas,  leur  était- il 
«  répondu,  et  vous  devez  payer  les.  uns  pour  les  autres.  »  Ce  fut 
ainsi  que  Lucien  Hérault,  de  l'ordre  de  la  Sainte-Trinité,  fut 
incarcéré,  lors  de  sa  Rédemption  de  1645,  pour  une  somme  de 
douze  mille  livres  que  les  Pères  de  la  Mercy  devaient  à  Ali 
Bitchnin.  Cette  arrestation  fut  la  cause  de  tous  ses  malheurs; 
après  avoir  épuisé  les  arguments  et  les  réclamations,  il  dut  céder 
aux  menaces  de  mort  qui  lui  étaient  faites,  et  se  vit  forcé  d'em- 
prunter l'argent  exigé  au  taux  énorme  de  cinquante  pour  cent,  et 
d'attendre  au  bagne  le  moment  où  il  pourrait  être  délivré  à  son 
tour.  Cette  heure  ne  sonna  jamais,  et  il  mourut  de  misère  et  peut- 


ÉTUDES    ALGÉRIENNES.  17 

être  de  chagrin,  le  22  décembre  1645,  après  avoir  été  l'objet 
d'indignes  traitements1.  Son  Supérieur,  le  Père  Denis  Cassel,  fit 
à  ce  sujet  des  plaintes  qui  furent  écoutées,  et  M.  Barreau,  Consul 
à  Alger,  reçut  en  1046  l'ordre  de  faire  une  enquête  et  de  donner 
des  instructions  pour  qu'un  fait  de  cette  nature  ne  pût  plus  se 
représenter.  Mais  ce  qui  doit  arriver  arrive,  et  les  ordonnances 
n'ont  jamais  pu  prévaloir  contre  la  nécessité.  En  1751 2,  les  Trini- 
taires,  ayant  promis  au  Dey  Mohammed  de  lui  faire  rendre  des 
Reïs  captifs  en  Espagne,  ne  purent  accomplir  leurs  engagements, 
le  conseil  royal  s'étant  formellement  refusé  à  libérer  des  prison- 
niers de  cette  espèce.  Après  quelques  mois  d'attente,  Mohammed, 
ne  pouvant  pas  s'en  prendre  aux  Mathurins,  qui  n'étaient  plus  à 
Alger,  fit  saisir  et  enfermer  les  Pères  de  la  Mercy,  auxquels  il 
imposa  une  avance  de  29,700  piastres  (150,000  fr.  environ).  La 
cause  fut  portée  devant  le  Roi  d'Espagne,  qui  condamna  les  Tri- 
nitaires  à  rembourser  cette  amende  ;  quelque  temps  après,  voyant 
que  le  sacrifice  demandé  était  impossible  à  effectuer,  il  se  décida  à 
apaiser  l'affaire  en  ordonnant  la  mise  en  liberté  des  Reïs  réclamés. 
Nous  allons  nous  occuper  maintenant  des  auxiliaires  que  ren- 
contrèrent ces  religieux  et  des  moyens  dont  ils  se  servaient  pour 
accomplir  leur  héroïque  mission. 

III. 

Les  ordres  de  Rédemption  furent  souvent  aidés  dans  leur  tâche 
par  des  religieux  étrangers  ou  par  des  laïques,  envoyés  à  diverses 
reprises  par  les  souverains  de  l'Europe  et  par  les  papes  pour  opé- 
rer des  rachats  importants.  Nous  citerons  entre  autres  l'Espagnol 
Diego  de  Torres,  qui  reçut  une  mission  de  ce  genre  du  Roi  de 
Portugal  en  1545,  et  qui  publia  à  son  retour,  sous  le  titre  de 
Relation  de  l'origine  et  succès  des  chèrifjs  et  de  VÉtat  des 
royaumes  de  Marroc,  Fez  et  Tarudant,  un  ouvrage  justement 
apprécié3.  En  1626,  Louis  XIII,  ému  par  les  plaintes  des  nom- 
breux captifs  français  qui  gémissaient  dans  les  bagnes  d'Alger,  se 
décida  à  y  envoyer  Sanson  Napollon,  gentilhomme  ordinaire  de 
sa  Chambre  et  chevalier  de  l'ordre  de  Saint-Michel,  qui,  en  1623, 

1.  V.  l'abbé  Orse,  d.  c,  p.  88  et  suiv. 

2.  Gazelle  de  France,  1751,  p.  609. 

3.  Il  a  été  traduit  en  français  par  Perrot  d'Ablancourt,  et  se  trouve  à  la  suite 
de  sa  traduction  de  Marmol.  (Paris,  1G67,  3  vol.  in-4°.) 

Rev.  Histor.  XXVII.  1er  fasc.  2 


Il.-l).    DE   (.HAMMONT. 


avait  déjà  retiré  soixante  Français  des  galères  de  l'Archipel,  et, 
quelque  loups  après,  cent  cinquante  autres  des  bagnes  de  Tunis. 
I  !e  diplomate,  qui  a  joué  un  grand  rôle  dans  les  relations  de  la 
France  avec  la  Régence  d'Alger,  et  dont  le  nom  mériterait  d'être 
plus  connu,  était  chargé  de  renouveler  les  traités,  et  de  se  faire 
rendre  les  captifs.  Le  roi  consacra  à  cette  mission  une  somme  de 
quinze  mille  livres,  plus  le  produit  de  la  vente  de  deux  offices  de 
correcteurs  des  comptes  en  la  Cour  des  comptes  de  Provence  et  de 
ceux  du  trésorier  et  receveur  du  palais  d'Aix  ;  il  ordonna  en  outre 
que  «  les  villes  et  communautés  desquels  ceux  qui  étaient  esclaves 
«  en  Alger  étaient  natifs  avanceraient  et  paieraient  deux  cents 
«  livres  pour  chacun  desdits  esclaves.  »  La  Cour  des  comptes  pro- 
testa contre  l'arrêt  royal,  disant  que  ses  offices  lui  appartenaient, 
et  l'affaire  eût  subi  un  retard  qui  eût  sans  doute  tout  empêché,  si 
la  ville  de  Marseille,  désireuse  de  hâter  la  conclusion  de  la  paix, 
n'eût  avancé  une  somme  de  soixante  douze  mille  livres.  Les 
communes  obéirent  aux  ordres  du  Roi;  elles  se  montrèrent  même 
généreuses.  Toulon  donna  2,300  livres  pour  sept  captifs;  la  Cio- 
tat,  2,100  pour  le  même  nombre;  Six-Fours,  1,100  pour  trois; 
Cassis,  1,550  pour  six;  Cannes,  290  pour  un  ;  et  Martigues  1,850 
pour  six.  Sanson  Napollon  reçut  ainsi  82,190  liv.,  avec  lesquelles 
il  racheta  trois  cents  esclaves  ;  mais  les  frais  de  cette  rédemption  et 
de  la  conclusion  du  traité  dépassèrent  de  beaucoup  les  sommes 
perçues.  La  dépense  totale  fut  de  272,435  livres  !  Il  est  curieux 
de  citer  quelques-uns  des  articles  du  mémoire  adressé  au  Roi, 
sous  le  titre  de  :  Dépense  faite  en  exécution  du  traité  de 
Barbarie,  voyage,  rachat  d'esclaves  qui  étaient  dans  les 
galères  de  France,  fret  et  nolissement  de  navires,  entrete- 
nement  de  Capigis  du  Grand  Seigneur,  dons  et  présents, 
et  rachat  d'esclaves  français,  ainsi  qu'il  sera  plus  ample- 
ment spécifié  ci-après.  Ce  document  donne  une  idée  très  exacte 
des  frais  accessoires  qu'exigeaient  une  opération  de  ce  genre  : 

«  Plus,  pour  autre  dépense  faite  audit  Alger,  au  seigneur 
•  Amouda,  trésorier  de  la  milice,  la  somme  de  onze  mille  piastres, 
«  qui  lui  a  été  donnée  pour  être,  disait-il,  donnée  aux  soldats  de 
«  la  dite  milice  pour  les  disposer  à  la  dite  paix,  et  pour  exempter 
«  les  esclaves  français  du  droit  de  sortie  qu'ils  devaient  payer  à 
«  raison  de  quinze  pour  cent  de  leur  rançon,  laquelle  somme 
«  réduite  en  monnoie  de  France  monte  la  somme  de  vingt  et  une 
«  mil  livres. 


ÉTUDES   ALGERIENNES.  J9 

«  Au  Pacha  d'Alger,  la  somme  de  quatre  mille  piastres  de 
«  gratification,  pour  apporter  et  donner  son  consentement  et  son 
«  authorité  pour  le  dit  traité,  la  quelle  somme  réduite  en  monnoie 
«  de  France  revient  à  la  somme  de  neuf  mil  trois  cent  trente  neuf 
v<  livres. 

«  A  l'Aga,  chef  et  général  de  la  milice,  la  somme  de  deux 
«.<  mille  piastres,  pour  la  faveur  et  assistance  qu'il  a  apporté  et  son 
«  consentement  audit  traité,  laquelle  somme  réduite  en  monnoie 
«  de  France  revient  à  la  somme  de  quatre  mil  six  cent  soixante 
«  cinq  livres. 

«  A  plusieurs  chefs  d'escadre  du  Divan,  la  somme  de  trois 
«  mille  piastres,  pour  être  distribuée  à  leurs  bandes,  pour  les 
«  disposer  audit  traité,  laquelle  somme  réduite  en  monnoie  de 
«  France  revient  à  la  somme  de  sept  mille  livres.  » 

Il  faut  ajouter  à  tout  cela  une  dernière  dépense  de  trois  mille 
neuf  cent  soixante-neuf  livres,  qui  furent  employées  en  frais  de 
table  et  de  réception  des  principaux  dignitaires.  Il  convient  de 
dire  que  jamais  argent  ne  fut  mieux  placé  ;  l'envoyé  français  était 
devenu  excessivement  populaire  parmi  les  Reïs  dont  le  pouvoir 
était  prédominant  à  Alger  à  cette  époque  ;  c'est  pour  eux  et  pour 
leur  chef  Ali  Arabadji  qu'il  tenait  table  ouverte.  Presque  tous  rené- 
gats, et  peu  soucieux  des  prescriptions  du  Coran,  ils  ne  dédai- 
gnaient ni  la  bonne  chère  ni  les  vins  de  France,  et  Sanson  pro- 
fitait de  ce  goût  pour  s'avancer  dans  leur  amitié  et  pour  se  faire 
appuyer  par  eux  dans  toutes  les  demandes  qu'il  faisait  au  Pacha 
et  au  Divan.  Cette  intimité  devint  tellement  étroite  qu'elle  excita 
la  défiance  et  les  soupçons  du  Vice-Consul lilanchard,  faible  cer- 
velle, incapable  de  comprendre  la  finesse  et  la  sagacité  de  Napol- 
lon.  De  la  familiarité  amicale  dans  laquelle  ce  dernier  vivait  avec 
la  Taïffe,  il  tira  la  conclusion  qu'il  s'était  fait  Musulman,  et  ne 
craignit  pas  l'écrire  à  Marseille1,  où  le  peuple  indigné  voulut 
met  tre  le  feu  à  la  maison  de  l'ambassadeur  et  insulta  sa  famille.  Au 
même  moment,  celui-ci  obtenait  (chose  rare  !)  la  restitution  de  trois 
bâtiments  marchands  avec  leurs  cargaisons  et  leurs  équipages,  la 
mise  en  liberté  de  nouveaux  captifs  et  la  réédification  du  bastion  de 
France,  àlaquellelesAlgérienss'étaient  obstinément  refusés  jusque- 
là  .  Il  en  prit  le  commandement  et  y  assura  la  tranquillité,  ne  répon- 


1.  V.  les  lettres  de  Blanchard  (Archives  de  la  Chambre  de  commerce  de  Mar- 
seille, AA,  art.  463)  et  celles  de  Sanson  Napollon  (id.,  AA,  art.  402). 


20  H.-D.    DE   GRAMMONT. 

da  nt  aux  mauvais  procédés  de  ses  compatriotes  qu'en  les  sauvant, 
par  de  fréquents  envois  de  blé,  de  la  famine  qui  désolait  alors  le 
Midi.  La  fin  de  ce  bon  serviteur  de  son  pays  fut  tragique  et  mys- 
térieuse; il  fut  assassiné  par  les  Génoisen  1633,  au  moment  où  il 
abordait  dans  son  canotl'île  de  Tabarque l.  Après  sa  mort,  quelques 
rachats  furent  opérés  par  les  Consuls  alors  en  exercice;  mais 
l'anarchie  qui  régna  à  cette  époque  à  Alger  rendit  leur  intervention 
presque  inutile,  jusqu'au  moment  où  la  charge  eut  été  achetée 
par  saint  Vincent  de  Paul,  et  occupée  par  les  Lazaristes.  Il  est 
impossible  de  traiter  de  la  question  de  l'esclavage  à  Alger  sans  dire 
quelques  mots  de  cet  ordre,  bien  que,  à  proprement  parler,  ses 
membres  aient  plutôt  rempli  le  rôle  de  missionnaires  et  d'hospi- 
taliers que  celui  de  rédempteurs. 

Saint  Vincent  de  Paul,  qui  avait  été  pris  par  les  pirates  en 
1605,  et  vendu  à  Tunis,  où  il  subit  une  servitude  de  deux  ans, 
d'abord  sous  les  lois  d'un  vieil  alchimiste,  et  ensuite  sous  celles  du 
neveu  de  son  premier  maître,  qui  l'emmena  dans  l'intérieur  du 
pays,  de  crainte  d'être  forcé  de  le  rendre  à  Mr  de  Brèves2,  avait 
ainsi  expérimenté  par  lui-même  toutes  les  douleurs  et  toutes  les 
horreurs  de  la  captivité.  Il  ne  les  oublia  jamais,  et  ce  souvenir 
l'engagea  sans  doute  à  briguer  la  charge  d'aumônier  géné- 
ral des  galères,  qu'il  obtint  en  1619,  grâce  à  la  protection 
d'Emmanuel  deGondi,  comte  de  Joigny,  général  des  galères,  aux 
fils  duquel  il  avait  servi  de  gouverneur  dès  l'année  1613.  Dans  ce 
nouveau  poste,  il  put  compléter  ses  connaissances  sur  l'organi- 
sation des  puissances  barbaresques,  et  s'affermir  dans  les  idées 
qu'il  nourrissait  déjà  depuis  longtemps  et  qu'il  s'efforça  pendant 
sa  vie  entière  de  faire  partager  à  tous  ceux  qui  l'entouraient.  Il 
pensait  avec  raison  qu'il  était  inutile  de  chercher  à  employer  les 
voies  de  douceur,  et  que  les  traités  consentis  par  les  Turcs 
d'Afrique  resteraient  toujours  inobservés.  Il  conseillait  donc  de 
purger  d'abord  la  Méditerranée  de  la  piraterie  par  quelques  années 
de  croisières  vigoureuses  et  non  interrompues  ;  une  fois  ce  résul- 
tat obtenu,  on  eût  fortement  occupé  Alger  et  Tunis  ;  les  corsaires, 
privés  de  leurs  places  d'armes,  et  resserrés  entre  Malte,  Tunis, 
Alger  et  Oran,  n'auraient  plus  trouvé  de  refuge  qu'au  Maroc,  et 

1.  Gazette  de  France,  1633,  p.  235. 

2.  Lors  de  la  mission  que  remplit  Savary  de  Brèves  par  ordre  de  Henri  IV, 
à  Constantinople,  Smyrne,  Alexandrie,  Tunis  et  Alger.  (Voir  Les  Voyages  de 
M'  de  Brèves,  d.  c.) 


ÉTUDES  ALGERIENNES.  21 

ne  pouvaient  pas  subsister  longtemps  dans  des  conditions  sem- 
blables. Tel  était  le  plan  qu'avait  conçu  ce  grand  homme  de  bien 
pour  délivrer  l'Europe  chrétienne  du  fléau  qui  la  désolait.  Il  se 
livra  à  la  propagande  la  plus  active,  et  rencontra  de  puissants 
protecteurs,  à  la  tête  desquels  il  faut  citer  Anne  d'Autriche,  le 
cardinal  de  Richelieu  et  la  duchesse  d'Aiguillon1.  Il  eut  bientôt  la 
consolation  de  voir  que  ses  idées  avaient  prévalu  ;  en  1620,  l'ami- 
ral de  Gondi  fit  une  première  croisière,  dans  laquelle  les  pirates 
subirent  des  pertes  importantes;  en  1636,  le  comte  d'Harcourt  et 
l'archevêque  de  Bordeaux,  monseigneur  de  Sourdis,  commen- 
cèrent une  campagne  qui  fut  continuée  l'année  d'après  par  l'ami- 
ral de  Manti.  et  pendant  presque  tous  les  étés  suivants,  jusqu'en 
1666,  par  des  marins  tels  que  le  duc  de  Brézé,  le  marquis  de 
Martel,  Cabaret,  d'Amfreville,  le  commandeur  Pol  et  bien  d'autres. 
L'insuccès  du  duc  de  Beaufort  et  la  fin  malheureuse  de  l'expédi- 
tion de  Djijelli  mirent  un  terme  à  cette  entreprise,  qui  eût,  sans 
nul  doute,  été  continuée,  si  la  France  eût  eu  un  point  de  débar- 
quement et  de  ravitaillement  assuré,  ainsi  que  cela  fût  arrivé  si 
l'opération  eût  été  mieux  conduite2.  Au  moment  où  notre  pavillon 
reçut  cet  échec,  le  premier  instigateur  de  ce  grand  projet  était 
mort  depuis  quatre  ans  déjà  et  n'eut  pas  la  douleur  d'assister  à  la 
ruine  de  ses  espérances,  sur  la  réussite  desquelles  il  avait  si 
bien  compté  qu'il  avait  déjà  installé  à  Tunis  et  à  Alger  des  membres 
de  l'Ordre  dont  il  était  le  fondateur.  En  1646,  il  avait  obtenu  du 
Roi  la  permission  de  faire  l'acquisition  du  consulat  d'Alger  pour 
le  compte  de  la  Congrégation  de  la  mission,  et  avait  acheté  cette 
charge  à  son  possesseur  Balthazarde  Viaspar  l'intermédiaire  du 
père  Lambert  aux  Cousteaux3.  Il  avait  désigné  pour  l'occuper 
M.  Barreau,  membre  laïque  de  la  Congrégation 4,  homme  excel- 
lent et  plein  de  charité,  mais  que  ses  vertus  mêmes  amenèrent  à 
s'engager  imprudemment  dans  des  embarras  d'argent  desquels  il 
ne  put  pas  se  retirer.  Or,  le  vieil  usage  de  la  contrainte  par  corps 
dans  toute  son  étendue  a  toujours  été  la  doctrine  préférée  des 


1.  Pour  tout  ce  qui  précède,  voir  la  Vie  de  saint  Vincent  de  Paul,  par  Louis 
Abelly,  évéque  de  Rodez;  réimprimée  à  Paris,  1839,  2  vol.  in-8". 

2.  V.  le  rapport  adressé  à  Louis  XIV  par  M.  de  Castellan.  {Recueil  histo- 
rique, etc.  Cologne,  1GG6,  in-16.) 

3.  L'achat  est  autorisé  par  acte  royal  du  5  juillet  1646. 

4.  V.  Les  Mémoires  de  la  Congrégation  de  la  Mission.  (Paris,  1864,  2  vol. 
in-8°  (sur  Alger),  t.  I,  p.  141  et  suiv.) 


22  II. -D.    DE   GRÀMMONT. 

Turcs  ;  le  Consul  fut  donc  incarcéré  et  bâ tonné  ;  il  fallut  que  la 
Congrégation  payât  ses  dettes,  et  il  fut  remplacé  par  le  frère 
Dubourdieu,  qui  céda  son  poste  au  P.  J.  le  Vacher,  celui-là  même 
qui  devait  être  attaché  à  la  bouche  du  canon  par  représailles  du 
bombardement  de  Duquesne  ',  et  qui  fut  le  dernier  Consul  Laza- 
riste d'Alger.  Mais  la  mission2  y  continua  son  rôle  de  dévouement 
et  d'abnégation.  Nous  allons  voir  maintenant  comment  s'effec- 
tuaient les  rachats  d'esclaves. 

IV. 

Lorsqu'un  des  ordres  religieux  qui  s'occupaient  de  la  Rédemp- 
tion avait  réuni  une  somme  assez  importante  pour  justifier  les 
frais  d'une  mission,  deux  ou  trois  membres  de  l'Ordre  étaient  délé- 
gués par  le  général,  qui  les  dirigeait  vers  les  lieux  où  l'urgence 
des  secours  se  faisait  plus  particulièrement  sentir.  Par  l'intermé- 
diaire des  Consuls,  ils  demandaient  au  souverain  du  pays  un  sauf- 
conduit  pour  leurs  personnes  et  pour  l'argent  dont  ils  étaient 
pourvus.  Ce  passeport  n'était  presque  jamais  refusé  et  assurait  à 
ses  porteurs  une  protection  effective,  sauf  dans  les  cas  de  rébellion 
de  la  populace.  Car  l'intérêt  des  corsaires  voulait  que  les  Rédemp- 
toristes  ne  fussent  pas  inquiétés,  et  qu'ils  fussent  engagés  à  reve- 
nir à  époques  rapprochées,  pour  les  débarrasser  à  prix  d'or  de 
l'excédent  de  leurs  captifs.  C'est  pour  cette  raison  qu'il  leur  avait 
été  permis  d'instituer  dans  les  bagnes  eux-mêmes  des  hôpitaux  et 
des  chapelles,  et  qu'il  leur  avait  été  concédé  un  terrain  pour  y 
établir  un  cimetière  destiné  à  l'inhumation  de  ceux  qui  mouraient 
pendant  leur  captivité.  Ce  cimetière  était  situé  en  dehors  et  à 
droite  de  la  porte  Bab-el-Oued  ;  la  mer  le  recouvre  aujourd'hui.  Il 
y  eut  cinq  hôpitaux,  desservis  par  des  religieux  et  possédant  cha- 
cun leur  chapelle3.  Le  premier  fut  fondé  en  1551  par  le  P.  Sébas- 

1.  V.  Mémoires  de  la  congrégation,  d.  c.  Les  PP.  Montmasson,  Bossu  et 
Dinhesne  exercèrent  plus  tard  le  consulat  d'Alger,  mais  seulement  par  intérim. 

2.  Au  moment  de  sa  mort,  saint  Vincent  de  Paul  avait  racheté  plus  de  douze 
cents  esclaves,  fondé  un  petit  hôpital  à  Alger  (l'argent  nécessaire  avait  été 
donné  par  la  duchesse  d'Aiguillon),  et  institué  une  sorte  de  service  postal  entre 
les  esclaves  et  leurs  familles.  (V.  Abelly,  d.  c,  t.  I,  p.  406,  407.) 

3.  V.,  pour  toul  ce  qui  concerne  les  hôpitaux  et  les  chapelles,  l'Histoire  de 
Barbarie,  du  P.  Dan,  d.  c,  p.  508  et  suiv.;  ['Histoire  du  royaume  d'Alger,  de 
Laugier  de  Tassy,  d.  c,  p.  289,  et  le  tome  VIII  de  la  Iievue  africaine,  p.  230 

ri    51ÙV. 


ÉTUDES   ALGÉRIENNES.  23 

tien  Duport,  qui  avait  dirigé  une  Rédemption  en  1546'.  Il  fut 
édifié  derrière  l'ancien  bagne  des  Colourlis,  auquel  les  Turcs  don- 
naient les  noms  de  Tabernat-et-Temmakin 2  (Taverne  des  bot- 
tiers) ;  la  chapelle  était  placée  sous  l'invocation  de  sainte  Cathe- 
rine. Le  second,  dit  de  la  Très  Sainte-Trinité,  fut  fondé,  en  1012, 
par  le  P.  Bernard  de  Monroy  dans  le  Tabernat-el-Beylikrt  (bagne 
de  l'État).  Le  troisième,  dit  de  Saint-Roch,  fut  l'œuvre  des 
esclaves  d'Ali  Bitchnin,  dans  le  bagne  duquel  il  se  trouvait;  il 
fut  agrandi  et  restauré  par  Pierre  delà  Conception4,  qui  en  fonda 
deux  autres  en  1662  dans  le  bagne  du  Pacha  (Jenina),  ainsi 
qu'une  très  bonne  pharmacie.  Il  y  avait  encore  quelques  lits  au 
Consulat  de  France  ;  ce  petit  hospice  était  desservi  par  les  Laza- 
ristes et  alimenté  par  la  rente  d'une  donation  de  la  duchesse 
d'Aiguillon.  Les  Turcs  voyaient  ces  établissements  d'un  bon  œil 
et  ne  souffraient  pas  que  leur  personnel  fût  molesté  ;  les  cérémo- 
nies religieuses  s'accomplissaient  sans  opposition,  mais  à  huis- 
clos.  (  )n  devait  cependant  compter  avec  la  cupidité  des  gardiens, 
qui  exigeaient  un  tribut  d'une  aspre  (environ  un  centime)  de 
chaque  esclave  qui  voulait  assister  à  la  messe.  Du  reste,  les  hôpi- 
taux étaient  déchargés  de  tous  droits  en  ce  qui  concernait  les 
besoins  et  les  aliments  des  malades5.  Les  navires  chrétiens  qui 
entraient  dans  le  port  d'Alger  étaient  tenus  de  verser  à  leur  pro- 
fit une  somme  proportionnelle  à  la  valeur  de  leur  cargaison,  et 
nulle  vente  de  vin  ne  pouvait  se  faire  sans  qu'il  en  fût  prélevé  une 
mesure  pour  les  malades.  Cette  coutume  devint  un  droit  en  1694, 
par  suite  d'un  décret  du  Dey  Chaban6.  On  retrouve  dans  ces 
mesures  de  protection  la  tactique  ordinaire  du  Turc,  ménager  de 
son  esclave,  qui  lui  représentait  un  capital.  Malgré  tout,  ces  lieux 
d'asile  étaient  loin  d'être  luxueux,  et  l'on  ne  peut  pas  mieux  se 

1 .  M.  Berbrugger  a  avancé  que  celte  rédemption  était  la  première  qui  fut  faite 
à  Alger  :  c'est  une  erreur,  comme  nous  le  verrons  plus  loin. 

2.  Nous  y  avons  installé  depuis  la  Direction  des  mines. 

3.  Remplacé  par  la  maison  Catala,  rue  Bab-Azoun. 

4.  Ce  religieux  était  d'une  famille  riche,  qui  s'empressa  d'envoyer  la  somme 
qu'un  demandai)  pom  sa  rançon.  Il  s'en  servit,  non  pour  se  racheter,  mai-, 
ponr  soulager  les  maux  de  sis  compagnons  de  misère.  En  1G67,  il  pénétra  dans 
la  grande  mosquée,  monta  en  chaire,  et  voulut  y  prêcher  le  christianisme.  Il  lut 
arraché  do  la  par  la  populace,  qui  le  traîna  hors  de  la  porte  Bab-el-Oued,  où 
il  lui  brûlé  vif. 

5.  V.  Laugier  de  Tassy,  loc.  cit. 

6.  V.  la  Revue  algérienne,  loc    cit. 


24  H.-D.    DE    f.RAMMOM  . 

rendre  compte  de  leur  état  qu'en  lisant  ces  quelques  lignes, 
extraites  d'une  lettre  adressée  par  le  P.  B.  de  Monroy  au  P. 
Provincial  de  Castille,  en  date  du  20  juin  1612'  :  «  En  ce  petit 
■  hôpital  nous  avons  huit  lits,  à  scavoir  quatre  de  chaque  costé, 
«  tous  scellez  dans  la  muraille,  à  la  hauteur  d'un  pied  et  demy. 
«  Les  paroys  sont  nattées  de  jong  ;  les  matelas  de  feuillage  et  de 
«  jong  encore  ;  les  couvertures  et  les  mantes  de  pareille  étoffe  et 
«  le  reste  delà  garniture  est  fait  de  pauvres  haillons  qu'apportent 
<.<  avec  eux  les  malades  ;  à  sçavoir  de  vieilles  jupes  de  drap  et  de 
«  serge,  toutes  rapiécées,  et  de  quelques  calçons. 

«  Au  milieu  de  cet  hôpital  nous  avons  dressé  un  autel,  avec  des 
«  images  et  des  croix  de  nostre  Ordre,  rouges  et  bleues.  Quand  il 
«  y  vient  quelque  malade,  la  première  chose  dont  l'on  a  soing, 
«  c'est  du  salut  de  son  âme,  en  le  faisant  confesser  et  communier. 
-  Après  cela,  l'on  travaille  à  la  santé  de  son  corps,  à  quoy  l'on 
«  employé,  en  lieu  de  médecin,  un  chirurgien  rachepté,  natif  de 
«  Larnaxos,  lequel  a  pour  cet  effet,  sur  des  tablettes  qui  sont  au 
«  chevet  de  son  lit,  toutes  les  drogues  et  tous  les  ustanciles  néces- 
«  saires.  Pour  hospitalier,  nous  avons  un  autre  chrestien  rap- 
«  cheté,  natif  de  Madrid,  et  fils  de  dame  Catherine  de  Miranda, 
«  qui  servent  tous  deux  les  pauvres  esclaves  malades  avec  beau- 
«  coup  de  zèle  et  de  charité. 

«  Quant  à  nous,  souvent  nous  les  allons  visiter  et  les  consoler, 
«  donnant  ordre  de  tout  nostre  possible,  et  selon  que  le  lieu  où 
«  nous  sommes  le  peut  permettre,  qu'ils  n'ayent  aucune  nécessité. 

«  Là  sont  venus  et  viennent  souvent  des  Turcs  et  des  Maures, 
«  quelques-uns  desquels,  bien  que  barbares  et  infidèles,  ne  laissent 
«  pas  de  donner  l'aumosne,  et  s'en  retournent  bien  étonnez.  Car 
«  ce  leur  est  une  merveille  bien  étrange  de  voir  que  les  esclaves 
«  chrestiens  ayent  un  tel  établissement  dans  leur  ville  d'Alger,  et 
«  qu'entr'eux  il  n'y  ait  rien  de  pareil  pour  leurs  malades.  » 

C'était,  on  le  voit,  très  peu  de  chose  que  ces  secours,  et,  néan- 
moins, le  bien  qu'ils  faisaient  était  immense.  Les  malheureux  qui 
peuplaient  les  bagnes  sentaient  qu'ils  n'étaient  pas  complètement 
abandonnés  ;  ils  trouvaient  là  quelque  répit  à  leur  longue  misère, 
un  repos  momentané,  une  nourriture  qui  relevait  leurs  forces,  de 
bons  conseils,  et  la  facilité  de  correspondre  avec  leurs  parents  et 
leurs  amis;  bref,  tout  ce  qui  pouvait  les  soustraire  au  désespoir, 

I.  V.  Y  Histoire  de  Barbarie,  d.  c,  p.  508,  509. 


ETUDES   ALGÉRIENNES.  2"i 

plus  meurtrier  pour  eux  que  les  souffrances  physiques.  En  temps 
de  peste,  les  hospitaliers  ne  pouvaient  pas  suffire  à  la  besogne  avec 
ces  faibles  moyens  ;  il  sera  facile  de  le  croire  en  apprenant  que  la 
peste  de  1740  enleva  environ  300  personnes  par  jour  pendant 
plus  de  trois  mois,  et  que  les  bagnes  furent,  comme  de  coutume, 
plus  particulièrement  éprouvés.  Elle  reparut  en  1741 ,  et  dura  six 
mois.  Du  reste,  on  peut  dire  qu'elle  était  devenue  endémique  à 
Alger  et  à  Tunis.  Pour  ne  nous  occuper  que  de  la  fin  du  xvme  siècle, 
nous  la  voyons  éclater  avec  violence  aux  époques  précitées,  puis 
en  1752, 1753, 1756,  1774,  1786,  1787, 1789,  et  les  trois  années 
suivantes.  Quatre  vicaires  apostoliques  et  une  grande  quantité  de 
missionnaires  y  succombèrent  en  soignant  et  en  consolant  les 
malades.  Leur  zèle  n'en  fut  pas  diminué,  et  l'on  pourrait  presque 
dire  qu'ils  étaient  tous  du  sentiment  de  celui  qui  considérait  le  fléau 
comme  un  événement  quasi  désirable,  en  ce  qu'il  poussait  les 
libertins  au  repentir,  et  qui  écrivait  à  saint  Vincent  de  Paul  : 
«  Xous  avons  en  ce  pays  une  grande  moisson,  qui  est  encore 
«  accrue  à  l'occasion  de  la  peste  ' .  » 

Lorsque  le  vaisseau  qui  portait  les  Rédemptoristes  et  la 
Limosne2  entrait  dans  la  rade  d'Alger,  il  arborait  la  bannière  de 
raclnit.  A  ce  signal,  deux  embarcations  venaient  l'attendre  à 
l'entrée  du  port.  L'une  d'elles  portait  le  Consul,  le  vicaire  apos- 
tolique et  quelques  personnes  de  distinction  ;  l'autre,  l'Oukil  du 
D  y,  qui  venait  viser  les  sauf-conduits  et  s'assurer  de  l'impor- 
tance delà  somme  et  de  la  quantité  de  marchandises  apportées 
pour  les  rançons;  car  tout  ce  qui  était  destiné  à  cet  usage  payait 
un  droit  d'entrée  spécial;  l'argent  des  particuliers  devait  acquit- 
ter un  impôt  de  dix  pour  cent  qui  se  réduisait  à  cinq  pour  la 
Limosne  ;  le  Pacha  Hossein  avait  même  abaissé  cette  retenue  à 
trois  pour  cent.  Cela  fait,  apparaissait  le  gardien  du  port,  auquel 
on  devait  remettre  le  gouvernai]  et  les  voiles  du  navire,  de  crainte 
que  les  esclaves  ne  s'en  servissent  pour  s'évader;  ces  agrès  étaient 
renfermés  dans  les  magasins  situés  dans  la  tour  du  Fanal.  De  là, 
on  se  rendait  à  la  Jenina,  pour  présenter  au  Dey  les  hommages 
qui  lui  étaient  dus,  acquitter  l'impôt  entre  ses  mains,  et  lui  offrir 


1.  Vie  de  saint  Vincent  de  Paul,  dAbelly,  d.  c,  p.  396. 

2.  On  donnait  le  nom  de  Limosne  (de  l'italien  Limosna)  à  L'argenl  et  aux 
i!"ii^  en  nature  destinés  à  secourir  les  captifs.  Le  sens  s'était  peu  à  peu  élargi 
et  avait  fini  par  comprendre  le  personnel  même  de  la  Rédemption. 


Il.-D.    DE    f.RAMMONT. 

quelques  cadeaux,  qui  valaient  aux  nouveaux  arrivés  un  accueil 
gracieux  et  des  promesses  de  protection.  On  assignait  un  loge- 
111, -nt  aux  membres  de  la  mission;  quelques  Chaoux  étaient  délé- 
gués pour  veiller  a  leur  sécurité  pendant  tout  le  temps  de  leur 
séjour  ;  le  Drogman  qui  leur  était  donné  était  le  plus  souvent  celui 
du  Consul  de  France. 

A  peine  sortis  du  palais,  les  Pères  se  voyaient  assaillis  par  une 
multitude  d'esclaves;  car  le  bruit  de  leur  arrivée  s'était  répandu 
avec  la  rapidité  de  la  foudre,  et  chacun  voulait  être  le  premier  à 
se  présenter  à  eux  et  à  faire  valoir  ses  droits.  Nul  ne  manquait  à 
cette  assemblée  ;  au  besoin  leurs  maîtres  les  eussent  contraints  à 
v  aller,  et  s'y  rendaient  eux-mêmes,  entourant  les  Rédempto- 
ristes,  les  harcelant  de  leurs  demandes,  parlant  tous  à  la  fois, 
faisant  des  offres  de  bon  marché  et  des  promesses  d'accommode- 
ment facile.  Pendant  ce  temps,  les  captifs  baisaient  leurs  mains 
et  le  bas  de  leurs  robes,  et  leur  demandaient  la  bénédiction.  Cha- 
cun exposait  lamentablement  ses  misères  ;  les  vieillards  faisaient 
valoir  leur  âge  et  les  longues  souffrances  endurées  ;  les  infirmes 
remontraient  qu'ils  ne  coûteraient  presque  rien  ;  les  jeunes  gens 
parlaient  des  tentatives  de  corruption  exercées  sur  eux;  les  autres 
racontaient  le  désespoir  de  leurs  familles  et  la  misère  dans  laquelle 
elles  vivaient  depuis  qu'elles  étaient  privées  de  leur  chef;  quelques- 
uns  montraient  des  lettres  de  recommandation  ;  tous  enfin,  sans 
exception,  promettaient  qu'aussitôt  libres,  leur  premier  soin  serait 
de  restituer  à  l'Ordre  les  sommes  déboursées.  Cette  promesse  était 
bien  rarement  tenue.  Les  Pères,  étourdis  par  ce  tumulte,  s'effor- 
çaient de  ne  décourager  personne  et  prenaient  les  noms  de  tous 
les  solliciteurs,  en  y  joignant  les  notes  fournies  par  leurs  consuls, 
par  les  hospitaliers  et  les  résidents  de  la  nation.  Mais,  dès  le 
début,  ils  constataient  avec  une  profonde  affliction  qu'ils  ne  pour- 
raient pas  suffire  à  la  centième  partie  des  demandes  qui  leur 
étaient  faites.  Une  nouvelle  déception  les  attendait,  au  moment  où 
ils  étaient  enfin  parvenus  à  regagner  leur  demeure.  Ils  y  trou- 
vaient,  tranquillement  installés  chez  eux,  les  grands  personnages 
qui  eussent  dédaigné  d'aller  offrir  publiquement  des  esclaves  à 
racheter;  c'est  ainsi  qu'il  leur  fallait  entendre  successivement 
l'i  » u k i  1  du  Dey,  parlant  au  nom  de  son  maître,  l'Agha  de  la 
milice,  les  principaux  du  Divan  ;  chacun  d'eux  avait  amené  avec 
lui  quelques  captifs  et  les  remettait  entre  les  mains  des  Pères,  en 
•     taxant  à  son  gré.  Il  n'y  avait  pas  autre  chose  à  faire  qu'à 


ÉTUDES   ALGÉRIENNES.  27 

payer;  sans  cela,  le  reste  de  l'opération  fût  devenu  impossible1. 
Elle  se  divisait  en  deux  parties  principales  :  le  rachat  de  ceux  dont 
la  rançon  avait  été  versée  dans  les  caisses  de  l'Ordre,  ou,  tout  au 
moins,  dûment  garantie2;  ce  qui  restait  d'argent  était  ensuite 
employé  à  rendre  la  liberté  à  ceux  dont  le  sort  paraissait  le  plus 
digne  d'intérêt.  Toutefois,  on  en  réservait  toujours  une  partie,  qui 
était  distribuée  en  aumônes  dans  les  bagnes  pour  adoucir  l'amer- 
tume des  regrets  de  ceux  qu'on  était  forcé  d'abandonner.  C'était  le 
rachat  de  la  première  catégorie  de  ces  esclaves  qui  prenait  le  plus 
de  temps  à  la  mission  ;  en  premier  lieu,  leurs  maîtres,  pressentant 
une  bonne  affaire,  redoublaient  d'exigences,  et  quelquefois  même 
maltraitaient  le  captif,  pour  qu'il  devînt  plus  pressant  auprès  de 
ses  protecteurs;  c'était  alors  une  négociation  sans  fin,  malgré  les 
efforts  de  certains  courtiers  employés  par  les  Pères  et  rétribués  au 
prorata  des  économies  qu'ils  les  aidaient  à  faire.  Quelquefois,  ils 
étaient  absents,  partis  en  course,  sur  les  bancs  de  la  chiourme,  et 
il  fallait  attendre  leur  retour.  Or,  tout  retard  était  redoutable  ;  il 
pouvait  éclater  une  de  ces  émeutes  si  fréquentes  à  Alger  ou  une 
rupture  avec  la  France,  et  le  succès  de  l'œuvre  se  trouvait  alors 
bien  compromis. 

Le  prix  des  esclaves  de  petite  condition  variait  suivant  les 
époques  et  l'abondance  de  la  marchandise  ;  un  vieux  dicton  algé- 
rien affirmait  qu'après  la  défaite  de  Charles  V,  en  1541,  on  pou- 
vait échanger  un  chrétien  contre  un  oignon;  en  1644,  la  mis- 
sion les  paya  de  120  livres  à  300 3;  en  1681,  les  Hollandais  ne 
purent  racheter  qu'à  condition  de  tout  prendre  en  bloc  et  durent 
dépasser  le  prix  de  cent  écus  par  tête4.  Mais  les  personnes  de  dis- 
tinction n'avaient  pas  de  prix  fixe.  Tout  dépendait  de  l'impor- 
tance qu'on  semblait  attacher  à  leur  délivrance.  En  1657,  il  fal- 
lut débourser  30,000  livres  pour  trois  Jacobins5  et  en  1670 
60,000  livres  pour  le  gouverneur  des  Canaries6. 

1.  Tous  ces  détails  ont  été  pris  dans  les  Relations  des  Rédemploristes,  qui 
se  suivent  à  intervalles  rapprochés  de  1612  à  1785,  et  s'accordent  parfaitement 
sur  les  points  principaux. 

2.  A  cet  effet,  quand  une  Rédemption  devait  partir,  elle  le  faisait  annoncer 
d'avance,  pour  que  les  parents  des  esclaves  pussent  réunir  les  fonds  néces- 
saires. Voir  un  avis  de  ce  genre  dans  la  Gazelle,  de  France,  1033,  p.  111. 

3.  Gazelle  de  France,  1644,  p.  448. 

4.  ld.,  1081,  p.  428,  et  1683,  p.  82  et  93. 

5.  ld.,  1657,  p.  213. 

6.  Id.,  1670,  p.  93. 


2g  H.-D.    I»E   GRAMMONT. 

Lorsque  les  rachats  étaient  terminés,  chaque  esclave  ayant, 
au  moment  du  paiement,  obtenu  un  certificat  ou  teskeret,  il  fal- 
lait obtenir  du  Dey  la  permission  de  partir,  et  on  était  forcé  de 
l'acheter  par  de  nouveaux  présents.  Souvent,  au  moment  de 
l'embarquement,  on  était  arrêté  par  de  nouvelles  exigences;  les 
Puissances  avaient  acquis  à  bon  compte  quelques  infirmes,  dont 
elles  exigeaient  le  rachat  immédiat.  Il  fallait  alors  que  les  Pères 
empruntassent  à  gros  intérêts'  la  somme  nécessaire,  ou  qu'un 
d'eux  engageât  sa  propre  personne.  Enfin,  le  passeport  était  signé 
et  le  jour  de  départ  arrivé.  Dès  le  matin,  le  Consul  conduisait 
chez  le  Dey  tous  les  partants  :  les  rédimés  étaient  examinés, 
comptés  un  à  un,  et  c'était  à  ce  moment  que  les  Rédemptoristes 
devaient  payer  les  droits  de  sortie.  Ils  étaient  énormes,  et  rien  ne 
peut  mieux  donner  une  idée  de  l'avarice  turque  que  le  tableau 
suivant.  Il  fallait  donner  : 

Au  Pacha  (ou  au  Dey)  10  OjO  du  rachat  total,  plus  15  piastres, 
dites  Caftan  du  Pacha. 

Aux  Khodjas,  20  livres. 

Au  Chaouch,  3  livres  12  sols. 

Au  service  du  sceau,  4  livres  16  sols. 

Au  Drogman,  24  sols. 

A  l'Agha,  20  livres. 

Pour  l'entretien  de  la  Casbah,  40  livres  16  sols. 

Pour  celui  des  Mosquées,  7  livres  4  sols. 

Pour  celui  du  môle,  3  livres  12  sols. 

A  l'Amiral,  1  OjO  du  rachat  total,  plus  7  piastres  comme  capi- 
taine du  port. 

Au  fermier  du  port,  2  livres  8  sols. 

A  l'Odabachi,  visiteur  du  navire,  2  livres  8  sols. 

Au  gardien  du  port,  2  livres  8  sols. 

Au  Drogman  de  la  nation,  2  livres  8  sols. 

Au  gardien  du  dernier  bagne  occupé,  2  livres  8  sols. 

Au  Khodja  des  Teskeret,  3  livres  12  sols. 

Cela  fait,  la  petite  troupe  se  dirigeait  vers  le  port,  soigneuse- 
ment escortée,  pour  que  personne  ne  s'introduisît  dans  ses  rangs. 
C'était  peut-être  le  moment  le  plus  pénible  pour  les  missionnaires, 
qui  avaient  à  endurer  à  la  fois  les  injures  de  la  populace  et  les 

1.  D'Aranda  dut  emprunter  l'argent  qui  lui  était  nécessaire  à  25  pour  cent. 
(V.  Rehdion,  il.  <•.,  p.  46.) 


ETDDES    ALGÉRIENNES.  29 

plaintes  de  ceux  qu'ils  étaient  forcés  de  laisser  dans  les  fers.  Enfin , 
on  arrivait  :  le  navire  était  visité  avec  soin  par  des  agents  char- 
gés de  s'assurer  qu'aucun  fugitif  ne  s'y  était  caché,  ce  qui  eût 
entraîné  la  confiscation  du  tout;  il  y  avait  encore  là  une  source 
d'avanies,  et  il  fallait  apaiser  à  prix  d'or  le  zèle  de  ces  enquêteurs. 

A  l'arrivée  à  Marseille,  on  devait,  le  plus  souvent,  endurer  le 
supplice  de  la  quarantaine  ;  car  il  était  rare  que  la  traversée 
s'accomplît  sans  qu'il  y  eût  des  décès  à  bord  ;  or,  Alger  était 
toujours  soupçonné  d'être  en  état  de  peste,  et  la  Provence  avait 
été  si  souvent  et  si  cruellement  éprouvée  par  le  fléau  que  le  ser- 
vice de  la  santé  s'y  montrait  fort  exigeant.  De  là,  on  s'acheminait 
à  pied  vers  Paris,  traversant  toute  la  France,  s'arrêtantdans  les 
moindres  bourgades  pour  y  faire  des  processions  et  des  quêtes  au 
profit  de  l'œuvre  de  délivrance.  La  vue  de  ces  misérables,  déchar- 
nés, hâves,  couverts  de  leurs  haillons  de  captivité,  attendrissait 
les  cœurs  et  déliait  les  bourses  mieux  que  n'eussent  pu  le  faire  les 
exhortations  les  plus  entraînantes.  Les  Pères  ne  négligeaient  rien 
pour  donner  de  l'apparat  à  ces  cérémonies,  et  l'on  peut  citer 
comme  exemple  du  genre  la  procession  faite  à  Paris  après  le 
retour  de  la  Rédemption  de  1634  et  décrite  par  le  P.  Dan  '  : 

«  Deux  archers  de  la  ville,  ayans  des  hoquetons  et  des  halè- 
te bardes,  et  deux  bedeaux  avec  eux,  marchoient  à  la  teste  de  la 
«  procession.  Quatre-vingts  confrères  de  Nostre-Dame-de-Bonne- 
«  Délivrance  les  suivoient  pieds  nus,  deux  à  deux  et  revestus  de 
«  leurs  aubes.  Ils  avoient  chacun  une  couronne  de  laurier  sur  la 
«  teste,  et  en  la  main  un  gros  cierge  de  cire  blanche,  où,  dans 
«  une  ovale  qu'on  y  avoit  attachée,  se  voyoit  peinte  une  croix 
«  rouge  et  bleue,  entre  deux  branches  de  palmes.  Les  religieux 
«  marchoient  après,  séparez  en  deux  chœurs,  et  suivis  d'un  assez 
«  bon  nombre  d'archers  de  la  ville,  en  mesme  équipage  que  les 
«  premiers. 

«  A  cette  dévote  trouppe  en  fut  jointe  une  autre  de  quarante 
«  jeunes  enfans,  qu'on  faisoit  attendre  devant  l'église  des  reli- 
«  gieuses  de  Sainte-Marie.  Ils  avoient  de  petits  roquets  de  fine 
«  toille,  avec  une  branche  de  laurier  en  main  et  une  guirlande 
«  sur  la  teste.  Près  d'eux  estoit  un  corps  de  musique,  composé  de 
«  plusieurs  excellents  chantres  de  Nostre-Dame  et  de  la  Sainte- 
«  Chapelle.  Gomme  ils  eurent  pris  leurs  ordres  tous  ensemble,  ils 

1.  Histoire  de  Barbarie,  d.  c,  p.  Gi-66. 


30  H.-l>-    DE  GRAMMOIÏT. 

■  t'mviit  droit  à  la  porte  Saint-Anthoine  pour  nous  y  recevoir  et 
•  les  captifs  racheptez.  Cependant  il  n'est  pas  à  croire  combien 
•  trouva  grande  la  foule  du  peuple,  qui  accourut  pesle-mesle 
«  de  toutes  parts  pour  voir  cette  procession,  qui  depuis  la  porte 
«  Saint-Anthoine  jusques  à  l'église  des  pères  Mathurins  se  fit  voir 
<v  avecque  l'ordre  suivant  : 

«  I.  Les  exempts  de  la  ville  marchoient  les  premiers,  suivis  de 
«  quatre  archers  et  deux  trompettes. 

«  II.  Un  archer,  portant  un  grand  guidon  de  camelot  blanc  où 
«  estoit  peinte  une  croix  rouge  et  bleue,  avecque  les  armes  de 
«  Nostre  Saint  Père  le  Pape  et  celles  du  Roy. 

«  III.  Deux  autres  trompettes  ayant,  comme  les  premiers,  des 
«  banderolles  de  camelot  blanc,  avec  une  grande  croix  rouge  et 
«  bleue,  bordée  de  frangettes  rouges,  blanches  et  bleues,  et  les 
«  cordons  de  mesme,  selon  l'ordinaire  des  guidons  et  des  ban- 
«  nières  de  l'Ordre. 

«  IV.  Deux  bedeaux,  qui  devançoient  la  croix,  après  laquelle 
«.  alloient  deux  à  deux  les  confrères  de  Nostre-Dame-de-Bonne- 
«  Délivrance,  habillez  comme  j'ay  dit  cy-dessus,  et  suivis  du  pre- 
«  mier  chœur  des  religieux. 

«  V.  Les  quarante  jeunes  enfans  dont  nous  venons  de  parler. 
«  L'un  d'eux  portoit  un  guidon  de  taffetas  blanc,  où  estoient 
«  peincts  à  genoux  deux  anges,  tenans  une  croix  rouge  et  bleue, 
«  avec  ces  mots  pour  devise  :  Redemptionem  misit  Dominus  populo 
«  suo;  et  à  ses  costez  il  y  en  avoit  deux  autres,  tenant  le  grand 
«  cordon  du  mesme  guidon,  auprès  duquel  estoient  aussi  deux 
«  archers. 

«  VI.  Le  corps  des  musiciens,  suivy  du  dernier  chœur  des 
«  religieux. 

«  VIL  Les  quarante  et  deux  captifs  racheptez  ;  le  premier  des- 
«  quels,  accompagné  de  deux  frères  convers  de  nostre  Ordre,  qui 
«  avoient  aydé  à  les  conduire  de  Marseille  à  Paris,  portoit  une 
«  bannière  de  damas  blanc,  où  estoit  peint  d'un  costé  un  ange 
«  revestu  de  l'habit  de  l'Ordre,  tenant  avec  les  bras  croisez  les 
«  chaisnes  de  deux  esclaves,  qui  estoient  à  ses  genoux,  et  de 
«  l'autre  des  religieux  qui  les  racheptoient  d'entre  les  mains  des 
«  Turcs. 

«  VIII.  Un  autre  captif  au  milieu  de  tous,  qui  se  faisoit  remar- 
«  quer  par  un  guidon  qu'il  soustenoit,  où  estoient  dépeintes  les 
«  armes  de  l'Ordre,  qui  sont  une  croix  rouge  et  bleue,  ourrelée  de 


ÉTUDES  ALGÉRIENNES.  3^ 

«  huit  fleurs  de  lys,  en  champ  d'azur,  ettymbrée  d'une  couronne 
«  Royale 

«  IX.  Les  révérends  Pères  députez  pour  la  Rédemption  des 
«  captifs  et  leurs  associez,  suivis  de  plusieurs  archers.  » 

Peyssonel  et  Laugier  de  Tassy  les  accusent  d'outrer  la  mise  en 
scène.  «  Il  y  en  a  (des  captifs)  qui  ont  la  barbe  jusqu'à  la  cein- 
«  ture  et  qui  ont  un  air  affreux.  Les  religieux  ont  soin  de  les 
«  empêcher  de  la  couper,  parce  que,  étant  arrivés  en  Espagne,  on 
«  y  fait  une  procession  solennelle,  où  les  esclaves  sont  conduit  s  d<> 
«  deux  en  deux,  avec  leur  barnus  ou  cape  à  la  Mauresque,  avec 
«  leurs  barbes  et  chargés  de  chaînes  qu'ils  n'ont  jamais  portées. 
«  Ces  figures  mauresques,  ces  barbes  et  ces  chaînes  attirent  la 
«  compassion  du  public,  qui  fait  de  grandes  libéralités  et  jette  des 
«  pièces  d'or  et  d'argent  dans  des  bassins  qui  sont  portés  par  des 
«  gens  de  distinction,  etc.  ' .  » 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  services  rendus  n'en  existaient  pas  moins, 
et  le  bien  n'était  pas  toujours  aussi  aisé  à  accomplir  qu'on  pour- 
rait se  l'imaginer.  Il  ne  manquait  pas  de  familles  qui,  après  avoir 
pris  la  douce  habitude  de  gérer  à  leur  profit  le  bien  des  captifs, 
n'avaient  aucun  désir  de  les  voir  de  retour.  Nous  en  citerons 
quelques  exemples.  En  1644,  le  P.  Lucien  Hérault,  qui  venait 
d'Alger,  présenta  une  procuration  de  la  dame  Renée  de  Sauzay, 
née  Jourdart,  de  Nantes,  qui  autorisait  les  Pères  à  prélever  sur 
ses  biens  la  somme  nécessaire  à  payer  sa  propre  rançon,  celle  de 
son  frère,  de  son  mari,  et  de  sa  servante  Jeanne  Fouché.  La 
famille  se  refusa  à  reconnaître  l'acte  comme  valable,  et  l'Ordre 
dut  recourir  au  Parlement,  qui  décida,  à  la  vérité,  en  faveur  des 
Trinitaires,  mais  avec  tellement  de  lenteurs  que  le  rachat  dut  être 
opéré  avant  que  le  jugement  n'eût  été  rendu2.  En  1690,  le  jeune 
Broglie  adressait  aux  échevins  de  la  chambre  de  commerce  de 
Marseille  une  lettre  douloureuse,  dans  laquelle  il  se  plaignait  de 
son  oncle,  qui,  disait-il,  s'était  emparé  de  ses  biens  depuis  qu'il 
était  aux  mains  des  Algériens,  et  refusait  d'en  distraire  la  moindre 
partie  pour  le  libérer 3. 

Le  plus  ancien  rachat  qui  fut  fait  à  Alger  semble  dater  de  1539  ; 
il  fut  effectué  par  les  PP.  Louis  Scudère,  d'Etampes;  Jacques 


t.  Laugier  de  Tassy,  d.  c,  p.  285. 

2.  V.  l'abbé  Orse,  d'après  les  lettres  de  L.  Hérault,  d.  c,  p.  52. 

3.  Archives,  d.  c,  AA,  art.  507. 


32  II.-I).    DE  GBAMMONT. 

Vigneron,  de  Troyes;  Robert  Pranger  et  Alexandre,  de  Mor- 
tagne  :  54  esclaves  furent  délivrés  et  ramenés  à  Arras1. 

11  nous  reste  maintenant  à  parler  des  rachats  accomplis  direc- 
tement par  les  souverains  de  l'Europe.  L'Angleterre  en  exécuta 
quelques-uns,  entre  autres  en  1646 2  et  en  16603  ;  nous  n'en  con- 
naissons pas  le  détail.  Les  princes  d'Italie,  les  rois  de  Suède  et  les 
États  de  Hollande  en  firent  à  diverses  époques,  mais  de  peu  d'im- 
portance. En  1785,  la  France  accomplit  la  rédemption  de 
306  captifs ,  moyennant  une  dépense  de  189,350  piastres 
1 039, 052  livres  17  sous  6  deniers).  La  cour  de  Versailles  ne  se 
décida,  après  de  longues  hésitations,  à  cet  acte,  que  dans  des  cir- 
constances particulièrement  dramatiques.  La  plus  grande  partie 
des  rachetés  étaient  des  soldats  français  déserteurs  d'Oran,  où  ils 
avaient  été  prendre  du  service  dans  les  troupes  espagnoles. 
Presque  tous  ces  malheureux  avaient  été  embauchés  par  des 
recruteurs  qui  parcouraient  le  midi  de  la  France  et  leur  promet- 
taient qu'ils  seraient  envoyés  avec  un  grade  supérieur  au  Mexique 
et  au  Pérou,  dont  ils  leur  vantaient  le  climat  et  les  richesses.  Ceux 
qui  se  laissaient  prendre  à  cette  grossière  amorce  étaient  dirigés 
sur  Barcelone,  embarqués  en  secret,  et  se  réveillaient  quelques 
jours  après  à  Oran,  où  la  peste  et  la  nostalgie  faisaient  parmi  eux 
des  ravages  épouvantables.  Car,  sans  tenir  compte  de  leur  espoir 
déçu,  l'existence  était  atroce  dans  cette  petite  place,  hors  de 
laquelle  on  n'osait  pas  hasarder  un  pas4.  Ils  désertaient  donc  par 
grandes  bandes,  et  ne  tardaient  pas  à  tomber  entre  les  mains  des 
Arabes  ;  les  moins  malheureux  étaient  menés  à  Alger,  dans  le 
bagne  du  Beylik.  Là,  ils  n'avaient  aucun  espoir  d'être  délivrés  ; 
car  ils  avaient  perdu  leur  qualité  de  Français  par  la  première 
désertion  et  celle  de  soldat  du  Roi  d'Espagne  par  la  seconde.  Ils 
arrivèrent  vite  à  un  tel  état  de  désespoir  qu'ils  ourdirent  un  com- 

1.  Documents  espagnols  sur  la  Rédemption.  (Douai,  1594,  in-8°.) 

2.  Gazette  de  France,  1646,  p.  1171. 

3.  ld.,  1060,  p.  370. 

4.  Le  général  Alava,  ancien  ambassadeur  d'Espagne  à  Paris,  visitant  Ceuta 
dans  sa  jeunesse,  voulu!  mouler  sur  le  rempart  de  cette  ville  pour  examiner 
la  campagne;  un  vieil  officier  le  retint,  lui  lit  élever  son  chapeau  au  bout  d'un 
fusil,  et  aussitôt  un  coup  de  fusil  partit  des  broussailles  extérieures.  «  Souve- 
<  nez-vous  qu'ici,  dit  l'officier,  toutes  les  fois  qu'un  Castillan  se  montre,  il  se 
«  trouve  un  Arabe  pour  l'ajuster.  »  (Castellane,  Souvenirs  de  la  rie  militaire 
en  Afrique,  p.  267.)  Ce  qui  se  passait  à  Ceuta  en  ce  moment  se  reproduisait 
dans  toutes  les  places  occupées  par  l'Espagne,  depuis  qu'elle  avait  adopté  le 
déplorable  système  de  1  occupation  restreinte. 


ETUDES  ALGERIENNES.  33 

plot  pour  massacrer  le  Vicaire  Apostolique,  le  Consul  et  les  rési- 
dents français".  Le  premier  devint,  en  effet,  leur  victime,  reçut 
trois  coups  de  poignard  et  ne  fut  sauvé  que  par  miracle.  Ce  fut 
cependant  ce  même  P.  Cosson  qui,  de  retour  à  Paris,  intercéda 
pour  eux  et  finit  par  attendrir  Louis  XIV  sur  leur  sort.  Ce  rachat 
fut  le  premier2  et  le  dernier  fait  par  l'Etat. 


V. 


Malgré  le  zèle  qu'apportaient  à  leur  mission  les  racheteurs 
d'esclaves,  les  résultats  obtenus  étaient  presque  insignifiants,  si 
l'on  tient  compte  des  besoins  à  satisfaire.  Quand  nous  consultons 
les  documents  fournis  par  les  Ordres  de  Rédemption3,  nous  cons- 
tatons que  la  moyenne  des  captifs  rachetés  est  d'environ  200  par 
année;  encore  ce  chiffre  ne  peut-il  s'appliquer  qu'aux  xvie  et 
xvrie  siècles.  Bien  autrement  considérable  fut  le  nombre  de  ceux 
qui  furent  ravis  à  leurs  maîtres  et  rendus  à  la  liberté  de  vive 
force.  A  ce  point  de  vue,  on  peut  affirmer  que  les  chevaliers  de 
Malte  furent  les  plus  grands  des  Rédemptoristes  et  que  leur 
secours  fut  le  plus  efficace  de  tous.  A  leur  suite  viennent  les  ami- 
raux génois  et  vénitiens,  les  Doria  et  les  Grimaldi,  les  Capello, 
Morosini,  Mocenigo,  Foscolo  ;  les  Français  de  Valbelle,  Gabaret, 
Pol,  d'Amfreville  et  mille  autres,  qui,  sans  cesse  parcourant  les 
mers,  font  subir  aux  Barbaresques  des  pertes  cruelles  et  arrachent 
au  banc  de  la  chiourme  les  forçats  chrétiens.  Peu  de  semaines  se 
passaient  sans  que  les  Maltais  ne  s'emparassent  d'un  navire  ou 
deux4,  et  l'on  peut  apprécier  la  quantité  de  gens  qu'ils  arrachèrent 
à  leurs  fers  en  apprenant  qu'ils  faisaient  plus  de  prisonniers 
musulmans  qu'il  ne  leur  en  fallait  pour  le  service  de  leurs  forti- 
fications et  de  leurs  galères5  et  qu'ils  en  vendaient  aux  marines 

1.  «  Puisqu'il  n'y  a  rien  à  espérer,  liions,  massacrons,  exterminons I  .Nous 
«  mourrons?  Eh  bien,  nous  ne  souffrirons  plus.  Tel  est  leur  langage  de  tous 
les  jours,  de  tous  les  moments.  »  (Lettre  du  consul  Langoisseur  de  la  Vallée 
a  .M.  h-  ministre  de  la  marine,  Alger,  20  novembre  1781.) 

2.  En  effet,  le  rachat  effectué  par  Sanson  Napollon,  duquel  nous  avons  parlé 
pins  haut,  n'avait  pas  été  traite  an  nom  du  Roi,  mais  des  communautés  de 
Marseille,  Toulon,  Martiguçs,  Six-Fours,  etc. 

3.  Voir  le  Tableau  des  Rédemptions  /'ailes,  etc.,  d.  c. 

■i.  Si  l'on  compulse  la  collection  de  la  Gazette  de  France  et  celle  du  Mercure 
français,  on  trouve  presque  à  chaque  page  le  récit  d'une  de  ces  prises. 
5.  V.  une  vente  de  500  Turcs  faite  au  grand  duc  de  Toscane  en  1G34,  et  une 
Rev.  Histor.  X.XYII.  i«  fasc.  3 


;{',  II. -D.     DE    f.IUMMONT. 

d'Italie,  de  France  et  d'Espagne.  Or,  on  peut  affirmer  que,  lors- 
qu'un navire  d'Alger  était  capturé,  le  nombre  des  captifs  délivrés 
ègalail  en  général  celui  des  corsaires  pris 4 .  Il  est,  du  reste,  facile 
de  constater  l'écart  entre  les  deux  modes  de  délivrance,  en  con- 
sultant le  relevé  des  rédemptions  opérées  pendant  les  trois  années 
consécutives  1634,  1635  et  1636,  et  en  les  comparant  aux  libé- 
rations dues  à  des  coups  de  main  heureux2.  Dans  ce  laps  de  temps, 
les  religieux  rachetèrent  144  esclaves  et  les  vaisseaux  de  guerre 
en  délivrèrent  plus  de  1,600 3. 

Dans  le  seul  combat  de  la  Velone4,  l'amiral  Capello  procura  en 
quelques  heures  la  liberté  à  3,634  esclaves.  En  s'empara nt  de 
Salé,  les  Anglais  en  délivrèrent  d'un  seul  coup  2,600 5  et  s'en 
firent  rendre  un  grand  nombre  les  années  suivantes.  Mocenigoen 
recueillit  plus  de  500  après  son  combat  naval  de  1651  6  et  tout 
autant  au  moins  en  1659 7.  Morosini  en  ramena  600  en  1653 8  et 
500  en  16559.  Ruyter  J50010  en  1656  et  un  millier  dans  les  croi- 

semblable  l'année  suivante.  (Gazette  de  France,  1634,  p.  581,  et  1635,  p.  125.) 
—  V.  encore  la  Correspondance  administrative  sous  Louis  XIV,  t.  II,  p.  888, 
940,  etc. 

1.  Sur  les  galères,  la  proportion  était  des  trois  quarts,  c'est-à-dire  qu'il  y 
avait  trois  cents  rameurs  chrétiens  pour  cent  soldats  turcs.  Sur  les  vaisseaux 
à  voiles,  la  proportion  se  renversait. 

2.  Nous  avons  pris  ces  trois  années  au  hasard,  et  nous  eussions  pu  avoir  des 
résultats  bien  plus  concluants  si  nous  en  avions  eu  besoin. 

3.  En  1634,  les  PP.  de  la  Mercy  ramènent  100  captifs  (Gazette,  p.  185);  les 
Maltais  en  délivrent  350  (p.  256  et  374)  ;  les  gardes-côtes  du  Brouage,  250  (p.  329); 
le  chevalier  Garnier,  50  (p.  515);  les  galères  de  Sicile,  50  (p.  569);  les  cheva- 
liers de  l'ordre  de  Saint-Étienne,  50  (p.  id.). 

En  1635,  les  Tiïnitaires  ramènent  44  captifs  (Gazette,  p.  280);  les  Maltais  en 
délivrent  100,  et  les  chevaliers  de  Saint-Étienne,  200  (p.  446). 
En  1636,  les  Maltais  en  délivrent  300  et  la  Hotte  française  250. 
Tous  ces  chiffres  sont  des  minima. 

4.  V.  le  Mercure  français,  t.  XXII,  p.  367,  et  la  Gazette  de  France,  1638, 
p.  429,  etc.  —  La  flotte  algérienne  fut  écrasée;  elle  se  composait  de  16  galères 
et  2  brigantins  ;  tous  les  navires  furent  pris  ou  coulés  à  fond. 

5.  Gazette  de  France,  1637,  p.  648,  714,  730.  Ils  prirent  en  outre  14  grands 
vaisseaux  et  brûlèrent  beaucoup  de  galères  et  de  galiotes. 

6.  Id.,  1651,  p.  1057.  Morosini  coula  à  fond  6  grandes  galères  d'Alger  et  de 
Tunis,  (|iii  ne  lurent  pas  soutenues  par  les  autres,  dont  le  Capitan-Pacha  vou- 
lait faire  décapiter  les  Reïs. 

7.  Id.,  1657,  p.  590;  il  brûla  10  vaisseaux  d'Alger  et  nombre  de  barques;  les 
Turcs  perdirent  plus  de  mille  combattants. 

8.  Id.,  1650,  p.  217. 

9.  Id.,  1655,  p.  610.  Le  combat  eut  lieu  près  de  Ténédos. 

10.  /'/.,  16">6,  p.  31  et  55.  Ruyter  coula  14  vaisseaux  d'Alger,  en  prit  4  et  ins- 
pira  aux  Algériens  une  profonde  terreur. 


ETUDES   ALGERIENNES.  35 

sières  qui  forcèrent  Alger  à  respecter  pendant  quelques  années  le 
pavillon  Hollandais.  Qu'était-ce  encore  que  cela,  auprès  de  la 
bataille  de  Lépante1  qui  avait  délivré  plus  de  12,000  rameurs 
chrétiens,  et  de  la  prise  de  Tunis  par  Charles  V,  qui  y  avait 
trouvé  plus  de  dix  mille  captifs  2  ! 

Il  résulte  donc  de  ce  qui  précède  que  l'emploi  de  la  force  était 
la  meilleure  solution  de  l'esclavage ,  puisque  les  rédemptions 
étaient  insuffisantes  et  les  conventions  impuissantes.  A  la  vérité, 
chaque  fois  qu'on  traitait  après  quelque  succès  obtenu,  chaque 
nation  exigeait  la  reddition  de  ses  sujets  ;  mais  l'exécution  de  cette 
clause  se  faisait  avec  beaucoup  de  mauvaise  foi  et  avec  des  len- 
teurs justifiées  par  la  répugnance  qu'éprouvaient  les  particuliers 
à  remettre  aux  mains  du  Beylik  ce  qu'ils  considéraient  comme 
leur  bien  personnel.  Les  souverains  européens,  ne  comprenant 
pas  que  le  Dey  n'était  aucunement  le  maître  chez  lui3,  faisaient 
retomber  sur  sa  tête  la  responsabilité  de  ces  retards,  manifestaient 
des  exigences  impossibles  à  satisfaire4,  et  ne  lui  laissaient  d'alter- 
native qu'entre  une  rupture  et  une  insurrection  qui  lui  eût  coûté 
la  vie5.  Le  choix  du  chef  de  la  Régence  ne  devait  pas  être  douteux, 
et,  pour  qu'un  résultat  quelconque  pût  être  atteint,  il  fallait  que 
la  population  eût  été  terrifiée  par  la  dureté  de  la  répression.  Ce 
fut  ainsi  qu'après  la  croisière  du  duc  de  Beaufort  et  les  bombar- 
dements de  Duquesne  et  du  maréchal  d'Estrées,  M.  Trubert, 


1.  Quelques  historiens  ont  porté  le  nombre  des  captifs  délivrés  a  plus  de 
20,000;  le  fait  est  que  les  Turcs  perdirent  130  galères  de  15  à  20  bancs  de 
rameurs,  ce  qui  lait  une  moyenne  de  300  rameurs  par  galère;  mais  beaucoup 
de  bâtiments  durent  sombrer,  corps  et  biens. 

2.  \Snc  grande  partie  de  ces  captifs,  six  mille  environ,  ne  contribuèrent  pas 
médiocrement  au  succès  de  Charles  V.  Aussitôt  que  la  brèche  fut  ouverte,  ils 
s'insurgèrent,  sous  le  commandement  du  brave  Paul  Siméon,  l'un  d'entre  eux, 
et  facilitèrent  par  leur  révolte  les  opérations  des  assiégeants.  Quelques  années 
plus  tard,  Barberousse  retrouva  devant  lui  Paul  Siméon,  qui  le  contraignit  à 
abandonner  le  siège  de  Nice.  (V.  les  Illustres  Captifs,  d.  c,  liv.  III,  chap.  xvi.) 

3.  V.  les  paroles  que  le  Dey  Hadj'-Mohammed-Treki  adressa  a  Jean  Foy- 
Vaillant  en  lui  rendant  la  liberté  :  «  Je  voudrais  bien  renvoyer  tes  compa- 
gnons, mais  je  ne  suis  pas  le  maître  ici  comme  ton  Roi  l'est  chez  lui.  » 
[Voyages  de  Spon,  d.  c,  t.  II,  p.  15.) 

4.  C'est  ainsi  qu'on  demandait  compte  au  Dey  du  pillage  de  navires  échoués 
sur  les  eûtes  du  Dahra  et  de  la  Kabylie,  à  des  endroits  où  jamais  un  Turc 
n'avait  osé  mettre  les  pieds. 

5.  A  rapprocher  de  la  réponse  que  fit  le  Dey  Chaban  à  M.  Lemaire,  consul 
français,  qui  lui  réclamait  une  capture  et  voulait  faire  punir  les  délinquants  : 
o  Je  n'ai  qu'une  tète  et  je  tiens  à  la  conserver.  » 


36  ff>D.    DE  GftAHMONT. 

commissaire  de  la  marine,  le  marquis  de  Martel  et  le  chevalier  de 
Tourville  se  firent  rendre  environ  trois  mille  prisonniers1.  En 
définitive,  le  système  des  croisières  permanentes,  si  justement 
préconisé  par  saint  Vincent  de  Paul,  était  le  seul  qui  eût  pu  don- 
ner des  résultats  sérieux,  et  tout  le  monde  était  d'accord  à  ce 
sujet;  mais  le  mauvais  état  de  nos  finances,  les  guerres  avec 
l'Angleterre  et  la  Hollande  amenaient  forcément  des  interrup- 
tions, et,  dès  lors,  tout  était  perdu.  Aussitôt  délivrés  de  la  crainte 
des  escadres  royales,  les  pirates  couvraient  la  mer  et  compensaient 
rapidement  leurs  pertes  par  des  prises  qui  leur  étaient  rendues 
d'autant  plus  faciles  que  nos  bâtiments  revenaient  sans  défiance, 
bondés  de  marchandises,  des  ports  du  Levant2.  Tout  cela  amenait 
une  grande  émotion  dans  les  villes  commerçantes  du  Midi,  et 
surtout  à  Marseille,  qui  était  plus  particulièrement  éprouvée.  Des 
doléances  et  des  supplications  étaient  adressées  au  Roi  ;  le  sens 
général  en  était  que,  dans  l'intérêt  de  la  marine  marchande,  il 
serait  bon  d'adopter  un  modus  vivendi  avec  les  Algériens,  dût- 
on  l'acheter  au  prix  de  quelques  compensations  pécuniaires,  que 
le  commerce  s'offrait  à  fournir.  Ce  système,  longtemps  repoussé 
pour  des  raisons  de  dignité,  finit  par  prévaloir  et  fut  inauguré  par 
le  Consul  René  Lemaire,  en  1689,  malgré  l'opposition  jalouse  des 
Anglais  et  des  Hollandais,  qui  eussent  voulu  s'emparer  du  trafic 
de  la  Méditerranée3.  Depuis  cette  époque  jusqu'en  1792,  la  France 
vécut  donc  avec  Alger  sous  un  régime  assez  singulier,  n'ayant 
renoncé  officiellement  à  aucun  des  droits  que  lui  conféraient  les 
traités,  mais  secrètement  décidée  à  ne  pas  transformer  les  infrac- 
tions en  un  casus  belli.  Il  fallut  que  les  Consuls,  pour  obtenir 
justice,  s'ingéniassent  à  se  rendre  agréables  de  leur  personne  aux 

1.  V.  la  Gazette  de  France,  1667,  p.  317  et  1138;  id.,  1668,  p.  813;  id.,  1679, 
p.  287  et  321;  id.,  1683,  p.  373-384;  id.,.1684,  p.  457-468;  id.,  1688.  p.  518. 

2.  Pour  ne  citer  qu'un  exemple,  nous  rappellerons  que,  six  semaines  après  la 
ruplure  du  18  octobre  1681,  une  lettre,  datée  du  29  novembre,  nous  apprend 
que  les  Algériens  ont  capturé,  dans  ce  court  espace  de  temps,  vingt-neuf  navires, 
trois  cents  esclaves,  el  fail  subir  au  commerce  des  pertes  estimées  à  250,000  écus. 

Revue  africaine,  1882,  p.  396.) 

3.  On  lit  dans  la  Gazette  de  France,  Paris,  22  octobre  1687,  p.  518  :  «  La 
«  paix  a  été  conclue  le  25  septembre  avec  Alger,  aux  conditions  imposées  par 
a  le  Roy,  malgré  les  intrigues  des  Anglois,  qui  ont,  à  ce  sujet,  distribué  plus 
t  de  vingl  nulle  piastres  aux  soldats.  »  Et,  en  janvier  1690  :  «  Le  nouveau  Dey 
«  a  confirmé  le  traité  du  25  septembre,  malgré  les  intrigues  des  consuls  anglois 
i  el  hollandois,  qui  vonloient  qu'Alger  continuât  la  guerre  contre  nous;  mais  la 
"  milice  ne  le  veut  pas.  » 


EUDES    ALGÉRIENNES.  37 

Deys  et  aux  Puissances;  cette  obligation  nécessita  des  dépenses, 
en  amenant  l'usage  onéreux  des  Dottatires,  dont  nous  avons  eu 
déjà  l'occasion  de  parler.  La  lutte  d'influence  entre  les  nations  se 
fit  dès  lors  au  moyen  de  ces  présents,  qui  devinrent  de  plus  en 
plus  riches,  et,  par  cela  même,  de  plus  en  plus  sollicités.  A  ce 
moment,  il  eût  suffi  d'un  effort  simultané  des  marines  européennes 
pour  se  soustraire  au  joug  et  anéantir  à  jamais  l'esclavage  bar- 
baresque;  mais  comment  espérer  cet  accord,  lorsque  nous  voyons 
la  Hollande,  après  avoir  été  la  première  à  provoquer  une  action 
commune,  s'empresser  d'écarter  de  la  ligue  future  les  villes  anséa- 
tiques,  de  peur  de  créer  des  concurrents  à  son  commerce  *  ? 

Nous  ayons  vu  précédemment  qu'à  partir  du  commencement 
du  xvnf  siècle,  la  course  avait  suivi  une  diminution  progressive 
et  tendait  à  disparaître  ;  l'esclavage,  au  moins  en  ce  qui  concerne 
les  Européens,  suivit  la  même  marche  ;  et  quand,  à  la  suite  des 
traités  de  1815,  la  pacification  de  l'Europe  permit  à  l'Angleterre 
et  à  la  Hollande  de  venger  les  vieux  griefs  par  l'expédition  de 
lord  Exmouth  et  de  l'amiral  Van  Capellen,  les  vainqueurs  ne 
trouvèrent  à  se  faire  restituer  que  5  ou  600  captifs,  dont  la  plu- 
part avaient  été  pris  à  la  suite  de  naufrages.  Quand  les  Français 
conquirent  la  Régence  en  1830,  ils  ne  rendirent  la  liberté  qu'à 
400  prisonniers  au  plus2  ;  les  bagnes  étaient  déserts,  et  les  rares 
Rédemptoristes  restés  à  Alger  ne  trouvaient  presque  plus  d'occa- 
sions d'exercer  leur  généreux  dévouement. 

H.-D.  de  Grammont. 


1.  On  lit  dans  la  Gazette  de  France,  1664,  p.  "226,  lettre  datée  de  La  Haye, 
28  février  :  i  Nos  États  vont  inviter  quelques  princes  à  se  liguer  contre  les 

•  corsaires  de  Barbarie,  le  projet  esl  dressé)  chacun  de  nos  alliés  entretiendra 
«  pendant  >i\  ans  douze  navires;  on  ne  pourra  traiter  que  tous  ensemble,  etc.  » 
Kl  pins  loin,  p.  3j0,  La  Haye,  3  avril  :  «  Les  résidents  des  villes  anséatiques 
«  avaient  offert  aux  Etats  50,000  florins  par  an,  pendant  trois  ans,  pour  que 
i  les  bâtiments  de  Hambourg  fussent  compris  dans  le  traité  avec  la  Barbarie-, 

♦  le  Collège  de  l'Amirauté  d'Amsterdam  a  refusé,  à  cause  qu'une  telle  protec- 
'   lion  augmenterait  le  commerce  de  ses  marchands  et  diminuerait  le  nôtre.  » 

'2.  Je  n'ai  pas  pu.  en  dépit  de  mes  recberebes,  trouver  de  chiffres  officiels; 
mais  les  témoins  oculaires  (Quatrebarbes,  Barcbou  de  Penhoël,  .Merle,  etc.)  ne 
parlent  rpie  des  équipages  du  Silène  et  de  VAstrée,  et  d'environ  cent  cinquante 
captifs  grecs,  italiens  et  espagnols. 


LA 


MISSION  DU  PÈRE  JOSEPH 


A  RATISBONNE 

1630. 


L'empereur  Ferdinand  II  avait  convoqué  à  Ratisbonne  pour  le 
3  juin  1630  les  électeurs  du  Saint-Empire.  Rarement  le  collège 
électoral  s'était  réuni  dans  des  circonstances  aussi  graves  et  pour 
prendre  des  résolutions  aussi  importantes.  Ce  qui  devait  sortir 
de  cette  assemblée,  ce  n'était  rien  moins  que  la  consécration  ou 
la  condamnation  des  abus  de  pouvoir  et  des  prétentions  chimé- 
riques de  l'empereur,  le  triomphe  ou  l'échec  de  la  politique  de 
famille,  la  réconciliation  des  intérêts  et  des  croyances  contre  les 
ennemis  de  la  maison  d'Autriche  ou  pour  la  défense  de  la  vieille 
constitution  germanique.  Ferdinand  en  attendait  le  couronnement 
de  son  ambition,  les  électeurs  la  satisfaction  de  leurs  griefs.  Le 
premier  comptait  en  obtenir  la  survivance  de  la  dignité  impériale 
pour  son  fils  et  un  concours  armé  contre  les  ennemis  de  sa  maison, 
les  seconds  y  voyaient  un  moyen  de  mettre  un  terme  à  l'arbitraire 
des  cantonnements  et  des  contributions  militaires  et  de  sauvegar- 
der leur  indépendance  menacée.  L'issue  de  l'assemblée  n'impor- 
tait pas  moins,  on  le  voit,  à  la  France  qu'à  l'Allemagne,  et 
Richelieu  n'en  avait  pas  attendu  la  convocation  pour  s'efforcer 
de  faire  naître  chez  les  électeurs  des  dispositions  contraires  aux 
vues  de  l'empereur.  C'était  la  tâche  à  laquelle,  l'année  précé- 
dente  et  au  commencement  de  cette  année,  Charnacé,  Marche- 
ville,  Masson  avaient  successivement  travaillé,  et  Ceberet,  notre 
résident  à  Vienne,  puis  l'évêquede  Scithie,  suffragant  del'évêque 
de  Toul,  avaient  reçu  mission  d'agir  dans  le  même  sens  sur  les 
électeurs  réunis  à  Ratisbonne.  Mais,  pour  défendre  les  intérêts  de 
la  France  dans  des  circonstances  aussi  graves,  il  fallait  des  agents 


la  missiov  DU  r.  JOSEPB  l  iiatisbowe.  30 

d'une  capacité  supérieure;  le  cardinal  choisit  Brulart,  prieur  de 
Léon,  notre  ambassadeur  en  Suisse,  et  un  capucin  qui,  tour  à 
tour  ministre  dirigeant1  et  négociateur,  quittant  le  conseil  et  le 
cabinet  pour  les  missions  diplomatiques,  concourait  souvent  lui- 
même  à  L'exécution  des  plans  politiques  qu'il  avait  conçus  :  nous 
avons  nommé  le  Père  Joseph. 

Le  P.  Joseph  se  sépara  du  cardinal  à  Grenoble  le  2  juillet2. 
Le  9  il  rejoignait  Brulart,  à  Soleure3.  Au  moment  où  il  y  arriva, 
il  trouva  les  Suisses  fort  inquiets.  Le  bruit  courait  que  les  Impé- 
riaux, déjà  maîtres  des  Grisons,  avaient  formé  le  dessein  de  s'em- 
parer des  passages  entre  la  Suisse  et  l'Italie,  et  notamment 
d'Urseren  et  de  Bellinzona.  L'occupation  de  ces  passages  devait 
avilir  pour  conséquence  d'intercepter  les  communications  par 
terre  entre  la  France  et  l'Italie.  En  nous  fermant  l'entrée  de  ce 
les  Impériaux  auraient  du  même  coup  réduit  les  Suisses  à 
la  dépendance  ou  à  une  ruineuse  défensive.  Brulart  avait  signalé 
le  danger  aux  trois  cantons  d'Uri,  de  Schwitz  et  d'Underwald, 
dont  dépendaient  Urseren  et  Bellinzona,  et  les  avait  pressés  de 
mettre  les  lieux  menacés  à  l'abri  d'une  surprise.  C'est  ce  qui  avait 
été  fait  ;  les  trois  cantons  directement  intéressés  avaient  requis 
l'assistance  de  celui  de  Lucerne,  celui  de  Soleure  avait  spontané- 
ment offert  la  sienne  et  la  diète  de  Bade4  avait  réglé  la  mesure 
dans  laquelle  chaque  canton  devait  participer  à  la  défense  com- 
mune. Les  trois  premiers  avaient  en  outre  fait  appel  au  concours 
] -truiiiairede  la  France.  Ce  fut  sur  ces  entrefaites  que  le  P.  Joseph 
arriva  à  Soleure.  Après  s'être  fait  rendre  compte  de  la  question, 
il  proposa  à  Bichelieu,  d'accord  avec  l'ambassadeur,  de  faire 
occuper  Urseren  et  Bellinzona  pendant  trois  mois  par  une  garni- 
son de  trois  cents  hommes,  dont  l'entretien  coûterait  à  la  France 
1,800  écus  par  mois5.  Al'appui  de  cette  proposition,  le  P.  Joseph 
adressa  au  cardinal  une  dépèche,  où  il  faisait  valoir  l'importance 


1.  Voy.  Appendice,  no  1. 

2.  DéptVhe  du  P.  Joseph  à  d'Avaux,  signée  Chrysogone,  l'un  des  nombreux 
■Oins  de  guerre  du  P.  Joseph.  De  l'écriture  de  son  compagnon  et  secrétaire 
habituel,  le  P.  Ange  de  Mortagoe,  qui  passe  pour  être  la  sienne  m^mc  Arch.  des 
Ail.  ftrang.  Suisse,  XXVII,  f.  138.  Lepré-Balain,  Biographie  ms.  du  P.  Joseph, 
en  la  possession  de  l'auteur,  p.  392. 

3.  Lepré-Balain,  ibid. 

4.  Bade  en  Argovie. 

5.  Advis  de  M.  de  Léon.  Vers  mav  {lisez  :  juillet]  1630.  Aff.  élrang.  Suisse, 
XXVII,  fol.  118. 


',11  G.    FAGNIEZ. 

de  ces  positions  et  l'influence  que  leur  occupation  par  la  France 
devait  exercer  sur  la  conclusion  de  l'alliance  projetée  entre  le  roi, 
les  cantons  catholiques,  les  Grisons  et  Venise.  Il  faisait  remarquer 
que  le  défilé  commandé  par  Urseren,  et  qui  était  l'unique  pas- 
sive de  Suisse  en  Italie  parleSaint-Gothard,  était  si  étroit,  qu'il 
su  disait  de  cent  cinquante  hommes  pour  en  être  maître,  que  la 
communication  entre  Urseren  et  Bellinzona  était  très  facile  et  que 
rien  ne  pouvait  y  mettre  obstacle,  que  de  cette  dernière  ville  on 
pouvait  s'avancer  par  le  territoire  suisse  jusqu'à  deux  lieues  de 
Corne  et  jusqu'à  une  journée  de  Milan,  qu'il  était  aisé  de  passer 
dans  la  vallée  de  Mesocco,  seule   partie  des  Grisons  qui  eût 
échappé  à  l'invasion  allemande,  qui  ouvrait  l'accès  de  Chia- 
venna,  était  voisine  de  Riva  et  du  fort  Fuentes,  et  donnait  la  clé 
des  Grisons  du  côté  de  l'Italie.  Les  défilés  commandés  par  Urse- 
ren et  Bellinzona  se  trouvant  dans  le  canton  d'Uri  et  tout  près 
des  cantons  de  Sclrwitz  et  d'Underwald,  leur  possession  par  la 
France  était  de  nature  à  détacher  ces  trois  cantons  de  l'alliance 
de  l'Espagne,  que  leur  proximité  du  Milanais  les  avait  forcés  de 
subir.  La  crainte  d'une  entreprise  des  Impériaux  sur  ces  positions 
était  faite  pour  favoriser  la  formation  de  la  ligue  entre  le  roi,  la 
sérénissime  République,  les  Suisses  et  les  Grisons.  Brulart  avait 
signalé  toutes  les  difficultés  que  devait  rencontrer  ce  projet,  mais 
le  P.  Joseph  l'avait  convaincu  que  sa  réalisation  ne  dépendait 
plus  que  des  Vénitiens1.  Le  20  juillet,  dans  une  dépêche  écrite  de 
Constance,  où  il  était  arrivé  le  18,  le  P.  Joseph  insistait  auprès 
du  cardinal  sur  la  nécessité  d'accorder  aux  cantons  la  garnison 
de  trois  cents  hommes  qu'ils  demandaient;  le  danger  paraissait 
écarté  pour  le  moment,  mais  il  fallait  assurer  l'avenir2.  Le  succès 
de  la  ligue  lui  était  aussi  fort  à  cœur  ;  en  même  temps  que  cette 
dépêche,  il  envoyait  à  Richelieu  des  considérations  sur  ce  sujet  et 
un  projet  de  traité  de  la  plus  haute  importance.  Il  ne  s'agissait  de 
rien  moins  en  effet  que  d'empêcher  le  renouvellement  de  l'alliance 
des  cinq  cantons  catholiques  et  de  celui  de  Fribourg  avecl'Espagne, 
de  substituer  dans  cette  confédération  Venise,  notre  alliée,  à  notre 
ennemi  héréditaire,  d'y  faire  entrer  les  autres  cantons  et  leurs 
alliés  et  combourgeois  et  d'arriver  à  l'affranchissement  des  Gri- 


1.  Dépêche  du  P.  Joseph  à  Richelieu.  Solaire,  13  juillet  1630.  AIT.  étrang. 

wvil,  fol.  140. 

2.  au.  étrang.  AJlemagne,  vil,  fol.  73. 


LA    MISSION    !H     P.    JOSEPH     \    lUTISIiON'NK.  'l  \ 

sons,  dont  l'indépendance  serait  garantie  parles  confédérés.  D'où 
pouvaient  venir  les  objections  contre  ce  projet?  Ce  n'était  pas  des 
cinq,  auxquels  la  République  servirait  leurs  pensions,  comme  le 
t'aisail  l'Espagne,  et  assurerait  son  assistance  en  cas  d'attaque, 
ce  n'étail  pas  dc<  Suisses  en  général,  ni  de  leurs  confédérés,  qui 
devaienl  se  féliciter  d'avoir  pour  allié,  au  lieu  de  l'Espagne,  tou- 
jours ardente  à  les  compromettre  dans  sa  querelle  avec  la  France, 
un  Etat  connu  par  sa  prudence  et  son  amour  'de  la  paix;  ce  ne 
pouvait  être  enfin  la  République,  au  profit  de  laquelle  il  semblait 
avoir  été  conçu,  puisqu'il  lui  donnait  des  soldats  et  lui  promettait 
la  réouverture  de  ses  communications  avec  la  Suisse  le  jour  où  les 

sons  seraient  délivrés  de  leurs  garnisons  espagnoles.  Quant  à 
la  France,  le  P.  Joseph  a'avait  garde,  comme  on  peut  croire, 
d'oublier  ses  intérêts  et,  dans  l'hypothèse  improbable  d'une  guerre 
avec  la  République,  il  insérait  dans  son  projet  une  clause  stipu- 
lant que  l'alliance  des  Suisses  et  de  Venise  ne  pourrait  préjudiciel' 
à  l'alliance  contractée  en  1521  entre  la  France  et  les  cantons  et 
renouvelée  pour  la  dernière  fois  en  1602,  et  que  ceux-ci  seraient 
déliés  de  leurs  obligations  envers  la  République  si  l'exécution  de 
ces  obligations  devait  faire  tort  à  la  France.  L'influence  que  les 
Vénitiens  avaient  sous  le  feu  roi  cherché  à  prendre  chez  les  Gri- 
sons avait,  il  est  vrai,  fort  mal  tourné  pour  la  France,  car  elle 
avait  fourni  a  l'Espagne  le  prétexte  d'une  intervention  qui  avait 
mis  les  Grisons  dans  sa  dépendance,  mais  le  mal  que  les  Vénitiens 
avaient  fait,  ne  fallait-il  pas  les  mettre  à  même  de  le  réparer  l  ? 

Malheureusement  le  P.  Joseph  ne  réussit  ni  à  sauver  les  pas- 
sages menacés,  ni  à  former  entre  Venise,  les  Suisses  et  la  France 
cette  confédération  dont  il  avait  arrêté  les  conditions  et  dont  il 

aitfail  l'avocal  passionné.  Nerecevaht  d'assistance  pécuniaire 
ni  des  autres  cantons,  ni  de  la  France,  ni  de  la  République,  les 
contons  forestiers  ne  purent  soutenir  les  frais  de  l'occupation  des 
passages  et  les  évacuèrent,  ce  qui  permit  aux  Impériaux  de  s'en 
emparer.  D'un  autre  côté,  la  pusillanimité  de  Venise,  à  laquelle 
le  langage  de  ses  représentants  avait  d'abord  permis  d'attribuer 

1.  Projet  des  articles  qui  peuvent  rire  principalement  considères  en  ce 
traité,  Bans  autre  date  que  l'année  1630,  inscrite  au  dos.  mais  rédigé  vers  le 
20  juillet,  puisque  le  P.  Joseph  en  annonce  l'envoi  à  Richelieu  dans  sa  dépêche  de 
cette  date.  Ait',  étrang.  Venise,  vol.  48  (1629-1632),  supplément.  —  Considéra- 
tions sur  le  projet  d'alliance  entre  la  France,  Venise,  les  Suisses  et  les  Gri- 
sons.  Sans  antre  date  que  l'année,  mais  évidemment  dicté  à  la  même  époque. 
Ibidem. 


|2  G.    FÂGNIEZ. 

des  sentiments  plus  énergiques,  se  refusa  à  une  alliance  qui  pou- 
vait la  compromettre  avec  l'Empire1. 

De  Constance,  l'ambassadeur  et  le  P.  Joseph  écrivirent  à 
Wallenstein  pour  obtenir  un  sauf-conduit.  Les  soldats  que  celui- 
ci  taisait  passer  en  Italie  rendaient  peu  sûr  le  voyage  de  Cons- 
tance à  Ratisbonne.  Le  duc  de  Friedland  envoya  son  premier 
chambellan  à  leur  rencontre,  jusqu'à  trois  journées  de  Memmin- 
gen,  où  il  se  trouvait2  et  où  ils  arrivèrent  le  23  juillet3.  L'accueil 
le  plus  flatteur  les  y  attendait4.  Durant  leur  séjour,  ils  virent  trois 
fois  le  grand  condottiere,  qui  eut  en  outre  deux  entrevues  parti- 
culières avec  le  P.  Joseph5.  Aucun  d'eux  n'a  rendu  compte  dans 
sa  correspondance  de  ces  entretiens,  Wallenstein  atteste  seulement 
dans  une  lettre  à  l'archiduc  Léopold  les  dispositions  pacifiques 
qu'il  remarqua  chez  ses  interlocuteurs6.  Mais,  à  défaut  de  rensei- 
gnements authentiques,  on  peut  se  faire  une  idée  des  conversations 
du  P.  Joseph  et  de  Wallenstein  par  ce  qu'en  rapporte  le  biographe 
du  premier.  La  précision  et  l'exactitude  avec  lesquelles  Lepré- 
Balain  a  déterminé  l'itinéraire  et  les  circonstances  du  voyage  de 
son  héros,  les  communications  qu'il  a  reçues  de  l'inséparable 
compagnon  de  celui-ci,  le  P.  Ange  de  Mortagne,  donnent  une 
grande  autorité  à  son  témoignage.  On  peut  considérer  ce  qu'il  dit 
à  ce  sujet  comme  l'écho  des  confidences  du  P.  Joseph.  Il  y  avait 
entre  les  deux  hommes  si  singuliers  qui  se  rencontraient  à  Mem- 
mingen  des  analogies  de  nature  et  d'idées  qui  devaient  les  mettre 
tout  de  suite  à  l'aise  l'un  avec  l'autre,  les  amener  insensiblement 
aux  longs  épanchements,  aux  confidences  intimes.  Tous  deux 

1.  Amtliche  Sammlung  d.  eidgenœssischen  Abschiede,  V,  Abth.  2,  p. ,627,  632, 
633,  634,  665,  1875,  187G.  Inventaire  de  la  correspondance  de  Richelieu  par 
l'abbé  Legrand  (?).  Aff.  étrang.  France,  1630,  vol.  11  (nouv.  250),  fol.  280. 
Dépêche  'In  P.  Joseph  à  d'Avaux,  19  août  1630.  Allemagne,  VII,  fol.  86.  Dépêche 
.1.'  d'Avaux  à  Bouthillier.  Venise,  7  sept.  1630.  Aff.  étrang.,  vol.  49,  à  la  date. 
Dépêche  de  Brulart,  21  août  1630.  Aff.  étrang.  Allemagne,  VII,  fol.  88. 

2.  DépiVIie  précitée  du  P.  Joseph  à  Richelieu,  Constance,  10  juillet  1630.  Dé- 
pêche  de  licmlliillirr  à  Richelieu,  juillet  1630.  Aff.  étrang.  France,  53,  fol.  330. 

pré-Balain,  p.  394.  C'est  par  un  lapsus  que  ce  biographe  a  écrit  août  au 
lieu  il'-  juillet. 

i.  Dépêche  de  Contarini,  Lyon,  28  août  1630.  Bibl.  nat.,  Filza  78,  p.  182. 
Rapport  mii  ce  qui  se  passe  en  Allemagne,  adressé  sans  doute  par  M.  Mesmin, 
non  daté,  mais  écrit  en  1G30.  Aff.  étrang.  Allemagne,  VII,  f.  80.  Lepré- 
Balain 

5.  Lcpré-Balain,  304-395. 

6.  Uemmingen,  25  juillet  1630.  Dans  Ilurter,  Zur  Gesvhichte  Wallensleins, 
in-v  Schaflfhausen,  1«G5,  p.  359-360. 


LA    MISSION    DU   P.    JOSEPH   A    RATISBONNE.  43 

avaient  des  conceptions  vastes  et  en  partie  chimériques,  tous 
deux  rêvaient  un  ordre  de  choses  dont  mille  obstacles  les  sépa- 
raient, où  l'un  faisait  une  large  part  à  son  ambition  personnelle, 
qui  reposait  pour  l'autre  sur  l'unité  de  croyance,  l'expulsion  des 
infidèles,  la  conquête  des  lieux  saints.  Les  sentiments  qui  leur 
étaient  communs  étaient  plus  nombreux  que  ceux  qui  les  divi- 
saient. Wallenstein  voulait  affranchir  l'empereur  des  entraves  de 
la  vieille  constitution  germanique  et  le  rendre  aussi  absolu  que  le 
roi  très  chrétien  ;  le  P.  Joseph  venait  affaiblir  les  liens  de  dépen- 
dance qui  unissaient  les  électeurs  au  chef  du  Saint-Empire,  mais 
le  but  du  premier  ne  différait  pas  autant  qu'on  le  croirait  de 
celui  du  second,  car  le  duc  de  Friedland  ne  voulait  étendre  l'auto- 
rité impériale  que  pour  pouvoir  exercer  sans  obstacles  son  com- 
mandement, et  il  se  promettait  bien  de  faire  payer  à  l'empereur 
par  un  démembrement  de  ses  Etats  héréditaires  le  service  de  l'avoir 
mis  au-dessus  des  lois.  Ami  du  duc  de  Nevers,  il  pensait  qu'on 
devait  le  laisser  jouir  en  paix  de  son  héritage  et  diminuer  le 
nombre  des  ennemis  de  l'Empire  en  donnant  satisfaction  à  la 
France1.  Ses  griefs  contre  Spinola,  la  crainte  de  la  peste  contri- 
buaient encore  à  lui  inspirer  de  l'éloignement  pour  la  guerre 
d'Italie2.  Enfin  il  rêvait  la  conquête  de  Constantinople3.  Cet 
accord  de  vues  et  d'aspirations  explique  comment,  dans  l'abandon 
de  conversations  intimes,  il  se  laissa  entraîner  à  révéler  à  son 
interlocuteur  le  dessein  de  se  créer  en  Allemagne  une  situation 
indépendante,  à  l'abri  des  revirements  de  la  faveur  impériale,  et 
comment,  dans  l'espoir  d'une  paix  prochaine,  il  lui  promit  de 
suspendre  l'entrée  de  son  armée  en  Italie4.  Que  l'on  songe  aussi  à 

t.  C.  Wittîch,  Wallenstein  u.  die  Spanier,  dans  les  Preussische  Jahrbiichcr, 
année  18G8,  XXI,  p.  416. 

2.  Tbid.,  p.  129. 

3.  Itanke,  Geschichle  Wallensteins,  y  éd.,  p.  12ô.  Arelin,  Wallenstein.  Bei- 
traege  zur  neeheren  Kenniniss  seines  Charakters,  seiner  Plaene,  seines  Verhaelt- 

:h  Bayent.  Mûnchen,  1845,  in-'r,  p.  72.  Lepré-Balain,  39."). 

4.  a  Le  25...  le  sr  de  Léon  et  le  P.  Joseph  furent  an  malin  prendre  congé  <!n 
duc  de  W.  el  retint  encore  le  P.  J.,  à  qui  il  se  découvrit  entièrement  touchant  les 
grands  desseins  qu'il  avoit  de  se  rendre  puissant  dans  l'Allemagne,  puis  de  faire 

la  guerre  an  Turc,  de   quoi  il  avoit  une  passion  extrême Ils  se  séparèrent 

en  resolution  de  prendre  les  moiens  pour  faire  réussir  cette  généreuse  entre- 
prise, ce  duc  lui  promettant  d'écrire  à  l'empereur  et  à  ses  ministres  de  lionne 
sorte,  pour  faire  la  paix  en  Italie  et  bien  unir  la  maison  d'Autriche  avec  la 
France  pour  ruiner  les  iniidelles,  ce  qu'il  lit,  leur  otant  les  ombrages  qu'on 
leur  avoit  donné  des  intentions  du  roi  et  du  cardinal.  Il  obtint  de  lui  qu'il 


14  G.    FA  G  NIEZ. 

son  humeur  aventureuse  et  téméraire,  au  dédain  fataliste  de  la 
prudence  vulgaire  que  lui  inspirait  sa  merveilleuse  fortune,  à 
l'indépendance  avec  laquelle  il  disposait  de  son  armée,  et  l'on  ne 
trouvera  invraisemblable  ni  sa  confidence,  ni  sa  promesse1. 

Le  25  juillet,  le  P.  Joseph  et  Brulart  prirent  congé  de  Wal- 
lenstein8  et  le  lendemain  ils  étaient  à  Ulm.  Le  27,  le  capucin 
s'embarqua  sur  le  Danube  et  vint  coucher  à  Donauverth.  Ce  fut 
le  29  qu'il  arriva  à  Ratisbonne  où  le  prieur  de  Léon  le  rejoignit  le 
lendemain3. 

Que  venait-il  y  faire,  quel  langage  allait-il  y  tenir?  En  d'autres 
termes,  quels  étaient  ses  pouvoirs  et  ses  instructions  ?  C'est  la  pre- 
mière question  qui  se  pose  lorsqu'on  doit  retracer  et  apprécier  le 
rôle  d'un  négociateur,  et  cela  est  d'autant  plus  nécessaire  ici  que 
l'histoire  n'est  pas  fixée  sur  la  façon  dont  il  a  rempli  sa  mission, 
qu'on  se  demande  encore  si  le  désaveu  qui  lui  a  été  infligé  a  été 
mérité  ou  si  ce  désaveu  ne  serait  pas  entré  dès  l'origine  dans  les 
calculs  de  Richelieu  et  n'aurait  pas  été  amené  par  la  tournure 
nouvelle  des  événements. 

La  position  du  P.  Joseph  à  Ratisbonne  était  singulière.  Ce 
n'était  ni  un  plénipotentiaire,  puisqu'il  n'avait  pas  de  pouvoirs4, 
ni,  comme  Richelieu  voudrait  le  faire  croire5,  un  simple  docteur 
placé  auprès  de  l'ambassadeur  extraordinaire  pour  l'assister  de  ses 
conseils,  puisqu'il  était  accrédité  auprès  de  l'empereur6.  Il  avait 

retarderoit  son  arrivée  dans  les  postes  qu'elle  avoit  et  qu'il  ne  la  feroit  point 
passer  dans  l'Italie  jusques  à  ce  qu'ils  eussent  traité  avec  l'empereur...  ce 
qu'effectivement  il  acomplit...  »  Lepré-Balain,  395. 

1.  Il  faut  ajouter  que,  dès  cette  époque,  les  desseins  ambitieux  de  Wallens- 
tein  n'étaient  plus  un  secret  pour  Ferdinand.  Voy.  une  lettre  de  l'empereur  au 
P.  Lamormaini  et  une  autre  de  l'archiduc  Léopold  au  même,  dans  Dudik,  Cor- 
respondenz  K.  Ferdinand  u.  seiner  erlauchien  Famille  mit  P.  Becanus  u. 
P.  Wilkelm  Lamormaini  K.  Beichtvaslern.  Wien,  1877.  In-8",  p.  244. 

2.  Lepré-Balain,  396.  Lettre  précitée  de  Wallenstein  à  l'archiduc  Léopold. 

3.  Lepré-Balain,  396. 

4.  Il  ne  reçut  pas  de  pouvoirs  particuliers  et  il  n'est  pas  nommé  dans  ceux 
de  Brulart  en  date  du  28  juin.  Aff.  étrang.  Allemagne,  VIII,  fol.  70. 

5.  Mémoires,  coll.  Michaud  et  Poujoulat,  II,  291,  col.  1  in  fine. 

6.  On  ne  connaissait  jusqu'ici  ses  lettres  de  créance  que  par  l'abbé  Richard, 
llisl.  de  la  vie  du  P.  Joseph,  éd.  1702,  II,  82,  auquel  le  P.  Griffet  les  a 
empruntées,  <*l  l'on  pouvait  des  lors  douter  de  leur  authenticité.  0.  Heyne 
(Der  Kurfûrslentag  su  llegensburg  von  1630.  Berlin,  1866,  in-8°)  la  nie  même 
catégoriquement,  mais  nous  1rs  avons  trouvées  et  dans  Lepré-Balain,  p.  392, 
el  aux  Archives  de  cour  el  d'Étal  de  Vienne,  Friedensaclen,  liasse9A.  Le  texte 
d ou  né  par  l'abbé  Richard  ne  diffère  presque  pas  du  texte  authentique. 


LA    MISSION    DU   P.    JOSEPH   A    BÂTISBONNE.  45 

qualité  pour  parler  au  nom  du  roi,  il  n'en  avait  pas  pour  l'enga- 
ger. Il  était  officiellement  subordonné  à  l'ambassadeur,  mais  sa 
situation  auprès  du  cardinal,  son  rôle  dirigeant  dans  la  politique 
étrangère,  sa  réputation  considérable,  quoique  équivoque ,  tout 
donnai!  à  sa  parole  une  autorité  sans  rivale,  tout  faisait  de  lui  le 
véritable  organe  du  gouvernement  français. 

Quant  à  l'objet  de  sa  mission,  nous  pouvons  nous  en  rendre 
compte  par  ses  instructions  et  par  celles  de  Brulart  ;  il  est  impos- 
sible en  effet  de  le  séparer  de  celui-ci  dans  la  partie  de  leur  tâche 
qui  leur  était  commune.  Les  unes  et  les  autres  d'ailleurs  sont 
l'œuvre  du  P.  Joseph,  ce  qui  suffirait  à  établir  qu'il  avait  la 
direction  des  négociations.  Celles  qu'il  dicta  au  P.  Ange  de  Mor- 
tagne,  son  secrétaire  habituel,  sont  des  instructions  générales  où 
sont  passées  en  revue  toutes  les  questions  qui  peuvent  être  soule- 
vé. ■<  dans  le  collège  électoral  ;  elles  prévoient  les  efforts  de  l'empe- 
reur pour  gagner  le  collège  aux  intérêts  de  sa  maison  et  l'engager 
dans  ses  querelles  particulières,  justifient  la  conduite  delà  France, 
promettent  aux  électeurs  son  appui  dans  le  cas  où  Ferdinand 
voudrait  leur  imposer  l'élection  du  roi  de  Hongrie,  signalent  leurs 
prétentions,  l'impossibilité  d'y  faire  droit  et  le  parti  qu'on  peut 
tirer  de  leur  mécontentement  pour  les  pousser  à  se  rendre  indépen- 
dants sous  la  protection  delà  France*.  En  même  temps  que  ces  ins- 
tructions générales,  le  P.  Joseph  avait  dicté  pour  Brulart  des  ins- 
tructions secrètes.  Elles  réglaient  la  conduite  que  ce  dernier  devait 
tenir  avec  les  différents  électeurs,  suivant  le  degré  de  confiance 
que  chacun  d'eux  inspirait,  en  vue  de  former  une  majorité  hostile 
à  la  candidature  du  roi  de  Hongrie,  d'exciter  leurs  sentiments 
d'indépendance  et  de  resserrer  entre  eux  et  la  France  les  liens  que 
Marcheville  avait  commencé  à  former2.  La  succession  de  Man- 
toue,  qui  était  entièrement  passée  sous  silence  dans  les  instruc- 
tions secrètes,  n'occupait  qu'une  place  incidente  dans  les  instruc- 
tions générales.   Les  négociateurs  n'avaient  pas  à  l'aborder. 

1.  Minute.  AiV.  étrang.  Allemagne,  VII,  fol.  578.  Au  dos  on  lit  :  Employé. 
Instruction  du  P.  Joseph  touchant  son  voyage  d'Allemagne,  1G30.  Pour  la 
feuille  1.  Conformément  à  cette  indication,  ces  instructions  sont  passées,  en 
partie  du  moins,  dans  les  .Mémoires  de  Richelieu,  II,  262,  col.  2,  —263,  col.  2,  où 
elles  sont  données  comme  rédigées  pour  Brulart.  La  vérité  est  qu'elles  devaient 
servir  de  guide  aux  deux  négociateurs.  On  en  trouve  une  analyse  dans  France, 
1630,  vol.  11  (nouv.  250),  fol.  280. 

2.  Grenoble,  28  juin  1630.  Allemagne,  VII,  fol.  37.  Signalé  par  Avenel,  Addi- 
tions, VIII,  62. 


46  G.    FAGMEZ. 

Seulement,  comme  l'empereur  ne  manquerait  pas  de  se  donner  le 
beau  rôle  dans  cette  affaire  et  d'accuser  la  France  d'avoir 
repoussé  des  conditions  équitables,  comme  il  s'efforcerait  d'exci- 
ter le  zèle  des  électeurs  et  d'obtenir  leur  appui  en  faveur  de  la 
dignité  impériale  méconnue,  les  négociateurs  devaient  exposer 
tout  ce  qui  s'était  passé,  tâcher  de  séparer  les  intérêts  de  l'empe- 
reur de  ceux  de  l'Espagne  et,  s'ils  n'y  réussissaient  pas,  con- 
vaincre les  électeurs  de  la  mauvaise  volonté  du  premier  et  les 
gagnera  notre  cause.  Mais  il  serait  peut-être  difficile  d'obtenir  ce 
résultat  sans  leur  soumettre  les  conditions  que  nous  mettions  à 
la  paix.  Le  cabinet  français  en  jugera  alors  et  pourra  autoriser 
ses  agents  à  leur  communiquer  les  articles  dont  il  est  tombé  d'ac- 
cord en  dernier  lieu  avec  Mazarin1.  Ce  n'était  donc  que  pour 
justifier  des  intentions  conciliantes  du  roi  que  la  question  de 
Mantoue  devait  être  indroduite  dans  la  négociation,  et  elle  ne 
devait  donner  lieu  qu'à  l'exposé  de  ce  qui  s'était  fait  ailleurs  à 
son  sujet.  Nos  représentants  n'étaient  pas  chargés  de  faire  à  cet 
égard  des  propositions  nouvelles,  d'ouvrir  à  Ratisbonne  des  négo- 
ciations faisant  double  emploi  avec  celles  qui  se  poursuivaient  en 
Italie.  Richelieu  avait  prévu  qu'ils  seraient  inévitablement 
amenés  à  s'en  occuper,  et,  dans  cette  prévision,  Rrulart  avait 
reçu  les  pouvoirs  nécessaires,  mais  ce  n'était  pas  pour  cela  que  le 
P.  Joseph  et  lui  avaient  été  envoyés  à  Ratisbonne.  Il  est  utile  d'en 
avertir  le  lecteur  au  moment  de  faire  passer  sous  ses  yeux  le 
compte-rendu  des  longs  débats  auxquels  elle  donna  lieu.  Il  ne 
faut  pas  que  la  place  prépondérante  qu'elle  a  prise  dans  les  confé- 
rences des  agents  français  et  des  commissaires  impériaux  fasse 
oublier  l'objet  principal  de  la  mission  des  premiers  ;  entraver  tous 
les  desseins  de  l'empereur,  l'isoler  et  l'affaiblir,  voilà  d'un  mot 
le  but  que  leur  assignent  leurs  instructions. 

Outre  la  mission  qu'il  partageait  avec  l'ambassadeur  extraor- 
dinaire, le  P.  Joseph  en  avait  une  autre  à  laquelle  celui-ci  n'était 
pas  initié.  Nous  en  déterminerons  plus  tard  le  caractère  précis  et 
le  succès,  disons  seulement  ici  qu'elle  consistait  surtout  à  pour- 
suivre la  conclusion  d'une  alliance  défensive  avec  l'électeur  de 


1.  Instructions  générales.  Ubi  supra.  La  dépêche  de  Richelieu  à  Brulart  du 
5  septembre  (Avenel,  III,  896)  et  la  dépêche  du  P.  Joseph  à  d'Avaux  du  19  août 
ubi  supra)  montrent  surabondamment  que  l'altitude  prescrite  à  nos  envoyés 
au  sujet  de  la  question  de  Mantoue  était  la  réserve. 


LA   MISSIOX    DD    P.    JOSEPH   A   RATISBOWE.  hl 

Bavière  et  qu'elle  rentrait  ainsi  dans  le  dessein  général  de  séparer 
les  électeurs  de  l'empereur. 

Le  2  août,  nos  agents  eurent  audience  de  Sa  Majesté  Impériale, 
qui  reçut  encore  le  P.  Joseph  le  lendemain,  en  présence  de  son 
confesseur,  le  P.  Lamormaini1.  Notre  capucin  sut  se  concilier  la 
faveur  de  cet  influent  jésuite,  adversaire  décidé  delà  guerre  qu'on 
faisait  au  duc  de  Nevers2.  Ferdinand  lui  demanda  ainsi  qu'à 
l'ambassadeur  s'ils  avaient  des  pouvoirs,  ils  répondirent  qu'ils  en 
avaient  pour  accepter  des  conditions  raisonnables,  et  encore  sous 
la  réserve  de  soumettre  au  roi,  avant  de  le  signer,  ce  qu'ils 
auraient  conclu.  En  dissimulant  les  pouvoirs  qui  autorisaient 
Brulart  d'une  façon  positive  à  engager  le  roi,  ils  voulaient,  sui- 
vant l'esprit  de  leurs  instructions,  laisser  prendre  les  devants  par 
l'Empereur,  reconnaître  le  terrain,  constater  s'il  existait  un  cou- 
rant favorable  à  la  paix.  Leurs  impressions  furent  encourageantes. 
Le  P.  Joseph  crut  avoir  dissipé  les  préventions  dont  Richelieu 
était  l'objet  et  qui  avaient  été  entretenues  par  les  calomnies  de  ses 
adversaires  politiques,  principalement  de  Marillac,  il  se  flatta 
d'avoir  convaincu  l'Empereur  et  ses  conseillers  des  dispositions 
conciliantes  du  cardinal.  Ferdinand  avait  pris  l'initiative  des 
négociations  ;  ils  ne  pouvaient  les  décliner,  sans  trahir  les  inten- 
tions peu  loyales  qui  les  amenaient.  Les  conférences  s'ouvrirent. 

Le  11,  les  trois  commissaires  impériaux3  se  rendirent  chez 
l'ambassadeur  pour  écouter  ses  propositions.  Celui-ci  céda  la 
parole  au*  P.  Joseph  qu'il  présenta  comme  l'homme  le  mieux  au 
courant  de  la  question  italienne  et  des  intentions  du  roi.  Le 
P.  Joseph  s'attacha  à  désintéresser  l'amour-propre  de  l'Empereur 
en  protestant  que  son  maître  n'avait  pas  voulu  le  moins  du  monde 
se  poser  en  arbitre,  mais  en  médiateur.  Il  n'avait  fait  qu'user  en 
faveur  d'un  allié  du  droit  d'intervention  que  lui  avaient  toujours 
reconnu  les  traités  et  les  ancêtres  de  Sa  Majesté  Impériale,  et 
avant  d'en  venir  aux  armes,  il  avait  épuisé  tous  les  moyens  de 


1.  Heyne,  105. 

2.  Lepré-Balain,  397.  Sur  les  sentiments  du  P.  Lamormaini,  voy.  Dudik,  Op. 
laud.,  p.  245-246. 

3.  Le  P.  Joseph  a  rendu  compte  de  la  première  audience  et  de  ses  premières 
impressions  dans  une  dépêche  chiffrée  du  5  août,  dont  nous  n'avons  pas  la  mise 
au  clair,  mais  dont  nous  connaissons  le  contenu  par  l'analyse  sommaire  d'un 
inventaire,  et  surtout  par  les  Mémoires  de  Richelieu.  Aff.  étr.  Allemagne,  VII, 
fol.  83;  France,  vol.  11  (nouv.  250),  fol. '280.  Mém.  de  Richelieu,  II,  264,  col.  1. 


4g  G.    FAGNIEZ. 

conciliation.  Pour  désarmer  la  susceptibilité  de  l'Empereur,  il 
alla  jusqu'à  dire  que  l'accord  ménagé  par  le  roi  entre  les  ducs  de 
Mantoueel  de  Savoie,  h  l'insu  du  suzerain  du  fief  en  litige,  n'avait 
pas  en  son  approbation,  mais  il  s'empressa  d'ajouter  que  ce  qui 
excusait  ce  procédé,  c'était  que  Charles-Emmanuel  et  Gonzales 
avaient  donné  l'assurance  que  le  traité  fait  à  Suse  serait  ratifié 
par  Sa  Majesté  Impériale  et  par  le  roi  d'Espagne.  Il  présenta 
ensuite  l'ambassadeur  comme  ayant  mission  d'obtenir  une  solu- 
tion équitable  de  la  question  qui  mettait  aux  mains  plusieurs 
princes  catholiques,  enfin  il  énuméra  les  trois  points  qui  devaient 
faire  successivement  l'objet  de  la  négociation,  à  savoir  les  termes 
de  la  soumission  du  duc  de  Nevers,  —  l'investiture,  —  le  désar- 
mement, la  pacification  et  l'évacuation  des  lieux  occupés  par  les 
belligérants. 

Ce  langage  si  conciliant,  et  auquel  l'ambassadeur  donna  sa 
pleine  approbation,  produisit  un  bon  effet  sur  les  commissaires. 
Cremsmûnster  exprima  le  regret  que,  dès  le  début,  les  choses 
n'eussent  pas  été  présentées  à  son  maître  sous  un  jour  aussi  favo- 
rable. Le  langage  de  Sabran  à  Vienne,  les  démarches  de  Mar- 
cheville  auprès  des  électeurs  n'avaient  malheureusement  pas 
été  empreintes  du  même  esprit.  L'ambassadeur,  pour  répondre  à 
ces  plaintes,  s'en  remit  encore  au  P.  Joseph,  mieux  instruit  que  lui 
de  tout  ce  qui  s'était  passé.  Celui-ci  déclara  qu'il  avait  eu  dans  les 
mains  les  instructions  de  Sabran,  qu'elles  ne  tendaient  nullement  à 
imposer  une  solution,  mais  à  ouvrir  la  voie  à  un  accommodement. 
S'il  est  vrai  que  cet  envoyé  ait  voulu  dicter  des  conditions  à  l'Empe- 
reur, cette  façon  d'agir  causera,  dit-il,  un  vif  mécontentement  au 
roi  ;  pour  sa  part,  il  la  désapprouve  entièrement,  et  il  protesta  sur 
son  salut  éternel  de  la  vérité  de  ce  qu'il  venait  de  dire.  D'ailleurs, 
les  torts  qu'on  a  eus  avec  Sabran  pourraient  peut-être  expliquer 
pourquoi  il  s'est  laissé  entraîner  à  un  langage  contraire  à  ses  ins- 
tructions. Quant  à  la  mission  de  Mârcheville,  le  capucin  garda 
sur  elle  un  silence  prudent.  Il  termina  en  invitant  de  nouveau  les 
émissaires1  à  seconder  les  droites  intentions  du  roi  et  à  travail- 


1.  C'étaient  Antoine,  abbé  do  Cremsmûnster,  Othon  de  Nostitz  et  flcrmann 

de  Questenberg.  Khevenhiller  {An  nul  es  Ferdinandei,XI,  1194)  y  ajoute  Rodolphe 

de  Strahlendorf,  mais  il  est  le  seul  qui  mette  ce  dernier  au  nombre  des  com- 

Le  M.  de  Léon  et  du  P.  Joseph.  Sulpice,  22  août  1630.  Alle- 

,  \  il  ;  Beyne,  105,  n.  1. 


LA    MISSION    DD    P.    JOSEPH    A    RATISBOWE.  49 

1er  à  une  pacification  qui  tournerait  à  l'affaiblissement  des  enne- 
mis de  Dieu.  Cette  fois  encore,  Brulart,  interrogé  par  lui  sur  la 
correction  de  son  langage,  l'approuva  entièrement. 

La  seconde  conférence  eut  lieu  le  lendemain  12  août1.  La  pre- 
mière question  pour  les  commissaires  impériaux  était  la  valeur  des 
déclarations  et  des  engagements  des  négociateurs  français,  en 
d'autres  termes  l'étendue  de  leurs  pouvoirs,  car  il  était  inutile,  il 
pouvait  même  être  dangereux  de  s'engager  dans  des  discussions 
sans  conclusion  pratique,  d'arrêter  des  conventions  qui  seraient 
dépourvues  pour  la  France  de  tout  caractère  obligatoire.  Ils 
demandèrent  donc  à  leurs  interlocuteurs  s'ils  étaient  porteurs  de 
pleins  pouvoirs  conçus  en  bonne  forme.  Ils  déclarèrent  ensuite 
que  l'Empereur  ne  croyait  pas  possible  d'établir  la  paix  en  Italie, 
si  le  roi  songeait  à  lui  faire  la  guerre  ailleurs,  directement  ou 
indirectement.  Or,  ajoutaient-ils,  en  ce  moment  même,  le  roi  de 
Suéde  se  proclamait  le  chef  d'une  ligue  offensive  dont  le  roi  très 
chrétien  faisait  partie  avec  le  roi  d'Angleterre,  Venise  et  les  Pro- 
vinces-Unies. Ils  s'étendirent  sur  les  avantages  d'une  paix  géné- 
rale ou  mieux  encore  d'une  union  entre  leur  maître  et  le  roi,  qui 
assurerait  la  conservation  de  leurs  Etats  et  l'extirpation  de 
l'hérésie.  Brulart  communiqua  ses  pouvoirs  datés  du  28  juin. 
Quant  au  P.  Joseph,  on  sait  qu'il  n'en  avait  pas  et  était  simple- 
ment muni  d'une  lettre  de  créance.  Tous  deux  reconnurent  que 
ces  pouvoirs  étaient  un  peu  surannés  par  suite  des  événements  qui 
s'étaient  accomplis  depuis  en  Italie2,  ils  en  attendaient  d'autres 
qu'ils  avaient  demandés  depuis  dix  jours  déjà3.  Mais  il  ne  fallait 
pas,  ajouta  le  P.  Joseph,  suspendre  pour  cela  la  négociation,  car 
il  pouvait  survenir  d'un  jour  à  l'autre  tel  événement,  la  prise  ou 
la  délivrance  de  Casai,  par  exemple,  qui  serait  fatal  à  la  paix. 
L'Empereur  ferait  connaître  ses  intentions,  et  l'on  arrêterait  un 
accord,  qui  ne  deviendrait  obligatoire  que  lorsqu'il  aurait  été 
ratifié  par  lui  et  par  le  roi. 

1.  Protocole  de  la  conférence  dans  Khevenhiller,  XI,  1191-1199.  Dépêche 
précitée  de  Brulart  et  du  P.  Joseph  du  11  août. 

2.  Ils  voulaient  surtout  parler  de  la  prise  de  Mantoue,  qui  avait  eu  lieu  dans 
la  nuit  du  17  au  18  juillet. 

3.  Sans  doute  par  leur  dépèche  chiffrée  du  5  août,  c'est-à-dire  sepl  jours 
auparavant,  et  lorsqu'ils  avaient  reconnu  chez  l'empereur  le  désir  sincère  de 
la  paix.  Mém.  de  Richelieu,  II,  264,  col.  1.  Dans  la  conférence  du  9  septembre, 
l'ambassadeur  expliquait  comment  il  était  venu  sans  pleins  pouvoirs,  en  disant 
que  son  gouvernement  ne  pouvait  lui  en  donner  avant  d'être  assuré  des  dis- 

Rev.  Histor.  XXVII.  1er  fasc.  4 


50  G.    FAGNIEZ. 

Comment  l'ouverture  faite  par  les  commissaires,  au  sujet  de  l'at- 
titude générale  de  la  France  à  l'égard  de  l'Empire,  allait-elle  être 
accueillie  par  nos  envoyés  ?  On  en  sent  assez  l'importance.  Il  n'y 
avait  en  réalité  pour  Ferdinand  II  dans  le  conflit  soulevé  par  la 
succession  de  Mantoue  qu'une  question  de  dignité  mal  entendue  et 
de  solidarité  avec  la  branche  espagnole  de  sa  maison.  Ce  n'était 
pas  lui,  mais  l'Espagne  seule  qui  était  menacée  par  l'établissement 
d'un  prince  français  à  Mantoue.  L'appui  que  la  France  prêtait  à 
Gustave-Adolphe  et  qui,  après  avoir  l'année  précédente  assuré  à 
ce  prince  sa  liberté  d'action  en  ménageant  la  paix  entre  la  Suède 
et  la  Pologne,  mettait  en  ce  moment  même  l'argent  français  à  la 
disposition  du  besoigneux  et  entreprenant  conquérant,  était  fait 
pour  le  préoccuper  bien  davantage.  Débarqué  le  26  juin  dans  l'île 
d'Usedom,  sur  le  territoire  allemand,  Gustave-Adolphe  était  déjà 
au  commencement  d'août,  par  la  prise  de  Damm,  de  Treptow,  de 
Greiffenberg  et  de  Saatzig,  en  possession  du  pays  situé  entre  l'Oder, 
la  Plône  et  la  Rega 4.  Charnacé  était  auprès  de  lui.  Cette  agres- 
sion surprenait  l'Empereur  au  moment  où  il  allait  sacrifier  son 
meilleur  général  aux  rancunes  du  collège  électoral,  où  il  se  trou- 
vait en  présence  d'électeurs  protestants  désaffectionnés  par  l'édit 
de  restitution,  d'électeurs  catholiques  mécontents  et  exigeants. 
Quel  succès  pour  lui  s'il  pouvait  nous  faire  acheter  la  paix  en 
Italie  par  la  renonciation  à  nos  alliances,  rompre  nos  négociations 
avec  le  roi  de  Suède,  réduire  à  l'inaction  l'àme  de  la  coalition  euro- 
péenne contre  la  maison  d'Autriche  ou  du  moins  inspirer  de  la 
défiance  à  nos  alliés  et  ébranler  leur  fidélité  !...  La  demande  des 
commissaires  fut  accueillie  différemment  par  l'ambassadeur  et  par 
le  P.  Joseph.  Le  premier  la  déclina  purement  et  simplement  en 
déclarant  qu'il  n'était  venu  à  Ratisbonne  que  pour  traiter  des 
affaires  d'Italie  et  qu'à  sa  connaissance  il  n'existait  pas  d'autre 
sujet  de  différend  entre  son  maître  et  l'Empereur.  Cette  fin  de 
non-recevoir  était  la  meilleure  réponse  à  faire  à  une  proposition 
qui  tendait  à  enchaîner  notre  liberté  et  à  nous  aliéner  nos  alliés  ; 
malheureusement  elle  n'avait  aucune  chance  d'être  acceptée. 
L'intérêt  qui  poussait  Ferdinand  à  lier  la  paix  en  Italie  à  une 
paix  générale  était  trop  sérieux  pour  se  laisser  rebuter  par  une 


positions  pacifiques  de  l'empereur.  Arch.  de  cour  et  d'Élat  à  Vienne.  Friedens- 
uclen,  liasse  'J  a. 
I.  Droysen,  Gnstaf  Adolf.  Leipzig,  1870,  8;  II,  151,  161,  166-1G7. 


LA    MISSION   DU    P.    JOSEPH    A    RATISBON\E.  ol 

défaite.  Les  ternies  des  lettres  de  créance  de  l'ambassadeur,  le  fait 
seul  qu'il  était  accrédité  non  seulement  auprès  de  l'Empereur, 
mais  aussi  auprès  du  collège  électoral1,  n'annonçaient-ils  pas 
clairement  que  son  gouvernement  avait  prévu  et  accepté  la  dis- 
cussion d'autres  questions  que  la  question  italienne?  Nous  ne 
croyons  pas  aller  trop  loin  en  disant  que  la  réponse  parfaitement 
correcte  deBrulart,  si  elle  avait  été  le  dernier  mot  de  nos  représen- 
tants, aurait  entraîné  la  rupture  des  négociations.  Le  P.  Joseph 
obéit  donc  à  une  nécessité  en  intervenant  comme  il  le  fit  pour 
affirmer  que  le  roi,  loin  d'être  opposé  à  la  discussion  et  à  la  con- 
clusion d'une  paix  générale,  serait  très  heureux  d'y  contribuer. 

Pour  montrer  l'hostilité  de  la  France  contre  l'Empire  et  com- 
bien elle  s'accordait  peu  avec  ses  protestations  pacifiques,  les 
commissaires  impériaux  avaient  dit  que  Gustave- Adolphe  se  pro- 
clamait le  général  d'une  coalition  dont  notre  pays  faisait  partie. 
Les  envoyés  français  n'hésitèrent  pas  à  nier  la  participation  delà 
France  à  une  ligue  contre  l'empereur,  ils  expliquèrent  la  pré- 
sence de  Charnacé  auprès  du  roi  de  Suède  en  disant  que  ce  prince 
l'avait  retenu  auprès  de  lui,  à  la  suite  de  la  mission  qui  avait 
rétabli  la  paix  entre  ce  pays  et  la  Pologne,  à  cause  de  l'estime 
qu'il  avait  depuis  longtemps  pour  sa  personne.  Ils  laissèrent  cepen- 
dant entendre,  —  et  dans  cette  menace  il  y  avait  un  aveu,  — 
que  le  roi  ne  négligerait  pas  le  secours  de  ses  amis  s'il  était  lésé 
plus  longtemps. 

Us  furent  invités  à  faire  connaître  leurs  propositions  pour  le 
règlement  de  la  succession  de  Mantoue.  Ce  fut  encore  le  P.  Joseph 
qui  prit  la  parole.  C'était,  dit-il,  à  Sa  Majesté  Impériale  de  faire 
savoir  le  genre  de  satisfaction  qu'il  exigeait  du  duc  de  Nevers. 
Quant  aux  indemnités  à  accorder  aux  divers  prétendants,  la 
France  s'en  tenait  à  ce  qui  avait  été  proposé  et  presque  arrêté  en 
Italie,  à  savoir  une  rente  annuelle  de  18,000  couronnes2  au  duc 
de  Savoie  en  échange  de  l'abandon  de  ses  prétentions  sur  le  Mont- 
ferrat  et  un  capital  de  50,000  couronnes  une  fois  payées  au  duc  de 
Guastalla  pour  prix  de  sa  renonciation  à  ses  prétentions  sur  le 

1.  I)  était  accrédité  auprès  de  l'assemblée  pour  «  représenter  à  V.  M.,  ensemble 
ausd.  princes  et  Electeurs  les  bonnes  et  droites  intentions  que  nous  portons 
pour  la  paix  publique,  et  en  particulier  le  désir  extresme  que  nous  avons  de 
veoir  tous  les  princes  de  la  Germanie...  jouir  d'une  ferme  et  durable  tranquil- 
lité. »  Archives  de  cour  et  d'État  à  Vienne.  Friedensacten,  liasse  9  a. 

2.  Ailleurs  il  est  question  d  ecus.  C'était  sans  doute  des  écus  à  la  couronne. 


52  G.    FÀGNIEZ. 

Mantouan;  les  revendications  de  la  duchesse  douairière  de  Lor- 
raine seraient  soumises  à  l'arbitrage  de  la  reine  mère,  sa  tante1. 
En  attendant  que  l'Empereur  eût  fait  accepter  ces  indemnités  aux 
intéressés,  le  droit  de  donner  l'investiture  pourrait  être  attribué 
au  pape  ou  à  un  autre  prince.  Le  désarmement  et  la  restitution 
des  lieux  occupés  s'exécuteraient  sans  difficulté.  Lorsqu'on  avait 
traité  cette  question  en  Italie,  Pignerol  avait  été  une  pierre 
d'achoppement  ;  le  roi  ignorait  alors  la  prise  de  cette  place  et  le 
cardinal  n'avait  pas  cru  pouvoir,  sans  son  aveu,  en  promettre 
l'évacuation,  mais  aujourd'hui  le  P.  Joseph  pouvait  affirmer  que 
son  maître  ne  refuserait  pas  de  la  rendre,  ainsi  que  toutes  ses 
conquêtes,  pourvu  que  Sa  Majesté  Impériale  et  le  roi  d'Espagne 
restituassent  aussi  les  leurs,  y  compris  celles  qu'ils  avaient  faites 
pendant  les  négociations.  Les  commissaires  reçurent  ces  déclara- 
tions ad  référendum  et  la  séance  fut  levée 2. 

Le  lendemain  13  août,  le  P.  Joseph  se  rendit  chez  l'abbé  de 
Cremsmûnster.  Il  lui  répéta  ce  que  celui-ci  savait  déjà  de  l'insuf- 
fisance des  pouvoirs  dont  l'ambassadeur  et  lui  étaient  porteurs, 
de  leur  espoir  d'en  recevoir  bientôt  de  plus  étendus.  Mais  ceux 
qu'ils  attendaient  ne  les  autoriseraient  pas  à  traiter  d'une  paix 
générale,  puisque  la  proposition  n'en  avait  pas  encore  été  faite 
quand  ils  les  avaient  demandés.  Il  faudrait  bien  du  temps  pour 
en  avoir  d'autres.  Au  lieu  de  laisser  écouler  ce  temps  sans 
rien  faire ,  il  serait  préférable  de  poursuivre  la  négociation , 
en  observant  à  son  sujet  la  plus  grande  discrétion ,  et  de  sou- 
mettre à  la  ratification  du  roi,  qu'ils  croyaient  pouvoir  garantir, 
les  articles  dont  on  tomberait  d'accord  et  qui  recevraient 
immédiatement  celle  de  l'empereur 3.  Quelques  jours  après 
(16  août),  le  P.  Joseph  suggérait  à  Questenberg  l'idée  d'expédier 
à  Gollalte  le  projet  de  traité,  dès  qu'il  serait  arrêté,  avec  l'ordre 
de  suspendre  les  opérations  militaires  et  de  l'exécuter,  aussitôt 
que  la  ratification  du  roi  lui  serait  parvenue.  La  proposition  de 
s'affranchir  des  conditions  essentielles  à  la  validité  d'un  traité, 
de  négocier  sans  pouvoirs  réguliers  et  de  conclure  sans  obliger 

1.  Marie  de  Médicis  était  tante  à  la  mode  de  Bretagne  de  Marguerite  de  Gon- 
zagin-,  femme  de  Henri  le  Bon,  duc  de  Lorraine,  petit-ùls  par  sa  mère,  Claude 
de  France,  de  Catherine  de  Bfédicis. 

2.  Protocole  de  la  conférence  dans  Khevenhiller,  XI,  1200-1205.  Dépêche  pré- 
citée de  Brûlait  et  du  P.  Joseph,  22  août. 

3.  Khevenhiller,  XI,  1208. 


LA   HISSIOII  DU   r.    lOSEl'II   A   RATISBONNE.  53 

les  deux  parties,  pouvait  passer,  de  la  part  d'un  homme  qui  n'était 
pas  diplomate  de  profession  et  dont  les  manières  étaient  non  moins 
ouvertes  qu'insinuantes,  pour  de  la  rondeur  en  affaires.  En  réa- 
lité, le  P.  Joseph  l'avait  faite  en  vue  d'un  double  avantage  :  celui 
de  gagner  un  temps  précieux  pour  le  salut  de  Casai  et  celui  d'avoir 
dans  les  mains  le  dernier  mot  de  l'empereur,  et  de  le  lier  sans 
retour  en  laissant  au  roi  sa  liberté.  Il  cherchait  aussi  à  prévenir 
la  capitulation  de  Casai  en  même  temps  qu'à  obliger  par  le  traité 
toutes  les  parties  intéressées,  quand  il  demandait  que  S.  M.  I., 
pour  suppléer  au  défaut  d'instructions  de  l'ambassadeur  d'Es- 
pagne et  à  l'absence  d'un  plénipotentiaire  du  duc  de  Savoie,  sti- 
pulai au  nom  de  ces  deux  princes,  de  même  que  les  représentants 
de  la  France  se  porteraient  forts  pour  la  république  de  Venise  l. 

Ferdinand  n'avait  pas  la  même  raison  pour  être  impatient  ;  le 
temps  semblait  travailler  pour  lui  et  il  escomptait  déjà  la  prise  de 
Casai.  Toutefois  il  ne  se  refusa  pas,  malgré  l'insuffisance  des 
pouvoirs  de  nos  agents,  à  discuter  dès  à  présent  un  arrangement 
sur  les  bases  arrêtées  par  les  soins  de  Mazarin.  Il  semblait  même 
si  désireux  d'arriver  promptement  à  une  entente  qu'après  avoir 
annoncé  qu'il  ferait  connaître  dans  quelques  jours  ses  intentions, 
il  ajoutait  que,  si  les  envoyés  français  lui  garantissaient  que  celles 
de  leur  maître  étaient  conformes  aux  siennes,  il  leur  remettrait 
par  écrit,  pour  être  envoyées  au  roi,  ses  dernières  résolutions  qui, 
après  avoir  été  revêtues  de  la  signature  de  celui-ci,  recevraient 
aussi  la  sienne  et  deviendraient  par  là  un  traité  définitif.  Quelque 
temps  après,  il  est  vrai,  il  reconnut  le  piège  où  il  allait  tomber, 
et  il  ne  consentait  plus  à  livrer  à  des  agents  sans  pouvoirs  le  fond 
de  sa  pensée  qu'à  la  condition  que  ceux-ci  donneraient  leur  parole 
de  la  ratification  du  roi,  condition  qui  ne  fut  pas  acceptée  et  qui 
ne  pouvait  pas  l'être 2. 

Ferdinand  avait  beau  répondre,  en  apparence  du  moins,  à 
l'impatience  du  P.  Joseph,  la  paix  paraissait  devoir  se  conclure 
moins  vite  à  Ratisbonne  qu'en  Italie.  Ici  l'amour-propre  d'un 
grand  capitaine,  jaloux  des  lauriers  de  son  compagnon  d'armes, 
obstiné  à  un  siège  dont  l'issue  devait  consacrer  ou  ternir  sa  gloire, 
semblait  le  seul  obstacle  à  la  conclusion  d'un  traité  dont  la  négo- 

1.  Mea  relatio  de  responso  dato  oratori  Gallico  et  quod  ibi  sermocinalionis 
inltM-resseril.  16  août.  Cette  relation  est  de  Questenberg.  Arch.  de  cour  et 
d'Etat  à  Vienne,  Friedensacten,  liasse  9  a. 

2.  Khevenhiller,  XI,  120'J.  Dépêche  précitée,  du  22  août. 


G.    FAGNIKZ. 

dation  durait  depuis  six  mois,  dont  les  clauses  principales  étaient 
arrêtées  et  en  faveur  duquel  conspirait  la  lassitude  des  négocia- 
teurs. Là  c'était  une  négociation  nouvelle,  où  les  résultats  acquis 
pouvaient  être  remis  en  question,  pour  laquelle  de  nouveaux  pou- 
voirs étaient  nécessaires  et  qui,  au  lieu  d'être  circonscrite  à  la 
succession  de  Mantoue,  devait  nécessairement,  par  suite  des  cir- 
constances dans  lesquelles  elle  s'engageait,  embrasser  d'autres 
sujets.  Brulart  et  le  P.  Joseph  n'avaient  pas  été  envoyés  à  Ratis- 
bonne  pour  faire  perdre  à  la  France  le  fruit  de  laborieuses  négo- 
ciations et  pour  en  commencer  sur  nouveaux  frais  une  autre,  qui 
menaçait  de  se  prolonger  bien  davantage,  alors  que  chaque  jour 
qui  s'écoulait  empirait  notre  situation.  Chargés  avant  tout  de 
faire  échec  à  l'empereur  et  d'affaiblir  son  autorité,  ils  n'avaient 
été  autorisés  à  traiter  de  la  succession  de  Mantoue  que  dans  l'es- 
poir qu'ils  obtiendraient  de  lui,  sous  la  pression  des  électeurs,  une 
paix  équitable  que  la  mauvaise  volonté  de  Collalte  et  de  Spinola 
nous  refusait  toujours.  Cette  paix  devait  même  être  plus  hono- 
rable et  plus  avantageuse  en  Allemagne  qu'en  Italie  pour  com- 
penser l'apparence  d'avoir  été  la  demander  *.  Nos  généraux  n'en 
conservaient  pas  moins  leurs  pouvoirs  et  n'en  continuaient  pas 
moins  leur  mission.  L'ambassadeur  et  le  P.  Joseph  se  rendaient 
parfaitement  compte  de  l'avantage  qu'il  y  avait  pour  nous  à  trai- 
ter en  Italie.  Aussi  demandèrent-ils  que  l'empereur  intervînt  pour 
mettre  fin  aux  atermoiements  de  Collalte  et  de  Spinola  ;  ils  expri- 
mèrent aussi  la  crainte  que  les  deux  négociations  ne  se  fissent 
réciproquement  du  tort,  car  il  pouvait  arriver  que  les  commis- 
saires impériaux  et  les  généraux  de  l'Empire  et  de  l'Espagne 
s'en  remissent  les  uns  aux  autres  pour  la  conclusion  définitive. 
Ce  fut  alors  qu'ils  apprirent  que,  depuis  la  prise  de  Mantoue,  Col- 
lalte avait  renoncé  à  traiter  de  la  paix  pour  se  borner  à  conve- 
nir d'une  trêve,  s'il  pouvait  en  faire  une  conforme  aux  intérêts 
de  son  maître,  et  que,  de  son  côté,  celui-ci  désirait  se  réserver 
exclusivement  la  négociation  et  la  conclusion  de  la  paix2.  C'est 
ce  que  Mazarin  annonçait  à  d'Effiat  le  25  août  comme  une  nou- 
velle qu'il  tenait  directement  de  la  cour  impériale.  A  ses  yeux, 
leur  mission  à  tous  deux  était  terminée,  à  Ratisbonne  devait  être 


1.  Dépêche  de  Richelieu  à  M.  de  Léon.    Ubi  supra.   Dépêche  du  même  à 
Schomberg,  6  octobre.  Avenel,  111,  017. 

2.  Dépêche  précitée  de  Brulart  et  du  P.  Joseph,  du  2i  août. 


r.\    MISSION    DU    P.    IOSEPD    A    IUTISBO.N'NE.  55 

résolue  la  question  dont  la  diplomatie  et  les  armes  cherchaient 
depuis  si  longtemps  la  solution  en  Italie  ' . 

On  a  vu  le  tort  que  cet  incident  faisait  à  la  France,  mais  Riche- 
lieu allait  trop  loin  en  disant  que,  sans  la  révocation  des  pouvoirs 
de  Collalte,  Casai  était  sauvé2.  Ce  qui  trompait  Richelieu,  c'était 
que  le  commandant  des  Impériaux  et  le  duc  de  Savoie  avaient 
donné  à  entendre  qu'ils  abandonneraient  Spinola  à  lui-même,  si 
celui-ci  ne  voulait  pas  accepter  les  conditions  équitables  qui  lui 
étaient  faites.  Mais  Collalte,  en  affectant  plus  de  modération  que 
le  général  espagnol,  en  séparant  ainsi  ses  sentiments  et  sa  con- 
duite de  ceux  de  son  compagnon  d'armes,  n'était  pas  sincère.  Pas 
plus  que  Spinola,  il  ne  désirait  la  paix3  qui  aurait  mis  obstacle 
aux  conquêtes  qu'il  méditait  aux  dépens  de  Venise  et  il  n'aurait 
certainement  pas  laissé  le  vainqueur  d'Ostende  et  de  Rréda  sou- 
tenir seul  une  lutte  inégale  contre  une  armée  de  secours.  D'ail- 
leurs, s'il  déclinait  la  tache  de  conclure  la  paix,  il  ne  se  refusait 
pas  à  signer  une  suspension  d'armes4  et  Casai  pouvait  être  sauvé 
aussi  par  une  suspension  d'armes.  De  fait,  on  était  k  la  veille  de 
suspendre  les  hostilités.  Le  27  août,  fut  signée  une  trêve  de  six 
jours  pendant  laquelle  devaient  être  discutées  et  arrêtées  les  con- 
ditions d'un  plus  long  armistice. 

Cinq  jours  auparavant5,  le  fils  de  Bouthillier  avait  quitté  nos 
négociateurs,  avec  deux  dépêches6  dans  lesquelles  ils  rendaient 
compte  à  Richelieu  de  la  situation  et  lui  demandaient  d'urgence 
des  instructions  et  des  pouvoirs  ;  à  ces  deux  dépêches  était  joint 
le  projet  de  traité  emporté  d'Annecy  par  Mazarin  au  mois  de  juin, 
modifié  à  Saint-Jean-de-Maurienne  au  commencement  de  juillet 
et  en  marge  duquel  le  P.  Joseph  avait  inscrit  les  difficultés  que 
certains  articles  lui  paraissaient  devoir  soulever  et  les  moyens 
par  lesquels  on  pourrait  les  résoudre.  Toutes  deux  avaient  été 
dictées  par  lui,  mais  dans  la  première  il  parlait  au  nom  de  l'am- 
bassadeur comme  au  sien  et  il  n'était  guère  question  que  des 

1.  Arch.  des  Aff.  étrang.  Turin,  XIII,  fol.  258. 

2.  Dépêche  de  Richelieu  à  M.  de  Léon,  5  septembre.  Ubi  supra. 

3.  Dépêche  de  Brulart  et  du  P.  Joseph  du  22  août.  Ubi  supra. 

4.  Dépêche  de  Brulart  et  du  P.  Joseph  du  22  août.  Ubi  supra. 

5.  «  11  y  a  quattre  jours  que  le  (ils  de  Bouthillier  est  party  d'icy...  »  Dépêche 
de  Brulart  et  du  P.  Joseph  a  Richelieu,  2G  août.  Arch.  des  AU',  étrang.,  Alle- 
magne, VII,  fol.  115. 

6.  Dépêche  de  Brulart  et  du  P.  Joseph  du  22  août.  Ubi  .supra.  Dépêche  du 
P.  Joseph  à  Richelieu,  22  août.  Arch.  des  aff.  étrang.,  Allemagne,  VII. 


G.    FAGNIEZ. 

négociations  relatives  à  la  succession  de  Mantoue.  La  seconde 
était  une  dépêche  particulière  du  P.  Joseph;  il  y  parlait  surtout 
.les  dispositions  de  l'électeur  de  Bavière  et  mêlait  à  ses  renseigne- 
ments des  avis  déplacés  sous  la  plume  d'un  simple  agent,  mais 
convenant  parfaitement  à  un  homme  associé  à  la  direction  géné- 
rale des  affaires  extérieures.  Le  porteur  de  ces  dépêches  devait 
faire  de  vive  voix  à  Richelieu  certaines  confidences  au  sujet  du 
projet  d'alliance  avec  Maximilien1. 

En  ce  qui  touche  la  question  de  Mantoue,  le  P.  Joseph  pensait  que 
l'accord  pourrait  s'établir  sur  le  projet  de  Mazarin,  à  la  réserve  des 
points  qu'il  signalait.  Il  prévoyait  que  l'empereur  n'accepterait 
pas  dans  le  traité  la  mention  de  celui  de  Suse,  qu'il  considérait 
comme  une  usurpation  sur  ses  droits  de  suzeraineté.  Fallait-il 
insister  pour  faire  consacrer  ce  traité  par  le  nouveau  ?  Il  restait 
aussi  à  déterminer  les  terres  qui  seraient  assignées  au  duc  de 
Savoie  en  garantie  de  la  rente  de  18,000  écus  que  le  duc  de  Man- 
toue devait  lui  servir,  s'il  ne  préférait  lui  payer  un  capital  de 
900,000  écus.  Pour  l'assiette  de  cette  rente,  qui  ne  devait  natu- 
rellement pas  retarder  l'investiture,  le  P.  Joseph  proposait  de  s'en 
remettre  à  l'empereur  ou  de  la  faire  régler  à  bref  délai  par  des 
commissaires  de  S.  M.  I.  et  des  deux  couronnes.  Déjà  s'annon- 
çaient les  difficultés  dont  les  prétentions  du  duc  de  Guastalla 
devaient  être  l'occasion  :  les  commissaires  réclamaient  des  garan- 
ties pour  le  paiement  de  la  somme  de  150,000  livres  qui  lui  était 
allouée  par  le  projet,  et  le  duc,  qui  se  trouvait  à  Ratisbonne, 
remuait  ciel  et  terre  pour  la  faire  augmenter.  Le  projet  imposait 
au  duc  de  Nevers  l'obligation  de  demander  l'investiture  par  son 
ambassadeur  ordinaire  avec  les  termes  de  respect  et  de  soumission 
dus  par  un  vassal  à  son  suzerain.  Un  amendement,  introduit  par 
Mazarin  à  la  demande  des  généraux  de  Ferdinand  et  de  Philippe  IV 
et  accepté  par  la  France,  avait  reconnu  au  premier  le  droit  de 
faire  insérer  dans  le  traité  que  l'investiture  était  accordée  à  l'in- 
tercession des  deux  couronnes  et  même  telles  autres  expressions 
qu'il  voudrait  concernant  la  déférence  du  duc  envers  lui.  Le 
P.  Joseph  faisait  connaître  les  termes  de  soumission  exigés  par 

1.  Orig.  An  dos  :  Projet  d'articles  do  paix  avec  apostilles  des  difficultés 
qa  .i  faicl  l'empereur,  envoie  par  M.  de  Léon  et  le  P.  Joseph  avec  leur 
depesche  du  22  d'aoust  1630.  Arch.  des  Aff.  étrang.  Allemagne,  VII,  fol.  90  et 
suiv.  Il  y  a  immédiatement  après  une  autre  expédition  écrite  par  le  secrétaire 
habituel. 


LA    MISSION    1)1     P.    JOSEPH    A    RATISBONNK.  ->7 

l'empereur  :  le  duc  aurait  à  déclarer  qu'il  serait  bien  fâché  d'avoir 
offensé  S.  M.  I.  et  que,  s'il  l'avait  fait  involontairement,  il  la 
suppliait  di  rimittergli  et  condonare  gli  l'offèsa.  Il  avait  été 
question  de  lui  faire  dire  perdonare  au  lieu  de  condonare,  mais 
les  électeurs  promettaient  d'obtenir  qu'on  se  contentât  du  dernier 
de  ces  termes.  Le  capucin  demandait  si  l'on  pouvait  s'en  remettre 
à  eux  pour  l'adoption  d'une  formule,  pourvu  qu'elle  ne  contînt 
rien  de  préjudiciable  à  l'honneur  du  roi.  Il  annonçait  que  l'em- 
pereur voudrait  aussi  faire  mentionner  l'intervention  des  électeurs 
a  côté  de  celle  des  deux  couronnes  et  il  ne  voyait  la  qu'une  garan- 
tie de  plus  pour  le  duc  de  Mantoue.  Les  articles  5  et  6  du  projet 
plaçaient  les  Etats  de  celui-ci  sous  la  protection  d'une  ligue  défen- 
sive composée  des  électeurs,  de  la  ligue  catholique,  du  pape  et 
des  princes  d'Allemagne  et  d'Italie,  feudataires  ou  non  de  l'Em- 
pire ;  elle  devait  être  formée  par  les  soins  de  l'Empereur,  qui  pro- 
curerait au  roi  les  lettres  par  lesquelles  les  confédérés  s'oblige- 
raient à  mettre  à  la  disposition  du  duc,  au  cas  où  il  serait  attaqué, 
au  moins  15,000  hommes  de  pied  et  2,000  chevaux.  Collalte 
avait  déjà  repoussé  le  rôle  attribué  par  ces  articles  à  son  maître, 
dont  ils  blessaient  la  dignité  en  l'obligeant  à  chercher  et  à  four- 
nir des  cautions  de  sa  parole;  ils  n'avaient  pas  plus  de  chance 
d'être  acceptés  par  ceux  qu'ils  réunissaient  dans  une  confédéra- 
tion hétérogène,  dont  pour  plusieurs  l'intérêt  ne  compensait  pas 
les  risques.  Le  P.  Joseph  déclarait  que  Ferdinand  n'y  souscrirait 
jamais,  mais  il  ajoutait  que  l'intervention  du  pape  et  des  électeurs 
leur  faisait  une  obligation  morale  de  veiller  à  l'exécution  du  traité 
et  qu'il  essaierait  de  transformer  cette  obligation  tacite  en  garan- 
tie expresse.  Un  article  secret  du  projet  soumettait  à  l'arbitrage 
de  Marie  de  Médicis  les  prétentions  de  la  duchesse  de  Lorraine, 
qui  paraissaient  à  tout  le  monde  peu  fondées  ;  les  commissaires 
demandaient  que  l'on  adjoignît  à  la  reine  mère  l'impératrice  et 
l'électeur  de  Bavière,  qui  se  rallieraient  à  son  avis. 

Le  même  courrier  devait  aussi  communiquer  à  Richelieu  la 
forme  sous  laquelle  les  commissaires  voulaient  faire  insérer  dans 
le  traité  la  promesse  réciproque  de  s'abstenir  de  toute  hostilité. 
La  rédaction  italienne  de  ce  projet  pourrait  tromper  sur  son  ori- 
gine, si  une  note  écrite  au  dos  par  le  cardinal  ne  nous  avertissait 
qu'il  avait  été  proposé  par  les  électeurs l.  Il  se  composait  de  quatre 

1.  Dans  les  négociations  entre  l'Empire  et  la  France,  les  communications 


;jS  G.   FÀGNIEZ. 

articles.  L'Empereur  et  le  roi  prenaient  l'engagement  de  ne  pas 
attaquer  et  de  n'assister  d'aucune  manière  ceux  qui  attaqueraient 
celles  de  leurs  possessions  dont  l'acquisition  était  antérieure  aux 
premiers  troubles  d'Italie,  c'est-à-dire  à  l'année  1628,  ils  devaient 
faire  tous  leurs  efforts  pour  se  libérer  des  alliances  contraires  à 
cet  engagement  et  pour  empêcher  les  actes  d'hostilité  de  leurs 
alliés.  Cela  ne  les  empêcherait  pas  de  rester  fidèles  aux  alliances 
défensives  que  chacun  d'eux  pouvait  avoir  conclues  et  d'assister 
ceux  de  leurs  alliés  qui  seraient  attaqués  ou  lésés  (molestati)  par 
l'autre  partie.  Loin  que  cette  assistance  mette  directement  en 
conflit  l'Empire  et  la  France,  chacun  des  contractants,  en  assis- 
tant son  allié,  ne  négligera  aucun  moyen  pour  rétablir  la  paix 
entre  cet  allié  et  l'autre  contractant.  L'une  des  parties  n'atta- 
quera pas  les  alliés  de  l'autre  sans  lui  avoir  fait  connaître  ses 
griefs  et  l'avoir  mise  à  même  de  tenter  une  médiation  *. 

Parti,  comme  nous  l'avons  dit,  le  22  août,  Bouthillier  fils 
arriva  le  1er  septembre,  a  neuf  heures  du  matin,  à  Lyon,  où  se 
trouvait  le  cardinal 2.  Les  pouvoirs  et  les  instructions  qu'il  venait 
demander  avaient  été,  dès  le  27  août,  expédiés  à  Ratisbonne,  où 
ils  parvinrent  le  3  septembre3.  Les  pouvoirs  étaient  illimités  ;  les 
instructions  faisaient  l'histoire  de  la  négociation  conduite  par 
Mazarin,  de  manière  à  opposer  la  mauvaise  volonté  et  la  mau- 
vaise foi  du  duc  de  Savoie,  de  Collalte  et  surtout  de  Spinola  à 
l'esprit  conciliant  de  la  France,  elles  fournissaient  un  thème  à 
notre  justification  et  à  des  récriminations  contre  nos  adversaires, 
mais  elles  ne  traçaient  pas  aux  négociateurs  leur  conduite,  elles 
ne  leur  fixaient  pas  les  concessions  qu'ils  pouvaient  faire,  les 

écrites  se  faisaient  souvent  en  italien.  Tel  fut  le  cas,  notamment  pour  les  pro- 
positions présentées  par  Sabran  à  l'empereur  en  1629.  Mémoires  de  Richelieu, 
II,  105. 

1.  Ces  articles  ont  été  écrits  par  le  secrétaire  habituel.  On  lit  au  dos,  de  la 
main  de  Richelieu  :  «  Articles  pour  estre  adjoustés  à  la  paix  d'Italie  proposés 
par  les  Électeurs.  »  Arch.  des  Aff.  élrang.  Allemagne,  VII,  fol.  123.  Projet 
apostille  par  le  P.  Joseph  in  fine.  Ubi  supra. 

1.  Lettre  de  Bouthillier  (ils  au  P.  Joseph,  4  septembre.  Arch.  des  Aff.  étr. 
Allemagne,  VII,  p.  148. 

3.  C'est  au  27  août  qu'il  faut  rapporter  les  instructions  auxquelles  Avenel 
signé  la  date  approximative  du  24  août  (III,  879).  Dépêche  de  Brulart  du 
18  septembre.  Arch.  des  aff.  étrang.  Allemagne,  VII,  p.  191.  Protocole  de  la 
conférence  du  9  septembre.  Arch.  de  cour  et  d'État  à  Vienne,  Friedensacten, 
liasse  9a.  Nouvelles  de  Ratisbonne,  9  sept.  Arch.  des  aff.  étrang.  Allemagne 
VII,  fol.  175.  Il  l'an I  remarquer  que  nos  agents  ne  parlent  pas,  dans  la  confé- 
rence du  4,  de  ce  qu'ils  ont  reçu  la  veille. 


LA   MISSION   no   P.   JOSEPH   A   BÀTISBONNE.  59 

points  sur  lesquels  ils  ne  devaient  pas  céder.  Heureusement  le 
projet  de  traité  qui  y  était  joint,  celui-là  même  qui  avait  été 
remis  à  Mazarin  au  commencement  d'août,  suppléait  à  leur  insuf- 
fisance et  ne  laissait  aucun  doute  sur  les  conditions  que  Richelieu 
mettait  au  traité.  Ces  conditions  d'ailleurs  ne  différaient  pas  essen- 
tiellement de  celles  qui  faisaient  le  fond  du  projet  arrêté  au  mois 
de  juin,  modifié  au  mois  de  juillet  et  dont  nos  négociateurs  avaient 
emporté  le  texte.  L'indemnité  du  duc  de  Savoie  fixée  à  18,000  écus 
de  rente,  celle  du  duc  de  Guastalla  à  150,000  livres  une  fois 
payées,  les  prétentions  de  la  duchesse  de  Lorraine  soumises  à  l'ar- 
bitrage de  la  reine  mère,  l'évacuation  simultanée,  à  la  suite  de 
l'investiture,  des  états  des  ducs  de  Mantoue  et  de  Savoie,  à  la 
réserve  de  certaines  places,  puis  l'abandon  de  ces  places  mêmes 
et  des  autres  lieux  occupés  par  les  parties  belligérantes,  telles 
étaient  les  stipulations  communes  aux  deux  projets. 

Mais  le  cardinal  ne  pouvait' pas  s'en  tenir  à  l'envoi  du  second 
depuis  qu'il  avait  reçu  les  observations  dont  le  P.  Joseph  avait 
accompagné  le  premier  et  dans  lesquelles  il  lui  signalait  les  dif- 
ficultés que  devaient  soulever  certains  articles  et  demandait  les 
réponses  qu'il  devait  y  faire.  Les  articles  dressés  au  mois  d'août 
étaient  ceux  que  le  gouvernement  français  désirait  faire  adopter, 
mais  ils  n'avaient  pas  le  caractère  d'un  ultimatum,  nos  représen- 
tants n'avaient  pas  le  mandat  impératif  de  les  faire  accepter  ou 
de  rompre.  Dans  quelle  mesure  pouvaient-ils  être  modifiés?  Quelle 
était  la  limite  des  sacrifices  auxquels  Richelieu  était  résigné  ?  Les 
objections  qu'on  lui  faisait  prévoir,  les  propositions  qu'on  lui  avait 
faites  exigeaient  des  réponses  précises. 

Ce  fut  le  4  et  le  5  septembre  que  le  cardinal,  après  avoir  reçu 
le  fils  de  Bouthillier  et  avoir  pris  connaissance  de  ce  qu'il  lui 
apportait1,  dicta  pour  ses  agents  des  instructions  nouvelles.  Il 
leur  envoyait  le  projet  de  traité  remis  au  mois  d'août  à  Mazarin 
et  qui  restait  toujours  à  ses  yeux  le  règlement  le  plus  équitable, 
le  plus  avantageux  de  la  succession  de  Mantoue,  mais  il  y  ajou- 
tait des  observations  qui  les  mettaient  à  même  de  justifier  ses 
clauses  ou  les  autorisaient  à  s'en  relâcher 2.  L'article  1er  attribuait 
aux  représentants  du  roi  la  mission  de  désigner  les  lieux  du  Mont- 

1.  Au  nombre  des  pièces  dont  Bouthillier  fils  était  porteur  se  trouvait  un 
mémoire  écrit  par  lui  sous  la  dictée  du  P.  Joseph,  et  que  nous  n'avons  pas 
retrouvé.  Lettre  de  Bouthillier  fils  au  P.  Joseph,  4  sept.  Vbi  supra. 

2.  Arch.  des  ait',  étrang.  Allemagne,  VII,  fol.  150. 


,,11  G.    FAGNIEZ. 

ferrât  qui  seraient  assignés  au  duc  de  Savoie  en  garantie  de  sa 
rente.  Richelieu  motivait  en  marge  cette  disposition  en  disant  que 
personne  ne  connaissait  la  valeur  des  terres  du  Montferrat  aussi 
bien   que  le  commissaire   royal    Servien   et  que  l'assiette  de 
rrite  rente  exigerait  plusieurs  mois  si  elle  était  faite  par  les  com- 
missaires de  l'Empereur  et  des  ducs  de  Mantoue  et  de  Savoie.  Il 
consentait  cependant  à  soumettre  aux  représentants  du  premier 
l'estimation  du  commissaire  français,  mais  cette  concession  sau- 
vait seulement  les  apparences  et  ne  changeait  rien  au  fond  des 
choses,  puisque  l'Empereur  devait  s'engager  à  accepter  ce  qu'au- 
rait fait  Servien.  Si  l'Empereur  persistait  à  repousser  la  mention 
du  traité  de  Suse,  dans  lequel  il  voyait  une  atteinte  à  ses  droits, 
on  se  référerait  simplement  à  «  ce  dont  il  a  été  convenu  par  le 
passé.  »  Au  sujet  de  l'article  2,  relatif  à  l'indemnité  allouée  au 
duc  de  Guastalla,  l'attention  de  Richelieu  avait  été  appelée  sur 
deux  points  :  les  commissaires  impériaux  demandaient  comment 
serait  garantie  cette  indemnité,  le  duc  se  remuait  beaucoup  pour 
la  faire  porter  à  un  chiffre  plus  élevé.  On  leur  avait  répondu 
qu'elle  serait  suffisamment  garantie  par  le  traité  même  où  elle  était 
stipulée.  Richelieu  approuvait  cette  réponse.  Il  consentait  à  une 
augmentation,  mais  il  faisait  appel  à  la  générosité  de  l'Empereur 
pour  avoir  égard  à  la  détresse  pécuniaire  du  duc  de  Mantoue  et 
ne  pas  demander  plus  de  200,000  livres.  Si  chimériques  que 
fussent  les  prétentions  de  la  duchesse  douairière  de  Lorraine,  il  y 
avait  quelque  chose  d'excessif  à  les  soumettre  exclusivement  à  la 
décision  de  la  reine  mère.  Le  cardinal  aurait  parfaitement  con- 
senti à  associer  à  Marie  de  Médicis  d'autres  arbitres  s'il  n'avait 
craint  de  retarder  la  sentence  arbitrale  et  avec  elle  l'investiture. 
Tout  en  insinuant  que  la  duchesse  ferait  mieux  d'imiter  l'impéra- 
trice l  et  de  renoncer  à  ses  revendications,  il  consentait  que  l'im- 
pératrice et  l'électeur  de  Bavière  fussent  appelés  à  statuer  sur  ses 
intérêts,  de  concert  avec  la  reine  mère,  pourvu  que  Ferdinand 
garantît  par  une  lettre  reversale,  dont  l'électeur  serait  dépositaire 
et  dont  le  secret  serait  ainsi  assuré,  l'adhésion  de  ce  dernier  et  de 
1" ii opératrice  à  l'avis  de  Marie  de  Médicis,  puis,  après  réflexion, 
il  s'en  tenait  à  l'idée  de  ne  pas  faire  concourir  l'électeur  à  l'arbi- 
trage, mais  de  laisser  seulement  dans  ses  mains  la  lettre  rever- 

1.  L'impératrice,  Éléonore  de  Manloue,  était  sœur  du  feu  duc  de  Mantoue, 
Vincent  il. 


LA    MISSION    DU    P.    JOSEPn    A   RATISBONNE.  (>j 

sale.  Cet  expédient  ne  s'éloignait  pas  beaucoup  des  dispositions 
de  l'Empereur,  qui  admettait  que  l'avis  de  la  mère  du  roi  devait 
entraîner  celui  des  arbitres  qui  lui  seraient  adjoints,  mais  ce  qu'il 
promettait  de  vive  voix,  consentirait-il  à  le  promettre  par  écrit? 

Ricbelieu  ne  repoussait  pas  l'idée  de  présenter  l'investiture 
comme  ayant  été  obtenue  sur  l'intercession  des  deux  couronnes 
et  des  électeurs.  Il  acceptait  les  termes  de  soumission  exigés  du 
duc  de  Mantoue.  Il  ne  ferait  pas  d'objection  à  ce  que  celui-ci  sup- 
pliât son  suzerain  de  lui  pardonner,  au  lieu  de  lui  remettre 
l'offense  qu'il  pourrait  avoir  commise,  mais  ce  changement  aurait 
l'inconvénient  de  donner  lieu  de  la  part  des  étrangers  à  des  inter- 
prétations et  à  des  conclusions  exagérées  et  il  fallait  s'en  tenir  à 
la  première  forme  qui  était  pleinement  suffisante.  Aux  termes  du 
projet,  la  demande  d'investiture  et  les  excuses  du  duc  devaient 
être  présentées  par  son  résident  ordinaire,  mais  ce  point,  à  en 
juger  par  ce  que  disait  le  P.  Joseph,  semblait  être  resté  pour  l'Em- 
pereur dans  l'incertitude.  Aussi  Richelieu,  allant  au-devant  d'une 
nouvelle  exigence,  signalait  le  retard  que  l'envoi  d'un  ambassa- 
deur spécial  apporterait  à  la  paix.  Si  l'on  ne  se  contentait  pas 
d'une  démarche  faite  par  l'ambassadeur  ordinaire,  nos  agents 
prendraient  l'engagement  de  faire  renouveler  cette  amende  hono- 
rable sous  une  forme  plus  solennelle.  C'était  aussi  pour  éviter  une 
perte  de  temps  qu'en  prévision  des  difficultés  que  le  résident  du 
duc  pouvait  faire  pour  agir  sans  y  être  autorisé  par  sa  cour,  il 
était  ordonné  à  Brulart  de  lui  représenter  quels  étaient  à  cet 
égard  le  désir  du  roi  et  l'intérêt  de  son  maître  et  de  le  faire  pro- 
céder à  cette  démarche  sans  attendre  de  nouveaux  ordres. 

A  l'article  5  du  premier  projet  qui  n'avait  aucune  chance  d'être 
accepté,  le  projet  d'août  en  avait  substitué  un  autre  (art.  6)  aussi 
avantageux  pour  Charles  de  Gonzague,  sans  être  blessant  pour 
l'Empereur.  On  n'imposait  plus  à  Ferdinand  la  charge  d'organi- 
ser en  faveur  de  son  vassal  une  ligue  défensive,  composée  des 
électeurs,  de  la  ligue  catholique  et  de  tous  les  princes  d'Allemagne 
et  d'Italie  feudataires  de  l'Empire,  on  lui  épargnait  l'humiliation 
de  donner  en  quelque  sorte  des  garants  de  sa  bonne  foi  en  mettant 
entre  les  mains  du  roi  l'engagement  écrit  par  lequel  les  confédérés 
promettraient  de  mettre  en  ligne  pour  la  défense  du  duc  de  Man- 
toue au  moins  15,000  fantassins  et  12,000  cavaliers.  On  lui 
demandait  seulement  d'inviter  le  collège  électoral,  la  ligue  catho- 
lique et  les  feudataires  de  l'Empire  à  défendre  les  états  du  duc 


fiO  ('..    FAC.MEZ. 

s'ils  étaient  attaqués.  Rien  n'était  changé  d'ailleurs  à  l'article  du 
premier  projet  en  vertu  duquel  Ferdinand  devait  joindre  ses 
prières  à  celles  du  roi  très  chrétien  et  du  roi  catholique  pour  faire 
entrer  dans  une  ligue  défensive,  ayant  le  même  but,  Sa  Sainteté, 
le  sacré  collège  et  les  princes  italiens  qui  ne  relevaient  pas  de 
l'Empire. 

Le  cardinal  tenait  à  ces  deux  articles.  Rien  en  effet  ne  pouvait 
mieux  assurer  notre  protégé  contre  tout  retour  agressif  que  la 
garantie  de  tous  les  princes  de  l'Empire  et  de  l'Italie,  autorisés, 
provoqués  par  l'Empereur  à  s'unir  pour  la  défense  de  son  vassal. 
D'ailleurs  Collalte  et  Spinola  avaient  accepté  cette  garantie  sous 
cette  nouvelle  forme,  et,  si  elle  était  repoussée  à  Ratisbonne,  on 
aurait  l'air  d'avoir  été  y  chercher  des  conditions  plus  désavanta- 
geuses que  celles  qu'on  avait  obtenues  en  Italie.  Toutefois  il  ne 
fallait  pas  rompre  pour  cette  question.  Les  modifications  appor- 
tées sur  ce  point  sauvegardaient  bien  la  dignité  de  l'Empereur, 
mais  restait  toujours  la  difficulté  de  faire  agréer  un  pareil  projet 
à  des  princes,  dont  les  uns  n'avaient  qu'un  intérêt  fort  indirect, 
pour  ne  pas  dire  problématique,  à  la  conservation  des  états  du 
duc  de  Mantoue,  dont  les  autres  étaient  trop  faibles  et  trop  pusil- 
lanimes pour  accepter  les  risques  qu'on  voulait  leur  faire  courir. 
Ne  nous  hâtons  pas  cependant  de  condamner  ce  projet  comme 
une  conception  chimérique.  La  protection  de  Charles  de.Gon- 
zague  n'était  que  l'occasion,  non  le  but  unique  et  final  d'une  ligue 
que  Richelieu  comptait  faire  servir  à  ses  desseins  contre  la  mai- 
son d'Autriche  ;  en  obtenant  pour  cette  ligue  l'aveu  de  l'Empe- 
reur, il  lui  ôtait  le  droit  de  s'y  opposer  un  jour  comme  à  une 
entreprise  attentatoire  à  sa  suzeraineté,  il  levait  les  scrupules  de 
ceux  de  ses  vassaux  qui  pouvaient  hésiter  à  y  entrer. 

Voyons  maintenant  comment  le  projet  de  juin-juillet  et  celui 
d'août  réglaient  le  rétablissement  du  duc  dans  son  patrimoine 
héréditaire  et  remettaient  les  choses  d'ans  le  statu  quo  ante  hél- 
ium, sauf  les  modifications  acceptées  de  part  et  d'autre.  Le  pre- 
mier stipulait  que  la  signature  du  traité  serait  suivie  de  l'éva- 
cuation du  Mantouan  et  du  Montferrat  dans  un  délai  qui  restait 
à  déterminer,  mais,  en  abandonnant  Casai,  les  troupes  du  roi 
laissaient  le  duc  sans  défense  avant  qu'il  eût  reçu  avec  l'investi- 
ture le  titre  qui  reconnaissait  ses  droits  et,  au  cas  où  de  nouvelles 
difficultés  surgiraient,  où  il  faudrait  recourir  de  nouveau  aux 
armes,  la  France,  placée  beaucoup  plus  loin  que  les  Impériaux 


LA    MISSION    DU    P.    JOSEPH    A    UATISBOWK.  63 

et  les  Espagnols  du  théâtre  de  la  guerre,  y  serait  certainement 
devancée  par  eux.  Aussi  devait-elle  recevoir  des  otages  qu'elle 
garderaitjusqu'àl'investiture.  Si  cette  sûreté  ne  paraissaitpas  suffi- 
sante, Mazarinen  avait  proposé  une  autre  :  les  belligérants  con- 
serveraient jusqu'à  l'investiture,  en  s'abstenant  d'hostilités,  soit 
toutes  leurs  positions  militaires,  soit  un  pied  dans  les  pays  où  ils 
avaient  des  troupes.  L'évacuation  s'opérerait  ensuite  en  deuxfois  : 
l'investiture  serait  suivie  quinze  jours  après  d'un  premier  mouve- 
ment de  retraite  qui  rendrait  à  eux-mêmes  presque  tous  les  pays 
envahis,  Italie,  Savoie,  Piémont,  à  l'exception  des  Grisons  et  de 
Suse,  Pignerol,  etc.  (art.  8),  puis,  après  l'exécution  complète  du 
traité,  l'Empereur  et  le  roi  catholique  d'une  part,  le  roi  très  chré- 
tien de  l'autre  devaient  se  dessaisir  des  gages  qui  la  garantissaient, 
les  premiers  des  postes  qu'ils  occupaient  dans  les  Grisons  et  la 
Rhètie,  le  second  des  places  du  Piémont  (art.  12). 

Lorsque  ce  projet  avait  été  remis  à  Mazarin,  c'est-à-dire  au 
mois  de  juin,  lorsque  celui-ci  avait  soumis  au  roi  les  modifications 
demandées  par  Collalte  et  Spinola  (commencement  de  juillet), 
Mantoue  n'était  pas  encore  dans  les  mains  des  Impériaux  et  la 
situation  de  Casai  n'était  pas  à  beaucoup  près  aussi  critique 1 . 
Dans  ces  circonstances,  la  France  avait  plus  à  perdre  qu'à  gagner 
à  une  évacuation  générale  des  états  du  duc  de  Mantoue.  De  là 
les  otages  qui  lui  étaient  accordés  ou,  si  elle  ne  se  contentait  pas 
de  cette  sûreté,  le  maintien  intégral  ou  partiel  de  la  situation  mili- 
taire avec  suspension  des  hostilités.  Ce  qu'on  pouvait  dire  alors 
de  notre  pays  était  vrai  maintenant  de  nos  adversaires.  Maîtres 
de  Mantoue,  se  flattant,  non  sans  vraisemblance,  de  réduire  bien- 
tôt Casai,  c'était  à  eux  surtout  que  l'évacuation  du  Mantouan  et 
du  Montferrat  devait  faire  du  tort.  Aussi  les  conseillers  impériaux 
demandaient  qu'au  lieu  de  les  évacuer,  les  belligérants  rappe- 
lassent simplement  leurs  troupes  dans  les  places  et  que  les  hosti- 
lités fussent  suspendues.  L'Empereur  conserverait  jusqu'à  l'exé- 
cution complète  du  traité  non  plus  seulement  ses  positions  dans 
les  Grisons,  mais  Mantoue  et  Casai,  si,  comme  ils  l'espéraient, 
cette  dernière  place  partageait  le  sort  de  la  première. 

Rédigé  après  la  prise  de  Mantoue,  le  projet  du  commencement 
d'août  tenait  compte  de  cet  événement  et  laissait  cette  ville  aux 
Impériaux  jusqu'au  moment  où  toutes  les  stipulations  du  traité 

1.  Le  siège  de  Casai  ne  commença  que  le  23  mai. 


54  <■•    FAGNIEZ. 

seraient  devenues  des  faits  accomplis;  il  prévoyait  même  la  capi- 
tulation de  Casai,  qui  resterait  en  dépôt  dans  les  mêmes  mains 
jusqu'à  pareille  époque.  Le  gouvernement  français  et  les  com- 
missaires impériaux  semblaient  donc  d'accord  pour  faire  de  la 
restitution  deMantoue  et  éventuellement  de  Casai  à  leur  légitime 
souverain  l'acte  final  du  règlement  de  la  succession  de  Mantoue, 
mais  cet  accord  n'était  qu'apparent.  En  effet,  dans  la  pensée  des 
commissaires,  l'exécution  du  traité  comprenait  la  réparation  des 
infractions  commises  au  traité  de  Monçon  et  l'accomplissement 
des  dispositions  de  ce  dernier  qui  étaient  restées  à  l'état  de  lettre 
morte  ' ,  tandis  que  pour  Richelieu  la  restitution  réciproque  des 
gages  dont  les  parties  restaient  nanties  était  indépendante  de  la 
fidélité  avec  laquelle  l'Espagne  se  conformerait  aux  engagements 
contractés  à  Monçon,  sa  bonne  foi  à  cet  égard  devant  être  garan- 
tie par  des  otages.  Subordonner  à  l'accomplissement  de  ces  enga- 
gements l'abandon  des  positions  et  des  dernières  places  occupées 
par  les  belligérants,  c'était  ajourner  d'un  an  peut-être  la  rentrée 
de  Charles  de  Gonzague  dans  l'une,  sinon  dans  deux  de  ses  capi- 
tales, imposer  au  roi,  qui  de  son  côté  garderait  tout  ce  temps-là 
Pignerol  et  Suse,  une  dépense  évaluée  à  trois  millions  d'or.  Cette 
prolongation  du  provisoire  avait  dès  l'abord  provoqué  la  désap- 
probation de  Richelieu  et,  après  l'avoir  exprimée  à  Bouthillier 
fils 2,  il  la  reproduisait  dans  sa  dépêche  à  Brulart  du  5  septembre3 
en  disant  qu'on  pouvait  bien  rester  aussi  longtemps  en  possession 
des  lieux  occupés  tant  qu'il  ne  s'agissait  de  laisser  à  l'Empereur 
que  les  passages  des  Grisons,  mais  que,  depuis  la  prise  de  Man- 
toue et  avec  la  perspective  de  celle  de  Casai,  le  mieux  était  de 
rétablir  le  plus  tôt  possible  le  duc  de  Mantoue  en  se  dessaisissant 
des  gages  qu'on  avait  dans  les  mains. 

Les  intentions  de  Richelieu  n'étaient  pas  contenues  seulement 
dans  le  projet  du  mois  d'août  et  dans  les  commentaires  que  nous 
venons  d'analyser,  il  avait  encore  consigné  ses  réflexions  et  ses 
instructions  dans  une  dépêche  à  Brulart4  et  dans  deux  dépêches 
au  P.  Joseph5.  S'adressant  au  premier,  il  exprimait  son  anxiété 

1.  Projet  apostille  parle  P.  Joseph.  Ubi  supra. 

2.  Lettre  de  Bouthillier  61a  au  P.  Joseph,  4  septembre.  Ubi  supra. 

3.  Ubi  supra. 

Dépêche  du  5  septembre.  Vbi  supra. 
:,.  Avenel,  III,  877,  8!)3.  Ce  sont  celles  dont  le  P.  Joseph  accuse  réception 
dau^  ^u  dépêche  «lu    20   septembre   (Arch.  des  Aff.    étrang.  Allemagne,  VII), 


LA    MISSION    DU    P.    JOSEPH    A    RATISBONNE.  <'.:> 

au  sujet  de  Casai,  présentait  son  projet  comme  accepté  par  Col- 
laite  et  Spinola,  déplorait  la  rupture  des  négociations  en  Italie, 
représentait  le  tort  que  l'envoi  de  négociateurs  en  Allemagne 
ferait  à  notre  prestige  si  nous  n'obtenions  pas  des  conditions  meil- 
leures que  celles  dont  le  duc  de  Savoie  et  Collalte  se  déclaraient 
satisfaits,  revenait  sur  la  mauvaise  foi  de  Spinola  exigeant  tou- 
jours davantage  à  mesure  qu'on  lui  faisait  plus  de  concessions. 
La  première  des  dépèches  adressées  au  P.  Joseph  était  pleine  de 
cette  idée,  dont  il  avait  k  convaincre  l'empereur  et  ses  conseillers, 
que  la  France  ne  combattait  que  l'ambition  envahissante  de  l'Es- 
ne  -•!  n'en  voulait  pas  à  la  légitime  grandeur  de  l'Empire.  Il 
devait  leur  ouvrir  les  yeux  sur  les  charges  d'une  solidarité,  dont 
l'Espagne  avait  tout  le  profit,  les  habituer  à  la  pensée  de  séparer 
la  cause  de  l'Empire  de  celle  de  l'Espagne.  Il  fallait  aussi  per- 
suader les  électeurs  du  zèle  du  roi  pour  la  religion,  que  ses  rap- 
ports avec  la  Hollande  et  la  Suède  pouvaient  rendre  suspect. 
L'autre  dépêche,  qui  était  confidentielle  et  dont  le  destinataire  ne 
devait  pas  faire  part  à  l'ambassadeur,  ne  s'occupait  guère  que  du 
t  raité  secret  que  le  capucin  était  chargé  de  passer  avec  la  Bavière  ; 
ce  traité  y  était  présenté  comme  la  raison  et  la  compensation  des 
sacrifices  qu'on  faisait  en  vue  d'un  traité  avec  l'Empereur,  sans 
cependant  que  le  premier  fût  la  condition  indispensable  du  second. 
A  ces  pièces  étaient  joints  les  articles i  proposés  par  les  électeurs 
pour  prévenir  toute  espèce  d'hostilités  entre  l'Empereur  et  la 
France.  Il  faut  dire  ce  que  Richelieu  pensait  à  cet  égard  et  pour- 
quoi il  renvoyait  ces  articles. 

Il  avait  vu  tout  de  suite  le  danger  d'un  engagement  qui,  entendu 
rigoureusement,  nous  obligeait  à  rompre  avec  la  Suède,  en  guerre 
ouverte  avec  Ferdinand,  tandis  que  celui-ci  pouvait  rester  d'in- 
telligence avec  l'Espagne,  dont  l'hostilité  contre  nous  n'était  pas 
déclarée2.  Mais  nos  envoyés  ne  lui  avaient  pas  laissé  ignorer 
l'inutilité  de  leurs  efforts  pour  s'y  soustraire,  et  il  comprenait, 
comme  le  P.  Joseph  l'avait  compris,  que  les  conseillers  de  l'Em- 

rn  leur  donnant  la  date  du  4  de  ce  mois.  C'est  dans  ce  sens  que  doivent  être 
rectifiées  les  indications  chronologiques  d'Avenel.  Un  passage  de  la  seconde 
dépêche  répond  à  la  dépêche  du  P.  Joseph  du  22  août  apportée  par  Bouthil- 
licr  fils. 

1.  Rédaction  française  de  ces  articles  écrite  par  le  secrétaire  habituel  et 
àpostillée  par  Richelieu.  Arch.  des  aff.  étrang.  Allemagne,  VII,  fol.  109.  Mi-e 
au  net,  envoyée  à  Ratisbonne.  Ibid.,  f.  150G. 

2.  Lettre  de  Bout hillier  fils  au  P.  Joseph.  Ubi  supra. 

Rev.  Histoh.  XXVII.  l«r  fasg.  5 


G.    FÀf.NIEZ. 

pereur  ne  renonceraient  à  aucun  prixà  cette  exigence.  D'ailleurs, 
les  obligations,  découlant  de  l'acte  par  lequel  on  voulait  le  lier, 
u'étaienl  peut-être  pas  aussi  étroites  qu'elles  en  avaient  l'air  et 
peut-être  pouvait-on  trouver  le  moyen  de  les  tourner.  A  la  vérité, 
l'article  l,  par  lequel  la  France  s'engageait  à  ne  pas  fournir 
d'armes,  d'argent,  de  munitions  aux  ennemis  de  l'Empire,  sem- 
blait bien  inconciliable  avec  l'alliance  que  Gharnacé  était  en 
train  de  négocier  et,  à  supposer  que  eette  incompatibilité  n'arrê- 
tât pas  Richelieu,  elle  permettrait  de  taire  suspecter  sa  bonne  foi 
et  d'inspirer  de  la  défiance  à  Gustave-Adolphe.  L'article  2  obli- 
geait notre  pays  à  faire  tous  .ses  efforts  pour  se  dégager  de  toute 
solidarité  avec  les  ennemis  de  l'Empire  et  pour  désarmer  leur 
hostilité  contre  lui.  Le  cardinal  prenait  acte  de  ces  termes;  ils 
autorisaient  a  ses  veux  a  ménager  doucement  et  sans  rupture 
l'abandon  de  relations  où  il  se  refusait  à  reconnaître  unealliance. 
D'ailleurs  l'article  i!  assurait  le  maintien  des  alliances  défensives 
par  lesquelles  la  France  s'était  obligée  à  protéger  ceux  de  ses 
alliés  qui  seraient  attaqués  ou  molestes.  Est-il  besoin  de  faire 
remarquer  l'étendue  et  le  vague  de  ces  termes,  du  dernier  surtout, 
la  facilite  qu'ils  donnaient  pour  se  soustraire  aux  engagements 
contenus  dans  les  deux  articles  précédents?  Ne  pouvait-on  pas 
s'en  autoriser  pour  justifier  un  traite  de  subsides  avec  Gustave? 
Celui-ci  en  effet  ne  se  prétendait-il  pas  molesté  par  l'Empereur, 
oe  se  présentait-il  pas  comme  armé  pour  le  redressement  des  torts 
i  <es  coreligionnaires  d'Allemagne,  auducdeMecklembourg, 
pmpre  pays?  Quant  au  rôle  de  médiateur  auquel  l'art.  3 
ail  Richelieu  en  lui  imposant  la  charge  de  rétablir  la  paix 
l'Empire  et  la  Suéde,  il  favorisait  ses  desseins  sur  l'Alle- 
e.  Contenir  Gustave  dans  de  justes  bornes,  protéger  contre 
lui  et  contre  la  prépondérance  que  ses  succès  pouvaient  donner 
au  parti  protestant  le  parti  catholique,  établir,  de  concert  avec 
ce  prince,  ce  que  le  cardinal  appelait  un  «  vrai  repos1  »  dans 
l'Em]  -à-dire  un  système  politique  dans  lequel,  entre  une 

confédération  protestante  et  une  confédération  catholique  unies 
léfendre  leur  indépendance  et  protégées  toutes  deux  par  la 
France,  l'Empereur  n'aurait  plusjoui  que  d'une  autorité  nominale, 
toute  la  politique  de  Richelieu  en  Allemagne  était  là  et  sa  média- 
lion  ne  pouvait  que  la  servir.  Seulement  il  aurait  voulu  éviter  de 

'.  Dépêche  Je  Richelieu  à  Brularl,  5  septembre.  Vbi  supra. 


LA    MISSION    DIT    P.    JOSEPH    A    RATISBONM..  67 

promettre  par  écrit  son  intervention,  afin  de  ne  pas  éveiller  la 
défiance  de  son  allié l. 

Convaincu  que  les  conseillers  de  l'Empereur  seraient  inébran- 
lables sur  la  question  d'une  garantie  mutuelle  contre  toute  agres- 
sion, se  promettant  bien  d'interpréter,  suivant  ses  intérêts,  la 
convention  qu'on  lui  demandait  et  de  prévenir  le  mauvais  effet 
qu'elle  pourrait  produire  sur  le  roi  de  Suède,  il  l'accepta  sous  la 
forme  que  les  électeurs  lui  avaient  donnée,  avec  quelques  modi- 
fications peu  importantes  qu'il  consigna  de  sa  main  en  marge 
de  la  traduction  française  envoyée  par  le  P.  Joseph.  Pour  empê- 
cher l'Espagne  d'en  bénéficier,  il  substituait  au  terme  compré- 
hensif  par  lequel  étaient  désignées  les  parties  contractantes  {leurs 
Majestés)  ceux  d'Empereur  et  de  roi  très  chrétien,  il  constatait 
que  les  possessions  antérieures  à  1628,  que  les  parties  promet- 
taient de  respecter,  comprenaient  les  Trois  Evêchés,  prenait  acte, 
comme  nous  l'avons  dit,  des  facilités  données  par  l'art.  2  pour 
qous  dégager  de  nos  liens  avec  Gustave  et  signalait  une  redite. 

G.  Fagniez. 
(Sera  continué.) 

1.  Il.i.l. 


MELANGES  ET  DOCUMENTS 


LA 

DERNIÈRE  REQUÊTE  DES  PROTESTANTS  DE  FRANGE 
A  LOUIS  XIV 

AVANT   LA    RÉVOCATION   DE   l'ÉDIT    DE  NANTES. 

(Janvier  4685.) 


A  la  fin  de  Tannée  1684,  les  Réformés  ne  purent  plus  conserver 
d'illusions  sur  les  dangers  qui  les  menaçaient.  On  travaille  à  une 
révocation,  écrivait  Claude,  le  plus  célèbre  de  leurs  ministres,  et 
c'est  une  chose  sûre,  ajoutant,  il  est  vrai,  «  il  ne  faut  pas  pourtant 
divulguer  cela 1 .  » 

La  politique  du  clergé  de  France  l'emportait  depuis  de  nombreuses 
années.  Sous  son  inspiration  directe,  le  Conseil  d'État  et  les  Parle- 
ments n'avaient  cessé  de  rendre  des  arrêts  qui  ruinaient  en  détail 
l'Édit  de  Nantes.  On  ne  comptait  plus,  du  reste,  les  déclarations 
royales,  obtenues  par  les  soins  des  prélats,  qui  achevaient  l'œuvre  de 
cette  persécution  administrative.  Aussi  la  situation  était-elle  devenue 
intolérable,  car  dans  toutes  les  provinces  les  syndics  du  clergé, 
acceptés  devant  les  juridictions  comme  parties,  ne  cessaient  de 
multiplier  les  procès  dont  les  églises  et  leurs  pasteurs  étaient  les 
premières  victimes.  Toutes  les  carrières  publiques  se  fermaient  les 
unes  après  les  autres  devant  les  Réformés,  et  déjà  mille  entraves 
étaient  mises  à  leurs  entreprises  industrielles  et  commerciales.  Il 
n'était  pas  douteux  que  le  clergé  ne  voulût,  par  ce  dur  isolement 
qu'il  faisait  faire  autour  d'eux,  les  placer  entre  la  misère  et  le  Catho- 
licisme. D'un  autre  côté,  il  n'était  pas  de  semaine  où,  sur  le  prétexte 
le  plus  futile,  la  présence  d'un  nouveau  converti  au  culte  protestant 
par  exemple,  le  Conseil  d'État  n'ordonnât  la  destruction  du  temple, 

1.  Lettre  de  Claude  à  son  lils,  8  décembre  lGSi.  Bibl.  Leyde. 


REQUÊTE    DES    PROTESTANTS    DE    FRAXCE   A   LOUIS   XIV.  f>9 

l'interdiction  de  l'exercice  religieux  et  le  bannissement  du  pasteur. 

Les  atteintes  portées  à  l'autorité  paternelle  par  la  liberté  laissée 
aux  enfants  protestants  non  seulement  de  se  convertir  dès  l'âge  de 
sept  ans,  mais  même  de  quitter  leurs  parents  en  exigeant  d'eux  des 
pensions,  montraient  que  le  clergé  était  décidé  à  faire  aboutir  son 
projet  de  détruire  les  églises  réformées. 

L'issue  fatale  était  donc  une  révocation  de  l'Édit  de  Nantes  et  on 
y  marchait,  mais  cet  acte  paraissait  si  dangereux,  ses  conséquences 
pouvaient  être  si  graves  qu'il  ne  semblait  pas  permis  encore  de  con- 
sidérer un  tel  événement  comme  possible. 

Ce  fut  le  sentiment  qui  prévalut  dans  les  discussions  qui  précé- 
dèrent  l'envoi  à  Louis  XIV  de  la  belle  requête  dressée  par  les  pro- 
testants pour  obtenir  l'observation  de  l'édit  de  1598.  Cependant 
plusieurs,  après  avoir  montré  le  traité  de  Nantes  déchiré  et  mutilé 
par  les  arrêts  sans  nombre  d'une  justice  toute  à  la  dévotion  du  clergé, 
firent  remarquer  que,  si  la  requête  ne  proclamait  pas,  et  de  la  ma- 
nière la  plus  décisive,  le  principe  de  l'irrévocabilité  de  l'Édit,  on  était 
menacé  de  voir  cette  dernière  défense  enlevée  par  les  ennemis. 

Plus  réservés,  Ruvigny,  alors  député  général  des  églises  réfor- 
mées, et  Claude  surtout,  dont  l'autorité  était  considérable,  deman- 
dèrent qu'on  ne  soulevât  pas  la  question.  Pour  eux,  il  ne  fallait  pas 
livrer  aux  hasards  d'une  discussion  un  traité  dont  l'autorité  devait 
être  placée  au-dessus  de  toute  contestation.  Ils  craignaient  aussi  que 
Louis  XIV,  dont  les  hautaines  prétentions  de  dominer  la  loi  étaient 
si  connues,  ne  voulût,  par  cela  même  qu'on  donnait  des  bornes  à 
son  pouvoir,  montrer  par  un  acte  d'éclat  qu'il  était  souverain  absolu. 
Claude,  tout  en  connaissant  les  périls  de  la  situation,  aimait  mieux 
croire  à  un  retour  du  roi  à  des  idées  de  modération  et  de  justice, 
que  d'imaginer  une  violation  aussi  inouïe  de  la  loi  du  royaume.  Sans 
doute  les  Réformés  seraient  atteints  par  cette  mesure  révolution- 
naire, mais,  comme  il  put  le  dire  plus  tard  avec  une  haute  raison, 
«  l'État  se  trouverait  percé  d'outre  en  outre  par  le  même  coup.  » 

Il  pressentait  avec  une  remarquable  netteté  les  conséquences  de 
cet  acte  si  habilement  préparé  par  le  clergé  et  dont  le  roi  allait 
assumer  toute  la  responsabilité.  Aussi,  lorsque,  malgré  les  efforts 
désespérés  des  protestants,  la  faute  eut  été  commise,  Claude  fit-il 
entendre  un  solennel  avertissement.  «  Après  cette  cassation,  qu'y 
aura-t-il,  je  vous  prie,  désormais,  de  ferme  et  d'inviolable  en 
France,  je  ne  dis  pas  seulement  pour  les  fortunes  des  particuliers, 
mais  encore  pour  les  établissements  généraux,  pour  les  autres  lois, 
pour  les  compagnies  souveraines,  pour  Tordre  de  la  justice  et  de  la 
police,  et  en  un  mot  pour  tout  ce  qui  sert  de  base  et  de  fondement  à 


70  Kl  LAflGl  3    ET    DOC1  VENTS. 

la  Société,  pour  les  droits  inaliénables  de  la  couronne  el  pour  la 
forme  du  gouvernemenl  ?  » 

S'il  y  a  jamais  eu  rien  d'inviolable,  c'est  l'Édit  de  Nantes,  le  révo- 
quer el  le  casser,  c'est  se  mettre  au-dessus  de  tout,  c'est  prononcer 
hautement  que  tout  est  révocable  et  cassable  «  ad  nutum*.  » 

Les  protestants  savaient  que  le  clergé  les  poursuivait  de  sa  haine 
implacable  et  avait  juré  leur  perte2,  mais  ils  se  refusaient  à  croire 
qu'il  fût  possible  à  Louis  XIV  de  méconnaître  si  complètement 
l'intérêt  de  son  propre  pouvoir.  C'était  compter  sans  la  passion  d'une 
politique  dévote,  car,  à  cette  époque,  le  roi,  sous  la  dépendance 
du  clergé,  avait  déjà  fait  de  la  destruction  du  protestantisme  la 
grande  affaire  du  règne. 

Cependant  il  était  nécessaire  d'arrêter  la  persécution  qui  devenait 
tous  les  jours  plus  agressive  ;  aussi  des  Réformés  résolurent-ils  de 
présenter  à  Louis  XIV  l'apologie  de  leur  innocence  et  de  leurs  droits. 
Ils  renouvelaient  ainsi  des  démarches  qui,  dans  le  passé,  n'avaient 
abouti  qu'à  de  trompeuses  promesses,  mais  un  dernier  effort  devait 
être  tenté. 

C'est  alors  que  fut  composée  la  requête  dont  on  ne  connaissait 
que  l'analyse  donnée  par  E.  Benoit  dans  son  Histoire  de  l'Édit  de 
Na?ites.  Il  raconte  qu'on  y  attacha,  et  non  sans  raison,  une  telle 
importance,  «  qu'elle  fut  consultée  avec  tous  ceux  qu'on  crut  capables 
de  donner  avis,  et  avant  que  d'être  présentée  elle  passa  par  tant  de 
mains,  elle  fut  examinée  par  tant  de  censeurs,  qu'il  n'y  avait  peut- 
être  rien  sur  quoi  il  n'eût  été  fait  quelques  remarques3.  » 

La  rédaction  définitive  du  mémoire  fut  confiée  à  Claude  qui,  par 
la  netteté  de  son  esprit  et  la  fermeté  de  la  pensée,  tout  autant  que 
par  ses  belles  qualités  d'écrivain,  était  désigné  pour  cette  tâche. 
Basée  sur  les  faits,  exempte  de  toute  déclamation,  digne  et  respec- 
tueuse,  cette  défense  des  Réformés  montre  aussi  bien  l'aveuglement 
de  leurs  ennemis  que  la  justice  de  leur  cause.  «  Présentée  au  mois 
de  janvier  1685,  la  requête,  dit  Benoît,  fut  reçue  pour  dire  qu'on 
l'avait  rerue,  mais  on  n'en  fit  pas  la  moindre  considération.  »  Il  ne 
sera  pas  sans  intérêt,  à  deux  siècles  de  distance,  de  publier  un  docu- 

1.  Les  Plaintes  des  Protestants  de  France,  p.  140. 

2.  En  1682,  le  clergé  avail  fail  signifier  aux  églises  réformées  son  célèbre 
Avertissement  pastoral  où  s'étalaient  des  menaces  trop  significatives  pour  que 
|e>  protestants  pussent  se  tromper  sur  le  sort  qui  les  menaçait.  Si  vous  ne 
vous  convertissez  pas,  disaient  les  prélats,  vous  devez  «  vous  attendre  à  des 
malheurs  incomparablement  pins  épouvantables  et  plus  funestes  que  tous  ceux 
que  v.m>  .>  attirés  votre  révolte  et  votre  schisme.  » 

3.  Benoit,  Htst.  de  l'Édit  de  Xantcs,  V,  735. 


REQUÊTE  DES  PROTESTANTS  DE  FRANCE  A  LOUIS  XIV.        "I 

menl  qui  résume  d'une  manière  fidèle  et  parfois  éloquente  la 
situation  des  protestants  de  France  à  l'entrée  de  cette  année  4  685, 
qui  devait  être  celle  de  la  Révocation  de  l'Édit  de  Nantes  et  dont  un 
réfugié  a  pu  dire  «  qu'elle  fut  triste  entre  toutes  les  années  du 
monde.  » 

Frank  Pdaux. 

Au  Roy  '. 

Si  ro. 

rès  humbles,  très  obéissants  et  très  fidèles  sujets  de  la  religion 
prétendue  réformée  se  jettent  aux  pieds  de  Votre  Majesté  dans  la 
confiance  que,  quelque  grands  que  soient  les  maux  qui  les  accablent. 
et  à  quelques  dures  extrémités  qu'ils  soient  réduits,  ils  verront  bientôt 
changer  leur  misérable  condition,  si  le  trône  de  votre  justice  ne  leur  est 
pas  devenu  tout  à  fait  inaccessible.  C'est  avec  tout  le  respect  et  toute  la 
soumission  qu'ils  doivent  à  un  si  grand  et  si  auguste  Roi  qu'ils  vous 
présentent  cette  très  humble  requête.  Que  Votre  Majesté  ne  refuse 
point  d'entendre  elle-même  leurs  plaintes  et  leurs  raisons,  et  d'en  juger 
selon  sa  bonté  et  son  équité. 

Premièrement,  Sire,  ils  vous  représentent  qu'ils  ont  l'honneur  d'être 
nés  vos  sujets,  et  qu'en  cette  qualité  l'Édit  de  Nantes  qui  leur  fut 
accordé  par  Henri  le  Grand,  de  glorieuse  mémoire,  aïeul  de  Votre 
Majesté,  les  a  maintenus  dans  tous  les  droits,  tant  naturels  que  civils, 
que  cette  naissance  donne,  et  qu'il  a  voulu  qu'ils  en  jouissent  de 
même  que  vos  autres  sujets,  sans  que  la  différence  de  religion  y  fit 
aucun  empêchement. 

Cette  vérité,  Sire,  qui  est  la  base  et  le  fondement  de  l'Édit,  se  justifie 
par  l'esprit  général  qui  règne  dans  toutes  ses  parties;  mais  elle  s'y 
trouve  aussi  établie  en  divers  endroits,  d'une  manière  si  expresse  et  si 
évidente  qu'elle  ne  souffre  pas  de  contestations.  Outre  que  dès  le  second 
article  il  ordonne  que  tous  les  sujets,  tant  de  l'une  que  de  l'autre  reli- 
gion, vivront  ensemble  comme  f 'rères  et  citoyens2,  et  que  dans  le  30e  il 
veut  gue  la  justice  soit  rendue  et  administrée  aux  suppliants  sans  aucune 
suspicion,  haine  ou  faveur,  ce  qui  met  à  cet  égard  une  parfaite  égalité 
entre  les  uns  et  les  autres,  il  ne  se  peut  rien  de  plus  précis  ni  de  plus 
décisif  que  ce  qui  est  contenu  dans  l'article  27  :  Afin,  dit-il,  de  réunir 
d'autant  mieux  les  volontés  de  nos  sujets,  comme  c'est  notre  intention,  et 

1.  La  requête  des  Réformés  se  trouve  en  triple  expédition  dans  le  carton 
268  de  la  série  T.  T.  aux  Archives  nationales.  Les  notes  que  nous  avons  ajou- 
tées sont  destinées  à  préciser  quelques  événements  auxquels  fait  allusion  la 
requête,  comme  aussi  à  donner  le  texte  exact  de  quelques  arrêts  et  édits  signai 
lés  dans  cet  important  document. 

2.  «  Se  contenir  et  vivre  paisiblement  ensemble  comme  frères,  amis  et 
concitoyens.  »  Édit  de  Nantes,  art.  n. 


fjjj  MÉLANGES    KT    DOCUMENTS. 

âtor  fouies  plaintes  à  l'avenir,  déclarons  toits  ceux  qui  font  ou  feront  pro- 

,,  de  la  religion  prétendue  réformée,  capables  de  tenir  et  exercer  tous 

.  dignités,  offices  et  charges  publiques  quelconques,  royales,  seigneu- 

t,  ou  des  villes  de  notre  royaume,  pays,  terres  et  seigneuries  de  notre 

tance  nonobstant  Unis  serments  à  ce  contraires,  et  d'être  indifféremment 

admis  à  iceux.  Et  un  peu  plus  bas  :  Entendons  aussi  que  ceux  de  ladite 

religion  prétendue  réformée  puissent  être  admis  et  reçus  en  tous  conseils, 

rations,  assemblées  et  fonctions  qui  dépendent  des  choses  dessusdites, 

sans  que  pour  raison  de  ladite  religion  ils  en  puissent  être  rejetés  ou 

empêchés  d'en  jouir. 

Ce  fut  donc,  Sire,  une  des  principales  choses  qu'Henri  le  Grand  se 
proposa  quand  il  donna  l'Édit  aux  suppliants.  Il  voulut  pourvoir,  comme 
il   le  déclare  lui-même  dans  la  préface,  à  la  sûreté  de  leurs  personnes, 
et  éi  celle  de  leurs  fortunes,  et  il  y  pourvut  en  effet,  en  les  maintenant 
dans  tous  les  droits  que  la  naissance  donne  à  des  sujets,  et  en  ne  per- 
mettant pas  qu'ils  y  puissent  être  troublés  sous  prétexte  de  la  religion. 
Mais  il  alla  plus  avant,  car,  ayant  vu  et  senti  lui-même  combien 
l'emportement  d'un  zèle  inconsidéré  avait  produit  de  désordre  dans 
L'État,  et  désirant  d'y  apporter  du  remède  pour  l'avenir,  il  établit  sur  le 
sujet  de  la  religion  des  règles  qu'il  jugea  nécessaires,  justes  et  suffi- 
santes pour  servir  de  barrière  aux  plus  forts,  et  d'asile  aux  plus  faibles 
et  pour  conserver  l'union  et  la  concorde  entre  tous  vos  sujets.  C'est  une 
seconde  vérité,  Sire,  que  les  suppliants  mettent  devant  les  yeux  de 
Votre  Majesté,  et  qui  n'a  pas  besoin  de  preuve,  puisqu'elle  fait  elle- 
même  une  des  plus  importantes  parties  de  l'Édit.  Le  dessein  en  est 
expliqué  dans  la  même  préface,  où  ce  grand  prince,  après  avoir  parlé 
d'un   côté  des  plaintes  de  ses  sujets  catholiques,  et   de    l'autre   des 
remontrances  de  ses  sujets  de  la  religion  prétendue    réformée,    sur 
l'exercice  de  leur  religion,  et  de  la  liberté  de  leur  conscience,  aussi  bien 
que  sur  la  sûreté  de  leurs  personnes  et  de  leurs  fortunes,  il  ajoute  :  qu'il 
aurait  jugé  nécessaire  de  donner  sur  le  tout  une  loi  générale,  claire,  nette 
et  absolue  sur  tous  les  différends  qui  étaient  dès  lors  sur  ce  survenus  entre 
eux,  et  qui  y  pourraient  encore  survenir,  comme  en  effet  il   l'a  donnée 
dans  la  suite. 

A  ces  deux  premières  parties  de  l'Édit,  il  en  ajouta  une  troisième 
qui  regarde  proprement  l'observation  de  l'Édit  même  :  ce  que  les  sup- 
pliants représentent  aussi  très  humblement  à  Votre  Majesté.  Il  établit 
1rs  chambres  mi-parties  et  les  chambres  de  l'Édit  pour  en  être  les 
dépositaires  et  les  gardiens  et  les  exécuteurs1.  Il  cassa,  révoqua  et  annula 

1.  La  Chambre  de  Paris  était  composée  d'un  président  et  de  dix  conseillers 
catholiques,  choisis  par  le  Roi  sur  une  liste  des  membres  du  Parlement  de 
Paris.  Elle  était  en  outre  composée  de  quatre  Conseillers  réformés.  «  On  laissa 
à  cette  Chambre  le  nom  de  l'Édit,  afin  que  le  nom  même  fît  souvenir  à  ceux 
qui  la  composaient  qu'ils  étaient  les  gardiens  et  exécuteurs  de  l'Édit  qui  devait 
leur  M'rvir  de  loi  dans  l'administration  de  la  justice.  »  Benoît,  Histoire  de 
l  l  dit  de  Nantes,  I,  27G.  Il  y  cul  trois  chambres  mi-parties,  Bordeaux,  Tou- 
lon-..: et  Grenoble.  Voir  Édil  de  Nantes,  art.  30. 


REQUÊTE  DES  PROTESTANTS  DE  FRANCE  A  LOUIS  XIV.       73 

tous  les  édita  précédents,  articles  secrets,  lettres,  déclarations,  modifica- 
tions, restrictions  et  arrêts  par  lui  donnes  et  parles  rois  ses  prédécesseurs  '. 
Et,  pour  no  rien  oublier  qui  pût  contribuer  à  L'exécution  d'une  loi  si 
nécessaire  et  si  juste,  il  ordonna  non  seulement  que  l'Édit  fût  registre 
partout  en  la  manière  ordinaire,  mais  encore  que  l'observation  en  fût 
promise  et  jurée  par  les  gouverneurs  et  lieutenants  généraux  des  pro- 
vinces, par  les  baillifs,  sénéchaux  et  autres  juges  ordinaires  du  royaume, 
par  les  maires,  echevins,  capitouls,  consuls  et  jurats  annuels  et  perpé- 
tuels, par  les  principaux  habitants  des  villes,  tant  de  l'une  que  de  l'autre 
religion,  et  enfin  par  les  cours  de  Parlement,  Chambres  des  Comptes  et 
Cours  des  Aides,  purement  et  simplement  sans  user  d'aucune  modifi- 
cation, restriction,  déclaration  ou  Registres  secrets. 

Ainsi  les  droits  accordés  par  l'Édit  aux  suppliants  se  réduisent  à  ces 
trois  chefs,  les  droits  naturels  et  civils  qu'ils  ont  en  commun  avec  les 
catholiques,  ceux  qui  regardent  en  particulier  la  liberté  de  leurs  cons- 
ciences et  l'exercice  de  leur  religion,  et  ceux  qui  appartiennent  à  l'ob- 
servation et  à  l'entretènement  de  l'Édit. 

Cet  Édit,  Sire,  si  solennel  et  si  authentique,  ne  fut  pas  l'effet  du 
simple  bon  plaisir  d'Henri  le  Grand,  ni  un  acte  de  sa  seule  autorité 
royale,  mais  un  arrêt  de  sa  justice  aussi  bien  qu'un  ouvrage  de  sa 
sagesse  consommée  et  de  sa  puissance.  Car  il  le  donna,  comme  il  le  dit 
Lui-môme,  après  avoir  entendu,  d'une  part,  les  plaintes  de  ses  sujets 
catholiques,  et  ru  de  Vautre  les  remontrances  de  ceux  de  la  religion  pré- 
formée et,  sur  ce,  fait  conférer  avec  eux  par  diverses  fois'1.  Aussi 
le  donna-t-il  comme  l'unique  loi  sous  laquelle  ceux  de  ladite  reliai [ion 
lient  vivre  à  l'avenir,  puisqu'il  le  donna  formellement  et  en  termes 
exprès  sous  ces  deux  titres,  l'un  à' Édit  perpétuel  et  irrévocable9,  et 
l'autre  à' Édit  ferme  et  inviolable  qu'il  voulait  être  gardé  par  ses  sujets  sans 
s'arrêter  ni  avoir  aucun  égard  à  tout  ce  qui  pourrait  être  contraire  ou 
dérogeant  éi  icelui,  recommandant  à  ses  sujets  de  l'une  et  de  Vautre  reli- 
gion, de  bien  comprendre  d'après  ce  qui  était  de  leur  devoir  envers  Dieu 
•  i  rs  Sa  Majesté,  c'était  dans  l'observation  de  cet  Édit  que  consistait  le 
principal  fondement  de  leur  union  et  concorde,  tranquillité  et  repos'1. 

En  cette,  qualité,  Sire,  il  le  fit  religieusement  et  ponctuellement 
exécuter  et  observer  partout,  et  dans  son  sens  juste  et  naturel.  Durant 
tout  le  cours  de  son  règne,  ceux  de  ladite  religion  jouirent  sans  aucun 
empêchement  de  l'entière  liberté  de  leurs  consciences,  de  l'exercice  de 
leur  religion  et  de  leur  discipline  dans  les  lieux  à  eux  accordés,  de  tous 
les  droits  tant  naturels  que  civils  communs  avec  les  catholiques,  et  en 
général  de  tout  ce  que  l'Édit  avait  statué  en  leur  faveur. 

Après  Henri  le  Grand,  Louis  XIII,  de  glorieuse  mémoire,  père  de 
Votre  Majesté,  ne  reconnut  pas  moins  les  raisons  et  la  justice  de  l'Édit. 

1.  Article  xcn  de  l'Édit  de  Nantes. 

2.  Préface  de  l'Édit  de  Nantes. 

3.  Id. 

4.  Article  xci  de  l'Édit. 


7',  MÉLANGES    ET    DOCUMENTS. 

Tl  on  lit  la  déclaration  solennelle  à  son  avènement  à  la  couronne, 
ordonnant  qu'il  serait  inviolahlement  gardé,  avec  cette  clause  expresse, 
qu'encore  que  cet  édit  fût  perpétuel  et  irrévocable,  et  que,  par  ce  moyen,  il 
n'eût  pas  besoin  d'être  confirme  par  de  nouvelles  déclarations,  néanmoins 
il  le  confirmait.  Et  quoique  dans  la  suite  de  son  règne  il  fût  survenu 
divers  troubles,  il  ne  laissa  pas  de  confirmer  toujours  l'Edit  dans  toutes 
les  occasions  qui  se  présentèrent,  et  il  en  fit  toujours  jouir  les  suppliants 
comme  d'une  loi  inviolable1. 

Votre  Majesté,  Sire,  qui  remplit  aujourd'hui  avec  tant  de  grandeur 
el  d'éclat  le  trône  de  ses  ancêtres,  n'en  a  pas  moins  fait.  Elle  a  confirmé 
le  même  Édit  sous  le  même  titre  d'Édit  perpétuel,  non  seulement  par 
sa  déclaration  de  1643,  quand  elle  prit  les  rênes  du  gouvernement,  mais 
encore  depuis  sa  déclaration  de  1669  2  et  par  son  Édit  du  mois  de  juin  1680, 
qui  porte  qu'ellele  confîrmeen  tantquebesoinestouseraitz.  Elle  s'en  expliqua 
même  dans  Le  même  sens  au  mois  de  juillet  1682,  dans  les  lettres  cir- 
culaires qu'elle  écrivit  tant  aux  archevêques  et  évêques  de  son 
royaume,  qu'aux  commissaires  départis  dans  ses  provinces,  leur  décla- 
rant, aux  uns  et  aux  autres,  que  son  intention  n'est  point  qu'on  fasse 
rien  qui  puisse  donner  atteinte  à  ce  qui  a  été  accordé  à  ceux  de  ladite 
religion,  par  les  Édits  et  déclarations  donnés  en  leur  faveur4.  De  sorte, 
Sire,  que  les  suppliants  peuvent  dire,  avec  raison  et  avec  confiance, 
que,  vivant  sous  le  bénéfice  de  l'Édit  de  Nantes,  ils  vivent  sous  la  foi 
sacrée  des  Rois  vos  prédécesseurs  qui  n'a  pas  été  ensevelie  avec  eux 
dans  leurs  tombeaux,  et  ce  qui  leur  doit  donner  beaucoup  plus  de 
sûreté,  sous  la  foi  royale  de  Votre  Majesté  elle-même,  sous  la  foi 
publique  de  son  État,  laquelle,  sans  répéter  ici  qu'elle  y  est  intervenue 
par  l'enregistrement  et  par  un  serment  solennel,  se  recueille  et  se 
rassemble  tout  entière  dans  la  vôtre. 

C'est  là,  Sire,  ce  que  les  suppliants  ont  cru  devoir  poser  d'abord 
comme  le  fondement  de  leur  droit.  Et  c'est  aussi  à  cette  foi  royale  qu'ils 

1.  Déclaration  du  roi  Louis  XIII  sur  les  édits  de  pacification,  3  juin  1610. 
I.c  Roi  défunt,  notre  très  honoré  seigneur  et  père,  a  toujours  pris  grand  soin 

que  cet  Édit  fût  conservé  en  son  entier  et  on  peut  dire  qu'il  n'y  a  apporté 
aucun  changement.  »  Déclaration  du  7  septembre  1656.  —  L'Édit  de  Nîmes, 
juillet  1629,  donné  après  les  troubles,  consacra  les  droits  des  Réformés  :  «  nous 
voulons  que  nos  sujets  de  la  Religion  prétendue  réformée  jouissent  entièrement 
dudit  Édit  de  Nantes.  » 

2.  Déclaration  du  1er  février  1669. 

:;.  Édit  du  mois  de  juin  1680,  portant  défense  aux  catholiques  de  quitter  leur 
religion  pour  professer  la  Religion  prétendue  réformée,  sous  peine  de  confis- 
ration  des  biens  et  de  bannissement  perpétuel.  L'Édit,  cependant,  parlait  de  la 
confirmation  des  droits  des  Réformés. 

1.  Lettre  du  Roi  aux  archevêques  et  évéques,  au  sujet  de  la  signification  de 
['Avertissement  pastoral  du  clergé  de  France,  aux  consistoires  de  l'Église 
prétendue  réformée  fin  juillet  1682).  Il  leur  recommanda  de  ne  «  se  servir  que 
île.  la  force  des  raisons,  sans  rien  faire  contre  les  Édits  et  déclarations  en 
%  •■  1 1  ii  desquels  l'exercice  de  la  Religion  prétendue  réformée  est  tolérée  dans 
mon  royaume  » 


REQUÊTE  DES  PROTESTANTS  DE  FRANGE  A  LOUIS  XIV.       7o 

élèvent  maintenant  leurs  regards  pour  y  chercher  de  la  consolation  et 
de  l'assurance  clans  l'orage  où  ils  se  trouvent,  et  pour  dissiper  les  nuages 
terribles  qui  les  menacent.  Munis  d'un  si  grand  appui,  ils  entrent  sans 
frayeur  dans  le  sanctuaire  de  votre  justice,  pour  y  présenter  aux  yeux 
de  Votre  Majesté  cel  Êdit,  non  plus  tel  qu'il  était  autrefois  plein  de  vie 
et  de  force,  semblable  à  cet  arbre  de  l'Écriture  qui  se  répandait  au  long 
et  au  large,  qui  se  faisait  voir  par  toute  la  terre  couvrant  tout  de  son 
ombre  et  nourrissant  tout  de  son  fruit,  mais  dans  un  état  languissant, 
sans  vigueur  et  sans  efficacité,  et  comme  un  arbre  dénué  de  ses  feuilles 
et  de  ses  branches,  qui  ne  fait  ombre  que  de  son  tronc. 

En  effet,  Sire,  on  a  surpris  depuis  quelque  temps,  et  on  surprend 
encore  tous  Les  jours  dans  votre  Conseil  et  dans  vos  autres  Cours,  un 
si  grand  nombre  de  déclarations,  d'arrêts  et  de  jugements  contraires  à 
L'Édit,  que  des  trois  parties  qui  le  composent,  et  que  les  suppliants 
viennent  de  vous  représenter,  il  n'en  reste  plus  aucune  sur  laquelle  ils 
n'aient  de  justes  et  d'essentiels  sujets  de  faire  leurs  plaintes  à  Votre 
Majesté. 

L'Édit,  Sire,  conserve  les  suppliants,  comme  il  a  été  dit,  dans  tous 

les  droits  naturels  et  civils,  et  il  les  admet  à  toutes  sortes  d'états  et 

barges,  et  le  Roi  même  s'engage  d'y  pourvoir  indifféremment  et  sans 

distinction,   à  l'égard  de  celles  qui  seront  à  sa  disposition,  comme  étant 

gui  regarde  l'union  de  ses  sujets. 

Cependant  c'est  une  chose  connue,  qu'il  n'y  a  plus  de  charges  ni 
d'emplois  depuis  le  plus  haut  jusqu'au  plus  bas,  dont  la  porte  ne  soit 
fermée  aux  suppliants. 

L'arrêt  du  28  juin  1681  les  exclut  des  offices  de  notaires,  procureurs, 
postulants,  huissiers  et  sergents,  dans  tous  les  sièges  et  juridictions 
du  royaume,  et  ceux  qui  s'en  trouvaient  pourvus,  quoiqu'ils  les  eussent 
toujours  exercés  avec  honneur,  ont  été  obligés  de  s'en  démettre1. 

Par  autre  arrêt  du  ïi  février  1682,  les  procureurs  et  postulants  des 
Chambres  de  l'Édit  ont  été  soumis  à  la  même  peine,  sans  autre  raison 
ni  prétexte  que  leur  religion-. 

Par  la  déclaration  du  15  juin  1682,  non  seulement  les  arrêts  précé- 
dents ont  été  confirmés,  mais  encore  il  a  été  fait  défense  à  tous 
seigneurs,  tant  catholiques  que  de  la  religion  prétendue  réformée, 
d'établir  dans  leurs  terres  aucuns  juges,  lieutenants  ou  autres  officiers 
taisant  profession  de  ladite  religion,  et  ordonné  que  ceux  qui  se  trou- 
veraient en  possession  seraient  destitués  avec  pareille  défense  de  les 

1.  ils  furent  tenus  de  se  démettre  de  leurs  offices  en  faveur  des  catholiques 
dans  les  six  mois,  a  à  peine  de  faux  et  de  nullité  de  tous  les  contrats,  actes  et 
exploits  qui  seront  par  eux  faits.  » 

2.  Arrêt  du  Conseil  d'État  contre  les  procureurs,  postulants  de  la  Religion 
prétendue  réformée  des  Parlements  de  Guyenne,  Toulouse  et  Grenoble.  Il  fut 
rendu,  parce  qu'on  avait  oublié  «  par  inadvertance  »  les  procureur  des  chambres 
de  l'Édit.  11  fut  fait  défense  aux  catholiques,  nommés  à  la  place  des  «  résignants,  » 
de  souffrir  dans  leurs  études  les  enfants  ou  parents  de  ceux-ci  pour  travailler 
avec  eux  ou  sans  eux,  à  peine  de  perte  de  leurs  offices. 


7r>  MELANGES   ET   DOCUMENTS. 

appeler  pour  assesseurs  et  opinants  aux  jugements  des  procès,  et  cela 
fondé,  dit  la  déclaration,  sur  ce  que  l'intention  de  Votre  Majesté  est  de 
çclure  entièrerm  ni  de  faire  aucune  fonction  de  judicature. 

Pur  la  déclaration  du  21  août  1684,  il  est  même  défendu  de  les  recevoir 
ou  de  les  nommer  d'office  pour  experts  dans  aucune  sorte  d'affaires1. 

Un  pareil  ordre  a  été  donné  touchant  les  officiers  de  la  maison  de 
Votre  Majesté  et  des  autres  maisons  des  princes  de  son  sang,  jouissant 
des  privilèges  des  commensaux,  non  seulement  pour  empêcher  que 
désormais  il  n'en  soit  reçu  aucun  faisant  profession  de  ladite  religion, 
mais  encore  pour  destituer  tous  ceux  qui  se  trouveraient  pourvus  de 
ces  offices,  par  arrêt  de  votre  Conseil  d'État  du  4  mars  16832. 

Les  secrétaires  de  Votre  Majesté,  maison  et  couronne  de  France  et 
de  ses  finances,  tant  titulaires  qu'honoraires,  et  leurs  veuves,  ont  subi 
aussi  l.i  même  rigueur.  L'arrêt  de  votre  Conseil  d'État  du  19  janvier  1G84 
a  obligé  les  titulaires  de  se  démettre  de  leurs  offices.  Les  honoraires 
sont  déclarés  déchus  de  leurs  privilèges  et  leurs  lettres  révoquées,  et 
les  veuves  privées  des  droits  dont  elles  jouissaient  à  cause  des  charges 
de  leurs  maris  décédés3. 

Il  en  a  été  de  même  des  conseillers  et  officiers  des  Cours  des  Aides, 
des  Chambres  des  Comptes,  de  ceux  des  sénéchaussées  et  des  prési- 
diâux,  de  ceux  des  bailliages  et  des  judicatures  royales,  de  ceux  des 
amirautés,  de  ceux  des  prévôtés  et  des  maréchaussées,  des  trésoriers, 
receveurs  et  autres,  ayant  charge  dans  les  gabelles  et  dans  les  finances 
de  Votre  Majesté,  qui  tous  ont  reçu  ordre  de  se  défaire  de  leurs  offices 
par  la  seule  raison  de  leur  religion4. 

Par  cette  raison,  Sire,  on  a  encore  exclu  les  suppliants  de  toutes  les 
fermes,  sous-fermes  et  autres  affaires  de  Votre  Majesté.  De  sorte  que, 
par  le  règlement  du  11  juin  1680,  ils  ne  peuvent  plus  entrer  en  aucune 
ni  comme  sous-associés  ou  sous-fermiers,  ni  comme  directeurs,  con- 
trôleurs, capitaines  ou  brigadiers,  ni  être  en  quelque  manière  que  ce  soit 
employés,  non  pas  même  comme  simples  commis,  archers  ou  gardes*. 

1.  «  A  peine  de  nullité  des  arrêts,  sentences  et  jugements  qui  seraient  inter- 
venus sur  les  rapports  d'experts  de  ladite  religion.  » 

2.  «  Le  Roi  ayant  été  informé  que  plusieurs  officiers  de  ses  vénerie  et  fau- 
connerie, et  autres  de  sa  Maison  et  des  Maisons  royales,  faisant  profession  de 
la  Religion  prétendue  réformée,  n'ont  tenu  compte  de  se  démettre  de  leur 
charge...  seront  tenus  de  se  faire...  en  faveur  de  personnes  agréables...  »  Arrêt 
du  4  mars  1683. 

3.  i  Les  titulaires  des  charges  de  conseillers-secrétaires  du  Roi,  maison, 
couronne  de  France,  et  de  ses  finances,  seront  tenus  de  se  défaire  de  leursdites 
charges  dans  trois  mois  en  faveur  des  catholiques.  »  Arrêt  du  19  janvier  1684. 

'  \nvl  du  Conseil  portant  défense  aux  Receveurs  généraux  des  Finances 
de  traiter  du  recouvrement  des  tailles,  des  élections,  avec  aucune  personne  de 
la  Religion  prétendue  réformée,  17  août  1780.  —  Arrêt  du  Conseil,  portant  que 
Les  catholiques  qui  vondronl  8e charger  de  la  fourniture  'les  chevaux  de  louage 
seronl  préférés  à  cens  de  la  Religion  prétendue  réformée,  9  mars  1682. 

Sa    Majesté  veut  que   les  seuls  catholiques,   apostoliques  et  romains 


REQUÊTE    DES    PROTESTANTS   DE   FRANCE   A    LOCIS    XIV.  77 

Et  avec  cela  quoique  l'Édit  déclare  formellement  les;  suppliants 
capables  de  toutes  charges  municipales  qui  sont  celles  des  villes  pour 
l'exercice  «le  la  police,  et  pour  les  autres  fonctions  qui  en  dépendent. 
et  d'être  admis  et  reçus  en  tous  les  conseils,  délibérations,  assemblées  et 
fonctions,  et  que,  suivant  l'intention  de  l'Édit  de  Nantes,  celui  de 
Louis  X 11  1  de  1629,  art.  17  «,  porte  expressément  que  l'ordre  gardé 
d'ancienneté  dans  les  villes,  tant  pour  les  consulats  que  pour  la  polir, ,  sera 
gard  vme  il  était  auparavant,  et  que  la  déclaration  de  1031 

ordonne  aussi  que  les  consulats  et  maisons  de  ville  seront  mi-partis  ; 
néanmoins,  par  divers  ordres  ou  arrêts  surpris  en  votre  Conseil,  les 
suppliants  ont  été  dépouillés  partout.  De  sorte  qu'à  présent  ils  n'ont 
plus  en  aucun  lieu  aucune  part  au  maniement  de  leurs  propres 
intérêts2. 

Toutes  ces  dispositions,  Sire,  qui  jusqu'ici  ont  été  et  sont  encore 
exécutées  partout  fuit  sévèrement,  sont  directement  contraires  à  l'esprit 
et  à  la  lettre  de  l'Édit.  A  l'esprit,  qui  a  été  de  traiter  les  suppliants 
comme  vos  autres  sujets  pour  les  choses  de  la  vie  civile.  A  la  lettre, 
qui  veut  pourvoir  à  la  sûreté  des  personnes  et  des  fortunes  des  suppliants, 
ordonne  qu'ils  soient  regardés  des  autres  comme  frères  et  citoyens,  et  les 
déclare  capables  de  tous  états  et  fonctions  pour  y  être  admis  et  reçus 
indi  t.  Cependant  les  voilà  chassés  de  toutes  sortes  de  charges 

et  d'emplois  depuis  les  premiers  jusqu'aux  plus  vils,  ce  qui  les  prive  de 
tout  rang  et  de  tout  honneur  dans  la  société,  et  en  leur  ôtant  presque 
tnu>  les  moyens  légitimes  de  gagner  leur  vie  ou  de  conserver  le  peu  de 
bien  qu'ils  tiennent  de  la  bénédiction  de  Dieu,  leur  rend  l'Édit  inutile 
et  illusoire,  car  en  vain  auraient-ils  la  liberté  de  conscience  et  l'exer- 
cice de  leur  religion  dans  votre  royaume,  s'il  leur  est  impossible  d'y 
vivre  et  d'y  subsister  par  le  défaut  des  choses  nécessaires  à  la  nature, 
et  proportionnées  à  la  condition  de  chacun  en  particulier. 

11  est  vrai  qu'ils  n'ont  pas  encore  vu  d'ordre  émané  de  Votre  Majesté 
qui  leur  interdise  absolument  l'entrée  aux  Arts,  aux  Métiers,  aux  pro- 
ions et  au  commerce,  mais  pourtant,  Sire,  il  s'en  faut  bien  qu'à  cet 
égard  même,  les  suppliants  ne  jouissent  d'une  pleine  et  entière  liberté. 
Car,  sans  dire  que  dans  les  villes  où  ils  sont  en  très  grand  nombre  on 
les  a  réduits  pour  les  Arts  et  Métiers  au  tiers,  on  les  a  d'un  coté  exclus 
de  tous  les  arts  qu'ils  exerçaient  snus  des  privilèges  de  votre  hôtel 
comme  indignes,  a-t-on  dit,  de  participer  à  vos  grâces,  quoiqu'ils 
eussent  acheté  ces  privilèges,  et  on  leur  a  fait  fermer  leurs  boutiques 


soient  admis  dans  ses  fermes.  »  Extrait  du  Règlement  des  Fermes,  arrête  ci 
Fontainebleau  le  il  juin  1680.  Signé  :  Colbert. 

1.  K.lii  de  Nîmes  juillet  1629). 

2.  Arrêt  <iu  Conseil  d'État  ordonnant  que  tous  les  consuls  et  officiers  poli- 
tiques de  Montpellier  seront  catholiques,  28  août  1656  ;  de  même  pour  Hedar- 
rieux,  27  mars  1657;  pour  Grenoble,  10  janvier  1681  ;  les  arrêts  semblables  sont 
trop  nombreux  pour  pouvoir  être  rapportés. 


78  MÉLANGES    ET    DOCUMENTS. 

Bans  aucun  égard4.  D'autre  part,  les  difficultés  de  parvenir  aux  maî- 
trises par  la  voie  des  chefs-d'œuvre  leur  deviennent  tous  les  jours  de 
plus  en  plus  insurmontables,  tant  par  les  obstacles  qu'on  apporte  aux 
apprentissages,  que  par  ceux  qu'ils  trouvent  aux  réceptions.  Pour  les 
professions,  par  arrêl  de  Notre  Conseil,  on  a  interdit  quelques  médecins 
pour  la  seule  cause  de  la  religion,  et,  dans  votre  Parlement  de  Rouen, 
on  a  voulu  réduire  presque  à  rien  le  nombre  tant  de  médecins  que 
(\c>  avocats  de  ladite  religion2.  Votre  Parlement  de  La  Réole,  par  son 
arrêt  du  II  août  1684,  a  enjoint  à  tous  les  apothicaires  et  chirurgiens 
de  la  province  de  Saintongc,  faisant  profession  de  ladite  religion,  de 
rapporter  incessamment  leurs  lettres  de  maîtrise,  et  cependant  les  a 
interdits  des  fonctions  de  leur  profession3.  Le  Parlement  de  Bretagne 
a  donné  un  pareil  arrêt  contre  ceux  -de  son  ressort.  Et,  pour  ce  qui 
regarde  le  commerce,  on  a  interdit  et  on  interdit  tous  les  jours  des 
marchands  en  divers  lieux  comme  à  Dijon4,  à  Autun3,  et  nommément 
à  Amiens,  par  arrêt  de  votre  Conseil,  sans  autre  raison  que  celle  de  la 

1.  Les  arrêts  rendus  par  le  Conseil  d'État  ou  par  les  Parlements  à  ce  sujet 
sont  très  nombreux,  en  voici  quelques  exemples  :  Arrêt  du  Conseil  d'État  qui 
ordonne  qu'il  n'y  aura  dans  Rouen  que  deux  monnoyers  de  la  Religion  pré- 
tendue réformée,  24  octobre  1664.  —  Arrêt  du  Conseil  d'État  qui  exclut  de  la 
maîtrise  de  lingère  les  femmes  de  la  Religion  prétendue  réformée,  21  août  1665. 
—  Lors  de  la  paix  des  Pyrénées,  le  Roi  donna  divers  édits,  portant  création 
de  quatre  lettres  de  maîtrise  dans  toutes  les  villes  et  bourgs  du  royaume. 
Comme  ces  édits  étaient  généraux,  ces  lettres  furent  vendues  aux  catholiques 
comme  aux  réformés.  Un  grand  nombre  de  ces  derniers  firent  cet  achat  coûteux, 
afin  d'améliorer  leur  situation,  mais,  quatre  ans  après,  le  clergé  obtint  un 
arrêt  du  Conseil  du  21  juillet  1664  qui,  sous  le  prétexte  que  ces  lettres  avaient 
été  expédiées  sans  la  clause  de  la  religion  catholique,  ordonna  que  les  lettres 
où  cette  mention  n'existait  pas  demeureraient  nulles,  et  qu'il  était  fait  défense 
de  s'en  servir.  Par  là  furent  ruinés  plusieurs  artisans,  et  dès  cette  époque 
commença  la  grande  émigration  protestante. 

Une  ordonnance  du  Châtelet,  du  13  mai  1681,  exigea  le  catholicisme  pour  la 
profession  de  bonnetier. 

2.  Eu  1662,  le  Parlement  de  Rouen  avait  réduit  à  deux,  pour  une  population 
protestante  qui  dépassait  dix  mille  habitants,  le  nombre  des  médecins 
réformés.  Le  3  décembre  1664,  par  un  autre  arrêt,  le  nombre  des  avocats  fut 
réduit  à  dix  pour  le  Parlement,  à  deux  pour  chaque  bailliage,  et  à  un  pour 
chaque  vicomte. 

3.  Les  dossiers  relatifs  à  cette  affaire  se  trouvent  aux  Archives  nationales, 
T.  T.  247. 

4.  L'arrêt  du  Conseil  d'État  du  29  juin  1682  ordonna  «  que,  dans  six  mois, 
ceux  de  la  Religion  prétendue  réformée,  demeurant  en  la  ville  de  Dijon,  seraient 
tenus  de  s  en  retirer  avec  leurs  familles,  pour  aller  faire  leur  résidence 
ailleurs.  » 

5.  L'arrêt  du  Conseil  d'État  du  24  mai  1683  donna  deux  mois  à  ceux  de  la 
Religion  prétendue  réformée  pour  faire  leur  résidence  ailleurs,  «  avec  défense 
a    toutes   personnes   de  la  religion  de  se  venir  habituer  à  l'avenir  en   ladite 

\il|.'     I 


REQUÊTE  DES  PROTESTANTS  DE  FRANCE  A  LODIS  XIV.       7!» 

religion.  Tout  cela,  joint  à  toutes  les  autres  choses  qu'ils  souffrent,  ne 
peut  qu'il  ne  les  jette  dans  une  dernière  calamité. 

Mais,  avant  que  les  suppliants  ùtent  de  devant  vos  yeux  ce  triste 
tableau  de  leurs  griefs  sur  la  première  partie  de  l'Edit,  permettez-leur, 
Sire,  de  nous  représenter  aussi,  avec  toute  l'humilité  dont  ils  sont 
capables,  que  la  déclaration  du  17  juin  1681,  qui  ordonne  que  leurs 
enfants  à  l'âge  de  sept  ans  pourront  abjurer  la  religion  prétendue  réfor- 
mée et  embrasser  la  catholique,  apostolique  et  romaine,  prive  les 
suppliants  de  la  puissance  paternelle  et  du  droit  d'éducation  que  la 
nature  leur  donne  sur  leurs  enfants.  Droit  qui  a  toujours  été  regardé 
parmi  toutes  les  nations  comme  saint  et  inviolable,  dans  lequel  l'Édit 
de  Nantes  les  avait  maintenus,  et  que  votre  déclaration  de  1669  leur 
avait  expressément  conservé'. 

Il  en  esl  do  même  de  la  déclaration  du  31  janvier  1682,  qui  ordonne 
que  tous  les  enfants  naturels  de  ceux  de  ladite  religion,  de  l'un  et  de 
l'autre  sexe,  de  quelque  âge  et  condition  qu'ils  soient,  seront  instruits 
et  élevés  à  la  religion  catholique,  apostolique  et  romaine.  Car,  quoique 
ces  enfants  n'aient  pas  une  naissance  légitime,  ils  ne  laissent  pourtant 
pas  d'être  naturellement  sous  la  puissance  de  leurs  pères  lorsqu'ils  en 
sont  avoués,  ou  sous  celle  de  leurs  mères  quand  ils  ne  sont  pas  avoués 
des  pères,  ni  les  pères  ou  mères  d'avoir  sur  eux  le  droit  de  l'éducation, 
comme  à  cet  égard  ils  sont  en  obligation  d'y  pourvoir2. 

C'est  aussi  un  droit  de  la  nature  et  de  la  société  civile  que  chacun 
ait  la  liberté  de  choisir  dans  chaque  profession  les  personnes  qu'il  juge 
les  plus  propres  pour  leur  confier  sa  vie  et  celle  de  ses  enfants,  dans 
les  maux  ou  dans  les  dangers  qui  les  pressent,  la  vie  étant  le  fondement 

1.  La  déclaration  du  17  juin  1G81  portait  qu'il  était  loisible  «  aux  sujets  de 
la  Religion  prétendue  réformée,  tant  maies  que  femelles,  ayant  atteint  l'âge  de 
sept  ans,  d'embrasser  la  religion  catholique,  apostolique  et  romaine,  et  qu'à  cet 
ellet  ils  fussent  reçus  à  faire  abjuration  de  leur  religion,  sans  que  leurs  père  et 
mère  on  parents  j  pussent  donner  aucun  empêchement  sous  quelque  prétexte 
que  ce  fût.  »  Toute  liberté  était  laissée  aux  enfanls  ainsi  convertis,  ou  de 
rester  dans  la  maison  paternelle,  ou  de  l'abandonner,  en  demandant  à  leurs 
parents  une  pension  proportionnée  à  leurs  conditions  avec  autorisation  de 
contrainte  dans  le  cas  de  refus.  Cette  déclarai  ion,  rime  des  plus  cruelles  rendues 
par  Louis  XIV,  fut  accordée  aux  sollicitations  du  clergé,  qui,  dès  1070,  en  avait 

I  lit  l'instante  demande.  En  1670,  elle  fut  renouvelée,  sous  le  prétexte  que 
refuser  de  la  donner,  ce  serait  a  prescrire  des  limites  à  la  miséricorde  de  Dieu 
et  soumettre  sa  grâce  à  l'autorité  des  lois.  »  Elle  inspira  à  Claude  une  éloquente 
réponse  qui  traduisit  l'extrême  douleur  des  Réformés  :  «  C'est  à  Votre  Majesté 
qu  ils  osent  dire  qu'ils  aimeraient  mieux  souffrir  toutes  sortes  de  maux  et  la 
mort  même  que  de  se  voir  séparer  de  leurs  enfanls,  dans  un  âge  si  tendre.  » 
Requête  présentée  au  Roi  par  MM.  de  la  Religion  prétendue  réformée,  etc.,  1681 . 

2.  La  déclaration  porte  que  les  enfants  bâtards  de  la  Religion  prétendue 
réformée  seront  élevés  en  la  religion  catholique,  «  comme  père  commun  de 
nos  sujets,  nous  ne  pouvons  les  faire  élever  que  dans  la  religion  que  nous 
professons,  »  à  peine  à  ceux  qui  s'y  opposeraient  de  i,000  livres  d'amende. 


su  MÉLANGES   ET   DOCUMENTS. 

de  toutes  choses.  Cependant  la  déclaration  du  20  février  1680  prive  les 
femmes  dos  suppliants  d'une  liberté  si  nécessaire  à  leur  conservation 
el  à  celle  dos  enfants  qu'elles  portent,  en  ce  qu'elle  ordonne  qu'aucune 
personne  de  quelque  soxe  que  ce  soit,  faisant  profession  de  ladite  reli- 
gion prétendue  réformée,  ne  puisse  dorénavant  se  mêler  d'accoucher.  De 
sorte  que,  dans  un  si  extrême  péril,  il  ne  leur  est  plus  permis  d'appeler 
à  leur  secours  ceux  ou  celles  en  qui  elles  peuvent  avoir  plus  de 
confiance,  ce  qui  sans  doute  les  met  dans  une  contrainte  fort  sensible  à 
la  nature1. 

La  contrainte  aussi  où  ils  se  trouvent  par  les  déclarations  du 
17  juin  16812,  18  mai3  et  14  juillet  1682  n'est  pas  petite.  La  première 
défend  d'envoyer  leurs  enfants  hors  du  royaume  avant  l'âge  de  seize  ans, 
la  seconde  défend  aux  gens  de  mer,  et  aux  artisans  et  aux  gens  de  terre 
d'en  sortir  eux-mêmes,  et  la  troisième  fait  la  même  défense  à  tous  en 
général  et  y  ajoute  celle  de  vendre  leurs  biens.  Il  ne  se  peut  que  cela 
ne  les  jette  dans  une  grande  consternation;  leurs  enfants,  à  l'âge  de 
sept  ans,  sont  hors  leur  puissance  paternelle  pour  la  religion,  comment 
s'empêcher  de  songera  cet  égard  à  leur  sûreté?  Les  artisans  et  gens  de 
métiers  sont  réduits  eux  et  leurs  familles  à  la  mendicité,  le  moyen  de 
ne  pas  aller  chercher  du  pain  ailleurs  ?  Et  pour  les  autres,  ils  voient 
toutes  leurs  affaires  renversées  par  cette  défense  de  vendre  leur  bien, 
qui  est  dans  la  nécessité  leur  unique  et  dernier  recours. 

Les  suppliants,  Sire,  représentent  à  Votre  Majesté  la  même  chose 
sur  le  sujet  des  arrêts  du  13  juillet  1682  et  du  17  mai  1683,  par  lesquels 
il  est  défendu  aux  ministres,  et  aux  proposants  qui  ont  servi  dans  les 
lieux  où  l'exercice  de  ladite  religion  a  été  interdit,  d'y  résider  ni  plus 
près  que  de  six  lieues,  sur  de  grièves  peines.  Car  ces  défenses  sont 
directement  opposées  à  la  liberté  dans  laquelle  l'article  6  de  l'Édit  les 
a  maintenus  de  vivre  et  de  demeurer  dans  toutes  les  villes  du  royaume, 

1 .  Une  peine  de  3,000  livres  frappait  ceux  qui  contrevenaient  à  la  décla- 
ration. Les  conséquences  de  cette  mesure  furent  désastreuses  dans  les 
provinces  où  les  Réformés  étaient  nombreux.  —  «  Il  est  déjà  arrivé  que  dans 
la  ville  de  Montauban,  où  il  se  rencontra  en  même  temps  sept  ou  huit  femmes 
en  travail  d'enfant,  sans  qu'il  s'y  trouvât  de  chirurgiens  ou  de  sages-femmes 
catholiques  pour  les  accoucher,  ce  qui  a  causé  la  mort  de  quelques  enfants.  » 
Arch.  nat.,  TT.  268. 

2.  La  déclaration  du  17  juin  1681,  qui  permettait  aux  enfants  âgés  de  sept 
ans  de  se  convertir,  ordonnait  aux  parents  protestants  dont  les  enfants  étaient 
élei  es  i  dans  les  pays  étrangers,  dans  lesquels  ils  pouvaient  prendre  des  maximes 
contraires  à  l'État  et  a  la  fidélité  qu'ils  devaient  au  Roi  par  leur  naissance,  de 
les  l'aire  revenir  immédiatement,  à  peine  de  privation,  pour  ceux  qui  avaient 
du  bien,  île  leur  revenu  pendant  la  première  année,  el  de  la  moitié  de  ce  môme 
revenu  pendant  1'altscnce  de  leurs  enfants,  j 

:.  La   déclaration   du   18   mai  entraînait,   si  elle  était  violée,   la  peine  des 
perpétuité  pour  les  ehefsde  famille;  celle  du  14  juillet  de  cette  même 
année  tendit  a  rendre  l'émigration  plus  dillicile  encore,  en  aliénant  les  ventes 
faites  par  le-^  fugitifs,  comme  eu  prononçant  la  confiscation  de  leurs  biens. 


REQUÊTE    DES    rKOTESTAYTS    DE    FRANCE    A    LOUIS    XIV.  84 

et  pays  de  l'obéissance  de  Votre  Majesté*.  Ce  que  l'article  1er  de?  particu- 
liers applique  nommément  aux  ministres,  et  dans  le  cas  présent  cette 
liberté  parait  d'autant  plus  juste  et  raisonnable  que  les  ministres  ont 
souvent  dans  les  lieux  interdits  où  ils  ont  servi  quelques  biens  en 
fonds  ou  d'autres  intérêts  personnels  qui  leur  aident  à  subsister  et  qui 
demandent  leur  présence  '-. 
De  cette  première  partie  de  l'Édit,  les  suppliants  passeront  à  la 
inde  qui  regarde  la  liberté  de  leurs  consciences  et  l'exercice  de  leur 
religion  et  de  leur  discipline  dans  les  lieux  permis3.  Il  leur  serait  diffi- 
cile  d'expliquer  de  combien  de  prétextes  ou  de  maximes  indirectes  on 
s'est  servi  pour  faire  interdire  leurs  exercices.  L'envoi  des  commissaires 
départis  dans  les  provinces  a  été  l'un  des  premiers  et  des  plus  spécieux 
moyens  qu'on  a  mis  en  œuvre  pour  cela'1.  Connaître  des  infractions 
faites  à  l'Edit  pour  les  réparer  ou  pour  en  informer  Votre  Majesté,  était 
la  chose  du  monde  la  plus  plausible  pour  l'intérêt  des  suppliants,  qui, 
de  la  manière  qu'ils  sont  dans  le  royaume,  toujours  observés  par  le 
Clergé,  ne  semblaient  pas  pouvoir  jamais  être  accusés  d'en  avoir  fait  de 
leur  part  une  seule.  La  suite  a  pourtant  justifié  que  sous  cette  belle 
apparence  était  cacbé  le  projet  de  mille  griefs  qu'on  a  faits  aux 
suppliants.  Ces  commissions  ont  été  mises  d'un  côté  entre  les  mains 
des  intendants  de  Votre  Majesté  dans  ses  provinces,  et  d'autre  côté,  en 
plusieurs  lieux,  ils  ont  eu  pour  adjoints  des  personnes  entièrement  sus- 
pectes à  vos  sujets  de  ladite  religion,  sans  qu'on  ait  eu  égard  aux  causes 
de  récusation  qui  étaient  proposées  contre  eux  s.  D'ailleurs  les  syndics 
de  chaque  diocèse,  ayant  été  reçus  pour  parties,  ont  prétendu  que  tous 

1.  Ces  arrêts  devaient  être  exécutés  sous  peine  de  3,000  livres  d'amende, 
d'être  privés  pour  toujours  de  faire  aucune  fonction  pastorale  dans  le  royaume, 
et  de  procédure  extraordinaire. 

2.  a  L'article  vi  dudit  Édit  (de  Nantes)  touchant  la  liberté  de  conscience  aura 
lieu  et  sera  observé  selon  sa  forme  et  teneur;  même  pour  les  ministres...  » 
Art.  i  îles  Particuliers  de  l'Edit  do  Nantes. 

3.  Par  discipline,  les  Réformés  entendaient  l'ensemble  des  règlements  don- 
nés  par  leurs  synodes  dans  le  but  de  maintenir  l'ordre  et  la  régularité  dans 
l'église.  On  appelait  Lieux  permis  ceux  où  l'exercice  de  la  religion  réformée 
était  autorisé  par  l'Édit  de  Nantes. 

'i-  La  déclaration  est  du  18  juillet  1656,  mais  l'envoi  des  commissaires  dans 
les  provinces  ne  date  que  de  1661.  Cette  mesure  fut  prise  à  L'instante  prière  du 
clergé,  qui,  réuni  à  Pontoise  le  7  avril  1661,  demanda  que,  par  l'exécution  de 
cette  mesure,  les  Réformés  apprissent  «  que  leur  religion  n'était  que  tolérée 
dans  le  royaume.  » 

5.  Dans  une  province  comme  le  Languedoc,  l'intendant  Bézons,  commissaire 
catholique,  avait  pour  collègue  Peyremales,  simple  juge  au  présidial  de  Nimes. 
On  vit  de  Sigognac,  commissaire  protestant,  appuyé  par  l'évêque  de  Montan- 
ban,  condamner  de  nombreuses  églises,  et  ensuite  apostasier.  De  Cnampigny, 
intendant  du  Dauphin.',  parlant  de  son  collègue  de  Monlclar,  le  commissaire 
protestant,  avouait  naïvement  que  celui-ci  «  travaillait  contre  sa  religion.  » 
Lettre  à  La  Vrillière,  14  juillet  1664.  Arch.  nat.,  TT.  288  b. 

Rev.  Hisxon.  XXVII.  1"  FAsc.  G 


82  MELANGES    ET    DOCDMEXTS. 

Les  exercices  qu'on  appelle  de  possession*  étaient  des  infractions  à  l'Édit, 
comme  si  aux  temps  de  l'Édit  les  peuples  de  la  R.  P.  R.  n'eussent  fait 
prêcher  mille  part,  ou  comme  si  l'Édit,  en  leur  accordant  ces  sortes  de 
lieux  d'exercices,  ne  leur  avait  rien  accordé.  Cependant,  Sire,  les  com- 
missaires se  sont  partagés  sur  la  plupart  des  exercices,  et  il  y  en  a  eu 
très  peu  qui  aient  échappé  à  l'avis  destructif  des  intendants,  parce  que 
les  intendants  se  sont  fait  des  principes  sur  lesquels  il  était  presque 
impossible  qu'aucun  exercice  subsistât;  une  possession  de  60  ou  80  ans, 
qui  selon  toutes  les  règles  de  la  justice  induisait  un  établissement 
légitime,  surtout  dans  les  diverses  révolutions  des  temps  qui  font  perdre 
les  actes,  ne  leur  a  pas  été  un  titre  suffisant  pour  la  conservation  du 
droit  des  suppliants,  on  leur  en  a  demandé  précisément  des  années 
marquées  par  l'Édit2. 

La  déclaration  du  feu  Roi,  de  glorieuse  mémoire,  père  de  Votre 
Majesté,  du  mois  de  mars  1626  et  son  Édit  du  mois  de  juillet  1629 3, 
qui  ordonnaient  que  les  exercices  seraient  laissés  ou  rétablis  dans  l'état 
où  ils  étaient  en  1620,  n'ont  point  arrêté  les  commissaires,  non  plus 
que  les  deux  arrêts  de  Votre  Majesté  de  1649  et  1650,  qui  portent  que 
ceux  de  ladite  religion  ne  pourraient  être  troublés  en  l'exercice  de  leur 
religion,  en  la  possession  de  leurs  temples  ni  en  toutes  les  autres 
concessions  à  eux  accordées,  et  qu'ils  en  jouiraient  tout  ainsi  et  en  la 
môme  forme  qu'ils  faisaient  lors  du  décès  du  feu  Roy,  sans  qu'il  y  fût  rien 
innové  à  leur  préjudice4. 

On  n'a  point  voulu  recevoir  les  preuves  par  témoins,  lorsque  les 

1.  L'arlicle  9  de  l'Édit  de  Nantes  permettait  aux  Réformés  de  faire  et 
continuer  l'exercice  en  toutes  les  villes  et  lieux  de  l'obéissance  de  Sa  Majesté, 
où  il  était  par  eux  établi  et  fait  publiquement  par  plusieurs  et  diverses  fois, 
en  l'année  1596  et  1597,  «jusqu'à  la  fin  du  mois  d'août,  nonobstant  tous  arrêts 
et  jugements  contraires.  »  Cet  article,  qui  créait  des  exercices  dits  de  posses- 
sion, donna  lieu  à  des  procédures  sans  nombre. 

2.  Entre  une  foule  d'exemples,  nous  citerons  celui-ci  :  Dès  1670,  le  syndic  du 
clergé  demanda  la  suppression  du  Collège  et  de  l'Académie  de  Saumur.  Lorsque 
les  Réformés  parlèrent  de  la  prescription  acquise  par  près  d'un  siècle  de  droit, 
celui-ci  répondit  :  «  La  prescription  ne  vaut  que  pour  les  choses  du  commerce.  » 
Arch.  nat.,  TT.  239. 

3.  Édit  du  Soi,  sur  la  paix  qu'il  a  plu  à.  Sa  Majesté  donner  à  ses  sujets  de 
la  Religion  prétendue  réformée.  Donné  à  Paris,  en  mars  1626,  et  publié  en 
Parlement,  le  sixième  avril  audit  an.  Article  m  :  «  voulons  que  l'exercice  de 
la  Heligion  prétendue  réformée  soit  rétabli  au  lieu  où  il  était  établi  en  l'année 
1620.  »  —  Édit  de  Nimes,  juillet  1629.  —  Article  v  :  «  voulons  qu'ils  aient 
L'exercice  libre  de  la  religion  en  tous  les  lieux  où  il  a  été  concédé  pour 
iceux.  » 

4.  Arrêt  du  Conseil  d'État  rendu  en  présence  du  Roi  et  de  la  Reine  régente, 
sur  hs  plaintes  du  député  général,  23  décembre  1649.  —  Il  y  est  ordonné  «  que 
les  édils  et  déclarations  devront  <Hre  entièrement  exécutés.  »  —  Arrêt  du 
Conseil  d'État  confirmatif  de  celui  du  23  décembre  1649,  relatif  au  maintien 
des  édils  de  pacification,  20  avril  1650. 


REQUKTE  DES  PROTESTANTS  DE  FRANCE  A  LOUIS  XIV.        83 

suppliants  ont  présenté  des  vieillards  irréprochables  et  même  catholiques 
qui  déposaient  avoir  vu  leurs  assemblées  aux  années  de  l'Édit,  on  n'a 
eu  nul  égard  aux  registres  de  baptêmes  et  de  mariages  suivis  de 
semaine  en  semaine,  quoique  ces  titres  marquent  visiblement  une 
possession.  Des  livres  de  consistoire,  des  actes  de  synodes  même  et  de 
colloques  en  bonne  forme,  qui  prouvaient  cette  possession,  n'y  ont  de 
rien  servi;  on  est  allé  jusqu'à  rejeter  des  ordonnances  de  commissaires 
envoyés  immédiatement  après  l'Édit  et  pour  l'exécution  de  l'Édit,  sous 
prétexte  qu'on  a  prétendu,  ou  que  les  commissaires  avaient  été  partiaux 
et  suspects,  ou  qu'ils  avaient  été  surpris  et  qu'ils  avaient  donné  leurs 
ordonnances  sans  examen  et  sans  y  voir  assez  clair.  Des  preuves  mêmes 
incontestables  d'exercices,  quelques  années  avant  et  après  l'Édit,  et  qui 
par  une  conséquence  évidente  enfermaient  les  années  mêmes  de  l'Édit, 
n'ont  été  de  nulle  considération1.  On  n'en  a  pas  usé.  avec  plus  de  modé- 
ration pour  les  exercices  qu'on  appelle  de  bailliage,  sur  lesquels  on  n'a 
rien  oublié  qui  put  inquiéter  les  suppliants  et  donner  quelque  couleur 
à  des  condamnations-. 

Mais,  Sire,  ce  qu'il  y  a  eu  de  plus  accablant  aux  suppliants  et  qui  a 
été  pour  eux  une  source  presque  infinie  de  maux,  c'est  que  dans  les 
jugements  rendus  dans  votre  Conseil,  sur  le  partage  des  commissaires, 
on  a  suivi  les  mêmes  maximes  qu'ils  avaient  suivies,  et  qu'on  y  a  regardé 
l'Edit  non  dans  ses  naturelles  idées  ou  dans  sa  naturelle  destination, 
comme  une  loi  de  sagesse,  d'équité  et  de  justice  rendue  à  vos  sujets  de 
la  R.  P.  R.,  ni  comme  une  protection  qui  leur  a  été  authentiquement 
accordée,  mais  simplement  comme  une  charge  à  l'État  dont  il  fallait  se 
soulager.  De  là  sont  venus  tant  d'interdictions  et  de  condamnations 
d'exercices,  tant  de  temples  abattus  en  si  peu  de  temps,  et  tant  de 
milliers  de  peuples  privés  de  la  liberté  de  prier  Dieu,  et  de  s'instruire 
dans  les  choses  de  la  religion  suivant  les  mouvements  de  leur  cons- 
cience. De  sorte  qu'au  lieu  qu'il  paraît  par  un  synode  national  tenu  à 
Montpellier  en  1598,  c'est-à-dire  l'année  même  de  l'Édit,  que  les 
suppliants  jouissaient  de  760  lieux  d'exercice  sans  y  comprendre  les 
ices  des  fiefs,  ni  les  lieux  de  bailliage  qui  n'avaient  pas  encore  été 
donnés,  ni  les  lieux  qui  devaient  être  rétablis,  selon  l'Édit  de  1577,  à 
peine  y  en  a-t-il  à  présent  la  douzième  ou  la  quinzième  partie  qui 
subsiste.  Et  c'est  pourtant  ce  qu'on  appelle  avoir  corrigé  les  infractions 
faites  à  l'Édit 3. 

1.  Les  nombreuses  pièces,  produites  alors  pour  justifier  le  droit  d'exercice, 
ont  été  en  grande  partie  conservées,  et  forment  une  suite  importante  de  la 
série  TT.  des  Archives  nationales.  On  consullera  aussi  utilement  la  série 
L.  D.  176  de  la  Bibliothèque  nationale  (imprimés)  où  se  trouvent  les  rapports 
présentés  au  Conseil  d'État  sur  les  partages  survenus  entre  les  commissaires  à 
l'occasion  du  droit  d'exercice. 

2.  L'Edit  de  Nantes  avait  accordé  le  droit  d'exercice  à  raison  de  deux  par 
bailliage. 

3.  «  Rôle  total  des  églises  réformées  de  France  dressé  l'an  du  salut  1598,  Ile- 


S',  MELANGES   ET   DOCUMENTS, 

I  ependant  une  si  grande  brèche  n'a  pas  été  capable  de  contenter  ceux 
(jui  veulent  la  ruine  entière  des  suppliants;  ils  ont  formé  encore  le 
dessein  d'ôter  ou  de  rendre  nul  et  illusoire  le  droit  des  fiefs  accordé  par 
les  articles  7  el  8  de  l'Édita  C'est  ce  qu'ont  fait  plusieurs  arrêts  qu'ils 
mit  surpris  au  Conseil  de  Votre  Majesté,  comme  sont  ceux  du  27  dé- 
cembre 1675,  15  août  1676  et  8  novembre  1681,  qui  ordonnent  que  les 
prétendants  aux  droits  de  fief  qui  ne  font  l'exercice  de  ladite  religion  que 
depuis  deux  ans  ne  le  pourront  continuer  qu'après  avoir  justifié  de  leur 
dioit  devant  les  commissaires  et  rapporté  une  ordonnance  qui  leur  en 
accorde  la  permission.  Ainsi  ces  arrêts  les  dépossèdent  d'abord  contre 
la  disposition  formelle  de  l'Édit,  qui  veut  que,  quand  même  les  fiefs 
seraient  contestés  par  vos  procureurs  généraux,  pourvu  qu'on  soit  en 
possession  actuelle,  on  ne  laissera  pas. d'y  jouir  de  l'exercice  de  ladite 
religion.  D'autres  arrêts,  et  nommément  la  déclaration  du  4  sep- 
tembre 1684,  restreignent  l'exercice  aux  familles  des  seigneurs  des  fiefs 
et  aux  tenanciers  de  leurs  terres,  contre  le  texte  exprès  de  l'Édit  qui  porte 
tant  pour  eux,  leurs  familles  et  sujets  qu'autres  qui  y  voudront  aller, 
distinguant  formellement  ces  autres  qui  y  voudront  aller,  d*avec  leurs 
vassaux  et  leurs  domestiques2. 

Mais  l'arrêt  rendu  en  votre  Conseil  le  4  septembre  1684  va  encore 
plus  avant,  car  il  réduit  le  droit  dont  il  s'agit  à  ceux  qui  tiendront  fiefs 
en  ligne  directe  ou  collatérale  depuis  l'Édit,  et  il  en  prive  tous  ceux 
qui  les  tiennent  par  acquisition  ou  autrement,  ce  qui  est  une  restriction 
entièrement  contraire  à  l'Édit.  L'Édit,  Sire,  étant  une  loi  perpétuelle  et 
irrévocable,  doit  nécessairement  régner  sur  les  révolutions  que  le  temps 

de-France,  Picardie,  Champagne  et  Brie,  88;  Normandie,  59;  Bretagne,  14; 
Bourgogne,  11;  Lyonnais,  4;  Forez,  2;  Dauphiné  et  Provence,  94;  Vivarais,  35; 
Bas-Languedoc,  116;  Haut- Languedoc,  96;  Guyenne,  83;  Poitou,  50;  Sain- 
tonge,  51  ;  Anjou,  21  ;  Orléans,  29,  qui  font  en  tout  763.  »  Aymon,  Synodes  natio- 
naux de  France,  1,  226.  Dans  les  deux  premiers  mois  de  1683,  quarante-cinq 
temples  tombèrent  sous  la  pioche  des  démolisseurs.  Il  n'était  pas  d'évèque  qui 
ne  tint  à  honneur  de  se  glorifier  d'avoir  fait  abattre  quelques  temples,  c'était 
du  reste  la  meilleure  manière  alors  d'avancer  sa  fortune  à  la  cour,  car  le  Roi 
voyait,  dans  l.i  destruction  de  l'hérésie,  la  grande  atfaire  du  règne.  «  Je  fus  si 
heureux,  dit  Cosnac,  évèque  de  Valence,  dans  ses  mémoires,  que  dans  moins 
de  deux  ans,  de  quatre-vingts  temples  que  j'avais  dans  les  diocèses  de  Valence 
el  de  Die,  il  n'en  restait  qu'environ  dix  ou  douze,  qui,  dans  la  vérité,  n'étaient 
pa>  dans  le  cas  d'être  rasés.  »  Mémoires  de  Daniel  de  Cosnac. 

1 .  Les  articles  7  et  8  de  l'Édit  de  Nantes  permettaient  aux  seigneurs  réformés, 
ayant  liante  justice  ou  fief  de  haubert,  de  faire  célébrer  le  culte  dans  leurs 
châteaux,  de  là  le  nom  d'exercices  de  fiefs. 

2.  Le  Conseil  d'État,  par  son  arrêté  du  27  décembre  1675,  défendit  aux 
synodes  de  nommer  des  pasteurs  pour  les  nouveaux  exercices  de  fiefs,  en 
motivant  sa  décision  but  le  lait  qne  le  nombre  de  ces  exercices  allait  gran- 
dissant. Plusieurs  Réformés  avaient  en  effet  acheté  des  fiefs  et  croyaient  par 
cela  même  avoir  le  droit  d'établir  le  culte  dans  leurs  châteaux,  l'arrêt  du 
Conseil  les  détrompa. 


REQUÊTE    DES    PROTESTANTS    DE    FRANCE   A    LOUIS  XIV.  85 

et  le  commerce  ordinaire  de  la  "vie  civile  apportent  dans  les  familles.  De 
quoique  main  que  viennent  les  maisons,  ou  de  quelque  main  qu'elles 
changent  de  maître,  pourvu  que  ce  soient  des  personnes  de  la  R.  P.  R. 
qui  les  possèdent  actuellement,  elles  demeurent  toujours  par  manière 
di1  dire  sons  l'influence  de  l'Édit,  qui  à  cet  égard  est  comme  le  soleil 
qui  n'a  pas  été  fait  pour  éclairer  seulement  les  corps  de  la  première 
création,  mais  aussi  tous  ceux  que  la  suite  des  temps  ou  des  générations 
pourraient  produire  à  l'avenir.  Aussi  est-il  constant  que  le  droit  dont  il 

;  est  accordé  à  tous  seigneurs,  gentilshommes  et  autres  personnes, 
tant  regnicoles  qu'autres,  le  Roi  voulant  désigner  les  étrangers  qui 
pourraient  venir  habiter  dans  Le  royaume  et  y  acheter  des  terres  en 
justice  ou  des  fiefs.  Gomme  donc,  à  l'égard  des  étrangers,  ce  serait 
donner  une  fort  mauvaise  interprétation  à  l'Edit  que  de  le  restreindre 
à  ceux  qui  tiendront  leurs  terres  en  ligne  directe  ou  collatérale  depuis 
l'Edit,  el  d'en  exclure  les  étrangers  qui  les  ont  acquises  depuis,  ou  qui 
en  pourraient  tous  les  jours  acquérir,  cette  restriction  ne  saurait  aussi 
avoir  lieu  à  l'égard  des  regnicoles.  Et  il  ne  servirait  de  rien  de  presser 
le  terme  ayant  qui  se  trouve  dans  l'article,  tous  seigneurs,  etc.,  ayant  en 
notre  royaume  et  pays  de  notre  obéissance  haute  justice  et  plein  fief, 
comme  si  ce  terme  ne  signifiait  que  le  temps  d'alors1.  Car,  qui  ne  sait 
que  dans  le  style  des  édits,  des  lois  et  des  ordonnances  perpétuelles, 
ce  terme  esl  employé  non  seulement  pour  ceux  qui  se  trouvent  avoir 
alors,  mais  aussi  pour  ceux  qui  se  trouvent  avoir  dans  la  suite  des 
temps  à  perpétuité  de  quelque  manière  que  cela  arrive?  en  effet,  dans 
l'article  suivant,  où  il  est  parlé  des  petits  fiefs,  le  terme  Sauront  est 
employé  pour  faire  voir  que  ces  deux  mots  sont  mis  indifféremment  l'un 
pour  l'autre,  dans  un  seul  et  même  sens. 

A  cela  les  suppliants  ajoutent  que  c'est  dans  ce  sens  clair  et  naturel 
qu'on  a  entendu  l'Édit,  depuis  qu'il  a  été  donné  jusqu'à  présent,  et  que 

dans  ce  même  sens  qu'il  a  toujours  été  exécuté  jusqu'à  ce  jour, 
sans  qu'on  se  fût  jamais  avisé  d'y  vouloir  apporter  cette  restriction. 

Plût  à  Dieu,  Sire,  que  les  suppliants  pussent  finir  ici  la  déduction  de 
leurs  maux  et  cesser  d'en  importuner  Votre  Majesté,  mais,  puisqu'on  ena 
tellemenl  grossi  le  nombre  que,  pour  en  toucher  seulement  les  principaux, 
i!  faut  qu'ils  passent  les  bornes  d'une  requête  ordinaire,  ils  espèrent  de 
votre  équité  qu'elle  n'imputera  cette  longueur  qu'à  la  grandeur  et  à  la 
multitude  même  de  leurs  malheurs.  L'Édit  qui  défend  aux  catholiques 
d'embrasser  la  R.  P.  R.  et  les  déclarations  qui  ont  été  publiées  sur  le 


1.  Édit  de  Nantes,  art.  vu  :  «  Nous  avons  aussi  permis  à  tous  seigneurs, 
gentilshommes  et  autres  personnes,  tant  regnicoles  qu'autres,  faisant  profession 
de  la  Religion  prétendue  réformée,  ayant  en  notre  royaume  et  pays  de  notre 
obéissance  haute  justice  ou  plein  fief  de  Haubert  (comme  en  Normandie)  soit 
en  propriété  on  usufruit,  en  tout  ou  par  moitié,  ou  par  la  troisième  partie, 
etc.,  d'avoir  l'exercice  de  ladite  religion,  tant  qu'ils  y  seront  résidents,  et  en 
leur  absence,  leurs  femmes  ou  bien  leur  famille,  ou  partie  d'icelle...  » 


SI!  MELANGES    ET    DOCUMENTS. 

sujet  de  ceux  qu'on  appelle  relaps*  ont  rempli  les  suppliants  d'étonne- 
ment  et  de  frayeur.  Ils  vous  représentent,  Sire,  que  ces  dispositions, 
qu'il  semble  que  Votre  Majesté  a  plutôt  lâchées  que  données  aux 
instantes  sollicitations  du  Clergé  qui  les  avait  longtemps  demandées 
sans  les  obtenir2,  font  d'un  côté  par  elles-mêmes  une  brèche  de  la 
dernière  conséquence  à  l'Édit  de  Nantes,  et,  de  l'autre,  elles  sont  accom- 
pagnées de  telles  circonstances  que  les  suppliants  s'y  voient  exposés 
aux  dernières  vexations3. 

L'article  6  de  l'Édit,  qui  permet  à  ceux  de  ladite  religion  de  vivre  et 
de  demeurer  dans  toutes  les  villes  et  lieux  du  royaume,  sans  être  enquis, 
vexés,  molestés  ni  astreints  à  faire  chose  pour  le  fait  de  la  religion  contre 
leur  conscience,  est  formellement  expliqué  par  le  premier  des  particu- 
liers, de  la  liberté  de  conscience  et  permission  à  tous  les  sujets  de  Sa  Majesté 
de  vivre  et  de  demeurer  dans  ce  royaume  et  généralement  pour  tous  ceux 
qui  sont  et  seront  de  ladite  religion.  Termes  qui  marquent  nettement  une 
liberté  à  tous  généralement  d'en  faire  profession.  Aussi  clans  l'article  27 
de  l'Édit,  qui  déclare  ceux  de  ladite  religion  capables  de  tous  états  et 
charges,  il  est  dit  expressément  :  Tous  ceux  qui  font  ou  feront  profession 
de  la  R.  P.  R.,  ce  qui  signifie  évidemment  que,  dès  qu'un  homme  a  fait 
en  son  cœur  le  dessein  d'embrasser  ladite  religion,  il  est  en  droit  d'en 
faire  la  profession  et  de  jouir  de  la  liberté  que  donne  l'Édit.  Aussi  l'ar- 
ticle 18,  qui  fait  défense  à  ceux  de  ladite  religion,  de  même  qu'aux  catho- 
liques, d'enlever  les  enfants  par  force  ou  par  induction  pour  leur  faire 
embrasser  leur  religion,  suppose  manifestement  le  droit  d'y  recevoir  les 
adultes  qui  s'y  voudront  ranger  volontairement.  L'exception  confirme 
la  règle,  car  ce  serait  en  vain  que  l'exception  serait  faite  pour  les  enfants, 
si  absolument  on  n'y  eût  pu  recevoir  personne,  et  cela  est  si  vrai  que 
jusqu'à  présent  on  n'a  jamais  donné  d'autre  sens  à  l'Édit,  les  uns  et  les 
autres  l'ont  entendu,  pratiqué  et  observé  de  cette  manière,  non  seule- 

1.  «  Relaps,  c'est-à-dire  retomber  dans  l'hérésie  après  l'avoir  abjurée,  était 
aux  yeux  des  zélés  catholiques  la  faute  la  plus  irrémissible,  comme  aussi 
l'injure  la  plus  diffamante.  »  Rulhières,  Eclaircissements  historiques,  52. 

2.  Le  6  octobre  1665,  l'évêque  d'Uzès  demanda  à  Louis  XIV,  au  nom  du 
clergé  de  France,  «  de  faire  une  défense  solennelle  à  tous  ses  sujets  catho- 
liques de  se  pervertir  sous  des  peines  très  rigoureuses  et  de  quitter  cette  sainte 
religion  dans  laquelle  ils  sont  nés,  pour  en  prendre  une  autre,  parce  qu'elle  est 
plus  commode  el  plus  indulgente  à  tous  les  sentiments  de  la  nature  corrompue,  » 
etc..  Abrégé  des  actes  du  Clergé  de  France,  1690,  p.  549.  —  En  1670,  cette 
même  demande  Représentée  en  raison  de  «  l'horrible  libertinage  des  catho- 
liques qui  font  banqueroute  à  leur  religion.  »  Abrégé  ;  op.  cit.,  p.  553.  —  De 
même  en  1675,  17  août,  «  que  Sa  Majesté  ôte  à  ses  sujets  catholiques  cette 
funeste  liberté  de  conscience  et  les  mette  dans  l'heureuse  nécessité  d'être 
toujours  fidèles.  »  Abrégé;  id.,  p.  565. 

3.  L'Édit  de  juin  1680,  défendant  aux  catholiques  de  quitter  leur  religion 
pour  professer  la  Religion  prétendue  réformée,  condamnait  les  contrevenants 
3  l'amende  honorable,  au  bannissement  perpétuel  et  à  la  conliscatiou  des 
biens,  avec  interdiction  du  culte  là  où  se  serait  produite  l'abjuration. 


REQUÊTE  DES  PROTESTANTS  DE  FRANCE  A  LOUIS  XIV.        *7 

mont  pendant  le  règne  d'Henri  le  Grand,  le  premier  interprète  de  l'Edit, 
mais  aussi  pendant  le  règne  du  feu  roi  et  pendant  tout  celui  de  Votre 
Majesté.  Et,  jusqu'au  jour  que  ces  dispositions  ont  paru,  il  a  été  libre  à 
chacun  d'embrasser  la  R.  P.  R.  et  d'y  retourner  après  l'avoir  quittée, 
sans  que  jamais  il  en  ait  été  fait  un  crime. 

.Mais,  outre  cela,  ces  nouvelles  lois  ont  été  accompagnées  de  condi- 
tions ou  de  peines  si  extraordinaires  qu'il  semble  qu'on  ne  lésa  deman- 
-  ainsi  que  dans  la  vue  d'en  faire  un  piège  inévitable  aux  suppliants 
pour  hâter  leur  entière  ruine.  Elles  portent  défense  aux  ministres  et 
anciens  des  consistoires  de  recevoir  les  catholiques  à  faire  profession  de 
la  religion  des  suppliants,  et  de  les  souffrir  dans  leurs  temples  ou  assem- 
blées,  à  peine  auxdits  ministres  d'interdiction  perpétuelle  de  leur  minis- 
tère  et  d'interdiction  pour  jamais  de  l'exercice  de  ladite  religion  dans 
les  lieux  où  lesdits  catholiques  auronl  été  reçus1.  Et,  à  l'égard  de  ceux 
qu'on  appelle  relaps,  la  peine  vaà  l'interdiction  perpétuelle  des  ministres, 
à  l'amende  honorable,  au  bannissement  du  royaume,  à  la  confiscation 
liens  et  à  l'interdiction  pour  toujours  de  l'exercice  dans  les  lieux. 
De  cette  manière,  Sire,  les  suppliants  se  sont  trouvés  tout  d'un  coup 
réduits  à  de  dures  extrémités.  S'ils  ont  vu  d'un  côté  des  misérables 
ir  et  demander  avec  larmes  d'être  reçus  ou  rétablis  dans  leur  com- 
munion, sans  leur  pouvoir  donner  cette  consolation  ;  d'autre  côté,  ils  se 
sont  vus  exposés  à  des  peines  d'une  dernière  rigueur,  comme  sont  la 
perte  de  leurs  exercices,  une  amende  infamante  avec  interdiction  et 
bannissement  à  l'égard  de  leurs  ministres.  Et  cela,  Sire,  pour  des  choses 
qui  ne  sont  pas  de  leur  fait,  et  qu'ils  ne  sauraient  éviter.  De  sorte  que 
ce  n'est  plus  de  leurs  propres  actions  ou  de  leurs  propres  volontés  qu'on 
leur  fait  des  crimes,  mais  des  actions  et  des  volontés  d'autrui,  dont  ils 
ne  peuvent  être  ni  les  maîtres  ni  les  garants.  Leurs  exercices  sont 
publics,  leurs  assemblées  souvent  composées  de  deux,  trois  et  de  quatre 
mille  personnes  dont  plusieurs,  dans  ce  grand  nombre  de  suppressions 
d'exercices  arrivées  depuis  quelque  temps,  s'y  rendent  quelquefois  de 
15  ou  20  lieues,  et  leurs  temples  sont  ouverts  de  tous  côtés.  Comment 
des  ministres  ou  des  anciens  pourraient-ils  les  compter  tous  un  par  un 
dans  un  si  petit  espace  de  temps  que  celui  où  se  forment  leurs  assem- 
blées? Et,  quand  ils  les  pourraient  compter,  comment  les  reconnaître, 
puisqu'il  y  en  a  une  infinité  dont  ils  n'ont  jamais  vu  le  visage?  Com- 
ment les  examiner  tous  aux  portes  des  temples  pour  savoir  s'ils  sont 
catholiques,  ou  s'ils  ont  changé  de  religion  ?  Et  comment  enfin  se  garan- 
tir de  surprises?  Un  ministre  qui  est  tout  appliqué  à  la  prédication 
pourrait-il,  dans  un  si  grand  nombre,  discerner  tous  ses  auditeurs, 
connaître  leurs  qualités,  empêcher  qu'il  n'en  vienne  d'autres,  ou  des- 
cendre de  sa  chaire  pour  aller  chasser  ceux  qu'il  pourrait  soupçonner2? 

1.  Édit  du  mois  de  juin  1680. 

1.  Les  exemples  de  ces  procédures  ne  se  comptent  pas,  leurs  dossiers  rem- 
plissent les  cartons  de  la  série  TT.    L'une  des  plus  importantes  églises  de 


S  s  MELANGES   ET    DOCUMENTS. 

C'est  pourtant  sur  tous  ces  cas  qui  sont  notoirement  hors  de  leur  pou- 
voir qui-  Les  ministres  se  trouvent,  en  leurs  propres  personnes,  sujets  à 
l'amende  honorable,  à  la  contiscation  de  biens,  à  l'interdiction  perpé- 
tuelle de  leur  ministère  et  au  bannissement  hors  de  votre  royaume. 
C'est  sur  ces  cas  que  les  peuples  qui  n'y  ont  nulle  part  sont  privés  de 
L'exercice  de  leur  religion,  c'est-à-dire  du  droit  qui  leur  appartient  et 
qui  n'est  ni  aux  ministres,  ni  aux  consistoires,  mais  à  eux.  Les  sup- 
pliants, Sire,  regardent  le  clergé  de  votre  royaume  comme  des  personnes 
distinguées  qui  y  tiennent  un  rang  très  considérable  à  tous  égards,  mais 
ils  ne  peuvent  s'empêcher  d'être  étonnés  que  ces  messieurs  n'aient  un 
peu  plus  ménagé  leurs  instances  auprès  de  Votre  Majesté.  Car  de  dire 
qu'il  n'importe  de  quelque  manière  qu'on  perde  ceux  qu'on  veut  perdre 
en  juste  guerre  ou  autrement,  c'est  une  maxime  qui  n'a  point  de  pro- 
portion avec  leur  dignité 1 . 

Cependant  les  suppliants  voient  tous  les  jours  leurs  ministres  interdits 
cl  leurs  plus  grands  et  plus  importants  lieux  d'exercices  supprimés  par 
des  voies  si  extraordinaires.  Montpellier,  Montauban,  l'Ile-en-Jourdain, 
Bergerac,  Nérac,  Niort,  Lamotte-Saint-Éray,  Châtillon-sur-Loire,  Sau- 
say,  Saint-Hilaire,  Marennes,  Montélimart,  Castres,  et  plusieurs  autres, 
ont  déjà  subi  cette  triste  peine,  sur  ce  prétexte.  Les  temples  de  la 
Rochelle,  d'Angers,  de  Saint-Lô,  de  la  Rochefoucault,  de  Vertueil,  de 
Puylaurens,  de  Cose  et  beaucoup  d'autres  sont  fermés  sur  le  même  pré- 
texte, et,  de  ceux  qui  restent  aux  suppliants,  combien  peu  y  en  a-t-il 
qui  ne  soient  menacés  d'un  sort  pareil  ?  Il  ne  semblait  pas  qu'il  en  fal- 
lut davantage  pour  achever  la  ruine  des  suppliants,  car  qui  peut  se 
mettre  à  couvert  de  pareilles  surprises,  quand  on  voudra  y  faire  tomber 
quelqu'un 2  ?  On  a  néanmoins  encore  ouvert  d'autres  voies  pour  les 

Saintonge,  Marennes,  fut  interdite  sur  le  simple  soupçon  que  des  catholiques 
avaient  pénétré  dans  le  temple.  Loquet  et  Boybelleau,  pasteurs  de  cette  église, 
subirent  sept  mois  de  prison  dans  les  cachots  de  La  Réole,  et,  bien  que  nulle 
contravention  ne  pût  être  relevée  contre  eux,  ils  n'en  furent  pas  moins  bannis 
du  royaume,  TT.  2â7.  Du  reste  il  n'était  pas  de  province  où  les  pasteurs,  sur 
les  dénonciations  des  syndics  du  clergé,  ne  fussent  exposés  à  de  pareilles 
persécutions. 

1.  C'est  surtout  au  clergé  de  France  que  doit  être  attribuée  la  révocation 
de  l'Édil  de  Nantes.  —  Le  compilateur  des  Actes  du  Clergé  le  reconnaît 
hautement,  Lorsqu'il  dit  :  «  Ce  sont  les  remontrances  des  évoques  qui  ont  donné 
lieu  à  une  grande  partie  des  règlements  qui  ont  été  faits  depuis.  Il  y  en  a  qui 
n'uni  pas  été  publiés  aussitôt,  les  circonstances  ne  le  permettant  pas,  mais  le 
Roi  les  a  données  dans  la  suite.  On  remarquera  sur  ces  règlements  cette 
conformité  des  remontrances  du  Clergé  avec  ce  qui  a  été  ordonné.  »  Tome  I, 
p.  1125. 

2.  Ce  fut  en  effet  un  des  moyens  employés  le  plus  fréquemment  pour  faire 
prononcer  l'interdiction  du  culte  des  Réformés.  En  voici  un  exemple  signifi- 
catif  entre  plusieurs  autres  :  Begon,  intendant  de  Rochefort,  recommande  à 
la  charité  du  Roi  la  nommée  Marie  Bonnaud,  pour  les  raisons  suivantes  : 
■   .M.  A  mou  M  [alors  intendant  de  La  Rochelle)  s'est  utilement  servi  de  Marie 


REQUÊTE  DES  PROTESTANTS  .  DE  FRANCE  A  LOUIS  XIV.       8!> 

dépouiller  de  leur?  exercices.  Ils  mettent  dans  ce  rang  l'arrêt  qui  a  été 
depuis  peu  surpris  dans  votre  conseil  du  4  septembre  1684,  qui  défend 
aux  consistoires  d'assister  sous  prétexte  de  charité  les  pauvres  malades  ', 
et  la  déclaration  du  21  août  1684  2  qui  leur  ùte  les  pensions,  rentes  ou 
immeubles  qu'ils  pourraient  avoir  pour  l'entretien  de  leurs  pauvres, 
et  leur  ordonne  d'en  remettre  les  titres.  Car  ces  deux  dispositions 
ajoutent  pour  peine  aux  suppliants  la  privation  ou  la  suspension  de 
L'exercice  de  leur  religion. 

Sur  quoi,  Sire,  ils  représentent  très  humblement  à  Votre  Majesté  que 
l'une  et  l'autre  de  ces  dispositions  sont  contraires  à  l'Édit,  qui,  dans 
l'article  43  des  particuliers,  leur  permet  les  donations  et  les  legs  pour 
l'entretènement  de  leurs  pauvres,  marquant  en  propres  termes  les  legs 
et  donations  qui  peuvent  tomber  en  main-morte,  ce  qui  ne  peut  s'en- 
tendre que  des  immeubles. 

On  s'est  servi  encore  d'un  autre  moyen  pour  priver  les  suppliants  de 
L'exercice  de  leur  religion  en  obtenant  la  déclaration  du  20  août  1682, 
qui  leur  défend  de  s'assembler  sous  prétexte  de  prières  publiques  et  de 
lecture,  si  ce  n'est  seulement  en  présence  d'un  ministre  qui  leur  aura 
été  donné  par  le  synode  ou  colloque.  Sur  quoi  on  n'a  eu  qu'à  faire  des 
affaires  criminelles  aux  ministres,  à  les  emprisonner,  ou  à  les  épouvan- 
ter pour  les  mettre  en  fuite,  et  aussitôt  les  temples  des  suppliants  ont 
été  fermés  et  leurs  exercices  interrompus,  ce  qui  est  arrivé  en  une  inli- 
nité  d'endroits3. 

Les  suppliants  ne  sont  pas  mieux  traités  sur  le  sujet  de  leur  disci- 
pline dont  l'Édit  leur  accorde  le  libre  exercice4.  Les  commissaires  catho- 
liques qui  assistent  depuis  quelques  années  dans  leurs  synodes  au  nom 
de  Votre  Majesté  rendent  presque  impossible  la  dispensation  des  cen- 

Bonnaud  (relapse  à  cette  époque)  pendant  les  années  1681  et  1G85  pour  trouver 
des  preuves  de  faits  suffisants  pour  parvenir  à  la  démolition  des  temples,  et 
i  'es1  par  ^>u  moyen  que  celui  de  La  Rochelle  et  plusieurs  autres  ont  été  détruits 
avant  le  mois  d'octobre  1685.  Begon.  Rochefort,  le  21  mars  1693.  »  Arch.  nul., 
TT.  Aux  Archives  de  la  cour  de  Nîmes,  on  peut  relever,  pour  l'année  1683, 
38  jugements  ordonnant  la  démolition  des  temples  du  Haut-Languedoc,  pour 
le  seul  fait  de  la  présence  de  nouveaux  convertis  dans  ces  édifices. 

1.  Arrêt  du  Conseil  du  4  septembre  1684,  portant  défense  aux  particuliers 
de  recevoir  en  Leurs  maisons  les  pauvres  malades  de  la  Religion  prétendue 
réformée.  —  L'arrêt  visait  les  consistoires  et  imposait  une  pénalité  de 
500  livres. 

2.  Déclaration  du  21  août  1684,  concernant  les  biens  des  consistoires.  Tous 
Les  biens  durent  être  remis  aux  hôpitaux. 

3.  La  déclaration  fut  rendue  sous  le  prétexte  que  ces  réunions  pourraient 
être  tumultueuses,  une  pénalité  de  3,000  livres  d'amende  y  fut  attachée. 

4.  Par  la  déclaration  du  10  octobre  1629,  le  Roi  se  réserva  de  nommer  le 
commissaire  qui  assistait  au  synode,  soit  catholique,  soit  réformé,  mais  à 
dater  de  1682,  le  poste  fut  réservé  aux  commissaires  qui  étaient  de  la  religion 
du  Roi. 


90  MELANGES    ET    DOCUMENTS. 

sures  01  des  corrections,  la  charité  trouvant  de  la  peine  à  publier  les 
fautes  de  ceux  d'une  même  communion  en  présence  de  personnes  de 
religion  contraire.  Outre  que  la  difficulté  qu'ils  trouvent  aujourd'hui  à 
obtenir  la  permission  de  convoquer  leurs  synodes,  les  empêche  de  pour- 
voir  de  ministres  les  églises  qui  en  manquent  et  interrompt  générale- 
ment toutes  les  affaires  de  leur  discipline,  les  laissant  dans  la  confusion, 
cependant  il  est  certain  que  l'Édit  ne  leur  imposait  pas  la  nécessité  des 
commissaires,  et  beaucoup  moins  de  commissaires  catholiques,  et,  jus- 
qu'à présent,  Votre  Majesté  ne  leur  avait  jamais  refusé  la  permission 
d'assembler  leurs  synodes1. 

Mais,  Sire,  la  déclaration  du  2  décembre  1684  va  encore  beaucoup 
plus  avant,  en  ce  qu'elle  porte  défense  aux  consistoires  de  s'assembler 
que  de  quinze  en  quinze  jours,  ni  qu'en  présence  d'un  commissaire  de 
Votre  Majesté.  Car,  d'un  côté,  elle  leur  rend  toutes  les  censures  presque 
impossibles,  et  de  l'autre  elle  empêche  de  pourvoir  aux  affaires  qui  sur- 
viennent inopinément,  ou  qui  ne  peuvent  être  différées  qu'avec  beau- 
coup d'inconvénients2. 

La  déclaration  du  24  août  1684  qui  porte  la  mobilité  des  ministres  de 
trois  en  trois  ans  ne  renverse  pas  moins  l'usage  de  leur  discipline  qui 
est  entièrement  contraire  à  ces  sortes  de  changements.  Les  suppliants 
ne  savent  à  quoi  attribuer  une  telle  disposition  qui,  en  interrompant 
le  cours  de  leur  édification,  ne  semble  pas  même  s'accorder  avec  le  bien 
de  votre  service,  puisque  des  ministres  peu  connus,  et  qui  n'auront  que 
peu  de  créance,  ne  seront  pas  fort  propres  à  inspirer  efficacement  à  vos 
peuples  dans  les  occasions  le  respect  et  l'obéissance  qu'on  doit  à  Votre 
Majesté.  Ils  ne  peuvent  aussi  comprendre  quel  intérêt  a  la  religion 
catholique  à  procurer  des  séparations  qui  semblent  ne  pouvoir  produire 
que  des  larmes  et  des  regrets  et  la  pitié,  de  voir  des  personnes  avancées 
en  âge,  pauvres  et  chargées  d'infirmités,  abandonner  les  établissements 
qu'ils  pourraient  avoir  faits  et  courir  de  lieu  en  lieu  jusqu'au  dernier 
moment  de  leur  vie3. 


1.  La  tenue  des  synodes  était  rendue  chaque  jour  plus  difficile.  Après  les 
événements  du  Vivarais,  lorsque  les  Réformés  voulurent  célébrer  leur  culte 
sur  les  ruines  des  temples,  et  que  les  dragons  eurent  pillé  le  pays,  Louvois 
•'•<  mil  à  Daguesseau  :  «  L'intention  du  Roi  est  que  les  religionnaircs  fassent  sur 
eux  l'imposition  des  dépenses  que  Sa  Majesté  veut  qu'il  paye  pour  les  troupes 
qui  ont  marché  contre  eux,  mais  que  ce  soit  vous  qui  y  travailliez,  moyennant 
quoi  il  ne  sera  pas  nécessaire  de  leur  permettre  de  tenir  des  synodes  ou  des 
colloques.  »  28  septembre  16S3.  Arcb.  Guerre,  696,  p.  665. 

2.  Dans  l'ancienne  église  réformée,  les  consistoires  avaient  un  pouvoir  qui 
leur  conférait  le  droit  de  citer  devant  eux  les  fidèles  coupables  d'avoir  violé 
les  règles  de  la  discipline  ecclésiastique.  Par  des  avertissements,  des  censures, 
el  l'interdiction  de  la  communion,  ils  maintenaient  l'ordre  dans  l'église. 

3.  L'Edit  du  mois  d'août  1684,  et  non  la  déclaration,  porta  que  les  ministres 
de  la  Religion  prétendue  réformée  ne  pourraient  faire  leurs  fonctions  plus  de 
in>i>  ans  dans  le  même  lieu.  Il  fut  donné  à  la  demande  du  clergé  qui  préten- 


REQUÊTE    DES    PROTESTANTS    HE    FRANCE    A    LOUIS    XIV.  94 

L'éducation  publique  do  leurs  enfants,  Sire,  dans  la  doctrine  et  flans 
les  préceptes  de  leur  religion  est  une  partie  essentielle  de  l'exercice  qui 
en  a  été  permis  aux  suppliants.  Aussi  l'article  13  de  l'Edit  la  met  dans 
cet  ordre,  et  il  la  leur  accorde  formellement  sous  ce  titre  d'instruction 
publique  d'enfants  et  outres,  en  ce  qui  concerne  la  religion,  dans  les  lieux 
permis  pour  ledit  exercice,  la  leur  défendant  dans  les  autres.  Cet  article, 
-  contredit,  laisse  aux  suppliants  le  droit  d'enseigner  leur  théologie 
qui  n'est  autre  chose  que  leur  religion  partout  où  ils  en  ont  l'exercice, 
et  d'y  former  leurs  proposants'  ;  cependant,  pour  la  commodité  et  pour 
s'épargner  des  frais,  ils  s'étaient  restreints  aux  lieux  où  Henri  le  Grand 
leur  avait  donné  des  collèges,  comme  il  le  déclare  dans  l'article  37  des 
particuliers3.  C'est  ce  qu'ils  ont  appelé  leurs  Académies  dont  ils  ont  joui 
paisiblement  depuis  l'Edit,  sans  qu'on  les  y  ait  inquiétés  jusqu'à  présent. 
Mai-  déjà  par  arrêt  de  votre  conseil  du3 tant  le  collège  que  l'Aca- 
démie qu'ils  avaient  à  Die,  en  Dauphiné,  ont  été  supprimés,  et  pour 
ceux  qu'ils  possèdent  à  Saumur  et  à  Puylaurens  '  qui  sont  les  seuls  qui 
leur  restent  dans  votre  royaume,  ils  sont  assignés  en  votre  conseil  pour 
y  venir  représenter  leurs  titres,  comme  s'il  leur  en  fallait  d'autres,  pour 
pouvoir  enseigner  leur  théologie,  que  l'article  13  de  l'Edit,  ni  pour  les 
collèges  que  l'article  38  des  particuliers,  portant  promesse  d'en  faire  véri- 
fier les  provisions  où  besoin  sera,  et  de  les  faire  sortir  leur  plein  et  entier 
effet. 

A  tous  ces  griefs,  Sire,  que  les  suppliants  représentent  à  Votre 
Majesté,  et  sous  le  poids  desquels  ils  gémissent,  se  joignent  ceux  qui 
viennent  de  la  suppression  des  chambres  que  Henri  le  Grand,  dans  la 
3e  partie  de  son  Édit,  avait  accordées  non  seulement  pour  leur  faire 
administrer  la  justice  ordinaire  sans  partialité,  ni  prévention,  mais  aussi 
pour  faire  que  l'Edit  leur  fût  gardé  inviolablement3.  Ces  chambres,  qui 

il.iit  que  les  conversions  des  Réformés  étaient  entravées  par  la  déférence 
aveugle  qu'ils  avaient  pour  l<-s  sentiments  des  ministres  établis  depuis  long- 
temps  dans  un  même  lieu.  Les  ministres  devaienl  au  tenue  de  l'Edit,  après 
cette  période  de  trois  aune.-,  être  placés  dans  des  églises  distantes  de  vingt 
lieues  de  elle  où  il-  venaient  d'exercer  leur  ministère,  sans  possibilité  d'y 
retourner  que  douze  année-  après,  à  peine  de  2,00u  livres  d'amende,  d'inter- 
diction de  l'exercice  et  de  démolition  du  temple. 

1.  Proposant,  c'est-à-dire  un  étudiant  en  théologie,  qui,  ayant  achevé  ses 
éludes,  n'était  pa-  encore  rein  dans  le  corps  pastoral. 

2.  «  Ne  pourront  ceux  de  ladite  religion  tenir  Bscoles  publiques,  sinon  es 
\illes  ei  lieux  ou  l'exercice  publique  d'icelle  leur  est  permis;  et  les  provisions 
qui  leur  ont  esté  ey-Aevant  accordées  pour  l'érection  et  l'entretenement  des 
Collèges,  seront  vériliés  où  besoin  sera,  et  sortiront  leur  plein  et  entier  effet.  » 
Art.  37  des  Particuliers. 

3.  L'arrêt  est  du   11  septembre  1681. 

4.  L'Académie  de  Saumur  fut  supprimée  par  arrêt  du  Conseil  du  8  jan- 
vier 1685,  celle  de  Puylaurens  succomba  le  5  mars  de  la  même  année. 

5.  Art.  xxx.  —  Le  considérant  principal  de  l'Edit  porte  :  Afin  que  la  justice 
soit   rendue  et  administrée  à   nos  sujets  sans   aucune    suspicion,   haine  ou 


92  MELANGES    ET    DOCUMENTS. 

avaient  été  créées  pour  être  perpétuelles,  ont  été  éteintes  et  supprimées 
sous  prétexte  que  dans  l'article  36  il  est  porté  que  les  chambres  de 
Castres  el  de  Bordeaux,  qui  étaient  séparées  du  corps  des  Parlements, 
\  seraienl  réunies  et  incorporées  en  la  même  forme  que  les  autres, 
quand  besoin  serait  et  que  les  causes  qui  avaient  mû  Sa  Majesté  cesse- 
raient  et  n'auraient  plus  de  lieu  entre  ses  sujets.  Mais  cette  réunion  et 
incorporation  ne  signifient  rien  moins  qu'une  extinction  ou  suppression. 
Car,  dans  l'article  immédiatement  précédent  il  est  parlé  de  l'union  et 
incorporation  de  la  chambre  de  l'Édit  de  Grenoble  au  corps  du  Parle- 
ment, la  chambre  pourtant  subsistant  et  demeurant  mi-partie  selon  sa 
création.  Et  de  même  dans  les  Parlements  de  Paris  et  de  Rouen,  les 
chambres  de  L'Édit  ne  laissaient  pas  d'être  toujours,  quoiqu'elles  fussent 


incorporées1. 

Pour  reconnaître,  Sire,  si  les  causes  de  l'établissement  de  ces  chambres 
ont  cessé,  les  suppliants  n'ont  qu'à . représenter  aux  yeux  de  Votre 
Majesté  le  pitoyable  état  où  les  Parlements  de  la  Réole  et  de  Toulouse 
les  ont  mis  depuis  la  suppression.  Celui  de  la  Réole,  ou  par  lui-même 
ou  par  des  commissaires  qu'il  a  envoyés  dans  son  ressort,  a  poussé  les 
choses  jusqu'à  ce  point  que  de  90  ou  100  exercices  que  les  suppliants 
avaient  dans  la  basse  Guyenne,  à  peine  en  ont-ils  à  présent  8  ou  10, 
et  que  dans  la  Saintonge,  où  ils  en  avaient  quarante,  ils  ne  sont  pré- 
sentement en  possession  actuelle  que  de  deux  de  fiefs.  Les  ministres  y 
sont  décrétés,  emprisonnés,  dispersés  ou  fugitifs,  les  consistoires  et  leurs 
troupeaux  dissipés,  les  particuliers,  de  quelque  condition  qu'ils  soient, 
molestés  sur  divers  prétextes,  enfin  tout  y  est  pour  les  suppliants  dans 
la  dernière  désolation  2.  Ceux  qui  vivent  dans  le  ressort  du  Parlement 
de  Toulouse  3  n'y  sont  pas  mieux  traités,  on  n'y  voit  que  procédures 

faveur,  etc..  Si  la  suppression  des  Chambres  de  l'Édit  frappa  douloureuse- 
ment les  Réformés,  par  contre  cette  mesure  combla  les  vœux  du  clergé. 
«  J'aurai,  écrivait  l'archevêque  d'Arles  à  Châteauneuf,  une  application  toute 
particulière  pour  concourir  au  zèle  et  à  la  piété  de  notre  grand  monarque  qui, 
par  la  suppression  qu'il  vient  de  faire  des  Chambres  de  l'Édit,  fera  plus  de 
conversions  que  tous  nos  prédicateurs  et  nos  missions  n'auraient  su  faire 
dans  tout  un  siècle.  »  Lettre  du  14  septembre  1679.  Archives  nationales, 
TT.  259. 

1.  Les  Chambres  de  l'Édit  de  Rouen  et  de  Paris  furent  supprimées  par  l'Édit 
de  janvier  1669. 

2.  Dans  l'audience  du  10  février  1683,  le  premier  président  du  Parlement  de 
Toulouse  disait  à  un  pasteur  :  «  Comment  pouvez-vous,  vous-même,  qui 
avez  des  lumières,  demeurer  dans  une  si  méchante  ftligion  qui  n'est  pas 
môme  une  religion?  »  Bulletin  de  la  Société  de  l'histoire  du  Protestantisme, 
II.  58. 

3.  La  lettre  suivante,  adressée  à  Châteauneuf,  donnera  une  idée  exacte  des 
sentiments  qui  animaient  le  Parlement  de  Guyenne. 

Monsieur, 
Je  vous  envoyé  une  copie  cy-jointe  d'un  arrest  que   nous  avons  rendu  ce 
matin  contre  un  ministre  mal  converti.  J'attendrai  à  mon  ordinaire  les  ordres 


REQUETE  DES  PROTESTANTS  DE  FRANCE  A  LOUIS  XIV.       03 

criminelles,  que  décrets  de  prise  de  corps,  fuites  de  ministres,  amendes 
pécuniaires,  condamnations  d'exercices,  e1  en  général  toutes  sortes  de 
vexations.  Il  en  est  à  peu  près  de  même  clans  les  ressorts  t\^<  Parle- 
ments de  Grenoble  et  de  Rouen. 

A  l'exemple  des  Parlements,  les  sénéchaux  et  les  autres  juges  subal- 
ternes n'oublient  rien  chacun  dans  sa  juridiction  pour  contribuer  de 
leur  part  à  la  destruction  des  suppliants.  Ils  informent,  ils  décrètent, 
ils  emprisonnent,  ils  condamnent  à  de  grièvcs  peines  dans  les  plus 
légères  occasions,  ils  interdisent  les  ministres  et  les  exercices  '.  Le  pré- 
sident de  la  Rochelle  vient  tout  fraîchement  de  donner  la  sentence  du 
monde  la  plus  injuste.  Il  a  condamné  sur  des  faits  très  légers  et  sans 
aucune  preuve  les  quatre  ministres  de  cette  ville-là  à  l'amende  hono- 
rable, à  la  confiscation  de  leurs  biens,  à  des  amendes  pécuniaires,  à  l'in- 
terdiction perpétuelle  de  leur  ministère,  au  bannissement  hors  du 
royaume,  et  le  temple  à  être  démoli2.  Ce  qu'on  aurait  de  la  peine  à 
concevoir  s'il  n'était  d'une  notoriété  publique,  et  comme  si  les  sup- 
pliants n'avaient  plus  désormais  de  part  dans  la  distribution  de  la  jus- 
tice de  Votre  Majesté;  une  des  premières  raisons  qu'on  ne  manque  pas 
d'alléguer  contre  eux  dans  les  affaires  même  civiles,  et  où  il  ne  s'agit 
que  d'intérêts  temporels,  c'est  qu'ils  sont  de  la  R.  P.  R. 

D'autre  côté,  les  intendants  de  Votre  Majesté  dans  les  provinces,  au 
lieu  de  s'opposer  aux  griefs  que  l'on  fait  aux  suppliants,  y  concourent 
quelquefois  eux-mêmes,  et  y  emploient  l'autorité  dont  Votre  Majesté 
les  a  revêtus. 


de  Sa  Majesté  pour  son  exécution.  Je  dois  vous  dire,  Monsieur,  que  la  preuve 
était  délicate  et  même  défectueuse  dans  le  chef  principal,  et  que  néanmoins  le 
zèle  des  juges  est  allé  au-delà  de  la  règle  pour  faire  un  exemple.  Le  condamné 
offre  une  seconde  conversion  plus  sincère  que  la  première,  il  a  une  femme  et 
des  petits-enfants.  Je  suis,  etc.  Daulède,  premier  président  du  Parlement  de 
Guienne.  Arch.  nat.,  TT.  4i8.  —  Ce  ministre  «  mal  converti  »  s'appelait 
Vergniot,  il  fut  condamné  aux  travaux  forcés  à  perpétuité. 

1.  Une  déclaration,  accordée  à  la  demande  du  clergé,  du  9  novembre  1689, 
avait  ordonné  aux  juges  ordinaires  de  se  transporter  cliez  les  Réformés  malades 
pour  savoir  «  s'ils  voulaient  mourir  en  ladite  religion.  »  Étendue  plus  tard 
(7  avril  1G81)  aux  syndics  et  même  aux  marguilliers  (20  juin  1681),  cette 
déclaration  donna  naissance  à  des  scènes  douloureuses  dont  les  agonisants  ël 
leurs  familles  furent  toujours  les  victimes. 

2.  Les  ministres  de  La  Rochelle  furent  condamnés  sur  ce  simple  prétexte 
qu'une  nouvelle  convertie  s'était  présentée  dans  le  temple  et  y  avait  été  reçue, 
or  celte  relapse,  Marie  Ronnaud,  était  à  l'entière  dévotion  du  clergé  (voir 
page  88].  Le  temple  de  Montpellier  fut  détruit  pour  cette  même  raison;  il  avait 
sulli  qu'une  jeune  tille,  âgée  à  peine  de  quinze  ans,  échappée  d'un  couvent  où 
elle  avait  été  mise  par  force,  eût  pénétré  dans  le  temple,  ponr  que,  sur  la 
dénonciation  du  clergé,  le  duc  de  Noailles  assumât  la  responsabilité  de  la 
destruction  de  cet  édifice,  l'un  des  plus  beaux  de  la  France  protestante,  et 
ruinât  cette  église,  l'une  des  plus  Mûrissantes  du  midi. 


9  |  MÉLANGES   ET   DOCUMENTS. 

Toute  l'Europe  a  été  étonnée  de  ce  qui  s'est  fait  en  Poitou1.  Personne 
n'ignore  aussi  ce  qui  s'est  fait  dans  votre  pays  d'Aunis,  ni  ce  que  font 
les  antres  intendants.  Us  font  fermer  ou  démolir  les  Temples  des  sup- 
pliants, ils  les  surchargent  de  tailles  par  des  taxes  d'office,  ils  les 
accablent  de  logement  de  gens  de  guerre,  ils  leur  font  des  affaires  cri- 
minelles sur  les  moindres  choses,  ils  interdisent  leurs  ministres  et 
semblent  ne  songer  qu'à  rendre  l'Édit  absolument  inutile.  Enfin,  Sire, 
Les  suppliants  voient  presque  partout  dans  vos  officiers,  dans  ceux  qui 
sont  honorés  de  vos  ordres  dans  les  provinces,  dans  les  ecclésiastiques 
et  dans  les  particuliers,  comme  un  esprit  généralement  répandu  qui  les 
anime  tous  contre  eux,  ce  qui  les  jetterait  dans  une  très  grande  cons- 
ternation, s'ils  n'étaient  rassurés  par  l'espérance  de  votre  justice  et  par 
le  souvenir  de  votre  parole  royale. 

Les  suppliants,  Sire,  sont  vos  sujets,  et  vos  sujets  très  soumis  et  très 
zélés  pour  le  bien  de  votre  service.  Us  savent  le  respect  qu'ils  doivent 
à  la  majesté  sacrée  de  leur  roi  et  de  leur  souverain  seigneur,  à  la  gloire 
de  sa  personne  et  aux  importants  travaux  qui  l'occupent  sans  cesse  pour 
le  bien  de  son  empire.  C'est  ce  qui  leur  ferait  garder  le  silence,  si  leurs 
maux  étaient  dans  une  moindre  extrémité.  Mais,  étant  comme  ils  sont 
destitués  de  toutes  charges,  dépouillés  de  tous  emplois,  éloignés  des  arts 
et  des  professions,  exclus  de  l'égalité  qui  doit  être  entre  des  concitoyens, 
gênés  en  ce  qui  est  de  plus  cher  à  la  nature,  privés  de  l'exercice  de  leur 
religion,  pressés  en  leurs  consciences,  exposés  à  l'insulte  des  peuples 
et  enveloppés  de  toutes  parts  de  misère  et  de  crainte,  pour  le  seul  inté- 
rêt de  leur  religion,  ils  croiraient  pécher  contre  la  confiance  qu'ils 
doivent  avoir  en  Votre  Majesté,  si  dans  une  si  grande  affliction  ils 
n'avaient  recours  à  sa  justice.  Dieu,  qui  les  a  mis  sous  votre  domina- 
tion, les  a  mis  en  même  temps  sous  votre  protection  royale.  Cette  pro- 
tection se  réveillera  à  leurs  cris  et  d'un  seul  mot  elle  arrêtera  le  cours 
de  leurs  malheurs,  et  dissipera  leur  effroi.  Un  roi  aussi  grand,  aussi 
équitable  et  aussi  éclairé  que  l'est  Votre  Majesté  ne  se  laissera  point 
éblouir  par  les  imputations  odieuses  dont  on  charge  tous  les  jours  les 
suppliants  pour  les  arracher  de  cet  asile  de  votre  justice  et  de  votre  foi 
royale. 

On  a  accoutumé  de  dire  contre  eux  que  leurs  pères  ont  extorqué 
l'Édit  par  la  force  des  armes,  et  que  l'intention  d'Henri  le'Grand  n'était 
de  l'observer  qu'autant  que  la  nécessité  des  affaires  le  requerrait.  Mais 
comment  peut-on  parler  ainsi  d'un  édit  que  le  glorieux  aïeul  de  Votre 
Majesté  déclare  lui-même  n'avoir  donné  qu'après  avoir  heureusement 

1.  Les  excès  de  Marillac,  intendant  du  Poitou,  avaient  si  grandement  dépassé 
la  mesure  que  Louvois,  lui-même,  dut  intervenir,  quand  bien  même  Marillac 
fui  accompagné  de  l'évêque  pendant  les  tournées  qu'il  faisait,  aidé  aussi  des 
dragons,  pour  convertir  les  Réformés.  —  On  trouve  aux  Archives  nationales, 
série  T.  T.  247,  une  douloureuse  supplique  des  protestants  de  l'Aunis,  se  plai- 
gnant des  violences  de  Carnavalet,  gouverneur  de  Brouage. 


REQUÊTE  DES  PROTESTANTS  DE  FRANCE  A  LOUIS  XIV.        '.)T> 

mis  (in  à  tous  les  troubles  do  son  royaume,  et  qu'il  en  fut  paisible  pos- 
sesseur! Comment  parler  ainsi  d'un  Èdit  dont  l'assemblée  générale  du 
clergé  de  France  a  reconnu  elle-même,  dans  son  procès-verbal  des  années 
1655  et  1056,  qu'il  a  été  accordé  par  Henri  le  Grand  en  reconnaissance 
des  services  que  lui  avaient  rendus  ceux  de  la  H.  P.  R.!  Si  les  ancêtres 
des  suppliants,  séduits  quelquefois  par  l'intérêt  des  grands,  ou  prêt 
par  la  nécessité  de  défendre  leur  vie,  ont  eu  le  malheur  de  s'armer  contre 
leurs  concitoyens,  ils  ont  eu  aussi  le  bonheur  de  combattre  pour  les 
justes  droits  de  l'aïeul  de  Votre  Majesté  à  qui  une  faction  impérieuse 
et  violente  voulait  ravir  son  légitime  héritage;  ils  le  servirent  de  leurs 
personnes,  de  leurs  biens  et  de  leurs  vies,  comme  ils  y  étaient  obi i- 
mais  ce  grand  roi  ne  voulut  pas  leur  donner  l'Édit  qu'il  n'eût  achevé 
de  dompter  et  de  soumettre  ceux  qui  lui  disputaient  la  couronne,  et 
môme  cinq  ans  après  avoir  embrassé  la  religion  catholique,  alin  qu'on 
ne  put  pas  dire  que  c'eût  été  la  nécessité  de  ses  affaires  qui  l'y  eût 
obligé.  S'il  y  eut  dans  l'Édit  quelque  chose  d'extorqué  par  les  armes,  ce 
ne  fut  que  par  celles  des  ennemis  de  ladite  religion,  qui,  par  les  traités 
qu'ils  firent  avec  Sa  Majesté,  l'obligèrent  à  refuser  aux  suppliants  l'exer- 
cice de  leur  religion  en  plusieurs  villes  de  son  royaume,  comme  cela 
parait  dans  les  articles  particuliers  *. 

Et  pour  ce  qui  est  de  son  intention  touchant  l'observation  de  l'Édit, 
elle  parut  avec  éclat  dans  le  discours  qu'il  fit  à  ce  sujet  au  Parlement 
de  Paris,  comme  un  historien  catholique  le  rapporte  :  Je  ne  trouve  pas 
bon,  leur  dit-il,  d'avoir  une  chose  dans  l'intention  et  d'en  écrire  une  autre 
et,  si  quelques  autres  l'ont  fait,  je  ne  veux  pas  faire  comme  eux.  La  trom- 
perie est  partout  odieuse,  mais  elle  l'est  davantage  aux  Princes,  dont  la 
parole  doit  être  immuable,  paroles  vraiment  royales  et  magnanimes,  très 
dignes  du  glorieux  aïeul  de  Votre  Majesté  -. 

On  ne  cesse  de  dire  qu'il  est  de  l'intérêt  d'un  Ftat  qu'il  n'y  ait  qu'une 
seule  religion,  et  que,  Votre  Majesté  étant  toute-puissante  comme  elle 
est  dans  son  royaume,  il  serait  de  sa  gloire  de  réduire  tout  à  la  seule 
religion  catholique3.  Les  suppliants,  Sire,  n'ont  garde  d'entrer  dans  la 
discussion  de  ces  vues  politiques  qui  sont  au-dessus  de  leur  condition. 
Et,  quant  au  pouvoir  de  Votre  Majesté,  ils  seraient  bien  aveugles,  s'ils 
ne  voyaient  ce  que  toute  la  terre  en  voit.  Mais  ils  sont  persuadés  que 

1.  Voir  en  particulier  l'article  xi  des  Particuliers  qui,  pour  la  réduction  du 
duc  de  Guise,  interdit  l'exercice  à  Reims,  Rocroy,  etc.. 

2.  Richer.  Grande  conférence  des  Ordonnances,  1G3G,  liv.  II,  titre  3. 

3.  En  1GG5,  l'évoque  d'Uzès,  au  nom  du  clergé,  disait  à  Louis  XIV  «  que 
depuis  cet  heureux  moment  que  Sa  Majesté  a  résolu  d'imiter  la  conduite  de 
Dieu  qui  agit  toujours  par  lui-même,  et  qui  ne  se  sert  du  ministère  de  ses 
anges  que  pour  exécuter  ses  desseins,  on  le  doit  regarder  comme  le  héros 
invincible  destiné  dans  les  Conseils  éternels  pour  détruire  le  monstre  redou- 
table de  l'hérésie.  »  Mémoires  du  Clergé,  p.  549.  En  1675,  l'orateur  «lu  Clergé 
déclare  à  Louis  XIV  qu'il  espère  que  «  Sa  Majesté  donnera  le  dernier  coup  à 
l'hydre  monstrueux  de  l'hérésie.  »  Mémoires,  id.,  p.  564. 


!)f»  MELANGES    ET    DOCUMENTS. 

Votre  Majesté  n'emploiera  jamais  sa  puissance  pour  rompre  elle-même 
les  barrières  de  sa  justice,  et  celles  de  sa  promesse.  Au  contraire,  plus 
sa  main  sera  année  de  force,  plus  sa  foi  royale  sera  en  sûreté,  puisque 
sa  foi  a  sa  force  pour  garant.  Les  suppliants  ont  l'Édit  confirmé  par 
Votre  Majesté  qui  les  met  à  couvert  de  ces  maximes  de  politique  quelles 
qu'elles  soient  en  elles-mêmes.  Quand  la  diversité  de  religion  se  trouve 
permise  et  autorisée  par  les  lois  mêmes  de  l'État  et  qu'on  ne  peut  plus 
la  faire  cesser  sans  renverser  ces  lois  et  sans  affliger  un  grand  nombre 
de  sujets  fidèles,  la  tolérance  en  est  devenue  juste  et  nécessaire.  D'ail- 
leurs, Sire,  Votre  Majesté  n'ignore  pas  que  la  religion  est  une  chose  qui 
vient  d'en  haut  et  qui  ne  dépend  point  de  la  politique  humaine  ;  elle  a 
son  siège  dans  l'esprit  et  dans  le  cœur  où  elle  ne  s'introduit  que  par  les 
voies  de  la  persuasion  et  par  celle  des  prières  et  des  vœux  à  Dieu.  Les 
voies  de  la  contrainte  ne  sont  propres  qu'à  faire  des  athées  ou  des  hypo- 
crites, ou  à  exciter  en  ceux  qui  sont  de  bonne  foi  une  fermeté  et  une 
persévérance  qui  se  met  au-dessus  des  supplices,  si  on  en  vient  jusque-là, 
ce  qui  est  presque  inévitable,  quand  les  premiers  essais  de  la  contrainte 
ne  réussissent  pas1.  Les  suppliants,  Sire,  ont  trop  de  confiance  en  la 
justice  et  en  la  débonnaireté  naturelle  de  Votre  Majesté  pour  concevoir 
qu'elle  cberche  jamais  une  gloire  de  cette  espèce2.  Elle  est  environnée 
de  toutes  parts  d'une  gloire  si  vive,  si  solide  et  si  véritable  qu'elle  n'a 
pas  besoin  d'y  rien  ajouter  qui  ne  soit  du  même  caractère. 

Pour  rendre  les  suppliants  plus  odieux  à  Votre  Majesté,  on  a  accou- 
tumé de  les  faire  passer  auprès  d'elle  pour  des  hérétiques  et  des  schis- 
matiques,  et  de  la  solliciter  par  ces  titres  infamants  à  supprimer  leurs 
assemblées  3.  Mais,  dès  qu'on  a  revêtu  un  esprit  de  parti,  qui  est  tou- 
jours un  esprit  d'aigreur,  les  accusations  ne  coûtent  plus  rien.  Les  sup- 
pliants, Sire,  tiennent  et  croient  tout  ce  qui  est  de  l'essence  du  chris- 
tianisme, ou  qui  en  dépend,  et  ils  n'y  mêlent  aucune  de  ces  opinions 
folles  et  extravagantes,  qui  troublèrent  autrefois  l'Église  chrétienne,  ni 
rien  qui  puisse  les  rendre  odieux.  Il  n'y  a  rien  aussi  dans  leur  culte 
qui  ne  soit  évangélique,  rien  dans  les  maximes  de  leur  morale  qui  ne 
soit  droit,  rien  dans  les  règles  de  leur  discipline  qui  ne  tende  au  bien 
de  la  religion  et  à  celui  de  la  société.  Deux  de  leurs  plus  inviolables 
principes  sont  de  craindre  Dieu  et  de  vous  honorer,  Sire,  non  seule- 
ment par  la  crainte,  mais  aussi  par  la  conscience,  comme  la.  parole  de 


1.  Les  dragonnades  de  1685  ne  prouvèrent  que  trop  tôt  la"  vérité  de  cette 
affirmation. 

2.  La  parole  royale,  dans  l'ancienne  monarchie,  était  considérée  comme  la 
loi  même  du  royaume.  Ainsi  s'explique  cette  persistance  des  Réformés  à  croire 
impossible  une  Révocation  de  l'Édit  de  Nantes,  car  ils  ne  pouvaient  admettre 
qur  Louis  XIV  démentît  aussi  ouvertement  les  serments  solennels  par  lesquels 
il  avait  juré  de  maintenir  l'Édit  donné  par  Henri  IV. 

3.  Ce  sont  les  termes  mêmes  dont  se  servaient  les  orateurs  du  clergé,  alors 
qu'ils  demandaient  à  Louis  XIV  de  révoquer  l'Édit  de  Nantes. 


REQUÊTE  1»KS  PROTESTANTS  DE  FRANCE  A  LOUIS  XIV.       il" 

Dieu  le  leur  prescrit*.  Il  est  vrai  que  leur  conscience  n'a  pu  recevoir 
plusieurs  doctrines  e(  plusieurs  usages  qui  leur  ont  paru  opposés  à  la 
simplicité  et  à  la  pureté  de  la  religion  et  c'est  uniquement  sur  ce  pré- 
texte qu'on  les  traite  d'hérétiques  et  de  schismatiques.  Mais,  Sire,  si 
leur  crime  ne  consiste  qu'en  ce  qu'ils  ue  veulent  pas  reconnaître  pour 
divin  ce  qui  ne  leur  parait  en  effet  qu'humain,  et  s'ils  n'ont  résisté  que 
quand  on  a  voulu  exiger  d'eux  des  devoirs  qu'ils  ne  peuvent  ni  ne 
doivent  rendre  qu'à  Dieu  seul,  ils  se  sentent  innocents  à  cet  égard 
devant  Dieu  et  devant  les  hommes. 

Et  comme  ils  ne  croient  pas  avoir  rompu  aucun  des  liens  qui  joignent 
originairement  les  chrétiens  en  un  corps,  ni  péché  contre  les  véritables 
devoirs  delà  société  que  la  religion  forme,  ils  ue  croient  pas  aussi  qu'une 
querelle,  qui  du  côté  de  leurs  adversaires  n'a  que  des  fondements 
humains,  les  puisse  priver  des  droits  du  christianisme.  Ainsi  ils  en 
jouissent  en  bonne  conscience  sous  le  bénéfice  de  votre  Édit;  et,  en 
gardant  toujours  le  respect  qu'ils  doivent  à  Votre  Majesté  et  la  modestie 
même  envers  leurs  accusateurs,  ils  ne  peuvent  s'empêcher  de  se  plaindre 
de  l'injustice  des  accusations. 

Leur  propre  devoir,  Sire,  ne  leur  permet  pas  aussi  de  passer  sous 
silence  uue  autre  imputation  dont  on  a  tâché  de  les  noircir  envers  Votre 
Majesté,  en  disant  qu'ils  sont  les  ennemis  secrets  de  ses  prospérités, 
qu'ils  aiment  les  brouilleries  ou  qu'ils  n'ont  pas  pour  vos  ordres  toute 
la  soumission  qu'ils  doivent'-'.  C'est  ce  qu'ils  ne  peuvent  entendre  sans 
être  saisis  de  douleur  et  d'indignation  ;  permettez-leur  ce  mouvement, 
Sire,  et  trouvez  bon  qu'étant  aux  pieds  de  Votre  Majesté  sacrée,  ils 
appellent  Dieu  à  témoin  qu'au  milieu  même  de  tous  leurs  maux,  ils 
n'ont  jamais  senti  diminuer  le  respect  qu'ils  doivent  à  votre  suprême 
autorité,  ni  l'admiration  qu'ils  ont  toujours  eue  pour  un  si  grand  et  si 
accompli  monarque,  ni  le  zèle  ardent  qui  les  anime  pour  la  gloire  et 
pour  le  bonheur  de  votre  règne.  Qui  d'entre  eux  a  jamais  cessé  de  prier 
Dieu  pour  Voire  Majesté  et  d'en  parler  dans  des  termes  d'une  profonde 
vénération?  Qui  d'entre  eux  a  murmuré  contre  les  charges  communes 
de  l'État,  et  n'y  a  au  contraire  satisfait  avec  joie  ?  Qui  d'entre  eux 
appelé  au  service  de  Votre  Majesté  dans  les  hasards  de  la  guerre  et  ail- 
leurs, n'a  tâché  de  s'en  acquitter  fidèlement  et  avec  succès  ?  Qui  d'entre 

1.  Jusqu'à  la  signature  de  l'Édit  de  révocation,  les  Réformés  professèrenl 
pour  le  pouvoir  royal  la  plus  absolue  soumission.  Le  proverbe  «  patient  comme 
un  huguenot,  »  que  chacun  répétait  alors,  en  est  une  preuve  frappante. 

2.  C'était  la  note  dominante  dans  les  nombreux  écrits  du  clergé  qui  s'ingé- 
niait à  faire  des  protestants  des  rebelles.  «  II  n'y  eut  jamais  de  sujets  moins 
soumis  ni  plus  ennemis  de  tout  ordre  et  de  toute  dominât  ion,  disait  le  prêtre 
Soulier  dans  la  préface  de  son  Histoire  des  Édits  de  pacification  (1682),  et  il 
ajoutait  qu'on  avait  lieu  d'admirer  la  bonté  et  la  douceur  avec  laquelle  le  Roi 
traite  les  Prétendus  Réformés.  »  «  Le  Calvinisme,  écrivait  le  jésuite  Maim- 
bourg,  est  la  plus  cruelle  et  la  plus  insolente  de  toutes  les  sectes.  »  (Uistoire 
du  Calvinisme.)  On  multiplierait  ces  citations. 

Hev.  Histor.  XXVII.   1"  fasc.  7 


98  MÉLANGES   ET   DOCUMENTS. 

eux  ne  s'est  même  efforcé  de  s'y  signaler  et  d'honorer  sa  religion  en  s'y 
distinguant?  Comment  les  suppliants  pourraient-ils  jamais  s'éloigner  du 
service  de  Votre  Majesté?  L'honneur  de  leur  naissance  les  y  engage,  les 
lois  de  leurs  consciences  les  y  obligent,  mais  outre  cela  leur  propre  inté- 
rêt les  y  attache,  puisqu'ils  ne  peuvent  attendre  ni  de  protection  ni  de 
support  dans  l'Ktat  que  de  votre  seule  autorité  royale  *. 

Sous  la  minorité  de  Votre  Majesté,  il  y  eut  un  temps  d'épreuve  pour 
ses  sujets  qui  fit  assez  connaître  la  vérité  et  la  sincérité  du  zèle  des 
suppliants,  dans  tous  les  endroits  du  royaume  où  ils  se  trouvèrent  répan- 
dus, ce  qui  donna  lieu  à  cette  déclaration  si  solennelle  de  1652  qui 
témoignait  que  Votre  Majesté  était  entièrement  satisfaite  de  leurs  ser- 
vices 2.  Mais,  sans  aller  plus  loin  que  le  temps  présent,  toute  l'Europe 
voit  avec  quelle  soumission  ils  reçoivent  tout  ce  qui  leur  vient  de  la 
main  de  Votre  Majesté,  ou  qui  en  porte  le  nom-  Il  s'agit  de  leurs  droits, 
de  leurs  biens,  de  leurs  fortunes,  de  l'exercice  de  leur  religion  qui  leur 
est  mille  fois  plus  chère  que  leurs  biens  et  que  leurs  vies.  Il  s'agit  d'un 
Édit  qui  est  leur  franchise  et  leur  sûreté.  Dans  la  condition  déplorable 
où  ils  sont,  il  n'est  pas  possible  que  la  nature  ne  souffre  beaucoup  en 
eux.  Cependant  ils  se  soumettent  à  tous  vos  ordres  avec  une  résigna- 
tion et  une  obéissance  exemplaire,  parce  que  c'est  la  volonté  de  Votre 
Majesté. 

Les  suppliants,  Sire,  ne  prétendent  pas  se  faire  de  cette  soumission 
un  mérite  envers  Votre  Majesté,  puisqu'ils  n'ont  fait  que  leur  devoir, 
mais  ils  croient  que  ce  devoir  ne  produira  point  d'effet  contraire  à  l'es- 
pérance qu'ils  ont  de  trouver  grâce  devant  vos  yeux.  Et  c'est  aussi  ce 
qui  leur  donne  la  liberté  d'implorer  la  justice  de  Votre  Majesté  et  de  la 
supplier  très  humblement  de  ne  pas  permettre  qu'une  protection  accor- 
dée aussi  solennellement  et  aussi  authentiquement  que  celle  de  l'Edit  de 
Nantes,  une  protection  tant  de  fois  confirmée  par  Votre  Majesté  même, 
et  sur  laquelle  vos  sujets  de  la  R.  P.  R.  se  sont  jusqu'ici  reposés,  ne 
soit  plus  comptée  pour  rien. 

Plutôt,  Sire,  que  la  voix  de  tant  de  milliers  de  familles  et  de  personnes, 

1.  La  preuve  décisive  de  l'innocence  des  Réformés  réside  dans  ce  fait,  que 
les  considérants  de  l'Édit  de  révocation  ne  visent  en  aucune  manière  leur  atti- 
tude politique,  car  il  était  de  notoriété  publique  que  le  Roi  n'avait  pas  alors 
de  sujets  plus  fidèles.  La  victoire  obtenue  fut  donc  remportée  par  le  clergé 
qui,  inspirant  les  persécutions,  ruina  une  église  rivale. 

2.  «  Nos  sujets  de  la  Religion  prétendue  réformée  nous  ont  donné  des  preuves 
certaines  de  leur  affection  et  fidélité,  notamment  dans  les  occasions  présentes 
dont  nous  demeurons  très  satisfaits.  Nous  voulons  donc  qu'ils  soient  main- 
tenus et  gardés  en  la  pleine  et  entière  jouissance  de  l'Édit  de  Nantes.  »  Décla- 
ration de  Saint-Germain,  21  mai  1652. 

En  16")9,  Mazarin,  écrivant  aux  membres  du  synode  de  Loudun,  disait  :  «  Je 
vous  prie  de  croire  que  j'ai  une  grande  estime  pour  vous,  comme  vous  le 
méritez,  étant  si  bons  serviteurs  et  sujets  du  Roi.  »  Aymon,  Synodes  natio- 
naux, II,  739. 


REQUÊTE    DES    PROTESTANTS    DE    lUWf.i:    A    LOUIS    XIV.  99 

affligées  d'une  affliction  très  rude,  passe  jusqu'à  vos  oreilles,  et  qu'elle 
émeuve  la  tendresse  naturelh'  de  votre  cœur.  Dans  un  temps  où  toute 
l'Europe  semble  jouir  de  la  tranquillité  que  Votre  Majesté  lui  a  don 
en  s'apaisanl  envers  ses  ennemis,  n'écouterait-elle  pas  les  g  smissements 
d'un  si  grand  nombre  de  ses  fidèles  sujets  qui  sonl  toujours  prêts 
sacrifier  pour  elle  et  qui  no  lui  demandent  qu'un  rayon  de  sa  bienveil- 
lance? Ceux  qui  pressent  aujourd'hui  avec  tant  d'instance  la  ruine  des 
suppliants  auraient  eux-mêmes  du  déplaisir  dans  la  suite,  lorsque  leurs 
sentiments  excessifs  seraient  passés.  Et,  dès  à  présent,  s'ils  pouvaienl 
rassembler  dans  leur  esprit  toutes  les  désolations  où  se  trouvent  vos 
sujets  de  ladite  religion  dans  l'étendue  de  votre  royaume,  voir  les  pleurs 
qu'ils  répandent,  les  maux  qu'ils  y  souffrent,  les  frayeurs  et  les  alarmes 
qu'ils  s'y  forment,  ils  en  seraient  eux-mêmes  touchés  '. 


1.  «  Cependant,  dit  Saint-Simon,  le  temps  'vint  que  Louis  XIV  ne  pui  pas 
voir  et  sentir  les  suites  funestes  de  tant  d'horreurs.  La  révocation  de  l'IMit 
de  Nantes,  sans  le  plus  Iê^er  prétexte  et  sans  aucun  besoin,  immédiatement 
suivie  des  proscriptions,  des  supplice:.,  des  galères,  sans  aucune  distinction 
d'âge  ni  d'état...  donna  à  toute  l'Europe  l'effrayant  spectacle  d'un  peuple  si 
prodigieux,  proscrit,  fugitif,  nud,  errant,  sans  aucun  crime,  cherchant  un  asile 
loin  de  sa  patrie.  »  Parallèle  des  trois  Bois,  225. 

Le  clergé  niait  simplement  la  persécution.  Au  moment  même  où  les  dragons 
ravageaient  les  églises  de  l'ouest  de  la  l'rance,  Colbert,  coadjuleur  de  l'arche- 
vêque de  Rouen,  parlant  au  nom  de  l'Assemblée  du  clergé,  disait  au  Roi 
(21  juillet  1685)  «  que  c'était  en  gagnant  le  cœur  des  hérétiques  que  le  Roi 
domptait  l'obéissance  des  hérétiques  et  qu'ils  ne  seraient  peut-être  jamais 
rentrés  dans  le  sein  de  l'église  par  une  autre  voie  que  par  le  chemin  couvert 
de  (leurs  qu'il  leur  avait  ouvert.  » 

Bossuet,  quelques  mois  plus  tard,  le  24  mars  168G,  adressait  aux  nouveaux 
convertis  de  son  diocèse  une  lettre  pastorale  où  on  lisait  ceci  :  «  Aucun  de 
vous  n'a  souffert  de  violence,  ni  dans  sa  personne,  ni  dans  ses  biens.  J'entends 
dire  la  même  chose  aux  autres  évêques,  mais  pour  vous,  mes  frères,  je  ne  vous 
dis  rien  que  vous  ne  disiez  aussi  bien  que  moi,  vous  êtes  revenus  paisiblement 
à  nous,  vous  le  savez.  »  Il  est  intéressant  de  placera  côté  de  cette  affirmation 
la  dépêche  suivante  de  Pontchartrain  à  M.  de  .Menars,  en  date  du  2  avril  1686. 
«  Les  nommés  Cochard,  père  et  fils,  s'étant  convertis,  il  n'y  a  qu'à  renvoyer 
les  ordres  qui  avaient  été  adressés  au  lieutenant  général  de  .Meaux  pour  les 
faire  arrêter,  parce  qu'ils  n'avaient  été  expédiés  qu'à  cause  de  leur  religion  à 
la  prière  de  M.  l'évêquede  Meaux.  »  On  lit  aussi  dans  les  lettre-  pastorales  de 
Jurieu  (3  janvier  1686)  :  «  Je  ne  puis  vous  le  dire  qu'avec  des  larmes  de  sang. 
Les  dragons  ont  tout  fait  changer  par  force  dans  l'élection  de  Meaux.  d  C'était 
du  reste  à  Bossuet  lui-même  que  revenait  l'honneur  de  cette  campagne 
missionnaire.  La  lettre  suivante  ne  laissera  pas  de  doute  dans  l'esprit  : 

«  Monsieur, 
«  Je  ne  puis  mieux  vous  informer  des  ordres  que  Sa  Majesté  a  donnez  pour 
employer  quatre  compagnies  du  régiment  de  dragons  de  la  Reyne  à  la  conver- 
sion des  religionnaires  de  la  ville  et  élection   de  Meaux,  qu'en  vous  envoyant 
copie  de  la  lettre  que  j'escris  par  ordre  du  Roy  à  M.  de  .Menais,  par  laquelle 


100  MÉLANGES   ET   DOCUMENTS. 

A  ces  causes,  Sire,  plaise  à  Votre  Majesté  de  faire  entendre  à  nos 
seigneurs  de  son  conseil,  à  ses  Parlements,  gouverneurs,  et  lieutenants 
généraux,  intendants  et  commissaires  départis  dans  ses  provinces,  pré- 
sidiaux,  prévôts,  baillis  et  autres,  magistrats  et  officiers,  et  générale- 
ment à  tous  ses  sujets,  que  l'intention  de  Votre  Majesté  est  que  l'Édit  de 
Nantes  soit  exécuté  selon  sa  forme  et  teneur,  sans  qu'il  y  soit  donné 
aucune  atteinte  directement  ni  indirectement.  Évoquer  à  soi  et  à  son 
conseil  toutes  les  causes  ou  affaires  des  suppliants  qui  regardent  l'exer- 
cice de  leur  religion  et  de  leur  discipline  ou  qui  dépendent  de  l'exécu- 
tion dudit  Édit.  Commettre  tels  de  nos  seigneurs  de  son  conseil  qu'elle 
jugera  le  plus  à  propos  pour  examiner,  selon  l'Édit,  l'état  où  se  trouvent 
les  suppliants,  comme  aussi  les  déclarations,  arrêts,  jugements  et  autres 
dispositions  mentionnées  en  la  présente  requête  et  aux  mémoires  qui  y 
pourront  être  joints,  pour  le  tout  être  rapporté  à  la  propre  personne  de 
Votre  Majesté  et  en  être  par  elle  ordonné  selon  son  équité  et  sa  justice. 
Cependant  surseoir  l'exécution  desdites  déclarations,  arrêts,  jugements 
et  dispositions.  Et  les  suppliants  offriront  sans  cesse  à  Dieu  leurs  prières 
et  leurs  vœux  pour  la  conservation  et  pour  la  gloire  de  Votre  Majesté. 


LE  DERNIER  MOT  SUR  LA  CHARGE  DE  SEDAN. 


RAPPORT  DU  GÉNÉRAL  DE  GALLIFFET. 


Le  succès  du  livre  du  général  Lebrun,  dont  nous  rendons  compte 
plus  loin,  s'est  accentué  au  point  d'avoir  nécessité  déjà  plusieurs  édi- 
tions. L'auteur  a  cru  pouvoir  enrichir  la  dernière  de  quelques  docu- 
ments et  lettres  qui  lui  ont  été  adressés  et  qui  ne  manquent  pas  d'une 
certaine  importance  historique.  Plusieurs  ont  trait  à  la  fameuse  charge 
de  la  division  de  cavalerie  que  l'ouvrage  du  général  Ducrot  dit  avoir 
été  commandée  par  le  colonel  ou  général  de  Galliffet  et  dont  M.  Lebrun 
attribue  l'honneur  au  colonel  de  Bauffremont. 


vous  verrez  le  jour  que  doivent  arriver  les  dites  compagnies,  et  l'ordre  qu'il  a 
de  concerler  avec  vous  ce  qu'il  y  aura  à  faire  pour  les  susdites  conversions. 
«  Je  suis  très  véritablement, 

«  Louvois. 
«  M.  l'évéque  de  Mcaux. 
«  14  décembre  1685.  »        (Archives  de  la  Guerre,  D.  G.  758.) 


LE    DERVIER    MOT   SUR    LA    CHARGE    DE    SEDAN.  -101 

Le  dernier  mot  sur  cette  question  historique  n'ayant  pas  encore 
été  dil  par  le  général  de  Gallilîet,  l'un  des  plus  brillants  chefs  de 
notre  cavalerie,  nous  allons  essayer  de  jeter  un  jour  définitif  sur  cette 
héroïque  action,  en  publiant  le  rapport  adressé  le  lendemain  de  la 
bataille  au  général  en  chef  de  Wimpffen,  rapport  annoté  par  ce  der- 
nier et  signé  :  le  général  de  brigade  commandant  par  intérim  la  pre- 
mière division  de  réserve  de  cavalerie,  Ga/liffet. 

Voici  ce  document  in  extenso  : 

Au  camp  de  Torcy  sous  Sedan,  le  2  septembre  1870. 
Mon  général, 

La  première  division  de  la  réserve  de  cavalerie  (nouvelle  formation), 
(18  août),  lre  brigade,  général  Galliffet,  1er,  3e,  4e  chasseurs  d'Afrique; 
2e  brigade,  général  Tillard,  1er  de  hussards,  6e  de  chasseurs,  général  de 
division  Margueritte,  avait  quitté  le  30  août,  à  une  heure  du  matin,  son 
bivouac  de  Blagny  et  passé  le  Ghiers,  sur  le  pont  de  bois  que  faisait 
défaire,  quelque  temps  après,  te  général  commandant  le  premier  corps. 

Le  général  Margueritte  avait  reçu  le  30  août,  à  8  heures  du  soir,  les 
ordres  du  maréchal  commandant  en  chef. 

Ils  étaient  ainsi  conçus  : 

«  La  dislocation  des  5e  et  7e  corps  oblige  le  maréchal  commandant  en 
chef  à  se  retirer  sur  Sedan.  Le  général  de  division  Margueritte  couvrira 
avec  sa  division  la  retraite  de  l'armée.  Le  maréchal  s'en  rapporte  pour 
cette  opération  importante  à  l'habileté  du  général  Margueritte.  » 

Avant  d'arriver  à  Douzy,  le  général  commandant  la  division,  s'étant 
assuré  que  la  retraite  du  premier  corps  ne  pouvait  être  inquiétée,  se 
porta  sur  Francheval,  après  avoir  appris  que  la  canonnade  entendue 
dans  la  direction  de  Rémilly  n'était  qu'un  simple  engagement  d'artille- 
rie, d'une  rive  à  l'autre  de  la  Meuse. 

Peu  après  son  arrivée  à  Francheval  (9  ou  10  heures  du  matin),  le 
général  Margueritte  fut  rejoint  par  le  général  commandant  le  premior 
corps,  qui  lui  enjoignit  de  se  porter  sur  le  plateau  d'Illy.  Le  général 
commandant  le  corps  ajouta  :  «  Je  vais  moi-même  établir  mon  corps 
d'armée  sur  ce  plateau.  » 

J'ai  lieu  de  croire  que  le  général  Margueritte  fit  prévenir  te  maréchal 
commandant  en  chef  de  sa  position. 

Les  reconnaissances  envoyées  jusqu'à  la  nuit  dans  les  directions  de 
la  chapelle,  des  bois  de  Sedan,  Dorigny  et  Floing  ne  signalèrent  aucun 
indice  menaçant.  A  deux  heures  du  matin,  le  1er  septembre,  le  général 
de  division  Margueritte,  entendant  un  coup  de  canon  tiré  dans  la  direc- 
tion de  Donchery,  fit  monter  à  cheval  trois  petits  pelotons  commandés 
par  des  officiers  et  les  envoya  au  loin,  dans  différentes  directions. 

Je  ne  sais  quel  tut  le  résultat  de  la  reconnaissance  de  la  2e  brigade, 
mais,  dès  cinq  heures  du  matin,  l'officier  de  chasseurs  d'Afrique  envoyé 
dans  la  direction  de  Francheval  se  trouvait,  près  de  ce  village,  en  pré- 


102  MELANGES    ET    DOCUMENTS. 

scnce  d'une  quinzaine  de  uhlans  qui  battirent  en  retraite,  dès  que  l'un 
d'eux  eut  été  tué  par  un  coup  de  l'eu  tiré  par  nos  éclaireurs. 

Quelques  instants  plus  tard,  ils  étaient  remplacés  par  des  compa- 
gnies d'infanterie,  qu'accompagnait  une  pièce  de  canon.  Le  peloton  de 
chasseurs  d'Afrique  dut  se  retirer  devant  la  fusillade,  et  l'officier  qui  le 
commandait,  s'étant  porté  vers  un  point  élevé,  put  voir  des  colonnes 
profondes  d'infanterie  et  d'artillerie  venant  de  toute  probabilité  de 
Mnu/.on  '. 

Les  renseignements  parvenus  au  général  de  division  Margueritte, 
vers  sept  heures  du  matin,  le  confirmèrent  dans  l'opinion  que  nous 
avions  tout  à  craindre  d'un  mouvement  tournant2. 

Ce  fut  pour  ce  motif  qu'il  maintint  sa  division  entre  les  bois  et  le 
plateau  d'Illy,  sur  le  coteau  qui  domine  Givonne. 

Dès  huit  ou  neuf  heures  du  matin,  notre  artillerie,  placée  en  arrière 
de  ce  dernier  plateau,  avait  engagé  le  combat  avec  les  batteries  prus- 
siennes, qui  avaient  passé  la  Meuse  à  Donchery  et  paraissaient  venir  du 
bois  de  Saint-Mengès. 

Peu  de  temps  après,  trois  ou  quatre  bataillons  d'infanterie  prussienne, 
précédés  de  groupes  de  quinze  à  vingt  hommes  et  de  tirailleurs,  se  por- 
tèrent en  avant,  pour  occuper  le  village  de  Givonne  et  toutes  les  posi- 
tions d'où  ils  pouvaient  tirer  sur  nos  artilleurs. 

Le  général  de  Margueritte  fit  charger  la  lre  brigade,  successivement 
par  régiments  déployés  et  dans  l'ordre  suivant  : 

3e  chasseurs  d'Afrique,  1er  et  4e. 

Ce  mouvement  était  nécessaire,  car  nous  n'avions,  sur  ce  point, 
aucune  infanterie  pour  protéger  notre  artillerie. 

Le  régiment  qui  fut  engagé  le  premier  put  arriver  jusqu'à  400  mètres 
des  batteries,  malgré  les  pertes  nombreuses  que  lui  avait  fait  subir  une 
infanterie  qui  n'avait  pu  néanmoins  l'arrêter.  Mais  plusieurs  coups  de 
mitraille  habilement  dirigés  le  mirent  en  déroute. 

Les  1er  et  4e  chasseurs  d'Afrique,  reçus  par  une  vive  fusillade  qui 
partait  de  Givonne,  durent  également  battre  en  retraite,  faute  d'infan- 
terie pour  enlever  ce  village. 

Cette  charge  coûta  au  3e  chasseurs  dAfrique  la  perte  de  10  officiers 
(dont  7  tués)  et  de  87  sous-officiers  et  soldats. 

Je  ne  puis  vous  préciser  les  pertes  des  1er  et  4e  chasseurs  d'Afrique, 
mais  elles  furent  beaucoup  moins  considérables. 

La  2e  brigade  ne  fut  pas  engagée. 

Ce  mouvement  eut  pour  résultat  d'obliger  cette  infanterie  prussienne 
à  se  retirer  derrière  ses  batteries,  position  qu'elle  garda  de  ce  côté  jus- 
qu'à une  heure  avancée  de  la  journée  (deux  à  trois  heures). 


1.  En  marge  de  ce  paragraphe  du  rapport,  le  général  de  Wimpffen  a  écrit  : 
«  Frontière  belge  déjà  coupée  «les  cinq  heures  du  matin.  » 

Z.  En  marge  :  «  C'est  à  peu  près  le  moment  où  il  me  lit  prévenir.  Je  l'avais 
déjà  \  a  au  puiiil  du  jour.  » 


LE    DERNIER   MOT   SUB    LJ    CHAHGE    DE    SEDAN.  -103 

Le  général  de  division  Margueritte  porta  alors  sa  division  en  arrière 
du  mamelon  occupé  par  nos  batteries,  mais,  malgré  les  précautions 
qu'il  prit  pour  l'abriter  des  projectiles  dont  le  nombre  augmentait  â 
chaque  instant,  elle  éprouva  des  pertes  sérieuses. 

Le  général  Tillard  et  son  aide  de  camp  furent  tués  par  le  même  obus. 
La  division  de  réserve  resta  jusqu'à  deux  heures  sous  le  feu  des  batte- 
ries prussiennes  dont  les  projectiles,  dépassant  aisément  nos  batteries, 
allaient  fouiller  tous  les  replis  du  terrain. 

A  deux  heures  environ,  elle  reçut  du  général  de  Wimpffen,  comman- 
dant en  chef,  l'ordre  d'occuper  le  plateau  qui  domino  le  village  de  Floing. 
A  deux  heures  et  demie,  le  général  Ducrot,  chargé  d'exécuter  un  mou- 
vement qui  devait  nous  remettre  en  possession  du  plateau  d'IUy,  eut 
recours  à  toute  la  cavalerie  et  à  l'artillerie  qui  lui  était  attachée  '. 

La  batterie  Hartung  de  notre  division  n'avait  plus  que  onze  servants, 
tous  les  autres  étant  tués  ou  grièvement  blessés.  Ce  lu-ave  officier,  engagé 
depuis  le  matin  au  poste  le  plus  périlleux,  lutta  jusqu'au  dernier 
moment  avec  les  faibles  ressources  dont  il  disposait  encore. 

La  première  division  de  la  réserve  de  cavalerie  reçut  du  général  Ducrot 
l'ordre  de  se  placer  derrière  la  gauche  de  son  infanterie  et  sur  la  pente 
qui  se  dirige  vers  la  Meuse,  en  laissant  Floing  en  arrière  et  à  gauche. 

Le  général  Margueritte,  qui  s'était  porté  en  avant  de  l'infanterie  pour 
examiner  le  terrain  sur  lequel  il  espérait  conduire  une  charge  décisive, 
fut  grièvement  blessé  à  la  tête  et,  en  même  temps  que  lui,  presque  tous 
les  officiers  qui  l'accompagnaient. 

Il  m'envoya  immédiatement  l'ordre  de  prendre  le  commandement  de 
la  division.  Au  même  instant,  le  général  Ducrot,  voyant  l'infanterie 
prussienne  se  rapprocher  de  la  nôtre  qui  paraissait  faiblir,  nous  donna 
l'ordre  de  charger.  Chaque  régiment  devait  s'efforcer  de  culbuter  l'in- 
fanterie prussienne  qui  était  devant  son  front  de  bataille. 

Le  mouvement  s'exécuta  avec  un  entier  dévouement. 

Les  premiers  petits  groupes  furent  renverses,  mais  nos  efforts  vinrent 
échouer  devant  les  bataillons  compactes,  dont  le  feu  habilement  dirigé 
nous  fit  éprouver  des  pertes  très  sensibles2. 

Nos  escadrons  dépassèrent  les  premières  lignes  ennemies,  mais  durent 
se  rallier  promptement  sur  le,  point  de  départ. 

Je  dois  ajouter  que  l'infanterie  ennemie  avait  la  confiance  d'une  vic- 
toire déjà  certaine  et  qu'elle  n'avait  été  entamée  ni  par  la  fusillade  ni 
par  l'artillerie. 

Le  général  Ducrot  s'est  adressé  au  dévouement  de  braves  gens  que 
j'avais  l'honneur  de  commander;  il  n'espérait  pas  nous  voir  réussir, 

1.  En  marge  :  «  Cet  officier  général  se  trompe  sur  les  heures.  Il  était  environ 
une  heure,  lorsque  le  général  Ducrot  se  rendit  avec  des  troupes  sur  le  bois  de 
la  Garenne.  » 

2.  En  marge  :  «  La  cavalerie  n'a  rien  renversé,  cette  charge  était  intempes- 
tive. » 


|04  MELANGES  ET  DOCUMENTS. 

mais  notre  infanterie  pouvait  peut-être  reprendre  du  courage  envoyant 
ivttc  cavalerie  qui  se  sacrifiait  pour  lui  donner  quelque  répit. 

Les  cinq  régiments  de  la  division  ont  rivalisé  de  bravoure  et  d'abné- 
gation. La  division  a  continué  jusqu'au  dernier  moment  à  appuyer  le 
mouvement  de  retraite.  C'est  à  la  fin  de  la  journée  que  j'ai  reçu  du  géné- 
ral commandant  le  premier  corps  d'armée  Tordre  de  rallier  près  de 
Sedan  les  débris  de  cette  division  de  cavalerie,  qui  seule,  dans  la  jour- 
née du  1er  septembre,  a  été  engagée  contre  l'infanterie  et  l'artillerie1. 

Permettez-moi,  mon  général,  d'ajouter,  en  faveur  de  ces  braves  troupes 
(auxquelles  manquait  cependant,  à  l'heure  décisive,  la  direction  de  leur 
inappréciable  chef,  le  général  Margueritte),  que  le  roi  de  Prusse,  qui 
sur  l'autre  rive  de  la  Meuse  suivait  facilement  les  péripéties  de  cette 
partie  du  champ  de  bataille,  le  prince  royal,  le  comte  de  Moltke  et 
beaucoup  d'autres  officiers  de  la  suite  du  roi  ont  témoigné  à  nos  par- 
lementaires, le  général  Reille,  et  au  colonel  d'Abzac  leur  admiration 
pour  le  dévouement  absolu  de  cette  division  qui,  sous  leurs  yeux,  avait 
essayé,  mais  en  vain,  de  leur  arracher  la  victoire. 

Je  n'ai  pas  encore  reçu  le  rapport  des  officiers  qui  commandaient  les 
corps  de  la  division  et  je  ne  puis  vous  donner  qu'approximativement  le 
chiffre  des  pertes  : 

Officiers  généraux  tués  :  le  général  de  brigade  Tillard  ;  —  blessés  :  le 
général  de  division  Margueritte  (mort  des  suites  de  sa  blessure). 

Officiers  supérieurs  tués  :  le  lieutenant-colonel  de  Liniers  du  3e  chas- 
seurs d'Afrique;  le  lieutenant-colonel  du  1er  hussards  (non  nommé  dans 
le  rapport);  un  chef  d'escadron.  Officiers  supérieurs  blessés  :  le  colonel 
Glicquot  du  1er  chasseurs  d'Afrique  (mort  des  suites  de  ses  blessures)  ; 
le  lieutenant-colonel  Ramon  du  1er  chasseurs  dAfrique. 

1er  chasseurs  d'Afrique  :  17  officiers  tués,  blessés  ou  disparus; 
162  sous-officiers  ou  soldats. 

3e  chasseurs  d'Afrique  :  22  officiers,  dont  5  blessés,  1  disparu,  16  tués  ; 
227  hommes  tués,  blessés  ou  disparus. 

4e  chasseurs  d'Afrique  :  8  officiers  tués,  blessés  ou  disparus  ;  60  hommes. 

1er  de  hussards  :  20  officiers  tués,  blessés  ou  disparus;  170  hommes. 

6e  de  chasseurs  :  11  officiers,  90  hommes. 

Permettez-moi,  mon  général,  de  ne  pas  attendre  les  rapports  des  chefs 
de  corps  pour  vous  demander  de  vous  proposer,  s'il  y  a  lieu1,  pour  des 
récompenses,  les  officiers  qui  se  sont  distingués  pendant  cette  journée. 

Pour  la  croix  de  commandeur  : 

Les  colonels  Clicquot  (blessé),  1er  chasseurs  d'Afrique  ;  de  Quelen,  4e; 
de  Beauiïremont,  1er  de  hussards;  Bonvoust,  6e  de  chasseurs;  le  lieu- 
tenant-colonel Ramon,  du  Ie'  chasseurs  d'Afrique  (blessé). 

1.  En  marge:  «  C'est  vers  deux  heures  et  demie  que  troupes  et  généraux 
rentraient  dans  Sedan,  les  chevaux  sans  cavaliers;  ces  régiments  fantômes, 
traversant  les  lignes  de  notre  infanterie,  les  firent  battre  plus  rapidement  en 
retraite.  » 


LE    DERNIER    MOT   SUR    LA   CHARGE    DE   SEDAN.  10") 

Pour  la  croix  d'officier  :  Le  lieutenant-colonel  Aubert,  du  6*  chas- 
seurs; le  commandant  de  Lorme,  du  1"  chasseurs  d'Afrique;  le  com- 
mandant do  Mangeon,  du  3e. 

Pour  le  grade  de  lieutenant-colonel  :  les  commandants  Lusignan,  du 
3e  chasseurs  d'Afrique,  de  Lorme,  du  1er  chasseurs,  Guy  de  Vernon, 
du  4e,  Archomhault,  du  même  régiment,  (un  nom  illisible),  1er  hussards. 

J'aurai  l'honneur  de  préparer  aussitôt  que  possible  des  mémoires  de 
propositions  en  faveur  des  officiers,  sous-officiers  et  soldats,  afin  de  vous 
les  envoyer,  dès  que  j'aurai  reçu  vos  ordres. 

J'ai  l'honneur  d'être,  mon  général,  votre  très  respectueux  subordonné. 

Le  général  de  brigade,  commandant  par  intérim  la  premièrt 
division  de  réserve  de  cavalerie, 

Galliffet. 

De  ce  rapport  dont  nous  n'avons  pas  modifié  ni  omis  un  seul  mol, 
il  nous  semble  découler  jusqu'à  l'évidence  : 

\°  Que  le  marquis  de  Galliffet,  promu  général  de  brigade  le  30  août 
1870,  commandait  bien  de  fait  la  lrc  brigade  de  la  division  Margue- 
rite, le  -Ier  septembre,  pendant  la  bataille  de  Sedan; 

2°  Que,  le  matin  de  la  bataille,  il  a  fait  charger  sa  brigade  sur  l'ordre 
du  général  Margueritte; 

3°  Que,  dans  l'après-midi,  cet  officier  général  (Margueritte)  ayant 
été  blessé  grièvement,  il  a  pris  le  commandement  de  la  division,  lui  a 
fait  faire  un  mouvement  sur  l'ordre  du  général  de  Wimpffen,  et  l'a 
fait  charger  sur  celui  du  commandant  du  Ier  corps  d'armée,  général 
iJucrot,  vers  une  heure  et  demie. 

A.  D. 


BULLETIN    HISTORIQUE 


FRANCE. 


Nécrologie.  —  Bien  que  M.  Karl  Hillebrand  fût  Allemand  d'ori- 
gine et  que  ses  meilleurs  ouvrages  aient  été  écrits  en  allemand,  nous 
remplissons  un  devoir  en  parlant  de  lui  à  cette  place,  car  la  France 
lui  a  donné  asile  pendant  vingt  ans  ;  il  y  a  conquis  droit  de  cité  par 
ses  ouvrages  français,  par  son  enseignement  à  Saint-Cyr  et  à  Douai, 
par  sa  collaboration  aux  plus  importants  de  nos  journaux  et  de  nos 
revues,  entr'autres  au  Journal  des  Débats,  à  la  Revue  des  Deux- 
Mondes  et  à  la  Revue  critique.  Contraint  de  quitter  la  France  en 
4870,  nous  ne  sommes  pas  de  ceux  qui  s'étonnent  et  s'offensent  qu'il 
ait  senti  en  lui,  pour  l'Allemagne  unifiée  et  glorieuse,  des  sen- 
timents de  patriotisme  longtemps  assoupis,  mais  que  d'ailleurs  il 
avait  déjà  affirmés  en  1867,  dans  le  Journal  des  Débats,  sans  scan- 
daliser personne.  Nous  regrettons  qu'il  ait,  peu  de  temps  après  la 
guerre,  publié  un  ouvrage  sur  la  France  et  les  Français,  sans  se 
rendre  compte  que  les  critiques,  même  les  plus  justes,  prendraient 
sous  sa  plume  un  caractère  blessant,  et  que  le  silence  sur  sa  patrie 
et  ses  compatriotes  d'adoption  était  l'attitude  la  plus  digne  ;  mais 
nous  savons  aussi  qu'aucune  intention  hostile  n'était  entrée  dans  son 
esprit,  qu'il  avait  gardé  pour  la  France  et  pour  les  Français  un  goût 
très  vif  et  même  une  réelle  sympathie,  qu'il  avait  eu  soin  de  se  fixer 
en  la  quittant  non  en  Allemagne,  mais  en  Italie;  enfin  que  ceux  qui 
ont  jugé  le  plus  sévèrement  son  livre  sont  ceux  qui  ne  l'ont  pas  lu. 

M.  Hillebrand  était  un  cosmopolite;  ce  caractère  cosmopolite  de  sa 
vie  et  de  son  talent  a  fait  sa  supériorité  et  son  malheur.  Allemand  de 
naissance  et  d'éducation,  la  réaction  politique  qui  avait  suivi  la  révo- 
lution de  4848  lui  fit  abandonner  à  vingt  ans  l'Allemagne  pour  la 
France,  et  il  fut  à  Paris  le  secrétaire  d'un  autre  Prussien  libéré,  Henri 
Heine.  A  quarante  ans,  il  était  insulté,  menacé  même  comme 
Allemand  par  une  populace  affolée;  il  quittait  la  France  et  avait  à 
subir  les  froideurs,  les  reproches,  peut-être  les  injustes  mépris  de 
quelques-uns  de  ses  anciens  amis.  Il  ne  songea  pas  à  retourner  en 


FRANCE.  4  07 

Allemagne  où  il  ne  se  sentait  pas  «  at  home-,  »  il  s'établit  en  Italie, 
et  là,  malgré  le  respect  et  l'admiration  qu'il  inspirait,  il  ne  réussit 
pas  à  conquérir  un  public  pour  sa  revue  Italia.  L'Angleterre  ne  lui 
était  pas  moins  connue  que  la  France,  l'Allemagne  et  L'Italie.  Des 
liens  personnels  le  rattachaient  à  l'Angleterre,  il  y  avait  souvent 
séjourné  et  il  écrivail  l'anglais  assez  facilement  pour  être  pendanl 
quelque  temps  le  correspondant  du  Times.  Cet  homme  qui  parlait  et 
écrivait  quatre  langues  avec  une  égale  aisance,  qui  avait  vu  de  près 
les  quatre  grandes  nations  occidentales,  en  connaissait  le  fort  et  le 
faible,  et  les  jugeait  toutes  quatre  avec  un  détachement  ironique, 
n'avait  ni  patrie  politique,  ni  patrie  intellectuelle.  Il  u'avail  pas  de 
public  à  lui.  et  tout  homme,  tout  écrivain  surtout  qui  n'a  pas  de 
patrie  me  fait  l'impression  d'un  Pierre  Sehlcmil,  de  l'homme  qui  a 
perdu  son  ombre,  objet  pour  tous  d'une  curiosité  inquiète.  Mais  si 
cette  multiplicité  de  dons  et  de  langues,  cette  largeur  d'horizon,  cette 
indépendance  de  jugement  et  de  cœur  en  faisaient  un  isolé,  un  déra- 
ciné, et  lui  interdisaient  de  ressentir  et  d'inspirer  ces  sympathies 
complètes  et  enthousiastes  qui  sont  un  cordial  nécessaire  à  l'homme 
de  lettres,  elles  faisaient  aussi  son  originalité  et  son  rare  mérite.  Peu 
d'hommes  ont  connu  comme  lui  l'Europe  et  la  psychologie  des 
peuples  européens ,  et  il  leur  a  certainement  appris  à  se  mieux  con- 
naître les  uns  les  autres  ;  je  ne  dis  pas  à  s'aimer,  mais  à  se  juger 
avec  plus  d'équité.  Il  était  avant  tout  un  essayiste  de  premier  ordre. 
S'il  n'avait  pas  l'éloquence,  la  flamme,  l'abondance  de  Macaulay,  il 
avait  un  jugement  plus  sûr  et  plus  fin;  il  avait  des  connaissances 
sinon  plus  étendues,  du  moins  plus  mûries  et  plus  éprouvées,  un 
fond  d'idées  plus  riche.  Ces  qualités  que  l'on  remarque  déjà  dans  les 
Études  historiques  cl  littéraires, publiées  en  français,  se  sont  encore 
développées  dans  les  quatre  volumes  allemands  intitulés  Zeiten, 
Vœlker  und  Menschen.  Son  livre  sur  la  Prusse  contemporaine  et  ses 
Institutions,  paru  en  IS(i7,  lit  une  grande  impression  sur  les  esprits 
éclairés  en  France,  et  aurait  pu  éviter  bien  des  fautes  à  ceux  qui 
tenaient  entre  leurs  mains  les  destinées  de  notre  pays,  s'ils  avaient 
été  capables  de  le  comprendre.  Deux  œuvres  de  plus  longue  haleine 
ont  été  entreprises. par  M.  Ilillebrand.  La  première  est  sa  thèse  sur 
Dino  Compagni,  qui,  malgré  ses  mérites,  a  perdu  une  grande  partie 
de  sa  valeur  depuis  les  derniers  travaux  de  MM.  del  Lungo,  Fanfani, 
et  Schefler  Doichorsl  sur  la  fameuse  chronique  llorcntine.  La  seconde 
est  une  Histoire  de  France  depuis  4  830,  qui  fait  partie  de  la  collec- 
tion de  Heeren  et  Uckert.  Deux  volumes  seulement  ont  paru  et  c'est 
la  un  véritable  malheur,  car  cette  histoire,  pour  laquelle  l'auteur  avait 
pu  consulter  les  Archives  diplomatiques  de  plusieurs  des  grands  États 


|IIS  BULLETIN  HISTORIQUE. 

de  l'Europe,  aurait  certainement  occupé  une  place  très  distinguée  dans 
la  littérature  historique  contemporaine.  Ce  qui  en  fait  surtout  le 
mérite,  c'est  que  M.  Hillebrand  embrasse  toutes  les  faces  de  la  vie 
d'un  peuple,  et  donne  dans  son  œuvre  à  la  littérature,  aux  mœurs, 
aux  idées,  aux  mouvements  sociaux,  une  place  importante.  On  regrette 
çà  et  là  un  certain  ton  de  persiflage,  des  jugements  étroits  et  injustes 
sur  quelques  hommes  d'État,  tels  que  le  duc  de  Broglie  ou  Al.  Thiers, 
mais  on  ne  doit  pas  oublier  qu'il  a  tracé  de  Casimir  Périer  le  portrait 
le  plus  sympathique  et  je  crois  le  plus  vrai  qui  ait  été  écrit.  Sa  sévé- 
rité pour  la  France  moderne  est  d'ailleurs  loin  d'égaler  celle  de 
M.  Taine  ou  de  M.  Thureau-Dangin.  Si  elle  nous  froisse  parfois,  elle 
ne  doit  pas  nous  empêcher  de  louer  les  mérites  éminents  de  l'ouvrage, 
e1  d'en  retirer  les  précieux,  enseignements  qu'il  contient. 

Publications  nouvelles.  Antiquité  et  moyen  âge.  —  Nous  avons  le 
plaisir  d'annoncer  à  nos  lecteurs  qu'à  l'avenir  un  bulletin  spécial  sera 
annuellement  consacré  aux  publications  relatives  à  l'antiquité  parues 
en  France.  Nous  nous  contenterons  de  les  signaler  ici  au  passage, 
laissant  à  nos  collaborateurs,  MM.  Paul  Girard  et  Martha,  le  soin  d'en 
apprécier  la  valeur  et  d'en  indiquer  l'importance,  sans  nous  dispenser 
d'ailleurs  de  consacrer  comme  par  le  passé  des  comptes-rendus  spé- 
ciaux aux  plus  remarquables  de  ces  travaux. 

M.  Marcel  Dubois  a  pris  pour  sujet  de  sa  thèse  française  les  Ligues 
Ètolienne  et  Achéenne  (Thorin).  Nous  voyons  avec  un  vif  plaisir  les 
élèves  de  l'École  d'Athènes  commencer  à  s'occuper  de  l'histoire 
grecque  proprement  dite,  trop  négligée  chez  nous  au  profit  de  l'ar- 
chéologie. On  oublie  parfois  que  l'Université  a  avant  tout  besoin  de 
professeurs  d'histoire  grecque  et  d'histoire  romaine,  et  j'ajouterai  de 
professeurs  de  lettres  qui  sachent  l'histoire  grecque  et  l'histoire 
romaine.  Les  études  archéologiques  n'ont  pas  cessé  d'avoir  en  France 
de  brillants  représentants * ,  et  ï Histoire  de  l'Art  antique  de 
MM.  Perrot  et  Chipiez,  qui  comprend  dans  ses  trois  premiers  volumes 
tout  le  développement  de  l'art  égyptien,  assyrien,  phénicien  et  chy- 
priote, est  une  œuvre  magistrale  et  sans  rivale.  Mais  en  ce  qui  con- 
cerne les  travaux  d'histoire  proprement  dite,  nous  avons  très  peu  de 
chose  à  opposer  à  la  prodigieuse  activité  de  l'érudition  allemande, 
dont  nos  Bulletins  annuels  peuvent  donner  une  idée  assez  complète. 

Il  faut  cependant  faire  une  exception,  car  c'est  le  propre  de  la 

t.  Il  est  impossible  d'unir  avec  plus  de  talent  la  science  précise  et  l*art  de 
la  vulgarisation  que  ne  l'ont  l'ait,  dans  les  volumes  de  la  Bibliothèque  de  l'En- 
seignemenl  des  Beaux-Arts  (Quentin),  M.  Collision  {Archéologie  grecque  et 
Mythologie  figurée),  M.  Martha  {Archéologie  étrangère  cl  romaine),  M.  Lenor- 
nianl  {Monnaies  et  Médailles),  M.  Bayet  {L'Art  byzantin),  M.  Miïntz,  etc. 


FRANCE.  109 

France,  si  elle  manque  trop  souvent  de  soldats  dans  les  luttes  scien- 
tifiques, de  trouver  presque  toujours  de  brillants  généraux.  M.  Duruj 
vienl  d'achever  une  Histoire  des  Romains  donl  toutes  les  parties  ne 
sont  sans  doute  pas  également  excellentes,  mais  qui,  prise  dans  son 
ensemble,  est  une  œuvre  unique  dans  son  genre,  le  monument  le  plus 
considérable,  le  plus  complet  qui  ait  été  élevé  à  cette  civilisation 
romaine  qui,  après  avoir  absorbé  en  elle  toutes  les  civilisations 
antiques,  domine  encore  tout  le  développement  des  civilisations 
modernes.  L'opinion  publique  a  ratifié  le  triple  hommage  rendu  par 
l'Institut  à  M.  Duruy  en  l'appelant  à  faire  partie  à  la  fois  de  l'Aca- 
démie des  Inscriptions  et  Belles-Lettres,  de  l'Académie  des  Sciences 
morales  et  de  l' Académie  française,  et  honore  en  lui  non  seulement 
un  savant  qui  a  fait  d'une  histoire  générale  des  Romains  une  œuvre 
originale,  très  neuve  en  plusieurs  de  ses  parties  et  dont  chaque 
volume  est  en  progrès  sur  celui  qui  le  précède,  mais  aussi  l'homme 
intègre,  laborieux  et  modeste,  qui  au  sortir  des  plus  hautes  fonctions 
publiques  n'a  pas  accorde  une  heure  à  de  stériles  regrets,  et  a  con- 
sacré tout  son  temps,  toutes  ses  pensées  à  la  science  désintéressée. 
Ses  chapitres  sur  les  Antonins,  -sur  Septime  Sévère,  sur  Constantin, 
sont  des  morceaux  d'histoire  qui  garderont  une  valeur  durable,  où 
l'on  trouve  réunis  le  talent  d'exposition,  le  sens  historique  et  l'érudi- 
tion solide. 

On  peut  espérer  que  l'École  de  Rome  formera  peu  à  peu  des  his- 
toriens voués  à  l'étude  de  l'histoire  romaine;  les  thèses  si  remar- 
quables de  M.  Jullian  et  de  M.  Bloch  sont  à  cet  égard  beaucoup  plus 
qu'une  promesse  '.  Mais  il  ne  faut  pas  se  faire  d'illusion.  On  n'a  pas 
en  Italie  la  même  facilité  qu'en  Grèce  à  trouver  des  monuments 
épigraphiques  ou  archéologiques  inédits  ou  inconnus,  et  pourtant  il 
semble  déraisonnable  de  passer  son  temps  à  Rome  à  travailler  sur 
des  textes  imprimés  qu'on  étudierait  beaucoup  plus  commodément  à 
Paris  ou  à  Berlin.  Il  s'ensuit  que  les  élèves  de  Rome  se  sentiront 
d'ordinaire  plus  portés  vers  les  travaux  philologiques,  et  les  recherches 
sur  le  moyen  âge  ou  sur  la  Renaissance  pour  lesquels  les  biblio- 
thèques et  les  archives  d'Italie  fournissent  d'inépuisables  matériaux. 


1.  Nous  espérons  aussi  que  le  Manuel  de  Philologie  de  M.  Salomon  Rbinach 
(Hachette)  exercera  une  heureuse  inlluence,  en  fournissant  aux  jeunes  gens  le 
programme  de  toutes  les  questions  souleYées  par  1  étude  de  1'anliquilé,  et  en 

les  mettant  au  courant  de  la  bibliographie  de  chaque  question.  La  second li- 

tion  de  ce  remarquable  manuel  vient  de  paraître.  Il  est  augmenté  d'un  appen- 
dice considérable.  On  éprouve  en  le  lisant  un  véritable  sentiment  d'admiration 
devant  tant  de  science,  de  travail  et  d'esprit;  car  ce  livre  si  bourré  de  <  hosefl 
et  de  titres  est  plus  qu'intéressant,  il  est  amusant. 


I  )  0  BULLETIN    HISTORIQUE. 

C'est  jusqu'ici  pour  les  études  médiéviques  que  l'École  de  Rome  a  été 
le  plus  féconde.  La  publication  des  registres  pontificaux  en  particulier 
esl  une  œuvre  qui  lui  fait  le  plus  grand  honneur.  Trois  nouveaux 
fascicules  viennent  encore  de  paraître  :  le  premier  fascicule  des 
registres  de  Boniface,  publiés  par  MM.  Thomas,  Faucon  et  Digard;  le 
second  fascicule  du  registre  de  Benoit  XI,  publié  par  M.  Grandjean; 
et  le  sixième  fascicule  des  registres  d'Innocent  IV,  publiés  par 
M.  Berger. 

C'est  aussi  l'École  de  Rome  qui  a  été  le  point  de  départ  des  beaux 
travaux  de  M.  Mûntz  sur  la  Renaissance.  Les  volumes  où  il  a  publié 
ses  recherches  sur  les  arts  à  la  cour  des  Papes  ont  fourni  aux  histo- 
riens de  l'art  une  foule  de  documents  d'archives  qui  donnent  une 
base  historique  à  des  études  où  Ton  est  tenté  trop  souvent  de  se  fier 
soit  à  des  traditions  douteuses,  soit  au  sentiment  subjectif.  Il  vient 
de  nous  donner  aujourd'hui  un  ouvrage  qui  prendra  place  entre  son 
livre  sur  les  précurseurs  de  la  Renaissance  en  Italie,  et  son  livre  sur 
Raphaël  :  la  Renaissance  en  Italie  et  en  France  à  l'époque  de 
Charles  VII  (Didot).  L'initiative  de  cette  publication,  ornée  d'admi- 
rables reproductions  de  tableaux,  de  sculptures,  de  tapisseries,  de 
dessins,  de  gravures  et  de  miniatures,  appartient  à  feu  M.  le  duc  de 
Chaulnes,  qui  a  été  enlevé  prématurément  aux  arts  et  aux  lettres, 
qu'il  ne  se  contentait  pas  d'aimer  et  de  protéger,  mais  qu'il  cultivait  en 
savant  et  en  artiste.  On  pourra  trouver  que  le  cadre  de  l'ouvrage  de 
M.  Mûntz  est  bien  vaste,  car  il  ne  comprend  pas  seulement  les  arts 
plastiques,  mais  le  mouvement  intellectuel  et  artistique  tout  entier, 
lettres,  sciences,  musique,  poésie  et  arts.  Dans  un  premier  livre,  il 
étudie  l'esprit  de  la  première  renaissance,  le  milieu  social  et  intel- 
lectuel d'où  devait  sortir  l'admirable  floraison  artistique  auprès  de 
laquelle  les  œuvres  du  xvie  s.  nous  apparaissent  déjà  comme  des 
œuvres  de  décadence.  Dans  le  second  livre,  M.  Mûntz  nous  conduit 
successivement  dans  chacune  des  capitales  de  l'Italie,  et  nous  montre 
le  caractère  original  qu'affecta  la  Renaissance  dans  chacune  d'elles, 
Milan  avec  Ludovic  Le  More  et  Léonard,  Padoue  et  Vérone,  Venise  et 
son  territoire,  Ferrare  sous  les  princes  d'Esté,  Mantoue  et  les  Gon- 
zague,  Urbin  et  les  Montefeltre,  Rimini  et  les  Malatesta,  Florence  et 
les  Médicis,  Rome  et  les  papes,  Naples  et  les  princes  aragonais.  Enfin 
le  troisième  livre  est  consacré  à  la  Renaissance  en  France,  envisagée, 
il  est  vrai,  surtout  dans  ses  relations  avec  la  Renaissance  italienne. 
Comme  on  le  voit,  l'ouvrage  de  M.  Mûntz  rappelle  par  certains  côtés 
celui  de  Burckhardt  sur  la  Renaissance  en  Italie,  et  il  contient  de 
plus  une  histoire  des  arts  plastiques  au  xve  s.  en  Italie  et  en  France. 
Pour  faire  tenir  tant  de  choses  en  un  seul  volume,  il  a  fallu  faire 


FRANCE.  I  I  I 

bien  des  sacrifices,  passer  rapidement  sur  des  poinls  intéressants 
sur  lesquels  M.  Mûntz  aurail  eu  beaucoup  à  nous  apprendre,  laisser 

notre  curiosité  non  satisfaite.  L'ouvrage  n'en  esl  pas  moins  très 
vivant,  riche  en  laits  et  en  idées.  Quoique  M.  Mûntz  combatte  ce  qu'il 
y  a  d'excessif  dans  la  théorie  de  M.  Taine  sur  l'influence  des  milieux 

sur  les  œuvres  d'art .  son  livre  démontre  a  chaque  ligne  celle 
influence,  et  peut  servir  de  développement  et  de  complément  à  ce 
petit  chef-d'œuvre  qui  s'appelle  :  la  Philosophie  de  l'Art  en  Italie. 

Nous  espérons  aussi,  sans  oser  trop  y  compter,  que  l'École  de 
Rome  contribuera  à  rendre  la  vie  à  une  branche  d'étude  longtemps 
tlorissanle  chez  nous  et  aujourd'hui  moins  cultivée  qu'elle  ne  devrait 
l'être,  c'est  la  numismatique.  Elle  touche  à  la  fois  à  l'histoire  et  aux 
arts  plastiques,  et  nos  archéologues  ont  en  général  une  délicatesse  de 
sens  artistique  qui  leur  permettrait  d'y  réussir  mieux  que  d'autres. 
Déjà  un  jeune  numismaliste  de  mérite,  M.  A.  Engel,  a  tenu  à  hon- 
neur, pendant  qu'il  se  livrait  aux  recherches  d'où  est  sorti  son  livre 
sur  la  Numismatique  et  la  Sigillographie  des  Normands  de  Sicile 
et  d'Italie  (-1882),  de  recevoir  le  titre  d'élève  de  l'École  de  Rome, 
mais  il  est  jusqu'ici  le  seul  numismatiste  que  l'École  puisse  revendi- 
quer. Nos  numismatistes,  chose  curieuse,  se  sont  formés  d'ordinaire 
en  dehors  de  toute  école,  je  dirais  presque  par  hasard,  s'ils  n'avaient 
pas  eu  les  exemples  et  les  conseils  de  leurs  aînés  dans  la  carrière. 
L'armée  nous  a  donné  deux  de  nos  numismatistes  les  plus  distingués, 
MM.  de  Saulcy  et  Ch.  Robert;  M.  Schlumberger,  qui  représente 
aujourd'hui  la  numismatique  à  l'Académie  des  Inscriptions,  était,  il 
y  a  une  quinzaine  d'années,  un  des  internes  les  plus  brillants  de  nos 
hôpitaux,  et  paraissait  destiné  à  devenir  une  célébrité  médicale.  C'est 
Rome  qui  a  fait  de  M.  Schlumberger  un  numismaliste,  bien  avant 
que  l'École  de  Rome  existât;  et  après  Rome  ses  maîtres  ont  été 
M.  de  Longpérier,  de  qui  il  publie  en  ce  moment  les  œuvres  com- 
plètes (Leroux),  et  M.  Anatole  de  Barthélémy,  qu'il  regrette  certai- 
nement de  ne  pas  trouver  dans  la  société  savante  qui  vient  de  l'élire. 
Ce  qui  a  nui  à  M.  de  Barthélémy,  au  point  de  vue  académique,  mal- 
gré sa  grande  autorité  comme  savant,  c'est  que  son  œuvre,  1res 
considérable,  est  dispersée  dans  une  foule  de  brochures,  et  qu'il  n'a 
produit  aucun  ouvrage  de  longue  haleine,  tandis  que  le  succès  si 
rapide  de  M.  Schlumberger  est  dû  à  l'énergie  avec  laquelle  il  s'est 
concentré  sur  deux  ou  trois  œuvres  embrassant  un  vaste  ensemble  de 
recherches,  et  qui  ont  tout  de  suite  pris  place  parmi  les  travaux  fon- 
damentaux et  classiques  de  la  science  numismatique.  Après  le 
mémoire  sur  les  Bractèates  aV Allemagne  est  venue  la  Numismatique 
de  l'Orient  latin  (avec  supplément),  qui  nun  seulement  systématisait 


M2  BULLETIN   HISTORIQUE. 

pour  la  première  fois  nos  connaissances  sur  cet  important  sujet, 
mais  apportait  une  foule  de  faits  nouveaux  et  précisait  l'histoire 
dynastique  el  administrative  des  principautés  d'Orient.  C'est  une 
œuvre  analogue,  d'une  portée  peut-être  encore  plus  grande,  que 
M.  Schlumberger  vient  de  nous  donner  dans  sa  Sigillographie  de 
l'Empire  byzantin.  Après  des  considérations  intéressantes  sur  l'im- 
portance de  l'étude  des  sceaux  pour  l'histoire  byzantine,  et  des 
notions  générales  sur  le  classement  des  sceaux,  M.  Schlumberger 
entre  dans  le  vif  de  son  sujet  et  étudie  successivement  les  sceaux  des 
fonctionnaires  des  thèmes,  ceux  des  titulaires  de  sièges  ecclésias- 
tiques, ceux  des  fonctionnaires  militaires,  ceux  des  membres  du 
clergé,  ceux  des  fonctionnaires  de  toute  la  hiérarchie  civile  depuis 
l'empereur  jusqu'aux  vestiaires,  enfin  ceux  des  grandes  familles  byzan- 
tines. Comme  on  le  voit,  ce  livre  abonde  en  renseignements  géogra- 
phiques, administratifs  et  généalogiques.  On  y  trouvera  tout  un 
commentaire  numismatique  du  livre  de  M.  Rambaud  sur  l'adminis- 
tration de  l'Empire  byzantin  au  xe  siècle  ^  mais  en  même  temps 
M.  Schlumberger  entre  dans  un  bien  plus  grand  nombre  de  détails 
et  embrasse  une  période  bien  plus  étendue.  Tous  les  travailleurs  sont 
reconnaissants  à  M.  Schlumberger  et  à  la  Société  de  l'Orient  latin,  qui 
a  pris  ses  deux  ouvrages  sous  son  patronage,  de  leur  avoir  fourni 
tant  de  précieux  renseignements,  méthodiquement  classés,  et  d'avoir 
introduit  des  vues  synthétiques  dans  des  études  où  l'on  se  perd  d'or- 
dinaire dans  la  minutie  et  l'analyse. 

Nous  espérons  que  la  Sigillographie  byzantine  contribuera  à  attirer 
l'attention  de  nos  historiens,  et  en  particulier  des  élèves  de  nos  Écoles 
de  Rome  et  d'Athènes,  vers  l'étude  de  l'Empire  grec  qui  peut  fournir 
encore  la  matière  de  tant  de  travaux  intéressants.  On  s'occupe  trop 
peu  en  France  de  l'histoire  étrangère,  même  dans  ses  rapports  avec 
l'histoire  de  France.  Aussi  sommes-nous  heureux  d'avoir  à  signaler 
les  deux  excellentes  thèses  qui  viennent  de  mériter  à  M.  Bémont, 
avec  le  titre  de  docteur,  les  éloges  unanimes  de  la  faculté  ,des  lettres 
de  Paris.  Dans  sa  thèse  latine  sur  le  Procès  de  Jean  Sans-Terre, 
M.  Bémont  a  démontré  que  Jean  n'a  pas  été  condamné  à  mort  en 
-1204  par  une  cour  solennelle  des  pairs,  pour  le  meurtre  d'Arthur, 
comme  le  disent  les  manuels  d'histoire  et  comme  l'a  affirmé  pour  la 
première  fois,  en  1216,  le  prince  Louis,  fils  de  Philippe-Auguste, 
dans  une  lettre  adressée  au  pape;  que  la  seule  condamnation  de  Jean 
Sans-Terre,  qui  soit  constatée  par  des  textes,  est  celle  qui  fut  pro- 
noncée en  \  202  par  la  cour  du  Roi  contré  lui,  parce  qu'il  avait  refusé 
de  comparaître  pour  répondre  à  la  plainte  portée  contre  lui  à  cause 
de  l'enlèvement  d'Isabelle,  fiancée  à  Hugues  de  la  Marche.  La  thèse 


FRANCS.  H.'{ 

française  sur  Simon  de  )fon1forf,  comio  de  Leicester  (Picard),  a  une 
importance  plus  grande  encore,  car  elle  renouvelle,  par  des  recherches 
très  approfondies  faites  dans  les  archives  de  France  el  il'  Angleterre,  un 
sujet  déjà  deux  l'ois  traité,  en  Allemagne  par  M.  Pauli,  en  Angleterre 
par  M.  Prothero.  On  peut  dire  que  l'histoire  du  gouvernement  de 
Simon  en  Guyenne  a  élé  écrite  pour  la  première  fois  par  M.  Bémont  ; 
le  chapitre  sur  l'administration  des  fiefs  anglais  de  Simon  de  Montfort 
est  aussi  tout  à  fait  neuf  el  jette  une  vive  lumière  sur  l'organisation 
économique  et  administrative  de  l'Angleterre  au  xine  s.  Enfin  le  cha- 
pitre consacré  aux  institutions  politiques  de  l'Angleterre  sous  le  règne 
de  Henri  III,  sans  prétendre  à  l'originalité,  est  un  résumé  admirable 
de  clarté  et  de  précision.  Ce  qu'on  a  reproché  avec  raison  à 
M.  Bémont,  c'est  de  ne  pas  avoir  expliqué  suffisamment  le  caractère 
de  Simon,  d'avoir  présenté  aux  lecteurs  deux  hommes  différents, 
l'un  ambitieux  personnel  et  sans  scrupule  jusqu'en  1258,  l'autre 
chef  de  parti  dévoué  à  une  idée,  tombant  martyr  d'une  cause  patrio- 
tique et  nationale.  M.  Bémont  a  reconnu  lui-même  qu'il  s'était  laissé 
entraîner  à  exagérer  dans  la  dernière  partie  de  son  livre  le  désinté- 
ressement de  son  héros,  que  Simon  de  Montfort  est  resté  toute  sa  vie 
un  ambitieux  préoccupé  d'accroître  sa  puissance,  sa  gloire  et  sa 
richesse  ;  on  doit  admettre  cependant  qu'il  a  été  grandi,  ennobli  même 
par  la  cause  qu'il  soutenait  el  à  laquelle  étaient  liés  les  intérêts  de 
l'aristocratie  anglaise,  on  peut  même  dire  de  la  nation  anglaise  tout 
entière.  Nous  ne  pouvons  qu'encourager  M.  Bémont  à  continuer  les 
études  où  il  a  débuté  avec  tant  de  succès,  et  à  devenir  en  France,  ce 
que  M.  Pauli  a  été  en  Allemagne,  l'historien  en  tilre  de  l'Angleterre. 
Les  relations  de  la  France  et  de  l'Angleterre  à  elles  seules  lui  fourni- 
ront un  ample  et  beau  champ  de  travail. 

Teiits  modervf.s.  —  Nous  parlions  plus  haut  des  riches  moissons 
que  promet  encore  aux  érudits  l'étude  de  l'humanisme.  L'humanisme 
français,  en  particulier,  est  encore  très  peu  exploré  ;  sans  être  aussi 
inconnu  que  se  l'imagine  M.  Emile  Araiel,  il  devra  faire  l'objet  de 
nombreuses  monographies  avant  que  son  histoire  puisse  être  retracée 
dans  son  ensemble  avec  exactitude.  Deux  monographies  sur  des 
humanistes  du  xvie  s.  viennent  précisément  de  paraître  :  la  vie  de 
M.  Amiel  sur  Juste  Lipse,  et  celle  de  Guillaume  Budé  par  M.  Eugène 
de  Bide'.  Bien  que  la  seconde  soit  très  supérieure  à  la  première,  ni 
l'une  ni  l'autre  ne  répondent  à  ce  qu'on  est  en  droit  d'exiger  de  tra- 
vaux de  ce  genre.  Ils  demandent  une  connaissance  beaucoup  plus 
approfondie  de  l'époque,  la  recherebe  de  tous  les  documents  inédits 
qui  peuvent  éclairer  le  sujet,  el  l'établissement  pour  chaque  écrivain 
d'une  bibliographie  très  complète  de  ses  œuvres.  M.  de  Budé  a  du 
Rev.  Histor.  XXVII.  Ier  fasc.  8 


M4  BULLETIN   HISTORIQUE. 

moins  pris  la  peine  de  s'enquérir  avec  soin  des  divers  ouvrages  de 
Budé,  el  de  consulter  les  hommes  compétents  qui  pouvaient  le  ren- 
seigner sur  son  sujet;  son  livre  rendra  des  services,  mais  on  s'étonne 
de  trouver  si  peu  de  choses  sur  le  Collège  de  France  dans  un  ouvrage 
qui  a  pour  titre  :  «  Guillaume  Budé,  fondateur  du  Collège  de  France.  » 
Quant  à  M.  Amiel,  qui  croit  que  sans  Victor  Chauffour  on  ignorerait 
Ulrich  de  llulten,  et  qui  parle  de  Duns  Scot  «  si  bien  surnommé 
l'Érigène,  »  il  a  bien  raison  de  croire  que  Juste  Lipse  mérite  une 
biographie,  mais  celle  qu'il  a  écrite  n'est  pas  la  biographie  que  méri- 
tait Juste  Lipse.  Intéressera-t-elle  le  grand  public?  je  ne  sais;  mais  à 
coup  sûr,  elle  ne  satisfera  pas  les  savants. 

C'est  une  lâche  ingrate  que  de  parler  de  livres  inutiles  qu'il  serait 
plus  agréable  de  passer  simplement  sous  silence;  on  contriste  des 
hommes  estimables  qui  ont  mis  dans  leur  œuvre  du  travail,  de  l'in- 
telligence et  du  cœur,  et  a  qui  peut-être  il  n'a  manqué  que  de  passer 
par  un  haut  enseignement  où  ils  auraient  appris  la  bonne  méthode. 
Mais  nous  avons  le  devoir  d'avertir  les  lecteurs,  de  leur  dire  quels 
sont  les  livres  où  ils  pourront  apprendre  quelque  chose  de  nouveau, 
ou  trouver  les  choses  déjà  connues  exposées  avec  talent;  quels  sont 
ceux  au  contraire  qu'ils  peuvent  négliger  sans  inconvénient  ni 
regret.  C'est  ainsi  que  l'Histoire  d'Henri  IV  (Perrin)  de  M.  E.  de  la 
Barre-Duparc  peut  sans  injustice  être  mise  à  côté  de  l'Histoire  de 
Charles  IX  et  de  celle  de  Henri  III  du  même  auteur.  Écrit  d'un  style 
lourd  et  incorrect,  non  seulement  cet  ouvrage  ne  contient  rien  de  nou- 
veau, il  ne  représente  pas  même  l'état  actuel  de  la  science  ;  il  ne  tient 
aucun  compte  des  critiques  dont  les  Économies  de  Sully  ont  récem- 
ment été  l'objet;  il  ne  connaît  pas  les  ouvrages  de  M.  Berthold  Zeller. 
Par  contre  le  livre  de  M.  de  Lagrèze,  intitulé  Henri  IV,  Vie  privée, 
Détails  intimes  (Didot) ,  bien  qu'il  ne  soit  guère  qu'une  série  de  notes 
tirées  des  titres  de  la  Chambre  des  Comptes  de  Pau  et  de  la  Chambre 
des  Comptes  de  Nérac  et  classées  par  ordre  méthodique,  bien 
qu'aussi  la  plupart  de  ces  notes  offrent  plus  d'intérêt  pour  l'économie 
domestique  et  pour  l'histoire  de  l'ameublement  ou  des  costumes  que 
pour  celle  de  Henri  IV,  fournira  cependant  aux  historiens  du  xvie  s., 
et  même  à  ceux  du  roi  de  Navarre,  un  certain  nombre  de  traits  nou- 
veaux et  piquants.  Nous  recommandons  aux  amis  des  problèmes 
historiques  le  chapitre  sur  Jeanne  d'Albret  et  ses  mœurs  depuis  son 
veuvage.  En  faisant  entrer  ce  sujet  dans  son  livre,  bien  qu'il  lui  soit 
étranger,  M.  de  Lagrèze  aurait  dû  le  traiter  avec  plus  de  soin  et  de 
précision.  Il  semble  avoir  cédé  au  plaisir  de  jeter  une  ombre  sur  le 
renom  des  vertus  de  Jeanne,  sans  oser  pourtant  se  ranger  résolument 
du  parti  de  ses  accusateurs. 


PftANCB.  H5 

Le  livre  de  M.  Henry  de  la  Garde  sur  le  Duc  de  Rohan  et  les  Pro- 
testants sous  Louis  Mil  [Pion]  n'est  pas  aussi  mal  écrit  que  l'His- 
toire de  Henri  IV.  maison  éprouve  une  véritable  impatience  à  voir 
déflorer  un  si  beau  sujet.  Ce  n'est  pas  avec  les  .Mémoires  de  Rohan, 
l'Histoire  du  Languedoc  et  deux  ou  trois  autres  livre-  imprimés  que 
cette  histoire  peut  être  écrite,  même  en  y  ajoutant  quelques  passages 
de  Bouffard  Madiane,  que  M.  de  la  Garde  cite  sans  nous  dire  qu'il 
s'agit  des  mémoires  inédits  du  secrétaire  de  Rohan  dont  M.  Pradel 
prépare  la  publication.  Il  faut  connaître  la  correspondance  de  Rohan 
et  les  pièces  nombreuses  conservées  dans  nos  archives  et  relatives 
aux  protestants  du  Midi,  pour  l'époque  dont  s'occupe  M.  de  la  Garde 
(462-M627).  Ce  qu'a  t'ait  M.  Mention  dans  sa  thèse  latine,  De  duce 
Rohanio  post  paeem  apud  Alesium  usque  ad  mortem  1(529- 1638), 
peut  donner  une  idée  de  tout  ce  que  les  Archives  fournissent  d'inédit 
au  chercheur  vers  cette  époque;  et  encore  M.  Mention,  peu  soucieux 
sans  doute  de  prodiguer  ses  richesses  sous  un  vêtement  latin,  en  a- 
t-il  réservé  la  meilleure  part  pour  le  jour  où  il  nous  donnera,  nous 
l'espérons,  une  biographie  de  Rohan. 

A  côté  de  cette  thèse  latine,  M.  Mention  a  consacré  une  thèse  fran- 
çaise, très  étudiée  et  remarquable  par  sa  lumineuse  clarté,  au  Comte 
de  Saint-Germain  et  à  ses  réformes  (Baudoin).  11  suffira  de  lire,  dans 
l'ouvrage  où  M.  Drssuxx  vient  de  résumer  son  enseignement  à  Sa'mt- 
Cyr  (L'armée  en  France,  Histoireet  Organisation.  Versailles,  Bernard. 
3  vol.  in-t2) ,  les  quelques  lignes  consacrées  à  Saint-Germain,  pour 
comprendre  combien  il  était  nécessaire  que  l'œuvre  de  ce  réfor- 
mateur, trop  pressé  dans  ses  actes  et  trop  absolu  dans  ses  idées,  fut 
exposée  avec  impartialité  et  compétence.  Saint-Germain  nous  appa- 
raît comme  un  précurseur  des  théories  modernes  sur  presque  tous 
les  points,  en  matière  d'organisation  des  corps  et  des  cadres,  de 
tactique,  d'administration  militaire.  M.  Mention  a  si  bien  résumé 
l'œuvre  de  Saint-Germain  que  je  ne  puis  mieux  faire  que  de  le 
citer  :  «  En  portant  la  main  sur  les  corps  privilégiés  et  les  charges 
vénales,  il  travaille  à  ruiner  ces  distinctions  aristocratiques  qui  cons- 
tituaient dans  le  militaire  de  véritables  classes  opposées  d'opinions 
et  d'intérêts,  il  introduit  dans  Tannée  les  principes  d'égalité  qui  vont 
prévaloir  dans  la  nation.  Il  donne  à  tous  les  corps  une  composition 
uniforme,  il  établit  la  fixité  des  cadres,  quelles  que  soient  les  varia- 
tions de  l'effectif,  service  inappréciable  pour  la  comptabilité,  le  con- 
trôle, les  manœuvres.  Par  le  rappel  de  Gribeauval,  il  rend  définitif 
dans  l'artillerie  le  triomphe  de  l'esprit  de  progrès  sur  l'esprit  de 
routine,  il  assure  aux  armes  spéciales,  avec  un  matériel  transformé, 
une  organisation  sans  rivale  en  Europe.  Il  fait  sa  place  à  la  tactique 


-H  G  BULLETIN    HISTORIQUE. 

nouvelle  consacrée  sur  tous  les  champs  [de  bataille.  L'ordre  mince 
restera  dans  nos  ordonnances  l'ordre  habituel  jusqu'au  jour  où, 
devant  les  nouveaux  progrès  des  armes  à  feu,  il  fera  place  à  son  tour 
à  l'ordre  dispersé.  Le  service  de  santé  reçoit  pour  la  première  fois 
une  organisation  régulière  qui  l'incorpore  dans  les  rangs  de  l'armée. 
Les  services  administratifs  sont  reliés  plus  étroitement  que  jamais 
au  militaire.  L'établissement  des  Conseils  d'administration  rend  les 
corps  eux-mêmes  responsables  de  leurs  deniers  et  de  leur  gestion. 
Entrepreneurs,  fermiers,  régisseurs,  tout  l'élément  civil  en  un  mot 
commence  à  disparaître  devant  ce  qui  porte  l'uniforme.  L'armée  va 
devenir  un  corps  homogène  et  solide,  capable  de  se  suffire  à  lui- 
même,  soumis  dans  toutes  ses  parties  aux  règles  de  la  hiérarchie,  de 
la  discipline,  de  la  subordination.  » 

Saint-Germain  est  un  véritable  précurseur  de  Dubois-Crancé,  dont 
M.  le  colonel  Juivg  vient  de  mettre  en  pleine  lumière  le  génie  organi- 
sateur et  le  noble  caractère  (Charpentier,  2  vol.  in-8°).  Il  y  a  deux 
choses  dans  l'ouvrage  de  M.  Jung  :  des  appréciations  sur  le  rôle  et 
les  idées  politiques  de  Dubois-Crancé,  et  des  documents.  Parmi  les 
premières  il  en  est  qui  mériteraient  qu'on  s'y  arrêtât  et  qui,  sans  être 
toujours  présentées  sous  une  forme  suffisamment  claire  et  simple, 
ont  de  l'originalité  et  de  la  force  :  ce  sont  en  particulier  celles  qui 
touchent  à  la  nécessité  de  préparer  d'avance  en  temps  de  paix  non 
seulement  une  organisation  militaire,  mais  une  organisation  civile 
spéciale  au  pays  tout  entier,  destinée  à  être  appliquée  dès  que  la 
guerre  éclate;  la  victoire  devant  appartenir  au  pays  qui  sait  le  plus 
rapidement  et  le  mieux  utiliser  toutes  ses  forces  vives.  Sur  d'autres 
points,  je  trouverais  de  nombreuses  occasions  de  dissentiment  avec 
M.  Jung.  Il  accorde  à  l'armée  une  valeur  morale  qu'à  mes  yeux  elle 
n'a  pas  ;  il  parait  croire  que  c'est  dans  l'armée  que  réside  la  force 
morale  d'une  nation,  tandis  que  l'histoire  de  la  Révolution  prouve 
que,  quand  cette  force  morale  a  disparu  dans  le  gouvernement  et  les 
pouvoirs  civils,  l'armée  ne  peut  plus  être  qu'un  instrument  de  vio- 
lence et  de  despotisme.  Nous  nous  trouverions  surtout  en  fréquent 
désaccord  avec  M.  Jung  lorsqu'il  juge  les  événements  de  la  Révolu- 
tion. Le  -18  Brumaire  ne  s'explique  pas  dans  son  livre,  car  il  le 
blâme  après  avoir  approuvé  le  \  8  Fructidor,  ne  voyant  pas  que  le 
premier  de  ces  actes  est  politiquement  et  légalement  la  conséquence 
nécessaire  du  second,  et  il  ne  parait  pas  se  douter  qu'en  dépit  de  ce 
qu'il  y  avait  de  vrai  et  de  grand  dans  les  idées  de  solidarité  sociale  et 
nationale  des  Jacobins,  ce  sont  eux  qui  ont  désorganisé  moralement 
et  politiquement  la  France,  et  l'ont  façonnée  pour  Napoléon.  Les 
documents  publiés  par  M.  Jung  sont  du  plus  haut  intérêt.  C'est  la 


FRANCE.  \ 1 7 

première  fois  qu'on  fait  connaître  ie  rôle  du  comité  militaire  de  la 
Constituante  et  du  comité  de  défense  générale  de  la  Convention,  de 
l'œuvre  qu'y  fit  Dubois-Crancé.  On  ne  peut  douter,  quand  on  a  lu 
ces  documents,  que,  si  Carnot  a  été  le  grand  directeur  des  armées,  le 
stratégiste  de  la  Révolution ,  Dubois-Crancé  a  été  l'organisateur  du 
système  militaire,  le  théoricien  de  la  guerre.  Il  a  eu  le  premier,  dès 
la  Constituante,  et  presque  seul,  l'idée  d'une  armée  nationale  et 
régionale.  C'est  lui  qui  plus  tard  a  conçu  l'amalgame  et  fait  de  la 
demi-brigade  la  base  solide  de  l'organisation  de  l'armée.  On  peut 
dire  que  c'est  Dubois-Crancé  qui  a  fait  les  armées  de  la  Révolution, 
et  que  c'est  Carnot  qui  les  a  employées,  et  il  a  été  supérieur  à  Carnot 
en  modestie,  en  désintéressement  et  en  fidélité  à  ses  idées.  Le  génie 
organisateur  de  Dubois-Crancé  ne  s'appliquait  pas  seulement  aux 
choses  militaires.  Ses  projets  financiers  et  agricoles  sont  pleins  de 
vues  pratiques,  ingénieuses  et  fortes,  dont  une  partie  d'ailleurs  a  été 
réalisée  depuis;  enfin  rien  n'est  plus  touchant  que  les  dernières 
années  de  Dubois-Crancé  dans  sa  retraite  de  Balham  où  il  vécut  dans 
l'obscurité,  uniquement  occupé  de  rendre  service  à  ceux  qui  l'entou- 
raient. C'est  là  qu'aussitôt  après  le  -18  Brumaire,  il  écrivit  une  Ana- 
lyse de  la  Révolution  française  que  M.  Jung  a  publiée  dans  un 
volume  à  part  (Charpentier),  avec  le  compte-rendu  de  Dubois-Crancé 
sur  son  ministère.  Cette  Analyse  nous  montre  qu'on  peut  être  un 
grand  organisateur  sans  être  pour  cela  un  grand  politique,  ni  même 
un  esprit  bien  équilibré.  On  est  étonné  de  voir  tant  de  préjugés  et 
d'illusions  à  côté  de  vues  remarquables  par  leur  netteté  et  même  par 
leur  profondeur.  Pour  lui  toutes  les  émeutes,  jusqu'au  40  Août 
exclusivement,  sont  provoquées  par  la  cour,  des  intrigants  ou  l'or 
anglais,  et  il  ne  songe  pas  à  en  faire  retomber  la  responsabilité  sur 
les  révolutionnaires  eux-mêmes.  En  même  temps,  on  trouvera  chez 
lui,  exposées  avec  autant  de  clarté  que  d'élévation,  les  raisons  patrio- 
tiques et  la  fatale  logique  qui  a  poussé  certains  hommes  honnêtes, 
humains,  modérés  même,  comme  Dubois-Crancé,  à  rester  fidèles  à 
la  politique  jacobine.  Dubois-Crancé  écrit  incorrectement;  il  lui 
échappe  des  naïvetés  ;  mais  à  côté  de  cela  il  trace  des  pages  vigou- 
reuses, comme  son  admirable  portrait  de  Mirabeau  au  t.  Ier  du  livre 
de  M.  Jung;  certaines  pages  de  V Analyse  (p.  29,  70-71,  476-177,  etc.) 
sont  d'une  remarquable  clairvoyance.  A  côté  des  documents  sur  Dubois- 
Crancé,  le  livre  de  M.  Jung  en  contient  encore  d'autres  qui  ne  man- 
queront pas  d'attirer  l'attention  des  historiens  :  ce  sont  les  extraits 
tirés  des  Archives  des  Affaires  étrangères  et  relatifs  à  l'émigration  et 
aux  manœuvres  royalistes  en  France  pendant  la  Révolution.  Il  y  a 
là  un  fonds  resté  jusqu'ici  à  peu  près  inconnu  du  public  et  qui, 


|  |  8  BULLETIN    niSTORIQUE. 

d'après  ce  qu'en  laisse  voir  M.  Jung,  doit  être  du  plus  haut  intérêt 
pour  notre  histoire  intérieure.  Nous  voudrions  que  le  ministère  lui- 
même  se  chargeât  d'en  publier  un  inventaire  analytique. 

Dubois- Grancé,  homme  d'un  rare   mérite  et  d'une  élévation 
d'âme  incontestable,  était  pourtant  un  de  ces  jacobins  contre  qui 
M.  Taine  vient  d'écrire  le  plus  terrible  des  réquisitoires  dans  son 
t.  III  de  la  Bérolution  (Hachette).  Ce  réquisitoire,  appuyé  sur  un 
nombre  formidable  de  faits  et  de  preuves  d'une  saisissante  atrocité, 
est  écrasant  et  irréfutable.  Jamais  le  talent  de  M.  Taine  ne  s'est 
montré  plus  puissant,  plus  éclatant  que  dans  les  pages  où  il  montre 
l'antagonisme  radical  qui  existe  entre  l'idéal  jacobin  et  la  conscience 
moderne,  ou  dans  celles  où  il  analyse  le  caractère  des  principaux 
révolutionnaires.  Par  une  singulière  fortune,  les  deux  plus  grands 
écrivains  de  notre  temps,  si  profondément  différents  par  la  tournure 
de  leur  esprit  et  par  la  forme  de  leur  talent,  M.  Renan  et  M.  Taine, 
auront  accompli  une  œuvre  analogue.  L'un,  avec  des  précautions 
infinies,  des  gestes  caressants,  l'attitude  de  l'émotion  et  du  respect, 
a  ramené  le  christianisme  à  des  proportions  humaines,   Ta  fait 
rentrer  dans  le  cadre  de  l'histoire  ordinaire  et  de  la  réalité;  l'autre, 
avec  violence,  raideur,  passion,  a  mis  à  nu  les  atrocités  de  la 
Révolution,  la  bassesse  dame  d'un  grand  nombre  de  ses  acteurs, 
l'influence  pervertissante  de  quelques-uns  de  ses  principes.  Il  a 
détruit  le  respect  légendaire  dont  étaient  entourés  les  principes  de 
89,  la  déclaration  des  droits  de  l'homme,  la  sagesse  de  la  Consti- 
tuante et  l'héroïsme  de  la  Convention.  Il  a  obligé  chacun  de  nous  à 
faire  un  examen  de  conscience  et  à  peser  à  nouveau  la  valeur  des 
idées  et  des  principes  sur  lesquels  il  fonde  ses  opinions  politiques.  Il 
a  démontré,  comme  personne  ne  l'avait  fait  avant  lui,  ce  qu'il  y  a  de 
périlleux  et  de  funeste  à  vouloir  créer  un  édifice  politique  sur  des 
idées  rationnelles  et  abstraites,  et  comment  un  rêve  de  justice  peut 
aboutir  à  un  cauchemar  de  crimes  et  de  débauches. 

Mais,  s'il  nous  est  possible  d'établir  un  rapprochement  entre 
M.  Taine  et  M.  Renan,  il  serait  plus  aisé  encore  de  marquer  ce  qui 
les  distingue.  Tandis  que  M.  Renan  a  déployé  une  merveilleuse 
sagacité,  un  art  de  nuances  des  plus  délicats,  à  démêler  tous  les  élé- 
ments bons  et  mauvais  qui  ont  concouru  à  faire  triompher  le  chris- 
tianisme, le  mélange  d'idées  vraies  et  fausses  qui  l'a  formé,  M.  Taine 
a  réduit  toute  la  Révolution  en  une  sorte  de  syllogisme  farouche  et 
implacable.  Il  en  a  ramené  les  principes  à  un  seul  :  ridée  de  l'égalité 
absolue  ;  il  en  a  réduit  le  drame  à  une  seule  chose  :  l'action  meur- 
trier de  ce  principe  dans  des  cerveaux  vides.  M.  Taine  est  un  sim- 
plificateur à  outrance;  c'est  par  là  qu'il  est  bien  un  représentant  de 


FRANCE.  H9 

cet  esprit  classique  qu'il  a  lui-même  si  merveilleusemenl  décrit  dans 
son  premier  volume.  Il  a  appliqué,  en  critique  littéraire,  la  théorie 
delà  faculté  maîtresse,  et,  si  nous  devons  à  celle  théorie  des  portraits 
d'une  vigueur  incomparable,  il  faut  bien  avouer  aussi  que  les  grands 
écrivains  anal} ses  par  M.  Taine  perdent  d'ordinaire  sous  ses  mains 
la  variété  de  dons,  la  richesse  de  nature,  la  génialité  Bpontanée  qui 
les  rend  à  nos  yeux  vivants,  supérieurs  et  charmants.  De  même  il 
applique  aujourd'hui  à  l'histoire  la  théorie  de  l'idée  maîtresse;  el 
celle  idée  maîtresse  dévore  toute  la  réalité  historique  qui  l'entoure, 
comme  la  faculté  maîtresse  détruisait  toute  la  variété  psychologique 
des  écrivains  ou  des  artistes.  Cette  idée  maîtresse  devient  chez 
M.  Taine  une  véritable  obsession,  il  est  victime  de  sa  propre  concep- 
tion: il  semble  poussé  par  ce  démon  de  la  logique  qui  a  perdu  les 
révolutionnaires,  à  démontrer  les  dangers  de  cette  conception  par 
l'excès  avec  lequel  il  l'applique.  Il  supprime  presque  inconsciemment 
tout  ce  qui  ne  rentre  pas  strictement  dans  sa  démonstration  syllo- 
gistique,  toute  proposition  incidenle  qui  pourrait  en  affaiblir  l'effet. 
C'est  ainsi  qu'il  est  arrivé,  en  décrivant  l'ancien  régime,  à  oublier  de 
parler  de  la  bourgeoisie  parlementaire  et  de  la  noblesse  de  robe,  c'est- 
à-dire  du  quatrième  ordre  de  l'État,  celui  qui  a  le  plus  contribué  à  la 
Révolution  ;  en  parlant  de  la  Révolution,  il  n'a  rien  ou  presque  rien 
dit  ni  des  cahiers  de  89,  ni  du  travail  juridique  des  comités  de  la 
Constituante,  ni  des  réformes  durables,  excellentes,  introduites  dans 
la  justice  et  les  finances,  ni  de  la  coalition,  ni  des  conspirations  roya- 
listes en  France ,  ni  de  la  terreur  blanche.  La  Révolution  est  réduite 
à  trois  termes  :  destructions,  anarchie,  crime.  Comme  le  premier 
volume  prouvait  qu'à  la  fin  de  l'ancien  régime  rien  n'existait  des 
institutions  qui  peuvent  faire  vivre  une  nation,  et  que  le  quatrième 
montre  le  Directoire  aboutissant  à  un  formidable  avortement,  la 
Révolution  nous  apparaît  comme  une  fleur  sanglante,  monstrueuse, 
née  d'une  plante  sans  racines  et  sans  fruits,  sortie  du  néant  pour 
rentrer  dans  le  néant,  une  création  de  cauchemar.  Je  disais  tout  à 
l'heure  que  M.  Taine  a  contribué  a  détruire  la  légende  révolution- 
naire, n'a-t-il  pas  mis  à  la  place  de  la  légende  héroïque  une  légende 
sinistre;  n'a-t-il  pas  été  injuste  envers  l'ancien  régime,  injuste  envers 
la  Révolution,  injuste  envers  la  France  actuelle?  Quelle  est  donc  la 
révolution  religieuse  ou  politique  dont  on  ne  pourrait  faire  le  pro- 
cès à  peu  près  comme  M.  Taine  a  fait  celui  de  la  Révolution  fran- 
çaise? N'a-t-on  pas  démontré,  etavec  mille  preuves,  que  La  Réforme  n'a 
fait  que  des  ruines  en  Allemagne,  a  détruit  la  liberté  politique  au  profit 
du  despotisme  princier,  a  anéanti  l'instruction,  les  institutions  cha- 
ritables, a  déchaîné  l'immoralité  et  la  violence?  Et  pourtant  l'homme 


|20  BULLETIN  HISTORIQUE. 

moderne,  celui  qu'a  si  bien  décrit  M.  Taine,  qui  vit  par  la  conscience 
et  l'honneur,  n'est-il  pas  un  fils  de  Luther?  Ne  serait-il  pas  facile  de 
démontrer  que  l'Inquisition,    les  bûchers  d'Espagne,   les  guerres 
civiles  et  les  dragonnades  de  France,  la  destruction  de  toute  initia- 
tive intellectuelle  dans  le  sein  de  l'Église  et  le  dogme  de  l'infaillibi- 
lité sont  le  fruit  nécessaire  de  l'organisation  hiérarchique  et  unitaire 
de  l'Église  catholique  ?  Faut-il  nier  pour  cela  tous  les  bienfaits  qu'elle 
a  répandus  sur  le  monde?  Faut-il  la  renier  et  la  calomnier,  au  lieu 
de  reconnaître  que,  si  nous  sommes  fils  de  Luther  par  notre  besoin 
impérieux  de  liberté  de  conscience,  nous  sommes  fils  du  catholicisme 
aussi  par  le  besoin  non  moins  impérieux  d'une  solidarité  religieuse 
universelle  ?  Parce  que  certains  principes  de  la  Révolution  poussés  à 
l'extrême  ont  amené  ou  peuvent  amener  des  catastrophes,  faut-il 
conclure  qu'ils  sont  radicalement  faux  ?  Est-ce  que  toute  institution 
humaine  ne  porte  pas  en  elle  son  germe  de  mort,  et  ce  germe  de 
mort  n'est-il  pas  identique  à  son  principe  de  vie  ?  Faut-il  nier  notre 
propre  existence  et  l'harmonie  de  notre  être,  parce  que  ce  qui  nous 
fait  vivre  aujourd'hui  est  aussi  ce  qui  nous  fera  mourir  demain? 
L'égalité  absolue  est  une  folie;  mais  l'égalité  telle  que  Font  conçue 
les  Constituants ,  l'égalité  devant  la  loi ,  l'accessibilité  à  tous  les 
emplois  d'après  le  mérite  et  non  d'après  la  naissance,  est-elle  donc 
une  idée  fausse?  La  Révolution  a  détruit  la  hiérarchie  sociale  (déjà 
bien  ébranlée,  comme  l'a  montré  M.  Taine,  depuis  deux  siècles), 
mais  elle  a  essayé  de  recréer  une  hiérarchie  de  communes,  districts, 
départements.  M.  Taine  n'a  vu  là  que  l'anarchie  momentanée  produite 
par  la  destruction  de  tout  lien  gouvernemental.  Le  système  adminis- 
tratif de  la  Constituante  méritait  d'être  jugé  avec  plus  d'équité  par 
un  décentralisateur  comme  lui.  Mais  à  quoi  bon  s'attarder  à  des 
critiques  de  détail  qui  se  résument  en  une  seule?  le  IIIe  volume  qui 
vient  de  paraître  serait  accepté  de  presque  tous  les  esprits  libres  de 
préjugés  révolutionnaires  à  trois  conditions  :  si  M.  Taine  avait 
montré  la  différence  entre  les  idées  des  Constituants  et  les  consé- 
quences qui  en  ont  été  tirées;  si  M.  Taine  avait  indiqué  que  les 
crimes  des  Jacobins  ont  été  le  résultat  non  seulement  d'idées  fausses, 
mais  d'une  situation  extérieure  et  intérieure  violente  qui  affolait  les 
esprits  ;  enfin,  si  M.  Taine  avait  établi  quelques  restrictions  et  quelques 
nuances.  Il  dit  que  les  Jacobins  voulaient  gouverner  en  supprimant 
toute   supériorité  intellectuelle;  or,  presque  tout  ce  qu'il  y  a  eu 
d'hommes  distingués  dans  le  gouvernement  impérial  a  été  recruté 
parmi  les  Jacobins;  il  oublie  aussi  les  Jacobins  à  la  Dubois-Crancé, 
j.liis  nombreux  qu'il  ne  le  dit  et  qui  poursuivaient  l'idéal  peut-être 
chimérique  d'un  gouvernement  fondé  sur  la  solidarité  et  la  justice. 


FRANCE.  l-i 

S'ils  se  trompaient  en  croyant  qu'il  est  possible  de  fonder  un  édifice 
politique  sur  ces  sentiments  moraux  et  abstraits,  M.  Taine,  à  notre 
a-vis,  donne  à  ces  sentiments  trop  peu  de  place  dans  sa  théorie  de 
l'État.  J'ajouterai  en  finissant  que  ce  démon  de  la  logique  dont  je 
parlais  tout  à  l'heure,  qui  se  venge  de  la  guerre  que  lui  fail  M.  Taine 
en  lui  soufflant  son  propre  esprit,  lui  a  joué  un  tour  bien  cruel  en  lui 
inspirant  la  préface  de  son  dernier  volume,  préface  tellement  exces- 
sive et  exclusive  qu'elle  nuira  plus  à  elle  seule  à  l'autorité  de  l'œuvre 
de  M.  Taine  que  toutes  les  attaques  de  ses  adversaires. 

M.  A.  Chérest  vient  de  donner  un  très  utile  complément  a  l'œuvre 
de  M.  Taine  :  La  chute  de  l'ancien  régime  (Hachette,  2  vol.  in-8°). 
Frappé  de  ce  fail  que  M.  Taine  n'avait  pas  parlé  des  préliminaires 
immédiats  de  la  Révolution,  M.  Chérest  a  entrepris  de  raconter  ce  qui 
s'est  passé  depuis  le  mois  de  janvier  4787,  époque  de  la  réunion  de 
I  Assemblée  des  notables,  jusqu'au  mois  de  novembre  1789,  date  de 
la  suppression  définitive  des  privilèges  et  des  ordres.  Ce  qui  fait  le 
principal  intérêt  de  ce  livre,  c'est  que,  l'ayant  commencé  dans  des 
idées  sensiblement  voisines  de  celles  de  M.  Taine,  avec  la  pensée 
qu'on  aurait  pu  éviter  la  Révolution  et  avec  le  vif  sentiment  de  ses 
fautes  et  de  ses  excès,  M.  Chérest  est  arrivé  à  la  fin  de  son  étude  à 
la  conclusion  que  la  plus  grande  part  de  responsabilité  retombe  sur 
le  roi,  la  reine  et  les  privilégiés,  qu'ils  ont  tout  fait  pour  rendre  la 
catastrophe  inévitable,  et  qu'en  dépit  des  bonnes  intentions  du  roi  et 
des  beaux  principes  philosophiques  dont  se  targuaient  beaucoup  de 
nobles,  ni  les  privilégiés  ni  la  cour  ne  voulaient  de  réformes  sérieuses. 
M.  Chérest  aurait  pu  appuyer  sa  démonstration  d'un  nombre  plus 
grand  encore  de  preuves  inédites,  s'il  s'était  découragé  un  peu  moins 
vite  dans  ses  recherches  aux  Archives  nationales  ;  mais  les  documents 
et  les  preuves  qu'il  apporte  suffiront  à  établir  fortement  sa  thèse,  et 
les  préliminaires  de  la  Constituante  seront,  grâce  à  lui,  parfaitement 
élucidés.  Les  deux  premiers  volumes  nous  conduisent  à  la  réunion 
des  états  généraux.  .Nous  attendons  la  suite  avec  une  vive  impatience. 

Si  l'on  veut  secouer,  au  sortir  du  livre  de  M.  Taine,  l'impression 
poignante  qu'il  vous  laisse  par  le  long  récit  d'horreurs  et  de  crimes 
publics  et  privés  soigneusement  recueillis,  on  n'a  qu'à  prendre  les 
deux  volumes  publiés  par  M.  de  Pomper  y  sous  le  titre  :  Un  coin  de 
la  Bretagne  pendant  la  Révolution  (Lemerre).  Ces  volumes  con- 
tiennent la  correspondance  fort  agréable  de  Mme  Audouyn  de  Pompéry 
avec  un  de  ses  cousins  établi  à  Hennebond.  Cette  correspondance  est 
surtout  remarquable  par  ce  qui  ne  s'y  trouve  pas.  Mme  de  Pompérj 
appartenait  aux  classes  privilégiées,  son  mari  était  lieutenant  de  la 
maréchaussée  à  Quimper  et  perdit  sa  place  à  la  Révolution  ;  tous  deux 


122  BULLETIN  HISTORIQUE. 

étaient  pieux  et  affligés  des  persécutions  souffertes  par  les  nobles  et  le 
clergé,  et  pourtant  ces  lettres  respirent  l'innocence  d'une  vie  rare- 
ment troublée.  La  liltérature,  la  musique,  les  jeux  et  les  maladies  des 
enfants,  les  plaisirs  de  société,  les  petits  vers,  les  bouts-rimés,  voilà 
ce  qui  remplit  ces  lettres  avec  l'expression  des  sentiments  assez  roma- 
nesques, mais  très  honnêtes,  que  ressentait  Mme  de  Pompéry  pour 
M.  de  Kergus.  En  lisant  M.  Taine  on  se  dit  :  «  Comment  pouvait-on 
vivre  alors?  La  mort  serait  plus  douce  qu'une  telle  vie.  »  La  corres- 
pondance de  Mme  de  Pompéry  nous  montre  comment  on  vivait,  en 
pleine  chouannerie.  Sans  nier  ce  que  les  temps  de  la  Terreur  eurent 
d'horrible,  reconnaissons  que  le  tableau  qu'en  trace  M.  Taine  est 
poussé  au  noir,  en  concentrant  des  traits  atroces  qui  étaient  répartis 
sur  un  vaste  territoire  et  un  temps  assez  long;  et  surlout  ne  croyons 
pas  qu'il  n'y  a  pas  de  différence  entre  les  périodes,  que  celle  de 
juin  93  à  juillet  94  était  semblable  aux  trois  années  qui  ont  précédé 
et  aux  cinq  années  qui  ont  suivi. 

G.  Monod. 


ALLEMAGNE  ET  AUTRICHE. 

TRAVAUX   RELATIFS  A    L'HISTOIRE   ROMAINE. 

(Années  J882  et  4883.) 

Fouilles,  inscriptions,  topographie,  géographie.  —  Les  travaux 
relatifs  aux  vestiges  de  la  domination  romaine  dans  les  provinces 
germaniques,  ainsi  qu'en  Vindélicie,  en  Rhétie,  en  Norique  et  en 
Pannonie,  prennent  une  place  particulièrement  considérable  dans  les 
ouvrages  concernant  l'histoire  romaine ,  qui  ont  été  publiés  en  Alle- 
magne dans  le  courant  des  deux  dernières  années.  Ce  qui  en  fait  la 
valeur  ce  n'est  pas  tant  le  développement  des  fouilles  que,  d'une 
part,  l'application  presque  absolue  d'une  méthode  rationnelle  et 
rigoureusement  scientifique  dans  un  domaine  trop  longtemps  livré 
au  dilettantisme  le  plus  futile,  et,  d'autre  part,  le  fait  que  des  som- 
mités scientifiques  se  sont  efforcées,  de  concert  avec  les  érudits 
locaux,  d'étendre  nos  connaissances  relatives  à  la  Germanie  romaine. 
L'espace  dont  nous  pouvons  disposer  ne  nous  permet  d'exposer  ici 
que  d'une  fa<;on  très  sommaire  soit  les  résultats  les  plus  importants 


ALLEMAGNE    il    AUTRICHE.  I2IJ 

des  fouilles  exécutées,  soit  les  découvertes  archéologiques  considé- 
rables qui  ont  eu  pour  théâtre  les  provinces  rhénanes.  Elles  sont,  du 
reste,  en  partie,  connues  déjà  des  lecteurs  de  la  Renie  historique  par 
les  extraits  qu'elle  donne  régulièrement  des  périodiques  allemands. 
On  aura  remarqué  entre  autres  les  emprunts  faits  soit  aux  substan- 
tiels Jahrbucher  des  Venins  von  Alterthumsfreunden  im  Rheinlande 
(fasc.  72-7<;-.  1882-4883),  soit  à  la  Westdeutsche  Zeitsckrift  fut 
Gescliichte  und  Kunst  (années  -1-3,  4  882-4884).  Le  Korrespondens- 
blalt,  qui  sert  de  supplément  mensuel  à  cette  dernière  Revue,  a 
parfaitement  rempli  son  rôle  d'organe  central  pour  toutes  les  com- 
munications importantes  ayant  trait  aux  fouilles  archéologiques 
dans  les  provinces  du  Rhin. 

Parmi  les  travaux  relatifs  aux  routes  militaires  et  aux  fortifications 
de  frontière  en  Germanie,  nous  citerons  en  première  ligne  ceux  de 
J.  Scm-EiDEa'.  L'auteur  publiait  depuis  plusieurs  années  déjà  de 
nombreux  articles  ou  rapports  sur  ses  fouilles  exécutées  dans  la 
vallée  du  Rhin  moyen  et  du  Rhin  inférieur;  son  intention  présente 
est  de  réunir  en  un  volume  spécial  les  résultats  de  ses  études  sur 
les  voies  militaires  et  commerciales  des  Romains,  des  Francs  et  des 
Germains,  en  Allemagne.  Les  deux  fascicules  qui  ont  paru  jusqu'à 
ce  jour  donnent,  sur  le  réseau  romain  entre  le  Rhin  et  le  Weser, 
plusieurs  détails  nouveaux  et  intéressants.  Le  général-major  von 
Veith  2  a  fait  paraître  en  même  temps  un  tracé  des  routes  militaires 
romaines  qui  conduisaient  de  Trêves  et  Cologne  à  Reims  :  c'est  le 
fruit  de  nombreuses  excursions  à  pied  faites  par  l'auteur;  il  a  joint 
à  cette  étude  de  précieux  renseignements  généraux  sur  le  plan ,  la 
construction  et  l'organisation  des  voies  romaines,  ainsi  que  sur  les 
travaux  de  fortification  qui  les  protégeaient,  sur  la  poste  romaine  et 
les  étapes  militaires.  Les  recherches  de  M.  Maassex  3,  pour  être  moins 
exactes,  n'en  ont  pas  moins  un  réel  mérite,  grâce  à  la  réunion  de 
documents  auxquels  on  n'avait  pas  encore  pris  garde  :  il  traite  de  la 
voie  romaine  qui  conduisait,  en  passant  par  Belgica  (auj.  Bill ic. h  . 
de  Trêves  à  Wesseling  près  de  Cologne,  et  du  grandiose  aqueduc 
romain  qui  partait  des  monts  de  l'Eiffel  et  dont  on  peut  suivre  les 


1.  Die  allen  lleer-  u.  ITandel.sicege  der  Germanen,  Ruiner  u.  Franken  im 
Deutschen  Reiche.  Nefl  1  u.  2.  Dûsseldorf,  Diez,  1882,  1883.  —  Voir  aiiN>i  les 
articles  du  môme  sur  les  roules  militaires  des  Romains  sur  la  rive  gauche  du 
Rhin  :  Jalirb.  d.  Ver.  v.  Allf.  im  Rheinlande,  An.  1881-1883. 

2.  Jahrbucher  d.  Vereins  v.  Allf.  im  Rheinl.  Fasc.  7G,  1883,  p.  1-20. 

3.  Die  Rœmische  Slaatsstrasse  von  Trier  ûber  Belgika  bis  Wesseling  und 
der  Rœmerkancd  am  Yorgebirge  [Ann.  d.  hisl.  Ver.  f.  d.  Niederrhetn.  Fasc.  37, 
p.  1-119). 


12  (  BULLETIN    niSTOIUQCE. 

traces  jusqu'à  Cologne.  L'auteur  conteste  l'opinion  d'après  laquelle 
le  canal  aurait  été  construit  pour  fournir  de  l'eau  à  Cologne-,  il 
estime  au  contraire  que  le  raccordement  qu'il  a  découvert  entre  le 
canal  et  de  nombreux  établissements  romains,  notamment  Belgica  et 
Bonn,  prouve  que  le  but  en  était  tout  d'abord  d'approvisionner  d'eau 
ces  places,  ainsi  que  les  troupes  qui  parcouraient  la  route  militaire. 
Toute  une  série  de  travaux,  dont  quelques-uns  très  considérables, 
ont  pour  objet  le  Limes  imperii,  qui  allait  de  l'embouchure  de  l'Alt- 
mûhl,  à  travers  le  Wurtemberg  et  Bade,  jusqu'au  Mein,  puis,  en 
longeant  celui-ci,  à  travers  la  Wettéravie  et  les  monts  du  Taunus, 
jusqu'à  Rheinbrohl  sur  le  Rhin  :  ils  jettent  un  jour  nouveau  princi- 
palement sur  la  partie,  encore  assez  mal  connue,  du  Limes,  qui 
s'étend  du  Mein  au  Rhin.  Le  colonel  vox  Coiiausen  *  a  donné  un 
aperçu  général  de  l'état  actuel  des  recherches  relatives  au  Limes, 
sous  forme  d'introduction  au  grand  ouvrage  qu'il  vient  de  faire 
paraître  sur  les  travaux  de  fortification  exécutés  par  les  Romains 
sur  les  frontières  de  l'Allemagne  (Wiesbaden,  Rreiclel).  La  des- 
cription, par  A.  vox  Cohausen  et  L.  Jacobi2,  du  castellum  romain 
de  Saalbourg  (près  Hombourg  sur  le  Taunus),  où  récemment 
encore  on  a  fait  des  fouilles  heureuses,  vient  d'avoir  une  seconde 
édition,  et  forme  un  fragment  de  cet  ouvrage;  les  auteurs  repoussent 
de  nouveau  formellement  toute  identification  entre  ce  castel- 
lum et  VArtaunon  de  Ptolémée.  A.  von  Cohausen  3  a  fait  égale- 
ment plusieurs  communications  relatives  aux  fouilles  entreprises 
par  le  Verein  fur  Nassauische  Alterthumskunde  le  long  de  la  ligne 
du  Limes  dite  du  Taunus;  elles  ont  principalement  mis  au  jour  des 
fondations  de  tours  fortifiées  et  de  bâtiments  d'exploitation  ;  l'auteur 
a  fait  part  en  même  temps  de  nombreuses  découvertes  que  l'on  a 
faites  sur  l'emplacement  de  la  colonie  romaine  à  Wiesbaden  (Aquae 
Mattiacae).  Soldan 4  s'est  occupé  de  la  position  septentrionale  du 
Limes,  de  la  Wetter  à  Butzbach  (Hesse  supérieure). 

Quant  à  la  partie  qui  s'étend  de  la  Wetter  à  la  frontière  bava- 
roise, la  direction  en  a  été  fixée  d'une  façon  en  partie  absolu- 

1.  Bericht  ùber  die  XIV'  allg.  Vers.  d.  deutsch.  anthrop.  Gesels.  zu  Trier. 
Correspondenzbtall  d.  deutsch.  Gesels.  f.  Anthrop.  année  XIV,  1883,  p.  127-130. 

2.  Dus  Rœmercastelt  Saalburg,  2te  autl.  Homburg,  Fraunbolz,  1883. 

3.  Annalen  d.  Vereins  f.  Nassauische  Alterthumskunde.  Vol.  XVII,  1882, 
l>.  116-129,  p.  137-113.  —  Voir  aussi  le  Rapport  de  Grotefend  sur  les  ruines  du 
castellum  romain  du  Capersburg,  près  de  Friedberg,  dans  la  liesse  supérieure 
[Mittheil.  a.  d.  Mitgl.  d.  Ver.  f.  Gesck.  in  Frankf.  a./ M.  Vol.  VI,  fasc.  I,  1881, 
p.  50-54).  Ces  fouilles  ont  élé  entreprises  aux  frais  du  gouvernement  hessois. 

i.  .i"  Jahresber.  d.  Oberhessischen  Ver.  f.  Local-Geschichte.  1882-1883, 
p.  72-82. 


ALLEMAGXE    ET    AUTRICHE.  12") 

ment  nouvelle  par  suite  de  toute  une  série  de  découvertes  impor- 
tantes dont  elle  a  été  le  théâtre.  On  admettait  autrefois  très  géné- 
ralement que  le  Limes,  après  avoir  quitté  l'Odenwald,  traver- 
sait le  Mein  près  de  Freudenberg  (sur  le  Mein)  et  conduisait 
à  Grùnberg  (Hesse  supérieure),  à  travers  les  hauteurs  du  Spes- 
sart,  Wirtheim  sur  la  Kinzig  et  le  long  des  coteaux  du  Vogels- 
berg.  C'est  à  A.  Duncker  '  que  revient  le  mérite  d'avoir  réfuté  une 
opinion  admise  par  des  savants  de  grande  valeur,  en  fixant  comme 
limite  orientale  du  territoire  romain,  d'abord  le  cours  du  Mein  de 
Millenberg  à  Gross-Krotzenbourg,  puis  une  ligne  qui  se  dirigeait  de 
là  presque  directement  vers  le  nord.  La  démonstration  de  Duncker 
repose  principalement  sur  les  résultats  importants  auxquels  ont 
abouti  les  fouilles  exécutées  depuis  1872  sur  remplacement  du  cas- 
tellum  romain,  près  de  Rùckingen  sur  la  Kinzig,  et  aux  environs  de 
Hanau  ;  elle  a  reçu  un  appoint  considérable  des  recherches  de  Gon- 
rady.  Ce  dernier  a  prouvé  que  toutes  les  fortifications  situées  à  l'orient 
delà  frontière  tracée  par  Duncker  et  qu'on  regardait  autrefois  comme 
romaines  (aussi  bien  celles  du  passage  du  Mein,  près  de  Fretiden- 
berg,  que  celles  du  Spessart)  devaient  être  considérées  comme  des 
travaux  germaniques,  et  qu'ils  datent  du  moyen  âge.  Les  fouilles  du 
Limes,  sur  la  portion  qui  va  de  Gross-Krotzenbourg  sur  le  Mein  à 
Rùckingen*,  ont  été  poursuivies  avec  beaucoup  d'énergie  et  un  entier 
succès  par  la  Société  historique  de  Hanau,  pendant  les  années  -1882 
et  -1883.  On  a  complètement  déblayé  le  castellum  important  de 
Gross-Krotzenbourg,  ainsi  que  celui  de  Rùckingen,  et  un  troisième, 
plus  petit,  situé  entre  les  deux  précédents;  de  plus,  on  a  pu  relever 
avec  une  exactitude  et  une  intégrité  surprenantes  les  tours  intermé- 
diaires et  l'ensemble  du  rempart  qui  protégeait  la  frontière.  G.  Wolff  - 
a  rendu  compte,  dans  une  dissertation  très  instructive,  des  fouilles 

1.  Voir,  outre  les  Beitreege  z.  Erforsch.  u.  Gesch.  d.  Pfahlgrabens  im 
Maingebiet  u.  in  der  Wetterau  (Cassel,  1879),  Duncker  :  Histor.  Zeitschr. 
IS'ouv.  série,  vol.  XII,  1882,  p.  95-104. 

2.  Zeitschr.  d.  Ver.  f.  hessische  Gesch.  N.  Folge  VIII.  Suppl.,  1882,  p.  1- 
101.  Imprimé  aussi  à  part  sous  le  titre  :  Das  Rœmercastell  von  Gross-Krot- 
zenburg.  Kassel,  Freyschmidt,  1882.  —  Voir  aussi,  au  sujet  des  fouilles  de 
Riickingen  et  des  environs":  G. Wolff,  Ausgrabungen  imrœmischen  Grenswall 
bei  Hanau.  Correspondenzbl.  d.  Gesammtver.  d.  deutsch.  Gesch.  u.  Alterthums- 
vereine,  an.  XXXI,  1883,  p.  6Ô-G8.  Du  même,  Correspondenzbl.  d.  Westdeutsch. 
Zeitschr.  f.  Gesch.  u.  Kunst,  an.  II,  n"  3,  p.  106,  174,  194.  —  Au  sujet,  des 
cimetières  romains  aux  environs  de  Hanau,  voir  encore  l'art,  du  même  dans  la 
WestdeutscheZtschrft.  An.  II,  1883,  p.  420-427.— Au  sujet  du  Limes,  qui  aurait 
été  construit  par  l'empereur  Probus  dans  le  Vogelsberg,  voir  la  savante  réfu- 
tation de  cette  hypothèse  par  Kofler,  dans  YArchiv  d.  hist.  Ver.  /'.  das  Gross- 
herzth.  Uessen,  vol.  XV,  p.  078-700. 


|2f.  BULLETIN    niSTOHIQUE. 

opérées  a  (îross-Krotzenbourg;  il  y  traite  particulièrement  en  détail  : 
l  "  [es  traces  de  la  colonie  civile  rencontrées  aux  environs  du  cas- 
tellum;  2°  le  cimetière;  et  3°  le  sanctuaire  local  consacré  à  Mithra. 
IL  Suchier  a  joint  à  ces  études  une  description  détaillée  des  mon- 
naies romaines  trouvées  à  Gross-Krolzenbourg  et  dans  les  environs, 
des  sceaux  des  légions  et  des  cohortes,  de  ceux  des  potiers  et  des 
graffiti.  Le  colonel  A.  von  Gohausen*,  en  compagnie  de  savants 
locaux,  a  soumis  le  fragment  du  Limes  qui  va  de  Rûckingen  à  la 
Wetter,  et  qu'on  n'avait  pas  encore  jusqu'ici  étudié  en  détail,  à  une 
inspection  et  à  un  arpentage  très  exact  ;  il  en  a  pris  des  levés  dont 
les  résultats  ont  été  publiés  dans  son  grand  ouvrage  ci-dessus  men- 
tionné. A.  Hammeran2  a  fourni  des  renseignements  précieux  sur  la 
même  portion  du  Limes,  et  principalement  sur  les  vestiges  du  Limes 
dans  le  Taunus. 

Aschaffenbourg,  sur  la  rive  droite  du  Mein,  a-t-il  été  ud  castellum 
romain?  Cette  question,  qui  touche  à  celle  du  Limes,  est  résolue 
négativement  par  A.  Duncker3;  il  affirme  que  les  arguments  qu'on  a 
fait  valoir  en  ce  sens  sont  sans  solidité,  et  qu'il  faut,  peut-être, 
identifier  Aschaffenbourg  avec  l'Ascapha  du  géographe  de  Ravenne, 
et  regarder  cet  endroit  comme  une  place  de  commerce  dans  le  pays 
des  Allemanni,  mais  en  aucun  cas  comme  un  établissement  romain. 
Les  recherches  dirigées  par  Conrady4,  relativement  aux  fortifications 
romaines  de  la  frontière  dans  le  territoire  du  Mein ,  et  notamment 
l'entier  déblaiement  qu'il  a  fait  du  castellum  près  de  Miltenberg,  ont 
eu,  comme  nous  l'avons  déjà  fait  remarquer,  une  importance  considé- 
rable. A  ces  fouilles  s'étaient  jointes,  en  \  881  -\  882,  celle  du  castellum 
d'Altebourg,  près  de  Walldûrn  (Bade)  :  la  découverte  de  nombreux 
vestiges  du  rempart  et  celle  des  ruines  de  rien  moins  que  vingt  bâti- 
ments de  garde  ont  prouvé  qu'à  cet  endroit  le  Limes  quittait  la 
direction  du  N.-O.,  rigoureusement  suivie  jusque-là,  pour  se  diriger, 
au  nord,  sur  Miltenberg  (s.  1.  Mein).  Conrady  a  entrepris  ensuite, 
aux  frais  de  YHistor.  Verein  v.  Unterfranken,  le  déblaiement  d'un 
castellum  romain  près  de  Wœrth  (s.  L  Mein).  Il  est  tenté  de  le 
regarder  comme  la  tête  de  ligne  de  la  fortification  intérieure  qui ,  en 
arrière  du  Limes  proprement  dit,  s'étendait  du  Mein  à  travers  l'Oden- 
wald  jusqu'au  Neckar.  Les  recherches  de  Seeger5,. relatives  aux  tra- 

1.  Correspondenzbl.  d.  Gesamtver.  An.  XXIX,  1881,  p.  96-97,  et  Ztschrft  d. 
Ver.  f.  hess.  Gesch.  Nouv.  série,  vol.  IX  (Miltheilungen,  p.  xxviij  sq.). 

2.  Urgeschichte  v.  Frankf.  a. /M.  u.  d.  Taunus-Gegend.  Francfort,  Mahlau 
et  Waldschniidt,  1882. 

3.  Westd.  Zischrft.  An.  I,  1882,  p.  308-318. 

4.  Juhrb.  d.  Ver.  v.  Alierlhumsfr.  im  Rheinl.  Fasc.  72,  1882,  p.  98-106. 

5.  Correspondenzbl.  d.  Westdeulsch.  Zeitschrift.  An.  II,  1883,  p.  45-48. 


U.l.KMAi.NK    I.T    AUTRICHE.  127 

vaux  (le  fortification  et  aux  établissements  romains  entre  Obernbourg 
sur  le  Mein  el  Neustadt  dans  l'Odenwald,  ont  fourni  dos  renseigne- 
ments précieux  sur  cette  ligne  intérieure  de  fortifications;  on  peul 
rendre  le  même  témoignage  aux  fouilles  exécutées  par  E.  Wagni  b  et 
Gonrady,  aux  frais  du  gouvernement  badois,  dans  un  castellum 
romain  aux  environs  de  Ober-Scheidenthal  (grand-duché  de  Bade, 
près  de  Mudau,  à  la  frontière  bavaroise). 

Le  fait,  clairement  établi  par  les  nouvelles  découvertes,  que  la 
ligne  intérieure  du   Limes  (ligne  Mein-Neckar)  tient  compte  très 
exactement,  au  point  de  vue  stratégique,  des  conditions  du  terrain 
et  notamment  de  la  ligne  de  partage  des  eaux ,  tandis  que  le  Limes 
extérieur  se  dirigeait  en  droite  ligne,  par  monts  et  par  vaux,  du 
village  de  Pfahlbronn  (Wurtemberg)  jusqu'au  Mein,  a  conduit  Zance- 
meisteb  '  à  l'hypothèse  que  le  Limes  extérieur  n'était  qu'une  ligne  de 
démarcation  établie  seulement  environ  à  l'époque  de  Trajan,  el  que, 
seule,  la  ligne  intérieure  était  stratégique.  La  connaissance  des  forti- 
fications romaines  dans  le  territoire  de  Wurtemberg  s'est  enrichie 
notablement,  grâce  aux  fouilles  entreprises  aux  frais  de  l'État,  et  qui 
ont  eu  pour  objet  le  castellum  de  Rottenbourg  et  celui  d'Isiry  a.  Des 
monnaies  que  Ton  a  trouvées  dans  ce  dernier  font  conclure  qu'il  n'a 
guère  été  construit  qu'au  milieu  du  me  s.,  mais  que,  d'autre  part, 
les  Romains  s'y  sont  maintenus  jusqu'à  la  fin  du  ive  s.  Les  résultats 
des  dernières  recherches  de  E.  Paulus  3,  relatives  aux  travaux  forti- 
fiés qui  couvrent  la  portion  wurtembergeoise  du  Limes,  de  Lorch  à 
Eck  (près  d'Ellwangen),  ont  conduit  l'auteur  à  cette  conviction  qu'ici 
la  frontière  de  l'empire  romain  ne  concorde  nullement  avec  ItLimes^ 
mais  qu'il  faut,  au  contraire,  la  placer  quelques  lieues  en  arrière  de 
celui-ci  :  les  Romains  choisissaient  autant  que  possible  pour  frontière 
des  vallées  profondes  ayant  des  cours  d'eau  importants.  Paulus  a 
remarqué  que  tout  le  territoire  compris  entre  le  Limes  et  ces  vallées 
était  protégé  par  de  petits  forts  entourés  de  fossés-,  il  estime  en  con- 
séquence que  le  Limes  avait  pour  but  la  rapidité  des  communications 
et  servait  également  de  signe  d'observation  et  de  base  d'opérations 
pour  les  mouvements  de  troupes.  D.  Naeher  a  traité,  en  plusieurs 

1.  E.  Paulus,  dans  Wurtemberg.  Viertelsjuhreshefle  f.  Landesgesch.  Au.  VI, 
1883,  fasc.  1,  p.  46-47.— JE.  Ilerzog,  dans  Correspoadenzbl.  d.  Westd.  Ztschjt. 
An.  III,  1884,  p.  3. 

2.  Wûrtemb.  Viertelsjahrshefte  f.  Landesgesch.  An.  VII,  fasc.  I,  1884, 
p.  42-48. 

3.  Die  baulichen  Anlagen  d.  Rœmer  in  d.  Zehnilanden.  Karlsruhe,  Sclbst- 
verlag,  1883.  Jahrb.  d.  Ver.  v.  Altertkumsfreuadca  im  lihcinl.  Fasc.  70,  1881, 
p.  6-13;  fasc.  71,  1881,  p.  1-106.  —  Voir  aussi  Naeher  et  Christ,  Die  ersten 
germanischea    Vcrthcidigungsbauten   am   Oberrhein,   ibid.    Fasc.    74,    1882, 


I2S  BULLETIN    HISTORIQUE. 

articles  très  instructifs,  auxquels  il  a  joint  des  considérations  spé- 
ciales sur  la  partie  technique  et  le  matériel  de  construction  des 
anciens,  les  questions  relatives  aux  routes,  aux  fortifications  qui  s'y 
rattachent,  aux  canaux  et  en  général  aux  constructions  hydrau- 
liques, enfin,  à  l'ensemble  des  constructions  romaines  dans  le  terri- 
toire des  «  Àgri  decumates.  »  Ohle.vschlager  '  a  étudié,  en  les 
rattachant  au  travail  de  A.  von  Gohausen  sur  le  Limes,  dont  nous 
avons  parlé  plus  haut,  la  construction  très  particulière  des  fortifi- 
cations romaines  à  la  frontière  :  il  s'est  borné  aux  fortifications 
comprises  en  Bavière.  De  même  que  Gohausen,  il  ne  regarde  pas  le 
Limes  comme  ayant  un  but  militaire  -,  il  était  destiné,  d'après  lui,  à 
isoler  les  peuples  limitrophes  des  peuples  alliés  des  Romains,  à 
rendre  plus  difficiles  les  conspirations,  à  prélever  plus  facilement  les 
droits  de  douane  et  à  entraver  la  contrebande.  Quant  aux  forts  situés 
sur  le  territoire  bavarois,  Fauteur  a  pu  se  contenter  de  renvoyer  aux 
nombreuses  découvertes  de  ces  dernières  années,  d'après  lesquelles 
on  peut  considérer  comme  romains  :  Straubing  [Serviodurum] , 
Eining  [Abusind] ,  Pfœring  [Celeusum] ,  Rœsching  (Germanicum) , 
Pfinz,  Wissembourg  et  Theilenhofen  (près  Wissembourg).  Les 
fouilles  entreprises  par  le  pasteur  Schreiner2  sur  le  sol  de  l'antique 
Abusina  (Eining,  près  Neustadt,  sur  le  Danube)  ont  donné  des 
résultats  tout  particulièrement  intéressants,  qui  permettent  de  cons- 
tater l'importance  qu'a  eue  cette  place  forte  pour  la  défense  et  la 
protection  du  passage  du  Danube.  On  a  trouvé  en  cet  endroit,  outre 
les  fondements  du  castrum,  les  restes  de  38  bâtiments,  dont  l'un 
a  des  dimensions  considérables  (60  mètres  de  long  sur  30  de  large), 
puis  des  sceaux  de  légions  et  de  cohortes  et  huit  squelettes. 

On  doit  à  un  ancien  officier  des  renseignements  précieux  sur 
la  topographie  de  l'ancien  Noricum  et  sur  la  route  militaire  qui 
conduisait  de  Salzbourg  à  Teurnia  sur  la  Drave  et,  le  long  de  cette 
rivière,  à  Saniicum3.  Ohlexschlager 4  s'est  efforcé  de  démontrer 
l'identité  de  l'actuel  Ghieming,  sur  le  lac  de  Ghiem,  avec  le  Bedaium 
norique  cité  dans  V Itinéraire  d'Antonin  et  dans  la  Table  de  Peu- 

p.   1-23.  Ce  dernier   art.  contient  un  exposé  méthodique  des  différences  de 
construction  entre  les  travaux  romains  et  germains. 

1.  Corresjwndeiizbl.  d.  deutsch.  Gesels.  f.'Anthrop.  An.  XIV,  1883,  p.  130  sq. 

2.  Verhandl.  d.  hist.  Ver.  f.  Niederbagem.  Vol.  XXII,  1882,  p.  217-243.  — 
Voir  Ohlenschlager,  Eine  wiedergefundene  Rasmerstaetle,  dans  Ausland,  1883, 
n°  19. 

3.  Rœmerstudien  eincs  ait  en  Soldaten.  I-III,  Vienne,  Seidel  et  fils,  1882. 

4.  Bedaium  und  die  Bedaius-fnschr/ftcu  aus  Chieming,  dans  Sitzungsber. 
der  philos.-philol.  u.  histor.  Classe  der  k.  B.  Akademie  d.  Wissenschaften 
SU  M ii  achen.  1883.  Fasc.  2,  p.  204-220. 


ALLEMAGNE   ET   AUTRICHE.  )2S) 

tinger  comme  une  slalion  sur  la  route  de  Tuvavum  à  Augusta  Vm- 
delicorum  :  L'auteur  s'appuie  sur  la  découverte  faite  en  1882  de 
quatre  inscriptions  sacrées  dans  lesquelles  les  divinités  Bedaius  et 

Alounae  jouent  un  rôle  important-,  il  émet,  à  cette  occasion,  l'hypo- 
thèse très  vraisemblable,  basée  sur  les  inscriptions  concernant 
Bedaium,  que  déjà,  avant  la  domination  romaine,  une  commune 
importante  s'était  développée  en  cet  endroit;  les  Romains  ne  firent 
qu'y  adjoindre  une  station  qui,  postérieurement,  fut  constituée 
en  colonie.  L'histoire  et  l'importance  stratégique  des  routes  mili- 
taires qui  conduisaient,  à  travers  les  Alpes  bavaroises,  de  Schar- 
nitz  (Scarbia)  à  Partenkirchen  [Parthanum]  ont  été  exposées  par 
Wûedingeb  ',  pour  la  première  fois,  dans  un  essai  qui  repose  sur 
des  études  topographiques  approfondies  ;  il  a  traité  aussi  des  travaux 
de  fortification  qui  couvrent  ces  routes.  Pichler2  et  Ricbter3  se  sont 
occupés  des  voies  romaines  construites  dans  les  monts  de  Tauern, 
et  Boehm  k  de  la  route  qui  va  de  Lederata  à  Tibiscum  en  Dacie. 

Parmi  la  masse  des  découvertes  locales  relatives  aux  tombeaux, 
aux  inscriptions  et  aux  établissements  romains  qui  se  trouvent  dans 
la  portion  de  l'empire  comprise  entre  les  limites  actuelles  de  l'Alle- 
magne et  de  l'Autriche-Hongrie ,  nous  devons  nous  borner  ici  à 
nommer  les  plus  importantes,  en  renvoyant,  pour  de  plus  amples 
détails,  surtout  à  propos  de  l'Autriche,  aux  Archxologisch-epigra- 
phische  Mittheilungen  ans  QEsterreich. 

On  a  obtenu  de  grands  résultats  en  fouillant  les  tombeaux  des 
nombreux  cimetières  romains,  souvent  considérables,  qu'on  a 
déblayés  près  de  Hanau,  de  Worms,  de  Neuss,  de  Rheindahlen, 
de  Mayence,  de  Dusseldorf  et  d'Andernach.  Parmi  les  nom- 
breuses inscriptions  funéraires,  celles  qu'on  a  découvertes  près  de 
Mayence  et  dans  les  environs,  et  qui  datent  des  premiers  temps  du 
christianisme,  sont  dignes  d'un  intérêt  tout  spécial.  Nous  citerons, 
entre  les  objets  ayant  un  caractère  sacré,  l'autel  du  Jupiter  Sucaclus, 
trouvé  près  de  Mayence,  ainsi  qu'un  autel  votif,  consacré  aux 
Parques,  trouvé  près  de  Worms 5.  Ce  culte  des  Parques,  qu'on  doit 


1.  Die  Rœmerstrasse  von  Scharnitz  bis  Partenkirchen.  Ibidem.  An.  1882, 
vol.  11,  p.  240-251. 

2.  Der  Korntauem  u.  sein  Heidenxveg,  dans  Correspondenzbl.  der  deutsch. 
Gesels.  f.  Anthropologie.  An.  XIV,  1883,  p.  51-62. 

3.  Die  rœmische  Tauemstrasse,  dans  Mitlheil.  d.  Central-commission  zur 
Erforschung  d.  Kunst  und  histor.  Denkmale.  Nouv.  série,  vol.  VII,  fasci- 
cules 3  et  4. 

4.  Der  rœmische  Strassenzug  I.ederata-Tibiscum.  Ibidem,  vol.  VIII,  fasc.  4. 

5.  Zangemeister,  dans  Correspondenzbl.  d.  Westd.  Ztschrft.  II,  1883,  p.  42-44, 

Rev.  Histor.  XXVII.  1er  fasc.  '.i 


4  30  BULLETIN  HISTORIQUE. 

identifier  à  celui  des  Matronœ  ou  Matres,  si  fréquent  dans  la  région  du 
Rhin  inférieur,  et  que  les  nouvelles  découvertes  ont  encore  confirmé, 
remonte,  sans  aucun  doute,  à  une  origine  celtique;  on  a  signalé 
également  des  éléments  celtiques  dans  des  monuments  artistiques  de 
la  vallée  du  Rhin,  datant  de  l'époque  romaine  *.  Des  vestiges  impor- 
tants d'établissements  romains  encore  inconnus  ont  été  mis  au  jour 
près  de  Leutersdorf,  de  Mechern,  de  Reckingen  et  de  Stolherg  dans 
la  Prusse  rhénane;  à  Hergotsfeld,  à  Riedhausen,  à  Rambergen  et  en 
d'autres  lieux  au  nord  du  lac  de  Constance;  près  de  Sigmaringen, 
en  Hohenzollern,  près  d'Ettlingen  et  de  Pforzheim  dans  le  grand- 
duché  de  Rade.  Le  déblaiement,  entrepris  par  Naeher2,  d'un  établis- 
sement romain,  caché  au  plus  épais  du  bois  et  dit  la  Altstalt,  près 
de  Mœsskirch,  dans  le  grand-duché  de  Bade,  offre  le  plus  grand 
intérêt,  non  seulement  à  cause  de  l'étendue  de  son  enceinte  qui 
embrasse  un  espace  de  5  hectares  et  contient  les  ruines  de  \  7  édi- 
fices, mais  aussi  parce  qu'on  a  pu  reconnaître  exactement  la  fonda- 
tion de  toutes  les  parties  de  la  colonie  qui,  sans  doute  possible,  est 
d'origine  civile  et  non  militaire. 

Les  recherches  des  dernières  années  n'ont  pas  été  moins  favorables 
à  la  connaissance  des  grandes  cités  romaines  bâties  sur  le  sol  germa- 
nique. C'est  surtout  le  cas  pour  Mayence  :  les  travaux  nécessités  par 
la  construction  de  la  gare  centrale  ont  mis  à  nu ,  à  la  partie  sud- 
est  extérieure  de  la  citadelle,  des  constructions  romaines  considé- 
rables :  murs  énormes,  piliers  et  voûtes,  dont,  pour  le  moment,  il 
n'est  pas  encore  possible  de  déterminer  avec  certitude  la  destina- 
tion. D'un  autre  côté  les  travaux  de  canalisation  de  la  ville  ont 
fourni  un  riche  butin  en  restes  d'édifices,  en  inscriptions  et  en 
sculptures;  enfin  les  fouilles  exécutées  dans  le  cimetière  romain 
situé  dans  la  Nouvelle  Ville,  et  celles  des  ruines  de  l'église  de  Saint- 
Pierre,  ont  révélé  des  traces  nombreuses  de  l'époque  romaine  et  des 
premiers  temps  du  christianisme.  Le  déblaiement  de  l'endroit  dit 
YEigelstein.  dans  la  citadelle  de  Mayence,  entrepris  par  Usixger  et 
Velke  aux  frais  du  Mainzer  Alterthums-  Verein,  a  permis  de  cons- 
tater que  les  fondements  de  la  tour,  enfouis  sous  terre,  sont  en  aussi 

et  Bergk,  Zu  den  Berkumer  Matronensteinen,  dans  Westd.  Ztschrft.  Vol.  I, 
1882,  p.  145-153.  —  Voir  encore  Jahrb.  d.  Ver.  v.  Aller  Ihumsfr.  im  Rheinl. 
Fasc.  75,  p.  48;  fasc.  70,  p.  233-235,  p.  239-240  {Maires  Atufrafinehae ;  Maires 
Asericiaehae.  Représentation  d'une  malrona  équestre,  trouvée  sur  le  territoire 
badois). 

1.  Cœnen,  Ueber  griechischen  Einfluss  au f  die  rheinisch-gallische  Tœpfer- 
kunsl  soicic  iïber  eine  Gallieransiedlung  zu  Horchheim  Rhenus.   An.   I,  1883. 

2.  Jahrb.  d.  Ver.  v.  Allerthumsfr.  im  Rheinl.  Fasc.  74,  1882,  p.  52-57. 


ALLEMAGNE    ET   AUTRICHE.  131 

mauvais  état  que  la  partie  au-dessus  du  sol  ;  on  n'en  a  pas  moins 
réussi  à  se  faire  une  idée  au  moins  approximative  d'un  monument 
qui,  selon  toute  probabilité,  était  très  grandiose.  Velke  *  a  démontré 
d'une  façon  péremptoire  que  VEigektein  était  en  réalité  un  monu- 
ment élevé  par  l'empereur  Claude  en  l'honneur  de  Drusus  (Glaudius 
Néron).  La  question  relative  à  l'origine  des  restes  de  piles  découvertes 
dans  le  Rhin,  entre  Mayence  et  lvaslel,  n'a  pas  encore  reçu  de  réponse 
satisfaisante  :  on  n'en  attend  qu'avec  plus  d'impatience  la  publica- 
tion de  l'ouvrage  que  prépare  le  Mainzer  Alterthums-Verein  ;  c'est 
alors  seulement  qu'on  pourra  embrasser  d'un  coup  d'œil  l'histoire  et 
les  détails  de  cette  remarquable  découverte.  Contrairement  à  Grimm2, 
qui  plaçait  à  l'époque  d'Auguste  la  première  construction  romaine 
d'un  pont  fixe  près  de  Mayence,  et  sous  Maximien  la  reconstruction 
de  ce  pont,  après  qu'il  eut  été  détruit  une  première  fois,  Christ3  émet 
l'opinion  que  le  premier  pont  fixe  appartient  à  l'époque  de  Trajan  : 
il  démontre  que  l'hypothèse  d'après  laquelle  on  aurait,  au  temps  de 
la  décadence  de  l'empire,  sous  Alexandre  Sévère  ou  Maximien,  cher- 
ché à  rétablir  une  communication  entre  les  deux  rives  du  Rhin  est 
aussi  arbitraire  qu'invraisemblable  :  sa  réfutation  s'appuie  sur  une 
étude  consciencieuse  des  sources  relatives  à  tous  les  passages  du 
Rhin  par  les  Romains,  près  de  Mayence.  M.  Mertz4  a  publié  une 
notice  importante  sur  rétablissement  des  Romains  à  Cologne,  où  des 
travaux  de  terrassement,  nécessités  par  l'agrandissement  de  la  ville 
et  la  construction  de  nouveaux  forts,  ont  conduit  à  la  découverte  de 
nombreux  sarcophages  en  pierre  romains  d'un  contenu  fort  intéres- 
sant. L'auteur  cherche  à  déterminer  l'emplacement  exact  des  murs 
romains  de  Cologne  en  marquant,  de  maison  en  maison,  les  traces 
encore  plus  ou  moins  reconnaissables  de  l'ancienne  muraille. 

1.  Voir  Keller,  Rœmische  Funde  in  Mainz,  dans  Jahrb.  d.  Ver.  v.  Alter- 
thumsfreund.  ton  Rheinl.  Fasc.  72,  1882,  p.  135-141;  et  74,  p.  188-190.  — 
Idem,  Die  seit  1875  encorbenen  Inschriften  des  Mainzer  Muséums,  dans 
Zeitschr.  d.  Ver.  z.  Erforsch.  der  Rhein.  Gesch.  u.  Altherth.  in  Mainz.  Vol.  III, 
fasc.  2  et  3.  —  Usinger  et  Velke,  Der  Eigelstein  bel  Mainz.  lbid.,  p.  364-382. 

2.  Der  Rœmische  firueckenkopf  in  Kastel  bel  Mainz  und  die  dortigr 
Rœmerbrùche.  Mainz,  Zabcrn,  1882.  Voy.  Rev.  hist.,  t.  XXII, p.  115.  —  D'après 
une  inscr.  trouvée  récemment,  le  pont  a  été  construit  de  70  à  100  ap.  J.-C. 

3.  Die  Rheinûbergxngc  der  Rœmcr  bei  Mainz  u.  das  Caslellum  Trajani, 
dans  Correspondenzbl.  d.  deutsch.  AUerth.  Ver.  An.  XXX,  1882,  n°'  2  et  3.  — 
Voir  Cathiau,  Ueber  die  Rœmische  Bruche  bei  Mainz,  dans  Jahrb.  d.  Ver. 
v.  Alterthumsfreund.  ton  Rheinl.  Fasc.  74,  p.  206-208.  A.  Duncker,  Hist. 
Zeitschr.  Vol.  XLIX,  1883,  p.  528-530. 

4.  Beitrag  zur  Feststellung  der  Lage  u.  d.  jetzigen  BeschafJ'cnheil  der 
Rœmermauer  zu  Kœln.  Cologne,  Programme  des  cours,  1883. 


132  BULLETIN  IÏTSTORIQUE. 

Pour  Trêves,  on  a  le  rapport  de  Hettner'  sur  les  fouilles  des 
thermes  grandioses  qu'on  y  a  découverts;  à  Sablon,  près  de  Metz, 
outre  d'autres  trouvailles  archéologiques,  on  a  découvert  un  remar- 
quable édifice  circulaire,  enfoui  dans  le  sol,  et  qui  était  probablement 
un  sanctuaire  consacré  à  la  divinité  de  la  source,  à  l' Icovellauna, 
dont  le  nom  est  apparu  pour  la  première  fois  sur  une  tablette  votive 2 
trouvée,  en  187i),  dans  les  sablières  de  Sablon.  G.  Mehlis3  croit 
avoir  retrouvé  dans  Eisenberg,  localité  du  Palatinat,  située  à  l'ouest 
de  Worms,  sur  l'Eis,  la  ville  de  Rufiana,  citée  par  Ptolémée  dans  sa 
géographie  :  il  est  certain,  en  tout  cas,  que  les  nombreuses  trou- 
vailles archéologiques  que  Ton  y  a  faites,  parmi  lesquelles  on 
remarque  une  quantité  considérable  de  scories  datant  d'une  époque 
très  reculée,  ainsi  que  trois  fourneaux  antiques  pour  la  fonte  du  fer, 
mis  au  jour  en  1882  dans  un  état  remarquable  de  conservation, 
indiquent  très  clairement  qu'Eisenberg  a  été,  à  l'époque  romaine,  le 
siège  d'une  industrie  de  fer  très  développée.  Mehlis  4  a  trouvé  les 
traces  d'un  second  grand  établissement  romain  dans  le  Palatinat  du 
Rhin,  à  l'endroit  nommé  Heidelsburg,  près  de  Waldfischbach ; 
d'après  les  monnaies  gauloises  et  romaines  trouvées  dans  les 
décombres  et  d'après  le  style  des  sculptures  très  intéressantes ,  ce 
lieu,  naturellement  fortifié,  a  servi  de  refuge  à  deux  époques  diffé- 
rentes :  avant  les  Romains  d'abord  (période  celtique),  puis  aux  der- 
niers temps  de  l'empire.  Gomme  monuments  de  cette  dernière 
période  on  a  des  inscriptions,  des  sarcophages  et  des  morceaux  d'ar- 
chitecture enlevés  évidemment  à  un  temple  romain,  et  qui  furent 
employés  à  la  construction  de  murs  et  de  tours,  environ  au  ive  siècle, 
par  les  provinciaux  romains  menacés  par  les  Germains;  cependant 
ces  ressources  ne  suffirent  probablement  pas  à  préserver  le  fort  de  la 
destruction  par  le  feu.  Le  Verein  f.  d.  Frankfurter  histor.  Muséum 
a  entrepris,  aux  environs  de  Francfort-sur-le-Mein ,  sur  le  sol  de 
l'ancienne  ville  d'Artaunon,  près  de  Heddernheim,  des  fouilles  cou- 
ronnées de  succès.  Les  découvertes,  souvent  très  précieuses,  faites 
près  d'Heddernheim  et  près  de  Friedberg,  endroit  également  riche  en 


1.  Westd.  Ztschrft.  Vol.  I,  1882,  p.  59-66.  Voir  la  conférence  du  même  sur 
la  Trêves  romaine,  dans  Correspondent,  d.  deutsch.  Gesels.  f.  Anthrop. 
An.  XIV,  1883,  p.  85-91. 

2.  Voir  F.  Mœller,  Ein  Nymphxum  in  Sablon  bei  Metz,  dans  Westdeulsche 
Zeitschrift.  An.  II,  1883,  p.  249-287. 

3.  sludien  zur  aeltesten  Gesch.  der  Ilheinl.  Abth.,  VI.  Leipzig,  Duncker  et 
Humblot,  1883. 

4.  Ein  gallisch-rœmùcher  Ringwall,  dans  Jahrb.  d.  Ver.  v.  Allerthumsfr. 
im  Rheinl.  Fasc.  76,  1883,  p.  227-230. 


ALLEMAGNE   ET  AUTRICHE.  ^  33 

antiquités  romaines,  ainsi  qu'en  d'autres  lieux  des  environs  plus  ou 
moins  immédiats  de  Francfort,  sont  consignées  dans  l'écrit  conscien- 
cieux (bien  que,  pour  la  période  romaine,  il  n'épuise  pas  la  question) 
de  A.  Hammbbah  '  sur  l'histoire  primitive  de  Francfort  et  du  Taunus. 
D'autre  part,  Sepp  2  a  entrepris  de  démontrer,  au  moyen  de  raisonne- 
ments étymologiques  et  mythologiques  fort  abstraits  et  peu  convain- 
cants, que  Francfort- sur- le-Mein  est  YAscis  du  géographe  de 
Ravenne.  Nous  devons  aux  recherches  de  Bcrckakdt-Biedermann  la 
restauration  du  plan  du  théâtre  romain  à  Bâle;  l'auteur  n'a  pu  s'ap- 
puyer pour  ce  travail  que  sur  des  vestiges  à  peine  visibles  et  sur 
un  compte-rendu  de  fouilles  datant  du  xvie  siècle3.  Malgré  l'avis 
technique  de  Rziha  4,  qui  se  prononce  pour  une  origine  romaine,  il 
ne  nous  semble  pas  que  soit  encore  résolue  la  question  relative  au 
mur  dit  «  Heidenmauer,  »  près  de  Lindau,  sur  le  lac  de  Constance; 
on  a  voulu  y  reconnaître  des  restes  bien  conservés  de  fortifications 
romaines.  Les  fouilles  entreprises  par  Jenny,  sur  le  sol  de  Brigan- 
titnn  (Bregenz,  sur  le  lac  de  Constance,  Autriche) ,  ont  été  de  nou- 
veau accompagnées  d'un  plein  succès;  on  peut  en  dire  autant  des 
recherches  dirigées  par  Hauser  sur  l'emplacement  du  camp  romain 
de  Carnuntum,  près  de  Petronell,  sur  le  Danube,  et  qui  ont  conduit  à 
la  découverte  d'une  masse  de  poteries,  d'inscriptions  et  de  sculptures, 
ainsi  qu'à  celle  de  colonnes  disposées  en  rectangle,  marquant  sans 
doute  l'endroit  où  était  le  forum  du  camp. 

Plusieurs  inscriptions  lapidaires  trouvées  près  de  Lienz ,  dans  le 
Tyrol,  ont  permis  de  déterminer  d'une  façon  positive  la  position  du 
municipe  romain  d' Arguntum ,  constitué  par  l'empereur  Claude5. 
C.  Torma  6  a  déployé  beaucoup  d'activité  pour  augmenter  nos  con- 
naissances relatives  à  la  Dacie  ancienne,  dont  la  capitale,  Sarmizege- 

1.  Urgeschichte  von  Frank furl  a.\M.  u.  der  Taunusgegend.  Francfort-sur-le- 
Mein,  Mahlau  et  Waldschmidt,  1882.  V.Riese,  Unedirte  ITeddernheimer  lnschrif- 
ten,  dans  Mittheil.  a.  d.  Mitglieder  d.  Ver.  f.  Gesch.  in  Frank f.  a. /M.  Vol.  VI, 
fasc.  2,  397-420.  Corr es  ponde nzbl.  d.  Westd.  Zeilschrift.  Ann.  III,  1884,  p.  6-8, 
33-37.  Lotz,  Neue  Ausgrabungen  i.  d.  Rœmerstadt  Hedder n h eim,  dans  Corrcsp. 
bl.  d.  Gesammtver.  d.  deutsch.  Geschichisvereine.  An.  XXXI,  1883,  p.  26-27, 
49-50,  p.  62-63.  An.  XXX,  1882,  p.  43-44.  —  Au  sujet  de  Friedberg,  voir  r! 
Schœfer,  ibid.  An.  XXX,  1882,  p.  59-60.  An.  XXXI,  1883,  p.  9-11. 

2.  Frankfurt,  das  alte  Askiburg  beim  Geogr.  v.  Ravenna.  Munich,  Kelle- 
rer,  1882. 

3.  Das  rœmische  Theater  zu  Augusta  Rauracorum.  Râle,  Dettloft",  1882. 

4.  Schriften  des  Vereins  f.  Gesch.  d.  Bodensee's.  Fasc.  12.  1883,  p.  10-14. 

5.  I.  Jung,  Rœmische  Steine  aus  Aguntum,  dans  Wochenschrift  f.  klas- 
sische  Philologie.  An.  1,  1885,  col.  6G8-670. 

6.  Archaeologisch-cpigraphische  Mittheil.  aus  Oesterreich.  Vol.  VI,  p.  97-1  i5. 


434  BULLETIN    IIISTORIQCE. 

Ihusa,  malgré  les  importantes  découvertes  des  dernières  années,  n'a 
pas  encore  été  le  théâtre  de  fouilles  dirigées  d'une  façon  systéma- 
tique :  Torma  a  réuni  un  grand  nombre  d'inscriptions  de  la  Dacie, 
de  la  Mésie  supérieure  et  de  la  Pannonie  inférieure.  Les  restes  extrê- 
mement nombreux  de  sanctuaires  de  Mithra,  qu'on  a  trouvés  dans 
ces  dernières  années  sur  le  territoire  de  l'antique  Dacie,  et  notamment 
dans  les  ruines  de  Sarmizegethusa,  ont  été  décrits  et  étudiés  par 
F.  Stddniczka  '. 

Gomme  on  pouvait  s'y  attendre,  la  moisson  extraordinairement 
riche  en  découvertes  archéologiques  pendant  ces  dernières  années  a 
donné  lieu  à  toute  une  série  de  travaux  relatifs  à  la  topographie ,  à 
l'ethnographie  et  à  l'archéologie;  on  ne  s'est  pas  borné  là  cependant, 
et  quelques  ouvrages  généraux  sur  l'histoire  de  la  domination  romaine 
dans  les  différentes  parties  occupées  du  territoire  germain  ont 
répondu  à  une  longue  attente.  Nous  citerons  ici  en  première  ligne 
une  collection  de  dissertations  posthumes  de  Th.  Bergk2,  relatives  à 
l'histoire  et  à  la  topographie  des  pays  rhénans  à  l'époque  romaine. 
Un  petit  nombre  d'entre  elles  seulement  avaient  déjà  paru  dans  les 
Jahrb.  des  Vereins  von  Alterihumsfr.  im  Rheinlande  ;  tels  sont  les 
articles  sur  la  révolte  d'Antonius  dans  le  Rhin  supérieur  en  89,  sur 
Mayence  et  Vindonissa ,  sur  le  Viens  Ambitarvius  et  le  pagus  Caru- 
cum;  tous  ont  été  revus  et  corrigés  par  l'auteur,  avec  le  plus  grand 
soin.  Entièrement  nouvelles  sont  les  dissertations  sur  les  cam- 
pagnes de  César  contre  les  Usipètes  et  les  Tenctères,  contre 
Ambiorix  et  les  Éburons-,  nouvelles  encore  les  remarques  qui 
complètent  les  recherches  de  Roulez,  relatives  aux  gouverneurs 
romains  de  la  Belgique  et  de  la  Germanie  inférieure;  celles  sur 
l'emplacement  de  VAra  Ubiorum,  identifiée  à  la  Colonia  Agrip- 
pinensis;  nouveau  enfin  un  travail  très  précieux  sur  les  voies 
romaines  du  Rhin,  dans  lequel  Bergk  étudie  avec  soin  la  date  de  la 
composition,  les  sources,  l'autorité  et  l'histoire  du  texte  de  l'Itiné- 
raire d'Antonin  et  de  la  Table  de  Peutinger.  W.  Arnold  a  a  retracé 
à  grands  traits  et  avec  vigueur  l'histoire  des  pays  dû  Rhin  de 
l'époque  celtique  jusqu'à  la  fin  de  la  migration  des  peuples,  ainsi  que 
le  rôle  considérable  joué  dès  l'abord  par  le  fleuve  du  Rhin ,  dans 
l'histoire  de  l'Europe  centrale.  Une  étude  de  Hettner4  sur  la  civili- 

1.  Miihraeen  u.  andere  Denlnnaelcr  aus  Dacien  J,  dans  Archaeolog.  epigra- 
phische  Mittheil.  aus  Oesterreich.  An.  VII,  fasc.  2,  1883,  p.  200-225. 

2.  Zur  Geschichte  und  Topographie  der  Rheinlande  in  Rœmischer  Zeit. 
Leipzig,  Teubner,  1882. 

3.  Zur  Geschichte  der  Rheinlande.  dans  Wesld.  Zlschrft,  An.  I,  1882,  p.  1-35. 

4.  Ibidem.  An.  II,  1883,  p.  1-26. 


ALLEMAGNE  Kl'   AUTBICHE.  -135 

sation  de  la  Germanie  el  de  la  Gaule  Belgique  nous  donne  une 
image  vivante  de  la  vie  domestique,  religieuse  el  industrielle  de  la 
contrée  du  Rhin  à  l'époque  romaine.  E.  Bubner  '  cl  L.  von  Uhliciis- 
ont,  d'une  feçon  fort  diverse  à  la  vérité,  cherché  à  restaurer  par  des 
conjectures  le  texte  très  important  mais  1res  défiguré  de  la  liste  de 
Vérone  relative  à  la  province  romaine  de  la  rive  droite  du  Rhin. 
H.  Mabjah3  a  continue,  avec  une  prudence  doublement  méritoire 
dans  des  travaux  de  ce  genre,  son  travail  sur  les  noms  de  lieux  de 
la  province  du  Rhin,  d'origines  celtique  et  latine.  Les  antiquités 
découvertes  aux  environs  d'Altkirch,  en  Alsace,  et  conservées  dans 
le  musée  de  cette  ville,  ont  été  décrites  par  Reuscd4.  II.  Genthe3 
décrit  avec  beaucoup  de  conscience  les  découvertes  archéologiques,  si 
importantes  pour  faire  connaître  l'état  de  la  civilisation  chez  les 
peuplades  de  la  rive  droite  du  Rhin  à  l'époque  romaine-,  elles  ont  été 
faites  sur  l'emplacement  du  grand  cimetière  vieux-germain  situé 
près  de  Duisbourg,  sur  le  Rhin.  On  a  continué  dans  la  Westdeutsche 
ZeiHchrift  fur  Geschichte  and  Kunst  (An.  II,  J883,  p.  198-226)  la 
révision  de  tous  les  musées  et  collections  d'antiquités  d'Allemagne, 
de  Belgique,  de  Luxembourg,  de  Hollande  et  de  Suisse,  qui  con- 
tiennent des  objets  intéressant  l'histoire  de  l'Allemagne  occidentale  à 
l'époque  romaine. 

E.  von  Paclus6,  chargé  par  le  bureau  de  topographie  et  de  sta- 
tistique de  décrire  les  «  Oberaemter  »  du  royaume  de  Wurtemberg, 
a  recherché  les  vestiges  laissés  par  le  gouvernement  romain  à 
l'intérieur  des  frontières  du  Wurtemberg  actuel.  Nous  devons  au 
même  savant  et  à  Hang7  un  exposé  général  de  l'histoire  et  de  la 
civilisation  du  Wurtemberg  sous  la  domination  romaine;  les  auteurs 
ont  tenu  compte  de  toutes  les  découvertes  de  ces  dernières  années 
et  de  toutes  les  questions  qu'elles  ont  provoquées.  Simultanément 
P.  Staelin8  a  donné  de  L'histoire  du  Wurtemberg ,  avant  et  pendant 
les  Romains,  un  tableau  qui  est  le  fruit  d'une  étude  consciencieuse 

1.  Zu  den  Quellen  der  Rhein.  Alterthumskunde.  Ibidem.  An.  II,  1883, 
p.  393-398. 

2.  Die  Viciricenses,  dans  JahrO.  d.  Ver.  v.  Alterthumsfr.  im  Rheinl.  Fasc.  73, 
1882,  p.  49-51. 

3.  Keltische  u.  laleinische  Ortsnamen  i.  d.  Rheinprovinz.  3  Abth.  Aix-la- 
Chapelle,  Jacobi  et  Cic,  1882. 

4.  Duisburger  Alterthilmer.  Duisburg,  Ewich,  1881. 

5.  Die  Rœmîschen  Alterth.  im  Muséum  su  Altkirch.  AJtkirch,  Bœhrer,  1883. 

6.  Beschreibung  des  Oberamts  Neckarsulm.  Stuttgart,  Kohlhammer,  1881. 
Beschreib.  des  Obérant  I s  KUnzelsau.  Ibidem,  1883. 

7.  Das  Kœnigreich  Wiirttemberg.  Vol.  I.  Stuttgart,  Kohlhammer,  1882-1883. 

8.  Geschichte  Wiirltembcrgs.  Vol.  I,  partie  I.  Gotha,  Perthes,  1882. 


136  BULLETIN  HISTORIQUE. 

des  sources  et  des  monuments  nouvellement  découverts.  Le  gouverne- 
ment badois  a  contribué  au  progrès  de  notre  connaissance  de  l'antiquité 
par  la  publication  de  deux  ouvrages  archéologiques  importants. 
C'est  d'abord  une  nouvelle  suite  de  gravures,  tirées  de  la  collection  des 
antiques  de  Garlsruhe1-,  le  premier  fascicule  contient  les  photogra- 
vures des  vases  antiques  en  bronze,  de  diverses  périodes.  D'un  autre 
côté,  c'est  la  publication  de  la  carte  archéologique  du  grand-duché, 
dressée  par  E.  Wagner  ;  on  y  trouve  notés,  à  l'aide  de  divers  signes 
ou  couleurs,  les  vestiges  préhistoriques  ainsi  que  les  traces,  pour 
autant  qu'elles  sont  absolument  certaines,  de  la  période  romaine 
et  franco  -  allemanique.  On  trouvera  des  renseignements  sur  les 
données  de  cette  carte  dans  l'estimable  aperçu  de  Bissinger2  sur 
l'histoire  primitive  et  les  antiquités  du  pays  de  Bade;  ce  dernier 
travail  complète  d'une  façon  très  heureuse  l'important  ouvrage  de 
Brambach  sur  le  Bade  romain  (1867).  Becker3  a  écrit  sur  la  topo- 
graphie historique  et  le  développement  de  la  civilisation  dans  la  partie 
orientale  de  l'Odenwald;  il  étudie  les  établissements,  les  chemins 
et  les  travaux  de  fortification  des  Romains.  La  carte  préhistorique 
de  la  Bavière,  dressée  par  Ohlenschlager4,  aux  frais  de  YAnthro- 
pologischc  Gesellschaft  zu  Miinchen,  donne  dans  les  dernières 
feuilles  parues  (Wurzbourg,  Ansbach,  Ratisbonne,  Bruck-sur- 
Amper,  Uhn),  d'une  façon  qui  n'est  pas  toujours  également  com- 
plète et  sans  y  joindre  des  annotations  cependant  fort  désirables,  les 
lieux  où  l'on  a  découvert  des  monnaies  romaines,  ainsi  que  les  traces 
d'établissements  romains,  de  voies  et  de  fortifications. 

Il  serait  à  désirer  qu'Ohlenschlager  transformât  bientôt  sa  courte 
esquisse  de  l'histoire  de  la  Bavière  romaine3,  telle  que  la  révèlent  les 
nouvelles  découvertes,  en  un  ouvrage  étendu  et  détaillé.  L'histoire 
de  la  partie  sud-ouest  de  la  Bavière,  de  l'Allggeu,  à  l'époque  primi- 
tive et  à  l'époque  romaine,  a  été  traitée  d'une  façon  consciencieuse, 
mais  malheureusement  trop  sommaire,  par  F.-L.  Baumann6. 

1.  Die  grossherzoglich-badische  Alterthùmerversammlung.  Antike  Bronzen 
Neue  Folge.  Fasc.  1.  Carlsruhe,  1883. 

2.  Uebersicht  ùber  Urgeschichte  und  Alterthùmer  d.  Badischen  Landes. 
Karlsruhe,  Bielefeld,  1883. 

3.  Berg  und  Thaï,  Strassen  und  Stxdle  im  orstlichen  Odemcald,  dans  Cor- 
respondcnzbl.  d.  deutscfi.  Anthrop.  GeseÙsch.  An.  XIII,  1882,  p.  213-218. 

4.  Beitrxge  zur  Anthropologie  u.  Urgeschichte  Bayeras.  Vol.  IV  et  V, 
1881-1884. 

5.  Correspondent,  d.  deutsch.  Cesels.  f.  Anthrop.  An.  XII,  1S81,  p.  109-121. 

6.  Geschichte  d.  Allgaeus.  Vol.  I.  Kempten,  Kcesel,  1883.  —  Au  sujet  du 
caslrum  romain  au-dessous  de  Kempteu  (Cambodunum),  voir  Meirhofer,  Die 
Burghalde  bei  Kempten.  Kempten,  Dunnheimer,  1883. 


ALLEMAGNE    ET   AUTRICHE.  137 

Les  deux  dernières  parties  du  second  volume  de  la  statistique  des 
monuments  artistiques  et  archéologiques  d'Alsace-Lorraine  achèvent 
la  description  du  Haut-Rhin;  F.-X.  Krauss1  a  conduit  ainsi  à  bon 
terme  la  publication  de  cet  important  ouvrage.  Malgré  le  soin  qu'on 
a  pris  de  constater  la  présence  des  antiquités  romaines  qui  sub- 
sistent encore  dans  le  Haut-Rhin,  on  a  lieu  de  s'étonner  que  les 
résultats  consignés  dans  ces  derniers  fascicules  soient  relativement 
si  minces.  Combien  ne  doit-il  pas  y  avoir  encore  de  découvertes  à 
faire  dans  ce  pays  où  avait  si  profondément  pénétré  la  civilisation 
romaine  ! 

Maiovica2  a  étudié  l'histoire  et  le  développement  de  la  ville 
d'Aquilée,  en  Illyrie,  dans  l'antiquité  ;  les  sources  littéraires  et  épi- 
graphiques  ont  été  soigneusement  consultées.  On  a  de  Widmann3  un 
court  aperçu  de  l'histoire  de  la  domination  romaine  dans  la  Haute- 
Autriche.  G.  Mùlleniioff A  a  cherché  à  déterminer  la  frontière  sud-est 
de  l'ancienne  Germanie,  du  côté  de  la  Jazygie  et  de  la  Dacie,  à  l'époque 
de  Pline  ;  il  place  les  Gotini  et  les  Osi  sur  le  cours  supérieur  des 
rivières  Gran  et  Ipoly  en  Hongrie  ;  cette  opinion  qu'il  émet  avec  une 
confiance  absolue  est  en  contradiction  avec  les  hypothèses  antérieures. 
Le  territoire  où,  selon  les  paroles  de  Tacite,  un  «  mutuus  metus  » 
séparait  les  Germains  des  Sarmates,  se  trouvait,  selon  Mùllenhoff,  au 
nord  de  la  grande  courbe  que  le  Danube  décrit  vers  le  sud,  près  de 
Waitzen  en  Hongrie.  J.  Svm'6  a  réuni  les  renseignements  géogra- 
phiques qui  se  trouvent  dans  Procope  de  Césarée,  notamment  sur 
les  contrées  du  Pont,  sur  PArménie,  la  Cappadoce,  la  Syrie  et 
l'Egypte;  il  a  étudié  les  sources  des  indications  de  Procope  et  ses 
recherches  l'ont  amené  à  en  juger  très  favorablement  l'authenticité  et 
la  valeur  historique.  W.  Tomaschek6  a  publié  toute  une  série  impor- 
tante d'études  topographiques,  archéologiques  et  ethnologiques  sur 
la  presqu'île  de  l'Hémus  :  il  fixe,  dans  la  première  de  ces  études,  la 
position  de  Sxoûrot,  la  métropole  de  la  Dardanie  illyrienne,  sur 

1.  Kunst  u.  Alterthum  in  Elsass-Lothringen.  Vol.  II,  parties  2  et  3.  Stras- 
bourg, Scbmidt,  1883,  1884. 

2.  Aquileja  zur  Rœmerzett.  Gœrz.  Programme  des  cours,  1881. 

3.  Bas  Land  Oesterreich  ob  der  Enns  unter  der  Herrschaft  der  Iiœmer. 
Steyer,  1882.  Programme  des  cours. 

4.  Ueber  den  sudœstlichen  Winkel  des  alten  Germaniens,  dans  Sitzungs- 
berichte  d.  preussischea  Akademie  zu  Berlin.  1883,  p.  871-883. 

5.  Geographisch-historisclies  bel  Procopius  von  Caesarea ,  dans  Wiener 
Studien.  An.  V,  1883,  p.  86-116. 

6.  Zur  Kunde  der  Haemus-Halbinsel.  Vienne,  Gerold,  1882;  dans  les  Sitz- 
ungsber.  der  Wiener  Akademie.  Vol.  XC1X,  1882,  p.  437-507. 


J  38  BULLETIN   HISTORIQUE. 

l'emplacement  de  Leskovacs,  en  Serbie  -,  tous  les  explorateurs  avaient 
jusqu'ici  cherché  cette  ville  dans  l'actuelle  Scopi  ou  Ouscoup,  sur  le 
Vardar.  La  seconde  étude  traite  des  antiquités,  en  grande  partie 
encore  inédites,  de  la  ville  de  Pautalie  (K.œstendil,  en  Bulgarie)  -,  elle 
jette,  grâce  à  un  emploi  très  étendu  des  malériaux  numismatiqueset 
épigraphiques,  un  jour  très  vif  sur  l'histoire  d'une  ville  à  peu  près 
complètement  oubliée.  Le  troisième  chapitre  est  consacré  aux  décou- 
vertes archéologiques  de  Golubic,  en  Bosnie;  celles-ci  font  sup- 
poser que  l'emplacement  du  Raetinium  romain  se  trouve  dans  les 
environs.  Les  quatre  articles  qui  suivent  sont  relatifs  à  l'ethno- 
graphie de  la  presqu'île  de  l'Hémus  et  sont  spécialement  diri- 
gés contre  l'hypothèse  d'après  laquelle  les  Valaques  modernes 
seraient  les  descendants  des  Daco-romains  restés  en  Dacie  après 
l'évacuation  de  la  province.  Le  noyau  de  la  population  de  la  Rou- 
manie a  été  bien  plutôt  formé,  d'après  notre  auteur,  par  les  tribus 
de  la  Mésie  centrale,  venues  du  sud  après  le  départ  des  Romains.  Le 
dernier  chapitre  contient  une  conjecture  très  hasardée  sur  Fétymo- 
logie  du  nom  des  Bessi  ;  l'auteur  aurait  pu,  sans  nuire  à  l'ensemble 
de  son  ouvrage,  laisser  ce  chapitre  de  côté.  Les  lecteurs  de  la  Revue 
historique  connaissent  déjà  suffisamment  par  des  extraits  du  Philo- 
logus,  du  Rheinisches  Muséum  fiir  Philologie  et  des  Jahrbucher  fiir 
classische  Philologie  les  articles  de  Frick  1  sur  les  côtes  extérieures 
de  l'Europe,  selon  Pomponius  Mêla,  ceux  de  G. -F.  Unger2  sur 
Fhabitat  des  Lusitaniens  et  sur  l'emplacement  des  îles  Cassitérides 
et  d'Albion,  identifiée  à  tort  jusqu'ici  avec  la  Grande-Bretagne;  celui 
de  Neumaxx  3  sur  la  géographie  de  la  Gilicie  ancienne.  Detlefsen  4  a 
recherché  la  méthode  d'après  laquelle  Pline  a  calculé  les  dimensions 
qu'il  assigne  aux  différentes  contrées  ;  il  arrive  à  l'idée,  très  plausible, 
que  Pline  déterminait  la  surface  des  contrées  en  additionnant  leur 
largeur  avec  leur  longueur;  comme  longueur,  il  prenait  le  développe- 
ment des  côtes  le  long  de  la  Méditerranée  ;  comme  largeur,  seulement 
la  distance  de  la  mer  à  la  frontière  jusqu'où  l'empire  romain  péné- 
trait dans  l'intérieur  des  terres.  Les  relations  des  Grecs  et  des 
Romains  avec  les  riverains  de  la  mer  Baltique  ont  été  étudiées  par 
Gextue3,  qui  a  soumis  à  une  critique  rigoureuse  les  hypothèses 

1.  Jahrb.  f.  class.  Philol.  Vol.  CXXVI,  1882,  p.  76-79. 

2.  Philologus.  Vol.  XLI,  1882,  p.  371-374.  —  Rhein.  Muséum  f.  Philol.  Nouv. 
série.  Vol.  XXXVIII,  1883,  p.  157-196. 

3.  Jahrb.  f.  clas.  Philol.  Vol.  OXXVII,  1883,  p.  527  sqq. 

4.  Die  Maasse  der  Erdleile  bel  Plinius.  Glùckstadt,  1883,  Augustin. 

r).  I  eber  die  Beziehungen  der  Gricchen  und  Iiœmer  zum  Balticum.  Leip- 
zig, Teubner,  1883,  p.  17-31. 


ALLEMAGNE   ET  AUTRICHE.  4  30 

émises  à  ce  sujet;  d'après  lui,  tout  ce  qu'où  a  avancé  jusqu'à  ce 
jour  en  faveur  d'un  commerce  maritime  direct  entre  les  Phéniciens 
et  les  Grecs  d'une  part,  et  les  riverains  de  la  mer  Baltique  de  l'autre, 
ne  supporte  pas  un  examen  sérieux  ;  le  commerce  de  l'ambre,  pour 
aussi  loin  que  nos  connaissances  peuvent  remonter,  n'a  jamais  suivi 
d'autre  voie  que  celle  de  terre.  Dan-  sa  discussion  des  routes  de 
commerce  grecques  et  romaines  se  rendant  à  la  mer  Baltique, 
l'auteur  écarte  la  ligne,  si  souvent  admise,  Dniéper-Beresina-Dwina, 
et  constate  que  celle  qui  longe  le  Dnieper,  le  Boug  et  la  Vistule  a  été 
extrêmement  fréquentée,  jusqu'à  l'époque  byzantine  et  arabe,  par 
ceux  qui  faisaient  le  commerce  de  l'ambre.  L'histoire  des  Alpes  à 
l'époque  romaine,  leur  importance  pour  l'Italie,  les  rapports  entre 
les  populations  alpestres  et  l'empire,  la  construction  de  chaussées  à 
travers  ces  montagnes,  tels  sont  les  sujets  que  II.  Nissex1  a  traités 
dans  un  rapport  annuel  du  Metz-er  Ycrein  fur  Erdkundc.  Ad. 
Bauer  2  a  étudié  avec  une  grande  perspicacité  les  opinions  des  auteurs 
anciens  sur  la  crue  annuelle  du  Nil,  et  les  relations  réciproques  de 
dépendance  qui  existent  entre  les  opinions  émises.  H.-J.  Muller3 
veut  voir  la  ville  de  Carthago  nova  dans  la  ville  espagnole  que 
Tite-Live  appelle  Onusa  (XXII,'  20,  4)  ;  Gœlius  Antipater,  l'auteur 
que  suit  Tite-Live,  aurait  voulu  donner  une  contre-partie  au  siège 
inutile  de  Garthagène  par  les  Bomains,  en  217,  en  désignant,  sous  le 
nom  de  OiWcrx  (donné  par  Polien,  8,  -16,  6,  à  Carthago  nova),  une 
ville  espagnole  différente,  dont  les  Bomains  se  seraient  emparés.  Le 
voyage  de  E.  Sachau  a  en  Syrie  el  en  Mésopotamie,  bien  que  fait  spé- 
cialement en  vue  de  l'élude  de  l'antiquité  et  du  moven  âge  arabes, 
n'en  a  pas  moins  fourni  quelques  renseignements  nouveaux  et 
importants  sur  les  traces  de  la  domination  et  de  la  civilisation 
grecques  et  romaines  en  Orient.  Les  communications  de  cet  explora- 
teur relatives  aux  ruines  de  Palmyre,  de  Larissa,  de  Nisibe,  d'Apa- 
mée,  de  Carrhes,  de  Tigranocerte,  etc.,  montrent  bien  le  champ  de 
travail  immense  qu'offrent  ces  contrées  à  la  science  archéologique. 

\Y.  Tomaschek5  a  entrepris,  dans  un  rapport  d'une  grande  impor- 
tance pour  l'histoire   topographique  de  la  Perse,   d'expliquer   le 

1.  Die  Alpen  in  llœmischer  Zeit.  Viertes  Jahresbericlit  des  Metzer  Vereins 
f.  Erdkunde,  1882. 

2.  Ilistorische  Unlersuchungen  Arnold  Schaefer  geuidnet.  Bonn,  Strauss, 
1882,  p.  70-97. 

3.  Ibidem,  p.  148-157. 

4.  Beise  in  Syrien  und  Mesopotamien.  Leipzig,  Brockhaus,  1883. 

5.  Zur  histor.  Topographie  von  PersienI,  dans  les  Sitzungsber.  d.  Wiener 
Akademie.  Vol.  102,  1883,  p.  145-231. 


|/,0  BULLETIN  HISTORIQUE. 

Uc  segment  de  la  Table  de  Peutinger,  lequel  traite  de  l'extrême 
Orient  du  monde  connu  des  anciens;  ce  chapitre  avait  été  jusqu'ici 
presque  entièrement  négligé.  Tomaschek  assigne,  comme  source  à 
cette  partie  de  la  Table,  un  itinéraire  basé  sur  des  mesures  officielles 
et  qui  daterait  de  l'époque  des  Séleucides,  d'Antiochus  III  peut-être, 
qui,  comme  on  sait,  régnait  encore  sur  toute  l'Ariane.  Au  point  de 
vue  de  l'exactitude  des  indications  relatives  à  la  position  des  lieux 
et  aux  distances,  cet  itinéraire  aurait,  selon  Tomaschek,  une  valeur 
bien  supérieure  à  celle  des  cartes  géographiques  de  Ptolémée  elles- 
mêmes,  celles-ci  du  reste  fourmillent  d'erreurs  au  sujet  des  pro- 
vinces de  la  Perse  qui  touchent  à  l'Inde.  Une  intéressante  description 
de  l'Afrique  romaine  par  Friedl^nder1  s'adresse  au  grand  public. 
L'opuscule  de  P.  Friedrich  2  sur  la  connaissance  de  l'Afrique  dans 
l'antiquité  est  fait  de  seconde  main,  sans  critique  personnelle,  et  n'a 
aucune  valeur  scientifique. 

Il  a  paru  de  la  carte  murale  de  l'Italie  ancienne  de  Kiepert3  une 
3e  édition,  où  l'on  a  utilisé  les  levés  géographiques  les  plus  récents. 
Henri  Nissen4  nous  fournit  avec  sa  géographie  italique  un  auxi- 
liaire des  plus  précieux,  qui  comble  enfin  une  lacune  très  sensible 
depuis  longtemps  dans  la  littérature  historique.  Le  premier  volume 
de  ce  bel  ouvrage  donne  un  tableau  général  du  pays  italique  et  de 
le!  imographie  de  ses  habitants  ;  le  second  sera  consacré  aux  villes.  Les 
conditions  physiques  et  naturelles  du  pays  sont  traitées  avec  un 
développement  considérable  et  presque  disproportionné  :  la  faune 
seule,  par  extraordinaire,  a  été  presque  entièrement  négligée;  en 
revanche,  on  nous  renseigne  exactement  sur  les  phénomènes  volca- 
niques dans  toutes  les  parties  de  la  presqu'île,  sur  les  zones  clima- 
tériques,  sur  les  courants  atmosphériques,  sur  la  masse  et  la  répar- 
tition des  terrains  de  sédiment,  sur  les  courants  marins,  sur  la 
composition  géologique  des  montagnes,  sur  la  propagation  et  les 
causes  de  la  malaria,  etc. ,  etc.  Des  tableaux  statistiques  sur  la  cul- 
ture actuelle  du  blé  en  Italie  précèdent  la  description  de  la  produc- 
tion du  sol  dans  l'Italie  ancienne.  A  côté  de  ces  chapitres  si,  étendus, 
ceux  qui  sont  consacrés  aux  différentes  tribus  de  l'Italie  sembleront 
trop  concis  ;  on  y  constate  cependant  sur  tous  les  points  les  progrès 
considérables  faits  en  ces  dernières  années  dans  l'étude  scientifique  de 
l'ethnographie  italique.  Nissen  juge  avec  une  grande  indépendance  les 

1.  Bas  Rœmische  Afrika;  dans  la  Deutsche  Rundschau.  Dec.  1882,  janvier- 
mars  1883. 

2.  Vie  Kenntniss  v.  Afrika  im  Alterihum .  Wohlau.  Programme  des  cours,  1882. 
:;.  Wandkarte  v.  AU.-Ualien,  Échelle  1 :800000,  3e  éd.  Berlin,  1883.  Ileimer. 
'.  Halische  Landeskunde.  Vol.  I.  Land  u.  Leute.  Berlin,  Weidmann,  1883. 


ALLEMAGNE   ET   AUTRICHE.  Vi\ 

innombrables  hypothèses  ethnologiques  qui  se  sont  fait  jour  ces  der- 
niers temps;  il  cherche  notammenl  à  restituer  leur  importance  aux 
témoignages  des  écrivains  anciens,  témoignages  que  nos  savants  mo- 
dernes mettenl  souvent  trop  à  l'arrière-plan.  11  reconnaît  avec  raison 
que  les  récents  travaux  sur  la  langue  et  la  nationalité  étrusques  n'ont 
abouti,  et  ne  peuvent  aboutir,  dans  l'état  actuel  de  nos  connaissances, 
à  aucun  résultat  certain.  Un  avantage  de  cet  ouvrage  sur  les  cha- 
pitres correspondants  de  la  Géographie  ancienne  de  Kiepert ,  si 
excellente  d'ailleurs,  consiste  dans  la  nomenclature  consciencieuse 
soit  des  recherches  récentes  les  plus  importantes,  soit  des  ouvrages 
scientifiques  sur  l'ethnographie  de  l'Italie  ancienne,  soit  encore  des 
passages  des  écrivains  anciens  qui  se  rapportentaux  principaux  points 
traités  :  ainsi  le  lecteur  se  trouve  en  état  de  se  former  une  opinion 
personnelle  sur  les  questions  controversées.  E.  Reyer1  touche  plu- 
sieurs fois,  dans  ses  études  sur  la  géologie  et  l'histoire  de  la  civili- 
sation de  la  Toscane  étrusque,  sans  cependant  jeter  beaucoup  de 
lumière  sur  cette  dernière;  ses  remarques  sur  les  mines  d'Étrurie 
sont  dignes  d'attention.  On  peut  en  dire  autant  de  ce  que  l'auteur 
nous  apprend  sur  le  développement  et  la  formation  des  marais 
et  sur  les  changements  de  cours'  des  rivières  à  l'époque  historique  ; 
en  revanche,  on  est  en  droit  d'élever  des  doutes  sérieux  contre  son 
idée  d'une  filiation  entre  les  anciens  Étrusques  et  les  habitants 
actuels  de  la  Toscane.  Les  deux  écrits  de  L.  Meyer2  sur  Tivoli 
et  les  catacombes  romaines  ne  sont  qu'un  plagiat  non  déguisé  des 
Promenades  archéologiques  de  M.  Boissier.  L'histoire  de  la  pein- 
ture murale  décorative  à  Pompéï,  publiée  par  A.  Mau3,  aux  frais  de 
l'Institut  archéologique,  a  fait  faire  un  grand  pas  à  l'élude  scienti- 
fique de  Pompéï  et  de  ses  antiquités;  l'auteur  qui,  depuis  des  années, 
étudie  à  Pompéï  les  peintures  murales,  dont  le  nombre  s'accroit 
journellement,  et  qui  s'est  fait  connaître  par  ses  Pompejanische  Bei- 
trxgc  comme  un  des  plus  fins  connaisseurs  des  antiquités  pompé- 
iennes, démontre,  de  façon  à  entraîner  la  persuasion,  que  les  parois 
conservées  à  Pompéï  et  les  décorations  qui  les  recouvrent  embrassent 
une  période  de  200  ans,  pendant  laquelle  on  peut,  avec  certitude, 
distinguer  quatre  styles  différents,  se  succédant  dans  l'ordre  chrono- 
logique. Un  atlas  de  vingt  planches  supérieurement  exécutées,  et 
représentant  les  peintures  murales  les  plus  importantes  de  Pompéï, 


1.  Aus  Toskana.  Vienne,  Gerold,  1884. 

2.  Tibur.  Et  ne  rœmische  Siudie.  llerliu,  Habel,  1883.  Die  rœmischen  Kata- 
komben.  Berlin,  Habel,  1882. 

3.  Geschichte  der  dekorativen  Wandmalerei  in  Pompeji.  Berlin,  Reimer,  1882. 


\!\1  BULLETIN  HISTORIQUE. 

permet  au  lecteur  de  comparer  et  de  juger  les  caractères  et  les  traits 
distinctifs  des  quatre  styles  fixés  par  l'auteur.  Mau  a  pris  également 
une  part  importante  au  dernier  remaniement  de  l'ouvrage  bien  connu 
d'OvERBECt  »  sur  Pompéï  ;  c'est  grâce  à  lui  surtout  que  cette  édition 
répond  à  tous  égards  au  nouvel  état  de  la  science.  Les  modifications 
que  les  chapitres  relatifs  aux  fortifications  de  la  ville,  aux  rues,  aux 
places  et  aux  édifices  publics  ont  subies  dans  cette  nouvelle  édition 
sont  particulièrement  importantes  :  ce  sont,  à  plusieurs  reprises,  les 
inscriptions  pompéiennes  (publiées  dans  le  dixième  volume,  qui  vient 
de  paraître,  du  Corpus  inscriptionum.  laiinarum)  qui  y  ont  donné  lieu. 
Les  fouilles  entreprises  à  Rome  par  le  ministère  de  l'instruction 
publique  italien,  notamment  dans  le  Forum,  au  Panthéon,  entre  le 
mont  Palatin  et  la  Voie  Sacrée,  ont  conduit,  ces  dernières  années, 
à  des  découvertes  de  la  plus  haute  portée,  mais  on  n'en  pourra 
entièrement  juger  l'importance,  au  point  de  vue  des  diverses  ques- 
tions relatives  à  la  Rome  antique,  que  graduellement  et  lorsque  tous 
les  nouveaux  documents  auront  été  publiés.  Il  est  donc  naturel  que, 
dans  de  semblables  conditions,  le  nombre  des  travaux  allemands  sur 
la  topographie  romaine  ait  été  relativement  assez  faible  ;  l'excellent 
ouvrage  de  Henri  Jordan  2  sur  la  topographie  de  la  Rome  antique  n'a 
que  peu  avancé  ;  la  première  moitié  de  la  deuxième  partie  du  premier 
volume  qui  a  paru  jusqu'ici  comprend  les  restes  du  Forum,  de  la 
Voie  Sacrée  et  le  mont  Gapitolin  ;  la  fin  de  cette  seconde  partie  ne 
tardera  guère.  Jordan  a  entrepris  des  recherches  spéciales,  entre 
autres  sur  le  fragment  nouvellement  découvert  d'un  ancien  plan  de 
Rome,  sur  les  Rostres  dans  le  Forum  Romanum,  sur  la  topographie, 
la  date  de  la  construction  et  la  distribution  du  Tabularium  du  mont 
Palatin,  où  se  trouvaient  les  archives  de  l'ancienne  Rome,  sur  la  déno- 
mination ancienne  et  sur  la  destination  du  Panthéon,  enfin,  sur  la  sta- 
tue de  Marsyas  au  Forum3.  Au  sujet  de  cette  dernière,  il  émet  l'hypo- 
thèse qu'elle  a  été  enlevée  à  l'Agora  d'une  ville  grecque,  où  elle  servait 
d'ornement  à  une  fontaine,  entre  la  fin  de  la  guerre  contre  Pyrrhus 
et  la  destruction  de  Carthage;  ce  serait  tout  à  fait  par  hasard  qu'elle 

1.  Pompeji  in  seinen  Gebœuden,  Alierlhumer  und  Kunstwerken.  Leipzig, 
Engelmann,  1884. 

2.  Topographie  der  Stadt  Rom  im  Alterthum.  Vol.  Impart.  2.  Berlin,  Weid- 
mann,  1882. 

3.  De  formae  urbis  Romae  fragmente  novo  disputatio.  Berlin,  Asher,  1883. 
Iltabulario  Capitolino  (Annalidell'  Jstiluto.  Vol.  LUI,  1881, p.  60-73). —  Rettifi- 
ca-Jone  délia  planta  del  foro  romano  (Bullethio  delV  Jstiluto  per  l'anno  1881, 
p.  103  et  sq.).  Symbolae  ad  historiam  religionum  Jlalicarum  (Indices  lectio- 
num  aesliv.  Kœnigsberg.  1883).  —  Marsyas  auf  dem  Forum  in  Rom.  Berlin, 
Weidmann,  1883. 


ALLEMAGNE   ET  AUTRICHE.  443 

aurail  pris,  à  Rome,  une  signification  particulière.  Nous  parlerons 
plus  tard  de  l'ouvrage  deO.  Gilbert  sur  l'histoire  et  la  topographie  de 
la  Rome  ancienne,  c'est  le  plus  important  de  tous  les  travaux  sur  celte 
matière,  nous  préférons  cependant  le  rattacher  à  ceux  qui  traitent  des 
origines  de  Rome.  Les  explications  de  Jordan  sur  la  topographie  du 
Capitole  ont  été  soumises  par  0.  Richter  '  à  une  critique  rigoureuse 
dans  un  article  au  Clivus  Capitolïnus,  le  chemin  carrossable  qui 
conduisait  sur  le  Gapitole  en  prolongeant  la  Voie  Sacrée  -,  à  cette  occa- 
sion, il  étudie  la  topographie  du  temple  de  Jupiter  sur  le  Gapitole. 
Dans  un  second  opuscule,  Richter  cherche  1  époque  où  fut  fortifié 
le  Janicule  et  conclut  qu'il  faut  la  placer  probablement  aux  der- 
niers temps  de  la  république;  en  revanche,  la  fortification  de  la 
rive  gauche  du  Tibre,  contestée  par  d'autres  savants,  devail  former 
une  partie  importante  du  mur  construit  par  Servius  Tullius.  Le 
Pons  Sublicius,  également,  ne  servait  pas  seulement  à  mettre  en 
communication  les  deux  rives   du  fleuve;  il  avait  encore  un  but 
stratégique,   car,    en   cas   de  danger  imminent,  il  donnait  accès 
dans  la  ville  aux  habitants  de  la  rive  droite,  laquelle  n'était  pas 
fortifiée;  sans  ce  pont  les  habitants  de  cette  rive  auraient  été  livrés, 
sans  défense,  à  tous  les  ennemis  :  en  outre,  on  ne  peut  expliquer  la 
construction  toute  particulière  du  «  pons  Sublicius,  »  qui  permettait 
de  le  détruire  instantanément,  que  par  le  fait  que  le  pont  était  étroi- 
tement relié  à  toute  la  fortification  de  la  ville,  A.  Materhobfer2  décrit 
brièvement  les  ponts  de  la  Rome  ancienne,  sans  toutefois  résoudre 
d'une  façon  concluante  les  questions  difficiles  qui  se  rattachent 
à  cette  question.  Wexdt3  élève   avec  raison  des  doutes  au  sujet 
de  l'antiquité  des  murs  anciens  découverts  sur  le  Palatin  :  au  lieu  de 
les  placer  à  l'époque  des  rois,  il  les  regarde  comme  des  constructions 
des  premiers  temps  de  l'empire.  H.  Dessau  4  publie  les  descriptions 
des  bas-reliefs  de  sarcophages  romains  qui  se  trouvent  dans  les 
ouvrages  manuscrits  de  Pirro  Ligorio,  archéologue  du  xvi°  s.;  plu- 
sieurs de  ces  sarcophages  antiques  n'existent  plus;  d'autres  sont 
extrêmement  dégradés. 

L'activité  de  l'Institut  archéologique  impérial  allemand  s'est  affir- 
mée dans  ses  publications  périodiques,  les  Monumenti,  les  Annali 

1.  Clivus  capitolinus,  dans  Y Uerm.es.  Vol.  XVIII,  1887,  p.  104-128,  616-619. 
—  Die  Befestigung  des  Janiculum.  Berlin,  Weidmann,  1882. 

2.  Die  Briicken  im  alten  Rom.  Erlangen,  Deichert,  1883. 

3.  Bulletino  dell'  lstiluto  per  l'anno  1882.  N"  III,  p.  53-63. 

4.  Rœmische  Reliefs,  beschrieben  von  Pirro  Ligorio;  dans  Sitzungsberichte 
der  preùssischen  Akademie  der  Wisscnschaflen,  1883.  P.  1077-1105. 


144  BULLETIN   HISTORIQUE. 

cl  le  Bulletino  cleW  Inslituto,  dans  les  Mittheilungen  de  l'Institut 
archéologique  d'Athènes  et  dans  Y Archaeologische  Zeitung.  Parmi 
les  travaux  généraux  de  l'Institut,  celui  sur  les  sarcophages  romains, 
dont  la  direction  a  été  confiée  à  Robert,  est  déjà  assez  avancé  pour 
qu'on  ait  pu  commencer  à  en  imprimer  les  planches.  Koerte  a  con- 
tinué la  publication  des  bas-reliefs  des  urnes  cinéraires  étrusques  ;  le 
IIe  volume  des  terres  cuites  antiques  est  tout  près  d'être  achevé,  grâce 
à  Kekulé  et  à  Otto.  La  collection  de  dessins  de  miroirs  étrusques,  qui 
avait  été  commencée  par  Gerhard  ',  a  été  continuée,  après  une  longue 
interruption,  par  Klugmann  et  Koerte,  qui  ont  publié  le  premier  fas- 
cicule du  cinquième  volume.  En  outre,  la  direction  centrale  de  l'Ins- 
titut archéologique  a  en  vue,  depuis  peu,  un  travail  scientifique  qui 
prendrait  le  nom  de  Literarisches  Repertorium  der  Archaeologie ;  on 
réunirait,  d'une  façon  méthodique,  dans  ce  répertoire,  tous  les  docu- 
ments relatifs  aux  œuvres  d'art  antiques,  conservés  dans  les  archives 
ou  à  la  bibliothèque,  sous  forme  de  reproductions,  de  descriptions  ou 
de  renseignements  divers.  On  ne  songe  pas,  pour  le  moment,  à 
publier  ce  catalogue,  qui  rendrait  cependant  de  grands  services  à 
l'archéologie  ;  en  premier  lieu,  on  se  propose  de  recueillir  toutes  les 
indications  des  auteurs  anciens  relatives  à  la  sculpture  antique;  c'est 
Michaelis  qui  a  pris  la  direction  de  ce  travail  infini.  Il  faut  citer, 
parmi  les  missions  entreprises  sous  les  auspices  de  l'Institut,  celle 
de  Mau  à  Pompéï ,  ainsi  que  les  recherches  archéologiques  d'Helbig 
dans  les  Maremmes  de  Toscane. 

La  seconde  partie  du  VIe  vol.  du  Corpus  inscriptionum  Latina- 
rum,  publié  par  l'Académie  des  sciences  de  Prusse2,  a  paru  dans  le 
courant  de  Tannée  \  882  :  elle  contient  les  inscriptions  de  la  ville  de 
Rome.  La  composition  de  cette  partie  du  Corpus  a  été  confiée  à 
Bormawn,  à  Henzen  et  à  Hûlsen-,  ce  qui  en  fait  surtout  la  valeur 
c'est  qu'elle  renferme  les  inscriptions  de  tous  les  Columbaria  de 
Rome.  Des  cinq  autres  parties  de  ce  VIe  vol.,  la  troisième  et  la 
cinquième  sont  actuellement  sous  presse  ;  cette  dernière,  qui  contient 
les  fausses  inscriptions  de  la  ville  de  Rome,  ne  tardera  pas  à  paraître. 
Les  volumes  IX  et  X  du  Corpus,  confiés  à  Mommsex,  ont  déjà  paru  : 
le  t.  IX  contient  les  inscriptions  de  la  Calabre,  de  l'Apulie,  du  Sam- 
nium,  du  Picenum  et  du  pays  des  Sabins;  le  t.  X  celles  du  Bruttium, 
de  la  Lucarne,  de  la  Campanie,  de  la  Sicile  et  de  la  Sardaigne 3.  Bor- 
mahn,  Dessau  et  0.  Hirschfeld  ont  continué  l'impression  des  trois 


1.  Etruskische  Spiegel.  Vol.  V,  Fasc.  t.  Berlin,  Reiraer,  1884. 

2.  Corpus  inscriptionum  latinarum.  Vol.  VI,  pars  2.  Berlin,  Reiraer,  1882. 

3.  Corpus  inscript,  lat.  Vol.  IX,  vol.  X,  pars  1  et  2.  Berlin,  Reimer,  1883. 


ALLEMAGNE    ET    AUTRICHE.  1  ',') 

volumes  qui  embrassent  l'Italie  centrale,  de  Terracine  et  d'Ancône 
jusqu'au  Pô,  la  France  méridionale  et  le  Latium  (vol.  XI,  XII  et 
XIVi  ;  Za.ngemeister  s'occupe  des  travaux  préliminaires  exigés  pour 
le  XIIIe  vol.,  le  seul  qui  ne  soit  pas  encore  en  voie  d'impression  :  ce 
volume  comprend  la  France  du  Nord  et  la  contrée  du  Rhin.  On  a 
commencé,  pour  cinq  volumes,  des  suppléments  dont  la  nécessité  se 
faisait  sentir  de  jour  en  jour  davantage;  ce  sont  les  suivants  :  vol.  II 
(Espagne),  vol.  III  (Orient  et  contrées  du  Danube),  vol.  IV  (Inscrip- 
tions de  Pompé'i),  vol.  VI,  part.  I  et  2  (Inscriptions  de  la  ville  de 
Rome),  vol.  VIII  (Afrique);  on  se  décidera  probablement  bientôt  à 
publier  des  suppléments  dans  le  format  même  du  Corpus  inscriptio- 
num.  Les  recherches  complémentaires,  entreprises  pour  les  inscrip- 
tions africaines  par  Jean  Scumidt  ',  que  l'Académie  de  Prusse  avait 
envoyé  en  missiou  à  Alger  et  à  Tunis,  ont  amené  la  découverte  de 
six  à  sept  cents  inscriptions  inédites.  Th.  Mojdisex  a  publié,  dans 
le  Ve  vol.  qui  vient  de  paraître,  de  YEphcmeris  epigraphica'2,  toute 
une  série  d'additions  et  de  corrections  aux  inscriptions  des  provinces 
grecques  de  l'empire  romain,  réunies  dans  le  IIIe  volume  du  Corpus. 
Les  recherches  de  savants  'autrichiens,  publiées  dans  les  Archaeo- 
logisch-epigraphisehe  Mittheilungen  ans  Oesterreich  (an.  VI,  VU. 
1882,  -18x83),  ont  apporté  un  riche  contingent  épigraphique  pour  les 
contrées  du  Danube,  le  Tyrol  et  l'Illyrie.  Eotixg  3  a  entrepris,  sous 
les  auspices  de  l'Académie  des  sciences,  un  recueil  des  inscriptions 
carthaginoises  :  202  planches  ont  déjà  paru  avec  367  inscriptions, 
dont  1 24  étaient  encore  inédites.  L'auteur  annonce  un  texte  explicatif 
pour  ces  inscriptions,  dont  une  partie  seulement  ont  une  valeur 
historique.  L.  von  Urlichs  4  a  soumis  à  un  examen  très  attentif 
les  inscriptions  trouvées  dans  les  fouilles  de  Pergame  et  publiées 
dans  le  Jahrbuch  d.  kgl.  preussischen  Kunstsammlungen  (I,  -1880, 
p.  188  sq.,  III,  1882,  p.  80  sq.).  Il  n'était  pas  possible  de  lire  d'une 
façon  très  certaine  ces  inscriptions  très  détériorées;  cependant  Fau- 
teur a  réussi,  grâce  à  des  rapprochements  sagaces  entre  les  inscrip- 
tions de  Pergame  et  la  tradition  littéraire,  à  jeter  un  jour  nouveau 
sur  une  foule  de  points  obscurs  relatifs  soit  à  l'histoire  des  règnes 


1.  Bericht  ilber  die  itn  Winter  1882-83  ausgefiihrte  epigraphische  Reise  nach 
Algier  u.  Tunis;  dans  SilzungsOerichle  d.  preuss.  Akademie  d.  Wissensch. 
1883,  p.  607-616. 

2.  Ephemeris  epigraphica,  Corporis  inscriplionum  Latinarum  supplemen- 
tum,  édita  jussu  inslituli  archaeologici  Romani.  Vol.  V.  Fasciculus  jirinuis  et 
secundus.  Romae,  Berolini,  Reirner,  1884. 

3.  Sammlung  der  carthagischen  Inschriften.  Vol.  1.  Strasbourg,  Triïbner,  1883. 

4.  Pergamenische  Inschriften.  Vvùrzburg,  Stahel,  1883. 

Rev.  Histor.  XXVII.  1er  fasc.  10 


446  BULLETIN   HISTORIQUE. 

des  rois  Attale  Ier,  Eumène  II  et  Attale  II,  soit  aux  rapports  de  ces 
rois  avec  Rome,  la  Syrie  et  la  Macédoine,  soit  enfin  aux  combats 
qu'ils  livrèrent  contre  les  hordes  gauloises.  M.  Munier  '  dirige  une 
polémique  des  plus  vives  contre  les  principes  paléographiques  établis 
par  Ritschl,  Hûbner  et  Mommsen,  dans  un  article  où  il  expose  égale- 
ment ses  propres  vues  au  sujet  du  développement  de  l'écriture  latine, 
avec  des  considérations  spéciales  sur  les  inscriptions  rhénanes  :  à 
côté  d'exagérations  manifestes  à  propos  des  erreurs  prétendues  de  la 
science  paléographique  moderne,  cette  dissertation  a  cependant  le 
mérite  d'attirer  l'attention  sur  des  points  de  vue  nouveaux,  pour 
déterminer  la  date  des  monuments  archéologiques.  Parmi  les 
missions  de  l'Académie  de  Prusse,  il  faut  citer  en  première  ligne 
le  voyage  de  G.  Hirschfeld2  en  Paphlagonie,  qui  a  beaucoup  con- 
tribué à  la  connaissance  de  ce  pays  et  des  parties  voisines  de 
l'ancienne  Galatie  et  du  Pont.  Au  sujet  de  la  position  de  la  ville 
romaine  de  Tavium,  en  Galatie,  qu'Hirschfeld 3  cherche  sur  l'empla- 
cement de  l'actuel  Iskelib,  il  y  a  désaccord  entre  l'auteur  et  IL  Kie- 
pert4,  qui  s'occupe  aussi  d'une  carte  particulière  de  l'Asie  mineure  ; 
Kiepert,  qui  jusqu'ici  avait  placé  Tavium  où  se  trouve  actuellement 
Nefezkeui,  abandonne,  il  est  vrai,  cette  hypothèse,  à  la  suite  des  ren- 
seignements nouveaux  qu'il  a  obtenus  ;  mais  il  désigne  maintenant, 
avec  une  certitude  d'autant  plus  grande,  la  plaine  d'Aladja  comme  le 
lieu  où  l'antique  Tavium  aurait  existé.  Une  seconde  expédition  dans 
le  Kourdistan  a  été  entreprise,  en  1882,  par  0.  Puchstein3  et  l'ingé- 
nieur G.  Sester  :  on  voulait  étudier  un^ monument  que  Sester  avait 
découvert,  dans  de  précédents  voyages,  sur  le  Nemroud-Dagh , 
entre  Malatia  et  Gerger  sur  l'Euphrate.  Les  inscriptions  grecques, 
encore  assez  bien  conservées,  découvertes  par  0.  Puchstein,  indiquent 
clairement  la  date  et  le  but  de  ce  remarquable  monument  :  c'est  le 
tombeau  du  roi  Antiochus  de  Gommagène  (69-34  av.  J.-G.),  qui 
le  destinait  aussi  au  culte  de  plusieurs  divinités  et  à  celui  de  ses 
aïeux.  Un  collège  spécial  de  prêtres  était  autrefois  chargé  d'organiser 


1.  Die  Palaeogi aphie  als  Wissenschaft  und  die  Inschriflen  des  Mainzer 
Muséums.  Mayence,  1883  (Programme  des  cours). 

2.  Sitzungsber.  d.  preuss.  Akademie,  1882,  p.  1089-1092.  Voir  G.  Hirschfeld, 
Ein  Aus/lug  in  d.  Norden  Kleinasiens.  Deutsche  Rundschau.  Vol.  IX,  p.  49- 
72,  400-421  ;  vol.  X,  p.  53-77. 

3.  Sitzungsber.  d.  preus.  Akademie.  Vol.  IX,  p.  1243-1270. 

4.  Ibidem,  1884,  p.  47-57. 

5.  Bericht  ùber  eine  Reise  in  Kurdistan.  Ibid.,  1883,  p.  29-64.  Voir  aussi,  à 
ce  sujet,  l'écrit  de  deux  savants  arabes  :  0.  Ilamdy  Bey  et  Osgan  Effendi  :  Le 
tumulus  de  Nemroud-Dagh.  Constantiuople,  1883. 


ALLEMAGNE    ET   AUTRICHE.  147 

annuellement,  en  ce  lieu,  des  fêtes  solennelles  en  l'honneur  des  jours 
de  naissance  et  de  couronnement  d'Antiochus.  Les  recherches  des 
deux  voyageurs  ont  été  aussi  très  fructueuses  relativement  à  la  dis- 
position, au  périmètre  et  aux  divers  détails  de  tout  l'édifice;  on  a  pu 
notamment  constater  la  présence  d'une  série  de  statues  colossales  de 
divinités  et  celle  de  has-reliefs,  qui  représentent  sous  forme  de  héros 
les  ancêtres  d'Antiochus,  en  remontant  jusqu'à  Darius.  D'autres 
monuments  antiques,  parmi  lesquels  on  distingue  un  grand  tumulus 
aux  environs  de  Samsat  (Samosate)  sur  l'Euphrate,  n'ont  pu  être 
examinés  qu'en  passant  par  les  deux  voyageurs.  L'élude  attentive  du 
mausolée  d'Antiochus,  encore  entouré  de  mystère  à  plusieurs  égards, 
a  fait  l'objet  d'une  deuxième  expédition,  envoyée,  en  1883,  par  l'Aca- 
démie de  Berlin,  sous  la  conduite  de  Humann  :  on  doit  entre  autres 
à  cette  expédition  le  moulage  en  plâtre  des  inscriptions  considérables 
du  Nemroud-Dagh. 

La  plus  longue  et  la  plus  importante  des  inscriptions  latines  qui 
nous  aient  été  conservées,  celle  que  l'empereur  Auguste  fit  graver, 
peu  de  mois  avant  sa  mort,  sur  les  parois  de  l'Augusteum  à  Ancyre, 
a  été  étudiée  d'une  façon  définitive  par  Humann1,  auquel  s'était 
adjoint  A.  von  Domaszewski,  avec  une  subvention  du  gouvernement 
autrichien.  Le  texte  latin  du  monument  d' Ancyre,  ainsi  que  la  tra- 
duction grecque,  qu'on  n'a  pu  mettre  au  jour  qu'en  renversant 
quelques  murs,  peut  être  étudié  d'une  manière  presque  aussi 
sûre  et  aussi  complète  sur  les  -1 94  moulages  du  Musée  de  Berlin, 
que  sur  le  monument  lui-même,  dont  Taccès  est  difficile  et  que 
rien  ne  protège  contre  une  entière  destruction.  Les  corrections  et 
les  additions  multipliées  que  les  moulages  d'Humann  ont  apportées 
à  l'ancien  texte  sont  connues  de  tous,  grâce  à  la  nouvelle  édition  du 
monument  d'Ancyre  entreprise  par  Mommsen  2  :  dans  cette  édition, 
non  seulement  le  texte  a  été  complété  et  corrigé,  mais  le  commen- 
taire lui-même  qui  l'accompagnait  a  subi  des  remaniements  et  des 
additions  d'une  grande  importance.  Les  levés  topographiques  de 
Humann,  dans  son  voyage  de  Brousse  à  Angora,  sont  très  pré- 
cieux pour  fixer  la  topographie  de  l'ancienne  Bithynie  et  de  la  Gala- 
tie-,  cependant  on  n'a  pas  réussi,  comme  on  l'espérait,  à  retrouver 
l'ancien  Gordium.  Les  ruines  de  l'antique  Pessinunte,  de  Germa  et 
de  Pteria  ont  été  explorées  et  on  a  pris  les  moulages  des  reliefs  très 

1.  Ibidem,  1883,  p.  751  sq.,  1883,  p.  563,  730-737;  et  Philologische  Wochen- 
schrijt,  III,  1883.  col.  565-567. 

2.  Res  gestaedivi  Augusti.  Ex  monumentis  Ancyrano  et  Apolloniensi,  iterum 
edidit  Th.  Mommsen.  Berlin,  Weidmann,  1883. 


148  BULLETIN  HISTORIQUE. 

anciens  des  rochers  de  Bogaskeui,  à  six  journées  à  l'est  d'Angora; 
de  nombreuses  inscriptions  découvertes  dans  ce  voyage,  ou  simple- 
ment rectifiées,  ont  été  publiées  par  A.  von  Domaszewski  * .  La 
grande  inscription  gréco-palmyréenne  découverte  par  le  prince  Laza- 
rew  dans  les  ruines  de  Palmyre,  inscription  qui  date  de  l'an  137 
ap.  J.-G.  et  qui  contient  des  décrets  du  sénat  de  Palmyre  sur  des 
modifications  du  tarif  douanier,  a  été  étudiée  sur  place  par  J.  Euting, 
qui  en  a  pris  un  nouvel  estampage.  Une  étude  complète  sur  cette 
inscription  par  M.  de  Vogué,  publiée  dans  le  Journal  des  Savants 
(Aoùt-Sept.  -1883,  p.  -149-183),  a  devancé  un  travail  analogue  dont 
l'Académie  de  Berlin  avait  chargé  l'orientaliste  P.  Schroeder.  Ce  der- 
nier 2  s'est  borné  en  conséquence  à  donner  une  nouvelle  transcrip- 
tion du  texte  d'après  le  moulage  d'Euting,  et  à  traiter  d'une  façon 
approfondie  les  endroits  où  son  interprétation  s'écarte  de  celle  du 
savant  français  :  par  la  même  occasion  Schrœder  a  communiqué 
quelques  petites  inscriptions  inédites  des  ruines  de  Palmyre. 

H.  Haupt. 

(Sera  continué3.) 

1.  lnschriften  aus  Kleinasien;  dans  Archaeologisch-epigraphische  Mitthei- 
lungen  aus  Œsterreich.  Jahrg.  VII,  fasc.  2,  1883,  p.  168-188.  Voir  les  inscrip- 
tions d'Angora  dans  l'Ephemeris  epigraphica.  Vol.  V,  fasc.  1  et  2,  1884, 
p.  28-33. 

2.  Neue  Palmijrenische  lnschriften.  Sitzungsber.  der  preuss.  Akademie, 
1884,  p.  417-441. 

3.  (N.  B.  La  rédaction  de  ce  Bulletin  a  été  terminée  en  juin  1884.) 


CORRESPONDANCE.  149 


CORRESPONDANCE. 


LETTRE  DE  M.  FALLETTI-FOSSATI. 

Je  désire  présenter  quelques  observations  au  sujet  du  compte-rendu 
que  la  Revue  historique  a  publié  (XXVI,  152)  sur  mon  livre  :  Il 
tumulto  dei  Ciompi. 

Pour  faire  court,  je  résume  d'abord  les  chefs  d'accusation.  M.  P. 
dit  :  «  1°  que  la  seconde  édition  est  un  remaniement  presque  sans 
changement  ;  2°  que  je  n'ai  pas  tenu  compte,  de  l'élément  économique  ; 
3°  que  j'ai  enfoncé  des  portes  ouvertes;  4°  que  j'ai  cité  des  livres  sans 
les  lire;  5°  que  je  tiens  pour  résolue  la  question  de  Dino  Gompagni  ; 
6°  que  je  cite  sans  d'autre  indication  :  Morelli,  Cronica  fiorentina,  de 
manière  à  jeter  ainsi  le  lecteur  dans  la  confusion  ;  7°  que  je  ne  tiens 
pas  compte  du  texte  curieux  de  Marchionne  di  Coppo  di  Stefano  sur  le 
mot  Ciompo,  et  que  je  ne  cherche  pas  l'origine  du  mot.  Je  répondrai 
successivement  à  tous  ces  points  : 

1°  Il  suffit  de  lire  la  seconde  édition  en  la  confrontant  avec  la 
première,  pour  voir  que  j'y  ai  apporté  des  modifications,  non  dans  les 
conclusions  finales,  mais  dans  l'explication  des  faits.  J'ai  consulté  de 
nouveaux  documents,  délibérations  de  conseils,  consultes,  statuts,  que 
j'avais  négligés  la  première  fois;  j'ai  recommencé  l'examen  des  docu- 
ments déjà  étudiés  par  moi;  j'ai  relu  les  chroniqueurs  que  j'avais  déjà 
consultés,  et  j'en  ai  consulté  de  nouveaux.  Cela,  M.  P.  peut  facilement 
le  vérifier,  rien  qu'en  comparant  les  notes  des  deux  éditions.  A  l'ap- 
pendice de  la  seconde  édition,  j'ai  ajouté  un  fragment  de  chronique 
inédite. 

2°  Il  est  inexact  que  je  n'aie  pas  tenu  un  compte  suffisant  des 
causes  économiques  du  Tumulte.  M.  P.  oublie  avoir  dit  quelques 
lignes  plus  haut  que  je  soutiens  que  tous  les  citoyens  ont  pris  part  à  la 
sédition,  c'est-à-dire  «  les  grands,...  le  popolo  grasso,...  le  popolo 
médiocre,...  le  jioj)^0  minuto,  pour  améliorer  sa  situation  misérable,  les 
Ciompi...  »  Cet  oubli.de  M.  P.  me  prouve  que  dans  son  esprit  se  sont 
élevés  des  doutes.  Il  peut  les  dissiper,  s'il  veut  prendre  la  peine  de 
relire  les  pages  61,  156,  159,  209-211,  238,  243,  etc.,  où  je  parle  des 
conditions  économiques  et  financières,  et  je  crois  les  avoir  appréciées  à 
leur  juste  valeur. 

3°  Que  M.  P.  ne  confonde  pas  la  lre  édition  avec  la  seconde.  Si  j'avais 
attendu  jusqu'en  1882  pour  montrer  que  le  tumulte  des  Ciompi  n'est 
pas  une  révolution  sociale  à  la  manière  de  nos  jours,  que  tous  les 
citoyens  ont  pris  part  au  mouvement,  que  le  gonfalonier  de  justice 


430  correspondance. 

n'avait  pas  en  1378  l'autorité  dont  il  fut  revêtu  par  la  suite,  M.  P. 
aurait  le  droit  de  me  reprocher  d'enfoncer  des  portes  ouvertes,  de  dire 
que  j'ai  raison,  mais  avec  tous  les  auteurs  récents,  etc.  M.  P.,  qui 
montre  dans  ce  fait  spécial  du  Tumulte  une  singulière  compétence, 
doit  se  reporter  à  Tannée  1876,  même  à  1873,  où  la  thèse  fut  présentée 
et  soutenue.  Je  suis  persuadé  que  M.  P.,  en  se  rappelant  les  opinions 
de  Tommaseo,  de  Gapponi  lui-même,  de  M.  Zeller,  d'Emiliani  Giudici, 
de  Balbo,  etc.,  qui  à  cette  époque  faisaient  loi,  conviendra  avec  moi, 
dans  son  impartialité,  que  ses  reproches  sont  injustes.  Si  les  choses 
dites  dans  la  lrc  édition  étaient  exactes  et  si  les  opinions   erronées 
n'avaient  pas,  toutes,  de  1873  à  1883,  été  abandonnées,  devais-je  les 
passer  sous  silence  dans  la  seconde  ?  M.  P.  a  cru  évidemment  que  dans 
cette  édition  j'ai  voulu  démontrer  ces  choses-là  comme  étant  nouvelles 
en  1882.  Il  n'en  est  rien.  Si  M.  P.  veut  relire  la  préface  et  le  dernier 
chapitre,  mais  sans  idées  préconçues,  et  sans  supposer  que  je  veuille 
faire  tort  à  personne,  il  verra  les  raisons  qui  m'ont  déterminé  à  donner 
cette  seconde  édition.  En  passant  en  revue  les  écrits  de  ceux  qui  se 
sont  occupés  du  tumulte,   j'ai  relevé  les  erreurs  qu'il  me   semblait 
avoir  commises.   Et  puisque,   dans  sa  critique,  M.  P.   s'en  réfère  à 
MM.  Gherardi  et  Perrens,  il  y  trouvera  ce  que  j'en  dis  :  que  le  Diario, 
publié  par  Gherardi,  invite  à  faire  de  nouvelles  études  sur  le  Tumulte, 
et  que  M.  Perrens,  outre  qu'il  n'explique  pas  tous  les  faits,  attribue 
encore  à  Michèle  di  Lando  plus  de  valeur  qu'il  n'en  mérite.  Je  n'ai 
jamais  songé  à  dire  que  MM.   Perrens  et  Gherardi  ont   envisagé  le 
Tumulte  comme  un  mouvement  social,  comme  avaient  fait  non  seule- 
ment Simonin,  mais  encore  M.  J.  Zeller.  De  même,  je  n'ai  jamais 
pensé  à  prendre  de  brevet  d'invention,  parce  que  je  suis  un  studioso,  et 
non  un  industriel;  mais,  nesemble-t-il  pas,  à  voir  l'insistance  de  M.  P. 
à  renvoyer  à  l'histoire  de  M.  Perrens,  comme  à  l'ouvrage  qui  a  résolu 
les  questions  relatives  au  Tumulte,   qu'il  veuille  donner  à  M.  Perrens 
ce   bienheureux   brevet   d'invention?   Enfin,  je  me  suis  bien   gardé 
d'affirmer  que  le  gonfalonier  de  justice  «  primitivement...  n'était  que 
le  porte-gonfanon  de  la  Seigneurie,  et  ne  figurait  sur  les  listes   des 
prieurs  qu'au  neuvième  et  dernier  rang.  »  Je  laisse  à  M.  P.  la  res- 
ponsabilité de  cette  affirmation;  je  doute  pour  ma  part  que  le  gonfa- 
non  de  justice  ait  été  le  gonfanon  de  la  Seigneurie;  j'estime  qu'à  l'ori- 
gine le  gonfalonier  n'a  pas  été  davantage  le  neuvième  des  prieurs. 

4°  M.  P.,  s'il  ne  veut  pas  en  croire  à  ma  parole  d'honneur,  peut 
s'assurer  si  j'ai  cité  les  ouvrages  sans  les  lire  ou  les  consulter,  en  par- 
courant les  registres  de  la  Bibliothèque  nationale  de  Florence,  de  la 
Bibliothèque  communale  de  Sienne  et  de  l'Institut  supérieur,  de  1873 
à  1882.  Ce  sera  un  travail  long  et  fastidieux,  mais  il  servira  au  moins 
d'expiation  pour  une  affirmation  gratuite,  qui  humilie  quiconque 
s'applique  à  l'étude  pour  l'amour  de  l'étude. 

5°  Que  M.  P.  veuille  bien  relire  la  note  de  la  page  45,  il  verra  que 
les  conclusions  d'Isidoro  del  Lungo  sur  Dino  Compagni  n'y  entrent 


CORRESPONDANCE.  154 

pour  rien.  Il  y  est  question  d'une  affirmation  de  l'éminent  professeur 
Del  Lungo,  laquelle,  si  j'ai  bonne  mémoire,  s'appuie  sur  des  documents 
officiels;  mais  je  n'insiste  pas  sur  ce  point,  que  je  ne  puis  vérifier. 
J'espère  pourtant  que  M.  P.  ne  me  croira  pas  assez  ignorant  puur  ne 
pas  connaitreles  acerbes  critiques  de  Fanfani,  de  Scheffer-Boichorst,  etc. 

6°  La  citation  de  la  page  103  est  ainsi  conçue  :  Morelli,  cronaca 
fiorentina,  1385-1437.  Je  confesse  mon  ignorance  sur  ce  point,  mais  je 
ne  sais  s'il  y  a  deux  Morelli  qui  ont  écrit  une  chronique  florentine  de 
1385  à  1437,  et,  si  M.  P.  voulait  me  renseigner  à  ce  sujet,  je  lui  en 
serais  reconnaissant. 

7°  Ici  M.  P.  s'est  trop  fié  à  sa  mémoire,  et  n'a  pas  vérifié  ce  qu'il 
disait.  Je  ne  passe  point  sous  silence  le  curieux  texte  de  Marchionne 
di  Goppo  di  Stefano,  car,  à  la  page  155,  j'en  cite  en  note  un  passage. 
Je  ne  me  suis  pas  occupé  de  l'origine  du  mot  Ciompo,  pour  les  raisons 
exposées  dans  cette  note.  M.  P.  croit-il  que  la  question  puisse  être 
résolue  historiquement?  J'en  doute,  parce  que  M.  Paoli,  dans  sa 
monographie  très  soignée  sur  le  duc  d'Athènes,  au  temps  de  qui, 
selon  Marchionne,  remonterait  l'origine  du  mot,  en  aurait  certaine- 
ment dit  quelque  chose.  Au  contraire,  M.  P.  croit-il  que  la  question 
puisse  être  résolue  philologiquement?  Qu'on  l'essaie,  et  l'on  verra  ce 
qui  en  sera.  On  arrivera  probablement  au  résultat  que  j'ai  obtenu.  Gela 
dit  pour  ma  défense,  je  remercie  M.  P.  d'avoir  cherché  à  me  dorer 
sa  pilule  amère,  en  disant  que  mon  travail  est  «  substantiel  et  solide.  » 

G.  Falletti-Fossati. 


RÉPONSE  DE  M.  P. 

M.  Falletti-Fossati  a  bien  tort  de  croire  qu'en  déclarant  son  travail 
«  substantiel  et  solide,  »  nous  avons  voulu  lui  dorer  la  pilule  amère.  Si 
ces  deux  épithètes  ne  lui  paraissent  pas  suffisantes,  nous  y  ajouterons 
volontiers  celle  d'  «  excellent.  »  Ne  l'avons-nous  pas  hautement  approuvé 
d'avoir  publié  cette  seconde  édition,  qui,  n'étant  pas  perdue  dans  un 
recueil  que  peu  de  gens  ont  sous  la  main,  pénétrera  plus  facilement  dans 
le  public?  Ce  n'est  pas  là,  nous  semble-t-il,  maltraiter  un  auteur. 

Nous  allons  plus  loin,  il  est  vrai.  Nous  disons  que  si  la  seconde  édi- 
tion est  excellente,  la  première  l'était  aussi,  presque  au  même  degré,  et 
cela  non  plus  n'a  rien  de  blessant.  Les  rares  et  minuscules  modifications 
qu'invoque  M.  Falletti  pour  montrer  le  progrès  de  l'une  à  l'autre  ne 
nous  paraissent  pas  de  nature  à  infirmer  notre  assertion,  car  nous 
n'avons  point  dit  qu'il  n'eût  pas  changé  un  seul  mot. 

M.  Falletti  n'avait  pas  besoin  de  nous  donner  sa  parole  d'honneur  qu'il 
a  lu  et  beaucoup  lu  avant  de  prendre  ou  de  reprendre  la  plume.  Cela  ne 
fait  pas  l'ombre  d'un  doute.  Mais,  puisqu'il  a  cru  devoir  citer  certains 


\  32  CORRESPONDANCE. 

ouvrages  qu'il  n'était  pas  tenu  d'ouvrir,  nous  persistons  à  penser  qu'il 
aurait  pu  y  prendre  certaines  choses  non  sans  rapport  avec  son  sujet,  et 
qui  eussent  justifié  telle  ou  telle  mention  faite  au  bas  des  pages.  Qu'il 
se  réfère  à  celles  que  nous  lui  avons  indiquées  dans  notre  article. 

Et  maintenant,  entrerons-nous  dans  le  détail?  Non.  La  discussion  ne 
serait  pas  toujours  aisée  ;  elle  manquerait  de  «  plate-forme.  »  Quand 
M.  Falletti  déclare  qu'il  «  croit  »  avoir  apprécié  les  conditions  écono- 
miques à  leur  juste  valeur,  avancerions-nous  le  débat  en  répondant 
que  nous  «  croyons  »  qu'il  se  trompe  ?  11  faudrait  plusieurs  pages  pour 
soutenir  notre  sentiment.  Nous  nous  bornerons  donc  à  dire  un  mot  de 
deux  ou  trois  points  au  sujet  desquels  M.  Falletti,  un  peu  ironique- 
ment peut-être,  provoque  nos  explications. 

Sur  le  rang  du  gonfalonier  de  justice,  il  n'y  a  qu'à  consulter  les  listes 
des  prioristes,  celles  entre  autres  du  P.  Ildefonse  de  san  Luigi,  dans  les 
Delizie  degli  eruditi  toscani,  qu'il  est  partout  facile  de  se  procurer.  Le 
gonfalonier  y  figure  invariablement  après  les  huit  prieurs.  C'est  ce  qu'on 
appelle,  en  général,  le  neuvième  rang.  Qu'il  ne  fût  pas,  à  proprement 
parler,  un  prieur,  c'est  clair,  puisqu'il  portait  un  nom  différent  ;  mais  il 
vivait,  il  votait  avec  eux,  et  le  notaire,  qui  le  suit  sur  les  listes,  à  dis- 
tance respectueuse,  ne  votait  pas.  Nous  n'avons  pas  dit,  sur  ce  point, 
que  M.  Falletti  fût  tombé  dans  l'erreur  des  vieux  historiens  ;  pourquoi 
prend-il  pour  lui  ce  que  nous  disions  d'eux?  Nous  indiquions  seule- 
ment que  son  assertion,  contraire  à  la  leur,  est  admise  aujourd'hui 
par  tout  le  monde.  Il  a  d'autant  moins  lieu  de  se  fâcher,  qu'il  s'in- 
surge, et  avec  raison,  contre  les  brevets  d'invention  en  histoire. 

Il  nous  reproche  donc  à  tort  de  lui  avoir  fait  dire  ce  qu'il  ne  dit  pas. 
Nous  pourrions,  plus  justement,  lui  renvoyer  la  balle.  Nous  n'avons 
point  prétendu  qu'il  eût  «  passé  sous  silence  »  le  passage  de  Marchionne 
sur  le  mot  Giompi  ;  nous  avons  dit  qu'il  s'était  refusé  à  1'  «  étudier,  »  ce 
qui  est  bien  différent.  Avons-nous  tort?  Qu'on  en  juge  :  M.  Falletti  a 
écrit  à  ce  sujet  :  «  Je  n'entre  pas  dans  un  fourré  (dans  un  labyrinthe, 
gineprajd)  d'où  je  ne  saurais  comment  sortir,  et  je  laisse  les  personnes 
compétentes  résoudre  la  question  (p.  155,  note).  »  Qui  donc  la  résoudra 
ou  la  creusera  avec  compétence,  si  ce  n'est  l'auteur  d'un  livre  spécial  sur 
les  ciompi?  Il  y  a  des  situations  où  il  ne  faut  pas  craindre  de  s'aventurer 
dans  les  labyrinthes,  de  s'empêtrer  dans  les  fourrés. 

Quant  aux  Morelli,  nous  avons  regretté  que  M.  Falletti  ne  dît  pas  où 
se  trouve  enfouie  la  chronique  de  celui  des  trois  chroniqueurs  de  ce 
nom  qu'il  a  citée.  Il  est  bien  clair  qu'il  n'y  en  a  pas  trois,  ni  même  deux, 
dont  le  récit  se  renferme  entre  les  années  1385  et  1437.  Mais  donner  ces 
deux  dates,  ce  n'est  pas  dire  où  l'on  trouvera  ce  récit,  peu  facile  à  trouver 
à  la  queue  d'une  des  éditions  du  prétendu  Malespini.  Si  M.  Falletti 
eût  été  coutumier  du  fait,  nous  lui  en  aurions  formellement  adressé,  et 
d'une  manière  générale,  le  reproche.  Réduite  à  un  seul  cas,  notre  cri- 
tique ne  tourne-t-elle  pas  à  l'éloge  ? 

En  somme,  nous  avions  signalé  à  M.  Falletti  quelques  péchés  véniels, 


CORRESPONDANCE.  I  53 

très  véniels,  que  sa  conscience  scrupuleuse  transforme  en  péchés  mor- 
tels, et  dont  il  se  défend  avec  émotion.  Des  péchés  mortels  eux-mêmes 
on  ne  refuse  pas  l'absolution  au  tribunal  de  la  pénitence  ;  nous  l'aurions 
à  plus  forte  raison  accordée  aux  péchés  véniels,  si  nous  nous  reconnais- 
sions la  qualité  sacerdotale.  Nous  ne  nous  croyons  pas  plus  médecin  que 
prêtre,  et  nous  n'avions  nul  dessein  de  faire  avaler  des  pilules,  même 
dorées,  à  un  malade  qui  se  porte  fort  bien.  Quant  au  pécheur,  il  est  de 
ceux  qui  commandent  l'estime,  quoi  qu'on  en  ait,  et  à  qui  l'on  peut,  sans 
crainte  de  faire  tort  au  paradis,  «  donner  le  bon  Dieu  sans  confession.  » 

P. 


Nous  avons  reçu  de  M.  Sautereau,  ingénieur,  ex-secrétaire  du  géné- 
ral de  "Wimpffen,  une  lettre  dont  nous  nous  contenterons  de  com- 
muniquer à  nos  lecteurs  le  passage  suivant,  sans  y  ajouter  aucun 
commentaire  : 

«  Je  lis  avec  la  plus  grande  surprise  un  article  publié  par  la  Revue 
historique,  où  il  est  dit  que  le  général  de  Wimpffen  a  subi,  en  1869,  une 
sorte  de  disgrâce  en  recevant  le  commandement  de  la  division  d'Oran. 

«  Bien  au  contraire,  le  gouvernement  de  la  province  d'Oran  lui  fut 
confié  à  cause  de  ses  aptitudes  politiques  et  militaires,  pour  arriver  au 
rétablissement  de  l'ordre  et  de  la  paix  dans  cette  contrée  alors  fort 
troublée  par  les  incursions  des  Marocains  sur  notre  frontière. 

«  Le  commandement  de  la  province.  d'Oran  était  alors  le  poste  le  plus 
convoité  et  le  plus  honorable  de  l'Algérie  pour  un  militaire.  Le  général 
de  Wimpffen  remplit  la  mission  qui  lui  était  confiée  avec  tant  de  dis- 
tinction et  de  vigueur,  et  sa  présence  dans  la  province  d'Oran  était  si 
bien  un  gage  de  sécurité  publique,  que  ce  fut  une  des  causes  pour  les- 
quelles, au  moment  de  la  guerre  de  1870,  on  a  tant  hésité  à  le  rappeler 
en  France.  » 

Nous  crovons  M.  Sautereau  mal  informé. 


154  COMPTES-RENDUS   CRITIQUES. 


COMPTES-RENDUS  CRITIQUES. 


Bazeilles-Sedan,  par  le  général  Lebrun.  Paris,  Dentu.  3e  édition, 
\  vol.  in-8°. 

L'auteur  de  cet  ouvrage  si  intéressant,  qui,  en  quelques  semaines,  a 
déjà  eu  plusieurs  éditions,  commence  par  résumer  avec  beaucoup  de 
vérité  et  de  logique  les  conséquences  de  l'infériorité  de  notre  armée  en 
1870  au  point  de  vue  de  l'organisation,  du  matériel,  de  l'armement,  de 
l'approvisionnement  insuffisant  de  nos  places  fortes.  Très  bien  !  mais 
le  brave  général  nous  paraît  oublier  deux  choses  :  la  première,  c'est 
qu'il  aurait  dû  faire  remonter  le  dénùment  de  nos  arsenaux  et  de  nos 
places  fortes  non  au  maréchal  Niel,  un  des  ministres  les  plus  capables 
de  Napoléon  III,  mais  à  la  sotte  guerre  du  Mexique,  pour  laquelle  nos 
arsenaux  avaient  été  épuisés,  et  qui  a  été  pour  le  second  empire  ce  que 
la  guerre  d'Espagne  a  été  pour  le  premier.  La  seconde,  c'est  que,  la 
veille  de  la  déclaration  de  guerre,  lui,  un  des  officiers  généraux  les  plus 
en  faveur  auprès  du  souverain,  et  qui  aurait  dû  avoir  les  notions  les 
plus  exactes  sur  nos  effectifs,  nos  forces,  nos  approvisionnements, 
étant  premier  aide-major  du  major  général ,  était  un  des  plus  chauds 
partisans  de  la  guerre,  et  n'épargnait  rien  pour  la  faire  déclarer,  pen- 
sant, comme  le  maréchal  Le  Bœuf,  qu'il  ne  manquait  pas  un  bouton 
de  guêtre  à  nos  soldats,  ce  à  quoi  on  a  pu  répondre  que  c'étaient  les 
guêtres,  et  non  les  boutons,  qui  manquaient. 

Le  chapitre  premier  du  livre  est  un  aperçu  sur  la  composition,  l'or- 
ganisation, la  formation  de  l'armée  de  Sedan,  et  principalement  du 
12e  corps,  dont  le  général  Lebrun  prit  le  commandement  au  camp  de 
Chàlons,  après  le  départ  du  général  Trochu. 

L'auteur  aurait  dû  signaler  les  lacunes  qu'il  indique  aujourd'hui  le 
14  juillet  1870,  et  non  en  1884. 

Le  second  chapitre  a  pour  objet  les  marches  et  les  opérations  de 
l'armée  de  Sedan  du  camp  de  Chàlons  à  Mouzon,  après  Frœschwiller. 
Le  récit  fait  bien  comprendre  les  nouvelles  fautes  commises.  Le  géné- 
ral Lebrun  rejette  sur  le  conseil  de  régence  et  sur  le  ministre  Palikao 
la  marche  sur  Metz.  Pour  lui,  c'est  la  faute  capitale.  Tel  n'est  pas  l'avis 
de  beaucoup  de  militaires  ;  mais  ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de  discuter 
cette  grave  question.  Quant  au  maréchal  de  Mac-Mabon,  il  n'a  pas  su 
organiser  un  service  d'état-major  et  un  service  d'espionnage  bien  fait; 
ces  services  étaient  si  défectueux  l'un  et  l'autre  que,  le  matin  de  Sedan, 
il  croyait  n'avoir  encore  en  face  de  lui  que  soixante-dix  mille  ennemis, 
alors  que  deux  cent  trente  mille,  marchaient  pour  l'entourer  de  toute 
part.  C'est  le  général  Lebrun  lui-même  qui  nous  fait  cette  révélation. 


GÉNÉRAL    LEBRUN    :    BÀZEILLES-SEDAN.  135 

Si  le  31  août  le  duc  de  Magenta,  mieux  informé,  eût  connu  les  forces 
qui  agissaient  devant  lui,  il  n'eût  pas  sans  doute  accepté  une  bataille 
défensive  dans  la  souricière  de  Sedan,  ayant  la  Meuse  à  dos;  il  eût 
cherché  à  gagner  Mézières  pour  y  rallier  le  13e  corps. 

Le  chapitre  m  est  le  récit  du  combat  de  Mouzon  ;  deux  faits  curieux 
ressortent  de  ce  chapitre  :  le  contre-ordre  donné  par  le  général  en  chef, 
duc  de  Magenta,  aux  troupes  envoyées  par  le  général  Lebrun  au 
secours  du  5e  corps,  le  30  août  ;  le  refus  fait  par  un  colonel  de  cavalerie 
d'exécuter  une  charge  demandée  pour  dégager  l'infanterie,  refus  basé 
sur  ce  que  le.  régiment  n'était  pas  sous  le  commandement  du  général 
qui  envoyait  l'ordre  d'attaque.  La  conversation  du  maréchal  de  Mac- 
Mahon  avec  le  général  Lebrun,  le  soir  de  Beaumont,  les  ordres  donnés 
par  le  général  en  chef  au  commandant  du  12e  corps,  ont  leur  impor- 
tance et  prouvent  clairement  l'ignorance  absolue  dans  laquelle  se  trou- 
vait, la  veille  de  Sedan,  le  duc  de  Magenta  sur  les  forces  qu'il  avait  en 
face  de  lui. 

Du  chapitre  iv,  consacré  à  la  bataille  de  Sedan,  ressort  un  fait  des 
plus  importants  et  longtemps  contesté  :  c'est  que  le  mouvement  du 
général  Ducrot,  le  1er  septembre,  sur  Mézières,  possible  la  veille,  était 
devenu  impossible  une  fois  la  bataille  engagée;  c'est  que  la  retraite 
par  Garignan,  comme  le  voulait  le  général  de  Wimpffen,  était  la  seule 
chose  à  tenter,  en  profitant  de  la  vigoureuse  défense  de  Bazeilles  par  le 
12e  corps  et  son  héroïque  chef.  Malheureusement  ce  mouvement,  pour 
des  causes  que  la  Revue  historique  a  mis  suffisamment  en  lumière  dans 
la  précédente  livraison,  ne  put  s'exécuter.  Quant  au  fait  du  drapeau 
parlementaire  hissé  sur  la  citadelle  de  Sedan,  nous  renverrons  égale- 
ment au  dernier  numéro  de  la  Revue.  D'ailleurs,  ce  second  épisode  nous 
semble  raconté  avec  une  grande  vérité  par  le  général  Lebrun  et  ne 
peut  plus  laisser  aucun  doute  sur  la  manière  dont  les  choses  se  sont 
passées. 

Les  chapitres  v  et  vi  du  livre  :  Dênoûment  et  Capitulation ,  sont 
navrants.  Ils  nous  montrent,  dans  l'un,  les  généraux  Wimpllén  et 
Lebrun  se  ruant  sur  l'ennemi,  dans  un  dernier  et  désespéré  effort,  à  la 
tête  d'une  poignée  d'héroïques  soldats  ;  dans  l'autre,  tous  les  généraux 
réunis,  mornes  et  forcés  de  reconnaître  qu'une  capitulation  ne  peut 
plus  être  évitée.  Nous  ne  dirons  rien  des  pourparlers  avec  l'ennemi,  le 
livre  du  général  de  Wimpifen  :  Sedan,  publié  en  1871,  entre  à  cet  égard 
dans  tous  les  détails. 

Le  chapitre  vu,  Le  camp  de  la  misère  à  Yges,  met  en  relief  les  cruelles 
extrémités  auxquelles  les  infortunés  débris  de  l'armée  française  furent 
réduits,  par  l'incurie  ou  l'insouciance  horrible  des  autorités  allemandes. 
Toutefois,  l'auteur  du  livre,  avec  une  franchise  digne  de  son  beau  et 
loyal  caractère,  n'hésite  pas  à  rendre  justice  à  la  noble  conduite  d'un 
général  prussien,  M.  Bernardi,  commandant  à  Sedan. 

Nous  ne  résistons  pas  au  plaisir  de  transcrire  ici  le  dernier  para- 
graphe de  ce  chapitre  vu,  le  voici  : 


j-JO  COMPTES-RENDUS    CRITIQUES. 

«  Le  brave  colonel  Leperche,  à  Metz,  passa,  à  cheval  et  en  uniforme, 
à  travers  les  Prussiens,  et  fut  assez  heureux  pour  n'être  pas  arrêté  par 
les  coups  de  feu  que  l'on  tira  sur  lui.  Le  général  Garey  de  Bellemare, 
étant  au  camp  d'Yges,  se  déguisa  en  paysan,  et  passa,  sans  être  reconnu 
pour  être  officier,  sous  le  nez  des  soldats  prussiens,  qui  gardaient  l'en- 
trée de  la  presqu'île  d'Yges.  Il  faut  admirer  le  courage  de  ces  officiers. 
C'est  au  péril  de  leur  vie  qu'ils  se  sont  acquis  le  droit  de  mettre  encore 
leur  épée  au  service  du  pays,  dans  les  armées  de  l'intérieur,  après 
avoir  fait  partie  de  celles  qui  avaient  été  vaincues  et  faites  prisonnières 
à  Metz  et  à  Sedan.  » 

Le  dernier  chapitre  traite  de  la  captivité,  puis  vient  un  épilogue  très 
curieux,  très  important,  dans  lequel  le  général  émet  son  opinion,  opi- 
nion d'une  haute  importance,  sur  l'organisation  de  notre  armée.  Il 
blâme  avec  raison,  selon  nous,  le  service  restreint  à  trois  ans,  démontre 
les  avantages  de  la  loi  de  1832,  et  préconise  l'essai,  réclamé  par  tous 
les  commandants  de  corps  d'armée,  du  mode  de  mobilisation  fait  d'une 
manière  complète.  «  Un  essai  de  mobilisation  complète,  écrit  le  géné- 
ral à  la  page  228,  serait  bien  nécessaire;  assurément  il  serait  tout  aussi 
utile  que  ces  grandes  manœuvres  d'automne  qu'on  fait  exécuter, 
chaque  année,  et  cela  avec  des  effectifs  qui  ne  sont  point  des  effectifs 
de  guerre.  » 

Un  assez  grand  nombre  de  pièces  justificatives,  documents  d'une 
certaine  importance,  est  annexé  au  livre  du  général  Lebrun.  L'une  de 
ces  pièces  nous  a  paru  d'un  intérêt  historique  véritable,  c'est  la  réunion, 
sous  le  titre  :  Le  fanion  parlementaire,  de  toutes  les  pièces  officielles 
sur  l'incident  relatif  à  ce  fanion,  et  que  précède  une  correspondance 
établie  entre  le  ministre  de  la  guerre  et  le  général  Lebrun,  à  la  suite 
de  la  décision  du  conseil  d'enquête  convoqué  pour  la  capitulation  de 
Sedan  et  présidé  par  le  maréchal  Baraguey  d'Hilliers,  conseil  qui  a  cru 
pouvoir  statuer  sans  même  se  donner  la  peine  d'entendre  les  intéressés 
et  de  leur  permettre  de  fournir  les  preuves  de  ce  qu'ils  étaient  prêts  à 
avancer. 

Pour  nous  résumer  dans  l'appréciation  du  livre  du  général  Lebrun, 
nous  dirons  qu'il  ressort  pour  nous  de  cet  ouvrage  : 

1°  Que  le  maréchal  de  Mac-Mahon  n'a  su  ni  se  démettre  de  son  com- 
mandement ni  exécuter  vigoureusement  et  sans  arrière-pensée1  le  mou- 
vement qui  lui  était  prescrit  de  Paris,  et  qu'il  n'approuvait  pas  ;  qu'il 
s'est  montré  hésitant  dans  sa  marche  de  Châlons  sur  Sedan;  qu'il  a  été 
impardonnable  de  ne  s'être  pas  mieux  renseigné  sur  les  forces  qu'il 
avait  en  face  de  lui  le  31  août,  à  tel  point  qu'il  commit  la  singulière 
faute  de  n'avoir  pas  eu,  le  matin  de  la  bataille,  un  projet  de  défense 
ou  de  retraite  arrêté,  et  de  n'avoir  communiqué  ses  projets  à  aucun  de 
ses  commandants  de  corps  d'armée. 

2°  Que  le  général  Ducrot,  aussi  mal  renseigné  que  le  maréchal  sur  les 
forces  et  les  mouvements  de  l'ennemi,  avait  voulu,  le  matin,  après  la 
blessure  du  duc  de  Magenta,  opérer  un  mouvement  de  retraite  qui 


'  GÉNÉRAL    LEBRUN    :    BAZEiLLI'S-SKDAN.  157 

amenait  dès  les  premiers  moments  un  désastre  semblable  à  celui  de 
Baylen,  et  que  ce  brave  officier  n'a  pas  eu  plus  tard  la  franchise 
d'avoner  qu'il  s'était  trompé. 

3°  Que  le  général  de  Wimpffen  avait  commis  la  double  faute  de  De 
pas  faire  connaître  sa  lettre  de  service  et  de  ne  pas  prendre  le  comman- 
dement en  chef  dès  qu'il  avait  connu  la  blessure  du  maréchal,  ainsi 
qu'il  devait  le  faire,  surtout  sachant  les  routes  de  Mézières  Interceptées  '. 

4"  Que  seul  des  généraux  commandant  les  corps  de  l'armée  de  Sedan, 
celui  du  l"2e  n'est  passible  d'aucun  reproche  pendant  L'action,  ayant 
combattu  jusqu'à  la  dernière  heure  avec  un  courage  et  un  dévouement 
patriotique  qu'on  ne  saurait  trop  faire  ressortir. 

Quant  à  nous,  ce  que  nous  admirons  dans  l'auteur  du  livre  Bazeilles- 
Sedan,  c'est  moins  encore  sa  belle  conduite  pendant  et  après  la  bataille 
que  le  courage  qu'il  déploie  dans  son  livre  en  mettant  au  jour  la  vérité 
avec  calme  et  modération,  sans  être  retenu  par  aucune  considération 
d'aucune  nature. 


Danske  og  norske  Riger  paa  de  Brittiske  Œer  i  Danevœldens 
Tidsaider  af  Johannes  C.  H.  R.  Steenstrup,  andet  Hefte.  Kjœ- 
benhavn,  Rud.  Klein,  -1882,  287-4(;2-vnp.  avec  2  cartes,  formant 
la  2e  livraison  du  t.  111  de  Normannerne. 

Danelag  af  Johannes  G.  H.  R.  Steenstrup.  Kjœbenhavn,  Rud.  Klein, 
■1882,  vn-403  p.  avec  \  carte,  formant  le  t.  IV  de  Normannerne. 

La  seconde  et  dernière  livraison  des  Étals  danois  et  norvégiens  dans 
les  Iles-Britanniques  au  temps  de  la  domination  danoise  s'étend  de  1017, 
date  de  l'avènement  de  Knut  le  Grand  au  trône  d'Angleterre,  jusqu'à 
l'année  1042,  où  mourut  son  fils  et  deuxième  successeur  llardeknut,  le 
dernier  roi  de  la  dynastie  danoise.  Les  documents  plus  circonstanciés 
pour  cette  période  font  que  le  récit  devient  moins  sec.  L'auteur  a,  comme 
par  le  passé,  réussi  à  dégager  beaucoup  de  faits  et  de  dates  de  l'obscu- 
rité qui  les  enveloppait  encore,  quoiqu'ils  eussent  été  déjà  bien  des  fois 
étudiés.  S'il  reste  encore  de  nombreux  points  à  eclaircir,  ce  n'est  pas  à 


1.  Le  premier  devoir  du  général  de  Wimpffen,  en  arrivant  le  31  août  an  soir 
à  Sedan,  était  de  se  rendre  chez  le  maréchal,  d'exhiber  sa  lettre  de  service 
éventuel  et  de  le  prier  de  lui  faire  connaître  ses  intentions  pour  le  lendemain. 
Comptait-il  livrer  une  bataille  offensive  en  marchant  à  l'ennemi  ?  en  recevoir 
une  défensive,  acculé  à  la  Meuse,  et  se  trouvant  dans  l'entonnoir  de  Sedan, 
place  mal  armée  et  indéfendable?  Voulait-il  rallier  sur  Mézières,  lorsqu'il  en 
était  temps  encore,  le  13°  corps  de  Vinoy,  ou  se  porter  à  l'est  sur  Metz  pour 
se  joindre  à  Bazaine  et  marcher  sur  Paris?  Le  général  de  Wirnpll'cn  n'agit  pas 
ainsi,  et  des  conséquences  terribles  découlèrent  de  cet  oubli  de  son  devoir. 
Voilà  ce  que  le  conseil  d'enquête  était  en  droit  de  lui  reprocher. 


-158  COMPTES-RENDUS  CRITIQUES. 

Lui  qu'il  faut  s'en  prendre,  mais  bien  au  silence  des  écrivains  con- 
temporains, à  la  rareté  des  sources,  à  l'insuffisance  et  même  à  la 
fausseté  des  médailles.  Dans  le  domaine  de  l'érudition,  on  ne  peut 
faire  mieux  pour  le  moment,  et  le  temps  n'est  pas  venu  d'écrire  une 
histoire  philosophique  de  cette  période;  ce  serait  trop  exiger  de 
l'auteur  que  de  lui  demander  l'explication  de  la  chute  rapide  des 
États  Scandinaves  de  la  Grande-Bretagne  et  de  l'Irlande  aux  xe  et 
xie  siècles.  Il  eût  donc  été  injuste  de  l'entreprendre  à  cet  égard, 
s'il  avait  laissé  la  question  de  côté,  mais  il  a  essayé  de  la  résoudre  et 
lui,  qui  dans  le  chapitre  xi  a  mis  en  parallèle  le  roi  Knut  avec  les  sou- 
verains de  son  temps,  il  néglige  dans  le  suivant  de  comparer  l'oeuvre 
des  Vikings  de  l'Ouest  avec  celles  de  leurs  frères  du  Nord,  de  leurs  con- 
génères de  l'Est  et  de  leurs  descendants  en  Neustrie.  Rien  pourtant  ne 
peut  suggérer  plus  de  réflexions  que  l'étonnante  différence  des  résultats 
obtenus  dans  les  diverses  contrées  :  dans  les  pays  "Vendes,  au  sud  de  la 
Baltique,  les  Scandinaves  ne  peuvent  se  maintenir,  pas  même  dans  leur 
nid  de  corsaires,  à  Jomsborg;  dans  les  îles  septentrionales,  les  Orcades, 
les  Shetlands,  les  Fœroers,  l'Islande,  le  Groenland,  ils  fondèrent  des  colo- 
nies pleines  de  vitalité,  et  ils  vécurent  bien  des  siècles  en  maîtres  parmi 
les  Gaëls  des  Hébrides  et  de  l'île  de  Man  ;  en  Angleterre,  en  Ecosse  et 
en  Irlande,  au  contraire,  leurs  royaumes  n'eurent  qu'une  durée  éphé- 
mère ;  ce  n'est  qu'en  Russie  et  en  Neustrie  qu'ils  réussirent  à  fonder 
des  États  aussi  importants  et  même  plus  grands  que  la  mère  patrie,  et 
à  perpétuer  leur  dynastie  tout  en  se  laissant  absorber  par  les  indigènes. 
Il  y  a  plus,  les  Normands  conquirent  à  leur  tour  l'Angleterre,  les  Deux- 
Siciles,  la  principauté  d'Antioche  et,  si  leurs  chefs  adoptèrent  de  bonne 
heure,  au  moins  en  Europe,  la  nationalité  de  leurs  sujets,  ils  ont 
occupé  le  trône,  là-bas  jusqu'à  nos  jours,  ici  pendant  bien  des  généra- 
tions. 

Pour  quelle  raison  les  Normands  de  Neustrie  et  leurs  descendants 
s'établirent-ils  durablement  dans  tous  les  pays  conquis  par  eux,  tandis 
que  les  Norvégiens  et  les  Danois  ne  purent  s'implanter  chez  les  Gaëls, 
pourtant  si  divisés,  de  l'Irlande  et  de  l'Ecosse,  ni  même  chez  leurs  con- 
génères les  Anglo-Saxons  ?  M.  St.  explique  en  partie  ce  phénomène 
par  la  faiblesse  physique  de  la  dynastie  danoise  d'Angleterre,  Svein, 
Knut  et  ses  fils  étant  tous  morts  à  un  âge  peu  avancé.  Si  les  faits  ne 
donnaient  pas  un  certain  poids  à  cette  opinion,  on  n'eût  certes  pas  cru 
que  des  conquérants  si  énergiques  eussent  été  d'un  mauvais  tempéra- 
ment, mais  il  est  possible  que  leur  santé  ait  été  ruinée  par  des  fatigues 
continuelles  et  par  des  excès  de  tout  genre.  Toutefois  la  fragilité  de  leur 
œuvre  doit  tenir  à  des  causes  plus  profondes  :  le  peu  de  durée  du  règne 
des  Knytlings  d'Angleterre  n'aurait  pas  entraîné  la  ruine  de  leur  trône, 
s'il  avait  eu  des  bases  solides  ;  les  fils  de  Knut  ne  manquaient  pas  de 
collatéraux  danois  pour  leur  succéder,  si  leurs  sujets  britanniques 
eussent  désiré  la  continuation  de  l'union  avec  le  Danemark  :  uno 
avulso  non  déficit  aller.  Mais  les  Danois  d'Angleterre  n'avaient  pas  eu, 


.).    STEEXSTRUF    :    \OKMAN-\EHNE.  I .')!» 

comme  leurs  frères  de  Neustrie,  l'habileté  de  se  fusionner  avec  les  vain- 
cus, pas  même  dans  le  Danelag  ou  territoire  soumis  à  la  loi  danoise. 

Cette  circonscription,  qui  comprenait  plus  de  la  moitié  des  contrées 
anglo-saxonnes  situées  au  nord  de  la  Tamise,  ne  fut  pas  plus  fidèle  aux 
Knytlings  que  le  reste  de  l'Angleterre;  c'était  un  État  dans  L'État,  mais 
il  manquait  lui-même  d'homogénéité  et  ne  pouvait  fournir  aux  Danois 
un  solide  point  d'appui,  comme  Guillaume  le  Conquérant  et  ses  suc- 
cesseurs en  avaient  un  en  Neustrie.  Aussi,  quoique  le  Danelag  fut  plus 
étendu  que  la  Normandie  et  plus  rapproché  des  pays  purement  saxons, 
il  ne  put  les  soumettre  définitivement,  ni  même  se  maintenir  indépen- 
dant. C'est  que  la  civilisation  danoise  d'alors  était  loin  d'égaler  celle 
des  Anglo-Saxons,  tandis  que  les  Normands  étaient  supérieurs  à  ceux-ci 
aussi  bien  par  l'intelligence  que  par  la  force  des  armes.  Ils  les  ont  à 
demi  romanises,  comme  ils  l'étaient  eux-mêmes;  et  c'était  beaucoup 
plus  difficile  que  de  les  daniser.  Les  traces  de  scandinavisme  sont  au 
contraire  si  peu  apparentes  en  Angleterre  qu'il  faut  les  chercher  à  la 
loupe.  Dans  son  volume  sur  le  Danelag,  M.  St.  a  montré  qu'il  y  en 
a  plus  qu'on  ne  croyait  ;  il  a  relevé  dans  les  documents  anglo-saxons 
plus  de  quatre-vingts  termes  de  droit  qu'il  dit  être  empruntés  au  danois  ; 
il  a  certainement  raison  pour  beaucoup  d'entre  eux,  mais  il  est  allé  trop 
loin,  nous  semble-t-il.  Voici  en  quelques  mots  l'exposé  de  sa  thèse  : 
lorsqu'il  ne  trouve  pas  un  mot  anglo-saxon  dans  les  textes  antérieurs 
au  xe  siècle  où  l'influence  danoise  commença  à  se  faire  sentir  en  Angle- 
terre, il  en  conclut  qu'il  est  d'introduction  récente,  et  s'il  peut  le  rap- 
procher de  mots  Scandinaves  ayant  à  peu  près  le  même  sens,  il  lui  attri- 
bue une  origine  danoise,  non  pas  suédoise,  ni  norvégienne,  quand  même 
cette  expression  ne  figurerait  pas  dans  les  lois  danoises.  «  Pour  beau- 
coup de  points  du  droit  en  vigueur  en  Angleterre,  dit-il,  on  ne  peut 
trouver  de  parallèle  que  dans  les  lois  norvégiennes  et  suédoises  :  la 
raison  en  est  d'abord  que  les  lois  provinciales  du  Danemark  nous  font 
connaitre  un  droit  beaucoup  plus  récent  que  les  lois  provinciales  de  la 
Suède,  et  même  que  la  législation  islandaise  et  norvégienne;  ensuite 
que  les  lois  danoises,  relativement  à  l'étendue  et  aux  détails  avec  les- 
quels sont  traités  les  divers  cas,  sont  respectivement,  vis-à-vis  des  lois 
suédoises  et  norvégiennes,  dans  les  proportions  d'un  à  cent  ou  à  dix  ; 
enfin  les  récits  d'où  l'on  peut  tirer  d'autres  renseignements  sur  la  légis- 
lation danoise  ne  forment  pas  la  dixième  partie  des  documents  relatifs 
à  la  Norvège  et  à  l'Islande.  En  outre  ceux-ci  sont  écrits  dans  la  langue, 
nationale,  tandis  que  lés  sources  danoises  correspondantes  ne  sont  qu'en 
latin.  »  [Danelag,  p.  394-395.) 

En  d'autres  termes,  M.  St.  supplée  par  des  textes  islandais,  norvé- 
giens, suédois,  à  l'absence  de  documents  danois;  en  quoi  il  nous  parait 
avoir  raison,  les  institutions  étant  alors  à  peu  près  identiques  dans  les 
pays  Scandinaves.  Mais  il  manque  de  conséquence  en  ne  permettant  pas 
qu'on  en  fasse  autant  avec  des  textes  francs,  saxons,  frisons  et  même 
Scandinaves,  pour  remplir  les  lacunes  de  la  littérature  anglo-saxonne. 


-1  00  COMPTES-RENDUS   CRITIQUES. 

Il  ne  faut  pas  oublier  qu'avant  le  xe  siècle  celle-ci  est  principalement 
représentée  par  des  poèmes,  où  il  serait  déraisonnable  de  chercher  toutes 
les  expressions  juridiques  alors  en  usage;  quant  aux  documents  légis- 
latifs de  cette  période  et  aux  diplômes  qui  contiennent  des  termes  de 
droit,  ils  ne  forment  pas  même  le  tiers  de  ceux  qui  composent  le  recueil 
de  Kemble.  Dans  de  telles  circonstances,  il  est  vraisemblable  que  beau- 
coup d'institutions,  dont  il  est  question  pour  la  première  fois  dans  des 
documents  contemporains  des  expéditions  et  de  la  domination  danoises, 
existaient  auparavant,  quoiqu'il  n'en  soit  pas  parlé  dans  les  poèmes  et 
les  rares  chartes  de  la  période  anglo-saxonne.  Dès  lors  il  doit  être  per- 
mis, s'il  y  a  des  indices  en  ce  sens,  de  les  faire  remonter  an  vieux  fond 
germanique,  au  lieu  de  les  dériver  exclusivement  d'une  source  Scandi- 
nave, sous  prétexte  qu'ils  commencent  à  paraître  après  l'établissement 
des  Danois  en  Angleterre. 

La  thèse  de  M.  St.,  qui  est  en  contradiction  avec  elle-même,  pèche 
donc  par  la  base  ;  quelques-unes  de  ses  conclusions  sont  contestables  ; 
il  en  est  d'autres  au  contraire  qui  sont  déduites  avec  beaucoup  d'érudi- 
tion philologique  et  de  science  juridique.  L'influence  danoise  sur  les 
Anglo-Saxons  a  été  moins  grande  qu'il  ne  le  suppose,  beaucoup  de 
termes  juridiques  qu'il  allègue  comme  arguments  étant  spéciaux  au 
Danelag  et  n'ayant  pas  eu  cours  dans  le  reste  de  l'Angleterre.  Toutefois 
on  ne  saurait  méconnaître  l'utilité  de  son  travail.  La  cause  qu'il  défend 
ne  pouvait  avoir  d'avocat  plus  habile  et  mieux  informé  ;  il  est  au  cou- 
rant de  tous  les  travaux  sur  la  matière,  ouvrages  et  mémoires  anglais, 
allemands,  frisons,  aussi  bien  que  Scandinaves.  Il  n'est  d'ailleurs  pas 
un  simple  écho  des  nombreux  savants  qui  l'ont  précédé  ;  il  se  place 
souvent  à  un  point  de  vue  nouveau  et,  lors  même  qu'il  se  sert  de  faits 
déjà  établis,  il  en  sait  tirer  parti  avec  indépendance.  Son  ouvrage  ne 
fût-il  qu'un  exposé  de  ce  qui  a  été  écrit  sur  le  sujet  mériterait  déjà 
d'être  consulté  à  cause  des  citations  et  des  extraits  qui  remplissent  le 
bas  et  parfois  même  le  haut  des  pages.  Mais  c'est  bien  plus  qu'un  résumé, 
c'est  un  livre  profond  et  original  qui  s'impose  à  l'attention  de  quiconque 
étudie  les  institutions  de  la  période  danoise  en  Angleterre. 

E.  Beauvois. 


Dronning  Margrethe  og  Kalmarunionens  Grundlaeggelse  af 
Kr.  Erslev.  Kjœbenhavn,  Jacob  Erslevs  Forlag,  4882,  507  p. 
in-42.  (Formant  le  t.  I  de  Danmdrks  Historié  under  Dronning 
Margrethe  og  hendes  nxrmeste  Efterfœlgere.  4375-1448.  =  His- 
toire du  Danemark  sous  la  reine  Marguerite  et  ses  premiers  suc- 
cesseurs.) 

Aucun  nom  de  l'histoire  de  Danemark  n'est  plus  universellement 
connu  que  celui  de  la  grande  Marguerite,  la  fondatrice  de  l'Union  Scan- 
dinave. Sa  vie  tient  presque  du  roman,  à  tel  point  qu'un  de  ses  con- 


ERSLEV    :    DRONNING    MARGRETHE   OC.    KALMARDNION.  i  (;  f 

temporains  s'étonnait  de  ce  qu'elle  fût  rapidement  devenue  si  puissante, 
«  après  avoir  été  si  pauvre  qu'elle  ne  pouvait  faire  l'aumône  d'un  mor- 
ceau de  pain  sans  l'emprunter  à  ses  amis.  »  Il  parait,  môme  par  une 
lettre  de  Marguerite  qu'elle  eut  à  souffrir  de  la  faim  dans  sa  jeunesse, 
lorsqu'elle  était  déjà  sur  Le  trône  de  Norvège.  Étant  la  dernière  des  six 
enfants  de  Valdemar  le  Restaurateur,  et  primée  d'abord  par  son  frère 
Christophe  héritier  désigné  de  la  couronne,  mais  qui  mourut  avant 
son  père;  puis  par  une  sœur  aînée,  Ingeborg,  femme  d'un  des  petits 
ducs  de  Meklembourg;  ensuite  par  son  propre  fils  Olaf  Hàkonar- 
son;  enfin  par  son  petit-neveu,  Erik  de  Poméranie,  elle  put  bien  être 
reine  de  Norvège  et  de  Suède,  comme  femme  du  roi  Hâkon  Magnus- 
son,  mais  elle  ne  fut  jamais  roi  de  Danemark,  comme  on  le  croit  com- 
munément; aussi  aimait-elle  à  s'intituler  tout  simplement  :  Margue- 
rite, par  la  grâce  de  Dieu,  fille  de  Valdemar,  quoique  les  étrangers 
l'aient  parfois  qualifiée  de  Madame  le  Roi.  C'est  elle  en  effet  qui  exerça 
le  pouvoir  comme  régente  :  en  Danemark,  après  la  mort  de  son  père 
(1375);  en  Norvège,  après  celle  de  son  mari  (1380);  en  Suède,  après  sa 
victoire  sur  le  roi  Albert,  dès  1389,  huit  ans  avant  le  traité  de  Kalmar. 
Héritière  de  la  pensée  politique  de  Valdemar,  et  plus  encore  des  aspi- 
rations de  la  famille  de  son  mari,  les  Folkungs,  qui  avaient  déjà  uni 
temporairement  et  partiellement  la  Suède  et  la  Norvège,  et  qui  vou- 
laient y  joindre,  sinon  tout  le  Danemark,  du  moins  les  provinces  ska- 
niennes,  elle  parvint  à  réaliser  cette  idée  grandiose  et  à  faire  des  trois 
royaumes  confédérés  l'État  le  plus  étendu,  mais  non  le  plus  peuplé,  de 
toute  la  chrétienté.  Voilà  où  elle  arriva,  malgré  son  sexe  et  malgré  les 
circonstances  défavorables,  bien  moins  par  la  force  des  armes  que  par 
l'habileté  de  sa  diplomatie. 

Qu'un  tel  enchaînement  de  péripéties  et  de  faits  considérables  soit  de 
nature  à  tenter  les  historiens,  on  le  conçoit,  et  cependant  jusqu'ici 
aucun  ouvrage  spécial  n'avait  traité,  dans  son  ensemble,  de  l'œuvre  de 
Marguerite  :  les  histoires  générales  des  trois  royaumes  du  Nord  lui  fai- 
saient sans  doute  une  large  part  dans  leurs  récits;  malheureusement 
celle  de  P.  A.  Munch,  où  la  première  moitié  delà  vie  politique  de  Mar- 
guerite est  fort  approfondie,  fut  interrompue  par  la  mort  de  l'auteur  à 
l'année  1397.  C.  F.  Allen  ne  commence  son  histoire  de  l'Union  que 
sous  l'avant-dernier  roi,  en  1497;  enfin  C.  Paludan-Mùller  ne  remonte 
pas  au  delà  de  l'avènement  de  la  dynastie  d'Oldenburg.  En  revanche, 
ce  critique  pénétrant  a  éclairci,  dans  des  mémoires  spéciaux,  plusieurs 
points  de  l'histoire  de  Marguerite.  Comment  se  fait-il  que  ces  historiens 
éminents  n'aient  pas  devancé  M.  Erslev  ?  Ils  ne  nous  l'ont  pas  appris, 
mais,  malgré  l'importance  du  sujet,  ils  ont  dû  en  être  détournés  par 
les  lacunes  qu'il  offre  et  par  les  obscurités  qui,  sans  l'envelopper,  le 
voilent  encore  de  plusieurs  côtés.  M.  Erslev  s'est  efforcé  d'en  dissiper 
une  partie  dans  divers  articles  de  la  Revue  historique  de  Copenbague, 
où  il  fait  preuve  d'une  grande  érudition  et  de  beaucoup  de  perspicacité  ; 
mais  il  s'en  faut  que  lui  ou  ses  émules  aient  tout  éclairé. 

Rev.  Histor.  XXVII.  I"  fasc.  11 


1(12  COMITES-RENDUS    CUITrQnES. 

Désespérant  peut-être  d'y  parvenir  jamais,  faute  de  documents,  il  a 
laissé  de  côté  l'ingrate  besogne  de  chercher  et  de  préparer  les  matériaux 
pour  passer  de  suite  au  travail  plus  relevé  et  plus  attrayant  de  la  mise  en 
œuvre.  On  ne  saurait  l'en  blâmer:  il  ne  faut  pas  condamner  à  perpétuité 
au  labeur  du  maçon  ou  du  tailleur  de  pierres  l'esprit  lucide  qui  sait  con- 
cevoir un  plan  et  l'exécuter  en  habile  architecte.  Mais,  s'il  est  loisible  à 
l'artiste  d'opter  selon  ses  facultés,  il  est  tenu  de  choisir  un  sujet  qui  lui 
permette  de  déployer  ses  talents.  Or  il  nous  semble  que  le  règne  de  Mar- 
guerite n'a  pas  encore  été  suffisamment  étudié  pour  passer  des  mains 
de  l'érudit  dans  celles  du  littérateur.  On  en  peut  faire  une  histoire 
pragmatique,  déjà  bourrée  de  faits  et  de  dates,  malgré  ce  qui  manque 
encore  à  cet  égard,  mais  il  n'est  pas  possible  de  les  faire  entrer  tous 
dans  une  harmonieuse  contexture  ;  ils  ne  sont  pas  assez  bien  reliés  entre 
eux;  la  plupart  du  temps  on  ignore  leurs  relations  mutuelles  et  leur 
place  respective.  La  succession  des  événements  n'est  pas  toujours  clai- 
rement établie,  de  sorte  que  tel  fait,  regardé  comme  la  conséquence 
d'un  autre,  peut  au  contraire  l'avoir  précédé.  On  ne  connaît  même  pas 
le  jour  de  la  naissance  de  Marguerite,  ni  celui  du  décès  de  son  fils 
Olaf,  le  dernier  roi  de  la  dynastie  norvégienne.  Ce  qui  a  plus  d'impor- 
tance que  ces  détails  biographiques,  c'est  le  fameux  traité  de  Kalmar; 
on  ne  possède  pourtant  qu'un  protocole  des  résolutions  prises  à  la  con- 
férence, encore  n'est-il  signé  que  de  quelques-uns  des  contractants,  et 
l'on  ne  sait  même  pas  s'il  fut  jamais  rédigé  sous  forme  d'acte  authen- 
tique. Gomment  serait-il  possible  de  déduire  de  faits  si  mal  élucidés  les 
secrets  desseins  de  Marguerite  ?  c'est  là  pourtant  l'unique  ressource  de 
l'historien,  cette  princesse  n'ayant  laissé  qu'une  ou  deux  lettres  intimes  ; 
les  nombreux  documents  émanés  d'elle  sont  presque  exclusivement  des 
pièces  de  chancellerie.  En  outre,  on  n'a  pas  pour  cette  période,  comme 
pour  les  temps  modernes,  de  mémoires  contemporains  qui  suppléent 
en  partie  au  silence  des  hommes  dirigeants.  Les  chroniques  et  annales 
Scandinaves  de  l'époque  sont  fort  maigres  ;  et  si  celles  des  Hanséates 
sont  beaucoup  plus  circonstanciées,  elles  ne  parlent  qu'incidemment 
des  affaires  septentrionales.  Dès  lors,  l'élément  psychologique  fait  défaut 
à  l'historien,  qui  risque  d'attribuer  aux  personnages  des  plans  étrangers 
à  leurs  vues  et  d'en  faire  de  plus  fins  politiques  qu'ils  n'étaient  en  réalité. 
Étant  en  présence  de  faits  accomplis  qui  peuvent  être  l'effet  du  hasard 
aussi  bien  que  de  savantes  combinaisons  humaines,  on  est  porté  à  glori- 
fier le  succès  et  à  déprécier  les  vaincus  ;  pour  éviter  cet  écueil,  il  con- 
viendrait de  suspendre  son  jugement  dans  la  plupart  des  cas,  au  lieu  de 
le  baser  sur  des  témoignages  incohérents,  sur  des  scènes  fragmentaires, 
sur  des  épisodes  décousus,  en  un  mot  sur  des  matériaux  incomplète- 
ment élaborés;  mais  alors,  adieu  les  larges  tableaux  sur  lesquels  on  peut 
peindre  l'homme  moral,  qui  conçoit,  combine  et  exécute;  on  n'a  plus 
devant  soi  que  des  squelettes;  moins  encore,  des  ossements  épars  et 
vermoulus,  auxquels  le  plus  habile  magicien  ne  saurait  rendre  la  vie. 
Puisque  tel  est  le  présent  sujet  et  qu'il  faudrait,  à  chaque  pas,  l'en- 


PII.    D'CSSEL    :    LA    DEMOCRATIE    ET    SES    CONDITIONS    MORALES.         lf»3 

trecouper  de  dissertations,  il  ne  se  prête  pas  à  un  récit  bien  suivi  et 
élégamment  arrondi  que  l'on  puisse  offrir  aux  gens  du  monde  ;  l'auteur 
ne  devrait  donc  pas  s'inquiéter  d'eux  ;  il  n'a  à  se  préoccuper  que  des 
érudits  ;  son  principal  but  doit  être  de  justifier  cbacune  de  ses  asser- 
tions; il  ne  doit  pas  craindre  les  digressions  ponr  établir  les  faits  et  la 
chronologie;  ses  notes  et  ses  citations  doivent  tenir  plus  de  place  '|Ul' 
ses  propres  considérations;  en  un  mot,  il  doit  continuer  ce  que  Munch 
avait  si  bien  commencé,  sauf  à  s'appuyer  ensuite  sur  ce  travail  d'éru- 
dition pour  le  résumer,  sous  une  forme  plus  littéraire,  en  faveur  du 
grand  public.  M.  Erslev  a  snivi  la  marche  opposée,  quoiqu'il  se  plaigne 
à  chaque  instant  de  l'insuffisance  des  documents.  Il  nous  détaille  les 
mobiles  de  ses  personnages,  comme  s'il  était  possible  aujourd'hui  de 
pénétrer  dans  leur  esprit;  il  ne  discute  que  quelques  points  qui  ne 
sont  pas  toujours  les  plus  nouveaux  ni  les  plus  contestables;  il  réduit 
les  notes  à  la  plus  simple  expression,  les  renvoyant  à  la  fin  du  volume, 
comme  s'il  avait  affaire  à  des  lecteurs  de  romans.  Conformément  au 
précepte  un  peu  démodé  de  Buffon,  qui  conseille  l'emploi  du  terme  le 
plus  général,  il  n'aime  pas  à  préciser,  ne  fût-ce  que  par  un  renvoi,  l'au- 
teur auquel  il  emprunte,  pour  les  faire  passer  dans  son  récit,  des  bons 
mots  ou  des  traits  caractéristiques  ;  il  se  réfère  ici  «  à  une  vieille  chro- 
nique ;  »  là,  à  une  lettre  de  Marguerite,  sans  dire  qu'elle  a  été  publiée 
dans  tel  volume  et  à  telle  page  du  Diplomatorium  norvegicum  ;  plus  loin, 
«  à  un  contemporain,  »  sans  le  nommer,  comme  on  omet  de  le  faire 
dans  le  style  oratoire.  Il  cite  en  gros  les  monographies  sur  lesquelles  il 
s'appuie,  et  il  écrit  ad  narrandum  non  ad  probandum,  de  sorte  que  son 
œuvre  est  beaucoup  plus  subjective  qu'objective.  Si  l'on  admet  la  légi- 
timité de  cette  méthode,  on  devra  le  louer  d'avoir  tiré  le  meilleur  parti 
possible  de  ruines  et  de  décombres  pour  en  construire  un  édifice  plus 
apparent  que  solide.  Mais,  si  l'on  pense  que  tout  discours  historique 
doit  avoir  pour  base  une  histoire  pragmatique,  on  regrettera  qu'un 
savant  si  profond,  qu'un  arrangeur  si  habile  n'ait  pas  choisi  un  sujet 
plus  moderne  et  plus  facile  à  élucider,  comme  par  exemple  le  règne  de 
Christian  IV  ou  celui  de  Frédéric  III  ;  mais  déjà  d'autres  études  l'ont 
amené  jusqu'au  xvie  siècle;  espérons  qu'en  descendant  le  cours  des 
temps,  il  arrivera  jusqu'au  xvne,  où  des  sources  abondantes  lui  fourni- 
ront la  matière  de  quelque  récit  aussi  brillant  que  bien  documenté. 

E.  Beauvois. 


La  Démocratie  et  ses  conditions  morales,  par  le  vicomte  Philibert 
d'Ussel.  Pion,  1884,  in-18  de  288  pages. 

L'Académie  des  sciences  morales  et  politiques  avait  proposé  pour  le 
prix  Stassart,  au  concours  de  1881,  le  sujet  suivant  :  «  Quels  sont  les 
éléments  moraux  nécessaires  au  développement  régulier  de  la  démo- 
cratie dans  les  sociétés  modernes?  »  Le  mémoire  couronné,  précédé  d'une 


-164  COMPTES-REXDUS    CRITIQUES. 

introduction  importante,  est  publié  dans  le  remarquable  volume  que  nous 
annonçons.  L'auteur  avait  déjà  attiré  sur  lui  la  vive  attention  des  hommes 
de  pensée  par  un  ouvrage  très  distingué  dont  il  a  été  parlé  ici  même 
(XIII,  382).  Sous  ce  titre  :  De  l'esprit  public  dans  l'histoire,  il  étudiait  les 
idées  générales  sur  lesquelles  ont  reposé  les  sociétés  successives,  et  il 
employait  pour  cette  étude  la  méthode  française,  profonde  sans  obscu- 
rité et  philosophique  sans  arbitraire,  qui  a  si  heureusement  conduit  les 
recherches  de  Guizot  et  de  M.  Taine.  Cette  fois  il  s'attaque  à  un  sujet 
plus  restreint  et  plus  moderne,  mais  sans  manquer  jamais  de  préparer 
ses  conclusions  par  des  exemples  historiques  empruntés  aux  peuples 
qui  ont  pratiqué  la  démocratie.  Traitant  non  plus  du  passé,  mais  du 
présent  et  même  de  l'avenir,  étudiant  la  démocratie,  observant  ce 
qu'elle  est,  cherchant  ce  qu'elle  doit  être,  il  a  l'occasion  de  déployer  des 
facultés  nouvelles,  celles  du  moraliste.  Et  les  facultés  du  moraliste  sont 
doubles,  elles  embrassent  l'esprit  d'observation  qui  pénètre  les  âmes 
dans  leurs  ressorts  les  plus  intimes,  et  la  conception  de  l'idéal  qui  leur 
désigne  le  but  à  atteindre.  Comme  observateur,  M.  d'Ussel  s'intéresse 
aux  rouages  sociaux,  il  veut  savoir  comment  vivent  les  autres,  dans 
quel  cadre,  dans  quel  milieu,  sous  l'influence  de  quels  mobiles;  etcetie 
curiosité  lui  dicte  des  chapitres  de  la  plus  vivante  et  de  la  plus  fine 
psychologie,  par  exemple  le  portrait  du  politicien,  ce  frelon  bruyant  de 
la  ruche  démocratique.  Comme  homme  d'idéal,  véritable  ami  de  la 
démocratie,  qui  ne  la  flatte  pas,  mais  qui  cherche  à  la  diriger,  à 
la  servir  par  d'utiles  conseils,  il  témoigne  une  préférence  significa- 
tive pour  des  vertus  particulières,  l'énergie  morale,  l'esprit  de  sacri- 
fice, le  respect,  la  domination  des  sentiments  de  l'âme  sur  les  instincts 
de  la  matière.  On  voit  combien  l'ouvrage  que  nous  recommandons  ren- 
ferme d'aliments  pour  l'intelligence  et  aussi  pour  le  cœur.  Il  est  en 
outre  très  bien  composé,  et  comme  organisé  en  divisions  nombreuses 
qui  correspondent  chacune  à  une  face  distincte  du  sujet.  Le  style  est 
d'un  écrivain  qui  se  signale  par  de  précieuses  qualités  de  naturel,  d'agré- 
ment et  de  discrète  élégance. 

C.  P. 


UECUEILS  PÉRIODIQUES.  4  65 


RECUEILS  PERIODIQUES  ET  SOCIETES  SAVANTES. 


1.  —  Revue  des  Questions  historiques.  19e  année,  72e  livraison. 
1er  oct.  1884.  —  Abbé  L.  Duchesne.  Vigile  et  Pelage.  Étude  sur  l'his- 
toire de  l'église  romaine  au  milieu  du  vie  s.  (deux  caractères  remar- 
quables sont  mis  en  relief  dans  cette  étude,  celui  du  roi  goth  Totila,  et 
celui  du  pape  Pelage  Ier).  —  Gérin.  La  légation  du  cardinal  Chigi  en 
France,  1664  (recherche  comment  Alexandre  VII  a  exécuté  le  traité  de 
Pise  du  12  févr.  1664  que  lui  imposa  brutalement  Louis  XIV  :  le  pape 
n'en  laissa  jamais  paraître  le  moindre  ressentiment.  Quant  au  roi,  il 
voulait,  par  la  force  ou  par  la  corruption,  mettre  dans  ses  intérêts  la 
famille  Chigi  et  amener  le  pape  à  favoriser  ses  vues  sur  la  succession 
éventuelle  à  la  couronne  d'Espagne  ;  mais  le  cardinal  Chigi  resta  hon- 
nête, et  Alexandre  VII  indépendant.  Le  coup  était  manqué).  —  Bbé- 
mond  d'Ars.  Les  conférences  de  Saint-Brice  entre  Henri  de  Navarre  et 
Catherine  de  Médicis,  1586-87  (s'efforce  surtout  de  rétablir  l'exactitude 
des  dates  et  des  faits  ;  ces  conférences,  où  Catherine  ne.  cherchait  qu'à 
brouiller  Henri  avec  les  étrangers,  et  où  le  roi  de  Navarre  ne  cherchait 
qu'à  gagner  du  temps,  ne  pouvaient  aboutir.  En  réalité,  elles  ne  profi- 
tèrent qu'à  Henri.  Catherine,  qui  les  avait  proposées,  éprouva  dans 
cette  circonstance  un  échec  de  plus).  —  V.  Pierre.  Les  émigrés  et  les 
commissions  militaires  après  fructidor  (55  personnes  furent  traduites 
devant  ces  commissions,  où  les  accusés  ne  pouvaient  avoir  de  défen- 
seurs, et  fusillées  ;  on  ne  parle  plus  de  ces  commissions  après  le  30  prai- 
rial an  VII).  —  Ad.  Tardif.  Les  livres  blancs  de  Toulouse  (le  ms.  lat. 
9187  de  la  Bibl.  nat.  est  l'ancien  Liber  albus  consuetudinum  Tholosae  seu 
Consulatus,  et  le  ms.  9993  est  le  Liber  albus  senescalliae).  —  A.  de  Bar- 
thélémy. L'émigration  bretonne  en  Armorique  (approuve  dans  leur 
généralité  les  conclusions  historiques  du  livre  de  M.  Loth;  conteste  ses 
conclusions  géographiques,  et  par  exemple  ce  qu'il  dit  de  Corisopitum 
identifié  à  Jublains.  Rien  n'autorise  à  voir  dans  Jublains  le  chef-lieu 
d'une  civitas.  Il  faut  en  revenir  à  l'hypothèse  de  M.  Longnon  et 
admettre  l'existence  au  ive  siècle  d'une  civitas  Corisopitensis ,  qui 
devint  le  diocèse  de  Cornouailles  ou  Quimper).  =  Bulletin  bibliogra- 
phique. Sauvage.  Actes  des  saints  du  diocèse  de  Rouen.  I.  Actes 
de  saint  Mellon  (fait  avec  une  sage  critique).  —  Ch.  d'Héricault  et 
G.  Bord.  Documents  pour  servir  à  l'histoire  de  la  Révolution  fran- 
çaise (très  curieux).  —  //.  d'Ideville.  Romme  le  Montagnard  ;  étude 
critique.   —  A.  de  Bourmont.  La  fondation  de  l'Université  de  Caen 


•166  RECUEILS    PERIODIQUES. 

(détails  intéressants).  —  Bled.  Le  Zoëne,  ou  composition  pour  homi- 
cide à  Saint-Omer  jusqu'au  xvir8  siècle  (curieuse  étude  historique 
et  juridique).  —  A.  de  Villaret.  Les  antiquités  de  Saint-Paul  d'Orléans 
(excellent).  —  J.  de  Coussemaker.  Notice  sur  la  commanderie  de 
Saint-Antoine  de  Bailleul  (ne  donne  rien  de  précis  avant  1415; 
lamentable  histoire  de  cette  commanderie  jusqu'à  sa  suppression 
en  1790).  —  A.  de  Montet.  Extraits  de  documents  relatifs  à  l'histoire  de 
Vevey. 

2.  —  Bibliothèque  de  l'École  des  chartes.  T.  XLV,  année  1884, 
5e  livr.  —  Lelong.  Jules  Tardif  (sa  vie  ;  ses  travaux  ;  bibliographie  de 
ses  œuvres,  notice  remarquable).  —  L.  Delisle.  Le  plus  ancien  ms.  du 
Miroir  de  S.  Augustin  (le  ms.  16  du  fonds  Libri  est  composé  de  fragm. 
soustraits  à  nos  biblioth.  françaises  ;  le  second  morceau  de  ce  ms.  con- 
siste en  13  feuillets  d'un  très  ancien  exemp.  du  Spéculum  de  S.  Augus- 
tin; il  était  encore  en  place  en  1820.  Il  provient  d'un  ms.  de  Saint- 
Benoît-sur-Loire).  —  Vaesen.  Catalogue  du  fonds  Bourré  à  la  Biblio- 
thèque nationale;  suite.  —  Kohler.  Un  réfugié  à  Jérusalem  au  vie  s. 
de  notre  ère  (  Grégoire  de  Tours,  au  ch.  vi  de  son  De  gloria  martyrum, 
parle  d'un  individu  qui  disait  avoir  reçu  un  voile  de  soie  qui  envelop- 
pait le  bois  de  la  vraie  croix,  et  qui,  par  conséquent,  opérait  des 
miracles,  d'un  certain  abbé  Fûtes,  fort  en  crédit  auprès  de  l'impératrice 
Sophie.  Cet  abbé  n'est  autre  que  le  Photius  dont  parle  Procope,  fils 
naturel  d'Antonine,  la  femme  de  Bélisaire.  Histoire  de  ce  singulier 
personnage).  —  L.  Richard.  La  chronique  des  tribulations  francis- 
caines, d'après  un  ms.  de  la  Laurentienne  (décrit  et  analyse  VHistoria 
de  septem  tribulationibus  ordinis  minorum>  dont  Wadding  s'est  servi, 
mais  qui  paraissait  être  perdu  depuis.  Le  ms.  est  daté  du  17  fév.  1381  ; 
l'auteur  est  inconnu,  mais  il  parle  en  homme  qui  a  pris  une  part  active 
aux  luttes  que  l'ordre  eut  à  subir  au  xive  s.  ;  à  ce  point  de  vue,  son 
récit  a  une  valeur  supérieure  même  à  celle  de  Salimbene).  =  Biblio- 
graphie. Bond  et  Thompson.  The  palaeographical  Society  ;  fac-similés  of 
mss.  and  inscr.  (on  donne  ici  la  table  des  matières  et  l'ordre  de  classe- 
ment de  cet  important  recueil).  —  Boucher  de  Molandon.  Inscriptions 
tumulaires  des  xie  et  xne  siècles  à  Saint-Benoît-sur-Loire.  La  maison 
de  Jeanne  d'Arc  à  Domremy,  et  Nicolas  Gérardin  son  dernier  posses- 
seur (curieux).  —  Voyage  de  Nicolas  Loupvant  en  terre  sainte  (analyse 
le  ms.  de  cette  relation  que  possède  le  comte  Dauger).  —  Contrat 
relatif  à  la  confection  de  plusieurs  livres,  30  sept.  1522,  pour  le  prieur 
de  Saint-Pierre-le-Monastier  du  Puy. 

3.  —  La  Révolution  française.  1884,  14  oct.  —  Colfavru.  L'as- 
semblée législative  ;  son  œuvre  ;  son  action.  —  Mallet  du  Pan.  Le 
Comité  de  salut  public,  la  Convention  et  les  Jacobins.  —  A.  Dubost. 
Danton  et  les  massacres  de  septembre  ;  suite  (le  pouvoir  exécutif,  dont 
Danton  était  le  chef,  a  été  impuissant  à  arrêter  les  massacres.  Il  lutta 


RECUEILS    PERIODIQUES.  IliT 

de  toutes  ses  forces  contre  la  Commune;  Danton  n'y  alla  qu'une  lois 
pendant  les  massacres  pour  y  déchirer  le  mandat  d'arrestation  lancé 
contre  Roland.  Enfin  le-  massacres  n'étaient  pas  aussi  odieux  au  peuple 
de  Paris  qu'ils  nous  le  paraissent,  car,  aux  élections  faites  le  7  Bept., 
les  chefs  des  égorgeurs  passèrent  les  premiers  :  Danton  ne  lut  élu  qu'un 
des  derniers)  ;  suite  le  14  qoy.  =  li  qov.  Aulard.  Organisation  inté- 
rieure de  la  Gironde.  —  A.  Follibt.  Évoques  constitutionnels  :  I'.  T. 
Panisset,  évêque  du  Mont-Blanc. —  G.  Villain.  Étude  sur  le  calendrier 
républicain.  —  Et.  Gharavay.  Autographes  révolutionnaires  :  le  géné- 
ral Joubert  (trois  lettres  adressées  au  général  Gervoni;  février  et 
août  1797,  mars  1799). 

4.  —  Revue  critique  d'histoire  et  de  littérature.  1884,  n°  42. 
—  Trigev.  La  procession  des  Rameaux  au  Mans  ;  recherches  sur  la 
corporation  des  mézaigers  et  les  francs-bouchers  du  Mans  (très  curieux. 
Les  mézaigers  subsistent  encore  aujourd'hui).  —  Variétés.  Ghuqobt. 
Un  dernier  document  sur  le  suicide  d'un  soldat  français  après  la  capi- 
tulation de  Verdun  en  1792.  =  N°  43.  Sick.  Notice  sur  Les  ouvrages  en 
or  et  en  argent  dans  le  Nord  (très  intéressant  opuscule).  —  Michel. 
Correspondance  inédite  de  Mallet  du  Pan  avec  la  cour  de  Vienne, 
1794-98  (l'éditeur  a  eu  tort  de  s'en  tenir  aux  seules  lettres  de  Mallel  ; 
il  aurait  trouvé  à  Vienne  beaucoup  de  documents  très  Inl  sur 

les  rapports  de  cet  écrivain  avec  la  cour  de  Vienne,  et  pu  mieux  appré- 
cier ainsi  la  valeur  politique  et  historique  de  ses  correspondances.  Les 
ministres  autrichiens  tenaient  en  médiocre  estime  Mallet  et  ses  rensei- 
gnements, tout  en  les  mettant  à  profit).  =  N°  44.  Lœschkc.  Die  Ennea- 
krounos-episode  bei  Pausanias  (s'efforce,  en  suivant  et  en  rectiliant 
Pausauias,  de  fixer  l'emplacement  de  l'Odéon,  de  l'Ennéakrounos ,  de 
l'Eleusinion,  du  sanctuaire  d'Artemis  Eukleia,  du  Theseion  à  Athènes. 
Interprétation  très  judicieuse  des  textes).  —  Meyer.  Tibur,  eine  rœmische 
Studie  (est  un  impudent  plagiat  d'une  des  Promenades  archéologiques  de 
M.  Boissier).  —  Henrici  de  Bracton,  De  legibus  et  consuetudinilm- 
Angliae  libri  V;  edidit  sir  T.  Twiss  (cette  édition  n'a  aucune  valeur  au 
point  de  vue  critique  ;  les  préfaces  dont  sir  T.  a  fait  précéder  chaque 
volume  renferment  d'utiles  détails  pour  la  biographie  de  Bracton  et 
quelques  dissertations  juridiques  bonnes  à  noter).  —  Kcmji,  à 
hovc.  Les  Huguenots  et  les  Gueux  (excellent).  —  Duc  Des  Cars. 
Mémoires  de  Mme  la  duchesse  de  Tourzel,  1789-95  (intéressant;  mais 
pas  de  notes,  et  beaucoup  de  noms  propres  estropiés).  =  N°  45.  Thûr- 
heim.  Briefe  des  Graferi  Mercy-Argenteau  an  Grafen  L.  Starhemberg, 
1791-94  (Mercy  était  alors  gouverneur  des  Pays-Bas;  Starhemberg, 
son  ami,  était  ambassadeur  d'Autriche,  d'abord  à  La  Haye,  puis  i 
Londres;  118  lettres  presque  toutes  intéressantes).  —  Koskinen.  Suomen 
kansan  historia  (très  savante  histoire  du  peuple  finnois).  —  hl.  Yrjœ 
M.  Sprengtportenin  (correspondance  officielle  de  ce  grand  patriote  lin- 
landais,  qui  fut  gouverneur  général  de  la  Finlande  en  180s  el  1809  ,  la 


,|(58  RECUEILS    PERIODIQUES. 

plupart  de  ses  lettres  sont  en  français).  =  N°  46.  Ch.  Tissot.  Géographie 
comparée  de  la  province  romaine  d'Afrique  ;  t.  Ier  :  géographie  phy- 
sique ;  géographie  historique  ;  chorographie  (analyse  fort  instructive  de 
cet  excellent  ouvrage.  Le  t.  II,  laissé  inachevé  par  la  mort  de  l'auteur, 
va  être  puhlié  par  les  soins  de  M.  S.  Reinach,  exécuteur  testamentaire 
de  l'éminent  épigraphiste).  —  N°  47.  Schlumberger.  Œuvres  d'A.  de 
Longpérier  (recueil  du  plus  haut  intérêt).  —  Grandjean.  Le  registre  de 
Benoit  XI  (publication  utile  et  très  bien  faite).  —  Pisma  k.  M.  P. 
Pogodinu  iz  slavjanskich  zemelj  (lettres  adressées  à  M.  P.  Pogodine  des 
pays  slaves,  1835-61  ;  très  importantes  pour  ceux  qu'intéresse  l'histoire 
de  la  renaissance  slave  au  xixe  s.).  =  N°  48.  Variétés.  Clermont-Gan- 
neau.  Notes  d'archéologie  orientale  :  les  inscriptions  araméennes  de 
Teima;  le  dieu  Çelem.  =  N°  49.  Dejob.  De  l'influence  du  concile  de 
Trente  sur  la  littérature  et  les  beaux-arts  chez  les  peuples  catholiques 
(la  thèse  que  l'auteur  cherche  à  démontrer  est  contestable;  mais  ses 
recherches  ont  été  très  fructueuses  dans  les  bibliothèques  et  archives 
de  Rome).  —  Busson.  Christine  von  Schweden  in  Tirol  (récit  attachant 
du  séjour  de  la  reine  à  Innsbruck,  où  elle  abjura  le  protestantisme).  = 
N°  50.  Ruelens.  La  première  édition  de  la  Table  de  Peutinger  (excel- 
lent). —  Chardon.  La  vie  de  Rotrou  mieux  connue  (beaucoup  d'heu- 
reuses trouvailles  biographiques).  —  Comte  de  Martel.  Les  historiens 
fantaisistes  :  M.  Thiers  (relève  nombre  de  menues  inexactitudes  dans 
les  récits  de  Thiers  sur  le  traité  d'Amiens,  les  affaires  de  la  rade  de 
l'île  d'Aix  et  de  Walcheren  en  1809). 

5.  —  Bulletin  critique.  1884,  15  sept. —  Durrieu.  Documents  rela- 
tifs à  la  chute  de  la  maison  d'Armagnac-Fezensaguet  et  à  la  mort  du 
comte  de  Pardiac  (cette  maison  finit  au  xve  s.  avecGéraud  de  Pardiac, 
que  châtia  rudement  le  connétable  Bernard  VII  ;  nombreux  documents 
habilement  mis  en  œuvre).  —  Épigraphie  du  département  du  Pas-de- 
Calais;  t.  Ier  (fait  sans  méthode  ni  soin).  =  15  oct.  Weil.  Les  plaidoyers 
civils  de  Démosthène;  texte  grec,  2e  édit.  (excel.).  —  Welschinger.  Les 
almanachs  de  la  Révolution  (étude  conscienc.  et  piquante).  =  1er  déc. 
A.  Perrin.  Catalogue  du  médaillier  de  Savoie  (excellent).  —  Hauck.  Die 
Bischofswahlen  unter  den  Merovingern  (veut  prouver  que  l'agrément 
du  roi  pour  la  nomination  des  évêques  n'était  pas  encore  la  règle  au 
début  du  vie  siècle.  Quant  à  la  participation  du  peuple  à  l'élection,  elle 
était  tombée  en  désuétude  à  la  fin  de  la  période  mérovingienne).  — 
Weiss.  Le  droit  fétial  et  les  Fétiaux  à  Rome  (très  bonne  étude). 

6.  —  Journal  des  Savants.  Juin  1884.  —  E.  E.  Conjectures  sur 
le  nom  et  les  attributions  d'une  magistrature  romaine,  à  propos  de  la 
biographie  du  philosophe  Musonius  Rufus  (il  avait,  nous  dit  l'empe- 
reur Julien  dans  une  lettre,  le  soin  des  poids,  impilixo  papwv,  lorsqu'il 
fut  exilé  par  Néron.  On  aurait  dit  en  latin  «  exactor  »  ou  «  curator 
ponderum  et  mensurarum.  »  Le  philosophe  avait  donc  une  charge  ana- 


RECUEILS    PEBI00IQU1  S.  169 

logue  à  celle  de  vérificateur  des  poids  et  mesures).  =  Octobre.  G.  Paris. 
La  légende  de  Rome  au  moyen  âge  (très  intéressante  analyse  de  l'ou- 
vrage de  M.  A.  Graf,  second  volume).  —  Wallon.  Correspondance  de 
M.  de  Rémusat  pendant  les  premières  années  de  La  Restauration  : 
dernier  art.  —  Nov.  AU'.  M.uhv.  Œuvres  de  A.  de  Longpérier; 
dernier  art.  (sur  la  numismatique  française  . 

7.  —  Revue  archéologique.  3a  série,  t.  IV,  sept.  1884.  —  S.  Hi:i- 
nach.  Les  chiens  dans  le  culte  d'Esculape,  et  les  kelabim  des  stèles 
peintes  de  Citium  (il  s'agit  ici  de  chiens  sacrés  qui  prôtaienl  leur  con- 
cours à  Esculape  dans  les  guérisons  où  se  manifestait  La  puissance  de 
ce  dieu).  —  Gaidoz.  Le  dieu  gaulois  du  soleil  et  le  sym  de  La 
roue;  suite.  —  Drouin.  Observations  sur  Les  monnaies  à  Légendes  en 
pehlvi  et  pehlvi-arabe,  Ie' art.  (examine  :  I'  les  monnaies  qui  onl  eu 
cours  dans  lAsie  antérieure  avant  l'époque  sassanide;  2°  les  monnaies 
sassanides;  3°  les  monnaies  pehlvi-arabes  des  premiet  3t-à- 
dire  celles  qui  ont  été  frappées  par  des  populations  iraniennes  enti 
Tigre  et  l'Indus,  depuis  Le  111e  s.  avant  J.-C.  jusqu'après  La  conq 
arabe).  —  Melon.  La  nécropole  phénicienne  de  Mahdia. 

8.  —  Bulletin  d'archéologie  chrétienne.  Édition  française 
4e  série,  année  II,  livr.  3,  4.  —  Les  monuments  chrétiens  du  territoire 
des  Capénates,  et  leur  distribution  géographique  (montre  qu'il  exista 
de  très  bonne  heure  des  communautés  chrétiennes,  Là  où  rien  de  tel 
n'est  connu  ni  par  l'histoire,  ni  parles  traditions,  ni  par  Les  Légende 
Civitucola,  où  était  le  temple  de  la  déesse  Feronia,  à  Nazzano,  où  était 
adorée  la  divinité  des  Sépernates,  à  Rignano,  près  duquel  se  trouve  Le 
grand  cimetière  souterrain  de  Théodora,  où  furent  ensevelis  Les  martyrs 
Abundantius,  Abundius  et  leurs  compagnons.  Rignano  est  on  I 

de  l'ancienne  Capène.  Ce  mémoire  est  accompagné  de  planches  et  de 
fac-similés  d'inscriptions). —  Ce  fascicule  est  malheureusement  te  der- 
nier de  l'édition  française  du  Roll.  d'arch.  christ.,  qui  cesse  de  paraître. 

9.  —  Bulletin  des  bibliothèques  et  des  archives.  Année  1884, 
n°  1. —  Actes  relatifs  aux  bibliothèques  et  archives  en  général.  = 
N°  2.  État  des  catalogues  des  bibliothèques  publiques  de  France  recueil 
très  utile,  rédigé  par  ordre  alphabétique  des  noms  de  villes).  —  N 
de  l'administrateur  général  de  la  Bibliothèque  nationale  sur  Le  legs  Fail 
à  cet  établissement  par  Mme  la  comtesse  de  Bastard  d'Estang  (la  com- 
tesse de  B.  d'E.  a  fait  don  à  la  Bibl.  nat.  d'un  exemplaire  unique  des 
Peintures  et  ornements,  des  mss.  entreprises  sous  la  direction  du  comte  A. 
de  B.  d'E.  Trois  des  douze  volumes  qui  composent  ce  don  princiei  Bont 
consacrés  à  des  mss.  de  nationalités  étrangères.  Unsi  l'on  y  trom 
plus  fidèlement  reproduites  que  partout  ailleurs  les  peintures  du  laineux 
Hortus  Deliciarum  de  Herrade  de  Landsberg,  détruit  dans  le  bombarde- 
ment de  Strasbourg  par  les  Allemands  en  L870).  —  Note  3Ur  la  rédac- 
tion des  catalogues  de  mss.  (instructions  des  pins  utiles,  avec  un  modèle 
de  rédaction  portant  sur  50  articles  très  divers  et  bien  choit 


HO  RECUEILS  PERIODIQUES. 

10. — Nouvelle  Revue  historique  de  droit  français  et  étranger. 

1884,  sept.-oct.  N°5.  —  Prou.  Les  coutumes  de  Lorris  et  leur  propa- 
gation aux  xne  et  xme  s.;  fin  (cette  remarquable  étude  vient  de  paraître 
à  part  chez  Larose  et  Forcel).  —  Ad.  Tardif.  Sur  la  date  du  formulaire 
de  Marculf  (discute  l'opinion  récente  de  Zeumer  ;  maintient  que  le  Landri 
de  la  préface  de  Marculf  est  bien  saint  Landri,  évoque  de  Paris,  et  que 
Marculf  est  un  moine  de  ce  diocèse,  peut-être  de  Saint-Denys  ;  il  a 
terminé  son  formulaire  pendant  l'épiscopat  de  saint  Landri,  c'est-à- 
dire  de  650  à  656.  On  peut  donc  se  servir  en  toute  sécurité  de  ce  recueil 
pour  l'histoire  du  droit  public  et  privé  sous  les  derniers  Mérovingiens). 
—  Brutails.  Étude  critique  sur  Los  Paramientos  de  la  Gaza  (œuvre  de 
pure  fantaisie;  ces  ordonnances  sur  la  chasse,  attribuées  à  Sanche  le 
Sage,  roi  de  Navarre,  sont  dénuées  de  toute  autorité). 

11.  —  Revue  de  l'Histoire  des  religions.  5e  année,  nouv.  série, 
t.  X,  n°  2,  sept.-oct.  —  M.  Nicolas.  Les  origines  de  l'Académie  pro- 
testante de  Montauban  (premier  chapitre  d'une  Histoire  de  l'Académie 
protestante  de  Montauban,  qui  va  bientôt  paraître  chez  Fischbacher). 

12.  —  Revue  des  études  juives.  N°  17  ;  juill.-sept.  1884.  — 
J.  Halévy.  Découvertes  épigraphiques  en  Arabie.  —  Loeb.  Deux  livres 
de  commerce  du  commencement  du  xive  s.  ;  suite  (les  monnaies,  les 
prix,  le  taux  de  l'intérêt,  tableau  des  opérations  faites  par  les  Juifs, 
personnages  avec  lesquels  les  Juifs  sont  en  relations).  —  Neubauer. 
Documents  inédits  ;  suite  (Jacob,  fils  de  Moïse  de  Bagnols  ;  chartes 
intéressant  les  Juifs  de  Corbeil,  Pontoise  et  Aubervilliers).  —  Loeb. 
Un  convoi  d'exilés  d'Espagne  à  Marseille  en  1492  (analyse  une  série  de 
pièces  relatives  à  ce  triste  épisode).  —  Dejob.  Documents  tirés  des 
papiers  du  cardinal  Sirleto,  de  quelques  autres  mss.  de  la  Vaticane, 
sur  les  Juifs  des  États  pontificaux  (pièces  relatives  aux  conversions 
obtenues  de  bonne  grâce,  aux  confessions  forcées,  à  la  censure  du  Tal- 
mud).  —  R.  de  Maulde.  Les  Juifs  dans  les  États  français  du  pape  au 
moyen  âge  ;  suite. 

13.  —  Revue  des  Deux-Mondes.  1884,  1er  nov.  =  J.  de  La  Gra- 
vière.  La  fin  d'une  grande  marine  :  les  chiourmes  enchaînées  (dans 
l'antiquité  et  à  l'époque  moderne).  —  H.  de  La  Ferrière.  Marguerite 
de  Valois;  2e  art.  Sa  réconciliation  avec  le  roi  son  mari;  sa  fuite 
d'Agen  ;  sa  captivité  ;  son  retour  à  la  cour  ;  ses  dernières  années.  = 
15  nov.  Rothan.  Souvenirs  diplomatiques.  La  France  et  l'Italie. 
1er  art.  :  1866-70  ;  2e  art.  (1er  déc.)  :  l'Italie  pendant  la  guerre  (montre 
comment  la  question  de  Rome,  que  Napoléon  III  ne  voulut  à  aucun 
prix,  même  le  3  août  1870,  laisser  occuper  par  l'Italie,  empêcha  tout 
projet  de  traité  d'unir  la  France  à  l'Italie  et  à  l'Autriche;  que  le  gou- 
vernement de  la  Défense  nationale  partagea  les  mêmes  illusions  que 
l'empereur  au  sujet  de  l'attitude  de  l'Italie  à  notre  égard.  Détails  sur 
le  séjour  de  l'auteur  en  Italie,  où  il  fut  envoyé  pour  représenter  la 


RECUEILS    PÉRIODIQUES.  171 

France  à  partir  du  1er  déc.  1870.  Récit  très  intéressant  et  très  poignant  i. 
=  1er  déc.  Boîtier.  Promenades  archéologiques  :  le  pays  de  l'Enéide. 
l6r  art.  :  Ostie  et  Lavinium. 

14.  —  La  Nouvelle  Revue.  1884.  1er  et  15  décembre.  —  Alt'. 
Duquet.  La  bataille  de  Rezonville,  16  août  1870  (récit  très  vivant  et 
très  étudi> 

15.  —  Le  Correspondant.  1884,  10  octobre.  —  Vicomte  de 
Meaux.  Lo  protestantisme,  la  papauté  et  la  politique  française  en  Italie 
au  xvic  s.;  fin  (Henri  IV  voulait  voir  les  étrangers  hors  de  l'Italie,  tous 
les  États  italiens  maintenus  et  fortifiés,  avec  le  pape  à  leur  tète.  En 
post-scriptum,  l'auteur  croit  devoir  se  défendre  contre  l'accusation  por- 
tée sur  lui  par  le  Journal  de  Rome  d'avoir  calomnié  les  papes  et  l'Église 
romaine).  =  25  oct.  Fr.  de  Bernhardt.  Napoléon  III  et  lord  Malmes- 
bury  (extraits  des  mémoires  de  ce  dernier). — A.  Lecoy  de  La  Marche. 
Les  classes  populaires  au  xme  s.,  2e  art.  :  les  serfs  ;  3e  art.  (10  nov.)  : 
l'agriculture;  4e  et  dernier  art.  (25  nov.)  :  l'industrie  et  le  commerce 
(détails  intéressants;  montre  l'action  bienfaisante  de  l'Église  romaine, 
qu'il  loue  à  la  fin  de  son  humanité  envers  les  Juifs).  =  10  nov.  Lan- 
glois.  Le  journal  d'Henry  Gréville,  2e  série,  1852-56.  —  Mayol  de  Lupk. 
Un  pape  prisonnier;  Rome,  Savone;  d'après  des  documents  inédits; 
1er  article. 

16.  —  La  Controverse  et  le  Contemporain.  1884,  15  oct.  — 
H.  de  l'Épinois.  Le  saint-siège  et  la  Ligue;  fin.  —  N.  Le  Danois.  Le 
roi  d'Yvetot  ;  esquisse  historique  (d'après  le  livre  de  M.  Beaucousin). 
=  15  nov.  Allard.  Les  chrétiens  après  Septime  Sévère.  La  paix 
d'Alexandrie  et  la  persécution  de  Maximin  ;  1er  art. 

17.  —  Revue  politique  et  littéraire.  3e  série,  4"  année.  N°  9.  — 
J.  Darmesteter.  Les  études  orientales  en  France  en  1883-84  (rapport  lu 
à  la  Société  asiatique  en  août  dernier  ;  notices  nécrologiques  sur  Lenor- 
mant,  Defrémery,  le  docteur  Sanguinetti,  ami  et  collaborateur  de 
Defrémery.  Analyse  les  études  récentes  sur  l'Annam  et  le  Tonkin).  = 
N°  15.  Fr.  Bouillier.  Une  thèse  en  Sorbonne  au  xvme  s.  ;  l'abbé  de 
Prades  (intéressant  récit  de  la  tempête  soulevée  par  cette  thèse,  qui 
ameuta  contre  elle  à  la  fois  les  jésuites,  les  jansénistes  et  le  Parlement. 
Le  malheureux  abbé  avait  été  cependant  reçu  docteur  à  l'unanimité  ;  il 
lui  fallut  fuir  à  l'étranger.  Curieux  épisode  de  l'histoire  du  cartésia- 
nisme). =  N°  19.  Th.  Reinach.  L'émancipation  des  Juifs  au  xixe  s.  = 
N°  22.  Lehcgeur.  Vers  inédits  du  xvne  s.  Peut-on  les  attribuer  à  Bos- 
suet  ?  (peut-être,  répond  l'auteur,  en  rapprochant  certains  quatrains  copiés 
par  le  Grand  Dauphin,  enfant,  de  passages  semblables  dans  la  Politique 
tirée  de  l'Écriture  sainte.  Mais  dans  le  numéro  suivant,  l'auteur  déclare 
que  ces  vers  sont  de  Godeau,  évèque  de  Grasse,  auteur  d'une  Institu- 
tion du  prince,  pour  Louis  XIV,  roi  de  France  et  de  Navarre,  en  143  qua- 
trains) . 


472  RECUEILS    PÉRIODIQUES. 

18.  —  Revue  de  l'Art  français.  1884.  N°  10.  —  Jouin.  Que  sont 
devenus  les  Mémoires  du  duc  d'Antin  ?  (Lemontey  les  cite  à  plusieurs 
reprises,  mais  on  ignore  où  ils  sont).  =  N°  11.  Ginoux.  Le  peintre  de 
vaisseaux  Gaspard  Doumet  (publie  :  1°  un  brevet  de  maître  peintre  au 
port  de  Toulon,  1767;  2°  un  arrêté  de  Louis  XVI  accordant  à  cet 
artiste  une  récompense  nationale,  févr.  1792). 

19.  —  Bulletin  d'histoire  ecclésiastique  (Romans).  1884,  sept.- 
oct.  —  Abbé  Toupin.  Justine  de  la  Tour  Gouvernet,  baronne  de  Poët- 
Gélard;  épisode  des  controverses  religieuses  en  Daupbiné  durant  les 
vingt  premières  années  du  xvne  s.  —  Dr  Francus.  Visite  des  églises  du 
Bas-Vivarais  en  1675-76,  par  M.  Monge,  délégué  de  l'évêque  de  Viviers. 
— Bellon.  Catalogue  historique  des  commandeurs  de  Saint-Vincent-les- 
Cbarpey,  diocèse  de  Valence.  —  Ghan.  Ul.  Chevalier.  Documents 
relatifs  aux  représentations  théâtrales  en  Dauphiné  de  1484  à  1585. 

20.  —  Le  Spectateur  militaire.  4e  série,  t.  XXVII.  1884,  15  oct. 
—  Souvenirs  militaires  du  général  baron  Hulot;  suite  le  1er  et  le  15  nov., 
le  1er  et  le  15  déc.  =  1er  déc.  Brunoys.  L'Europe  au  xixe  s.  et  la  poli- 
tique coloniale  de  la  France.  —  Wolff.  Souvenirs  d'un  lieutenant  du 
génie  ;  suite  :  le  siège  de  Gonstantine  en  1837.  Suite  le  15  déc. 

21.  —  Revue  africaine.  28e  année,  1884;  mai-juin.  —  Rinn.  Essai 

d'études  linguistiques  et  ethnologiques  sur  les  origines  berbères; 
11e  art.;  12e  art.  en  juillet-août.  —  Robin.  Histoire  du  chérif  Bou 
Bar'la  ;  15e  art.  —  H.-D.  de  Grammont.  Relations  entre  la  France  et  la 
régence  d'Alger  au  xvne  s.  ;  4e  partie  :  les  consuls  lazaristes  et  le  che- 
valier d'Arvieux,  1646-88;  1er  art.,  2e  art.  en  juillet-août.  —  L.-Ch. 
Féraud.  Notes  historiques  sur  la  province  de  Constantine.  Les  Ben- 
Djellab,  sultans  de  Touggourt;  19e  art.,  20e  art.  en  juillet-août.  = 
Juillet-août.  Arnaud.  Voyages  extraordinaires  et  nouvelles  agréables, 
par  Mohamed  Abou  Ras  ben  Ahmed  ben  Abd-el-Kader  En-Nasri  ; 
22e  article. 

22.  —Revue  de  TAgenais.  11"  année;  9e-10e  livr.  —  Faugère- 
Dubourg.  Nos  pères  sous  Louis  XIV;  extraits  des  mémoires  sur  la 
généralité  de  Bordeaux  en  1715;  suite  (ch.  4  :  de  l'administration  de  la 
justice;  ch.  5  :  «  ies  finances  que  le  roy  retire  de  cette  généralité,  et  la 
manière  dont  S.  M.  les  retire  »).  —  Tholin.  Les  cahiers  du  pays  d'Age- 
nais  aux  états  généraux;  suite  (préliminaires  des  états  de  1789;  projets 
relatifs  au  rétablissement  des  états  de  la  province).  —  Lauzun.  Docu- 
ments inédits  relatifs  à  l'entrée  du  duc  d'Aiguillon  à  Agen  et  à  Con- 
dom  en  1751  ;  suite. 

23.  —  Revue  bourbonnaise.  N°  10,  15  oct.  1884.  —  Richerolles. 
La  Roche  Cxuillebaud  (son  histoire  et  liste  de  ses  seigneurs  depuis  le 
xnie  s.).  =  15  nov.  Grégoire.  La  châtellenie  de  Belleperche.  =  Mmc  F. 


RECUEILS    PERIODIQUES.  4  73 

Des  Gorats.  Anne  de  France,  duchesse  de  Bourbonnais.  —  Bertrand. 
Les  découvertes  romaines  et  gallo-romaines  de  L'Allier  :  suite. 

24.  —  Revue  de  Gascogne.  T.  XXV,  11*  livr.  Non.  1884.  Abbé 
C.  Dot  us.  Le  Père  Polycarpe  de  Marciac,  capucin  (son  rôle  et  celui 
des  capucins  de  Bordeaux  pendant  la  peste  de  1605-1606).  —  Abbé 
Ducruc.  Les  curés  de  Cazaubon  au  siècle  dernier. 

25.  —  Revue  historique  et  archéologique  du  Maine.  T.  XVI, 
2e  livr.  1884,  second  semestre.  —  Comte  de  Beauchesnb.  Guillaume  Le 

Clerc,  sieur  de  Crannes,  capitaine  de  Laval,  1574-97  (histoire  du  comté 
de  Laval  pendant  la  Ligue  ;  suivi  de  pièces  justificatives).  —  Joubert. 
La  seigneurie  de  La  Garaudière,  dépendance  de  l'abbaye  de  la  Roë, 
d'après  les  documents  inédits.  1216-1776  (étude  suivie  de  la  liste  des 
hameaux,  métairies  et  closeries  composant  cette  seigneurie  au  xviir  s.). 
—  Alouis.  Les  Coesmes,  seigneurs  de  Lucé  et  de  Pruillé.  lre  partie,  de 
1370  à  1508;  fin.  =  Livres  nouveaux.  Dubois.  Un  prêtre  du  Maine  et 
sa  famille  pendant  la  Révolution  (d'après  les  notes  prises  pendant 
l'émigration  par  l'abbé  Davoust  de  Lassay,  mort  en  1837  cure  du 
Ribay).  —  Le  prieuré  de  Saint-Denis  de  Saint-Calais  (prieuré  des  béné- 
dictines fonde  en  1636).  —  Quéruau-Lamerie.  La  vie  à  Laval  au  xvme  s. 
(extraits  des  correspondances  de  Mmes  Lemonnier  de  La  Jourdonnière, 
1766-70,  et  Rayet-Dubignon,  1779). 

26.  —  Annales  de  la  Faculté  des  lettres  de  Bordeaux.  2*  série, 
1884,  n°  2.  —  Ddméril.  La  captivité  de  François  Ier  considérée  comme 
un  épisode  de  l'histoire  de  l'équilibre  européen  (François  Ier  trompa 
Charles  V  par  le  traité  de  Madrid  ;  libre,  il  négocia  avec  les  puissances 
italiennes  et  promit  de  les  soutenir,  de  concert  avec  Henri  VIII, 
contre  l'empereur,  mais  il  les  trompa  à  leur  tour  :  pour  délivrer  ses 
fils  donnés  en  otages,  il  laissa  carte  blanche  à  l'empereur  en  Italie. 
Mais  pourquoi  l'Italie  et  l'Angleterre  se  laissèrent-elles  si  aisément 
tromper  par  le  roi  de  France?  C'est  qu'il  fallait  à  tout  prix  sauver 
l'équilibre  européen  en  arrêtant  Charles-Quint).  —  Hochart.  La  persé- 
cution des  chrétiens  sous  Néron  (il  n\  avait  pas  à  Rome,  sous  Néron, 
des  hommes  que  le  peuple  appelait  chrétiens;  ils  n'ont  été  désignés 
ainsi  qu'après  l'époque  où  Tacite  écrivait  ses  Annales.  Il  faut  voir  dans 
l'inimitié  supposée  du  gouvernement  et  de  la  population  contre  les 
Juifs  le  transport  à  l'époque  de  Néron  d'un  état  d'esprit  qui  s'est  pro- 
duit beaucoup  plus  tard,  quand  leurs  associations  se  montrèrent  hostiles 
au  pouvoir  politique  et  religieux  des  empereurs.  La  Saint-Barthélémy 
des  chrétiens  sous  Néron  est  donc  imaginaire  ;  la  légende  a  pris  germe 
dans  l'idée  apocalyptique  qui  avait  fait  de  lui  l'antéchrist.  C'est  un 
faussaire  qui  a  introduit  dans  les  Annales  de  Tacite  le  récit  dramatique 
qui  est  aujourd'hui  empreint  dans  toutes  les  imaginations.  Pour  prou- 
ver que  cette  interpolation  a  été  faite  par  un  moine  du  moyen  âge, 
l'auteur,  entre  autres  arguments,  produit  le  fac-similé  d'une  page  du 


I7'<  RECUEILS    PERIODIQUES. 

ms.  des  Annales  conservé  à  la  Laurentienne,  et  qui  vient  du  Vatican. 
La  thèse  nous  parait  des  plus  hardies). 

27.  —  Académie  des  inscriptions  et  belles -lettres.  1884. 
Séances.  3  et  31  oct.  —  M.  J.  Reinach  lit  un  mémoire  sur  les  fouilles 
exécutées  à  Garthage  sous  sa  direction  et  sous  celle  de  M.  Babelon.  = 
10  oct.  M.  Bréal  interprète  comme  suit  une  inscr.  en  osque  gravée  sur 
un  casque  acquis  récemment  par  le  musée  de  Vienne  :  Spedius  Mamer- 
cius  Saepinas  consecravit.  —  M.  Germain  analyse  un  précieux  cartu- 
laire  intitulé  :  Liber  instrumentorum  memoralium,  qu'il  se  propose  de 
publier  pour  la  Société  archéologique  de  Montpellier  ;  les  textes  de  ce 
cartulaire  intéressent  également  la  philologie  et  l'histoire.  =  7  nov. 
M.  Haurkau  lit  un  mémoire  sur  la  vie  d'Alain  de  Lille,  dit  «  le  docteur 
universel,  »  et  sur  ses  écrits.  —  M.  Perrot  lit  les  dernières  pages  du 
t.  III  de  ['Histoire  de  l'art  dans  l'antiquité,  sur  le  rôle  historique  des 
Phéniciens.  =  21  nov.  M.  Ed.  Le  Blant  communique  l'introduction  de 
l'ouvrage  qu'il  va  publier  sur  les  sarcophages  chrétiens  de  la  Gaule, 
pour  faire  suite  à  son  livre  sur  les  sarcophages  chrétiens  d'Arles.  — 
M.  Desjardins  parle  d'inscriptions  trouvées  en  Tunisie  dans  le  domaine 
de  l'Enfida  ;  une  d'elles  mentionne  une  cité  jusqu'ici  inconnue  :  le 
Municipium  Aurelium  Augustum  Segemes. 

28.  —  Académie  des  sciences  morales  et  politiques.  Séances 
et  travaux.  Compte-rendu.  T.  XXII.  1884,  nov.;  11e  livr.  —  J.  Simon. 
Suppression  des  anciennes  académies,  8  août  1793. 

29.  —  Société  de  l'histoire  du  protestantisme  français.  Bul- 
letin. 3°  série,  3e  année,  n°  10.  1884,  15  oct.  —  J.  Bonnet.  Les  quatre 
martyrs  de  Dijon,  1557  (Philippe  de  La  Gène,  Jacques  Valtan,  Séraphon 
Archambaut,  Du  Rousseau,  brûlés  tous  quatre.  Dijon  devait  être  plus 
heureux  en  1572;  grâce  à  l'intervention  du  comte  de  Charny,  gouver- 
neur de  la  province,  les  horreurs  de  la  Saint-Barthélémy  lui  furent 
épargnées).  —  Testament  de  Charlotte  de  Bourbon,  princesse  d'Orange 
(18  nov.  1581).  —  Picheral-Dardier.  Voyage  d'Ant.  Court  en  Suisse 
dans  l'été  de  1746.  =  N°  11.  Chenot.  Jean  l'Archer,  ministre  à  Héri- 
court,  1731-32.  —  Ph.  Corbière.  Des  consistoires  et  de  la  confiscation 
de  leurs  biens,  1685.  —  Un  pèlerinage  à  Canterbury  :  le  cardinal  de 
Châtillon  (traduction  du  procès-verbal  dressé,  deux  jours  après  la  mort 
mystérieuse  du  cardinal,  par  deux  commissaires  chargés  de  l'enquête. 
Un  des  signataires,  sir  R.  Manwood,  était  «  chief-baron  »  de  l'Echi- 
quier. Au  verso  on  lit  cette  mention  :il  ne  paraît  y  avoir  aucun  fonde- 
ment au  soupçon  qu'il  aurait  été  empoisonné). 

30.  —  Société  nationale  des  Antiquaires  de  France.  Séance  du 
5  nov.  —  M.  Mowat  communique  (de  la  part  de  M.  Germer  Durand) 
une  inscription  gauloise  inédite  conservée  à  l'Ermitage  de  N.-D.  de 
Laval,  près  Colias  (Gard)  ;  elle  se  termine  par  une  formule  déjà  connue, 


RECUEILS    PÉRIODIQUES.  IT^i 

dede  bratonde  kanten.,.  =  séance  du  12  dov.  M.  Courajod  lit  une  note 
sur  doux  manuscrits  de  la  bibliothèque  de  Vienne  (Autriche).  Le  | 
mier  est  un  traité  dédié  à  Marguerite  d'Autriche,  duchesse  de  Savoie  ; 
il  est  orné  de  miniatures  françaises,  rédigé  en  français  par  un  juriscon- 
sulte napolitain,  Michel  Rizi,  membre  du  Parlement  de  Paris  bous 
Louis  XII.  Le  second  est  une  traduction  française  de  V Histoire  du  Juifs 
de  Josèphe,  splendidement  illustrée  de  miniatures,  datée  de  1463,  et 
attribuée  à  un  auteur  imaginaire,  le  moine  Régules.  =  Séance  du 
19  nov.  M.  Mmwai  donne  lecture  <\'onr  lettre  de  M.  Germer-Durand, 
relative  à  l'inscription  tumulaire  de  Sainte-Enimie  à  Mende  (Lozère). 
M.  Germer-Durand  la  déchiffre  et  la  complète  de  la  manière  suivante  : 
in  ?iac  aula  requiescit  corpus  beatae  Enimiae;  ce  texte  paraît  dater  de 
l'an  950  à  1060.  A  cette  occasion,  M.  I.ongnon  fait  remarquer  qu'au 
xme  siècle  le  mot  Aula  désignait  un  lieu  de  réunion  en  général. 

31.  —  Société  de  l'Histoire  de  Paris.  Bulletin.   11-  année,  1884, 

4e  livr.  — J.  J.  Guiffrey.  Les  grands  relieurs  parisiens  du  xvme  s.  — 
Abbé  Val.  Dufour.  Le  bénédictin  Jacques  du  Breul,  1528-1614;  ses 
rapports  avec  Pierre  de  l'Estoile  ;  sa  maison  natale  sur  le  Petit  Pont. 
—  G.  Leièvre-Pontalis.  Fragment  d'un  ms.  du  Journal  d'un  bourgeois 
de  Paris,  1  iOS-1  ii9  (copié  par  André  Duchesne  sur  le  ms.  du  Journal 
qui  est  aujourd'hui  au  Vatican).  =  5e  livraison.  Omont.  Traité  de  com- 
merce entre  le  tzar  et  des  marchands  parisiens  («  obtenu  à  Mosco,  au 
mois  de  mars  1587  »).  —  F.  Aubert.  Notes  pour  servir  à  la  biographie 
de  Pierre  de  Gugnières  (extraites  des  registres  du  Parlement.  On  ne 
sait  toujours  pas  la  date  de  sa  naissance,  ni  de  sa  mort).  —  In.  Nou- 
veaux textes  concernant  Guillaume  Du  Breuil  (pièces  relatives  au  dill'é- 
rend  élevé  entre  l'auteur  du  Stilus  Parlamenti  et  Baratz  de  Ghâteauneuf, 
1341-48).  —  Omont.  L'Essai  historique  sur  la  bibliothèque  du  Roi,  de  Le 
Prince,  sa  lre  et  sa  2e  édit.  (publie  la  plainte  de  Bignon,  bibliothécaire 
du  roi,  demandant  que  la  vente  de  l'ouvrage  fût  arrêtée,  la  défense  de 
Le  Prince,  enfin  le  rapport  fait  au  garde  des  sceaux,  qui  autorisa  la 
mise  en  vente,  1782).  —  A.  Dufour.  L'abbaye  de  Saint- Antoine-des- 
Ghamps  en  1641.  —  il.  Stei.n.  Deux  Milanais  à  la  Bastille  en  1713. 

32.  —  Société  de  l'Histoire  de  Normandie.  Bulletin.  Années 
1880-83;  fin.  —  D.  de  Beaucourt.  La  double  entrée  de  Gharles  Vil  à 
Rouen  (en  1417  et  en  1449  ;  avec  deux  documents  inédits). 

33.  —  Société  des  Antiquaires  de  l'Ouest.  Bulletin.  1884, 
2e  trim. — Barbier  de  Montault.  Une  lettre  inédite  île  Mahillou  (à  dom 
Jean  Navières,  prieur  de  l'abbaye  de  Nouaillé;  Paris,  29  avril  1700; 
parle  du  manuscrit  de  l'histoire  de  Nouaillé  par  d.  Cl.  Estiennot; 
on  pourra  peut-être  le  retrouver  parmi  les  papiers  des  bénédictins 
<jui  sont  à  la  Bibliothèque  nationale).  —  Ali'.  Richard.  Le  ms.  n°  51  de 
la  bibliothèque  de  Poitiers  a-t-il  eu  un  caractère  officiel?  (ce  ms., 
connu  sous  le  nom  de  M.  de  Saint-Hilaire,  contient  la  copie  des  statuts 


•176  RECUEILS   PERIODIQUES. 

tic  l'échevinage  de  Poitiers,  les  règlements  des  corps  de  métiers  et 
quelques  autres  pièces  relatives  à  la  vie  municipale.  Il  a  été  formé  par 
voie  d'adjonctions  successives,  d'abord  au  xve  s.,  puis  au  xvne  s.  Ce 
n'était  pas  un  registre  officiel,  mais  le  livre  du  maire,  qui  trouvait  là 
diverses  formules  de  serment  et  un  cérémonial;  après  les  modifications 
que  Louis  XIV  fit  subir  à  la  commune,  ces  statuts,  formules,  etc., 
devinrent  inutiles,  et  le  ms.  devint  propriété  privée).  —  M.  de  La 
Bouralière.  Une  lettre  inédite  de  Théophraste  Renaudot  (13  août  1617, 
de  Loudun,  où  il  exerçait  la  médecine). 

34.  —  Société  archéologique  de  Tarn-et-Garonne.  Bulletin. 
T.  XII,  1884,  2e  trim.  —  Dumas  de  Rauly.  Fragments  de  vies  de  saints 
eu  langue  romane  du  xrv"  s.  (proviennent  de  l'abbaye  de  Moissac).  — 
Ed.  Forestié.  Baptêmes,  mariages  et  sépultures  au  xive  s.  à  Montau- 
ban.  =  3e  trim.  Abbé  Galabert.  Les  mœurs  chrétiennes  au  xve  siècle 
(notes  prises  dans  des  archives  de  notaires,  pour  Gaylus  et  les  environs). 
—  Rumeau.  La  peste  à  Grenade  pendant  les  xvie  et  xvne  s.  =  Biblio- 
graphie. Ch.  de  Saint-Martin.  La  judicature  de  Verdun  avant  son 
annexion  à  la  Guyenne  (détails  intéressants  sur  l'administration  de  la 
justice  aux  xive  et  xve  s.).  —  Rumeau.  Monographie  de  Labastide-de- 
Sérou  (ancienne  Villa  Montis  Esquivi  de  Serona;  renseignements 
curieux  sur  l'organisation  municipale  de  cette  ville,  dont  les  privilèges 
sont  consignés  dans  une  charte  de  Roger  IV,  comte  de  Foix,  le 
24  juin  1252). 

35.  —   Société    historique    et    archéologique    du    Gâtinais. 

Annales.  1884.  1er  trim.  —  Liste  des  monuments  historiques  du  Gâti- 
nais. —  A.  Dufour.  Un  atelier  monétaire  à  Gorbeil  de  1654  à  1658.  — 
La  guerre  d'Estampes  en  1652,  par  René  Hémard  ;  relation  inédite 
annotée  par  P.  Pinson.  —  Duhamel.  Notice  sur  des  monnaies  gauloises 
et  carlovingiennes  trouvées  à  Méréville.  —  H.  Stein.  Les  archives  de 
Maisse.  =  2e  trim.  Funck-Brentano.  La  mort  de  Philippe  le  Bel  (ce 
très  intéressant  travail  a  été  tiré  à  part  ;  cf.  Bev.  hist.,  XXVI,  455).  — 
Simon.  Le  nom  de  Comeranum  peut-il  s'appliquer  à  Boiscommun,  Loi- 
ret ?  (ce  mot  est  le  résultat  d'une  coquille.  Dans  un  texte  du  xvie  s. 
publié  par  D.  Morin,  on  a  lu  «  Comerani  ecclesiam  »  au  lieu  de  «  Con- 
secravi  ecclesiam  »). 

36.  —  Société  d'émulation  de  l'Ain.  Annales.  17e  année.  Juillet- 
sept.  1884.  —  Jarrin.  La  Bresse  et  le  Bugey,  20e  et  21e  parties  (con- 
quête du  pays  par  Henri  IV  ;  les  protestants  à  Bourg  jusqu'à  la  guerre 
de  1635).  —  Tiersot.  La  Restauration  dans  le  département  de  l'Ain; 
documents  complémentaires. 


37.  —  Messager  des  sciences  historiques  de  Belgique.  Année 
1884,  3e  livr.  —  Varenbergh.  Le  don  patriotique  des  dames  d'Ypres  en 


RECUEILS    PERIODIQUES.  177 

1790.  —  Alph.  de  Vlaminck.  Nouvelles  considérations  sur  l'habitat  des 
Aduatuques  et  des  Ménapiens  (Strabon  et  César  prouvent  avec  la  der- 
oière  évidence  que  les  Ménapiens  étaient  établis  à  l'embouchure  du 
Rhin;  les  événements  dont  la  Ménapie  fut  le  théâtre  lors  de  la  guerre 
des  Gaulois  se  sont  donc  passés  hors  de  la  Belgique  actuelle).  —  I). 
Gartulaire  du  béguinage  de  Sainte-Elisabeth  à  Gand,  recueilli  par  le 
baron  de  Bethune.  —  De  Babrne.  Analogies  hiberno-llamandes,  ou 
affinités  entre  la  langue  irlandaise  et  la  flamande.  —  Vicomte  de  Grou- 
chy  et  comte  de  Marsy.  Un  administrateur  au  temps  de  Louis  XIV; 
suite  (Robertot  à  Ypres  en  1658). 


38.  —  Revue  d'Alsace.  1884,  juillet-sept.  —  Muht.enreck.  Étude 
sur  l'origine  de  la  Sainte-Alliance  :  Marie-Gottliebin  Kummer,  Jean- 
Frédéric  Fontaines  ;  Madame  de  Krudener  (Marie  Kummer  était  une 
somnambule  extra-lucide  ;  elle  fit  la  conquête  de  Fontaines,  pasteur  à 
Sainte-Marie-aux-Mines,  puis  de  la  baronne  de  Krudener.  En  1809,  ils 
allèrent  tous  fonder  à  Catharinen-plaisir,  en  AVurtemberg,  une  colonie 
chrétienne,  noyau  de  la  «  Sainte-Alliance  »  future,  dont  les  adeptes 
échapperaient  au  cataclysme  imminent  promis  aux  méchants.  Chassée 
de  là,  Mme  de  Krudener,  définitivement  gagnée  au  millénarisme  et  au 
mysticisme,  entreprit  de  convertir  les  Genevois  ;  puis  elle  entama  avec 
Roxandre  de  Stourdza  la  correspondance  fameuse  qui  fit  tant  d'impres- 
sion sur  le  mystique  Alexandre  Ier  :  en  1815,  elle  communiqua  à  l'em- 
pereur le  plan  de  la  Sainte-Alliance  rêvée  par  Marie  Kummer,  et  prê- 
chée  par  Fontaines  dès  1801). 


39.  —  Historische  Zeitschrift.  N.  F.  Bd.  XVII,  Ileft  1.  — 
W.  Lang.  Cavout  et  la  guerre  de  Crimée  (résume  les  livres  récents 
sur  le  sujet).  —  Loserth.  Publications  récentes  sur  Wiclif  (résume, 
d'après  ces  travaux,  la  vie  et  la  doctrine  de  l'hérésiarque).  —  Wenzel- 
burger.  A  la  mémoire  de  Guillaume  le  Taciturne.  —  Brosch.  La  reine 
Marie-Caroline  de  Naples  (critique  et  réfute  en  bien  des  points  les 
ouvrages  de  Helfert  sur  la  question.  Prend  contre  ce  dernier  la  défense 
de  Colletta,  qu'il  estime  un  historien  véridique,  malgré  les  erreurs  de 
détail  qu'il  a  pu  commettre).  —  Pflugk-Harttung.  De  la  façon  dont  il 
convient  de  reproduire  par  la  photographie  les  documents  du  moyen 
âge.  =  Bibliographie.  Herzog.  Geschichte  und  System  der  rœmiscben 
Staatsverfassung.  Bd.  I.  Eœnigszeit  und  Republik  (excellent  manuel  à 
mettre  entre  les  mains'  des  étudiants  qui  y  trouveront  non  seulement 
une  exposition  précise  et  une  appréciation  originale  des  faits,  mais 
encore  les  textes  mêmes  des  auteurs  latins  transcrits  avec  soin).  =  A.  de 
Ceuleneer.  Essai  sur  la  vie  et  le  règne  de  Septime  Sévère  (excellent).  — 
Andrae.  Via  Appia  (sujet  bien  étudié,  intéressant  malgré  bien  des  lon- 
gueurs). —  Vallentin.  Les  Alpes  cottiennes  et  graies  (très  bonne  des- 
Rev.  Histor.  XXVII.  1er  fasc  12 


-J7-S  RECUEILS    PERIODIQUES. 

cription  du  pays  et  surtout  des  routes  romaines  qui  le  traversaient).  — 
Gautier.  Rénovation  de  l'histoire  desFranks  (prétend  qu'il  n'y  a  jamais 
eu  d'invasion  franque  en  Belgique,  que  les  Francs  Saliens  ne  sont  que 
les  descendants  des  Belges  du  temps  de  César.  C'est  un  pur  roman).  — 
Schwemer.  InnocenzIII  und  die  deutsche  Kirche,  1198-1208  (bon;  étu- 
die en  détail  le  Registrum  super  negotio  romani  imperii).  —  Franz.  Die 
Chronica  pontificum  Leodiensium;  eine  verlorene  Quellenschrift  des 
XIII  Jahrh.  (essaie  de  prouver  que  cette  chronique,  aujourd'hui  perdue, 
est  la  source  originale  où  ont  puisé  Aubri  de  Trois-Fontaines,  Gilles 
d'Orval,  etc.  Les  conclusions  générales  sont  contestables;  mais  beau- 
coup de  remarques  de  détail  sont  bonnes  à  retenir).  —  Harnack.  Das 
Kurfùrstenkollegium  bis  zur  Mitte  des  XIV  Jahrh.  (cette  étude  aurait 
besoin  d'être  fortement  corrigée  sur  plus  d'un  point  essentiel  ;  mais  c'est 
un  travail  très  consciencieux). —  Weizsxcker.  Deutsche  Reichstagsakten. 
Bd.  IV,  1400-1401  (excellent).  — Schilling.  Quellenbuch  zur  Geschichte 
der  Neuzeit  (compilation  très  utile  ;  mais  il  faut  prendre  garde,  en  dépit 
du  titre,  qu'elle  importe  seulement  à  l'histoire  d'Allemagne).  —  Balan. 
Monumenta  reformationis  Lutheranae,  1521-25  (recueil  précieux,  mais 
trop  incomplet,  de  documents,  où  d'ailleurs  il  est  à  peine  question  de 
Luther).  —  Arteche  y  Moro.  Guerra  de  la  Independencia,  1808-14,  4  vol. 
(travail  gigantesque,  malheureusement  gâté  par  des  préjugés  nationaux 
de  l'auteur).  —  Fem.  de  Cordova.  La  revolucion  de  Roma  y  la  expedi- 
cion  espanola  à  Italia  en  1849  (souvenirs  personnels  de  l'auteur  sur  cette 
expédition).  —  Capasso.  Sulla  circoscrizione  civile  ad  ecclesiastica,  e 
sulla  popolazione  délia  città  di  Napoli,  dalla  fine  del  sec.  xm  fino 
al  1808  (bon).  —  Martens.  Recueil  des  traités  et  conventions  conclues 
par  la  Russie  avec  les  puissances  étrangères,  t.  V,  VI;  traités  avec 
l'Allemagne,  1656-1808  (les  préfaces  de  ces  deux  volumes  sont  très 
importantes  pour  la  politique  extérieure  de  la  Russie  au  xvnie  s.).  — 
Schouler.  History  of  the  United  states  of  America  under  the  Constitu- 
tion. 2  vol.,  1789-1817  (c'est  la  meilleure  histoire  que  nous  ayons  sur 
cette  époque). 

40.  —  Forschungen  zur  deutschen  Geschichte.   Bd.  XXIV, 

Heft  3.  —  G.  Winter.  Etude  critique  sur  l'histoire  de  la  guerre  de 
Sept  ans  de  Tempelhoff,  et  sur  les  mémoires  militaires  du  comte 
Henckel  de  Donnersmark  (pour  la  campagne  de  1761,  Tempelhoff  a 
constamment  suivi  Henckel,  lorsque  ce  général  parle  en  témoin  oculaire 
des  événements.  Il  puise  prudemment  à  d'autres  sources,  lorsque  celui-ci 
ne  fait  que  reproduire  les  opinions  d'autrui.  Tout  n'est  pas  original,  en 
effet,  dans  Henckel,  ni  impartial.  Il  est  le  porte-voix  de  la  coterie  qui 
prétendait  rabaisser  les  talents  militaires  de  Frédéric  II  au  profit  du 
prince  d'Anhalt,  comme  le  journal  de  Gaudy  représente  la  coterie  qui 
opposait  le  prince  Henri  de  Prusse  au  roi  son  frère.  Ce  dernier  journal 
encore  inédit  devrait  être  publié  ;  on  verrait  qu'il  est  l'unique  source 
de  beaucoup  de  mémoires  hostiles  au  roi,  et  que  par  conséquent  leur 


RECUEILS  PÉRIODIQUES.  179 

nombre  n'ajoute  rien  à  la  force  de  leur  témoignage.  Pour  décider  la 
question,  il  faudrait  publier  la  correspondance  militaire  de  Frédéric  sur 
le  modèle  de  sa  correspondance  politique).  —  Fr.  Wagner.  Le  troisième 
n  Livre  impérial  »  des  margraves  de  Brandebourg.  (L'électeur  Albert- 
Achille  de  B.  avait  pris  soin  de  faire  recopier  méthodiquement  tous  les 
actes  originaux  intéressant  ses  États.  Ces  actes  sont  rangés  par  matière  : 
les  uns  concernent  la  Marche  de  Brandebourg,  les  autres  la  Franconie, 
d'autres  l'empire,  etc.  Ces  derniers  sont  répartis  en  trois  livres.  Le  troi- 
sième et  dernier,  comprenant  les  années  1487-92,  est  ici  analysé.)  — 
Pflugk-Harttung.  Le  privilège  d'Otton  Ier  pour  la  cour  de  Rome  (les 
deux  privilèges  publiés  par  Sickel  sont  des  originaux,  non  de  simples 
copies  contemporaines).  —  Hahn.  Les  sermons  attribués  à  saint  Boni- 
face  (dans  les  Jahrb.  d.  fraenk.  Reichs,  741-752,  publiés  en  1863,  l'auteur 
avait  admis  l'authenticité  de  ces  sermons.  Il  est  aujourd'hui  d'un  avis 
tout  différent;  c'est  dans  les  seules  lettres  de  Boniface  qu'il  faut  cher- 
cher la  peinture  fidèle  de  ses  idées  et  de  sa  vie).  —  Diekàmp.  La  légende 
de  la  fondation  et  la  prétendue  charte  de  création  du  monastère  de 
Freckenhorst. 

41.  —  Gœttingische  gelehrte  Anzeigen.  1884.  N°  18.  —Borctius. 
Capitularia  regum  francorum,  t.  Ier  (répond  aux  critiques  adresse"  ,t 
son  édition  des  Capitulaires  par  M.  AYaitz  et  M.  Jos.  Tardif;  a  si,  dit 
l'auteur  en  terminant,  je  tenais  pour  fondées  les  critiques  de  W.  et  de 
T.,  je  n'aurais  pas  le  courage  de  terminer  mon  édition  ;  je  ne  me  décide 
à  continuer  mon  travail  qu'après  m'être  convaincu  que  ces  critiques  ne 
sont  pas  fondées  »).  — Schxffler  et  Henner.  Die  Geschichte  des  Bauern- 
krieges  in  Ostfranken  von  Mag.  L.  Fries.  —  Vogt.  Die  bayrische  Poli- 
tik  im  Bauernkrieg  et  der  Kanzler  Dr.  L.  von  Eck,  das  Haupt  des 
schwsebischen  Bundes  (deux  publications  importantes  sur  la  guerre 
des  Paysans.  La  première  parait  correcte  ;  la  seconde  au  contraire 
contient  beaucoup  de  fautes  et  de  lecture  et  de  chronologie).  — 
=  N°  19.  Nitzsch.  Geschichte  des  deutschen  Volkes  bis  zum  Augs- 
burger  Religionsfrieden;  Bd.  II,  hgg.  von  Matthxi  (excellent  exposé 
de  l'histoire  d'Allemagne  aux  xie  et  xne  siècles,  et  en  particulier  de 
l'histoire  des  Investitures.  C'est  un  modèle  quant  à  la  méthode  ;  con- 
naissance approfondie  des  sources).  —  Kruse.  Verfassungsgeschichte  der 
Stadt  Strassburg,  XII-XIII  Jahrh.  (bon).  —  Schooss.  Verfassungsges- 
chichte der  Stadt  Trier,  bis  zum  J.  1260  (bon). 

42.  —  Deutsche  Rundschau.  1884,  nov.  —  Ebers.  Richard  Lep- 
sius  ;  esquisse  biographique. 

43.  —  Alemannia.  Bd.  X,  Heft  3,  1884.  —  Crecelius.  Lachryma» 
Suevo-germanre  (poème  latin  de  1640).  —  Id.  Poèmes  historiques 
et  politiques  sur  la  guerre  de  Trente  ans.  —  L.  Batmann.  Chronique 
rimée  du  monastère  d'Irsee  (publie  cet  ouvrage  composé  en  1500 
par  J.  Kurtz).  —  Bruno  Stehle.  La  cabane  des  messiers  à  Thann  en 
Haute- Alsace  (histoire  et  attribution  de  cette  charge  ;  publie  des  notes 


ISO  RECUEILS    PERIODIQUES. 

chronologiques  qui  ont  été  écrites  sur  les  parois  de  la  cabane  de  1606  à 
1831).  —  Birlinger.  Extraits  de  l'ouvrage  de  Conrad  Dietrich  d'Ulm 
contre  les  superstitions  au  milieu  du  xvne  siècle. 

44.  —  Auf  der  Hœhe.  Jahrg.  3.  Bd.  X,  févr.-mars  1884.  —  Von 
Badics.  Le  passé  et  le  présent  de  l'Autriche  (parle  de  quelques  publica- 
tions littéraires  très  caractéristiques  du  xvir3  et  du  xvme  siècle).  — 
Littrow.  Les  Juifs  en  Europe  (expose  les  mesures  prises  par  les  diverses 
nations  chrétiennes  contre  les  Juifs  jusqu'à  notre  époque).  =  Jahrg.  4, 
Bd.  XIII,  Heft  37.  Oct.  Pujol.  La  vie  intellectuelle  dans  l'Espagne  visi- 
gothique,  1er  art.  (expose  l'organisation  scientifique  de  l'Espagne 
romaine.  L'influence  de  la  philosophie  païenne  sur  la  vie  sociale  cesse 
de  se  faire  sentir  à  partir  du  me  s.  Situation  déplorable  des  sciences 
exactes  et  naturelles  sous  l'influence  de  la  superstition  païenne.  Pra- 
tique honteuse  des  sciences  secrètes  ;  les  mathématiques  mêmes  sont 
poursuivies  et  punies). 

45.  —  Nord  und  Sud.  Bd.  XXXI,  Heft  91  ;  oct.  1884.  —  Bud. 
Gneist.  Les  récentes  réformes  des  universités  anglaises,  en  rapport  avec 
le  système  national  de  l'instruction  publique  dans  le  pays  (histoire  des 
universités  anglaises  depuis  leur  fondation;  l'influence  des  classes 
moyennes  et  des  dissidents  a  transformé  ces  établissements,  d'abord 
exclusivement  cléricaux,  en  institutions  nationales.  Actes  pour  la  réforme 
de  leur  organisation,  et  pour  l'admission  des  étudiants  sans  déclaration 
confessionnelle.  Au  commencement  de  ce  siècle,  l'enseignement  pri- 
maire était  tout  à  fait  négligé;  progrès  accomplis  à  cet  égard). 

46.  —  Stimmen  aus  Maria  Laach.  Heft  8-9.  1884.  —  Beissel. 
Egbert,  archevêque  de  Trêves,  et  la  question  byzantine  (montre  que 
l'influence  byzantine  sous  les  empereurs  Otton  H  et  III  a  été  très  faible, 
comme  on  peut  le  constater  d'après  les  œuvres  d'art  de  l'époque.  Egbert 
étudié  comme  ayant  favorisé  l'art  et  la  science  en  Allemagne).  == 
Comptes-rendus  :  Schwane.  Dogmengeschichte  I.  Der  vornicamischen 
Zeit.  II.  Der  patristischen  Zeit,  325-787.  III.  Der  mittiern  Zeit,  787-1517 
(bon).  —  Ibach.  Der  Kampf  zwischen  Papstthum  und  Kœnigthum  von 
Gregor  VII  bis  Calixt  II  (bon). 

47.  —  Unsere  Zeit.  Leipzig,  1884,  Heft  7.  —  Zernin.  La  journée 
d'Alsen  (conquête  de  l'île  d'Alsen,  le  29  juin  1864,  notes  extraites  des 
papiers  de  feu  le  général  von  Gœben).  —  Von  Hellwald.  L'Annam  et 
le  Tonkin;  suite  (histoire  de  l'occupation  française).  =  Heft  9.  Schue- 
mann.  Mes  nouvelles  fouilles  à  Tirynthe  (découvertes  faites  dans  les 
palais  des  anciens  rois  de  Tirynthe ;" elles  sont  étonnantes;  elles  per- 
mettent de  reconstituer  le  plan  d'un  palais  de  la  Grèce  primitive  très 
analogue  à  celui  de  Troie  ;  elles  montrent  en  outre  que  Tirynthe,  comme 
Mycènes,  a  été  déjà  complètement  détruite  à  l'époque  préhistorique). 

48.— Dr.  A.  Petermann's  Mittheilungen.  Bd.  XXX,  Heft  2, 1884. 
—  Kartoum  et  le  Soudan  égyptien  (hist.  do  la  révolte  dans  le  Soudan). 


RECUEILS  PÉRIODIQUES.  1^1 

=  Heft  5.  Hei.d.  Carte  des  nationalités  en  Moravie  et  en  Silésie  (de  l'ex- 
tension de  l'élément  allemand  dans  ces  deux  provinces).— Glaser.  Me? 
voyages  à  travers  Arhab  et  Hâschid  (hist.  des  tribus  arabes  de  Hàschid 
et  de  Bakil  à  Bilàd  Arhab,  portion  de  l'anc.  empire  Himyarite;  leurs 
lois  et  leurs  usages,  qui  remontent  à  l'époque  antér.  à  l'Islam).  =  Iïeft  6. 
Polakowsky.  Nouvelles  notions  sur  l'histoire  de  la  découverte  de  l'Amé- 
rique centrale  (analyse  très  élogieuse  du  livre  de  M.  Manuel  M.  de 
Peralta  :  Costa-Rica,  Nicaragua  y  Panama  en  el  siglo  XVI).  =  Heft  7. 
Lauridsen.  Première  expédition  de  Vitus  Bering  et  le  promontoire  de 
Serdze  Kamen  (ce  promontoire  n'a  rien  à  voir  avec  l'expédition  de 
Bering  en  1728). 

49.  —  Philologus.  Supplementband  V,  Heft  1.  —  Froehner.  Ana- 
lectes  critiques  (publie  cent  corrections  à  des  textes  classiques  et  à  des 
inscr.  grecques  et  latines,  avec  un  copieux  commentaire).  — Landyveiih. 
Recherches  sur  l'ancienne  histoire  de  l'Attique  (1°  d'après  des  fragments 
nouvellement  découverts  de  r'A9r,vaîwv  7toXix£ia  d'Aristote,  l'auteur  arrive 
souvent  à  des  résultats  nouveaux.  De  cet  ouvrage  d'Aristote  il  ressort 
que,  tandis  que  Solon  attribuait  l'archontat  aux  seuls  eupatrides,  et  non, 
comme  on  l'admettait  jusqu'ici,  aux  Pentakosiomédimnes,  une  réforme 
dans  l'élection  des  archontes  s'opéra  dans  un  sens  libéral  en  590  sous 
l'archontat  de  Damasias;  ce  mouvement  prit  fin  avec  les  réformes 
d'Aristide;  2°  sur  les  réformes  de  Solon,  l'auteur  pense  qu'elles  étaient 
purement  sociales  et  destinées  uniquement  à  briser  la  tyrannie  du  capi- 
tal. Au  point  de  vue  politique,  Solon  n'a  favorisé  le  peuple  qu'autant 
que  cela  parut  indispensable;  d'où  le  mécontentement  du  peuple  à 
l'égard  des  lois  de  Solon;  3°  quant  aux  trois  partis  politiques  des 
Pédiéens,  des  Paraliens  et  des  Diacriens,  il  est  certain  qu'ils  n'exis- 
taient pas  avant  Solon.  Explications  sur  l'âge  et  les  fonctions  des  eupa- 
trides, des  géomores  et  des  démiurges  ;  4°  il  est  tout  à  fait  inexact  que 
Megaclès  ait  été  archonte  en  612;  5°  recherches  sur  la  réforme  de  Clis- 
thène  et  sur  le  nombre  des  dèmes  attiques  ;  6°  sur  le  sens  littéral  de  la 
proposition  de  Thémistocle  conseillant  de  construire  de  nouveaux  vais- 
seaux; l'auteur  la  place  en  483). 

50.  —  Rheinisches  Muséum  fur  Philologie.  Bd.  XXXIX,  Heft  4. 
1884.  —  Buecheler.  Inscription  osque  gravée  sur  un  casque  (texte,  tra- 
duction et  commentaire;  cette  inscript,  votive  provient  sans  doute  d'un 
Lucanien  qui  prit  part  à  l'entreprise  de  Saepinum  en  293  avant  J.-G. 
Cf.  plus  haut,  p.  172).'  —  Kaekmann.  Les  (jLeyàXat  'Hoïai  d'Hésiode  dans 
Pausanias  (ce  titre,  dans  Pausanias,  désigne  l'ensemble  des  deux  ouvrages 
d'Hésiode,  le  Catalogue  et  les  Eées).  —  Bergk.  Sur  les  -ra^ai  et  sur 
l'armée  de  l'archontat  de  Thémistocle  (il  fut  archonte  dans  la  4e  année 
de  la  71e  ol.,  année  où  fut  commencée  la  construction  des  murs).  — 
Bauer.  Les  Ioniens  au  combat  de  Salamine  (le  récit  d'Hérodote  est  très 
digne  de  foi,  ce  qu'on  ne  pourrait  pas  aussi  bien  dire  sur  le  récit 
d'Kphore).  —  Zangemeister.  Sur  la  topographie  romaine  (situation  et 


|  82  RECUEILS  rEUIODIQUES. 

importance  de  ce  qu'on  appelle  Septimiana).  —  Id.  Sur  la  lecture  et 
l'intelligence  des  itinéraires  romains.  —  Deecke.  Études  étrusques 
(explique  par  l'indo-européen  les  mots  étrusques  «  erus  »  =  soleil  et 
«  lus^nei  »  =  lune). 

51.  —  Jahrbûcher  fur  classische  Philologie.  14er  Supplement- 
band,  Heft  1.  Leipzig,  1884.  —  Sittl.  L'aigle  et  la  boule  du  monde  con- 
sidérés comme  attributs  de  Zeus  dans  l'art  grec  et  romain  (l'aigle  con- 
vient à  Zeus  comme  au  maître  du  ciel  ;  le  globe  aux  empereurs,  au  cas 
où  ils  sont  représentés  avec  les  attributs  de  Jupiter).  —  Jeep.  Recherches 
sur  les  sources  des  historiens  grecs  de  l'Église  (sur  les  sources  de  Phi- 
lostorgios,  Socrates,  Sozomenos,  Theodoretos,  Theophanes,  Olympio- 
doros,  etc.). 

52.  —  Neue  Jahrbûcher  fur  Philologie  und  Paedagogik. 
Bd.  GXXIX  à  GXXX,  Heft  7.  1884.  —  Bachof.  Timée  considéré 
comme  source  de  Diodore  pour  les  discours  contenus  dans  les  livres 
13  et  14  (Timée  est  l'auteur  des  discours  mis  dans  la  bouche  de  Niko- 
laos  et  de  Gylippos  au  13e  livre  de  Diodore;  de  là  la  manière  déloyale 
dont  Timée  présente  les  faits,  lorsqu'il  s'agit  de  justifier  Syracuse  et 
Corinthe,  et  au  contraire  de  calomnier  Sparte.  Le  caractère  de  Gylippos 
est  particulièrement  travesti).  —  Beloch.  L'établissement  de  la  tribu 
Ptolémaïs  (cette  tribu  fut  ainsi  appelée  de  Ptolémée  Evergète,  elle  fut 
établie  vers  230  av.  J.-C.  ;  ce  résultat  modifie  la  chronologie  des  ins- 
criptions attiques). 

53.  —  Zeitschrift  der  Savigny-Stiftung  fur  Rechtsgeschichte. 

Bd.  V,  Heft  1.  Romanische  Abtheilung.  1884.  —  Pernice.  Parerga; 
suite  (sur  les  rapports  du  droit  public  romain  avec  le  droit  privé).  — 
Schneider.  La  lex  Junia  Norbana  (la  loi  s'appelle  en  réalité  seulement 
Lex  Junia  ;  elle  fut  promulguée  sous  Auguste  à  peu  près  en  même 
temps  que  la  Lex  Papia  Poppœa,  la  Lex  Aelia  Sentia,  etc.). 

54.  —   Neue    militserische    Blaetter.    Jahrg.  XIII,  Bd.  XXV, 

Heft  1-2.  1884.  —  Le  combat  de  Haynau,  le  26  mai  1813  (expose  les 
motifs  stratégiques  de  Blùcher  dans  cette  journée).  —  Les  marches  les 
plus  longues  et  les  plus  rapides  de  tous  les  temps  ;  suite  (exemples 
empruntés  surtout  à  la  guerre  franco-espagnole  en  1811).  —  Von  Br. 
La  vérité  sur  la  chute  de  l'armée  de  l'Est  et  sur  le  désarmement  de  la 
garde  nationale  (contre  l'ouvrage  publié  par  la  veuve  de  J.  Favre).  == 
Comptes-rendus  :  Von  Jagwitz.  Vœlkerrecht  und  Naturrecht  (bon).  — 
Von  Malachowsky.  Ueber  die  Entwickelung  der  leiténden  Gedanken  zum 
ersten  Feldzuge  Napoléons  (bon).  —  Heilmann.  Feldmarschall  Fùrst 
"Wrede  (bon).  —  Wilhelmi.  Zur  Geschichte  der  ersten  und  zweiten 
Leib-Husaren-Regiments,  1741-1812  (excellent). 

55.  —  Beiheft  zum  Militaer  -  Wochenblatt.  1884,  Heft  1  -2. 
—  Zimmkuma.nn.  Extraits  de  la  correspondance  militaire  de  Frédéric  II 
(expose  d'après  ces  documents  et  d'après  les  rapports  des  généraux  de 


RECUEILS    PERIODIQUES.  \  83 

Frédéric  l'origine  et  l'exécution  du  plan  prussien  pour  la  campagne  de 
1757  jusqu'à  la  bataille  de  Prague.  Le  plan  du  roi  près  de  Prague  con- 
sistait à  mettre  autant  que  possible  l'armée  autrichienne  hors  d'état  de 
combattre,  pour  pouvoir  se  tourner  sans  retard  contre  ses  autres  adver- 
saires). =  Heft  3.  Wachs.  La  mer  Méditerranée  au  point  de  vue  histo- 
rique ;  la  situation  qu'y  occupent  les  Anglais.  =  Heft  4-5.  Schroeder. 
Rimpler  (biographie  et  travaux  de  cet  ingénieur  qui  fut  tué  au  siège  de 
"Vienne,  en  1683). 

56.  —  Historisch-politische  Blsetter  fur  das  katholische  Deut- 

schland.  Bd.  XCIII.  Munich,  1884.  —  L.  P.  Histoire  de  l'église  catho- 
lique en  Ecosse  (parle  en  termes  très  favorables  du  livre  de  Bellesheim 
sur  ce  sujet).  —  La  reine  Marie-Caroline  de  Naples  (d'après  Helfert,  la 
reine  avait  de  grands  défauts,  entre  autres  une  violence  déréglée;  mais 
on  ne  peut,  sans  injustice,  l'accuser  d'avoir  été  cruelle  et  de  ne  pas 
aimer  ses  enfants).  —  Schumm.  L'École  et  la  Révolution  jusqu'à  la  fin 
de  la  Convention  (expose  l'état  fies  écoles  en  France  sous  l'ancien  régime 
et  l'influence  exercée  par  la  Révolution  dans  l'enseignement  primaire; 
elle  ne  sut  que  détruire  l'ancien  système  sans  rien  mettre  de  durable  à 
la  place).  —  Bellesheim.  La  politique  ecclésiastique  de  la  Prusse  sous 
Frédéric  II  (le  4e  vol.  des  documents  publiés  sur  ce  sujet  par  Lehmann 
montre  que  la  situation  des  catholiques  en  Prusse  était  très  peu  favo- 
rable ;  Frédéric  II  ne  cessa  de  voir  un  parti  politique  ennemi  dans  le 
clergé  catholique).  —  Knoepfler.  L'élection  de  Grégoire  VII  (fut  tout  à 
fait  régulière;  aucune  des  règles  ecclésiastiques  alors  en  vigueur  ne  fut 
violée).  —  Souvenirs  de  la  période  révolutionnaire  en  Italie,  1859-69.  = 
Comptes-rendus  :  Janner.  Geschichte  der  Bischœfe  von  Regensburg 
(très  bon).  —  Hosak.  Zur  religiœsen  Volkslitteratur  des  XV  Jahrh.  (très 
bon).  — Schmits.  Die  Bussbùcher  und  die  Bussdisciplin  der  Kirche  (bon). 
—  Studien  und  Mitteilungen  aus  dem  Benedictiner-und  Cistercienser- 
Orden  :  Jahrg.  IV  (bon).  —  Lossen.  Zur  Geschichte  des  Kœlnischen 
Krieges  (nombreuses  observations  de  détail).  —  Steichele.  Das  Bisthum 
Augsburg  (remarquable). 

57.  —  Zeitschrift  fur  Kirchengeschichte.  Bd.  Vil,  Heft  1.  — 
Erbes.  L'âge  des  tombeaux  et  des  églises  de  Pierre  et  Paul  à  Rome 
(ces  églises  furent  commencées  dans  les  dernières  années  de  la  vie  de 
Constantin,  vers  335.  La  petite  église  de  Saint-Paul  hors  les  murs,  au 
deuxième  mille  sur  la  route  d'Ostie,  fut  rapidement  terminée  et  prête, 
au  bout  d'un  an  ou  deux,  à  recevoir  les  reliques  ;  mais  la  grande  église, 
élevée  en  l'honneur  du  prince  des  apôtres,  ne  fut  terminée  que  sous 
Constance,  après  352.  Saint  Pierre  ne  put  donc  être  transporté  dans 
l'église  du  Vatican  qu'entre  355  et  359).  —  Welle.  Les  articles  de  reli- 
gion de  la  paix  de  Kadan,  1534.  —  K.  Mùller.  Revue  critique  des  tra- 
vaux sur  l'histoire  de  l'Église  :  1°  travaux  relatifs  au  xive  et  au  xv*  s., 
parus  de  1875  à  1884  (histoire  de  la  papauté  à  l'époque  de  Philippe  le 
Bel  et  de  Henri  VII  ;  2°  de  Louis  de  Bavière  ;  3*  de  Charles  IV;  4"  droit 


184  RECUEILS    PÉRIODIQUES. 

canonique  et  administration  ecclésiastique  ;  5"  vie  religieuse  et  courants 
intellectuels.  Revue  complète  et  très  instructive).  —  Dr.eseke.  Le 
«  platonisme  des  pères  de  l'Église.  »  —  Bernoulli.  Une  prière  parodie 
du  xve  s.  (public  «  Oremus  pro  omni  gradu  ecclesie,  et  primo  pro  salute 
vagorum  »).  —  Martin.  Une  lettre  de  Jacob  Wimpfeling  (1505  :  Huma- 
nissimo  viro  N.  gymnasii  Davantrini  fidelissimo  duci  et  praeceptori). 
—  Schneider.  Les  monastères  de  Blaubeuren  et  de  Hirsau  donnés  à 
l'abbaye  impériale  de  Weingarten,  1659. 

58.  —  Theologische  Quartalschrift.  Jahrg.  LXYI,  Quartal- 
beft  2.  Tubingue,  1884.  —  Funk.  La  pénitence  dans  le  christianisme 
primitif  (très  sévère  pendant  les  trois  premiers  siècles  ;  ce  n'est  pas 
sans  exciter  une  vive  opposition  que  l'Église  se  laissa  aller  à  remettre 
tous  les  péchés).  =  Comptes-rendus.  Schmitz.  Die  Bussbùcher  und  die 
Bussdisciplin  der  Kirche  (bon).  —  Kaulen.  Assyrien  und  Babylonien 
(bon).  =  Quartalheft  4.  Brùll.  Sur  l'authenticité  des  actes  du  martyre 
de  saint  Ignace  d'Antioche  (montre  que  les  raisons  données  jusqu'ici 
contre  leur  authenticité  ne  sont  pas  décisives  ;  ils  concordent  avec  les 
lettres  de  saint  Ignace  et  avec  les  renseignements  historiques  que  nous 
avons  sur  le  règne  de  Trajan).  —  Schmid.  Études  sur  la  réforme  du  bré- 
viaire et  du  missel  romain,  sous  Pie  V  ;  fin  (elle  avait  été  préparée  au 
concile  de  Trente).  —  Kncepfler.  Un  synode  à  Constance,  en  1549 
(d'après  un  ms.  inconnu  jusqu'ici,  qu'on  a  trouvé  à  Ravensburg,  l'auteur 
publie  le  texte  des  résolutions  prises  par  ce  synode  lors  de  la  première 
interruption  du  concile).  =  Comptes-rendus.  Lipsius.  Die  apokryphen 
Apostelgeschichten  und  Apostellegenden.  Bd.  II  (bon).  —  Steichele.  Das 
Bisthum  Augsburg.  Bd.  LL-IV  (très  bon).  —  Piper.  Die  Schriften  Notkers 
und  seiner  Schule  (bon). 

59.  —  Theologische  Studien  und  Kritiken.  1885,  Heft  1.  — 
Benrath.  Les  Anabaptistes  sur  le  territoire  de  Venise  vers  le  milieu 
du  xvie  siècle  (trois  directions  réformatrices  se  manifestent  à  cette  époque 
à  Venise  :  une  dans  le  sens  de  l'orthodoxie  luthérienne,  l'autre  ana- 
baptiste modérée,  la  dernière  anabaptiste  radicale  ;  cette  dernière,  bien 
que  fort  nombreuse,  échoua  complètement  ;  quant  aux  autres  héré- 
tiques, le  supplice  de  nombreux  adhérents  tels  que  Gherlandi,  Délia 
Sagra,  Rizzetto,  eut  pour  effet  de  ruiner  le  parti).  —  Koffmane.  Lettres 
et  propos  de  table  de  Luther  (publie  des  anecdotes  manuscrites). 

60.  —  Zeitschrift  der  deutschen  morgenlaendischen  Gesell- 
schaft.  Bd.  XXXVIII,  Heft  1,  1884.  —  Jacobi.  Sur  l'origine  des  sectes 
Çvetambara  et  Digambara  (étudie  les  légendes  relatives  à  ces  deux  sectes 
des  Jainas  et  au  schisme  de  leur  église  ;  pense  que  des  guerres  ont 
poussé  une  partit1  dos  Jainas  à  émigrer  vers  le  sud  de  l'Inde,  où,  favo- 
risés par  le  climat,  ils  sont  arrivés  à  un  degré  d'ascétisme  plus  complet 
que  leurs  frères  non  émigrés).  —  Houtum-Schindler.  Additions  au  dic- 
tionnaire Kourde.  — Harlez.  L'avestique  «  Mada  »  et  la  tradition  per- 


RECUEILS    PERIODIQUES.  \S.t 

sane  (soutient,  contre  Neriosengk,  que  ce  mot  ne  signifie  pas  «  sagesse;  » 
les  traducteurs  persans  l'expliquent  par  «  magie,  »  et  la  glose  lui  donne 
le  sens  de  «  méchanceté  impure  »).  —  Roth.  Où  croît  la  plante  soma? 
(cette  question  est  étroitement  liée  à  celle  de  la  patrie  primitive  des 
peuples  arias  ;  expose  les  efforts  tentés  dans  ces  derniers  temps  pour 
retrouver  cette  plante,  dont  le  suc,  ou  soma,  était  si  cher  aux  deux 
grandes  familles  du  peuple  aria,  dans  l'Asie  moyenne).  —  Gildemeister. 
Amuletum  (ce  mot  vient,  non  de  l'arabe,  mais  du  latin).  —  Nceldecke. 
Deux  chameaux  d'or  consacrés  comme  ex-voto  chez  les  Arabes.  — 
Reyer.  Métallurgie  de  l'Orient  ancien  (les  sources  juives  et  grecques 
prouvent  que  les  peuples  civilisés  de  l'antiquité  pré-classique  ne  peuvent 
être  considérés  comme  ayant  découvert  l'art  de  travailler  les  métaux; 
il  leur  a  été  transmis  par  les  Chetites  et  autres  peuples  habitant  entre 
l'Arabie  et  la  Syrie).  =  Comptes-rendus.  Ebn-Wadih  qui  dicitur  al 
Jaqubî  historiae  I-II.  Edidit  indicesque  adjecit  M.  Iloutsma  (très  utile 
pour  les  études  orientales).  —  Cruel.  Die  Sprachen  und  Vœlker  Euro- 
pas  vor  der  arischen  Einwanderung  (obscur,  mais  non  sans  valeur).  = 
Heft  2-3.  Holtzmann.  Brama  dans  le  Mahàbhârata  (dans  sa  forme 
actuelle,  ce  poème  n'est  pas  une  source  directe  pour  étudier  l'ancienne 
mythologie  épique  des  Indiens  ;  c'est  un  remaniement  postérieur  des 
anciennes  légendes  des  dieux  où.  Brama  parait  déjà  cependant.  Inter- 
prète certains  passages  du  Mahàbhârata  pour  montrer  la  formation 
épique  de  Brama  considéré  comme  dieu  du  Destin).  —  Teufel.  Etudes 
sur  les  sources  de  l'histoire  moderne  des  Khanats  (analyse  la  chronique 
manuscrite  de  Mohammed  Amin-i  Buchari,  qui  se  trouve  à  l'université 
de  Pétersbourg,  relativement  à  l'histoire  du  Khanat  de  Boukara  sous 
la  maison  des  Astrachanides  au  commencement  du  xvm*  siècle).  —  De 
Goeje.  Un  fragment  de  la  chronique  d'Al-Belàdhori  (trouvé  par  Ahlwardt  ; 
publie  et  commente  les  passages  du  1er  livre  relatifs  à  l'histoire  et  à  la 
généalogie  du  Prophète,  ainsi  qu'à  ses  successeurs  immédiats).  —  Spie- 
gel.  Sur  l'histoire  du  calendrier  de  l'Avesta  (explique  comment  étaient 
divisés  l'année  et  le  jour  et  quelles  étaient  les  époques  des  fêtes  dans 
l'Avesta).  —  Oldenderg.  Recherches  sur  les  origines  du  Rig-Vêda. 

61.  — Zeitschrift  des  deutschen  Palaestina-Vereins.  Bd.  VII, 

Heft  3,  1884.  —  Gildemeister.  Contributions  à  la  connaissance  de  la 
Palestine  d'après  les  sources  arabes  (extraits  intéressants  du  voyageur 
et  savant  El-Mukaddasi  qui  composa,  en  948  après  J.-C,  une  descrip- 
tion des  pays  de  l'Islam).  —  Dechert.  Les  bains  médicinaux  en  Pales- 
tine ll'usage  des  thermes  en  Orient  existait  déjà  avant  l'époque  chré- 
tienne. Tableaux  de  la  vie  dans  ces  bains  aux  différents  siècles).  = 
Stickel.  Monnaies  juives  de  Jérusalem  (rapport  sur  des  monnaies  du 
ier  siècle  avant  et  après  J.-C.  trouvées  dans  cette  ville). 

62.  —  K.  Akademie  der  Wissenschaften.  AbhatuUungen,  1883. 
Berlin,  1884.  —  Schrader.  De  l'origine  de  la  civilisation  de  la  Baby- 
lonie  ancienne  (les  textes  assyriens  ne  sont  pas,  comme  le  croyait 


■J8G  RECUEILS  PERIODIQUES. 

Guyard,  en  une  seule  langue;  à  côté  d'une  langue  sémitique,  ils  en 
contiennent  une  autre  toute  différente,  puisqu'elle  a  les  caractères 
des  langues  agglutinantes).  =  Sitzungsberichte.  Heft  43  u.  44.  Berlin, 
1884.  Dillmann.  Les  exploits  du  roi  eAmda  Sion  contre  les  Musulmans 
(publie  la  traduction  de  ce  prince  abyssinien  qui  appartient  au  xrve  s. 
Son  récit,  bien  que  maintes  fois  remanié,  repose  cependant,  pour  les 
points  essentiels,  sur  des  données  certaines). 

63.  —  Preussische  Jahrbucher.  Bd.  LIV,  Heft  2.  Berlin,  1884. 
—  Duncker.  J.-G.  Droysen  (sa  vie  et  ses  œuvres).  =  Comptes-rendus. 
Von  Noorden.  Ilistorische  Vortrœge  (très  bon).  —  D.  Schzfer.  Deutscbes 
Nationalbewusstsein  im  Lichte  der  Geschichte  (bon).  =  Heft  3.  Del- 
bruck.  La  méthode  guerrière  de  Frédéric  II  (sa  stratégie  ne  se  distin- 
guait en  rien  de  celle  de  ses  contemporains,  ce  qui  était  d'ailleurs  impos- 
sible, étant  donnés  les  règlements  militaires  de  l'époque). 

64.  —  Altmserkischer  Verein  fur  Vaterlaendische  Geschichte 
und  Industrie  zu  Salzwedel.  20eF  Jahresbericbt.  1884.  —  Pari- 
sus.  Quatre  chartes  provenant  des  archives  de  Gardelegen  (1266, 
1287,  1337;  elles  contiennent  des  concessions  faites  à  Gardelegen  par 
les  ducs  de  Brunswick).  —  Hofmeister.  Explications  historiques  sur  un 
diplôme  d'Otton  Ier  de  l'an  956  (important  pour  l'origine  et  l'histoire 
primitive  de  la  Vieille-Marche;  ses  plus  anciennes  limites). 

65.  —  Zeitschrift  des  historischen  Vereins  fur  den  Regie- 
rungsbezirk  Marienwerder.  Heft  9.  1883.  —  Strùtzki.  Sur  le 
droit  coutumier  de  Kulm  (explique  les  termes  techniques  qui  s'y 
trouvent  ;  montre  la  façon  différente  dont  sont  nées  et  se  sont  dévelop- 
pées les  villes  allemandes;  histoire  de  la  «  Handfeste  »  à  Kulm).  — 
Treichel.  Sur  le  rôle  des  pierres  dans  les  légendes  de  la  Prusse  occi- 
dentale et  de  laPoméranie.  — Id.  Quelques  années  de  guerre  du  monas- 
tère des  Chartreux  (pub.  des  notices  historiques  recueillies  par  les  moines 
de  cette  maison  sur  leur  existence  pendant  la  guerre  du  Nord  et  la 
guerre  de  la  succession  de  Pologne  ;  elles  montrent  la  barbarie  avec 
laquelle  les  Polonais  et  les  Russes  se  faisaient  la  guerre).  —  Von  Muel- 
wep.stedt.  L'administration  conventuelle  dans  les  districts  adminis- 
tratifs de  l'ordre  teutonique  au  district  de  Marienwerder;  (liste  des 
«  Comthure  »  pour  ce  district,  jusqu'à  leur  suppression),  suite  dans 
Heft  10.  =  Heft  10.  Id.  Les  chevaliers  de  Schortz  (cette  famille 
noble  de  Prusse  est  d'origine  slave).  —  Von  Flanss.  Sur  l'histoire  des 
chevaliers  von  Zehmen  et  Guldenstern.  —  Id.  Histoire  de  la  propriété 
foncière  dans  la  Prusse  occidentale.  —  Treichel.  Origine  des  tumulus 
prussiens  appelés  mogily.  —  Rapport  sur  des  fouilles  opérées  dans  des 
tombeaux  en  pierre  de  Schwetz,  Stuhm  et  Schlochau.  =  Heft  11-12. 
Cramer.  Histoire  du  ci-devant  évèché  de  Poméranie  (liste  des  évêques, 
de  1409  à  1529;  leur  histoire  d'après  les  documents  contemporains). 

66. —  Schlesische  Gesellschaft  fur  Vaterlœndische  Geschichte. 

61er   Jahresbericht.   1884.  —  Koehler.   Luttes  de    Dantzis  contre   la 


RECUEILS    PE'UIODIQDES.  i  87 

Pologne,  en  1576-77  (montre  la  résistance  opiniâtre  opposée  par  cotte 
république  à  Etienne  Batori,  qui  l'ut  obligé  de  reconnaître  ses  privi- 
lèges). —  Fechxer.  Les  relations  politiques  et  commerciales  de  la  Silésie 
avec  l'Autriche,  de  1740  à  la  seconde  guerre  de  Silésie  (expose  les  ten- 
tatives faites  par  l'Autriche  pour  frapper  Le  commerce  de  la  Silésie  après 
la  perte  de  cette  province,  et  pour  créer  à  Troppau  une  concurrence  à 
Breslau). 

67.  —  Neues  Archiv  fur  Saechsische  Geschichte  und  Alter- 
thumskunde.  Bd.  V,  Beft3,  1884.—  Issleiii.  Le  siègede  Magdebourg 

par  le  prince  électoral  Moritz  de  Saxe,  1550-51  (l'opposition  de  Magde- 
bourg aux  décisions  du  concile  de  Trente  et  l'intérim  permirent  à 
Charles  V  de  prononcer  contre  la  ville  la  mise  au  ban  de  l'empire  ; 
Moritz  fut  chargé  de  l'exécuter.  Négociations  secrètes  entre  Moritz  et 
les  Évangéliques).  —  Sent.  Les  remparts  préhistoriques  dans  la  Haute- 
Lusace  (rapport  sur  des  recherches  minutieuses  opérées  dans  quatre  forts 
vitrifies  qui  doivent  remonter  à  une  époque  préslave,  \\<  riaient  case- 
matés).  —  Schepss.  Le  poème  héroïque  de  Jak.  Hamerer  sur  la 
guerre  de  Smalcalde  (l'original  a  été  trouvé  dans  la  bibliothèque  du 
prince  QEttingen-Wallenstciii  à  Maihingen;  c'est  une  apologie  de  la 
conduite  de  Charles-Quint  à  l'égard  des  protestants;  elle  a  peu  de  valeur 
historique).  =  Comptes-rendus.  Bartsch.  Kleider-Verordnungen  aus  der 
Zeit  1450-1750 in Sachsen (bon).  —  Chronicon Islebiense,  1530-1738,  i 
von  Dr.  Grœssler  u.  Sommer  (travail  soigné).  —  Pœschel.  Eine  Gelenr- 
tenfamilie  im  Erzgebirge  (intéressante  contribution  à  l'histoire 
mœurs  au  xvne  s.). 

68.  —  Hansische  Geschichtsblœtter.  Bd.  IV,  1884.  —  Brehmer. 
Les  plaques  tombales  en  laiton  employées  à  Lubeck  au  xivc  s.  (sonl 
d'origine  flamande).  —  Bippen.  La  Frise  orientale  érigée  en  comte, 
d'empire  (son  histoire  au  xvc  s.  ;  c'est  en  1464  que  l'érection  eut  lieu, 
sous  Ulrich;  une  charte  qui  montre  Ulrich  élevé  dès  1454  à  la  dignité 
de  comte,  avec  de  grands  privilèges,  est  fausse).  — Frensdorff.  Le  droit 
coutumier  de  Bipen  dans  ses  rapports  avec  celui  de  Lubeck  (ce  droit, 
accordé,  en  1269,  à  Bipen,  ville  du  Sleswig,  est  emprunté  à  celui  «le 
Lubeck;  c'est  l'endroit  le  plus  septentrional  où  il  ait  pénétre).  — Kopp- 
man.w  La  Hanse  et  les  rapports  de  la  Prusse  avec  l'Angleterre,  de  1375 
à  1408  (expose,  d'après  des  documents  contemporains,  les  causes  de 
l'hostilité  de  la  Hanse  et  des  Prussiens  contre  les  Anglais  à  l'époque  de 
la  guerre  de  Cent-Ans',  ainsi  que  le  résultat  des  négociations  entamées 
en  vue  d'une  alliance  avec  la  Hollande  et  la  Bourgogne  contre  l'Angle- 
terre ;  paix  séparée  de  la  Prusse  avec  celle-ci).  —  Wetzel.  Les  origines  de 
la  ville  de  Kiel  (fondée  vers  1240,  elle  prit  une  rapide  extension  à  cause 
de  son  commerce  maritime).  —  Frexsdorff.  Sur  les  deux  plus  anciens 
recès  de  la  Hanse.  —  Hoehlbaum.  La  Hanse  et  Novgorod  en  1392  (d'après 
quelques  vers  sur  l'histoire  de  la  Hanse,  qu'on  a  trouvés  dans  le  proto- 
cole du  conseil  de  Reval).  —  Ehrenberg.  Un  prix  courant  pour  les  mar- 


\  88  RECUEILS  PERIODIQUES. 

chandises  et  les  échanges  à  Hambourg,  au  xvie  s.  —  Wohlwill.  Les 
villes  de  la  Hanse  et  le  traité  franco-prussien,  en  1796  (ce  traité  était 
destiné  à  assurer  la  neutralité  de  l'Allemagne  du  Nord  contre  une  inva- 
sion française).  —  Weiland.  A  la  mémoire  de  R.  Pauli  (rappelle  les 
travaux  historiques  de  cet  érudit  éminent,  surtout  ceux  qui  se  rapportent 
à  l'histoire  de  la  Hanse). 

69.  —  Zeitschrift  fiir  Geschichte  und  Alterthumskunde  West- 
falens.  Bd.  XLII,  Abth.  1-2,  1884.  —  Tibus.  Histoire  de  la  seigneurie 
de  Gemen,  ses  seigneurs  et  leurs  maisons;  fin  (les  documents  publiés 
contiennent  des  détails  intéressants  sur  le  droit  du  moyen  âge).  —  Rei- 
gers.  Contributions  à  l'histoire  de  la  ville  de  Bocholt  (1°  cérémonial  de 
l'hommage  employé  à  Bocholt  au  moyen  âge  primitif;  2°  les  guerres  de 
cette  ville;  3°  de  la  part  qu'elle  prit  à  la  guerre  de  Munster,  1450-57; 
d'après  les  archives  municipales).  —  Diekamp.  Mss.  westphaliens  (inven- 
taire des  mss.  relatifs  à  la  Westphalie,  qui  se  trouvent  à  la  bibliothèque 
de  la  cour  de  Vienne  et  aux  archives  secrètes  de  la  maison,  de  la  cour 
et  de  l'État).  —  Id.  Sur  l'histoire  de  la  réforme  catholique  dans  l'évê- 
ché  de  Munster  (1°  publie  des  extraits  d'un  ras.  des  archives  secrètes  de 
l'État  à  Vienne,  qui  se  rapportent  à  la  lutte  engagée  par  l'empereur 
Rodolphe  au  sujet  de  l'évêché  de  Munster,  en  1580;  2°  pièces  relatives 
à  des  visites  faites  dans  les  couvents  de  dames  séculières,  en  1571).  — 
Turnbùlt.  Revue  des  travaux  relatifs  à  l'histoire  de  Westphalie,  publiés 
en  1883.  —  Darpe.  Horstmar,  ses  seigneurs  et  ses  bourgeois  (tableau 
généalogique  de  la  maison  de  Horstmar  ;  documents  relatifs  à  des  fon- 
dations, à  des  achats  et  ventes,  etc.).  —  Dùrre.  Noms  de  lieu  dans  les 
Traditiones  Corbeienses  (leur  origine  et  leur  explication).  —  Holscher. 
L'ancien  diocèse  de  Paderborn  ;  suite  (ses  anciennes  limites,  ses  archi- 
diaconés ,  ses  gaue,  ses  juridictions).  —  Nordhoff.  Sur  l'histoire  de 
l'imprimerie  en  Westphalie.  —  Korth.  Les  globes  de  Kaspar  Vopelius 
de  Medebach  à  Cologne,  1511-61  (ses  globes  du  ciel  et  de  la  terre,  con- 
servés aux  archives  de  Cologne,  sont  très  inexacts). 

70.  —  Zeitschrift  des  Aachener  Geschichtsvereines.  Bd.  VI, 

Heft  1-2.  1884.  —  Oppenhoff.  Le  droit  pénal  au  tribunal  des  échevins 
d'Aix-la-Chapelle  depuis  1657  (curiosités  juridiques  intéressant  l'his- 
toire de  la  ville  et  celle  des  mœurs).  —  Hansen.  Contributions  à  l'his- 
toire de  Schœnau  (explique  le  terme  «  Sonnenlehen  ;  »  notes  chro- 
nologiques sur  la  famille  de  Schœnau,  de  1189  à  1674,  suivies  de 
documents  inédits).  —  Pick.  Pattern  .et  ses  rapports  avec  Gewenich 
(publie  trois  chartes  en  allemand  du  xve  s.  sur  les  relations  entre  ces 
deux  paroisses).  —  Von  Oidtmann.  Bollheim  près  de  Zulpich  et  ses  sei- 
gneurs (dix  chartes  relatives  à  la  famille  de  Hompesch). —  Pick.  Docu- 
ments sur  l'histoire  de  Ratheim.  —  Von  Reu.mont.  Friedrich  von  der 
Trenk  à  Aix-la-Chapelle  (ce  personnage,  frère  du  fameux  chef  des  Pan- 
dours,  habita  Aix  de  1765  à  1780;  mais  son  humeur  querelleuse  et  les 
avanies  faites  au  clergé  l'obligèrent  à  quitter  la  ville  et  à  errer  çà  et  là 


RECUEILS  PÉRIODIQUES.  1  Si) 

jusqu'à  ce  qu'il  fut  guillotiné  à  Paris,  en  1794.  Sa  vie  et  ses  écrits  se 
distinguent  également  par  son  goût  pour  le  mensonge  et  par  son  immo- 
ralité).—  Pauls.  Sur  l'époque  de  la  domination  étrangère  (détails  intér. 
sur  le  culte  de  la  Raison  et  de  l'Être  suprême  à  Aix-la-Chapelle,  ainsi 
que  sur  une  sédition  dos  troupes  françaises  dans  cette  ville).  —  Braun. 
Antiquités  romaines  (l°une  pierre  milliaire  qu'on  vient  de  trouver  per- 
met de  placer  entre  169  et  180  la  construction  de  la  route  de  Juliers  à 
Eschweiler;  2°  rapport  sur  des  fouilles  opérées  dans  des  tombeaux 
romains  près  de  Hilfarth  dans  le  cercle  de  Heinsbergj.  =  Comptes- 
rendus  :  Niederrheinischer  Geschichtslreund  (bon). 

71.  —  Westdeutsche  Zeitschrift  fur  Geschichte  und  Kunst. 
Ergœnzungshefte  I,  1884.  —  Kruse.  Institutions  municipales  de  Stras- 
bourg surtout  au  xne  et  au  xme  s.  (jusqu'au  xme  s.,  on  ne  trouve  à 
Strasbourg  aucune  trace  d'administration  municipale  indépendante; 
cependant  au  début  du  xnic  s.,  les  fonctionnaires  ou  «  ministeriales  » 
de  1  evêque  s'entendirent,  pour  assurer  leur  situation  en  regard  de 
l'évêque,  avec  les  plus  riches  parmi  les  bourgeois;  ceux-ci,  profitant 
d'embarras  où  1  évoque  se  trouva,  forcèrent  l'entrée  de  ce  conseil  com- 
posé de  «  ministeriales.  »  Telle  est  l'origine  de  ce  conseil  qui,  par  sa 
nature,  était  tout  à  fait  aristocratique).  —  Schoop.  Institutions  munici- 
pales de  Trêves,  depuis  ses  plus  anciens  privilèges  jusqu'en  1260  (jus- 
qu'en 1226,  l'évêque  n'était  pas  limité  dans  son  droit  d'engager  d'impor- 
tantes affaires  litigieuses;  à  partir  du  xmc  s.,  le  «  schœppencollegium  » 
ou  collège  des  échevins,  dont  les  membres  devinrent  peu  à  peu 
héréditaires,  devint  un  conseil  fermé.  Les  Guildes  et  leurs  situations 
dans  les  diverses  périodes  du  développement  de  la  ville.  En  appendice 
sont  publiées  les  pièces  afférentes  au  travail). 

72.  —  Annalen  des  historischen  Vereines  fur  den  Niederrhein. 

Heft  41.  Cologne,  1884.  —  Kaufmann.  Additions  aux  données  fournies 
par  les  sources,  et  remarques  sur  les  légendes  rhénanes  recueillies  par 
Karl  Simrock  (publie  plusieurs  variantes  de  ces  légendes,  et  explique 
les  principes  sur  lesquels  elles  reposent).  —  Mbrlo.  Les  maisons  de 
Saalecke  et  Mirweiler  à  Cologne  (nombreux  détails  sur  plusieurs 
familles  patriciennes  de  Cologne).  —  Korth.  Chartes  provenant  des 
archives  d'État  de  Cologne  (publie  celles  de  ces  pièces  qui  se  rapportent 
à  des  papes,  à  des  empereurs  et  à  d'autres  princes).  —  Cardauns.  Une 
maison  bourgeoise  à  Cologne  au  xvie  s.  (publie  un  inventaire  de  1519  ; 
explique  les  termes  du  patois  bas-allemand).  —  Unkel.  Le  château  de 
Reitersdorf  (rapport  sur  la  découverte  de  fortifications  qui  sont  vraisem- 
blablement d'origine  romaine). 

73.  —  Wûrttembergische  Vierteljahrshefte  fur  Landesge- 
schichte.  Jahrg.  Vil,  Heft  2.  1884.  Notes  biographiques  sur  un  pro- 
fesseur de  Tubingue  au  xvur  siècle  (notes  d'un  certain  Hegelmaier 
sur  son  père,  professeur  de  théologie  à  l'Université,  qui  eut  des  rapports 
avec  le  duc  Karl  de  Wurtemberg).  —  Pfisteu.  L'armée  de  Conde  en 


J90  RECUEILS    PERIODIQUES. 

Wurtemberg  (les  émigrés  de  cette  armée  n'avaient  aucune  discipline; 
ils  étaient  un  danger  pour  la  sécurité  du  pays).  —  Hirzel.  Fondation 
du  couvent  des  capucins  à  Elhvangen  (raconte  les  négociations  qui 
durèrent  de  1710  à  1733,  et  l'effet  qu'elles  produisirent  dans  le  pays). 

—  Schneider.  La  succession  dans  la  maison  princière  de  Wurtemberg, 
d'après  le  traité  de  Mùnsingen  ^recherches  sur  les  articles  de  ce  traité 
qui  interdisaient  le  partage  de  la  succession).  —  Additions  et  rectifica- 
tions à  la  liste  des  évoques  de  Wurtemberg.  —  Buck.  Sur  un  privilège 
de  l'empereur  Maximilien  I  relatif  au  métier  de  chaudronnier.  —  Beck. 
Disputes  de  préséance  entre  les  comtes  et  les  prélats  impériaux  à  la 
diète  de  Batisbonne  au  milieu  du  xvnie  s.  —  Seuffer.  Sur  les  gens 
«  non  honorables  »  (détails  tirés  des  archives  de  la  corporation  des  for- 
gerons d'Ulm  au  xvir3  et  au  xvme  s.,  il  montre  avec  quelle  étroitesse 
d'idées  on  appréciait  le  prétendu  «  point  d'honneur  de  métier  ;  »  ainsi 
on  considérait  la  corporation  comme  offensée  par  le  meurtre  d'une 
chatte  ou  d'un  chien,  ou  si  un  des  membres  connaissait  particulière- 
ment le  bourreau).  — Klemm.  Becherches  héraldiques.  — Id.  Additions 
à  l'histoire  de  Geislingen  et  de  ses  environs  (1°  origine  de  la  ville  ; 
2°  histoire  des  fouilles  les  plus  importantes;  3°  détails  sur  les  plus 
anciens  métiers  du  xvie  s.;  4"  biographie  des  principaux  bourgeois).  — 
J.  Hartmann.  La  plus  ancienne  description  du  pays  de  Wurtemberg 
(publie  une  description  inconnue  jusqu'ici,  qui  a  été  composée  entre 
1498  et  1503,  par  Ladislas  Suntheim  de  Bavensburg).  —  Staelin.  Une 
bulle  des  archives  du  Vatican  sur  l'histoire  du  duché  de  Souabe  (publie 
cette  pièce  où  le  pape  Alexandre  IV  en  1255  demanda  au  clergé  souabe 
de  soutenir  le  roi  Alphonse  de  Castille).  —  Fischer.  Documents  pour 
l'histoire  de  la  lutte  entre  les  seigneurs  et  la  ville  de  Weinsberg,  au 
sujet  des  privilèges  de  cette  dernière,  1375-79).  —  Bihl.  La  princi- 
pauté de  Hohenlohe-Kirchberg  jusqu'à  sa  médiatisation,  1764-1806. 

—  Beck.  Procès  de  sorcellerie  dans  la  Franconie  Wurtembergeoise. 
74.  —  K.  Bayerische  Akademie  der  Wissenschaften.  Philos. - 

philolog.  -und  historische  Classe.  Sitzungsberichte.  Munich,  1884, 
Heft  2.  — Bockinger.  Un  extrait  de  la  Lex  romana  Visigothorum  utilisé 
dans  le  coutumier  dit  Schwabenspiegel  (en  mettant  en  regard  plusieurs 
articles  de  ces  deux  documents,  l'auteur  montre  les  emprunts  faits  par 
le  second  à  YEpitome  Aegidiana  ;  il  montre  comment  a  été  utilisé  cet 
Épitome).  —  Heigel.  Sur  l'histoire  du  prétendu  traité  de  Nymphen- 
bourg  du  22  mai  1741  (des  correspondances  diplomatiques  extraites  des 
Archives  de  Paris  et  les  notes  autographes  de  l'électeur  de  Bavière, 
Charles  VII,  montrent  que  ce  traité  est  une  pure  fiction  imaginée  sans 
doute  par  les  adversaires  de  l'alliance  franco-bavaroise  ;  des  témoignages 
contemporains  l'attestent  déjà).  —  Prantl.  Art.  nécrologique  sur  Kon- 
rad  Bursian.  —  Giesebrecht.  Art.  nécrol.  sur  Am.  Boget  et  C.  von 
Noorden.  —  Geiger.  La  patrie  et  l'âge  de  l'Avesta  (montre  que  l'Avesta 
n'est  pas,  comme  on  l'admettait  jusqu'ici,  de  l'Iran  occidental,  mais 
plutôt  de  l'Iran  oriental  ;  l'époque  précise  où  il  fut  composé  ne  peut  être 


RECUEILS  PERIODIQUES.  4 'M 

indiquée  avec  précision  ;  mais  elle  est  antérieure  aux  rois  mèdes  et 
perses.  Recherches  sur  les  noms  géographiques  de  l'Avesta  et  sur  la 
civilisation  des  anciens  Iraniens). 

75.  —  Beitrœge  zur  Anthropologie  und  Urgeschichte  Bayerns. 

Bd.  VI,  Heft  1,  1884.  —  Zapf.  Un  château  dos  Waldstein  dans  leFich- 
telgebirgo  (histoire  et  description  des  seigneurs  de  Waldstein  et  du 
château  du  même  nom  qui  fut  détruit  une.  première  l'ois  par  les  llus- 
sites,  puis  en  1523  par  la  ligue  souabe.  Détails  intéressants  sur  des 
découvertes  d'antiquités  slaves  et  franques).  —  Naue.  Les  tumulus  de 
Pullach  (la  comparaison  des  ornements  et  des  vases  d'argile  trouvés 
dans  ces  tomheaux  avec  de  semblables  qui  se  trouvent  dans  le  sud  et 
en  Italie  ont  conduit  l'auteur  à  cette  conclusion,  que  partout  régnent 
une  même  l'orme  essentielle  et  un  même  système  décoratif;  on  ne  peut 
rien  dire  de  précis  sur  la  nationalité  des  individus  enterrés;  mais  ils 
n'appartenaient  pas  à  un  degré  inférieur  de  civilisation  ;  ils  étaient  au 
contraire  bien  doués  du  côté  des  arts).  —  Mehlis.  Les  tombeaux  de 
Leimershein  (rapport  sur  d'intéressants  ornements  de  bronze  trouvés 
en  quatre  endroits  dans  cette  localité). 

76.  —  Historischer  Verein  fur  Niederbaiern.  Verhandlungen. 
Bd.  XXIII,  Heft  1-2.  Landshut,  1884.  —  Schreiner.  Rapport  sur  des 
découvertes  d'antiquités  romaines  faites  à  Eining,  en  1883.  —  Sax. 
Konrad  II  de  Pfaffenhausen,  le  37e.évèque  d'Eichstadt,  1297-1305  (l'his- 
toire de  l'évéché  sous  ce  prélat  est  importante  en  ce  que  l'évêque,  par 
voie  d'acquisition  et  d'héritage,  réussit  à  donner  à  son  siège  une  grande 
indépendance  à  l'égard  de  la  Bavière).  —  Staolbaur.  Les  derniers 
abbés  de  Niederaltaich  (leur  biographie,  de  1550  jusqu'à  la  sécularisa- 
tion de  l'abbaye;  cette  histoire  montre  que  les  mœurs  des  moines 
étaient  fort  relâchées).  —  Braunmùller.  Monumenta  Windbergensia. 

77. —  Mitteilungen  des  Vereines  fur  Geschichte  und  Altertums- 
kundeinHohenzollern.  Jahrg.  XVII.  Sigmaringen,  1884.  — Zingeler. 
Le  différend  entre  les  maisons  de  Werdenberg  et  de  Sonnenberg  (l'his- 
toire de  cette  querelle  est  curieuse  en  ce  qu'elle  montre  combien  la  loi 
était  méprisée  en  Allemagne  au  début  du  xvies.).  —  Bauer.  Sur  des 
fouilles  exécutées  à  Otterswang  (on  y  a  ouvert  des  tombeaux  qui  sont 
antérieurs  à  la  période  franque).  —  Hornstein-Grueningen.  Généalo- 
gies des  seigneurs  de  Hertenstain.  —  Lociier.  Les  seigneurs  de  Neun- 
eck;  tin  (les  membres  et  les  possessions  de  cette  famille  de  1586  à 
1638).  —  Zingeler.  Le  livre  des  coutumes  de  Ringingen  (publie  ce 
recueil  juridique  composé  en  1545).  — Id.  Ouvrages  publ.  sur  le  Hohen- 
zollern,  depuis  1824. 


78.  —  Mittheilungen  des  Instituts  fur  Œsterreichische  Ges- 
chichtsforschung.  Bd.  V,  Heft  4.  —  Al.  Schulte.  L'annalistique 
alsacienne  à  l'époque  des  Hohenstaufcn  :  Marbach,  Neuburg,  Maurs- 

mùnster,  Strasbourg  (analyse  une  compilation  contenue  dans  un  ms 


192  RECUEILS   PÉRIODIQUES. 

de  Jena;  elle  a  été  formée  entre  1220  et  1235  à  l'aide  de  quatre  et  peut- 
ôtre  de  cinq  chroniques  alsaciennes).  —  Zimmermann.  Le  diplôme  du  roi 
André  II  pour  les  Allemands  de  Transylvanie,  on  1206  (le  diplôme  de 
ce  roi  pour  les  Allemands  à  Karako,  Cnapundorph  et  Rams  est  authen- 
tique. Les  Allemands  qui  ont  fondé  ces  communautés,  Bavarois  pour 
la  plupart,  sont  venus  au  xie  s.,  de  Szathmar-Neméthi,  et  sont  entrés 
en  Transylvanie,  par  la  vallée  du  Szamos.  Suit  le  texte  de  6  chartes,  de 
1206  à  1301).  —  Laschitzer.  Quelle  méthode  faut-il  suivre  pour  cata- 
loguer les  gravures  sur  bois  et  sur  cuivre?  —  Kaltenbrunner.  Le 
«  Liber  rubeus  »  des  Archives  du  Vatican  (descr.  de  ce  ms.  utile  pour 
l'hist.  de  la  papauté  au  xve  s.). —  Diekamp.  Sur  le  diplôme  du  roi  Arnoul 
pour  le  couvent  de  Ridigippi  (ce  diplôme,  publié  dans  le  précédent 
fasc.  des  Mittheil.,  jette  un  jour  nouveau  sur  les  origines  du  règne 
d Arnoul).  —  Stieve.  Rapport  d'un  noble  bavarois  sur  les  paysans  de 
l'Autriche  en  amont  de  l'Enns,  14  février  1641.  =  Harnack.  Das  Kur- 
fùrstencollegium  bis  zur  Mitte  des  XIVe  Jahrh.  (critique  très  détaillée  de 
ce  livre  qui  ne  tient  pas  toutes  ses  promesses).  —  Balzani.  Early  Chro- 
niclers  of  Europe  :  Italy  (bon).  —  Hansische  Wisbyfahrt  (excellent). 
—  Strauch.  Studien  uber^Jansen  Enikel  (bon).  —  Doppler  et  Hauthaler. 
Urbar  des  Stiftes  Nonnberg  in  Salzburg  (publie  le  pouillé  de  ce  monas- 
tère; les  documents  qu'il  renferme  se  placent  entre  les  années  1334 
et  1405). 

79.  —  Archaeologisch-epigraphische  Mitteilungen  aus  Œster- 
reich-Ungarn.  Jahrg.  VIII,  Heft  1.  Vienne,  1884.  — Tocilescu.  Nou- 
velles inscriptions  de  la  Dobroudcha  et  de  la  Roumanie  (fournissent 
d'intéressants  compléments  à  la  biographie  des  légats  et  gouverneurs 
de  la  Basse-Moesie).  —  Studniczka.  Autels  de  Mithra  et  autres  monu- 
ments de  la  Dacie;  suite.  —  Téglas  et  Koenig.  Nouvelles  inscr.  de  la 
Dacie  (proviennent  de  Sarmizegethusa  et  de  Porolissa  ;  la  legio  Flavia 
Félix,  dont  le  quartier  général  était  la  Mœsie  supérieure,  stationnait 
aussi  à  Sarmizegethusa).  —  Hauser.  Fouilles  à  Carnuntum  (cet  ancien 
camp  est  entièrement  détruit  ;  on  n'y  avait  trouvé  jusqu'ici  que  quelques 
débris  des  divinités  du  camp).  —  Studniczka.  Œuvres  d'art  de  Carnun- 
tum (décrit  :  1°  une  statue  cuirassée  d'Elagabal;  2"  une  autre  statue  du 
même  personnage  en  costume  de  prêtre.  Planches).  —  Hirschfeld. 
Inscriptions  trouvées  à  Carnuntum  (publie  8  inscriptions  militaires). 
Mélanges  épigraphiques  (textes  d'inscriptions  provenant  d'IUyrie,  de 
Dalmatie,  du  Norique  et  en  particulier  d'Aguntum,  de  Brigetio,  de 
Viudobona,  etc.).  —  Domaszewski.  Lettres  des  Attalides  aux  prêtres  de 
Pessinonte  (publie  ces  inscr.  grecques  très  étendues  qu'on  a  trouvées 
dans  le  voisinage  de  Pessinonte).  —  Kubitscheck.  De  la  foi  qu'on  peut 
avoir  en  Cyriacus  d'Ancone  (cet  archéologue  du  xve  s.  était  un  impu- 
dent faussaire).  —  Frankfurter.  Rapport  épigraphique  de  l'Autriche 
(publie  plus  de  100  inscr.  ou  fragments  d'inscr.  provenant  de  Dalmatie, 
et  en  particulier  de  Salone). 


RECUEILS    PERIODIQUES.  193 

80.  —  Mittheilungen  des  Vereins  fur  die  Geschichte  derDeut- 
schen  in  Bœhmen.  Jahrg.  XXII,  Beft  2-4,  1884.  —  Loserth.  Docu- 
ments relatifs  à  l'histoire  de  la  Bohême  aux  xivc  et  \ve  siècles 
(15  chartes  en  latin  provenant  d'un  ms.  de  la  bibliothèque  de  Breslau  ; 
elles  fournissent  beaucoup  de  renseignements  sur  la  situation  des  cou- 
vents cisterciens  d'Autriche,  de  Bohème-Moravie  et  de  Silésie,  à  la 
veille  de  la  guerre  hussite).  —  Wallnbr.  La  résistance  d'Iglau  à  recon- 
naître Georges  de  Podiehrad  (raconte,  d'après  les  Archives  municipales, 
le  siège  de  la  ville  catholique  d'Iglau  en  1458  par  ce  roi  utraquiste).  — 
J.  K.  S.  Usages  agraires  du  pays  de  Schœnbach  (ils  ont  leur  origine 
dans  l'ancienne  mythologie  germanique).  —  Teige.  Les  déhuts  de  la 
maison  de  Biesenburg  (famille  noble  de  la  Bohême  qui  joua  un  grand 
rôle  surtout  pendant  la  guerre  entre  Ottokar  de  Bohème  et  Bod.  de 
Habsbourg).  —  Urban.  Extrait  du  Livre  des  légendes  de  la  ville  de 
Plan  (légendes  historiques).  —  Kli.mesch.  Les  seigneurs  do  Michelsberg 
considérés  comme  possesseurs  de  Weleschin  (après  une  courte  intro- 
duction sur  l'origine  de  ce  château,  l'auteur  expose  d'après  les  chartes 
et  les  chroniques  du  temps  la  politique  de  Jean  I  et  de  Benesch  I  à 
l'époque  des  rois  Wenceslas  LE  et  Jean  I  de  Bohême,  et  leurs  efforts 
pour  faire  pénétrer  en  Bohême  la  civilisation  allemande  vers  la  fin  du 
xmc  et  le  commencement  du  xive  s.).  —  Loserth.  L'introduction  du 
wycléfisme  en  Bohème  (de  très  importants  renseignements  sur  ces 
points  sont  contenus  dans  le  ms.  1294  de  la  bibliothèque  de  la  cour  de 
Vienne;  ce  ms.,  écrit  en  Angleterre  même  par  des  étudiants  tchèques, 
fut  apporté  en  Bohême  en  1408  par  Nicolas  Faulfisch  et  Georges  de 
Knyehnicz;  il  y  fut  relié  et  devint  la  possession  de  Simon  de  Tisnov). 
—  Naaff.  L'année  dans  les  chants  et  dans  les  usages  populaires  de  la 
Bohême  allemande  (elle  commence  à  Noël,  non  au  Ier  janvier.  Descrip- 
tion des  l'êtes  de  Noël).  —  Koept.  Chartes  de  Budweiss  mal  datées  (rétablit 
les  dates  de  16  chartes  relatives  à  la  fondation  de  cette  ville  qui  ont  été 
datées  de  90  à  100  ans  trop  tôt).  —  Von  Jaksch.  Gaspar  Brusch  en 
Carinthie  (publie  un  acte  sur  parchemin  écrit  de  la  main  même  de  cet 
humaniste,  16  octobre  1554).  —  Loserth.  Mélanges  (1°  sur  la  mort  de 
Ladislas  le  Posthume;  publie  le  texte  latin  d'un  récit  intéressant,  mais 
peu  digne  de  foi,  qui  se  trouve  dans  un  ms.  de  l'Université  de  Cracovie 
en  1458,  sur  la  mort  de  ce  jeune  roi  ;  on  l'attribue  aux  hérétiques  nus- 
sites;  2*  Extraits  d'une  lettre  de  Johannes  Crux  de  Telcz  à  Johannes 
Nosydlo,  bourgeois  de  Leimeritz,  son  bienfaiteur,  relative  aux  rapports 
de  la  cour  romaine  avec  le  hussitisme  en  146-2;  3°  le  ms.  1387  de  l'Uni- 
versité de  Leipzig,  fol.  277,  contient  des  vers  latins  sur  la  décadence  de 
l'Université  de  Prague  après  le  départ  des  Allemands).  —  Schlesincer. 
Institutions  villageoises  de  la  Bohême  allemande  (recueil  d'anciennes 
coutumes  locales  et  de  chartes  relatives  à  la  condition  des  paysans  dans 
ce  pays;  pièces  concernant  les  paysans  avant  et  après  la  guerre  de 
Trente  ans,  ainsi  que  l'extension  des  colons  allemands  sous  la  protection 
des  couvents  et  de  l'ordre  teutonique).  —  Von  Gœrner.  Un  ms.  de 
Rev.  Histor.  XXVII.  1"  fasc.  13 


|!)î  RECUEILS   PÉRIODIQUES. 

Mathaeus  Meisner  (le  ms.  de  la  bibliothèque  du  couvent  de  Stratom  à 
Prague,  qui  est  de  l'an  1575,  contient  :  1°  des  formules  de  consécrations 
et  de  prières;  2°  des  prophéties  relatives  à  l'histoire  de  Bohême,  et 
3°  uue  chronique  de  la  ville  de  Leimeritz).  —  Loserth.  Mélanges  (la 
déposition  de  Venceslav  ;  l'intéressant  récit  qui  se  trouve  dans  le  texte 
latin  jette  une  grande  lumière  sur  les  rapports  du  pape  Boniface  IX 
avec  Venceslav  et  l'adversaire  de  ce  dernier,  Robert,  comte  Palatin). 
—  Id.  Sur  l'histoire  de  l'établissement  des  Allemands  dans  le  nord 
de  la  Moravie  et  en  Silésie  (publie  deux  actes  de  1301  et  1412  qui  se 
trouvent  depuis  cette  époque  en  la  possession  héréditaire  de  la  famille 
de  paysans  de  Kunzendorf,  et  qui  lui  confèrent  certains  privilèges). 
=  Comptes-rendus  :  Volkmer  et  Hohaas.  Geschichtsquellen  der  Graf- 
schaft  Glatz.  Bd.  I  (méritoire).  —  Weidl.  Geschichte  der  Stadt  Plan 
(sans  valeur).  —  Bilek.  Geschichte  der  Gonhscationen  in  Bœhmen  nach 
dem  Jahre  1618  (excellente  contribution  à  l'histoire  de  Wallenstein  et 
de  son  apologie).  —  Stieve.  Briefe  und  Akten  zur  Geschichte  des 
30  jaehr.  Krieges  in  den  Zeiten  des  vorwaltenden  Einflusses  der  Wit- 
tclsbacher.  Bd.  V  (excellent).  —  Hœfler.  Kritische  Untersuchungen 
ùber  die  Quellen  der  Geschichte  Philipps  des  Schœnen,  Erzherzogs 
von  CEsterreich,  Herzogs  von  Burgund,  Kônigs  von  Gastilien  (ouvrage 
solide  et  d'une  portée  universelle).  —  Hœfler.  Antoine  de  Lalaing,  sei- 
gneur de  Montigny,  Vincenzo  Quirino  und  don  Diego  de  Guevara  als 
Berichterstatter  ùber  Kônig  Philipp,  1505-1506  (intéressant).  —  Frant. 
Graf  Kaspar  Zdenek  Kaplir,  Vorsitzender  der  Interims-Regierung  zu 
Wien  zur  Zeit  der  Turkenbelagerung,  1683  (biographie  détaillée  de 
Kaplir).  —  Gradl.  Bie  Minderung  des  Egerlandes  (bon).  —  Loserth. 
Huss  und  Wiclif,  zur  Geschichte  der  hussitischen  Lehre  (ouvrage 
excellent;  très  utile  contribution  à  l'histoire  de  la  Réforme  hussite).  — 
Bachmann.  Deutsche  Reichsgeschichte  im  Zeitalter  Friedrich  III  und 
Max  I,  mit  besonderer  Berucksichtigung  der  œsterreichischen  Staaten- 
geschichte.  Bd.  I  (clair,  bien  composé,  index  excellent;  comble  une 
lacune  dans  l'histoire  de  l'Empire).  —  Hallwich.  Heinrich  Matthias 
Thurn  als  Zeuge  im  Process  Wallenstein  (excellente  contribution  à 
l'histoire  de  Wallenstein).  —  Kraus.  Das  Nùrnberger  Reichsregiment ; 
Grùndung  und  Yerfall,  1500-02  (étude  intéressante  sur  l'histoire  du 
xvi"  s.).  —  Pribram.  CEsterreich  und  Brandenburg,  1685-86  (bon).  — 
Pœschel.  Eine  Erzgebirgische  Gelehrtenfamilie  (curieux  pour  l'histoire 
des  moeurs  auxvncs.).  — Schul:.  Kunst  und  Kunstgeschichte.  Abth.  I 
(bon  et  bien  écrit).  —  Schuiz.  Untersuchungen  zur  Geschichte  der 
schlesischen  Maler,  1500-1800  (bon).  —  Emler.  Libri  confirmationum 
ad  bénéficia  ecclesiastica  Pragensem  per  archidiocesim.  Liber  VI,  1399- 
1410  (très  méritoire).  —  Buddensieg.  Johann  Wiclif  s  lateinische  Streit- 
schriften  aus  den  Handschriften  zum  erstenmale  hgg.  (excellent).  — 
Ludikar.  Die  Malteser  Ritter  mit  besonderer  Rùcksicht  auf  Bœhmen 
(érudition  insuffisante).  —  Bcrnhardi.  Jahrbucher  der  deutschen  Ges- 
chicbte  :  Konrad  III  (possède  admirablement  son  sujet).  —  Hassel  et 


RECUEILS    PÉRIODIQUES.  M5 

Graf  Vitstkum.  Zur  Gcschichte  des  Tùrkenkrieges,  1G83  (bon;  traite 
surtout  de  la  part  prise  au  siège  par  les  troupes  de  la  Saxe  électorale). 
—  Plachy.  Denkwùrdigkeiten  Pilsens  hgg.  von  Strnad  (bonne  mono- 
graphie). =  Revue  des  dissertations  historiques  publiées  dans  les  pro- 
grammes des  gymnases  allemands  de  Bohème  en  1883.  =  Jahrg.  XXIII, 
Heft  1,  1884.  —  Loserth.  Contributions  à  l'histoire  ancienne  de  la 
Bohème  (origine  du  duché  de  Bohême;  la  souveraineté  partagée  entre 
plusieurs  ducs  se  concentre  à  la  lin  du  ixc  s.  dans  la  main  des  Premys- 
lides).  —  Walfried.  Le  district  de  Kaaden  en  Bohême  (histoire  pri- 
mitive ;  époque  slave  ;  immigration  des  Allemands  sous  les  Premyslides 
depuis  le  xme  s.,  favorisée  par  la  maison  de  Luxembourg;  la  guerre 
des  Ilussites  et  les  troubles  qui  la  suivirent).  —  X.  Sur  l'histoire  de  la 
Contre-réforme  à  Eger  (elle  a  été  introduite,  comme  en  Bohème,  par 
Ferdinand  II,  à  partir  de  1628.  Publie  des  ordonnances  impériales  sur 
la  religion).  — Scheinpfluo.  Le  monastère  cistercien  d'Osegg  à  l'époque 
de  Joseph  II  létudie  les  causes  pour  lesquelles  ce  monastère  fut  épargné 
lors  de  la  suppression  des  couvents  ordonnée  par  l'empereur).  —  Urban. 
L'industrie  minière  à  Michaelsberg  en  Bohême  (des  rapports  originaux 
conservés  aux  Archives  municipales  de  Michaelsberg  montrent  l'état 
florissant  de  cette  industrie  aux  siècles  derniers).  —  Schmidt-Reder.  Le 
monastère  bénédictin  «  Porta  apostolorum.  »  =  Comptes-rendus  : 
Posse.  Die  Markgrafen  von  Meissen  und  das  Haus  Wettin  bis  zu  Kon- 
rad  dem  Grossen  (très  intéressant  pour  l'histoire  de  la  Bohême).  — 
Tomaschek.  Die  Gothen  in  Taurien  (sérieuse  étude  ethnologique).  — 
Bendel.  DieDeutschen  in  Bœhmen,  Mœhren  und  Sachsen  (suffisant). — 
Herald.  Malerische  W'anderungen  durch  Prag.  Bd.  II  (intéressants 
tableaux  de  l'histoire  des  mœurs).  —  Dallagi.  Die  kroatischen  Arkebu- 
siere  von  Wallenstein,  1623-26  (bon).  —  Bresslau.  Jahrbùcher  des 
deutschen  Reichs  unter  Konrad  II  (bonne  étude  critique).  —  Dove. 
Deutsche  Geschichte  (bon).  —  Bœhmer.  Regesta  imperii  et  Regesta 
archiepiscoporum  Moguntinensium  (travail  de  première  importance).  — 
Kerler.  Deutsche  Reichstagsakten.  Bd.  VIII,  1421-26  (très  importanti. 
• —  Von  Schubert.  Die  Unterwerfung  der  Alemannen  unter  die  Fran- 
ken  (bon). 

81.  —  Zeitschrift  fur  die  Œsterreichischen  Gymnasien. 
Jahrg.  XXXIX'.  Vienne,  1883.  — Heinricii.  Qu'est-ce  que  Korupedion? 
Où  était-il  situé"?  (la  bataille  où  tomba  Lysimaque  eut  lieu  au  champ 
de  Cyrus,  KupouneSfov,  plaine  ainsi  appelée  à  cause  de  la  victoire  rem- 
portée par  Cyrus  sur  Crésus;  elle  se  trouve  à  l'est  de  Sardes,  sur  la 
frontière  du  côté  de  la  Phrygie).  —  Rettig.  Sur  la  République  des 
Athéniens  (déclare  vides  et  erronées  les  idées  de  L.  Lange  sur  ce  sujet). 

82.  —  Zeitschrift  des  Ferdinandeums  f.  Tirol  und  Vorarlberg. 
Bd.  XXVI.  Innsbruck,  1882.  —  Waldnbr.  D»  Jakob  Strauss  à  Hall  et 
son  sermon  du  jeudi  saint  1522  (biographie  de  ce  prédicateur  qui  joue 
un  rôle  très  important  dans  le  mouvement  réformateur  en  Tyrol  ;  his- 


190  RECUEILS  PÉRIODIQUES. 

toire  de  ce  mouvement).  —  Seeroeck.  La  triple  chronique  de  Hall  dans 
la  vallée  de  l'Inn  (publie  un  ancien  ms.  qui  entre  autres  contient  la 
chronique  qu'on  croyait  perdue,  d'un  certain  Schrotzer,  de  1572  à  1596; 
elle  n'a  de  valeur  qu'au  point  de  vue  de  l'histoire  des  mœurs).  — 
Noggler.  La  vie  au  xive  s.  (raconte  une  guerre  de  succession  entre 
deux  familles  tyroliennes;  détails  qui  montrent  l'absence  de  toute 
sécurité  dans  le  pays,  môme  sous  un  seigneur  puissant).  —  Zingerle. 
Actes  d'un  procès  de  sorcellerie  jugé  à  Brixen  en  1644.  —  Wieser. 
Découvertes  archéologiques  faites  à  Martinsbùhel  et  à  Vœls  (là  on  a 
fouillé  des  tombeaux  germains;  à  Vœls,  on  a  trouvé  un  dépôt  d'urnes 
funéraires  très  considérable,  et  qui  appartient  à  l'époque  préhistorique). 
=  Bd.  XXVII.  —  Noggler.  Un  voyage  inconnu  d'Oswald  de  Wolkens- 
tein  (appelle  l'attention  sur  ce  chevalier  et  minnessenger,  surtout  en  ce 
qui  concerne  le  séjour  de  l'empereur  Sigismond  à  Perpignan  et  les 
événements  contemporains  de  la  France;  raconte  les  luttes  du  poète  et 
des  nobles  tyroliens  contre  le  duc  Friedrich,  qui  finit  par  succomber). 

—  Id.  Le  pamphlet  des  seigneurs  de  Starkenberg  contre  le  duc  Fried- 
rich d'Autriche  (publie  cette  pièce  composée  en  1425  par  deux  nobles 
tyroliens).  —  Von  Kolb.  Descriptions  de  monnaies  tyroliennes  de  l'an 
1809.  —  Steger.  Une  pièce  du  butin  fait  lors  du  soulèvement  de  1809 
(publie  le  livre  d'ordre  d'un  régiment  d'infanterie  thuringienne  du  duc 
de  Saxe  qui  tomba  aux  mains  des  révoltés  au  combat  d'Oberau.  Seul 
de  l'armée  de  Lefebvre,  ce  régiment  observait  une  exacte  discipline. 
Gomment  fut  employée  cette  troupe  jusqu'à  la  catastrophe  d'Oberau). 

83.   —  Steiermaerkische  Geschichtsblsetter.   Jahrg.  V.  Heft  2. 
Chronique  allemande   du  monastère  de   Gœs  au  xvtie  siècle  ;    suite. 

—  Binder.  Situation  extérieure  de  l'Autriche  de  1809-1818  (suite  du 
a  Précis  »  annoncé  au  tome  précédent,  p.  210;  il  est  tout  en  français). 

—  Trois  lettres  du  chevalier  Hormayr  au  comte  F.  von  Saurau,  1819, 
1820  et  1829.  =  Bibliographie  :  Giesecke.  Die  Hirschauer  wsehrend  des 
Investiturstreites  (montre  très  bien  le  rôle  capital  joué  par  les  moines 
de  Hirschau,  de  l'ordre  de  Gluny,  dans  la  lutte  des  Investitures).  — 
Reichel.  Abriss  der  Steirischen  Landesgeschichte  (bon  manuel). 


84.  —  The  Academy.  1884,  11  oct.  —  Browning.  The  political 
memoranda  of  Francis,  lifth  duke  of  Leeds  (notes  d'un  homme  médiocre 
par  lui-même,  mais  que  sa  naissance  fit  arriver  aux  plus  grands  hon- 
neurs. Détails  intéressants  sur  les  hommes  d'État  anglais  dans  les 
vingt  dernières  années  du  xviue  s.).  —  Mackensie.  History  of  the  rela- 
tions of  the  Government  with  the  Hill  tribes  on  theNorth-East  frontier 
of  Bengal  (bon).  —  M.  dePeralta.  Gosta-Rica,  Nicaragua  y  Panama  en 
el  siglo  xvi  (précieuse  collection  de  documents).  =  18  octobre.  Earl 
of  Malmesbury,  Memoirs  of  au  Ex-minister  :  an  autobiography  (lecture 
agréable;  des  anecdotes  curieuses  sur  des  personnages  marquants  et 


RECUEILS    PÉRIODIQUES.  197 

des  souverains  du  xixc  s.;  mais  rion  de  bien  important).  —  Bancroft. 
The  history  of  the  Pacific  states  of  North  America  (colossale  compila- 
tion, mais  peu  do  sens  littéraire  ou  critique).  =  25  oct.  Thijm.  De  ges- 
tichten  van  liefdadigheid  in  Delgië  van  Karel  den  groote  tôt  aan  de 
xvie  eeuw  (bonne  histoire  des  institutions  charitables  en  Belgique  depuis 
la  mort  de  Charlemagne).  =  1er  nov.  Fricdmann.  Anne  Boleyn,  1527-36 
(important).  =  8  nov.  Mac-Carthy.  A  history  of  the  4  Georges.  Vol.  I 
(récit  plein  de  vivacité).  —  Max  Millier.  Biographical  Essays  (détails 
instructifs  pour  l'histoire  orientale).  =  22  nov.  Parkman.  Montcalm 
and  "Wolfe  (excellent  ;  un  des  meilleurs  parmi  les  volumes  consacrés  par 
M.  Parkman  à  l'histoire  du  Canada  français).  =  6  déc.  //.  Wylie.  History 
of  England  under  Henry  IV.  Vol.  I  (très  consciencieux). 

85.  —  The  Athenaeum.  1884,  18  oct.  —  Navillc.  Native  religions 
of  Mexico  and  Peru  (collection  de  faits  très  curieux).  =  25  oct.  Jennings. 
The  correspondence  and  diaries  of  the  late  R.  H.  John  Wilson  Croker, 
secretary  to  the  admiralty,  1809-30  (utile  collection  de  documents  qui 
permettent  d'atténuer  le  jugement  très  sévère  porté  sur  J.  Croker,  par 
Macaulay,  Disraeli  et  autres).  —  Fronde.  Thomas  Carlyle  ;  a  history  of 
lus  life  in  London,  1834-81  (publication  très  hâtive  et  qui  est  loin  d'être 
favorable  à  la  mémoire  de  Carlyle  ;  intéressante  néanmoins).  =  1er  nov. 
Moule.  Descriptive  catalogue  of  the  charters  and  others  documents  of 
the  borough  of  Weymouth,  1252-1880  (bon).  —  Carter.  The  Midland 
antiquary  (bon).  =  15  nov.  Napier.  Passages  in  the  early  military  life 
of  General  sir  G.  Napier  (bonne  monographie;  utile  surtout  pour  l'his- 
toire de  la  guerre  d'Espagne  où  le  général  Napier  servit  avec  distinction 
sous  Wellington).  =  29  nov.  Malleson.  A  sketch  of  the  military  life  of 
G.-E.  Freiherr  von  Loudon  (très  bonne  biographie  de  ce  général  autri- 
chien, d'origine  écossaise,  qui  tint  plus  d'une  fois  en  échec  la  fortune 
de  Frédéric  II  dans  la  guerre  de  Sept- Ans).  =  6  déc.  Verres.  Luther; 
an  historical  portrait  (livre  écrit  avec  un  parti  pris  excessif  par  un  prêtre 
catholique  allemand  réfugié  en  Angleterre). 

86.  —  The  Nineteenth  Century.  Déc.  1884.  —  Aug.  Jessopp.  La 
Peste  noire  dans  l'est  de  l'Angleterre  (article  écrit  dans  une  forme  très 
déclamatoire;  contient  cependant  quelques  indications  utiles  sur  les 
rôles  des  cours  de  manoirs  en  Angleterre  et  sur  les  renseignements 
précieux  qu'ils  pourraient  fournir  à  l'historien  du  fléau,  qui  sévit  parti- 
culièrement dans  l'est  du  pays  en  1348  et  1349). 


87.  —  The  Nation.  1884.  18  sept.  —  Hurst.  Short  history  of  the 
Reformation  (très  insuffisant).  =  25  sept.  Fry.  Mac  Dowell  and  Tyler 
in  the  campaign  of  Bull  Run,  1861  (ce  récit,  tracé  d'après  les  documents 
originaux  par  le  propre  major -général  de  l'armée  commandée  par 
Tyler,  corrige  sur  bien  des  points  le  récit  tracé  par  ce  dernier,  mais 
tracé  de  mémoire,  et  trop  souvent  erroné).  —   Watcott.  Concord  in  the 


|!)8  RECUEILS    PERIODIQUES. 

colonial  period,  1635-89  (bon).  =  2  oct.  Fry.  Opérations  of  the  army 
under  Buell,  10  june-30  oct.  1862  (très  bon  récit,  qui  fait  bien  com- 
prendre le  rôle  si  discuté  du  général  Buell  dans  cette  campagne).  = 
30  oct.  Gay.  J.  Madison  (bonne  biographie).  =  6  nov.  Nourse.  The  early 
records  of  Lancaster,  Mass.  1643-1725  (ouvrage  très  consciencieux). 


88.  —  Archivio  storico  italiano.  T.  XIV,  disp.  5  de  1884.  — 
Gorrini.  Lettres  inédites  des  ambassadeurs  florentins  à  la  cour  des 
papes  d'Avignon  en  1340  (publie  6  lettres  intéressantes  pour  les  débuts 
de  la  guerre  de  Cent  ans).  —  Cantù.  La  république,  le  royaume 
d'Italie  et  la  Toscane;  suite  :  1806-1812.  —  Rondoni.  Règlements  et 
histoire  de  l'ancienne  université  de  Florence  ;  suite  et  fin.  —  Guasti. 
Filippo  Neri  (analyse  l'ouvrage  en  3  vol.  de  Capecelatro  sur  ce  fonda- 
teur de  l'Oratoire  à  Naples  au  xvie  s.).  —Bibliographie.  R.  de  La  Blan- 
chère.  Terracine  ;  essai  d'histoire  locale  (analyse  très  élogieuse). —  Mar- 
cellino  da  Civezza.  Storia  universale  délie  missioni  francescane.  Vol.  VII 
(ce  vol.  se  rapporte  au  xvie  s.  et  aux  persécutions  que  les  Franciscains 
eurent  à  subir  de  la  part  des  Réformés).  —  Cinci.  Dali'  archivio  di 
Volterra  ;  memorie  e  documenti  (contient  beaucoup  de  bonnes  choses 
sur  l'histoire  de  Volterra).  —  Zorzi.  Relazione  del  regno  di  Francia, 
1627-29  (relation  très  intéressante  de  l'ambassadeur  vénitien).  —  Ber- 
tocchi.  Ragguagli  storici  di  Montignoso  di  Lunigiana,  1701-1784.  — 
Selmi.  Lettere  inédite  di  Muratori  (cette  publication  aurait  pu  être  plus 
complète  et  dû  être  plus  correcte).  =  Les  papiers  Strozzi;  suite  (préface 
au  t.  I  de  cet  inventaire,  signée  G.  Guasti).  =Disp.  6.  Vito  La  Mantia. 
Notes  et  documents  sur  les  coutumes  des  cités  de  Sicile  ;  suite  (cou- 
tumes de  Sciacca,  texte  latin  publié  en  entier).  —  Banchi.  Mesures 
prises  par  la  république  de  Sienne  contre  la  peste,  en  1411  et  1463.  — 
Reumont.  Le  couronnement  de  Charles-Quint  à  Aix-la-Chapelle  décrit 
par  Baldassar  Castiglione.  —  Venturi.  Un  artiste  distingué  de  Modène 
au  xve  s.  Guido  Mazzoni.  =  Bibliographie  :  Gorrini.  Il  comune  asti- 
giano  e  la  sua  storiografia  (contient  beaucoup  d'inexactitudes  ;  écrit 
d'ailleurs  avec  verve).  — Balzani.  Il  regesto  di  Farfa.  Vol.  II-III  (recueil 
très  important  de  documents).  —  Vitelli  et  C  Paoli.  Collezione  fioren- 
tina  di  facsimili  paleografici  greci  e  latini  (cette  nouvelle  publication  est 
«  le  triomphe  de  la  science  et  de  l'art  italien  »).  —  Venturi.  La  R. 
Galleria  Estense  in  Modena  (fort  beau  volume,  sur  lequel  la  Rev.  hist. 
a  déjà  appelé  l'attention  des  lecteurs). —  Article  nécrologique  sur  Atto 
Vannucci  (suivi  de  l'indication  complète  des  mémoires  qu'il  a  publiés 
dans  VArch.  stur.  ilal.). 

89.  — Archivio  storico  lombardo.  Anno  XI,  fasc.  3.  30  sept.  1884. 
—  Mongeri.  Le  château  de  Milan  (sa  construction  et  son  histoire;  ce 
château,  dont  on  demande  aujourd'hui  la  démolition,  au  moins  partielle, 
doit  être  conservé  comme  monument  historique).  —  Tamassia.  Quelques 


RECUEILS    PÉIUOIMQUES.  4  00 

observations  relatives  au  «  Gomes  Gothorum  »  dans  ses  rapports  avec 
la  constitution  romaine  et  avec  l'établissement  des  barbares  en  Italie  ; 
suite  et  fin  (affirme  le  caractère  essentiellement  germanique  de  cette 
magistrature).  —  Intra.  L'antique  cathédrale  de  Mantoue  et  les  tombes 
des  premiers  Gonzague.  —  Ghinzoni.  L'  «  Inquinto,  »  taxe  odieuse  du 
xve  s.  (documents  relatifs  à  cet  impôt  additionnel  en  1474;  c'était  un 
impôt  du  5e  ou  de  20  0/0,  dit  aussi  «  inquintamento  del  datio  delà  carne, 
del  pane  bianco  e  délia  bullatura  del  vino,  »  ou  «  dazio  dei  cinque 
mesi.  »  Galéas-Marie  Sforza  songea  un  moment  en  1474  à  le  supprimer 
ou  à  le  transformer;  mais  il  existait  encore  au  xvi°  s.).  —  B.  T.  Une 
question  pour  une  carte  géographique  (publie  diverses  protestations 
contre  une  carte  publiée. en  177*  par  Francesco  Manfroni,  et  où  leprin- 
cipat  de  Trente  était  indiqué  comme  incorporé  au  comté  du  Tirol).  = 
Bibliographie  :  Balzani.  Le  cronache  italiane  nel  medio  evo  (très  bon). 

—  Gorrini.  Il  comune  Astigiano  (composé  avec  beaucoup  de.  critique). 

—  Sforza.  La  patria,  la  famiglia  e  la  giovenizza  di  Niccolo  V  (la  famille 
de  ce  pape  est  connue  à  Sarzana  depuis  le  xive  s.;  bonne  biographie  de 
Nicolas  V  avant  son  pontificat).  —  Cusani.  Storia  di  Milano,  t.  VIII 
(œuvre  mal  proportionnée,  mais  méritoire). 

90.  —  Archivio  veneto.  Nouv.  série,  anno  XIV;  fasc.  54. —  Pi.nton. 
Sur  l'origine  du  siège  épiscopal  de  Caorle,  dans  l'estuaire  vénitien  (les 
évêques  de  Concordia  furent  plusieurs  fois  contraints  de  transporter  le 
siège  épiscopal  dans  la  petite  île  de  Gaorle;  mais  celle-ci  n'eut  d'évêque 
séparé  qu'au  temps  du  patriarche  Gandidianus,  ou  mieux  des  papes 
Deusdedit  et  Honorius  Ier;  c'étaient  des  évêques  schismatiques).  — 
Morsolin.  Un  épisode  de  la  vie  de  Charles-Quint  (publie  deux  relations 
contemporaines  du  séjour  fait  par  l'empereur  sur  le  territoire  de  Vicence 
en  1532).—  Cecchetti.  La  vie  à  Venise  vers  l'an  1300;  la  cité,  la  lagune; 
suite.  —  Cipolla.  Recherches  sur  les  traditions  relatives  aux  émigra- 
tions anciennes  dans  la  lagune,  1er  art.  (étude  très  érudite.  Ce  premier 
art.  étudie  les  traditions  sur  les  origines  de  Torcello).  —  Giomo.  Les 
rubriques  des  Libri  misti  du  Sénat  aujourd'hui  perdus;  suite  et  fin.  — 
Gicriato.  Souvenirs  relatifs  à  Venise  dans  les  monuments  de  Rome  ; 
suite.  —  Cipolla  et  Squlmero.  Inscriptions  du  moyen  âge  à  Bonaldo. 
=  Bibliographie  :  Lampertico.  Scritti  storici  e  letterari  ;  vol.  II  (recueil 
d'intéressants  articles,  relatifs  pour  la  plupart  à  Vicence.  —  Manfrin. 
I  veneti  salvatori  di  Roma  (beaucoup  d'inexpérience  et  de  légèreté  dans 
les  jugements  ;  livre  en  somme  agréable).  —  Mantovani.  Lagune  (le  cri- 
tique apporte  de  nouvelles  et  de  singulières  preuves  de  la  façon  dont  a 
été  fabriqué  cet  impudent  plagiat).  =  Bulletin  de  bibliographie  véni- 
tienne; suite.  =  Documents  relatifs  à  l'histoire  de  la  bibliothèque 
capitulaire  de  Vérone.  =  Fasc.  55.  Cecchetti.  La  vie  des  Vénitiens  en 
1300  :  la  cité,  la  lagune;  suite.  —  Caffi.  Gugliemo  le  Bergamasque, 
ou  Vielmo  Vielmi  di  Alzano  (architecte  et  sculpteur  du  xvie  s.).  — 
Ronzon.  Les  «  vicarii  »  de  Cadore  (étude  sur  la  compétence  de  ces 
magistrats,  avec  la  liste  des  vicaires  :  1°  jusqu'en  1420;  2°  de  1420  à 


200  RECUEILS  PERIODIQUES. 

1497;  cette  dernière  seule  est  complète).  —  Degani.  Le  château  de 
Cusano;  notes  et  documents,  xiv*  s.  —  Cipolla.  Recherches  sur  les  tra- 
ditions relatives  aux  émigrations  antiques  dans  la  lagune;  suite.  — 
Sdeicauer.  Le  jeu  à  Venise  à  la  fin  du  xvne  s.  — G.  di  Sardagna.  Docu- 
ments sur  le  fief  délia  Muta  à  Riva  di  Trento.  —  R.  Fulin.  Rulletin  de 
bibliographie  vénitienne;  suite  (il  y  a  heaucoup  à  prendre  dans  ces 
bulletins  donnés  maintenant  d'une  façon  régulière  dans  chaque  numéro). 

—  Giuliari.  Documents  relatifs  à  l'histoire  de  la  bibliothèque  capitu- 
laire  de  Vérone.  —  Perosa.  Sur  les  mss.  de  la  bibliothèque  Querini- 
Stampalia,  récemment  mis  en  ordre  et  catalogués  (cette  importante 
bibliothèque  est  à  Venise). 

91.  —  Archivio  storico  siciliano.  Nouv.  série,  anno  IX,  fasc.  1-2. 

—  Coglitore.  Études  historiques  et  archéologiques  :  Mozia,  fin  (cette 
bonne  monographie  locale  a  été  publiée  à  part).  —  Salinas.  Observa- 
tions sur  deux  diplômes  grecs  relatifs  à  la  topographie  de  Palerme 
(décrit  deux  actes  sur  parchemin  de  1186  et  de  1259;  le  texte  vient 
d'en  être  publié  dans  les  Diplomi  greci  ed  arabi  di  Sicilia  de  Cusa). 

—  Amari.  Extraits  du  Tarih  Mansuri  (chronique  composée  par  Abou  al 
Fadayl  Muhammad  Ibn  Ali  da  Hamah,  qui  la  termina  en  l'an  631  de 
l'hégire,  soit  en  1234,  à  Emèse,  où  il  était  depuis  peu  au  service  d'un 
Mansour,  fils  et  héritier  présomptif  de  Malik  Mugahid,  seigneur  du 
pays.  Donne  la  traduction  des  passages  relatifs  au  séjour  des  Sarrasins 
en  Sicile,  et  surtout  à  leur  soulèvement  contre  Frédéric  II).  —  Star- 
rabba.  Documents  relatifs  à  un  épisode  des  guerres  entre  les  factions 
latine  et  catalane  au  temps  du  roi  Louis  d'Aragon,  1349  (ces  documents 
se  rapportent  surtout  au  siège  des  châteaux  de  Vicari  et  de  Cefalà).  — 
Vasi.  Observations  critiques  sur  la  Monografia  critica  des  colonies  lom- 
bardes en  Sicile,  par  L.  Vigo  (discute  les  idées  de  l'auteur  sur  le  lieu 
où  des  colonies  s'établirent,  le  dialecte  qu'elles  parlaient  et  le  degré  de 
civilisation  où  elles  étaient  arrivées).  —  Lionti.  L'usure  chez  les  Juifs 
(des  lois  qui  défendaient  l'usure  et  des  moyens  par  lesquels  les  Juifs  y 
échappaient  en  Sicile  au  xve  s.  ;  analyse  un  acte  de  1664  où  sont  énu- 
mérées  les  magistratures,  tant  civiles  qu'ecclésiastiques,  des  Juifs). 

92.  —  Archivio  storico  per  le  provincie  napoletane.  Anno  IX, 
fasc.  3.  —  Barone.  Les  cédules  de  trésorerie  des  archives  d'État  à 
Naples,  de  1460  à  1504  ;  suite.  —  Fiorentino.  Egidio  de  Viterbe  et  les 
Pontaniani  de  Naples  (biographie  de  ce  moine  augustin,  plus  tard 
général  de  son  ordre  et  cardinal,  contemporain  et  correspondant  de 
Gioviano  Pontano,  d'A.  Politien,  de  Sannazar).  —  Giampietro.  Un 
registre  aragonais  de  la  bibliothèque  nationale  de  Paris  ;  suite.  —  Nun- 
ziante.  Quelques  lettres  inédites  du  cardinal  Mazarin,  du  24  janvier  au 
24  avril  1648  (40  lettres,  en  italien,  relatives  à  la  révolution  napolitaine; 
elles  sont  tirées  d'un  ms.  de  la  bibliothèque  royale  de  Dresde).  — 
Capasso.  Le  Pactum  juré  par  le  duc  Serge  aux  Napolitains;  suite.  — 
Colombo.   Le  palais  et  le  jardin  de  la  duchesse,  à  Naples,  de  1487  à 


RECUEILS  PÉRIODIQUES.  201 

1760.  =  Bibliographie  :  Landau.  Rom,  Wien,  Neapel  wnohrend  des 
spanischen  Erbfolgekrieges  (bien  étudié  ;  bonne  étude  sur  l'histoire  de 
la  lutte  entre  la  papauté  et  l'empire  au  début  du  xvm"  s.).  —  Orlando. 
Storia  di  Nocerade'  Pagani.  Vol.  I  (ce  premier  volume  ne  contient  que 
la  partie  ancienne,  jusqu'en  1130;  elle  fourmille  d'erreurs).  —  Scara- 
belli.  Riccio  da  Parma,  uno  dei  13  campioni  di  Barletta  (bon).  — 
Arcella.  Anarchia  popolare  diNapoli  dal  1  die.  1798  al  23  gennaio  1799, 
ms.  ined.  di  P.  Drusco,  ed  i  Monitori  repubblicani  del  1799. 

93.  —  Archivio  storico  per  Trieste,  Tlstria  e  il  Trentino. 
Vol.  III,  fasc.  1-2  (Rome,  1884).  —  Carducci.  L'hymne  de  Manzoni, 
a  la  Risurrezione  »  et  saint  Paulin  d'Aquilée  (cette  hymne  fut  composée 
en  1812  sur  le  modèle  d'une  hymne  en  latin  du  vuie  s.,  par  saint 
Paulini.  —  Predelli.  Chartes  anciennes  de  L'abbaye  de  san  Lorenzo  à 
Trente  (publie  9  de  ces  pièces  allant  de  1146  à  1353).  —  Joppi.  Inven- 
taire du  trésor  de  l'église  patriarcale  d'Aquilée,  fait  entre  1358  et  1378, 
avec  des  documents  inédits  (indique  un  grand  nombre  de  livres,  tous 
de  théologie  ou  de  liturgie).  —  F.  M.  La  commune  de  Rovereto  et  les 
prétentions  d'Innsbruck  en  1564.  —  Orsi.  Variétés  sur  le  Trentin  (un 
jugement  de  Dieu  à  Rendena  en  1155  ;  un  nouveau  document  sur  Bel- 
lenzani;  les  écrits  du  Père  Tovazzi;  artistes  qui  ont  été  employés  dans 
le  Trentin).  —  Sdster.  Les  étudiants  du  Trentin  à  l'université  de 
Bologne,  aux  xvieetxvne  siècles.  —  Biadego.  Six  lettres  inédites  de  C. 
Rosmini,  1792-1822  (détails  sur  des  travaux  littéraires). — Beiîtolotti. 
Lettres  inédites  du  ciseleur  A.  Caprioli  1595-96. —  Morpurgo.  Marchands 
florentins  à  Capodistria  au  xme  s.  — Papaleoni.  Girolamo  Tartarotli  et 
Scipione  Maffei,  1743.  =  Bibliographie  :  Fr.  de  Pizzini.  I  primi  tempi 
de  Ala  (cette  première  partie  d'un  ouvrage  posthume  fait  désirer  qu'on 
publie  le  reste).  —  Benussi.  L'Istria  sino  ad  Augusto  (prouve  que  les 
Istriotes  ne  sont  pas  d'origine  colchique  ni  illyrienne,  mais  bien  véni- 
tienne ;  croit  que  les  Venètes  à  leur  tour  sont  d'origine  thrace,  ce  qui 
est  fort  douteux.  Cet  ouvrage  détruit  bien  des  opinions  erronées,  mais 
est  loin  d'être  définitif). 

94.  —  Archeografo   triestino.   Nouv.  série,  vol.  XI,   fasc.    1-2. 

Sept.  1884.  —  Benussi.  L'Istrie  jusqu'à  Auguste;  index  analytique.  — 
Marsich.  Regeste  des  pièces  en  parchemin  conservées  dans  les  Archives 
du  révérendissime  chapitre  de  la  cathédrale  de  Trieste,  1511-86;  suite. 
—  C.  de  Franceschi.  Étude  critique  sur  l'acte  de  la  prétendue  rectifi- 
cation de  frontières,  passé  le  6  mai  1325,  8e  indiction,  entre  le  patriarche 
d'Aquilée,  Raimondo  délia  Torre,  le  comte  Albert  de  Goritz  et  d'Istrie 
et  les  Vénitiens  (cet  acte,  composé  en  langue  slave,  a  été  rédigé  seule- 
ment au  xvie  s.,  après  la  réforme,  et  par  des  prêtres  convertis  au  Luthé- 
ranisme ;  on  s'efforçait  alors  de  restaurer  la  nationalité  slave  dans  les 
provinces  turco-slaves,  et  l'on  fit  croire  que  les  résultats  de  la  préten- 
due rectification  de  frontières  avaient  été  communiqués  au  peuple,  non 
en  latin,  mais  en  slave.  —  Suit  la  traduction  de  cet  acte  par  le  chanoine 


202  RECUEILS    PERIODIQUES. 

Giov.  Senebal  di  Pinguente,  faite  en  1548).  — Pervanoglu.  De  l'origine 
du  nom  d'Italie  (l'origine  de  ce  mot  est  béotienne  ou  phénicienne  ;  ce 
sont  les  Béotiens  qui  donnèrent  à  la  péninsule  ce  nom  synonyme  du 
leur,  car  italus  est  le  synonyme  de  bos).  —  Vesnaver.  Notices  histo- 
riques sur  le  château  de  Portolo  en  Istrie;  fin  (publie  le  statut  munici- 
pal de  Portolo  traduit  en  langue  vulgaire  italienne,  avec  une  carte 
topographique  de  la  commune).  —  Morteani.  Notes  historiques  sur  la 
oitr>  de  Pirano.  —  Frauer.  Sur  les  aborigènes  de  l'Istrie,  les  Istriotes 
et  leurs  voisins. 

95.  —  R.   Deputazione  di  storia  patria  per   le  provincie  di 

Romagna.  Atti  e  memorie.  3e  série,  vol.  II,  fasc.  2-3.  Mars-juin  1884. 
—  Brizio.  Un  village  préhistorique  à  demeures  souterraines,  trouvé 
dans  la  campagne  d'Imola.  —  F.  von  Duhn.  Observations  critiques  sur 
le  récent  ouvrage  de  H.  Nissen  :  Italische  Landeskunde,  1. 1.  —  Baldtjzzi. 
Bagnacavallo  et  les  seigneurs  de  Polenta,  4394-1438.  —  Lupchin  von 
Ehengreuth.  Nouveaux  documents  concernant  la  Nation  allemande  à 
l'université  de  Bologne.  —  Malagola.  Les  livres  de  la  Nation  allemande 
à  l'université  de  Bologne;  notes  historiques  et  bibliographiques. 

96.  —  LaRassegna  nazionale.  Anno  VI,  1884.  1er  févr.  Extraits  de 
la  correspondance  littéraire  et  politique  du  marquis  L.  Dragonetti,  séna- 
teur du  royaume;  4e  série,  suite  le  1er  août  (ce  sont  des  lettres  du  comte 
Antonio  Papadopoli,  de  1829  à  1831).  —  Nunziante.  Un  voyage  en  Europe 
au  xvie  s.  ;  suite  le  1er  août  (analyse  un  ms.  de  la  bibliothèque  royale 
de  Dresde  qui  contient  le  récit  d'un  voyage  du  cardinal  Alessandrino, 
légat  apostolique,  auprès  des  rois  de  France, d'Espagne  et  de  Portugal; 
notes  prises  par  Gio-B.  Venturino,  de  Fabriano,  1571.  Ces  deux  pre- 
miers articles  ne  parlent  que  de  l'Espagne  et  du  Portugal).  —  Cl.  Lupi. 
De  Pépithète  «  laconicum  »  appliquée  au  sudatorium  antique  (l'usage 
des  étuves,  ou  «  calor  siccus,  »  est  venu  de  Sibaris,  qui  le  tenait  de 
Sparte;  de  là  le  mot).  —  Lettres  inédites  d'Ercole  Bicotti  e  Leonardo 
Fea  (ce  dernier,  écrivain,  artistique,  puis  bibliothécaire  de  la  Chambre 
des  députés,  mort  il  y  a  dix  ans.  Les  lettres  vont  de  1839  à  1870).  = 
1er  mars,  Vassallo.  Sur  la  vie  et  les  écrits  de  C.  Witte;  fin  le  16  avril 
(art.  nécrologique  sur  le  savant  professeur  de  Halle,  et  des  écrits  relatifs 
surtout  à  Dante).  —  A.  Gotti.  Des  titres  et  de  la  noblesse  au  xixe  s.  — 
Martelli.  Les  Bonshommes  de  saint  Martin  (fondation  de  cette  confré- 
rie de  charité  par  Ant.  Pierozzi  à  Florence  au  xve  s.  ;  son  histoire 
jusqu'à  nos  jours).  —  Conti.  La  vie  de  saint  Philippe  Neri.  —  Castagna. 
La  république  de  Senarica  (aujourd'hui  petit  village  de  la  prov.  Tera- 
mana,  autrefois  minuscule  république,  dont  l'histoire  remonte  aux  rois 
lombards;  elle  perdit  toute  indépendance  depuis  le  xvne  s.).  =  1er  mai. 
Gotti.  Cavour.  —  Fea.  La  jeunesse  et  les  premières  années  d'Alexandre 
Farnèse  (avec  des  documents  inédits);  suite  le  1er  juil.  et  le  1er  oct.  = 
1er  sept.  Silingardi.  La  10e  édition  de  l'histoire  universelle  deC.  Cantù. 
=  16  sept.  V.  de  Vit.  Quels  Bretons  ont  donné  leur  nom  à  l'Armo- 


RECUEILS  PÉRIODIQUES.  20:5 

rique?  (entreprend  de  démontrer  que  la  Bretagne  française  a  reçu  son 
nom  des  Bretons  du  Continent  et  non  des  Bretons  insulaires  chassés 
par  les  Anglo-Saxons.  Critique  les  opinions  de  Mommsen,  de  Gaidoz  et 
de  Loth).  

97  — Indicateur  d'histoire  suisse.  XIVe  année,  1883. —  W.  Gisi. 
Sur  un  passage  de  Frédégaire.  —  F.  Fiala.  Nomina  canonicorum  Basi- 
liensium  (Saec.  ix).  —  Th.  von  Liebenac.  Délibérations  du  concile  de 
Bàle  pendant  le  mois  d'août  1432.  —  Idem.  Dépêches  suisses  sur  la 
bataille  de  Cérisoles,  1544.  —  Idem.  Sur  l'histoire  de  l'abbaye  de  Mas- 
sino  (bords  du  lac  Majeur).  —  G.  Meyer  von  K.nonau.  Le  pape  Gré- 
goire IX  et  l'abbaye  de  Saint-Gall,  1240.  —  Idem.  Notes  sur  l'histoire 
de  l'abbaye  de  Saint-Gall,  1239-124  i.  —  Th.  von  Liebenau.  Trois  charte 
du  roi  Rodolphe,  1277-1286.  —  Idem.  Projet  d'une  ligue  des  villes 
(Strasbourg,  Baie,  Frihourg,  Zurich,  Berne  et  Lucerne),  en  1366.  — 
A.  Daguet.  Papiers  inédits  du  xvr'  siècle  (suite).—  W.  Gisr.  Notes  sur 
les  catalogues  des  évoques  de  Sion  el  de  Genève.  —  Th.  von  Liebenai  . 
Le  Plattil'er  et  le  Doisel  (détermination  de  deux  montagnes  nommées 
dans  le  pacte  de  Zurich,  du  1er  mai  1351).  —  E.  Bloesoh.  Supplément 
au  Recueil  officiel  des  anciens  Recès  fédéraux.  —  Th.  von  Liebenau. 
Christophe  Haller  de  Hallerstein  (diplomate  allemand  mort  à  Lucerne 
en  1581).  —  F.  Thomae.  Manuscrits  de  la  bibliothèque  de  l'université  de 
Heidelberg  relatifs  à  la  Suisse.  —  Th.  de  Liebenau.  Annales  de  l'abbaye 
de  Murbach.  —  W.  Gisi.  Le  passage  des  Alpes  par  Charlemagne  en 
776,  780  et  801.  —  Baeschlin.  Les  Armagnacs  devant  Schaffhouse.  — 
Th.  von  Liebenau.  La  filiation  du  couvent  de  Saint-Urbain.  —  Idem. 
Lettre  du  roi  Henri  VIII  aux  Confédérés,  1517.  —  J.-G.  Ma yer.  Statuts 
synodaux  de  l'évêque  de  Coire,  Henri  de  Hœven,  1491-1503.  —  F.  Fiala. 
Notices  nécrologiques. 

98.  —  Quellen  zur  Schweizergeschichte.  Bd.  VI,  1884.  — Con- 
radi  Turst  de  situ  Confœdcratorum  descriptio,  1495-1497.  publié  par  G.  de 
Wyss  et  H.  Wartmann.  —  Baldi  descriptio  Helvetiae,  1500-1504,  p.  p. 
A.  Bernoulu.  —  Fratris  Felicis  Fabri  descriptio  Sueviae,  1488-1499,  p. 
p.  H.  Eschek  (édition  nouvelle  d'une  partie  de  l'ouvrage  connu  depuis 
le  xvue  siècle  sous  le  titre  de  Uistoria  Suevorum).  —  Un  journal  de 
voyage  de  Jean  Stumpf,  1544,  p.  p.  H.  Escher  (notes  sur  l'histoire 
d'Engelberg,  Brigue,  Saint-Maurice,  Lausanne,  Soleure,  etc.). 

99.  —  Jahrbuch  fur  Schweizerische  Geschichte.  Bd.  IX.  INS'i. 
—  E.  Bloesch.  L'État  et  l'Église  a  Berne  pendant  la  seconde  moitié  du 
xve  siècle  (excellente  introduction  à  l'histoire  de  la  Réformation  ber- 
noise du  xve  siècle).  —  J.-J.  Metzger.  La  situation  et  l'histoire  du  can- 
ton de  Schalliiouse  pendant  la  guerre  de  Trente  ans.  —  K.  Henking. 
Les  papiers  de  Jean  de  Mùller  (extraits  de  la  correspondame  inédite  de 
Jean  de  Mùller  pendant  les  années  1797-1799).  —  F.  Yetter.  La  Réfor- 
mation de  la  ville  et  du  couvent  de  Stein  sur  le  Rhin. 


204  RECUEILS    rÉRlODIQUES. 

100.  —  Historisk  Tidskrift.  Vol.  IV,  cahier  3.  —  E.  Holm.  La 
milice  nationale  de  Frédéric  IV  et  son  influence  sur  l'état  des  paysans 
en  Danemark  (l'auteur  prouve  que  les  seigneurs  n'avaient  pas,  comme 
on  l'a  prétendu,  le  droit  d'enrégimenter  leurs  paysans  comme  ils  le 
voulaient,  que  l'ordonnance  du  8  février  1724  n'a  pas  introduit  le 
domicile  forcé,  le  stavnsbaand  ;  c'est  au  successeur  de  Frédéric  IV, 
à  Christian  VI,  qu'on  doit  ces  mesures  si  malheureuses  pour  les  pay- 
sans). —  Gjellerup.  Le  maréchal  de  camp  Henrik  Holck.  =  Compte- 
rendu  critique  :  Hjort-Loventzen  et  Thiset.  La  noblesse  du  Danemark, 
•1884  (excellent).  =  Mollerup.  Bibliographie  historique,  1883. 

101. —  Oversigt  over  det  K.  Danske  Videnskabernes  Selskabs 
Forhandlinger.  1884.  Cahier  1.  —  J.  L.  Heiberg.  Un  faux  touchant 
Archimède  (un  manuscrit  grec  de  l'ouvrage  d'Archimède  sur  l'hydro- 
statique, rapt  oxo'jfjLÉvwv,  n'a  pas  existé  à  l'époque  de  la  Renaissance  ; 
Tartaglia  doit  avoir  consulté  une  traduction  en  latin,  et  le  fragment, 
publié  par  Ang.  Mai,  n'est  qu'une  retraduction  en  grec).  —  Cahier  2. 
Madvig.  Remarques  sur  la  différence  qui  existe  entre  les  lois  sur 
l'affranchissement  des  serfs  et  sur  la  condition  des  affranchis  chez  les 
Grecs  et  chez  les  Romains. 

102.  —  Aarboeger  for  nordisk  Oldkyndighed.  1884.  Cahier  1.  — 
G.  Stephens.  Les  études  du  professeur  S.  Bugge  sur  la  mythologie 
Scandinave  (supplément).  —  S.  Rugge.  La  pierre  runique  de  Strand  en 
Ryfylke.  =  Cahier  2.  F.  Jônsson.  Svarfdsela  Saga.  —  Gislason.  Du 
mot  Edda,  employé  comme  titre  d'un  ouvrage. 

103. —  Blandinger  udgivne  af  Universitets-Jubilaeets  danske 
Samfund.  Cahier  3.  —  0.  Nielsen.  Noms  de  lieux  en  Danemark. 
—  G.  Stephens.  Le  «  Danelag  »  de  M.  Joh.  Steenstrup.  —  Rqerdam. 
Noms  de  famille  en  Danemark. 


CHRONIQUE    ET    BIBLIOGRAPHIE.  205 


CHRONIQUE  ET  BIBLIOGRAPHIE. 


France.  —  Le  17  septembre  dernier  est  mort  M.  François  Ravaisson- 
Mollien,  l'éditeur  des  Arch  ives  de  la  Bastille,  à  l'âge  de  soixante-treize  ans. 

—  Le  7  octobre  est  mort  M.  M.vrguerin,  auteur  de  plusieurs  livres  de 
vulgarisation  sur  l'histoire  de  France. 

—  Le  16  octobre  est  mort  M.  Paul  Lacroix,  plus  connu  sous  le  nom 
de  Bibliophile  Jacob,  à  l'âge  de  soixante-dix-huit  ans.  Très  fécond 
écrivain,  on  lui  doit  des  contes,  des  romans  historiques  en  grand 
nombre,  même  des  livres  d'histoire  dans  lesquels  il  ne  faut  pas  avoir 
une  confiance  exagérée,  des  ouvrages  richement  illustrés  sur  les  arts, 
les  lettres,  les  mœurs,  le  costume  en  France  aux  diverses  époques  de 
notre  histoire.  Ces  derniers  sont  les  plus  connus  de  la  génération 
actuelle;  ce  sont  peut-être  aussi  ceux  qui  font  le  plus  d'honneur  au 
Bibliophile  Jacob  ;  mais  il  ne  faut  s'en  servir  aussi  qu'avec  précaution. 
M.  P.  Lacroix  est  resté  toute  sa  vie  un  romantique,  moins  encore,  un 
auteur  de  romans.  Son  érudition  était  prodigieuse,  mais  sa  critique 
médiocre. 

—  A  M.  Ad.  Régnier,  décédé  le  21  octobre  à  l'âge  de  quatre-vingts 
ans,  on  doit  surtout  des  travaux  philologiques  et  littéraires.  Mais  nous 
ne  pouvons  omettre  la  part  considérable  qu'il  prit  aux  grandes  éditions 
publiées  par  la  maison  Hachette  :  Mme  de  Sévigné,  Saint-Simon,  etc. 
Érudit  consommé  autant  que  modeste,  c'était  un  homme  d'une  rare 
noblesse  de  caractère. 

—  Nous  pensons  rendre  service  aux  candidats  à  l'agrégation  d'histoire 
en  leur  donnant  quelques  indications  bibliographiques  relatives  aux 
auteurs  et  aux  thèses  qu'ils  ont  à  préparer  : 

Textes  grecs.  I.  Aristophane.  Les  Oiseaux,  vers  809-1053.  Se  servir  de 
l'édition  Kock  :  Ausgewaehlte  Komoedien  des  Aristophanes,  t.  IV,  2e  édit., 
Berlin,  Weidmann.  1876.  Ce  quatrième  volume  contient  les  Oiseaux, 
une  introduction  substantielle  et  des  notes.  Indications  bibliographiques 
dans  l'introduction.  =  Nous  signalerons  pourtant  en  particulier  : 
Droysen ,  Des  Aristophanes  Vœgel  und  die  Bermokopiden,  Rkcinisches 
Muséum,  1835,  p.  161,  et  1836,  p.  27.  Bursian ,  Ueber  die  Tendenz 
der  Vœgel  des  Aristophanes,  dans  les  Sitzungsberichte  der  philosoph. 
philol.  hist.  classe  der  Akademic  d.  Wiss.  zu  Miïnchen,  1875,  t.  U, 
p.  375-393.  —  Sur  la  fondation  des  villes,  Fustel  de  Goulanges,  Cité 
antique.  La  question  est  largement  tracée  dans  l'ouvrage  capital 
d'Emile  Kuhn  :  Ueber  die  Entstchung  der  Staedte  der  Alten,  Komenverfas- 
sung  und  Synoikismos.  1878.  V.  l'article  critique  de  Martin   :   Revue 


206  CHRONIQUE    ET    BIBLIOGRAPHIE. 

historique,  tome  XXIII,  p.  161.  — On  ne  négligera  pas  de  consulter  les 
manuels  d'antiquités  grecques  de  Hermann  (Lehrbuch  der  griechischen 
Antiquitxten,  cf.  Rev.  Iiist.,  XXVI,  415)  et  de  Schœmann  {Griechische 
Alterthûmer,  premier  volume  traduit  par  Galuski,  Picard,  1883). 

II.  Dio  Gassius,  liv.  LU,  chap.  19-40.  =  Éditions.  Texte  de  Dinford. 
Collection  Teubner.  5  vol.  —  A  consulter  :  Édition  Sturz,  9  vol.,  1824- 
1843.  Leipzig.  Weigel  (donne  une  traduction  latine  avec  le  commen- 
taire de  Reimar  et  de  Reiske  complété).  — Édition  Gros,  continuée  par 
Boissée.  10  vol.  1845-1870.  Didot.  Traduction  française  médiocre.  = 
Voir  en  particulier  édit.  Sturz,  tome  VII,  p.  506-572.  De  vita  et  scriptis 
Cassii  Dionis.  —  Egger,  Examen  critique  des  historiens  anciens  de  la  vie 
et  du  règne  d'Auguste.  Paris,  1844,  chap.  vin.  —  Nicolai,  Griechische 
Literaturgeschichte  in  neuer  Bearbeilung ,  Bd.  II,  2e  partie.  Magde- 
bourg,  1877,  p.  569-575.  =  Sur  le  discours  de  Mécène  :  R.  Wil- 
mans,  De  Dionis  Cassii  fontibus  etauctoritate.  Berlin,  1836.  —  Rothkegel, 
Einige  Betrachtungen  ilber  die  Rede  des  Maecenas  bei  Dio  Cassius,  Gymn. 
Progr.  de  Gd.  Strehlitz.  Breslau,  1873.  —  Anatole  Feugère,  C.  Cilnius 
Maecenas  C.  Octaviano  Augusto  ad  adipiscendum  gerendumque  principa- 
tum  quantum  profiter  it.  Thèse  latine.  1874.  Paris,  Didier.  — Le  discours 
de  Mécène  à  Auguste  n'a  pas  encore  fait  l'objet  d'un  travail  en  rapport 
avec  l'importance  de  la  matière.  Les  candidats,  pour  en  préparer  le 
commentaire,  devront  avoir  constamment  sous  les  yeux  les  meilleurs 
manuels  d'institutions  romaines,  par  M.  Madvig,  l'État  romain,  traduit 
par  Morel  (Vieweg)  ;  Mispoulet,  les  Institutions  politiques  des  Romains 
(Durand  et  Pedone  Lauriel),  et  surtout  Willems,  Le  droit  public  romain 
(ibidem,  5e  édition).  Ils  trouveront  dans  ce  dernier  ouvrage,  et  aussi 
dans  les  deux  volumes  du  Manuel  de  philologie  classique  de  Reinach 
(Hachette,  1883-1884),  les  indications  bibliographiques  nécessaires  pour 
pousser  leurs  recherches  plus  loin.  Nous  signalerons  néanmoins  les 
travaux  suivants  : 

1.  Sur  le  gouvernement  et  l'administration  de  l'empire  en  général  : 
Handbuch  der  Rœmischen  Alterthùmer  von  Joachim  Marquardt  und 
Theodor  Mommsen,  Leipzig,  Hirzel.  Voir  :  Mommsen,  Staatsrecht,  II, 
2e  partie,  et  Marquardt,  Staatsverwaltung,  I,  II,  III.  Otto  Hirschfeld, 
Untersitchungen  auf  dem  Gebiete  der  Rœmischen  Verwaltungsgeschichte. 
Bd.  I  :  Die  Kaiserlichen  Verxvaltungsbeamten.  Berlin.  Weidmann.  1877 
(excellent.  Voir  surtout  les  deux  derniers  chapitres.  Die  procurato- 
rische  Carrière  et  Rùckblick).  —  2.  Sur  l'ordre  sénatorial  et  sur  l'ordre 
équestre  au  temps  de  l'empire  :  Belot  :  Histoire  des  chevaliers  romains, 
fin  du  deuxième  volume  (Durand  et  Pedone  Lauriel,  1873).  Otto  Hirsch- 
feld, 1.  c.  Bloch,  De  decretis  functorum  magistratuum  ornamentis. 
Thèse  latine,  1883.  —  3.  Sur  l'administration  de  l'Italie  :  Les  transfor- 
mations politiques  de  l'Italie  sous  les  empereurs  romains,  par  Camille 
Jullian.  Thorin,  1883.  Le  dernier  travail  de  Mommsen  sur  l'armée 
impériale,  Die  Conscriptionsordnung  der  Rœmischen  Kaiserzcit  (Hermès, 
1884),  vient  d'être  résumé  par  M.  Jullian  dans  le  Bulletin  épigraphique 


CHRONIQUE    ET    BIBLIOGRAPHIE.  207 

de  la  Gaule.  —  4.  Sur  la  restauration  religieuse  d'Auguste  :  Boissier, 
La  religion  romaine  d'Auguste  aux  Antonins.  Tome  I,  Hachette,  1874.  — 
5.  Sur  l'administration  de  la  cour  et  la  société  eu  général  :  Friedlaender, 
Darstcllungen  aus  der  Sittengeschichte  Roms  in  der  Zcit  von  August  bis 
zum  Ausgang  der  Ântoniru  .  •>  édition,  Leipzig,  Birzel,  1881,  t.  I  (la  tra- 
duction française  est  faite  sur  les  éditions  antérieures,  et  est  d'ailleurs 
insuffisante).  =  Sur  le  règne  d'Auguste,  consulter,  outre  l'histoire  de 
Duruy,  le  nouveau  commentaire  du  monument  d'Ancyre  par  Momm- 
sen,  Res  gestae  divi  Augusti;  Berlin,  Wiedmann,  1883;  et  le  premier 
volume  de  la  nouvelle  histoire  de  l'empire  de  Schiller,  Geschichte  der 
Rœmischen  Kaiser zeit.  1883.  Gotha,  Perthes.  —Voir  enfin  les  articles  du 
dictionnaire  de  Daremberg  et  Saglio  (Hachette). 

Textes  latins  :  I.  Tacite.  De  Moribus  Germanorum.  =  éditions  :  Édi- 
tion complète  de  Tacite  de  Nipperdey.  Berlin,  1S71-74,  3parties.  —  Tra- 
duction française  dans  l'édition  Panckoucke,  Paris,  1840,  7  volumes. 

—  Éditions  spéciales  de  la  Germanie  :  Massmann,  Quedlinbourg,  1847 
(avec  tout  l'appareil  critique);  —  Holtzmann-Holder,  Leipzig,  18 
avec  traduction  ail.  et  commentaire.  —  Schweizer-Sidler,  Halle,  1884. 
Éditions  scolaires  de  Haupt-Kritz,  Holder,  Mùllenhoff.  — Consulter  pour 
le  texte  de  la  Germanie  l'appendice  III  du  t.  I  de  la  Deutsche  Verfass- 
ungsgeschichte  de  Waitz,  3e  édition.  =  Travaux  sur  Tacite  en  général  : 
Dubois-Guchan,  Tacite  et  son  siècle.  Paris,  1862,  2  vol.  —  Gerlach  :  Die 
roemische  Geschichtsschreiber.  Stuttgart,  1855,  et  les  histoires  de  la  litté- 
rature romaine  de  Baehr  et  de  Teuffel  (trad.  franc,  de  Bonnard  et  Pier- 
son).  =  Travaux  spéciaux  sur  la  Germanie  de  Tacite  :  Gefi'roy,  Rome  et 
les  barbares.  Étude  sur  la  Germanie  de  Tacite.  Paris,  Didier,  2e  éd.  1874. 

—  Baumstark,  Ausfùhrliche  Erlœuterung  der  Germania  des  Tacitus. 
2  parties.  Leipzig,  1875  et  1880.  —  Curtze,  Die  Germania  des  Tacitus 
ausfùhrlich  erklaert.  Gh.  i-x.  Leipzig,  18G8.  —  Brunot,  in  fragment  des 
Histoires  de  Tacite.  Paris,  1883.  =  Travaux  sur  l'histoire  et  les  institu- 
tions de  la  Germanie  primitive.  Waitz.  Deutsche  VerfassungsgescM 

t.  I,  3e  éd.  —  Baumstark,  Urdeutsche  Staatsalterthumer.  Berlin,  1873. 

IL  Lettres  de  Pline  le  Jeune.  =  Édition  Keil,  Teubner,  1876,  avec 
l'Index  nominum  de  Mommsen.  Cet  index  donne  les  renseignements  les 
plus  précis  sur  les  personnages  nommés  dans  les  lettres  de  Pline.  = 
Sur  la  carrière  de  Pline,  sur  sa  correspondance  et  ses  amis,  il  y  a  le 
travail  capital  de  Mommsen,  traduit  par  Morel  dans  le  quinzième  fasci- 
cule de  la  Bibliothèque  de  l'École  des  hautes  études  :  «  Étude  sur  la  vie 
de  Pline  le  Jeune.  »  Voir  aussi  l'article  Pline  le  Jeune  dans  l'histoire  de 
la  littérature  romaine  de  Teuffel,  traduite  par  Bonnard  et  Pierson. 
Vieweg.  1879-1883.  On  trouvera  dans  Teuffel  tous  les  renseignements 
et  indications  bibliographiques  pour  le  commentaire  de-  lettres  traitant 
plus  particulièrement  des  questions  littéraires  (I,  20,  III,  11).  Sur  la 
lettre  III,  11  (persécution  des  philosophes  sous  Domitien),  voir  Benan, 
les  Évangiles,  et  Boissier,  l'Opposition  sous  les  Césars.  Sur  le  livre  VII, 
20  (relations  de  Pline  et  de  Tacite)  voir  Teuffel,  articles  Pline  et  Tacite 


208  CHRONIQUE    ET    BIBLIOGRAPHIE. 

et  Mommsen,  1.  c.  Voir  aussi  la  biographie  de  Tacite  en  tête  de  l'édi- 
tion de  Nipperdey  (Cornélius  Tacitus  erklaert  von  Karl  Nipperdey.  I. 
Weidmann,  1871).  =  Sur  les  fondations  charitables  de  Pline  (VII,  18), 
Mommsen,  1.  c,  Ernest  Desjardins,  article  Alimentarii  pueri  et  puellae 
dans  le  dictionnaire  de  Saglio,  et  thèse  latine,  Disputatio  historica  de 
Tabulis  alimentariis.  Paris,  1854.  — Un  bon  résumé  de  la  question  des 
Institutions  alimentaires  se  trouve  dans  le  Manuel  de  Philologie  classique 
de  Reinach,  tome  I,  2e  édit.,  1883,  p.  352-54. 

Textes  français.  Froissart,  liv.  I,  §§  100-122.  —  Sources  à  con- 
sulter. —  Chronique  des  quatre  premiers  Valois  (1327-1393),  publiée  pour 
la  Société  de  l'Histoire  de  France,  par  Siméon  Luce.  Paris,  1862,  in-8°. 

—  Grandes  chroniques  de  France,  publiées  par  M.  Paulin  Paris.  Paris, 
1836-1838,  6  vol.  in-8°  (t.  V  et  VI).  —  Jean  de  Venelle,  continuateur  de 
Guillaume  de  Nangis  ;  t.  II  de  la  chronique  latine  de  Guillaume  de 
Nangis,  publiée  pour  la  Société  de  l'Histoire  de  France,  par  H.  Géraud. 
Paris,  1843,  in-8°.  —  Jean  le  Bel.  Les  vrayes  chroniques  de  messire 
Jehan  le  Bel,  publiées  par  M.  L.  Polain.  Bruxelles,  1863,  2  vol.  in-8*. 

—  Chronique  normande  du  XIVe  siècle,  publiée  pour  la  Société  de 
l'Histoire  de  France,  par  A.  et  E.  Molinier.  1882,  in-8°.  —  Chro- 
nique de  Bertrand  du  Guesclin,  par  Guvelier,  trouvère  du  xive  siècle, 
publiée  pour  la  première  fois  par  Gharrière.  Collection  des  documents 
inédits,  1839,  2  vol.  in-4°.  —  Rerum  britannicarum  medii  sévi  scrip- 
tores  :  1°  Eulogium  historiarum,  chronicon  ab  orbe  condito  usque  ad 
annum  M.  CGC.  LXVI.  a  monaco  quodam  Malmesburiensi  exaratum, 
t.  III.  —  2.  Thomas  Walsingham.  A  :  Historia  Anglicana,  t.  I,  1272- 
1381;  B  :  Ypodigma  Neustrise,  1  vol.  in-8°.  —  Robertus  de  Averbury. 
Historia  de  mirabilibus  gestis  Edivardi  III  magnifici  régis  Angliae.  Ed. 
Th.  Hearne,  Oxford,  1720,  in-8°.  —  Les  Istorie,  de  Villani ,  dans 
Muratori,  Rerum  Italicarum  Scriptores,  t.  XIV,  1729,  in-f°.  —  Baluze. 
Vitae  paparum  Avenionensium.  Paris,  1693.  2  vol.  in-4°.=  Textes  diplo- 
matiques dans  Rymer.  Foedera,  Londres,  1704-1735,  20  v.  in-f°.  La  Haye, 
1739-1745,  20  v.  in-4°  ou  10  v.  in-f°.  =  Ouvr.  à  consulter  :  Anselme  de 
Sainte-Marie,  Histoire  généalogique  et  chronologique  de  la  maison  royale 
de  France  et  des  grands  officiers  de  la  couronne,  3e  édition,  revue  par  le 
P.  Simplicien.  Paris,  1726-1733,  9  vol.  in-f°.  —  Morice  (Dom),  Mémoires 
pour  servir  de  preuves  à  l'histoire  ecclésiastique  de  Bretagne  ,(de  dom 
Lobineau),  1742-1746, 3  vol.  in-f\  —  Histoire  de  Bretagne,  1750-1756, 2  vol. 
in-f°.  —  Vaissète  (Dom),  Histoire  générale  de  la  province  du  Languedoc, 
1730-1745,  5  vol.  in-f°  ;  10  vol.  gr.  in-8°,  1838-1847.  —  Secousse,  Mémoires 
pour  servira  Vhistoire  de  Charles  II,  roiâe  Navarre.  Paris,  1755-1758.  — 
Luce  (Siméon).  Histoire  de  la  Jacquerie,  1859, 1  vol.  in-8°.  —  Id.,  Histoire 
de  Bertrand  du  Guesclin,  Hachette,  1876, 1  vol.  in-8°.  — Id.,  Négociations 
des  Anglais  avec  le  roi  de  Navarre  pendant  la  révolution  parisienne  de 
1358.  Mém.  de  la  Société  de  l'hist.  de  Paris,  t.  I,  1875.  —  Perrens, 
Etienne  Marcel  et  le  gouvernement  de  la  bourgeoisie  au  XIVe  siècle,  1860, 
1  vol.  in-8".  Nouv.  édit.  clans  la  grande  collection  in-4°  de  l'Histoire 


CHROVTQUE   ET   BIBLIOGRAPHIE.  201) 

de  Paris.  —  Id.,  Démocratie  en  France  au  moyen  âge,  1873,  2  vol.  in-8°« 
—  Delisle  (Léopold),  Histoire  du  château  et  des  sires  de  Saint- Sauveur- 
le-Vicomle,  1867,  1  vol.  in-8".  —  Combes  (M. -F.),  Lettre  inédite  du  dau- 
phin  Charles  sur  la  conjuration  d'Etienne  Marcel  et  du  roi  de  Navarre, 
adressée  aux  comtes  de  Savoie  (31  août  1358)  :  Mémoires  lus  à  la  Sor- 
bonne,  Histoire,  1869,  1  vol.  in-8°.  —  Picot  (Georges),  Histoire  des 
États  généraux,  1872,  4  vol.  in-8°.  —  Jourdain  (Charles),  l'Université  de 
Paris  au  temps  d'Etienne  Marcel.  Revue  des  questions  historiques. 
Octobre  1878.  —  Flammermont  (J.),  la  Jacquerie  en  Beauvaisis,  Revue 
historique,  IX,  I,  (1879).  —  Chérest  (Aimé),  l'Àrchiprêtre.  Episodes  de 
la  guerre  de  Cent  ans  au  xive  siècle.  Paris,  1879,  in-8°.  Cf.  sur  ce 
chef  de  bandes  une  étude  par  le  baron  de  Zurlauben,  dans  YHisloire  de 
l'Académie  des  Inscriptions,  t.  XXV.  —  Germain,  Texte  du  projet  de 
descente  des  Danois  en  Angleterre  pour  la  délivrance  du  roi  Jean  (1358- 
1 359) .  Mémoires  de  la  Société  archéologique  de  Montpellier.  T.  IV.  Voy .  aussi 
le  rapport  de  M.  Delisle,  Revue  des  Sociétés  savantes,  année  1866,  4esér., 
IV.  =  Articles  de  Revues  :  Revue  critique,  1873,  t.  II,  p.  82-87  : 
Article  critique  par  Siméon  Luce  sur  la  Démocratie  en  France  de  Perrens. 
Bibliothèque  de  l'École  des  chartes  :  Tome  II,  p.  350-387  :  Acte  d'accu- 
sation contre  Robert  le  Coq,  évêque  de  Laon,  p.  par  Douet  d'Arcq  ; 
Tome  XII,  p.  257-263  :  Complainte  sur  la  bataille  de  Poitiers,  p.  par 
Ch.  de  Beaurepaire;  Tome  XVIII,  p.  415-426  :  Du  rôle  politique  de 
Jean  Maillart  en  1358;  Tome  XXI:  A.  p.  73-92  :  Pièces  inédites 
relatives  à  Etienne  Marcel  et  à  quelques-uns  de  ses  principaux  adhé- 
rents, p.  par  Siméon  Luce.  Cf.  p.  241-282. 

Thèse  d'histoire  ancienne.  Les  principales  lois  agraires  sous  la  Répu- 
blique romaine.  —  On  trouvera  les  renseignements  essentiels,  faits  et 
bibliographie,  dans  les  articles  du  Dictionnaire  des  antiquités  de 
Daremberg  et  Saglio  :  ager  publicus  —  agrariae  leges  —  agrimensor  — 
colonies  romaines.  —  Consulter  surtout  :  Macé,  Des  lois  agraires  chez  la 
Romains,  Paris,  1846,  en  ayant  soin  de  le  compléter  et  de  le  corriger  avec 
les  articles  critiques  de  Laboulaye  clans  la  Revue  de  législation  et  de  juris- 
prudence, année  1846.  —  Corpus  Inscriptionum  Latinarum.  Tome  I, 
Mommsen.  Texte  et  commentaire  de  la  loi  agraire  de  643  (avec  la  biblio- 
graphie relative  à  cette  loi).  On  trouvera  un  texte  de  cette  loi  dans  le 
volume  plus  portatif  de  Bruns,  Fontes  juris  romani  antiqui,  4e  édition. 
Fribourg-en-Brisgau  et  Tubingue,  1879.  —  Gérard,  Recherches  sur  le 
droit  de  propriété  chez  les  Romains.  Aix,  1838.  —  Garsonnet,  Histoire  des 
locations  perpétuelles  et 'des  baux  à  longue  durée.  Paris,  Larose,  1879.  — 
Belot,  Histoire  des  chevaliers  romains,  tome  IL  —  Voy.  encore  Dureau  de 
la  Malle,  Économie  politique  des  Romains.  Paris,  1840.  —  Sur  les 
Gracques,  outre  les  histoires  romaines  de  Duruy  et  de  Mommsen  (trad. 
Alexandre),  les  ouvrages  de  Nitzen,  Die  Gracchen,  1847,  et  de  Lau,  die 
Gracchcn  und  ihre  Zeit,  1854.  =  Étudier  les  discours  de  Cicéron  contre 
Rullus  dans  l'édition  de  Zumpt  :  M.  Tullii  Ciceronis  Orationes  très  de  lege 
agraria.  Berlin,  Duemmler,  1861  (commentaire  abondant).  —  Le  traité 
Rev.  Histob.  XXVII.  1er  fasc.  14 


210  CHRONIQUE   ET    BIBLIOGRAPHIE. 

de  la  possessio?i  de  Savigny  a  été  traduit  en  français  par  Stœdtler. 
Bruxelles,  1866. 

Thèse  d'histoire  du  moyen  âge.  Nous  donnerons  des  indications  biblio- 
graphiques plus  étendues  pour  la  thèse  sur  les  rapports  de  la  royauté 
avec  les  villes.  Tout  d'abord  on  ne  saurait  se  faire  une  idée  juste  de  la 
politique  des  rois  à  l'égard  des  villes  en  ne  l'étudiant  qu'à  partir  du 
règne  de  Philippe-Auguste,  il  parait  indispensable  de  commencer  cette 
étude  au  règne  de  Louis  VI.  L'Histoire  des  institutions  monarchiques 
de  la  France  sous  les  premiers  Capétiens,  par  M.  A.  Luchaire  (Paris, 
Picard,  1883,  2  vol.  in-8°),  fournira,  avec  les  recueils  de  documents 
que  nous  indiquons  plus  bas,  toutes  les  ressources  nécessaires  pour  les 
règnes  de  Louis  VI  et  de  Louis  VIL 

Sur  l'ensemble  de  la  question  nous  citerons  :  Deux  dissertations  de 
Bréquigny  intitulées,  l'une  :  Recherches  sur  les  communes  (1769),  l'autre  : 
Recherche  sur  la  bourgeoisie  (1777),  qui  forment  la  préface  des  t.  XI  et 
XII  du  Recueil  des  ordonnances. 

Dans  ces  deux  volumes  ont  été  réunies  la  plupart  des  chartes  concé- 
dées aux  villes  par  les  rois  que  les  éditeurs  du  Recueil  ont  pu  rassem- 
bler. Les  deux  dissertations  de  Bréquigny  ont  été  réimprimées  dans  le 
recueil  de  Leber. 

On  devra  également  consulter  Brussel,  Nouvel  examen  de  l'usage  géné- 
ral des  fiefs.  Paris,  1727,  2  vol.  in-4°  (particulièrement  chap.  ix  et  xv). 

Indépendamment  du  Recueil  des  monuments  de  l'histoire  du  tiers  état, 
nous  rappelons  que  les  œuvres  d'Aug.  Thierry  contiennent  nombre 
d'autres  travaux  où  il  s'est  occupé  de  la  question.  Nous  citerons  notam- 
ment les  Lettres  sur  l'histoire  de  France  et  les  Considérations  sur  l'his- 
toire de  France  qui  précèdent  les  Récits  des  temps  mérovingiens.  L'Essai 
sur  l'histoire  du  tiers  état,  le  Tableau  de  l'ancienne  France  municipale  et 
la  Monographie  de  la  constitution  communale  d'Amiens,  qui  se  trouvent 
dans  le  Recueil  des  monuments  du  tiers  état,  ont  été  réimprimés  dans  les 
œuvres  complètes  d'A.  Thierry.  Les  leçons  de  Guizot  sur  l'histoire  des 
institutions  municipales  comptent  parmi  les  travaux  les  plus  indispen- 
sables à  étudier.  On  les  trouvera  soit  dans  son  Cours  d'histoire  moderne, 
soit  plus  commodément  dans  le  tome  IV  de  V Histoire  de  la  civilisation 
en  France. 

Pour  le  règne  de  Philippe-Auguste,  le  Catalogue  des  actes  de  Philippe- 
Auguste  de  M.  L.  Delisle  (Paris,  1856,  in-8°)  renseignera  amplement  les 
candidats  sur  toutes  les  sources  auxquelles  ils  devront  recourir. 

Il  n'a  été  publié  sur  le  règne  de  Louis  VIII  aucun  travail  qui  mérite 
d'être  cité. 

Pour  le  règne  de  Louis  IX,  les  étudiants  devront  consulter  le  livre 
d'E.  Boutaric,  Saint  Louis  et  Alfonse  de  Poitiers,  et  un  mémoire  de 
M.  A.  Molinier,  Étude  sur  l'administration  de  saint  Louis  et  d 'Alfonse 
de  Poitiers  en  Languedoc,  qui  se  trouve  au  t.  ,VH  de  la  nouvelle  édition 
de  l'Histoire  de  Languedoc  de  D.  Vaissete. 

Le  règne  de  Philippe  III  n'a  encore  donné  lieu  à  aucune  publication, 


«IRONIQUE    ET    BIBLIOGRAPHIE.  21  I 

mais  les  candidats  pourront  trouver  dans  les  Positions  des  thèses  soute- 
nues par  les  élèves  de  la  promotion  de  1885  à  l'École  des  chartes  les  con- 
clusions d'un  travail  de  M.  Langlois  sur  l'administration  de  Philippe  le 
Hardi. 

Ils  devront  également  étudier  A.  Molinier,  La  commune  de  Toulouse 
et  Philippe  III,  dans  Bibl.  de  l'École  des  chartes,  t.  XLIII,  1882. 

Le  règne  de  Philippe  IV  a  été  étudié  par  Boutaric,  La  France  sous 
Philippe  le  Del.  Paris,  1861,  in-8°. 

Un  mémoire  de  M.  N.  Valois,  Établissement  et  organisation  du  régime 
municipal  à  Figeac  (Bibl.  de  l'École  des  chartes,  t.  XL,  1880),  fournit  une 
importante  contribution  à  l'étude  des  relations  de  Philippe  le  Bel  avec 
les  villes. 

Le  programme  de  l'agrégation  indique  quatre  villes  qui  devront  être 
prises  pour  exemple. 

Amiens.  Les  documents  ont  été  rassemblés  pour  la  plupart  dans  le 
t.  Ier  des  Monuments  de  VHistoire  du  tiers  état. 

Laon.  Aug.  Thierry  a  écrit  l'histoire  de  la  commune,  principalement 
d'après  Guibert  de  Nogent,  la  chronique  d'un  chanoine  de  Laon,  les 
textes  des  ordonnances  et  les  documents  de  la  Gallia  christiana  (t.  IX) 
dans  ses  Lettres  sur  V histoire  de  France  (lettres  16  à  18).  Les  chartes  de 
commune  sont  au  t.  XI  des  Ordonnances.  On  trouvera  de  nombreux 
arrêts  indiqués  dans  Boutaric,  Actes  du  Parlement  de  Paris.  On  devra 
également  consulter  une  brochure  de  M.  A.  Matton,  La  Commune  de 
Laon  au  XIIIe  siècle.  Laon,  1866,  in-8°. 

Beauvais.  Guizot,  au  t.  IV  de  l'Histoire  de  la  civilisation  en  France,  a 
raconté  avec  détail  les  révolutions  de  Beauvais,  et  a  publié  en  appen- 
dice un  grand  nombre  de  documents  sur  cette  commune,  mais  traduits 
en  français.  On  en  trouvera  le  texte  dans  le  recueil  des  Ordonnances. 
Aug.  Thierry  en  a  également  parlé  dans  ses  Lettres  sur  l'histoire  de 
France  (lettres  15  à  21). 

Indépendamment  de  ces  ouvrages  et  des  recueils  de  pièces,  il  ne  sera 
pas  inutile  de  consulter  :  Louvet  (P.),  Histoire  de  la  ville  et  cité  de 
Beauvais  et  des  antiquités  du  Bcauvoisis,  1635,  2  vol.  in-8°,  et  Loisel 
(Antoine),  Mémoires  des  pays,  villes,  comtés...  de  Beauvais  et  Beauvoisis. 
Paris,  1617,  in-4°. 

Bouen.  Les  deux  ouvrages  principaux  à  consulter  en  dehors  des 
recueils  ont  été  indiqués  au  programme  de  l'agrégation  :  Ghéruel,  His- 
toirede  Bouen  pendant  l'époque  communale.  Bouen,  1844,  2  vol.  in-8°,  et 
Giry,  les  Établissements  de  Rouen  (55e  fasc.  de  la  Bibliothèque  de  l'École 
des  hautes  études).  Le  2e  volume  de  cet  ouvrage  paraîtra  au  mois  de 
janvier  1885. 

De  ce  que  les  noms  de  quatre  villes  seulement  figurent  au  programme 
on  peut  légitimement  induire  que  le  jury  s'interdira  de  poser  aux 
candidats  des  questions  sur  les  détails  de  l'histoire  d'autres  localités, 
—  mais  non  pas  qu'il  suffira  d'étudier,  pour  préparer  cette  thèse,  l'his- 
toire de  quatre  communes.  Il  est  clair  qu'il  faut  avoir  examiné  les 


212  CHRONIQUE    ET    BIBLIOGRAPHIE. 

relations  des  rois  avec  le  plus  grand  nombre  de  villes  possible  pour 
arriver  à  se  faire  une  idée  de  leur  politique  à  cet  égard.  Si  l'on  s'en 
tenait  à  l'histoire  des  quatre  villes  qui  figurent  au  programme,  on 
n'aurait  aucune  notion  sur  une  foule  de  questions  qui  y  sont  certaine- 
ment comprises  et  que  les  candidats  doivent  préparer;  nous  citerons, 
comme  formant  autant  de  catégories  différentes,  les  villes  du  centre  ou 
du  midi,  les  villes  du  domaine,  les  villes  des  grands  vassaux,  les  villes 
de  simple  bourgeoisie,  les  villes  neuves,  fondées  en  si  grand  nombre  au 
xine  siècle,  etc.  Sur  chacune  de  ces  questions,  les  candidats  devront 
eux-mêmes  choisir  et  citer  les  exemples  qu'ils  auront  choisis.  Nous 
indiquerons  ici  divers  ouvrages  qui  leur  faciliteront  les  recherches. 

Les  coutumes  de  Lorris  peuvent  être  considérées  comme  l'un  des 
types  les  plus  répandus  des  chartes  de  franchises  accordées  par  les  rois 
de  France  aux  villes  qui  n'étaient  pas  des  communes.  M.  Prou  a  publié 
en  1884  dans  la  Nouvelle  Revue  historique  de  droit  français  et  étranger, 
et  à  part,  en  un  vol.  in-8°,  un  excellent  mémoire,  les  Coutumes  de  Lorris 
et  leur  propagation  aux  XIIe  et  XIIIe  siècles.  Ce  texte  et  beaucoup  d'autres 
analogues  se  trouvent  dans  Thaumas  de  la  Thaumassière,  Coutumes 
locales  de  Berry  et  celles  de  Lorris.  Paris,  1680,  in-8°. 

Les  villes  neuves  ont  fait  l'objet  de  plusieurs  publications  qu'il  ne 
faut  consulter  qu'avec  défiance.  Nous  indiquerons  :  Menault,  les  Villes 
neuves,  leur  origine  et  leur  influence  dans  le  mouvement  communal,  série 
d'articles  parus  d'abord  dans  la  Revue  moderne  et  à  part,  1868,  1  vol. 
in-S°,  qu'il  faut  corriger  à  l'aide  d'un  excellent  compte-rendu  critique  de 
M.  Gourajod  dans  Bibliothèque  de  l'École  des  chartes,  5e  série,  t.  V,  1869. 
Curie-Seimbres,  Essai  sur  les  villes  fondées  dans  le  sud-ouest  de  la  France 
sous  le  nom  générique  de  bastides.  Toulouse,  1880,  in-8°.  On  trouvera  des 
rectifications  et  un  complément  de  renseignements  dans  un  compte- 
rendu  critique  paru  dans  Bibliothèque  de  l'École  des  chaînes,  t.  XLII, 
1881.  Un  grand  nombre  de  chartes  de  pariages  relatives  aux  villes  fon- 
dées par  les  rois  sur  les  domaines  ecclésiastiques  ont  été  publiées  dans 
les  trois  volumes  des  Layettes  du  Trésor  des  chartes  de  MM.  Teulet  et  de 
Laborde. 

L'une  des  questions  les  plus  importantes  à  traiter  est  celle  des  rap- 
ports de  l'autorité  royale  avec  les  villes  au  point  de  vue  des  finances. 
On  devra  étudier  soigneusement  les  chapitres  de  la  Coutume  de  Beau- 
voisis  où  Beaumanoir  rend  responsables  les  communes  de  la  mauvaise 
gestion  de  leurs  finances.  On  trouvera  un  grand  secours  pour  l'étude  de 
cette  question  dans  les  comptes  financiers  des  villes  rendus  en  exécu- 
tion de  l'Ordonnance  de  saint  Louis,  dite  de  1256  ;  ces  comptes,  qui 
composent  l'une  des  layettes  du  Trésor  des  chartes  intitulée  :  Dettes  des 
villes,  ont  été  publiés  par  M.  de  Laborde  dans  le  t.  III  des  Layettes  du 
Trésor  des  chartes.  Les  comptes  des  villes  picardes  ont  été  réunis  et 
publiés  par  M.  Dufour  dans  le  tome  XV  des  Mémoires  de  la  Société 
des  antiquaires  de  Picardie.  Ceux  des  villes  normandes  l'ont  été  par 
M.  Delisle  dans  le  Carlulairc  normand  de  Philippe- Auguste,  Louis  VIII, 


CHRONIQUE    ET    BIBLIOGRAPHIE.  213 

etc.  (t.  VI,  1852,  des  Mémoires  de  la  Société  des  antiquaires  de  Normandie). 
M.  Giry  compte  publier  très  prochainement  une  série  d'autres  comptes 
municipaux  de  la  même  époque,  restés  jusqu'ici  inédits,  et  qui  complé- 
teront ce  que  l'on  pourrait  nommer  le  dossier  des  all'aires  linancières 
des  communes  à  la  fin  du  xme  siècle.  Il  ne  faudra  pas  omettre  de  con- 
sulter sur  la  même  question  un  article  de  M.  de  Boislisle  intitulé  :  Une 
lit/nidation  communale  sous  Philippe  le  Hardi,  qu'il  a  publié  dans 
V Annuaire-Bulletin  de  la  Société  de  l'histoire  de  France. 

Nous  terminerons  ces  renseignements  par  l'indication  de  divers 
ouvrages ,  recueils  de  pièces  ou  monographies ,  relatifs  aux  diverses 
régions  de  la  France. 

Nous  nous  bornerons  bien  entendu  pour  chacune  à  quelques  travaux 
importants  et  nous  négligerons  les  provinces,  qui  de  1180  à  1314  ont 
échappé  presque  complètement  à  l'action  des  rois  de  France. 

Région  du  Nord  (Picardie,  Flandre,  Artois).  Wauters,  Les  libertés 
communales,  essai  sur  leur  origine  et  leurs  premiers  développements  en 
Belgique,  dans  le  nord  de  la  France  et  sur  les  bords  du  Rhin.  Bruxelles, 
1869-1878,  3  vol.  in-8°.  —  Warnkœnig,  Histoire  de  la  Flandre  et  de  ses 
institutions  civiles  et  politiques  jusqu'à  l'année  1305,  Trad.  Gheldolf. 
Bruxelles,  1835-1864.  —  Bouthors,  Coutumes  locales  du  bailliage 
d'Amiens.  Amiens,  1845,2  vol.  in-4».  (Mémoires  delà  Société  des  anti- 
quaires de  Picardie.  Documents  inédits  concernant  la  province,  t.  I 
et  n.)  —  Giry,  Histoire  de  la  ville  de  Saint-Omer  et  de  ses  institutions 
jusqu'au  XIVe  siècle.  Paris,  1877,  1  vol.  in-8°.  (31e  fasc.  de  la  Bibl.  de 
l'École  des  hautes  études.)  —  Flammermont,  Histoire  des  institutions 
municipales  de  Sentis.  Paris,  1881,  1  vol.  in-8°.  (45e  fasc.  de  la  Biblio- 
thèque de  l'École  des  hautes  études.)  —  Le  livre  rouge  de  l'Hôtel  de  Ville 
de  Saint-Quentin,  publié  par  H.  Bouchot  et  E.  Lemaire.  Saint-Quentin, 
1881,  in-4». 

Région  de  l'Ouest  (Normandie,  Poitou,  Saintonge,  Aunis,  Guyenne). 
—  L.  Delisle,  Cartulaire  normand  de  Philippe-Auguste ,  Louis  VIII, 
saint  Louis  et  Philippe  le  Hardi.  Caen,  1852,  in-4°.  (Mémoires  de  la 
Société  des  Antiquaires  de  Normandie,  2e  série,  t.  VI.)  —  Giry,  Les 
Établissements  de  Bouen.  —  Archives  municipales  de  Bordeaux.  Le  livre 
des  Bouillons.  Bordeaux,  1867,  in-4°.  —  Archives  municipales  d'Agen. 
Chartes  (1189-1328)  publiées  par  A.  iMagen  et  Tholin.  Villeneuve-sur- 
Lot,  1879.  1  vol.  in-4°. 

Région  de  l'Est  (Champagne,  Bourgogne,  Lyonnais).  —  Arbois  de 
Jubainville,  Histoire  des  ducs  et  des  comtes  de  Champagne.  Paris,  Durand, 
1859-1866,  7  vol.  in-8%  t.  IV.  —  Varin,  Archives  administratives  de  Beims 
(Documents  inédits  sur  l'histoire  de  France).  —  Pérard.  Recueil  de  pièces 
pour  servir  à  l'histoire  de  Bourgogne.  1664.  1  vol.  in-fol.  —  Garnier, 
Chartes  de  commune  et  d'affranchissement  en  Bourgogne.  Dijon,  1867- 
1877.  3  vol.  in-4».  —  Quantin,  Cartulaire  général  de  l'Yonne.  Auxerre, 
1854-1860.  2  vol.  in-4°.  Becueil  de  pièces  pour  faire  suite  au  cartulaire 


214  CHRONIQUE   ET    BMLIOGRAPHIE. 

général  de  l'Yonne.  Paris,  1873,  in-8".  Recherches  sur  le  tiers  état  au 
moyen  âge.  Auxerre,  1851,  in-8°.  —  Cartulaire  municipal  de  la  ville  de 
Lyon,  publié  par  M.  C.  Guigue.  Lyon,  1876,  1  vol.  in-4°. 

Région  du  Centre  (Orléanais,  Touraine,  Berry).  —  Raynal,  Histoire 
du  Berry.  Bourges,  1845.  4  vol.  in-8°.  —  Bonnardot  (F.),  Essai  histo- 
rique sur  le  régime  municipal  à  Orléans.  Orléans,  1881,  in-8°.  (Mémoires 
de  la  Société  archéologique  de  l'Orléanais.) 

Région  du  Midi  (Auvergne,  Languedoc).  —  L.  Clos.  Reclierches  sur  le 
régime  municipal  dans  le  midi  de  la  France  au  moyen  âge,  dans  Mémoires 
présentés  par  divers  savants  à  l'Académie  des  inscriptions.  Antiquités  de  la 
France,  t.  III,  1857,  p.  229-470.  —  Histoire  générale  du  Languedoc,  par 
D.  Devic  et  D.  Vaissete,  t.  VI,  VII  et  VIII  de  l'éd.  Privât.  Toulouse, 
1879,  in-4°.  —  Rivière,  Histoire  des  institutions  de  l'Auvergne.  Paris, 
1874,  2  vol.  in-8°.  —  (G.  Bloch.  —  G.  Monod.  —  J.  Roy.  —  A.  Giry.) 

—  M.  C.-M.  Briquet  vient  de  publier  en  une  brochure  de  18  pages 
(Genève,  Schuchardt)  un  article  paru  dans  le  Journal  de  Genève  du 
29  octobre  dernier  intitulé  :  La  légende  paléographique  du  papier  de  colon. 
De  l'analyse  microscopique  d'un  grand  nombre  de  papiers  qui  passaient 
pour  avoir  été  fabriqués  avec  du  coton  et  où  l'on  ne  retrouve  que  les 
fibres  du  lin  ou  du  chanvre,  M.  Briquet  se  croit  autorisé  à  conclure 
qu'il  n'y  a  jamais  eu  du  papier  de  coton.  M.  Aimé  Girard,  professeur 
de  chimie  au  conservatoire  des  Arts  et  Métiers,  et  notre  collaborateur, 
M.  A.  Giry,  ont  entrepris  depuis  quelque  temps  des  recherches,  et 
doivent  publier  prochainement  un  travail  sur  le  même  sujet.  Comme 
M.  Briquet,  ils  ont  analysé  un  grand  nombre  de  fragments  de  papiers 
dits  de  coton,  de  toutes  provenances,  et  n'y  ont  jamais  non  plus  trouvé 
la  fibre  du  coton.  Ces  résultats  identiques  de  chercheurs,  partis  de 
points  de  vue  très  divers,  en  opérant  sur  des  papiers  différents,  donnent 
beaucoup  d'autorité  à  la  conclusion  de  M.  Briquet. 

—  M.  A.  de  Boislisle  vient  d'être  élu  (7  déc.)  membre  libre  de 
l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres.  Cette  récompense  était 
bien  due  à  l'éditeur  de  Saint-Simon,  de  la  correspondance  des  inten- 
dants avec  les  contrôleurs  généraux,  des  documents  sur  la  Chambre 
des  comptes  et  la  famille  des  Nicolaï.  Le  t.  IV  de  Saint-Simon,  qui  vient 
de  paraître,  ne  contient  que  l'année  1697,  mais  est  enrichi,  outre  les  notes, 
et  plusieurs  appendices  où  se  trouvent  les  correspondances  sur  la  cam- 
pagne d'Allemagne  et  sur  l'élection  du  prince  de  Conti,  d'une  étude 
sur  les  Conseils  sous  Louis  XIV.  C'est  un  mémoire  de  plus  de  60  pages 
d'un  texte  serré  qu'aucun  historien  ne  pourra  se  dispenser  de  connaître, 
car  il  élucide  complètement  un  sujet  très  compliqué.  Nous  devons 
attendre  au  t.  V  pour  lire  une  étude  du  même  genre  sur  les  postes  de 
Louis  XIV. 

—  Le  12  décembre  ont  été  élus  membres  de  la  même  Académie 
M.  Gustave  Schlumberger  et  M.  E.  Benoist. 

—  L'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  a  prorogé  jusqu'au 


CnitONIQCE    ET    BIBLIOGRAPHIE.  2  I  5 

31  décembre  1884  le  concours  sur  la  question  suivante  :  donner  l'énumé- 
ration  complète  et  systématique  des  traductions  hébraïques  qui  ont  été 
laites  au  moyen  âge  d'ouvrages  de  philosophie  ou  de  science  grecs, 
arabes  ou  môme  latins.  Le  sujet  sur  la  civilisation  sous  le  khalifat  est 
retiré  du  concours  et  remplacé  par  celui-ci  :  étudier  d'après  les  cbro- 
niques  arabes,  et  en  particulier  celles  de  Tabari,  Maeoudi,  etc.,  les 
causes  politiques,  religieuses  et  sociales  qui  ont  déterminé  la  chute  des 
Omeyyades  et  l'avènement  des  Abassides  (31  déc.  1886).  — L'Académie 
proroge  au  31  déc.  1886  l'examen  historique  et  critique  de  la  biblio- 
thèque de  Photius  et  l'étude  grammaticale  et  historique  sur  la  langue 
des  inscriptions  latines  comparée  avec  celle  des  écrivains  romains 
depuis  les  guerres  puniques  jusqu'au  temps  des  Antonins.  =  Elle  rap- 
pelle qu'elle  a  mis  au  concours  pour  1886  (31  déc.  1885)  le  sujet  sui- 
vant :  faire,  d'après  les  textes  et  les  documents  figurés,  le  tableau 
de  l'éducation  et  de  l'instruction  que  recevaient  les  jeunes  athéniens 
aux  ve  et  ivc  s.  avant  J.-C,  jusqu'à  l'âge  de  dix-huit  ans.  —  Elle  pro- 
pose pour  1887  (31  déc.  1886)  une  étude  sur  les  contributions  deman- 
dées en  France  aux  gens  d'église  depuis  Philippe-Auguste  jusqu'à 
l'avènement  de  François  Ier.  ==  Prix  Bordin.  L'Académie  rappelle 
qu'elle  a  proposé  pour  1886  (31  dec.  1885)  une  étude  critique  sur  les 
ouvrages  en  vers  et  en  prose  connus  sous  le  titre  de  Chronique  de  Nor- 
mandie, et  une  étude  sur  la  numismatique  de  l'île  de  Crète.  —  La 
question  sur  Christine  de  Pisan  est  retirée  du  concours  et  remplacée 
par  une  étude  sur  les  formes  vulgaires  des  noms  de  saints  en  langue 
d'oc  et  en  langue  d'oui.  —  L'Académie  rappelle  qu'elle  a  mis  au  con- 
cours pour  1886  (31  déc.  1885)  une  étude  sur  les  sectes  dualistes  telles 
qu'elles  se  montrent  dans  l'Orient  musulman,  et  propose  pour  1887 
(31  déc.  1886)  l'examen  critique  de  la  géographie  de  Strabon.  —  Le 
prix  Louis  Fould,  pour  l'histoire  des  arts  du  dessin  jusqu'au  siècle  de 
Périclès,  sera  décerné,  s'il  y  a  lieu,  en  1887.  —  En  1886,  l'Académie 
décernera  le  prix  Delalande-Guérineau  :  1°  au  meilleur  ouvrage  dans 
l'ordre  des  études  du  moyen  âge  ;  2°  au  meilleur  ouvrage  dans  l'ordre 
des  études  orientales. 

—  Parmi  les  sujets  mis  au  concours  par  l'Académie  des  sciences 
morales  et  politiques,  nous  mentionnerons  ou  rappellerons  les  suivants  : 
pour  le  terme  du  31  déc.  1885  :  Histoire  de  l'enseignement  du  droit 
avant  1789  (prix  0.  Barrot,  6,000  fr.).  Histoire  économique  des  céréales 
en  France  (prix  du  budget,  1,500  fr.).  La  forme  dos  emprunts  publics 
en  France,  en  Angleterre  et  en  Hollande  aux  xvnr8  et  xixe  siècles  (prix 
Bordin,  2,500  fr.).  Constater  l'état  de  l'indigence;  rechercher  les 
causes  qui  ont  pu  l'atténuer  ou  l'aggraver,  les  raisons  de  sa  persistance 
depuis  le  xvic  s.  jusqu'en  1789  (prix  Beaujour,  5,000  fr.).  Les  assem- 
blées provinciales  dans  l'empire  romain  (prix  Bordin,  2,500  fr.).  — 
Pour  le  terme  du  31  décembre  1886  :  Exposer  les  origines,  la  formation 
et  le  développement  jusqu'en  1789  de  la  dette  publique  en  France 
(prix  du  budget,  1,500  fr.).  Richelieu  et  le  Père  Joseph  (id.t.  —  Pour 


21  ti  CHRONIQUE    ET    BIBLIOGRAPHIE. 

le  terme  du  31  déc.  1887  :  L'administration  royale  sous  François  Ier 
(prix  du  budget,  1,500  fr.).  Histoire  du  droit  public  et  privé  dans  la 
Lorraine  et  les  Trois  évêchés,  depuis  le  traité  de  Verdun  en  843  jus- 
qu'en 1789  (prix  de  Barrot,  5,000  fr.). 

—  Programme  du  congrès  des  sociétés  savantes  à  la  Sorbonne  en 
1885.  Section  d'histoire  et  de  philologie  :  1°  Mode  d'élection  et  étendue 
des  pouvoirs  des  députés  aux  États  provinciaux.  2°  Les  villes  neuves, 
les  bastides,  les  sauvetats  et  autres  fondations  analogues  à  partir  du 
xn°  siècle.  3°  Recherche  des  documents  d'après  lesquels  on  peut  déter- 
miner les  modifications  successives  du  servage.  4°  Origine,  étendue, 
régime  et  formes  d'aliénation  des  biens  communaux  au  moyen  âge. 
5°  Origine  et  organisation  des  anciennes  corporations  d'arts  et  métiers. 
6°  Origine,  importance  et  durée  des  anciennes  foires.  7°  Anciens 
livres  de  raison  et  de  comptes  et  journaux  de  famille.  8°  État  de  l'ins- 
truction primaire  et  secondaire  avant  1789.  9°  Liturgies  locales  anté- 
rieures au  xvne  siècle.  10°  Origines  et  règlements  des  confréries  et 
charités  antérieures  au  xvn*  siècle.  11°  Études  des  anciens  calendriers. 
12°  Indiquer  les  modifications  que  les  recherches  les  plus  récentes  per- 
mettent d'introduire  dans  le  tableau  des  constitutions  communales 
tracé  par  M.  Augustin  Thierry.  13"  Des  livres  qui  ont  servi  à  l'ensei- 
gnement du  grec  en  France  depuis  la  Renaissance  jusqu'au  xvnr3  siècle. 
14°  Rôle  des  maîtres  écrivains  dans  l'instruction  populaire  et  la  rédac- 
tion des  actes.  15°  Étude  des  documents  antérieurs  à  la  Révolution 
pouvant  fournir  des  renseignements  sur  le  chiffre  de  la  population  dans 
une  ancienne  circonscription  civile  ou  ecclésiastique. 

Dans  la  section  d'archéologie,  nous  indiquerons  les  articles  suivants  : 
1°  Signaler  les  nouvelles  découvertes  de  bornes  milliaires  ou  les  consta- 
tations de  chaussées  antiques  qui  peuvent  servir  à  déterminer  le  tracé 
des  voies  romaines  en  Gaule  ou  en  Afrique.  2°  Grouper  les  renseigne- 
ments que  les  noms  de  lieux-dits  peuvent  fournir  à  l'archéologie  et  à 
la  géographie  antique.  3°  Signaler  les  édifices  antiques  de  l'Afrique, 
tels  que  arcs  de  triomphe,  temples,  théâtres,  cirques,  portes  de  villes, 
tombeaux  monumentaux,  aqueducs,  ponts,  etc.,  et  dresser  le  plan  des 
ruines  romaines  les  plus  intéressantes.  4°  Rechercher  dans  chaque 
département  ou  arrondissement  les  monuments  de  l'architecture  mili- 
taire en  France  aux  différents  siècles  du  moyen  âge.  En  donner  des 
statistiques,  signaler  les  documents  historiques  qui  peuvent  servir  à  en 
déterminer  la  date.  5°  Signaler  les  actes  notariés  du  xive  au  xvie  siècle, 
contenant  des  renseignements  sur  la  biographie  des  artistes  et  particu- 
lièrement les  marchés  relatifs  aux  peintures,  sculptures  et  autres 
œuvres  d'art  commandées  soit  par  des  particuliers,  soit  par  des  muni- 
cipalités ou  des  communautés. 

De  môme  pour  la  section  des  sciences  économiques  ou  sociales  : 
1»  La  législation  et  le  régime  des  routes  et  chemins  en  France,  aux 
xvnr  et  xix'  siècles.  2°  Étudier,  au  point  de  vue  de  leur  valeur  compa- 
rative, les  divers  documents  qui  peuvent  être  utilisés  pour  l'évaluation 


CHRONIQUE  ET   BIBLIOGRAPHIE.  217 

des  populations  do  l'ancienne  France  (évaluation  en  feux  dans  les  recen- 
sements dressés  par  les  officiers  des  élections  ou  les  agents  des  sei- 
gneurs, évaluation  en  communiants  dans  les  pouillés  et  les  registres 
des  visites  pastorales,  etc.). 

—  Voici  la  liste  des  thèses  déposées  par  les  élèves  de  l'École  des  chartes, 

pour  être  soutenues  le  26  janvier  1885:  Aovray.  Étude  sur  Fulbert, 
évêque  de  Chartres  de  100G  à  1028,  et  sa  correspondance.  —  Barroi  \. 
Étude  sur  Jacques  de  Vit ry.  —  Duxoyer  de  Segonzac.  La  rançon  de 
Brétigny.  —  Dlpond.  Jean  Ier  de  Grailly,  sénéchal  de  Gascogne  (1235- 
1300).  —  Ddvbrnoy.  Les  corporations  ouvrières  dans  les  duchés  de 
Lorraine  et  de  Bar  aux  xive  et  xv'  siècles.  —  Funck-Brentano.  La  poli- 
tique extérieure  de  Philippe  le  Bel.  — Grand.  L'image  du  monde, 
poème  didactique  du  xme  siècle,  recherches  sur  les  versions  non  inter- 
polée, interpolée  et  en  prose.  —  Langlois.  Le  gouvernement  de  Phi- 
lippe III,  étude  sur  le  pouvoir  royal  de  1270  à  1285.  —  Lefèvre-Pon- 
talis.  Etude  sur  l'architecture  religieuse  dans  l'ancien  diocèse  de 
Soissons  aux  xie  et  xnc  siècles.  —  Legranu.  Histoire  dos  Quinze- Vingts 
depuis  leur  fondation  jusqu'au  milieu  du  xvr  s.  —  Mii.lot.  Bapports 
de  Louis  XI  avec  la  ville  de  Troyes.  —  Perret.  Louis  de  Graville, 
amiral  de  France  (144  ?-l51(i).  —  Stein.  Etude  biographique,  littéraire, 
bibliographique,  sur  Olivier  de  La  Marche.  —  Alais.  Étude  sur  le 
cartulaire  de  Gellone  (804-1236).  '• —  Gagé.  Louis  de  Luxembourg,  comte 
de  Saint-Pol,  connétable  de  France  (1418-1475).  —  Coville.  Becherches 
sur  les  États  de  Normandie  au  xivp  siècle.  —  IIuet.  Étude  sur  Gasse 
Brûlé,  poète  du  xue  siècle,  et  édition  critique  de  ses  chansons.  — 
Hugues.  Étude  sur  le  collège  d'Autun.  —  Lazard.  Essai  sur  la  condi- 
tion des  Juifs  dans  le  domaine  royal  au  xmc  siècle.  —  Martin.  Becher- 
ches sur  Bobert  Ier  de  Sarrebruck,  damoiseau  de  Gommercy  (1414- 
1464?). 

—  M.  Emile  Perrière  a  publié,  chez  F.  Alcan,  une  étude  sur  le 
Paganisme,  des  Hébreux  jusqu'à  la  captivité  de  Babylone.  Il  s'efforce  de 
montrer  qu'avant  la  captivité  le  peuple  hébreu  n'a  pas  été  monothéiste; 
que  Jéhova,  le  dieu  national,  n'a  été  qu'un  dieu  parmi  plusieurs  autres. 
Le  monothéisme  est  l'œuvre  du  clergé.  Le  clergé  jéhoviste  n'a  pu  réel- 
lement fonder  son  organisation  et  sa  hiérarchie  qu'au  retour  de  l'exil  ; 
l'année  442,  où  fut  promulgué  le  Lévitique,  peut  être  considérée  comme 
la  date  où  le  clergé,  éducateur  souverain  de  la  nation,  créa  un  Israël 
entièrement  nouveau.  Nous  croyons  que  cette  thèse  contient  une  petite 
part  de  vérité  ;  mais  la  certitude  avec  laquelle  l'auteur  affirme  son  opi- 
nion en  matière  si  controversée  nous  met  en  défiance.  C'est  affaire 
aux  hébraïsants  de  trancher  le  débat. 

—  M.  B.  Zeller  vient  d'ajouter  deux  nouveaux  volumes  à  sa  petite 
collection  (à  0,50  c.)  de  l'Histoire  de  France  racontée  par  les  contem- 
porains (Hachette).  Ils  se  rapportent  aux  règnes  de  saint  Louis  et  de 
Philippe  le  Hardi. 


2|, S  CHRONIQUE   ET    P.IBLIOGIUriIIE. 

—  La  librairie  Leroux  commence  une  traduction  des  Rœmische  Alter- 
thûmer  deL.  Lange  sous  le  titre  :  Histoire  intérieure  de  Rome,  traduite 
par  MM.  A.  Berthelot  et  Didier.  L'ouvrage  formera  deux  volumes 
paraissant  en  fascicules  à  1  fr.  25. 

—  Le  premier  fascicule  des  Mémoires  publiés  par  les  membres  de  la 
mission  archéologique  française  au  Caire,  contenant  les  articles  suivants  : 
Bouriant,  Deux  jours  de  fouilles  à  Tell-el-Amarna  ;  Loret,  Le  tombeau 
et  la  stèle  do  l'Am-xent  Amen-hotep  ;  Bouriant,  L'église  copte  du  tom- 
beau  de  Déga  ;  Dulac,  Quatre  contes  arabes  en  dialecte  cairote  ;  Loret, 
La  tombe  de  Kbam-ba  (Leroux). 

—  Nous  possédions  déjà  une  bonne  traduction  de  l'important  ouvrage 
de  sir  Henry  Sumner  Maine  sur  les  Institutions  primitives;  il  vient  de 
paraître  à  la  même  librairie  (Thorin)  une  traduction  d'une  nouvelle 
série  à'Études  sur  l'ancien  droit  et  la  coutume  primitive.  Ce  sont  des 
articles  détachés,  mais  réunis  cependant  par  une  idée  commune,  celle 
de  l'unité  fondamentale  des  coutumes  de  tous  les  peuples  indo-euro- 
péens et  de  la  nécessité  de  remonter  aux  origines  pour  comprendre  les 
institutions  des  divers  peuples  sortis  de  la  souche  aryenne.  M.  Sumner 
Maine  n'est  pas  le  fondateur  de  la  science  comparée  du  droit;  on  peut 
dire  cependant  qu'il  a  porté  dans  cette  science  un  esprit  novateur,  et 
que  son  sens  historique  très  pénétrant  l'a  embrassée  avec  plus  d'am- 
pleur qu'on  ne  l'avait  fait  avant  lui.  A  ce  titre,  il  est  un  maître  et  un 
créateur. 

—  On  lira  avec  intérêt  les  notes  biographiques  de  M.  Hild  sur  Juvé- 
nal  (Leroux,  60  p.  in-8°).  M.  Hild  place  la  naissance  de  Juvénal  vers  57, 
la  composition  de  ses  satires  sous  Trajan,  Hadrien  et  Antonin,  nie 
qu'il  ait  été  exilé  comme  le  prétendent  tous  ses  biographes,  et  ne  voit 
dans  ses  satires  les  plus  virulentes  que  des  exercices  de  rhétorique 
composés  impunément  en  un  temps  de  liberté,  après  la  mort  de  tous 
ceux  qui  auraient  pu  s'en  offenser. 

—  M.  Thédenat  a  donné  une  bonne  traduction  de  la  remarquable 
Étude  sur  le  camp  et  la  ville  de  Lambèse,  par  G.  Wilmanns  (Thorin, 
75  p.  in-8°). 

—  Dans  ses  Remarques  sur  les  Formules  du  Curator  et  du  Defensor 
civitatis  dans  Cassiodore  (Mélanges  de  l'École  française  de  Rome,  t.  IV), 
M.  Ch.  Léciuvain  montre  que  ces  fonctionnaires  étaient  spécialement 
chargés  des  questions  relatives  à  l'approvisionnement  et  au  prix  des 
denrées. 

—  M.  Ch.-Émile  Ruelle  vient  de  faire  paraître  la  3e  livraison  de  la 
Bibliographie  générale  des  Gaules,  qui  contient  la  première  partie  du 
catalogue  alphabétique  par  noms  d'auteurs  (A-GU),  les  deux  premières 
parties  contenant  déjà  le  catalogue  méthodique. 

—  M.  A.  Brun  vient  de  publier  à  Marseille  (Lebon)  et  à  Toulon 
(Isnard)  une  Histoire  de  Saint^-Nazaire  (au  département  du  Var)  où 
l'on  trouve  quelques  notes  sur  l'itinéraire  ancien  de  Toulon  à  Marseille. 


CHRONIQUE    ET   BIBLIOGRAPHIE.  219 

—  M.  Henri  Jadaht,  secrétaire  général  de  l'académie  de  Reims,  a 
consacré  une  intéressante  étude  de  70  p.  à  Buridan,  jurisconsulte  du 
xvir'  s.,  professeur  de  droit  à  l'université  de  Reims  et  commentateur 
des  coutumes  du  Vermandois. 

—  Les  OE iirrc s  </<•  l.  de  Longpérier,  réunies  par  M.  Gust.  Schlumber- 
ger,  et  les  OEuvres  de  A.  J.  Letronne,  par  M.  E.  Fagnan,  sont  aujour- 
d'hui complètes,  chaque  ouvrage  en  6  vol.  (Leroux). 

—  M.  l'abbé  Axbanbs,  historiographe  du  diocèse  de  Marseille,  vient 
de  faire  paraître  l'Armoriai  sigiltographique  des  évêques  de  Marseille, 
avec  des  notices  historiques  sur  chacun  de  ces  prélats,  et  plusieurs 
documents  inédits,  dont  deux  du  œ«  s, 

—  La  librairie  Hachette  vient,  de  donner  une  4e  édit.  de  Louis  XIV  i  t 
Strasbourg,  par  M.  Legrelle. 

—  M.  E.  Miller,  de  l'Institut,  vient  de  publier  le  catalogue  des  mss. 
grecs  de  la  Bibliothèque  nationale  de  Madrid  :  mss.  N.  126-141  et  0. 
1-103  ;  c'est  un  supplément  aux  II.  Bibliothecae  Matritensis  codices  graeci 
d'Iriarte.  Il  fait  partie  du  t.  XXXI  des  Notices  et  extraits  des  mss. 

—  Depuis  le  commencement  de  l'année  1884,  la  Société  d'émulation 
de  l'Auvergne  publie  une  Revue  d'Auvergne  (Clermont-Ferrand,  G.  Mont- 
Louis).  Dans  les  deux  numéros  déjà  parus,  on  trouve  une  bonne  étude 
de  M.  Fr.  Mège  sur  un  prêtre  révolutionnaire,  Pascal  ('. rimaud. 

—  La  librairie  Hachette  vient  de  mettre  en  vente  la  lre  livraison  de 
l'Atlas  historique  de  la  France  depuis  César  jusqu'à  nos  jours,  par 
M.  Auguste  Longnon.  Il  comprend  :  1°  la  Gaule  à  l'arrivée  de  César; 
une  petite  carte  annexe  représente  la  division  do  la  Gaule  au  temps 
d'Auguste  ;  2°  la  Gaule  vers  l'an  400  de  notre  ère  ;  une  carte  annexe 
indique  la  répartition  des  cités  de  la  Gaule  selon  les  tribus  romaines. 
Les  planches  3  et  4  contiennent  18  cartes  représentant  la  division 
ecclésiastique  de  la  Gaule  sous  les  Mérovingiens  et  les  différents  par- 
tages de  l'empire  franc  du  vie  au  vme  s.  Ces  cartes  figuraient  déjà  pour 
la  plupart  dans  la  Géographie  de  la  Gaule  au  VIe  s.,  du  même  auteur. 
Enfin  la  planche  5  donne  la  carte  de  la  Gaule  et  des  pays  voisins  sous 
Gharlemagne,  lors  du  partage  de  800.  L'Atlas  est  accompagné  d'un  fas- 
cicule contenant  le  texte  explicatif  des  planches.  Ce  fascicule  contient, 
outre  l'introduction,  la  liste  complète  des  peuples  de  la  Gaule  vers  l'an 
58  avant  J.-C,  le  texte  de  la  Notitia  dignitatum  relatif  à  notre  pays, 
une  liste  générale  de  tous  les  noms  géographiques  inscrits  sur  la  carte 
de  la  Gaule  vers  l'an  400  ;  enfin  une  liste  alphabétique,  avec  les  équi- 
valents modernes,  des  noms  qui  figurent  sur  la  carte  de  l'an  806.  L'ou- 
vrage entier  paraîtra  en  7  livraisons  de  5  planches  chacune,  avec  un 
fascicule  du  texte.  On  assure  qu'il  paraîtra  au  moins  une  livraison 
par  an.  Il  sera  bon  de  rectifier  dans  les  tirages  subséquents  la  position 
de  Florence  et  de  Fiesole. 

—  Le  dernier  ouvrage  de  F.  Lenormant,  les  Origines  de  l'histoire 
d'après  la  Bible  et  les  traditions  des  peuples  orientaux,  vient  de  paraître 
dans  une  nouvelle  édition  en  3  vol.  in-12  (Maisonneuve). 


220  «IRONIQUE    ET    BIBLIOGRAPHIE. 

—  M.  A. -S.  Morin  a  réuni  en  volume  sous  le  titre  d'Essais  des  cri- 
tiques religieuses  (Alean)  une  série  de  courtes  études,  qui  roulent  pour 
la  plupart  sur  le  christianisme  primitif  et  sur  le  rôle  religieux  du 
catholicisme. 

—  M.  Lecoy  de  La  Marche  vient  de  publier  chez  Quantin  (biblio- 
thèque de  l'enseignement  des  beaux-arts)  un  livre  sur  les  Manuscrits  et 
la  miniature,  qui  paraîtra  imparfait  aux  gens  du  métier,  mais  où  le 
"rand  public  trouvera  plus  d'une  notion  utile,  présentée  d'une  façon 
claire  et  agréable.  Mentionnons  aussi,  dans  la  même  collection,  une 
Histoire  de  la  musique,  de  M.  H.  Lavoix. 

—  Le  P.  De  Smedt  a  entrepris  de  publier,  comme  supplément  aux 
Analecta  Bollandiana,  un  catalogue  des  mss.  hagiographiques  de  la 
bibliothèque  royale  de  Bruxelles. 

—  M.  le  comte  de  Marsy  a  résumé,  en  la  critiquant,  la  vie  de  Pierre 
l'Ermite  par  M.  Hagenmeyer,  dans  un  livre  intitulé  :  Pierre  l'Ermite, 
son  histoire  et  sa  légende. 

—  Depuis  1884  parait  sous  la  direction  de  M.  Berthelé,  archiviste 
des  Deux-Sèvres,  à  Niort,  une  Revue  poitevine  et  saintongeaise. 

—  MM.  H.  Thédenat  et  Héron  de  Villefosse  ont  commencé  un 
ouvrage  intitulé  :  les  Trésors  de  vaisselle  d'argent  trouvés  en  Gaule,  qui 
paraîtra  par  fascicules  in-4°  avec  des  planches  en  héliogravure  et  des 
figures  intercalées  dans  le  texte  ;  le  1er  fasc.  est  déjà  publié  (Bulletin 
critique,  1er  oct.  1884).  —Ils  viennent  en  outre  de  donner  chez  Cham- 
pion le  recueil  complet  des  Inscriptions  latines  de  Fréjus. 

—  Parmi  les  mémoires  qui  composent  le  t.  XLIV  des  Mémoires  de 
la  Société  nationale  des  Antiquaires  de  France,  on  trouve  le  texte  inédit 
d'une  vie  de  saint  Tudual  attribuée  au  vie  s.,  que  publie  M.  A.  de  Bar- 
thélémy; il  est  intéressant  pour  la  géographie  ancienne  du  nord  de 
l'Armorique. 

—  Parmi  les  publications  prochaines  annoncées  par  la  Société  des 
anciens  textes  français,  citons  les  OEuvres  poétiques  de  Philippe  de  Rémi, 
sire  de  Beaumanoir,  éditées  par  M.  Suchier,  et  les  Contes  de  Boson, 
recueil  intéressant,  dont  l'étude  jettera  un  jour  nouveau  sur  la  forma- 
tion du  recueil  célèbre  sous  le  titre  de  Gesta  Romanorum.  La  Société 
va  bientôt  mettre  en  distribution  le  t.  IV  d'Eustache  Deschamps. 

—  M.  le  vicomte  Guy  de  Brémond  d'Ars  a  fait  paraître  en  volume 
les  intéressants  articles  publiés  dans  le  Correspondant  sous  le  titre  :  le 
Père  de  Madame  de  Rambouillet  :  Jean  de  Vivonne  ;  sa  vie  et  ses  ambas- 
sades près  de  Philippe  II  et  à  la  cour  de  Rome  (Pion  et  Nourrit). 

M.  F.  Kchn  termine  dans  un  troisième  volume  son  ouvrage  sur 

Luther,  sa  rie  et  son  œuvre  (Sandoz  et  Thuillier).  Nous  avons  déjà  dit 
les  mérites  et  les  lacunes  de  cette  œuvre  (Rev.  hist.,  XXVI,  128).  Les 
uns  et  les  autres  sont  surtout  sensibles  dans  ce  dernier  volume,  mais 


CHRONIQUE    ET    BIBLIOGRAPHIE.  221 

la  grandeur  et  le  charme  de  la  ligure  de  Luther  y  sont  rendus  avec 
une  émotion  communicative. 

—  Sous  le  titre  :  la  Hollande  et  la  liberté  de  penser  au  XVIIe  et  au 
XVIIIe  s.,  avec  une  introduction  de  L.  Ulbach  (G.  Lévy),  on  vient  de 
puhlier  les  trois  mémoires,  ou  plutôt  les  trois  discours  de  MM.  Parrut- 
Larivière,  Hora-Siccana  et  L.  Fortoul  sur  le  sujet  mis  au  concours 
par  l'Association  littéraire  internationale. 

—  M.  le  comte  de  Rliset  vient  de  publier  chez  Didot  le  Livre-Jour- 
nal de  M*»8  Étoffe,  couturière-lingère  ordinaire  de  la  reine  Marie-Antui- 
nette  et  des  dames  de  sa  cour,  1787-93.  (2  vol.  in-4°;  prix,  GO  fr.) 

—  M.  G.  Tardy  vient  de  consacrer  une  courte  notice,  contenant 
quelques  documents  intéressants,  à  l'abbé  Jallet,  curé  de  Chevigné 
(Niort,  Glouzot,  26  p.  in-8°),  celui  des  députés  du  clergé  aux  états  géné- 
raux qui,  le  premier,  se  réunit  aux  députés  du  tiers. 

—  M.  Marcellin  Pellet  a  continue,  dans  le  journal  la  République 
française,  la  série  des  Variétés  révolutionnaires  commencée  par  Louis 
Combes  et  par  G.  Avenel.  Il  vient  de  réunir  en  volume  ces  Variétés 
révolutionnaires  (F.  Alcan),  qui  commencent  aux  Almanachs  de  la 
Révolution  et  nous  conduisent  jusqu'à  la  propagande  philosophique 
sous  la  Restauration.  Rien  que  la  plupart  de  ces  articles  soient  des 
comptes-rendus  d'ouvrages,  ils  .sont  écrits  par  un  homme  qui  a  une 
connaissance  personnelle  très  sérieuse  des  documents  du  temps,  et  qui 
a  vu  ces  petits  côtés  de  l'histoire  qui  lui  donnent  la  vie.  Si  nous  repre- 
nions un  à  un  avec  lui  les  divers  sujets  qu'il  traite,  nous  aurions  plus 
d'un  sujet  de  discussion.  Nous  trouverions  qu'il  flatte  trop  M""-"  Dubarry 
et  ne  fait  pas  bénéficier  les  royalistes  des  circonstances  atténuantes 
qu'il  accorde  volontiers  aux  révolutionnaires,  qu'il  n'a  pas  mis  en 
lumière  les  côtés  très  neufs  et  curieux  de  l'œuvre  d'A.  Schmidt,  etc.; 
mais  nous  préférons  nous  féliciter  de  voir  rentrer  dans  la  carrière  litté- 
raire et  historique  l'auteur  des  deux  monographies  sur  Loustallot  et 
sur  les  Actes  des  Apôtres,  parues  il  y  a  tantôt  17  ans.  —  M.  Ranc, 
dans  la  préface  qu'il  a  mise  au  livre  de  M.  P.,  accuse  M.  Taine  de 
n'avoir  pas  tenu  compte  de  ia  démonstration,  faite  par  M.  Robinet,  de 
l'intégrité  de  Danton  au  point  de  vue  de  l'argent.  M.  Taine  a  pris  soin 
de  consacrer  une  note  de  son  3e  volume  à  signaler  et  à  réfuter  la 
démonstration  de  M.  Robinet.  On  peut  trouver  que  la  réfutation  n'est 
pas  probante,  mais  on  ne  peut  accuser  M.  Taine  d'avoir  jugé  Danton 
sans  loyauté.  On  peut  trouver  M.  Taine  partial  ;  cette  partialité  tient  à 
la  nature  même  de  son  tempérament  et  de  son  esprit,  elle  fait  sa  puis- 
sance et  ses  lacunes  ;  mais  il  est  impossible  de  méconnaître  la  cons- 
cience et  la  sincérité  qu'il  apporte  dans  ses  recherches  et  ses  jugements. 

—  Sous  le  titre  :  Une  Académie  sous  le  Directoire  (G.  Lévy),  M.  J.  Simon 
a  consacré  un  livre  charmant  à  l'histoire  de  la  seconde  classe  de  l'Insti- 
tut, celle  des  sciences  morales,  la  première  forme  de  L'Académie  des 
sciences  morales  et  politiques.  Née  d'une  pensée  de  Mirabeau,  qui  la 


222  CHRONIQUE    ET    UTRLIOGRAPHIE. 

concevait  comme  une  section  de  philosophie,  cette  classe  des  sciences 
morales  eut  une  éphémère  et  brillante  existence,  car,  après  la  section  des 
sciences,  c'est  elle  qui  contenait  le  plus  grand  nombre  d'hommes  émi- 
nents.  C'est  précisément  la  valeur  des  hommes  qui  y  étaient  réunis  et 
leur  esprit  d'indépendance  qui  la  désignèrent  à  l'hostilité  de  Bonaparte, 
et  qui  amenèrent  sa  suppression.  M.  J.  Simon  a  raconté  dans  ce  livre 
un  épisode  intéressant  de  l'histoire  de  l'Institut,  une  des  créations 
révolutionnaires  qui  font  assurément  honneur  à  la  Convention. 

—  M.  P.  Bonassieux,  dont  nous  avons  signalé  à  plusieurs  reprises  les 
études  sur  l'histoire  administrative  et  économique  du  xvme  s.,  vient  de 
publier  encore  un  travail  très  intéressant  sur  les  Cahiers  de  89  au  point 
de  vue  industriel  et  commercial  (Berger-Levrault).  Il  fait  ressortir  avec 
raison,  en  même  temps  que  les  erreurs  économiques  commises  par 
les  rédacteurs  des  cahiers,  les  idées  justes  qu'ils  renfermaient,  et  dont 
les  meilleures  ont  été  réalisées  par  la  Constituante. 

—  Le  3e  volume  des  Mémoires  du  baron  de  Vitrolles  (Charpentier), 
publié  par  M.  E.  Forcues,  est  de  beaucoup  le  plus  remarquable  de  tout 
l'ouvrage.  Non  seulement  il  contient  un  portrait  de  Talleyrand  qui  est 
un  chef-d'œuvre,  mais  il  nous  donne  sur  les  premières  années  de  la 
Restauration,  sur  le  rôle  de  Fouché,  du  duc  de  Richelieu,  de  M.  De- 
cazes,  sur  la  faiblesse  et  l'apathie  de  Louis  XVIII,  sur  Mme  de  Caylus, 
sur  la  fondation  du  Conservateur  et  sur  la  part  qu'y  prirent  Chateau- 
briand et  Lamennais,  enfin  sur  la  révolution  de  1830,  les  détails  les 
plus  curieux  et  les  jugements  les  plus  originaux.  Le  témoignage  de 
M.  de  Vitrolles  est  indispensable  pour  comprendre  le  rôle  de  l'extrême 
droite  sous  la  Restauration  et  l'anarchie  d'idées  politiques  qui  a  amené 
la  révolution  de  Juillet. 

—  Le  3e  volume  de  la  Correspondance  de  M.  de  Rémusat  (Lévy)  est 
surtout  important  pour  la  connaissance  du  caractère  de  l'homme.  Il 
nous  apparaît  à  vingt  ans  dans  tout  le  charme  de  sa  jeunesse  épanouie, 
spirituel  et  sérieux,  amoureux  et  raisonneur,  un  des  meilleurs  repré- 
sentants de  la  France  ressuscilée  et  heureuse  de  vivre  au  sortir  de  la 
prison  de  l'empire. 

—  Le  t.  X  des  Discours  et  plaidoyers  politiques  de  M.  Gambetta,  publié 
par  M.  J.  Reinach,  s'étend  du  9  novembre  1881  au  2ô  janvier,  1882, 
c'est-à-dire  qu'il  contient  tous  les  discours  se  rapportant  au  ministère 
du  14  novembre.  L'appendice  naturel  de  ce  volume  est  formé  par  tous 
les  projets  de  loi  préparés  par  le  cabinet  dont  M.  Gambetta  était  le 
chef.  Ce  volume,  d'un  intérêt  exceptionnel,'  contient,  comme  on  le  voit, 
les  preuves  et  documents  du  livre  de  M.  Reinach  sur  le  Ministère  du 
14  novembre. 

—  La  librairie  Oudin  publie  un  bon  livre  de  vulgarisation,  Nos  petites 
colonies.  Les  auteurs,  MM.  F.  Hue  et  G.  Haurigot,  n'ont  pas  craint  de 
présenter  au  public  tout  un  volume  sur  des  possessions  dont  bien  des 
noms  restent  encore  ignorés  de  lui.  Aussi  se  sont-ils  attachés  à  en 


CHRONIQUE    ET    BIBLIOGRAPHIE.  223 

rendre  la  lecture  attrayante  par  Le  détail  pittoresque.  Après  la  descrip- 
tion géographique,  la  plus  large  place  est  faite  au  tableau  des  mœurs, 
coutumes,  légendes  même;  et  il  est  mutile  d'indiquer  la  variété  de 
pages  qui,  successivement,  dépeignent  la  sauvagerie  des  Gabonais,  la 
douceur  des  Tahitiens,  les  élégances  de  la  Société  créole  de  Pondichéry, 
la  rude  vie  des  habitants  iixes  ou  passagers  de  Saint-Pierre  et  Mique- 
lon.  Les  renseignements  précis  qu'exige  tout  ouvrage  de  géographie, 
sur  la  statistique,  les  productions,  le  mouvement  du  commerce  ont 
pris  aux  sources  en  général;  enfin  l'histoire  de  la  colonisation  est 
nettement  traitée  et  avec  d'intéressants  récits.  Depuis  la  composition 
de  l'ouvrage,  quelques  additions  ou  corrections  sont  devenues  néces- 
saires, surtout  au  sujet  d'Obock  et  de  Porto-Novo  ;  et  la  cession  aux 
Anglais  de  nos  établissements  de  la  côte  de  Guinée  ne  nous  semble 
plus  à  craindre.  Nous  ne  pouvons  que  souhaiter  sur  le  reste  de  notre 
empire  colonial  la  continuation  d'un  travail  bien  fait  pour  intéresser  le 
grand  public. 

—  Le  Dr  Gabriel  Legt  i;  a  publié  une  nouvelle  édition  revue  et  aug- 
mentée de  son  intéressant  livre  sur  Urbain  Grandier  et  les  possédées  de 
Loudun  (Charpentier,  348  p.  in-12).  Ce  n'est  nullement  une  apologie  de 
Grandier  ;  M.  L.  ne  cache  ni  ses  vices  ni  ses  fautes;  mais,  en  analysant 
dans  le  plus  grand  détail  l'odieuse  procédure  dont  le  curé  de  Loudun 
fut  victime,  les  phénomènes  hystériques  dont  le  couvent  des  Ursulines 
fut  le  théâtre  et  le  déploiement  d'ineptie  et  de  férocité  dont  cette  épidé- 
mie fut  l'occasion,  il  a  écrit  un  chapitre  des  plus  attachants  et  des  plus 
lugubrement  instructifs  sur  l'histoire  de  la  justice,  de  l'administration 
et  du  cierge  au  xvne  s. 

—  M.  E.  Hatix  a  publié,  sous  le  titre  :  l'Histoire,  la  Fantaisie  et  la  Fata- 
lité (Féchoz,  16  p.  in-8°),  une  mordante  critique  du  livre  de  M.  Gilles 
de  la  Tourette  sur  Renaudot.  On  se  convaincra  en  lisant  ces  pi 
piquantes  que  la  Revue  historique  avait  été  trop  indulgente  pour  M.  de 
la  Tourette  et  que  la  Revue  critique  n'avait  pas  été  trop  sévère  envers  lui. 

—  La  collection  de  biographies  qui  paraît  chez  Picard-Bernheim 
sous  le  titre  :  les  Grands  Français,  s'est  enrichie  de  deux  bonnes  bio- 
graphies de  Vauban  et  de  Villars  par  M.  Bondojs. 

—  M.  Melchior  de  Vogué  a  réuni  en  volume  les  remarquables  études 
sur  l'histoire  russe  qu'il  a  publiées  dans  la  Revue  des  Deux-Mondes  [h 
Fils  de  Pierre  le  Grand,  Mazeppa,  Un  Changement  de  règne,  C.  Lévy, 
363  p.  in-12).  M.  de  Vogué  n'est  pas  seulement  un  historien* intéressant 
qui  travaille  sur  les  documents  originaux,  c'est  un  écrivain  de  talent, 
un  fin  psychologue  qui  connaît  à  fond  la  Russie  et  les  Russes,  aussi 
fait-il  revivre  les  scènes  qu'il  raconte  avec  l'exactitude  d'un  critique  et 
la  magie  d'un  romancier. 

—  M.  J.-A.  Petit  continue  intrépidement  son  Histoire  contemporaine 
de  la  France  (Palmé)  :  le  t.  VII,  consacré  à  la  Restauration  et  aux 
Cent-Jours,  vient  de  paraître. 


■22',  CHRONIQUE    ET    BIBLIOGRAPHIE. 

—  La  librairie  Dourlacher  a  mis  en  vente  une  Histoire  des  écoles  com- 
munales et  consistoriales  Israélites  de  Paris,  de  1809  à  1884,  par  M.  Léon 
Kahn. 

—  Le  livre  de  M.  Cb.  de  RinnE  :  Le  Play  d'après  sa  correspondance 
(Didot,  454  p.  in-L2),  est  d'une  lecture  un  peu  difficile  à  cause  de  l'in- 
cohérence de  sa  composition.  Ce  sont  des  souvenirs  personnels  jetés  au 
courant  de  la  plume,  où  abondent  les  répétitions  et  les  digressions.  On 
y  apprend  néanmoins  à  mieux  connaître,  surtout  par  ses  lettres,  cet 
homme  supérieur,  ce  noble  penseur,  cet  homme  de  bien,  dont  l'influence 
n'a  pas  été  malheureusement  aussi  grande  qu'elle  aurait  pu  et  dû  l'être. 
La  solidarité  qui,  en  partie  par  la  faute  de  Le  Play,  mais  aussi  par 
la  faute  des  libéraux  de  l'école  révolutionnaire,  s'est  établie  entre 
les  doctrines  de  Le  Play  et  les  doctrines  catholiques,  a  confiné  son 
influence  dans  un  petit  cercle  d'adhérents,  dans  une  sorte  de  petite 
église.  Les  idées  de  réforme  sociale  de  Le  Play  méritaient  une  meilleure 
destinée  et  son  grand  ouvrage  sur  les  ouvriers  européens  n'a  pas  la 
renommée  qu'il  mérite. 

—  La  Patrie  Hongroise  par  Mme  Edmond  Adam  [Nouvelle  Bévue,  323  p. 
in-8°)  n'est  pas  un  livre  d'histoire  ;  mais  ces  attrayants  et  enthousiastes 
souvenirs  de  voyage  renferment  beaucoup  d'utiles  renseignements  sur 
l'histoire  politique  de  la  Hongrie  pendant  ces  quarante  dernières  années 
et  surtout  sur  les  hommes  qui  ont  fait  la  Hongrie  actuelle.  Si  l'on 
s'étonne  quelque  peu  de  voir  un  seul  pays  produire  un  si  grand  nombre 
de  héros  immaculés,  il  est  aisé  de  faire,  dans  les  portraits  tracés  par 
Mme  Adam,  la  part  de  la  reconnaissance  due  à  des  hôtes  qui  n'ont  rien 
épargné  pour  fêter  la  France  et  sa  gracieuse  représentante. 

Livres  nouveaux.  —  Documents.  —  H.  Stein.  Les  archives  de  Maisse  (Seine- 
et-Oise).  Menu  (Annales  de  la  Soc.  hist.  et  arch.  du  Gàtinais).  —  Demaison. 
Document  inédit  sur  une  assemblée  d'états  convoquée  à  Amiens  en  1 424 .  Reims, 
impr.  Monce. —  La  ligue  à  Metz;  extrait  des  archives  de  François  Buffet, 
ministre  de  S.  E.  à  Metz.  1580-88.  Pilet  et  Dumoulin.  —  Douglas  et  Roman. 
Actes  et  correspondance  du  connétable  de  Lesdiguières;  t.  II  et  III.  Grenoble, 
impr.  Allier.  —  La  guerre  d'Estampes  en  1652,  par  R.  Hémard;  relation  inédite 
publiée  par  P.  Pinson.  Champion  (Annales  de  la  Soc.  hist.  et  arch.  du  Gàti- 
nais). —  Comte  de  Marsy.  Obituaire  et  livre  des  distributions  de  l'église  cathé- 
drale de  Beauvais,  xme  s.  Beauvais,  impr.  Père  (extrait  du  t.  XII  des  Mém.  de 
la  Soc.  acad.  de  l'Oise).  —  Ledieu.  Archives  d'Abbeville.  Inventaire  analy- 
tique des  dénombrements  de  seigneuries.  Amiens,  Hecquet  ;  Paris,  Picard.  — 
Finot.  Inventaire  sommaire  des  archives  de  l'hôpital  de  Comine,  dép.  du  Nord. 
Lille,  imp.  Danel.  —  Kerviler.  Documents,  pour  servir  à  l'histoire  de  Saint- 
Nazaire,  chap.  2  :  les  délibérations  du  général  de  la  paroisse.  2e  série  :  1759-90. 
Saint-Nazaire,  imp.  Girard.  —  Mavidal  et  Laurent.  Archives  parlementaires, 
de  1787  à  1860;  lre  série,  t.  XIX  :  du  16  sept,  au  23  oct.  1790.  P.  Dupont.  — 
Archives  historiques  de  la  Gironde,  t.  XXIII.  Bordeaux,  imp.  Gounouilhou.  — 
Cabié.  Chartes  de  coutumes  inédites  de  la  Gascogne  toulousaine  (fasc.  5  des 
archives  hist.  de  la  Gascogne).  Champion.  —  Inventaire  sommaire  des  archives 
départementales  de  la  Sarthe,  antérieures  à  1790,  par  V.  Duchemin.  Série  H; 


cnRONIQUE    ET    BIBLIOGRAPHIE.  228 

fin;  t.  IV.  Le  Mans,  impr.  Monnoyer.  —  Laval.  Cartulaire de  l'université  d'Avi- 
gnon, 1303-1791.  Avignon,  Seguin. 

Histoire  locale.  —  Loth.  L'assemblée  du  clergé  de  Rouen  pour  [es  états 
généraui  de  1789.  Rouen,  impr.  Cagniard.  —  Noyélle.  Basoche  cl  basochiens  à 
Amiens  au  xvic  s.  Amiens,  impr.  Douille!  (Mém.  de  la  Soc.  des  ant.  de  Picar- 
die, t.  XXVIII).  —  Betioist.  Notice  historique  et  statistique  sur  Mary-sur-Marne. 

Meaui,  Le  Blondel.  —  Bizouard.  Histoire  de  l'hôpital  d'Aux ie,  1374-1884. 

Dijon,  Grigne.  —  Tolra  de  Bordas.  L'ordre  de  Saint-François  d'Assise  en  Rous- 
sillon;  fragments  et  récils  sur  l'histoire  ecclésiastique  du  diocèse  d'Elne.  Per- 
pignan,  Latrobe;  Paris,  Palmé.  —  Bérard.  Étude  historique  et  archéologique 
sur  l'abbaye  de  Thoronet,  Var.  Avignon,  Seguin.  —  Fichot.  Statistique  monu- 
mentale du  dfiMileni.Mil  de  l'Aube;  t.  I.  Paris,  Quanlin  ;  Troyes,  Lacroix.  — 
Fleuri/.  Notes  historiques  sur  le  vieux  collège  de  Mainers.  Mamers,  Fleury  et 
Dangin. — Mugnier.  Chronologies  pour  les  études  historiques  en  Savoie.  Cham- 
béry,  impr.  Ménard  (Mém.  et  Doc.  publiés  par  la  Soc.  savoisienne  d'hist.  et 
d'arch.).  —  Delpech.  Le  Roussillon  avant  la  Révolution  el  le  maréchal  de  Mailly, 
gouverneur  de  cette  province,  17G3-89.  Amiens,  impr.  Yvert.  —  Le  Boucq  de 
Ténias.  Recueil  de  la  noblesse  des  Pays-Bas,  de  Flandre  et  d'Artois.  Douai, 
impr.  Dechristé.  —  Lauzun.  Le  château  de  Bonaguil  en  Agenais  ;  description 
et  histoire,  2e  édit.  Champion.  —  Pag  art  d'Hermaasarl.  La  ghisle  ou  la  Cou- 
tume de  Merville,  1451.  Saint-Omer,  impr.  d'Homont  (extrait  du  t.  XIX  des 
Mém.  de  la  Soc.  des  Antiq.  de  la  Morinie).  —  Penjon.  Cluny  ;  la  ville  et  l'ab- 
baye. 2e  édit.  Cluny,  Renaud-Bressoud.  —  Puech.  Une  ville  au  temps  jadis,  ou 
Nîmes  à  la  fin  du  xvic  s.,  d'après  le  compois  de  1592  et  des  documents  iné- 
dits. Nîmes,  Grimaud.  —  P.  de  Cymos.  Histoire  de  la  Corse,  depuis  les  ori- 
gines jusqu'en  150G;  traduite  pour  la  première  fois  par  A.  Tozza.  Bastia,  Olla- 
gnier.  —  Labat.  Documents  sur  la  ville  de  Royan  et  la  Tour  de  Cordouan, 
1622-1789.  Bordeaux,  impr.  Gounouilhou.  —  Antoine.  Histoire  du  Forez.  Saint- 
Etienne,  Chevalier.  —  léraud.  L'ancien  château  féodal  d'Orange.  Tours,  impr. 
Bousrez  (congrès  de  la  Soc.  franc,  d'arch.,  sept.  1882).  —  Goiflon.  Villeneuve- 
lez-Avignon  ;  son  abbaye,  sa  chartreuse,  ses  établissements  religieux,  sa 
paroisse.  Nîmes,  Gervais-Bedot.  —  Lallië.  Les  prisons  de  Nantes  pendant  la 
Révolution.  Nantes,  imp.  Forest  et  Grimaud  (Rev.  de  Bret.  et  de  Vendée,  1883). 
—  Lefèvre.  La  seigneurie  et  l'église  de  Champreuil,  arrond.  de  Corbeil.  Fon- 
tainebleau, impr.  Bourges.  —  Le  Gros.  Vie  de  saint  Clair,  prêtre  et  martyr, 
précédée  d'une  notice  historique  sur  Saint-Clair-s.-Epte.  Saint-Clair,  Périer.  — 
P.  de  Yerax.  Notice  sur  la  seigneurie  de  Masoncles  en  Charollais.  Lyon,  impr. 
générale.  —  Legeay.  Recherches  historiques  sur  Saint-Pavin-des-Champs, 
Maine.  Le  Mans,  impr.  Monnoyer  (Soc.  d'agricult.  sciences  et  arts  de  la  Sarthe. 
Bulletin).  —  Batault.  Notice  historique  sur  les  hôpitaux  de  Chalon-sur-Saône 
avant  1789.  Chalon,  Mulcey  ;  Paris,  Lechevalier  et  Champion.  —  Plantai. 
Monographie  d'Araches  (mémoires  et  documents  publiés  par  l'Académie  salé- 
sienne  t.  VII).  —  Bordas.  Histoire  sommaire  du  Dunois,  de  ses  comtes  et  de 
sa  capitale.  2  vol.  Châteaudun,  Pouillier  et  Dieudonné.  —  Talion.  Catalogue 
des  prieurs,  curés  et  vicaires  de  l'église  de  Saint-Picrre-ès-liens  de  Vans,  1349- 
1804.  Privas,  imp.  du  Patriote.  —  Benoist.  Lizy-sur-Ourcq;  la  seigneurie  au 
xvmc  s.  Meaux,  impr.  Destouches  (Bulletin  de  la  société  d'arch.  de  Seine-et- 
Marne).  —  Brassart.  La  féodalité  dans  'le  nord  de  la  France  :  bans  et  arrière- 
bans  dans  la  Flandre  wallonne  sous  Charles  le  Téméraire  et  Maximilicn  d'Au- 
triche. Douai,  Crépin  (extrait  du  t.  IV,  2"  série,  des  souvenirs  de  la  Flandre 
wallonne).  —  Dutilleux  et  Depoin.  L'abbaye  de  Maubuisson  ;  histoire  et  car- 
Rev.  Histor.  XXVII.  1er  fasc.  15 


22!i  CHRONIQUE    ET    BIBLIOGRAPHIE. 

liilairc.  Pontoise,  impr.  Paris  (soc.  hist.  du  Vexin;  documents).  —  Rogeron.  Les 
fortiiications  et  la  tour  de  César  à  Provins,  notice  historique.  Provins,  Vernant. 

—  Bulliat.  Chartreuse  et  seigneurie  du  Val  Saint-Martin  de  Sélignac,  près  de 
Bourg-en-Bresse.  Paris,  impr.  Philipona.  —  Drochon.  L'ancien  archiprètré  de 
Parthenay.  Visites  des  paroisses,  1598-1740.  Poitiers,  Oudin.  —  Dumas  de 
Baulij.  Détails  historiques  sur  le  prieuré  bénédictin  de  N.-D.  de  la  Daurade 
de  Toulouse.  Toulouse,  impr.  Chauvin.  —  Hu.  Le  bailliage  seigneurial  de  Pont- 
levoy.  I  :  impôts  royaux  et  droits  seigneuriaux.  Blois,  impr.  Marchand.  — 
/.  Le  Fizelier.  Études  et  récits  sur  Laval  et  le  Bas-Maine.  Laval,  impr.  Moreau. 

—  Lacaze.  Les  imprimeurs  et  les  libraires  en  Béarn,  1552-1883.  Pau,  impr. 
Véronèse  (Bulletin  de  la  Société  des  sciences,  lettres  et  arts  de  Pau).  —  Dic- 
tionnaire historique  et  archéologique  du  Pas-de-Calais  ;  t.  III.  Arras,  Sueur- 
Charruey.  —  Gap.  Essai  sur  l'administration  municipale,  judiciaire  et  militaire 
delà  commune  de  Séguret,  avant  1790.  Picard  (Bulletin  hist.  etarch.  de  Vau- 
cluse).  —  Vannier.  Histoire  du  prieuré  de  Saint-Nicolas  du  Marteroy  de  Vesoul, 
de  l'église  de  Saint-Georges  et  de  l'insigne  chapitre  de  N.-D.  de  Calmontier. 
Vesoul,  impr.  Varignault. 

Biographies.  —  Imbert  de  Saint- Amand.  Les  femmes  des  Tuileries;  la  cour 
de  l'impératrice  Joséphine.  Dentu.  —Josse.  Biographie  de  Mlle  fiallu,  fondatrice 
de  l'hôpital  de  Montdidier,  1677-1741.  Amiens,  impr.  Douillet  (Mém.  de  la  Soc. 
des  Antiquaires  de  Picardie,  tome  XXVIII).  —  É.  de  Barthélémy.  Catherine 
de  Médicis  à  Épernay  pour  la  négociation  de  la  paix  de  Nemours  conclue  avec 
les  Guises  en  1585.  Champion.  —  Noulens.  Maison  de  Clinchamp,  histoire 
généalogique.  —  Queruau-Lamerie.  Les  députés  de  la  Mayenne  à  l'Assemblée 
législative  de  1791.  Mayenne,  libr.  Poirier-Bealu.  —  A.  de  Monvaillant.  Jean 
Cavalier,  1681-1740.  Dentu.  —  Le  Boucq  de  Ternas.  Généalogie  de  la  famille 
de  Becquet  de  Mégille,  fixée  à  Douai  en  1532.  Douai,  impr.  Dechristé.  —  C'as- 
tonnet-Desfosses.  M.  de  Durfort  de  Civrac,  maire  de  Pondichéry,  1790-92. 
Angers,  impr.  Lachèse  et  Dolbeau.  —  Charve'riat.  Un  réformateur  au  xvne  s.  : 
J.-B.  Schenk,  de  Schweinsberg,  prince-abbé  de  Fulda.  Lyon,  impr.  Pitrat  (Bévue 
lyonnaise,  mai  1884).  —  Maggiolo.  La  vie  et  les  œuvres  de  l'abbé  Grégoire, 
1789-1831,  1er  fasc.  Nancy,  Berger-Levrault  (mém.  de  l'Académie  de  Stanislas, 
1883).  —  Fargues.  Tanneguy-Duchatel;  réhabilitation  d'un  chevalier  breton. 
Nantes,  impr.  Mellinel.  —  Brian-ville.  Becueil  généalogique  de  l'ancienne  et 
illustre  maison  de  Monty,  autrefois  Crociany.  Réimpression  de  l'ouvrage  publié 
chez  P.  Querro,  en  1684.  Nantes,  Forest  et  Grimaud.  —  Desjardins.  Jehan 
Vittement,  recteur  de  l'Université  de  Paris,  sous-précepteur  de  Louis  XV,  1655- 
1731.  Chàlons-sur-Marne,  Thouille.  —  Gillet.  C.  Le  Tellier  de  Louvois,  biblio- 
thécaire du  roi,  1675-1718.  Hachette. 

Belgique.  —  Le  10  octobre  dernier  est  mort  à  Bruxelles  M.  Alphonse 
"VandenpeereboOxM,  ministre  d'État,  qui  occupait  une  place  honorable 
parmi  les  historiens  amateurs.  Tous  les  loisirs  que  lui  laissa  une  car- 
rière politique  des  plus  remplies ,  il  les  consacra  à  l'histoire  de  la 
Flandre,  et  avant  tout  à  celle  d'Ypres,  sa  ville  natale.  Les  six  forts 
volumes  de  ses  Ypriana  (1878-1883)  sont  remplis  d'aperçus  et  de  docu- 
ments nouveaux.  M.  Vandenpeereboom  était  âgé  de  soixante-quatorze 
ans.  Un  an  avant  sa  mort,  le  30  septembre  1883,  il  avait  été  l'objet 
d'une  manifestation  touchante  et  grandiose  à  l'occasion  de  la  publication 
du  dernier  volume  de  ses  Ypriana.  (Cf.  Rev.  hist.,  XXIV,  p.  237.) 


CHRONIQUE    ET    BIBLIOGRAPHIE.  227 

—  Dans  la  section  d'histoire  et  d'archéologie  du  congrès  néerlandais, 
tenu  à  Bruges  en  septembre  dernier,  la  question  des  chansons  his- 
toriques relatives  aux  Pays-Bas  et  écrites  en  langue  néerlandaise  a 
été  traitée  en  détail  par  MM.  Paul  Fredericq,  professeur  à  l'université 
de  Gand,  et  J.  de  Winkel,  professeur  au  gymnase  de  Groningue.  La 
question  de  l'étymologie  el  de  l'orthographe  des  noms  de  lieux  a  fait 
aussi  l'objet  d'un  débat  intéressant. 

—  M.  Théodore  Juste,  qui  a  déjà  publié  cette  année  plusieurs  œuvres 
historiques  nouvelles,  vient  de  nous  donner  une  seconde  édition  de  son 
grand  ouvrage,  les  Pays-Bas  sous  Philippe  II  (1555-1565)  (Bruxelles, 
Lebègue  et  Gie).  C'est  un  travail  revu,  corrigé  et  mis  au  courant  de  tout 
ce  qui  a  paru  pendant  les  trente  dernières  années.  L'auteur  consacre 
tout  un  long  chapitre  (p.  297-353)  à  étudier  l'inquisition  néerlandaise 
du  xvie  siècle. 

—  M.  le  baron  Kervyn  de  Lettenhoye  poursuit  avec  activité  la  publi- 
cation de  sa  volumineuse  histoire  des  vingt-cinq  années  les  plus  tra- 
giques du  xvic  siècle  (1560-1585)  en  France  et  dans  les  Pays-Bas,  sous 
le  titre  de  :  les  Huguenots  et  les  Gueux  (Bruges,  Beyaert-Storie).  Le 
tome  IV  comprend  l'époque  de  1576-1578. 

—  A  l'occasion  des  fêtes  brillantes  organisées  à  Bruges  en  l'honneur 
d'un  comte  de  Flandre  du  xue  siècle,  Charles  de  Danemark,  ou  le  Bon, 
que  l'Église  a  béatifié,  M.  l'abbé  Ad.  Duclos  a  publié  une  histoire 
populaire  de  ce  prince,  qui  ne  manque  pas  de  mérite  historique  et  est 
le  fruit  de  recherches  consciencieuses.  (En  flamand.  Bruges,  de  Zuttere.) 

—  M.  R.  Serrure  fils  continue  la  publication  de  son  remarquable 
Bulletin  mensuel  de  numismatique  et  d'archéologie  (Paris  et  Bruxelles), 
qui  est  entré  dans  sa  quatrième  année. 

—  M.  Alphonse  Goovaerts,  archiviste-adjoint  d'Anvers,  a  dressé 
avec  soin  le  Catalogue  de  la  bibliothèque  Vander  Sraelen-Moons-van 
terins.  (2  vol.  Anvers,  Vanos-Dewolf.)  Cette  riche  bibliothèque,  impor- 
tante surtout  pour  l'histoire  de  la  vieille  métropole  anversoise,  a  été 
fondée  au  siècle  passé  et  formée  par  trois  générations  de  bibliophiles 
appartenant  à  la  même  famille.  Le  catalogue  comprend  3,380  numéros. 

—  M.  Ch.  Piot,  archiviste-adjoint  du  royaume,  s'est  chargé  de  conti- 
nuer la  Correspondance  du  cardinal  Granvelle,  laissée  inachevée  par  le 
regretté  Edmond  Poullet,  son  confrère  à  l'académie  et  à  la  commission 
royale  d'histoire.  M.  Piot  vient  de  publier  le  tome  IV,  gros  in-4°,  qui 
embrasse  les  documents  allant  du  mois  de  février  1570  jusqu'au  mois 
d'octobre  1573  (Bruxelles,  liaye/.l. 

Le  général  Brialmont,  qui  est  considéré  en  Belgique  comme  l'offi- 
cier le  plus  distingué  que  possède  le  pays,  a  consacré  une  notice  au 
Comte  Todleben,  sa  vie  et  ses  travaux. 

—  M.  le  chanoine  Daris  a  publié  une  importante  Histoire  du  diocèse 
et  de  la  principauté  de  Liège  pendant  le  XVIe  s.  (Liège,  J.  Demarteau.) 


22S  CHRONIQUE   ET    liIBLIOGRAPUIE. 

—  M.  A.  Giron,  conseiller  à  la  cour  d'appel  et  professeur  à  l'univer- 
sité libre  do  Bruxelles,  étudie  dans  son  remarquable  livre  :  le  Droit 
public  de  la  Belgique,  les  origines  historiques  des  institutions. 

—  La  Bibliothèque  Gilon,  qui  est  la  Bibliothèque  utile  de  la  Belgique, 
vient  de  s'enrichir  d'un  petit  volume  intéressant  de  M.  Raymond  Ser- 
rure, la  Monnaie  en  Belgique. 

—  Dans  le  domaine  de  l'histoire  locale,  signalons  deux  nouveaux 
livres  :  Histoire  des  rues  de  Matines  et  de  leurs  monuments,  par  M.  l'abbé 
G.  van  Caster,  et  Histoire  de  la  ville  de  Binche  (en  Hainaut),  par  M.  Th. 

Lejeune. 

—  M.  le  chanoine  F.  D.  Doyen  a  fait  paraître  la  première  partie 
d'une  Bibliographie  namuroise  (1473-1639),  qui  rendra  des  services  à 
l'histoire  locale. 

—  Le  P.  Carlos  Sommervogel  a  entrepris  la  publication  d'un  Diction- 
naire des  ouvrages  anonymes  et  pseudonymes  publiés  par  des  religieux  de 
la  compagnie  de  Jésus,  depuis  sa  fondation  jusqu'à  nos  jours.  Le  t.  Ier, 
comprenant  791  pages  et  allant  de  A  à  Q,  a  paru. 

—  M.  Michel  Brenet  a  publié  récemment  son  mémoire,  couronné 
par  l'académie  royale  de  Bruxelles,  Grétry,  sa  vie  et  ses  œuvres  (Bru- 
xelles, Hayez). 

—  M.  J.  Jooris,  ministre  résident  du  roi  des  Belges,  a  écrit  un 
Aperçu  politique  et  économique  sur  les  colonies  néerlandaises  aux  Indes 
orientales.  M.  de  Harven,  de  son  côté,  étudie  la  Nouvelle  Zélande  au 
point  de  vue  économique  de  la  Belgique. 

—  Sous  le  titre  :  L'Anglais  chez  lui.  Institutions  politiques,  M.  W.  F. 
Baring  nous  donne  un  tableau  intéressant  de  la  situation  actuelle  de 
l'Angleterre. 

—  Deux  monographies,  consacrées  à  Henri  Conscience  et  au  poète 
van  Rijswijck,  deux  des  principaux  promoteurs  de  la  renaissance  litté- 
raire en  Flandre  après  1830,  constituent  des  matériaux  importants  pour 
l'histoire  future  du  «  mouvement  flamand.  »  Ce  sont  :  Hendrik  Cons- 
cience in  zijn  leven  en  in  zijne  werken  geschetst,  par  M.  Pol  de  Mont, 
professeur  à  l'Athénée  royal  d'Anvers  (Haarlem,  W.  Gosier),  et  Theo- 
door  van  Bijswijck,  zijn  leven  in  verband  met  zijnen  tijd  (Anvers,  Jans- 
sens),  par  M.  J.  Staes. 

—  M.  Aug.  Reynaert,  membre  de  la  Chambre  belge,  a  publié  le 
tome  Ier  d'une  grande  Histoire  de  la  discipline  parlementaire.  Règles  et 
usages  des  assemblées  politiques  des  deux  mondes. 

—  Le  regretté  L.  Galesloot  a  édité  cette  année  {'Inventaire  des 
archives  de  la  cour  féodale  de  Brabant.  2  vol. 

—  Malgré  la  mort  de  l'auteur,  M.  Louis  Hymans,  le  grand  ouvrage 
historique  illustré  Bruxelles  à  travers  les  âges  (Bruxelles,   Bruylant- 


CHRONIQUE    El    BIBLIOGRAPHIE.  21'.) 

Christophe)  continue  à  paraître  par  fascicules,  qui  tous  se  distinguent 
par  des  révélations  de  détail  et  des  planches  curieuses. 

—  M.  Théodore  Juste  a  puhlié  un  petit  livre  sur  Bruxelles  en  1815 

(Bruxelles,  Lebègi t  O '),  à  l'époque  de  la  bataille  de  Waterloo  et  de 

la  fondation  du  royaume  des  Pays-Bas.  Au  même  sujet  se  rattache  la 
monographie  de  feu  L.  Galesloot,  Le  duc  de  Wellington  à  Bruxelles. 

—  M.  J.  Demarteau  a  consacré  une  notice  de  72  pages  au  fameux 
Guillaume  de  la  Marck,  le  Sanglier  des  Ardcnnes,  xve  siècle.  (Extrait  de 
la  Gazette  de  Liège.) 

—  Dans  une  communication  faite  à  la  commission  royale  d'histoire, 
M.  Napoléon  de  Pauw,  procureur  du  roi  à  Bruges,  a  récemment  exposé 
son  plan  de  publication  d'une  Histoi  ogique  des  Artevelde  au 
XIVe  siècle,  avec  cartulaire  de  3,000  pièces  inédites  tirées  des  archives 
de  Belgique  et  de  l'étranger.  {Compte-rendn  des  stances  de  la  commission 
royale  d'histoire,  t.  XII,  4e  série.) 

—  Dans  la  Collection  des  guides  belges  a  paru  la  4e  édition  refondue 
du  remarquable  livre  de  M.  W.  H.  James  Weale,  Bruges  et  ses  envi- 
rons, qui  contient  beaucoup  d'indications  nouvelles  sur  l'histoire  de 
la  vieille  métropole  flamande,  sur  ses  monuments,  ses  musées,  ses 
œuvres  d'art,  ses  maisons  les  plus  remarquables,  ses  hommes  célèbres, 
etc..  ainsi  que  sur  les  petites  villes  environnantes,  telles  que  Damme, 
l'Ecluse,  Maie,  Middelburg,  Aardenburg  et  autres  localités  auxquelles 
se  rattachent  beaucoup  de  souvenirs  historiques.  —  Dans  la  même 
collection  a  paru  un  ouvrage  analogue  sur  Tournai  et  le  Tournaisis,  par 
M.  L.  Cloquet,  que  nous  avons  déjà  eu  l'occasion  de  signaler  ici 
même.  (Bruges,  Desclée,  de  Brouwer  et  Cie.) 

—  M.  Emile  de  Borchgrave,  ministre  plénipotentiaire,  a  fait  à  la 
classe  des  lettres  de  l'académie  royale  de  Bruxelles  une  intéressante 
lecture  sur  l'Empereur  Etienne  Douchan  de  Serbie  et  la  Péninsule  balka- 
nique au  XIV  siècle. 

—  L'académie  royale  de  Belgique  a  mis  au  concours  pour  1886  les 
sujets  suivants  :  «  Faire  l'histoire  des  origines,  des  développements  et 
du  rôle  des  officiers  fiscaux  près  les  conseils  de  justice,  dans  les  anciens 
Pays-Bas,  depuis  le  xve  s.  jusqu'à  la  fin  du  xvmc.  »  —  «  Faire,  d'après 
les  auteurs  et  les  inscriptions,  une  étude  historique  sur  l'organisation, 
les  droits,  les  devoirs  et  l'influence  des  corporations  d'ouvriers  et  d'ar- 
tistes chez  les  Bomains.  »  (Médailles  d'or  de  800  fr.) 

—  Le  livre  de  M.  Otto  Friedrichs  :  Un  crime  politique.  Étude  histo- 
rique sur  Louis  XVII  (Bruxelles,  Tilmont,  1884),  est  une  indigeste  com- 
pilation destinée  à  revendiquer  les  droits  des  descendants  deNaundorff, 
le  plus  fameux  des  faux  Louis  XVII.  Nous  ne  croyons  pas  que  l'œuvre 
de  M.  Friedrichs  ébranle  les  résultats  des  travaux  de  MM.  de  la  Sico- 
tière  et  Chantelauze. 

Allemagne.  —  Le  27  oct.  est  mort,  à  l'âge  de  soixante  et  un  ans. 


230  CHRONIQUE    ET    BIBLIOGRAPHIE. 

M.  F.  Kapp,  député  au  Reichstag  et  écrivain  remarqué.  Après  les 
événements  de  1848-49,  auxquels  il  prit  une  part  active,  il  se  rendit  en 
Amérique,  où  il  demeura  jusqu'en  1870.  Parmi  ses  nombreux  écrits, 
mentionnons  :  Soldatenhandel  deutscher  Fûrsten  nach  Amerika,  2e  édit. 
en  1874  ;  Aus  undùber  Amerika,  2  vol.,  1876;  Friedrich  der  Grosse  und 
die  Vereinigten  Staaten  von  Amerika,  1871;  Geschichte  der  deuischen 
Einwanderung in  Amerika,  2  vol.,  1868;  Geschichte  der  Sklaverei  in  den 
Vereinigten  Staaten  von  Amerika,  1861. 

—  M.  Reinhold  Koser,  archiviste  de  l'État  à  Munster,  a  été  nommé 
professeur  d'histoire  à  l'Académie  de  cette  ville. 

—  La  Jablonowskische  Gesellschaft  de  Leipzig  met  au  concours  pour 
1887  l'histoire  du  développement  social  dans  les  provinces  de  l'empire 
byzantin,  au  moins  de  Justinien  le  Grand  jusqu'à  l'établissement  de  la 
domination  latine.  Le  prix  est  de  1,000  marcs. 

—  Sous  la  forme  d'un  programme  de  fin  d'année  du  Gymnase  catho- 
lique de  Saint-Étienne  à  Augsbourg,  dom  Eugen  Gebele,  dominicain  et 
professeur  dans  cet  établissement,  a  publié  une  brochure  intéressante 
sur  les  Français  de  l'armée  du  Rhin  et  Moselle  en  Souabe  et  en 
Ravière,  et  en  particulier  dans  le  ci-devant  évêché  d'Augsbourg  en 
1796.  L'auteur  a  utilisé  les  rapports  officiels  qui  furent  demandés  par 
l'évèché  aux  curés  et  aux  bénéficiers,  sur  la  foi  de  leur  probité  profes- 
sionnelle, et  les  annales  des  monastères  d'Elchingen  et  d'Ursberg. 
Cette  brochure  donne  des  détails  vraiment  affligeants  sur  la  condi- 
tion déplorable  où  fut  réduite  la  population  de  la  Souabe  et  de  la 
Ravière,  et  en  particulier  sur  les  maux  que  les  femmes  eurent  à  souffrir 
de  la  part  des  envahisseurs. 

—  La  25e  réunion  plénière  de  la  Commission  historique,  constituée 
au  sein  de  TAcadémie  des  sciences  de  Ravière,  s'est  tenue  à  Munich, 
en  oct.  dernier.  Dans  le  courant  de  l'année  1884  ont  été  publiés  sous 
ses  auspices  :  le  t.  II  des  Briefe  des  Pfalzgrafen  J. -Casimir,  réunis  et 
publiés  par  M.  F.  von  Rezold  ;  le  t.  II  des  Jahrbûcher  des  deutschen 
Reichs  unter  Konrad  II,  par  M.  H.  Rresslau;  les  livraisons  86  à  96  de 
VAUgemeine  deulsche  Biographie.  Les  autres  publications  entreprises  par 
l'Académie  avancent  rapidement.  Tout  récemment  vient  de  paraître, 
dans  la  collection  des  Stsedtechroniken,  le  1er  vol.  des  Lilbecker  Çhroni- 
ken  préparé  par  M.  Koppmann  ;  le  second  contiendra  la  fin  de  la  chro- 
nique de  Detmar  jusqu'en  1395  continuée  jusqu'en  1400,  la  chronique 
dite  de  Rufus  et  plusieurs  pièces  de  moindre  étendue.  Le  même  éditeur 
va  bientôt  donner  le  t.  VI  des  Hanserecesse,  pour  la  période  1411-1420. 

—  M.  X.  Kraus,  professeur  à  l'université  de  Fribourg-en-Rrisgau, 
vient  de  publier  (Mohr)  une  édition  des  lettres  de  Renoit  XIV,  écrites 
au  chanoine  P.-Fr.  Peggi  à  Rologne,  1729-58,  avec  le  journal  du  con- 
clave de  1740. 

—  La  3e  édition  du  t.  I  du  Handbuch  der  Kirchengeschichte,  par  le 
cardinal  Hergenrœther,  vient  de  paraître;  elle  est  fortement  remaniée. 


CHRONIQl'E    ET    ItlBLIOGRAPHIE.  231 

—  M.  R.  Tante  va  faire  paraître  à  la  librairie  Findel  de  Leipzig 
une  bibliographie  très  détaillée  des  ouvrages  anciens  et  modernes  sur 
la  franc-maçonnerie. 

—  La  librairie  Schmidt  et  Gùnther  de  Leipzig  annonce  une  traduc- 
tion de  l'Histoire  de  l'empire  romain  de  M.  Victor  Duruy  par  M.  Gustav 
Hertzberg;  elle  comprendra  4  vol.  richement  illustrés. 

—  La  librairie  Herder  à  jFribourg-en-Brisgau  vient  de  publier  une 
seconde  édition  très  remaniée  de  la  Geschichte  der  hirchlichen  Armen- 
pflege  par  le  Dr  G.  Ratzinger. 

Livres  nouveaux.  —  Histoire  générale.  —  Pflugk-Harttung.  Urkunden 
der  Paepste,  97-1 197.  Bd.  II.  l'Abth.  Stuttgart,  Kohlhammer.  —  Id.  Iter  italicum, 
2e  Abtheilung. ;  ibid.  —  Klaic.  Geschichte  Bosniens;  traduit  du  croate  par 
/.  v.  Bojnicic.  Leipzig,  Friedrich.  —  Post.  Die  Grundlagen  des  Redits  und  die 
Grundzùge  seiner  Entwicklungsgeschichte.  Oldenbourg,  Schulze.  —  Cuba.  Der 
deutsche  Reichstag,  911-1125.  Leipzig,  Veit.  —  Bergengriln.  Die  politischen 
Beziehungen  Deutschlands  zu  Frankreich  w&hrend  der  Regierung  Adolfs  von 
Nassau.  Triibner,  Strasbourg.  —  Schilling.  Quellenbuch  zur  Geschichte  der  Neu- 
zeit.  Berlin,  Gaertner.  —  Hoyns.  Geschichte  des  deutschen  Volkes  in  Staat, 
Religion,  Literatur  und  Kunst.  Bd.  I.  Leipzig,  Brockhaus.  —  Miïcke.  Aus  der 
Hohenstaufen-und  Welfenzeit.  Gotha,  Perthes.  —  Proue.  Nicolaus  Coppernicus. 
Bd.  II:  Urkunden.  Berlin,  Weidmann.  —  Hermann.  Die  Sta3ndegliederung  bei 
den  alten  Sachsen  und  Angelsachsen.  Breslau,  Kœbner.  —  Lexer.  Turmair's 
genannt  Aventinus  Bayerische  Chronik.  Bd.  II.  Munich,  Kaiser.  —  De  Aedo  g 
Gallart.  Schilderung  der  Schlacht  bei  No'rdlingen,  1 63 1  ;  traduit  par  Weinitz. 
Strasbourg,  Trùbner.  —  Bezold.  R.  Agricola.  Festrede.  Munich,  Franz.  — 
Brieger.  Aleander  und  Luther,  1521.  lre  part.  Gotha,  Perthes.  —  Wiermann. 
Der  deutsche  Reichstag.  2°  part.  Leipzig,  Renger.  —  Galitzin.  Allgemeine 
Kriegsgeschichte   des   Mittelalters.  Vol.  I,  1"  partie,   1350-1618.  Cassel,  Kay. 

—  Alexi.  John  Lavv  und  sein  System.  Berlin,  Lehmann.  —  Lœuenberg. 
Geschichte  der  geographischen  Entdeckungsreisen  von  Magellan  bis  zum 
Ausgang  des  XVIII  Jahrh.  Leipzig,  Spamer.  —  Voss.  Ropuhlik  und  Kœnig- 
tliuin  ini  alten  Germanien.  Leipzig,  Duncker  et  Humblot.  —  Ritsc/U.  Ge- 
schichte des  Pietismus  in  der  lutheran.  Kirche  des  XVII  u.  Will  Jahrh.  Bonn, 
Marcus.  —  slauff'er.  H.-Chr.  Graf  von  Russworm,  K.  Feldmarschall  in  den 
Tùrkenkœmpfen  unter  Rudolf  II.  Munich,  Ackennann.  —  Miïcke.  K.  Hein- 
rich  IV,  K.  Philipp,  u.  Otto  IV  von  Braunschweig.  Gotha,  Perthes.  — 
Erler.  Deutsche  Geschichte  von  der  Urzeit  bis  zum  Ausgang  des  Mittelalters. 
Leipsig,  Dùrr.  —  Schwarz.  Landgraf  Philipp  von  Hessen  und  die  Packschen 
Hœndel.  Leipzig,  Veit.  —  Becker.  Catalogi  bibliothecarum  antiqui.  Bonn,  Cohen. 

—  Kolligs.  Wilhehn  von  Oranien  und  ilie  Anf.enge  des  Aufstandes  der  Nieder- 
lande;  ibid.  —  Laue.  Ferreto  von  Vicenza;  seine  Dichtungen  und  sein  Ge- 
schichtswerk.  Halle,  Niemeyer.  —  Reumont.  Aus  K.  Friedrich-'Wilhelin's 
gesunden  und  kranken  Tagen.  Leipzig,  Duncker  et  Humblot.  —  lluher.  Ge- 
schichte Œsterreichs.  Bd.  I.  Gotha,  Perthes.  —  Von  Lccher.  Beitnege  zur 
Geschichte  und  Vœlkerkunde.  Bd.  I.  Francfort-sur-le-Mein,  Liter.  AnsFalt. 

Antiquité. —  Pflugk-Harttung.  Perikles  als  Feldherr.  Stuttgart.  Kohlhammer. 

—  Cauer.  De  fahulis  graecis  ad  Bomain  conditain  pertinentibus.  Berlin,  V.\\- 
vary.  —  Beloch.  Die  attische  Politik  seit  Perikles.  Leipzig,  Tcuhner.  —  \\n- 


232  CHRONIQUE    ET    BIBLIOGRAPHIE. 

niche.  De  Pausaniae  Periegetœ  studiis  Herodoteis.  Berlin,  Weidmann.  — 
Matthias.  Commentai-  zu  Xenophon's  Anabasis,  Heft  3.  Berlin,  Springer.  — 
Nadrowski.  Ein  Blick  in  Roms  Vorzeit.  Thorn,  Dombrowski.  —  Leist.  Grœco- 
italische  Rechtsgeschichte.  Jéna,  Fischer.  -  Wiedemann.  .Egyptische  Ges- 
cbichte.  2e  part.  Gotha,  Perthes.  —  Baumeistcr.  Denkmœler  des  classischen 
Altertums.  Munich,  Oldenburg.  —  Kirchhoff.  Duae  quaestiones  Papinianae. 
Berlin,  Mayer  et  Mùller.  —  Antoniadès.  Kaiser  Licinius.  Munich,  Litt.  Anstalt. 
—  Frxnkel.  Studien  zur  rœmischen  Geschichte.  Heft  1.  Breslau,  Kern.  — 
Grohs.  Der  Wertk  des  Geschichtswerkes  des  Cassius  Dio,  als  die  Quelle  fur 
die  Geschichte  der  Jahre  49-44.  Berlin,  Calvary.  —  Stemkopf.  Quaestiones 
chronologicae  de  rébus  a  Cicérone  inde  a  tradita  Cilicia  provincia  usque  ad  relic- 
tam  Italiam  gestis.  Marbourg,  Elwert. 

Histoire  locale.  —  Schliephake.  Geschichte  von  Nassau,  von  den  œltesten 
Zeiten  bis  auf  die  Gegenwart;  fortgesetzt  von  Menzel.  Bd.  VI.  Wiesbaden, 
Kreidel.  —  Machatschek.  Geschichte  der  Bischœfe  des  Hochstiftes  Meissen,  in 
clironologischer  Reihenfolge.  Dresde,  Meinhold.  —  Vuy.  Geschichte  des 
Trechirgaues  und  von  Oberwesel.  Leipzig,  Gùnther.  —  Zurbonsen.  Das  Chro- 
nicon  Campi  S.  Maria}  in  der  œltesten  Gestalt,  1185-1422.  Paderborn,  Schœ- 
ningh.  —  Tœpke.  Die  Matrikel  der  Universitœt  Heidelberg,  1386-1662.  Heidel- 
berg,  Winter.  —  Mehlis.  Studien  zur  œltesten  Geschichte  der  Rheinlande. 
8e  part.  Leipzig,  Duncker  et  Humblot.  —  Schmidt.  Urkundenbuch  des  Hoch- 
stifts  Halberstadt  und  seiner  Bischœfe.  Th.  II.  Leipzig,  Hirzel.  —  Jacobs. 
Geschichte  der  in  der  preussischen  Provinz  Sachsen  vereinigten  Gebiete.  Gotha, 
Perthes.  —  Holzherr.  Geschichte  der  Reichsfreiherrn  von  Ehingen  bei  Rotten- 
burg  a.  N.  Stuttgart,  Kohlhammer.  —  Fuchs.  Peter  von  Dusburg  und  das 
Chronicon  Olivense.  Kœnigsberg,  Schubert.  —  Heigel.  Quellen  und  Abhand- 
lungen  zur  neueren  Geschichte  Bayern.  Munich,  Rieger.  —  Eœniger.  Der 
Rotulus  der  Stadt  Andernach,  1173-1256.  Bonn,  Cohen.  —  Schwebel.  Die 
Herren  und  Grafen  von  Schwerin.  Berlin,  Abenheim.  —  Schuster  et  Franche. 
Geschichte  der  sœchsischen  Armée.  3e  partie.  Leipzig,  Duncker  et  Humblot.  — 
Westkamp.  Herzog  Chr.  von  Braunschweig  und  die  S tif ter  Munster  und  Pader- 
born im  Beginne  des  30  jœhr.  Krieges.  Paderborn,  Schœningh. 

Autriche-Hongrie.  —  Le  P.  Denifle,  dominicain  autrichien,  se 
livre  depuis  de  longues  années  à  des  recherches  étendues  dans  les 
Archives  pour  un  volumineux  ouvrage  sur  les  Universités  au  moyen 
âge.  Le  1er  vol.  est  sous  presse. 

Livres  nouveaux.  —  Von  Fries.  Abriss  der  Geschichte  Chinas  seit  seiner 
Entstehung.  Vienne,  Frick.  —  Von  Boich.  Das  hœchste  Wergeld  im  Franken- 
reiche.  lnnsbruck,  Rauch  —  Balan.  Monumenta  saeculi  xvi  historiam  illus- 
trantia.  Vol.  I.  :  démentis  VII  epistolae  per  Sadoletum  scriptae,  quibus  acce- 
dunt  variorum  ad  Papam  et  ad  alium  epistolae.  lnnsbruck,  "Wagner.  —  Bxrdll. 
Astronomische  Beitnege  zur  assyrischer  Chronologie.  Vienne,  Gerold.  —  Huber, 
Ludwig  1  von  Ungarn  und  die  ungarischen  Vassallenlcender.  Ihid. 

Grande-Bretagne.  —  La  13e  et  dernière  livraison  des  fac-similés 
publiés  par  la  Palxographical  Society  vient  de  paraître;  elle  contient  un 
traité  sur  les  modifications  des  divers  systèmes  d'écriture. 

—  Le  t.  I  du  Cartuïarium  saxonicum,  publié  par  M.  W.  de  Gray 
Birch,  est  complet  avec  le  fasc.  9  qui  vient  de  paraître.  Il  va  jusqu'au 
milieu  du  ixe  s. 


CHRONIQUE   ET    BIBLIOGRAPHIE.  233 

—  On  sait  qu'il  est  question  on  ce  moment  d'apporter  dos  modifica- 
tions considéralilfs  à  l'organisation  municipale  de  La  cité  de  Londres. 
Parmi  les  enquêtes  préparatoires  qui  ont  déjà  été  faites  pour  éclairer 
les  pouvoirs  publics,  il  en  est  une,  récemmenl  publiée,  qui  offre  un 
grand  intérêt  historique.  Elle  est  consacrée  aux  Compagnies  à  livrées, 
qui  ont  joué  et  jouent  encore  un  si  grand  rùle  dans  l'administration  de 
la  Cité.  Le  1er  vol.  [City  of  London  livery  Campâmes'  Commission  Report 
and  Appcndix.  Londres,  impr.  Eyre  et  Spottiswoode ;  prix  :  3  sh.  10  d.) 
contient  :  1°  les  rapports  des  Commissaires  sur  l'histoire  et  l'étal  pré- 
sent des  Guildes  ou  compagnies  à  livrées;  et  2°  le  procès-verbal  des 
dépositions  recueillies  par  les  commissaires.  Ces  rapports  (faits  au  nom 
de  la  majorité  et  de  la  minorité)  sont  très  intéressants  au  point  de  vue 
historique;  c'est  un  excellent  résumé  des  travaux  de  M.  Stubbs  (aujour- 
d'hui évêque  de  Chester),  de  M.  Brentano,  de  M.  Froude,  etc. 

—  La  Camden  Society  doit  mettre  en  distribution  en  18So  :  1°  un 
cartulaire  de  Battle  abbey  de  l'époque  d'Edouard  I,r,  publié  par 
M.  Bird;  2°  dos  rapports  sur  des  procès  jugés  par  la  Chambre  étoilée 
et  la  Cour  de  Haute  Commission  sous  Charles  Ier,  publiés  par  M.  Gau- 
diner;  3°  le  3e  vol.  des  Lauderdale  papers,  publ.  par  M.  Airy. 

—  Le  New-Collège  à  Oxford  n'avait  pas  craint  de  vendre  récom- 
ment au  prix  de  1  1.  10  sh.  une  partie  de  ses  archives  modernes;  elles 
ont  été  heureusement  retrouvées,  juste  au  moment  où  elles  allaient  être 
converties  à  des  usages  peu  scientifiques  pour  l'armée  du  Salut. 
M.  Greville  J.  Chester,  qui  dénonce  le  fait  à  l'Academy  (25  oct.),  a  pu 
en  acheter  plusieurs  liasses  ;  le  reste  a  été  pris  par  la  Bodléienne.  Là, 
du  moins,  ces  papiers  seront  en  sûreté. 

—  M.  Hubert  Hall  vient  de  terminer  une  histoire  détaillée  des  con- 
tributions indirectes  en  Angleterre,  rédigée  entièrement  d'après  les 
documents  originaux. 

Italie.  —  M.  Carlo  Perini,  mort  à  Trente  le  28  déc.  1883,  était  éga- 
lement passionné  pour  la  botanique  et  pour  l'histoire.  On  lui  doit  entre 
autres  ouvrages  :  Storia  e  descrizione  di  Trento  e  del  suo  territorio  :  il 
concilie»  di  Trento,  riassunto  storico,  publié  en  1683  à  l'occasion  du 
3e  centenaire  de  la  clôture  du  concile;  Cenni  stonci,  statistici  e  biogra- 
flci  relativi  al  Trenlino  (1863).  Il  a  laissé  des  Mémoires  inédits,  impor- 
tants, paraît-il,  pour  l'histoire  de  Trente  au  xix°  s. 

—  UAccademia  di  conferenze  slorico-giuridiche,  établie  depuis  sept 
ans,  a  déjà  publié  5  vol.  de  Studi  c  docuruenti  di  storia  c  diritto  :  nous 
donnons  régulièrement  l'analyse  de  cette  revue.  Elle  a  de  plus  com- 
mencé une  bibliothèque  composée  de  travaux  particuliers.  Le  t.  1  est 
déjà  publié;  c'est  celui  de  M.  C.  Re  :  Statut/  délia  città  di  Rama  del 
sec.  XIV.  Le  t.  II  :  Statuli  dei  mercanti  diRoma  </"/  %ec.  XIII  al  XVI,  par 
M.  Gatti;  les  t.  III  :  S.  Hilarii  tractatus  de  mysteriis et hymni.  Peregri- 
natio  ad  loca  sancta,  367-70,  par  M.  Gamiiuuni  ;  et   V  :   Regesto  délia 


234  CHRONIQUE    ET    BIBLIOGRAPHIE. 

chiesa  di  Tivoli,  par  M.  Bruzza,  sont  en  cours  de  publication.  Enfin 
M.  Marini  prépare  le  tome  IV  :  Iscrizione  antiche  doliari,  et  M.  Mala- 
testa,  le  t.  VI  :  Statuti  del  gabellicrc  maggiore  di  Roma  del  sec.  XIV. 

—  Le  1er  vol.  des  Documenti  e  Studi,  publiés  par  la  R.  Deputazione 
di  storia  patria  pour  les  provinces  de  Romagne,  contiendra  :  1°  les  par- 
ties du  diaire  inédit  de  Paride  Grassi,  dont  l'une  se  rapporte  à  la  pour- 
suite de  Bentivoglio  par  Jules  II,  et  l'autre  à  la  prise  de  possession  par 
ce  dernier  du  duché  de  Ferrare  ;  2°  un  fragment  inédit  de  l'histoire  de 
Bologne,  par  Carlo  Sigonio  ;  3°  des  pièces  tirées  des  Archives  romaines 
par  A.  Bertolotti,  sur  les  artistes  de  Bologne,  de  Ferrare  et  autres,  des 
Etats  de  l'Église  du  xve  au  xviie  s.  ;  4°  des  études  sur  les  humanistes 
bolonais,  par  M.  Aug.  Corradi. 

—  Une  Deputazione  municipale  di  storia  patria  s'est  formée  à  Fer- 
rare, sous  la  présidence  du  maire,  M.  Trotti. 

—  Un  Musée  byzantin  s'organise  en  ce  moment  à  Ravenne,  dans 
l'ancien  réfectoire  des  Gamaldules. 

—  Une  seconde  édition  du  livre  de  M.  G.  Panzavolta,  /  Manfredi 
signori  di  Faenza,  1313-1501,  est  parue  à  la  librairie  Marabini  (Bologne). 

—  Depuis  le  mois  de  juillet  dernier  paraît  à  Rome  une  Rivista  critica 
délia  letteratura  italiana. 

—  Vient  de  paraître  à  Bologne  (Tipog.  Regia)  le  fasc.  7  et  dernier  du 
t.  III,  lre  série,  des  Monumenti  storici  pertinenti  aile  provincie  délia 
Romagna.  Il  contient  le  relevé  des  mots  employés  dans  les  statuts  de 
la  commune  de  Bologne,  de  1250  à  1267,  et  qui  n'ont  pas  été  notés 
dans  le  Glossaire  de  Du  Cange. 

—  Le  R.  Istituto  veneto  di  Scienze,  lettere  ed  arti  a  mis  au  concours 
les  sujets  suivants:  Prix  ordinaire  biennal  :  Origines  et  vicissitudes  des 
biens  communaux  en  Italie.  —  Prix  Querini-Stampalia  :  Origines  et 
progrès  de  la  bienfaisance  publique  en  Italie  ;  et  :  Histoire  du  comte 
Fr.  di  Carmagnola  (31  mars  1886).  — Prix  Tomasoni  :  Étude  sur  la  vie 
de  saint  Antoine  de  Padoue. — Le  fasc.  64  des  Diari  de  Marino  Sanuto 
contient  la  fin  du  t.  VIL 

—  M.  le  baron  A.  Sansi  a  terminé  sa  Storia  del  comune  di  Spoleto, 
une  des  monographies  de  villes  les  plus  remarquables  qu'on  ait  vues 
depuis  plusieurs  années. 

—  L'étude  archéologique  très  minutieuse  du  professeur  I.  Coglitore, 
sur  l'île  de  Mozia,  qui  a  paru  dans  VArchivio  storico  siciliano,  a  été  tirée 
à  part  et  forme  une  contribution  importante  à  l'histoire  de  la  Sicile- 
dans  l'antiquité  et  au  moyen  âge. 

Livres  nouveaux.  —  Autografi  ed  altri  documenti  relativi  al  risorgimento 
italiano  esislenti  nellc  collezioni  di  A.  Ancona.  Milan,  tip.  Boniardi-Pogliani.  — 
Brandlleone.  Il  diritto  romano  nclle  leggi  normanne  e  sueve  del  regno  di  Sicilia. 
Turin,  Bocca.  —  Brano  di  storia  veneta,  estratto  dal  codice  cartaceo  in  fol.  del 
sec.  xv,  detlo  la  Cronaca  veneta.  Asolo,  tip.  Vivian  (per  nozzc  A.  Loredan- 


CHRONIQUE   ET   BIBLIOGRAPHIE.  235 

Razzolini).  —  Carutti.  Il  conte  Umberto  I  Biancamano  e  il  re  Arduino.  Rome, 
Lœscher.  —  Cusani.  Storia  di  Ifilano,  vol.  VIII  et  dernier.  .Milan,  tip.  c.alti- 
noni.  —  Mariotti.  San  Francesco,  sari  Thommaso  e  Dante  nella  civiltà  cristiana, 
elerelazioni  tra  loro.  Venise,  tip.  delI'Ancora.  —  ISisco.  Storia  d'Italia,  lsli-80; 
vol.  II,  1820-30.  Rome,  tip.  Voghera.  —  Iiosa.  Statistica  Btorica  délia  pro- 
vincia  di  Brescia.  Brescia,  Apollooio. —  Rusconi.  Assedio  di  Novara  1495;  doc. 
inediti.  Novare,  tip.  Miglio.  —  Salvo di  Pietraganzili.  I  Sicnli;  ricerca  di  ana 
civiltà  italiana  auteriore  alla  greca.  Palerme,  tip.  del  Giornale  di  Sicilia.  — 
Scarabelli-Zuali.  Riccio  da  Panna,  uno  dei  13  campioni  « l ï  Barletta.  Milan, 
Dumolard.  —  lireatari.  Storia  di  Bassano  e  del  suo  territorio.  Bassano,  tip. 
Sante-Pozzato.  —  De  Gasparis.  Soll'autorità  del  diritto  romano  e  longobardo 
nell'ltalia  méridionale,  1016-1194.  Naples,  tip.  dell'Acead.  délie  Scienze.  — 
G.  de  Luca.  Storia  délia  città  de  Broute.  Milan,  tip.  Giuseppe.  —  Gnecchi. 
Le  monete  di  Milano,  da  Carlo  Manno  a  Vittorio  Emanuele  II,  descritte  ed  illus- 
trate.  Milan,  Dnmolard.  —  Villari.  Arli\  storia  <•  lilosofia;  saggi  critici.  Flo- 
rence, Sansoni.  —  Castellani.  Le  biblioteehe  nell'  anticbilà,  dai  tempi  pin  remoti 
alla  fine  ciel  1'  impero  romano  d'Occidente.  Bologne,  Monli.  —  P.  Da  Ford. 
Annan'  illnstrati  dell'  ordine  dei  Frali  minori  Cappnccini;  vol.  II.  Milan,  San 
Giuseppe.  —  E.  Ferrero.  Storia  del  medio  evo.  Turin,  Lœscher.  — Manno.  La 
prima  pagina  di  storia  délia  R.  Accademia  délie  scienze  di  Torino.  Ibid.  (Atli 
dell'  Accad.,  vol.  XIX).  —  P.  Vigo.  Disegno  délia  storia  universale.  Vol.  I. 
Livourne,  Fr.  Vigo.  —  Forcella.  Iscrizioni  délie  cbiese  e  d'allri  edifizii  di 
Roma,  dal  sec.  xi  fino  ai  nostri  giorni.  Vol.  XIV.  Rome,  Lœscher. —  Marquise 
C.  d'Azeglio.  Souvenirs  historiques  tirés  de  la  correspondance  avec  son  fils 
Emmanuel,  de  1835  à  1861.  Turin,  Bocca.  —  Beltrani.  Cesare  Lambertini  c  la 
società  famigliare  in  Puglia  durante  i  sec.  xv  e  xvi.  Vol.  I,  1"'  partie  :  docu- 
ments. Milan,  Hœpli.  —  Bertocchi.  Ragguagli  storici  di  Moulignoso  di  Ltini- 
giana,  1701-84.  Lucques,  tip.  del  Serchio.  —  Ciccaglione.  Storia  del  diritto 
italiano,  dalla  caduta  dell'  impero  romano  alla  costituzione  del  regno  d'Italia. 
Naples,  tip.  del  Vaglio.—  Diario  di  N'icola  Roncalli,  1849-70.  2  vol.  Turin,  Bocca. 
—  Fumi.  Raccolta  di  documenti  concernenti  la  storia  d'Orvieto.  Florence,  Vieus- 
seux  (t.  VIII  des  doc.  di  storia  italiana  pour  les  provinces  de  Toscane,  des 
Marches  et  de  l'Ombrie).  —  Occio ni- Bona/fons .  Bibliografia  Btorica  Iriulana, 
1861-82.  Udine,  Gambierasi.  —  Zamponi.  Maria  Adélaïde  di  Savoia  duchessa 
di  Borgogna,  delfina  di  Francia.  Florence,  Galletli  e  Cocci.  —  E.  Bollati  di 
Soi at -Pierre.  Le  congregazioni  dei  tre  stati  délia  valle  d'Aosta  ;  t.  IV  et  der- 
nier (t.  XIV  et  XV  des  Histor.  patr.  Mon.).  Turin,  Vigliardi.  —  Filangieri. 
Documenti  per  la  storia,  le  arti  e  le  industrie  délie  provincie  napoletane.  Vol.  II. 
Naples,  tip.  dell'  Accad.  délie  scienze.  —  Malagola.  L'archivio  di  stato  in 
Bologna  délia  sua  origine  a  tutto  il  1882.  Modène,  tip.  Vincenzi  et  Bip.  — 
Manno.  Origine  e  variazioni  dello  slemma  di  Savoia.  Turin,  tip.  Bocca.  —  Anto- 
nelli.  Catalogo  de'  nis>.  delta  civica  biblioteca  di  Ferrara.  Ferrare,  Taddei. — 
Balaa.  La  politica  di  Clémente  VII  fino  al  sacco  di  Roma,  secondo  i  documenti 
vaticani.  Rome,  tip.  Monaldi.  —  Dauriynac.  Istoria  délia  conipagnia  di  Gesù. 
Gênes,  tip.  Arcivescovile.  —  B.  Favre.  Recherches  historiques  sur  le  Valdigne. 
De  la  révocation  de  ledit  de  Nantes  à  la  paix  d'Utrecht,  1685-1713.  Aoste, 
impr.  Mensio.  —  Jozzi.  Storia  délia  chiesa  e  dei  vescovi  di  Acqui.  Acqui,  tip. 
Dina.  —  Lucien/.  Catalogo  illustrato  délie  antiche  monete  romane,  disposte  in 
Acquaviva  délie  Fonli.  Bari,  Gissi  et  Avellino.  —  Bonfadini.  Milano  nei  suoi 
momenti  storici,  2r  sér.  Milan,  Trêves. —  Guerrini.  Viaggjo  fatto  1521  in  Francia, 
Spagna.  Inghilerra,  etc.  da  D.  Rigeto.  Bologne,  Zanichelli  (perle  nozze  Guerrini- 


236  CIHIOVIQUE  ET   bibliographie. 

Dp  Philippi).  —  Sergi.  Antropologia  storiea  del  Bolognese;  reso  conto  délie 
antiche  necropoli  felsinese.  Modène,  tip.  Vincenzi.  —  Teoli.  Teatro  istorico 
délia  città  di  Velletri  ;  rislampato  sulla  edizione  originale  del  1664.  Velletri, 
Bertini.  _  Carraresi.  G.  Capponi,  lettere;  vol.  III.  Florence,  Le  Monnier.  — 
Faraone.  Pier  délia  Vigna  di  Caiazzo  ;  risposta  ai  signori  Capasso  e  Jannelli. 
Caserte. 

Suisse.  —  M.  le  Dr  J.  Strickler  vient  de  publier  la  2e  livraison  du 
tome  V  et  dernier  de  son  Aktensammlung  zur  schweizerischen  Reforma- 
ta onsgeschichte.  Elle  contient,  d'une  part,  les  tables  analytiques  qui 
forment  le  complément  indispensable  d'un  pareil  recueil;  de  l'autre, 
un  très  intéressant  appendice  bibliographique,  où  sont  enregistrés, 
dans  l'ordre  chronologique,  tous  les  écrits  des  années  1521-1532  qui 
peuvent  jeter  quelque  jour  sur  l'histoire  de  la  Réformation  suisse. 

—  La  direction  des  Archives  fédérales  vient  de  publier  un  nouveau 
tome  du  Recueil  officiel  des  anciens  Recès  fédéraux,  qui  renferme  les 
Recès  des  années  1681-1712  (rédacteur,  M.  l'archiviste  Kselin,  de 
Schwyz). 

—  M.  Th.  Dufour  a  fait  tirer  à  part  l'article  du  Journal  de  Genève 
(15  juillet)  dans  lequel  il  a  mis  en  lumière  un  certain  nombre  de 
documents  relatifs  au  séjour  que  Giordano  Bruno  fit  à  Genève  en  1579. 

—  Un  ancien  élève  des  Universités  de  Zurich  et  de  Genève,  M.  J. 
Hagmann,  de  Degersheim  (Saint-Gall),  a  consacré  à  l'Essai  sur  les  mœurs 
la  dissertation  inaugurale  qu'il  a  présentée  à  la  Faculté  de  philosophie 
de  Leipzig  (Ueber  Voltaire's  Essai  sur  les  mœurs.  Rapperswil,  impr. 
Steiner;  brochure  in-8"  de  68  p.).  C'est  une  bonne  contribution  à  l'his- 
toire de  la  littérature  historique  du  xvnr8  siècle. 

—  M.  Camille  Favre  a  publié  dans  le  Journal  de  Genève  du  9  décem- 
bre 1884  une  notice  biographique  sur  le  général  de  Rœder,  ministre 
de  l'empire  d'Allemagne  en  Suisse,  mort  le  8  novembre  dernier  à 
Berne.  «  Le  nom  de  ce  diplomate  appartient  à  la  grande  politique  de 
notre  temps.  »  Les  quelques  pages  que  M.  Favre  consacre  à  sa  mémoire 
sont  pénétrées  de  cette  émotion  que  peuvent  seuls  donner  des  souvenirs 
personnels. 

—  M.  G.  Meyer  von  Knonau  a  édité  l'an  dernier  les  souvenirs  de  son 
grand-père  (Ludwig  Meyer  von  Knonau,  Lebenserrinerungen,  1769-1841). 
Il  vient  de  publier,  comme  introduction,  une  intéressante  brochure 
intitulée  :  Aus  einer  zurchcrischen  Familienchronik  (Frauenfeld,  1884, 
in-8°,  vi  et  100  pages),  dans  laquelle  il  retrace  l'histoire  de  sa  famille 
depuis  le  xrve  siècle  jusqu'à  la  fin  du  xvi.ne  siècle. 

—  M.  Ed.  Marcour  a  publié  dans  la  Sammlung  historischer  Bildnissc 
(Fribourg-en-Brisgau,  Herder)  une  nouvelle  édition  remaniée  de  l'in- 
téressante biographie  de  Tilly,  par  F.  Keym. 

Danemark.  —  On  vient  de  célébrer  partout  dans  les  pays  Scandi- 
naves, comme  autre  part  du  reste,  le  deuxième  centenaire  de  la  nais- 
sance de  Ludvig  Holberg,  de  celui  qu'on  a  appelé  avec  raison  le  père 


CHRONIQUE    ET    BIBLIOlIRAPFTIE.  237 

de  la  littérature  danoise  et  norvégienne.  L'illustre  auteur  naquit  à 
Bergen,  le  3  décembre  1684.  Après  avoir  passé  plusieurs  années  de  sa 
jeunesse  à  l'étranger,  en  Hollande,  en  Angleterre,  en  France  et  en 
Italie,  il  rentra  de  ses  voyages  et  l'ut  nommé  en  1718  professeur  de 
métaphysique  à  l'université  de  Copenhague;  trois  ans  plus  tard,  il 
obtint  la  chaire  d'éloquence  qu'il  changea  en  1730  pour  celle  d'histoire  ; 
il  mourut  le  28  janvier  1754.  Déjà  en  1719  il  avait  enthousiasmé  le 
public  par  sa  grande  épopée  comique  Peder  Paars,  et  bientôt  ses  nom- 
breuses comédies  devaient  créer  un  théâtre  national.  Pleines  de  verve 
comique  et  pénétrante ,  elles  ont  donné  à  l'esprit  de  la  nation 
danoise  une  empreinte  ineffaçable;  elles  font  partie  du  répertoire  cou- 
rant, jusqu'à  nos  jours,  des  théâtres  des  pays  Scandinaves;  il  en  a  été 
pendant  longtemps  de  même  aussi  en  Allemagne.  Outre  ses  œuvres 
poétiques,  Ilolberg  a  écrit  avec  succès  sur  la  morale,  sur  le  droit 
naturel,  sur  la  géographie  et  sur  l'histoire. 

Pour  Ilolberg,  l'histoire  si  riche  en  exemples  est  une  science  émi- 
nemment instructive;  elle  parle  à  tout  lecteur  et  jamais  elle  ne  doit 
perdre  de  vue  ce  qui  dans  les  choses  est  essentiel  et  caractéristique. 
C'est  à  ce  point  de  vue  qu'il  a  écrit  son  Histoire  de  Danemark,  en 
trois  volumes,  puisée  aux  sources  mômes.  C'était  alors  la  première 
fois  que  l'histoire  de  la  nation  depuis  les  temps  les  plus  reculés 
se  présentait  écrite  avec  une  vue  précise  de  l'ensemble.  Sans  doute, 
l'auteur  n'était  pas  un  érudit  de  profession  ;  sans  manquer  de  critique, 
l'étude  minutieuse  et  détaillée  des  sources  n'était  ni  de  son  goût 
ni  de  son  talent  ;  aussi  pour  le  moyen  âge  son  livre  reste  très  insuf- 
fisant ;  mais,  pour  les  temps  modernes,  il  avait  consulté  beaucoup 
de  documents  jusque-là  inconnus  et,  ici,  comme  du  reste  dans  toutes 
les  parties  du  livre,  on  observe  son  jugement  équitable,  guidé  par  un 
rare  bon  sens.  Son  style  est  vif  et  animé,  précis  et  spirituel  ;  à  cet 
égard,  nul  historien  danois  n'a  su  plus  tard  le  surpasser.  Mais  Ilolberg 
voulait  aussi  répandre  la  connaissance  de  l'histoire  universelle;  il 
écrivit  donc  une  très  intéressante  histoire  générale  de  l'église  (1738),  des 
biographies  de  liéros  et  d'héroïnes  comparées  à  la  manière  de  Plutarque 
(1739,  1745),  l'histoire  des  Juifs  (1742),  beaucoup  d'épitres  sur  des  sujets 
historiques,  etc.  Enfin  il  ne  faut  pas  oublier  ses  livres  d'instruction  et 
surtout  sa  Synopsis  historiae  universalis.  Ce  petit  catéchisme  d'histoire 
universelle  a  paru  en  Danemark,  en  Hollande  et  en  Allemagne,  dans 
dix  éditions  en  latin,  de  1733  à  177]  ;  cet  ouvrage  a  été  traduit  en  hol- 
landais, en  anglais  (trois  éditions),  en  allemand  (quatre  éditions),  et 
encore  en  1808  il  en  a  paru  pour  la  troisième  fois  une  traduction  russe. 

Dans  les  ouvrages  historiques  de  Holberg  se  révèlent  son  carac- 
tère, son  talent,  ses  idées  politiques  et  morales.  Son  idéal  est  un 
absolutisme  éclairé  et  libéral  :  la  liberté  la  plus  grande  possible 
pour  les  sujets,  nulle  censure  littéraire  et  surtout  la  tolérance  reli- 
gieuse. Il  craint  la  hiérarchie  et  la  papauté  comme  dangereuses  au 
pouvoir    royal    et   ennemies    du    libre    développement   des    facultés 


238  CHRONIQUE    ET    ISIBLIOGUAPHIE. 

des  hommes  ;  voilà  pourquoi  dans  les  combats  de  l'église  au  moyen 
âge  il  prend  le  parti  des  rois  contre  les  prélats.  Il  admire  des  princes 
comme  Pierre  le  Grand  et  Frédéric  II  de  Prusse,  et  il  soutient  que 
les  rois  ne  doivent  pas  être  jugés  seulement  par  leurs  guerres  et 
leurs  victoires,  mais  plutôt  par  la  prospérité  de  la  nation;  aussi  Holberg 
s'occupe-t-il  beaucoup  de  l'histoire  intérieure  des  pays,  des  mœurs  des 
peuples,  de  leurs  croyances,  de  leur  état  civil  et  militaire.  Les  portraits 
qu'il  nous  trace  des  princes  et  des  personnages  historiques  sont  toujours 
intéressants,  et  il  peint  avec  prédilection  le  caractère  des  différentes 
nationalités.  Le  grand  savoir  de  Holberg  dans  toutes  les  sciences,  sa 
profonde  connaissance  des  hommes,  son  jugement  équitable  rendent 
ses  observations  intéressantes,  même  quand  elles  ne  possèdent  pas  la 
solide  base  d'études  approfondies.  Naturellement  son  talent  comique  se 
manifeste  dans  ses  ouvrages  sérieux  ;  mais  il  ne  s'en  sert  jamais  pour 
persifler  ou  persécuter;  comme  dans  ses  comédies  la  satire  dont  il  se 
sert  est  toujours  sans  amertume,  pleine  d'humanité  et  de  bonhomie. 

Russie.  —  Dans  la  livraison  d'octobre  de  la  Revue  (russe)  du  minis- 
tère de  V Instruction  publique,  M.  Bestoujev  Rioumine,  professeur  d'his- 
toire à  l'Université  de  Saint-Pétersbourg,  apprécie  en  ces  termes  la 
traduction  de  la  Chronique  de  Nestor,  récemment  publiée  par  notre  col- 
laborateur, M.  Léger  (E.  Leroux)  :  «  On  doit  reconnaître,  dit-il,  un 
grand  mérite  à  M.  Léger  qui  a  reproduit  notre  chronique  avec  une 
pleine  connaissance  de  la  matière,  une  intelligence  nette  du  texte,  et 

dans  une  langue  excellente Ce  travail  ne  saurait  être  négligé  même 

par  les  savants  russes La  traduction  est  en  général  exacte,  élégante 

et,  dans  un  certain  nombre  de  passages  particulièrement  difficiles,  elle 

présente  une  heureuse  interprétation  du  texte Nous  avons  sous  les 

yeux  le  rare  exemple  d'un  étranger  qui  a  fait  sur  notre  ancienne  langue 
de  persévérantes  et  profondes  études.  A  dater  d'aujourd'hui,  la  chro- 
nique devient  le  bien  commun  de  la  science  européenne.  Ce  remar- 
quable travail  fait  honneur  à  la  science  française  qui,  malgré  la  diffi- 
culté des  temps, travaille  à  ne  point  perdre  le  rang  élevé  qu'elle 

occupe  dans  le  mouvement  intellectuel  de  l'Europe.  » 

Roumanie.  —  Notre  collaborateur,  M.  Al.-D.  Xénopol,  professeur 
d'histoire  à  l'université  de  Jassi,  vient  de  publier  en  français  (chez 
E.  Leroux),  un  ouvrage  important,  sur  lequel  nous  croyons  devoir  atti- 
rer l'attention  des  érudits;  ce  n'est  d'ailleurs  que  le  développement  d'un 
article  publié  ici  même,  il  y  a  peu  de  temps,  par  M.  Xénopol.  On  sait 
qu'il  y  soutient,  contre  M.  Rœsler,  contre  M.  Hunfalvy  et  autres  histo- 
riens, la  thèse  de  la  continuité,'  dans  les  pays  qui  forment  la  Rou- 
manie et  dans  la  Transylvanie  actuelle,  de  l'ancienne  population  dace 
romanisée.  Pour  lui,  les  Daces  ont  été  entièrement  romanisés.  Quand 
les  empereurs  eurent  donné  l'ordre  d'évacuer  la  Dacie,  les  riches  émi- 
grèrent;  les  pauvres,  les  paysans  restèrent;  à  l'époque  des  grandes 
invasions,  ils  se  réfugièrent  dans  les  montagnes  ;  ils  commencèrent  d'en 


listi:  nns  livres  déposés  au  bureau  de  la  revue.  239 

descendre  depuis  le  xr»  siècle  pour  occuper  les  plaines  où  ils  sont 
encore  aujourd'hui.  A  L'appui  de  cette  thèse,  L'auteur  développe  dans 
ce  nouveau  travail  un  grand  luxe  d'arguments  tirés  des  textes  histo- 
riques, des  chartes  du  moyen  âge,  de  la  langue,  des  noms  de  Lieu.  On 
trouvera  peut-être  que  cel  ouvrage  ne  force  pas  la  conviction  du  lecteur, 
qu'il  renferme  parfois  plus  de  raisonnements  que  de  raisons;  mais  on 
ne  saurait  méconnaître  que  c'est  une  étude  très  approfondie  et  conduite 
dans  un  véritable  esprit  scientifique.  Les  questions  d'origine  sont  les 
plus  difficiles  qui  s'imposent  à  la  sagacité  de  l'historien,  c'est  un  grand 
point  quand  on  sait  rajeunir  une  vieille  discussion  en  la  mettant  sous 
un  nouveau  jour.  Il  est  certain  qu'on  ne  pourra  désormais  étudier  les 
origines  du  peuple  roumain  sans  recourir  au  livre  de  M.  Xénopol. 


LISTE  DES  LIVRES  DÉPOSÉS  AU  BUREAU  DE  LA  REVUE. 

[Nous  n'indiquons  pus  ceux  qui  ont  été  appréciés  dans  les  Bulletins 
et  la  Chronique.) 


Allard.  Histoire  des  persécutions  pendant  les  deux  premiers  siècles,  d'après 
les  documents  archéologiques.  Lccoffrc,  xxxix-461  p.  in-8\  — Brièle.  Collec- 
tion des  documents  pour  servir  à  l'histoire  des  hôpitaux  de  Paris;  t.  III  :  col- 
lection des  comptes  de  l'Hôtel-Dieu  de  Paris  ;  second  fascic.  Picard,  in-4°,  xv-2, 
p.  201-427  (Un).  —  Duc  de  Broglie.  Frédéric  II  et  Louis  XV,  d'après  des  docu- 
ments nouveaux,  1742-44-  C.  Lévy,  2  v.,  418  et  443  p.  in-S".  —  Callandreau. 
Ravaillac.  Picard,  189  p.  in- 8°.  —  Chardon.  La  vie  de  Rotrou  mieux  connue, 
documents  inédits  sur  la  société  polie  de  son  temps  et  la  querelle  du  Cid.  Paris, 
Picard  ;  Le  Mans,  Pellechat.  —  Desnoiresterres.  La  comédie  satirique  au 
xvmc  s.  Perrin  (librairie  académique),  vm-458  p.  in-8°.  —  Garrigou.  Ibères, 
Ibérie;  étude  sur  l'origine  et  les  migrations  de  ces  Ibères,  premiers  habitants 
connus  de  l'Europe.  Foix,  typ.  veuve  Pomiès,  xv-182  p.  in-18.  —  Ch.  d'Hé- 
ricault  et  G.  Bord.  Documents  pour  servir  a  l'histoire  de  la  Révolution  fran- 
çaise. Sauton,  384  p.  in-8°.  —  Jurien  de  La  Graviére.  La  marine  des  Ptolé- 
mées  et  la  marine  des  Romains.  Pion  et  Nourrit,   2  vol.,  252  et  216  p.  in-12. 

—  Edw.  Le  Glay.  Histoire  du  bienheureux  Charles  le  Bon,  comte  de  Flandre. 
Lille,  Desclée  et  de  Brouwer  (Soc.  de  Saint-Augustin),  ni-332  p.  iu-S"  goth. 

—  Lemaire.  Les  fêtes  publiques  à  Saint-Quentin  pendant  la  Révolution  et  sous 
le  premier  empire  (extrait  du  Journal  de  Saint-Quentin).  Saint-Quentin,  impr. 
Moureau,  244  p.  in-18.  —  Le  Paulmier.  Ambroise  Paré,  d'après  de  nouveaux 
documents.  Charavay,  vm-418  p.  in-8°.  Prix  :  10  fr.  —  R.  de  Magnienville. 
Claude  de  France,  duchesse  de  Lorraine.  Librairie  académique  (Perrin),  241  p. 
in-12.  Prix  :  3  fr.  50.  —  Masson.  Le  cardinal  de  Bernis  depuis  son  ministère, 
1758-94.  Pion  et  Nourrit,  iv-560  p.  in-8".  —  Th.  Reinacu.  Histoire  des  Israé- 
lites, depuis  leur  dispersion  jusqu'à  nos  jours.  Hachette,   xvm-423  p.  in-16. 


240  ERRATA. 

Prix  :  3  fr.  —  Comte  de  Sao  Mamede.  Don  Sébastien  et  Philippe  IL  Pedone- 
Lauriel,  129  p.  in-8'.  —  Abbé  Sicard.  L'éducation  morale  et  civique  avant  et 
pendant  la  Révolution,  1700-1808.  Poussielgue,  ix-v-583  p.  in-8°.  —  Edm. 
Stapfbr.  La  Palestine  au  temps  de  J.-C.  Fischbacher,  531  p.  in-8°.  —  Stein. 
Le  Cartulaire  de  l'ancienne  abbaye  de  Saint-Nicolas-des-Prés,  sous  Ribemont, 
au  tlioc.  de  Laon  (Mém.  de  la  soc.  acad.  de  Saint-Quentin,  t.  V).  Saint-Quentin, 
impr.  Poctle,  231  p.  in-8'. 

W.  Busch.  DreiJahie  englischer  Vermittlungspolitik,  1518-21.  Bonn,  Marcus, 
xi-194  p.  in-8°.  Prix  :  4  m.  —  H.  von  Holst.  Verfassungsgeschichle  der 
Vereinigten  Staaten  von  Amerika  seit  der  Administration  Jackson's.  Bd.  III. 
Berlin,  Springer,  xix-800  p.  in-8».  Prix  :  16  m.  -  Ad.  Koch.  Hermann  von 
Salza,  Meister  des  Deutschen  Ordens.  Leipzig,  Duncker  et  Humblot,  ix-140  p. 
in-8°.  Prix  :  3  m.  20.  —  Koser.  Unterbaltungen  mit  Friedrich  dem  Grossen. 
Memoiren  und  Tagebucher  von  H.  de  Catt.  Leipzig,  Hirzel,  xxxm-504  p.  in-8\ 
—  Sickel.  Diplomata  regum  et  imperatorum  Germaniae.  T.  I,  pars  3a,  xix- 
321-740  p.  Hanovre,  Hahn.  —  Waitz.  Ottonis  et  Rahewini  Gesta  Friederici  I  im- 
peratoris  ;  editio  altéra;  ibid.,  xxxi-305  p.  8°. 

Zeissberg  et  Vivenot.  Quellen  zur  Geschichte  der  deutschen  Kaiserpolitik 
Œsterreichs  waehrend  derfranz.  Revoluticmskriege,  1790-1801.  Bd.  IV.  Vienne, 
Braumiiller. 

Graf.  Roma  nella  roemoria  e  nelle  imaginazioni  del  medio  evo.  Vol.  II. 
Turin,  Lœscher,  598  p.  in-8°.  Prix  :  8  1.  —  Zamponi.  Maria-Adelaide  di  Savoia, 
duchessa  di  Borgogna,  delfina  di  Francia.  Florence,  Galetti  et  Cocci,  447  p. 
in-8».  Prix  :  3  1. 


Errata  du  précédent  numéro. 


Page  419,  ligne  1,  au  lieu  de  Militari,  lire  :  Militare. 

Page  419,  lignes  21,  22,  au  lieu  de  :  dans  sa  conclusion,  par  exemple,  lire 

Ainsi,  dans  sa  conclusion,  l'exemple  de  Rome,  etc. 
Page  420,  ligne  26,  au  lieu  de  :  provisoire,  lire  :  positive. 
Page  421,  ligne  33,  au  lieu  de  :  Levot,  le  savant  professeur  de  Brest,  lire 

Levot,  le  savant  Bibliothécaire  du  port  de  Brest. 


L'un  des  propriétaires-gérants,  G.  Monod. 


Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  Daupeley-Gouverneur. 


LA 


MISSION  DU  PÈRE  JOSEPH 


A  RATISBONNE 

1630. 

(Suite.) 


A  la  suite  du  départ  du  fils  de  Bouthillier  (22  août),  les  négo- 
ciations avaient  été  suspendues  le  temps  nécessaire  pour  en  don- 
ner communication  aux  électeurs,  prendre  leur  avis  et  leur  faire 
part  des  résolutions  de  l'Empereur,  elles  furent  reprises  le  dernier 
août.  Ce  jour-là,  les  commissaires  portèrent  ces  résolutions  à  la 
connaissance  de  nos  envoyés.  L'Empereur  avait  fait  demander  au 
nouveau  duc  de  Savoie 4  s'il  voulait  se  contenter  de  l'indemnité 
accordée  à  son  père,  il  avait  demandé  à  la  duchesse  de  Lorraine 
et  à  Spinola  leurs  pouvoirs  pour  statuer  sur  les  intérêts  de  la  pre- 
mière et  sur  ceux  de  l'Espagne.  L'arbitrage  du  suzerain  des  fiefs 
en  litige  était  une  voie  plus  rapide  pour  arriver  à  une  solution 
qu'une  discussion  directe  et  un  accord  entre  les  intéressés.  La 
sentence  impériale  rendue  et  les  termes  de  la  soumission  du  duc 
de  Mantoue  arrêtés,  l'Empereur  restituera  à  celui-ci  sa  bienveil- 
lance et  le  rétablira  dans  ses  droits.  Il  ne  faisait  pas  actuellement 
d'objection  aux  propositions  concernant  le  désarmement  et  l'éva- 
cuation, il  attendrait  les  nouveaux  pouvoirs  de  nos  agents  pour 
faire  connaître  à  cet  égard,  d'une  façon  plus  précise,  ses  intentions 
qui  étaient  subordonnées  aux  circonstances.  Les  commissaires 
revinrent  sur  la  nécessité  d'établir  entre  lui  et  le  roi  une  paix 
générale  impliquant  la  renonciation  aux  alliances  contraires. 

1.  Charles-Emmanuel  était  mort  le  26  juillet  et  avait  eu  pour  successeur 
Victor-Amédée. 

Rev.  Histor.   XXVII.  -2e  fasc.  1G 


2  52  G.    FAGMEZ. 

Enfin,  conformément  à  l'idée  suggérée  par  les  électeurs1,  ils 
signalèrent  l'opportunité  de  terminer  les  différends  pendants  au 
sujet  des  Trois  Evèchés  et  de  dissiper  les  inquiétudes  que  l'armée 
de  Champagne  inspirait  aux  princes  de  l'Empire  et  particulière- 
ment au  duc  de  Lorraine.  Ces  déclarations  étaient  trop  générales 
pour  faire  le  sujet  d'une  discussion  approfondie,  elles  n'appelaient 
que  des  observations  ayant  le  même  caractère.  En  annonçant 
qu'il  s'occupait  à  réunir  les  pouvoirs  nécessaires  pour  prononcer 
son  arbitrage,  Sa  Majesté  Impériale  ne  laissait  rien  pressentir  du 
sens  dans  lequel  il  serait  conçu  ;  nos  négociateurs  exprimèrent 
l'espoir  qu'il  serait  de  nature  à  être  accepté  par  leur  maître  et 
qu'il  ne  s'écarterait  pas  des  conditions  arrêtées  en  Italie.  Elle 
promettait  de  rendre  au  duc  de  Mantoue  sa  bonne  grâce  ;  ils  trou- 
vaient ce  terme  bien  vague,  c'était  l'investiture  qui  faisait  tout  le 
prix  de  cette  rentrée  en  grâce,  et  c'était  l'investiture  qu'il  fallait 
promettre.  Ce  n'était  pas  sans  intention  que  le  mot  réclamé  par 
eux  avait  été  évité,  il  y  avait  là  un  calcul  dont  le  protocole  des 
conclusions  adoptées  le  29  août  par  les  commissaires  nous  a  con- 
servé le  secret2.  Les  déclarations  relatives  à  une  paix  générale, 
aux  Trois  Evêchés  et  à  l'armée  de  Champagne  furent  accueillies 
avec  la  réserve  commandée  par  la  nouveauté  de  ces  questions  qui 
n'avaient  pas  été  soulevées  en  Italie  et  par  le  défaut  d'instructions 3. 
Le  seul  but  de  cette  entrevue  avait  été  de  faire  connaître  aux 
représentants  de  la  France  les  intentions  de  Ferdinand,  et  leurs 
observations  n'étaient  que  l'expression  spontanée  et  non  concer- 
tée de  leurs  impressions.  Le  4  septembre,  ils  furent  appelés  à 
manifester  leur  opinion  réfléchie  sur  cette  communication,  parti- 
culièrement sur  la  question  d'une  paix  générale.  L'ambassadeur 
loua  de  nouveau  le  projet  de  donner  la  paix  à  la  chrétienté  en 
établissant  l'harmonie  entre  l'Empereur  et  la  France,  mais,  avant 
d'aller  plus  loin,  il  fallait  éclaircir  un  point.  Ce  point,  le  P.  Joseph 
l'indiqua  en  ces  termes  :  S'il  se  concluait  un  traité  en  Italie,  ne 
mettrait-il  pas  fin  à  la  présente  négociation  ?  La  vérité  est,  leur 

1.  Avis  donné  à  l'empereur  par  le  collège  électoral,  27  août.  Kbevenliiller, 
XI.  1210,  1212,  1213. 

2.  «  Conclusum  ut ubi  dicitur  de  Nivernensi,  previa  deprecatione  et 

submissione,  investicndo,  saltcm  dicatur  in  gratiam  et  stalura  pristinurn  res- 
tituendo.  »  Arch.  de  cour  et  d'État  à  Vienne.  Friedensacten,  liasse  9  a. 

3.  Dépêcbe  du  P.  Josepb  à  Richelieu,  2  septembre  1630.  Arch.  des  aff.  élr. 
Allemagne,  VII,  f.  137. 


u  mission  i>r  p.  JosErn  a  ratisbowe.  243 

répondit-on,  que,  d'après  te  rapport  de  Collalte,  Mazarin  s'est 
remis  à  négocier  la  paix  en  Italie,  mais  Sa  Mnje>lé  Impériale  n'a 
pas  pris  de  parti  définitif  sur  la  valeur  de  ce  qui  s'y  fait  et  a  seu- 
lement ordonné  de  continuer  à  traiter  ici  '.  Le  P.  Joseph  se  plai- 
gnit ensuite  d'avoir  affaire  à  Ratisbonne  à  des  propositions  fort 
différentes  de  celles  qui  avaient  été  faites  en  Italie  et  de  voir  les 
chances  de  la  paix  diminuer  à  mesure  qu'on  négociait  davantage. 
Les  commissaires  répondirent  que  les  pourparlers  qui  avaient  eu 
lieu  au  delà  îles  Alpes,  n'ayant  pas  abouti,  étaient  non  avenus. 
Ils  allaient  trop  loin.  Autant  l'espoir  d'obtenir  des  conditions  plus 
avantageuses  que  celles  qui  avaient  été  ménagées  par  Mazarin 
était  légitime  chez  Ferdinand,  autant  il  était  impossible  de  ne  pas 
tenir  compte  des  préliminaires  de  paix  auxquels  avait  participé 
son  représentant  autorisé  et  que  lui-même  avait  acceptés  à  Ratis- 
bonne comme  base  de  négociations  nouvelles 2. 


1.  Heyne  exagère  la  portée  du  langage  tenu  par  les  commissaires  en  leur 
faisant  dire  que  la  négociation  ne  sera  pas  reprise  en  Italie.  Il  se  trompe  plus 
gravement  en  présentant  cette  déclaration  comme  un  succès  pour  le  P.  Joseph 
et  pour  la  France  (p.  115  et  n.  2).  Tous  les  documents,  notamment  la  dépêche 
du  P.  Joseph  à  Richelieu  du  20  septembre  (Arch.  des  ail.  étrang.  Allemagne, 
VII,  fol.  140),  nous  montrent  nos  agents  désireux,  pour  les  raisons  que  nous 
avons  dites,  de  voir  la  paix  signée  en  Italie  plutôt  qu'on  Allemagne.  En  posanl 
cette  question,  ils  n'avaient  d'autre  but  que  d'éviter  l'équivoque  et  le  malen- 
tendu qui  pouvaient  naître  de  deux  négociations  parallèles,  ils  n'avaient  aucune 
arrière-pensée.   Le  lecteur  en  jugera  par  le   texte  du  protocole  qui,  il  faut 

l'avouer,  n'est  pas  parfaitement  clair.  «  Er  [Brularl] betinde  auch  aothwen- 

dig  zu  sein,  ehe  man  zu  fernerer  Handlung  schreiten  mœchte,  etwas  zu 
erwamnen  und  zu  erlauttem,  damit  dièse  wohlgemeinle  Tractation  nicht  et- 
wan  mœchte  gehindert  oder  confundirt  werden,  so  der  P.  Joseph  mit  mehrern 
wùrde  erklaren,  welcher  darauf  vermeldet  :  Hs  stehe  zu  befahren,  dasz  nicht 
etwan  diese  Friedenshandlung  durch  Tractalus  in  Italien,  wann  dort  en  auch 
dergleichen  ihren  Fortgang  erreicheten  (wie  ohngesehr  vorkomme)  ins  Slecken 
gebracht  u.  verhindert  wiirde,  derowegen  gebeten  ob  und  was  die  Depntirten 
deswegen  fur  Nachrichtung  hcetten  damit  allerscits  desto  behulsamer  gegan- 
gen,  confusiones  verhùtet  und  eins  in  das  andere  nicht  vermischt  werden 
mœchte.  »  Vorauf  die  Deputirten  geantwortet  :  «  Dass  nicht  weniges  andem  sey, 
wie  der  Graf  von  Colalto  berichte,  dasz  der  Mazarino  die  Tractatna  wieder 
reassumirt,  und  zu  dero  Vorstellnng  allererth  (?  le  texte  imprimé  porte  allbe- 
reit)  diligentias  angcwerndet  dariiber  aber  lhre  Kays.  Maj.  unsers  wissen  bis 
noch  nichts  resolvirt,  sondern  die  allhier  angefangene  Handlung  zu  prosoquiren 
befohlen  haetten.  »  Khevenhiller,  XI,  1214.  Nous  avons  rectifié  le  texte  de 
Khevenhiller  d'après  le  protocole  ms.  conservé  à  Vienne.  Arch.  de  cour  et 
d'Etat,  Friedensacten,  liasse  9  a. 

2.  Dépêche  de  Brulart  et  du  P.  Joseph  à  Richelieu,  22  août  1630.  Arch.  des 
aff.  étrang.  Allemagne,  VII,  fol.  116. 


244  G.    FAGNIEZ. 

Nos  envoyés  firent  observer  qu'il  s'écoulerait  beaucoup  de 
temps  avant  que  l'Empereur  eût  réuni  les  pouvoirs  des  parties 
intéressées  et  rendu  son  arbitrage  ;  d'ici  là,  la  guerre  pouvait 
rendre  vaine  l'œuvre  de  la  diplomatie.  Il  serait  juste  de  faire  con- 
naître au  roi,  avant  qu'il  demande  au  duc  de  Mantoue  d'accep- 
ter d'avance  la  sentence  impériale,  l'étendue  des  sacrifices  qu'elle 
imposera  à  celui-ci,  la  nature  et  l'importance  des  satisfactions 
qu'elle  accordera  aux  prétendants.  A  leurs  yeux,  le  mieux,  en  ce 
qui  concerne  le  duc  de  Savoie,  est  de  s'en  tenir  à  ce  qui  a  été  fait 
en  Italie,  c'est-à-dire  à  18,000  couronnes  de  revenu  annuel  assi- 
gnées sur  Trino  et  sur  des  terres  voisines  et  possédées  non  en  vertu 
des  stipulations  arrêtées  en  Italie,  mais  en  vertu  de  la  décision 
impériale.  Il  n'a  jamais  été  question  de  donner  des  terres  au  duc 
de  Guastalle,  mais  seulement  une  somme  de  50,000  couronnes 
environ,  le  duc  de  Nevers  ne  se  résignera  jamais  à  lui  céder  des 
terres,  le  roi  y  répugne  aussi  et  il  importe  également  à  l'Empereur 
et  à  l'Empire  que  le  Mantouan,  qui  n'est  déjà  pas  grand,  ne  soit 
pas  réduit  ou  démembré.  Les  quatre  terres  qu'on  veut  lui  enlever 
sont,  dit-on,  les  meilleures  et  les  plus  riches.  Il  ne  sera  pas  pos- 
sible de  prononcer  de  sitôt  sur  les  prétentions  de  la  duchesse  de 
Lorraine,  il  ne  faut  pas  ajourner  pour  cela  la  conclusion  de  la 
paix,  on  propose  de  soumettre  ses  prétentions  à  l'arbitrage  de  la 
reine  mère;  la  duchesse,  qui  connaît  la  bienveillance  de  sa  cousine 
germaine,  ne  s'opposera  vraisemblablement  pas  à  ce  compromis. 
Si  Charles  de  Gonzague  a  offensé  Sa  Majesté  Impériale,  c'est  sans 
le  vouloir,  l'innocence  de  ses  intentions  doit  lui  mériter  l'indul- 
gence et  lui  épargner  des  excuses  trop  humiliantes.  On  leur  donna 
en  effet  l'espoir  qu'on  ne  se  montrerait  pas  trop  exigeant  à  cet  égard . 
Ils  ajoutèrent  qu'ils  ne  comprenaient  pas  pourquoi  la  promesse  de 
l'Empereur  de  rendre  sa  bonne  grâce  au  duc  de  Nevers  et  de  le  réta- 
blir dans  ses  droits  ne  faisait  pas  mention  de  l'investiture,  qui  était 
l'objet  le  plus  important  du  traité,  le  fruit  principal  de  cette  bonne 
grâce,  et  ils  attendaient  sur  ce  point  les  explications  des  commis- 
saires. Le  licenciement  ou  l'éloignement  des  troupes,  l'évacuation 
et  la  restitution  des  lieux  occupés  actuellement  et  de  ceux  qui  pour- 
raient l'être,  le  rasement  des  fortifications  nouvelles,  tout  cela  doit 
être  réglé  en  Italie,  aussi  prient-ils  instamment  l'Empereur  d'y 
envoyer  immédiatement  ses  pleins  pouvoirs  pour  conclure  une  paix 
qui  prévienne  les  accidents  auxquels  peut  donner  lieu  le  voisinage 
des  armées.  N'ayant  pas  encore  reçu  la  réponse  de  Richelieu  au 


LA    MISSION    DU    T.    JOSEPH    A    RATISIÏONM-.  2 15 

sujet  de  l'assurance  réciproque  contre  tout  acte  d'hostilité,  ils 
n'avaient  pas  de  raison  pour  sortir  de  la  réserve  dans  laquelle  ils 
s'étaient  tenus  à  cet  égard.  Ils  déclarèrent  qu'ils  ne  pouvaient 
l'accueillir  sans  en  avoir  référé  au  roi  et  qu'ils  doutaient  que  l'Es- 
pagne se  tînt  pour  liée  par  les  engagements  de  l'Empereur,  ils 
croyaient  donc  plus  à  propos  de  régler  sans  retard  la  question 
italienne  et  de  remettre  la  question  allemande  au  roi  lui-même, 
si  favorablement  disposé  pour  l'établissement  de  la  paix  et  de  la 
bonne  harmonie.  Ici  les  commissaires  essayèrent  de  mettre  nos 
envoyés,  particulièrement  le  P.  Joseph,  en  contradiction  avec 
eux-mêmes.  Dans  la  dernière  conférence  n'avaient-ils  pas  accueilli 
avec  reconnaissance  la  proposition  de  traiter  d'une  paix  générale, 
le  P.  Joseph  n'avait-il  pas  même  assuré  qu'elle  serait  très  agréable 
au  roi  ?  A  défaut  de  pleins  pouvoirs  et  ceux  qu'ils  attendaient  ne 
devant  pas  s'étendre  à  cette  question  imprévue,  n'avaient-ils  pas 
proposé  de  dresser  un  projet  qui  serait  envoyé  au  roi  et  validé 
ensuite,  aussitôt  que  possible,  par  l'Empereur1?  Reculer  mainte- 
nant, conclure  la  paix  en  Italie  et  la  laisser  en  suspens  (?  anstel- 
len)  en  Allemagne,  sous  prétexte  de  pouvoirs  insuffisants,  paraî- 
trait singulier  et  produirait  un  mauvais  effet,  dont  les  affaires 
d'Italie  elles-mêmes  pourraient  souffrir.  Après  bien  des  discus- 
sions, les  représentants  de  la  France  déclarèrent  que  tout  ce  qu'ils 
pouvaient  prendre  sur  eux,  c'était  de  consentir  à  un  article  géné- 
ral exprimant  la  volonté  de  leur  maître  de  ne  léser  d'aucune 
manière,  par  lui-même  ou  par  autrui,  Sa  Majesté  Impériale,  ses 
Etats  héréditaires  ni  l'Empire 2.  Tout  ce  qu'on  peut  demander, 
ajoutèrent-ils,  est  compris  dans  cet  article.  Quant  à  spécifier  en 
détail  la  portée  de  cette  déclaration  et  à  promettre  la  renon- 
ciation du  roi  à  ses  alliances,  ils  ne  pouvaient  le  faire  sans  ordres. 
Les  anciens  et  les  nouveaux  différends  soulevés  par  les  Trois 
Evêchés  n'ont  rien  à  faire  dans  la  négociation  actuelle  et  ils  ne 
sont  pas  en  mesure  d'en  traiter.  On  pourrait  convenir  d'un  délai 
et  d'une  conférence  pour  les  régler  et  s'engager  à  maintenir,  en 

1.  «  Modus  vorgeschlagcn,  wie  solche  Tracfatus  pacis  universalis  vorzu- 

stellen,  auf  gewisse  agiustarnenti  zu  richten,  cacher  dem  kocnig  aus  Franck- 

reich  zu  fertigen  und  zuzuschicken »  Khevenhiller,  XI,  1218.  On  voit  par 

le  texte  du  protocole  que  les  commissaires  étendent  à  la  question  de  la  garan- 
tie réciproque  la  proposition  qui,  dans  la  pensée  du  P.  Joseph,  ne  s'appliquait 
qu'aux  allaires  d'Italie. 

2.  «  dass  der  kœnig  Ihro  Kays.  Maj weder  durch  sich  noch  dun  h 

andere  quocunque  modo  offendiren  oder  beleydigen  wollc...  »  Ibid.,  1219. 


>/»()  G.    FAGNIEZ. 

attendant,  le  statu  quo.  Les  troupes  françaises  seront  éloignées 
des  frontières  de  l'Empire  et  la  Lorraine  ne  sera  pas  envahie 
(investirt),  pourvu  que  les  troupes  impériales  s'éloignent  éga- 
lement des  frontières  françaises.  Ils  demandent  de  nouveau  qu'on 
envoie  à  Collalte  le  projet  de  traité  dont  on  tombera  d'accord  à 
Ratisbonne  avec  l'ordre  de  le  ratifier  et  de  l'exécuter  aussitôt  que 
la  validation  de  leur  souverain  lui  sera  parvenue.  De  cette  façon 
on  gagnera  du  temps  et  l'on  préviendra  les  accidents  dont  la 
guerre  est  journalière.  Sa  Majesté  Impériale  préfère-t-elle  arri- 
ver au  même  but  par  une  suspension  d'armes  ?  Qu'elle  daigne 
envoyer  un  courrier  à  son  général,  ils  l'en  prient  instamment, 
et,  de  leur  côté,  ils  demanderont  à  leur  maître  d'en  faire  autant1. 
Les  commissaires  impériaux  ayant  rendu  compte  à  Ferdinand 
de  cette  conférence,  celui-ci  les  chargea  d'annoncer  aux  négocia- 
teurs français  qu'il  consentait  à  envoyer  à  Collalte  l'ordre  de 
signer  une  suspension  d'armes;  c'est  lui  qui  réglerait  les  points 
relatifs  à  l'évacuation  et  à  la  restitution  des  lieux  occupés  et  l'on 
débattrait  les  autres  questions  à  Ratisbonne.  Les  agents  de  la 
France  seraient  tenus  au  courant  de  ce  qui  se  traiterait  en  Italie2. 
La  mission  de  Collalte  n'était  pas  pour  cela  limitée  au  règlement 
des  conditions  dans  lesquelles  s'effectueraient  la  pacification  et  le 
désarmement,  il  conservait  les  pouvoirs  nécessaires  pour  traiter 
de  la  succession  de  Mantoue.  Ces  pouvoirs  ne  lui  avaient  jamais 
été  expressément  enlevés  ;  en  s'autorisant  de  la  présence  de  négo- 
ciateurs français  à  Ratisbonne  et  du  désir  de  l'Empereur  de  négo- 
cier lui-même  pour  décliner  la  tâche  de  conclure  la  paix,  ce  géné- 
ral avait  eu  pour  but  de  se  dérober  aux  instances  de  Mazarin  et 
de  donner  à  Spinola  le  temps  de  prendre  Casai 3. 

1.  Protocole  de  la  conférence  du  4  septembre  dans  Khevenhiller,  XI,  1214- 
1220. 

2.  Khevenhiller,  XI,  1220.  «  Velle  proinde  S.  M.  Caes.  ut  puncta  de  abdu- 
cendo  milite,  restituendis  locis,  deserendis  passibus  in  Italia  pertractentur, 
nos  vero  hic  ad  ulteriora  progrediamur.  Protocole  de  la  conférence  du  17  sept. 
Arch.  de  cour  et  d'État  à  Vienne.  Friedensacten,  liasse  9  a. 

3.  «  ...  Significavimus  [ce  sont  les  commissaires  impériaux  qui  parlentj  ipsis 
[Brulart  et  le  P.  Joseph]  primo  ad  nuperum  quaesitum  au  cornes  Collalti  adhuc 
haberet  plenipotentiam,  intellexisse  nunc  procul  dubio  dominum  P.  cappuccinum 
quod  minquam  dno  corn.  Collalto  plenipotentia  semel  concessa  fuerit  adempta 
vel  revoeala.  »  Protocole  de  la  conférence  du  17  sept.  Ubi  supra.  «  Al  conte 
di  Collalto  li  vienc  tacilamente  a  cessare  domandandoli  S.  M.  informatione  di 
moite  cose  per  concluder  ella  la  pace  con  li  ministri  di  Francia  in  Ratisbona.  » 


LA    MISSION   DU    P.    JOSEPH   A    RATISBO\NE.  2'(7 

Les  ordres  de  Ferdinand  avaient  été  devancés  :  le  4  septembre 
avait  été  signée  à  Rivoli  entre  nos  généraux  et  Spinola  une  trêve, 
dont  le  terme  avait  été  fixé  au  15  octobre.  Cette  trêve,  pendant 
laquelle  la  ville  et  le  cbâteau  de  Casai  devaient  être  occupés  par 
Spinola,  tandis  que  la  citadelle  restait  dans  les  mains  de  Toiras, 
faisait  dépendre  le  sort  définitif  de  la  capitale  du  Montferrat  de 
l'issue  des  tentatives  qui  seraient  faites  du  15  au  31  octobre  pour 
secourir  la  citadelle.  Si  celle-ci  était  secourue,  la  ville  et  le  châ- 
teau seraient  rendus  aux  Français  ;  si  les  Français  ne  parvenaient 
pas  à  forcer  les  lignes  des  assiégeants,  la  citadelle  serait  elle  aussi 
remise  au  général  espagnol.  Ces  conditions,  qui  livraient,  sans 
coup  férir,  à  celui-ci  la  ville  et  le  cbâteau,  n'auraient  été  que 
désavantageuses  pour  la  France,  si  les  Espagnols  ne  s'étaient 
obligés  à  fournir  des  vivres  aux  défenseurs  de  la  citadelle  jusqu'à 
la  fin  d'octobre,  c'est-à-dire  même  après  la  reprise  des  hostilités. 
Cette  convention  singulière,  imaginée  surtout  pour  donner  satis- 
faction à  l'amour-propre  de  l'illustre  Génois,  en  mettant  la  gar- 
nison à  l'abri  de  la  famine,  en  faisant  de  la  place  le  prix  exclusif 
de  la  valeur,  dissipait  les  incertitudes  de  nos  négociateurs  sur  la 
durée  de  sa  résistance  et  leur  imposait  le  devoir  de  devancer  le 
15  octobre  par  un  traité  aussi  avantageux  que  possible,  de  même 
qu'elle  imposait  à  nos  généraux  et  à  notre  gouvernement  celui 
d'augmenter  et  d'organiser  nos  forces  pour  le  rendez-vous  que  les 
deux  armées  s'étaient  donné  sous  les  murs  de  Casai  comme  deux 
braves  en  champ  clos. 

Dans  la  conférence  du  9  septembre,  les  commissaires  impériaux 
proposèrent  une  rédaction  de  l'article  relatif  aux  relations  futures 
de  la  France  et  de  l'Empire.  Elle  plut  à  nos  agents,  qui  se  réser- 
vèrent toutefois  de  l'examiner  plus  à  loisir,  et  elle  était  destinée 
à  devenir  le  premier  article  du  traité.  Le  P.  Joseph,  dans  une 
dépêche  du  20  septembre1,  s'en  applaudissait  comme  d'un  succès 
dû  à  ses  efforts  et  à  ceux  de  l'ambassadeur,  et  il  n'avait  pas  tort. 
Que  l'on  compare  l'article  2  du  projet  envoyé  à  Richelieu  et 
accepté  par  lui2  avec  l'article  admis  par  nos  représentants  et 

Lettre  de  Mazarin  à  d'Effiat.  Ubi  supra.  Dépôcbe  de  Richelieu  à  M.  de  Léon, 
5  septembre.  Ubi  supra. 

1.  «  Nous  avons  beaucoup  rabbatu  de  l'article  qui  concerne  la  paix  en  gêne- 
rai, où  il  n'est  plus  fait  mention  de  renoncer  à  aucune  alliance  et  n'\  a  que  des 
termes  communs  et  qui  sont  ordinaires  en  touttes  sortes  de  lrailt6s  dont  le  roy 
de  Suède  et  les  Estais  ne  se  peuvent  offencer.  »  Ubi  supra. 

2.  Arcb.  des  aff.  étrang.  Allemagne,  VII,  fol.  109,  123. 


2  I  8  G.    FAG>'IEZ. 

définitivement  adopté1,  on  verra  que  l'un  oblige  la  France  à 
rompre,  avec  ménagement  sans  doute2,  mais  enfin  à  rompre  ses 
alliances  avec  les  agresseurs  de  l'Empire,  pour  ne  rester  fidèle 
qu'à  ses  alliances  défensives,  tandis  que  l'autre  ne  lui  impose  que 
l'obligation  d'exhorter  les  rebelles  à  l'Empire  et  ses  ennemis  à  la 
justice  (ad  œquitatem),  au  respect  et  à  l'obéissance.  Ainsi,  dès 
les  premiers  jours  de  septembre,  alors  qu'ils  ignoraient  encore 
les  intentions  de  leur  gouvernement  au  sujet  d'une  exigence  aussi 
fâcheuse  qu'inéluctable,  nos  envoyés  avaient  fait  prévaloir  une 
rédaction  qui  réduisait  l'engagement  de  notre  pays,  dans  ses  rap- 
ports avec  ses  alliés  en  guerre  avec  l'Empire,  à  leur  prêcher  de 
meilleurs  sentiments.  Il  importe  d'autant  plus  de  le  remarquer 
que  cette  rédaction  devait  être  repoussée  par  Richelieu  et  lui  four- 
nir un  de  ses  griefs  les  plus  graves  contre  le  traité  et  ses  signa- 
taires. 

A  côté  de  cette  importante  question,  il  en  est  une  autre  qui  fut 
aussi  résolue,  du  moins  en  apparence,  dans  la  conférence  du 
9  septembre  ;  nous  voulons  parler  des  prétentions  de  la  duchesse 
de  Lorraine.  On  se  rappelle  que  le  projet  de  Mazarin  déférait  ces 
prétentions  à  l'arbitrage  de  Marie  de  Médicis,  et  que  les  commis- 
saires avaient  demandé  que  l'impératrice  et  l'électeur  de  Bavière 
fussent  adjoints  à  la  reine  mère,  sous  la  condition  qu'ils  se  ran- 
geraient à  son  avis.  Dans  la  conférence  du  4  septembre,  nos 
agents  s'en  étaient  tenus,  on  l'a  vu,  au  premier  de  ces  expédients; 
dans  celle  du  9,  ils  acceptèrent  ou  même,  s'il  faut  en  croire  le 
protocole  rédigé  par  les  commissaires,  ils  proposèrent  ces  trois 
arbitres.  Cette  concession,  dont  il  ne  faut  pas  exagérer  la  portée, 
puisqu'il  restait  entendu  que  l'avis  de  la  mère  du  roi  devait  être 
décisif,  leur  fut  sans  doute  arrachée  par  la  prétention  de  la  duchesse 
d'obtenir,  en  garantie  de  ses  droits,  le  séquestre  d'une  partie  du 
Montferrat.  Ils  déclarèrent  que  cette  garantie  était  tout  à  fait 
inutile,  car  le  duc  de  Nevers  ne  se  refuserait  jamais  à  satisfaire 
aux  revendications  qui  seraient  reconnues  légitimes  et  à  se  sou- 
mettre à  la  sentence  arbitrale.  La  réserve  des  droits  delà  duchesse 
rendrait  la  paix  absolument  précaire,  car  elle  pourrait  les  trans- 


1.  Protocole  de  la  conférence  du  0  septembre.  Arch.  de  cour  et  d'État  à 
Vienne,  Friedensacten,  liasse  9  a.  Art.  1  du  traité  de  Ratisbonne  dans  Gasle- 
lius,  Tractatus  de  statu  publico  Europeae.  p.  697. 

2.  Voy.  plus  haut  l'interprétation  de  Richelieu. 


LA    MISSION    DU    P.    JOSEPn    A    RATISI!ON\K.  24'J 

férer  à  l'Espagne  qui,  si  frivoles  qu'ils  fussent,  n'hésiterait  pas 
à  les  revendiquer  les  armes  à  la  main  '. 

On  s'occupa  dans  la  même  conférence  de  l'indemnité  du  duc  do 
Savoie.  Les  commissaires  firent  savoir  que  l'Empereur  lui  attri- 
buait Trino  et  une  rente  de  20,000  écus  assignée  sur  des  terres 
voisines  du  Piémont.  Nos  envoyés  répondirent  que  cette  indem- 
nité avait  été  fixée  en  Italie  à  une  rente  de  18,000  écus,  y  com- 
pris les  revenus  de  Trino  ;  pourquoi  revenir  sur  une  décision  qui 
avait  été  acceptée  successivement  par  le  feu  duc  et  par  le  duc 
régnant  ?  Ils  ne  se  permettraient  pas  de  discuter  la  décision  de  Sa 
Majesté  Impériale,  ils  la  suppliaient  seulement  d'avoir  égard  à 
ce  qui  avait  été  convenu  précédemment  et  de  ménager  le  duc  de 
Nevers.  Il  était  difficile  de  répondre  à  un  argument  aussi  sérieux  : 
on  ajourna  la  question  et  on  décida  seulement  qu'on  débattrait  à 
Ratisbonne  le  chiffre  de  la  rente  et  qu'on  en  déterminerait  l'as- 
siette en  Italie2. 

Dans  la  conférence  suivante,  celle  du  12  septembre,  on  tomba 
d'accord  sur  la  forme  et  les  termes  de  la  soumission  de  Charles  de 
Gonzague.  Les  commissaires  commencèrent  par  rappeler  que 
l'amende  honorable  à  laquelle  la  tradition  soumettait  les  princes 
rebelles  de  l'Empire  consistait  à  confesser  leur  faute  et  à  en 
demander  le  pardon  à  genoux.  Telle  était  la  réparation  que  l'Em- 
pereur aurait  le  droit  d'exiger  du  duc  de  Nevers.  Nos  agents 
représentèrent  toute  la  différence  qu'il  fallait  faire  entre  le  prince 
français  et  des  rebelles  comme  le  palatin  ;  le  premier  n'avait  pas 
été  agresseur,  mais  réduit  à  se  défendre,  il  avait  toujours  été  fort 
éloigné  de  l'idée  d'offenser  son  suzerain  et  il  ne  méritait  pas  une 
humiliation  publique.  On  était  convenu  naguère  que  sa  soumis- 
sion aurait  lieu  par  écrit.  Les  commissaires  renoncèrent  sans 
beaucoup  de  peine  à  une  idée  qu'ils  n'avaient  mise  en  avant  que 
pour  donner  à  leur  maître  le  mérite  d'en  faire  le  sacrifice  et  faire 
valoir  sa  modération.  Ils  étaient  si  bien  préparés  à  ce  sacrifice 
qu'ils  avaient  rédigé.le  projet  d'une  lettre  d'excuses,  qui,  après 
une  discussion  dont  le  procès- verbal  de  la  séance  ne  dit  rien,  fut 
accepté  par  l'ambassadeur  et  le  P.  Joseph.  Ceux-ci  reçurent  la 
promesse  qu'après  avoir  réparé  le  passé  et  pris  des  engagements 
pour  l'avenir,  le  duc  de  Nevers  obtiendrait  l'investiture  du  Man- 

1.  Cette  crainte  n'était  pas  chimérique.  Voy.  Mém.  de  Richelieu,  II,  101. 

2.  Protocole  de  la  conférence  du  9  septembre.  Ubi  supra. 


250  G-    FAf.NIEZ. 

touan  et  du  Montferrat  à  l'intercession  de  Sa  Sainteté  et  du  roi 
très  chrétien  et  en  la  demandant  par  un  plénipotentiaire  avec  les 
formes  convenables.  Ce  n'était  donc  plus  seulement  la  bienveil- 
lance de  son  suzerain  qui  devait  être  le  prix  de  cette  démarche, 
les  conseillers  de  l'Empereur  avaient  dû  sortir  de  l'équivoque  cal- 
culée dans  laquelle  ils  avaient  essayé  de  se  renfermer  et  tenir 
compte  des  observations  qui  leur  avaient  été  présentées.  Nos  négo- 
ciateurs étaient  convaincus  que  le  pape  ne  refuserait  pas  d'inter- 
céder par  son  nonce  en  faveur  de  Charles  de  Gonzague,  et  l'am- 
bassadeur agirait  de  même  au  nom  de  son  maître. 

Serait-ce  son  résident  ordinaire  ou  un  ambassadeur  spécial  que 
le  duc  chargerait  de  porter  sa  soumission  et  de  demander  l'inves- 
titure ?  Le  projet  de  Mazarin  attribuait  cette  mission  au  premier, 
mais  depuis  quelque  doute  semblait  s'être  élevé  sur  les  intentions 
de  l'Empereur  à  cet  égard  et,  sous  prétexte  que  notre  protégé 
n'avait  personne  auprès  de  lui  pour  accomplir  cette  démarche,  le 
P.  Joseph  demandait  si  son  résident  ordinaire,  l'évêque  de  Man- 
toue,  serait  agréé.  Quant  au  désarmement  et  à  l'évacuation,  on 
arrêterait  à  Ratisbonne  les  principes  et  on  laisserait  aux  géné- 
raux le  soin  de  régler  les  détails  d'exécution.  Le  P.  Joseph  fit 
connaître  les  conditions  qu'il  avait  l'ordre  de  stipuler  à  ce  sujet 
en  communiquant  un  article  du  projet  qui  se  trouvait  aussi 
dans  les  mains  de  Mazarin.  Enfin  il  demanda  que  les  Véni- 
tiens fussent  compris  dans  le  traité,  que  le  traité  de  Monçon  fût 
confirmé  et  qu'on  donnât  satisfaction  au  roi  au  sujet  de  Moyenvic. 
On  lui  répondit  qu'il  ne  fallait  pas  s'écarter  de  l'ordre  adopté 
pour  la  discussion,  que  ces  questions,  qui  étaient  indépendantes 
du  véritable  objet  du  traité,  pouvaient  être  ajournées  à  la  fin  de 
la  négociation,  et  la  séance  fut  levée1. 

Ferdinand  tenait  à  garder  un  pied  dans  les  pays  litigieux 
jusqu'à  l'exécution  du  traité  et  même  au  delà;  il  resterait  ainsi 
maître  de  la  situation  et  augmenterait  le  prestige  du  Saint- 
Empire.  Il  ne  lui  suffisait  pas  de  retenir,  jusqu'au  moment  où  le 
traité  serait  exécuté,  ses  postes  des  Grisons  et  de  la  Rhétie. 
Richelieu  avait  fait  droit  à  ce  qu'il  y  avait  de  légitime  dans  cette 
prétention,  en  admettant  que  l'Empereur  devait  conserver,  au 
même  titre  et  aux  mêmes  conditions  que  les  passages  des  Grisons, 

1.  Protocole  de  la  conférence  du  12  septembre.  Arch.  de  cour  et  d'État  à 
Vienne.  Friedensacten,  liasse  9  a. 


Li    HISSIQD    I»C    T.    JOSF.PU    A    RATISBOWE.  254 

Mantoue,  que  la  conquête  lui  avait  donnée,  et  Casai,  si  Casai 
avait  le  sort  de  Mantoue.  Mais  oe  a'étail  pas  assez  pour  lui;  il 
visait  à  rester  en  Italie  même  après  le  rétablissemenl  d'un  ordre 
régulier  et  définitif  dans  ce  pays,  à  y  rester  le  dernier,  à  y  rester 
les  mains  garnies. 

Dans  la  conférence  du  1 1  septembre,  ses  commissaires  commen- 
cèrent par  représenter  que  leur  maître,  dans  l'impossibilité  de 
faire  accepter  aux  parties  une  transaction  amiable,  devait  tran- 
cher leurs  différends  par  un  jugement  et  qu'il  lui  fallait  dès  lors 
un  gage  que  ce  jugement  serait  obéi.  Ce  gage,  ils  ne  le  spécifiaient 
pas,  mais  par  là  ils  entendaient  certainement  une  place.  Nos 
agents  auraient  donc  pu  leur  donner  satisfaction  en  leur  accor- 
dant ce  que  Richelieu  lui-même  accordait,  mais  ils  ne  se  savaient 
pas  encore  autorisés  à  le  faire,  et  ils  combattirent  cette  prétention 
en  disant  qu'ils  ne  désespéraient  pas  d'obtenir  des  parties  leur 
adhésion  aux  compensations  qui  leur  avaient  été  attribuées,  et 
que,  dans  le  cas  même  où  il  faudrait  renoncer  à  cet  espoir,  il 
n'était  pas  besoin  de  gage  pour  s'assurer  de  l'obéissance  du  duc  de 
Neversà  la  sentence  impériale.  D'ailleurs,  si  l'Empereur  stipulait 
une  garantie  de  ce  genre,  le  roi  très  chrétien  demanderait,  de  son 
coté,  à  être  mis  en  possession  d'une  place  jusqu'à  ce  que  la  sen- 
tence fût  rendue. 

Le  but  de  Ferdinand  se  dévoila  bien  plus  nettement  quand  ses 
représentants  déclarèrent  que  son  intention  était  de  démanteler 
Casai,  que  la  citadelle  lut  prise  par  les  Espagnols  ou  débloquée 
par  les  Français,  et  de  tenir  garnison  dans  celle  de  Mantoue 
pendant  un  certain  temps  après  l'investiture  et  l'entrée  en  pos- 
session de  Charles  de  Gonzague.  Cette  prétention,  qui,  si  elle  avait 
été  accueillie,  aurait  mis  à  sa  discrétion  le  duc  de  Mantoue,  fut 
repoussée  par  les  négociateurs  français,  qui  la  présentèrent 
comme  devant  entraîner  la  rupture  des  négociations  et  leur  rap- 
pel immédiat.  Devant  cette  menace  les  commissaires  n'insistèrent 
pas.  Cette  idée  ne  fut  cependant  pas  abandonnée;  seulement,  à 
Ratisbonne  comme  en  Italie,  les  représentants  de  l'Empereur 
devaient  y  revenir  sans  en  faire  une  condition  sine  qua  non1. 

Ainsi,  le  1  I  septembre,  deux  questions  seulement2  étaient  réso- 

1.  Relatio  ad  Caesarem  de  gestis  apud  oratorem  Gallicum  indc  Hispanicum 
et  ducem  Savelli.  Arch.  de  cour  et  d'État  à  Vienne.  Priedensacten,  liasse  !»  a 

2.  Protocoles   des  conférences  du    12  et  du   17   septembre.   Friedensacten, 
liasse  9  a. 


252  G.    FAGNIEZ. 

lues.  Deux  questions,  disons-nous,  et  non  trois,  car  si  l'on  s'était 
mis  d'accord  sur  la  forme  de  la  garantie  réciproque  contre  tout 
acte  d'hostilité,  si  l'on  avait  adopté  les  termes  delà  lettre  de  sou- 
mission du  duc  de  Mantoue,  sauf  une  expression  trop  étendue  que 
nos  négociateurs  voulaient  faire  effacer,  l'entente  n'était  pas  faite 
au  sujet  de  l'arbitrage  qui  devait  statuer  sur  les  prétentions  de  la 
duchesse  de  Lorraine.  D'une  part,  en  effet,  les  pleins  pouvoirs  de 
celle-ci  n'étaient  pas  encore  arrivés  et  c'était  sans  son  aveu  que 
l'on  songeait  à  un  arbitrage  pour  régler  ses  intérêts,  de  l'autre 
les  envoyés  français  qui,  en  acceptant  la  participation  de  l'impé- 
ratrice et  de  l'électeur  de  Bavière  à  cet  arbitrage,  n'avaient  pas 
stipulé  la  promesse  écrite  de  l'adhésion  de  ces  deux  arbitres  à  la 
décision  de  la  reine  mère,  exigeaient  maintenant  une  lettre 
reversale1.  Que  de  points  encore  à  régler  avant  l'expiration  delà 
trêve  !  Cette  trêve,  ils  la  connaissaient  maintenant,  et  tous  leurs 
efforts  allaient  tendre  à  prévenir  la  reprise  des  hostilités,  aux- 
quelles ils  ne  croyaient  pas  la  France  suffisamment  préparée. 

Ferdinand  ne  voulait  rien  diminuer  des  compensations  qu'il 
avait  accordées  aux  ducs  de  Savoie  et  de  Guastalle,  l'ambassa- 
deur et  le  P.  Joseph  ne  voulaient  pas  aller  au  delà  de  celles  dont 
on  était  convenu  en  Italie2.  La  discussion  tombait  dans  des  redites 
dont  nous  faisons  grâce  au  lecteur.  Enfin,  le  19  septembre,  les 
commissaires  impériaux,  en  demandant  l'ajournement  du  débat 
sur  l'indemnité  du  duc  de  Savoie  jusqu'au  jour  où  l'on  se  serait 
entendu  sur  les  autres  questions,  laissaient  par  cela  même  entre- 
voir qu'ils  se  contenteraient,  comme  ils  le  firent,  du  chiffre  pri- 
mitif3. En  revanche,  l'Empereur  persistait  à  attribuer  au  duc  de 
Guastalle  Dozzolo,  Luzzara,  Suzara,  Reggiolo  et  la  souveraineté 
de  Montagnaira  ou  du  moins  autant  de  ces  domaines  qu'il  en 
faudrait  pour  produire  un  revenu  égal  au  montant  de  sa  rente4. 
Vainement  nos  agents  produisirent  contre  cette  exigence  tous  les 
arguments  qu'ils  avaient  déjà  fait  valoir,  ils  sentirent  qu'ils  avaient 


1.  Le  protocole  de  la  conférence  du  9  sept,  ne  parle  pas  du  moins  de  lettre 
reversale,  mais  nos  agents  cherchèrent  à  l'obtenir  assez  longtemps  avant  le 
20  septembre  (Dépêche  du  P.  Joseph  à  Richelieu  à  cette  date,  loc.  cit.),  sans 
doute  à  la  suite  d'un  ordre  du  cardinal  qui  a  échappé  à  nos  recherches. 

2.  Voy.  l'art.  2  du  traité. 

3.  Protocole  des  conférences  du  17  et  du  19  septembre.  Friedensacten , 
liasse  9  a. 

4.  Ibid. 


LA   MISSION    DU    P.    JOSEPH    A    RATISBONNE.  253 

affaire  à  un  parti  pris  invincible  et  ils  finirent  par  concéder  le 
principe  d'une  indemnité  territoriale.  Ils  consentirent  d'abord  que 
l'indemnité  pécuniaire  fût,  à  défaut  de  payement  dans  le  délai 
fixé,  hypothéquée  sur  des  biens-fonds  voisins  du  duché  de  Guas- 
talle.  Puis,  pressés  de  nouveau,  ils  acceptèrent  l'assignation,  non 
plus  conditionnelle,  mais  immédiate,  d'un  capital  modéré  sur  des 
terres  souveraines.  Mais,  ajoutèrent-ils  encore,  ce  capital  ne 
devait  pas  être  très  supérieur  à  celui  qui  avait  été  fixé  en  Italie, 
autrement  la  concession  qu'ils  venaient  de  faire  serait  non 
avenue1. 

Ce  ne  fut  probablement  pas  avant  le  19  septembre2  que  nos 
plénipotentiaires  reçurent  les  instructions  dictées  par  Richelieu  le 
4  et  le  5  de  ce  mois.  Les  intentions  du  cardinal  résultaient,  on  se 
le  rappelle,  d'une  dépèche  adressée  à  Brulart,  de  deux  dépêches 
destinées  au  P.  Joseph,  des  apostilles  dont  il  avait  revêtu  le  pro- 
jet de  Mazarin,  du  projet  de  garantie  réciproque  qu'il  avait 
adopté  en  le  modifiant  légèrement.  Cette  communication  s'était 
fait  un  peu  attendre,  elle  n'arrivait  cependant  pas  trop  tard.  Sauf 
le  jour  où  ils  avaient  admis  pour  le  duc  de  Guastalle  le  principe 
d'une  garantie  territoriale,  nos  envoyés  n'avaient  rien  fait  qui  fût 
en  contradiction  avec  elle.  D'un  autre  côté,  elle  ne  leur  laissait 
aucun  doute  sur  le  but  qu'ils  devaient  poursuivre  et  qui  consis- 
tait dans  ces  deux  choses  difficiles  à  concilier  :  sauver  Casai  et 
obtenir  des  conditions  meilleures  qu'en  Italie. 

1.  Protocole  de  la  conférence  du  19  septembre.  Ubi supra. 

2.  En  effet,  d'une  part,  Brulart,  dans  sa  dépêche  du  18  septembre  (ubi  supra), 
n'accuse  réception  que  de  la  dépêche  du  27  août  et  des  pièces  qui  l'accom- 
pagnent, et,  de  l'autre,  le  P.  Joseph,  qui  garde  le  même  silence  dans  une 
dépêche  du  15  septembre  (Arch.  des  aff.  étrang.  Allemagne,  VII,  fol.  140), 
accuse  réception  dans  celle  du  28  de  deux  dépêches  de  Richelieu  du  4,  qui  sont 
évidemment  celles  que  nous  avons  analysées.  Nous  devons  dire  toutefois 
que  dans  la  conférence  du  14  (protocole  du  16),  notre  capucin  parle  d'une  lettre 
où  Richelieu  dit  que  Collalte  refuse  de  négocier,  parce  qu'il  n'en  a  pas  le  pou- 
voir et  que  la  négociation  est  transportée  à  Ratisbonne.  Or  nous  ne  connais- 
sons qu'une  lettre  de  Richelieu  où  cela  se  trouve,  et  cette  lettre  est  celle  du 
5  septembre  (ubi  supra).  Si  le  14  nos  agents  l'avaient  déjà  entre  les  mains,  ils 
devaient  avoir  aussi  les  autres  pièces  dictées  en  même  temps  et  portées  par  le 
même  courrier.  Faut-il  supposer  que  cela  se  trouvait  déjà  dans  une  dépêche 
antérieure  parvenue  à  Ratisbonne  avec  le  duplicata  des  pouvoirs  de  Brulart 
(même  protocole  du  10)  avant  la  conférence  du  14?...  Quoi  qu'il  en  soit,  le 
silence  des  envoyés  français,  d'autant  plus  significatif  que  l'un  d'eux  annonce 
la  réception  du  courrier  du  27  août,  nous  parait  s'opposer  à  la  hxalion  d'une 
date  antérieure  au  19  septembre. 


2r>/<  G.    FAGNIEZ. 

Ils  firent  tous  leurs  efforts  pour  ne  pas  s'écarter  du  projet 
envoyé  par  Richelieu  et  qui,  sans  avoir  le  caractère  d'un  ultima- 
tum, les  fixait  parfaitement  sur  ses  volontés,  mais  ils  avaient 
affaire  à  un  souverain  entêté  de  sa  prééminence,  extrêmement 
jaloux  de  sa  dignité,  désireux  d'attester  la  première  par  sa  façon 
de  négocier  et  de  sauvegarder  la  seconde  en  montrant  que  le  duc 
de  Mantoue  ne  devait  ses  Etats  qu'à  sa  bonne  grâce  et  non  à  l'inter- 
vention de  la  France,  il  était  encouragé  dans  ces  dispositions  par 
Echemberg  et  l'ambassadeur  d'Espagne1  et  aigri  par  les  menées 
souterraines  de  nos  agents  et  par  l'échec  de  plus  en  plus  assuré  de 
la  candidature  du  roi  de  Hongrie.  Pour  se  montrer  si  libéral  en 
faveur  du  duc  de  Guastalle  aux  dépens  de  Charles  de  Gonzague, 
il  ne  donnait  pas  d'autres  motifs  que  son  bon  plaisir  et  le  droit  de 
conquête2  et  nos  envoyés  désespéraient  si  bien  de  le  faire  revenir 
sur  sa  résolution  qu'ils  demandaient  l'autorisation  de  faire 
quelques  concessions  sur  ce  point,  s'ils  reconnaissaient  qu'il  était 
le  seul  obstacle  à  la  paix3.  On  leur  assurait  d'ailleurs  que  les 
revenus  de  Reggiolo  étaient  plus  que  suffisants  pour  garantir  la 
rente  du  duc  de  Guastalle4,  et,  si  ce  renseignement  venant  de 
personnes  bien  informées  était  exact,  ils  pouvaient  consentir  à  ce 
que  voulait  l'Empereur  sans  aller  au  delà  des  intentions  de 
Richelieu,  qui  se  résignait,  ainsi  que  le  duc  de  Mantoue,  au  sacri- 
fice de  Reggiolo3.  Il  ne  faut  pas  oublier  en  effet  que  les  quatre 
terres  désignées  n'étaient  attribuées  au  duc  de  Guastalle  qu'éven- 
tuellement et  seulement  dans  le  cas  où  on  ne  pourrait  pas  lui  cons- 
tituer à  moins  un  revenu  de  6,000  écus. 

Quant  à  la  duchesse  de  Lorraine,  leurs  efforts,  joints  à  ceux  des 
électeurs,  ne  réussirent  pas  à  lui  faire  accepter  un  arbitrage  et  la 
constitution  de  l'Empire  ne  permettait  pas  de  lui  refuser  le  droit 
de  faire  valoir  ses  prétentions  au  pétitoire.  On  l'obligea  seulement 
à  l'exercer  dans  le  délai  de  six  mois  et  on  lui  interdit  de  le  céder, 
on  convint  de  plus  que  l'Empereur  ne  pourrait  en  connaître  sans 

1.  Voy.  les  conseils  du  prince  de  Tursi  dans  le  protocole  du  16  septembre. 
Ubi  supra. 

2.  Dépêche  du  P.  Joseph  à  Thomas,  c'est-à-dire  à  Bouthillier,  10  octobre  1630. 
Arch.  des  alf.  étrang.  Allemagne,  VII,  fol.  220. 

3.  Dépêche  de  Brulart  à  Richelieu,  20  septembre  1630.  Ibid.,  fol.  474. 

4.  Dépêche  précitée  du  P.  Joseph  à  Bouthillier,  10  octobre  1630. 

5.  Dépêche  précitée  du  10  octobre  et  dépêche  de  Brulart  et  du  P.  Joseph  à 
Bouthillier  du  19  octobre.  Allemagne,  VII,  fol.  451.  Lettre  du  roi  à  M.  de  Léon, 
8  octobre.  Avenel,  III,  932.  Mém.  de  Richelieu,  II,  289,  col.  2. 


LA    MISSION   DIT    P.   JOSEPH   A    RATISBONNE.  255 

l'assistance  des  électeurs.  Ceux-ci  assuraient  nos  plénipotentiaires 
que,  grâce  à  ces  restrictions,  la  réserve  faite  en  faveur  de  la 
duchesse  était  sans  danger1. 

Il  est  une  autre  concession  qui  coûta  certainement  plus  à 
l'ambassadeur  et  au  P.  Joseph  que  ne  le  laissent  croire  les  docu- 
ments, peu  explicites  sur  ce  sujet.  Il  avait  toujours  été  entendu 
dans  les  négociations  poursuivies  sous  les  auspices  de  Mazarin  que 
l'investiture  suivrait  immédiatement  la  requête  et  les  excuses  du 
duc  de  Mantoue  et  ne  serait  pas  subordonnée  à  la  mise  en  posses- 
sion des  prétendants,  il  suffisait  que  les  droits  de  ceux-ci  fussent 
reconnus  et  consacrés  par  le  traité2.  C'est  ainsi  que  le  P.  Joseph 
l'avait  compris3.  Mais  les  commissaires  impériaux  soutinrent  que 
Collalte  avait  toujours  entendu  parler  non  pas  d'une  satisfaction 
sur  le  papier,  mais  d'une  satisfaction  effective,  et,  après  un 
débat  dont  une  dépêche  du  19  octobre  donne  la  preuve,  mais 
non  la  physionomie4,  nos  négociateurs  acceptèrent  l'ajourne- 
ment de  l'investiture  à  six  semaines,  pendant  lesquelles  les  ducs 
de  Savoie  et  de  Guastalle  seraient  mis  en  jouissance  de  leurs 
indemnités. 

L'Empereur  et  la  France  devaient,  on  s'en  souvient,  garder  en 
gage  de  l'exécution  du  traité,  l'un  Mantoue  et  certaines  positions 
dans  les  Grisons  et  la  Rhètie,  l'autre  Suse,  Veillane,  Briqueras  et 
Pignerol.  Il  y  avait  là  une  inégalité  plus  apparente  que  réelle, 
car,  ainsi  que  les  conseillers  de  Ferdinand  le  reconnaissaient  dans 
un  rapport  à  leur  maître,  la  capitale  des  Etats  de  Charles  de  Gon- 
zague,  avec  Castel  Porto,  sa  citadelle,  valait  bien  les  quatre 
places  du  Piémont.  Les  représentants  de  l'Empereur  n'en  repré- 
sentèrent pas  moins  cette  disposition  comme  peu  équitable,  et  ils 
demandèrent  ou  qu'on  réduisit  le  nombre  des  places  qu'on  laissait 
entre  les  mains  du  roi,  ou  qu'on  ajoutât  Caneto  à  celles  dont  leur 
maître  devait  rester  dépositaire.  Après  avoir  longtemps  essayé 
d'échapper  à  cette  alternative,  l'ambassadeur  et  le  P.  Joseph 
consentirent  à  cette  dernière  concession,  comme  moins  désavan- 
tageuse, en  se  disant  avec  raison  que  la  possession  de  Caneto 

1.  Dépêche  précitée  du  10  octobre. 

2.  Dépêche  de  Richelieu  à  M.  de  Léon,  8  octobre  1630.  Avenel,  III,  933-934. 
Art.  3  du  projet  de  Mazarin. 

3.  a  Sur  quoy  n'i  aiant  apparence  de  remettre  l'actuelle  exhibition  de  l'inves- 
titure jusques  à  la  décision  de  ces  petits  incidents...  »  Apostilles  du  P.  Joseph 
sur  le  projet  de  Mazarin.  Ubi  supra. 

4.  Ubi  supra. 


25fi  G.    FAGNIEZ. 

n'ajouterait  presque  rien  a  la  situation  de  l'Empereur  qui,  maître 
de  Mantoue,  l'était  de  tout  le  Mantouan  l. 

Ferdinand  n'avait  pas  renoncé  au  désir  de  sortir  le  dernier  des 
lieux  en  litige  ;  il  y  allait  pour  lui  de  son  amour-propre  autant 
que  de  son  intérêt.  A  défaut  de  la  citadelle  de  Mantoue,  que  nos 
négociateurs  avaient  péremptoirement  refusé  de  lui  laisser,  il 
voulut  rester  en  possession  des  passages  des  Grisons  après  l'aban- 
don réciproque  et  simultané  des  quatre  places  du  Piémont,  de 
Mantoue  et  de  Caneto.  Leur  évacuation  n'était  plus  dès  lors 
garantie  que  par  des  otages.  Désespérant  de  faire  passer  la  com- 
binaison primitive,  nos  plénipotentiaires  demandèrent  que  par 
compensation  le  roi  ne  rendît  pas  Suse,  en  même  temps  que  Pigne- 
rol,  Briqueras  et  Veillane,  mais  qu'il  gardât  cette  place  jusqu'à 
l'évacuation  des  passages.  Cela  était  d'autant  plus  naturel  qu'il 
l'occupait  en  vertu  d'un  traité  particulier  avec  le  duc  de  Savoie. 
De  cette  façon,  le  principe  d'équité,  dont  s'étaient  sur  ce  point 
inspirés  les  projets  antérieurs,  était  respecté,  mais  c'était  précisé- 
ment ce  principe  qui  choquait  l'Empereur,  enivré  de  sa  préémi- 
nence. Ce  ne  fut  pas  toutefois  cette  considération  que  ses  représen- 
tants firent  valoir  à  l'appui  de  sa  prétention,  ils  assurèrent  qu'il 
ne  tenait  à  garder  ces  positions  que  pour  rapatrier  en  sûreté  ses 
troupes,  qui  seraient  sans  cela  exposées  à  la  vengeance  des  Gri- 
sons. Quant  à  Suse,  c'était  un  fief  impérial2,  tombé  par  suite  de 
la  guerre  dans  les  mains  des  Français,  et  l'Empereur  ne  pouvait 
se  dispenser  de  le  faire  restituer.  L'ambassadeur  et  le  P.  Joseph 
furent  tentés  de  rompre  sur  cette  question,  puis  ils  se  résignèrent 
à  se  contenter  d'otages  en  garantie  d'une  évacuation  qui  devait 
suivre  de  près  toutes  les  autres 3. 

Ils  demandèrent  avec  insistance  la  démolition  des  fortifications 
de  Trino  qui  devait  être  rendue  au  duc  de  Savoie.  Les  commis- 


1.  Relatio  gestorum  cum  oratore  Gallico  et  deliberatorum  super  litleris  comi- 
tis  Collalti  et  super  voto  electorum.  Arch.  de  cour  et  d'État  à  Vienne.  Friedens- 
acten,  liasse  9  a. 

2.  C'est  un  exemple  de  plus  de  l'extension  que  Ferdinand  donnait  à  la  suze- 
raineté impériale. 

3.  Mémoire  justificatif  du  P.  Joseph  sur  le  traité.  Sur  l'art.  11.  Arch.  des 
aff.  étrang.  Allemagne,  VII,  fol.  406.  En  lisant  le  commentaire  du  P.  Joseph 
sur  cet  article,  on  croirait  que  nos  agents  ont  commencé  par  demander  qu'on 
laissât  Suse  au  roi  ;  la  vérité  est  qu'ils  ne  l'ont  demandé  que  pour  répondre  à 
l'exigence  de  l'empereur  au  sujet  des  passages  des  Grisons.  Ce  n'est  pas  la 
seule  inexactitude  de  ce  commentaire. 


,\    MISSIOfl    Dl     r.    rOSBPH    I    &ATISBONNE.  - '" 

saires  impériaux  3  auraient  consenti  volontiers  moyennant  le 
démantèlement  de  Casai*,  mais,  ne4'ayan1  pas  obtenu^  ils  refu- 
sèrent de  raser  les  ouvrages  défensifs  que  le  duc  de  Savoie  avait 
élevés  autour  d'une  place  dont  il  allail  redevenir  maître8.  Ans 
agents  demandèrent  alors  qu'on  respectai  aussiles  fortifications 
récentes  de  Mantoue  et  de  Casai,  qui  profiteraient  ainsi  à  Charles 
de  Gonzague.  (  >n  leur  répondit  que  ces  places  étaient  déjà  assez 
fortes  pour  pouvoir  se  passer  de  ce  que  l'art  avait  ajouté,  depuis 
l'ouverture  des  hostilités,  à  leurs  anciens  moyens  de  défense.  Enfin 
on  convint  de  ne  pas  résoudre  la  question  dans  le  traité,  ce  qui 
revenait,  ainsi  que  le  P.  Joseph  en  prenait  acte,  à  laisser  Man- 
toue  et  Casai  dans  leur  état  actuel,  mais  l'ambassadeur  et  lui 
^'opposèrent  vainement  à  l'introduction  d'une  clause  stipulant  que 
la  citadelle  de  Casai  serait  démolie,  si  les  généraux  en  étaient 
tombés  d'accord  avant  la  conclusion  du  traité 3. 

Dès  le  12  septembre,  on  l'a  vu,  l'entente  s'était  faite  sur  les 
termes  des  excuses,  de  la  requête  et  de  la  promesse  que  le  duc  de 
Nevers  devait  adresser  par  écrit  à  son  suzerain.  L'ambassadeur 
avait  envoyé  à  Richelieu  le  texte  de  la  lettre  où  tout  cela  était 
exprimé4.  Le  P.  Joseph  et-Brulart  n'y  voyaient  qu'un  mot  à 
effacer.  Le  duc  promettait  de  renoncer  à  toutes  les  alliances  hos- 
tiles ou  désagréables  à  l'Empereur  et  à  l'Empire  (adversis  vel 
ingratis).  Cette  dernière  épithète  leur  paraissait  trop  étendue,  et 
d'Avaux,  notre  ambassadeur  à  Venise,  à  qui  le  P.  Joseph  avail 
envoyé  la  rédaction  adoptée  pour  la  soumettre  à  celui  qu'on  faisait 
parler,  en  jugeait  de  même5.  Quant  à  ce  dernier,  ce  n'était  pas 
seulement  le  mot  en  question  qui  lui  paraissait  inacceptable,  mais 
l'aveu  qu'on  lui  faisait  faire  d'être  entré  dans  des  alliances  hos- 
tiles à  l'Empereur,  ce  qui  était,  écrivait-il  au  P.  Joseph6,  abso- 
lument contraire  a  la  vérité.  La  renonciation  et  l'aveu  qu'elle 


1.  Relation  précitée  du  25  septembre. 

2.  Relation  précitée  du  25  septembre.  Ubi  supra.  Mém.  justificatif  du  P.  Joseph 
sur  le  traité.  Sur  le  8«  art.  Ubi  supra. 

:!.  Mém.  justificatif  el  ail.  10  du  traité. 

4.  Le  texte  envoyé  à  Richelieu  e>t  aux  Archives  des  ail.  élrang.  Allemagne, 
VII,  fol.  194  (nouv.  104).  11  est  assez  incorrect. 

5.  Dépêche  de  d'Avaux  à  Roulhillier.  Arch.  des  ail.  étrang.  Venise, 
tei  nbre  1630. 

6.  Lettre  du  2  oclohre  1630.  Arch.  des  ail.  étrang.  Mantoue,  3€  année,  1630. 

Rev.  HisTon.  XXVII.  2a  pasc.  H 


2:;x  <;.  facmf.z. 

impliquait  n'eu  subsistèrent  pas  moins  dans  le  texte,  d'où  dispa- 
rut seulement  le  mot  ingratisK  On  se  rappelle  que  le  point  de 
savoir  par  qui  cette  lettre  serait  remise  était  resté  douteux  ;  il  fut 
résolu  selon  le  désir  de  Richelieu  et  dans  le  sens  du  projet  de 
Mazarin  :  ce  fut  l'évêque  de  Mantoue,  résident  ordinaire  de 
Charles  de  Gonzague  à  la  cour  impériale,  qui  fut  chargé  de  cette 
mission2. 

On  n'a  pas  oublié  que  Richelieu  se  flattait  de  placer  les  Etats 
de  ce  prince  sous  la  garantie  d'une  ligue  défensive  formée  sur 
l'initiative  de  l'Empereur,  et  nous  avons  dit  l'arrière-pensée  qui 
se  cachait  sous  ce  projet  en  apparence  inoffensif.  Sans  doute,  il 
eût  été  piquant  d'obtenir  le  patronage  impérial  pour  une  confédé- 
ration dont  la  France  aurait  été  l'àme  et  la  maison  d'Autriche  la 
victime,  mais  on  comprend  que  le  chef  de  cette  maison  se  soit 
refusé  à  jouer  ce  rôle,  même  dans  des  conditions  qui  ne  mettaient 
plus  sa  dignité  en  jeu.  Il  ne  voulut  même  pas  d'abord  promettre 
au  duc  sa  protection  dans  le  traité,  il  finit  cependant  par  le  faire 
dans  les  termes  les  plus  explicites  et  les  plus  étendus3. 

Telles  furent  les  dernières  discussions  et  les  conclusions  défini- 
tives auxquelles  donna  lieu  le  règlement  de  la  succession  de 
Mantoue.  Mais  cette  question  n'était  pas  la  seule  que  nos  envoyés 
eussent  à  traiter.  Ils  devaient  encore  faire  insérer  dans  le  traité 
deux  articles  garantissant  l'exécution  du  traité  de  Monçon  et 
réservant  les  anciens  droits  du  roi  contre  la  maison  de  Savoie  et 
obtenir  l'évacuation  de  Vie  et  de  Moyenvic,  ainsi  que  la  démo- 
lition de  la  citadelle  récemment  construite  dans  cette  dernière 
place. 

Mais  ce  fut  en  vain  qu'ils  renouvelèrent  leurs  efforts  pour 
rendre  l'Empereur  solidaire   des   obligations   contractées   par 

1.  Mémoire  justificatif  du  P.  J.  Sur  le, 5e  article.  Loc.  cit.  Le  texte  définitif 
se  trouve  aux  archives  de  cour  et  d'État  à  Vienne.  Friedensacten,  liasse  9  a. 

2.  Dépêches  et  lettres  précitées  de  d'Avaux  et  du  duc  de  Mantoue.  Richelieu 
aurait  préféré  que  l'amende  honorable  se  fit  verbalement,  comme  cela  avait 
été  convenu  en  Italie,  et  non  par  écrit,  mais  il  accepta  cette  dernière  forme, 
qui  ménageait  davantage  la  dignité  de  Charles  de  Gonzague,  et  il  envoya  à  nos 
agents  une  rédaction  corrigée  de  la  lettre.  Cette  rédaction  ne  leur  parvint  pas 
et  nous  ne  l'avons  pas  retrouvée.  Lettre  du  roi  à  M.  de  Léon,  8  octobre  1630. 
Avenel,  III,  952. 

3.  Protocole  de  la  conférence  du  19  septembre.  Ubi  supra.  Mém.  justificatif. 
Sur  l'art.  7,  ubi  supra.  Art.  7  du  traité. 


LA   M1SSM\    Ul     P.    rOSEPB    \    OATISBONNE.  £59 

l'Espagi nvers  1rs  Grisons,  ils  ae  purenl  pas  même  en  tirer 

l'engagement  écrit  qu'il  exercerait  toute  son  influence  sur  son 
neveu  pour  L'amener  à  les  remplir.  Ferdinand,  qui,  suivant 
ses  intérêts,  tantôt  ne  voulait  pas  entendre  parler  du  traité 
de  Monçon  et  tantôl  se  préoccupait  de  son  exécution1,  répéta  ici 
par  la  bouche  des  commissaires  qu'il  était  inconnu  pour  lui.  11 
Aoulait  bien  promettre  ses  bons  offices  auprès  du  roi  catholique, 
mais  il  ne  consentait  pas  à  faire  consigner  cette  promesse  dans  le 
traité.  Aussi  le  P.  Joseph  croyait  qu'il  ne  fallait  pas  y  compter  et 
qu'il  fallait  chercher  ailleurs,  c'est-à-dire  dans  une  ligue  entre  les 
Suisses,  Venise  et  les  Grisons,  le  moyen  de  rétablir  ces  derniers 
dans  la  jouissance  de  leurs  droits2. 

L'évacuation  et  le  démantèlement  de  Vie  et  de  Moyenvic 
étaient  destinés  dans  la  pensée  de  Richelieu  à  compenser  la 
fâcheuse  apparence  d'avoir  été  chercher  la  paix  à  Ratisbonne3. 
Quand  nos  négociateurs  revinrent  sur  cette  demande,  qui  à  deux 
reprises  n'avait  obtenu  qu'une  réponse  dilatoire4,  on  leur  déclara 
qu'en  construisant  des  fortifications  et  en  mettant  garnison  à  Vie 
et  à  Moyenvic,  l'Empereur  n'avait  fait  qu'user  de  son  droit, 
puisque  ces  places  étaient  dans  l'Empire,  puis,  opposant  grief  à 
grief,  on  se  plaignit  des  usurpations  commises  dans  les  Trois 
Évêchés  et  on  en  demanda  la  réparation.  L'ambassadeur  et  le 
P.  Joseph  contestèrent  la  légitimité  de  ces  plaintes  et  insistèrent 
sur  la  démolition  de  la  citadelle  de  Moyenvic.  On  leur  proposa 
alors  de  remettre  à  une  commission  internationale  le  soin  de  régler 
ces  réclamations  respectives,  mais  ils  répondirent  que  leurs  ins- 
tructions ne  prévoyaient  pas  cette  proposition  et  qu'ils  en  référe- 
raient au  roi.  Les  questions  soulevées  restèrent  donc  en  suspens, 
et  l'on  convint  seulement  que  cet  ajournement  ne  nuirait  en  rien 


1.  Il  y  eut  au  moins  uu  moment  où  il  considéra  que  le  traité  ne  serait  pas 
entièrement  exécuté,  tant  que  celui  de  Monçon  ne  le  serait  pas  aussi.  Voyez 
plus  haut. 

2.  Protocole  des  conférences  du  12  et  du  19  septembre.  Ubi  supra.  Relation 
du  25  septembre.  Ubi  supra.  Dépêche  du  P.  Joseph  à  Richelieu,  13  octobre. 
Arch.  desaff.  étrang.  Allemagne,  VII,  fol.  130. 

3.  Voyez  plus  haut.  C'était  le  duc   de  Lorraine  qui  avait   fail    construire 
au   nom  de  l'empereur  la  citadelle   de   Moyenvic;  il  étail  aussi    l'auteur   des 
usurpations  qui  menaçaient  l'évéquc  de  Metz,    frère  naturel  de  Louis   Mil 
Mrm.  de  Richelieu,  il.  500,  col.  2.  507,  ei  supra. 

4.  Protocoles  des  conférences  du  12  et  du  1!J  septembre. 


260  G.    FÂGNIEZ. 

à  la  paix  et  que,  pour  écarter  tout  risque  de  conflit,  les  armées 
seraient  respectivement  éloignées  des  frontières  l. 

Dans  leurs  dernières  entrevues,  les  plénipotentiaires  discu- 
tèrent encore  sur  la  réserve  des  droits  du  roi  contre  la  maison  de 
Savoie,  entre  autres  du  droit  de  passage  pour  porter  secours  au 
duc  de  Mantoue,  et  sur  l'admission  du  duc  de  Lorraine  et  des 
Vénitiens  au  bénéfice  du  traité.  L'Empereur  refusa  de  ratifier  de 
son  autorité  les  conventions  particulières  du  roi  et  du  duc  de 
Savoie  par  les  raisons  qu'il  avait  déjà  données  pour  ne  pas  confir- 
mer par  le  traité  ceux  de  Suse  et  de  Monçon.  Nos  agents,  de  leur 
côté,  s'opposèrent  longtemps  à  ce  que  le  duc  de  Lorraine,  qui 
n'avait  pris  aucune  part,  au  moins  ostensible,  à  la  guerre,  fût 
compris  dans  la  paix  qui  y  mettait  fin.  Ils  cédèrent  cependant,  à 
la  persuasion  de  l'électeur  de  Bavière,  qui  leur  promit  d'user  de 
son  influence  pour  maintenir  son  neveu  dans  le  devoir2. 

Ce  ne  fut  pas  sans  peine  qu'ils  obtinrent  pour  les  Vénitiens  le 
même  avantage.  Ferdinand  aurait  préféré  traiter  directement  avec 
eux,  en  d'autres  termes  leur  dicter  les  conditions  qu'il  aurait 
voulu3.  Mais  laisser  la  République,  déjà  alarmée  et  mécontente 
d'avoir  été  oubliée  dans  le  traité  de  Monçon  et  dans  la  suspension 
d'armes4,  débattre  toute  seule  ses  intérêts  avec  l'Empereur,  c'était 
la  livrer  aux  ressentiments  de  celui-ci,  et,  si  déchue  qu'elle  fût,  en 
dépit  de  sa  pusillanimité  et  son  avarice,  elle  tenait  encore  un  rang 
trop  élevé  parmi  les  petits  Etats  italiens,  elle  pouvait  trop  servir 
les  desseins  de  Richelieu  sur  l'Italie  pour  que  la  France  fit  bon 
marché  de  son  alliance  et  la  réduisît  à  se  mettre  à  la  discrétion 
de  la  maison  d'Autriche,  sans  compter  que  cet  abandon  aurait 
discrédité  du  même  coup  notre  parole  et  notre  foi  auprès  de  nos 
autres  alliés.  L'ambassadeur  et  le  P.  Joseph  ne  consentirent  donc 
à  aucun  prix  à  se  désintéresser  de  la  cause  de  la  République.  Ils 

1.  Relatio  gestorum,  etc.  du  25  septembre.  Ubi  supra.  Méni.  justificatif  du 
P.  Joseph.  Ubi  supra.  Dépêche  du  P.  Joseph  à  Richelieu,  4  novembre  1630. 
Arch.  des  afï.  étrang.  Allemagne,   VII,  f.  52i. 

2.  Relation  du  25  septembre.  Ubi  supra.  Mém.  justificatif  du  P.  Joseph.  Ubi 
supra.  Art.  xvi  du  traité. 

3.  Protocole  de  la  conférence  du  19  septembre.  Ubi  supra.  Mém.  justificatif 
du  P.  Joseph.  Sur  le  1  •!'■  article,  l'bi  supra.  Relation  de  Sébastien  Venier  dans 
Foules  rerum  austriacarum,  XXVI  vol.  Die  Relationen  der  Bolschafter  Vene- 
digs  iiber  Deutschland  u.  Oslerreich  im  XVII  Jahrh.,  p.  130-131. 

4.  Mém.  de  Richelieu,  II,  265,  col.  2. 


LÀ    MISSION    DU    l'.    FOSEPB    \    OATÏSBONNE.  261 

ne  prétendaient  d'ailleurs  la  couvrir  que  pour  sa  participation  au 
conflil  actuel  et  noo  pourtous  les  différends  qu'elle  pouvail  avoir 
avec  l'Empereur.  C'était  moins  pour  elle  qu'ils  stipulaient  l'oubli 
et  la  réparation  du  passé,  car  ils  avouaient  qu'elleétail  peuinté- 
ressante  et  qu'ils  avaient  h  s'en  plaindre,  que  pour  le  roi.  dont  la 
dignité  et  la  réputation  étaient  en  jeu.  Les  conseillers  impériaux 
furent  'l'avis  qu'il  y  avait  plus  d'avantage  que  d'inconvé- 
nient à  admettre  les  Vénitiens  au  bénéfice  de  la  paix  en  leur 
imposant,  dans  les  termes  acceptés  par  la  France,  l'engage- 
ment de  n'attaquer  l'Empire  ni  directement  ni  indirectement  et 
de  désarmer.  Cependant,  pour  ne  pas  mettre  obstacle  aux  des- 
seins de  Collalte  contre  la  Sérénissime  Republique,  ils  firent  insé- 
rer dans  le  traité  qu'elle  n'y  serait  comprise  qu'autant  que  les 
généraux  ne  seraient  pas  convenus  antérieurement  du  contraire, 
clause  qui  ne  faisait  qu'appliquer  à  un  cas  particulier  la  disposi- 
tion générale  d'après  laquelle  la  préexistence  d'un  traité  signé  en 
Italie  rendait  celui  de  Ratisbonne  caduc,  et  à  laquelle,  pour  cette 
raison,  nos  envoyés  ne  s'opposèrent  pas1. 

Ces  débats  furent  les  principaux,  mais  ils  ne  furent  pas  les  seuls 
qui  remplirent  les  dernières  conférences.  Bien  des  fois  et  jusqu'à 
la  veille  de  la  signature,  les  représentants  de  la  France  furent  sur 
le  point  de  rompre  et  de  soumettre  a  leur  gouvernement  les  modi- 
fications qu'on  faisait  subir  aux  projets  primitifs.  Les  instances 
du  nonce,  des  électeurs  et  surtout  de  l'électeur  de  Bavière,  l'igno- 
rance de  ce  qui  se  passait  à  la  cour  et  sur  le  théâtre  de  la  guerre, 
le  silence  de  Richelieu,  le  désir  de  devancer  la  reprise  des  hosti- 
lités qui  pouvait  être  fatale  à  Casai,  les  décidèrent  à  déroger  à 
leurs  instructions  et  à  consentir  à  des  concessions  dont  la  gravité 
était  affaiblie  par  la  déclaration  qu'ils  dépassaient  leurs  pouvoirs 
et  par  la  clause  que  le  traité  n'avait  qu'une  validité  conditionnelle. 

Le  traité  fut  signé  le  13  octobre,  à  neuf  heures  du  matin.  Le 
P.  Joseph  refusa  longtemps  d'apposer  sa  signature  à  côté  de  celle 
de  l'ambassadeur  ;  il  ne  faisait  en  cela  'que  se  renfermer  dans  les 
limites  de  ses  attributions,  qui  l'autorisaient  à  parler  au  nom  du 
roi,  mais  non  à  le  lier.  Cependant  ici  comme  toujours  lu  vérité  de 
la  situation  l'emporta  sur  les  apparences;  tout  le  monde  savait 

1.  Protocol.'  de  la  conférence  du  19  septembre.  Ubi  supra.  Relation  «lu 
25  septembre,  Vbi  supra    Mém.  justificatif  du  P.  Joseph  h  dépêche  précitée 

du  i  novembre.  Ubi  supra. 


262  G.    FAGNIEZ. 

que  l'adhésion  écrite  d'un  homme,  qui  était  en  étroite  commu- 
nauté d'idées  avec  le  cardinal,  était  la  meilleure  garantie  de  celle 
du  cardinal  lui-même,  les  électeurs,  le  nonce,  les  commissaires, 
l'ambassadeur  combattirent  ses  scrupules,  l'Empereur  fit  de  cette 
question  une  condition  sine  quanon,  et  le  capucin  mit  son  nom 
au  bas  du  traité  en  le  faisant  suivre  de  la  qualification  d'assistant 
de  l'ambassadeur1. 

La  première  conséquence  de  ce  qu'on  venait  de  faire  était 
d'empêcher  la  reprise  des  hostilités,  qui  étaient  à  la  veille  de 
recommencer.  Le  jour  même  de  la  conclusion,  un  courrier  impé- 
rial partit  de  Ratisbonne  pour  porter  à  Collalte,  avec  le  traité, 
l'ordre  de  laisser  entrer  dans  la  citadelle  de  Casai  des  vivres  et 
des  troupes  fraîches,  il  était  accompagné  de  commissaires  char- 
gés de  vaincre  les  résistances  des  Espagnols  à  l'exécution  des 
volontés  de  l'Empereur.  Le  sieur  de  Saint-Etienne,  beau-frère  du 
P.  Joseph2,  partit  en  même  temps  pour  le  camp  français.  Il  était 
porteur  de  l'instrument  de  paix,  d'un  duplicata  des  ordres  donnés 
à  Collalte  et  d'une  lettre  à  Schomberg,  par  laquelle  nos  agents  lui 
recommandaient  de  ne  suspendre  sa  marche  pour  débloquer  la 
citadelle  que  si  les  Espagnols  se  prêtaient  franchement  au  ravi- 
taillement et  à  l'introduction  de  troupes  fraîches.  La  remise  des 
otages,  qui  devaient  garantir  l'évacuation  des  lieux  occupés  par 
les  belligérants,  était  aussi  à  leurs  yeux  la  condition  préalable  de 
l'arrêt  de  nos  troupes.  Ils  enjoignirent  à  Saint-Etienne  de  ne  pas 
divulguer  la  paix,  voulant  laisser  le  maréchal  seul  maître  d'en 
profiter  ou  de  ne  pas  en  tenir  compte,  suivant  la  situation  des 
assiégés  et  de  l'armée  de  secours  dont  il  disposait3. 

Parmi  les  motifs  qui  avaient  déterminé  nos  plénipotentiaires  à 
s'écarter  de  leurs  instructions,  nous  avons  signalé  le  silence  de 
Richelieu.  En  effet,  depuis  la  communication  qu'il  leur  avait 
adressée  dans  les  premiers  jours  de  septembre  et  qui  leur  était 
parvenue  le  19  de  ce  mois,  ils  n'avaient  reçu  qu'une  dépêche, 

1.  Dépêche  du  P.  Joseph  à  Richelieu,  13  octobre  1630.  Vbi  supra.  Lepré- 
Balain,  p.  400. 

2.  Jean  de  Beaumont,  marquis  de  Saint-Étienne,  avait  épousé  Marie  Le  Clerc, 
sœur  du  P.  Joseph. 

3.  Dépêche  du  P.  Joseph  à  Richelieu,  13  octobre  IG30.  Vbi  supra.  Dépêche 
de  Brulart  et  du  P.  Joseph  à  Bout hillicr,  19  octobre.  Arch.  des  ait',  étranji. 
Allemagne,  VU,  fol.  451.  Dépèche  de  Brulart,  18  octobre.  76/rf.,  fol.  501. 


Là   MISSION   DD   P.    lOSKi'il    A   RATISBONNE.  2G3 

aujourd'hui  perdue,  en  date  du  22,  qui  leur  arriva  le  9  octobre  et 
qui  n'était  pas  de  nature  à  les  faire  revenir  sur  leurs  concessions, 
car,  s'il  en  avait  été  autrement,  le  P.  Joseph  ne  se  serait  pas 
borné  à  en  accuser  réception  '.  Tout  autres  étaient  les  dépêches  du 
8  et  du  9  octobre,  dont  ils  eurent  connaissance  le  17,  quatre  jours 
après  la  signature.  Ratifiant  deux  des  concessions  accordées  par 
eux,  elles  les  présentaient  comme  les  seules  modifications  accep- 
tables au  dernier  projet  et  enjoignaient  à  nos  représentants  de 
faire  accepter  ce  projet  ainsi  modifié  pour  la  dernière  fois  ou  de  se 
retirer,  de  façon  à  sauvegarder  du  moins  l'honneur  de  la  France. 
Passant  en  revue  toutes  les  exigences  de  l'Empereur,  Richelieu 
les  critiquait  avec  amertume.  Que  la  soumission  du  duc  de  Man- 
toue  se  fit  par  écrit  au  lieu  de  se  faire  verbalement,  comme  on  en 
était  convenu  en  Italie,  il  y  consentait  et  il  renvoyait,  après 
l'avoir  corrigée,  la  lettre  dont  on  était  tombé  d'accord,  il  passait 
encore  sur  la  cession  de  Reggiolo,  si  la  paix  était  à  ce  prix,  mais 
l'ajournement  de  l'investiture  jusqu'au  moment  où  les  adversaires 
de  Charles  de  Gonzague  auraient  été  mis  en  possession  revenait 
pour  lui  à  priver  immédiatement  ce  prince  d'une  partie  de  ses 
États  et  à  subordonner  à  des  chicanes  la  restitution  du  reste. 
L'omission  des  Espagnols  dans  le  traité  était  une  véritable  dupe- 
rie, car  de  cette  façon  l'Empereur  nous  liait  envers  eux  sans  qu'ils 
le  fussent  envers  nous  et  lui-même  ne  l'était  pas  davantage,  car 
il  pourrait  sous  leur  nom  violer  ses  propres  engagements.  Son 
refus  de  ratifier  le  traité  de  Monçon  qu'il  n'avait  pas  fait  se  com- 
prenait, mais  pourquoi  l'Espagne,  qui  l'avait  souscrit,  ne  pro- 
mettait-elle pas  de  l'exécuter?  La  proposition  de  démanteler 
Casai,  de  laisser  entre  les  mains  des  Impériaux  Castel-Porto  et 
une  autre  place  en  garantie  des  droits  de  la  duchesse  de  Lorraine 
ne  méritait  pas  d'autre  réponse  que  l'indignation  avec  laquelle 


1  Dépêche  du  P.  Joseph  à  Bouthillier,  10  octobre  1630.  Ubi  supra.  Le 
P.  Joseph  accuse  aussi  réception  d'une  dépèche  du  15  septembre,  mais  nous 
croyons  qu'il  a  écrit  15  au  lieu  de  5  et  qu'il  a  voulu  désigner  la  dépêche  de 
Richelieu  à  Brulart,  datée  de  ce  jour.  Nous  avons  rencontré  dans  la  correspon- 
dance diplomatique  de  nos  agents  avec  Richelieu  plus  d'une  erreur  de  ce 
genre.  La  dépêche  de  Bouthillier,  en  date  du  'l'i  septembre,  n'arriva  a  Ratis- 
bonne  qu'au  moment  où  la  pais  renail  d'être  signée.  Dépêche  du  P.  Josepb  a 
RicheMeu,  13  octobre.  Le  débul  de  la  dépêche  de  Brulart,  du  18  octobre,  citée 
plus  bas,  prouve  clairement  que  (elle  du  22  septembre  n'était  pas  de  nature 
à  mettre  lin  à  leur  incertitude. 


264  G-    FAGNIEZ. 

elle  avait  été  accueillie.  L'idée  de  porter  à  20,000  écus  la  rente 
du  duc  de  Savoie  et  d'en  faire  faire  l'assignation  par  Collalte,  de 
concert  avec  des  commissaires  du  roi ,  était  déraisonnable  et 
ouvrait  la  porte  à  des  discussions  interminables,  à  des  prétentions 
illimitées  d'où  la  guerre  pouvait  renaître.  Le  cardinal  ne  compre- 
nait pas  que  l'Empereur  trouvât  contraire  à  sa  dignité  de  pro- 
mettre qu'il  n'entreprendrait  rien  contre  le  duc  de  Mantoue,  mais 
le  protégerait  au  contraire  contre  toute  agression.  Il  repoussait 
la  nouvelle  rédaction  de  l'engagement  réciproque  concernant  les 
rapports  généraux  de  l'Empire  et  de  la  France  et  s'en  tenait  à 
celle  qu'il  avait  envoyée  à  Ratisbonne1. 

On  ne  peut  certes  pas  reprocher  à  ces  instructions  de  n'être  pas 
assez  catégoriques,  mais  elles  avaient  le  grave  défaut  d'arriver 
trop  tard2.  Nous  essayerons  tout  à  l'heure  d'expliquer  la  rareté 
des  dépêches  de  Richelieu,  disons  tout  de  suite  que,  s'il  se  mon- 
trait aussi  décidé  à  ne  rien  céder  de  plus,  s'il  envisageait  avec 
tant  de  fermeté  la  rupture  des  négociations  et  la  reprise  des  hos- 
tilités, c'est  qu'il  espérait  que  la  citadelle  allait  être  secourue.  Ces 
négociations  ne  lui  avaient  pas  fait  négliger  les  préparatifs  d'une 
attaque  énergique  des  lignes  espagnoles.  Confiant  dans  l'issue  de 
la  lutte  qui  allait  recommencer,  il  ne  voulait  pas  aller  plus  loin 
dans  la  voie  des  concessions  et  n'admettait  que  deux  choses  :  ou 
un  traité  conforme,  à  peu  de  chose  près,  aux  préliminaires  arrê- 
tés en  Italie,  ou  une  tentative  énergique,  aussitôt  après  le 
15  octobre,  pour  débloquer  la  citadelle.  Cette  tentative,  la  trêve 
ne  donnait  que  quinze  jours  à  nos  généraux  pour  la  faire.  Ce  n'est 
pas  que  le  cardinal  se  crût  obligé  de  livrer  la  citadelle  aux  Espa- 
gnols, si  une  armée  française  n'avait  pas  réussi  du  15  au  31  oc- 
tobre à  percer  leurs  lignes  d'investissement.  Les  chefs  de  notre 
armée  en  avaient  bien  pris  l'engagement  dans  la  suspension 
d'armes,  mais  Richelieu  avait  trouvé  un  moyen  de  s'y  soustraire 
en  y  mettant  une  condition  qui  le  rendait  à  peu  près  illusoire. 

1.  Lettre  du  Roi  à  M.  de  Léon,  8  octobre  1630.  Dépêche  de  Richelieu  à 
Ezechiely,  9  octobre.  Dépèche  de  Richelieu  à  Schoraberg,  G  octobre.  Avenel, 
III,  932,  939,  927. 

2.  «  C'est  an  malheur  exlresme,  écrit  Rrulart,  que  nous  n'avons  receu  plus 
tost  la  dépesche  que  vous  nous  avez  envoyée  du  8e  du  présent  mois  en 
responce  de  la  nostre  du  10e  du  passé.  Nous  l'avons  attendue  jusques  à  l'extré- 
mité el  I''-  raisons  que  vous  verrez  par  nostre  leltre  commune  nous  l'ont  l'ail 
prévenir  de  trois  jours...  »  Dépèche  du  18  octobre.  Ubi  supra. 


LA    MISSION    Dl     P.    JOSEPB    I    OATISBONNE.  2('»:> 

Mazarin  lui  avait  t'ait  espérer  que  le  duc  de  Savoie  joindrai  ses 
armes  à  celles  du  roi,  si  le  dernier  projet  de  traité,  qu'il  trouvait 
équitable,  n'était  pas  accepté  par  les  Impériaux  et  les  Espagnols. 
A  la  vérité,  la  lettre  où  Victor-Amédée  devait  annoncer  cette 
résolution  n'avait  jamais  été  écrite,  mais  Richelieu  ne  feignait  pas 
moins  de  compter  sur  son  concourset  il  entendait  bien  ne  livrer 
la  citadelle  qu'à  ce  prix.  Cela  revenait  à  tenir  pour  non  avenue  la 
trêve  de  Rivoli,  dont  les  conditions  n'avaient  pas  obtenu  tout 
d'abord  son  approbation1.  Défense  fut  donc  faite  à  Toiras  de 
remettre  la  citadelle,  quand  même  elle  n'aurait  pas  été  secourue, 
sans  un  ordre  du  roi,  et  cet  ordre  ne  devait  être  donné  que  si 
toutes  les  obligations  contractées  envers  la  France,  notamment 
par  le  duc  de  Savoie,  avaient  été  remplies2. 

Lorsque  le  traité  fut  connu  à  Lyon  par  un  résumé  de  Brulart3, 
c'est-à-dire  le  20  octobre,  Louis  XIII  et  Richelieu  venaient  de 
quitter  cette  ville.  Il  y  fut  accueilli  par  une  allégresse  générale!. 
La  reine  mère  et  la  reine  régnante  y  voyaient  la  fin  d'une  guerre 
qui  affermissait  le  crédit  du  ministredont  elles  essayaient,  quelques 
jours  avant,  d'arracher  la  disgrâce  au  roi  moribond.  Le  nonce 
Ragni,  représentant  d'une  cour  qui  avait  poursuivi  avec  tant  de 
persévérance  son  œuvre  de  médiation,  partagea  le  sentiment 
public.  Bouthillier  lui-même  approuva  entièrement  le  traité,  et, 
convaincu  que  le  cardinal  ferait  de  même,  il  en  répandit  la  nou- 
velle, écrivit  aux  ducs  de  Parme  et  de  Mantoue  pour  en  presser 
l'exécution  et  rédigea  une  lettre  de  ratification  et  decomplimenls 
à  l'adresse  des  plénipotentiaires4.  Enfin,  Richelieu,  qui  était  alors 
à  Roanne,  abusé  par  l'analyse  peu  fidèle  de  Brulart5,  fit  porter 
ses  félicitations  aux  deux  reines  et  annonça  la  ratification''.  Mais 

1.  Avencl,  III,  887,  904,  909,  911,  912.  Griffet,  II,  31.  Mém.  de  Richelieu, 
II,  260. 

2.  Lettre  du  Roi  à  Toiras.  Avenel,  III,  925. 

3.  Lettre  de  Bouthillier  à  Richelieu,  20  octobre,  citée  par  Avenel,  III,  943, 
mile 2,  et  lettre  du  Roi  à  M.  de  Léon,  datée  du  22,  écrite  eu  réalité  le  26  oc- 
tobre. JOid.,  |>.  962  in  fine.  Noua  n'avons  Mas  retrouvé  ce  résumé  du  traité  el 
nous  ne  savons  quand  il  lui  envoyé. 

4.  Dépêche  de  Contarini.  Lyon,  22  octobre.  Filza  79,  p.  14.  Lettres  de  Bou- 
thillier a  Richelieu,  des  20,  21  el  23  octobre.  Dépêche  écrite  par  Bouthillier  à 
M.  de  Léon  au  nom  du  Roi.  Avenel,  111,  943,  n.  2. 

5.  Voyez  la  lettre  précitée  du  Roi  a  M.  de  Léon,  du  .'.'  (26)  octobre. 

6.  "  Meniie  sio  dispacciando,  riene  in  maggior  diligenza  de  quello  che  -i 
aspettava  un  gentilhuomo  e>|>edilo  dal  Re  et  dal  cardinale  per  congratularsi 


266  G.    Fu.MKZ. 

son  impression  et  ses  dispositions  changèrent  entièrement  quand 
il  eut  sous  les  yeux  le  texte  lui-même,  que  le  secrétaire  de  l'am- 
bassadeur apporta  à  Lyon  le  22  octobre l  et  qui,  quelques  heures 
après,  était  à  Roanne.  Désolé  de  ce  qui  avait  été  fait  à  Ratisbonne, 
il  prit  et  fit  prendre  au  roi  la  résolution  de  ne  pas  l'accepter  pure- 
ment et  simplement.  Devait-on  ratifier  le  traité  avec  des  réserves, 
le  déclarer  nul  en  indiquant  les  conditions  auxquelles  la  France 
en  conclurait  un  autre,  ou  attendre,  avant  de  se  prononcer,  des 
nouvelles  de  l'armée  d'Italie?  Tels  sont  les  trois  partis  qu'il  envi- 
sagea dans  un  de  ces  mémoires  où  il  avait  l'habitude  d'examiner 
une  question  sous  toutes  ses  faces,  la  plume  à  la  main,  afin  de 
mieux  saisir  les  considérations  décisives  et  de  préparer  pour  le  roi 
et  le  conseil  la  justification  de  ses  décisions.  De  ces  trois  partis,  le 
second  lui  parut  le  meilleur,  mais  tempéré  par  le  troisième,  qui 
était  imposé  par  la  prudence  ;  résolu  à  considérer  le  traité  comme 
nul  et  à  faire  des  propositions  pour  le  remplacer  par  un  nouveau, 
il  ne  voulut  pas  déclarer  ses  intentions  avant  de  savoir  ce  que  nos 
généraux  avaient  fait  et  ce  qu'ils  étaient  en  état  d'entreprendre2. 
Dans  un  conseil  tenu  le  24  au  soir,  il  fit  prévaloir  son  opinion  sur 
celle  de  Marillac,  qui  était  d'avis  d'accepter  le  traité,  sauf  à  en 
fixer  l'interprétation  et  à  en  poursuivre  la  modification  dans  des 
conférences  ultérieures3.   Cependant,  un  courrier,  brûlant  les 


con  le  Régine  délia  pace  sentita  da  S.  M.  con  somme-  gusto  e  con  gran  sollievo 

délie  sueindutioni Il  cardinale  ha  scritto  a  Bottiglier  che  mandera  la  rati- 

lirutione  e  fara  le  altre  espeditioni  à  Ratisbona »  Dépêche  de  Contarini, 

22  octobre.  Filza  79,  n°  239. 

1.  «   Hoggi  arriva   il  segretario  di  Léon  partito  ai  14  da  Ratisbona  con  le 

capitulationi  délia  pace »  Dépêche  de  Contarini.  Lyon,  22  octobre.  Filza  79, 

p.  44. 

2.  Avenel,  III.  949.  L'opinion  définitive  de  Richelieu  ne  se  dégage  pas  très 
nettement  de  ce  mémoire,  qui  reflète  les  fluctuations  de  son  esprit.  On  se 
tromperait  tout  à  fait  sur  sa  conclusion  si  l'on  oubliait  que  le  mot  cependant, 
qui  se  trouve  à  la  fin,  a  ici,  comme  en  général  à  cette  époque,  le  sens  de  :  en 
attendant.  Il  résulte  de  ce  qui  a  été  dit  plus  haut  que,  des  deux  dates  entre 
lesquelles  a  hésité  M.  Avenel,  il  faut  adopter  la  seconde,  celle  du  22. 

3.  Contarini  reproduit  l'argumentation  de  Richelieu  contre  Marillac,  telle 
qu'un  membre  du  Conseil  la  lui  avait  rapportée  :  «  Andato  poi  da  altro  confi- 
dente, che  si  trovô  nel  consiglio  di  bien  sera,  trovai  che  corsero  due  opinioni, 
ana  de!  guardasigiUo,  che  voleva  si  ;q>provasse  il  traliato,  modificàndolo  pera 
H  interpretandolo  per  via  de  eommissarii  ed'altro.  11  card.  risposeche,  se  con 
ratificar  i!  trattato,  anche  senza  modificationc,  fosse  certa  la  pace,  vorrebbe 
persuaderne  il  Re,  se  ben  con  tanto  indecoro  e  vergogna  sua,  ma  che  egli  era 


I  \    MISSION    DU   P.    JOSEPH   A    RATISBONNE.  267 

relais,  portait  à  nos  généraux  l'ordre  de  ne  pas  tenir  compte  de  ce 
qui  avait  été  conclu  en  Allemagne  et  de  poursuivre  Leur  marche. 
Que  lettre,  revêtue  de  la  signature  royale,  annonçait  à  Brulart 
que  le  résultat  de  la  négociation  n'était  pas  approuvé,  elle  était 
accompagnée  d'observations  sur  les  clauses  qu'on  jugeail  inad- 
missibles et  de  l'interprétation  qui  pourrait  les  rendre  acceptables. 
L'ambassadeur  recevait  l'ordre  d'obtenir  de  Sa  Majesté  impérial»', 
avec  le  concours  des  électeurs  et  en  la  suivant  à  Vienne,  si  elley 
était  rentrée,  des  explications  et  des  modifications  satisfaisante  : 
s'il  ne  pouvait  y  parvenir,  il  devait  retourner  auprès  du  roi  ' .  Il 
était  enjoint  à  Charnacê  et  à  Reaugis  de  combattre  la  mauvaise 
impression  que  le  traité  aurait  pu  produire  sur  le  roi  de  Suède  et 
sur  les  Etats  généraux  et  de  leur  faire  savoir  qu'il  n'était  pas 
ratifié2.  La  reine  mère  n'arriva  à  Roanne  que  pour  trouver  des 
résolutions  arrêtées,  des  mesures  prises,  et  approuva  tout,  soit  que 
Richelieu  ait  réussi  à  lui  faire  partager  son  opinion,  soit  plutôt 
qu'elle  déclinât  la  lutte  ouverte  sur  le  terrain  politique  contre  un 
adversaire  si  supérieur  et  qu'elle  eut  hâte  de  la  reprendre  par  les 
voies  obliques  et  souterraines  qui  convenaient  seules  à  cette  nature 
tortueuse,  mesquine  et  bornée3. 

sicuro  che  non  se  ne  sarebbe  ottenuto  L'effetto,  perche  era  trattato  captioso  e 
fraudolente,  di  modo  che  vedendosi  la  necessila  di  conUnuar  le  annal»-  el  i 
dispendiî,  era  meglio  il  farlo  con  honore,  con  cuore  e  dolcezza  degli  amici,  che 
di  questa  maniera  vituperosa.  Quanto  aile  interprétation!  de]  trattato,  furono 
universalmente  rejeté  con  L'essempio  del  trattato  di  Monzon,  le  cui  interpré- 
tation] hanno  posto  in  servitu  quei  popoli  el  non  si  è  fatto  nnlla,  il  che  segui- 
rebbe  anche  nell'  ltalia,  oltre  ch'  essendo  il  negocio  <  1  i  molti  capi  per  via  de 
commissarii  non  si  terminerebbe  in  ahni  e  bisognerebbe  continnar  tanto  tempo 
sempre  con  le  armi  in  màno.  Opinione  del  cardinale  è  pero  fin  hora  che  -i 

disaprovi  il  Irattalo con  una  dichiaratione  pero  délia  costanza  del  Re  alla 

pace  d'Italia,  esplicando  i  |>tinli  <li  uno  in  nno  piu  da  vioino  che  si  possa  ail' 
intenlione  de  medesimi  Imperiali  el  escludendo  totalmente  <'t  apertamente 
tutti  gli  altaci  punti,  che  sono  fuori  di  esso  negotio  d'Italia,  la  quai  opinione 
par  che  prevaglia  et  che  ad  essa  el  il  guardasigillo  et  Castelnuovo  adheris- 
cano...  »  Filza  79,  p.  5.9-60. 

1.  Lettre  précitée  du  Roi  à  M.  <le  Léon,  22  (26)  octobre.  L'bi  supra.  Avenel, 
958,  n.  2.  Dépêche  de  Gontarini.  Roanne,  27  octobre.  Filza  79,  n°  213.  Mém. 
de  Richelieu,  II,  288-291. 

2.  Mém.  de  Richelieu,  il,  291-292.  Avenel,  m.  951,  n.  2.  Ce  fui  le  P  Joseph 
qui  se  chargea  de  rassurer  la  sérénissime  République.  Voyez  sa  lettre  à  d  \».ui\. 
signée  :  Jlumotpe.  Ralisbonne,  11  novembre.  \i<  b  des  aff.  étrang.  Venise, 
-1630,  vol.  49,  à  la  date. 

3.  La  reine  mère  arriva  à  Roanne   le  26  au  soû   el   parti!  le   lendemain    U 


268  G-    GAGNIEZ. 

1  Jientôt  des  lettres  de  Schomberg  et  des  autres  généraux  vinrent 
ôter  au  cardinal  sa  plus  vive  inquiétude  en  lui  apprenant,  d'abord 
qu'ils  ne  suspendraient  leur  marche  que  si  la  ville  et  le  château 
de  Casai  étaient  évacués  et  ravitaillés,  puis  qu'en  effet  ils  n'avaient 
pas  t.  m  m  compte  de  l'article  prescrivant  la  cessation  des  hostilités 
et  n'avaient  cessé  d'avancer'.  On  sait  que  leur  attitude  décidée 
sauva  Casai  et  que,  le  jour  même  où  Richelieu  les  félicitait  de  leur 
résolution  (26  octobre),  ils  arrêtaient  avec  le  marquis  de  Sainte- 
Croix2  une  convention  qui  remettait  le  duc  de  Mantoue  en  posses- 
sion de  Casai  et  du  Montferrat. 

Revenons  maintenant  sur  le  traité  et  sur  la  façon  dont  le  pre- 
mier ministre  l'accueillit.  Nous  avons  dit  son  chagrin  quand  il  le 
connut,  nous  devons  ajouter  qu'il  s'exprima  très  sévèrement  sur 
le  compte  des  négociateurs  et  qu'il  eut  même  la  pensée  de  faire  un 
exemple  à  leurs  dépens3.  Mais  il  ne  pouvait  les  séparer  dans  le 
châtiment,  et  comment  aurait-il  pu  se  décider  à  frapper  un 
homme  que  sa  robe  rendait  sacré  et  qui  était  le  confident  le  plus 
intime  de  ses  desseins,  l'auxiliaire  le  plus  actif  et  le  plus  habile  de 
sa  politique,  le  premier  auteur  de  sa  fortune?  L'ambassadeur 
vénitien  nous  a  conservé  l'expression  même  de  ses  sentiments, 
telle  qu'il  l'avait  recueillie  de  sa  bouche4,  et  son  langage  ne  per- 

cardinal  l'accompagna,  ne  voulant  pas  la  laisser  seule  auprès  du  Roi.  Dépèche 
de  Contarini.  Roanne,  27  octobre.  Filza  79,  p.  64  et  68. 

1.  Avenel,  III,  966  et  a.  1.  Filza  79,  p.  68. 

2.  Il  commandait  les  troupes  espagnoles  à  la  place  de  Spinola,  malade  de  la 
maladie  dont  il  allait  mourir. 

3.  Testament  politique,  éd.  1764,  1™  partie,  p.  25.  Dépêche  de  Contarini, 
27  octobre.  Filza  79,  p.  63.  Relation  de  Venier.  Ubi  supra,  p.  133. 

4.  Questa  mattina  ho  veduto  il  cardinale,  il  quale  ho  trovato  afflitissimo, 
mi  disse  :  «  Escusatemi  se  non  vi  ho  veduto  prima,  perche  son  piu  morto  che 
vivo,  doppo  la  malatia  del  Re,  non  ho  havuto  il  maggior  travaglio  di  questo. 
Léon  et  il  frate  non  potevano  for  peggio.  Piacesse  a  Dio  che  la  Francia  havesse 
fatto  troncar  la  testa  a  Fargis,  et  a  molti  altri  che  hanno  eccessi  in  traitât  i 
simili  i  loro  poteri  per  esempio  e  per  honore  délia  corona.  Sono  xx  capitoli, 
ma  n<»n  \i  è  capitolo,  che  non  habbi  Ire  o  quattro  errori  grandissiini  :  non  è 
piu  possibile,  che  la  Francia  tralli.  porche  non  ha  havuto  huomini.  Léon  et  il 
frate  si  sono  lasciati  ingannare  dagli  Elettori.  Io  non  posso  dirvi  i  particolari 

,•  prima  non  viene  la  Regina  madré,  con  la  quale  si  risolvera  il  tntto  ma  non 
credo  che  questa  pace  anderà  avanti,  perché  li  uostri  ministri  hanno  eccesso  i 
loro  poteri,  i  quali  dando  loro  auttorita  di  traltar  supra  lé  sole  cose  d'Italia, 
vi  hanno  incluso  negotii  di  Sciampagna  per  i  vescovati  di  Metz,  del  dnca  di 
Lorena  e  cose  simili,  oltre  un  trattato,  un  aleanza  tra  noi  et  l'Imperatore  ver- 
gognosa,  pregiudiciale  e  gelosa  a  tutti  li  nostri  ainici,  obligandoei  di  non  dar 


LA    \il-M<>\    DE    P.    JOSEPE    A    RATISBONHE.  269 

met  pas  de  douter  de  sa  sincérité.  «  >n  ne  peut  donc  admettre  avec 
certains  historiens  ni  qu'affolé  par  Le  danger  du  roi,  il  ait  donné 

aiuto  ai  nemici  dell   [mperio  dichiariti,  overo  da  dichiarirsi,  ne  i  on  denaro,  ne 
con  consiglio  ae  con  forze,  mancaya  solo  che  y'  obligassero  di  rinonciar  a  tutte 
le  leghe  per  far  compila  la  rergogna  el  il  biasimo.  Per  la  Republica  \i  è  un 
capitolo,  ma  inhonorevole  corne  tutti  gli  altri.  Scrivono  che  il  vostro  Res"  ri 
ha  assentito,  ma  io  non  lo  credo,  i  E  qui  peT  mostrarmelo  chiamù  il  secretario, 
)iia  rispondendo  egli  che  il  capitolato  s'  era  mandate  a  Botiglier  da  Iradur  in 
francese  per  mostrai  alla  Regina  disse  -  i  lu  somma  egli  nonè  piuntoa  propo- 
sito  ;  mi  par  che  dica  che,  conforme  le  istànze  humilissime  délia  Republica,  in 
liratia  spéciale  del  Re,  essa  resti  compresa  con  dichiaratione,  che,  sequello  non 
fusse,  non  si  voleva  sentir  parlar  di  lei,  in  somma  tutlo  tanin  maie,  che  non  si 
pu»»  dir  peggio.  Piaccia  a  Dio  che  Sciombergb  si  sia  avanzato,  ^U  havemo 
espedito  un  corriero,  chesopragli  a\i>i  di  Germania  non  >i  fermi.  |  El  mi  disse 
questo  formate  concetto:  «  Voi  vedete  con  quanta  fatica  io  vo  condncendo  questa 
barca,  la  quale  tra  tanti  scogli  e  contrarii  non  è  andata  fin  hora  maie,  ma  la 
fortuna  ha  voluto  che  quei  marinari,  i  quali  >i  stimavano  i  pin  esperti  e  pra- 
tici,  ci  fannoandara  traverso  el  ci  pongonoa  rischio  di  naulïaggio:  voglio  i  erlo 
rilirarmi  in  un  monasterio,  et  liberarmi  da  questi   travagli,  perche  ><n\<>  pone 
di  morte.  »  Io,  ancorche  vedendolo  molto  tnrbalo  et afflitto,  volsi  seco  discorrer 
et  dimandarli  altri  particolari,  ma  egli  mi  rispose  :  «  Voi  rederete  lacapitula- 
tione  quanto  prima  l'habbi  veduta  la  Regina  madré,  non  -i  risolvera  alcuna 
cosa  senza  vostra  saputa,  di  gratia  non   parlate  con   alcuno,   perche,  se  la 
Regina  madré  trovasse  il  negotio  rotto,  crederia  che  tutto  venissr  da  me.  Boti- 
glier ha  l'alto  mollo  maie  a  publicar  la  pace  a  Lionc  nella  maniera  che  ha  fatto; 
in  tanto  imaginalevi  il  pc-gio  che  si  possa,  l'essecutione  di   che,  quando  anco 
si  potesse  ammetter,  io  slimo  piu  tosto  impossibile  che  diflicik.  perche  nes- 
suno  degli  inleressati  sono  comparsi  con  poteri,  ne  Spagnoli,  ne  la  Republica, 
ne  Savoia,  ne  Mantoa,  di  sorte  che  non  si  |iliù  assicurar  di   nulla.  »  E  cosi  lo 

lasciai Quanto  agli  articoli  del 

Iratlato,  non  mi  eslendo,  perche  V.  E.  gli  haveranno  gia  havuti  dalla  copia 
medesima  che  sara  molto  prima  ventila  d'AJemagna,  nondimeno  ad  ogni  buon 
fine  procurero  anch'  io  d'  haverla  el  la  mandero  con  allia  occasione  paren- 
domi  non  dover  perder  oncia  di  tempo  nel  Ear  pervenir  alla  Serenita  v.  quesli 
particolari  in  tut  la  diligenza,  affine  che  le  voci  di  sicura  pace  non  prevalessero 
Diro  solo  che  corne  l'Imperalor  parla  per  lui,  per  il  Re  cattolico  <■  per  Savoia, 
cosi  la  Francia  non  parla  che  per  lei  sola  e  senza  nominar  i  collegati.  Di  pin 
che  la  liberatioue  de  Grisoni  e  demolitioni  de  forli  deve  esser  L'ultima  esse- 
cutione  di  tutto,  che  tara  elteltuar  l'Imperator,  sortili  totalmente  Francesi,  non 
in  virtu  del  présente  trattato.  ma  [ter  essecutione  délia  sua  Impérial  parola 
data  gia  ai  Grisoni  nclle  letterc  che  loro  scrisse  sin  dal  principio  che  occupa 
quei  passi,  promettendoli  la  primiera  liberté  quando  Ibssero  terminât!  questi 
turbini  d'Italia,  in  modo  che  per  la  liberta  di  quei  passi  non  restarebbe  alcun 

altra assicuranza  che  la  sola  volonté  dell'  [mperator.  in  - a  bisogna  dir  col 

cardinale  che  non  si  poteva  far  peggio  per  tutte  le  parti  et  per  tutti  li  rispetti, 
assicurando  in  taulo  le  E.  V.  che  non  manchero  in  tutta  aplicatione  del  mio 
animo  di  star  sempre  uiiito  alla  Corte  avertito  particolarmente  ai  publiciinte- 
ressi,  de  quali  daroconto  di  tempo  in  tempo  con  espeditioni  espresse,  e  diligenti 


271»  G.    FAf.\IEZ. 

au  P.  Joseph  l'ordre  de  traiter  à  tout  prix',  ni  même  qu'il  n'ait 
repoussé  la  paix  que  parce  qu'elle  permettait  au  roi  de  se  passer 
de  lui2.  Non,  il  ne  joua  ni  la  surprise,  ni  l'irritation,  ni  l'abat- 
tement,  il  éprouva  bien  réellement  tous  ces  sentiments.  Mais 
furent-ils  aussi  justifiés  qu'ils  étaient  sincères?  Le  traité  méri- 
tait-il toutes  ses  critiques,  les  plénipotentiaires  tous  ses  reproches? 
Pour  se  faire  une  opinion  sur  la  valeur  de  l'œuvre  et  sur  la  res- 
ponsabilité de  ses  auteurs,  il  faut  examiner  successivement  dans 
quelle  mesure  et  pour  quelles  raisons  ils  ont  dépassé  leurs  pou- 
voirs et  se  sont  écartés  de  leurs  instructions,  puis  si,  en  le  faisant, 
ils  ont  sauvegardé  ou  compromis  les  intérêts  de  la  France,  s'ils 
lui  ont  assuré  tous  les  avantages  qu'elle  pouvait  tirer  delà  négo- 
ciation. On  verra  par  ce  double  examen  si  ces  plénipotentiaires 
ont  manqué  à  leurs  devoirs  professionnels,  si  le  sens  politique  a 
fait  défaut  à  ces  hommes  politiques.  Est-il  besoin  d'ajouter  qu'il 
ne  nous  éclairera  pas  moins  sur  le  rôle  de  Richelieu  dans  cette 
circonstance  et  en  général  sur  sa  manière  de  diriger  les  affaires 

quanto  sara  possibile  non  ostante  eue  io  m'  allonlani  ogni  giorno  piu,  come  pur 
faccio  anco  a  Ratisbona  per  sola  informatione  dei  publici  rapresentanti,  perche 
conosco  l'importanza  tli  questo  periodo,  che  fin  hora  pare  dover  portar  le  cose 
ad  una  crudelissima  et  longhissima  guerra  piu  tosto  che  alla  pace,  ma  perô 
bisogna  suspender  il  giudicio  sin  tanto  che  arrivi  la  Regina,  la  quale  acconsen- 
tendo  alla  rottura  col  cardinale,  crede  fermamente  sara  anco  impegnata  a  sos- 
tener  le  arrai  et  a  non  opporsi  come  per  l'adietro.  Prego  Dio  Signore  di  darmi 
vigore  per  ben  servirle  et  di  esser  fruttuoso  in  emergenti  di  tanto  peso... 
Da  Roana  a  25  ottobre  1630.  Filza  79,  dépêche  241.  M.  A.  Raschet  a  traduit 
quelques  lignes  de  cette  dépêche  dans  son  Histoire  de  la  chancellerie  secrète, 
p.  328.  Contarini  reproduit  aussi  le  témoignage  d'un  confident  intime  du 
cardinal  sur  les  impressions  de  celui-ci.  Dépêche  du  24  octobre.  Filza  79, 
p.  55. 

1.  Les  partisans  du  P.  Joseph  affirmaient  qu'il  produirait  à  son  retour  cet 
ordre  secret  (Dépêche  de  Contarini,  10  décembre  1630,  Filza  79,  n°  258)  et  l'opi- 
nion qu'il  l'avait  reçu  était  assez  répandue  pour  être  adoptée  par  l'historien 
contemporain  Nani,  Historia  délia  Republica  veneta,  I,  535.  Ce  qui  a  pu  l'ac- 
créditer,  c'est  qu'il  y  eut  un  moment  où  Richelieu  désira  tellement  la  paix 
qu'on  put  le  croire  disposé  à  l'accepter  à  n'importe  quelles  conditions.  Dép.  de 
Contarini,  1er  septembre,  Filza  78,  p.  202.  Son  désir  passionné  pour  la  paix 
n'est  pas  seulement  attesté  par  l'ambassadeur  vénitien,  on  en  trouve  aussi  les 
preuves  dans  sa  correspondance.  Nos  négociateurs  n'apprirent  officiellement  la 
maladie  du  roi  que  par  la  dépêche  du  9  octobre  qui  leur  apprenait  en  même 
temps  mi  guérison. 

2.  Cette  explication  a  été  donnée  par  Aretin,  Bayern's  auswaerdge  Verhael- 
Inisse,  I,  295-296,  et  même  par  Ranke,  Gesch.  Wallensteins,  3e  éd.,  1872, 
p.   145.  Voy.  aussi  Siri,  Memorie  recoadite,  VII,  246-247. 


LA   MISSION    M     P.    rOBEPB    1    RATISBONNE.  ^~' 

et  de  les  présenter  à  la  postérité?  Ici  comme  toujours  on  De  peut 
mettre  en  lumière  les  idées  etla  conduite  du  I'.  Joseph  sans  péné- 
trer davantage  dans  les  secrets  de  la  politique  et  du  gouvernement 
de  Richelieu. 

Il  serait  facile  de  déterminer  jusqu'à  quel  poinl  nos  agents  ont 

dépassé  les  intentions  de  leur  gouvernement,  si,  au  début  ou  dans 
le  cours  des  négociations,  ces  intentions  avaient  été  exprimées  sous 
une  forme  impérative  et  absolue.  Mais  ce  n'est  que  dans  les 
dépêches  tardives  du  8  et  du  5)  octobre  qu'on  trouve  un  ultimatum. 
On  serait  tenté  d'attribuer1  ce  caractère  à  la  dernière  forme  du  pro- 
jet deMazarin,  telle  qu'elle  résulte  des  modifications  que  Richelieu 
lui  avait  fait  subir  dans  les  premiers  jours  de  septembre;  en  effet, 
celui-ci  a  prétendu  tirer  du  rapprochement  de  ce  projet  et  de  ses 
apostilles  avec  le  traité  la  condamnation  des  plénipotentiaires*  et, 
en  signalant  certains  articles  comme  n'étant  pas  de  ceux  dont  le 
rejet  devait  entraîner  une  rupture,  il  semblait  bien  dire  implicite- 
ment qu'il  n'en  était  pas  de  mémo  des  autres2.  Mais  ce  qui  prouve 
péremptoirement  que  nous  n'avons  pas  là  le  dernier  mot  du  car- 
dinal, c'est  qu'il  alla  plus  loin  dans  la  voie  des  concessions,  c'est 
qu'il  accepta,  par  exemple,  l'engagement  de  ne  pas  attaquer 
directement  ni  indirectement  l'Empire,  une  indemnité  territoriale 
pour  le  duc  de  Guastalle,  la  transformation  de  la  soumission  ver- 
bale du  duc  de  Mantoue  en  une  soumission  écrite.  Ses  rares  dépèches 
n'offrent  rien  non  plus  qui  ressemble  à  un  mandat  impératif. 

Cela  se  comprend.  Richelieu  ne  pouvait  pas  limiter  d'une  façon 
rigoureuse  la  liberté  d'action  de  nos  représentants,  puisqu'il 
n'était  pas  fixé  lui-même  sur  l'étendue  de  ses  sacrifices  et  de  ses 
exigences.  Il  attendait  les  événements,  et  ce  fut  seulement  quand 
ils  eurent  pris  une  tournure  décidément  favorable  qu'il  refusa  de 
mettre  à  la  paix  un  prix  qui  dès  lors  lui  parut  trop  élevé.  Qu'on 
ne  se  méprenne  pas  sur  notre  pensée;  nous  ne  contestons  nulle- 
ment que  l'ambassadeur  et  le  P.  Joseph  aient  poussé  l'esprit  de 
conciliation  au  delà  de  ce  qu'autorisaient  leurs  instructions,  leurs 
aveux  mêmes  nous  démentiraient,  car  ils  ont  parfaitement  senti  et 

1.  «  Conférant  ce  projet  avec  l<>  traicté  passé  à  Ratisbonne,  on  verra  claire- 
ment comme  le  sr  de  Léon  n'a  suivy  en  aulqune  façon  les  ordres  i|iii  luy  ont 
esté  donnés  ains  les  a  excédés  en  toutes  choses.  »  An  h.  «les  ail.  étrange  Alle- 
magne, Vil,  f.  150. 

2.  Voy.  les  apostilles  du  projet.  Ubi  supra. 


272  C    lAC.MKZ. 

nettement  déclaré  qu'ils  couraient  le  risque  d'être  désavoués.  Tout 
ce  que  nous  disons,  c'est  que  la  dernière  communication  de  leur 
gouvernement  qui  leur  soit  parvenue  en  temps  utile  ne  suffit  pas 
à  les  condamner,  c'est  qu'il  faut  tenir  compte,  pour  déterminer  la 
mesure  dans  laquelle  ils  ont  été  infidèles  à  leur  mandat,  des  con- 
cessions ultérieures  du  cardinal,  bien  qu'elles  n'aient  fait  que 
sanctionner  ce  qu'ils  avaient  déjà  pris  sur  eux.  Or  c'est  ce  que 
celui-ci  ne  fait  pas.  Tout  ce  qui,  dans  le  traité,  est  étranger  à 
l'Italie,  était  aussi,  d'après  lui,  étranger  à  leur  mission.  Il  feint 
de  ne  pas  voir  que  la  présence  de  négociateurs  français  à  Ratis- 
lionno  suffisait  pour  faire  sortir  la  négociation  des  limites  où  elle 
s'était  renfermée  en  Italie  et  pour  la  faire  porter  sur  l'ensemble  des 
relations  entre  l'Empire  et  la  France,  il  oublie  ou  fait  semblant 
d'oublier  qu'il  s'était  résigné  à  cette  nécessité  en  acceptant  une 
renonciation  réciproque  à  tout  acte  d'hostilité,  qu'il  a  agrandi 
lui-même  le  terrain  de  la  négociation  en  demandant  le  déman- 
tèlement et  l'évacuation  de  Vie  et  de  Moyenvic  et  la  confirmation 
du  traité  de  Monçon.  Dans  ses  reproches  pour  la  façon  dont 
ses  instructions  ont  été  remplies,  il  y  a  donc  une  part  d'injus- 
tice, mais  il  y  a  une  plus  grande  part  de  vérité.  Nos  plénipoten- 
tiaires n'ont  pas  agi  de  leur  chef  autant  qu'il  l'a  dit,  ils  l'ont  fait 
assez  pour  être  désavoués. 

Il  faut  voir  maintenant  le  tort  que  le  traité  faisait  aux  intérêts 
et  à  la  dignité  de  la  France.  Mais  n'est-ce  pas  revenir  sur  une 
question  déjà  vidée,  et  ne  peut-on  pas  dire  qu'il  était  préjudiciable 
à  notre  pays  précisément  dans  la  mesure  où  il  n'était  pas  con- 
forme aux  instructions  de  Richelieu?  L'admettre,  ce  serait  poser 
en  principe  que  lui  seul  avait  le  juste  sentiment  de  ces  intérêts  et 
de  cette  dignité  et  qu'on  ne  pouvait  pas  les  comprendre  autrement 
que  lui,  ce  serait  accepter  sans  examen  toutes  ses  critiques  et 
sacrifier  à  la  légère  un  personnage  dont  les  titres  et  les  services 
sont  encore  à  établir,  au  ministre  en  faveur  duquel  le  génie  et  le 
succès  ont  créé  de  légitimes  préventions.  C'est  seulement  en  exa- 
minant la  valeur  intrinsèque  et  la  valeur  relative  de  l'œuvre  de 
nos  plénipotentiaires  que  nous  pourrons  savoir  si  elle  méritait 
toute  la  sévérité  du  cardinal. 

Si  on  étudie  le  traité  en  faisant  provisoirement  abstraction  de 
ses  dispositions  accessoires,  on  voit  qu'il  rétablissait  le  duc  de 
Mantoue  dans  ses  Etats  et  qu'il  assurait  par  conséquent  à  la 


LA    HISS10!)    DB    P.    roSEPfl    \    KATISBONNE.  '2~'A 

France  la  satisfaction   qu'elle  avait  poursuivie  en  taisant  la 
guerre.  A  la  vérité,  Charles  de  Gonzague  n'obtenait  pas  la  resti- 
tution immédiate  el   intégrale  du  Mantouan  et  du  Montferrat  ; 
d'une  part,  il  devait  céder  certains  territoires,  de  l'autre,  l'Empe- 
reur ne  lui  accordait  l'investiture  qu'au  bout  de  six  semaines,  la 
jouissance  qu'au  bout  de  deux  mois  et  après  la  liquidation  et 
l'attribution  des  indemnités  convenues  en  faveur  des  ducs  de 
Savoie  et  de  Guastalle.  Cet  ajournement  aurait  été  grave  s'il  avait 
dissimulé  l'intention  de  revenir  sur  la  reconnaissance  des  droits 
du  duc  de  Mantoue,  mais  il  était  suffisamment  justifié  par  la  néces- 
sité d'attendre  les  lettres  d'intercession  du  pape   et  du  roi  et 
surtout  par  l'opération  assez  longue  et  assez  délicate  de  la  liqui- 
dation des  indemnités,    conditions  préalables  pour  l'exécution 
desquelles  Richelieu  avait  accepté  un  mois.  Si  l'investiture  avait 
été  immédiate,  comme  le  portait  le  projet  de  Mazarin,  Charles  de 
Gonzague  aurait  recueilli  la  qualité  et  les  droits  d'héritier  avanl 
d'avoir  désintéressé  ses  concurrents.  Tout  ce  qu'on  pouvait  dire 
à  l'encontre  de  cette  façon  de  procéder,  c'est  qu'une  fois  la  liqui- 
dation terminée  et  acceptée  par  tous  les  intéressés,  la  mise  en 
possession  des  ducs  de  Savoie  et  de  Guastalle  n'aurait  pas  dû  pré- 
céder l'investiture  et  la  mise  en  possession  du  duc  de  Mantoue, 
mais  que  l'entrée  en  jouissance  de  tous  les  trois  aurait  dû  s'accom- 
plir en  même  temps.  Mais  le  léger  avantage  accordé  aux  deux 
premiers  ne  portait  vraiment  atteinte  ni  aux  intérêts  ni  a  la  dignité 
du  roi.  On  n'avait  pas  à  craindre  que  ce  délai  se  prolongeât  par 
suite  de  désaccords  sur  le  règlement  des  indemnités,  il  était  de 
rigueur,  et,  si  les  intéressés  ne  s'entendaient  pas,  les  commissaires 
impériaux  devaient  les  mettre  d'autorité  en  possession  des  terri- 
toires que,  de  concert  avec  les  commissaires  français,  ils  leur 
auraient  assignés.  Le  traité  contenait,  il  est  vrai,  sur  ce  point, 
une  clause  inacceptable  :  dans  le  cas  où,  par  le  fait  des  commis- 
saires, le  règlement  ne  serait  pas  terminé  dans  les  six  semaines, 
il  attribuait  exclusivement  aux  commissaires  impériaux  le  droit 
d'y  procéder.  A  part. cette  clause,  qui  avait  échappé  à  l'attention 
des  négociateurs  et  dont  la  modification  ne  pouvait  soulever 
aucune  difficulté,  l'ajournement  de  l'investiture  n'autorisait  pas 
à  soupçonner  la  sincérité  de  l'Empereur  et  ne  mettait  pas  en  péril 
les  droits  du  duc  de  Mantoue.  Ce  qui  devait  rassurer  complète- 
ment la  France  sur  l'intention  dans  laquelle  ce  délai  avait  été 
Rev.  Histoe.  XXV11.  -2e  FASC<  18 


274  G.    FAGNIEZ. 

Introduit,  c'est  que  Ferdinand  n'avait  aucun  intérêt  à  recommen- 
cer la  guerre  dans  six  semaines,  comme  cela  serait  inévitable  s'il 
refusait  l'investiture,  car  il  la  recommencerait  dans  des  conditions 
moins  favorables.  Pour  suspecter  sa  bonne  foi,  il  fallait  lui  prêter 
la  pensée  déraisonnable  de  soutenir,  sans  général  et  avec  une 
armée  réduite,  deux  guerres  à  la  fois,  l'une  en  Italie  contre  la 
France,  l'autre  en  Allemagne  contre  Gustave-Adolphe.  D'un 
autre  coté,  ni  la  constitution  d'une  rente  de  18,000  écus,  dont 
partie  était  représentée  par  Trino,  au  profit  du  duc  de  Savoie,  ni 
l'assignation  au  duc  de  Guastalle  d'une  rente  de  6,000  écus,  qui 
ne  semblait  pas  devoir  absorber  le  revenu  de  Reggiolo,  ni  la 
réserve  des  droits  chimériques  de  la  duchesse  douairière  de  Lor- 
raine, avec  les  restrictions  dont  elle  était  entourée,  n'empêchaient 
Charles  de  Gonzague  de  devenir  le  souverain  légitime  du  Man- 
touan  et  du  Montferrat  et  la  France  d'installer  au  sud  de  la 
Savoie  et  du  Milanais,  sur  les  confins  du  Vénitien,  un  prince 
français,  maître  de  deux  des  plus  fortes  places  de  l'Europe.  Le 
P.  Joseph  avait  donc  pleinement  raison  d'écrire  que  la  France 
tirait  autant  d'avantage  du  traité  qu'elle  aurait  pu  le  faire  d'une 
guerre  heureuse,  à  part  le  prestige  que  donnent  toujours  des  suc- 
cès militaires1. 

Mais  il  y  a  autre  chose  dans  ce  traité  qu'un  règlement  avan- 
tageux pour  la  France  de  la  succession  de  Mantoue.  Ce  qu'elle 
obtenait  sur  ce  point,  elle  l'achetait  peut-être  sur  d'autres  par  des 
concessions  onéreuses.  C'était  bien  ce  dont  l'Empereur  se  flattait 
quand  il  imposait  à  notre  pays  l'obligation  d'abjurer  tout  projet 
d'agression  contre  l'Empire.  Il  voyait  là  le  moyen  de  le  brouiller 
avec  ses  alliés  et  de  paralyser  l'hostilité  des  États  et  surtout  de 
Gustave- Adolphe.  Son  espoir  semblait  fondé.  La  négociation  de 
Charnacé  avec  le  roi  de  Suède  se  heurtait  à  plus  d'une  difficulté, 
et  peu  s'en  fallut  qu'elle  n'échouât.  Aux  discussions  d'étiquette  et 
d'argent,  aux  préventions  que  Des  Hayes  Cormenin  avait  inspi- 
rées au  roi  contre  Charnacé  et  contre  le  cardinal,  s'ajoutaient  sans 
contredit,  pour  la  mettre  en  péril,  l'inquiétude  et  la  défiance  que 

1.  Dépêche  du  P.  Joseph  à  Richelieu,  13  octobre.  Arch.  des  aff.  étrang., 
Allemagne,  VII,  f.  130.  Brûlait,  de  son  côté,  justifiait  le  traité  en  disant  qu'il 
rétablissait  le  duc  de  Mantoue  dans  ses  Etats,  ce  qui  était  l'essentiel,  et  qu'en 
présence  de  ce  résultat,  les  avantages  faits  aux  ducs  de  Savoie  et  de  Guastalle 
n'avaient  pas  d'importance.  Relation  de  Vénier.  176»  supra,  p.  136. 


m  mission  r>r  p.  rosEPB  a  batisbonne.  875 

la  mission  de  dos  envoyés  à  Ratisbonne  excitait  chez  lui  et  qui 
ètaienl  soigneusement  entretenues  par  des  émissaires  de  l'Empe- 
reur1. Celui-ci  ne  s'en  exagérait  pas  moins  beaucoup  le  compte 
que  outre  gouvernement  devait  faire  d'une  pareille  obligation  et 
tneme  le  trouble  qu'elle  pouvait  apporter  dans  nos  alliances.  Nous 
avons  dit  qu'en  prenant  cet  engagement,  Richelieu  B'était  bien 
promis  de  ne  pas  le  tenir,  el  cependant,  sous  la  forme  acceptée 
par  lui,  il  entraînait  L'obligation  de  se  dégager  des  alliances  qui 
itaient  contraires,  tandis  (pu;  la  rédaction  définitive,  qu'il 
repoussait,  ne  l'obligeait  qu'à  l'aire  son  possible  pour  ramener  les 
ennemis  de  l'Empire  à  d<'s  sentiments  pacifiques.  Les  autres  diffé- 
rences qui  la  distinguaient  dos  articles  approuvés  par  le  cardinal 
nr  rendaient  les  obligations  de  la  France  ni  plus  ('tendues,  ni  plus 
étroites.  Les  commissaires  impériaux  avaient,  il  est  vrai,  refusé 
de  comprendre  parmi  les  Etats  du  roi  que  leur  maître  promettait 
de  respecter  les  pays  en  la  fwssession  de  Sa  Majesté  très  chré- 
tienne, parce  que  ces  termes  semblaient  impliquer  l'abandon  des 
prétentions  de  l'Empire  sur  les  Trois  Evêchés,  mais  ils  avaient 
accepté  le  mot  ditiones,  qui  disait  tout  autant,  et  la  clause  où 
il  se  trouvait  sauvegardait  d'autant  mieux  nos  droits  sur  les 
pays  conquis  qu'on  n'y  retrouvait  pas  le  mot  kœreditarias, 
qui  faisait  partie  de  la  disposition  correspondante  relative  aux 
pays  de  l'Empire2.  Ce  qui  achevait  de  réduire  beaucoup  la 
valeur  de  cet  engagement  réciproque,  c'est  que  les  traités  de 
Cateau-Cambrésis  et  de  Venins  en  contenaient  un  analogie 
Les  signataires  de  ces  deux  traités  n'avaient  pas  cru,  en  l'y 
insérant,  s'imposer  un   lien   bien    gênant  cl    Richelieu,   à    cet 

1.  Dépêche  du  P.  Joseph  a  Richelieu,  dernier  septembre,  àrch.  clos  aff. 
étrang.,  Allemagne,  Vil,  f.  lôs.  Dép*  de  Richelieu  au  P.  Joseph,  9  octobre. 
Dép.  du  P.  Joseph  à  Richelieu,  'i  novembre.  H>i>i..  I  524.  Voy.  sur  Des  Bayes 
Connenin  des  détails  biographiques  nouveaux  dans  Avenel,  Vill,  81-8?. 

2.  Les  plénipotentiaires  B'applaudissaient  comme  d'an  succès  de  l'omission  de 
ce  mot  qu'ils  avaient  repoussé.  Mém.  justificatif  du  P.J.  Sur  le  premier  ail. 
10/  supra. 

3.  Nos  plénipotentiaires,  pour  montrer  qu'une  pareille  promesse  était  'le  tra 
dition  et  presque  de  style,  envoyèrent  les  articles  de  ces  deux  traités  <>i'i  elle 
était  consignée.  L'ambassadeur  vénitien  considérai!  le  projet  envoyé  «le  Ratis- 
bonne  comme  la  reproduction  de  la  clause  du  traité  de  Venins  ci  mettait  le 
cardinal  en  garde  contre  le  danger  d'une  pareille  stipulation,  quels  qu'en  fassenl 
les  termes.  Dép.  a  Vico.  Rusa  7'.»,  p.  10.  Voy.  dansDumonl  le  texte  des  traités 
de  Caleau-Cambrésis  et  de  Vervins,  V,  !     partie,  p.  35  et  561. 


■2~t'<  G.    FAfi\rEZ. 

égard,  ne  se  sentait  pas  plus  gêné  qu'eux.  Le  seul  reproche  qu'il 
pouvail  faire  sur  ce  point  à  l'ambassadeur  et  au  P.  Joseph, 
c'était  d'avoir  consacré  à  cette  question  le  premier  article  et 
d'avoir  donné  par  là  une  idée  exagérée  de  son  importance1, 
I  nudis  qu'elle  aurait  dû  faire  dans  ses  intentions  l'objet  d'une 
convention  particulière2.  Mais  il  faut  dire  qu'elle  occupait  la 
même  place  dans  le  traité  de  Cateau-Cambrésis  et  que  ce  pré- 
cédent expliquait  suffisamment  celle  que  les  négociateurs  de 
Ratisbonne  lui  avaient  donnée. 

Ainsi,  des  deux  questions  principales  sur  lesquelles  avait  porté 
l'effort  de  la  négociation,  l'une,  la  succession  de  Mantoue,  avait 
été  résolue  de  façon  à  satisfaire  l'intérêt  capital  qui  s'y  attachait 
pour  nous,  l'autre,  l'abstention  de  la  France  dans  la  lutte  contre 
la  maison  d'Autriche,  ne  nous  avait  coûté  qu'une  promesse  équi- 
voque, dont  les  précédents  réduisaient  encore  la  valeur  et  qui  ne 
pouvait  avoir  d'autre  inconvénient  que  d'éveiller  chez  nos  alliés 
des  méfiances  faciles  à  dissiper.  Mais  la  critique  de  Richelieu  ne 
vise  pas  seulement  ces  deux  points3.  Il  reproche  encore  au  traité 
son  silence  sur  le  traité  de  Monçon  et  sur  la  ratification  de 
l'Espagne.  Et  cependant,  il  faut  en  convenir,  les  raisons  de 
l'Empereur  pour  ne  pas  vouloir  sanctionner  ce  qui  avait  été  fait 
à  Monçon  en  1626,  ces  raisons  étaient  sans  réplique.  Si  le  gou- 
vernement de  Madrid  avait  pris  part  aux  négociations  et  au  traité, 
rien  de  plus  naturel  que  de  lui  demander  le  renouvellement 
d'engagements  oubliés  ou  violés,  mais  il  s'en  était  bien  gardé,  car 
il  comptait  que  Casai  tomberait  bientôt  dans  ses  mains  et  il  espé- 
rait ne  pas  s'en  dessaisir4.  L'obligation  que  l'Espagne  n'avait  pas 
contractée  directement,  l'Empereur  ne  pouvait  la  prendre  en  son 

1.  Si  aggravava  la  Francia  principalmente  del  primo  capitolo...  che  fosse 
capitolo  fuori  di  nécessita  e  posto  nel  principio  con  apparenza  che  lo  rendeva 
molto  piu  indeguo  e  pregiuditiale.  Relation  de  Vénier.  Ubi  supra,  p.  135. 

2.  En  tête  des  articles  renvoyés  aux  plénipotentiaires,  après  avoir  été  corri- 
gés par  Richelieu,  on  lit  :  «  Ce  traitté  doit  être  séparé  du  traitté  général  pour 
la  |>aix  d'Italie,  il  la  présupose  faite,  mais  il  doit  être  séparé,  parce  qu'il  est 
parlicullier  entre  l'Empereur  et  le  Roy.  »  Arch.  des  aff.  étrang.  Allemagne,  VII, 
fol.  50G. 

3.  On  trouvera  ses  objections  dans  Avehel,  III,  947,  949,  9G0,  et  dans  ses 
Mémoires,  II,  288,  2e  col.  —  290. 

4.  Dépêche  du  P.  Joseph  à  M.  Thomas  [Bouthillier],  10  octobre.  Arch.  des 
aff.  étrang.  Allemagne,  VII,  fol.  220.  Dépêche  de  Brulart  à  Richelieu,  18  oct. 
Ubi  supra.  Dépêche  du  P.  Joseph  et  de  Brulart  à  Richelieu,  22  octobre.  Alle- 
magne, VII,  fol.  233. 


la  mission  nr  p.    roSEPfl    \  utnsr.owE.  277 

nom.  Sa  qualité  de  chef  de  la  maison  d'Autriche  ne  l'autorisait 
pas  à  engager  son  neveu  sur  les  questions  particulières  qui 
pouvaient  se  débattre  entre  celui-ci  et  la  France.  Tout  ce  qu'il 
pouvait  faire,  et  il  le  fit,  c'était  de  garantir  que  Philippe  IV 
accepterait  et  respecterait,  comme  les  ducs  de  Savoie  et  de  Guas- 
talle,  les  résolutions  du  chef  du  Saint-Empire  au  sujet  de  fiefs 
impériaux.  Mais,  auxyeuxdeRichelieu.fr  n'étail  pas  assez  pour 
lier  l'Espagne  de  la  parole  de  l'Empereur,  il  aurait  fallu  stipuler 
sa  ratification.  Il  est  incontestable  qu'elle  avait  fait  à  la  paix  une, 
opposition  passionnée  et  qu'il  était  permis  d'avoir  des  doutes  sur 
la  résignation  avec  laquelle  elle  l'accueillerait.  Mais,  même  en 
prenant  au  sérieux  ses  rodomontades,  il  ne  faut  pas  s'exagérer  les 
conséquences  du  désaveu  par  lequel  elle  pouvait  se  soustraire  aux 
obligations  contractées  en  son  nom.  Elle  assumerait  dès  lors  sur 
elle  seule  le  poids  de  la  guerre,  et  Richelieu,  prévoyant  le  cas  où 
elle  resterait  isolée,  s'était  déjà  fait  fort  d'en  avoir  vite  raison  '. 
Un  autre  de  ses  griefs  contre  les  plénipotentiaires,  c'était  d'à  \  oi  v 
réveillé,  en  les  mentionnant  dans  le  traité,  les  prétentions  de 
l'Empire  sur  les  Trois  Evêchés.  Étaient-elles  aussi  assoupies  qu'il 
le  disait?  Quoi  qu'il  en  soit,  l'article  qui  les  constatait  laissait  la 
question  entière  et  n'était  que  le  procès-verbal  des  réclamations 
réciproques  échangées  à  ce  sujet  et  au  sujet  de  Moyenvic.  Il  étail 
mieux  fondé  à  se  plaindre  de  la  protection  accordée  au  duc  de 
Lorraine  contre  les  ressentiments  de  la  France.  Il  est  aussi  une 
disposition  dont  on  ne  peut  se  dissimuler  la  gravité  ;  c'est  celle 
qui  laissait  les  passages  de  la  Valteline  et  de  la  Rhétie  entre  Les 
mains  de  l'Empereur,  après  l'évacuation  des  places  du  Piémont 
parles  troupes  françaises.  La  menace  d'une  nouvelle  invasioD 
pesait  ainsi  sur  l'Italie  pacifiée.  L'article  qui  accordait  ces  places 
au  roi,  à  titre  de  gage,  ne  parlait  pas  des  vallées  et  des  routes  qui 
y  conduisent  et  par  lesquelles  elles  pouvaient  recevoir  des  troupes 
et  des  approvisionnements.  Cette  omission  prêtait  aussi  à  la  cri- 
tique de  Richelieu,  mais  il  est  évident  que  la  faculté  de  commu- 
niquer librement  avec  ces  places  était  inséparable  du  droit  de  les 
conserver  et  que  les  commissaires  impériaux  n'auraient  fait 
aucune  difficulté  pour  la  consigner  par  écril  dans  une  de  i 
conventions  annexes  qui  règlent  les  détails  d'exécution  At^s 
traités. 

I.  Sur  l'espoir  de  séparer  Collalte  et  le  dur  de  Savoie  de  Spinola    roy.  \\<- 
nel,  III,  88î,  888,  904. 


27S  <"■•    FAGNIEZ. 

Somme  toute,  malgré  ses  défauts,  le  traité  de  Ratisbonne, 
considéré  en  lui-même  et  abstraction  faite  des  circonstances,  ne 
mérite  pas  le  mal  que  Richelieu  en  a  dit.  Reste  à  savoir  si  c'était 
le  meilleur  que  nos  plénipotentiaires  pussent  conclure.  Pour 
résoudre  cette  question,  il  faut  se  rendre  compte  de  la  situation 
politique  et  militaire  au  moment  où  il  a  été  signé. 

La  trêve  de  Rivoli  avait  donné  un  temps  de  répit  à  la  citadelle 
de  Casai,  serrée  de  près  par  les  assiégeants.  Ce  temps  avait  été 
bien  employé.  Nos  généraux  avaient  reçu  des  renforts  et  de 
l'argent.  Le  maréchal  de  Marillac  devait  conduire  en  Italie,  vers 
le  42  octobre,  l'armée  de  Champagne  forte  de  12,000  hommes1. 
Les  troupes  étaient  pleines  d'entrain  ;  à  la  veille  de  l'expiration 
de  la  trêve,  elles  avaient  reçu  dix-huit  jours  de  vivres.  La  marche 
jusqu'à  Casai  promettait  d'être  facile.  Toiras  était  prévenu  de  la 
tentative  qu'on  allait  faire  pour  le  débloquer  et  devait  y  concou- 
rir2.  Sans  doute  les  assiégeants  conservaient  sur  nous  l'avantage 
du  nombre  et  de  la  position 3,  mais  l'infériorité  matérielle  de  nos 
troupes  était  compensée  par  leur  supériorité  morale,  par  leur 
confiance  et  leur  élan.  L'événement  le  prouva  bien,  car  leur  atti- 
tude résolue  allait  tant  en  imposer  à  l'ennemi  qu'il  refusa  le 
combat  et  livra  Casai  sans  coup  férir.  Arrêter  cet  élan,  laisser 
nos  soldats  inactifs  dans  leurs  cantonnements  pendant  deux  mois, 
ce  n'était  pas  seulement  renoncer  aux  chances  d'une  tentative, 
en  vue  de  laquelle  beaucoup  d'efforts  avaient  été  faits  et  qui  pro- 
mettait d'être  heureuse,  c'était  mettre  en  péril  l'existence  même 
de  notre  armée.  Séparée  de  la  France  par  les  Alpes  et  vivant  en 
pays  ennemi,  éprouvant  par  conséquent  de  grandes  difficultés  à 
s'approvisionner,  elle  allait  devenir  pendant  deux  mois  la  proie 
du  découragement,  de  la  maladie  et  de  la  désertion,  et  si,  au 
moment  fixé  pour  l'investiture,  les  Espagnols  refusaient  d'évacuer 


1.  Sur  l'entrée  en  scène  de  ce  nouveau  corps  d'armée,  voy.  une  lettre  du 
maréchal  de  la  Force  à  Richelieu.  Arch.  des  aff.  étrang.  France,  790  (nouveau 
numéro),  fol.  26G. 

2.  Avenel,  III,  908,  912,  914,  013,  91G,  917,  n.  2,  818,  924.  Mém.  de  Richelieu, 
II,  207,  col.  2,  273,  274,  et  col.  2,  276.  Relation  de  Schomberg  dans  Griflet,  III, 
714.  Relation  du  25  septembre,  lui  supra.  Lettres  de  Routhillier  a  Sabran  du 

S  e1  du  1  \  oct.  Ami.  Batuze  155. 

3.  Relation  de  Schomberg.  Vbi  supra.  Relation  de  Brulart.  Arch.  des  aff. 
étrang.  France,  ancien  53,  nouveau  403,  pièce  47.  Testament  politique,  Impar- 
tie, p.  20-21.  Guron  dans  sa  relation  présente  l'issue  de  la  lutte  comme  très 
douteuse.  Dans  Griffet,  III,  712. 


r.\    MISSION   1)1     t.    IOSEPH    I    OATISBOHNE.  27'.» 

la  ville  et  le  château  de  Casai,  elle  ne  pourrait  essayer  de  dégager 
la  citadelle  qu'avec  un  effectif  réduit  et  au  cœur  de  L'hiver1. 

lui  même  temps  que  la  Franco  se  préparait  à  jeter  dans  la 
balance  dos  négociations  Le  poids  de  son  épée,  Les  circonstances 

politiques  semblaient  conspirer  en  sa  faveur.  Tandis  que  la  gué- 
rison  inespérée  du  roi  la  sauvait  de  l'anarchie,  L'Empereur,  en  lace 
d'ennemis  extérieurs  plus  menaçants,  d'électeurs  [dus  indépen- 
dants et  plus  hostiles,  était  réduit  à  l'impuissance.  Il  avait  perdu 
avec  Wallenstein  son  meilleur  général,  une  partie  de  son  armée 
avait  été  licenciée.  Il  n'avait  pas  réussi  à  rompre  la  ligue  catho- 
lique, même  en  offrant  à  son  chef,  Le  duc  de  Bavière,  le  comman- 
dement de  l'armée  impériale.  Les  électeurs  catholiques  étaient 
résolus  à  s'opposer  à  la  levée  de  contributions  de  guerre,  si 
Maximilien  n'obtenait  pas  ce  commandement  aux  conditions 
exigées  par  lui  et  qui  lui  assuraient  une  véritable  indépendance2. 
De  leur  côté,  les  électeurs  protestants  étaient  décidés  k  résister  à 
l'exécution  de  l'édit  de  restitution3.  Gustave- Adolphe,  maître  de 
la  Poméranie,  menaçait  le  Mecklembourg  et  la  Silésie 4.  Une 
armée  hollandaise  était  entrée  dans  l'Empire5.  Les  Turcs  for- 
maient des  rassemblements  en  Hongrie6. 

Les  circonstances  politiques  et  militaires  permettaient  donc  à 
nos  plénipotentiaires  ou  d'obtenir  des  conditions  meilleures  ou 
d'attendre  avec  confiance  le  résultat  de  l'attaque  des  lignes  espa- 
gnoles et  l'effet  inévitable  des  événements  sur  les  dispositions  de 
l'Empereur.  Ils  devaient  surtout  ne  pas  priver  leur  parole  par 
trop  d'empressement  et  de  facilité  de  l'autorité  qu'un  succès  de 
nos  généraux  pouvait  lui  donner,  et  ne  pas  condamner  notre 
armée  à  une  impuissance  presque  certaine,  en  arrêtant  le  coup 
décisif  qu'elle  allait  frapper.  Ils  auraient  en  effet  très  probable- 
ment puisé  dans  la  pensée  d'une  armée,  imposante  par  le  nombre 

1.  Voy.  notamment,  pour  les  inconvénients  de  l'inaction  et  d'une  campagne 
d'hiver,  la  fin  de  la  dépêche  «le  Richelieu  à  Schomberg  du  19  septembre,  Ave- 
nel,  III,  905,  et  les  raisons  contre  la  prolongation  de  la  trêve,  Ibid.,  914. 

2.  Dépêches  du  P.  Joseph  des  13,  15  et  20  septembre.  Ubi  sui/m. 

3.  Lettre  de  l'empereur  au  roi  d'Espagne.  Khevenhiller,  XI,  1232. 

4.  Mémoire  des  progrès  <lu  roi  de  Suéde  envoyé  par  Brulart  cl  le  P.  Joseph 
avec  leur  dépêche  du  22  août.  \n  h.  des  aff.  étrang.  Allemagne,  vil,  fol.  50. 
If émoire  de  nouvelles  envoyé  par  le  P.  Joseph  avec  sa  dépêche  du  13  octobre. 
Ibid.,  fol.  440. 

5.  Mém.  de  Richelieu,  II,  300,  col.  1  et  2. 

6.  Nouvelles  envoyées  par  le  P.  Joseph  avec  sa  dépêche  du   13  ortulur.  I 
supra. 


2S0  G.    FAGNIEZ. 

et  l'ardeur,  l'énergie  nécessaire  pour  repousser  certaines  exi- 
gences, s'ils  avaient  été  instruits  de  sa  réorganisation  et  de  ses 
dispositions,  c'est-à-dire  des  chances  d'une  entreprise  contre  les 
assiégeants.  Mais  autant  ils  connaissaient  les  embarras  politiques 
de  Ferdinand,  autant  ils  étaient  peu  au  courant  des  améliorations 
qui  s'étaient  produites  dans  notre  situation  militaire.  Les  derniers 
renseignements  que  Richelieu  leur  avait  envoyés  sur  Casai  leur 
représentaient  la  place  comme  désespérée  et  comme  ne  pouvant 
être  sauvée  que  par  la  paix1.  A  vrai  dire,  l'armistice  les  avait 
rassurés  sur  l'imminence  de  ce  dénouement  ;  mais,  ignorant  le 
parti  que  Richelieu  avait  tiré  du  premier,  ils  considéraient  le 
second  comme  simplement  ajourné.  Richelieu  lui-même  douta 
jusqu'à  la  fin  du  succès,  il  ne  pouvait  donc  pas  le  leur  présenter 
comme  certain,  mais  il  devait  du  moins  les  informer  de  tout  ce 
qu'il  faisait  pour  l'assurer.  On  aura  de  la  peine  à  croire  que  des 
négociateurs  soient  laissés  dans  l'ignorance  des  événements  qui 
doivent  régler  leur  conduite,  il  semble  qu'il  n'aurait  pas  dû  s'ac- 
complir à  la  cour  un  événement  de  nature  à  modifier  la  direction 
de  la  politique,  qu'il  n'aurait  pas  dû  partir  pour  l'armée  un  ren- 
fort,   nous  dirons  presque  un   convoi,   sans   qu'ils  en  fussent 
instruits.  Il  n'en  fut  rien  pourtant.  Tandis  qu'ils  recevaient  sur 
la  marche  de  Gustave-Adolphe  des  informations  venues  des  lieux 
mêmes,  aucune  nouvelle  ne  leur  parvint  soit  du  théâtre  de  la 
guerre,  soit  de  leur  gouvernement,  sur  les  préparatifs  de  l'ouver- 
ture de  la  campagne.  La  lenteur  des  communications  pourrait 
expliquer  pourquoi  leurs  renseignements  à  ce  sujet  ont  été  moins 
fréquents  qu'ils  auraient  pu  l'être  de  nos  jours,  elle  ne  suffit  pas 
à  expliquer  l'absence  complète  de  renseignements.  On  comprend 
la  conséquence  de  ce  silence  au  point  de  vue  de  la  responsabilité 
de  nos  agents  :  ne  soupçonnant  pas  que  le  salut  de  Casai  pût 
venir  de  l'emploi  de  la  force,  croyant  au  contraire  que  la  reprise 
des  hostilités  lui  serait  fatale,  ils  crurent  remplir  leur  devoir  en 
sauvant  cette  place  par  un  traité  qui  ne  coûtait  à  la  France  que 
des  sacrifices  secondaires  d'intérêt  et  d'amour-propre. 

La  considération  de  Casai  fut  décisive,  et  elle  devait  l'être,  car 
sa  perte  aurait  entraîné  celle  du  Montferrat  et  peut-être  même  de 
nos  conquêtes  en  Savoie  et  en  Piémont2.  Mais  elle  ne  fut  pas  la 

i.  Dépêche  de  Richelieu  à  Brulart,  5  septembre.  Ubi  supra. 
I.  Telles  sont  les  conséquences  que  Richelieu  lui  attribue. 


LA   MISSION   Dl'    P.   JOSEPH    \    RATISBONNB.  -SI 

seule  qui  détermina  les  plénipotentiaires  à  se  montrer  plus  accom- 
modants que  Richelieu  n'aurait  voulu.  11  importe  de  faire  con- 
naître les  autres,  moins  pour  justifier  l'ambassadeur  et  le  P. 
Joseph,  car  l'idée  qu'ils  se  faisaient  du  danger  de  Casai  les  justifie 
suffisamment,  que  pour  connaître  tous  les  mobiles  de  leur  conduite 
et  écarter  ceux  qu'on  leur  a  prêtés  sans  fondement. 

Il  y  a  un  motif  dont  il  faut,  sinon  nier,  du  moins  réduire  beau- 
coup l'influence  ;  c'est  la  maladie  du  roi.  A  en  croire  Bachelier, 
Saint-Étienne1  et  le  P.  Joseph  lui-même,  la  crainte  de  la  mort 
du  roi  et  de  ses  conséquences  n'aurait  pas  moins  contribué  que  la 
position  critique  de  Casai  à  les  faire  aller  dans  la  voie  des  conces- 
sions au  delà  des  intentions  de  leur  gouvernement,  mais  il  est 
difficile  de  lui  attribuer  une  aussi  grande  influence  quand  on  sait 
que  les  plénipotentiaires  ne  furent  informés  de  l'extrémité  où  se 
trouvait  Louis  XIII  que  le  12  octobre,  alors  que  dès  le  10  les 
clauses  du  traité  avaient  été  arrêtées  et  que  le  texte  en  avait  été 
envoyé  à  notre  gouvernement  et  à  Collalte.  Nous  savons  bien 
que  le  12  au  soir  on  le  discutait  encore,  mais  la  discussion  ne 
pouvait  évidemment  plus  porter  que  sur  des  détails  de  rédaction, 
sur  l'interprétation  de  certains  passages  et  sur  les  voies  d'exécu- 
tion. Cela  ne  l'empêchait  pas  d'ailleurs  d'être  fort  vive  et  de 
mettre  en  question  la  conclusion  définitive2. 

L'éventualité  de  la  disgrâce  de  Richelieu  ne  fut  pour  rien  dans 
la  résignation  avec  laquelle  l'ambassadeur  et  le  P.  Joseph  accep- 
tèrent certains  sacrifices.  Celui-ci  connaissait  mieux  que  per- 
sonne les  complots  qui  visaient  à  écarter  violemment  le  cardinal 
par  un  coup  de  main,  et  les  influences  intimes  qui  faisaient  appel 
contre  lui  aux  sentiments  les  plus  sacrés  et  les  plus  doux  du  roi. 
Il  saisissait  les  preuves  des  intelligences  que  la  faction  avait  ,:i 
l'étranger,  il  dénonçait  la  divulgation  de  certains  secrets  d'EI at 
et  les  faux  bruits  que  le  garde  des  sceaux  Marillac  faisait  courir 
sur  le  premier  ministre5.  Rien  n'indique  toutefois  qu'il  ait  cru  la 

1.  Dépêche  de  Contarini,  12  novembre.  Filza  79,  n°  244.  Dép.  du  P.  Joseph 
à  Richelieu,  13  octobre.  Arcli.  des  ail',  ètrang.  Allemagne,  VII,  fol.  130. 

2.  Dépêciie  du  P.  Joseph  à  Richelieu,  13  octobre.  Vbi  supra.  Dépêche  de 
Brulart  à  Richelieu,   13  octobre.  AitIi.  des  a IV.  étrang.  Allemagne,  VII,  fol.   146. 

3.  Dépêche  précitée  du  P.  Joseph  à  Richelieu  du  5  août.  Vbi  supra.  «  Il  esl 
\ia\  que  des  personnes  de  la  cour  font  scavoir  icy  plusieurs  choses  que  j'esti 
moys  fort  secrètes.  Le  P.  Joseph  n'a  peu  encores  descouvrir  d'où  cela  vient.  9 
Dép.  du  P.  Joseph  à  Richelieu,  22  août.  Arch.  des  aff.  «Iran-.  Allemagne,  Ml, 
à  la  date.  «  Si  l'on  peut  bien  sortir  à  peu  près  de  Casa!,  il  y  a  moyen  de  ri  le- 


282  G.    FAC.NIEZ. 

situation  de  celui-ci  menacée.  Si  Richelieu  a  mis  cette  raison  au 
nombre  de  celles  qui  expliquent  les  prétendues  faiblesses  de  l'am- 
bassadeur et  du  capucin,  c'est  à  la  fois  par  bienveillance  pour 
eux  et  par  complaisance  pour  lui-même. 

La  crainte  d'un  accord  de  Ferdinand  avec  Gustave- Adolphe  et 
les  protestants,  et  de  la  liberté  d'action  que  cet  accord  aurait 
assuré  au  premier  contre  la  France,  exerça  au  contraire  sur 
l'issue  des  négociations  une  influence  réelle.  Venant  des  électeurs, 
intéressés  à  triompher  des  hésitations  des  négociateurs,  la  nou- 
velle en  était  suspecte  et  ceux-ci  avaient  refusé  d'y  croire  ;  mais 
l'attitude  des  représentants  des  électeurs  de  Saxe  et  de  Brande- 
bourg leur  parut  la  confirmer1. 

ver  les  afaires  au  dehors,  ce  qui  n'importe  pas  peu  au  dedans.  »  Dép.  du  P. 
Joseph  à  Richelieu,  15  septembre.  Ubi  supra.  «  Quant  à  ce  qui  est  arrivé  au 
garde  des  sceaux,  Ezechiely  a  bien  reconu  au  lieu  d'où  il  vient  qu'il  se  mettoit 
assés  librement  au  hazard  par  ses  pratiques  à  recevoir  du  déplaisir  du  sr  du 
Chesne  et  au  moins  qu'il  luy  en  donnoit  subjet.  De  quoy  il  y  a  six  semaines 
ou  plus  que  je  donnay  quelque  avis  au  sr  Amadeau.  »  Dépèche  du  P.  Joseph  à 
Richelieu.  Vaucouleurs,  8  décembre  1630.  Arch.  des  aff.  étrang.  Allemagne,  VII, 
fol.  544. 

J.  «  L'Empereur  fera  ce  qu'il  pourra  pour  la  paix  avec  le  Roy  de  Suède, 
mais  il  ne  le  pourra  pas  si  tost,  les  raisons  que  le  P.  Joseph  scait  seroient  trop 
longues  à  dire.  »  Dépêche  du  P.  Joseph  à  Richelieu,  15  septembre.  Ubi  supra. 
«  Durant  cette  contestation,  l'ambassadeur  d'Espagne  a  fait  tous  ses  efforts 
pour  porter  l'Empereur  à  s'accommoder  avec  le  Roy  de  Suéde  et  le  duc  de 
Saxe  qui  commance  à  lui  faire  peur  et  le  prince  Ekemberg,  qui  pressoit  les 
électeurs  de  s'y  vouloir  résoudre  et  de  préférer  le  repos  de  l'Allemagne  à  celuy 
de  l'Italie  qui  les  debvoit  moins  toucher.  Nous  avons  eu  quelque  crainte  que 
cela  se  disoit  pour  nous  intimider,  mais  les  électeurs  nous  ont  juré  le  contraire, 
ce  que  nous  avons  aussy  recogneu  par  les  praticques  secrètes  des  ambassadeurs 
de  Saxe  et  de  Rrandebourg,  lesquels  ils  [l'ambassadeur  et  le  P.  Joseph]  recog- 
neurent  vouloir  profiter  de  cette  occasion,  et  encores  que  les  électeurs  n'y 
lussent  pas  portez,  Ekemberg  les  y  vouloit  contraindre,  faisant  que  l'Empereur 
revocast  l'edit  de  la  restitution  des  biens  d'Eglize,  ce  qui  en  un  moment  eust 
appaisé  Saxe  et  les  protestants  sans  lesquels  le  Roy  de  Suéde  ne  peut  rien...  » 
Dépêche  du  P.  Joseph  à  Thomas  [Bouthillier],  10  oct.  Ubi  supra.  «  Nous  avons 
creu  aussy  par  ce  moyen  empescher  la  resolution  que  l'Empereur  avoit  prise 
certainement  de  faire  la  paix  avec  le  Roy  de  Suéde,  qui  de  son  costé  n'en  cstoit 
pas  esloigné  et  tourner  toutes  ses  forces  et  le  dessein  de  la  guerre  vers  l'Italie, 
de  quoy  l'ambassadeur  d'Espagne  le  pressoit  incessamment,  et,  pour  cet  effect, 
les  principaux  colonels  des  trouppes  impériales  sont  demeurés  en  cette  ville, 
comme  aussy  le  duc  de  Fritland  à  Meminghem,  tous  près  à  prendre  leur  che- 
min et  faire  aller  les  régiments  vers  l'Italie  ou  la  Silesie,  où  ils  sont  allés  après 
la  paix,  et  quelqu'un  à  la  Pomeranie.  »  Dép.  de  Brulart  et  du  P.  Joseph  à 
Bouthillier,  19  octobre.  Ubi  supra.  «  Il  est  certain  que  sans  les  électeurs 
l'Empereur  eust  envoie,  il  y  a  six  sepmaines,  beaucoup  plus  de  trouppes  en 


I  v    UISSION    nr    P.    IOSETH    A    RATIsr.ONM  .  283 

La  perspective  de  la  mort  de  la  duchesse  de  Mantoue  eut  aussi 
sa  part  dans  leurs  résolutions.  L'impératrice  leur  faisait  craindre 
que  cet  événement,  en  enlevant  une  princesse  qu'elle  avait  élevée, 
qu'elle  chérissait  comme  sa  tille1  et  qui  inspirait  de  l'intérêt  à 
l'Empereur,  ne  rendît  celui-ci  moins  conciliant.  Du  reste,  cette 
considération  ne  put  avoir  d'autre  effet  que  de  les  rendre  moins 
difficiles  pour  les  détails  de  la  rédaction  et  de  leur  faire  sentir 
davantage  le  prix  de  la  diligence,  car  ils  apprirent  le  danger  de 
la  duchesse  aussi  tardivement  que  la  maladie  du  roi2. 

On  a  expliqué  aussi  leur  conduite  par  des  motifs  personnels  : 
on  a  dit  qu'ils  avaient  voulu  ôter  à  Ma/.arin  l'honneur  de  con- 
clure la  paix,  qu'ils  n'avaient  pas  voulu  le  partager  avec  l'am- 
bassadeur de  Venise  qui  arriva  quelques  heures  après,  qu'ils 
avaient  cherché  à  complaire  à  la  reine  mère  dont  les  sentiments 
pacifiques  leur  étaient  connus.  On  a  attribué  au  P.  Joseph  la 
pensée  de  se  créer  des  titres  au  chapeau  en  réalisant  le  vœu  de  la 
papauté  pour  le  rétablissement  de  la  concorde  entre  les  princes 
chrétiens3.  Ces  insinuations  malveillantes  ne  sont  appuyées  sur 
rien  et  ne  méritent  pas  qu'on  s'y  arrête. 

Pour  une  autre  raison,  nous  ne  nous  arrêterons  pas  non  plus 
sur  les  avantages  qu'ils  espérèrent  acheter  au  prix  de  certains 
sacrifices  et  qui  en  furent  à  leurs  yeux  la  compensation.  Nous  ue 
pourrions  le  faire  ici  sans  anticiper  sur  l'étude  des  autres  objets 
et  des  autres  résultats  de  leur  mission.  Nous  n'avons  voulu  indi- 
quer pour  le  moment  que  les  dangers  dont  la  crainte  l'emporta 
chez  eux  sur  le  respect  scrupuleux  des  intentions  de  leur  gouver- 
nement. 

Italie  qu'il  n'a  l'ait,  ayant  esté  sur  le  point  .le  (aire  tourner  toutes  ses  troupes 
de  ce  costé  là  par  la  violance  du  Roy  d'Espagne,  et  offrir  au  Roy  de  Suéde 
tontes  sortes  de  conditions,  qui  lors  ne  s'en  esloignoit  pas,  voyant  qu'on  luy 
offroit  ce  qu'il  n'aura  pas  maintenant  que  par  une  longue  guerre,  comme  seroil 
Melchebourg  et  plusieurs  autres  places  sur  la  mer...  S'il  [le  roi  de  Suéde  -si 
niarry  de  ceste  paix,  c'est  qu'elle  lu>  empesche  de  faire  la  sienne  si  avcnta- 
geuse  et  sera  cause  qu'il  ne  la  pourra  si  tost  et  peut  estre  de  longtemps,  d'au- 
tant que  l'Empereur  ne  luy  voudra  rien  bailler,  et  luy  ne  voudra  pas  tout 
quitter.  «  Dépêche  du  P.  Joseph  a  Richelieu,  i  novembre  1630.  Arcli.  des  ail. 

étrang.  Allemagne,  vu,  loi  524.  Sur  les  conditions  et  le-  chances  .l'un  ae I 

entre  Ferdinand,  Gustave-Adolphe  cl  les  électeurs  de  Saxe  h  de  Brandebourg, 
vby.  o.  Heyne,  164  el  suiv.;  Droysen,  Gustaf  Adolf,  il,  J i  1-243- 

1.  Relation  de  Brularl.  Ub't  supra. 

Dépêche  de  Brulart  cl  du  P.  Joseph  à  Bouthillier,  19  octobre.  Vbi  supra. 

3.  Dépêches  de  Conlarini,  6  septembre  et.  7  oct.  1630.  Filza  78,  p.  205.  Filza 
79,  fol.  71.  Relation  de  Vénier.  Ubi  supra,  p.  131. 


284  GJ    FAf.NIEZ. 

De  quelle  façon  les  faits  qui  précèdent  permettent-ils  d'établir 
les  responsabilités?  Résumer  les  premiers,  ce  sera  indiquer  suffi- 
samment les  secondes.  Les  plénipotentiaires  ont  connu  trop  tard 
les  résolutions  définitives  de  leur  gouvernement  et  les  espérances 
attachées  à  la  reprise  des  hostilités.  Pour  sauver  Casai  qu'ils  ne 
croyaient  pouvoir  être  sauvée  autrement,  pour  prévenir  un  rap- 
prochement entre  l'Empereur, Gustave- Adolphe  et  les  protestants, 
qui  aurait  déjoué  tous  les  plans  politiques  de  la  France  et  tourné 
contre  elle  tout  l'effort  des  armes  impériales,  pour  ménager 
d'autres  intérêts  encore  dont  nous  parlerons  en  leur  lieu,  ils  ont 
renoncé  à  certains  avantages  acquis  en  Italie,  en  apparence  du 
moins,  et  accepté  certaines  conditions  nouvelles  et  fâcheuses, 
mais  ils  n'ont  fait  en  cela  que  subir  les  conséquences  d'une  négo- 
ciation directe  avec  l'Empereur  et  des  événements  militaires.  Quoi 
qu'il  en  soit  des  nécessités  auxquelles  ils  ont  obéi,  ils  n'en  ont 
pas  moins  été  au  delà  des  intentions  de  leur  gouvernement,  non 
pas  autant  que  Richelieu  l'a  dit  et  qu'on  l'a  répété  après  lui, 
mais  assez  néanmoins  pour  être  désavoués.  Ils  en  ont  eu  cons- 
cience, ils  l'ont  déclaré  bien  haut  et  ils  ont  fait  pressentir  un 
désaveu ,  mettant  ainsi  leur  gouvernement  à  même  ou  de  profiter 
du  traité  pour  sauver  Casai,  si  cette  place  ne  pouvait  être  sauvée 
autrement,  ou  de  le  repousser  si  elle  pouvait  l'être  par  les  armes 
ou  par  des  négociateurs  plus  heureux.  Le  traité  au  bas  duquel  ils 
ont  mis  leur  signature,  sans  valoir  le  projet  négocié  par  Mazarin, 
sur  lequel  en  définitive  l'accord  n'avait  pu  se  faire,  assurait  à  la 
France  le  principal  fruit  d'une  guerre  qui,  malgré  ses  succès 
contre  le  duc  de  Savoie,  n'avait  pas  tourné  à  son  avantage, 
puisqu'elle  avait  fait  tomber  Mantoue  dans  les  mains  de  nos 
adversaires,  et  que  Casai  était  menacée  du  même  sort.  Son  défaut, 
c'était  d'avoir  compté  sans  l'armée  française,  que  nos  négocia- 
teurs ne  croyaient  pas  en  état  de  reprendre  la  campagne,  et  de 
n'avoir  pas  assez  tiré  parti  à  l'avance  des  embarras  politiques 
que  l'avenir  réservait  à  Ferdinand.  Schomberg  n'a  donc  fait  que 
devancer  le  jugement  de  l'histoire  en  rendant  aux  plénipoten- 
tiaires ce  témoignage,  vraiment  généreux  de  la  part  d'un  rival 
et  d'un  rival  heureux  :  «  Je  crois  que  M.  de  Léon  n'a  peu  mieulx 
faire1...  »  Mais,  dira-t-on,  ce  même  Schomberg  avait  fait  autre- 
ment, et  sa  conduite  les  condamne  si  son  témoignage  les  absout. 

1.  Lettre  à  Richelieu,  22  octobre.  Avenel,  III,  966,  n.  1. 


LA    MISSION    DE    P.    JOSEPH    A    BATISBONNE.  '2S'-> 

La  réponse  est  trop  facile  :  Schomberg  connaissait  la  situation 
militaire  aussi  bien  qu'ils  la  connaissaient  mal,  il  ne  pouvait  dès 
lors  renoncer  à  l'espoir  de  secourir  la  citadelle  et  d'assurer  ainsi 
au  duc  de  Mantoue  la  possession  immédiate  de  la  "ville  elle-même, 
pour  accepter  un  traité  qui  ajournait  cette  possession  à  deux 
mois,  c'est-à-dire  à  une  époque  où  l'armée,  démoralisée  par 
l'inaction,  réduite  par  la  désertion  et  la  maladie,  ayant  à  sur- 
monter les  difficultés  d'une  campagne  d'hiver,  n'aborderait  plus 
la  lutte  avec  les  mêmes  chances  de  succès,  si  la  lutte  redevenait 
nécessaire.  Ces  considérations,  décisives  pour  des  généraux,  ne 
pouvaient  frapper  des  diplomates  qui  ignoraient  même  si  la 
France  avait  une  armée  digne  de  ce  nom.  Au  reste,  Schomberg 
lui-même  marquait  très  bien  cette  différence  de  position  et  de 
point  de  vue  dans  cette  même  phrase  où  les  devoirs  des  généraux 
sont  rapprochés  de  la  conduite  des  plénipotentiaires  :  «  Je  crois, 
disait-il,  que  M.  de  Léon  n'a  peu  mieulx  faire  et  que  nous  eussions 
très  mal  fait  icy  sy  nous  eussions  relasché  ce  point  (la  cessation 
des  hostilités)  qui  eust  esté  la  perte  infaillible  de  Casai,  de  l'hon- 
neur du  Roy  et  de  toute  la  grande  despence  que  S.  M.  a  faite 
pour  le  sauver1.  » 

On  ne  peut  justifier,  comme  nous  l'avons  fait,  l'ambassadeur 
et  le  P.  Joseph  sans  mettre  en  cause  Richelieu.  Le  silence  où  il 
se  renferma  du  5  septembre  au  8  octobre 2,  malgré  des  demandes 
réitérées  d'instructions 3,  fait  retomber  entièrement  sur  lui  la  res- 
ponsabilité des  imperfections  du  traité.  Ce  silence  s'explique  par 
les  préoccupations  personnelles  d'un  homme  valétudinaire,  aussi 
occupé  des  intrigues  de  cour  que  des  affaires  de  l'Europe,  chagrin, 
très  accessible  au  découragement,  toujours  anxieux  sur  les  vrais 
sentiments  du  roi  et  auquel  le  danger  de  son  maître  avait  fait  voir 
de  près  la  ruine  de  ses  entreprises  et  de  sa  situation,  la  perte 
peut-être  de  sa  liberté  et  de  sa  vie.  Il  s'explique  mieux  encore 
par  son  incertitude  de  l'avenir.  Ainsi  que  nous  l'avons  déjà  indi- 
qué, il  attendait  les  événements,  ou,  pour  mieux  dire,  il  les  pré- 
parait, mais  sans  savoir  si  ses  efforts  ne  seraient  pas  déjoués  par 
les  mille  circonstances  qui  conspiraient  contre  leur  succès,  et  il 
n'était  pas  beaucoup  plus  fixé  que  nos  négociateurs  sur  les  exi- 

1.  Loc.  cit. 

2.  Voy.  plus  haut. 

3.  Voy.  notamment  la  dépêche  de  Brulart  à  Richelieu  du  20  septemhre.  Arch. 
des  aff.  étrang.  Allemagne,  VII,  fol.  474. 


286  0.    FAGNIEZ. 

gences  possibles,  sur  les  concessions  nécessaires.  Leurs  dépêches 
lui  avaient  fait  comprendre  que  la  situation  militaire  en  Italie 
ùtait  beaucoup  d'autorité  à  leur  parole  et  que  notre  diplomatie 
sciait  impuissante,  tant  que  nos  généraux  ne  pourraient  lui  prêter 
leur  appui.  Il  croyait  plus  utile  de  préparer  le  secours  de  Casai 
que  de  donner  à  nos  négociateurs  des  ordres  pénibles  pour  son 
patriotisme,  s'ils  étaient  en  rapport  avec  les  circonstances  pré- 
sentes, prématurés,  s'ils  étaient  conformes  à  ses  espérances1.  S'il 
leur  avait  dit  le  fond  de  sa  pensée,  il  leur  aurait  dit  :  Faites  pour 
le  mieux  ;  mais  il  n'avait  garde  de  leur  donner  un  pareil  blanc- 
seing,  car  il  se  serait  ainsi  ôté  le  droit  de  les  désavouer,  qu'il  se 
réservait  d'exercer,  si  les  circonstances  devenaient  plus  favorables. 
(  )n  comprend  que  nous  expliquons  son  silence,  que  nous  ne  le 
justifions  pas,  car  plus  la  latitude  qu'il  leur  laissait  était  grande, 
plus  il  devait  les  mettre  à  même  d'en  user  en  pleine  connaissance 
de  cause  et  pour  le  plus  grand  profit  de  la  France,  en  les  tenant 
constamment  au  courant  de  tout  ce  qui  pouvait  faire  espérer  un 
retour  de  fortune. 

Ce  qui  semble  plus  difficile  à  expliquer  que  son  silence,  c'est 
son  irritation.  Pouvait-il  se  dissimuler  que  les  signataires  du 
traité  étaient  à  l'abri  de  tout  reproche  et  qu'il  était  le  seul  cou- 
pable ?  D'un  autre  côté,  quel  mécontentement  pouvait  lui  causer 
un  traité  à  l'égard  duquel  ceux-ci  avaient  réservé  sa  liberté 
d'action  en  déclarant  qu'ils  n'étaient  pas  autorisés  à  aller  aussi 
loin  ?  Ce  mécontentement  et  cette  irritation  se  comprennent  aussi 
cependant.  Il  avait  espéré  obtenir  à  Ratisbonne  des  conditions 
plus  avantageuses  qu'en  Italie,  et  ni  la  prise  de  Mantoue,  ni 
l'extrémité  de  Casai  n'avaient  dissipé  cette  illusion.  Or  le  projet 
de  Mazarin,  loin  de  s'améliorer  pour  nous  à  Ratisbonne,  s'y  était 
aggravé.  Et  non  seulement  le  traité  ne  répondait  pas  à  son 
attente,  mais  il  ne  répondait  pas  davantage  aux  promesses  de 
l'avenir.  Son  impatience,  sa  mauvaise  humeur  étaient  bien  natu- 
relles. Le  sentiment  de  sa  responsabilité  ne  pouvait  les  diminuer. 
L'équité  est  toujours  rare  chez  les  hommes  d'État  à  l'égard  de 


1.  Aussi  sa  correspondance  avec  Schomberg  et  d'Effiat  ne  subit  jamais  d'in- 
terruption. Nous  avons  des  lettres  de  lui  à  ces  deux  généraux  du  19,  du  23,  du 
25  septembre.  Avenel,  III,  à  ces  dates.  Le  retard  qu'il  mit  à  répondre  à  nos 
agents  s'explique  aussi  par  des  circonstances  secondaires.  Ainsi  cette  réponse 
fut  différée  de  plusieurs  jours  pour  permettre  au  roi  convalescent  de  présider 
le  conseil.  Dépêcbe  de  Contarini,  7  oct.  Filza  79.  p.  9. 


L4    MISSION    Dl     P.    JOSEPH    A    BATISBONNE.  287 

leurs  auxiliaires;  quand  par  hasard  son  heure  vient,  ce  n'est 
jamais  sous  le  coup  d'une  déception  qui  fait  évanouir  un  succès 
longuement  préparé,  eomplaisaniment  escompté.  Dans  le  premier 
moment,  Richelieu  oublia,  il  devait  oublier,  et  l'aveu  qu'il  avait 
donné  à  certaines  concussions  contre  lesquelles  il  se  récriait 
maintenant,  et  l'ignorance  où  il  avait  laissé  nos  plénipotentiaires 
sur  ses  résolutions  définitives  et  sur  l'état  de  l'armée,  il  ne  vit,  il 
ne  pouvait  voir  qu'une  chose  :  ses  espérances  et  ses  efforts  frustrés 
par  des  concessions  inopportunes.  Il  n'avait,  à  la  vérité,  qu'à 
refuser  la  ratification  ;  les  déclarations  des  représentants  de  la 
France  semblaient  lui  rendre  cet  expédient  facile,  mais  il  ne  pou- 
vait le  faire  sans  assumer  sur  lui  l'impopularité  d'une  mesure  qui 
contrariait  le  vœu  unanime  du  pays1,  qui  autorisait  ses  adver- 
saires à  le  représenter  comme  éternisant  la  guerre  pour  affermir 
son  pouvoir  aux  dépens  de  la  prospérité  du  royaume,  de  la  tran- 
quillité et  de  la  santé  du  roi,  sans  discréditer  enfin  la  parole  delà 
France  en  ajoutant  un  désaveu  de  plus  à  ceux  par  lesquels  il 
s'était  déjà  soustrait  aux  engagements  pris  en  son  nom2. 

Du  reste,  ses  griefs  contre  l'ambassadeur  et  le  P.  Joseph  ne 
résistèrent  pas  à  la  réflexion.  Il  leur  conserva  toute  sa  confiance, 
et  il  ne  tarda  pas  à  leur  en  donner  de  nouvelles  preuves  en  char- 
geant le  premier  de  négocier  les  modifications  qui  pouvaient 
rendre  le  traité  acceptable,  et  en  confirmant  le  second,  dès  son 
retour,  dans  la  direction  des  affaires  d'Allemagne.  Ces  témoi- 
gnages significatifs  de  son  estime  furent  pour  eux  la  réparation 
la  plus  éclatante  des  appréciations  passionnées  de  la  première 
heure,  mais  ils  ne  furent  pas  la  seule.  Il  se  fit  aussi  leur  avocat 
auprès  de  la  postérité,  et  il  s'appropria  même  en  grande  partie 
l'apologie  présentée  par  le  P.  Joseph.  Il  n'a  plaidé,  il  est  vrai, 
que  les  circonstances  atténuantes,  et  ce  qu'il  dit  du  traité  dans 

1.  l'n  ogni  caso  pero  dubito  che  sarebbc  piu  tosto  impossibile  chc  difficile  il 
muover  questi  animi  dalla  pace,  quaiulo  anche  vi  si  potesse  scoprire  qualche 
pregiudicio  perche  contro  la  passione  si  è  desiderata  di  longa  mano  et  con  troppo 
aplauso  intesa  et  abbracciata.  Dép.  de  Contarini.  Lyon,  22  octobre  1630.  Filza 
79,  p.  47.  Voy.  aussi  ibid.,  p.  56. 

2.  Contarini  écrit  le  27  octobre  :  «  Si  Ion  repoussait  purement  et  simple- 
ment le  traité,  après  le  desaveu  de  Sillcry,  de  Fargis,  de  Bassompierre  et 
d'autres,  personne  ne  voudrait  plus  traiter  avec  la  France.  Je  crois,  ajoute- 
t-il,  que  le  cardinal  ne  voudra  désormais  traiter  que  directement  et  non  plus  par 
plénipotentiaires,  car  tous  font  à  leur  tète  et  pas  un  n'est  puni.  »  Filza  7!),  p.  65 
et  66.  Voy.  aussi  App.,  pièce  II,  au  sujet  de  la  personne  du  P.  Joseph,  art.  8. 


288  r,.  fassiez. 

ses  mémoires  '  et  dans  son  Testament  politique 2  n'est  entière- 
ment conforme  ni  à  la  vérité  ni  à  la  justice.  Il  se  montre  toujours 
trop  sévère  pour  l'œuvre  de  nos  plénipotentiaires,  il  prête  à  ses 
instructions  un  caractère  impératif  qu'elles  n'avaient  pas,  et 
parmi  les  excuses  qu'il  fait  valoir  en  faveur  de  ses  agents,  il  n'a 
garde  de  parler  de  la  principale,  c'est-à-dire  de  son  silence. 
Mais  Richelieu,  on  le  sait  de  reste,  n'a  pas  écrit  ses  mémoires 
pour  y  consigner  l'aveu  de  ses  fautes,  et  il  est  naturel  qu'il  ait 
laissé  à  d'autres  le  soin  de  dire  la  vérité  tout  entière  et  de  rendre 
pleine  justice  à  ses  agents. 

Son  chagrin  et  sa  désapprobation  affectèrent  beaucoup  le 
P.  Joseph,  mais  sans  le  faire  changer  d'avis  sur  les  mérites  de  la 
transaction  à  laquelle  il  avait  mis  son  nom,  et  il  ne  cessa  de  la 
défendre  avec  la  modestie  et  la  réserve  d'un  homme  qui  craint,  en 
ayant  trop  raison,  de  mettre  le  ministre  dans  son  tort3. 

La  justification  de  nos  négociateurs  n'implique  nullement 
d'ailleurs  la  désapprobation  du  parti  pris  par  Richelieu  au  sujet 
du  traité.  Ce  dont  il  faudrait  le  blâmer  au  contraire,  ce  serait  de 
l'avoir  ratifié,  malgré  des  dérogations  notoires  à  ses  instructions, 
alors  que  les  circonstances  lui  permettaient  d'en  conclure  un 
meilleur.  Les  différences  par  lesquelles  le  règlement  définitif  de 
la  succession  de  Mantoue  se  distingue  de  celui  qui  avait  été 
adopté  à  Ratisbonne  justifient  entièrement  le  cardinal  de  s'être 
montré  plus  exigeant  que  les  plénipotentiaires.  Il  sut  profiter  de 
la  situation  de  plus  en  plus  critique  de  l'Empereur  pour  rendre 
plus  rapide  et  plus  sûr  le  rétablissement  du  duc  de  Mantoue  dans 
ses  États.  Déjà  la  convention  faite  entre  les  généraux,  le  26  oc- 
tobre, avait  stipulé  l'évacuation  du  Montferrat  par  les  belligé- 
rants et  livré  Casai  à  son  légitime  souverain,  en  mettant  seulement 
la  place,  jusqu'à  l'investiture,  sous  l'autorité  nominale  d'un  com- 
missaire impérial.  Les  traités  signés  à  Cherasco,  le  6  avril  et  le 

1.  II,  287-288.  Oii  y  retrouve  en  grande  partie  la  dépêche  du  P.  Joseph  à 
Bouthillier,  du  10  octobre. 

2.  Éd.  1764,  lrc  partie,  p.  24-25. 

3.  Dépêches  de  Contarini,  27  octobre.  Filza  79,  p.  63,  10  décembre.  Ibid., 
n°  258,  31  décembre  1630.  Ibid.,  n°  263.  On  lit  dans  une  lettre  anonyme  dont 
l'auteur  paraît  avoir  approché  la  reine  mère  :  «  Ho  visto  il  povero  Padre  Gio- 
sef  incommodato  di  corpo  e  di  spirito  me  ne  fa  compassione...  »  Arch.  des  an", 
étrang.  France  54,  fol.  332.  Voy.  aussi  une  lettre  de  Zingelsheim  à  Hotman- 
Villiers,  4  décembre  1G30.  Arch.  des  aff.  étrang.  Palatinat,  4  (1620-1639), 
pièce  45. 


LA    MISSION    l>l     P.    rOSEPH    \    RATISBOWT..  "2S!I 

lî>  juin  1631,  fixèrent  un  délai  de  vingt-cinq  jours  pour  l'inves- 
titure, subordonnèrent  k  cette  formalité  l'attribution  de  l'indem- 
nité due  au  duc  de  Savoie,  rendirent  simultanée  l'évacuation  de 
Mantoue,  de  Castel-Porto,  de  Caneto,  des  positions  des  Grisons 
d'une  part,  de  Saluces,  de  Veillane,  de  Briqueras  et  de  Pignerol 
de  l'autre.  Un  accord  particulier  entre  les  ducs  de  Mantoue  et  de 
Guastalle  '  mettait  entre  les  mains  du  dernier  deux  des  terres  qui 
lui  avaient  été  assignées ,  en  attendant  que  le  duc  de  Parme , 
commissaire  impérial,  eût  déterminé  la  garantie  territoriale  qui 
devait  lui  être  définitivement  attribuée.  Mais  notre  diplomatie  ne 
réussit  pas  seulement  h  obtenir  une  révision  avantageuse  du 
traité  de  Ratisbonne  ;  à  ce  succès  elle  en  joignit  un  autre  tout  à 
fait  inattendu  et  qui,  préparé  dans  le  plus  grand  mystère  et 
assuré  avant  même  la  conclusion  des  traités  du  6  avril  et  du 
19  juin,  fit  l'effet  d'un  coup  de  théâtre  :  par  un  traité  secret  signé 
dès  le  31  mars  au  même  lieu,  le  duc  de  Savoie  cédait  Pignerol  au 
roi.  En  rentrant  en  possession  de  cette  place  qui  lui  avait  si 
longtemps  appartenu,  la  France  acquérait  une  porte  en  Italie  et 
avec  elle  le  moyen  d'y  balancer  l'influence  espagnole  et  d'exercer 
sa  protection  en  faveur  de  ses  alliés  italiens  d'une  façon  rapide  et 
efficace.  Il  est  vrai  qu'elle  n'avait  pu  le  faire  sans  imposer  à 
Charles  de  Gonzague  certains  sacrifices,  et  qu'elle  avait  dû 
agrandir  la  part  du  duc  de  Savoie  dans  le  Montferrat  pour  le 
décider  k  cet  abandon. 

Ce  n'était  pas,  nous  l'avons  dit,  pour  négocier  un  accord  au 
sujet  de  la  succession  de  Mantoue  que  le  P.  Joseph  et  Brulart 
avaient  été  envoyés  k  Ratisbonne.  Lorsque  les  électeurs  avaient 
pris  l'initiative  de  négociations  nouvelles  sur  cette  question,  nos 
plénipotentiaires  ne  s'étaient  pas  dérobés  k  ces  ouvertures,  et  ils 
n'auraient  pu  le  faire  sans  révéler  clairement  qu'ils  n'étaient  pas 
envoyés  dans  une  pensée  de  conciliation.  Mais,  tout  en  s'y  prê- 
tant, ils  n'oubliaient  pas  le  but  principal  de  leur  mission,  et 
c'était  même  en  partie  pour  l'atteindre  qu'ils  avaient  cru  néces- 
saires les  concessions  qui  furent  jugées  excessives.  Malheureuse- 
ment, c'est  précisément  quand  elle  s'applique  k  de  plus  grands 
objets,  c'est  quand  elle  met  en  jeu  les  qualités  les  plus  délicates 
du  diplomate,  que  l'activité  du  P.  Joseph  nous  échappe.  Les  pro- 
tocoles officiels,  qui  nous  ont  tant  aidé  k  retracer  la  marche, 

1.  On  le  trouvera  dans  Siri,  Memorie  recondite,  VII,  361. 

Rev.  Histor.  XXVII.  2e  fasc.  V3 


200  G.    FAf.NlEZ. 

quelquefois  la  physionomie  de  ses  discussions  avec  les  commis- 
saires impériaux,  nous  font  naturellement  défaut  pour  la  diplo- 
matie secrète  à  laquelle  il  a  consacré  le  meilleur  de  son  temps  et 
de  son  talent,  et  les  correspondances  diplomatiques  elles-mêmes 
n'y  font  que  de  rares  allusions.  Comment  montrer  notre  religieux 
soufflant  la  discorde  et  prêchant  l'union,  entretenant  des  intelli- 
gences avec  l'impératrice,  le  confesseur,  le  parti  anti-espagnol, 
échauffant  les  passions  et  alarmant  les  intérêts,  envenimant  les 
divisions  de  l'Empereur  et  des  électeurs,  atténuant  celles  des 
électeurs  entre  eux,  mêlant  avec  la  plus  grande  sincérité  la  reli- 
gion et  la  politique,  la  corruption  et  l'appel  aux  sentiments  et 
aux  traditions  d'indépendance  qui  faisaient  l'âme  de  la  constitu- 
tion germanique?  Comment  déterminer  avec  certitude  le  poids 
dont  son  influence  a  pesé  sur  les  résolutions  et  l'issue  de  l'assem- 
blée? Tandis  que  nous  avons  pu  donner  aux  négociations  qui  ont 
abouti  au  traité  de  Ratisbonne  une  place  en  rapport  avec  leur 
importance,  quelques  pages  nous  suffiront  pour  indiquer  le  carac- 
tère et  le  résultat  de  ses  menées  souterraines.  Heureusement  on 
peut,  sans  se  hasarder  beaucoup,  juger  de  ce  qu'il  a  fait  par  ce 
qu'il  avait  à  faire,  et  il  n'est  pas  téméraire  d'affirmer  qu'il  a 
rempli  et  au  delà  les  instructions  qu'il  avait  rédigées  pour  l'am- 
bassadeur et  pour  lui. 

Ces  instructions,  —  qu'on  nous  pardonne  d'y  revenir,  —  leur 
prescrivaient  de  combattre  les  efforts  de  Ferdinand  pour  associer 
les  électeurs  à  sa  lutte  contre  la  France  et  les  Hollandais,  d'enve- 
nimer leurs  griefs  particuliers  et  de  les  mettre  en  garde  contre  les 
promesses  illusoires,  de  capter  leur  bienveillance  en  faisant  valoir 
les  services  rendus  et  en  rassurant  leurs  ministres  sur  le  paiement 
de  leurs  pensions,  de  garder  une  grande  réserve  sur  la  question 
du  Palatinat,  afin  de  ne  s'aliéner  ni  le  roi  d'Angleterre  ni  le  duc 
de  Bavière,  tout  en  s'assurant  auprès  du  premier  le  mérite  du 
rétablissement  du  Palatin,  s'il  venait  à  être  rétabli;,  de  faire 
échouer  la  candidature  du  roi  de  Hongrie  en  formant,  par  l'ini- 
tiative de  l'électeur  de  Trêves,  une  majorité  hostile,  d'offrir  aux 
électeurs  l'intervention  armée  de  la  France  pour  faire  respecter 
la  liberté  de  leurs  suffrages,  de  les  encourager  à  se  rendre  indé- 
pendants de  l'Empereur  et  à  ne  pas  servir  d'instruments  aux 
desseins  ambitieux  de  l'Espagne. 

Ces  instructions  auraient  été  superflues,  et  elles  attesteraient 
de  la  part  du  gouvernement  français  une  ignorance  singulière  de 


LA    MISSION    1M     l'.    IOSBPB    l    RATISBONNE.  29H 

la  situation  de  1" Allemagne,  si,  comme  on  l'a  dit,  nos  envoyés 
avaient  eu  cause  gagnée  avant  d'arriver  à  Ratisbonne,  si  les 
électeurs  avaient  déjà  été  résolus  à  faire  ce  qu'on  venait  leur 
demander.  C'est  la  conclusion  à  laquelle  0.  Heyne  s'est  laissé 
entraîner1  par  son  ardeur  à  réfuter  Gfrœrer  qui,  sur  la  foi  de 
l'abbé  Richard,  attribue  au  P.  Joseph  l'initiative  de  toutes  les 
résolutions  des  électeurs  et  en  fait  de  véritables  marionnettes  dont 
notre  capucin  aurait  tenu  les  fils.  Le  livre  de  l'abbé  Richard  - 
porte  des  signes  si  évidents  de  précipitation  et  de  défaut  de  cons- 
cience3, qu'on  s'étonne  qu'il  ait  jamais  pu  égarer  quelqu'un, 
niais  il  ne  suffit  pas  de  prendre  le  contre-pied  de  ses  assertions 
pour  être  dans  le  vrai.  11  est  trop  évident  que  le  P.  Joseph  n'a 
pas  eu  besoin  d'éclairer  les  électeurs  sur  leurs  intérêts,  mais 
n'est-ce  pas  en  partie  grâce  à  lui  qu'ils  ont  su  et  osé  les  défendre, 
et  Heyne  n'en  convient-il  pas  lui-même  quand  il  dit  qu'ils  n'au- 
raient jamais  obtenu  les  résultats  qu'ils  obtinrent,  sans  l'attitude 
de  la  France  ? 

Si  l'on  ne  peut  attribuer  à  notre  héros  aucune  part  dans  la 
révocation  de  Wallenstein,  il  n'en  est  pas  de  même  pour  l'accueil 
fait  à  la  candidature  du  roi  de  Hongrie.  A  la  veille  de  la  réunion 
du  collège ,  le  cabinet  français  croyait  pouvoir  compter  sur  le 
vote  négatif  des  électeurs  protestants ,  mais  il  n'était  pas  aussi 
fixé  sur  les  intentions  des  électeurs  catholiques.  Il  était  sûr  de 
l'évèque  de  Trêves ,  qui  était  comme  le  gérant  d'affaires  de  la 
France  en  Allemagne,  mais  les  dispositions  des  électeurs  de 
Mayence,  de  Cologne  et  de  Bavière  ne  lui  inspiraient  pas  une 
sécurité  aussi  absolue.  Nos  relations  avec  le  premier  n'étaienl 
pas  empreintes  d'une  grande  confiance 4.  L'archevêque  de  Cologne 
avait,  à  la  vérité,  déclaré  à  Marcheville  l'année  précédente  que 

1.  Op.  laud.,  p.  131-137.  Voy.  aussi  Aretin,  Baierns  auswaertige  Verhaelt- 
nisse,  I,  p.  295.  Ranke  au  contraire  exagère  l'influence  du  P.  Joseph,  Rœmische 
Paepste,  II,  366. 

2.  Histoire  de  la  vie  du  R.  P.  Joseph  Le  Clerc  du  Tremblay,  etc.,  2  vol.  in-12. 
Paris,  1702.  Le  Véritable  P.  Joseph,  Saint-Jean-de-Maurienne,  170-1,  in-12,  el 
1750,  2  vol.  in-12.  Ce  dernier  ouvrage  n'est  que  la  reproduction  du  premier 
avec  de  légères  modifications  qui  sullisent  cependant  à  en  faire  une  satire. 

3.  Cela  ne  l'empêche  pas  d'ailleurs  de  contenir  beaucoup  «le  vrai.  L'auteur 
•  •a  est  redevable  à  la  biographie  de  D.  Damien  Lerminier,  qui  n'est  elle-même 
qu'un  abrégé  de  celle  de  Lepré-Balain. 

4.  Lettre  du  cardinal  Bagni  à  Jocher,  conseiller  9ecre1  de  l'élecleur  de 
Bavière1.  Grenoble,  17  mai  1030.  Archives  secrètes  d'État  de  Bavière,  à  Munich, 
série  Bavaroise  488/2. 


292  G.    FAGNrEZ. 

ni  lui  ni  ses  collègues  ne  se  prêteraient  à  l'élection  et  qu'ils 
accepteraient,  si  on  voulait  la  leur  arracher  par  l'intimidation, 
l'appui  de  nos  armes  ',  mais  sa  résolution  définitive  dépendait  de 
celle  de  son  frère,  Maximilien.  Or  tout  ce  que  Charnacé  avait  pu 
obtenir  de  ce  dernier,  c'était  l'assurance  que  le  collège  n'enten- 
drait à  aucune  élection  avant  que  l'Empereur  eût  désarmé  (com- 
mencement de  1629).  Richelieu  insista,  il  fit  demander  à  Maxi- 
milien de  promettre  formellement  qu'il  ne  concourrait  pas  à 
l'élection,  du  vivant  de  l'Empereur  ou  au  moins  tant  que  celui-ci 
tiendrait  des  armées  sur  pied  en  Allemagne,  en  Italie  et  dans  les 
pays  voisins.  Il  lui  faisait  savoir  que  l'électeur  de  Brandebourg 
s'était  engagé,  sous  le  plus  grand  secret,  à  ne  pas  voter  pour  un 
membre  de  la  maison  d'Autriche,  et  avait  promis  de  pousser 
l'électeur  de  Saxe  à  faire  comme  lui.  La  détermination  de  celui-ci 
était  encore  inconnue 2.  Maximilien  se  contenta  de  reproduire  sa 
déclaration  précédente  et,  pour  s'excuser  de  ne  pas  aller  plus  loin 
et  prévenir  de  nouvelles  instances,  il  invoquait  les  lois  de  l'Em- 
pire, les  engagements  mutuels  des  électeurs  qui  leur  interdisaient 
d'entrer,  à  l'insu  les  uns  des  autres,  dans  des  négociations  posi- 
tives au  sujet  de  l'élection3.  Richelieu  restait  inquiet,  il  craignait 
que  les  électeurs,  agissant  individuellement,  sans  concert  préa- 
lable, n'eussent  pas  le  courage  de  voter  d'une  façon  indépen- 
dante, il  revint  donc  à  la  charge  pour  demander  au  chef  de  la 
ligue  catholique  de  faire  ajourner  l'élection.  Il  l'informait  sous  le 
sceau  du  secret  que  l'électeur  de  Trêves,  auquel  il  appartenait 
d'opiner  le  premier,  avait  promis  de  proposer  cet  ajournement  et 
d'obtenir  l'adhésion  de  ses  collègues,  on  était  sur  de  celle  du 
margrave  de  Brandebourg  et  on  espérait  celle  du  duc  de  Saxe.  Il 
ajoutait  que  Gustave-Adolphe  venait  d'accorder  au  roi  la  neutra- 
lité des  Etats  de  la  ligue  et  de  son  chef.  L'évêque  de  Scythie, 
envoyé  en  mission  auprès  de  l'Empereur  et  du  collège,  avait 
aussi  pour  instruction  de  faire  remettre  l'élection  et  de  veiller,  si 
elle  avait  lieu,  à  sa  régularité4. 

Les  déclarations  réitérées  de  Maximilien  semblaient  bien  faites 


1.  Heyne,  p.  56. 

2.  Lettre  de  Bagni  à  Jocher.  Fontainebleau,  5  oct.  1029.  Copie  de  leur  cor- 
respondance. Arch.  des  ait",  étrang.  Bavière,  I,  pièce  25. 

3.  Lettre  de  Jocher  à  Bagni.  Munich,  13  novembre  1629.  Ibid. 

4.  Lettre  du  P.  Joseph  à  Bagni.  Suse,  9  mars  1630.  Ibid.  Lettre  de  Bagni  à 
Jocher.  Grenoble,  17  mai  1630.  Arch.  de  Bavière,  série  Bavaroise  188/2. 


la    MISSIQPi    DU   P.  MHSBBB   i   &ATISBONNE.  B93 

pour  tranquilliser  Richelieu,  catr  elles  lui  garantissaient  i'inten- 
tion  unanime  des  électeurs  de  se  refuser  à  toute  élection  avant  la 
pacification  de  l'Empire.  Or,  comment  prévoir  que  Ferdinand 
révoquerait  son  général,  licencierait  ses  troupes,  obéirait  aux 
injonctions  de  la  ligue,  se  mettrait,  pour  ainsi  dire,  dans  ses 
mains?  Et  cependant  les  inquiétudes  persistantes  du  cardinal 
étaient  justifiées.  Pour  en  être  exempt,  il  aurait  fallu  ignorer 
tout  ce  qui  pouvait  ébranler  la  résolution  des  électeurs,  l'influence 
de  la  peur,  des  défiances  réciproques,  de  la  corruption  1 ,  ne  pas 
se  rendre  compte  des  satisfactions  et  des  compromis  qui  pouvaient 
les  désarmer,  ne  pas  songer  en  un  mot  à  l'imprévu  que  comporte 
toute  assemblée,  même  aussi  peu  nombreuse.  Ce  qui  prouve  que 
ces  inquiétudes  n'étaient  pas  sans  fondement ,  c'est  la  confiance 
de  l'Empereur2.  Les  représentants  de  Jean-Georges  de  Saxe  et 
de  Georges-Guillaume  de  Brandebourg  arrivaient  à  Ratisbonne 
avec  l'ordre  de  décliner,  en  prétextant  le  défaut  d'instructions, 
toute  tentative  pour  obtenir  leur  suffrage  ;  l'électeur  de  Trêves 
était  plein  de  zèle  pour  nos  intérêts,  mais  ceux  de  Mayence,  de 
Bavière  et  de  Cologne,  tout  en  étant  fort  irrités  de  la  politique 
agressive  et  sans  ménagement  dans  laquelle  l'Empereur  s'était 
engagé  depuis  la  fin  de  1628 3,  tout  en  étant  parfaitement  décidés 
à  exiger,  même  par  les  armes ,  la  révocation  de  Wallenstein  et 
l'allégement  des  charges  militaires  et  à  ne  pas  seconder  Ferdinand 
dans  ses  entreprises  belliqueuses,  tout  en  se  montrant  par  consé- 
quent peu  disposés  à  lui  complaire  dans  ce  qu'il  avait  le  plus  à 

1.  «  ...  Il  est  bon...  qu'il  nous  soit  permis  de  promettre  quelques  pensions  à 
quelques  ministres  des  princes  jusqu'à  dix  mil  escus  en  tout...  L'on  voit  com- 
bien par  l'exemple  du  Roy  d'Espagne  ces  petites  aides  empeschent  de  grands 
maux  et  font  de  grands  eïl'ccts.  sans  cela  il  n'y  a  pas  moyen  d'agir.  »  Dépêche 
du  P.  Joseph  à  Richelieu,  15  septembre  1630.  Ubi  supra.  «  Doria,  ambassa- 
deur d'Espagne,  a  receu  depuis  peu  quatre  cent  mil  escus.  Le  banquier  qui  [lesj 
luy  a  donnés  l'a  dict  au  P.  Joseph.  Par  ce  moyen,  il  donne  de  grandes  tenta- 
tions à  plusieurs.  L'eslecteur  de  Trêves  a  dit  au  P.  Joseph  qu'on  luy  avoit 
offert  cinquante  mile  pistolles  contant,  ce  qu'il  avoit  rejette  avec  horreur,  à 
ce  qu'il  luy  a  dit.  Toutefois  il  est  vray  que  depuis  cela  il  agist  plus  foiblement, 
jusqu'à  ce  point  que  les  autres  eslecteurs  ont  soupçon  de  luy  et  s'en  sont  des- 
couverts au  P.  Joseph  qui  sur  cela  parle  souvent  à  l'électeur  de  Trêves,  luy 
disant  ce  qu'il  faut,  et  jusqu'à  présent  le  P.  Joseph  a  sujet  de  croire  qu'il 
fera  bien.  »  Dép.  du  P.  J.  à  Richelieu,  13  septembre.  Allemagne,  Vil.  I.  140. 

2.  On  comptait  si  bien  sur  l'élection  autour  de  l'empereur  qu'on  laissa  publier 
un  poème  de  félicitations  à  son  adresse  composé  par  un  médecin  de  la  cour. 
Relation  de  Christophe  von  Forstner.  Mercure  français,  XVI,  396. 

3.  lleyne,  II,  14. 


'2'»'i  T..    FAGNIEZ. 

cœur  et  h  fortifier  son  autorité  en  assurant  à  son  fils  la  couronne 
impériale,  ces  électeurs,  disons-nous,  voulaient  conserver  leur 
liberté  d'action  et  se  servir  de  cette  espérance  et  au  besoin  de 
cette  concession  pour  lui  arracher  ce  qu'ils  désiraient.  Dans  un 
long  mémoire  où  ils  donnent  à  Maximilien  leur  avis  sur  la  façon 
de  traiter  avec  le  P.  Joseph,  les  conseillers  de  ce  prince  lui  font 
remarquer  que,  le  traité  d'alliance  défensive  avec  la  France  une 
fois  conclu,  le  capucin,  encouragé  par  ce  succès,  redoublera 
d'efforts  pour  empêcher  l'élection1;  la  candidature  du  roi  de 
Hongrie  avait  donc  encore  des  chances ,  et  Maximilien  n'avait 
pas  encore  pris  à  cet  égard  un  parti  définitif,  puisque  les  instances 
du  P.  Joseph  étaient  de  nature  à  l'embarrasser. 

On  sait  que  Ferdinand  capitula  devant  les  exigences  des  élec- 
teurs, qu'il  sacrifia  Wallenstein,  licencia  une  partie  de  son 
armée,  réduisit  les  contributions,  s'obligea  à  ne  plus  en  lever 
arbitrairement.  Il  dut  renoncer  à  dissoudre  la  ligue  catholique  et, 
au  lieu  de  fondre  l'armée  de  la  ligue  dans  l'armée  impériale, 
comme  il  l'avait  tenté,  il  plaça  celle-ci  sous  le  commandement 
de  Tilly,  ce  qui  revenait  à  la  placer  sous  celui  de  Maximilien. 
Enfin  il  reconnut  l'impossibilité  d'entraîner  les  électeurs  dans  une 
guerre  contre  la  France  et  les  Provinces-Unies  et  se  vit  forcé 
d'abandonner  l'Espagne  à  elle-même  dans  sa  lutte  contre  ces 
deux  puissances.  Ces  concessions  inattendues  n'obtinrent  pas  le 
prix  qu'il  s'en  était  promis  :  le  roi  de  Hongrie  ne  fut  pas  élu.  Les 
électeurs  pensèrent  sans  doute  qu'en  déférant  à  la  demande  du 
chef  de  l'Empire,  ils  se  priveraient  du  seul  moyen  d'assurer  le 
maintien  de  ses  concessions  ou  d'en  obtenir  de  nouvelles.  Il  ne 
les  avait  pas  faites,  en  effet,  sans  avoir  la  pensée  de  les  reprendre, 
et  l'assemblée  n'était  pas  encore  dissoute  qu'il  songeait  à  rendre 
a  Wallenstein  son  commandement2.  Ce  fut  à  nos  agents  que  les 
électeurs  durent  la  hardiesse  et  l'entente3,  qui  ne  leur  étaient  pas 

1.  Post  conclusionem  articulorum  wirdt  P.  Josef  baldt  weitter  gehen  uwl  die 
Electionem  Régis  Romanorum,  desto  stercker  verhindern  wœllen.  Append., 
pièce  II. 

2.  Dépêche  de  Brulart  et  du  P.  Joseph  à  Richelieu,  26  aoùl  1630.  Arch.  des 
ail',  étrang.  Allemagne,  VII,  fol.  115.  Nouvelles  envoyées  par  le  P.  Joseph  avec 
sa  dépêche  du  13  octobre  1630.  Jbid.,  toi.  440. 

3.  «  L'assurance  que  les  électeurs  prennent  du  secours  du  Roy  au  besoin  les 
fait  parler  el  agir  d'une  autre  sorte  que  l'Empereur  ne  s'attendoit.  »  Dépêche 
du  P.  Joseph  à  Richelieu,  13  septembre  1630.  Ubi  supra.  «  Sur  cela  nous  avons 
pris  sujet  d'essayer  à  y  joindre  estroittement  1rs  électeurs  catholiques  cl  les 


f.A    MI-<H>N    in     r.    JOSEPH    \    BATISBONNE.  295 

moins  nécessaires  que  l'intelligence  de  leurs  intérêts.  Le  P.  Joseph 
assura  chacun  d'eux  qu'il  ne  serait  pas  isolé  dans  son  opposition 
contre  la  candidature  «lu  roi  de  Hongrie,  il  dissipa  les  malen- 
tendus et  les  défiances  semées  entre  eux  par  les  agents  de  l'Em*- 
pereurel  de  l'Espagne  * ,  il  pénétra  assez  a  vaut  dans  leur  confiance 
pour  recevoir  les  confidences  des  ans  sur  les  autres'.  En  l'ab- 
sence même  de  son  témoignage,  on  pourrait  affirmer  que  l'offre 
de  l'intervention  armée  de  la  France  dut  exercer  une  influence 
décisive  sur  l'attitude  générale  des  électeurs  el  en  particulier  sur 
l'accueil  qu'ils  firent  à  la  demande  de  Ferdinand.  On  peut  juger 
du  prix  qu'ils  attachaient  à  noire  protection  par  leurs  instances 
pour  décider  nos  envoyés  à  déroger  à.  leurs  instructions  et  à  con- 
clure la  paix.  Us  annonçaient  l'intention  d'écrire  au  roi  pour 
prendre  sur  eux  la  responsabilité  de  leur  consentement  ou  pour 
se  plaindre  de  leur  refus,  ils  déclaraient  qu'ils  seraient  réduits  à 
se  remettre  à  la  discrétion  de  l'Empereur,  si  la  France,  occupée 
en  Italie,  les  laissait  sans  assistance8.  Ces  instances  étaient 
inspirées  par  le  vif  désir  de  la  voir  consacrer  toute  son  attention 
et  toutes  ses  forces  à  leurs  intérêts4.  Le  roi  était  regardé  en  Alle- 
magne comme  le  protecteur  de  ce  qu'on  appelait  la  «  liberté 
publique,  »  c'est-à-dire  de  la  vieille  constitution  germanique,  il 
y  était  populaire,  les  Allemands  considéraient  leur  indépendance 
comme  liée  à  la  prospérité  et  à  la  grandeur  de  notre  pays5. 

électeurs  protestant...  Le  P.  Joseph  est  après  pour  le  [l'électeur  de  Bavière] 
bien  unir  avec  l'électeur  de  Saxe...  »  Dép.  du  P.  Joseph  à  Richelieu,  20  sepl. 
1630.  Ubi  supra,  a  M.  de  Léon  et  Ezechicly  continuent  à  faire  tout  ce  qui  se 
peut  pour  mettre  entr'eux.  [les  électeurs]  une  bonne  intelligence.  »  Dép.  du 
P.  Joseph  et  de  Brulart  à  Richelieu,  22  octobre  1630.  Ubi  supra.  Mémoire 
pour  les  instructions  des  sieurs  de  Liste  et  de  Gournay,  29  janv.  1631 ,  à 
l'Appendice. 

1.  Dép.  du  P.  Joseph  à  Richelieu  du  22  août,  des  13  et  20  septembre  et  du 
10  octobre  1630.  Ubi  supra. 

2.  Dép.  précitées  du  15  et  du  20  septembre,  du  10  et  du  13  octobre. 

3.  Dépêche  du  P.  Joseph  à  M.  Thomas,  10  octobre  1630.  Ubi  supra.  «  Et 
io  ardisco  ben  dire  a  V.  E.  che  senza  la  vigorosa  interpositione  di  S.  A.  [l'élec- 
teur de  Bavière]  (essendo  uate  alcnne  spinose  difficolta  sut  fine  délia  negotia- 
tione  o  pin  tosto  sul  punto  délia  sottoscrittione)  il  trattato  Baria  andato  a  monte 
o  al  manco  la  conclnsione  e  per  conaeguenza  la  parc  d  Italia  tanto  bramata  da 
S.  M.  ritardata.  »  Dép.  [du  muni'  de  Bavière?  au  raid.  Bagni,  -I  OCt.  1630. 
Archives  de  Bavière  à  Munich,  série  Bavaroise  188/2. 

4.  Dépêches  précitées  du  20  septembre,  du  lu  el  'lu  13  octobre  Ubi  supra. 
Mémoire  pour  le  sr  de  Gournay,  29  janvier  1631,  a  I  Appendice. 

...  o  Nous  n'eussions  jamais  creu  que  cette  cour  où  il  >  a  plusieurs  princes, 


2!»;  g.  i\u;mez. 

La  part  de  celui-ci  dans  l'échec  de  la  proposition  impériale 
fut  en  raison  de  son  prestige,  de  l'appui  que  les  électeurs  en  atten- 
daient, de  ses  sacrifices  pour  sortir  d'une  guerre  qui  semblait 
devoir  l'empêcher  de  se  vouer  entièrement  à  son  rôle  de  médiateur 
en  .Yllemagne.  Nos  envoyés  surent  certainement  faire  valoir  leur 
complaisance  pour  le  vœu  des  électeurs  et  la  sécurité  que  la  paix 
leur  donnait,  pour  les  déterminer  à  un  refus  dont  ils  sentaient 
l'avantage,  mais  dont  la  hardiesse  les  faisait  hésiter.  La  paix,  qui 
rassurait  les  catholiques,  inquiétait  au  contraire  et  à  juste  titre 
les  protestants  ;  ils  se  rendaient  compte  qu'ils  en  feraient  les  frais 
et  que  Ferdinand  chercherait  la  compensation  de  ce  que  lui  coû- 
tait l'accord  de  la  France  et  des  électeurs  ecclésiastiques,  dans 
l'exécution  rigoureuse  de  redit  de  restitution,  comme  dans  la 
poursuite  énergique  des  hostilités  contre  Gustave-Adolphe.  Le 
P.  Joseph  et  l'ambassadeur  réussirent  cependant,  ils  s'en  flattaient 
du  moins,  à  leur  faire  comprendre  que  si  la  paix  donnait  à  l'Em- 
pereur plus  de  facilité  pour  les  opprimer,  elle  en  donnait  aussi 
davantage  au  roi  pour  les  défendre1. 

Le  P.  Joseph  ne  visait  pas  seulement  à  rapprocher  les  électeurs 
passagèrement  et  en  vue  d'une  circonstance  spéciale,  il  voulait  éta- 
blir une  union  permanente  entre  eux  d'abord,  entre  eux  et  le  roi 
ensuite  pour  tenir  l'Empereur  en  bride  et  faire  contre-poids  à  la 
maison  d'Autriche.  Il  jeta  à  Ratisbonne  les  bases  de  cette  union. 
Il  obtint  des  électeurs  catholiques  la  promesse  de  ne  pas  conclure 

ambassadeurs  et  députés  eust  témoigné  une  si  grande  ardeur  pour  cette  paix, 
hormis  les  partisants  du  Roy  d'Espagne.  Tous  advouent  que  la  liberté  publique 
despend  du  bon  estât  de  la  France.  Plusieurs  de  grande  qualité,  catholiques 
et  protestants,  nous  sont  venus  trouver  pour  nous  le  témoigner,  et  semble  que 
l'ancienne  affection  de  cette  nation  vers  nos  Roys  qui  a  esté  longtemps  refroidie 
durant  nos  troubles  de  religion,  se  rechaufe  plus  que  jamais  par  l'estime  que 
tous  universellement  font  du  Roy  à  un  si  haut  point  qu'ils  n'ont  autre  conten- 
tement que  d'en  parler,  tous  ont  son  tableau  et  tous  sont  vestuz  à  la  francoise, 
mesme  ceux  de  la  maison  de  l'Empereur.  »  Dép.  précitée  du  10  oct\  «  Je  ne 
vous  puis  représenter  la  passion  que  tous  les  princes  qui  sont  en  cette  diette, 
comme  aussy  les  députés  des  villes  qui  sont  de  toutes  les  parties  de  l'Allemagne, 
ont  tesmoigné  de  veoir  cette  paix  conclue  et  le  contentement  qu'ils  en  ont  reçu, 
estimants  que  leur  bonheur  est  conjoint  à  celuy  de  France,  etc.  »  Dép.  du  P. 
Joseph  à  Boulhillier,  13  oct.  «  Je  ne  vous  puis  dire  l'allégresse  qu'en  ont  [de 
la  paix]  tous  les  princes  et  les  depulés  des  villes  qui  sont  en  cette  diette,  qui 
prennent  plus  d'intérêt  au  repos  de  la  Fiance  que  la  plus  part  des  François. 
Durant  nos  disputes,  cbascun  estoit  en  tristesse  et  en  peines  (??).  »  Dép.  du  P. 
Joseph  à  Richelieu,  13  oct.  Vbi  supra. 

1.  Dép.  précitées  des  10  cl  22  octobre  et  du  4  novembre  1630. 


\A    MISSION    DU    l'.    losri'ii    \    1ATISBONNE.  207 

avec  Ferdinand,  contrairement  à  leur  serment  de  confraternité,  des 

conventions  particulières  intéressant  la  constitution  germanique, 
et  de  ne  pas  laisser  violer  contre  leurs  collègues  protestants  les 
lois  de  l'Empire  et  l'édit  de  pacification.  Ils  promirent  également 
de  fa i iv  tout  leur  possible  pour  adoucir  la  rigueur  de  L'édit  de 
restitution.  Seulement  ils  comptaient  sur  le  roi  pour  empêcher 
que  ces  dispositions  conciliantes  ne  tournassent  contre  eux  et  que 
les  protestants  n'abusassent  du  prétexte  de  l'intérêt  public  pour 
acquérir  la  prépondérance  '.  Le  dessein  politique  qu'il  laissait  en 
bonne  voie2,  quand  il  quitta  Ratisbonne,  a  été  exposé  par  lui 
dans  un  mémoire  rédigé  au  moment  où  la  réunion  des  protestants 
à  Leipzig  et  des  catboliques  à  Francfort  fournissait  l'occasion  de 
le  reprendre  et  de  le  faire  avancer3.  Il  consistait  à  assurer  défi- 
nitivement l'indépendance  politique  des  électeurs  et  l'influence 
de  la  France,  qui  venaient  de  se  manifester  d'une  façon  si  écla- 
tante, à  les  encourager  dans  le  maintien  des  résolutions  et  des 
réformes  adoptées  et  conquises  à  Ratisbonne,  à  faire  disparaittv 
par  une  médiation  constante  les  divisions  que  la  maison  d'Autriche 
mettait  à  profit,  à  établir  l'équilibre  entre  les  deux  partis  en  for- 
tifiant les  protestants  qui  étaient  les  plus  faibles,  sans  les  laisser 
devenir  menaçants  pour  les  catholiques.  Si  ce  plan  réussissait, 
notre  pays  deviendrait  l'arbitre  de  l'Allemagne,  partagée  entre 
un  Empereur  impuissant  pour  l'offensive  et  deux  partis  unis 
contre  la  maison  d'Autriche,  divisés  par  la  religion  et  par 
certains  intérêts  et  dont  chacun  était  trop  faible  pour  se  passer 
de  nous.  Mais  n'était-ce  pas  se  donner  bien  de  la  peine  pour 
arriver  par  un  savant  équilibre  à  la  pacification  de  l'Allemagne, 
c'est-à-dire  à  un  résultat  qui  n'était  pas  dans  nos  intérêts?  Le 
P.  Joseph  allait  au-devant  de  cette  objection.  Après  que  la  France 
aura  établi  l'accord  entre  les  électeurs  catholiques  et  les  électeurs 
protestants,  il  restera  en  Allemagne,  disait-il,  assez  de  causes  de 
trouble  pour  empêcher  l'Empereur  d'inquiéter  ses  voisins  et  per- 
mettre au  roi  de  diriger  les  événements  suivant  ses  intérêts  et  de 


1.  Mémoire  pour  le  sr  de  Liste,  à  l'Appendice. 

2.  «  Ce  dessein^  est  bien  advancé,  mais  il  a  besoin  d'être  maintenu  par  bonne 
conduite  et  praticcrue,  de  quoy  Ezeciely  parlera  plus  au  long  [à]  M.  le  cardi- 
nal. »  Dép.  du  P.  Joseph  à  Richelieu,  'i  nov.  1630.  Vbi  supra. 

3.  Mémoire  sur  l'estat  des  affaires  d'Allemagne.  Janvier  1031,  à  l'Appendice. 
Mémoire   pour  le  s1   de  Lisle   allant  en  l'assemblée  de  Leipsic.   Vbi  supra. 
Mémoire  pour  le  sr  de  Gournay  allant  à  l'assemblée  de  Francfort,  à  l'Appendice. 


298  <;•    FAGNIEZ. 

saisir  l'occasion  favorable  pour  une  paix  avantageuse.  L'essen- 
tiel, c'était  que  la  paix  ne  se  fît  pas  toute  seule,  par  la  lassitude 
des  partis,  parce  qu'alors  Ferdinand  en  aurait  eu  l'honneur  et  le 
profit,  mais  que  le  cabinet  français  en  choisît  le  moment  et  en 
dictât  les  conditions.  Il  ne  pourrait  d'ailleurs  recueillir  le  fruit  de 
cette  politique  que  s'il  se  décidait  à  prendre  au  besoin  une  part 
directe  aux  hostilités  et  s'il  promettait,  non  en  termes  vagues, 
mais  d'une  façon  positive,  l'appui  de  ses  armes  à  celui  des  deux 
partis  qui  serait  attaqué  par  la  maison  d'Autriche  ou  par  le  parti 
contraire.  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de  montrer  dans  quelle  mesure 
notre  diplomatie  poursuivit  l'exécution  de  ce  programme,  ni  com- 
ment il  fut  déjoué  par  les  événements ,  faute  d'avoir  prévu  les 
succès  foudroyants  d'un  conquérant  qui  allait  remplir  trop  bien 
le  rôle  que  le  plan  de  Richelieu  et  du  P.  Joseph  lui  avait  assigné, 
et  jeter  définitivement  dans  des  camps  opposés  les  protestants  et 
les  catholiques  en  imposant  aux  premiers  son  alliance  et  en  for- 
çant les  seconds  à  faire  cause  commune  avec  l'Empereur.  Il  était 
seulement  à  propos  de  faire  connaître  la  pensée  générale  à  laquelle 
se  rattachaient  les  efforts  de  notre  héros  pour  établir  entre  les 
catholiques  et  les  protestants  les  fondements  d'un  concert  et  d'une 
action  communes.  Ce  sont  bien  ses  vues  personnelles  qu'il  exprime 
dans  ce  mémoire.  Il  ne  l'a  pas  écrit  pour  fixer  des  idées  échangées 
entre  Richelieu  et  lui  et  dans  lesquelles  il  serait  bien  difficile  de 
ne  pas  attribuer  au  premier  la  meilleure  part.  Il  n'a  consulté 
personne  pour  tracer  ces  principes  généraux  de  la  politique  fran- 
çaise en  Allemagne,  pour  lui  fixer  son  but  et  ses  moyens  ;  c'est 
Richelieu  au  contraire  qui  lui  a  demandé  son  avis  sur  un  sujet 
que  personne  ne  connaissait  mieux  que  lui.  Cela  ne  veut  pas  dire 
que  tout  soit  nouveau  dans  ce  document.  L'idée  de  rendre  les 
électeurs  indépendants  de  l'Empereur  et  de  les  unir  avec  la  France 
n'appartient  pas  en  propre  au  P.  Joseph ,  elle  n'appartient  même 
pas  à  Richelieu,  elle  faisait  partie  des  traditions  de  notre  poli- 
tique, elle  date  du  jour  où  la  France  est  entrée  en  lutte  avec  la 
maison  d'Autriche  et  où  elle  a  reconnu  dans  la  constitution  fédé- 
rative  et  les  divisions  religieuses  de  l'Allemagne  des  points  vul- 
nérables. 

En  même  temps  qu'il  voulait  amener  les  électeurs  des  deux 
religions  à  faire  passer  le  souci  de  leur  commune  indépendance 
avant  leurs  passions  religieuses  et  leurs  intérêts  particuliers,  le 
P.  Joseph  provoquait  l'Empereur  à  assurer  par  l'abandon  de 


i\    mis-iiin    i>i     p.    JOSEPH    I    RATISBONNE.  299 

l'Espagne  le  repos  de  la  chrétienté  et  les  progrès  de  la  réaction 
catholique.  Ferdinand  manifestait  souvent  pour  le  roi  des  senti- 
ments d'estime  et  de  sympathie  où  il  y  avait  une  grande  part  de 
sincérité.  Ce  n'était  pas  sans  scrupule  qu'il  faisait  la  guerre  au 
roi  très  chrétien,  au  triomphateur  de  l'hérésie,  au  vainqueur  de 
la  Rochelle,  et  cela  malgré  les  objurgations  du  pape  qui  le  conju- 
rait d'y  mettre  tin  pour  se  consacrer  entièrement  à  l'œuvre  de 
réparation  commencée  au  profit  du  catholicisme.  Le  P.  Lamor- 
maini  avait  fait  confidence  au  P.  Joseph  de  ces  angoisses  d'une 
âme  chrétienne  et,  partisan  décidé  de  la  paix  avec  la  France,  il 
les  entretenait  chez  son  pénitent.  On  imagine  facilement  le  parti 
que  notre  capucin  sut  en  tirer.  Quand  il  exhortait  son  pieux  inter- 
locuteur à  sacrifier  des  questions  d'amour-propre  et  une  solidarité 
compromettante  à  la  paix  de  la  chrétienté  et  à  l'intérêt  de  la  reli- 
gion, ses  exhortations  empruntaient  une  singulière  autorité  aux 
services  qu'il  avait  rendus  et  qu'il  rendait  tous  les  jours  à  l'Eglise, 
au  renom  d'austérité  et  de  zèle  qui,  en  dépit  de  l'activité  déployée 
par  lui  au  service  d'une  cause  dont  le  triomphe  ne  paraissait  pas 
devoir  profiter  à  l'orthodoxie,  en  dépit  de  la  défiance  inspirée  par 
son  double  caractère  politique  et  religieux,  s'attachait  à  sa  per- 
sonne. Il  dut  être  d'autant  plus  persuasif  qu'il  était  sincère,  que 
la  passion  avec  laquelle  il  travaillait  à  l'abaissement  de  la  maison 
d'Autriche  ne  l'empêchait  pas  de  rêver  l'union  de  cette  maison  et 
delà  France  dans  une  œuvre  commune  de  propagande  religieuse. 
Ce  rêve  était  aussi  celui  de  l'Empereur,  et  ses  représentants 
exprimaient  une  idée  qui  lui  était  chère,  quand  ils  parlaient  des 
services  que  son  union  avec  le  roi  rendrait  à  la  religion.  Ces 
sentiments  eurent  leur  part  dans  ses  résolutions,  mais  cette  pari 
ne  fut  que  secondaire.  Il  est  à  peine  besoin  de  dire  que  la  piété 
qui  était  commune  aux  deux  souverains,  la  sympathie  réciproque 
qu'elle  était  de  nature  à  leur  inspirer,  ne  pouvait  opérer  entre 
l'Empire  et  la  France,  contrairement  aux  intérêts  politiques,  un 
rapprochement  durable,  et  que  la  séparation  des  deux  branches 
de  la  maison  d'Autriche  ne  pouvait  être  que  passagère.  Le 
P.  Joseph  lui-même,  tout  en  attribuant  aux  sentiments  de  l'Em- 
pereur une  portée  et  des  conséquences  exagérées,  considérait 
comme  la  plus  sûre  garantie  de  son  attitude  pacifique  l'impossi- 
bilité où  il  était  d'en  avoir  une  autre. 

G.    FAGNIBZ. 

(Sera  continué.) 


MÉLANGES  ET  DOCUMENTS 


LE  BARON  DE  LISOLA 

SA   JEUNESSE   ET  SA   PREMIERE  AMBASSADE   EN    ANGLETERRE1 

(1613-1645). 

La  plupart  clos  adversaires  de  Louis  XIV  jouissent  d'une  grande 
renommée,  et  leur  nom  est  étroitement  lié,  dans  l'histoire,  à  celui 
du  grand  Roi.  Guillaume  d'Orange,  Heinsius,  Marlborough,  le  prince 
Eugène  ont  eu  des  biographes  attentifs,  complaisants,  qui  nous  ont 
raconté  leurs  exploits  et  même  dévoilé  leurs  desseins  les  plus  secrets. 
Parmi  les  hommes  qui  ont  à  cette  époque  combattu  la  politique 
française,  il  en  est  un  cependant  qui  n'a  pas  une  réputation  égale  à 
son  mérite,,  c'est  le  Baron  de  Lisola,  diplomate  au  service  de  la  cour 
impériale,  et  connu  seulement  comme  l'auteur  d'un  livre  qui  a  eu  un 
moment  de  célébrité  :  Le  bouclier  d 'estât  et  de  justice. 

Lisola  s'est  pourtant  trouvé  mêlé  aux  négociations  les  plus  impor- 
tantes de  cette  époque.  Il  a  surtout  combattu  la  politique  de  Louis  XIV 
pendant  les  premières  années  de  ce  grand  règne.  La  guerre  du  droit 
de  Dévolution  d'abord,  puis  la  guerre  de  Hollande  ont  été  pour  lui 
l'occasion  de  développer  une  incroyable  activité.  Mémoires,  dépèches, 
démarches  personnelles,  voyages  en  Espagne,  en  Angleterre,  en 
Hollande,  promesses  et  instances  poussées  jusqu'à  l'indiscrétion,  il 
ne  néglige  rien  pour  chercher  des  ennemis  à  Louis  XIV  et  unir  les 
nulles  princes  de  l'Europe  dans  une  puissante  coalition.  Habile  à 

1.  Cet  article  était  entre  les  mains  de  l'imprimeur,  lorsque  M.  Hermile  Rey- 
nald  a  été  enlevé  par  une  mort  subite  et  prématurée.  Il  n'eut  point  le  temps 
d'ajouter  à  son  travail  quelques  notes  et  l'indication  précise  de  ses  sources; 
ces  lacunes,  il  nous  a  été  impossible  d'y  suppléer,  à  notre  grand  regret.  Il  est 
bon  de  se  rappeler  d'ailleurs  que  la  plupart  des  dépêches  utilisées  par  M.  Rey- 
ii.ihl  daicnt  écrites  en  latin.  On  n'en  trouvera  donc  ici  qu'une  Iraduction  le 
|ilu>  souvent  abrégée.  {Note  de  la  Rédaction.) 


LE    BARON    DE    LISOLA.  301 

deviner  les  projets  du  grand  roi,  prompt  à  les  dénoncer  dans  des 
écrits  pleins  de  Logique  et  d'éloquence,  il  ne  lui  a  manqué  pour 
obtenir  dans  l'histoire  une  place  considérable  que  d'avoir  ele  au  ser- 
vice d'un  maître  moins  indécis  nu  d'avoir  vécu  plus  longtemps,  car 
il  est  mort  au  milieu  de  i.-i  guerre  de  Hollande,  et,  >"\\  n'a  pas  vu  la 
fortune  de  Louis  XIV  triompher  par  la  paii  de  Nimègue,  il  u'a  pis 
eu  la  consolation  de  pressentir  les  désastres  par  Lesquels  ce  souverain 
a  expié  ses  première-  prospérités. 

Mais  il  n'avait  pas  attendu  le  règne  de  Louis  XIV  pour  attaquer 
la  politique  française,  et  les  archives  de  Vienne  nous  le  montrent 
déjà  sous  Ferdinand  occupé  a  combattre  les  projets  de  Richelieu-, 
enfin  des  documents  trouves  dans  le-  archives  de  L'hôpital  île  Besan- 
çon nous  ont  fourni  sur  sa  famille  et  sur  sa  jeunesse  quelques 
détails  complètement  nouveaux.  Nous  avons  donc  pensé  qu'il  ne 
serait  pas  sans  intérêt,  de  remettre  eu  lumière  quelques  traits  d'une 
ligure  trop  effacée. 

Nous  allons  exposer  à  l'aide  de  documents  inédits  les  deux  périodes 
les  moins  connues  de  cette  vie  si  agitée,  la  jeunes-e  de  Lisola  et  sa 
première  ambassade  en  Angleterre  sous  le  règne  de  Charles  1"  ' . 


PREMIERES   AXNEES    DE    LISOLA  ;    SON   ItOLE   A    BESANÇON. 

François- Paul  de  Lisola  est  né  à  Salins  le  22  août  1643.  Comme  son 
nom  1  indique,  si  famille  était  probablement  d'origine  italienne  et 
appartenait  à  cette  colonie  de  banquiers  lombards  qui.  dans  le  coiir^ 
du  xviu  siècle,  se  transporta  de  Milan  a  Lyon.  C'est  en  effel  dans  cette 
dernière  ville  qu'était  né  son  père,  Jérôme  de  Lisola.  Mais  eu  1592 
celui-ci  quitta  Lyon  pour  venir  s'établir  à  Besançon,  où,  nous  dit 
un  extrait  d'une  délibération  municipale,  «  il  a  été  reçu  citoyen 
(23  juin  1592)  moyennant  le  serment  qu'il  a  preste  aux  saints  corpo- 
rellement  touchés,  accoustumé,  en  payant  les  douze  escuts  pour  ce 
dehuz  à  la  cite.  »  Il  avait  probablement  été  décide  a  chercher  une 
nouvelle  patrie  par  l'archevêque  de  Besançon,  car  des  l'année  suivante 

1.  Les  documents  qui  concernent  la  jeunesse  de  Lisola  nou>  uni  été  com- 
muniqués par  le  savant  bibliothécaire  de  Besançon,  M.  Castan.  Quant  a 
l'ambassade  en  Angleterre,  nous  avons  trouvé  les  détails  les  plus  précieux  dans 
les  archives  impériales  de  la  cour  de  Vienne,  que  AI.  d'Arneth  dirige  avec 
autant  de  bienveillance  que  d'habileté.  Nous  ne  saurions  trop  dire  combien 
nous  lui  sommes  redevable. 


302  MELANGES   ET    DOCUMENTS. 

nous  le  voyons  présenter  un  mandement  d'institution  «  de  Testât  de 
greffier  des  cours  de  justice  de  vicomte  et  mairie  de  la  cité,  obtenu 
de  l'archevêque,  jusqu'à  ce  que  autrement  soit  ordonné.  »  Il  fut  admis 
au  serment  le  9  avril  1593. 

Cette  situation  avait  son  importance.  Les  tribunaux  de  vicomte 
et  mairie  de  Besançon  «étaient  tenus  en  fief  de  l'archevêque  par 
la  maison  de  Chalon,  éteinte  dans  les  Nassau,  princes  d'Orange. 
Par  le  fait  de  la  confiscation  des  biens  de  Nassau,  dans  les  pays  rele- 
vant de  la  couronne  d'Espagne,  les  tribunaux  de  vicomte  et  mairie 
étaient  régis  par  le  suzerain,  c'est-à-dire  par  l'archevêque.  Ces  deux 
tribunaux  étaient  avec  la  régalie,  que  l'archevêque  administrait 
directement,  les  juridictions  ordinaires  de  la  ville  de  Besançon.  Au 
criminel,  ces  juridictions  étaient  alternatives.  La  commune  qui  avait 
le  droit  de  prévention  renvoyait  les  accusés  alternativement  devant 
chacune  de  ces  juridictions.  Le  corps  municipal  instruisait  le  procès 
et  formulait  la  sentence.  Celle-ci  était  prononcée  et  exécutée  par  le 
juge  de  la  juridiction  saisie.  En  matière  civile,  on  appelait  de  la 
mairie  à  la  vicomte  et  de  celle-ci  à  la  régalie  ;  mais  le  jugement 
appartenait  toujours  à  la  municipalité. 

Quelques  mois  après  (3  juin  1598),  Lisola  devenait  secrétaire  du 
suffragantde  l'archevêque  de  Besançon,  Jean  Doroz,  évèque  de  Nico- 
polis  in  partibus  infidelium.  Il  n'en  restait  pas  moins  attaché  à 
l'administration  de  la  justice,  car  neuf  ans  plus  tard  (8  janvier  -1607), 
nous  le  trouvons  procureur  d'office  en  la  cour  de  la  Régalie.  Cette 
carrière  ne  suffisait  pourtant  pas  à  son  ambition.  Marié  et  désireux 
d'augmenter  sa  fortune,  il  se  lança  bientôt  après  dans  une  entreprise 
financière  à  laquelle  s'intéressait  d'ailleurs  la  ville  même  de  Besan- 
çon. Une  délibération  municipale  du  26  avril  4614  nous  le  fait  voir 
agissant  comme  associé  des  sieurs  de  Lemuyd,  Maubouhan,  Duprel, 
Yarin  et  Estienne,  associés  en  l'amodiation  des  salines  de  Salins.  La 
ville  de  Besançon  place  elle-même  dans  cette  affaire  une  somme  de 
douze  mille  francs. 

Cette  entreprise  dut  prospérer,  car  à  sa  mort  Lisola  laissait  une 
certaine  fortune  ;  il  avait  en  outre  été  anobli. 

De  son  mariage,  Jérôme  Lisola  eut  deux  fils  auxquels  ne  man- 
qua pas  non  plus  la  protection  du  clergé.  L'ainé,  celui  dont  nous 
avons  à  nous  occuper,  fit  son  droit  à  Dole,  et  dès  -1633  jouissait 
dune  certaine  réputation,  car  à  cette  époque,  âgé  de  vingt  ans  à 
peine,  il  fut,  malgré  sa  jeunesse,  l'objet  d'une  distinction  impor- 
tante. L'infante  Isabelle  venait  de  mourir;  la  ville  de  Besançon 
décida  qu'on  lui  ferait  des  obsèques  solennelles  et  pour  prononcer 
smi  (liaison  funèbre  fit  choix  de  Messire  Francois-Paul  de  Lisola, 


LE    BARON    DÉ    LISOLA.  303 

doclour  ès  droits.  Celui-ci  s'acquitta  heureusement  de  sa  tâche. 
Quelques  jours  après  (7  janvier  4034),  MM.  Belin  el  Ghassignel 
furent  commis  par  le  conseil  municipal  pour  aller  trouver  «  messire 
Prançpis-Paul  de  Lisola,  docteur  ès  droits,  el  le  remercier  de  la  belle 
et docte  harangue  funèbre  qu'il  a\aii  faite  mercredi  dernier  en  l'église 
des  Gordeliers,  aux  obsèques  de  la  Sérénissime  Infante  »,  et  le  conseil 
décida  en  même  temps  que  «  présenl  lui  seroit  Fait  d'un  goubelet 
d'argent  en  valeur  de  dix  escus,  en  recognoissance  de  sa  peine.  » 

En  1034,  un  autre  fils  de  Jérôme  de  Lisola  est  déjà  chanoine  au 
chapitre  métropolitain  de  Besançon;  l'aîné  lui-même  est  pourvu 
d'un  bénéfice  ecclésiastique,  mais  qu'il  ne  garde  pas.  Nous  voyons 
en  effet  dans  les  archives  de  l'hôpital  Saint-Jacques  que,  le  27  mars 
\  638,  François-Paul  de  Lisola,  docteur  ès  droits,  citoyen  de  Besançon. 
résigna,  entre  les  mains  du  chapitre  métropolitain  de  Besançon,  un 
canonicat  et  prébende  de  ce  chapitre  à  lui  conféré  par  Sa  Sainteté 
Urbain  VIII.  Cette  résignation  avait  pour  cause  une  permutation 
de  bénéfices  conclue  par  Lisola  (1 6  octobre  \  (530)  et  en  vertu  de 
laquelle  Louis  Oudot,  dit  Chandiot,  fut  pourvu  du  canonicat  résigne. 
après  avoir  cédé  à  Lisola  le  patronage  d'une  chapelle  fondée  par  cet 
Oudot  en  l'église  de  Saint-Maurice  de  Besançon.  Ce  bénéfice  fut 
immédiatement  conféré  par  François-Paul  de  Lisola,  en  vertu  de  son 
droit  de  patron,  à  son  frère  le  chanoine  Jérôme  de  Lisola.  Une 
difficulté  survint  pour  ce  motif  que,  lors  de  la  provision  faite  du 
canonicat  à  François-Paul  de  Lisola,  celui-ci  n'était  pas  clerc.  Un 
recours  eut  lieu  sur  ce  chef  en  cour  de  Rome  et  Sa  Sainteté,  par  de 
nouvelles  bulles  confirmant  les  premières;  valida  l'acte  de  cession  du 
canonicat  au  chapitre. 

Ce  n'était  pas  en  effet  du  côté  de  l'Église  que  devait  se  tourner  le 
jeune  Lisola.  Actif,  ambitieux,  plein  d'ardeur  et  même  d'emporte- 
ment, il  se  sentait  né  pour  les  luttes  de  la  politique  et  s'y  jeta  de 
bonne  heure.  Ce  fut  à  Besançon  même,  et  pour  une  question  muni- 
cipale, qu'il  signala  d'abord  son  impétuosité. 

La  ville  était  menacée  par  les  forces  réunies  des  Suédois  et  des 
Français  qui  mettaient  à  feu  et  à  sang  la  Franche-Comté.  Un  conseil 
composé  des  gouverneurs,  des  anciens  gouverneurs,  des  vingt-huit 
et  autres  notables  avait  décrété  un  impôt  extraordinaire  pour 
réparer  les  défenses  de  la  ville,  en  vue  d'attaques  qui  n'étaient  que 
trop  à  craindre.  Cette  mesure  n'en  provoqua  pas  moins  un  grand 
tumulte  dans  les  journées  du  vendredi  21  et  du  samedi  22  mai  1638. 
Lisola  se  trouva  mêlé  à  ce  mouvement,  que  les  circonstances  ren- 
daient très  dangereux.  Le  duc  de  Lorraine  et  les  deux  agents  espa- 
gnols, D.  Diego  de  Saavedra  et  D.  Gabriel  de  Toledo,  furent  d'avis 


304  MÉLANGES    ET    DOCUMENTS. 

qu'il  fallait  prendre  garde  d'aigrir  le  mal  par  un  châtiment;  le 
peuple  irrité  est,  dirent-ils,  une  bêle  farouche  difficile  à  gouverner. 

On  se  contenta  donc  de  condamner  aux  arrêts  en  leur  logis,  sous 
peine  de  mille  écus,  les  sieurs  François-Paul  de  Lisola,  docteur 
es  lois,  et  Jean-Claude  Nardin,  reconnus  pour  chefs  et  instigateurs 
de  la  sédition.  Mais  ces  mesures  n'obtinrent  pas  le  succès  qu'on 
espérait.  Encouragé  par  la  modération  de  ses  adversaires,  Lisola, 
dès  les  premiers  jours  de  juin,  convoqua  chez  lui  des  assemblées 
nombreuses  et  en  profita  pour  fomenter  le  désordre. 

Le  24  juin,  une  procession  devait  se  faire  en  mémoire  du  refoule- 
ment des  Huguenots,  qui  avait  eu  lieu  en  4  575;  le  chanoine  Lisola 
avail  été  choisi  pour  faire  la  prédication  habituelle  en  l'église  Saint- 
Pierre.  Les  gouverneurs  déclarèrent  que,  si  Lisola  montait  en  chaire, 
ils  se  retireraient.  «  Connaissant  le  naturel  dudit  chanoine  estre  un 
peu  libertin  et  porté  à  contrarier  les  magistrats,  »  on  appréhendait 
qu'à  cause  des  émotions  passées  dans  lesquelles  son  frère  avait 
trempé,  il  ne  lui  échappât  quelques  paroles  désobligeantes. 

Le  chanoine  consentit  à  ne  pas  prêcher,  mais  les  désordres  se  pro- 
longèrent, par  la  faute  même  des  gouverneurs.  Le  24  juin  devaient 
avoir  lieu  les  nouvelles  élections  des  vingt-huit  notables.  Les  gou- 
verneurs ne  pouvaient  pas  les  supprimer;  mais,  avec  les  notables  en 
exercice,  ils  décidèrent  pour  le  bien  et  repos  de  la  cité  que  les  sieurs 
François-Paul  de  Lisola,  Jean-Claude  Nardin  et  Antoine  Despoutot, 
auteurs  des  émotions  passées,  seraient  inhabiles  à  être  élus  soit 
notables,  soit  gouverneurs. 

Une  mesure  aussi  arbitraire  ne  pouvait  qu'assurer  le  succès  de  ces 
candidats;  tous  trois  en  effet  furent  élus  dans  leurs  quartiers  ou 
bannières.  Les  gouverneurs,  sommés  de  justifier  l'interdiction  dont 
ils  les  avaient  frappés,  expliquèrent  que  «  le  peuple  s'est  assemblé 
à  main  armée  sous  la  conduite  de  ces  trois  hommes  le  22  mai, 
demandant  par  une  requête  artificieuse  la  surséance  de  l'impôt,  puis 
son  anéantissement,  et  que  les  gouverneurs  eux-mêmes  ont  été 
obligés  de  sortir  par  force  de  l'hôtel  de  ville.  »  Mais  leur  conduite  ne 
fut  pas  généralement  approuvée.  Dans  la  séance  du  26  juin,  l'assem- 
blée des  vingt-huit  se  divisa  ;  neuf  d'entre  eux  se  retirèrent,  les 
autres  validèrent  les  trois  exclus.  Lisola  fut  même  élu  président 
annuel  des  vingt-huit. 

Le  lendemain,  les  vingt-huit  notables  élurent  les  quatorze  gouver- 
neurs-, mais  Lisola  ne  voulait  pas  d'une  demi-victoire  ni  d'un  succès 
contesté.  Il  refusa  de  faire  ouvrir  le  coffre  et  de  dépouiller  le  scrutin, 
tant  que  les  neuf  notables  dissidents  n'auraient  pas  reconnu  la  légiti- 
mité de  son  élection.  Pour  assurer  son  triomphe, il  ne  craignit  pas  d'en 


il     BARON    DE    LISOLA.  30  i 

appeler  au  peuple  el  de  provoquer  de  nouveaux  désordres.  Il  con- 
voqua en  effet  le  peuple  pour  Le  ï  juillet.  Ce  jour-là  toute  une  multi- 
tude armée  d'épées  el  de  pistolets  vinl  mettre  le  siège  devanl  l'hôtel 
de  ville.  Les  gouverneurs  de  l'année  précédente  trouvèrenl  pourtant 
le  moyen  d'j  rentrer  et  en  Brenl  fer r  les  portes.  Enfin  l'arche- 
vêque proposa  sa  médiation  qui  fut  acceptée;  les  dissidents  durent 
3e  pendre  el  le  colTre  fui  ouvert. 

Les  nouveaux  gouverneurs  n'étaienl  pas  favorables  à  Lisolael  à 
ses  amis  ;  à  peine  installés,  ils  décidèrenl  que,  quand  on  convoque- 
rail  Les  vingt-huit,  Lisola,  Xanlin  et  Despoutol  ne  seraient  point 
appelés.  La  querelle  se  prolongea  pendant  tout  le  mois  de  juillet,  les 

gouverneurs  persislant  a  ne  pas  < loi r  audience  aux    vingt-huit, 

tant  que  les  (rois  exclus  resteraient  parmi  eux.  La  situation  de  la 
ville  devenait  tous  les  jours  plus  fâcheuse  :  elle  était  .;i  la  fois  menacée 
par  l'ennemi  et  décimée  par  la  peste. 

Au  mois  d'août  a  lieu  une  nouvelle  scène  de  violence.  Le  49  les 
trois  exclus  forcent  la  porte  du  conseil  :  Lisola  dépose  sur  le  bureau 
une  protestation  des  plus  véhémentes,  et  les  vingt-huit  se  retirent. 
La  protestation  dit  en  substance  que  la  volonté  du  peuple  esl 
méconnue  el  que  le  peuple  en  appelle  a  la  justice  de  L'Empereur. 
Besançon  en  effet,  quoique  reconnaissant  pour  gardien  le  roi  d'Es- 
pagne, n'appartenait  pas  au  cercle  de  Bourgogne  el  relevait  de 
l'Empire. 

Un  des  gouverneurs,  François  d'Orival,  fut  aussitôt  envoyé  à 
Vienne  pour  répondre  aux  accusations  de  Lisola.  Mais  celui-ci  n'était 
pas  homme  a  se  laisser  juger  sans  se  défendre.  François  d'Orival 
quitta  Besançon  le  \6  septembre;  le  2  octobre  Lisola  partait  lui- 
même  pour  Vienne. 

Ce  voyage  ne  termina  pas  la  lutte.  Au  mois  de  novembre,  il  fut 
décidé  que  la  contribution  serait  maintenue;  elle  devait  seulement 
être  réduite  de  moitié,  avec  de  grandes  facilités  pour  le  paiement. 
Mais  la  majorité  des  notables  refusa  de  venir  délibérer,  et  l'année 
finit  sans  que  rien  fût  décidé. 

Nous  voyons  en  eflfet  que,  dans  une  séance  du  l!>  janvier.  Des- 
poutol  annonça  aux  gouverneurs  une  lettre  écrite  de  Vienne  par 
Lisola.  Il  leur  écrit  que  d'Orival,  dans  un  mémoire  présenté  à  L'Em- 
pereur, accuse  les  vingt-huit  et  tous  les  citoyens  d'avoir  de  L'inclina- 
tion pour  le  parti  français.  Despoutol  demande  réparation  de  cette 
calomnie. 

Malheureusement  les  circonstances  semblaient  justifier  les  accu- 
sations de  d'Orival.  La  situation  était  en  ellM  des  plus  critiques. 
Weimar  s'était  emparé  des  montagnes  comtoise-  pour  y  faire  ses 
Rev.  Bistor.   \\\  II.  -^  FASC.  20 


:]0(i  MELANGES    ET    DOCUMENTS. 

quartiers  d'hiver.  Quelques  jours  après  (28  janvier),  il  entrait  dans 
Pontarlier.  Besançon  était  sérieusement  menacée.  L'Empereur  se 
plaignait  avec  raison  qu'en  de  pareils  moments  la  ville  fût  troublée 
par  des  désordres  intérieurs ,  mais  sa  voix  n'était  pas  écoutée.  Un 
secours  de  douze  cents  hommes' envoyé  à  Besançon  fournit  un  pré- 
texte à  de  nouvelles  résistances.  La  mère  de  Paul  de  Lisola,  Suzanne 
Recy,  refuse  de  loger  un  soldat,  en  déclarant  qu'elle  ne  reconnaît 
pas  la  légitimité  des  gouverneurs.  Elle  est  condamnée  à  en  loger 
deux  outre  celui  qu'elle  a  refusé.  Le  frère  de  Lisola,  le  chanoine, 
déclare  également  qu'il  ne  reconnaît  que  les  vingt-huit,  mais  non 
les  gouverneurs. 

La  lutte  continua  encore  quelque  temps  et  ne  se  termina  qu'en 
1 1; 40.  Gomme  toujours,  c'est  la  ville  qui  en  paya  tous  les  frais.  Dans 
une  grande  assemblée  plénière  tenue  le  Vô  février,  on  vota  un  impôt 
de  25  à  30,000  francs,  plus  un  impôt  de  4  blancs  par  chaque  mesure 
de  grain  qui  se  moudra.  Yoilà  à  quelles  conditions  le  calme  fut 
rétabli.  Mais  Lisola  ne  prit  aucune  part  à  ces  derniers  événements  ; 
son  voyage  à  Vienne  avait  eu  pour  lui  un  résultat  plus  important. 
Il  lui  avait  fourni  l'occasion  de  voir  le  ministre  de  l'Empereur  et 
l'Empereur  lui-même,  qui  furent  frappés  de  ses  brillantes  qualités. 
Ferdinand  lui  offrit  d'entrer  à  son  service.  Lisola  ne  pouvait  guère 
hésiter.  Détachée  de  l'Espagne,  à  qui  elle  était  pourtant  soumise  de 
fait,  la  Franche- Comté  était  alors  menacée  par  les  armes  de  la 
France.  On  pouvait  prévoir  le  moment  où  elle  serait  conquise  par 
son  redoutable  voisin  ;  en  tout  cas  Besançon  ne  suffisait  pas  à  l'acti- 
vité ardente  de  Lisola.  L'Espagne,  dont  il  était  si  éloigné,  ne  l'attira 
pas  davantage  ;  il  accepta  les  offres  de  l'Empereur,  qui  le  plaça  aus- 
sitôt dans  la  diplomatie  et  l'envoya  en  Angleterre. 

Lisola  était  encore  fort  jeune,  mais  il  avait  déjà  donné  la  mesure 
de  ce  qu'il  serait  un  jour.  Dévoué  à  l'Empire,  du  moment  qu'il  se 
met  à  son  service,  ennemi  implacable  de  la  France,  il  poursuivra 
pendant  toute  sa  vie  ce  double  but  :  défendre  la  maison  d'Autriche, 
provoquer  contre  les  Français  la  coalition  de  toutes  les  puissances. 
Intelligent,  hardi,  exempt  de  scrupules,  il  déploiera  dans  l'accom- 
plissement de  cette  tâche  toutes  les  qualités  d'un  esprit  rare  et  d'un 
caractère  inflexible.  Il  y  portera  aussi  ses  défauts,  c'est-à-dire  une 
ardeur  et  une  passion  qui  fermeront  quelquefois  ses  yeux  aux  vérités 
les  plus  claires,  et  donneront  des  apparences  solides  aux  visions  les 
plus  chimériques.  C'est  un  des  diplomates  les  plus  habiles  de  cette 
époque,  et  cependant  c'est  un  de  ceux  qui  ont  le  moins  réussi. 


I.E    BABOfl    DE    L1SOLA.  'W~ 

UIBASSADl     BH    Wi.l.u  i  llKK. 

I.  —  4640. 

La  mission  conûéeà  Lisola  était  des  plus  importantes.  Ferdinand  III. 
qui  venait  de  succéder  ;i  son  père,  désirai I  vivement  la  paix.  Pour 
l'obtenir  il  voulut  avoir  l'appui  de  l'Angleterre,  et  celte  tentative 
avait  quelques  chances  de  succès.  La  différence  de  religion  qui  sépa- 
rait autrefois  les  deux  couronnes  n'élevail  plus  entre  «'Iles  une 
barrière  insurmontable.  La  guerre  allumée  en  -ici. s  entre  catho- 
liques et  protestants  avait  peu  à  peu  perdu  son  caractère  religieux 
pour  devenir  exclusivement  politique  -,  c'était  un  cardinal  français, 
Richelieu,  qui  ralliait  autour  de  lui  les  adversaires  de  la  maison 
d'Autriche.  Les  Stuarts  avaient  plusieurs  fois  essayé  de  se  rapprocher 
de  l'Espagne  et  les  intérêts  commerciaux  des  Anglais  étaienl  d'accord 
avec  les  inclinations  secrètes  de  leur  souverain.  Enûn  Charles  Ier 
désirait  par-dessus  tout  le  rétablissement  du  Palatinat  avec  la  dignité 
électorale,  pour  son  neveu  Charles-Louis,  le  fils  de  Frédéric  V, 
vaincu  à  la  Montagne-Blanche  et  mis  au  ban  de  l'Empire.  \i  les 
Suédois,  ni  Richelieu,  malgré  leurs  promesses,  ne  se  hâtaient  de  lui 
accorder  celle  satisfaction.  Il  se  tournerait  facilement  vers  l'Empe- 
reur si  celui-ci  voulait  servir  la  cause  de  Charles-Louis. 

Négocier  entre  Ferdinand  III  et  Charles  Ier  le  rétablissement  du 
Palatin,  avec  l'intervention  de  l'Espagne,  tel  était  le  premier  bu!  que 
Lisola  devait  poursuivre.  Quant  à  la  France,  il  allait  essayer  de 
diriger  contre  elle  une  double  attaque  :  exploiter  l'hésitation  de 
Charles  Ier  et  seconder  dans  leurs  efforts  contre  le  cardinal  les  exilés 
qui  préparaient  à  Londres  une  guerre  civile  avec  la  complicité  de 
l'étranger. 

Malheureusement  pour  Lisola.  il  allait  se  trouver  en  présence  de 
difficultés  qu'il  n'avait  pas  prévues.  Il  arrivait  en  Angleterre  au 
moment  même  où  le  roi,  forcé  de  convoquer  un  parlement,  allait 
commencer  contre  ses  sujets  une  lutte  où  il  devait  perdre  la  couronne 
et  la  vie.  Ces  circonstances  ne  permettaient  pas  à  Charles  Ier  de 
s'engager  avec  un  peu  de  hardiesse  dans  la  politique  extérieure. 
Elles  allaient  paralyser  tous  les  efforts  de  Lisola.  mais  elles  donnent 
un  double  intérêt  à  ses  dépêches,  qui  nous  font  étudier  en  même 
temps  la  politique  de  l'Europe  et  les  affaires  intérieures  de  l'An- 
gleterre. 

Voici  comment  il  dépeint  la  situation  dans  deux  mémoires 
adressés,  dès  les  premiers  jours  de  janvier  -lOïO,  au  ministre,  lecomlc 
de  Trautmansdurf,  et  à  l'Empereur  lui-même. 


30S  MELANGES    ET    DOCUMENTS. 

Il  signale  au  ministre  le  mécontentement  provoqué  en  France  par 
l'accroissement  des  impôts  et  lui  indique  comment  il  serait  facile 
d'entretenir  les  révoltes  encore  mal  étouffées  ou  même  d'en  provo- 
quer de  nouvelles. 

Gassion  vient  d'être  envoyé  en  Normandie  avec  quelques  régiments 
pour  apaiser  une  sédition;  mais  le  chef  des  rebelles,  Nu-Pied,  se 
défend  avec  énergie.  Il  a  tué  six  cents  hommes  à  Gassion.  Richelieu 
a  envoyé  à  Rouen  le  chancelier,  avec  des  maîtres  des  requêtes  pour 
supprimer  le  Parlement.  Celui-ci  veut  bien  ouvrir  les  portes  de  la 
ville  au  chancelier,  mais  sans  les  soldats  de  Gassion. 

Lisola  voudrait  protiter  de  cette  occasion  ;  il  a  précisément  sous  la 
main,  en  Angleterre,  deux  ennemis  acharnés  du  cardinal  de  Richelieu, 
le  comte  de  Soubise  et  le  duc  de  La  Valette  qui  n'ont  plus  d'espoir 
que  dans  la  guerre  civile  et  brûlent  de  s'y  précipiter.  Or  Nu-Pied 
a  écrit  pour  s'entendre  avec  le  duc  de  La  Valette  qui  lui  a  envoyé 
un  de  ses  agents,  Monsigot.  Quant  à  Soubise,  un  de  ses  amis 
est  allé  trouver  de  sa  part  le  chef  de  l'insurrection  des  Croquants 
pour  l'exciter  à  réveiller  la  révolte  endormie.  Lisola  est  tout  dis- 
posé à  se  rendre  lui-même  en  France,  pour  favoriser  le  dévelop- 
pement de  ces  désordres,  s'il  en  obtient  la  permission  du  comte  de 
Trautmansdorf  et  de  l'Empereur;  en  attendant,  il  ne  peut  que  voir 
les  mécontents,  les  exciter  et  leur  promettre  l'appui  de  son  maître. 

Les  dernières  nouvelles  sont  moins  bonnes.  Un  gentilhomme  qui 
a  traversé  Rouen  vient  d'arriver  en  Angleterre.  Il  lui  a  appris  que 
cette  ville  avait  été  obligée  (2  janvier)  d'admettre  Gassion,  qui  s'aban- 
donne aux  plus  grandes  insolences  ;  le  Parlement  a  été  supprimé  par 
le  cardinal  Richelieu.  Il  reste  pourtant  encore  quelque  espoir  : 
Avranches  s'est  révoltée  et  a  massacré  la  garnison  ;  Gassion  a  été 
obligé  de  s'y  transporter.  Nu-Pied  s'est  dirigé  du  côté  du  Mont-Saint- 
Michel  ;  la  guerre  n'est  donc  pas  finie. 

Le  même  gentilhomme  lui  a  dit  qu'en  France  on  était  peu  affec- 
tionné au  gouvernement  et  prêt  à  se  révolter,  seulement  chacun 
attend  que  l'autre  commence  ;  il  faut  donc  se  hâter  d'agir, 

Cette  dépêche  est  intéressante  ;  elle  nous  montre  Lisola  prêt  à  se 
jeter  dans  toutes  les  intrigues,  habile  à  manier  les  hommes  et  à  pro- 
liter  des  événements,  mais  trop  porté  à  s'exagérer  les  faits  ou  les 
indices  qui  lui  paraissent  favorables.  Il  en  sera  toujours  ainsi  par 
exemple,  même  sous  Louis  XIV,  en  ce  qui  concerne  la  France,  qu'il 
verra  toujours  prête  à  se  révolter.  Mais  c'est  justement  ce  mélange 
d'informations  exactes,  de  conjectures  ingénieuses  et  d'entraînements 
passionnés  qui  donnent  à  cet  homme  d'État  une  physionomie  si 
curieuse  et  si  originale. 


I.l'    \\\\\a\    DE   LISOLA,  300 

Le  Mémoire  adressé  à  l'Empereur  esi  bien  plus  important.  C'est 
un  exposé  très  détaillé  et  très  complet  non  seulement  delà  situation, 
mais  des  combinaisons  qui  peuvenl  être  tentées  en  loul  sens  pour 
créer  à  la  France  de  nouvelles  difficultés. 

Il  n'y  a  point  de  paix  à  espérer  tant  que  le  cardinal  Richelieu  pourra 
continuer  la  lutte:  et  le  meilleur  moyen  de  combattre  ce  ministre,  c'est 
d'exciter  la  guerre  civile,  en  France  même  ;  la  victoire  des  Impériaux 
à  Thionville  (7  juin  1639)  n'a  pas  empêché  les  Français  de  prendre 
Besdin  (29  juin);  c'est  chez  eux  qu'il  faut  les  attaquer. 

Le  roi  est  tenu  en  captivité  par  le  cardinal  de  Richelieu,  mais  le 
déteste  ;  il  l'accuse  d'avoir  entretenu  dans  son  intérêt  une  guerre  qu'il 
esl  seul  capable  de  soutenir.  Mais  le  roi  craint  de  trouver  en  lui,  s'il  le 
renversait,  un  ennemi  dangereux  ;  en  attendant,  Richelieu  l'empêche 
de  s'occuper  des  affaires  ;  il  recourt  même,  pour  lui  interdire  tout 
travail,  à  la  complicité  des  médecins,  c'est  ce  qu'il  a  l'ait,  par  exemple, 
après  la  bataille  de  Thionville. 

Le  cardinal  est  également  détesté  de  la  Cour  et  du  peuple,  mais  tout 
tremble  sous  son  autorité.  Le  comte  de  Soissons  est  relégué  à  Sedan 
et  réduit  à  l'impuissance.  Le  cardinal  le  berce  de  l'espoir  de  le  marier 
avec  sa  nièce,  Mme  de  Combalet.  La  mère  du  comte  de  Soissons  désire 
cette  alliance  ;  mais  le  cardinal  n'y  consentira  pas  ;  c'est  un  appât  qu'il 
garde  pour  s'en  servir  dans  toutes  les  occasions. 

La  retraite  du  comte  de  Soissons  à  Sedan  l'a  fait  accuser  de  s'en- 
tendre contre  le  cardinal  avec  le  duc  d'Orléans,  mais  celui-ci  est  à  Rlois, 
sans  rien  faire,  ses  principaux  officiers  sont  aux  gages  du  cardinal.  Il  a 
promis  que,  s'il  arrivait  quelque  chose,  il  s'y  associerait  volontiers, 
mais  on  ne  peut  pas  avoir  en  lui  une  grande  confiance.  11  est  adonné  aux 
plaisirs  et  méprisé.  On  pourrait  pourtant  le  décider  sans  trop  de  peine 
à  sortir  de  France,  surtout  si  le  roi  d'Angleterre  voulait  lui  offrir  un 
asile,  mais  ce  n'est  pas  nécessaire,  au  moins  pour  le  moment. 

Le  prince  de  Gondé  a  été  représenté  au  roi  par  le  cardinal  comme 
dangereux.  Il  est  surtout  timide,  quoique  ambitieux.  Lisola  l'a  fait 
sonder  par  un  ami,  qui  n'a  pas  encore  reçu  de  réponse.  Seulement  ce 
prince  a  dit,  il  y  a  peu  de  temps ,  qu'il  voyait  le  danger  et  ne  voulait 
pas  se  fermer  la  porte  de  l'Espagne.  Pour  le  moment,  le  cardinal  Riche- 
lieu vient  de  le  mander  à  la  Cour;  et,  s'il  y  va,  ce  sera  au  péril  de  sa 
vie  ou  de  sa  liberté. 

La  Reine  est  dans  les  mains  du  cardinal,  qui  lui  a  promis  le  gouver- 
nement pendant  la  minorité  de  son  fils.  Il  la  trompe  aussi,  comme  il 
trompe  les  Espagnols,  par  l'intermédiaire  de  la  duchesse  de  Chevreuse. 
Celle-ci,  qui  vient  de  passer  quelque  temps  à  Londres,  feint  d'être 
dévouée  aux  Espagnols,  mais  des  hommes  pénétrants  la  soupçonnent 
d'avoir  des  intelligences  secrètes  avec  le  cardinal  pour  obtenir  i 
grâce. 

Dans  le  pays,  la  haine  contre  le  Richelieu  est  universelle  :  particu- 


310  MÉLANGES    ET    DOCUMENTS. 

liers,  communautés,  parlements,  corps  constitués,  tous  le  détestent.  Il 
.1  naguère  dépose,  vingt  membres  du  Parlement  de  Paris;  le  peuple 
est  desespéré  par  l'accroissement  continuel  des  charges  publiques.  Aux 
contributions  déjà  établies  depuis  les  guerres  civiles,  il  en  a  ajouté 
encore  de  plus  pesantes  :  la  nouvelle  taille  du  sel,  le  taillon,  l'emprunt, 
la  subsistance,  la  levée,  le  nouvel  emprunt,  la  taxe  des  aisés,  la  taxe 
îles  étrangers,  la  taxe  sur  le  traitement  des  fonctionnaires,  sans  excep- 
ter les  charges  achetées,  la  taxe  sur  les  chefs  de  famille.  On  s'attend 
encore  à  d'autres  impôts  dont  deux  pour  lesquels  des  fermiers  ont 
déjà  offert  l'un  "24,  l'autre  18  millions. 

Ces  impôts  sont  exigés  avec  la  dernière  rigueur.  Un  négociant  ayant 
refusé  de  payer  60,000  francs  pour  la  taxe  des  aisés,  a  dû  en  payer  dix 
mille  de  plus;  il  est  mort  de  chagrin.  Les  collecteurs  sont  des  hommes 
mal  famés,  impitoyables,  qui  exigent  le  double  de  l'argent  demandé  par 
le  cardinal. 

Le  peuple  a  surtout  été  exaspéré  par  une  mesure  prise  contre  les 
pièces  de  monnaie  un  peu  légères.  De  là,  plusieurs  révoltes  qu'on  n'a 
pu  réduire  que  par  les  plus  cruels  supplices. 

En  Normandie ,  toute  la  noblesse  est  irritée  ;  un  chef ,  nommé  Nu- 
Pied,  s'est  soulevé;  il  occupe  le  pays  avec  plus  de  sept  mille  hommes. 
Les  Poitevins  sont  tellement  disposés  à  se  révolter  qu'ils  ont  envoyé  un 
émissaire  à  Soubise ,  pour  le  prier  de  se  mettre  à  leur  tète.  Les  pro- 
vinces les  plus  portées  à  la  sédition  sont  la  Normandie,  le  Poitou,  la 
Bretagne  et  la  Saintonge.  Il  suffirait  pour  les  entraîner  d'un  chef  ayant 
avec  lui  quelques  troupes. 

Il  faut  donc  que  l'Empereur  intervienne.  Il  serait  très  utile  de  favo- 
riser, d'encourager  et.  de  soutenir  ceux  qui  sauveraient  ainsi  la  chré- 
tienté tout  entière  d'une  ruine  imminente  et  lui  rendraient  son  repos. 
Enlever  le  pouvoir  au  cardinal,  secourir  les  opprimés  et  leur  fournir  le 
moyen  de  secouer  la  cruelle  tyrannie  sous  laquelle  ils  sont  près  de 
succomber,  ce  serait  accomplir  une  œuvre  très  charitable.  Si  l'on  ne 
s'y  décide  pas  promptement,  le  cardinal  triomphera  de  tous  ses  ennemis. 

Après  avoir  ainsi  marqué  le  but  à  poursuivre,  Lisola  indique  les 
moyens  qu'il  faudrait  employer. 

D'abord  engager  des  généraux  français  avec  des  soldats  de  leur 
propre  pays  ;  car  des  étrangers  seraient  suspects ,  et  leur  présence 
réconcilierait  les  deux  partis,  comme  les  enfants  d'une  même  mère  qui 
se  battent  dans  ses  bras,  mais  se  réunissent  pour  repousser  ceux  qui 
veulent  l'attaquer. 

Ces  chefs  et  ces  soldats  devraient 'être  soutenus  par  une  puissance 
étrangère  capable  de  les  entretenir  et  les  faire  vivre;  il  faudrait  réunir 
dans  ce  but  une  armée  au  moins  de  dix  mille  hommes. 

Il  faudrait  en  outre  avoir  une  honn°  somme  d'argent,  pour  attirer  à 
nous  les  soldats  au  service  du  roi  de  France,  et  corrompre  les  officiers 
ijui  ont  sur  eux  une  grande  autorité. 


LE    BARON     l>K    1.ISOI.A.  .'{|  I 

En  ce nient  même,  il  j  a  en  Angleterre,  à  Londres,  deux  chefs 

qui  se  proposent  et  qui  paraissent  envoyés  par  le  ciel  môme  pour  rendre 
les  services  les  plus  utiles.  Le  premier  est  le  comte  de  Boubise,  Frère 
du  due  de  Rohan,  que  les  nobles  du  Poitou  onl  naguère  prié  di 
mettre  à  leur  tôt».  11  est  très  irrité  contre  le  cardinal  à  qui  il  attribue 
la  mort  de  son  frère;  il  l'accuse  del'avoir  empoisonné;  le  second  >  ■ 
duc  de  La  Valette,  qui,  lui  aussi,  s'esl  réfugié  en  Angleterre,  il  a  vu 
ses  biens  confisqués  et  a  été  lui-même  pendu  en  effigie;  son  père,  le 
duc  d'Épernon,  a  été  destitué  de  tous  se?  emplois,  mais  il  a  encore  un 
grand  crédit. 

Nous  nous  sommes,  ajoute  Lisola,  entretenu  longtemps  avec  eux  et 
de  divers  sujets.  Ils  sont  tous  deux  prêts  à  sacrifier  leur  vie,  mais  ils 
veulent  avoir  des  garanties  de  la  cour  de  Vienne.  Voici  les  mesures 
qu'ils  proposent  :  Former  en  Angleterre  une  armée  de  dix  mille 
hommes,  et  préparer  des  navires  qui  la  transporteraient  dans  l'île 
de  Ré,  où  l'on  s'emparerait  de  Saint-Martin  ;  de  là  se  diriger  sur  la 
Rochelle,  où  ils  entretiennent  depuis  longtemps  une  correspondance 
très  active  ;  la  ville  est  sans  garnison  et  sans  munitions  ;  il  faudrait 
aussi  s'emparer  du  Bec-d'Ambès,  dont  le  château  a  été  démoli  par 
Richelieu,  et  qui  commande  la  Guyenne  et  l'embouchure  de  la  Garonne. 
Aucune  résistance  ne  serait  plus  possible  jusqu'à  Toulouse.  Boubise  et 
d'Épernon,  qui  connaissent  le  pays,  y  feront  la  guerre  avec  succès.  Dix 
mille  fantassins  et  mille  chevaux  seraient  nécessaires,  mais  ce  chiffre 
suffirait.  Ce  serait  le  noyau  d'une  armée  où  viendraient  s'engager  les 
proscrits,  les  affligés  et  les  désespérés.  En  même  temps  les  Nu-Pieds 
reprendraient  les  armes  et  d'Epernon  livrerait  Marsal.  D'un  autre  côté, 
l'armée  impériale  ferait  son  entrée  en  Bourgogne,  et  le  roi  catholique 
en  ferait  autant  du  coté  de  l'Artois;  on  assurerait  le  succès  de  cette 
entreprise,  si  l'on  pouvait  conclure  aussi  un  traité  avec  les  Hollandais. 

Si  l'on  adopte  ces  mesures  énergiques,  le  peuple  français  sera  exas- 
péré et  le  cardinal  abandonnera  la  position  qu'il  occupe  ou  perdra 
beaucoup  de  son  autorité.  L'armée  impériale  entrera  en  France,  y 
exercera  beaucoup  de  ravages  et  s'y  nourrira;  et  dans  le  cas  même 
elle  ne  remporterait  fias  de  victoire  décisive,  les  Français,  épuisés  par 
une  triple  défense,  ne  pourront  plus  secourir  ni  les  Weimariens  ni  les 
Suédois.  En  tout  cas,  l'Autriche  n'aurait  plus  d'invasion  à  redouter, 
car  le  but  que  se  proposent  les  chefs  et  leurs  complices  serait  d'organi- 
ser les  cinq  provinces  désignées  plus  haut,  en  former  une  république 
permanente,  à  l'exemple  des  Hollandais;  ce  qui  aftaibiirail  les  forces 
de  la  France  et  l'empêcherait  de  rien  tenter  désormais  en  dehors  de 
propres  limites.  Le  cardinal  aurait  là  de  la  besogne  pour  le  reste  de 
sa  vie. 

Pour  atteindre  heureusement  notre  but,  aucun  pays  ne  nous  convient 
mieux  que  l'Angleterre,  nul  ne  peut  être  moins  suspect,  nous  avons 
d'ailleurs,  avant  de  rien  proposer  à  V.  S.  M.  Impériale,  eu  recours  à 
toutes  les  précautions:  ainsi,  le  comte  de  Boubise  et  le  duc  île  La  Valette 


:;|-_!  MELANGES   ET  DOCUMENTS. 

oui  l'ait  part  de  leurs  projets  au  roi  d'Angleterre,  comme  ne  parlant 
qu'en  leur  propre  nom.  Celui-ci  a  donné  sa  parole  que  non  seulement 
il  n'y  ferait  pas  opposition,  mais  qu'il  permettrait  secrètement  de  faire 
(mis  les  préparatifs  dans  l'intérieur  de  son  royaume;  il  donnera  même 
son  appui,  sans  se  déclarer  publiquement.  Il  s'y  est  engagé  sur  sa 
parole  royale  sacrée.  Le  roi  et  la  reine,  pour  des  raisons  différentes,  ne 
désirenl  rien  tant  que  la  chute  du  cardinal.  On  pourrait  s'entendre  avec 
les  princes  du  Nord  do  l'Allemagne  pour  faire  attaquer  les  Suédois  dans 
la  Baltique.  Un  envoyé  des  Hollandais  vient  d'arriver  en  Angleterre, 
chargé  d'une  mission  importante.  Les  Provinces-Unies  s'excusent 
d'avoir  attaqué  la  flotte  espagnole  dans  les  eaux  anglaises.  Elles  pro- 
mettent en  même  temps  d'obtenir  la  délivrance  du  comte  palatin,  et 
ces  utiles  ont  été  écoutées  par  le  roi  d'Angleterre  d'une  oreille  bien 
complaisante.  Il  faudrait  empêcher  cette  négociation  d'aboutir.  Dans  ce 
1ml,  l'empereur  pourrait  envoyer  à  Londres  un  agent  spécial,  ou  bien 
eu  designer  un  à  Londres  même. 

Pour  les  dix  mille  hommes  qui  sont  nécessaires,  le  roi  d'Angleterre 
les  laisserait  lever  chez  lui  ou  emprunter  à  l'Ecosse;  il  se  débarrasserait 
ainsi  d'hommes  turbulents  qui  sont  pour  lui  un  danger.  Dans  le  corps 
d'armée,  il  serait  très  avantageux  d'avoir  deux  ou  trois  régiments  de 
vieilles  troupes  bien  éprouvées  qu'on  pourrait  tirer  de  Belgique.  Quant 
aux  navires,  Soubise  et  La  Valette  y  ont  pourvu  ;  les  Hollandais  les 
fourniront. 

La  question  d'argent,  qui  est  la  plus  difficile,  regarde  l'empereur; 
sans  argent  tout  serait  inutile.  Si  l'empereur  n'en  a  pas,  il  pourrait  en 
demander  à  S.  M.  catholique,  et  lui  représenter  la  nécessité  absolue  de 
cette  dépense,  qui  montera  environ  de  six  à  sept  cent  mille  florins  ainsi 
décomposés  :  pour  les  navires  loués  aux  Hollandais,  200,000  florins; 
pour  les  hommes  levés  en  Ecosse,  140,000  ;  pour  mille  chevaux,  180,000  ; 
pour  les  soldats  levés  en  France,  60,000  ;  pour  frais  divers,  40,000.  Si 
le  roi  d'Espagne  voulait  fournir  quatre  régiments,  il  réduirait  de  beau- 
coup la  dépense  qui  serait,  dans  tous  les  cas,  soumise  au  contrôle  de 
commissaires  espagnols. 

S.  M.  G.  n'aura  pas  de  peine  à  donner  cet  argent.  Son  ambassadeur 
à  Londres,  Cardenas,  nous  a  dit  que  les  consuls  espagnols  avaient  ici  en 
lettres  de  change  des  sommes  considérables  réservées  pour  les  grandes 
occasions. 

Dans  le  cas  où  le  roi  d'Espagne  ne  voudrait  pas  contribuer  lui-même 
de  son  propre  argent,  l'empereur  devrait  le  lui  emprunter;  il  aurait 
ainsi  toute  la  gloire  de  l'expédition. 

Le  succès  lui  paraît  assuré  ;  les  exilés  français  ne  demandent  rien 
que  la  mort  du  cardinal  ;  ils  en  attendent  la  fin  de  leur  exil  et  de  tous 
leurs  maux;  ils  désirent  seulement  qu'une  retraite  leur  soit  assurée  en 
cas  d'insuccès. 

!.'•  seul  obstacle  sérieux  pourrait  venir  des  Hollandais  qui  sont  maîtres 
de  la  mer;  il  leur  serait  facile  d'arrêter  l'expédition.  Pour  éviter  ces 


LE    BARON    DE   LISOLA.  343 

inconvénients,  il  se  présente  plusieurs  moyens:  1°  agir  en  secret; 
2°  traiter  avec  le  prince  d'Orange  à  l'insu  des  provinces  el  des  villes. 
Ce  prince  ue  déteste  rien  tanl  que  le  cardinal  de  Richelieu,  depuis  la 
mission  du  président  Coigneus  :  3°  obtenir  un  accord  secret  entre  le 
prince  d'Orange  et  le  cardinal  infant  qui  commande  en  Belgique. 

L'expédition  une  fois  commencée,  il  faudra  fortifier  les  places  occu- 
pées,  permettre  aux  chefs  déjà  désignés  (Soubise  et  La  Valette)  de 
n'employer  que  des  soldats  français,  enfin  obtenir  une  diversion  du  roi 
catholique  et  du  cardinal  Enfant. 

Apres  cela,  il  ue  reste  plus  qu'à  se  confier  à  l'habileté  des  chefs  et  à 
la  Providence;  en  tout  cas,  les  Français  perdront  mille  lois  plus  que 
nous.  \.  s  Majesté  n'aura  point  à  diviser  ses  troupes,  Richelieu,  au 
contraire,  sera  forcé  de  faire  i  -  dépensesen  argenl  et  en  soldats. 

Si  cette  entreprise  déplaît  à  l'empereur,  Tasselt  el  Lisola,  en  restant 
en  Angleterre,  pourront  néanmoins  lui  rendre  de  grands  .  Ils 

étudieront  les  affaires  et  les  hommes  importants  dont  ils  s'attacheront 
à  pénétrer  les  plus  intimes  secrets  :  il.-  entretiendront  en  même  temps 
en  France  des  intelligences  clandes!  in  spérer  pourtanl  d'arriver 

à  tout  savoir,  car  le  cardinal  trompe  même  ses  meilleurs  serviteurs.  Il 
y  a  pourtant  à  la  cour  dos  hommes  qui  pourront  donner  de  bons  avis. 
Celui  qu'on  pourrait  consulter  avec  le  plus  de  fruit,  c'est  le  marquis  de 
Rambouillet,  très  lie  avec  Me  de  Combalet.  Il  a  déclaré  qu'il  était  tout 
entier  à  V.  S.  M.  Impériale.  Il  sera  nécessaire  qu'il  reçoive  des 
de  votre  bienveillance  impériale,  quand  il  nous  aura  donné  quelque 
preuve  des  services  qu'il  saura  nous  rendre.  Nous  lui  demandons  <\>'> 
nouvelles  des  préparatifs  faits  en  Franco  pour  le  printemps  prochain, 
et  nous  attendons  une  réponse  dont  nous  sommes  assurés 

Tel  est  cet  important  mémoire  où  Lisola  se  peinl  foui  entier  avec 
-"ii  activité  extraordinaire,  ses  prévisions  qui  descendent  jusqu'au 
moindre  détail,  son  habileté  à  nouer  des  intrigues,  mais  aus-i  avec 
cette  imagination  qui  dédaigne  les  obstacles  et  les  considère  d'avance 
commevaincus.il  avait,  dans  l'ardeur  de  son  zèle,  projeté  de  se 
rendre  lui-même  a  Bruxelles  pour  négocier  avec  les  Espagnols,  mais 
il  crut  bientôt  devoir  renoncer  à  ce  projet.  Il  trouva  plus  avantageux 
de  traiter  avec  les  envoyés  do  L'Espagne  à  Londres  mémo.  D'ailleurs 
les  événements  prenaient  en  Angleterre  une  gravité  qui  ne  lui  per- 
mettait pas  de  s'éloigner.  Le  roi  venait  de  convoquer  le  Parlement 
(avril  1640),  et  aussitôt  allait  commencer  celte  lutte  que  Lisola  devait 
suivre  pendant  plusieurs  années  d'un  œil  très  attentif,  unis  avec  le 
sentiment  égoïste  d'un  homme  uniquement  préoccupé  do-  intérêts 
de  son  maître.  Cette  situation  nouvelle  est  clairement  indiquée  dans 
une  dépêche  des  mois  de  mars-avril  el  qui  porto  les  doux  signatures 
de  Tasselt  et  de  Lisola. 

Nous  avons  différé  notre  voyage  à  Bruxelles,  le  roi  d  ayant 


3  I  \  MELANGES   ET    DOCUMENTS. 

envoyé  à  Londres  deux  agents  extraordinaires,  outre  son  ambassadeur. 
Les  Espagnols  ont  ici  beaucoup  d'argent,  et  il  n'est  pas  nécessaire 
d'aller  traiter  l'affaire  chez  eux,  ce  qui  serait  une  grosse  perte  de  temps. 
Qs  approuvent  l'expédition  projetée  et  se  mettront  en  relation  avec  les 
chefs  dont  j'ai  déjà  parlé.  Ils  feront  aussi  savoir  au  cardinal  Infant  avec 
quel  soin  le  comte  de  Trautmansdorf  et  V.  S.  M.  Impériale  veillent 
aux  intérêts  de  l'empire. 

Il  passe  ensuite  aux  nouvelles  de  France.  Le  roi  averti  du  siège  de 
Casai  a  envoyé  deux  courriers  aux  Vénitiens.  Il  les  prie,  ainsi  que  le 
saint-père,  de  joindre  leurs  troupes  à  celles  du  comte  d'Harcourt.  Les 
Espagnols  croient  que  les  Vénitiens  ne  feront  rien.  Le  chef  de  l'artillerie 
La  Meilleraie  annonce  que  les  troupes  de  Picardie  étaient  insuffisantes. 
Le  roi  a  ordonné  à  tous  les  chefs  d'avoir  leurs  régiments  complets, 
sous  peine  de  mort.  On  s'attend  au  siège  de  Thionville,  mais  je  crois 
plutôt  à  une  attaque  du  côté  de  Saint-Omer  ou  d'Arras.  Le  cardinal 
a  autorisé  le  duc  de  Chevreuse  à  faire  revenir  sa  femme  de  Londres  à 
Paris;  mais  celle-ci  avertie  à  temps  s'est  sauvée  à  Bruxelles.  C'est 
peut-être  une  ruse  du  cardinal  pour  maintenir  à  la  duchesse  la  con- 
fiance de  l'Espagne. 

Lisola  nous  donne  aussi  des  nouvelles  de  la  politique  intérieure  et 
des  luttes  déjà  engagées  entre  le  roi  et  les  Écossais. 

Le  Parlement  s'est  réuni,  le  roi  a  montré  une  lettre  écrite  par  les 
Écossais  au  roi  de  France  : 

«  Votre  Majesté  étant  l'asile  et  le  sanctuaire  des  princes  et  estats  affli- 
gés, nous  avons  trouvé  nécessaire  d'envoyer  ce  gentilhomme,  le  sieur 
de  Colvil,  pour  représenter  à  V.  Majesté  la  candeur  et  naïfveté  tant  de 
nos  action?  et  procédures  que  de  nos  intentions,  lesquelles  nous  dési- 
rons estre  gravées  et  escrites  à  tout  l'univers  avec  un  rayon  de  soleil 
aussi  bien  qu'à  Votre  Majesté.  Nous  vous  supplions  donc  très  hum- 
blement, sire,  de  luy  adjouster  foy  et  créance  à  tout  ce  qu'il  dira  de 
notre  part,  touchant  nous  et  nos  affaires,  très  assurés,  sire,  d'une  assis- 
tance égale  à  Votre  Clémence  cy-devant  et  si  souvent  monstrée  à  cette 
nation,  la  quelle  ne  cédera  la  gloire  à  nulle  quelconque  d'estre  éternel- 
lement de  Votre  Majesté 
Les  très  humbles  et  très  obéissants  serviteurs  \  etc.  » 
Après  cette  lecture,  le  chancelier  a  prononcé  un  discours  dont  la  con- 
clusion était  de  demander  de  l'argent  pour  fortifier  l'armée  royale  et 
réduire  les  rebelles  à  l'obéissance.  L'assemblée  du  clergé  a  offert  au  roi 
400,000  écus  ;  la  noblesse  et  le  peuple  ne  se  sont  pas  encore  prononcés. 

Il  revient  ensuite  à  la  politique  étrangère  ;  un  envoyé  de  l'Espagne, 
le  marquis  de  Velada,  était  venu  demander  au  roi  d'Angleterre 

I.  Voyez  au  sujet  de  cette  lettre,  interceptée  par  le  roi  d'Angleterre,  Gardi- 
ner  :  Ilistory  of  England,  IX,  p.  98. 


LE    BAR03    DE    LISOLA.  Wt 

d'armer  une  Qotte  contre  1rs  Hollandais,  mais.  dit  Lisola,  Le  roi  oe 
se  décide  à  rien,  parce  qu'il  craint  les  Écossais  et  qu'on  ne  lui  a  pas 
(ail  les  offres  qu'il  attendait. 

La  dépêche  suivante,  adressée  à  l'Empereur,  indique  netlemenl 
les  difficultés  auxquelles  se  heurte  cette  entreprise. 

Tasselt,  qui  était  allé  à  Vienne  pour  s'entretenir  de  vive  voix  avec 

l'empereur,  est  revenu  à  Londres  le  6  avril.  Il  esl  passe  par  Bruxelles, 
mais  sans  rien  obtenir;  en  Angleterre,  les  envoyés  de  l'empereur  n'ont 
pas  été  plus  heureux.  Lisola  donne  de  ces  lenteurs  des  raisons  excel- 
lentes. 

Les  Bruxellois  sont  tellement  occupés  de  leur  propre  sûreté  qu'ils 
sont  à  peine  capables  d'écouter  nos  propositions.  Nous  sommes  suspects 
et  peu  agréables.  Nous  ne  savons  d'ailleurs  à  qui  adresser  nos  proposi- 
tions, parce  qu'à  la  cour  de  Bruxelles  la  plupart  des  ministres  ne  sonl 
pas  d'accord;  s'ouvrira  l'un  d'eux,  c'est  se  brouiller  avec  les  autres. 
D'un  autre  côté  les  chefs  qui  se  sont  engagés  à  porter  en  France  la 
guerre  civile  ne  veulent  pas  être  nommés;  tout  ce  qu'ils  onl  permis, 
c'est  qu'il  soit  parlé  du  projet  en  termes  généraux  et  sans  rien  préciser. 

Nous  devons  traiter  surtout  avec  le  président  de  Rose,  ce  qui  est 
fâcheux,  parce  qu'il  est  irrésolu,  et  il  faudrait  agir  promptement,  pour 
profiter  du  moment  où  le  roi  de  France  va  entrer  en  campa 

Tout  ce  qui  concerne  la  France  est  facile  à  exécuter;  le  reste  dé 
des  Espagnols  ;  il  y  a  pour  le  projet  de  Lisola  trois  causes  de  succès  : 
il  est  d'une  grande  utilité.  Les  Espagnols  sont  absolument  forcés  de  ten- 
ter une  diversion,  car  les  Hollandais  qui  méditent  d'attaquer  les  Flandres 
se  sont  unis  encore  plus  intimement  avec  les  Français  et  avec  le  land- 
grave de  Hesse.  Enfin  le  marquis  de  Velada  est  venu  prier  le  roi  d'An- 
gleterre d'armer  une  flotte  contre  la  France  ;  et  le  roi  catholique  lui  a 
permis  d'offrir  l'argent  nécessaire.  Hier  même  est  arrive  d'Espagne  un 
nouvel  envoyé,  un  Italien  nommé  Matuezzi,  ami  intime  d'Olivarès  ;  il 
est  chargé  de  renforcer  les  offres  du  marquis  de  Velada.  Malheureuse- 
ment le  roi  d'Angleterre  n'agira  pas.  Il  est  trop  occupé  chez  lui,  et  puis 
le  cardinal  Richelieu  vient  de  le  gagner  en  lui  offrant  de  mettre  en 
liberté  le  comte  Palatin. 

Dans  tous  les  cas,  les  Espagnols  auront  besoin  d'avoir  des  intelli- 
gences en  France,  nous  allons  faire  des  ouvertures  à  Velada  et  Matuezzi. 

Il  noue  en  effet  des  négociations  avec  les  envoyés  espagnols,  et 
les  dépêches  du  mois  de  mai  nous  donnent  sur  ce  sujet  de  curieux 
détails  ;  elles  montrent  en  même  temps  combien  l'exécution  sera 
difficile. 

Le  -18  mai  Lisola  écrit  au  comte  de  Trautmansdorf  : 

Il  a  eu  une  longue  discussion  avec  les  envoyés  de  l'Espagne.  Ceux-ci 
ont  reconnu  l'avantage  de  la  proposition  qui  leur  était  faite.   Qs  ont 

averti  le  cardinal  Infant  et  envoyé  un  courrier  en   Espagne  pour  rece- 


3K>  MÉLANGES    ET    DOCUMENTS. 

voir  les  pouvoirs  nécessaires  et  qu'ils  n'ont  pas  encore.  Ils  sont  sans 
commission  spéciale  et  n'ont  même  pas  le  pouvoir  de  distribuer  de  l'ar- 
gent. Ils  se  sont  pourtant  engagés  si  fortement  qu'il  leur  serait  à  peu 
pris  impossible  de  retirer  leur  parole.  Un  scrupule  singulier  les  a  d'ail- 
leurs empêchés  d'avoir  aucune  relation  avec  le  protestant  Soubise  ;  ils 
ne  veulent  traiter  qu'avec  La  Valette. 

L'accord  est  fait  ;  reste  à  chercher  les  moyens  d'agir,  et  ici  se  pré- 
sentent de  grosses  difficultés  :  il  est  absolument  impossible  de  deman- 
der des  soldats  à  la  Belgique  menacée  par  deux  puissantes  armées.  Il 
faudrait  en  demander  au  roi  d'Angleterre,  mais  les  députés  espagnols 
ne  l'oseront  pas  à  cause  de  la  reine,  qui  tout  en  détestant  Bouthilier 
n'en  garde  pas  moins  une  certaine  affection  pour  la  France.  Ils  ont 
décidé  qu'on  devait  s'adresser  à  l'empereur  et  même  aux  puissances 
protestantes.  Nous  avons  répondu  que  l'état  de  l'Allemagne  l'empêchait 
absolument  de  fournir  des  soldats,  mais  que  l'empereur  ferait,  pour  les 
soutenir  tout  ce  qui  serait  possible.  Tous  désirent  l'expédition  et 
comptent  sur  le  succès  ;  il  faut  cependant  attendre  des  nouvelles  de 
Belgique. 

Les  troubles  qui  menacent  le  roi  d'Angleterre  serviront  peut-être 
notre  projet.  Une  querelle  vient  d'éclater  entre  le  Parlement  et  le  roi 
qui  veut  réformer  certains  abus,  les  Espagnols  essaient  d'en  profiter;  ils 
offrent  à  Charles  de  l'argent  en  ne  lui  demandant  que  des  soldats.  Le 
roi  accepterait  volontiers,  mais  les  Français  ont  ici  un  parti  puissant 
qui  l'en  détournera. 

En  terminant,  Lisola  louche  à  un  sujet  pénible  et  sur  lequel  il 
reviendra  souvent,  c'est  l'extrême  détresse  où  il  est  réduit  par  la 
pénurie  de  l'Empereur  et  les  retards  de  la  Chambre  aulique.  Ses 
appointements  sont  insuffisants  et  inexactement  payés-,  Tasselt  et  lui 
sont  dans  le  plus  grand  embarras.  Dans  ces  conditions,  dit-il  tris- 
tement, il  nous  serait  absolument  impossible  de  vivre,  «  impossibile 
nobis  esset  diutius  vivere.  » 

Une  dépêche  du  même,  mais  adressée  à  l'Empereur,  confirme  les 
détails  donnés  au  comte  de  Trautmansdorf. 

Il  n'y  a  rien  de  nouveau.  Les  Espagnols  persistent  dans  leurs  inten- 
tions, mais  n'agissent  pas.  Nous  faisons  tous  nos  efforts  pour  les 
amener  à  conclure' cette  année  une  trêve  avec  les  Hollandais;  le  mar- 
quis de  Velada  entre  dans  ce  projet.  lie  prince  d'Orange  serait  facile- 
ment gagné  ;  il  se  défie  des  Français  et  nous  avons  jeté  de  l'huile  sur  ces 
soupçons  pour  les  enflammer.  D'un  autre  côté,  les  Français  pressent 
vivement  les  Hollandais  d'envahir  la  Belgique  et  d'attaquer  Bruges. 
M;iis  ceux-ci  ne  veulent  rien  faire  tant  que  les  Français  n'entreront  pas 
en  campagne. 

L'Angleterre  est.  profondément  troublée  et  l'on  prévoit  de  grandes 
séditions.    Les   Puritains  tiennent  tous  les  jours  des  conciliabules  et 


LE    BARON    DE    I. ISOLA.  ."HT 

arrivent  ù  une  insolence  excessive.  L'archevêque  de  Ganterbury  a  été 
obligé  de  se  sauver  dans  une  barque;  la  foule  a  délivré  les  prisonniers 
que  la  police  avail  fait  arrêter.  <  les  événements  de\  raient  décider  •  lharles 

à  accepter  les  s. '■•mus  des  Espagnols. 

L'empereur  esl  sans  troupes  et  sans  argent.  Les  Espagnols  manquent 
de  décision.  Quant  à  Charles  Ier,  les  embarras  de  la  politique  intérieure 

l'alisorbent  tout  entier.  Les  Écossais  sont  entrés  en  Angleterre  e1  s'y 
maintiennent  en  vertu  d'un  traité.  Le  Parlement  refuse  d'accorder 
aucun  subside  avant  d'avoir  obtenu  la  réparation  <le  ses  griefs.  Le  roi 
est  obligé  de  le  dissoudre;  mais  il  demande  en  vain  de  l'argent  à  toutes 
les  puissances.  Dans  sa  détresse,  il  sollicite  le  secours  de  la  France,  et 
lui  demande  quatre  millions  aux  conditions  qu'elle  voudra  fixer.  Riche- 
lieu a  d'ailleurs  mis  en  liberté  le  jeune  prince  Palatin  et  Charles  en  a 
été  sensiblement  touché.  Pour  le  moment,  les  ennemis  de  la  France 
n'ont  rien  à  espérer  de  ce  côté. 

II.  —  1641. 

Les  archives  impériales  ne  possèdent  aucune  dépêche  de  Lisola 
pendant  la  fin  de  l'année  1640  et  les  premiers  mois  de  1644.  Cette 
lacune  est  vraiment  regrettable,  car  cette  période  est  remplie  d'événe- 
ments importants  et  auxquels  il  ne  pouvait  manquer  de  s'intéresser. 

En  Angleterre,  Charles  Ier  avait  réuni  à  Londres,  le  3  nov.,  le  Long 
Parlement,  qui  avait  débuté  par  les  mesures  les  plus  violentes;  Harnp- 
den  et  Pym  présentèrent  une  longue  liste  de  griefs  dont  il-  réclamaient 
le  redressement  ;  les  impôts  levés  par  le  roi  furent  déclare-  Illégaux, 
et  ses  principaux  ministres  mis  en  accusation.  Finch  et  Wmdebank 
purent  se  réfugier  en  France  (déc.)-,  l'archevêque  Laud  emprisonne 
à  la  Tour  attendit  longtemps  que  son  sort  fût  décidé,  mais  Strafford, 
arrêté  en  même  temps,  ne  tarda  pas  à  être  condamné  à  mort  et  exécuté 
(1 2  mai  \  64 1  ) .  Le  Parlement  décida  en  outre  que  les  Chambres  se  réu- 
niraient au  moins  tous  les  trois  ans  ;  il  ne  laissa  au  roi  le  pouvoir  ni 
de  les  convoquer,  ni  de  les  dissoudre  ;  si  au  mois  de  septembre  de  la 
troisième  année  elles  n'étaient  pas  convoquées  par  le  roi,  c'était  à  la 
Chambre  des  lords  que  ce  soin  était  confié  ;  ils  devaient  lancer  les 
lettres  de  convocation  au  nom  du  roi.  En  cas  de  retard,  les  shérif I s 
et  les  maires  des  villes  auraient  le  droit  d'ordonner  les  élections  ;  à 
leur  défaut,  les  bourgeois  et  les  francs-tenanciers  (Frec-holders) 
iraient  voter  sans  avoir  été  convoqués.  Le  Parlement  ne  pouvait  être 
dissous  par  le  roi,  ni  prorogé  tant  que  la  session  n'aurait  pas  dure 
quinze  jours.  Le  roi  voulait  résister  aces  mesures,  mais  elles  furent 
adoptées  par  la  Chambre  des  lords  (20  janvier  4  641)  et  il  fut  obligé 
de  les  approuver. 


318  MÉLANGES    ET    DOCUMENTS. 

L'Épiscopat  s'était  (ail  l'allié  de  la  royauté,  il  ne  fut  pas  plus 
ménagé-,  au  mois  de  mars,  la  Chambre  des  communes  décida 
que  l'exercice  de  l'autorité  judiciaire  ou  législative,  soit  dans  la 
Chambre  des  lords,  soit  dans  les  tribunaux  civils,  empêchait  les 
évoques  de  remplir  leurs  devoirs  spirituels  et  était  en  général  nui- 
sible à  l'État,  que  par  conséquent  les  pouvoirs  devaient  leur  être 
enlevés  par  une  loi.  Aussitôt  après  commença  le  procès  de  Strafford. 
En  même  temps  la  multitude  réclamait  à  grands  cris  que  les  lois 
contre  les  catholiques  fussent  exécutées  sans  aucune  exception. 
Indignée  de  ces  attaques  spécialement  dirigées  contre  elle,  la  reine 
voulut  quitter  l'Angleterre  et  rentrer  en  France.  Richelieu,  qui  avait 
déjà  des  intelligences  dans  le  Parlement,  refusa  de  la  recevoir. 
Obligée  de  rester  en  Angleterre,  la  reine  essaya  de  provoquer  un 
mouvement  de  réaction  en  faveur  du  roi  ;  elle  comptait  dans  l'armée 
du  Nord  des  officiers  dévoués  -,  quelques  seigneurs  écossais,  Napier 
et  Montrose,  promettent  leur  concours,  si  Charles  Ier  voulait  recon- 
naître les  mesures  adoptées  par  les  Écossais,  et  venir  à  Edimbourg 
présider  lui-même  le  Parlement  -,  en  Irlande,  l'armée  formée  par 
Strafford  était  prête  à  tout  entreprendre  en  faveur  de  la  royauté  ;  elle 
offrait  de  venir  à  Londres  délivrer  le  ministre  emprisonné  et  rétablir 
Charles  dans  toute  l'étendue  de  son  pouvoir  ;  ces  tentatives  mal 
conçues,  privées  de  l'appui  de  la  France,  ne  servirent  qu'à  exaspérer 
le  Parlement  averti  par  les  dénonciations  de  Pym  ;  il  exige  la  mort 
de  Strafford,  demande  l'abolition  de  la  chambre  étoilée  et  de  la 
haute  commission  qui  jugeait  les  affaires  ecclésiastiques;  puis  il 
réforme  l'administration  intérieure,  la  maison  du  roi,  celle  de  la 
reine,  chasse  du  palais  les  prêtres  catholiques  et  même  détruit 
l'Église  anglicane.  Mais  la  Chambre  des  lords  repoussa  ces  projets 
et  Charles  Ier  reprit  un  peu  de  courage.  Il  se  persuada  qu'il  viendrait 
à  bout  de  ses  adversaires,  s'il  pouvait  séparer  les  intérêts  de  l'Angle- 
terre de  ceux  de  l'Ecosse,  et  trouver  dans  ce  pays  des  secours  contre 
les  ennemis  qu'il  laissait  à  Londres.  Il  partit  donc  pour  Edimbourg 
vers  le  milieu  du  mois  d'août. 

Il  y  trouva  la  révolution  déchaînée.  Le  Parlement,  convoqué 
l'année  précédente  à  Edimbourg,  n'avait  siégé  qu'une  semaine,  mais 
ce  peu  de  temps  lui  avait  suffi  pour  accomplir  des  réformes  radi- 
cales. Réuni  sans  la  présence  du  roi  où  d'un  de  ses  représentants,  il 
avait  d'abord  adopté  de  nouveau  les  propositions  votées  par  l'As- 
semblée que  le  roi  avait  prorogée.  Il  décide  en  outre  que  le  clergé  ne 
ferait  plus  partie  du  parlement  et  serait  remplacé  par  la  petite 
noblesse  (gentry),  qui  occuperait  un  rang  intermédiaire  entre  les 
grands  seigneurs  et  les  bourgeois.  Le  Parlement  ainsi  renouvelé  se 


LK    IUKON    D8    LIS0LA.  349 

réunirait  tous  les  trois  ans;  toute  proclamation  contraire  aux  lois 

et  aux  privilèges  du  Parlement  serait  poursuivie  comme  mi  acte  de 
haute  trahison.  Les  Écossais,  et  seulement  les  Écossais  décidés  à 
maintenir  la  religion  réformée,  telle  qu'elle  était  établie  dans  le  pays, 
devraient  avoir  le  commandement  du  château  fort  d'Edimbourg,  de 
Stirling  et  de  Dumbarton.  Les  grands  commandements  militaires 
seraient  distribués  selon  le  vœu  du  Parlement.  Le  clergé,  qui  s'était 
toujours  montré  plein  de  complaisance  pour  la  Couronne,  serait 
exclu  des  cours  de  justice:  la  monarchie  était  conservée,  mais 
entourée  de  pouvoirs  indépendants  .  dont  relèverait  son  autorité. 
Provisoirement  le  gouvernement  était  confié  au  comile  des  États, 
composé  de  membres  qui  tous  étaient  les  instruments  d'Argyle. 

Ces  mesures  n'avaient  pas  trouvé,  en  Ecosse  même,  une  approba- 
tion complète.  Mais  le  parti  qui  les  appuyait  était  le  plus  audacieux. 
Il  se  sentait  d'ailleurs  appuyé  par  la  complicité  du  Parlement  anglais. 
L'armée  écossaise  déjà  entrée  en  Angleterre  continua  sa  marche  et 
s'avança  jusqu'à  Newcastle  dont  elle  s'empara  i30  août  1640  . 

Le  roi,  qui,  par  un  traité  conclu  à  Ripon  le  26  octobre  1 640,  avail 
autorisé  Tannée  écossaise  à  séjourner  en  Angleterre,  ne  parul  l'année 
suivante  à  Edimbourg  que  pour  approuver  les  actes  du  Parlement. 
Encouragée  par  cette  concession,  cette  Assemblée  en  demanda  une 
nouvelle  ;  au  mois  de  septembre,  elle  vota  que  désormais  les  postes 
les  plus  importants  dans  l'administration  et  la  magistrature  ne 
seraient  donnés  qu'avec  son  approbation.  Le  roi  céda  encore.  Il  vou- 
lait à  tout  prix  gagner  les  Écossais,  afin  d'en  tirer  les  moyens  de 
dompter  la  révolution  en  Angleterre. 

Le  continent  avait  aussi  à  cette  époque  été  le  théâtre  d'événements 
considérables.  La  campagne  de  4  640  avait  été  particulièrement 
funeste  pour  l'Espagne.  Elle  laissa  les  français  s'emparer  de  Turin 
et  d'Arras  ;  sa  flotte  fut  battue  devant  Cadix  par  le  jeune  et  intrépide 
Brézé  ;  la  Catalogne  révoltée  traita  avec  la  France,  et  le  Portugal,  déta- 
ché de  l'Espagne  par  une  révolution,  implora  lui  aussi  le  secours  des 
Français  et  des  Hollandais.  Les  succès  de  Richelieu  s'étaient  conti- 
nués Tannée  suivante.  Le  comte  de  Soissons  réfugié  depuis  quatre 
ans  à  Sedan,  mais  sommé  par  le  roi  de  quitter  cette  ville,  privé  de 
pensions  et  menacé  par  un  corps  d'armée,  se  laisse  entraîner  à  la 
révolte  sur  les  instances  du  duc  de  Bouillon  et  malgré  les  avis  de 
Paul  de  Gondi,  qui  ne  devait  pas  toujours  être  aussi  prudent.  L'Em- 
pereur et  le  cardinal  Infant,  qui  commandaient  a  Bruxelles,  pro- 
mirent de  fournir  aux  rebelles  de  l'argent  et  quatorze  mille  soldats. 
Mais  Soissons  fut  tué  à  la  rencontre  delà  Marfée  6  juillel  1644  et  sa 
mort  mit  fin  à  la  révolte.  Le  complol  préparé  à  Paris  par  Gondi  pour 


320  MÉLANGES   ET   DOCUMENTS. 

soulever  les  Halles  cl  prendre  la  Bastille  n'eut  pas  le  temps  d'éclater. 
La  mort  du  cardinal  Infant  (0  nov.)  pendant  le  siège  d'Aire,  que  les 
Espagnols  réussirent  pourtant  à  prendre  (7  dec),  leur  enleva  le  seul 
hommecapable  de  retarder  leur  rapide  décadence.  En  Piémont,  Harcourt 
s'empara  deGôme,  el  le  prince  de  Monaco,  après  avoir  chassé  de  sa  capi- 
tale la  garnison  espagnole,  se  mettait  sous  la  protection  de  la  France. 
Pendant  toute  cette  période,  à  notre  grand  regret,  nous  ne  possé- 
dons de  Lisola  aucune  dépêche  importante.  Nous  trouvons  seulement 
dans  une  pièce,  à  la  date  du  mois  de  juin  1644,  une  lettre  écrite  de 
France,  sans  adresse,  sans  signature,  indiquant  quelque  complot  qui 
se  rattachait  sans  doute  à  l'entreprise  du  comte  de  Soissons.  Nous 
la  donnons  en  entier. 

.Monsieur  de  La  Valette  et  Soubise  attendent  de  vos  nouvelles  et  ne 
veulent  traitter  de  l'affaire  que  vous  sçavez  qu'avec  Sa  Majesté  Impé- 
riale et  le  comte  de  Trauttmansdorff.  Ceux  de  Flandre  ne  songent  pas 
plus  avant  que  de  faire  un  effort  pour  le  comte  de  Soissons  pour  mettre 
la  Flandre  à  couvert,  et  ne  considèrent  que  la  Flandre,  n'aiant  égard 
qu'à  cela  seul.  Ce  n'est  pas  l'advantage  de  S.  M.  Impériale  qui  peut 
tirer  de  grands  proufficts  de  cette  négociation  et  autres  qui  se  peuvent 
faire,  si  Elle  veut  y  apporter  l'attention  nécessaire.  Groiez-moi  qu'il  est 
totalement  nécessaire  que  M.  de  Soubise  joue  son  personnage  pendant 
que  les  dispositions  y  sont  belles  de  toute  part;  autrement,  si  le  cardi- 
nal n'a  affaire  que  d'un  côté,  il  en  viendra  aisément  à  bout. 

Je  vous  mandais  par  une  précédente  qu'il  serait  bon  que  Sa  Majesté 
leur  procurât  des  passeports  et  vous  le  confirme  encore. 

Le  roy  de  France  est  malade  en  Picardie;  j'ai  disposé  une  puissante 
batterie  pour  porter  un  grand  coup  au  cardinal  de  Richelieu  auprès  du 
roy,  il  pourrait  arriver  que  S.  M.  Impériale  y  pourrait  beaucoup  con- 
tribuer. 

Nous  avons  vu  que  ces  prévisions  n'avaient  point  pu  se  réaliser. 
Richelieu  triomphait  de  ses  ennemis  au  dedans  comme  au  dehors  et 
voyait  son  pouvoir  grandissant  avec  la  fortune  de  la  France.  Lisola 
cependant  ne  désespérait  pas  de  le  renverser,  et  dès  le  mois  d'octobre 
il  commence  une  nouvelle  campagne.  Il  avait  quitté  l'Angleterre 
[tendant  quelque  temps  et  s'était  transporté  en  Belgique  pour  orga- 
niser une  nouvelle  prise  d'armes. 

Il  revient  enfin  à  Londres  avec  une  double  pensée  :  se  servir  des 
réfugiés  français  pour  allumer  en  France  la  guerre  civile  ;  profiter 
pour  gagner  Charles  Ier  de  l'intérêt  qu'il  porte  au  prince  palatin.  Il 
s'empresse  donc  de  négocier  avec  eux  un  traité  qu'il  veut  faire 
accepter  par  FEmpereur  et  par  les  Espagnols.  C'est  de  Londres  qu'il 
■  ni nonce  ses  projets  à  la  cour  de  Vienne  dans  les  dépêches  sui- 
vi nies  : 


l.E    BABOfl    DB    L1SOLA.  32-1 

Dès  qu'il  a  voeu  les  ordres  del'empereur,  il  B'esl  rendu  à  Courtrai.  Il 
n'a  pas  pu  voirie  cardinal  [nfanl  qui  était  niala.li-.  mais  s'esl  entretenu 
avec  ses  ministres,  Antonio  de  Sarmiento,  le  présidenl  Rose  el  le  mar- 
quis de  Mathuzielli,  il  esl  alors  reparti  pour  l'Angleterre  où  il  esl  arrivé 
le  i  octobre.  Le  roi  d'Angleterre  esl  en  Ecosse;  il  s'esl  mis  a  sa  dispo- 
sition, mais  doit  l'attendre  à  Londres;  il  oe  recevra  de  réponse  que 
dans  douze  jours.  En  attendant  il  est  allé  trouver  l'ambassadeur  d'Es- 
pagne Antonio  Gardenas.  Il  tâchera  de  s'entendre  avec  lui,  pour  n'être 
pas  renvoyé  par  lui  à  la  cour  de  Belgique  et  par  la  cour  de  Belgiqueen 
Espagne. 

L'ambassadeur  d'Espagne  paraîl  approuver  le  traité  conclu  avec  1rs 
princes  palatins.  On  gagnerait  ainsi  le  roi  d  Angleterre  et  on  s'assure- 
rail  son  concours.  Los  avantages  que  l'empereur  pourrait  tirer  de  la 
Bavière  sont  très  éloignés,  Les  dangers  au  contraire  très  pressants.  G'esl 
le  seul  prince  qui  puisse  rivaliser  avec  la  maison  d'Autriche  et  lui  dis- 
puter l'empire.  Quanta  lui,  il  n'a  d  ailleurs  prisaucun  lent,  el  a, 
tant  qu'il  a  pu,  évité  de  s'expliquer.  Il  son  esl  tenu  à  des  termes  géné- 
raux, assurant  que  l'empereur  veut  seulement  le  repus  de  la  chrétienté. 

En  Angleterre  se  sont  accomplis  de  grands  changements.  Les  amis 
que  l'Autriche  avait  dans  les  conseils  du  roi  ont  été  renvoyés;  parmi 
les  puritains  plusieurs  sont  favorables  à  la  France.  Le  roi  ne  peut  rien 
sans  le  Parlement,  mais  le  Parlement  s'intéressera-t-il  aux  princes 
palatins  ?  Pour  le  moment  il  l'ignore. 

Lisola  se  trompe  évidemment  quand  il  accuse  le  cardinal  Richelieu 
d'avoir  poussé  Charles  Ier  à  réclamer  le  pouvoir  absolu,  pour  le  jeter 
dans  les  embarras  d'une  guerre  civile.  Mais  il  juge  avec  heaucoupde 
perspicacité  l'état  de  l'Angleterre.  Les  adversaires  du  roi  sonl  déjà 
divisés.  La  lutte  a  commencé  entre  les  Anglicans  et  les  Puritains  qui 
ont  déjà  pris  l'avantage. 

Il  examine  ensuite  avec  soin  quelles  sont  les  dispositions  des  divers 
partis,  en  ce  qui  concerne  la  guerre. 

Le  roi  d'Angleterre  la  voudrait,  parce  qu'il  s'intéresse  aux  princes 
palatins  et  puis  parce  qu'il  aurait  là  une  occasion  de  lover  une  armée 
et  de  ressaisir  son  autorité.  Seulement  il  faut  compter  avec  le  Parlement 
où.  se  croisent  des  volontés  très  diverses  et  discutent  des  intérêts  très 
opposés.  Parmi  les  puritains  beaucoup  seraient  favorables  aune  guerre 
contre  la  maison  d'Autriche.  Les  plus  influents  sont  le  comte  de  War- 
wick  et  lord  Mandeville.  La  plupart  ont  des  monopoles  e1  le  roi  leur  a 
accordé  des  concessions  dans  les  Indes,  ce  qui  les  rend  très  hostiles  aux 
Espagnols;  la  cause  du  prince  palatin  leur  servirait  de  p  .  L  am- 

bassadeur de  France,  La  Perte,  les  appuie;  il  promet,  au  nom  de  son 
roi,  de  jeter  dix  mille  hommes  sur  le  Rhin,  pourvu  que  l'Angleterre 
envoie  une  Hotte  dans  les  Indes  ou  sur  les  côtes  de  Belgique.  Les  lords 
sont  gagnés  à  ce  projet. 

Rev    HiSTon.  XXVII.   .'■   fasc.  21 


322  MELAMES    ET    DOCUMENTS. 

I /ambassadeur  d'Espagne  a  été  prévenu  de  ce  danger;  pour  le  préve- 
nir, il  faudrait  ménager  les  intérêts  des  Anglais;  il  a  promis  au  roi  de 
lui  fournir  des  soldats  pour  soutenir  le  prince  palatin,  mais  là  encore 
se  présentent  bien  des  difficultés.  Le  roi  avait  autorisé  des  levées  de 
troupes  en  Irlande;  le  Parlement  a  défendu  aux  Irlandais  de  sortir  du 
royaume,  il  leur  a  ensuite  interdit  de  s'armer;  peut-être  cette  mesure 
est-elle  dirigée  contre  les  Écossais,  dans  le  cas  ou  ils  voudraient  soute- 
nir Charles  Ier. 

Ce  qu'il  y  a  de  plus  sérieux,  c'est  qu'en  ce  moment  les  forces  de  l'An- 
gleterre ne  sont  pas  grandes;  l'argent  lui  manque  ;  on  l'a  bien  vu  dans 
les  affaires  de  l'Ecosse.  Pourtant,  si  la  France  voulait  en  fournir,  l'An- 
gleterre pourrait  lui  donner  des  soldats  et  des  vaisseaux.  Quant  à  la 
France,  elle  ne  tient  pas  au  rétablissement  du  palatin;  mais  elle  se 
servira  de  ce  prétexte;  elle  tient  d'ailleurs  ce  jeune  homme  dans  sa 
main.  Le  prince  palatin,  qui  habite  ce  pays,  est  d'un  esprit  très 
médiocre  ;  il  se  laisse  gouverner  par  sa  sœur  ainee  qui  passe  pour  très 
habile.  Celle-ci,  à  son  tour,  est  dirigée  par  son  conseiller,  le  Rhingrave, 
qui  est  tout  à  fait  au  cardinal,  aussi  par  ce  fil  lointain  le  prince  palatin 
est-il  absolument  attaché  à  la  France.  J'espère  pourtant  m'intéresser 
auprès  de  lui  par  Soubise.  Mais ,  pour  le  détacher  de  la  France ,  le 
meilleur  moyen  serait  de  le  marier  avec  une  femme  dévouée  à  la  poli- 
tique impériale. 

Dans  une  seconde  dépêche  à  la  même  date,  Lisola  explique  que  les 
ministres  espagnols  à  Bruxelles  sont  très  divisés  ;  ils  ne  s'entendent 
que  pour  combattre  don  Francisco  de  Mellos.  Quant  à  lui,  sa  situation 
n'est  pas  très  bonne  ;  il  se  défie  de  la  poste  et  a  dû  faire  avertir 
l'Empereur  par  le  colonel  Trauns  ;  il  craint  d'être  obligé  de  se  rendre 
à  Edimbourg,  et  ce  voyage  dévorerait  tout  son  argent.  Il  termine  en 
disant  que,  si  l'Empereur  voulait  céder  sur  la  question  du  Palatinat, 
il  pourrait  en  même  temps  demander  qu'on  cessât  en  Angleterre  de 
persécuter  les  catholiques  ;  ce  serait  le  moyen  d'acquérir  de  nom- 
breux partisans,  entre  autres  la  reine. 

Quelques  jours  après  (25  octobre),  une  dépèche  au  comte  deTraut- 
mansdorf  confirme  ces  détails  et  en  ajoute  d'autres  qui  sont  assez 
importants. 

Lisola  ne  croit  pas  pouvoir  écrire  sans  danger  ;  ses  lettres  sont 
interceptées  par  l'ordre  du  Parlement,  il  a  donc  pris  le  chiffre  du 
colonel  Trauns. 

Le  roi  prétend  qu'il  ne  restera  pas  longtemps  en  Ecosse.  11  prie 
donc  Lisola  de  l'attendre  en  Angleterre. 

Je  ne  sais  qu'en  penser,  ajoute  Lisola,  car  on  dit  ici  qu'il  restera  long- 
temps en  Ecosse.  Dès  son  arrivée,  je  me  hâterai  de  le  voir,  car  ses  con- 
seillers l'engagent  à  la  guerre,  contrairement  aux  intérêts  de  l'Empire. 


l.K    l'.UÎON     IU     LIS01  \.  32."{ 

11  n'y  a  d'ailleurs  à  la  cour  personne  à  qui  je  puisse  mo  confier;  lé  roi 
ne  veut  pas  la  guerre,  mais  Les  Puritains  l'y  poussent-  Je  suis  tous  les 
jours  plus  persuadé  du  mauvais  étal  des  finances;  aon  pas  que  l'argent 
manque  mais  Les  Puritains  oe  veulent  pas  permettre  au  roi  de  lever 
des  impôts.  Tous  suni  9es  ennemis;  cependant,  en  haine  des  Puritains, 
LeS  Anglicans  commencent  à  se  rapprocher  de  lui.  Mais  ce  qu'il  faut 
craindre  surtout  ce  sont  Les  menées  de  la  France.  Ils  pourront  fournir 
de  L'argent  et  par  ce  moyen  ils  obtiendront  des  soldats.  Je  vois  déjà  la 
faction  française  se  fortifier,  surtout  parmi  les  Puritains,  dont  les  prin- 
cipaux ont  de  fréquents  rapports  avec  L'ambassadeur  de  France.  Le  car- 
dinal Richelieu  s'y  emploie  avec  ardeur,  ce  que  ne  font  pas  Les  Espagnols. 

L'Angleterre  est  destinée  à  des  troubles  encore  plus  considérables. 
Le  roi  s'appuie  sur  les  Écossais,  et  les  Puritains  sentent  que  toute  récon- 
ciliation avec  lui  est  impossible.  Le  roi  désirerait  régler  l'affaire  du  Pala- 
tinat  par  un  traité;  les  Puritains,  au  contraire,  poussent  à  la  guerre; 
la  France  en  fait  autant.  Le  Palatin  n'est  satisfait  ni  du  roi  d'Angle- 
terre, ni  de  la  France  ;  on  pourrait  le  gagner  par  un  mariage.  Il  n'y  a 
pas  beaucoup  à  compter  sur  L'Espagne.  L'ambassadeur  me  renvoie  tou- 
jours aux  ministres  de  la  cour  de  Belgique.  Quant  à  la  France,  elle  ae 
négligera  rien  pour  empêcher  la  paix  et  s'en  tiendra  aux  conditions  les 
plus  extravagantes. 

C'est  donc  la  France  qu'il  faut  attaquer  et  dès  le  mois  d'octobre,  il 
prépare  contre  elle  de  nouvelles  manœuvres.  Il  annonce  d'abord  à 
l'empereur  qu'il  a  exécuté  ses  ordres  en  ce  qui  concernait  les  chefs  de 
la  rébellion.  11  a  vu  La  Valette  qui  lui  a  déclaré  être  toujours  disposé 
à  la  guerre  civile,  et  lui  a  fait  les  mêmes  protestations  au  nom  de  Sou- 
bise,  alors  absent.  Il  lui  a  exprimé  le  désir  qu'avait  l'empereur  de  réta- 
blir la  paix,  tandis  que  Richelieu  veut  s'y  opposer. 

Lisola  rappelle  rapidemenl  le  passé,  ses  entrevues  avec  La  Valette 
et  Soubise,  puis  avec  les  envoyés  de  l'Espagne,  qui  sont  munis  de 
pouvoirs  absolus  ;  aussi  ont-ils  pris  des  engagements  délinilifs  ;  puis 
il  ajoute  : 

Quant  à  moi,  comme  il  ne  m'était  pas  permis  de  faire  intervenir  Le 
nom  de  Sa  Majesté,  ni  de  conclure  un  traité,  puisque  mes  instructions 
ne  m'y  autorisaient  pas,  je  me  suis  tenu  sur  la  réserve.  Les  Espagnols 
n'ont  rien  l'ait,  se  trouvant  empêchés  par  les  troubles  de  la  Catalogne. 
La  Valette  et  Soubise  n'en  sont  pas  moins  tenus  par  les  pensions  qu'il* 
reçoivent  de  l'Espagne;  La  Valette  a  douze  mille  écus,  pour  Soubise 
j'ignore  le  chiffre  exact;  mais  tous  deux  ont  les  mains  liées.  La  Valette 
qui  est  oisif  voudrait  bien  faire  quelque  chose.  En  ai  tendant  qu'on 
puisse  exciter  en  France  une  guerre  civile  pour  envahir  la  Guyenne,  il 
médite  une  entreprise  contre  Metz.  Il  connaît  la  forteresse,  il  y  a  des 
intelligences  et  sait  qu'elle  n'est  gardée  que  par  200  soldats.  11  demande 
500  chevaux  et  3,000  fantassins.  Le  plus  grand  secret  est  nécessaire,  il 
ne  peut  employer  que  des  soldats  bien  disciplinés  pour  qu'ils  ne  corn- 


\V1\  MÉLANGES   KT    OOCCMENTS. 

mettent  aucun  excès.  11  demande  pour  lui  le  gouvernement  de  la  ville, 
quand  il  s'en  sera  emparé.  Il  faut  en  outre  trouver  un  prétexte,  afin  de 
ne  pas  alarmer  l'Espagne  qui  voudrait  prendre  la  ville  pour  elle;  afin 
de  dissimuler  ses  desseins,  La  Valette  se  rendrait  à  Luxembourg,  c'est 
son  pays,  il  ferait  peu  à  peu  venir  les  soldats  destinés  au  coup  de 
main  qui  serait  tenté  pendant  la  nuit  ;  tout  milite  en  faveur  de  cette 
expédition.  L'Espagne  ne  peut  pas  agir  et  n'agira  pas  avant  long- 
temps, et  cette  ville  ne  peut  être  prise  que  par  stratagème,  sa  pos- 
session offrirait  les  plus  grands  avantages.  C'est  un  ancien  fief  de  l'em- 
pire qui  lui  reviendrait,  et  par  là  serait  enlevée  aux  Français  toute 
communication  entre  l'Alsace  et  la  Lorraine.  Une  fois  prise,  la  ville 
sérail  facile  à  défendre;  ce  serait  une  situation  très  avantageuse  pour 
les  quartiers  d'hiver  et  de  là  il  serait  facile  de  diriger  des  excursions 
contre  la  France.  On  s'assurerait  d'ailleurs  par  là  le  concours  de  la 
Valette  qui  serait  compromis  à  tout  jamais. 

Le  même  projet  est  exposé  dans  une  dépêche  à  Trautmansdorf, 
du  20  novembre  ;  on  voit  même  qu'il  a  été  fait  quelques  préparatifs 
pour  l'exécuter. 

La  Valette  a  reçu  une  lettre  d'un  parent  lui  annonçant  qu'il  lui 
ouvrira  une  porte  de  Metz.  Il  en  a  exprimé  une  joie  extraordinaire, 
affirmant  qu'après  cela  il  mourrait  content.  11  compte  s'emparer  faci- 
lement de  la  citadelle.  L'aide  de  l'empereur  et  de  l'Espagne  lui  per- 
mettra de  lever  sans  peine  une  armée;  ce  sera  pour  Richelieu  un 
coup  mortel.  La  possession  de  Metz  est  bien  plus  avantageuse  que  celle 
de  Sedan  ;  c'est  une  place  avantageuse  pour  les  quartiers  d'hiver.  Elle 
permettra  de  nourrir  en  France  une  faction  favorable  à  l'empire  ;  enfin 
on  enlèvera  à  la  France  toute  relation  avec  Brisach,  puisqu'il  n'y  a  pour 
y  arriver  que  Toul,  Metz  et  Pont-à-Mousson.  La  Valette  n'a  qu'une 
crainte,  c'est  que  la  cour  impériale  ne  s'oppose  à  l'entreprise,  à  cause 
des  rivalités  qui  divisent  les  ministres,  ou  ne  la  laisse  connaître,  ce  qui 
permettrait  à  l'Espagne  d'en  réclamer  l'investiture.  Il  faut  donc  que 
l'empereur  dérobe  aux  Espagnols  la  connaissance  de  ce  projet;  à  cet 
effet  il  demandera  seulement  au  roi  d'Espagne  d'employer  La  Valette 
provisoirement,  puis  l'expédition  s'accomplira  comme  si  elle  était 
imprévue.  Dans  le  cas  où  l'empereur  ne  voudrait  rien  faire  sans  le  roi 
d'Espagne,  il  ne.  devrait  révéler  ce  projet  qu'à  ceux  qui  lui  sont  parti- 
culièrement dévoués,  et  surtout  n'en  parler  à  personne  avant  que  le 
traité  avec  La  Valette  fût  signé,  de  façon  que  celui-ci  n'ait  rien  à 
craindre.  11  faudra  réunir  des  troupes  auprès  de  Metz  sous  prétexte  de 
leur  faire  prendre  leurs  quartiers  d'hiver  dans  le  Luxembourg. 

Lisola  prévoit  que  la  réponse  de  l'Empereur  ne  peut  pas  arriver 
avant  un  mois  ;  il  insiste  donc  pour  avoir  des  instructions  précises 
et  un  mandat  spécial,  qui  l'autorise  à  traiter  avec  l'Espagne.  Afin  de 
n'avoir  rien  à  révéler  au  roi  d'Angleterre,  il  pourrait  au  besoin  aller 


LE    BiBOH    DE    LISOLA.  325 

achever  la  négociation  à  Bruxelles  ;  il  feindrait  d'être  appelé  en  Bel- 
gique par  ses  intérêts  particuliers.  D'ailleurs  l'absence  de  Charles  I", 
toujours  retenu  en  Ecosse,  lui  laisse  le  lempsde  faire  ce  voyage. 

Lisola  revient  ensuite  à  la  question  du  Palatinat,  qui  esl  l'objet  de 
ses  plus  grandes  préoccupations.  Le  prince  Charles-Louis  élail  en 
effet  dans  ce  moment  attiré  du  côté  de  la  France  el  (U>>  Puritains. 
Ceux-ci  le  favorisaient,  parce  que  sa  cause  se  liait  avec  celle  des  pro- 
testants en  Allemagne.  Us  considéraienl  au  contraire  les  conseillers 
du  roi,  le  roi  lui-même  comme  unis  aux  catholiques,  et  la  Grande 
remontrance  (nov.  164-1)  dénonçait  l'existence  à  la  cour  d'une  faction 
espagnole  dont  elle  exigeail  impérieusement  le  renvoi.  L'ambassadeur 
de  France  La  Ferté  marchail  d  accord  avec  les  Puritains.  Arrivé  en 
Angleterre  au  mois  île  juin,  il  avail  d'abord  assuré  la  reine  de  l'amitié 
de  Louis  XIII  et  du  Cardinal.  Mais  il  n'en  suivit  pas  moins  la  politique 
deBellièvre;  il  se  lia  aussitôt  avec  le  chef  de  la  (action  française, 
lord  Holland,  «  très  puissant  au  Parlement  et  très  mal  à  la  Cour.  » 
Par  lui  il  entra  facilement  en  relation  avec  les  Puritains.  «  Il  avait, 
dit  la  reine,  commerce  particulier  avec  les  parlementaires,  même 
avec  les  personnes  de  la  plus  basse  condition  qu'il  visitait  1res  soi- 
gneusement. »  11  regardait  les  conseillers  de  la  reine,  surtout  les 
catholiques,  comme  des  partisans  de  l'Espagne,  et  ne  voulul  rien 
faire  pour  eux. 

Les  Puritains  partageaient  ces  préventions  ;  plusieurs  d'entre  eux 
avaient  intérêt  à  faire  la  guerre  à  l'Espagne  dans  les  Indes  ;  ils  s'in- 
quiétaient des  démarches  de  Lisola,  qui  voulait  précisément  former 
entre  l'Espagne  et  l'Angleterre  une  alliance  dans  laquelle  entrerail  la 
Hollande;  ils  promirent  à  La  Ferté  d'engager  le  roi  à  rompre  avec 
l'Espagne  pour  s'allier  avec  la  France. 

Lisola  est  très  au  courant  de  cette  situation. 

Les  Puritains  sont  de  plus  en  plus  liés  avec  la  France.  Leurs  princi- 
paux chefs  ont  dîné  chez  l'ambassadeur  français,  qui  leur  a  proposé, 
s'ils  voulaient  envoyer  des  soldats  dans  le  Palatinat,  de  leur  donner  le 
libre  passage  à  travers  la  France  avec  Metz  pour  quartier  principal. 
L'ambassadeur  d'Espagne  en  est  très  ému;  quanta  moi,  je  n'y  vois  qu'une 
ruse  du  cardinal,  qui  préférerait  voir  les  Anglais  at laque'  ll0is 

dans  les  Indes. 

Pour  déjouer  ces  plans  il  voudrait  voir  l'empereur  s'entendre  avec  les 
Espagnols,  ou  même  se  charger  seul  des  intérêts  du  jeune  comte  Pala- 
tin. Celui-ci  traite  avec  Richelieu,  mais  par  des  intermédiaires,  et  le 
cardinal  ne  veut  pas  non  plus  s'adresser  à  lui  directement  pour  ne  pa 
mécontenter  le  duc  de  Bavière.  Dans  ces  circonstances,  il  sérail  aisé  à 
l'empereur  de  réussir;  il  pourrait  même  agir  sans  attendre  le  roi  d'An- 
gleterre. Dans  l'état  où  ce  prince  est  réduit,  l'empereur  ne  doit  pasespé- 


326  MELANGES  ET  DOCUMENTS. 

ror  ou  tirer  un  grand  service.  Le  rétablissement  du  Palatin,  s'il  s'en 
chargeait,  lui  concilierait  les  protestants  et  surtout  la  veuve  de  Frédé- 
ric V.  Quant  à  l'Espagne,  elle  a  tout  intérêt  à  entrer  dans  cette  négo- 
ciation. Elle  pourrait,  si  elle  s'alliait  à  l'Angleterre,  tirer  des  soldats  de 
l'Irlande  et  s'opposer  aux  entreprises  commerciales  que  quelques  Anglais 
veulent  créer  dans  les  Indes.  «  Je  l'ai  insinué  agréablement  (saaviter) 
à  l'ambassadeur  du  roi  d'Espagne  pour  lui  montrer  que  son  maître  était 
plus  intéressé  à  cette  affaire  que  l'empereur  lui-même,  car,  si  la  négo- 
ciation échoue,  toutes  les  forces  de  l'Angleterre  se  tourneront  contre 
l'Espagne.  » 

Il  indique  enfin  quelques  mesures  à  prendre.  Il  faut  persuader  au  roi 
d'Angleterre  qu'il  a  besoin  des  souverains  étrangers  et  qu'il  ne  doit  pas 
compter  sur  la  France  qui  s'allie  avec  le  Parlement  ;  on  pourrait  se  servir 
du  prince  d'Orange,  qui  est  en  ce  moment  très  irrité  contre  Richelieu. 
Il  a  écrit  à  Lisola  qu'il  désirerait  le  voir  pour  des  affairés  qui  intéressent 
l'empereur.  Lisola  lui  a  répondu  qu'il  ne  pouvait  pas  aller  en  Hollande, 
mais  qu'il  recevrait  ses  lettres  avec  plaisir.  De  son  côté,  le  roi  d'Espagne 
a  beaucoup  de  crédit  auprès  des  Suédois  et  de  la  veuve  du  landgrave  de 
Hesse  ;  ce  sont  des  relations  qui  pourraient  servir. 

De  nouveaux  désordres  viennent  d'éclater  en  Ecosse  ;  le  Parlement  a 
ordonné  une  prise  d'armes  générale,  sans  doute  pour  rendre  le  roi  sus- 
pect, et  comme  s'il  préparait  quelque  mouvement  de  complicité  avec 
les  Écossais.  Lisola  n'en  est  pas  fâché.  «  Les  troubles  de  l'Angleterre 
ont  cela  de  bon,  qu'ils  nuisent  aux  intrigues  de  la  France.  » 

Une  dépêche  du  27  octobre  au  comte  de  Trautmansdorf  revient  sur 
les  mêmes  questions. 

Le  roi  a  écrit  au  Parlement  qu'il  prolongera  son  séjour  en  Ecosse. 
Après  avoir  consulté  l'ambassadeur  d'Espagne,  Lisola  a  écrit  à  Charles 
pour  lui  proposer  de  se  rendre  en  Ecosse;  il  n'a  pas  encore  reçu  de 
réponse.  Les  événements  prennent  une  mauvaise  tournure.  Le  Parle- 
ment est  très  animé  contre  lui  et  surtout  contre  la  reine.  La  guerre 
civile  ne  peut  pas  tarder.  Les  Français  y  poussent  les  Puritains,  sans 
rompre  avec  le  roi  toujours  entouré  de  nouveaux  pièges.  La  reine  déteste 
Richelieu,  mais  elle  est  menée  par  une  créature  du  cardinal,  un  nommé 
Germain.  Le  roi  est  en  Ecosse,  mais  sans  autorité.  Il  cherche  à  lever 
dans  ce  pays  une  armée  contre  le  Parlement  en  séduisant  quelques 
généraux;  il  n'y  réussira  pas.  Il  s'est  confié  à  Hamilton  qui  a  dévoile 
ses  projets;  celui-ci  le  trahissait  depuis  longtemps,  et  recevait  de  la 
France  une  pension  de  vingt  mille  florins.  Les  -Écossais  ne  sont  pas  sûrs. 
Ils  ont  donné  une  garde  au  roi  sous  prétexte  dej'honorer,  mais  en  réalité 
pour  le  surveiller. 

On  a  publié  à  Londres  un  écrit  annonçant  que  des  protestants  d'Alle- 
magne, entre  autres  le  duc  de  Luxembourg,  avaient  traité  avec  l'empe- 
reur, ce  qui  rendrait  impossible  le  rétablissement  du  comte  palatin: 
c'est  simplement  une  insulte  adressée  au  roi,  mais  il  n'y  a  là  rien  de 


LE  r,ARn\   DE  us»>i.\.  327 

vrai.  Si  l'empereur  voulait  détacher  le  Palatin  du  parti  Français,  il 
faudrait  gagner  d'abord  le  Rhingrave  (comitem  Rheni)  qui  habite  en 
ce  moment  la  Hollande,  et  gouverne  la  princesse  palatine  (la  reine  de 
Bohême)  ainsi  que  toute  la  maison.  Soubise  a  eu  une  autre  idée;  il  a 
songé  à  marier  le  prince  Charles-Louis  avec  une  tille  de  son  propre 
frère  le  duc  de  Rohan.  Si  ce  projet  déplaît  à  l'empereur,  Lisola  trouvera 
facilement  le  moyen  de  l'empêcher. 

Les  généraux  suédois  ont  réclamé  une  année  de  solde  à  Richelieu; 
autrement  ils  seraient  forces  de  passer  au  service  de,  L'empereur.  (Je  serait 
pour  L'Espagne  Le  moment  de  prouver  sa  générosité.  Elle  devrait  acheter 
ces  troupes,  sans  laisser  au  cardinal  le  temps  de  trouver  de  l'argent.  On 
écrit  aussi  de  France  que  les  affaires  vont  mal  pour  elle  en  Allemagne. 
Les  princes  de  Lunebourg,  de  Hesse,  de  Saarbruck  et  des  Deux-Ponts 
voudraient  accepter  l'amnistie  et  traiter  avec  l'empereur  :  on  annonce 
aussi,  mais  très  en  secret,  que  le  roi  est  à  toute  extrémité;  il  faudrait 
se  préparer  à  en  profiter.  Ce  serait  la  perte  de  Richelieu  et  le  duc  d'Or- 
léans est  bien  disposé  envers  S.  M.  Impériale. 

Nous  avons  réservé  pour  la  fin  un  passage  très  important,  parce 
qu'il  indique  nettement  quelle  sera  désormais  la  politique  de  Lisola. 
Catholique  sincère  et  partisan  très  dévoué  de  la  monarchie  absolue, 
il  désire  naturellement  le  triomphe  de  Charles  1er.  Mais  ce  qu'il 
poursuit  avant  tout,  c'est  le  triomphe  de  la  politique  impériale.  Si 
les  Puritains  viennent  à  triompher,  il  ne  faut  pas  les  avoir  pour 
ennemis  ;  il  y  a  donc  avantage  à  entretenir  avec  eux  de  bonnes  rela- 
tions. Il  ne  le  fait  pas  encore  lui-môme,  mais  il  pousse  dans  ce  sens 
l'ambassadeur  d'Espagne.  «  Il  est  pour  le  roi,  dit-il,  mais  il  devrait 
s'entendre  avec  le  Parlement,  ce  qui  ne  serait  pas  difficile  s'il  con- 
sentait à  faire  quelques  dépenses.  » 

Deux  autres  dépêches  du  mois  de  novembre  témoignent  de  la 
même  activité. 

Lisola  voulait  aller  trouver  le  roi  en  Ecosse,  mais  Charles  a  annoncé 
son  prompt  retour,  il  se  résigna  donc  à  restera  Londres.  En  attendant, 
il  s'est  lié  avec  le  maître  des  cérémonies  Gerbier  qui  a  longtemps  résidé 
à  Bruxelles.  Gerbier  veut  lui  être  utile,  et  se  dit  très  dévoué  à  l'empe- 
reur; il  se  plaint  d'avoir  été  desservi  près  de  V.  Majesté  par  un  certain 
Teller.  Je  l'ai  rassuré,  mais  n'ai  pas  voulu  m'avancer  davantage,  ni 
m'ouvrir  à  lui,  dans  la  crainte  qu'il  ne  serve  la  faction  française. 

Le  Parlement  redouble  de  violence.  Il  a  cité  le  confesseur  de  la  reine 
et  l'a  fait  conduire  à  la  cour.  C'était  un  homme  très  dévot  et  plus  favo- 
rable aux  Espagnols  qu'aux  Français;  aussi  est-ce  l'ambassadeur  de 
France  qui  l'a  rendu  suspect  au  Parlement.  C'est  regrettable,  car  il 
aurait  été  un  instrument  excellent  de  la  politique  impériale.  La  France 
se  sert  du  Parlement  pour  chasser  ceux  qui  pourraient  favoriser  I  I    - 


328  MÉLANGES    ET    DOCUMENTS. 

pagne.  Il  serait  pourtant  bien  facile  à  l'ambassadeur  de  ce  pays  de  se 
faire  des  partisans  avec  un  peu  d'argent.  Le  représentant  de  la  reine 
mère,  Monsigot,  a  aussi  été  cité  devant  le  Parlement,  sans  doute  sur  le 
conseil  de  l'ambassadeur  de  France;  il  a  refusé  de  comparaître;  on  le 
cherche  partout  pour  le  mettre  en  prison  ;  il  n'y  a  plus  de  sécurité  pour 
personne. 

On  dit  que  le  cardinal  Richelieu  a  promis  de  conclure  la  paix  ;  il 
s'est  fait  apporter  les  traités  passés  autrefois  avec  l'Espagne  pour  les 
étudier  pendant  huit  jours  sans  interruption.  Ce  n'est  qu'une  ruse  : 
tous  les  ans,  pendant  l'hiver,  il  promet  la  paix  pour  surprendre 
ses  ennemis  à  l'improviste  et  empêcher  les  Français  de  se  soulever. 
Il  fait  répandre  ce  bruit  par  les  capucins  qui  lui  sont  très  dévoués. 
L'ambassadeur  d'Espagne  croit  à  ces  nouvelles,  et  je  crains  qu'il  ne  les 
fasse  accepter  en  Belgique  ;  Richelieu  veut  surtout  empêcher  les  pro- 
testants de  s'entendre  et  les  Hollandais  de  conclure  une  trêve. 

On  dit  les  troubles  apaisés  en  Ecosse,  je  ne  les  crois  qu'endormis. 
L'Irlande  reste  fidèle  à  Charles  ;  elle  ne  veut  pas  reconnaître  le  Parle- 
ment, mais  dépendre  uniquement  du  roi.  Le  Parlement  ne  l'a  pas  moins 
imposée  d'une  somme  de  six  cent  mille  florins,  et  il  lève  une  armée 
pour  la  soumettre.  Aussi  a-t-on  à  craindre  des  persécutions  contre  les 
catholiques. 

Si  Votre  Excellence  pouvait  conclure  l'affaire  du  Palatinat,  Elle  ren- 
drait un  grand  service  à  la  reine  et  au  roi  d'Angleterre,  surtout  si  Elle 
obtenait  la  liberté  pour  les  catholiques. 

L'ambassadeur  vénitien  qui  réside  à  Londres  va  se  rendre  à  Vienne  ; 
il  fait  ici  des  offres  continuelles  au  prince  Palatin,  il  faudra  l'écouter, 
mais  avec  défiance,  il  passe  pour  favorable  aux  Français.  Quant  aux 
menaces  des  Anglais,  elles  ne  méritent  pas  d'être  prises  en  considéra- 
tion ;  ils  sont  pour  le  moment  hors  d'état  d'agir.  S'ils  font  la  guerre, 
ce  sera  dans  les  Indes. 

Le  duc  de  La  Valette  est  toujours  dans  les  mêmes  intentions  ;  il  croi- 
rait plus  facile  d'agir  pendant  l'hiver,  parce  que  les  nuits  sont  plus 
longues. 

Quelques  jours  après  il  donna  au  comte  de  Trautmansdorff  de 
nouveaux  détails. 

Le  roi  arrivera  la  semaine  prochaine  ;  Lisola  est  très  impatient  de  le 
voir,  car  il  ne  manque  pas  de  personnes  pour  persuader  au  roi  et  au 
prince  Rupert  que  les  propositions  de  l'empereur  ne  sont  qu'une  véri- 
table tromperie.  Ici  les  factions  continuent.  L'Irlande  s'échauffe,  l'Ecosse 
promet  cinq  mille  soldats,  mais  il  lui  sera  difficile,  de  les  fournir.  Le 
Parlement  veut  armer  dix  mille  soldats,  mais  personne  ne  se  soucie 
d'aller  faire  la  guerre  en  Irlande  et  le  Parlement  ne  sait  à  qui  se  fier. 
Dix  mille  hommes  d'ailleurs  seraient  insuffisants,  si  l'on  considère  les 
avantages  remportés  par  les  Irlandais  auxquels  il  ne  manque  absolument 
que  de  l'argent. 


LE    BARON    M     LISOLÀ.  329 

On  a  ouvert  Les  Lettres  de  L'ambassadeur  de  Venise;  Le  Parlement 
croyait  trouver  dans  ses  papiers  des  Lettres  pour  La  reine.  On  >  a  vu 
que  Venise  voulait  s'allier  avec  les  autres  princes  de  L'Italie  contre  le 
Pape.  J'ai  t'ait  savoir  au  Parlement  que  j'étais  à  Londres  pour  L'Empe- 
reur, mais  qu'avant  d'avoir  vu  le  roi,  je  n'avais  osé  Faire  aucune  visite. 
On  m'a  donne  toutes  les  garanties  de  sécurité  et  assuré  La  remise  de 
mes  Lettres,  en  même  temps  qu'il  a  été  défendu  aux  soldats  de  pénétrer 
dans  mon  domicile. 

L'intendant  de  la  duchesse  de  Ghevreuse  vienl  d'être  nus  en  priï 
ainsi  qu'un  certain  Krafft.  La  duchesse  de  Ghevreuse  avait  préparé  en 
Belgique  un  asile  pour  la  reine  d'Angleterre.  C'est  Le  Parlement  qui 
l'a  découvert;  peut-être  avait-il  été  averti  par  quelque  personne  di 
cour,  car  il  y  en  a  bien  peu  de  fidèles. 

Le  Parlement  a  feint  de  vouloir  s'entendre  avec  la  reine  et  a  pris 
pour  intermédiaire  le  duc  de  Vendôme  qui  devait  lui  chercher  un  asile 
à  Venise  ;  les  négociations  ont  ensuite  été  rompues.  *  i  était  qu'une 
ruse  pour  rendre  la  reine  odieuse  au  peuple.  L'ambassadeur  français 
s'est  également  opposé  à  ce  départ.  Le  duc  de  Vendôme  a  donné  alors 
à  la  reine  un  conseil  très  délicat,  celui  de  convoquer  les  chefs  du  Par- 
lement et  de  leur  déclarer  qu'elle  étail  prête  à  faire  ce  qu'ils  voudraient. 
Elle  ne  s'est  pourtant  pas  encore  décidée  à  cette  démarche; 
a-t-elle  changé  d'idée. 

On  dit  le  roi  de  France  très  malade;  s'il  mourait,  il  faudrait  s'en- 
tendre avec  les  Français  réfugiés  en  Angleterre,  dont  I"  due  de  Ven- 
dôme; mais  la  plus  grande  précaution  sera  nécessaire.  Vendôme 
encore  en  France  une  grosse  fortune  et  craindrait  de  lavoir  confisquer. 

Richelieu  a  offert  à  l'évêque  de  Metz  une  abbaye  de  cent  mille  écus 
en  échange  de  son  épiscopat.  Le  duc  de  La  Valette  demande  qu'on  ne 
perde  pas  un  moment,  car,  si  la  négociation  réussit,  Richelieu  chang  i 
la  garnison.  J'attends  tous  les  jours  une  réponse  sur  cette  affaire.  La 
Valette  prie  aussi  l'ambassadeur  d'Espagne  d'écrire  à  son  souverain 
pour  qu'il  favorise  cette  expédition.  L'Empereur  devrait  y  employer  le 
procureur  général  du  cercle  de  Bourgogne;  c'est  un  véritable  trésor,  qui 
rendra  les  plus  grands  services  si  on  lui  en  donne  l'occasion,  et  surtout 
dans  le  cas  où  l'archiduc  Léopold  se  rendrait  en  Belgique.  Le  conseiller 
du  prince  palatin,  leRhingrave,  se  fera  aussi  Le  serviteur  de  l'Empereur 
el  ira  à  la  cour  de  Vienne,  s'il  y  est  appelé,  .le  n'ai  pas  ose  m'avai 
plus  loin,  tant  que  je  ne  serai  pas  mieux  instruit  des  volontés  de  Notre 
Excellence. 

L'arrivée  du  roi  à  Londres  ramène  L'attention  de  Lisola  sur  l'état 
de  l'Angleterre;  il  est  témoin  de  l'accueil  fait  au  souverain  et  s'en 
exagère  la  portée.  11  reconnaît  pourtant  le  peu  d'espérance  que  l'on 
peut  fonder  sur  le  roi  et  s'occupe  plus  que  jamais  d'employer  à  ses 
desseins  les  réfugiés  français.  11  cherche  aussi  à  -  insinuer  auprès 
des  conseillers  du  Palatin,  pour  le  détacher  du  Cardinal. 


330  MKLAXGES  El  DOCUMENTS. 

Voici  d'abord  ce  qu'il  dit  dans  une  dépèche  du  mois  de  novembre  : 

Le  roi  d'Angleterre  est  arrivé  hier  et  a  été  très  bien  reçu.  De  grands 
changements  vont  s'accomplir  en  sa  faveur.  On  a  élu  lord-maire  un 
anglican  dévoué  au  roi,  malgré  le  Parlement.  Le  roi  est  opposé  à  la 
plupart  des  mesures  adoptées  par  la  Chambre  des  communes,  il  sera 
soutenu  par  le  peuple,  qui  attendait  du  Parlement  des  améliorations 
matérielles,  tandis  que  les  impôts  ont  augmenté  et  que  le  commerce  a 
diminue.  Des  querelles  ont  éclaté  entre  les  Anglicans  et  les  Puritains. 
Ceux-ci  tiennent  de  nombreux  conciliabules  auxquels  assiste  l'ambas- 
sadeur français.  Les  luttes  qui  mettent  les  Anglicans  et  les  Puritains 
aux  prises  permettront  au  roi  de  rétablir  son  autorité,  tout  au  moins 
de  maintenir  l'équilibre  entre  eux  ;  malheureusement,  il  n'est  pas  bien 
conseillé.  Hamilton  est  un  traître  ;  Lennox  a  trop  de  faiblesse.  Ce  qu'il 
y  a  de  plus  évident,  c'est  qu'au  milieu  de  ces  divisions  l'Angleterre  ne 
peut  inspirer  aucun  danger.  Les  Puritains,  s'ils  arrivaient  au  pouvoir, 
attaqueraient  l'Allemagne.  Ils  viennent  de  faire,  à  la  Chambre  haute, 
des  propositions  pour  exclure  les  évêques  du  Parlement  et  s'emparer  de 
l'administration  '. 

Lisola  les  considère  comme  1res  hardis,  mais  pas  dangereux  dans 
ce  moment;  les  chances  ont  tourné  en  faveur  du  roi,  mais  peut-il 
compter  sur  le  roi  lui-même  ?  Sa  dépêche  trahit  de  ce  côté  une  cer- 
taine défiance. 

J'ai  abordé  le  roi  et  traité  avec  lui  la  question  du  prince  Palatin, 
mais  non  sans  précautions,  car  il  a  donné  sa  confiance  à  des  membres 
du  Parlement  qui  sont  pensionnaires  du  roi  de  France.  Il  est  d'ailleurs 
occupé  d'autres  affaires.  Il  croit  avoir  le  peuple  pour  lui  et  veut  sup- 
planter le  Parlement.  Il  traite  avec  l'Ecosse  et  dissimule  jusqu'à  ce 
qu'il  trouve  une  occasion  favorable.  Les  troupes  manquent  pour  envoyer 
une  expédition  en  Irlande.  L'Ecosse  a  bien  offert  des  troupes  à  Charles  Ier 
pour  rétablir  le  comte  Palatin,  mais  une  pareille  entreprise  n'est  guère 
possible  de  longtemps. 

Aussi  Lisola  préfère-t-il  recourir  à  d'autres  moyens.  Il  compte  d'abord 
sur  les  réfugiés  français.  Soubise  et  La  Valette  veulent  s'allier  avec  le 
comte  Palatin;  il  faudrait  aussi  gagner  le  Rhingrave.  Il  est  vaniteux  et 
avare  ;  on  peut  se  l'attacher  par  un  titre  et  de  l'argent.  Il  est  sujet  de 
l'empire,  et  une  fortune  modeste  mais  assurée  dans  sa  patrie  lui  plairait 
mieux  que  la  fortune  en  France.  Le  duc  de  Vendôme ,  lui  aussi ,  après 
sa  disgrâce,  était  allé  se  réfugier  en  Angleterre. 

Lisola  est  allé  le  voir  et  s'est  efforcé  de  l'attirer  à  lui.  Il  est  très  bien 
disposé,  si  le  roi  meurt,  mais  il  veut  attendre  que  les  nouvelles  se  con- 
firment. 

1.  En  conséquence  de  la  pétition  pour  l'abolition  de  l'épiscopal  présentée  à  la 
Chambre  des  Lords  le  11  déc.  1640.  Voyez  Gardner  :  History  of  England  from 
the  accession  of  James  /,  t.  IX,  247,  et  X,  60  (nov.  1641). 


LE    BÀBOH    BB    LIS0LA.  331 

Une  dépèche  du  mois  de  décembre  revient  sur  celte  tentative,  mais 
avec  plus  de  détails.  11  informe  l'Empereur  qu'il  a  voulu  traiter  avec 
le  duc  de  Vendôme. 

Celui-ci  a  en  France  une  position  excellente;  il  a  parmi  les  mé- 
contents remplacé  le  comte  de  Soissons,  il  est  soutenu  par  deux 
fils  capables,  des  amis  et  des  clients.  C'est  en  outre  un  ennemi  irré- 
conciliable du  duc  de  Richelieu;  mais  la  crainte  l'empêche  de  beau- 
coup avancer.  Il  est  d'ailleurs  tout  à  l'ait  brouillé  avec  le  prince  de 
Gondé,  qu'il  n'a  jamais  voulu  reconnaître  comme  prince  du  sang.  11 
mène  à  Londres  une  vie  très  modeste.  Je  l'ai  mis  en  rapport  avec  le 
duc  de  La  Valette,  qu'il  voit  maintenant  tous  les  jours.  Je  l'ai  vu  moi- 
même  chez  La  Valette.  Il  a  déclare  naïvement  que,  s'il  pouvait  agir 
contre  le  cardinal,  il  le  ferait,  mais  qu'il  ne  voulait  pas  s'exposer. 

Je  lui  ai  dit  qu'il  ne  pourrait  rentrer  en  France  que  par  la  force, 
qu'il  devait  donc  rechercher  l'appui  d'un  prince  étranger  et  lui  ai  promis 
celui  de  Votre  Majesté,  l'assurant  qu'elle  veut  seulement  la  paix  de  la 
Chrétienté  et  ne  prétend  rien  faire  contre  la  France.  Je  lui  ai  dit  que  je 
ne  pouvais  point  écrire  à  Votre  -Majesté  si  je  n'avais  pas  sa  parole  qu'il 
ne  se  réconcilierait  jamais  avec  le  cardinal.  Il  m'a  prié  d'écrireà  Votre 
Majesté,  mais  a  refusé  de  s'engager  définitivement.  Il  faudrait  lui  ména- 
ger l'appui  de  l'Espagne. 

Son  projet  serait  d'envahir  la  Franco  par  le  duché  de  Bourgogne  et  le 
Lyonnais.  Il  faudrait  que  les  Espagnols  lui  donnassent  la  ville  de  Gray 
sur  la  Saône,  et  que  l'Empereur  lui  fournit  dix  mille  soldats.  11  serait 
en  outre  nécessaire  de  réunir  une  armée  à  Besançon,  avec  de  l'argent. 
Cette  place  est  plus  sûre  que  Sedan  et  la  province  de  Bourgogne  mieux 
disposée  à  une  révolte.  Les  paysans  bourguignons,  belliqueux  et  ruinés, 
iraient  au-devant  de  Vendôme,  et  ses  fils  soulèveraient  la  noblesse. 

Seulement  c'est  un  projet  indique  dans  une  conversation  beaucoup 
plus  qu'une  proposition  formelle.  Vendôme  n'agira  que  s'il  est  assuré 
d'obtenir,  comme  Guise,  le  titre  de  général  et  une  pension  en  cas  d'in- 
succès. 

Voici  quel  serait  mon  avis  :  attaquer  le  duché  de  Bourgogne;  celte 
province  n'a  pas  de  grands  fleuves,  elle  est  éloignée,  des  armées  fran- 
çaises, et  ce  pays  se  prête  aux  invasions.  Il  suffirait  en  ce  cas  d'envoyer 
quelques  navires  sur  les  côtes  de  la  Guienne;  cette  diversion  assu- 
rerait la  conquête  de  la  Bourgogne.  Quant  à  Vendôme,  on  peut  se 
fier  à  lui  ;  cette  attaque  combinée  avec  celle  de  Metz  produira  le  meil- 
leur effet.  La  France,  ainsi  attaquée  de  toutes  parts,  serait  forcée  de 
faire  la  paix. 

Il  faut  commencer  par  Metz  et  lui  envoyer  l'autorisation  de  traiter 
avec  Vendôme. 

Cette  politique,  ces  nombreuses  négociations.  Douées  de  tous  les 
côtés  à  la  fois,  se  trouvent  très  clairement  résumées  dans  un  mémoire 


fî32  MÉLANGES   ET   DOCUMENTS. 

adressé  à  l'Empereur  par  Lisola  vers  les  derniers  jours  de  décembre 
164-1 ,  et  nous  ne  pouvons  mieux  faire  que  d'en  donner  une  analyse 
très  complète. 

Après  avoir  annoncé  à  l'Empereur  qu'il  lui  a  envoyé  Tasselt,  chargé 
de  lui  donner  des  explications  de  vive  voix,  il  trace  lui-même  un 
tableau  do  la  situation,  et  montre  comment  il  a  décidé  le  Palatin  à  une 
démarche  des  plus  sérieuses. 

Le  Prince  a  peu  de  secours  à  attendre  de  ceux  qui  lui  en  promettent. 
Richelieu  veut  s'en  servir  pour  continuer  la  guerre  qui  divise  "l'Alle- 
magne. Dans  ce  but,  le  cardinal  s'est  rendu  nécessaire  au  roi  d'Angle- 
terre et  au  Parlement  par  ses  promesses  à  l'égard  du  prince  palatin.  Il 
a  proposé  un  traité  entre  le  prince  Palatin,  le  roi  d'Angleterre,  les 
Écossais,  le  Parlement,  la  France,  la  Suède,  les  protestants  d'Alle- 
magne et  le  roi  de  Danemark.  Peut-être  le  roi  d'Angleterre  et  le  roi  de 
Danemark  veulent-ils  en  effet  rétablir  le  Palatin,  mais  Richelieu,  la 
Suède  et  le  Parlement  en  sont  très  éloignés.  Ils  ne  songent  qu'à  ruiner 
la  maison  d'Autriche  et  ne  redouteraient  rien  tant  qu'un  traité  définitif. 
Ils  ne  signalent  les  tentatives  de  l'Empereur  que  comme  mensongères. 
La  France  promet  de  l'argent  et  des  soldats,  mais  ne  se  soucie  pas  d'en 
donner.  La  guerre  civile  met  l'Angleterre  dans  l'impossibilité  d'agir. 
Les  Écossais  promettent  des  soldats,  qu'il  leur  sera  impossible  de  sou- 
tenir sans  l'argent  de  l'Angleterre.  Le  roi  de  Danemark  seul  a  une 
armée.  La  France  pousse  l'Angleterre  à  la  guerre  pour  se  rendre  néces- 
saire aux  deux  partis,  les  protestants  et  le  Danemark  pour  empêcher  la 
paix  générale. 

Afin  de  remédier  à  ces  maux,  j'ai  cru  devoir  les  couper  à  la  racine  en 
détachant  le  Palatin  de  l'alliance  française.  Il  fallait  prouver  à  ce  prince 
qu'il  n'avait  rien  à  espérer  de  Richelieu  et  qu'il  avait  tout  à  attendre  de 
l'Empereur.  Gerbier  m'avait  engagé  à  voir  le  Palatin;  je  lui  ai  déclaré 
ne  pouvoir  le  faire  que  si  le  Palatin  était  réconcilié  avec  l'Empereur.  Je 
me  défiais  de  Gerbier  que  je  savais  attaché  à  la  France,  et  j'avais  pour 
arriver  au  Palatin  des  hommes  plus  sûrs  et  plus  dévoués  à  Votre 
Majesté.  La  Valette  m'a  offert  son  appui  et  m'a  fourni  un  meilleur 
intermédiaire.  C'est  un  ami  du  comte  de  Soissons,  compromis  dans 
l'affaire  de  Sedan,"  Variceville,  qui  a  vécu  en  Hollande,  où  il  a  connu  la 
famille  du  Palatin.  Il  travaillait  depuis  deux  ans  à  le  détacher  de  la 
France.  Je  l'ai  chargé  des  affaires  suivantes  :  amener  le  Prince  à  s'en- 
tendre avec  l'Empereur  ;  poursuivre  avec  Soubise  et  La  Valette  la  ruine 
du  cardinal,  suspendre  tout  traité  avec  la  maison  d'Autriche,  savoir 
du  Palatin  ce  qu'il  accorderait  à  l'Empereur  dans  le  cas  où  il  serait 
rétabli.  Variceville  devait  faire  entendre  au  prince  palatin  qu'il  n'avait 
que  deux  moyens  de  reconquérir  ses  États,  les  armes  ou  les  négocia- 
lions.  Par  les  armes  il  ne  peut  rien.  Il  n'a  de  secours  à  attendre  que  de 
l'Angleterre,  «lu  Parlement,  de  la  France,  de  la  Suède  et.  du  roi  île 
Danemark.  Le  roi  d'Angleterre  esl  réduit  à  l'impuissance  par  la  guerre 


LE    liAKON    HK    LISOLA. 


333 


civile;  le  Parlement  se  trouve  dans  la  même  situation:  il  est  occupé 
dans  sa  lutte  contre  le  roi.  La  France  ne  songe  pas  à  le  servir  pour  bien 
des  raisons.  Le  cardinal  sait  que,  terminer  cette  question,  ce  serait 
ramener  la  paix  en  Allemagne,  ce  qu'il  ne  veut  pas.  Il  désire  au  con- 
traire retenir  dans  son  parti  le  roi  de  Danemark  contre  l'Empereur.  Le 
prétexte  du  Palatinat  lui  est  nécessaire  pour  continuer  à  oulever  les 
protestants  d'Allemagne.  11  ne  veut  pas  se  brouiller  avec  le  duc  de 
Bavière.  11  n'a  jamais  songé  à  restituer  le  Palatinat,  puisqu'il  n'a 
pas  même  rendu  au  Prince  les  pays  occupés  par  les  Français.  Il  a 
retenu  le  Prince  en  France  contre  la  foi  des  traités,  poui  l'empêcher  de 
prendre  les  Weimariens  à  son  service.  Les  Suédois  perdent  de  leurs 
forces  et  ne  songent  qu'à  leur-  intérêts.  Le  roi  de  Danemark  n'est  pas 
capable  de  soutenir  la  lutte  sans  le  secours  de  la  France,  qui  le  destine 
seulement  à  troubler  l'Allemagne. 

Le  Palatin  n'a  donc  d'espoir  que  dans  l'Empereur,  mais  celui-ci  ne 
peut  traiter  que  s'il  est  d'abord  assure  de  la  soumission  du  Prince.  Il 
se  prêtera  d'ailleurs  sans  peine  à  un  accommodement.  Mais  le  Palatin 
doit  d'abord  enlever  tout  prétexte  au  soupçon  en  se  séparant  des  inté- 
rêts français;  il  faut  aussi  qu'il  détourne  le  roi  de  Danemark  de  s'allier 
avec  la  France  avant  qu'un  traité  n'ait  été  conclu  à  Vienne.  L'Empe- 
reur est  seul  en  état  de  rétablir  le  Palatin,  puisque  le  roi  d'Espagne  et 
le  duc  de  Bavière  ont  été  investis  par  ses  ordres  des  terres  et  des  dignités 
enlevées  à  ce  prince.  D'un  autre  côté,  il  n'est  pas  absolument  le  maître, 
puisqu'il  y  a  des  intéressés.  Il  n'accepte  donc  la  réconciliation  que  si  le 
Prince  lui  assure  quelques  avantages. 

Variceville  a  donc  suggéré  au  Palatin  quelques  propositions,  mais 
comme  venant  de  lui  :  s'associer  à  ceux  qui  doivent  attaquer  le  cardi- 
nal; obtenir  pour  ce  but  quelques  soldats  fournis  par  le  roi  d'An 
terre;  unir  le  roi  d'Angleterre  à  l'Empereur;  détourner  le  Danemark 
de  l'alliance  française;  décider  la  veuve  du  landgrave  de  liesse  et  le 
duc  de  Luxembourg  à  traiter  avec  l'Empereur. 

J'ai  chargé  La  Valette  et  Variceville  d'interroger  le  Palatin  sur  ces 
derniers  points.  Dans  leur  première  entrevue,  ils  se  sont  contentés 
d'exciter  les  soupçons  du  Palatin,  d'écouter  ses  plaintes  et  d'exciter 
ses  défiances  contre  le  Cardinal.  Six  jours  plus  tard,  Variceville 
s'est  rendu  seul  chez  le  Prince.  Celui-ci  l'a  bien  accueilli,  mais  lui 
a  déclaré  ne  pouvoir  rien  faire  sans  se  rendre  suspect  à  ses  amis, 
dont  il  ne  voulait  pas  se  séparer  avant  d'être  assuré  de  son  rétabl 
ment.  Il  voudrait  au  moins  avoir  un  mot  de  l'Empereur.  Variceville 
n'a  pas  cru  ce  jour-là  devoir  aller  plus  loin. 

J'ai  dit  moi-même  à  Variceville  que  Votre  Majesté  ne  pouvail  pas 
engager  sa  parole,  parce  que  l'affaire  ne  dépendait  pas  de  lui  seul,  que 
c'était  d'ailleurs  au  Palatin  à  se  montrer  digne  de  la  grâce  qu'il  sollicite. 
Ce  prince  pourrait  ne  s'engager  que  conditionnellemcnt,  et  en  ai  ten- 
dant suspendre  toute  négociation  avec  la  France.  La  Valette  et  Varice- 
ville l'y  ont  poussé,  dans  un  nouvel  entretien,  mais  toujours  comme 


334  MÉLANGES  ET  DOCUMENTS. 

parlant  en  leur  nom.  Enfin,  le  19  décembre,  le  Palatin  s'est  transporté 
chez  Soubise  et  a  signé  l'engagement  suivant  : 

Son  Altesse  Électorale  donne  sa  parole  et  engage  sa  foi,  dans  le  cas 
où  S.  M.  Impériale  le.  rétablirait  pleinement  dans  la  possession  de  ses 
honneurs  et  de  ses  dignités,  d'embrasser  entièrement  les  intérêts  de 
S.  M.  Impériale,  de,  ne  faire  aucun  traité  ni  alliance  avec  les  ennemis 
de  l'Empereur,  ni  directement  ni  indirectement,  et  de  ne  rien  entre- 
prendre sans  la  connaissance  et  le  consentement  de  l'Empereur.  Pour 
reconnaître  dignement  un  si  grand  bienfait  et  prouver  le  dévouement 
avec  lequel  il  s'est  consacré  au  service  de  S.  M.  Impériale,  Son  Altesse 
Électorale  promet  de  se  joindre  à*  tous  ceux  qui  s'efforceront  d'assurer 
le  bonheur  et  la  paix  de  la  Chrétienté,  l'autorité  de  la  maison  impé- 
riale et  la  ruine  de  l'ennemi  commun  de  ces  deux  projets,  qui  est  le 
cardinal  de  Richelieu. 

Son  Altesse  Électorale  promet  aussi  que,  pendant  deux  mois  (en 
comptant  du  20  décembre  selon  le  nouveau  calendrier,  du  10  selon 
l'ancien),  elle  s'abstiendra  de  conclure  aucun  traité  avec  les  ennemis  de 
l'Empereur  ou  contraire  à  ses  intérêts,  sous  prétexte  d'obtenir  son  réta- 
blissement ou  de  toute  autre  manière.  Si  pendant  cette  période  la  réso- 
lution définitive  de  l'Empereur  ne  procure  pas  à  Son  Altesse  électorale 
une  pleine  satisfaction,  en  ce  cas,  Son  Altesse  Électorale  reprendra  la 
liberté  entière  d'agir  comme  elle  croira  le  plus  utile  à  ses  intérêts. 

Tout  est  ici  à  l'avantage  de  Votre  Majesté.  Si  la  négociation  réussit, 
le  Prince  dépendra  absolument  d'elle.  Il  sera  désormais  un  ennemi  de 
la  France  et  surtout  du  Cardinal.  Le  roi  d'Angleterre  et  le  roi  de  Dane- 
mark n'auront  plus  de  prétexte  pour  combattre  l'Empereur;  ils  devront, 
au  contraire,  accepter  son  alliance  à  la  suite  du  prince  palatin. 

Dans  le  cas  où  le  traité  ne  serait  pas  conclu,  le  Palatin  n'en  sera  pas 
moins  obligé  par  les  promesses  qu'il  aura  faites,  et  nous  aurons  le 
temps  de  commencer  des  négociations  plus  avantageuses.  D'ailleurs  le 
nom  de  Votre  Majesté  n'est  pas  engagé  dans  l'affaire. 

Quant  au  roi  de  Danemark,  j'ai  fait  voir  au  Palatin  qu'il  avait  inté- 
rêt à  le  détourner  de  l'alliance  française,  car  le  moindre  mouvement  de 
l'armée  danoise  le  rendrait  suspect  et  rapprocherait  le  duc  de  Bavière 
de  Votre  Majesté. 

Le  prince  palatin  a  répondu  qu'il  était  absolument  de  cet  avis,  mais 
qu'il  n'était  pas  en  son  pouvoir  d'empêcher  le  roi  de  Danemark  d'agir  ; 
il  ne  pourrait  même  pas  lui  écrire  sans  se  rendre  suspect  à  ses  amis.  Il 
peut  seulement  s'engager  à  faire  traîner  en  longueur  toutes  les  négo- 
ciations. 

Il  a  déclaré  qu'il  avait  beaucoup  d'influence  sur  les  Suédois  et  les 
Weimariens,  et  que,  s'il  avait  une  promesse  de  Votre  Majesté,  il  s'em- 
ploierait aussitôt  pour  ramener  à  l'Empereur  la  veuve  du  landgrave  de 
Hesse  et  le  roi  de  Danemark. 

Je  suis  d'avis  qu'en  rétablissant  le  Palatin,  Votre  Majesté  gagnerait 


il     i;\ii(i\    m:    UBOLA.  ;!:!  ' 

les  protestante  d'Allemagne  et  détruirait  tous  Les  plane  préparés  par  Les 
Français. 

Le  cardinal  Richelieu  essaiera  sans  doute  de  soutenir  le  duc  de 
Bavière  et  do  s'unir  aux  catholiques,  mais  il  n'aura  guère  de  crédit 

Dans  le  cas  contraire  e1  si  Le  prince  n'était  pas  rétabli,  une  paix 
durable  ne  pourrait  pas  s'établir  en  Allemagne,  et  La  France  n'aurai! 
aucune  peine  à  continuer  la  guerre  avec  Le  secours  des  protestants. 

Nous  sommes  placés  entre  deux  écueils  qu'il  Tant  éviter  avec  la  même 
prudence.  Les  prétendus  protecteurs  du  Palatin  neveulenl  que  conti- 
nuer la  guerre;  il  faut  leur  enlever  ce  prétexte  el  éclairer  Là-dessus 
l'esprit  du  Palatin. 

Il  est  également  nécessaire  quêtes  ambassadeurs  du  roi  à  Angleterre 
ou  du  roi  de  Danemark  ne  soient  pas  d'abord  gagnés  par  la    Fi 
(praeoccupati  sint  a  Gallia). 

Votre  Majesté  devrait  intervenir  sans  perdre  de  temps;  elle gagnerail 
ainsi  la  confiance  du  prince  palatin,  qui  demande  lui-même  que  cette 
affaire  soit  promptement  soumise  à  L'Empereur;  en  attendant,  il  a 
mains  libres.  Il  faudra  aussi  autoriser  La  Valette  et  Soubise  à  se  pré- 
senter comme  intermédiaires  de  la  part  de  L'Empereur  el  témoigner  au 
Prince  que  cette  négociation  est  vue  d'un  bien  bon  œil  à  Vienne.  On 
pourrait  encore  obtenir  l'appui  du  roi  d'Angleterre  et  traiter  avec  ce 
prince,  qui  fournirait  au  Palatin  des  soldats  pour  attaquer  la  France. 

Il  serait  bon,  pour  s'assurer  le  prince  et  toute  sa  famille,  de  lui 
ménager  un  mariage  avantageux,  et  de  faire  épouser  aussi  quelque 
prince  allemand  à  sa  sœur  aînée  qui  le  gouverne,  un  Neubourg,  par 
exemple,  ou  tout  autre. 

Dans  le  cas  où  l'Empereur  croirait  la  restitution  du  Palatinat  impos- 
sible, il  n'en  faudrait  pas  moins  amuser  le  prince  des  mêmes  espé- 
rances, et  lui  fournir  des  prétextes  plausibles  (speciosa  admodum  èl 
probabilia  allegare)  pour  que  ses  amis  ne  lui  inspirent  pas  quelques 
soupçons  et  ne  l'entraînent  pas  du  côté  de  la  France. 

Il  ne  serait  pas  moins  utile  d'entretenir  les  troubles  en  Angleterre 
pour  que  le  Palatin  ne  puisse  en  tirer  aucun  secours.  Il  conviendrait 
également  d'entretenir  le  roi  d'Angleterre  des  mêmes  espérances  que  Le 
prince  Palatin,  d'autant  plus  que  L'ambassadeur  de  France  essaie  d'unir 
le  Parlement  et  le  Roi  dans  la  même  entreprise. 

Pour  empêcher  cette  entente,  il  faudrait  que  L'Espagne,  si  elle  le  pou- 
vait, accordât  quelque  secours  au  Koi,  car,  tant  qu'il  se  croira  puissant, 
il  ne  voudra  pas  céder,  surtout  aux  communes,  avec  la  disposition  de 
la  Reine,  qui  se  conduit  d'après  ses  passions  plus  que  d'après  la  poli- 
tique, et  déteste  le  Parlement. 

Il  faudra  fournir  quelques  subsides  aux  Irlandais  près  de  succomber, 
mais  qui,  s'ils  étaient  soutenus,  créeraient  aux  Anglais  de  sérieux 
embarras.  C'est  l'affaire  principale  du  Pape,  et  le  cardinal  Barberini  y 
contribuerait  volontiers,  le  Pape  devrait  donner  un  bref  et  déclarer  une 


336  MÉLANGES    ET    DOCUMENTS. 

guerre  qui  aurait  un  caractère  purement  religieux  (bellum  instituere 
pùrae  religionis).  Les  Irlandais  y  courraient  alors  jusqu'au  martyre,  ils 
sont  prêts  à  se  révolter,  et,  si  l'on  pouvait  amener  le  Pape  à  donner  de 
l'argent,  ils  agiraient  avec  ardeur. 

Le  roi  d'Angleterre  a  été  sollicité  de  déclarer  rebelles  les  Irlandais; 
il  n'a  pas  voulu  consentir,  ce  qui  indigne  le  Parlement,  qui  le  soupçonne 
de  s'entendre  avec  eux. 

Il  faudrait  créer  des  embarras  à  la  France  et  la  faire  attaquer  chez 
elle  par  les  moyens  déjà  indiqués,  donner  quelques  espérances  au  roi 
de  Danemark  ou  bien  décider  les  Hollandais  à  le  combattre. 

Dans  tous  les  cas,  il  est  indispensable  d'annoncer  le  traité,  et  le  mieux 
serait  de  le  conclure  tout  de  suite.  La  principale  difficulté  consiste  en 
ce  que  le  Palatin  réclame  le  titre  d'Électeur;  on  pourrait  modifier  la 
Constitution  de  l'Empire  et  créer  deux  électeurs  nouveaux,  dont  l'un 
appartiendrait  à  la  maison  d'Autriche.  Cette  maison  serait  ainsi  assurée 
d'avoir  deux  suffrages  de  plus,  car  le  Palatin,  par  reconnaissance,  ne 
pourrait  pas  lui  refuser  le  sien. 


III.  —  \  644-4  645. 

La  dernière  partie  de  cette  correspondance  nous  transporte  au 
milieu  de  la  guerre  civile.  De  grands  événements  se  sont  accomplis 
en  Angleterre  et  en  Europe.  Charles  Ier  est  en  lutte  ouverte  avec  le 
Parlement,  et  c'est  par  les  armes  que  le  dénouement  de  la  crise  sera 
décidé.  A  mesure  qu'il  se  précipite,  le  roi  et  ses  ennemis  sont  moins 
préoccupés  des  affaires  extérieures,  le  roi  surtout,  car  les  Puritains 
rattachent  volontiers  leurs  intérêts  à  ceux  des  protestants  d'Alle- 
magne. Aussi  le  Prince  palatin  essaie-t-il  de  se  rapprocher  d'eux  et 
de  la  France. 

Dans  ce  dernier  pays  se  sont  aussi  accomplis  de  grands  change- 
ments. Richelieu  est  mort  et  Louis  XIII  l'a  suivi  de  près.  Heureu- 
sement, après  une  indécision  de  courte  durée,  la  politique  du  grand 
Cardinal  a  été  reprise  par  un  successeur  digne  de  lui,  Mazarin,  qui, 
mêlant  les  négociations  aux  batailles,  prépare  la  paix  de  Westphalie. 
Le  rétablissement  du  Prince  palatin  est  un  des  buts  qu'il  poursuit, 
afin  d'affaiblir  l'Empereur  et  de  se  ménager  l'appui  des  Protestants. 
C'est  encore  un  trait  d'union  avee  les  Puritains  et  le  Parlement. 
Cependant  Mazarin  n'oublie  pas  les  liens  de  parenté  qui  existent 
entre  les  Sluarts  et  les  Bourbons.  Il  essaie  donc  de  rétablir  la  paix 
entre  le  roi  d'Angleterre  et  son  parlement.  Le  comte  d'Harcourt  est 
chargé  de  celle  mission  délicate,  d'autant  plus  difficile  à  remplir  que 
le  Cardinal  ne  veut  pas  s'engager  dans  cette  affaire  jusqu'à  compro- 


LE    BARON    DE    LISOLA.  'i.'iT 

mettre  les  intérêts  de  la  France,  el  qu'au  roi  vaincu  le  futur  allié  de 
CromweU  préférera  les  Puritains  triomphants. 

C'est  au  milieu  de  ces  embarras  que  Lisola  |nmr-uil  ecs  négocia- 
tions. On  prévoil  aisémenl  leur  insuccès  :  l'Kmpereur  n';i  pas  h 
décision  nécessaire;  les  Espagnols  battus  partout  ne  songent  qu'à 
eux-mêmes;  le  Palatin  se  donne  aux  Puritains  et  aux  Français  victo- 
rieux. Le  roi  d'Angleterre  en  est  réduit  à  défendre  sa  couronne  el  sa 
vie;  la  révolution,  tous  les  jours  plus  animée  contre  le  roi  cl  ses 
partisans,  étend  le  cercle  de  ses  soupçons  et  de  ses  violences  ;  les 
agents  étrangers  sont  soumis  à  la  surveillance  du  Parlement,  exposés 
aux  colères  de  la  foule.  Lisola  brave  ces  dangers  aussi  longtemps 
qu'il  est  possible,  mais,  quand  il  voit  ses  courriers  interceptés,  sa 
maison  pillée,  il  demande  son  rappel,  et  quitte  l'Angleterre  sans 
assister  aux  derniers  événements  de  la  révolution,  mais  bien  con- 
vaincu que  l'Empereur  ne  peut  rien  attendre  de  ce  pays. 

Sa  première  dépêche  est  datée  du  1er  janvier  <644.  Le  comLe 
d'Harcourt  est  venu  de  France  pour  négocier  un  accord  entre 
Charles  Ier  el  le  Parlement.  Lisola  essaie  de  le  brouiller  en  même 
temps  avec  les  deux  partis.  11  voit  d'ailleurs  bien  des  obstacles  à 
cette  négociation.  La  discorde  est  plus  forte  que  jamais  en  Ecosse, 
et  le  prince  Maurice  fait  le  siège  de  Plymouth. 

Cependant  quelques  jours  après  il  écrit  pour  annoncer  que  d'Har- 
court se  rend  à  Oxford.  Il  aurait  lui-même  besoin  de  lettres  de 
créance  pour  le  suivre.  Harcourt  a  d'ailleurs  imaginé  un  strata- 
gème assez  ingénieux  pour  rétablir  la  paix,  tout  en  permettant  au  roi 
de  ne  pas  traiter  directement  avec  ses  adversaires.  11  pourrait  for- 
muler un  certain  nombre  de  propositions,  et.  si  les  deux  partis  les 
agréaient,  l'accord  suivrait  naturellement.  II  est  difficile,  ajoute 
Lisola.  que  l'accord  se  fasse  dans  ces  conditions.  Le  Parlement 
d'ailleurs  poursuit  ses  violences;  il  vient  de  chasser  un  Français 
établi  dans  un  ancien  couvent  de  capucins.  Il  accable  à  dessein 
d'affronts  les  Français  et  leur  ambassadeur. 

La  guerre  continue,  avec  quelques  succès  pour  le  roi;  le  prince 

Rupert  a  battu   Waller,   el  Hamilton  vient    d'être  arrêté  coin 

traître. 

Cependant  la  situation  s'aggrave,  il  se  rend  à  Oxford  pour  voir  le 
roi  ;  il  veut  l'empêcher  de  conclure  avec  la  France  une  alliance  offen- 
sive et  défensive.  Mais  il  est  nécessaire  que  l'Empereur  prenne  vite 
un  parti,  car  le  Parlement  pourrait  élire  un  nouveau  roi.  En  atten- 
dant, Lisola  excite  la  défiance  contre  les  Français,  seulement  il  esl 
bien  isolé  et  sans  secours.  Don  Francisco  de  Mellos  a  déclaré  qu'il 
n'avait  pas  d'argent  à  donner  •.  il  n'y  a  rien  à  attendre  de  l'Espagne. 
Rev.  Histor.   XXVII.  •.'•'  pasc. 


3,'ÎS  MELANGES    ET    DOCUMENTS. 

A  la  fin  du  même  mois,  Lisola  expose  la  situation  à  l'Empereur 
dans  un  long  mémoire  dont  nous  allons  donner  l'analyse. 

Il  s'est  rendu  auprès  du  roi  pour  empêcher  Harcourt  de  le  récon- 
cilier avec  les  Puritains.  Afin  d'éviter  tout  soupçon,  il  a  pris  pour 
prétexte  les  souhaits  de  la  nouvelle  année. 

Le  roi  m'a  bien  reçu  et  m'a  interrogé  sur  les  attaques  dirigées  par  les 
Suédois  contre  le  roi  de  Danemark,  qui  lui  causent  beaucoup  d'impa- 
tience. Je  lui  ai  dit  ce  que  j'en  avais  appris  et  j'ai  essayé  de  lui  faire 
voir  combien  notre  cause  était  la  sienne,  combien  au  contraire  les 
Français  étaient  nos  ennemis.  Le  Parlement  se  félicite  de  la  guerre 
faite  au  roi  de  Danemark;  il  est  lié  avec  les  Suédois  et  les  Puritains  de 
Hollande  :  les  Français  sont  dans  le  même  camp.  Le  roi  a  été  frappé  de 
mes  paroles,  et,  depuis,  il  est  souvent  revenu  à  ce  sujet.  Il  m'a  exprimé 
l'espérance  que  Votre  Majesté  n'abandonnerait  pas  le  roi  de  Danemark. 
Je  lui  ai  répondu  que  je  n'avais  encore  rien  reçu  sur  cette  question, 
mais  que  je  ne  doutais  pas  que  l'Empereur  ne  fit  tout  ce  qui  dépendrait 
de  lui.  Je  lui  ai  montré  les  Puritains  prêts  à  s'allier  avec  les  Suédois, 
les  Écossais,  les  Hollandais  et  les  Puritains  d'Allemagne  pour  détruire 
toutes  les  monarchies,  et  la  France  les  secondant  pour  combattre  la 
maison  d'Autriche. 

Dans  ce  premier  entretien,  il  n'a  pas  été  question  du  prince  Palatin, 
mais  j'ai  su  que  le  roi  avait,  il  y  a  peu  de  temps,  écrit  en  France  à  ce 
sujet;  il  a  demandé  que  cette  puissance  soutînt  à  Munich  la  cause  du 
Palatin  et  réclamât  pour  lui  une  indemnité  en  argent  avec  le  rétablis- 
sement de  la  dignité  électorale.  C'est  donc  sur  la  France  que  reposent 
aujourd'hui  toutes  les  espérances  du  Palatin.  Je  n'ai  pas  voulu  aborder  ce 
sujet.  Il  a  paru  en  Angleterre  sur  la  même  matière,  en  français,  un  libelle 
qui  doit  être  l'œuvre  de  quelque  Anglais,  car  il  est  plein  de  fautes  contre 
la  langue,  mais  je  n'ai  pas  non  plus  voulu  faire  de  réponse,  parce  que 
j'ignorais  les  volontés  de  Votre  Majesté  et  que  je  ne  suis  pas  au  courant 
de  certaines  questions,  par  exemple  des  protestations  de  l'Électeur  de 
Saxe  et  de  Brandebourg  contre  la  pensée  de  donner  l'Électorat  à  la 
famille  de  Bavière. 

Harcourt,  que  je  surveille  avec  le  plus  grand  soin,  n  a  encore  rien 
obtenu  ni  du  roi  ni  des  ministres,  mais  la  reine  fait  tous  ses  efforts 
pour  marier  son  bis  aine  avec  la  fille  du  duc  d'Orléans.  Seulement  le 
prince  Thomas  a  les  mêmes  vues  pour  le  prince  de  Savoie,  son  neveu. 
Harcourt  a  d'ailleurs  beaucoup  perdu  de  son  crédit  auprès  du  roi  et 
même  auprès  de  la  reine,  pour  avoir  voulu  persuader  au  Parlement 
qu'il  prétendait  rester  neutre  ;  la  cour  a  en  outre  appris  qu'il  avait 
souvent  des  conférences  avec  les  Puritains. 

On  m'a  dit  à  Oxford  que  l'envoyé  de  la  France  avait  obtenu  du  roi  la 
permission  de  lever  trois  mille  hommes  en  Irlande.  J'en  ai  parlé  à 
quelques  chefs  irlandais  actuellement  à  Oxford  pour  savoir  la  vérité. 


VÊ    B'ABOM    DE    l.l-oi  A.  339 

Je  leur  ai  insinué  combien  il  leur  serait  dangereux  d'obéir  aux  ordres 
du  roi  avant  que  la  paix  soit  conclu''.  Je  leur  ai  l'ait  voir  qui*  ces  sol- 
dats combattraient  contre  des  catholiques  en  laveur  des  protestants; 
ils  ont  été  stupéfaits  de  ces  nouvelles  dont  ils  n'avaient  aucune  con- 
naissance. Ils  m'ont  promis  de  s'y  opposer,  mais  n'ont  pn  obtenir 
aucun  éclaircissement  du  roi  ni  clos  ministres,  tant  la  chose  est  tenue 
secrète.  Je  me  suis  donc  adressé  au  secrétaire  d'Étal  Derby,  en  lui 
déclarant  que  je  n'en  croyais  rien  ;  en  ce  moment,  lui  ai-je  dit,  l'An- 
gleterre ne  pouvait  pas  se  déclarer  contre  1  Espagne  en  laveur  de  la 
France.  Derby  a  fini  par  m'avouer  qu'à  l'heure  présente  le  roi  d'An- 
gleterre  avait  besoin  du  secours  de  la  France.  J'ai  répliqué  que  l'Angle- 
terre avait  bien  pou  à  espérer  de  la  France,  qu'elle  devrait  plutôt  pousser 
à  une  paix  générale  qui  permettrait  aux  catholiques  de  le  secourir;  il  se 
nuit  à  lui-même  en  fournissant  des  soldats  à  la  France.  Il  y  a  trois  ans 
le  roi  d'Angleterre  avait  procuré  aux  Espagnols  de  lever  six  mille 
hommes  en  Irlande.  Les  troubles  n'ont  pas  permis  d'exécuter  ce  projet, 
mais  ce  sont  là  des  promesses  que  le  roi  doit  tenir  d'abord.  Elles  sont 
antérieures  à  celles  qui  ont  été  faites  aux  Français.  Derby  m'a  répondu 
que,  si  les  Espagnols  voulaient  exécuter  leur  projet,  ils  étaient  libres  de 
le  faire.  Je  n'ai  rien  répliqué,  n'ayant  point  à  parler  au  nom  de  l'Es- 
pagne. Les  Irlandais  m'ont  promis  de  s'opposer  aux  tentatives  de  la 
France;  ils  porteront  l'affaire  devant  le  Parlement  d'Irlande;  ils  deman- 
deront au  moins  que  tout  roi  ami  de  l'Angleterre  ait  le  droit  de  lever 
des  troupes.  Los  Français  pourront  obtenir  cette  autorisation,  mais 
nous  en  profiterons  aussi,  les  Irlandais  étant  d'ailleurs  beaucoup  mieux 
disposés  en  faveur  de  l'Espagne  qu'envers  la  France.  J'en  avertirai  Don 
Francisco  de  Mellos. 

L'ambassadeur  de  France  presse  de  plus  en  plus  le  roi  do  traiter  avec 
le  Parlement  et  de  le  reconnaître  comme  légitime.  Il  a  même  paru 
pencher  en  faveur  du  Parlement,  ce  qui  l'a  rendu  suspect.  Il  n'a  rien 
obtenu  et  partira  sans  doute  dans  quelques  jours;  cependant  le  roi 
essaie  de  traiter  avec  la  cité  de  Londres. 

Le  Parlement  de  Westminster  est  de  plus  en  plus  irrité  contre  les 
princes  Palatins,  surtout  contre  Rupert,  que  le  roi  vient  de  nommer  duc 
de  Sussex. 

Le  Parlement  d'Oxford  va  se  réunir.  On  attend  dans  cette  ville  un 
grand  nombre  de  royalistes  et  des  membres  de  la  Chambre  basse  expul- 
sés par  force  du  Parlement  de  Londres. 

Mais  ceux  qui  connaissent  bien  les  affaires  pensent  que  cette  mesure 
sera  funeste  au  roi  et  lui  créera  de  nouveaux  ennemis.  S'il  ne  peut 
s'entendre  avec  cette  assemblée,  il  sera  forcé  de  la  dissoudre.  Dans  le 
cas  contraire,  il  sera  obligé  de  subir  la  domination  d'un  Parlement  que 
l'on  croit  hostile  aux  catholiques.  L'armée  d'Oxford  est  assez  belle, 
mais  celle  de  Maurice  parait  épuisée. 

L'armée  d'Irlande  commandée  par  Biron  est  forte  et  nombreuse;  elle 
a  soumis  au  roi  la  province  de  Ghester,  mais  les  dissentiments  sont 


3  ÎO  MELANGES  ET    DOCUMENTS. 

nombreux  dans  l'armée  royale;  il  y  a  de  la  jalousie  entre  les  chefs  et 
surtout  contre  les  favoris  de  la  cour. 

Sa  Majesté  verra  combien  les  changements  ont  été  rapides  depuis 
quelque  temps  el  combien  le  roi  a  perdu  pour  n'avoir  pas  fait  marcher 
ses  troupes  sur  Londres,  ce  qui  a  permis  à  ses  ennemis  de  reprendre 
des  forces.  Quant  à  nous,  nous  ne  devons  en  rien  craindre  ni  en  rien 
espérer.  Il  ne  nous  reste  qu'à  veiller  à  une  seule  chose,  c'est  que  le 
Parlement  ne  prenne  pas  le  dessus  et  ne  s'unisse  pas  avec  le  roi. 

Je  n'ai  eu  aucun  rapport  avec  le  prince  Rupert,  ni  de  vive  voix,  ni 
par  un  tiers.  J'attends  les  instructions  de  Votre  Majesté. 

Il  y  a  dans  la  dernière  partie  de  cette  dépêche  un  passage  très 
remarquable  ;  c'est  celui  où  Lisola  parle  des  relations  du  roi  et  du 
Parlement.  Il  faut  absolument  empêcher  qu'elles  se  réalisent  dans 
l'intérêt  de  la  politique  impériale  ;  il  ne  se  fera  aucun  scrupule  d'en- 
tretenir les  troubles  et  de  favoriser  la  discorde. 

Au  reste,  il  sent  que  le  roi  se  perd  tous  les  jours  davantage  ;  les 
affaires  vont  de  plus  en  plus  mal.  On  sent  à  Oxford  que  le  roi  est 
trahi.  On  le  croit  d'accord  avec  les  Écossais,  quoique  l'arrestation 
d'Hamilton  prouve  le  contraire  ;  seulement  on  pense  que  cette  mesure 
est  moins  l'œuvre  du  roi  que  de  ses  conseillers,  qui  ont  menacé  de 
se  retirer  si  le  marquis  n'était  pas  arrêté.  Les  Écossais  marchent  sur 
York.  Le  prince  Rupert  va  les  combattre,  mais  il  pourrait  être  arrêté 
par  l'armée  de  Fairfax. 

Les  dépèches  du  mois  de  juin  ne  sont  pas  plus  rassurantes. 

On  vient  de  prendre  de  nouvelles  mesures  contre  les  catholiques,  et 
les  Irlandais  ont  rompu  leur  traité  avec  le  roi.  Ceux-ci,  cependant,  ne 
se  réuniront  pas  avec  les  Puritains;  ils  aimeraient  mieux  avoir  affaire 
aux  Turcs.  Mais  les  Français  pourraient  en  profiter.  Les  Hollandais, 
eux  aussi,  essaieront  peut-être  de  s'entendre  avec  les  Puritains  pour  en 
obtenir  quelques  ports  en  Irlande.  Comme  les  Irlandais  sont  très  hos- 
tiles aux  Protestants,  Lisola  cherche  à  en  tirer  parti.  Ils  cherchent, 
dit-il,  un  prince  étranger.  Ce  serait  pour  les  Espagnols  une  occasion 
excellente,  mais  ils  y  portent  trop  de  mollesse.  Ne  pourrait-on  pas 
essayer  de  les  attirer  dans  l'alliance  de  l'Empereur?  Si  cette  négociation 
déplait  à  Votre  Majesté,  il  faut  décider  les  Espagnols  à  traiter  cette 
affaire  avec  plus  d'ardeur.  Les  Irlandais  ont  une  armée  de  dix  mille 
hommes.  Mais  ce  n'est  pas  la  seule  perte  faite  par  le  roi.  Son  édil 
contre  les  catholiques,  qui  est  vraiment  honteux  (deformis),  car  les 
catholiques  l'ont  toujours  soutenu,  lui  a  tout  de  suite  aliéné  un  certain 
nombre  de  Puritains.  Beaucoup  l'ont  abandonné,  par  exemple  lord 
Herbert,  qui  avait  levé  deux  corps  d'armée  à  ses  frais  et  prêté  au  roi 
trois  cent  mille  écus. 

Les  opérations  militaires  ne  marchent  pas  mieux.  Le  comte  de  New- 
castle  s'est  retiré  dans  York;  les  Écossais  veulent  se  joindre  au  comte 


LE    i;.4R0\    DE    LISOLA.  •'!  I  I 

de  Manchester  qui  commande  à  Lincoln;  s'ils  réussissent,  ils  envelop- 
peront Newcastle.  On  parle  bien  de  négociations  avec  le  Parlement, 
mais,  quoi  qu'un  puisse  dire,  tout  accord  est  impossible  entre  le  roi  et 
Les  Puritains,  parce  que  les  Puritains  en  veulent  non  seulement  au  roi, 
mais  à  la  monarchie. 

D'ailleurs,  à  Londres  même,  le  Parlemenl  el  ses  partisans  redoublent 
de  violences;  sur  un  ordre  du  Parlement,  on  a  envahi  la  maison  du 
résident  île  Lorraine,  détruit  la  chapelle  et  mis  les  scellés.  On  le  soup- 
çonnait d'avoir  recueilli  l'argent  des  catholiques.  •<  Dans  ma  maison, 
ajoute  Lisola,  je  n'ai  rien  qui  puisse  tenter  le  Parlement,  je  suis  seule- 
ment obligé  d'avoir  un  prêtre  qui  me  rend  des  services  purement  reli- 
gieux, depuis  que  les  capucins  ont  été  expulsés,  .le  me  suis  toujours 
luit  de  façon  à  ne  pas  donner  d'inquiétude  aux  Anglais.  Si  cepen- 
dant ils  voulaient  tenter  quelque  chose  contre  moi,  je  suis  prél  à  souf- 
frir mille  morts  plutôt  que  de.  subir  un  pareil  outrage  on  une  semblable 
infamie.  » 

Après  cette  fière  déclaration,  il  fail  un  retour  sur  lui-même  el  sur 
la  situation  misérable  que  lui  fait  son  gouvernement. 

Ce  qui  m'afflige  le  pins,  c'est  que  la  Chambre  aulique,  selon  son  habi- 
tude, me  laisse  dans  un  tel  abandon,  que  je  ne  sais  pas  absolument  ce  que 
je  pourrais  faire  désormais.  Il  m'est  impossible  d'obtenir  soil  lesdépi 

extraordinaires  qui  m'ont  déjà  été  accordées,  soit  les  frais  de  mes 
voyages,  ni  mémo  l'argent  qui  m'a  été  assigné  pour  mon  nain  ordi- 
naire. Il  y  a  trois  ans  que  je  vis  ainsi,  au  risque  de  perdre  toute  consi- 
dération. J'ai  été  obligé  de  doubler  mes  dépenses  pour  ma  sûreté,  et  je 
suis  absolument  sans  ressources. 

Dans  une  autre  dépêche,  il  peint  sa  détresse  avec  non  moins  de 
vivacité,  a.  Je  suis  toujours  dans  l'abattement,  en  attendant  la  miséri- 
corde de  la  chambre  aulique,  sans  qu'aucune  de  mes  prières  puisse 
la  fléchir.  » 

Son  activité  n'est  pourtant  pas  ralentie-,  elle  ne  se  borne  pas  à 
l'Angleterre,  et  il  surveille  avec  attention  ce  qui  se  passe  sur  le  con- 
tinent. II  félicite  l'Empereur  des  succès  qu'il  vienl  de  remporter  en 
Hongrie,  les  Français  se  décideront  peut-être  à  faire  la  paix:  leur 
unique  espoir  est  dans  le  siège  de  Gravelines1,  mais  c'est  une  entre- 
prise bien  difficile  pour  un  général  aussi  novice  que  le  duc  d'Orléans. 
«  Pour  déranger  les  Français  dan-  leurs  projets,  dil-il,  j'ai  fourni  à 
l'ambassadeur  d'Espagne  les  moyens  de  traiter  avec  le  Parlement 
ou  au  moins  avec  Warwick.  »  En  même  temps,  il  s'adresse  au 
comte  de  Mellos  et  encourage  le  duc  de  La  Valette  qui  va  se  rendre  à 
Londres. 

1.  Le  siège  de  Cravelincs  commença  vers  la  lin  de  mai  1644;  la  ville  capitula 
le  28  juillet. 


X'rl  MELANGES    ET    DOCUMENTS. 

Les  négociations  de  Munster,  auxquelles  il  aurait  vivement  sou- 
haité de  prendre  part,  le  préoccupent  également.  Il  loue  l'Empereur 
d'avoir  repoussé  les  propositions  des  Français.  Les  ambassadeurs  de 
cette  nation  multiplient  les  retards  et  en  rejettent  la  responsabilité 
sur  le  roi  d'Espagne  ou  l'Empereur  ;  il  serait  bon  d'avertir  la  nation 
française,  à  qui  par  ces  moyens  on  extorque  de  l'argent.  Quant  aux 
propositions  des  plénipotentiaires,  elles  ne  servent  qu'à  montrer  leur 
insolence.  «  J 'avais  suggéré  à  l'ambassadeur  d'Espagne  de  s'entendre 
avec  le  Parlement  pour  envoyer  des  secours  à  Gravelines,  il  a  parfai- 
tement approuvé  cette  idée.  Nous  suivons  cette  affaire,  malheureu- 
sement cet  ambassadeur  est  valétudinaire  ;  nous  marchons  pourtant 
assez  bien,  mais  nous  avons  affaire  à  tant  de  monde  qu'il  est  bien 
difficile  de  prévoir  le  résultat.  Francisco  de  Mellos  demande  au  Par- 
lement vingt  vaisseaux,  auxquels  il  en  joindrait  vingt  autres,  qu^l 
tirerait  d'Ostende  et  de  Dunkerque  pour  attaquer  la  flotte  hollan- 
daise qui,  selon  moi,  ne  s'exposera  pas  pour  les  Français.  Si  je  ne 
puis  obtenir  le -secours,  j'essaierai  d'amener  le  Parlementa  traiter 
avec  les  Hollandais,  pour  que  ceux-ci  troublent  les  opérations  des 
Français  devant  Gravelines.  » 

Il  était  alors  dans  de  très  bons  termes  avec  le  Parlement,  grâce  à 
une  circonstance  assez  singulière.  Quelques  agents  du  Parlement 
avaient,  peu  de  jours  auparavant,  voulu  piller  sa  maison.  Lisola  se 
plaignit  et  ses  réclamations  furent  bien  accueillies.  Les  auteurs  de 
ces  violences  furent  jetés  en  prison.  Mis  en  rapport  avec  les  membres 
du  Parlement,  Lisola  leur  montre  une  lettre  de  l'ambassadeur  de 
France  qu'il  avait  interceptée,  se  félicite  d'avoir  excité  leur  défiance 
et  espère  les  décider  à  secourir  Gravelines.  Il  se  flatte  même  que  la 
question  va  être  décidée  tout  de  suite  -,  beaucoup  de  Puritains  sont 
de  cet  avis,  surtout  dans  la  Chambre  basse  et  parmi  les  membres  de 
l'Amirauté.  Il  annonce  même,  dans  une  de  ses  dépêches,  que  la 
mesure  sera  adoptée  dans  la  séance.  Il  reconnaît  pourtant  bientôt  que 
les  Anglais  apporteront  quelques  retards.  «  Ils  voudraient  d'abord, 
écrit-il  enfin,  sonder  les  Hollandais,  mais  je  crois  que  ceux-ci  ne 
feront  rien.  » 

Les  Espagnols  pourraient  lui  être  plus  utiles.  Ils  viennent  de 
remporter  sur  les  Portugais  une  victoire  importante,  ce  qui  n'a  pas 
empêché  l'envoyé  portugais  d'allumer  des  feux  de  joie  en  grande 
pompe.  Il  n'y  a  gagné  que  de  se  couvrir  de  ridicule  5  des  lettres 
reçues  par  des  marchands  ont  rétabli  la  vérité,  et  le  pauvre  Portu- 
gais, après  tant  de  fanfaronnades,  est  obligé  de  chanter  la  palinodie. 

Quelques  jours  plus  tard,  il  exprime  l'espoir  que  l'Empereur 
pourra  conclure  la  paix  avec  la  Hongrie.  Quant  au  roi  d'Angleterre, 


LK    BARON    l'i     L1SOLA.  3 13 

il  n'y  a  pas  à  compter  sur  lui.  Ses  affaires  paraissent  aller  mieux 
pour  le  moment,  mais  il  est  difficile  de  savoir  la  vérité  exacte.  Voici 
ce  qu'on  raconte  :  les  Écossais  auraient  été  battu-  par  le  prince 
Rupert,  ainsi  que  Fairfai  et  Waller  ;  ce  seraient  trois  armées 
détruites'.  Le  Parlement  nie  ces  défaites,  mais  ne  s'abandonne  a 
aucune  de  ces  manifestations  qui  suivenl  ses  succès.  lia  même  donné 
une  audience  solennelle  aux  ambassadeurs  hollandais,  venus  pour 
essayer  de  réconcilier  le  roi  avec  le  Parlement  et  que  celui-ci  avail 
d'abord  refusé  de  recevoir. 

Pourtant  les  Hollandais  ue  devaient  pas  réussir.  Lisola,  tout  en 
constatant  les  succès  du  roi,  remarque  qu'ils  sont  plus  apparents 
que  sérieux,  et.  dans  le  mois  de  juillet  même,  la  bataille  de  Marston- 
Moor  (2  juillet)  vint  justifier  ses  appréhensions. 

Les  Puritains  font  des  avances  au  prince  Ruperl  ei  essaient  de  le 
séduire  par  des  offres  magnifiques.  Peut-être  veulent-ils  simplement 
exciter  ainsi  la  défiance  du  roi  d'Angleterre,  et  lui  Faire  craindre  que 
le  prince  Palatin  soit  élu  roi.  Au  fond  les  Puritains  ne  se  soucient 
pas  du  roi  et  veulent  continuer  la  guerre.  Il-  savent  que  le  prince 
Rupert  est  très  occupé  de  la  question  du  PalaLinat.  ils  connaissent 
l'ambition  de  sa  mère,  ils  désireraient  les  gagner  à  leur  parti.  C'est 
dans  ce  but  qu'ils  veulent  lui  offrir  la  couronne,  ou  tout  au  moins  le 
bercer  de  cette  espérance.  Ils  ont  d'ailleurs  plusieurs  raisons  d'agir 
en  ce  sens.  S'ils  étaient  forcés  de  rétablir  un  roi,  ils  préféreraient 
celui-là,  par  suite  de  la  haine  qu'ils  portent  à  la  famille  royale.  Ces! 
un  protestant  hostile  aux  catholiques.  Il  n'est  ni  riche  ni  puissant. 
Il  restera  donc  soumis  au  Parlement;  sa  mère  est  très  aimée  des 
Écossais  et  des  Puritains.  Ce  sera  un  moyen  de  se  concilier  tous  les 
Protestants  et  particulièrement  les  Suédois. 

Deux  documents  du  même  mois  nous  font  encore  plus  clairement 
connaître  quelle  était,  sur  la  politique  de  l'Europe  et  sur  celle  de 
l'Angleterre,  l'opinion  de  Lisola,  pour  que  l'on  puisse  avoir  une 
idée  exacte  du  style  parfois  si  étrange  de  notre  diplomate. 

Le  premier  est  une  note  adressée  à  lord  Digby  pour  engager  l'An- 
gleterre à  prendre  le  parti  de  l'Empereur  contre  la  France.  Il  est 
curieux  de  voir  avec  quelle  habileté  il  groupe  tous  les  faits  qui 
peuvent  servir  sa  passion. 

Votre  Seigneurie  se  rappellera  sans  doute  'le  toul  ce  que  je  lin  ai 
exposé,  soit  de  vive  voix,  soit  dans  nie-  lettres  :  mon  opinion  a  loup- 
été  que  nos  ennemis  n'ont  point  des  intentions  sincères  et  ne  sont  pas 

1.  Les  troupes  de  vn  aller  avaient  été  battnes  en  eiïoi  par  Charte-  i  le 
29 juin  à  Cropredy,  sur  les  bords  du  Charwill,  près  d'Oxford. 


',]  ;  5  MELANGES   ET   DOCUMENTS. 

décidés  à  la  paix.  Je  vous  envoie  les  nouvelles  de  tout  ce  qui  s'est  fait 
à  Munster  en  Westphalie,  elles  vous  montreront  clairement  que  mes 
conjectures  avaient  un  fondement  solide.  Votre  Excellence  verra  aussi 
que  l'instruction  du  plénipotentiaire  français,  défectueuse  sur  tous  les 
points  essentiels,  est  pleine  d'injures  contre  la  maison  d'Autriche;  elle 
contient  en  outre  des  conditions  dont  l'exécution  est  moralement  impos- 
sible. J'ai  indiqué  les  principales  raisons  qui  ont  décidé  sa  Sacrée 
Majesté  Impériale  à  ne  point  reconnaître  des  pleins  pouvoirs  de  cette 
nature  ;  elle  n'aurait  pu  le  faire  sans  porter  atteinte  à  son  propre  hon- 
neur, à  l'heureuse  mémoire  de  son  père,  et  sans  causer  un  préjudice  à 
tout  l'Empire.  Votre  Excellence  sait  aussi  que  les  envoyés  français, 
après  la  conclusion  des  premiers  préliminaires  à  Hambourg  et  l'échange 
des  sauf-conduits,  se  sont  arrêtés  quatre  ou  cinq  mois  à  La  Haye  ;  ce 
temps  aurait  été  mieux  employé  à  préparer  les  traités  de  paix,  qu'à 
réunir  de  nouveaux  matériaux  pour  propager  la  guerre  et  qu'à  former 
des  plans  pour  le  siège  de  Gravelines.  Enfin,  après  divers  ajournements 
et  un  long  retard,  au  grand  ennui  des  députés  présents  et  réduits  à  les 
attendre,  ils  sont  arrivés  à  Munster  ;  mais  ils  y  étaient  à  peine  rendus 
que  les  Suédois  alliés  des  Français  ont,  contre  tout  droit,  envahi  à  main 
armée  le  Danemark  pour  y  exercer  de  cruelles  déprédations1.  Au  même 
moment,  le  prince  de  Transylvanie,  conformément  aux  traités  conclus 
entre  la  France  et  la  Suède,  traités  dont  nous  avons  la  copie  auto- 
graphe2, a  envahi  la  Hongrie  ;  il  était,  grâce  à  l'intervention  de  la  France, 
appuyé  par  des  secours  des  Turcs  et  des  Tartares.  Mais  il  est  arrivé  que 
les  Tartares  ont  été  massacrés  et  mis  en  fuite.  Quant  aux  Turcs,  par 
une  singulière  faveur  de  la  Providence,  ils  n'ont  pas  servi,  malgré  les 
pressantes  sollicitations  de  nos  ennemis,  le  dessein  qu'ils  avaient  de 
nous  nuire;  mais  ces  projets  montrent  bien  à  quel  point  ils  sont  éloi- 
gnés de  toute  paix,  puisque,  par  leur  invasion  armée  dans  le  Dane- 
mark, ils  ont  mis  un  obstacle  essentiel  aux  traités  pour  lesquels  le 
sérénissime  roi  de  Danemark  avait  été  choisi  comme  arbitre  par  ces 
mêmes  Français  et  Suédois.  Ils  prévoyaient  en  effet  que  sa  Sacrée 
Majesté  Impériale,  mon  maître  très  clément,  était  trop  magnanime 
pour  consentir  à  aucun  traité  sans  le  roi  de  Danemark. 

Par  ce  moyen,  toutes  les  propositions  de  paix  seraient  suspendues 
pour  un  temps  infini,  et  ils  auraient  le  temps  de  poursuivre  leurs  des- 
seins hostiles.  Mais,  avant  tout,  ils  trahissent  ouvertement  leur  inten- 
tion par  les  lettres  que  les  envoyés  français  ont  écrites  aux  princes  pro- 
testants de  l'Empire.  J'en  envoie  la  copie  à  Votre  Excellence.  Ils  y 
laissent  voir  tout  leur  zèle  à  les  soulever  contre  leur  prince  légitime  et 
à  impliquer  l'Allemagne  dans  des  guerres  et  des  révoltes  plus  cruelles 

1.  En  décembre  1G43. 

2.  Toute  la  correspondance  échangée  en  1642  entre  la  Suède,  la  Transylvanie 
et  la  Porte  était  tombée  aux  mains  des  Impériaux.  Voy.  Charvériat,  Histoire 
de  la  guerre  de  Trente  ans,  II,  p.  482. 


LE    BARON    PK    I.1SOI.A.  •»  <•» 

que  jamais.  Votre  Excellence  examinera  ces  lettre?  avec  son  jugement 
si  perspicace  et  verra  si  elles  onl  été  dictées  par  un  esprit  disposé  à  la 
paix  et  jusqu'où  l'on  peut  avoir  confiance  dans  des  envoyés  de  cette 
sorte,  abusant  si  monstrueusement  de  la  foi  publique  et  qui,  à  la  laveur 
de  sauf-conduits,  viennent  dans  les  provinces  impériales  sous  prétexte 
de  conclure  la  paix,  mais  en  réalité  pour  semer  les  divisions.  Sa  Sacrée 
Majesté  Impériale  a  eu  raison  de  s'irriter  contre  cette  injustice  pleine 
de  perfidie  et  je  ne  doute  pas  qu'elle  n'inspire  de  l'horreur  à  tous  les 
honnêtes  gens.  Je  prie  instamment  Votre  Seigneurie  de  peser  avec 
maturité  tous  ces  faits  et  de  daigner  en  informer  Sa  Majesté  le  roi  de 
la  Grande-Bretagne,  pour  qu'elle  adopte  les  résolutions  qui  lui  paraî- 
tront les  plus  utiles  à  ses  affaires,  également  intéressée  dans  cette  paix, 
ei  qu'elle  sache  quelles  dispositions  y  porte  chacun.  Nonobstant  mut, 
cela,  j'assure  Votre  Seigneurie  que  mon  maître  très  clément  ne  négli- 
gera rien  pour  assurer  la  tranquillité  publique,  et  qu'il  sera  toujours 
prêt  à  accepter  la  paix,  toutes  les  fois  que  l'on  voudra  la  conclure  clai- 
rement et  sincèrement.  Cependant,  puisque  nos  ennemis  sont  si  opposés 
à  la  paix,  nous  trouverons,  je  l'espère,  les  moyens  de  faire  qu'ils  si' 
repentent  bientôt  de  combattre.  Car,  si  Sa  Sacrée  Majesté  Impériale  ne 
peut  l'obtenir  par  des  négociations  honorables,  nous  les  réduirons  par  la 
force  à  demander  humblement  ce  qu'ils  repoussent  aujourd'hui  avec 
arrogance.  Le  Transylvanien  se  voyant  exposé  à  de  fréquentes  défaites, 
privé  de  tous  secours,  avec  les  soldats  impériaux  sur  son  dos,  les  Polo- 
nais le  menaçant  tous  les  jours  de  l'attaquer,  abandonné  par  ses  ani 
alliés,  sans  armes  et  sans  argent,  demande  et  sollicite  instamment  la 
paix.  L'Empereur  devrait  la  lui  refuser  à  cause  de  son  excessive  in 
titude,  il  ne  l'a  pourtant  pas  voulu,  de  sorte  que  le  traité  est  déjà  ou 
bonne  voie,  et  j'attends  toujours  la  nouvelle  qu'il  a  été  définitivement 
conclu.  Gallas  est  déjà  en  marche  avec  vingt-cinq  mille  soldats;  une 
partie  est  destinée,  conformément  aux  traités,  à  secourir  le  roi  de 
Danemark,  l'autre  à  défendre  l'Allemagne  contre  ce  qui  reste  d'enne- 
mis et  à  s'emparer  des  villes  où  ils  ont  laissé  une  garnison.  Vainqueur 
sur  terre  et  sur  mer,  le  roi  de  Danemark  a  infligé  à  ses  ennemis  tant 
de  désastres  dans  son  pays,  que  ses  injustes  agresseurs  sont  maintenant 
forcés  de  penser  à  leur  propre  défense.  L'armée  impériale  qui  est 
postée  sur  le  Rhin  poursuit  le  cours  de  ses  victoires,  reconquiert  les 
forteresses  les  plus  solides;  le  vicomte  de  Turenne  n'a  pas  ose  paraître 
et  s'opposer  à  ses  progrès.  Votre  Seigneurie  a  certainement  été  infor- 
mée de  la  grande  victoire  remportée  par  les  Espagnols  en  Catalogne; 
depuis  ce  succès,  nous  attendons  ici  tous  les  jours  la  capitulation  de 
Lérida  L  Elle  verra  en  outre  par  la  relation  ci-jointe  la  victoire  remportée 
par  les  Espagnols  sur  les  Portugais,  victoire,  à  mon  avis,  aussi  impor- 
tante que  l'autre;  de  sorte  que  Dieu,  dans  sa  prudence,  parait  en  ce 

1.  Le  maréchal  de  la  Motte-Houdancourt,  enveloppé  près  de  Lérida,  tut  battu 
le  15  mai  1644.  Lérida  capitula  le  31  juillet. 


3'<f>  MÉLA\GES    ET    DOCUMENTS. 

moment  tout  disposer  pour  la  paix,  et  y  contraindra  par  la  force  tous 
ceux  que  la  raison  n'a  pas  pu  persuader.  Nous  n'avons  plus  rien  à 
craindre  que  la  prise  de  Gravelines  ;  les  Français  y  emploient  toutes 
leurs  ressources,  mais  j'espère  qu'ils  ne  pourront  pas  s'en  emparer  aussi 
facilement.  Cette  place  n'intéresse  pas  moins  l'Angleterre  que  l'Espagne. 
Ils  ont  bien  fait  de  saisir  l'occasion  que  leur  fournissaient  ses  guerres 
civiles,  car,  si  Le  royaume  d'Angleterre  n'avait  pas  été  tellement  para- 
lysé par  ses  propres  affaires,  il  n'aurait  pas  permis  l'occupation  de  cette 
ville;  s'ils  y  réussissent,  ils  réduiront  votre  puissance,  troubleront  votre 
commerce,  vous  disputeront  perpétuellement  l'empire  de  la  mer,  et  élè- 
veront dans  votre  voisinage  un  prince  qui  a  contre  vous  tant  de  que- 
relles invétérées  et  tant  de  sujets  d'en  exciter  de  nouvelles  dans  son 
intérêt  privé. 

Malgré  ce  pressant  et  éloquent  appel,  Lisola  ne  fonde  pas  de 
grandes  espérances  sur  le  concours  de  l'Angleterre.  Il  suffit,  pour 
en  être  persuadé,  de  lire  le  Mémoire  que.  dans  le  courant  du  même 
mois,  il  adressait  de  Londres  à  l'Empereur  : 

Les  affaires  du  roi  d'Angleterre  vont  plus  mal  depuis  qu'il  a  publié 
Tédit  contre  les  catholiques  ;  cette  ingratitude  a  déplu  même  aux  pro- 
testants. 

Voici  quelle  est  la  situation  actuelle  des  partis.  Le  roi  d'Angleterre 
est  à  Bristol  avec  douze  ou  treize  mille  hommes;  le  prince  Maurice 
vient  de  le  rejoindre  et  lui  a  amené  trois  ou  quatre  mille  soldats  mal 
armés.  Essex,  qui  est  du  même  côté  avec  huit  mille  hommes,  soumet  au 
Parlement  les  petites  places  voisines.  Waller,  avec  six  mille  hommes, 
occupe  toutes  les  places  voisines  d'Oxford  et  lève  des  contributions. 
Les  troupes  du  Parlement  et  les  Écossais  ont  été  battus  près  d'York  ; 
mais  le  prince  Rupert  a  perdu  toute  son  infanterie1  et  le  comte  de  New- 
castle  s'est  retiré  à  Hambourg  par  crainte  ou  par  indignation.  La  pro- 
vince est  abandonnée  aux  caprices  de  Fairfax  et  de  Manchester. 

Le  Parlement  veut  pendant  l'été  s'emparer  de  toutes  les  places  où  le 
roi  prenait  ses  quartiers  d'hiver.  Celui-ci  n'a  plus  d'espoir  que  dans  une 
bataille;  en  attendant,  ses  troupes  se  débandent,  faute  d'être  payées;  on 
le  croit  trahi  par  son  conseil. 

Charles  Ier  est  perdu  s'il  ne  reçoit  des  secours  qu'il  ne  peut  attendre 
que  des  Français,  ou  des  Irlandais  ;  mais  ces  derniers,  menacés  par  les 
Anglais  et  les  Hollandais,  ne  voudront  pas  se  dégarnir  de  leurs  troupes, 
d'autant  plus  qu'ils  n'ont  pas  obtenu  pour  leur  religion  les  sûretés 
qu'ils  réclamaient.  Les  Français  parlent  beaucoup  de  secourir  le  roi,  et 
le  Parlement  s'en  inquiète,  surtout  depuis  que  la  reine  s'est  rendue  en 
France;  mais  je  ne  sais  rien  de  précis  à  ce  sujet;  le  Parlement  a  inter- 
cepté des  lettres  écrites  dans  ce  sens.  La  France  a  été  très  irritée  de 
voir  que  quelques  membres  du  Parlement  avaient  songé  à  secourir  Gra- 

).  A  la  bataille  de  Marston-Moor,  2  juillet  1644. 


\.f.    RARON'    DE    LÏSOLA.  317 

vélines;  elle  penche  d'ailleurs  du  côté  des  Puritains  opposés  à  l'Espagne 

i't  est  occupée  par  d'autres  guerres.  Je  crois  donc  qu'elle  ue  pourra  pas 

intervenir. 

Tout  dépendra  dos  menées  de  la  cour  de  France.  Ma/.arin  se  senl 
très  attaqué  :  il  voudra  peut-être  agir  contre  l'Angleterre  pour  conserver 
son  crédit  auprès  de  la  reine. 

Si  |;i  France  déclarait  la  guerre  au  Parlement,  il  serait  à  propos  de 
voir  ce  que  nous  aurions  à  taire;  la  question  est  tout  à  t'ait  probléma- 
tique, car  il  y  aurait  en  ce  cas  beaucoup  à  craindre  et  beaucoup  à 
espérer. 

Voici  d'abord  ce  que  nous  aurions  à  craindre  .-  l,j  en  prenant  le  parti 
du  roi,  la  France  pourrait  le  gagner  et  l'amener  à  nous  déclarer  la 
guerre;  2°  sous  prétexte  de  secourir  le  roi,  elle  pourrait  occuper  les 
ports  et  les  principales  villes  de  l'Angleterre;  ce  sérail  pour  la  maison 
d'Autriche  un  malheur  irréparable;  3°  la  France  ne  secourra  le  roi 
d'Angleterre  que  si  un  traité  assure  le  rétablissement  du  prince  Palatin  ; 
4°  dans  le  cas  d'un  secours  donné  par  la  France,  nous  aurions  toujours 
l'Angleterre  pour  ennemie,  le  roi  vainqueur  nous  déclarerait  la  guerre; 
le  roi  vaincu,  le  Parlement  nous  ferait  la  guerre  pour  des  motifs  tirés 
de  la  religion;  enfin,  ce  traité  pourrait  aussi  réconcilier  avec  La  France 
le  roi  de  Danemark. 

Si  la  France  armait  contre  le  Parlement,  voici  quels  avantages  nous 
en  tirerions.  La  guerre  durerait  longtemps;  les  Puritains  nous  seraienl 
moins  hostiles ,  ils  pousseraient  à  la  révolte  les  protestants  français. 
Une  lois  engagée  dans  cette  lutte,  la  France  serait  obligée  de  divise] 
ses  forces,  tandis  que  les  Puritains  écossais  se  sépareraient  d'elle  et  ue 
laisseraient  plus  lever  de  soldats  dans  leur  pays. 

J'ai  dû  examiner  cette  situation,  parce  que  la  reine  d'Angleterre  fera 
à  la  France  les  meilleures  conditions  pour  eu  obtenir  des  secours,  et 
sans  doute  la  reine  de  France  y  donnera  les  mains. 

Le  roi  de  France  pourrait  ainsi  prendre  pied  en  Angleterre  et  devenir 
le  maître  de  l'Océan.  Il  n'y  a  d'autre  remède  que  de  surveille]  attenti- 
vement les  menées  des  Français  et  les  propositions  de  la  reine.  Celle-ci 
jettera  la  France  dans  de  grands  embarras  et  sa  présence  est  très  desa- 
gréable à  Mazarin;  il  faudra  en  effet  la  secourir  ou  tout  au  moins  on 
ne  pourra  pas  l'empêcher  de  ramasser  de  l'argent  et  de  lever  des  sol- 
dats, ce  qui  épuisera  la  France.  Seulement  les  médecins  déclarent 
qu'elle  est  très  malade. 

Ce  qui  nous  est  le  plus  avantageux  dans  ce  pays-ci,  c'est  que  les  partis 
continuent  à  lut  ter  avec  des  forces  à  peu  près  égales;  aussi  m'opposé-je 
de  tout  mon  pouvoir  à  une  réconciliation  entre  le  roi  et  le  Parlement. 
Dans  le  .cas  où  la  lutte  finirait  par  la  ruine  de  l'un  îles  deux  partis, 
nous  devrions  désirer  le_succès  du  roi,  car  les  Puritains  nous  seront 
toujours  hostiles. 

La  chute  du  roi  entraînerait  la  ruine  dos  catholiques;  l'Angleterre 
deviendrait  une  république,  ce   qui  serait  un  exemple   funeste   pour 


,V|S  MELANGES    ET    DOCUMENTS. 

toutes  les  monarchies.  Le  Parlement  ferait  avec  les  Suédois  et  les  Hol- 
landais un  traité  auquel  accéderait  la  France;  il  reprendrait  aussitôt 
l'all'aire  du  Palatinat,  car  le  fils  aîné  du  prince  Palatin  a  quitté  le  parti 
du  roi,  tandis  que  ses  deux  frères  lui  sont  restés  fidèles.  Ces  princes  se 
sont  ainsi  divisés  d'après  le  conseil  de  leur  mère  pour  avoir  toujours 
quelqu'un  dans  le  parti  victorieux.  L'Irlande  serait  opprimée  et  les 
catholiques  réduits  à  une  condition  encore  plus  malheureuse;  enfin,  le 
Parlement  deviendrait  le  maître  de  l'océan  et  porterait  la  guerre  dans 
les  Indes  occidentales. 

Il  est  vrai  que,  si  le  Parlement  triomphait,  il  se  diviserait  en  partis 
très  nombreux,  surtout  à  cause  des  dissidences  religieuses.  Les  Ecossais 
sont  les  ennemis  naturels  des  Anglais;  ils  sont  d'une  race  adonnée  au 
gain  et  à  la  richesse,  menteuse,  versatile,  et  très  supérieure  aux  Anglais 
en  intelligence.  Déjà  maîtres  du  comté  d'York,  ils  essaieraient  d'étendre 
encore  leurs  conquêtes;  les  Irlandais  seraient  forcés  de  se  jeter  dans  les 
bras  de  l'Espagne.  Le  Parlement  ne  pourrait  pas  s'entendre  avec  les 
Hollandais;  il  serait  difficile  que  deux  républiques  voisines,  préten- 
dant toutes  deux  à  l'empire  des  mers,  parvinssent  à  s'accorder;  on  voit 
déjà  que  dans  les  Indes  des  rivalités  de  commerce  les  mettent  sans  cesse 
aux  prises.  Peut-être  les  États  généraux  s'entendraient-ils  avec  l'Angle- 
terre, mais  ils  trouveraient  un  obstacle  dans  le  prince  d'Orange. 

Les  luttes  intestines  de  ce  pays  nous  sont  très  avantageuses.  Si  Votre 
Majesté  ne  désire  pas  la  ruine  absolue  du  roi,  il  faut  lui  porter  secours 
tout  de  suite,  autrement  il  sera  perdu  ou  forcé  de  se  jeter  dans  les  bras 
de  la  France.  En  lui  accordant  quelques  secours,  nous  nous  l'attacherions 
à  jamais. 

Ce  Mémoire  est  accompagné  d'une  lettre  d'envoi  dans  laquelle 
Lisola  revient  à  un  sujet  qu'il  est  souvent  obligé  de  traiter  ;  il  parle 
encore  de  ses  embarras  d'argent.  Il  a  reçu  un  ordre  de  paiement 
pour  la  Chambre  aulique,  mais  il  est  toujours  gêné  et  n'a  pas  même 
obtenu  de  quoi  subvenir  à  son  train  ordinaire. 

A  partir  de  cette  époque,  les  lettres  de  Lisola  sont  plus  rares  et 
perdent  beaucoup  de  leur  intérêt.  Nous  devons  pourtant  signaler 
encore  quelques  fragments  précieux,  par  exemple,  au  mois  d'octobre, 
la  traduction  d'un  écrit  présenté  au  Parlement  par  le  Prince  palatin. 

Ce  prince  déclare  qu'il  n'est  pas  venu  en  Angleterre  par  ambition, 
ni  pour  se  mêler  des  affaires  publiques.  Il  déplore  la  guerre  civile  et 
le  spectacle  donné  par  des  membres  de.  sa  famille.  Il  n'est  d'ailleurs 
pour  rien  dans  les  troubles  de  l'Angleterre.  Il  proteste  devant  le 
monde  entier  que  c'est  l'œuvre  du  Papisme  et  des  Jésuites,  ministres 
de  l'Antéchrist.  Il  espère  que  le  Parlement  le  protégera  contre  les 
manœuvres  et  les  attaques  de  l'Espagne,  contre  Rome  et  les  portes 
de  l'Enfer.  Il  avait  quitté  l'Angleterre  pour  ne  pas  se  mêler  aux 


LE    lîARON    DE    L1SOLA.  349 

luttes  de.s  partis,  il  revient  pour  repousser  les  calomnies  donl  il  a  été 
couvert  pendant  son  absence. 

En  envoyant  ce  document,  Lisola  ajoute  que  le  Palatin  est  réduit  à 
la  dernière  misère,  et  qu'il  n'y  a  rien  à  redouter  de  lui.  Cette  procla- 
mation pourrait,  au  contraire,  être  heuréusemenl  exploitée  à  cause 
du  zèle  que  ce  prince  affiche  pour  la  religion  réfor e. 

Au  mois  de  novembre,  Lisola  constate  le  nouveau  succès  du  Par- 
lement1. La  reine  d'Angleterre  esta  Pari-,  où  on  lui  a  fait  un  bon 
accueil,  mais  seulemenl  pour  la  forme.  D'ailleurs  elle  ne  respirera 
pas  longtemps  l'air  de  la  France;  à  Londres,  l'ambassadeur  français 
s'agite  beaucoup,  il  demande  de  grands  avantages  commerciaux  el 
proteste  contre  certains  actes  du  Parlement,  mais  il  ne  fera  rien  de 
sérieux.  Le  roi  a  répondu  au  Palatin,  qui  se  déshonore  de  pins  en 
plus  par  sa  soumission  au  Parlement.  Ce  prince  vient  de  demander 
à  être  admis  dans  le  nouveau  synode  formé  a  Londres,  assemblée 
composée  en  majorité  d'ouvriers,  de  maçons,  de  tailleurs  el  d'hommes 
de  même  farine,  qui  se  croient  tous  de  grands  docteurs,  grâce  à 
l'inspiration  du  Saint-Esprit,  dont  ils  disposent  à  leur  gré.  Sa 
demande  a  été  accueillie  par  le  Parlement  et  il  esl  venu  \  siéger. 

Lisola  se  félicite  en  même  temps  d'avoir  intercepté  une  lettre  de 
Servien  à  l'ambassadeur  français;  il  l'a  couverte  à  la  marge  de  notes 
qui  fermeront  la  bouche  à  l'ambassadeur,  s'il  veul  la  montrer. 

Il  insiste  en  finissant  sur  le  mauvais  vouloir  de  la  Chambre 
aulique  ;  elle  refuse  toujours  de  lui  envoyer  de  l'argent. 

Lisola  devait  rester  encore  près  d'une  année  ambassadeur  en 
Angleterre,  mais  de  nom  plutôt  que  de  fait.  La  guerre  en  était 
arrivée  à  un  tel  degré  de  violence,  qu'il  n'y  avait  plus  de  place  dans 
les  deux  camps  pour  des  négociations  étrangères.  Aussi  Lisola  ne 
tente  rien  de  ce  côté  ;  c'est  en  Espagne  et  surtout  dans  les  Pays-Bas 
qu'il  voudrait  trouver  un  appui  sérieux  pour  l'Empereur.  11  se  trans- 
porte donc  souvent  à  Bruxelles  ,  et  y  réside  beaucoup  plus  qu'à 
Londres;  mais  là  encore  il  s'aperçoit  bien  qu'il  n'aura  rien  à  faire. 
«  Depuis  mon  arrivée,  écrit-il  au  mois  de  janvier  1645,  nous  nous 
sommes  bornés  à  chercher  les  moyens  d'agir  ;  mais,  pour  avouer  la 
vérité,  les  meilleurs  esprits  de  cette  cour  me  paraissent  écrasés  par 
le  fardeau  des  affaires  ou  consternés  par  les  défaites.  L'hiver  s'avance, 
rien  n'est  prêt  et  l'on  doit  s'attendre  à  des  désastres  encore  plus  ter- 
ribles. Gastel  Rodrigo  est  le  seul  dans  lequel  je  trouve  une  exquise 
honnêteté  avec  des  intentions  1res  droites;  mais  ce  qu'il  y  a  de  plus 

1.  Allusion  à  la  seconde  bataille  .le  NVwlmn  pi-nee  par  I»'  <■ le  île  Man- 
chester, le  "i7  octobre  1644. 


350  MELANGES   ET   DOCUMENTS. 

malheureux,  il  nous  manque  lame  delà  guerre  et  des  négociations  : 
l'argent.  » 

Cette  détresse  de  l'Espagne  lui  fait  sans  doute  faire  un  retour  sur 
lui-même,  car,  dans  cette  dépêche  encore,  il  se  plaint  de  la  Chambre 
aulique,  qui  le  laisse  dans  la  misère. 

Le  temps  s'écoule,  sans  apporter  aucun  changement  à  sa  situa- 
tion. 11  reste  à  Bruxelles,  mais  sent  qu'il  y  est  inutile,  puisque  n'a 
pas  de  lettres  de  créance.  Un  dernier  incident  l'oblige  à  demander 
qu'on  le  relève  de  ses  fonctions. 

Pendant  qu'il  est  en  Belgique,  sa  maison  à  Londres  a  été  envahie 
et  pillée  sur  les  instructions  d'un  capitaine  français,  sous  prétexte 
qu'il  avait  chez  lui  80,000  livres  sterling  appartenant  aux  Catho- 
liques. Castel  Rodrigo  a  énergiquement  protesté  auprès  de  l'envoyé 
du  Parlement  à  Bruxelles.  Quant  à  lui,  il  déclare  être  peu  sensible 
aux  pertes  qu'il  a  faites,  quoique  très  considérables,  mais  très  étonné 
de  l'affront  fait  à  Sa  Majesté  Impériale.  Il  eut  au  moins  sur  ce  point 
une  véritable  satisfaction,  car  le  Parlement  lui  fit  faire  des  excuses. 
Mais  il  n'avait  plus  aucune  autorité;  il  supplia  l'Empereur  de  le 
rappeler.  Il  pourrait  être  plus  utilement  employé  ailleurs,  et  sa  posi- 
tion est  des  plus  cruelles.  Il  adresse  la  même  demande  au  comte  de 
Trautmansdorf  :  «  Voilà  sept  ans  que  je  me  suis  humblement  consacré 
tout  entier  au  service  de  Sa  Majesté  Impériale-,  cinq  ans  que  j'ai  quitté 
la  cour  de  l'Empereur,  ma  maison,  ma  femme,  mes  amis,  pour  vivre 
au  milieu  de  nations  étrangères,  ne  songeant  qu'à  se  massacrer  mu- 
tuellement, ennemies  des  catholiques,  toujours  dans  l'incertitude  et 
ballotté  au  hasard,  souvent  dans  la  misère,  toujours  avec  des  dettes. 
J'ai  appris  la  langue  allemande,  et  je  pourrais  être  utile  ailleurs; 
tout  ce  que  décidera  votre  bonté,  je  l'accepterai  comme  une  marque 
certaine  de  la  bonté  de  Dieu  envers  moi.  Ma  situation  à  Londres  est 
impossible,  je  n'ai  obtenu  aucune  réparation,  et  l'Empereur  n'a 
rien  fait  pour  moi.  » 

Il  est  enfin  rappelé  au  mois  de  septembre  \  645  et  en  exprime  sa 
reconnaissance,  d'abord  au  comte  de  Trautmansdorf,  puis  à  l'Em- 
pereur. «  C'est  vous,  écrit-il  au  ministre,  qui,  après  Dieu  et  l'Empe- 
reur, m'avez  servi  de  votre  puissante  autorité  ;  je  désire  revenir  en 
votre  présence,  si  pleine  de  douceur,  et  prosterné  à  vos  pieds  embrasser 
vos  mains  bienfaisantes.  Avec  la  protection  de  Dieu,  j'espère  le  faire 
bientôt,  dès  que  j'aurai  pu  emprunter  à  mes  amis,  d'un  côté  ou  de 
l'autre,  l'argent  qui  m'est  nécessaire,  car  jusqu'à  présent  on  ne  m'a 
rien  envoyé.  » 

Son  départ  fut  en  effet  relardé,  plus  qu'il  ne  pensait,  d'abord  par 
la  maladie,  puis  par  le  manque  d'argent.  La  Chambre  aulique  se 


OBSEUVAII'iN-    -ut    DEUX    80URCBS    Dl     Kii.M     DE    LOUIS    vil.         ."{'il 

borna  a  lui  envoyer  trois  cents  florins.  Il  put  enfin  quitter  l'Angle- 
terre avant  que  L'année  1643  lût  terminée. 

Telle  fut.  d'après  les  dépêehes  de  Lisola  lui-même,  cette  ambas- 
sade, qui  n'aboutit  à  aucun  résultai  sérieux,  qui  nous  a  pourtanl 
paru  digne  d'être  étudiée  avec  quelques  détails,  pour  les  lumières 
qu'elle  jette  sur  certains  événements  encore  peu  connus  et  sur  Lisola 
lui-même. 

11.  Retnald. 


(  OBSERVATIONS  SUR  DEUX  SOURCES  DU  RÈGNE 
DE  LOUIS  VII. 

.M.  Waitz  a  publié  en  1880  un  intéressant  article'  sur  deux  sources 
du  règne  de  Louis  VU,  «  Hisloria  Ludovici  septimi  »  et  «  Gesta 
Ludovici  septimi2.  »  Les  recberches  suivantes,  faites  presque  simul- 
tanément:!  à  laide  de  manuscrits  que  M.  Waitz  n'a  pu  avoir  entre 
les  mains,  confirment  la  plupart  de  ses  conclusions. 

L'intérêt  de  ces  recherches  est  double:  à  défaut  d'histoires  plus  détail' 
lées,  VHistoria  et  les  Gesta  Ludovici  septimi  nous  donnent  de  pré- 
cieuses informations  pour  le  règne  dont  elles  racontenl  les  principaux 
événements.  D'autre  part,  il  y  a  là  un  assez  curieux  problème  de  cri- 
tique de  sources  :  ces  deux  fragments  sont  presque  identiques,  et  en 
même  temps  ils  se  rattachent  étroitement,  l'un  aux  continuations 
des  Gesta  Franeorum  d'Aimoin,  l'autre  à  Guillaume  de  Tyr  et  à  sa 
version  française,  tous  deux  aux  grandes  Chroniques  de  Saint-Denis. 

Les  manuscrits  de  Yllisloria  et  des  Gesta  Ludovici  septimi  ne  sont 
pas  très  nombreux. 

I.  —  Manuscrits  de  l'Historia.  —  Le  manuscrit  127  M  du  fonds 
latin  de  la  Bibliothèque  nationale  est  le  plus  important.  Il  y  a  deux 
parties  distinctes  :  la  première  s'étend  jusqu'au  fol.  Hi'i  v°;  elle  est 
fort  ancienne.  M.  Luce,  qui  l'a  examinée  ,-ivec  soin,  l'attribue  au 
règne  de  Philippe  Ier4.  C'est  une  compilation  de  textes  historiques 

1.  Neues  Archiv,  tome  VI,  1880,  p.  119. 

2.  Ilisfor.  de  France,  t.  XII,  p.  124,  196. 

3.  Pour  la  conférence  d'histoire  du  moyen  âge  de  l'École  des  liauti is  études, 
dirigée  par  M.  Monod. 

4.  Notices  et  documents  publics  à  l'occasion  du  Cinquantenaire  de  la  Soch  U 
de  l'Histoire  de  France. 


IVyl  MÉLANGES   ET   DOCUMENTS. 

dont  l'œuvre  d'Aimoin  forme  le  fond;  on  y  remarque  des  passages 
significatifs  sur  l'histoire  intérieure  de  Saint-Germain-des-Prés.  — - 
La  seconde  partie  commence  au  fol.  -166  avec  l'année  4  031  ;  l'écriture 
en  est  différente,  d'apparence  beaucoup  plus  récente.  Après  de  courts 
fragments  empruntés  à  Hugues  de  Fleuri  et  à  la  vie  de  Louis  le  Gros 
de  Suger,  vient  (fol.  -174)  VHistoria  Ludovici  septimi  qui  s'étend 
jusqu'au  fol.  4  74;  le  fol.  -173  a  été  arraché  et  remplacé  au  xvie  siècle 
par  une  copie  sur  papier.  Il  faut  remarquer  surtout  que  dans  le  ms. 
VHistoria  renferme  trois  passages  concernant  Saint-Germain-des- 
Prés  que  ne  contient  pas  le, texte  publié  dans  les  Historiens  de  France  ' 
(fol.  171,  171  v°,  -172  en  marge). 

VHistoria  nous  est  encore  parvenue  dans  le  ms.  -15046  du  fonds 
latin  de  la  Bibliothèque  nationale,  datant  sans  doute  du  milieu  du 
xinc  siècle  ;  —  dans  le  n°  6265  du  même  fonds.  Ce  dernier  manus- 
crit nous  donne  un  texte  isolé  (fol.  54)  où  les  passages  sur  Saint- 
Germain-des-Prés  ne  se  trouvent  pas;  il  a  appartenu  à  Claude 
Fauchet;  l'écriture  est  du  xvie  siècle.  —  Signalons  enfin  la  présence 
de  quelques  fragments  de  VHistoria  dans  les  nos  42740  (fin  du 
xne  siècle)2  et  5949a  (xive  siècle)3.  Il  n'y  a  pas  lieu  de  citer  les  ms. 
de  Londres,  d'Oxford  et  de  Rome  qui  n'ont  pas  été  examinés,  mais 
qui  ne  sauraient  donner  de  renseignements  nouveaux. 

II.  —  Manuscrit  des  Gesta.  —  Il  n'existe  qu'un  exemplaire,  n°  5925 
du  fonds  latin  de  la  Bibliothèque  nationale.  D'après  M.  Delislequi  l'a 
étudié  ',  le  ms.  «  offre  la  réunion  de  beaucoup  de  textes  dont  s'est 
inspiré  le  rédacteur  des  Grandes  Chroniques  de  Saitit-Denis.  »  Son 
exécution  date  pour  la  plus  grande  partie  du  milieu  du  xiif  siècle. 
Mais  les  feuillets  des  Gesta  ne  sont  point  contemporains  de  l'ensemble, 
c'est  une  intercalation  faite  dans  les  premières  années  du  xive  siècle, 
entre  la  Vie  de  Louis  le  Gros  et  les  Gesta  Philippi  Augusti  de  Rigord. 
«  Quand  on  a  voulu  compléter  ce  recueil  par  une  Vie  de  Louis  VII, 
dil  M.  Delisle,  on  intercala  entre  les  feuillets  3  et  4  du  chapitre  xx 
deux  cahiers  nouveaux  -,  »  si  bien  que  les  Gesta  ne  seraient  qu'une 
addition  très  postérieure. 

Les  manuscrits  étant  connus,  examinons  successivement  les  deux 
textes.  —  A  diverses  reprises  on  a  tenté  d'attribuer  VHistoria  ou  les 


1.  Ces  passages  se  trouvent  dans  ledit.  d'Aimoin  par  du  Breul,  1603,  p.  372, 
373,  374  ;  et  aussi  dans  Hisl.  de  France,  tome  XII,  p.  123,  ex  continuations 
historiae  Aimonii. 

2.  Voir  Bibl.  de  l'Ecole  des  chartes,  t.  XXXIV,  1873,  p.  583. 

3.  Voir  Bibl.  de  l'École  des  chartes,  t.  XXXIV,  1873,  p.  248. 

ï.  Mémoires  de  la  Soc.  de  l'Hist.  de  Paris,  tome  IV,  p.  202  seq. 


ORSERVATIOVS    SUB    DBDX    SOURCES    Dl     RBGWE    DE    LOUIS   VIT.         .'{"l.'î 

Gesta  à  Suger4  qui,  au  dire  de  son  biographe,  avait  commencé  une 
histoire  de  Louis  VIT-.  De  sérieux  arguments  présentés  par  les  auteurs 
de  ['Histoire  littéraire  el  par  dom  Brial3,  surtoul  la  découverte  de 
quelques  fragments  île  l'œu\re  de  Sngcr\  ne  permettent  [tins  de 
soutenir  nue  telle  opinion. 

Ce  premier  l'ail  acquis,  prenons isolémenl  d'abord  ['Hisloria  Lado- 
vici  septimi  qui  semble  plus  ancienne,  pins  précise,  plus  vivante 
que  les  Gesta.  Quelle  en  esl  la  date  ?  le  lieu  de  composition  ? 

Gomme  l'a  remarqué  Jaffé5,  l'auteur  esl  contemporain  :  les  expres- 
sions «  meminimus,  »  «  factum  noslris  temporibus  inauditum,  »  puis 
certains  récils  (mariage  d'Adèle  île  Blois  avec  Louis  VII,  naissance 
de  Philippe-Auguste)6  le  prouvenl  suffisamment.  On  peul  même  avec 
M.  Waitz  préciser  davantage.  Le  dernier  fail  rappelé  est  le  cournn- 
nement  de  Henri,  fds  aine  du  roi  d'Angleterre  Henri  II,  en  H7o; 
d'autre  part,  Guillaume  de  Blois  est  dit  archevêque  de  Sens,  or  il 
devint  archevêque  de  Reims  en  I  i T<î  :  cnlîn  saint  Bernard  canonisé 
en  M74  est  appelé  simplement  «  Bernardus  abbas  Clarevallensis ;  » 
VHistoria  a  donc  été  écrite  entre  -H 70  et  I  I7ï  ' . 

Le  lieu  où  elle  a  été  composée  est  très  probablement  Saint-Ger- 
main-des-Prés.  même  si  l'on  considère  comme  des  interpolations  les 
passages  sur  l'abbaye  que  nous  trouvons  dans  le  texte  du  ms.  \  27 1 1 . 
On  peut  l'induire  des  détails  donnés  sur  la  mission  de  l'abbé  Thi- 
baut près  du  pape8  et  sur  l'annonce  au  monastère  de  la  naissance  de 
Philippe- Auguste;  il  est  encore  curieux  de  rapproeber  le-  renseigne- 
ments très  précis  donnés  sur  Vézelay9  de  ce  fait  que  les  deux  abbés 
contemporains  de  Saint-Germain-des-Prés ,  Thibaut  et  Hugues  de 
Monceaux,  avaient  commencé  leur  vie  monastique  a  l'abbaye  de 
Vézelay  ,0. 

Une  troisième  question,  qu'il  est  bien  difficile  de  résoudre,  esl  celle 
de  la  forme  primitive  de  ['Historié.  Est-ce  une  simple  continuation 
d'Aimoin  on  plutôt  de  la  compilation  historique  contenue  dans  le, 
plus  ancien  ms.  n°  1271 1  ?  —  Est-ce  au  contraire.une  œuvre  isolée, 


1.  P.  Paris,  Grandes  Chroniques  de  Saint-Denis,  t.  III,  p.  .r>7,  il'J. 

2.  Œuvres  de  Suger,  édit.  Lecoy  de  La  Marche,  |>.  382. 

3.  Hist.  littéraire,  tome  XII,  p.  'i03.  —  Ilist.  de  France,  tome  XII.  p.  \ij 

4.  Bibl.  de  l'École  des  chartes,  tome  XXXIV,  1873,  p.  583. 

5.  Schmidts  Zeitschrift,  etc.,  tome  II,  1844. 

6.  Hist.  de  France,  tome  XII,  p.  125,  129,  131,  133. 

7.  Hist.  de  France,  tome  XII,  p.  126,  128,  129. 

8.  Id.,  id.,  p.  130. 

9.  Id.,  id.,  p.  120,  130,  132. 

10.  D.  Bouillarl,  Ilist.  de  Saint-Germain-dcs-I'ir.-,,  p.  90,  91. 

Rev.  Histor.  XXVII.  -2»  fa  se. 


X,',  MELANGES   ET    DOCUMENTS. 

insérée  plus  tard  dans  cette  compilation?  —  M.  Waitz  a  adopté  la 
première  hypothèse;  la  seconde  peut  être  également  soutenue.  L'His- 
toria  dans  le  texte  des  Historiens  de  France  nous  apparaît  comme 
une  œuvre  de  circonstance,  tout  à  fait  indépendante,  dont  le  but  est 
de  célébrer  la  naissance  de  Philippe-Auguste,  héritier  tant  désiré  du 
trône.  Au  début,  en  effet,  l'auteur  expose  la  situation  des  maisons 
souveraines  dans  les  pays  voisins;  il  compare  la  France  heureuse 
d'une  succession  assurée  avec  l'Empire  et  l'Angleterre  livrés  aux 
compétitions  et  aux  rivalités1;  il  montre  comment  pareil  malheur 
faillit  arriver  à  la  France;  il  énumère  les  femmes  et  les  filles  de 
Louis  Vil  ;  il  rappelle  les  tristesses  de  ce  roi 2.  Mais  tous  les  événe- 
ments racontés  sont  autant  de  titres  à  la  bienveillance  et  à  la  misé- 
ricorde divines;  aussi  en  H 65  les  prières  sont-elles  exaucées,  les 
bonnes  œuvres  récompensées 3.  Le  récit  se  termine  alors  par  la  nais- 
sance et  le  baptême  du  fils  du  roi. 

Deux  objections  ont  été  faites.  C'est  d'abord  la  variété  des  événe- 
ments racontés;  mais  cette  variété  s'explique  facilement  par  ce  qui 
vient  d'être  dit,  D'autre  part,  M.  Waitz  cite  une  indication  chronolo- 
gique :  «  Eodem  anno  quoddam  grave  infortunium...4,  »  inintelli- 
gible dans  le  texte  isolé  et  épuré  des  Historiens  de  France;  au  con- 
traire, cette  indication  se  comprend  aisément  dans  le  ms.  \Ti\\ 
(fol.  \1{)  ou  dans  les  éditions  d'Aimoin5  à  l'aide  d'un  des  passages 
déjà  cités  sur  Saint- Germain -des -Prés  :  «  Anno  ab  incarnatione 
Domini  nostri M.  GXL,  felicis  memorie  Hugo,  abbas  Sancti Germani... 
Eodem  anno,  etc.  »  Ces  passages  nécessaires  au  sens  ne  sont  donc 
point  des  interpolations-,  le  texte  qui  les  contient  est  bien  l'original, 
c'est  précisément  YHistoria  présentée  comme  continuation  d'Aimoin. 
—  Mais,  s'inspirant  d'autres  passages  du  manuscrit 6,  ne  peut-on 
modifier  le  texte  des  Historiens  des  Gaules  et  faire  ainsi  la  part  de 
1  interpolateur  :  «  Anno  ab  incarnatione  Domini  nostri  M  CXL  [feli- 
cis memorie  Hugo,  abbas  Sancti  Germani Huic  successit  Gilo 

ejusdem  ecclesiae  monachus.  Eodem  anno]  quoddam  grave  infortu- 


1.  Ilist.  de  France,  tome  XII,  p.  125. 

2.  Id.,  id.,  p.  129. 

3.  Id.,  id..  p.  133  :  «  Propter  haec  et  alia  multa  opéra  quae  piissimus  rex 
Ludovicus  praedictae  ecclesiae  et  pluribus  aliis,  intuitu  divinae  majestatis 
exhibuit...  divina  bonitas  tôt  bonorum  opérum  renunierationeni  condignam  ci 
contulit.  » 

i.  ilist.  de  France,  tome  XII,  p.  126,  lrc  ligne. 
5.  Edit.  Du  Breul  1003,  p.  372. 

G.  Voir  ce  que  M.  Luce  dit  dans  sa  notice  sur  le  ms.  12711  des  interpolations 
du  la  lrc  partie,  p.  63,  64. 


OBSERVATIONS   SÏÏB    DE03    SOURCES    Dl     RÈGNE    DE    LOUIS    Vil.         3o"i 

nium...?  s  Ce  serait  là  un  début  de  paragraphe  dont  VHistoria  four- 
nit d'autres  exemples4.  —  Nous  devons  noter  encore  que,  au  fol.  -172 
du  m  s.  1:2711.  la  mile  relative  à  un  nouveau  changement  d'abbé  esl 
mise  en  marge,  comme  si  le  compilateur  avail  oublié  de  faire  l'inter- 
polation. Enfin  il  serait  peut-être  plus  prudent  d'attribuer  l'écriture 
du  ms.  1271 1  aux  dernières  années  du  sue  siècle,  au  lieu  d'en  faire 
avec  .M.  W'ait/.  un  original  rédigé  de  Il7n-f  17'.  -.  Il  esl  bon  de  rap- 
peler que,  dans  son  catalogue  des  ms.  latins  de  Saint-Germain-des- 
Prés,  M.  Delisle  date  le  même  ms.  du  \ir  siècle,  «  sauf  les  continua- 
tions3. »  —  En  somme,  sans  rien  affirmer,  car  les  preuves  décisives 
manquent,  il  est  permis  de  se  Ggurer  VHistoria  Ludovici  septimi 
comme  une  œuvre  de  circonstance  inspirée  par  la  naissance  de  Phi- 
lippe-Auguste, écrite  isolément  d'abord  à  Saint-Germain-des-Prés, 
puis  insérée  peu  de  temps  après  dans  le  ms.  1271 1  \ 

Les  Gesta  Ludovici  septimi  se  rattachent  à  VHistoria  qu'ils  repro- 
duisent assez  fidèlement,  aux  Grandes  Chroniques  de  Saint- Denis,  et, 
pour  le  récit  de  la  seconde  croisade,  à  la  Version  française  de  Guil- 
laume de  Tyr,  VEstoire  d'Eracles. 

A  Saint-Denis,  dans  ce  que  Guillaume  le  Breton  appelle  :  «  In 
archivis  ecclesiae  beati  Dyonysii5,  »  se  trouvaient  réunis  de  nom- 
breux ouvrages  historiques  dont  on  chercha  à  faire  de  vastes  compi- 
lations françaises  et  latines.  Les  Gesta  sont  sortis  de  là.  En  effet, 
l'unique  exemplaire  est  un  ms.  de  Saint-Denis,  écrit  au  commence- 
ment du  xive  siècle.  De  plus,  deux  passages  sur  l'oriflamme6  qui 
manquent  dans  VHistoria,  mais  qu'on  peut  rapprocher  d'un  diplôme 
de  Louis  VI  (-H24)7,  ne  laissent  aucun  doute  sur  le  lieu  de  compo- 
sition. 

Les  Gesta  sont  très  postérieurs  a  VHistoria  et  même  à  la  version 
française  de  VHistoria  qui  forme  le  règne  de  Louis  Vil  dans  les  Grandes 


1.  Hist.  de  France,  tome  XII,  p.  12(i,  133. 

2.  Ou  peut  comparer,  du  reste,  la  lin  'lu  ms.  12711  avec  les  fragmenta  de 
VHistoria  du  n*  12710  (fol.  M  v°)  qne  M.  Lair  attribue  avec  raison  aux  dernières 
années  du  xnc  siècle.  (Bibl.  de  l'École  des  chartes,  1873,  p.  583.) 

3.  L.  Delisle,  Catalogue  des  ms.  latins  de  Saint-Germain-des-Prés. 

4.  Telle  semble  avoir  été  l'opinion  de  Cl.  Faucliet,  qui,  dans  l<-  ms.  62G5, 
fol.  51,  a  mis  en  marge  :  «  Hoc  ad  linem  asque  Inseruil  historié  Bue  Umonius,  i 

—  et  de  dom  Brial.  qui,  dans  le  tome  XII  des  Hist.  de  France,  .i  publié  à  part 
les  passages  sur  Saint-Germain-des-Prés,  p.  123.  C'est  aussi  l'opinion  <|ui  a  été 
présentée,  à  l'École  des  Hautes  Études,  par  M.  Monod. 

5.  Voir  aussi  Bibl.  nat.,  fonds  lat.   12710.  fol.  69  v°  :  t  In  arcbivo  Regali.  » 

—  Ph.  Mouskes,  Clirou.  rimee,  tome  I,  v.  (j,  Fierabras,  p.  1. 

6.  Hist.  de  France,  tome  XII,  p.  200. 

7.  Œuvres  de  Suger,  édit.  Lecoy  de  La  Marche,  p.  il 7. 


356 


MÉLANGES   ET   DOCUMENTS. 


Chroniques.  L'antériorité  de  Yllistoria  est  incontestable.  Les  Gesta 
appellent  saint  Bernard  «  Sanctus*  ;  »  bien  des  détails  précis,  qui  à 
distance  perdent  leur  importance,  ont  disparu  ;  des  noms  propres  ont 
été  négligés  ;  enfin  il  est  parlé  de  la  sépulture  de  Louis  VII,  mort  en 
IIS12.  —  Quant  aux  Grandes  Chroniques,  M.  P.  Paris  avait  déjà 
remarqué  qu'elles  avaient  dû  précéder  les  Gesta.  L'unique  ms. 
n°  5ï)2j  suffirait  à  le  démontrer  :  les  Gesta  y  apparaissent  insérés  au 
commencement  du  xrve  siècle  au  milieu  de  textes  écrits  vers  1 250  -, 
or,  c'est  précisément  entre  ces  deux  dates,  en  4274,  que  les  Grandes 
Chroniques  ont  été  terminées  pour  la  première  partie.  On  peut  encore 
apporter  comme  preuves  les  additions  propres  aux  Gesta,  ignorées 
de  VHistoria  et  des  Chroniques,  sur  la  prise  de  Montjai,  le  mariage 
de  Louis  VII  avec  Constance,  l'oriflamme 3. 

Bien  plus,  les  Gesta  semblent  non  sans  raison  une  version  latine 
des  Chroniques  françaises.  Les  procédés  de  style  font  penser  à  une 
sorte  de  thème  avec  tous  les  défauts  inséparables  de  ce  genre  de  tra- 
vail, manque  de  précision,  de  simplicité,  de  propriété  dans  les  expres- 
sions. Voici  deux  exemples  curieux  : 


l. 


Hisloria. 

Proinde  HugoSenonen- 
sis  archiepiscopus  couvo- 
cavit  utrumque,  videli- 
cet  regem  Ludovicum  et 
reginam  Alienordem  ante 
praesentiam  suam  apud 
Baugenciacum,  qui  con- 
venerunt  ibidem  prae- 
cepto  istius  die  Veneris 
ante  dominicain  de  ramis 
palmarum.  Ubi  etiam 
interfuerunt  Samson  lle- 
mensis ,  Hugo  Rotoma- 
geusis  et  cujus  uomen 
non  teneo  Burdigalensis 
arebiepiscopus ,  quidam 
quoque  sull'raganei  ipso- 
rum  nec  non  optimatum 
et  baronum  regni  Fran- 
ciae  non  minima  pars. 


Grandes  Chroniques. 

Et  pour  ceste  chose 
enquerre,  fit  li  rois  as- 
sembler au  chastel  de 
Baugenci,  le  mardi  devant 
Pasques  Flories,  Huom 
l'arcevesque  de  Seanz,  et 
fu  en  celé  assemblée 
Sanses  li  arcevesque  de 
Rains,  Hues  cil  de  Rouam, 
et  cil  de  Bordiaus  et  plu- 
sor  de  lor  évesques  et 
des  barons  de  France 
grant  partie. 


Gesta. 

Et  ut  istius  rei  veritas 
posset  veracius  indagari, 
die  Martis  ante  festum 
Paschatis  Floridi  in  Cas- 
tro Beaugenciaci  Hugo- 
nem  arebiepiscopum  Ro- 
tomagensem  et  quartum 
Gaufredum  Burdegalen- 
sem  cum  pluribus  suis 
coepiscopis  et  baronibus 
Franciae  fecit  solemui- 
ter  convenire. 


1.  Hist.  de  France,  tome  XII,  p.  199. 
;.  Hist.  de  France,  tome  XII,  p.  196. 
3.  Id.,  id.,  p.  199,  203. 


OBSERVATION?   SIR    DECX   SQ DECES    Dl     KM. M     Dl     LOUIS   Ml  '■> 57 


II. 


Historia. 

Henricus  ante  iloininiiin 
suuin  regem  Ludovicum 
defecit  a  justitia. 


Grandes  Chroniques. 

...  como  orgelotu  et 
rebelles  refusa  a  faire  et 
prendre  droit  en  sa  tort. 


Gesta. 

...  qui  <  ilalus  ad  cu- 
ri.uii,   venire    induit   ad 

ju^  l'aciendiini  vrl  capien- 

ilmn  in  regni  praesentia, 
Palatii  jadicimn  omnino 
raspoil  ef  eontempsil 

Ainsi  les  Gesta  ne  sont  qu'une  version  latine  tics  Gra/>drs  Chro- 
iii<jucs  presque  traduites  elles-mêmes  de  V Historia,  et  ces  Gesta  mil 
dû  être  rédigés  sous  Philippe  le  Bel,  dans  les  premières  années  du 
xivp  siècle,  afin  de  compléter  un  ensemble  de  chroniques  latines  donl 
le  ms.  5923  offre  le  plus  remarquable  exemple. 

Quant  aux  rapports  îles  Gesta  avec  Guillaume  de  Tyr,  il  est  aisé 
de  constater  que  le  récif  de  la  croisade  esi  traduit  de  i'Estoire  d1 Evades, 
version  française  de  l'historien  du  royaume  de  Jérusalem  ;  mais  toutes 
les  remarques  que  l'on  pourrait  faire  à  ce  sujet  seraient  sans  grande 
importance,  car  les  Gesta  ne  font  que  suivre  les  Grandes  Chroniques 
qui  avaient  déjà  reproduit  le  récit  français  de  YEstoire  d'Evadés. 

A.    GOVILLE. 


BULLETIN    HISTORIQUE 


FRANCE. 

Enseignement  supériedr.  —  On  sait  quelle  large  part  revient  à 
M.  Lavisse  dans  l'œuvre  delà  réforme  de  notre  haut  enseignement.  Il 
a  été  l'âme  de  la  Société  d'enseignement  supérieur,  qui,  par  ses  dis- 
cussions et  ses  publications,  a  fait  peu  à  peu  pénétrer  dans  le  monde 
universitaire  et  dans  l'administration  de  l'instruction  publique  des 
idées  qui  restaient  jusque-là  renfermées  dans  le  petit  cercle  des  rédac- 
teurs de  la  Bévue  critique  et  des  professeurs  de  l'École  des  hautes 
études  ;  ses  articles  de  la  Revue  des  Deux-Mondes  ont  donné  ensuite  à 
ces  mêmes  idées  l'audience  et  la  faveur  du  grand  public  ;  enfin  à  la 
Faculté  des  lettres,  associé  avec  M.  Groiset  à  l'œuvre  de  réforme 
dirigée  par  le  doyen,  M.  Himly,  il  a  travaillé  avec  autant  de  talent 
que  d'autorité  à  transformer  la  vieille  Sorbonne  en  une  véritable 
École  d'instruction  supérieure.  Lorsque  M.  Lavisse  est  ainsi  devenu 
le  plus  brillant  et  le  plus  écouté  des  avocats  et  des  ouvriers  de  la 
réforme  de  l'enseignement  supérieur,  il  y  avait  déjà  quelques  années 
que  le  petit  groupe  d'hommes  dont  nous  parlions  tout  à  l'heure 
soutenait  les  mêmes  idées  dans  la  Revue  critique  et  les  mettait  en 
pratique  à  l'École  des  hautes  études.  Mais  ces  apôtres  de  la  première 
heure  étaient  inconnus  du  grand  public  et  assez  mal  vus  dans  le 
monde  universitaire;  ils  n'avaient  guère  pour  appui  que  M.  Du 
Mesnil,  le  directeur  de  l'enseignement  supérieur,  et  M.  Waddington, 
qui  n'étaient  pas  des  universitaires.  On  leur  reprochait,  bien  à  tort 
du  reste,  d'être  des  ennemis  de  l'Université,  de  n'attacher  de  prix 
qu'à  l'érudition  pure,  de  mépriser  l'enseignement  secondaire,  et 
surlout  d'être  imbus  d'esprit  germanique.  Ce  fut  un  bonheur  pour  la 
réforme  d'avoir  trouvé  alors  pour  la  défendre  trois  hommes,  M.  Boutmy, 
M.  Dumont  et  M.  Lavisse,  à  qui  on  ne.  pouvait  pas,  sans  absurdité, 
faire  les  mômes  reproches-,  aussi  ont-ils  pu  faire  mettre  en  pratique 
très  rapidement  une  réforme  qui  jusque-là  faisait  assez  lentement  son 
chemin  dans  les  esprits.  Le  volume  que  M.  Lavisse  vient  de  publier  et 
(lui  contient  l'admirable  notice  sur  Charles  Graux  publiée  en  tête  des 
Mélanges  Graux,  des  articles  de  revue  sur  l'enseignement  supérieur 


FRANI  i  •  359 

et  des  allocutions  aux  étudiants  de  la  Faculté  des  lcllrcs1 ,  donne  une 
idée  très  complète  de  ce  qu'il  a  voulu  el  de  ce  qu'il  a  fait  pour  le 

progrès  des  éludes.  Son  but  principal  a  été  de  former  un  public 
de.  véritables  étudiants;  par  an  véritable  étudianl  il  faut  entendre 
Qon  seulement  un  élève  assidu  et  docile,  mais  celui  qui,  non  contenl 
de  préparer  consciencieusement  les  examens  qui  lui  sont  imposés,  se 
préoccupe  à  la  fois  des  progrès  de  la  science  et,  s'il  se  destine  au 
professoral,  de  ses  devoirs  pédagogiques,  celui  enfin  qui  se  seul, 
solidaire  de  la  Faculté  où  il  travaille  el  des  condisciples  à  côté  de  qui 
il  se  trouve.  Ce  public  de  véritables  étudiants  existe  aujourd'hui,  et 
pour  ces  étudianl-  laSorbonne  esl  une  pairie  intellectuelle  et  morale. 
En  second  lieu,  M.  Lavisse  esl  très  préoeccupé  Mes  liens  qui  doivent 

exister  entre  renseignement  sec laire  el  l'enseignement  supérieur. 

de  l'influence  que  celui-ci  doit  exercer  sur  celui-là.  Bien  loin  de  croire 
les  aptitudes  de  l'érudit  opposées  à  celles  du  professeur,  il  pense  qu'il 
faut  savoir  ce  qu'est  la  science  pour  la  bien  enseigner.  Il  ne  veul  pas 
séparer  l'instruction  générale  'les  élude-,  spéciales;  joignant  les 
exemples  aux  préceptes,  il  donne  à  ses  élèves  des  modèles  excellents 
de  ce  que  doit  être  renseignement  au  lycée  et  même  à  l'école  pri- 
maire. Enfin  M.  Lavisse  désire  que  L'enseignement  supérieur 
acquière  tout  le  développemenl  el  toute  l'inlluence  dont  il  est  sus- 
ceptible, par  la  création  d'Universités  jouissant  d'une  certaine  autono- 
mie, el  où  les  diverses  Facultés  se  fortifieront  les  unes  les  autres  par 
les  liens  qui  les  uniront;  mais  il  est  très  éloigné  de  vouloir  des  créa- 
tions hâtives,  calquées  sur  l'étranger.  Les  critiques  qu'il  adresse  aux 
institutions  étrangères  sont  de  nature  à  rassurer  ceux  qui  craignent 
qu'on  sacrifie  nos  qualités  nationales  à  une  manie  d'importations 
étrangères;  ce  qu'il  veut,  c'est  favoriser  le  développemenl  normal  et 
spontané  des  institutions  françaises,  en  s'éclairant  des  expérience- 
étrangères.  La  biographie  de  Charles  Graux  couronne  dignement  ce 
volume,  car.  comme  le  dit  M.  Lavisse,  il  a  été  un  parfait  modèle  de 
ce  que  doit  être  l'étudiant  d'enseignement  supérieur  el  le  professeur 
d'enseignement  supérieur.  11.  Rïonod. 

Publications  de  textes.  —  Les  lecteurs  de  la  Revue  ne  s'étonneront 
pas  de  voir  le  nom  de  son  directeur  cité  à  côté  de  celui  de  M.  Lavisse.  De 
la  conférence  d'histoire  dirigée  depuis  l'origine  par  M.  Gabriel  Monod  à 
l'École  des  hautes  études,  sont  sortis  de  nombreux  élèves  dont  plusieurs 
sontà  leur  tour  devenus  fies  maîtres.  Là  aussi  ont  été  préparés  des  tra- 

I.  Questions  d'enseignement  national.  Colin.  —  M  Lavisse  rient  aussi  de 
publier  <hez  le  même  éditeur  un  petit  rolume  de  Sommaire»  d'histoire  uni- 
verselle, qui  serviront  d'utile  mémento  aux  élèves  des  écoles  normales  et  même 
a  ceux  de  nos  lycées. 


3<i0  BULLETIN   niSTORIQDE. 

vaux  justement  remarqués.  Pour  ne  parler  que  des  plus  récents,  on 
peut  rappeler  V Étude  sur  la  vie  latine  de  sainte  Geneviève,  par  M.  Gh. 
Kohler,  et  tout  dernièrement  le  Mémoire  de  M.  Prou  sur  le  De  Ordine 
Palatii  (Vieweg).  On  sait  quelle  est  l'importance  de  cette  œuvre 
d'Adalhart,  reprise  par  le  célèbre  archevêque  de  Reims,  Hincmar,  pour 
l'étude  des  institutions  carolingiennes  au  rxe  siècle  ;  mais  on  sait  aussi 
que  les  éditions  qu'on  en  possède  sont  ou  incomplètes,  ou  défectueuses, 
et  que  l'intelligence  est  loin  d'en  être  toujours  facile.  Il  y  avait  donc 
lieu  de  l'étudier  de  près.  C'est  ce  qu'a  fait  avec  un  plein  succès 
M.  Prou.  Quant  au  texte  lui-même,  comme  on  n'en  connaît  aujour- 
d'hui aucun  manuscrit,  il  a  bien  fallu  reproduire  l'édition  princeps 
donnée  en  \  602  par  le  jésuite  Jean  Buys  (Busœus)  ;  cependant  d'utiles 
corrections  ont  pu  y  être  apportées  * .  M.  Prou  a  de  plus  rendu  un 
double  service,  en  donnant  de  la  lettre  d'Hincmar  une  traduction 
très  fidèle,  et  en  l'éclairant  de  notes  nombreuses.  Ces  dernières,  qui 
sont  le  résumé  des  travaux  dirigés  pendant  deux  ans  par  M.  Monod 
à  sa  conférence,  méritent  d'attirer  l'attention  de  tous  les  érudits. 
Distinction  des  lois  et  des  capitulaires,  intervention  du  peuple  et  des 
grands  dans  leur  rédaction,  origine  et  compétence  des  officiers  de  la 
maison  impériale,  assemblées  générales  des  Francs,  élection  cano- 
nique des  évêques,  tels  sont  les  principaux  points  étudiés  dans 
ces  notes,  dont  quelques-unes,  malgré  leur  forme  concise,  sont 
de  véritables  traités  sur  la  matière.  La  préface,  très  instructive, 
expose  les  idées  d'Hincmar,  en  particulier,  et  du  clergé  français,  en 
général,  sur  les  rapports  du  roi  et  de  l'église.  On  y  voit  très  nette- 
ment formulée,  dès  le  ixe  s.,  la  théorie  du  droit  divin.  On  comprend 
mieux  alors  le  rôle  politique  si  considérable  joué  par  les  évêques 
dans  les  luttes  où  s'épuisèrent  les  derniers  carolingiens,  et  le  carac- 
tère clérical  de  la  révolution  de  987.  CetLe  étude  sur  le  De  ordine 
Palatii  forme  l'introduction  naturelle  au  beau  livre  de  M.  Luchaire 
sur  les  Institutions  monarchiques  de  la  France. 
M.  Luchaire  vient  justement  de  donner  un  précieux  complément  a 

1.  J'en  signalerai  une  particulièrement  importante  :  à  la  fin  du  chapitre  xxix, 
Hincmar  expose  ce  que  venaient  faire  aux  Champs  de  mai  les  clercs  et  les 
laïques:  «  Seniorcs,   propter   concilium  ordinandum  ;  minores,  propter  idem 

consilium  suscipiendum  el  interdum  pariter  tractandnm ;  caeterum  autèm 

propter  doua  generaliter  danda.  »  Les  précédents  éditeurs  rejetaient  ces  der- 
niers mots,  imprimés  en   italiques,  au  début  du  chapitre  xxx  :  «  Caeterum 

autem,  propter  doua  generaliter  danda,  aliud  placitum habebafur;  »  on  en 

devait  conclure  que  les  dons  étaient  offerts  au  roi  au  plait  général  tenu  en 
automne,  ce  qui  est  contraire  à  la  vérité  historique.  La  correction  est  très 
juste  et  très  heureuse. 


l'i.wc.K.  361 

cet  ouvrage  dans  ses  Études  sur  les  actes  de  Louis  I  //  (Picard).  Ces 
études  comprennent  d'abord  I»'  catalogue  des  acles  du  roi,  ensuite  le 
texte  d'un  grand  nombre  de  pièces  inédites,  enfin  une  élude  diplo- 
matique sur  les  chartes  qui  composent  la  série  dite  des  lettres 
patentes.  Cette  dernière  est  le  morceau  capital  de  l'ouvrage,  auquel 
je  ne  saurais  reprocher  que  son  formai  si  incommode  (un  grand  iu-ï°). 
Pour  cet  ordre  de  recherches,  nouveau  pour  un  professeur  qui  ne 
sort  pas  de  l'École  des  chartes,  M.  Luchaire  avait  un  modèle  excel- 
lent dans  l'introduction  qui  précède  le  Catalogue  des  actes  de  Phi- 
lippe-Auguste  par  M.  L.  Delisle;  il  l'a  suivi  exactement,  et  il  ne 
pouvait  mieux  faire.  Les  sources  où  il  a  puisé  n'étaient  pas  d'ailleurs 
tout  à  fait  les  mêmes;  il  n'avait  pas  à  sa  disposition  la  série  précieuse 
des  registres  de  la  chancellerie  de  France,  qui  commence  seulement 
au  milieu  du  règne  de  Philippe-Auguste.  L'auteur  y  a  suppléé  en 
fouillant  les  bibliothèques  cl  archives  de  Paris  et  de  la  province,  en 
dépouillant  un  grand  nombre  d'ouvrages  imprimés.  La  moisson  a  été 
1res  fructueuse  ;  le  catalogue  n'énumère  pas  moins  de  798  actes.  Ces 
actes  ont  été  examinés  au  point  de  vue  de  leur  forme  extérieure  avec 
une  grande  précision;  ce  qu'on  appréciera  surtout,  c'est  le  chapitre  iv 
relatif  à  la  succession  des  grands  officiers  de  la  couronne  pendant  le 
règne  de  Louis  VII ,  et  le  tableau  chronologique  des  séjours  de 
Louis  VII,  d'après  les  chroniques  et  les  chartes,  qui  remplit  tout  le 
chapitre  v.  Le  texte  des  documents  inédits  est  correctement  établi; 
une  bonne  table  des  noms  de  lieu  et  de  personnes  termine  le  volume 
qu'enrichissent  encore  plusieurs  fac-similés  ayant  pour  but  de  mon- 
trer les  divers  types  d'écriture  employés  par  les  scribes  royaux  pen- 
dant une  moitié  du  xne  s.  Quant  aux  pièces  elles-mêmes,  on  éprou- 
vera peut-être  à  première  vue  quelque  déception;  nombre  d'entre 
elles  n'ont  qu'un  intérêt  restreint,  particulier  à  tel  évêché  ou  à  telle 
abbaye,  plus  rarement  à  des  laïques;  fort  peu  présentent  une  véri- 
table importance  politique,  quelques-unes  seulement  se  rapportent  à 
la  seconde  croisade,  à  Thomas  Becket,  aux  relations  de  la  France  et 
de  l'Angleterre.  C'est  encore  un  caractère  qui  distingue  ces  Êtudi  s 
Au  Catalogue  des  Actes  de  Philippe- Auguste.  Mais  cette  comparaison 
même  entre  les  deux  recueils  comporte  avec  soi  son  enseignement; 
elle  permet  de  mesurer  les  progrès  de  la  monarchie  capétienne,  de 
Louis  VII  a  son  Sis.  Sous  le  premier  de  ces  princes,  le  royaume  de 
France  n'était  presque  encore  qu'un  grand  Fief;  sous  le  second,  il 
devinl  une  grande  puissance  européenne. 

A  la  même  époque  à  peu  près  se  rapporte  le  Cartulaire  de  Van- 
cienne  abbaye  de  Saint-Nicolas-des-Prés  sous  Bibemont  (dioc.  de 
Laon),  très  exactement  publié  par  M.  Henri  Steih  d'après  lems.  ori- 


M2  BULLETIN   HISTORIQUE. 

ginal  des  Archives  nationales  (extrait  du  t.  V,  Ae  série  des  Mémoires 
de  la  Société  académique  de  Saint-Quentin).  L'abbaye  a  été  fondée 
en  1083  par  Anselme,  comte  de  Ribemont;  le  cartulaire,  écrit  au 
milieu  du  xme  s. ,  comprend  \  \  2  pièces,  qui  se  placent  entre  les  années 
4  083  et  1227;  M.  Stein  l'a  complété  au  moyen  d'autres  documents 
inédits  dont  le  dernier  est  de  4  404.  Il  a  eu  aussi  le  soin,  que  les  édi- 
teurs de  registres  ou  de  cartulaires  ne  prennent  pas  toujours,  d'in- 
diquer celles  de  ces  pièces  qui  avaient  été  déjà  publiées;  de  même  il 
a  pris  beaucoup  de  peine  pour  identifier  les  noms  de  lieu  et  pour 
confectionner  de  bonnes  tables.  C'est  l'œuvre  d'un  travailleur  exercé. 

M.  Stein  sort  de  l'École  des  chartes.  Un  des  maîtres  les  plus  res- 
pectés de  l'École,  M.  Ad.  Tardif,  a  entrepris,  on  le  sait,  un  recueil  de 
lextes  pour  servir  à  l'enseignement  de  l'histoire  du  droit  (Picard). 
Au  Coutumier  d'Artois,  texte  en  français  du  xive  s.,  il  vient  d'ajou- 
ter les  Coutumes  de  Toulouse,  publiées  d'après  deux  rédactions  offi- 
cielles, dont  l'une  pour  l'usage  des  consuls,  l'autre  pour  celui  du 
sénéchal.  Je  n'ai  pas  besoin  de  dire  que  le  texte  est  reproduit  avec  le 
soin  le  plus  scrupuleux  et  le  plus  intelligent,  ni  de  rappeler  que  le 
plan  du  recueil  ne  comporte  aucune  note.  L'éditeur  a  suivi  le  texte 
du  registre  de  la  sénéchaussée,  plus  correct,  et  surtout  plus  com- 
plet ;  plusieurs  articles  ont  été  en  effet  rejetés,  parordrede  Philippe  III, 
de  la  rédaction  faite  pour  la  commune  ;  on  notera  que  ces  suppres- 
sions n'ont  qu'une  importance  juridique.  Quant  aux  démêlés  très 
graves  de  la  commune  avec  Philippe  III,  il  faut  en  chercher  le  récit 
dans  la  Bibliothèque  de  l'École  des  chartes  (t.  XLIII,  1882).  L'article 
est  de  M.  k.  Mobilier,  l'homme  de  France  qui  connaît  le  mieux  l'his- 
toire du  Languedoc. 

Voici  un  document  tout  à  fait  de  premier  ordre  pour  l'histoire  de 
Charles  le  Mauvais  en  particulier,  et  en  général  pour  l'histoire  poli- 
tique, financière,  économique  de  la  France  au  milieu  du  xive  s.  C'est 
le  Compte  des  recettes  et  dépenses  du  roi  de  Navarre  en  France  et 
en  Normandie,  de  1367  à  1370,  publié  par  M.  Izarn,  avec  une  intro- 
duction, nourrie  de  faits  nouveaux,  par  M.  Gustave-A.  Pre'vost 
(Picard).  C'est  un  travail  considérable.  Le  compte  a  pris  presque 
500  pages  de  texte  très  serré.  La  préface  très  détaillée  devra  être 
consultée  par  tous  ceux  qu'intéresse  l'histoire  des  institutions  de 
l'ancienne  France-,  elle  montre  ce  qu'était  au  xive  siècle  un  grand 
apanage,  quels  étaient  les  rapports  de  l'apanagisle  avec  la  royauté, 
quels  dangers  il  pouvait  lui  faire  courir.  Les  revenus  que  Charles 
le  Mauvais  tirait  de  ses  fiefs  normands  s'élevaient,  tout  compté, 
à  une  somme  de  plus  de  o  millions,  en  valeur  métallique  ; 
1   presque  un  budget  d'État.  Encore  l'auteur  de  l'introduction 


i  i;\\<  B. 


3(i.S 


s'excuse-l-il  de  n'avoir  pas  nais  en  lumière  tous  les  résultais  qu'on 
pourrait  tirer  de  l'étude  minutieuse  du  texte.  Il  est  certain,  en  effet, 
qu'il  n'a  pas  tout  dit;  on  voudrail  même  que  Le  texte  fût  accom- 
pagné de  notes  et  d'un  commentaire  suivi  ;  mais  il  ne  faut  pas  deman- 
der l'impossible,  et  il  convient  de  s'estimer  heureux  quand  on  possède 
un  document  de  cette  importance  et  présenté  avec  autant  d'érudition. 

Pour  le  xve  siècle,  je  n'ai  à  signaler  que  ['Étude  sur  une  négociation 
diplomatique  de  Louis  W,  par  M.  S.  Modfflbi  [Marseille,  Blancel 
Bernard),  où  l'on  trouvera  le  texte  latin  des  harangues  de  Guillaume 
Pichet,  docteur  en  théologie,  prononcées  au  nom  du  roi  de  France 
devant  le  duc  de  Milan  et  autres  princes  d'Italie  pour  les  décider  a 
appuyer  la  demande  d'un  concile  général  eu  janvier  I  <r>'.>.  plus  cinq 
lettres  de  Galéas  Marie  sur  le  même  sujet  de  janvier  4470.  (11  faul 
sans  doute,  quoi  qu'en  dise  l'auteur,  rapporter  tous  ce-  documents 
à  la  même  année.) 

Le  t.  111  des  Comptes  de  ï Hôtel-Dieu  de  Paris  .  publiés  par 
M.  Brikle,  est  terminé  avec  le  second  fascicule  qui  vient  de  paraître 
(Picard).  Je  n'ai  plus  à  faire  l'éloge  ni  de  cette  précieuse  publication, 
ni  du  zèle  de  l'archiviste  à  la  persévérance  de  qui  nous  la  devons. 
Un  fait  m'a  frappé  dans  ce  fascicule,  qui  s'étend  de  1536  à  1584  ;  on 
y  trouverait  vainement,  je  crois,  une  mention  de  protestant,  la 
moindre  trace  de  la  Saint-Barthélémy.  En  retour,  il  abonde  en  ren- 
seignements précieux,  non  seulement  sur  la  situation  financière 
de  lTIùtel-Dieu,  ce  qui  va  sans  dire,  mais  encore  sur  une  foule  de 
personnages,  nobles  ou  bourgeois,  sur  le  vieux  Paris,  sur  les  villages 
de  la  banlieue,  sur  le  prix  des  choses,  le  chiffre  des  gages  et  traite- 
ments des  médecins  et  internes  attachés  à  l'hôpital,  des  religieuses 
employées  en  ville  à  soigner  les  malades,  etc.  D'excellente-  tables 
rendent  ce  gros  volume,  bourré  de  noms  et  de  chiffres,  très  com- 
mode à  consulter.  Je  me  contenterai  de  renvoyer  les  Parisiens  à  la 
longue  et  curieuse  liste  ^U'>  maisons  à  enseigne  [table  des  matières). 

Le  t.  II  des  Documents  historiques  concernant  la  Marche  et  le 
Limousin,  publiés  par  nos  collaborateurs,  \M.  Lerodx,  E.  Molinieb 
et  Anl.  Thomas,  est  aussi  intéressant  que  le  premier  (Limoges, 
Ducourtieux).  Il  contient  deux  cartulaires  de  l'aumonerie  de  Saint- 
Martial,  des  xie  et  xue  siècles,  un  curieuv  compte  de  V  «  Assiette 
d'impôt  sur  le  pays  de  Gombraille  »  en  1357,  des  extraits  de  la  chro- 
nique de  Pierre  Foucher,  théologien  limousin,  qui  vivait  dans  la 
première  moitié  du  \\f  s.-,  des  extraits  du  premier  registre  consis- 
torial  de  Rochechouart,  4596-4635,  qu'il  convient  de  signaler  aux 

historiens  du  protestantisme  français;  un  long  mémoire  sur  la  g - 

ralité  de  Limoges,  dressé  en  1698  par  l'intendant  L.  de  Bernage  | r 


3&|  BULLETIN  niSTORIQOE. 

l'instruction  du  dauphin  ;  divers  documents  pour  servir  à  l'histoire 
des  collèges  classiques  de  la  Marche  et  du  Limousin,  surtout  à  la  fin 
du  siècle  dernier.  On  ne  peut  que  remercier  les  diligents  éditeurs  de 
celte  nouvelle  contrihution  à  l'histoire  de  notre  pays. 

Les  personnes  qui  lisent  la  Revue  de  la  Révolution,  publiée  chez 
Santon,  sous  la  direction  de  M.  Gh.  d'Hericault  et  de  M.  G.  Bord, 
connaissent  déjà  les  Documents  que  ces  habiles  chercheurs  viennent 
de  réunir  en  volume  (Sauton).  Us  n'ont  même  pas  pris  soin  de  réunir 
les  diverses  parties  d'un  même  article,  ni,  à  plus  forte  raison,  de 
ranger  les  pièces  dans  un  ordre  quelconque.  Ce  désordre  est  fâcheux 
dans  un  volume  d'ailleurs  intéressant  et  orné  de  curieuses  gravures 
du  temps  reproduites  par  la  photogravure.  Analyser  un  pareil  livre 
serait  impossible;  on  ne  pourrait  que  copier  la  table  des  matières. 
Tout  au  plus  peut-on  signaler  une  série  de  lettres  sur  la  chouannerie 
en  l'an  IV;  la  correspondance  d'un  député  de  la  noblesse  de  la  séné- 
chaussée de  Marseille  avec  la  marquise  de  Gréquy,  de  mai  à  août  1 789; 
des  lettres  inédites  de  Restif  de  la  Bretone  au  citoyen  Fontaine  et  à 
sa  femme  à  Grenoble,  en  l'an  V  et  en  l'an  VI;  enfin  et  surtout  une 
longue  série  d'articles  sur  les  prisonniers  enfermés  à  la  Bastille  sous 
Louis  XVI,  qui  me  paraissent  la  partie  la  plus  importante  du  volume. 
Le  dossier  de  la  Révolution  grossit  chaque  jour,  et  il  n'est  pas  près 
d'être  clos,  s'il  l'est  jamais1. 

Ouvrages  divers.  Moyen  âge.  —  M.  Edmond  Stapfer  vient  de  com- 
bler très  heureusement  une  lacune  dans  notre  littérature  historique. 
11  a  consacré  son  volume  intitulé  :  La  Palestine  au  temps  de  Jésus- 
Christ  (Fischbacher),  à  décrire  le  milieu  géographique,  politique, 
intellectuel  et  social  où  le  Christ  est  né,  s'est  développé  et  a  vécu. 
Bien  qu'attaché  par  ses  croyances  au  christianisme  traditionnel,  c'est 
en  véritable  historien  que  M.  Stapfer  a  étudié  et  traité  son  sujet. 
J'ajouterai  qu'il  s'est  montré  à  la  fois  érudit  consciencieux  et  atta- 
chant écrivain.  Il  a  su  faire  revivre  avec  une  précision  pittoresque 
la  population  de  la  Judée,  d'où  sortirent  Jésus  et  ses  disciples,  et  le 
clergé  qui  le  persécuta;  il  a  su,  ce  qui  était  plus  difficile,  nous  faire 
comprendre  les  idées  religieuses  et  philosophiques  au  sein  desquelles 
le  christianisme  a  pris  naissance,  et  il  nous  permet  ainsi  de  mieux 
saisir  ce  qu'il  a  emprunté  et  ce  qu'il  a  ajouté  à  ce  qui  existait 
avant  lui  et  autour  de  lui.  C'est  donc  tout  le  cadre  de  la  Vie  de  Jésus 
el    même  quelque   chose  de  plus  que   nous   donne  M.   Stapfer. 

1.  Je  ne  puis  qu'annoncer  le  t.  III  des  Chartes  de  Cluny,  publié  par  M.  Bruel 
(doc.  inédits),  et  le  t.  I  des  Mémoires  de  Villars,  publiés  par  M.  de  Vogué.  Je 
ne  les  ai  pas  eus  entre  les  mains. 


FRANCE.  363 

M.  Renan  avait  consacré  au  même  sujet,  dans  sa  I  ie  </>■  Jésus,  des 
pages  admirables  ;  mais,  dans  un  livre  où  il  s'agissait  de  recréera 
force  di.'  psychologie,  d'imagination,  de  divination  et  d'arl  une  Qgure 
de  héros  difficile  à  discerner  à  travers  les  brumes  dorées  de  la  légende, 
il  s'esi  gardé  de  donner  au  cadre  une  importance  et  une  précision  qui 
eussent  Oté  Loul  relie!  et  toute  réalité  à  la  Qgure  centrale.  Aussi  le 
livre  de  M.  Stapfer  est-il  une  utile  préparation  ou  un  utile  complé- 
ment à  la  lecture  de  la  vie  de  Jésus  ou  à  celle  des  Évangiles.  11  nous 
permet  d'ailleurs  d'apprécier  L'influence  considérable  exercée  sur  les 
esprits  par  l'œuvre  de  M.  Renan  sur  les  origines  du  christianisme. 
Nous  disions  dans  notre  dernier  article  qu'il  avait  l'ait  passer  le 
christianisme  du  domaine  de  la  religion,  de  la  théologie  ou  de  la 
légende,  dans  celui  de  l'histoire.  Voici  un  livre  composé  par  un  homme 
de  foi  et  qui  pourtant  n'aurait  été  ni  conçu  ni  écrit  dans  cet  espril 
sévèrement  historique  sans  M.  Renan. 

Ce  n'est  pas  sans  un  sentiment  de  regret  que  j'annonce  aujour- 
d'hui le  Ier  volume  des  Mélanges  d'archéologie  et  d'histoire  de  uotre 
maitre  vénéré  J.  Quicueiut.  Quicherat  est  mort  le  8  avril  1882,  à 
l'âge  de  soixante-huit  ans,  frappé  en  pleine  activité  intellectuelle,  sans 
avoir  terminé  les  importants  travaux  qui  devaient  être  le  résumé 
d'une  longue  carrière  consacrée  sans  partage  à  la  science.  Quelques 
fragments  seulement  de  son  cours  d'archéologie  uni  été  rédiges,  ainsi 
qu'une  partie  de  son  Histoire  de  l'industrie  et  du  commerce  de  la 
laine.  C'est  que  Quicherat  donnait  à  l'enseignement  le  plus  clair  de 
son  temps,  et  aucun  de  ses  élèves  n'oubliera  ses  leçons  si  solides.  •  i 
méthodiques,  exposées  eu  une  langue  si  nerveuse  et  si  précise;  c'est 
aussi  que,  comme  son  maitre  et  son  ami,  J.  Michelet,  il  avait  au  plus 
haut  point  le  souci  de  la  forme;  il  avait  horreur  de  l'à-peu-près  dans 
l'expression  comme  dan-,  l'idée,  et  donnait  autant  de  soin  a  un 
simple  article  critique  qu'à  un  gros  livre.  Outre  les  ouvrages  com- 
plets que  tout  le  monde  connaît,  comme  le  Procès  il»'  Jeanne  d'Arc, 
l'Histoire  du  costume,  Rodrigue  de  Villandrando,  etc.,  il  a  produit 
un  grand  nombre  d'articles  dispersés  dans  les  revues  d'érudition, 
surtout  de  rapports  à  la  Société  des  Antiquaires  de  France  ou  au 
Comité  des  Sociétés  savantes  des  départements.  Ses  amis  et  ses  dis- 
ciples ont  eu  la  pieuse  pensée  de  réunir  la  pluparl  de  ces  articles 
presque  perdus  dans  ces  nombreux  recueils.  MM.  A.  Castan,  deLastey- 
rie,  J.  Roy,  A.  Giry,  etc.,  se  sont  partagé  le  travail.  Le  t.  I  de  ces 
Mélanges,  préparé  en  grande  partie  par  M.  Giar,  est  consacré  aux 
antiquités  celtiques,  romaines  et  gallo-romaines  de  oolre  pays.  On  y 
retrouvera  ces  mémoires,  dont  la  publication  a  suscité  autrefois  tant 
de  controverses,  sur  le  Pilum,  sur  la  longueur  de  la  lieue  gauloise, 


3li<;  BULLETIN   HISTORIQUE. 

sur  l'endroit  voisin  de  Lutèce  où  Labiénus  a  vaincu  les  Gaulois,  sur- 
tout sur  la  question  d'Alésia.  C'est  M.  Castan  qui  a  été  chargé  de 
réunir  les  principaux  articles  de  Quicherat  sur  cette  discussion  mémo- 
rable. On  est  généralement  d'accord  aujourd'hui  pour  conclure  contre 
Quicherat  en  faveur  d'Alise-Sainte-Reine  en  Bourgogne,  et  non  pour 
Alaise  en  Franche-Comté;  mais,  quelque  opinion  qu'on  professe,  on 
ne  saurait  méconnaître,  avec  la  parfaite  bonne  foi  du  maître,  son 
érudition  profonde  et  son  remarquable  talent  d'exposition.  M.  R.  de 
Lasteyrie,  qui  remplace  si  dignement  Quicherat  à  l'École  des  chartes, 
a  publié  à  nouveau,  en  manière  d'introduction  au  volume,  l'excel- 
lente notice  sur  sa  vie  et  sur  ses  travaux,  qui  avait  déjà  paru  dans  le 
Bulletin  du  Comité  des  travaux  historiques H . 

La  Revue  a  déjà  (voyez  plus  haut,  p.  219)  annoncé  la  première 
livraison  de  Y  Atlas  historique  de  la  France,  par  M.  A.  Longnon 
(Hachette) .  Il  ne  sera  pas  hasardé  de  dire  que  cette  publication  est 
destinée  à  faire  époque.  M.  Longnon  est,  sans  contredit,  au  premier 
rang  de  nos  géographes.  Dans  ses  travaux  sur  les  Pagi  de  la  Gaule, 
sur  la  Géographie  de  Grégoire  de  Tours,  sur  la  France  à  l'époque 
de  Charlemagne,  de  saint  Louis 2,  de  Jeanne  d'Arc,  il  a  montré  qu'il 
possédait  une  connaissance  approfondie  des  textes  épigraphiques, 
historiques,  littéraires  et  autres,  des  livres,  mémoires  ou  articles 
qui  ont  paru  dans  ce  domaine  infini  de  la  science,  enfin  des  lois 
phonétiques  qui  ont  présidé  à  la  formation  des  noms  de  lieu.  Il  était 
indispensable,  en  effet,  d'être  aussi  bien  philologue  et  historien  que 
géographe.  M.  Longnon  réunit  à  un  degré  éminent  ces  qualités 
diverses  ;  habile  metteur  en  œuvre  du  reste,  il  a  autant  de  savoir- 
faire  que  de  savoir.  Ajoutons  qu'il  a  organisé  l'enseignement 
scientifique  de  la  Géographie  historique  de  la  France;  le  cours 
qu'il  professe  à  l'École  des  hautes  études,  où  il  a  été  autrefois 
élève,  peut  être  considéré  comme  une  création.  Membre  enfin  très 
assidu  de  l'ancienne  commission  de  topographie  des   Gaules,  il 


1.  Le  second  volume  comprendra  l'archéologie  du  moyen  âge;  le  troisième, 
des  écrits  divers  relatifs  à  l'histoire  de  cette  même  époque;  le  quatrième  enfin, 
les  chapitres  achevés  de  l'Histoire  de  la  laine.  Il  est  juste  d'ajouter  que,  si  ces 
Mélanges  paraissent,  on  le  doit  en  partie  au  dévouement  de  l'éditeur,  Alphonse 
Picard.  Sur  Quicherat,  voyez  encore  la  notice  que  lui  a  consacrée  ici  même 
M.  Giry,  XIX,  241. 

2.  La  13e  planche  de  l'Atlas  est  réservée  à  «  la  France  après  le  traité  d'Ab- 
beville,  1259.  »  M.  Longnon  n'admet-il  donc  pas  comme  fondées  les  raisons  que 
j'ai  données  autrefois  pour  prouver  que  cette  désignation  est  de  tout  point 
inexacte  î  J'ose  encore  espérer  que,  quand  il  en  sera  là,  M.  Longnon  adoptera 
le  nom  de  «  Traité  de  Paris.  » 


FRANCE.  .'MIT 

s'est  trouvé  pendant  de  longues  années  au  centre  des  informa- 
tions les  plus  sûres.  Toutes  ces  raisons  réunies  faisaienl  bien 
augurer  de  la  publication  considérable  à  Laquelle  on  savail  qu'il 
travaillait  depuis  longtemps.  L'attente  n'a  pas  été  déçue.  Obligés  de 
nùus  contenter  jusqu'ici  de  Spruner,  notoirement  insuffisant  pour  la 
France,  nous  allons  être  enfin  largemenl  dédommagés.  Si  l'on  a  pu 
faire  aux  admirables  cartes  déjà  parues  quelques  critiques  de  détail, 
elles  n'en  constituent  pas  moins  un  guide  des  plus  certains  pour 
l'étude  de  l'ancienne  France.  Autre  avantage  très  précieux  :  chaque 
livraison  est  accompagnée  d'\u\  texte  explicatif,  auquel  je  souhaite- 
rais pour  ma  part  qu'il  fût  ajouté  une  bonne  bibliographie.  A  chacun 
le  sien.  La  plus  importante  peut-être  des  cartes  contenue-  dans  cette 
première  livraison  est  celle  de  la  Gaule  vers  l'an  'i00  de  notre  ère  : 
elle  donne,  surtout  d'après  la  plus  ancienne  rédaction  de  la  Natitia 
dignitatum  imperii,  la  division  romaine  en  civitates.  De  là  sont  sor- 
ties la  division  ecclésiastique,  maintenue  dans  ses  lignes  essentielles 
jusqu'en  1789,  la  division  en  pagi  de  L'époque  franque,  les  pagi 
étant  des  divisions  ethniques  identiques  pour  la  plupart  aux  civilates 
romaines,  enfin  la  division  féodale.  Quant  à  la  carte  de  la  Gaule  à 
l'époque  du  partage  de  80(>,  il  importe  peu  au  fond  de  savoir  si  le 
partage  a  réellement  eu  lieu.  M.  Longnon  le  pense,  et  il  donne  ses 
raisons  dans  le  texte  explicatif;  l'important  ici,  c'est  la  carte,  qui  es1 
excellente  et  d'une  fort  belle  exécution  '. 

li  Histoire  du  commerce  de  la  France,  par  M.  Henri  Pigeonneau 
(L.  Cerf),  est  le  fruit  de  lectures  étendues  et  d'un  long  enseignement. 
Il  y  a  deux  ans,  l'auteur  avait  publié,  dans  la  petite  collection  à 
un  franc  qui  parait  à  la  même  librairie,  un  tableau  1res  bref,  mais 
hien  fait,  de  cette  histoire;  c'est  un  gros  livre  qu'il  nous  apporte 
aujourd'hui.  Ce  n'est  d'ailleurs  qu'un  premier  volume,  qui  s'arrête  à 
la  fin  du  xve  siècle.  M.  Pigeonneau  a  beaucoup  lu;  mais  il  ne  se  con- 
tente pas  de  résumer  les  livres  des  autres  :  il  a  vu  de  près  les  textes 
et  en  donne  même  d'inédits.  Son  œuvre  lui  est  bien  personnelle.  Ce 
qu'on  appréciera  surtout  en  elle,  c'est  la  clarté  de  l'exposition,  (in- 
telligence des  grands  faits  historiques  dont  le  commerce  a  subi  le 
contre-coup  malheureux  ou  bienfaisant.  L'auteur  est  historien  et 
géographe  avant  d'être  économiste.  11  montre  bien  le  puissant  essor 
que  les  croisades  imprimèrent  au  commerce  ;  peut-être  aurait-il  dû 
aussi  insister  sur  leurs  fâcheux  résultats  :  tant  de  capitaux,  tant  de 


1.  M.  Longnon  a  eu  l'heureuse  idée  de  marquer  dans  toutes  ses  grandes 
caries,  par  un  pointillé  spécial,  les  divisions  actuelles  de  la  France  en  dépar- 
tements. 


368  BULLETIN  HISTORIQUE. 

forces  intellectuelles  et  sociales  stérilement  prodiguées;  le  commerce 
de  L'Orient  presque  fermé  aux  chrétiens  par  le  fanatisme  religieux. 
Si  le  premier  élan  des  croisades  avait  été  héroïque,  il  était  grand 
temps  qu'elles  prissent  fin.  Quant  aux  guerres  anglaises,  M.  Pigeon- 
neau en  a  exposé  d'une  façon  remarquable  les  conséquences  désas- 
treuses. Le  xive  et  le  xve  siècle  sont  supérieurement  traités.  Il  s'arrête 
au  moment  où  la  découverte  du  Nouveau-Monde,  en  jetant  dans  la 
circulation  une  masse  de  métaux  précieux,  va  renouveler  entièrement 
la  face  du  monde  économique.  Un  autre  volume  se  terminera  avec  le 
xvne  siècle  ;  un  troisième  sera  consacré  à  ce  xvme  siècle,  si  prodi- 
gieux en  révolutions  de  toutes  sortes,  dans  le  monde  des  faits  comme 
dans  le  monde  des  idées.  J'ajouterai  en  terminant  que  ce  livre  ne 
s'adresse  pas  seulement  aux  gens  du  métier  ;  il  est  assez  nourri  de 
choses  et  présenté  avec  assez  d'agrément  pour  plaire  aux  érudits  et 
instruire  le  grand  public  '. 

Toirs  modernes.  —  Voici  deux  figures  princières  du  xvie  siècle,  à 
demi  effacées,  qu'on  a  tenté  de  faire  revivre  :  Claude  de  France, 
duchesse  de  Lorraine,  par  M.  Iî.  de  Magnienville  (E.  Perrin),  et 
Elisabeth  d'Autriche,  femme  de  Charles  IX,  par  M.  Louis  de  Beau- 
riez  (J.  Gervais)  ;  de  cette  dernière  biographie,  il  n'y  a  pas  à  tenir 
autrement  compte,  car  c'est  une  œuvre  avant  tout  d'édification. 
L'autre  est  loin  d'être  un  travail  sans  valeur.  Bien  que  Ton  perde 
trop  souvent  le  personnage  de  vue  au  milieu  des  faits  de  l'histoire 
générale ,  malgré  un  style  trop  fleuri  et  aux  allures  trop  dégagées, 
il  a  du  moins  le  mérite  de  contenir  bon  nombre  de  documents  inédits 
relatifs  à  cette  fille  de  Catherine  de  Médicis,  épouse  de  Claude  III  de 
Lorraine.  Une  moitié  du  volume  est  occupée  par  des  pièces  justifica- 
tives dont  les  historiens  du  xvic  siècle  sauront  faire  leur  profit. 

Ce  sont  aussi  les  nombreux  documents  publiés  en  appendice  qui 
font  l'importance  du  livre  consacré  par  le  docteur  Le  Paulmier  à 
Ambroise  Paré  ;  mais  il  y  a  plus  :  sans  prétendre  retracer  dans  tous 
ses  détails  et  avec  l'ampleur  nécessaire  l'histoire  du  célèbre  chirur- 
gien huguenot  2;  l'auteur  a  cependant  rectifié  ou  précisé  beaucoup  de 

1.  Les  gravures  intercalées  dans  le  texte  sont  bien  choisies  d'ordinaire,  mais 
d'une  exécution  médiocre.  L'inscription  des  Nautae  parisiaci,  par  exemple, 
reproduit  aussi  peu  que  possible  l'original.    . 

2.  M.  Le  Paulmier  prouve  que  Paré,  huguenot  avant  la  Saint-Barthélémy, 
n'abjura  pas  après.  Un  mémoire  rédigé  par  Paré  en  1575,  lors  d'un  procès  avec 
la  Faculté,  contient  une  phrase  qui  lève  sur  ce  point  tous  les  doutes.  Voyez 
p.  80.  L'auteur  a  de  même  établi  définitivement  la  date  de  la  mort  de  Paré, 
survenue  le  20  décembre  1590  à  Paris,  pendant  le  siège.  Il  avait  quatre-vingts 
ans  ;  il  fut  enterré  le  22  décembre  dans  l'église  de  Saint-André  des  Arts. 


niwi  i .  369 

menus  faits  de  sa  longue  vie;  il  a  fait  mieui  connaître  sa  famille, 
ses  amis,  ses  œuvres,  donl  il  a  complété  la  liste.  Parmi  les  con- 
temporains d'Ambroise  Paré,  il  accorde  avec  raison  une  mention 
particulière  au  médecin  Julien  Le  Paulmier,  avec  qui  Paré  eut 
d'assez  vives  controverses  ;  sa  biographie,  qu'on  trouvera  à  l'appen- 
dice, est  un  curieux  chapitre  de  l'histoire  de  la  médecine  en  France 
a  la  lin  du  XVIe  siècle.  Le  volume,  édité  avec  beaucoup  de  soin  et  de 
goùl  par  les  frères  Charavay,  est  orné  d'un  beau  portrait  inédit  daté 
de  i">7.'i. 

Je  n'aurais  aussi  i|ue  il»1-  éloges  a  Paire  au  sujel  de  la  1  ie  de 
Roiruu  tnuu.v  connue,  par  M.  Henri  Ghaedojn  Paris,  Picard;  Le 
Mans,  Pellechat  •.  là  encore  abondent  les  documents  uouveaux  habi- 
lement mis  en  œuvre  ;  mais,  outre  que  l'ouvragea  déjà  été  plusieurs 
toi-  mentionné  ici,  j  mesure  qu'il  paraissait  dans  la  Revue  /ii*/<>- 
rique  e(  archéologique  du  Maine,  il  intéresse  surtout  l'histoire 
littéraire,  la  querelle  du  Gid  el  la  peinture  de  la  société  polie  au 
temps  de  Rolrou  et  des  débuts  de  Corneille.  Ce  serait  donc  sortir  «lu 
cadre  de  la  Revue  que  d'y  insister  plus  longtemps. 

Les  lecteurs  de  la  Revue  des  Deux-  fondes  connaissent  aussi  déjà 
les  brillantes  études  de  M.  le  due  de  Broglii;  sur  Frédéric  II  et 
Louis  XV  (4742-4744).  Les  deux  volumes  récemmenl  parus  font 
suite  aux  deux  précédents  sur  Frédéric  el  Marie-Thérèse,  4740-4742 
G.  Lévy)  ;  ils  racontent  la  retraite  de  Prague,  qui  est  uiu>  admirable 
page  d'histoire,  la  bataille  de  Dettingen,  l'offensive  reprise  de  tous 
côtés  par  Marie-Thérèse  alliée  a  l'Angleterre  et  à  la  Sardaigne,  la 
révolution  causée  en  France  par  la  mort  de  Fleury;  l'avènement  de 

.M de  Châteauroux,  le  départ  de  Louis  XV  pour  l'armée,  l'invasion 

de  l'Alsace  et  la  maladie  du  roi  à  Metz.  Bien  que,  pendant  ces  deux 
années,  I T  ; :î  et  1744,  Frédéric  II  ait  été  en  paix  avec  tout  le  monde, 
il  est  toujours  en  scène,  el  au  premier  plan,  l'oreille  au  guet,  lesprit 
tendu  a  tous  les  bruits  qui  lui  viennent  de  Paris,  de  Londres  nu  de 
Vienne,  se  réjouissant  avec  cynisme  des  revers  essuyés  par  les  Fran- 
çais, ses  alliés,  dans  la  campagne  de  4  743,  où  ils  perdenl  la  Bohême 
el  la  Bavière;  puis  flairant  par  avance  le  danger  que  l'inimitié  de 
Marie-Thérèse  peut  lui  faire  courir  après  qu'elle  a  formé  la  ligue  de 
Worms,  revenant  alors  à  l'alliance  française  et  pressant  Louis  XV 
d'envoyer  une  -rosse  armée  au  delà  du  Rhin,  au  cœur  de  celle  Aile- 
magne  qui  nous  haïssait,  que  nous  délestions,  donl  Frédéric  se 
déclarait  tout  haut  le  patriotique  champion,  et  qu'il  sacrili.iii  -an- 
scrupule  aux  intérêts  du  Brandebourg,  tin  des  chapitres  le-  plu- 
piquants  du  livre  esi  consacré  a  cette  singulière  équipée  de  Voltaire, 
qui,  a  la  veille  d'être,  mis  a  la  Bastille,  est  cependant  chargé  d'aller  à 
Bev.  Histor.   WYII.  2«  :  24 


370  BULLETIN    HISTORIQUE. 

Berlin  sonder  les  projets  de  l'impénétrable  Frédéric.  Certes  Voltaire 
avait  assez  d'esprit  pour  jouer  ce  rôle  d'ambassadeur  extraordinaire 
pour  lequel  il  semblait  si  peu  fait,  mais  il  avait  aussi  trop  d'imagi- 
nation pour  y  réussir.  On  le  combla  de  prévenances  et  de  compli- 
ments, mais  il  n'apprit  rien  de  ce  que  nos  ministres  désiraient 
savoir.  Sa  vanité  seule  fut  satisfaite.  Malgré  la  riche  variété  des 
tableaux  que  contiennent  ces  nouveaux  volumes,  ils  n'atteignent  pas 
à  l'intérêt  dramatique  des  deux  premiers.  Là  c'était  le  contraste  si 
fortement  accusé  entre  Frédéric  II  et  Marie-Thérèse,  dont  le  génie, 
ignoré  la  veille,  se  révèle  soudainement  au  milieu  de  la  grande  crise 
de  4740;  c'était  la  grandeur  des  intérêts  européens  engagés,  le 
réveil  de  la  politique  d'aventures  en  France  avec  le  maréchal  de 
Bclle-lslc.  Mais,  après  l'abandon  de  Prague,  Belle-lsle  est  écarté  des 
affaires  ;  Fleury  meurt  -,  il  n'y  aura  plus  de  premier  ministre  ;  c'est 
le  règne  des  maîtresses  qui  commence  par  un  triple  inceste  de  la 
main  gauche.  Marie-Thérèse,  victorieuse  et  avide  de  représailles, 
n'est  plus  touchante.  Voltaire  a  prouvé  qu'il  n'y  avait  pas  en  lui 
l'étoffe  d'un  homme  d'État  -,  Maurice  de  Saxe  ne  s'est  pas  encore 
révélé  comme  un  grand  capitaine.  Nous  sommes  dans  un  moment 
de  transition  et  d'attente.  Espérons  que  M.  de  Broglie  ne  tardera  pas 
à  nous  dédommager,  en  nous  racontant  les  prodiges  de  cette  année 
-1745,  marquée  par  la  victoire  de  Fontenoy,  l'élection  à  l'empire  de 
François  Ier,  l'époux  chéri  de  Marie-Thérèse,  les  triomphes  de  Fré- 
déric II  et  sa  nouvelle  défection. 

Qui  eût  osé  penser,  au  moment  où  le  roi  tombe  malade  à  Metz  en 
courant  au  secours  de  l'Alsace  envahie  par  les  Autrichiens,  et  où  il 
éloigne  Mme  de  Ghâteauroux  par  crainte  de  l'enfer,  que,  dix  ans  plus 
tard,  l'Autriche  se  rapprocherait  de  la  France,  et  que  Mme  de  Pompa- 
dour,  conseillée  par  l'abbé  de  Bernis,  serait  l'agent  le  plus  actif  de 
cette  révolution  diplomatique?  Grâce  à  M.  Fr.  Masson,  qui  nous  a 
fait  connaître  les  mémoires  de  Bernis,  l'histoire  de  ce  prodigieux 
revirement  a  été  mise  en  pleine  lumière.  On  en  sait  les  tristes  résul- 
tats. Que  devint  Bernis  après  sa  disgrâce  (13  décembre  4  758)  et  son 
exil?  C'est  encore  M.  Masson,  ce  chercheur  si  habile  et  si  heureux, 
qui  nous  le  raconte  dans  un  livre  plein  de  faits  nouveaux,  puisés 
aux  meilleures  sources  :  Le  cardinal  de  Bernis  depuis  son  ministère 
(Pion  et  Nourrit).  Après  un  exil  de  six  années  obscurément  passées 
a  Vic-sur-Aisne  (1758-64),  Bernis  rentra  en  grâce  et  fut  nommé 
archevêque  d'Albi;  puis  il  dut  aller  à  Rome  en  4769  pour  prendre 
part  au  conclave  qui  s'ouvrit  après  la  mort  de  Clément  XIII  ;  c'est 
en  grande  partie  par  son  influence  que  fut  élu  Clément  XIV  Gan- 
ganelli.  Son  succès  fut  même  si  grand  que  Choiseul  lui  proposa  peu 


FRANl  B.  ;5"l 

après  'de  représetater  là  France  à  Rome.  Bernis  accepta.  Nommé  en 
1789,  il  resta  dans  ses  fonctions  pendanl  vingt-deùï  ans  ;  destitué 
en  mars  1794,  il  n'en  demeura  pas  moins  à  Rome,  Où  il  mourul  le 
::  novembre  1794,  à  l'âge  de  quatre-vingts  ans,  laissant  La  réputation 
d'un  prélat  fastueux;  d'un  grand  seigneur  aimable  el  aimé,  «l'un 
homme  il»1  goût  et  d'un  homme  de  bien. 

A-l-il  mieux  réussi  à  Rome  qu'il  n'avait  fait  à  Versailles?  La 
grosse  affaire  qu'il  eut  à  négocier  pendant  la  plus  grande  partie  d 
longue  ambassade  est  celle  des  Jésuites.  Chargé  d'appuyer  la  demande 
île  L'Espagne,  qui  réclamait  avec  une  insistance  de  plus  en  plus  âpre 
la  suppression  decel  ordre,  etquiavail  fait  du  concours  de  la  France 
en  cette  circonstance  la  condition  essentielle  du  maintien  du  Pacte 
de  famille,  il  sut  obtenir  de  Ganganelli.  avant  son  élection,  des  nn.i- 
gements  formels;  il  sut  forcer  Clément  XIV  à  les  tenir:  il  sut  enfin, 
après  la  mort  de  ce  pape  'mort  naturelle,  comme  le  pensej  avec 
raison,  M.  Masson,  qui  ne  croit  pas  au  poison  '  .  exercer  assez  d'in- 
fluence sur  le  nouveau  pontife,  Pie  VI,  pour  couper  court  aux 
intrigues  du  parti  jésuitique  à  Home,  pendanl  que  le  duc  d'Aiguillon 
en  triomphait  a  Paris.  Bernis  n'aimait  pas  les  Jésuites.  Non  qu'il 
fût  un  esprit  fort  :  sans  être  théologien,  et  bien  qu'il  fut,  lui  aussi, 
entré  dans  les  ordres  bien  après  avoir  reçu  des  abbayes  et  même  le 
chapeau  rouge,  il  était  bon  prêtre  cl  croyant  sincère.  Mais  il  ne 
voyait  pas  sans  dégoût  la  grossière  superstition  que  les  Jésuites  pro- 
pageaient sous  prétexte  d'adorer  le  Sacré-Cœur.  Plus  lard  il  prit  soin 
d'édifier  son  gouvernement  sur  les  prétendus  mérites  d'un  étrange 
personnage  qu'ils  voulurent  faire  canoniser  :  Benoît-Joseph  Labre, 
mis  enfin,  après  un  siècle  d'efforts  et  d'attente,  au  rang  des  saints. 
Surtout,  il  était  gallican.  Il  était  de  ceux,  comme  il  le  «lit  Lui-même, 
«  qui  croient  qu'on  naît  sujet  el  citoyen  avant  que  d'être  prêt] 
évêque,  »  et,  comme  dit  M.  .Masson,  «  s'il  était  disposé  à  ton-  les 
sacrifices  pour  maintenir  avec  Rome  l'unité  de  doctrine,  il  était  prêt 
à  demander  à  la  papauté  toutes  le    concessions,  lorsqu'il  3'agissait 

1.  Bon  nombre  Je  gens,  et  Bernis  lui-mé ont  cru  qae  Clément  XIV  étail 

mort  empoisonné.  On   peut  résumer  les  raisons  contraires  <!••  M.  Masson  en 

citant,  d'après  lui,  ce  passage  d'u lépêche  du  baron  de  Gleichen,  ministre 

de  Danemark,  p.  29'J  :  «  On  croit  presque  généralement  que  Clément  XIV  a  été 
empoisonne  par  les  Jésuites.  Pour  moi,  je  n'en  crois  rien.  Ils  n'étaienl  pas  gens 

à  commettre  des  crimes  inutiles.  Ce  poison  aurait  été  utarde  après  dîner. 

Le  marquis  de  Pombal,  Charles  Ut  et  leduc  de  Choiseul  son)  morts  fort  natu- 
rellement. Voilà  les  preuves  de  mon  opinion.  Clément  XIV  est  mort  de  la  peur 
de  mourir:  son  idée  live  était  le  poison,  et  la  putréfaction  subite  de  ion 
cadavre  n'a  été  que  l'effet  de  l'angoisse  terrible  qui  l'a  lue.  » 


;)-±  BULLETIN    HISTORIQUE. 

de  la  police  de  L'Étal  »  (p.  ->-J6).  L'institution  de  la  Société  de  Jésus 
n'était  point  fondamentale  de  l'Église;  or  les  circonstances  avaient 
fait  que  les  Jésuites  s'étaient  rendus  odieux  aux  gouvernements 
absolus.  Ne  reconnaissant  d'autre  chef  que  leur  général  toujours 
résidant  à  Rome  au  pied  du  trône  de  saint  Pierre,  ils  semblaient  s'être 
mis  au-dessus  des  lois.  C'est  pour  un  crime  semblable  que  Louis  XIV 
avait  persécuté  les  Jansénistes;  c'est  pour  sauver  le  principe  même 
du  pouvoir  monarchique  que  Charles  III  chassa  les  Jésuites  d'Es- 
pagne, et  qu'il  intéressa  tous  les  princes  régnants  de  la  maison  de 
Bourbon  à  poursuivre  leur  destruction.  Dans  ce  nouveau  conllit  entre 
l'Église  et  l'État,  Remis  agit  avec  habileté;  il  appuya  de  toute  son 
intluence  l'action  des  ministres  espagnols  pour  empêcher  un  schisme 
inévitable,  si  le  pape  avait  maintenu  les  Jésuites  contre  tous  les 
Bourbons;  mais  il  y  apporta  toute  l'aménité  de  son  caractère,  tout 
son  art  d'habile  temporisation.  Il  réussit,  à  force  de  souplesse,  où  la 
hauteur  eût  sans  doute  échoué.  Ce  n'est  pas  pour  cela  un  grand 
diplomate  ;  mais  dans  une  situation  de  second  ordre,  où  il  n'avait 
qu'à  faire  exécuter  les  résolutions  prises  par  d'autres,  il  était  tout  à 
fait  à  sa  place.  A  Versailles,  il  avait  été  à  la  fois  trop  courtisan,  trop 
clairvoyant  et  trop  timide  ;  à  Rome,  il  établit  et  maintint  sur  un  pied 
excellent  les  relations  entre  le  roi  et  l'Église  jusqu'au  jour  où  la 
Révolution  vint  rendre  inutiles  tant  d'efforts  poursuivis  depuis  un 
millier  d'années  pour  faire  vivre  le  spirituel  et  le  temporel  en  bonne 
intelligence. 

Ainsi  l'ouvrage  de  M.  Masson  dépasse  les  limites  d'une  simple 
biographie,  et  importe  à  l'histoire  générale  des  idées,  des  institutions 
et  de  la  politique.  Celui  de  M.  Desnoiresterres,  sur  la  Comédie  sati- 
rique au  XVIIIe  siècle  (E.  Perrin),  est  plutôt  curieux.  Le  biographe 
si  érudit  et  si  consciencieux  de  Voltaire  a  été  chercher  dans  les  œuvres 
comiques  du  temps  les  éléments  d'une  histoire  de  la  société  française  ; 
mais  il  n'a  réussi  à  en  donner  que  la  caricature.  La  satire  est  mau- 
vaise langue,  et  le  théâtre,  lorsqu'on  met  sur  sa  scène  les  hommes  et 
les  choses  du  moment,  ne  vit  que  de  médisance  ou  de  calomnie.  Ce  ne 
sont  pas  des  témoins  fidèles.  Il  est  bon  néanmoins  de  les  entendre,  et 
l'on  ne  peut  fermer  l'oreille  aux  bruits  de  coulisse  dans  une  époque  qui 
a  tant  aimé  le  théâtre.  Sous  Louis  XV  et  sous  Louis  XVI,  le  théâtre 
était  la  seule  réunion  publique  autorisée  ;  à  défaut  de  tribune  poli- 
tique, on  parlait  au  peuple  par  la  bouche  des  comédiens.  A  défaut 
d'une  presse  libre,  on  écrivait  des  comédies.  Voltaire  et  Beaumarchais 
ont  été  les  maîtres  du  genre.  La  censure  était  d'ailleurs  plus  tracas- 
sière  que  redoutable  ;  elle  le  devint  sous  la  Révolution  ;  c'est  vrai- 


iiîvn.i  373 

menl  alors  qu'on  oe  pul  avoir  de  l'esprit,  ou  du  cœur,  impunément. 
Il  était  plus  dangereux  d'attaquer  les  jacobins,  devenus  les  maîtres, 
qu'il  rie  l'avail  été  autrefois  de  fronder  le  gouvernemenl  ou  le  clergé, 
et  la  guillotine  était  un  châtiment  plus  sévère  que  la  Bastille. 

On  avait  tenté  en  effet  de  discipliner  le  théâtre  même  et  d'en 
faire  un  instrument  d'éducation  politique.  Dansla  même  série  d'idées, 
mais  bien  autrement  graves  ont  été  les  efforts  tentés  par  les  philo- 
sophes au  svnr  siècle  el  par  leurs  disciples  pendant  la  Révolution 
pour  former,  dès  l'enfance,  l'homme  el  le  citoyen.  V Éducation 
morale  et  civique  tirant  et  pendant  la  Révolution  a  été  étudiée  par 
.M.  l'abbé  \ug.  Sicard  dans  un  livre  tort  intéressant  Poussielgue). 
On  devinera  sans  peine  qu'aux  yeux  île  l'auteur,  tout  système  d'édu- 
cation doit  reposer  sur  l'enseignement  chrétien.  Rollin  en  a  tracé  les 
règles.  Hors  rie  la,  rien  de  bon  ne  peut  être  lente.  Les  philosophes 
ont  prétendu  remplacer  dans  l'éducation  la  religion  par  la  morale; 
leurs  doctrines  ont  été  mises  en  pratique  âpre-  1 7s«>  ;  mais  le-  écoles 
de  la  Convention  sont  tombées  sous  le  ridicule  avec  le  culte  de  l'Être 
suprême  imaginé  pour  donner  une  base  religieuse  à  la  nouvelle 

morale  civique,  avec  les  fêles  républicaines  décrétées  en  l'hoi ur 

delà  Nature  divinisée.  Le  jour  où'Honaparle  a  fait  rentrer  lesaumô- 
niers  dans  les  collèges  et  lycées  de  la.  République,  la  société  a  été 
sauvée.  Telle  est  l'idée  mère  de  ce  livre,  écrit  d'ailleurs  en  excellents 
termes  et  avec  une  connaissance  étendue  du  sujet.  Cette  idée,  on 
peut  la  combattre;  il  est  naturel  que,  du  jour  où  la  foi  chrétienne  a 
cessé  de  régner  sans  partage  sur  les  cœurs,  l'éducation  ne  soit  plus 
exclusivement  chrétienne,  et  que,  chez  un  peuple  de  citoyens,  elle 
doive  se  proposer  pour  objet  essentiel  de  préparer  l'enfanl  à  devenir 
un  hon  citoyen.  Il  convient  donc  de  séparer  la  religion  de  l'éducation 
nationale,  ce  qui  ne  veut  pas  dire  qu'il  faille  la  proscrire.  La  liberté 
sagement  pratiquée  est  encore,  en  ce  point  comme  dans  les  autre-. 
le  meilleur  des  systèmes. 

Ce  changement  profond  dans  les  principes  de  l'éducation  natio- 
nale s'accomplit  en  même  temps  «pie  se  modifie  tout  le  système 
politique  et  administratif  de  l'ancien  régime.  C'est  sous  Louis  XVI 
que  commence  à  s'opérer  celle  réforme  prodigieuse  qui.  si  elle  eût 
été  poursuivie  avec  vigueur  par  le  gouvernement  lui-même,  eûl  sans 
doute  fait  a  h  France  l'économie  de  la  grande  Révolution.  Le  chef 
de  ces  hardis  réformateurs  a  été  Turgot.  C'esl  toujours  à  lui  qu'il 

faut  revenir  quand  on  veut  se  \-i'\u\vr  un  c pte  exact  de  ce  que 

devait  faire  l'ancien  régime.  .M.  Alfred  Neymark,  déjà  connu  par  nue 
étude  sur  Colberl  el  -on  temps,  vient  d'aborder  à  nouveau  ce  grand 


:{7  \  BULLETIN  HISTORIQUE. 

sujet.  Malgré  un  plan  défectueux  •,  et  bien  qu'en  somme  il  soit 
très  inférieur  à  V Essai  de  M.  Foncin,  c'est  un  livre  estimable;  il 
pourra  être  utilement  consulté  par  ceux  qu'effraierait  le  livre  si  com- 
pact  de  son  devancier.  A  part  quelques  extraits  de  la  correspon- 
dance de  Turgot  avec  l'intendant  de  Champagne,  les  faits  sont  connus  ; 
mais  ils  sont  clairement  exposés  et  les  appréciations  sont  judicieuses. 
L'économiste,  l'intendant,  le  ministre  sont  assez  bien  mis  en  lumière; 
mais  on  n'est  pas  fixé  sur  un  point  important,  celui  de  savoir 
quelle  fut  au  juste  la  valeur  de  Turgot  comme  homme  d'État.  On 
lui  a  reproché  d'avoir  compromis  le  succès  de  ses  propres  réformes 
par  la  hâte  maladive  avec  laquelle  il  les  appliqua  coup  sur  coup, 
fatiguant  et  ameutant  ainsi  contre  lui  tout  le  monde.  On  sait  le  mot  que 
lui  dit  Malesherbes  :  «  Vous  n'avez  pas  l'amour  du  bien  public,  vous 
en  avez  la  rage!  »  Ce  reproche  est-il  fondé,  et  jusqu'à  quel  point? 
M.  Neymark  ne  le  dit  pas  nettement.  Il  fait  quelque  part  une  compa- 
raison toute  naturelle  entre  Turgot  et  Golbert.  Pourquoi  Colbert, 
réformateur  impatient  lui  aussi,  a-t-il  pu  rester  plus  de  vingt  ans  au 
ministère  et  accomplir  son  œuvre  sans  se  briser  aux  obstacles  mul- 
tipliés sur  le  chemin,  tandis  que  Turgot  y  succomba  ?  N'est-ce  pas 
surtout  que  Turgot  était  le  ministre  d'un  roi  borné  et  indécis,  à  une 
époque  où  la  royauté  avait  déjà  perdu  son  prestige?  Il  eût  fallu 
maintenir  Turgot,  en  le  modérant  au  besoin  ;  il  avait  montré  dans 
le  Limousin  qu'il  savait  le  prix  du  temps  et  des  ménagements. 

A  défaut  de  Turgot,  il  fallait  soutenir  Necker.  C'est  l'avis  de 
M.  René  Stourm,  dans  son  savant  livre  sur  les  Finances  de  /'ancien 
régime  et  de  la  Révolution  (2  vol.,  Guillaumin).  M.  Stourm  s'est 
proposé  de  rechercher  les  origines  de  notre  système  financier  actuel. 
Il  l'a  fait  avec  l'expérience  d'un  homme  du  métier  et  la  compétence 
d'un  érudit  ;  il  résume  lui-même  tout  son  ouvrage  en  ces  lignes  : 
«  Ces  origines  remontent  à  l'ancien  régime.  Nombre  de  règlements 
encore  en  vigueur  trouvent  leur  modèle  dans  le  code  des  fermes 
générales-,  mais  c'est  à  dater  de  l'avènement  de  Louis  XVI  que  sont 
jetées  les  plus  importantes  fondations  de  l'édifice  moderne.  L'ancien 
régime  transformé  en  fournit  les  matériaux.  Dans  les  mains  de  Tur- 
got, de  Necker,  des  assemblées  provinciales,  de  la  dernière  assem- 
blée des  notables,  et  enfin  dans  celles  de  l'assemblée  nationale  de 

1.  L'ouvrage  est  en  deux  volumes  (Guillaumin).  Il  est  intitulé  :  Turgot  et 
ses  doctrines.  En  voici  le  plan  général  :  l'e  partie,  jeunesse  de  Turgot;  l'inten- 
dance de  Limoges;  Turgot  ministre;  2e  partie,  doctrines  économiques  et 
sociales;  doctrines  philosophiques  et  politiques;  3e  partie,  vie  privée  de  Tur- 
gol  :  ses  amis,  ses  ennemis,  sa  retraite  et  sa  mort. 


FRANCE. 


:57:i 


1789,  la  nouvelle  organisation  fiscale  naît  et  se  développe.  Elle  tend 
vers  la  perfection  jusqu'à  ce  que  la  Révolution  [Fauteur  faii  commen- 
cer la  Révolution  en  1792,  avec  la  République]  interrompe  le  cours 
de  ses  progrès.  Puis  les  gouvernements  réguliers  se  remettent  à 
l'œuvre-,  ils  partagenl  avec  les  réformateurs  du  règne  de  Louis  XVI 
et  l'Assemblée  constituante  l'honneur  d'avoir  créé  le  système  financier 
nui  nous  régit  aujourd'hui  H.  501  .  Gomme  on  le  voit,  (tins  Ihis- 
toire  delà  Révolution  l'auteur  distingue  soigneusement  deux  chi 
très  différentes  en  effet  :  l'œuvre  féconde  de  la  Constituante  el 
l'œuvre  dévastatrice  du  gouvernement  révolutionnaire.  Les  Ooasti- 
tuants  étaienl  des  gens  de  l'ancien  régime,  formés  par  la  libre  dis- 
cussion des  affaires  publiques  dans  les  deux  assemblées  des  notables 
de  17x7  et  17ns.  dans  les  assemblées  provinciales  instituées  par 
toute  la  France,  dans  les  réunions  où  l'on  rédigea  les  cahiers  de 
17N0.  Les  reformes  décrétées  par  l'Assemblée  nationale  étaient  accep- 
tées d'avance  ou  même  déjà  commencées:  égalité  de  tous  les  citoyens 
devant  l'impôt,  répartition  équitable  entre  les  contribuables,  les  cor- 
vées en  nature  supprimées  et  transformées  en  prestations  en  argent, 
suppression  des  douanes  intérieures,  tarif  uniforme  de  douanes  à  la 
frontière,  abandon  du  système  protecteur  depuis  le  traité  de  com- 
merce avec  l'Angleterre,  etc.  Mais  lorsque  les  hommes  nouveaux  de 
1792  et  de  1793  voulurent  rompre  avec  les  traditions  nationales,  ils 
ne  surent  rien  fonder;  M.  Stourm  a  fait  le  compte  de  ce  que  six  ans 
de  gouvernement  révolutionnaire  ont  coûté  à  la  France  -,  les  chiffres 
sont  effrayants.  Les  plus  détestables  pratiques  de  la  monarchie 
déchue  furent  reprises  par  les  Jacobins,  et  ils  conduisirent  l'Étatà  la 
banqueroute,  comme  lavait  fait  l'ancien  régime;  et  la  banqueroute 
financière  fut  aussi,  dans  les  deux  cas,  une  banqueroute  politique. 

Le  livre,  un  peu  dur  à  lire,  mais  très  suggestif,  de  M.  Stourm 
apporte  une  nouvelle  confirmation  a  la  thèse  présentée,  avec  un  sens 
historique  si  profond,  par  Tocqueville  dans  Y  Ancien  régime  ri  ht 
Révolution.  lien  est  de  même  pour  ['Histoire  de  l'administration 
provinciale,  départementale  et  commerciale  en  France,  par  M.  Emile 
Mowet  (A.  Rousseau).  Gc  n'est  pas  que  ce  dernier  ouvrage  ait  la 
même  valeur  que  celui  de  M.  Stourm.  il  >'m  fautde  beaucoup.  L'au- 
teur est  peu  au  courant  des  institutions  de  l'ancienne  France;  ses 
sources  d'informations  ne  sont  ni  abondantes,  ni  bien  choisies:  ses 
appréciations  sont  timides  et  parfois  contradictoires;  néanmoins 
c'est  une  étude  estimable  sur  le-  origines  de  noire  organisation 
locale.  L'œuvre  des  réformateurs  sous  le  règne  de  Louis  XVI  est 
assez  bien  résumée  ;  comme  pour  les  finances,  on  voit  qu'en  matière 


;57r>  BULLETIN  HISTORIQUE. 

d'administration1  Turgot,  Necker,  les  assemblées  des  notables  et  les 
assemblées  provinciales  ont  préparé  les  travaux  de  la  Constituante. 
Ici  encore  la  réforme  a  réussi,  non  parce  qu'elle  a  été  l'œuvre  de  la 
Révolution,  mais  parce  qu'elle  était  accomplie  d'avance  dans  l'esprit 
du  public.  Huant  aux  vicissitudes  éprouvées  par  notre  organisation 
départementale  et  communale,  elles  sont  exposées  avec  d'assez  grands 
détails.  Parfois  on  demanderait  plus  de  clarté  ;  ainsi  la  différence 
entre  les  districts  établis  par  la  Constituante  et  les  arrondissements 
de  l'an  VIII  est  à  peine  esquissée.  Sur  le  régime  communal,  il  y  aurait 
eu  beaucoup  plus  à  dire,  sans  parler  des  erreurs  qu'il  y  aurait  à  rec- 
tifier pour  la  partie  ancienne. 

Ainsi  voilà  trois  auteurs  qui.  à  des  points  de  vue  différents,  abou- 
tissent directement  ou  indirectement  à  la  même  conclusion,  à  savoir 
que,  sous  Louis  XVI,  on  travailla  très  activement  à  réformer  un 
régime  ébranlé  de  toutes  parts,  qu'à  la  veille  de  la  Révolution  ce  tra- 
vail était  déjà  fort  avancé.  Ce  n'est  pas  une  découverte-  il  y  a  même 
longtemps  qu'on  a  tiré  argument  de  ce  fait  indéniable  pour  en  faire 
le  procès  à  la  Révolution  de  \  7S9  -,  on  pourrait,  avec  autant  de  raison 
au  moins,  en  tirer  la  condamnation  d'un  régime  politique ,  dont  les 
fautes,  et  plus  encore  peut-être  la  maladroite  faiblesse  l'ont  rendue 
inévitable.  L'erreur  la  plus  dangereuse  que  puisse  commettre  un  sou- 
verain absolu,  c'est  de  ne  pas  gouverner. 

Celte  période  de  transition  a  été  trop  négligée  par  M.  Victor  Moli- 
nier  dans  son  Cours  élémentaire  de  droit  constitutionnel  (A.  Rous- 
seau) ,  \ re  partie  d'un  ouvrage  d'ailleurs  rempli  de  faits  judicieusement 
coordonnés.  La  Revue  aura  sans  doute  plus  d'une  fois  l'occasion  de 
revenir  sur  cet  ouvrage  du  savant  professeur  de  droit  à  la  Faculté  de 
Toulouse.  Qu'il  suffise  aujourd'hui  d'appeler  l'attention  sur  le  cha- 
pitre relatif  à  l'égalité  devant  la  loi,  où  l'on  trouvera  des  détails  inté- 
ressants sur  la  condition  des  personnes  avant  et  depuis  89  '. 

Histoire  locale.  —  L'Histoire  du  bienheureux  Charles  le  Bon, 
comte  de  Flandre,  par  M.  Edward  Le  Glav  (Lille,  Desclée,  De 
Brouwer  et  Cie),  est  une  légende  pieuse  destinée  à  l'édification  du  lec- 
teur. Quelques  pages  sur  l'état  de  la  Flandre  au  xne  s.,  la  traduction 
abrégée  de  la  chronique  de  Galbert  de  Bruges,  sont  à  peu  près  tout 
ce  qui  pourrait  intéresser  l'historien-,  .quant  au  mouvement  commu- 
nal si  curieux  qui  se  produisit  à  Bruges  après  l'assassinat  du  comte, 

1.  Je  signalerai  seulement,  p.  124,  la  note  sur  le  Droit  du  seigneur;  en  s'ap- 
puyant  exclusivement  sur  des  textes  du  Midi,  M.  Molinier  soutient  (pue  ce  droit 
a  réellement  existé,  ailleurs  que  dans  le  Midi.  11  aurait  fallu  étudier  de  plus 
près  le  Jus  primae  noctis  de  Schmidt,  qui  a  renouvelé  entièrement  la  question. 


FBANCE.  577 

il  faul  aller  l'étudier  ailleurs,  et,  par  exemple,  dans  VHistoire  de  Saint- 
Orner,  par  M.  Girj . 

Les  érudits  n'auront  pas  à  tenir  compte  davantage  de  ['Histoire  de 
la  ville d' Orléans, yax  .M.  Eugène  Bimbenet,  ou  du  moins  du  premier 
volume  qui  Nient  de  paraître  (Orléans,  Herluisou  .  et  qui  s'arrête  à 
Louis  Le  Pieux.  Il  es!  clair  que  L'auteur,  travailleur  consciencieux, 
ignore  entièrement  La  méthode  historique.  Il  cite  ses  auteurs  de 
toutes  mains-,  il  se  lance  dans  La  recherche  'les  étymologies avec  la 
témérité  d'un  homme  qui  n'en  connaîl  pas  les  lois;  il  s'étend  indéfi- 
niment sur  La  période  du  moyeu  âge  primitif,  sans  se  douter  du  point 
où  en  est  arrivée  l'étude  des  Mérovingiens  el  des  Carolingiens.  Espé- 
rons qu'il  prendra  sa  revanche,  Lorsqu'il  arrivera  à  une  époque  où  les 
Archives  Locales  pourront  lui  fournir  des  docu ats. 

.l'arrivé  bien  lard  pour  parler  de  L'intéressante  étude  publiée  par 
le  comte  A.  de  Boubmoni  sur  la  Fondation  de  II  niversité  de  Caen 
et  son  organisation  au  XVe  s.  (Caen,  Le  Bianc-Hardel  .  L'Académie 
des  inscriptions  l'a  distinguéeau  concours  des  Antiquités  nationales, 
comme  un  livre  «  bien  fait,  très  net,  très  précis,  s'appuyant  sur  de 
bons  documents  dont  personne  jusqu'ici  n'avait  encore  pu  faire 
usage.  »  Le  plus  important  de  ces  document-  est  Le  «  Matrologe  »  ou 
recueil  des  chartes  de  l'Université,  rédigé,  au  commencemenl  du 
mT  s.,  par  Pierre  de  Lesnauderie,  qui  lut  deux  fois  recteur  à  Ca 
en  1503  et  en  1520.  L'Université  a  été  fondée  en  i  vil.  sans  doute 
sous  l'inspiration  de  Bedford;  Charles  Vil  la  confirma  quand  il  eut 
repris  la  ville:  depuis,  elle  ne  fit  que  végéter  jusqu'à  la  fin  du 
xvm'  s.  Son  organisation  fui  calquée  en  partie  sur  celle  de  Paris  et 
sur  celle  d'Oxford.  Il  ne  faut  donc  pas  s'attendre  a  trouver  ici  beau- 
coup de  nouveau  ;  mais  c'est  un  utile  complément  a  la  thèse  de  Thurot 
sur  I  organisation  de  L'Université  de  Paris  au  moyen  âge4. 

C'est  a  un  ordre  de  faits  analogues  qu'appartient  la  nouvelle  étude 
de  M.  Francisque  Mège  sur  1  icadèmie  des  sciences,  belles-lettres  <■/ 
arts  de  Clermont-Ferrand  (Glermont,  Thibaud  .  Fumier  en  17 '.7,  la 
«  Société  littéraire  »  de  Clermont  fui  autorisée  en  l7so  a  prendre  le 
litre  longtemps  sollicité  d'  «  Académie  royale.  «Supprimée  en  1794, 
elle  fut  reconstituée  en  1824,  etdepuis  lors  elle  a  fourni  une  honorable 
carrière.  M.  Mège  raconte  avec  un  légitime  orgueil  Les  efforts  pei  - 
vexants  accomplis  .-ous  les  auspices  de  la  Société  pour  dégager  Les 
ruines  romaines  découvertes  au  somme!  du  Puy-de-Dôme;  en  1874, 

1.  M.  de  Bourmonl  a  aussi  publié  dans  le  PolybibUon,  et  a  part,  nue  courte 
brochure  sur  la  bibliothèque  de  l'université  de  Caen  an  w  siècle,  n  L'inven- 
taire qui  en  fui  dressé  en  1 167. 


378  r.ULLETIN  niSTORIQDE. 

on  acquit  la  certitude  qu'où  se  trouvait  en  présence  d'un  grand 
temple  consacré  à  «  Mercurius  Dumias,  »  la  principale  divinité  des 
Arvernes.  La  liste  analytique  des  Mémoires  publiés  dans  le  recueil 
de  l'Académie  est  dressée  par  M.  Mège  avec  le  soin  qu'il  apporte  à 
tous  ses  travaux;  c'est  aussi  la  partie  qui  rendra  le  plus  de  services. 

Il  y  a  cinq  ans,  M.  A.  Janvier  publiait  (chez  Hecquet,  à  Amiens)  une 
Petite  histoire  de  Picardie;  ce  sont  de  «  simples  récits,  »  comme 
l'auteur  le  dit  lui-môme,  et  sans  prétention  scientifique;  et  en  effet  la 
prétention  serait  mal  justifiée.  Il  a  voulu  du  moins  utiliser  de  nom- 
breux matériaux  laissés  sans  emploi,  et  présenter  au  public  les  notes 
el  éclaircissements  volontairement  omis  tout  d'abord  ;  c'est  sous  forme 
d'un  Dictionnaire  historique  et  archéologique  qu'il  les  donne  aujour- 
d'hui (Amiens,  Douillet).  Ce  nouveau  volume  sera  plus  utile  que  le 
premier,  mais  ce  n'est  encore  qu'une  compilation  hâtive  et  sans  ori- 
ginalité propre,  où  il  serait  aussi  facile  de  relever  des  erreurs  que  de 
signaler  des  lacunes.  On  regrette  surtout  de  ne  pas  trouver  une 
bibliographie  plus  abondante.  Aux  articles  Senlis  et  Saint-Quentin, 
on  chercherait  vainement  les  excellentes  monographies  de  M.  J. 
Flammermont  et  de  M.  Charles  Normand  ;  comme  au  mot  Abbeville, 
on  parle  indûment  du  «  traité  de  4258,  »  conclu  en  réalité  à  Paris  en 
I2"i(.),  tandis  qu'on  ne  dit  rien  du  traité  d'Amiens  de  4  802.  Ce  sont  là 
des  exemples  pris  au  hasard,  et  qu'il  serait  trop  facile  de  multiplier. 

A  propos  de  Saint-Quentin,  voici  un  petit  livre  très  curieux  de 
M.  E.  Lemaire  :  les  Fêles  publiques  à  Saint-Quentin  pendant  la  Révo- 
lution et  sous  le  premier  empire  (tiré  à  part  du  Journal  de  Saint- 
Quentin)  ;  ici,  tout  est  puisé  aux  Archives  municipales  ',  que  l'auteur 
connaît  bien,  et  qu'il  exploite  depuis  longtemps  avec  succès.  Le 
caractère  général  de  ces  fêtes  est  connu,  et  M.  l'abbé  Sicard,  dans 
l'ouvrage  mentionné  plus  haut,  a  fort  bien  montré  quelle  part  les 
Jacobins  leur  attribuaient  dans  l'éducation  morale  et  civique  du 
peuple  ;  mais  tout  ce  qui  touche  à  la  Révolution  est  intéressant,  et 
maintenant  plus  que  jamais  les  bonnes  publications  sur  la  Révolution 
en  province  seront  les  bienvenues. 

Ch.  Be'mont. 


1.  L'auteur  dit  en  note,  à  la  page  4  :  «  Les  archives  départementales  (de 
Laon)  nous  onl  été  complètement  fermées,  en  vertu  d'une  circulaire  de  M.  Wal- 
deck-Rousseau,  ministre  de  l'intérieur,  qui  a  interdit  aux  archivistes  de  Paris 
ri  îles  départements  toute  communication  de  documents  relatifs  à  la  Révolu- 
tion. »  Serait-il  possible  !  Nous  réclamons  un  démenti  formel  du  Ministère  de 
l'Intérieur. 


Mil  MGXK   i  l    \i  Uili  m  .S7'» 

ALLEMAGNE  ET  AUTRICHE. 

TRAVAUX    RELATIFS   A    l'iIISTOIRK    ROMAINE' 

\i s  1883  el  1883  . 

auteurs  lnciehs.  Leurs  sources  et  leub  Miouui:.  —  Le  désir 
de  voir  réunis  en  un  recueil  critique  les  restes  de  lotis  les  ouvrages 
fragmentaires  concernanl  l'historiographie  romaine  a  été  enfin  rem- 
pli et  d'une  façon  toul  à  fail  satisfaisante  par  Hermann  Peter2.  Les 
Fragmenta  historicorum  Romanorum  édités  par  lui  se  divîsenl  en 
trois  groupes  :  Le  premier  comprend  les  historiens  romains  jusqu'à 
la  lin  de  la  période  républicaine  ;  Peler  en  avait  déjà  réuni  les 
fragments  dans  le  premier  volume  de  ses  Relliquix  historicorum 
Romanorum.  Celle  nouvelle  édition  a  subi  des  remaniements  1res 
considérables;  l'auteur  a  fait  de  nombreuses  additions  et  a  corrigé 
le  texte  en  maint  endroit;  en  outre,  il  a  laissé  de  côté  loule  la 
partie  qui  n'était  pas  rigoureusement  historique  (p.  ex.  le  Jicspon- 
tificium  de  Fabius  Piclor)  et' surtout  les  prolégomènes  étendus  el  le 
commentaire  qui  accompagnaient  les  Relliquiae;  l'appareil  critique 
a  été  réduit  à  son  minimum.  Les  deux  groupes  qui  suiveni  le  pre- 
mier sont  traités  de  la  même  manière.  Le  second  comprend  les 
siècles  d'or  et  d'argent  de  la  latinité,  le  troisième  les  historiens 
du  commencement  du  me  au  commencement  du  \  siècle.  Il 
est  naturel  que  ce  recueil,  principalement  pour  ce  qui  concerne 
les  deux  dernières  parties  traitées  ici  pour  la  première  fois,  soit 
encore  incomplet  sur  plus  d'un  point,  mais  on  n'en  doil  pas 
moins  reconnaître  que,  relativement  aux  matériaux  considérables 
que  Peter  avail  à  mettre  en  œuvre,  bien  peu  lui  ont  échappé.  L'auteur 
compte  sur  l'appui  des  hommes  de  la  partie,  sur  leurs  indications 
au  sujet  des  omissions  possibles,  et  ne  regarde  les  deux  dernières 
parties  de  l'ouvrage  que  comme  un  travail  préparatoire.  Il  le  repro- 
duira, avec  des  prolégomènes  et  des  commentaires,  comme  second 
volume  de  ses  Relliquiae;  nous  souhaitons  que  celui-ci  ne  se  fasse 
pas  trop  attendre. 

Dans  ses  recherches  sur  Timée  de  Tauromenium,  Gh.  Glaseh3  a 

1.  Ce  Bulletin  a  été  arrêté  à  la  lin  (\o  juin  L884.  Voir  la  première  partie  plus 
haut.  p.   1  I 

2.  Historicorum  Romanorum  fragmenta.  Leip/i^.  Teubner,  1883. 

3.  Historisca-hrttischeUniersuçhungen  ùberTimaiosvon  Tauromenium.  Kiel, 


380  BULLETIN    HISTORIQUE. 

discute,  mais  d'une  façon  Irop  peu  précise,  les  emprunts  que  les  écri- 
vains postérieurs  onl  faits  aux  'ItoXtxidè  Timée,  le  plus  ancien,  avec 
Jérôme  de  Gardie,  des  historiens  grecs  qui  aient  traité  tout  au  long  de 
l'histoire  de  Rome.  11  conclut,  à  rencontre  d'hypothèses  antérieures. 
que  l'on  ne  saurait  trouver  dès  traces  de  Timée  chez  les  écrivains  posté- 
rieurs ;  on  n'a  fait  d'emprunt  ni  à  son  histoire  italique  ni  à  sa  biogra- 
phie de  Pyrrhus.  R.  PoEBSTER4â  résolu  négativement  et  d'une  façon  très 
évidente  cette  question  :  les  poèmes  de  Naevius  et  d'Ennius  existaient- 
ils  encore  dans  les  bibliothèques  du  moyen  âge,  comme  on  l'a  sou- 
vent admis?  L'importance  littéraire  d'Ennius  a  été  discutée  dans  un 
ouvrage  étendu  de  Lucien  Muller2-,  l'auteur  nous  semble  avoir 
encore  plus  exagéré  les  mérites  du  poète  latin  que  ceux-ci  n'avaient 
été  rabaissés  par  quelques  critiques  tels  que  Mommsen  et  Vahlen. 
On  trouvera  de  précieux  renseignements  historiques  dans  les  cha- 
1  litres  que  l'auteur  consacre  soit  au  développement  intellectuel  du 
peuple  à  Rome,  au  temps  d'Ennius,  soit  à  la  vie  du  poète  et  à  l'in- 
fluence, étudiée  ici  pour  la  première  fois  d'une  façon  sérieuse,  qu'il 
a  exercée  sur  la  littérature  postérieure.  On  lira  aussi  avec  fruit  la 
reconstitution  des  Annales  du  poète,  tentée  par  Muller  ;  il  faut  consi- 
dérer ce  travail  comme  une  introduction  à  l'édition  des  fragments 
d'Ennius,  qui  vient  de  paraître.  Tout  en  accordant  que  la  publication 
des  annales  a  été  successive,  nous  ne  pouvons  admettre  avec  Muller 
qu'Ennius  ait  donné  quatre  éditions  de  son  propre  ouvrage. 

M.  G.  P.  Schmidt3  a  réfuté  d'une  façon  péremptoire  l'opinion 
d'après  laquelle  Polybe  aurait  composé,  outre  ses  histoires,  trois 
traités  géographiques  et  astronomiques  intitulés,  l'un,  De  zonis 
el  polis  mundi,  l'autre,  Periplus  orae  Libycae,  et  le  troisième  : 
Ilepi  rrçç  rcept  tbv  fev)jj.epivbv  ùocfjffewç.  Schmidt  montre  que  tout 
ce  que  Polybe  a  écrit  sur  l'astronomie  et  sur  la  géographie  se 
trouve,  soit  dans  des  fragments  des  Histoires,  soit,  sous  une 
forme  condensée,  dans  le  34e  livre  de  ce  même  ouvrage.  Les 
fragments,  relativement  nombreux,  qui  nous  ont  été  conservés,  de 
l'histoire  de  la  guerre  des  Marses,   composée  par  L.    Cornélius 

Lipsius  el  Tischer,  1883.  —  Voir  aussi  les  recherches  de  H.  Kothe  sur  le  clas- 
sement  des  fragments  de  Timée  dans  :  Neue  Jahrb.  f.  Philologie  u.  Paedu- 
gogik.  B.  127,  1883,  p.  809-813. 

!.  '/.uv  Handschriftenkunde  u.  Geschichte  der  Philologie.  Rhein.  Muséum  f. 
Philologie.  Vol.  XXXVII,  1882,  p.  485-491. 

2.  Quintus  Ennius.  lune  Einleitung  in  das  Studium  der  rœmischen  Poésie. 
Pétersbourg,  Ricker,  1884.  —  Voir  L.  Muller  :  Zu  der  Ennius  Annalen.  Philol. 
XL1I,  fasc.  3,  1883,  p.  544-547. 

3.  Ueberdie  geograpfiischen  Werke  des  Polgbios.  Neue  Jahrb.  f.  Philologie 
undPaedagogik.  Vol.  CXXV,  1882,  p.  113-122. 


\l  i  .km  LGNI    il    u  raicHE.  384 

Sisenna,  ont  été  publiés  par  A.  Schheum :b  '  avec  un  c aentaire 

historique  où  se  trouvenl  des  combinaisons  ingénieuses,  mais  dans 
lequel  l'auteur  a  faii  trop  de  place  à  l'hypothèse,  en  assignant  des 
dates  historiques  précises  aux  fragments  isole- du  contexte.  L'écrit 
de  Th.  Grève  -,  sur  Les  sources  de  la  biographie  de  Tib.  Gracchus  el 
sur  sa  vie  politique,  témoigne  de  recherches  consciencieuses  et  éten- 
dues; l'auteur  a  résistée  la  tentation  de  ramènera  des  sources  pré- 
cises les  récits  de  Plutarque  el  d'Appicn,  que  l'on  a\  ul  tout  d'abord 
à  examiner;  il  réussit  à  caractériser  avec  précision  ces  deux  récits 
et  leur  valeur  intrinsèque;  il  montre  très  bien  que,  si  Appien  esl 
un  témoin  impartial  et  contemporain  des  événements,  Plutarque, 
par  contre,  semble  bien  n'avoir  l'ail  rien  autre  chose  que  de  fondre, 
au  hasard  de  son  goûl  personnel,  plusieurs  ouvrages  d'âge  el  de 
valeur  très  divers  et  souvenl  contradictoires.  11  en  résulte  qu'on 
doit  s'en  tenir  aux  indications  précises  d'Appien  pour  ce  qui  regarde 
la  vie  publique  de  Tib.  Gracchus  et  pour  tous  les  cas  où  il  \  a  diver- 
gence entre  lui  et  Plutarque;  on  devra  élever  des  doutes  au  îujel  de 
l'exactitude  de  tout  ce  qui  est  affirmé  par  d'autres  que  par  Appien, 
par  exemple  au  sujet  des  lois  financières  de  l'aîné  des  Gracques.  1) 
aurait  été  désirable  que  l'auteur  relevât,  dans  son  étude,  tous  les 
renseignements  fragmentaires  de  Tite-Live  :  ilsconfirmenl  en  partie 
les  résultats  auxquels  il  est  arrivé. 

La  collection  impatiemment  attendue  des  fragments  des  Anti- 
quitates  rerum  humanarum de'M.  Terent.  Varrona  étéentreprise  par 
P.  Miasca3;  celui-ci  ne  s'est  malheureusement  pas  suffisamment 
rendu  compte  des  difficultés  de  la  tâche  et  n'a  par,  apporte  à  son 
travail  une  connaissance  assez  générale  de  la  littérature  antique  et 
notamment  des  grammairiens  etdes  commentateurs  romains.  Aussi, 
cette  collection  des  fragments  ne  peut  nullement  avoir  la  prétention 
d'être  complète,  bien  que  l'auteur  ait  fait  voir,  il  est  vrai,  de  nou- 
velles traces  d'emprunts  faits  à  Varron  par  des  auteur  airs; 
les  hypothèses  qu'il  présente,  dans  des  prolégomènes  étendus, 
relativement  à  la  composition,  à  la  division  et  au  contenu  des 
Antiq.  rer.  hum.,  pourraient  donner  lieu  à  maintes  objections. 
G.  F.  Arnold'  cherche  a  résoudre  le  problème  difficile  des  sou 

1.  De  L.  Cornelii  Sisennae  historiarum  reliquiis.  lenae,  Bossfeld, 

2.  Kritikder  Quellen  zum  Leben  des  aelteren  Gracchus.  Aix-la-Chapelle, 
1883.  (Programme  des  cours 

3.  De  M.  Terenti  Varronis  antiguitatum  humanarum  libris  XXV.  Lipsiae, 
Typis  J.  B.  Hirscnfelder.  —  Voyez  aussi  :  Lelpziger  Studien  zur  class.  Philo- 
logie. Vol.  V,  1882,  i>.  1-144. 

4.  Untersuchungen  aberTheophanesvonMytUeneund  Poiidoniiu  von  Apa- 


382  BULLETIN  IlISTORIOUK. 

,iii\-(|iiclles  on  a  puisé  les  divers  récits  des  guerres  de  Mithridate. 
II  raisonne  avec  perspicacité,  mais  ses  arguments  sont  parfois  un 
peu  subtils.  D'après  lui,  Appien  raconte  les  campagnes  de  Pompée 
et  de  Lucullus  en  Asie  en  s'appuvanl  sur  Théoplianes  de  Mytilène, 
le  favori  de  Pompée.  C'est  lui  aussi  qu'ont  suivi  Titc-Live  et  Plu- 
tarque.  Par  contre,  pour  la  première  et  la  seconde  guerre  de  Mithri- 
date, c'est  l'ouvrage  historique  de  Posidonius  qui  est  à  la  base  du 
récit  d'Appien  :  Tite-Live,  Plutarque,  Diodore  de  Sicile,  enfin  Strahon 
dans  ses  iàvoptiKÀ  b-ypr^x-x,  ont  aussi  amplement  mis  à  profit  Posi- 
donius. Arnold  suppose  que  l'ouvrage  de  Strabon  a  été  utilisé  par 
Appien,  soit  comme  complément  à  Posidonius  pour  les  chap.  i-lxvi, 
soit  comme  source  pour  les  renseignements  tirés  des  annales  de 
Claudius  Quadrigarius  et  des  commentaires  de  Sylla.  La  manière 
dont  Arnold  caractérise  les  divers  passages  d'Appien  et  de  Plutarque, 
qu'il  a  étudiés,  est  fort  juste  en  général,  et  il  a  fait  faire  un  pas  à 
la  question  de  savoir  quel  degré  de  confiance  méritent  les  récits  de 
ces  deux  auteurs.  Il  a  raison  de  constater  la  teinte  grecque  ou  «  pon- 
tique  »  des  récits  mis  en  œuvre  par  Appien-  mais,  quand  il  recherche 
les  auteurs  sur  lesquels  s'est  appuyé  Théoplianes  et  qu'il  indique 
comme  tels,  expressément,  des  écrivains  qui  ne  sont  guère  connus 
que  de  nom  :  Tyrannio  d'Amisus,  Castor  de  Phanagorie  et  Teucer 
de  Cyzique,  il  est  impossible  de  le  suivre  dans  une  voie  si  peu  sûre. 
On  ne  pourra  probablement  jamais  déterminer  d'une  façon  absolue 
jusqu'à  quel  point  Plutarque,  dans  sa  vie  de  Lucullus,  a  utilisé  (les 
sources  grecques  mises  de  côté)  Tite-Live,  d'une  part,  et  Salluste,  de 
l'autre.  Néanmoins,  Schacut  '  indique,  avec  la  plus  entière  certitude, 
Tite-Live  comme  la  «  source  principale  »,  et  de  cette  biographie,  et 
des  parties  d'Appien  qui  s'y  rapportent.  En  revanche,  A.  Gleitsmann  - 
ramène  à  Salluste  la  plus  grande  partie  des  renseignements  de  Plu- 
tarque au  sujet  de  Lucullus. 

Nous  devons  une  étude  intéressante  sur  les  Commentaires  de 
César,  et  sur  les  ouvrages  qui  s'y  rapportent,  au  major  Max  J.-ehns  3 
qui  s'était  fait  connaître  déjà  par  son  Handbuch  der  Geschichte 

mea.  (Tirage  à  part  du  13e  vol.  Suppléai,  des  Jahrb.  f.  classische  Philol. 
Leipzig,  Teubner,  1882.)  Une  partie  de  cet  ouvrage  est  la  dissertation  inau- 
gurale de  L'auteur  :  Quaestioaum  de  fo/ilibus  Appiani  spécimen.  Kœnigsberg, 
Hartung,  1881. 

1.  Die  IlauptqueUc  Plutarchs  in  der  vita  Luculli.  Lemgo,  1883.  (Programme 
des  cours.) 

2.  Dr  Plutarchi  in  Luculli  vila  fontibus  et  fide.  Rosenheim,  1883.  (Pro- 
gramme des  cours.) 

3.  Caesars  h'ommentarien  und  ihre  literarische  und  hriegswissenschaftliche 
Folgewirkung.  Beiheft  zurh  Militaer-Wochenblatt ,   1883.  Berlin,  Miltler  et 


k\.u  m\l.m    i  r   \i  ruons.  3n:{ 

des  kiiegstcesens.  Cette  étude  renferme  d'abord  un  chapitre  d'intro- 
duction sur  .1.  César,  puis  de  courtes  remarques  sur  Le  style,  sur 
la  véracité  et  sur  La  date  de  la  composition  des  Commentaires,  enfin, 
une  table  générale,  dressée  avec  beaucoup  de  soin,  de  tous  les 

ouvrages  militaires  et  philologiques  qui  ont  paru  sur  Qésar  depuis  le 
i\c  siècle  jusqu'à  nos  jour-.  Cette  table  contient  non  seulement  la 
liste  complète  des  éditions  et  des  traductions  <les  œuvres  de  César, 
mais  encore  celle  des  travaux  relatifs  a  la  critique  du  texte,  des  dis- 
sertations stratégiques  et  historiques,  et  même  des  principaux  articles 
de  revues.  La  bibliographie  de  César  a  encore  été  augmentée  par  les 
recherches  de  Basim.r  '  sur  le  De  bello  cu-ili;  après  avoir  essayé 
d'établir  que  le  texte  de  ces  commentaires  ne  qous  esl  parvenu  qu'a 
l'état  fragmentaire,  il  examine,  en  Les  comparant  avec  les  passages 
correspondants  de  Plutarque,  de  Dion  et  d'Àppien,  toutes  les  indi- 
cations fournies  par  César,  à  partir  du  débul  de  la  guerre  civile 
jusqu'à  son  passage  en  Grèce;  il  aboutit  a  cette  conclusion  «pie  le 
véritable  état  des  atl'aires  a  été  défiguré  par  César  dans  toute  une 
série  de  circonstances,  si  bien  qu'on  ne  saurait  nullement  ajouter 
une  foi  absolue  à  son  récit. 

On  n'en  finit  pas  avec  Cornélius  Nepos!  L'hypothèse  émise  récem- 
ment par  Unger,  que  l'ouvrage  attribué  a  Cornélius  :  De  excellente 
bus  ducibus  exterarum  gentium,  avait  été  compose  par  Julius  ll,\ui- 
nus,  l'affranchi  d'Auguste,  avait  d'abord  rencontré  une  approbation 
presque  unanime-,  bientôt,  cependant,  de  divers  cotes  des  doutes 
s'élevèrent-,  on  contesta  entr'autres  la  différence  que  Unger  avait  cru 
reconnaître  entre  la  langue  des  biographies  des  généraux  et  celle  de- 
biographies  de  Gaton  et  d'Âtticus,  œuvres  authentiques  de  Cornélius. 
A.  Maïu  -  ne  s'appuie,  pour  réfuter  Unger,  que  sur  des  raisons 
tirées  de  la  langue  des  deux  groupes  de  biographies.  B.  la  ps3  et 
11.  Rosenhauee4,  après  avoir  montré  que  la  langue  et  Le  style  des 
deux  groupes  sont  identiques,  apportent  encore  d'importants  argu- 
ais; —  Voir  aussi  R.  Menge.  Quaestiones  Caesarianae.  Eisenach,  1883.  (Pro- 
gramme des  cours.) 

1.  De  bello  civili  Caesariano,  Quaestiones  Caesarianae.  Pars  1,  Dorpal,  1883. 
(Dissert,  inaugurale.) 

2.  Stimmt  der  Cato  und  Atticus  des  Cornélius  Nepos  in  Sprache  und  Stil 
mit  den  demselbea  Schriftsteller  zugeschricbenen  \  Hue  ûberein  oder  nicht? 
Cilli,  1883.  (Programme  des  cours.) 

3.  Cornélius  .\epos  oder  Julius  Hyginus?  New  Jahrbucher  fur  Philologie 
und  Paedagogik.  Vol.  CX.W,  1882,  \>.  379-401. 

4.  Phdolog.  Anzeiger.  Vol.  XIII,  1883,  p.  733-73'j.  Voir  •  '..  Gem88  dans  le 
Jahresber.  d.philolog.  Ver.  zu  Berlin.  An.  1883,  p.  384-397. 


38$  BULLETIN  HISTORIQUE. 

menls  cpntre  l'attribution  de  ccl  ouvrage  à  Ilyginus.  H.  Rosevhauer1 
a  soumis  à  une  étude  très  consciencieuse  le  De  viris  ilhtst'ribus  urbis 
Romae,  attribue  à  Aurelius  Victor  et  que  j'avais  considéré  moi-même, 
autrefois,  comme  un  extrait  du  grand  ouvrage  de  Cornélius  Nepos  : 
De  viris  illustribus.  Rosenhauer  regarde  bien  l'ouvrage  biogra- 
phique de  Cornélius  comme  une  des  sources  du  Pseudo- Victor,  mais 
il  admet  que  la  base  de  ce  livre  est  un  ouvrage  historique  non  bio- 
graphique, dont  il  place  la  composition  en  l'an  \~t  avant  J.-C.  -,  une 
troisième  source  du  Pseudo-Victor  serait  enfin  un  Liber  exémplorum, 
soit  d'Hygin,  soit  de  Cornélius  Nepos.  L'auteur  nous  semble  avoir 
tout  à  fait  tort  de  nier  que  Tite-Live  ait  été  utilisé-,  il  cherche  d'ail- 
leurs à  retrouver  les  traces  de  ce  qu'il  appelle  les  sources  primitives 
de  son  texte,  à  savoir  :  Calpurnius  Pison,  Valérius  Antias  et  Clau- 
dius  Quadrigarius.  L'étude  de  A.  Enmann  2,  qui  a  paru  en  même 
temps  que  la  précédente,  fait  apparaître  sous  un  tout  autre  jour  la 
composition  du  De  viris  illustribus  ;  d'après  lui,  ce  livre  n'est  qu'un 
faible  extrait  d'un  ouvrage  biographique  dont  l'original  a  servi  à 
Eutrope  et  à  Ampelius;  cet  ouvrage  aurait  été  composé  à  l'époque  de 
Dioclétien  et  serait  une  compilation  où  seraient  entrées  une  histoire 
des  rois  albains,  contenue,  sous  forme  abrégée,  dans  la  Origo  gentis 
Romanae,  et  une  histoire  perdue  des  empereurs  romains  jusqu'à 
Dioclétien.  Cette  compilation  aurait  été  arrangée  sous  forme  d'un 
«  corpus  »  biographique  de  toute  l'histoire  romaine.  L'auteur  du 
De  viris  illustribus  aurait  utilisé  simultanément  un  grand  nombre 
de  sources,  qu'on  ne  peut  plus  reconnaître  exactement  maintenant, 
et  parmi  celles-ci  les  Elogia  du  forum  Augusti  occupaient  sans  doute 
une  place  prépondérante. 

La  correspondance  de  Cicéron,  si  importante  pour  l'histoire  de  la 
dernière  période  de  la  république,  a  été  l'objet  d'un  grand  nombre 
de  recherches.  Moll  3  et  Schiche  4  se  sont  spécialement  proposé  de 
fixer  le  but.  le  lieu,  la  date  et  la  suite  chronologique  des  lettres 
écrites  par  Cicéron  ou  à  lui  adressées.  Moll  s'est  borné  à  étudier  les 
lettres  des  années  51  et  50  avant  J.-C,  lettres  particulièrement  inté- 

1.  Symbolae  ad  quaestiones  de  fontibus  libri  qui  inscribitur  de  viris  illus- 
tribus urbis  Bomae.  Kemplen,  1882.  (Programme  des  cours.) 

2.  Eine  ver/orenc  Geschichte  der  Bœmischen  Kaiser.  Philol.  Suppl.  Bd.  IV, 
p.  335. 

3.  De  iemporibus  epistularum  Tullianarum  quaestiones  selectae.  Berolini, 
11.  S.  Hermann,  1883. 

ï.  Festschrift  des  Fricdrich-Werderschen  Gymnasiums.  Berlin,  1881,  p.  225 
■  |i|.  —  Idem.  Zu  Cicero's  Briefen  au  Atticus,  II.  Berlin,  1883.  (Programme  des 
cours.)  —  Idem.  Zu  Cicero's  Briefen  an  Atticus.  Hermès.  Vol.  XVIII,  1883, 
p.  588-G15. 


M.l  BMAGNI     i  i     M  llili.lll  .  883 

ressantes  pour  l'histoire  de  l'administration  de  la  Cflicie  par  Cicéron. 
Nous  relèverons,  parmi  les  résultats  historiques  auxquels  aboutit 
cette  étude  consciencieuse,  ce  fait  que,  lors  des  élections  consulaires 
de  l'an  50  avant  J.-C,  outre  Servius  Sulpicius,  ce  fui  M.  Calidius 

qui  échoua  et  non  G.  Lucilius  Hirrus,  a le  on  l'admettail  jusqu'à 

ce  jour.  Schiche  ;i  étudié,  dans  diverses  dissertations,  un  certain 
nombre  de  lettres  du  livre  XV  des  lettres  à  Allions,  ainsi  que  les 
livres  XII  el  XIII  de  la  même  collection.  D'après  ces  dernièies, 
il  a  tracé  l'itinéraire  de  Cicéron  d'avril  16  avant  J.-C.  à  la  lin  de 
décembre  15  avanl  J.-C. 

La  question  extrêmement  compliquée  relative  à  l'authenticité  de 
la  correspondance  entre  Cicéron  el  Brutus  a  été  soulevée  de  nouveau, 
en  iss).  par  P.  Meyer,  qui,  avei  beaucoup  de  perspicacité,  a  cher- 
ché à  prouver  que  toute  cette  correspondance  n'est  qu'une  falsifica- 
tion de  Tépoque  d'Auguste  ou  de  Tibère.  Au  point  de  vue  de  la 
langue,  la  démonstration  de  l\  Meycr  ;i  été  complétée  par  II.  I'>i:<:ui  it  '; 
d'après  ce  dernier,  le  faussaire  a  imité,  à  la  vérité,  le  style  de  Cicé- 
ron, mais  il  s'en  faut  de  beaucoup  qu'il  ait  atteint  son  modèle  el  il 
esl  facile  de  distinguer  sa  langue  maniérée  et  affectée  de  celle  de 
Cicéron.  E.  Rueti:2  est  au  contraire  un  défenseur  convaincu  de 
l'authenticité  de  cette  correspondance;  son  opinion  est  partagée  et 
défendue  entr'autres  par  L.  Gurlitt3  et  par  O.-E.  Schmidt  ;.  Ruete 
a  traité  dans  son  ensemble  toute  la  correspondance  de  Cicéron  dans 
les  années  \\  et  V3  avant  J.-C;  il  a  consigné,  en  rectifiant  plusieurs 
opinions  courantes,  les  résultats  de  ses  consciencieuses  recherches 
dans  un  tableau  chronologique  de  tous  les  événements  importants 
de  la  vie  de  Cicéron,  depuis  la  mort  de  César  jusqu'en  août  43;  la 
seconde  partie  de  son  ouvrage  s'occupe  en  détail  des  lettres  à  l>rutn>. 
Ruete  les  revendique  toutes  comme  la  propriété  de  Cicéron.  Ce  juge- 
ment parait  exagéré.  Gurlitt,  qui  semble  tenir  ici  le  juste  milieu, 
estime  que  la  plus  grande  partie  des  lettres  esl  authentique,  car  on 
n'y  trouve  rien  de  choquant  au  point  de  vue  historique  et  chronolo- 

1.  Ueber  die  Sprache  der  Briefe  ad  Brutum.  Rheinisches  Muséum  fur  l'ht- 
loi.  N.  F.  Vol.  XXX VII,  1882,  i>.  576-597. 

1.  Die  Korrespondenz  Ciceros  in  dcn  Jahren  il  i*.  13.  Karbourg,  Blwert, 
1883.  (Dissertation  inaugurale  de  Strasbourg.) 

3.  Die  Briefe  Ciceros  an Brutus.  Philolog.  Supplemenlbd.  IV,  fase.  5,  1883. 
p.  551-630. 

i.  Zu  Cicero's  Briefa  ccksel  mit  M.  Brutus.  Neue  Jahrb.  f.  l'hilol.  U.  Paeda- 
yoyik.  Vol.  CXXVII,  1883,  p.  559-567  L'auteur  cherche  à  prouver  que  le  pas- 
sage ad  Brulum,  I,  3,  g  4,  est  un  fragment  détaché  d'une  lettre  authentique 
de  Cicéron. 

Rbv.  Histor.  XX Vil. 


386  BULLETIN    HISTORIQUE. 

gique;  presque  loules  sont  motivées  par  l'histoire  journalière  et  con- 
cordent exactement  avec  les  lettres  reconnues  authentiques;  mais 
il  regarde  comme  interpolé  le  passage  I,  3,  et  comme  supposés 
les  passages  i,  15,  §§  3- M,  I,  -16,  et  I,  17.  Quant  à  l'argument 
tiré  de  la  langue,  Gurlitt  pense  qu'il  n'est  guère  possible  de  relever 
des  fautes  incontestables  chez  un  connaisseur  de  l'époque  et  du 
style  épistolaire  de  Cicéron  aussi  fin  que  l'aurait  été  le  faussaire. 
P. -JE.  Sonxenberg  '  a  réfuté,  par  des  arguments  décisifs,  l'identité 
admise  depuis  Muret  entre  le  Volusius,  auteur  d'annales  poétiques, 
attaqué  par  Catulle  dans  ses  poésies  (Gat.,  c.  30,  annales  Volusi, 
cacata  carta,  etc.) ,  avec  l'historien  Tanusius  Geminius  cité  par  Sué- 
tone, Plutarque  et  Sénèque.  E.  ScHELLE2a  publié,  comme  prélimi- 
naires à  une  étude  sur  la  position  occupée  par  le  triumvir  Antoine 
dans  l'histoire  de  l'éloquence,  un  commentaire  étendu  des  cinq  lettres 
d'Antoine  qui  nous  sont  parvenues  (Gic,  Ep.  ad.  Ait.,  X,  8-,  X,  10, 
2;  XIV,  43;  Gic,  Phil.,  VIII,  25;  XIII,  22-48);  ce  travail  fournit, 
à  côté  de  plusieurs  corrections  du  texte,  des  renseignements  dignes 
d'attention  sur  diverses  périodes  de  la  vie  de  Gicéron. 

Un  grand  nombre  d'ouvrages  ont  été  consacrés  à  Tite-Live  et  à 
l'étude  des  sources  de  cet  historien. 

E.  Hetdevreich  3  a  caractérisé  d'une  façon  remarquable,  dans  un 
opuscule  dédié  au  grand  public,  la  méthode  de  Tite-Live  et  son 
manque  absolu  de  critique  personnelle  :  l'auteur  fait  ressortir  entre 
autres  l'erreur  commise  par  Tite-Live  dans  son  tableau  de  la  lutte 
entre  les  patriciens  et  les  plébéiens,  et  il  l'explique  par  ce  fait  que 
Tite-Live  n'a  pas  su  reconnaître  la  différence  importante  entre  la 
-plèbe  des  premiers  siècles  de  la  république  et  la  populace  de  la  capi- 
tale a  l'époque  d1  Auguste.  Baerwinkel4  pense  que  Tite-Live  a  uti- 
lisé les  annales  d'Ennius  pour  ce  qui  concerne  l'histoire  la  plus 
reculée  de  Rome.  Cependant  la  question  réclamerait  encore,  d'après 
lui,  des  investigations  approfondies  et  notamment  sur  les  arguments 
présentés  par  Niebuhr.  Le  travail  de  0.  Gortzitza  :i  sur  les  sources 
de  l'histoire  de  la  première  guerre  panique  est  tout  à  fait  insuffisant  ; 

1.  Der  Jlistoriker  Tanusius  Geminus  und  die  annales  Volusi.  Historische 
L'alersuchuiigeii  Arnold  Schaefer  gewidmet.  Bonn,  Strauss,  1882,  p.  158-165. 

2.  De  M.  Antonii  triumviri  quae  supersunt  epistolis.  Particula  I,  Franken- 
berg,  1883.  (Programme  des  cours.) 

3.  Livius  und  die  rœmische  Plebs.  Berlin,  Habel,  1882. 

4.  UeOer  Ennius  und  Livius.  Sondershausen,  1883.  (Programme  des  cours.) 

5.  Kritische  Sichtung  der  Quellen  zum  ersten  punischen  Kriege.  Strasburg, 
in  Westpreussen,  1883.  (Programme  des  cours.) 


w.i.kmm.m:  ci    kl  i  riche.  3S7 

Hauteur  réparti!  d'une  façon  tout  arbitraire,  cl  sans  tenir  aucun 
compte  des  nombreuses  études  antérieures  sur  le,  même  sujet,  les 

récits  de  Polybe  et  de  Diodore  entre  les  diverses  sources  romaines  et 
puniques  admises  par  lui.  cl  ne  consacre  que  quelques  lignes  lianales 
à  Tite-Live,  à  Dion,  à  Kulrope  et  à  Appien. 

II.  Hesselbaktii  '  prépare  un  grand  ouvrage  sur  les  sources  de 
la  troisième  décade  de  Tite-Live;  les  cinq  chapitres  qu'il  vienl 
de  publier  en  guise  d'échantillon  montrent  qu'il  sait  prendre  vis- 
a-vis des  opinions  antérieures  de  la  critique  une  position  indé- 
pendante et  qu'il  possède  un  talent  spécial  pour  traiter  les  pro- 
blèmes dont  il  s'agit  ici.  Les  parties  étudiées  sont  relatives  :  \°  au 
traite  entre  les  Romains  et  Hasclrubal,  traité  dont  l'histoire  et  la 
teneur,  d'après  Hesselbarlh ,  ont  été  altérées  par  Valérius  Antias 
et  adoptées,  sous  cette  nouvelle  forme,  par  Appien  et  par  Tite-Live 
(XXI,  2;  XXXIV,  43);  2°  au  début  de  l'expédition  de  l'an  217  axant 
J.-G.  ;  3°  aux  négociations  engagées  pour  le  rachat  des  prisonnier- 
après  la  bataille  de  Cannes  -,  4°  à  l'échec  des  Scipions  en  Espagne,  et 
•')°  aux  négociations  pour  la  paix  en  203  avant  J.-G.  Nous  admettons 
volontiers  avec  l'auteur  :  1°  que  la  narration  de  Tite-Live,  dans  la 
troisième  décade,  se  compose  d'une  partie  puisée  aux  annales  et 
d'une  autre  partie  tirée  de  Polybe,  et  2°  qu'on  ne  peut  nullement  se 
fier  à  la  tradition  romaine,  relative  à  la  seconde  guerre  punique,  telle 
qu'elle  se  trouve  soit  dans  les  fragments  de  Valérius  Antias,  de  Cœ- 
lius  Antipater,  d'Acilius,  etc.,  soit  dans  les  récits,  reposant  aussi 
sur  des  annales  romaines,  d' Appien,  de  Dion  Gassius  et  de  Diodore-, 
mais  nous  doutons  qu'il  soit  possible  à  l'auteur  d'établir  que  Valé- 
rius Antias  est  la  source  d'Appien  et  de  Diodore  et  de  donner,  sur 
celte  base,  comme  il  le  fait  entrevoir,  de  nouvelles  solutions  au  sujet 
du  développement  des  annales  romaines2.  Il  y  aurait  un  grand  profit 
pour  lui  à  consulter  les  ouvrages  récents  et  notamment  le  livre  si 
bien  fait  (4880)  de  Ziélinski  sur  les  dernières  années  de  la  guerre 
d'Annibal.  F ru:iilisch  3  a  combattu  l'opinion,  adoptée  par  plusieurs 
savants  depuis  Bcettcher  [Kritisehe  Untersuchungen  Uber  (lie  Qurtlen 
des  Liviiis  im  XXI  u.  XXII  Bûche,  1800),  d'après  laquelle  les  con- 

1.  Historisch-kritische  Untersuchungen  im  Bereiche  der  dritten  Dekade  des 
Livius.  Lippstadi,  1882.  (Programme  des  cours.) 

1.  Conf.  mon  étude  sur  «  la  marche  d'Annibal  contre  Rome,  en  211  », 
Mélanges  Graux,  ]>.  23-3'j,  dans  laquelle  j'ai  fente  d'établir  qu'Appien  avait 
utilisé  Codius  Antipater. 

3.  Ueber  die  Benulzung  des  Polybius  im  XXI  and  XXII  Bûche  des  Livius. 
Pforzheim,  1883.  (Programme  des  cours.) 


!SS  BULLETIN  HISTORIQUE. 

cordanccs  nombreuses  de  faits  et  d'expression  entre  Polybe  et  les 
livres  XXI  et  XXII  de  Tite-Live  s'expliqueraient  par  l'emploi  d'une 
source  commune,  à  savoir  l'annaliste  Cœlius  Antipater  ;  il  a  insisté 
sur  les  traces,  évidentes  pour  tout  esprit  non  prévenu,  de  l'imitation 
directe  de  Polybe  par  Tite-Live.  La  dissertation  de  J.-B.  Sturm*  est 
encore  plus  hardie  ;  l'auteur  cherche  à  établir  que  Cœlius  Antipater, 
qui  a  passé  jusqu'à  ce  jour  pour  la  source  principale  de  la  troisième 
décade  de  Tite-Live,  a  été  à  peine  suivi  par  l'historien  latin  :  bien  plus, 
Tite-Live  n'aurait  connu  l'ouvrage  de  Cœlius  Antipater  qu'après  avoir 
achevé  la  composition  de  l'histoire  de  la  guerre  d'Annibal  et  n'aurait 
fait  qu'incorporer  quelques  données  de  celui-ci,  comme  variantes  à 
son  propre  récit.  L'auteur  suit  la  vraie  méthode  :  il  compare  les 
restes  de  Cœlius,  fragment  par  fragment,  avec  le  récit  de  Tite-Live; 
il  arrive  ainsi  à  ce  résultat  que,  des  fragments  de  Cœlius,  onze  sont 
en  contradiction  avec  Tite-Live  et  six  seulement  d'accord  avec  lui; 
pour  la  plupart  des  autres  fragments,  on  ne  trouve  aucun  passage 
correspondant  chez  Tite-Live.  De  ce  fait,  l'auteur  conclut,  à  tort  selon 
nous,  que  Cœlius  n'a  pas  été  utilisé  par  Tite-Live  pour  la  troisième 
décade;  pour  cela,  il  faudrait  admettre  que  Tite-Live  n'a  puisé  son 
récit  de  la  seconde  guerre  punique  qu'à  une  seule  source;  or,  on 
admet  généralement,  au  contraire,  et  de  plus  en  plus,  que  l'histoire 
de  la  guerre  d'Annibal  a  été  puisée  à  plusieurs  sources.  Le  fait  que, 
parmi  ces  sources,  l'ouvrage  de  Cœlius  occupe  un  rang  important, 
est  prouvé  non  seulement  par  les  nombreux  points  de  contact  qui 
existent  évidemment  entre  Tite-Live  et  Cœlius  Antipater,  mais  aussi, 
et  surtout,  par  l'accord  de  Tite-Live  avec  Dion  et  Appien,  dont  Zié- 
linski  a  montré  d'une  façon  si  vraisemblable  la  dépendance  vis-à- 
vis  de  Cœlius.  Toutes  ces  raisons  nous  empêchent  de  considérer 
comme  résolue,  par  les  recherches  de  Sturm,  la  question  des  rap- 
ports de  Cœlius  avec  Tite-Live.  A.  Mùller  2  n'a  embrassé  dans  ses 
recherches  qu'un  domaine  très  restreint  :  l'étude  des  sources  d'après 
lesquelles  les  auteurs  anciens  ont  raconté  les  campagnes  de  Marcellus 
en  Sicile.  Dans  l'état  actuel  de  la  science,  Fauteur  ne  pouvait  appor- 
ter rien  de  bien  nouveau.  Il  croit  à  juste  titre ,  avec  Soltau ,  que 
Polybe  a  été  utilisé  par  Plutarque  et  Tite-Live,  mais  il  rapporte  d'une 
façon  trop  absolue  un  certain  nombre  de  passages  des  deux  auteurs 
à  Cœlius,  dont  il  ne  semble  pas  avoir  très  clairement  compris  le 

1.  Quae  ratio  inter  tertiam  T.  Livi  décadent  et  L.  Cœli  Antipatri  historias 
intercédât.  Wiïrzburg,  Becker,  1883. 

2.  De  auctortbus  reruni  a  M.  Claudio  Marcello  in  Sicilia  gestarum.  Halle, 
Waisenhaus,  188'2. 


ALLEMAGNE    KT    AITHH  III  .  389 

caractère  littéraire.  Noos  devons  à  W.  Sïeglih  '  une  étude  très  i >«i >•■- 
brante  de  La  méthode  suivie  par  Tite-Lite  dans  sa  troisième  décade; 
il  preuve,  d'une  façon  évidente,  que  les  récita  des  deux  ambassades 

romaines  niviij  Vnnibal,  au  rommeneemenl  du  XXI8  livre,  ne 

sont  que  la  répétition  du  même  événement  raconté  par  Tite-Live 
d'après  deux  sources  différentes.  Le  récîl  de  Tlte-Iiive  d*un  double 
passage  des  Apennins  par  Annibal  repose,  ainsi  que  les  deux  com- 
bats do  laTrebie,  sur  la  combinaison,  faiÊe  sans  esprit  critique,  de 
deux  sources,  dont  l'une  est  assez  probablement  le  rapporl  menson- 
ger du  combat,  envoyé  à  Home  par  le  consul  Sempronius.  L.  Batji  b  -' 
a  publié,  sous  une  forme  plus  développée,  Bes  recherches  déjà  men- 
tionnées par  nous  dans  noire  dernier  compte-rendu)  sur  les  rapports 
qui  existent  entre  les  Pwnicade  Silius  ftaheuset  la  troisième  décade 
de  Tite-Live.  A.  Reker3  a  consacré  au  même  sujet  une  étude  conscien- 
cieuse. Tous  deux  s'accordent  sur  ce  point  que  les  rencontres  fré- 
quentes «les  deux  écrivains  ne  proviennent  pas,  comme  l'avait  admis 
lleynacher,  de  l'emploi  des  mêmes  annales;  mais  plutôt  du  fait  que 
Silius  s'est  servi  de  Tite-Live.  Son  autorité  est  donc  très  faible. 
J.  Schinkei  -'•  étudie  la  tendance  des  Punira,  les  opinions  philoso- 
phiques, politiques  et  religieuses  du  ier  siècle  après  J.-G.  qui  s'j 
révèlent,  et  enfin  la  langue  du  poète.  On  savait  depuis  Ion-temps  déjà 
qu'il  existe  entre  Lucain  et  Tite-Live  un  rapport  analogue  à  celui 
qui  existe  entre  Silius  et  Tite-Live.  et  que  la  plus  grande  partie  des 
renseignements  historiques  de  la  Pharsale  sont  puisés  chez  l'historien 
romain:  la  dissertation  que  J.  Plathreb5  consacre  à  ce  sujet  ne  fait 
que  reproduire  ce  que  Ton  avait  déjà  dit.  G.  ZaNgemeisteb  ,;  donne 
d'importants  éclaircissements  au  sujel  de  la  composition  des  Perio- 
chae  de  Tite-Live.  L'auteur,  dans  sa  nouvelle  édition  d'Orose,  a  sou- 
mis d'abord  à  un  examen  consciencieux  les  sources  de  cet  écrivain; 
il  a  eu  surtout  égard  aux  divers  passages  empruntés  a  Tite-Live  et  a 
réussi,  en  comparant  Orose  au  texte  des  Periochae,  définitivement 
établi  parla  collation  minutieuse  du  codex  Nazarianus,  à  donner  une 
juste  solution  au  problème  de  l'origine  des  Periochae.  Selon  Zange- 

1.  Zwei  Doubletten  bei  Livius.  Fiheinisches  Muséum  f.  Philologie.  Neue 
Folge,  vol.  XXXVIII,  1883,  p.  348-369. 

î.  Dus  Verhaeltniss  der  Puni,  a  des  C.  Silius  Jtalicus  zur  drilten  Dekadc 
des  Livius.  Erlangen,  Jange  et  lits,  1883. 

3.  Ueber  die  Abhaengigkeit  des  C.  silius  Italiens  von  Livius.  Rozen,  1881. 
(Programme  des  cours.) 

4.  Quaesliones  Silianae.  Leipzig,  1883  (Inaug.  diss.  de  l'Univers le  BaUe  . 

5.  Zur  Quellenkrilili  der  Geschiehte  des  Wrgerkriegei  zwtiehen  Caesar  u. 
Pompejus.  Bernburg,  1882.  (Program les  min.. 

6.  Die  Periochae  des  Livius.  Fribourg  en  B.  ei  Tubingen,  Mohr,  1882. 


3!)0  BULLETIN    HISTORIQUE. 

meister,  la  source  des  Periochae  et  d'Orose  lui-même  n'est  pas  direc- 
tement  l'histoire  de  Tite-Live,  mais,  semble-t-il,  un  épitomé  1res 
étendu  de  Tite-Live-,  cet  extrait  aurait  servi  également  à  Obsequens, 
à  Cassiodore,  à  Vopiscus,  à  Eutrope,  à  Sex.  Rufus,  à  ldace  et  peut- 
être  aussi  à  Silïus  Italicus.  Ce  résumé  était  fait  avec  une  certaine 
intelligence  de  la  matière,  mais  le  texte  de  Tite-Live  y  était  parfois 
rendu  avec  une  grande  liberté  et  même,  probablement,  développé,  à 
l'occasion,  par  des  intercalations  puisées  à  d'autres  sources.  L'auteur 
de  cet  épitomé  devait  vivre  au  11e  siècle  après  J.-G.  S.  Schweder  '  a 
continué  ses  recherches  sur  les  sources  des  données  statistiques  et 
géographiques  de  Pline,  relativement  aux  provinces  de  l'empire  romain 
et  sur  les  passages  correspondants  de  Pomponius  Mêla.  D'après 
lui,  les  deux  écrivains  ont  utilisé  le  même  document;  Strabon  l'aurait 
connu  également  et  cité  assez  dédaigneusement  sous  le  nom  de 
rt  -/(opYpaçîa  ou  de  b  yupT(pi%o<;.  L'auteur  fait  voir,  dans  une 
démonstration  qui  manque  parfois  de  clarté,  que  cet  ouvrage  n'était 
probablement  rien  autre  que  la  statistique  provinciale  officielle  de 
l'empire  romain  :  la  chorographia ,  que  l'empereur  Auguste  fit 
publier  à  l'occasion  de  la  carte  du  monde  romain.  F.  Philippi  2  a 
donné  de  nouvelles  indications  au  sujet  de  la  carte  d'Àgrippa, 
publiée  sous  les  auspices  d'Auguste.  Partant  de  celte  idée  que  les 
matériaux  nécessaires  à  la  reconstitution  de  cette  carte  ne  doivent 
pas  tant  être  cherchés  dans  les  notices  mesquines  des  anciens  géogra- 
phes que  dans  les  cartes  du  moyen  âge,  il  essaie,  en  s'appuyant  avant 
tout  sur  la  carte  dite  de  Priscien,  de  déterminer  la  forme,  les  bases 
mathématiques  et  les  contours  généraux  de  la  carte  du  monde;  il 
résulte  de  son  travail  qu'Agrippa  s'est  contenté,  pour  établir  cette 
œuvre  monumentale,  des  résultats  auxquels  étaient  arrivés  les  géo- 
graphes grecs. 

G.  Nick3  a  écrit  un  article  digne  d'attention  sur  la  critique 
et  l'exégèse  des  Fastes  d'Ovide  et  notamment  sur  les  dates  chro- 
nologiques qu'on  y  rencontre.  0.  Hennig  a  a  traité  des  poètes 
de  l'époque  d'Auguste  liés  avec  Ovide.  A.  de  Gutschmid5  a  émis, 
au  sujet  de  l'ouvrage  historique  de  Trogue  Pompée,   l'hypothèse 

1.  Jieitraege  zut  Kritik  der  Chronographie  des  Augustus.  Tlicil  III,  Kiel. 
Schwers,  1883. 

2.  Zur  Reconstruction  der  Weltkarte  des  Agrippa;  dans  les  Historische 
sludien  Arnold  Schaefer  geuidmet.  Bonn,  Strauss,  18S2,  p.  239-2 i5. 

3.  Philologus.Xol.  XLI,  fasc.  3,  1882,  |».  445-464. 

■i.  J)e  P.  Ovidi  Nasonis  poelae  sodalibus.  Dreslau,  1883. 
5.  Trogus   und   Timagenes.    Bhein.    Muséum   f.   Philologie.   Vol.   XXXVII, 
1882,  p.  548-555. 


LLLEMAGNE   ri    Al  iiilciii  .  .T.)l 

que  cel  historien  n'a  pas  réuni  lui-même  les  riches  matériaux  dont 

il  dispose  dan-,  son  histoire,  mais  qu'il  les  a  tirés  d'une  histoire 
universelle  grecque  qu'il  a  prise  pour  base  de  son  travail  et  où  il 
trouvait  la  matière  déjà  toute  rédigée;  des  rencontres  frappantes 
entre  Trogue  et  quelques  fragments  de  l'historien  grec  Timagène 
font  voir  en  celui-ci  la  source  ou  Trogue  aurait  puisé.  If.  Grobh  '  a 
entrepris  la  lâche  méritoire  de  relever  les  emprunts  laits  à  Trogue 
Pompée,  —  en  dehors  de  Justin,  —  par  les  écrivains  postérieurs. 

I'..  Xir.sE  -  a  l'ail  des  recherches  sur  la  vie  de  Strahon  et  sur  La 
valeur  et  les  sources  des  renseignements  que  nous  lui  devons  au  sujet 
soit  de  L'histoire  primitive  de  la  Campanie,  soii  de  l'organisation  de 
la  province  du  l'uni  par  Pompée,  soi!  de  l'histoire  et  de  la  constitu- 
tion de  la  Galatie,  soif  enfin  de  l'histoire  de  Sertorius.  Zimmermaiw3 
traite  des  sources  où  puise  Strahon  pour  sa  description  de  la  pres- 
qu'île ibérique.  A.  Vogel  '  a  discuté,  avec  une  bonne  méthode  cri- 
tique et  avec  connaissance  de  la  question,  les  nouveaux  ouvrages  qui 
ont  paru  sur  les  divers  r\enements  de  la  vie  de  Strabon,  sur  son  acti- 
vité  littéraire  et  sur  les  sources  de  ses  geographica.  La  question  rela- 
tive à  la  manière  de  travailler  de  Diodore  a  été  étudiée  par  E.  Evees  '; 
par  rémunération  de  tous  les  écrivains  que  Diodore  a  suivis, 
notamment  dans  le  premier  livre  de  la  Bibliothèque  historique,  L'au- 
teur pense  que  Diodore  n'a  pas  copié  machinalement,  comme  on 
l'admet  en  général,  une  seule  source,  mais  qu'il  a  fait  une  œuvre 
personnelle  en  comhinanl  les  divers  documents  qu'il  avait  sous  les 
yeux.  L.  0ooe  approuve  l'hypothèse  émise  par  Klimke  sur  Les 
sources  de  l'histoire  primitive  de  Rome,  par  Diodore;  lui  aussi  voil 
dans  les  annales  de  Calpurnius  Pison  la  source  de  Diodore.  el  il  con- 
teste hahilemcnt  l'opinion  soutenue  par  Niebuhr  el  par  Mommsen, 
que  Diodore  nous  a  conservé  des  extraits  des  Annales  de  Fabius 
Pictor.  Gohn  admet  qu'à  côté  de  Pison,  Diodore  utilisa  une  liste  des 
fastes,  d'après  laquelle  il  nota  jour  pour  jour  les  noms  des  éponymes 

1.  De  Trogi  Pompei  apud  anliquos  aucloritate.  Strasbourg,  1882.  (Inaug 
Dissert.) 

2.  Siraboniana.  Rheinisc lies  Muséum  f.  Philologie.  Neue  Folge,  vol.  XXXVIII, 
1883,  p.  567-602.  —  Voir  Beloch,  Le  fonti  di  Strabone  nella  descrizione  délia 
Campania.  Roma,  Salviucci,  1882. 

3.  Quitus  auctoribus  Strabo  in  libro  terlio  geogra/i/ticorum  conscribcndo 
USUS  sit.  Pars  1,  Halle,  Karras,  1883. 

4.  JahresOericfil  liber  Strabon.  l'/iilologus.  Vol.  XLI,  fasc  3, 1882,  p.  508-...;! 

5.  Ein  Beilrag  zur  Untersuchung  der  Quellenbenutzung  bei  Diodor.  Berlin, 
Weidmann,  1882. 

6.  Diodor  und  seine  rœmische  Quelle.   Phttologus.  Vol.  XLII,  fasc.  1,1- 
p.  1-22. 


392  BULLETIN  HISTORIQUE. 

romains,  de  mémo  qu'il  copia,  d'après  une  liste  des  éponymes  grecs, 
les  noms  des  archontes  athéniens.  D'après  Ed.  Mkyer*,  au  contraire, 
cluv.  Diodore,  les  fastes  et  le  récit  sont  étroitement  liés  et  Pison  ne 
peut  être  la  source  de  Diodore,  car  Pison  n'a  pas  indiqué  les  consuls 
des  années  ;  57  et  448,  tandis  que  Diodore  les  indique  (liv.  IX.  44). 
Bien  que,  d'après  Meyer,  on  ne  puisse  indiquer  un  annaliste  authen- 
tique comme  étant  l'auteur  suivi  par  Diodore.  cependant  il  est  cer- 
tain que  Diodore  a  utilisé  une  chronique  écrite  en  latin,  très  ancienne 
et  sûrement  antérieure  à  Pison  :  cette  chronique  était  encore 
exempte  de  toutes  les  altérations  introduites  systématiquement  par 
les  annalistes  romains  postérieurs.  Ainsi,  au  lieu  d'admettre  chez 
Diodore  des  erreurs  causées  par  son  ignorance  ou  par  sa  légèreté 
dans  l'emploi  des  documents,  chaque  fois  qu'il  s'écarte  des  autres 
historiens  (comme  par  ex.  dans  l'histoire  du  décemvirat),  il  faudrait 
bien  plutôt  essayer  de  reconstituer,  à  l'aide  du  récit  de  Diodore,  les 
données  des  anciennes  annales  romaines;  alors  il  serait  possible  de 
connaître  comment  les  anciens  annalistes  envisageaient  les  luttes  de 
classe,  au  point  de  vue  social  et  politique.  J.  de  Destinox2,  qui  a 
publié,  il  y  a  quelques  années,  une  étude  sur  le  système  chronolo- 
gique qui  sert  de  base  aux  ouvrages  historiques  de  FI.  Josèphe, 
cherche  à  déterminer,  dans  un  nouveau  travail,  les  sources  des 
livres  XII  à  XVII  des  «Antiquités  judaïques  »  de  cet  écrivain  ;  l'auteur 
regarde  Nicolas  de  Damas  comme  une  source  principale  pour  la  partie 
qui  commence  en  69  avant  J.-O.,  c'est-à-dire  depuis  le  moment  où 
l'histoire  juive  touche  plus  intimement  à  l'histoire  romaine.  G.  F. 
Uxger3  fixe  avec  raison  entre  70  et  90  après  J.-G.  l'époque  où  aurait 
vécu,  à  la  cour  impériale,  à  Rome,  le  géographe  Denys  Périégète, 
Les  consciencieuses  recherches  d'ALY  ''  sur  les  sources  du  huitième 
livre  de  YHistoria  naturalis  de  Pline  fournissent  d'utiles  renseigne- 
ments sur  la  manière  de  procéder  de  Pline,  sans  donner  à  cet  égard 
une  solution  définitive.  On  doit  à  l'auteur  l'indication  de  nombreux 
passages  des  auteurs  anciens  parallèles  aux  récits  de  Pline;  mais 
nous  ne  le  suivrons  pas  lorsqu'il  revendique,  en  faveur  des  sources 
qu'il  désigne,  ces  récits  de  Pline,  et  surtout  quand  il  prétend  que 


1.  Untersuchuagen  ihber  Diodofs  rœmische  Geschichte.  Rheinisches  Muséum 
filr  Philologie.  Neue  Folge,  vol.  XXXVII,  1882,  p.  610-G27. 

2.  Die  Quelleu  des  Flavius  Josepkus.  Vol.  I.  KieJ,  Lipsius  et  Tischer,  1882. 

3.  Dionysios  Peviegetes.  Neue  Jahrbiicher  fiir  P/iilologie  und  Paedagogik. 
Vol.  CXXV,  1882,  p.  449-464. 

i.  Die  Quellen  des  Plinius  im  Sten  Buch  der  Naturgeschichte.  Marbourg, 
Elwert,  1882. 


ALLEMAGNE    ET    AUTRICHE.  .'ï'1  ■'. 

Pline  a  composé  les  diverses  parties  de  son  histoire  d'après  un 
nombre  très  restreint  de  sources. 

\.  l'.iinM  I  s?es1  chargé  d'un  utile  travail  en  faisant  l'ana- 
lyse des  Libri  strategematon  de  .lui.  Frontin.  La  liste  des  auteurs 
(Tite-Live,  Salluste,  Trogue  Pompée,  César.  Cœlius,  Valérius  Anii.-is, 
Oaton),  qu'il  donne  comme  ayant  servi  de  sources,  est  sans  doute 
incomplète-,  cependant  son  étude  est  une  base  solide  pour  tous  les 
travaux  futurs  sur  la  composition  de  l'ouvrage  de  Frontin.  Gcnmk- 
liNN  -  ci  Zechmeisteb3  ont  fait  faire  un  pas  à  la  critique  du  texte  de 
cet  écrivain,  assez  négligée  jusqu'à  ce  jour.  Voici  comment  J.  Hou  r.1 
explique  le  passage  bien  connu  de' Tacite  \<jr..  cap.  15)  sur  son 
absence  de  Rome  pendant  les  années  89-96  après  J.-C.  Il  rapproche 
ce  passage  de  celui  de  Quintilien  :  Institut,  oratoria,  X,  1.  loi 
(Holub  propose  la  leçon  :  habet  amatores  nec  immerito  remoti  liber- 
tas)  et  dit  que  Tacite  vécut  pendant  ces  années  dans  un  exil  volon- 
taire par  crainte  de  la  colère  de  Domitien.  irrité  de  la  franchise  de 
son  langage.  L'énumération,  entreprise  par  .M.  Manitids8,  des  nom- 
breux passages  empruntés  par  Tacite,  dans  sa  Germania,  à  la  Ghoro- 
<j raphia  de  Pomponius  Mêla,  jette  un  jour  des  plus  intéressants  sur 
la  composition  de  la  Germania  de  Tacite.  Les  rencontre-  frappantes 
de  style  et  de  faits  qu'on  constate  chez  les  deux  auteurs  ne  permet  Ici  il 
pas  de  croire  simplement  à  une  source  commune  à  tous  deux,  mais 
prouvent  jusqu'à  l'évidence,  —  surtout  si  l'on  songe  aussi  aux  rémi- 
niscences de  Salluste  et  de  César  dans  la  Germania,  —  que  la  Ger- 
mania  est  une  compilation  tirée  des  ouvrages  les  plus  divers,  sans 
travail  critique  particulier;  il  n'y  a  aucune  raison  pour  admettre  que 
Tacite  ait  vu  par  lui-même  ce  qu'il  raconte,  ni  qu'il  ail  pris  des 
information-  personnelles.  Au  sujet  de  Pomponius  Mêla,  Mauitius  a 
prouvé  qu'il  a  emprunté  à  César  presque  tous  les  renseignements 
spéciaux  relatifs  à  la  Gaule  et  à  !;i  Germanie.  On  a  affirmé  à  diverses 
reprises,  dans  le  courant  de  ces  dernière-  années,  que  Plutarque, 
dans  ses  portraits  historiques,  s'appuie  de  préférence,  et  presque 
exclusivement,  sur  des  autorités  grecques-,  il  est  doublement  inté- 


1.  De  fontibus  Frontini.  Braunsberg,  1883.  (Inaug.  Diss.  von  Ko'nigsberg.) 

2.  De  Julii  Frontini  strategematon  libro   qui  feriur  quarto.  Lipsiae,  1881. 
(Inaug.  Dissert.  v.  Leipzig.) 

3.  De  Juta  Frontini  slratagematon  libris.    Wiener  Studien,  vol.  V,  1883, 
1».  224-251. 

i.  Warum  hielt  sich  Tacitus  von  89-06  naefi  Chr.  nicht  in  Rom  auf?  w <i 
denau  in  Scblesien,  1883.  (Prograrn.  des  cours.) 

5.  Zur  Quellenkritik  der  Germania  des  Tac/lus  wnd  der  Chorographia  des 
Mêla,  ror.se/iungen  zur  deutschen  Geschichte.  Vol.  XXII,  1882,  p.  117-422. 


394  BULLETIN    HISTORIQUE. 

cessant,  à  celle  occasion,  de  rechercher,  avec  A.  Sicki.nger1,  dans  la 
langue  de  Plutarque,  les  traces  de  sources  écrites  en  latin  :  dans  ce 
travail,  composé  avec  soin  et  perspicacité,  on  notera  surtout  le  cha- 
pitre  final,  dans  lequel  l'auteur  étudie  les  erreurs  commises  par  Plu- 
tarque  dans  ses  traductions. 

.1.  E.  KrvTzE 2  ne  partage  pas  la  haute  opinion  que  l'on  a  en 
général  des  Institutions  de  Gaïus  pour  l'histoire  du  droit  romain.  Il 
estime  que  ses  connaissances  historiques  étaient  faibles  et  ses 
vues  dogmatiques  peu  solides.  Ce  n'était  pas  un  juriste  romain, 
mais  un  juriste  de  la  province,  qui  se  trouvait  à  côté  du  courant  et 
non  dans  le  courant  de  la  jurisprudence  romaine.  Seb.  Deoer3 
a  recueilli  les  fragments  des  œuvres  littéraires  de  l'empereur 
Hadrien,  il  commence  par  une  restitution  et  un  commentaire 
très  savant  de  l*allocution  d'Hadrien,  qui  nous  a  été  conservée 
sous  forme  d'inscription  et  que  l'empereur  avait  prononcée  en 
Afrique,  en  I2S  ou  129,  à  la  legio  IIIa  Augusta  et  aux  troupes  auxi- 
liaires (C.  1.  L.,  VIII,  2532);  dans  un  excursus  étendu,  Dehner 
a  traité  des  équités  legionarii  et  a  rassemblé,  pour  la  première 
fois,  d'une  façon  complète,  tous  les  témoignages  épigraphiques  et 
littéraires  ayant  trait  à  cette  question.  La  dissertation  de  0.  Kxott4 
traite  de  la  confiance  que  l'on  peut  accorder  aux  Strategica  de 
Polyen;  il  cherche  à  réfuter,  sans  y  trop  réussir,  l'hypothèse  de 
Wœlfflin.  qui  croit  que  Frontinaété  utilisé  par  Polyen.  Ruske5  étu- 
die les  sources  des  Nuits  attiques,  d'Aulu-Gelle,  mais  sans  arriver 
à  des  résultats  bien  nouveaux.  BitEiTUXG6a  fait  des  recherches  au 
sujet  des  sources  littéraires  des  biographies  de  Vespasien,  de  Titus, 
de  Domitien,  de  Néron,  de  Trajan  et  d'Hadrien,  par  Dion  Cassius 
(L.  lxvi-lxix)  ;  il  pense  que,  pour  cette  partie  de  son  ouvrage,  Dion 
a  surtout  suivi  Appien;  nous  ne  pouvons  partager  son  avis,  car  les 
renseignements  historiques  fournis  par  Appien,  —  comme  il  ressort 
du  témoignage  de  Photius,  —  s'arrêtent  à  la  fin  du  règne  de  Trajan 
et  n'empiètent  qu'accidentellement,  dans  la  'JouSaw/j  peut-être,  sur 

1 .  De  linrjuae  latinae  apud  Pluiarchum  et  reliquiis  et  vestigiis.  Fribourg- 
en  B.,  1883.  (Inaug.  Dissert.  v.  Heidelberg.) 

2.  Ber  Ptovinzialjurist  Gaius  wissenschaftlich  abgeschxtzt.  Leipzig,  1883. 
(Universitœts  program.) 

3.  Hadriani  reliquiae;  particula  I.  Bonn,'Georg,  1883. 

4.  De  /ide  et  fontibus  Polyaeni.  Leipzig,  Teubner,  1883.  (Inaug.  Disserl. 
de  Iena.) 

5.  De  A.  Gellïi  Noctium  Atticarum  fontibus  quaestiones  selectae.  Breslau, 
1883.  (Inaug.  Dissert.) 

6.  Bemerkungen  iiber  die  Quelle»  des  Dio  Cassius  LXVI-LXIX.  Markirch. 
1882.  (Programme  des  cours.) 


M.I.KM  v..  M     I  I     U  TRICHE.  395 

l'époque  d'Hadrien.  J.  Krectzeb  '  a  soumis  a  un  examen  comparatif 
les  récils  de  Dion  Cassius  ei  d'Hérodien  sur  l'histoire  du  règne  de 
Septime  Sévère;  il  conclut  qu'on  n'esl  pas  fondé  à  donner  ahsolu- 
ment  la  préférence  au  récit  de  Dion  sur  celui  d'Hérodien.  Nous 
reviendrons,  ailleurs,  sur  les  défauts  de  la  démonstration  de  Kreutzer, 
qui  déprécie  a  tort  la  valeur  de  l'histoire  contemporaine  de  Dion. 
J'ai  moi-même9  essayé  d'établir  que  les  ouvrages  suivants,  attribués 
par  Suidas  à  Dion  Gassius  :  Uipzw.i.  Ta  v.x-.x  Tpaïxviv  et  Wv.v.i, 
sont  la  propriété  de  Dion  f.hrvsoslome ,  parent  de  Dion  Cassius  et 
plus  âgé  que  lui;  ;i  cette  necasion,  j'ai  tenté  de  déterminer  la  teneur 
probable  et  L'étendue  des  FeTixi,  qui  forment  un  pendant  important 
a  la  Germania  de  Tacite.  Walter  IVehme3  a  entrepris  la  tâche  très 
difficile  de  reunir  les  fragments  de  Hérennius  Dexippc.  qui  sont  dis- 
persés chez  les  Scriptores  historiae  Augustae.  chez  le  continuateur 
de  Dion,  chez  Zozime,  etc.  Par  l'exactitude  de  sa  méthode,  l'au- 
teur est  arrivé  à  des  résultats  très  remarquables  au  point  de  vue  de 
la  critique  des  sources,  notamment  au  sujel  de  Julius  Gapitolinus. 
Franz  Gcéwe  '  a  poursuivi  ses  recherches  sur  la  valeur  des  témoi- 
gnages littéraires  relatifs  aux  persécutions  des  empereurs  romains 
contre  les  premiers  chrétiens.  11.  Peter  ;i  a  résumé  tous  les  travaux 
relatifs  aux  Scriptores  historiae  Augustae  parus  dans  les  années 
I  865-4882  ;  il  y  a  joint  des  observations  originales  importantes. 

S.  Brandt  6  a  fait  faire  un  pas  à  la  connaissance  de  l'histoire  de 
la  langue  romaine  et  de  la  littérature  en  Gaule,  par  son  élude  sur 
Eumène  d'Autun;  il  y  montre  que,  des  quatre  discours  du  Corpus 
panegyricorumlatinorum  attribués  à  Eumène,  un  seul,  le  quatrième, 
lui  appartient,  tandis  que  les  trois  autres  (V,  VII,  Vlll)  sont  L'œuvre 
d'autres  écrivains.  La  poésie  latine  de  Rufus  Festus  Avienus  :  Ora 
maritima,  dont  on  ne  connaît  que  le  début  (la  description  des  cotes 
et  des  iles  d'Albion  jusqu'à  Massiliai  et  qui  est  pour  nous  la  source 


t.  Zu  dea  Quellen  der  Geschichte  des  Kaisers  Seplimius  Severus,  «lui--  les 
Ilistorische  Untersuchungen  Arnold  sch.i  fer  geicidmet.  Bonn,  Strauss,  1882, 
p.  218-238. 

2.  Dio  Chrysostomus  al.s  Historiker.  l'hilologus.  Vol.  XLIll,  fasc.  3,  1884, 
p.  385- 10  i. 

3.  Dexippi  fragmenta  ex  Julio  Capitolino,  Trebellio,  Pollione,  Georgio  Syn- 
cello  collecta.  Lipsiae,  1882.  (Inauy.  Dissert,  de  Iena.) 

i.  Zur  Kritik  einiger  Quellenschriftsteller  der  rœmischcn  Kaiscrzett ,  lit- 
IV.  J'hilologus.  Vol.  XL1I.  pp.  134-140,  615-624. 

5.  Die  Scriptores  historiae  Augustae  in  den  Johren  1865-1882,  Philologus. 
Vol.  XUII,  1882,  p.  137-194. 

6.  Voyez  Rev.  fus'.,  XXVI,  147. 


39fi  BULLETIN  HISTORIQUE. 

historique  la  plus  ancienne  sur  l'ouest  de  l'Europe,  a  été  soumise  par 
(i.  F.  Unger1  à  un  examen  des  plus  approfondis.  Contre  Mûllenhoff 
[Deutsche  Altcrthiimskunde,  p.  73,  sqq.)  qui  indique  un  Périple, 
composé  par  un  Carthaginois  au  vie  siècle  av.  J.-C,  comme  la  source 
priôcipale  d 'Avienus,  Unger  soutient  que  le  tableau  des  possessions 
politiques  de  la  côte  méditerranéenne,  tel  qu'il  se  trouve  chez  Avie- 
nus, et  que  les  géographes  cités  par  cet  auteur  font  clairement 
reconnaître  une  source  grecque,  datant  de  390-370  av.  J.-C.  Les 
passages  les  plus  importants  de  la  description  des  côtes  sont  com- 
mentés brillamment  par  Unger-,  il  s'écarte  souvent  des  opinions 
courantes  et  discute  d'une  façon  minutieuse  les  conditions  histori- 
ques et  ethnologiques  primitives  de  la  Gaule  et  de  l'Espagne.  Les 
nombreux  ouvrages  relatifs  à  la  critique  du  texte  et  des  sources 
d'Eutrope,  qui  ont  paru  dans  ces  dernières  années,  ont  été  discutés 
par  C.  Wagener2. 

La  dissertation  mentionnée  plus  haut,  de  A.  Enmann3,  sur  le 
De  viris,  est  un  travail  important;  il  y  traite  des  biographies 
des  empereurs  qui  existent  sous  le  nom  d'Aurelius  Victor,  et 
des  passages  correspondants  d'Eutrope  et  des  Scriptores  historiae 
Augustae.  Le  principal  résultat  de  cette  dissertation,  —  et  l'on 
n'y  atteint,  il  est  vrai,  que  grâce  à  des  hypothèses  assez  hasardées, 
—  est  qu'il  fut  composé,  sous  le  règne  de  Dioclétien,  une  histoire  très 
étendue  des  empereurs,  d'Auguste  à  Dioclétien.  Dans  une  première 
rédaction,  cette  histoire  sert  de  base  aux  Caesares  d'Aurelius  Victor; 
dans  une  seconde  rédaction,  à  l'histoire  d'Eutrope;  enfin,  de  nom- 
breux fragments  en  auraient  passé  dans  les  biographies  des  Scripto- 
res historiae  Augustae.  C'étaient  des  biographies  de  l'époque  des 
rois  de  Rome  et  de  la  République,  contenues  sous  forme  d'extraits 
dans  le  De  viris  illustribus  Romae  et  chez  Ampelius,  qui  formaient 
la  première  partie  de  cet  ouvrage  historique;  il  fut  continué  jusqu'au 
règne  de  Julien  et  cette  partie  fut  utilisée  aussi  par  Eutrope  et  par 
Victor.  On  ne  connaissait  jusqu'à  ce  jour  que  les  treize  premiers 
livres  et  le  début  du  quatorzième  livre  de  l'ouvrage  de  Fulgence  : 
De  aetatibus  mundi  et  hominis.  A.  Reifferscheid  ''  a  publié  la  fin  du 
quatorzième  livre,  qui  se  trouve  en  entier  dans  un  manuscrit  du 
Vatican.  C'est  un  résumé,  sans  grande  valeur  historique  malheu- 

1.  Dcr  Periplus  des  Avienus.  Pkilvl.  Supplém.  IV,  fasc.3,  1882,  p.  190-280. 

2.  Philologus.  Vol.  XLII,  1883,  pp.  379-402,  511-533. 

3.  Eine  verlorene  Geschichte  (1er  rœmischen  Kaiser.  Ibid.  Supplem.  Bd.  IV, 
fasc.  3,  1883,  p.  335-501.  Voyez  supra,  p.  384. 

i.  Aaecdotum  Fulgentianum.  Breslau,  1883.  (Programme  de  l'université  de 
Breslau/ 


M  i  I  MU.-SK    ET   AUTRICHE.  597 

reusemenl,  de  l'histoire  des  empereurs*  de  César  à  Valent  iiiieu  III. 
Le  large  emploi  que  Jean  Malalas  a  fait  d'Ëustathe  el  celui  qu'Eus- 
tatlie  a  fait  de  Priscus  ont  été  exposés  d'une  façon  très  cette  el  très 
évidente  par  L.  Jeep  '  :  cependant  nous  n'accorderons  qu'une  valeur 
tout  hypothétique  à  la  date  de  425  après  J.-C,  Bxée  par  lui  comme 
celle  de  la  mort  de  Zozime. 

B.  Hasenstab3  a  consacré  aux  Variae  de  Gassiodore  une  étude 
approfondie j  il  a  réussi  à  donner  plusieurs  solutions  nouvelles, 
notamment  sur  la  constitution  de  l'empire  ostrogoth  en  Italie. 
Citons  immédiatement,  à  ce  propos,  les  deux  nouvelles  éditions  de 
Y  Histoire  des  Goths  et  de  la  Chronique  universelle  de  Jordanis,  l'uni 
par  Solder3,  l'autre  par  Mommseu  ;;  celte  dernière  Lire  une  impor- 
tance toute  particulière  de  la  richesse  de  l'appareil  critique  et  des 
prolégomènes  étendus  et  lumineux  sur  des  questions  littéraires 
historiques;  c'est  une  édition  qui  fait  époque. 

L'édition  critique  de  la  chronographie  de  Théophanes,  entreprise 
par  Cari  de  Boor5,  sous  les  généreux  auspices  de  l'Académie  de 
Prusse,  a  fourni  enfin  une  hase  solide  à  la  critique  des  sources  de 
l'historiographie  byzantine,  si  difficile  jusqu'à  aujourd'hui  à  cause 
du  mauvais  état  des  textes  imprimés.  Au  premier  volume,  qui  con- 
tient le  texte  grec,  viendra  bientôt  s'ajouter  un  second  volume  conte- 
nant :  une  dissertation  étendue  sur  les  manuscrits  de  Théophanes, 
la  biographie  des  çhronographes,  la  traduction  latine  d'Anastase 
et,  enfin,  une  élude  sur  les  source-;  de  Théophanes  et  sur  les  çhro- 
nographes postérieurs  qui  dépendent  de  lui.  Les  éludes  de  Boor6 
sur  l'historiographie  byzantine  sont  très  variées  ;  ainsi  nous  indi- 
querons ses  recherches  sur  les  sources  de  la  Chronique  univer- 

1.  Die  Lebenszeit  des  Zosimos.  liheinisdi.es  Muséum  /.  Philologie.  Neue 
Folge.  Vol.  XXXVII,  1882,  p.  425-433. 

2.  studieii    zur    Variensammiung   des   Cassiodorius  Senator.   I.   Munich, 

Straub,  1883.  (Programme  des  cours.) 

3.  Jordanis  de  origine  adilnisque  Getarum.  Edidit  AJtfr.  llolder.  Fribourg 
i/B.  et  Tubingen,  Mohr,  1882. 

4.  Jordanis  Romanaet  Getica.  Rec.  Tb.  Mommsen.  Berlin,  Weidmann,  1882. 
(Monumenta  Germuniae  historica.  Auctores  antiquissimi,  lom.  V,  pars  1.) 

ô.  Tkeophanis  chrouographia.  Kecensuit  C.  de  Boor.  Vol.  I.  Leipzig,  Teub- 
ner,  1883. 

6.  Zur  Kenntniss  der  Weltchronili  des  Georgios  Monachos.  daus  les  Hislo- 
riscke  L'ntersuchungcn  Arn.  schaefer  geuidmet.  Bonn,  Strauss,  1682,  p.  276- 
295.  —  Zur  Kenatnis  der  Itaudsckriften  der  griechischen  hLirchenhistoriker. 
Zeitschrifl  fiir  Kirdiengeschidite.  Vol.  VI,  fasc.  3,  1883,  p.  478-494.  —  Der 
Historiker  Traianus.  tiennes.  Vol.  XVII,  1882,  p.  489-492. — Zu  den  Excerpt- 
sammlungen  des  Konstantinos  l'orphyrogennetos.  tiennes.  Vol.  XIX,  fasc.  1, 
1884,  p.  123-148  ;  vol.  XVIII,  1883,  p.  628-1 


398  BULLETIN    niSTORIQDK. 

selle  de  Georgios  Monachos,  qui  existe  dans  des  rédactions  si  diverses; 
d'après  Hoor,  deux  «  codices  Goisliniani  »  (434  et  3-10)  représentent  le 
mieux  l'original  de  la  chronique  dont  Georgios  est  l'auteur;  en  outre, 
des  notes  sur  le  codex  Baroccianus  442,  si  important  pour  établir  le 
texte  des  historiens  de  l'Église  grecque,  et  pour  juger  leurs  rapports 
de  dépendance  réciproque;  la  rectification  d'une  notice  de  Suidas  sur 
Trajan.  rhistorien  et  le  général  de  l'empereur  Valens;  enfin,  des 
recherches  sur  la  division  de  la  grande  encyclopédie  historique  de 
l'empereur  Constantin  Porphyrogénète  et  sur  la  succession  des  frag- 
ments qui  s'y  trouvent,  de  Polybe,  de  Uenys  d'Halicarnasse,  de  Jean 
d'Antioche,  etc.  H.  W^schke  '  s'est  occupé  également  de  cette  der- 
nière question.  A.  Freuw)2  a  examiné  l'hypothèse  émise  par  Hol- 
der-Egger  (Neues  Archiv,  I,  p.  214  et  II,  p.  47),  d'après  laquelle 
Jean  Malalas  aurait  emprunté  ses  indications,  relatives  aux  affaires 
de  Gonstantinople  et  d'Antioche,  à  des  notices  officielles,  composées 
en  ces  deux  endroits  et  qu'il  nommait  :  «  Annales  des  fastes  consu- 
laires. »  Il  réfute  victorieusement  cette  opinion  au  sujet  des  affaires 
d'Antioche  et  en  amoindrit  considérablement  la  valeur  pour  les 
affaires  de  Constantinople.  L'auteur  admet  comme  source  primitive 
de  Malalas  :  une  chronique  urbaine  de  Gonstantinople  et  une  chro- 
nique semblable  d'Antioche-,  cette  dernière  aurait  été  connue  de 
Malalas  par  l'intermédiaire  de  Théophile,  dont  les  renseignements 
remontent  d'autre  part  à  Pausanias  et  à  Domninos;  à  cette  occasion, 
Freund  a  fourni  des  indications  précieuses  au  point  de  vue  de  la  cri- 
tique des  sources  de  Théophanes,  de  Gédrénus,  de  Nicéphore,  deGeor- 
gios Monachos,  etc.,  et  du  Chronicon paschale.  G.  Kaufmao3  combat, 
en  principe,  l'hypothèse,  déjà  indiquée,  de  Holder-Egger,  relative  aux 
annales  de  fastes  consulaires  qui  auraient  été  rédigées  d'office  dans 
les  capitales  de  l'orient  et  de  l'occident  de  l'empire  romain.  Grâce  à 
des  recherches  consciencieuses  sur  l'origine  des  renseignements 
fournis  par  V Anonymus  Cuspinianus ,  l'auteur  aboutit  à  cette  con- 
clusion, que  l'existence  présumée  de  «  fastes  de  Ravenne,  »  officiels 
et  munis  de  notices,  ne  repose  sur  aucun  fondement;  en  revanche, 
il  faut  admettre  l'existence  de  tables  chronologiques  tenues  par  des 
particuliers  et  dans  lesquelles  ils  prenaient  note  des  événements  qui 
les  intéressaient  particulièrement  :  ces  tables  auraient  servi  de  base  à 

t.  Veber  die  Reihenfolge  der  Excerpten  Konstantins.  Philolog.  Vol.  XLI, 
1882,  p.  270-283. 

2.  Beitraege  zur  Antiochenischen  und  zur  Konstantinopolitanischen  Stadt- 
çhronik.  (Inaug.  Dissert.  v.  lena,  1882.) 

3.  Die  Fasten  von  Constantinopel  und  die  Fasten  von  Ravenna.  Philolog. 
Vol.  XLII,  fasc.  3,  1883,  p.  471-510. 


\i.UM\<.\i:   ET    U  TRICHE.  399 

^AnonymusGu8pinianus,ainsi  qu'aux  i?flàtt/rfoWarf<.6uidoHBKrescH4 

a  essayé  d'établir  quelques  point-  d'appui  pour  l'histoire  de  [Vmpe- 
reur  Tibère  Constantin;  dans  ce  but,  il  étudie  L'autorité,  les  sources 
et  la  dépendance  réciproque  des  récits  des  historiens  syriens  el  grecs  : 
Bar-Hebraeus,  Michel,  Jean  d'Epbese,  Theopln  lacté,  Euagrius,  Jean 
Epiphanes,  Gédrénus,  etc.  K.  Mum.kk-  a  enrichi  la  bibliothèque 
militaire  ancienne  d'un  traité  sur  La  guerre  maritime,  qu'il  a  décou- 
verl  dans  un  manuscrit  de  l'Ambrosienne.  Ce  traité,  dont  l'auteur 
est  anonyme,  était  inconnu  :  il  date  très  probablement  du  ve  ou  vr  s. 
ap.  J.-G.  Le  même  savant  a  eu  le  bonheur  de  trouver  un  important 
manuscrit3  des«  machines  de  siège  »  et  de  la  «  Géodésie  »  de  l'écri- 
vain militaire  byzantin  Héron  -,  ce  manuscrit  date  du  xie  siècle  et  tous 
les  autres  manuscrits  connus  jusqu'à  ce  jour  des  xve  et  xvi°  siècles 
en  sont  dérivés  :  il  renferme  plusieurs  leçons  supérieures  à  celle  du 
texte  imprimé  et  est  plus  complet. 

Les  études  sur  la  littérature  des  Pères  de  l'Église,  par  laquelle  nous 
terminons,  seront  considérablement  facilitées  par  les  éditions  cri- 
tiques de  Salvien,  d'Ennodius,  de  Victor  Vitensis,  d'Orose,  publiées 
coup  sur  coup  par  l'académie  de  Vienne  dans  son  Corpus  scriplurum 
ecclesiasficorum.  Jos.  Nirschl4  a  publié,  en  se  mettant  au  point  de 
vue  théologique,  un  tableau  général  de  la  patrologie  et  de  la  patris- 
tique;  ce  livre  se  recommande  autant  par  sa  disposition  pratique  et 
claire  que  par  la  façon  consciencieuse  et  intelligente  dont  sont  trai- 
tées les  questions  littéraires.  Parmi  les  études  plus  spéciale,  nous 
nommerons  :  la  défense  habile  de  l'authenticité  (h^  lettres  d'Ignace, 
présentée  par  F.-X.  Funk  3,  et  la  peinture  magistrale  des  Pères  du 
second  siècle,  par  Hausiuth6;  ce  dernier  ouvrage  jette  une  vive  lumière 
sur  l'état  souvent  très  peu  édifiant  du  christianisme,  pendant  la  période 
primitive.  Nous  citerons  encore  l'élude  de  R.  Kûhne7  sur  l'Octave 
de  Minutius  Félix;  selon  Kuhne,  Octave  est  une  conception  à  la  fois 
philosophique  el  païenne  du  christianisme.  V.  lioni s  a  fait  imprimer 

1.  De  scriptoribus  rerum  imperatoris  Tiberii  Consianlhii.  Lipsiae,  Teubner, 

1882.  (Inaug.  Disscrl.  v.  lena.) 

2.  Eine  griechische  Schrift  uber  Seekrieg.  Wùrzburg,  Stuber,  1882. 

3.  llandschriflliches  zur  den  Poliorketiku  und  zu  der  Geodaesie  des  sog 
Hero.  Ilhein.  Muséum  f.  Philologie.  Neue  Folge.  Vol.  XXXV111,  p.  454-463. 

4.  Lehrbuch  der  Patrologie.  u.  Patristik.  2  vol.  Mayence,  Kirchheim,  1881- 

1883.  Un  3e  vol.  vient  de  paraître  (1885). 

5.  Die  Echtheit  der  Igaatianischen  Briefe.  Tubingen,  Laupp,  1883. 

6.  Kleine  Schriften  retigionsgeschichUiches  Inha-lts.  Leipzig,  Ilirzel ,  1883, 
p.  1-13G. 

7.  Der  Octavius  des  Minucius  Félix.  Leipzig,  Rossberg,  1882. 

8.  Des  christlichen  Dichlers  Prudeatius  Schrift  gegen  Symmachus.  Raslall, 
1882.  (Programme  des  cours.) 


',00  BULLETIN   HISTORIQUE. 

une  conférence  populaire  sur  le  poète  chrétien  Prudence  et  sa  polé- 
mique contre  Symmaque.  G.  Roos*  a  cherché  à  établir  les  sources 
littéraires  auxquelles  Théodoret  a  puisé  dans  son  ouvrage  intitulé  : 
Curatio  affectionum  Graecarum;  ce  sont  notamment,  d'après  lui, 
Clément  d'Alexandrie  et  Eusèbe  qu'il  a  compilés.  A.  Auler2  a  étudié 
d'une  façon  approfondie  les  principales  circonstances  de  la  vie  de 
l'évêque  Victor  de  Vita,  la  date  de  la  composition  de  son  Historia 
prrsecutionis  Àfricanae  provinciae  et  l'autorité  qu'il  faut  accorder  à 
cet  ouvrage.  Ses  recherches  ont  montré  que  Victor  n'était  pas  à  la 
hauteur  de  sa  tâche  d'historien  et  que,  en  maintes  reprises,  il  cède 
aux  passions  départi  et  à  sa  tendance  à  l'exagération  :  les  faits  qu'il 
raconte  sont  dénaturés  de  la  façon  la  plus  grossière  et  l'on  ne  peut 
pas  se  fier  à  son  histoire  de  la  persécution  des  catholiques  africains 
par  les  Vandales  ariens. 

Ouvrages  divers.  —  Nous  avons  tenu  jusqu'ici  les  lecteurs  de 
la  Revue  au  courant  de  la  publication  de  l'Histoire  universelle  de 
Raxke.  Elle  s'étend  dès  maintenant  jusqu'à  Tépoque  byzantine3  :  c'est 
l'ouvrage  d'ensemble  de  beaucoup  le  plus  important  qui  ait  paru  ces 
dernières  années.  Il  faut  y  joindre,  pour  l'histoire  de  l'époque  impériale, 
l'ouvrage  d'Hermann  Schiller4,  dont  les  deux  premières  parties,  les 
seules  qui  aient  encore  paru,  embrassent  la  période  qui  va  de  la  mort 
de  César  à  l'élévation  au  trône  de  Dioclétien.  L'auteur  a  réussi,  en 
somme,  nous  le  reconnaissons  volontiers,  à  atteindre,  malgré  la  dif- 
ficulté de  l'entreprise,  le  double  but  qu'il  se  proposait  :  d'une  part, 
faire  connaître  au  grand  public  les  résultats  de  la  science  ;  de  l'autre, 
donner  une  base  à  ceux  qui  cherchent  à  approfondir  l'histoire  romaine 
et  notamment,  en  les  renseignant  sur  les  sources,  à  ceux  qui  se 
vouent  à  l'étude  de  l'histoire.  Certes,  ce  n'est  ni  un  ouvrage 
d'une  lecture  facile  ni  un  livre  attrayant;  l'exposition  des  faits  est 
presque  toujours  très  froide  et  impersonnelle.  Mais  nous  avons  trop 
de  ces  travaux  qui  se  contentent  de  paraphraser  les  historiens  rhé- 
teurs de  l'époque  impériale,  ou  qui  tentent  de  reconstruire  les 
faits  en  interprétant  à  leur  guise  la  tradition,  ou  en  s'appesantissant 
sur  les  motifs  politiques  et  psychologiques.  Cette  méthode  n'a  pas 
fait  faire  un  pas  à  la  vérité  historique,  et  elle  a  été  incapable  de  don- 

1.  De  Theodoreto  démentis  et  Eusebii  compilatore.  Halle,  1883.  (Inaug. 
Dissert.  d.  Univ.  Halle.) 

2.  Historische  Untersuchungen  Am.  Schaefer  gewidmet.  Bonn,  Strauss,  1882, 
p.  253-275. 

3.  Weltgeschichte,  3e  et  4e  parties.  Leipzig,  Duncker  et  Humblot,  1883. 

4.  Geschichte  der  rœmischen  Kaiserzeit.  Bd.  I,  Abth.  1,  2.  Gotha,  Perthes, 
1883. 


ALLEMAGNE    ET   AUTRICHE.  -'«01 

ner  une  conception  plus  nette  sur  la  vie  et  les  idées  des  peuples 
soumis  au  sceptre  romain.  Schiller  a  entrepris,  avec  une  extrême 
application,  d'utiliser,  pour  la  première  fois,  dans  une  histoire 
générale  des  empereurs,  les  monuments,  les  inscriptions  et  les 
monnaies  de  l'empire,  afin  de  compléter  et  de  rectifier  les  don- 
nées des  historiens  pour  tracer  une  image  fidèle  du  développe- 
ment politique  et  intellectuel  du  monde  romain.  Il  s'agissait  ici  de 
donner,  pour  la  première  fois,  un  fondement  solide  a  l'histoire  impé- 
riale, dont  une  conception  philologique  et  théologique  étroite  avait 
fait  les  peintures  les  plus  discordantes;  voila  pourquoi,  pensons- 
nous,  Schiller  a  retenu  son  jugement  personnel  et  a  cru  devoir  se 
contenter  de  montrer  le  développement  exact  des  événements  :  il 
laisse  parler  les  faits  eux-mêmes  et  il  en  a  réuni  une  grande  ahon- 
dance.  Cependant,  en  maintes  occasions,  nous  aurions  souhaité  une 
appréciation  plus  développée  des  personnages  principaux  :  l'empe- 
reur Titus,  p.  ex.,  nous  semble  avoir  été  traité  d'une  façon  bien 
sévère^  en  revanche,  nous  considérons  comme  peine  perdue  les  efforts 
de  l'auteur  pour  déterminer,  avec  une  très  grande  précision  de  détails 
et  en  contradiction  presque  absolue  avec  la  tradition,  les  traits  carac- 
téristiques des  empereurs  de  la  maison  de  César;  il  aurait  mieux  fait 
de  renoncer  simplement  à  une  certitude  à  laquelle  on  ne  peut  arri- 
ver. L'énumération  consciencieuse  des  ouvrages  modernes  les  plus 
importants,  de  toutes  les  sources  littéraires  et  épigraphiques  utilisées 
pour  chaque  détail,  augmente  encore  la  valeur  de  cet  ouvrage  surtout 
pour  les  hommes  d'étude,  el  lui  assure,  à  coté  de  ses  autres  mérites, 
une  place  à  part  parmi  les  ouvrages  historiques.  G. -F.  Hertzberg  '  a 
continué  jusqu  a  l'époque  byzantine  son  tableau  de  l'histoire  romaine 
qui  fait  partie  de  la  collection  de  Oncken.  Cet  ouvrage  témoigne,  lui 
aussi,  d'une  critique  indépendante  des  sources  et  d'un  emploi  intel- 
ligent des  travaux  antérieurs. 

L'Histoire  romaine  illustrée  de  Roth2,  qui  est  une  lecture  excel- 
lente pour  les  collégiens  et  qui  a  trouvé  aussi  accès  dans  le  grand 
public,  a  été  revue  avec  beaucoup  de  soin  par  Adolf  Westermayer, 
qui  y  a  ajouté  un  tableau  de  l'état  géographique  el  ethnogra- 
phique de  l'Italie  et  un  aperçu  1res  instructif  de  la  littérature  et  de 
l'art  romains  jusqu'à  la  fin  de  la  république;  l'auteur,  toul  en  con- 
servant la  tendance  morale  de  la  conception  historique  de  Roth,  a  su 


t.  Geschichte  der  Byzantiaer  und  des  Osmanischen  Reiches.  Berlin,   Croie, 
1882-1883. 

2.  Rœmische  Geschichte  nach  den  Quellen  erzoehlt.  Seconde  édition,  rema- 
niée par  Westermayer.  Tlieil  I.  Nœrdlingen,  Bei  k,  1884. 

P.ev.  Hi?tor.   XXVII.  -Ie  fapc  26 


502  BULLETIN  HISTORIQUE. 

mettre  à  profit  les  résultats  de  la  critique  moderne  dans  plusieurs 
chapitres  de  cet  ouvrage,  composé,  comme  on  le  sait,  à  un  point  de 
vue  très  conservateur.  Il  a  paru  une  nouvelle  édition  du  quatrième 
volume  de  l'Histoire  universelle  de  G.  Weber1.  Ce  volume,  qui 
témoigne  d'une  connaissance  approfondie  de  la  matière,  traite  de 
l'empire  romain  et  des  migrations  des  peuples.  On  a  réédité  aussi  et 
amélioré  sensiblement  les  précieuses  tables  chronologiques  de  l'his- 
toire romaine  de  G.  Peter  2. 

L'histoire  et  la  topographie  de  la  ville  de  Rome  dans  l'antiquité 
par  Otto  Giliœrt  3,  dont  nous  avons  le  premier  volume  sous  les  yeux, 
est  un  mélange  singulier  de  recherches  archéologiques,  topographiques 
et  historiques.  L'auteur  part  des  recherches  de  Helbig  sur  les  popu- 
lations  italiques  de  la  plaine  du  Pu;  le  résultat  de  ces  recherches, 
évident  aux  yeux  de  Gilbert,  est  que  l'organisation  la  plus  ancienne 
de  ces  populations  est  le  village  renfermé  dans  une  étroite  enceinte, 
et  non  le  pagus  :  l'auteur  rattache  ce  résultat  à  l'histoire  primitive 
de  la  ville  de  Rome  en  essayant  de  démontrer  l'existence  d'une  série 
de  villages  indépendants,  qui  auraient  été  situés  sur  l'emplacement 
de  la  ville.  D'après  lui,  le  mont  Palatin  portait  trois  villages  absolu- 
ment indépendants  les  uns  des  autres  à  l'origine  :  le  Velia,  sur  le 
versant  oriental,  le  Palatium  et  le  Cermalus,  sur  le  versant  occi- 
dental; ce  n'est  que  dans  le  cours  du  temps  que  les  habitants  se 
réunirent,  qu'ils  créèrent  des  institutions  sacrées  communes  et  qu'ils 
s'accordèrent  pour  la  construction  d'une  citadelle  commune  sur  le 
sommet  du  Palatin.  Le  même  phénomène  eut  lieu  sur  le  mont  Esqui- 
lin;  les  trois  communes  séparées  primitives  qui  s'élevaient  sur  ses 
mamelons  :  le  Fagutalis,  l'Oppius  et  le  Gispius,  formèrent  également 
une  alliance  et  élevèrent  une  citadelle,  renversée  plus  tard  par  un 
tremblement  de  terre,  sur  le  mamelon  qui  forme  la  partie  qui  s'avance 
le  plus  dans  la  plaine  de  la  ville  postérieure.  La  commune  Subura, 
située  dans  la  plaine  (enlre  l'Esquilin,  le  Yiminal  et  le  Quhïnal), 
entra  plus  tard  comme  quatrième  membre  dans  l'alliance  du  mont 
Palatin  ;  et  bientôt  fut  conclue  une  nouvelle  union  entre  ceux  du  mont 
Palatin  et  ceux  de  l'Esquilin  :  c'est  là  le  «  septimonium  »  dont  on  a 
autrefois  complètement  méconnu  le  sens.  Dans  la  suite,  les  communes 

1.  Allg.  Weltgeschichte.  2e  éd.  Vol.  IV  :  Geschichte  des  rœmischen  Kaiser- 
reicfis,  der  Vœlkerwanderung  und  der  neuen  Staatenbildungen.  Leipzig, 
Engelmann,  1883. 

2.  Zeittafeln  der  rœmischen  Geschichte.  6e  édition  améliorée.  Halle  a.  S. 
lîuchhandlung  des  Waisenhauses,  1882. 

3.  Geschichte  und  Topographie  der  Stadt  liom  ton  Alterthum.  Abtheilung  I. 
Leipzig,  Teubner,  1883. 


M  I  I  M\i.\F     I   I      W   HUCHE.  103 

du  Capitule,  du  Ouiiinal,  du  Gœlius  ei  de  L\A.ventin  tarent  admises 
dans  l'alliance-  L'adhésion  du  Quirinal  est  d'une  importance  toute 
particulière;  celui-ci,  situé  uon  loin  de  la  colline  du  Capitale,  était  en 
la  possession  des  Sabins,  qui  portaient,  comme  commune  indépen- 
dante, le  nom  de  Tities;  trop  faillies  pour  résister  à  la  supériorité 
des  Ramnes  latins  du  Palatin,  les  Sabins  Tities  durent  subir  fortement 
l'influence  de  leurs  puissants  voisins,  qui  établirent  sur  le  Quirinal 
le  culte  et  les  noms  des  Ramnes;  l'influence  des  éléments  non  latins 
de  la  population  primitive  de  Rome,  c'est  -a-dire  des  éléments  étrusque, 
sabin,  etc.,  n'a  été,  selon  Gilbert,  que  très  minime,  soit  au  point  de 
vue  politique,  soit  au  point  il»1  me  religieux,  La  ville  palatine  des 
Latins  n'a  pas  été  seulemenl  le  point  de  départ  et  la  hase  de  tout  le 
développement  de  la  cité,  elle  est  restée  aussi  la  maîtresse  et  la  direc- 
trice dans  toutes  les  questions.  Le  second  volume  de  l'ouvrage  pour- 
suivra l'histoire  et  la  topographie  de  la  ville  depuis  la  réunion  des 
communes  du  Gœlius  et  de  l'Aventin  jusqu'à  l'époque  impériale.  On 
pourrait  supposer  que  cette  conception  de  l'histoire  primitive  de 
Rome,  originale  à  tous  les  égards  et  en  contradiction  presque  abso- 
lue avec  les  récits  des  auteurs  anciens  aussi  bien  qu'avec  les  opinions 
reçues  par  la  critique  moderne,  s'appuie  sur  des  documents  restés 
inconnus  jusqu'ici.  C'est  le  cas  jusqu'à  un  certain  point;  Gilbert 
revendique  à  bon  droit  le  mérite  d'avoir  le  premier  tenu  compte  îles 
ordonnances  sacrées,  du  culte  et  des  fêtes  religieuses;  il  insiste  sur 
la  valeur  historique  éminente  du  droit  sacré  qui  pénétrait,  en  les 
consacrant  et  en  les  sanctifiant,  tous  les  détails  de  la  vie,  ceux  notam- 
ment de  la  vie  politique.  Aussi  toute  nouvelle  phase  du  développe- 
ment de  la  cité  et  de  l'État  awiit-elle  donne  lien  a  des  créations  sacrées 
parallèles,  desquelles  on  peut  remonter  aux  institutions  politiques 
correspondantes.  La  légende  romaine  forme,  d'après  Gilbert,  un 
second  facteur  important  pour  l'intelligence  de  la  formation  de  la 
ville.  Cette  légende  a  reporté  les  faits  et  les  aventures  des  diverses 
communes  romaines  sur  un  héros,  un  éponyme  idéalisé  ;  de  telle  sorte 
que  les  rois  romains  ne  seraient  rien  autre  que  les  communes  per- 
sonnifiées qui,  réunies,  formèrent  la  Ville  de  Rome;  Romus,  la  forme 
primitive  de  Romulus.  serait  donc  la  personnification  de  la  souche. 
des  Ramnes,  Tatius  la  personnification  de  la  souche  sabine  ou  des 
Tities;  Tullus  Hostilius  et  Lucumon  doivent  être  considères  comme 
les  représentants  des  Luceres  de  la  ville  de  l'Esquilin.  Ainsi,  selon 
Gilbert,  la  tradition  de  l'époque  royale  se  révèle  comme  vraie  et  his- 
torique dans  son  noyau  primitif:  il  en  est  de  même,  soit  des  relations 
réciproques  des  rois  de  la  légende  entre  eux,  soit  des  relations 
entre  les   rois  et  certains  endroits,  cultes,  institutions  et  événe- 


',0i  BULLETIN    HISTORIQUE. 

ments.  En  somme,  nous  trouvons  dans  ces  récits  un  tableau  exact 
el  complet  des  périodes  primitives  de  l'histoire  de  la  ville  de 
Rome.  Vous  ne  pouvons  entrer  ici  dans  une  critique  approfondie  de 
l'ouvrage  de  Gilbert,  mais,  tout  en  reconnaissant  volontiers  la  science 
solide  de  l'auteur,  il  nous  est  impossible  de  ne  pas  éprouver  des 
doutes  très  graves  au  sujet  de  la  méthode  qu'il  a  employée.  Les 
recherches  mêmes ,  au  sujet  de  l'existence  prétendue  des  com- 
munes indépendantes  du  Palatin  et  de  l'Esquilin ,  sur  lesquelles  se 
fonde  l'auteur,  font  connaître  quels  faibles  points  d'appui  offrait 
à  Gilbert  la  tradition  relative  aux  antiquités  sacrées,  qu'il  cite  pour- 
tant avec  tant  d'insistance.  Même  en  admettant  que  les  mamelons  des 
deux  collines  aient  porté,  en  réalité,  les  noms  que  leur  donne  Gilbert 
et  aient,  encore  à  l'époque  historique,  été  topographiquement  indé- 
pendants l'un  de  l'autre,  en  admettant  en  outre  que  quelques-uns 
d'entre  eux  aient  possédé  des  sanctuaires  d'une  haute  antiquité,  il 
n'en  résulte  pas,  et  il  s'en  faut  de  beaucoup,  que  les  établissements 
fondés  sur  ces  hauteurs  si  rapprochées,  par  des  races  prétendues  dif- 
férentes ,  aient  eu  une  existence  politique  indépendante.  Le  terrain 
n'est  pas  plus  solide,  quand  Gilbert  veut  appuyer  son  hypothèse  sur  la 
tradition  romaine.  Si  l'on  croit  pouvoir  fixer  la  valeur  historique  des 
mythes  par  une  explication  subjective,  on  ne  voit  pas  pourquoi  Romu- 
lus  ne  serait  pas  tout  aussi  bien  un  héros  sabin,  comme  l'a  supposé 
dernièrement  Zœller  [Latium  und  Rom,  Leipzig,  1878),  qu'un  repré- 
sentant des  Ramnes  latins.  Des  raisons  très  importantes  nous  semblent 
d'autre  part  militer  en  faveur  de  l'existence  réelle  de  ServiusTullius, 
que  Gilbert  considère  comme  un  personnage  allégorique.  Avons-nous 
enfin  le  droit  de  nous  appuyer,  comme  le  fait  l'auteur,  sur  les 
données  de  la  tradition  romaine?  Le  procédé  est  surtout  violent 
lorsque  l'auteur  s'efforce  de  démontrer  la  situation  inférieure  du 
culte  sabin  et  l'influence  qu'ont  exercée  sur  lui  les  institutions  des 
Ramnes  latins.  De  l'existence  simultanée  de  cultes  latins  et  sabins 
sur  le  Quirinal,  —  pour  autant  d'ailleurs  qu'on  peut  la  démontrer, 
—  on  pouvait  à  meilleur  droit,  ce  semble,  parce  que  c'aurait  été  plus 
conforme  à  la  tradition  romaine,  conclure  à  l'écrasement  par  l'élé- 
ment sabin  de  l'élément  latin,  qui  dominait  primitivement.  L'auteur 
accorde,  du  reste,  au  Latium  toute  une  série  d'institutions  et  de  pra- 
tiques sabines  (comme,  p.  ex.,  le  culte  du  dieu  Quirinus  prétendu 
latin),  sans  se  baser  sur  autre  chose  que  sur  de  Vagues  spéculations 
mythologiques.  Nous  devons  donc  considérer  comme  manqué,  malgré 
toute  la  perspicacité  de  l'auteur,  ce  nouvel  essai  d'une  reconstitution 
de  l'histoire  romaine  primitive  :  nous  voyons  là  une  grande  preuve 
de  ce  fait  qu'avec  les  documents  imparfaits  dont  nous  pouvons  dis- 


ALLEMAGNE   ET    IUTRII  in  .  505 

poser,  il  ne  nous  sera  jamais  possible  de  lever  le  voile  qui  couvre 
cette  période. 

On  s'est  adonné  avec  un  zèle  toul  particulier,  pendant  ces  deux 
dernières  années,  à  l'élude  de  [a chronologie  el  <h\  calendrier  romains. 
A  côté  de  travaux  relatifs  à  beaucoup  de  points  sur  lesquels,  jusqu'à 
ce  jour,  on  n'était  pas  d'accord,  il  a  paru  un  ouvrage  d'ensemble  sur 
la  chronologie  romaine  ;  c'est  a  II.  Matzàt  '  que  nous  devons  ce  sys- 
tème, qui  repose  sur  des  bases  toutes  nouvelles  el  esl  d'une  grande 
importance  au  point  de  vue  surtout  de  l'histoire  primitive  de  la  répu- 
blique; il  part,  pour  constituer  son  calendrier  vieux-romain,  de  cette 
idée  que,  jusqu'à  la  lex  Acilia  de  l'an  503  de  la  ville,  l'année  romaine 
a  toujours  été  d'un  jour  trop  longue,  et  que,  malgré  cela,  tous  les 
vingt  ans  on  ajoutait  encore  trois  jours  intercalaires  pour  empêcher 
que  le  1er  de  l'an  (primae  calendae)  ne  tombât  sur  le  premier  joui' de 
la  semaine  (nundinae).  Comme  Matzat  n'admei  pas  que  ces  jours 
intercalaires  aient  jamais  été  négligés  avant  la  lex  Acilia,  il  arrive  à 
ce  résultat  que  le  jour  de  l'an  reculait  d'année  en  année  el  qu'en  un 
peu  moins  de  300  ans  il  parcourait  tous  les  jours  de  l'année  Julienne. 
Le  second  volume  nous  fait  voir  combien  est  radicale  la  réforme 
que  subit  l'histoire  traditionnelle  de  Rome,  par  suite  de  ces  calculs; 
il  renferme  un  tableau  des  données  chronologiques  reconnues  exactes 
pour  la  période  qui  s'étend  de  505  à  249  av.  J.-C;  l 'auteur  cherche 
a  les  faire  concorder  avec  son  système,  mais  comment?  Dès  le  com- 
mencement de  l'histoire  de  la  république,  il  introduit  quatre  nouvelles 
paires  de  consuls-,  la  date  des  décemvirs  est  fixée  en  \  Î5-4  13  av.  .1.-0.; 
toute  la  guerre  des  Samnites  est  effacée  comme  n'étant  qu'une  inven- 
tion de  Valérius  Anlias;  la  loi  «  de  faenore  »  de  Licinius  est  repré- 
sentée comme  un  doublet  de  la  même  lui,  de  l'an  343 av.  J.-C,  etc., 
etc.  Dans  toutes  ces  modifications.  Matzal  procède  avec  la  même 
assurance  que  si  ses  calculs  théoriques  et  astronomiques,  combattus 
pourtant  avec  vivacité  par  les  chronologistes  les  plus  distingués, 
n'étaient  pas,  en  grande  partie,  de  pures  hypothèses.  L'histoire  du 
calendrier  romain,  tirée  des  papiers  du  juriste  A.  Krnsl  Ihu- 
mahn2  de  Gœttingue  par  L.  Lange,  est  conçue  dans  un  esprit  tout 
autrement  conservateur.  Cet  ouvrage  malheureusement  inachevé 
se  distingue  par  un  style  de  la  plus  grande  clarté,  même  pour 
le  lecteur  qui  n'est  pas  familier  avec  les  recherches  chronolo- 
giques, et  par  des   jugements    aussi    modérés   que  perspicaces  ; 

1.  Rcrmische  Chronologie.  Bd.  I.  Grundlegauh  I  ntersuchungen.  Bd.  11. 
Rœmische  Zeittafeln  oçn  50V219  v.  Çkr.  Berlin,  Weidmann,  1883-188'j. 

2.  Der  rcrmische  h'ulender.  Leipzig,  Teubner,  1882. 


406  BULLETIN   HISTORIQUE. 

rautcur  s'en  tient  à  l'année  de  dix  mois  de  Romulus  jusqu'à  la 
réforme  de  César,  et  combat  les  hypothèses,  contraires  à  la  tra- 
dition,   de   Mommsen,   de  Huschke   et    d'autres.    Sur   un  autre 
point  encore,  l'auteur  est  en  contradiction  avec  Mommsen,  et  il 
faut  reconnaître  que  ses  arguments  sont  très  plausibles  :  il  sou- 
tient, dans  tout  le  cours  de  son  étude,  que  le  calendrier  romain 
de  l'époque  républicaine,  dans  l'ensemble  comme  dans  les  détails, 
était  admirablement  ordonné;  si  souvent  il  n'a  pas  rendu  ser- 
vice, ou  s'il  y  a  eu  des  erreurs,  il  ne  faut  pas  en  rendre  respon- 
sables l'ignorance  ou  le  manque  d'intelligence  des  pontifes,  mais 
bien  plutôt  la  manière  dont  ceux-ci  ont  fait  usage  de  leur  calen- 
drier sous  des  préoccupations  politiques.  L'écrit  de  L.  Lange  ',  rela- 
tif à  l'influence  de  ["interrègne  sur  le  commencement  de  l'année  con- 
sulaire,  question  du  plus   haut   intérêt   pour    l'intelligence  de  la 
chronologie  romaine,  sert  de  complément  au  chapitre  final,  resté 
inachevé,   de  l'ouvrage  de  Hartmann.   Lange  s'attache  à  réfuter 
l'opinion  exprimée  par  Unger  (Die  rœmische  Stadtaera.  Abhand- 
iungen  der  philos,  philol.  Klasse  der  Mûnchener  Akademie  der  Wis- 
senschaften.  Vol.  XV,  1879.  Abth.  I,  p.  87-180),  d'après  laquelle, 
à  toutes  les  époques,  l'interrègne  fut.  considéré  et  fut  compté  comme 
le  commencement  de  l'année  officielle  suivante,  de  sorte  que  la  durée 
du  pouvoir  des  consuls,  qui  entraient  en  charge  en  retard,  était  d'au- 
tant plus  courte  que  l'interrègne  avait  duré  davantage.  Lange  cherche 
à  prouver  que  les  interrègnes  les  plus  courts,  lorsque  l'année  offi- 
cielle s'était  écoulée  tout  entière,  étaient  pris,  il  est  vrai,  sur  l'année 
du  consulat  suivant;  les  autres  interrègnes,  en  revanche,  et  notam- 
ment les  plus  longs,  formaient,  d'après  lui,  une  période  à  part,  com- 
prise entre  deux  années  consulaires  entières;  les  commencements  de 
l'année  officielle  étaient  reculés  d'autant.  La  démonstration  rien  moins 
que  persuasive  de  Lange  a  été  victorieusement  réfutée  par  G. -F. 
Unger2  :  celui-ci,  sous  forme  d'additions  et  de  corrections  à  sa  dis- 
sertation précédente  sur  l'ère  de  la  ville  de  Rome,  a  soumis  à  un 
examen  très  approfondi  les  dates  de  l'entrée  en  charge  des  consuls 
romains,  dans  la  période  qui  va  de  l'an  245  à  (iOO  de  Rome.  G.  Hin- 
richs  a  tiré  des  papiers  posthumes  de  Th.  Bergk»  des  études  chrono- 

1.  De  diebus  ineundo  consulaiui  sollemriibus  interregnorum  causa  mutatis 
commentât™.  Leipzig,  Engelinann,  1882.  (UniversiUets-progranim  der  Univer- 
sitœt  Leipzig.) 

2.  lnierregnum  u.  Amtsjahr.  Philologus.  Supplem.  Bd.  IV,  fasc.  3,  1882, 
p.  281-333. 

3.  Beitraege  zur  rœmischen  Chronologie.  Jahrbùcher  f.  class.  Philologie. 
Suppl.  XIII,  1884,  p.  r.?'.!-662. 


w  i «MAGNE   ET    WTItn  in:.  .',07 

logiques  forl   importantes  sur   La  prétendue  année  primitive  de 

•10  mois,  sur  Ja  place  du  dies  intercalaris,  sur  la  chronologie  des 
années  (i'.is-TOO  et  700-707  de  la  Ville,  sur  la  réforme  du  calen- 
drier accomplie  par  César,  sur  l'extension  et  la  division  des  saisons 
daus  la  chronologie  grecque  et  romaine.  Par  contre,  on  n'accordera 
Que  peu  d'importanceaux  chapitres  consacrés  à  la  chronologie  romaine 
dans  l'ouvrage,  écrit  sous  forme  populaire,  de  F.-li.  Beockmanh  '. 

La  science  historique  n\a  jamais  pu  faire  qu'un  usage  très  cir- 
conspect, relativement  a  l'ethnologie  primitive  de  l'Italie,  des  hypo- 
thèses des  philologues,  hasées  sur  la  comparaison  des  langues  :  les 
travaux  relatifs  à  la  langue  étrusque  en  ont  apporté  une  nouvelle  el 
éclatante  preuve.  \V.  Deecke  et  ('-.  Pauli,  qui  comptent  tous  deux  parmi 
les  meilleurs  connaisseurs  des  langues  italiques  primitives,  avaient, 
on  s'en  souvient,  repoussé  très  énergiquemenl  l'hypothèse  de  Gorssen 
d'après  laquelle  les  Étrusques  étaient  un  rameau  indo-européen, 
appartenant  au  groupe  italique.  On  fut  donc  forl  étonné  Lorsque 
Deecke2,  en  188-1,  exprima  l'opinion,  défendue  avec  vivacité  dans 
plusieurs  études  subséquentes,  que,  néanmoins,  l'élément  indo- 
européen et  italique  était  si  considérable  dans  la  langue  étrusque 
qu'on  ne  pouvait  le  considérer  comme  un  simple  emprunt,  ainsi  que 
Pauli  et  lui  l'avaient  cru  d'abord;  c'était  là  au  contraire  le  fonds 
véritable  de  la  langue  étrusque,  auquel  s'étaient  ajoutés  de  nombreux 
éléments  d'origine  étrangère  et  inconnue.  Simultanément,  Bdgge3 
exprimait  une  opinion  identique  en  reconnaissant  dans  la  langue 
étrusque  un  rameau  spécial  de  la  langue  indo-européenne,  appan 
aux  autres  langues  italiques,  mais  plus  rapproché  du  grec  que  ne  le 
sonL  celles-ci  ;  la  langue  étrusque  présenter,! il  en  outre  des  rapports 
particuliers  avec  d'autres  membres  de  la  famille  indo-européenne. 
G.  I'uli''  avait  hautement  protesté  d'abord  contre  la  défection  de 
son  collaborateur  Deecke,  il  avait  continué  à  combattre  non  seule- 
ment tout  rapprochement  avec  le  rameau  italique,  mais  même  toute 
incorporation  de  la  langue  étrusque  à  la  famille  indo-européenne; 
subitement,  lui  aussi  a  fait  une  étonnante  conversion.  Il  admet  main- 


1.  System  der  Chronologie.  Stuttgart,  Enke,  1883. 

2.  Jahresbericht  liber  die  Forlschritte  der  classischen  Alterthumswissen- 
schaft.  Vol.  XWII1,  1881.  p.  254  sqq.  Etruskische  Studien,  hergg.  v.  w. 
Deecke  u.  C.  Pauli,  fasc.  2-5.  Stullgart,  Ileilz,  1882-1883. 

3.  Beitraege  zur  Erforschung  der  elruskischcn  Sprache.  1.  Etrn&kische 
Forschungen  u.  Studien,  fasc.  i,  1883. 

'i.  Litterarisches  Centralblatt,  1882,  col. 745-746. —  Die  etruskisehen  Zahl- 
wœrier.  Etrnsk.  Forschnngen  and  soutien,  fasc.  ■'■,  1882.  —  AltUalùche  Stu- 
dien, bergg.  v.  C.  Pauli,  fasc.  1,  2.  Hannover,  Baba,  1883. 


| OS  BULLETIN    HISTORIQUE. 

tenant  que  les  Étrusques  sont  des  Indo-Européens,  mais  qui  ne  se 
nt  tachent  point  au  rameau  italique;  ils  se  rapprochent  plutôt  des 
Lithuaniens,  tout  en  offrant  certains  phénomènes  linguistiques  qui 
les  relient  plus  intimement  aux  Slaves  que  ce  n'est  le  cas  pour  les 
Prussiens,  les  Lithuaniens  et  les  Lettes.  Gela  ne  durera  guère,  sans 
doute,  et  Paul?  lui-même  écartera  cette  dernière  hypothèse,  qu'il  inti- 
tule sérieusement  :  «  Solution  de  la  question  étrusque.  » 

M.  ftiHG  '  a  consacré  aux  plus  anciens  monuments  de  la  langue  latine, 
aux  chants  des  Arvales  et  aux  fragments  des  Saliens,  une  série  d'études 
qui  témoignent  autant  de  sa  profonde  érudition  et  de  sa  sagacité 
que  de  son  manque  absolu  de  méthode  scientifique.  Ses  recherches 
font  conduit  non  seulement  à  modifier  du  tout  au  tout  les  opinions 
reçues  et  à  proposer  de  nouvelles  lois  pour  la  science  de  la  sémasiologie 
et  de  la  métrique  latines  primitives,  mais  aussi  à  représenter  la  reli- 
gion latine  comme  une  doctrine  mystique  et  physique  des  éléments, 
et  à  dresser  une  série  de  tables  généalogiques  des  dieux  du  pays.  Au 
point  de  vue  des  études  scientifiques  sérieuses,  les  allégations  de  l'au- 
teur ne  peuvent  être  d'aucune  utilité.  Citons  encore,  parmi  les  ouvrages 
relatifs  à  la  langue  et  aux  inscriptions  italiques  primitives,  les  études 
de  W.  Deecke2  sur  le  déchiffrement  des  inscriptions  messapiques  et 
les  explications  de  C.  Pauli3,  soit  au  sujet  de  l'inscription  en  latin 
archaïque  du  vase  du  Quirinal  (publiée  d'abord  par  Dressel  dans  les 
Annali  delV  Islituto,  vol.  LU,  p.  -158-195),  soit  au  sujet  de  l'inscrip- 
tion osque  du  censeur  de  Bovianum  (Zwetajeff,  Inscript,  ose,  tab.  IV, 
n°  1)  ;  ces  deux  derniers  travaux  font  paraître  sous  un  jour  très  peu 
favorable  tous  les  essais  de  déchiffrement,  ceux  de  l'auteur  y  com- 
pris ,  qu'on  a  tentés  jusqu'à  ce  jour.  Sur  uu  terrain  autrement 
solide  reposent  les  Umbrica  de  Bucheler  '*;  fauteur  y  a  réuni,  après 
les  avoir  remaniés,  ses  judicieux  commentaires  sur  les  inscriptions 
ombriennes,  si  précieuses  pour  l'histoire  de  la  civilisation  et  de  la 
religion  des  populations  italiques  que  l'on  connaît  sous  le  nom  de 
Tabulae  iguvinae  ;  il  y  a  joint  une  étude  attentive  des  monuments  de 
la  langue  ombrienne  de  moindre  importance  ainsi  qu'un  court  précis 
de  la  grammaire  ombrienne,  accompagné  d'un  glossaire.  Nous  devons 
au  même  savant  une  liste  alphabétique  très  intéressante  de  tous  les 
radicaux  communs  aux  habitants  établis  sur  le  Pô  et  au  pied  des 

1.  Alllateinische  Studien.  Presbourg  et  Leipzig,  Steiner,  1882. 

2.  Rheinisches  Muséum    fur   Philolog.   Neue  Folge.   Vol.    XXXVII,    1882, 
]..  373-396. 

3.  AlUtalischc  Studien,  fasc.  1,  p.  1-57;  fasc.  2,  p.  74-124. 

!.  l-.onii.  Cohen  et  fils,  1883.  —  Lexicon  Italicum.  Bonn,  Georg,  1881.  (Pro- 
gramm  tler  Université!  Bonn.) 


ALLKMAUNK    BT    AVÎUOBE.  W9 

A|>(Minins,  avant  leur  migration  vers  L'Italie  centrale  et  l'Italie  méri- 
dionale. Nous  renonçons  d'autant  plus  volontiers  à  juger  l'hypothèse 
émise  avec  la  plus  incroyable  présomption  par  Klkiikk1  sur  l'ethno- 
logie italique,  que  Tomaschbok8  n'a  pas  ménagé  à  celle-ci  Lasévèce 
critique  qu'elle  mérite;  les  habitante  primitifs,  lllyrieiis  el  Pélagiques 
de  l'Italie,  y  jouent  de  nouveau  le  principal  rôle.  J.-Gr.  Gwfoa  a  poursuivi 
ses  recherches  sur  l'expansion  primitive  des  Étrusques,  qui,  d'après 
lui,  se  répandirent  dans  toute  la  presqu'île  italique;  sur  la  fondation 
de  Rome  par  Évandrc,  il  pense  que  les  historiens  grecs  se  sont  inépris 
au  sujet  de  ce  héros,  et  qu'il  faut  voir  en  lui  un  dieu  italique  :  Effau- 
dus,  dont  la  patrie  n'est  pas  l'Arcadic,  mais  bien  Argessa,  pays  iden- 
tique à  Tltalie,  d'après  Dion  Gassius  (fr.  4)  ;  ce  travail  est  suivi 
d'éclaircissements  sur  le  culte  de  Janus  et  de  Saturne  chez  les  Ita- 
liens, sur  les  premiers  éléments  de  la  population  de  la  Sicile,  sur  les 
Pélasges  italiques,  sur  la  parenté  des  Étrusques  et  des  Italiens,  etc.; 
malheureusement,  les  hypothèses  et  notamment  les  explications  éty- 
mologiques hasardées  y  occupent  une  place  trop  importante.  Dans 
une  consciencieuse  dissertation,  E.  Wœrneb  '  analyse  et  critique  la 
légende  des  pérégrinations  d'Énée,  d'après  Denys  d'Halicarnasse  et 
d'après  Virgile.  On  peut  admettre,  en  somme,  les  opinions  de  l'au- 
teur sur  l'extension  géographique  primitive  de  la  légende  d'Énée, 
notamment  en  Crète,  en  Gampanie  et  en  Étrurie;  on  admettra  aussi 
l'influence  exercée  sur  Virgile  par  ces  divers  cycles  légendaires,  mais 
il  faut  accorder,  semble-t-il,  plus  d'importance  à  l'imagination  créa- 
trice du  poète  que  ne  l'a  fait  l'auteur. 

Jean-Émile  Kuntzi:  5,  le  professeur  de  droit  bien  connu  de  Leipzig, 
a  fait  paraître  un  ouvrage  tout  à  fait  étonnant  sous  le  titre  de  Prolé- 
gomènes à  l'histoire  de  Rome.  Le  but  principal  de  l'ouvrage  est  d'étu- 
dier les  bases  premières  de  la  vie  politique,  religieuse  et  privée  de 
l'ancienne  Rome,  que  l'auteur  voit  dans  les  institutions  de  VOracu- 
ium,  de  YAuspicium,  du  Templum  et  du  Retjnum.  Mais  L'auteur 
dépasse  considérablement  ces  limites,  et  il  a  fait  de  son  ouvrage, 
grâce  à  toute  une  suite  d'excursus  étendus,  un  tableau  général  du 
développement  intellectuel  du  peuple  romain  depuis  la  construction 

1.  Mittheilungen  der  anthropologischen  Gesellsckaft  in  Wien.  Vol.  XII, 
1882,  p.  136-143. 

2.  Ibidem,  vol.  XIII,  1883,  p.  70  et  suiv. 

3.  Etruskische  Studien.  Neue  Jahrb.  fur  Philol.  und  Paedagogil,.  Vol.  CXXV, 
1882,  p.  553-592. 

4.  Die  Sage  von  den  Wanderungen  des  Aeneas  bei  Dionysio.s  v.  Halikar- 
nassos  und  Vergilius.  Leipzig,  Hinrichs,  1882.  (Programme  des  cours.) 

5.  l'rolegomena  zur  Geschichte  Roms.  Leipzig,  Hinrichs,  1882 


/,  i  0  BULLETIN    HISTORIQUE. 

de  Babel,  —  c'est  là  en  effet  son  point  de  départ,  —  jusqu'à  l'époque 
des  rois.  D'après  lui,  tous  les  peuples  de  l'antiquité  étaient  dominés, 
dans  leur  conception  de  la  vie  et  dans  leur  manière  de  vivre,  par  cer- 
tains nombres  cardinaux;  c'était  surtout  le  cas  chez  les  Romains. 
Pour  eux,  toute  chose  durable  devait  être  carrée,  et  l'idée  de  la  Rome 
quadrata  est  intimement  unie  à  celle  de  la  Rome  acterna.  Non  seu- 
lement la  maison  et  le  temple,  le  camp  et  la  ville  des  Romains  étaient 
de  forme  carrée,  mais  aussi  l'établissement  des  Latins,  dans  le  ter- 
ritoire compris  entre  Lavinium,  Tivoli,  Préneste  et  Ostie,  a  été  déter- 
miné nécessairement  par  le  besoin  «  de  reconnaître  dans  cette  por- 
tion carrée  de  la  Campagna  une  fidèle  table  de  résonnance 
Resonanz-Bodesm)  du  monde  intérieur,  qu'ils  portaient  dans  leur  poi- 
trine.  »  Plus  tard,  les  Romains  ajoutèrent  de  nouveaux  carrés  au 
carré  du  Latium.  Les  hauts  faits  de  Rome  prennent  fin  où  finissent 
les  carrés  !  A  l'idée  du  carré  s'ajoute  celle  du  dualisme,  que  l'auteur 
retrouve  dans  la  dualité  des  consuls,  dans  la  séparation  de  l'empire 
d'orient  et  de  l'empire  d'occidenL,  dans  la  formation  de  l'État  romain 
issu  des  tribus  réunies  des  Latins  et  des  Sabins.  L'opposition  entre 
Yoraculum  et  Yauspicium  repose  sur  ce  même  principe  :  Yoraculum 
a  un  caractère  actif  et  viril,  Yauspicium  un  caractère  passif  et  fémi- 
nin. Dans  son  chapitre  sur  le  «  Regnum,  »  Kuntze  se  déclare  nette- 
ment en  faveur  de  la  tradition  relativement  aux  rois  de  Rome  •  il 
estime  «  qu'il  nous  faudrait  inventer  un  Numa  Pompilius  à  la  tête 
de  Rome,  s'il  ne  nous  était  fourni  par  la  tradition.  »  Il  ne  nous 
parait  pas  nécessaire  d'ajouter  une  critique  à  ce  résumé  de  la  méthode 
de  Kuntze  ;  il  n'est  pas  à  craindre,  en  effet,  qu'elle  fasse  autorité. 

F.  Bernhoeft  *  est  arrivé  à  des  conclusions  dignes  d'attention 
dans  le  domaine  du  droit  privé  romain  (notamment  au  sujet  de 
la  famille  et  du  mariage),  en  le  comparant  aux  divers  droits  étran- 
gers, entre  autres  aux  lois  indiennes.  Pour  l'histoire  du  droit  civil  à 
Rome  sous  les  rois,  l'auteur  n'avait  plus  les  mêmes  éléments  de  com- 
paraison, aussi  ses  recherches  n'ont-elles  pas  autant  de  valeur.  V. 
Gardthausen  2  a  consacré  une  étude  du  plus  grand  intérêt  au  roi  Ser- 
vius  Tullius,  qu'on  regardait  généralement  comme  un  personnage 
légendaire;  après  l'argumentation  serrée  de  l'auteur,  il  est  impossible 
de  douter  de  l 'existence  de  Servius.  Après  avoir  montré  que  les  Étrusques 
en  Italie,  à  l'époque  où  ils  étaient  le  plus  florissants,  c'est-à-dire  au 
vif  siècle  av.  J.-C,  ont  étendu  leur  empire  des  Alpes  à  la  Gampanie, 

1.  Staat  u.  Redit  der  rœmischen  Kœnigszeit  im  Verhaeltniss  sw  venvand- 
tr„  Rechten.  Stuttgart,  Enkc,  1882. 

2.  Masiarna  oder  Servius  Tullius.  Leipzig,  Voit  et  C,c,  1882. 


àLLBMÀGHE    ET   AITKIf.IIl 


;ii 


hauteur  fait  valoir  les  raisons quimilitenl  en  faveur  soil  de  ta  réalité 
historique  des  troiB  derniers  rois  romains,  soil  de  leur  rattachemenl 
à  une  dynastie  étrusque.  Gardthausen  identifie  Servius  Tullius,  donl 
le  nom  étrusque,  selon  le  témoignage  de  l'empereur  Claude,  étail 
Mastarna,  avec  le  Marce  Gamitlnas  ou  Marce  Gamitrnas  qui  tue  le 
Gneve  Tarchunies  Humach  dans  la  peinture  murale  de  la  grotte  funé- 
raire de  Vulci,  découverte  en  1857.  Mastarna  ou  Marces  Tarnes  (en 
latin  Marcus  Tarquinius  était,  d'après  lui,  le  fils  illégitime  de  Tar- 
quin  l'Ancien;  il  occupa  le  mont  Gœlius  avec  la  troupe  mercenaire 
de  Gaelius  Vibenna,  dont  la  sortie  de  prison  est  représentée  dans  un 
second  tableau  de  la  grotte  de  Vulci,  et  prit  ensuite  possession  du 
trône,  grâce  au  meurtre  de  son  demi-frère  Gn.  Tarquinius.  Pour  se 
rendre  populaire  et  pour  s'acquérir  les  sympathies  de  l'elémenl  natio- 
nal latin,  opprimé  jusqu'alors  par  la  noblesse  étrusque,  Servius 
Mastarnacrea  la  constitution  qui  porte  son  nom;  ce  qui,  du  reste, 
ne  l'empêcha  pas  d'être  expulsé  et  assassiné  par  le  tils  de  Gn.  Tar- 
quinius, Tarquin  le  Superbe.  Cette  hypothèse  sur  l'origine  royale  de 
Servius  Maslarna  et  sur  le  meurtre  qu'il  aurait  commis  sur  Gn.  Tar- 
quinius est  ingénieuse  et  séduisante;  mais  elle  dépend  uniquement, 
.qu'es  tout,  de  l'interprétation  des  inscriptions  de  Vulci;  elle  tombe 
ou  se  maintient  suivant  la  façon  de  les  expliquer.  Or,  les  principaux 
spécialistes  sont  loin  d'être  d'accord  sur  ce  point.  L.  de  Hanke,  dans 
son  histoire  universelle  (Part.  II.  chap.  r,  p.  30),  a  présenté,  en  même 
temps  que  liardthauscn ,  des  opinions  tout  à  fait  semblables  aux 
siennes  sur  l'usurpation  de  Servius  Mastarna  et  sur  le  caractère  poli- 
tique de  son  gouvernement  :  il  termine  cependant  par  celle  remarque, 
que  «  des  suppositions  de  cette  nature  dépassent  les  bornes  de  la 
science  historique.  » 

G.  I'.ardt1  a  apporté  un  appoint  modeste,  mais  cependant  digne 
d'attention,  à  l'histoire  de  l'origine  et  du  développement  de  la 
légende  romaine,  avec  sa  dissertation  sur  l'augure  Atlus  Navius. 
L'auteur  analyse  avec  clarté  la  naissance,  le  développement  el 
l'altération  progressive  de  cette  légende  par  les  annalistes  romains. 
0.  Richter2,  dans  son  étude  sur  la  destruction  des  300  Fabius  près 
delaCrémère,  part  de  celte  idée  qu'à  la  vérité  les  récits  des  plus 
anciennes  guerres  de  Rome  avec  ses  voisin>.  notamment  avec  Fidènes 
et  Véies,  sont  absolument  inexacts  dans  leurs  détails,  mais  que.  dans 
leur  ensemble,  ils  fournissent  une  donnée  importante,  soit  pour  leur 

t.  Die  Légende  von  dem  Augur  Atlus  Xavius.  Elberfeld,  L883     Programme 
dos  cours.) 
2.  DieFabieram  Cremero.  Hermès.   Vol.  XVII,  1882,  i>.  &25-440. 


',12  BULLETIN  HISTORIQUE. 

intelligence,  soit  pour  leur  critique  :  la  donnée  topographique.  En 
utilisant  habilement  les  renseignements  topographiques,  l'auteur 
établit  d'une  façon  assez  plausible  que  la  célèbre  expédition  des  Fabius 
n'était  rien  autre  qu'une  tentative,  entreprise  par  Rome  avec  des 
forces  insuffisantes  et  dont  le  but  était,  en  établissant  un  fort  dans 
le  cours  inférieur  de  la  petite  rivière  de  Crémère,  de  couper  les  com- 
munications, si  pleines  de  dangers  pour  elle,  entre  Fidènes  et  Véies; 
le  même  jour,  probablement,  l'armée  du  consul  Mencnius  fut  battue 
par  les  habitants  de  Véies,  supérieurs  encore  aux  Romains,  et  le  fort 
romain  fut  détruit.  0.  Seeck  l  n'a  pas  davantage  confiance  dans  la 
tradition  relative  à  l'époque  des  rois  et  à  l'histoire  primitive  de  la 
république;  elle  lui  parait  offrir  une  base  des  moins  fermes,  et  il 
regarde  les  fragments  d'actes  officiels  fournis  par  les  annales  et  les 
antiquaires  anciens,  comme  les  seuls  points  sur  lesquels  on  puisse 
édifier.  Il  étudie  les  listes  de  villes  dans  Pline,  Hist.  nat.,  III,  68, 
69,  et  dans  Denys  d'Halicarnasse,  V,  61.  La  liste  des  localités  du 
Latium  disparues,  que  donne  Pline,  se  répartit,  suivant  lui,  en  deux 
groupes  rigoureusement  distincts  :  la  première  partie  se  compose 
d'extraits  d'ouvrages  de  toutes  natures,  et  surtout  d'annales,  compi- 
lés d'une  façon  tout  arbitraire;  la  seconde  partie,  en  revanche,  est 
tirée  des  Antiquitates  humanae  de  Varron;  celui-ci  la  devait  à  un 
document  où  se  trouvaient  inscrits  les  membres  de  l'alliance  des 
«  populi  carnem  in  monte  Albano  accipere  soliti .  »  Cette  ligue  n'était 
point  identique  à  celle  qui  célébrait  ses  fêtes  sous  le  patronage 
de  Rome,  mais  appartenait  à  une  époque  antérieure  à  la  destruction 
d'Albe  la  Longue.  La  circonstance  que  Lavinium  et  toute  une  série 
de  villes  importantes  du  Latium  manquent  dans  cette  liste  fait  sup- 
poser à  l'auteur  qu'à  côté  de  cette  ligue  albaine,  il  y  avait  une  ligue 
de  Lavinium  et  peut-être  plusieurs  autres  confédérations  latines. 
Chaque  ligue  avait  probablement  ses  30  cités  qui,  comme  les  villes 
albaines  confédérées,  disparurent  en  grande  partie,  sans  laisser  de 
traces,  dès  que  les  ligues  furent  dissoutes.  La  liste,  citée  par  Denys, 
des  villes  latines  dont  les  troupes  prirent  part  au  combat  du  lac 
Régille  remonterait  également  à  un  document  utilisé  par  Varron; 
l'auteur  pense  pouvoir  en  fixer  exactement  la  date  de  composition  en 
382  av.  J.-C;  il  place,  en  revanche,  en  381  un  document  qui  offre 
la  plus  grande  analogie  avec  la  liste  de  Denys  et  qui  fut  utilisé  dans 
les  Origines  de  Caton  (fr.  58,  éd.  Peter).  C'est  à  cette  époque  qu'éclata, 
d'après  Seeck ,  une  lutte  très  vive  entre  Rome  et  la  ligue  latine 

I.  Irhundenstudien  zur  aelteren  rœmischen  Geschichte.  Rfiein.  Muséum  f. 
Philologie.  Neoe  Folge.  Vol.  XXXVIT,  1882,  pp.  1-25,  598-609. 


ILLEM  LGHE    il     u  HUCHE.  443 

dont  les  membres  nous  sont  indiqués  dans  la  liste  de  Denys ;  a  La 
tête  de  la  ligue  se  trouvait  Tusculum;  cette  ville  fut  prise  par  les 
Romains  et  perdit  son  indépendance,  tandis  que  les  autres  villescon- 
fédérées  contractèrenl  avec  Rome  un  «  foedus  aequum,  »  sur  la  base 
du  «  statu  quo  »  et  des  dispositions  du  traité  Ide  Cassius  de  193  av. 
J.-C.  Th.  Mommsen1  n'a  pas  tardé  à  protester  vivement  contre  ces 
affirmations  de  Seeck.  Voici  les  principaux  résultats  de  la  réfutation 
habile  et  péremptoire  de  Mommsen  :  la  liste  de  Pline  est  une  table 
de  toutes  les  communes  latines  qui  perdirent  avant  ou  par  S\lla  leur 
indépendance;  elle   esl  donc  d'une  époque  postérieure  à  Sylla  et 
appartient  probablement  tout  entière  à  Varron.  La  première  partie  a 
été  compilée  d'après  les  annalistes,  mais  possède  une  importance 
bien  plus  considérable  que  ne  l'admet  Seeck  .  la  seconde  partie,  clas- 
sée dans  Tordre  alphabétique,  n'est,  au  contraire,  qu'un  extrait  de 
la  liste  des  confédérés  romains,  qui,  jusqu'à  l'empire,  prirent  part 
à  la  fête  latine,  sous  le  patronage  de  Rome;  les  end  roi  I  s  situés  en 
dehors  du  Latium  proprement  dit,  ainsi  que  les  communes  latines 
qui  existaient  encore  après  Sylla,  étaient  en  principe  exclus  de  cette 
liste.  Ainsi,  l'hypothèse  de  Seeck  d'une  confédération  latine  indépen- 
dante, ayant  Albe  à  sa  tète  et  opposée  à  la  ligue  de  Lavinium,  tombe 
d'elle-même;  en  outre,  la  date  qu'il  fixe  au  document  utilise  par 
Denys,  V,  64,  devient  illusoire,  ainsi  que  les  conclusions  qu'il  en 
tire,  si  nous  adoptons   l'opinion  fortement  étayée  de  Mommsen, 
d'après  laquelle  Denys  aurait  utilisé,  lui  aussi,  la  liste  résumée  par 
Pline  des  confédérés  latins  réunis  sous  la  protection  de  Rome  et  y 
aurait  puisé  les  noms  des  trente  localités  de  la  confédération  qui 
avaient  droit  de  vote. 

Tandis  que  Seeck  maintenait,  dans  une  réplique  à  Mommsen,  sa 
première  opinion  au  sujet  des  deux  documents,  il  étaitattaqué,  d'autre 
part,  par  J.  Beloch  -  à  propos  de  la  date  qu'il  assigne  aux  inscrip- 
tions sur  lesquelles  reposent  la  liste  des  villes  donnée  par  Denys, 
et  les  fragments  cités  des  Origines  de  Gaton;  Beloch  n'accorde  [tas 
même  à  la  source  où  a  puisé  Denys  le  nom  de  document  ;  en  revanche, 
il  apporte  de  nouvelles  preuves  à  l'appui  de  l'opinion  qu'il  a  déjà 
émise  au  sujet  de  l'inscription  sacrée  du  bosquet  de  Diane  à  Aricie  : 
il  estime  qu'elle  date  du  vie  ou  du  commencement  du  v  siècle,  avant 
J.-C,  et  qu'elle  est  complète  et  non  a  l'état  fragmentaire.  Jusqu'ici, 


1.  Die  uatergegangeuen   Ortschaften    im    ei'jentlichen    LatiUtn.    Hermès, 
vol.  XVII,  1882,  p.  42-58. 

2.  Die  Weihinschrift  des  Diaaahaines  von  Aricia.  Nette  Jahrbûcher  filr 
Philologie  und  Paedagogih.  Vol.  127,  1883,  p.  169-175. 


',|',  BULLETIN    HISTORIQUE. 

l'on  pensai!  que  tous  les  documents  au  sujet  des  guerres  samnites 
étaienl  si  altérés  qu'on  ne  pouvait  s'en  servir  pour  tracer  même  une 
esquisse  de  cette  période;  Klimke1  cherche  à  prouver,  en  faisant 
un  récit  suivi  de  la  deuxième  guerre  samnite,  que  cette  opinion  est 
au  moins  très  exagérée.  On  accordera  à  l'auteur  le  mérite  d'avoir, 
par  de  justes  rapprochements,  aplani  certaines  inégalités  entre  les 
différents  récits  qui  nous  sont  parvenus,  et  d'avoir,  en  somme, 
constitué  une  narration  intelligible  des  événements  ;  néanmoins,  on 
regrettera  vivement  l'absence  d'une  critique  des  sources  plus  consé- 
quente et  plus  sévère,  notamment  à  l'égard  de  Tite-Live,  que  l'au- 
tour suit  de  préférence.  La  dissertation  de  J.  Kaerst2,  relative  éga- 
lement à  la  deuxième  guerre  samnite,  nous  fait  voir  tout  le  profit 
qu'il  y  avait  à  retirer  d'un  emploi  critique  judicieux  de  l'ouvrage  de 
Tite-Live.  L'auteur  part  avec  raison  de  ce  fait  généralement  admis 
que  l'histoire  de  cette  guerre,  telle  qu'elle  se  trouve  chez  Diodore, 
est  bien  supérieure  à  la  narration  de  Tite-Live  et  que,  quoique  Dio- 
dore se  soit  placé  au  point  de  vue  romain,  il  a  beaucoup  moins  déna- 
turé la  vérité  par  vanité  nationale  que  ne  l'a  fait  Tite-Live.  Contrai- 
rement à  l'éclectisme  usuel,  Kaerst  prend  le  récit  de  l'historien  grec, 
dans  toute  son  extension,  pour  base  de  l'histoire  de  la  deuxième 
guerre  samnite  et  il  arrive,  dans  toute  une  suite  de  cas,  à  prouver 
que  le  récit  de  Tite-Live,  accepté  sans  défiance  par  Klimke,  repose 
sur  les  fictions  les  plus  grossières  d'annalistes  romains.  D'après  notre 
auteur,  les  causes  de  cette  altération  de  la  vérité  sont  principalement, 
—  le  chauvinisme  romain  mis  à  part,  —  l'incapacité  des  annalistes 
romains  à  comprendre  le  développement  historique  de  la  puissance 
romaine,  puis  leur  habitude  de  juger  les  événements  des  premiers 
temps  de  la  République  d'après  les  conditions  de  la  vie  politique 
à  Rome  à  leur  époque,  et  d'après  l'importance  de  Rome  aux  ier  et 
11e  siècles  av.  J.-C. 

La  détermination  chronologique  et  l'interprétation  des  traites 
conclus  entre  Rome  et  Garthage  jusqu'en  27N  avant  J.-C,  par  G.-F. 
Qnger3,  a  éclairci  plus  d'un  point  resté  encore  obscur  dans  l'histoire 
des  relations  primitives  entre  ces  deux  États.  Contrairement  à  l'opi- 
nion de  Polybe,  dont  l'autorité  a  été  défendue  récemment  par  Nissen 
et  Meltzer,  Unger  place  en  340  av.  J.-C.  la  conclusion  du  premier 
traité  et  le  fait  suivre  de  trois  traités  dans  les  années  335,  303  et  278. 

1.  Ver  ziieite  Samniterkrieg.  Kœnigshûtte,  1882.  (Programme  des  coins.) 
:.  Ktitische   Utitersuchungen  sur  Geschichte  des  zweiten  Samniterkrieges . 

Jahrbûcher  fiir  class.  l'hilol.  Suppl.  Bd.  XIII,  1884,  p.  723-769. 
3.  Rœmisch-Pumsche  Vertaege.  Itheiaisches  Muséum  fiir  Philologie.  Neue 

Folge.  Vol.  XXXVII,  1882,  p.  153-205. 


\l  1.1  ma<;nk   kt   utrichi:.  HO 

De  grande  importance  pour  L'histoire  primitive  des  Carthaginois  est 
l'affirmation  produite  par  Unger,  que  l'acquisition  de  la  Sardaigne 
par  les  Carthaginois  ne  tombe  qu'en  380  av.  J.-C.;  les  Carthaginois 
ne  se  sont  en  m ue u ne  façon  mêlés  aux  événements  qui  se  sont  pas- 
sés en  Sicile,  de  180-440  av.  J.-C.,  el  il  est  impossible  de  montrer 
des  traces  de  la  domination  carthaginoise  en  Sicile  avanl    192  cl 
après  486.   G.   Faltin  a  donné,    d'après   les   papiers  de   G.    Nn- 
\uw  l,  un  tableau  général  des  guerres  entre  les  Romains  et  les  Car- 
thaginois. Jusqu'en  208  av.  J.-C.  ce  n'est,  en  substance,  que  la 
reproduction  des  cours  faits  par  feu  G.  Neumann  à  l'université 
de  Breslau-,  à  partir  de  cette  date,  l'ouvrage  a  été  complété  par 
l'a  II  in.   qui  pour  le   fond   se   rattache  à   la  conception   de  Neu- 
mann.   Écrit  dans   un  style  facile  et  attrayant,  il  présente,  dans 
chaque  partie,  des  conceptions  originales;  il  mérite  d'être  compté 
parmi  les  meilleurs  travaux  sur  L'histoire  romaine  qu'aient  produits 
ces  dernières  années,  quand  on  considère  combien  L'auteur  possédail 
admirablement  toutes  ses  sources,  combien  prudents  et  perspicaces 
sont  ses  jugements  et  ses  combinaisons,  enfin,  et  surtout,  avec  quelle 
habileté  et  quelle  intelligence  il  a  su  faire  valoir  les  conditions  géogra- 
phiques el  topographiques.  Parmi  les  ouvrages  spéciaux  aux  guerres 
puniques,  nous  nommerons  eneore  ici  l'histoire  de  la  ville  sicilienne 
d'Akragas,  jusqu'à  sa  destruction  par  les  Romains,  de  Bindseii. -; 
l'auteur  possède  bien  son  sujet.  Nous  renverrons  également  à  ce  que 
nous  avons  dit  des  différentes  études  sur  les  sources  de  la  3e  décade 
de  Tite-Live,  dans  la  première  partie  de  notre  Bullelin.  11.  Sturj  \- 
bdrg  3  a  fait  faire  un  pas  à  la  question  topographique  si  controversée 
des  batailles  de  Trasimène  et  de  Garnies  :  il  a  tiré  profit,  pour  90n 
travail,  de  son  expérience  militaire  cl  des  observation^  qu'il  a  Baites 
sur  les  lieux  mêmes.  Les  résultats  principaux  auxquels  il  est  arrivé, 
à  savoir  que  Polybe  s'est  fait  une  idée  absolument  erronée  des  eni  i- 
rons  du  lac  de  Trasimène  et  que  la  bataille  de  Cannes  a  eu  lieu  sur 
la  rive  gauche  de  l'Aufidus,  rencontreront  probablemcni.  -race  a  La 
rigoureuse  démonstration  de  l'auteur,  une  approbation  générale. 
G.  Faltin  ''  va  plus  loin;  il  pense  que  les  deux  récits  de  Polybe  et  de 

1.  Das  Zeitalter  der  puaischen  Kriege.  Breslau,  Koebner,  1883. 

2.  Geschichte  der  Stadt  Akragas  bis  su ihrer Zerstoerung  durch  die  llœnur. 
Neustettin,  1882.  (Programme  des  cours.) 

3.  De  Romanorum  cladibus  Trasimena  et  Cannensi.  Leipzig,  1883.  (Pro- 
gramme des  cours.) 

i.  Zu  den  Berichten  des  Polybius  und  Livius  iiber  die  Schlachi  am  Trasi- 
menisehen  See.  Rhein.  Muséum  /'.  Philol.  Neue  Folge,  Vol.  XXXIX,  1884, 
\>.  200-273. 


/(|<;  BULLETIN  IIISTORIQUE. 

Tite-Live  au  sujet  du  combat  de  Trasimène,  récits  que  Stiirenburg 
s'était  efforcé  de  mettre  d'accord,  sont  absolument  différents  l'un  de 
1  autre  dans  leurs  traits  essentiels,  tellement  que  l'indication  des 
lieux,  la  disposition  des  troupes  et  la  marche  du  combat  n'ont 
entre  eux  aucun  rapport;  si  l'on  tient  compte  de  ce  fait  que  chez 
Polybe  tout  le  récit  du  combat  a  été  influencé  par  sa  fausse  concep- 
tion des  lieux,  il  ne  reste  rien  autre  à  faire  que  s'en  tenir  exclusive- 
ment à  la  narration,  en  somme  concordante,  de  Tite-Live.  J.  Frantz1 
a  publié  une  étude  consciencieuse  sur  les  guerres  des  Scipions  en 
Espagne;  dans  le  chapitre  d'introduction,  Fauteur  se  prononce  avec 
raison  pour  l'emploi  direct  de  Polybe  par  Tite-Live  et  il  soumet  en 
conséquence  à  une  critique  générale,  surtout  au  point  de  vue  chro- 
nologique,  les   événements  des  années   536-548;   il  relève  chez 
Tite-Live  toute  une  série  d'erreurs  évidentes,  mais  d'autre  part  il 
va  trop  loin  en  prétendant  montrer  chez  tous  les  historiens  de  la 
guerre  d'Espagne,  Polybe  y  compris,  une  évidente  partialité  en  faveur 
des  Scipions.  F.  Labarre2  a  composé  une  histoire  de  Carthage,  colo- 
nie romaine,  qui  témoigne  d'une  soigneuse  collation  des  sources  lit- 
téraires, mais  d'une  négligence  presque  absolue  du  riche  matériel 
épigraphique.  Th.  Mommsen3,  en  interprétant  l'inscription  de  Larissa 
publiée  par  Lolling  [Mittheilungen  des  deutsch.  archaeolog.  Insti- 
tuts in  Athen.  Vol.  VII,  p.  6^  etsuiv.),  a  indiqué  les  renseignements 
qu'elle  peut  fournir  sur  les  rapports  du  roi  Philippe  V  avec  la  répu- 
blique romaine,  et  sur  les  différences  entre  la  condition  des  esclaves 
libérés  et  la  politique  coloniale  chez  les  Romains  et  chez  les  Grecs.  L'his- 
toire de  la  ligue  achéenne  et  de  ses  relations  avec  Rome  dans  les  années 
4  68  à  J  46  av.  J.-G.  a  été  résumée  par  Hill  4.  L'organisation  de  cette 
même  ligue  et  à  la  même  époque  forme  le  sujet  de  la  dissertation  de 
M.  Klatt  3  ;  il  a  étudié  la  date  de  l'entrée  en  charge  des  stratèges,  le 
nombre  et  l'époque  des  synodes  réguliers,  dont  le  plus  important  au 
point  de  vue  de  l'histoire  romaine  est  celui  de  \  46.  G.  Fisch  6  a  exposé 
pour  le  grand  public,  et  sans  prétendre  à  donner  des  résultats  nouveaux, 

1.  Die  Kriege  der  Scipionen  in  Spanien,  536-548  a.  u.  c.  Munich,  Acker- 
mann,  1883.  (Inaug.  Dissert.) 

2.  Die  rœmische  Kolonie  Karlhago.  Potsdam,  1882.  (Programme  des  cours.) 

3.  Kœniy  Philipp.  V  und  die  Larissaer.  Hermès.  Vol.  XVII,  1882,  p.  467-488. 

4.  Der  achaeische  Bund  seit  168  ».  /.  Chr.  Elberfeld,  1883.  (Programme 
des  cours.) 

5.  Chronologische  Beitraege  zur  Geschichte  des  achaeischen  Bundes.  Berlin, 
1883.  (Programme  des  cours.) 

6.  Die  soziale  Frage  im  alten  Rom  bis  zum  Uniergang  der  Republik. 
Aarau,  Sauerlaender,  1882. 


\u.i:macne  et  AiTiticni:.  ît7 

la  question  sociale  à  Rome  dans  -es  rapports  avec  la  décadence  de 
la  constitution  républicaine-  L'incertitude  de  la  chronologie  de  la 
guerre  de  Jugurtha,  telle  qu'elle  ressort  de  l'œuvre  de  Sallusle,  a 
poussé  (i.  .Mi  im:i.  '  à  examiner  à  aouveau  1rs  renseignements  de  Sal- 
luste  sur  les  expéditions  des  années  1 09—1 05  av.  J.-G.  Les  résultats 
auxquels  il  aboulil  sont  :  que  la  première  campagne  de  Métellus jus- 
qu'au combat  sur  le  .Muihul  (Sali.,  ch.  xliv-lv)  doit  être  placée  en 
lu;»-,  que  la  deuxième  campagne  de  Métellus,  jusqu'aux  combats 
Zama  (en,  lvi-lxi),  tombe  en  t  os  cl  qu'enfin  La  troisième  campagne 
du  même  consul  est  de  l'année  -107  av.  J.-G.  ;  .Marins  pénétra  en 
Numidie  à  la  mi-été  de  l'an  107  et  c'est  en  cetle  année  aussi  qu'ont 
eu  lieu  les  expéditions  terminées  par  la  prise  de  Capsa;  la  seconde 
campagne  de  Marius  (Sâll.,ch.  xen,  5-c  jusqu'à  l'entrée  en  quartiers 
d'hiver,  que  Sallusle  a  omis  de  mentionner,  tombe  en  l'an  106; 
Jugurtha  fut  pris  au  printemps  de  \  05.  Sbpp3  a  traité  d'une  façon  très 
approfondie  les  questions  qui  se  rattachent  aux  migrations  des  Gimbres 
et  des  Teutons.  L'opinion  d'après  laquelle  les  deux  peuples  auraient 
marché  réunis  vers  le  sud,  est,  d'après  lui,  erronée  :  les  Teutons  sont 
venus  de  l'ouest,  tandis  que  les  (ambres  n'ont  probablement  jamais 
traversé  le  Rhin,  mais  se  sont  dirigés  droit  vers  l'Italie,  en  pas- 
sanL  par  le  milieu  de  l'Allemagne;  les  hordes  qui  battirent  les  con- 
suls J.  Silanus  et  Papirius  Carbon  n'étaient  que  les  avant-coureurs 
de  ces  deux  grandes  migrations.  L'auteur  cherche  les  demeures  pri- 
mitives des  Gimbres  dans  la  presqu'île  jutique  et  celles  des  Teutons 
sur  la  cote  allemande  de  la  mer  du  Nord,  entre  le  Rhin  et  L'Elbe; 
néanmoins,  il  considère  les  deux  peuples  comme  Celtes.  Y.  Endee- 
u:i\  :i  a  écrit  une  biographie  très  soignée,  et  neuve  en  bien  des  points, 
du  grand-père  du  triumvir  Antoine,  l'orateur  M.  Antonius  il  13-87 
av.  J.-G.).  E.  Bardeï''  cherche  a  faire  voir  sous  son  vrai  jour  la  situa- 
tion à  Rome  pendant  le  sixième  consulat  de  Marius  5  il  veut  établir 
que  l'histoire  a  jusqu'ici  été  très  injuste  pour  le  tribun  Saturni- 
nus,  dont  le  caractère  était,  au  point  de  vue  mural,  .-ans  tache; 
quant  à  sa  constitution,  elle  tendait,  comme  celle  des  Gracques, 
au  bien  général.  L'opposition  démocratique  n'est  donc  pas  tombée, 
après  avoir  atteint  le  faite  en  l'an  100,  par  la  faute  des  chefs  du 
peuple,  mais  par  un  coup  d'État  des  «  Optimales.  »  comme  cela  avait 

1.  Znr   Chronologie  des  Jugurthinischen  Krieges.   Angftbourg     1883.    Pro 
gramme  des  cours.) 

■.!.  Die  \\  anderangen  der  Cimier  a  und  Teutonen.  Ackermann,  Munich.  1882. 

3.  De  M.  Antonio  oratore.  Leipzig,  1882.    maug.  dissert.  der  Univerottœl 
Leipzig.) 

i.  Das  sechste  Consulat  des  Marius.  Esseu.  1833.  (Programme  dea  coure.) 
Rbv.  Histor.  XXVII.  2"  fasc. 


.^|S  BULLETIN    HISTORIQUE. 

été  le  cas  lors  de  la  révolution  des  Gracques.  L'auteur  ne  manque  pas 
d'adresse  dans  sa  démonstration,  mais  l'imperfection  et  les  contra- 
dictions des  documents  ne  lui  permettent  point  d'atteindre  pour  sa 
thèse  à  un  très  haut  degré  de  vraisemhlance.  H.  Fiutzsclie  1  expose 
les  résultats  des  recherches  dont  la  constitution  de  Sylla  a  été  l'objet. 
Son  travail  est  très  soigné;  il  témoigne  de  vues  originales  sur  les 
points  controversés  les  plus  importants  et  il  est  d'un  véritable  secours 
pour  s'orienter  sur  l'état  actuel  de  la  question.  Les  idées  capitales  de 
l'histoire  de  Rome,  par  Neumann,  pendant  la  période  de  transition 
entre  la  monarchie  et  la  république,  ont  été  développées  d'une  façon 
très  nette  par  E.  Gotheix2.  L'histoire  de  la  conjuration  de  Catilina 
a  été  étudiée  par  L.  Schilling3  et  par  E.  de  Stern  4.  Le  premier 
s'appuie  en  général  sur  le  récit  de  Salluste  dont  la  fidélité  a  été  con- 
testée très  vivement  depuis  quelques  années-,  l'auteur  s'efforce  de 
démontrer  que  César  n'a  pas  pris  une  part  directe  ou  morale  à  la  conju- 
ration de  Catilina  non  plus  qu'au  complot  de  Pan  66  av.  J.-C.  Le  parti 
démocratique  avait  choisi  à  cette  époque  Catilina  comme  son  chef, 
sans  tenir  compte  des  antécédents  politiques  de  cet  aventurier  sans 
scrupule,  et  avait  permis  par  ce  fait  à  l'ancien  chef  de  bandits  de 
songer  à  un  renversement  total  de  la  constitution,  renversement  qui 
ne  devait  cependant  point  aboutir  à  l'anarchie.  C'est  donc  à  tort  que 
Cicéron  a  revendiqué  l'honneur  d'avoir  sauvé  Rome  ;  son  unique  mérite 
est  d'avoir  débarrassé  le  parti  démocratique  de  plusieurs  membres  au 
passé  infâme,  et  d'avoir  ainsi  préparé  et  facilité  la  victoire  définitive  de 
César.  Les  recherches  consciencieuses  et  judicieuses  de  Stern  s'écartent 
beaucoup,  quant  à  leurs  résultats,  de  la  dissertation  précédente. 
D'après  lui,  Catilina  n'entreprit  la  révolution  violente  que  parce  qu'on 
loi  refusait  systématiquement  la  dignité  consulaire,  à  laquelle  il  esti- 
mait avoir  droit,  et  cela  grâce  à  de  fausses  dénonciations  et  à  des 
manœuvres  peu  honorables  de  Cicéron.  Son  premier  échec  jeta  Cati- 
lina dans  les  bras  des  chefs  du  parti  démocratique,  César  et  Cras- 
sus,  lesquels  pensaient  obtenir  par  la  nomination  de  Catilina  et 
d'Antoine  les  réformes  législatives  qu'ils  projetaient  ;  puis  lorsqu'il 
eut  succombé  de  nouveau  contre  Cicéron,  l'union  de  Catilina  avec 
César  et  ses   partisans  cessa  aussitôt.  C'est  alors,   et  seulement 

1.  Die  Sullanische  Gesetzgebung.  Essen,  1882.  (Programme  des  cours.) 

2.  Der  Uebergang  Roms  von  der  Republik  zur  Monarchie  :  Preussische  Jahr- 
bilcher.  Vol.  LI,  1883,  p.  31-47. 

3.  Catilina  und  Julius  Caesar.  Erdelyi  Muzeum.  Siebenburgisches  Muséum. 
1882.  Fasc.  5  et  6,  p.  130-172. 

4.  Catilina  und  die  Partei-Kaempfe  in  Rom  der  Jahre  GG-63.  Dorpat,  1883. 
(Inau-.  Dissert,  de  l'Unir,  de  Dorpat.) 


Mil  \i\l\i:  i  i    \i  im< m  .  5 19 

dans  Le  désir  d'atteindre  Le  but  suprême  de  Bon  ambition,  la 
dignité  de  consul,  que  Catilina  rassembla  autour  de  lui  Les  élé- 
ments vraiment  anarchistes  de  Rome.  Ainsi  Catilina  n'était  point, 
comme  Salluste  le  dépeint,  un  criminel  invétéré,  le  crime  n'était 
pas  sou  but  comme  le  pense  Niebuhr  et  il  a'étail  pas  non  plus, 
comme  le  croit  Ibne,  un  successeur  des  Gracques  ou  un  pré- 
curseur de  César:  il  lui  manquait,  à  ce  dernier  point  de  vue, 
et  des  vues  politiques  assez  élevées  et  des  capacités  militaires 
ou  politiques  un  peu  saillantes.  —  Sous  forme  d'un  commentaire  au 
discours  de  Gicéron  :  de  lege  agraria,  Il  i  mcke  *  traite  dn  projel  de 
loi  agraire  présenté  par  I*.  Serv.  Rullusen  <;«  av.  .i.-C.  et  insiste  sur  le 
rôle  prépondérant  joué  en  cette  occasion  par  César,  le  véritable  insti- 
gateur de  celte  manoeuvre  politique.  La  brochure  de  .J.  Hoche2 
fournit  d'utiles  renseignements  biographiques  sur  L  Cornélius 
Balbus,  le  confident  bien  connu  de  César  et  l'ami  de  Gicéron,  notam- 
ment au  sujet  du  procès  qu'on  lui  lit  en  56  pour  s'être  arrogé  illé- 
galement le  droit  de  cité.  G.  Rùck3  a  entrepris  encore  une  fois  de 
défendre  l'authenticité,  généralement  admise  aujourd'hui,  du  traité 
de  Gicéron  :  de  domo  sua. 

L'étude  de  H.  Raïïchensteiw  '•  sur  l'expédition  de  César  contre  les 
Helvètes  est  intéressante  pour  apprécier  la  tactique  de  César  ou 
ses  Commentaires.  L'auteur  présente  les  Commentaires  comme 
un  ouvrage  à  tendances,  de  la  pire  espèce,  où  les  vrais  mol  ils 
des  actes  de  César  sont  passés  sous  silence  et  couverts  par  des 
motifs  fictifs,  où  les  événements  factieux,  sont  dénatures  et  altérés, 
où  enfin  on  trouve  même  des  faits  véritablement  inventés.  Ainsi 
les  Helvètes  émigrés  étaient  au  nombre  de  100,000  et  non  de 
368,000  comme  le  prétend  César;  les  Tigurins  furent  battus  non  par 
César,  mais  par  Labiénus;  la  préfendue  brillante  victoire  de  César 
près  de  Bibracle  fut  plutôt  une  défaite  cl,  au  cas  le  plus  favorable, 
une  rencontre  indécise  qui  ne  se  termina  point  par  la  prise  du  camp 
de  chariots  des  Helvètes;  mais  par  l'assaut,  qui  fut  repoussé  il  est  \  rai, 
du  camp  romain  parles  Helvètes:  ceux-ci  se  retirèrent  ensuite  en 
bon  ordre  et  reprirent,  sans  être  troublés  par  les  Romains,  le  chemin 
de  leur  pays.  En  l'absence  de  fous  documents  qui  permettent  decon- 

1.  Zu  Ciceros  Reden  de  lege  agruriu.  Stettin,  1883.  (Programme  des  cours. j 

2.  De  L.  Cornelio  Balbo.  Pars  I.  Halle,  1882.  (Programme  « 1 1 1  gymnase  de 
Rossleben.) 

3.  De  M.  Tutti  Cicercmis  oratione  de  domo  sua  ad  pontifices.  Munich,  1881. 
(Inauji.  Dissertai.) 

4.  Der  Feldzug  Caesara  grgen  die  Belvetier.  Zurich,  1882.  (Inaug.  Dissert. 
der  Universit.  lena.) 


J[20  BULLETIN  HISTORIQUE. 

trôler  le  récit  de  César,  les  idées  de  Rauchenslein  sont  de  pures  hypo- 
thèses, d'autant  moins  admissibles  que  Fauteur  se  montre. animé, 
dans  tout  le  cours  de  son  étude,  des  sentiments  les  plus  hostiles  à 
l'égard  de  César,  il  ne  tient  même  pas  compte  de  ses  talents  mili- 
taires qui  sont  pourtant  incontestables.  Les  articles  de  Th.  Bergk  * 
suc  les  campagnes  de  César  contre  les  Tenctères,  les  Usipètes  et  les 
Éburons  se  distinguent  par  une  étude  consciencieuse  des  questions 
topographiques,  mais  l'auteur  l'ait  trop  souvent  subir  au  texte  tradi- 
tionnel de  violentes  modifications.  Bergk  cherche  le  théâtre  de  la 
défaite  des  Tenctères  et  des  Usipètes  entre  Heinsberg  et  Ruremonde  ; 
il  place  le  premier  passage  du  Rhin  par  César  en  dessous  du  con- 
lluent  de  la  Sieg,  à  mi-chemin  entre  Bonn  et  Cologne,  le  second  pas- 
sage  près  de  Bonn,  immédiatement  au-dessus  du  confluent  de  la  Sieg. 
Bergk  regarde  les  Commentaires  comme  suspects,  parce  que  César 
les  aurait  rédigés  d'après  les  rapports  officiels  qu'il  devait  annuelle- 
ment envoyer  au  sénat.  Toute  une  série  de  dissertations 2  s'occupent 
spécialement  du  pont  jeté  par  César  sur  le  Rhin  [Bel.  gai.,  IV, 
47);   nous  n'entrerons  pas   ici   dans  la  discussion  des  résultats 
très  divers  de  ces  travaux;  la  question  ne  paraît  pas  d'un  grand 
intérêt  au  point  de  vue  historique.  Blaas  3  a  composé  un  résumé 
succinct  des  institutions  politiques,  sociales  et  religieuses  des  Gaulois, 
telles  que  les  a  décrites  César  dans  ses  Commentaires.  La  question 
de  la  résidence  des  Suèves  a  été  reprise  par  B.  Lehmann*,  qui  cherche 
à  établir  que  les  Suèves  de  César  n'ont  rien  de  commun  avec  ceux 
de  Tacite  :  ceux-là  étaient  un  peuple  germain  qu'il  faut  identifier 
avec  les  Cattes  de  Tacite  ;  les  peuples  nombreux  que  Tacite  désigne 
sous  le  nom  de  Suèves  n'auraient  adopté  qu'après  César  ce  nom 
devenu    célèbre,    et  qui   ne    s'appliquait   originairement   qu'à  la 
levée  annuelle  des  Cattes.  G.  Braumam  :i  a  cherché  à  fixer  le  sens 
que  César  et  Tacite  attachaient  à  l'expression  de  «  principes,  » 

1.  Zur  Geschichte  und  Topographie  der  Rheinlande.  Leipzig,  Teubner,  1882. 

2.  Miiurer  :  Cruces  philologicae.  Mayence,  Diemer,  1882.  Idem  :  Noch  einmal 
Caesar's  Bruche  ûber  d.  Rhein.  Ibid.,  1883.  Rheinhard.  G.  J.  Cxsar's  Rhein- 
briïcke.  Stuttgart ,.  Neff,  1883.  R.  Schneider  :  Caesar's  Rheinbrucke.  Berlin. 
Philologische  Wochenschrift.  An.  IV,  1884.  N°  6,  p.  161-166.  —  Schleussinger, 
Studie  zu  Caesar's  Rheinbrucke.  Munich,  Lindauer,  1884.  (Tirage  à  part  des 
«  Blaelter  fur  bagrisches  Gymnasialwesen.  »  Vol.  XX,  p.  157  sq.) 

3.  Veber  die  politise he,  religioese  und  sociïile  Stellung  der  Gallier  nach  Cae- 
sar's Aufzeichnungen.  Stockerait,  1883.  (Progr.  des  cours.) 

4.  Das  Volk  der  Sueben  von  Caesar  bis  Tacitus.  Deulschkrone,  1883.  (Progr. 
des  cours.) 

5.  Die  principes  der  Gallier  und  Germanen  bei  Caesar  und  Tacitus.  Berlin, 
1883.  (Programme  des  cours.) 


ALLEMAGNE   r.l    Al  TRICHE.  't2l 

appliquer  aux  Gaulois  el  aux  Cet-mains  ;  ce  mot  signifle-t-il  une 
position  princiers,  une  charge  républicaine  ou  une  considération 
fondée  sur  «les  qualités  personnelles?  C'esl  ce  doute  qui  l'ait  L'intérêt 
de  la  question.  Les  auteurs  anciens  nommaienl  n  principes  chez  les 
Germains  et  les  Celtes  ceux  qui  exerçaient,  dans  les  événements  poli- 
tiques <le  l,i  tribu,  l'influence  la  plus  considérable;  chez  les  Gaulois, 
en  particulier,  cet  avantage  reposail  sur  la  noblesse  de  la  naissance 
sur  l'importance  de  la  fortune,  sur  la  force  militaire  el  sur  la  faveur 
personnelle.  La  partie  linguistique  de  cet  ouvrage  est  soignée  el 
erudile;  en  revanche,  l'étude  des  constitutions  gauloises  et  germa- 
niques n'est  point  satisfaisante. 

Mommsen  et  de  Gœler  diffèrent  complètement  d'opinion  au  sujet 
du  champ  de  bataille  de  Pharsale;  celui-là  place  le  combat  sur  la  rive 
droite  de  l'Enipée,  celui-ci  le  place  sur  la  rive  gauche.  C.  Seldneb  '  a 
apporté  récemment,  en  faveur  de  cette  dernière  opinion,  des  arguments 
dignes  d'attention;  d'après  lui,  l'aile  droite  de  Pompée  s'appuyail 
sur  un  petit  ruisseau  qui  se  jetait  dans  l'Enipée  et  non  sur  l'Enipée 
même;  d'ailleurs  Seldner  estime  avec  raison  qu'on  ne  pourra  arriver 
à  une  solution  définitive  que  par  l'étude  attentive  des  lieux  mômes. 
K.  \Vi:\delmuth2  a  publié  une  biographie  de  T.  Labiénus,  le  lieute- 
nant de  César,  qui  devint  plus  lard  un  de  ses  plus  violenls  ennemis. 
C'est  un  travail  fait  avec  pleine  connaissance  du  sujet,  qui  témoigne 
d'un  jugement  sain  et  qui  résout  plusieurs  questions  controversées, 
comme  celle  de  la  prétendue  Lex  Atia  :  «  De  sacerdoliis,  »  et  celle  de 
l'époque  où  furent  composés  les  Commentaires  de  César.  Ém.  Hir/i; 
a  entrepris  une  réhabilitation  de  Sextus  Pompée;  à  son  axis,  la  tra- 
dition a  dépeint  d'une  façon  beaucoup  trop  sévère  les  capacités  et  le 
caractère  du  fils  du  grand  Pompée;  la  science  moderne  n'était  pas 
plus  juste  à  son  égard,  parce  qu'elle  ne  tenait  pas  compte  de  son 
jeune  âge;  Sextus  naquit  en  effet  en  67  av.  J.-C.  et  non  eu  7.">  comme 
on  l'admet  en  général.  C.  Risse  ''  a,  de  son  côté  et  simultanément 
réuni  les  renseignements  épars  chez  le-  auteurs  anciens  relatifs  à 
Sextus  Pompée  et  en  a  fait  une  bonne  biographie. 

La  période  qui  s'étend  entre  la  conjuration  contre  César  et  le 
second  triumvirat  n'a  pas  encore  trouvé  son  historien  définitif;  on 
peut  considérer  les  recherches  de  O.-L.   Scbmidt  '■''  comme  les  pré- 

1.  Das  Schlachtfeldvoa  Phanalns.  Mannhcim,  1883.  (Programme  des  cours. 

2.  T.  Labiénus.  Maibourg,  1883.  (Inaug.  Dissert.) 

3.  De  Sexto  Pompejo.  Brcslau,  1883.  (Inaug    Dissert.) 

4.  Degestis  Scxti  Pompei.  Munster,  Coppenrath,  1882. 

...  Die  letzten  Kaempfc  der  rœmischen  Repiiblik.  Theil  I.  Jahrbilchei  fUr 
classische  Philologie    Snppl.,  Bd.  Mil,   1884,   p.  663.  Le  môme.   t»r  Zeit  dei 


',11  BULLETIN  HISTORIQUE. 

liminaires  à  une  histoire  de  celte  époque.  Dans  la  première  partie  de 
son  travail  que  nous  avons  sous  les  yeux,  l'auteur  discute  la  fidélité 
et  la  valeur  historique  des  renseignements  fournis  sur  celte  période 
par  Appien,  Plularque  et  Dion  Cassius-,  il  cherche  à  prouver  que  lous 
ces  documents  se  caractérisent  par  le  vague  du  récit,  par  de  faux 
jugements  cl  de  véritables  inexactitudes  et  que  lous  ils  révèlent  au 
plus  haut  degré  une  tradition  des  plus  altérées.  L'historien  doit  avant 
tout  compléter  le  tableau  imparfait  que  nous  retracent  les  lettres  de 
Gicéron  et  ses  discours,  soit  par  les  fragments  de  Nicolas  Damascène, 
que  l'auteur  lient  en  haute  estime,  soit  aussi  par  les  récils  de  Sué- 
tone, qui.  d'après  Schmidt,  reproduisent  souvent  ceux  de  Nicolas. 
L'auteur  détermine  ensuite,  avec  beaucoup  d'habileté  et  contraire- 
ment à  L.  Lange,  les  diverses  phases  de  la  législation  relative  aux 
Acfa  Caesaris,  tels  que  nous  les  rencontrons  entre  le  M  mars  et  le 
l\  avril  44  av.  J.-C-,  enfin,  il  discute  les  modifications  qui  eurent 
lieu  dans  la  répartition  des  provinces  et  des  légions  après  la  mort  de 
César.  L'ouvrage  de  W.  A.  Detto1,  sur  Horace  et  son  temps,  dans 
lequel  toute  la  vie  publique  et  privée  des  Romains  à  l 'époque  d'Auguste 
se  trouve  décrite  d'après  les  travaux  de  Marquardt,  de  Friedlsender 
et  d'autres,  n'a  pas  de  prétentions  scientifiques,  mais  il  est  bien 
approprié,  par  la  clarté  et  l'attrait  de  l'exposition,  à  son  but,  qui  est 
d'animer  et  de  compléter  les  études  classiques  dans  les  établissements 
d'instruction  secondaire.  Les  recherches  de  deux  théologiens  :  FI. 
Riess  2  et  Pierre  Schegg  3,  sur  la  date  de  la  naissance  du  Christ,  inté- 
ressent la  chronologie  du  règne  d'Auguste.  Riess  estime  que  notre 
ère  usuelle,  c'est-à-dire  l'ère  de  Denys  le  Petit,  concorde  parfaitement 
avec  la  vérité  historique;  d'après  lui,  la  mort  d'Hérode  tombe  le 
10  mars  753  a.  u.  c,  la  naissance  du  Christ  le  25  décembre  752  et 
sa  mort  le  3  avril  786,  c'est-à-dire  en  Tan  33  de  notre  ère.  Schegg 
appuie,  au  contraire,  par  de  nouveaux  arguments  l'opinion  généra- 
lement admise  depuis  les  célèbres  recherches  de  Sanclemente  [De 
vulgaris aerae  emendatione.  Rome,  4  793),  à  savoir  que  la  mort  d'Hé- 
rode eut  lieu  au  printemps  de  750  et  que,  par  conséquept,  Jésus- 
Christ  naquit  en  741».  Schegg  cherche,  en  outre,  à  démontrer,  en  se 

Lex  Antonia  Cornelia  de  permutatione  provinciarum.  Neue  Jahrb.  f.  Philol.. 
vol.  CXXVII,  p.  863. 

1.  Iloraz  und  seine  Zeit.  Berlin,  Geertner. 

2.  Das  Geburtsjahr  Jesu  Christi.  Ergœngimgsheftc  zu  den  Stimmen  aus 
\laria-Laach.  Fasc.  11  et  12.  Fribourg,  Herder,  1880.  —  Idem,  i\ochmalsdas 
Geburtsjahr  Jesu  Christi.  Ibidem,  1883. 

3.  Das  Todesjahr  des  Kœnigs  Hcrodes  und  das  Todesjahr  Jesu  Christ/. 
Munich,  Stahl.  1882.  Conf.  Sattfer  :  Das  Jahr  74S  nach  Erbauung  Roms  das 
wahre  Geburtsjahr  Christi.  Mûnchner  allgemeine  Zeitung,  1883,  n°  72. 


ALLEMAGNE   ET    AUTRICHE.  423 

basant  sur  des  calculs  astronomiques,  que  la  morl  de  Jésus-Christ 
arriva  en  l'an  783  de  Home. 

E.  Mkïek'  a  réfuté  oomnlètemenl  l'hypothèse  de  Dederich  [Monat- 
schriftf.  die Geschichte  11  estdeutschlands,  IV,  1878,  p.  720),  qu'une 
partie  de  l'armée  de  Quinctilius  Varus  avail  été  sauvée  par  le  légat 
L.  Asprcnas.  après  le  combat  de  Teutobourg.  Les  adieux  d'Auguste 
à  ses  amis  sur  son  lil  de  mort  (Suétone,  Auy.,  c.  99  ;  Dion.,  56,  30), 
interprétés  de  bien  des  Tarons,  ont  été  expliqués  par  <».  Hirschfbld3 
d'une  manière  très  satisfaisante.  Dans  sa  biographie  de  L.  A.  Séjan, 
J.  Ji'u.i; :t  a  épuisé  toutes  les  sources  qui  se  rapportaient  à  ce  sujet  : 
pour  juger  Séjan,  l'auteur  se  place  entièrement  au  point  de  vue  des 
sources  anciennes,  dont  il  ne  discute  la  fidélité  qu'à  propos  de  <jues- 
tions  tout  à  fait  secondaires.  JiiL  rend  responsable  de  la  persécution 
exercée  contre  la  famille  de  Germanicus  non  Tibère,  mais  Séjan, 
dont  tous  les  efforts  visaient  à  la  possession  de  la  couronne  impé- 
riale. —  Nous  devons  à  G.  Wolffgeamm4  quelques  remarques  pré- 
cieuses au  sujet  de  la  carrière  militaire  de  Gorbulon  el  de  son  éléva- 
tion au  commandement  suprême  de  toutes  les  forces  militaires  de 
Rome  en  Orient,  en  63  après  J.-G.  Pfttzner5  a  découvert,  avec  trop 
d'ingéniosité  peut-être,  que  Néron  avait  conçu  le  projet  de  renver- 
ser ce  grand  général,  et  de  commencer,  au  même  moment,  une 
guerre  contre  les  Parthes.  Toute  une  suite  de  points  obscurs  dans 
les  récits  de  Plutarqueet  de  Tacite  relatifs  à  la  guerre  entre  Olhon  el 
Vitellius,  en  on  apr.  J.-C,  ont  été  éclaircis  avec  beaucoup  de  soin  et 
d'habileté  par  J.  Gbrsteneckeb  6,  et  ont  fourni  ainsi  plusieurs  indi- 
cations précieuses  au  sujet  de  la  marche  véritable  de  cette  guerre  : 
l'auteur  croit  que  les  concordances  frappantes,  même  dans  l'expres- 
sion, entre  Tacite  et  Plutarque,  proviennent,  non,  comme  le  veulent 
Mommsen  el  Nissen,  d'une  source  commune  aux  deux  écrivains, 
mais  plutôt  de  l'utilisation  de  Tacite  par   IMularquc.   M.   IN  m.7  a 

1.  Reitung  eines  Theiles  des  rcemischen  Eeeres  nach  der  Schlacht  un  Teu- 
toburger  Walde.  Zeitschrift  /.  d.  Gymnasialuesen.  Volume  XXX VI,  1882, 
]).  218-219. 

2.  Augustus  und  sein  Mimus  vitae.  Wiener  Studien.  An.  V,  1883,  p.  I16-11!J. 

3.  Vita  L.  Aeli  Seiani.  Oeniponti,  Wagner,  1882. 

4.  Des  Avidius  Cassius  stel/ung  im  Oriente.  Philologus.  Vol.  XLII,  1883, 
p.  186-188. 

5.  Quae  causae  fuerint  cur  Nero  princeps,  omissa  in  praesetu  Achaiu,  a 
Benevento  in  urbem  subito  régressas  sit.  Parchim,  1883. 

6.  Der  Krieg  des  Otho  und  Vitellius  in  Italien  im  J.  69.  Munie  li,  1882. 
(Programme  des  cours.) 

7.  De  Othone  et  Vilellio  imperatoribus  quaesliones.  Halle,  1882.  Inaag. 
Dissert,  der  aniversitaM  Halle.) 


',2',  BULLETIN   HISTORIQUE. 

soulcnu.  au  contraire,  mais  par  d'assez  faibles  arguments,  l'opinion 
de  Ylommsenetde  Nissen-,  en  même  temps,  il  a  fourni  quelques  ren- 
seignements  sur  les  points  où  ces  deux  auteurs  sont  en  désaccord,  et 
sur  la  chronologie  des  règnes  d'Othon  et  de  Vitellius.  Deux  dissertations 
se  rapportent  au  règne  de  Titus  :  ce  sont  celles  d'O.-A.  Hoffmann  *  et 
de  F.-J.  Hoffmann2;  la  première  s'occupe  de  déterminer  chronologi- 
quement les  principaux  événements  de  la  vie  et  du  règne  de  l'em- 
pereur,  dont  la  naissance  est  fixée  en  39  après  J.-G.  Flavius  Josèphe 
comptait,  d'après  l'auteur,  non,  comme  on  l'admet  en  général,  par 
mois  hébraïques,  mais  par  mois  syro-macédoniens.  F.-J.  Hoffmann 
étudie  la  question,  encore  obscure  dans  les  détails,  de  la  date  à 
laquelle  Titus  fut  associé  par  son  père  Vespasien  à  l'empire,  et  des 
circonstances  qui  accompagnèrent  cet  événement.  La  piété  de  Titus 
envers  son  père,  célébrée  par  les  écrivains  anciens,  apparaît,  à  la 
suite  des  habiles  recherches  de  l'auteur,  sous  un  jour  très  douteux  ; 
à  son  avis,  la  proclamation  de  Titus  comme  empereur,  en  présence 
de  Jérusalem  renversée  (en  août  70  après  J.-G.),  était  un  acte  de 
rébellion  des  troupes  de  Vespasien,  placées  sous  les  ordres  de  Titus: 
celui-ci  avait  été  probablement  l'instigateur  de  celte  démonstration  ; 
depuis  ce  moment,  en  effet,  il  agit  en  empereur,  notamment  lors- 
qu'il conduit,  de  son  propre  mouvement,  deux  légions  en  Egypte; 
c'est  de  cette  façon  qu'il  obtint  de  Vespasien  la  corégence  :  celui-ci 
désigna,  en  70,  son  fils  comme  empereur,  et  l'éleva  en  réalité  l'année 
suivante  à  la  dignité  de  corégent.  L'élimination  systématique  de 
Domitien  par  son  père  serait  due  aussi  à  l'influence  de  l'ambitieux 
Titus.  G.  Paxzer3  expose,  d'une  façon  qui  s'écarte  souvent  beaucoup 
des  hypothèses  de  E.  Hùbner,  les  progrès  faits  par  les  Romains  dans 
la  soumission  de  la  Grande-Bretagne,  de  l'an  43  après  J.-G.  jusqu'au 
gouvernement  d'Àgricola.  Il  s'efforce  de  déterminer,  à  cette  occasion, 
la  situation  et  la  date  où  furent  fondés  les  castra  stativa  et  les  éta- 
blissements romains,  ainsi  que  l'extension  graduelle  de  la  frontière 
du  nord  :  les  résultats  de  cet  excellent  travail  devront  être  complétés 
en  certains  endroits  par  les  documents  épigraphiques. 

L.  d'Ublichs  ■'•  a  remanié  son  essai  [De  vita  et  honoribus  Agri- 
colae,  I8(i<s),  sur  les  troupes  romaines  qu'Agricola  opposa,  en  84, 

1.  De  imperatoris  Titi  temporibus  recte  defiaiendis.  Marbourg,  Elwcrt,  1883. 
(Inaug.  Dissert.) 

2.  Quomodo,  quando  Titus  impcrator  factussit.  Bonn,  1883.  (Inaug.  Dissert.) 

3.  Die  Eroberung  Britanniens  durch  die  Iioemer  bis  auf  die  Statthalter- 
schaftdes  Agricola.  Historische  Untersuchungen  Arn.  Schœfer  gewidmet.  Bonn, 
Strauss,  1882,  p.  166-177. 

4.  Die  Schlacht  ara  Berge  Graupius.  Wùrzburg,  Stabel,  1882. 


ALLEMAGNE    ET   AUTRICHE.  125 

aux  Calédoniens,  dans  les  Grampians;  il  s'appuie  sur  les  docu- 
ments épigraphiques,  dont  Le  aombre  s'esl  aotablemenl  accru  ; 
à  ce  proi)os,  il  critique  d'une  façon  très  serrée,  et  avec  succès, 
la  dissertation  de  E.  Hubner  [Hermès,  XVI,  1884,  p.  •l'i  sqq.  . 
qui,  en  plusieurs  points,  était  en  contradiction  avec  les  hypo- 
thèses émises  par  lui-même  antérieurement.  Pour  ce  qui  con- 
cerne la  fidélité  de  Tacite  el  l'histoire  de  l'armée  romaine,  nous 
regardons  comme  très  importante  et  absolument  certaine  celte 
démonstration  de  railleur,  que  les  renforts  envoyés  par  Néron  en 
Hretagne  venaient  de  la  Germanie  et  de  la  (laide  et  qu'il  ne  se  trou- 
vait à  celte  époque,  en  Grande-Bretagne,  sons  les  ordres  d'Agricola, 
ni  troupes  espagnoles,  ai  auxiliaires  de  la  Pannonie,  si  ce  n'est  en 
très  petit  aombre.  Le  tableau  des  guerres  qui  eurent  lien  sur  le  Rhin 
entre  83-98  après  J.-G.,  par  .1.  A.sbacb  ',  est  un  travail  soigné,  qui 
enrichit  sur  plus  d'un  point  capital  nos  connaissances  relatives  à  la 
(lermanie  romaine.  .Malgré  la  part  faite  a  l'hypothèse,  il  est  vraisem- 
blable que  le  succès  de Domi  lien,  dans  ses  guerres  contre  les  Germain-, 
fut  beaucoup  plus  important  que  la  partialité  des  auteurs  anciens  hos- 
tiles à  Domi  tien,  et  notamment  de  Tacite,  ne  l'a  l'ail  supposer.  L'auteur 
1  >lace  dans  les  aimées  83-85  après  J.-G.  toute  une  série  de  notoires 
de  l'empereur  sur  les  Gattes  et  leurs  alliés,  et  lui  l'ail  annexer,  à  la 
suite  de  ces  combats,  toute  la  partie  antérieure  de  la  province  de  la 
liante  Germanie,  à  savoir  le  pays  situé  entre  le  Rhin,  la  Kinzig  el 
le  Danube.  Ce  territoire  aurait  été  protégé  par  la  construction  du 
Limes  imperii.  (/est  à  cette  époque  que  la  haute  et  la  b 
Germanie  furent  élevées  au  rang  de  provinces  proprement  dites, 
avec  une  organisation  indépendante  et  municipale;  elles  n'étaient 
jusqu'alors  que  de  simples  commandements  militaires  el  appar- 
tenaient à  la  Gaule  belgique.  La  politique  de  Trajan  ne  fui  pas 
agressive;  l'empereur  se  maintint  dans  les  limites  désignées 
par  Domilien,  tout  en  assurant  la  paix  par  des  alliances  avec 
diverses  tribus  germaniques  el  par  l'achèvement  du  Limes  Rhae- 
ticus.  La  réunion  d'un  territoire  entre  le  Mein  el  La  Lippe,  men- 
tionnée dans  la  liste  de  Vérone,  n'eul  pas  lieu  son-  le  règne  de  Tra- 
jan, mais  très  probablement  seulement  au  milieu  du  tu6  siècle,  sous 
le  règne  de  l'empereur  Posthumus.  La  «  Germanie  »  de  Tacite  avail 
pour  but,  d'après  Asbach,  de  justifier  la  politique  de  Trajan  vis-à-vis 
du  parti  qui  poussait  a  une  guerre  offensive  contre  les  Germains  ; 
Trajan   préférait    fortifier   systématiquement    les    frontières,  afin 

1.  Die  Kaiser  Domitian  und  Trajan  am  flhein.  Wesfdeutsche  Zeltschrift 
fur  Geschichte  undKunst.  An.  III,  fasc.  1,  1884,  p.  1-26. 


126  BULLETIN  niSTORIQDE. 

d'exciter  et  de  mettre  à  profit  les  luttes  intérieures  des  Germains,  à 
une  guerre  offensive  qui  ne  pouvait  rapporter  que  de  stériles  tro- 
phées. —  Asbach  l  a  fait  un  autre  travail  très  important,  en  dres- 
sanl  une  liste  des  consulats  depuis  la  mort  de  Domitien  (96  après 
J.-G.)  jusqu'au  troisième  consulat  d'Hadrien  (H  9  après  J.-C.)-  L'ap- 
pareil critique  qu'il  y  a  joint  montre  combien  il  a  su  mettre  à  profit, 
à  côté  des  renseignements  des  écrivains  et  des  Fastes,  les  sources 
épigraphiques  et  numismatiques.  Il  étudie,  dans  un  commentaire 
étendu,  les  consulats  dont  la  détermination  est  nouvelle  ou  discu- 
table, et  dresse  deux  listes  spéciales,  souvent  accompagnées  de 
digressions  biographiques,  soit  des  consulaires  de  l'époque  en  ques- 
tion, soit  des  «  viri  praetorii  »  de  l'époque  de  Trajan.  Dans  une  bro- 
cbure  destinée  au  grand  public,  F,  Eyssenhardt  2  trace  un  parallèle 
entre  l'empereur  Hadrien  et  son  contemporain,  le  poète  Florus-,  il 
relève  à  ce  propos,  comme  traits  communs  à  tous  deux,  leur  concep- 
tion cosmopolite  de  la  vie,  le  goût  inquiet  des  voyages  qui  en  résulte 
et  leur  vif  sentiment  de  la  nature,  qui  se  rapproche  presque  de  la 
sentimentalité  moderne  ;  l'auteur  a  parsemé  son  récit,  sans  suivre 
un  ordre  bien  rigoureux,  de  remarques  sur  les  goûts  militaires 
d'Hadrien  et  sur  son  active  sollicitude  pour  le  bien  public  ;  les  inscrip- 
tions qu'il  y  a  jointes  en  les  traduisant  sont  choisies  avec  tact.  Ferd. 
Grix.orovius  3  a  tenté  de  résoudre  les  questions  relatives,  d'une  part  à 
l'état  dans  lequel  Hadrien  trouva  Jérusalem,  d'autre  part  à  l'époque 
et  aux  circonstances  de  la  fondation  de  la  colonie  romaine  d'Aelia 
Gapitolina.  D'accord  avec  M.  de  Saulcy  et  avec  d'autres  savants,  il 
admet  que  Jérusalem  subsista  encore  en  partie  après  sa  destruction 
par  Titus-,  avec  M.  Renan,  il  conteste  une  seconde  destruction  de  la 
ville  par  Hadrien  ;  il  combat  aussi  avec  de  bonnes  raisons  l'hypo- 
thèse qu'Hadrien  visita  Jérusalem  en  m  et  autorisa  alors  les  Juifs 
à  reconstruire  le  temple.  L'an  -130  après  J.-G.,  qu'il  propose  (Renan 
avait  admis  l'an  \  22)  comme  date  de  la  fondation  de  la  colonie  d'Aelia 
Gapitolina,  est  vraisemblable.  D'ailleurs,  l'état  défectueux  de  la 
tradition  empêche  d'arriver  sur  ce  point  à  des  résultats  essentielle- 
ment neufs  et  positifs. 
Les  renseignements  biographiques  fournis  sur  Gommode  et  sur 

1.  Juhrbûcher  des  Vereins  von  Aller  Ihums'freunden  im  Rheinlande.  Fasc. 
LXXII,  1882,  p.  1-54. 

2.  Hadrian  und  Florus.  Berlin,  Habel,  1882. 

3.  Die  Grundung  der  rœmischen  Colonie  Aelia  Capitolina.  Sitzungsberichle 
der  philosophisch-philol.  u.  histor.  Classe  der  Bayer.  Akad.  d.  Wissensch.  zu 
Mûnchen.  1883,  fasc.  3,  p.  477-508.  Voyez  l'article  de  M.  Renan  dans  la  lierve 
historique,  II,  !  12. 


M  I  I  M  U.NI     I  I      \l  TRICH1  127 

Perlinax,  par  les  auteurs  anciens,  ont  été  soigneusement  coordonnés 
parti.  Krarauér*.  En  môme  temps,  J.  lit  sdertmàrh  -  a  publié  une 
étude  consciencieuse  sur  la  vie  de  l'empereur  Pertinax.  \.  Muller3 
a  fait  connaître  deux  fragments  (conservés  dans  des  ouvrages  litté- 
raires arabes)  du  livre  irept  ■fjôûv  de  Galien:  il  en  résulte  qu'il  y  eul 
toute  une  série  de  procès  d'État  contre  les  amis  de  Perennis,  le 
[irét'et  des  gardes  de  Commode,  à  la  suite  de  la  chute  de  celui-ci, 
en  183  après  J.-C.  La  question  relative  au  rùle  joué  par  le  sénal 
romain  dans  l'élévation  au  trône  des  empereurs,  de  Commode  jusqu'à 
Aurélien,  a  été  traitée  par  Ferwei  '*  ;  il  a  fait  remarquer  que  le  sénat, 
qui  semblait  déjà  depuis  longtemps  s  être  survécu  a  lui-même,  attei- 
gnit parfois,  dans  celte  période  qu'on  nomme  si  volontiers  l'époque 
des  empereurs-soldats,  le  plus  haut  degré  de  puissance,  et  exerça 
dans  la  succession  au  trône  l'influence  la  plus  décisive.  La  biogra- 
phie de  l'empereur  Maximin.  par  .1.  Lœhber5,  el  celle  de  l'empe- 
reur Gordien  III,  par  J.  Muller6,  se  recommandent  toutes  deux 
par  la  connaissance  complète  et  la  critique  judicieuse  de  la  tradition 
littéraire.  Les  deux  auteurs  accordent  une  attention  particulière  aux 
questions  chronologiques ,  mais  n'ont  malheureusement  pas  tenu 
compte  des  inscriptions  relatives  à  l'administration  de  l'empire  sous 
le  règne  des  deux  empereurs.  P.  Meyee7  a  jugé  d'une  façon  très 
défavorable,  dans  un  écrit  beaucoup  trop  concis,  la  biographie  de 
l'empereur  Constantin,  par  Eusèbe  ;  non  seulement,  dans  cette  bio- 
graphie, les  événements  les  plus  importants  du  règne  de  Constantin 
auraient  été  passés  sous  silence,  mais,  en  outre,  toutes  les  accusa- 
tions légitimes  portées  contre  l'empereur  par  d'autres  historiens 
seraient  écartées  à  tout  prix.  Les  concordances  entre  Eusèbe,  d'une 
part,  les  panégyristes  et  les  fragments  de  la  biographie  de  Cons- 
tantin par  Praxagoras  de  l'autre,  font  supposer  que  l'Apologie  d'Eu- 
sèbe  n'est  pas  due  à  la  propre  initiative  de  cet  écrivain,  mais  que 
Constantin  lui-même  forma  une  vraie  corporation  d'historiens  de  cour, 
pour  que  l'histoire  de  son  règne  fût  présentée  sous  un  jour  favorable, 

1.  Commodus  und  Pertinax.  Breslau,  1883.  (Pro^r.  des  cours. 

2.  De  imperatore  Periinace.  Munster,  Coppenrath,  1883.  (Inau^.  I » î — •  - r i 

3.  Zur  Geschichie  des  Commodus.  liâmes,  vol.  XVIII,  1883,  [>.  623-626. 

4;  Der  Sénat  und  die  Thronfolge  in  Rom    von  Commodus  bis  Aurelian. 
Grossglogau,  1883.  (Programme  des  cours.) 

5.  De   C.  Julio    Vero  Majimiao  liomanorum    imperatore.    Munstei 
(Inaug.  Dissert.) 

6.  De  M.  Antonio  Gordiano  III  Romanorum  imperatore.  Munster,  1883. 
(Inaug.  Dissert.) 

7.  De  vita  Constantini  Eusebiana.  Bonn,  Georgi,  1882. 


12S  BULLETIN  HISTORIQUE. 

cl  pour  que  les  reproches  légitimes  des  historiens  indépendants 
fussent  réduits  au  silence.  —  Une  interprétation  judicieuse  des  frag- 
ments de  l'inscription  :  C.  I.  £.,  III,  6130  (perdue  malheureusement 
presque  aussitôt  après  sa  découverte),  relative  à  la  construction  d'un 
castellum  romain  par  les  officiers  Marcianus  et  Ursicinus,  près  de 
Dojan,  dans  la  Dobroudcha,  a  conduit  V.  Gardth.ujsen  1  à  des 
observations  ingénieuses  sur  les  guerres  de  Constantin  le  Grand  et 
de  son  fils  Constantin  II  contre  les  Goths  ;  l'auteur  cherche  à  établir 
que  Constantin  II  était  déjà  maître  de  la  Dobroudcha  en  338  après 
J.-C;  en  outre,  en  réunissant  les  documents  épigraphiques  et  litté- 
raires sur  Ursicinus,  le  protecteur  d'Ammien  Marcellin.  il  a  composé 
•  l'une  façon  habile  un  tableau  de  la  carrière  militaire  de  ce  général 
influent,  qui  se  fit  même  craindre  pendant  un  certain  temps  comme 
prétendant  à  la  couronne  impériale.  Une  seconde  découverte,  par 
Tocilescu,  de  la  pierre  contenant  cette  inscription,  a  mis  fin  aux  dis- 
cussions relatives  à  la  date  de  celle-ci  (voir  Archseol.  epig.  Mitheil. 
<i us  Oesterreich,  An.  VI,  p.  47  et  suiv.).  Ainsi  que  le  démontre  Th. 
Mommsen 2,  l'inscription  n'a  été  placée  ni  par  Constantin  Ier.  ni  par 
Constantin  II,  mais  par  Valens;  ce  qui  enlève  sans  doute  leur  fonde- 
ment à  bien  des  assertions  de  Gardthausen.  La  nouvelle  interpréta- 
tion donnée  par  Mommsen  l'amène  à  des  remarques  importantes  sur 
la  situation  de  l'empire,  après  la  division  en  empire  d'Orient  et  en 
empire  d'Occident  ;  on  tenait  encore  alors  à  l'idée  d'une  unité  durable, 
e1  tout  acte  de  gouvernement  de  l'un  des  deux  empereurs  était  con- 
sidéré et  désigné  légalement  comme  un  acte  des  deux  empereurs, 
égaux  en  droit.  0.  Seeck3  démontre  que  la  liste  des  «  praefecti  urbi  » 
romains,  donnée  par  Ammien  Marcellin,  est  complète  à  une  seule 
exception  près,  et  qu'on  peut  en  conséquence  l'utiliser  sans  scrupules 
pour  compléter  celle  du  chronographe  de  l'an  334  après  J.-C,  qui 
-arrête  cette  année  même.  A  l'aide  des  inscriptions,  Seeck  cherche 
à  remédier  à  l'absence  de  dates  exactes,  pour  ce  qui  concerne  la  ges- 
tion des  différents  préfets  de  Rome;  il  reconstitue  dans  ce  but  le 
registre  d'Ammien  et  joint,  pour  chaque  préfet,  l'indication  des  dates 
de  son  apparition  en  charge  et  de  sa  disparition,  ainsi  que  les  ren- 
seignements ayant  trait  à  son  activité  administrative. 

La  bibliographie  relative  à  l'histoire  des  migrations  des  peuples  et 
à  la  formation  des  royaumes  romano-germains  s'est  enrichie  d'un 

1.  Ursicinus  und  die  Inschrift  von  Dojan.  Hermès,  vol.  XVII,  p.  251-267. 

2.  Die  Inschrift  von  Hissarlik  und  die  rœmische  Sammtherrschafl  in  ihrem 
titularen  Ausdruck.  Ibidem,  vol.  XVII,  1882,  p.  523-544. 

3.  Die  Iieihe   der   stadlpraefeklen  bei    Ammianùs   Marcellinus.   Bennes, 
vol.  XVIII,  1883,  p.  289-303. 


ALLEMAGNE    Kl     kUTRICHl  .  V2l.) 

grand  nombre  d'ouvrages  généraux  el  d'études  spéciales  très  réussis. 
Nous  avons  déjà  signalé  dans  notre  dernier  bulletin  l'histoire  primi- 
tive des  peuples  germains  el  romains  par  F.  h  \n\  '.  et  nous  en  avons 
relevé  les  qualités  supérieures.  Pendant  que  le  3e  volume,  consacré 
spécialement  à  l'histoire  primitive  îles  Francs,  achevail  cette  his- 
toire, Daim-  a  entrepris  déjà  un  second  remaniement  de  ce  même 
sujet,  pour  la  collection  des  histoires  des  États  européens,  par  fïee- 
ren,  Ukert  et  Griesebrecht  ;  il  est  vrai  qu'il  doit  se  borner  ici  à  l'étude 
des  tribus  allemandes,  réunies  plus  lard  dans  le  royaume  franc,  el  ne 
doit  s'arrêter  qu'en  passant  aux  groupes  gothiques  qui  s'en  -nui 
détaches,  les  Vandales,  les  Scandinaves  et  les  Anglo-Saxons.  L'ou- 
vrage, rédigé  sous  une  forme  assez  concise,  embrasse,  en  un  tort 
volume,  toute  l'histoire  allemande  depuis  l'arrivée  des  Germain.-. 
en  Europe,  jusqu'à  la  tin  de  l'empire  d'Occident.  L'auteur  s'étend 
beaucoup  plus,  dans  ce  nouvel  ouvrage,  sur  les  questions  contro- 
versées, notamment  sur  l'organisation  primitive  des  tribus  alle- 
mandes-, il  donne  aussi  d'une  façon  presque  complète  tous  les  ren- 
seignements relatifs  aux  sources  ou  à  la  bibliographie.  On  a  bien 
fait  de  publier  1'  «  Histoire  du  peuple  allemand,  »  d'après  les  papiers 
laissés  par  C.  Wilhelm  Nitzsgh3;  dans  le  premier  volume,  en  effet, 
l'auteur  a  traité  les  migrations  des  Germains  jusqu'à  la  fondation 
de  l'empire  franc  sous  Glovis,  non  pas  d'une  façon  complète,  mais 
avec  une  remarquable  originalité  de  méthode  et  de  conception  el 
une  vue  profonde  de  l'immense  enchaînement  et  de  la  connexité 
historique  des  événements  de  l'histoire  universelle.  An  point  de 
vue  du  jugement  a  porter  sur  l'organisation  primitive  des  l ri- 
bus  germaniques,  il  est  intéressant  de  constater  que  l'auteur  se 
sépare  ici  nettement  et  a  plusieurs  reprises  des  opinions  d'antre- 
savants,  et  notamment  de  celles  de  Waitz  et  de  Dahn.  La  plebs 
germaine  est,  selon  Nitzsch,  divisée  encore  a  l'époque  de  Tacite  en 
familles,  ainsi  que  l'était  le  peuple  d'Israël  lorsqu'il  s'empara  de 
Canaan;  les  familles  combattent  en  rangs  serrés,  possèdent  un 
droit  d'héritage  particulier,  contrôlent  les  mariages  de  leurs 
membres  et  ont  le  droit  et  le  devoir  de  vengeance  sanglante;  dans 
cette  constitution  patriarcale,  le  «  comilalus  »  occupe  une  posi- 
tion toute  particulière;  Nitzsch  y  voit  un  produit  du  développe- 
ment germanique  intime  pendant  les  guerres  avec  les  Romains;  le 

1.  Urgeschichte  der  germanischen  und  romanischen  Voelker.  Vol.  III.  Berlin, 
Grote,  1883.  (Collection  Uncken.) 

2.  Deutsche  Geschichte,  vol.  1,  part.  1.  Gollia,  Perthes,  1883. 

3.  Geschichte  des  deutschen   Volkes  bis  zum  Auysburger  Rettgionsfrieden, 
vol.  I.  Leipzig,  Duacker  et  llumblot,  1883. 


Î30  BULLETIN    HISTORIQUE.' 

germe  en  aurait  existé  déjà  à  l'époque  de  César.  Le  comitatus  n'était 
d'abord  (pie  temporaire,  mais  il  devint  plus  tard  permanent  et  fixe; 
son  importance  dépendait  moins  de  la  richesse  que  de  la  capacité 
politique  de  chaque  «  princeps-,  »  c'est  de  lui  que  sortit  la  noblesse, 
et  c'est  son  existence  qui  explique  la  coutume  de  confier  uniquement 
aux  membres  des  maisons  prépondérantes  des  fonctions  qui,  jus- 
qu'alors, étaient  purement  républicaines.  La  puissance  des  familles 
royales,  qui  dans  les  tribus  occidentales  des  Germains  a  quelque  chose 
d'indécis  et  d'obscur,  provient  de  ce  qu'elles  eurent  la  direction  du 
peuple  pendant  les  migrations;  l'arrêt  du  mouvement  en  Occident 
contraignit  la  royauté  soit  à  perdre  sa  puissance,  soit  à  la  maintenir 
par  des  mesures  extraordinaires.  La  lutte  entre  Arminius  et  Marbod 
apparaît,  considérée  de  cette  façon,  comme  le  résultat  de  l'antago- 
nisme entre  la  royauté  et  le  principal,  entre  la  monarchie  et  l'aris- 
tocratie. 

Euler1  s'est  proposé,  moins  de  présenter  des  résultats  scientifiques 
nouveaux,  que  de  pousser  à  l'étude  des  sources  et  d'animer  l'enseigne- 
ment historique.  Ce  début  a  été  parfaitement  atteint  :  l'auteur  laisse 
presque  exclusivement  la  parole  aux  auteurs  originaux  ;  il  cite  les 
passages  relatifs  aux  événements  les  plus  importants  de  l'histoire  des 
peuples  allemands  (le  premier  volume  va  jusqu'au  commencement 
du  moyen  âge)  -,  il  les  coordonne  au  point  de  vue  chronologique  et  les 
explique  par  de  petites  notes  ;  il  intercale,  lorsque  l'enchaînement 
l'exige,  sa  propre  rédaction.  —  L'hypothèse,  émise  plusieurs  fois 
ces  années  dernières,  que  l'invasion  des  masses  germaniques  et  slaves 
dans  l'Europe  centrale  eut  lieu  bien  longtemps  avant  leur  rencontre 
avec  les  Romains,  a  été  développée  de  nouveau  par  Loeher2,  non  pas 
peut-être  d'une  façon  rigoureusement  scientifique,  mais  cependant 
avec  des  rapprochements  judicieux  et  dignes  d'attention.  Ce  n'est  ni 
l'Asie  centrale,  ni  l'Asie  mineure,  mais  le  pays  compris  entre  la  Loire, 
la  Vistule,  la  mer  du  Nord,  la  mer  Baltique  et  les  Alpes  qui,  d'après 
Lœher,  est  la  patrie  du  peuple  indo-germain,  de  sorte  que  les  Ger- 
mains ont  vécu  en  Allemagne  des  milliers  d'années  avant  d'entrer  en 
contact  avec  les  Romains.  La  fréquente  apparition  de  noms- de  lieu 
slaves  ou  celtiques  en  Allemagne  s'explique,  d'après  l'auteur,  par 
la  longue  cohabitation  sur  le  sol  allemand  des  Celtes  et  des  Slaves 
avec  leurs  proches  parents  les  Germains  ;  en  outre,  tout  le  pays  com- 

1.  Deutsche  Geschichte  von  der  Urzeit  bis  zum  Ausgang  des  Mittelallers. 
Vol.  I.  Leipzig,  Diirr,  1882. 

2.  VeberAlter,  nerkunftund  Verwandtschaft  der  Germaaen.  Sitzungsberichte 
der  philos,  pliilolog.  histor.  Classe  der  k.  bayer.  Akademie  der  Wissenschaf - 
ten.  1883.  fuse.  4,  p.  593-G33. 


ALLEMAGNE    KT     il  TRICHJ  .  '  •'*  I 

pris  entre  le  chenal  de  la  Luire  et  les  Alpes  doit  être  considéré  comme 
Le  siège  des  populations  germaines  primitives.  Une  preuve  très  dis- 
cutable, et  qui  rentre  à  peine  dans  le  cadre  d'un  ouvrage  sérieux,  esl 
celle  où  l'auteur  rapproche  le  dragon,  qui  joue  un  rôle  important 
dans  la  légende  germanique,  des  sauriens  antédiluviens;  et,  du  l'ail 
qu'il  n'y  avait  pour  ces  monstres  aucune  place  dans  les  montagnes 
et  dans  les  plateaux  «'levés  de  l'Asie,  il  conclut  que  la  plus  ancienne 
demeure  des  Germains  a  été  les  «  haies  et  les  forêt-  vierges  maréca- 
geuses et  enchevêtrées  »  de  la  basse  plaine  de  l'Allemagne  du  nord. 

F.  Dummlbb  {  a  fait  une  petite  récolte  des  témoignages,  auxquels  on 
n'avait  pas  encore  pris  garde,  relatifs  à  la  structure  du  corps,  à  la 
civilisation  et  à  la  manière  de  vivre  des  anciens  Germains,  contenus 
dans  les  écrits  de  Galien,  deSénèque  et  de  Sextus  Empiricus.  Dans  la 
2e  réunion  des  anthropologisles  et  des  archéologue-  autrichiens,  à  Salz- 
bourg,  Zillner2  a  traité  de  la  nationalité  des  habitants  du  Norique .  : 
il  est  arrivé  aux  résultats  suivants  :  les  habitants  du  Norique 
appartenaient  à  la  nation.i li Le  celtique,  le  recul  des  habitants  rouia- 
nisés  coïncida  avec  la  marche  en  avant  des  Alamanni  au  vc  siècle;  la 
véritable  germanisation  de  leur  pays  n'arriva  que  lors  de  l'invasion 
des  Bavarois  au  vie  siècle.  Mien3  soutient  l'hypothèse  émise  par  Ad. 
Hollzmann,  d'après  laquelle  lés  Germains  se  rattachent  aux  Celtes, 
dont  il  faut  exclure,  en  revanche,  les  Bretons  et  les  Irlandais.  G.  de 
Becker4  estime  par  contre  qu'il  faut  distinguer  les  Celtes  des  Gau- 
lois ;  les  Gaulois  auraient  appartenu  au  tronc  germanique,  et  les 
primitifs  habitants  celtes  de  la  Gaule  auraient  été  soumis  par  eux. 

G.  Mehlis5  a  essayé  dernièrement,  dîme  façon  aussi  habile  qu'érudite, 
d'établir  l'identité  des  Bavarois  et  des  Marcomans;  il  a  donné  à  ce 
propos  un  tableau  des  migrations  des  Marcomans  très  précis,  mais 
qu'il  n'a  pu  dresser  qu'en  s'appuyant  sur  de  très  hardies  hypotht 
Dans  la  première  période  de  leur  apparition  dans  l'histoire,  les  Mar- 
comans, qui  venaient  de  l'Elbe  moyenne,  ont,  d'après  Mehlis,  enlevé 
aux  Boji  la  Bohême  septentrionale  et  occidentale  et  les  ont  refou- 
lés ainsi  dans  les  contrées  du  Meîn  supérieur  et  du  Danube.  Sous 

1.  Zerstreute  Zeugnisse  alter  Schriftsteller  ûberdie  Germanen.  Forschungen 

zur  deutschen  Geschichte.  Vol.  XX11I,  1883,  p.  632-635. 

2.  Mittheilungen  d.  anthrop.  Geselhchuft  in   Wien.  Vol.  XII,  1883,  p.  8-16. 

3.  Ibidem,  p.  16-20.  Sur  la  question  celtique,  voir  encore  les  assertions  de 
Virchow,  de  Schafl'hausen ,  d'Ohlenscblager  el  de  Mehlis.  ïbid.,  p.  16-26. 
L'écrit  intéressant  de  F.  Kinkelin  :  Die  Vrbewohner  Deutschlands,  Lindau  el 
Leipzig,  Lndwig,  1882,  se  borne  à  l'époque  préhistorique. 

4.  Versuch  einer  Lœsung  der  Celienfrage  durch  Unterscheidung  der  ceften 
und  Gallier.  Karlsruhe,  Bielefeld,  1883. 

5.  Markomannen  imd  Bajuwaren.  Munich,  Wolfet  fils.  1882. 


432  BULLETIN    HISTORIQUE. 

l'influence,  de  l'invasion  des  Gimbres,  les  Marcomans  poussèrent  une 
pointe,  à  travers  le  territoire  du  Mein,  dans  la  plaine  du  Rhin,  et  de 
l,i  jusqu'à  la  Saône,  où,  sous  la  conduite  de  leur  chef  Arioviste,  ils 
rencontrèrent  César.  La  stratégie  tenace  de  Drusus  donna  lieu,  d'après 
Mehlis,  à  la  deuxième  période,  qui  comprend  la  retraite  de  Marbod  sur 
Boiohemum  et  la  complète  colonisation  de  la  Bohême.  La  3e  période 
de  l'histoire  des  Marcomans-Bajuwares  commence  à  la  fin  du  ve  siècle, 
à  partir  du  moment  où  ceux-ci  occupèrent  les  pays  situés  au  sud- 
ouest  du  Danube;  ce  n'est  que  plus  tard  qu'on  les  rencontre  dans  la 
vallée  supérieure  de  lTnn  et  en  Tirol.  Prinzinger  ■  se  place  à  un  tout 
autre  point  de  vue  ;  d'après  lui,  la  souche  germanique  des  Bavarois 
est  née  dans  les  contrées  mêmes  qu'elle  habite  aujourd'hui  et  que  les 
Celtes  n'ont  jamais  occupées;  elle  passa  quelque  temps  sous  la  domi- 
nai ion  romaine  et,  en  partie,  sous  la  domination  slave;  elle  fut  déli- 
vrée de  cette  dernière  par  l'approche  des  tribus  germaniques  qui  lui 
étaient  apparentées  et  par  la  puissance  des  rois  francs.  Les  ingénieux 
développements  deC.  Lamprecht2  sont  importants  pour  l'histoire  des 
établissements  primitifs  et  des  excursions  des  Francs  dans  le  pays  du 
Rhin;  important  aussi  est  le  second  volume  de  l'histoire  allemande 
de  W.  Arnold  3,  pour  l'histoire  postérieure  de  l'empire  franc,  jus- 
qu'aux Carolingiens.  Les  thèses  émises  par  A.  Werneburg\  d'après 
lesquelles,  d'une  part,  les  Chérusques  habitaient  dans  la  Thuringe 
actuelle,  entre  la  Werra,  le  Hartz  et  les  monts  de  la  Thuringe, 
et  d'après  lesquelles,  d'autre  part,  le  peuple  des  Thuringiens  ne  des- 
cend pas  des  Hermundures,  mais  a  passé,  seulement  à  une  époque 
relativement  postérieure,  de  la  Suisse  dans  la  Thuringe,  ont  été  con- 
testées par  Alf.  Kirchhoff  5  qui  étend  le  territoire  occupé  par  les 
Hermundures,  au  nord  jusqu'au  confluent  de  la  Saale  et  de  l'Elbe  et 
jusqu'à  la  Vieille  Marche,  au  sud  jusqu'au  Mein.  Citons  encore  ici 

1.  Die  Keltenfrage  deulsch  beantworlet.  Salzbourg,  Dieter,  1881.  Conf. 
Mittheil.  der  anthrop.  Gesellsch.  in  Wien.  Vol.  XII,  1882,  p.  7-8. 

2.  Westdeutsche  Zeitschrift  /.  Gesch.  u.  Kunst.  An.  I,  1882,  p.  123-144. 
C.  Lamprechl  expose  les  fondements  des  résultats  donnés  ici  dans  Zeitschrift 
des  Aachener  Gesch.  Ver.  Vol.  IV,  fasc.  3  et  4,  1882,  p.  189-250.  Cilons  encore 
le  remarquable  article  de  M.  Scbroeder,  sur  l'origine  des  Francs,  Hist.  Zeitsch., 
vol.  XLIII  (Neue  Folge  7),  1880,  p.  1-65,  et  la  dissertation  du  même  sur  les 
Francs  et  leurs  lois,  dans  Zeitschr.  der  Savigny.  Stift.  f.  Rechtsgesch.  Vol.  II. 
Germanist  Abtheil.,  1881,  p.  1-82. 

3.  Deutsche  Geschichte,  vol.  II.  Fraenkische  Zeit.  Gotha,  Pertbes,  1881-1883. 
i.  Die  Wohnsitze  der  Cheruskenund  die  Herkunfi  der  Thùringer.  Jabrbù- 

cher  der  kgl.  A.kad.  gemeinnutziger  Wissensch.  z.  Erfurl.  N.  Folg.,  fasc.  10, 
1880,  p.  1-122. 
5.  Thilringen  doch  Hermundurenland.  Leipzig,  Duncker  u.  Huinblot,  1882. 


ALLEMAGNE    El    AUTRICHE.  533 

I'.  HuRFALvi  ',  qui  cherche  à  modérer  le  désir  nourri  par  certains 
érudits  orientaux,  de  constituer  un  grand  empire  roumain,  embras- 
sant aussi  les  parties  de  La  Hongrie  el  de  la  Turquie  occupées  par  une 
population  roumaine;  pour  cela  il  s'attache  à  montrer  que  le  Fond  de  la 
population  de  ces  pays  frontières  se  compose  de  bergers  nomades, 
d'origine  slave,  et  qui  n'ont  été  roiunanises  que  pn-terieiireinent. 

Revenons  aux  ouvrages  relatifs  à  l'histoire  de  l'empire  d'(  Iccidenl  : 
nous  mentionnerons  d'abord  l'étude  de  B.  Volz  a  sur  la  date  du  com- 
bat de  Pollentia;  dans  une  polémique  très  vi\e  contre  Pallmann  [de- 
schichte  der  l  œlkerwanderung ,  roi.  II,  p.  198),  il  cherche  à  établir 
que  cette  bataille  eut  lieu  le  29  mars  '«03.  0.  Seeck3  s'est  occupé  aussi 
de  la  chronologie  de  la  première  invasion  d'Alaric  en  Italie;  il  en 
fixe  le  début  au  18  nov.  40 1  :  d'après  lui,  toute  la  guerre,  depuis  la 
première  apparition  des  Goths  sur  le  sol  italien  jusqu'à  leur  départ, 
n'a  pas  duré  plus  de  10  mois-,  le  combat  de  Pollentia  lombe  néces- 
sairement le  <>  avril  402  et  celui  de  Vérone  dans  l'été  de  la  même 
année.  Dans  une  addition,  Seeck  a  défendu  contre  Pallmann  la  fidé- 
lité du  récit  que  l'ail  Glaudien  de  la  guerre  de  Stilicon  contre  Grildon 
en  Afrique.  La  dissertation  de  A.  Jmis  >  présente,  sous  une  forme 
condensée  et  claire,  les  résultats  de  la  science  historique  au  sujet  de 
la  personne  et  du  règne  d'Odoacre;  l'auteur  critique  avec  habileté 
certains  points  des  travaux  de  Pallmann,  de  Wietersheim  et  de 
Dahn.  On  partagera  son  avis  lorsque,  contrairement  à  Daim,  il  recon- 
naît en  Odoacre  non  un  simple  aventurier,  mais  un  homme  d'État, 
doué  d'une  véritable  capacité  politique,  qui  seule  lui  permit  de  se 
maintenir  au  pouvoir  pendant  dix-sept  ans,  dans  des  circonstances 
particulièrement  difficiles  et  sans  user  de  mesures  trop  violentes. 
L.  Schmidt5  a  démontré  que  Bède  s'est  servi,  pour  l'histoire  des 

années  410,  :>25  et  ~ïH\.  des  Annales  dites  de  Ravenne,  dont  is 

avons  parlé  dans  la  première  partie  de  notre  bulletin  à  l'occasion  d'une 
élude  de  Raufmann.  Un  récit  du  règne  et  de  la  chute  du  roi  des  Ostro- 


1.  Die  Rumaenen  und  ilire  Ansprûche.  Teschen,  Prochaska,  1883. 

2.  Zum  Jahre  der  Schlacht  von  Pollentia.  Ilistor.  Untersuchungen.  Arn. 
Schœfer  gewidraet.  Bonn,  Strauss,  1882,  p.  246-252. 

3.  Die  Zeit  der  Schtachlen  bei  Pollentia  und  Verona.  Forschungen  sur 
deutseken  Geschichte.  Vol.  XXIV,  1883,  p.  173-188. 

4.  L'eber  dus  Reich  des  Odovakar.  Kreuznach,  1883.  (Programme  des  cours.) 
L'ouvrage  de  C.  Kleissl  :  odovakar  in  seinen Beziehungen  zum  byzantinischen 
Kaiser  Zeno  and  zu  dem  oslgolischen  Kœnig  Theodorich ,  Gœrz,  1883,  ne 
Dons  est  pas  parvenu. 

5.  Ravennatische  Annalen  bei  Beda.  Neues  Archiv.  Vol.  IX,  Lise.  I.  1883, 
p.  197-200. 

Rev.  Histor.  XXVII.  2e  fasg.  28 


V.)\  BULLETIN   niSTOUIQUE. 

goUis  Tûtila,  par  Kampfneb  '.,  ne  donne  aucun  nouveau  résultat.  Th. 
MoMMSBiN  -  ajustement  conclu  de  rinscription  d'un  bassin  en  argent 
lr.)ii\c  avee  d'autres  ustensiles  de  même  métal  non  loin  de  Feltre, 
près  de  l'on/.aso,  en  Italie,  que  c'est  là  une  pièce  du  trésor  royal  des 
Vandales,  qui,  selon  l'rocope,  tomba  dans  les  mains  de  Bélisaire  à 
1 1  i  I tporegius  (Bone).  —  Dans  une  sorte  de  roman  historique  publié 
par  F.  Ghix.orovius  3,  l'auteur  a  mis  en  scène  Athénaïs,  la  fille  du  phi- 
losophe athénien  Leontius;  élevée  dans  des  croyances  païennes,  elle 
gagna  la  faveur  de  l'impératrice  d'Orient,  Pulchérie,  en  se  présentant  à 
elle  comme  une  orpheline,  et  en  implorant  sa  protection  ;  plus  tard,  elle 
devint  l'épouse  de  l'empereur  Théodose  II  et  monta  sur  le  trône  sous 
le  nom  d'Eudoxie;  enfin,  par  un  rapide  changement  de  forlune,  elle 
donna  a  l'empire  d'Occident  une  impératrice,  dans  la  personne  de  sa 
fille  Eudoxie,  et,  comme  celle-ci,  se  retira  fugitive  et  chrétienne 
ardente  à  Jérusalem  pour  y  mourir.  Athénaïs  réunit  en  elle  à  un  si 
haut  degré  tous  les  courants  divers  et  contradictoires  de  son  époque 
que  sa  biographie  a  fini  par  devenir  un  tableau  complet  de  la  vie 
intellectuelle  de  la  période  byzantine  primitive.  Mais  l'auteur  ne  s'est 
pas  borné  au  récit  des  aventures  d'Athénaïs-Eudoxie;  ses  descriptions 
des  palais,  au  luxe  magnifique  et  extravagant,  de  la  capitale  d'Orient, 
des  contrastes  criards  chez  une  population  singulièrement  mêlée  et 
toujours  agitée,  des  rivalités  passionnées  du  cirque  et  des  luttes  des 
sectes  religieuses,  en  outre  la  continuelle  mention  des  dangers  qui 
menaçaient  l'empire  d'Orient  de  la  part  des  Perses,  des  Goths,  des 
Huns  et  des  Vandales,  tout  cela  forme  un  tableau  capable  de 
faire  comprendre  mieux  que  tout  autre  au  public  instruit  les  con- 
ditions politiques,  sociales  et  ecclésiastiques  de  la  Rome  orientale. 
Cependant,  on  peut  élever  quelque  doute  au  sujet  de  la  figure  idéale 
d'Athénaïs-Eudoxie,  que  Gregorovius  appelle  «  la  plus  aimable 
des  impératrices,  »  malgré  les  accusations  très  précises  de  Mar- 
cellin  et  de  Priscus  au  sujet  du  meurtre  de  Saturninus.  L'auteur 
était  exposé  ici  au  danger  de  surfaire  le  mérite  et  la  véracité  des 
panégyriques  contemporains,  qui  sont  la  base  de  la  plupart  des 
sources  où  nous  pouvons  puiser.  A.  Rose  k  a  publié  la  première 
partie  d'une  biographie  détaillée  de  l'empereur  Anastase  Ier  (491- 
51  S)  ;  cette  première  partie  est  consacrée  au  récit  de  la  politique 
extérieure,  jusqu'en  515.  L'auteur  possède  complètement  tous  les 

1.  Totila  Kœnig  der  Oslgoten.  Inowrazlaw,  1882.  (Programme  des  cours.) 
I.  Neues  Archiv.  Vol.  VIII,  1883,  p.  353. 

3.  Athénaïs.  Geschichte  einer  bi/zcuitlaischen  Kaiserin.  Leipzig,  Brockhaus, 
1882. 

'i.  Kaiser  Anastasius  I.  Erster  Tlieil.  Halle,  1882.  (Inaug.  Dissert.) 


U  i  ni  \i.\k    i:i     m  mu  ni  .  V.V\ 

documents  originaux,  qu'on  n'avait  pas  encore  réunis  d'une  façon 
systématique,  et  c'est  là  une  base  solide  pour  juger  la  personne  de 
l'empereur  et  l'importance  de  son  règne.  Il  serait  à  désirer  qu'il  se 
prononçât,  dans  la  <nite  de  son  livre,  sur  les  rapports  réciproques 
et  l'authenticité  des  récits  originaux,  qui  sonl  la  base  de  son  expo- 
sition; il  n'a  exprimé  encore  sur  cette  question  fondamentale  que 
des  hypothèse-.  W.  Fischer1  a  exploré  un  domaine  encore  entière- 
ment inconnu,  dans  ses  remarquables  «  Éludes  sur  L'histoire  byzan- 
tine pendant  le  xie  siècle.  »  La  partie  la  plus  importante  de  cet  ouvra-'' 
est  consacrée  à  la  biographie  de  Jean  Xiphilin,  patriarche  de  Cons- 
laniinople;  les  sources  de  l'auteur  sont  principalement  les  vol.  IV  et 
V  de  la  «  Mîsauov.y.r,  t3'.cA'.o0r,y.Y;,  »  édilée  par  Sathas,  où  se  trouvent 
les  œuvres,  publiées  pour  la  première  fois,  de  Michel  Psellos.  L'au- 
teur nous  donne  des  renseignements  nouveaux  et  très  précieux  sur 
l'état  du  droit  et  de  la  science  juridique  à  cette  époque,  et  sur  la 
réforme  des  études  juridiques  introduite  par  Xiphilin  en  sa  qualité 
de  professeur  a  l'école  de  droit  de  Gonstantinople.  Le  récit  du  séjour 
de  Xiphilin  dans  le  cloître  du  mont  Olympe  et  de  son  action  comme 
patriarche  fournit  à  l'auteur  l'occasion  de  s'étendre  longuement  sur 
les  rapports  entre  l'Église  et  l'État  dans  l'empire  d'Orient,  sur  la  dis- 
cipline ecclésiastique  énergiquement  rétablie  par  Xiphilin,  sur  son 
activité  dans  le  domaine  de  la  charité  publique  et  de  la  législation 
matrimoniale,  sur  ses  tendances  philosophiques  et  théologiques,  et 
enfin  sur  son  hostilité  vis-à-vis  des  essais  d'union  entre  l'église 
d'Orient  et  celle  d'Occident.  Les  recherches  de  l'auteur  éclairent  éga- 
lement d'un  jour  nouveau  l'histoire  des  règnes  des  empereurs  Cons- 
tantin Monomaque,  Constantin  Doucas,  Romanus  Diogène,  Michel 
Doucas  et  de  l'impératrice  Eudoxie.  Nous  attendons  avec  impatience 
la  prochaine  publication,  promise  par  l'auteur,  de  ses  recherches  cri- 
tiques sur  les  sources  relatives  à  l'histoire  byzantine  pendant  le 
xie  siècle. 

Ilerman  IlAurr. 
(Sera  continue.) 

1.  Sludien  zur  byzantinhehen  Geschichte  des  elften  Jahrhunderts.  Berlin, 
Calvary  et  Cie,  1883.  (Programme  des  cours  du  gymnase  de  Plauen.)  Sur  Michel 
Psellos,  voyez  l'article  de  M.  Rambaud  dans  la  Revue  historique,  III.  241. 


J36  COMPTKS-REXDUS  CRITIQUES. 


COMPTES-RENDUS  CRITIQUES. 


Hincmar,  Erzbischof  von  Reims.  Sein  Leben  und  seine  Schrif- 
ten,  von  l)r  Heinrich  Schroers.  Freiburg  i.  B.  Herder,  -1884.  388  p. 
in-8°.  Prix  :  12  m.  50. 

Depuis  cinquante  années,  Hincmar  a  été  l'objet  d'études  nombreuses 
en  Angleterre,  en  Allemagne,  en  France.  Sans  parler  des  renseignements 
qu'on  peut  trouver  sur  lui  dans  les  travaux  généraux  de  Gfrœrer,  de 
"Wenck  et  de  Dummler,  dans  les  études  carolingiennes  de  M.  MonnieH, 
dans  les  recherches  sur  le  droit  canon  de  Weiszœcker2,  quatre  livres 
de  valeur  et  de  caractère  très  différents  lui  ont  été  spécialement  consa- 
crés :  l'étude  de  Prichard3,  les  thèses  de  M.  Diez4  et  de  M.  Vidieu,  enfin 
le  travail  plus  étendu  et  plus  complet  de  M.  de  Noorden ;;.  M.  Schrœrs 
n'en  a  pas  moins  pensé  que  les  écrits  et  la  vie  de  l'archevêque  de  Reims 
pourraient  encore  lui  fournir  la  matière  d'un  livre  de  600  pages,  utile 
et  neuf  sur  certains  points.  Il  ne  s'est  pas  trompé  :  grâce  à  une 
méthode  sévère  de  recherche  et  de  composition,  il  a  fait  une  œuvre 
intéressante,  et  fourni  à  l'histoire  des  renseignements  et  des  résultats 
nouveaux. 

Quiconque  s'est  servi  du  livre  de  M.  de  Noorden  a  eu  à  se  plaindre 
du  désordre  extérieur  et  des  défauts  de  composition  de  cet  ouvrage. 
Point  de  tables  des  matières,  point  de  répertoire  :  aucun  ordre  dans  le 
récit  qui  est  sans  cesse  interrompu  par  de  longues  dissertations,  très 
savantes  d'ailleurs,  et  très  solides.  Le  travail  de  M.  Schrœrs  à  ce  point 
de  vue  déjà  marque  un  très  grand  progrès  sur  celui  de  son  prédécesseur  : 
on  le  consultera  plus  volontiers,  ne  serait-ce  que  pour  sa  table,  ou  poul- 
ies regestes  de  la  vie  d'Hincmar  qui  se  trouvent  placés  à  la  fin. 

La  table  du  livre  indique  trois  grandes  divisions  qui  répondent  natu- 
rellement aux  trois  grandes  époques  de  la  vie  d'Hincmar  :  depuis  sa 
jeunesse  jusqu'en  860,  —  de  860  à  877, .—  de  877  jusqu'à  sa  mort.  Les 
principaux  événements  de  la  vie  d'Hincmar  se  partagent  si  aisément 

1.  Monnier  (Fr.),  Histoire  des  luttes  politiques  et  religieuses  dans  les  temps 
carolingiens.  In-12,  1852.  Charpentier. 

2.  Nicdner,  Zeiisch.  f.  histor.  Théologie.  1858.  337-342.  Hincmar  und  Pseudo- 
Isidor. 

3.  Prichard,  The  life  and  Urnes  of  Hincmar.  Littlemore,  1849. 

4.  Diez,  De  Vita  et  ingenio  Hincmari.  Agendici.  1859.  —  Vidieu,  Hincmar 
de  Reims,  étude  sur  le  IX0  siècle.  Paris,  1875. 

5.  V.  Noorden,  //.  Erzbischof  v.  Reims,  ein  Beitrag  zur  Staats  und  Kir- 
chengeschichte  des  iiestfraenli.  Reichs  in  der  zweiten  Haelfle  des  IXten 
Jahrhunderts.  Bonn,  1863. 


sc.nRŒiis  :   nrvniAR.  137 

entre  ce?  trois  époques,  que  ce  serait  déjà  presque  une  erreur  de  ne 
pas  Les  distinguer  tout  d'abord  d'une  façon  suffisante. 

Du  jour  où  il  parait  à  la  cour  de  Louis  le  Débonnaire,  à  la  suite 
d'Hilduin,  Hincmar  poursuit  dans  toutes  les  occasions  La  politique  qui 
lui  assurera  l'archevêché  de  Reims  et  qui  Lui  donnera  une  influence 
prépondérante  dans  toutes  les  affaires  religieuses  el  politiques  de  La 
ice  «h1  L'ouest  (Schrœrs,  chapitre  t,  p.  1-175).  G'esl  le  désir  d'ac- 
quérir ou  de  conserver  l'archevêché  de  Reims  qui  explique  La  fidélité 
constante  d'IIincmar  à  Louis  le  Débonnaire  puis  à  Charles  le  Chauve 
haine  contre  Ebbon  et  contre  Lothaire,  jusqu'à  ce  que  celui-ci  cessai  de 
protéger  son  prédécesseur  (Schrœrs,  cb.  n  et  m).  Les  disputes  religieuses 
sur  la  prédestination,  la  transsubstantiation,  la  naissance  du  Christ, 
sont  ensuite  pour  l'archevêque  de  Reims  un  moyen  d'établir,  avec  l'aide 
du  roi,  son  autorité  en  matière  théologique,  parmi  le  clergé  de  l'ouest. 
Ce  n'est  pas  La  passion  de  la  vérité  qui  L'entraîne  dans  ces  discussii 
la  théologie  n'est  pour  lui  qu'un  moyen,  non  uni1  fin  :  Rein  wissenschafl- 
lichen  Tnteressen  zu  dienen  lagnicht  in  der  Geistrichtung des  Metropok 
dit  avec  beaucoup  de  raison  M.  Schrœrs  (p.  161),  et,  partant  de  ce  poinl 
de  vue,  il  consacre  quatre  chapitres  à  une  étude  fort  bien  faite  sur  la 
question  de  la  prédestination  et  les  débats  qu'elle  souleva,  ainsi  qu'aux 
opinions  théologiques  d'IIincmar  (cb.  v,  vi,  vu.  vm).  —  Dans  un  cha- 
pitre intermédiaire,  l'auteur  montre  de  quelle  manière  Hincmar 
fait  auprès  du  roi  en  même  temps  une  situation  politique  exception- 
nelle, particulièrement  en  l'assistant,  contre  Les  grands  pendant  la  révolte 
des  Aquitains,  et  en  prenant  parti  énergiquement  contre  son  frère  Louis 
le  Germanique,  en  858.  L'influence  politique  du  clergé  et  d'Hincmar, 
depuis  853  (concile  de  Soissons),  est  tout  aussi  bien  marquée  que  dans 
le  livre  de  Noorden  et  plus  sobrement. 

A  partir  de  8G0.  l'archevêque  travaille  à  tirer  toul  Le  parti  possible 
de  la  situation  qu'il  a  ainsi  acquise.  Il  profitera  de  son  alliance  avec 
Charles  le  Chauve  pour  étendre  vers  le  N.-E.  les  domaines  de  son 
diocèse  réduits  au  traité  de  Verdun  (Cambrai  attribué  à  Lothaire  ,  I. 
couronnement  de  Charles  à  Metz,  en  870,  est  son  œuvre  et 
le  succès  de  cette  politique  à  laquelle  M.  Schrœrs  a  consacré  deux 
chapitres  |ch.  xu  et  xv).  —  L'autorité  d'IIincmar  en  matière  théologique 
lui  a  servi  à  établir  également  son  inlluence  en  Lorraine,  aux  dépens 
de  Lothaire  II  et  surtout  des  évêques  de  Trêves  ei  de  Cologne  qui  le 
soutenaient.  Les  discussions  canoniques  sur  le  divorce  de  Teotberge  lui 
fournirent  une  occasion  semblable  à  celle  qu'il  avait  trouvée  dans  Les 
disputes  relatives  à  la  question  de  la  grâce.  Il  put  ainsi  proclamer  t  re- 
liant contre  les  prélats  lorrains,  qui  prétendaient  que  cette  affaire  ne 
regardait  qu'eux,  l'unité  de  l'Église,  de  l'Empire,  el  L'autorité  de  toul 
évoque  capable  de  lutter  dans  l'Église  et  dans  l'Empire  pour  La  vérité  el 
pour  le  droit  (quxst.  sept.  Sirmond,  I,  p.  683.  Schrœrs,  ch.  i\,  \,  xi, 
xn|.  La  politique  d'Hincmar  en  Lorraine  acheva  de  Lui  assurer  L'alliance 
du  roi;  son  attitude  dans  L'affaire  du  divorce  de  Lothaire  11  lui  valut 


438  COMPTES-IVENDIS    CRITIQUES. 

L'alliance  delà  papauté  qui  approuva  hautement  sa  doctrine  et  ses  livres. 
Mais  cotte  double  alliance  n'était  point  sans  danger,  et  ne  fut  point 
.suis  traverse.  M.  Schrœrs  expose  dans  le  chapitre  xiii  les  difficultés 
soulevées  entre  Hincmar  et  le  pape  par  l'affaire  de  Rothade,  les  diffé- 
rends de  Charles  le  Chauve  et  du  métropolitain  de  Reims,  à  propos  de 
l'élection  de  Wulfade,  et,  dans  le  chapitre  xvi,  l'histoire  d'Hincmar  de 
Laon  qui,  par  son  alliance  avec  Carloman  et  le  pape,  fit  un  moment 
échec  à  toute  la  politique  de  son  oncle,  et  faillit  ruiner  son  autorité 
dans  le  N.-E.  du  royaume  et  dans  toute  l'église,  en  général. 

Dans  la  dernière  partie  de  sa  vie,  Hincmar  retiré  dans  son  diocèse, 
éloigné  de  la  cour,  n'y  reparaît  que  dans  certaines  situations  spéciales, 
pour  défendre  ses  droits  de  métropolitain,  ou  pour  donner  son  avis 
sur  les  crises  politiques  que  l'État  carolingien  traversa  après  la  mort 
de  Charles  le  Chauve.  D'ordinaire,  il  se  consacre  aux  intérêts  de  son 
diocèse  et  aux  devoirs  de  sa  charge.   M.  Schrœrs,  dans  la  troisième 
partie  de  son  travail,  a  eu  le  mérite  de  ne  point  négliger  cette  partie 
intéressante  de  la  vie  et  de  l'œuvre  d'Hincmar,  dont  on  n'avait  point 
tenu  avant  lui  assez  de  compte  (ch.  xxn).  Enfin,  il  a  profité  de  la  liberté 
que  la  retraite  de   l'archevêque,   pendant  ces  cinq  dernières  années, 
laisse  à  ses  biographes,  pour  étudier  ses  opinions  politiques,  ses  con- 
naissances théologiques,  ses  procédés  littéraires  et  historiques  (ch.  xvm, 
xix,  xxi).  C'est  la  partie  la  plus  neuve  et  la  plus  solide  de  tout  le  livre. 
La  plupart  des  faits  que  M.  Schrœrs  expose  surtout  dans  les  deux 
premières  parties  étaient  connus,  et  il  ne  modifie  pas  d'une  façon  géné- 
rale l'opinion  qu'on  s'en  faisait  après  les  travaux  de  Dummler  et  de 
Noorden.  Mais  jamais  ils  n'avaient  été  classés  avec  cette  rigueur.  Nous 
avons  été  particulièrement  très  frappés  de  l'habileté  avec  laquelle  sont 
groupés  en  deux  chapitres  distincts  tous  les  faits  relatifs  aux  affaires  de 
Lorraine  (ch.  xn-xv).  Le  rapprochement  de  faits  et  de  textes  connus, 
tels  que  le  Liber  revelationum  attribué  à  Audrade  de  Sens,  éclaire  sin- 
gulièrement cette  partie  essentielle  de  la  politique  d'Hincmar.  Nous 
nous  permettrons  à  notre  tour  de  rappeler  à  l'auteur  et  de  lui  signaler 
les  rapports  personnels  et  fréquents  d'Hincmar  et  de  Theotberge,  après 
que  celle-ci  eut  quitté  la  cour  de  Lothaire  IL  C'est  dans  le  diocèse  de 
Reims  qu'elle  s'est  retirée,  au  cloître  d'Avenay  qui  dépendait  directe- 
ment de  l'église  métropolitaine  (Ann.  B.,  éd.  Deh.,  p.  200).  La  reine 
Richilde,  sa  nièce,  comme  on  sait,  la  mère  de  Roson,  avait  ses  propriétés 
en  Champagne  :   Charles  le  Chauve  lui  confie  en  même  temps  qu'à 
Hincmar  la  défense  des  frontières  de  l'Est  [Ann.  B.,  éd.  Deh.,  p.  240-241). 
C'est  auprès  d'elle,  en  Champagne,  à .Avenay,  qu'il  se  réfugie  après  le 
combat  d'Andernach  [Ib.,  p.  252  •).  Ces  rapports  sont.de  nature  à  éclairer 
de  plus  près  encore  le  rôle  d'Hincmar  dans  l'affaire  du  divorce.  Ses 
desseins  sur  la  Lorraine  expliquent  bien  des  choses  dans  sa  vie  :  il 

1.  Enfin,  c'esl  encore  à  A.venay  que  Richilde  réunit,  après  La  mort  de  Charles 

le  Chauve,  les  grands  du  royaume  hostiles  à  Louis  le  Bègue  (Ann.  B.,  p.  260). 


SCKBOULS   :    hincmar.  (39 

faut  savoir  le  plus  grand  gré  à  M.  Schxœrs  de  l'avoir  d'ailleurs  si  net- 
temenl  montré. 

Les  mérites  du  livre  de  M.  Schrœrs  tiennenl  au  fond  à  La  sévérité,  à 
L'impartialité  qu'il  apporte  d  cherches.  Il  n'a  point  d'idée  toute 

faite,  d'opinion  préconçue  sur  La  politique  el  sur  la  conduite  d'Hincmar. 
M.  de  Noorden  avait  eu  le  tort  de  chercher  surtout  à  réfuter  le  jugement, 
faux  assurément,  de Weiszaecker  sur  l'archevêque.  L'étude  déWeisza  • 
elle-même  n'était  point  directement  consacrée  à  Hincmar  :  L'auteur  se 
proposait  surtout  de  démontrer  comment  il  avait  pris  part  à  la  compo- 
sition de  la  collection  pseudo  Isidorienne,  tout  en  combattant  au  point 
de  vue  theologique  les  opinions  qu'elle  contient.  Pour  expliquer  cette 
contradiction,  il  s'était  efforcé  de  prouver  que  L'archevêque  de  Reims 
avait  pendant  toute  sa  vie  sacrifié  ses  opinions  théologiques,  el  sa  fidélité 
même  envers  le  roi,  au  désir  obstiné  dedevenir  primat  des  Gaules1.  Il 
concluait  qu'on  devait  voir  en  lui  le  champion  de  L'Église  nationale 
contre  le  roi,  contre  le  pape;  M. Schrœrs  a  mieux  pris  Les  choses  :  il  a 
commencé  par  faire  des  œuvres  d'Hincmar  une  étude  critique  appro- 
fondie. 

Nous  devons  d'abord  à  cette  méthode  des  renseignements  qui  nous 
manquaient  jusqu'ici  sur  les  connaissances  théologiques  et  littéraires, 
sur  les  procédés  de  composition  d'Hincmar.  Le  relevé  complet  que 
M.  Schrœrs  a  fait  des  passages  des  Pères,  îles  textes  de  droil  canon  nu 
même  de  droit  civil  cités  par  Hincmar,  nous  permet  de  constater  que, 
comme  tous  ses  contemporains,  il  emprunte  surtout  à  saint  Augustin, 
qu'il  cite  la  plupart  du  temps  de  mémoire,  probablement  d'après  des 
recueils  de  sentences  analogues  à  relui  de  Prosper  d'Aquitaine  iSch., 
p.  389,  note),  enfin  que  ces  citations  accumulées,  souvent  sans  aucune 
modification,  constituent  presque  toute  -a  science  m  ologique.  Sa  con- 
naissance de  l'antiquité  classique  est  aussi  imparfaite,  ires  inférieure  à 
celle  que  pouvait  avoir  Loup  de  Forrières.  Il  cite  souvent  les  anciens, 
mais  de  manière  à  prouver  qu'il  est  resté  généralement  étranger  à  leur 
esprit;  M.  Schrœrs  l'a  fort  bien  établi  (p.  466  sq.,  nota 

D'autre  part ,  cette  étude  attentive,  critique,  des  textes  d'Hincmar  a 
permis  à  l'auteur  de  rectifier  un  certain  nombre  d'erreurs  d'appréciation, 
d'inexactitudes  de  détail  commises  par  ses  prédécesseurs.  Il  n'a  pas  «le 
peine,  par  exemple,  à  montrer  que  la  deuxième  adresse  du  métropolitain 
de  lieimsà  Louis  le  Germanique,  en  875  (Sirmond,  II,  157-179.  Migne, 
Pal.  lai.,  t.  GXXVI,  p.  961-984),  est  beaucoup  moins  favorable  à 
Charles  le  Chauve  que  la  première,  celle  de  858.  Il  faut  avoir  la  volonté 
arrêtée  de  prouver  qu'Hincmar  désirait  la  première  expédition  de 
Charles  le  Chauve  en  Italie,  ce  qui  est  le  contraire  de  [a  vérité,  pour 
tirer  de  cette  pièce  la  conclusion  qu'en  a  tirée  Weiszaïcker2.  En  étudia  m 
attentivement  les  chapitres  xxxui-xxxy  du  De  jure  metropolitanoi 

1.  \iti<  le  cité   p.  3<si  sq.). 

•î.  Ibïd.,  p.  124.  —  Schrœrs,  p.  355-35? 


/,.50  COtUM'ES-RENDCS    CRITIQUES. 

l'autour  a  (out  à  l'ait  mis  en  lainière  les  véritables  raisons  qui  ont  déter- 
miné le  pape  Jean  VIII  à  rétablir,  en  faveur  d'Anségise,  le  vicariat  des 
Gaules  '.  Ce  sont  les  raisons  qui  avaient  été  pressenties  par  Dùmmler  : 
l'intérêt  du  saint-siège  n'était  point  directement  en  cause,  mais  celui 
de  l'empereur.  Il  ne  s'agissait  pas  de  défendre  les  droits  de  Rome  contre 
les  empiétements  des  Eglises  nationales,  mais  d'assurer  à  Charles  le 
Chauve,  pendant  sa  deuxième  expédition  d'Italie,  l'appui  du  clergé 
allemand  contre  son  frère2.  Relativement  au  même  ouvrage  d'Hincmar, 
M.  Schrœrs  a  fait  une  correction  de  détail  qui  ne  manque  point  d'im- 
portance :  suivant  M.  de  Noorden,  au  moment  du  concile  de  Ponthyon 
(876),  Hincmar,  jaloux  des  privilèges  accordés  par  Jean  VIII  à  l'arche- 
vêque de  Sens,  aurait  composé  deux  pamphlets  successifs  sur  la  question 
du  vicariat,  l'un,  le  De  jure  metropolitanorum,  l'autre,  une  Responsio 
domni  Ilincinaride  capitulis  qux  ad  episcopos  regni  Francorum  trqnsmisit 
papa  Johannes  et  de privilegiis  sedum  per  capitula  VII3.  Ces  deux  titres 
d'ouvrages  ne  sont  que  deux  titres  différents  d'un  même  ouvrage,  le 
second  est  le  titre  plus  ancien  ;  le  premier  a  été  donné  par  Sirmond  et 
est  devenu  courant'*. 

Nous  regrettons,  à  ce  propos,  que  M.  Schrœrs  n'ait  pas  appliqué  cette 
méthode  à  la  dernière  année  du  règne  de  Charles  le  Chauve.  Il  a  eu 
tort  de  considérer  comme  indiscutable  l'opinion  qui  fait  durer  jusqu'à 
la  mort  de  Charles  le  désaccord  de  l'empereur  et  de  l'archevêque  pro- 
voqué en  876  par  la  faveur  d'Anségise.  Faut-il  croire,  comme  on  le 
répète  généralement,  qu'Hincmar  a  désapprouvé  la  deuxième  expédition 
d'Italie,  qu'il  n'assistait  point  à  Kiersy,  qu'il  n'était  plus  écouté  de 
l'empereur,  qui  ne  lui  marque  à  l'assemblée  de  Kiersy  aucune  confiance  ; 
que  son  patriotisme  enfin  était  irrité  et  blessé  par  les  entreprises  de 
Charles  hors  du  royaume3?  La  lettre  adressée  par  le  métropolitain  de 
Reims  à  Louis  le  Règue,  quelques  mois  après  la  mort  de  son  père,  prouve 
absolument  le  contraire0  :  la  mention  qu'il  fait  de  l'assemblée  de 
Kiersy,  l'importance  qu'il  attribue  aux  décisions  qui  y  ont  été  prises, 
sont  des  arguments  de  nature  à  rectifier  cette  erreur  historique.  Il  faut 
encore  songer  qu'en  877  Louis  le  Germanique  était  mort,  Anségise  fort 
mal  avec  l'empereur  et  le  pape.  Hincmar  n'avait  plus  à  redouter  de  l'un 
une  nouvelle  campagne  en  Lorraine  et  en  Champagne,  de  l'autre  de 
nouveaux  empiétements  sur  les  droits  de  sa  métropole.  L'expédition  de 
Charles  le  Chauve  en  Italie  ne  l'exposait  à  aucun  danger. 

M.  Schrœrs  n'a-t-il  pas  eu  connaissance,  d'autre  part,  du  travail  que 
M.  Langen  a  publié  récemment  dans  la  Hislorische  Zeitschrift  sur  la 


1.  Sirmond,  Op.  II,  739  sq.  —  Schrœrs,  p.  35!),  note  16. 

2.  Diimmler,  I.  838.  —  Noorden,  p.  305. 

3.  Noorden,  p.  324.  —  Schrœrs,  p.  305,  note  43. 

4.  Sirm.,  11,  p.  719-740.  —  Migne,  t.  CXXVI,  p.  189-210. 

5.  Dùmmler,  11,  p.  4U-47.  —  Noorden,  p.  338. 

6.  Migne,  l.  CXXV,  p.  987-988.  Ad  Lud.  B.  rcg.,  eh.  vin. 


SCHBflBBS    :    IHM'.MAR.  !  I  I 

question  dos  Fausses  Décrétâtes?  M.  de  Noorden  avait  déjà  démontré 
qu'Hincmar  n'a  point  participé  à  La  confection  du  recueil  ;  il  l'attribuait 
à  son  prédécesseur,  Ebbon.  M.  Langen  pense  qu'Hincmar  o'a  rien  à  voir 
en  toute  cette  affaire,  et  que  la  métropole  do  Reims  elle-même  n'y 
était  nullement  intéressée4.  Le  recueil  aurait  été  composé  pour  main- 
tenir les  droits  du  métropolitain  de  Tours  sur  Les  évêchés  de  Bretagne, 
menacés  par  la  politique  de  Nomenoé.  Cette  nouvelle  hypothèse,  qui 
parait  appuyco  d'arguments  solides,  esl  de  nature  à  confirmer  définiti- 
vement les  opinions  de  MM.  de  Noorden  et  Schrœrs.  Il  e  table 
que  ce  dernier  ne  l'ait  pas  connue. 

Si  nous  nous  permettons  de  signaler  à  l'auteur  ces  erreurs  et  ces 
omissions  de  détail,  c'est  qu'il  nous  y  autorise  par  la  sévérité  mêmi 
sa  critique  et  par  le  nombre  dos  erreurs  qu'il  a  lui-même  rectifiées.  On 
trouvera  dans  les  Regestes  qu'il  a  eu  l'heureuse  idée  de  joindre  à  sou 
livre  la  meilleure  preuve  de  la  valeur  de  sa  méthode,  ainsi  que  les  résul- 
tat- auxquels  elle  lui  a  permis  d'arriver. 

En  étudiant  ainsi  scrupuleusement  les  œuvres  d'Hincmar,  qui  sont 
toujours  des  œuvres  de  circonstance,  M.  Schrœrs  a  reconstitue  la  vie  et 
retrouvé  les  sentiments  du  métropolitain  de  Reims  beaucoup  plus  sûre- 
ment qu'en  cherchant  à  faire  prévaloir  une  opinion  toute  faite  à  L'avant  e 
comme  Weiszaecker,  ou  qu'en  se  perdant  comme  M.  de  Noorden  dans 
Le  détail  des  événements  contemporains.  Le  jugement  qu'il  a  pu  ainsi 
en  deux  ou  trois  endroits  formuler  sur  l'archevêque  nous  parait  en  con- 
séquence beaucoup  plus  certain  et  plus  équitable.  Hincmar  n'est  point 
de  ces  hommes  politiques  qui  se  forment  par  les  événements  mêmes  :  il 
apporte  dans  la  conduite  de  sa  vie  un  certain  nombre  de  principes  tout 
faits  qu'il  a  puisés  dans  son  éducation2.  Il  estavec  cela  un  homme  d'ac- 
tion, qui  n'a  recours  au  raisonnement  que  pour  hâter  le  succès  de  ses  des- 
seins. Il  ne  prend  jamais  la  plume  que  dans  un  but  pratique.  Il  travaille 
ainsi,  en  homme  du  ixe  siècle  élevé  par  l'Église  à  la  cour  de  Louis  Le 
Débonnaire,  à  réaliser  l'idée  carolingienne  par  excellence,  l'alliance  de 
l'Église  avec  l'État,  à  la  condition  que  l'alliance  profite  en  dernière 
analyse  à  l'Église3.  Mais  il  retarderait  plutôt  qu'il  ne  hâterait  le  mou- 
vement qui  se  produit  à  la  fin  du  ixe  siècle  en  faveur  de  l'Église,  aux 
dépens  de  la  royauté.  Il  est,  comme  tous  les  ecclésiastiques  de  son 
temps,  entièrement  dévoué  aux  intérêts  de  son  diocèse,  très  pénétré  du 
rôle  et  de  la  mission  de  l'Église,  mais  non  pas  jusqu'au  point  de  trou 
bler  l'ordre  et  la  paix  du  royaume.  C'est  en  cela  qu'il  se  distingue  de 
prélats  turbulents  et  ambitieux,  comme  Ebbon  et  Wenilou,  auxquels  il 
ressemble  d'ailleurs  sur  d'autres  points.  Il  n'a  eu  ni  ce  zèle  puremenl 
désintéressé  pour  un  idéal  supérieur,  que  les  uns  lui  attribuent  »,  ni  cet 

1.  Langea,  Nochtnals  :  wer  isl  Pseudo Isidor,  élans  Hist.  Zeitsch.  Jahrg 
Neue  F.  Bd.  XII,  p.  473  sq. 

2.  Schrœrs,  p.  381. 

3.  Schrœrs.,  p.  3  et  ï. 

4.  Cf.  Longueval,  Hist.  de  l'Église  gallicane.  Paris,  L733.  V.  512.  — Ceilliei 


Ï52  COMPTES-RENDUS   CRITIQUES. 

espril  violent,  emporté,  cette  dureté  de  cœur  que  les  autres  lui 
reprochent4  ;  il  n'a  pas  plus  songé  à  défendre  les  droits  de  la  nation 
française  qu'il  n'a  songé  à  les  trahir2.  L'étude  de  ses  œuvres  n'autorise 
ni  ces  critiques,  ni  ces  éloges  excessifs.  M.  Schroers,  en  s'imposant  cette 
étude,  a  jugé  Hincmar  plus  impartialement  qu'on  ne  l'avait  fait  jusqu'ici. 

Emile  Bourgeois. 


Les  Correspondants  de  la  marquise  de  Balleroy,  d'après  les 
originaux  inédits  de  la  Bibliothèque  Mazarine,  par  le  comte  Edouard 
de  Barthélémy.  Paris,  Hachette,  1883,  2  vol.  in-8°  de  lxxxvii-403 
et  596  pages. 

Ce  n'est  point  ici  un  livre  comme  celui  où  M.  de  Raynal  nous  a 
montré,  dans  une  composition  originale,  et  groupés  autour  de  Joubert, 
quelques  représentants  de  la  société  polie  sous  le  premier  Empire.  M.  de 
Barthélémy  a  simplement  publié,  en  faisant  un  choix,  les  lettres  écrites 
de  1706  à  1725  à  la  marquise  de  Balleroy,  en  Normandie,  par  ses 
parents  et  amis  demeurés  à  Paris.  Ces  lettres,  conservées  en  huit 
volumes  in-folio  à  la  Bibliothèque  Mazarine,  avaient  déjà  été  signalées 
et  mises  à  profit  par  M.  Charles  Aubertin  (Revue  des  Deux-Mondes  du 
1er  janvier  1872).  En  voici  maintenant  les  parties  essentielles  livrées  au 
public,  qui  pourra  y  recueillir  un  certain  nombre  de  renseignements 
nouveaux  et  piquants  sur  la  cour  et  la  ville  au  temps  de  la  Régence. 

Bien  qu'émanant  de  gens  du  monde,  cette  œuvre  collective  à  l'usage 
d'un  lecteur  unique  n'a  rien  de  littéraire  ;  nous  sommes  loin  ici  de 
Mme  de  Sévigné  traduisant  à  l'usage  de  la  gouvernante  de  Provence, 
dans  son  style  inimitable,  la  gazette  de  Paris  et  de  Versailles.  La  desti- 
nataire de  ces  lettres  est  bien  encore  une  grande  dame  exilée  d'un  monde 
qu'elle  regrette  et  tient  à  ne  pas  oublier  ;  elle  a  pour  correspondants  ses 
frères  les  Caumartin,  ses  neveux  les  d'Argenson,  les  futurs  ministres  de 
Louis  XV,  ses  cousins  le  baron  de  Breteuil,  l'abbé  de  Guitaut,  M.  de 
la  Cour  de  Maltot,  et  à  l'occasion  son  mari  ;  mais  ceux-ci  sont  bien 
moins  empressés  à  vérifier  ce  qu'ils  ont  appris  qu'à  intéresser  leur 
parente  recluse  malgré  elle  à  la  campagne,  et  ils  jettent  rapidement  sur 
le  papier  les  faits-divers,  les  bruits  plus  ou  moins  hasardés  tombés 
dans  leurs  oreilles.  «  Voilà  ce  que  j'ai  appris  de  Mme  Grognet  dans  les 
rues,  écrit  l'un  (I,  59).  —  L'histoire  vous  paraîtra  un  peu  outrée,  écrit 
l'autre  (II,  23),  mais  vous  avez  trois  neveux  qui  tous  trois  me  l'ont 

Hist.  des  auteurs  sacrés  et  ecclésiastiques.  Paris,  1754.  T.  XIX,  34.  —  Darras, 
Ilist.  générale  de  l'Église.  Paris,  1854.  II,  467. 

1.  Hauréau,  Nouvelle  biographie  générale.  Paris,  1858.  T.  XXIV,  p.  711.  — 
Banage,  Ilist.  de  l'Église,  livre  XII,  ch.  vin.  —  Ampère,  Hist.  lit  t.  de  la 
F  m  ace  sous  Charlemagne.  Paris,  1808.  P.  176.    ■ 

,'.  Noorden  et  Wcisflree.ker,  Op.  cit.,  et  la  critique  qui  fui  adressée  à  l'un 
el  a  l'autre  dans  la  Uistorische  Zeitsch.  de  Sybcl.  1864,  p.  226. 


DE  BARTHÉLEM!  :   LES  COERESPONDiNTg  DE  l.\  HUe  DE  BALLEBOT.       143 

contée.  »  Leur  plume  court  même  trop  vite  au  gré  de  leor  correspon- 
dante :  «  Voilà  bien  du  griffonnage;  mais  il  aurait  fallu  trois  heures 
pour  mieux  écrire  »  (H,  25).  Quelquefois  ils  cèdent  la  parole  à  un  de- 
ces  nouvellistes  à  la  main  dont  la  race  iinira  par  pulluler  autour  du 
monde  élégant  de  cette  époque.  Tout  au  plus  chacun  traliii-il  un  tour 
particulier  de  pensée  qui  le  porte  à  explorer  tel  ou  tel  coin  de  la  soci 
à  suivre  tel  ou  tel  ordre  d'idées  :  c'est  ainsi  que  le  chevalier  d'  Vrgenson 
et  Caumartin  de  Boissy  racontent  volontiers  les  anecdotes  gaillardes 
M»*  de  Balleroy,  lectrice  de  Grécourt  il.  200.  —  Cf.  le  curieux  por- 
trait de  ce  conteur,  II,  55),  devait  s'en  réjouir  sans  scrupule.  Ceci  est  la 
marque  caractéristique  du  temps  sur  ce  recueil  de  correspondances 
improvisée-. 

Les  premières  lettres,  émanées  d'un  sieur  Morin,  sonl  antérieures 
à  1715;  ce  sont  de  courts  fragments  qui  expriment  assez,  bien,  par 
quelques  traits  expressifs,  les  misères  de  la  lin  du  grand  règne  :  Villeroy 
honni  pour  sa  défaite  de  Ramillies,  Vauban  craignant  d'être  obligé  de 
quitter  la  France,  l'escorte  funèbre  du  roi  réduite  aux  seuls  officiel 
service;  puis  le  monde  de  la  Régence  se  montre  dans  toute  sa  confusion 
étourdie,  les  scandales  princiers  à  côte  des  nouveautés  financier! 
des  querelles  ecclésiastiques.  Il  est  souvent  question  dans  cette  chro- 
nique épistolaire  de  lûtes,  de  mariages,  souvent  aussi  île  morts  ou 
d'assassinats  :  Cartouche  y  tient  presque  autant  de  place  que  Law.  Les 
nouvelles  littéraires  sont  en  bonne  place,  qu'il  s'agisse  d'une  tragédie 
ou  d'une  publication  bénédictine,  et  Voltaire  et  Saint-Simon  figurenl 
en  un  coin  du  tableau.  Çà  et  là  le  narrateur  joint  à  ses  faits-divers  la 
mention  de  quelque  événement  lointain,  des  détails  sur  la  peste  de 
Marseille,  une  copie  de  lettres  venues  de  Hongrie,  même  l'annonce  de 
la  mort  de  l'empereur  du  Mogol.  L'ensemble  de  ces  informations  cons- 
titue une  sorte  de  gazette  mondaine  qui  est  pour  la  Régence,  avec  plus 
de  sécheresse,  mais  avec  une  variété  égale,  ce  que  les  recueils  de  Bachau- 
mont  et  de  Métra  sont  pour  le  règne  de  Louis  XVI.  On  peut  la  définir 
également  une  suite  à  Dangeau,  un  complément  à  Buvat,  une  intro- 
duction à  Mathieu  Marais  et  à  Barbier. 

M.  de  Barthélémy  a  cru  devoir  laisser  aux  érudits  qui  trouveront  à 
prendre  dans  ces  feuilles  légères  le  soin  de  relever  les  erreurs  com- 
mises ;  son  annotation  est  plutôt  biographique  et  explicative  que  critique, 
et  l'auteur  des  Filles  du  Urgent  y  a  de  nouveau  fait  preuve  d'une 
naissance  approfondie  de  l'époque;  seulement  quelques-uns  des  éclair- 
cissements donnés  eussent  gagné  soit  à  être  abrégés  de  façon  à  éviter 
les  répétitions  (v.  les  notes  sur  l'archevêque  de  Rouen,  I.  16  el  19,  et 
sur  l'évêque  de  Beauvais,  1,85  et  338),  soit  à  être  places  ailleurs;  ainsi 
la  note  sur  la  bulle  Unigenitus  n'apparaii  qu'à  la  date  'le  mars  1717. 
lorsqu'il  a  déjà  été  plusieurs  fois  question  des  querelles  auxquelles  i 
bulle  donna  lieu  '.  Eulin  il  faut  regretter  l'absence,  à  la  fin  de  ces  deux 

1.  Je  signalerai  aussi  quelques  menues  erreurs  dans  le  texte  <  omrae  )ltii>iil<n< 
pour  MasiiUon  il,  3U7 ..  Artémise  pour  Artémire  (II,  1*24). 


i  ;  \  coMrTEs-RE\nrs  critiques. 

volumes,  déjà  sans  doute  trop  compacts  an  gré  de  l'éditeur,  d'un  index 
qui  eût  évité  aux  chercheurs  beaucoup  de  temps  perdu  et  de  peine 
inutile. 

C'est  en  quelque  fanon  une  compensation  à  ces  lacunes  que  la  subs- 
tantielle introduction  placée  en  tête  de  l'ouvrage.  M.  de  Barthélémy  y 
a  raconté,  avec  une  grande  abondance  et  sûreté  de  détails,  l'histoire  des 
deux  familles  qui  ont  fourni  presque  tous  ses  auteurs  à  cette  correspon- 
dance, les  Caumartin  et  les  Balleroy.  La  biographie  des  trois  Caumar- 
tin,  le  premier  garde  des  sceaux  de  Louis  XIII,  le  second  ami  du  car- 
dinal de  Retz  et  président  effectif  des  fameux  Grands  Jours  d'Auvergne, 
le  troisième  élève  de  Fléchier  et  protecteur  de  Voltaire,  est  particuliè- 
rement intéressante,  et  les  grands  auteurs  de  Mémoires  du  temps,  de 
Bassompierre  à  Saint-Simon,  ont  contribué  à  l'enrichir.  Les  Caumartin, 
qui  étaient  de  vieille  race  parlementaire,  ont  commencé  la  fortune  de 
leurs  neveux  d'Àrgenson,  et  ont  tenu  jusqu'à  la  fin  un  rang  élevé  dans 
l'ancienne  monarchie  ;  un  d'eux  était  intendant  de  Franche-Comté 
en  1789.  Leur  biographie  ainsi  mise  en  lumière  nous  prouve  une  fois 
de  plus  que  l'histoire  des  familles  sert,  aussi  bien  que  celle  des  institu- 
tions, à  reconstituer  pour  nous  une  image  fidèle  de  l'ancienne  France. 

L.    PlNGAUD. 


Leabar  Gabala.  Livre  des  invasions,  traduit  de  l'irlandais,  pour 
la  première  fois,  par  Henri  Lizerat  et  William  O'Dwyer.  Paris, 
Maisonneuve,  -(884.  xxn-255  p.  in-8°. 

Le  nouvel  ouvrage  de  M.  Henri  Lizeray  ne  pourra  qu'ajouter  à  la 
réputation  d'excentricité  qu'il  s'est  faite  auprès  d'un  public  fort  restreint 
par  des  œuvres  aussi  nombreuses  que  variées  :  Bacchns  ou  le  dernier 
dieu;  Théorie  d'une  nouvelle  société;  Éléments  de  tactique;  Code  du  nihi- 
liste; Dialogue  d'amour,  etc.,  etc.  M.  Lizeray  a  une  façon  d'entendre  les 
traductions  qui  n'appartient  qu'à  lui.  Le  Leabar  Gabala  lui  a  paru  curieux, 
à  juste  titre,  c'est  la  base  de  la  mythologie  irlandaise,  l'histoire  des 
races  divines  et  humaines  qui  ont  paru  les  premières  en  Irlande,  d'après 
les  traditions  des  Gaëls.  M.  d'Arbois  de  Jubainville  en  a  tiré  le  plus 
grand  parti  dans  son  Essai  sur  la  mythologie  irlandaise.  Par  malheur, 
M.  Lizeray,  au  moment  où  il  allait  se  mettre  à  l'œuvre,  ne  savait  pas 
un  mot  d'irlandais,  pas  un  mot  d'anglais.  Cela  ne  l'a  pas  arrêté  un 
instant  :  au  bout  de  cinq  mois,  le  Leabar  Gabala  était  traduit.  Donnons 
la  parole  à  M.  Lizeray  pour  nous  expliquer  ce  prodige,  cela  ne  saurait 
se  résumer  :  a  Un  mot  maintenant  sur  les  circonstances  de  la  présente 
traduction.  L'un  des  auteurs  (M.  Lizeray),  se  trouvant  de  passage  à 
Dublin,  fut  frappé  par  ce  qu'on  disait  du  Leabar  Gabala  et  résolut  de 
traduire  l'ouvrage,  sans  savoir  d'ailleurs  un  mot  d'anglais,  ni  d'irlan- 
dais :  il  se  réservait  d'apprendre  ces  langues  au  cours  de  la  traduction. 
Il  s'associa  donc  un  collaborateur  actif,  très  au  courant  de  l'irlandais 


LIZERAY    El   ODWÏEB    :    LEABAB   GABALA.  545 

moderne,  et  tous  deux  se  mirent  au  travail,  l'un  s'aidanl  de  son  érudi- 
tion, l'autre  arme  du  dictionnaire  incomplet  d'O'Reilly.  lis  terminèrent 
en  cinq  mois  cette  entreprise  dont  les  difficultés  sans  nombre  avaienl 
fait  reculer  les  savants  O'Donovan  et  O'Curry. 

Depuis,  un  des  collaborateurs  est  mort,  l'autre  hululant  l'an-  u";i 
pas  sous  les  yeux  le  texte  irlandais4.  La  traduction  de  M.  Lizeraj  a  été 
faite  sur  la  traduction  anglaise  d'O'Dwyer,  son  intrépide  collaborateur. 
.Mais  M.  Lizeray  n'aurait-il  pas  été  plus  loin  ?  N'aurait-il  pas  l'ait  t in- 
duire l'anglais  d'O'Dwyer  par  un  Anglais  sachant"  pi  us  ou  moins  bien 
le  français?  On  serait  fondé  à  le  supposer;  la  traduction  es!  pleine 
d'anglicismes  et  de  termes  à  moitié  anglais. 

Le  texte  irlandais  dont  s'esl  servi  O'Dwyer  est  du  xvne  siècle;  c'est 
le  remaniement  du  Livr  des  Invasions  terminé  en  1631  par  .Michel 
O'Clery.  M.  Lizeray  ne  semble  pas  se  douter  qu'il  a  choisi  le  plus  mau- 
vais texte  du  Leabar  Gabala  et  qu'on  en  trouve  une  version  dans  un 
manuscrit  du  xne  siècle,  le  livre  de  Leinster,  sans  parler  de  plusieurs 
manuscrits  du  même  siècle  et  de  quelques  autres  du  xrveetdu  xv  siècle. 
La  traduction  est  précédée  d'une  préface-manifeste  au  lecteur  français. 
M.  Ljzeray  éprouve  le  he-Min  d'établir  l'identité  des  deux  races  irlan- 
daise et  celtique  (p.  x\ |. 

Le  volume  se  termine  par  des  notes  non  moins  extraordinaires  que 
le  reste.  M.  Lizeray  est  revenu  d'Irlande  fénian  déterminé.  Aucun 
peuple  ne  trouve  grâce  à  ses  yeux,  à  l'exception  des  Celtes  et  particu- 
lièrement des  Irlandais.  Il  nous  apprend,  en  quelques  lignes,  une  foule 
de  choses  intéressantes,  par  exemple,  que  les  Anglais  sont  inférieurs 
aux  Celtes  clans  toutes  les  manifestations  intellectuelle,  politique, 
lettres,  sciences,  guerre,  marine;  il  ne  leur  reconnaît  qu'un  talent  :  ce 
sont  de  bons  palefreniers  (p.  254).  Il  leur  rappelle,  ce  qu'ils  avaient,  à 
son  avis,  oublié,  qu'ils  ne  sont  pas  chez  eux  même  en  Grande-Bretagne. 
L'anthropologie  devient  sous  la  plume  de  M.  Lizeray  une  science  amu- 
sante. En  une  page  (p.  249),  il  a  caractérisé  en  traits  ineffaçables  les 
différents  types  européens.  Nous  apprenons  que  l'Irlandais  est  large  de 
poitrine,  trapu,  d'une  dégaine  dégagée  ;  que  l'Anglais  a  la  poitrine  étroite  ; 
que  le  siège  ethnique  des  Allemands  est  à  Dresde,  et  qu'ils  ont  souvent  le 
ventre  gros  et  les  jambes  grêles,  etc. 

On  le  voit,  on  s'est  trop  hâté  de  déplorer,  au  nom  de  la  gaieté  fran- 
çaise, la  disparition  de  l'espèce  curieuse  des  Celtomanes. 

M.  Henri  Lizeray  en  est  un  type  bien  accentué,  et  il  ne  parait  pas 
avoir  dit  encore  son  dernier  mot. 

J.  Lom. 
1.  Préface,  xx. 


',4b  RECUEILS    PERIODIQUES. 


RECUEILS  PERIODIQUES  ET  SOCIETES  SAVANTES. 


1.  —  Revue  des  questions  historiques.  19e  année,  1885,  1er  jan- 
vier. —  Abbé  Martin.  Origène  et  la  critique  textuelle  du  Nouveau  Tes- 
tament. —  Noël  Valois.  Le  gouvernement  représentatif  en  France  au 
xive  s.  :  otude  sur  le  conseil  du  roi  pendant  la  captivité  de  Jean  le  Bon 
(étude  très  curieuse  et  en  partie  très  neuve.  Montre  que  les  états  géné- 
raux, assemblés  en  octobre  1356,  n'ont  pas  organisé  un  gouvernement 
nouveau;  qu'il  n'y  eut  pas  de  conseil  élu.  C'est  l'ancien  Grand  Conseil 
du  roi  Jean,  conseil  composé  en  majorité  de  gens  de  petit  état,  de  bour- 
geois, qui  continua  de  subsister  avec  des  modifications  plus  ou  moins 
considérables  ;  il  subsiste  même  pendant  la  période  révolutionnaire  de 
1358  ;  aussitôt  le  régent  vainqueur,  on  revient  à  l'ancien  mode  de  gou- 
vernement. Rien  surtout  ne  permet  de  croire  que  personne  ait  songé  à 
changer  de  régime,  à  substituer  la  république  à  la  monarchie).  —  H.  de 
La  Ferrière.  La  seconde  guerre  civile  ;  la  paix  de  Lonjumeau.  —  R.  P. 
Pierling.  Un  arbitrage  pontifical  au  xvie  s.  ;  mission  diplomatique  de 
Possevino  à  Moscou  (nouveaux  renseignements,  puisés  aux  archives  du 
Vatican,  sur  la  trêve  conclue  le  15  janvier  1582,  à  Iam  Zapolski  entre 
Etienne  Bathory ,  roi  de  Pologne ,  et  Jean  IV  le  Terrible ,  tsar  de  Mos- 
cou). —  A.  Du  Boys.  Le  cardinal  Fisher,  évêque  de  Rochester  (bio- 
graphie de  ce  personnage,  mort  pour  sa  foi  en  1535,  et  dont  on  poursuit 
actuellement  la  canonisation  auprès  de  la  cour  de  Rome).  =  Bulletin 
bibliographique.  Jungmann.  Dissertationes  selectae  in  historiam  eccle- 
>ia-ticam  (22  dissertations  excellentes  sur  Parianisme,  les  iconoclastes, 
le  schisme  de  Photius,  les  papes  des  xie,  xiret  xnie  s.).  —  Daguin.  Les 
évèques  deLangres;  étude  épigraphique,  sigillographique  et  héraldique 
(excellent).  —  A.  de  Lantenay.  Les  prieurs-claustraux  de  Sainte-Croix 
de  Bordeaux  et  Saint-Pierre  de  La  Réole,  depuis  l'introduction  de  la 
réforme  de  Saint-Maur  (travail  très  consciencieux).  —  Bombai.  La  châ- 
tellenie  de  Merle  (bon).  —  Abbé  Morel.  Houdencourt;  seigneurie  et 
paroisse  (intéressant  ;  a  mis  à  profit  les  archives  du  château  de  Fayel, 
relatives  aux  La  Mothe  Houdancourt).  —  Dzieduszycki.  Der  Patriotis- 
mus  in  Polen  (connaissance  médiocre  des  faits;  jugements  très  contes- 
tables). —  Pawinski.  Zrodla  Dziejowa  (recueil  de  documents  très  variés 
relatifs  au  règne  d'Ét.  Bathory,  de  1576  à  1586).  —  R.  P.  de  La  Yays- 
e.  Histoire  de  Madagascar  (instructif).  —  Gloquet.  Monographie  de 
l'église  paroissiale  de  Saint-Jacques  de  Tournai  (bon). 

2.  —  Bibliothèque  de  l'École  des  chartes.  T.  XLV;  année  1884, 
,;■  Hvr.  —  11.  Fr.  Delaborde.  Notice  sur  les  ouvrages  et  sur  la  vie  de 


RECUEILS  PERIODIQUES.  !  \~ 

Rigord,  moine  de  Saint-Denis  des  «  Gesta  Philippi  Augusti  »  onl  eu 
au  moins  trois  rédactions  :  l'une,  composée  entre  1 186  et  1 196,  était  pré- 
cédée du  prologue;  la  seconde  a  été  écrite  après  le  divorce  du  roi  avec 
Ingeburge,  l'ait  que  blâme  Rigord  et  qui  est  cause  qu'après  avoir  exalté 
le  roi.  il  le  traite  sévèrement  ;  continuée  jusque  vers  les  premiers  mois  de 
1200,  cette  rédaction  était  accompagnée  de  la  lettre  au  prince  Louis. 
Cesdeux  rédactions  primitives  ne  nous  sont  pas  parvenues.  Nous  n'avons 
que  la  troisième,  continuée  jusqu'à  la  fin  de  1206.  Pour  sa  chronologie, 
Rigord  suit  le  style  du  25  mars.  Outre  les  «  Gesta,  »  on  vient  de  retrou- 
ver quelques  feuillets  d'une  courte  chronique  des  rois  de  France,  que 

Rigord  composa  vers  l'an  1196  et  avant  le  mois  de  mai  de  cette  ann 

—  Morel-F.vtio.  Rapport  sur  une  mission  philologique  à  Valence.  — 
Brdel.  Charte  de  pariage  de  Jean,  sire  de  Joinville,  avec  l'abbé  de 
Saint-Mansuy  deToul;  décembre  1264.  =  Ribliographie.  Franklin.  Les 
corporations  ouvrières  de  Paris,  du  xue  au  xvin0  s.  (œuvre  de  vulgari- 
sation, mais  très  soignée  et  intéressante;  elle  vaut  surtout  par  les  des- 
sins des  armoiries  des  divers  métiers).  —  Lecoy  de  La  Marche.  Les 
manuscrits  et  la  miniature  (résumé  intelligent  des  principaux  résultats 
auxquels  on  est  arrivé  en  France  sur  la  paléographie,  la  miniature  et 
l'histoire  des  livres  au  moyen  âge.  Illustrations  bien  choisies  et  conve- 
nablement exécutées).  —  0.  von  Heinemann.  Die  Handschriften  der 
herzoglichen  Bibliothek  zu  Wolfenbùttel  ;  Bd.  1  (décrit  540  mss.  du 
fonds  Helmstedt  ;  un  certain  nombre  concernent  la  France,  et  en  pari  i- 
culier  l'histoire  de  l'Inquisition). 

3.  —  Revue  critique  d'histoire  et  de  littérature.  1884.  N°  54. 
=  Rajna.  Le  origini  dell'  epopea  francese  (livre  très  remarquable  qui 
intéresse  autant  les  historiens  que  les  philologues).  —  Welschinger.  Les 
almanachs  de  la  Révolution  (curieux).  =  N°  52.  Weil.  Les  plaidoyers 
politiques  de  Démosthènes.  lre  série  ;  2e  édit.  (c'est  la  préface  surtout 
qui  a  reçu  d'importantes  modifications  ;  d'heureuses  corrections  ont  été 
apportées  au  texte).  —  Jervis.  The  gallican  church  and  the  révolution 
(estimable  sans  rien  apprendre  de  nouveau).  =  1885.  N°  1.  Ferr\ 
Paganisme  des  Hébreux  jusqu'à  la  captivité  de  Babylone  (livre  inutile 
et  faux).  =  Nu  3.  Ortolan.  Histoire  de  la  législation  romaine.  12e  édit., 
augmentée  d'appendices  par  M.  Labbé  (les  excellents  appendices  de 
M.  Bonnier  et  de  M.  Labbé  rajeunissent  le  célèbre  ouvrage  d'Ortolan, 
un  des  premiers  en  France  où  l'on  ait  tente  sérieusement  d'expli- 
quer le  droit  romain  par  son  développement  historique).  —  Comte  de 
Cosnac.  Les  richesses  du  palais  de  Mazarin  (ouvrage  intéressant, 
mais  écrit  sans  méthode  ni  précision).  —  Correspondance  :  lettre 
de  M.  S.  Reinach  à  M.  Rouire  sur  l'emplacement  de  l'ancien  lac 
Triton.  —  N°  4.  Meijer.  Albanesische  Studien  (il  est  maintenant  hors 
de  doute  que  l'Albanais  appartient  à  la  branche  européenne  de  la 
famille  indo-germanique;  mais  il  a  reçu  un  très  grand  nombre  d 
ments  étrangers).  =N°  5.  Tainc.  Le  gouvernement  révolutionnaire  (son 
livre  est  un  terrible  réquisitoire  contre  le  jacobinisme;  mais  on  n'y 


',  58  RECUEILS  PERIODIQUES. 

trouve  rien  qui  fasse  regretter  ni  la  chute  de  l'ancien  régime,  ni  le  suc- 
cès iinal  des  principes  de  89.  Dans  son  quatrième  vol.,  M.  Taine  paraît 
avoir  oublié  qu'il  a  écrit  le  premier).  —  Variété.  ClerxMOnt-Ganneau. 
Notes  d'archéologie  orientale.  19e  art.  :  l'inscription  nabatéenne  de 
D'meîr,  et  l'ère  des  Séleucides,  dite  ère  des  Romains  (les  Nabatéens 
appelaient  romaines  les  populations  syriennes  hellénisantes  qui  se  ral- 
lieront de  bonne  heure  aux  Romains,  et  qui  employaient  couramment 
l'ère  des  Séleucides.  De  là  le  nom  d'ère  des  Romains  employée  dans 
l'inscr.  ci-dessus). 

4.  —  Bulletin  critique.  1885.  N"  1.  —  Abbé  Sauvage.  Actes  de 
saint  Mellon,  premier  évêque  de  Rouen  (travail  fort  consciencieux,  mais 
peu  original  ;  au  texte  des  Bollandistes,  l'auteur  ajoute  aussi  leurs  dis- 
sertations,  mais  traduites  et  accompagnées  de  notes  originales.  Quant 
à  la  personnalité  même  de  saint  Mellon,  il  est  presque  impossible  de 
conclure  rien  de  certain  de  sa  légende).  —  Abbé  Péchenard.  Histoire  de 
l'abbaye  dlgny  au  diocèse  de  Reims  (bonne  monographie).  —  Saint 
François  d'Assise  (quelques  détails  nouveaux  sur  la  vie  du  saint;  mais 
surtout  beau  livre  artistique  élevé  à  sa  gloire  et  à  celle  de  son  ordre). 
=  N°  2.  A.  de  La  Borderie.  La  révolte  du  papier  timbré  advenue  en  Bre- 
tagne, en  1675  (nombreux  détails  inédits  sur  cette  révolte  et  sur  la  ter- 
rible répression  qui  la  suivit).  —Dom  Plaine.  Vie  inédite  de  saint  Malo, 
écrite  au  ixe  s.  par  Bili  (texte  publié  d'après  deux  mss.,  l'un  d'Oxford, 
l'autre  du  musée  britannique  ;  il  aurait  pu  l'être  avec  un  soin  plus  minu- 
tieux). —  A.  de  la  Borderie.  Vie  de  saint  Malo,  écrite  au  ixe  s.  par  un 
anonyme  (celle-ci  fut  rédigée  à  Saintes  ;  c'est  d'elle  que  sont  sorties  les 
légendes  postérieures  de  saint  Malo;  appendice  fort  curieux  sur  la  trans- 
lation du  corps  entier  du  saint  à  Alet).  —  Horoy.  Prolégomènes  d'un 
cours  sur  le  droit  canonique  et  ses  relations  avec  le  droit  civil  (empha- 
tique et  médiocre).  —Buelens.  Atlas  des  villes  delà  Belgique  au  xvie  s. 
(lie  livr.  d'un  ouvrage  de  haut  luxe,  qui  est  aussi  un  recueil  d'utiles 
monographies  historiques  :  ainsi  Malines,  Valenciennes ,  Dixmude, 
Bidbourg  et  Saint-Nicolas  ont  dans  cette  livraison  leur  histoire). 

5.  —  Le  Curieux.  lre  année,  1884.  Nos  13  et  14.  —  Relation  de  l'ar- 
restation, à  Nantes,  de  Mme  la  duchesse  de  Berry,  par  M.  Joly,  commis- 
saire de  police  (relation  très  longue  et  très  circonstanciée).  —  La  ques- 
tion de  Louis  XVII  (publie  plusieurs  documents  inédits  de  1816  et  de 
1817).  —  Les  Pairs  de  France;  suite  (notice  biographique  sur  chacun 
des  pairs  de  la  Restauration). 

6.  —  Bulletin  du  Comité  des  travaux  historiques  et  scienti- 
fiques. Section  d'histoire  et  de  philologie."  Année  1884.  N°  2.  —  Joli- 
bois.  Utilité  et  importance  des  registres  des  notaires;  mesures  prises  ou 
à  prendre  pour  en  assurer  la  conservation  et  en  faciliter  l'usage  (rapide 
hist,  du  notariat  en  France;  réflexions  très  justes  sur  les  services  que  les 
archives  des  notaires  pourraient  rendre  à  l'histoire,  si  elles  étaient  conser- 
vées, au  moins  pour  la  partie  antérieure  à  1789,  dans  des  dépôts  publics). 


RECUEILS    PÉRI0DIQ1  BS.  Î49 

—  Miredr.  Conventions  et  contrats  d  obligation  contenant  l'interdiction 
de  jouer  (un  certain  Vétéris,  joueur  et  débauché,  emprunte  de  L'argent, 
contre  promesse  qu'il  ne  jouera  plus;  s'il  manque  à  son  serment,  il 
déclare  se  soumettre  d'avance  à  6  mois  d'emprisonnement  au  pain  et  à 
l'eau.  Draguignan,  1576).  —  Benêt.  Le  grand  hiver  de  1709  à  Mâcon 
(extraits  des  unies  du  lieutenant  Bernard,  témoin  oculaire).  —  Pelicier. 
Charte  d'Ay;  Paris,  déc.  1312  (Louis,  roi  de  Navarre,  fils  de  Philippe 
le  Bel,  accorde  aux  yens  d'Ay,  moyennant  400  1.  t.,  le  droit  d'élire 
chaque  année  un  maire  et  deux  échevins,  qui  connaîtront  de  toutes  les 
causes,  sauf  les  cas  de  vol  et  de  haute  justice,  avec  le  droit  de  percevoir 
7  s.  0  d.  t.  sur  chaque  amende).  —  Moulenq.  (t)uel  jour  commençait 
l'année  dans  les  différentes  provinces  ?  (Le  25  mars  en  Rouerguc,  dans 
l'Agenais,  à  Cahors,  dans  la  plupart  des  localités  du  département  actuel 
de  Tarn-et-Garonne.  Gf.  les  remarques  de  M.  Deloche  dans  la  même 
livr.,  paye  115;  il  en  résulte  que  l'année  commençait  le  25  mars  au 
diocèse  de  Rodez  ;  que  cette  date  fut  adoptée,  au  lieu  de  celle  de  Pâques, 
pour  le  diocèse  de  Limoges  en  1301,  et  par  suite  dans  celui  de  Tulle, 
distrait  du  précédent  en  1317.) 

7.  —  Revue  archéologique.  3e  série,  t.  IV,  oct.  1884.  —  Deloche. 

Études  sur  quelques  cachets  et  anneaux  de  l'époque  mérovingienne; 
suite.  —  Tourret.  Les  lampes  chrétiennes  du  cabinet  de  France.  — 
Homolle.  Inscription  de  Délos  portant  la  signature  de  l'artiste  Thoinias. 

—  Saurel.  Une  nouvelle  inscription  gauloise  (cette  inscr.  en  grec  n'est 
pas  encore  déchiffrée  d'une  façon  suffisante  pour  qu'on  puisse  l'inter- 
préter). =  Novembre-décembre.  Clermont-Ganmoai  .  Inscript,  grecques 
inédites  du  Ilaurâu  et  des  régions  adjacentes.  — Battiffol.  Fragmenta 
Sangallensia ;  contribution  à  l'histoire  de  la  Vêtus  Itala  (publie  15  frag- 
ments inédits  d'une  ancienne  version  delà  Bible).  —  identification  des 
dieux  d'Hérodote  avec  les  dieux  égyptiens;  lettre  inédite  de  Mariette- 
Bev  à  M.  E.  Desjardins,  28  déc.  1873.  —  Caidoz.  Trois  inscr.  nouvelles 
d'Aix-les-Bains  (ces  inscr.  portent  le  nom  de  trois  sœurs  Titia,  et  l'on 
peut  supposer,  par  leurs  surnoms,  qu'elles  appartenaient  au  monde  tapa- 
geur des  villes  d'eaux). 

8.  —  Gazette  des  beaux-arts.  2e  Période,  t.  XXX,  1884.  1er  oct. 

—  BoNNAFFi':.  Le  mausolée  de  Claude  de  Lorraine,  premier  duc  de  Guis.' 
et  d'Aumale  (histoire  de  sa  destruction  en  179?.;  ce  qu'il  eu  reste;  les 
artistes  qui  y  furent  employés).  —  Yriarte.  Les  portraits  de  Lucrèce 
Borgia.  =  1er  nov.  A.  de  Montaiolon.  Jean  Goujon  et  la  vérité  sur  la 
date  et  le  lieu  de  sa  mort;  finie  1er  janvier  1885  (voici  les  faits  certain- 
de  sa  vie  :  il  travaille  pour  Saint-Maclou  et  à  la  cathédrale  de  Rouen, 
en  1541  et  1542,  ce  qui  permet  de  lui  supposer  une  origine  normande. 
11  fait  les  sculptures  du  jubé  de  Saint-Germain-l'Auxerrois,  en  1544, 
celles  de  la  fontaine  des  Innocents,  en  1548  et  1549,  celles  du  Louvre, 
de  1550  à  1562.  Il  quitte  alors  la  France,  et  meurt  sans  doute  à  Bologne, 
entre  1564  et  1568,  bien  avant  donc  avant  la  Saint-Barthélémy).  = 

Rev.  Bistor.  XXVII.  2e  fasc  29 


;:iO  RECUEILS    PERIODIQUES. 

T.  XXXI,  1885.  Ier  février.  P.  Mantz.  Rubens.  12e art.  (son  ambassade 
à  Londres,  en  1629-1630  ;  son  retour  à  Anvers,  après  le  succès  de  cette 
mission  diplomatique.  Philippe  IV  songea  un  moment,  tant  ses  services 
avaient  été  appréciés,  à  l'accréditer  auprès  de  Charles  Ier  comme  rési- 
dent définitif  et  permanent). 

9.  —  La  Révolution  française.  1884,  14  déc.  —  Colfavru.  L'As- 
samblée législative;  son  œuvre,  son  action.  —  Décret  sur  la  constitu- 
tion civile  du  clergé.  —  A.  Dubost.  Danton  et  les  massacres  de  sep- 
tembre; fin  (non  seulement  Danton  n'est  pas  responsable  des  massacres, 
mais  il  a  tout  fait  pour  les  empêcher;  c'est  même  pourquoi  les  vrais 
auteurs  du  crime,  Marat,  Billaud-Varenne,  Henriot,  après  avoir  suivi 
Danton  au  10  août,  se  sont  détachés  de  lui,  l'accusant,  comme  le  rapporte 
Courtois,  de  l'Aube,  d'être  un  homme  «  sans  caractère  révolutionnaire  »). 

—  Charavay.  Passe-port  délivré  à  huit  membres  de  la  législature  char- 
gés, le  12  août,  de  choisir  l'emplacement  pour  le  camp  de  20,000  h. 
sous  Paris  (fac-similé).  —  Villain.  Étude  sur  le  calendrier  républicain  ; 
suite  (des  almanachs  publiés  soit  avant,  soit  pendant  la  Révolution, 
donnèrent  l'idée  du  calendrier  révolutionnaire  ;  celui-ci  n'était  pas  une 
trouvaille  originale).  =  1885.  14  janv.  Aulard.  Un  orateur  athée  :  le 
conventionnel  Jacob  Dupont.  —  Les  évèques  constitutionnels  ;  suite  : 
Et.  Nogaret,  évêque  de  la  Lozère  ;  D.  La  Combe,  évêque  de  la  Gironde. 

—  La  bibliothèque  révolutionnaire  du  comte  de  Nadaillac. 

10.  —  Le  Correspondant.  1884,  25  déc.  —  Mayol  de  Lupé.  Un 
pape  prisonnier;  Rome,  Savone,  2e  art.  ;  3e  le  10  janvier  (beaucoup  de 
détails  curieux  sur  l'état  des  esprits  à  Rome  pendant  les  derniers  temps 
du  séjour  du  pape,  et  sur  son  enlèvement  en  1809).  —  Babeau.  L'ou- 
vrier sous  l'ancien  régime  (l'ouvrier,  en  89,  n'était  ni  aussi  malheureux, 
ni  aussi  asservi  qu'on  le  pourrait  croire;  sauf  ses  droits  politiques,  il  a 
peu  gagné  à  la  Révolution).  =  1885,  25  janv.  Chantelauze.  M.  le  duc 
de  Broglie,  historien. 

11.  —  Revue  des  Deux-Mondes.  1885,  1er  janv.  —  Rousset.  Les 
commencements  d'une  conquête.  1er  art.  :  le  général  Clauzel  en  Algérie, 
1830-31.  2e  art.  (Ier  février)  ;  le  général  Berthezène  (récit  très  minutieux; 
l'auteur  montre  très  bien  les  tâtonnements  des  deux  premiers  généraux 
en  chef  et  les  hésitations  du  gouvernement  qui  ne  savait  que  faire  de 
cette  conquête,  ni  même  s'il  fallait  la  conserver).  — Perrens.  Un  poète 
franc-maçon  devant  le  Saint-Office  au  xvme  s.  (curieuse  biographie  de 
Tommaso  Crudeli  ;  arrêté  comme  franc-maçon,  il  fut  relâché  un  peu 

ss,  cl  put  mourir  quatre  ans  plus  tard  de  sa  belle  mort.  L'Inquisi- 
tion elle-même  était  en  décadence).  —  "Valbert.  Le  Grand  Frédéric, 
d'après  le  journal  et  les  mémoires  de  Henri  Catt.  =  15  févr.  V.  Du 
Bled.  Une  ancienne  colonie  française.  1er  art.  :  le  régime  parlementaire 
au  Canada,  1791-1840.  2e  article  le  15  février  (raconte  les  luttes  que  les 
Franco-Canadiens  eurent  à  soutenir  contre  les  gouverneurs  anglais, 
jusqu'au  moment  où  ils  obtinrent  l'autonomie  administrative i. 


RECUEILS  PKRFOMQCES.  V>\ 

12.  —  La  Controverse  et  le  Contemporain.  1884,  I5déc.  —  Axlain. 

Les  métiers  de  Paris  au  xme  s.  (bon  résumé  des  travaux  récents  sur  La 
matière).  =  15  janvier.  Ai. lard.  Les  chrétiens  après  Septime  Sévère. 
2e  art.  :  le  premier  empereur  chrétien  (biographie  de  Philippe  L'Arabe, 
qui  était  chrétien,  mais  qui  ne  le  montra  guère.  Des  jeux  sécnlaires  célé- 
brés, en  248,  à  l'occasion  du  millième  anniversaire  de  la  fondation  de 
Rome;  il  semble  que  les  chrétiens  fervents  se  soient  abstenus  d'y 
prendre  part).  —  Autefaoe.  Les  Coptes  (rapide  histoire  de  l'église  chré- 
tienne d'Egypte,  et  surtout  de  la  secte  des  Jacohites). 

13.  —  Revue  celtique.  Vol.  VI,  n°  2,  oct.  1884.  —  David  Fitzge- 
rald.  Histoire  et  mythologie  anciennes  de  l'Irlande  (analyse  el  apprécie 
les  travaux  récents  sur  le  sujet  :  ceux  de  M.  d'Arhois  de  Jubainville, 
de  MM.  Elton,  Rhys,  Skene,  Nicholson,  de  M.  Paul  Sébillot  ;  en  réalité, 
L'article  ne  s'occupe  que  de  questions  mythologiques).  —  J.  de  Gessac 
Note  sur  le  nom  de  la  ville  d'Évaux  (la  forme  primitive  du  mot,  jus- 
qu'au xme  s.,  était  Évaunum  ;  depuis  cette  époque  jusqu'au  xvir  siècle, 
un  y  substitua  celle  d'Evaonum,  Evaon  ;  en  1671,  on  est  revenu  au  nom 
antique  Evau,  seul  connu  d'ailleurs  des  gens  du  pays). 

14.  —  Nouvelle  Revue  historique  de  droit  français  et  étran- 
ger. 8e  année,  nov.-déc.  1884.  —  Laroulaye.  Essai  sur  L'histoire  du 
droit  français  au  moyen  âge  par  M.  Gh.  Giraud  (compte-rendu  écrit 
après  la  publication  de  cet  ouvrage,  en  1846  ;  cet  article  a  encore  aujour- 
d'hui une  réelle  valeur).  —  Bûche.  Essai  sur  l'ancienne  coutume  de 
Paris,  aux  xnie  et  xive  siècles  ;  suite. 

15.  —  Le  Spectateur  militaire.  4e  série,  t.  XX \  III;  1885, 
1er  janvier.  —  Wolf.  Souvenirs  d'un  lieutenant  du  génie;  suite:  prise 
de  Constantine  en  1837;  suite  le  15  janv.  (fin  du  siège).  =  15  janvier. 
Souvenirs  militaires  du  général  baron  Hulot;  suite  (tableau  fort  triste 
de  la  guerre  d'Espagne);  suite  le  Ier  février. 

16.  —  Revue  de  l'Agenais.  1884,  11'  et  12e  livr.  —  Thoi.in.  Les 
cahiers  du  pays  d'Agenais  aux  états  généraux;  suite  :  convocation  des 
Etats  de  1789  (rédaction  des  cahiers  et  élections  des  députés).  —  Am> 

Un  châtiment  singulier;  notes  sur  les  mœurs  agenaises  d'autrefois  lil 
s'agit  de  la  «  baignade  »  dans  une  cage  de  fer,  usitée  dans  nombre  de 
villes  au  moyen  âge;  l'auteur  en  cite  plusieurs  exemples  du  xvue  siècle  ; 
il  aurait  pu  en  trouver  de  très  anciens  mentionnés  par  M.  Giry  dan 
Elablissements  de  Rouen).  — Lauzun.  Documents  inédits  relatifs  à  l'entrée 
du  duc  d'Aiguillon  à  Agen  et  à  Gondom,  en  17.".!  ;  lin.  —  Fauqère- 
Dubourg.  Nos  pères  sous  Louis  XIV;  extraits  des  mémoires  sur  la 
généralité  de  Bordeaux  ;  suite. 

17. — Revue  de  Gascogne.  T.  XXV  ;  1884,  déc.  —  Gaubin.  Notice 
sur  Saint- Pierre-Castets  de  La  Devôze  ;  On.  — Lavergne.  Notes  épigra- 
phiques:  Aire.  Auch  (publie qq. rares  fragm.  d'inscript.).=  T.  XXVI, 
|ss."),  janvier.  P.  Durhied.  Les  Gascons  en  Italie.  'M  partie  :  Bernardon 
de  la  Salle  et  Bernardon  de  Serres;  suite  en  février  (origine  du  chef  de 


132  RECUEILS    PERIODIQUES. 

bande,  B.  de  La  Salle.  Son  arrivée  opportune  ù  Anagni,  en  1378,  décida 
une  partie  des  cardinaux  à  élire  Clément  VU  contre  Urbain  VI,  et  eut 
pour  conséquence  le  grand  schisme).  — T.  de  L.  Lettre  dedom  Martianay 
au  présidenl  de  Larnoignon,  9  août  1706  (au  sujet  de  ce  qu'il  avait  écrit 
sur  la  Vie  de  saint  Jérôme,  par  Baillet,  hôte  et  commensal  de  Larnoi- 
gnon). —  Gommunav.  Requête  du  sieur  de  Gassion  contre  le  sieur  de 
Mongelos,  chanoine,  1637  (ce  Gassion  est  le  frère  aîné  du  célèbre  maré- 
chal).  —  Février.  Abbé  Dubord.  Différends  des  archevêques  d'Auch  et 
de  l'abbaye  de  f.imont  au  sujet  de  l'église  de  Gahusac,  1645. 

18.  —  Revue  historique  et  archéologique  du  Maine.  T.  XVI, 

3e  livr.  1884,  2e  sem.  —  Chardon.  La  vie  de  Tahureau  ;  documents  iné- 
dits  sur  sa  famille,  son  mariage  et  l'Admirée  (le  gentil  Tahureau,  poète 
manceau  du  xvie  s.,  ami  de  Baïf,  épousa  Marie  Grené  en  1555;  il  mou- 
rut quelques  mois  après  ;  quant  à  la  femme  qu'il  chante  sous  le  nom  de 
l'Admirée,  on  ne  sait  encore  qui  elle  est).  —  S.  de  La  Bouillerie.  La 
répression  du  blasphème  dans  l'ancienne  législation  (publie  sur  ce  sujet 
quelques  documents  curieux  du  xvie  au  xvme  siècle).  —  Abbé  Ledru. 
Damiens  dans  le  Maine  (renseignements  fournis  par  le  comte  de  Mari- 
dort  chez  qui  Damiens  avait  été  domestique  peu  avant  l'attentat). 

19.  —  Revue  africaine.  28e  année.  N°  167.  Sept.-oct.  1884.  — 
Gh.  Féraud.  Notes  historiques  sur  la  province  de  Gonstantine;  21°  art. 
—  H.-D.  de  Grammont.  Relations  entre  la  France  et  la  régence  d'Alger 
au  xvne  s.  4e  partie  :  les  consuls  lazaristes  et  le  chevalier  d'Arvieux, 
1646-88;  3e  art.  —  Delpech.  Résumé  du  Bostane  (le  jardin),  ou  diction- 
naire biographique  des  saints  et  des  savants  de  Tilimsane  ;  fin.  —  A.  de 
G.  Motvlinski.  Notes  historiques  sur  le  Mzab.  Guerrara  depuis  sa  fon- 
dation. 1er  art. 

20.  —  Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres.  Comptes- 
rendus  des  séances  de  l'année  1884.  4e  série,  t.  XII;  bulletin  de  juillet- 
sept.  —  Héron  de  Villefosse.  Découverte  d'une  nouvelle  ville  de  Zama, 
en  Afrique  (à  Djammâa,  dans  le  massif  du  djebel  Massouge,  on  a  trouvé 
un  fragment  d'inscr.  où  on  lit  les  mots  AUG  •  ZAM  ;  mais  on  ne  sait 
si  ce  Zama  est  le  même  que  le  Zama  Regia  de  la  table  de  Peutinger  et 
que  la  colonia  Aelia  Hadriana  Augusta  Zama  Regia  de  l'inscription  de 
Home).  —  Id.  Sur  une  inscription  romaine  trouvée  à  Marquise,  Pas- 
de-Calais  (consacrée  aux  Sitlevae  Junones,  fées  bienfaisantes  qui  veillent 
sur  l'humanité).  —  Ponton  d'Amécourt.  Notes  sur  qq.  ateliers  moné- 
taires mérovingiens  de  Brie  et  de  Champagne  :  Binson,  Château-Thierry, 
Jouarre,  Mouroux  et  Provins  :  cf.  Rev.  hist.,  XXVI,  436.  —  Mowat.  Dédi- 
cace à  la  Fortune  prénestine,  inscrite  sur  une  tablette  de  bronze.  — 
Héron  de  Villefosse.  Rapports  sur  les  fouilles  du  lieutenant  Marius 
Boyé  à  Sbeïtla,  anc.  Sufetula,  Tunisie  (publie  plusieurs  inscr.  intéres- 
santes). —  Ph.  Berger.  Nouvelles  inscr.  nabatéennes  de  Medaïn  Salih 
(publie  et  traduit  dix  des  inscr.  recueillies  par  M.  Huber).  =  Séances. 
1884,  26  dée.  —  Note  de  M.  Miller  sur  quatorze  inscr.  grecques  recueil- 


RECUEILS   PÉKFODIOI  l's.  |   ..? 

lies  en  Egypte  par  M.  Maspero.  La  plus  intéressante  esl  un  décrel  de 
la  corporation  des  artistes  dionysiaques  de  Ptolémaïs  en  L'honneur  de 
Lysimaque,  lils  de  Ptolémée;  elle  montre  comment  le  culte  des  Ptolé- 
mées  a  été  rattaché  à  celui  du  dieu  Bacchus,  de  <|ui  les  Lagides  se  pré- 
tendaient issus.  Elle  est  du  milieu  du  m»  siècle  avant  Jésus-Christ. 

21.  — Académie  des  sciences  morales  et  politiques.  Compte- 
rendu  des  séances  et  travaux.  Nouvelle  série,  t.  Wll.  1884,  ;'  sem. 
12e  livr.  —  G.  Humbebt.  Les  finances  et  la  comptabilité  publique  de 
l'empire  romain;  IOT  art.  —  J.  Simon.  Éloge  de  .Monsieur  Thiers.  = 
1885,  janvier.  Ghekuel.  La  ligue  ou  alliance,  du  Rhin  (résume  l'histoire 
de  cette  ligue  à  l'aide  de  documents  provenant  des  archives  des  affaires 
étrangères;  marque  trois  phases  dans  cette  histoire:  1"  de  1658  à  [i 
elle  est  organisée  pour  protéger  l'indépendance  de  l'empire  contre  la 
maison  d'Autriche;  2°  en  1664,  dans  la  guerre  de  Hongrie,  Louis  \|\ 
agit  en  son  nom  et  alarme  par  son  intervention  armée  une  partie  des 
princes  protestants;  3°  en  1667  et  1668,  la  dissolution  de  cette  ligui 

le  résultat,  non  seulement  de  la  défection  des  Suédois,  des  duo  de 
Brunswick  et  de  l'électeur  de  Mayence,  mais  surtout  de  l'ambition  de 
Louis  XIV,  qui  voulut  imposer  sa  domination  à  l'Allemagne  . 

22.  —  Société  nationale  des  Antiquaires  de  France.   Séance 

du  10  décembre.  On  se  rappelle  que  le  P.  G.  de  La  Croix;  a  cru 
trouver  à  Poitiers  un  sanctuaire  du  vr  siècle  érigé  en  l'honneur  de 
soixante- douze  martyrs  poitevins  inconnus  jusqu'ici.  Aujourd'hui. 
M.  Ramé  vient  dissiper  ces  illusions  :  le  souterrain  est  du  vur  siècle, 
et  a  servi  de  tombeau  à  un  abbé  Mellobaude  de  qui  l'on  ne  sait  rien 
que  le  nom.  =  17  décembre.  M.  Héron  de  Villefosse  communique 
de  la  part  de  M.  Guigue  une  inscr.  découverte  dans  le  Rhône,  qui 
mentionne  pour  la  première  fois  la  corporation  des  négociants  tran- 
salpins et  cisalpins.  Le  personnage  auquel  l'inscription  se  rapporte,  el 
qui  fut  préfet  de  cette  corporation,  est  originaire  de  Trêves.  =  2i  >[■•<■. 
M.  iie  Villefosse  annonce  que  le  P.  de  La  Croix  vient  de  commencer 
à  Antigny  (Vienne),  dans  un  ancien  cimetière  mérovingien,  (]c<  fouilles 
qui  promettent  d'être  fructueuses. 

23.  —  Société  de  l'histoire  du  protestantisme  français.  Bulle- 
tin. 3e  série.  3e  année,  15déc.  1884.  — Cuenot.  Jean  L'Archer,  ministre 
à  Héricourt,  1563-88  ;  fin.  —  R.  Reuss.  Trois  lettres  de  Strasbourg  (une 
missive  de  Henri  IV,  1576,  et  deux  lettres  de  la  princesse  de  Condé, 
octobre  1577  ;  elles  proviennent  des  archives  de  Strasbourg).  —  T 
d'Aulas.  Dossier  d'un  proposant  martyr,  François  Bénézet,  1752.  — 
Corbikre.  Des  consistoires  et  de  la  confiscation  de  leurs  biens,  en  1685. 
=  1885.  N"  1.  Leliévhe.  La  réforme  dans  les  lies  de  laManche;  l,M  art. 
—  Weiss.  La  Sorbonne,  le  parlement  de  Paris  et  les  livres  hérétiques 
de  1542  à  1546  (publie  plusieurs  arrêts  curieux  du  temps).  —  Pi 
Kphemérides  de  l'année  de  la  révocation  de  l'édil  de  Nantes,  I'- 


;:>',  RECUEILS    rEIUODIQUES. 

24.  —  Revue  de  Belgique.  16a  année,  12e  livr.  15  déc.  ISS-'i.  — 
Goblet  u'Alviella.  Des  préjugés  qui  s'opposent  à  l'étude  scientifique 
des  religions.  —  Rahlenbeck.  Une  jacquerie  sous  Marie  -  Thérèse 
(quelques  mots  sur  les  Bokkenrijdor  de  Rolduc  et  sur  les  persécutions 
dont  ils  furent  victimes  vers  1755-60). 


25.  —  Historische  Zeitschrift.  Nouvelle  série.  Bd.  XVII,  Heft  2. 

—  Lanqen.  Le  plus  ancien  livre  de  l'église  chrétienne  (la  Aiôayji  xwv 
ôwôîxa  à-offt6).cov  récemment  découverte  par  l'archevêque  de  Nicomédie 
Philotheos  Bryennios.  Ce  livre  a  été  composé  sans  doute  dans  une  com- 
munauté judéo-chrétienne  d'un  judaïsme  très  accentué,  peut-être  même 
à  Jérusalem,  et  vers  la  fin  du  ier  siècle;  il  a  pour  hut  d'enseigner  aux 
gentils  la  doctrine  apostolique  et  l'organisation  des  communautés  chré- 
tiennes). —  Stieda.  Sur  l'histoire  sociale  de  l'Angleterre  (de  la  législa- 
tion anglaise  sur  les  ouvriers  à  la  fin  du  siècle  dernier).  —  Hirsch. 
L'armée  du  grand  électeur  et  son  entretien  pendant  les  années  1660-66. 

—  Lehmann.  La  lutte  de  Scharnhorst  pour  les  armées  permanentes 
(montre  quelle  violente  opposition  cet  homme  d'État  eut  à  vaincre  pour 
faire  triompher  l'idée  d'une  armée  permanente  et  du  service  obligatoire). 
=  Bibliographie.  Geiger.  Ostiranische  Kultur  im  Alterthum  (impor- 
tante étude  sur  l'Avestà).  —  Ad.  Bauer.  Die  Kyros-Sage  und  Yerwandtes 
(travail  curieux  et  bien  fait;  il  faut  cependant  regarder  les  mythes 
anciens  de  plus  près,  et  ne  pas  se  hâter  de  leur  attribuer  une  origine 
indo-européenne.  La  civilisation  de  l'Asie  antérieure  est  plus  ancienne 
qu'on  ne  l'a  cru  longtemps  et  c'est  d'une  époque  relativement  récente 
que  les  Indo-Européens  sont  entrés  dans  l'histoire  générale).  —  Zippel. 
Die  Losung  der  consularischen  Prokonsuln  in  der  fruheren  Kaiserzeit 
(travail  soigné;  on  y  trouvera  entre  autres  la  liste  aussi  complète  que 
possible  des  consulaires  et  des  proconsuls  de  l'an  32  avant  Jésus-Christ 
à  l'an  68  après).  —  Gawalewicz.  Theodorich's  des  Grossen  Beziehungen 
zu  Byzanz  und  zu  Odovacar  (brochure  insignifiante).  —  Hertel.  Die 
aeltesten  Lehnbucher  der  magdeburgischen  Erzbischœfe  (bonne  publica- 
tion de  textes  importants  pour  l'histoire  du  diocèse  de  Magdebourg  au 
xv°  siècle).  —  Kirchner.  Das  Reichsland  Lothringen  am  1  feb.  1766; 
historische  Karte  (excellent).  — Frederiks.  Oorspronkelyke  Verhalen  en 
gelyktydige  berichten  van  den  moord  gepleegd  aan  prins  Willem  van 
Oranje  (cette  brochure  est  un  des  meilleurs  livres  qui  aient  paru  l'an 
dernier  en  Hollande,  à  l'occasion  du  troisième  centenaire  de  l'assassinat 
du  Taciturne).  —  Tozer.  The  Franks  in  the  Péloponnèse  (intéressant; 
la  peinture  que  fait  l'auteur  des  lieux  autrefois  occupés  par  les  Latins, 
en  Morée,  montre  que  beaucoup  de  ruines,  décrites  autrefois  par  Leake, 
Buchon,  Gurtius  et  autres,  disparaissent  rapidement;  il  n'en  restera 
bientôt  plus  rien).  —  Mac  Mas  ter.  A  history  of  the  people  of  the  United 
States  (ce  livre  a  été  accueilli  aux  Etats-Unis  avec  une  faveur  extraor- 
dinaire ;  l'auteur  est  un  admirateur  fervent  de  Maeaulay,  dont  il  a  imité 
la  manière  à  s'y  méprendre  ;   l'ouvrage,  d'ailleurs,  est  très  superficiel, 


RECUEILS    l'KlUODlQl  BS.  155 

Les  erreurs  de  fait  et  d'appréciatioD  n'y  manquent  pas).  —  llalke.  Ein- 
leitung  in  dus  Studium  der  Numismatik  (bon). 

26.  —  Forschungen  zur  deutschen  Geschichte.  Bd.  XXV, 
IXot't  1.  —  Heidb.  L'élection  dé  Léopold  If  h  l'empire  (récil  très  détaillé 
composé  à  l'aide  d'un  grand  nombre  de  documents  inédits;  complétée! 
parfois  corrige  celui  de  M.  Chéruel;  aboutit  d'ailleurs  aux  mêmes  con- 
clusions, à  savoir  que  les  capitulations  imposées  à  Léopold  !•■'  et  la 
ligue  du  Rhin  ont  été  le  triomphe  do  la  politique  française  sur  la  mai- 
son d'Autriche).  —  G.  Schmidt.  Sur  L'histoire  de  la  ligue  de  Smalcalde 
(la  diète  de  Francfort,  déc.  154f»  à  févr.  1546,  d'après  les  arc 
Brunswick  et  de  Gœttingue).  —  WïSS.  Sur  les  trois  poèmes  relatifs 
aux  troubles  civils  de  Mayence,  1428-30.  —  Wmsr.NER.  La  justification 
de  Herbord,  le  biographe  d'Ottonde  Bamberg  (estime,  avec  Klempin  el 
contre  Jaffé,  que  Herbord  est  un  chroniqueur  bien  informé,  intelligent, 
enfin  un  témoin  des  plu-  précieux).  —  Pflugk-Hartti  m;.  L'évéché  de 
vlersebourg  sous  les  empereurs  saxons.  —  Dummler.  Encore  une  fois 
l'épitaphe  de  l'archevêque  Lui  (publie  un  nouveau  texte  d'après  un 
ms.  de  Marbourg).  —  May.  Le  sens  du  mot  «  justitia  »  pour  Grégoire  Y  1 1 
(commente  ces  dernières  paroles  du  pape  :  «  Dilexi  justitiam,  odi  ini- 
quitatem,  propterea  morior  in  exilio;  »  en  cherche  l'origine  dans  la  bible 
ou  dans  les  écrits  du  pape).  —  Lindner.  Sur  la  bulle  d'or. 

27.  —  Gœttingische  gelehrte  Anzeigen.  1884.  N°  26.  Wa 
Ottonis  et  Rahewini  Gesta  Frederici  Ier  (analyse,  par  M.  Waitz  lui- 
même).  =  1885.  Mùllenhof.  Deutsche  Alterthumskunde.  Bd.  V  ((  - 
cute  les  questions  si  controversées  relatives  au  poème  intitule,  «  Voluspa  » 
et  à  l'Edda  primitive;  depuis  Snorri  Sturleson,  c'est  le  livre  le  plus 
approfondi  qu'il  y  ait  sur  la  mythologie  primitive  de  la  Germanie  ;  c'est 
un  point  tournant  dans  l'histoire  de  la  philologie  Scandinave  . 

28.  —  Zeitschrift  fur  allgemeine  Geschichte,  Cultur,  Littera- 
tur  und  Kunstgeschichte.  Stuttgart.  1884,  Heft  1.  —  Holm.  L'an- 
cienne Syracuse  (rapport  de  l'auteur  sur  sa  collaboration  aux  l'on i lies 
entreprises  à  Syracuse  par  Gavallari;  les  résultats  concornVi m  essentiel- 
lement avec  les  données  de  Thucydide;  le  stade  qu'il  emploie  est  de 
150  m.).  —  Horavsitz.  La  vie  journalière  au  moi  le  Klosterneu- 
burg  au  xv°  s.  —  Brosch.  Un  assassinat  d'ambassadeur  au  xvu"  siècle 
(il  s'agit  de  l'ambassadeur  anglais  Asham,  assassin/?  à  Madrid  par  Les 
émissaires  de  Charles  II;  les  négociations  engagées  en  vue  d'obtenir 
satisfaction  montrent  l'impuissance  politique  de  l'Espagne  au  xvue  s.). 

—  Brùckner.  La  peste  en  Russie,  en  1654.  — Schœhbach.  Les  hommes 
d'État  américains  au  siècle  dernier.  =  Ilcl't  2.  L.  von  Ebenorei  m.  Prépa- 
ratifs de  guerre  dans  une  ville  d'AUemagneau  m.â.(d<  prisespar 
Nuremberg  pour  protéger  la  ville  contre  Albert-Achille  de  Brandebourg). 

—  ll\u.wi< .h.  La  première  nomination  île  Wallenstein  comme  général 
en  chel  des  troupes  impériales  dans  l'empire  et  aux  Pays-Bas  (cette 
nomination  l'ut  une  réponse  à  l'alliance  de  Saint-Germain.  Wallenstein 


156  RECUEILS    PERIODIQUES. 

ne  promit  pas  de  mettre  sur  pied,  en  déc.  1624,  20,000  ni  50,000  h., 
mais  un  bien  plus  grand  nombre,  par  petits  détachements,  de  façon  à 
effrayer  le  moins  possible).  =  Ileft  4.  Dùmmler.  Louis  le  Pieux  (ses 
luttes  contre  ses  fils,  d'après  les  travaux  récents).  —  Prirram.  Le  mariage 
de  la  princesse  Louise-Charïotte  de  Radzivill,  en  1688  (raconte  les 
intrigues  engagées  par  les  ambassadeurs  de  France,  de  Pologne  et  d'Au- 
triche). =  Heft  5.  Loewenfeld.  Les  reliques  de  saint  Benoit  (l'histoire 
du  débat  engagé  entre  le  monastère  du  Mont-Gassin  et  celui  de  Fleury- 
sur-Loire,  au  sujet  de  la  possession  des  ossements  du  saint,  est  un 
curieux  exemple  de  l'habileté  avec  laquelle  on  fabriquait  des  actes  faux 
au  moyen  âge).   —  Von  Krones.   Catherine  de  Brandebourg-Prusse, 
princesse  de  Transylvanie,  de  1626  à  1631  (histoire  de  son  mariage  avec 
Gabriel  Bethlen  et  de  son  séjour  en  Transylvanie,  jusqu'à  son  abdica- 
tion en  faveur  de  Rakoczy).  =  Heft  6.  Von  Pflugk-Harttung.  Périclès 
et  la  guerre  de  Samos  (dans  cette  campagne,  Périclès  resta  fort  au-des- 
sous de  son  rival  Melissos  comme  prévoyance  et  talents  militaires  ;  c'est 
seulement  la  supériorité  de  ses  forces  qui  lui  assura  un  succès  peu 
glorieux).  —  Manitius.  Le  mouvement  littéraire  sous  Charlemagne  (les 
efforts  de  Charlemagne  sont  remarquables,   surtout  si  l'on  considère 
l'époque  qui  le  précéda  et  celle  qui  le  suivit).  —  Loserth.  Sur  l'histoire 
dos  Anabaptistes  en  Moravie  (ils  ne  peuvent  être  comparés  à  ceux  de 
Munster  ;  ils  appartenaient  à  la  partie  de  la  population  morave  dont  les 
mœurs  étaient  le  plus  dépravées).  —  Guglia.  Friedrich  von  Gentz  et 
ses  variations  dans  la  question  d'Orient  (l'année  1810,  où  Gentz  entra 
au  service  du  gouvernement  autrichien,  est  un  point  tournant  dans  sa 
vie  ;  c'est  seulement  alors  qu'il  fut  complètement  attiré  dans  le  cercle 
des  idées  de  Metternich).   =  Heft  7.  Gindely.  Un  mariage  empêché 
(raconte  les  propositions  de  l'Angleterre  et  de  l'Autriche  pour  le  mariage 
de  l'infante  d'Espagne,  Marie,  soit  avec  le  prince  de  Galles,  soit  avec 
l'archiduc  Ferdinand,  1612-1631).  —  Von  Zwiedineck-Sùdenhorst.  Le 
début  de  la  campagne  d'automne  de  1813  (le  plan  de  Napoléon  n'était 
pas  à  la  hauteur  de  ses  précédentes  conceptions).  —  Karpeles.  Une  lit- 
térature inconnue  (histoire  de  l'activité  intellectuelle  du  peuple  juif 
depuis  sa  dispersion).  =  Heft  8.  Jung.  Les  dernières  années  de  Tibère 
(Tibère  se  retira  à  Capri  par  ennui  pour  le  milieu  où  il  vivait  et  par 
dégoût  des  hommes  ;  mais  il  ne  se  livra  pas  aux  secrètes  débauches  que 
lui  reproche  Tacite).  —  Wbngk.  L'Église  et  l'État  à  la  fin  du  moyen 
âge  (on  avait  déjà  commencé  activement,  avant  la  réforme,  à  construire 
des  églises  de  campagne;  Luther  n'eut  qu'à  continuer  le  mouvement). 
=  Heft  9.  Meyer.  Sur  l'histoire  primitive  des  Albanais  (les  Albanais 
sont  un  rameau  indépendant  de  la  race  aryenne  ;  par  la  langue,  ils  appar- 
tiennent au  rameau  de  l'Europe  septentrionale  ;  mais  il  s'y  est  introduit 
tant  de  constructions  et  de  mois  latins,  à  l'époque  de  l'empire,  que 
l'albanais  semble  être  presque  devenu  un  dialecte  roman).  —  Egelhaaf. 
Charles-Quint  et  la  cause  luthérienne  à  la  diète  de  Worms  (l'empereur 
ae  songea  pas,  comme  (iront  ses  conseillers,  à  exciter  Luther  contre  le 


RECUEILS  PÉRIODIQUES.  157 

pape  pour  détacher  ce  dernier  de  la  France,  il  avait  pour  cela  d'autres 
moyens  à  sa  disposition.  S'il  appela  Luther  devant  ladiète,  c'était  seu- 
lement pour  ne  pas  exaspérer  les  Allemands  et  pour  obtenir  d'eux  des 
troupes).  —  Gumplowicz.  Un  aventurier  politique  du  wrs.  (biographie 
du  feld-maréchal  polonais  Laski).  =  Eeft  10.  Gregorovius.  Les  ruines 
de  Sardes,  en  1882  (gardenl  «les  traces  certaines  de  l'art  lydien  Bl 
étrusque,  ce  qui  confirmerait  le  témoignage  d'Hérodote).  —  Arnold. 
L'organisation  du  «  gau  »  germanique  àl'époque  carolingienne  (établis- 
sement des  «  gaue  »  hessois,  et  surtout  du  «  Hessengau  »  de  Pranconie). 

—  Brosch.  Elisabeth,  Sixte-Quint  e1  Mourad  II  (Sixte-Quinl  admirait 
beaucoup  Elisabeth,  ce  qu'on  lui  reprochait  vivement  à  la  cour  d'Es- 
pagne. Entre  Elisabeth  et  la  Porte  aucune,  alliance  ne  l'ut  conclut1,  mal- 
gré les  dispositions  favorables  du  sultan).  =  Compte-rendu.  Vlmann. 
Kaiser  Maximilian  Ier  (très  Non).  =  Heft  11.  Manithis.  L'empire  alle- 
mand jusqu'à  sa  plus  grande  extension  sous  Otton  Ier  (importance  de  la 
maison  de  Saxe  dans  l'histoire  d'Allemagne,  surtout  pour  le  dévelop- 
pement du  sentiment  national.  La  médiocrité  des  productions  histo- 
riques de  cette  époque  s'explique  par  la  rapidité  des  changements  appor- 
tés à  la  situation  politique,  qui  ne  permit  pas  de  composer  des  travaux 
aux  contours  nettement  arrêtés).  —  HLebler.  La  lutte  d'Alfonse  d'Ara- 
gon avec  le  pape  Eugène  IV  au  sujet  de  la  couronne  de  Naples).  — 
Schneider.  Le  duc  Ferdinand-Guillaume  île  Wurtemberg,  1 050-1  TOI 
(biographie  de  ce  prince  qui  combattit  avec  distinction  en  Irlande,  aux 
Pays-Bas,  en  Hongrie  et  en  Danemark). 

29.  —  Aus  allen  Zeiten  und  Landen.  Jahrg.  II.  Jlelt  2.  Berlin, 
1884.  —  Von  Stein-Kochuerg.  La  mort  du  prince  Louis-Ferdinand  au 
combat  de  Saalfeld,  1806  (sur  cette  mort  les  contemporains  donnent  les 
renseignements  les  plus  discordants,  si  bien  qu'il  est  impossible  de 
savoir  exactement  la  vérité).  —  Delgjer.  Jeanne  Grey  (sa  vie  et  son  rôle 
historique).  —  Prutz.  La  destruction  de  l'Ordre  du  Temple  (les  accu- 
sations portées  contre  cet  Ordre  au  sujet  de  son  orthodoxie  sont  loin 
d'être  sans  fondement;  les  membres  nombreux  qui  étaient  originaires 
du  sud  de  la  France  apportèrent  avec  eux  les  croyances  albigeoises  que 
l'Ordre  s'appropria  ensuite  complètement.  C'est  son  orgueil  qui  causa 
sa  chute;  c'est  aussi  sa  puissance  immodérée  qui  devait  amener  la  dis- 
solution de  toute  organisation  politique  en  France.  Laglorilication  dont 
la  tradition  entoure  la  chute  del'Ordre  est  tout  à  l'ait  injustifiée  et  fausse). 

—  Con.N.  Les  Arabes  pendant  le  califat;  fin.  —  Klein.  Jeanne  de  Naples 
(sa  vie  et  son  règne,  1339-82.  Il  n'est  pas  douteux  qu'elle  n'ait  été 
complice  du  meurtre  de  son  mari,  André  de  Hongrie;  mais  comment 
elle  fut  mise  à  mort  à  son  tour,  on  ne  le  sait  pas  ;  les  témoigna- 
contredisent).  —  Von  Reden-Esbeck.  Extraits  des  journaux  de  Km 
1776-96  (contiennent  d'intéressants  détails  sur  ses  relations  avec  les 
Illuminés  avec  lesquels  il  eut  d'abord  un  grand  succès,  el  se  brouilla 
plus  tard).  —  La  Sorbonne  (fondation,  histoire,  organisation).  —  Osmin. 
Le  Fiesque  historique  (précise  les  faits  historiques  relatifs  à  la  conjura- 


(58  RECUEILS   l'KRIODIQOES. 

timi  de  Fiesque  dirigée  contre  le  doge  André  Doria;  on  n'y  retrouve 
rien  de  ces  aspirations  idéales  que  Schiller  prête  au  personnage  dans 
son  drame).  —  Lindner.  Christine  de  Suède  (son  caractère,  d'après  ses 
lettres  el  les  sources  suédoises;  il  est  difficile  de  comprendre  les  raisons 
qui  la  poussèrent  à  se  convertir  au  catholicisme,  ni  ses  relations  avec 
Monaldeschi,  dont  elle  punit  la  trahison  en  le  faisant  tuer).  —  Brùckner. 
Une  ambassade  russe  en  Italie,  1656-1657  (racontée  en  partie  d'après  le 
Journal  de  voyage  des  ambassadeurs  russes,  en  partie  d'après  les 
Archives  de  Florence.  Ce  furent  les  premières  relations  diplomatiques 
entre  la  Russie,  Florence  et  Venise). —  Hoffmann.  La  dernière  favorite 
de  Louis  XV.  —  Corvin.  Charles  Ier  et  Gromwell  (insiste  sur  le  rôle 
de  Cromwell  et  les  services  qu'il  a  rendus  à  l'Angleterre). 

30.  —  Gœrres-Gesellschaft.   Historisches  Jahrbuch.   Bd.  V, 

Heft  4.  —  Pflugk-Harttung.  Bulles  originales  des  papes  (inventaire 
chronologique  de  toutes  les  bulles  que  l'auteur  a  vues  lui-même  ou  dont 
il  a  eu  d'exacts  fac-similés,  et  qui  se  trouvent  dans  les  Bibliothèques  et 
Archives  d'Allemagne,  d'Italie  et  de  la  France  orientale;  ces  bulles 
vont  de  Pascal  Ier,  819,  à  Anastase  IV,  1153  ;  elles  sont  au  nombre  de 
963.  L'auteur  indique  :  l°le  nom  du  pape;  2°  le  nom  du  récipiendaire; 
3°  la  date;  4"  la  condition  matérielle  de  l'acte;  5°  le  lieu  où  il  est  con- 
servé. Il  a  systématiquement  écarté  toute  indication  sur  le  contenu 
même  de  l'acte).  —  G.  Hùffer.  Études  sur  la  vie  de  saint  Bernard  de 
Clairvaux,  d'après  les  mss.  1er  art.  (sur  les  Vitae  S.  Bernardi  :  1°  la 
plainte  d'Odon  de  Morimond  ;  2°  les  fragmenta  Gaufridi).  — A.  von  Reu- 
mont.  Les  analectes  de  l'Histoire  de  la  papauté  par  Ranke  (analyse  ces 
analectes,  dont  Ranke  a  notablement  modifié  la  composition  dans  la 
6e  édit.  de  son  livre;  donne  la  bibliographie  de  chacun  de  ces  extraits). 
=  Compte-rendu  :  Bellesheim.  Geschichte  der  katolischen  Kirche  in 
Schottland.  Bd.  I-II  (comble  une  lacune  importante  et  la  comble  de  la 
manière  la  plus  satisfaisante). 

31.  —  AufderHœhe.  Jahrg.  IV.  Bd.  XIII,  Heft  38.  —  Pujol.  La  vie 
scientifique  dans  l'Espagne  gothique  ;  suite  (décadence  des  Écoles  de 
l'État  ;  mais  la  méthode  des  gymnases  romains  forme  encore  la  base  des 
études  chez  les  Visigoths,  ainsi  que  le  montrent  les  Étymologies  de 
saint  Isidore.  Influence  exercée  par  les  Académies  hébraïques).  — 
Glaser.  Les  fouilles  en  Assyrie  et  à  Babylone  (montrent  que  la  civili- 
sation sémitique  tout  entière  :  religion,  sciences  et  arts,  sont  d'origine 
accadienne  et  sumérienne). 

32.  —  Deutsche  Revue.  1884,  oct.  — .  Irmer.  Rapports  diploma- 
tiques inédits  envoyés  de  Paris  sur  l'avènement  de  Napoléon  Ier  comme 
empereur  des  Français  (extraits  des  rapports  de  l'ambassadeur  de  la 
Eesse  électorale  Von  der  Malsburg;  ils  montrent  qu'à  cette  époque  la 
politique  de  l'Électeur  était  très  ambiguë  ;  il  donnait  à  la  Prusse  les 
plus  Fermes  assurances  d'amitié,  tout  en  préparant  un  traité  d'alliance 
offensive  e1  défensive  contre  la  Prusse). —  Nov.  Von  Spiegel.  L'Hindou- 


RECUEILS    rEKIOMQCES.  159 

koukct  ses  habitants  (rien  ne  nous  permet  de  croire  que  l'Hindou kouk 
ait  été  la  patrie  primitive  des  [ndo-Européens  ;  les  peuples  qui  L'habi- 
tent, indiens  et  Iraniens,  ne  nous  permettent  pas  de  rien  savoir  de 
précis  sur  l'origine  et  le  type  primitif  des  Indo-Européens).  =  Dec.  Von 
Tschudi.  Les  États  de  La  Plata  sous  la  domination  espagnole  jusqu'en 
1810  (influence  fâcheuse  du  mélange  des  races  à  La  Plata  ;  histoire  de 
ces  Etats  et  du  soulèvement  «le  1810).  —  Deghbnd.  La  France  après  le 
désastre  de  Rosbach  (publie  des  Lettres  de  deux  grands  personnages  du 
temps;  la  situation  politique,  les  finances,  le  bien-être  de  la  nation  en 
France  ont  été  bouleversés  par  l'adhésion  du  gouvernement  à  la  coali- 
tion contre  Frédéric  II). 

33.  — Alemannia.  IS84,  Jahrg.  XII,  Heft  1.  —  Steiu.k.  Mœurs 
et  usages  du  pays  de  Hohenzollern.  —  Birlinger.  Histoire  des  mœurs 
en  Alémannie  (1°  la  légende  de  la  fondation  du  monastère  de  Val- 
dun;  2°  mœurs,  usages,  superstitions,  livres  populan  .  .  de 
diverses  époques). —  Grecelils.  Jakob  Wimpheling  et  les  Souabes  (cet 
humaniste  se  créa  beaucoup  d'inimitiés  par  ses  attaques  contre  les 
usages  de  la  liturgie  souabe  ;  publie  les  écrits  relatifs  à  cette  petite 
guerre  littéraire).  =  Heft  3.  Buck.  Noms  de  lieu  rhétiques  (en  ïirol 
et  dans  les  Grisons,  ces  noms  de  lieu  sont  d'origine  romaine  ou  romani': 
au  contraire,  les  noms  de  fleuves  appartiennent  en  grande  partie  a 
l'époque  préromaine,  et  montrent  que  les  Rhètes  appartenaient  à  la 
famille  aryenne). 

34.  — Nord  und  Sud.  Berlin,  1884,  nov.  —  Charles-Antoine,  prince 

de  Hohenzollern-Sigmaringen  (sa  biographie,  son  rôle  comme  chef  du 
Cabinet  en  1861).  =  Compte-rendu  :  Schrammen.  Charakterbilder  aus 
der  Sage  und  Geschichte  der  preussichen  Herrscherhauses  (bon).  = 
Dec.  Bracuvogel.  Charles  Schurz  (sa  biographie;  sa  place  au  milieu 
des  partis  en  Amérique).  —  Boetticher.  Les  fouilles  des  Français  à 
Délos  (elles  sont  d'autant  plus  importantes  que  le  culte  d'Apollon  a  été 
plus  répandu  en  Grèce).  —  Kreyssig.  Thiers  et  son  temps  (est  le  repré- 
sentant le  plus  éminent  de  la  bourgeoisie  de  son  temps;  son  patrio- 
tisme explique  ses  variations). 

35.  —  Unsere  Zeit.  Leipzig,  1884,  Heft  11.  —  Loeffler.  La  fin  de 
la  guerre  entre  le  Chili  et  le  Pérou  en  1881;  1er  art.  —  G.  Vos  deb 
('.arelentz.  La  langue  et  l'écriture  des  Chinois  (développement  du  - 
tème  d'écriture  chinois;  son  importance  pour  la  civilisation  et  pour  la 
vie  intellectuelle  en  Chine;  l'écriture  actuelle,  que  l'auteur  estime  une 
des  plus  parfaites  en  son  genre,  a  exercé  une  réelle  influence  sur  la 
situation  politique  de  l'empire  en  se  propageant  pendant  des  siècles 
dans  toutes  les  classes  de  la  population;.  —  Dœhn.  Comment  les  Indiens 
de  l'Amérique  du  Nord  ensevelissent  les  morts;  suite. 

36.  —  Stimmen  aus  Maria  Laach.  1884,  Heft  10.  —  Dreves.  Pour 
le  3e  centenaire  de  Charles  Borromée  Isa  biographie;-  —  Bkissbi..  L'ar- 
chevêque Egbert  de  Trêves  et  la  question  byzantine;  fin  (explique  le.- 


ïtiO  RECUEILS  PERIODIQUES. 

services  rendus  par  cet  évêque  en  introduisant  l'art  byzantin  en  Alle- 
magne  et  à  Trêves  en  particulier).  =  1885.  Heft  1.  Lehmkuhl.  Les 
prescriptions  de  l'Église  sur  l'intérêt  et  sur  l'usure  (l'église  n'a  jamais 
défendu  de  tirer  profit  de  son  argent  ;  elle  n'a  jamais  condamné  ce  qu'on 
appelle  «  le  bénéfice  sans  travail,  »  d'une  façon  péremptoire,  et  comme 
une  dépravation  de  la  loi  morale).  =  Compte-rendu  :  Weiss.  Lehrbuch 
der  Weltgeschichte  (très  bon). 

37.  —  Theologische  Quartalschrift.  Jahrg.  LXVII.  Quartal- 
heft  I.  —  Schanz.  La  cosmologie  scolastique.  =  Kûnstle.  Les  inscrip- 
tions chrétiennes  de  l'Afrique,  étudiées  comme  source  pour  l'archéo- 
logie chrétienne  et  l'bist.  de  l'Église  (dresse  la  liste  de  ces  inscript, 
contenues  au  t.  VIII  du  G.  I.  L.;  fixe  leur  chronologie,  montre  leur 
importance  pour  l'archéologie  chrétienne).  =  Comptes-rendus  :  Von 
Gebhard  et  Harneck.  Texte  und  Untersuchungen  zur  Geschichte  der  alt- 
christlichen  Literatur.  Bd.  II  (estimable).  —  LUzinger.  Entstehungund 
Zwockbeziehung  des  Lukas-evangeliums  und  der  Apostelgeschichte 
(bon).  —  Mueller.  De  nonnullis  doctrinae  gnosticae  vestigiis  (bien 
étudié). 

38. — Zeitschrift  fûraegyptische  Sprache  und  Altertumskunde. 

Leipzig,  1884,  Heft  1.  —  Lepsius.  A  propos  de  la  mesure  trouvée  sur 
le  tombeau  en  pierre  de  Ramsès  IV  (il  n'est  pas  possible,  comme  l'a 
cru  Dœrpfeld,  d'en  tirer  des  conclusions  pour  le  système  métrique  des 
Egyptiens).  —  Id.  Sur  la  grande  coudée  de  6  palmes  (Eisenlohr  a  eu 
tort  de  conclure,  du  papyrus  mathématique  du  British  Muséum,  que  la 
grande  coudée  ou  coudée  royale  était  divisée  en  7  parties).  —  Brugsch. 
Le  démotique  (au  moment  où  disparaît  le  paganisme,  il  est  à  peine  dis- 
tinct du  copte).  —  Piehl.  Stèle  de  l'époque  de  Ramsès  IV  conservée  au 
Musée  de  Boulaq.  =  Heft  2.  Stern.  La  statue  de  Philae  à  Berlin 
(valeur  linguistique  et  historique  de  l'inscr.  gravée  sur  ce  monument). 

—  Maspero.  Notes  sur  quelques  points  de  grammaire  et  d'histoire 
(Wiedemann  a  supposé  que  l'Egypte  avait  été  conquise  par  Nabucho- 
donosor;  c'est  inexact.  L'inscr.  à  laquelle  se  réfère  Wiedemann  ne 
parle  que  d'un  soulèvement  des  mercenaires  cariens  et  ioniens  au  ser- 
vice de  l'Egypte).  =  Heft  4.  Wilcken.  Noms  propres  égyptiens  dans 
des  textes  grecs  (viennent  d'Arsinoé  dans  le  Fayoum,  et  sont  du  nie  s. 
après  J.-C). 

39.  —  Hermès.  Berlin,  1884,  Bd.  IX,  Heft  4.  —  Robert.  Alcyoneus 
(la  légende  d'Alcyonée  est  un  ancien  mythe  achéen  de  l'isthme  que  les 
Dorions  ont  introduit  dans  le  mythe  d'Héraclès.  Importante  pour  l'his- 
toire est  cette  donnée  fournie  par  le  mythe  que  Corinthe,  après  bien 
des  malheurs,  fut  enlevée  par  les  Doriens  dans  une  attaque  de  nuit). 

—  Dessau.  Le  tarif  douanier  de  Palmyre  (texte  et  commentaire.  Malgré 
sa  population  foncièrement  sémitique,  Palmyre  y  parait  comme  une 
commune  grecque;  elle  est  passée  sous  la  domination  romaine  après 
s'être  réservé  certains  avantages  comme  en  matière  de  douanes;   tel 


KECl  BILS    11  MODIQUES.  564 

paraît  avoir  été  aussi  le  cas  pourTyra6  sur  le  Ponl  e<  Mylasaen  Carie). 
—  Si  ftwwmî..  Deux  passages  difficiles  de  la  politique  d'Aristote  (correc- 
tion et  traduction).  —  Mommsek.  Une  inscr.  de  Pline  V Ancien  (trouvée 
à  Arados;  elle  complète  Le  cursus  honorum  île  Pline,  en  le  montrant  .1 
l'armée  en  Espagne,  en  Germanie,  et  enfin  comme  préfet  de  La  22'  légion 
en  Egypte). 

40.  —  Rheinisches  Muséum  fur  Philologie.  Francfort-sur-le- 
Mein,  1885.  Bd.  XL,  Heft  1.  —  Schwabe.  La  date  de  la  naissance  de 
Juvénal  (Friedlaender  s'est  trompé  en  la  plaçant  en  67  après  J.-C;  il  esl 
impossible  de  la  déterminer).  —  Nissen.  Sur  Les  plans  des  temples 
(tous  les  plans  de  temples  égyptiens  sont  orientés,  soit  d'après  le 
soleil,  soit  d'après  une  étoile  fixe,  selon  l'importance  de  la  divinité  cor- 
respondante. 11  en  fut  de  même  pour  Alexandrie,  qui  fut  orientée  dans 
la  direction  de  Canope,  l'astre  des  Ptolémées).  —  Rohde.  Apulée  (né 
sans  doute  en  124  après  J.-C;  les  métamorphoses  sont  une  œuvre  de 
début).  —  Kcepp.  Les  guerres  des  Attalides  contre  les  G-alates  (outre 
la  victoire  remportée  près  de  Pergame  en  239,  Attale  en  remporta  une 
l'année  précédente  sur  les  Tolistoboies,  victoire  qui  l'engagea  à  prendre 
le  titre  de  roi.  L'érection  du  grand  autel  et  du  Nicephorion  à  Pergame 
eut  lieu  dans  le  temps  qui  suivit  le  soulèvement  d'Ortiagon,  dont  les 
défaites  furent  célébrées  par  ce  moyen).  —  Deecke.  Sur  le  déchiffrement 
des  inscr.  messapiennes  (traduction  et  commentaire  de  la  grande  inscr. 
de  Basta.  C'est  un  acte  de  vente  par  lequel  Thotoria,  tille  de  Martapi- 
dox,  de  la  ville  de  Basta,  vend  un  champi.  — Bdsolt.  La  bataille 
d'Himère  (Diodore,  Hérode  et  Polyen  racontent  que  Théron,  dans  une 
sortie,  emporta  le  camp  des  vaisseaux  carthaginois,  et  arrêta  les  Ibères 
accourus  au  secours,  en  mettant  le  feu  au  camp;  à  cette  vue  le  gros  de 
l'armée,  qui  combattait  contre  G-élon,  se  débanda). 

41.  -  Neue  Jahrbûcher  fur  Philologie  und  Paedagogik.  Leip- 
zig, 1885,  Heft8-9.  —  La  géographie  d'Homère  dans  Pausanias  (beau- 
coup de  ce  que  Pausanias  décrit,  comme  s'il  l'avait  vu,  est  emprunté  à 
des  sources  antérieures,  comme  à  Artémidore  d'Ephèse;  c'est  en  parti- 
culier le  cas  pour  ses  données  sur  la  géographie  homérique).  —  Gon- 
radt.  Sur  Thucydide  (importantes  corrections  au  texte;  commentaire 
des  parties  de  son  ouvrage  relatives  à  l'expédition  de  Sicile).  —  G.-F. 
Unger.  Le  calendrier  romain  de  218  à  215  et  de  G3  à  45  avant  J.-C. 
(l'étude  minutieuse  des  données  du  calendrier  romain  pour  Les  années 
218-215  montre  qu'il  n'y  avait  pas  encore  eu  de  déplacement  considérable 
dans  le  calendrier  romain,  comparé  au  calendrier  julien  1  ;  suite  dans  Befl 
10-11  (il  faut  considérer  les  années  233  et  85  comme  années  initiales  du 
cycle  intercalaire  de  24  ans.  Recherches  sur  la  coïncidence  des  nun- 
dines  avec  le  1er  janv.,  co  qui,  pour  des  raisons  religieuses,  fut  main- 
tenu depuis  l'an  41).  —  Sieroka.  Sur  la  seconde  philippique  de  Gicéron 
(correction  au  texte  de  ce  discours,  qui  justifie  L'opinion  de  Gicéron 
montrant  que  la  conduite  d'Antoine  était  digne  d'un  despote  oriental). 


,',62  RECUEILS    PERIODIQUES. 

—  O.-E.  Schmidt.  Critique  et  commentaire  des  lettres  de  Gicéron  à 
M.  Brutus  (excepté  les  lettres  1, 16  et  17,  il  n'y  a  aucune  raison  de  sus- 
pecter  l'authenticité  de  ce  recueil;  les  trois  exceptées  sont  des  fabrica- 
tions manifestes  composées  en  vue  de  calomnier  Octave).  =  Heft  10-11. 
Ad.  Schmidt.  Le  double  calendrier  attique  (les  mots  xa-cà  Se6v  ajoutés  aux 
données  fournies  par  les  inscr.  attiqucs  désignant  le  calendrier  lunaire 
après  la  réforme  de  Méton  ;  les  mots  xai'  àpxovxa  le  calendrier  solaire 
dont  l'emploi  officiel  date  de  l'an  322  av.  J.-C).  —  xWeiser.  Une  glose 
dans  Tacite,  Hist.  II,  28.  —  Wensky.  Sur  Valère-Maxime  (nombreuses 
corrections  au  texte  de  tous  les  livres  de  son  histoire). 

42.  —  Ephemeris  epigraphica.  Vol.  V;  fasc.  3  et  4.  —  J. 
Schmidt  et  Th.  Mommsen.  Additions  au  Corpus  inscr.  lat.,  vol.  III.  — 
Mommsen.  Observations  épigraphiques  (note  40.  Comment  étaient  réglées 
la  salutation  et  la  sportule  sous  l'empereur  Julien  dans  la  province  de 
Numidie.  Addition  à  la  note  35  sur  les  Protectores  Augusti).  —  Id. 
Privilège  militaire  trouvé  à  Mayence  et  restitué. 

43.  —  Zeitschrift  fur  deutsches  Altertum.  Berlin,  1885.  Bd. 
XVII,  Heft  1.  —  Mayer.  Un  jeu  de  Noël  à  Kreutzberg  (dissertation  sur 
cette  sorte  de  production  littéraire;  mode  décomposition;  comparaison 
avec  les  écrits  analogues  en  Angleterre,  en  France  et  en  Espagne).  == 
Compte-rendu  :  Vigfusson.  Corpus  poeticum  boréale  (excellent). 

44.  —  Beiheft  zum  Militaer-Wochenblatt.  1884,  Heft  7.  — 
Von  Lùtzow.  La  5e  division  d'infanterie  dans  la  campagne  de  1866  (de 
la  part  qu'elle  prit  au  combat  de  Gitschin  et  à  la  bataille  de  Kœnigs- 
grsetz). 

45  _  jahrbûcher  fur  die  deutsche  Armée  und  Marine.  Ber- 
lin, 1884.  Bd.  LU,  sept.  —  Crousaz.  L'Électeur  Albert- Achille  de  Bran- 
debourg considéré  comme  politique  et  comme  chef  militaire  (le  plus 
grand  génie  militaire  de  son  temps,  au  dire  de  l'auteur;  malgré  ses 
sympathies  pour  la  classe  féodale  des  chevaliers,  il  savait  se  plier  aux 
nécessités  des  temps  nouveaux).  — Histoire  du  régiment  prussien  d'An- 
halt-Bernbourg,  de  1767.  =  Compte-rendu  :  Blumenthal.  Zur  Geschichte 
des  erstern  und  zweiten  Leib-Husaren  Begimentes,  1741-1812  (très  bon). 
=  Bd.  LUI,  Heft  1,  oct.  L'État  et  l'armée  d'autrefois  en  Bavière;  fin 
en  nov.  (les  auxiliaires  bavarois  dans  la  campagne  de  Zurich  et  au  siège 
de  Philippsbourg  en  1797;  débuts  du  général  Wrede).  —  Souvenirs  sur 
la  dernière  campagne  de  Frédéric  II  (publie  les  notes  d'un  officier  prus- 
sien en  1778;  important  pour  les  détails  donnés  sur  les  grosses  pertes 
en  hommes  et  en  argent  éprouvées  par  l'armée  prussienne).  —  Emploi 
de  la  cavalerie  par  Napoléon  dans  les  Campagnes  de  1805-1807,  com- 
paré à  l'usage  qu'en  tira  Frédéric  pendant  la  guerre  de  Sept  ans.  Suite 
en  nov. 

46.  — Neue  militserische  Blîetter.  Berlin,  1884.  Bd.  XXV,  Heft  3. 
—  Hans  Adam  von  Schœning  (biographie  de  cet  éminent  général 
brandebourgeois  du  xvne  s.,  dont  l'histoire  est  caractéristique  de  l'Ai- 


RECITILS  PKKlOMol  B8,  î 63 

lemagne  d'alors).  —  Les  marches  les  plus  longues  el  les  pins  rapides 
de  tous  les  temps,  suite  (esquisse  plusieurs  épisodes  des  campagnes  de 
1S0G  et  1807).  —  Le  combat  de  Baynau;  fin.  =  Compte-rendu  :  Pau~ 
lixky  et  Vu/t  Wondke.  Geschichte  des  'i  rhemischen  Infanterieregiments, 
n°30,  von  1815-84  (bon). 

47.  —  Deutsches  Archiv  fur  Geschichte  der  Medicin.  Bd.  VU, 
Eefl  "2.  —  Tollin.  Michel  Servet,  l'homme  de  l'expérience  (Servel  avait 
nettement  compris  l'importance  de  l'çxpérimentation  scientifique).  — 
Wbrtnbb.  Sur  L'histoire  des  idées  médicales  (parle  de  certaines  œuvres 
du  siècle  passé  qui,  écrites  dans  le  sens  de  la  philanthropie  du  temps, 
étaient  destinées  à  améliorer  l'hygiène  du  peuple  par  des  prescriptions 
exposées  sous  une  forme  populaire).  =  Heft  3.  Sghenkeu.  La  peste  dan- 
la  principauté  épiscopale  de  Haie  (parle  surtout  des  mesures  prises  contre 
la  grande  peste  de  1720). 

48.  —  Archiv  fur  Anthropologie.  Bd.  XV.  Brunswick,  1884.  — 
Ikow.  Nouvelles  contributions  à  l'anthropologie  des  Juifs  (au  point  de 
vue  ethnologique,  ils  se  divisent  en  deux  groupes  nettement  séparés  : 
les  Juifs  du  sud  de  l'Europe,  de  pure  race  sémitique,  qui  émigrèrent 
dans  les  contrées  méditerranéennes  au  ier  et  au  ne  s.  après  J.-G.  ;  et  les 
Juifs  de  Russie,  qui  ne  sont  pas  de  race  juive  et  qui  descendent  de 
peuples  de  l'Asie  antérieure  convertis  et  émigrés  au  nord  du  Caucase, 
plusieurs  siècles  avant  J.-C).  —  Kopernicki.  Les  Aïnos  du  Japon  (se 
rapprochent  étroitement  des  Esquimaux  par  leurs  caractères  anthropo- 
logiques). —  Prosdocimi.  Rapport  sur  les  fouilles  d'Esté  (les  objets  trou- 
vés se  rapportent  au  peuple  des  Euganéens  qui  occupa  le  pays  d'une 
façon  ininterrompue  jusqu'à  la  conquête  romaine).  =  Bd.  XV.  Gorres- 
pondenzblatt,  1884,  nos  4-8.  —  Mehlis.  Une  enceinte  fortifiée  gallo- 
romaine  du  Rhin  moyen  (à  Waldfisbach  dans  le  Palatinat.  Ces  fortili- 
cations  ont  été  utilisées  à  l'époque  préromaine  par  des  Trévires,  et  plus 
tard  par  les  Romains  contre  les  attaques  des  Germains.  Nombreuses 
inscr.  tumul.  concernant  des  Gaulois  pour  la  plupart).— Von  Cohàusen. 
Les  retranchements  en  scories  de  Mouréal  près  Saint-Médard  (onl 
certainement  occupés  par  un  petit  roi  alaman  ou  franc).  —  Lu  ni.  Sur 
la  chronologie  de  l'ancienne  Egypte  (1°  le  règne  de  Ramsès  Méiamoun 
doit  se  placer  entre  1577  et  1511  avant  J.-C.;  2°  explique  deux  inscr. 
d'Hvergète  II  et  de  Sethos  Ie1'  le  Busiris  ou  Epaphos  des  Grec-, 
années  125  et  1585;  elles  sont  séparées  par  une  période  sothiaque).  — 
Hommel.  Les  Suméro-Acadiens  (les  Sumériens  appartiennent  certaine- 
ment, comme  leur  langue  le  montre,  à  la  famille  des  peuples  de  l'Ahai). 

49.  —  Baltische  Studien.  Jahrg.    XXXIV,  Heft  1.  —  Pittboobn. 

Contribution  à  l'histoire  du  syncrétisme  en  Poméranie,  de  lo.'.J  à  1GG5 
(met  en  lumière  le  violent  antagonisme  entre,  les  Luthériens  et  les 
Réformés,  ce  qui  conduisit  à  la  formation  d'un  tiers-parti,  celui  des 
syncrétistes;  luttes  de  ce  parti  contre  les  Luthériens  qui  avaient  la  préé- 
minence en  Poméranie;  les  édits  de  tolérance  des  Electeurs  favorisèrent 


1(54  UECUE1LS    PERIODIQUES. 

le  progrès  de  nombreuses  communes  réformées,  ainsi  que  le  rapproche- 
ii). -ut  des  deux  partis  religieux).  —  Von  Bùlow.  Histoire  de  l'émigra- 
tion des  tsiganes  en  Poméranie  (documents  inédits,  de  1512  à  1739).  — 
QEbgel.  Sur  la  parenté  de  la  Camille  de  prédicateurs  poméraniens  Kul- 
ling  avec  Martin  Luther.  =  Heft  2-4,  1884.  — O.  Knoop.  Saint  Georges 
dans  la  tradition  populaire  de  la  Poméranie.  —  Blùmke.  Les  corpora- 
tions ouvrières  à  Stettin  au  moyen  âge  (tableau  détaillé  de  la  prospérité 
du  commerce  dans  cette  ville  au  xme  et  au  xive  s.  ;  débuts  des  corpo- 
rations; les  institutions  municipales  et  place  qu'y  occupent  les  corpo- 
rations ;  organisation  de  ces  dernières  et  leurs  étroites  relations  avec 
l'église).  —  Brenneke.  Contribution  à  l'histoire  de  Dramburg  (histoire 
de  la  ville  et  du  couvent  jusqu'au  début  du  xvme  s.). 

50.  —  K.  Sœchsische  Akademie  der  Wissenschaften.  Philol.- 
histor.  Classe.  Abhandlungen.  Leipzig.  1884,  Bd.  IX.  —  Ribbeck.  La 
flatterie  dans  l'antiquité  (réunit  les  témoignages  de  l'antiquité  sur  les 
llatteurset  les  parasites,  les  classes  de  la  société  auxquelles  ils  apparte- 
naient, leur  rôle  dans  la  vie  journalière,  leur  responsabilité  dans  la  fal- 
sification de  l'histoire.  Peinture  approfondie  de  la  KoXaxet'a  d'après  les 
historiens,  les  moralistes  et  les  poètes  de  l'antiquité).  —  Ebers.  Le  sar- 
cophage en  bois  sculpté  de  Hatbastrou  au  Cabinet  égyptologique  de 
l'université  de  Leipzig  (ce  sarcophage  vient  de  Memphis  ;  il  appartient 
au  début  de  la  période  ptolémaïquc.  Traduction  de  l'inscr.  religieuse 
qui  s'y  trouve).  =  Berichte  ùber  die  Verhandlungen,  1884,  1-2.  Pùckert. 
Les  Annales  Laurissenses  minores  et  les  Annales  Einharti  (recherches 
approfondies  sur  les  sources  des  petites  annales  de  Lorsch  et  des  chro- 
niques antérieures  apparentées  avec  elles  ;  complète  et  rectifie  sur  cer- 
tains points  les  conclusions  de  Waitz.  La  source,  aujourd'hui  perdue, 
d'où  sont  sorties  les  Annales  de  Lorsch,  a  été  composée  avant  814  ;  elle 
a  été  utilisée  aussi  par  les  Annales  Einharti  et  les  Annales  Mettenses  ; 
elle  a  été  composée  à  un  point  de  vue  clérical;  c'est  dans  ce  sentiment 
qu'elle  défigure  fréquemment  les  faits,  afin  d'exalter  les  puissances  spi- 
rituelles, d'abaisser  ou  d'écarter  les  puissances  temporelles). 

51.  —  Preussische  Jahrbucher.  Bd.  LIV,  Heft  4.  Lang.  Cavour 
et  la  paix  de  Villafranca  (cette  paix  fut  d'abord  très  mal  vue  de  Cavour 
et  de  l'Italie,  néanmoins  Cavour  lui-même  avoua  plus  tard  qu'elle 
avait  été  très  utile  pour  ses  projets  ultérieurs). 

52.  —  K.  Preussische  Akademie  der  Wissenschaften.  Sitzungs- 
berichte.  Berlin,  18  déc.  1884.  —  Conze.  La  bibliothèque  de  Pergame 
(les  emplacements  situés  derrière  la  salle  septentrionale  du  sanctuaire 
d'Athéné,  et  en  particulier  l'oïxo;  situé  au  nord-est,  ont  été  affectés  à 
l'établissement  d'une  bibliothèque;  de  pareils  plans  de  bibliothèques  à 
l'époque  gréco-romaine  étaient  typiques,  ainsi  que  l'attestent  les  témoi- 
gnages de  l'antiquité.  Si  ces  conclusions  sont  vraies,  elles  fournissent 
un  renseignement  inappréciable  pour  reconstituer  l'ensemble  de  la  rési- 
dence des  Attalides). 


RECUEILS  l'ElilOIMol  K.s.  165 

53.  —  Zeitschrift  fur  die  Geschichte  des  Oberrheins.  Bd. 
\\  XVIII.  Beft  8.  —  Babbk.  Liste  des  étudiants  badoie  à  l'université 
ilf  Strasbourg,  de  1G16  a  171)1;  fin.  —  Barsti  Les  Luttes  constitution- 
nelles ;i  Spire  pendanl  le  moyen  âge  (récit  composé  le  plus  Bouvenl 

d'après  les  documents  contemporains;  il  montre  que  presque  en  mô 

temps  éclatèrent  dans  toutes  les  villes  rhénanes  des  luttes  entre  le 
patriciat  municipal  et  les  corporations;  celles-ci  finirenl  par  l'emporter. 
Spire,  devançant  en  cela  toutes  les  autres  villes,  obtint  un  gouverne- 
ment basé  sur  les  corporations  après  45  ans  d'efforts).  —  Von  Schrbc- 
kenstkin.  Extraits  des  archives  féodales  et  nobiliaires  (sur  l'histoire  de 
la  topographie  el  des  familles  nobles  du  Rhin  supérieur). 

54.  —  K.  Bayerische  Akademie  der  Wissenschaften.  Bisto- 
rische  Classe.  Sitzungsberichte.  .Munich,  1884,  Heft  3. —  Stieve.  L'intro- 
duction de  la  Réforme  dans  la  ville  impériale  de  Donauwœrth  (on  a 
jusqu'ici  tenu  trop  de  compte  de  la  chronique  du  prieur  Becfc  :  essaie 
de  refaire  l'histoire  de  l'introduction  de  la  Réforme  à  Donauwa-rth,  en 
1517-53,  à  l'aide  de  la  chronique  manuscrite  de  la  ville,  composée  par 
le  moine  Knebel,  et  d'un  grand  nombre  de  protocoles  du  conseil  muni- 
cipal). —  Scheffer-Boichorst.  Sur  l'histoire  de  l'Électoral  bavarois  et 
palatin  (1°  les  sources  de  l'auteur  sont  des  annales  et  des  mss.  du  temps, 
en  particulier  un  diplôme  du  roi  Rodolphe  de  Habsbourg  en  1275;  de 
celui-ci  il  résulte  qu'en  1257,.  lors  de  l'élection  de  Richard  de  Cor- 
nouailles  à  l'empire,  le  duc  de  Bavière  et  le  Palatin  ont,  également  pris 
part  au  vote.  La  voix  électorale  que  la  Bavière  et  le  Palatinat  possé- 
dèrent à  l'origine  à  l'état  indivis  fut  ensuite  illégalement  usurpée  par 
le  Palatin  ;  2°  sur  la  question  de  savoir  si  le  comte  palatin  était  fondé 
dans  le  dernier  quart  du  xme  s.  à  envoyer  les  lettres  de  convocation  pour 
les  jours  de  l'élection,  droit  qui  appartenait  auparavant  à  l'archevêque 
de  Mayence,  l'auteur  mentionne  deux  lettres  d'invitation  lancées  aus- 
sitôt après  la  mort  de  Rodolphe  Ier  et  envoyées  en  même  temps  par 
l'archevêque  et  par  le  comte,  chacun  prétendant  que  le  droit  lui  appar- 
tenait à  lui  seul.  Plus  tard,  il  n'est  plus  question  de  cette  prétention  du 
comte  palatin).  —  Brinz.  Les  fragments  de  droit  pré-justinien  qui  se 
trouvent  dans  un  ms.  de  Berlin  (recherches  critiques  sur  ces  documents 
récemment  découverts).  —  Bezold.  La  question  des  empereurs  alle- 
mands (notice  intéressante  sur  la  légende  de  l'empereur  Frédéric,  dont, 
le  type  véritable  n'est  pas  Frédéric  Barberousse,  mais  bien  son  petit- 
fils  Frédéric  II;  elle  a  sa  source  dans  la  prophétie  italienne;  c'esl  seu- 
lement dans  les  siècles  postérieurs  que  s'accomplit  peu  a  peu  le  chan- 
gement dans  l'interprétation  de  la  légende.  L'idée  de  Frédéric  II 
considéré  comme  PAntéchristse  retrouve  dans  divers  mss.  remarquables). 

55.  —  Mitteilungen  des  Vereins  fur  Geschichte  der  Stadt 
Nûrnberg.   1884,   Hef't  4.  —  Bach.  Les  murs  de   Nuremberg  (leurs 

accroissements  successifs,  à  raison  de  l'extension   progressive  de   la 

ville).  — -  Kress.  Grundlach  et  ses  possesseurs:   suite.  —  MommenhOP. 

Rev.  Histou.  XX  Vil.  2e  fasc.  30 


166  RECUBIIS    l'KKIOiHQUES. 

Études  sur  la  topographie  et  sur  l'histoire  de  l'hôtel  de  ville  de 
Nuremberg.  =  Comptes-rendus  :  Leitschuh.  Albrechi.  Dùrers  Tage- 
buch  der  Reise  in  die  Niederlande  (publication  très  soignée).  —  Von 
Kraus.  Das  Nûrnberger  Heichs-Regiment,  1500-1502  (excellent).  = 
Heft  5.  A.  Von  Scheurl.  Ghristoph  Scbeurl  (autobiographie  de  ce  per- 
sonnage, né  en  1457  à  Breslau  ;  il  résida  plus  souvent  à  Venise,  puis 
vint  s'établir  marchand  à  Nuremberg;  ses  rapports  avec  les  princes 
allemands  et  l'empereur  Maximilien,  auquel  il  prêta  de  grosses  sommes, 
-es  luttes  ardentes  avec  l'aristocratie  nurembergeoise).  —  Kamann.  Le 
journal  de  voyage  de  Hans  OElhafen  (sur  son  séjour  à  Wittenberg, 
1555).  —  Id.  Lettres  de  Chr.  Kress,  capitaine  et  diplomate  nurember- 
geois,  écrites  de  la  diète  de  Spire,  en  1529,  à  Chr.  Fùrer. 


56.  —  Germania.  Vienne,  1885,  Heft  1.  —  Tobler.  Le  mot 
«  Kuniowidi  »  dans  le  dialecte  de  Mersebourg  (désignait  à  l'origine  les 
chaînes  avec  lesquelles  autrefois  les  Germains  s'attachaient  dans  le 
combat,  comme  les  Gimbres  à  Verceil).  —  Blaas.  Extraits  des  sermons 
de  Georges  von  Giengen,  professeur  à  l'université  de  Vienne  au  xve  s. 
(intéressant  pour  l'histoire  des  mœurs,  du  costume,  de  l'ameublement, 
des  superstitions  de  l'époque).  —  Jeitteles.  Fragment  de  la  chronique 
universelle  de  Rudolf  (publie  ce  fragment  peu  considérable).  =  Compte- 
rendu  :  Wigstrœm.  Sagor  ock  Afventyr  upptecknade  i  Skâne  (très  bon). 

57.  —  Mittheilungen  des  Instituts  fur  Œsterreichische  Ges- 
chichtsforschung.  Bd.  VI,  Heft  1.  —  Bernheim.  Le  caractère  d'Otton 
de  Freising  et  de  ses  œuvres  (Otton  est  un  esprit  moyen,  à  égale  dis- 
tance du  réalisme  et  du  nominalisme,  de  l'idée  ecclésiastique  de  la 
hiérarchie  et  de  l'idée  laïque;  il  représente  bien  ainsi  l'esprit  moyen  du 
clergé  de  son  temps  après  le  concordat  de  Worms).  —  Scheffer-Boi- 
chorst.  Courtes  notices  sur  l'histoire  du  moyen  âge,  1-3  (1°  l'itinéraire 
de  Henri  II  en  1024  et  la  situation  des  Saxons  dans  les  questions  de  la 
succession  au  trône;  2°  le  privilège  de  Conrad  III  pour  Farfa  considéré 
comme  un  exemple  étonnant  d'une  fausse  date  de  lieu  marquée  dans 
un  diplôme  vrai  ;  3°  comment  et  à  quelle  époque  fut  rédigée  la  bulle  de 
Jean  XXT1  «Quia  in  futurorum  eventibus  »).  — Kaltenbrunner.  Études 
faites  à  Rome  (2°  les  fragments  des  plus  anciens  Registra  brevium  aux 
Archives  du  Vatican).  —  Fanta.  Un  rapport  sur  les  prétentions  du  roi 
Alfonse  de  Castille  au  trône  d'Allemagne  (sont  particulièrement  inté- 
ressants certains  articles  qui  montrent  les  rapports  du  roi  Alfonse  avec 
le  pape  Alexandre  IV.  Texte  de  ce  document).  —  Bresslau.  L'expédi- 
tion impériale  du  concordat  de  Worms  (B„  a  enfin  pu  voir  aux  Archives 
du  Vatican  l'une  des  deux  expéditions  de  ce  traité  célèbre,  celle  qui 
émane  de  la  chancellerie  impériale  ;  il  en  a  obtenu  une  photographie  et 
en  publie  ici  un  beau  fac-similé.  Dès  lors  tombent  les  doutes  et  les 
incertitudes  qui  s'étaient  élevés  autour  de  ce  document.  Description 
minutieuse  de  ce  document  par  Bresslau,  avec  une  introduction  par 


RECl  III  S    PERIODIQI  I  S.  i'1" 

Sickel).  —  Werunskv.  Remarques  sur  les  registre!  de  Clément  VI  el 
do  Clémenl  \  II  qui  se  trouvent  dans  les  Archives  du  Vatican.  — Faksch. 
Nouveaux  fragments  inédits  de  la  chronique  riméede  Btyrie.  =  Biblm- 
graphie  :  Leist.  Die  Urkunde;  ihre  Behandlnng  and  Bearbeitung  fur 
Edition  und  Interprétation  (ouvrage  rempli  d'erreurs  el  de  henni'-).  — 
fJrkundehbuch  des  Landes  oh  der  Enns.  Bd.  \'lll  (contienl  768  piè 
comprises  entre  I3G1  et  1375;  collection  importante  et  bien  publiée).  — 
Ulmann.  Kaiser  Maximilian  Ier  (excellent).  —  Hallwich.  11.  M.  Thurn 
als  Zeuge  im  Process  Wallenstein  (publie  un  mémoire  justificatif  du 
comte  Thurn  écrit  en  1636,  il  déclare  devant  Dieu  qu'il  ne  sait  rien 
d'une  conspiration  de  Wallenstein  e1  de  Kinsky  contre  l'empen  ur).  — 
Wapler.  Wallensteins  letzte  Tage  (il  est  encore  prématuré  d'essayer  de 
dire  sur  W.  le  dernier  mot;  il  faut  attendre  qu'on  ait  publié  tous  les 
documents  importants  qui  se  rapportent  à  sa  personne  et  à  son  rôle).  — 
Werthi  irru  r.  <  reschichte  <  Esterreichs  und  Ungarns  im  ersten  Jahrzehnl 
des  xix  Jahrh.  Bd.  1  (malgré  des  recherches  prolongées  dans  les  Archives 
de  Vienne  et  de  Paris,  l'auteur  n'apporte  rien  de  bien  nouveau  sur  une 
question  récemmenl  traitée  à  fond  par  Béer,  Fournier  et  autres  ;  tout 
au  plus  a-t-il  donné  de  nouvelles  preuves  de.  la  médiocrité  des  honn 
d'État  autrichiens.  Livre  d'ailleurs  médiocrement  écrit  et  composé).  = 
Rapport  sur  l'Istituto  austriaco  di  studii  storici,  qui  vient  d'être  fondé 
à  Home. 

58.  —  Archiv  fur  œsterreichische  Geschichte.  Bd.  LVI,  pre- 
mière partie.  —  Huber.  Louis  Ier  de  Hongrie  et  les  pays  vassaux  de  la 
Hongrie  (étude  approfondie  faite  d'après  les  nombreux  documents  (\i'< 
années  1345-77,  qui  se  trouvent  dans  la  chronique  composée  par  Jean 
de  Kikellew,  secrétaire  du  roi;  expose  les  efforts  tentés  par  Louis  Ier 
pour  ramener  sous  sa  dépendance  les  états  vassaux,  à  quoi  il  réussit 
en  partie;  nie  que  Louis  I«r  ait  marché  contre  les  Turcs  et  prétend  que 
son  rôle  dans  la  formation  de  la  puissance  hongroise  a  été  exagéré).  — 
Boefler.  Dépêches  de  Vincenzo  Quirino,  ambassadeur  vénitien  auprès 
de  l'archiduc  Philippe,  duc  de  Bourgogne,  roi  de  Castille,  de  Léon  el 
de  Grenade,  1505-1506  (publie  126  dépêches  expédiées  des  Pays-Bas  et 
d'Espagne;  intéressantes  pour  la  question  de  l'incapacité  politique  el 
du  dérangement  d'esprit  de  la  femme  de  Philippe,  Jeanne  la  Polie; 
publie  aussi  les  étonnants  articles  de  l'écrit  où  Maximilien  d'Autriche 
se  plaint  de  la  violation  par  la  France  de  la  paix  de  Haguenau,  conclue 
en  1505).  —  Zwcsdineck-Sûdenhorst.  Le  comte  Benri-Matthias  Thurn 
au  service  de  la  République  de  Venise,  i 62 'i - J 7  (d'après  les  documents 
vénitiens;  les  puissances  catholiques  surent  très  mauvais  gré  <  Venise 
d'avoir  pris  à  son  service  cet  ancien  chef  des  rebelles  bohémiens).  — 
WERTHErMER.  L'archiduc  Charles,  président  du  conseil  impérial  de  la 
_  ire  en  1801-1805  (cherche,  à  l'aide  de  documents  inédits,  à  faire 
mieux  connaître  un  côté  peu  connu  et  mal  apprécié  de  l'activité  du 
prince,  entre  autres  les  réformes  qu'il  lit  introduire  dans  I  armée  impé- 
riale :  sa  disgrâce  eut  pour  cause  l'hostilité  du  parti  de  la  guerre,  qui, 


_',G{>  RECUEILS  PERIODIQUES. 

sous  Mack,  en  mars  1805,  combattait  le  système  pacifique  soutenu  par 
l'archiduc  Charles). 

59.  —  Mitteilungen  der  anthropologischen  Gesellschaft  in 
Wien.  Bdi  KTV,  Heft  1.  —  Prinzinger.  Sur  l'identité  des  Marcomans 
et  des  Bavarois  (refuse  d'admettre  que  les  Bavarois  descendent  des 
Marcomans;  croit  plutôt  qu'ils  sont  un  rameau  du  peuple  souabe, 
identique  avec  les  Taurisques  et  les  Boiens).  —  Krauss.  Légendes  de 
sorcières  chez  les  Slaves  méridionaux  (reposent  entièrement  sur  des 
idées  mythologiques  ;  le  christianisme  n'y  exerça  presque  aucune 
influence,  aussi  ne  rencontre-t-on  pas  de  procès  de  sorcellerie  dans 
l'histoire  de  ces  peuples,  d'autant  quïl  n'y  a  jamais  eu  chez  les  Slaves 
une  classe  de  prêtresses).  —  Deschmann.  Fouilles  en  Garinthie  en  1882 
(les  urnes  qu'on  y  a  trouvées  montrent  la  plus  grande  ressemblance 
avec  les  urnes  euganéennes  trouvées  à  Este).  — Krauss.  Réminiscences 
slaves  dans  des  légendes  brandebourgeoises  (les  noms  de  divinités 
slaves  qui  se  sont  conservés  confirment  cette  donnée  que  les  Wendes 
du  Brandebourg  étaient  un  peuple  pacifique  adonné  à  l'agriculture).  — 
Wiesser.  Rapport  sur  des  objets  de  la  période  préhistorique  et  romaine 
trouvés  en  Tyrol.  —  Moser.  Rapport  sur  des  objets  romains  trouvés 
en  Istrie  et  sur  la  côte.  —  Dzieduszycki.  Objets  préhistoriques  trouvés 
dans  la  Galicie  orientale.  =  Comptes-rendus.  Sachau.  Reise  in  Syrien 
und  Mesopotamien  (très  bon).  —  Penka.  Origines  ariacae  (beaucoup 
d'erreurs).  =  Bd.  XV,  Heft  1-2.  Radic.  Anciens  tombeaux  en  Bosnie 
et  en  Herzégovine  (défend  les  anciens  Herzégoviniens  contre  Hœrnes, 
qui  les  avait  dépeints  comme  appartenant  à  un  très  bas  degré  de  civi- 
lisation). =  Comptes-rendus.  Marchesetti.  La  necropoli  di  Vermo  presso 
Pisino  nell'  Istria  (bon).  —  Von  Lenhossek.  Die  Ausgrabungen  von  Sze- 
ged-OEthalom  in  Ungarn  (bon). 

60.  —  Streffleur"s  œsterreichische  militœrische  Zeitschrift. 
Vienne,  1884.  Heft  2.  —  Von  B.  Le  combat  de  Wissembourg  (fautes 
graves  commises  des  deux  parts).  =  Heft  7.  Les  plans  des  généraux 
Ducrot  et  Wimpfen  pendant  la  bataille  de  Sedan  (voyez  sur  cette  ques- 
tion les  articles  récemment  publiés  par  la  Revue  historique,  XXVI, 
303,  et  XXVII,  100).  =  Compte-rendu.  Nenadovic.  Das  Leben  und 
Wirken  des  Georg  Petrovic  Kara  Gjorgje,  Befreier  Serbiens  (bon). 

61.  —  K.  Akademie  der  Wissenschaften.  Philos. -histor.  Classe. 
Sitzungsberichte.  Vienne,  1884.  Bd.  CV,  2e  partie.  —  Tomaschek.  Sur 
une  «  Summa  legum  incerti  auctoris  »  composée  au  xive  s.  (composée 
à  Wiener-Neustadt,  cette  Somme  est  importante  à  un  double  point  de 
vue,  d'abord  pour  l'admission  du  droit  romain  dans  le  droit  commun 
de  l'Allemagne,  puis  en  ce  qui  concerne  le  recueil  de  droit  hongrois 
d'Etienne  de  Werbœczi,  si  répandu  en  Hongrie  et  en  Pologne.  Le 
«  Lripartitum  »  de  Werbœczi  découle  de  la  «  Summa  »).  —  Krall. 
Études  sur  l'histoire  ancienne  de  l'Egypte  (lecture,  traduction  et  com- 
mentaire de  deux  actes  de  vente  en  démotique,  du  temps  des  rois 


RECUEILS    PÉRIODIQUES.  169 

Amasis  et  Ptolémée  Philadelphie  :  ils  foumissenl  de  nouveaux  détails 
sur  les  années  du  règne  de  ce  dernier  roi  et  de  Ptolémée  Évergôte, 
ainsi  que  sur  l'insurrection  populaire  dans  la  Thébaïde  SOU6  Ptoli 
Kpiphane.  Recherches  sur  Manéthon,  considéré  comme  source  de 
Josèphe  pour  l'époque  des  Hyksos).  =  Bd.  CA'I,  1-2.  Neuwirth.  Cons- 
tructions élevées  par  les  monastères  alamans  de  Saint-Gall,  de  Reiche- 
nau  et  de  Petershausen. —  Steffenuaiien.  Les  gloses  du  Sachsenspiegel 
(publie  le  commentaire  d'un  certain  Brand  de  Tzerstede,  du  xv"  s.).  — 
Schrutka.  Sur  la  Lex  Rubria  de  Gallia  Gisalpina  (explique  le  pa- 
tinai de  cette  loi».  —  Schcenrerg.  Histoire  de  la  civilisation  indienne 
au  xie  s.  (les  œuvres  de  Kshemendra  de  Cachmir).  =  Denksckriften. 
Bd.  XXXIV,  1884.  Pfizmaier.  Récits  de  l'histoire  des  Thsi  septentrio- 
naux (tirés  du  o  Livre  des  Thsi  septentrionaux,  »  composé  au  commen- 
cement de  la  dynastie  des  Thang  par  Li-pe-yo,  550-577  ap.  J.-C;  c'est 
l'histoire  des  empereurs  et  une  peinture  des  mœurs  corrompues  de  la 
cour).  —  Id.  Les  hommes  de  Dieu  et  les  Skopzi  en  Russie  (cette  - 
s'est  constituée  vers  le  milieu  du  xvne  s.  Publie  des  poésies  relatix 
leurs  idées  sociales  et  religieuses).  —  Miklosigh.  Les  éléments  turcs 
dans  les  langues  du  sud-est  et  de  l'est  européen  :  grec,  albanais, 
romain,  bulgare,  serbe,  petit  russe  et  grand  russe,  polonais.  —  Gilt- 
haler.  Traces  de  la  tachygraphie  grecque  dans  le  God.  Vat.  graec, 
1809  (transcriptions  du  texte  des  œuvres  du  Pseudo-Denys,  écrit  en 
caractères  tachygraphiques). 

62.  —  Zeitschrift  des  Ferdinandeums  fur  Tirol  und  Vorarl- 
berg.  3e  série;  Heft  3,  1884. —  Redlicii.  Histoire  des  évoques  de 
Brixen,  du  xe  au  xnc  s.  (la  plus  ancienne  tradition  sur  le  diocèse  de 
Brixen  date  de  l'époque  de  Reginbert,  907-925  ;  avec  Hugues  se  ter- 
mine l'époque  de  la  querelle  des  Investitures,  dans  laquelle  Brixen 
tint  pour  le  parti  de  l'empereur,  vers  1125.  Avec  Reginbert,  son  suc- 
cesseur, l'esprit  de  la  réforme  ecclésiastique  pénètre  à  Brixen.  En 
appendice  est  publiée  la  liste  des  évéques  de  ce  diocèse  au  xie  et  au 
xiie  s.).  —  Patigler.  Les  plaintes  des  Allemands  de  Trente  et  des  com- 
munes de  la  banlieue  contre  les  consuls  italiens  (détails  intéressants 
sur  l'histoire  de  la  population  allemande  dans  le  Tyrol  italien:  publie 
quatre  pièces  en  latin,  tirées  des  archives  du  gouvernemenl  à  Enns- 
bruck,  qui  sont  très  probablement  des  années  1477-1  i90;  importantes, 
non  seulement  en  ce  qui  concerne  l'administration  de  la  ville  de  Trente, 
mais  surtout  en  ce  qu'elles  font  connaître  les  rapports  réciproques  des 
deux  populations.  Les  Allemands  se  plaignent  que,  malgré  leur  grand 
nombre,  ils  soient  presque  entièrement  exclus  du  conseil  municipal). 
—  Pischnaler.  Contributions  à  l'histoire  de  la  paroisse  de  Sterzing 
sur  la  construction  de  l'église  (rapports  de  l'Ordre  teu tonique  avec  la 
paroisse).  —  Lihdner.  La  suppression  des  monastères  dans  le  Tyrol 
allemand  en  1782-87  (d'après  les  actes  mêmes  de  suppression  el  les 
inventaires  qui  turent  dresses  alors). 


Ï70  RECUEILS    PERIODIQUES. 

63.  —  Steiermaerkische  Geschichtsblaetter.  Jahrg.  Y,  Ilef't  o. 
1884,  juillet-septembre.  —  Chronique  du  monastère  de  Gœss  ;  suite, 
1727-1765.  —  Bindek.  Précis  des  transactions  du  cabinet  de  Yienne  de 
1809  à  1810  et  en  1818  (suite  de  cet  important  mémoire).  —  Privilèges 
de  villes  et  de  marchés  en  Styrie  ;  suite  (Bruck-sur-la-Mur,  Stainz, 
Leoben).  =  Bibliographie.  Slavonien  vom  X  bis  zum  XIII  Jahrh.,  par 
Kloir:  traduit  du  croate  par  Bojnicic  (s'efforce  de  démontrer,  contre 
Pesty,  qu'aux  xn°  et  xme  siècles  la  Croatie,  telle  qu'on  l'entend  aujour- 
d'hui dans  un  sens  étroit,  faisait  partie  de  la  Croatie,  au  sens  large,  et 
non  de  la  Hongrie  ;  thèse  peut-être  excessive,  au  moins  pour  l'étendue 
que  l'auteur  prétend  donner  au  «  Regnum  Salavoniae  »).  —  Flcichs- 
liaucr.  Kalender-Compendium  der  christl.  Zeitrechnungsweise  auf  die 
Jahrc  1-2000  vor  und  nach  Christi  Geburt  (manuel  de  chronologie  très 
commode).  —  Lampel.  Die  Einleitung  zu  Jans  Enenkel's  Fùrstenbuch 
(bonne  contribution  à  l'historiographie  autrichienne). 


64.  —  The  Academy.  1884,  13  déc.  — Jessopp.  Diocesan  historiés  : 
Norwich  (boni.  =  20  déc.  Dosabhai  Framji  Karaka.  History  of  the  Par- 
sis,  2  vol.  (histoire  fort  intéressante,  présentée  avec  beaucoup  de 
science  et  de  modestie  par  un  écrivain  très  distingué  du  pays).  — 
27  déc.  Markham.  The  sea  fathers  (contient  neuf  biographies  de  marins 
célèbres  ;  elles  sont  très  intéressantes).  =  1885,  10  janv.  Mullinger.  The 
University  of  Cambridge,  vol.  II  :  1535-1625  (excellent).  =  17  janvier. 
Webb  Probyn.  Italy,  1815-78  (bon  livre,  par  un  apologiste  de  l'unité 
italienne).  —  Chesler  Waters.  Gundrada  de  YVarrenne,  wife  of  W.  de 
Warrenne  of  Dornesday,  the  first  earl  of  Surrey  (prouve  qu'elle  ne  fut 
pas  une  fille  de  Guillaume  le  Conquérant  ;  mais  ne  réussit  pas  aussi 
bien  à  établir  quelle  fut  son  originel.  =  24  janv.  Benham.  Winchester 
i  intéressante  et  instructive  histoire  de  ce  diocèse).  =  31  janv.  Tel  fer. 
The  chevalier  d'Éon  de  Beaumont  (étudie  surtout  son  rôle  diploma- 
tique en  Angleterre  en  1763,  estime  que  d'Éon  vaut  mieux  que  sa  répu- 
tation, mieux  surtout  que  ne  le  dit  le  duc  de  Broglie). 

65.  —The  Athenaeum.  1884,  20  déc.  —  Maitland.  Pleas  of  the 
crown  for  the  county  of  Gloucester  before  the  abbot  of  Reading  and 
lus  l'ollows  justices  itinérant  1221  (excellente  publication,  qui  intéresse 
d'une  façon  toute  particulière  l'histoire  de  la  législation  anglaise  dans 
l'intervalle  qui  sépare  Glanville  de  Bracton).  =  27  déc.  Publications 
parues  sur  le  continent  en  1884.  =  1^85.  3  janv.  Fcrgusson.  Letters 
and  journals  of  Mrs  Calderwood  of  Polton,  1756  (curieux  détails  sur  la 
vie  en  Angleterre  et  en  Hollande  au  milieu  du  xvuie  s.).  =  10  janv. 
Leslie  Stephen.  Dictionary  of  national  biography,  t.  I  :  Abbadie-Atmo 
(ce  premier  volume  l'ait  bien  augurer  de  l'ouvrage  entier,  qui  sera  com- 
plet en  50  vol.  environ;  il  en  paraîtra  un  tous  les  trois  mois).  — 
Doughty.  Documents  épigraphiques  recueillis  dans  le  nord  de  l'Arabie 
(important).  —  Little.  Madagascar;  its  history  and  people (ouvrage sans 


ni  ci  i -|l>    PÉRI00IQ1  BS.  iTJ 

valeur):  =  1T  janv.  Friedmann.  Anne  Boleyn,  1527-36 (excellente  étude; 
L'auteur  est  fort  sévère  pour  Henri  YII1  et  pour  Anne;  tire  grand  parti 
des  dépêches  des  ambassad.  étrangers).  =  24  janv.  Parkman.  Montcalm 
and  Wolfe  (très  important).  =  31  janv.  Poole.  Illustrations  of  the  his- 
tory of  mediaeval  thought  (livre  toulVn,  composé  à  la  hâte,  plus  utile 
pour  l'homme  d'étude  qu'agréable  pour  l'homme  du  momie.  Beaucoup 
de  renseignements  nouveaux  sur  les  philosophes  irlandais  du  moyen 
âge).  —  Gochran-Patrich.  Catalogue  of  the  medals  of  Scotland  (fort 
beau  livre,  orne  de  planches  magnifiques  ;  les  descriptions  des  médailles 
sonl  trop  souvent  incomplètes  ou  fautives,  et  l'on  voudrail  un  plus 
grand  nombre  de  notes  explicatives). 

66.  —  The  Contemporary  Review.  1885,  janv.  —  Sir  A.  Hob- 
hoose.  lies  compagnies  de  la  cité  de  Londres  (de  l'étal  présenl  de  ce 

compagnies,  d'après  le  rapport  au  Parlement  annoncé  dans  notre  der- 
nier numéro.  Ce  rapport  esl  aujourd'hui  complet  en  trois  fascicules). = 
Février.  Mac  Garthy.  Le  château  de  Dublin. 

67.  —  The  "Westminster  Review.  1885,  janvier.  —  Documents 
sur  l'histoire  primitive  de  la  Russie  (t'ait  l'histoire  du  texte  di    S 
d'après  la  traduction  de  M.  Léger;  analyse  la  collection  des  chroniques 
russes  publiées  à  Pétersbourg  en  1816,  et  le  premier  volume  de  l'His- 
toire de  Russie  par  M.  Bestouchev-Rioumine,  publié  en  1872). 


68.  —  The  Nation.  1884,  4  déc.  —  Broume.  Maryland;  the  history 

of  a  Palatinate  (curieuse  monographie,  du  moins  pour  l'histoire  primi- 
tive du  Maryland  ;  cet  État  appartint  d'abord,  en  effet,  à  un  seigneur 
féodal,  ayant  pleine  juridiction;  c'était  un  «  palatinat;  »  il  a  conserve 
pendant  tout  le  xvme  s.  une  justice  manoriale  avec  la  court-baron.  De 
là  l'originalité  de  cette  colonie,  de  création  plus  ancienne  que  la  Pen- 
sylvanie,  créée  vingt  ans  après  que  le  régime  féodal  eut  été  supprimé 
en  Angleterre).  —  S/iaw.  Icaria  ;  a  chapter  of  the  history  of  commti- 
nism  (très  intéressant  exposé  de  l'aventure  d'Et.  Cabet).  =  1 1  déc. 
Parkman.  Montcalm  and  Wolfe  (excellent;  chef-d'œuvre  d'histoire 
militaire).  =  1er  janvier.  Mac  Garthy.  A  history  of  the  four  Georges. 
Vol.  I  (l'auteur  pense  que  l'histoire,  doit  être  une  résurrection  ;  il 
cherche  avant  tout  à  faire  une  peinture  intéressante  des  temps  et  des 
personnages;  son  livre  est,  en  effet,  d'une  lecture  intéressante,  mais 
écrit  avec  une  trop  grande  facilité.)  =  8  janv.  Morse.  John  Adams  (bon). 
=  15  janv.  Maine.  20  years  of  Congress,  from  Lincoln  to  Garfield; 
vol.  I  (cet  ouvrage  «  n'a  pas  été  écrit  par  un  historien  ni  dans  l'o- 
de l'histoire,  et  c'est  seulement  par  politesse  qu'on  peut,  l'appeler  une 
œuvre  littéraire  »). 


',12  CHRONIQUE    ET    BIBLIOGRAPHIE. 


CHRONIQUE  ET  BIBLIOGRAPHIE. 


France.  —  M.  Abdolonyme  limerai,  décédé  en  déc.  dernier  à  l'âge 
de  soixante-six  ans,  avait  pris  une  part  active  au  mouvement  national 
de  Roumanie  de  1846  à  1849.  Rentré  ensuite  dans  la  vie  privée,  il 
n'avait  cessé  de  traiter  dans  des  écrits  divers  plusieurs  des  points  les 
plus  enineux  de  la  question  d'Orient  :  Mémoire  justificatif  de  la  Révolu- 
tion roumaine  (1849);  Etudes  historiques  sur  les  populations  chrétiennes 
de  la  Turquie  d'Europe  (1867),  etc.  Il  laisse  inachevée  une  Histoire  de 
la  Roumanie.  Il  avait  aussi  étudié  la  question  vaudoise  et  publié  sur  ce 
sujet  dans  la  Revue  des  Deux-Mondes  plusieurs  études  où  il  s'était  four- 
voyé, en  attribuant  aux  livres  vaudois  et  en  particulier  à  la  Nobla 
Leyczon  une  antiquité  qu'ils  sont  loin  de  posséder. 

—  Le  30  déc.  dernier  est  mort,  à  l'âge  de  trente-cinq  ans,  M.  Frédéric 
Nolte,  dont  la  Revue  historique  a  mentionné  les  deux  ouvrages  :  une 
Histoire  des  États-Unis  d'Amérique,  et  tout  dernièrement  :  L'Europe  mili- 
taire et  diplomatique  au  XIIe  s.  —  Le  même  jour  est  décédé,  à  l'âge  de 
cinquante-cinq  ans,  M.  Jules  Poudra,  auteur  d'un  Traité  de  droit  parle- 
mentaire qui  fait  autorité  sur  la  matière. 

—  Le  1er  janvier  est  mort,  à  l'âge  de  quatre-vingt-sept  ans,  M.  J. 
Lacabane,  ancien  directeur  de  l'École  des  chartes.  Il  était  entré  à 
l'École  lors  de  sa  fondation  en  1821  ;  c'est  M.  Quicherat  qui  lui  succéda 
en  1871.  Il  a  publié  divers  écrits  estimés  sur  l'histoire  du  moyen  âge; 
ainsi  que  sur  la  poudre  à  canon,  sur  la  géographie  du  Limousin  et  du 
Quercy  (dans  la  Bibl.  de  l'Éc.  des  chartes). 

—  M.  Vatel,  l'infatigable  chercheur  qui  a  tant  trouvé  et  publié  de 
documents  inédits  sur  Charlotte  Corday,  les  Girondins,  Mme  du  Barry, 
est  mort  subitement  à  Versailles  le  30  janvier,  à  l'âge  de  soixante-neuf 
ans.  C'est  lui  qui  créa  le  musée  de  la  Révolution  organisé  dans  la  salle 
du  Jeu  de  Paume,  dont  il  était  le  conservateur.  —  Le  même  jour  est 
mort  aussi  M.  Aimé  Chérest,  l'auteur  de  VArchiprêtre,  et  de  deux  inté- 
ressants volumes  sur  la  Chute  de  l'ancien  régime. 

—  Les  dernières  nominations  dans  les  bibliothèques  secondaires  de 
Paris  ont  eu  le  don  d'exciter  bien  des  colères.  En  effet,  rompant  avec  une 
vieille  tradition,  on  a  choisi,  non  pas  des  littérateurs  ou  des  journa- 
listes, mais  des  bibliothécaires.  On  ne  peut  qu'approuver  cette  innova- 
tion. C'est  à  l'absence  de  spécialistes  dans  les  bibliothèques  qu'on  doit 
attribuer  en  grande  partie  le  désordre  qui  y  a  régné  trop  longtemps. 
Avoir  écrit  de  bons  romans  ou  composé  de  beaux  vers  ne  prouve  pas 


i  .iiiîiiMi.n  l     II    BIBLIOGRAPHIE.  173 

qu'on  se  connaisse  en  livres.  Il  esl  infiniment  plus  sage  de  confier  le 

soin  de  conserver  les  collections  nationales  à  des  spécialistes  plus 
modestes,  qui  ne  croiront  pus  déroger  en  inventoriant  et  en  faisanl  i 
naître  au  public  les  richesses  qu'elles  renferment.  Aussi,  ne  peut-on 
qu'approuver  certaines  nominations  récentes,  comme  celle  de  M.  Auguste 
Molinier  à  la  bibliothèque  du  palais  de  Fontainebleau,  et  celle  de 
M.  Henri  Lavoix,  fils,  à  celle  de  Sainte-Geneviève. 

—  La  2e  partie  du  Manuel  d'archéologie  deGùHLel  Koni  i  .  induit  par 
M.  Trawinsky  avec  des  notes  de  M.  Etiemann,  a  paru  à  la  librairie  .1. 
Rothschild.  Elle  est  consacrée  à  la  Vie  des  Romains  (architecture 
publique  et  privée,  mobilier,  armes,  costumes,  mœurs,  usages,  etc.). 

—  Le  t.   VII  et  dernier  de  ['Histoire  des  Romains,   par  M.  Victor 
Durut,  vient  de  paraître  dans  l'édition  in-8°  (Hachette.  L'ouvrage 
donc  complet  sous  ce  format;  il  est  d'ailleurs  le  même,  pour  le  texte  et 
pour  les  notes,  que  celui  de  la  grande  édition  illustrée 

—  La  même  librairie  a  publié  en  même  temps  un  texte  critique  de 
la  Guerre  de  Jugurtha  par  Salluste  (collection  d'éditions  savantes)  ;  ce 
travail  est  l'œuvre  de  notre  regretté  collaborateur  M.  Roger  Lallœr, 
mort  l'an  dernier,  jeune  encore,  et  dans  toute  la  force  du  talent. 

—  La  librairie  "Vieweg  a  mis  en  vente  le  tome  II  des  Établissements 
de  Rouen,  par  M.  Arthur  Giry;  il  contient  les  pièces  justificatives  et 
une  table  des  matières  très  détaillée. 

—  La  Nouvelle  collection  à  l'usage  des  classes,  publiée  par  la  librairie 
Klincksieck,  vient  de  s'enrichir  de  la  traduction  de  l'excellent  petit 
manuel  de  Kraner  sur  Y  Armée  romaine  au  temps  de  César.  MM.  Benoist, 
Baldy  et  Larroumet  ne  se  sont  pas  contentés  du  rôle  de  traducteurs.  Ils 
onl  ajouté  au  texte  de  l'auteur  allemand  des  notes  et  appendices  qui  en 
augmentent  considérablement  la  valeur.  Nous  recommandons  ce  livre 
à  tous  les  professeurs.  Il  sera  des  plus  précieux  pour  l'explication  des 
auteurs  latins. 

—  La  librairie  Leroux  publie  une  traduction  des  Rœmische  Alter- 
thumer  de  L.  Lange  sous  le  titre  :  Histoire  intérieure  de  Home  jusqu'à 
la  bataille  d'Actium,par  M.  A.  Berthelot  et  M.  Didier.  L'ouvrage  com- 
plet formera  2  vol.  Deux  fasc.  ont  déjà  paru. 

—  Les  tomes  XXII  et  XXIII  des  Archives  historiques  du  département 
de  la  Gironde  contiennent,  outre  de  nombreuses  pièces  détael s  com- 
prises entre  les  années  1137  à  1805,  les  comptes  de  l'archevêché  de 
Bordeaux  du  xme  au  xiv  s.  et  l'inventaire  des  titres  du  trésor  de  l'ar- 
chevêché, 1137-1604,  où  se  trouve  le  journal  des  visites  de  B.  de  Goth 
dans  la  province  ecclésiastique  de  Bordeaux,  en  1304  el  1305. 

—  Le  1er  numéro  qui  vient  de  paraître  d'une  série  de  Documents  pour 
îr  à  Vhistoire  de  Bordeaux  (chez  Gounouilhoui  contient   La  relation 

des  cérémonies  faites  en  présence  de  Louis  XIII  aux  épousailles  de  sa 
sœur;  reproduction  de  l'édition  de  1615. 


7,74  CHRONIQUE    ET    BIBLIOGRAPHIE. 

—  Sous  la  présidence  de  M.  Gaston  de  Carné  vient  de  se  fondera 
Nantes  (Forest  et  Grimaud)  une  Revue  historique  de  l'Ouest  avec  la  col- 
laboration de  MM.  A.  de  La  Borderie,  A.  Dupuy,  R.  Kerviler,  Léon 
Maître,  dom  Plaine,  Robiou,  etc.  La  Revue  annonce  déjà  la  publication 
prochaine  des  études  et  documents  suivants  :  Procès  -  verbaux  des 
séances  delà  Chambre  de  l'Union  de  Morlaix,  du  27  septembre  1589  au 
31  juillet  1590,  publiés  par  M.  A.  de  Barthélémy;  une  étude  sur  la 
géographie  féodale  de  la  Bretagne,  par  M.  A.  de  La  Borderie  ;  les  Pages 
il  os  écuries  du  Roy  dans  les  provinces  de  l'ouest,  par  M.  G.  de  Carné; 
le  cartulaire  de  l'abbaye  de  Prières  au  diocèse  de  Vannes,  publié  par 
l'abbé  Chauflier;  le  cartulaire  de  l'abbaye  de  Sainte-Croix  de  Quimperlé, 
par  M.  L.  Maître  (revue  trimestrielle.  12  fr.  par  an). 

—  Le  t.  II  des  Archives  de  Bretagne,  publié  à  Nantes  (Forest  et  Gri- 
maud) pour  la  Société  des  bibliophiles  bretons,  contient  des  documents 
inédits  sur  le  Complot  breton  de  1492.  Nous  en  parlerons  prochaine- 
ment. 

—  M.  A.  Bruel  vient  de  publier  le  t.  III  du  Recueil  des  chartes  de 
l'abbaye  de  Clwiy  pour  la  collection  des  Documents  inédits. 

—  M.  Paul  Fournier  a  publié  dans  le  Bulletin  de  V Académie  delphi- 
nale  (29  nov.  1883),  et  à  part,  un  excellent  mémoire  sur  le  Royaume 
d'Arles  et  de  Vienne  sous  les  premiers  empereurs  de  la  maison  de  Souabe. 
C'est  un  sujet  assez  mal  connu  d'ordinaire,  et  où  l'auteur,  érudit  très 
bien  informé  et  très  clairvoyant,  a  su  porter  la  lumière.  Nous  sommes 
heureux  d'apprendre  par  les  dernières  lignes  de  la  brochure  que  l'au- 
teur se  propose  de  suivre  l'histoire  du  royaume  d'Arles  jusqu'à  la  déca- 
dence définitive  de  l'autorité  impériale. 

—  M.  Henri  Bordier  a  fait  tirer  à  part  l'intéressant  article  consacré 
à  la  Famille  et  au  chevalier  d'Assas  dans  la  France  protestante  (2e  édit., 
t.  V;  Fischbacher).  Il  y  soutient,  avec  son  érudition  et  sa  vivacité  de 
style  ordinaires,  que  le  dévouement  du  chevalier  est  un  fait  indéniable 
et  qu'il  a  eu  pour  résultat  d'épargner  à  une  partie  de  l'armée  française 
une  dangereuse  surprise. 

—  Les  tomes  XIV  et  XV  des  Discours  parlementaires  de  M.  Thiers 
comprennent  les  années  1872  à  1877  et  complètent  cette  belle  publica- 
tion (C.  Lévy). 

—  M.  le  comte  d'iDEviLLE  a  eu  l'heureuse  idée  de  donner  en  un  seul 
volume  in-12  la  biographie  du  Maréchal  Bugeaud  qu'il  a  fait  paraître 
une  première  fois  en  3  gros  volumes  remplis  de  documents  et  de 
copieux  extraits  de  la  correspondance  du  maréchal  (Didot).  Sous  ce 
nouveau  format,  cette  intéressante  biographie  ne  peut  manquer  de 
trouver  de  nouveaux  et  de  nombreux  lecteurs.  M.  d'Ideville  laisse  le 
plus  souvent  possible  la  parole  à  son  héros,  et  il  fait  bien,  car  les 
lettres  de  ce  grand  homme  de  guerre  sont  des  plus  attachantes.  Peut- 
être  même  eùt-il  pu,  dans  ce  livre  de  vulgarisation,  s'effacer  davantage 


CHHOfffQlŒ    KT    BIBLIOGRAPHE.  «"•> 

encore  derrière  Bugeaud;  té  ton  de  L'apologie  se  Fait  trop  sentir,   ^prè 
tout  cependant,  ue  serait-ce  pus  peine  perdued'essayer  de  rendre  Bugeaud 
populaire?  C'est  un  homme  admirable  d'intelligence  el  d'énergie;  co 
n'est  pus  un  personnage  sympathique. 

—  M.  le  lieutenant-colonel  Dalia  a  donné  dans  les  publications  de 
la  Réunion  des  Officiers  un  intéressant  résumé  sur  les  Armées  étran- 
gères en  campagne,  leur  formation,  leur  organisation,  leurs  effectifs  el 
leurs  uniformes. 

Livres  nouveaux.  —  Documents.  —  Guillemot.  Documents  inédits  pour 
servir  à  l'histoire  de  la  ville  de  Thiers.  Clermont,  Thibaud.  (Mém.  de  l'Acad. 
de  Clermont.)  —  Bouquet.  Documents  concernant  l'histoire  de  Neufchâtel-en- 
lirav  cl  des  environs  (Soc.  «le  l'hiSt.  de  Normandie).  Rouen.  Métérie.  — -  Du 
Bois  de  Janàgny.  1"  Sentence  arbitrale  rendue  par  Jean  11  au  sujet  d'une  con- 
testation entre  Jacques,  connétable  de  Bourbon,  Blanche  de  l'oiithieu  el  Cathe- 
rine d'Artois;  2  Épisode  «l'un  procès  intenté  par  Blanche  de  Ponthieu  à 
Jean  IV  d'i l.ircourt ,  son  fils  Mém.  de  la  Soc.  des  Anliq.  de  Picardie).  Amiens, 
iinpr.  Douillet.  —  Poujol  de  Fréchencourt.  La  prise  d'Amiens  par  les  Espa- 
gnols en  1597;  extraits  dn  registre  ms.  de  la  famille  Cornet:  ibid.  —  L.  de 
Testa.  Recueil  des  traités  de  la  Porte  ottomane  avec  les  puissances  étrangères 
depuis  1536.  T.  VI:  France.  Muzard.  —  Tieullier.  Le  coustumier  de  La  vicomte 
de  Dieppe,  p.  p.  E.  Coppinger.  Dieppe,  impr.  Leprétre.—  Sënemaud.  Inven- 
taire sommaire  des  archives  communales  de  la  ville  de  Mézières,  antérieures 
a  1790.  Mézières,  impr.  Lelaurier.  —  Guh/ue.  Petit  cartulaire  de  l'abbaye  de 
Saint-Sulpice-en-Bugey.  Lyon.  Mougin-Rusand. 

Histoire  locale.  —  Abbé  Hënault,  Origines  chrétiennes  de  la  Gaule  cel 
tique;  recherches  historiques  sur  la  fondation  de  l'église  de  Chartres  et  «lis 
églises  de  Sens,  de  Troves  et  d'Orléans.  Paris,  Bray  et  Retaux;  Chartres, 
Petrot-Garnier.  —  Baudouin.  Histoire  du  protestantisme  et  de  la  ligue  en 
Bourgogne,  t.  II.  Auxerre,  impr.  Chambon.  —  Benoist  et  Adrien.  .Notice  histo- 
rique cl  statistique  sur  Jaignes,  canton  de  Lyzy-sur-Ourcq  (Bullet.  de  la  Soc. 
d'Arch.  de  Seine-et-Marne).  Meaux,  impr.  Destouclies.  —  Isambard.  Histoire 
de  la  Révolution  à  Pacy-sur-Eure,  t.  1.  Pacy,  Grateau.  —  Pocquet.  Les  ori- 
giiies  de  La  Révolution  en  Bretagne,  2  vol.  Paris,  Perrin.  —  Bretknn.  Notes 
historiques  sur  Saint-Georges-sur-Cher.  Tours,  impr.  Arrault.  —  Dechristé. 
Préludes  de  la  Révolution  à  Douai,  1789-90  (Mém.  de  la  Soc.  d'agriculture  de 
Douai,  t.  III).  Douai,  impr.  Dechristé.  —  Bouvier.  Les  Vosges  pendant  la  Révo- 
lution. Berger-Levrault.  —  Devet.  Saint-Étienne  sous  la  Terreur  (Doc,  noies 
el  extraits  pour  servir  à  l'hist.  du  Forez  pendant  la  Rév.).  Saint-Étienne, 
Chevalier.  —  Petit.  Description  des  villes  et  campagnes  du  département  de 
l'Yonne;  2e  vol.,  arrond.  d'Avallon.  Auxerre,  Galiot.  —  Metzger  et  Vaesen. 
Lyon  en   1793.  Le  siège.  Notes  et  documents.  Lyon,  Georg. 

Riographies.  —  Abbé  Feraud.  Vie  de  Saint-Bevons  de  Noyers,  gentill me 

provençal,  mort  à  Voghera,  le  22  mai  98G.  Aix,  impr.  Nicot.  —  J.-E.  de  Smyt- 
1ère.  Robert  de  Cassel  el  Jehanne  de  Bretagne,  sa  femme,  uv1  s.  Hazebrouk, 
impr.  David.  —  Billault  de'Gérainville.  Histoire  de  Louis-Philippe,  t.  III.  roi- 
mer.  -  Bonnejoy.  Vie  de  saint  Yves,  tirée  d'un  ms.  sur  vélin  du  xiV  s.  S.iiul 
Brieuc,  Prudhomme.  —Généalogie  de  la  maison  de  Cornulier  autrefois  de 
Cornillé,  en  Bretagne.  Orléans,  Herluison.  —  Prudhomme.  simples  notes  sur 
Pierre  de  Sébiville,  premier  prédicateur  de  la  réforme  à  Grenoble,  1514-44. 


176  CHRONIQUE    ET    BIBLIOGRAPHIE. 

Picard.  —Arnaud.  Recherches  et  documents  sur  la  famille  Arnaud,  de  Forcal- 
çuier,  depuis  le  milieu  du  xive  s.,  jusqu'en  1883;  t.  I.  Marseille,  Camoin.  — 
Abbé  Douais.  Le  P,  Marciac,  capucin;  notice  historique.  Picard. 

Allemagne.  —  Le  8  janv.  est  mort  à  Liegnitz,  à  l'âge  de  soixante- 
huit  ans,  le  Dr.  Ewald  Stechow,  directeur  de  la  Ritter-Akademie, 
auteur  de 'divers  mémoires  sur  l'histoire  ancienne.  —  Le  3  oct.  dernier 
est  mort  le  Dr.  H.  Mùller,  bibliothécaire  de  l'Université  de  Marbourg, 
auteur  de  plusieurs  monographies  sur  l'histoire  du  moyen  âge.  Il  était 
né  en  1838. 

—  M.  Hirschfeld,  professeur  ordinaire  à  l'Université  de  Vienne,  a  été 
nommé  au  même  titre  à  celle  de  Berlin.  —  M.  Dietrich  Schvefer,  pro- 
fesseur d'histoire  à  l'Université  d'Iéna,  a  été  nommé  professeur  ordi- 
naire d'histoire  à  celle  de  Breslau.  —  M.  Ed.  Meyer,  privat-docent 
pour  l'histoire  ancienne  à  l'Université  de  Leipzig,  a  été  nommé  profes- 
seur extraordinaire. 

—  M.  Th.  Heioel,  professeur  à  la  Tecknische  Hochschule  de  Munich, 
et  le  Dr.  Grauert,  privat-docent  à  l'Université,  ont  été  nommés  pro- 
fesseurs ordinaires  d'histoire.  La  nomination  de  M.  Grauert  est  due  à 
l'influence  de  la  majorité  ultramontaine  de  la  Chambre  bavaroise;  on 
doit  au  nouvel  élu  des  études  sur  le  duché  de  Westphalie  et  sur  la 
donation  dite  de  Constantin. 

—  Dans  un  puits,  qui  se  trouve  dans  le  castellum  romain  de  Saalburg 
près  de  Homburg  dans  le  Taunus,  on  a  trouvé  récemment  des  débris 
bien  conservés  de  chaussures  romaines  :  une  sandale  (crepida)  pour  le 
pied  gauche  et  une  paire  de  souliers  (carbatinae)  dont  l'un  est  encore 
intact. 

—  La  librairie  Teubner,  de  Leipzig,  annonce  une  Rœmische  Chronolo- 
gie par  M.  Holzapfel  et  Eusebii  canonum  epitome  ex  Dionysii  Telma- 
harensis  chronico  petita,  publiée  par  C.  Siegfried  et  H.  Gelzer. 

—  Le  tome  XI  des  publications  des  archives  de  Prusse  contient  la 
seconde  partie  des  études  intitulées  :  Preussen  Kœnige  in  ihrer  Thsetig- 
keit  fur  die  Landescullur.  Ce  volume,  consacré  au  règne  de  Frédéric, 
traite  de  l'économie  rurale.  L'auteur,  très  compétent,  M.  le  Dr  R. 
Stradelmann,  a  fait  des  recherches  approfondies.  Son  savant  exposé 
du  sujet  (p.  1  à  240)  est  suivi  d'un  recueil  considérable  de  documents 
(p.  243  à  656).  C'est  un  livre  qui  sera  précieux,  même  en  dehors  de 
l'Allemagne,  aux  historiens  économistes  (Leipzig,  Hirzel). 

—  M.  Alfred  Dove  a  publié,  chez  Perthes,  à  Gotha,  le  premier  fas- 
cicule du  tome  VI  de  sa  Deutsche  Geschichte.  Le  volume  est  intitulé  : 
Bas  Zeitalter  Friedrichs  des  Grossen  und  Josephs  H.  La  première  partie 
commence  à  l'année  1740  et  s'arrête  à  l'année  1745.  L'auteur,  tout  en 
s'attachant  particulièrement  à  l'histoire  intérieure,  est  forcé,  dans  cette 
période,  de  donner  une  place  prépondérante  à  la  guerre  et  aux  négocia- 
tions. L'intérêt  principal  de  son  ouvrage  n'en  est  pas  moins  toujours 
dans  l'histoire  intérieure  et  dans  les  recherches  des  origines,  quelque- 


CHRONIQUE   ET    BIBLIOGRAPHIE.  177 

fois  bien  problématiques,  de  l'Allemagne  moderne,  prussienne,  unitaire 
et  nationale,  dans  l'Allemagne  si  particulariste  et  cosmopolite  «lu 
xvmc'  siècle. 

—  M.  E.  Hermann  a  réuni,  en  les  faisant,  précéder  d'une  notice  sur 
la  vie  et  les  travaux  de  l'auteur,  une  série  d'essais  consacrés  par 
M.  Edouard  Gauer  à  Frédéric  II  et  en  particulier  à  ses  vue-  sur  le  gou- 
vernement intérieur,  il  vol.  Breslau,  Trewendt.) 

—  M.  Hermann  Huffek,  dont  les  savants  et  lumineux  travaux  sur 
l'histoire  de  la  période  révolutionnaire  sont  estimés  en  France,  comme 
ils  méritent  de  l'être,  a  publié  dans  le  Historiettes  Taschenbuch  de 
Brockhaus,  à  Leipzig  (6e  Folge,  III),  une  très  intéressante  étude  sur  la 
république  napolitaine  (ou  parthénopéenne)  en  1799. 

—  M.  le  baron  Langwerth  de  Simmern  a  l'ait  paraître,  chez  Brandes 
à  Hanovre,  une  série  de  considérations  sur  la  Révolution  française  et 
ses  guerres  en  Europe,  de  1790  à  1797  :  Revolutionskrieg  im  Lichte  u 
rer  Zcit.  Ces  considérations  ne  sont  qu'un  résumé  de  l'ouvrage  plus 
développé  et  plus  étudié  de  l'auteur  :  OEslerreich  und  das  Reich  im 
Kamp/'e  mit  der  franzœsischen  Révolution.  (2  vol.  Berlin,  Bidder,  1880.) 
M.  de  Simmern  n'apporte  point  de  faits  nouveaux,  mais  ses  études  ne 
sont  pas  sans  intérêt  pour  la  connaissance  des  opinions  en  Allemagne. 

—  La  publication  de  la  Politische  Correspondes  de  Frédéric  II  se 
poursuit  avec  la  plus  louable  activité.  En  1881  ont  paru  les  tomes  VI 
et  VII,  du  l«*janv.  17  i8  au  30  juin  1750;  en  1882,  les  tomes  VIII  et  IX, 
2  juillet  1750  au  30  juin  1753;  en  1883,  les  tomes  X  et  XI,  1er  juil- 
let 1753  au  30  décembre  1755.  Il  suffit  de  signaler  les  dates  pour  indi- 
quer l'intérêt  croissant  de  cette  publication  pour  l'histoire  générale  et 
en  particulier  pour  l'histoire  de  la  politique  française.  M.  le  duc  de  Bro- 
glie  a  montré  déjà  tout  le  parti  qu'on  en  pouvait  retirer. 

Livres  nouveaux.  —  Histoire  générale.  —  Weinhold.  Germanistische 
Abbandlungen.  Bd.  IV.  Breslau,  Kœlnier.  —  Blasius.  Kœnig  Enzio;  ciu 
Beitrag  zur  Geschichte  Kaiser  Friedrichs  II;  ibid.  —  Karloua.  Rœmisehe 
Rechtsgesckichte.  Bd.  I.  Leipzig,  Veit.  —  Lœher.  Beilrajge  zur  Geschichte  und 
Yulkerkunde.  Bd.  1.  Franci'ort-s.-l.-Meiu.  Liter-Anstalt.  —  SijbcL  el  Siekel. 
Kaiseruukuuileii  in  Abbildungen.  7e  livr.  Berlin,  Weidinann. — L.  Scluuidt.  Zur 
Geschicbte  der  Langobarden.  Leipzig,  Fock. 

Histoire  ancienne.  —  Fischer.  De  patriarcharum  Constantinopolitanorum 
catalogis,  et  de  cbronologia  octo  primorum  patriarcharum.  Jéna,  Deistung  — 
E.  von  Stern.  Geschichte  der  spartaniseben  und  thebaniseben  Hégémonie  \<>iu 
Ku-nigsfrieden  bis  zur  Schlacbt  bei  Mantinea.  Dorpat.  Karow.  —  Ohlenschlager. 
Die  rœmischen  Grenzlager  zu  Passau,  Kùnzig,  Wiscbelburg  u.  Straubing. 
Munich,  Franz. 

Histoire  locale.  —  Sax.  Die  Bischœfe  und  Reichsfùrleii  von  Bichstaedt, 
745-1806.  Bd.  I.  Landshut,  Kriill.  —  Rabe  et  Burger.  Die  brandenburgisch- 
preussische  Armée  in  historischer  Darstellung.  Berlin,  Meidinger.  —  F.  von 
Weech.  Codex  diplomaticus  Salemitanus,  7;  livr.,  1281-90.  Karlsrahe,  Bratm. 

—  Meklenburgisckes  Urkundenbuch.  Bd.   XIII,  1351-55.  Schweiin,  Sliller.  — 


',7N  CHRONIQUE    ET    lilBLIOGRAPHIE. 

Basse.  Srlih-.wiu-lnil-lt'in -l.uu'ii!»uriiisc!ie  Regesten  und  Urkunden.  Bd.  I: 
Hambourg,  Voss.  —  Roth.  Die  Einfuhrung  der  Reformation  in  Nurnherg,  1517- 
28.  Wurzbourg,  Stuber.  —  W.  von  Bippen.  Aufsœtze  zur  Gescliichte  der  Stadl 
Bremen.  Brème,  Sehiïneniann.  —  Zeller.  Handbuch  der  Verfassung  u.  Verwal- 
tung  im  Grossb.erzogtb.um  Hessen.  Bd.  I.  Darmsladt,  Bergstrœsser. 

Autriche-Hongrie.  —  Notre  correspondant,  M.  Ad.  Bauer,  privat- 
docent  à  l'Université  de  Graz,  vient  d'être  nommé  professeur  d'histoire 
ancienne. 

—  L'Académie  des  sciences  de  Vienne  fait  continuer  la  précieuse 
publication  entreprise  par  le  regretté  M.  de  Vivenot,  sous  le  titre  de  : 
Quellcn  zur  Geschichlc  der  deutschen  Kaiserpolitik  OEsterreichs.  M.  le 
Dr.  de  Zeissberg  s'est  chargé  de  ce  travail,  et  le  tome  IV  de  l'ouvrage 
a  paru  chez  Braumùller.  Il  contient  les  documents  relatifs  à  l'évacua- 
tion de  la  Belgique  et  au  partage  de  la  Pologne,  du  1"  janvier  au 
30  septembre  1794.  C'est  une  collection  d'un  intérêt  capital,  et  l'on  ne 
saurait  trop  savoir  gré  à  l'Académie  de  Vienne  et  au  soigneux  et  savant 
éditeur  du  service  qu'ils  rendent  ainsi  en  ouvrant  les  archives  autri- 
chiennes aux  investigations  des  historiens  étrangers.  Par  l'importance 
des  affaires  dont  il  y  est  traité,  ce  volume  est  peut-être  le  plus  utile  de 
la  collection. 

—  L'éditeur  des  Quellcn  exprime  le  regret  (p.  xv)  de  n'avoir  pas  connu, 
avant  l'impression  de  son  volume,  la  collection  de  lettres  de  Mercy 
au  comte  Starhemberg  qu'a  publiée  M.  le  comte  Thùrheim  :  Briefe 
des  Grafen  Mercy -Argenteau  an  den  Grafen  Louis  Starhemberg.  Inns- 
bruck,  Wagner,  1884.  Ces  lettres  (il  y  en  a  cent  dix-huit)  sont,  en 
majeure  partie,  consacrées  aux  négociations  de  1793  à  1794  relatives  à 
la  Belgique.  Elles  forment  le  complément  naturel  et  nécessaire  des 
Quellen.  (Voir  d'ailleurs,  dans  la  Revue  critique  du  3  novembre  1884,  la 
notice  de  M.  Chuquet.) 

—  Un  autre  ouvrage  relatif  à  la  politique  autrichienne  et  qui  mérite 
toute  l'attention  des  historiens,  c'est  celui  de  M.  A.  Béer  :  Die  orienta- 
lische  Politik  OEsterreichs  seit  1774.  Leipzig,  Freytag,  1883.  C'est  une 
série  d'études  dont  la  plus  grande  partie  porte  sur  la  politique  moderne 
de  l'Autriche  en  Orient.  Cette  politique  est  exposée  dans  son  dévelop- 
pement depuis  la  Un  du  xvme  siècle  jusqu'au  congrès  de  Berlin.  Les 
annexes  contiennent  de  curieux  Mémoires  sur  les  affaires  d'Orient  et  les 
intérêts  autrichiens.  On  peut  rapprocher  du  travail  de  M.  Béer  le 
tome  VIII  et  dernier  des  mémoires  de  Metternich  publié  à  Paris  chez 
MM.  Pion  et  Cie.  Il  comprend  des  extraits  du  journal  de  la  princesse, 
de  1848  à  1858,  et  nombre  de  notes  du  prince  sur  les  affaires  du  temps; 
plusieurs  sont  très  piquantes  et  fort  intéressantes,  en  particulier,  pour 
l'histoire  de  la  politique  française. 

Livres  nouveaux.  —  Béer.  Gescliichte  des  Welthandels  im  xix  Jahrh.  Bd.  II. 
Vienne,  Braumùller.  —  Benks  von  Boinik.  Gescliichte  der  k.  k.  Kriegsmarine. 
Bd.  I,  3  partie.  L84&49.  Vienne,  Gerold.  —  Klopp.  Der  Fall  desHauses  Stuart 
anddie  Succession  des  Hauses Haanêver.  Bd.  XI.  Vienne,  Braumùller.  -  Baron 


CHROMQCi;    El    BIBLIOGRAPHIE.  'il\) 

de  Neumann  et  A.  de  Plason.  Recueil  des  traités  et  conventions  conclus  par 
l'Autriche  avec  les  puissances  étrangères,  depnis  1763  jusqu'à  nos  jours. 
T.  XXI.  Vienne,  Sle\ni  nuilil. 

Grande-Bretagne.  —  A  la  fin  do  l'année  dernière  (déc.  1884)  est 
paru  le  1er  volume  du  Dictiùnary  of  national  biography  qu'annonce 
depuis  longtemps  M.  Leslie  Stephen.  Il  contient  les  mots  de  Abbadù 

à  Anne;  chaque  volume  coûtera  12  s.  6  d.;  il  en  paraîtra  un  tous  les 
trois  mois;  on  a  tout  lieu  de  croire  que  l'ouvrage  sera  complet  en 
50  volumes.  (Londres,  Smith  et  Elder.) 

—  Mmc  Everett  Green  vient  de  terminer  un  nouveau  volume  de  son 
Galendar  of  Commonwealth  papers ;  les  documents  analysés  vont  de 
juin  1G57  à  la  mort  de  Cromwoll. 

—  La  Ayr  and  Wigton  ardixological  association  fait  imprimer  les 
chartes  de  l'abbaye  de  Crosraguel  en  un  volume  sépare 

—  Les  chartes  municipales  de  Bath,  de  Richard  Ier  à  Elisabeth,  vonl 
prochainement  paraître  chez  Elliot  Stock  à  Bath,  par  les  soins  de 
M.  J.  Austin  King  et  de  M.  B.  Watts. 

—  MM.  Sidney  J.  Low  et  F. -S.  Ptjlling  ont  publié  chez  Cassell  un 
Dictionary  of  english  history,  relativement  bref,  mais  utile;  comme 
notre  «  Lalanne,  »  ce  dictionnaire  admet  un  certain  nombre  d'articles 
consacrés  à  l'histoire  des  institutions  anglaises,  et  plusieurs  de  ses 
articles  sont  signés  de  noms  très  autorisés;  ainsi,  l'art.  Agriculture,  par 
M.  Th.  Rogers;  l'art.  Authorities  (sources  de  l'histoire  anglaise),  par 
M.  J.  Bass  Mullinger,  etc.  Un  index  renvoie  aux  articles  du  diction- 
naire pour  les  mots  ou  les  noms  qui  n'ont  pas  leur  place  à  part.  C'est 
un  livre  à  avoir. 

—  Viennent  de  paraître  chez  Parker,  à  Oxford,  les  Chronicles  ofthe 
abbey  of  Elstow,  par  le  Rév.  Wigram,  de  Balliol  collège,  avec  des  notes 
sur  l'architecture  de  l'Église,  par  M.  J.-C.  Bucklej  . 

—  La  Société  d'histoire  d'Oxford  (Oxford  Eistorical  Society),  fondée 
l'année  dernière  pour  l'étude  de  l'histoire  de  l'Université  et  de  la  ville, 
compte  déjà  plus  de  cinq  cents  adhérents.  Elle  va  mettre  en  distribu- 
tion pour  1884  :  1°  le  Journal  de  Thomas  Hearne,  publié  par  M.  Doble, 
t.  I;  2°  l'Histoire  de  la  ville  d'Oxford  jusqu'à  1100,  par  M.  James 
Parker;  3°  le  Registre  des  diplômes  conférés  par  l'Université,  de 
1 148-1463  et  de  1505-1564,  publié  par  M.  Boase. 

—  On  annonce  que  M.  Maxyvell-Lyti:  va  publier  une  histoire  de 
l'Université  d'Oxford. 

—  Le  tome  II  de  celle  de  Cambridge,  par  M.  J.  Bass  Mi  oliwqer,  a 
récemment  paru.  {The  University  of  Cambridge  from  the  Royal  Intima- 
tions of  1535  to  the  accession  of  Charles  I.  (Cambridge,  University  Press.) 

—  M.  L.  Poole  a  publié,  chez  Williams  el  Norgate,  une  étude  sur 
les  idées  politiques  et  ecclésiastiques  au  moyen  âge  [Illustrations  of 


480  CHRONIQUE    ET    BIBLIOGRAPHIE. 

the  History  of  Médiéval  thought).  Dans  un  appendice  (n°  X),  il  donne  des 
extraits  d'un  commentaire  de  Giérembaud  d'Arras  que  VHistoire  litté- 
raire de  la  France  dit  «  non  imprimé  et  peut-être  perdu,  »  t.  XII,  p.  445  : 
Expositio  Magister  Clarenbaldi  super  librum  Boelhii  de  Trinitate  contra 
Abaelardum.  Le  manuscrit  se  trouve  dans  la  bibliothèque  du  Collège 
de  Balliol  à  Oxford. 

—  M.  Oscar  Browning,  senior  fellow  au  King's  Collège  de  Cambridge, 
a  réuni  les  notes  laissées  par  le  Duc  de  Leeds  et  relatives  aux  affaires 
politiques  auxquelles  il  a  été  mêlé.  Le  livre,  intitulé  :  The  political 
memoranda  of  Fr.  Duke  of  Leeds,  publié  par  la  Camden  Society,  contient, 
avec  une  introduction  de  l'éditeur,  des  notes  et  fragments  dont  les  plus 
anciens  s'étendent  du  mois  de  mars  1774  au  mois  de  janvier  1781,  et 
les  plus  récents  portent  sur  l'année  1796.  Les  affaires  de  France  y 
occupent  une  très  grande  place.  On  trouvera  aussi  de  curieux  détails  sur 
la  politique  intérieure  de  l'Angleterre  au  xvme  s.  dans  le  9e  Rapport  de 
la  H.  Commission  of  historical  mss.  La  3e  partie  contient  l'analyse  de  la 
correspondance  de  lord  George  Sackeville  (d'après  les  mss.  en  posses- 
sion de  Mad.  Stafford  Sackeville,  de  Drayton  House,  Northamptonshire). 

—  M.  Samuel  R.  Gardixer  vient  de  publier  dans  la  série  d'  «  english 
history  reading  books  »  (Longmans)  un  intéressant  petit  volume  de 
biographies  historiques  :  Simon  de  Montfort,  le  prince  Noir,  Thomas 
More,  Francis  Drake,  01.  Cromwèl  et  Guillaume  III.  Ces  noms  ne  sont 
pas  pris  au  hasard  ;  «  les  biographies,  dit  l'auteur,  ont  été  choisies  dans 
ce  qu'on  peut  appeler  la  période  moyenne  de  l'histoire  anglaise,  celle 
où  fut  établie  la  constitution  anglaise.  »  Le  style  en  est  très  simple,  le 
récit  attachant.  C'est  une  bonne  lecture  pour  les  commençants. 

Belgique.  —  M.  le  comte  Goblet  d'Alviella,  à  qui  nous  devons  un 
livre  d'un  haut  intérêt  sur  VÉvolution  religieuse  contemporaine  chez  les 
Anglais,  les  Américains  et  les  Hindous,  a  ouvert  le  9  déc.  1884  le  cours 
d'histoire  des  religions  nouvellement  créé  à  l'Université  de  Bruxelles. 
Dans  sa  leçon  d'ouverture,  il  a  traité  :  Des  préjugés  qui  entravent  l'étude 
des  religions  (Bruxelles,  Muquardt,  34  p.  in-8°),  préjugés  religieux,  anti- 
religieux, et  même  préjugés  scientifiques.  Il  a  donné  un  excellent  pro- 
gramme de  ce  que  doit  être  une  étude  comparée  des  religions,  au  point 
de  vue  vraiment  historique  et  scientifique.. 

—  M.  Frans  de  Potter  vient  de  publier  le  troisième  fascicule  de  son 
histoire  des  places,  des  monuments  et  des  institutions  de  la  ville  de 
Gand,  Gent  van  den  vroegsten  tijd  tôt  heden  (Gand,  Ad.  Hoste). 

—  A  l'occasion  du  50e  anniversaire  de  l'université  libre  de  Bruxelles, 
M.  le  professeur  L.  Vanderkindere  a  fait  paraître  une  importante 
Notice  historique  (216  p.  gr.  in -8°  et  230  p.  d'annexés.  Bruxelles, 
P.  Weissenbruch). 

—  Le  chanoine  Remdry  a  publié  en  volume  les  curieux  articles  qu'il 
avait  insérés  dans  les  Précis  historiques  sur   un   moine   célèbre   du 


CHRONIQUE    BT    l'.lKl.lOi.UAl'HiK.  ïXl 

xvii"  siècle  :  /.'•  Père  Marc  d'Aviano.  La  délivrance  de  Vienne  en  1683  Bl 
Voyage  dans  les  Pays-Bas  en  1681  (Bruxelles,  A.  Vromant). 

—  M.  Théodore  Juste  poursuit  la  seconde  édition,  entièrement 
refondue,  de  son  grand  ouvrage  :  Les  Pays-Bas  sous  Philippe  IL  Le 
deuxième  volume  embrasse  les  années  1565-1567,  c'est-à-dire  h' compro- 
mis des  nobles,  Les  prêches  publics  des  calvinistes,  les  excès  des  icono- 
clastes et  la  réaction  qui  les  suivit  (Bruxelles,  Lebègue,  Office  de 
publicité). 

—  M.  Jules  Lameere,  procureur  général  à  la  Cour  d'appel  de  Gand, 
vienl  ilf  publier  son  dernier  discours  de  rentrée,  De  l'histoire  du  droit  et 

lude  actuelle  dans  les  Pays-Bas  (Bruxelles,  Alliance  typogra- 
phique). M.  Lameere  passe  en  revue  les  principaux  travaux  les  plus 
us  consacrés  en  Hollande  à  l'étude  historique  du  droit  et   retrace 
les  résultats  les  plus  remarquables  auxquels  les  spécialistes  sonl  arri- 
notamment  quant  à  la  réception  du  droit  romain  dans  les  anciens 
Pays-Bas. 

Italie.  —  M.  l'abbé  Rinaldo  Fulin  est  décédé  le  24  nov.  dernier  à 
l'âge  de  soixante  ans.  Nos  lecteurs  rencontraient  sans  cesse  son  nom 
dans  l'analyse  de  VArchivio  veneto  qu'il  avait  fondé  en  1*71  avec  Ad. 
Bartoli  ;  la  vaste  publication  des  Diarii  de  Marino  Sanuto  est  en  grande 
partie  son  œuvre.  Le  plus  estimé  de  ses  ouvrages  est  relatif  aux  Inqui- 
siteurs d'Etat.  Il  a  publié  aussi  un  Compendio  di  storia  mneta,  les  Diarii 
e  diaristi  veneziani,  des  études  sur  l'aruta,  Casanova  et  Daniel  Manin. 
C'était  un  grand  travailleur  et  un  érudit  très  exercé. 

—  Dans  le  t.  XXIII  des  Atti  de  la  R.  Accademia  Lucchese  di  sct\  i 
lctlcrcedarttya.ru  en  1884  (Lucques,  Giusti),  nous  signalons  un  mémoire 
de  M.  G.  Sforza  sur  la  patrie,  la  famille  et  les  parents  du  pape  Nico- 
las V.  et  un  essai  de  .M.  Salvatore  Bongi  sur  le  commerce  des  Lucquois 
aux  xme  et  xive  siècles. 

—  La  Société  des  bibliophiles  de  Turin  se  propose  de  publier  des  écrits 
inédits  ou  introuvables  à  250  ex.  de  choix.  Le  lpr  contient  un  poème 
du  xvie  s.  intitulé  :  «  Successo  de  l'Armata  de  Solimano  Ottomano  nell' 
impresa  di  Malta.  » 

—  Nous  devons  à  M.  Carlo  Cametta  une  1res  utile  table  des  dix  pre- 
mières années  de  VArchivio  storico  lombardo,  1874-83  (Milan,  Dumolard, 

il.  Elle  se  divise  en  trois  parties  :  1«  les  sommaires,  par  ordre  chrono- 
logique, des  40  fasc.  qui  composent  cette  première  série  de  l'Archivio; 
2°  la  table  alphabétique  des  noms  d'auteurs  avec  l'indication  exacte  de 
tous  les  articles,  mémoires,  documents,  qu'ils  ont  publies  dans  l'Archi- 
vio; 3°  une  table  des  noms  de  lieu,  de  personnes  el  de  matières,  rangée 
sous  onze  chapitres  différents.  Eu  appendice  est  donné'le  Catalogue  du 
Bulletin  de  la  Consulta  du  Museo  storico-artistico  de  Milan  [1874-77) 
et  de  la  Bivista  archeologica  de  Corne  (1879-83). 

—  La/?.  Deputazione  di  storia  patria  de  Turin  vient  d'entreprendre 

Rev.  Histor.   XXVIi.  !■■  pasc.  31 


582  CHRONIQUE    ET    l'.IRLIOGKAPHIE. 

une  troisième  série  de  publications  historiques  avec  les  trois  premiers 
volumes  d'une  Biblioteca  storica  italiana  qui  font  grand  honneur  à  cette 
Société  si  laborieuse  (Turin,  Bocca).  Le  t.  I,  par  M.  Manno,  est 
F  «  Œuvre  du  Cinquantenaire  »  de  la  Société,  c'est-à-dire  un  recueil 
de  notices  sur  l'histoire  de  la  Société ,  la  biographie  de  ses  membres 
avec  la  liste  de  leurs  publications,  enfin  la  bibliographie  des  œuvres 
qu'elle  a  patronnées  :  Historiée  patriae  monumenta;  Miscellanea di  storia 
patria;  Biblioteca  storica  italiana.  Cette  dernière  partie  sera  consultée 
avec  fruit  hors  de  l'Italie.  —  Le  t.  Il  contient  le  Catalogue  des  manus- 
crits de  la  Trivulziana,  rédigé  par  M.  Giulio  Porro;  ce  catalogue  ne 
contient  pas  moins  de  2,276  numéros.  —  Le  t.  III  est  une  bibliographie 
bistorique  des  États  composant  la  monarchie  de  Savoie,  t.  I,  rédigée 
par  M.  Antonio  Manno  et  M.  Yincenzo  Promis.  Cette  dernière  est  trop 
compliquée,  elle  contient  trop  de  subdivisions,  de  lettres,  de  chiffres  et 
de  sous-chiffres.  Mais  il  n'est  personne  au  courant  d'un  travail  de  ce 
genre  qui  ne  sache  combien  est  difficile  le  classement  méthodique  d'une 
bibliothèque  générale.  Or,  on  ne  trouve  pas  seulement  ici  l'histoire 
générale  et  particulière,  mais  jusqu'aux  sciences  naturelles.  Ajoutons 
encore  que  ce  premier  volume  ne  renferme  déjà  pas  moins  de  80  pages 
d'additions  et  de  rectifications.  Quoi  qu'il  en  soit,  c'est  une  œuvre  fort 
méritoire  et  qui  est  appelée,  comme  celle  des  volumes  précédent-,  a 
rendre  de  perpétuels  services. 

—  Le  t.  I  du  remarquable  ouvrage  de  M.  G.  Tomassetti,  Délia  campa- 
gne, romana  nel  mcclio  evo,  est  paru;  il  fait  l'histoire  des  voies  Appia, 
Ardeatina,  Aurélia,  Cassia,  Claudia  et  Flaminia.  On  annonce  égale- 
ment le  t.  III  du  Regesto  di  Farfa,  publié  par  MM.  Bal/.ani  et  Giorgi; 
le  Regesto  Sublacense,  publié  par  les  soins  de  MM.  Allodi  et  Levi  ;  le 
t.  III  des  Diarii  di  Mgr  A.  Sala. 

—  La  R.  Deputazione  di  storia  patria  pour  la  Toscane  a  publie  le 
t.  YIII  des  Documents  d'histoire  italienne  contenant  le  Codicc  diploma- 
tico  délia  città  d'Orvieto  ;  ce  sont  des  documents  et  analyses  de  documents 
du  xie  au  xve  s.,  la  Garta  del  popolo,  l'histoire  communale  d'Orvieto 
avec  des  notes  de  M.  L.  Fumi. 

—  M.  Ermanno  Ferrero  a  publié,  chez  Lœscher  (Turin)  une  Storia 
del  medio  evo,  qui  forme  le  4e  vol.  d'un  cours  d'histoire  écrit  pour  les 
écoles  d'enseignement  secondaire.  C'est  un  précis  estimable,  où  les  faits 
sont  exposés  avec  une  certaine  abondance,  mais  où  la  place  faite  -aux 
institutions  est  fort  mesurée.  On  s'aperçoit  aussi  que  l'auteur  n'est  pas 
toujours  au  courant  des  travaux  récents.  Les  mêmes  erreurs  qui  traînent 
dans  la  plupart  de  nos  manuels  ne  sont  pas  absentes  de  celui-ci.  Il  va 
de  soi  i|ue  M.  Ferrero  a  dû  donner  une  attention  particulière  aux  affaires 
italiennes. 

Livres  nouveaux.  —  Bertocchi.  Ragguagli  storici  di  Montignoso  di  Luni- 
gianadal  1707  al.  1784.  Lucques,  tip.  del  Serchio.  —  Brandileone.  11  diritto 
romano  uelle  leggi  normanne  e  sueve  del  reguo  di  Sicilia.  Turin,  Lœscher.  — 


CHBONIQUE    BT    BIBLIOGRAPHIE.  183 

Filangieri.  Document]  per  la  storia,  le  artî  e  le  industrie  délie  ProTincienapo- 
letane,  roi.  n.  flapies,  Furchheim.  —  Donayer.  il  cardinale  Mazarino.  Saggio 
storico.  Gènes,  tip.  Pellas.  —  Peragallo.  L'autenticita  délie  historié  di 
i  Colombo,  e  le  entiche  de)  sig.  E.  Barrisse,  con  ampli  frammenti  del  teste 
spagnuolo  cli  don  Fernando.  Gènes,  tip.  de!  Instituto  Sordo-Muti.  —  Sansi. 
Storia  di  Spoleto  dal  sec.  m  al  xvn;  part.  11.  Foligno,  tip.  Sgariglia  [Accad. 
Spoletina  .  — Cronaca  dal  1227  al  1524  <li  Aatore  ricentino ignoto  (per  le  nozze 
Malvezzi-Chielin).  Vicence,  ii|».  Pavoni.  —  Guglielmotti.  Storia  délia  marina 
pontificia;  vol.  IV  1780-1807.  Rome,  Voghera.  —Mencacci.  Memorie documen- 
tate  per  la  storia  délia  rivolnzione  italiana,  vol.  il.  Rome,  tip.  Armand.  — 
Pressutti.  I  regesti  del  Pontefice  Onorio  III.  1216-1227,  roi.  t.  Rome,  Befani. 
—  Bifli.  Salle  antiche  carceri  -li  Milano.  Milan,  Rebeschlni.  —  Crespelkmi. 
Lazeccadi  Ifodena  nei  periodi  comonaleed  estense.—  Drusco,  Anarchia  popo- 
lare  di  Napoli,  17  13-99:  Naples,  Furchheim.—  Gianandrea.  Carte  diplomatiche 
e;  1  i  Collez,  'li  doc.  stor.  antichi  délie  città  e  terre  marchigiane,  t.  V). 
\ n.  »ne,  Mengarelli. — Bertagnoni.  Notedi  cronaca Vicentina,  1702-1816.  Vicem  - 
. 1 1 i _  —  Padula.  Marie  de  Lusignan  »-t  la  maison  royale  de  Chypre,  <le  Jéru- 
salem .'t  d'Arménie.  Gênes,  élabl.  des  Artistes  lyp. 

États-Unis.  —  Le  second  volume  imprimé  des  Archives  de  l'Etat 
de  Maryland,  qui  doit  bientôl  paraître,  embrasse  la  période  1666  à 
1676. 

_  Le  >  vol   de  la  ffistory  of  tht  I  s   ites,  aouvelle  édition,  par 

M.  Bancroft  (Appleton),  comprend  toute  la  guerre  de  l'Indépendance. 

—  M.  Salomon  Reinach  a  publié  dans  le  n"  du  LM  janv.  1885  de  The 
Nation  une  longue  lettre  sur  les  fouilles  opérées  à  Garthage  sous  sa 
direction  et  sous  celle  de  M.  Babblon. 

—  En  septembre  dernier  a  été  fondée  à  Saratoga  une  American  histo- 
■'  association  sous  la  présidence  de  M.  Andrew  1).  White.  MM.  Put- 

nam  e!  fils,  éditeurs  à  New-York,  se  sont  chargés  d'en  publier  les 
travaux.  Ils  annoncent  une  première  série  de  monographies  historiques 
précédées  d'un  rapport  sur  l'organisation  de  la  Société.  Le  n"  2  con- 
tiendra an  discours  du  présidenl  sur  les  études  d'histoire  générale  el 
d'histoire  de  la  civilisation  ;  le  u°  3,  un  mémoire  de  M.  Geo.  V\  .  Knighl 
sur  les  concessions  de  terres  Fédérale*  pour  l'enseignement  public  dans 
le  territoire  du  Nord-Ouest. 

—  Un  Americal  Journal  of  Archsology  doit  paraître  tous  les  trois 
mois  à  Baltimore;  il  sera  l'organe  de  V  Archzological  Instituts  of  America 

ira  consacré  au  domaine  entierde  l'archéologie  ancienne,  chrétienne, 
du  moyen  âge  et  américaine.  Le  directeui  est  M.  Frotingham,  de  John 
Eopkins  University. 

—  M.  Francis  Parkman  a  l'ait  don  à  la  bibliothèque  de  la  Bistorical 
Society  de  Massachusetts  d'une  partie  de  ses  matériaux  mss.  pour  l'his- 
toire des  Français  dans  I  Amérique  <\u  Nord  ;  ce  sonl  ■■'<  gros  volumes 
formés  d'extraits  copiés  dans  les  archives  de  France  et  d'Angleterre 
trois  volumes  sont  composés  de  la  .-impie  correspondance  de  Mont- 
cal  m. 


184  r.HUOMorE  i:t  «iFRUooiurniE. 

—  Le  numéro  de  The  Nàtiè'fi  flû  22  jahv.  dernier  contient  une  lettre 
intéressante  de  M.  Parkman  en  réponse  à  M.  Philip  H.  Smith,  au 
sujet  de  la  transplantation  des  Franco-Acadiens  par  les  Anglais  eu 
1755.  Les  Anglais  avaient-ils  au  moins  quelques  raisons  avouables? 
Non,  disait  M.  Smith,  et  la  preuve,  c'est  qu'ils  ont  fait  soigneusement  dis- 
paraître des  Archives  de  la  Nouvelle-Ecosse  tous  les  documents  relatifs  à 
cette  triste  affaire.  M.  Parkman  répond  qu'aucun  document  n'a  disparu, 
qu'ils  n'ont  pas  cessé  d'exister  aux  archives  de  la  province,  qu'enfin 
ils  ont  été  publiés  par  l'archiviste  même  du  gouvernement,  M.  Thomas 
B.  Atkins,  sous  le  titre  :  Sélections  from  the  Archives  of  Nova  Scotia. 
Quant  au  fait  même  de  la  transplantation,  M.  Atkins  pense  que  c'était 
une  mesure  «  aussi  inévitable  qu'elle  fut  cruelle.  »  M.  Parkman  se  con- 
tente de  dire  que  les  Franco-Acadiens  étaient  poussés  par  leurs  prêtres 
à  la  révolte,  et  que  les  Anglais  avaient  tout  à  craindre  d'eux;  mais 
qu'on  eût  pu  arrêter  les  principaux  meneurs,  sans  commettre  ce  crime 
de  lèse-nation  digne  des  pires  époques  de  barbarie. 

Espagne.  —  Prescott,  dans  son  Histoire  de  la  conquête  du  Pérou, 
fait  un  grand  usage  d'un  récit  qu'il  attribue  à  don  J.  Sarmiento.  Gè 
récit  n'est  pas  autre  chose  que  la  seconde  partie  de  la  chronique  de 
Cieza  de  Léon.  C'est  ce  qu'ont  reconnu  en  même  temps  M.  Manuel 
Gonzalez  de  la  Rosa  et  don  J.  de  la  Espada.  Ce  dernier  a  donné  en 
1880  une  édition  annotée  de  l'ouvrage  sous  le  titre  :  Seconda  parte  de  la 
Crônica  del  Pcrù,  que  trata  del  senorio  de  los  Incas,  dans  la  Bibliotheca 
Hispano-Ultramarina.  En  1883,  la  Hakluyt  Society  en  a  donné  une 
traduction,  accompagnée  de  notes  et  de  commentaires,  par  M.  R. 
Markham.  La  lre  partie  de  la  chronique  a  été  imprimée  en  1554,  et 
une  traduction  donnée  par  la  Hakluyt  Society  en  1864.  La  3e  partie  est 
encore  inédite,  de  même  que  les  livres  I  et  II  de  la  4e  (guerre  entre 
Pizarre  et  Almagro);  le  livre  III  (histoire  de  la  guerre  civile  à  Quito) 
a  été  publié  à  Madrid,  par  M.  J.  de  la  Espafia  en  1877;  les  livres  IV 
et  V  paraissent  n'avoir  jamais  été  rédigés  {The  Nation,  11  déc.  1884). 

Livres  nouveaux.  —  Duro.  La  Armada  invencible.  T.  I.  Madrid,  Rivade- 
neyra.  —  Villa.  Historia  de  la  campana  de  1647  en  Flandes.  Madrid,  Hernan- 
dez.  —  V.  de  la  Fuente.  Historia  de  las  universidades,  colegios  y  dernas  esta- 
blecimientos  de  enserianza  en  Espaîïa.  T.  I.  Madrid,  Aguado.  —  P.  F/ta. 
Estudios  iiistoricos.  Madrid,  Fortanet. 

Suisse.  — La  Société  d'histoire  de  Saint-Gall  a  célébré,  le  20  décembre, 
dernier,  le  25e  anniversaire  de  sa  fondation  par  une  fête  tout  à  fait 
réussie,  à  laquelle  ont  pris  part,  avec  un  égal- empressement,  les  autori- 
tés saint-galloises,  les  Sociétés  scientifiques  et  les  corporations  indus- 
trielles de  la  ville. 

A  cette  occasion,  nous  avons  eu  le  plaisir  d'apprendre  que  la  Société 
a  conféré  à  notre  collaborateur  M.  P.  Vaucher,  ainsi  qu'à  MM.  L.  Bau- 
mann,  directeur  des  archives  à  Donaueschingeh,  et  J.  Strickleb,  à 
Berne,  le.  diplôme  de  membre  honoraire. 


CHRONIQUE    ET    BIBLIOGRAPHIE.  185 

—  M.  le  I)r  K.  DjEndliker  vient  d'achever  le  1. 1  de  son  Histoir 
Suisse  (depuis  les  temps  les  plus  anciens  jusqu'à  la  lin  du  \iv  siècle; 
Zurich,  Schulthess,  un  vol.  in-8°  de  688  p.).  C'est  un  travail  très  bien 
fait,  quoique  forcément  inégal,  où  l'on  peut  trouver  à  redire,  en 
quelques  endroits,  pour  le  manque  de  fermeté  de  la  critique  el  le  tour 
un  peu  trop  «  patriotique  »  de  l'exposition,  mais  auquel  personne  ne 
contestera  le  mérite  d'avoir  résumé  de  la  façon  la  plus  attrayante  les 
recherches  de  tout  genre  dont  l'histoire  du  peuple  suisse  est  aujourd'hui 
l'objet. 

—  La  librairie  Iluber,  de  Frauenfeld,  a  mis  en  vente,  il  y  a  quelques 
mois,  le  t.  II  du  recueil  de  Chants  populaires  de  la  Suisse,  édité  par 
M.  le  professeur  L.  Touler  (Bibliotek  selterer  Schriftwerke  der  deuts- 
chen  Schweiz,  Bd.  V).  On  y  trouve,  comme  dans  le  volume  précédent, 
un  certain  nombre  de  chants  historiques,  consacres  pour  la  plupart  aux 
exploits  militaires  des  confédérés,  et  dont  les  plus  anciens  remontent 
jusqu'à  la  fin  du  xive  siècle,  tandis  que  les  plus  récents  se  rapportent  à 
la  guerre  du  Sonderbund.  Une  notice  préliminaire  sur  les  chants  his- 
toriques suisses  et  leurs  auteurs  complète,  à  divers  égards,  l'introduc- 
tion du  t.  I. 

—  La  même  librairie  a  commencé  une  2e  édition  de  l'Histoire  de  la 
Thurgovie,  par  M.  le  Dr  J.-A.  Pltikofer  (f  1882);  excellente  monogra- 
phie, qui  méritait  d'autant  plus  d'être  remise  en  lumière  que  l'auteur 
n'a  cessé,  durant  un  demi-siècle,  de  l'enrichir  et  de  la  remanier.  On 
sait,  du  reste,  que  l'ancien  comté  de  Thurgovie  s'étendait  bien  au  delà 
des  limites  du  canton  actuel,  en  sorte  qu'il  est  impossible  d'en  retracer 
l'histoire  sans  faire  en  même  temps  celle  de  la  Suisse  orientale  tout 
entière.  L'ouvrage,  sous  sa  nouvelle  forme,  sera  divisé  en  deux  parties  ou 
volumes  de  8  à  900  pages.  Peut-être  y  aura-t-il  lieu,  pour  les  premières 
livraisons  du  t.  I,  de  rectifier  çà  et  là  quelques  petits  détails,  en  profi- 
tant des  textes  contenus  dans  le  Thurgauischcs  Urkundenbuch  que  publie 
M.  le  Dr  .1.  Meyer;  mais  cette  remarque,  sur  laquelle  il  serait  injuste 
d'insister,  ne  diminue  en  rien  pour  nous  la  valeur  du  travail  de 
M.  Pupikofer. 

—  M.  J.-J.  Keller  vient  de  publier,  d'après  les  pièces  originales,  une 
étude  très  soignée  sur  le  procès  de  Kilian  Kesselring  (1633-1635),  un 
des  épisodes  les  plus  fâcheux  de  l'histoire  de  la  Suisse  au  temps  de  la 
guerre  de  Trente  ans  [Der  Kriegsgeriehllichc  Prozess  gegen  Kilian  Kessel- 
ring;  Frauenfeld,  Huber,  un  vol.  in-X'  de  vin  et  204  p.). 

—  M.  le  Dr  J.  B.echtold  vient  de  nous  faire  connaître  à  la  fois  une 
singulière  histoire  et  un  écrivain  do  mérite  en  publiant  à  Berlin  l'ou- 
vrage déjà  ancien  (1822)  où  David  Hess  a  raconté  les  aventures  d'un 
Zurichois  entreprenant,  mais  exalté,  présomptueux,  magnifique  el  cré- 
dule, —  le  millionnaire  Gaspard  Schweizer, —  qui  vint  par  spéculation 
s'établir  à  Paris  en  1786,  donna  par  philanthropie  dans  les  idées  nou- 

Rev.  Histor.  XXVII.  2«  fasc.  31* 


586  CimONIQDE    ET    BIBLIOGRAPHIE. 

velles,  entra  en  relations  avec  Mirabeau,  Lafayette,  Barnave,  Dumou- 
riez,  Fabre  d'Églantine,  Anacharsis  Clootz,  etc.,  puis,  la  Révolution 
poursuivant  son  cours,  traversa  tant  Lien  que  mal  les  journées  san- 
glantes qui  lui  faisaient  horreur,  passa  d'Europe  en  Amérique  pour  y 
remplir  une  mission  du  Directoire,  et  finit,  comme  de  raison,  par  perdre 
les  derniers  restes  d'une  fortune  qu'il  avait  depuis  longtemps  compromise 
(Caspar  Schweizer,  ein  Charakterbild  aus  dem  Zeitalter  der  franzœsi- 
schen  Révolution.  Berlin,  W.  Hertz,  un  vol.  in-8°  de  evi  et  286  p.).  L'in- 
troduction que  M.  B.  a  mise  en  tète  de  l'œuvre  posthume  de  David 
Hess  renferme,  en  outre,  de  curieux  détails  sur  la  campagne  de  1799 
en  Suisse  et  la  bataille  de  Zurich. 

—  M.  le  professeur  J.  Dierauer  vient  de  publier  un  grand  et  beau 
travail  sur  le  landammann  Gh.  Mùller-De  Friedberg  (1755-1836),  le 
magistrat  éminent  entre  tous  auquel  le  canton  de  Saint-Gall  doit  en 
grande  partie  son  organisation  (Mùller-Friedberg.  Lebensbild  eines  Schwei- 
zerischen  Staatsmannes ;  Saint-Gall,  Fehr,  un  vol.  in-8°  dexx  et  484  p.). 
L'auteur,  qui  a  eu  à  sa  disposition  d'inépuisables  matériaux ,  a  su  les 
employer  avec  un  rare  discernement,  et  cette  biographie  si  bien  com- 
posée, où  tout  converge  sans  effort  sur  le  sujet  qu'il  s'agit  de  mettre  en 
saillie,  assignera  sans  aucun  doute  à  M.  D.  la  place  que  ses  amis  parti- 
culiers lui  décernaient  depuis  longtemps  parmi  les  historiens  les  plus 
distingués  de  la  Suisse. 

L'ouvrage,  comme  nous  l'indiquions  tout  à  l'heure,  est  consacré  sur- 
tout à  l'histoire  du  canton  de  Saint-Gall,  depuis  sa  création  en  1803 
jusqu'à  la  Révolution  pacifique  qui  mit  fin  en  1831  à  la  vie  publique  de 
Mùller-Friedberg.  Nous  ne  saurions  songer  à  en  faire  ici  l'analyse; 
mais  nous  signalerons,  entre  autres,  aux  lecteurs  de  la  Revue  les  deux 
premières  parties  où  l'on  peut  voir  ce  qu'il  advint,  à  la  fin  du  xvme  s., 
de  la  vieille  principauté  ecclésiastique  de  Saint-Gall,  et,  dans  la  qua- 
trième, les  chapitres  où  il  est  parlé  des  affaires  suisses  de  1802,  de  la 
Consulte  helvétique  et  de  l'Acte  de  médiation. 

—  La  librairie  G.  Bridel,  à  Lausanne,  vient  de  mettre  en  vente  la 
3e  édition,  revue  et  augmentée,  du   Tableau  du  canlon  de  Vaud,  par 

M.  Louis  VuLLIEMIN. 

—  MM.  L.  Dufour-Vernes  et  E.  Ritter  ont  fait  réimprimer,  avec 
une  courte  préface  et  quelques  documents  nouveaux  ,  les  pages  de 
Y  Histoire  universelle  d'Agrippa  d'Aubigné  qui  traitent  de  l'Escalade  de 
1602  (Genève,  H.  Georg,  brochure  in-8°  de  30  p.). 

—  M.  J.-B.  Galiffe  vient,  avec  l'aide' de  quelques  collaborateurs 
(MM.  F.  Reverdin,  L.  Dufour-Vernes,  E.  Ritter,  etc.),  de  publier  le 
tome  V  des  Notices  généalogiques  sur  les  familles  genevoises  depuis  les 
temps  les  plus  anciens  jusqu'à  nos  jours. 

Danemark.  —  M.  Vedel,  savant  publicisto  et  diplomate  danois,  a 
réuni  la  Correspondance  ministérielle  du  comte  de  Bcrnstor/f,  de  1751  à 


CHRONIQUE   ET    BIBLIOGRAPHIE.  187 

1770,  2  vol.,  à  Copenhague.  Ces  pièces,  choisies  avec  soin,  et  dont  La 
plupart  sont  en  français,  présentent  un  intérêt  très  réel,  non  seulement 
pour  l'histoire  du  Danemark,  mais  pour  l'histoire  de  toute  la  politique 
européenne  à  laquelle  cet  État  se  trouvait  mêlé.  M.  Vedel  a  l'ait  pré  - 
der  les  lettres  d'une  notice  excellente,  égalemenl  en  français,  et  il  y  a 
joint  un  volume  complémentaire,  en  danois  :  Den  aeldn  Gri 
torffs  ministerium. 

Livres  NOTjvsAUx.  —  Njala.  Utgivet  efter  garnie  bandskrifler  afdeskon- 
gelige  aordiske  Oldskrift-Selskab.  Bd.  11.  Copenhague,  Gyldendal. 

Pays-Bas.  —  La  mort  de  M.  J.  Fri  in.  professeur  de  droit  à  l'univer- 
sité d'Utrecht,  a  été  une  grande  perte  pour  l'étude  de  l'histoire  du  droit 
dans  les  Pays-Bas.  On  a  de  M.  Fruin  plusieurs  études  sur  cette  science, 
qui  a  pris  un  grand  essor  dans  les  dernières  années:  M.  Fruin  étail 
de  ceux  qui  ont  heaucoup  contrihué  à  ce  succès.  C'esl  surtout  à  son 
initiative  qu'on  doit  l'érection  d'une  Société  pour  la  publication  des 
sources  du  droit  néerlandais  dans  le  moyen  âge;  sou  dernier  ouvrage 
était  :  De  oudste  rechten  der  Stad  Dordr 

—  M.  G.  Buskeh  Hubt,  de  Paris,  a  achevé  son  livre  :  Hei  Land  van 
Rembrand,  étude  intéressante  sur  La  civilisation  néerlandaise  au 
xvne  siècle  au  point  de  vue  de  la  civilisation  européenne. 

—  M.  J.  ter  Gouw  a  publié  un  nouveau  volume  de  son  œuvre  monu- 
mentale :  «  Geschiedenis  van  Amsterdam;  »  les  quatre  vidâmes  qui  onl 
paru  jusqu'ici  traitent  de  l'histoire  de  la  capitale  depuis  ses  premières 
origines  jusqu'au  temps  de  Philippe  II  (1300-1555). 

—  M.  II.  Ivoli.igs,  de  Bonn,  a  consacré  une  brochure  à  la  première 
période  de  la  vie  politique  de  Guillaume  le  Taciturne;  cette  brochure, 
intitulée  :  Wilhelm  von  Oranien  und  die  Anfxnge  des  Aufstandes  der 
Niederlande,  s'occupe  surtout  du  mariage  du  prince  avec  Anne  de  S 

et  donne  des  documents  nouveaux  tirés  des  archives  de  Marbourg. 

—  M.  Van  Langervad  a  écrit  une  dissertation  de  doctorat  :  Guido  de 
Bray,  enrichie  de  plusieurs  documents  intéressants  sur  les  commence- 
ments du  calvinisme  et  des  troubles  dans  les  Pays-Bas  au  w     si 

—  M.  Van  Deyenter,  le  continuateur  du  bel  ouvrage  de  M.  deJonge  : 
De  Ophomsi  van  he\  d-Indie,  tiré  de  sources  inédi 

a  publié  le  12e  volume,  contenant  l'histoire  des  Indes  Néerlandaises  de 
1781  à  1799,  période  pendant  laquelle  les  relations  de  la  République 
avec  la  France  étaient  très  étroites,  aussi  dans  les  lnd 

—  La  Société  des  arts  et  sciences  de  Batavia  a  publié  le  premier  volume 
d'un  remarquable  ouvrage  intitulé  :  Realia.  Registre  des  résolutions 
raies  issues  de  la  cil  J-1805),  collection  intéressi 

de  documents  sur  l'histoire  des  Indes  Néerlandaises. 

—  Les  études  de  M.  Vbbgbns  sur  l'histoire  des  Pays-Bas,  particuliè- 
rement au  xvir  siècle,  sont  réunies  sous  Le  titre  •.  Historische  Schriften 


488  CIJR0V1QUE    ET    lîIBLIOGRAPHlE. 

(2B  vol.);  Jean  de  Witt  et  son  temps  ont  été  le  sujet  de  plusieurs  de  ces 
études. 

—  M .  Campbell  a  donné  un  deuxième  supplément  à  ses  Annales  de  la 
typographie  Néerlandaise  au  XVe  siècle,  ouvrage  classique  sur  cette 
matière. 

—  Un  registre  des  inventaires  des  archives  de  l'État  dans  les  Pays- 
1  tas  a  paru  dernièrement  ;  ce  registre  peut  être  utile  à  tous  les  étrangers 
qui  s'occupent  de  l'histoire  de  la  Hollande. 

—  M.  Tellegen,  professeur  à  l'université  de  Groningen,  a  réuni 
quelques  beaux  articles  sur  les  premières  années  du  royaume  des  Pays- 
Bas  dans  un  livre  :  De  Wcdergeboorte  van  Nederland  ;  la  Constitution  de 
1814  est  le  sujet  principal  de  ces  études. 

—  Dans  un  périodique,  intitulé  :  Archief  voor  Nederlandsche  Kerkge- 
schiedenis,  M.  Agquoy,  professeur  à  l'université  de  Leiden,  a  écrit  un 
article  sur  les  psaumes  de  Marnix;  M.  Kleyn,  sur  les  Bibles  en  langue 
hollandaise  au  British  Muséum  ;  M.  Meyboom,  sur  l'influence  des  idées 
du  mystique  allemand  Heinrich  von  Suso  dans  les  Pays-Bas;  M.  Wy- 
brakds  a  publié  un  sermon  de  Brugman,  orateur  du  xve  siècle,  dont  le 
nom  a  passé  en  proverbe. 

—  Le  périodique  Oud-Holland  continue  à  dépouiller  les  archives  des 
Pays-Bas  pour  y  chercher  des  notices  sur  les  peintures  et  les  poètes  de 
la  Hollande. 

—  Les  périodiques  catholiques,  Archief  van  het  bisdom  Haarlem  en 
et  Archief  van  het  bisdom  Utrecht,  s'occupent  de  l'histoire  de  l'église 
catholique  dans  les  Pays-Bas,  surtout  sous  la  Bépublique. 


Ebratum. 

Tome  XXVI,  p.  447,  ligne  30  :  au  lieu  de  Pirenne,  cartulaire  de  Dinant,  lisez 

Stan.  Bormans. 
Tome  XXVII,  p.  108,  à  la  note  :  au  lieu  d'Archéologie  étrangère  et  romaine, 

lisez  étrusque  et  romaine. 


I  \i:i.l.    DES    MATli  U  -  489 


TABLE  DES  MATIERES. 


AliTICLES  DE  FOND. 

11.  de  Gbammont.  Études  algériëïines.  3°  parti'  :  la  rédemption  l 

Ci.  K\i,MK/.  La  mission  du  I*.  Joseph  à  Ratàsbonne  en  1630    .     :-.-.!  il 

MÉLANGER  ET  DOCUMENTS. 
\.    CovillÉ.    Observations    sur    deux   sources   du   règne    de 

Loui>  Vil -i"»1 

II.  HrvNM.n.  Le  baron  de  Lisolà.  Sa  jeunesse  el   sa  première 

ambassade  en  Angleterre  (1613-1645) 300 

F.  I*i  ai  \.  La  dernière  requête  adressée  par  !«•.-  protestants  de 

France  à  Louis  XIV  en-jainvier  1685 68 

A.  1).  Le  dernier  moi  sur  la  charge  de  Sedan  :  te  rapport  du 

iaéraj  de  GaUiflûsl t00 

lit  LLETIN  BISTORIQUE. 

Allemagne  et  Autriche  (publications   relatives  à   l'histoire 

rbmamê,  I s^-j-is-:; ..  par  II.  Ëaûpt 12 

France,  par  G.  Monod  el  Gh.  Bémont lOl 

COMPTES-RENDUS  CRITIQUÉS 

De  Barthélémy.  Les  correspondants  «le  la  marquise  île  BaJ- 

.iv 142 

Krslev.  Dronning  Margrethe 160 

Lebrun  (Général).  Bazeilles-iSedan 154 

Lizeray  et  O'Dwyer.  Leabar  Gabala.  Livre  des  invasions  .     .  144 

Schroers.  flinemar,  Erzbischof  von  Reims 136 

Steensi  ri  p.  I  >anelag 123 

—         Danke   og  oorske   ri_r  si    paa  de  brittiske  oeer  i 
Danevaeld  ilder 

.  (Ph.  n').  La  démocratie  inditioiïs  morales    .     ,  l'"; 

(;o[il;i;>l'()M)\Nc.i;. 

Lettres  de  M.  Falletti-Fossati  et  de  M.  P.  à  propos  du  tumulte 
des  Ciompi.  —  Lettre  de  M.  Sai  toréai  à  propos  du 
général  de  Wimpffen 149,153 

LISTE  ALPHABÉTIQUE  DÉS  RECUEILS  PÉRIODIQ1 

ET    DES    BO  AYANTES. 

11!  W 

1.  Académie  des  inscriptions  el   belles-]  .     .     .        174 

2.  Académie  des  sciences  morales  el  politiques   .  174 
:    Annuaire  de  la  faculté  des  lettres  de  Bordeaux 


/4*)0  TABLE    DES    MATIERES. 

Pages 

'i.  Bibliothèque  de  l'École  des  chartes Hiii,'i46 

5.  Bulletin  critique 168,448 

6.  Bulletin  des  bibliothèques  et  des  archives 169 

T.  Bulletin  d'archéologie  chrétienne 169 

S.   Bulletin  d'histoire  ecclésiastique 17;' 

9.  Comité  des  Travaux  historiques  et  scientifiques  .     .     .  448 

10.  La  Controverse  religieuse  et  le  Contemporain     .     .     .  171,451 

11.  Le  Correspondant 171,450 

12.  Le  Curieux 448 

13.  La  Gazette  des  Beaux- Arts 449 

14.  Le  Journal  des  Savants 168 

15.  La  Nouvelle  Revue 171 

16.  Nouvelle  Revue  historique  de  droit 170,451 

17.  La  Révolution  française 166,450 

18.  Revue  africaine 17  2,  452 

19.  Revue  archéologique 169 

"20.  Revue  bourbonnaise 172 

21.  Revue  celtique 451 

•22.  Revue  critique  d'histoire  et  de  littérature 167,447 

23.  Revue  de  Gascogne 173,451 

24.  Revue  de  PAgenais 172,451 

25.  Revue  de  l'Art  français 172 

•20.  Revue  de  l'Histoire  des  Religions .  170 

27.  Revue  des  Deux-Mondes 170,450 

28.  Revue  des  Études  juives 170 

29.  Revue  des  Questions  historiques 165,446 

30.  Revue  historique  et  archéologique  du  Maine  .     .     .     .  173,452 

31.  Revue  politique  et  littéraire 171 

32.  Société  archéologique  de  Tarn-et-Garonne 176 

33.  Société  d'émulation  de  l'Ain 176 

34.  Société  de  l'Histoire  de  Normandie 175 

35.  Société  de  l'Histoire  de  Paris 175 

36.  Société  de  l'Histoire  du  protestantisme  français  .     .     .  1 7  i ,  453 

37.  Société  des  Antiquaires  de  l'Ouest 175 

38.  Société  historique  et  archéologique  du  Gâtinais  .     .     .  176 

39.  Société  nationale  des  Antiquaires  de  France  ....  174,453 

40.  Le  Spectateur  militaire '. 172,451 

BELGIQUE. 

1.  Messager  des  sciences  historiques  de  Belgique     ...  176 

2.  Revue  de  Belgique 454 

ALSACE-LORRAINE. 

1.  Revue  d'Alsace 177 

ALLEMAGNE. 

1.  Alemannia 179,459 

2.  Altmaerkischer  Verein  f.  vaterl.  Geschichte    ....  186 

3.  Annalen  des  histor.  Vereins  f.  Niederrhein,    ....  189 
i.  Archiv  fur  Anthropologie 163 

5.  Auf  der  Bœhe    .    .    . 180,458 


i  LBLE    DES    MATIÈRES.  491 

6.  Ans  allen  Zeiten  und  Landen 157 

T.  Baltische  Studien ',,i:; 

s.  Bayerische  Akademie  der  Wissenschaften 190,  165 

9.  Beiheft  zum  Militœrwochenblatl 182,462 

lu.  Beitraege  zur  Anthropologie  und  Urgeschichte  Baieras.  190 

1 1.  Deutsche  Revue 458 

12.  Deutsche  Rundschau 179 

13.  Deutsches  Archiv  f.  Geschichte  d.  Medicin     ....  163 
1 1.  Ephemeris  epigraphica 462 

15.  Forschungen  zur  deutschen  Geschichte 178,455 

16.  Germania 466 

17.  Gœrres-Gesellschafl ':,s 

L8.  Gœttingische  gelehrte  Anzeigen 179,455 

19.  lhuisische  Geschichtsblaetter 's^ 

20.  Hermès 460 

21.  Historisch-politiscke  Blaetter  f.  d.  kathol.  Deutschland  183 

22.  Historische  Zeitschrift 177,454 

23.  Historischer  Verem  fur  Niederbaiera 191 

24.  Jahrbùcher  fur  classische  Philologie 182 

25.  Jahrbùcher  f.  die  deutsche  Armée  und  Marine   .     .    .  162 

26.  Mittheilungen  d.  Vereins  f.  Geschichte  in  Hohenzollern  191 

27.  Mittheilungen  d.  Vereins  f.  Gesch.  der  Stadt  Nùruberg  465 

28.  Neue  Jahrbùcher  f.  Philologie  u.  Paedagogik.     .    .     .  182,461 

29.  Neue  Militaerische  Blaettèr  .     . 182,462 

30.  N'eues  Archiv  fur  Saechsische  Geschichte 187 

31.  Nord  und  Sud 180,459 

32.  l'etermann's  Mittheilungen 180 

33.  Philologus 181 

34.  Preussische  Akademie  der  Wissenschaften    ....  185,464 

35.  Preussische  Jahrbùcher 186,464 

36.  Rheinisches  Muséum  fur  Philologie 181,461 

Saechsische  Akademie  der  Wissenschaften 464 

38.  Schlesische  Gesellschaft  l'.  vaterlaendische  Geschichte.  186 

39.  Stimmen  aus  Maria  Laach 180,459 

40.  TheologiscU.'  Studien  und  Kritikeu 184 

41.  Theologische  Quartalschrift 184,460 

42.  Unsere  Zeit 180 

43.  Westdeutsche  Zeitschrift  f.  Geschichte  u.  Kunst     .     .  189 

44.  Wûrttembergische  Viertelsjalu  sch.  . 

45.  Zeitschrift  der  deutschen  morgenlaend.  Gesellschaft.  I    i 

tirift  der  Savigny  Stiftung  f.  Rechtsgeschichte    . 

47.  Zeitschrift  des  Aachener  Geschichtsvereins    .... 

48.  Zeitschrift  des  d.  Palaestina-Vereins 

49.  Zeitschrift  des  histor.  Vereins  f.  Marions werder  .    .     .  186 

50.  Zeitschrift  fur  aegyptische  Alterthumskunde  ....  460 

51.  Zeitschrift  fur  allgemeine  Geschichte 155 

52.  Zeitschrift  fur  deutsches  Alterthum 162 

53.  Zeitschrift  fur  d.  Geschichte  des  Oberrheins  ....  165 


492  TABLE    DES    MATIÈRES. 

Pages 

54.  Zeitschrift  fur  Geschichte  il.  Westfalens 188 

55.  Zeitschrift  fur  Kircheugeschichte .    .    .' 183 

AUTRICHE-HONGRIE. 

I.  Akademie  der  "Wïssenschaften 469 

!.  Archseologisch-epigraphische  Mitteil.  aus  Œsterreich .  192 

3.  Archiv.  fur  resterreichische  Geschichte 467 

i.  .Mittheilungen  der  anthropol.  Gesellschaft 468 

5.  Mittheilungen  des  Instituts  f.  œster.  Geschichtsforsch.  191,466 

6.  Mittheilungen  d.  Ver.  f.  d.  Gesch.  d.  D.  in  Bœhmen  .  193 

7.  Steiermaerkische  Geschichtsbhetter 470 

8.  Streffleur's  œsterreichische,  militaer.  Zeitschrift  .     .     .  469 

9.  Zeitschrift  des  Ferdinandeums  fur  Tirol  u.  Vorarlberg.  195,470 
10.  Zeitschrift  f.  d.  œsterreïchischen  Gymnasien  ....  195 

ILES    BRITANNIQUES. 

1.  The  Academy 196,470 

2.  The  Athenaeum 197,470 

3.  The  Gontemporary  Review 471 

i .  The  Nineteenth  century 197 

5.  The  Westminster  Review 171 

ÉTATS-UNIS. 

1.  The  Nation " 197,471 

ITALIE. 

1.  Archeografo  triestino 201 

2.  Archivio  storico  italiano .  198 

3.  Archivio  storico  lombardo 198 

4.  Archivio  storico  per  le  prov.  napoletane 201 

■  >.  Archivio  storico  per  Trieste,  lTstria  e  se  Trentino   .     .  201 

6.  Archivio  storico  siciliano 200 

T.  Archivio  veneto 199 

8.  R.  Deputazione  di  storia  patria  (Romagne) 202 

9.  La  Rassegna  nazionale 202 

SUISSE. 

1.  Indicateur  d'histoire  suisse 203 

2.  Jahrbuch  fur  schweizerische  Geschichte 203 

3.  Quellen  zur  Schweizergeschichte 203 

DANEMARK. 

1 .  Aarbœger  for  nordisk  oldkyndighed 204 

2.  Blandinger  udgiwne  af  Universitœts-Jubihieets  d.  Sam- 

frund 204 

.   Bistorisk  Tidskrift '  204 

4.  Oversigt  over  d.  d.  Videnskabernes  Selskabs  forhand- 

linger 204 

Chronique  et  Bibliographie    ...     : 205, 472 

Liste  des  Livres  déposés  au  bureau  de  la  Revue  ....  "239 

Erratum 240,488 

L'un  des  propriétaires-gérants,  G.  Monod. 

-l'iit-Ie-Rotrou ,  imprimerie  Daupeley-Gouverneur. 


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