REVUE
HISTORIQUE
REVUE
HISTORIQUE
Paraissant tous les deux mois.
Ne quid falsi audeat, ne quid veri non audeal hislorin.
ClCÉRON, de Oral. II, i5.
DIXIÈME ANNÉE
TOME VINGT-SEPTIEME
Janvier- Avril 1885
PARIS
ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE et Q*
FÉLIX ALGAN, Éditeur
108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN
AU COIN DE LA RUE BADTEFBUILL1
1885
i
t. JJ
ÉTUDES ALGÉIUEYNES
LA COURSE, L'ESCLAVAGE ET LA RÉDEMPTION
A ALGER.
TROISIEME PARTIE : LA REDEMPTION.
I.
Dans les deux premières parties de cette Etude, nous avons vu
comment on tombait entre les mains des Algériens, et dans
quelles conditions on y subissait l'esclavage; il nous reste main-
tenant à dire comment la captivité se terminait pour ceux qui
avaient le bonheur d'être appelés à revoir leur patrie.
Celui que sa mauvaise fortune avait conduit, dans les bagnes
d'Alger et qui n'avait pas pu se racheter lui-même, n'avail plus
à espérer de reconquérir sa liberté que par les trois moyens sui-
vants : la fuite, l'intervention des Rédemptoristes, ou quelque
heureux accident de guerre qui le ravissait de vive force ;i !;i
tyrannie de ses oppresseurs. Nous allons examiner s
ment chacune de ces trois solutions.
Tant que les Espagnols furent en possession de Bougie, c'est-
à-dire pendant la première moitié du wf siècle, la fuit'' par terre
fut possible, quoique loin d'être exempte de dangers. La distance
n'était pas très considérable: on n'avait à braver que sept jours de
marche en pays ennemi; les communications étaient £réqu<
à ce que nous apprend Haédo1, qui nous dit qu'il était même
1. Dialogo de los Martyres, d. r. (Martyre de Poil un. In
Rev. Histor. XXVII. 1er fasc. 1
2 ll.-l). DB GRAMMONT.
permis aux soldats de la garnison espagnole d'envoyer des pré-
sents de vivres à leurs camarades captifs, pour les aider à célé-
brer Les réjouissances de Noël. Il pouvait donc être relativement
facile de séduire par L'appât d'une bonne récompense un Kabyle
qui servait de guide aux fuyards, et qui, grâce à sa connaissance
des lieux et aux intelligences qu'il savait se ménager, pouvait les
amener à bon port ' . Mais, à partir du moment où Salah-Reïs eut
repris Bougie à l'Espagne et où Oran devint le point le plus rap-
proché où il se trouvât des troupes chrétiennes, la fuite par terre
devint, pour ainsi dire, matériellement impossible. Elle fut néan-
moins tentée par quelques désespérés qui périrent misérablement
en route, ou tombèrent, parmi les indigènes, dans un esclavage
pire encore que celui auquel ils avaient cherché à échapper. Sans
guide, sans vivres, ignorant le chemin et forcés de suivre le bord
de la mer, n'osant marcher que la nuit, arrêtés par les précipices,
les rivières débordées et la crainte des bêtes féroces, comment
arriver au bout d'une aussi longue route ?
La plupart de ces infortunés revenaient donc d'eux-mêmes
tendre leur tête au joug et leurs épaules à la bastonnade qui
punissait toute tentative d'évasion.
De retour à Alger, ils racontaient à leurs compagnons effrayés
les dangers de la route et les horreurs des nuits où, en proie aux
hallucinations de la fatigue et de la faim, ils avaient dû chercher
un refuge incertain sur quelque tronc d'arbre ou sur quelque
pointe de rocher, au milieu des mugissements de la tempête et
des hurlements des fauves.
Ce fut sans doute à la suite de récits de ce genre que naquit une
sorte de crainte superstitieuse dont nous trouvons des traces dans
les récits de tous ceux qui ont traité la question de l'esclavage en
Orient. Les captifs ne tardèrent pas à être convaincus que cer-
tains marabouts avaient le pouvoir de les ensorceler pour s'op-
poser a leur fuite. Le Hongrois Barthélémy Georgey2, qui fut
pendant treize ans captif des Turcs , écrivait à l'empereur
Charles-Quint, dans le Mémoire intitulé : Les misères et les
tribulations que les Chrétiens tributaires et esclaves tenus
1. Dans Les Illustres Captifs, d. c, le P. Dan raconte la fuite de Diego de
Zamora, qui, ayanl été |>ri> |>ar Barberonsse, se sauva à Bougie, n'ayant d'autre
arme que Bon rosaire, qui le conduisit sain et sauf à travers les lions et les sol-
daU (liv. ni, chap.
2. Le P. Dan en parle dans ses Illustres Captifs, liv. III, chap. xix.
KTCDES àLGBRIEHNES. 3
parles Turcs souffrent et sont contraints (f endurer: « Il
« lui semble (au captif évadé) qu'il soit assailli de lvons et de
« dragons et que la mer et les rivières redondenl contre lui. où
« aucunes fois que tout est obscur par grandes ténèbres; et, par
« tels enchantements, souvent est contraint de retourner vers
« son maître. » Le Père Dan nous apprend comment opère
un de ces enchanteurs1 : « Il trace, dit-il, certains caracté
« sur un papier, enlassés du nom de l'esclave fugitif et de celui
« de son patron et en fait un charme qu'il attache à la porte de
« son logis. Voilà cependant que le pauvre fugitif se sent saisi
« tout à coup d'une douleur violente qui lui perce la plante des
« pieds de mille aiguillons, et L'empêche de passer outre; néan-
« moins la crainte qu'il a que l'on ne lui courre après lui lait
« reprendre du courage et faire un effort de marcher, malgré la
« rigueur du mal qui le presse; mais enfin ce charme se trouve
« plus fort que lui et le contraint de céder à la nécessité. Il s'ar-
« rête donc, et la douleur s'arrête aussi; mais, connue il veut
« aller plus avant, son mal recommence et le travaille plus que
« jamais. Alors, voulant éprouver si, rebroussant chemin, il sen-
« tira les mêmes douleurs; chose étrange, voilà qu'elles cessent
« aussitôt. Tellement qu'il s'en retourne sans peine et ne semble
« pas marcher, mais voler. Par où, ayant reconnu que son
« patron avait eu recours aux charmes, et se trouvant bien en
« peine s'il devait demeurer ou s'en retourner, il aperçut en même
« temps certains hommes de cheval qu'on envoyait après lui
« pour le prendre, comme en effet ils le prirent et le ramèneront,
« et il fut quitte de cette fuite pour deux cents coups de bâton '-'. »
Ces histoires singulières et ces craintes puériles eurent au moins
un bon résultat, en éloignant de plus en plus les malheureux
prisonniers de tentatives qui n'avaient pas la moindre chance de
succès.
La fuite par mer offrait beaucoup plus d'avantages et de faci-
lité; les îles Baléares ne sont pas bien éloignées d'Alger, et, dans
des circonstances très favorables, une bonne balancelle pouvait
faire le trajet en vingt-quatre heures environ. Les captifs, qui
étaient presque tous gens de mer et pratiques de la Méditerranée,
1. ITistoire de Barbarie, page 416 et suiv.
2. Tout ce passage est la reproduction d'un épisode de la captivité de Jean
Le Voisin, raconté par le P. Dan au chap. xxi du livre II des Illustres Captifs.
.', n.-D. DE GRAMMO\T.
n'ignoraient pas ce détail; aussi ce fut la voie la plus générale-
ment suivie. Les audacieux marins de Mayorque se prêtèrent
activement à ces tentatives de fuite et en firent une véritable
industrie1. Il y eut des entrepreneurs d'évasions qui frétèrent des
bâtiments légers affectés presque uniquement à cet usage. La
plupart du temps, ils avaient été captifs eux-mêmes, et leur par-
faite connaissance des lieux ne leur servait pas médiocrement
dans ces aventureuses entreprises. Il fallait être bon marin, adroit
et brave ; si l'on était pris, on était brûlé vif. Haëdo nous a con-
servé le souvenir de quelques-uns des plus hardis de ces libéra-
teurs d'esclaves et nous vante en particulier les exploits de l'un
d'eux, Juan Canete, dont le nom était devenu la terreur d'Alger;
car, tout en accomplissant son œuvre de délivrance, il ne dédai-
gnait pas les représailles et enlevait tout ce qui se trouvait à sa
portée.
Mérimée 2 a raconté en détail les nombreuses tentatives d'éva-
sion de Cervantes, dont l'indomptable génie et l'infatigable
ardeur ne furent mis en défaut que par l'inertie ou la trahison de
ceux pour lesquels il exposa si souvent sa noble existence.
On procédait toujours de la même manière ; un groupe de cap-
tifs décidés à la fuite réunissait la somme nécessaire pour fréter
le bâtiment et en décider l'équipage à affronter les risques ter-
ribles qu'il avait à courir; puis on arrêtait le jour et l'heure;
on choisissait une nuit sans lune et l'on convenait d'un signal et
d'un mot d'ordre. Lorsque le moment était venu, le navire sau-
veteur, qui, pendant tout le jour, avait abattu sa mâture et était
resté assez éloigné des côtes pour ne pas être aperçu, s'appro-
chait avec précaution du lieu désigné. Cependant, les captifs, qui
avaient eu soin de se faire employer à la culture des jardins
situés en dehors de la ville, s'étaient silencieusement embusqués le
long du rivage et attendaient impatiemment l'heure du départ.
Enfin, une barque arrivait sans bruit, portée par ses avirons
graissés et garnis d'étoupes ; le mot d'ordre était échangé, l'em-
barquement se faisait, silencieux et rapide, et l'on reprenait
immédiatement le large. Mais, combien de périls! on était à la
merci d'un bateau de pèche , de l'insomnie d'un riverain , de
1 . Voir le Dialogo de los Martyres d'Haëdo. (Vies de Juan Canete et de Cer-
vantes.)
2. V. la Revue des Deux-Mondes du 15 décembre 1877.
ETUDES ALGERIENNES. 5
l'aboiement d'un chien de garde. Aussitôt retentissait le cri : les
Chrétiens ! les Chrétiens ! les postes des portes prenaient bientôt
l'alerte et donnaient l'alarme; les galères de garde, toujours
armées et prêtes, sortaient en toute hâte de la darse, et tout
espoir d'évasion était perdu. Heureux le bâtiment aventuré, si,
s'apercevant à temps du danger qui le menaçait, et favorisé par
un bon vent, il pouvait échapper à toute vitesse au sort fatal qui
l'attendait s'il se laissait prendre! Heureux encore les esclaves
qui, se voyant déçus dans leurs projets, pouvaient obscurément
regagner leurs cases et remettre à des moments plus heureux
l'espoir de briser leurs fers !
Cette ressource elle-même ne tarda pas à être enlevée aux
esclaves ; l'accroissement du nombre des navires de course rendit
la navigation tellement périlleuse aux Mayorcains, qu'ils durent
y renoncer. En même temps, les abords de la côte devinrent de
plus en plus difficiles; car les environs d'Alger se couvrirent
bientôt de forts et de batteries dont le canon tenait les navires au
large et dont les vigies inspectaient soigneusement les moindres
criques du rivage. Depuis le cap Matifou jusqu'à Torre-Chica, il
fut presque impossible à une barque de s'approcher impunément,
et les captifs n'eurent plus à compter que sur eux-mêmes. L'amour
de la liberté et l'initiative individuelle engendrèrent parfois des
prodiges. Il y eut des évasions d'une hardiesse fabuleuse et d'un
bonheur inouï. Au mois d'octobre 1632 *, on vit arriver à
Civita-Vecchia un vaisseau dont l'équipage se composait de
deux hommes seulement, et dont la cargaison fut estimée deux
cent mille écus. C'était une prise algérienne que ces deux heu-
reux aventuriers étaient parvenus à détourner avant qu'elle
n'eût été déchargée, conquérant ainsi du même coup la fortune
et la liberté. Au mois de juillet 1634 2, un matelot français,
nommé Jean de Bayonne, arriva tout seul a Marseille, condui-
sant un vaisseau dont il s'était emparé sur la côte d'Alger. Le
9 novembre 1645 3, un vaisseau algérien de 36 canons entra
dans le port de Gènes , monté par vingt-quatre esclaves fugitifs,
qui avaient profité de l'ivresse de l'équipage pour s'emparer du
navire et mettre aux fers les vingt-cinq Turcs qui se trouvaient
1. Gazette de France, 1632, p. 487.
2. Gazette de France, 1634, p. 288.
3. Jd., 1645, p. 1131 et 1177.
(j n.-D. DE GRAMMONT.
à bord. Ils en firent présent à la République de Gênes, qui offrit
en échange à chacun d'eux une chaîne d'or de la valeur de cin-
quante écus. Tous les faits que nous venons de citer sont racontés
par la Gazette de France. Vers la même époque, cinq Anglais
parvinrent à s'enfuir sur un bateau de toile à voiles qu'ils avaient
fabriqué eux-mêmes, et eurent le bonheur de gagner Mayorque
après une traversée de six jours. Au mois d'août 1665 l, le vais-
seau le Saint-Louis , de la flotte du duc de Beaufort, recueillit
en mer, à quelques lieues d'Alger, un petit esquif, sans voiles ni
gouvernail, monté par onze esclaves chrétiens ; la charpente de
ce frêle appareil était uniquement composée de roseaux, et recou-
verte tant bien que mal de toile cirée. On connaît des milliers de
tentatives de ce genre ; bien d'autres restent et resteront ignorées,
ensevelies dans le même oubli que les victimes. L'horreur de la
captivité, le souvenir de la patrie et de la famille poussaient
quelques-uns de ces misérables à des entreprises presque insen-
sées, dans lesquelles on ne pouvait raisonnablement voir aucune
chance de réussite. C'est ainsi que plusieurs d'entre eux, embar-
qués à bord des galères, attendaient le moment où le Reïs relâchait
dans un des petits îlots de la Méditerranée pour y faire du bois et
de l'eau, et se sauvaient dans l'intérieur de l'île, où ils se déro-
baient aux regards dans les maquis ou dans quelque caverne.
Après des recherches inutiles, le navire repartait sans eux et les
laissait là, seuls, dénués de vivres et condamnés à périr de la
plus terrible des morts, s'il ne survenait pas juste à point une
embarcation chrétienne pour les recueillir. Et lors même qu'elle
arrivait à temps, leur salut n'était pas assuré pour cela ; car il
y avait des gens assez inhumains pour se refuser de prendre à
leur bord une bouche inutile ; en tout cas, celui qui était sauvé
par les pêcheurs calabrais ou espagnols était considéré par eux
comme une épave et dépouillé du peu qu'il possédait; c'est un
trait de mœurs atroce qui jette une lumière sinistre sur la bar-
barie de ces populations 2 ; cela est presque incroyable et nous est
pourtant attesté par des témoins dignes de foi. Il se conçoit aisé-
ment qu'une entreprise aussi dangereuse que celle d'une évasion
de ce genre ait été bien rarement tentée, et seulement par ceux
qui se trouvaient réduits par le désespoir à employer les moyens
les plus aventureux.
1. Gazette de France, 1G65, p. 945.
2. Il y a plusieurs exemples de ce fait dans le Dialogo de los Martyres.
ETUDES ALGERIENNES. 7
Un autre mode de fuite, plus commode et moins périlleux, s'of-
frait quelquefois aux esclaves, mais à de longs intervalles seule-
ment, et par un hasard dont il fallait savoir profiter a l'instant
même où il se présentait. Le moment propice était celui de l'ar-
rivée d'un vaisseau de guerre européen dans le port d'Alger.
Dans les premiers temps de la Régence, les capitaines des vais-
seaux marchands consentaient quelquefois à cacher à leur bord
des esclaves fugitifs1; mais ceux qui se laissèrent prendre furent
si terriblement punis, que les autres n'osèrent plus affronter des
chances semblables. Ajoutons que la surveillance la plus stricte
était exercée : que le navire devait remettre son gouvernail et
une partie de ses agrès au gardien du port lors de son arrivée, et
ne les recouvrait au moment de son départ qu'après avoir subi la
visite la plus méticuleuse. Il fallut donc renoncer à cette voie.
Mais, lorsqu'une escadre de guerre arrivait dans le port ou même
dans la rade d'Alger, lorsque les malheureux captifs voyaient
flotter le pavillon de leur patrie ou celui d'un pays ami, l'espoir
renaissait dans tous les cœurs ; chacun faisait ses préparatifs ;
ceux qui savaient nager se jetaient à la mer; d'autres s'amar-
raient sur des bouts de planches et pagayaient avec les mains,
cherchant à gagner l'asile inviolable. De leur côté, les Algériens
faisaient bonne garde2, la Marine et le môle se couvraient de
sentinelles, et des barques croisaient incessamment pour courir
sur tout objet suspect. Malgré toutes ces précautions, presque
jamais un vaisseau de guerre ne partait sans ramener avec lui
quelques-uns de ceux qui avaient tenté l'aventure. Ces fuites à
bord 3 furent une des plus grandes causes de tracas et d'avanies
pour les Consuls européens, et l'on peut dire d'une manière géné-
rale que, presque toutes les fois qu'un de ces agents fut maltraité
ou emprisonné, ce fut à la suite de faits de ce genre. Les Pachas
1. Voy- des Lettres de captifs, aux archives de la Chambre de commerce de
Marseille, AA, art. 507.
2. Ils finirent par prendre l'habitude de tenir leurs esclaves à la chaîne,
toutes les fois qu'un navire de guerre européen stationna a portée d'Alger.
3. Voir dans les archives de la Chambre de commerce de Marseille les lettres
suivantes :
9 mai 1675, du P. Le Vacher, consul.
7 mai 1680, du même.
17 août 1709, du consul Clairambault.
12 août 1717, du consul A. Durand.
24 octobre 1731, du consul Delane, etc.
U.-D. DE GRAMMONT.
et les Deys ne parvinrent jamais à comprendre que des vaisseaux
d'une nation amie ou qui se présentaient pour conclure un traité
prêtassent leur appui à un acte aussi criminel que l'était à leurs
yeux une évasion d'esclaves. Ils considéraient l'asile donné
comme un véritable recel, et ne cessaient de demander qu'on
leur rendît les captifs. De leur côté, les capitaines des navires
de guerre se seraient regardés comme déshonorés s'ils avaient
cédé à de semblables exigences, et il n'y avait pas, dans tous
leurs équipages, un matelot qui ne partageât ce sentiment. Les
réclamations restaient donc inutiles, et les menaces des envoyés
de la Régence étaient accueillies avec un mépris qu'on ne se don-
nait même pas la peine de cacher. Alors une révolte éclatait dans
la ville; les propriétaires des captifs qui s'étaient enfuis se por-
taient tumultueusement au palais des Pachas ou des Deys, en
criant: Charallah! Justice de Dieu! La foule s'ameutait; les
Consuls et les résidents européens étaient injuriés, maltraités,
menacés de mort et traînés devant le Divan. Les gouverneurs de
la Régence, qui savaient que la moindre sédition pouvait leur
coûter la tête, cherchaient à apaiser la populace, et le moyen le
plus efficace était l'incarcération du Consul de la nation incri-
minée. L'incident se terminait généralement de la manière sui-
vante : au bout d'un certain temps, le Consul, aidé par les prin-
cipaux négociants, offrait au Dey, en échange de sa liberté, une
certaine somme, dont une partie était employée à fermer la
bouche aux propriétaires d'esclaves, tandis que l'autre était par-
tagée entre les Puissances. L'apaisement se faisait, et la tran-
quillité durait jusqu'à l'arrivée d'un nouveau vaisseau de guerre,
moment où les mêmes scènes recommençaient. On peut affirmer
que tous les Consuls d'Alger, sans exception, furent inquiétés à
ce sujet; aussi protestent-ils unanimement dans leurs lettres1
contre l'envoi des escadres. Ils supplient qu'on ordonne aux
vaisseaux du Roi de se tenir éloignés du port, et demandent
avec instance qu'on ne les fasse apparaître que le plus rarement
possible, et même jamais, si faire se peut. Les Deys font la même
demande etla renouvellent à chaque instant, sachant fort bien que
leur existence court à chaque fois un fort grand péril2. Ils repré-
1. v. les lettres <l«'-j;"i citées, p. 7. n. 3.
2. V. en particulier la lettre d'Ismaïï-Pacha à Louis XIV, en date du 20 sep-
lembre 1673, reproduite In-extenso dans Les Mémoires de la Congrégation de
lu. Mission, t. I, p. 261 et suiv.
ÉTCDES ALGÉRIENNES. 9
sentent que l'arrivée de ces navires est un accroissement de peines
pour les captifs, qui, au lieu de vaguer librement par la ville,
sont chargés de chaînes et rigoureusement enfermés par leurs
maîtres aussitôt que l'on signale le pavillon de guerre; que les
désordres qui résultent des fuites à bord mettent en danger la
vie de tous les Européens, et que l'on s'en prend ensuite à eux
des sévices qu'ils ne sont pas les maîtres d'empêcher. Ces plaintes
ne restèrent pas stériles, et des ordres furent donnés aux bâti-
ments royaux, leur enjoignant de mouiller dans la rade toutes les
fois que le temps le leur permettrait. Cette mesure rendit les éva-
sions très dangereuses, et les tentatives devinrent de plus en plus
rares. En même temps, la rigueur de la répression s'était accrue,
et, tandis qu'autrefois l'esclave repris en était quitte pour l'en-
chaînement et quelques coups de bâton, il ne devint pas rare de
le voir punir par des mutilations, et par la mort même, lorsque la
faite avait été accompagnée de violences commises sur la per-
sonne des gardiens. Peu à peu , il fallut renoncer à l'espoir de
briser soi-même ses fers, et tout attendre de l'intervention de
compatriotes ou de celle des Ordres religieux qui s'occupaient
spécialement du rachat des esclaves.
IL
Le plus célèbre et le plus ancien de ces Ordres fut celui de la
Sainte-Trinité et Rédemption des captifs, dont les membres
reçurent les diverses appellations de Trinitaires, Rédemptoristes
et Mathurins; ce dernier nom leur vint d'une des chapelles de
leur couvent de Paris, qui était placée sous l'invocation de saint
Mathurin. Leur fondation remonte à la fin du xne siècle. Ce fut
en 1192 qu'un gentilhomme provençal, Jean de Matha, conçut
la première idée de consacrer sa vie et ses biens au soulagement
des misères dont il avait sans doute entendu souvent la narra-
tion dans son pays natal. Il s'associa pour cette œuvre de bien-
faisance avec un autre religieux nommé Félix, qui vivait dans la
retraite à Gandelu en Brie, et tous deux se mirent à prêcher pour
conquérir des adhérents à leur sainte cause. Leurs efforts ne res-
tèrent point stériles; dès l'année 1198, le pape Innocent III auto-
risait la fondation de l'Ordre sous le nom qu'il a conservé depuis,
et ils avaient déjà récolté suffisamment d'aumônes pour pouvoir
envoyer l'année suivante au Maroc deux d'entre eux, qui y
10 Fl.-D. DE GRAMMOTT.
rachetèrent cent quatre-vingt-six esclaves. Ce voyage couronné
de succès fut le début de la longue suite de missions qui s'est
continuée pendant plus de six cents ans, et a mis un terme
aux souffrances de tant de malheureux. Gonzales d'Avila nous
apprend qu'en 1634 l'Ordre avait déjà opéré trois cent soixante-
trois rédemptions et racheté trente-sept mille sept cent vingt cap-
tifs l. Il est vrai que le Père Dan, qui écrivait à peu près à la même
époque , se plaint amèrement de ce que le zèle des fidèles se
soit bien refroidi, et nous dit que les aumônes recueillies
n'étaient plus suffisantes pour subvenir à des besoins qui aug-
mentaient de jour en jour. Les causes de cette décroissance des
revenus étaient multiples ; la Réforme avait tout d'abord porté
un coup fatal à l'institution, en lui enlevant de riches provinces
de quête, ainsi que les biens domaniaux et les rentes dont elle
avait été généreusement dotée par les princes catholiques d'An-
gleterre, d'Ecosse et d'Allemagne. En France même, les guerres
de religion, les haines et les discordes qu'elles engendrèrent, les
troubles qui en furent la suite, tarirent bien des sources qui rem-
plissaient autrefois les caisses de rachat. La longue durée des
guerres civiles avait livré une grande partie du pays à la misère
et à la famine, et l'immense majorité de la population aurait eu
plutôt besoin d'être secourue qu'elle ne se trouvait à même de
faire l'aumône. Les Rédemptoristes luttèrent avec un zèle infati-
gable contre toutes ces difficultés. Sans cesse en route, parcou-
rant, le bâton du pèlerin à la main, les villes et les campagnes,
s'arrêtant dans les plus humbles bourgades, ils s'efforçaient de
réveiller dans toutes les âmes le sentiment de la commisération
et de la solidarité chrétienne. Rs disaient ce qu'ils avaient vu et
ce que souvent ils avaient éprouvé par eux-mêmes; ils racon-
taient les longues souffrances de l'esclavage, les journées de tra-
vail subies sous un soleil de feu et sous le bâton des gardiens, les
nuits où l'on grelotte sans vêtements sur quelques brins de
roseaux, et le manque de nourriture, et la soif, et la nostalgie,
et le désespoir. Rs faisaient passer devant les yeux des assis-
tants les figures des misérables soumis à la torture de la chiourme :
Hâves, exténués, complètement hébétés par l'excès de fatigue,
1. V. Y Histoire de Barbarie, d. c. (p. 483-485), et le Tableau historique et
chronologique de toutes les rédemptions qui ont été faites par MM. les cha-
noines réguliers de la T. -S. Trinité (Paris, 1785, in-4°).
ÉTUDES ALGÉRIENNES. -H
« livides, et plus semblables à des cadavres qu'à des hommes
« vivants1. » Ils dépeignaient encore les cruautés et les supplices,
et les malades laissés sans remèdes et sans secours, et les mori-
bonds sans assistance et sans consolations. Ils montraient les
femmes et les enfants contraints par les mauvais traitements à
renier leur foi, subissant un sort odieux, et arrachaient des larmes
aux yeux de toutes les mères. En même temps, ils distribuaient
gratuitement ou vendaient à des prix très modiques les Relations
des dernières rédemptions qui avaient été faites par leurs soins.
C'est ainsi que lentement, mais continuellement, ils amassaient
les sommes considérables qui leur étaient nécessaires pour mener
à bien l'œuvre qu'ils avaient entreprise. Dirons-nous que leurs
récits et leurs écrits furent toujours complètement exempts d'exa-
gération, et que le tableau qu'ils faisaient des misères de l'escla-
vage fut toujours l'image exacte de la réalité ? Nous ne serions
pas d'accord à ce sujet avec des témoins dignes de foi2. Sans
parler de nouveau des mémoires laissés par des captifs, qui nous
font eux-mêmes voir la situation générale sous un jour moins
sombre, nous pouvons écouter avec fruit quelques voyageurs
et quelques agents consulaires. M. Laugier de Tassy, com-
missaire de la marine, qui avait longtemps vécu en Barbarie, et
qui nous a laissé, sous le titre : Histoire du Royaume d'Alger,
un ouvrage fort estimé, écrivait en 1724 : « Les esclaves ne sont
« pas, à beaucoup près, aussi malheureux comme on le débite
« dans les relations fabuleuses faites par des moines, ou par des
« gens qui ont été esclaves, lesquels ont leurs raisons d'en impo-
« ser au public 3. » Le célèbre voyageur Peyssonel nous dit de
son côté * : « Les lecteurs sont peut-être persuadés que les Turcs
« d'Alger sont des gens sans foi, sans loi, dénués de bon sens,
« inhumains, barbares, cruels, sans politesse. Les histoires que
« les religieux ont données de l'esclavage d'Alger et qu'ils auront
« lues auront rempli leur esprit de préjugés. Le zèle de ces bons
1. Ilaëdo, cl. c, Dialogo de la Capiividad.
2. V. Peyssonel, d. c., p. 384 et suiv. — V. encore le Sr de La Croix, qui
avait passé une grande partie de sa vie en Orient, dans le service de la chan-
cellerie : « Il faut demeurer d'accord que l'esclavage turc est le moins rude de
o tous, et qu'il vaudrait bien mieux tomber entre les mains du moindre Beig
« de galère que du Vice-Roi de Naples, etc. » [Mémoires, Paris, 1G24, 2 v. in-12,
t. I, p. 167.)
3. Histoire du royaume d'Alger, d. c, p. 329.
4. Loc. cit.
12 n.-n. DE OIUMMONT.
v, religieux est louable; il leur convient d'attribuer beaucoup
v, d'inhumanité aux Turcs pour exciter la compassion et les
,< aumônes des fidèles; mais il semble que la vérité doit toujours
« paraître partout et qu'on doit exposer le bien comme le mal
. sans dire l'un et taire l'autre. » D'après ces témoignages, cor-
roborés par bien d'autres que le cadre étroit de cette étude nous
force de négliger, il paraît bien évident que les Pères Trini-
taires, dans le feu de leur zèle charitable, ont souvent repré-
senté sous des couleurs trop noires les souffrances de leurs clients.
Mais qui oserait songer à leur en faire un crime?
Ce n'est guère par des raisonnements philosophiques qu'on
peut avoir raison de l'indifférence des foules, et tous ceux qui ont
eu l'occasion de s'adresser à elles pour en obtenir un sacrifice
savent combien il est nécessaire de frapper fort plutôt que de
frapper juste. Or, il y avait des besoins pressants, et ils étaient
immenses. Les documents que nous avons sous les yeux nous
permettent d'affirmer que la moyenne des rachats fut, pour la
seule ville d'Alger, d'une centaine de mille francs par an 1 , sans
compter les secours donnés à ceux des captifs que l'insuffisance des
moyens forçait à laisser dans les fers. Et Alger n'était qu'un seul
des points où s'exerçait la courageuse charité des disciples de
Jean de Matha. Il y avait encore les ports du Maroc, Tunis,
Tripoli, l'Egypte, Smyrne, Constantinople, la Perse, le monde
entier ! Partout où l'esclavage existait, et pendant trop longtemps
il a régné presque partout , on voyait arriver le Rédemptoriste,
prêt à tous les sacrifices. Le dévouement et l'abnégation de ces
hommes furent admirables. Ils marchèrent sans hésitation et sans
faiblesse dans la voie qu'ils s'étaient tracée, jonchant le chemin
de leurs morts, augmentant chaque jour le glorieux martyrologe
de leur ordre. Ils vivaient sans cesse au milieu des dangers. Il y
avait les périls des longs voyages, les navigations dans des mers
infestées de pirates, la mauvaise foi de l'ennemi , le caprice des
souverains barbares, les guerres, les famines et les pestes2. Ils
1. Voir le Tableau historique des rédemptions, d. o. — 11 est à remarquer
que ce document ne mentionne que le rachat des Trinitaircs, et qu'il faut ajouter
ceui <!•' la Mercy et des Lazaristes.
2. Lorsque les Lazaristes s'installèrent à Alger et à Tunis, les cinq premiers
misai lairea forenl frappés successivement de la peste en moins de deux ans
H demi; quatre d'entre eux m moururent, les PP. Guerin, Lesage, Noël et
Dieppe. Le P. J. Le Vacher survécut, mais demeura estropié par l'éléphantiasis.
KTCDES ALGÉKIKWK-. 43
traversaient tout cela tranquillement, et nous n'avons pas vu
qu'un seul d'entre eux ait montré de faiblesse. L'article 4 de leurs
vœux était à lui seul un engagement héroïque ; il leur enjoignait
de se servir de tous les moyens en leur pouvoir pour délivrer un
de leurs frères souffrant et de ne pas hésiter, s'il le fallait, a
engager leur propre liberté en échange de celle du captif. Et cet
article ne resta pas lettre morte, nous avons maints exemples his-
toriques de son accomplissement. Depuis Guillaume de Préaux,
un des premiers bienfaiteurs de l'Ordre1, qui s'offrit à rester en
gage pour Richard Cœur de Lion, il y eut une suite non inter-
rompue de dévouements de ce genre. Le Père Dan nous rappelle
les noms d'Ignace Tavares, Antoine de la Conception, François
de Frocisal, Antoine de la Croix2 et de bien d'autres encore.
Beaucoup de ces héros de la charité moururent dans les fers, et il
y en a plus d'un qui, racheté à son tour, ne voulut pas revenir
dans sa patrie, et consacra le reste de sa vie à soigner et à con-
soler ceux au milieu desquels il avait volontairement pris place3.
Une semblable conduite méritait une récompense, et elle obtint
rapidement celle qui pouvait être la plus précieuse et la plus
désirée, l'amour et le respect de tous. Il faut lire dans Cervantes
les lignes attendries qu'il consacre k ses libérateurs pour se faire
une idée de la reconnaissance que surent inspirer ces grandes âmes.
Chez les gens de mer, plus exposés que tous autres k subir les
rigueurs de l'esclavage, ce sentiment de vénération dut s'exalter
plus que partout ailleurs, et nous retrouvons encore aujourd'hui
des traces de ce sentiment dans leur langage familier. Le nom de
Mathurin, qui était celui sous lequel ces religieux étaient le plus
généralement connus parmi le peuple, est devenu de bonne heure
pour les populations maritimes de la France une appellation
affectueuse, qui sert de marque k une sorte de fraternité d'élec-
tion et rappelle d'une manière touchante les services rendus et les
souffrances partagées.
Dès l'origine, les encouragements n'avaient pas fait défaut aux
Trinitaires. Témoin de leurs premiers efforts, Philippe-Auguste
fut aussi leur premier bienfaiteur, et ce fut grâce k ses libéra-
lités qu'ils purent élever le couvent auquel Jean de Matha donna
1. V. le P. Dan, Illustres Captifs, d. c, liv. I, chap. xiv.
2. Id., id.y liv. Il, chap. xvn.
3. Entre autres, Lucien Hérault, qui mourut en 1645, et Pierre de la Con-
ception, dont nous parlerons plus loin.
44 n.-n. DE GRAMMOYT.
le nom de Cerfroy, en souvenir, dit la légende1, du cerf miracu-
leux qui lui était apparu, portant dans ses ramures la croix de
la Délivrance. Plus tard, les services nombreux que l'ordre ren-
dit pendant les Croisades appelèrent sur lui les dons généreux
des principaux chefs : Gautier de Chàtillon, Geffroy de Chateau-
briand, le maréchal Baudoin, le duc de Brabant leur offrirent de
riches apanages ; Jean le Maingre, maréchal de Boucicaut, n'oublia
pas la charité qu'ils avaient montrée pour lui et ses compagnons
après la funeste bataille de Nicopolis. Saint Louis, qui avait été
accompagné en terre sainte par le Père Nicole, général de
l'< Irdre, fut un des plus grands bienfaiteurs des Rédemptoristes ;
il fonda leur couvent de Fontainebleau et ne les oublia pas à
l'heure de sa mort. Son exemple fut suivi par la plupart des Rois
de France et par d'autres souverains 2 ; en 1789, l'Ordre possé-
dait deux cent cinquante maisons réparties en treize provinces,
six en France, trois en Espagne, deux en Italie et deux en Por-
tugal. Les revenus étaient centralisés par des trésoriers nommés
à cet effet, et le Général ordonnait le départ d'une mission de
rachat aussitôt que le Trésor avait réuni la somme nécessaire
aux dépenses prévues.
Le deuxième ordre de Rédemption fut fondé en 1223 par
Pierre de Nolasque, gentilhomme languedocien. Ce fut au com-
mencement une association laïque, qui se plaça sous l'invocation
de Notre-Dame-de-la-Mercy.
En 1232, Jacques d'Aragon lui donna son premier couvent à
Barcelone et le pape Grégoire IX en approuva les statuts, qui
étaient, à très peu de chose près, les mêmes que ceux des Trini-
taires. Peu à peu, l'Ordre devint entièrement religieux, et la
transformation était devenue complète en 1308, époque où le
pape Clément V en modifia la règle. Les religieux de la Mercy
tendirent au même but, employèreut les mêmes moyens, mon-
trèrent le même zèle et la même charité que leurs frères de la
Sainte-Trinité ; tout ce que nous avons dit des uns est applicable
aux autres, et nous n'avons pas à nous répéter ici. Une noble
émulation, faite de vertus et de courage, les poussa également à
1. Légende apocryphe, car le nom de Cer froid est bien antérieur à Jean de
Mat lia.
2. Pour tout ce qui précède, v. le P. Dan, Histoire de Barbarie, d. c,
p. 406-498.
ÉTUDES ALGÉRIENNES. <5
affronter les fatigues et les dangers avec une ardeur semblable,
et les captifs n'eurent pas moins de raisons de bénir les uns que
les autres. Si nous disons maintenant que cette rivalité dans le
bien amena des différends et parfois même des querelles entre les
deux Ordres, nous ne ferons que constater un fait qui, dans l'es-
pèce, était presque inévitable. Il faut d'abord remarquer que la
Mercy se recrutait presque exclusivement en Espagne et en Ita-
lie, tandis que la Trinité était surtout composée de Français ; il
résulta naturellement de cette différence de nationalité un défaut
de sympathie tenant à la fois à la rareté des relations et aux
guerres qui désunirent si longtemps les compatriotes de ces reli-
gieux. A cette première cause, vint s'enjoindre une autre d'une
importance tout à fait capitale; en 1608, Marie de Médicis
accueillit à Paris les Pères de la Mercy et les établit dans la rue
du Chaume, où elle leur fit don d'un couvent et d'une église. Peu
de temps après leur installation, ils commencèrent à faire des
quêtes pour subvenir aux frais de leurs missions. Les Trinitaires
ne tardèrent pas à s'apercevoir que cette concurrence inattendue
diminuait leurs revenus, en partageant les aumônes. Ils s'en
montrèrent excessivement froissés, obéissant en cela à un senti-
ment facile à comprendre ; il est dans la nature humaine de s'in-
téresser à son œuvre, et d'y apporter d'autant plus de passion
qu'elle est plus belle et qu'on y a travaillé avec plus d'ardeur. Ils
affichèrent donc la prétention d'empêcher les Pères de la Mercy
de quêter dans les provinces du royaume de France, et firent
valoir les édits royaux qui les avaient seuls autorisés ; la lutte fut
longue, et nous n'osons pas ajouter acharnée; mais ceux des lec-
teurs qui voudront s'édifier à ce sujet pourront juger de l'état
d'animation dans lequel se trouvaient les esprits en lisant avec
attention un très curieux ouvrage du Père Egreville1, la Vive
Foy. L'ordre de la Mercy resta victorieux ; le 28 mars 1636, il
reçut des lettres patentes l'autorisant à quêter pour les rédemp-
tions; le 24 juillet de la même année, le Conseil privé du Roi,
décidant sur l'opposition faite par les Pères de la Trinité, prit un
arrêt confirmatif ; le 5 août 1638, le même Conseil partagea les
provinces de quête entre les deux Ordres, après avoir reconnu
1. Paris, 1645, in-8\ On y trouve le détail des querelles juridiques des deux
Ordres, et il est facile d'y constater qu'à Alger même ils vivaient en assez
mauvaise intelligence.
If. 1I.-D. DE f.RAMMONT.
qu'il y avait quelques inconvénients à laisser en présence des
compétitions rivales; enfin, et nonobstant une nouvelle opposi-
tion des Mathurins, le partage fut définitivement consacré en
1646. Cette décision engendra, ou, tout au moins, facilita
quelques abus. Des mendiants étrangers se revêtirent de l'habit
des Rédemptoristes, et parcoururent le pays, détournant à leur
profit le produit des aumônes , et donnant le plus souvent un
spectacle peu édifiant et peu propre à exciter la charité.
A ces deux premières causes de mésintelligence, il s'en ajouta
une troisième qui ne fut pas la plus faible de toutes. Très sou-
vent, lorsqu'on effectuait un grand rachat, les sommes qu'on
avait apportées se trouvaient insuffisantes ; ce fait était d'autant
plus fréquent qu'on n'était pas libre de se limiter et qu'on avait
la main forcée par les Pachas ou par les Puissances, qui tenaient
à se débarrasser d'esclaves infirmes, malades, ou de peu de valeur,
et qui déclaraient alors ne vouloir vendre qu'en bloc, ne don-
nant l'autorisation de départ qu'à cette condition. Dans ce cas-
là, un ou plusieurs des Pères demeuraient en gage pour ce qui
restait dû sur le prix total de la Rédemption, et leurs confrères
s'empressaient, aussitôt après leur retour, de réunir l'argent
indispensable pour les libérer. Mais cela n'était pas toujours
facile et il se passait quelquefois de longues années avant que la
rançon nécessaire eût pu être amassée. Or, s'il advenait que,
pendant cet intervalle, d'autres religieux arrivassent à Alger,
les Turcs s'emparaient immédiatement de ce qu'ils possédaient et
de leurs personnes mêmes, pour assurer le paiement de la dette.
Ils avaient beau vouloir s'en défendre en alléguant qu'ils n'appar-
tenaient pas au même ordre et qu'ils n'avaient pris aucun engage-
ment personnel, les Algériens s'obstinaient à les considérer
comme solidaires. « Vous êtes tous des papas, leur était- il
« répondu, et vous devez payer les. uns pour les autres. » Ce fut
ainsi que Lucien Hérault, de l'ordre de la Sainte-Trinité, fut
incarcéré, lors de sa Rédemption de 1645, pour une somme de
douze mille livres que les Pères de la Mercy devaient à Ali
Bitchnin. Cette arrestation fut la cause de tous ses malheurs;
après avoir épuisé les arguments et les réclamations, il dut céder
aux menaces de mort qui lui étaient faites, et se vit forcé d'em-
prunter l'argent exigé au taux énorme de cinquante pour cent, et
d'attendre au bagne le moment où il pourrait être délivré à son
tour. Cette heure ne sonna jamais, et il mourut de misère et peut-
ÉTUDES ALGÉRIENNES. 17
être de chagrin, le 22 décembre 1645, après avoir été l'objet
d'indignes traitements1. Son Supérieur, le Père Denis Cassel, fit
à ce sujet des plaintes qui furent écoutées, et M. Barreau, Consul
à Alger, reçut en 1046 l'ordre de faire une enquête et de donner
des instructions pour qu'un fait de cette nature ne pût plus se
représenter. Mais ce qui doit arriver arrive, et les ordonnances
n'ont jamais pu prévaloir contre la nécessité. En 1751 2, les Trini-
taires, ayant promis au Dey Mohammed de lui faire rendre des
Reïs captifs en Espagne, ne purent accomplir leurs engagements,
le conseil royal s'étant formellement refusé à libérer des prison-
niers de cette espèce. Après quelques mois d'attente, Mohammed,
ne pouvant pas s'en prendre aux Mathurins, qui n'étaient plus à
Alger, fit saisir et enfermer les Pères de la Mercy, auxquels il
imposa une avance de 29,700 piastres (150,000 fr. environ). La
cause fut portée devant le Roi d'Espagne, qui condamna les Tri-
nitaires à rembourser cette amende ; quelque temps après, voyant
que le sacrifice demandé était impossible à effectuer, il se décida à
apaiser l'affaire en ordonnant la mise en liberté des Reïs réclamés.
Nous allons nous occuper maintenant des auxiliaires que ren-
contrèrent ces religieux et des moyens dont ils se servaient pour
accomplir leur héroïque mission.
III.
Les ordres de Rédemption furent souvent aidés dans leur tâche
par des religieux étrangers ou par des laïques, envoyés à diverses
reprises par les souverains de l'Europe et par les papes pour opé-
rer des rachats importants. Nous citerons entre autres l'Espagnol
Diego de Torres, qui reçut une mission de ce genre du Roi de
Portugal en 1545, et qui publia à son retour, sous le titre de
Relation de l'origine et succès des chèrifjs et de VÉtat des
royaumes de Marroc, Fez et Tarudant, un ouvrage justement
apprécié3. En 1626, Louis XIII, ému par les plaintes des nom-
breux captifs français qui gémissaient dans les bagnes d'Alger, se
décida à y envoyer Sanson Napollon, gentilhomme ordinaire de
sa Chambre et chevalier de l'ordre de Saint-Michel, qui, en 1623,
1. V. l'abbé Orse, d. c, p. 88 et suiv.
2. Gazelle de France, 1751, p. 609.
3. Il a été traduit en français par Perrot d'Ablancourt, et se trouve à la suite
de sa traduction de Marmol. (Paris, 1G67, 3 vol. in-4°.)
Rev. Histor. XXVII. 1er fasc. 2
Il.-l). DE (.HAMMONT.
avait déjà retiré soixante Français des galères de l'Archipel, et,
quelque loups après, cent cinquante autres des bagnes de Tunis.
I !e diplomate, qui a joué un grand rôle dans les relations de la
France avec la Régence d'Alger, et dont le nom mériterait d'être
plus connu, était chargé de renouveler les traités, et de se faire
rendre les captifs. Le roi consacra à cette mission une somme de
quinze mille livres, plus le produit de la vente de deux offices de
correcteurs des comptes en la Cour des comptes de Provence et de
ceux du trésorier et receveur du palais d'Aix ; il ordonna en outre
que « les villes et communautés desquels ceux qui étaient esclaves
« en Alger étaient natifs avanceraient et paieraient deux cents
« livres pour chacun desdits esclaves. » La Cour des comptes pro-
testa contre l'arrêt royal, disant que ses offices lui appartenaient,
et l'affaire eût subi un retard qui eût sans doute tout empêché, si
la ville de Marseille, désireuse de hâter la conclusion de la paix,
n'eût avancé une somme de soixante douze mille livres. Les
communes obéirent aux ordres du Roi; elles se montrèrent même
généreuses. Toulon donna 2,300 livres pour sept captifs; la Cio-
tat, 2,100 pour le même nombre; Six-Fours, 1,100 pour trois;
Cassis, 1,550 pour six; Cannes, 290 pour un ; et Martigues 1,850
pour six. Sanson Napollon reçut ainsi 82,190 liv., avec lesquelles
il racheta trois cents esclaves ; mais les frais de cette rédemption et
de la conclusion du traité dépassèrent de beaucoup les sommes
perçues. La dépense totale fut de 272,435 livres ! Il est curieux
de citer quelques-uns des articles du mémoire adressé au Roi,
sous le titre de : Dépense faite en exécution du traité de
Barbarie, voyage, rachat d'esclaves qui étaient dans les
galères de France, fret et nolissement de navires, entrete-
nement de Capigis du Grand Seigneur, dons et présents,
et rachat d'esclaves français, ainsi qu'il sera plus ample-
ment spécifié ci-après. Ce document donne une idée très exacte
des frais accessoires qu'exigeaient une opération de ce genre :
« Plus, pour autre dépense faite audit Alger, au seigneur
• Amouda, trésorier de la milice, la somme de onze mille piastres,
« qui lui a été donnée pour être, disait-il, donnée aux soldats de
« la dite milice pour les disposer à la dite paix, et pour exempter
« les esclaves français du droit de sortie qu'ils devaient payer à
« raison de quinze pour cent de leur rançon, laquelle somme
« réduite en monnoie de France monte la somme de vingt et une
« mil livres.
ÉTUDES ALGERIENNES. J9
« Au Pacha d'Alger, la somme de quatre mille piastres de
« gratification, pour apporter et donner son consentement et son
« authorité pour le dit traité, la quelle somme réduite en monnoie
« de France revient à la somme de neuf mil trois cent trente neuf
v< livres.
« A l'Aga, chef et général de la milice, la somme de deux
«.< mille piastres, pour la faveur et assistance qu'il a apporté et son
« consentement audit traité, laquelle somme réduite en monnoie
« de France revient à la somme de quatre mil six cent soixante
« cinq livres.
« A plusieurs chefs d'escadre du Divan, la somme de trois
« mille piastres, pour être distribuée à leurs bandes, pour les
« disposer audit traité, laquelle somme réduite en monnoie de
« France revient à la somme de sept mille livres. »
Il faut ajouter à tout cela une dernière dépense de trois mille
neuf cent soixante-neuf livres, qui furent employées en frais de
table et de réception des principaux dignitaires. Il convient de
dire que jamais argent ne fut mieux placé ; l'envoyé français était
devenu excessivement populaire parmi les Reïs dont le pouvoir
était prédominant à Alger à cette époque ; c'est pour eux et pour
leur chef Ali Arabadji qu'il tenait table ouverte. Presque tous rené-
gats, et peu soucieux des prescriptions du Coran, ils ne dédai-
gnaient ni la bonne chère ni les vins de France, et Sanson pro-
fitait de ce goût pour s'avancer dans leur amitié et pour se faire
appuyer par eux dans toutes les demandes qu'il faisait au Pacha
et au Divan. Cette intimité devint tellement étroite qu'elle excita
la défiance et les soupçons du Vice-Consul lilanchard, faible cer-
velle, incapable de comprendre la finesse et la sagacité de Napol-
lon. De la familiarité amicale dans laquelle ce dernier vivait avec
la Taïffe, il tira la conclusion qu'il s'était fait Musulman, et ne
craignit pas l'écrire à Marseille1, où le peuple indigné voulut
met tre le feu à la maison de l'ambassadeur et insulta sa famille. Au
même moment, celui-ci obtenait (chose rare !) la restitution de trois
bâtiments marchands avec leurs cargaisons et leurs équipages, la
mise en liberté de nouveaux captifs et la réédification du bastion de
France, àlaquellelesAlgérienss'étaient obstinément refusés jusque-
là . Il en prit le commandement et y assura la tranquillité, ne répon-
1. V. les lettres de Blanchard (Archives de la Chambre de commerce de Mar-
seille, AA, art. 463) et celles de Sanson Napollon (id., AA, art. 402).
20 H.-D. DE GRAMMONT.
da nt aux mauvais procédés de ses compatriotes qu'en les sauvant,
par de fréquents envois de blé, de la famine qui désolait alors le
Midi. La fin de ce bon serviteur de son pays fut tragique et mys-
térieuse; il fut assassiné par les Génoisen 1633, au moment où il
abordait dans son canotl'île de Tabarque l. Après sa mort, quelques
rachats furent opérés par les Consuls alors en exercice; mais
l'anarchie qui régna à cette époque à Alger rendit leur intervention
presque inutile, jusqu'au moment où la charge eut été achetée
par saint Vincent de Paul, et occupée par les Lazaristes. Il est
impossible de traiter de la question de l'esclavage à Alger sans dire
quelques mots de cet ordre, bien que, à proprement parler, ses
membres aient plutôt rempli le rôle de missionnaires et d'hospi-
taliers que celui de rédempteurs.
Saint Vincent de Paul, qui avait été pris par les pirates en
1605, et vendu à Tunis, où il subit une servitude de deux ans,
d'abord sous les lois d'un vieil alchimiste, et ensuite sous celles du
neveu de son premier maître, qui l'emmena dans l'intérieur du
pays, de crainte d'être forcé de le rendre à Mr de Brèves2, avait
ainsi expérimenté par lui-même toutes les douleurs et toutes les
horreurs de la captivité. Il ne les oublia jamais, et ce souvenir
l'engagea sans doute à briguer la charge d'aumônier géné-
ral des galères, qu'il obtint en 1619, grâce à la protection
d'Emmanuel deGondi, comte de Joigny, général des galères, aux
fils duquel il avait servi de gouverneur dès l'année 1613. Dans ce
nouveau poste, il put compléter ses connaissances sur l'organi-
sation des puissances barbaresques, et s'affermir dans les idées
qu'il nourrissait déjà depuis longtemps et qu'il s'efforça pendant
sa vie entière de faire partager à tous ceux qui l'entouraient. Il
pensait avec raison qu'il était inutile de chercher à employer les
voies de douceur, et que les traités consentis par les Turcs
d'Afrique resteraient toujours inobservés. Il conseillait donc de
purger d'abord la Méditerranée de la piraterie par quelques années
de croisières vigoureuses et non interrompues ; une fois ce résul-
tat obtenu, on eût fortement occupé Alger et Tunis ; les corsaires,
privés de leurs places d'armes, et resserrés entre Malte, Tunis,
Alger et Oran, n'auraient plus trouvé de refuge qu'au Maroc, et
1. Gazette de France, 1633, p. 235.
2. Lors de la mission que remplit Savary de Brèves par ordre de Henri IV,
à Constantinople, Smyrne, Alexandrie, Tunis et Alger. (Voir Les Voyages de
M' de Brèves, d. c.)
ÉTUDES ALGERIENNES. 21
ne pouvaient pas subsister longtemps dans des conditions sem-
blables. Tel était le plan qu'avait conçu ce grand homme de bien
pour délivrer l'Europe chrétienne du fléau qui la désolait. Il se
livra à la propagande la plus active, et rencontra de puissants
protecteurs, à la tête desquels il faut citer Anne d'Autriche, le
cardinal de Richelieu et la duchesse d'Aiguillon1. Il eut bientôt la
consolation de voir que ses idées avaient prévalu ; en 1620, l'ami-
ral de Gondi fit une première croisière, dans laquelle les pirates
subirent des pertes importantes; en 1636, le comte d'Harcourt et
l'archevêque de Bordeaux, monseigneur de Sourdis, commen-
cèrent une campagne qui fut continuée l'année d'après par l'ami-
ral de Manti. et pendant presque tous les étés suivants, jusqu'en
1666, par des marins tels que le duc de Brézé, le marquis de
Martel, Cabaret, d'Amfreville, le commandeur Pol et bien d'autres.
L'insuccès du duc de Beaufort et la fin malheureuse de l'expédi-
tion de Djijelli mirent un terme à cette entreprise, qui eût, sans
nul doute, été continuée, si la France eût eu un point de débar-
quement et de ravitaillement assuré, ainsi que cela fût arrivé si
l'opération eût été mieux conduite2. Au moment où notre pavillon
reçut cet échec, le premier instigateur de ce grand projet était
mort depuis quatre ans déjà et n'eut pas la douleur d'assister à la
ruine de ses espérances, sur la réussite desquelles il avait si
bien compté qu'il avait déjà installé à Tunis et à Alger des membres
de l'Ordre dont il était le fondateur. En 1646, il avait obtenu du
Roi la permission de faire l'acquisition du consulat d'Alger pour
le compte de la Congrégation de la mission, et avait acheté cette
charge à son possesseur Balthazarde Viaspar l'intermédiaire du
père Lambert aux Cousteaux3. Il avait désigné pour l'occuper
M. Barreau, membre laïque de la Congrégation 4, homme excel-
lent et plein de charité, mais que ses vertus mêmes amenèrent à
s'engager imprudemment dans des embarras d'argent desquels il
ne put pas se retirer. Or, le vieil usage de la contrainte par corps
dans toute son étendue a toujours été la doctrine préférée des
1. Pour tout ce qui précède, voir la Vie de saint Vincent de Paul, par Louis
Abelly, évéque de Rodez; réimprimée à Paris, 1839, 2 vol. in-8".
2. V. le rapport adressé à Louis XIV par M. de Castellan. {Recueil histo-
rique, etc. Cologne, 1GG6, in-16.)
3. L'achat est autorisé par acte royal du 5 juillet 1646.
4. V. Les Mémoires de la Congrégation de la Mission. (Paris, 1864, 2 vol.
in-8° (sur Alger), t. I, p. 141 et suiv.)
22 II. -D. DE GRÀMMONT.
Turcs ; le Consul fut donc incarcéré et bâ tonné ; il fallut que la
Congrégation payât ses dettes, et il fut remplacé par le frère
Dubourdieu, qui céda son poste au P. J. le Vacher, celui-là même
qui devait être attaché à la bouche du canon par représailles du
bombardement de Duquesne ', et qui fut le dernier Consul Laza-
riste d'Alger. Mais la mission2 y continua son rôle de dévouement
et d'abnégation. Nous allons voir maintenant comment s'effec-
tuaient les rachats d'esclaves.
IV.
Lorsqu'un des ordres religieux qui s'occupaient de la Rédemp-
tion avait réuni une somme assez importante pour justifier les
frais d'une mission, deux ou trois membres de l'Ordre étaient délé-
gués par le général, qui les dirigeait vers les lieux où l'urgence
des secours se faisait plus particulièrement sentir. Par l'intermé-
diaire des Consuls, ils demandaient au souverain du pays un sauf-
conduit pour leurs personnes et pour l'argent dont ils étaient
pourvus. Ce passeport n'était presque jamais refusé et assurait à
ses porteurs une protection effective, sauf dans les cas de rébellion
de la populace. Car l'intérêt des corsaires voulait que les Rédemp-
toristes ne fussent pas inquiétés, et qu'ils fussent engagés à reve-
nir à époques rapprochées, pour les débarrasser à prix d'or de
l'excédent de leurs captifs. C'est pour cette raison qu'il leur avait
été permis d'instituer dans les bagnes eux-mêmes des hôpitaux et
des chapelles, et qu'il leur avait été concédé un terrain pour y
établir un cimetière destiné à l'inhumation de ceux qui mouraient
pendant leur captivité. Ce cimetière était situé en dehors et à
droite de la porte Bab-el-Oued ; la mer le recouvre aujourd'hui. Il
y eut cinq hôpitaux, desservis par des religieux et possédant cha-
cun leur chapelle3. Le premier fut fondé en 1551 par le P. Sébas-
1. V. Mémoires de la congrégation, d. c. Les PP. Montmasson, Bossu et
Dinhesne exercèrent plus tard le consulat d'Alger, mais seulement par intérim.
2. Au moment de sa mort, saint Vincent de Paul avait racheté plus de douze
cents esclaves, fondé un petit hôpital à Alger (l'argent nécessaire avait été
donné par la duchesse d'Aiguillon), et institué une sorte de service postal entre
les esclaves et leurs familles. (V. Abelly, d. c, t. I, p. 406, 407.)
3. V., pour toul ce qui concerne les hôpitaux et les chapelles, l'Histoire de
Barbarie, du P. Dan, d. c, p. 508 et suiv.; ['Histoire du royaume d'Alger, de
Laugier de Tassy, d. c, p. 289, et le tome VIII de la Iievue africaine, p. 230
ri 51ÙV.
ÉTUDES ALGÉRIENNES. 23
tien Duport, qui avait dirigé une Rédemption en 1546'. Il fut
édifié derrière l'ancien bagne des Colourlis, auquel les Turcs don-
naient les noms de Tabernat-et-Temmakin 2 (Taverne des bot-
tiers) ; la chapelle était placée sous l'invocation de sainte Cathe-
rine. Le second, dit de la Très Sainte-Trinité, fut fondé, en 1012,
par le P. Bernard de Monroy dans le Tabernat-el-Beylikrt (bagne
de l'État). Le troisième, dit de Saint-Roch, fut l'œuvre des
esclaves d'Ali Bitchnin, dans le bagne duquel il se trouvait; il
fut agrandi et restauré par Pierre delà Conception4, qui en fonda
deux autres en 1662 dans le bagne du Pacha (Jenina), ainsi
qu'une très bonne pharmacie. Il y avait encore quelques lits au
Consulat de France ; ce petit hospice était desservi par les Laza-
ristes et alimenté par la rente d'une donation de la duchesse
d'Aiguillon. Les Turcs voyaient ces établissements d'un bon œil
et ne souffraient pas que leur personnel fût molesté ; les cérémo-
nies religieuses s'accomplissaient sans opposition, mais à huis-
clos. ( )n devait cependant compter avec la cupidité des gardiens,
qui exigeaient un tribut d'une aspre (environ un centime) de
chaque esclave qui voulait assister à la messe. Du reste, les hôpi-
taux étaient déchargés de tous droits en ce qui concernait les
besoins et les aliments des malades5. Les navires chrétiens qui
entraient dans le port d'Alger étaient tenus de verser à leur pro-
fit une somme proportionnelle à la valeur de leur cargaison, et
nulle vente de vin ne pouvait se faire sans qu'il en fût prélevé une
mesure pour les malades. Cette coutume devint un droit en 1694,
par suite d'un décret du Dey Chaban6. On retrouve dans ces
mesures de protection la tactique ordinaire du Turc, ménager de
son esclave, qui lui représentait un capital. Malgré tout, ces lieux
d'asile étaient loin d'être luxueux, et l'on ne peut pas mieux se
1 . M. Berbrugger a avancé que celte rédemption était la première qui fut faite
à Alger : c'est une erreur, comme nous le verrons plus loin.
2. Nous y avons installé depuis la Direction des mines.
3. Remplacé par la maison Catala, rue Bab-Azoun.
4. Ce religieux était d'une famille riche, qui s'empressa d'envoyer la somme
qu'un demandai) pom sa rançon. Il s'en servit, non pour se racheter, mai-,
ponr soulager les maux de sis compagnons de misère. En 1G67, il pénétra dans
la grande mosquée, monta en chaire, et voulut y prêcher le christianisme. Il lut
arraché do la par la populace, qui le traîna hors de la porte Bab-el-Oued, où
il lui brûlé vif.
5. V. Laugier de Tassy, loc. cit.
6. V. la Revue algérienne, loc cit.
24 H.-D. DE f.RAMMOM .
rendre compte de leur état qu'en lisant ces quelques lignes,
extraites d'une lettre adressée par le P. B. de Monroy au P.
Provincial de Castille, en date du 20 juin 1612' : « En ce petit
■ hôpital nous avons huit lits, à scavoir quatre de chaque costé,
« tous scellez dans la muraille, à la hauteur d'un pied et demy.
« Les paroys sont nattées de jong ; les matelas de feuillage et de
« jong encore ; les couvertures et les mantes de pareille étoffe et
« le reste delà garniture est fait de pauvres haillons qu'apportent
<.< avec eux les malades ; à sçavoir de vieilles jupes de drap et de
« serge, toutes rapiécées, et de quelques calçons.
« Au milieu de cet hôpital nous avons dressé un autel, avec des
« images et des croix de nostre Ordre, rouges et bleues. Quand il
« y vient quelque malade, la première chose dont l'on a soing,
« c'est du salut de son âme, en le faisant confesser et communier.
- Après cela, l'on travaille à la santé de son corps, à quoy l'on
« employé, en lieu de médecin, un chirurgien rachepté, natif de
« Larnaxos, lequel a pour cet effet, sur des tablettes qui sont au
« chevet de son lit, toutes les drogues et tous les ustanciles néces-
« saires. Pour hospitalier, nous avons un autre chrestien rap-
« cheté, natif de Madrid, et fils de dame Catherine de Miranda,
« qui servent tous deux les pauvres esclaves malades avec beau-
« coup de zèle et de charité.
« Quant à nous, souvent nous les allons visiter et les consoler,
« donnant ordre de tout nostre possible, et selon que le lieu où
« nous sommes le peut permettre, qu'ils n'ayent aucune nécessité.
« Là sont venus et viennent souvent des Turcs et des Maures,
« quelques-uns desquels, bien que barbares et infidèles, ne laissent
« pas de donner l'aumosne, et s'en retournent bien étonnez. Car
« ce leur est une merveille bien étrange de voir que les esclaves
« chrestiens ayent un tel établissement dans leur ville d'Alger, et
« qu'entr'eux il n'y ait rien de pareil pour leurs malades. »
C'était, on le voit, très peu de chose que ces secours, et, néan-
moins, le bien qu'ils faisaient était immense. Les malheureux qui
peuplaient les bagnes sentaient qu'ils n'étaient pas complètement
abandonnés ; ils trouvaient là quelque répit à leur longue misère,
un repos momentané, une nourriture qui relevait leurs forces, de
bons conseils, et la facilité de correspondre avec leurs parents et
leurs amis; bref, tout ce qui pouvait les soustraire au désespoir,
I. V. Y Histoire de Barbarie, d. c, p. 508, 509.
ETUDES ALGÉRIENNES. 2"i
plus meurtrier pour eux que les souffrances physiques. En temps
de peste, les hospitaliers ne pouvaient pas suffire à la besogne avec
ces faibles moyens ; il sera facile de le croire en apprenant que la
peste de 1740 enleva environ 300 personnes par jour pendant
plus de trois mois, et que les bagnes furent, comme de coutume,
plus particulièrement éprouvés. Elle reparut en 1741 , et dura six
mois. Du reste, on peut dire qu'elle était devenue endémique à
Alger et à Tunis. Pour ne nous occuper que de la fin du xvme siècle,
nous la voyons éclater avec violence aux époques précitées, puis
en 1752, 1753, 1756, 1774, 1786, 1787, 1789, et les trois années
suivantes. Quatre vicaires apostoliques et une grande quantité de
missionnaires y succombèrent en soignant et en consolant les
malades. Leur zèle n'en fut pas diminué, et l'on pourrait presque
dire qu'ils étaient tous du sentiment de celui qui considérait le fléau
comme un événement quasi désirable, en ce qu'il poussait les
libertins au repentir, et qui écrivait à saint Vincent de Paul :
« Xous avons en ce pays une grande moisson, qui est encore
« accrue à l'occasion de la peste ' . »
Lorsque le vaisseau qui portait les Rédemptoristes et la
Limosne2 entrait dans la rade d'Alger, il arborait la bannière de
raclnit. A ce signal, deux embarcations venaient l'attendre à
l'entrée du port. L'une d'elles portait le Consul, le vicaire apos-
tolique et quelques personnes de distinction ; l'autre, l'Oukil du
D y, qui venait viser les sauf-conduits et s'assurer de l'impor-
tance delà somme et de la quantité de marchandises apportées
pour les rançons; car tout ce qui était destiné à cet usage payait
un droit d'entrée spécial; l'argent des particuliers devait acquit-
ter un impôt de dix pour cent qui se réduisait à cinq pour la
Limosne ; le Pacha Hossein avait même abaissé cette retenue à
trois pour cent. Cela fait, apparaissait le gardien du port, auquel
on devait remettre le gouvernai] et les voiles du navire, de crainte
que les esclaves ne s'en servissent pour s'évader; ces agrès étaient
renfermés dans les magasins situés dans la tour du Fanal. De là,
on se rendait à la Jenina, pour présenter au Dey les hommages
qui lui étaient dus, acquitter l'impôt entre ses mains, et lui offrir
1. Vie de saint Vincent de Paul, dAbelly, d. c, p. 396.
2. On donnait le nom de Limosne (de l'italien Limosna) à L'argenl et aux
i!"ii^ en nature destinés à secourir les captifs. Le sens s'était peu à peu élargi
et avait fini par comprendre le personnel même de la Rédemption.
Il.-D. DE f.RAMMONT.
quelques cadeaux, qui valaient aux nouveaux arrivés un accueil
gracieux et des promesses de protection. On assignait un loge-
111, -nt aux membres de la mission; quelques Chaoux étaient délé-
gués pour veiller a leur sécurité pendant tout le temps de leur
séjour ; le Drogman qui leur était donné était le plus souvent celui
du Consul de France.
A peine sortis du palais, les Pères se voyaient assaillis par une
multitude d'esclaves; car le bruit de leur arrivée s'était répandu
avec la rapidité de la foudre, et chacun voulait être le premier à
se présenter à eux et à faire valoir ses droits. Nul ne manquait à
cette assemblée ; au besoin leurs maîtres les eussent contraints à
v aller, et s'y rendaient eux-mêmes, entourant les Rédempto-
ristes, les harcelant de leurs demandes, parlant tous à la fois,
faisant des offres de bon marché et des promesses d'accommode-
ment facile. Pendant ce temps, les captifs baisaient leurs mains
et le bas de leurs robes, et leur demandaient la bénédiction. Cha-
cun exposait lamentablement ses misères ; les vieillards faisaient
valoir leur âge et les longues souffrances endurées ; les infirmes
remontraient qu'ils ne coûteraient presque rien ; les jeunes gens
parlaient des tentatives de corruption exercées sur eux; les autres
racontaient le désespoir de leurs familles et la misère dans laquelle
elles vivaient depuis qu'elles étaient privées de leur chef; quelques-
uns montraient des lettres de recommandation ; tous enfin, sans
exception, promettaient qu'aussitôt libres, leur premier soin serait
de restituer à l'Ordre les sommes déboursées. Cette promesse était
bien rarement tenue. Les Pères, étourdis par ce tumulte, s'effor-
çaient de ne décourager personne et prenaient les noms de tous
les solliciteurs, en y joignant les notes fournies par leurs consuls,
par les hospitaliers et les résidents de la nation. Mais, dès le
début, ils constataient avec une profonde affliction qu'ils ne pour-
raient pas suffire à la centième partie des demandes qui leur
étaient faites. Une nouvelle déception les attendait, au moment où
ils étaient enfin parvenus à regagner leur demeure. Ils y trou-
vaient, tranquillement installés chez eux, les grands personnages
qui eussent dédaigné d'aller offrir publiquement des esclaves à
racheter; c'est ainsi qu'il leur fallait entendre successivement
l'i » u k i 1 du Dey, parlant au nom de son maître, l'Agha de la
milice, les principaux du Divan ; chacun d'eux avait amené avec
lui quelques captifs et les remettait entre les mains des Pères, en
• taxant à son gré. Il n'y avait pas autre chose à faire qu'à
ÉTUDES ALGÉRIENNES. 27
payer; sans cela, le reste de l'opération fût devenu impossible1.
Elle se divisait en deux parties principales : le rachat de ceux dont
la rançon avait été versée dans les caisses de l'Ordre, ou, tout au
moins, dûment garantie2; ce qui restait d'argent était ensuite
employé à rendre la liberté à ceux dont le sort paraissait le plus
digne d'intérêt. Toutefois, on en réservait toujours une partie, qui
était distribuée en aumônes dans les bagnes pour adoucir l'amer-
tume des regrets de ceux qu'on était forcé d'abandonner. C'était le
rachat de la première catégorie de ces esclaves qui prenait le plus
de temps à la mission ; en premier lieu, leurs maîtres, pressentant
une bonne affaire, redoublaient d'exigences, et quelquefois même
maltraitaient le captif, pour qu'il devînt plus pressant auprès de
ses protecteurs; c'était alors une négociation sans fin, malgré les
efforts de certains courtiers employés par les Pères et rétribués au
prorata des économies qu'ils les aidaient à faire. Quelquefois, ils
étaient absents, partis en course, sur les bancs de la chiourme, et
il fallait attendre leur retour. Or, tout retard était redoutable ; il
pouvait éclater une de ces émeutes si fréquentes à Alger ou une
rupture avec la France, et le succès de l'œuvre se trouvait alors
bien compromis.
Le prix des esclaves de petite condition variait suivant les
époques et l'abondance de la marchandise ; un vieux dicton algé-
rien affirmait qu'après la défaite de Charles V, en 1541, on pou-
vait échanger un chrétien contre un oignon; en 1644, la mis-
sion les paya de 120 livres à 300 3; en 1681, les Hollandais ne
purent racheter qu'à condition de tout prendre en bloc et durent
dépasser le prix de cent écus par tête4. Mais les personnes de dis-
tinction n'avaient pas de prix fixe. Tout dépendait de l'impor-
tance qu'on semblait attacher à leur délivrance. En 1657, il fal-
lut débourser 30,000 livres pour trois Jacobins5 et en 1670
60,000 livres pour le gouverneur des Canaries6.
1. Tous ces détails ont été pris dans les Relations des Rédemploristes, qui
se suivent à intervalles rapprochés de 1612 à 1785, et s'accordent parfaitement
sur les points principaux.
2. A cet effet, quand une Rédemption devait partir, elle le faisait annoncer
d'avance, pour que les parents des esclaves pussent réunir les fonds néces-
saires. Voir un avis de ce genre dans la Gazelle, de France, 1033, p. 111.
3. Gazelle de France, 1644, p. 448.
4. ld., 1081, p. 428, et 1683, p. 82 et 93.
5. ld., 1657, p. 213.
6. Id., 1670, p. 93.
2g H.-D. I»E GRAMMONT.
Lorsque les rachats étaient terminés, chaque esclave ayant,
au moment du paiement, obtenu un certificat ou teskeret, il fal-
lait obtenir du Dey la permission de partir, et on était forcé de
l'acheter par de nouveaux présents. Souvent, au moment de
l'embarquement, on était arrêté par de nouvelles exigences; les
Puissances avaient acquis à bon compte quelques infirmes, dont
elles exigeaient le rachat immédiat. Il fallait alors que les Pères
empruntassent à gros intérêts' la somme nécessaire, ou qu'un
d'eux engageât sa propre personne. Enfin, le passeport était signé
et le jour de départ arrivé. Dès le matin, le Consul conduisait
chez le Dey tous les partants : les rédimés étaient examinés,
comptés un à un, et c'était à ce moment que les Rédemptoristes
devaient payer les droits de sortie. Ils étaient énormes, et rien ne
peut mieux donner une idée de l'avarice turque que le tableau
suivant. Il fallait donner :
Au Pacha (ou au Dey) 10 OjO du rachat total, plus 15 piastres,
dites Caftan du Pacha.
Aux Khodjas, 20 livres.
Au Chaouch, 3 livres 12 sols.
Au service du sceau, 4 livres 16 sols.
Au Drogman, 24 sols.
A l'Agha, 20 livres.
Pour l'entretien de la Casbah, 40 livres 16 sols.
Pour celui des Mosquées, 7 livres 4 sols.
Pour celui du môle, 3 livres 12 sols.
A l'Amiral, 1 OjO du rachat total, plus 7 piastres comme capi-
taine du port.
Au fermier du port, 2 livres 8 sols.
A l'Odabachi, visiteur du navire, 2 livres 8 sols.
Au gardien du port, 2 livres 8 sols.
Au Drogman de la nation, 2 livres 8 sols.
Au gardien du dernier bagne occupé, 2 livres 8 sols.
Au Khodja des Teskeret, 3 livres 12 sols.
Cela fait, la petite troupe se dirigeait vers le port, soigneuse-
ment escortée, pour que personne ne s'introduisît dans ses rangs.
C'était peut-être le moment le plus pénible pour les missionnaires,
qui avaient à endurer à la fois les injures de la populace et les
1. D'Aranda dut emprunter l'argent qui lui était nécessaire à 25 pour cent.
(V. Rehdion, il. <•., p. 46.)
ETDDES ALGÉRIENNES. 29
plaintes de ceux qu'ils étaient forcés de laisser dans les fers. Enfin ,
on arrivait : le navire était visité avec soin par des agents char-
gés de s'assurer qu'aucun fugitif ne s'y était caché, ce qui eût
entraîné la confiscation du tout; il y avait encore là une source
d'avanies, et il fallait apaiser à prix d'or le zèle de ces enquêteurs.
A l'arrivée à Marseille, on devait, le plus souvent, endurer le
supplice de la quarantaine ; car il était rare que la traversée
s'accomplît sans qu'il y eût des décès à bord ; or, Alger était
toujours soupçonné d'être en état de peste, et la Provence avait
été si souvent et si cruellement éprouvée par le fléau que le ser-
vice de la santé s'y montrait fort exigeant. De là, on s'acheminait
à pied vers Paris, traversant toute la France, s'arrêtantdans les
moindres bourgades pour y faire des processions et des quêtes au
profit de l'œuvre de délivrance. La vue de ces misérables, déchar-
nés, hâves, couverts de leurs haillons de captivité, attendrissait
les cœurs et déliait les bourses mieux que n'eussent pu le faire les
exhortations les plus entraînantes. Les Pères ne négligeaient rien
pour donner de l'apparat à ces cérémonies, et l'on peut citer
comme exemple du genre la procession faite à Paris après le
retour de la Rédemption de 1634 et décrite par le P. Dan ' :
« Deux archers de la ville, ayans des hoquetons et des halè-
te bardes, et deux bedeaux avec eux, marchoient à la teste de la
« procession. Quatre-vingts confrères de Nostre-Dame-de-Bonne-
« Délivrance les suivoient pieds nus, deux à deux et revestus de
« leurs aubes. Ils avoient chacun une couronne de laurier sur la
« teste, et en la main un gros cierge de cire blanche, où, dans
« une ovale qu'on y avoit attachée, se voyoit peinte une croix
« rouge et bleue, entre deux branches de palmes. Les religieux
« marchoient après, séparez en deux chœurs, et suivis d'un assez
« bon nombre d'archers de la ville, en mesme équipage que les
« premiers.
« A cette dévote trouppe en fut jointe une autre de quarante
« jeunes enfans, qu'on faisoit attendre devant l'église des reli-
« gieuses de Sainte-Marie. Ils avoient de petits roquets de fine
« toille, avec une branche de laurier en main et une guirlande
« sur la teste. Près d'eux estoit un corps de musique, composé de
« plusieurs excellents chantres de Nostre-Dame et de la Sainte-
« Chapelle. Gomme ils eurent pris leurs ordres tous ensemble, ils
1. Histoire de Barbarie, d. c, p. Gi-66.
30 H.-l>- DE GRAMMOIÏT.
■ t'mviit droit à la porte Saint-Anthoine pour nous y recevoir et
• les captifs racheptez. Cependant il n'est pas à croire combien
• trouva grande la foule du peuple, qui accourut pesle-mesle
« de toutes parts pour voir cette procession, qui depuis la porte
« Saint-Anthoine jusques à l'église des pères Mathurins se fit voir
<v avecque l'ordre suivant :
« I. Les exempts de la ville marchoient les premiers, suivis de
« quatre archers et deux trompettes.
« II. Un archer, portant un grand guidon de camelot blanc où
« estoit peinte une croix rouge et bleue, avecque les armes de
« Nostre Saint Père le Pape et celles du Roy.
« III. Deux autres trompettes ayant, comme les premiers, des
« banderolles de camelot blanc, avec une grande croix rouge et
« bleue, bordée de frangettes rouges, blanches et bleues, et les
« cordons de mesme, selon l'ordinaire des guidons et des ban-
« nières de l'Ordre.
« IV. Deux bedeaux, qui devançoient la croix, après laquelle
«. alloient deux à deux les confrères de Nostre-Dame-de-Bonne-
« Délivrance, habillez comme j'ay dit cy-dessus, et suivis du pre-
« mier chœur des religieux.
« V. Les quarante jeunes enfans dont nous venons de parler.
« L'un d'eux portoit un guidon de taffetas blanc, où estoient
« peincts à genoux deux anges, tenans une croix rouge et bleue,
« avec ces mots pour devise : Redemptionem misit Dominus populo
« suo; et à ses costez il y en avoit deux autres, tenant le grand
« cordon du mesme guidon, auprès duquel estoient aussi deux
« archers.
« VI. Le corps des musiciens, suivy du dernier chœur des
« religieux.
« VIL Les quarante et deux captifs racheptez ; le premier des-
« quels, accompagné de deux frères convers de nostre Ordre, qui
« avoient aydé à les conduire de Marseille à Paris, portoit une
« bannière de damas blanc, où estoit peint d'un costé un ange
« revestu de l'habit de l'Ordre, tenant avec les bras croisez les
« chaisnes de deux esclaves, qui estoient à ses genoux, et de
« l'autre des religieux qui les racheptoient d'entre les mains des
« Turcs.
« VIII. Un autre captif au milieu de tous, qui se faisoit remar-
« quer par un guidon qu'il soustenoit, où estoient dépeintes les
« armes de l'Ordre, qui sont une croix rouge et bleue, ourrelée de
ÉTUDES ALGÉRIENNES. 3^
« huit fleurs de lys, en champ d'azur, ettymbrée d'une couronne
« Royale
« IX. Les révérends Pères députez pour la Rédemption des
« captifs et leurs associez, suivis de plusieurs archers. »
Peyssonel et Laugier de Tassy les accusent d'outrer la mise en
scène. « Il y en a (des captifs) qui ont la barbe jusqu'à la cein-
« ture et qui ont un air affreux. Les religieux ont soin de les
« empêcher de la couper, parce que, étant arrivés en Espagne, on
« y fait une procession solennelle, où les esclaves sont conduit s d<>
« deux en deux, avec leur barnus ou cape à la Mauresque, avec
« leurs barbes et chargés de chaînes qu'ils n'ont jamais portées.
« Ces figures mauresques, ces barbes et ces chaînes attirent la
« compassion du public, qui fait de grandes libéralités et jette des
« pièces d'or et d'argent dans des bassins qui sont portés par des
« gens de distinction, etc. ' . »
Quoi qu'il en soit, les services rendus n'en existaient pas moins,
et le bien n'était pas toujours aussi aisé à accomplir qu'on pour-
rait se l'imaginer. Il ne manquait pas de familles qui, après avoir
pris la douce habitude de gérer à leur profit le bien des captifs,
n'avaient aucun désir de les voir de retour. Nous en citerons
quelques exemples. En 1644, le P. Lucien Hérault, qui venait
d'Alger, présenta une procuration de la dame Renée de Sauzay,
née Jourdart, de Nantes, qui autorisait les Pères à prélever sur
ses biens la somme nécessaire à payer sa propre rançon, celle de
son frère, de son mari, et de sa servante Jeanne Fouché. La
famille se refusa à reconnaître l'acte comme valable, et l'Ordre
dut recourir au Parlement, qui décida, à la vérité, en faveur des
Trinitaires, mais avec tellement de lenteurs que le rachat dut être
opéré avant que le jugement n'eût été rendu2. En 1690, le jeune
Broglie adressait aux échevins de la chambre de commerce de
Marseille une lettre douloureuse, dans laquelle il se plaignait de
son oncle, qui, disait-il, s'était emparé de ses biens depuis qu'il
était aux mains des Algériens, et refusait d'en distraire la moindre
partie pour le libérer 3.
Le plus ancien rachat qui fut fait à Alger semble dater de 1539 ;
il fut effectué par les PP. Louis Scudère, d'Etampes; Jacques
t. Laugier de Tassy, d. c, p. 285.
2. V. l'abbé Orse, d'après les lettres de L. Hérault, d. c, p. 52.
3. Archives, d. c, AA, art. 507.
32 II.-I). DE GBAMMONT.
Vigneron, de Troyes; Robert Pranger et Alexandre, de Mor-
tagne : 54 esclaves furent délivrés et ramenés à Arras1.
11 nous reste maintenant à parler des rachats accomplis direc-
tement par les souverains de l'Europe. L'Angleterre en exécuta
quelques-uns, entre autres en 1646 2 et en 16603 ; nous n'en con-
naissons pas le détail. Les princes d'Italie, les rois de Suède et les
États de Hollande en firent à diverses époques, mais de peu d'im-
portance. En 1785, la France accomplit la rédemption de
306 captifs , moyennant une dépense de 189,350 piastres
1 039, 052 livres 17 sous 6 deniers). La cour de Versailles ne se
décida, après de longues hésitations, à cet acte, que dans des cir-
constances particulièrement dramatiques. La plus grande partie
des rachetés étaient des soldats français déserteurs d'Oran, où ils
avaient été prendre du service dans les troupes espagnoles.
Presque tous ces malheureux avaient été embauchés par des
recruteurs qui parcouraient le midi de la France et leur promet-
taient qu'ils seraient envoyés avec un grade supérieur au Mexique
et au Pérou, dont ils leur vantaient le climat et les richesses. Ceux
qui se laissaient prendre à cette grossière amorce étaient dirigés
sur Barcelone, embarqués en secret, et se réveillaient quelques
jours après à Oran, où la peste et la nostalgie faisaient parmi eux
des ravages épouvantables. Car, sans tenir compte de leur espoir
déçu, l'existence était atroce dans cette petite place, hors de
laquelle on n'osait pas hasarder un pas4. Ils désertaient donc par
grandes bandes, et ne tardaient pas à tomber entre les mains des
Arabes ; les moins malheureux étaient menés à Alger, dans le
bagne du Beylik. Là, ils n'avaient aucun espoir d'être délivrés ;
car ils avaient perdu leur qualité de Français par la première
désertion et celle de soldat du Roi d'Espagne par la seconde. Ils
arrivèrent vite à un tel état de désespoir qu'ils ourdirent un com-
1. Documents espagnols sur la Rédemption. (Douai, 1594, in-8°.)
2. Gazette de France, 1646, p. 1171.
3. ld., 1060, p. 370.
4. Le général Alava, ancien ambassadeur d'Espagne à Paris, visitant Ceuta
dans sa jeunesse, voulu! mouler sur le rempart de cette ville pour examiner
la campagne; un vieil officier le retint, lui lit élever son chapeau au bout d'un
fusil, et aussitôt un coup de fusil partit des broussailles extérieures. « Souve-
< nez-vous qu'ici, dit l'officier, toutes les fois qu'un Castillan se montre, il se
« trouve un Arabe pour l'ajuster. » (Castellane, Souvenirs de la rie militaire
en Afrique, p. 267.) Ce qui se passait à Ceuta en ce moment se reproduisait
dans toutes les places occupées par l'Espagne, depuis qu'elle avait adopté le
déplorable système de 1 occupation restreinte.
ETUDES ALGERIENNES. 33
plot pour massacrer le Vicaire Apostolique, le Consul et les rési-
dents français". Le premier devint, en effet, leur victime, reçut
trois coups de poignard et ne fut sauvé que par miracle. Ce fut
cependant ce même P. Cosson qui, de retour à Paris, intercéda
pour eux et finit par attendrir Louis XIV sur leur sort. Ce rachat
fut le premier2 et le dernier fait par l'Etat.
V.
Malgré le zèle qu'apportaient à leur mission les racheteurs
d'esclaves, les résultats obtenus étaient presque insignifiants, si
l'on tient compte des besoins à satisfaire. Quand nous consultons
les documents fournis par les Ordres de Rédemption3, nous cons-
tatons que la moyenne des captifs rachetés est d'environ 200 par
année; encore ce chiffre ne peut-il s'appliquer qu'aux xvie et
xvrie siècles. Bien autrement considérable fut le nombre de ceux
qui furent ravis à leurs maîtres et rendus à la liberté de vive
force. A ce point de vue, on peut affirmer que les chevaliers de
Malte furent les plus grands des Rédemptoristes et que leur
secours fut le plus efficace de tous. A leur suite viennent les ami-
raux génois et vénitiens, les Doria et les Grimaldi, les Capello,
Morosini, Mocenigo, Foscolo ; les Français de Valbelle, Gabaret,
Pol, d'Amfreville et mille autres, qui, sans cesse parcourant les
mers, font subir aux Barbaresques des pertes cruelles et arrachent
au banc de la chiourme les forçats chrétiens. Peu de semaines se
passaient sans que les Maltais ne s'emparassent d'un navire ou
deux4, et l'on peut apprécier la quantité de gens qu'ils arrachèrent
à leurs fers en apprenant qu'ils faisaient plus de prisonniers
musulmans qu'il ne leur en fallait pour le service de leurs forti-
fications et de leurs galères5 et qu'ils en vendaient aux marines
1. « Puisqu'il n'y a rien à espérer, liions, massacrons, exterminons I .Nous
« mourrons? Eh bien, nous ne souffrirons plus. Tel est leur langage de tous
les jours, de tous les moments. » (Lettre du consul Langoisseur de la Vallée
a .M. h- ministre de la marine, Alger, 20 novembre 1781.)
2. En effet, le rachat effectué par Sanson Napollon, duquel nous avons parlé
pins haut, n'avait pas été traite an nom du Roi, mais des communautés de
Marseille, Toulon, Martiguçs, Six-Fours, etc.
3. Voir le Tableau des Rédemptions /'ailes, etc., d. c.
■i. Si l'on compulse la collection de la Gazette de France et celle du Mercure
français, on trouve presque à chaque page le récit d'une de ces prises.
5. V. une vente de 500 Turcs faite au grand duc de Toscane en 1G34, et une
Rev. Histor. X.XYII. i« fasc. 3
;{', II. -D. DE f.IUMMONT.
d'Italie, de France et d'Espagne. Or, on peut affirmer que, lors-
qu'un navire d'Alger était capturé, le nombre des captifs délivrés
ègalail en général celui des corsaires pris 4 . Il est, du reste, facile
de constater l'écart entre les deux modes de délivrance, en con-
sultant le relevé des rédemptions opérées pendant les trois années
consécutives 1634, 1635 et 1636, et en les comparant aux libé-
rations dues à des coups de main heureux2. Dans ce laps de temps,
les religieux rachetèrent 144 esclaves et les vaisseaux de guerre
en délivrèrent plus de 1,600 3.
Dans le seul combat de la Velone4, l'amiral Capello procura en
quelques heures la liberté à 3,634 esclaves. En s'empara nt de
Salé, les Anglais en délivrèrent d'un seul coup 2,600 5 et s'en
firent rendre un grand nombre les années suivantes. Mocenigoen
recueillit plus de 500 après son combat naval de 1651 6 et tout
autant au moins en 1659 7. Morosini en ramena 600 en 1653 8 et
500 en 16559. Ruyter J50010 en 1656 et un millier dans les croi-
semblable l'année suivante. (Gazette de France, 1634, p. 581, et 1635, p. 125.)
— V. encore la Correspondance administrative sous Louis XIV, t. II, p. 888,
940, etc.
1. Sur les galères, la proportion était des trois quarts, c'est-à-dire qu'il y
avait trois cents rameurs chrétiens pour cent soldats turcs. Sur les vaisseaux
à voiles, la proportion se renversait.
2. Nous avons pris ces trois années au hasard, et nous eussions pu avoir des
résultats bien plus concluants si nous en avions eu besoin.
3. En 1634, les PP. de la Mercy ramènent 100 captifs (Gazette, p. 185); les
Maltais en délivrent 350 (p. 256 et 374) ; les gardes-côtes du Brouage, 250 (p. 329);
le chevalier Garnier, 50 (p. 515); les galères de Sicile, 50 (p. 569); les cheva-
liers de l'ordre de Saint-Étienne, 50 (p. id.).
En 1635, les Tiïnitaires ramènent 44 captifs (Gazette, p. 280); les Maltais en
délivrent 100, et les chevaliers de Saint-Étienne, 200 (p. 446).
En 1636, les Maltais en délivrent 300 et la Hotte française 250.
Tous ces chiffres sont des minima.
4. V. le Mercure français, t. XXII, p. 367, et la Gazette de France, 1638,
p. 429, etc. — La flotte algérienne fut écrasée; elle se composait de 16 galères
et 2 brigantins ; tous les navires furent pris ou coulés à fond.
5. Gazette de France, 1637, p. 648, 714, 730. Ils prirent en outre 14 grands
vaisseaux et brûlèrent beaucoup de galères et de galiotes.
6. Id., 1651, p. 1057. Morosini coula à fond 6 grandes galères d'Alger et de
Tunis, (|iii ne lurent pas soutenues par les autres, dont le Capitan-Pacha vou-
lait faire décapiter les Reïs.
7. Id., 1657, p. 590; il brûla 10 vaisseaux d'Alger et nombre de barques; les
Turcs perdirent plus de mille combattants.
8. Id., 1650, p. 217.
9. Id., 1655, p. 610. Le combat eut lieu près de Ténédos.
10. /'/., 16">6, p. 31 et 55. Ruyter coula 14 vaisseaux d'Alger, en prit 4 et ins-
pira aux Algériens une profonde terreur.
ETUDES ALGERIENNES. 35
sières qui forcèrent Alger à respecter pendant quelques années le
pavillon Hollandais. Qu'était-ce encore que cela, auprès de la
bataille de Lépante1 qui avait délivré plus de 12,000 rameurs
chrétiens, et de la prise de Tunis par Charles V, qui y avait
trouvé plus de dix mille captifs 2 !
Il résulte donc de ce qui précède que l'emploi de la force était
la meilleure solution de l'esclavage , puisque les rédemptions
étaient insuffisantes et les conventions impuissantes. A la vérité,
chaque fois qu'on traitait après quelque succès obtenu, chaque
nation exigeait la reddition de ses sujets ; mais l'exécution de cette
clause se faisait avec beaucoup de mauvaise foi et avec des len-
teurs justifiées par la répugnance qu'éprouvaient les particuliers
à remettre aux mains du Beylik ce qu'ils considéraient comme
leur bien personnel. Les souverains européens, ne comprenant
pas que le Dey n'était aucunement le maître chez lui3, faisaient
retomber sur sa tête la responsabilité de ces retards, manifestaient
des exigences impossibles à satisfaire4, et ne lui laissaient d'alter-
native qu'entre une rupture et une insurrection qui lui eût coûté
la vie5. Le choix du chef de la Régence ne devait pas être douteux,
et, pour qu'un résultat quelconque pût être atteint, il fallait que
la population eût été terrifiée par la dureté de la répression. Ce
fut ainsi qu'après la croisière du duc de Beaufort et les bombar-
dements de Duquesne et du maréchal d'Estrées, M. Trubert,
1. Quelques historiens ont porté le nombre des captifs délivrés a plus de
20,000; le fait est que les Turcs perdirent 130 galères de 15 à 20 bancs de
rameurs, ce qui lait une moyenne de 300 rameurs par galère; mais beaucoup
de bâtiments durent sombrer, corps et biens.
2. \Snc grande partie de ces captifs, six mille environ, ne contribuèrent pas
médiocrement au succès de Charles V. Aussitôt que la brèche fut ouverte, ils
s'insurgèrent, sous le commandement du brave Paul Siméon, l'un d'entre eux,
et facilitèrent par leur révolte les opérations des assiégeants. Quelques années
plus tard, Barberousse retrouva devant lui Paul Siméon, qui le contraignit à
abandonner le siège de Nice. (V. les Illustres Captifs, d. c, liv. III, chap. xvi.)
3. V. les paroles que le Dey Hadj'-Mohammed-Treki adressa a Jean Foy-
Vaillant en lui rendant la liberté : « Je voudrais bien renvoyer tes compa-
gnons, mais je ne suis pas le maître ici comme ton Roi l'est chez lui. »
[Voyages de Spon, d. c, t. II, p. 15.)
4. C'est ainsi qu'on demandait compte au Dey du pillage de navires échoués
sur les eûtes du Dahra et de la Kabylie, à des endroits où jamais un Turc
n'avait osé mettre les pieds.
5. A rapprocher de la réponse que fit le Dey Chaban à M. Lemaire, consul
français, qui lui réclamait une capture et voulait faire punir les délinquants :
o Je n'ai qu'une tète et je tiens à la conserver. »
36 ff>D. DE GftAHMONT.
commissaire de la marine, le marquis de Martel et le chevalier de
Tourville se firent rendre environ trois mille prisonniers1. En
définitive, le système des croisières permanentes, si justement
préconisé par saint Vincent de Paul, était le seul qui eût pu don-
ner des résultats sérieux, et tout le monde était d'accord à ce
sujet; mais le mauvais état de nos finances, les guerres avec
l'Angleterre et la Hollande amenaient forcément des interrup-
tions, et, dès lors, tout était perdu. Aussitôt délivrés de la crainte
des escadres royales, les pirates couvraient la mer et compensaient
rapidement leurs pertes par des prises qui leur étaient rendues
d'autant plus faciles que nos bâtiments revenaient sans défiance,
bondés de marchandises, des ports du Levant2. Tout cela amenait
une grande émotion dans les villes commerçantes du Midi, et
surtout à Marseille, qui était plus particulièrement éprouvée. Des
doléances et des supplications étaient adressées au Roi ; le sens
général en était que, dans l'intérêt de la marine marchande, il
serait bon d'adopter un modus vivendi avec les Algériens, dût-
on l'acheter au prix de quelques compensations pécuniaires, que
le commerce s'offrait à fournir. Ce système, longtemps repoussé
pour des raisons de dignité, finit par prévaloir et fut inauguré par
le Consul René Lemaire, en 1689, malgré l'opposition jalouse des
Anglais et des Hollandais, qui eussent voulu s'emparer du trafic
de la Méditerranée3. Depuis cette époque jusqu'en 1792, la France
vécut donc avec Alger sous un régime assez singulier, n'ayant
renoncé officiellement à aucun des droits que lui conféraient les
traités, mais secrètement décidée à ne pas transformer les infrac-
tions en un casus belli. Il fallut que les Consuls, pour obtenir
justice, s'ingéniassent à se rendre agréables de leur personne aux
1. V. la Gazette de France, 1667, p. 317 et 1138; id., 1668, p. 813; id., 1679,
p. 287 et 321; id., 1683, p. 373-384; id.,.1684, p. 457-468; id., 1688. p. 518.
2. Pour ne citer qu'un exemple, nous rappellerons que, six semaines après la
ruplure du 18 octobre 1681, une lettre, datée du 29 novembre, nous apprend
que les Algériens ont capturé, dans ce court espace de temps, vingt-neuf navires,
trois cents esclaves, el fail subir au commerce des pertes estimées à 250,000 écus.
Revue africaine, 1882, p. 396.)
3. On lit dans la Gazette de France, Paris, 22 octobre 1687, p. 518 : « La
« paix a été conclue le 25 septembre avec Alger, aux conditions imposées par
a le Roy, malgré les intrigues des Anglois, qui ont, à ce sujet, distribué plus
t de vingl nulle piastres aux soldats. » Et, en janvier 1690 : « Le nouveau Dey
« a confirmé le traité du 25 septembre, malgré les intrigues des consuls anglois
i el hollandois, qui vonloient qu'Alger continuât la guerre contre nous; mais la
" milice ne le veut pas. »
EUDES ALGÉRIENNES. 37
Deys et aux Puissances; cette obligation nécessita des dépenses,
en amenant l'usage onéreux des Dottatires, dont nous avons eu
déjà l'occasion de parler. La lutte d'influence entre les nations se
fit dès lors au moyen de ces présents, qui devinrent de plus en
plus riches, et, par cela même, de plus en plus sollicités. A ce
moment, il eût suffi d'un effort simultané des marines européennes
pour se soustraire au joug et anéantir à jamais l'esclavage bar-
baresque; mais comment espérer cet accord, lorsque nous voyons
la Hollande, après avoir été la première à provoquer une action
commune, s'empresser d'écarter de la ligue future les villes anséa-
tiques, de peur de créer des concurrents à son commerce * ?
Nous ayons vu précédemment qu'à partir du commencement
du xvnf siècle, la course avait suivi une diminution progressive
et tendait à disparaître ; l'esclavage, au moins en ce qui concerne
les Européens, suivit la même marche ; et quand, à la suite des
traités de 1815, la pacification de l'Europe permit à l'Angleterre
et à la Hollande de venger les vieux griefs par l'expédition de
lord Exmouth et de l'amiral Van Capellen, les vainqueurs ne
trouvèrent à se faire restituer que 5 ou 600 captifs, dont la plu-
part avaient été pris à la suite de naufrages. Quand les Français
conquirent la Régence en 1830, ils ne rendirent la liberté qu'à
400 prisonniers au plus2 ; les bagnes étaient déserts, et les rares
Rédemptoristes restés à Alger ne trouvaient presque plus d'occa-
sions d'exercer leur généreux dévouement.
H.-D. de Grammont.
1. On lit dans la Gazette de France, 1664, p. "226, lettre datée de La Haye,
28 février : i Nos États vont inviter quelques princes à se liguer contre les
• corsaires de Barbarie, le projet esl dressé) chacun de nos alliés entretiendra
« pendant >i\ ans douze navires; on ne pourra traiter que tous ensemble, etc. »
Kl pins loin, p. 3j0, La Haye, 3 avril : « Les résidents des villes anséatiques
« avaient offert aux Etats 50,000 florins par an, pendant trois ans, pour que
i les bâtiments de Hambourg fussent compris dans le traité avec la Barbarie-,
♦ le Collège de l'Amirauté d'Amsterdam a refusé, à cause qu'une telle protec-
' lion augmenterait le commerce de ses marchands et diminuerait le nôtre. »
'2. Je n'ai pas pu. en dépit de mes recberebes, trouver de chiffres officiels;
mais les témoins oculaires (Quatrebarbes, Barcbou de Penhoël, .Merle, etc.) ne
parlent rpie des équipages du Silène et de VAstrée, et d'environ cent cinquante
captifs grecs, italiens et espagnols.
LA
MISSION DU PÈRE JOSEPH
A RATISBONNE
1630.
L'empereur Ferdinand II avait convoqué à Ratisbonne pour le
3 juin 1630 les électeurs du Saint-Empire. Rarement le collège
électoral s'était réuni dans des circonstances aussi graves et pour
prendre des résolutions aussi importantes. Ce qui devait sortir
de cette assemblée, ce n'était rien moins que la consécration ou
la condamnation des abus de pouvoir et des prétentions chimé-
riques de l'empereur, le triomphe ou l'échec de la politique de
famille, la réconciliation des intérêts et des croyances contre les
ennemis de la maison d'Autriche ou pour la défense de la vieille
constitution germanique. Ferdinand en attendait le couronnement
de son ambition, les électeurs la satisfaction de leurs griefs. Le
premier comptait en obtenir la survivance de la dignité impériale
pour son fils et un concours armé contre les ennemis de sa maison,
les seconds y voyaient un moyen de mettre un terme à l'arbitraire
des cantonnements et des contributions militaires et de sauvegar-
der leur indépendance menacée. L'issue de l'assemblée n'impor-
tait pas moins, on le voit, à la France qu'à l'Allemagne, et
Richelieu n'en avait pas attendu la convocation pour s'efforcer
de faire naître chez les électeurs des dispositions contraires aux
vues de l'empereur. C'était la tâche à laquelle, l'année précé-
dente et au commencement de cette année, Charnacé, Marche-
ville, Masson avaient successivement travaillé, et Ceberet, notre
résident à Vienne, puis l'évêquede Scithie, suffragant del'évêque
de Toul, avaient reçu mission d'agir dans le même sens sur les
électeurs réunis à Ratisbonne. Mais, pour défendre les intérêts de
la France dans des circonstances aussi graves, il fallait des agents
la missiov DU r. JOSEPB l iiatisbowe. 30
d'une capacité supérieure; le cardinal choisit Brulart, prieur de
Léon, notre ambassadeur en Suisse, et un capucin qui, tour à
tour ministre dirigeant1 et négociateur, quittant le conseil et le
cabinet pour les missions diplomatiques, concourait souvent lui-
même à L'exécution des plans politiques qu'il avait conçus : nous
avons nommé le Père Joseph.
Le P. Joseph se sépara du cardinal à Grenoble le 2 juillet2.
Le 9 il rejoignait Brulart, à Soleure3. Au moment où il y arriva,
il trouva les Suisses fort inquiets. Le bruit courait que les Impé-
riaux, déjà maîtres des Grisons, avaient formé le dessein de s'em-
parer des passages entre la Suisse et l'Italie, et notamment
d'Urseren et de Bellinzona. L'occupation de ces passages devait
avilir pour conséquence d'intercepter les communications par
terre entre la France et l'Italie. En nous fermant l'entrée de ce
les Impériaux auraient du même coup réduit les Suisses à
la dépendance ou à une ruineuse défensive. Brulart avait signalé
le danger aux trois cantons d'Uri, de Schwitz et d'Underwald,
dont dépendaient Urseren et Bellinzona, et les avait pressés de
mettre les lieux menacés à l'abri d'une surprise. C'est ce qui avait
été fait ; les trois cantons directement intéressés avaient requis
l'assistance de celui de Lucerne, celui de Soleure avait spontané-
ment offert la sienne et la diète de Bade4 avait réglé la mesure
dans laquelle chaque canton devait participer à la défense com-
mune. Les trois premiers avaient en outre fait appel au concours
] -truiiiairede la France. Ce fut sur ces entrefaites que le P. Joseph
arriva à Soleure. Après s'être fait rendre compte de la question,
il proposa à Bichelieu, d'accord avec l'ambassadeur, de faire
occuper Urseren et Bellinzona pendant trois mois par une garni-
son de trois cents hommes, dont l'entretien coûterait à la France
1,800 écus par mois5. Al'appui de cette proposition, le P. Joseph
adressa au cardinal une dépèche, où il faisait valoir l'importance
1. Voy. Appendice, no 1.
2. DéptVhe du P. Joseph à d'Avaux, signée Chrysogone, l'un des nombreux
■Oins de guerre du P. Joseph. De l'écriture de son compagnon et secrétaire
habituel, le P. Ange de Mortagoe, qui passe pour être la sienne m^mc Arch. des
Ail. ftrang. Suisse, XXVII, f. 138. Lepré-Balain, Biographie ms. du P. Joseph,
en la possession de l'auteur, p. 392.
3. Lepré-Balain, ibid.
4. Bade en Argovie.
5. Advis de M. de Léon. Vers mav {lisez : juillet] 1630. Aff. élrang. Suisse,
XXVII, fol. 118.
',11 G. FAGNIEZ.
de ces positions et l'influence que leur occupation par la France
devait exercer sur la conclusion de l'alliance projetée entre le roi,
les cantons catholiques, les Grisons et Venise. Il faisait remarquer
que le défilé commandé par Urseren, et qui était l'unique pas-
sive de Suisse en Italie parleSaint-Gothard, était si étroit, qu'il
su disait de cent cinquante hommes pour en être maître, que la
communication entre Urseren et Bellinzona était très facile et que
rien ne pouvait y mettre obstacle, que de cette dernière ville on
pouvait s'avancer par le territoire suisse jusqu'à deux lieues de
Corne et jusqu'à une journée de Milan, qu'il était aisé de passer
dans la vallée de Mesocco, seule partie des Grisons qui eût
échappé à l'invasion allemande, qui ouvrait l'accès de Chia-
venna, était voisine de Riva et du fort Fuentes, et donnait la clé
des Grisons du côté de l'Italie. Les défilés commandés par Urse-
ren et Bellinzona se trouvant dans le canton d'Uri et tout près
des cantons de Sclrwitz et d'Underwald, leur possession par la
France était de nature à détacher ces trois cantons de l'alliance
de l'Espagne, que leur proximité du Milanais les avait forcés de
subir. La crainte d'une entreprise des Impériaux sur ces positions
était faite pour favoriser la formation de la ligue entre le roi, la
sérénissime République, les Suisses et les Grisons. Brulart avait
signalé toutes les difficultés que devait rencontrer ce projet, mais
le P. Joseph l'avait convaincu que sa réalisation ne dépendait
plus que des Vénitiens1. Le 20 juillet, dans une dépêche écrite de
Constance, où il était arrivé le 18, le P. Joseph insistait auprès
du cardinal sur la nécessité d'accorder aux cantons la garnison
de trois cents hommes qu'ils demandaient; le danger paraissait
écarté pour le moment, mais il fallait assurer l'avenir2. Le succès
de la ligue lui était aussi fort à cœur ; en même temps que cette
dépêche, il envoyait à Richelieu des considérations sur ce sujet et
un projet de traité de la plus haute importance. Il ne s'agissait de
rien moins en effet que d'empêcher le renouvellement de l'alliance
des cinq cantons catholiques et de celui de Fribourg avecl'Espagne,
de substituer dans cette confédération Venise, notre alliée, à notre
ennemi héréditaire, d'y faire entrer les autres cantons et leurs
alliés et combourgeois et d'arriver à l'affranchissement des Gri-
1. Dépêche du P. Joseph à Richelieu. Solaire, 13 juillet 1630. AIT. étrang.
wvil, fol. 140.
2. au. étrang. AJlemagne, vil, fol. 73.
LA MISSION !H P. JOSEPH \ lUTISIiON'NK. 'l \
sons, dont l'indépendance serait garantie parles confédérés. D'où
pouvaient venir les objections contre ce projet? Ce n'était pas des
cinq, auxquels la République servirait leurs pensions, comme le
t'aisail l'Espagne, et assurerait son assistance en cas d'attaque,
ce n'étail pas dc< Suisses en général, ni de leurs confédérés, qui
devaienl se féliciter d'avoir pour allié, au lieu de l'Espagne, tou-
jours ardente à les compromettre dans sa querelle avec la France,
un Etat connu par sa prudence et son amour 'de la paix; ce ne
pouvait être enfin la République, au profit de laquelle il semblait
avoir été conçu, puisqu'il lui donnait des soldats et lui promettait
la réouverture de ses communications avec la Suisse le jour où les
sons seraient délivrés de leurs garnisons espagnoles. Quant à
la France, le P. Joseph a'avait garde, comme on peut croire,
d'oublier ses intérêts et, dans l'hypothèse improbable d'une guerre
avec la République, il insérait dans son projet une clause stipu-
lant que l'alliance des Suisses et de Venise ne pourrait préjudiciel'
à l'alliance contractée en 1521 entre la France et les cantons et
renouvelée pour la dernière fois en 1602, et que ceux-ci seraient
déliés de leurs obligations envers la République si l'exécution de
ces obligations devait faire tort à la France. L'influence que les
Vénitiens avaient sous le feu roi cherché à prendre chez les Gri-
sons avait, il est vrai, fort mal tourné pour la France, car elle
avait fourni a l'Espagne le prétexte d'une intervention qui avait
mis les Grisons dans sa dépendance, mais le mal que les Vénitiens
avaient fait, ne fallait-il pas les mettre à même de le réparer l ?
Malheureusement le P. Joseph ne réussit ni à sauver les pas-
sages menacés, ni à former entre Venise, les Suisses et la France
cette confédération dont il avait arrêté les conditions et dont il
aitfail l'avocal passionné. Nerecevaht d'assistance pécuniaire
ni des autres cantons, ni de la France, ni de la République, les
contons forestiers ne purent soutenir les frais de l'occupation des
passages et les évacuèrent, ce qui permit aux Impériaux de s'en
emparer. D'un autre côté, la pusillanimité de Venise, à laquelle
le langage de ses représentants avait d'abord permis d'attribuer
1. Projet des articles qui peuvent rire principalement considères en ce
traité, Bans autre date que l'année 1630, inscrite au dos. mais rédigé vers le
20 juillet, puisque le P. Joseph en annonce l'envoi à Richelieu dans sa dépêche de
cette date. Ait', étrang. Venise, vol. 48 (1629-1632), supplément. — Considéra-
tions sur le projet d'alliance entre la France, Venise, les Suisses et les Gri-
sons. Sans antre date que l'année, mais évidemment dicté à la même époque.
Ibidem.
|2 G. FÂGNIEZ.
des sentiments plus énergiques, se refusa à une alliance qui pou-
vait la compromettre avec l'Empire1.
De Constance, l'ambassadeur et le P. Joseph écrivirent à
Wallenstein pour obtenir un sauf-conduit. Les soldats que celui-
ci taisait passer en Italie rendaient peu sûr le voyage de Cons-
tance à Ratisbonne. Le duc de Friedland envoya son premier
chambellan à leur rencontre, jusqu'à trois journées de Memmin-
gen, où il se trouvait2 et où ils arrivèrent le 23 juillet3. L'accueil
le plus flatteur les y attendait4. Durant leur séjour, ils virent trois
fois le grand condottiere, qui eut en outre deux entrevues parti-
culières avec le P. Joseph5. Aucun d'eux n'a rendu compte dans
sa correspondance de ces entretiens, Wallenstein atteste seulement
dans une lettre à l'archiduc Léopold les dispositions pacifiques
qu'il remarqua chez ses interlocuteurs6. Mais, à défaut de rensei-
gnements authentiques, on peut se faire une idée des conversations
du P. Joseph et de Wallenstein par ce qu'en rapporte le biographe
du premier. La précision et l'exactitude avec lesquelles Lepré-
Balain a déterminé l'itinéraire et les circonstances du voyage de
son héros, les communications qu'il a reçues de l'inséparable
compagnon de celui-ci, le P. Ange de Mortagne, donnent une
grande autorité à son témoignage. On peut considérer ce qu'il dit
à ce sujet comme l'écho des confidences du P. Joseph. Il y avait
entre les deux hommes si singuliers qui se rencontraient à Mem-
mingen des analogies de nature et d'idées qui devaient les mettre
tout de suite à l'aise l'un avec l'autre, les amener insensiblement
aux longs épanchements, aux confidences intimes. Tous deux
1. Amtliche Sammlung d. eidgenœssischen Abschiede, V, Abth. 2, p. ,627, 632,
633, 634, 665, 1875, 187G. Inventaire de la correspondance de Richelieu par
l'abbé Legrand (?). Aff. étrang. France, 1630, vol. 11 (nouv. 250), fol. 280.
Dépêche 'In P. Joseph à d'Avaux, 19 août 1630. Allemagne, VII, fol. 86. Dépêche
.1.' d'Avaux à Bouthillier. Venise, 7 sept. 1630. Aff. étrang., vol. 49, à la date.
Dépêche de Brulart, 21 août 1630. Aff. étrang. Allemagne, VII, fol. 88.
2. DépiVIie précitée du P. Joseph à Richelieu, Constance, 10 juillet 1630. Dé-
pêche de licmlliillirr à Richelieu, juillet 1630. Aff. étrang. France, 53, fol. 330.
pré-Balain, p. 394. C'est par un lapsus que ce biographe a écrit août au
lieu il'- juillet.
i. Dépêche de Contarini, Lyon, 28 août 1630. Bibl. nat., Filza 78, p. 182.
Rapport mii ce qui se passe en Allemagne, adressé sans doute par M. Mesmin,
non daté, mais écrit en 1G30. Aff. étrang. Allemagne, VII, f. 80. Lepré-
Balain
5. Lcpré-Balain, 304-395.
6. Uemmingen, 25 juillet 1630. Dans Ilurter, Zur Gesvhichte Wallensleins,
in-v Schaflfhausen, 1«G5, p. 359-360.
LA MISSION DU P. JOSEPH A RATISBONNE. 43
avaient des conceptions vastes et en partie chimériques, tous
deux rêvaient un ordre de choses dont mille obstacles les sépa-
raient, où l'un faisait une large part à son ambition personnelle,
qui reposait pour l'autre sur l'unité de croyance, l'expulsion des
infidèles, la conquête des lieux saints. Les sentiments qui leur
étaient communs étaient plus nombreux que ceux qui les divi-
saient. Wallenstein voulait affranchir l'empereur des entraves de
la vieille constitution germanique et le rendre aussi absolu que le
roi très chrétien ; le P. Joseph venait affaiblir les liens de dépen-
dance qui unissaient les électeurs au chef du Saint-Empire, mais
le but du premier ne différait pas autant qu'on le croirait de
celui du second, car le duc de Friedland ne voulait étendre l'auto-
rité impériale que pour pouvoir exercer sans obstacles son com-
mandement, et il se promettait bien de faire payer à l'empereur
par un démembrement de ses Etats héréditaires le service de l'avoir
mis au-dessus des lois. Ami du duc de Nevers, il pensait qu'on
devait le laisser jouir en paix de son héritage et diminuer le
nombre des ennemis de l'Empire en donnant satisfaction à la
France1. Ses griefs contre Spinola, la crainte de la peste contri-
buaient encore à lui inspirer de l'éloignement pour la guerre
d'Italie2. Enfin il rêvait la conquête de Constantinople3. Cet
accord de vues et d'aspirations explique comment, dans l'abandon
de conversations intimes, il se laissa entraîner à révéler à son
interlocuteur le dessein de se créer en Allemagne une situation
indépendante, à l'abri des revirements de la faveur impériale, et
comment, dans l'espoir d'une paix prochaine, il lui promit de
suspendre l'entrée de son armée en Italie4. Que l'on songe aussi à
t. C. Wittîch, Wallenstein u. die Spanier, dans les Preussische Jahrbiichcr,
année 18G8, XXI, p. 416.
2. Tbid., p. 129.
3. Itanke, Geschichle Wallensteins, y éd., p. 12ô. Arelin, Wallenstein. Bei-
traege zur neeheren Kenniniss seines Charakters, seiner Plaene, seines Verhaelt-
:h Bayent. Mûnchen, 1845, in-'r, p. 72. Lepré-Balain, 39.").
4. a Le 25... le sr de Léon et le P. Joseph furent an malin prendre congé <!n
duc de W. el retint encore le P. J., à qui il se découvrit entièrement touchant les
grands desseins qu'il avoit de se rendre puissant dans l'Allemagne, puis de faire
la guerre an Turc, de quoi il avoit une passion extrême Ils se séparèrent
en resolution de prendre les moiens pour faire réussir cette généreuse entre-
prise, ce duc lui promettant d'écrire à l'empereur et à ses ministres de lionne
sorte, pour faire la paix en Italie et bien unir la maison d'Autriche avec la
France pour ruiner les iniidelles, ce qu'il lit, leur otant les ombrages qu'on
leur avoit donné des intentions du roi et du cardinal. Il obtint de lui qu'il
14 G. FA G NIEZ.
son humeur aventureuse et téméraire, au dédain fataliste de la
prudence vulgaire que lui inspirait sa merveilleuse fortune, à
l'indépendance avec laquelle il disposait de son armée, et l'on ne
trouvera invraisemblable ni sa confidence, ni sa promesse1.
Le 25 juillet, le P. Joseph et Brulart prirent congé de Wal-
lenstein8 et le lendemain ils étaient à Ulm. Le 27, le capucin
s'embarqua sur le Danube et vint coucher à Donauverth. Ce fut
le 29 qu'il arriva à Ratisbonne où le prieur de Léon le rejoignit le
lendemain3.
Que venait-il y faire, quel langage allait-il y tenir? En d'autres
termes, quels étaient ses pouvoirs et ses instructions ? C'est la pre-
mière question qui se pose lorsqu'on doit retracer et apprécier le
rôle d'un négociateur, et cela est d'autant plus nécessaire ici que
l'histoire n'est pas fixée sur la façon dont il a rempli sa mission,
qu'on se demande encore si le désaveu qui lui a été infligé a été
mérité ou si ce désaveu ne serait pas entré dès l'origine dans les
calculs de Richelieu et n'aurait pas été amené par la tournure
nouvelle des événements.
La position du P. Joseph à Ratisbonne était singulière. Ce
n'était ni un plénipotentiaire, puisqu'il n'avait pas de pouvoirs4,
ni, comme Richelieu voudrait le faire croire5, un simple docteur
placé auprès de l'ambassadeur extraordinaire pour l'assister de ses
conseils, puisqu'il était accrédité auprès de l'empereur6. Il avait
retarderoit son arrivée dans les postes qu'elle avoit et qu'il ne la feroit point
passer dans l'Italie jusques à ce qu'ils eussent traité avec l'empereur... ce
qu'effectivement il acomplit... » Lepré-Balain, 395.
1. Il faut ajouter que, dès cette époque, les desseins ambitieux de Wallens-
tein n'étaient plus un secret pour Ferdinand. Voy. une lettre de l'empereur au
P. Lamormaini et une autre de l'archiduc Léopold au même, dans Dudik, Cor-
respondenz K. Ferdinand u. seiner erlauchien Famille mit P. Becanus u.
P. Wilkelm Lamormaini K. Beichtvaslern. Wien, 1877. In-8", p. 244.
2. Lepré-Balain, 396. Lettre précitée de Wallenstein à l'archiduc Léopold.
3. Lepré-Balain, 396.
4. Il ne reçut pas de pouvoirs particuliers et il n'est pas nommé dans ceux
de Brulart en date du 28 juin. Aff. étrang. Allemagne, VIII, fol. 70.
5. Mémoires, coll. Michaud et Poujoulat, II, 291, col. 1 in fine.
6. On ne connaissait jusqu'ici ses lettres de créance que par l'abbé Richard,
llisl. de la vie du P. Joseph, éd. 1702, II, 82, auquel le P. Griffet les a
empruntées, <*l l'on pouvait des lors douter de leur authenticité. 0. Heyne
(Der Kurfûrslentag su llegensburg von 1630. Berlin, 1866, in-8°) la nie même
catégoriquement, mais nous 1rs avons trouvées et dans Lepré-Balain, p. 392,
el aux Archives de cour el d'Étal de Vienne, Friedensaclen, liasse9A. Le texte
d ou né par l'abbé Richard ne diffère presque pas du texte authentique.
LA MISSION DU P. JOSEPH A BÂTISBONNE. 45
qualité pour parler au nom du roi, il n'en avait pas pour l'enga-
ger. Il était officiellement subordonné à l'ambassadeur, mais sa
situation auprès du cardinal, son rôle dirigeant dans la politique
étrangère, sa réputation considérable, quoique équivoque , tout
donnai! à sa parole une autorité sans rivale, tout faisait de lui le
véritable organe du gouvernement français.
Quant à l'objet de sa mission, nous pouvons nous en rendre
compte par ses instructions et par celles de Brulart ; il est impos-
sible en effet de le séparer de celui-ci dans la partie de leur tâche
qui leur était commune. Les unes et les autres d'ailleurs sont
l'œuvre du P. Joseph, ce qui suffirait à établir qu'il avait la
direction des négociations. Celles qu'il dicta au P. Ange de Mor-
tagne, son secrétaire habituel, sont des instructions générales où
sont passées en revue toutes les questions qui peuvent être soule-
vé. ■< dans le collège électoral ; elles prévoient les efforts de l'empe-
reur pour gagner le collège aux intérêts de sa maison et l'engager
dans ses querelles particulières, justifient la conduite delà France,
promettent aux électeurs son appui dans le cas où Ferdinand
voudrait leur imposer l'élection du roi de Hongrie, signalent leurs
prétentions, l'impossibilité d'y faire droit et le parti qu'on peut
tirer de leur mécontentement pour les pousser à se rendre indépen-
dants sous la protection delà France*. En même temps que ces ins-
tructions générales, le P. Joseph avait dicté pour Brulart des ins-
tructions secrètes. Elles réglaient la conduite que ce dernier devait
tenir avec les différents électeurs, suivant le degré de confiance
que chacun d'eux inspirait, en vue de former une majorité hostile
à la candidature du roi de Hongrie, d'exciter leurs sentiments
d'indépendance et de resserrer entre eux et la France les liens que
Marcheville avait commencé à former2. La succession de Man-
toue, qui était entièrement passée sous silence dans les instruc-
tions secrètes, n'occupait qu'une place incidente dans les instruc-
tions générales. Les négociateurs n'avaient pas à l'aborder.
1. Minute. AiV. étrang. Allemagne, VII, fol. 578. Au dos on lit : Employé.
Instruction du P. Joseph touchant son voyage d'Allemagne, 1G30. Pour la
feuille 1. Conformément à cette indication, ces instructions sont passées, en
partie du moins, dans les .Mémoires de Richelieu, II, 262, col. 2, —263, col. 2, où
elles sont données comme rédigées pour Brulart. La vérité est qu'elles devaient
servir de guide aux deux négociateurs. On en trouve une analyse dans France,
1630, vol. 11 (nouv. 250), fol. 280.
2. Grenoble, 28 juin 1630. Allemagne, VII, fol. 37. Signalé par Avenel, Addi-
tions, VIII, 62.
46 G. FAGMEZ.
Seulement, comme l'empereur ne manquerait pas de se donner le
beau rôle dans cette affaire et d'accuser la France d'avoir
repoussé des conditions équitables, comme il s'efforcerait d'exci-
ter le zèle des électeurs et d'obtenir leur appui en faveur de la
dignité impériale méconnue, les négociateurs devaient exposer
tout ce qui s'était passé, tâcher de séparer les intérêts de l'empe-
reur de ceux de l'Espagne et, s'ils n'y réussissaient pas, con-
vaincre les électeurs de la mauvaise volonté du premier et les
gagnera notre cause. Mais il serait peut-être difficile d'obtenir ce
résultat sans leur soumettre les conditions que nous mettions à
la paix. Le cabinet français en jugera alors et pourra autoriser
ses agents à leur communiquer les articles dont il est tombé d'ac-
cord en dernier lieu avec Mazarin1. Ce n'était donc que pour
justifier des intentions conciliantes du roi que la question de
Mantoue devait être indroduite dans la négociation, et elle ne
devait donner lieu qu'à l'exposé de ce qui s'était fait ailleurs à
son sujet. Nos représentants n'étaient pas chargés de faire à cet
égard des propositions nouvelles, d'ouvrir à Ratisbonne des négo-
ciations faisant double emploi avec celles qui se poursuivaient en
Italie. Richelieu avait prévu qu'ils seraient inévitablement
amenés à s'en occuper, et, dans cette prévision, Rrulart avait
reçu les pouvoirs nécessaires, mais ce n'était pas pour cela que le
P. Joseph et lui avaient été envoyés à Ratisbonne. Il est utile d'en
avertir le lecteur au moment de faire passer sous ses yeux le
compte-rendu des longs débats auxquels elle donna lieu. Il ne
faut pas que la place prépondérante qu'elle a prise dans les confé-
rences des agents français et des commissaires impériaux fasse
oublier l'objet principal de la mission des premiers ; entraver tous
les desseins de l'empereur, l'isoler et l'affaiblir, voilà d'un mot
le but que leur assignent leurs instructions.
Outre la mission qu'il partageait avec l'ambassadeur extraor-
dinaire, le P. Joseph en avait une autre à laquelle celui-ci n'était
pas initié. Nous en déterminerons plus tard le caractère précis et
le succès, disons seulement ici qu'elle consistait surtout à pour-
suivre la conclusion d'une alliance défensive avec l'électeur de
1. Instructions générales. Ubi supra. La dépêche de Richelieu à Brulart du
5 septembre (Avenel, III, 896) et la dépêche du P. Joseph à d'Avaux du 19 août
ubi supra) montrent surabondamment que l'altitude prescrite à nos envoyés
au sujet de la question de Mantoue était la réserve.
LA MISSIOX DD P. JOSEPH A RATISBOWE. hl
Bavière et qu'elle rentrait ainsi dans le dessein général de séparer
les électeurs de l'empereur.
Le 2 août, nos agents eurent audience de Sa Majesté Impériale,
qui reçut encore le P. Joseph le lendemain, en présence de son
confesseur, le P. Lamormaini1. Notre capucin sut se concilier la
faveur de cet influent jésuite, adversaire décidé delà guerre qu'on
faisait au duc de Nevers2. Ferdinand lui demanda ainsi qu'à
l'ambassadeur s'ils avaient des pouvoirs, ils répondirent qu'ils en
avaient pour accepter des conditions raisonnables, et encore sous
la réserve de soumettre au roi, avant de le signer, ce qu'ils
auraient conclu. En dissimulant les pouvoirs qui autorisaient
Brulart d'une façon positive à engager le roi, ils voulaient, sui-
vant l'esprit de leurs instructions, laisser prendre les devants par
l'Empereur, reconnaître le terrain, constater s'il existait un cou-
rant favorable à la paix. Leurs impressions furent encourageantes.
Le P. Joseph crut avoir dissipé les préventions dont Richelieu
était l'objet et qui avaient été entretenues par les calomnies de ses
adversaires politiques, principalement de Marillac, il se flatta
d'avoir convaincu l'Empereur et ses conseillers des dispositions
conciliantes du cardinal. Ferdinand avait pris l'initiative des
négociations ; ils ne pouvaient les décliner, sans trahir les inten-
tions peu loyales qui les amenaient. Les conférences s'ouvrirent.
Le 11, les trois commissaires impériaux3 se rendirent chez
l'ambassadeur pour écouter ses propositions. Celui-ci céda la
parole au* P. Joseph qu'il présenta comme l'homme le mieux au
courant de la question italienne et des intentions du roi. Le
P. Joseph s'attacha à désintéresser l'amour-propre de l'Empereur
en protestant que son maître n'avait pas voulu le moins du monde
se poser en arbitre, mais en médiateur. Il n'avait fait qu'user en
faveur d'un allié du droit d'intervention que lui avaient toujours
reconnu les traités et les ancêtres de Sa Majesté Impériale, et
avant d'en venir aux armes, il avait épuisé tous les moyens de
1. Heyne, 105.
2. Lepré-Balain, 397. Sur les sentiments du P. Lamormaini, voy. Dudik, Op.
laud., p. 245-246.
3. Le P. Joseph a rendu compte de la première audience et de ses premières
impressions dans une dépêche chiffrée du 5 août, dont nous n'avons pas la mise
au clair, mais dont nous connaissons le contenu par l'analyse sommaire d'un
inventaire, et surtout par les Mémoires de Richelieu. Aff. étr. Allemagne, VII,
fol. 83; France, vol. 11 (nouv. 250), fol. '280. Mém. de Richelieu, II, 264, col. 1.
4g G. FAGNIEZ.
conciliation. Pour désarmer la susceptibilité de l'Empereur, il
alla jusqu'à dire que l'accord ménagé par le roi entre les ducs de
Mantoueel de Savoie, h l'insu du suzerain du fief en litige, n'avait
pas en son approbation, mais il s'empressa d'ajouter que ce qui
excusait ce procédé, c'était que Charles-Emmanuel et Gonzales
avaient donné l'assurance que le traité fait à Suse serait ratifié
par Sa Majesté Impériale et par le roi d'Espagne. Il présenta
ensuite l'ambassadeur comme ayant mission d'obtenir une solu-
tion équitable de la question qui mettait aux mains plusieurs
princes catholiques, enfin il énuméra les trois points qui devaient
faire successivement l'objet de la négociation, à savoir les termes
de la soumission du duc de Nevers, — l'investiture, — le désar-
mement, la pacification et l'évacuation des lieux occupés par les
belligérants.
Ce langage si conciliant, et auquel l'ambassadeur donna sa
pleine approbation, produisit un bon effet sur les commissaires.
Cremsmûnster exprima le regret que, dès le début, les choses
n'eussent pas été présentées à son maître sous un jour aussi favo-
rable. Le langage de Sabran à Vienne, les démarches de Mar-
cheville auprès des électeurs n'avaient malheureusement pas
été empreintes du même esprit. L'ambassadeur, pour répondre à
ces plaintes, s'en remit encore au P. Joseph, mieux instruit que lui
de tout ce qui s'était passé. Celui-ci déclara qu'il avait eu dans les
mains les instructions de Sabran, qu'elles ne tendaient nullement à
imposer une solution, mais à ouvrir la voie à un accommodement.
S'il est vrai que cet envoyé ait voulu dicter des conditions à l'Empe-
reur, cette façon d'agir causera, dit-il, un vif mécontentement au
roi ; pour sa part, il la désapprouve entièrement, et il protesta sur
son salut éternel de la vérité de ce qu'il venait de dire. D'ailleurs,
les torts qu'on a eus avec Sabran pourraient peut-être expliquer
pourquoi il s'est laissé entraîner à un langage contraire à ses ins-
tructions. Quant à la mission de Mârcheville, le capucin garda
sur elle un silence prudent. Il termina en invitant de nouveau les
émissaires1 à seconder les droites intentions du roi et à travail-
1. C'étaient Antoine, abbé do Cremsmûnster, Othon de Nostitz et flcrmann
de Questenberg. Khevenhiller {An nul es Ferdinandei,XI, 1194) y ajoute Rodolphe
de Strahlendorf, mais il est le seul qui mette ce dernier au nombre des com-
Le M. de Léon et du P. Joseph. Sulpice, 22 août 1630. Alle-
, \ il ; Beyne, 105, n. 1.
LA MISSION DD P. JOSEPH A RATISBOWE. 49
1er à une pacification qui tournerait à l'affaiblissement des enne-
mis de Dieu. Cette fois encore, Brulart, interrogé par lui sur la
correction de son langage, l'approuva entièrement.
La seconde conférence eut lieu le lendemain 12 août1. La pre-
mière question pour les commissaires impériaux était la valeur des
déclarations et des engagements des négociateurs français, en
d'autres termes l'étendue de leurs pouvoirs, car il était inutile, il
pouvait même être dangereux de s'engager dans des discussions
sans conclusion pratique, d'arrêter des conventions qui seraient
dépourvues pour la France de tout caractère obligatoire. Ils
demandèrent donc à leurs interlocuteurs s'ils étaient porteurs de
pleins pouvoirs conçus en bonne forme. Ils déclarèrent ensuite
que l'Empereur ne croyait pas possible d'établir la paix en Italie,
si le roi songeait à lui faire la guerre ailleurs, directement ou
indirectement. Or, ajoutaient-ils, en ce moment même, le roi de
Suéde se proclamait le chef d'une ligue offensive dont le roi très
chrétien faisait partie avec le roi d'Angleterre, Venise et les Pro-
vinces-Unies. Ils s'étendirent sur les avantages d'une paix géné-
rale ou mieux encore d'une union entre leur maître et le roi, qui
assurerait la conservation de leurs Etats et l'extirpation de
l'hérésie. Brulart communiqua ses pouvoirs datés du 28 juin.
Quant au P. Joseph, on sait qu'il n'en avait pas et était simple-
ment muni d'une lettre de créance. Tous deux reconnurent que
ces pouvoirs étaient un peu surannés par suite des événements qui
s'étaient accomplis depuis en Italie2, ils en attendaient d'autres
qu'ils avaient demandés depuis dix jours déjà3. Mais il ne fallait
pas, ajouta le P. Joseph, suspendre pour cela la négociation, car
il pouvait survenir d'un jour à l'autre tel événement, la prise ou
la délivrance de Casai, par exemple, qui serait fatal à la paix.
L'Empereur ferait connaître ses intentions, et l'on arrêterait un
accord, qui ne deviendrait obligatoire que lorsqu'il aurait été
ratifié par lui et par le roi.
1. Protocole de la conférence dans Khevenhiller, XI, 1191-1199. Dépêche
précitée de Brulart et du P. Joseph du 11 août.
2. Ils voulaient surtout parler de la prise de Mantoue, qui avait eu lieu dans
la nuit du 17 au 18 juillet.
3. Sans doute par leur dépèche chiffrée du 5 août, c'est-à-dire sepl jours
auparavant, et lorsqu'ils avaient reconnu chez l'empereur le désir sincère de
la paix. Mém. de Richelieu, II, 264, col. 1. Dans la conférence du 9 septembre,
l'ambassadeur expliquait comment il était venu sans pleins pouvoirs, en disant
que son gouvernement ne pouvait lui en donner avant d'être assuré des dis-
Rev. Histor. XXVII. 1er fasc. 4
50 G. FAGNIEZ.
Comment l'ouverture faite par les commissaires, au sujet de l'at-
titude générale de la France à l'égard de l'Empire, allait-elle être
accueillie par nos envoyés ? On en sent assez l'importance. Il n'y
avait en réalité pour Ferdinand II dans le conflit soulevé par la
succession de Mantoue qu'une question de dignité mal entendue et
de solidarité avec la branche espagnole de sa maison. Ce n'était
pas lui, mais l'Espagne seule qui était menacée par l'établissement
d'un prince français à Mantoue. L'appui que la France prêtait à
Gustave-Adolphe et qui, après avoir l'année précédente assuré à
ce prince sa liberté d'action en ménageant la paix entre la Suède
et la Pologne, mettait en ce moment même l'argent français à la
disposition du besoigneux et entreprenant conquérant, était fait
pour le préoccuper bien davantage. Débarqué le 26 juin dans l'île
d'Usedom, sur le territoire allemand, Gustave-Adolphe était déjà
au commencement d'août, par la prise de Damm, de Treptow, de
Greiffenberg et de Saatzig, en possession du pays situé entre l'Oder,
la Plône et la Rega 4. Charnacé était auprès de lui. Cette agres-
sion surprenait l'Empereur au moment où il allait sacrifier son
meilleur général aux rancunes du collège électoral, où il se trou-
vait en présence d'électeurs protestants désaffectionnés par l'édit
de restitution, d'électeurs catholiques mécontents et exigeants.
Quel succès pour lui s'il pouvait nous faire acheter la paix en
Italie par la renonciation à nos alliances, rompre nos négociations
avec le roi de Suède, réduire à l'inaction l'àme de la coalition euro-
péenne contre la maison d'Autriche ou du moins inspirer de la
défiance à nos alliés et ébranler leur fidélité !... La demande des
commissaires fut accueillie différemment par l'ambassadeur et par
le P. Joseph. Le premier la déclina purement et simplement en
déclarant qu'il n'était venu à Ratisbonne que pour traiter des
affaires d'Italie et qu'à sa connaissance il n'existait pas d'autre
sujet de différend entre son maître et l'Empereur. Cette fin de
non-recevoir était la meilleure réponse à faire à une proposition
qui tendait à enchaîner notre liberté et à nous aliéner nos alliés ;
malheureusement elle n'avait aucune chance d'être acceptée.
L'intérêt qui poussait Ferdinand à lier la paix en Italie à une
paix générale était trop sérieux pour se laisser rebuter par une
positions pacifiques de l'empereur. Arch. de cour et d'Élat à Vienne. Friedens-
uclen, liasse 'J a.
I. Droysen, Gnstaf Adolf. Leipzig, 1870, 8; II, 151, 161, 166-1G7.
LA MISSION DU P. JOSEPH A RATISBON\E. ol
défaite. Les ternies des lettres de créance de l'ambassadeur, le fait
seul qu'il était accrédité non seulement auprès de l'Empereur,
mais aussi auprès du collège électoral1, n'annonçaient-ils pas
clairement que son gouvernement avait prévu et accepté la dis-
cussion d'autres questions que la question italienne? Nous ne
croyons pas aller trop loin en disant que la réponse parfaitement
correcte deBrulart, si elle avait été le dernier mot de nos représen-
tants, aurait entraîné la rupture des négociations. Le P. Joseph
obéit donc à une nécessité en intervenant comme il le fit pour
affirmer que le roi, loin d'être opposé à la discussion et à la con-
clusion d'une paix générale, serait très heureux d'y contribuer.
Pour montrer l'hostilité de la France contre l'Empire et com-
bien elle s'accordait peu avec ses protestations pacifiques, les
commissaires impériaux avaient dit que Gustave- Adolphe se pro-
clamait le général d'une coalition dont notre pays faisait partie.
Les envoyés français n'hésitèrent pas à nier la participation delà
France à une ligue contre l'empereur, ils expliquèrent la pré-
sence de Charnacé auprès du roi de Suède en disant que ce prince
l'avait retenu auprès de lui, à la suite de la mission qui avait
rétabli la paix entre ce pays et la Pologne, à cause de l'estime
qu'il avait depuis longtemps pour sa personne. Ils laissèrent cepen-
dant entendre, — et dans cette menace il y avait un aveu, —
que le roi ne négligerait pas le secours de ses amis s'il était lésé
plus longtemps.
Us furent invités à faire connaître leurs propositions pour le
règlement de la succession de Mantoue. Ce fut encore le P. Joseph
qui prit la parole. C'était, dit-il, à Sa Majesté Impériale de faire
savoir le genre de satisfaction qu'il exigeait du duc de Nevers.
Quant aux indemnités à accorder aux divers prétendants, la
France s'en tenait à ce qui avait été proposé et presque arrêté en
Italie, à savoir une rente annuelle de 18,000 couronnes2 au duc
de Savoie en échange de l'abandon de ses prétentions sur le Mont-
ferrat et un capital de 50,000 couronnes une fois payées au duc de
Guastalla pour prix de sa renonciation à ses prétentions sur le
1. I) était accrédité auprès de l'assemblée pour « représenter à V. M., ensemble
ausd. princes et Electeurs les bonnes et droites intentions que nous portons
pour la paix publique, et en particulier le désir extresme que nous avons de
veoir tous les princes de la Germanie... jouir d'une ferme et durable tranquil-
lité. » Archives de cour et d'État à Vienne. Friedensacten, liasse 9 a.
2. Ailleurs il est question d ecus. C'était sans doute des écus à la couronne.
52 G. FÀGNIEZ.
Mantouan; les revendications de la duchesse douairière de Lor-
raine seraient soumises à l'arbitrage de la reine mère, sa tante1.
En attendant que l'Empereur eût fait accepter ces indemnités aux
intéressés, le droit de donner l'investiture pourrait être attribué
au pape ou à un autre prince. Le désarmement et la restitution
des lieux occupés s'exécuteraient sans difficulté. Lorsqu'on avait
traité cette question en Italie, Pignerol avait été une pierre
d'achoppement ; le roi ignorait alors la prise de cette place et le
cardinal n'avait pas cru pouvoir, sans son aveu, en promettre
l'évacuation, mais aujourd'hui le P. Joseph pouvait affirmer que
son maître ne refuserait pas de la rendre, ainsi que toutes ses
conquêtes, pourvu que Sa Majesté Impériale et le roi d'Espagne
restituassent aussi les leurs, y compris celles qu'ils avaient faites
pendant les négociations. Les commissaires reçurent ces déclara-
tions ad référendum et la séance fut levée 2.
Le lendemain 13 août, le P. Joseph se rendit chez l'abbé de
Cremsmûnster. Il lui répéta ce que celui-ci savait déjà de l'insuf-
fisance des pouvoirs dont l'ambassadeur et lui étaient porteurs,
de leur espoir d'en recevoir bientôt de plus étendus. Mais ceux
qu'ils attendaient ne les autoriseraient pas à traiter d'une paix
générale, puisque la proposition n'en avait pas encore été faite
quand ils les avaient demandés. Il faudrait bien du temps pour
en avoir d'autres. Au lieu de laisser écouler ce temps sans
rien faire , il serait préférable de poursuivre la négociation ,
en observant à son sujet la plus grande discrétion , et de sou-
mettre à la ratification du roi, qu'ils croyaient pouvoir garantir,
les articles dont on tomberait d'accord et qui recevraient
immédiatement celle de l'empereur 3. Quelques jours après
(16 août), le P. Joseph suggérait à Questenberg l'idée d'expédier
à Gollalte le projet de traité, dès qu'il serait arrêté, avec l'ordre
de suspendre les opérations militaires et de l'exécuter, aussitôt
que la ratification du roi lui serait parvenue. La proposition de
s'affranchir des conditions essentielles à la validité d'un traité,
de négocier sans pouvoirs réguliers et de conclure sans obliger
1. Marie de Médicis était tante à la mode de Bretagne de Marguerite de Gon-
zagin-, femme de Henri le Bon, duc de Lorraine, petit-ùls par sa mère, Claude
de France, de Catherine de Bfédicis.
2. Protocole de la conférence dans Khevenhiller, XI, 1200-1205. Dépêche pré-
citée de Brûlait et du P. Joseph, 22 août.
3. Khevenhiller, XI, 1208.
LA HISSIOII DU r. lOSEl'II A RATISBONNE. 53
les deux parties, pouvait passer, de la part d'un homme qui n'était
pas diplomate de profession et dont les manières étaient non moins
ouvertes qu'insinuantes, pour de la rondeur en affaires. En réa-
lité, le P. Joseph l'avait faite en vue d'un double avantage : celui
de gagner un temps précieux pour le salut de Casai et celui d'avoir
dans les mains le dernier mot de l'empereur, et de le lier sans
retour en laissant au roi sa liberté. Il cherchait aussi à prévenir
la capitulation de Casai en même temps qu'à obliger par le traité
toutes les parties intéressées, quand il demandait que S. M. I.,
pour suppléer au défaut d'instructions de l'ambassadeur d'Es-
pagne et à l'absence d'un plénipotentiaire du duc de Savoie, sti-
pulai au nom de ces deux princes, de même que les représentants
de la France se porteraient forts pour la république de Venise l.
Ferdinand n'avait pas la même raison pour être impatient ; le
temps semblait travailler pour lui et il escomptait déjà la prise de
Casai. Toutefois il ne se refusa pas, malgré l'insuffisance des
pouvoirs de nos agents, à discuter dès à présent un arrangement
sur les bases arrêtées par les soins de Mazarin. Il semblait même
si désireux d'arriver promptement à une entente qu'après avoir
annoncé qu'il ferait connaître dans quelques jours ses intentions,
il ajoutait que, si les envoyés français lui garantissaient que celles
de leur maître étaient conformes aux siennes, il leur remettrait
par écrit, pour être envoyées au roi, ses dernières résolutions qui,
après avoir été revêtues de la signature de celui-ci, recevraient
aussi la sienne et deviendraient par là un traité définitif. Quelque
temps après, il est vrai, il reconnut le piège où il allait tomber,
et il ne consentait plus à livrer à des agents sans pouvoirs le fond
de sa pensée qu'à la condition que ceux-ci donneraient leur parole
de la ratification du roi, condition qui ne fut pas acceptée et qui
ne pouvait pas l'être 2.
Ferdinand avait beau répondre, en apparence du moins, à
l'impatience du P. Joseph, la paix paraissait devoir se conclure
moins vite à Ratisbonne qu'en Italie. Ici l'amour-propre d'un
grand capitaine, jaloux des lauriers de son compagnon d'armes,
obstiné à un siège dont l'issue devait consacrer ou ternir sa gloire,
semblait le seul obstacle à la conclusion d'un traité dont la négo-
1. Mea relatio de responso dato oratori Gallico et quod ibi sermocinalionis
inltM-resseril. 16 août. Cette relation est de Questenberg. Arch. de cour et
d'Etat à Vienne, Friedensacten, liasse 9 a.
2. Khevenhiller, XI, 120'J. Dépêche précitée, du 22 août.
G. FAGNIKZ.
dation durait depuis six mois, dont les clauses principales étaient
arrêtées et en faveur duquel conspirait la lassitude des négocia-
teurs. Là c'était une négociation nouvelle, où les résultats acquis
pouvaient être remis en question, pour laquelle de nouveaux pou-
voirs étaient nécessaires et qui, au lieu d'être circonscrite à la
succession de Mantoue, devait nécessairement, par suite des cir-
constances dans lesquelles elle s'engageait, embrasser d'autres
sujets. Brulart et le P. Joseph n'avaient pas été envoyés à Ratis-
bonne pour faire perdre à la France le fruit de laborieuses négo-
ciations et pour en commencer sur nouveaux frais une autre, qui
menaçait de se prolonger bien davantage, alors que chaque jour
qui s'écoulait empirait notre situation. Chargés avant tout de
faire échec à l'empereur et d'affaiblir son autorité, ils n'avaient
été autorisés à traiter de la succession de Mantoue que dans l'es-
poir qu'ils obtiendraient de lui, sous la pression des électeurs, une
paix équitable que la mauvaise volonté de Collalte et de Spinola
nous refusait toujours. Cette paix devait même être plus hono-
rable et plus avantageuse en Allemagne qu'en Italie pour com-
penser l'apparence d'avoir été la demander *. Nos généraux n'en
conservaient pas moins leurs pouvoirs et n'en continuaient pas
moins leur mission. L'ambassadeur et le P. Joseph se rendaient
parfaitement compte de l'avantage qu'il y avait pour nous à trai-
ter en Italie. Aussi demandèrent-ils que l'empereur intervînt pour
mettre fin aux atermoiements de Collalte et de Spinola ; ils expri-
mèrent aussi la crainte que les deux négociations ne se fissent
réciproquement du tort, car il pouvait arriver que les commis-
saires impériaux et les généraux de l'Empire et de l'Espagne
s'en remissent les uns aux autres pour la conclusion définitive.
Ce fut alors qu'ils apprirent que, depuis la prise de Mantoue, Col-
lalte avait renoncé à traiter de la paix pour se borner à conve-
nir d'une trêve, s'il pouvait en faire une conforme aux intérêts
de son maître, et que, de son côté, celui-ci désirait se réserver
exclusivement la négociation et la conclusion de la paix2. C'est
ce que Mazarin annonçait à d'Effiat le 25 août comme une nou-
velle qu'il tenait directement de la cour impériale. A ses yeux,
leur mission à tous deux était terminée, à Ratisbonne devait être
1. Dépêche de Richelieu à M. de Léon. Ubi supra. Dépêche du même à
Schomberg, 6 octobre. Avenel, 111, 017.
2. Dépêche précitée de Brulart et du P. Joseph, du 2i août.
r.\ MISSION DU P. IOSEPD A IUTISBO.N'NE. 55
résolue la question dont la diplomatie et les armes cherchaient
depuis si longtemps la solution en Italie ' .
On a vu le tort que cet incident faisait à la France, mais Riche-
lieu allait trop loin en disant que, sans la révocation des pouvoirs
de Collalte, Casai était sauvé2. Ce qui trompait Richelieu, c'était
que le commandant des Impériaux et le duc de Savoie avaient
donné à entendre qu'ils abandonneraient Spinola à lui-même, si
celui-ci ne voulait pas accepter les conditions équitables qui lui
étaient faites. Mais Collalte, en affectant plus de modération que
le général espagnol, en séparant ainsi ses sentiments et sa con-
duite de ceux de son compagnon d'armes, n'était pas sincère. Pas
plus que Spinola, il ne désirait la paix3 qui aurait mis obstacle
aux conquêtes qu'il méditait aux dépens de Venise et il n'aurait
certainement pas laissé le vainqueur d'Ostende et de Rréda sou-
tenir seul une lutte inégale contre une armée de secours. D'ail-
leurs, s'il déclinait la tache de conclure la paix, il ne se refusait
pas à signer une suspension d'armes4 et Casai pouvait être sauvé
aussi par une suspension d'armes. De fait, on était k la veille de
suspendre les hostilités. Le 27 août, fut signée une trêve de six
jours pendant laquelle devaient être discutées et arrêtées les con-
ditions d'un plus long armistice.
Cinq jours auparavant5, le fils de Bouthillier avait quitté nos
négociateurs, avec deux dépêches6 dans lesquelles ils rendaient
compte à Richelieu de la situation et lui demandaient d'urgence
des instructions et des pouvoirs ; à ces deux dépêches était joint
le projet de traité emporté d'Annecy par Mazarin au mois de juin,
modifié à Saint-Jean-de-Maurienne au commencement de juillet
et en marge duquel le P. Joseph avait inscrit les difficultés que
certains articles lui paraissaient devoir soulever et les moyens
par lesquels on pourrait les résoudre. Toutes deux avaient été
dictées par lui, mais dans la première il parlait au nom de l'am-
bassadeur comme au sien et il n'était guère question que des
1. Arch. des Aff. étrang. Turin, XIII, fol. 258.
2. Dépêche de Richelieu à M. de Léon, 5 septembre. Ubi supra.
3. Dépêche de Brulart et du P. Joseph du 22 août. Ubi supra.
4. Dépêche de Brulart et du P. Joseph du 22 août. Ubi supra.
5. « 11 y a quattre jours que le (ils de Bouthillier est party d'icy... » Dépêche
de Brulart et du P. Joseph a Richelieu, 2G août. Arch. des AU', étrang., Alle-
magne, VII, fol. 115.
6. Dépêche de Brulart et du P. Joseph du 22 août. Ubi .supra. Dépêche du
P. Joseph à Richelieu, 22 août. Arch. des aff. étrang., Allemagne, VII.
G. FAGNIEZ.
négociations relatives à la succession de Mantoue. La seconde
était une dépêche particulière du P. Joseph; il y parlait surtout
.les dispositions de l'électeur de Bavière et mêlait à ses renseigne-
ments des avis déplacés sous la plume d'un simple agent, mais
convenant parfaitement à un homme associé à la direction géné-
rale des affaires extérieures. Le porteur de ces dépêches devait
faire de vive voix à Richelieu certaines confidences au sujet du
projet d'alliance avec Maximilien1.
En ce qui touche la question de Mantoue, le P. Joseph pensait que
l'accord pourrait s'établir sur le projet de Mazarin, à la réserve des
points qu'il signalait. Il prévoyait que l'empereur n'accepterait
pas dans le traité la mention de celui de Suse, qu'il considérait
comme une usurpation sur ses droits de suzeraineté. Fallait-il
insister pour faire consacrer ce traité par le nouveau ? Il restait
aussi à déterminer les terres qui seraient assignées au duc de
Savoie en garantie de la rente de 18,000 écus que le duc de Man-
toue devait lui servir, s'il ne préférait lui payer un capital de
900,000 écus. Pour l'assiette de cette rente, qui ne devait natu-
rellement pas retarder l'investiture, le P. Joseph proposait de s'en
remettre à l'empereur ou de la faire régler à bref délai par des
commissaires de S. M. I. et des deux couronnes. Déjà s'annon-
çaient les difficultés dont les prétentions du duc de Guastalla
devaient être l'occasion : les commissaires réclamaient des garan-
ties pour le paiement de la somme de 150,000 livres qui lui était
allouée par le projet, et le duc, qui se trouvait à Ratisbonne,
remuait ciel et terre pour la faire augmenter. Le projet imposait
au duc de Nevers l'obligation de demander l'investiture par son
ambassadeur ordinaire avec les termes de respect et de soumission
dus par un vassal à son suzerain. Un amendement, introduit par
Mazarin à la demande des généraux de Ferdinand et de Philippe IV
et accepté par la France, avait reconnu au premier le droit de
faire insérer dans le traité que l'investiture était accordée à l'in-
tercession des deux couronnes et même telles autres expressions
qu'il voudrait concernant la déférence du duc envers lui. Le
P. Joseph faisait connaître les termes de soumission exigés par
1. Orig. An dos : Projet d'articles do paix avec apostilles des difficultés
qa .i faicl l'empereur, envoie par M. de Léon et le P. Joseph avec leur
depesche du 22 d'aoust 1630. Arch. des Aff. étrang. Allemagne, VII, fol. 90 et
suiv. Il y a immédiatement après une autre expédition écrite par le secrétaire
habituel.
LA MISSION 1)1 P. JOSEPH A RATISBONNK. ->7
l'empereur : le duc aurait à déclarer qu'il serait bien fâché d'avoir
offensé S. M. I. et que, s'il l'avait fait involontairement, il la
suppliait di rimittergli et condonare gli l'offèsa. Il avait été
question de lui faire dire perdonare au lieu de condonare, mais
les électeurs promettaient d'obtenir qu'on se contentât du dernier
de ces termes. Le capucin demandait si l'on pouvait s'en remettre
à eux pour l'adoption d'une formule, pourvu qu'elle ne contînt
rien de préjudiciable à l'honneur du roi. Il annonçait que l'em-
pereur voudrait aussi faire mentionner l'intervention des électeurs
a côté de celle des deux couronnes et il ne voyait la qu'une garan-
tie de plus pour le duc de Mantoue. Les articles 5 et 6 du projet
plaçaient les Etats de celui-ci sous la protection d'une ligue défen-
sive composée des électeurs, de la ligue catholique, du pape et
des princes d'Allemagne et d'Italie, feudataires ou non de l'Em-
pire ; elle devait être formée par les soins de l'Empereur, qui pro-
curerait au roi les lettres par lesquelles les confédérés s'oblige-
raient à mettre à la disposition du duc, au cas où il serait attaqué,
au moins 15,000 hommes de pied et 2,000 chevaux. Collalte
avait déjà repoussé le rôle attribué par ces articles à son maître,
dont ils blessaient la dignité en l'obligeant à chercher et à four-
nir des cautions de sa parole; ils n'avaient pas plus de chance
d'être acceptés par ceux qu'ils réunissaient dans une confédéra-
tion hétérogène, dont pour plusieurs l'intérêt ne compensait pas
les risques. Le P. Joseph déclarait que Ferdinand n'y souscrirait
jamais, mais il ajoutait que l'intervention du pape et des électeurs
leur faisait une obligation morale de veiller à l'exécution du traité
et qu'il essaierait de transformer cette obligation tacite en garan-
tie expresse. Un article secret du projet soumettait à l'arbitrage
de Marie de Médicis les prétentions de la duchesse de Lorraine,
qui paraissaient à tout le monde peu fondées ; les commissaires
demandaient que l'on adjoignît à la reine mère l'impératrice et
l'électeur de Bavière, qui se rallieraient à son avis.
Le même courrier devait aussi communiquer à Richelieu la
forme sous laquelle les commissaires voulaient faire insérer dans
le traité la promesse réciproque de s'abstenir de toute hostilité.
La rédaction italienne de ce projet pourrait tromper sur son ori-
gine, si une note écrite au dos par le cardinal ne nous avertissait
qu'il avait été proposé par les électeurs l. Il se composait de quatre
1. Dans les négociations entre l'Empire et la France, les communications
;jS G. FÀGNIEZ.
articles. L'Empereur et le roi prenaient l'engagement de ne pas
attaquer et de n'assister d'aucune manière ceux qui attaqueraient
celles de leurs possessions dont l'acquisition était antérieure aux
premiers troubles d'Italie, c'est-à-dire à l'année 1628, ils devaient
faire tous leurs efforts pour se libérer des alliances contraires à
cet engagement et pour empêcher les actes d'hostilité de leurs
alliés. Cela ne les empêcherait pas de rester fidèles aux alliances
défensives que chacun d'eux pouvait avoir conclues et d'assister
ceux de leurs alliés qui seraient attaqués ou lésés (molestati) par
l'autre partie. Loin que cette assistance mette directement en
conflit l'Empire et la France, chacun des contractants, en assis-
tant son allié, ne négligera aucun moyen pour rétablir la paix
entre cet allié et l'autre contractant. L'une des parties n'atta-
quera pas les alliés de l'autre sans lui avoir fait connaître ses
griefs et l'avoir mise à même de tenter une médiation *.
Parti, comme nous l'avons dit, le 22 août, Bouthillier fils
arriva le 1er septembre, a neuf heures du matin, à Lyon, où se
trouvait le cardinal 2. Les pouvoirs et les instructions qu'il venait
demander avaient été, dès le 27 août, expédiés à Ratisbonne, où
ils parvinrent le 3 septembre3. Les pouvoirs étaient illimités ; les
instructions faisaient l'histoire de la négociation conduite par
Mazarin, de manière à opposer la mauvaise volonté et la mau-
vaise foi du duc de Savoie, de Collalte et surtout de Spinola à
l'esprit conciliant de la France, elles fournissaient un thème à
notre justification et à des récriminations contre nos adversaires,
mais elles ne traçaient pas aux négociateurs leur conduite, elles
ne leur fixaient pas les concessions qu'ils pouvaient faire, les
écrites se faisaient souvent en italien. Tel fut le cas, notamment pour les pro-
positions présentées par Sabran à l'empereur en 1629. Mémoires de Richelieu,
II, 105.
1. Ces articles ont été écrits par le secrétaire habituel. On lit au dos, de la
main de Richelieu : « Articles pour estre adjoustés à la paix d'Italie proposés
par les Électeurs. » Arch. des Aff. élrang. Allemagne, VII, fol. 123. Projet
apostille par le P. Joseph in fine. Ubi supra.
1. Lettre de Bouthillier (ils au P. Joseph, 4 septembre. Arch. des Aff. étr.
Allemagne, VII, p. 148.
3. C'est au 27 août qu'il faut rapporter les instructions auxquelles Avenel
signé la date approximative du 24 août (III, 879). Dépêche de Brulart du
18 septembre. Arch. des aff. étrang. Allemagne, VII, p. 191. Protocole de la
conférence du 9 septembre. Arch. de cour et d'État à Vienne, Friedensacten,
liasse 9a. Nouvelles de Ratisbonne, 9 sept. Arch. des aff. étrang. Allemagne
VII, fol. 175. Il l'an I remarquer que nos agents ne parlent pas, dans la confé-
rence du 4, de ce qu'ils ont reçu la veille.
LA MISSION no P. JOSEPH A BÀTISBONNE. 59
points sur lesquels ils ne devaient pas céder. Heureusement le
projet de traité qui y était joint, celui-là même qui avait été
remis à Mazarin au commencement d'août, suppléait à leur insuf-
fisance et ne laissait aucun doute sur les conditions que Richelieu
mettait au traité. Ces conditions d'ailleurs ne différaient pas essen-
tiellement de celles qui faisaient le fond du projet arrêté au mois
de juin, modifié au mois de juillet et dont nos négociateurs avaient
emporté le texte. L'indemnité du duc de Savoie fixée à 18,000 écus
de rente, celle du duc de Guastalla à 150,000 livres une fois
payées, les prétentions de la duchesse de Lorraine soumises à l'ar-
bitrage de la reine mère, l'évacuation simultanée, à la suite de
l'investiture, des états des ducs de Mantoue et de Savoie, à la
réserve de certaines places, puis l'abandon de ces places mêmes
et des autres lieux occupés par les parties belligérantes, telles
étaient les stipulations communes aux deux projets.
Mais le cardinal ne pouvait' pas s'en tenir à l'envoi du second
depuis qu'il avait reçu les observations dont le P. Joseph avait
accompagné le premier et dans lesquelles il lui signalait les dif-
ficultés que devaient soulever certains articles et demandait les
réponses qu'il devait y faire. Les articles dressés au mois d'août
étaient ceux que le gouvernement français désirait faire adopter,
mais ils n'avaient pas le caractère d'un ultimatum, nos représen-
tants n'avaient pas le mandat impératif de les faire accepter ou
de rompre. Dans quelle mesure pouvaient-ils être modifiés? Quelle
était la limite des sacrifices auxquels Richelieu était résigné ? Les
objections qu'on lui faisait prévoir, les propositions qu'on lui avait
faites exigeaient des réponses précises.
Ce fut le 4 et le 5 septembre que le cardinal, après avoir reçu
le fils de Bouthillier et avoir pris connaissance de ce qu'il lui
apportait1, dicta pour ses agents des instructions nouvelles. Il
leur envoyait le projet de traité remis au mois d'août à Mazarin
et qui restait toujours à ses yeux le règlement le plus équitable,
le plus avantageux de la succession de Mantoue, mais il y ajou-
tait des observations qui les mettaient à même de justifier ses
clauses ou les autorisaient à s'en relâcher 2. L'article 1er attribuait
aux représentants du roi la mission de désigner les lieux du Mont-
1. Au nombre des pièces dont Bouthillier fils était porteur se trouvait un
mémoire écrit par lui sous la dictée du P. Joseph, et que nous n'avons pas
retrouvé. Lettre de Bouthillier fils au P. Joseph, 4 sept. Vbi supra.
2. Arch. des ait', étrang. Allemagne, VII, fol. 150.
,,11 G. FAGNIEZ.
ferrât qui seraient assignés au duc de Savoie en garantie de sa
rente. Richelieu motivait en marge cette disposition en disant que
personne ne connaissait la valeur des terres du Montferrat aussi
bien que le commissaire royal Servien et que l'assiette de
rrite rente exigerait plusieurs mois si elle était faite par les com-
missaires de l'Empereur et des ducs de Mantoue et de Savoie. Il
consentait cependant à soumettre aux représentants du premier
l'estimation du commissaire français, mais cette concession sau-
vait seulement les apparences et ne changeait rien au fond des
choses, puisque l'Empereur devait s'engager à accepter ce qu'au-
rait fait Servien. Si l'Empereur persistait à repousser la mention
du traité de Suse, dans lequel il voyait une atteinte à ses droits,
on se référerait simplement à « ce dont il a été convenu par le
passé. » Au sujet de l'article 2, relatif à l'indemnité allouée au
duc de Guastalla, l'attention de Richelieu avait été appelée sur
deux points : les commissaires impériaux demandaient comment
serait garantie cette indemnité, le duc se remuait beaucoup pour
la faire porter à un chiffre plus élevé. On leur avait répondu
qu'elle serait suffisamment garantie par le traité même où elle était
stipulée. Richelieu approuvait cette réponse. Il consentait à une
augmentation, mais il faisait appel à la générosité de l'Empereur
pour avoir égard à la détresse pécuniaire du duc de Mantoue et
ne pas demander plus de 200,000 livres. Si chimériques que
fussent les prétentions de la duchesse douairière de Lorraine, il y
avait quelque chose d'excessif à les soumettre exclusivement à la
décision de la reine mère. Le cardinal aurait parfaitement con-
senti à associer à Marie de Médicis d'autres arbitres s'il n'avait
craint de retarder la sentence arbitrale et avec elle l'investiture.
Tout en insinuant que la duchesse ferait mieux d'imiter l'impéra-
trice l et de renoncer à ses revendications, il consentait que l'im-
pératrice et l'électeur de Bavière fussent appelés à statuer sur ses
intérêts, de concert avec la reine mère, pourvu que Ferdinand
garantît par une lettre reversale, dont l'électeur serait dépositaire
et dont le secret serait ainsi assuré, l'adhésion de ce dernier et de
1" ii opératrice à l'avis de Marie de Médicis, puis, après réflexion,
il s'en tenait à l'idée de ne pas faire concourir l'électeur à l'arbi-
trage, mais de laisser seulement dans ses mains la lettre rever-
1. L'impératrice, Éléonore de Manloue, était sœur du feu duc de Mantoue,
Vincent il.
LA MISSION DU P. JOSEPn A RATISBONNE. (>j
sale. Cet expédient ne s'éloignait pas beaucoup des dispositions
de l'Empereur, qui admettait que l'avis de la mère du roi devait
entraîner celui des arbitres qui lui seraient adjoints, mais ce qu'il
promettait de vive voix, consentirait-il à le promettre par écrit?
Ricbelieu ne repoussait pas l'idée de présenter l'investiture
comme ayant été obtenue sur l'intercession des deux couronnes
et des électeurs. Il acceptait les termes de soumission exigés du
duc de Mantoue. Il ne ferait pas d'objection à ce que celui-ci sup-
pliât son suzerain de lui pardonner, au lieu de lui remettre
l'offense qu'il pourrait avoir commise, mais ce changement aurait
l'inconvénient de donner lieu de la part des étrangers à des inter-
prétations et à des conclusions exagérées et il fallait s'en tenir à
la première forme qui était pleinement suffisante. Aux termes du
projet, la demande d'investiture et les excuses du duc devaient
être présentées par son résident ordinaire, mais ce point, à en
juger par ce que disait le P. Joseph, semblait être resté pour l'Em-
pereur dans l'incertitude. Aussi Richelieu, allant au-devant d'une
nouvelle exigence, signalait le retard que l'envoi d'un ambassa-
deur spécial apporterait à la paix. Si l'on ne se contentait pas
d'une démarche faite par l'ambassadeur ordinaire, nos agents
prendraient l'engagement de faire renouveler cette amende hono-
rable sous une forme plus solennelle. C'était aussi pour éviter une
perte de temps qu'en prévision des difficultés que le résident du
duc pouvait faire pour agir sans y être autorisé par sa cour, il
était ordonné à Brulart de lui représenter quels étaient à cet
égard le désir du roi et l'intérêt de son maître et de le faire pro-
céder à cette démarche sans attendre de nouveaux ordres.
A l'article 5 du premier projet qui n'avait aucune chance d'être
accepté, le projet d'août en avait substitué un autre (art. 6) aussi
avantageux pour Charles de Gonzague, sans être blessant pour
l'Empereur. On n'imposait plus à Ferdinand la charge d'organi-
ser en faveur de son vassal une ligue défensive, composée des
électeurs, de la ligue catholique et de tous les princes d'Allemagne
et d'Italie feudataires de l'Empire, on lui épargnait l'humiliation
de donner en quelque sorte des garants de sa bonne foi en mettant
entre les mains du roi l'engagement écrit par lequel les confédérés
promettraient de mettre en ligne pour la défense du duc de Man-
toue au moins 15,000 fantassins et 12,000 cavaliers. On lui
demandait seulement d'inviter le collège électoral, la ligue catho-
lique et les feudataires de l'Empire à défendre les états du duc
fiO ('.. FAC.MEZ.
s'ils étaient attaqués. Rien n'était changé d'ailleurs à l'article du
premier projet en vertu duquel Ferdinand devait joindre ses
prières à celles du roi très chrétien et du roi catholique pour faire
entrer dans une ligue défensive, ayant le même but, Sa Sainteté,
le sacré collège et les princes italiens qui ne relevaient pas de
l'Empire.
Le cardinal tenait à ces deux articles. Rien en effet ne pouvait
mieux assurer notre protégé contre tout retour agressif que la
garantie de tous les princes de l'Empire et de l'Italie, autorisés,
provoqués par l'Empereur à s'unir pour la défense de son vassal.
D'ailleurs Collalte et Spinola avaient accepté cette garantie sous
cette nouvelle forme, et, si elle était repoussée à Ratisbonne, on
aurait l'air d'avoir été y chercher des conditions plus désavanta-
geuses que celles qu'on avait obtenues en Italie. Toutefois il ne
fallait pas rompre pour cette question. Les modifications appor-
tées sur ce point sauvegardaient bien la dignité de l'Empereur,
mais restait toujours la difficulté de faire agréer un pareil projet
à des princes, dont les uns n'avaient qu'un intérêt fort indirect,
pour ne pas dire problématique, à la conservation des états du
duc de Mantoue, dont les autres étaient trop faibles et trop pusil-
lanimes pour accepter les risques qu'on voulait leur faire courir.
Ne nous hâtons pas cependant de condamner ce projet comme
une conception chimérique. La protection de Charles de.Gon-
zague n'était que l'occasion, non le but unique et final d'une ligue
que Richelieu comptait faire servir à ses desseins contre la mai-
son d'Autriche ; en obtenant pour cette ligue l'aveu de l'Empe-
reur, il lui ôtait le droit de s'y opposer un jour comme à une
entreprise attentatoire à sa suzeraineté, il levait les scrupules de
ceux de ses vassaux qui pouvaient hésiter à y entrer.
Voyons maintenant comment le projet de juin-juillet et celui
d'août réglaient le rétablissement du duc dans son patrimoine
héréditaire et remettaient les choses d'ans le statu quo ante hél-
ium, sauf les modifications acceptées de part et d'autre. Le pre-
mier stipulait que la signature du traité serait suivie de l'éva-
cuation du Mantouan et du Montferrat dans un délai qui restait
à déterminer, mais, en abandonnant Casai, les troupes du roi
laissaient le duc sans défense avant qu'il eût reçu avec l'investi-
ture le titre qui reconnaissait ses droits et, au cas où de nouvelles
difficultés surgiraient, où il faudrait recourir de nouveau aux
armes, la France, placée beaucoup plus loin que les Impériaux
LA MISSION DU P. JOSEPH A UATISBOWK. 63
et les Espagnols du théâtre de la guerre, y serait certainement
devancée par eux. Aussi devait-elle recevoir des otages qu'elle
garderaitjusqu'àl'investiture. Si cette sûreté ne paraissaitpas suffi-
sante, Mazarinen avait proposé une autre : les belligérants con-
serveraient jusqu'à l'investiture, en s'abstenant d'hostilités, soit
toutes leurs positions militaires, soit un pied dans les pays où ils
avaient des troupes. L'évacuation s'opérerait ensuite en deuxfois :
l'investiture serait suivie quinze jours après d'un premier mouve-
ment de retraite qui rendrait à eux-mêmes presque tous les pays
envahis, Italie, Savoie, Piémont, à l'exception des Grisons et de
Suse, Pignerol, etc. (art. 8), puis, après l'exécution complète du
traité, l'Empereur et le roi catholique d'une part, le roi très chré-
tien de l'autre devaient se dessaisir des gages qui la garantissaient,
les premiers des postes qu'ils occupaient dans les Grisons et la
Rhètie, le second des places du Piémont (art. 12).
Lorsque ce projet avait été remis à Mazarin, c'est-à-dire au
mois de juin, lorsque celui-ci avait soumis au roi les modifications
demandées par Collalte et Spinola (commencement de juillet),
Mantoue n'était pas encore dans les mains des Impériaux et la
situation de Casai n'était pas à beaucoup près aussi critique 1 .
Dans ces circonstances, la France avait plus à perdre qu'à gagner
à une évacuation générale des états du duc de Mantoue. De là
les otages qui lui étaient accordés ou, si elle ne se contentait pas
de cette sûreté, le maintien intégral ou partiel de la situation mili-
taire avec suspension des hostilités. Ce qu'on pouvait dire alors
de notre pays était vrai maintenant de nos adversaires. Maîtres
de Mantoue, se flattant, non sans vraisemblance, de réduire bien-
tôt Casai, c'était à eux surtout que l'évacuation du Mantouan et
du Montferrat devait faire du tort. Aussi les conseillers impériaux
demandaient qu'au lieu de les évacuer, les belligérants rappe-
lassent simplement leurs troupes dans les places et que les hosti-
lités fussent suspendues. L'Empereur conserverait jusqu'à l'exé-
cution complète du traité non plus seulement ses positions dans
les Grisons, mais Mantoue et Casai, si, comme ils l'espéraient,
cette dernière place partageait le sort de la première.
Rédigé après la prise de Mantoue, le projet du commencement
d'août tenait compte de cet événement et laissait cette ville aux
Impériaux jusqu'au moment où toutes les stipulations du traité
1. Le siège de Casai ne commença que le 23 mai.
54 <■• FAGNIEZ.
seraient devenues des faits accomplis; il prévoyait même la capi-
tulation de Casai, qui resterait en dépôt dans les mêmes mains
jusqu'à pareille époque. Le gouvernement français et les com-
missaires impériaux semblaient donc d'accord pour faire de la
restitution deMantoue et éventuellement de Casai à leur légitime
souverain l'acte final du règlement de la succession de Mantoue,
mais cet accord n'était qu'apparent. En effet, dans la pensée des
commissaires, l'exécution du traité comprenait la réparation des
infractions commises au traité de Monçon et l'accomplissement
des dispositions de ce dernier qui étaient restées à l'état de lettre
morte ' , tandis que pour Richelieu la restitution réciproque des
gages dont les parties restaient nanties était indépendante de la
fidélité avec laquelle l'Espagne se conformerait aux engagements
contractés à Monçon, sa bonne foi à cet égard devant être garan-
tie par des otages. Subordonner à l'accomplissement de ces enga-
gements l'abandon des positions et des dernières places occupées
par les belligérants, c'était ajourner d'un an peut-être la rentrée
de Charles de Gonzague dans l'une, sinon dans deux de ses capi-
tales, imposer au roi, qui de son côté garderait tout ce temps-là
Pignerol et Suse, une dépense évaluée à trois millions d'or. Cette
prolongation du provisoire avait dès l'abord provoqué la désap-
probation de Richelieu et, après l'avoir exprimée à Bouthillier
fils 2, il la reproduisait dans sa dépêche à Brulart du 5 septembre3
en disant qu'on pouvait bien rester aussi longtemps en possession
des lieux occupés tant qu'il ne s'agissait de laisser à l'Empereur
que les passages des Grisons, mais que, depuis la prise de Man-
toue et avec la perspective de celle de Casai, le mieux était de
rétablir le plus tôt possible le duc de Mantoue en se dessaisissant
des gages qu'on avait dans les mains.
Les intentions de Richelieu n'étaient pas contenues seulement
dans le projet du mois d'août et dans les commentaires que nous
venons d'analyser, il avait encore consigné ses réflexions et ses
instructions dans une dépêche à Brulart4 et dans deux dépêches
au P. Joseph5. S'adressant au premier, il exprimait son anxiété
1. Projet apostille parle P. Joseph. Ubi supra.
2. Lettre de Bouthillier 61a au P. Joseph, 4 septembre. Ubi supra.
3. Ubi supra.
Dépêche du 5 septembre. Vbi supra.
:,. Avenel, III, 877, 8!)3. Ce sont celles dont le P. Joseph accuse réception
dau^ ^u dépêche «lu 20 septembre (Arch. des Aff. étrang. Allemagne, VII),
LA MISSION DU P. JOSEPH A RATISBONNE. <'.:>
au sujet de Casai, présentait son projet comme accepté par Col-
laite et Spinola, déplorait la rupture des négociations en Italie,
représentait le tort que l'envoi de négociateurs en Allemagne
ferait à notre prestige si nous n'obtenions pas des conditions meil-
leures que celles dont le duc de Savoie et Collalte se déclaraient
satisfaits, revenait sur la mauvaise foi de Spinola exigeant tou-
jours davantage à mesure qu'on lui faisait plus de concessions.
La première des dépèches adressées au P. Joseph était pleine de
cette idée, dont il avait k convaincre l'empereur et ses conseillers,
que la France ne combattait que l'ambition envahissante de l'Es-
ne -•! n'en voulait pas à la légitime grandeur de l'Empire. Il
devait leur ouvrir les yeux sur les charges d'une solidarité, dont
l'Espagne avait tout le profit, les habituer à la pensée de séparer
la cause de l'Empire de celle de l'Espagne. Il fallait aussi per-
suader les électeurs du zèle du roi pour la religion, que ses rap-
ports avec la Hollande et la Suède pouvaient rendre suspect.
L'autre dépêche, qui était confidentielle et dont le destinataire ne
devait pas faire part à l'ambassadeur, ne s'occupait guère que du
t raité secret que le capucin était chargé de passer avec la Bavière ;
ce traité y était présenté comme la raison et la compensation des
sacrifices qu'on faisait en vue d'un traité avec l'Empereur, sans
cependant que le premier fût la condition indispensable du second.
A ces pièces étaient joints les articles i proposés par les électeurs
pour prévenir toute espèce d'hostilités entre l'Empereur et la
France. Il faut dire ce que Richelieu pensait à cet égard et pour-
quoi il renvoyait ces articles.
Il avait vu tout de suite le danger d'un engagement qui, entendu
rigoureusement, nous obligeait à rompre avec la Suède, en guerre
ouverte avec Ferdinand, tandis que celui-ci pouvait rester d'in-
telligence avec l'Espagne, dont l'hostilité contre nous n'était pas
déclarée2. Mais nos envoyés ne lui avaient pas laissé ignorer
l'inutilité de leurs efforts pour s'y soustraire, et il comprenait,
comme le P. Joseph l'avait compris, que les conseillers de l'Em-
rn leur donnant la date du 4 de ce mois. C'est dans ce sens que doivent être
rectifiées les indications chronologiques d'Avenel. Un passage de la seconde
dépêche répond à la dépêche du P. Joseph du 22 août apportée par Bouthil-
licr fils.
1. Rédaction française de ces articles écrite par le secrétaire habituel et
àpostillée par Richelieu. Arch. des aff. étrang. Allemagne, VII, fol. 109. Mi-e
au net, envoyée à Ratisbonne. Ibid., f. 150G.
2. Lettre de Bout hillier fils au P. Joseph. Ubi supra.
Rev. Histoh. XXVII. l«r fasg. 5
G. FÀf.NIEZ.
pereur ne renonceraient à aucun prixà cette exigence. D'ailleurs,
les obligations, découlant de l'acte par lequel on voulait le lier,
u'étaienl peut-être pas aussi étroites qu'elles en avaient l'air et
peut-être pouvait-on trouver le moyen de les tourner. A la vérité,
l'article l, par lequel la France s'engageait à ne pas fournir
d'armes, d'argent, de munitions aux ennemis de l'Empire, sem-
blait bien inconciliable avec l'alliance que Gharnacé était en
train de négocier et, à supposer que eette incompatibilité n'arrê-
tât pas Richelieu, elle permettrait de taire suspecter sa bonne foi
et d'inspirer de la défiance à Gustave-Adolphe. L'article 2 obli-
geait notre pays à faire tous .ses efforts pour se dégager de toute
solidarité avec les ennemis de l'Empire et pour désarmer leur
hostilité contre lui. Le cardinal prenait acte de ces termes; ils
autorisaient a ses veux a ménager doucement et sans rupture
l'abandon de relations où il se refusait à reconnaître unealliance.
D'ailleurs l'article i! assurait le maintien des alliances défensives
par lesquelles la France s'était obligée à protéger ceux de ses
alliés qui seraient attaqués ou molestes. Est-il besoin de faire
remarquer l'étendue et le vague de ces termes, du dernier surtout,
la facilite qu'ils donnaient pour se soustraire aux engagements
contenus dans les deux articles précédents? Ne pouvait-on pas
s'en autoriser pour justifier un traite de subsides avec Gustave?
Celui-ci en effet ne se prétendait-il pas molesté par l'Empereur,
oe se présentait-il pas comme armé pour le redressement des torts
i <es coreligionnaires d'Allemagne, auducdeMecklembourg,
pmpre pays? Quant au rôle de médiateur auquel l'art. 3
ail Richelieu en lui imposant la charge de rétablir la paix
l'Empire et la Suéde, il favorisait ses desseins sur l'Alle-
e. Contenir Gustave dans de justes bornes, protéger contre
lui et contre la prépondérance que ses succès pouvaient donner
au parti protestant le parti catholique, établir, de concert avec
ce prince, ce que le cardinal appelait un « vrai repos1 » dans
l'Em] -à-dire un système politique dans lequel, entre une
confédération protestante et une confédération catholique unies
léfendre leur indépendance et protégées toutes deux par la
France, l'Empereur n'aurait plusjoui que d'une autorité nominale,
toute la politique de Richelieu en Allemagne était là et sa média-
lion ne pouvait que la servir. Seulement il aurait voulu éviter de
'. Dépêche Je Richelieu à Brularl, 5 septembre. Vbi supra.
LA MISSION DIT P. JOSEPH A RATISBONM.. 67
promettre par écrit son intervention, afin de ne pas éveiller la
défiance de son allié l.
Convaincu que les conseillers de l'Empereur seraient inébran-
lables sur la question d'une garantie mutuelle contre toute agres-
sion, se promettant bien d'interpréter, suivant ses intérêts, la
convention qu'on lui demandait et de prévenir le mauvais effet
qu'elle pourrait produire sur le roi de Suède, il l'accepta sous la
forme que les électeurs lui avaient donnée, avec quelques modi-
fications peu importantes qu'il consigna de sa main en marge
de la traduction française envoyée par le P. Joseph. Pour empê-
cher l'Espagne d'en bénéficier, il substituait au terme compré-
hensif par lequel étaient désignées les parties contractantes {leurs
Majestés) ceux d'Empereur et de roi très chrétien, il constatait
que les possessions antérieures à 1628, que les parties promet-
taient de respecter, comprenaient les Trois Evêchés, prenait acte,
comme nous l'avons dit, des facilités données par l'art. 2 pour
qous dégager de nos liens avec Gustave et signalait une redite.
G. Fagniez.
(Sera continué.)
1. Il.i.l.
MELANGES ET DOCUMENTS
LA
DERNIÈRE REQUÊTE DES PROTESTANTS DE FRANGE
A LOUIS XIV
AVANT LA RÉVOCATION DE l'ÉDIT DE NANTES.
(Janvier 4685.)
A la fin de Tannée 1684, les Réformés ne purent plus conserver
d'illusions sur les dangers qui les menaçaient. On travaille à une
révocation, écrivait Claude, le plus célèbre de leurs ministres, et
c'est une chose sûre, ajoutant, il est vrai, « il ne faut pas pourtant
divulguer cela 1 . »
La politique du clergé de France l'emportait depuis de nombreuses
années. Sous son inspiration directe, le Conseil d'État et les Parle-
ments n'avaient cessé de rendre des arrêts qui ruinaient en détail
l'Édit de Nantes. On ne comptait plus, du reste, les déclarations
royales, obtenues par les soins des prélats, qui achevaient l'œuvre de
cette persécution administrative. Aussi la situation était-elle devenue
intolérable, car dans toutes les provinces les syndics du clergé,
acceptés devant les juridictions comme parties, ne cessaient de
multiplier les procès dont les églises et leurs pasteurs étaient les
premières victimes. Toutes les carrières publiques se fermaient les
unes après les autres devant les Réformés, et déjà mille entraves
étaient mises à leurs entreprises industrielles et commerciales. Il
n'était pas douteux que le clergé ne voulût, par ce dur isolement
qu'il faisait faire autour d'eux, les placer entre la misère et le Catho-
licisme. D'un autre côté, il n'était pas de semaine où, sur le prétexte
le plus futile, la présence d'un nouveau converti au culte protestant
par exemple, le Conseil d'État n'ordonnât la destruction du temple,
1. Lettre de Claude à son lils, 8 décembre lGSi. Bibl. Leyde.
REQUÊTE DES PROTESTANTS DE FRAXCE A LOUIS XIV. f>9
l'interdiction de l'exercice religieux et le bannissement du pasteur.
Les atteintes portées à l'autorité paternelle par la liberté laissée
aux enfants protestants non seulement de se convertir dès l'âge de
sept ans, mais même de quitter leurs parents en exigeant d'eux des
pensions, montraient que le clergé était décidé à faire aboutir son
projet de détruire les églises réformées.
L'issue fatale était donc une révocation de l'Édit de Nantes et on
y marchait, mais cet acte paraissait si dangereux, ses conséquences
pouvaient être si graves qu'il ne semblait pas permis encore de con-
sidérer un tel événement comme possible.
Ce fut le sentiment qui prévalut dans les discussions qui précé-
dèrent l'envoi à Louis XIV de la belle requête dressée par les pro-
testants pour obtenir l'observation de l'édit de 1598. Cependant
plusieurs, après avoir montré le traité de Nantes déchiré et mutilé
par les arrêts sans nombre d'une justice toute à la dévotion du clergé,
firent remarquer que, si la requête ne proclamait pas, et de la ma-
nière la plus décisive, le principe de l'irrévocabilité de l'Édit, on était
menacé de voir cette dernière défense enlevée par les ennemis.
Plus réservés, Ruvigny, alors député général des églises réfor-
mées, et Claude surtout, dont l'autorité était considérable, deman-
dèrent qu'on ne soulevât pas la question. Pour eux, il ne fallait pas
livrer aux hasards d'une discussion un traité dont l'autorité devait
être placée au-dessus de toute contestation. Ils craignaient aussi que
Louis XIV, dont les hautaines prétentions de dominer la loi étaient
si connues, ne voulût, par cela même qu'on donnait des bornes à
son pouvoir, montrer par un acte d'éclat qu'il était souverain absolu.
Claude, tout en connaissant les périls de la situation, aimait mieux
croire à un retour du roi à des idées de modération et de justice,
que d'imaginer une violation aussi inouïe de la loi du royaume. Sans
doute les Réformés seraient atteints par cette mesure révolution-
naire, mais, comme il put le dire plus tard avec une haute raison,
« l'État se trouverait percé d'outre en outre par le même coup. »
Il pressentait avec une remarquable netteté les conséquences de
cet acte si habilement préparé par le clergé et dont le roi allait
assumer toute la responsabilité. Aussi, lorsque, malgré les efforts
désespérés des protestants, la faute eut été commise, Claude fit-il
entendre un solennel avertissement. « Après cette cassation, qu'y
aura-t-il, je vous prie, désormais, de ferme et d'inviolable en
France, je ne dis pas seulement pour les fortunes des particuliers,
mais encore pour les établissements généraux, pour les autres lois,
pour les compagnies souveraines, pour Tordre de la justice et de la
police, et en un mot pour tout ce qui sert de base et de fondement à
70 Kl LAflGl 3 ET DOC1 VENTS.
la Société, pour les droits inaliénables de la couronne el pour la
forme du gouvernemenl ? »
S'il y a jamais eu rien d'inviolable, c'est l'Édit de Nantes, le révo-
quer el le casser, c'est se mettre au-dessus de tout, c'est prononcer
hautement que tout est révocable et cassable « ad nutum*. »
Les protestants savaient que le clergé les poursuivait de sa haine
implacable et avait juré leur perte2, mais ils se refusaient à croire
qu'il fût possible à Louis XIV de méconnaître si complètement
l'intérêt de son propre pouvoir. C'était compter sans la passion d'une
politique dévote, car, à cette époque, le roi, sous la dépendance
du clergé, avait déjà fait de la destruction du protestantisme la
grande affaire du règne.
Cependant il était nécessaire d'arrêter la persécution qui devenait
tous les jours plus agressive ; aussi des Réformés résolurent-ils de
présenter à Louis XIV l'apologie de leur innocence et de leurs droits.
Ils renouvelaient ainsi des démarches qui, dans le passé, n'avaient
abouti qu'à de trompeuses promesses, mais un dernier effort devait
être tenté.
C'est alors que fut composée la requête dont on ne connaissait
que l'analyse donnée par E. Benoit dans son Histoire de l'Édit de
Na?ites. Il raconte qu'on y attacha, et non sans raison, une telle
importance, « qu'elle fut consultée avec tous ceux qu'on crut capables
de donner avis, et avant que d'être présentée elle passa par tant de
mains, elle fut examinée par tant de censeurs, qu'il n'y avait peut-
être rien sur quoi il n'eût été fait quelques remarques3. »
La rédaction définitive du mémoire fut confiée à Claude qui, par
la netteté de son esprit et la fermeté de la pensée, tout autant que
par ses belles qualités d'écrivain, était désigné pour cette tâche.
Basée sur les faits, exempte de toute déclamation, digne et respec-
tueuse, cette défense des Réformés montre aussi bien l'aveuglement
de leurs ennemis que la justice de leur cause. « Présentée au mois
de janvier 1685, la requête, dit Benoît, fut reçue pour dire qu'on
l'avait rerue, mais on n'en fit pas la moindre considération. » Il ne
sera pas sans intérêt, à deux siècles de distance, de publier un docu-
1. Les Plaintes des Protestants de France, p. 140.
2. En 1682, le clergé avail fail signifier aux églises réformées son célèbre
Avertissement pastoral où s'étalaient des menaces trop significatives pour que
|e> protestants pussent se tromper sur le sort qui les menaçait. Si vous ne
vous convertissez pas, disaient les prélats, vous devez « vous attendre à des
malheurs incomparablement pins épouvantables et plus funestes que tous ceux
que v.m> .> attirés votre révolte et votre schisme. »
3. Benoit, Htst. de l'Édit de Xantcs, V, 735.
REQUÊTE DES PROTESTANTS DE FRANCE A LOUIS XIV. "I
menl qui résume d'une manière fidèle et parfois éloquente la
situation des protestants de France à l'entrée de cette année 4 685,
qui devait être celle de la Révocation de l'Édit de Nantes et dont un
réfugié a pu dire « qu'elle fut triste entre toutes les années du
monde. »
Frank Pdaux.
Au Roy '.
Si ro.
rès humbles, très obéissants et très fidèles sujets de la religion
prétendue réformée se jettent aux pieds de Votre Majesté dans la
confiance que, quelque grands que soient les maux qui les accablent.
et à quelques dures extrémités qu'ils soient réduits, ils verront bientôt
changer leur misérable condition, si le trône de votre justice ne leur est
pas devenu tout à fait inaccessible. C'est avec tout le respect et toute la
soumission qu'ils doivent à un si grand et si auguste Roi qu'ils vous
présentent cette très humble requête. Que Votre Majesté ne refuse
point d'entendre elle-même leurs plaintes et leurs raisons, et d'en juger
selon sa bonté et son équité.
Premièrement, Sire, ils vous représentent qu'ils ont l'honneur d'être
nés vos sujets, et qu'en cette qualité l'Édit de Nantes qui leur fut
accordé par Henri le Grand, de glorieuse mémoire, aïeul de Votre
Majesté, les a maintenus dans tous les droits, tant naturels que civils,
que cette naissance donne, et qu'il a voulu qu'ils en jouissent de
même que vos autres sujets, sans que la différence de religion y fit
aucun empêchement.
Cette vérité, Sire, qui est la base et le fondement de l'Édit, se justifie
par l'esprit général qui règne dans toutes ses parties; mais elle s'y
trouve aussi établie en divers endroits, d'une manière si expresse et si
évidente qu'elle ne souffre pas de contestations. Outre que dès le second
article il ordonne que tous les sujets, tant de l'une que de l'autre reli-
gion, vivront ensemble comme f 'rères et citoyens2, et que dans le 30e il
veut gue la justice soit rendue et administrée aux suppliants sans aucune
suspicion, haine ou faveur, ce qui met à cet égard une parfaite égalité
entre les uns et les autres, il ne se peut rien de plus précis ni de plus
décisif que ce qui est contenu dans l'article 27 : Afin, dit-il, de réunir
d'autant mieux les volontés de nos sujets, comme c'est notre intention, et
1. La requête des Réformés se trouve en triple expédition dans le carton
268 de la série T. T. aux Archives nationales. Les notes que nous avons ajou-
tées sont destinées à préciser quelques événements auxquels fait allusion la
requête, comme aussi à donner le texte exact de quelques arrêts et édits signai
lés dans cet important document.
2. « Se contenir et vivre paisiblement ensemble comme frères, amis et
concitoyens. » Édit de Nantes, art. n.
fjjj MÉLANGES KT DOCUMENTS.
âtor fouies plaintes à l'avenir, déclarons toits ceux qui font ou feront pro-
,, de la religion prétendue réformée, capables de tenir et exercer tous
. dignités, offices et charges publiques quelconques, royales, seigneu-
t, ou des villes de notre royaume, pays, terres et seigneuries de notre
tance nonobstant Unis serments à ce contraires, et d'être indifféremment
admis à iceux. Et un peu plus bas : Entendons aussi que ceux de ladite
religion prétendue réformée puissent être admis et reçus en tous conseils,
rations, assemblées et fonctions qui dépendent des choses dessusdites,
sans que pour raison de ladite religion ils en puissent être rejetés ou
empêchés d'en jouir.
Ce fut donc, Sire, une des principales choses qu'Henri le Grand se
proposa quand il donna l'Édit aux suppliants. Il voulut pourvoir, comme
il le déclare lui-même dans la préface, à la sûreté de leurs personnes,
et éi celle de leurs fortunes, et il y pourvut en effet, en les maintenant
dans tous les droits que la naissance donne à des sujets, et en ne per-
mettant pas qu'ils y puissent être troublés sous prétexte de la religion.
Mais il alla plus avant, car, ayant vu et senti lui-même combien
l'emportement d'un zèle inconsidéré avait produit de désordre dans
L'État, et désirant d'y apporter du remède pour l'avenir, il établit sur le
sujet de la religion des règles qu'il jugea nécessaires, justes et suffi-
santes pour servir de barrière aux plus forts, et d'asile aux plus faibles
et pour conserver l'union et la concorde entre tous vos sujets. C'est une
seconde vérité, Sire, que les suppliants mettent devant les yeux de
Votre Majesté, et qui n'a pas besoin de preuve, puisqu'elle fait elle-
même une des plus importantes parties de l'Édit. Le dessein en est
expliqué dans la même préface, où ce grand prince, après avoir parlé
d'un côté des plaintes de ses sujets catholiques, et de l'autre des
remontrances de ses sujets de la religion prétendue réformée, sur
l'exercice de leur religion, et de la liberté de leur conscience, aussi bien
que sur la sûreté de leurs personnes et de leurs fortunes, il ajoute : qu'il
aurait jugé nécessaire de donner sur le tout une loi générale, claire, nette
et absolue sur tous les différends qui étaient dès lors sur ce survenus entre
eux, et qui y pourraient encore survenir, comme en effet il l'a donnée
dans la suite.
A ces deux premières parties de l'Édit, il en ajouta une troisième
qui regarde proprement l'observation de l'Édit même : ce que les sup-
pliants représentent aussi très humblement à Votre Majesté. Il établit
1rs chambres mi-parties et les chambres de l'Édit pour en être les
dépositaires et les gardiens et les exécuteurs1. Il cassa, révoqua et annula
1. La Chambre de Paris était composée d'un président et de dix conseillers
catholiques, choisis par le Roi sur une liste des membres du Parlement de
Paris. Elle était en outre composée de quatre Conseillers réformés. « On laissa
à cette Chambre le nom de l'Édit, afin que le nom même fît souvenir à ceux
qui la composaient qu'ils étaient les gardiens et exécuteurs de l'Édit qui devait
leur M'rvir de loi dans l'administration de la justice. » Benoît, Histoire de
l l dit de Nantes, I, 27G. Il y cul trois chambres mi-parties, Bordeaux, Tou-
lon-..: et Grenoble. Voir Édil de Nantes, art. 30.
REQUÊTE DES PROTESTANTS DE FRANCE A LOUIS XIV. 73
tous les édita précédents, articles secrets, lettres, déclarations, modifica-
tions, restrictions et arrêts par lui donnes et parles rois ses prédécesseurs '.
Et, pour no rien oublier qui pût contribuer à L'exécution d'une loi si
nécessaire et si juste, il ordonna non seulement que l'Édit fût registre
partout en la manière ordinaire, mais encore que l'observation en fût
promise et jurée par les gouverneurs et lieutenants généraux des pro-
vinces, par les baillifs, sénéchaux et autres juges ordinaires du royaume,
par les maires, echevins, capitouls, consuls et jurats annuels et perpé-
tuels, par les principaux habitants des villes, tant de l'une que de l'autre
religion, et enfin par les cours de Parlement, Chambres des Comptes et
Cours des Aides, purement et simplement sans user d'aucune modifi-
cation, restriction, déclaration ou Registres secrets.
Ainsi les droits accordés par l'Édit aux suppliants se réduisent à ces
trois chefs, les droits naturels et civils qu'ils ont en commun avec les
catholiques, ceux qui regardent en particulier la liberté de leurs cons-
ciences et l'exercice de leur religion, et ceux qui appartiennent à l'ob-
servation et à l'entretènement de l'Édit.
Cet Édit, Sire, si solennel et si authentique, ne fut pas l'effet du
simple bon plaisir d'Henri le Grand, ni un acte de sa seule autorité
royale, mais un arrêt de sa justice aussi bien qu'un ouvrage de sa
sagesse consommée et de sa puissance. Car il le donna, comme il le dit
Lui-môme, après avoir entendu, d'une part, les plaintes de ses sujets
catholiques, et ru de Vautre les remontrances de ceux de la religion pré-
formée et, sur ce, fait conférer avec eux par diverses fois'1. Aussi
le donna-t-il comme l'unique loi sous laquelle ceux de ladite reliai [ion
lient vivre à l'avenir, puisqu'il le donna formellement et en termes
exprès sous ces deux titres, l'un à' Édit perpétuel et irrévocable9, et
l'autre à' Édit ferme et inviolable qu'il voulait être gardé par ses sujets sans
s'arrêter ni avoir aucun égard à tout ce qui pourrait être contraire ou
dérogeant éi icelui, recommandant à ses sujets de l'une et de Vautre reli-
gion, de bien comprendre d'après ce qui était de leur devoir envers Dieu
• i rs Sa Majesté, c'était dans l'observation de cet Édit que consistait le
principal fondement de leur union et concorde, tranquillité et repos'1.
En cette, qualité, Sire, il le fit religieusement et ponctuellement
exécuter et observer partout, et dans son sens juste et naturel. Durant
tout le cours de son règne, ceux de ladite religion jouirent sans aucun
empêchement de l'entière liberté de leurs consciences, de l'exercice de
leur religion et de leur discipline dans les lieux à eux accordés, de tous
les droits tant naturels que civils communs avec les catholiques, et en
général de tout ce que l'Édit avait statué en leur faveur.
Après Henri le Grand, Louis XIII, de glorieuse mémoire, père de
Votre Majesté, ne reconnut pas moins les raisons et la justice de l'Édit.
1. Article xcn de l'Édit de Nantes.
2. Préface de l'Édit de Nantes.
3. Id.
4. Article xci de l'Édit.
7', MÉLANGES ET DOCUMENTS.
Tl on lit la déclaration solennelle à son avènement à la couronne,
ordonnant qu'il serait inviolahlement gardé, avec cette clause expresse,
qu'encore que cet édit fût perpétuel et irrévocable, et que, par ce moyen, il
n'eût pas besoin d'être confirme par de nouvelles déclarations, néanmoins
il le confirmait. Et quoique dans la suite de son règne il fût survenu
divers troubles, il ne laissa pas de confirmer toujours l'Edit dans toutes
les occasions qui se présentèrent, et il en fit toujours jouir les suppliants
comme d'une loi inviolable1.
Votre Majesté, Sire, qui remplit aujourd'hui avec tant de grandeur
el d'éclat le trône de ses ancêtres, n'en a pas moins fait. Elle a confirmé
le même Édit sous le même titre d'Édit perpétuel, non seulement par
sa déclaration de 1643, quand elle prit les rênes du gouvernement, mais
encore depuis sa déclaration de 1669 2 et par son Édit du mois de juin 1680,
qui porte qu'ellele confîrmeen tantquebesoinestouseraitz. Elle s'en expliqua
même dans Le même sens au mois de juillet 1682, dans les lettres cir-
culaires qu'elle écrivit tant aux archevêques et évêques de son
royaume, qu'aux commissaires départis dans ses provinces, leur décla-
rant, aux uns et aux autres, que son intention n'est point qu'on fasse
rien qui puisse donner atteinte à ce qui a été accordé à ceux de ladite
religion, par les Édits et déclarations donnés en leur faveur4. De sorte,
Sire, que les suppliants peuvent dire, avec raison et avec confiance,
que, vivant sous le bénéfice de l'Édit de Nantes, ils vivent sous la foi
sacrée des Rois vos prédécesseurs qui n'a pas été ensevelie avec eux
dans leurs tombeaux, et ce qui leur doit donner beaucoup plus de
sûreté, sous la foi royale de Votre Majesté elle-même, sous la foi
publique de son État, laquelle, sans répéter ici qu'elle y est intervenue
par l'enregistrement et par un serment solennel, se recueille et se
rassemble tout entière dans la vôtre.
C'est là, Sire, ce que les suppliants ont cru devoir poser d'abord
comme le fondement de leur droit. Et c'est aussi à cette foi royale qu'ils
1. Déclaration du roi Louis XIII sur les édits de pacification, 3 juin 1610.
I.c Roi défunt, notre très honoré seigneur et père, a toujours pris grand soin
que cet Édit fût conservé en son entier et on peut dire qu'il n'y a apporté
aucun changement. » Déclaration du 7 septembre 1656. — L'Édit de Nîmes,
juillet 1629, donné après les troubles, consacra les droits des Réformés : « nous
voulons que nos sujets de la Religion prétendue réformée jouissent entièrement
dudit Édit de Nantes. »
2. Déclaration du 1er février 1669.
:;. Édit du mois de juin 1680, portant défense aux catholiques de quitter leur
religion pour professer la Religion prétendue réformée, sous peine de confis-
ration des biens et de bannissement perpétuel. L'Édit, cependant, parlait de la
confirmation des droits des Réformés.
1. Lettre du Roi aux archevêques et évéques, au sujet de la signification de
['Avertissement pastoral du clergé de France, aux consistoires de l'Église
prétendue réformée fin juillet 1682). Il leur recommanda de ne « se servir que
île. la force des raisons, sans rien faire contre les Édits et déclarations en
% •■ 1 1 ii desquels l'exercice de la Religion prétendue réformée est tolérée dans
mon royaume »
REQUÊTE DES PROTESTANTS DE FRANGE A LOUIS XIV. 7o
élèvent maintenant leurs regards pour y chercher de la consolation et
de l'assurance clans l'orage où ils se trouvent, et pour dissiper les nuages
terribles qui les menacent. Munis d'un si grand appui, ils entrent sans
frayeur dans le sanctuaire de votre justice, pour y présenter aux yeux
de Votre Majesté cel Êdit, non plus tel qu'il était autrefois plein de vie
et de force, semblable à cet arbre de l'Écriture qui se répandait au long
et au large, qui se faisait voir par toute la terre couvrant tout de son
ombre et nourrissant tout de son fruit, mais dans un état languissant,
sans vigueur et sans efficacité, et comme un arbre dénué de ses feuilles
et de ses branches, qui ne fait ombre que de son tronc.
En effet, Sire, on a surpris depuis quelque temps, et on surprend
encore tous Les jours dans votre Conseil et dans vos autres Cours, un
si grand nombre de déclarations, d'arrêts et de jugements contraires à
L'Édit, que des trois parties qui le composent, et que les suppliants
viennent de vous représenter, il n'en reste plus aucune sur laquelle ils
n'aient de justes et d'essentiels sujets de faire leurs plaintes à Votre
Majesté.
L'Édit, Sire, conserve les suppliants, comme il a été dit, dans tous
les droits naturels et civils, et il les admet à toutes sortes d'états et
barges, et le Roi même s'engage d'y pourvoir indifféremment et sans
distinction, à l'égard de celles qui seront à sa disposition, comme étant
gui regarde l'union de ses sujets.
Cependant c'est une chose connue, qu'il n'y a plus de charges ni
d'emplois depuis le plus haut jusqu'au plus bas, dont la porte ne soit
fermée aux suppliants.
L'arrêt du 28 juin 1681 les exclut des offices de notaires, procureurs,
postulants, huissiers et sergents, dans tous les sièges et juridictions
du royaume, et ceux qui s'en trouvaient pourvus, quoiqu'ils les eussent
toujours exercés avec honneur, ont été obligés de s'en démettre1.
Par autre arrêt du ïi février 1682, les procureurs et postulants des
Chambres de l'Édit ont été soumis à la même peine, sans autre raison
ni prétexte que leur religion-.
Par la déclaration du 15 juin 1682, non seulement les arrêts précé-
dents ont été confirmés, mais encore il a été fait défense à tous
seigneurs, tant catholiques que de la religion prétendue réformée,
d'établir dans leurs terres aucuns juges, lieutenants ou autres officiers
taisant profession de ladite religion, et ordonné que ceux qui se trou-
veraient en possession seraient destitués avec pareille défense de les
1. ils furent tenus de se démettre de leurs offices en faveur des catholiques
dans les six mois, a à peine de faux et de nullité de tous les contrats, actes et
exploits qui seront par eux faits. »
2. Arrêt du Conseil d'État contre les procureurs, postulants de la Religion
prétendue réformée des Parlements de Guyenne, Toulouse et Grenoble. Il fut
rendu, parce qu'on avait oublié « par inadvertance » les procureur des chambres
de l'Édit. 11 fut fait défense aux catholiques, nommés à la place des « résignants, »
de souffrir dans leurs études les enfants ou parents de ceux-ci pour travailler
avec eux ou sans eux, à peine de perte de leurs offices.
7r> MELANGES ET DOCUMENTS.
appeler pour assesseurs et opinants aux jugements des procès, et cela
fondé, dit la déclaration, sur ce que l'intention de Votre Majesté est de
çclure entièrerm ni de faire aucune fonction de judicature.
Pur la déclaration du 21 août 1684, il est même défendu de les recevoir
ou de les nommer d'office pour experts dans aucune sorte d'affaires1.
Un pareil ordre a été donné touchant les officiers de la maison de
Votre Majesté et des autres maisons des princes de son sang, jouissant
des privilèges des commensaux, non seulement pour empêcher que
désormais il n'en soit reçu aucun faisant profession de ladite religion,
mais encore pour destituer tous ceux qui se trouveraient pourvus de
ces offices, par arrêt de votre Conseil d'État du 4 mars 16832.
Les secrétaires de Votre Majesté, maison et couronne de France et
de ses finances, tant titulaires qu'honoraires, et leurs veuves, ont subi
aussi l.i même rigueur. L'arrêt de votre Conseil d'État du 19 janvier 1G84
a obligé les titulaires de se démettre de leurs offices. Les honoraires
sont déclarés déchus de leurs privilèges et leurs lettres révoquées, et
les veuves privées des droits dont elles jouissaient à cause des charges
de leurs maris décédés3.
Il en a été de même des conseillers et officiers des Cours des Aides,
des Chambres des Comptes, de ceux des sénéchaussées et des prési-
diâux, de ceux des bailliages et des judicatures royales, de ceux des
amirautés, de ceux des prévôtés et des maréchaussées, des trésoriers,
receveurs et autres, ayant charge dans les gabelles et dans les finances
de Votre Majesté, qui tous ont reçu ordre de se défaire de leurs offices
par la seule raison de leur religion4.
Par cette raison, Sire, on a encore exclu les suppliants de toutes les
fermes, sous-fermes et autres affaires de Votre Majesté. De sorte que,
par le règlement du 11 juin 1680, ils ne peuvent plus entrer en aucune
ni comme sous-associés ou sous-fermiers, ni comme directeurs, con-
trôleurs, capitaines ou brigadiers, ni être en quelque manière que ce soit
employés, non pas même comme simples commis, archers ou gardes*.
1. « A peine de nullité des arrêts, sentences et jugements qui seraient inter-
venus sur les rapports d'experts de ladite religion. »
2. « Le Roi ayant été informé que plusieurs officiers de ses vénerie et fau-
connerie, et autres de sa Maison et des Maisons royales, faisant profession de
la Religion prétendue réformée, n'ont tenu compte de se démettre de leur
charge... seront tenus de se faire... en faveur de personnes agréables... » Arrêt
du 4 mars 1683.
3. i Les titulaires des charges de conseillers-secrétaires du Roi, maison,
couronne de France, et de ses finances, seront tenus de se défaire de leursdites
charges dans trois mois en faveur des catholiques. » Arrêt du 19 janvier 1684.
' \nvl du Conseil portant défense aux Receveurs généraux des Finances
de traiter du recouvrement des tailles, des élections, avec aucune personne de
la Religion prétendue réformée, 17 août 1780. — Arrêt du Conseil, portant que
Les catholiques qui vondronl 8e charger de la fourniture 'les chevaux de louage
seronl préférés à cens de la Religion prétendue réformée, 9 mars 1682.
Sa Majesté veut que les seuls catholiques, apostoliques et romains
REQUÊTE DES PROTESTANTS DE FRANCE A LOCIS XIV. 77
Et avec cela quoique l'Édit déclare formellement les; suppliants
capables de toutes charges municipales qui sont celles des villes pour
l'exercice «le la police, et pour les autres fonctions qui en dépendent.
et d'être admis et reçus en tous les conseils, délibérations, assemblées et
fonctions, et que, suivant l'intention de l'Édit de Nantes, celui de
Louis X 11 1 de 1629, art. 17 «, porte expressément que l'ordre gardé
d'ancienneté dans les villes, tant pour les consulats que pour la polir, , sera
gard vme il était auparavant, et que la déclaration de 1031
ordonne aussi que les consulats et maisons de ville seront mi-partis ;
néanmoins, par divers ordres ou arrêts surpris en votre Conseil, les
suppliants ont été dépouillés partout. De sorte qu'à présent ils n'ont
plus en aucun lieu aucune part au maniement de leurs propres
intérêts2.
Toutes ces dispositions, Sire, qui jusqu'ici ont été et sont encore
exécutées partout fuit sévèrement, sont directement contraires à l'esprit
et à la lettre de l'Édit. A l'esprit, qui a été de traiter les suppliants
comme vos autres sujets pour les choses de la vie civile. A la lettre,
qui veut pourvoir à la sûreté des personnes et des fortunes des suppliants,
ordonne qu'ils soient regardés des autres comme frères et citoyens, et les
déclare capables de tous états et fonctions pour y être admis et reçus
indi t. Cependant les voilà chassés de toutes sortes de charges
et d'emplois depuis les premiers jusqu'aux plus vils, ce qui les prive de
tout rang et de tout honneur dans la société, et en leur ôtant presque
tnu> les moyens légitimes de gagner leur vie ou de conserver le peu de
bien qu'ils tiennent de la bénédiction de Dieu, leur rend l'Édit inutile
et illusoire, car en vain auraient-ils la liberté de conscience et l'exer-
cice de leur religion dans votre royaume, s'il leur est impossible d'y
vivre et d'y subsister par le défaut des choses nécessaires à la nature,
et proportionnées à la condition de chacun en particulier.
11 est vrai qu'ils n'ont pas encore vu d'ordre émané de Votre Majesté
qui leur interdise absolument l'entrée aux Arts, aux Métiers, aux pro-
ions et au commerce, mais pourtant, Sire, il s'en faut bien qu'à cet
égard même, les suppliants ne jouissent d'une pleine et entière liberté.
Car, sans dire que dans les villes où ils sont en très grand nombre on
les a réduits pour les Arts et Métiers au tiers, on les a d'un coté exclus
de tous les arts qu'ils exerçaient snus des privilèges de votre hôtel
comme indignes, a-t-on dit, de participer à vos grâces, quoiqu'ils
eussent acheté ces privilèges, et on leur a fait fermer leurs boutiques
soient admis dans ses fermes. » Extrait du Règlement des Fermes, arrête ci
Fontainebleau le il juin 1680. Signé : Colbert.
1. K.lii de Nîmes juillet 1629).
2. Arrêt <iu Conseil d'État ordonnant que tous les consuls et officiers poli-
tiques de Montpellier seront catholiques, 28 août 1656 ; de même pour Hedar-
rieux, 27 mars 1657; pour Grenoble, 10 janvier 1681 ; les arrêts semblables sont
trop nombreux pour pouvoir être rapportés.
78 MÉLANGES ET DOCUMENTS.
Bans aucun égard4. D'autre part, les difficultés de parvenir aux maî-
trises par la voie des chefs-d'œuvre leur deviennent tous les jours de
plus en plus insurmontables, tant par les obstacles qu'on apporte aux
apprentissages, que par ceux qu'ils trouvent aux réceptions. Pour les
professions, par arrêl de Notre Conseil, on a interdit quelques médecins
pour la seule cause de la religion, et, dans votre Parlement de Rouen,
on a voulu réduire presque à rien le nombre tant de médecins que
(\c> avocats de ladite religion2. Votre Parlement de La Réole, par son
arrêt du II août 1684, a enjoint à tous les apothicaires et chirurgiens
de la province de Saintongc, faisant profession de ladite religion, de
rapporter incessamment leurs lettres de maîtrise, et cependant les a
interdits des fonctions de leur profession3. Le Parlement de Bretagne
a donné un pareil arrêt contre ceux -de son ressort. Et, pour ce qui
regarde le commerce, on a interdit et on interdit tous les jours des
marchands en divers lieux comme à Dijon4, à Autun3, et nommément
à Amiens, par arrêt de votre Conseil, sans autre raison que celle de la
1. Les arrêts rendus par le Conseil d'État ou par les Parlements à ce sujet
sont très nombreux, en voici quelques exemples : Arrêt du Conseil d'État qui
ordonne qu'il n'y aura dans Rouen que deux monnoyers de la Religion pré-
tendue réformée, 24 octobre 1664. — Arrêt du Conseil d'État qui exclut de la
maîtrise de lingère les femmes de la Religion prétendue réformée, 21 août 1665.
— Lors de la paix des Pyrénées, le Roi donna divers édits, portant création
de quatre lettres de maîtrise dans toutes les villes et bourgs du royaume.
Comme ces édits étaient généraux, ces lettres furent vendues aux catholiques
comme aux réformés. Un grand nombre de ces derniers firent cet achat coûteux,
afin d'améliorer leur situation, mais, quatre ans après, le clergé obtint un
arrêt du Conseil du 21 juillet 1664 qui, sous le prétexte que ces lettres avaient
été expédiées sans la clause de la religion catholique, ordonna que les lettres
où cette mention n'existait pas demeureraient nulles, et qu'il était fait défense
de s'en servir. Par là furent ruinés plusieurs artisans, et dès cette époque
commença la grande émigration protestante.
Une ordonnance du Châtelet, du 13 mai 1681, exigea le catholicisme pour la
profession de bonnetier.
2. Eu 1662, le Parlement de Rouen avait réduit à deux, pour une population
protestante qui dépassait dix mille habitants, le nombre des médecins
réformés. Le 3 décembre 1664, par un autre arrêt, le nombre des avocats fut
réduit à dix pour le Parlement, à deux pour chaque bailliage, et à un pour
chaque vicomte.
3. Les dossiers relatifs à cette affaire se trouvent aux Archives nationales,
T. T. 247.
4. L'arrêt du Conseil d'État du 29 juin 1682 ordonna « que, dans six mois,
ceux de la Religion prétendue réformée, demeurant en la ville de Dijon, seraient
tenus de s en retirer avec leurs familles, pour aller faire leur résidence
ailleurs. »
5. L'arrêt du Conseil d'État du 24 mai 1683 donna deux mois à ceux de la
Religion prétendue réformée pour faire leur résidence ailleurs, « avec défense
a toutes personnes de la religion de se venir habituer à l'avenir en ladite
\il|.' I
REQUÊTE DES PROTESTANTS DE FRANCE A LODIS XIV. 7!»
religion. Tout cela, joint à toutes les autres choses qu'ils souffrent, ne
peut qu'il ne les jette dans une dernière calamité.
Mais, avant que les suppliants ùtent de devant vos yeux ce triste
tableau de leurs griefs sur la première partie de l'Edit, permettez-leur,
Sire, de nous représenter aussi, avec toute l'humilité dont ils sont
capables, que la déclaration du 17 juin 1681, qui ordonne que leurs
enfants à l'âge de sept ans pourront abjurer la religion prétendue réfor-
mée et embrasser la catholique, apostolique et romaine, prive les
suppliants de la puissance paternelle et du droit d'éducation que la
nature leur donne sur leurs enfants. Droit qui a toujours été regardé
parmi toutes les nations comme saint et inviolable, dans lequel l'Édit
de Nantes les avait maintenus, et que votre déclaration de 1669 leur
avait expressément conservé'.
Il en esl do même de la déclaration du 31 janvier 1682, qui ordonne
que tous les enfants naturels de ceux de ladite religion, de l'un et de
l'autre sexe, de quelque âge et condition qu'ils soient, seront instruits
et élevés à la religion catholique, apostolique et romaine. Car, quoique
ces enfants n'aient pas une naissance légitime, ils ne laissent pourtant
pas d'être naturellement sous la puissance de leurs pères lorsqu'ils en
sont avoués, ou sous celle de leurs mères quand ils ne sont pas avoués
des pères, ni les pères ou mères d'avoir sur eux le droit de l'éducation,
comme à cet égard ils sont en obligation d'y pourvoir2.
C'est aussi un droit de la nature et de la société civile que chacun
ait la liberté de choisir dans chaque profession les personnes qu'il juge
les plus propres pour leur confier sa vie et celle de ses enfants, dans
les maux ou dans les dangers qui les pressent, la vie étant le fondement
1. La déclaration du 17 juin 1G81 portait qu'il était loisible « aux sujets de
la Religion prétendue réformée, tant maies que femelles, ayant atteint l'âge de
sept ans, d'embrasser la religion catholique, apostolique et romaine, et qu'à cet
ellet ils fussent reçus à faire abjuration de leur religion, sans que leurs père et
mère on parents j pussent donner aucun empêchement sous quelque prétexte
que ce fût. » Toute liberté était laissée aux enfanls ainsi convertis, ou de
rester dans la maison paternelle, ou de l'abandonner, en demandant à leurs
parents une pension proportionnée à leurs conditions avec autorisation de
contrainte dans le cas de refus. Cette déclarai ion, rime des plus cruelles rendues
par Louis XIV, fut accordée aux sollicitations du clergé, qui, dès 1070, en avait
I lit l'instante demande. En 1670, elle fut renouvelée, sous le prétexte que
refuser de la donner, ce serait a prescrire des limites à la miséricorde de Dieu
et soumettre sa grâce à l'autorité des lois. » Elle inspira à Claude une éloquente
réponse qui traduisit l'extrême douleur des Réformés : « C'est à Votre Majesté
qu ils osent dire qu'ils aimeraient mieux souffrir toutes sortes de maux et la
mort même que de se voir séparer de leurs enfanls, dans un âge si tendre. »
Requête présentée au Roi par MM. de la Religion prétendue réformée, etc., 1681 .
2. La déclaration porte que les enfants bâtards de la Religion prétendue
réformée seront élevés en la religion catholique, « comme père commun de
nos sujets, nous ne pouvons les faire élever que dans la religion que nous
professons, » à peine à ceux qui s'y opposeraient de i,000 livres d'amende.
su MÉLANGES ET DOCUMENTS.
de toutes choses. Cependant la déclaration du 20 février 1680 prive les
femmes dos suppliants d'une liberté si nécessaire à leur conservation
el à celle dos enfants qu'elles portent, en ce qu'elle ordonne qu'aucune
personne de quelque soxe que ce soit, faisant profession de ladite reli-
gion prétendue réformée, ne puisse dorénavant se mêler d'accoucher. De
sorte que, dans un si extrême péril, il ne leur est plus permis d'appeler
à leur secours ceux ou celles en qui elles peuvent avoir plus de
confiance, ce qui sans doute les met dans une contrainte fort sensible à
la nature1.
La contrainte aussi où ils se trouvent par les déclarations du
17 juin 16812, 18 mai3 et 14 juillet 1682 n'est pas petite. La première
défend d'envoyer leurs enfants hors du royaume avant l'âge de seize ans,
la seconde défend aux gens de mer, et aux artisans et aux gens de terre
d'en sortir eux-mêmes, et la troisième fait la même défense à tous en
général et y ajoute celle de vendre leurs biens. Il ne se peut que cela
ne les jette dans une grande consternation; leurs enfants, à l'âge de
sept ans, sont hors leur puissance paternelle pour la religion, comment
s'empêcher de songera cet égard à leur sûreté? Les artisans et gens de
métiers sont réduits eux et leurs familles à la mendicité, le moyen de
ne pas aller chercher du pain ailleurs ? Et pour les autres, ils voient
toutes leurs affaires renversées par cette défense de vendre leur bien,
qui est dans la nécessité leur unique et dernier recours.
Les suppliants, Sire, représentent à Votre Majesté la même chose
sur le sujet des arrêts du 13 juillet 1682 et du 17 mai 1683, par lesquels
il est défendu aux ministres, et aux proposants qui ont servi dans les
lieux où l'exercice de ladite religion a été interdit, d'y résider ni plus
près que de six lieues, sur de grièves peines. Car ces défenses sont
directement opposées à la liberté dans laquelle l'article 6 de l'Édit les
a maintenus de vivre et de demeurer dans toutes les villes du royaume,
1 . Une peine de 3,000 livres frappait ceux qui contrevenaient à la décla-
ration. Les conséquences de cette mesure furent désastreuses dans les
provinces où les Réformés étaient nombreux. — « Il est déjà arrivé que dans
la ville de Montauban, où il se rencontra en même temps sept ou huit femmes
en travail d'enfant, sans qu'il s'y trouvât de chirurgiens ou de sages-femmes
catholiques pour les accoucher, ce qui a causé la mort de quelques enfants. »
Arch. nat., TT. 268.
2. La déclaration du 17 juin 1681, qui permettait aux enfants âgés de sept
ans de se convertir, ordonnait aux parents protestants dont les enfants étaient
élei es i dans les pays étrangers, dans lesquels ils pouvaient prendre des maximes
contraires à l'État et a la fidélité qu'ils devaient au Roi par leur naissance, de
les l'aire revenir immédiatement, à peine de privation, pour ceux qui avaient
du bien, île leur revenu pendant la première année, el de la moitié de ce môme
revenu pendant 1'altscnce de leurs enfants, j
:. La déclaration du 18 mai entraînait, si elle était violée, la peine des
perpétuité pour les ehefsde famille; celle du 14 juillet de cette même
année tendit a rendre l'émigration plus dillicile encore, en aliénant les ventes
faites par le-^ fugitifs, comme eu prononçant la confiscation de leurs biens.
REQUÊTE DES rKOTESTAYTS DE FRANCE A LOUIS XIV. 84
et pays de l'obéissance de Votre Majesté*. Ce que l'article 1er de? particu-
liers applique nommément aux ministres, et dans le cas présent cette
liberté parait d'autant plus juste et raisonnable que les ministres ont
souvent dans les lieux interdits où ils ont servi quelques biens en
fonds ou d'autres intérêts personnels qui leur aident à subsister et qui
demandent leur présence '-.
De cette première partie de l'Édit, les suppliants passeront à la
inde qui regarde la liberté de leurs consciences et l'exercice de leur
religion et de leur discipline dans les lieux permis3. Il leur serait diffi-
cile d'expliquer de combien de prétextes ou de maximes indirectes on
s'est servi pour faire interdire leurs exercices. L'envoi des commissaires
départis dans les provinces a été l'un des premiers et des plus spécieux
moyens qu'on a mis en œuvre pour cela'1. Connaître des infractions
faites à l'Edit pour les réparer ou pour en informer Votre Majesté, était
la chose du monde la plus plausible pour l'intérêt des suppliants, qui,
de la manière qu'ils sont dans le royaume, toujours observés par le
Clergé, ne semblaient pas pouvoir jamais être accusés d'en avoir fait de
leur part une seule. La suite a pourtant justifié que sous cette belle
apparence était cacbé le projet de mille griefs qu'on a faits aux
suppliants. Ces commissions ont été mises d'un côté entre les mains
des intendants de Votre Majesté dans ses provinces, et d'autre côté, en
plusieurs lieux, ils ont eu pour adjoints des personnes entièrement sus-
pectes à vos sujets de ladite religion, sans qu'on ait eu égard aux causes
de récusation qui étaient proposées contre eux s. D'ailleurs les syndics
de chaque diocèse, ayant été reçus pour parties, ont prétendu que tous
1. Ces arrêts devaient être exécutés sous peine de 3,000 livres d'amende,
d'être privés pour toujours de faire aucune fonction pastorale dans le royaume,
et de procédure extraordinaire.
2. a L'article vi dudit Édit (de Nantes) touchant la liberté de conscience aura
lieu et sera observé selon sa forme et teneur; même pour les ministres... »
Art. i îles Particuliers de l'Edit do Nantes.
3. Par discipline, les Réformés entendaient l'ensemble des règlements don-
nés par leurs synodes dans le but de maintenir l'ordre et la régularité dans
l'église. On appelait Lieux permis ceux où l'exercice de la religion réformée
était autorisé par l'Édit de Nantes.
'i- La déclaration est du 18 juillet 1656, mais l'envoi des commissaires dans
les provinces ne date que de 1661. Cette mesure fut prise à L'instante prière du
clergé, qui, réuni à Pontoise le 7 avril 1661, demanda que, par l'exécution de
cette mesure, les Réformés apprissent « que leur religion n'était que tolérée
dans le royaume. »
5. Dans une province comme le Languedoc, l'intendant Bézons, commissaire
catholique, avait pour collègue Peyremales, simple juge au présidial de Nimes.
On vit de Sigognac, commissaire protestant, appuyé par l'évêque de Montan-
ban, condamner de nombreuses églises, et ensuite apostasier. De Cnampigny,
intendant du Dauphin.', parlant de son collègue de Monlclar, le commissaire
protestant, avouait naïvement que celui-ci « travaillait contre sa religion. »
Lettre à La Vrillière, 14 juillet 1664. Arch. nat., TT. 288 b.
Rev. Hisxon. XXVII. 1" FAsc. G
82 MELANGES ET DOCDMEXTS.
Les exercices qu'on appelle de possession* étaient des infractions à l'Édit,
comme si aux temps de l'Édit les peuples de la R. P. R. n'eussent fait
prêcher mille part, ou comme si l'Édit, en leur accordant ces sortes de
lieux d'exercices, ne leur avait rien accordé. Cependant, Sire, les com-
missaires se sont partagés sur la plupart des exercices, et il y en a eu
très peu qui aient échappé à l'avis destructif des intendants, parce que
les intendants se sont fait des principes sur lesquels il était presque
impossible qu'aucun exercice subsistât; une possession de 60 ou 80 ans,
qui selon toutes les règles de la justice induisait un établissement
légitime, surtout dans les diverses révolutions des temps qui font perdre
les actes, ne leur a pas été un titre suffisant pour la conservation du
droit des suppliants, on leur en a demandé précisément des années
marquées par l'Édit2.
La déclaration du feu Roi, de glorieuse mémoire, père de Votre
Majesté, du mois de mars 1626 et son Édit du mois de juillet 1629 3,
qui ordonnaient que les exercices seraient laissés ou rétablis dans l'état
où ils étaient en 1620, n'ont point arrêté les commissaires, non plus
que les deux arrêts de Votre Majesté de 1649 et 1650, qui portent que
ceux de ladite religion ne pourraient être troublés en l'exercice de leur
religion, en la possession de leurs temples ni en toutes les autres
concessions à eux accordées, et qu'ils en jouiraient tout ainsi et en la
môme forme qu'ils faisaient lors du décès du feu Roy, sans qu'il y fût rien
innové à leur préjudice4.
On n'a point voulu recevoir les preuves par témoins, lorsque les
1. L'arlicle 9 de l'Édit de Nantes permettait aux Réformés de faire et
continuer l'exercice en toutes les villes et lieux de l'obéissance de Sa Majesté,
où il était par eux établi et fait publiquement par plusieurs et diverses fois,
en l'année 1596 et 1597, «jusqu'à la fin du mois d'août, nonobstant tous arrêts
et jugements contraires. » Cet article, qui créait des exercices dits de posses-
sion, donna lieu à des procédures sans nombre.
2. Entre une foule d'exemples, nous citerons celui-ci : Dès 1670, le syndic du
clergé demanda la suppression du Collège et de l'Académie de Saumur. Lorsque
les Réformés parlèrent de la prescription acquise par près d'un siècle de droit,
celui-ci répondit : « La prescription ne vaut que pour les choses du commerce. »
Arch. nat., TT. 239.
3. Édit du Soi, sur la paix qu'il a plu à. Sa Majesté donner à ses sujets de
la Religion prétendue réformée. Donné à Paris, en mars 1626, et publié en
Parlement, le sixième avril audit an. Article m : « voulons que l'exercice de
la Heligion prétendue réformée soit rétabli au lieu où il était établi en l'année
1620. » — Édit de Nimes, juillet 1629. — Article v : « voulons qu'ils aient
L'exercice libre de la religion en tous les lieux où il a été concédé pour
iceux. »
4. Arrêt du Conseil d'État rendu en présence du Roi et de la Reine régente,
sur hs plaintes du député général, 23 décembre 1649. — Il y est ordonné « que
les édils et déclarations devront <Hre entièrement exécutés. » — Arrêt du
Conseil d'État confirmatif de celui du 23 décembre 1649, relatif au maintien
des édils de pacification, 20 avril 1650.
REQUKTE DES PROTESTANTS DE FRANCE A LOUIS XIV. 83
suppliants ont présenté des vieillards irréprochables et même catholiques
qui déposaient avoir vu leurs assemblées aux années de l'Édit, on n'a
eu nul égard aux registres de baptêmes et de mariages suivis de
semaine en semaine, quoique ces titres marquent visiblement une
possession. Des livres de consistoire, des actes de synodes même et de
colloques en bonne forme, qui prouvaient cette possession, n'y ont de
rien servi; on est allé jusqu'à rejeter des ordonnances de commissaires
envoyés immédiatement après l'Édit et pour l'exécution de l'Édit, sous
prétexte qu'on a prétendu, ou que les commissaires avaient été partiaux
et suspects, ou qu'ils avaient été surpris et qu'ils avaient donné leurs
ordonnances sans examen et sans y voir assez clair. Des preuves mêmes
incontestables d'exercices, quelques années avant et après l'Édit, et qui
par une conséquence évidente enfermaient les années mêmes de l'Édit,
n'ont été de nulle considération1. On n'en a pas usé. avec plus de modé-
ration pour les exercices qu'on appelle de bailliage, sur lesquels on n'a
rien oublié qui put inquiéter les suppliants et donner quelque couleur
à des condamnations-.
Mais, Sire, ce qu'il y a eu de plus accablant aux suppliants et qui a
été pour eux une source presque infinie de maux, c'est que dans les
jugements rendus dans votre Conseil, sur le partage des commissaires,
on a suivi les mêmes maximes qu'ils avaient suivies, et qu'on y a regardé
l'Edit non dans ses naturelles idées ou dans sa naturelle destination,
comme une loi de sagesse, d'équité et de justice rendue à vos sujets de
la R. P. R., ni comme une protection qui leur a été authentiquement
accordée, mais simplement comme une charge à l'État dont il fallait se
soulager. De là sont venus tant d'interdictions et de condamnations
d'exercices, tant de temples abattus en si peu de temps, et tant de
milliers de peuples privés de la liberté de prier Dieu, et de s'instruire
dans les choses de la religion suivant les mouvements de leur cons-
cience. De sorte qu'au lieu qu'il paraît par un synode national tenu à
Montpellier en 1598, c'est-à-dire l'année même de l'Édit, que les
suppliants jouissaient de 760 lieux d'exercice sans y comprendre les
ices des fiefs, ni les lieux de bailliage qui n'avaient pas encore été
donnés, ni les lieux qui devaient être rétablis, selon l'Édit de 1577, à
peine y en a-t-il à présent la douzième ou la quinzième partie qui
subsiste. Et c'est pourtant ce qu'on appelle avoir corrigé les infractions
faites à l'Édit 3.
1. Les nombreuses pièces, produites alors pour justifier le droit d'exercice,
ont été en grande partie conservées, et forment une suite importante de la
série TT. des Archives nationales. On consullera aussi utilement la série
L. D. 176 de la Bibliothèque nationale (imprimés) où se trouvent les rapports
présentés au Conseil d'État sur les partages survenus entre les commissaires à
l'occasion du droit d'exercice.
2. L'Edit de Nantes avait accordé le droit d'exercice à raison de deux par
bailliage.
3. « Rôle total des églises réformées de France dressé l'an du salut 1598, Ile-
S', MELANGES ET DOCUMENTS,
I ependant une si grande brèche n'a pas été capable de contenter ceux
(jui veulent la ruine entière des suppliants; ils ont formé encore le
dessein d'ôter ou de rendre nul et illusoire le droit des fiefs accordé par
les articles 7 el 8 de l'Édita C'est ce qu'ont fait plusieurs arrêts qu'ils
mit surpris au Conseil de Votre Majesté, comme sont ceux du 27 dé-
cembre 1675, 15 août 1676 et 8 novembre 1681, qui ordonnent que les
prétendants aux droits de fief qui ne font l'exercice de ladite religion que
depuis deux ans ne le pourront continuer qu'après avoir justifié de leur
dioit devant les commissaires et rapporté une ordonnance qui leur en
accorde la permission. Ainsi ces arrêts les dépossèdent d'abord contre
la disposition formelle de l'Édit, qui veut que, quand même les fiefs
seraient contestés par vos procureurs généraux, pourvu qu'on soit en
possession actuelle, on ne laissera pas. d'y jouir de l'exercice de ladite
religion. D'autres arrêts, et nommément la déclaration du 4 sep-
tembre 1684, restreignent l'exercice aux familles des seigneurs des fiefs
et aux tenanciers de leurs terres, contre le texte exprès de l'Édit qui porte
tant pour eux, leurs familles et sujets qu'autres qui y voudront aller,
distinguant formellement ces autres qui y voudront aller, d*avec leurs
vassaux et leurs domestiques2.
Mais l'arrêt rendu en votre Conseil le 4 septembre 1684 va encore
plus avant, car il réduit le droit dont il s'agit à ceux qui tiendront fiefs
en ligne directe ou collatérale depuis l'Édit, et il en prive tous ceux
qui les tiennent par acquisition ou autrement, ce qui est une restriction
entièrement contraire à l'Édit. L'Édit, Sire, étant une loi perpétuelle et
irrévocable, doit nécessairement régner sur les révolutions que le temps
de-France, Picardie, Champagne et Brie, 88; Normandie, 59; Bretagne, 14;
Bourgogne, 11; Lyonnais, 4; Forez, 2; Dauphiné et Provence, 94; Vivarais, 35;
Bas-Languedoc, 116; Haut- Languedoc, 96; Guyenne, 83; Poitou, 50; Sain-
tonge, 51 ; Anjou, 21 ; Orléans, 29, qui font en tout 763. » Aymon, Synodes natio-
naux de France, 1, 226. Dans les deux premiers mois de 1683, quarante-cinq
temples tombèrent sous la pioche des démolisseurs. Il n'était pas d'évèque qui
ne tint à honneur de se glorifier d'avoir fait abattre quelques temples, c'était
du reste la meilleure manière alors d'avancer sa fortune à la cour, car le Roi
voyait, dans l.i destruction de l'hérésie, la grande atfaire du règne. « Je fus si
heureux, dit Cosnac, évèque de Valence, dans ses mémoires, que dans moins
de deux ans, de quatre-vingts temples que j'avais dans les diocèses de Valence
el de Die, il n'en restait qu'environ dix ou douze, qui, dans la vérité, n'étaient
pa> dans le cas d'être rasés. » Mémoires de Daniel de Cosnac.
1 . Les articles 7 et 8 de l'Édit de Nantes permettaient aux seigneurs réformés,
ayant liante justice ou fief de haubert, de faire célébrer le culte dans leurs
châteaux, de là le nom d'exercices de fiefs.
2. Le Conseil d'État, par son arrêté du 27 décembre 1675, défendit aux
synodes de nommer des pasteurs pour les nouveaux exercices de fiefs, en
motivant sa décision but le lait qne le nombre de ces exercices allait gran-
dissant. Plusieurs Réformés avaient en effet acheté des fiefs et croyaient par
cela même avoir le droit d'établir le culte dans leurs châteaux, l'arrêt du
Conseil les détrompa.
REQUÊTE DES PROTESTANTS DE FRANCE A LOUIS XIV. 85
et le commerce ordinaire de la "vie civile apportent dans les familles. De
quoique main que viennent les maisons, ou de quelque main qu'elles
changent de maître, pourvu que ce soient des personnes de la R. P. R.
qui les possèdent actuellement, elles demeurent toujours par manière
di1 dire sons l'influence de l'Édit, qui à cet égard est comme le soleil
qui n'a pas été fait pour éclairer seulement les corps de la première
création, mais aussi tous ceux que la suite des temps ou des générations
pourraient produire à l'avenir. Aussi est-il constant que le droit dont il
; est accordé à tous seigneurs, gentilshommes et autres personnes,
tant regnicoles qu'autres, le Roi voulant désigner les étrangers qui
pourraient venir habiter dans Le royaume et y acheter des terres en
justice ou des fiefs. Gomme donc, à l'égard des étrangers, ce serait
donner une fort mauvaise interprétation à l'Edit que de le restreindre
à ceux qui tiendront leurs terres en ligne directe ou collatérale depuis
l'Edit, el d'en exclure les étrangers qui les ont acquises depuis, ou qui
en pourraient tous les jours acquérir, cette restriction ne saurait aussi
avoir lieu à l'égard des regnicoles. Et il ne servirait de rien de presser
le terme ayant qui se trouve dans l'article, tous seigneurs, etc., ayant en
notre royaume et pays de notre obéissance haute justice et plein fief,
comme si ce terme ne signifiait que le temps d'alors1. Car, qui ne sait
que dans le style des édits, des lois et des ordonnances perpétuelles,
ce terme esl employé non seulement pour ceux qui se trouvent avoir
alors, mais aussi pour ceux qui se trouvent avoir dans la suite des
temps à perpétuité de quelque manière que cela arrive? en effet, dans
l'article suivant, où il est parlé des petits fiefs, le terme Sauront est
employé pour faire voir que ces deux mots sont mis indifféremment l'un
pour l'autre, dans un seul et même sens.
A cela les suppliants ajoutent que c'est dans ce sens clair et naturel
qu'on a entendu l'Édit, depuis qu'il a été donné jusqu'à présent, et que
dans ce même sens qu'il a toujours été exécuté jusqu'à ce jour,
sans qu'on se fût jamais avisé d'y vouloir apporter cette restriction.
Plût à Dieu, Sire, que les suppliants pussent finir ici la déduction de
leurs maux et cesser d'en importuner Votre Majesté, mais, puisqu'on ena
tellemenl grossi le nombre que, pour en toucher seulement les principaux,
i! faut qu'ils passent les bornes d'une requête ordinaire, ils espèrent de
votre équité qu'elle n'imputera cette longueur qu'à la grandeur et à la
multitude même de leurs malheurs. L'Édit qui défend aux catholiques
d'embrasser la R. P. R. et les déclarations qui ont été publiées sur le
1. Édit de Nantes, art. vu : « Nous avons aussi permis à tous seigneurs,
gentilshommes et autres personnes, tant regnicoles qu'autres, faisant profession
de la Religion prétendue réformée, ayant en notre royaume et pays de notre
obéissance haute justice ou plein fief de Haubert (comme en Normandie) soit
en propriété on usufruit, en tout ou par moitié, ou par la troisième partie,
etc., d'avoir l'exercice de ladite religion, tant qu'ils y seront résidents, et en
leur absence, leurs femmes ou bien leur famille, ou partie d'icelle... »
SI! MELANGES ET DOCUMENTS.
sujet de ceux qu'on appelle relaps* ont rempli les suppliants d'étonne-
ment et de frayeur. Ils vous représentent, Sire, que ces dispositions,
qu'il semble que Votre Majesté a plutôt lâchées que données aux
instantes sollicitations du Clergé qui les avait longtemps demandées
sans les obtenir2, font d'un côté par elles-mêmes une brèche de la
dernière conséquence à l'Édit de Nantes, et, de l'autre, elles sont accom-
pagnées de telles circonstances que les suppliants s'y voient exposés
aux dernières vexations3.
L'article 6 de l'Édit, qui permet à ceux de ladite religion de vivre et
de demeurer dans toutes les villes et lieux du royaume, sans être enquis,
vexés, molestés ni astreints à faire chose pour le fait de la religion contre
leur conscience, est formellement expliqué par le premier des particu-
liers, de la liberté de conscience et permission à tous les sujets de Sa Majesté
de vivre et de demeurer dans ce royaume et généralement pour tous ceux
qui sont et seront de ladite religion. Termes qui marquent nettement une
liberté à tous généralement d'en faire profession. Aussi clans l'article 27
de l'Édit, qui déclare ceux de ladite religion capables de tous états et
charges, il est dit expressément : Tous ceux qui font ou feront profession
de la R. P. R., ce qui signifie évidemment que, dès qu'un homme a fait
en son cœur le dessein d'embrasser ladite religion, il est en droit d'en
faire la profession et de jouir de la liberté que donne l'Édit. Aussi l'ar-
ticle 18, qui fait défense à ceux de ladite religion, de même qu'aux catho-
liques, d'enlever les enfants par force ou par induction pour leur faire
embrasser leur religion, suppose manifestement le droit d'y recevoir les
adultes qui s'y voudront ranger volontairement. L'exception confirme
la règle, car ce serait en vain que l'exception serait faite pour les enfants,
si absolument on n'y eût pu recevoir personne, et cela est si vrai que
jusqu'à présent on n'a jamais donné d'autre sens à l'Édit, les uns et les
autres l'ont entendu, pratiqué et observé de cette manière, non seule-
1. « Relaps, c'est-à-dire retomber dans l'hérésie après l'avoir abjurée, était
aux yeux des zélés catholiques la faute la plus irrémissible, comme aussi
l'injure la plus diffamante. » Rulhières, Eclaircissements historiques, 52.
2. Le 6 octobre 1665, l'évêque d'Uzès demanda à Louis XIV, au nom du
clergé de France, « de faire une défense solennelle à tous ses sujets catho-
liques de se pervertir sous des peines très rigoureuses et de quitter cette sainte
religion dans laquelle ils sont nés, pour en prendre une autre, parce qu'elle est
plus commode el plus indulgente à tous les sentiments de la nature corrompue, »
etc.. Abrégé des actes du Clergé de France, 1690, p. 549. — En 1670, cette
même demande Représentée en raison de « l'horrible libertinage des catho-
liques qui font banqueroute à leur religion. » Abrégé ; op. cit., p. 553. — De
même en 1675, 17 août, « que Sa Majesté ôte à ses sujets catholiques cette
funeste liberté de conscience et les mette dans l'heureuse nécessité d'être
toujours fidèles. » Abrégé; id., p. 565.
3. L'Édit de juin 1680, défendant aux catholiques de quitter leur religion
pour professer la Religion prétendue réformée, condamnait les contrevenants
3 l'amende honorable, au bannissement perpétuel et à la conliscatiou des
biens, avec interdiction du culte là où se serait produite l'abjuration.
REQUÊTE DES PROTESTANTS DE FRANCE A LOUIS XIV. *7
mont pendant le règne d'Henri le Grand, le premier interprète de l'Edit,
mais aussi pendant le règne du feu roi et pendant tout celui de Votre
Majesté. Et, jusqu'au jour que ces dispositions ont paru, il a été libre à
chacun d'embrasser la R. P. R. et d'y retourner après l'avoir quittée,
sans que jamais il en ait été fait un crime.
.Mais, outre cela, ces nouvelles lois ont été accompagnées de condi-
tions ou de peines si extraordinaires qu'il semble qu'on ne lésa deman-
- ainsi que dans la vue d'en faire un piège inévitable aux suppliants
pour hâter leur entière ruine. Elles portent défense aux ministres et
anciens des consistoires de recevoir les catholiques à faire profession de
la religion des suppliants, et de les souffrir dans leurs temples ou assem-
blées, à peine auxdits ministres d'interdiction perpétuelle de leur minis-
tère et d'interdiction pour jamais de l'exercice de ladite religion dans
les lieux où lesdits catholiques auronl été reçus1. Et, à l'égard de ceux
qu'on appelle relaps, la peine vaà l'interdiction perpétuelle des ministres,
à l'amende honorable, au bannissement du royaume, à la confiscation
liens et à l'interdiction pour toujours de l'exercice dans les lieux.
De cette manière, Sire, les suppliants se sont trouvés tout d'un coup
réduits à de dures extrémités. S'ils ont vu d'un côté des misérables
ir et demander avec larmes d'être reçus ou rétablis dans leur com-
munion, sans leur pouvoir donner cette consolation ; d'autre côté, ils se
sont vus exposés à des peines d'une dernière rigueur, comme sont la
perte de leurs exercices, une amende infamante avec interdiction et
bannissement à l'égard de leurs ministres. Et cela, Sire, pour des choses
qui ne sont pas de leur fait, et qu'ils ne sauraient éviter. De sorte que
ce n'est plus de leurs propres actions ou de leurs propres volontés qu'on
leur fait des crimes, mais des actions et des volontés d'autrui, dont ils
ne peuvent être ni les maîtres ni les garants. Leurs exercices sont
publics, leurs assemblées souvent composées de deux, trois et de quatre
mille personnes dont plusieurs, dans ce grand nombre de suppressions
d'exercices arrivées depuis quelque temps, s'y rendent quelquefois de
15 ou 20 lieues, et leurs temples sont ouverts de tous côtés. Comment
des ministres ou des anciens pourraient-ils les compter tous un par un
dans un si petit espace de temps que celui où se forment leurs assem-
blées? Et, quand ils les pourraient compter, comment les reconnaître,
puisqu'il y en a une infinité dont ils n'ont jamais vu le visage? Com-
ment les examiner tous aux portes des temples pour savoir s'ils sont
catholiques, ou s'ils ont changé de religion ? Et comment enfin se garan-
tir de surprises? Un ministre qui est tout appliqué à la prédication
pourrait-il, dans un si grand nombre, discerner tous ses auditeurs,
connaître leurs qualités, empêcher qu'il n'en vienne d'autres, ou des-
cendre de sa chaire pour aller chasser ceux qu'il pourrait soupçonner2?
1. Édit du mois de juin 1680.
1. Les exemples de ces procédures ne se comptent pas, leurs dossiers rem-
plissent les cartons de la série TT. L'une des plus importantes églises de
S s MELANGES ET DOCUMENTS.
C'est pourtant sur tous ces cas qui sont notoirement hors de leur pou-
voir qui- Les ministres se trouvent, en leurs propres personnes, sujets à
l'amende honorable, à la contiscation de biens, à l'interdiction perpé-
tuelle de leur ministère et au bannissement hors de votre royaume.
C'est sur ces cas que les peuples qui n'y ont nulle part sont privés de
L'exercice de leur religion, c'est-à-dire du droit qui leur appartient et
qui n'est ni aux ministres, ni aux consistoires, mais à eux. Les sup-
pliants, Sire, regardent le clergé de votre royaume comme des personnes
distinguées qui y tiennent un rang très considérable à tous égards, mais
ils ne peuvent s'empêcher d'être étonnés que ces messieurs n'aient un
peu plus ménagé leurs instances auprès de Votre Majesté. Car de dire
qu'il n'importe de quelque manière qu'on perde ceux qu'on veut perdre
en juste guerre ou autrement, c'est une maxime qui n'a point de pro-
portion avec leur dignité 1 .
Cependant les suppliants voient tous les jours leurs ministres interdits
cl leurs plus grands et plus importants lieux d'exercices supprimés par
des voies si extraordinaires. Montpellier, Montauban, l'Ile-en-Jourdain,
Bergerac, Nérac, Niort, Lamotte-Saint-Éray, Châtillon-sur-Loire, Sau-
say, Saint-Hilaire, Marennes, Montélimart, Castres, et plusieurs autres,
ont déjà subi cette triste peine, sur ce prétexte. Les temples de la
Rochelle, d'Angers, de Saint-Lô, de la Rochefoucault, de Vertueil, de
Puylaurens, de Cose et beaucoup d'autres sont fermés sur le même pré-
texte, et, de ceux qui restent aux suppliants, combien peu y en a-t-il
qui ne soient menacés d'un sort pareil ? Il ne semblait pas qu'il en fal-
lut davantage pour achever la ruine des suppliants, car qui peut se
mettre à couvert de pareilles surprises, quand on voudra y faire tomber
quelqu'un 2 ? On a néanmoins encore ouvert d'autres voies pour les
Saintonge, Marennes, fut interdite sur le simple soupçon que des catholiques
avaient pénétré dans le temple. Loquet et Boybelleau, pasteurs de cette église,
subirent sept mois de prison dans les cachots de La Réole, et, bien que nulle
contravention ne pût être relevée contre eux, ils n'en furent pas moins bannis
du royaume, TT. 2â7. Du reste il n'était pas de province où les pasteurs, sur
les dénonciations des syndics du clergé, ne fussent exposés à de pareilles
persécutions.
1. C'est surtout au clergé de France que doit être attribuée la révocation
de l'Édil de Nantes. — Le compilateur des Actes du Clergé le reconnaît
hautement, Lorsqu'il dit : « Ce sont les remontrances des évoques qui ont donné
lieu à une grande partie des règlements qui ont été faits depuis. Il y en a qui
n'uni pas été publiés aussitôt, les circonstances ne le permettant pas, mais le
Roi les a données dans la suite. On remarquera sur ces règlements cette
conformité des remontrances du Clergé avec ce qui a été ordonné. » Tome I,
p. 1125.
2. Ce fut en effet un des moyens employés le plus fréquemment pour faire
prononcer l'interdiction du culte des Réformés. En voici un exemple signifi-
catif entre plusieurs autres : Begon, intendant de Rochefort, recommande à
la charité du Roi la nommée Marie Bonnaud, pour les raisons suivantes :
■ .M. A mou M [alors intendant de La Rochelle) s'est utilement servi de Marie
REQUÊTE DES PROTESTANTS . DE FRANCE A LOUIS XIV. 8!>
dépouiller de leur? exercices. Ils mettent dans ce rang l'arrêt qui a été
depuis peu surpris dans votre conseil du 4 septembre 1684, qui défend
aux consistoires d'assister sous prétexte de charité les pauvres malades ',
et la déclaration du 21 août 1684 2 qui leur ùte les pensions, rentes ou
immeubles qu'ils pourraient avoir pour l'entretien de leurs pauvres,
et leur ordonne d'en remettre les titres. Car ces deux dispositions
ajoutent pour peine aux suppliants la privation ou la suspension de
L'exercice de leur religion.
Sur quoi, Sire, ils représentent très humblement à Votre Majesté que
l'une et l'autre de ces dispositions sont contraires à l'Édit, qui, dans
l'article 43 des particuliers, leur permet les donations et les legs pour
l'entretènement de leurs pauvres, marquant en propres termes les legs
et donations qui peuvent tomber en main-morte, ce qui ne peut s'en-
tendre que des immeubles.
On s'est servi encore d'un autre moyen pour priver les suppliants de
L'exercice de leur religion en obtenant la déclaration du 20 août 1682,
qui leur défend de s'assembler sous prétexte de prières publiques et de
lecture, si ce n'est seulement en présence d'un ministre qui leur aura
été donné par le synode ou colloque. Sur quoi on n'a eu qu'à faire des
affaires criminelles aux ministres, à les emprisonner, ou à les épouvan-
ter pour les mettre en fuite, et aussitôt les temples des suppliants ont
été fermés et leurs exercices interrompus, ce qui est arrivé en une inli-
nité d'endroits3.
Les suppliants ne sont pas mieux traités sur le sujet de leur disci-
pline dont l'Édit leur accorde le libre exercice4. Les commissaires catho-
liques qui assistent depuis quelques années dans leurs synodes au nom
de Votre Majesté rendent presque impossible la dispensation des cen-
Bonnaud (relapse à cette époque) pendant les années 1681 et 1G85 pour trouver
des preuves de faits suffisants pour parvenir à la démolition des temples, et
i 'es1 par ^>u moyen que celui de La Rochelle et plusieurs autres ont été détruits
avant le mois d'octobre 1685. Begon. Rochefort, le 21 mars 1693. » Arch. nul.,
TT. Aux Archives de la cour de Nîmes, on peut relever, pour l'année 1683,
38 jugements ordonnant la démolition des temples du Haut-Languedoc, pour
le seul fait de la présence de nouveaux convertis dans ces édifices.
1. Arrêt du Conseil du 4 septembre 1684, portant défense aux particuliers
de recevoir en Leurs maisons les pauvres malades de la Religion prétendue
réformée. — L'arrêt visait les consistoires et imposait une pénalité de
500 livres.
2. Déclaration du 21 août 1684, concernant les biens des consistoires. Tous
Les biens durent être remis aux hôpitaux.
3. La déclaration fut rendue sous le prétexte que ces réunions pourraient
être tumultueuses, une pénalité de 3,000 livres d'amende y fut attachée.
4. Par la déclaration du 10 octobre 1629, le Roi se réserva de nommer le
commissaire qui assistait au synode, soit catholique, soit réformé, mais à
dater de 1682, le poste fut réservé aux commissaires qui étaient de la religion
du Roi.
90 MELANGES ET DOCUMENTS.
sures 01 des corrections, la charité trouvant de la peine à publier les
fautes de ceux d'une même communion en présence de personnes de
religion contraire. Outre que la difficulté qu'ils trouvent aujourd'hui à
obtenir la permission de convoquer leurs synodes, les empêche de pour-
voir de ministres les églises qui en manquent et interrompt générale-
ment toutes les affaires de leur discipline, les laissant dans la confusion,
cependant il est certain que l'Édit ne leur imposait pas la nécessité des
commissaires, et beaucoup moins de commissaires catholiques, et, jus-
qu'à présent, Votre Majesté ne leur avait jamais refusé la permission
d'assembler leurs synodes1.
Mais, Sire, la déclaration du 2 décembre 1684 va encore beaucoup
plus avant, en ce qu'elle porte défense aux consistoires de s'assembler
que de quinze en quinze jours, ni qu'en présence d'un commissaire de
Votre Majesté. Car, d'un côté, elle leur rend toutes les censures presque
impossibles, et de l'autre elle empêche de pourvoir aux affaires qui sur-
viennent inopinément, ou qui ne peuvent être différées qu'avec beau-
coup d'inconvénients2.
La déclaration du 24 août 1684 qui porte la mobilité des ministres de
trois en trois ans ne renverse pas moins l'usage de leur discipline qui
est entièrement contraire à ces sortes de changements. Les suppliants
ne savent à quoi attribuer une telle disposition qui, en interrompant
le cours de leur édification, ne semble pas même s'accorder avec le bien
de votre service, puisque des ministres peu connus, et qui n'auront que
peu de créance, ne seront pas fort propres à inspirer efficacement à vos
peuples dans les occasions le respect et l'obéissance qu'on doit à Votre
Majesté. Ils ne peuvent aussi comprendre quel intérêt a la religion
catholique à procurer des séparations qui semblent ne pouvoir produire
que des larmes et des regrets et la pitié, de voir des personnes avancées
en âge, pauvres et chargées d'infirmités, abandonner les établissements
qu'ils pourraient avoir faits et courir de lieu en lieu jusqu'au dernier
moment de leur vie3.
1. La tenue des synodes était rendue chaque jour plus difficile. Après les
événements du Vivarais, lorsque les Réformés voulurent célébrer leur culte
sur les ruines des temples, et que les dragons eurent pillé le pays, Louvois
•'•< mil à Daguesseau : « L'intention du Roi est que les religionnaircs fassent sur
eux l'imposition des dépenses que Sa Majesté veut qu'il paye pour les troupes
qui ont marché contre eux, mais que ce soit vous qui y travailliez, moyennant
quoi il ne sera pas nécessaire de leur permettre de tenir des synodes ou des
colloques. » 28 septembre 16S3. Arcb. Guerre, 696, p. 665.
2. Dans l'ancienne église réformée, les consistoires avaient un pouvoir qui
leur conférait le droit de citer devant eux les fidèles coupables d'avoir violé
les règles de la discipline ecclésiastique. Par des avertissements, des censures,
el l'interdiction de la communion, ils maintenaient l'ordre dans l'église.
3. L'Edit du mois d'août 1684, et non la déclaration, porta que les ministres
de la Religion prétendue réformée ne pourraient faire leurs fonctions plus de
in>i> ans dans le même lieu. Il fut donné à la demande du clergé qui préten-
REQUÊTE DES PROTESTANTS HE FRANCE A LOUIS XIV. 94
L'éducation publique do leurs enfants, Sire, dans la doctrine et flans
les préceptes de leur religion est une partie essentielle de l'exercice qui
en a été permis aux suppliants. Aussi l'article 13 de l'Edit la met dans
cet ordre, et il la leur accorde formellement sous ce titre d'instruction
publique d'enfants et outres, en ce qui concerne la religion, dans les lieux
permis pour ledit exercice, la leur défendant dans les autres. Cet article,
- contredit, laisse aux suppliants le droit d'enseigner leur théologie
qui n'est autre chose que leur religion partout où ils en ont l'exercice,
et d'y former leurs proposants' ; cependant, pour la commodité et pour
s'épargner des frais, ils s'étaient restreints aux lieux où Henri le Grand
leur avait donné des collèges, comme il le déclare dans l'article 37 des
particuliers3. C'est ce qu'ils ont appelé leurs Académies dont ils ont joui
paisiblement depuis l'Edit, sans qu'on les y ait inquiétés jusqu'à présent.
Mai- déjà par arrêt de votre conseil du3 tant le collège que l'Aca-
démie qu'ils avaient à Die, en Dauphiné, ont été supprimés, et pour
ceux qu'ils possèdent à Saumur et à Puylaurens ' qui sont les seuls qui
leur restent dans votre royaume, ils sont assignés en votre conseil pour
y venir représenter leurs titres, comme s'il leur en fallait d'autres, pour
pouvoir enseigner leur théologie, que l'article 13 de l'Edit, ni pour les
collèges que l'article 38 des particuliers, portant promesse d'en faire véri-
fier les provisions où besoin sera, et de les faire sortir leur plein et entier
effet.
A tous ces griefs, Sire, que les suppliants représentent à Votre
Majesté, et sous le poids desquels ils gémissent, se joignent ceux qui
viennent de la suppression des chambres que Henri le Grand, dans la
3e partie de son Édit, avait accordées non seulement pour leur faire
administrer la justice ordinaire sans partialité, ni prévention, mais aussi
pour faire que l'Edit leur fût gardé inviolablement3. Ces chambres, qui
il.iit que les conversions des Réformés étaient entravées par la déférence
aveugle qu'ils avaient pour l<-s sentiments des ministres établis depuis long-
temps dans un même lieu. Les ministres devaienl au tenue de l'Edit, après
cette période de trois aune.-, être placés dans des églises distantes de vingt
lieues de elle où il- venaient d'exercer leur ministère, sans possibilité d'y
retourner que douze année- après, à peine de 2,00u livres d'amende, d'inter-
diction de l'exercice et de démolition du temple.
1. Proposant, c'est-à-dire un étudiant en théologie, qui, ayant achevé ses
éludes, n'était pa- encore rein dans le corps pastoral.
2. « Ne pourront ceux de ladite religion tenir Bscoles publiques, sinon es
\illes ei lieux ou l'exercice publique d'icelle leur est permis; et les provisions
qui leur ont esté ey-Aevant accordées pour l'érection et l'entretenement des
Collèges, seront vériliés où besoin sera, et sortiront leur plein et entier effet. »
Art. 37 des Particuliers.
3. L'arrêt est du 11 septembre 1681.
4. L'Académie de Saumur fut supprimée par arrêt du Conseil du 8 jan-
vier 1685, celle de Puylaurens succomba le 5 mars de la même année.
5. Art. xxx. — Le considérant principal de l'Edit porte : Afin que la justice
soit rendue et administrée à nos sujets sans aucune suspicion, haine ou
92 MELANGES ET DOCUMENTS.
avaient été créées pour être perpétuelles, ont été éteintes et supprimées
sous prétexte que dans l'article 36 il est porté que les chambres de
Castres el de Bordeaux, qui étaient séparées du corps des Parlements,
\ seraienl réunies et incorporées en la même forme que les autres,
quand besoin serait et que les causes qui avaient mû Sa Majesté cesse-
raient et n'auraient plus de lieu entre ses sujets. Mais cette réunion et
incorporation ne signifient rien moins qu'une extinction ou suppression.
Car, dans l'article immédiatement précédent il est parlé de l'union et
incorporation de la chambre de l'Édit de Grenoble au corps du Parle-
ment, la chambre pourtant subsistant et demeurant mi-partie selon sa
création. Et de même dans les Parlements de Paris et de Rouen, les
chambres de L'Édit ne laissaient pas d'être toujours, quoiqu'elles fussent
incorporées1.
Pour reconnaître, Sire, si les causes de l'établissement de ces chambres
ont cessé, les suppliants n'ont qu'à . représenter aux yeux de Votre
Majesté le pitoyable état où les Parlements de la Réole et de Toulouse
les ont mis depuis la suppression. Celui de la Réole, ou par lui-même
ou par des commissaires qu'il a envoyés dans son ressort, a poussé les
choses jusqu'à ce point que de 90 ou 100 exercices que les suppliants
avaient dans la basse Guyenne, à peine en ont-ils à présent 8 ou 10,
et que dans la Saintonge, où ils en avaient quarante, ils ne sont pré-
sentement en possession actuelle que de deux de fiefs. Les ministres y
sont décrétés, emprisonnés, dispersés ou fugitifs, les consistoires et leurs
troupeaux dissipés, les particuliers, de quelque condition qu'ils soient,
molestés sur divers prétextes, enfin tout y est pour les suppliants dans
la dernière désolation 2. Ceux qui vivent dans le ressort du Parlement
de Toulouse 3 n'y sont pas mieux traités, on n'y voit que procédures
faveur, etc.. Si la suppression des Chambres de l'Édit frappa douloureuse-
ment les Réformés, par contre cette mesure combla les vœux du clergé.
« J'aurai, écrivait l'archevêque d'Arles à Châteauneuf, une application toute
particulière pour concourir au zèle et à la piété de notre grand monarque qui,
par la suppression qu'il vient de faire des Chambres de l'Édit, fera plus de
conversions que tous nos prédicateurs et nos missions n'auraient su faire
dans tout un siècle. » Lettre du 14 septembre 1679. Archives nationales,
TT. 259.
1. Les Chambres de l'Édit de Rouen et de Paris furent supprimées par l'Édit
de janvier 1669.
2. Dans l'audience du 10 février 1683, le premier président du Parlement de
Toulouse disait à un pasteur : « Comment pouvez-vous, vous-même, qui
avez des lumières, demeurer dans une si méchante ftligion qui n'est pas
môme une religion? » Bulletin de la Société de l'histoire du Protestantisme,
II. 58.
3. La lettre suivante, adressée à Châteauneuf, donnera une idée exacte des
sentiments qui animaient le Parlement de Guyenne.
Monsieur,
Je vous envoyé une copie cy-jointe d'un arrest que nous avons rendu ce
matin contre un ministre mal converti. J'attendrai à mon ordinaire les ordres
REQUETE DES PROTESTANTS DE FRANCE A LOUIS XIV. 03
criminelles, que décrets de prise de corps, fuites de ministres, amendes
pécuniaires, condamnations d'exercices, e1 en général toutes sortes de
vexations. Il en est à peu près de même clans les ressorts t\^< Parle-
ments de Grenoble et de Rouen.
A l'exemple des Parlements, les sénéchaux et les autres juges subal-
ternes n'oublient rien chacun dans sa juridiction pour contribuer de
leur part à la destruction des suppliants. Ils informent, ils décrètent,
ils emprisonnent, ils condamnent à de grièvcs peines dans les plus
légères occasions, ils interdisent les ministres et les exercices '. Le pré-
sident de la Rochelle vient tout fraîchement de donner la sentence du
monde la plus injuste. Il a condamné sur des faits très légers et sans
aucune preuve les quatre ministres de cette ville-là à l'amende hono-
rable, à la confiscation de leurs biens, à des amendes pécuniaires, à l'in-
terdiction perpétuelle de leur ministère, au bannissement hors du
royaume, et le temple à être démoli2. Ce qu'on aurait de la peine à
concevoir s'il n'était d'une notoriété publique, et comme si les sup-
pliants n'avaient plus désormais de part dans la distribution de la jus-
tice de Votre Majesté; une des premières raisons qu'on ne manque pas
d'alléguer contre eux dans les affaires même civiles, et où il ne s'agit
que d'intérêts temporels, c'est qu'ils sont de la R. P. R.
D'autre côté, les intendants de Votre Majesté dans les provinces, au
lieu de s'opposer aux griefs que l'on fait aux suppliants, y concourent
quelquefois eux-mêmes, et y emploient l'autorité dont Votre Majesté
les a revêtus.
de Sa Majesté pour son exécution. Je dois vous dire, Monsieur, que la preuve
était délicate et même défectueuse dans le chef principal, et que néanmoins le
zèle des juges est allé au-delà de la règle pour faire un exemple. Le condamné
offre une seconde conversion plus sincère que la première, il a une femme et
des petits-enfants. Je suis, etc. Daulède, premier président du Parlement de
Guienne. Arch. nat., TT. 4i8. — Ce ministre « mal converti » s'appelait
Vergniot, il fut condamné aux travaux forcés à perpétuité.
1. Une déclaration, accordée à la demande du clergé, du 9 novembre 1689,
avait ordonné aux juges ordinaires de se transporter cliez les Réformés malades
pour savoir « s'ils voulaient mourir en ladite religion. » Étendue plus tard
(7 avril 1G81) aux syndics et même aux marguilliers (20 juin 1681), cette
déclaration donna naissance à des scènes douloureuses dont les agonisants ël
leurs familles furent toujours les victimes.
2. Les ministres de La Rochelle furent condamnés sur ce simple prétexte
qu'une nouvelle convertie s'était présentée dans le temple et y avait été reçue,
or celte relapse, Marie Ronnaud, était à l'entière dévotion du clergé (voir
page 88]. Le temple de Montpellier fut détruit pour cette même raison; il avait
sulli qu'une jeune tille, âgée à peine de quinze ans, échappée d'un couvent où
elle avait été mise par force, eût pénétré dans le temple, ponr que, sur la
dénonciation du clergé, le duc de Noailles assumât la responsabilité de la
destruction de cet édifice, l'un des plus beaux de la France protestante, et
ruinât cette église, l'une des plus Mûrissantes du midi.
9 | MÉLANGES ET DOCUMENTS.
Toute l'Europe a été étonnée de ce qui s'est fait en Poitou1. Personne
n'ignore aussi ce qui s'est fait dans votre pays d'Aunis, ni ce que font
les antres intendants. Us font fermer ou démolir les Temples des sup-
pliants, ils les surchargent de tailles par des taxes d'office, ils les
accablent de logement de gens de guerre, ils leur font des affaires cri-
minelles sur les moindres choses, ils interdisent leurs ministres et
semblent ne songer qu'à rendre l'Édit absolument inutile. Enfin, Sire,
Les suppliants voient presque partout dans vos officiers, dans ceux qui
sont honorés de vos ordres dans les provinces, dans les ecclésiastiques
et dans les particuliers, comme un esprit généralement répandu qui les
anime tous contre eux, ce qui les jetterait dans une très grande cons-
ternation, s'ils n'étaient rassurés par l'espérance de votre justice et par
le souvenir de votre parole royale.
Les suppliants, Sire, sont vos sujets, et vos sujets très soumis et très
zélés pour le bien de votre service. Us savent le respect qu'ils doivent
à la majesté sacrée de leur roi et de leur souverain seigneur, à la gloire
de sa personne et aux importants travaux qui l'occupent sans cesse pour
le bien de son empire. C'est ce qui leur ferait garder le silence, si leurs
maux étaient dans une moindre extrémité. Mais, étant comme ils sont
destitués de toutes charges, dépouillés de tous emplois, éloignés des arts
et des professions, exclus de l'égalité qui doit être entre des concitoyens,
gênés en ce qui est de plus cher à la nature, privés de l'exercice de leur
religion, pressés en leurs consciences, exposés à l'insulte des peuples
et enveloppés de toutes parts de misère et de crainte, pour le seul inté-
rêt de leur religion, ils croiraient pécher contre la confiance qu'ils
doivent avoir en Votre Majesté, si dans une si grande affliction ils
n'avaient recours à sa justice. Dieu, qui les a mis sous votre domina-
tion, les a mis en même temps sous votre protection royale. Cette pro-
tection se réveillera à leurs cris et d'un seul mot elle arrêtera le cours
de leurs malheurs, et dissipera leur effroi. Un roi aussi grand, aussi
équitable et aussi éclairé que l'est Votre Majesté ne se laissera point
éblouir par les imputations odieuses dont on charge tous les jours les
suppliants pour les arracher de cet asile de votre justice et de votre foi
royale.
On a accoutumé de dire contre eux que leurs pères ont extorqué
l'Édit par la force des armes, et que l'intention d'Henri le'Grand n'était
de l'observer qu'autant que la nécessité des affaires le requerrait. Mais
comment peut-on parler ainsi d'un édit que le glorieux aïeul de Votre
Majesté déclare lui-même n'avoir donné qu'après avoir heureusement
1. Les excès de Marillac, intendant du Poitou, avaient si grandement dépassé
la mesure que Louvois, lui-même, dut intervenir, quand bien même Marillac
fui accompagné de l'évêque pendant les tournées qu'il faisait, aidé aussi des
dragons, pour convertir les Réformés. — On trouve aux Archives nationales,
série T. T. 247, une douloureuse supplique des protestants de l'Aunis, se plai-
gnant des violences de Carnavalet, gouverneur de Brouage.
REQUÊTE DES PROTESTANTS DE FRANCE A LOUIS XIV. '.)T>
mis (in à tous les troubles do son royaume, et qu'il en fut paisible pos-
sesseur! Comment parler ainsi d'un Èdit dont l'assemblée générale du
clergé de France a reconnu elle-même, dans son procès-verbal des années
1655 et 1056, qu'il a été accordé par Henri le Grand en reconnaissance
des services que lui avaient rendus ceux de la H. P. R.! Si les ancêtres
des suppliants, séduits quelquefois par l'intérêt des grands, ou prêt
par la nécessité de défendre leur vie, ont eu le malheur de s'armer contre
leurs concitoyens, ils ont eu aussi le bonheur de combattre pour les
justes droits de l'aïeul de Votre Majesté à qui une faction impérieuse
et violente voulait ravir son légitime héritage; ils le servirent de leurs
personnes, de leurs biens et de leurs vies, comme ils y étaient obi i-
mais ce grand roi ne voulut pas leur donner l'Édit qu'il n'eût achevé
de dompter et de soumettre ceux qui lui disputaient la couronne, et
môme cinq ans après avoir embrassé la religion catholique, alin qu'on
ne put pas dire que c'eût été la nécessité de ses affaires qui l'y eût
obligé. S'il y eut dans l'Édit quelque chose d'extorqué par les armes, ce
ne fut que par celles des ennemis de ladite religion, qui, par les traités
qu'ils firent avec Sa Majesté, l'obligèrent à refuser aux suppliants l'exer-
cice de leur religion en plusieurs villes de son royaume, comme cela
parait dans les articles particuliers *.
Et pour ce qui est de son intention touchant l'observation de l'Édit,
elle parut avec éclat dans le discours qu'il fit à ce sujet au Parlement
de Paris, comme un historien catholique le rapporte : Je ne trouve pas
bon, leur dit-il, d'avoir une chose dans l'intention et d'en écrire une autre
et, si quelques autres l'ont fait, je ne veux pas faire comme eux. La trom-
perie est partout odieuse, mais elle l'est davantage aux Princes, dont la
parole doit être immuable, paroles vraiment royales et magnanimes, très
dignes du glorieux aïeul de Votre Majesté -.
On ne cesse de dire qu'il est de l'intérêt d'un Ftat qu'il n'y ait qu'une
seule religion, et que, Votre Majesté étant toute-puissante comme elle
est dans son royaume, il serait de sa gloire de réduire tout à la seule
religion catholique3. Les suppliants, Sire, n'ont garde d'entrer dans la
discussion de ces vues politiques qui sont au-dessus de leur condition.
Et, quant au pouvoir de Votre Majesté, ils seraient bien aveugles, s'ils
ne voyaient ce que toute la terre en voit. Mais ils sont persuadés que
1. Voir en particulier l'article xi des Particuliers qui, pour la réduction du
duc de Guise, interdit l'exercice à Reims, Rocroy, etc..
2. Richer. Grande conférence des Ordonnances, 1G3G, liv. II, titre 3.
3. En 1GG5, l'évoque d'Uzès, au nom du clergé, disait à Louis XIV « que
depuis cet heureux moment que Sa Majesté a résolu d'imiter la conduite de
Dieu qui agit toujours par lui-même, et qui ne se sert du ministère de ses
anges que pour exécuter ses desseins, on le doit regarder comme le héros
invincible destiné dans les Conseils éternels pour détruire le monstre redou-
table de l'hérésie. » Mémoires du Clergé, p. 549. En 1675, l'orateur «lu Clergé
déclare à Louis XIV qu'il espère que « Sa Majesté donnera le dernier coup à
l'hydre monstrueux de l'hérésie. » Mémoires, id., p. 564.
!)f» MELANGES ET DOCUMENTS.
Votre Majesté n'emploiera jamais sa puissance pour rompre elle-même
les barrières de sa justice, et celles de sa promesse. Au contraire, plus
sa main sera année de force, plus sa foi royale sera en sûreté, puisque
sa foi a sa force pour garant. Les suppliants ont l'Édit confirmé par
Votre Majesté qui les met à couvert de ces maximes de politique quelles
qu'elles soient en elles-mêmes. Quand la diversité de religion se trouve
permise et autorisée par les lois mêmes de l'État et qu'on ne peut plus
la faire cesser sans renverser ces lois et sans affliger un grand nombre
de sujets fidèles, la tolérance en est devenue juste et nécessaire. D'ail-
leurs, Sire, Votre Majesté n'ignore pas que la religion est une chose qui
vient d'en haut et qui ne dépend point de la politique humaine ; elle a
son siège dans l'esprit et dans le cœur où elle ne s'introduit que par les
voies de la persuasion et par celle des prières et des vœux à Dieu. Les
voies de la contrainte ne sont propres qu'à faire des athées ou des hypo-
crites, ou à exciter en ceux qui sont de bonne foi une fermeté et une
persévérance qui se met au-dessus des supplices, si on en vient jusque-là,
ce qui est presque inévitable, quand les premiers essais de la contrainte
ne réussissent pas1. Les suppliants, Sire, ont trop de confiance en la
justice et en la débonnaireté naturelle de Votre Majesté pour concevoir
qu'elle cberche jamais une gloire de cette espèce2. Elle est environnée
de toutes parts d'une gloire si vive, si solide et si véritable qu'elle n'a
pas besoin d'y rien ajouter qui ne soit du même caractère.
Pour rendre les suppliants plus odieux à Votre Majesté, on a accou-
tumé de les faire passer auprès d'elle pour des hérétiques et des schis-
matiques, et de la solliciter par ces titres infamants à supprimer leurs
assemblées 3. Mais, dès qu'on a revêtu un esprit de parti, qui est tou-
jours un esprit d'aigreur, les accusations ne coûtent plus rien. Les sup-
pliants, Sire, tiennent et croient tout ce qui est de l'essence du chris-
tianisme, ou qui en dépend, et ils n'y mêlent aucune de ces opinions
folles et extravagantes, qui troublèrent autrefois l'Église chrétienne, ni
rien qui puisse les rendre odieux. Il n'y a rien aussi dans leur culte
qui ne soit évangélique, rien dans les maximes de leur morale qui ne
soit droit, rien dans les règles de leur discipline qui ne tende au bien
de la religion et à celui de la société. Deux de leurs plus inviolables
principes sont de craindre Dieu et de vous honorer, Sire, non seule-
ment par la crainte, mais aussi par la conscience, comme la. parole de
1. Les dragonnades de 1685 ne prouvèrent que trop tôt la" vérité de cette
affirmation.
2. La parole royale, dans l'ancienne monarchie, était considérée comme la
loi même du royaume. Ainsi s'explique cette persistance des Réformés à croire
impossible une Révocation de l'Édit de Nantes, car ils ne pouvaient admettre
qur Louis XIV démentît aussi ouvertement les serments solennels par lesquels
il avait juré de maintenir l'Édit donné par Henri IV.
3. Ce sont les termes mêmes dont se servaient les orateurs du clergé, alors
qu'ils demandaient à Louis XIV de révoquer l'Édit de Nantes.
REQUÊTE 1»KS PROTESTANTS DE FRANCE A LOUIS XIV. il"
Dieu le leur prescrit*. Il est vrai que leur conscience n'a pu recevoir
plusieurs doctrines e( plusieurs usages qui leur ont paru opposés à la
simplicité et à la pureté de la religion et c'est uniquement sur ce pré-
texte qu'on les traite d'hérétiques et de schismatiques. Mais, Sire, si
leur crime ne consiste qu'en ce qu'ils ue veulent pas reconnaître pour
divin ce qui ne leur parait en effet qu'humain, et s'ils n'ont résisté que
quand on a voulu exiger d'eux des devoirs qu'ils ne peuvent ni ne
doivent rendre qu'à Dieu seul, ils se sentent innocents à cet égard
devant Dieu et devant les hommes.
Et comme ils ne croient pas avoir rompu aucun des liens qui joignent
originairement les chrétiens en un corps, ni péché contre les véritables
devoirs delà société que la religion forme, ils ue croient pas aussi qu'une
querelle, qui du côté de leurs adversaires n'a que des fondements
humains, les puisse priver des droits du christianisme. Ainsi ils en
jouissent en bonne conscience sous le bénéfice de votre Édit; et, en
gardant toujours le respect qu'ils doivent à Votre Majesté et la modestie
même envers leurs accusateurs, ils ne peuvent s'empêcher de se plaindre
de l'injustice des accusations.
Leur propre devoir, Sire, ne leur permet pas aussi de passer sous
silence uue autre imputation dont on a tâché de les noircir envers Votre
Majesté, en disant qu'ils sont les ennemis secrets de ses prospérités,
qu'ils aiment les brouilleries ou qu'ils n'ont pas pour vos ordres toute
la soumission qu'ils doivent'-'. C'est ce qu'ils ne peuvent entendre sans
être saisis de douleur et d'indignation ; permettez-leur ce mouvement,
Sire, et trouvez bon qu'étant aux pieds de Votre Majesté sacrée, ils
appellent Dieu à témoin qu'au milieu même de tous leurs maux, ils
n'ont jamais senti diminuer le respect qu'ils doivent à votre suprême
autorité, ni l'admiration qu'ils ont toujours eue pour un si grand et si
accompli monarque, ni le zèle ardent qui les anime pour la gloire et
pour le bonheur de votre règne. Qui d'entre eux a jamais cessé de prier
Dieu pour Voire Majesté et d'en parler dans des termes d'une profonde
vénération? Qui d'entre eux a murmuré contre les charges communes
de l'État, et n'y a au contraire satisfait avec joie ? Qui d'entre eux
appelé au service de Votre Majesté dans les hasards de la guerre et ail-
leurs, n'a tâché de s'en acquitter fidèlement et avec succès ? Qui d'entre
1. Jusqu'à la signature de l'Édit de révocation, les Réformés professèrenl
pour le pouvoir royal la plus absolue soumission. Le proverbe « patient comme
un huguenot, » que chacun répétait alors, en est une preuve frappante.
2. C'était la note dominante dans les nombreux écrits du clergé qui s'ingé-
niait à faire des protestants des rebelles. « II n'y eut jamais de sujets moins
soumis ni plus ennemis de tout ordre et de toute dominât ion, disait le prêtre
Soulier dans la préface de son Histoire des Édits de pacification (1682), et il
ajoutait qu'on avait lieu d'admirer la bonté et la douceur avec laquelle le Roi
traite les Prétendus Réformés. » « Le Calvinisme, écrivait le jésuite Maim-
bourg, est la plus cruelle et la plus insolente de toutes les sectes. » (Uistoire
du Calvinisme.) On multiplierait ces citations.
Hev. Histor. XXVII. 1" fasc. 7
98 MÉLANGES ET DOCUMENTS.
eux ne s'est même efforcé de s'y signaler et d'honorer sa religion en s'y
distinguant? Comment les suppliants pourraient-ils jamais s'éloigner du
service de Votre Majesté? L'honneur de leur naissance les y engage, les
lois de leurs consciences les y obligent, mais outre cela leur propre inté-
rêt les y attache, puisqu'ils ne peuvent attendre ni de protection ni de
support dans l'Ktat que de votre seule autorité royale *.
Sous la minorité de Votre Majesté, il y eut un temps d'épreuve pour
ses sujets qui fit assez connaître la vérité et la sincérité du zèle des
suppliants, dans tous les endroits du royaume où ils se trouvèrent répan-
dus, ce qui donna lieu à cette déclaration si solennelle de 1652 qui
témoignait que Votre Majesté était entièrement satisfaite de leurs ser-
vices 2. Mais, sans aller plus loin que le temps présent, toute l'Europe
voit avec quelle soumission ils reçoivent tout ce qui leur vient de la
main de Votre Majesté, ou qui en porte le nom- Il s'agit de leurs droits,
de leurs biens, de leurs fortunes, de l'exercice de leur religion qui leur
est mille fois plus chère que leurs biens et que leurs vies. Il s'agit d'un
Édit qui est leur franchise et leur sûreté. Dans la condition déplorable
où ils sont, il n'est pas possible que la nature ne souffre beaucoup en
eux. Cependant ils se soumettent à tous vos ordres avec une résigna-
tion et une obéissance exemplaire, parce que c'est la volonté de Votre
Majesté.
Les suppliants, Sire, ne prétendent pas se faire de cette soumission
un mérite envers Votre Majesté, puisqu'ils n'ont fait que leur devoir,
mais ils croient que ce devoir ne produira point d'effet contraire à l'es-
pérance qu'ils ont de trouver grâce devant vos yeux. Et c'est aussi ce
qui leur donne la liberté d'implorer la justice de Votre Majesté et de la
supplier très humblement de ne pas permettre qu'une protection accor-
dée aussi solennellement et aussi authentiquement que celle de l'Edit de
Nantes, une protection tant de fois confirmée par Votre Majesté même,
et sur laquelle vos sujets de la R. P. R. se sont jusqu'ici reposés, ne
soit plus comptée pour rien.
Plutôt, Sire, que la voix de tant de milliers de familles et de personnes,
1. La preuve décisive de l'innocence des Réformés réside dans ce fait, que
les considérants de l'Édit de révocation ne visent en aucune manière leur atti-
tude politique, car il était de notoriété publique que le Roi n'avait pas alors
de sujets plus fidèles. La victoire obtenue fut donc remportée par le clergé
qui, inspirant les persécutions, ruina une église rivale.
2. « Nos sujets de la Religion prétendue réformée nous ont donné des preuves
certaines de leur affection et fidélité, notamment dans les occasions présentes
dont nous demeurons très satisfaits. Nous voulons donc qu'ils soient main-
tenus et gardés en la pleine et entière jouissance de l'Édit de Nantes. » Décla-
ration de Saint-Germain, 21 mai 1652.
En 16")9, Mazarin, écrivant aux membres du synode de Loudun, disait : « Je
vous prie de croire que j'ai une grande estime pour vous, comme vous le
méritez, étant si bons serviteurs et sujets du Roi. » Aymon, Synodes natio-
naux, II, 739.
REQUÊTE DES PROTESTANTS DE lUWf.i: A LOUIS XIV. 99
affligées d'une affliction très rude, passe jusqu'à vos oreilles, et qu'elle
émeuve la tendresse naturelh' de votre cœur. Dans un temps où toute
l'Europe semble jouir de la tranquillité que Votre Majesté lui a don
en s'apaisanl envers ses ennemis, n'écouterait-elle pas les g smissements
d'un si grand nombre de ses fidèles sujets qui sonl toujours prêts
sacrifier pour elle et qui no lui demandent qu'un rayon de sa bienveil-
lance? Ceux qui pressent aujourd'hui avec tant d'instance la ruine des
suppliants auraient eux-mêmes du déplaisir dans la suite, lorsque leurs
sentiments excessifs seraient passés. Et, dès à présent, s'ils pouvaienl
rassembler dans leur esprit toutes les désolations où se trouvent vos
sujets de ladite religion dans l'étendue de votre royaume, voir les pleurs
qu'ils répandent, les maux qu'ils y souffrent, les frayeurs et les alarmes
qu'ils s'y forment, ils en seraient eux-mêmes touchés '.
1. « Cependant, dit Saint-Simon, le temps 'vint que Louis XIV ne pui pas
voir et sentir les suites funestes de tant d'horreurs. La révocation de l'IMit
de Nantes, sans le plus Iê^er prétexte et sans aucun besoin, immédiatement
suivie des proscriptions, des supplice:., des galères, sans aucune distinction
d'âge ni d'état... donna à toute l'Europe l'effrayant spectacle d'un peuple si
prodigieux, proscrit, fugitif, nud, errant, sans aucun crime, cherchant un asile
loin de sa patrie. » Parallèle des trois Bois, 225.
Le clergé niait simplement la persécution. Au moment même où les dragons
ravageaient les églises de l'ouest de la l'rance, Colbert, coadjuleur de l'arche-
vêque de Rouen, parlant au nom de l'Assemblée du clergé, disait au Roi
(21 juillet 1685) « que c'était en gagnant le cœur des hérétiques que le Roi
domptait l'obéissance des hérétiques et qu'ils ne seraient peut-être jamais
rentrés dans le sein de l'église par une autre voie que par le chemin couvert
de (leurs qu'il leur avait ouvert. »
Bossuet, quelques mois plus tard, le 24 mars 168G, adressait aux nouveaux
convertis de son diocèse une lettre pastorale où on lisait ceci : « Aucun de
vous n'a souffert de violence, ni dans sa personne, ni dans ses biens. J'entends
dire la même chose aux autres évêques, mais pour vous, mes frères, je ne vous
dis rien que vous ne disiez aussi bien que moi, vous êtes revenus paisiblement
à nous, vous le savez. » Il est intéressant de placera côté de cette affirmation
la dépêche suivante de Pontchartrain à M. de .Menars, en date du 2 avril 1686.
« Les nommés Cochard, père et fils, s'étant convertis, il n'y a qu'à renvoyer
les ordres qui avaient été adressés au lieutenant général de .Meaux pour les
faire arrêter, parce qu'ils n'avaient été expédiés qu'à cause de leur religion à
la prière de M. l'évêquede Meaux. » On lit aussi dans les lettre- pastorales de
Jurieu (3 janvier 1686) : « Je ne puis vous le dire qu'avec des larmes de sang.
Les dragons ont tout fait changer par force dans l'élection de Meaux. d C'était
du reste à Bossuet lui-même que revenait l'honneur de cette campagne
missionnaire. La lettre suivante ne laissera pas de doute dans l'esprit :
« Monsieur,
« Je ne puis mieux vous informer des ordres que Sa Majesté a donnez pour
employer quatre compagnies du régiment de dragons de la Reyne à la conver-
sion des religionnaires de la ville et élection de Meaux, qu'en vous envoyant
copie de la lettre que j'escris par ordre du Roy à M. de .Menais, par laquelle
100 MÉLANGES ET DOCUMENTS.
A ces causes, Sire, plaise à Votre Majesté de faire entendre à nos
seigneurs de son conseil, à ses Parlements, gouverneurs, et lieutenants
généraux, intendants et commissaires départis dans ses provinces, pré-
sidiaux, prévôts, baillis et autres, magistrats et officiers, et générale-
ment à tous ses sujets, que l'intention de Votre Majesté est que l'Édit de
Nantes soit exécuté selon sa forme et teneur, sans qu'il y soit donné
aucune atteinte directement ni indirectement. Évoquer à soi et à son
conseil toutes les causes ou affaires des suppliants qui regardent l'exer-
cice de leur religion et de leur discipline ou qui dépendent de l'exécu-
tion dudit Édit. Commettre tels de nos seigneurs de son conseil qu'elle
jugera le plus à propos pour examiner, selon l'Édit, l'état où se trouvent
les suppliants, comme aussi les déclarations, arrêts, jugements et autres
dispositions mentionnées en la présente requête et aux mémoires qui y
pourront être joints, pour le tout être rapporté à la propre personne de
Votre Majesté et en être par elle ordonné selon son équité et sa justice.
Cependant surseoir l'exécution desdites déclarations, arrêts, jugements
et dispositions. Et les suppliants offriront sans cesse à Dieu leurs prières
et leurs vœux pour la conservation et pour la gloire de Votre Majesté.
LE DERNIER MOT SUR LA CHARGE DE SEDAN.
RAPPORT DU GÉNÉRAL DE GALLIFFET.
Le succès du livre du général Lebrun, dont nous rendons compte
plus loin, s'est accentué au point d'avoir nécessité déjà plusieurs édi-
tions. L'auteur a cru pouvoir enrichir la dernière de quelques docu-
ments et lettres qui lui ont été adressés et qui ne manquent pas d'une
certaine importance historique. Plusieurs ont trait à la fameuse charge
de la division de cavalerie que l'ouvrage du général Ducrot dit avoir
été commandée par le colonel ou général de Galliffet et dont M. Lebrun
attribue l'honneur au colonel de Bauffremont.
vous verrez le jour que doivent arriver les dites compagnies, et l'ordre qu'il a
de concerler avec vous ce qu'il y aura à faire pour les susdites conversions.
« Je suis très véritablement,
« Louvois.
« M. l'évéque de Mcaux.
« 14 décembre 1685. » (Archives de la Guerre, D. G. 758.)
LE DERVIER MOT SUR LA CHARGE DE SEDAN. -101
Le dernier mot sur cette question historique n'ayant pas encore
été dil par le général de Gallilîet, l'un des plus brillants chefs de
notre cavalerie, nous allons essayer de jeter un jour définitif sur cette
héroïque action, en publiant le rapport adressé le lendemain de la
bataille au général en chef de Wimpffen, rapport annoté par ce der-
nier et signé : le général de brigade commandant par intérim la pre-
mière division de réserve de cavalerie, Ga/liffet.
Voici ce document in extenso :
Au camp de Torcy sous Sedan, le 2 septembre 1870.
Mon général,
La première division de la réserve de cavalerie (nouvelle formation),
(18 août), lre brigade, général Galliffet, 1er, 3e, 4e chasseurs d'Afrique;
2e brigade, général Tillard, 1er de hussards, 6e de chasseurs, général de
division Margueritte, avait quitté le 30 août, à une heure du matin, son
bivouac de Blagny et passé le Ghiers, sur le pont de bois que faisait
défaire, quelque temps après, te général commandant le premier corps.
Le général Margueritte avait reçu le 30 août, à 8 heures du soir, les
ordres du maréchal commandant en chef.
Ils étaient ainsi conçus :
« La dislocation des 5e et 7e corps oblige le maréchal commandant en
chef à se retirer sur Sedan. Le général de division Margueritte couvrira
avec sa division la retraite de l'armée. Le maréchal s'en rapporte pour
cette opération importante à l'habileté du général Margueritte. »
Avant d'arriver à Douzy, le général commandant la division, s'étant
assuré que la retraite du premier corps ne pouvait être inquiétée, se
porta sur Francheval, après avoir appris que la canonnade entendue
dans la direction de Rémilly n'était qu'un simple engagement d'artille-
rie, d'une rive à l'autre de la Meuse.
Peu après son arrivée à Francheval (9 ou 10 heures du matin), le
général Margueritte fut rejoint par le général commandant le premior
corps, qui lui enjoignit de se porter sur le plateau d'Illy. Le général
commandant le corps ajouta : « Je vais moi-même établir mon corps
d'armée sur ce plateau. »
J'ai lieu de croire que le général Margueritte fit prévenir te maréchal
commandant en chef de sa position.
Les reconnaissances envoyées jusqu'à la nuit dans les directions de
la chapelle, des bois de Sedan, Dorigny et Floing ne signalèrent aucun
indice menaçant. A deux heures du matin, le 1er septembre, le général
de division Margueritte, entendant un coup de canon tiré dans la direc-
tion de Donchery, fit monter à cheval trois petits pelotons commandés
par des officiers et les envoya au loin, dans différentes directions.
Je ne sais quel tut le résultat de la reconnaissance de la 2e brigade,
mais, dès cinq heures du matin, l'officier de chasseurs d'Afrique envoyé
dans la direction de Francheval se trouvait, près de ce village, en pré-
102 MELANGES ET DOCUMENTS.
scnce d'une quinzaine de uhlans qui battirent en retraite, dès que l'un
d'eux eut été tué par un coup de l'eu tiré par nos éclaireurs.
Quelques instants plus tard, ils étaient remplacés par des compa-
gnies d'infanterie, qu'accompagnait une pièce de canon. Le peloton de
chasseurs d'Afrique dut se retirer devant la fusillade, et l'officier qui le
commandait, s'étant porté vers un point élevé, put voir des colonnes
profondes d'infanterie et d'artillerie venant de toute probabilité de
Mnu/.on '.
Les renseignements parvenus au général de division Margueritte,
vers sept heures du matin, le confirmèrent dans l'opinion que nous
avions tout à craindre d'un mouvement tournant2.
Ce fut pour ce motif qu'il maintint sa division entre les bois et le
plateau d'Illy, sur le coteau qui domine Givonne.
Dès huit ou neuf heures du matin, notre artillerie, placée en arrière
de ce dernier plateau, avait engagé le combat avec les batteries prus-
siennes, qui avaient passé la Meuse à Donchery et paraissaient venir du
bois de Saint-Mengès.
Peu de temps après, trois ou quatre bataillons d'infanterie prussienne,
précédés de groupes de quinze à vingt hommes et de tirailleurs, se por-
tèrent en avant, pour occuper le village de Givonne et toutes les posi-
tions d'où ils pouvaient tirer sur nos artilleurs.
Le général de Margueritte fit charger la lre brigade, successivement
par régiments déployés et dans l'ordre suivant :
3e chasseurs d'Afrique, 1er et 4e.
Ce mouvement était nécessaire, car nous n'avions, sur ce point,
aucune infanterie pour protéger notre artillerie.
Le régiment qui fut engagé le premier put arriver jusqu'à 400 mètres
des batteries, malgré les pertes nombreuses que lui avait fait subir une
infanterie qui n'avait pu néanmoins l'arrêter. Mais plusieurs coups de
mitraille habilement dirigés le mirent en déroute.
Les 1er et 4e chasseurs d'Afrique, reçus par une vive fusillade qui
partait de Givonne, durent également battre en retraite, faute d'infan-
terie pour enlever ce village.
Cette charge coûta au 3e chasseurs dAfrique la perte de 10 officiers
(dont 7 tués) et de 87 sous-officiers et soldats.
Je ne puis vous préciser les pertes des 1er et 4e chasseurs d'Afrique,
mais elles furent beaucoup moins considérables.
La 2e brigade ne fut pas engagée.
Ce mouvement eut pour résultat d'obliger cette infanterie prussienne
à se retirer derrière ses batteries, position qu'elle garda de ce côté jus-
qu'à une heure avancée de la journée (deux à trois heures).
1. En marge de ce paragraphe du rapport, le général de Wimpffen a écrit :
« Frontière belge déjà coupée «les cinq heures du matin. »
Z. En marge : « C'est à peu près le moment où il me lit prévenir. Je l'avais
déjà \ a au puiiil du jour. »
LE DERNIER MOT SUB LJ CHAHGE DE SEDAN. -103
Le général de division Margueritte porta alors sa division en arrière
du mamelon occupé par nos batteries, mais, malgré les précautions
qu'il prit pour l'abriter des projectiles dont le nombre augmentait â
chaque instant, elle éprouva des pertes sérieuses.
Le général Tillard et son aide de camp furent tués par le même obus.
La division de réserve resta jusqu'à deux heures sous le feu des batte-
ries prussiennes dont les projectiles, dépassant aisément nos batteries,
allaient fouiller tous les replis du terrain.
A deux heures environ, elle reçut du général de Wimpffen, comman-
dant en chef, l'ordre d'occuper le plateau qui domino le village de Floing.
A deux heures et demie, le général Ducrot, chargé d'exécuter un mou-
vement qui devait nous remettre en possession du plateau d'IUy, eut
recours à toute la cavalerie et à l'artillerie qui lui était attachée '.
La batterie Hartung de notre division n'avait plus que onze servants,
tous les autres étant tués ou grièvement blessés. Ce lu-ave officier, engagé
depuis le matin au poste le plus périlleux, lutta jusqu'au dernier
moment avec les faibles ressources dont il disposait encore.
La première division de la réserve de cavalerie reçut du général Ducrot
l'ordre de se placer derrière la gauche de son infanterie et sur la pente
qui se dirige vers la Meuse, en laissant Floing en arrière et à gauche.
Le général Margueritte, qui s'était porté en avant de l'infanterie pour
examiner le terrain sur lequel il espérait conduire une charge décisive,
fut grièvement blessé à la tête et, en même temps que lui, presque tous
les officiers qui l'accompagnaient.
Il m'envoya immédiatement l'ordre de prendre le commandement de
la division. Au même instant, le général Ducrot, voyant l'infanterie
prussienne se rapprocher de la nôtre qui paraissait faiblir, nous donna
l'ordre de charger. Chaque régiment devait s'efforcer de culbuter l'in-
fanterie prussienne qui était devant son front de bataille.
Le mouvement s'exécuta avec un entier dévouement.
Les premiers petits groupes furent renverses, mais nos efforts vinrent
échouer devant les bataillons compactes, dont le feu habilement dirigé
nous fit éprouver des pertes très sensibles2.
Nos escadrons dépassèrent les premières lignes ennemies, mais durent
se rallier promptement sur le, point de départ.
Je dois ajouter que l'infanterie ennemie avait la confiance d'une vic-
toire déjà certaine et qu'elle n'avait été entamée ni par la fusillade ni
par l'artillerie.
Le général Ducrot s'est adressé au dévouement de braves gens que
j'avais l'honneur de commander; il n'espérait pas nous voir réussir,
1. En marge : « Cet officier général se trompe sur les heures. Il était environ
une heure, lorsque le général Ducrot se rendit avec des troupes sur le bois de
la Garenne. »
2. En marge : « La cavalerie n'a rien renversé, cette charge était intempes-
tive. »
|04 MELANGES ET DOCUMENTS.
mais notre infanterie pouvait peut-être reprendre du courage envoyant
ivttc cavalerie qui se sacrifiait pour lui donner quelque répit.
Les cinq régiments de la division ont rivalisé de bravoure et d'abné-
gation. La division a continué jusqu'au dernier moment à appuyer le
mouvement de retraite. C'est à la fin de la journée que j'ai reçu du géné-
ral commandant le premier corps d'armée Tordre de rallier près de
Sedan les débris de cette division de cavalerie, qui seule, dans la jour-
née du 1er septembre, a été engagée contre l'infanterie et l'artillerie1.
Permettez-moi, mon général, d'ajouter, en faveur de ces braves troupes
(auxquelles manquait cependant, à l'heure décisive, la direction de leur
inappréciable chef, le général Margueritte), que le roi de Prusse, qui
sur l'autre rive de la Meuse suivait facilement les péripéties de cette
partie du champ de bataille, le prince royal, le comte de Moltke et
beaucoup d'autres officiers de la suite du roi ont témoigné à nos par-
lementaires, le général Reille, et au colonel d'Abzac leur admiration
pour le dévouement absolu de cette division qui, sous leurs yeux, avait
essayé, mais en vain, de leur arracher la victoire.
Je n'ai pas encore reçu le rapport des officiers qui commandaient les
corps de la division et je ne puis vous donner qu'approximativement le
chiffre des pertes :
Officiers généraux tués : le général de brigade Tillard ; — blessés : le
général de division Margueritte (mort des suites de sa blessure).
Officiers supérieurs tués : le lieutenant-colonel de Liniers du 3e chas-
seurs d'Afrique; le lieutenant-colonel du 1er hussards (non nommé dans
le rapport); un chef d'escadron. Officiers supérieurs blessés : le colonel
Glicquot du 1er chasseurs d'Afrique (mort des suites de ses blessures) ;
le lieutenant-colonel Ramon du 1er chasseurs dAfrique.
1er chasseurs d'Afrique : 17 officiers tués, blessés ou disparus;
162 sous-officiers ou soldats.
3e chasseurs d'Afrique : 22 officiers, dont 5 blessés, 1 disparu, 16 tués ;
227 hommes tués, blessés ou disparus.
4e chasseurs d'Afrique : 8 officiers tués, blessés ou disparus ; 60 hommes.
1er de hussards : 20 officiers tués, blessés ou disparus; 170 hommes.
6e de chasseurs : 11 officiers, 90 hommes.
Permettez-moi, mon général, de ne pas attendre les rapports des chefs
de corps pour vous demander de vous proposer, s'il y a lieu1, pour des
récompenses, les officiers qui se sont distingués pendant cette journée.
Pour la croix de commandeur :
Les colonels Clicquot (blessé), 1er chasseurs d'Afrique ; de Quelen, 4e;
de Beauiïremont, 1er de hussards; Bonvoust, 6e de chasseurs; le lieu-
tenant-colonel Ramon, du Ie' chasseurs d'Afrique (blessé).
1. En marge: « C'est vers deux heures et demie que troupes et généraux
rentraient dans Sedan, les chevaux sans cavaliers; ces régiments fantômes,
traversant les lignes de notre infanterie, les firent battre plus rapidement en
retraite. »
LE DERNIER MOT SUR LA CHARGE DE SEDAN. 10")
Pour la croix d'officier : Le lieutenant-colonel Aubert, du 6* chas-
seurs; le commandant de Lorme, du 1" chasseurs d'Afrique; le com-
mandant do Mangeon, du 3e.
Pour le grade de lieutenant-colonel : les commandants Lusignan, du
3e chasseurs d'Afrique, de Lorme, du 1er chasseurs, Guy de Vernon,
du 4e, Archomhault, du même régiment, (un nom illisible), 1er hussards.
J'aurai l'honneur de préparer aussitôt que possible des mémoires de
propositions en faveur des officiers, sous-officiers et soldats, afin de vous
les envoyer, dès que j'aurai reçu vos ordres.
J'ai l'honneur d'être, mon général, votre très respectueux subordonné.
Le général de brigade, commandant par intérim la premièrt
division de réserve de cavalerie,
Galliffet.
De ce rapport dont nous n'avons pas modifié ni omis un seul mol,
il nous semble découler jusqu'à l'évidence :
\° Que le marquis de Galliffet, promu général de brigade le 30 août
1870, commandait bien de fait la lrc brigade de la division Margue-
rite, le -Ier septembre, pendant la bataille de Sedan;
2° Que, le matin de la bataille, il a fait charger sa brigade sur l'ordre
du général Margueritte;
3° Que, dans l'après-midi, cet officier général (Margueritte) ayant
été blessé grièvement, il a pris le commandement de la division, lui a
fait faire un mouvement sur l'ordre du général de Wimpffen, et l'a
fait charger sur celui du commandant du Ier corps d'armée, général
iJucrot, vers une heure et demie.
A. D.
BULLETIN HISTORIQUE
FRANCE.
Nécrologie. — Bien que M. Karl Hillebrand fût Allemand d'ori-
gine et que ses meilleurs ouvrages aient été écrits en allemand, nous
remplissons un devoir en parlant de lui à cette place, car la France
lui a donné asile pendant vingt ans ; il y a conquis droit de cité par
ses ouvrages français, par son enseignement à Saint-Cyr et à Douai,
par sa collaboration aux plus importants de nos journaux et de nos
revues, entr'autres au Journal des Débats, à la Revue des Deux-
Mondes et à la Revue critique. Contraint de quitter la France en
4870, nous ne sommes pas de ceux qui s'étonnent et s'offensent qu'il
ait senti en lui, pour l'Allemagne unifiée et glorieuse, des sen-
timents de patriotisme longtemps assoupis, mais que d'ailleurs il
avait déjà affirmés en 1867, dans le Journal des Débats, sans scan-
daliser personne. Nous regrettons qu'il ait, peu de temps après la
guerre, publié un ouvrage sur la France et les Français, sans se
rendre compte que les critiques, même les plus justes, prendraient
sous sa plume un caractère blessant, et que le silence sur sa patrie
et ses compatriotes d'adoption était l'attitude la plus digne ; mais
nous savons aussi qu'aucune intention hostile n'était entrée dans son
esprit, qu'il avait gardé pour la France et pour les Français un goût
très vif et même une réelle sympathie, qu'il avait eu soin de se fixer
en la quittant non en Allemagne, mais en Italie; enfin que ceux qui
ont jugé le plus sévèrement son livre sont ceux qui ne l'ont pas lu.
M. Hillebrand était un cosmopolite; ce caractère cosmopolite de sa
vie et de son talent a fait sa supériorité et son malheur. Allemand de
naissance et d'éducation, la réaction politique qui avait suivi la révo-
lution de 4848 lui fit abandonner à vingt ans l'Allemagne pour la
France, et il fut à Paris le secrétaire d'un autre Prussien libéré, Henri
Heine. A quarante ans, il était insulté, menacé même comme
Allemand par une populace affolée; il quittait la France et avait à
subir les froideurs, les reproches, peut-être les injustes mépris de
quelques-uns de ses anciens amis. Il ne songea pas à retourner en
FRANCE. 4 07
Allemagne où il ne se sentait pas « at home-, » il s'établit en Italie,
et là, malgré le respect et l'admiration qu'il inspirait, il ne réussit
pas à conquérir un public pour sa revue Italia. L'Angleterre ne lui
était pas moins connue que la France, l'Allemagne et L'Italie. Des
liens personnels le rattachaient à l'Angleterre, il y avait souvent
séjourné et il écrivail l'anglais assez facilement pour être pendanl
quelque temps le correspondant du Times. Cet homme qui parlait et
écrivait quatre langues avec une égale aisance, qui avait vu de près
les quatre grandes nations occidentales, en connaissait le fort et le
faible, et les jugeait toutes quatre avec un détachement ironique,
n'avait ni patrie politique, ni patrie intellectuelle. Il u'avail pas de
public à lui. et tout homme, tout écrivain surtout qui n'a pas de
patrie me fait l'impression d'un Pierre Sehlcmil, de l'homme qui a
perdu son ombre, objet pour tous d'une curiosité inquiète. Mais si
cette multiplicité de dons et de langues, cette largeur d'horizon, cette
indépendance de jugement et de cœur en faisaient un isolé, un déra-
ciné, et lui interdisaient de ressentir et d'inspirer ces sympathies
complètes et enthousiastes qui sont un cordial nécessaire à l'homme
de lettres, elles faisaient aussi son originalité et son rare mérite. Peu
d'hommes ont connu comme lui l'Europe et la psychologie des
peuples européens , et il leur a certainement appris à se mieux con-
naître les uns les autres ; je ne dis pas à s'aimer, mais à se juger
avec plus d'équité. Il était avant tout un essayiste de premier ordre.
S'il n'avait pas l'éloquence, la flamme, l'abondance de Macaulay, il
avait un jugement plus sûr et plus fin; il avait des connaissances
sinon plus étendues, du moins plus mûries et plus éprouvées, un
fond d'idées plus riche. Ces qualités que l'on remarque déjà dans les
Études historiques cl littéraires, publiées en français, se sont encore
développées dans les quatre volumes allemands intitulés Zeiten,
Vœlker und Menschen. Son livre sur la Prusse contemporaine et ses
Institutions, paru en IS(i7, lit une grande impression sur les esprits
éclairés en France, et aurait pu éviter bien des fautes à ceux qui
tenaient entre leurs mains les destinées de notre pays, s'ils avaient
été capables de le comprendre. Deux œuvres de plus longue haleine
ont été entreprises. par M. Ilillebrand. La première est sa thèse sur
Dino Compagni, qui, malgré ses mérites, a perdu une grande partie
de sa valeur depuis les derniers travaux de MM. del Lungo, Fanfani,
et Schefler Doichorsl sur la fameuse chronique llorcntine. La seconde
est une Histoire de France depuis 4 830, qui fait partie de la collec-
tion de Heeren et Uckert. Deux volumes seulement ont paru et c'est
la un véritable malheur, car cette histoire, pour laquelle l'auteur avait
pu consulter les Archives diplomatiques de plusieurs des grands États
|IIS BULLETIN HISTORIQUE.
de l'Europe, aurait certainement occupé une place très distinguée dans
la littérature historique contemporaine. Ce qui en fait surtout le
mérite, c'est que M. Hillebrand embrasse toutes les faces de la vie
d'un peuple, et donne dans son œuvre à la littérature, aux mœurs,
aux idées, aux mouvements sociaux, une place importante. On regrette
çà et là un certain ton de persiflage, des jugements étroits et injustes
sur quelques hommes d'État, tels que le duc de Broglie ou Al. Thiers,
mais on ne doit pas oublier qu'il a tracé de Casimir Périer le portrait
le plus sympathique et je crois le plus vrai qui ait été écrit. Sa sévé-
rité pour la France moderne est d'ailleurs loin d'égaler celle de
M. Taine ou de M. Thureau-Dangin. Si elle nous froisse parfois, elle
ne doit pas nous empêcher de louer les mérites éminents de l'ouvrage,
e1 d'en retirer les précieux, enseignements qu'il contient.
Publications nouvelles. Antiquité et moyen âge. — Nous avons le
plaisir d'annoncer à nos lecteurs qu'à l'avenir un bulletin spécial sera
annuellement consacré aux publications relatives à l'antiquité parues
en France. Nous nous contenterons de les signaler ici au passage,
laissant à nos collaborateurs, MM. Paul Girard et Martha, le soin d'en
apprécier la valeur et d'en indiquer l'importance, sans nous dispenser
d'ailleurs de consacrer comme par le passé des comptes-rendus spé-
ciaux aux plus remarquables de ces travaux.
M. Marcel Dubois a pris pour sujet de sa thèse française les Ligues
Ètolienne et Achéenne (Thorin). Nous voyons avec un vif plaisir les
élèves de l'École d'Athènes commencer à s'occuper de l'histoire
grecque proprement dite, trop négligée chez nous au profit de l'ar-
chéologie. On oublie parfois que l'Université a avant tout besoin de
professeurs d'histoire grecque et d'histoire romaine, et j'ajouterai de
professeurs de lettres qui sachent l'histoire grecque et l'histoire
romaine. Les études archéologiques n'ont pas cessé d'avoir en France
de brillants représentants * , et ï Histoire de l'Art antique de
MM. Perrot et Chipiez, qui comprend dans ses trois premiers volumes
tout le développement de l'art égyptien, assyrien, phénicien et chy-
priote, est une œuvre magistrale et sans rivale. Mais en ce qui con-
cerne les travaux d'histoire proprement dite, nous avons très peu de
chose à opposer à la prodigieuse activité de l'érudition allemande,
dont nos Bulletins annuels peuvent donner une idée assez complète.
Il faut cependant faire une exception, car c'est le propre de la
t. Il est impossible d'unir avec plus de talent la science précise et l*art de
la vulgarisation que ne l'ont l'ait, dans les volumes de la Bibliothèque de l'En-
seignemenl des Beaux-Arts (Quentin), M. Collision {Archéologie grecque et
Mythologie figurée), M. Martha {Archéologie étrangère cl romaine), M. Lenor-
nianl {Monnaies et Médailles), M. Bayet {L'Art byzantin), M. Miïntz, etc.
FRANCE. 109
France, si elle manque trop souvent de soldats dans les luttes scien-
tifiques, de trouver presque toujours de brillants généraux. M. Duruj
vienl d'achever une Histoire des Romains donl toutes les parties ne
sont sans doute pas également excellentes, mais qui, prise dans son
ensemble, est une œuvre unique dans son genre, le monument le plus
considérable, le plus complet qui ait été élevé à cette civilisation
romaine qui, après avoir absorbé en elle toutes les civilisations
antiques, domine encore tout le développement des civilisations
modernes. L'opinion publique a ratifié le triple hommage rendu par
l'Institut à M. Duruy en l'appelant à faire partie à la fois de l'Aca-
démie des Inscriptions et Belles-Lettres, de l'Académie des Sciences
morales et de l' Académie française, et honore en lui non seulement
un savant qui a fait d'une histoire générale des Romains une œuvre
originale, très neuve en plusieurs de ses parties et dont chaque
volume est en progrès sur celui qui le précède, mais aussi l'homme
intègre, laborieux et modeste, qui au sortir des plus hautes fonctions
publiques n'a pas accorde une heure à de stériles regrets, et a con-
sacré tout son temps, toutes ses pensées à la science désintéressée.
Ses chapitres sur les Antonins, -sur Septime Sévère, sur Constantin,
sont des morceaux d'histoire qui garderont une valeur durable, où
l'on trouve réunis le talent d'exposition, le sens historique et l'érudi-
tion solide.
On peut espérer que l'École de Rome formera peu à peu des his-
toriens voués à l'étude de l'histoire romaine; les thèses si remar-
quables de M. Jullian et de M. Bloch sont à cet égard beaucoup plus
qu'une promesse '. Mais il ne faut pas se faire d'illusion. On n'a pas
en Italie la même facilité qu'en Grèce à trouver des monuments
épigraphiques ou archéologiques inédits ou inconnus, et pourtant il
semble déraisonnable de passer son temps à Rome à travailler sur
des textes imprimés qu'on étudierait beaucoup plus commodément à
Paris ou à Berlin. Il s'ensuit que les élèves de Rome se sentiront
d'ordinaire plus portés vers les travaux philologiques, et les recherches
sur le moyen âge ou sur la Renaissance pour lesquels les biblio-
thèques et les archives d'Italie fournissent d'inépuisables matériaux.
1. Nous espérons aussi que le Manuel de Philologie de M. Salomon Rbinach
(Hachette) exercera une heureuse inlluence, en fournissant aux jeunes gens le
programme de toutes les questions souleYées par 1 étude de 1'anliquilé, et en
les mettant au courant de la bibliographie de chaque question. La second li-
tion de ce remarquable manuel vient de paraître. Il est augmenté d'un appen-
dice considérable. On éprouve en le lisant un véritable sentiment d'admiration
devant tant de science, de travail et d'esprit; car ce livre si bourré de < hosefl
et de titres est plus qu'intéressant, il est amusant.
I ) 0 BULLETIN HISTORIQUE.
C'est jusqu'ici pour les études médiéviques que l'École de Rome a été
le plus féconde. La publication des registres pontificaux en particulier
esl une œuvre qui lui fait le plus grand honneur. Trois nouveaux
fascicules viennent encore de paraître : le premier fascicule des
registres de Boniface, publiés par MM. Thomas, Faucon et Digard; le
second fascicule du registre de Benoit XI, publié par M. Grandjean;
et le sixième fascicule des registres d'Innocent IV, publiés par
M. Berger.
C'est aussi l'École de Rome qui a été le point de départ des beaux
travaux de M. Mûntz sur la Renaissance. Les volumes où il a publié
ses recherches sur les arts à la cour des Papes ont fourni aux histo-
riens de l'art une foule de documents d'archives qui donnent une
base historique à des études où Ton est tenté trop souvent de se fier
soit à des traditions douteuses, soit au sentiment subjectif. Il vient
de nous donner aujourd'hui un ouvrage qui prendra place entre son
livre sur les précurseurs de la Renaissance en Italie, et son livre sur
Raphaël : la Renaissance en Italie et en France à l'époque de
Charles VII (Didot). L'initiative de cette publication, ornée d'admi-
rables reproductions de tableaux, de sculptures, de tapisseries, de
dessins, de gravures et de miniatures, appartient à feu M. le duc de
Chaulnes, qui a été enlevé prématurément aux arts et aux lettres,
qu'il ne se contentait pas d'aimer et de protéger, mais qu'il cultivait en
savant et en artiste. On pourra trouver que le cadre de l'ouvrage de
M. Mûntz est bien vaste, car il ne comprend pas seulement les arts
plastiques, mais le mouvement intellectuel et artistique tout entier,
lettres, sciences, musique, poésie et arts. Dans un premier livre, il
étudie l'esprit de la première renaissance, le milieu social et intel-
lectuel d'où devait sortir l'admirable floraison artistique auprès de
laquelle les œuvres du xvie s. nous apparaissent déjà comme des
œuvres de décadence. Dans le second livre, M. Mûntz nous conduit
successivement dans chacune des capitales de l'Italie, et nous montre
le caractère original qu'affecta la Renaissance dans chacune d'elles,
Milan avec Ludovic Le More et Léonard, Padoue et Vérone, Venise et
son territoire, Ferrare sous les princes d'Esté, Mantoue et les Gon-
zague, Urbin et les Montefeltre, Rimini et les Malatesta, Florence et
les Médicis, Rome et les papes, Naples et les princes aragonais. Enfin
le troisième livre est consacré à la Renaissance en France, envisagée,
il est vrai, surtout dans ses relations avec la Renaissance italienne.
Comme on le voit, l'ouvrage de M. Mûntz rappelle par certains côtés
celui de Burckhardt sur la Renaissance en Italie, et il contient de
plus une histoire des arts plastiques au xve s. en Italie et en France.
Pour faire tenir tant de choses en un seul volume, il a fallu faire
FRANCE. I I I
bien des sacrifices, passer rapidement sur des poinls intéressants
sur lesquels M. Mûntz aurail eu beaucoup à nous apprendre, laisser
notre curiosité non satisfaite. L'ouvrage n'en esl pas moins très
vivant, riche en laits et en idées. Quoique M. Mûntz combatte ce qu'il
y a d'excessif dans la théorie de M. Taine sur l'influence des milieux
sur les œuvres d'art . son livre démontre a chaque ligne celle
influence, et peut servir de développement et de complément à ce
petit chef-d'œuvre qui s'appelle : la Philosophie de l'Art en Italie.
Nous espérons aussi, sans oser trop y compter, que l'École de
Rome contribuera à rendre la vie à une branche d'étude longtemps
tlorissanle chez nous et aujourd'hui moins cultivée qu'elle ne devrait
l'être, c'est la numismatique. Elle touche à la fois à l'histoire et aux
arts plastiques, et nos archéologues ont en général une délicatesse de
sens artistique qui leur permettrait d'y réussir mieux que d'autres.
Déjà un jeune numismaliste de mérite, M. A. Engel, a tenu à hon-
neur, pendant qu'il se livrait aux recherches d'où est sorti son livre
sur la Numismatique et la Sigillographie des Normands de Sicile
et d'Italie (-1882), de recevoir le titre d'élève de l'École de Rome,
mais il est jusqu'ici le seul numismatiste que l'École puisse revendi-
quer. Nos numismatistes, chose curieuse, se sont formés d'ordinaire
en dehors de toute école, je dirais presque par hasard, s'ils n'avaient
pas eu les exemples et les conseils de leurs aînés dans la carrière.
L'armée nous a donné deux de nos numismatistes les plus distingués,
MM. de Saulcy et Ch. Robert; M. Schlumberger, qui représente
aujourd'hui la numismatique à l'Académie des Inscriptions, était, il
y a une quinzaine d'années, un des internes les plus brillants de nos
hôpitaux, et paraissait destiné à devenir une célébrité médicale. C'est
Rome qui a fait de M. Schlumberger un numismaliste, bien avant
que l'École de Rome existât; et après Rome ses maîtres ont été
M. de Longpérier, de qui il publie en ce moment les œuvres com-
plètes (Leroux), et M. Anatole de Barthélémy, qu'il regrette certai-
nement de ne pas trouver dans la société savante qui vient de l'élire.
Ce qui a nui à M. de Barthélémy, au point de vue académique, mal-
gré sa grande autorité comme savant, c'est que son œuvre, 1res
considérable, est dispersée dans une foule de brochures, et qu'il n'a
produit aucun ouvrage de longue haleine, tandis que le succès si
rapide de M. Schlumberger est dû à l'énergie avec laquelle il s'est
concentré sur deux ou trois œuvres embrassant un vaste ensemble de
recherches, et qui ont tout de suite pris place parmi les travaux fon-
damentaux et classiques de la science numismatique. Après le
mémoire sur les Bractèates aV Allemagne est venue la Numismatique
de l'Orient latin (avec supplément), qui nun seulement systématisait
M2 BULLETIN HISTORIQUE.
pour la première fois nos connaissances sur cet important sujet,
mais apportait une foule de faits nouveaux et précisait l'histoire
dynastique el administrative des principautés d'Orient. C'est une
œuvre analogue, d'une portée peut-être encore plus grande, que
M. Schlumberger vient de nous donner dans sa Sigillographie de
l'Empire byzantin. Après des considérations intéressantes sur l'im-
portance de l'étude des sceaux pour l'histoire byzantine, et des
notions générales sur le classement des sceaux, M. Schlumberger
entre dans le vif de son sujet et étudie successivement les sceaux des
fonctionnaires des thèmes, ceux des titulaires de sièges ecclésias-
tiques, ceux des fonctionnaires militaires, ceux des membres du
clergé, ceux des fonctionnaires de toute la hiérarchie civile depuis
l'empereur jusqu'aux vestiaires, enfin ceux des grandes familles byzan-
tines. Comme on le voit, ce livre abonde en renseignements géogra-
phiques, administratifs et généalogiques. On y trouvera tout un
commentaire numismatique du livre de M. Rambaud sur l'adminis-
tration de l'Empire byzantin au xe siècle ^ mais en même temps
M. Schlumberger entre dans un bien plus grand nombre de détails
et embrasse une période bien plus étendue. Tous les travailleurs sont
reconnaissants à M. Schlumberger et à la Société de l'Orient latin, qui
a pris ses deux ouvrages sous son patronage, de leur avoir fourni
tant de précieux renseignements, méthodiquement classés, et d'avoir
introduit des vues synthétiques dans des études où l'on se perd d'or-
dinaire dans la minutie et l'analyse.
Nous espérons que la Sigillographie byzantine contribuera à attirer
l'attention de nos historiens, et en particulier des élèves de nos Écoles
de Rome et d'Athènes, vers l'étude de l'Empire grec qui peut fournir
encore la matière de tant de travaux intéressants. On s'occupe trop
peu en France de l'histoire étrangère, même dans ses rapports avec
l'histoire de France. Aussi sommes-nous heureux d'avoir à signaler
les deux excellentes thèses qui viennent de mériter à M. Bémont,
avec le titre de docteur, les éloges unanimes de la faculté ,des lettres
de Paris. Dans sa thèse latine sur le Procès de Jean Sans-Terre,
M. Bémont a démontré que Jean n'a pas été condamné à mort en
-1204 par une cour solennelle des pairs, pour le meurtre d'Arthur,
comme le disent les manuels d'histoire et comme l'a affirmé pour la
première fois, en 1216, le prince Louis, fils de Philippe-Auguste,
dans une lettre adressée au pape; que la seule condamnation de Jean
Sans-Terre, qui soit constatée par des textes, est celle qui fut pro-
noncée en \ 202 par la cour du Roi contré lui, parce qu'il avait refusé
de comparaître pour répondre à la plainte portée contre lui à cause
de l'enlèvement d'Isabelle, fiancée à Hugues de la Marche. La thèse
FRANCS. H.'{
française sur Simon de )fon1forf, comio de Leicester (Picard), a une
importance plus grande encore, car elle renouvelle, par des recherches
très approfondies faites dans les archives de France el il' Angleterre, un
sujet déjà deux l'ois traité, en Allemagne par M. Pauli, en Angleterre
par M. Prothero. On peut dire que l'histoire du gouvernement de
Simon en Guyenne a élé écrite pour la première fois par M. Bémont ;
le chapitre sur l'administration des fiefs anglais de Simon de Montfort
est aussi tout à fait neuf el jette une vive lumière sur l'organisation
économique et administrative de l'Angleterre au xine s. Enfin le cha-
pitre consacré aux institutions politiques de l'Angleterre sous le règne
de Henri III, sans prétendre à l'originalité, est un résumé admirable
de clarté et de précision. Ce qu'on a reproché avec raison à
M. Bémont, c'est de ne pas avoir expliqué suffisamment le caractère
de Simon, d'avoir présenté aux lecteurs deux hommes différents,
l'un ambitieux personnel et sans scrupule jusqu'en 1258, l'autre
chef de parti dévoué à une idée, tombant martyr d'une cause patrio-
tique et nationale. M. Bémont a reconnu lui-même qu'il s'était laissé
entraîner à exagérer dans la dernière partie de son livre le désinté-
ressement de son héros, que Simon de Montfort est resté toute sa vie
un ambitieux préoccupé d'accroître sa puissance, sa gloire et sa
richesse ; on doit admettre cependant qu'il a été grandi, ennobli même
par la cause qu'il soutenait el à laquelle étaient liés les intérêts de
l'aristocratie anglaise, on peut même dire de la nation anglaise tout
entière. Nous ne pouvons qu'encourager M. Bémont à continuer les
études où il a débuté avec tant de succès, et à devenir en France, ce
que M. Pauli a été en Allemagne, l'historien en tilre de l'Angleterre.
Les relations de la France et de l'Angleterre à elles seules lui fourni-
ront un ample et beau champ de travail.
Teiits modervf.s. — Nous parlions plus haut des riches moissons
que promet encore aux érudits l'étude de l'humanisme. L'humanisme
français, en particulier, est encore très peu exploré ; sans être aussi
inconnu que se l'imagine M. Emile Araiel, il devra faire l'objet de
nombreuses monographies avant que son histoire puisse être retracée
dans son ensemble avec exactitude. Deux monographies sur des
humanistes du xvie s. viennent précisément de paraître : la vie de
M. Amiel sur Juste Lipse, et celle de Guillaume Budé par M. Eugène
de Bide'. Bien que la seconde soit très supérieure à la première, ni
l'une ni l'autre ne répondent à ce qu'on est en droit d'exiger de tra-
vaux de ce genre. Ils demandent une connaissance beaucoup plus
approfondie de l'époque, la recherebe de tous les documents inédits
qui peuvent éclairer le sujet, el l'établissement pour chaque écrivain
d'une bibliographie très complète de ses œuvres. M. de Budé a du
Rev. Histor. XXVII. Ier fasc. 8
M4 BULLETIN HISTORIQUE.
moins pris la peine de s'enquérir avec soin des divers ouvrages de
Budé, el de consulter les hommes compétents qui pouvaient le ren-
seigner sur son sujet; son livre rendra des services, mais on s'étonne
de trouver si peu de choses sur le Collège de France dans un ouvrage
qui a pour titre : « Guillaume Budé, fondateur du Collège de France. »
Quant à M. Amiel, qui croit que sans Victor Chauffour on ignorerait
Ulrich de llulten, et qui parle de Duns Scot « si bien surnommé
l'Érigène, » il a bien raison de croire que Juste Lipse mérite une
biographie, mais celle qu'il a écrite n'est pas la biographie que méri-
tait Juste Lipse. Intéressera-t-elle le grand public? je ne sais; mais à
coup sûr, elle ne satisfera pas les savants.
C'est une lâche ingrate que de parler de livres inutiles qu'il serait
plus agréable de passer simplement sous silence; on contriste des
hommes estimables qui ont mis dans leur œuvre du travail, de l'in-
telligence et du cœur, et a qui peut-être il n'a manqué que de passer
par un haut enseignement où ils auraient appris la bonne méthode.
Mais nous avons le devoir d'avertir les lecteurs, de leur dire quels
sont les livres où ils pourront apprendre quelque chose de nouveau,
ou trouver les choses déjà connues exposées avec talent; quels sont
ceux au contraire qu'ils peuvent négliger sans inconvénient ni
regret. C'est ainsi que l'Histoire d'Henri IV (Perrin) de M. E. de la
Barre-Duparc peut sans injustice être mise à côté de l'Histoire de
Charles IX et de celle de Henri III du même auteur. Écrit d'un style
lourd et incorrect, non seulement cet ouvrage ne contient rien de nou-
veau, il ne représente pas même l'état actuel de la science ; il ne tient
aucun compte des critiques dont les Économies de Sully ont récem-
ment été l'objet; il ne connaît pas les ouvrages de M. Berthold Zeller.
Par contre le livre de M. de Lagrèze, intitulé Henri IV, Vie privée,
Détails intimes (Didot) , bien qu'il ne soit guère qu'une série de notes
tirées des titres de la Chambre des Comptes de Pau et de la Chambre
des Comptes de Nérac et classées par ordre méthodique, bien
qu'aussi la plupart de ces notes offrent plus d'intérêt pour l'économie
domestique et pour l'histoire de l'ameublement ou des costumes que
pour celle de Henri IV, fournira cependant aux historiens du xvie s.,
et même à ceux du roi de Navarre, un certain nombre de traits nou-
veaux et piquants. Nous recommandons aux amis des problèmes
historiques le chapitre sur Jeanne d'Albret et ses mœurs depuis son
veuvage. En faisant entrer ce sujet dans son livre, bien qu'il lui soit
étranger, M. de Lagrèze aurait dû le traiter avec plus de soin et de
précision. Il semble avoir cédé au plaisir de jeter une ombre sur le
renom des vertus de Jeanne, sans oser pourtant se ranger résolument
du parti de ses accusateurs.
PftANCB. H5
Le livre de M. Henry de la Garde sur le Duc de Rohan et les Pro-
testants sous Louis Mil [Pion] n'est pas aussi mal écrit que l'His-
toire de Henri IV. maison éprouve une véritable impatience à voir
déflorer un si beau sujet. Ce n'est pas avec les .Mémoires de Rohan,
l'Histoire du Languedoc et deux ou trois autres livre- imprimés que
cette histoire peut être écrite, même en y ajoutant quelques passages
de Bouffard Madiane, que M. de la Garde cite sans nous dire qu'il
s'agit des mémoires inédits du secrétaire de Rohan dont M. Pradel
prépare la publication. Il faut connaître la correspondance de Rohan
et les pièces nombreuses conservées dans nos archives et relatives
aux protestants du Midi, pour l'époque dont s'occupe M. de la Garde
(462-M627). Ce qu'a t'ait M. Mention dans sa thèse latine, De duce
Rohanio post paeem apud Alesium usque ad mortem 1(529- 1638),
peut donner une idée de tout ce que les Archives fournissent d'inédit
au chercheur vers cette époque; et encore M. Mention, peu soucieux
sans doute de prodiguer ses richesses sous un vêtement latin, en a-
t-il réservé la meilleure part pour le jour où il nous donnera, nous
l'espérons, une biographie de Rohan.
A côté de cette thèse latine, M. Mention a consacré une thèse fran-
çaise, très étudiée et remarquable par sa lumineuse clarté, au Comte
de Saint-Germain et à ses réformes (Baudoin). 11 suffira de lire, dans
l'ouvrage où M. Drssuxx vient de résumer son enseignement à Sa'mt-
Cyr (L'armée en France, Histoireet Organisation. Versailles, Bernard.
3 vol. in-t2) , les quelques lignes consacrées à Saint-Germain, pour
comprendre combien il était nécessaire que l'œuvre de ce réfor-
mateur, trop pressé dans ses actes et trop absolu dans ses idées, fut
exposée avec impartialité et compétence. Saint-Germain nous appa-
raît comme un précurseur des théories modernes sur presque tous
les points, en matière d'organisation des corps et des cadres, de
tactique, d'administration militaire. M. Mention a si bien résumé
l'œuvre de Saint-Germain que je ne puis mieux faire que de le
citer : « En portant la main sur les corps privilégiés et les charges
vénales, il travaille à ruiner ces distinctions aristocratiques qui cons-
tituaient dans le militaire de véritables classes opposées d'opinions
et d'intérêts, il introduit dans Tannée les principes d'égalité qui vont
prévaloir dans la nation. Il donne à tous les corps une composition
uniforme, il établit la fixité des cadres, quelles que soient les varia-
tions de l'effectif, service inappréciable pour la comptabilité, le con-
trôle, les manœuvres. Par le rappel de Gribeauval, il rend définitif
dans l'artillerie le triomphe de l'esprit de progrès sur l'esprit de
routine, il assure aux armes spéciales, avec un matériel transformé,
une organisation sans rivale en Europe. Il fait sa place à la tactique
-H G BULLETIN HISTORIQUE.
nouvelle consacrée sur tous les champs [de bataille. L'ordre mince
restera dans nos ordonnances l'ordre habituel jusqu'au jour où,
devant les nouveaux progrès des armes à feu, il fera place à son tour
à l'ordre dispersé. Le service de santé reçoit pour la première fois
une organisation régulière qui l'incorpore dans les rangs de l'armée.
Les services administratifs sont reliés plus étroitement que jamais
au militaire. L'établissement des Conseils d'administration rend les
corps eux-mêmes responsables de leurs deniers et de leur gestion.
Entrepreneurs, fermiers, régisseurs, tout l'élément civil en un mot
commence à disparaître devant ce qui porte l'uniforme. L'armée va
devenir un corps homogène et solide, capable de se suffire à lui-
même, soumis dans toutes ses parties aux règles de la hiérarchie, de
la discipline, de la subordination. »
Saint-Germain est un véritable précurseur de Dubois-Crancé, dont
M. le colonel Juivg vient de mettre en pleine lumière le génie organi-
sateur et le noble caractère (Charpentier, 2 vol. in-8°). Il y a deux
choses dans l'ouvrage de M. Jung : des appréciations sur le rôle et
les idées politiques de Dubois-Crancé, et des documents. Parmi les
premières il en est qui mériteraient qu'on s'y arrêtât et qui, sans être
toujours présentées sous une forme suffisamment claire et simple,
ont de l'originalité et de la force : ce sont en particulier celles qui
touchent à la nécessité de préparer d'avance en temps de paix non
seulement une organisation militaire, mais une organisation civile
spéciale au pays tout entier, destinée à être appliquée dès que la
guerre éclate; la victoire devant appartenir au pays qui sait le plus
rapidement et le mieux utiliser toutes ses forces vives. Sur d'autres
points, je trouverais de nombreuses occasions de dissentiment avec
M. Jung. Il accorde à l'armée une valeur morale qu'à mes yeux elle
n'a pas ; il parait croire que c'est dans l'armée que réside la force
morale d'une nation, tandis que l'histoire de la Révolution prouve
que, quand cette force morale a disparu dans le gouvernement et les
pouvoirs civils, l'armée ne peut plus être qu'un instrument de vio-
lence et de despotisme. Nous nous trouverions surtout en fréquent
désaccord avec M. Jung lorsqu'il juge les événements de la Révolu-
tion. Le -18 Brumaire ne s'explique pas dans son livre, car il le
blâme après avoir approuvé le \ 8 Fructidor, ne voyant pas que le
premier de ces actes est politiquement et légalement la conséquence
nécessaire du second, et il ne parait pas se douter qu'en dépit de ce
qu'il y avait de vrai et de grand dans les idées de solidarité sociale et
nationale des Jacobins, ce sont eux qui ont désorganisé moralement
et politiquement la France, et l'ont façonnée pour Napoléon. Les
documents publiés par M. Jung sont du plus haut intérêt. C'est la
FRANCE. \ 1 7
première fois qu'on fait connaître ie rôle du comité militaire de la
Constituante et du comité de défense générale de la Convention, de
l'œuvre qu'y fit Dubois-Crancé. On ne peut douter, quand on a lu
ces documents, que, si Carnot a été le grand directeur des armées, le
stratégiste de la Révolution , Dubois-Crancé a été l'organisateur du
système militaire, le théoricien de la guerre. Il a eu le premier, dès
la Constituante, et presque seul, l'idée d'une armée nationale et
régionale. C'est lui qui plus tard a conçu l'amalgame et fait de la
demi-brigade la base solide de l'organisation de l'armée. On peut
dire que c'est Dubois-Crancé qui a fait les armées de la Révolution,
et que c'est Carnot qui les a employées, et il a été supérieur à Carnot
en modestie, en désintéressement et en fidélité à ses idées. Le génie
organisateur de Dubois-Crancé ne s'appliquait pas seulement aux
choses militaires. Ses projets financiers et agricoles sont pleins de
vues pratiques, ingénieuses et fortes, dont une partie d'ailleurs a été
réalisée depuis; enfin rien n'est plus touchant que les dernières
années de Dubois-Crancé dans sa retraite de Balham où il vécut dans
l'obscurité, uniquement occupé de rendre service à ceux qui l'entou-
raient. C'est là qu'aussitôt après le -18 Brumaire, il écrivit une Ana-
lyse de la Révolution française que M. Jung a publiée dans un
volume à part (Charpentier), avec le compte-rendu de Dubois-Crancé
sur son ministère. Cette Analyse nous montre qu'on peut être un
grand organisateur sans être pour cela un grand politique, ni même
un esprit bien équilibré. On est étonné de voir tant de préjugés et
d'illusions à côté de vues remarquables par leur netteté et même par
leur profondeur. Pour lui toutes les émeutes, jusqu'au 40 Août
exclusivement, sont provoquées par la cour, des intrigants ou l'or
anglais, et il ne songe pas à en faire retomber la responsabilité sur
les révolutionnaires eux-mêmes. En même temps, on trouvera chez
lui, exposées avec autant de clarté que d'élévation, les raisons patrio-
tiques et la fatale logique qui a poussé certains hommes honnêtes,
humains, modérés même, comme Dubois-Crancé, à rester fidèles à
la politique jacobine. Dubois-Crancé écrit incorrectement; il lui
échappe des naïvetés ; mais à côté de cela il trace des pages vigou-
reuses, comme son admirable portrait de Mirabeau au t. Ier du livre
de M. Jung; certaines pages de V Analyse (p. 29, 70-71, 476-177, etc.)
sont d'une remarquable clairvoyance. A côté des documents sur Dubois-
Crancé, le livre de M. Jung en contient encore d'autres qui ne man-
queront pas d'attirer l'attention des historiens : ce sont les extraits
tirés des Archives des Affaires étrangères et relatifs à l'émigration et
aux manœuvres royalistes en France pendant la Révolution. Il y a
là un fonds resté jusqu'ici à peu près inconnu du public et qui,
| | 8 BULLETIN niSTORIQUE.
d'après ce qu'en laisse voir M. Jung, doit être du plus haut intérêt
pour notre histoire intérieure. Nous voudrions que le ministère lui-
même se chargeât d'en publier un inventaire analytique.
Dubois- Grancé, homme d'un rare mérite et d'une élévation
d'âme incontestable, était pourtant un de ces jacobins contre qui
M. Taine vient d'écrire le plus terrible des réquisitoires dans son
t. III de la Bérolution (Hachette). Ce réquisitoire, appuyé sur un
nombre formidable de faits et de preuves d'une saisissante atrocité,
est écrasant et irréfutable. Jamais le talent de M. Taine ne s'est
montré plus puissant, plus éclatant que dans les pages où il montre
l'antagonisme radical qui existe entre l'idéal jacobin et la conscience
moderne, ou dans celles où il analyse le caractère des principaux
révolutionnaires. Par une singulière fortune, les deux plus grands
écrivains de notre temps, si profondément différents par la tournure
de leur esprit et par la forme de leur talent, M. Renan et M. Taine,
auront accompli une œuvre analogue. L'un, avec des précautions
infinies, des gestes caressants, l'attitude de l'émotion et du respect,
a ramené le christianisme à des proportions humaines, Ta fait
rentrer dans le cadre de l'histoire ordinaire et de la réalité; l'autre,
avec violence, raideur, passion, a mis à nu les atrocités de la
Révolution, la bassesse dame d'un grand nombre de ses acteurs,
l'influence pervertissante de quelques-uns de ses principes. Il a
détruit le respect légendaire dont étaient entourés les principes de
89, la déclaration des droits de l'homme, la sagesse de la Consti-
tuante et l'héroïsme de la Convention. Il a obligé chacun de nous à
faire un examen de conscience et à peser à nouveau la valeur des
idées et des principes sur lesquels il fonde ses opinions politiques. Il
a démontré, comme personne ne l'avait fait avant lui, ce qu'il y a de
périlleux et de funeste à vouloir créer un édifice politique sur des
idées rationnelles et abstraites, et comment un rêve de justice peut
aboutir à un cauchemar de crimes et de débauches.
Mais, s'il nous est possible d'établir un rapprochement entre
M. Taine et M. Renan, il serait plus aisé encore de marquer ce qui
les distingue. Tandis que M. Renan a déployé une merveilleuse
sagacité, un art de nuances des plus délicats, à démêler tous les élé-
ments bons et mauvais qui ont concouru à faire triompher le chris-
tianisme, le mélange d'idées vraies et fausses qui l'a formé, M. Taine
a réduit toute la Révolution en une sorte de syllogisme farouche et
implacable. Il en a ramené les principes à un seul : ridée de l'égalité
absolue ; il en a réduit le drame à une seule chose : l'action meur-
trier de ce principe dans des cerveaux vides. M. Taine est un sim-
plificateur à outrance; c'est par là qu'il est bien un représentant de
FRANCE. H9
cet esprit classique qu'il a lui-même si merveilleusemenl décrit dans
son premier volume. Il a appliqué, en critique littéraire, la théorie
delà faculté maîtresse, et, si nous devons à celle théorie des portraits
d'une vigueur incomparable, il faut bien avouer aussi que les grands
écrivains anal} ses par M. Taine perdent d'ordinaire sous ses mains
la variété de dons, la richesse de nature, la génialité Bpontanée qui
les rend à nos yeux vivants, supérieurs et charmants. De même il
applique aujourd'hui à l'histoire la théorie de l'idée maîtresse; el
celle idée maîtresse dévore toute la réalité historique qui l'entoure,
comme la faculté maîtresse détruisait toute la variété psychologique
des écrivains ou des artistes. Cette idée maîtresse devient chez
M. Taine une véritable obsession, il est victime de sa propre concep-
tion: il semble poussé par ce démon de la logique qui a perdu les
révolutionnaires, à démontrer les dangers de cette conception par
l'excès avec lequel il l'applique. Il supprime presque inconsciemment
tout ce qui ne rentre pas strictement dans sa démonstration syllo-
gistique, toute proposition incidenle qui pourrait en affaiblir l'effet.
C'est ainsi qu'il est arrivé, en décrivant l'ancien régime, à oublier de
parler de la bourgeoisie parlementaire et de la noblesse de robe, c'est-
à-dire du quatrième ordre de l'État, celui qui a le plus contribué à la
Révolution ; en parlant de la Révolution, il n'a rien ou presque rien
dit ni des cahiers de 89, ni du travail juridique des comités de la
Constituante, ni des réformes durables, excellentes, introduites dans
la justice et les finances, ni de la coalition, ni des conspirations roya-
listes en France , ni de la terreur blanche. La Révolution est réduite
à trois termes : destructions, anarchie, crime. Comme le premier
volume prouvait qu'à la fin de l'ancien régime rien n'existait des
institutions qui peuvent faire vivre une nation, et que le quatrième
montre le Directoire aboutissant à un formidable avortement, la
Révolution nous apparaît comme une fleur sanglante, monstrueuse,
née d'une plante sans racines et sans fruits, sortie du néant pour
rentrer dans le néant, une création de cauchemar. Je disais tout à
l'heure que M. Taine a contribué a détruire la légende révolution-
naire, n'a-t-il pas mis à la place de la légende héroïque une légende
sinistre; n'a-t-il pas été injuste envers l'ancien régime, injuste envers
la Révolution, injuste envers la France actuelle? Quelle est donc la
révolution religieuse ou politique dont on ne pourrait faire le pro-
cès à peu près comme M. Taine a fait celui de la Révolution fran-
çaise? N'a-t-on pas démontré, etavec mille preuves, que La Réforme n'a
fait que des ruines en Allemagne, a détruit la liberté politique au profit
du despotisme princier, a anéanti l'instruction, les institutions cha-
ritables, a déchaîné l'immoralité et la violence? Et pourtant l'homme
|20 BULLETIN HISTORIQUE.
moderne, celui qu'a si bien décrit M. Taine, qui vit par la conscience
et l'honneur, n'est-il pas un fils de Luther? Ne serait-il pas facile de
démontrer que l'Inquisition, les bûchers d'Espagne, les guerres
civiles et les dragonnades de France, la destruction de toute initia-
tive intellectuelle dans le sein de l'Église et le dogme de l'infaillibi-
lité sont le fruit nécessaire de l'organisation hiérarchique et unitaire
de l'Église catholique ? Faut-il nier pour cela tous les bienfaits qu'elle
a répandus sur le monde? Faut-il la renier et la calomnier, au lieu
de reconnaître que, si nous sommes fils de Luther par notre besoin
impérieux de liberté de conscience, nous sommes fils du catholicisme
aussi par le besoin non moins impérieux d'une solidarité religieuse
universelle ? Parce que certains principes de la Révolution poussés à
l'extrême ont amené ou peuvent amener des catastrophes, faut-il
conclure qu'ils sont radicalement faux ? Est-ce que toute institution
humaine ne porte pas en elle son germe de mort, et ce germe de
mort n'est-il pas identique à son principe de vie ? Faut-il nier notre
propre existence et l'harmonie de notre être, parce que ce qui nous
fait vivre aujourd'hui est aussi ce qui nous fera mourir demain?
L'égalité absolue est une folie; mais l'égalité telle que Font conçue
les Constituants , l'égalité devant la loi , l'accessibilité à tous les
emplois d'après le mérite et non d'après la naissance, est-elle donc
une idée fausse? La Révolution a détruit la hiérarchie sociale (déjà
bien ébranlée, comme l'a montré M. Taine, depuis deux siècles),
mais elle a essayé de recréer une hiérarchie de communes, districts,
départements. M. Taine n'a vu là que l'anarchie momentanée produite
par la destruction de tout lien gouvernemental. Le système adminis-
tratif de la Constituante méritait d'être jugé avec plus d'équité par
un décentralisateur comme lui. Mais à quoi bon s'attarder à des
critiques de détail qui se résument en une seule? le IIIe volume qui
vient de paraître serait accepté de presque tous les esprits libres de
préjugés révolutionnaires à trois conditions : si M. Taine avait
montré la différence entre les idées des Constituants et les consé-
quences qui en ont été tirées; si M. Taine avait indiqué que les
crimes des Jacobins ont été le résultat non seulement d'idées fausses,
mais d'une situation extérieure et intérieure violente qui affolait les
esprits ; enfin, si M. Taine avait établi quelques restrictions et quelques
nuances. Il dit que les Jacobins voulaient gouverner en supprimant
toute supériorité intellectuelle; or, presque tout ce qu'il y a eu
d'hommes distingués dans le gouvernement impérial a été recruté
parmi les Jacobins; il oublie aussi les Jacobins à la Dubois-Crancé,
j.liis nombreux qu'il ne le dit et qui poursuivaient l'idéal peut-être
chimérique d'un gouvernement fondé sur la solidarité et la justice.
FRANCE. l-i
S'ils se trompaient en croyant qu'il est possible de fonder un édifice
politique sur ces sentiments moraux et abstraits, M. Taine, à notre
a-vis, donne à ces sentiments trop peu de place dans sa théorie de
l'État. J'ajouterai en finissant que ce démon de la logique dont je
parlais tout à l'heure, qui se venge de la guerre que lui fail M. Taine
en lui soufflant son propre esprit, lui a joué un tour bien cruel en lui
inspirant la préface de son dernier volume, préface tellement exces-
sive et exclusive qu'elle nuira plus à elle seule à l'autorité de l'œuvre
de M. Taine que toutes les attaques de ses adversaires.
M. A. Chérest vient de donner un très utile complément a l'œuvre
de M. Taine : La chute de l'ancien régime (Hachette, 2 vol. in-8°).
Frappé de ce fail que M. Taine n'avait pas parlé des préliminaires
immédiats de la Révolution, M. Chérest a entrepris de raconter ce qui
s'est passé depuis le mois de janvier 4787, époque de la réunion de
I Assemblée des notables, jusqu'au mois de novembre 1789, date de
la suppression définitive des privilèges et des ordres. Ce qui fait le
principal intérêt de ce livre, c'est que, l'ayant commencé dans des
idées sensiblement voisines de celles de M. Taine, avec la pensée
qu'on aurait pu éviter la Révolution et avec le vif sentiment de ses
fautes et de ses excès, M. Chérest est arrivé à la fin de son étude à
la conclusion que la plus grande part de responsabilité retombe sur
le roi, la reine et les privilégiés, qu'ils ont tout fait pour rendre la
catastrophe inévitable, et qu'en dépit des bonnes intentions du roi et
des beaux principes philosophiques dont se targuaient beaucoup de
nobles, ni les privilégiés ni la cour ne voulaient de réformes sérieuses.
M. Chérest aurait pu appuyer sa démonstration d'un nombre plus
grand encore de preuves inédites, s'il s'était découragé un peu moins
vite dans ses recherches aux Archives nationales ; mais les documents
et les preuves qu'il apporte suffiront à établir fortement sa thèse, et
les préliminaires de la Constituante seront, grâce à lui, parfaitement
élucidés. Les deux premiers volumes nous conduisent à la réunion
des états généraux. .Nous attendons la suite avec une vive impatience.
Si l'on veut secouer, au sortir du livre de M. Taine, l'impression
poignante qu'il vous laisse par le long récit d'horreurs et de crimes
publics et privés soigneusement recueillis, on n'a qu'à prendre les
deux volumes publiés par M. de Pomper y sous le titre : Un coin de
la Bretagne pendant la Révolution (Lemerre). Ces volumes con-
tiennent la correspondance fort agréable de Mme Audouyn de Pompéry
avec un de ses cousins établi à Hennebond. Cette correspondance est
surtout remarquable par ce qui ne s'y trouve pas. Mme de Pompérj
appartenait aux classes privilégiées, son mari était lieutenant de la
maréchaussée à Quimper et perdit sa place à la Révolution ; tous deux
122 BULLETIN HISTORIQUE.
étaient pieux et affligés des persécutions souffertes par les nobles et le
clergé, et pourtant ces lettres respirent l'innocence d'une vie rare-
ment troublée. La liltérature, la musique, les jeux et les maladies des
enfants, les plaisirs de société, les petits vers, les bouts-rimés, voilà
ce qui remplit ces lettres avec l'expression des sentiments assez roma-
nesques, mais très honnêtes, que ressentait Mme de Pompéry pour
M. de Kergus. En lisant M. Taine on se dit : « Comment pouvait-on
vivre alors? La mort serait plus douce qu'une telle vie. » La corres-
pondance de Mme de Pompéry nous montre comment on vivait, en
pleine chouannerie. Sans nier ce que les temps de la Terreur eurent
d'horrible, reconnaissons que le tableau qu'en trace M. Taine est
poussé au noir, en concentrant des traits atroces qui étaient répartis
sur un vaste territoire et un temps assez long; et surlout ne croyons
pas qu'il n'y a pas de différence entre les périodes, que celle de
juin 93 à juillet 94 était semblable aux trois années qui ont précédé
et aux cinq années qui ont suivi.
G. Monod.
ALLEMAGNE ET AUTRICHE.
TRAVAUX RELATIFS A L'HISTOIRE ROMAINE.
(Années J882 et 4883.)
Fouilles, inscriptions, topographie, géographie. — Les travaux
relatifs aux vestiges de la domination romaine dans les provinces
germaniques, ainsi qu'en Vindélicie, en Rhétie, en Norique et en
Pannonie, prennent une place particulièrement considérable dans les
ouvrages concernant l'histoire romaine , qui ont été publiés en Alle-
magne dans le courant des deux dernières années. Ce qui en fait la
valeur ce n'est pas tant le développement des fouilles que, d'une
part, l'application presque absolue d'une méthode rationnelle et
rigoureusement scientifique dans un domaine trop longtemps livré
au dilettantisme le plus futile, et, d'autre part, le fait que des som-
mités scientifiques se sont efforcées, de concert avec les érudits
locaux, d'étendre nos connaissances relatives à la Germanie romaine.
L'espace dont nous pouvons disposer ne nous permet d'exposer ici
que d'une fa<;on très sommaire soit les résultats les plus importants
ALLEMAGNE il AUTRICHE. I2IJ
des fouilles exécutées, soit les découvertes archéologiques considé-
rables qui ont eu pour théâtre les provinces rhénanes. Elles sont, du
reste, en partie, connues déjà des lecteurs de la Renie historique par
les extraits qu'elle donne régulièrement des périodiques allemands.
On aura remarqué entre autres les emprunts faits soit aux substan-
tiels Jahrbucher des Venins von Alterthumsfreunden im Rheinlande
(fasc. 72-7<;-. 1882-4883), soit à la Westdeutsche Zeitsckrift fut
Gescliichte und Kunst (années -1-3, 4 882-4884). Le Korrespondens-
blalt, qui sert de supplément mensuel à cette dernière Revue, a
parfaitement rempli son rôle d'organe central pour toutes les com-
munications importantes ayant trait aux fouilles archéologiques
dans les provinces du Rhin.
Parmi les travaux relatifs aux routes militaires et aux fortifications
de frontière en Germanie, nous citerons en première ligne ceux de
J. Scm-EiDEa'. L'auteur publiait depuis plusieurs années déjà de
nombreux articles ou rapports sur ses fouilles exécutées dans la
vallée du Rhin moyen et du Rhin inférieur; son intention présente
est de réunir en un volume spécial les résultats de ses études sur
les voies militaires et commerciales des Romains, des Francs et des
Germains, en Allemagne. Les deux fascicules qui ont paru jusqu'à
ce jour donnent, sur le réseau romain entre le Rhin et le Weser,
plusieurs détails nouveaux et intéressants. Le général-major von
Veith 2 a fait paraître en même temps un tracé des routes militaires
romaines qui conduisaient de Trêves et Cologne à Reims : c'est le
fruit de nombreuses excursions à pied faites par l'auteur; il a joint
à cette étude de précieux renseignements généraux sur le plan , la
construction et l'organisation des voies romaines, ainsi que sur les
travaux de fortification qui les protégeaient, sur la poste romaine et
les étapes militaires. Les recherches de M. Maassex 3, pour être moins
exactes, n'en ont pas moins un réel mérite, grâce à la réunion de
documents auxquels on n'avait pas encore pris garde : il traite de la
voie romaine qui conduisait, en passant par Belgica (auj. Bill ic. h .
de Trêves à Wesseling près de Cologne, et du grandiose aqueduc
romain qui partait des monts de l'Eiffel et dont on peut suivre les
1. Die allen lleer- u. ITandel.sicege der Germanen, Ruiner u. Franken im
Deutschen Reiche. Nefl 1 u. 2. Dûsseldorf, Diez, 1882, 1883. — Voir aiiN>i les
articles du môme sur les roules militaires des Romains sur la rive gauche du
Rhin : Jalirb. d. Ver. v. Allf. im Rheinlande, An. 1881-1883.
2. Jahrbucher d. Vereins v. Allf. im Rheinl. Fasc. 7G, 1883, p. 1-20.
3. Die Rœmische Slaatsstrasse von Trier ûber Belgika bis Wesseling und
der Rœmerkancd am Yorgebirge [Ann. d. hisl. Ver. f. d. Niederrhetn. Fasc. 37,
p. 1-119).
12 ( BULLETIN niSTOIUQCE.
traces jusqu'à Cologne. L'auteur conteste l'opinion d'après laquelle
le canal aurait été construit pour fournir de l'eau à Cologne-, il
estime au contraire que le raccordement qu'il a découvert entre le
canal et de nombreux établissements romains, notamment Belgica et
Bonn, prouve que le but en était tout d'abord d'approvisionner d'eau
ces places, ainsi que les troupes qui parcouraient la route militaire.
Toute une série de travaux, dont quelques-uns très considérables,
ont pour objet le Limes imperii, qui allait de l'embouchure de l'Alt-
mûhl, à travers le Wurtemberg et Bade, jusqu'au Mein, puis, en
longeant celui-ci, à travers la Wettéravie et les monts du Taunus,
jusqu'à Rheinbrohl sur le Rhin : ils jettent un jour nouveau princi-
palement sur la partie, encore assez mal connue, du Limes, qui
s'étend du Mein au Rhin. Le colonel vox Coiiausen * a donné un
aperçu général de l'état actuel des recherches relatives au Limes,
sous forme d'introduction au grand ouvrage qu'il vient de faire
paraître sur les travaux de fortification exécutés par les Romains
sur les frontières de l'Allemagne (Wiesbaden, Rreiclel). La des-
cription, par A. vox Cohausen et L. Jacobi2, du castellum romain
de Saalbourg (près Hombourg sur le Taunus), où récemment
encore on a fait des fouilles heureuses, vient d'avoir une seconde
édition, et forme un fragment de cet ouvrage; les auteurs repoussent
de nouveau formellement toute identification entre ce castel-
lum et VArtaunon de Ptolémée. A. von Cohausen 3 a fait égale-
ment plusieurs communications relatives aux fouilles entreprises
par le Verein fur Nassauische Alterthumskunde le long de la ligne
du Limes dite du Taunus; elles ont principalement mis au jour des
fondations de tours fortifiées et de bâtiments d'exploitation ; l'auteur
a fait part en même temps de nombreuses découvertes que l'on a
faites sur l'emplacement de la colonie romaine à Wiesbaden (Aquae
Mattiacae). Soldan 4 s'est occupé de la position septentrionale du
Limes, de la Wetter à Butzbach (Hesse supérieure).
Quant à la partie qui s'étend de la Wetter à la frontière bava-
roise, la direction en a été fixée d'une façon en partie absolu-
1. Bericht ùber die XIV' allg. Vers. d. deutsch. anthrop. Gesels. zu Trier.
Correspondenzbtall d. deutsch. Gesels. f. Anthrop. année XIV, 1883, p. 127-130.
2. Dus Rœmercastelt Saalburg, 2te autl. Homburg, Fraunbolz, 1883.
3. Annalen d. Vereins f. Nassauische Alterthumskunde. Vol. XVII, 1882,
l>. 116-129, p. 137-113. — Voir aussi le Rapport de Grotefend sur les ruines du
castellum romain du Capersburg, près de Friedberg, dans la liesse supérieure
[Mittheil. a. d. Mitgl. d. Ver. f. Gesck. in Frankf. a./ M. Vol. VI, fasc. I, 1881,
p. 50-54). Ces fouilles ont élé entreprises aux frais du gouvernement hessois.
i. .i" Jahresber. d. Oberhessischen Ver. f. Local-Geschichte. 1882-1883,
p. 72-82.
ALLEMAGXE ET AUTRICHE. 12")
ment nouvelle par suite de toute une série de découvertes impor-
tantes dont elle a été le théâtre. On admettait autrefois très géné-
ralement que le Limes, après avoir quitté l'Odenwald, traver-
sait le Mein près de Freudenberg (sur le Mein) et conduisait
à Grùnberg (Hesse supérieure), à travers les hauteurs du Spes-
sart, Wirtheim sur la Kinzig et le long des coteaux du Vogels-
berg. C'est à A. Duncker ' que revient le mérite d'avoir réfuté une
opinion admise par des savants de grande valeur, en fixant comme
limite orientale du territoire romain, d'abord le cours du Mein de
Millenberg à Gross-Krotzenbourg, puis une ligne qui se dirigeait de
là presque directement vers le nord. La démonstration de Duncker
repose principalement sur les résultats importants auxquels ont
abouti les fouilles exécutées depuis 1872 sur remplacement du cas-
tellum romain, près de Rùckingen sur la Kinzig, et aux environs de
Hanau ; elle a reçu un appoint considérable des recherches de Gon-
rady. Ce dernier a prouvé que toutes les fortifications situées à l'orient
delà frontière tracée par Duncker et qu'on regardait autrefois comme
romaines (aussi bien celles du passage du Mein, près de Fretiden-
berg, que celles du Spessart) devaient être considérées comme des
travaux germaniques, et qu'ils datent du moyen âge. Les fouilles du
Limes, sur la portion qui va de Gross-Krotzenbourg sur le Mein à
Rùckingen*, ont été poursuivies avec beaucoup d'énergie et un entier
succès par la Société historique de Hanau, pendant les années -1882
et -1883. On a complètement déblayé le castellum important de
Gross-Krotzenbourg, ainsi que celui de Rùckingen, et un troisième,
plus petit, situé entre les deux précédents; de plus, on a pu relever
avec une exactitude et une intégrité surprenantes les tours intermé-
diaires et l'ensemble du rempart qui protégeait la frontière. G. Wolff -
a rendu compte, dans une dissertation très instructive, des fouilles
1. Voir, outre les Beitreege z. Erforsch. u. Gesch. d. Pfahlgrabens im
Maingebiet u. in der Wetterau (Cassel, 1879), Duncker : Histor. Zeitschr.
IS'ouv. série, vol. XII, 1882, p. 95-104.
2. Zeitschr. d. Ver. f. hessische Gesch. N. Folge VIII. Suppl., 1882, p. 1-
101. Imprimé aussi à part sous le titre : Das Rœmercastell von Gross-Krot-
zenburg. Kassel, Freyschmidt, 1882. — Voir aussi, au sujet des fouilles de
Riickingen et des environs": G. Wolff, Ausgrabungen imrœmischen Grenswall
bei Hanau. Correspondenzbl. d. Gesammtver. d. deutsch. Gesch. u. Alterthums-
vereine, an. XXXI, 1883, p. 6Ô-G8. Du même, Correspondenzbl. d. Westdeutsch.
Zeitschr. f. Gesch. u. Kunst, an. II, n" 3, p. 106, 174, 194. — Au sujet, des
cimetières romains aux environs de Hanau, voir encore l'art, du même dans la
WestdeutscheZtschrft. An. II, 1883, p. 420-427.— Au sujet du Limes, qui aurait
été construit par l'empereur Probus dans le Vogelsberg, voir la savante réfu-
tation de cette hypothèse par Kofler, dans YArchiv d. hist. Ver. /'. das Gross-
herzth. Uessen, vol. XV, p. 078-700.
|2f. BULLETIN niSTOHIQUE.
opérées a (îross-Krotzenbourg; il y traite particulièrement en détail :
l " [es traces de la colonie civile rencontrées aux environs du cas-
tellum; 2° le cimetière; et 3° le sanctuaire local consacré à Mithra.
IL Suchier a joint à ces études une description détaillée des mon-
naies romaines trouvées à Gross-Krolzenbourg et dans les environs,
des sceaux des légions et des cohortes, de ceux des potiers et des
graffiti. Le colonel A. von Gohausen*, en compagnie de savants
locaux, a soumis le fragment du Limes qui va de Rûckingen à la
Wetter, et qu'on n'avait pas encore jusqu'ici étudié en détail, à une
inspection et à un arpentage très exact ; il en a pris des levés dont
les résultats ont été publiés dans son grand ouvrage ci-dessus men-
tionné. A. Hammeran2 a fourni des renseignements précieux sur la
même portion du Limes, et principalement sur les vestiges du Limes
dans le Taunus.
Aschaffenbourg, sur la rive droite du Mein, a-t-il été ud castellum
romain? Cette question, qui touche à celle du Limes, est résolue
négativement par A. Duncker3; il affirme que les arguments qu'on a
fait valoir en ce sens sont sans solidité, et qu'il faut, peut-être,
identifier Aschaffenbourg avec l'Ascapha du géographe de Ravenne,
et regarder cet endroit comme une place de commerce dans le pays
des Allemanni, mais en aucun cas comme un établissement romain.
Les recherches dirigées par Conrady4, relativement aux fortifications
romaines de la frontière dans le territoire du Mein , et notamment
l'entier déblaiement qu'il a fait du castellum près de Miltenberg, ont
eu, comme nous l'avons déjà fait remarquer, une importance considé-
rable. A ces fouilles s'étaient jointes, en \ 881 -\ 882, celle du castellum
d'Altebourg, près de Walldûrn (Bade) : la découverte de nombreux
vestiges du rempart et celle des ruines de rien moins que vingt bâti-
ments de garde ont prouvé qu'à cet endroit le Limes quittait la
direction du N.-O., rigoureusement suivie jusque-là, pour se diriger,
au nord, sur Miltenberg (s. 1. Mein). Conrady a entrepris ensuite,
aux frais de YHistor. Verein v. Unterfranken, le déblaiement d'un
castellum romain près de Wœrth (s. L Mein). Il est tenté de le
regarder comme la tête de ligne de la fortification intérieure qui , en
arrière du Limes proprement dit, s'étendait du Mein à travers l'Oden-
wald jusqu'au Neckar. Les recherches de Seeger5,. relatives aux tra-
1. Correspondenzbl. d. Gesamtver. An. XXIX, 1881, p. 96-97, et Ztschrft d.
Ver. f. hess. Gesch. Nouv. série, vol. IX (Miltheilungen, p. xxviij sq.).
2. Urgeschichte v. Frankf. a. /M. u. d. Taunus-Gegend. Francfort, Mahlau
et Waldschniidt, 1882.
3. Westd. Zischrft. An. I, 1882, p. 308-318.
4. Juhrb. d. Ver. v. Alierlhumsfr. im Rheinl. Fasc. 72, 1882, p. 98-106.
5. Correspondenzbl. d. Westdeulsch. Zeitschrift. An. II, 1883, p. 45-48.
U.l.KMAi.NK I.T AUTRICHE. 127
vaux (le fortification et aux établissements romains entre Obernbourg
sur le Mein el Neustadt dans l'Odenwald, ont fourni dos renseigne-
ments précieux sur cette ligne intérieure de fortifications; on peul
rendre le même témoignage aux fouilles exécutées par E. Wagni b et
Gonrady, aux frais du gouvernement badois, dans un castellum
romain aux environs de Ober-Scheidenthal (grand-duché de Bade,
près de Mudau, à la frontière bavaroise).
Le fait, clairement établi par les nouvelles découvertes, que la
ligne intérieure du Limes (ligne Mein-Neckar) tient compte très
exactement, au point de vue stratégique, des conditions du terrain
et notamment de la ligne de partage des eaux , tandis que le Limes
extérieur se dirigeait en droite ligne, par monts et par vaux, du
village de Pfahlbronn (Wurtemberg) jusqu'au Mein, a conduit Zance-
meisteb ' à l'hypothèse que le Limes extérieur n'était qu'une ligne de
démarcation établie seulement environ à l'époque de Trajan, el que,
seule, la ligne intérieure était stratégique. La connaissance des forti-
fications romaines dans le territoire de Wurtemberg s'est enrichie
notablement, grâce aux fouilles entreprises aux frais de l'État, et qui
ont eu pour objet le castellum de Rottenbourg et celui d'Isiry a. Des
monnaies que Ton a trouvées dans ce dernier font conclure qu'il n'a
guère été construit qu'au milieu du me s., mais que, d'autre part,
les Romains s'y sont maintenus jusqu'à la fin du ive s. Les résultats
des dernières recherches de E. Paulus 3, relatives aux travaux forti-
fiés qui couvrent la portion wurtembergeoise du Limes, de Lorch à
Eck (près d'Ellwangen), ont conduit l'auteur à cette conviction qu'ici
la frontière de l'empire romain ne concorde nullement avec ItLimes^
mais qu'il faut, au contraire, la placer quelques lieues en arrière de
celui-ci : les Romains choisissaient autant que possible pour frontière
des vallées profondes ayant des cours d'eau importants. Paulus a
remarqué que tout le territoire compris entre le Limes et ces vallées
était protégé par de petits forts entourés de fossés-, il estime en con-
séquence que le Limes avait pour but la rapidité des communications
et servait également de signe d'observation et de base d'opérations
pour les mouvements de troupes. D. Naeher a traité, en plusieurs
1. E. Paulus, dans Wurtemberg. Viertelsjuhreshefle f. Landesgesch. Au. VI,
1883, fasc. 1, p. 46-47.— JE. Ilerzog, dans Correspoadenzbl. d. Westd. Ztschjt.
An. III, 1884, p. 3.
2. Wûrtemb. Viertelsjahrshefte f. Landesgesch. An. VII, fasc. I, 1884,
p. 42-48.
3. Die baulichen Anlagen d. Rœmer in d. Zehnilanden. Karlsruhe, Sclbst-
verlag, 1883. Jahrb. d. Ver. v. Altertkumsfreuadca im lihcinl. Fasc. 70, 1881,
p. 6-13; fasc. 71, 1881, p. 1-106. — Voir aussi Naeher et Christ, Die ersten
germanischea Vcrthcidigungsbauten am Oberrhein, ibid. Fasc. 74, 1882,
I2S BULLETIN HISTORIQUE.
articles très instructifs, auxquels il a joint des considérations spé-
ciales sur la partie technique et le matériel de construction des
anciens, les questions relatives aux routes, aux fortifications qui s'y
rattachent, aux canaux et en général aux constructions hydrau-
liques, enfin, à l'ensemble des constructions romaines dans le terri-
toire des « Àgri decumates. » Ohle.vschlager ' a étudié, en les
rattachant au travail de A. von Gohausen sur le Limes, dont nous
avons parlé plus haut, la construction très particulière des fortifi-
cations romaines à la frontière : il s'est borné aux fortifications
comprises en Bavière. De même que Gohausen, il ne regarde pas le
Limes comme ayant un but militaire -, il était destiné, d'après lui, à
isoler les peuples limitrophes des peuples alliés des Romains, à
rendre plus difficiles les conspirations, à prélever plus facilement les
droits de douane et à entraver la contrebande. Quant aux forts situés
sur le territoire bavarois, Fauteur a pu se contenter de renvoyer aux
nombreuses découvertes de ces dernières années, d'après lesquelles
on peut considérer comme romains : Straubing [Serviodurum] ,
Eining [Abusind] , Pfœring [Celeusum] , Rœsching (Germanicum) ,
Pfinz, Wissembourg et Theilenhofen (près Wissembourg). Les
fouilles entreprises par le pasteur Schreiner2 sur le sol de l'antique
Abusina (Eining, près Neustadt, sur le Danube) ont donné des
résultats tout particulièrement intéressants, qui permettent de cons-
tater l'importance qu'a eue cette place forte pour la défense et la
protection du passage du Danube. On a trouvé en cet endroit, outre
les fondements du castrum, les restes de 38 bâtiments, dont l'un
a des dimensions considérables (60 mètres de long sur 30 de large),
puis des sceaux de légions et de cohortes et huit squelettes.
On doit à un ancien officier des renseignements précieux sur
la topographie de l'ancien Noricum et sur la route militaire qui
conduisait de Salzbourg à Teurnia sur la Drave et, le long de cette
rivière, à Saniicum3. Ohlexschlager 4 s'est efforcé de démontrer
l'identité de l'actuel Ghieming, sur le lac de Ghiem, avec le Bedaium
norique cité dans V Itinéraire d'Antonin et dans la Table de Peu-
p. 1-23. Ce dernier art. contient un exposé méthodique des différences de
construction entre les travaux romains et germains.
1. Corresjwndeiizbl. d. deutsch. Gesels. f.'Anthrop. An. XIV, 1883, p. 130 sq.
2. Verhandl. d. hist. Ver. f. Niederbagem. Vol. XXII, 1882, p. 217-243. —
Voir Ohlenschlager, Eine wiedergefundene Rasmerstaetle, dans Ausland, 1883,
n° 19.
3. Rœmerstudien eincs ait en Soldaten. I-III, Vienne, Seidel et fils, 1882.
4. Bedaium und die Bedaius-fnschr/ftcu aus Chieming, dans Sitzungsber.
der philos.-philol. u. histor. Classe der k. B. Akademie d. Wissenschaften
SU M ii achen. 1883. Fasc. 2, p. 204-220.
ALLEMAGNE ET AUTRICHE. )2S)
tinger comme une slalion sur la route de Tuvavum à Augusta Vm-
delicorum : L'auteur s'appuie sur la découverte faite en 1882 de
quatre inscriptions sacrées dans lesquelles les divinités Bedaius et
Alounae jouent un rôle important-, il émet, à cette occasion, l'hypo-
thèse très vraisemblable, basée sur les inscriptions concernant
Bedaium, que déjà, avant la domination romaine, une commune
importante s'était développée en cet endroit; les Romains ne firent
qu'y adjoindre une station qui, postérieurement, fut constituée
en colonie. L'histoire et l'importance stratégique des routes mili-
taires qui conduisaient, à travers les Alpes bavaroises, de Schar-
nitz (Scarbia) à Partenkirchen [Parthanum] ont été exposées par
Wûedingeb ', pour la première fois, dans un essai qui repose sur
des études topographiques approfondies ; il a traité aussi des travaux
de fortification qui couvrent ces routes. Pichler2 et Ricbter3 se sont
occupés des voies romaines construites dans les monts de Tauern,
et Boehm k de la route qui va de Lederata à Tibiscum en Dacie.
Parmi la masse des découvertes locales relatives aux tombeaux,
aux inscriptions et aux établissements romains qui se trouvent dans
la portion de l'empire comprise entre les limites actuelles de l'Alle-
magne et de l'Autriche-Hongrie , nous devons nous borner ici à
nommer les plus importantes, en renvoyant, pour de plus amples
détails, surtout à propos de l'Autriche, aux Archxologisch-epigra-
phische Mittheilungen ans QEsterreich.
On a obtenu de grands résultats en fouillant les tombeaux des
nombreux cimetières romains, souvent considérables, qu'on a
déblayés près de Hanau, de Worms, de Neuss, de Rheindahlen,
de Mayence, de Dusseldorf et d'Andernach. Parmi les nom-
breuses inscriptions funéraires, celles qu'on a découvertes près de
Mayence et dans les environs, et qui datent des premiers temps du
christianisme, sont dignes d'un intérêt tout spécial. Nous citerons,
entre les objets ayant un caractère sacré, l'autel du Jupiter Sucaclus,
trouvé près de Mayence, ainsi qu'un autel votif, consacré aux
Parques, trouvé près de Worms 5. Ce culte des Parques, qu'on doit
1. Die Rœmerstrasse von Scharnitz bis Partenkirchen. Ibidem. An. 1882,
vol. 11, p. 240-251.
2. Der Korntauem u. sein Heidenxveg, dans Correspondenzbl. der deutsch.
Gesels. f. Anthropologie. An. XIV, 1883, p. 51-62.
3. Die rœmische Tauemstrasse, dans Mitlheil. d. Central-commission zur
Erforschung d. Kunst und histor. Denkmale. Nouv. série, vol. VII, fasci-
cules 3 et 4.
4. Der rœmische Strassenzug I.ederata-Tibiscum. Ibidem, vol. VIII, fasc. 4.
5. Zangemeister, dans Correspondenzbl. d. Westd. Ztschrft. II, 1883, p. 42-44,
Rev. Histor. XXVII. 1er fasc. '.i
4 30 BULLETIN HISTORIQUE.
identifier à celui des Matronœ ou Matres, si fréquent dans la région du
Rhin inférieur, et que les nouvelles découvertes ont encore confirmé,
remonte, sans aucun doute, à une origine celtique; on a signalé
également des éléments celtiques dans des monuments artistiques de
la vallée du Rhin, datant de l'époque romaine *. Des vestiges impor-
tants d'établissements romains encore inconnus ont été mis au jour
près de Leutersdorf, de Mechern, de Reckingen et de Stolherg dans
la Prusse rhénane; à Hergotsfeld, à Riedhausen, à Rambergen et en
d'autres lieux au nord du lac de Constance; près de Sigmaringen,
en Hohenzollern, près d'Ettlingen et de Pforzheim dans le grand-
duché de Rade. Le déblaiement, entrepris par Naeher2, d'un établis-
sement romain, caché au plus épais du bois et dit la Altstalt, près
de Mœsskirch, dans le grand-duché de Bade, offre le plus grand
intérêt, non seulement à cause de l'étendue de son enceinte qui
embrasse un espace de 5 hectares et contient les ruines de \ 7 édi-
fices, mais aussi parce qu'on a pu reconnaître exactement la fonda-
tion de toutes les parties de la colonie qui, sans doute possible, est
d'origine civile et non militaire.
Les recherches des dernières années n'ont pas été moins favorables
à la connaissance des grandes cités romaines bâties sur le sol germa-
nique. C'est surtout le cas pour Mayence : les travaux nécessités par
la construction de la gare centrale ont mis à nu , à la partie sud-
est extérieure de la citadelle, des constructions romaines considé-
rables : murs énormes, piliers et voûtes, dont, pour le moment, il
n'est pas encore possible de déterminer avec certitude la destina-
tion. D'un autre côté les travaux de canalisation de la ville ont
fourni un riche butin en restes d'édifices, en inscriptions et en
sculptures; enfin les fouilles exécutées dans le cimetière romain
situé dans la Nouvelle Ville, et celles des ruines de l'église de Saint-
Pierre, ont révélé des traces nombreuses de l'époque romaine et des
premiers temps du christianisme. Le déblaiement de l'endroit dit
YEigelstein. dans la citadelle de Mayence, entrepris par Usixger et
Velke aux frais du Mainzer Alterthums- Verein, a permis de cons-
tater que les fondements de la tour, enfouis sous terre, sont en aussi
et Bergk, Zu den Berkumer Matronensteinen, dans Westd. Ztschrft. Vol. I,
1882, p. 145-153. — Voir encore Jahrb. d. Ver. v. Aller Ihumsfr. im Rheinl.
Fasc. 75, p. 48; fasc. 70, p. 233-235, p. 239-240 {Maires Atufrafinehae ; Maires
Asericiaehae. Représentation d'une malrona équestre, trouvée sur le territoire
badois).
1. Cœnen, Ueber griechischen Einfluss au f die rheinisch-gallische Tœpfer-
kunsl soicic iïber eine Gallieransiedlung zu Horchheim Rhenus. An. I, 1883.
2. Jahrb. d. Ver. v. Allerthumsfr. im Rheinl. Fasc. 74, 1882, p. 52-57.
ALLEMAGNE ET AUTRICHE. 131
mauvais état que la partie au-dessus du sol ; on n'en a pas moins
réussi à se faire une idée au moins approximative d'un monument
qui, selon toute probabilité, était très grandiose. Velke * a démontré
d'une façon péremptoire que VEigektein était en réalité un monu-
ment élevé par l'empereur Claude en l'honneur de Drusus (Glaudius
Néron). La question relative à l'origine des restes de piles découvertes
dans le Rhin, entre Mayence et lvaslel, n'a pas encore reçu de réponse
satisfaisante : on n'en attend qu'avec plus d'impatience la publica-
tion de l'ouvrage que prépare le Mainzer Alterthums-Verein ; c'est
alors seulement qu'on pourra embrasser d'un coup d'œil l'histoire et
les détails de cette remarquable découverte. Contrairement à Grimm2,
qui plaçait à l'époque d'Auguste la première construction romaine
d'un pont fixe près de Mayence, et sous Maximien la reconstruction
de ce pont, après qu'il eut été détruit une première fois, Christ3 émet
l'opinion que le premier pont fixe appartient à l'époque de Trajan :
il démontre que l'hypothèse d'après laquelle on aurait, au temps de
la décadence de l'empire, sous Alexandre Sévère ou Maximien, cher-
ché à rétablir une communication entre les deux rives du Rhin est
aussi arbitraire qu'invraisemblable : sa réfutation s'appuie sur une
étude consciencieuse des sources relatives à tous les passages du
Rhin par les Romains, près de Mayence. M. Mertz4 a publié une
notice importante sur rétablissement des Romains à Cologne, où des
travaux de terrassement, nécessités par l'agrandissement de la ville
et la construction de nouveaux forts, ont conduit à la découverte de
nombreux sarcophages en pierre romains d'un contenu fort intéres-
sant. L'auteur cherche à déterminer l'emplacement exact des murs
romains de Cologne en marquant, de maison en maison, les traces
encore plus ou moins reconnaissables de l'ancienne muraille.
1. Voir Keller, Rœmische Funde in Mainz, dans Jahrb. d. Ver. v. Alter-
thumsfreund. ton Rheinl. Fasc. 72, 1882, p. 135-141; et 74, p. 188-190. —
Idem, Die seit 1875 encorbenen Inschriften des Mainzer Muséums, dans
Zeitschr. d. Ver. z. Erforsch. der Rhein. Gesch. u. Altherth. in Mainz. Vol. III,
fasc. 2 et 3. — Usinger et Velke, Der Eigelstein bel Mainz. lbid., p. 364-382.
2. Der Rœmische firueckenkopf in Kastel bel Mainz und die dortigr
Rœmerbrùche. Mainz, Zabcrn, 1882. Voy. Rev. hist., t. XXII, p. 115. — D'après
une inscr. trouvée récemment, le pont a été construit de 70 à 100 ap. J.-C.
3. Die Rheinûbergxngc der Rœmcr bei Mainz u. das Caslellum Trajani,
dans Correspondenzbl. d. deutsch. AUerth. Ver. An. XXX, 1882, n°' 2 et 3. —
Voir Cathiau, Ueber die Rœmische Bruche bei Mainz, dans Jahrb. d. Ver.
v. Alterthumsfreund. ton Rheinl. Fasc. 74, p. 206-208. A. Duncker, Hist.
Zeitschr. Vol. XLIX, 1883, p. 528-530.
4. Beitrag zur Feststellung der Lage u. d. jetzigen BeschafJ'cnheil der
Rœmermauer zu Kœln. Cologne, Programme des cours, 1883.
132 BULLETIN IÏTSTORIQUE.
Pour Trêves, on a le rapport de Hettner' sur les fouilles des
thermes grandioses qu'on y a découverts; à Sablon, près de Metz,
outre d'autres trouvailles archéologiques, on a découvert un remar-
quable édifice circulaire, enfoui dans le sol, et qui était probablement
un sanctuaire consacré à la divinité de la source, à l' Icovellauna,
dont le nom est apparu pour la première fois sur une tablette votive 2
trouvée, en 187i), dans les sablières de Sablon. G. Mehlis3 croit
avoir retrouvé dans Eisenberg, localité du Palatinat, située à l'ouest
de Worms, sur l'Eis, la ville de Rufiana, citée par Ptolémée dans sa
géographie : il est certain, en tout cas, que les nombreuses trou-
vailles archéologiques que Ton y a faites, parmi lesquelles on
remarque une quantité considérable de scories datant d'une époque
très reculée, ainsi que trois fourneaux antiques pour la fonte du fer,
mis au jour en 1882 dans un état remarquable de conservation,
indiquent très clairement qu'Eisenberg a été, à l'époque romaine, le
siège d'une industrie de fer très développée. Mehlis 4 a trouvé les
traces d'un second grand établissement romain dans le Palatinat du
Rhin, à l'endroit nommé Heidelsburg, près de Waldfischbach ;
d'après les monnaies gauloises et romaines trouvées dans les
décombres et d'après le style des sculptures très intéressantes , ce
lieu, naturellement fortifié, a servi de refuge à deux époques diffé-
rentes : avant les Romains d'abord (période celtique), puis aux der-
niers temps de l'empire. Gomme monuments de cette dernière
période on a des inscriptions, des sarcophages et des morceaux d'ar-
chitecture enlevés évidemment à un temple romain, et qui furent
employés à la construction de murs et de tours, environ au ive siècle,
par les provinciaux romains menacés par les Germains; cependant
ces ressources ne suffirent probablement pas à préserver le fort de la
destruction par le feu. Le Verein f. d. Frankfurter histor. Muséum
a entrepris, aux environs de Francfort-sur-le-Mein , sur le sol de
l'ancienne ville d'Artaunon, près de Heddernheim, des fouilles cou-
ronnées de succès. Les découvertes, souvent très précieuses, faites
près d'Heddernheim et près de Friedberg, endroit également riche en
1. Westd. Ztschrft. Vol. I, 1882, p. 59-66. Voir la conférence du même sur
la Trêves romaine, dans Correspondent, d. deutsch. Gesels. f. Anthrop.
An. XIV, 1883, p. 85-91.
2. Voir F. Mœller, Ein Nymphxum in Sablon bei Metz, dans Westdeulsche
Zeitschrift. An. II, 1883, p. 249-287.
3. sludien zur aeltesten Gesch. der Ilheinl. Abth., VI. Leipzig, Duncker et
Humblot, 1883.
4. Ein gallisch-rœmùcher Ringwall, dans Jahrb. d. Ver. v. Allerthumsfr.
im Rheinl. Fasc. 76, 1883, p. 227-230.
ALLEMAGNE ET AUTRICHE. ^ 33
antiquités romaines, ainsi qu'en d'autres lieux des environs plus ou
moins immédiats de Francfort, sont consignées dans l'écrit conscien-
cieux (bien que, pour la période romaine, il n'épuise pas la question)
de A. Hammbbah ' sur l'histoire primitive de Francfort et du Taunus.
D'autre part, Sepp 2 a entrepris de démontrer, au moyen de raisonne-
ments étymologiques et mythologiques fort abstraits et peu convain-
cants, que Francfort- sur- le-Mein est YAscis du géographe de
Ravenne. Nous devons aux recherches de Bcrckakdt-Biedermann la
restauration du plan du théâtre romain à Bâle; l'auteur n'a pu s'ap-
puyer pour ce travail que sur des vestiges à peine visibles et sur
un compte-rendu de fouilles datant du xvie siècle3. Malgré l'avis
technique de Rziha 4, qui se prononce pour une origine romaine, il
ne nous semble pas que soit encore résolue la question relative au
mur dit « Heidenmauer, » près de Lindau, sur le lac de Constance;
on a voulu y reconnaître des restes bien conservés de fortifications
romaines. Les fouilles entreprises par Jenny, sur le sol de Brigan-
titnn (Bregenz, sur le lac de Constance, Autriche) , ont été de nou-
veau accompagnées d'un plein succès; on peut en dire autant des
recherches dirigées par Hauser sur l'emplacement du camp romain
de Carnuntum, près de Petronell, sur le Danube, et qui ont conduit à
la découverte d'une masse de poteries, d'inscriptions et de sculptures,
ainsi qu'à celle de colonnes disposées en rectangle, marquant sans
doute l'endroit où était le forum du camp.
Plusieurs inscriptions lapidaires trouvées près de Lienz , dans le
Tyrol, ont permis de déterminer d'une façon positive la position du
municipe romain d' Arguntum , constitué par l'empereur Claude5.
C. Torma 6 a déployé beaucoup d'activité pour augmenter nos con-
naissances relatives à la Dacie ancienne, dont la capitale, Sarmizege-
1. Urgeschichte von Frank furl a.\M. u. der Taunusgegend. Francfort-sur-le-
Mein, Mahlau et Waldschmidt, 1882. V.Riese, Unedirte ITeddernheimer lnschrif-
ten, dans Mittheil. a. d. Mitglieder d. Ver. f. Gesch. in Frank f. a. /M. Vol. VI,
fasc. 2, 397-420. Corr es ponde nzbl. d. Westd. Zeilschrift. Ann. III, 1884, p. 6-8,
33-37. Lotz, Neue Ausgrabungen i. d. Rœmerstadt Hedder n h eim, dans Corrcsp.
bl. d. Gesammtver. d. deutsch. Geschichisvereine. An. XXXI, 1883, p. 26-27,
49-50, p. 62-63. An. XXX, 1882, p. 43-44. — Au sujet de Friedberg, voir r!
Schœfer, ibid. An. XXX, 1882, p. 59-60. An. XXXI, 1883, p. 9-11.
2. Frankfurt, das alte Askiburg beim Geogr. v. Ravenna. Munich, Kelle-
rer, 1882.
3. Das rœmische Theater zu Augusta Rauracorum. Râle, Dettloft", 1882.
4. Schriften des Vereins f. Gesch. d. Bodensee's. Fasc. 12. 1883, p. 10-14.
5. I. Jung, Rœmische Steine aus Aguntum, dans Wochenschrift f. klas-
sische Philologie. An. 1, 1885, col. 6G8-670.
6. Archaeologisch-cpigraphische Mittheil. aus Oesterreich. Vol. VI, p. 97-1 i5.
434 BULLETIN IIISTORIQCE.
Ihusa, malgré les importantes découvertes des dernières années, n'a
pas encore été le théâtre de fouilles dirigées d'une façon systéma-
tique : Torma a réuni un grand nombre d'inscriptions de la Dacie,
de la Mésie supérieure et de la Pannonie inférieure. Les restes extrê-
mement nombreux de sanctuaires de Mithra, qu'on a trouvés dans
ces dernières années sur le territoire de l'antique Dacie, et notamment
dans les ruines de Sarmizegethusa, ont été décrits et étudiés par
F. Stddniczka '.
Gomme on pouvait s'y attendre, la moisson extraordinairement
riche en découvertes archéologiques pendant ces dernières années a
donné lieu à toute une série de travaux relatifs à la topographie , à
l'ethnographie et à l'archéologie; on ne s'est pas borné là cependant,
et quelques ouvrages généraux sur l'histoire de la domination romaine
dans les différentes parties occupées du territoire germain ont
répondu à une longue attente. Nous citerons ici en première ligne
une collection de dissertations posthumes de Th. Bergk2, relatives à
l'histoire et à la topographie des pays rhénans à l'époque romaine.
Un petit nombre d'entre elles seulement avaient déjà paru dans les
Jahrb. des Vereins von Alterihumsfr. im Rheinlande ; tels sont les
articles sur la révolte d'Antonius dans le Rhin supérieur en 89, sur
Mayence et Vindonissa , sur le Viens Ambitarvius et le pagus Caru-
cum; tous ont été revus et corrigés par l'auteur, avec le plus grand
soin. Entièrement nouvelles sont les dissertations sur les cam-
pagnes de César contre les Usipètes et les Tenctères, contre
Ambiorix et les Éburons-, nouvelles encore les remarques qui
complètent les recherches de Roulez, relatives aux gouverneurs
romains de la Belgique et de la Germanie inférieure; celles sur
l'emplacement de VAra Ubiorum, identifiée à la Colonia Agrip-
pinensis; nouveau enfin un travail très précieux sur les voies
romaines du Rhin, dans lequel Bergk étudie avec soin la date de la
composition, les sources, l'autorité et l'histoire du texte de l'Itiné-
raire d'Antonin et de la Table de Peutinger. W. Arnold a a retracé
à grands traits et avec vigueur l'histoire des pays dû Rhin de
l'époque celtique jusqu'à la fin de la migration des peuples, ainsi que
le rôle considérable joué dès l'abord par le fleuve du Rhin , dans
l'histoire de l'Europe centrale. Une étude de Hettner4 sur la civili-
1. Miihraeen u. andere Denlnnaelcr aus Dacien J, dans Archaeolog. epigra-
phische Mittheil. aus Oesterreich. An. VII, fasc. 2, 1883, p. 200-225.
2. Zur Geschichte und Topographie der Rheinlande in Rœmischer Zeit.
Leipzig, Teubner, 1882.
3. Zur Geschichte der Rheinlande. dans Wesld. Zlschrft, An. I, 1882, p. 1-35.
4. Ibidem. An. II, 1883, p. 1-26.
ALLEMAGNE Kl' AUTBICHE. -135
sation de la Germanie el de la Gaule Belgique nous donne une
image vivante de la vie domestique, religieuse el industrielle de la
contrée du Rhin à l'époque romaine. E. Bubner ' cl L. von Uhliciis-
ont, d'une feçon fort diverse à la vérité, cherché à restaurer par des
conjectures le texte très important mais 1res défiguré de la liste de
Vérone relative à la province romaine de la rive droite du Rhin.
H. Mabjah3 a continue, avec une prudence doublement méritoire
dans des travaux de ce genre, son travail sur les noms de lieux de
la province du Rhin, d'origines celtique et latine. Les antiquités
découvertes aux environs d'Altkirch, en Alsace, et conservées dans
le musée de cette ville, ont été décrites par Reuscd4. II. Genthe3
décrit avec beaucoup de conscience les découvertes archéologiques, si
importantes pour faire connaître l'état de la civilisation chez les
peuplades de la rive droite du Rhin à l'époque romaine-, elles ont été
faites sur l'emplacement du grand cimetière vieux-germain situé
près de Duisbourg, sur le Rhin. On a continué dans la Westdeutsche
ZeiHchrift fur Geschichte and Kunst (An. II, J883, p. 198-226) la
révision de tous les musées et collections d'antiquités d'Allemagne,
de Belgique, de Luxembourg, de Hollande et de Suisse, qui con-
tiennent des objets intéressant l'histoire de l'Allemagne occidentale à
l'époque romaine.
E. von Paclus6, chargé par le bureau de topographie et de sta-
tistique de décrire les « Oberaemter » du royaume de Wurtemberg,
a recherché les vestiges laissés par le gouvernement romain à
l'intérieur des frontières du Wurtemberg actuel. Nous devons au
même savant et à Hang7 un exposé général de l'histoire et de la
civilisation du Wurtemberg sous la domination romaine; les auteurs
ont tenu compte de toutes les découvertes de ces dernières années
et de toutes les questions qu'elles ont provoquées. Simultanément
P. Staelin8 a donné de L'histoire du Wurtemberg , avant et pendant
les Romains, un tableau qui est le fruit d'une étude consciencieuse
1. Zu den Quellen der Rhein. Alterthumskunde. Ibidem. An. II, 1883,
p. 393-398.
2. Die Viciricenses, dans JahrO. d. Ver. v. Alterthumsfr. im Rheinl. Fasc. 73,
1882, p. 49-51.
3. Keltische u. laleinische Ortsnamen i. d. Rheinprovinz. 3 Abth. Aix-la-
Chapelle, Jacobi et Cic, 1882.
4. Duisburger Alterthilmer. Duisburg, Ewich, 1881.
5. Die Rœmîschen Alterth. im Muséum su Altkirch. AJtkirch, Bœhrer, 1883.
6. Beschreibung des Oberamts Neckarsulm. Stuttgart, Kohlhammer, 1881.
Beschreib. des Obérant I s KUnzelsau. Ibidem, 1883.
7. Das Kœnigreich Wiirttemberg. Vol. I. Stuttgart, Kohlhammer, 1882-1883.
8. Geschichte Wiirltembcrgs. Vol. I, partie I. Gotha, Perthes, 1882.
136 BULLETIN HISTORIQUE.
des sources et des monuments nouvellement découverts. Le gouverne-
ment badois a contribué au progrès de notre connaissance de l'antiquité
par la publication de deux ouvrages archéologiques importants.
C'est d'abord une nouvelle suite de gravures, tirées de la collection des
antiques de Garlsruhe1-, le premier fascicule contient les photogra-
vures des vases antiques en bronze, de diverses périodes. D'un autre
côté, c'est la publication de la carte archéologique du grand-duché,
dressée par E. Wagner ; on y trouve notés, à l'aide de divers signes
ou couleurs, les vestiges préhistoriques ainsi que les traces, pour
autant qu'elles sont absolument certaines, de la période romaine
et franco - allemanique. On trouvera des renseignements sur les
données de cette carte dans l'estimable aperçu de Bissinger2 sur
l'histoire primitive et les antiquités du pays de Bade; ce dernier
travail complète d'une façon très heureuse l'important ouvrage de
Brambach sur le Bade romain (1867). Becker3 a écrit sur la topo-
graphie historique et le développement de la civilisation dans la partie
orientale de l'Odenwald; il étudie les établissements, les chemins
et les travaux de fortification des Romains. La carte préhistorique
de la Bavière, dressée par Ohlenschlager4, aux frais de YAnthro-
pologischc Gesellschaft zu Miinchen, donne dans les dernières
feuilles parues (Wurzbourg, Ansbach, Ratisbonne, Bruck-sur-
Amper, Uhn), d'une façon qui n'est pas toujours également com-
plète et sans y joindre des annotations cependant fort désirables, les
lieux où l'on a découvert des monnaies romaines, ainsi que les traces
d'établissements romains, de voies et de fortifications.
Il serait à désirer qu'Ohlenschlager transformât bientôt sa courte
esquisse de l'histoire de la Bavière romaine3, telle que la révèlent les
nouvelles découvertes, en un ouvrage étendu et détaillé. L'histoire
de la partie sud-ouest de la Bavière, de l'Allggeu, à l'époque primi-
tive et à l'époque romaine, a été traitée d'une façon consciencieuse,
mais malheureusement trop sommaire, par F.-L. Baumann6.
1. Die grossherzoglich-badische Alterthùmerversammlung. Antike Bronzen
Neue Folge. Fasc. 1. Carlsruhe, 1883.
2. Uebersicht ùber Urgeschichte und Alterthùmer d. Badischen Landes.
Karlsruhe, Bielefeld, 1883.
3. Berg und Thaï, Strassen und Stxdle im orstlichen Odemcald, dans Cor-
respondcnzbl. d. deutscfi. Anthrop. GeseÙsch. An. XIII, 1882, p. 213-218.
4. Beitrxge zur Anthropologie u. Urgeschichte Bayeras. Vol. IV et V,
1881-1884.
5. Correspondent, d. deutsch. Cesels. f. Anthrop. An. XII, 1S81, p. 109-121.
6. Geschichte d. Allgaeus. Vol. I. Kempten, Kcesel, 1883. — Au sujet du
caslrum romain au-dessous de Kempteu (Cambodunum), voir Meirhofer, Die
Burghalde bei Kempten. Kempten, Dunnheimer, 1883.
ALLEMAGNE ET AUTRICHE. 137
Les deux dernières parties du second volume de la statistique des
monuments artistiques et archéologiques d'Alsace-Lorraine achèvent
la description du Haut-Rhin; F.-X. Krauss1 a conduit ainsi à bon
terme la publication de cet important ouvrage. Malgré le soin qu'on
a pris de constater la présence des antiquités romaines qui sub-
sistent encore dans le Haut-Rhin, on a lieu de s'étonner que les
résultats consignés dans ces derniers fascicules soient relativement
si minces. Combien ne doit-il pas y avoir encore de découvertes à
faire dans ce pays où avait si profondément pénétré la civilisation
romaine !
Maiovica2 a étudié l'histoire et le développement de la ville
d'Aquilée, en Illyrie, dans l'antiquité ; les sources littéraires et épi-
graphiques ont été soigneusement consultées. On a de Widmann3 un
court aperçu de l'histoire de la domination romaine dans la Haute-
Autriche. G. Mùlleniioff A a cherché à déterminer la frontière sud-est
de l'ancienne Germanie, du côté de la Jazygie et de la Dacie, à l'époque
de Pline ; il place les Gotini et les Osi sur le cours supérieur des
rivières Gran et Ipoly en Hongrie ; cette opinion qu'il émet avec une
confiance absolue est en contradiction avec les hypothèses antérieures.
Le territoire où, selon les paroles de Tacite, un « mutuus metus »
séparait les Germains des Sarmates, se trouvait, selon Mùllenhoff, au
nord de la grande courbe que le Danube décrit vers le sud, près de
Waitzen en Hongrie. J. Svm'6 a réuni les renseignements géogra-
phiques qui se trouvent dans Procope de Césarée, notamment sur
les contrées du Pont, sur PArménie, la Cappadoce, la Syrie et
l'Egypte; il a étudié les sources des indications de Procope et ses
recherches l'ont amené à en juger très favorablement l'authenticité et
la valeur historique. W. Tomaschek6 a publié toute une série impor-
tante d'études topographiques, archéologiques et ethnologiques sur
la presqu'île de l'Hémus : il fixe, dans la première de ces études, la
position de Sxoûrot, la métropole de la Dardanie illyrienne, sur
1. Kunst u. Alterthum in Elsass-Lothringen. Vol. II, parties 2 et 3. Stras-
bourg, Scbmidt, 1883, 1884.
2. Aquileja zur Rœmerzett. Gœrz. Programme des cours, 1881.
3. Bas Land Oesterreich ob der Enns unter der Herrschaft der Iiœmer.
Steyer, 1882. Programme des cours.
4. Ueber den sudœstlichen Winkel des alten Germaniens, dans Sitzungs-
berichte d. preussischea Akademie zu Berlin. 1883, p. 871-883.
5. Geographisch-historisclies bel Procopius von Caesarea , dans Wiener
Studien. An. V, 1883, p. 86-116.
6. Zur Kunde der Haemus-Halbinsel. Vienne, Gerold, 1882; dans les Sitz-
ungsber. der Wiener Akademie. Vol. XC1X, 1882, p. 437-507.
J 38 BULLETIN HISTORIQUE.
l'emplacement de Leskovacs, en Serbie -, tous les explorateurs avaient
jusqu'ici cherché cette ville dans l'actuelle Scopi ou Ouscoup, sur le
Vardar. La seconde étude traite des antiquités, en grande partie
encore inédites, de la ville de Pautalie (K.œstendil, en Bulgarie) -, elle
jette, grâce à un emploi très étendu des malériaux numismatiqueset
épigraphiques, un jour très vif sur l'histoire d'une ville à peu près
complètement oubliée. Le troisième chapitre est consacré aux décou-
vertes archéologiques de Golubic, en Bosnie; celles-ci font sup-
poser que l'emplacement du Raetinium romain se trouve dans les
environs. Les quatre articles qui suivent sont relatifs à l'ethno-
graphie de la presqu'île de l'Hémus et sont spécialement diri-
gés contre l'hypothèse d'après laquelle les Valaques modernes
seraient les descendants des Daco-romains restés en Dacie après
l'évacuation de la province. Le noyau de la population de la Rou-
manie a été bien plutôt formé, d'après notre auteur, par les tribus
de la Mésie centrale, venues du sud après le départ des Romains. Le
dernier chapitre contient une conjecture très hasardée sur Fétymo-
logie du nom des Bessi ; l'auteur aurait pu, sans nuire à l'ensemble
de son ouvrage, laisser ce chapitre de côté. Les lecteurs de la Revue
historique connaissent déjà suffisamment par des extraits du Philo-
logus, du Rheinisches Muséum fiir Philologie et des Jahrbucher fiir
classische Philologie les articles de Frick 1 sur les côtes extérieures
de l'Europe, selon Pomponius Mêla, ceux de G. -F. Unger2 sur
Fhabitat des Lusitaniens et sur l'emplacement des îles Cassitérides
et d'Albion, identifiée à tort jusqu'ici avec la Grande-Bretagne; celui
de Neumaxx 3 sur la géographie de la Gilicie ancienne. Detlefsen 4 a
recherché la méthode d'après laquelle Pline a calculé les dimensions
qu'il assigne aux différentes contrées ; il arrive à l'idée, très plausible,
que Pline déterminait la surface des contrées en additionnant leur
largeur avec leur longueur; comme longueur, il prenait le développe-
ment des côtes le long de la Méditerranée ; comme largeur, seulement
la distance de la mer à la frontière jusqu'où l'empire romain péné-
trait dans l'intérieur des terres. Les relations des Grecs et des
Romains avec les riverains de la mer Baltique ont été étudiées par
Gextue3, qui a soumis à une critique rigoureuse les hypothèses
1. Jahrb. f. class. Philol. Vol. CXXVI, 1882, p. 76-79.
2. Philologus. Vol. XLI, 1882, p. 371-374. — Rhein. Muséum f. Philol. Nouv.
série. Vol. XXXVIII, 1883, p. 157-196.
3. Jahrb. f. clas. Philol. Vol. OXXVII, 1883, p. 527 sqq.
4. Die Maasse der Erdleile bel Plinius. Glùckstadt, 1883, Augustin.
r). I eber die Beziehungen der Gricchen und Iiœmer zum Balticum. Leip-
zig, Teubner, 1883, p. 17-31.
ALLEMAGNE ET AUTRICHE. 4 30
émises à ce sujet; d'après lui, tout ce qu'où a avancé jusqu'à ce
jour en faveur d'un commerce maritime direct entre les Phéniciens
et les Grecs d'une part, et les riverains de la mer Baltique de l'autre,
ne supporte pas un examen sérieux ; le commerce de l'ambre, pour
aussi loin que nos connaissances peuvent remonter, n'a jamais suivi
d'autre voie que celle de terre. Dan- sa discussion des routes de
commerce grecques et romaines se rendant à la mer Baltique,
l'auteur écarte la ligne, si souvent admise, Dniéper-Beresina-Dwina,
et constate que celle qui longe le Dnieper, le Boug et la Vistule a été
extrêmement fréquentée, jusqu'à l'époque byzantine et arabe, par
ceux qui faisaient le commerce de l'ambre. L'histoire des Alpes à
l'époque romaine, leur importance pour l'Italie, les rapports entre
les populations alpestres et l'empire, la construction de chaussées à
travers ces montagnes, tels sont les sujets que II. Nissex1 a traités
dans un rapport annuel du Metz-er Ycrein fur Erdkundc. Ad.
Bauer 2 a étudié avec une grande perspicacité les opinions des auteurs
anciens sur la crue annuelle du Nil, et les relations réciproques de
dépendance qui existent entre les opinions émises. H.-J. Muller3
veut voir la ville de Carthago nova dans la ville espagnole que
Tite-Live appelle Onusa (XXII,' 20, 4) ; Gœlius Antipater, l'auteur
que suit Tite-Live, aurait voulu donner une contre-partie au siège
inutile de Garthagène par les Bomains, en 217, en désignant, sous le
nom de OiWcrx (donné par Polien, 8, -16, 6, à Carthago nova), une
ville espagnole différente, dont les Bomains se seraient emparés. Le
voyage de E. Sachau a en Syrie el en Mésopotamie, bien que fait spé-
cialement en vue de l'élude de l'antiquité et du moven âge arabes,
n'en a pas moins fourni quelques renseignements nouveaux et
importants sur les traces de la domination et de la civilisation
grecques et romaines en Orient. Les communications de cet explora-
teur relatives aux ruines de Palmyre, de Larissa, de Nisibe, d'Apa-
mée, de Carrhes, de Tigranocerte, etc., montrent bien le champ de
travail immense qu'offrent ces contrées à la science archéologique.
\Y. Tomaschek5 a entrepris, dans un rapport d'une grande impor-
tance pour l'histoire topographique de la Perse, d'expliquer le
1. Die Alpen in llœmischer Zeit. Viertes Jahresbericlit des Metzer Vereins
f. Erdkunde, 1882.
2. Ilistorische Unlersuchungen Arnold Schaefer geuidnet. Bonn, Strauss,
1882, p. 70-97.
3. Ibidem, p. 148-157.
4. Beise in Syrien und Mesopotamien. Leipzig, Brockhaus, 1883.
5. Zur histor. Topographie von PersienI, dans les Sitzungsber. d. Wiener
Akademie. Vol. 102, 1883, p. 145-231.
|/,0 BULLETIN HISTORIQUE.
Uc segment de la Table de Peutinger, lequel traite de l'extrême
Orient du monde connu des anciens; ce chapitre avait été jusqu'ici
presque entièrement négligé. Tomaschek assigne, comme source à
cette partie de la Table, un itinéraire basé sur des mesures officielles
et qui daterait de l'époque des Séleucides, d'Antiochus III peut-être,
qui, comme on sait, régnait encore sur toute l'Ariane. Au point de
vue de l'exactitude des indications relatives à la position des lieux
et aux distances, cet itinéraire aurait, selon Tomaschek, une valeur
bien supérieure à celle des cartes géographiques de Ptolémée elles-
mêmes, celles-ci du reste fourmillent d'erreurs au sujet des pro-
vinces de la Perse qui touchent à l'Inde. Une intéressante description
de l'Afrique romaine par Friedl^nder1 s'adresse au grand public.
L'opuscule de P. Friedrich 2 sur la connaissance de l'Afrique dans
l'antiquité est fait de seconde main, sans critique personnelle, et n'a
aucune valeur scientifique.
Il a paru de la carte murale de l'Italie ancienne de Kiepert3 une
3e édition, où l'on a utilisé les levés géographiques les plus récents.
Henri Nissen4 nous fournit avec sa géographie italique un auxi-
liaire des plus précieux, qui comble enfin une lacune très sensible
depuis longtemps dans la littérature historique. Le premier volume
de ce bel ouvrage donne un tableau général du pays italique et de
le! imographie de ses habitants ; le second sera consacré aux villes. Les
conditions physiques et naturelles du pays sont traitées avec un
développement considérable et presque disproportionné : la faune
seule, par extraordinaire, a été presque entièrement négligée; en
revanche, on nous renseigne exactement sur les phénomènes volca-
niques dans toutes les parties de la presqu'île, sur les zones clima-
tériques, sur les courants atmosphériques, sur la masse et la répar-
tition des terrains de sédiment, sur les courants marins, sur la
composition géologique des montagnes, sur la propagation et les
causes de la malaria, etc. , etc. Des tableaux statistiques sur la cul-
ture actuelle du blé en Italie précèdent la description de la produc-
tion du sol dans l'Italie ancienne. A côté de ces chapitres si, étendus,
ceux qui sont consacrés aux différentes tribus de l'Italie sembleront
trop concis ; on y constate cependant sur tous les points les progrès
considérables faits en ces dernières années dans l'étude scientifique de
l'ethnographie italique. Nissen juge avec une grande indépendance les
1. Bas Rœmische Afrika; dans la Deutsche Rundschau. Dec. 1882, janvier-
mars 1883.
2. Vie Kenntniss v. Afrika im Alterihum . Wohlau. Programme des cours, 1882.
:;. Wandkarte v. AU.-Ualien, Échelle 1 :800000, 3e éd. Berlin, 1883. Ileimer.
'. Halische Landeskunde. Vol. I. Land u. Leute. Berlin, Weidmann, 1883.
ALLEMAGNE ET AUTRICHE. Vi\
innombrables hypothèses ethnologiques qui se sont fait jour ces der-
niers temps; il cherche notammenl à restituer leur importance aux
témoignages des écrivains anciens, témoignages que nos savants mo-
dernes mettenl souvent trop à l'arrière-plan. 11 reconnaît avec raison
que les récents travaux sur la langue et la nationalité étrusques n'ont
abouti, et ne peuvent aboutir, dans l'état actuel de nos connaissances,
à aucun résultat certain. Un avantage de cet ouvrage sur les cha-
pitres correspondants de la Géographie ancienne de Kiepert , si
excellente d'ailleurs, consiste dans la nomenclature consciencieuse
soit des recherches récentes les plus importantes, soit des ouvrages
scientifiques sur l'ethnographie de l'Italie ancienne, soit encore des
passages des écrivains anciens qui se rapportentaux principaux points
traités : ainsi le lecteur se trouve en état de se former une opinion
personnelle sur les questions controversées. E. Reyer1 touche plu-
sieurs fois, dans ses études sur la géologie et l'histoire de la civili-
sation de la Toscane étrusque, sans cependant jeter beaucoup de
lumière sur cette dernière; ses remarques sur les mines d'Étrurie
sont dignes d'attention. On peut en dire autant de ce que l'auteur
nous apprend sur le développement et la formation des marais
et sur les changements de cours' des rivières à l'époque historique ;
en revanche, on est en droit d'élever des doutes sérieux contre son
idée d'une filiation entre les anciens Étrusques et les habitants
actuels de la Toscane. Les deux écrits de L. Meyer2 sur Tivoli
et les catacombes romaines ne sont qu'un plagiat non déguisé des
Promenades archéologiques de M. Boissier. L'histoire de la pein-
ture murale décorative à Pompéï, publiée par A. Mau3, aux frais de
l'Institut archéologique, a fait faire un grand pas à l'élude scienti-
fique de Pompéï et de ses antiquités; l'auteur qui, depuis des années,
étudie à Pompéï les peintures murales, dont le nombre s'accroit
journellement, et qui s'est fait connaître par ses Pompejanische Bei-
trxgc comme un des plus fins connaisseurs des antiquités pompé-
iennes, démontre, de façon à entraîner la persuasion, que les parois
conservées à Pompéï et les décorations qui les recouvrent embrassent
une période de 200 ans, pendant laquelle on peut, avec certitude,
distinguer quatre styles différents, se succédant dans l'ordre chrono-
logique. Un atlas de vingt planches supérieurement exécutées, et
représentant les peintures murales les plus importantes de Pompéï,
1. Aus Toskana. Vienne, Gerold, 1884.
2. Tibur. Et ne rœmische Siudie. llerliu, Habel, 1883. Die rœmischen Kata-
komben. Berlin, Habel, 1882.
3. Geschichte der dekorativen Wandmalerei in Pompeji. Berlin, Reimer, 1882.
\!\1 BULLETIN HISTORIQUE.
permet au lecteur de comparer et de juger les caractères et les traits
distinctifs des quatre styles fixés par l'auteur. Mau a pris également
une part importante au dernier remaniement de l'ouvrage bien connu
d'OvERBECt » sur Pompéï ; c'est grâce à lui surtout que cette édition
répond à tous égards au nouvel état de la science. Les modifications
que les chapitres relatifs aux fortifications de la ville, aux rues, aux
places et aux édifices publics ont subies dans cette nouvelle édition
sont particulièrement importantes : ce sont, à plusieurs reprises, les
inscriptions pompéiennes (publiées dans le dixième volume, qui vient
de paraître, du Corpus inscriptionum. laiinarum) qui y ont donné lieu.
Les fouilles entreprises à Rome par le ministère de l'instruction
publique italien, notamment dans le Forum, au Panthéon, entre le
mont Palatin et la Voie Sacrée, ont conduit, ces dernières années,
à des découvertes de la plus haute portée, mais on n'en pourra
entièrement juger l'importance, au point de vue des diverses ques-
tions relatives à la Rome antique, que graduellement et lorsque tous
les nouveaux documents auront été publiés. Il est donc naturel que,
dans de semblables conditions, le nombre des travaux allemands sur
la topographie romaine ait été relativement assez faible ; l'excellent
ouvrage de Henri Jordan 2 sur la topographie de la Rome antique n'a
que peu avancé ; la première moitié de la deuxième partie du premier
volume qui a paru jusqu'ici comprend les restes du Forum, de la
Voie Sacrée et le mont Gapitolin ; la fin de cette seconde partie ne
tardera guère. Jordan a entrepris des recherches spéciales, entre
autres sur le fragment nouvellement découvert d'un ancien plan de
Rome, sur les Rostres dans le Forum Romanum, sur la topographie,
la date de la construction et la distribution du Tabularium du mont
Palatin, où se trouvaient les archives de l'ancienne Rome, sur la déno-
mination ancienne et sur la destination du Panthéon, enfin, sur la sta-
tue de Marsyas au Forum3. Au sujet de cette dernière, il émet l'hypo-
thèse qu'elle a été enlevée à l'Agora d'une ville grecque, où elle servait
d'ornement à une fontaine, entre la fin de la guerre contre Pyrrhus
et la destruction de Carthage; ce serait tout à fait par hasard qu'elle
1. Pompeji in seinen Gebœuden, Alierlhumer und Kunstwerken. Leipzig,
Engelmann, 1884.
2. Topographie der Stadt Rom im Alterthum. Vol. Impart. 2. Berlin, Weid-
mann, 1882.
3. De formae urbis Romae fragmente novo disputatio. Berlin, Asher, 1883.
Iltabulario Capitolino (Annalidell' Jstiluto. Vol. LUI, 1881, p. 60-73). — Rettifi-
ca-Jone délia planta del foro romano (Bullethio delV Jstiluto per l'anno 1881,
p. 103 et sq.). Symbolae ad historiam religionum Jlalicarum (Indices lectio-
num aesliv. Kœnigsberg. 1883). — Marsyas auf dem Forum in Rom. Berlin,
Weidmann, 1883.
ALLEMAGNE ET AUTRICHE. 443
aurail pris, à Rome, une signification particulière. Nous parlerons
plus tard de l'ouvrage deO. Gilbert sur l'histoire et la topographie de
la Rome ancienne, c'est le plus important de tous les travaux sur celte
matière, nous préférons cependant le rattacher à ceux qui traitent des
origines de Rome. Les explications de Jordan sur la topographie du
Capitole ont été soumises par 0. Richter ' à une critique rigoureuse
dans un article au Clivus Capitolïnus, le chemin carrossable qui
conduisait sur le Gapitole en prolongeant la Voie Sacrée -, à cette occa-
sion, il étudie la topographie du temple de Jupiter sur le Gapitole.
Dans un second opuscule, Richter cherche 1 époque où fut fortifié
le Janicule et conclut qu'il faut la placer probablement aux der-
niers temps de la république; en revanche, la fortification de la
rive gauche du Tibre, contestée par d'autres savants, devail former
une partie importante du mur construit par Servius Tullius. Le
Pons Sublicius, également, ne servait pas seulement à mettre en
communication les deux rives du fleuve; il avait encore un but
stratégique, car, en cas de danger imminent, il donnait accès
dans la ville aux habitants de la rive droite, laquelle n'était pas
fortifiée; sans ce pont les habitants de cette rive auraient été livrés,
sans défense, à tous les ennemis : en outre, on ne peut expliquer la
construction toute particulière du « pons Sublicius, » qui permettait
de le détruire instantanément, que par le fait que le pont était étroi-
tement relié à toute la fortification de la ville, A. Materhobfer2 décrit
brièvement les ponts de la Rome ancienne, sans toutefois résoudre
d'une façon concluante les questions difficiles qui se rattachent
à cette question. Wexdt3 élève avec raison des doutes au sujet
de l'antiquité des murs anciens découverts sur le Palatin : au lieu de
les placer à l'époque des rois, il les regarde comme des constructions
des premiers temps de l'empire. H. Dessau 4 publie les descriptions
des bas-reliefs de sarcophages romains qui se trouvent dans les
ouvrages manuscrits de Pirro Ligorio, archéologue du xvi° s.; plu-
sieurs de ces sarcophages antiques n'existent plus; d'autres sont
extrêmement dégradés.
L'activité de l'Institut archéologique impérial allemand s'est affir-
mée dans ses publications périodiques, les Monumenti, les Annali
1. Clivus capitolinus, dans Y Uerm.es. Vol. XVIII, 1887, p. 104-128, 616-619.
— Die Befestigung des Janiculum. Berlin, Weidmann, 1882.
2. Die Briicken im alten Rom. Erlangen, Deichert, 1883.
3. Bulletino dell' lstiluto per l'anno 1882. N" III, p. 53-63.
4. Rœmische Reliefs, beschrieben von Pirro Ligorio; dans Sitzungsberichte
der preùssischen Akademie der Wisscnschaflen, 1883. P. 1077-1105.
144 BULLETIN HISTORIQUE.
cl le Bulletino cleW Inslituto, dans les Mittheilungen de l'Institut
archéologique d'Athènes et dans Y Archaeologische Zeitung. Parmi
les travaux généraux de l'Institut, celui sur les sarcophages romains,
dont la direction a été confiée à Robert, est déjà assez avancé pour
qu'on ait pu commencer à en imprimer les planches. Koerte a con-
tinué la publication des bas-reliefs des urnes cinéraires étrusques ; le
IIe volume des terres cuites antiques est tout près d'être achevé, grâce
à Kekulé et à Otto. La collection de dessins de miroirs étrusques, qui
avait été commencée par Gerhard ', a été continuée, après une longue
interruption, par Klugmann et Koerte, qui ont publié le premier fas-
cicule du cinquième volume. En outre, la direction centrale de l'Ins-
titut archéologique a en vue, depuis peu, un travail scientifique qui
prendrait le nom de Literarisches Repertorium der Archaeologie ; on
réunirait, d'une façon méthodique, dans ce répertoire, tous les docu-
ments relatifs aux œuvres d'art antiques, conservés dans les archives
ou à la bibliothèque, sous forme de reproductions, de descriptions ou
de renseignements divers. On ne songe pas, pour le moment, à
publier ce catalogue, qui rendrait cependant de grands services à
l'archéologie ; en premier lieu, on se propose de recueillir toutes les
indications des auteurs anciens relatives à la sculpture antique; c'est
Michaelis qui a pris la direction de ce travail infini. Il faut citer,
parmi les missions entreprises sous les auspices de l'Institut, celle
de Mau à Pompéï , ainsi que les recherches archéologiques d'Helbig
dans les Maremmes de Toscane.
La seconde partie du VIe vol. du Corpus inscriptionum Latina-
rum, publié par l'Académie des sciences de Prusse2, a paru dans le
courant de Tannée \ 882 : elle contient les inscriptions de la ville de
Rome. La composition de cette partie du Corpus a été confiée à
Bormawn, à Henzen et à Hûlsen-, ce qui en fait surtout la valeur
c'est qu'elle renferme les inscriptions de tous les Columbaria de
Rome. Des cinq autres parties de ce VIe vol., la troisième et la
cinquième sont actuellement sous presse ; cette dernière, qui contient
les fausses inscriptions de la ville de Rome, ne tardera pas à paraître.
Les volumes IX et X du Corpus, confiés à Mommsex, ont déjà paru :
le t. IX contient les inscriptions de la Calabre, de l'Apulie, du Sam-
nium, du Picenum et du pays des Sabins; le t. X celles du Bruttium,
de la Lucarne, de la Campanie, de la Sicile et de la Sardaigne 3. Bor-
mahn, Dessau et 0. Hirschfeld ont continué l'impression des trois
1. Etruskische Spiegel. Vol. V, Fasc. t. Berlin, Reiraer, 1884.
2. Corpus inscriptionum latinarum. Vol. VI, pars 2. Berlin, Reiraer, 1882.
3. Corpus inscript, lat. Vol. IX, vol. X, pars 1 et 2. Berlin, Reimer, 1883.
ALLEMAGNE ET AUTRICHE. 1 ',')
volumes qui embrassent l'Italie centrale, de Terracine et d'Ancône
jusqu'au Pô, la France méridionale et le Latium (vol. XI, XII et
XIVi ; Za.ngemeister s'occupe des travaux préliminaires exigés pour
le XIIIe vol., le seul qui ne soit pas encore en voie d'impression : ce
volume comprend la France du Nord et la contrée du Rhin. On a
commencé, pour cinq volumes, des suppléments dont la nécessité se
faisait sentir de jour en jour davantage; ce sont les suivants : vol. II
(Espagne), vol. III (Orient et contrées du Danube), vol. IV (Inscrip-
tions de Pompé'i), vol. VI, part. I et 2 (Inscriptions de la ville de
Rome), vol. VIII (Afrique); on se décidera probablement bientôt à
publier des suppléments dans le format même du Corpus inscriptio-
num. Les recherches complémentaires, entreprises pour les inscrip-
tions africaines par Jean Scumidt ', que l'Académie de Prusse avait
envoyé en missiou à Alger et à Tunis, ont amené la découverte de
six à sept cents inscriptions inédites. Th. Mojdisex a publié, dans
le Ve vol. qui vient de paraître, de YEphcmeris epigraphica'2, toute
une série d'additions et de corrections aux inscriptions des provinces
grecques de l'empire romain, réunies dans le IIIe volume du Corpus.
Les recherches de savants 'autrichiens, publiées dans les Archaeo-
logisch-epigraphisehe Mittheilungen ans Oesterreich (an. VI, VU.
1882, -18x83), ont apporté un riche contingent épigraphique pour les
contrées du Danube, le Tyrol et l'Illyrie. Eotixg 3 a entrepris, sous
les auspices de l'Académie des sciences, un recueil des inscriptions
carthaginoises : 202 planches ont déjà paru avec 367 inscriptions,
dont 1 24 étaient encore inédites. L'auteur annonce un texte explicatif
pour ces inscriptions, dont une partie seulement ont une valeur
historique. L. von Urlichs 4 a soumis à un examen très attentif
les inscriptions trouvées dans les fouilles de Pergame et publiées
dans le Jahrbuch d. kgl. preussischen Kunstsammlungen (I, -1880,
p. 188 sq., III, 1882, p. 80 sq.). Il n'était pas possible de lire d'une
façon très certaine ces inscriptions très détériorées; cependant Fau-
teur a réussi, grâce à des rapprochements sagaces entre les inscrip-
tions de Pergame et la tradition littéraire, à jeter un jour nouveau
sur une foule de points obscurs relatifs soit à l'histoire des règnes
1. Bericht ilber die itn Winter 1882-83 ausgefiihrte epigraphische Reise nach
Algier u. Tunis; dans SilzungsOerichle d. preuss. Akademie d. Wissensch.
1883, p. 607-616.
2. Ephemeris epigraphica, Corporis inscriplionum Latinarum supplemen-
tum, édita jussu inslituli archaeologici Romani. Vol. V. Fasciculus jirinuis et
secundus. Romae, Berolini, Reirner, 1884.
3. Sammlung der carthagischen Inschriften. Vol. 1. Strasbourg, Triïbner, 1883.
4. Pergamenische Inschriften. Vvùrzburg, Stahel, 1883.
Rev. Histor. XXVII. 1er fasc. 10
446 BULLETIN HISTORIQUE.
des rois Attale Ier, Eumène II et Attale II, soit aux rapports de ces
rois avec Rome, la Syrie et la Macédoine, soit enfin aux combats
qu'ils livrèrent contre les hordes gauloises. M. Munier ' dirige une
polémique des plus vives contre les principes paléographiques établis
par Ritschl, Hûbner et Mommsen, dans un article où il expose égale-
ment ses propres vues au sujet du développement de l'écriture latine,
avec des considérations spéciales sur les inscriptions rhénanes : à
côté d'exagérations manifestes à propos des erreurs prétendues de la
science paléographique moderne, cette dissertation a cependant le
mérite d'attirer l'attention sur des points de vue nouveaux, pour
déterminer la date des monuments archéologiques. Parmi les
missions de l'Académie de Prusse, il faut citer en première ligne
le voyage de G. Hirschfeld2 en Paphlagonie, qui a beaucoup con-
tribué à la connaissance de ce pays et des parties voisines de
l'ancienne Galatie et du Pont. Au sujet de la position de la ville
romaine de Tavium, en Galatie, qu'Hirschfeld 3 cherche sur l'empla-
cement de l'actuel Iskelib, il y a désaccord entre l'auteur et IL Kie-
pert4, qui s'occupe aussi d'une carte particulière de l'Asie mineure ;
Kiepert, qui jusqu'ici avait placé Tavium où se trouve actuellement
Nefezkeui, abandonne, il est vrai, cette hypothèse, à la suite des ren-
seignements nouveaux qu'il a obtenus ; mais il désigne maintenant,
avec une certitude d'autant plus grande, la plaine d'Aladja comme le
lieu où l'antique Tavium aurait existé. Une seconde expédition dans
le Kourdistan a été entreprise, en 1882, par 0. Puchstein3 et l'ingé-
nieur G. Sester : on voulait étudier un^ monument que Sester avait
découvert, dans de précédents voyages, sur le Nemroud-Dagh ,
entre Malatia et Gerger sur l'Euphrate. Les inscriptions grecques,
encore assez bien conservées, découvertes par 0. Puchstein, indiquent
clairement la date et le but de ce remarquable monument : c'est le
tombeau du roi Antiochus de Gommagène (69-34 av. J.-G.), qui
le destinait aussi au culte de plusieurs divinités et à celui de ses
aïeux. Un collège spécial de prêtres était autrefois chargé d'organiser
1. Die Palaeogi aphie als Wissenschaft und die Inschriflen des Mainzer
Muséums. Mayence, 1883 (Programme des cours).
2. Sitzungsber. d. preuss. Akademie, 1882, p. 1089-1092. Voir G. Hirschfeld,
Ein Aus/lug in d. Norden Kleinasiens. Deutsche Rundschau. Vol. IX, p. 49-
72, 400-421 ; vol. X, p. 53-77.
3. Sitzungsber. d. preus. Akademie. Vol. IX, p. 1243-1270.
4. Ibidem, 1884, p. 47-57.
5. Bericht ùber eine Reise in Kurdistan. Ibid., 1883, p. 29-64. Voir aussi, à
ce sujet, l'écrit de deux savants arabes : 0. Ilamdy Bey et Osgan Effendi : Le
tumulus de Nemroud-Dagh. Constantiuople, 1883.
ALLEMAGNE ET AUTRICHE. 147
annuellement, en ce lieu, des fêtes solennelles en l'honneur des jours
de naissance et de couronnement d'Antiochus. Les recherches des
deux voyageurs ont été aussi très fructueuses relativement à la dis-
position, au périmètre et aux divers détails de tout l'édifice; on a pu
notamment constater la présence d'une série de statues colossales de
divinités et celle de has-reliefs, qui représentent sous forme de héros
les ancêtres d'Antiochus, en remontant jusqu'à Darius. D'autres
monuments antiques, parmi lesquels on distingue un grand tumulus
aux environs de Samsat (Samosate) sur l'Euphrate, n'ont pu être
examinés qu'en passant par les deux voyageurs. L'élude attentive du
mausolée d'Antiochus, encore entouré de mystère à plusieurs égards,
a fait l'objet d'une deuxième expédition, envoyée, en 1883, par l'Aca-
démie de Berlin, sous la conduite de Humann : on doit entre autres
à cette expédition le moulage en plâtre des inscriptions considérables
du Nemroud-Dagh.
La plus longue et la plus importante des inscriptions latines qui
nous aient été conservées, celle que l'empereur Auguste fit graver,
peu de mois avant sa mort, sur les parois de l'Augusteum à Ancyre,
a été étudiée d'une façon définitive par Humann1, auquel s'était
adjoint A. von Domaszewski, avec une subvention du gouvernement
autrichien. Le texte latin du monument d' Ancyre, ainsi que la tra-
duction grecque, qu'on n'a pu mettre au jour qu'en renversant
quelques murs, peut être étudié d'une manière presque aussi
sûre et aussi complète sur les -1 94 moulages du Musée de Berlin,
que sur le monument lui-même, dont Taccès est difficile et que
rien ne protège contre une entière destruction. Les corrections et
les additions multipliées que les moulages d'Humann ont apportées
à l'ancien texte sont connues de tous, grâce à la nouvelle édition du
monument d'Ancyre entreprise par Mommsen 2 : dans cette édition,
non seulement le texte a été complété et corrigé, mais le commen-
taire lui-même qui l'accompagnait a subi des remaniements et des
additions d'une grande importance. Les levés topographiques de
Humann, dans son voyage de Brousse à Angora, sont très pré-
cieux pour fixer la topographie de l'ancienne Bithynie et de la Gala-
tie-, cependant on n'a pas réussi, comme on l'espérait, à retrouver
l'ancien Gordium. Les ruines de l'antique Pessinunte, de Germa et
de Pteria ont été explorées et on a pris les moulages des reliefs très
1. Ibidem, 1883, p. 751 sq., 1883, p. 563, 730-737; et Philologische Wochen-
schrijt, III, 1883. col. 565-567.
2. Res gestaedivi Augusti. Ex monumentis Ancyrano et Apolloniensi, iterum
edidit Th. Mommsen. Berlin, Weidmann, 1883.
148 BULLETIN HISTORIQUE.
anciens des rochers de Bogaskeui, à six journées à l'est d'Angora;
de nombreuses inscriptions découvertes dans ce voyage, ou simple-
ment rectifiées, ont été publiées par A. von Domaszewski * . La
grande inscription gréco-palmyréenne découverte par le prince Laza-
rew dans les ruines de Palmyre, inscription qui date de l'an 137
ap. J.-G. et qui contient des décrets du sénat de Palmyre sur des
modifications du tarif douanier, a été étudiée sur place par J. Euting,
qui en a pris un nouvel estampage. Une étude complète sur cette
inscription par M. de Vogué, publiée dans le Journal des Savants
(Aoùt-Sept. -1883, p. -149-183), a devancé un travail analogue dont
l'Académie de Berlin avait chargé l'orientaliste P. Schroeder. Ce der-
nier 2 s'est borné en conséquence à donner une nouvelle transcrip-
tion du texte d'après le moulage d'Euting, et à traiter d'une façon
approfondie les endroits où son interprétation s'écarte de celle du
savant français : par la même occasion Schrœder a communiqué
quelques petites inscriptions inédites des ruines de Palmyre.
H. Haupt.
(Sera continué3.)
1. lnschriften aus Kleinasien; dans Archaeologisch-epigraphische Mitthei-
lungen aus Œsterreich. Jahrg. VII, fasc. 2, 1883, p. 168-188. Voir les inscrip-
tions d'Angora dans l'Ephemeris epigraphica. Vol. V, fasc. 1 et 2, 1884,
p. 28-33.
2. Neue Palmijrenische lnschriften. Sitzungsber. der preuss. Akademie,
1884, p. 417-441.
3. (N. B. La rédaction de ce Bulletin a été terminée en juin 1884.)
CORRESPONDANCE. 149
CORRESPONDANCE.
LETTRE DE M. FALLETTI-FOSSATI.
Je désire présenter quelques observations au sujet du compte-rendu
que la Revue historique a publié (XXVI, 152) sur mon livre : Il
tumulto dei Ciompi.
Pour faire court, je résume d'abord les chefs d'accusation. M. P.
dit : « 1° que la seconde édition est un remaniement presque sans
changement ; 2° que je n'ai pas tenu compte, de l'élément économique ;
3° que j'ai enfoncé des portes ouvertes; 4° que j'ai cité des livres sans
les lire; 5° que je tiens pour résolue la question de Dino Gompagni ;
6° que je cite sans d'autre indication : Morelli, Cronica fiorentina, de
manière à jeter ainsi le lecteur dans la confusion ; 7° que je ne tiens
pas compte du texte curieux de Marchionne di Coppo di Stefano sur le
mot Ciompo, et que je ne cherche pas l'origine du mot. Je répondrai
successivement à tous ces points :
1° Il suffit de lire la seconde édition en la confrontant avec la
première, pour voir que j'y ai apporté des modifications, non dans les
conclusions finales, mais dans l'explication des faits. J'ai consulté de
nouveaux documents, délibérations de conseils, consultes, statuts, que
j'avais négligés la première fois; j'ai recommencé l'examen des docu-
ments déjà étudiés par moi; j'ai relu les chroniqueurs que j'avais déjà
consultés, et j'en ai consulté de nouveaux. Cela, M. P. peut facilement
le vérifier, rien qu'en comparant les notes des deux éditions. A l'ap-
pendice de la seconde édition, j'ai ajouté un fragment de chronique
inédite.
2° Il est inexact que je n'aie pas tenu un compte suffisant des
causes économiques du Tumulte. M. P. oublie avoir dit quelques
lignes plus haut que je soutiens que tous les citoyens ont pris part à la
sédition, c'est-à-dire « les grands,... le popolo grasso,... le popolo
médiocre,... le jioj)^0 minuto, pour améliorer sa situation misérable, les
Ciompi... » Cet oubli.de M. P. me prouve que dans son esprit se sont
élevés des doutes. Il peut les dissiper, s'il veut prendre la peine de
relire les pages 61, 156, 159, 209-211, 238, 243, etc., où je parle des
conditions économiques et financières, et je crois les avoir appréciées à
leur juste valeur.
3° Que M. P. ne confonde pas la lre édition avec la seconde. Si j'avais
attendu jusqu'en 1882 pour montrer que le tumulte des Ciompi n'est
pas une révolution sociale à la manière de nos jours, que tous les
citoyens ont pris part au mouvement, que le gonfalonier de justice
430 correspondance.
n'avait pas en 1378 l'autorité dont il fut revêtu par la suite, M. P.
aurait le droit de me reprocher d'enfoncer des portes ouvertes, de dire
que j'ai raison, mais avec tous les auteurs récents, etc. M. P., qui
montre dans ce fait spécial du Tumulte une singulière compétence,
doit se reporter à Tannée 1876, même à 1873, où la thèse fut présentée
et soutenue. Je suis persuadé que M. P., en se rappelant les opinions
de Tommaseo, de Gapponi lui-même, de M. Zeller, d'Emiliani Giudici,
de Balbo, etc., qui à cette époque faisaient loi, conviendra avec moi,
dans son impartialité, que ses reproches sont injustes. Si les choses
dites dans la lrc édition étaient exactes et si les opinions erronées
n'avaient pas, toutes, de 1873 à 1883, été abandonnées, devais-je les
passer sous silence dans la seconde ? M. P. a cru évidemment que dans
cette édition j'ai voulu démontrer ces choses-là comme étant nouvelles
en 1882. Il n'en est rien. Si M. P. veut relire la préface et le dernier
chapitre, mais sans idées préconçues, et sans supposer que je veuille
faire tort à personne, il verra les raisons qui m'ont déterminé à donner
cette seconde édition. En passant en revue les écrits de ceux qui se
sont occupés du tumulte, j'ai relevé les erreurs qu'il me semblait
avoir commises. Et puisque, dans sa critique, M. P. s'en réfère à
MM. Gherardi et Perrens, il y trouvera ce que j'en dis : que le Diario,
publié par Gherardi, invite à faire de nouvelles études sur le Tumulte,
et que M. Perrens, outre qu'il n'explique pas tous les faits, attribue
encore à Michèle di Lando plus de valeur qu'il n'en mérite. Je n'ai
jamais songé à dire que MM. Perrens et Gherardi ont envisagé le
Tumulte comme un mouvement social, comme avaient fait non seule-
ment Simonin, mais encore M. J. Zeller. De même, je n'ai jamais
pensé à prendre de brevet d'invention, parce que je suis un studioso, et
non un industriel; mais, nesemble-t-il pas, à voir l'insistance de M. P.
à renvoyer à l'histoire de M. Perrens, comme à l'ouvrage qui a résolu
les questions relatives au Tumulte, qu'il veuille donner à M. Perrens
ce bienheureux brevet d'invention? Enfin, je me suis bien gardé
d'affirmer que le gonfalonier de justice « primitivement... n'était que
le porte-gonfanon de la Seigneurie, et ne figurait sur les listes des
prieurs qu'au neuvième et dernier rang. » Je laisse à M. P. la res-
ponsabilité de cette affirmation; je doute pour ma part que le gonfa-
non de justice ait été le gonfanon de la Seigneurie; j'estime qu'à l'ori-
gine le gonfalonier n'a pas été davantage le neuvième des prieurs.
4° M. P., s'il ne veut pas en croire à ma parole d'honneur, peut
s'assurer si j'ai cité les ouvrages sans les lire ou les consulter, en par-
courant les registres de la Bibliothèque nationale de Florence, de la
Bibliothèque communale de Sienne et de l'Institut supérieur, de 1873
à 1882. Ce sera un travail long et fastidieux, mais il servira au moins
d'expiation pour une affirmation gratuite, qui humilie quiconque
s'applique à l'étude pour l'amour de l'étude.
5° Que M. P. veuille bien relire la note de la page 45, il verra que
les conclusions d'Isidoro del Lungo sur Dino Compagni n'y entrent
CORRESPONDANCE. 154
pour rien. Il y est question d'une affirmation de l'éminent professeur
Del Lungo, laquelle, si j'ai bonne mémoire, s'appuie sur des documents
officiels; mais je n'insiste pas sur ce point, que je ne puis vérifier.
J'espère pourtant que M. P. ne me croira pas assez ignorant puur ne
pas connaitreles acerbes critiques de Fanfani, de Scheffer-Boichorst, etc.
6° La citation de la page 103 est ainsi conçue : Morelli, cronaca
fiorentina, 1385-1437. Je confesse mon ignorance sur ce point, mais je
ne sais s'il y a deux Morelli qui ont écrit une chronique florentine de
1385 à 1437, et, si M. P. voulait me renseigner à ce sujet, je lui en
serais reconnaissant.
7° Ici M. P. s'est trop fié à sa mémoire, et n'a pas vérifié ce qu'il
disait. Je ne passe point sous silence le curieux texte de Marchionne
di Goppo di Stefano, car, à la page 155, j'en cite en note un passage.
Je ne me suis pas occupé de l'origine du mot Ciompo, pour les raisons
exposées dans cette note. M. P. croit-il que la question puisse être
résolue historiquement? J'en doute, parce que M. Paoli, dans sa
monographie très soignée sur le duc d'Athènes, au temps de qui,
selon Marchionne, remonterait l'origine du mot, en aurait certaine-
ment dit quelque chose. Au contraire, M. P. croit-il que la question
puisse être résolue philologiquement? Qu'on l'essaie, et l'on verra ce
qui en sera. On arrivera probablement au résultat que j'ai obtenu. Gela
dit pour ma défense, je remercie M. P. d'avoir cherché à me dorer
sa pilule amère, en disant que mon travail est « substantiel et solide. »
G. Falletti-Fossati.
RÉPONSE DE M. P.
M. Falletti-Fossati a bien tort de croire qu'en déclarant son travail
« substantiel et solide, » nous avons voulu lui dorer la pilule amère. Si
ces deux épithètes ne lui paraissent pas suffisantes, nous y ajouterons
volontiers celle d' « excellent. » Ne l'avons-nous pas hautement approuvé
d'avoir publié cette seconde édition, qui, n'étant pas perdue dans un
recueil que peu de gens ont sous la main, pénétrera plus facilement dans
le public? Ce n'est pas là, nous semble-t-il, maltraiter un auteur.
Nous allons plus loin, il est vrai. Nous disons que si la seconde édi-
tion est excellente, la première l'était aussi, presque au même degré, et
cela non plus n'a rien de blessant. Les rares et minuscules modifications
qu'invoque M. Falletti pour montrer le progrès de l'une à l'autre ne
nous paraissent pas de nature à infirmer notre assertion, car nous
n'avons point dit qu'il n'eût pas changé un seul mot.
M. Falletti n'avait pas besoin de nous donner sa parole d'honneur qu'il
a lu et beaucoup lu avant de prendre ou de reprendre la plume. Cela ne
fait pas l'ombre d'un doute. Mais, puisqu'il a cru devoir citer certains
\ 32 CORRESPONDANCE.
ouvrages qu'il n'était pas tenu d'ouvrir, nous persistons à penser qu'il
aurait pu y prendre certaines choses non sans rapport avec son sujet, et
qui eussent justifié telle ou telle mention faite au bas des pages. Qu'il
se réfère à celles que nous lui avons indiquées dans notre article.
Et maintenant, entrerons-nous dans le détail? Non. La discussion ne
serait pas toujours aisée ; elle manquerait de « plate-forme. » Quand
M. Falletti déclare qu'il « croit » avoir apprécié les conditions écono-
miques à leur juste valeur, avancerions-nous le débat en répondant
que nous « croyons » qu'il se trompe ? 11 faudrait plusieurs pages pour
soutenir notre sentiment. Nous nous bornerons donc à dire un mot de
deux ou trois points au sujet desquels M. Falletti, un peu ironique-
ment peut-être, provoque nos explications.
Sur le rang du gonfalonier de justice, il n'y a qu'à consulter les listes
des prioristes, celles entre autres du P. Ildefonse de san Luigi, dans les
Delizie degli eruditi toscani, qu'il est partout facile de se procurer. Le
gonfalonier y figure invariablement après les huit prieurs. C'est ce qu'on
appelle, en général, le neuvième rang. Qu'il ne fût pas, à proprement
parler, un prieur, c'est clair, puisqu'il portait un nom différent ; mais il
vivait, il votait avec eux, et le notaire, qui le suit sur les listes, à dis-
tance respectueuse, ne votait pas. Nous n'avons pas dit, sur ce point,
que M. Falletti fût tombé dans l'erreur des vieux historiens ; pourquoi
prend-il pour lui ce que nous disions d'eux? Nous indiquions seule-
ment que son assertion, contraire à la leur, est admise aujourd'hui
par tout le monde. Il a d'autant moins lieu de se fâcher, qu'il s'in-
surge, et avec raison, contre les brevets d'invention en histoire.
Il nous reproche donc à tort de lui avoir fait dire ce qu'il ne dit pas.
Nous pourrions, plus justement, lui renvoyer la balle. Nous n'avons
point prétendu qu'il eût « passé sous silence » le passage de Marchionne
sur le mot Giompi ; nous avons dit qu'il s'était refusé à 1' « étudier, » ce
qui est bien différent. Avons-nous tort? Qu'on en juge : M. Falletti a
écrit à ce sujet : « Je n'entre pas dans un fourré (dans un labyrinthe,
gineprajd) d'où je ne saurais comment sortir, et je laisse les personnes
compétentes résoudre la question (p. 155, note). » Qui donc la résoudra
ou la creusera avec compétence, si ce n'est l'auteur d'un livre spécial sur
les ciompi? Il y a des situations où il ne faut pas craindre de s'aventurer
dans les labyrinthes, de s'empêtrer dans les fourrés.
Quant aux Morelli, nous avons regretté que M. Falletti ne dît pas où
se trouve enfouie la chronique de celui des trois chroniqueurs de ce
nom qu'il a citée. Il est bien clair qu'il n'y en a pas trois, ni même deux,
dont le récit se renferme entre les années 1385 et 1437. Mais donner ces
deux dates, ce n'est pas dire où l'on trouvera ce récit, peu facile à trouver
à la queue d'une des éditions du prétendu Malespini. Si M. Falletti
eût été coutumier du fait, nous lui en aurions formellement adressé, et
d'une manière générale, le reproche. Réduite à un seul cas, notre cri-
tique ne tourne-t-elle pas à l'éloge ?
En somme, nous avions signalé à M. Falletti quelques péchés véniels,
CORRESPONDANCE. I 53
très véniels, que sa conscience scrupuleuse transforme en péchés mor-
tels, et dont il se défend avec émotion. Des péchés mortels eux-mêmes
on ne refuse pas l'absolution au tribunal de la pénitence ; nous l'aurions
à plus forte raison accordée aux péchés véniels, si nous nous reconnais-
sions la qualité sacerdotale. Nous ne nous croyons pas plus médecin que
prêtre, et nous n'avions nul dessein de faire avaler des pilules, même
dorées, à un malade qui se porte fort bien. Quant au pécheur, il est de
ceux qui commandent l'estime, quoi qu'on en ait, et à qui l'on peut, sans
crainte de faire tort au paradis, « donner le bon Dieu sans confession. »
P.
Nous avons reçu de M. Sautereau, ingénieur, ex-secrétaire du géné-
ral de "Wimpffen, une lettre dont nous nous contenterons de com-
muniquer à nos lecteurs le passage suivant, sans y ajouter aucun
commentaire :
« Je lis avec la plus grande surprise un article publié par la Revue
historique, où il est dit que le général de Wimpffen a subi, en 1869, une
sorte de disgrâce en recevant le commandement de la division d'Oran.
« Bien au contraire, le gouvernement de la province d'Oran lui fut
confié à cause de ses aptitudes politiques et militaires, pour arriver au
rétablissement de l'ordre et de la paix dans cette contrée alors fort
troublée par les incursions des Marocains sur notre frontière.
« Le commandement de la province. d'Oran était alors le poste le plus
convoité et le plus honorable de l'Algérie pour un militaire. Le général
de Wimpffen remplit la mission qui lui était confiée avec tant de dis-
tinction et de vigueur, et sa présence dans la province d'Oran était si
bien un gage de sécurité publique, que ce fut une des causes pour les-
quelles, au moment de la guerre de 1870, on a tant hésité à le rappeler
en France. »
Nous crovons M. Sautereau mal informé.
154 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.
COMPTES-RENDUS CRITIQUES.
Bazeilles-Sedan, par le général Lebrun. Paris, Dentu. 3e édition,
\ vol. in-8°.
L'auteur de cet ouvrage si intéressant, qui, en quelques semaines, a
déjà eu plusieurs éditions, commence par résumer avec beaucoup de
vérité et de logique les conséquences de l'infériorité de notre armée en
1870 au point de vue de l'organisation, du matériel, de l'armement, de
l'approvisionnement insuffisant de nos places fortes. Très bien ! mais
le brave général nous paraît oublier deux choses : la première, c'est
qu'il aurait dû faire remonter le dénùment de nos arsenaux et de nos
places fortes non au maréchal Niel, un des ministres les plus capables
de Napoléon III, mais à la sotte guerre du Mexique, pour laquelle nos
arsenaux avaient été épuisés, et qui a été pour le second empire ce que
la guerre d'Espagne a été pour le premier. La seconde, c'est que, la
veille de la déclaration de guerre, lui, un des officiers généraux les plus
en faveur auprès du souverain, et qui aurait dû avoir les notions les
plus exactes sur nos effectifs, nos forces, nos approvisionnements,
étant premier aide-major du major général , était un des plus chauds
partisans de la guerre, et n'épargnait rien pour la faire déclarer, pen-
sant, comme le maréchal Le Bœuf, qu'il ne manquait pas un bouton
de guêtre à nos soldats, ce à quoi on a pu répondre que c'étaient les
guêtres, et non les boutons, qui manquaient.
Le chapitre premier du livre est un aperçu sur la composition, l'or-
ganisation, la formation de l'armée de Sedan, et principalement du
12e corps, dont le général Lebrun prit le commandement au camp de
Chàlons, après le départ du général Trochu.
L'auteur aurait dû signaler les lacunes qu'il indique aujourd'hui le
14 juillet 1870, et non en 1884.
Le second chapitre a pour objet les marches et les opérations de
l'armée de Sedan du camp de Chàlons à Mouzon, après Frœschwiller.
Le récit fait bien comprendre les nouvelles fautes commises. Le géné-
ral Lebrun rejette sur le conseil de régence et sur le ministre Palikao
la marche sur Metz. Pour lui, c'est la faute capitale. Tel n'est pas l'avis
de beaucoup de militaires ; mais ce n'est pas ici le lieu de discuter
cette grave question. Quant au maréchal de Mac-Mabon, il n'a pas su
organiser un service d'état-major et un service d'espionnage bien fait;
ces services étaient si défectueux l'un et l'autre que, le matin de Sedan,
il croyait n'avoir encore en face de lui que soixante-dix mille ennemis,
alors que deux cent trente mille, marchaient pour l'entourer de toute
part. C'est le général Lebrun lui-même qui nous fait cette révélation.
GÉNÉRAL LEBRUN : BÀZEILLES-SEDAN. 135
Si le 31 août le duc de Magenta, mieux informé, eût connu les forces
qui agissaient devant lui, il n'eût pas sans doute accepté une bataille
défensive dans la souricière de Sedan, ayant la Meuse à dos; il eût
cherché à gagner Mézières pour y rallier le 13e corps.
Le chapitre m est le récit du combat de Mouzon ; deux faits curieux
ressortent de ce chapitre : le contre-ordre donné par le général en chef,
duc de Magenta, aux troupes envoyées par le général Lebrun au
secours du 5e corps, le 30 août ; le refus fait par un colonel de cavalerie
d'exécuter une charge demandée pour dégager l'infanterie, refus basé
sur ce que le. régiment n'était pas sous le commandement du général
qui envoyait l'ordre d'attaque. La conversation du maréchal de Mac-
Mahon avec le général Lebrun, le soir de Beaumont, les ordres donnés
par le général en chef au commandant du 12e corps, ont leur impor-
tance et prouvent clairement l'ignorance absolue dans laquelle se trou-
vait, la veille de Sedan, le duc de Magenta sur les forces qu'il avait en
face de lui.
Du chapitre iv, consacré à la bataille de Sedan, ressort un fait des
plus importants et longtemps contesté : c'est que le mouvement du
général Ducrot, le 1er septembre, sur Mézières, possible la veille, était
devenu impossible une fois la bataille engagée; c'est que la retraite
par Garignan, comme le voulait le général de Wimpffen, était la seule
chose à tenter, en profitant de la vigoureuse défense de Bazeilles par le
12e corps et son héroïque chef. Malheureusement ce mouvement, pour
des causes que la Revue historique a mis suffisamment en lumière dans
la précédente livraison, ne put s'exécuter. Quant au fait du drapeau
parlementaire hissé sur la citadelle de Sedan, nous renverrons égale-
ment au dernier numéro de la Revue. D'ailleurs, ce second épisode nous
semble raconté avec une grande vérité par le général Lebrun et ne
peut plus laisser aucun doute sur la manière dont les choses se sont
passées.
Les chapitres v et vi du livre : Dênoûment et Capitulation , sont
navrants. Ils nous montrent, dans l'un, les généraux Wimpllén et
Lebrun se ruant sur l'ennemi, dans un dernier et désespéré effort, à la
tête d'une poignée d'héroïques soldats ; dans l'autre, tous les généraux
réunis, mornes et forcés de reconnaître qu'une capitulation ne peut
plus être évitée. Nous ne dirons rien des pourparlers avec l'ennemi, le
livre du général de Wimpifen : Sedan, publié en 1871, entre à cet égard
dans tous les détails.
Le chapitre vu, Le camp de la misère à Yges, met en relief les cruelles
extrémités auxquelles les infortunés débris de l'armée française furent
réduits, par l'incurie ou l'insouciance horrible des autorités allemandes.
Toutefois, l'auteur du livre, avec une franchise digne de son beau et
loyal caractère, n'hésite pas à rendre justice à la noble conduite d'un
général prussien, M. Bernardi, commandant à Sedan.
Nous ne résistons pas au plaisir de transcrire ici le dernier para-
graphe de ce chapitre vu, le voici :
j-JO COMPTES-RENDUS CRITIQUES.
« Le brave colonel Leperche, à Metz, passa, à cheval et en uniforme,
à travers les Prussiens, et fut assez heureux pour n'être pas arrêté par
les coups de feu que l'on tira sur lui. Le général Garey de Bellemare,
étant au camp d'Yges, se déguisa en paysan, et passa, sans être reconnu
pour être officier, sous le nez des soldats prussiens, qui gardaient l'en-
trée de la presqu'île d'Yges. Il faut admirer le courage de ces officiers.
C'est au péril de leur vie qu'ils se sont acquis le droit de mettre encore
leur épée au service du pays, dans les armées de l'intérieur, après
avoir fait partie de celles qui avaient été vaincues et faites prisonnières
à Metz et à Sedan. »
Le dernier chapitre traite de la captivité, puis vient un épilogue très
curieux, très important, dans lequel le général émet son opinion, opi-
nion d'une haute importance, sur l'organisation de notre armée. Il
blâme avec raison, selon nous, le service restreint à trois ans, démontre
les avantages de la loi de 1832, et préconise l'essai, réclamé par tous
les commandants de corps d'armée, du mode de mobilisation fait d'une
manière complète. « Un essai de mobilisation complète, écrit le géné-
ral à la page 228, serait bien nécessaire; assurément il serait tout aussi
utile que ces grandes manœuvres d'automne qu'on fait exécuter,
chaque année, et cela avec des effectifs qui ne sont point des effectifs
de guerre. »
Un assez grand nombre de pièces justificatives, documents d'une
certaine importance, est annexé au livre du général Lebrun. L'une de
ces pièces nous a paru d'un intérêt historique véritable, c'est la réunion,
sous le titre : Le fanion parlementaire, de toutes les pièces officielles
sur l'incident relatif à ce fanion, et que précède une correspondance
établie entre le ministre de la guerre et le général Lebrun, à la suite
de la décision du conseil d'enquête convoqué pour la capitulation de
Sedan et présidé par le maréchal Baraguey d'Hilliers, conseil qui a cru
pouvoir statuer sans même se donner la peine d'entendre les intéressés
et de leur permettre de fournir les preuves de ce qu'ils étaient prêts à
avancer.
Pour nous résumer dans l'appréciation du livre du général Lebrun,
nous dirons qu'il ressort pour nous de cet ouvrage :
1° Que le maréchal de Mac-Mahon n'a su ni se démettre de son com-
mandement ni exécuter vigoureusement et sans arrière-pensée1 le mou-
vement qui lui était prescrit de Paris, et qu'il n'approuvait pas ; qu'il
s'est montré hésitant dans sa marche de Châlons sur Sedan; qu'il a été
impardonnable de ne s'être pas mieux renseigné sur les forces qu'il
avait en face de lui le 31 août, à tel point qu'il commit la singulière
faute de n'avoir pas eu, le matin de la bataille, un projet de défense
ou de retraite arrêté, et de n'avoir communiqué ses projets à aucun de
ses commandants de corps d'armée.
2° Que le général Ducrot, aussi mal renseigné que le maréchal sur les
forces et les mouvements de l'ennemi, avait voulu, le matin, après la
blessure du duc de Magenta, opérer un mouvement de retraite qui
' GÉNÉRAL LEBRUN : BAZEiLLI'S-SKDAN. 157
amenait dès les premiers moments un désastre semblable à celui de
Baylen, et que ce brave officier n'a pas eu plus tard la franchise
d'avoner qu'il s'était trompé.
3° Que le général de Wimpffen avait commis la double faute de De
pas faire connaître sa lettre de service et de ne pas prendre le comman-
dement en chef dès qu'il avait connu la blessure du maréchal, ainsi
qu'il devait le faire, surtout sachant les routes de Mézières Interceptées '.
4" Que seul des généraux commandant les corps de l'armée de Sedan,
celui du l"2e n'est passible d'aucun reproche pendant L'action, ayant
combattu jusqu'à la dernière heure avec un courage et un dévouement
patriotique qu'on ne saurait trop faire ressortir.
Quant à nous, ce que nous admirons dans l'auteur du livre Bazeilles-
Sedan, c'est moins encore sa belle conduite pendant et après la bataille
que le courage qu'il déploie dans son livre en mettant au jour la vérité
avec calme et modération, sans être retenu par aucune considération
d'aucune nature.
Danske og norske Riger paa de Brittiske Œer i Danevœldens
Tidsaider af Johannes C. H. R. Steenstrup, andet Hefte. Kjœ-
benhavn, Rud. Klein, -1882, 287-4(;2-vnp. avec 2 cartes, formant
la 2e livraison du t. 111 de Normannerne.
Danelag af Johannes G. H. R. Steenstrup. Kjœbenhavn, Rud. Klein,
■1882, vn-403 p. avec \ carte, formant le t. IV de Normannerne.
La seconde et dernière livraison des Étals danois et norvégiens dans
les Iles-Britanniques au temps de la domination danoise s'étend de 1017,
date de l'avènement de Knut le Grand au trône d'Angleterre, jusqu'à
l'année 1042, où mourut son fils et deuxième successeur llardeknut, le
dernier roi de la dynastie danoise. Les documents plus circonstanciés
pour cette période font que le récit devient moins sec. L'auteur a, comme
par le passé, réussi à dégager beaucoup de faits et de dates de l'obscu-
rité qui les enveloppait encore, quoiqu'ils eussent été déjà bien des fois
étudiés. S'il reste encore de nombreux points à eclaircir, ce n'est pas à
1. Le premier devoir du général de Wimpffen, en arrivant le 31 août an soir
à Sedan, était de se rendre chez le maréchal, d'exhiber sa lettre de service
éventuel et de le prier de lui faire connaître ses intentions pour le lendemain.
Comptait-il livrer une bataille offensive en marchant à l'ennemi ? en recevoir
une défensive, acculé à la Meuse, et se trouvant dans l'entonnoir de Sedan,
place mal armée et indéfendable? Voulait-il rallier sur Mézières, lorsqu'il en
était temps encore, le 13° corps de Vinoy, ou se porter à l'est sur Metz pour
se joindre à Bazaine et marcher sur Paris? Le général de Wirnpll'cn n'agit pas
ainsi, et des conséquences terribles découlèrent de cet oubli de son devoir.
Voilà ce que le conseil d'enquête était en droit de lui reprocher.
-158 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.
Lui qu'il faut s'en prendre, mais bien au silence des écrivains con-
temporains, à la rareté des sources, à l'insuffisance et même à la
fausseté des médailles. Dans le domaine de l'érudition, on ne peut
faire mieux pour le moment, et le temps n'est pas venu d'écrire une
histoire philosophique de cette période; ce serait trop exiger de
l'auteur que de lui demander l'explication de la chute rapide des
États Scandinaves de la Grande-Bretagne et de l'Irlande aux xe et
xie siècles. Il eût donc été injuste de l'entreprendre à cet égard,
s'il avait laissé la question de côté, mais il a essayé de la résoudre et
lui, qui dans le chapitre xi a mis en parallèle le roi Knut avec les sou-
verains de son temps, il néglige dans le suivant de comparer l'oeuvre
des Vikings de l'Ouest avec celles de leurs frères du Nord, de leurs con-
génères de l'Est et de leurs descendants en Neustrie. Rien pourtant ne
peut suggérer plus de réflexions que l'étonnante différence des résultats
obtenus dans les diverses contrées : dans les pays "Vendes, au sud de la
Baltique, les Scandinaves ne peuvent se maintenir, pas même dans leur
nid de corsaires, à Jomsborg; dans les îles septentrionales, les Orcades,
les Shetlands, les Fœroers, l'Islande, le Groenland, ils fondèrent des colo-
nies pleines de vitalité, et ils vécurent bien des siècles en maîtres parmi
les Gaëls des Hébrides et de l'île de Man ; en Angleterre, en Ecosse et
en Irlande, au contraire, leurs royaumes n'eurent qu'une durée éphé-
mère ; ce n'est qu'en Russie et en Neustrie qu'ils réussirent à fonder
des États aussi importants et même plus grands que la mère patrie, et
à perpétuer leur dynastie tout en se laissant absorber par les indigènes.
Il y a plus, les Normands conquirent à leur tour l'Angleterre, les Deux-
Siciles, la principauté d'Antioche et, si leurs chefs adoptèrent de bonne
heure, au moins en Europe, la nationalité de leurs sujets, ils ont
occupé le trône, là-bas jusqu'à nos jours, ici pendant bien des généra-
tions.
Pour quelle raison les Normands de Neustrie et leurs descendants
s'établirent-ils durablement dans tous les pays conquis par eux, tandis
que les Norvégiens et les Danois ne purent s'implanter chez les Gaëls,
pourtant si divisés, de l'Irlande et de l'Ecosse, ni même chez leurs con-
génères les Anglo-Saxons ? M. St. explique en partie ce phénomène
par la faiblesse physique de la dynastie danoise d'Angleterre, Svein,
Knut et ses fils étant tous morts à un âge peu avancé. Si les faits ne
donnaient pas un certain poids à cette opinion, on n'eût certes pas cru
que des conquérants si énergiques eussent été d'un mauvais tempéra-
ment, mais il est possible que leur santé ait été ruinée par des fatigues
continuelles et par des excès de tout genre. Toutefois la fragilité de leur
œuvre doit tenir à des causes plus profondes : le peu de durée du règne
des Knytlings d'Angleterre n'aurait pas entraîné la ruine de leur trône,
s'il avait eu des bases solides ; les fils de Knut ne manquaient pas de
collatéraux danois pour leur succéder, si leurs sujets britanniques
eussent désiré la continuation de l'union avec le Danemark : uno
avulso non déficit aller. Mais les Danois d'Angleterre n'avaient pas eu,
.). STEEXSTRUF : \OKMAN-\EHNE. I .')!»
comme leurs frères de Neustrie, l'habileté de se fusionner avec les vain-
cus, pas même dans le Danelag ou territoire soumis à la loi danoise.
Cette circonscription, qui comprenait plus de la moitié des contrées
anglo-saxonnes situées au nord de la Tamise, ne fut pas plus fidèle aux
Knytlings que le reste de l'Angleterre; c'était un État dans L'État, mais
il manquait lui-même d'homogénéité et ne pouvait fournir aux Danois
un solide point d'appui, comme Guillaume le Conquérant et ses suc-
cesseurs en avaient un en Neustrie. Aussi, quoique le Danelag fut plus
étendu que la Normandie et plus rapproché des pays purement saxons,
il ne put les soumettre définitivement, ni même se maintenir indépen-
dant. C'est que la civilisation danoise d'alors était loin d'égaler celle
des Anglo-Saxons, tandis que les Normands étaient supérieurs à ceux-ci
aussi bien par l'intelligence que par la force des armes. Ils les ont à
demi romanises, comme ils l'étaient eux-mêmes; et c'était beaucoup
plus difficile que de les daniser. Les traces de scandinavisme sont au
contraire si peu apparentes en Angleterre qu'il faut les chercher à la
loupe. Dans son volume sur le Danelag, M. St. a montré qu'il y en
a plus qu'on ne croyait ; il a relevé dans les documents anglo-saxons
plus de quatre-vingts termes de droit qu'il dit être empruntés au danois ;
il a certainement raison pour beaucoup d'entre eux, mais il est allé trop
loin, nous semble-t-il. Voici en quelques mots l'exposé de sa thèse :
lorsqu'il ne trouve pas un mot anglo-saxon dans les textes antérieurs
au xe siècle où l'influence danoise commença à se faire sentir en Angle-
terre, il en conclut qu'il est d'introduction récente, et s'il peut le rap-
procher de mots Scandinaves ayant à peu près le même sens, il lui attri-
bue une origine danoise, non pas suédoise, ni norvégienne, quand même
cette expression ne figurerait pas dans les lois danoises. « Pour beau-
coup de points du droit en vigueur en Angleterre, dit-il, on ne peut
trouver de parallèle que dans les lois norvégiennes et suédoises : la
raison en est d'abord que les lois provinciales du Danemark nous font
connaitre un droit beaucoup plus récent que les lois provinciales de la
Suède, et même que la législation islandaise et norvégienne; ensuite
que les lois danoises, relativement à l'étendue et aux détails avec les-
quels sont traités les divers cas, sont respectivement, vis-à-vis des lois
suédoises et norvégiennes, dans les proportions d'un à cent ou à dix ;
enfin les récits d'où l'on peut tirer d'autres renseignements sur la légis-
lation danoise ne forment pas la dixième partie des documents relatifs
à la Norvège et à l'Islande. En outre ceux-ci sont écrits dans la langue,
nationale, tandis que lés sources danoises correspondantes ne sont qu'en
latin. » [Danelag, p. 394-395.)
En d'autres termes, M. St. supplée par des textes islandais, norvé-
giens, suédois, à l'absence de documents danois; en quoi il nous parait
avoir raison, les institutions étant alors à peu près identiques dans les
pays Scandinaves. Mais il manque de conséquence en ne permettant pas
qu'on en fasse autant avec des textes francs, saxons, frisons et même
Scandinaves, pour remplir les lacunes de la littérature anglo-saxonne.
-1 00 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.
Il ne faut pas oublier qu'avant le xe siècle celle-ci est principalement
représentée par des poèmes, où il serait déraisonnable de chercher toutes
les expressions juridiques alors en usage; quant aux documents légis-
latifs de cette période et aux diplômes qui contiennent des termes de
droit, ils ne forment pas même le tiers de ceux qui composent le recueil
de Kemble. Dans de telles circonstances, il est vraisemblable que beau-
coup d'institutions, dont il est question pour la première fois dans des
documents contemporains des expéditions et de la domination danoises,
existaient auparavant, quoiqu'il n'en soit pas parlé dans les poèmes et
les rares chartes de la période anglo-saxonne. Dès lors il doit être per-
mis, s'il y a des indices en ce sens, de les faire remonter an vieux fond
germanique, au lieu de les dériver exclusivement d'une source Scandi-
nave, sous prétexte qu'ils commencent à paraître après l'établissement
des Danois en Angleterre.
La thèse de M. St., qui est en contradiction avec elle-même, pèche
donc par la base ; quelques-unes de ses conclusions sont contestables ;
il en est d'autres au contraire qui sont déduites avec beaucoup d'érudi-
tion philologique et de science juridique. L'influence danoise sur les
Anglo-Saxons a été moins grande qu'il ne le suppose, beaucoup de
termes juridiques qu'il allègue comme arguments étant spéciaux au
Danelag et n'ayant pas eu cours dans le reste de l'Angleterre. Toutefois
on ne saurait méconnaître l'utilité de son travail. La cause qu'il défend
ne pouvait avoir d'avocat plus habile et mieux informé ; il est au cou-
rant de tous les travaux sur la matière, ouvrages et mémoires anglais,
allemands, frisons, aussi bien que Scandinaves. Il n'est d'ailleurs pas
un simple écho des nombreux savants qui l'ont précédé ; il se place
souvent à un point de vue nouveau et, lors même qu'il se sert de faits
déjà établis, il en sait tirer parti avec indépendance. Son ouvrage ne
fût-il qu'un exposé de ce qui a été écrit sur le sujet mériterait déjà
d'être consulté à cause des citations et des extraits qui remplissent le
bas et parfois même le haut des pages. Mais c'est bien plus qu'un résumé,
c'est un livre profond et original qui s'impose à l'attention de quiconque
étudie les institutions de la période danoise en Angleterre.
E. Beauvois.
Dronning Margrethe og Kalmarunionens Grundlaeggelse af
Kr. Erslev. Kjœbenhavn, Jacob Erslevs Forlag, 4882, 507 p.
in-42. (Formant le t. I de Danmdrks Historié under Dronning
Margrethe og hendes nxrmeste Efterfœlgere. 4375-1448. = His-
toire du Danemark sous la reine Marguerite et ses premiers suc-
cesseurs.)
Aucun nom de l'histoire de Danemark n'est plus universellement
connu que celui de la grande Marguerite, la fondatrice de l'Union Scan-
dinave. Sa vie tient presque du roman, à tel point qu'un de ses con-
ERSLEV : DRONNING MARGRETHE OC. KALMARDNION. i (; f
temporains s'étonnait de ce qu'elle fût rapidement devenue si puissante,
« après avoir été si pauvre qu'elle ne pouvait faire l'aumône d'un mor-
ceau de pain sans l'emprunter à ses amis. » Il parait, môme par une
lettre de Marguerite qu'elle eut à souffrir de la faim dans sa jeunesse,
lorsqu'elle était déjà sur Le trône de Norvège. Étant la dernière des six
enfants de Valdemar le Restaurateur, et primée d'abord par son frère
Christophe héritier désigné de la couronne, mais qui mourut avant
son père; puis par une sœur aînée, Ingeborg, femme d'un des petits
ducs de Meklembourg; ensuite par son propre fils Olaf Hàkonar-
son; enfin par son petit-neveu, Erik de Poméranie, elle put bien être
reine de Norvège et de Suède, comme femme du roi Hâkon Magnus-
son, mais elle ne fut jamais roi de Danemark, comme on le croit com-
munément; aussi aimait-elle à s'intituler tout simplement : Margue-
rite, par la grâce de Dieu, fille de Valdemar, quoique les étrangers
l'aient parfois qualifiée de Madame le Roi. C'est elle en effet qui exerça
le pouvoir comme régente : en Danemark, après la mort de son père
(1375); en Norvège, après celle de son mari (1380); en Suède, après sa
victoire sur le roi Albert, dès 1389, huit ans avant le traité de Kalmar.
Héritière de la pensée politique de Valdemar, et plus encore des aspi-
rations de la famille de son mari, les Folkungs, qui avaient déjà uni
temporairement et partiellement la Suède et la Norvège, et qui vou-
laient y joindre, sinon tout le Danemark, du moins les provinces ska-
niennes, elle parvint à réaliser cette idée grandiose et à faire des trois
royaumes confédérés l'État le plus étendu, mais non le plus peuplé, de
toute la chrétienté. Voilà où elle arriva, malgré son sexe et malgré les
circonstances défavorables, bien moins par la force des armes que par
l'habileté de sa diplomatie.
Qu'un tel enchaînement de péripéties et de faits considérables soit de
nature à tenter les historiens, on le conçoit, et cependant jusqu'ici
aucun ouvrage spécial n'avait traité, dans son ensemble, de l'œuvre de
Marguerite : les histoires générales des trois royaumes du Nord lui fai-
saient sans doute une large part dans leurs récits; malheureusement
celle de P. A. Munch, où la première moitié delà vie politique de Mar-
guerite est fort approfondie, fut interrompue par la mort de l'auteur à
l'année 1397. C. F. Allen ne commence son histoire de l'Union que
sous l'avant-dernier roi, en 1497; enfin C. Paludan-Mùller ne remonte
pas au delà de l'avènement de la dynastie d'Oldenburg. En revanche,
ce critique pénétrant a éclairci, dans des mémoires spéciaux, plusieurs
points de l'histoire de Marguerite. Comment se fait-il que ces historiens
éminents n'aient pas devancé M. Erslev ? Ils ne nous l'ont pas appris,
mais, malgré l'importance du sujet, ils ont dû en être détournés par
les lacunes qu'il offre et par les obscurités qui, sans l'envelopper, le
voilent encore de plusieurs côtés. M. Erslev s'est efforcé d'en dissiper
une partie dans divers articles de la Revue historique de Copenbague,
où il fait preuve d'une grande érudition et de beaucoup de perspicacité ;
mais il s'en faut que lui ou ses émules aient tout éclairé.
Rev. Histor. XXVII. I" fasc. 11
1(12 COMITES-RENDUS CUITrQnES.
Désespérant peut-être d'y parvenir jamais, faute de documents, il a
laissé de côté l'ingrate besogne de chercher et de préparer les matériaux
pour passer de suite au travail plus relevé et plus attrayant de la mise en
œuvre. On ne saurait l'en blâmer: il ne faut pas condamner à perpétuité
au labeur du maçon ou du tailleur de pierres l'esprit lucide qui sait con-
cevoir un plan et l'exécuter en habile architecte. Mais, s'il est loisible à
l'artiste d'opter selon ses facultés, il est tenu de choisir un sujet qui lui
permette de déployer ses talents. Or il nous semble que le règne de Mar-
guerite n'a pas encore été suffisamment étudié pour passer des mains
de l'érudit dans celles du littérateur. On en peut faire une histoire
pragmatique, déjà bourrée de faits et de dates, malgré ce qui manque
encore à cet égard, mais il n'est pas possible de les faire entrer tous
dans une harmonieuse contexture ; ils ne sont pas assez bien reliés entre
eux; la plupart du temps on ignore leurs relations mutuelles et leur
place respective. La succession des événements n'est pas toujours clai-
rement établie, de sorte que tel fait, regardé comme la conséquence
d'un autre, peut au contraire l'avoir précédé. On ne connaît même pas
le jour de la naissance de Marguerite, ni celui du décès de son fils
Olaf, le dernier roi de la dynastie norvégienne. Ce qui a plus d'impor-
tance que ces détails biographiques, c'est le fameux traité de Kalmar;
on ne possède pourtant qu'un protocole des résolutions prises à la con-
férence, encore n'est-il signé que de quelques-uns des contractants, et
l'on ne sait même pas s'il fut jamais rédigé sous forme d'acte authen-
tique. Gomment serait-il possible de déduire de faits si mal élucidés les
secrets desseins de Marguerite ? c'est là pourtant l'unique ressource de
l'historien, cette princesse n'ayant laissé qu'une ou deux lettres intimes ;
les nombreux documents émanés d'elle sont presque exclusivement des
pièces de chancellerie. En outre, on n'a pas pour cette période, comme
pour les temps modernes, de mémoires contemporains qui suppléent
en partie au silence des hommes dirigeants. Les chroniques et annales
Scandinaves de l'époque sont fort maigres ; et si celles des Hanséates
sont beaucoup plus circonstanciées, elles ne parlent qu'incidemment
des affaires septentrionales. Dès lors, l'élément psychologique fait défaut
à l'historien, qui risque d'attribuer aux personnages des plans étrangers
à leurs vues et d'en faire de plus fins politiques qu'ils n'étaient en réalité.
Étant en présence de faits accomplis qui peuvent être l'effet du hasard
aussi bien que de savantes combinaisons humaines, on est porté à glori-
fier le succès et à déprécier les vaincus ; pour éviter cet écueil, il con-
viendrait de suspendre son jugement dans la plupart des cas, au lieu de
le baser sur des témoignages incohérents, sur des scènes fragmentaires,
sur des épisodes décousus, en un mot sur des matériaux incomplète-
ment élaborés; mais alors, adieu les larges tableaux sur lesquels on peut
peindre l'homme moral, qui conçoit, combine et exécute; on n'a plus
devant soi que des squelettes; moins encore, des ossements épars et
vermoulus, auxquels le plus habile magicien ne saurait rendre la vie.
Puisque tel est le présent sujet et qu'il faudrait, à chaque pas, l'en-
PII. D'CSSEL : LA DEMOCRATIE ET SES CONDITIONS MORALES. lf»3
trecouper de dissertations, il ne se prête pas à un récit bien suivi et
élégamment arrondi que l'on puisse offrir aux gens du monde ; l'auteur
ne devrait donc pas s'inquiéter d'eux ; il n'a à se préoccuper que des
érudits ; son principal but doit être de justifier cbacune de ses asser-
tions; il ne doit pas craindre les digressions ponr établir les faits et la
chronologie; ses notes et ses citations doivent tenir plus de place '|Ul'
ses propres considérations; en un mot, il doit continuer ce que Munch
avait si bien commencé, sauf à s'appuyer ensuite sur ce travail d'éru-
dition pour le résumer, sous une forme plus littéraire, en faveur du
grand public. M. Erslev a snivi la marche opposée, quoiqu'il se plaigne
à chaque instant de l'insuffisance des documents. Il nous détaille les
mobiles de ses personnages, comme s'il était possible aujourd'hui de
pénétrer dans leur esprit; il ne discute que quelques points qui ne
sont pas toujours les plus nouveaux ni les plus contestables; il réduit
les notes à la plus simple expression, les renvoyant à la fin du volume,
comme s'il avait affaire à des lecteurs de romans. Conformément au
précepte un peu démodé de Buffon, qui conseille l'emploi du terme le
plus général, il n'aime pas à préciser, ne fût-ce que par un renvoi, l'au-
teur auquel il emprunte, pour les faire passer dans son récit, des bons
mots ou des traits caractéristiques ; il se réfère ici « à une vieille chro-
nique ; » là, à une lettre de Marguerite, sans dire qu'elle a été publiée
dans tel volume et à telle page du Diplomatorium norvegicum ; plus loin,
« à un contemporain, » sans le nommer, comme on omet de le faire
dans le style oratoire. Il cite en gros les monographies sur lesquelles il
s'appuie, et il écrit ad narrandum non ad probandum, de sorte que son
œuvre est beaucoup plus subjective qu'objective. Si l'on admet la légi-
timité de cette méthode, on devra le louer d'avoir tiré le meilleur parti
possible de ruines et de décombres pour en construire un édifice plus
apparent que solide. Mais, si l'on pense que tout discours historique
doit avoir pour base une histoire pragmatique, on regrettera qu'un
savant si profond, qu'un arrangeur si habile n'ait pas choisi un sujet
plus moderne et plus facile à élucider, comme par exemple le règne de
Christian IV ou celui de Frédéric III ; mais déjà d'autres études l'ont
amené jusqu'au xvie siècle; espérons qu'en descendant le cours des
temps, il arrivera jusqu'au xvne, où des sources abondantes lui fourni-
ront la matière de quelque récit aussi brillant que bien documenté.
E. Beauvois.
La Démocratie et ses conditions morales, par le vicomte Philibert
d'Ussel. Pion, 1884, in-18 de 288 pages.
L'Académie des sciences morales et politiques avait proposé pour le
prix Stassart, au concours de 1881, le sujet suivant : « Quels sont les
éléments moraux nécessaires au développement régulier de la démo-
cratie dans les sociétés modernes? » Le mémoire couronné, précédé d'une
-164 COMPTES-REXDUS CRITIQUES.
introduction importante, est publié dans le remarquable volume que nous
annonçons. L'auteur avait déjà attiré sur lui la vive attention des hommes
de pensée par un ouvrage très distingué dont il a été parlé ici même
(XIII, 382). Sous ce titre : De l'esprit public dans l'histoire, il étudiait les
idées générales sur lesquelles ont reposé les sociétés successives, et il
employait pour cette étude la méthode française, profonde sans obscu-
rité et philosophique sans arbitraire, qui a si heureusement conduit les
recherches de Guizot et de M. Taine. Cette fois il s'attaque à un sujet
plus restreint et plus moderne, mais sans manquer jamais de préparer
ses conclusions par des exemples historiques empruntés aux peuples
qui ont pratiqué la démocratie. Traitant non plus du passé, mais du
présent et même de l'avenir, étudiant la démocratie, observant ce
qu'elle est, cherchant ce qu'elle doit être, il a l'occasion de déployer des
facultés nouvelles, celles du moraliste. Et les facultés du moraliste sont
doubles, elles embrassent l'esprit d'observation qui pénètre les âmes
dans leurs ressorts les plus intimes, et la conception de l'idéal qui leur
désigne le but à atteindre. Comme observateur, M. d'Ussel s'intéresse
aux rouages sociaux, il veut savoir comment vivent les autres, dans
quel cadre, dans quel milieu, sous l'influence de quels mobiles; etcetie
curiosité lui dicte des chapitres de la plus vivante et de la plus fine
psychologie, par exemple le portrait du politicien, ce frelon bruyant de
la ruche démocratique. Comme homme d'idéal, véritable ami de la
démocratie, qui ne la flatte pas, mais qui cherche à la diriger, à
la servir par d'utiles conseils, il témoigne une préférence significa-
tive pour des vertus particulières, l'énergie morale, l'esprit de sacri-
fice, le respect, la domination des sentiments de l'âme sur les instincts
de la matière. On voit combien l'ouvrage que nous recommandons ren-
ferme d'aliments pour l'intelligence et aussi pour le cœur. Il est en
outre très bien composé, et comme organisé en divisions nombreuses
qui correspondent chacune à une face distincte du sujet. Le style est
d'un écrivain qui se signale par de précieuses qualités de naturel, d'agré-
ment et de discrète élégance.
C. P.
UECUEILS PÉRIODIQUES. 4 65
RECUEILS PERIODIQUES ET SOCIETES SAVANTES.
1. — Revue des Questions historiques. 19e année, 72e livraison.
1er oct. 1884. — Abbé L. Duchesne. Vigile et Pelage. Étude sur l'his-
toire de l'église romaine au milieu du vie s. (deux caractères remar-
quables sont mis en relief dans cette étude, celui du roi goth Totila, et
celui du pape Pelage Ier). — Gérin. La légation du cardinal Chigi en
France, 1664 (recherche comment Alexandre VII a exécuté le traité de
Pise du 12 févr. 1664 que lui imposa brutalement Louis XIV : le pape
n'en laissa jamais paraître le moindre ressentiment. Quant au roi, il
voulait, par la force ou par la corruption, mettre dans ses intérêts la
famille Chigi et amener le pape à favoriser ses vues sur la succession
éventuelle à la couronne d'Espagne ; mais le cardinal Chigi resta hon-
nête, et Alexandre VII indépendant. Le coup était manqué). — Bbé-
mond d'Ars. Les conférences de Saint-Brice entre Henri de Navarre et
Catherine de Médicis, 1586-87 (s'efforce surtout de rétablir l'exactitude
des dates et des faits ; ces conférences, où Catherine ne. cherchait qu'à
brouiller Henri avec les étrangers, et où le roi de Navarre ne cherchait
qu'à gagner du temps, ne pouvaient aboutir. En réalité, elles ne profi-
tèrent qu'à Henri. Catherine, qui les avait proposées, éprouva dans
cette circonstance un échec de plus). — V. Pierre. Les émigrés et les
commissions militaires après fructidor (55 personnes furent traduites
devant ces commissions, où les accusés ne pouvaient avoir de défen-
seurs, et fusillées ; on ne parle plus de ces commissions après le 30 prai-
rial an VII). — Ad. Tardif. Les livres blancs de Toulouse (le ms. lat.
9187 de la Bibl. nat. est l'ancien Liber albus consuetudinum Tholosae seu
Consulatus, et le ms. 9993 est le Liber albus senescalliae). — A. de Bar-
thélémy. L'émigration bretonne en Armorique (approuve dans leur
généralité les conclusions historiques du livre de M. Loth; conteste ses
conclusions géographiques, et par exemple ce qu'il dit de Corisopitum
identifié à Jublains. Rien n'autorise à voir dans Jublains le chef-lieu
d'une civitas. Il faut en revenir à l'hypothèse de M. Longnon et
admettre l'existence au ive siècle d'une civitas Corisopitensis , qui
devint le diocèse de Cornouailles ou Quimper). = Bulletin bibliogra-
phique. Sauvage. Actes des saints du diocèse de Rouen. I. Actes
de saint Mellon (fait avec une sage critique). — Ch. d'Héricault et
G. Bord. Documents pour servir à l'histoire de la Révolution fran-
çaise (très curieux). — //. d'Ideville. Romme le Montagnard ; étude
critique. — A. de Bourmont. La fondation de l'Université de Caen
•166 RECUEILS PERIODIQUES.
(détails intéressants). — Bled. Le Zoëne, ou composition pour homi-
cide à Saint-Omer jusqu'au xvir8 siècle (curieuse étude historique
et juridique). — A. de Villaret. Les antiquités de Saint-Paul d'Orléans
(excellent). — J. de Coussemaker. Notice sur la commanderie de
Saint-Antoine de Bailleul (ne donne rien de précis avant 1415;
lamentable histoire de cette commanderie jusqu'à sa suppression
en 1790). — A. de Montet. Extraits de documents relatifs à l'histoire de
Vevey.
2. — Bibliothèque de l'École des chartes. T. XLV, année 1884,
5e livr. — Lelong. Jules Tardif (sa vie ; ses travaux ; bibliographie de
ses œuvres, notice remarquable). — L. Delisle. Le plus ancien ms. du
Miroir de S. Augustin (le ms. 16 du fonds Libri est composé de fragm.
soustraits à nos biblioth. françaises ; le second morceau de ce ms. con-
siste en 13 feuillets d'un très ancien exemp. du Spéculum de S. Augus-
tin; il était encore en place en 1820. Il provient d'un ms. de Saint-
Benoît-sur-Loire). — Vaesen. Catalogue du fonds Bourré à la Biblio-
thèque nationale; suite. — Kohler. Un réfugié à Jérusalem au vie s.
de notre ère ( Grégoire de Tours, au ch. vi de son De gloria martyrum,
parle d'un individu qui disait avoir reçu un voile de soie qui envelop-
pait le bois de la vraie croix, et qui, par conséquent, opérait des
miracles, d'un certain abbé Fûtes, fort en crédit auprès de l'impératrice
Sophie. Cet abbé n'est autre que le Photius dont parle Procope, fils
naturel d'Antonine, la femme de Bélisaire. Histoire de ce singulier
personnage). — L. Richard. La chronique des tribulations francis-
caines, d'après un ms. de la Laurentienne (décrit et analyse VHistoria
de septem tribulationibus ordinis minorum> dont Wadding s'est servi,
mais qui paraissait être perdu depuis. Le ms. est daté du 17 fév. 1381 ;
l'auteur est inconnu, mais il parle en homme qui a pris une part active
aux luttes que l'ordre eut à subir au xive s. ; à ce point de vue, son
récit a une valeur supérieure même à celle de Salimbene). = Biblio-
graphie. Bond et Thompson. The palaeographical Society ; fac-similés of
mss. and inscr. (on donne ici la table des matières et l'ordre de classe-
ment de cet important recueil). — Boucher de Molandon. Inscriptions
tumulaires des xie et xne siècles à Saint-Benoît-sur-Loire. La maison
de Jeanne d'Arc à Domremy, et Nicolas Gérardin son dernier posses-
seur (curieux). — Voyage de Nicolas Loupvant en terre sainte (analyse
le ms. de cette relation que possède le comte Dauger). — Contrat
relatif à la confection de plusieurs livres, 30 sept. 1522, pour le prieur
de Saint-Pierre-le-Monastier du Puy.
3. — La Révolution française. 1884, 14 oct. — Colfavru. L'as-
semblée législative ; son œuvre ; son action. — Mallet du Pan. Le
Comité de salut public, la Convention et les Jacobins. — A. Dubost.
Danton et les massacres de septembre ; suite (le pouvoir exécutif, dont
Danton était le chef, a été impuissant à arrêter les massacres. Il lutta
RECUEILS PERIODIQUES. IliT
de toutes ses forces contre la Commune; Danton n'y alla qu'une lois
pendant les massacres pour y déchirer le mandat d'arrestation lancé
contre Roland. Enfin le- massacres n'étaient pas aussi odieux au peuple
de Paris qu'ils nous le paraissent, car, aux élections faites le 7 Bept.,
les chefs des égorgeurs passèrent les premiers : Danton ne lut élu qu'un
des derniers) ; suite le 14 qoy. = li qov. Aulard. Organisation inté-
rieure de la Gironde. — A. Follibt. Évoques constitutionnels : I'. T.
Panisset, évêque du Mont-Blanc. — G. Villain. Étude sur le calendrier
républicain. — Et. Gharavay. Autographes révolutionnaires : le géné-
ral Joubert (trois lettres adressées au général Gervoni; février et
août 1797, mars 1799).
4. — Revue critique d'histoire et de littérature. 1884, n° 42.
— Trigev. La procession des Rameaux au Mans ; recherches sur la
corporation des mézaigers et les francs-bouchers du Mans (très curieux.
Les mézaigers subsistent encore aujourd'hui). — Variétés. Ghuqobt.
Un dernier document sur le suicide d'un soldat français après la capi-
tulation de Verdun en 1792. = N° 43. Sick. Notice sur Les ouvrages en
or et en argent dans le Nord (très intéressant opuscule). — Michel.
Correspondance inédite de Mallet du Pan avec la cour de Vienne,
1794-98 (l'éditeur a eu tort de s'en tenir aux seules lettres de Mallel ;
il aurait trouvé à Vienne beaucoup de documents très Inl sur
les rapports de cet écrivain avec la cour de Vienne, et pu mieux appré-
cier ainsi la valeur politique et historique de ses correspondances. Les
ministres autrichiens tenaient en médiocre estime Mallet et ses rensei-
gnements, tout en les mettant à profit). = N° 44. Lœschkc. Die Ennea-
krounos-episode bei Pausanias (s'efforce, en suivant et en rectiliant
Pausauias, de fixer l'emplacement de l'Odéon, de l'Ennéakrounos , de
l'Eleusinion, du sanctuaire d'Artemis Eukleia, du Theseion à Athènes.
Interprétation très judicieuse des textes). — Meyer. Tibur, eine rœmische
Studie (est un impudent plagiat d'une des Promenades archéologiques de
M. Boissier). — Henrici de Bracton, De legibus et consuetudinilm-
Angliae libri V; edidit sir T. Twiss (cette édition n'a aucune valeur au
point de vue critique ; les préfaces dont sir T. a fait précéder chaque
volume renferment d'utiles détails pour la biographie de Bracton et
quelques dissertations juridiques bonnes à noter). — Kcmji, à
hovc. Les Huguenots et les Gueux (excellent). — Duc Des Cars.
Mémoires de Mme la duchesse de Tourzel, 1789-95 (intéressant; mais
pas de notes, et beaucoup de noms propres estropiés). = N° 45. Thûr-
heim. Briefe des Graferi Mercy-Argenteau an Grafen L. Starhemberg,
1791-94 (Mercy était alors gouverneur des Pays-Bas; Starhemberg,
son ami, était ambassadeur d'Autriche, d'abord à La Haye, puis i
Londres; 118 lettres presque toutes intéressantes). — Koskinen. Suomen
kansan historia (très savante histoire du peuple finnois). — hl. Yrjœ
M. Sprengtportenin (correspondance officielle de ce grand patriote lin-
landais, qui fut gouverneur général de la Finlande en 180s el 1809 , la
,|(58 RECUEILS PERIODIQUES.
plupart de ses lettres sont en français). = N° 46. Ch. Tissot. Géographie
comparée de la province romaine d'Afrique ; t. Ier : géographie phy-
sique ; géographie historique ; chorographie (analyse fort instructive de
cet excellent ouvrage. Le t. II, laissé inachevé par la mort de l'auteur,
va être puhlié par les soins de M. S. Reinach, exécuteur testamentaire
de l'éminent épigraphiste). — N° 47. Schlumberger. Œuvres d'A. de
Longpérier (recueil du plus haut intérêt). — Grandjean. Le registre de
Benoit XI (publication utile et très bien faite). — Pisma k. M. P.
Pogodinu iz slavjanskich zemelj (lettres adressées à M. P. Pogodine des
pays slaves, 1835-61 ; très importantes pour ceux qu'intéresse l'histoire
de la renaissance slave au xixe s.). = N° 48. Variétés. Clermont-Gan-
neau. Notes d'archéologie orientale : les inscriptions araméennes de
Teima; le dieu Çelem. = N° 49. Dejob. De l'influence du concile de
Trente sur la littérature et les beaux-arts chez les peuples catholiques
(la thèse que l'auteur cherche à démontrer est contestable; mais ses
recherches ont été très fructueuses dans les bibliothèques et archives
de Rome). — Busson. Christine von Schweden in Tirol (récit attachant
du séjour de la reine à Innsbruck, où elle abjura le protestantisme). =
N° 50. Ruelens. La première édition de la Table de Peutinger (excel-
lent). — Chardon. La vie de Rotrou mieux connue (beaucoup d'heu-
reuses trouvailles biographiques). — Comte de Martel. Les historiens
fantaisistes : M. Thiers (relève nombre de menues inexactitudes dans
les récits de Thiers sur le traité d'Amiens, les affaires de la rade de
l'île d'Aix et de Walcheren en 1809).
5. — Bulletin critique. 1884, 15 sept. — Durrieu. Documents rela-
tifs à la chute de la maison d'Armagnac-Fezensaguet et à la mort du
comte de Pardiac (cette maison finit au xve s. avecGéraud de Pardiac,
que châtia rudement le connétable Bernard VII ; nombreux documents
habilement mis en œuvre). — Épigraphie du département du Pas-de-
Calais; t. Ier (fait sans méthode ni soin). = 15 oct. Weil. Les plaidoyers
civils de Démosthène; texte grec, 2e édit. (excel.). — Welschinger. Les
almanachs de la Révolution (étude conscienc. et piquante). = 1er déc.
A. Perrin. Catalogue du médaillier de Savoie (excellent). — Hauck. Die
Bischofswahlen unter den Merovingern (veut prouver que l'agrément
du roi pour la nomination des évêques n'était pas encore la règle au
début du vie siècle. Quant à la participation du peuple à l'élection, elle
était tombée en désuétude à la fin de la période mérovingienne). —
Weiss. Le droit fétial et les Fétiaux à Rome (très bonne étude).
6. — Journal des Savants. Juin 1884. — E. E. Conjectures sur
le nom et les attributions d'une magistrature romaine, à propos de la
biographie du philosophe Musonius Rufus (il avait, nous dit l'empe-
reur Julien dans une lettre, le soin des poids, impilixo papwv, lorsqu'il
fut exilé par Néron. On aurait dit en latin « exactor » ou « curator
ponderum et mensurarum. » Le philosophe avait donc une charge ana-
RECUEILS PEBI00IQU1 S. 169
logue à celle de vérificateur des poids et mesures). = Octobre. G. Paris.
La légende de Rome au moyen âge (très intéressante analyse de l'ou-
vrage de M. A. Graf, second volume). — Wallon. Correspondance de
M. de Rémusat pendant les premières années de La Restauration :
dernier art. — Nov. AU'. M.uhv. Œuvres de A. de Longpérier;
dernier art. (sur la numismatique française .
7. — Revue archéologique. 3a série, t. IV, sept. 1884. — S. Hi:i-
nach. Les chiens dans le culte d'Esculape, et les kelabim des stèles
peintes de Citium (il s'agit ici de chiens sacrés qui prôtaienl leur con-
cours à Esculape dans les guérisons où se manifestait La puissance de
ce dieu). — Gaidoz. Le dieu gaulois du soleil et le sym de La
roue; suite. — Drouin. Observations sur Les monnaies à Légendes en
pehlvi et pehlvi-arabe, Ie' art. (examine : I' les monnaies qui onl eu
cours dans lAsie antérieure avant l'époque sassanide; 2° les monnaies
sassanides; 3° les monnaies pehlvi-arabes des premiet 3t-à-
dire celles qui ont été frappées par des populations iraniennes enti
Tigre et l'Indus, depuis Le 111e s. avant J.-C. jusqu'après La conq
arabe). — Melon. La nécropole phénicienne de Mahdia.
8. — Bulletin d'archéologie chrétienne. Édition française
4e série, année II, livr. 3, 4. — Les monuments chrétiens du territoire
des Capénates, et leur distribution géographique (montre qu'il exista
de très bonne heure des communautés chrétiennes, Là où rien de tel
n'est connu ni par l'histoire, ni parles traditions, ni par Les Légende
Civitucola, où était le temple de la déesse Feronia, à Nazzano, où était
adorée la divinité des Sépernates, à Rignano, près duquel se trouve Le
grand cimetière souterrain de Théodora, où furent ensevelis Les martyrs
Abundantius, Abundius et leurs compagnons. Rignano est on I
de l'ancienne Capène. Ce mémoire est accompagné de planches et de
fac-similés d'inscriptions). — Ce fascicule est malheureusement te der-
nier de l'édition française du Roll. d'arch. christ., qui cesse de paraître.
9. — Bulletin des bibliothèques et des archives. Année 1884,
n° 1. — Actes relatifs aux bibliothèques et archives en général. =
N° 2. État des catalogues des bibliothèques publiques de France recueil
très utile, rédigé par ordre alphabétique des noms de villes). — N
de l'administrateur général de la Bibliothèque nationale sur Le legs Fail
à cet établissement par Mme la comtesse de Bastard d'Estang (la com-
tesse de B. d'E. a fait don à la Bibl. nat. d'un exemplaire unique des
Peintures et ornements, des mss. entreprises sous la direction du comte A.
de B. d'E. Trois des douze volumes qui composent ce don princiei Bont
consacrés à des mss. de nationalités étrangères. Unsi l'on y trom
plus fidèlement reproduites que partout ailleurs les peintures du laineux
Hortus Deliciarum de Herrade de Landsberg, détruit dans le bombarde-
ment de Strasbourg par les Allemands en L870). — Note 3Ur la rédac-
tion des catalogues de mss. (instructions des pins utiles, avec un modèle
de rédaction portant sur 50 articles très divers et bien choit
HO RECUEILS PERIODIQUES.
10. — Nouvelle Revue historique de droit français et étranger.
1884, sept.-oct. N°5. — Prou. Les coutumes de Lorris et leur propa-
gation aux xne et xme s.; fin (cette remarquable étude vient de paraître
à part chez Larose et Forcel). — Ad. Tardif. Sur la date du formulaire
de Marculf (discute l'opinion récente de Zeumer ; maintient que le Landri
de la préface de Marculf est bien saint Landri, évoque de Paris, et que
Marculf est un moine de ce diocèse, peut-être de Saint-Denys ; il a
terminé son formulaire pendant l'épiscopat de saint Landri, c'est-à-
dire de 650 à 656. On peut donc se servir en toute sécurité de ce recueil
pour l'histoire du droit public et privé sous les derniers Mérovingiens).
— Brutails. Étude critique sur Los Paramientos de la Gaza (œuvre de
pure fantaisie; ces ordonnances sur la chasse, attribuées à Sanche le
Sage, roi de Navarre, sont dénuées de toute autorité).
11. — Revue de l'Histoire des religions. 5e année, nouv. série,
t. X, n° 2, sept.-oct. — M. Nicolas. Les origines de l'Académie pro-
testante de Montauban (premier chapitre d'une Histoire de l'Académie
protestante de Montauban, qui va bientôt paraître chez Fischbacher).
12. — Revue des études juives. N° 17 ; juill.-sept. 1884. —
J. Halévy. Découvertes épigraphiques en Arabie. — Loeb. Deux livres
de commerce du commencement du xive s. ; suite (les monnaies, les
prix, le taux de l'intérêt, tableau des opérations faites par les Juifs,
personnages avec lesquels les Juifs sont en relations). — Neubauer.
Documents inédits ; suite (Jacob, fils de Moïse de Bagnols ; chartes
intéressant les Juifs de Corbeil, Pontoise et Aubervilliers). — Loeb.
Un convoi d'exilés d'Espagne à Marseille en 1492 (analyse une série de
pièces relatives à ce triste épisode). — Dejob. Documents tirés des
papiers du cardinal Sirleto, de quelques autres mss. de la Vaticane,
sur les Juifs des États pontificaux (pièces relatives aux conversions
obtenues de bonne grâce, aux confessions forcées, à la censure du Tal-
mud). — R. de Maulde. Les Juifs dans les États français du pape au
moyen âge ; suite.
13. — Revue des Deux-Mondes. 1884, 1er nov. = J. de La Gra-
vière. La fin d'une grande marine : les chiourmes enchaînées (dans
l'antiquité et à l'époque moderne). — H. de La Ferrière. Marguerite
de Valois; 2e art. Sa réconciliation avec le roi son mari; sa fuite
d'Agen ; sa captivité ; son retour à la cour ; ses dernières années. =
15 nov. Rothan. Souvenirs diplomatiques. La France et l'Italie.
1er art. : 1866-70 ; 2e art. (1er déc.) : l'Italie pendant la guerre (montre
comment la question de Rome, que Napoléon III ne voulut à aucun
prix, même le 3 août 1870, laisser occuper par l'Italie, empêcha tout
projet de traité d'unir la France à l'Italie et à l'Autriche; que le gou-
vernement de la Défense nationale partagea les mêmes illusions que
l'empereur au sujet de l'attitude de l'Italie à notre égard. Détails sur
le séjour de l'auteur en Italie, où il fut envoyé pour représenter la
RECUEILS PÉRIODIQUES. 171
France à partir du 1er déc. 1870. Récit très intéressant et très poignant i.
= 1er déc. Boîtier. Promenades archéologiques : le pays de l'Enéide.
l6r art. : Ostie et Lavinium.
14. — La Nouvelle Revue. 1884. 1er et 15 décembre. — Alt'.
Duquet. La bataille de Rezonville, 16 août 1870 (récit très vivant et
très étudi>
15. — Le Correspondant. 1884, 10 octobre. — Vicomte de
Meaux. Lo protestantisme, la papauté et la politique française en Italie
au xvic s.; fin (Henri IV voulait voir les étrangers hors de l'Italie, tous
les États italiens maintenus et fortifiés, avec le pape à leur tète. En
post-scriptum, l'auteur croit devoir se défendre contre l'accusation por-
tée sur lui par le Journal de Rome d'avoir calomnié les papes et l'Église
romaine). = 25 oct. Fr. de Bernhardt. Napoléon III et lord Malmes-
bury (extraits des mémoires de ce dernier). — A. Lecoy de La Marche.
Les classes populaires au xme s., 2e art. : les serfs ; 3e art. (10 nov.) :
l'agriculture; 4e et dernier art. (25 nov.) : l'industrie et le commerce
(détails intéressants; montre l'action bienfaisante de l'Église romaine,
qu'il loue à la fin de son humanité envers les Juifs). = 10 nov. Lan-
glois. Le journal d'Henry Gréville, 2e série, 1852-56. — Mayol de Lupk.
Un pape prisonnier; Rome, Savone; d'après des documents inédits;
1er article.
16. — La Controverse et le Contemporain. 1884, 15 oct. —
H. de l'Épinois. Le saint-siège et la Ligue; fin. — N. Le Danois. Le
roi d'Yvetot ; esquisse historique (d'après le livre de M. Beaucousin).
= 15 nov. Allard. Les chrétiens après Septime Sévère. La paix
d'Alexandrie et la persécution de Maximin ; 1er art.
17. — Revue politique et littéraire. 3e série, 4" année. N° 9. —
J. Darmesteter. Les études orientales en France en 1883-84 (rapport lu
à la Société asiatique en août dernier ; notices nécrologiques sur Lenor-
mant, Defrémery, le docteur Sanguinetti, ami et collaborateur de
Defrémery. Analyse les études récentes sur l'Annam et le Tonkin). =
N° 15. Fr. Bouillier. Une thèse en Sorbonne au xvme s. ; l'abbé de
Prades (intéressant récit de la tempête soulevée par cette thèse, qui
ameuta contre elle à la fois les jésuites, les jansénistes et le Parlement.
Le malheureux abbé avait été cependant reçu docteur à l'unanimité ; il
lui fallut fuir à l'étranger. Curieux épisode de l'histoire du cartésia-
nisme). = N° 19. Th. Reinach. L'émancipation des Juifs au xixe s. =
N° 22. Lehcgeur. Vers inédits du xvne s. Peut-on les attribuer à Bos-
suet ? (peut-être, répond l'auteur, en rapprochant certains quatrains copiés
par le Grand Dauphin, enfant, de passages semblables dans la Politique
tirée de l'Écriture sainte. Mais dans le numéro suivant, l'auteur déclare
que ces vers sont de Godeau, évèque de Grasse, auteur d'une Institu-
tion du prince, pour Louis XIV, roi de France et de Navarre, en 143 qua-
trains) .
472 RECUEILS PÉRIODIQUES.
18. — Revue de l'Art français. 1884. N° 10. — Jouin. Que sont
devenus les Mémoires du duc d'Antin ? (Lemontey les cite à plusieurs
reprises, mais on ignore où ils sont). = N° 11. Ginoux. Le peintre de
vaisseaux Gaspard Doumet (publie : 1° un brevet de maître peintre au
port de Toulon, 1767; 2° un arrêté de Louis XVI accordant à cet
artiste une récompense nationale, févr. 1792).
19. — Bulletin d'histoire ecclésiastique (Romans). 1884, sept.-
oct. — Abbé Toupin. Justine de la Tour Gouvernet, baronne de Poët-
Gélard; épisode des controverses religieuses en Daupbiné durant les
vingt premières années du xvne s. — Dr Francus. Visite des églises du
Bas-Vivarais en 1675-76, par M. Monge, délégué de l'évêque de Viviers.
— Bellon. Catalogue historique des commandeurs de Saint-Vincent-les-
Cbarpey, diocèse de Valence. — Ghan. Ul. Chevalier. Documents
relatifs aux représentations théâtrales en Dauphiné de 1484 à 1585.
20. — Le Spectateur militaire. 4e série, t. XXVII. 1884, 15 oct.
— Souvenirs militaires du général baron Hulot; suite le 1er et le 15 nov.,
le 1er et le 15 déc. = 1er déc. Brunoys. L'Europe au xixe s. et la poli-
tique coloniale de la France. — Wolff. Souvenirs d'un lieutenant du
génie ; suite : le siège de Gonstantine en 1837. Suite le 15 déc.
21. — Revue africaine. 28e année, 1884; mai-juin. — Rinn. Essai
d'études linguistiques et ethnologiques sur les origines berbères;
11e art.; 12e art. en juillet-août. — Robin. Histoire du chérif Bou
Bar'la ; 15e art. — H.-D. de Grammont. Relations entre la France et la
régence d'Alger au xvne s. ; 4e partie : les consuls lazaristes et le che-
valier d'Arvieux, 1646-88; 1er art., 2e art. en juillet-août. — L.-Ch.
Féraud. Notes historiques sur la province de Constantine. Les Ben-
Djellab, sultans de Touggourt; 19e art., 20e art. en juillet-août. =
Juillet-août. Arnaud. Voyages extraordinaires et nouvelles agréables,
par Mohamed Abou Ras ben Ahmed ben Abd-el-Kader En-Nasri ;
22e article.
22. —Revue de TAgenais. 11" année; 9e-10e livr. — Faugère-
Dubourg. Nos pères sous Louis XIV; extraits des mémoires sur la
généralité de Bordeaux en 1715; suite (ch. 4 : de l'administration de la
justice; ch. 5 : « ies finances que le roy retire de cette généralité, et la
manière dont S. M. les retire »). — Tholin. Les cahiers du pays d'Age-
nais aux états généraux; suite (préliminaires des états de 1789; projets
relatifs au rétablissement des états de la province). — Lauzun. Docu-
ments inédits relatifs à l'entrée du duc d'Aiguillon à Agen et à Con-
dom en 1751 ; suite.
23. — Revue bourbonnaise. N° 10, 15 oct. 1884. — Richerolles.
La Roche Cxuillebaud (son histoire et liste de ses seigneurs depuis le
xnie s.). = 15 nov. Grégoire. La châtellenie de Belleperche. = Mmc F.
RECUEILS PERIODIQUES. 4 73
Des Gorats. Anne de France, duchesse de Bourbonnais. — Bertrand.
Les découvertes romaines et gallo-romaines de L'Allier : suite.
24. — Revue de Gascogne. T. XXV, 11* livr. Non. 1884. Abbé
C. Dot us. Le Père Polycarpe de Marciac, capucin (son rôle et celui
des capucins de Bordeaux pendant la peste de 1605-1606). — Abbé
Ducruc. Les curés de Cazaubon au siècle dernier.
25. — Revue historique et archéologique du Maine. T. XVI,
2e livr. 1884, second semestre. — Comte de Beauchesnb. Guillaume Le
Clerc, sieur de Crannes, capitaine de Laval, 1574-97 (histoire du comté
de Laval pendant la Ligue ; suivi de pièces justificatives). — Joubert.
La seigneurie de La Garaudière, dépendance de l'abbaye de la Roë,
d'après les documents inédits. 1216-1776 (étude suivie de la liste des
hameaux, métairies et closeries composant cette seigneurie au xviir s.).
— Alouis. Les Coesmes, seigneurs de Lucé et de Pruillé. lre partie, de
1370 à 1508; fin. = Livres nouveaux. Dubois. Un prêtre du Maine et
sa famille pendant la Révolution (d'après les notes prises pendant
l'émigration par l'abbé Davoust de Lassay, mort en 1837 cure du
Ribay). — Le prieuré de Saint-Denis de Saint-Calais (prieuré des béné-
dictines fonde en 1636). — Quéruau-Lamerie. La vie à Laval au xvme s.
(extraits des correspondances de Mmes Lemonnier de La Jourdonnière,
1766-70, et Rayet-Dubignon, 1779).
26. — Annales de la Faculté des lettres de Bordeaux. 2* série,
1884, n° 2. — Ddméril. La captivité de François Ier considérée comme
un épisode de l'histoire de l'équilibre européen (François Ier trompa
Charles V par le traité de Madrid ; libre, il négocia avec les puissances
italiennes et promit de les soutenir, de concert avec Henri VIII,
contre l'empereur, mais il les trompa à leur tour : pour délivrer ses
fils donnés en otages, il laissa carte blanche à l'empereur en Italie.
Mais pourquoi l'Italie et l'Angleterre se laissèrent-elles si aisément
tromper par le roi de France? C'est qu'il fallait à tout prix sauver
l'équilibre européen en arrêtant Charles-Quint). — Hochart. La persé-
cution des chrétiens sous Néron (il n\ avait pas à Rome, sous Néron,
des hommes que le peuple appelait chrétiens; ils n'ont été désignés
ainsi qu'après l'époque où Tacite écrivait ses Annales. Il faut voir dans
l'inimitié supposée du gouvernement et de la population contre les
Juifs le transport à l'époque de Néron d'un état d'esprit qui s'est pro-
duit beaucoup plus tard, quand leurs associations se montrèrent hostiles
au pouvoir politique et religieux des empereurs. La Saint-Barthélémy
des chrétiens sous Néron est donc imaginaire ; la légende a pris germe
dans l'idée apocalyptique qui avait fait de lui l'antéchrist. C'est un
faussaire qui a introduit dans les Annales de Tacite le récit dramatique
qui est aujourd'hui empreint dans toutes les imaginations. Pour prou-
ver que cette interpolation a été faite par un moine du moyen âge,
l'auteur, entre autres arguments, produit le fac-similé d'une page du
I7'< RECUEILS PERIODIQUES.
ms. des Annales conservé à la Laurentienne, et qui vient du Vatican.
La thèse nous parait des plus hardies).
27. — Académie des inscriptions et belles -lettres. 1884.
Séances. 3 et 31 oct. — M. J. Reinach lit un mémoire sur les fouilles
exécutées à Garthage sous sa direction et sous celle de M. Babelon. =
10 oct. M. Bréal interprète comme suit une inscr. en osque gravée sur
un casque acquis récemment par le musée de Vienne : Spedius Mamer-
cius Saepinas consecravit. — M. Germain analyse un précieux cartu-
laire intitulé : Liber instrumentorum memoralium, qu'il se propose de
publier pour la Société archéologique de Montpellier ; les textes de ce
cartulaire intéressent également la philologie et l'histoire. = 7 nov.
M. Haurkau lit un mémoire sur la vie d'Alain de Lille, dit « le docteur
universel, » et sur ses écrits. — M. Perrot lit les dernières pages du
t. III de ['Histoire de l'art dans l'antiquité, sur le rôle historique des
Phéniciens. = 21 nov. M. Ed. Le Blant communique l'introduction de
l'ouvrage qu'il va publier sur les sarcophages chrétiens de la Gaule,
pour faire suite à son livre sur les sarcophages chrétiens d'Arles. —
M. Desjardins parle d'inscriptions trouvées en Tunisie dans le domaine
de l'Enfida ; une d'elles mentionne une cité jusqu'ici inconnue : le
Municipium Aurelium Augustum Segemes.
28. — Académie des sciences morales et politiques. Séances
et travaux. Compte-rendu. T. XXII. 1884, nov.; 11e livr. — J. Simon.
Suppression des anciennes académies, 8 août 1793.
29. — Société de l'histoire du protestantisme français. Bul-
letin. 3° série, 3e année, n° 10. 1884, 15 oct. — J. Bonnet. Les quatre
martyrs de Dijon, 1557 (Philippe de La Gène, Jacques Valtan, Séraphon
Archambaut, Du Rousseau, brûlés tous quatre. Dijon devait être plus
heureux en 1572; grâce à l'intervention du comte de Charny, gouver-
neur de la province, les horreurs de la Saint-Barthélémy lui furent
épargnées). — Testament de Charlotte de Bourbon, princesse d'Orange
(18 nov. 1581). — Picheral-Dardier. Voyage d'Ant. Court en Suisse
dans l'été de 1746. = N° 11. Chenot. Jean l'Archer, ministre à Héri-
court, 1731-32. — Ph. Corbière. Des consistoires et de la confiscation
de leurs biens, 1685. — Un pèlerinage à Canterbury : le cardinal de
Châtillon (traduction du procès-verbal dressé, deux jours après la mort
mystérieuse du cardinal, par deux commissaires chargés de l'enquête.
Un des signataires, sir R. Manwood, était « chief-baron » de l'Echi-
quier. Au verso on lit cette mention :il ne paraît y avoir aucun fonde-
ment au soupçon qu'il aurait été empoisonné).
30. — Société nationale des Antiquaires de France. Séance du
5 nov. — M. Mowat communique (de la part de M. Germer Durand)
une inscription gauloise inédite conservée à l'Ermitage de N.-D. de
Laval, près Colias (Gard) ; elle se termine par une formule déjà connue,
RECUEILS PÉRIODIQUES. IT^i
dede bratonde kanten.,. = séance du 12 dov. M. Courajod lit une note
sur doux manuscrits de la bibliothèque de Vienne (Autriche). Le |
mier est un traité dédié à Marguerite d'Autriche, duchesse de Savoie ;
il est orné de miniatures françaises, rédigé en français par un juriscon-
sulte napolitain, Michel Rizi, membre du Parlement de Paris bous
Louis XII. Le second est une traduction française de V Histoire du Juifs
de Josèphe, splendidement illustrée de miniatures, datée de 1463, et
attribuée à un auteur imaginaire, le moine Régules. = Séance du
19 nov. M. Mmwai donne lecture <\'onr lettre de M. Germer-Durand,
relative à l'inscription tumulaire de Sainte-Enimie à Mende (Lozère).
M. Germer-Durand la déchiffre et la complète de la manière suivante :
in ?iac aula requiescit corpus beatae Enimiae; ce texte paraît dater de
l'an 950 à 1060. A cette occasion, M. I.ongnon fait remarquer qu'au
xme siècle le mot Aula désignait un lieu de réunion en général.
31. — Société de l'Histoire de Paris. Bulletin. 11- année, 1884,
4e livr. — J. J. Guiffrey. Les grands relieurs parisiens du xvme s. —
Abbé Val. Dufour. Le bénédictin Jacques du Breul, 1528-1614; ses
rapports avec Pierre de l'Estoile ; sa maison natale sur le Petit Pont.
— G. Leièvre-Pontalis. Fragment d'un ms. du Journal d'un bourgeois
de Paris, 1 iOS-1 ii9 (copié par André Duchesne sur le ms. du Journal
qui est aujourd'hui au Vatican). = 5e livraison. Omont. Traité de com-
merce entre le tzar et des marchands parisiens (« obtenu à Mosco, au
mois de mars 1587 »). — F. Aubert. Notes pour servir à la biographie
de Pierre de Gugnières (extraites des registres du Parlement. On ne
sait toujours pas la date de sa naissance, ni de sa mort). — In. Nou-
veaux textes concernant Guillaume Du Breuil (pièces relatives au dill'é-
rend élevé entre l'auteur du Stilus Parlamenti et Baratz de Ghâteauneuf,
1341-48). — Omont. L'Essai historique sur la bibliothèque du Roi, de Le
Prince, sa lre et sa 2e édit. (publie la plainte de Bignon, bibliothécaire
du roi, demandant que la vente de l'ouvrage fût arrêtée, la défense de
Le Prince, enfin le rapport fait au garde des sceaux, qui autorisa la
mise en vente, 1782). — A. Dufour. L'abbaye de Saint- Antoine-des-
Ghamps en 1641. — il. Stei.n. Deux Milanais à la Bastille en 1713.
32. — Société de l'Histoire de Normandie. Bulletin. Années
1880-83; fin. — D. de Beaucourt. La double entrée de Gharles Vil à
Rouen (en 1417 et en 1449 ; avec deux documents inédits).
33. — Société des Antiquaires de l'Ouest. Bulletin. 1884,
2e trim. — Barbier de Montault. Une lettre inédite île Mahillou (à dom
Jean Navières, prieur de l'abbaye de Nouaillé; Paris, 29 avril 1700;
parle du manuscrit de l'histoire de Nouaillé par d. Cl. Estiennot;
on pourra peut-être le retrouver parmi les papiers des bénédictins
<jui sont à la Bibliothèque nationale). — Ali'. Richard. Le ms. n° 51 de
la bibliothèque de Poitiers a-t-il eu un caractère officiel? (ce ms.,
connu sous le nom de M. de Saint-Hilaire, contient la copie des statuts
•176 RECUEILS PERIODIQUES.
tic l'échevinage de Poitiers, les règlements des corps de métiers et
quelques autres pièces relatives à la vie municipale. Il a été formé par
voie d'adjonctions successives, d'abord au xve s., puis au xvne s. Ce
n'était pas un registre officiel, mais le livre du maire, qui trouvait là
diverses formules de serment et un cérémonial; après les modifications
que Louis XIV fit subir à la commune, ces statuts, formules, etc.,
devinrent inutiles, et le ms. devint propriété privée). — M. de La
Bouralière. Une lettre inédite de Théophraste Renaudot (13 août 1617,
de Loudun, où il exerçait la médecine).
34. — Société archéologique de Tarn-et-Garonne. Bulletin.
T. XII, 1884, 2e trim. — Dumas de Rauly. Fragments de vies de saints
eu langue romane du xrv" s. (proviennent de l'abbaye de Moissac). —
Ed. Forestié. Baptêmes, mariages et sépultures au xive s. à Montau-
ban. = 3e trim. Abbé Galabert. Les mœurs chrétiennes au xve siècle
(notes prises dans des archives de notaires, pour Gaylus et les environs).
— Rumeau. La peste à Grenade pendant les xvie et xvne s. = Biblio-
graphie. Ch. de Saint-Martin. La judicature de Verdun avant son
annexion à la Guyenne (détails intéressants sur l'administration de la
justice aux xive et xve s.). — Rumeau. Monographie de Labastide-de-
Sérou (ancienne Villa Montis Esquivi de Serona; renseignements
curieux sur l'organisation municipale de cette ville, dont les privilèges
sont consignés dans une charte de Roger IV, comte de Foix, le
24 juin 1252).
35. — Société historique et archéologique du Gâtinais.
Annales. 1884. 1er trim. — Liste des monuments historiques du Gâti-
nais. — A. Dufour. Un atelier monétaire à Gorbeil de 1654 à 1658. —
La guerre d'Estampes en 1652, par René Hémard ; relation inédite
annotée par P. Pinson. — Duhamel. Notice sur des monnaies gauloises
et carlovingiennes trouvées à Méréville. — H. Stein. Les archives de
Maisse. = 2e trim. Funck-Brentano. La mort de Philippe le Bel (ce
très intéressant travail a été tiré à part ; cf. Bev. hist., XXVI, 455). —
Simon. Le nom de Comeranum peut-il s'appliquer à Boiscommun, Loi-
ret ? (ce mot est le résultat d'une coquille. Dans un texte du xvie s.
publié par D. Morin, on a lu « Comerani ecclesiam » au lieu de « Con-
secravi ecclesiam »).
36. — Société d'émulation de l'Ain. Annales. 17e année. Juillet-
sept. 1884. — Jarrin. La Bresse et le Bugey, 20e et 21e parties (con-
quête du pays par Henri IV ; les protestants à Bourg jusqu'à la guerre
de 1635). — Tiersot. La Restauration dans le département de l'Ain;
documents complémentaires.
37. — Messager des sciences historiques de Belgique. Année
1884, 3e livr. — Varenbergh. Le don patriotique des dames d'Ypres en
RECUEILS PERIODIQUES. 177
1790. — Alph. de Vlaminck. Nouvelles considérations sur l'habitat des
Aduatuques et des Ménapiens (Strabon et César prouvent avec la der-
oière évidence que les Ménapiens étaient établis à l'embouchure du
Rhin; les événements dont la Ménapie fut le théâtre lors de la guerre
des Gaulois se sont donc passés hors de la Belgique actuelle). — I).
Gartulaire du béguinage de Sainte-Elisabeth à Gand, recueilli par le
baron de Bethune. — De Babrne. Analogies hiberno-llamandes, ou
affinités entre la langue irlandaise et la flamande. — Vicomte de Grou-
chy et comte de Marsy. Un administrateur au temps de Louis XIV;
suite (Robertot à Ypres en 1658).
38. — Revue d'Alsace. 1884, juillet-sept. — Muht.enreck. Étude
sur l'origine de la Sainte-Alliance : Marie-Gottliebin Kummer, Jean-
Frédéric Fontaines ; Madame de Krudener (Marie Kummer était une
somnambule extra-lucide ; elle fit la conquête de Fontaines, pasteur à
Sainte-Marie-aux-Mines, puis de la baronne de Krudener. En 1809, ils
allèrent tous fonder à Catharinen-plaisir, en AVurtemberg, une colonie
chrétienne, noyau de la « Sainte-Alliance » future, dont les adeptes
échapperaient au cataclysme imminent promis aux méchants. Chassée
de là, Mme de Krudener, définitivement gagnée au millénarisme et au
mysticisme, entreprit de convertir les Genevois ; puis elle entama avec
Roxandre de Stourdza la correspondance fameuse qui fit tant d'impres-
sion sur le mystique Alexandre Ier : en 1815, elle communiqua à l'em-
pereur le plan de la Sainte-Alliance rêvée par Marie Kummer, et prê-
chée par Fontaines dès 1801).
39. — Historische Zeitschrift. N. F. Bd. XVII, Ileft 1. —
W. Lang. Cavout et la guerre de Crimée (résume les livres récents
sur le sujet). — Loserth. Publications récentes sur Wiclif (résume,
d'après ces travaux, la vie et la doctrine de l'hérésiarque). — Wenzel-
burger. A la mémoire de Guillaume le Taciturne. — Brosch. La reine
Marie-Caroline de Naples (critique et réfute en bien des points les
ouvrages de Helfert sur la question. Prend contre ce dernier la défense
de Colletta, qu'il estime un historien véridique, malgré les erreurs de
détail qu'il a pu commettre). — Pflugk-Harttung. De la façon dont il
convient de reproduire par la photographie les documents du moyen
âge. = Bibliographie. Herzog. Geschichte und System der rœmiscben
Staatsverfassung. Bd. I. Eœnigszeit und Republik (excellent manuel à
mettre entre les mains' des étudiants qui y trouveront non seulement
une exposition précise et une appréciation originale des faits, mais
encore les textes mêmes des auteurs latins transcrits avec soin). = A. de
Ceuleneer. Essai sur la vie et le règne de Septime Sévère (excellent). —
Andrae. Via Appia (sujet bien étudié, intéressant malgré bien des lon-
gueurs). — Vallentin. Les Alpes cottiennes et graies (très bonne des-
Rev. Histor. XXVII. 1er fasc 12
-J7-S RECUEILS PERIODIQUES.
cription du pays et surtout des routes romaines qui le traversaient). —
Gautier. Rénovation de l'histoire desFranks (prétend qu'il n'y a jamais
eu d'invasion franque en Belgique, que les Francs Saliens ne sont que
les descendants des Belges du temps de César. C'est un pur roman). —
Schwemer. InnocenzIII und die deutsche Kirche, 1198-1208 (bon; étu-
die en détail le Registrum super negotio romani imperii). — Franz. Die
Chronica pontificum Leodiensium; eine verlorene Quellenschrift des
XIII Jahrh. (essaie de prouver que cette chronique, aujourd'hui perdue,
est la source originale où ont puisé Aubri de Trois-Fontaines, Gilles
d'Orval, etc. Les conclusions générales sont contestables; mais beau-
coup de remarques de détail sont bonnes à retenir). — Harnack. Das
Kurfùrstenkollegium bis zur Mitte des XIV Jahrh. (cette étude aurait
besoin d'être fortement corrigée sur plus d'un point essentiel ; mais c'est
un travail très consciencieux). — Weizsxcker. Deutsche Reichstagsakten.
Bd. IV, 1400-1401 (excellent). — Schilling. Quellenbuch zur Geschichte
der Neuzeit (compilation très utile ; mais il faut prendre garde, en dépit
du titre, qu'elle importe seulement à l'histoire d'Allemagne). — Balan.
Monumenta reformationis Lutheranae, 1521-25 (recueil précieux, mais
trop incomplet, de documents, où d'ailleurs il est à peine question de
Luther). — Arteche y Moro. Guerra de la Independencia, 1808-14, 4 vol.
(travail gigantesque, malheureusement gâté par des préjugés nationaux
de l'auteur). — Fem. de Cordova. La revolucion de Roma y la expedi-
cion espanola à Italia en 1849 (souvenirs personnels de l'auteur sur cette
expédition). — Capasso. Sulla circoscrizione civile ad ecclesiastica, e
sulla popolazione délia città di Napoli, dalla fine del sec. xm fino
al 1808 (bon). — Martens. Recueil des traités et conventions conclues
par la Russie avec les puissances étrangères, t. V, VI; traités avec
l'Allemagne, 1656-1808 (les préfaces de ces deux volumes sont très
importantes pour la politique extérieure de la Russie au xvnie s.). —
Schouler. History of the United states of America under the Constitu-
tion. 2 vol., 1789-1817 (c'est la meilleure histoire que nous ayons sur
cette époque).
40. — Forschungen zur deutschen Geschichte. Bd. XXIV,
Heft 3. — G. Winter. Etude critique sur l'histoire de la guerre de
Sept ans de Tempelhoff, et sur les mémoires militaires du comte
Henckel de Donnersmark (pour la campagne de 1761, Tempelhoff a
constamment suivi Henckel, lorsque ce général parle en témoin oculaire
des événements. Il puise prudemment à d'autres sources, lorsque celui-ci
ne fait que reproduire les opinions d'autrui. Tout n'est pas original, en
effet, dans Henckel, ni impartial. Il est le porte-voix de la coterie qui
prétendait rabaisser les talents militaires de Frédéric II au profit du
prince d'Anhalt, comme le journal de Gaudy représente la coterie qui
opposait le prince Henri de Prusse au roi son frère. Ce dernier journal
encore inédit devrait être publié ; on verrait qu'il est l'unique source
de beaucoup de mémoires hostiles au roi, et que par conséquent leur
RECUEILS PÉRIODIQUES. 179
nombre n'ajoute rien à la force de leur témoignage. Pour décider la
question, il faudrait publier la correspondance militaire de Frédéric sur
le modèle de sa correspondance politique). — Fr. Wagner. Le troisième
n Livre impérial » des margraves de Brandebourg. (L'électeur Albert-
Achille de B. avait pris soin de faire recopier méthodiquement tous les
actes originaux intéressant ses États. Ces actes sont rangés par matière :
les uns concernent la Marche de Brandebourg, les autres la Franconie,
d'autres l'empire, etc. Ces derniers sont répartis en trois livres. Le troi-
sième et dernier, comprenant les années 1487-92, est ici analysé.) —
Pflugk-Harttung. Le privilège d'Otton Ier pour la cour de Rome (les
deux privilèges publiés par Sickel sont des originaux, non de simples
copies contemporaines). — Hahn. Les sermons attribués à saint Boni-
face (dans les Jahrb. d. fraenk. Reichs, 741-752, publiés en 1863, l'auteur
avait admis l'authenticité de ces sermons. Il est aujourd'hui d'un avis
tout différent; c'est dans les seules lettres de Boniface qu'il faut cher-
cher la peinture fidèle de ses idées et de sa vie). — Diekàmp. La légende
de la fondation et la prétendue charte de création du monastère de
Freckenhorst.
41. — Gœttingische gelehrte Anzeigen. 1884. N° 18. —Borctius.
Capitularia regum francorum, t. Ier (répond aux critiques adresse" ,t
son édition des Capitulaires par M. AYaitz et M. Jos. Tardif; a si, dit
l'auteur en terminant, je tenais pour fondées les critiques de W. et de
T., je n'aurais pas le courage de terminer mon édition ; je ne me décide
à continuer mon travail qu'après m'être convaincu que ces critiques ne
sont pas fondées »). — Schxffler et Henner. Die Geschichte des Bauern-
krieges in Ostfranken von Mag. L. Fries. — Vogt. Die bayrische Poli-
tik im Bauernkrieg et der Kanzler Dr. L. von Eck, das Haupt des
schwsebischen Bundes (deux publications importantes sur la guerre
des Paysans. La première parait correcte ; la seconde au contraire
contient beaucoup de fautes et de lecture et de chronologie). —
= N° 19. Nitzsch. Geschichte des deutschen Volkes bis zum Augs-
burger Religionsfrieden; Bd. II, hgg. von Matthxi (excellent exposé
de l'histoire d'Allemagne aux xie et xne siècles, et en particulier de
l'histoire des Investitures. C'est un modèle quant à la méthode ; con-
naissance approfondie des sources). — Kruse. Verfassungsgeschichte der
Stadt Strassburg, XII-XIII Jahrh. (bon). — Schooss. Verfassungsges-
chichte der Stadt Trier, bis zum J. 1260 (bon).
42. — Deutsche Rundschau. 1884, nov. — Ebers. Richard Lep-
sius ; esquisse biographique.
43. — Alemannia. Bd. X, Heft 3, 1884. — Crecelius. Lachryma»
Suevo-germanre (poème latin de 1640). — Id. Poèmes historiques
et politiques sur la guerre de Trente ans. — L. Batmann. Chronique
rimée du monastère d'Irsee (publie cet ouvrage composé en 1500
par J. Kurtz). — Bruno Stehle. La cabane des messiers à Thann en
Haute- Alsace (histoire et attribution de cette charge ; publie des notes
ISO RECUEILS PERIODIQUES.
chronologiques qui ont été écrites sur les parois de la cabane de 1606 à
1831). — Birlinger. Extraits de l'ouvrage de Conrad Dietrich d'Ulm
contre les superstitions au milieu du xvne siècle.
44. — Auf der Hœhe. Jahrg. 3. Bd. X, févr.-mars 1884. — Von
Badics. Le passé et le présent de l'Autriche (parle de quelques publica-
tions littéraires très caractéristiques du xvir3 et du xvme siècle). —
Littrow. Les Juifs en Europe (expose les mesures prises par les diverses
nations chrétiennes contre les Juifs jusqu'à notre époque). = Jahrg. 4,
Bd. XIII, Heft 37. Oct. Pujol. La vie intellectuelle dans l'Espagne visi-
gothique, 1er art. (expose l'organisation scientifique de l'Espagne
romaine. L'influence de la philosophie païenne sur la vie sociale cesse
de se faire sentir à partir du me s. Situation déplorable des sciences
exactes et naturelles sous l'influence de la superstition païenne. Pra-
tique honteuse des sciences secrètes ; les mathématiques mêmes sont
poursuivies et punies).
45. — Nord und Sud. Bd. XXXI, Heft 91 ; oct. 1884. — Bud.
Gneist. Les récentes réformes des universités anglaises, en rapport avec
le système national de l'instruction publique dans le pays (histoire des
universités anglaises depuis leur fondation; l'influence des classes
moyennes et des dissidents a transformé ces établissements, d'abord
exclusivement cléricaux, en institutions nationales. Actes pour la réforme
de leur organisation, et pour l'admission des étudiants sans déclaration
confessionnelle. Au commencement de ce siècle, l'enseignement pri-
maire était tout à fait négligé; progrès accomplis à cet égard).
46. — Stimmen aus Maria Laach. Heft 8-9. 1884. — Beissel.
Egbert, archevêque de Trêves, et la question byzantine (montre que
l'influence byzantine sous les empereurs Otton H et III a été très faible,
comme on peut le constater d'après les œuvres d'art de l'époque. Egbert
étudié comme ayant favorisé l'art et la science en Allemagne). ==
Comptes-rendus : Schwane. Dogmengeschichte I. Der vornicamischen
Zeit. II. Der patristischen Zeit, 325-787. III. Der mittiern Zeit, 787-1517
(bon). — Ibach. Der Kampf zwischen Papstthum und Kœnigthum von
Gregor VII bis Calixt II (bon).
47. — Unsere Zeit. Leipzig, 1884, Heft 7. — Zernin. La journée
d'Alsen (conquête de l'île d'Alsen, le 29 juin 1864, notes extraites des
papiers de feu le général von Gœben). — Von Hellwald. L'Annam et
le Tonkin; suite (histoire de l'occupation française). = Heft 9. Schue-
mann. Mes nouvelles fouilles à Tirynthe (découvertes faites dans les
palais des anciens rois de Tirynthe ;" elles sont étonnantes; elles per-
mettent de reconstituer le plan d'un palais de la Grèce primitive très
analogue à celui de Troie ; elles montrent en outre que Tirynthe, comme
Mycènes, a été déjà complètement détruite à l'époque préhistorique).
48.— Dr. A. Petermann's Mittheilungen. Bd. XXX, Heft 2, 1884.
— Kartoum et le Soudan égyptien (hist. do la révolte dans le Soudan).
RECUEILS PÉRIODIQUES. 1^1
= Heft 5. Hei.d. Carte des nationalités en Moravie et en Silésie (de l'ex-
tension de l'élément allemand dans ces deux provinces).— Glaser. Me?
voyages à travers Arhab et Hâschid (hist. des tribus arabes de Hàschid
et de Bakil à Bilàd Arhab, portion de l'anc. empire Himyarite; leurs
lois et leurs usages, qui remontent à l'époque antér. à l'Islam). = Iïeft 6.
Polakowsky. Nouvelles notions sur l'histoire de la découverte de l'Amé-
rique centrale (analyse très élogieuse du livre de M. Manuel M. de
Peralta : Costa-Rica, Nicaragua y Panama en el siglo XVI). = Heft 7.
Lauridsen. Première expédition de Vitus Bering et le promontoire de
Serdze Kamen (ce promontoire n'a rien à voir avec l'expédition de
Bering en 1728).
49. — Philologus. Supplementband V, Heft 1. — Froehner. Ana-
lectes critiques (publie cent corrections à des textes classiques et à des
inscr. grecques et latines, avec un copieux commentaire). — Landyveiih.
Recherches sur l'ancienne histoire de l'Attique (1° d'après des fragments
nouvellement découverts de r'A9r,vaîwv 7toXix£ia d'Aristote, l'auteur arrive
souvent à des résultats nouveaux. De cet ouvrage d'Aristote il ressort
que, tandis que Solon attribuait l'archontat aux seuls eupatrides, et non,
comme on l'admettait jusqu'ici, aux Pentakosiomédimnes, une réforme
dans l'élection des archontes s'opéra dans un sens libéral en 590 sous
l'archontat de Damasias; ce mouvement prit fin avec les réformes
d'Aristide; 2° sur les réformes de Solon, l'auteur pense qu'elles étaient
purement sociales et destinées uniquement à briser la tyrannie du capi-
tal. Au point de vue politique, Solon n'a favorisé le peuple qu'autant
que cela parut indispensable; d'où le mécontentement du peuple à
l'égard des lois de Solon; 3° quant aux trois partis politiques des
Pédiéens, des Paraliens et des Diacriens, il est certain qu'ils n'exis-
taient pas avant Solon. Explications sur l'âge et les fonctions des eupa-
trides, des géomores et des démiurges ; 4° il est tout à fait inexact que
Megaclès ait été archonte en 612; 5° recherches sur la réforme de Clis-
thène et sur le nombre des dèmes attiques ; 6° sur le sens littéral de la
proposition de Thémistocle conseillant de construire de nouveaux vais-
seaux; l'auteur la place en 483).
50. — Rheinisches Muséum fur Philologie. Bd. XXXIX, Heft 4.
1884. — Buecheler. Inscription osque gravée sur un casque (texte, tra-
duction et commentaire; cette inscript, votive provient sans doute d'un
Lucanien qui prit part à l'entreprise de Saepinum en 293 avant J.-G.
Cf. plus haut, p. 172).' — Kaekmann. Les (jLeyàXat 'Hoïai d'Hésiode dans
Pausanias (ce titre, dans Pausanias, désigne l'ensemble des deux ouvrages
d'Hésiode, le Catalogue et les Eées). — Bergk. Sur les -ra^ai et sur
l'armée de l'archontat de Thémistocle (il fut archonte dans la 4e année
de la 71e ol., année où fut commencée la construction des murs). —
Bauer. Les Ioniens au combat de Salamine (le récit d'Hérodote est très
digne de foi, ce qu'on ne pourrait pas aussi bien dire sur le récit
d'Kphore). — Zangemeister. Sur la topographie romaine (situation et
| 82 RECUEILS rEUIODIQUES.
importance de ce qu'on appelle Septimiana). — Id. Sur la lecture et
l'intelligence des itinéraires romains. — Deecke. Études étrusques
(explique par l'indo-européen les mots étrusques « erus » = soleil et
« lus^nei » = lune).
51. — Jahrbûcher fur classische Philologie. 14er Supplement-
band, Heft 1. Leipzig, 1884. — Sittl. L'aigle et la boule du monde con-
sidérés comme attributs de Zeus dans l'art grec et romain (l'aigle con-
vient à Zeus comme au maître du ciel ; le globe aux empereurs, au cas
où ils sont représentés avec les attributs de Jupiter). — Jeep. Recherches
sur les sources des historiens grecs de l'Église (sur les sources de Phi-
lostorgios, Socrates, Sozomenos, Theodoretos, Theophanes, Olympio-
doros, etc.).
52. — Neue Jahrbûcher fur Philologie und Paedagogik.
Bd. GXXIX à GXXX, Heft 7. 1884. — Bachof. Timée considéré
comme source de Diodore pour les discours contenus dans les livres
13 et 14 (Timée est l'auteur des discours mis dans la bouche de Niko-
laos et de Gylippos au 13e livre de Diodore; de là la manière déloyale
dont Timée présente les faits, lorsqu'il s'agit de justifier Syracuse et
Corinthe, et au contraire de calomnier Sparte. Le caractère de Gylippos
est particulièrement travesti). — Beloch. L'établissement de la tribu
Ptolémaïs (cette tribu fut ainsi appelée de Ptolémée Evergète, elle fut
établie vers 230 av. J.-C. ; ce résultat modifie la chronologie des ins-
criptions attiques).
53. — Zeitschrift der Savigny-Stiftung fur Rechtsgeschichte.
Bd. V, Heft 1. Romanische Abtheilung. 1884. — Pernice. Parerga;
suite (sur les rapports du droit public romain avec le droit privé). —
Schneider. La lex Junia Norbana (la loi s'appelle en réalité seulement
Lex Junia ; elle fut promulguée sous Auguste à peu près en même
temps que la Lex Papia Poppœa, la Lex Aelia Sentia, etc.).
54. — Neue militserische Blaetter. Jahrg. XIII, Bd. XXV,
Heft 1-2. 1884. — Le combat de Haynau, le 26 mai 1813 (expose les
motifs stratégiques de Blùcher dans cette journée). — Les marches les
plus longues et les plus rapides de tous les temps ; suite (exemples
empruntés surtout à la guerre franco-espagnole en 1811). — Von Br.
La vérité sur la chute de l'armée de l'Est et sur le désarmement de la
garde nationale (contre l'ouvrage publié par la veuve de J. Favre). ==
Comptes-rendus : Von Jagwitz. Vœlkerrecht und Naturrecht (bon). —
Von Malachowsky. Ueber die Entwickelung der leiténden Gedanken zum
ersten Feldzuge Napoléons (bon). — Heilmann. Feldmarschall Fùrst
"Wrede (bon). — Wilhelmi. Zur Geschichte der ersten und zweiten
Leib-Husaren-Regiments, 1741-1812 (excellent).
55. — Beiheft zum Militaer - Wochenblatt. 1884, Heft 1 -2.
— Zimmkuma.nn. Extraits de la correspondance militaire de Frédéric II
(expose d'après ces documents et d'après les rapports des généraux de
RECUEILS PERIODIQUES. \ 83
Frédéric l'origine et l'exécution du plan prussien pour la campagne de
1757 jusqu'à la bataille de Prague. Le plan du roi près de Prague con-
sistait à mettre autant que possible l'armée autrichienne hors d'état de
combattre, pour pouvoir se tourner sans retard contre ses autres adver-
saires). = Heft 3. Wachs. La mer Méditerranée au point de vue histo-
rique ; la situation qu'y occupent les Anglais. = Heft 4-5. Schroeder.
Rimpler (biographie et travaux de cet ingénieur qui fut tué au siège de
"Vienne, en 1683).
56. — Historisch-politische Blsetter fur das katholische Deut-
schland. Bd. XCIII. Munich, 1884. — L. P. Histoire de l'église catho-
lique en Ecosse (parle en termes très favorables du livre de Bellesheim
sur ce sujet). — La reine Marie-Caroline de Naples (d'après Helfert, la
reine avait de grands défauts, entre autres une violence déréglée; mais
on ne peut, sans injustice, l'accuser d'avoir été cruelle et de ne pas
aimer ses enfants). — Schumm. L'École et la Révolution jusqu'à la fin
de la Convention (expose l'état fies écoles en France sous l'ancien régime
et l'influence exercée par la Révolution dans l'enseignement primaire;
elle ne sut que détruire l'ancien système sans rien mettre de durable à
la place). — Bellesheim. La politique ecclésiastique de la Prusse sous
Frédéric II (le 4e vol. des documents publiés sur ce sujet par Lehmann
montre que la situation des catholiques en Prusse était très peu favo-
rable ; Frédéric II ne cessa de voir un parti politique ennemi dans le
clergé catholique). — Knoepfler. L'élection de Grégoire VII (fut tout à
fait régulière; aucune des règles ecclésiastiques alors en vigueur ne fut
violée). — Souvenirs de la période révolutionnaire en Italie, 1859-69. =
Comptes-rendus : Janner. Geschichte der Bischœfe von Regensburg
(très bon). — Hosak. Zur religiœsen Volkslitteratur des XV Jahrh. (très
bon). — Schmits. Die Bussbùcher und die Bussdisciplin der Kirche (bon).
— Studien und Mitteilungen aus dem Benedictiner-und Cistercienser-
Orden : Jahrg. IV (bon). — Lossen. Zur Geschichte des Kœlnischen
Krieges (nombreuses observations de détail). — Steichele. Das Bisthum
Augsburg (remarquable).
57. — Zeitschrift fur Kirchengeschichte. Bd. Vil, Heft 1. —
Erbes. L'âge des tombeaux et des églises de Pierre et Paul à Rome
(ces églises furent commencées dans les dernières années de la vie de
Constantin, vers 335. La petite église de Saint-Paul hors les murs, au
deuxième mille sur la route d'Ostie, fut rapidement terminée et prête,
au bout d'un an ou deux, à recevoir les reliques ; mais la grande église,
élevée en l'honneur du prince des apôtres, ne fut terminée que sous
Constance, après 352. Saint Pierre ne put donc être transporté dans
l'église du Vatican qu'entre 355 et 359). — Welle. Les articles de reli-
gion de la paix de Kadan, 1534. — K. Mùller. Revue critique des tra-
vaux sur l'histoire de l'Église : 1° travaux relatifs au xive et au xv* s.,
parus de 1875 à 1884 (histoire de la papauté à l'époque de Philippe le
Bel et de Henri VII ; 2° de Louis de Bavière ; 3* de Charles IV; 4" droit
184 RECUEILS PÉRIODIQUES.
canonique et administration ecclésiastique ; 5" vie religieuse et courants
intellectuels. Revue complète et très instructive). — Dr.eseke. Le
« platonisme des pères de l'Église. » — Bernoulli. Une prière parodie
du xve s. (public « Oremus pro omni gradu ecclesie, et primo pro salute
vagorum »). — Martin. Une lettre de Jacob Wimpfeling (1505 : Huma-
nissimo viro N. gymnasii Davantrini fidelissimo duci et praeceptori).
— Schneider. Les monastères de Blaubeuren et de Hirsau donnés à
l'abbaye impériale de Weingarten, 1659.
58. — Theologische Quartalschrift. Jahrg. LXYI, Quartal-
beft 2. Tubingue, 1884. — Funk. La pénitence dans le christianisme
primitif (très sévère pendant les trois premiers siècles ; ce n'est pas
sans exciter une vive opposition que l'Église se laissa aller à remettre
tous les péchés). = Comptes-rendus. Schmitz. Die Bussbùcher und die
Bussdisciplin der Kirche (bon). — Kaulen. Assyrien und Babylonien
(bon). = Quartalheft 4. Brùll. Sur l'authenticité des actes du martyre
de saint Ignace d'Antioche (montre que les raisons données jusqu'ici
contre leur authenticité ne sont pas décisives ; ils concordent avec les
lettres de saint Ignace et avec les renseignements historiques que nous
avons sur le règne de Trajan). — Schmid. Études sur la réforme du bré-
viaire et du missel romain, sous Pie V ; fin (elle avait été préparée au
concile de Trente). — Kncepfler. Un synode à Constance, en 1549
(d'après un ms. inconnu jusqu'ici, qu'on a trouvé à Ravensburg, l'auteur
publie le texte des résolutions prises par ce synode lors de la première
interruption du concile). = Comptes-rendus. Lipsius. Die apokryphen
Apostelgeschichten und Apostellegenden. Bd. II (bon). — Steichele. Das
Bisthum Augsburg. Bd. LL-IV (très bon). — Piper. Die Schriften Notkers
und seiner Schule (bon).
59. — Theologische Studien und Kritiken. 1885, Heft 1. —
Benrath. Les Anabaptistes sur le territoire de Venise vers le milieu
du xvie siècle (trois directions réformatrices se manifestent à cette époque
à Venise : une dans le sens de l'orthodoxie luthérienne, l'autre ana-
baptiste modérée, la dernière anabaptiste radicale ; cette dernière, bien
que fort nombreuse, échoua complètement ; quant aux autres héré-
tiques, le supplice de nombreux adhérents tels que Gherlandi, Délia
Sagra, Rizzetto, eut pour effet de ruiner le parti). — Koffmane. Lettres
et propos de table de Luther (publie des anecdotes manuscrites).
60. — Zeitschrift der deutschen morgenlaendischen Gesell-
schaft. Bd. XXXVIII, Heft 1, 1884. — Jacobi. Sur l'origine des sectes
Çvetambara et Digambara (étudie les légendes relatives à ces deux sectes
des Jainas et au schisme de leur église ; pense que des guerres ont
poussé une partit1 dos Jainas à émigrer vers le sud de l'Inde, où, favo-
risés par le climat, ils sont arrivés à un degré d'ascétisme plus complet
que leurs frères non émigrés). — Houtum-Schindler. Additions au dic-
tionnaire Kourde. — Harlez. L'avestique « Mada » et la tradition per-
RECUEILS PERIODIQUES. \S.t
sane (soutient, contre Neriosengk, que ce mot ne signifie pas « sagesse; »
les traducteurs persans l'expliquent par « magie, » et la glose lui donne
le sens de « méchanceté impure »). — Roth. Où croît la plante soma?
(cette question est étroitement liée à celle de la patrie primitive des
peuples arias ; expose les efforts tentés dans ces derniers temps pour
retrouver cette plante, dont le suc, ou soma, était si cher aux deux
grandes familles du peuple aria, dans l'Asie moyenne). — Gildemeister.
Amuletum (ce mot vient, non de l'arabe, mais du latin). — Nceldecke.
Deux chameaux d'or consacrés comme ex-voto chez les Arabes. —
Reyer. Métallurgie de l'Orient ancien (les sources juives et grecques
prouvent que les peuples civilisés de l'antiquité pré-classique ne peuvent
être considérés comme ayant découvert l'art de travailler les métaux;
il leur a été transmis par les Chetites et autres peuples habitant entre
l'Arabie et la Syrie). = Comptes-rendus. Ebn-Wadih qui dicitur al
Jaqubî historiae I-II. Edidit indicesque adjecit M. Iloutsma (très utile
pour les études orientales). — Cruel. Die Sprachen und Vœlker Euro-
pas vor der arischen Einwanderung (obscur, mais non sans valeur). =
Heft 2-3. Holtzmann. Brama dans le Mahàbhârata (dans sa forme
actuelle, ce poème n'est pas une source directe pour étudier l'ancienne
mythologie épique des Indiens ; c'est un remaniement postérieur des
anciennes légendes des dieux où. Brama parait déjà cependant. Inter-
prète certains passages du Mahàbhârata pour montrer la formation
épique de Brama considéré comme dieu du Destin). — Teufel. Etudes
sur les sources de l'histoire moderne des Khanats (analyse la chronique
manuscrite de Mohammed Amin-i Buchari, qui se trouve à l'université
de Pétersbourg, relativement à l'histoire du Khanat de Boukara sous
la maison des Astrachanides au commencement du xvm* siècle). — De
Goeje. Un fragment de la chronique d'Al-Belàdhori (trouvé par Ahlwardt ;
publie et commente les passages du 1er livre relatifs à l'histoire et à la
généalogie du Prophète, ainsi qu'à ses successeurs immédiats). — Spie-
gel. Sur l'histoire du calendrier de l'Avesta (explique comment étaient
divisés l'année et le jour et quelles étaient les époques des fêtes dans
l'Avesta). — Oldenderg. Recherches sur les origines du Rig-Vêda.
61. — Zeitschrift des deutschen Palaestina-Vereins. Bd. VII,
Heft 3, 1884. — Gildemeister. Contributions à la connaissance de la
Palestine d'après les sources arabes (extraits intéressants du voyageur
et savant El-Mukaddasi qui composa, en 948 après J.-C, une descrip-
tion des pays de l'Islam). — Dechert. Les bains médicinaux en Pales-
tine ll'usage des thermes en Orient existait déjà avant l'époque chré-
tienne. Tableaux de la vie dans ces bains aux différents siècles). =
Stickel. Monnaies juives de Jérusalem (rapport sur des monnaies du
ier siècle avant et après J.-C. trouvées dans cette ville).
62. — K. Akademie der Wissenschaften. AbhatuUungen, 1883.
Berlin, 1884. — Schrader. De l'origine de la civilisation de la Baby-
lonie ancienne (les textes assyriens ne sont pas, comme le croyait
■J8G RECUEILS PERIODIQUES.
Guyard, en une seule langue; à côté d'une langue sémitique, ils en
contiennent une autre toute différente, puisqu'elle a les caractères
des langues agglutinantes). = Sitzungsberichte. Heft 43 u. 44. Berlin,
1884. Dillmann. Les exploits du roi eAmda Sion contre les Musulmans
(publie la traduction de ce prince abyssinien qui appartient au xrve s.
Son récit, bien que maintes fois remanié, repose cependant, pour les
points essentiels, sur des données certaines).
63. — Preussische Jahrbucher. Bd. LIV, Heft 2. Berlin, 1884.
— Duncker. J.-G. Droysen (sa vie et ses œuvres). = Comptes-rendus.
Von Noorden. Ilistorische Vortrœge (très bon). — D. Schzfer. Deutscbes
Nationalbewusstsein im Lichte der Geschichte (bon). = Heft 3. Del-
bruck. La méthode guerrière de Frédéric II (sa stratégie ne se distin-
guait en rien de celle de ses contemporains, ce qui était d'ailleurs impos-
sible, étant donnés les règlements militaires de l'époque).
64. — Altmserkischer Verein fur Vaterlaendische Geschichte
und Industrie zu Salzwedel. 20eF Jahresbericbt. 1884. — Pari-
sus. Quatre chartes provenant des archives de Gardelegen (1266,
1287, 1337; elles contiennent des concessions faites à Gardelegen par
les ducs de Brunswick). — Hofmeister. Explications historiques sur un
diplôme d'Otton Ier de l'an 956 (important pour l'origine et l'histoire
primitive de la Vieille-Marche; ses plus anciennes limites).
65. — Zeitschrift des historischen Vereins fur den Regie-
rungsbezirk Marienwerder. Heft 9. 1883. — Strùtzki. Sur le
droit coutumier de Kulm (explique les termes techniques qui s'y
trouvent ; montre la façon différente dont sont nées et se sont dévelop-
pées les villes allemandes; histoire de la « Handfeste » à Kulm). —
Treichel. Sur le rôle des pierres dans les légendes de la Prusse occi-
dentale et de laPoméranie. — Id. Quelques années de guerre du monas-
tère des Chartreux (pub. des notices historiques recueillies par les moines
de cette maison sur leur existence pendant la guerre du Nord et la
guerre de la succession de Pologne ; elles montrent la barbarie avec
laquelle les Polonais et les Russes se faisaient la guerre). — Von Muel-
wep.stedt. L'administration conventuelle dans les districts adminis-
tratifs de l'ordre teutonique au district de Marienwerder; (liste des
« Comthure » pour ce district, jusqu'à leur suppression), suite dans
Heft 10. = Heft 10. Id. Les chevaliers de Schortz (cette famille
noble de Prusse est d'origine slave). — Von Flanss. Sur l'histoire des
chevaliers von Zehmen et Guldenstern. — Id. Histoire de la propriété
foncière dans la Prusse occidentale. — Treichel. Origine des tumulus
prussiens appelés mogily. — Rapport sur des fouilles opérées dans des
tombeaux en pierre de Schwetz, Stuhm et Schlochau. = Heft 11-12.
Cramer. Histoire du ci-devant évèché de Poméranie (liste des évêques,
de 1409 à 1529; leur histoire d'après les documents contemporains).
66. — Schlesische Gesellschaft fur Vaterlœndische Geschichte.
61er Jahresbericht. 1884. — Koehler. Luttes de Dantzis contre la
RECUEILS PE'UIODIQDES. i 87
Pologne, en 1576-77 (montre la résistance opiniâtre opposée par cotte
république à Etienne Batori, qui l'ut obligé de reconnaître ses privi-
lèges). — Fechxer. Les relations politiques et commerciales de la Silésie
avec l'Autriche, de 1740 à la seconde guerre de Silésie (expose les ten-
tatives faites par l'Autriche pour frapper Le commerce de la Silésie après
la perte de cette province, et pour créer à Troppau une concurrence à
Breslau).
67. — Neues Archiv fur Saechsische Geschichte und Alter-
thumskunde. Bd. V, Beft3, 1884.— Issleiii. Le siègede Magdebourg
par le prince électoral Moritz de Saxe, 1550-51 (l'opposition de Magde-
bourg aux décisions du concile de Trente et l'intérim permirent à
Charles V de prononcer contre la ville la mise au ban de l'empire ;
Moritz fut chargé de l'exécuter. Négociations secrètes entre Moritz et
les Évangéliques). — Sent. Les remparts préhistoriques dans la Haute-
Lusace (rapport sur des recherches minutieuses opérées dans quatre forts
vitrifies qui doivent remonter à une époque préslave, \\< riaient case-
matés). — Schepss. Le poème héroïque de Jak. Hamerer sur la
guerre de Smalcalde (l'original a été trouvé dans la bibliothèque du
prince QEttingen-Wallenstciii à Maihingen; c'est une apologie de la
conduite de Charles-Quint à l'égard des protestants; elle a peu de valeur
historique). = Comptes-rendus. Bartsch. Kleider-Verordnungen aus der
Zeit 1450-1750 in Sachsen (bon). — Chronicon Islebiense, 1530-1738, i
von Dr. Grœssler u. Sommer (travail soigné). — Pœschel. Eine Gelenr-
tenfamilie im Erzgebirge (intéressante contribution à l'histoire
mœurs au xvne s.).
68. — Hansische Geschichtsblœtter. Bd. IV, 1884. — Brehmer.
Les plaques tombales en laiton employées à Lubeck au xivc s. (sonl
d'origine flamande). — Bippen. La Frise orientale érigée en comte,
d'empire (son histoire au xvc s. ; c'est en 1464 que l'érection eut lieu,
sous Ulrich; une charte qui montre Ulrich élevé dès 1454 à la dignité
de comte, avec de grands privilèges, est fausse). — Frensdorff. Le droit
coutumier de Bipen dans ses rapports avec celui de Lubeck (ce droit,
accordé, en 1269, à Bipen, ville du Sleswig, est emprunté à celui «le
Lubeck; c'est l'endroit le plus septentrional où il ait pénétre). — Kopp-
man.w La Hanse et les rapports de la Prusse avec l'Angleterre, de 1375
à 1408 (expose, d'après des documents contemporains, les causes de
l'hostilité de la Hanse et des Prussiens contre les Anglais à l'époque de
la guerre de Cent-Ans', ainsi que le résultat des négociations entamées
en vue d'une alliance avec la Hollande et la Bourgogne contre l'Angle-
terre ; paix séparée de la Prusse avec celle-ci). — Wetzel. Les origines de
la ville de Kiel (fondée vers 1240, elle prit une rapide extension à cause
de son commerce maritime). — Frexsdorff. Sur les deux plus anciens
recès de la Hanse. — Hoehlbaum. La Hanse et Novgorod en 1392 (d'après
quelques vers sur l'histoire de la Hanse, qu'on a trouvés dans le proto-
cole du conseil de Reval). — Ehrenberg. Un prix courant pour les mar-
\ 88 RECUEILS PERIODIQUES.
chandises et les échanges à Hambourg, au xvie s. — Wohlwill. Les
villes de la Hanse et le traité franco-prussien, en 1796 (ce traité était
destiné à assurer la neutralité de l'Allemagne du Nord contre une inva-
sion française). — Weiland. A la mémoire de R. Pauli (rappelle les
travaux historiques de cet érudit éminent, surtout ceux qui se rapportent
à l'histoire de la Hanse).
69. — Zeitschrift fiir Geschichte und Alterthumskunde West-
falens. Bd. XLII, Abth. 1-2, 1884. — Tibus. Histoire de la seigneurie
de Gemen, ses seigneurs et leurs maisons; fin (les documents publiés
contiennent des détails intéressants sur le droit du moyen âge). — Rei-
gers. Contributions à l'histoire de la ville de Bocholt (1° cérémonial de
l'hommage employé à Bocholt au moyen âge primitif; 2° les guerres de
cette ville; 3° de la part qu'elle prit à la guerre de Munster, 1450-57;
d'après les archives municipales). — Diekamp. Mss. westphaliens (inven-
taire des mss. relatifs à la Westphalie, qui se trouvent à la bibliothèque
de la cour de Vienne et aux archives secrètes de la maison, de la cour
et de l'État). — Id. Sur l'histoire de la réforme catholique dans l'évê-
ché de Munster (1° publie des extraits d'un ras. des archives secrètes de
l'État à Vienne, qui se rapportent à la lutte engagée par l'empereur
Rodolphe au sujet de l'évêché de Munster, en 1580; 2° pièces relatives
à des visites faites dans les couvents de dames séculières, en 1571). —
Turnbùlt. Revue des travaux relatifs à l'histoire de Westphalie, publiés
en 1883. — Darpe. Horstmar, ses seigneurs et ses bourgeois (tableau
généalogique de la maison de Horstmar ; documents relatifs à des fon-
dations, à des achats et ventes, etc.). — Dùrre. Noms de lieu dans les
Traditiones Corbeienses (leur origine et leur explication). — Holscher.
L'ancien diocèse de Paderborn ; suite (ses anciennes limites, ses archi-
diaconés , ses gaue, ses juridictions). — Nordhoff. Sur l'histoire de
l'imprimerie en Westphalie. — Korth. Les globes de Kaspar Vopelius
de Medebach à Cologne, 1511-61 (ses globes du ciel et de la terre, con-
servés aux archives de Cologne, sont très inexacts).
70. — Zeitschrift des Aachener Geschichtsvereines. Bd. VI,
Heft 1-2. 1884. — Oppenhoff. Le droit pénal au tribunal des échevins
d'Aix-la-Chapelle depuis 1657 (curiosités juridiques intéressant l'his-
toire de la ville et celle des mœurs). — Hansen. Contributions à l'his-
toire de Schœnau (explique le terme « Sonnenlehen ; » notes chro-
nologiques sur la famille de Schœnau, de 1189 à 1674, suivies de
documents inédits). — Pick. Pattern .et ses rapports avec Gewenich
(publie trois chartes en allemand du xve s. sur les relations entre ces
deux paroisses). — Von Oidtmann. Bollheim près de Zulpich et ses sei-
gneurs (dix chartes relatives à la famille de Hompesch). — Pick. Docu-
ments sur l'histoire de Ratheim. — Von Reu.mont. Friedrich von der
Trenk à Aix-la-Chapelle (ce personnage, frère du fameux chef des Pan-
dours, habita Aix de 1765 à 1780; mais son humeur querelleuse et les
avanies faites au clergé l'obligèrent à quitter la ville et à errer çà et là
RECUEILS PÉRIODIQUES. 1 Si)
jusqu'à ce qu'il fut guillotiné à Paris, en 1794. Sa vie et ses écrits se
distinguent également par son goût pour le mensonge et par son immo-
ralité).— Pauls. Sur l'époque de la domination étrangère (détails intér.
sur le culte de la Raison et de l'Être suprême à Aix-la-Chapelle, ainsi
que sur une sédition dos troupes françaises dans cette ville). — Braun.
Antiquités romaines (l°une pierre milliaire qu'on vient de trouver per-
met de placer entre 169 et 180 la construction de la route de Juliers à
Eschweiler; 2° rapport sur des fouilles opérées dans des tombeaux
romains près de Hilfarth dans le cercle de Heinsbergj. = Comptes-
rendus : Niederrheinischer Geschichtslreund (bon).
71. — Westdeutsche Zeitschrift fur Geschichte und Kunst.
Ergœnzungshefte I, 1884. — Kruse. Institutions municipales de Stras-
bourg surtout au xne et au xme s. (jusqu'au xme s., on ne trouve à
Strasbourg aucune trace d'administration municipale indépendante;
cependant au début du xnic s., les fonctionnaires ou « ministeriales »
de 1 evêque s'entendirent, pour assurer leur situation en regard de
l'évêque, avec les plus riches parmi les bourgeois; ceux-ci, profitant
d'embarras où 1 évoque se trouva, forcèrent l'entrée de ce conseil com-
posé de « ministeriales. » Telle est l'origine de ce conseil qui, par sa
nature, était tout à fait aristocratique). — Schoop. Institutions munici-
pales de Trêves, depuis ses plus anciens privilèges jusqu'en 1260 (jus-
qu'en 1226, l'évêque n'était pas limité dans son droit d'engager d'impor-
tantes affaires litigieuses; à partir du xmc s., le « schœppencollegium »
ou collège des échevins, dont les membres devinrent peu à peu
héréditaires, devint un conseil fermé. Les Guildes et leurs situations
dans les diverses périodes du développement de la ville. En appendice
sont publiées les pièces afférentes au travail).
72. — Annalen des historischen Vereines fur den Niederrhein.
Heft 41. Cologne, 1884. — Kaufmann. Additions aux données fournies
par les sources, et remarques sur les légendes rhénanes recueillies par
Karl Simrock (publie plusieurs variantes de ces légendes, et explique
les principes sur lesquels elles reposent). — Mbrlo. Les maisons de
Saalecke et Mirweiler à Cologne (nombreux détails sur plusieurs
familles patriciennes de Cologne). — Korth. Chartes provenant des
archives d'État de Cologne (publie celles de ces pièces qui se rapportent
à des papes, à des empereurs et à d'autres princes). — Cardauns. Une
maison bourgeoise à Cologne au xvie s. (publie un inventaire de 1519 ;
explique les termes du patois bas-allemand). — Unkel. Le château de
Reitersdorf (rapport sur la découverte de fortifications qui sont vraisem-
blablement d'origine romaine).
73. — Wûrttembergische Vierteljahrshefte fur Landesge-
schichte. Jahrg. Vil, Heft 2. 1884. Notes biographiques sur un pro-
fesseur de Tubingue au xvur siècle (notes d'un certain Hegelmaier
sur son père, professeur de théologie à l'Université, qui eut des rapports
avec le duc Karl de Wurtemberg). — Pfisteu. L'armée de Conde en
J90 RECUEILS PERIODIQUES.
Wurtemberg (les émigrés de cette armée n'avaient aucune discipline;
ils étaient un danger pour la sécurité du pays). — Hirzel. Fondation
du couvent des capucins à Elhvangen (raconte les négociations qui
durèrent de 1710 à 1733, et l'effet qu'elles produisirent dans le pays).
— Schneider. La succession dans la maison princière de Wurtemberg,
d'après le traité de Mùnsingen ^recherches sur les articles de ce traité
qui interdisaient le partage de la succession). — Additions et rectifica-
tions à la liste des évoques de Wurtemberg. — Buck. Sur un privilège
de l'empereur Maximilien I relatif au métier de chaudronnier. — Beck.
Disputes de préséance entre les comtes et les prélats impériaux à la
diète de Batisbonne au milieu du xvnie s. — Seuffer. Sur les gens
« non honorables » (détails tirés des archives de la corporation des for-
gerons d'Ulm au xvir3 et au xvme s., il montre avec quelle étroitesse
d'idées on appréciait le prétendu « point d'honneur de métier ; » ainsi
on considérait la corporation comme offensée par le meurtre d'une
chatte ou d'un chien, ou si un des membres connaissait particulière-
ment le bourreau). — Klemm. Becherches héraldiques. — Id. Additions
à l'histoire de Geislingen et de ses environs (1° origine de la ville ;
2° histoire des fouilles les plus importantes; 3° détails sur les plus
anciens métiers du xvie s.; 4" biographie des principaux bourgeois). —
J. Hartmann. La plus ancienne description du pays de Wurtemberg
(publie une description inconnue jusqu'ici, qui a été composée entre
1498 et 1503, par Ladislas Suntheim de Bavensburg). — Staelin. Une
bulle des archives du Vatican sur l'histoire du duché de Souabe (publie
cette pièce où le pape Alexandre IV en 1255 demanda au clergé souabe
de soutenir le roi Alphonse de Castille). — Fischer. Documents pour
l'histoire de la lutte entre les seigneurs et la ville de Weinsberg, au
sujet des privilèges de cette dernière, 1375-79). — Bihl. La princi-
pauté de Hohenlohe-Kirchberg jusqu'à sa médiatisation, 1764-1806.
— Beck. Procès de sorcellerie dans la Franconie Wurtembergeoise.
74. — K. Bayerische Akademie der Wissenschaften. Philos. -
philolog. -und historische Classe. Sitzungsberichte. Munich, 1884,
Heft 2. — Bockinger. Un extrait de la Lex romana Visigothorum utilisé
dans le coutumier dit Schwabenspiegel (en mettant en regard plusieurs
articles de ces deux documents, l'auteur montre les emprunts faits par
le second à YEpitome Aegidiana ; il montre comment a été utilisé cet
Épitome). — Heigel. Sur l'histoire du prétendu traité de Nymphen-
bourg du 22 mai 1741 (des correspondances diplomatiques extraites des
Archives de Paris et les notes autographes de l'électeur de Bavière,
Charles VII, montrent que ce traité est une pure fiction imaginée sans
doute par les adversaires de l'alliance franco-bavaroise ; des témoignages
contemporains l'attestent déjà). — Prantl. Art. nécrologique sur Kon-
rad Bursian. — Giesebrecht. Art. nécrol. sur Am. Boget et C. von
Noorden. — Geiger. La patrie et l'âge de l'Avesta (montre que l'Avesta
n'est pas, comme on l'admettait jusqu'ici, de l'Iran occidental, mais
plutôt de l'Iran oriental ; l'époque précise où il fut composé ne peut être
RECUEILS PERIODIQUES. 4 'M
indiquée avec précision ; mais elle est antérieure aux rois mèdes et
perses. Recherches sur les noms géographiques de l'Avesta et sur la
civilisation des anciens Iraniens).
75. — Beitrœge zur Anthropologie und Urgeschichte Bayerns.
Bd. VI, Heft 1, 1884. — Zapf. Un château dos Waldstein dans leFich-
telgebirgo (histoire et description des seigneurs de Waldstein et du
château du même nom qui fut détruit une. première l'ois par les llus-
sites, puis en 1523 par la ligue souabe. Détails intéressants sur des
découvertes d'antiquités slaves et franques). — Naue. Les tumulus de
Pullach (la comparaison des ornements et des vases d'argile trouvés
dans ces tomheaux avec de semblables qui se trouvent dans le sud et
en Italie ont conduit l'auteur à cette conclusion, que partout régnent
une même l'orme essentielle et un même système décoratif; on ne peut
rien dire de précis sur la nationalité des individus enterrés; mais ils
n'appartenaient pas à un degré inférieur de civilisation ; ils étaient au
contraire bien doués du côté des arts). — Mehlis. Les tombeaux de
Leimershein (rapport sur d'intéressants ornements de bronze trouvés
en quatre endroits dans cette localité).
76. — Historischer Verein fur Niederbaiern. Verhandlungen.
Bd. XXIII, Heft 1-2. Landshut, 1884. — Schreiner. Rapport sur des
découvertes d'antiquités romaines faites à Eining, en 1883. — Sax.
Konrad II de Pfaffenhausen, le 37e.évèque d'Eichstadt, 1297-1305 (l'his-
toire de l'évéché sous ce prélat est importante en ce que l'évêque, par
voie d'acquisition et d'héritage, réussit à donner à son siège une grande
indépendance à l'égard de la Bavière). — Staolbaur. Les derniers
abbés de Niederaltaich (leur biographie, de 1550 jusqu'à la sécularisa-
tion de l'abbaye; cette histoire montre que les mœurs des moines
étaient fort relâchées). — Braunmùller. Monumenta Windbergensia.
77. — Mitteilungen des Vereines fur Geschichte und Altertums-
kundeinHohenzollern. Jahrg. XVII. Sigmaringen, 1884. — Zingeler.
Le différend entre les maisons de Werdenberg et de Sonnenberg (l'his-
toire de cette querelle est curieuse en ce qu'elle montre combien la loi
était méprisée en Allemagne au début du xvies.). — Bauer. Sur des
fouilles exécutées à Otterswang (on y a ouvert des tombeaux qui sont
antérieurs à la période franque). — Hornstein-Grueningen. Généalo-
gies des seigneurs de Hertenstain. — Lociier. Les seigneurs de Neun-
eck; tin (les membres et les possessions de cette famille de 1586 à
1638). — Zingeler. Le livre des coutumes de Ringingen (publie ce
recueil juridique composé en 1545). — Id. Ouvrages publ. sur le Hohen-
zollern, depuis 1824.
78. — Mittheilungen des Instituts fur Œsterreichische Ges-
chichtsforschung. Bd. V, Heft 4. — Al. Schulte. L'annalistique
alsacienne à l'époque des Hohenstaufcn : Marbach, Neuburg, Maurs-
mùnster, Strasbourg (analyse une compilation contenue dans un ms
192 RECUEILS PÉRIODIQUES.
de Jena; elle a été formée entre 1220 et 1235 à l'aide de quatre et peut-
ôtre de cinq chroniques alsaciennes). — Zimmermann. Le diplôme du roi
André II pour les Allemands de Transylvanie, on 1206 (le diplôme de
ce roi pour les Allemands à Karako, Cnapundorph et Rams est authen-
tique. Les Allemands qui ont fondé ces communautés, Bavarois pour
la plupart, sont venus au xie s., de Szathmar-Neméthi, et sont entrés
en Transylvanie, par la vallée du Szamos. Suit le texte de 6 chartes, de
1206 à 1301). — Laschitzer. Quelle méthode faut-il suivre pour cata-
loguer les gravures sur bois et sur cuivre? — Kaltenbrunner. Le
« Liber rubeus » des Archives du Vatican (descr. de ce ms. utile pour
l'hist. de la papauté au xve s.). — Diekamp. Sur le diplôme du roi Arnoul
pour le couvent de Ridigippi (ce diplôme, publié dans le précédent
fasc. des Mittheil., jette un jour nouveau sur les origines du règne
d Arnoul). — Stieve. Rapport d'un noble bavarois sur les paysans de
l'Autriche en amont de l'Enns, 14 février 1641. = Harnack. Das Kur-
fùrstencollegium bis zur Mitte des XIVe Jahrh. (critique très détaillée de
ce livre qui ne tient pas toutes ses promesses). — Balzani. Early Chro-
niclers of Europe : Italy (bon). — Hansische Wisbyfahrt (excellent).
— Strauch. Studien uber^Jansen Enikel (bon). — Doppler et Hauthaler.
Urbar des Stiftes Nonnberg in Salzburg (publie le pouillé de ce monas-
tère; les documents qu'il renferme se placent entre les années 1334
et 1405).
79. — Archaeologisch-epigraphische Mitteilungen aus Œster-
reich-Ungarn. Jahrg. VIII, Heft 1. Vienne, 1884. — Tocilescu. Nou-
velles inscriptions de la Dobroudcha et de la Roumanie (fournissent
d'intéressants compléments à la biographie des légats et gouverneurs
de la Basse-Moesie). — Studniczka. Autels de Mithra et autres monu-
ments de la Dacie; suite. — Téglas et Koenig. Nouvelles inscr. de la
Dacie (proviennent de Sarmizegethusa et de Porolissa ; la legio Flavia
Félix, dont le quartier général était la Mœsie supérieure, stationnait
aussi à Sarmizegethusa). — Hauser. Fouilles à Carnuntum (cet ancien
camp est entièrement détruit ; on n'y avait trouvé jusqu'ici que quelques
débris des divinités du camp). — Studniczka. Œuvres d'art de Carnun-
tum (décrit : 1° une statue cuirassée d'Elagabal; 2" une autre statue du
même personnage en costume de prêtre. Planches). — Hirschfeld.
Inscriptions trouvées à Carnuntum (publie 8 inscriptions militaires).
Mélanges épigraphiques (textes d'inscriptions provenant d'IUyrie, de
Dalmatie, du Norique et en particulier d'Aguntum, de Brigetio, de
Viudobona, etc.). — Domaszewski. Lettres des Attalides aux prêtres de
Pessinonte (publie ces inscr. grecques très étendues qu'on a trouvées
dans le voisinage de Pessinonte). — Kubitscheck. De la foi qu'on peut
avoir en Cyriacus d'Ancone (cet archéologue du xve s. était un impu-
dent faussaire). — Frankfurter. Rapport épigraphique de l'Autriche
(publie plus de 100 inscr. ou fragments d'inscr. provenant de Dalmatie,
et en particulier de Salone).
RECUEILS PERIODIQUES. 193
80. — Mittheilungen des Vereins fur die Geschichte derDeut-
schen in Bœhmen. Jahrg. XXII, Beft 2-4, 1884. — Loserth. Docu-
ments relatifs à l'histoire de la Bohême aux xivc et \ve siècles
(15 chartes en latin provenant d'un ms. de la bibliothèque de Breslau ;
elles fournissent beaucoup de renseignements sur la situation des cou-
vents cisterciens d'Autriche, de Bohème-Moravie et de Silésie, à la
veille de la guerre hussite). — Wallnbr. La résistance d'Iglau à recon-
naître Georges de Podiehrad (raconte, d'après les Archives municipales,
le siège de la ville catholique d'Iglau en 1458 par ce roi utraquiste). —
J. K. S. Usages agraires du pays de Schœnbach (ils ont leur origine
dans l'ancienne mythologie germanique). — Teige. Les déhuts de la
maison de Biesenburg (famille noble de la Bohême qui joua un grand
rôle surtout pendant la guerre entre Ottokar de Bohème et Bod. de
Habsbourg). — Urban. Extrait du Livre des légendes de la ville de
Plan (légendes historiques). — Kli.mesch. Les seigneurs do Michelsberg
considérés comme possesseurs de Weleschin (après une courte intro-
duction sur l'origine de ce château, l'auteur expose d'après les chartes
et les chroniques du temps la politique de Jean I et de Benesch I à
l'époque des rois Wenceslas LE et Jean I de Bohême, et leurs efforts
pour faire pénétrer en Bohême la civilisation allemande vers la fin du
xmc et le commencement du xive s.). — Loserth. L'introduction du
wycléfisme en Bohème (de très importants renseignements sur ces
points sont contenus dans le ms. 1294 de la bibliothèque de la cour de
Vienne; ce ms., écrit en Angleterre même par des étudiants tchèques,
fut apporté en Bohême en 1408 par Nicolas Faulfisch et Georges de
Knyehnicz; il y fut relié et devint la possession de Simon de Tisnov).
— Naaff. L'année dans les chants et dans les usages populaires de la
Bohême allemande (elle commence à Noël, non au Ier janvier. Descrip-
tion des l'êtes de Noël). — Koept. Chartes de Budweiss mal datées (rétablit
les dates de 16 chartes relatives à la fondation de cette ville qui ont été
datées de 90 à 100 ans trop tôt). — Von Jaksch. Gaspar Brusch en
Carinthie (publie un acte sur parchemin écrit de la main même de cet
humaniste, 16 octobre 1554). — Loserth. Mélanges (1° sur la mort de
Ladislas le Posthume; publie le texte latin d'un récit intéressant, mais
peu digne de foi, qui se trouve dans un ms. de l'Université de Cracovie
en 1458, sur la mort de ce jeune roi ; on l'attribue aux hérétiques nus-
sites; 2* Extraits d'une lettre de Johannes Crux de Telcz à Johannes
Nosydlo, bourgeois de Leimeritz, son bienfaiteur, relative aux rapports
de la cour romaine avec le hussitisme en 146-2; 3° le ms. 1387 de l'Uni-
versité de Leipzig, fol. 277, contient des vers latins sur la décadence de
l'Université de Prague après le départ des Allemands). — Schlesincer.
Institutions villageoises de la Bohême allemande (recueil d'anciennes
coutumes locales et de chartes relatives à la condition des paysans dans
ce pays; pièces concernant les paysans avant et après la guerre de
Trente ans, ainsi que l'extension des colons allemands sous la protection
des couvents et de l'ordre teutonique). — Von Gœrner. Un ms. de
Rev. Histor. XXVII. 1" fasc. 13
|!)î RECUEILS PÉRIODIQUES.
Mathaeus Meisner (le ms. de la bibliothèque du couvent de Stratom à
Prague, qui est de l'an 1575, contient : 1° des formules de consécrations
et de prières; 2° des prophéties relatives à l'histoire de Bohême, et
3° uue chronique de la ville de Leimeritz). — Loserth. Mélanges (la
déposition de Venceslav ; l'intéressant récit qui se trouve dans le texte
latin jette une grande lumière sur les rapports du pape Boniface IX
avec Venceslav et l'adversaire de ce dernier, Robert, comte Palatin).
— Id. Sur l'histoire de l'établissement des Allemands dans le nord
de la Moravie et en Silésie (publie deux actes de 1301 et 1412 qui se
trouvent depuis cette époque en la possession héréditaire de la famille
de paysans de Kunzendorf, et qui lui confèrent certains privilèges).
= Comptes-rendus : Volkmer et Hohaas. Geschichtsquellen der Graf-
schaft Glatz. Bd. I (méritoire). — Weidl. Geschichte der Stadt Plan
(sans valeur). — Bilek. Geschichte der Gonhscationen in Bœhmen nach
dem Jahre 1618 (excellente contribution à l'histoire de Wallenstein et
de son apologie). — Stieve. Briefe und Akten zur Geschichte des
30 jaehr. Krieges in den Zeiten des vorwaltenden Einflusses der Wit-
tclsbacher. Bd. V (excellent). — Hœfler. Kritische Untersuchungen
ùber die Quellen der Geschichte Philipps des Schœnen, Erzherzogs
von CEsterreich, Herzogs von Burgund, Kônigs von Gastilien (ouvrage
solide et d'une portée universelle). — Hœfler. Antoine de Lalaing, sei-
gneur de Montigny, Vincenzo Quirino und don Diego de Guevara als
Berichterstatter ùber Kônig Philipp, 1505-1506 (intéressant). — Frant.
Graf Kaspar Zdenek Kaplir, Vorsitzender der Interims-Regierung zu
Wien zur Zeit der Turkenbelagerung, 1683 (biographie détaillée de
Kaplir). — Gradl. Bie Minderung des Egerlandes (bon). — Loserth.
Huss und Wiclif, zur Geschichte der hussitischen Lehre (ouvrage
excellent; très utile contribution à l'histoire de la Réforme hussite). —
Bachmann. Deutsche Reichsgeschichte im Zeitalter Friedrich III und
Max I, mit besonderer Berucksichtigung der œsterreichischen Staaten-
geschichte. Bd. I (clair, bien composé, index excellent; comble une
lacune dans l'histoire de l'Empire). — Hallwich. Heinrich Matthias
Thurn als Zeuge im Process Wallenstein (excellente contribution à
l'histoire de Wallenstein). — Kraus. Das Nùrnberger Reichsregiment ;
Grùndung und Yerfall, 1500-02 (étude intéressante sur l'histoire du
xvi" s.). — Pribram. CEsterreich und Brandenburg, 1685-86 (bon). —
Pœschel. Eine Erzgebirgische Gelehrtenfamilie (curieux pour l'histoire
des moeurs auxvncs.). — Schul:. Kunst und Kunstgeschichte. Abth. I
(bon et bien écrit). — Schuiz. Untersuchungen zur Geschichte der
schlesischen Maler, 1500-1800 (bon). — Emler. Libri confirmationum
ad bénéficia ecclesiastica Pragensem per archidiocesim. Liber VI, 1399-
1410 (très méritoire). — Buddensieg. Johann Wiclif s lateinische Streit-
schriften aus den Handschriften zum erstenmale hgg. (excellent). —
Ludikar. Die Malteser Ritter mit besonderer Rùcksicht auf Bœhmen
(érudition insuffisante). — Bcrnhardi. Jahrbucher der deutschen Ges-
chicbte : Konrad III (possède admirablement son sujet). — Hassel et
RECUEILS PÉRIODIQUES. M5
Graf Vitstkum. Zur Gcschichte des Tùrkenkrieges, 1G83 (bon; traite
surtout de la part prise au siège par les troupes de la Saxe électorale).
— Plachy. Denkwùrdigkeiten Pilsens hgg. von Strnad (bonne mono-
graphie). = Revue des dissertations historiques publiées dans les pro-
grammes des gymnases allemands de Bohème en 1883. = Jahrg. XXIII,
Heft 1, 1884. — Loserth. Contributions à l'histoire ancienne de la
Bohème (origine du duché de Bohême; la souveraineté partagée entre
plusieurs ducs se concentre à la lin du ixc s. dans la main des Premys-
lides). — Walfried. Le district de Kaaden en Bohême (histoire pri-
mitive ; époque slave ; immigration des Allemands sous les Premyslides
depuis le xme s., favorisée par la maison de Luxembourg; la guerre
des Ilussites et les troubles qui la suivirent). — X. Sur l'histoire de la
Contre-réforme à Eger (elle a été introduite, comme en Bohème, par
Ferdinand II, à partir de 1628. Publie des ordonnances impériales sur
la religion). — Scheinpfluo. Le monastère cistercien d'Osegg à l'époque
de Joseph II létudie les causes pour lesquelles ce monastère fut épargné
lors de la suppression des couvents ordonnée par l'empereur). — Urban.
L'industrie minière à Michaelsberg en Bohême (des rapports originaux
conservés aux Archives municipales de Michaelsberg montrent l'état
florissant de cette industrie aux siècles derniers). — Schmidt-Reder. Le
monastère bénédictin « Porta apostolorum. » = Comptes-rendus :
Posse. Die Markgrafen von Meissen und das Haus Wettin bis zu Kon-
rad dem Grossen (très intéressant pour l'histoire de la Bohême). —
Tomaschek. Die Gothen in Taurien (sérieuse étude ethnologique). —
Bendel. DieDeutschen in Bœhmen, Mœhren und Sachsen (suffisant). —
Herald. Malerische W'anderungen durch Prag. Bd. II (intéressants
tableaux de l'histoire des mœurs). — Dallagi. Die kroatischen Arkebu-
siere von Wallenstein, 1623-26 (bon). — Bresslau. Jahrbùcher des
deutschen Reichs unter Konrad II (bonne étude critique). — Dove.
Deutsche Geschichte (bon). — Bœhmer. Regesta imperii et Regesta
archiepiscoporum Moguntinensium (travail de première importance). —
Kerler. Deutsche Reichstagsakten. Bd. VIII, 1421-26 (très importanti.
• — Von Schubert. Die Unterwerfung der Alemannen unter die Fran-
ken (bon).
81. — Zeitschrift fur die Œsterreichischen Gymnasien.
Jahrg. XXXIX'. Vienne, 1883. — Heinricii. Qu'est-ce que Korupedion?
Où était-il situé"? (la bataille où tomba Lysimaque eut lieu au champ
de Cyrus, KupouneSfov, plaine ainsi appelée à cause de la victoire rem-
portée par Cyrus sur Crésus; elle se trouve à l'est de Sardes, sur la
frontière du côté de la Phrygie). — Rettig. Sur la République des
Athéniens (déclare vides et erronées les idées de L. Lange sur ce sujet).
82. — Zeitschrift des Ferdinandeums f. Tirol und Vorarlberg.
Bd. XXVI. Innsbruck, 1882. — Waldnbr. D» Jakob Strauss à Hall et
son sermon du jeudi saint 1522 (biographie de ce prédicateur qui joue
un rôle très important dans le mouvement réformateur en Tyrol ; his-
190 RECUEILS PÉRIODIQUES.
toire de ce mouvement). — Seeroeck. La triple chronique de Hall dans
la vallée de l'Inn (publie un ancien ms. qui entre autres contient la
chronique qu'on croyait perdue, d'un certain Schrotzer, de 1572 à 1596;
elle n'a de valeur qu'au point de vue de l'histoire des mœurs). —
Noggler. La vie au xive s. (raconte une guerre de succession entre
deux familles tyroliennes; détails qui montrent l'absence de toute
sécurité dans le pays, môme sous un seigneur puissant). — Zingerle.
Actes d'un procès de sorcellerie jugé à Brixen en 1644. — Wieser.
Découvertes archéologiques faites à Martinsbùhel et à Vœls (là on a
fouillé des tombeaux germains; à Vœls, on a trouvé un dépôt d'urnes
funéraires très considérable, et qui appartient à l'époque préhistorique).
= Bd. XXVII. — Noggler. Un voyage inconnu d'Oswald de Wolkens-
tein (appelle l'attention sur ce chevalier et minnessenger, surtout en ce
qui concerne le séjour de l'empereur Sigismond à Perpignan et les
événements contemporains de la France; raconte les luttes du poète et
des nobles tyroliens contre le duc Friedrich, qui finit par succomber).
— Id. Le pamphlet des seigneurs de Starkenberg contre le duc Fried-
rich d'Autriche (publie cette pièce composée en 1425 par deux nobles
tyroliens). — Von Kolb. Descriptions de monnaies tyroliennes de l'an
1809. — Steger. Une pièce du butin fait lors du soulèvement de 1809
(publie le livre d'ordre d'un régiment d'infanterie thuringienne du duc
de Saxe qui tomba aux mains des révoltés au combat d'Oberau. Seul
de l'armée de Lefebvre, ce régiment observait une exacte discipline.
Gomment fut employée cette troupe jusqu'à la catastrophe d'Oberau).
83. — Steiermaerkische Geschichtsblsetter. Jahrg. V. Heft 2.
Chronique allemande du monastère de Gœs au xvtie siècle ; suite.
— Binder. Situation extérieure de l'Autriche de 1809-1818 (suite du
a Précis » annoncé au tome précédent, p. 210; il est tout en français).
— Trois lettres du chevalier Hormayr au comte F. von Saurau, 1819,
1820 et 1829. = Bibliographie : Giesecke. Die Hirschauer wsehrend des
Investiturstreites (montre très bien le rôle capital joué par les moines
de Hirschau, de l'ordre de Gluny, dans la lutte des Investitures). —
Reichel. Abriss der Steirischen Landesgeschichte (bon manuel).
84. — The Academy. 1884, 11 oct. — Browning. The political
memoranda of Francis, lifth duke of Leeds (notes d'un homme médiocre
par lui-même, mais que sa naissance fit arriver aux plus grands hon-
neurs. Détails intéressants sur les hommes d'État anglais dans les
vingt dernières années du xviue s.). — Mackensie. History of the rela-
tions of the Government with the Hill tribes on theNorth-East frontier
of Bengal (bon). — M. dePeralta. Gosta-Rica, Nicaragua y Panama en
el siglo xvi (précieuse collection de documents). = 18 octobre. Earl
of Malmesbury, Memoirs of au Ex-minister : an autobiography (lecture
agréable; des anecdotes curieuses sur des personnages marquants et
RECUEILS PÉRIODIQUES. 197
des souverains du xixc s.; mais rion de bien important). — Bancroft.
The history of the Pacific states of North America (colossale compila-
tion, mais peu do sens littéraire ou critique). = 25 oct. Thijm. De ges-
tichten van liefdadigheid in Delgië van Karel den groote tôt aan de
xvie eeuw (bonne histoire des institutions charitables en Belgique depuis
la mort de Charlemagne). = 1er nov. Fricdmann. Anne Boleyn, 1527-36
(important). = 8 nov. Mac-Carthy. A history of the 4 Georges. Vol. I
(récit plein de vivacité). — Max Millier. Biographical Essays (détails
instructifs pour l'histoire orientale). = 22 nov. Parkman. Montcalm
and "Wolfe (excellent ; un des meilleurs parmi les volumes consacrés par
M. Parkman à l'histoire du Canada français). = 6 déc. //. Wylie. History
of England under Henry IV. Vol. I (très consciencieux).
85. — The Athenaeum. 1884, 18 oct. — Navillc. Native religions
of Mexico and Peru (collection de faits très curieux). = 25 oct. Jennings.
The correspondence and diaries of the late R. H. John Wilson Croker,
secretary to the admiralty, 1809-30 (utile collection de documents qui
permettent d'atténuer le jugement très sévère porté sur J. Croker, par
Macaulay, Disraeli et autres). — Fronde. Thomas Carlyle ; a history of
lus life in London, 1834-81 (publication très hâtive et qui est loin d'être
favorable à la mémoire de Carlyle ; intéressante néanmoins). = 1er nov.
Moule. Descriptive catalogue of the charters and others documents of
the borough of Weymouth, 1252-1880 (bon). — Carter. The Midland
antiquary (bon). = 15 nov. Napier. Passages in the early military life
of General sir G. Napier (bonne monographie; utile surtout pour l'his-
toire de la guerre d'Espagne où le général Napier servit avec distinction
sous Wellington). = 29 nov. Malleson. A sketch of the military life of
G.-E. Freiherr von Loudon (très bonne biographie de ce général autri-
chien, d'origine écossaise, qui tint plus d'une fois en échec la fortune
de Frédéric II dans la guerre de Sept- Ans). = 6 déc. Verres. Luther;
an historical portrait (livre écrit avec un parti pris excessif par un prêtre
catholique allemand réfugié en Angleterre).
86. — The Nineteenth Century. Déc. 1884. — Aug. Jessopp. La
Peste noire dans l'est de l'Angleterre (article écrit dans une forme très
déclamatoire; contient cependant quelques indications utiles sur les
rôles des cours de manoirs en Angleterre et sur les renseignements
précieux qu'ils pourraient fournir à l'historien du fléau, qui sévit parti-
culièrement dans l'est du pays en 1348 et 1349).
87. — The Nation. 1884. 18 sept. — Hurst. Short history of the
Reformation (très insuffisant). = 25 sept. Fry. Mac Dowell and Tyler
in the campaign of Bull Run, 1861 (ce récit, tracé d'après les documents
originaux par le propre major -général de l'armée commandée par
Tyler, corrige sur bien des points le récit tracé par ce dernier, mais
tracé de mémoire, et trop souvent erroné). — Watcott. Concord in the
|!)8 RECUEILS PERIODIQUES.
colonial period, 1635-89 (bon). = 2 oct. Fry. Opérations of the army
under Buell, 10 june-30 oct. 1862 (très bon récit, qui fait bien com-
prendre le rôle si discuté du général Buell dans cette campagne). =
30 oct. Gay. J. Madison (bonne biographie). = 6 nov. Nourse. The early
records of Lancaster, Mass. 1643-1725 (ouvrage très consciencieux).
88. — Archivio storico italiano. T. XIV, disp. 5 de 1884. —
Gorrini. Lettres inédites des ambassadeurs florentins à la cour des
papes d'Avignon en 1340 (publie 6 lettres intéressantes pour les débuts
de la guerre de Cent ans). — Cantù. La république, le royaume
d'Italie et la Toscane; suite : 1806-1812. — Rondoni. Règlements et
histoire de l'ancienne université de Florence ; suite et fin. — Guasti.
Filippo Neri (analyse l'ouvrage en 3 vol. de Capecelatro sur ce fonda-
teur de l'Oratoire à Naples au xvie s.). —Bibliographie. R. de La Blan-
chère. Terracine ; essai d'histoire locale (analyse très élogieuse). — Mar-
cellino da Civezza. Storia universale délie missioni francescane. Vol. VII
(ce vol. se rapporte au xvie s. et aux persécutions que les Franciscains
eurent à subir de la part des Réformés). — Cinci. Dali' archivio di
Volterra ; memorie e documenti (contient beaucoup de bonnes choses
sur l'histoire de Volterra). — Zorzi. Relazione del regno di Francia,
1627-29 (relation très intéressante de l'ambassadeur vénitien). — Ber-
tocchi. Ragguagli storici di Montignoso di Lunigiana, 1701-1784. —
Selmi. Lettere inédite di Muratori (cette publication aurait pu être plus
complète et dû être plus correcte). = Les papiers Strozzi; suite (préface
au t. I de cet inventaire, signée G. Guasti). =Disp. 6. Vito La Mantia.
Notes et documents sur les coutumes des cités de Sicile ; suite (cou-
tumes de Sciacca, texte latin publié en entier). — Banchi. Mesures
prises par la république de Sienne contre la peste, en 1411 et 1463. —
Reumont. Le couronnement de Charles-Quint à Aix-la-Chapelle décrit
par Baldassar Castiglione. — Venturi. Un artiste distingué de Modène
au xve s. Guido Mazzoni. = Bibliographie : Gorrini. Il comune asti-
giano e la sua storiografia (contient beaucoup d'inexactitudes ; écrit
d'ailleurs avec verve). — Balzani. Il regesto di Farfa. Vol. II-III (recueil
très important de documents). — Vitelli et C Paoli. Collezione fioren-
tina di facsimili paleografici greci e latini (cette nouvelle publication est
« le triomphe de la science et de l'art italien »). — Venturi. La R.
Galleria Estense in Modena (fort beau volume, sur lequel la Rev. hist.
a déjà appelé l'attention des lecteurs). — Article nécrologique sur Atto
Vannucci (suivi de l'indication complète des mémoires qu'il a publiés
dans VArch. stur. ilal.).
89. — Archivio storico lombardo. Anno XI, fasc. 3. 30 sept. 1884.
— Mongeri. Le château de Milan (sa construction et son histoire; ce
château, dont on demande aujourd'hui la démolition, au moins partielle,
doit être conservé comme monument historique). — Tamassia. Quelques
RECUEILS PÉIUOIMQUES. 4 00
observations relatives au « Gomes Gothorum » dans ses rapports avec
la constitution romaine et avec l'établissement des barbares en Italie ;
suite et fin (affirme le caractère essentiellement germanique de cette
magistrature). — Intra. L'antique cathédrale de Mantoue et les tombes
des premiers Gonzague. — Ghinzoni. L' « Inquinto, » taxe odieuse du
xve s. (documents relatifs à cet impôt additionnel en 1474; c'était un
impôt du 5e ou de 20 0/0, dit aussi « inquintamento del datio delà carne,
del pane bianco e délia bullatura del vino, » ou « dazio dei cinque
mesi. » Galéas-Marie Sforza songea un moment en 1474 à le supprimer
ou à le transformer; mais il existait encore au xvi° s.). — B. T. Une
question pour une carte géographique (publie diverses protestations
contre une carte publiée. en 177* par Francesco Manfroni, et où leprin-
cipat de Trente était indiqué comme incorporé au comté du Tirol). =
Bibliographie : Balzani. Le cronache italiane nel medio evo (très bon).
— Gorrini. Il comune Astigiano (composé avec beaucoup de. critique).
— Sforza. La patria, la famiglia e la giovenizza di Niccolo V (la famille
de ce pape est connue à Sarzana depuis le xive s.; bonne biographie de
Nicolas V avant son pontificat). — Cusani. Storia di Milano, t. VIII
(œuvre mal proportionnée, mais méritoire).
90. — Archivio veneto. Nouv. série, anno XIV; fasc. 54. — Pi.nton.
Sur l'origine du siège épiscopal de Caorle, dans l'estuaire vénitien (les
évêques de Concordia furent plusieurs fois contraints de transporter le
siège épiscopal dans la petite île de Gaorle; mais celle-ci n'eut d'évêque
séparé qu'au temps du patriarche Gandidianus, ou mieux des papes
Deusdedit et Honorius Ier; c'étaient des évêques schismatiques). —
Morsolin. Un épisode de la vie de Charles-Quint (publie deux relations
contemporaines du séjour fait par l'empereur sur le territoire de Vicence
en 1532).— Cecchetti. La vie à Venise vers l'an 1300; la cité, la lagune;
suite. — Cipolla. Recherches sur les traditions relatives aux émigra-
tions anciennes dans la lagune, 1er art. (étude très érudite. Ce premier
art. étudie les traditions sur les origines de Torcello). — Giomo. Les
rubriques des Libri misti du Sénat aujourd'hui perdus; suite et fin. —
Gicriato. Souvenirs relatifs à Venise dans les monuments de Rome ;
suite. — Cipolla et Squlmero. Inscriptions du moyen âge à Bonaldo.
= Bibliographie : Lampertico. Scritti storici e letterari ; vol. II (recueil
d'intéressants articles, relatifs pour la plupart à Vicence. — Manfrin.
I veneti salvatori di Roma (beaucoup d'inexpérience et de légèreté dans
les jugements ; livre en somme agréable). — Mantovani. Lagune (le cri-
tique apporte de nouvelles et de singulières preuves de la façon dont a
été fabriqué cet impudent plagiat). = Bulletin de bibliographie véni-
tienne; suite. = Documents relatifs à l'histoire de la bibliothèque
capitulaire de Vérone. = Fasc. 55. Cecchetti. La vie des Vénitiens en
1300 : la cité, la lagune; suite. — Caffi. Gugliemo le Bergamasque,
ou Vielmo Vielmi di Alzano (architecte et sculpteur du xvie s.). —
Ronzon. Les « vicarii » de Cadore (étude sur la compétence de ces
magistrats, avec la liste des vicaires : 1° jusqu'en 1420; 2° de 1420 à
200 RECUEILS PERIODIQUES.
1497; cette dernière seule est complète). — Degani. Le château de
Cusano; notes et documents, xiv* s. — Cipolla. Recherches sur les tra-
ditions relatives aux émigrations antiques dans la lagune; suite. —
Sdeicauer. Le jeu à Venise à la fin du xvne s. — G. di Sardagna. Docu-
ments sur le fief délia Muta à Riva di Trento. — R. Fulin. Rulletin de
bibliographie vénitienne; suite (il y a heaucoup à prendre dans ces
bulletins donnés maintenant d'une façon régulière dans chaque numéro).
— Giuliari. Documents relatifs à l'histoire de la bibliothèque capitu-
laire de Vérone. — Perosa. Sur les mss. de la bibliothèque Querini-
Stampalia, récemment mis en ordre et catalogués (cette importante
bibliothèque est à Venise).
91. — Archivio storico siciliano. Nouv. série, anno IX, fasc. 1-2.
— Coglitore. Études historiques et archéologiques : Mozia, fin (cette
bonne monographie locale a été publiée à part). — Salinas. Observa-
tions sur deux diplômes grecs relatifs à la topographie de Palerme
(décrit deux actes sur parchemin de 1186 et de 1259; le texte vient
d'en être publié dans les Diplomi greci ed arabi di Sicilia de Cusa).
— Amari. Extraits du Tarih Mansuri (chronique composée par Abou al
Fadayl Muhammad Ibn Ali da Hamah, qui la termina en l'an 631 de
l'hégire, soit en 1234, à Emèse, où il était depuis peu au service d'un
Mansour, fils et héritier présomptif de Malik Mugahid, seigneur du
pays. Donne la traduction des passages relatifs au séjour des Sarrasins
en Sicile, et surtout à leur soulèvement contre Frédéric II). — Star-
rabba. Documents relatifs à un épisode des guerres entre les factions
latine et catalane au temps du roi Louis d'Aragon, 1349 (ces documents
se rapportent surtout au siège des châteaux de Vicari et de Cefalà). —
Vasi. Observations critiques sur la Monografia critica des colonies lom-
bardes en Sicile, par L. Vigo (discute les idées de l'auteur sur le lieu
où des colonies s'établirent, le dialecte qu'elles parlaient et le degré de
civilisation où elles étaient arrivées). — Lionti. L'usure chez les Juifs
(des lois qui défendaient l'usure et des moyens par lesquels les Juifs y
échappaient en Sicile au xve s. ; analyse un acte de 1664 où sont énu-
mérées les magistratures, tant civiles qu'ecclésiastiques, des Juifs).
92. — Archivio storico per le provincie napoletane. Anno IX,
fasc. 3. — Barone. Les cédules de trésorerie des archives d'État à
Naples, de 1460 à 1504 ; suite. — Fiorentino. Egidio de Viterbe et les
Pontaniani de Naples (biographie de ce moine augustin, plus tard
général de son ordre et cardinal, contemporain et correspondant de
Gioviano Pontano, d'A. Politien, de Sannazar). — Giampietro. Un
registre aragonais de la bibliothèque nationale de Paris ; suite. — Nun-
ziante. Quelques lettres inédites du cardinal Mazarin, du 24 janvier au
24 avril 1648 (40 lettres, en italien, relatives à la révolution napolitaine;
elles sont tirées d'un ms. de la bibliothèque royale de Dresde). —
Capasso. Le Pactum juré par le duc Serge aux Napolitains; suite. —
Colombo. Le palais et le jardin de la duchesse, à Naples, de 1487 à
RECUEILS PÉRIODIQUES. 201
1760. = Bibliographie : Landau. Rom, Wien, Neapel wnohrend des
spanischen Erbfolgekrieges (bien étudié ; bonne étude sur l'histoire de
la lutte entre la papauté et l'empire au début du xvm" s.). — Orlando.
Storia di Nocerade' Pagani. Vol. I (ce premier volume ne contient que
la partie ancienne, jusqu'en 1130; elle fourmille d'erreurs). — Scara-
belli. Riccio da Parma, uno dei 13 campioni di Barletta (bon). —
Arcella. Anarchia popolare diNapoli dal 1 die. 1798 al 23 gennaio 1799,
ms. ined. di P. Drusco, ed i Monitori repubblicani del 1799.
93. — Archivio storico per Trieste, Tlstria e il Trentino.
Vol. III, fasc. 1-2 (Rome, 1884). — Carducci. L'hymne de Manzoni,
a la Risurrezione » et saint Paulin d'Aquilée (cette hymne fut composée
en 1812 sur le modèle d'une hymne en latin du vuie s., par saint
Paulini. — Predelli. Chartes anciennes de L'abbaye de san Lorenzo à
Trente (publie 9 de ces pièces allant de 1146 à 1353). — Joppi. Inven-
taire du trésor de l'église patriarcale d'Aquilée, fait entre 1358 et 1378,
avec des documents inédits (indique un grand nombre de livres, tous
de théologie ou de liturgie). — F. M. La commune de Rovereto et les
prétentions d'Innsbruck en 1564. — Orsi. Variétés sur le Trentin (un
jugement de Dieu à Rendena en 1155 ; un nouveau document sur Bel-
lenzani; les écrits du Père Tovazzi; artistes qui ont été employés dans
le Trentin). — Sdster. Les étudiants du Trentin à l'université de
Bologne, aux xvieetxvne siècles. — Biadego. Six lettres inédites de C.
Rosmini, 1792-1822 (détails sur des travaux littéraires). — Beiîtolotti.
Lettres inédites du ciseleur A. Caprioli 1595-96. — Morpurgo. Marchands
florentins à Capodistria au xme s. — Papaleoni. Girolamo Tartarotli et
Scipione Maffei, 1743. = Bibliographie : Fr. de Pizzini. I primi tempi
de Ala (cette première partie d'un ouvrage posthume fait désirer qu'on
publie le reste). — Benussi. L'Istria sino ad Augusto (prouve que les
Istriotes ne sont pas d'origine colchique ni illyrienne, mais bien véni-
tienne ; croit que les Venètes à leur tour sont d'origine thrace, ce qui
est fort douteux. Cet ouvrage détruit bien des opinions erronées, mais
est loin d'être définitif).
94. — Archeografo triestino. Nouv. série, vol. XI, fasc. 1-2.
Sept. 1884. — Benussi. L'Istrie jusqu'à Auguste; index analytique. —
Marsich. Regeste des pièces en parchemin conservées dans les Archives
du révérendissime chapitre de la cathédrale de Trieste, 1511-86; suite.
— C. de Franceschi. Étude critique sur l'acte de la prétendue rectifi-
cation de frontières, passé le 6 mai 1325, 8e indiction, entre le patriarche
d'Aquilée, Raimondo délia Torre, le comte Albert de Goritz et d'Istrie
et les Vénitiens (cet acte, composé en langue slave, a été rédigé seule-
ment au xvie s., après la réforme, et par des prêtres convertis au Luthé-
ranisme ; on s'efforçait alors de restaurer la nationalité slave dans les
provinces turco-slaves, et l'on fit croire que les résultats de la préten-
due rectification de frontières avaient été communiqués au peuple, non
en latin, mais en slave. — Suit la traduction de cet acte par le chanoine
202 RECUEILS PERIODIQUES.
Giov. Senebal di Pinguente, faite en 1548). — Pervanoglu. De l'origine
du nom d'Italie (l'origine de ce mot est béotienne ou phénicienne ; ce
sont les Béotiens qui donnèrent à la péninsule ce nom synonyme du
leur, car italus est le synonyme de bos). — Vesnaver. Notices histo-
riques sur le château de Portolo en Istrie; fin (publie le statut munici-
pal de Portolo traduit en langue vulgaire italienne, avec une carte
topographique de la commune). — Morteani. Notes historiques sur la
oitr> de Pirano. — Frauer. Sur les aborigènes de l'Istrie, les Istriotes
et leurs voisins.
95. — R. Deputazione di storia patria per le provincie di
Romagna. Atti e memorie. 3e série, vol. II, fasc. 2-3. Mars-juin 1884.
— Brizio. Un village préhistorique à demeures souterraines, trouvé
dans la campagne d'Imola. — F. von Duhn. Observations critiques sur
le récent ouvrage de H. Nissen : Italische Landeskunde, 1. 1. — Baldtjzzi.
Bagnacavallo et les seigneurs de Polenta, 4394-1438. — Lupchin von
Ehengreuth. Nouveaux documents concernant la Nation allemande à
l'université de Bologne. — Malagola. Les livres de la Nation allemande
à l'université de Bologne; notes historiques et bibliographiques.
96. — LaRassegna nazionale. Anno VI, 1884. 1er févr. Extraits de
la correspondance littéraire et politique du marquis L. Dragonetti, séna-
teur du royaume; 4e série, suite le 1er août (ce sont des lettres du comte
Antonio Papadopoli, de 1829 à 1831). — Nunziante. Un voyage en Europe
au xvie s. ; suite le 1er août (analyse un ms. de la bibliothèque royale
de Dresde qui contient le récit d'un voyage du cardinal Alessandrino,
légat apostolique, auprès des rois de France, d'Espagne et de Portugal;
notes prises par Gio-B. Venturino, de Fabriano, 1571. Ces deux pre-
miers articles ne parlent que de l'Espagne et du Portugal). — Cl. Lupi.
De Pépithète « laconicum » appliquée au sudatorium antique (l'usage
des étuves, ou « calor siccus, » est venu de Sibaris, qui le tenait de
Sparte; de là le mot). — Lettres inédites d'Ercole Bicotti e Leonardo
Fea (ce dernier, écrivain, artistique, puis bibliothécaire de la Chambre
des députés, mort il y a dix ans. Les lettres vont de 1839 à 1870). =
1er mars, Vassallo. Sur la vie et les écrits de C. Witte; fin le 16 avril
(art. nécrologique sur le savant professeur de Halle, et des écrits relatifs
surtout à Dante). — A. Gotti. Des titres et de la noblesse au xixe s. —
Martelli. Les Bonshommes de saint Martin (fondation de cette confré-
rie de charité par Ant. Pierozzi à Florence au xve s. ; son histoire
jusqu'à nos jours). — Conti. La vie de saint Philippe Neri. — Castagna.
La république de Senarica (aujourd'hui petit village de la prov. Tera-
mana, autrefois minuscule république, dont l'histoire remonte aux rois
lombards; elle perdit toute indépendance depuis le xvne s.). = 1er mai.
Gotti. Cavour. — Fea. La jeunesse et les premières années d'Alexandre
Farnèse (avec des documents inédits); suite le 1er juil. et le 1er oct. =
1er sept. Silingardi. La 10e édition de l'histoire universelle deC. Cantù.
= 16 sept. V. de Vit. Quels Bretons ont donné leur nom à l'Armo-
RECUEILS PÉRIODIQUES. 20:5
rique? (entreprend de démontrer que la Bretagne française a reçu son
nom des Bretons du Continent et non des Bretons insulaires chassés
par les Anglo-Saxons. Critique les opinions de Mommsen, de Gaidoz et
de Loth).
97 — Indicateur d'histoire suisse. XIVe année, 1883. — W. Gisi.
Sur un passage de Frédégaire. — F. Fiala. Nomina canonicorum Basi-
liensium (Saec. ix). — Th. von Liebenac. Délibérations du concile de
Bàle pendant le mois d'août 1432. — Idem. Dépêches suisses sur la
bataille de Cérisoles, 1544. — Idem. Sur l'histoire de l'abbaye de Mas-
sino (bords du lac Majeur). — G. Meyer von K.nonau. Le pape Gré-
goire IX et l'abbaye de Saint-Gall, 1240. — Idem. Notes sur l'histoire
de l'abbaye de Saint-Gall, 1239-124 i. — Th. von Liebenau. Trois charte
du roi Rodolphe, 1277-1286. — Idem. Projet d'une ligue des villes
(Strasbourg, Baie, Frihourg, Zurich, Berne et Lucerne), en 1366. —
A. Daguet. Papiers inédits du xvr' siècle (suite).— W. Gisr. Notes sur
les catalogues des évoques de Sion el de Genève. — Th. von Liebenai .
Le Plattil'er et le Doisel (détermination de deux montagnes nommées
dans le pacte de Zurich, du 1er mai 1351). — E. Bloesoh. Supplément
au Recueil officiel des anciens Recès fédéraux. — Th. von Liebenau.
Christophe Haller de Hallerstein (diplomate allemand mort à Lucerne
en 1581). — F. Thomae. Manuscrits de la bibliothèque de l'université de
Heidelberg relatifs à la Suisse. — Th. de Liebenau. Annales de l'abbaye
de Murbach. — W. Gisi. Le passage des Alpes par Charlemagne en
776, 780 et 801. — Baeschlin. Les Armagnacs devant Schaffhouse. —
Th. von Liebenau. La filiation du couvent de Saint-Urbain. — Idem.
Lettre du roi Henri VIII aux Confédérés, 1517. — J.-G. Ma yer. Statuts
synodaux de l'évêque de Coire, Henri de Hœven, 1491-1503. — F. Fiala.
Notices nécrologiques.
98. — Quellen zur Schweizergeschichte. Bd. VI, 1884. — Con-
radi Turst de situ Confœdcratorum descriptio, 1495-1497. publié par G. de
Wyss et H. Wartmann. — Baldi descriptio Helvetiae, 1500-1504, p. p.
A. Bernoulu. — Fratris Felicis Fabri descriptio Sueviae, 1488-1499, p.
p. H. Eschek (édition nouvelle d'une partie de l'ouvrage connu depuis
le xvue siècle sous le titre de Uistoria Suevorum). — Un journal de
voyage de Jean Stumpf, 1544, p. p. H. Escher (notes sur l'histoire
d'Engelberg, Brigue, Saint-Maurice, Lausanne, Soleure, etc.).
99. — Jahrbuch fur Schweizerische Geschichte. Bd. IX. INS'i.
— E. Bloesch. L'État et l'Église a Berne pendant la seconde moitié du
xve siècle (excellente introduction à l'histoire de la Réformation ber-
noise du xve siècle). — J.-J. Metzger. La situation et l'histoire du can-
ton de Schalliiouse pendant la guerre de Trente ans. — K. Henking.
Les papiers de Jean de Mùller (extraits de la correspondame inédite de
Jean de Mùller pendant les années 1797-1799). — F. Yetter. La Réfor-
mation de la ville et du couvent de Stein sur le Rhin.
204 RECUEILS rÉRlODIQUES.
100. — Historisk Tidskrift. Vol. IV, cahier 3. — E. Holm. La
milice nationale de Frédéric IV et son influence sur l'état des paysans
en Danemark (l'auteur prouve que les seigneurs n'avaient pas, comme
on l'a prétendu, le droit d'enrégimenter leurs paysans comme ils le
voulaient, que l'ordonnance du 8 février 1724 n'a pas introduit le
domicile forcé, le stavnsbaand ; c'est au successeur de Frédéric IV,
à Christian VI, qu'on doit ces mesures si malheureuses pour les pay-
sans). — Gjellerup. Le maréchal de camp Henrik Holck. = Compte-
rendu critique : Hjort-Loventzen et Thiset. La noblesse du Danemark,
•1884 (excellent). = Mollerup. Bibliographie historique, 1883.
101. — Oversigt over det K. Danske Videnskabernes Selskabs
Forhandlinger. 1884. Cahier 1. — J. L. Heiberg. Un faux touchant
Archimède (un manuscrit grec de l'ouvrage d'Archimède sur l'hydro-
statique, rapt oxo'jfjLÉvwv, n'a pas existé à l'époque de la Renaissance ;
Tartaglia doit avoir consulté une traduction en latin, et le fragment,
publié par Ang. Mai, n'est qu'une retraduction en grec). — Cahier 2.
Madvig. Remarques sur la différence qui existe entre les lois sur
l'affranchissement des serfs et sur la condition des affranchis chez les
Grecs et chez les Romains.
102. — Aarboeger for nordisk Oldkyndighed. 1884. Cahier 1. —
G. Stephens. Les études du professeur S. Bugge sur la mythologie
Scandinave (supplément). — S. Rugge. La pierre runique de Strand en
Ryfylke. = Cahier 2. F. Jônsson. Svarfdsela Saga. — Gislason. Du
mot Edda, employé comme titre d'un ouvrage.
103. — Blandinger udgivne af Universitets-Jubilaeets danske
Samfund. Cahier 3. — 0. Nielsen. Noms de lieux en Danemark.
— G. Stephens. Le « Danelag » de M. Joh. Steenstrup. — Rqerdam.
Noms de famille en Danemark.
CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE. 205
CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.
France. — Le 17 septembre dernier est mort M. François Ravaisson-
Mollien, l'éditeur des Arch ives de la Bastille, à l'âge de soixante-treize ans.
— Le 7 octobre est mort M. M.vrguerin, auteur de plusieurs livres de
vulgarisation sur l'histoire de France.
— Le 16 octobre est mort M. Paul Lacroix, plus connu sous le nom
de Bibliophile Jacob, à l'âge de soixante-dix-huit ans. Très fécond
écrivain, on lui doit des contes, des romans historiques en grand
nombre, même des livres d'histoire dans lesquels il ne faut pas avoir
une confiance exagérée, des ouvrages richement illustrés sur les arts,
les lettres, les mœurs, le costume en France aux diverses époques de
notre histoire. Ces derniers sont les plus connus de la génération
actuelle; ce sont peut-être aussi ceux qui font le plus d'honneur au
Bibliophile Jacob ; mais il ne faut s'en servir aussi qu'avec précaution.
M. P. Lacroix est resté toute sa vie un romantique, moins encore, un
auteur de romans. Son érudition était prodigieuse, mais sa critique
médiocre.
— A M. Ad. Régnier, décédé le 21 octobre à l'âge de quatre-vingts
ans, on doit surtout des travaux philologiques et littéraires. Mais nous
ne pouvons omettre la part considérable qu'il prit aux grandes éditions
publiées par la maison Hachette : Mme de Sévigné, Saint-Simon, etc.
Érudit consommé autant que modeste, c'était un homme d'une rare
noblesse de caractère.
— Nous pensons rendre service aux candidats à l'agrégation d'histoire
en leur donnant quelques indications bibliographiques relatives aux
auteurs et aux thèses qu'ils ont à préparer :
Textes grecs. I. Aristophane. Les Oiseaux, vers 809-1053. Se servir de
l'édition Kock : Ausgewaehlte Komoedien des Aristophanes, t. IV, 2e édit.,
Berlin, Weidmann. 1876. Ce quatrième volume contient les Oiseaux,
une introduction substantielle et des notes. Indications bibliographiques
dans l'introduction. = Nous signalerons pourtant en particulier :
Droysen , Des Aristophanes Vœgel und die Bermokopiden, Rkcinisches
Muséum, 1835, p. 161, et 1836, p. 27. Bursian , Ueber die Tendenz
der Vœgel des Aristophanes, dans les Sitzungsberichte der philosoph.
philol. hist. classe der Akademic d. Wiss. zu Miïnchen, 1875, t. U,
p. 375-393. — Sur la fondation des villes, Fustel de Goulanges, Cité
antique. La question est largement tracée dans l'ouvrage capital
d'Emile Kuhn : Ueber die Entstchung der Staedte der Alten, Komenverfas-
sung und Synoikismos. 1878. V. l'article critique de Martin : Revue
206 CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.
historique, tome XXIII, p. 161. — On ne négligera pas de consulter les
manuels d'antiquités grecques de Hermann (Lehrbuch der griechischen
Antiquitxten, cf. Rev. Iiist., XXVI, 415) et de Schœmann {Griechische
Alterthûmer, premier volume traduit par Galuski, Picard, 1883).
II. Dio Gassius, liv. LU, chap. 19-40. = Éditions. Texte de Dinford.
Collection Teubner. 5 vol. — A consulter : Édition Sturz, 9 vol., 1824-
1843. Leipzig. Weigel (donne une traduction latine avec le commen-
taire de Reimar et de Reiske complété). — Édition Gros, continuée par
Boissée. 10 vol. 1845-1870. Didot. Traduction française médiocre. =
Voir en particulier édit. Sturz, tome VII, p. 506-572. De vita et scriptis
Cassii Dionis. — Egger, Examen critique des historiens anciens de la vie
et du règne d'Auguste. Paris, 1844, chap. vin. — Nicolai, Griechische
Literaturgeschichte in neuer Bearbeilung , Bd. II, 2e partie. Magde-
bourg, 1877, p. 569-575. = Sur le discours de Mécène : R. Wil-
mans, De Dionis Cassii fontibus etauctoritate. Berlin, 1836. — Rothkegel,
Einige Betrachtungen ilber die Rede des Maecenas bei Dio Cassius, Gymn.
Progr. de Gd. Strehlitz. Breslau, 1873. — Anatole Feugère, C. Cilnius
Maecenas C. Octaviano Augusto ad adipiscendum gerendumque principa-
tum quantum profiter it. Thèse latine. 1874. Paris, Didier. — Le discours
de Mécène à Auguste n'a pas encore fait l'objet d'un travail en rapport
avec l'importance de la matière. Les candidats, pour en préparer le
commentaire, devront avoir constamment sous les yeux les meilleurs
manuels d'institutions romaines, par M. Madvig, l'État romain, traduit
par Morel (Vieweg) ; Mispoulet, les Institutions politiques des Romains
(Durand et Pedone Lauriel), et surtout Willems, Le droit public romain
(ibidem, 5e édition). Ils trouveront dans ce dernier ouvrage, et aussi
dans les deux volumes du Manuel de philologie classique de Reinach
(Hachette, 1883-1884), les indications bibliographiques nécessaires pour
pousser leurs recherches plus loin. Nous signalerons néanmoins les
travaux suivants :
1. Sur le gouvernement et l'administration de l'empire en général :
Handbuch der Rœmischen Alterthùmer von Joachim Marquardt und
Theodor Mommsen, Leipzig, Hirzel. Voir : Mommsen, Staatsrecht, II,
2e partie, et Marquardt, Staatsverwaltung, I, II, III. Otto Hirschfeld,
Untersitchungen auf dem Gebiete der Rœmischen Verwaltungsgeschichte.
Bd. I : Die Kaiserlichen Verxvaltungsbeamten. Berlin. Weidmann. 1877
(excellent. Voir surtout les deux derniers chapitres. Die procurato-
rische Carrière et Rùckblick). — 2. Sur l'ordre sénatorial et sur l'ordre
équestre au temps de l'empire : Belot : Histoire des chevaliers romains,
fin du deuxième volume (Durand et Pedone Lauriel, 1873). Otto Hirsch-
feld, 1. c. Bloch, De decretis functorum magistratuum ornamentis.
Thèse latine, 1883. — 3. Sur l'administration de l'Italie : Les transfor-
mations politiques de l'Italie sous les empereurs romains, par Camille
Jullian. Thorin, 1883. Le dernier travail de Mommsen sur l'armée
impériale, Die Conscriptionsordnung der Rœmischen Kaiserzcit (Hermès,
1884), vient d'être résumé par M. Jullian dans le Bulletin épigraphique
CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE. 207
de la Gaule. — 4. Sur la restauration religieuse d'Auguste : Boissier,
La religion romaine d'Auguste aux Antonins. Tome I, Hachette, 1874. —
5. Sur l'administration de la cour et la société eu général : Friedlaender,
Darstcllungen aus der Sittengeschichte Roms in der Zcit von August bis
zum Ausgang der Ântoniru . •> édition, Leipzig, Birzel, 1881, t. I (la tra-
duction française est faite sur les éditions antérieures, et est d'ailleurs
insuffisante). = Sur le règne d'Auguste, consulter, outre l'histoire de
Duruy, le nouveau commentaire du monument d'Ancyre par Momm-
sen, Res gestae divi Augusti; Berlin, Wiedmann, 1883; et le premier
volume de la nouvelle histoire de l'empire de Schiller, Geschichte der
Rœmischen Kaiser zeit. 1883. Gotha, Perthes. —Voir enfin les articles du
dictionnaire de Daremberg et Saglio (Hachette).
Textes latins : I. Tacite. De Moribus Germanorum. = éditions : Édi-
tion complète de Tacite de Nipperdey. Berlin, 1S71-74, 3parties. — Tra-
duction française dans l'édition Panckoucke, Paris, 1840, 7 volumes.
— Éditions spéciales de la Germanie : Massmann, Quedlinbourg, 1847
(avec tout l'appareil critique); — Holtzmann-Holder, Leipzig, 18
avec traduction ail. et commentaire. — Schweizer-Sidler, Halle, 1884.
Éditions scolaires de Haupt-Kritz, Holder, Mùllenhoff. — Consulter pour
le texte de la Germanie l'appendice III du t. I de la Deutsche Verfass-
ungsgeschichte de Waitz, 3e édition. = Travaux sur Tacite en général :
Dubois-Guchan, Tacite et son siècle. Paris, 1862, 2 vol. — Gerlach : Die
roemische Geschichtsschreiber. Stuttgart, 1855, et les histoires de la litté-
rature romaine de Baehr et de Teuffel (trad. franc, de Bonnard et Pier-
son). = Travaux spéciaux sur la Germanie de Tacite : Gefi'roy, Rome et
les barbares. Étude sur la Germanie de Tacite. Paris, Didier, 2e éd. 1874.
— Baumstark, Ausfùhrliche Erlœuterung der Germania des Tacitus.
2 parties. Leipzig, 1875 et 1880. — Curtze, Die Germania des Tacitus
ausfùhrlich erklaert. Gh. i-x. Leipzig, 18G8. — Brunot, in fragment des
Histoires de Tacite. Paris, 1883. = Travaux sur l'histoire et les institu-
tions de la Germanie primitive. Waitz. Deutsche VerfassungsgescM
t. I, 3e éd. — Baumstark, Urdeutsche Staatsalterthumer. Berlin, 1873.
IL Lettres de Pline le Jeune. = Édition Keil, Teubner, 1876, avec
l'Index nominum de Mommsen. Cet index donne les renseignements les
plus précis sur les personnages nommés dans les lettres de Pline. =
Sur la carrière de Pline, sur sa correspondance et ses amis, il y a le
travail capital de Mommsen, traduit par Morel dans le quinzième fasci-
cule de la Bibliothèque de l'École des hautes études : « Étude sur la vie
de Pline le Jeune. » Voir aussi l'article Pline le Jeune dans l'histoire de
la littérature romaine de Teuffel, traduite par Bonnard et Pierson.
Vieweg. 1879-1883. On trouvera dans Teuffel tous les renseignements
et indications bibliographiques pour le commentaire de- lettres traitant
plus particulièrement des questions littéraires (I, 20, III, 11). Sur la
lettre III, 11 (persécution des philosophes sous Domitien), voir Benan,
les Évangiles, et Boissier, l'Opposition sous les Césars. Sur le livre VII,
20 (relations de Pline et de Tacite) voir Teuffel, articles Pline et Tacite
208 CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.
et Mommsen, 1. c. Voir aussi la biographie de Tacite en tête de l'édi-
tion de Nipperdey (Cornélius Tacitus erklaert von Karl Nipperdey. I.
Weidmann, 1871). = Sur les fondations charitables de Pline (VII, 18),
Mommsen, 1. c, Ernest Desjardins, article Alimentarii pueri et puellae
dans le dictionnaire de Saglio, et thèse latine, Disputatio historica de
Tabulis alimentariis. Paris, 1854. — Un bon résumé de la question des
Institutions alimentaires se trouve dans le Manuel de Philologie classique
de Reinach, tome I, 2e édit., 1883, p. 352-54.
Textes français. Froissart, liv. I, §§ 100-122. — Sources à con-
sulter. — Chronique des quatre premiers Valois (1327-1393), publiée pour
la Société de l'Histoire de France, par Siméon Luce. Paris, 1862, in-8°.
— Grandes chroniques de France, publiées par M. Paulin Paris. Paris,
1836-1838, 6 vol. in-8° (t. V et VI). — Jean de Venelle, continuateur de
Guillaume de Nangis ; t. II de la chronique latine de Guillaume de
Nangis, publiée pour la Société de l'Histoire de France, par H. Géraud.
Paris, 1843, in-8°. — Jean le Bel. Les vrayes chroniques de messire
Jehan le Bel, publiées par M. L. Polain. Bruxelles, 1863, 2 vol. in-8*.
— Chronique normande du XIVe siècle, publiée pour la Société de
l'Histoire de France, par A. et E. Molinier. 1882, in-8°. — Chro-
nique de Bertrand du Guesclin, par Guvelier, trouvère du xive siècle,
publiée pour la première fois par Gharrière. Collection des documents
inédits, 1839, 2 vol. in-4°. — Rerum britannicarum medii sévi scrip-
tores : 1° Eulogium historiarum, chronicon ab orbe condito usque ad
annum M. CGC. LXVI. a monaco quodam Malmesburiensi exaratum,
t. III. — 2. Thomas Walsingham. A : Historia Anglicana, t. I, 1272-
1381; B : Ypodigma Neustrise, 1 vol. in-8°. — Robertus de Averbury.
Historia de mirabilibus gestis Edivardi III magnifici régis Angliae. Ed.
Th. Hearne, Oxford, 1720, in-8°. — Les Istorie, de Villani , dans
Muratori, Rerum Italicarum Scriptores, t. XIV, 1729, in-f°. — Baluze.
Vitae paparum Avenionensium. Paris, 1693. 2 vol. in-4°.= Textes diplo-
matiques dans Rymer. Foedera, Londres, 1704-1735, 20 v. in-f°. La Haye,
1739-1745, 20 v. in-4° ou 10 v. in-f°. = Ouvr. à consulter : Anselme de
Sainte-Marie, Histoire généalogique et chronologique de la maison royale
de France et des grands officiers de la couronne, 3e édition, revue par le
P. Simplicien. Paris, 1726-1733, 9 vol. in-f°. — Morice (Dom), Mémoires
pour servir de preuves à l'histoire ecclésiastique de Bretagne ,(de dom
Lobineau), 1742-1746, 3 vol. in-f\ — Histoire de Bretagne, 1750-1756, 2 vol.
in-f°. — Vaissète (Dom), Histoire générale de la province du Languedoc,
1730-1745, 5 vol. in-f° ; 10 vol. gr. in-8°, 1838-1847. — Secousse, Mémoires
pour servira Vhistoire de Charles II, roiâe Navarre. Paris, 1755-1758. —
Luce (Siméon). Histoire de la Jacquerie, 1859, 1 vol. in-8°. — Id., Histoire
de Bertrand du Guesclin, Hachette, 1876, 1 vol. in-8°. — Id., Négociations
des Anglais avec le roi de Navarre pendant la révolution parisienne de
1358. Mém. de la Société de l'hist. de Paris, t. I, 1875. — Perrens,
Etienne Marcel et le gouvernement de la bourgeoisie au XIVe siècle, 1860,
1 vol. in-8". Nouv. édit. clans la grande collection in-4° de l'Histoire
CHROVTQUE ET BIBLIOGRAPHIE. 201)
de Paris. — Id., Démocratie en France au moyen âge, 1873, 2 vol. in-8°«
— Delisle (Léopold), Histoire du château et des sires de Saint- Sauveur-
le-Vicomle, 1867, 1 vol. in-8". — Combes (M. -F.), Lettre inédite du dau-
phin Charles sur la conjuration d'Etienne Marcel et du roi de Navarre,
adressée aux comtes de Savoie (31 août 1358) : Mémoires lus à la Sor-
bonne, Histoire, 1869, 1 vol. in-8°. — Picot (Georges), Histoire des
États généraux, 1872, 4 vol. in-8°. — Jourdain (Charles), l'Université de
Paris au temps d'Etienne Marcel. Revue des questions historiques.
Octobre 1878. — Flammermont (J.), la Jacquerie en Beauvaisis, Revue
historique, IX, I, (1879). — Chérest (Aimé), l'Àrchiprêtre. Episodes de
la guerre de Cent ans au xive siècle. Paris, 1879, in-8°. Cf. sur ce
chef de bandes une étude par le baron de Zurlauben, dans YHisloire de
l'Académie des Inscriptions, t. XXV. — Germain, Texte du projet de
descente des Danois en Angleterre pour la délivrance du roi Jean (1358-
1 359) . Mémoires de la Société archéologique de Montpellier. T. IV. Voy . aussi
le rapport de M. Delisle, Revue des Sociétés savantes, année 1866, 4esér.,
IV. = Articles de Revues : Revue critique, 1873, t. II, p. 82-87 :
Article critique par Siméon Luce sur la Démocratie en France de Perrens.
Bibliothèque de l'École des chartes : Tome II, p. 350-387 : Acte d'accu-
sation contre Robert le Coq, évêque de Laon, p. par Douet d'Arcq ;
Tome XII, p. 257-263 : Complainte sur la bataille de Poitiers, p. par
Ch. de Beaurepaire; Tome XVIII, p. 415-426 : Du rôle politique de
Jean Maillart en 1358; Tome XXI: A. p. 73-92 : Pièces inédites
relatives à Etienne Marcel et à quelques-uns de ses principaux adhé-
rents, p. par Siméon Luce. Cf. p. 241-282.
Thèse d'histoire ancienne. Les principales lois agraires sous la Répu-
blique romaine. — On trouvera les renseignements essentiels, faits et
bibliographie, dans les articles du Dictionnaire des antiquités de
Daremberg et Saglio : ager publicus — agrariae leges — agrimensor —
colonies romaines. — Consulter surtout : Macé, Des lois agraires chez la
Romains, Paris, 1846, en ayant soin de le compléter et de le corriger avec
les articles critiques de Laboulaye clans la Revue de législation et de juris-
prudence, année 1846. — Corpus Inscriptionum Latinarum. Tome I,
Mommsen. Texte et commentaire de la loi agraire de 643 (avec la biblio-
graphie relative à cette loi). On trouvera un texte de cette loi dans le
volume plus portatif de Bruns, Fontes juris romani antiqui, 4e édition.
Fribourg-en-Brisgau et Tubingue, 1879. — Gérard, Recherches sur le
droit de propriété chez les Romains. Aix, 1838. — Garsonnet, Histoire des
locations perpétuelles et 'des baux à longue durée. Paris, Larose, 1879. —
Belot, Histoire des chevaliers romains, tome IL — Voy. encore Dureau de
la Malle, Économie politique des Romains. Paris, 1840. — Sur les
Gracques, outre les histoires romaines de Duruy et de Mommsen (trad.
Alexandre), les ouvrages de Nitzen, Die Gracchen, 1847, et de Lau, die
Gracchcn und ihre Zeit, 1854. = Étudier les discours de Cicéron contre
Rullus dans l'édition de Zumpt : M. Tullii Ciceronis Orationes très de lege
agraria. Berlin, Duemmler, 1861 (commentaire abondant). — Le traité
Rev. Histob. XXVII. 1er fasc. 14
210 CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.
de la possessio?i de Savigny a été traduit en français par Stœdtler.
Bruxelles, 1866.
Thèse d'histoire du moyen âge. Nous donnerons des indications biblio-
graphiques plus étendues pour la thèse sur les rapports de la royauté
avec les villes. Tout d'abord on ne saurait se faire une idée juste de la
politique des rois à l'égard des villes en ne l'étudiant qu'à partir du
règne de Philippe-Auguste, il parait indispensable de commencer cette
étude au règne de Louis VI. L'Histoire des institutions monarchiques
de la France sous les premiers Capétiens, par M. A. Luchaire (Paris,
Picard, 1883, 2 vol. in-8°), fournira, avec les recueils de documents
que nous indiquons plus bas, toutes les ressources nécessaires pour les
règnes de Louis VI et de Louis VIL
Sur l'ensemble de la question nous citerons : Deux dissertations de
Bréquigny intitulées, l'une : Recherches sur les communes (1769), l'autre :
Recherche sur la bourgeoisie (1777), qui forment la préface des t. XI et
XII du Recueil des ordonnances.
Dans ces deux volumes ont été réunies la plupart des chartes concé-
dées aux villes par les rois que les éditeurs du Recueil ont pu rassem-
bler. Les deux dissertations de Bréquigny ont été réimprimées dans le
recueil de Leber.
On devra également consulter Brussel, Nouvel examen de l'usage géné-
ral des fiefs. Paris, 1727, 2 vol. in-4° (particulièrement chap. ix et xv).
Indépendamment du Recueil des monuments de l'histoire du tiers état,
nous rappelons que les œuvres d'Aug. Thierry contiennent nombre
d'autres travaux où il s'est occupé de la question. Nous citerons notam-
ment les Lettres sur l'histoire de France et les Considérations sur l'his-
toire de France qui précèdent les Récits des temps mérovingiens. L'Essai
sur l'histoire du tiers état, le Tableau de l'ancienne France municipale et
la Monographie de la constitution communale d'Amiens, qui se trouvent
dans le Recueil des monuments du tiers état, ont été réimprimés dans les
œuvres complètes d'A. Thierry. Les leçons de Guizot sur l'histoire des
institutions municipales comptent parmi les travaux les plus indispen-
sables à étudier. On les trouvera soit dans son Cours d'histoire moderne,
soit plus commodément dans le tome IV de V Histoire de la civilisation
en France.
Pour le règne de Philippe-Auguste, le Catalogue des actes de Philippe-
Auguste de M. L. Delisle (Paris, 1856, in-8°) renseignera amplement les
candidats sur toutes les sources auxquelles ils devront recourir.
Il n'a été publié sur le règne de Louis VIII aucun travail qui mérite
d'être cité.
Pour le règne de Louis IX, les étudiants devront consulter le livre
d'E. Boutaric, Saint Louis et Alfonse de Poitiers, et un mémoire de
M. A. Molinier, Étude sur l'administration de saint Louis et d 'Alfonse
de Poitiers en Languedoc, qui se trouve au t. ,VH de la nouvelle édition
de l'Histoire de Languedoc de D. Vaissete.
Le règne de Philippe III n'a encore donné lieu à aucune publication,
«IRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE. 21 I
mais les candidats pourront trouver dans les Positions des thèses soute-
nues par les élèves de la promotion de 1885 à l'École des chartes les con-
clusions d'un travail de M. Langlois sur l'administration de Philippe le
Hardi.
Ils devront également étudier A. Molinier, La commune de Toulouse
et Philippe III, dans Bibl. de l'École des chartes, t. XLIII, 1882.
Le règne de Philippe IV a été étudié par Boutaric, La France sous
Philippe le Del. Paris, 1861, in-8°.
Un mémoire de M. N. Valois, Établissement et organisation du régime
municipal à Figeac (Bibl. de l'École des chartes, t. XL, 1880), fournit une
importante contribution à l'étude des relations de Philippe le Bel avec
les villes.
Le programme de l'agrégation indique quatre villes qui devront être
prises pour exemple.
Amiens. Les documents ont été rassemblés pour la plupart dans le
t. Ier des Monuments de VHistoire du tiers état.
Laon. Aug. Thierry a écrit l'histoire de la commune, principalement
d'après Guibert de Nogent, la chronique d'un chanoine de Laon, les
textes des ordonnances et les documents de la Gallia christiana (t. IX)
dans ses Lettres sur V histoire de France (lettres 16 à 18). Les chartes de
commune sont au t. XI des Ordonnances. On trouvera de nombreux
arrêts indiqués dans Boutaric, Actes du Parlement de Paris. On devra
également consulter une brochure de M. A. Matton, La Commune de
Laon au XIIIe siècle. Laon, 1866, in-8°.
Beauvais. Guizot, au t. IV de l'Histoire de la civilisation en France, a
raconté avec détail les révolutions de Beauvais, et a publié en appen-
dice un grand nombre de documents sur cette commune, mais traduits
en français. On en trouvera le texte dans le recueil des Ordonnances.
Aug. Thierry en a également parlé dans ses Lettres sur l'histoire de
France (lettres 15 à 21).
Indépendamment de ces ouvrages et des recueils de pièces, il ne sera
pas inutile de consulter : Louvet (P.), Histoire de la ville et cité de
Beauvais et des antiquités du Bcauvoisis, 1635, 2 vol. in-8°, et Loisel
(Antoine), Mémoires des pays, villes, comtés... de Beauvais et Beauvoisis.
Paris, 1617, in-4°.
Bouen. Les deux ouvrages principaux à consulter en dehors des
recueils ont été indiqués au programme de l'agrégation : Ghéruel, His-
toirede Bouen pendant l'époque communale. Bouen, 1844, 2 vol. in-8°, et
Giry, les Établissements de Rouen (55e fasc. de la Bibliothèque de l'École
des hautes études). Le 2e volume de cet ouvrage paraîtra au mois de
janvier 1885.
De ce que les noms de quatre villes seulement figurent au programme
on peut légitimement induire que le jury s'interdira de poser aux
candidats des questions sur les détails de l'histoire d'autres localités,
— mais non pas qu'il suffira d'étudier, pour préparer cette thèse, l'his-
toire de quatre communes. Il est clair qu'il faut avoir examiné les
212 CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.
relations des rois avec le plus grand nombre de villes possible pour
arriver à se faire une idée de leur politique à cet égard. Si l'on s'en
tenait à l'histoire des quatre villes qui figurent au programme, on
n'aurait aucune notion sur une foule de questions qui y sont certaine-
ment comprises et que les candidats doivent préparer; nous citerons,
comme formant autant de catégories différentes, les villes du centre ou
du midi, les villes du domaine, les villes des grands vassaux, les villes
de simple bourgeoisie, les villes neuves, fondées en si grand nombre au
xine siècle, etc. Sur chacune de ces questions, les candidats devront
eux-mêmes choisir et citer les exemples qu'ils auront choisis. Nous
indiquerons ici divers ouvrages qui leur faciliteront les recherches.
Les coutumes de Lorris peuvent être considérées comme l'un des
types les plus répandus des chartes de franchises accordées par les rois
de France aux villes qui n'étaient pas des communes. M. Prou a publié
en 1884 dans la Nouvelle Revue historique de droit français et étranger,
et à part, en un vol. in-8°, un excellent mémoire, les Coutumes de Lorris
et leur propagation aux XIIe et XIIIe siècles. Ce texte et beaucoup d'autres
analogues se trouvent dans Thaumas de la Thaumassière, Coutumes
locales de Berry et celles de Lorris. Paris, 1680, in-8°.
Les villes neuves ont fait l'objet de plusieurs publications qu'il ne
faut consulter qu'avec défiance. Nous indiquerons : Menault, les Villes
neuves, leur origine et leur influence dans le mouvement communal, série
d'articles parus d'abord dans la Revue moderne et à part, 1868, 1 vol.
in-S°, qu'il faut corriger à l'aide d'un excellent compte-rendu critique de
M. Gourajod dans Bibliothèque de l'École des chartes, 5e série, t. V, 1869.
Curie-Seimbres, Essai sur les villes fondées dans le sud-ouest de la France
sous le nom générique de bastides. Toulouse, 1880, in-8°. On trouvera des
rectifications et un complément de renseignements dans un compte-
rendu critique paru dans Bibliothèque de l'École des chaînes, t. XLII,
1881. Un grand nombre de chartes de pariages relatives aux villes fon-
dées par les rois sur les domaines ecclésiastiques ont été publiées dans
les trois volumes des Layettes du Trésor des chartes de MM. Teulet et de
Laborde.
L'une des questions les plus importantes à traiter est celle des rap-
ports de l'autorité royale avec les villes au point de vue des finances.
On devra étudier soigneusement les chapitres de la Coutume de Beau-
voisis où Beaumanoir rend responsables les communes de la mauvaise
gestion de leurs finances. On trouvera un grand secours pour l'étude de
cette question dans les comptes financiers des villes rendus en exécu-
tion de l'Ordonnance de saint Louis, dite de 1256 ; ces comptes, qui
composent l'une des layettes du Trésor des chartes intitulée : Dettes des
villes, ont été publiés par M. de Laborde dans le t. III des Layettes du
Trésor des chartes. Les comptes des villes picardes ont été réunis et
publiés par M. Dufour dans le tome XV des Mémoires de la Société
des antiquaires de Picardie. Ceux des villes normandes l'ont été par
M. Delisle dans le Carlulairc normand de Philippe- Auguste, Louis VIII,
CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE. 213
etc. (t. VI, 1852, des Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie).
M. Giry compte publier très prochainement une série d'autres comptes
municipaux de la même époque, restés jusqu'ici inédits, et qui complé-
teront ce que l'on pourrait nommer le dossier des all'aires linancières
des communes à la fin du xme siècle. Il ne faudra pas omettre de con-
sulter sur la même question un article de M. de Boislisle intitulé : Une
lit/nidation communale sous Philippe le Hardi, qu'il a publié dans
V Annuaire-Bulletin de la Société de l'histoire de France.
Nous terminerons ces renseignements par l'indication de divers
ouvrages , recueils de pièces ou monographies , relatifs aux diverses
régions de la France.
Nous nous bornerons bien entendu pour chacune à quelques travaux
importants et nous négligerons les provinces, qui de 1180 à 1314 ont
échappé presque complètement à l'action des rois de France.
Région du Nord (Picardie, Flandre, Artois). Wauters, Les libertés
communales, essai sur leur origine et leurs premiers développements en
Belgique, dans le nord de la France et sur les bords du Rhin. Bruxelles,
1869-1878, 3 vol. in-8°. — Warnkœnig, Histoire de la Flandre et de ses
institutions civiles et politiques jusqu'à l'année 1305, Trad. Gheldolf.
Bruxelles, 1835-1864. — Bouthors, Coutumes locales du bailliage
d'Amiens. Amiens, 1845,2 vol. in-4». (Mémoires delà Société des anti-
quaires de Picardie. Documents inédits concernant la province, t. I
et n.) — Giry, Histoire de la ville de Saint-Omer et de ses institutions
jusqu'au XIVe siècle. Paris, 1877, 1 vol. in-8°. (31e fasc. de la Bibl. de
l'École des hautes études.) — Flammermont, Histoire des institutions
municipales de Sentis. Paris, 1881, 1 vol. in-8°. (45e fasc. de la Biblio-
thèque de l'École des hautes études.) — Le livre rouge de l'Hôtel de Ville
de Saint-Quentin, publié par H. Bouchot et E. Lemaire. Saint-Quentin,
1881, in-4».
Région de l'Ouest (Normandie, Poitou, Saintonge, Aunis, Guyenne).
— L. Delisle, Cartulaire normand de Philippe-Auguste , Louis VIII,
saint Louis et Philippe le Hardi. Caen, 1852, in-4°. (Mémoires de la
Société des Antiquaires de Normandie, 2e série, t. VI.) — Giry, Les
Établissements de Bouen. — Archives municipales de Bordeaux. Le livre
des Bouillons. Bordeaux, 1867, in-4°. — Archives municipales d'Agen.
Chartes (1189-1328) publiées par A. iMagen et Tholin. Villeneuve-sur-
Lot, 1879. 1 vol. in-4°.
Région de l'Est (Champagne, Bourgogne, Lyonnais). — Arbois de
Jubainville, Histoire des ducs et des comtes de Champagne. Paris, Durand,
1859-1866, 7 vol. in-8% t. IV. — Varin, Archives administratives de Beims
(Documents inédits sur l'histoire de France). — Pérard. Recueil de pièces
pour servir à l'histoire de Bourgogne. 1664. 1 vol. in-fol. — Garnier,
Chartes de commune et d'affranchissement en Bourgogne. Dijon, 1867-
1877. 3 vol. in-4». — Quantin, Cartulaire général de l'Yonne. Auxerre,
1854-1860. 2 vol. in-4°. Becueil de pièces pour faire suite au cartulaire
214 CHRONIQUE ET BMLIOGRAPHIE.
général de l'Yonne. Paris, 1873, in-8". Recherches sur le tiers état au
moyen âge. Auxerre, 1851, in-8°. — Cartulaire municipal de la ville de
Lyon, publié par M. C. Guigue. Lyon, 1876, 1 vol. in-4°.
Région du Centre (Orléanais, Touraine, Berry). — Raynal, Histoire
du Berry. Bourges, 1845. 4 vol. in-8°. — Bonnardot (F.), Essai histo-
rique sur le régime municipal à Orléans. Orléans, 1881, in-8°. (Mémoires
de la Société archéologique de l'Orléanais.)
Région du Midi (Auvergne, Languedoc). — L. Clos. Reclierches sur le
régime municipal dans le midi de la France au moyen âge, dans Mémoires
présentés par divers savants à l'Académie des inscriptions. Antiquités de la
France, t. III, 1857, p. 229-470. — Histoire générale du Languedoc, par
D. Devic et D. Vaissete, t. VI, VII et VIII de l'éd. Privât. Toulouse,
1879, in-4°. — Rivière, Histoire des institutions de l'Auvergne. Paris,
1874, 2 vol. in-8°. — (G. Bloch. — G. Monod. — J. Roy. — A. Giry.)
— M. C.-M. Briquet vient de publier en une brochure de 18 pages
(Genève, Schuchardt) un article paru dans le Journal de Genève du
29 octobre dernier intitulé : La légende paléographique du papier de colon.
De l'analyse microscopique d'un grand nombre de papiers qui passaient
pour avoir été fabriqués avec du coton et où l'on ne retrouve que les
fibres du lin ou du chanvre, M. Briquet se croit autorisé à conclure
qu'il n'y a jamais eu du papier de coton. M. Aimé Girard, professeur
de chimie au conservatoire des Arts et Métiers, et notre collaborateur,
M. A. Giry, ont entrepris depuis quelque temps des recherches, et
doivent publier prochainement un travail sur le même sujet. Comme
M. Briquet, ils ont analysé un grand nombre de fragments de papiers
dits de coton, de toutes provenances, et n'y ont jamais non plus trouvé
la fibre du coton. Ces résultats identiques de chercheurs, partis de
points de vue très divers, en opérant sur des papiers différents, donnent
beaucoup d'autorité à la conclusion de M. Briquet.
— M. A. de Boislisle vient d'être élu (7 déc.) membre libre de
l'Académie des inscriptions et belles-lettres. Cette récompense était
bien due à l'éditeur de Saint-Simon, de la correspondance des inten-
dants avec les contrôleurs généraux, des documents sur la Chambre
des comptes et la famille des Nicolaï. Le t. IV de Saint-Simon, qui vient
de paraître, ne contient que l'année 1697, mais est enrichi, outre les notes,
et plusieurs appendices où se trouvent les correspondances sur la cam-
pagne d'Allemagne et sur l'élection du prince de Conti, d'une étude
sur les Conseils sous Louis XIV. C'est un mémoire de plus de 60 pages
d'un texte serré qu'aucun historien ne pourra se dispenser de connaître,
car il élucide complètement un sujet très compliqué. Nous devons
attendre au t. V pour lire une étude du même genre sur les postes de
Louis XIV.
— Le 12 décembre ont été élus membres de la même Académie
M. Gustave Schlumberger et M. E. Benoist.
— L'Académie des inscriptions et belles-lettres a prorogé jusqu'au
CnitONIQCE ET BIBLIOGRAPHIE. 2 I 5
31 décembre 1884 le concours sur la question suivante : donner l'énumé-
ration complète et systématique des traductions hébraïques qui ont été
laites au moyen âge d'ouvrages de philosophie ou de science grecs,
arabes ou môme latins. Le sujet sur la civilisation sous le khalifat est
retiré du concours et remplacé par celui-ci : étudier d'après les cbro-
niques arabes, et en particulier celles de Tabari, Maeoudi, etc., les
causes politiques, religieuses et sociales qui ont déterminé la chute des
Omeyyades et l'avènement des Abassides (31 déc. 1886). — L'Académie
proroge au 31 déc. 1886 l'examen historique et critique de la biblio-
thèque de Photius et l'étude grammaticale et historique sur la langue
des inscriptions latines comparée avec celle des écrivains romains
depuis les guerres puniques jusqu'au temps des Antonins. = Elle rap-
pelle qu'elle a mis au concours pour 1886 (31 déc. 1885) le sujet sui-
vant : faire, d'après les textes et les documents figurés, le tableau
de l'éducation et de l'instruction que recevaient les jeunes athéniens
aux ve et ivc s. avant J.-C, jusqu'à l'âge de dix-huit ans. — Elle pro-
pose pour 1887 (31 déc. 1886) une étude sur les contributions deman-
dées en France aux gens d'église depuis Philippe-Auguste jusqu'à
l'avènement de François Ier. == Prix Bordin. L'Académie rappelle
qu'elle a proposé pour 1886 (31 dec. 1885) une étude critique sur les
ouvrages en vers et en prose connus sous le titre de Chronique de Nor-
mandie, et une étude sur la numismatique de l'île de Crète. — La
question sur Christine de Pisan est retirée du concours et remplacée
par une étude sur les formes vulgaires des noms de saints en langue
d'oc et en langue d'oui. — L'Académie rappelle qu'elle a mis au con-
cours pour 1886 (31 déc. 1885) une étude sur les sectes dualistes telles
qu'elles se montrent dans l'Orient musulman, et propose pour 1887
(31 déc. 1886) l'examen critique de la géographie de Strabon. — Le
prix Louis Fould, pour l'histoire des arts du dessin jusqu'au siècle de
Périclès, sera décerné, s'il y a lieu, en 1887. — En 1886, l'Académie
décernera le prix Delalande-Guérineau : 1° au meilleur ouvrage dans
l'ordre des études du moyen âge ; 2° au meilleur ouvrage dans l'ordre
des études orientales.
— Parmi les sujets mis au concours par l'Académie des sciences
morales et politiques, nous mentionnerons ou rappellerons les suivants :
pour le terme du 31 déc. 1885 : Histoire de l'enseignement du droit
avant 1789 (prix 0. Barrot, 6,000 fr.). Histoire économique des céréales
en France (prix du budget, 1,500 fr.). La forme dos emprunts publics
en France, en Angleterre et en Hollande aux xvnr8 et xixe siècles (prix
Bordin, 2,500 fr.). Constater l'état de l'indigence; rechercher les
causes qui ont pu l'atténuer ou l'aggraver, les raisons de sa persistance
depuis le xvic s. jusqu'en 1789 (prix Beaujour, 5,000 fr.). Les assem-
blées provinciales dans l'empire romain (prix Bordin, 2,500 fr.). —
Pour le terme du 31 décembre 1886 : Exposer les origines, la formation
et le développement jusqu'en 1789 de la dette publique en France
(prix du budget, 1,500 fr.). Richelieu et le Père Joseph (id.t. — Pour
21 ti CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.
le terme du 31 déc. 1887 : L'administration royale sous François Ier
(prix du budget, 1,500 fr.). Histoire du droit public et privé dans la
Lorraine et les Trois évêchés, depuis le traité de Verdun en 843 jus-
qu'en 1789 (prix de Barrot, 5,000 fr.).
— Programme du congrès des sociétés savantes à la Sorbonne en
1885. Section d'histoire et de philologie : 1° Mode d'élection et étendue
des pouvoirs des députés aux États provinciaux. 2° Les villes neuves,
les bastides, les sauvetats et autres fondations analogues à partir du
xn° siècle. 3° Recherche des documents d'après lesquels on peut déter-
miner les modifications successives du servage. 4° Origine, étendue,
régime et formes d'aliénation des biens communaux au moyen âge.
5° Origine et organisation des anciennes corporations d'arts et métiers.
6° Origine, importance et durée des anciennes foires. 7° Anciens
livres de raison et de comptes et journaux de famille. 8° État de l'ins-
truction primaire et secondaire avant 1789. 9° Liturgies locales anté-
rieures au xvne siècle. 10° Origines et règlements des confréries et
charités antérieures au xvn* siècle. 11° Études des anciens calendriers.
12° Indiquer les modifications que les recherches les plus récentes per-
mettent d'introduire dans le tableau des constitutions communales
tracé par M. Augustin Thierry. 13" Des livres qui ont servi à l'ensei-
gnement du grec en France depuis la Renaissance jusqu'au xvnr3 siècle.
14° Rôle des maîtres écrivains dans l'instruction populaire et la rédac-
tion des actes. 15° Étude des documents antérieurs à la Révolution
pouvant fournir des renseignements sur le chiffre de la population dans
une ancienne circonscription civile ou ecclésiastique.
Dans la section d'archéologie, nous indiquerons les articles suivants :
1° Signaler les nouvelles découvertes de bornes milliaires ou les consta-
tations de chaussées antiques qui peuvent servir à déterminer le tracé
des voies romaines en Gaule ou en Afrique. 2° Grouper les renseigne-
ments que les noms de lieux-dits peuvent fournir à l'archéologie et à
la géographie antique. 3° Signaler les édifices antiques de l'Afrique,
tels que arcs de triomphe, temples, théâtres, cirques, portes de villes,
tombeaux monumentaux, aqueducs, ponts, etc., et dresser le plan des
ruines romaines les plus intéressantes. 4° Rechercher dans chaque
département ou arrondissement les monuments de l'architecture mili-
taire en France aux différents siècles du moyen âge. En donner des
statistiques, signaler les documents historiques qui peuvent servir à en
déterminer la date. 5° Signaler les actes notariés du xive au xvie siècle,
contenant des renseignements sur la biographie des artistes et particu-
lièrement les marchés relatifs aux peintures, sculptures et autres
œuvres d'art commandées soit par des particuliers, soit par des muni-
cipalités ou des communautés.
De môme pour la section des sciences économiques ou sociales :
1» La législation et le régime des routes et chemins en France, aux
xvnr et xix' siècles. 2° Étudier, au point de vue de leur valeur compa-
rative, les divers documents qui peuvent être utilisés pour l'évaluation
CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE. 217
des populations do l'ancienne France (évaluation en feux dans les recen-
sements dressés par les officiers des élections ou les agents des sei-
gneurs, évaluation en communiants dans les pouillés et les registres
des visites pastorales, etc.).
— Voici la liste des thèses déposées par les élèves de l'École des chartes,
pour être soutenues le 26 janvier 1885: Aovray. Étude sur Fulbert,
évêque de Chartres de 100G à 1028, et sa correspondance. — Barroi \.
Étude sur Jacques de Vit ry. — Duxoyer de Segonzac. La rançon de
Brétigny. — Dlpond. Jean Ier de Grailly, sénéchal de Gascogne (1235-
1300). — Ddvbrnoy. Les corporations ouvrières dans les duchés de
Lorraine et de Bar aux xive et xv' siècles. — Funck-Brentano. La poli-
tique extérieure de Philippe le Bel. — Grand. L'image du monde,
poème didactique du xme siècle, recherches sur les versions non inter-
polée, interpolée et en prose. — Langlois. Le gouvernement de Phi-
lippe III, étude sur le pouvoir royal de 1270 à 1285. — Lefèvre-Pon-
talis. Etude sur l'architecture religieuse dans l'ancien diocèse de
Soissons aux xie et xnc siècles. — Legranu. Histoire dos Quinze- Vingts
depuis leur fondation jusqu'au milieu du xvr s. — Mii.lot. Bapports
de Louis XI avec la ville de Troyes. — Perret. Louis de Graville,
amiral de France (144 ?-l51(i). — Stein. Etude biographique, littéraire,
bibliographique, sur Olivier de La Marche. — Alais. Étude sur le
cartulaire de Gellone (804-1236). '• — Gagé. Louis de Luxembourg, comte
de Saint-Pol, connétable de France (1418-1475). — Coville. Becherches
sur les États de Normandie au xivp siècle. — IIuet. Étude sur Gasse
Brûlé, poète du xue siècle, et édition critique de ses chansons. —
Hugues. Étude sur le collège d'Autun. — Lazard. Essai sur la condi-
tion des Juifs dans le domaine royal au xmc siècle. — Martin. Becher-
ches sur Bobert Ier de Sarrebruck, damoiseau de Gommercy (1414-
1464?).
— M. Emile Perrière a publié, chez F. Alcan, une étude sur le
Paganisme, des Hébreux jusqu'à la captivité de Babylone. Il s'efforce de
montrer qu'avant la captivité le peuple hébreu n'a pas été monothéiste;
que Jéhova, le dieu national, n'a été qu'un dieu parmi plusieurs autres.
Le monothéisme est l'œuvre du clergé. Le clergé jéhoviste n'a pu réel-
lement fonder son organisation et sa hiérarchie qu'au retour de l'exil ;
l'année 442, où fut promulgué le Lévitique, peut être considérée comme
la date où le clergé, éducateur souverain de la nation, créa un Israël
entièrement nouveau. Nous croyons que cette thèse contient une petite
part de vérité ; mais la certitude avec laquelle l'auteur affirme son opi-
nion en matière si controversée nous met en défiance. C'est affaire
aux hébraïsants de trancher le débat.
— M. B. Zeller vient d'ajouter deux nouveaux volumes à sa petite
collection (à 0,50 c.) de l'Histoire de France racontée par les contem-
porains (Hachette). Ils se rapportent aux règnes de saint Louis et de
Philippe le Hardi.
2|, S CHRONIQUE ET P.IBLIOGIUriIIE.
— La librairie Leroux commence une traduction des Rœmische Alter-
thûmer deL. Lange sous le titre : Histoire intérieure de Rome, traduite
par MM. A. Berthelot et Didier. L'ouvrage formera deux volumes
paraissant en fascicules à 1 fr. 25.
— Le premier fascicule des Mémoires publiés par les membres de la
mission archéologique française au Caire, contenant les articles suivants :
Bouriant, Deux jours de fouilles à Tell-el-Amarna ; Loret, Le tombeau
et la stèle do l'Am-xent Amen-hotep ; Bouriant, L'église copte du tom-
beau de Déga ; Dulac, Quatre contes arabes en dialecte cairote ; Loret,
La tombe de Kbam-ba (Leroux).
— Nous possédions déjà une bonne traduction de l'important ouvrage
de sir Henry Sumner Maine sur les Institutions primitives; il vient de
paraître à la même librairie (Thorin) une traduction d'une nouvelle
série à'Études sur l'ancien droit et la coutume primitive. Ce sont des
articles détachés, mais réunis cependant par une idée commune, celle
de l'unité fondamentale des coutumes de tous les peuples indo-euro-
péens et de la nécessité de remonter aux origines pour comprendre les
institutions des divers peuples sortis de la souche aryenne. M. Sumner
Maine n'est pas le fondateur de la science comparée du droit; on peut
dire cependant qu'il a porté dans cette science un esprit novateur, et
que son sens historique très pénétrant l'a embrassée avec plus d'am-
pleur qu'on ne l'avait fait avant lui. A ce titre, il est un maître et un
créateur.
— On lira avec intérêt les notes biographiques de M. Hild sur Juvé-
nal (Leroux, 60 p. in-8°). M. Hild place la naissance de Juvénal vers 57,
la composition de ses satires sous Trajan, Hadrien et Antonin, nie
qu'il ait été exilé comme le prétendent tous ses biographes, et ne voit
dans ses satires les plus virulentes que des exercices de rhétorique
composés impunément en un temps de liberté, après la mort de tous
ceux qui auraient pu s'en offenser.
— M. Thédenat a donné une bonne traduction de la remarquable
Étude sur le camp et la ville de Lambèse, par G. Wilmanns (Thorin,
75 p. in-8°).
— Dans ses Remarques sur les Formules du Curator et du Defensor
civitatis dans Cassiodore (Mélanges de l'École française de Rome, t. IV),
M. Ch. Léciuvain montre que ces fonctionnaires étaient spécialement
chargés des questions relatives à l'approvisionnement et au prix des
denrées.
— M. Ch.-Émile Ruelle vient de faire paraître la 3e livraison de la
Bibliographie générale des Gaules, qui contient la première partie du
catalogue alphabétique par noms d'auteurs (A-GU), les deux premières
parties contenant déjà le catalogue méthodique.
— M. A. Brun vient de publier à Marseille (Lebon) et à Toulon
(Isnard) une Histoire de Saint^-Nazaire (au département du Var) où
l'on trouve quelques notes sur l'itinéraire ancien de Toulon à Marseille.
CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE. 219
— M. Henri Jadaht, secrétaire général de l'académie de Reims, a
consacré une intéressante étude de 70 p. à Buridan, jurisconsulte du
xvir' s., professeur de droit à l'université de Reims et commentateur
des coutumes du Vermandois.
— Les OE iirrc s </<• l. de Longpérier, réunies par M. Gust. Schlumber-
ger, et les OEuvres de A. J. Letronne, par M. E. Fagnan, sont aujour-
d'hui complètes, chaque ouvrage en 6 vol. (Leroux).
— M. l'abbé Axbanbs, historiographe du diocèse de Marseille, vient
de faire paraître l'Armoriai sigiltographique des évêques de Marseille,
avec des notices historiques sur chacun de ces prélats, et plusieurs
documents inédits, dont deux du œ« s,
— La librairie Hachette vient, de donner une 4e édit. de Louis XIV i t
Strasbourg, par M. Legrelle.
— M. E. Miller, de l'Institut, vient de publier le catalogue des mss.
grecs de la Bibliothèque nationale de Madrid : mss. N. 126-141 et 0.
1-103 ; c'est un supplément aux II. Bibliothecae Matritensis codices graeci
d'Iriarte. Il fait partie du t. XXXI des Notices et extraits des mss.
— Depuis le commencement de l'année 1884, la Société d'émulation
de l'Auvergne publie une Revue d'Auvergne (Clermont-Ferrand, G. Mont-
Louis). Dans les deux numéros déjà parus, on trouve une bonne étude
de M. Fr. Mège sur un prêtre révolutionnaire, Pascal ('. rimaud.
— La librairie Hachette vient de mettre en vente la lre livraison de
l'Atlas historique de la France depuis César jusqu'à nos jours, par
M. Auguste Longnon. Il comprend : 1° la Gaule à l'arrivée de César;
une petite carte annexe représente la division do la Gaule au temps
d'Auguste ; 2° la Gaule vers l'an 400 de notre ère ; une carte annexe
indique la répartition des cités de la Gaule selon les tribus romaines.
Les planches 3 et 4 contiennent 18 cartes représentant la division
ecclésiastique de la Gaule sous les Mérovingiens et les différents par-
tages de l'empire franc du vie au vme s. Ces cartes figuraient déjà pour
la plupart dans la Géographie de la Gaule au VIe s., du même auteur.
Enfin la planche 5 donne la carte de la Gaule et des pays voisins sous
Gharlemagne, lors du partage de 800. L'Atlas est accompagné d'un fas-
cicule contenant le texte explicatif des planches. Ce fascicule contient,
outre l'introduction, la liste complète des peuples de la Gaule vers l'an
58 avant J.-C, le texte de la Notitia dignitatum relatif à notre pays,
une liste générale de tous les noms géographiques inscrits sur la carte
de la Gaule vers l'an 400 ; enfin une liste alphabétique, avec les équi-
valents modernes, des noms qui figurent sur la carte de l'an 806. L'ou-
vrage entier paraîtra en 7 livraisons de 5 planches chacune, avec un
fascicule du texte. On assure qu'il paraîtra au moins une livraison
par an. Il sera bon de rectifier dans les tirages subséquents la position
de Florence et de Fiesole.
— Le dernier ouvrage de F. Lenormant, les Origines de l'histoire
d'après la Bible et les traditions des peuples orientaux, vient de paraître
dans une nouvelle édition en 3 vol. in-12 (Maisonneuve).
220 «IRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.
— M. A. -S. Morin a réuni en volume sous le titre d'Essais des cri-
tiques religieuses (Alean) une série de courtes études, qui roulent pour
la plupart sur le christianisme primitif et sur le rôle religieux du
catholicisme.
— M. Lecoy de La Marche vient de publier chez Quantin (biblio-
thèque de l'enseignement des beaux-arts) un livre sur les Manuscrits et
la miniature, qui paraîtra imparfait aux gens du métier, mais où le
"rand public trouvera plus d'une notion utile, présentée d'une façon
claire et agréable. Mentionnons aussi, dans la même collection, une
Histoire de la musique, de M. H. Lavoix.
— Le P. De Smedt a entrepris de publier, comme supplément aux
Analecta Bollandiana, un catalogue des mss. hagiographiques de la
bibliothèque royale de Bruxelles.
— M. le comte de Marsy a résumé, en la critiquant, la vie de Pierre
l'Ermite par M. Hagenmeyer, dans un livre intitulé : Pierre l'Ermite,
son histoire et sa légende.
— Depuis 1884 parait sous la direction de M. Berthelé, archiviste
des Deux-Sèvres, à Niort, une Revue poitevine et saintongeaise.
— MM. H. Thédenat et Héron de Villefosse ont commencé un
ouvrage intitulé : les Trésors de vaisselle d'argent trouvés en Gaule, qui
paraîtra par fascicules in-4° avec des planches en héliogravure et des
figures intercalées dans le texte ; le 1er fasc. est déjà publié (Bulletin
critique, 1er oct. 1884). —Ils viennent en outre de donner chez Cham-
pion le recueil complet des Inscriptions latines de Fréjus.
— Parmi les mémoires qui composent le t. XLIV des Mémoires de
la Société nationale des Antiquaires de France, on trouve le texte inédit
d'une vie de saint Tudual attribuée au vie s., que publie M. A. de Bar-
thélémy; il est intéressant pour la géographie ancienne du nord de
l'Armorique.
— Parmi les publications prochaines annoncées par la Société des
anciens textes français, citons les OEuvres poétiques de Philippe de Rémi,
sire de Beaumanoir, éditées par M. Suchier, et les Contes de Boson,
recueil intéressant, dont l'étude jettera un jour nouveau sur la forma-
tion du recueil célèbre sous le titre de Gesta Romanorum. La Société
va bientôt mettre en distribution le t. IV d'Eustache Deschamps.
— M. le vicomte Guy de Brémond d'Ars a fait paraître en volume
les intéressants articles publiés dans le Correspondant sous le titre : le
Père de Madame de Rambouillet : Jean de Vivonne ; sa vie et ses ambas-
sades près de Philippe II et à la cour de Rome (Pion et Nourrit).
M. F. Kchn termine dans un troisième volume son ouvrage sur
Luther, sa rie et son œuvre (Sandoz et Thuillier). Nous avons déjà dit
les mérites et les lacunes de cette œuvre (Rev. hist., XXVI, 128). Les
uns et les autres sont surtout sensibles dans ce dernier volume, mais
CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE. 221
la grandeur et le charme de la ligure de Luther y sont rendus avec
une émotion communicative.
— Sous le titre : la Hollande et la liberté de penser au XVIIe et au
XVIIIe s., avec une introduction de L. Ulbach (G. Lévy), on vient de
puhlier les trois mémoires, ou plutôt les trois discours de MM. Parrut-
Larivière, Hora-Siccana et L. Fortoul sur le sujet mis au concours
par l'Association littéraire internationale.
— M. le comte de Rliset vient de publier chez Didot le Livre-Jour-
nal de M*»8 Étoffe, couturière-lingère ordinaire de la reine Marie-Antui-
nette et des dames de sa cour, 1787-93. (2 vol. in-4°; prix, GO fr.)
— M. G. Tardy vient de consacrer une courte notice, contenant
quelques documents intéressants, à l'abbé Jallet, curé de Chevigné
(Niort, Glouzot, 26 p. in-8°), celui des députés du clergé aux états géné-
raux qui, le premier, se réunit aux députés du tiers.
— M. Marcellin Pellet a continue, dans le journal la République
française, la série des Variétés révolutionnaires commencée par Louis
Combes et par G. Avenel. Il vient de réunir en volume ces Variétés
révolutionnaires (F. Alcan), qui commencent aux Almanachs de la
Révolution et nous conduisent jusqu'à la propagande philosophique
sous la Restauration. Rien que la plupart de ces articles soient des
comptes-rendus d'ouvrages, ils .sont écrits par un homme qui a une
connaissance personnelle très sérieuse des documents du temps, et qui
a vu ces petits côtés de l'histoire qui lui donnent la vie. Si nous repre-
nions un à un avec lui les divers sujets qu'il traite, nous aurions plus
d'un sujet de discussion. Nous trouverions qu'il flatte trop M""-" Dubarry
et ne fait pas bénéficier les royalistes des circonstances atténuantes
qu'il accorde volontiers aux révolutionnaires, qu'il n'a pas mis en
lumière les côtés très neufs et curieux de l'œuvre d'A. Schmidt, etc.;
mais nous préférons nous féliciter de voir rentrer dans la carrière litté-
raire et historique l'auteur des deux monographies sur Loustallot et
sur les Actes des Apôtres, parues il y a tantôt 17 ans. — M. Ranc,
dans la préface qu'il a mise au livre de M. P., accuse M. Taine de
n'avoir pas tenu compte de ia démonstration, faite par M. Robinet, de
l'intégrité de Danton au point de vue de l'argent. M. Taine a pris soin
de consacrer une note de son 3e volume à signaler et à réfuter la
démonstration de M. Robinet. On peut trouver que la réfutation n'est
pas probante, mais on ne peut accuser M. Taine d'avoir jugé Danton
sans loyauté. On peut trouver M. Taine partial ; cette partialité tient à
la nature même de son tempérament et de son esprit, elle fait sa puis-
sance et ses lacunes ; mais il est impossible de méconnaître la cons-
cience et la sincérité qu'il apporte dans ses recherches et ses jugements.
— Sous le titre : Une Académie sous le Directoire (G. Lévy), M. J. Simon
a consacré un livre charmant à l'histoire de la seconde classe de l'Insti-
tut, celle des sciences morales, la première forme de L'Académie des
sciences morales et politiques. Née d'une pensée de Mirabeau, qui la
222 CHRONIQUE ET UTRLIOGRAPHIE.
concevait comme une section de philosophie, cette classe des sciences
morales eut une éphémère et brillante existence, car, après la section des
sciences, c'est elle qui contenait le plus grand nombre d'hommes émi-
nents. C'est précisément la valeur des hommes qui y étaient réunis et
leur esprit d'indépendance qui la désignèrent à l'hostilité de Bonaparte,
et qui amenèrent sa suppression. M. J. Simon a raconté dans ce livre
un épisode intéressant de l'histoire de l'Institut, une des créations
révolutionnaires qui font assurément honneur à la Convention.
— M. P. Bonassieux, dont nous avons signalé à plusieurs reprises les
études sur l'histoire administrative et économique du xvme s., vient de
publier encore un travail très intéressant sur les Cahiers de 89 au point
de vue industriel et commercial (Berger-Levrault). Il fait ressortir avec
raison, en même temps que les erreurs économiques commises par
les rédacteurs des cahiers, les idées justes qu'ils renfermaient, et dont
les meilleures ont été réalisées par la Constituante.
— Le 3e volume des Mémoires du baron de Vitrolles (Charpentier),
publié par M. E. Forcues, est de beaucoup le plus remarquable de tout
l'ouvrage. Non seulement il contient un portrait de Talleyrand qui est
un chef-d'œuvre, mais il nous donne sur les premières années de la
Restauration, sur le rôle de Fouché, du duc de Richelieu, de M. De-
cazes, sur la faiblesse et l'apathie de Louis XVIII, sur Mme de Caylus,
sur la fondation du Conservateur et sur la part qu'y prirent Chateau-
briand et Lamennais, enfin sur la révolution de 1830, les détails les
plus curieux et les jugements les plus originaux. Le témoignage de
M. de Vitrolles est indispensable pour comprendre le rôle de l'extrême
droite sous la Restauration et l'anarchie d'idées politiques qui a amené
la révolution de Juillet.
— Le 3e volume de la Correspondance de M. de Rémusat (Lévy) est
surtout important pour la connaissance du caractère de l'homme. Il
nous apparaît à vingt ans dans tout le charme de sa jeunesse épanouie,
spirituel et sérieux, amoureux et raisonneur, un des meilleurs repré-
sentants de la France ressuscilée et heureuse de vivre au sortir de la
prison de l'empire.
— Le t. X des Discours et plaidoyers politiques de M. Gambetta, publié
par M. J. Reinach, s'étend du 9 novembre 1881 au 2ô janvier, 1882,
c'est-à-dire qu'il contient tous les discours se rapportant au ministère
du 14 novembre. L'appendice naturel de ce volume est formé par tous
les projets de loi préparés par le cabinet dont M. Gambetta était le
chef. Ce volume, d'un intérêt exceptionnel,' contient, comme on le voit,
les preuves et documents du livre de M. Reinach sur le Ministère du
14 novembre.
— La librairie Oudin publie un bon livre de vulgarisation, Nos petites
colonies. Les auteurs, MM. F. Hue et G. Haurigot, n'ont pas craint de
présenter au public tout un volume sur des possessions dont bien des
noms restent encore ignorés de lui. Aussi se sont-ils attachés à en
CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE. 223
rendre la lecture attrayante par Le détail pittoresque. Après la descrip-
tion géographique, la plus large place est faite au tableau des mœurs,
coutumes, légendes même; et il est mutile d'indiquer la variété de
pages qui, successivement, dépeignent la sauvagerie des Gabonais, la
douceur des Tahitiens, les élégances de la Société créole de Pondichéry,
la rude vie des habitants iixes ou passagers de Saint-Pierre et Mique-
lon. Les renseignements précis qu'exige tout ouvrage de géographie,
sur la statistique, les productions, le mouvement du commerce ont
pris aux sources en général; enfin l'histoire de la colonisation est
nettement traitée et avec d'intéressants récits. Depuis la composition
de l'ouvrage, quelques additions ou corrections sont devenues néces-
saires, surtout au sujet d'Obock et de Porto-Novo ; et la cession aux
Anglais de nos établissements de la côte de Guinée ne nous semble
plus à craindre. Nous ne pouvons que souhaiter sur le reste de notre
empire colonial la continuation d'un travail bien fait pour intéresser le
grand public.
— Le Dr Gabriel Legt i; a publié une nouvelle édition revue et aug-
mentée de son intéressant livre sur Urbain Grandier et les possédées de
Loudun (Charpentier, 348 p. in-12). Ce n'est nullement une apologie de
Grandier ; M. L. ne cache ni ses vices ni ses fautes; mais, en analysant
dans le plus grand détail l'odieuse procédure dont le curé de Loudun
fut victime, les phénomènes hystériques dont le couvent des Ursulines
fut le théâtre et le déploiement d'ineptie et de férocité dont cette épidé-
mie fut l'occasion, il a écrit un chapitre des plus attachants et des plus
lugubrement instructifs sur l'histoire de la justice, de l'administration
et du cierge au xvne s.
— M. E. Hatix a publié, sous le titre : l'Histoire, la Fantaisie et la Fata-
lité (Féchoz, 16 p. in-8°), une mordante critique du livre de M. Gilles
de la Tourette sur Renaudot. On se convaincra en lisant ces pi
piquantes que la Revue historique avait été trop indulgente pour M. de
la Tourette et que la Revue critique n'avait pas été trop sévère envers lui.
— La collection de biographies qui paraît chez Picard-Bernheim
sous le titre : les Grands Français, s'est enrichie de deux bonnes bio-
graphies de Vauban et de Villars par M. Bondojs.
— M. Melchior de Vogué a réuni en volume les remarquables études
sur l'histoire russe qu'il a publiées dans la Revue des Deux-Mondes [h
Fils de Pierre le Grand, Mazeppa, Un Changement de règne, C. Lévy,
363 p. in-12). M. de Vogué n'est pas seulement un historien* intéressant
qui travaille sur les documents originaux, c'est un écrivain de talent,
un fin psychologue qui connaît à fond la Russie et les Russes, aussi
fait-il revivre les scènes qu'il raconte avec l'exactitude d'un critique et
la magie d'un romancier.
— M. J.-A. Petit continue intrépidement son Histoire contemporaine
de la France (Palmé) : le t. VII, consacré à la Restauration et aux
Cent-Jours, vient de paraître.
■22', CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.
— La librairie Dourlacher a mis en vente une Histoire des écoles com-
munales et consistoriales Israélites de Paris, de 1809 à 1884, par M. Léon
Kahn.
— Le livre de M. Cb. de RinnE : Le Play d'après sa correspondance
(Didot, 454 p. in-L2), est d'une lecture un peu difficile à cause de l'in-
cohérence de sa composition. Ce sont des souvenirs personnels jetés au
courant de la plume, où abondent les répétitions et les digressions. On
y apprend néanmoins à mieux connaître, surtout par ses lettres, cet
homme supérieur, ce noble penseur, cet homme de bien, dont l'influence
n'a pas été malheureusement aussi grande qu'elle aurait pu et dû l'être.
La solidarité qui, en partie par la faute de Le Play, mais aussi par
la faute des libéraux de l'école révolutionnaire, s'est établie entre
les doctrines de Le Play et les doctrines catholiques, a confiné son
influence dans un petit cercle d'adhérents, dans une sorte de petite
église. Les idées de réforme sociale de Le Play méritaient une meilleure
destinée et son grand ouvrage sur les ouvriers européens n'a pas la
renommée qu'il mérite.
— La Patrie Hongroise par Mme Edmond Adam [Nouvelle Bévue, 323 p.
in-8°) n'est pas un livre d'histoire ; mais ces attrayants et enthousiastes
souvenirs de voyage renferment beaucoup d'utiles renseignements sur
l'histoire politique de la Hongrie pendant ces quarante dernières années
et surtout sur les hommes qui ont fait la Hongrie actuelle. Si l'on
s'étonne quelque peu de voir un seul pays produire un si grand nombre
de héros immaculés, il est aisé de faire, dans les portraits tracés par
Mme Adam, la part de la reconnaissance due à des hôtes qui n'ont rien
épargné pour fêter la France et sa gracieuse représentante.
Livres nouveaux. — Documents. — H. Stein. Les archives de Maisse (Seine-
et-Oise). Menu (Annales de la Soc. hist. et arch. du Gàtinais). — Demaison.
Document inédit sur une assemblée d'états convoquée à Amiens en 1 424 . Reims,
impr. Monce. — La ligue à Metz; extrait des archives de François Buffet,
ministre de S. E. à Metz. 1580-88. Pilet et Dumoulin. — Douglas et Roman.
Actes et correspondance du connétable de Lesdiguières; t. II et III. Grenoble,
impr. Allier. — La guerre d'Estampes en 1652, par R. Hémard; relation inédite
publiée par P. Pinson. Champion (Annales de la Soc. hist. et arch. du Gàti-
nais). — Comte de Marsy. Obituaire et livre des distributions de l'église cathé-
drale de Beauvais, xme s. Beauvais, impr. Père (extrait du t. XII des Mém. de
la Soc. acad. de l'Oise). — Ledieu. Archives d'Abbeville. Inventaire analy-
tique des dénombrements de seigneuries. Amiens, Hecquet ; Paris, Picard. —
Finot. Inventaire sommaire des archives de l'hôpital de Comine, dép. du Nord.
Lille, imp. Danel. — Kerviler. Documents, pour servir à l'histoire de Saint-
Nazaire, chap. 2 : les délibérations du général de la paroisse. 2e série : 1759-90.
Saint-Nazaire, imp. Girard. — Mavidal et Laurent. Archives parlementaires,
de 1787 à 1860; lre série, t. XIX : du 16 sept, au 23 oct. 1790. P. Dupont. —
Archives historiques de la Gironde, t. XXIII. Bordeaux, imp. Gounouilhou. —
Cabié. Chartes de coutumes inédites de la Gascogne toulousaine (fasc. 5 des
archives hist. de la Gascogne). Champion. — Inventaire sommaire des archives
départementales de la Sarthe, antérieures à 1790, par V. Duchemin. Série H;
cnRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE. 228
fin; t. IV. Le Mans, impr. Monnoyer. — Laval. Cartulaire de l'université d'Avi-
gnon, 1303-1791. Avignon, Seguin.
Histoire locale. — Loth. L'assemblée du clergé de Rouen pour [es états
généraui de 1789. Rouen, impr. Cagniard. — Noyélle. Basoche cl basochiens à
Amiens au xvic s. Amiens, impr. Douille! (Mém. de la Soc. des ant. de Picar-
die, t. XXVIII). — Betioist. Notice historique et statistique sur Mary-sur-Marne.
Meaui, Le Blondel. — Bizouard. Histoire de l'hôpital d'Aux ie, 1374-1884.
Dijon, Grigne. — Tolra de Bordas. L'ordre de Saint-François d'Assise en Rous-
sillon; fragments et récils sur l'histoire ecclésiastique du diocèse d'Elne. Per-
pignan, Latrobe; Paris, Palmé. — Bérard. Étude historique et archéologique
sur l'abbaye de Thoronet, Var. Avignon, Seguin. — Fichot. Statistique monu-
mentale du dfiMileni.Mil de l'Aube; t. I. Paris, Quanlin ; Troyes, Lacroix. —
Fleuri/. Notes historiques sur le vieux collège de Mainers. Mamers, Fleury et
Dangin. — Mugnier. Chronologies pour les études historiques en Savoie. Cham-
béry, impr. Ménard (Mém. et Doc. publiés par la Soc. savoisienne d'hist. et
d'arch.). — Delpech. Le Roussillon avant la Révolution el le maréchal de Mailly,
gouverneur de cette province, 17G3-89. Amiens, impr. Yvert. — Le Boucq de
Ténias. Recueil de la noblesse des Pays-Bas, de Flandre et d'Artois. Douai,
impr. Dechristé. — Lauzun. Le château de Bonaguil en Agenais ; description
et histoire, 2e édit. Champion. — Pag art d'Hermaasarl. La ghisle ou la Cou-
tume de Merville, 1451. Saint-Omer, impr. d'Homont (extrait du t. XIX des
Mém. de la Soc. des Antiq. de la Morinie). — Penjon. Cluny ; la ville et l'ab-
baye. 2e édit. Cluny, Renaud-Bressoud. — Puech. Une ville au temps jadis, ou
Nîmes à la fin du xvic s., d'après le compois de 1592 et des documents iné-
dits. Nîmes, Grimaud. — P. de Cymos. Histoire de la Corse, depuis les ori-
gines jusqu'en 150G; traduite pour la première fois par A. Tozza. Bastia, Olla-
gnier. — Labat. Documents sur la ville de Royan et la Tour de Cordouan,
1622-1789. Bordeaux, impr. Gounouilhou. — Antoine. Histoire du Forez. Saint-
Etienne, Chevalier. — léraud. L'ancien château féodal d'Orange. Tours, impr.
Bousrez (congrès de la Soc. franc, d'arch., sept. 1882). — Goiflon. Villeneuve-
lez-Avignon ; son abbaye, sa chartreuse, ses établissements religieux, sa
paroisse. Nîmes, Gervais-Bedot. — Lallië. Les prisons de Nantes pendant la
Révolution. Nantes, imp. Forest et Grimaud (Rev. de Bret. et de Vendée, 1883).
— Lefèvre. La seigneurie et l'église de Champreuil, arrond. de Corbeil. Fon-
tainebleau, impr. Bourges. — Le Gros. Vie de saint Clair, prêtre et martyr,
précédée d'une notice historique sur Saint-Clair-s.-Epte. Saint-Clair, Périer. —
P. de Yerax. Notice sur la seigneurie de Masoncles en Charollais. Lyon, impr.
générale. — Legeay. Recherches historiques sur Saint-Pavin-des-Champs,
Maine. Le Mans, impr. Monnoyer (Soc. d'agricult. sciences et arts de la Sarthe.
Bulletin). — Batault. Notice historique sur les hôpitaux de Chalon-sur-Saône
avant 1789. Chalon, Mulcey ; Paris, Lechevalier et Champion. — Plantai.
Monographie d'Araches (mémoires et documents publiés par l'Académie salé-
sienne t. VII). — Bordas. Histoire sommaire du Dunois, de ses comtes et de
sa capitale. 2 vol. Châteaudun, Pouillier et Dieudonné. — Talion. Catalogue
des prieurs, curés et vicaires de l'église de Saint-Picrre-ès-liens de Vans, 1349-
1804. Privas, imp. du Patriote. — Benoist. Lizy-sur-Ourcq; la seigneurie au
xvmc s. Meaux, impr. Destouches (Bulletin de la société d'arch. de Seine-et-
Marne). — Brassart. La féodalité dans 'le nord de la France : bans et arrière-
bans dans la Flandre wallonne sous Charles le Téméraire et Maximilicn d'Au-
triche. Douai, Crépin (extrait du t. IV, 2" série, des souvenirs de la Flandre
wallonne). — Dutilleux et Depoin. L'abbaye de Maubuisson ; histoire et car-
Rev. Histor. XXVII. 1er fasc. 15
22!i CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.
liilairc. Pontoise, impr. Paris (soc. hist. du Vexin; documents). — Rogeron. Les
fortiiications et la tour de César à Provins, notice historique. Provins, Vernant.
— Bulliat. Chartreuse et seigneurie du Val Saint-Martin de Sélignac, près de
Bourg-en-Bresse. Paris, impr. Philipona. — Drochon. L'ancien archiprètré de
Parthenay. Visites des paroisses, 1598-1740. Poitiers, Oudin. — Dumas de
Baulij. Détails historiques sur le prieuré bénédictin de N.-D. de la Daurade
de Toulouse. Toulouse, impr. Chauvin. — Hu. Le bailliage seigneurial de Pont-
levoy. I : impôts royaux et droits seigneuriaux. Blois, impr. Marchand. —
/. Le Fizelier. Études et récits sur Laval et le Bas-Maine. Laval, impr. Moreau.
— Lacaze. Les imprimeurs et les libraires en Béarn, 1552-1883. Pau, impr.
Véronèse (Bulletin de la Société des sciences, lettres et arts de Pau). — Dic-
tionnaire historique et archéologique du Pas-de-Calais ; t. III. Arras, Sueur-
Charruey. — Gap. Essai sur l'administration municipale, judiciaire et militaire
delà commune de Séguret, avant 1790. Picard (Bulletin hist. etarch. de Vau-
cluse). — Vannier. Histoire du prieuré de Saint-Nicolas du Marteroy de Vesoul,
de l'église de Saint-Georges et de l'insigne chapitre de N.-D. de Calmontier.
Vesoul, impr. Varignault.
Biographies. — Imbert de Saint- Amand. Les femmes des Tuileries; la cour
de l'impératrice Joséphine. Dentu. —Josse. Biographie de Mlle fiallu, fondatrice
de l'hôpital de Montdidier, 1677-1741. Amiens, impr. Douillet (Mém. de la Soc.
des Antiquaires de Picardie, tome XXVIII). — É. de Barthélémy. Catherine
de Médicis à Épernay pour la négociation de la paix de Nemours conclue avec
les Guises en 1585. Champion. — Noulens. Maison de Clinchamp, histoire
généalogique. — Queruau-Lamerie. Les députés de la Mayenne à l'Assemblée
législative de 1791. Mayenne, libr. Poirier-Bealu. — A. de Monvaillant. Jean
Cavalier, 1681-1740. Dentu. — Le Boucq de Ternas. Généalogie de la famille
de Becquet de Mégille, fixée à Douai en 1532. Douai, impr. Dechristé. — C'as-
tonnet-Desfosses. M. de Durfort de Civrac, maire de Pondichéry, 1790-92.
Angers, impr. Lachèse et Dolbeau. — Charve'riat. Un réformateur au xvne s. :
J.-B. Schenk, de Schweinsberg, prince-abbé de Fulda. Lyon, impr. Pitrat (Bévue
lyonnaise, mai 1884). — Maggiolo. La vie et les œuvres de l'abbé Grégoire,
1789-1831, 1er fasc. Nancy, Berger-Levrault (mém. de l'Académie de Stanislas,
1883). — Fargues. Tanneguy-Duchatel; réhabilitation d'un chevalier breton.
Nantes, impr. Mellinel. — Brian-ville. Becueil généalogique de l'ancienne et
illustre maison de Monty, autrefois Crociany. Réimpression de l'ouvrage publié
chez P. Querro, en 1684. Nantes, Forest et Grimaud. — Desjardins. Jehan
Vittement, recteur de l'Université de Paris, sous-précepteur de Louis XV, 1655-
1731. Chàlons-sur-Marne, Thouille. — Gillet. C. Le Tellier de Louvois, biblio-
thécaire du roi, 1675-1718. Hachette.
Belgique. — Le 10 octobre dernier est mort à Bruxelles M. Alphonse
"VandenpeereboOxM, ministre d'État, qui occupait une place honorable
parmi les historiens amateurs. Tous les loisirs que lui laissa une car-
rière politique des plus remplies , il les consacra à l'histoire de la
Flandre, et avant tout à celle d'Ypres, sa ville natale. Les six forts
volumes de ses Ypriana (1878-1883) sont remplis d'aperçus et de docu-
ments nouveaux. M. Vandenpeereboom était âgé de soixante-quatorze
ans. Un an avant sa mort, le 30 septembre 1883, il avait été l'objet
d'une manifestation touchante et grandiose à l'occasion de la publication
du dernier volume de ses Ypriana. (Cf. Rev. hist., XXIV, p. 237.)
CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE. 227
— Dans la section d'histoire et d'archéologie du congrès néerlandais,
tenu à Bruges en septembre dernier, la question des chansons his-
toriques relatives aux Pays-Bas et écrites en langue néerlandaise a
été traitée en détail par MM. Paul Fredericq, professeur à l'université
de Gand, et J. de Winkel, professeur au gymnase de Groningue. La
question de l'étymologie el de l'orthographe des noms de lieux a fait
aussi l'objet d'un débat intéressant.
— M. Théodore Juste, qui a déjà publié cette année plusieurs œuvres
historiques nouvelles, vient de nous donner une seconde édition de son
grand ouvrage, les Pays-Bas sous Philippe II (1555-1565) (Bruxelles,
Lebègue et Gie). C'est un travail revu, corrigé et mis au courant de tout
ce qui a paru pendant les trente dernières années. L'auteur consacre
tout un long chapitre (p. 297-353) à étudier l'inquisition néerlandaise
du xvie siècle.
— M. le baron Kervyn de Lettenhoye poursuit avec activité la publi-
cation de sa volumineuse histoire des vingt-cinq années les plus tra-
giques du xvic siècle (1560-1585) en France et dans les Pays-Bas, sous
le titre de : les Huguenots et les Gueux (Bruges, Beyaert-Storie). Le
tome IV comprend l'époque de 1576-1578.
— A l'occasion des fêtes brillantes organisées à Bruges en l'honneur
d'un comte de Flandre du xue siècle, Charles de Danemark, ou le Bon,
que l'Église a béatifié, M. l'abbé Ad. Duclos a publié une histoire
populaire de ce prince, qui ne manque pas de mérite historique et est
le fruit de recherches consciencieuses. (En flamand. Bruges, de Zuttere.)
— M. R. Serrure fils continue la publication de son remarquable
Bulletin mensuel de numismatique et d'archéologie (Paris et Bruxelles),
qui est entré dans sa quatrième année.
— M. Alphonse Goovaerts, archiviste-adjoint d'Anvers, a dressé
avec soin le Catalogue de la bibliothèque Vander Sraelen-Moons-van
terins. (2 vol. Anvers, Vanos-Dewolf.) Cette riche bibliothèque, impor-
tante surtout pour l'histoire de la vieille métropole anversoise, a été
fondée au siècle passé et formée par trois générations de bibliophiles
appartenant à la même famille. Le catalogue comprend 3,380 numéros.
— M. Ch. Piot, archiviste-adjoint du royaume, s'est chargé de conti-
nuer la Correspondance du cardinal Granvelle, laissée inachevée par le
regretté Edmond Poullet, son confrère à l'académie et à la commission
royale d'histoire. M. Piot vient de publier le tome IV, gros in-4°, qui
embrasse les documents allant du mois de février 1570 jusqu'au mois
d'octobre 1573 (Bruxelles, liaye/.l.
Le général Brialmont, qui est considéré en Belgique comme l'offi-
cier le plus distingué que possède le pays, a consacré une notice au
Comte Todleben, sa vie et ses travaux.
— M. le chanoine Daris a publié une importante Histoire du diocèse
et de la principauté de Liège pendant le XVIe s. (Liège, J. Demarteau.)
22S CHRONIQUE ET liIBLIOGRAPUIE.
— M. A. Giron, conseiller à la cour d'appel et professeur à l'univer-
sité libre do Bruxelles, étudie dans son remarquable livre : le Droit
public de la Belgique, les origines historiques des institutions.
— La Bibliothèque Gilon, qui est la Bibliothèque utile de la Belgique,
vient de s'enrichir d'un petit volume intéressant de M. Raymond Ser-
rure, la Monnaie en Belgique.
— Dans le domaine de l'histoire locale, signalons deux nouveaux
livres : Histoire des rues de Matines et de leurs monuments, par M. l'abbé
G. van Caster, et Histoire de la ville de Binche (en Hainaut), par M. Th.
Lejeune.
— M. le chanoine F. D. Doyen a fait paraître la première partie
d'une Bibliographie namuroise (1473-1639), qui rendra des services à
l'histoire locale.
— Le P. Carlos Sommervogel a entrepris la publication d'un Diction-
naire des ouvrages anonymes et pseudonymes publiés par des religieux de
la compagnie de Jésus, depuis sa fondation jusqu'à nos jours. Le t. Ier,
comprenant 791 pages et allant de A à Q, a paru.
— M. Michel Brenet a publié récemment son mémoire, couronné
par l'académie royale de Bruxelles, Grétry, sa vie et ses œuvres (Bru-
xelles, Hayez).
— M. J. Jooris, ministre résident du roi des Belges, a écrit un
Aperçu politique et économique sur les colonies néerlandaises aux Indes
orientales. M. de Harven, de son côté, étudie la Nouvelle Zélande au
point de vue économique de la Belgique.
— Sous le titre : L'Anglais chez lui. Institutions politiques, M. W. F.
Baring nous donne un tableau intéressant de la situation actuelle de
l'Angleterre.
— Deux monographies, consacrées à Henri Conscience et au poète
van Rijswijck, deux des principaux promoteurs de la renaissance litté-
raire en Flandre après 1830, constituent des matériaux importants pour
l'histoire future du « mouvement flamand. » Ce sont : Hendrik Cons-
cience in zijn leven en in zijne werken geschetst, par M. Pol de Mont,
professeur à l'Athénée royal d'Anvers (Haarlem, W. Gosier), et Theo-
door van Bijswijck, zijn leven in verband met zijnen tijd (Anvers, Jans-
sens), par M. J. Staes.
— M. Aug. Reynaert, membre de la Chambre belge, a publié le
tome Ier d'une grande Histoire de la discipline parlementaire. Règles et
usages des assemblées politiques des deux mondes.
— Le regretté L. Galesloot a édité cette année {'Inventaire des
archives de la cour féodale de Brabant. 2 vol.
— Malgré la mort de l'auteur, M. Louis Hymans, le grand ouvrage
historique illustré Bruxelles à travers les âges (Bruxelles, Bruylant-
CHRONIQUE El BIBLIOGRAPHIE. 21'.)
Christophe) continue à paraître par fascicules, qui tous se distinguent
par des révélations de détail et des planches curieuses.
— M. Théodore Juste a puhlié un petit livre sur Bruxelles en 1815
(Bruxelles, Lebègi t O '), à l'époque de la bataille de Waterloo et de
la fondation du royaume des Pays-Bas. Au même sujet se rattache la
monographie de feu L. Galesloot, Le duc de Wellington à Bruxelles.
— M. J. Demarteau a consacré une notice de 72 pages au fameux
Guillaume de la Marck, le Sanglier des Ardcnnes, xve siècle. (Extrait de
la Gazette de Liège.)
— Dans une communication faite à la commission royale d'histoire,
M. Napoléon de Pauw, procureur du roi à Bruges, a récemment exposé
son plan de publication d'une Histoi ogique des Artevelde au
XIVe siècle, avec cartulaire de 3,000 pièces inédites tirées des archives
de Belgique et de l'étranger. {Compte-rendn des stances de la commission
royale d'histoire, t. XII, 4e série.)
— Dans la Collection des guides belges a paru la 4e édition refondue
du remarquable livre de M. W. H. James Weale, Bruges et ses envi-
rons, qui contient beaucoup d'indications nouvelles sur l'histoire de
la vieille métropole flamande, sur ses monuments, ses musées, ses
œuvres d'art, ses maisons les plus remarquables, ses hommes célèbres,
etc.. ainsi que sur les petites villes environnantes, telles que Damme,
l'Ecluse, Maie, Middelburg, Aardenburg et autres localités auxquelles
se rattachent beaucoup de souvenirs historiques. — Dans la même
collection a paru un ouvrage analogue sur Tournai et le Tournaisis, par
M. L. Cloquet, que nous avons déjà eu l'occasion de signaler ici
même. (Bruges, Desclée, de Brouwer et Cie.)
— M. Emile de Borchgrave, ministre plénipotentiaire, a fait à la
classe des lettres de l'académie royale de Bruxelles une intéressante
lecture sur l'Empereur Etienne Douchan de Serbie et la Péninsule balka-
nique au XIV siècle.
— L'académie royale de Belgique a mis au concours pour 1886 les
sujets suivants : « Faire l'histoire des origines, des développements et
du rôle des officiers fiscaux près les conseils de justice, dans les anciens
Pays-Bas, depuis le xve s. jusqu'à la fin du xvmc. » — « Faire, d'après
les auteurs et les inscriptions, une étude historique sur l'organisation,
les droits, les devoirs et l'influence des corporations d'ouvriers et d'ar-
tistes chez les Bomains. » (Médailles d'or de 800 fr.)
— Le livre de M. Otto Friedrichs : Un crime politique. Étude histo-
rique sur Louis XVII (Bruxelles, Tilmont, 1884), est une indigeste com-
pilation destinée à revendiquer les droits des descendants deNaundorff,
le plus fameux des faux Louis XVII. Nous ne croyons pas que l'œuvre
de M. Friedrichs ébranle les résultats des travaux de MM. de la Sico-
tière et Chantelauze.
Allemagne. — Le 27 oct. est mort, à l'âge de soixante et un ans.
230 CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.
M. F. Kapp, député au Reichstag et écrivain remarqué. Après les
événements de 1848-49, auxquels il prit une part active, il se rendit en
Amérique, où il demeura jusqu'en 1870. Parmi ses nombreux écrits,
mentionnons : Soldatenhandel deutscher Fûrsten nach Amerika, 2e édit.
en 1874 ; Aus undùber Amerika, 2 vol., 1876; Friedrich der Grosse und
die Vereinigten Staaten von Amerika, 1871; Geschichte der deuischen
Einwanderung in Amerika, 2 vol., 1868; Geschichte der Sklaverei in den
Vereinigten Staaten von Amerika, 1861.
— M. Reinhold Koser, archiviste de l'État à Munster, a été nommé
professeur d'histoire à l'Académie de cette ville.
— La Jablonowskische Gesellschaft de Leipzig met au concours pour
1887 l'histoire du développement social dans les provinces de l'empire
byzantin, au moins de Justinien le Grand jusqu'à l'établissement de la
domination latine. Le prix est de 1,000 marcs.
— Sous la forme d'un programme de fin d'année du Gymnase catho-
lique de Saint-Étienne à Augsbourg, dom Eugen Gebele, dominicain et
professeur dans cet établissement, a publié une brochure intéressante
sur les Français de l'armée du Rhin et Moselle en Souabe et en
Ravière, et en particulier dans le ci-devant évêché d'Augsbourg en
1796. L'auteur a utilisé les rapports officiels qui furent demandés par
l'évèché aux curés et aux bénéficiers, sur la foi de leur probité profes-
sionnelle, et les annales des monastères d'Elchingen et d'Ursberg.
Cette brochure donne des détails vraiment affligeants sur la condi-
tion déplorable où fut réduite la population de la Souabe et de la
Ravière, et en particulier sur les maux que les femmes eurent à souffrir
de la part des envahisseurs.
— La 25e réunion plénière de la Commission historique, constituée
au sein de TAcadémie des sciences de Ravière, s'est tenue à Munich,
en oct. dernier. Dans le courant de l'année 1884 ont été publiés sous
ses auspices : le t. II des Briefe des Pfalzgrafen J. -Casimir, réunis et
publiés par M. F. von Rezold ; le t. II des Jahrbûcher des deutschen
Reichs unter Konrad II, par M. H. Rresslau; les livraisons 86 à 96 de
VAUgemeine deulsche Biographie. Les autres publications entreprises par
l'Académie avancent rapidement. Tout récemment vient de paraître,
dans la collection des Stsedtechroniken, le 1er vol. des Lilbecker Çhroni-
ken préparé par M. Koppmann ; le second contiendra la fin de la chro-
nique de Detmar jusqu'en 1395 continuée jusqu'en 1400, la chronique
dite de Rufus et plusieurs pièces de moindre étendue. Le même éditeur
va bientôt donner le t. VI des Hanserecesse, pour la période 1411-1420.
— M. X. Kraus, professeur à l'université de Fribourg-en-Rrisgau,
vient de publier (Mohr) une édition des lettres de Renoit XIV, écrites
au chanoine P.-Fr. Peggi à Rologne, 1729-58, avec le journal du con-
clave de 1740.
— La 3e édition du t. I du Handbuch der Kirchengeschichte, par le
cardinal Hergenrœther, vient de paraître; elle est fortement remaniée.
CHRONIQl'E ET ItlBLIOGRAPHIE. 231
— M. R. Tante va faire paraître à la librairie Findel de Leipzig
une bibliographie très détaillée des ouvrages anciens et modernes sur
la franc-maçonnerie.
— La librairie Schmidt et Gùnther de Leipzig annonce une traduc-
tion de l'Histoire de l'empire romain de M. Victor Duruy par M. Gustav
Hertzberg; elle comprendra 4 vol. richement illustrés.
— La librairie Herder à jFribourg-en-Brisgau vient de publier une
seconde édition très remaniée de la Geschichte der hirchlichen Armen-
pflege par le Dr G. Ratzinger.
Livres nouveaux. — Histoire générale. — Pflugk-Harttung. Urkunden
der Paepste, 97-1 197. Bd. II. l'Abth. Stuttgart, Kohlhammer. — Id. Iter italicum,
2e Abtheilung. ; ibid. — Klaic. Geschichte Bosniens; traduit du croate par
/. v. Bojnicic. Leipzig, Friedrich. — Post. Die Grundlagen des Redits und die
Grundzùge seiner Entwicklungsgeschichte. Oldenbourg, Schulze. — Cuba. Der
deutsche Reichstag, 911-1125. Leipzig, Veit. — Bergengriln. Die politischen
Beziehungen Deutschlands zu Frankreich w&hrend der Regierung Adolfs von
Nassau. Triibner, Strasbourg. — Schilling. Quellenbuch zur Geschichte der Neu-
zeit. Berlin, Gaertner. — Hoyns. Geschichte des deutschen Volkes in Staat,
Religion, Literatur und Kunst. Bd. I. Leipzig, Brockhaus. — Miïcke. Aus der
Hohenstaufen-und Welfenzeit. Gotha, Perthes. — Proue. Nicolaus Coppernicus.
Bd. II: Urkunden. Berlin, Weidmann. — Hermann. Die Sta3ndegliederung bei
den alten Sachsen und Angelsachsen. Breslau, Kœbner. — Lexer. Turmair's
genannt Aventinus Bayerische Chronik. Bd. II. Munich, Kaiser. — De Aedo g
Gallart. Schilderung der Schlacht bei No'rdlingen, 1 63 1 ; traduit par Weinitz.
Strasbourg, Trùbner. — Bezold. R. Agricola. Festrede. Munich, Franz. —
Brieger. Aleander und Luther, 1521. lre part. Gotha, Perthes. — Wiermann.
Der deutsche Reichstag. 2° part. Leipzig, Renger. — Galitzin. Allgemeine
Kriegsgeschichte des Mittelalters. Vol. I, 1" partie, 1350-1618. Cassel, Kay.
— Alexi. John Lavv und sein System. Berlin, Lehmann. — Lœuenberg.
Geschichte der geographischen Entdeckungsreisen von Magellan bis zum
Ausgang des XVIII Jahrh. Leipzig, Spamer. — Voss. Ropuhlik und Kœnig-
tliuin ini alten Germanien. Leipzig, Duncker et Humblot. — Ritsc/U. Ge-
schichte des Pietismus in der lutheran. Kirche des XVII u. Will Jahrh. Bonn,
Marcus. — slauff'er. H.-Chr. Graf von Russworm, K. Feldmarschall in den
Tùrkenkœmpfen unter Rudolf II. Munich, Ackennann. — Miïcke. K. Hein-
rich IV, K. Philipp, u. Otto IV von Braunschweig. Gotha, Perthes. —
Erler. Deutsche Geschichte von der Urzeit bis zum Ausgang des Mittelalters.
Leipsig, Dùrr. — Schwarz. Landgraf Philipp von Hessen und die Packschen
Hœndel. Leipzig, Veit. — Becker. Catalogi bibliothecarum antiqui. Bonn, Cohen.
— Kolligs. Wilhehn von Oranien und ilie Anf.enge des Aufstandes der Nieder-
lande; ibid. — Laue. Ferreto von Vicenza; seine Dichtungen und sein Ge-
schichtswerk. Halle, Niemeyer. — Reumont. Aus K. Friedrich-'Wilhelin's
gesunden und kranken Tagen. Leipzig, Duncker et Humblot. — lluher. Ge-
schichte Œsterreichs. Bd. I. Gotha, Perthes. — Von Lccher. Beitnege zur
Geschichte und Vœlkerkunde. Bd. I. Francfort-sur-le-Mein, Liter. AnsFalt.
Antiquité. — Pflugk-Harttung. Perikles als Feldherr. Stuttgart. Kohlhammer.
— Cauer. De fahulis graecis ad Bomain conditain pertinentibus. Berlin, V.\\-
vary. — Beloch. Die attische Politik seit Perikles. Leipzig, Tcuhner. — \\n-
232 CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.
niche. De Pausaniae Periegetœ studiis Herodoteis. Berlin, Weidmann. —
Matthias. Commentai- zu Xenophon's Anabasis, Heft 3. Berlin, Springer. —
Nadrowski. Ein Blick in Roms Vorzeit. Thorn, Dombrowski. — Leist. Grœco-
italische Rechtsgeschichte. Jéna, Fischer. - Wiedemann. .Egyptische Ges-
cbichte. 2e part. Gotha, Perthes. — Baumeistcr. Denkmœler des classischen
Altertums. Munich, Oldenburg. — Kirchhoff. Duae quaestiones Papinianae.
Berlin, Mayer et Mùller. — Antoniadès. Kaiser Licinius. Munich, Litt. Anstalt.
— Frxnkel. Studien zur rœmischen Geschichte. Heft 1. Breslau, Kern. —
Grohs. Der Wertk des Geschichtswerkes des Cassius Dio, als die Quelle fur
die Geschichte der Jahre 49-44. Berlin, Calvary. — Stemkopf. Quaestiones
chronologicae de rébus a Cicérone inde a tradita Cilicia provincia usque ad relic-
tam Italiam gestis. Marbourg, Elwert.
Histoire locale. — Schliephake. Geschichte von Nassau, von den œltesten
Zeiten bis auf die Gegenwart; fortgesetzt von Menzel. Bd. VI. Wiesbaden,
Kreidel. — Machatschek. Geschichte der Bischœfe des Hochstiftes Meissen, in
clironologischer Reihenfolge. Dresde, Meinhold. — Vuy. Geschichte des
Trechirgaues und von Oberwesel. Leipzig, Gùnther. — Zurbonsen. Das Chro-
nicon Campi S. Maria} in der œltesten Gestalt, 1185-1422. Paderborn, Schœ-
ningh. — Tœpke. Die Matrikel der Universitœt Heidelberg, 1386-1662. Heidel-
berg, Winter. — Mehlis. Studien zur œltesten Geschichte der Rheinlande.
8e part. Leipzig, Duncker et Humblot. — Schmidt. Urkundenbuch des Hoch-
stifts Halberstadt und seiner Bischœfe. Th. II. Leipzig, Hirzel. — Jacobs.
Geschichte der in der preussischen Provinz Sachsen vereinigten Gebiete. Gotha,
Perthes. — Holzherr. Geschichte der Reichsfreiherrn von Ehingen bei Rotten-
burg a. N. Stuttgart, Kohlhammer. — Fuchs. Peter von Dusburg und das
Chronicon Olivense. Kœnigsberg, Schubert. — Heigel. Quellen und Abhand-
lungen zur neueren Geschichte Bayern. Munich, Rieger. — Eœniger. Der
Rotulus der Stadt Andernach, 1173-1256. Bonn, Cohen. — Schwebel. Die
Herren und Grafen von Schwerin. Berlin, Abenheim. — Schuster et Franche.
Geschichte der sœchsischen Armée. 3e partie. Leipzig, Duncker et Humblot. —
Westkamp. Herzog Chr. von Braunschweig und die S tif ter Munster und Pader-
born im Beginne des 30 jœhr. Krieges. Paderborn, Schœningh.
Autriche-Hongrie. — Le P. Denifle, dominicain autrichien, se
livre depuis de longues années à des recherches étendues dans les
Archives pour un volumineux ouvrage sur les Universités au moyen
âge. Le 1er vol. est sous presse.
Livres nouveaux. — Von Fries. Abriss der Geschichte Chinas seit seiner
Entstehung. Vienne, Frick. — Von Boich. Das hœchste Wergeld im Franken-
reiche. lnnsbruck, Rauch — Balan. Monumenta saeculi xvi historiam illus-
trantia. Vol. I. : démentis VII epistolae per Sadoletum scriptae, quibus acce-
dunt variorum ad Papam et ad alium epistolae. lnnsbruck, "Wagner. — Bxrdll.
Astronomische Beitnege zur assyrischer Chronologie. Vienne, Gerold. — Huber,
Ludwig 1 von Ungarn und die ungarischen Vassallenlcender. Ihid.
Grande-Bretagne. — La 13e et dernière livraison des fac-similés
publiés par la Palxographical Society vient de paraître; elle contient un
traité sur les modifications des divers systèmes d'écriture.
— Le t. I du Cartuïarium saxonicum, publié par M. W. de Gray
Birch, est complet avec le fasc. 9 qui vient de paraître. Il va jusqu'au
milieu du ixe s.
CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE. 233
— On sait qu'il est question on ce moment d'apporter dos modifica-
tions considéralilfs à l'organisation municipale de La cité de Londres.
Parmi les enquêtes préparatoires qui ont déjà été faites pour éclairer
les pouvoirs publics, il en est une, récemmenl publiée, qui offre un
grand intérêt historique. Elle est consacrée aux Compagnies à livrées,
qui ont joué et jouent encore un si grand rùle dans l'administration de
la Cité. Le 1er vol. [City of London livery Campâmes' Commission Report
and Appcndix. Londres, impr. Eyre et Spottiswoode ; prix : 3 sh. 10 d.)
contient : 1° les rapports des Commissaires sur l'histoire et l'étal pré-
sent des Guildes ou compagnies à livrées; et 2° le procès-verbal des
dépositions recueillies par les commissaires. Ces rapports (faits au nom
de la majorité et de la minorité) sont très intéressants au point de vue
historique; c'est un excellent résumé des travaux de M. Stubbs (aujour-
d'hui évêque de Chester), de M. Brentano, de M. Froude, etc.
— La Camden Society doit mettre en distribution en 18So : 1° un
cartulaire de Battle abbey de l'époque d'Edouard I,r, publié par
M. Bird; 2° dos rapports sur des procès jugés par la Chambre étoilée
et la Cour de Haute Commission sous Charles Ier, publiés par M. Gau-
diner; 3° le 3e vol. des Lauderdale papers, publ. par M. Airy.
— Le New-Collège à Oxford n'avait pas craint de vendre récom-
ment au prix de 1 1. 10 sh. une partie de ses archives modernes; elles
ont été heureusement retrouvées, juste au moment où elles allaient être
converties à des usages peu scientifiques pour l'armée du Salut.
M. Greville J. Chester, qui dénonce le fait à l'Academy (25 oct.), a pu
en acheter plusieurs liasses ; le reste a été pris par la Bodléienne. Là,
du moins, ces papiers seront en sûreté.
— M. Hubert Hall vient de terminer une histoire détaillée des con-
tributions indirectes en Angleterre, rédigée entièrement d'après les
documents originaux.
Italie. — M. Carlo Perini, mort à Trente le 28 déc. 1883, était éga-
lement passionné pour la botanique et pour l'histoire. On lui doit entre
autres ouvrages : Storia e descrizione di Trento e del suo territorio : il
concilie» di Trento, riassunto storico, publié en 1683 à l'occasion du
3e centenaire de la clôture du concile; Cenni stonci, statistici e biogra-
flci relativi al Trenlino (1863). Il a laissé des Mémoires inédits, impor-
tants, paraît-il, pour l'histoire de Trente au xix° s.
— UAccademia di conferenze slorico-giuridiche, établie depuis sept
ans, a déjà publié 5 vol. de Studi c docuruenti di storia c diritto : nous
donnons régulièrement l'analyse de cette revue. Elle a de plus com-
mencé une bibliothèque composée de travaux particuliers. Le t. 1 est
déjà publié; c'est celui de M. C. Re : Statut/ délia città di Rama del
sec. XIV. Le t. II : Statuli dei mercanti diRoma </"/ %ec. XIII al XVI, par
M. Gatti; les t. III : S. Hilarii tractatus de mysteriis et hymni. Peregri-
natio ad loca sancta, 367-70, par M. Gamiiuuni ; et V : Regesto délia
234 CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.
chiesa di Tivoli, par M. Bruzza, sont en cours de publication. Enfin
M. Marini prépare le tome IV : Iscrizione antiche doliari, et M. Mala-
testa, le t. VI : Statuti del gabellicrc maggiore di Roma del sec. XIV.
— Le 1er vol. des Documenti e Studi, publiés par la R. Deputazione
di storia patria pour les provinces de Romagne, contiendra : 1° les par-
ties du diaire inédit de Paride Grassi, dont l'une se rapporte à la pour-
suite de Bentivoglio par Jules II, et l'autre à la prise de possession par
ce dernier du duché de Ferrare ; 2° un fragment inédit de l'histoire de
Bologne, par Carlo Sigonio ; 3° des pièces tirées des Archives romaines
par A. Bertolotti, sur les artistes de Bologne, de Ferrare et autres, des
Etats de l'Église du xve au xviie s. ; 4° des études sur les humanistes
bolonais, par M. Aug. Corradi.
— Une Deputazione municipale di storia patria s'est formée à Fer-
rare, sous la présidence du maire, M. Trotti.
— Un Musée byzantin s'organise en ce moment à Ravenne, dans
l'ancien réfectoire des Gamaldules.
— Une seconde édition du livre de M. G. Panzavolta, / Manfredi
signori di Faenza, 1313-1501, est parue à la librairie Marabini (Bologne).
— Depuis le mois de juillet dernier paraît à Rome une Rivista critica
délia letteratura italiana.
— Vient de paraître à Bologne (Tipog. Regia) le fasc. 7 et dernier du
t. III, lre série, des Monumenti storici pertinenti aile provincie délia
Romagna. Il contient le relevé des mots employés dans les statuts de
la commune de Bologne, de 1250 à 1267, et qui n'ont pas été notés
dans le Glossaire de Du Cange.
— Le R. Istituto veneto di Scienze, lettere ed arti a mis au concours
les sujets suivants: Prix ordinaire biennal : Origines et vicissitudes des
biens communaux en Italie. — Prix Querini-Stampalia : Origines et
progrès de la bienfaisance publique en Italie ; et : Histoire du comte
Fr. di Carmagnola (31 mars 1886). — Prix Tomasoni : Étude sur la vie
de saint Antoine de Padoue. — Le fasc. 64 des Diari de Marino Sanuto
contient la fin du t. VIL
— M. le baron A. Sansi a terminé sa Storia del comune di Spoleto,
une des monographies de villes les plus remarquables qu'on ait vues
depuis plusieurs années.
— L'étude archéologique très minutieuse du professeur I. Coglitore,
sur l'île de Mozia, qui a paru dans VArchivio storico siciliano, a été tirée
à part et forme une contribution importante à l'histoire de la Sicile-
dans l'antiquité et au moyen âge.
Livres nouveaux. — Autografi ed altri documenti relativi al risorgimento
italiano esislenti nellc collezioni di A. Ancona. Milan, tip. Boniardi-Pogliani. —
Brandlleone. Il diritto romano nclle leggi normanne e sueve del regno di Sicilia.
Turin, Bocca. — Brano di storia veneta, estratto dal codice cartaceo in fol. del
sec. xv, detlo la Cronaca veneta. Asolo, tip. Vivian (per nozzc A. Loredan-
CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE. 235
Razzolini). — Carutti. Il conte Umberto I Biancamano e il re Arduino. Rome,
Lœscher. — Cusani. Storia di Ifilano, vol. VIII et dernier. .Milan, tip. c.alti-
noni. — Mariotti. San Francesco, sari Thommaso e Dante nella civiltà cristiana,
elerelazioni tra loro. Venise, tip. delI'Ancora. — ISisco. Storia d'Italia, lsli-80;
vol. II, 1820-30. Rome, tip. Voghera. — Iiosa. Statistica Btorica délia pro-
vincia di Brescia. Brescia, Apollooio. — Rusconi. Assedio di Novara 1495; doc.
inediti. Novare, tip. Miglio. — Salvo di Pietraganzili. I Sicnli; ricerca di ana
civiltà italiana auteriore alla greca. Palerme, tip. del Giornale di Sicilia. —
Scarabelli-Zuali. Riccio da Panna, uno dei 13 campioni « l ï Barletta. Milan,
Dumolard. — lireatari. Storia di Bassano e del suo territorio. Bassano, tip.
Sante-Pozzato. — De Gasparis. Soll'autorità del diritto romano e longobardo
nell'ltalia méridionale, 1016-1194. Naples, tip. dell'Acead. délie Scienze. —
G. de Luca. Storia délia città de Broute. Milan, tip. Giuseppe. — Gnecchi.
Le monete di Milano, da Carlo Manno a Vittorio Emanuele II, descritte ed illus-
trate. Milan, Dnmolard. — Villari. Arli\ storia <• lilosofia; saggi critici. Flo-
rence, Sansoni. — Castellani. Le biblioteehe nell' anticbilà, dai tempi pin remoti
alla fine ciel 1' impero romano d'Occidente. Bologne, Monli. — P. Da Ford.
Annan' illnstrati dell' ordine dei Frali minori Cappnccini; vol. II. Milan, San
Giuseppe. — E. Ferrero. Storia del medio evo. Turin, Lœscher. — Manno. La
prima pagina di storia délia R. Accademia délie scienze di Torino. Ibid. (Atli
dell' Accad., vol. XIX). — P. Vigo. Disegno délia storia universale. Vol. I.
Livourne, Fr. Vigo. — Forcella. Iscrizioni délie cbiese e d'allri edifizii di
Roma, dal sec. xi fino ai nostri giorni. Vol. XIV. Rome, Lœscher. — Marquise
C. d'Azeglio. Souvenirs historiques tirés de la correspondance avec son fils
Emmanuel, de 1835 à 1861. Turin, Bocca. — Beltrani. Cesare Lambertini c la
società famigliare in Puglia durante i sec. xv e xvi. Vol. I, 1"' partie : docu-
ments. Milan, Hœpli. — Bertocchi. Ragguagli storici di Moulignoso di Ltini-
giana, 1701-84. Lucques, tip. del Serchio. — Ciccaglione. Storia del diritto
italiano, dalla caduta dell' impero romano alla costituzione del regno d'Italia.
Naples, tip. del Vaglio.— Diario di N'icola Roncalli, 1849-70. 2 vol. Turin, Bocca.
— Fumi. Raccolta di documenti concernenti la storia d'Orvieto. Florence, Vieus-
seux (t. VIII des doc. di storia italiana pour les provinces de Toscane, des
Marches et de l'Ombrie). — Occio ni- Bona/fons . Bibliografia Btorica Iriulana,
1861-82. Udine, Gambierasi. — Zamponi. Maria Adélaïde di Savoia duchessa
di Borgogna, delfina di Francia. Florence, Galletli e Cocci. — E. Bollati di
Soi at -Pierre. Le congregazioni dei tre stati délia valle d'Aosta ; t. IV et der-
nier (t. XIV et XV des Histor. patr. Mon.). Turin, Vigliardi. — Filangieri.
Documenti per la storia, le arti e le industrie délie provincie napoletane. Vol. II.
Naples, tip. dell' Accad. délie scienze. — Malagola. L'archivio di stato in
Bologna délia sua origine a tutto il 1882. Modène, tip. Vincenzi et Bip. —
Manno. Origine e variazioni dello slemma di Savoia. Turin, tip. Bocca. — Anto-
nelli. Catalogo de' nis>. delta civica biblioteca di Ferrara. Ferrare, Taddei. —
Balaa. La politica di Clémente VII fino al sacco di Roma, secondo i documenti
vaticani. Rome, tip. Monaldi. — Dauriynac. Istoria délia conipagnia di Gesù.
Gênes, tip. Arcivescovile. — B. Favre. Recherches historiques sur le Valdigne.
De la révocation de ledit de Nantes à la paix d'Utrecht, 1685-1713. Aoste,
impr. Mensio. — Jozzi. Storia délia chiesa e dei vescovi di Acqui. Acqui, tip.
Dina. — Lucien/. Catalogo illustrato délie antiche monete romane, disposte in
Acquaviva délie Fonli. Bari, Gissi et Avellino. — Bonfadini. Milano nei suoi
momenti storici, 2r sér. Milan, Trêves. — Guerrini. Viaggjo fatto 1521 in Francia,
Spagna. Inghilerra, etc. da D. Rigeto. Bologne, Zanichelli (perle nozze Guerrini-
236 CIHIOVIQUE ET bibliographie.
Dp Philippi). — Sergi. Antropologia storiea del Bolognese; reso conto délie
antiche necropoli felsinese. Modène, tip. Vincenzi. — Teoli. Teatro istorico
délia città di Velletri ; rislampato sulla edizione originale del 1664. Velletri,
Bertini. _ Carraresi. G. Capponi, lettere; vol. III. Florence, Le Monnier. —
Faraone. Pier délia Vigna di Caiazzo ; risposta ai signori Capasso e Jannelli.
Caserte.
Suisse. — M. le Dr J. Strickler vient de publier la 2e livraison du
tome V et dernier de son Aktensammlung zur schweizerischen Reforma-
ta onsgeschichte. Elle contient, d'une part, les tables analytiques qui
forment le complément indispensable d'un pareil recueil; de l'autre,
un très intéressant appendice bibliographique, où sont enregistrés,
dans l'ordre chronologique, tous les écrits des années 1521-1532 qui
peuvent jeter quelque jour sur l'histoire de la Réformation suisse.
— La direction des Archives fédérales vient de publier un nouveau
tome du Recueil officiel des anciens Recès fédéraux, qui renferme les
Recès des années 1681-1712 (rédacteur, M. l'archiviste Kselin, de
Schwyz).
— M. Th. Dufour a fait tirer à part l'article du Journal de Genève
(15 juillet) dans lequel il a mis en lumière un certain nombre de
documents relatifs au séjour que Giordano Bruno fit à Genève en 1579.
— Un ancien élève des Universités de Zurich et de Genève, M. J.
Hagmann, de Degersheim (Saint-Gall), a consacré à l'Essai sur les mœurs
la dissertation inaugurale qu'il a présentée à la Faculté de philosophie
de Leipzig (Ueber Voltaire's Essai sur les mœurs. Rapperswil, impr.
Steiner; brochure in-8" de 68 p.). C'est une bonne contribution à l'his-
toire de la littérature historique du xvnr8 siècle.
— M. Camille Favre a publié dans le Journal de Genève du 9 décem-
bre 1884 une notice biographique sur le général de Rœder, ministre
de l'empire d'Allemagne en Suisse, mort le 8 novembre dernier à
Berne. « Le nom de ce diplomate appartient à la grande politique de
notre temps. » Les quelques pages que M. Favre consacre à sa mémoire
sont pénétrées de cette émotion que peuvent seuls donner des souvenirs
personnels.
— M. G. Meyer von Knonau a édité l'an dernier les souvenirs de son
grand-père (Ludwig Meyer von Knonau, Lebenserrinerungen, 1769-1841).
Il vient de publier, comme introduction, une intéressante brochure
intitulée : Aus einer zurchcrischen Familienchronik (Frauenfeld, 1884,
in-8°, vi et 100 pages), dans laquelle il retrace l'histoire de sa famille
depuis le xrve siècle jusqu'à la fin du xvi.ne siècle.
— M. Ed. Marcour a publié dans la Sammlung historischer Bildnissc
(Fribourg-en-Brisgau, Herder) une nouvelle édition remaniée de l'in-
téressante biographie de Tilly, par F. Keym.
Danemark. — On vient de célébrer partout dans les pays Scandi-
naves, comme autre part du reste, le deuxième centenaire de la nais-
sance de Ludvig Holberg, de celui qu'on a appelé avec raison le père
CHRONIQUE ET BIBLIOlIRAPFTIE. 237
de la littérature danoise et norvégienne. L'illustre auteur naquit à
Bergen, le 3 décembre 1684. Après avoir passé plusieurs années de sa
jeunesse à l'étranger, en Hollande, en Angleterre, en France et en
Italie, il rentra de ses voyages et l'ut nommé en 1718 professeur de
métaphysique à l'université de Copenhague; trois ans plus tard, il
obtint la chaire d'éloquence qu'il changea en 1730 pour celle d'histoire ;
il mourut le 28 janvier 1754. Déjà en 1719 il avait enthousiasmé le
public par sa grande épopée comique Peder Paars, et bientôt ses nom-
breuses comédies devaient créer un théâtre national. Pleines de verve
comique et pénétrante , elles ont donné à l'esprit de la nation
danoise une empreinte ineffaçable; elles font partie du répertoire cou-
rant, jusqu'à nos jours, des théâtres des pays Scandinaves; il en a été
pendant longtemps de même aussi en Allemagne. Outre ses œuvres
poétiques, Ilolberg a écrit avec succès sur la morale, sur le droit
naturel, sur la géographie et sur l'histoire.
Pour Ilolberg, l'histoire si riche en exemples est une science émi-
nemment instructive; elle parle à tout lecteur et jamais elle ne doit
perdre de vue ce qui dans les choses est essentiel et caractéristique.
C'est à ce point de vue qu'il a écrit son Histoire de Danemark, en
trois volumes, puisée aux sources mômes. C'était alors la première
fois que l'histoire de la nation depuis les temps les plus reculés
se présentait écrite avec une vue précise de l'ensemble. Sans doute,
l'auteur n'était pas un érudit de profession ; sans manquer de critique,
l'étude minutieuse et détaillée des sources n'était ni de son goût
ni de son talent ; aussi pour le moyen âge son livre reste très insuf-
fisant ; mais, pour les temps modernes, il avait consulté beaucoup
de documents jusque-là inconnus et, ici, comme du reste dans toutes
les parties du livre, on observe son jugement équitable, guidé par un
rare bon sens. Son style est vif et animé, précis et spirituel ; à cet
égard, nul historien danois n'a su plus tard le surpasser. Mais Ilolberg
voulait aussi répandre la connaissance de l'histoire universelle; il
écrivit donc une très intéressante histoire générale de l'église (1738), des
biographies de liéros et d'héroïnes comparées à la manière de Plutarque
(1739, 1745), l'histoire des Juifs (1742), beaucoup d'épitres sur des sujets
historiques, etc. Enfin il ne faut pas oublier ses livres d'instruction et
surtout sa Synopsis historiae universalis. Ce petit catéchisme d'histoire
universelle a paru en Danemark, en Hollande et en Allemagne, dans
dix éditions en latin, de 1733 à 177] ; cet ouvrage a été traduit en hol-
landais, en anglais (trois éditions), en allemand (quatre éditions), et
encore en 1808 il en a paru pour la troisième fois une traduction russe.
Dans les ouvrages historiques de Holberg se révèlent son carac-
tère, son talent, ses idées politiques et morales. Son idéal est un
absolutisme éclairé et libéral : la liberté la plus grande possible
pour les sujets, nulle censure littéraire et surtout la tolérance reli-
gieuse. Il craint la hiérarchie et la papauté comme dangereuses au
pouvoir royal et ennemies du libre développement des facultés
238 CHRONIQUE ET ISIBLIOGUAPHIE.
des hommes ; voilà pourquoi dans les combats de l'église au moyen
âge il prend le parti des rois contre les prélats. Il admire des princes
comme Pierre le Grand et Frédéric II de Prusse, et il soutient que
les rois ne doivent pas être jugés seulement par leurs guerres et
leurs victoires, mais plutôt par la prospérité de la nation; aussi Holberg
s'occupe-t-il beaucoup de l'histoire intérieure des pays, des mœurs des
peuples, de leurs croyances, de leur état civil et militaire. Les portraits
qu'il nous trace des princes et des personnages historiques sont toujours
intéressants, et il peint avec prédilection le caractère des différentes
nationalités. Le grand savoir de Holberg dans toutes les sciences, sa
profonde connaissance des hommes, son jugement équitable rendent
ses observations intéressantes, même quand elles ne possèdent pas la
solide base d'études approfondies. Naturellement son talent comique se
manifeste dans ses ouvrages sérieux ; mais il ne s'en sert jamais pour
persifler ou persécuter; comme dans ses comédies la satire dont il se
sert est toujours sans amertume, pleine d'humanité et de bonhomie.
Russie. — Dans la livraison d'octobre de la Revue (russe) du minis-
tère de V Instruction publique, M. Bestoujev Rioumine, professeur d'his-
toire à l'Université de Saint-Pétersbourg, apprécie en ces termes la
traduction de la Chronique de Nestor, récemment publiée par notre col-
laborateur, M. Léger (E. Leroux) : « On doit reconnaître, dit-il, un
grand mérite à M. Léger qui a reproduit notre chronique avec une
pleine connaissance de la matière, une intelligence nette du texte, et
dans une langue excellente Ce travail ne saurait être négligé même
par les savants russes La traduction est en général exacte, élégante
et, dans un certain nombre de passages particulièrement difficiles, elle
présente une heureuse interprétation du texte Nous avons sous les
yeux le rare exemple d'un étranger qui a fait sur notre ancienne langue
de persévérantes et profondes études. A dater d'aujourd'hui, la chro-
nique devient le bien commun de la science européenne. Ce remar-
quable travail fait honneur à la science française qui, malgré la diffi-
culté des temps, travaille à ne point perdre le rang élevé qu'elle
occupe dans le mouvement intellectuel de l'Europe. »
Roumanie. — Notre collaborateur, M. Al.-D. Xénopol, professeur
d'histoire à l'université de Jassi, vient de publier en français (chez
E. Leroux), un ouvrage important, sur lequel nous croyons devoir atti-
rer l'attention des érudits; ce n'est d'ailleurs que le développement d'un
article publié ici même, il y a peu de temps, par M. Xénopol. On sait
qu'il y soutient, contre M. Rœsler, contre M. Hunfalvy et autres histo-
riens, la thèse de la continuité,' dans les pays qui forment la Rou-
manie et dans la Transylvanie actuelle, de l'ancienne population dace
romanisée. Pour lui, les Daces ont été entièrement romanisés. Quand
les empereurs eurent donné l'ordre d'évacuer la Dacie, les riches émi-
grèrent; les pauvres, les paysans restèrent; à l'époque des grandes
invasions, ils se réfugièrent dans les montagnes ; ils commencèrent d'en
listi: nns livres déposés au bureau de la revue. 239
descendre depuis le xr» siècle pour occuper les plaines où ils sont
encore aujourd'hui. A L'appui de cette thèse, L'auteur développe dans
ce nouveau travail un grand luxe d'arguments tirés des textes histo-
riques, des chartes du moyen âge, de la langue, des noms de Lieu. On
trouvera peut-être que cel ouvrage ne force pas la conviction du lecteur,
qu'il renferme parfois plus de raisonnements que de raisons; mais on
ne saurait méconnaître que c'est une étude très approfondie et conduite
dans un véritable esprit scientifique. Les questions d'origine sont les
plus difficiles qui s'imposent à la sagacité de l'historien, c'est un grand
point quand on sait rajeunir une vieille discussion en la mettant sous
un nouveau jour. Il est certain qu'on ne pourra désormais étudier les
origines du peuple roumain sans recourir au livre de M. Xénopol.
LISTE DES LIVRES DÉPOSÉS AU BUREAU DE LA REVUE.
[Nous n'indiquons pus ceux qui ont été appréciés dans les Bulletins
et la Chronique.)
Allard. Histoire des persécutions pendant les deux premiers siècles, d'après
les documents archéologiques. Lccoffrc, xxxix-461 p. in-8\ — Brièle. Collec-
tion des documents pour servir à l'histoire des hôpitaux de Paris; t. III : col-
lection des comptes de l'Hôtel-Dieu de Paris ; second fascic. Picard, in-4°, xv-2,
p. 201-427 (Un). — Duc de Broglie. Frédéric II et Louis XV, d'après des docu-
ments nouveaux, 1742-44- C. Lévy, 2 v., 418 et 443 p. in-S". — Callandreau.
Ravaillac. Picard, 189 p. in- 8°. — Chardon. La vie de Rotrou mieux connue,
documents inédits sur la société polie de son temps et la querelle du Cid. Paris,
Picard ; Le Mans, Pellechat. — Desnoiresterres. La comédie satirique au
xvmc s. Perrin (librairie académique), vm-458 p. in-8°. — Garrigou. Ibères,
Ibérie; étude sur l'origine et les migrations de ces Ibères, premiers habitants
connus de l'Europe. Foix, typ. veuve Pomiès, xv-182 p. in-18. — Ch. d'Hé-
ricault et G. Bord. Documents pour servir a l'histoire de la Révolution fran-
çaise. Sauton, 384 p. in-8°. — Jurien de La Graviére. La marine des Ptolé-
mées et la marine des Romains. Pion et Nourrit, 2 vol., 252 et 216 p. in-12.
— Edw. Le Glay. Histoire du bienheureux Charles le Bon, comte de Flandre.
Lille, Desclée et de Brouwer (Soc. de Saint-Augustin), ni-332 p. iu-S" goth.
— Lemaire. Les fêtes publiques à Saint-Quentin pendant la Révolution et sous
le premier empire (extrait du Journal de Saint-Quentin). Saint-Quentin, impr.
Moureau, 244 p. in-18. — Le Paulmier. Ambroise Paré, d'après de nouveaux
documents. Charavay, vm-418 p. in-8°. Prix : 10 fr. — R. de Magnienville.
Claude de France, duchesse de Lorraine. Librairie académique (Perrin), 241 p.
in-12. Prix : 3 fr. 50. — Masson. Le cardinal de Bernis depuis son ministère,
1758-94. Pion et Nourrit, iv-560 p. in-8". — Th. Reinacu. Histoire des Israé-
lites, depuis leur dispersion jusqu'à nos jours. Hachette, xvm-423 p. in-16.
240 ERRATA.
Prix : 3 fr. — Comte de Sao Mamede. Don Sébastien et Philippe IL Pedone-
Lauriel, 129 p. in-8'. — Abbé Sicard. L'éducation morale et civique avant et
pendant la Révolution, 1700-1808. Poussielgue, ix-v-583 p. in-8°. — Edm.
Stapfbr. La Palestine au temps de J.-C. Fischbacher, 531 p. in-8°. — Stein.
Le Cartulaire de l'ancienne abbaye de Saint-Nicolas-des-Prés, sous Ribemont,
au tlioc. de Laon (Mém. de la soc. acad. de Saint-Quentin, t. V). Saint-Quentin,
impr. Poctle, 231 p. in-8'.
W. Busch. DreiJahie englischer Vermittlungspolitik, 1518-21. Bonn, Marcus,
xi-194 p. in-8°. Prix : 4 m. — H. von Holst. Verfassungsgeschichle der
Vereinigten Staaten von Amerika seit der Administration Jackson's. Bd. III.
Berlin, Springer, xix-800 p. in-8». Prix : 16 m. - Ad. Koch. Hermann von
Salza, Meister des Deutschen Ordens. Leipzig, Duncker et Humblot, ix-140 p.
in-8°. Prix : 3 m. 20. — Koser. Unterbaltungen mit Friedrich dem Grossen.
Memoiren und Tagebucher von H. de Catt. Leipzig, Hirzel, xxxm-504 p. in-8\
— Sickel. Diplomata regum et imperatorum Germaniae. T. I, pars 3a, xix-
321-740 p. Hanovre, Hahn. — Waitz. Ottonis et Rahewini Gesta Friederici I im-
peratoris ; editio altéra; ibid., xxxi-305 p. 8°.
Zeissberg et Vivenot. Quellen zur Geschichte der deutschen Kaiserpolitik
Œsterreichs waehrend derfranz. Revoluticmskriege, 1790-1801. Bd. IV. Vienne,
Braumiiller.
Graf. Roma nella roemoria e nelle imaginazioni del medio evo. Vol. II.
Turin, Lœscher, 598 p. in-8°. Prix : 8 1. — Zamponi. Maria-Adelaide di Savoia,
duchessa di Borgogna, delfina di Francia. Florence, Galetti et Cocci, 447 p.
in-8». Prix : 3 1.
Errata du précédent numéro.
Page 419, ligne 1, au lieu de Militari, lire : Militare.
Page 419, lignes 21, 22, au lieu de : dans sa conclusion, par exemple, lire
Ainsi, dans sa conclusion, l'exemple de Rome, etc.
Page 420, ligne 26, au lieu de : provisoire, lire : positive.
Page 421, ligne 33, au lieu de : Levot, le savant professeur de Brest, lire
Levot, le savant Bibliothécaire du port de Brest.
L'un des propriétaires-gérants, G. Monod.
Nogent-le-Rotrou, imprimerie Daupeley-Gouverneur.
LA
MISSION DU PÈRE JOSEPH
A RATISBONNE
1630.
(Suite.)
A la suite du départ du fils de Bouthillier (22 août), les négo-
ciations avaient été suspendues le temps nécessaire pour en don-
ner communication aux électeurs, prendre leur avis et leur faire
part des résolutions de l'Empereur, elles furent reprises le dernier
août. Ce jour-là, les commissaires portèrent ces résolutions à la
connaissance de nos envoyés. L'Empereur avait fait demander au
nouveau duc de Savoie 4 s'il voulait se contenter de l'indemnité
accordée à son père, il avait demandé à la duchesse de Lorraine
et à Spinola leurs pouvoirs pour statuer sur les intérêts de la pre-
mière et sur ceux de l'Espagne. L'arbitrage du suzerain des fiefs
en litige était une voie plus rapide pour arriver à une solution
qu'une discussion directe et un accord entre les intéressés. La
sentence impériale rendue et les termes de la soumission du duc
de Mantoue arrêtés, l'Empereur restituera à celui-ci sa bienveil-
lance et le rétablira dans ses droits. Il ne faisait pas actuellement
d'objection aux propositions concernant le désarmement et l'éva-
cuation, il attendrait les nouveaux pouvoirs de nos agents pour
faire connaître à cet égard, d'une façon plus précise, ses intentions
qui étaient subordonnées aux circonstances. Les commissaires
revinrent sur la nécessité d'établir entre lui et le roi une paix
générale impliquant la renonciation aux alliances contraires.
1. Charles-Emmanuel était mort le 26 juillet et avait eu pour successeur
Victor-Amédée.
Rev. Histor. XXVII. -2e fasc. 1G
2 52 G. FAGMEZ.
Enfin, conformément à l'idée suggérée par les électeurs1, ils
signalèrent l'opportunité de terminer les différends pendants au
sujet des Trois Evèchés et de dissiper les inquiétudes que l'armée
de Champagne inspirait aux princes de l'Empire et particulière-
ment au duc de Lorraine. Ces déclarations étaient trop générales
pour faire le sujet d'une discussion approfondie, elles n'appelaient
que des observations ayant le même caractère. En annonçant
qu'il s'occupait à réunir les pouvoirs nécessaires pour prononcer
son arbitrage, Sa Majesté Impériale ne laissait rien pressentir du
sens dans lequel il serait conçu ; nos négociateurs exprimèrent
l'espoir qu'il serait de nature à être accepté par leur maître et
qu'il ne s'écarterait pas des conditions arrêtées en Italie. Elle
promettait de rendre au duc de Mantoue sa bonne grâce ; ils trou-
vaient ce terme bien vague, c'était l'investiture qui faisait tout le
prix de cette rentrée en grâce, et c'était l'investiture qu'il fallait
promettre. Ce n'était pas sans intention que le mot réclamé par
eux avait été évité, il y avait là un calcul dont le protocole des
conclusions adoptées le 29 août par les commissaires nous a con-
servé le secret2. Les déclarations relatives à une paix générale,
aux Trois Evêchés et à l'armée de Champagne furent accueillies
avec la réserve commandée par la nouveauté de ces questions qui
n'avaient pas été soulevées en Italie et par le défaut d'instructions 3.
Le seul but de cette entrevue avait été de faire connaître aux
représentants de la France les intentions de Ferdinand, et leurs
observations n'étaient que l'expression spontanée et non concer-
tée de leurs impressions. Le 4 septembre, ils furent appelés à
manifester leur opinion réfléchie sur cette communication, parti-
culièrement sur la question d'une paix générale. L'ambassadeur
loua de nouveau le projet de donner la paix à la chrétienté en
établissant l'harmonie entre l'Empereur et la France, mais, avant
d'aller plus loin, il fallait éclaircir un point. Ce point, le P. Joseph
l'indiqua en ces termes : S'il se concluait un traité en Italie, ne
mettrait-il pas fin à la présente négociation ? La vérité est, leur
1. Avis donné à l'empereur par le collège électoral, 27 août. Kbevenliiller,
XI. 1210, 1212, 1213.
2. « Conclusum ut ubi dicitur de Nivernensi, previa deprecatione et
submissione, investicndo, saltcm dicatur in gratiam et stalura pristinurn res-
tituendo. » Arch. de cour et d'État à Vienne. Friedensacten, liasse 9 a.
3. Dépêcbe du P. Josepb à Richelieu, 2 septembre 1630. Arch. des aff. élr.
Allemagne, VII, f. 137.
u mission i>r p. JosErn a ratisbowe. 243
répondit-on, que, d'après te rapport de Collalte, Mazarin s'est
remis à négocier la paix en Italie, mais Sa Mnje>lé Impériale n'a
pas pris de parti définitif sur la valeur de ce qui s'y fait et a seu-
lement ordonné de continuer à traiter ici '. Le P. Joseph se plai-
gnit ensuite d'avoir affaire à Ratisbonne à des propositions fort
différentes de celles qui avaient été faites en Italie et de voir les
chances de la paix diminuer à mesure qu'on négociait davantage.
Les commissaires répondirent que les pourparlers qui avaient eu
lieu au delà îles Alpes, n'ayant pas abouti, étaient non avenus.
Ils allaient trop loin. Autant l'espoir d'obtenir des conditions plus
avantageuses que celles qui avaient été ménagées par Mazarin
était légitime chez Ferdinand, autant il était impossible de ne pas
tenir compte des préliminaires de paix auxquels avait participé
son représentant autorisé et que lui-même avait acceptés à Ratis-
bonne comme base de négociations nouvelles 2.
1. Heyne exagère la portée du langage tenu par les commissaires en leur
faisant dire que la négociation ne sera pas reprise en Italie. Il se trompe plus
gravement en présentant cette déclaration comme un succès pour le P. Joseph
et pour la France (p. 115 et n. 2). Tous les documents, notamment la dépêche
du P. Joseph à Richelieu du 20 septembre (Arch. des ail. étrang. Allemagne,
VII, fol. 140), nous montrent nos agents désireux, pour les raisons que nous
avons dites, de voir la paix signée en Italie plutôt qu'on Allemagne. En posanl
cette question, ils n'avaient d'autre but que d'éviter l'équivoque et le malen-
tendu qui pouvaient naître de deux négociations parallèles, ils n'avaient aucune
arrière-pensée. Le lecteur en jugera par le texte du protocole qui, il faut
l'avouer, n'est pas parfaitement clair. « Er [Brularl] betinde auch aothwen-
dig zu sein, ehe man zu fernerer Handlung schreiten mœchte, etwas zu
erwamnen und zu erlauttem, damit dièse wohlgemeinle Tractation nicht et-
wan mœchte gehindert oder confundirt werden, so der P. Joseph mit mehrern
wùrde erklaren, welcher darauf vermeldet : Hs stehe zu befahren, dasz nicht
etwan diese Friedenshandlung durch Tractalus in Italien, wann dort en auch
dergleichen ihren Fortgang erreicheten (wie ohngesehr vorkomme) ins Slecken
gebracht u. verhindert wiirde, derowegen gebeten ob und was die Depntirten
deswegen fur Nachrichtung hcetten damit allerscits desto behulsamer gegan-
gen, confusiones verhùtet und eins in das andere nicht vermischt werden
mœchte. » Vorauf die Deputirten geantwortet : « Dass nicht weniges andem sey,
wie der Graf von Colalto berichte, dasz der Mazarino die Tractatna wieder
reassumirt, und zu dero Vorstellnng allererth (? le texte imprimé porte allbe-
reit) diligentias angcwerndet dariiber aber lhre Kays. Maj. unsers wissen bis
noch nichts resolvirt, sondern die allhier angefangene Handlung zu prosoquiren
befohlen haetten. » Khevenhiller, XI, 1214. Nous avons rectifié le texte de
Khevenhiller d'après le protocole ms. conservé à Vienne. Arch. de cour et
d'Etat, Friedensacten, liasse 9 a.
2. Dépêche de Brulart et du P. Joseph à Richelieu, 22 août 1630. Arch. des
aff. étrang. Allemagne, VII, fol. 116.
244 G. FAGNIEZ.
Nos envoyés firent observer qu'il s'écoulerait beaucoup de
temps avant que l'Empereur eût réuni les pouvoirs des parties
intéressées et rendu son arbitrage ; d'ici là, la guerre pouvait
rendre vaine l'œuvre de la diplomatie. Il serait juste de faire con-
naître au roi, avant qu'il demande au duc de Mantoue d'accep-
ter d'avance la sentence impériale, l'étendue des sacrifices qu'elle
imposera à celui-ci, la nature et l'importance des satisfactions
qu'elle accordera aux prétendants. A leurs yeux, le mieux, en ce
qui concerne le duc de Savoie, est de s'en tenir à ce qui a été fait
en Italie, c'est-à-dire à 18,000 couronnes de revenu annuel assi-
gnées sur Trino et sur des terres voisines et possédées non en vertu
des stipulations arrêtées en Italie, mais en vertu de la décision
impériale. Il n'a jamais été question de donner des terres au duc
de Guastalle, mais seulement une somme de 50,000 couronnes
environ, le duc de Nevers ne se résignera jamais à lui céder des
terres, le roi y répugne aussi et il importe également à l'Empereur
et à l'Empire que le Mantouan, qui n'est déjà pas grand, ne soit
pas réduit ou démembré. Les quatre terres qu'on veut lui enlever
sont, dit-on, les meilleures et les plus riches. Il ne sera pas pos-
sible de prononcer de sitôt sur les prétentions de la duchesse de
Lorraine, il ne faut pas ajourner pour cela la conclusion de la
paix, on propose de soumettre ses prétentions à l'arbitrage de la
reine mère; la duchesse, qui connaît la bienveillance de sa cousine
germaine, ne s'opposera vraisemblablement pas à ce compromis.
Si Charles de Gonzague a offensé Sa Majesté Impériale, c'est sans
le vouloir, l'innocence de ses intentions doit lui mériter l'indul-
gence et lui épargner des excuses trop humiliantes. On leur donna
en effet l'espoir qu'on ne se montrerait pas trop exigeant à cet égard .
Ils ajoutèrent qu'ils ne comprenaient pas pourquoi la promesse de
l'Empereur de rendre sa bonne grâce au duc de Nevers et de le réta-
blir dans ses droits ne faisait pas mention de l'investiture, qui était
l'objet le plus important du traité, le fruit principal de cette bonne
grâce, et ils attendaient sur ce point les explications des commis-
saires. Le licenciement ou l'éloignement des troupes, l'évacuation
et la restitution des lieux occupés actuellement et de ceux qui pour-
raient l'être, le rasement des fortifications nouvelles, tout cela doit
être réglé en Italie, aussi prient-ils instamment l'Empereur d'y
envoyer immédiatement ses pleins pouvoirs pour conclure une paix
qui prévienne les accidents auxquels peut donner lieu le voisinage
des armées. N'ayant pas encore reçu la réponse de Richelieu au
LA MISSION DU T. JOSEPH A RATISIÏONM-. 2 15
sujet de l'assurance réciproque contre tout acte d'hostilité, ils
n'avaient pas de raison pour sortir de la réserve dans laquelle ils
s'étaient tenus à cet égard. Ils déclarèrent qu'ils ne pouvaient
l'accueillir sans en avoir référé au roi et qu'ils doutaient que l'Es-
pagne se tînt pour liée par les engagements de l'Empereur, ils
croyaient donc plus à propos de régler sans retard la question
italienne et de remettre la question allemande au roi lui-même,
si favorablement disposé pour l'établissement de la paix et de la
bonne harmonie. Ici les commissaires essayèrent de mettre nos
envoyés, particulièrement le P. Joseph, en contradiction avec
eux-mêmes. Dans la dernière conférence n'avaient-ils pas accueilli
avec reconnaissance la proposition de traiter d'une paix générale,
le P. Joseph n'avait-il pas même assuré qu'elle serait très agréable
au roi ? A défaut de pleins pouvoirs et ceux qu'ils attendaient ne
devant pas s'étendre à cette question imprévue, n'avaient-ils pas
proposé de dresser un projet qui serait envoyé au roi et validé
ensuite, aussitôt que possible, par l'Empereur1? Reculer mainte-
nant, conclure la paix en Italie et la laisser en suspens (? anstel-
len) en Allemagne, sous prétexte de pouvoirs insuffisants, paraî-
trait singulier et produirait un mauvais effet, dont les affaires
d'Italie elles-mêmes pourraient souffrir. Après bien des discus-
sions, les représentants de la France déclarèrent que tout ce qu'ils
pouvaient prendre sur eux, c'était de consentir à un article géné-
ral exprimant la volonté de leur maître de ne léser d'aucune
manière, par lui-même ou par autrui, Sa Majesté Impériale, ses
Etats héréditaires ni l'Empire 2. Tout ce qu'on peut demander,
ajoutèrent-ils, est compris dans cet article. Quant à spécifier en
détail la portée de cette déclaration et à promettre la renon-
ciation du roi à ses alliances, ils ne pouvaient le faire sans ordres.
Les anciens et les nouveaux différends soulevés par les Trois
Evêchés n'ont rien à faire dans la négociation actuelle et ils ne
sont pas en mesure d'en traiter. On pourrait convenir d'un délai
et d'une conférence pour les régler et s'engager à maintenir, en
1. « Modus vorgeschlagcn, wie solche Tracfatus pacis universalis vorzu-
stellen, auf gewisse agiustarnenti zu richten, cacher dem kocnig aus Franck-
reich zu fertigen und zuzuschicken » Khevenhiller, XI, 1218. On voit par
le texte du protocole que les commissaires étendent à la question de la garan-
tie réciproque la proposition qui, dans la pensée du P. Joseph, ne s'appliquait
qu'aux allaires d'Italie.
2. « dass der kœnig Ihro Kays. Maj weder durch sich noch dun h
andere quocunque modo offendiren oder beleydigen wollc... » Ibid., 1219.
>/»() G. FAGNIEZ.
attendant, le statu quo. Les troupes françaises seront éloignées
des frontières de l'Empire et la Lorraine ne sera pas envahie
(investirt), pourvu que les troupes impériales s'éloignent éga-
lement des frontières françaises. Ils demandent de nouveau qu'on
envoie à Collalte le projet de traité dont on tombera d'accord à
Ratisbonne avec l'ordre de le ratifier et de l'exécuter aussitôt que
la validation de leur souverain lui sera parvenue. De cette façon
on gagnera du temps et l'on préviendra les accidents dont la
guerre est journalière. Sa Majesté Impériale préfère-t-elle arri-
ver au même but par une suspension d'armes ? Qu'elle daigne
envoyer un courrier à son général, ils l'en prient instamment,
et, de leur côté, ils demanderont à leur maître d'en faire autant1.
Les commissaires impériaux ayant rendu compte à Ferdinand
de cette conférence, celui-ci les chargea d'annoncer aux négocia-
teurs français qu'il consentait à envoyer à Collalte l'ordre de
signer une suspension d'armes; c'est lui qui réglerait les points
relatifs à l'évacuation et à la restitution des lieux occupés et l'on
débattrait les autres questions à Ratisbonne. Les agents de la
France seraient tenus au courant de ce qui se traiterait en Italie2.
La mission de Collalte n'était pas pour cela limitée au règlement
des conditions dans lesquelles s'effectueraient la pacification et le
désarmement, il conservait les pouvoirs nécessaires pour traiter
de la succession de Mantoue. Ces pouvoirs ne lui avaient jamais
été expressément enlevés ; en s'autorisant de la présence de négo-
ciateurs français à Ratisbonne et du désir de l'Empereur de négo-
cier lui-même pour décliner la tâche de conclure la paix, ce géné-
ral avait eu pour but de se dérober aux instances de Mazarin et
de donner à Spinola le temps de prendre Casai 3.
1. Protocole de la conférence du 4 septembre dans Khevenhiller, XI, 1214-
1220.
2. Khevenhiller, XI, 1220. « Velle proinde S. M. Caes. ut puncta de abdu-
cendo milite, restituendis locis, deserendis passibus in Italia pertractentur,
nos vero hic ad ulteriora progrediamur. Protocole de la conférence du 17 sept.
Arch. de cour et d'État à Vienne. Friedensacten, liasse 9 a.
3. « ... Significavimus [ce sont les commissaires impériaux qui parlentj ipsis
[Brulart et le P. Joseph] primo ad nuperum quaesitum au cornes Collalti adhuc
haberet plenipotentiam, intellexisse nunc procul dubio dominum P. cappuccinum
quod minquam dno corn. Collalto plenipotentia semel concessa fuerit adempta
vel revoeala. » Protocole de la conférence du 17 sept. Ubi supra. « Al conte
di Collalto li vienc tacilamente a cessare domandandoli S. M. informatione di
moite cose per concluder ella la pace con li ministri di Francia in Ratisbona. »
LA MISSION DU P. JOSEPH A RATISBO\NE. 2'(7
Les ordres de Ferdinand avaient été devancés : le 4 septembre
avait été signée à Rivoli entre nos généraux et Spinola une trêve,
dont le terme avait été fixé au 15 octobre. Cette trêve, pendant
laquelle la ville et le cbâteau de Casai devaient être occupés par
Spinola, tandis que la citadelle restait dans les mains de Toiras,
faisait dépendre le sort définitif de la capitale du Montferrat de
l'issue des tentatives qui seraient faites du 15 au 31 octobre pour
secourir la citadelle. Si celle-ci était secourue, la ville et le châ-
teau seraient rendus aux Français ; si les Français ne parvenaient
pas à forcer les lignes des assiégeants, la citadelle serait elle aussi
remise au général espagnol. Ces conditions, qui livraient, sans
coup férir, à celui-ci la ville et le cbâteau, n'auraient été que
désavantageuses pour la France, si les Espagnols ne s'étaient
obligés à fournir des vivres aux défenseurs de la citadelle jusqu'à
la fin d'octobre, c'est-à-dire même après la reprise des hostilités.
Cette convention singulière, imaginée surtout pour donner satis-
faction à l'amour-propre de l'illustre Génois, en mettant la gar-
nison à l'abri de la famine, en faisant de la place le prix exclusif
de la valeur, dissipait les incertitudes de nos négociateurs sur la
durée de sa résistance et leur imposait le devoir de devancer le
15 octobre par un traité aussi avantageux que possible, de même
qu'elle imposait à nos généraux et à notre gouvernement celui
d'augmenter et d'organiser nos forces pour le rendez-vous que les
deux armées s'étaient donné sous les murs de Casai comme deux
braves en champ clos.
Dans la conférence du 9 septembre, les commissaires impériaux
proposèrent une rédaction de l'article relatif aux relations futures
de la France et de l'Empire. Elle plut à nos agents, qui se réser-
vèrent toutefois de l'examiner plus à loisir, et elle était destinée
à devenir le premier article du traité. Le P. Joseph, dans une
dépêche du 20 septembre1, s'en applaudissait comme d'un succès
dû à ses efforts et à ceux de l'ambassadeur, et il n'avait pas tort.
Que l'on compare l'article 2 du projet envoyé à Richelieu et
accepté par lui2 avec l'article admis par nos représentants et
Lettre de Mazarin à d'Effiat. Ubi supra. Dépôcbe de Richelieu à M. de Léon,
5 septembre. Ubi supra.
1. « Nous avons beaucoup rabbatu de l'article qui concerne la paix en gêne-
rai, où il n'est plus fait mention de renoncer à aucune alliance et n'\ a que des
termes communs et qui sont ordinaires en touttes sortes de lrailt6s dont le roy
de Suède et les Estais ne se peuvent offencer. » Ubi supra.
2. Arcb. des aff. étrang. Allemagne, VII, fol. 109, 123.
2 I 8 G. FAG>'IEZ.
définitivement adopté1, on verra que l'un oblige la France à
rompre, avec ménagement sans doute2, mais enfin à rompre ses
alliances avec les agresseurs de l'Empire, pour ne rester fidèle
qu'à ses alliances défensives, tandis que l'autre ne lui impose que
l'obligation d'exhorter les rebelles à l'Empire et ses ennemis à la
justice (ad œquitatem), au respect et à l'obéissance. Ainsi, dès
les premiers jours de septembre, alors qu'ils ignoraient encore
les intentions de leur gouvernement au sujet d'une exigence aussi
fâcheuse qu'inéluctable, nos envoyés avaient fait prévaloir une
rédaction qui réduisait l'engagement de notre pays, dans ses rap-
ports avec ses alliés en guerre avec l'Empire, à leur prêcher de
meilleurs sentiments. Il importe d'autant plus de le remarquer
que cette rédaction devait être repoussée par Richelieu et lui four-
nir un de ses griefs les plus graves contre le traité et ses signa-
taires.
A côté de cette importante question, il en est une autre qui fut
aussi résolue, du moins en apparence, dans la conférence du
9 septembre ; nous voulons parler des prétentions de la duchesse
de Lorraine. On se rappelle que le projet de Mazarin déférait ces
prétentions à l'arbitrage de Marie de Médicis, et que les commis-
saires avaient demandé que l'impératrice et l'électeur de Bavière
fussent adjoints à la reine mère, sous la condition qu'ils se ran-
geraient à son avis. Dans la conférence du 4 septembre, nos
agents s'en étaient tenus, on l'a vu, au premier de ces expédients;
dans celle du 9, ils acceptèrent ou même, s'il faut en croire le
protocole rédigé par les commissaires, ils proposèrent ces trois
arbitres. Cette concession, dont il ne faut pas exagérer la portée,
puisqu'il restait entendu que l'avis de la mère du roi devait être
décisif, leur fut sans doute arrachée par la prétention de la duchesse
d'obtenir, en garantie de ses droits, le séquestre d'une partie du
Montferrat. Ils déclarèrent que cette garantie était tout à fait
inutile, car le duc de Nevers ne se refuserait jamais à satisfaire
aux revendications qui seraient reconnues légitimes et à se sou-
mettre à la sentence arbitrale. La réserve des droits delà duchesse
rendrait la paix absolument précaire, car elle pourrait les trans-
1. Protocole de la conférence du 0 septembre. Arch. de cour et d'État à
Vienne, Friedensacten, liasse 9 a. Art. 1 du traité de Ratisbonne dans Gasle-
lius, Tractatus de statu publico Europeae. p. 697.
2. Voy. plus haut l'interprétation de Richelieu.
LA MISSION DU P. JOSEPn A RATISI!ON\K. 24'J
férer à l'Espagne qui, si frivoles qu'ils fussent, n'hésiterait pas
à les revendiquer les armes à la main '.
On s'occupa dans la même conférence de l'indemnité du duc do
Savoie. Les commissaires firent savoir que l'Empereur lui attri-
buait Trino et une rente de 20,000 écus assignée sur des terres
voisines du Piémont. Nos envoyés répondirent que cette indem-
nité avait été fixée en Italie à une rente de 18,000 écus, y com-
pris les revenus de Trino ; pourquoi revenir sur une décision qui
avait été acceptée successivement par le feu duc et par le duc
régnant ? Ils ne se permettraient pas de discuter la décision de Sa
Majesté Impériale, ils la suppliaient seulement d'avoir égard à
ce qui avait été convenu précédemment et de ménager le duc de
Nevers. Il était difficile de répondre à un argument aussi sérieux :
on ajourna la question et on décida seulement qu'on débattrait à
Ratisbonne le chiffre de la rente et qu'on en déterminerait l'as-
siette en Italie2.
Dans la conférence suivante, celle du 12 septembre, on tomba
d'accord sur la forme et les termes de la soumission de Charles de
Gonzague. Les commissaires commencèrent par rappeler que
l'amende honorable à laquelle la tradition soumettait les princes
rebelles de l'Empire consistait à confesser leur faute et à en
demander le pardon à genoux. Telle était la réparation que l'Em-
pereur aurait le droit d'exiger du duc de Nevers. Nos agents
représentèrent toute la différence qu'il fallait faire entre le prince
français et des rebelles comme le palatin ; le premier n'avait pas
été agresseur, mais réduit à se défendre, il avait toujours été fort
éloigné de l'idée d'offenser son suzerain et il ne méritait pas une
humiliation publique. On était convenu naguère que sa soumis-
sion aurait lieu par écrit. Les commissaires renoncèrent sans
beaucoup de peine à une idée qu'ils n'avaient mise en avant que
pour donner à leur maître le mérite d'en faire le sacrifice et faire
valoir sa modération. Ils étaient si bien préparés à ce sacrifice
qu'ils avaient rédigé.le projet d'une lettre d'excuses, qui, après
une discussion dont le procès- verbal de la séance ne dit rien, fut
accepté par l'ambassadeur et le P. Joseph. Ceux-ci reçurent la
promesse qu'après avoir réparé le passé et pris des engagements
pour l'avenir, le duc de Nevers obtiendrait l'investiture du Man-
1. Cette crainte n'était pas chimérique. Voy. Mém. de Richelieu, II, 101.
2. Protocole de la conférence du 9 septembre. Ubi supra.
250 G- FAf.NIEZ.
touan et du Montferrat à l'intercession de Sa Sainteté et du roi
très chrétien et en la demandant par un plénipotentiaire avec les
formes convenables. Ce n'était donc plus seulement la bienveil-
lance de son suzerain qui devait être le prix de cette démarche,
les conseillers de l'Empereur avaient dû sortir de l'équivoque cal-
culée dans laquelle ils avaient essayé de se renfermer et tenir
compte des observations qui leur avaient été présentées. Nos négo-
ciateurs étaient convaincus que le pape ne refuserait pas d'inter-
céder par son nonce en faveur de Charles de Gonzague, et l'am-
bassadeur agirait de même au nom de son maître.
Serait-ce son résident ordinaire ou un ambassadeur spécial que
le duc chargerait de porter sa soumission et de demander l'inves-
titure ? Le projet de Mazarin attribuait cette mission au premier,
mais depuis quelque doute semblait s'être élevé sur les intentions
de l'Empereur à cet égard et, sous prétexte que notre protégé
n'avait personne auprès de lui pour accomplir cette démarche, le
P. Joseph demandait si son résident ordinaire, l'évêque de Man-
toue, serait agréé. Quant au désarmement et à l'évacuation, on
arrêterait à Ratisbonne les principes et on laisserait aux géné-
raux le soin de régler les détails d'exécution. Le P. Joseph fit
connaître les conditions qu'il avait l'ordre de stipuler à ce sujet
en communiquant un article du projet qui se trouvait aussi
dans les mains de Mazarin. Enfin il demanda que les Véni-
tiens fussent compris dans le traité, que le traité de Monçon fût
confirmé et qu'on donnât satisfaction au roi au sujet de Moyenvic.
On lui répondit qu'il ne fallait pas s'écarter de l'ordre adopté
pour la discussion, que ces questions, qui étaient indépendantes
du véritable objet du traité, pouvaient être ajournées à la fin de
la négociation, et la séance fut levée1.
Ferdinand tenait à garder un pied dans les pays litigieux
jusqu'à l'exécution du traité et même au delà; il resterait ainsi
maître de la situation et augmenterait le prestige du Saint-
Empire. Il ne lui suffisait pas de retenir, jusqu'au moment où le
traité serait exécuté, ses postes des Grisons et de la Rhétie.
Richelieu avait fait droit à ce qu'il y avait de légitime dans cette
prétention, en admettant que l'Empereur devait conserver, au
même titre et aux mêmes conditions que les passages des Grisons,
1. Protocole de la conférence du 12 septembre. Arch. de cour et d'État à
Vienne. Friedensacten, liasse 9 a.
Li HISSIQD I»C T. JOSF.PU A RATISBOWE. 254
Mantoue, que la conquête lui avait donnée, et Casai, si Casai
avait le sort de Mantoue. Mais oe a'étail pas assez pour lui; il
visait à rester en Italie même après le rétablissemenl d'un ordre
régulier et définitif dans ce pays, à y rester le dernier, à y rester
les mains garnies.
Dans la conférence du 1 1 septembre, ses commissaires commen-
cèrent par représenter que leur maître, dans l'impossibilité de
faire accepter aux parties une transaction amiable, devait tran-
cher leurs différends par un jugement et qu'il lui fallait dès lors
un gage que ce jugement serait obéi. Ce gage, ils ne le spécifiaient
pas, mais par là ils entendaient certainement une place. Nos
agents auraient donc pu leur donner satisfaction en leur accor-
dant ce que Richelieu lui-même accordait, mais ils ne se savaient
pas encore autorisés à le faire, et ils combattirent cette prétention
en disant qu'ils ne désespéraient pas d'obtenir des parties leur
adhésion aux compensations qui leur avaient été attribuées, et
que, dans le cas même où il faudrait renoncer à cet espoir, il
n'était pas besoin de gage pour s'assurer de l'obéissance du duc de
Neversà la sentence impériale. D'ailleurs, si l'Empereur stipulait
une garantie de ce genre, le roi très chrétien demanderait, de son
coté, à être mis en possession d'une place jusqu'à ce que la sen-
tence fût rendue.
Le but de Ferdinand se dévoila bien plus nettement quand ses
représentants déclarèrent que son intention était de démanteler
Casai, que la citadelle lut prise par les Espagnols ou débloquée
par les Français, et de tenir garnison dans celle de Mantoue
pendant un certain temps après l'investiture et l'entrée en pos-
session de Charles de Gonzague. Cette prétention, qui, si elle avait
été accueillie, aurait mis à sa discrétion le duc de Mantoue, fut
repoussée par les négociateurs français, qui la présentèrent
comme devant entraîner la rupture des négociations et leur rap-
pel immédiat. Devant cette menace les commissaires n'insistèrent
pas. Cette idée ne fut cependant pas abandonnée; seulement, à
Ratisbonne comme en Italie, les représentants de l'Empereur
devaient y revenir sans en faire une condition sine qua non1.
Ainsi, le 1 I septembre, deux questions seulement2 étaient réso-
1. Relatio ad Caesarem de gestis apud oratorem Gallicum indc Hispanicum
et ducem Savelli. Arch. de cour et d'État à Vienne. Priedensacten, liasse !» a
2. Protocoles des conférences du 12 et du 17 septembre. Friedensacten,
liasse 9 a.
252 G. FAGNIEZ.
lues. Deux questions, disons-nous, et non trois, car si l'on s'était
mis d'accord sur la forme de la garantie réciproque contre tout
acte d'hostilité, si l'on avait adopté les termes delà lettre de sou-
mission du duc de Mantoue, sauf une expression trop étendue que
nos négociateurs voulaient faire effacer, l'entente n'était pas faite
au sujet de l'arbitrage qui devait statuer sur les prétentions de la
duchesse de Lorraine. D'une part, en effet, les pleins pouvoirs de
celle-ci n'étaient pas encore arrivés et c'était sans son aveu que
l'on songeait à un arbitrage pour régler ses intérêts, de l'autre
les envoyés français qui, en acceptant la participation de l'impé-
ratrice et de l'électeur de Bavière à cet arbitrage, n'avaient pas
stipulé la promesse écrite de l'adhésion de ces deux arbitres à la
décision de la reine mère, exigeaient maintenant une lettre
reversale1. Que de points encore à régler avant l'expiration delà
trêve ! Cette trêve, ils la connaissaient maintenant, et tous leurs
efforts allaient tendre à prévenir la reprise des hostilités, aux-
quelles ils ne croyaient pas la France suffisamment préparée.
Ferdinand ne voulait rien diminuer des compensations qu'il
avait accordées aux ducs de Savoie et de Guastalle, l'ambassa-
deur et le P. Joseph ne voulaient pas aller au delà de celles dont
on était convenu en Italie2. La discussion tombait dans des redites
dont nous faisons grâce au lecteur. Enfin, le 19 septembre, les
commissaires impériaux, en demandant l'ajournement du débat
sur l'indemnité du duc de Savoie jusqu'au jour où l'on se serait
entendu sur les autres questions, laissaient par cela même entre-
voir qu'ils se contenteraient, comme ils le firent, du chiffre pri-
mitif3. En revanche, l'Empereur persistait à attribuer au duc de
Guastalle Dozzolo, Luzzara, Suzara, Reggiolo et la souveraineté
de Montagnaira ou du moins autant de ces domaines qu'il en
faudrait pour produire un revenu égal au montant de sa rente4.
Vainement nos agents produisirent contre cette exigence tous les
arguments qu'ils avaient déjà fait valoir, ils sentirent qu'ils avaient
1. Le protocole de la conférence du 9 sept, ne parle pas du moins de lettre
reversale, mais nos agents cherchèrent à l'obtenir assez longtemps avant le
20 septembre (Dépêche du P. Joseph à Richelieu à cette date, loc. cit.), sans
doute à la suite d'un ordre du cardinal qui a échappé à nos recherches.
2. Voy. l'art. 2 du traité.
3. Protocole des conférences du 17 et du 19 septembre. Friedensacten ,
liasse 9 a.
4. Ibid.
LA MISSION DU P. JOSEPH A RATISBONNE. 253
affaire à un parti pris invincible et ils finirent par concéder le
principe d'une indemnité territoriale. Ils consentirent d'abord que
l'indemnité pécuniaire fût, à défaut de payement dans le délai
fixé, hypothéquée sur des biens-fonds voisins du duché de Guas-
talle. Puis, pressés de nouveau, ils acceptèrent l'assignation, non
plus conditionnelle, mais immédiate, d'un capital modéré sur des
terres souveraines. Mais, ajoutèrent-ils encore, ce capital ne
devait pas être très supérieur à celui qui avait été fixé en Italie,
autrement la concession qu'ils venaient de faire serait non
avenue1.
Ce ne fut probablement pas avant le 19 septembre2 que nos
plénipotentiaires reçurent les instructions dictées par Richelieu le
4 et le 5 de ce mois. Les intentions du cardinal résultaient, on se
le rappelle, d'une dépèche adressée à Brulart, de deux dépêches
destinées au P. Joseph, des apostilles dont il avait revêtu le pro-
jet de Mazarin, du projet de garantie réciproque qu'il avait
adopté en le modifiant légèrement. Cette communication s'était
fait un peu attendre, elle n'arrivait cependant pas trop tard. Sauf
le jour où ils avaient admis pour le duc de Guastalle le principe
d'une garantie territoriale, nos envoyés n'avaient rien fait qui fût
en contradiction avec elle. D'un autre côté, elle ne leur laissait
aucun doute sur le but qu'ils devaient poursuivre et qui consis-
tait dans ces deux choses difficiles à concilier : sauver Casai et
obtenir des conditions meilleures qu'en Italie.
1. Protocole de la conférence du 19 septembre. Ubi supra.
2. En effet, d'une part, Brulart, dans sa dépêche du 18 septembre (ubi supra),
n'accuse réception que de la dépêche du 27 août et des pièces qui l'accom-
pagnent, et, de l'autre, le P. Joseph, qui garde le même silence dans une
dépêche du 15 septembre (Arch. des aff. étrang. Allemagne, VII, fol. 140),
accuse réception dans celle du 28 de deux dépêches de Richelieu du 4, qui sont
évidemment celles que nous avons analysées. Nous devons dire toutefois
que dans la conférence du 14 (protocole du 16), notre capucin parle d'une lettre
où Richelieu dit que Collalte refuse de négocier, parce qu'il n'en a pas le pou-
voir et que la négociation est transportée à Ratisbonne. Or nous ne connais-
sons qu'une lettre de Richelieu où cela se trouve, et cette lettre est celle du
5 septembre (ubi supra). Si le 14 nos agents l'avaient déjà entre les mains, ils
devaient avoir aussi les autres pièces dictées en même temps et portées par le
même courrier. Faut-il supposer que cela se trouvait déjà dans une dépêche
antérieure parvenue à Ratisbonne avec le duplicata des pouvoirs de Brulart
(même protocole du 10) avant la conférence du 14?... Quoi qu'il en soit, le
silence des envoyés français, d'autant plus significatif que l'un d'eux annonce
la réception du courrier du 27 août, nous parait s'opposer à la hxalion d'une
date antérieure au 19 septembre.
2r>/< G. FAGNIEZ.
Ils firent tous leurs efforts pour ne pas s'écarter du projet
envoyé par Richelieu et qui, sans avoir le caractère d'un ultima-
tum, les fixait parfaitement sur ses volontés, mais ils avaient
affaire à un souverain entêté de sa prééminence, extrêmement
jaloux de sa dignité, désireux d'attester la première par sa façon
de négocier et de sauvegarder la seconde en montrant que le duc
de Mantoue ne devait ses Etats qu'à sa bonne grâce et non à l'inter-
vention de la France, il était encouragé dans ces dispositions par
Echemberg et l'ambassadeur d'Espagne1 et aigri par les menées
souterraines de nos agents et par l'échec de plus en plus assuré de
la candidature du roi de Hongrie. Pour se montrer si libéral en
faveur du duc de Guastalle aux dépens de Charles de Gonzague,
il ne donnait pas d'autres motifs que son bon plaisir et le droit de
conquête2 et nos envoyés désespéraient si bien de le faire revenir
sur sa résolution qu'ils demandaient l'autorisation de faire
quelques concessions sur ce point, s'ils reconnaissaient qu'il était
le seul obstacle à la paix3. On leur assurait d'ailleurs que les
revenus de Reggiolo étaient plus que suffisants pour garantir la
rente du duc de Guastalle4, et, si ce renseignement venant de
personnes bien informées était exact, ils pouvaient consentir à ce
que voulait l'Empereur sans aller au delà des intentions de
Richelieu, qui se résignait, ainsi que le duc de Mantoue, au sacri-
fice de Reggiolo3. Il ne faut pas oublier en effet que les quatre
terres désignées n'étaient attribuées au duc de Guastalle qu'éven-
tuellement et seulement dans le cas où on ne pourrait pas lui cons-
tituer à moins un revenu de 6,000 écus.
Quant à la duchesse de Lorraine, leurs efforts, joints à ceux des
électeurs, ne réussirent pas à lui faire accepter un arbitrage et la
constitution de l'Empire ne permettait pas de lui refuser le droit
de faire valoir ses prétentions au pétitoire. On l'obligea seulement
à l'exercer dans le délai de six mois et on lui interdit de le céder,
on convint de plus que l'Empereur ne pourrait en connaître sans
1. Voy. les conseils du prince de Tursi dans le protocole du 16 septembre.
Ubi supra.
2. Dépêche du P. Joseph à Thomas, c'est-à-dire à Bouthillier, 10 octobre 1630.
Arch. des alf. étrang. Allemagne, VII, fol. 220.
3. Dépêche de Brulart à Richelieu, 20 septembre 1630. Ibid., fol. 474.
4. Dépêche précitée du P. Joseph à Bouthillier, 10 octobre 1630.
5. Dépêche précitée du 10 octobre et dépêche de Brulart et du P. Joseph à
Bouthillier du 19 octobre. Allemagne, VII, fol. 451. Lettre du roi à M. de Léon,
8 octobre. Avenel, III, 932. Mém. de Richelieu, II, 289, col. 2.
LA MISSION DIT P. JOSEPH A RATISBONNE. 255
l'assistance des électeurs. Ceux-ci assuraient nos plénipotentiaires
que, grâce à ces restrictions, la réserve faite en faveur de la
duchesse était sans danger1.
Il est une autre concession qui coûta certainement plus à
l'ambassadeur et au P. Joseph que ne le laissent croire les docu-
ments, peu explicites sur ce sujet. Il avait toujours été entendu
dans les négociations poursuivies sous les auspices de Mazarin que
l'investiture suivrait immédiatement la requête et les excuses du
duc de Mantoue et ne serait pas subordonnée à la mise en posses-
sion des prétendants, il suffisait que les droits de ceux-ci fussent
reconnus et consacrés par le traité2. C'est ainsi que le P. Joseph
l'avait compris3. Mais les commissaires impériaux soutinrent que
Collalte avait toujours entendu parler non pas d'une satisfaction
sur le papier, mais d'une satisfaction effective, et, après un
débat dont une dépêche du 19 octobre donne la preuve, mais
non la physionomie4, nos négociateurs acceptèrent l'ajourne-
ment de l'investiture à six semaines, pendant lesquelles les ducs
de Savoie et de Guastalle seraient mis en jouissance de leurs
indemnités.
L'Empereur et la France devaient, on s'en souvient, garder en
gage de l'exécution du traité, l'un Mantoue et certaines positions
dans les Grisons et la Rhètie, l'autre Suse, Veillane, Briqueras et
Pignerol. Il y avait là une inégalité plus apparente que réelle,
car, ainsi que les conseillers de Ferdinand le reconnaissaient dans
un rapport à leur maître, la capitale des Etats de Charles de Gon-
zague, avec Castel Porto, sa citadelle, valait bien les quatre
places du Piémont. Les représentants de l'Empereur n'en repré-
sentèrent pas moins cette disposition comme peu équitable, et ils
demandèrent ou qu'on réduisit le nombre des places qu'on laissait
entre les mains du roi, ou qu'on ajoutât Caneto à celles dont leur
maître devait rester dépositaire. Après avoir longtemps essayé
d'échapper à cette alternative, l'ambassadeur et le P. Joseph
consentirent à cette dernière concession, comme moins désavan-
tageuse, en se disant avec raison que la possession de Caneto
1. Dépêche précitée du 10 octobre.
2. Dépêche de Richelieu à M. de Léon, 8 octobre 1630. Avenel, III, 933-934.
Art. 3 du projet de Mazarin.
3. a Sur quoy n'i aiant apparence de remettre l'actuelle exhibition de l'inves-
titure jusques à la décision de ces petits incidents... » Apostilles du P. Joseph
sur le projet de Mazarin. Ubi supra.
4. Ubi supra.
25fi G. FAGNIEZ.
n'ajouterait presque rien a la situation de l'Empereur qui, maître
de Mantoue, l'était de tout le Mantouan l.
Ferdinand n'avait pas renoncé au désir de sortir le dernier des
lieux en litige ; il y allait pour lui de son amour-propre autant
que de son intérêt. A défaut de la citadelle de Mantoue, que nos
négociateurs avaient péremptoirement refusé de lui laisser, il
voulut rester en possession des passages des Grisons après l'aban-
don réciproque et simultané des quatre places du Piémont, de
Mantoue et de Caneto. Leur évacuation n'était plus dès lors
garantie que par des otages. Désespérant de faire passer la com-
binaison primitive, nos plénipotentiaires demandèrent que par
compensation le roi ne rendît pas Suse, en même temps que Pigne-
rol, Briqueras et Veillane, mais qu'il gardât cette place jusqu'à
l'évacuation des passages. Cela était d'autant plus naturel qu'il
l'occupait en vertu d'un traité particulier avec le duc de Savoie.
De cette façon, le principe d'équité, dont s'étaient sur ce point
inspirés les projets antérieurs, était respecté, mais c'était précisé-
ment ce principe qui choquait l'Empereur, enivré de sa préémi-
nence. Ce ne fut pas toutefois cette considération que ses représen-
tants firent valoir à l'appui de sa prétention, ils assurèrent qu'il
ne tenait à garder ces positions que pour rapatrier en sûreté ses
troupes, qui seraient sans cela exposées à la vengeance des Gri-
sons. Quant à Suse, c'était un fief impérial2, tombé par suite de
la guerre dans les mains des Français, et l'Empereur ne pouvait
se dispenser de le faire restituer. L'ambassadeur et le P. Joseph
furent tentés de rompre sur cette question, puis ils se résignèrent
à se contenter d'otages en garantie d'une évacuation qui devait
suivre de près toutes les autres 3.
Ils demandèrent avec insistance la démolition des fortifications
de Trino qui devait être rendue au duc de Savoie. Les commis-
1. Relatio gestorum cum oratore Gallico et deliberatorum super litleris comi-
tis Collalti et super voto electorum. Arch. de cour et d'État à Vienne. Friedens-
acten, liasse 9 a.
2. C'est un exemple de plus de l'extension que Ferdinand donnait à la suze-
raineté impériale.
3. Mémoire justificatif du P. Joseph sur le traité. Sur l'art. 11. Arch. des
aff. étrang. Allemagne, VII, fol. 406. En lisant le commentaire du P. Joseph
sur cet article, on croirait que nos agents ont commencé par demander qu'on
laissât Suse au roi ; la vérité est qu'ils ne l'ont demandé que pour répondre à
l'exigence de l'empereur au sujet des passages des Grisons. Ce n'est pas la
seule inexactitude de ce commentaire.
,\ MISSIOfl Dl r. rOSBPH I &ATISBONNE. - '"
saires impériaux 3 auraient consenti volontiers moyennant le
démantèlement de Casai*, mais, ne4'ayan1 pas obtenu^ ils refu-
sèrent de raser les ouvrages défensifs que le duc de Savoie avait
élevés autour d'une place dont il allail redevenir maître8. Ans
agents demandèrent alors qu'on respectai aussiles fortifications
récentes de Mantoue et de Casai, qui profiteraient ainsi à Charles
de Gonzague. ( >n leur répondit que ces places étaient déjà assez
fortes pour pouvoir se passer de ce que l'art avait ajouté, depuis
l'ouverture des hostilités, à leurs anciens moyens de défense. Enfin
on convint de ne pas résoudre la question dans le traité, ce qui
revenait, ainsi que le P. Joseph en prenait acte, à laisser Man-
toue et Casai dans leur état actuel, mais l'ambassadeur et lui
^'opposèrent vainement à l'introduction d'une clause stipulant que
la citadelle de Casai serait démolie, si les généraux en étaient
tombés d'accord avant la conclusion du traité 3.
Dès le 12 septembre, on l'a vu, l'entente s'était faite sur les
termes des excuses, de la requête et de la promesse que le duc de
Nevers devait adresser par écrit à son suzerain. L'ambassadeur
avait envoyé à Richelieu le texte de la lettre où tout cela était
exprimé4. Le P. Joseph et-Brulart n'y voyaient qu'un mot à
effacer. Le duc promettait de renoncer à toutes les alliances hos-
tiles ou désagréables à l'Empereur et à l'Empire (adversis vel
ingratis). Cette dernière épithète leur paraissait trop étendue, et
d'Avaux, notre ambassadeur à Venise, à qui le P. Joseph avail
envoyé la rédaction adoptée pour la soumettre à celui qu'on faisait
parler, en jugeait de même5. Quant à ce dernier, ce n'était pas
seulement le mot en question qui lui paraissait inacceptable, mais
l'aveu qu'on lui faisait faire d'être entré dans des alliances hos-
tiles à l'Empereur, ce qui était, écrivait-il au P. Joseph6, abso-
lument contraire a la vérité. La renonciation et l'aveu qu'elle
1. Relation précitée du 25 septembre.
2. Relation précitée du 25 septembre. Ubi supra. Mém. justificatif du P. Joseph
sur le traité. Sur le 8« art. Ubi supra.
:!. Mém. justificatif el ail. 10 du traité.
4. Le texte envoyé à Richelieu e>t aux Archives des ail. élrang. Allemagne,
VII, fol. 194 (nouv. 104). 11 est assez incorrect.
5. Dépêche de d'Avaux à Roulhillier. Arch. des ail. étrang. Venise,
tei nbre 1630.
6. Lettre du 2 oclohre 1630. Arch. des ail. étrang. Mantoue, 3€ année, 1630.
Rev. HisTon. XXVII. 2a pasc. H
2:;x <;. facmf.z.
impliquait n'eu subsistèrent pas moins dans le texte, d'où dispa-
rut seulement le mot ingratisK On se rappelle que le point de
savoir par qui cette lettre serait remise était resté douteux ; il fut
résolu selon le désir de Richelieu et dans le sens du projet de
Mazarin : ce fut l'évêque de Mantoue, résident ordinaire de
Charles de Gonzague à la cour impériale, qui fut chargé de cette
mission2.
On n'a pas oublié que Richelieu se flattait de placer les Etats
de ce prince sous la garantie d'une ligue défensive formée sur
l'initiative de l'Empereur, et nous avons dit l'arrière-pensée qui
se cachait sous ce projet en apparence inoffensif. Sans doute, il
eût été piquant d'obtenir le patronage impérial pour une confédé-
ration dont la France aurait été l'àme et la maison d'Autriche la
victime, mais on comprend que le chef de cette maison se soit
refusé à jouer ce rôle, même dans des conditions qui ne mettaient
plus sa dignité en jeu. Il ne voulut même pas d'abord promettre
au duc sa protection dans le traité, il finit cependant par le faire
dans les termes les plus explicites et les plus étendus3.
Telles furent les dernières discussions et les conclusions défini-
tives auxquelles donna lieu le règlement de la succession de
Mantoue. Mais cette question n'était pas la seule que nos envoyés
eussent à traiter. Ils devaient encore faire insérer dans le traité
deux articles garantissant l'exécution du traité de Monçon et
réservant les anciens droits du roi contre la maison de Savoie et
obtenir l'évacuation de Vie et de Moyenvic, ainsi que la démo-
lition de la citadelle récemment construite dans cette dernière
place.
Mais ce fut en vain qu'ils renouvelèrent leurs efforts pour
rendre l'Empereur solidaire des obligations contractées par
1. Mémoire justificatif du P. J. Sur le, 5e article. Loc. cit. Le texte définitif
se trouve aux archives de cour et d'État à Vienne. Friedensacten, liasse 9 a.
2. Dépêches et lettres précitées de d'Avaux et du duc de Mantoue. Richelieu
aurait préféré que l'amende honorable se fit verbalement, comme cela avait
été convenu en Italie, et non par écrit, mais il accepta cette dernière forme,
qui ménageait davantage la dignité de Charles de Gonzague, et il envoya à nos
agents une rédaction corrigée de la lettre. Cette rédaction ne leur parvint pas
et nous ne l'avons pas retrouvée. Lettre du roi à M. de Léon, 8 octobre 1630.
Avenel, III, 952.
3. Protocole de la conférence du 19 septembre. Ubi supra. Mém. justificatif.
Sur l'art. 7, ubi supra. Art. 7 du traité.
LA M1SSM\ Ul P. rOSEPB \ OATISBONNE. £59
l'Espagi nvers 1rs Grisons, ils ae purenl pas même en tirer
l'engagement écrit qu'il exercerait toute son influence sur son
neveu pour L'amener à les remplir. Ferdinand, qui, suivant
ses intérêts, tantôt ne voulait pas entendre parler du traité
de Monçon et tantôl se préoccupait de son exécution1, répéta ici
par la bouche des commissaires qu'il était inconnu pour lui. 11
Aoulait bien promettre ses bons offices auprès du roi catholique,
mais il ne consentait pas à faire consigner cette promesse dans le
traité. Aussi le P. Joseph croyait qu'il ne fallait pas y compter et
qu'il fallait chercher ailleurs, c'est-à-dire dans une ligue entre les
Suisses, Venise et les Grisons, le moyen de rétablir ces derniers
dans la jouissance de leurs droits2.
L'évacuation et le démantèlement de Vie et de Moyenvic
étaient destinés dans la pensée de Richelieu à compenser la
fâcheuse apparence d'avoir été chercher la paix à Ratisbonne3.
Quand nos négociateurs revinrent sur cette demande, qui à deux
reprises n'avait obtenu qu'une réponse dilatoire4, on leur déclara
qu'en construisant des fortifications et en mettant garnison à Vie
et à Moyenvic, l'Empereur n'avait fait qu'user de son droit,
puisque ces places étaient dans l'Empire, puis, opposant grief à
grief, on se plaignit des usurpations commises dans les Trois
Évêchés et on en demanda la réparation. L'ambassadeur et le
P. Joseph contestèrent la légitimité de ces plaintes et insistèrent
sur la démolition de la citadelle de Moyenvic. On leur proposa
alors de remettre à une commission internationale le soin de régler
ces réclamations respectives, mais ils répondirent que leurs ins-
tructions ne prévoyaient pas cette proposition et qu'ils en référe-
raient au roi. Les questions soulevées restèrent donc en suspens,
et l'on convint seulement que cet ajournement ne nuirait en rien
1. Il y eut au moins uu moment où il considéra que le traité ne serait pas
entièrement exécuté, tant que celui de Monçon ne le serait pas aussi. Voyez
plus haut.
2. Protocole des conférences du 12 et du 19 septembre. Ubi supra. Relation
du 25 septembre. Ubi supra. Dépêche du P. Joseph à Richelieu, 13 octobre.
Arch. desaff. étrang. Allemagne, VII, fol. 130.
3. Voyez plus haut. C'était le duc de Lorraine qui avait fail construire
au nom de l'empereur la citadelle de Moyenvic; il étail aussi l'auteur des
usurpations qui menaçaient l'évéquc de Metz, frère naturel de Louis Mil
Mrm. de Richelieu, il. 500, col. 2. 507, ei supra.
4. Protocoles des conférences du 12 et du 1!J septembre.
260 G. FÂGNIEZ.
à la paix et que, pour écarter tout risque de conflit, les armées
seraient respectivement éloignées des frontières l.
Dans leurs dernières entrevues, les plénipotentiaires discu-
tèrent encore sur la réserve des droits du roi contre la maison de
Savoie, entre autres du droit de passage pour porter secours au
duc de Mantoue, et sur l'admission du duc de Lorraine et des
Vénitiens au bénéfice du traité. L'Empereur refusa de ratifier de
son autorité les conventions particulières du roi et du duc de
Savoie par les raisons qu'il avait déjà données pour ne pas confir-
mer par le traité ceux de Suse et de Monçon. Nos agents, de leur
côté, s'opposèrent longtemps à ce que le duc de Lorraine, qui
n'avait pris aucune part, au moins ostensible, à la guerre, fût
compris dans la paix qui y mettait fin. Ils cédèrent cependant, à
la persuasion de l'électeur de Bavière, qui leur promit d'user de
son influence pour maintenir son neveu dans le devoir2.
Ce ne fut pas sans peine qu'ils obtinrent pour les Vénitiens le
même avantage. Ferdinand aurait préféré traiter directement avec
eux, en d'autres termes leur dicter les conditions qu'il aurait
voulu3. Mais laisser la République, déjà alarmée et mécontente
d'avoir été oubliée dans le traité de Monçon et dans la suspension
d'armes4, débattre toute seule ses intérêts avec l'Empereur, c'était
la livrer aux ressentiments de celui-ci, et, si déchue qu'elle fût, en
dépit de sa pusillanimité et son avarice, elle tenait encore un rang
trop élevé parmi les petits Etats italiens, elle pouvait trop servir
les desseins de Richelieu sur l'Italie pour que la France fit bon
marché de son alliance et la réduisît à se mettre à la discrétion
de la maison d'Autriche, sans compter que cet abandon aurait
discrédité du même coup notre parole et notre foi auprès de nos
autres alliés. L'ambassadeur et le P. Joseph ne consentirent donc
à aucun prix à se désintéresser de la cause de la République. Ils
1. Relatio gestorum, etc. du 25 septembre. Ubi supra. Méni. justificatif du
P. Joseph. Ubi supra. Dépêche du P. Joseph à Richelieu, 4 novembre 1630.
Arch. des afï. étrang. Allemagne, VII, f. 52i.
2. Relation du 25 septembre. Ubi supra. Mém. justificatif du P. Joseph. Ubi
supra. Art. xvi du traité.
3. Protocole de la conférence du 19 septembre. Ubi supra. Mém. justificatif
du P. Joseph. Sur le 1 •!'■ article, l'bi supra. Relation de Sébastien Venier dans
Foules rerum austriacarum, XXVI vol. Die Relationen der Bolschafter Vene-
digs iiber Deutschland u. Oslerreich im XVII Jahrh., p. 130-131.
4. Mém. de Richelieu, II, 265, col. 2.
LÀ MISSION DU l'. FOSEPB \ OATÏSBONNE. 261
ne prétendaient d'ailleurs la couvrir que pour sa participation au
conflil actuel et noo pourtous les différends qu'elle pouvail avoir
avec l'Empereur. C'était moins pour elle qu'ils stipulaient l'oubli
et la réparation du passé, car ils avouaient qu'elleétail peuinté-
ressante et qu'ils avaient h s'en plaindre, que pour le roi. dont la
dignité et la réputation étaient en jeu. Les conseillers impériaux
furent 'l'avis qu'il y avait plus d'avantage que d'inconvé-
nient à admettre les Vénitiens au bénéfice de la paix en leur
imposant, dans les termes acceptés par la France, l'engage-
ment de n'attaquer l'Empire ni directement ni indirectement et
de désarmer. Cependant, pour ne pas mettre obstacle aux des-
seins de Collalte contre la Sérénissime Republique, ils firent insé-
rer dans le traité qu'elle n'y serait comprise qu'autant que les
généraux ne seraient pas convenus antérieurement du contraire,
clause qui ne faisait qu'appliquer à un cas particulier la disposi-
tion générale d'après laquelle la préexistence d'un traité signé en
Italie rendait celui de Ratisbonne caduc, et à laquelle, pour cette
raison, nos envoyés ne s'opposèrent pas1.
Ces débats furent les principaux, mais ils ne furent pas les seuls
qui remplirent les dernières conférences. Bien des fois et jusqu'à
la veille de la signature, les représentants de la France furent sur
le point de rompre et de soumettre a leur gouvernement les modi-
fications qu'on faisait subir aux projets primitifs. Les instances
du nonce, des électeurs et surtout de l'électeur de Bavière, l'igno-
rance de ce qui se passait à la cour et sur le théâtre de la guerre,
le silence de Richelieu, le désir de devancer la reprise des hosti-
lités qui pouvait être fatale à Casai, les décidèrent à déroger à
leurs instructions et à consentir à des concessions dont la gravité
était affaiblie par la déclaration qu'ils dépassaient leurs pouvoirs
et par la clause que le traité n'avait qu'une validité conditionnelle.
Le traité fut signé le 13 octobre, à neuf heures du matin. Le
P. Joseph refusa longtemps d'apposer sa signature à côté de celle
de l'ambassadeur ; il ne faisait en cela 'que se renfermer dans les
limites de ses attributions, qui l'autorisaient à parler au nom du
roi, mais non à le lier. Cependant ici comme toujours lu vérité de
la situation l'emporta sur les apparences; tout le monde savait
1. Protocol.' de la conférence du 19 septembre. Ubi supra. Relation «lu
25 septembre, Vbi supra Mém. justificatif du P. Joseph h dépêche précitée
du i novembre. Ubi supra.
262 G. FAGNIEZ.
que l'adhésion écrite d'un homme, qui était en étroite commu-
nauté d'idées avec le cardinal, était la meilleure garantie de celle
du cardinal lui-même, les électeurs, le nonce, les commissaires,
l'ambassadeur combattirent ses scrupules, l'Empereur fit de cette
question une condition sine quanon, et le capucin mit son nom
au bas du traité en le faisant suivre de la qualification d'assistant
de l'ambassadeur1.
La première conséquence de ce qu'on venait de faire était
d'empêcher la reprise des hostilités, qui étaient à la veille de
recommencer. Le jour même de la conclusion, un courrier impé-
rial partit de Ratisbonne pour porter à Collalte, avec le traité,
l'ordre de laisser entrer dans la citadelle de Casai des vivres et
des troupes fraîches, il était accompagné de commissaires char-
gés de vaincre les résistances des Espagnols à l'exécution des
volontés de l'Empereur. Le sieur de Saint-Etienne, beau-frère du
P. Joseph2, partit en même temps pour le camp français. Il était
porteur de l'instrument de paix, d'un duplicata des ordres donnés
à Collalte et d'une lettre à Schomberg, par laquelle nos agents lui
recommandaient de ne suspendre sa marche pour débloquer la
citadelle que si les Espagnols se prêtaient franchement au ravi-
taillement et à l'introduction de troupes fraîches. La remise des
otages, qui devaient garantir l'évacuation des lieux occupés par
les belligérants, était aussi à leurs yeux la condition préalable de
l'arrêt de nos troupes. Ils enjoignirent à Saint-Etienne de ne pas
divulguer la paix, voulant laisser le maréchal seul maître d'en
profiter ou de ne pas en tenir compte, suivant la situation des
assiégés et de l'armée de secours dont il disposait3.
Parmi les motifs qui avaient déterminé nos plénipotentiaires à
s'écarter de leurs instructions, nous avons signalé le silence de
Richelieu. En effet, depuis la communication qu'il leur avait
adressée dans les premiers jours de septembre et qui leur était
parvenue le 19 de ce mois, ils n'avaient reçu qu'une dépêche,
1. Dépêche du P. Joseph à Richelieu, 13 octobre 1630. Vbi supra. Lepré-
Balain, p. 400.
2. Jean de Beaumont, marquis de Saint-Étienne, avait épousé Marie Le Clerc,
sœur du P. Joseph.
3. Dépêche du P. Joseph à Richelieu, 13 octobre IG30. Vbi supra. Dépêche
de Brulart et du P. Joseph à Bout hillicr, 19 octobre. Arch. des ait', étranji.
Allemagne, VU, fol. 451. Dépèche de Brulart, 18 octobre. 76/rf., fol. 501.
Là MISSION DD P. lOSKi'il A RATISBONNE. 2G3
aujourd'hui perdue, en date du 22, qui leur arriva le 9 octobre et
qui n'était pas de nature à les faire revenir sur leurs concessions,
car, s'il en avait été autrement, le P. Joseph ne se serait pas
borné à en accuser réception '. Tout autres étaient les dépêches du
8 et du 9 octobre, dont ils eurent connaissance le 17, quatre jours
après la signature. Ratifiant deux des concessions accordées par
eux, elles les présentaient comme les seules modifications accep-
tables au dernier projet et enjoignaient à nos représentants de
faire accepter ce projet ainsi modifié pour la dernière fois ou de se
retirer, de façon à sauvegarder du moins l'honneur de la France.
Passant en revue toutes les exigences de l'Empereur, Richelieu
les critiquait avec amertume. Que la soumission du duc de Man-
toue se fit par écrit au lieu de se faire verbalement, comme on en
était convenu en Italie, il y consentait et il renvoyait, après
l'avoir corrigée, la lettre dont on était tombé d'accord, il passait
encore sur la cession de Reggiolo, si la paix était à ce prix, mais
l'ajournement de l'investiture jusqu'au moment où les adversaires
de Charles de Gonzague auraient été mis en possession revenait
pour lui à priver immédiatement ce prince d'une partie de ses
États et à subordonner à des chicanes la restitution du reste.
L'omission des Espagnols dans le traité était une véritable dupe-
rie, car de cette façon l'Empereur nous liait envers eux sans qu'ils
le fussent envers nous et lui-même ne l'était pas davantage, car
il pourrait sous leur nom violer ses propres engagements. Son
refus de ratifier le traité de Monçon qu'il n'avait pas fait se com-
prenait, mais pourquoi l'Espagne, qui l'avait souscrit, ne pro-
mettait-elle pas de l'exécuter? La proposition de démanteler
Casai, de laisser entre les mains des Impériaux Castel-Porto et
une autre place en garantie des droits de la duchesse de Lorraine
ne méritait pas d'autre réponse que l'indignation avec laquelle
1 Dépêche du P. Joseph à Bouthillier, 10 octobre 1630. Ubi supra. Le
P. Joseph accuse aussi réception d'une dépèche du 15 septembre, mais nous
croyons qu'il a écrit 15 au lieu de 5 et qu'il a voulu désigner la dépêche de
Richelieu à Brulart, datée de ce jour. Nous avons rencontré dans la correspon-
dance diplomatique de nos agents avec Richelieu plus d'une erreur de ce
genre. La dépêche de Bouthillier, en date du 'l'i septembre, n'arriva a Ratis-
bonne qu'au moment où la pais renail d'être signée. Dépêche du P. Josepb a
RicheMeu, 13 octobre. Le débul de la dépêche de Brulart, du 18 octobre, citée
plus bas, prouve clairement que (elle du 22 septembre n'était pas de nature
à mettre lin à leur incertitude.
264 G- FAGNIEZ.
elle avait été accueillie. L'idée de porter à 20,000 écus la rente
du duc de Savoie et d'en faire faire l'assignation par Collalte, de
concert avec des commissaires du roi , était déraisonnable et
ouvrait la porte à des discussions interminables, à des prétentions
illimitées d'où la guerre pouvait renaître. Le cardinal ne compre-
nait pas que l'Empereur trouvât contraire à sa dignité de pro-
mettre qu'il n'entreprendrait rien contre le duc de Mantoue, mais
le protégerait au contraire contre toute agression. Il repoussait
la nouvelle rédaction de l'engagement réciproque concernant les
rapports généraux de l'Empire et de la France et s'en tenait à
celle qu'il avait envoyée à Ratisbonne1.
On ne peut certes pas reprocher à ces instructions de n'être pas
assez catégoriques, mais elles avaient le grave défaut d'arriver
trop tard2. Nous essayerons tout à l'heure d'expliquer la rareté
des dépêches de Richelieu, disons tout de suite que, s'il se mon-
trait aussi décidé à ne rien céder de plus, s'il envisageait avec
tant de fermeté la rupture des négociations et la reprise des hos-
tilités, c'est qu'il espérait que la citadelle allait être secourue. Ces
négociations ne lui avaient pas fait négliger les préparatifs d'une
attaque énergique des lignes espagnoles. Confiant dans l'issue de
la lutte qui allait recommencer, il ne voulait pas aller plus loin
dans la voie des concessions et n'admettait que deux choses : ou
un traité conforme, à peu de chose près, aux préliminaires arrê-
tés en Italie, ou une tentative énergique, aussitôt après le
15 octobre, pour débloquer la citadelle. Cette tentative, la trêve
ne donnait que quinze jours à nos généraux pour la faire. Ce n'est
pas que le cardinal se crût obligé de livrer la citadelle aux Espa-
gnols, si une armée française n'avait pas réussi du 15 au 31 oc-
tobre à percer leurs lignes d'investissement. Les chefs de notre
armée en avaient bien pris l'engagement dans la suspension
d'armes, mais Richelieu avait trouvé un moyen de s'y soustraire
en y mettant une condition qui le rendait à peu près illusoire.
1. Lettre du Roi à M. de Léon, 8 octobre 1630. Dépêche de Richelieu à
Ezechiely, 9 octobre. Dépèche de Richelieu à Schoraberg, G octobre. Avenel,
III, 932, 939, 927.
2. « C'est an malheur exlresme, écrit Rrulart, que nous n'avons receu plus
tost la dépesche que vous nous avez envoyée du 8e du présent mois en
responce de la nostre du 10e du passé. Nous l'avons attendue jusques à l'extré-
mité el I''- raisons que vous verrez par nostre leltre commune nous l'ont l'ail
prévenir de trois jours... » Dépèche du 18 octobre. Ubi supra.
LA MISSION Dl P. JOSEPB I OATISBONNE. 2('»:>
Mazarin lui avait t'ait espérer que le duc de Savoie joindrai ses
armes à celles du roi, si le dernier projet de traité, qu'il trouvait
équitable, n'était pas accepté par les Impériaux et les Espagnols.
A la vérité, la lettre où Victor-Amédée devait annoncer cette
résolution n'avait jamais été écrite, mais Richelieu ne feignait pas
moins de compter sur son concourset il entendait bien ne livrer
la citadelle qu'à ce prix. Cela revenait à tenir pour non avenue la
trêve de Rivoli, dont les conditions n'avaient pas obtenu tout
d'abord son approbation1. Défense fut donc faite à Toiras de
remettre la citadelle, quand même elle n'aurait pas été secourue,
sans un ordre du roi, et cet ordre ne devait être donné que si
toutes les obligations contractées envers la France, notamment
par le duc de Savoie, avaient été remplies2.
Lorsque le traité fut connu à Lyon par un résumé de Brulart3,
c'est-à-dire le 20 octobre, Louis XIII et Richelieu venaient de
quitter cette ville. Il y fut accueilli par une allégresse générale!.
La reine mère et la reine régnante y voyaient la fin d'une guerre
qui affermissait le crédit du ministredont elles essayaient, quelques
jours avant, d'arracher la disgrâce au roi moribond. Le nonce
Ragni, représentant d'une cour qui avait poursuivi avec tant de
persévérance son œuvre de médiation, partagea le sentiment
public. Bouthillier lui-même approuva entièrement le traité, et,
convaincu que le cardinal ferait de même, il en répandit la nou-
velle, écrivit aux ducs de Parme et de Mantoue pour en presser
l'exécution et rédigea une lettre de ratification et decomplimenls
à l'adresse des plénipotentiaires4. Enfin, Richelieu, qui était alors
à Roanne, abusé par l'analyse peu fidèle de Brulart5, fit porter
ses félicitations aux deux reines et annonça la ratification''. Mais
1. Avencl, III, 887, 904, 909, 911, 912. Griffet, II, 31. Mém. de Richelieu,
II, 260.
2. Lettre du Roi à Toiras. Avenel, III, 925.
3. Lettre de Bouthillier à Richelieu, 20 octobre, citée par Avenel, III, 943,
mile 2, et lettre du Roi à M. de Léon, datée du 22, écrite eu réalité le 26 oc-
tobre. JOid., |>. 962 in fine. Noua n'avons Mas retrouvé ce résumé du traité el
nous ne savons quand il lui envoyé.
4. Dépêche de Contarini. Lyon, 22 octobre. Filza 79, p. 14. Lettres de Bou-
thillier a Richelieu, des 20, 21 el 23 octobre. Dépêche écrite par Bouthillier à
M. de Léon au nom du Roi. Avenel, 111, 943, n. 2.
5. Voyez la lettre précitée du Roi a M. de Léon, du .'.' (26) octobre.
6. " Meniie sio dispacciando, riene in maggior diligenza de quello che -i
aspettava un gentilhuomo e>|>edilo dal Re et dal cardinale per congratularsi
266 G. Fu.MKZ.
son impression et ses dispositions changèrent entièrement quand
il eut sous les yeux le texte lui-même, que le secrétaire de l'am-
bassadeur apporta à Lyon le 22 octobre l et qui, quelques heures
après, était à Roanne. Désolé de ce qui avait été fait à Ratisbonne,
il prit et fit prendre au roi la résolution de ne pas l'accepter pure-
ment et simplement. Devait-on ratifier le traité avec des réserves,
le déclarer nul en indiquant les conditions auxquelles la France
en conclurait un autre, ou attendre, avant de se prononcer, des
nouvelles de l'armée d'Italie? Tels sont les trois partis qu'il envi-
sagea dans un de ces mémoires où il avait l'habitude d'examiner
une question sous toutes ses faces, la plume à la main, afin de
mieux saisir les considérations décisives et de préparer pour le roi
et le conseil la justification de ses décisions. De ces trois partis, le
second lui parut le meilleur, mais tempéré par le troisième, qui
était imposé par la prudence ; résolu à considérer le traité comme
nul et à faire des propositions pour le remplacer par un nouveau,
il ne voulut pas déclarer ses intentions avant de savoir ce que nos
généraux avaient fait et ce qu'ils étaient en état d'entreprendre2.
Dans un conseil tenu le 24 au soir, il fit prévaloir son opinion sur
celle de Marillac, qui était d'avis d'accepter le traité, sauf à en
fixer l'interprétation et à en poursuivre la modification dans des
conférences ultérieures3. Cependant, un courrier, brûlant les
con le Régine délia pace sentita da S. M. con somme- gusto e con gran sollievo
délie sueindutioni Il cardinale ha scritto a Bottiglier che mandera la rati-
lirutione e fara le altre espeditioni à Ratisbona » Dépêche de Contarini,
22 octobre. Filza 79, n° 239.
1. « Hoggi arriva il segretario di Léon partito ai 14 da Ratisbona con le
capitulationi délia pace » Dépêche de Contarini. Lyon, 22 octobre. Filza 79,
p. 44.
2. Avenel, III. 949. L'opinion définitive de Richelieu ne se dégage pas très
nettement de ce mémoire, qui reflète les fluctuations de son esprit. On se
tromperait tout à fait sur sa conclusion si l'on oubliait que le mot cependant,
qui se trouve à la fin, a ici, comme en général à cette époque, le sens de : en
attendant. Il résulte de ce qui a été dit plus haut que, des deux dates entre
lesquelles a hésité M. Avenel, il faut adopter la seconde, celle du 22.
3. Contarini reproduit l'argumentation de Richelieu contre Marillac, telle
qu'un membre du Conseil la lui avait rapportée : « Andato poi da altro confi-
dente, che si trovô nel consiglio di bien sera, trovai che corsero due opinioni,
ana de! guardasigiUo, che voleva si ;q>provasse il traliato, modificàndolo pera
H interpretandolo per via de eommissarii ed'altro. 11 card. risposeche, se con
ratificar i! trattato, anche senza modificationc, fosse certa la pace, vorrebbe
persuaderne il Re, se ben con tanto indecoro e vergogna sua, ma che egli era
I \ MISSION DU P. JOSEPH A RATISBONNE. 267
relais, portait à nos généraux l'ordre de ne pas tenir compte de ce
qui avait été conclu en Allemagne et de poursuivre Leur marche.
Que lettre, revêtue de la signature royale, annonçait à Brulart
que le résultat de la négociation n'était pas approuvé, elle était
accompagnée d'observations sur les clauses qu'on jugeail inad-
missibles et de l'interprétation qui pourrait les rendre acceptables.
L'ambassadeur recevait l'ordre d'obtenir de Sa Majesté impérial»',
avec le concours des électeurs et en la suivant à Vienne, si elley
était rentrée, des explications et des modifications satisfaisante :
s'il ne pouvait y parvenir, il devait retourner auprès du roi ' . Il
était enjoint à Charnacê et à Reaugis de combattre la mauvaise
impression que le traité aurait pu produire sur le roi de Suède et
sur les Etats généraux et de leur faire savoir qu'il n'était pas
ratifié2. La reine mère n'arriva à Roanne que pour trouver des
résolutions arrêtées, des mesures prises, et approuva tout, soit que
Richelieu ait réussi à lui faire partager son opinion, soit plutôt
qu'elle déclinât la lutte ouverte sur le terrain politique contre un
adversaire si supérieur et qu'elle eut hâte de la reprendre par les
voies obliques et souterraines qui convenaient seules à cette nature
tortueuse, mesquine et bornée3.
sicuro che non se ne sarebbe ottenuto L'effetto, perche era trattato captioso e
fraudolente, di modo che vedendosi la necessila di conUnuar le annal»- el i
dispendiî, era meglio il farlo con honore, con cuore e dolcezza degli amici, che
di questa maniera vituperosa. Quanto aile interprétation! de] trattato, furono
universalmente rejeté con L'essempio del trattato di Monzon, le cui interpré-
tation] hanno posto in servitu quei popoli el non si è fatto nnlla, il che segui-
rebbe anche nell' ltalia, oltre ch' essendo il negocio < 1 i molti capi per via de
commissarii non si terminerebbe in ahni e bisognerebbe continnar tanto tempo
sempre con le armi in màno. Opinione del cardinale è pero fin hora che -i
disaprovi il Irattalo con una dichiaratione pero délia costanza del Re alla
pace d'Italia, esplicando i |>tinli <li uno in nno piu da vioino che si possa ail'
intenlione de medesimi Imperiali el escludendo totalmente <'t apertamente
tutti gli altaci punti, che sono fuori di esso negotio d'Italia, la quai opinione
par che prevaglia et che ad essa el il guardasigillo et Castelnuovo adheris-
cano... » Filza 79, p. 5.9-60.
1. Lettre précitée du Roi à M. <le Léon, 22 (26) octobre. L'bi supra. Avenel,
958, n. 2. Dépêche de Gontarini. Roanne, 27 octobre. Filza 79, n° 213. Mém.
de Richelieu, II, 288-291.
2. Mém. de Richelieu, il, 291-292. Avenel, m. 951, n. 2. Ce fui le P Joseph
qui se chargea de rassurer la sérénissime République. Voyez sa lettre à d \».ui\.
signée : Jlumotpe. Ralisbonne, 11 novembre. \i< b des aff. étrang. Venise,
-1630, vol. 49, à la date.
3. La reine mère arriva à Roanne le 26 au soû el parti! le lendemain U
268 G- GAGNIEZ.
1 Jientôt des lettres de Schomberg et des autres généraux vinrent
ôter au cardinal sa plus vive inquiétude en lui apprenant, d'abord
qu'ils ne suspendraient leur marche que si la ville et le château
de Casai étaient évacués et ravitaillés, puis qu'en effet ils n'avaient
pas t. m m compte de l'article prescrivant la cessation des hostilités
et n'avaient cessé d'avancer'. On sait que leur attitude décidée
sauva Casai et que, le jour même où Richelieu les félicitait de leur
résolution (26 octobre), ils arrêtaient avec le marquis de Sainte-
Croix2 une convention qui remettait le duc de Mantoue en posses-
sion de Casai et du Montferrat.
Revenons maintenant sur le traité et sur la façon dont le pre-
mier ministre l'accueillit. Nous avons dit son chagrin quand il le
connut, nous devons ajouter qu'il s'exprima très sévèrement sur
le compte des négociateurs et qu'il eut même la pensée de faire un
exemple à leurs dépens3. Mais il ne pouvait les séparer dans le
châtiment, et comment aurait-il pu se décider à frapper un
homme que sa robe rendait sacré et qui était le confident le plus
intime de ses desseins, l'auxiliaire le plus actif et le plus habile de
sa politique, le premier auteur de sa fortune? L'ambassadeur
vénitien nous a conservé l'expression même de ses sentiments,
telle qu'il l'avait recueillie de sa bouche4, et son langage ne per-
cardinal l'accompagna, ne voulant pas la laisser seule auprès du Roi. Dépèche
de Contarini. Roanne, 27 octobre. Filza 79, p. 64 et 68.
1. Avenel, III, 966 et a. 1. Filza 79, p. 68.
2. Il commandait les troupes espagnoles à la place de Spinola, malade de la
maladie dont il allait mourir.
3. Testament politique, éd. 1764, 1™ partie, p. 25. Dépêche de Contarini,
27 octobre. Filza 79, p. 63. Relation de Venier. Ubi supra, p. 133.
4. Questa mattina ho veduto il cardinale, il quale ho trovato afflitissimo,
mi disse : « Escusatemi se non vi ho veduto prima, perche son piu morto che
vivo, doppo la malatia del Re, non ho havuto il maggior travaglio di questo.
Léon et il frate non potevano for peggio. Piacesse a Dio che la Francia havesse
fatto troncar la testa a Fargis, et a molti altri che hanno eccessi in traitât i
simili i loro poteri per esempio e per honore délia corona. Sono xx capitoli,
ma n<»n \i è capitolo, che non habbi Ire o quattro errori grandissiini : non è
piu possibile, che la Francia tralli. porche non ha havuto huomini. Léon et il
frate si sono lasciati ingannare dagli Elettori. Io non posso dirvi i particolari
,• prima non viene la Regina madré, con la quale si risolvera il tntto ma non
credo che questa pace anderà avanti, perché li uostri ministri hanno eccesso i
loro poteri, i quali dando loro auttorita di traltar supra lé sole cose d'Italia,
vi hanno incluso negotii di Sciampagna per i vescovati di Metz, del dnca di
Lorena e cose simili, oltre un trattato, un aleanza tra noi et l'Imperatore ver-
gognosa, pregiudiciale e gelosa a tutti li nostri ainici, obligandoei di non dar
LA \il-M<>\ DE P. JOSEPE A RATISBONHE. 269
met pas de douter de sa sincérité. « >n ne peut donc admettre avec
certains historiens ni qu'affolé par Le danger du roi, il ait donné
aiuto ai nemici dell [mperio dichiariti, overo da dichiarirsi, ne i on denaro, ne
con consiglio ae con forze, mancaya solo che y' obligassero di rinonciar a tutte
le leghe per far compila la rergogna el il biasimo. Per la Republica \i è un
capitolo, ma inhonorevole corne tutti gli altri. Scrivono che il vostro Res" ri
ha assentito, ma io non lo credo, i E qui peT mostrarmelo chiamù il secretario,
)iia rispondendo egli che il capitolato s' era mandate a Botiglier da Iradur in
francese per mostrai alla Regina disse - i lu somma egli nonè piuntoa propo-
sito ; mi par che dica che, conforme le istànze humilissime délia Republica, in
liratia spéciale del Re, essa resti compresa con dichiaratione, che, sequello non
fusse, non si voleva sentir parlar di lei, in somma tutlo tanin maie, che non si
pu»» dir peggio. Piaccia a Dio che Sciombergb si sia avanzato, ^U havemo
espedito un corriero, chesopragli a\i>i di Germania non >i fermi. | El mi disse
questo formate concetto: « Voi vedete con quanta fatica io vo condncendo questa
barca, la quale tra tanti scogli e contrarii non è andata fin hora maie, ma la
fortuna ha voluto che quei marinari, i quali >i stimavano i pin esperti e pra-
tici, ci fannoandara traverso el ci pongonoa rischio di naulïaggio: voglio i erlo
rilirarmi in un monasterio, et liberarmi da questi travagli, perche ><n\<> pone
di morte. » Io, ancorche vedendolo molto tnrbalo et afflitto, volsi seco discorrer
et dimandarli altri particolari, ma egli mi rispose : « Voi rederete lacapitula-
tione quanto prima l'habbi veduta la Regina madré, non -i risolvera alcuna
cosa senza vostra saputa, di gratia non parlate con alcuno, perche, se la
Regina madré trovasse il negotio rotto, crederia che tutto venissr da me. Boti-
glier ha l'alto mollo maie a publicar la pace a Lionc nella maniera che ha fatto;
in tanto imaginalevi il pc-gio che si possa, l'essecutione di che, quando anco
si potesse ammetter, io slimo piu tosto impossibile che diflicik. perche nes-
suno degli inleressati sono comparsi con poteri, ne Spagnoli, ne la Republica,
ne Savoia, ne Mantoa, di sorte che non si |iliù assicurar di nulla. » E cosi lo
lasciai Quanto agli articoli del
Iratlato, non mi eslendo, perche V. E. gli haveranno gia havuti dalla copia
medesima che sara molto prima ventila d'AJemagna, nondimeno ad ogni buon
fine procurero anch' io d' haverla el la mandero con allia occasione paren-
domi non dover perder oncia di tempo nel Ear pervenir alla Serenita v. quesli
particolari in tut la diligenza, affine che le voci di sicura pace non prevalessero
Diro solo che corne l'Imperalor parla per lui, per il Re cattolico <■ per Savoia,
cosi la Francia non parla che per lei sola e senza nominar i collegati. Di pin
che la liberatioue de Grisoni e demolitioni de forli deve esser L'ultima esse-
cutione di tutto, che tara elteltuar l'Imperator, sortili totalmente Francesi, non
in virtu del présente trattato. ma [ter essecutione délia sua Impérial parola
data gia ai Grisoni nclle letterc che loro scrisse sin dal principio che occupa
quei passi, promettendoli la primiera liberté quando Ibssero terminât! questi
turbini d'Italia, in modo che per la liberta di quei passi non restarebbe alcun
altra assicuranza che la sola volonté dell' [mperator. in - a bisogna dir col
cardinale che non si poteva far peggio per tutte le parti et per tutti li rispetti,
assicurando in taulo le E. V. che non manchero in tutta aplicatione del mio
animo di star sempre uiiito alla Corte avertito particolarmente ai publiciinte-
ressi, de quali daroconto di tempo in tempo con espeditioni espresse, e diligenti
271» G. FAf.\IEZ.
au P. Joseph l'ordre de traiter à tout prix', ni même qu'il n'ait
repoussé la paix que parce qu'elle permettait au roi de se passer
de lui2. Non, il ne joua ni la surprise, ni l'irritation, ni l'abat-
tement, il éprouva bien réellement tous ces sentiments. Mais
furent-ils aussi justifiés qu'ils étaient sincères? Le traité méri-
tait-il toutes ses critiques, les plénipotentiaires tous ses reproches?
Pour se faire une opinion sur la valeur de l'œuvre et sur la res-
ponsabilité de ses auteurs, il faut examiner successivement dans
quelle mesure et pour quelles raisons ils ont dépassé leurs pou-
voirs et se sont écartés de leurs instructions, puis si, en le faisant,
ils ont sauvegardé ou compromis les intérêts de la France, s'ils
lui ont assuré tous les avantages qu'elle pouvait tirer delà négo-
ciation. On verra par ce double examen si ces plénipotentiaires
ont manqué à leurs devoirs professionnels, si le sens politique a
fait défaut à ces hommes politiques. Est-il besoin d'ajouter qu'il
ne nous éclairera pas moins sur le rôle de Richelieu dans cette
circonstance et en général sur sa manière de diriger les affaires
quanto sara possibile non ostante eue io m' allonlani ogni giorno piu, come pur
faccio anco a Ratisbona per sola informatione dei publici rapresentanti, perche
conosco l'importanza tli questo periodo, che fin hora pare dover portar le cose
ad una crudelissima et longhissima guerra piu tosto che alla pace, ma perô
bisogna suspender il giudicio sin tanto che arrivi la Regina, la quale acconsen-
tendo alla rottura col cardinale, crede fermamente sara anco impegnata a sos-
tener le arrai et a non opporsi come per l'adietro. Prego Dio Signore di darmi
vigore per ben servirle et di esser fruttuoso in emergenti di tanto peso...
Da Roana a 25 ottobre 1630. Filza 79, dépêche 241. M. A. Raschet a traduit
quelques lignes de cette dépêche dans son Histoire de la chancellerie secrète,
p. 328. Contarini reproduit aussi le témoignage d'un confident intime du
cardinal sur les impressions de celui-ci. Dépêche du 24 octobre. Filza 79,
p. 55.
1. Les partisans du P. Joseph affirmaient qu'il produirait à son retour cet
ordre secret (Dépêche de Contarini, 10 décembre 1630, Filza 79, n° 258) et l'opi-
nion qu'il l'avait reçu était assez répandue pour être adoptée par l'historien
contemporain Nani, Historia délia Republica veneta, I, 535. Ce qui a pu l'ac-
créditer, c'est qu'il y eut un moment où Richelieu désira tellement la paix
qu'on put le croire disposé à l'accepter à n'importe quelles conditions. Dép. de
Contarini, 1er septembre, Filza 78, p. 202. Son désir passionné pour la paix
n'est pas seulement attesté par l'ambassadeur vénitien, on en trouve aussi les
preuves dans sa correspondance. Nos négociateurs n'apprirent officiellement la
maladie du roi que par la dépêche du 9 octobre qui leur apprenait en même
temps mi guérison.
2. Cette explication a été donnée par Aretin, Bayern's auswaerdge Verhael-
Inisse, I, 295-296, et même par Ranke, Gesch. Wallensteins, 3e éd., 1872,
p. 145. Voy. aussi Siri, Memorie recoadite, VII, 246-247.
LA MISSION M P. rOBEPB 1 RATISBONNE. ^~'
et de les présenter à la postérité? Ici comme toujours on De peut
mettre en lumière les idées etla conduite du I'. Joseph sans péné-
trer davantage dans les secrets de la politique et du gouvernement
de Richelieu.
Il serait facile de déterminer jusqu'à quel poinl nos agents ont
dépassé les intentions de leur gouvernement, si, au début ou dans
le cours des négociations, ces intentions avaient été exprimées sous
une forme impérative et absolue. Mais ce n'est que dans les
dépêches tardives du 8 et du 5) octobre qu'on trouve un ultimatum.
On serait tenté d'attribuer1 ce caractère à la dernière forme du pro-
jet deMazarin, telle qu'elle résulte des modifications que Richelieu
lui avait fait subir dans les premiers jours de septembre; en effet,
celui-ci a prétendu tirer du rapprochement de ce projet et de ses
apostilles avec le traité la condamnation des plénipotentiaires* et,
en signalant certains articles comme n'étant pas de ceux dont le
rejet devait entraîner une rupture, il semblait bien dire implicite-
ment qu'il n'en était pas de mémo des autres2. Mais ce qui prouve
péremptoirement que nous n'avons pas là le dernier mot du car-
dinal, c'est qu'il alla plus loin dans la voie des concessions, c'est
qu'il accepta, par exemple, l'engagement de ne pas attaquer
directement ni indirectement l'Empire, une indemnité territoriale
pour le duc de Guastalle, la transformation de la soumission ver-
bale du duc de Mantoue en une soumission écrite. Ses rares dépèches
n'offrent rien non plus qui ressemble à un mandat impératif.
Cela se comprend. Richelieu ne pouvait pas limiter d'une façon
rigoureuse la liberté d'action de nos représentants, puisqu'il
n'était pas fixé lui-même sur l'étendue de ses sacrifices et de ses
exigences. Il attendait les événements, et ce fut seulement quand
ils eurent pris une tournure décidément favorable qu'il refusa de
mettre à la paix un prix qui dès lors lui parut trop élevé. Qu'on
ne se méprenne pas sur notre pensée; nous ne contestons nulle-
ment que l'ambassadeur et le P. Joseph aient poussé l'esprit de
conciliation au delà de ce qu'autorisaient leurs instructions, leurs
aveux mêmes nous démentiraient, car ils ont parfaitement senti et
1. « Conférant ce projet avec l<> traicté passé à Ratisbonne, on verra claire-
ment comme le sr de Léon n'a suivy en aulqune façon les ordres i|iii luy ont
esté donnés ains les a excédés en toutes choses. » An h. «les ail. étrange Alle-
magne, Vil, f. 150.
2. Voy. les apostilles du projet. Ubi supra.
272 C lAC.MKZ.
nettement déclaré qu'ils couraient le risque d'être désavoués. Tout
ce que nous disons, c'est que la dernière communication de leur
gouvernement qui leur soit parvenue en temps utile ne suffit pas
à les condamner, c'est qu'il faut tenir compte, pour déterminer la
mesure dans laquelle ils ont été infidèles à leur mandat, des con-
cessions ultérieures du cardinal, bien qu'elles n'aient fait que
sanctionner ce qu'ils avaient déjà pris sur eux. Or c'est ce que
celui-ci ne fait pas. Tout ce qui, dans le traité, est étranger à
l'Italie, était aussi, d'après lui, étranger à leur mission. Il feint
de ne pas voir que la présence de négociateurs français à Ratis-
lionno suffisait pour faire sortir la négociation des limites où elle
s'était renfermée en Italie et pour la faire porter sur l'ensemble des
relations entre l'Empire et la France, il oublie ou fait semblant
d'oublier qu'il s'était résigné à cette nécessité en acceptant une
renonciation réciproque à tout acte d'hostilité, qu'il a agrandi
lui-même le terrain de la négociation en demandant le déman-
tèlement et l'évacuation de Vie et de Moyenvic et la confirmation
du traité de Monçon. Dans ses reproches pour la façon dont
ses instructions ont été remplies, il y a donc une part d'injus-
tice, mais il y a une plus grande part de vérité. Nos plénipoten-
tiaires n'ont pas agi de leur chef autant qu'il l'a dit, ils l'ont fait
assez pour être désavoués.
Il faut voir maintenant le tort que le traité faisait aux intérêts
et à la dignité de la France. Mais n'est-ce pas revenir sur une
question déjà vidée, et ne peut-on pas dire qu'il était préjudiciable
à notre pays précisément dans la mesure où il n'était pas con-
forme aux instructions de Richelieu? L'admettre, ce serait poser
en principe que lui seul avait le juste sentiment de ces intérêts et
de cette dignité et qu'on ne pouvait pas les comprendre autrement
que lui, ce serait accepter sans examen toutes ses critiques et
sacrifier à la légère un personnage dont les titres et les services
sont encore à établir, au ministre en faveur duquel le génie et le
succès ont créé de légitimes préventions. C'est seulement en exa-
minant la valeur intrinsèque et la valeur relative de l'œuvre de
nos plénipotentiaires que nous pourrons savoir si elle méritait
toute la sévérité du cardinal.
Si on étudie le traité en faisant provisoirement abstraction de
ses dispositions accessoires, on voit qu'il rétablissait le duc de
Mantoue dans ses Etats et qu'il assurait par conséquent à la
LA HISS10!) DB P. roSEPfl \ KATISBONNE. '2~'A
France la satisfaction qu'elle avait poursuivie en taisant la
guerre. A la vérité, Charles de Gonzague n'obtenait pas la resti-
tution immédiate el intégrale du Mantouan et du Montferrat ;
d'une part, il devait céder certains territoires, de l'autre, l'Empe-
reur ne lui accordait l'investiture qu'au bout de six semaines, la
jouissance qu'au bout de deux mois et après la liquidation et
l'attribution des indemnités convenues en faveur des ducs de
Savoie et de Guastalle. Cet ajournement aurait été grave s'il avait
dissimulé l'intention de revenir sur la reconnaissance des droits
du duc de Mantoue, mais il était suffisamment justifié par la néces-
sité d'attendre les lettres d'intercession du pape et du roi et
surtout par l'opération assez longue et assez délicate de la liqui-
dation des indemnités, conditions préalables pour l'exécution
desquelles Richelieu avait accepté un mois. Si l'investiture avait
été immédiate, comme le portait le projet de Mazarin, Charles de
Gonzague aurait recueilli la qualité et les droits d'héritier avanl
d'avoir désintéressé ses concurrents. Tout ce qu'on pouvait dire
à l'encontre de cette façon de procéder, c'est qu'une fois la liqui-
dation terminée et acceptée par tous les intéressés, la mise en
possession des ducs de Savoie et de Guastalle n'aurait pas dû pré-
céder l'investiture et la mise en possession du duc de Mantoue,
mais que l'entrée en jouissance de tous les trois aurait dû s'accom-
plir en même temps. Mais le léger avantage accordé aux deux
premiers ne portait vraiment atteinte ni aux intérêts ni a la dignité
du roi. On n'avait pas à craindre que ce délai se prolongeât par
suite de désaccords sur le règlement des indemnités, il était de
rigueur, et, si les intéressés ne s'entendaient pas, les commissaires
impériaux devaient les mettre d'autorité en possession des terri-
toires que, de concert avec les commissaires français, ils leur
auraient assignés. Le traité contenait, il est vrai, sur ce point,
une clause inacceptable : dans le cas où, par le fait des commis-
saires, le règlement ne serait pas terminé dans les six semaines,
il attribuait exclusivement aux commissaires impériaux le droit
d'y procéder. A part. cette clause, qui avait échappé à l'attention
des négociateurs et dont la modification ne pouvait soulever
aucune difficulté, l'ajournement de l'investiture n'autorisait pas
à soupçonner la sincérité de l'Empereur et ne mettait pas en péril
les droits du duc de Mantoue. Ce qui devait rassurer complète-
ment la France sur l'intention dans laquelle ce délai avait été
Rev. Histoe. XXV11. -2e FASC< 18
274 G. FAGNIEZ.
Introduit, c'est que Ferdinand n'avait aucun intérêt à recommen-
cer la guerre dans six semaines, comme cela serait inévitable s'il
refusait l'investiture, car il la recommencerait dans des conditions
moins favorables. Pour suspecter sa bonne foi, il fallait lui prêter
la pensée déraisonnable de soutenir, sans général et avec une
armée réduite, deux guerres à la fois, l'une en Italie contre la
France, l'autre en Allemagne contre Gustave-Adolphe. D'un
autre coté, ni la constitution d'une rente de 18,000 écus, dont
partie était représentée par Trino, au profit du duc de Savoie, ni
l'assignation au duc de Guastalle d'une rente de 6,000 écus, qui
ne semblait pas devoir absorber le revenu de Reggiolo, ni la
réserve des droits chimériques de la duchesse douairière de Lor-
raine, avec les restrictions dont elle était entourée, n'empêchaient
Charles de Gonzague de devenir le souverain légitime du Man-
touan et du Montferrat et la France d'installer au sud de la
Savoie et du Milanais, sur les confins du Vénitien, un prince
français, maître de deux des plus fortes places de l'Europe. Le
P. Joseph avait donc pleinement raison d'écrire que la France
tirait autant d'avantage du traité qu'elle aurait pu le faire d'une
guerre heureuse, à part le prestige que donnent toujours des suc-
cès militaires1.
Mais il y a autre chose dans ce traité qu'un règlement avan-
tageux pour la France de la succession de Mantoue. Ce qu'elle
obtenait sur ce point, elle l'achetait peut-être sur d'autres par des
concessions onéreuses. C'était bien ce dont l'Empereur se flattait
quand il imposait à notre pays l'obligation d'abjurer tout projet
d'agression contre l'Empire. Il voyait là le moyen de le brouiller
avec ses alliés et de paralyser l'hostilité des États et surtout de
Gustave- Adolphe. Son espoir semblait fondé. La négociation de
Charnacé avec le roi de Suède se heurtait à plus d'une difficulté,
et peu s'en fallut qu'elle n'échouât. Aux discussions d'étiquette et
d'argent, aux préventions que Des Hayes Cormenin avait inspi-
rées au roi contre Charnacé et contre le cardinal, s'ajoutaient sans
contredit, pour la mettre en péril, l'inquiétude et la défiance que
1. Dépêche du P. Joseph à Richelieu, 13 octobre. Arch. des aff. étrang.,
Allemagne, VII, f. 130. Brûlait, de son côté, justifiait le traité en disant qu'il
rétablissait le duc de Mantoue dans ses Etats, ce qui était l'essentiel, et qu'en
présence de ce résultat, les avantages faits aux ducs de Savoie et de Guastalle
n'avaient pas d'importance. Relation de Vénier. 176» supra, p. 136.
m mission r>r p. rosEPB a batisbonne. 875
la mission de dos envoyés à Ratisbonne excitait chez lui et qui
ètaienl soigneusement entretenues par des émissaires de l'Empe-
reur1. Celui-ci ne s'en exagérait pas moins beaucoup le compte
que outre gouvernement devait faire d'une pareille obligation et
tneme le trouble qu'elle pouvait apporter dans nos alliances. Nous
avons dit qu'en prenant cet engagement, Richelieu B'était bien
promis de ne pas le tenir, el cependant, sous la forme acceptée
par lui, il entraînait L'obligation de se dégager des alliances qui
itaient contraires, tandis (pu; la rédaction définitive, qu'il
repoussait, ne l'obligeait qu'à l'aire son possible pour ramener les
ennemis de l'Empire à d<'s sentiments pacifiques. Les autres diffé-
rences qui la distinguaient dos articles approuvés par le cardinal
nr rendaient les obligations de la France ni plus ('tendues, ni plus
étroites. Les commissaires impériaux avaient, il est vrai, refusé
de comprendre parmi les Etats du roi que leur maître promettait
de respecter les pays en la fwssession de Sa Majesté très chré-
tienne, parce que ces termes semblaient impliquer l'abandon des
prétentions de l'Empire sur les Trois Evêchés, mais ils avaient
accepté le mot ditiones, qui disait tout autant, et la clause où
il se trouvait sauvegardait d'autant mieux nos droits sur les
pays conquis qu'on n'y retrouvait pas le mot kœreditarias,
qui faisait partie de la disposition correspondante relative aux
pays de l'Empire2. Ce qui achevait de réduire beaucoup la
valeur de cet engagement réciproque, c'est que les traités de
Cateau-Cambrésis et de Venins en contenaient un analogie
Les signataires de ces deux traités n'avaient pas cru, en l'y
insérant, s'imposer un lien bien gênant cl Richelieu, à cet
1. Dépêche du P. Joseph a Richelieu, dernier septembre, àrch. clos aff.
étrang., Allemagne, Vil, f. lôs. Dép* de Richelieu au P. Joseph, 9 octobre.
Dép. du P. Joseph à Richelieu, 'i novembre. H>i>i.. I 524. Voy. sur Des Bayes
Connenin des détails biographiques nouveaux dans Avenel, Vill, 81-8?.
2. Les plénipotentiaires B'applaudissaient comme d'an succès de l'omission de
ce mot qu'ils avaient repoussé. Mém. justificatif du P.J. Sur le premier ail.
10/ supra.
3. Nos plénipotentiaires, pour montrer qu'une pareille promesse était 'le tra
dition et presque de style, envoyèrent les articles de ces deux traités <>i'i elle
était consignée. L'ambassadeur vénitien considérai! le projet envoyé «le Ratis-
bonne comme la reproduction de la clause du traité de Venins ci mettait le
cardinal en garde contre le danger d'une pareille stipulation, quels qu'en fassenl
les termes. Dép. a Vico. Rusa 7'.», p. 10. Voy. dansDumonl le texte des traités
de Caleau-Cambrésis et de Vervins, V, ! partie, p. 35 et 561.
■2~t'< G. FAfi\rEZ.
égard, ne se sentait pas plus gêné qu'eux. Le seul reproche qu'il
pouvail faire sur ce point à l'ambassadeur et au P. Joseph,
c'était d'avoir consacré à cette question le premier article et
d'avoir donné par là une idée exagérée de son importance1,
I nudis qu'elle aurait dû faire dans ses intentions l'objet d'une
convention particulière2. Mais il faut dire qu'elle occupait la
même place dans le traité de Cateau-Cambrésis et que ce pré-
cédent expliquait suffisamment celle que les négociateurs de
Ratisbonne lui avaient donnée.
Ainsi, des deux questions principales sur lesquelles avait porté
l'effort de la négociation, l'une, la succession de Mantoue, avait
été résolue de façon à satisfaire l'intérêt capital qui s'y attachait
pour nous, l'autre, l'abstention de la France dans la lutte contre
la maison d'Autriche, ne nous avait coûté qu'une promesse équi-
voque, dont les précédents réduisaient encore la valeur et qui ne
pouvait avoir d'autre inconvénient que d'éveiller chez nos alliés
des méfiances faciles à dissiper. Mais la critique de Richelieu ne
vise pas seulement ces deux points3. Il reproche encore au traité
son silence sur le traité de Monçon et sur la ratification de
l'Espagne. Et cependant, il faut en convenir, les raisons de
l'Empereur pour ne pas vouloir sanctionner ce qui avait été fait
à Monçon en 1626, ces raisons étaient sans réplique. Si le gou-
vernement de Madrid avait pris part aux négociations et au traité,
rien de plus naturel que de lui demander le renouvellement
d'engagements oubliés ou violés, mais il s'en était bien gardé, car
il comptait que Casai tomberait bientôt dans ses mains et il espé-
rait ne pas s'en dessaisir4. L'obligation que l'Espagne n'avait pas
contractée directement, l'Empereur ne pouvait la prendre en son
1. Si aggravava la Francia principalmente del primo capitolo... che fosse
capitolo fuori di nécessita e posto nel principio con apparenza che lo rendeva
molto piu indeguo e pregiuditiale. Relation de Vénier. Ubi supra, p. 135.
2. En tête des articles renvoyés aux plénipotentiaires, après avoir été corri-
gés par Richelieu, on lit : « Ce traitté doit être séparé du traitté général pour
la |>aix d'Italie, il la présupose faite, mais il doit être séparé, parce qu'il est
parlicullier entre l'Empereur et le Roy. » Arch. des aff. étrang. Allemagne, VII,
fol. 50G.
3. On trouvera ses objections dans Avehel, III, 947, 949, 9G0, et dans ses
Mémoires, II, 288, 2e col. — 290.
4. Dépêche du P. Joseph à M. Thomas [Bouthillier], 10 octobre. Arch. des
aff. étrang. Allemagne, VII, fol. 220. Dépêche de Brulart à Richelieu, 18 oct.
Ubi supra. Dépêche du P. Joseph et de Brulart à Richelieu, 22 octobre. Alle-
magne, VII, fol. 233.
la mission nr p. roSEPfl \ utnsr.owE. 277
nom. Sa qualité de chef de la maison d'Autriche ne l'autorisait
pas à engager son neveu sur les questions particulières qui
pouvaient se débattre entre celui-ci et la France. Tout ce qu'il
pouvait faire, et il le fit, c'était de garantir que Philippe IV
accepterait et respecterait, comme les ducs de Savoie et de Guas-
talle, les résolutions du chef du Saint-Empire au sujet de fiefs
impériaux. Mais, auxyeuxdeRichelieu.fr n'étail pas assez pour
lier l'Espagne de la parole de l'Empereur, il aurait fallu stipuler
sa ratification. Il est incontestable qu'elle avait fait à la paix une,
opposition passionnée et qu'il était permis d'avoir des doutes sur
la résignation avec laquelle elle l'accueillerait. Mais, même en
prenant au sérieux ses rodomontades, il ne faut pas s'exagérer les
conséquences du désaveu par lequel elle pouvait se soustraire aux
obligations contractées en son nom. Elle assumerait dès lors sur
elle seule le poids de la guerre, et Richelieu, prévoyant le cas où
elle resterait isolée, s'était déjà fait fort d'en avoir vite raison '.
Un autre de ses griefs contre les plénipotentiaires, c'était d'à \ oi v
réveillé, en les mentionnant dans le traité, les prétentions de
l'Empire sur les Trois Evêchés. Étaient-elles aussi assoupies qu'il
le disait? Quoi qu'il en soit, l'article qui les constatait laissait la
question entière et n'était que le procès-verbal des réclamations
réciproques échangées à ce sujet et au sujet de Moyenvic. Il étail
mieux fondé à se plaindre de la protection accordée au duc de
Lorraine contre les ressentiments de la France. Il est aussi une
disposition dont on ne peut se dissimuler la gravité ; c'est celle
qui laissait les passages de la Valteline et de la Rhétie entre Les
mains de l'Empereur, après l'évacuation des places du Piémont
parles troupes françaises. La menace d'une nouvelle invasioD
pesait ainsi sur l'Italie pacifiée. L'article qui accordait ces places
au roi, à titre de gage, ne parlait pas des vallées et des routes qui
y conduisent et par lesquelles elles pouvaient recevoir des troupes
et des approvisionnements. Cette omission prêtait aussi à la cri-
tique de Richelieu, mais il est évident que la faculté de commu-
niquer librement avec ces places était inséparable du droit de les
conserver et que les commissaires impériaux n'auraient fait
aucune difficulté pour la consigner par écril dans une de i
conventions annexes qui règlent les détails d'exécution At^s
traités.
I. Sur l'espoir de séparer Collalte et le dur de Savoie de Spinola roy. \\<-
nel, III, 88î, 888, 904.
27S <"■• FAGNIEZ.
Somme toute, malgré ses défauts, le traité de Ratisbonne,
considéré en lui-même et abstraction faite des circonstances, ne
mérite pas le mal que Richelieu en a dit. Reste à savoir si c'était
le meilleur que nos plénipotentiaires pussent conclure. Pour
résoudre cette question, il faut se rendre compte de la situation
politique et militaire au moment où il a été signé.
La trêve de Rivoli avait donné un temps de répit à la citadelle
de Casai, serrée de près par les assiégeants. Ce temps avait été
bien employé. Nos généraux avaient reçu des renforts et de
l'argent. Le maréchal de Marillac devait conduire en Italie, vers
le 42 octobre, l'armée de Champagne forte de 12,000 hommes1.
Les troupes étaient pleines d'entrain ; à la veille de l'expiration
de la trêve, elles avaient reçu dix-huit jours de vivres. La marche
jusqu'à Casai promettait d'être facile. Toiras était prévenu de la
tentative qu'on allait faire pour le débloquer et devait y concou-
rir2. Sans doute les assiégeants conservaient sur nous l'avantage
du nombre et de la position 3, mais l'infériorité matérielle de nos
troupes était compensée par leur supériorité morale, par leur
confiance et leur élan. L'événement le prouva bien, car leur atti-
tude résolue allait tant en imposer à l'ennemi qu'il refusa le
combat et livra Casai sans coup férir. Arrêter cet élan, laisser
nos soldats inactifs dans leurs cantonnements pendant deux mois,
ce n'était pas seulement renoncer aux chances d'une tentative,
en vue de laquelle beaucoup d'efforts avaient été faits et qui pro-
mettait d'être heureuse, c'était mettre en péril l'existence même
de notre armée. Séparée de la France par les Alpes et vivant en
pays ennemi, éprouvant par conséquent de grandes difficultés à
s'approvisionner, elle allait devenir pendant deux mois la proie
du découragement, de la maladie et de la désertion, et si, au
moment fixé pour l'investiture, les Espagnols refusaient d'évacuer
1. Sur l'entrée en scène de ce nouveau corps d'armée, voy. une lettre du
maréchal de la Force à Richelieu. Arch. des aff. étrang. France, 790 (nouveau
numéro), fol. 26G.
2. Avenel, III, 908, 912, 914, 013, 91G, 917, n. 2, 818, 924. Mém. de Richelieu,
II, 207, col. 2, 273, 274, et col. 2, 276. Relation de Schomberg dans Griflet, III,
714. Relation du 25 septembre, lui supra. Lettres de Routhillier a Sabran du
S e1 du 1 \ oct. Ami. Batuze 155.
3. Relation de Schomberg. Vbi supra. Relation de Brulart. Arch. des aff.
étrang. France, ancien 53, nouveau 403, pièce 47. Testament politique, Impar-
tie, p. 20-21. Guron dans sa relation présente l'issue de la lutte comme très
douteuse. Dans Griffet, III, 712.
r.\ MISSION 1)1 t. IOSEPH I OATISBOHNE. 27'.»
la ville et le château de Casai, elle ne pourrait essayer de dégager
la citadelle qu'avec un effectif réduit et au cœur de L'hiver1.
lui même temps que la Franco se préparait à jeter dans la
balance dos négociations Le poids de son épée, Les circonstances
politiques semblaient conspirer en sa faveur. Tandis que la gué-
rison inespérée du roi la sauvait de l'anarchie, L'Empereur, en lace
d'ennemis extérieurs plus menaçants, d'électeurs [dus indépen-
dants et plus hostiles, était réduit à l'impuissance. Il avait perdu
avec Wallenstein son meilleur général, une partie de son armée
avait été licenciée. Il n'avait pas réussi à rompre la ligue catho-
lique, même en offrant à son chef, Le duc de Bavière, le comman-
dement de l'armée impériale. Les électeurs catholiques étaient
résolus à s'opposer à la levée de contributions de guerre, si
Maximilien n'obtenait pas ce commandement aux conditions
exigées par lui et qui lui assuraient une véritable indépendance2.
De leur côté, les électeurs protestants étaient décidés k résister à
l'exécution de l'édit de restitution3. Gustave- Adolphe, maître de
la Poméranie, menaçait le Mecklembourg et la Silésie 4. Une
armée hollandaise était entrée dans l'Empire5. Les Turcs for-
maient des rassemblements en Hongrie6.
Les circonstances politiques et militaires permettaient donc à
nos plénipotentiaires ou d'obtenir des conditions meilleures ou
d'attendre avec confiance le résultat de l'attaque des lignes espa-
gnoles et l'effet inévitable des événements sur les dispositions de
l'Empereur. Ils devaient surtout ne pas priver leur parole par
trop d'empressement et de facilité de l'autorité qu'un succès de
nos généraux pouvait lui donner, et ne pas condamner notre
armée à une impuissance presque certaine, en arrêtant le coup
décisif qu'elle allait frapper. Ils auraient en effet très probable-
ment puisé dans la pensée d'une armée, imposante par le nombre
1. Voy. notamment, pour les inconvénients de l'inaction et d'une campagne
d'hiver, la fin de la dépêche «le Richelieu à Schomberg du 19 septembre, Ave-
nel, III, 905, et les raisons contre la prolongation de la trêve, Ibid., 914.
2. Dépêches du P. Joseph des 13, 15 et 20 septembre. Ubi sui/m.
3. Lettre de l'empereur au roi d'Espagne. Khevenhiller, XI, 1232.
4. Mémoire des progrès <lu roi de Suéde envoyé par Brulart cl le P. Joseph
avec leur dépêche du 22 août. \n h. des aff. étrang. Allemagne, vil, fol. 50.
If émoire de nouvelles envoyé par le P. Joseph avec sa dépêche du 13 octobre.
Ibid., fol. 440.
5. Mém. de Richelieu, II, 300, col. 1 et 2.
6. Nouvelles envoyées par le P. Joseph avec sa dépêche du 13 ortulur. I
supra.
2S0 G. FAGNIEZ.
et l'ardeur, l'énergie nécessaire pour repousser certaines exi-
gences, s'ils avaient été instruits de sa réorganisation et de ses
dispositions, c'est-à-dire des chances d'une entreprise contre les
assiégeants. Mais autant ils connaissaient les embarras politiques
de Ferdinand, autant ils étaient peu au courant des améliorations
qui s'étaient produites dans notre situation militaire. Les derniers
renseignements que Richelieu leur avait envoyés sur Casai leur
représentaient la place comme désespérée et comme ne pouvant
être sauvée que par la paix1. A vrai dire, l'armistice les avait
rassurés sur l'imminence de ce dénouement ; mais, ignorant le
parti que Richelieu avait tiré du premier, ils considéraient le
second comme simplement ajourné. Richelieu lui-même douta
jusqu'à la fin du succès, il ne pouvait donc pas le leur présenter
comme certain, mais il devait du moins les informer de tout ce
qu'il faisait pour l'assurer. On aura de la peine à croire que des
négociateurs soient laissés dans l'ignorance des événements qui
doivent régler leur conduite, il semble qu'il n'aurait pas dû s'ac-
complir à la cour un événement de nature à modifier la direction
de la politique, qu'il n'aurait pas dû partir pour l'armée un ren-
fort, nous dirons presque un convoi, sans qu'ils en fussent
instruits. Il n'en fut rien pourtant. Tandis qu'ils recevaient sur
la marche de Gustave-Adolphe des informations venues des lieux
mêmes, aucune nouvelle ne leur parvint soit du théâtre de la
guerre, soit de leur gouvernement, sur les préparatifs de l'ouver-
ture de la campagne. La lenteur des communications pourrait
expliquer pourquoi leurs renseignements à ce sujet ont été moins
fréquents qu'ils auraient pu l'être de nos jours, elle ne suffit pas
à expliquer l'absence complète de renseignements. On comprend
la conséquence de ce silence au point de vue de la responsabilité
de nos agents : ne soupçonnant pas que le salut de Casai pût
venir de l'emploi de la force, croyant au contraire que la reprise
des hostilités lui serait fatale, ils crurent remplir leur devoir en
sauvant cette place par un traité qui ne coûtait à la France que
des sacrifices secondaires d'intérêt et d'amour-propre.
La considération de Casai fut décisive, et elle devait l'être, car
sa perte aurait entraîné celle du Montferrat et peut-être même de
nos conquêtes en Savoie et en Piémont2. Mais elle ne fut pas la
i. Dépêche de Richelieu à Brulart, 5 septembre. Ubi supra.
I. Telles sont les conséquences que Richelieu lui attribue.
LA MISSION Dl' P. JOSEPH \ RATISBONNB. -SI
seule qui détermina les plénipotentiaires à se montrer plus accom-
modants que Richelieu n'aurait voulu. 11 importe de faire con-
naître les autres, moins pour justifier l'ambassadeur et le P.
Joseph, car l'idée qu'ils se faisaient du danger de Casai les justifie
suffisamment, que pour connaître tous les mobiles de leur conduite
et écarter ceux qu'on leur a prêtés sans fondement.
Il y a un motif dont il faut, sinon nier, du moins réduire beau-
coup l'influence ; c'est la maladie du roi. A en croire Bachelier,
Saint-Étienne1 et le P. Joseph lui-même, la crainte de la mort
du roi et de ses conséquences n'aurait pas moins contribué que la
position critique de Casai à les faire aller dans la voie des conces-
sions au delà des intentions de leur gouvernement, mais il est
difficile de lui attribuer une aussi grande influence quand on sait
que les plénipotentiaires ne furent informés de l'extrémité où se
trouvait Louis XIII que le 12 octobre, alors que dès le 10 les
clauses du traité avaient été arrêtées et que le texte en avait été
envoyé à notre gouvernement et à Collalte. Nous savons bien
que le 12 au soir on le discutait encore, mais la discussion ne
pouvait évidemment plus porter que sur des détails de rédaction,
sur l'interprétation de certains passages et sur les voies d'exécu-
tion. Cela ne l'empêchait pas d'ailleurs d'être fort vive et de
mettre en question la conclusion définitive2.
L'éventualité de la disgrâce de Richelieu ne fut pour rien dans
la résignation avec laquelle l'ambassadeur et le P. Joseph accep-
tèrent certains sacrifices. Celui-ci connaissait mieux que per-
sonne les complots qui visaient à écarter violemment le cardinal
par un coup de main, et les influences intimes qui faisaient appel
contre lui aux sentiments les plus sacrés et les plus doux du roi.
Il saisissait les preuves des intelligences que la faction avait ,:i
l'étranger, il dénonçait la divulgation de certains secrets d'EI at
et les faux bruits que le garde des sceaux Marillac faisait courir
sur le premier ministre5. Rien n'indique toutefois qu'il ait cru la
1. Dépêche de Contarini, 12 novembre. Filza 79, n° 244. Dép. du P. Joseph
à Richelieu, 13 octobre. Arcli. des ail', ètrang. Allemagne, VII, fol. 130.
2. Dépêciie du P. Joseph à Richelieu, 13 octobre. Vbi supra. Dépêche de
Brulart à Richelieu, 13 octobre. AitIi. des a IV. étrang. Allemagne, VII, fol. 146.
3. Dépêche précitée du P. Joseph à Richelieu du 5 août. Vbi supra. « Il esl
\ia\ que des personnes de la cour font scavoir icy plusieurs choses que j'esti
moys fort secrètes. Le P. Joseph n'a peu encores descouvrir d'où cela vient. 9
Dép. du P. Joseph à Richelieu, 22 août. Arch. des aff. «Iran-. Allemagne, Ml,
à la date. « Si l'on peut bien sortir à peu près de Casa!, il y a moyen de ri le-
282 G. FAC.NIEZ.
situation de celui-ci menacée. Si Richelieu a mis cette raison au
nombre de celles qui expliquent les prétendues faiblesses de l'am-
bassadeur et du capucin, c'est à la fois par bienveillance pour
eux et par complaisance pour lui-même.
La crainte d'un accord de Ferdinand avec Gustave- Adolphe et
les protestants, et de la liberté d'action que cet accord aurait
assuré au premier contre la France, exerça au contraire sur
l'issue des négociations une influence réelle. Venant des électeurs,
intéressés à triompher des hésitations des négociateurs, la nou-
velle en était suspecte et ceux-ci avaient refusé d'y croire ; mais
l'attitude des représentants des électeurs de Saxe et de Brande-
bourg leur parut la confirmer1.
ver les afaires au dehors, ce qui n'importe pas peu au dedans. » Dép. du P.
Joseph à Richelieu, 15 septembre. Ubi supra. « Quant à ce qui est arrivé au
garde des sceaux, Ezechiely a bien reconu au lieu d'où il vient qu'il se mettoit
assés librement au hazard par ses pratiques à recevoir du déplaisir du sr du
Chesne et au moins qu'il luy en donnoit subjet. De quoy il y a six semaines
ou plus que je donnay quelque avis au sr Amadeau. » Dépèche du P. Joseph à
Richelieu. Vaucouleurs, 8 décembre 1630. Arch. des aff. étrang. Allemagne, VII,
fol. 544.
J. « L'Empereur fera ce qu'il pourra pour la paix avec le Roy de Suède,
mais il ne le pourra pas si tost, les raisons que le P. Joseph scait seroient trop
longues à dire. » Dépêche du P. Joseph à Richelieu, 15 septembre. Ubi supra.
« Durant cette contestation, l'ambassadeur d'Espagne a fait tous ses efforts
pour porter l'Empereur à s'accommoder avec le Roy de Suéde et le duc de
Saxe qui commance à lui faire peur et le prince Ekemberg, qui pressoit les
électeurs de s'y vouloir résoudre et de préférer le repos de l'Allemagne à celuy
de l'Italie qui les debvoit moins toucher. Nous avons eu quelque crainte que
cela se disoit pour nous intimider, mais les électeurs nous ont juré le contraire,
ce que nous avons aussy recogneu par les praticques secrètes des ambassadeurs
de Saxe et de Rrandebourg, lesquels ils [l'ambassadeur et le P. Joseph] recog-
neurent vouloir profiter de cette occasion, et encores que les électeurs n'y
lussent pas portez, Ekemberg les y vouloit contraindre, faisant que l'Empereur
revocast l'edit de la restitution des biens d'Eglize, ce qui en un moment eust
appaisé Saxe et les protestants sans lesquels le Roy de Suéde ne peut rien... »
Dépêche du P. Joseph à Thomas [Bouthillier], 10 oct. Ubi supra. « Nous avons
creu aussy par ce moyen empescher la resolution que l'Empereur avoit prise
certainement de faire la paix avec le Roy de Suéde, qui de son costé n'en cstoit
pas esloigné et tourner toutes ses forces et le dessein de la guerre vers l'Italie,
de quoy l'ambassadeur d'Espagne le pressoit incessamment, et, pour cet effect,
les principaux colonels des trouppes impériales sont demeurés en cette ville,
comme aussy le duc de Fritland à Meminghem, tous près à prendre leur che-
min et faire aller les régiments vers l'Italie ou la Silesie, où ils sont allés après
la paix, et quelqu'un à la Pomeranie. » Dép. de Brulart et du P. Joseph à
Bouthillier, 19 octobre. Ubi supra. « Il est certain que sans les électeurs
l'Empereur eust envoie, il y a six sepmaines, beaucoup plus de trouppes en
I v UISSION nr P. IOSETH A RATIsr.ONM . 283
La perspective de la mort de la duchesse de Mantoue eut aussi
sa part dans leurs résolutions. L'impératrice leur faisait craindre
que cet événement, en enlevant une princesse qu'elle avait élevée,
qu'elle chérissait comme sa tille1 et qui inspirait de l'intérêt à
l'Empereur, ne rendît celui-ci moins conciliant. Du reste, cette
considération ne put avoir d'autre effet que de les rendre moins
difficiles pour les détails de la rédaction et de leur faire sentir
davantage le prix de la diligence, car ils apprirent le danger de
la duchesse aussi tardivement que la maladie du roi2.
On a expliqué aussi leur conduite par des motifs personnels :
on a dit qu'ils avaient voulu ôter à Ma/.arin l'honneur de con-
clure la paix, qu'ils n'avaient pas voulu le partager avec l'am-
bassadeur de Venise qui arriva quelques heures après, qu'ils
avaient cherché à complaire à la reine mère dont les sentiments
pacifiques leur étaient connus. On a attribué au P. Joseph la
pensée de se créer des titres au chapeau en réalisant le vœu de la
papauté pour le rétablissement de la concorde entre les princes
chrétiens3. Ces insinuations malveillantes ne sont appuyées sur
rien et ne méritent pas qu'on s'y arrête.
Pour une autre raison, nous ne nous arrêterons pas non plus
sur les avantages qu'ils espérèrent acheter au prix de certains
sacrifices et qui en furent à leurs yeux la compensation. Nous ue
pourrions le faire ici sans anticiper sur l'étude des autres objets
et des autres résultats de leur mission. Nous n'avons voulu indi-
quer pour le moment que les dangers dont la crainte l'emporta
chez eux sur le respect scrupuleux des intentions de leur gouver-
nement.
Italie qu'il n'a l'ait, ayant esté sur le point .le (aire tourner toutes ses troupes
de ce costé là par la violance du Roy d'Espagne, et offrir au Roy de Suéde
tontes sortes de conditions, qui lors ne s'en esloignoit pas, voyant qu'on luy
offroit ce qu'il n'aura pas maintenant que par une longue guerre, comme seroil
Melchebourg et plusieurs autres places sur la mer... S'il [le roi de Suéde -si
niarry de ceste paix, c'est qu'elle lu> empesche de faire la sienne si avcnta-
geuse et sera cause qu'il ne la pourra si tost et peut estre de longtemps, d'au-
tant que l'Empereur ne luy voudra rien bailler, et luy ne voudra pas tout
quitter. « Dépêche du P. Joseph a Richelieu, i novembre 1630. Arcli. des ail.
étrang. Allemagne, vu, loi 524. Sur les conditions et le- chances .l'un ae I
entre Ferdinand, Gustave-Adolphe cl les électeurs de Saxe h de Brandebourg,
vby. o. Heyne, 164 el suiv.; Droysen, Gustaf Adolf, il, J i 1-243-
1. Relation de Brularl. Ub't supra.
Dépêche de Brulart cl du P. Joseph à Bouthillier, 19 octobre. Vbi supra.
3. Dépêches de Conlarini, 6 septembre et. 7 oct. 1630. Filza 78, p. 205. Filza
79, fol. 71. Relation de Vénier. Ubi supra, p. 131.
284 GJ FAf.NIEZ.
De quelle façon les faits qui précèdent permettent-ils d'établir
les responsabilités? Résumer les premiers, ce sera indiquer suffi-
samment les secondes. Les plénipotentiaires ont connu trop tard
les résolutions définitives de leur gouvernement et les espérances
attachées à la reprise des hostilités. Pour sauver Casai qu'ils ne
croyaient pouvoir être sauvée autrement, pour prévenir un rap-
prochement entre l'Empereur, Gustave- Adolphe et les protestants,
qui aurait déjoué tous les plans politiques de la France et tourné
contre elle tout l'effort des armes impériales, pour ménager
d'autres intérêts encore dont nous parlerons en leur lieu, ils ont
renoncé à certains avantages acquis en Italie, en apparence du
moins, et accepté certaines conditions nouvelles et fâcheuses,
mais ils n'ont fait en cela que subir les conséquences d'une négo-
ciation directe avec l'Empereur et des événements militaires. Quoi
qu'il en soit des nécessités auxquelles ils ont obéi, ils n'en ont
pas moins été au delà des intentions de leur gouvernement, non
pas autant que Richelieu l'a dit et qu'on l'a répété après lui,
mais assez néanmoins pour être désavoués. Ils en ont eu cons-
cience, ils l'ont déclaré bien haut et ils ont fait pressentir un
désaveu , mettant ainsi leur gouvernement à même ou de profiter
du traité pour sauver Casai, si cette place ne pouvait être sauvée
autrement, ou de le repousser si elle pouvait l'être par les armes
ou par des négociateurs plus heureux. Le traité au bas duquel ils
ont mis leur signature, sans valoir le projet négocié par Mazarin,
sur lequel en définitive l'accord n'avait pu se faire, assurait à la
France le principal fruit d'une guerre qui, malgré ses succès
contre le duc de Savoie, n'avait pas tourné à son avantage,
puisqu'elle avait fait tomber Mantoue dans les mains de nos
adversaires, et que Casai était menacée du même sort. Son défaut,
c'était d'avoir compté sans l'armée française, que nos négocia-
teurs ne croyaient pas en état de reprendre la campagne, et de
n'avoir pas assez tiré parti à l'avance des embarras politiques
que l'avenir réservait à Ferdinand. Schomberg n'a donc fait que
devancer le jugement de l'histoire en rendant aux plénipoten-
tiaires ce témoignage, vraiment généreux de la part d'un rival
et d'un rival heureux : « Je crois que M. de Léon n'a peu mieulx
faire1... » Mais, dira-t-on, ce même Schomberg avait fait autre-
ment, et sa conduite les condamne si son témoignage les absout.
1. Lettre à Richelieu, 22 octobre. Avenel, III, 966, n. 1.
LA MISSION DE P. JOSEPH A BATISBONNE. '2S'->
La réponse est trop facile : Schomberg connaissait la situation
militaire aussi bien qu'ils la connaissaient mal, il ne pouvait dès
lors renoncer à l'espoir de secourir la citadelle et d'assurer ainsi
au duc de Mantoue la possession immédiate de la "ville elle-même,
pour accepter un traité qui ajournait cette possession à deux
mois, c'est-à-dire à une époque où l'armée, démoralisée par
l'inaction, réduite par la désertion et la maladie, ayant à sur-
monter les difficultés d'une campagne d'hiver, n'aborderait plus
la lutte avec les mêmes chances de succès, si la lutte redevenait
nécessaire. Ces considérations, décisives pour des généraux, ne
pouvaient frapper des diplomates qui ignoraient même si la
France avait une armée digne de ce nom. Au reste, Schomberg
lui-même marquait très bien cette différence de position et de
point de vue dans cette même phrase où les devoirs des généraux
sont rapprochés de la conduite des plénipotentiaires : « Je crois,
disait-il, que M. de Léon n'a peu mieulx faire et que nous eussions
très mal fait icy sy nous eussions relasché ce point (la cessation
des hostilités) qui eust esté la perte infaillible de Casai, de l'hon-
neur du Roy et de toute la grande despence que S. M. a faite
pour le sauver1. »
On ne peut justifier, comme nous l'avons fait, l'ambassadeur
et le P. Joseph sans mettre en cause Richelieu. Le silence où il
se renferma du 5 septembre au 8 octobre 2, malgré des demandes
réitérées d'instructions 3, fait retomber entièrement sur lui la res-
ponsabilité des imperfections du traité. Ce silence s'explique par
les préoccupations personnelles d'un homme valétudinaire, aussi
occupé des intrigues de cour que des affaires de l'Europe, chagrin,
très accessible au découragement, toujours anxieux sur les vrais
sentiments du roi et auquel le danger de son maître avait fait voir
de près la ruine de ses entreprises et de sa situation, la perte
peut-être de sa liberté et de sa vie. Il s'explique mieux encore
par son incertitude de l'avenir. Ainsi que nous l'avons déjà indi-
qué, il attendait les événements, ou, pour mieux dire, il les pré-
parait, mais sans savoir si ses efforts ne seraient pas déjoués par
les mille circonstances qui conspiraient contre leur succès, et il
n'était pas beaucoup plus fixé que nos négociateurs sur les exi-
1. Loc. cit.
2. Voy. plus haut.
3. Voy. notamment la dépêche de Brulart à Richelieu du 20 septemhre. Arch.
des aff. étrang. Allemagne, VII, fol. 474.
286 0. FAGNIEZ.
gences possibles, sur les concessions nécessaires. Leurs dépêches
lui avaient fait comprendre que la situation militaire en Italie
ùtait beaucoup d'autorité à leur parole et que notre diplomatie
sciait impuissante, tant que nos généraux ne pourraient lui prêter
leur appui. Il croyait plus utile de préparer le secours de Casai
que de donner à nos négociateurs des ordres pénibles pour son
patriotisme, s'ils étaient en rapport avec les circonstances pré-
sentes, prématurés, s'ils étaient conformes à ses espérances1. S'il
leur avait dit le fond de sa pensée, il leur aurait dit : Faites pour
le mieux ; mais il n'avait garde de leur donner un pareil blanc-
seing, car il se serait ainsi ôté le droit de les désavouer, qu'il se
réservait d'exercer, si les circonstances devenaient plus favorables.
( )n comprend que nous expliquons son silence, que nous ne le
justifions pas, car plus la latitude qu'il leur laissait était grande,
plus il devait les mettre à même d'en user en pleine connaissance
de cause et pour le plus grand profit de la France, en les tenant
constamment au courant de tout ce qui pouvait faire espérer un
retour de fortune.
Ce qui semble plus difficile à expliquer que son silence, c'est
son irritation. Pouvait-il se dissimuler que les signataires du
traité étaient à l'abri de tout reproche et qu'il était le seul cou-
pable ? D'un autre côté, quel mécontentement pouvait lui causer
un traité à l'égard duquel ceux-ci avaient réservé sa liberté
d'action en déclarant qu'ils n'étaient pas autorisés à aller aussi
loin ? Ce mécontentement et cette irritation se comprennent aussi
cependant. Il avait espéré obtenir à Ratisbonne des conditions
plus avantageuses qu'en Italie, et ni la prise de Mantoue, ni
l'extrémité de Casai n'avaient dissipé cette illusion. Or le projet
de Mazarin, loin de s'améliorer pour nous à Ratisbonne, s'y était
aggravé. Et non seulement le traité ne répondait pas à son
attente, mais il ne répondait pas davantage aux promesses de
l'avenir. Son impatience, sa mauvaise humeur étaient bien natu-
relles. Le sentiment de sa responsabilité ne pouvait les diminuer.
L'équité est toujours rare chez les hommes d'État à l'égard de
1. Aussi sa correspondance avec Schomberg et d'Effiat ne subit jamais d'in-
terruption. Nous avons des lettres de lui à ces deux généraux du 19, du 23, du
25 septembre. Avenel, III, à ces dates. Le retard qu'il mit à répondre à nos
agents s'explique aussi par des circonstances secondaires. Ainsi cette réponse
fut différée de plusieurs jours pour permettre au roi convalescent de présider
le conseil. Dépêcbe de Contarini, 7 oct. Filza 79. p. 9.
L4 MISSION Dl P. JOSEPH A BATISBONNE. 287
leurs auxiliaires; quand par hasard son heure vient, ce n'est
jamais sous le coup d'une déception qui fait évanouir un succès
longuement préparé, eomplaisaniment escompté. Dans le premier
moment, Richelieu oublia, il devait oublier, et l'aveu qu'il avait
donné à certaines concussions contre lesquelles il se récriait
maintenant, et l'ignorance où il avait laissé nos plénipotentiaires
sur ses résolutions définitives et sur l'état de l'armée, il ne vit, il
ne pouvait voir qu'une chose : ses espérances et ses efforts frustrés
par des concessions inopportunes. Il n'avait, à la vérité, qu'à
refuser la ratification ; les déclarations des représentants de la
France semblaient lui rendre cet expédient facile, mais il ne pou-
vait le faire sans assumer sur lui l'impopularité d'une mesure qui
contrariait le vœu unanime du pays1, qui autorisait ses adver-
saires à le représenter comme éternisant la guerre pour affermir
son pouvoir aux dépens de la prospérité du royaume, de la tran-
quillité et de la santé du roi, sans discréditer enfin la parole delà
France en ajoutant un désaveu de plus à ceux par lesquels il
s'était déjà soustrait aux engagements pris en son nom2.
Du reste, ses griefs contre l'ambassadeur et le P. Joseph ne
résistèrent pas à la réflexion. Il leur conserva toute sa confiance,
et il ne tarda pas à leur en donner de nouvelles preuves en char-
geant le premier de négocier les modifications qui pouvaient
rendre le traité acceptable, et en confirmant le second, dès son
retour, dans la direction des affaires d'Allemagne. Ces témoi-
gnages significatifs de son estime furent pour eux la réparation
la plus éclatante des appréciations passionnées de la première
heure, mais ils ne furent pas la seule. Il se fit aussi leur avocat
auprès de la postérité, et il s'appropria même en grande partie
l'apologie présentée par le P. Joseph. Il n'a plaidé, il est vrai,
que les circonstances atténuantes, et ce qu'il dit du traité dans
1. l'n ogni caso pero dubito che sarebbc piu tosto impossibile chc difficile il
muover questi animi dalla pace, quaiulo anche vi si potesse scoprire qualche
pregiudicio perche contro la passione si è desiderata di longa mano et con troppo
aplauso intesa et abbracciata. Dép. de Contarini. Lyon, 22 octobre 1630. Filza
79, p. 47. Voy. aussi ibid., p. 56.
2. Contarini écrit le 27 octobre : « Si Ion repoussait purement et simple-
ment le traité, après le desaveu de Sillcry, de Fargis, de Bassompierre et
d'autres, personne ne voudrait plus traiter avec la France. Je crois, ajoute-
t-il, que le cardinal ne voudra désormais traiter que directement et non plus par
plénipotentiaires, car tous font à leur tète et pas un n'est puni. » Filza 7!), p. 65
et 66. Voy. aussi App., pièce II, au sujet de la personne du P. Joseph, art. 8.
288 r,. fassiez.
ses mémoires ' et dans son Testament politique 2 n'est entière-
ment conforme ni à la vérité ni à la justice. Il se montre toujours
trop sévère pour l'œuvre de nos plénipotentiaires, il prête à ses
instructions un caractère impératif qu'elles n'avaient pas, et
parmi les excuses qu'il fait valoir en faveur de ses agents, il n'a
garde de parler de la principale, c'est-à-dire de son silence.
Mais Richelieu, on le sait de reste, n'a pas écrit ses mémoires
pour y consigner l'aveu de ses fautes, et il est naturel qu'il ait
laissé à d'autres le soin de dire la vérité tout entière et de rendre
pleine justice à ses agents.
Son chagrin et sa désapprobation affectèrent beaucoup le
P. Joseph, mais sans le faire changer d'avis sur les mérites de la
transaction à laquelle il avait mis son nom, et il ne cessa de la
défendre avec la modestie et la réserve d'un homme qui craint, en
ayant trop raison, de mettre le ministre dans son tort3.
La justification de nos négociateurs n'implique nullement
d'ailleurs la désapprobation du parti pris par Richelieu au sujet
du traité. Ce dont il faudrait le blâmer au contraire, ce serait de
l'avoir ratifié, malgré des dérogations notoires à ses instructions,
alors que les circonstances lui permettaient d'en conclure un
meilleur. Les différences par lesquelles le règlement définitif de
la succession de Mantoue se distingue de celui qui avait été
adopté à Ratisbonne justifient entièrement le cardinal de s'être
montré plus exigeant que les plénipotentiaires. Il sut profiter de
la situation de plus en plus critique de l'Empereur pour rendre
plus rapide et plus sûr le rétablissement du duc de Mantoue dans
ses États. Déjà la convention faite entre les généraux, le 26 oc-
tobre, avait stipulé l'évacuation du Montferrat par les belligé-
rants et livré Casai à son légitime souverain, en mettant seulement
la place, jusqu'à l'investiture, sous l'autorité nominale d'un com-
missaire impérial. Les traités signés à Cherasco, le 6 avril et le
1. II, 287-288. Oii y retrouve en grande partie la dépêche du P. Joseph à
Bouthillier, du 10 octobre.
2. Éd. 1764, lrc partie, p. 24-25.
3. Dépêches de Contarini, 27 octobre. Filza 79, p. 63, 10 décembre. Ibid.,
n° 258, 31 décembre 1630. Ibid., n° 263. On lit dans une lettre anonyme dont
l'auteur paraît avoir approché la reine mère : « Ho visto il povero Padre Gio-
sef incommodato di corpo e di spirito me ne fa compassione... » Arch. des an",
étrang. France 54, fol. 332. Voy. aussi une lettre de Zingelsheim à Hotman-
Villiers, 4 décembre 1G30. Arch. des aff. étrang. Palatinat, 4 (1620-1639),
pièce 45.
LA MISSION l>l P. rOSEPH \ RATISBOWT.. "2S!I
lî> juin 1631, fixèrent un délai de vingt-cinq jours pour l'inves-
titure, subordonnèrent k cette formalité l'attribution de l'indem-
nité due au duc de Savoie, rendirent simultanée l'évacuation de
Mantoue, de Castel-Porto, de Caneto, des positions des Grisons
d'une part, de Saluces, de Veillane, de Briqueras et de Pignerol
de l'autre. Un accord particulier entre les ducs de Mantoue et de
Guastalle ' mettait entre les mains du dernier deux des terres qui
lui avaient été assignées , en attendant que le duc de Parme ,
commissaire impérial, eût déterminé la garantie territoriale qui
devait lui être définitivement attribuée. Mais notre diplomatie ne
réussit pas seulement h obtenir une révision avantageuse du
traité de Ratisbonne ; à ce succès elle en joignit un autre tout à
fait inattendu et qui, préparé dans le plus grand mystère et
assuré avant même la conclusion des traités du 6 avril et du
19 juin, fit l'effet d'un coup de théâtre : par un traité secret signé
dès le 31 mars au même lieu, le duc de Savoie cédait Pignerol au
roi. En rentrant en possession de cette place qui lui avait si
longtemps appartenu, la France acquérait une porte en Italie et
avec elle le moyen d'y balancer l'influence espagnole et d'exercer
sa protection en faveur de ses alliés italiens d'une façon rapide et
efficace. Il est vrai qu'elle n'avait pu le faire sans imposer à
Charles de Gonzague certains sacrifices, et qu'elle avait dû
agrandir la part du duc de Savoie dans le Montferrat pour le
décider k cet abandon.
Ce n'était pas, nous l'avons dit, pour négocier un accord au
sujet de la succession de Mantoue que le P. Joseph et Brulart
avaient été envoyés k Ratisbonne. Lorsque les électeurs avaient
pris l'initiative de négociations nouvelles sur cette question, nos
plénipotentiaires ne s'étaient pas dérobés k ces ouvertures, et ils
n'auraient pu le faire sans révéler clairement qu'ils n'étaient pas
envoyés dans une pensée de conciliation. Mais, tout en s'y prê-
tant, ils n'oubliaient pas le but principal de leur mission, et
c'était même en partie pour l'atteindre qu'ils avaient cru néces-
saires les concessions qui furent jugées excessives. Malheureuse-
ment, c'est précisément quand elle s'applique k de plus grands
objets, c'est quand elle met en jeu les qualités les plus délicates
du diplomate, que l'activité du P. Joseph nous échappe. Les pro-
tocoles officiels, qui nous ont tant aidé k retracer la marche,
1. On le trouvera dans Siri, Memorie recondite, VII, 361.
Rev. Histor. XXVII. 2e fasc. V3
200 G. FAf.NlEZ.
quelquefois la physionomie de ses discussions avec les commis-
saires impériaux, nous font naturellement défaut pour la diplo-
matie secrète à laquelle il a consacré le meilleur de son temps et
de son talent, et les correspondances diplomatiques elles-mêmes
n'y font que de rares allusions. Comment montrer notre religieux
soufflant la discorde et prêchant l'union, entretenant des intelli-
gences avec l'impératrice, le confesseur, le parti anti-espagnol,
échauffant les passions et alarmant les intérêts, envenimant les
divisions de l'Empereur et des électeurs, atténuant celles des
électeurs entre eux, mêlant avec la plus grande sincérité la reli-
gion et la politique, la corruption et l'appel aux sentiments et
aux traditions d'indépendance qui faisaient l'âme de la constitu-
tion germanique? Comment déterminer avec certitude le poids
dont son influence a pesé sur les résolutions et l'issue de l'assem-
blée? Tandis que nous avons pu donner aux négociations qui ont
abouti au traité de Ratisbonne une place en rapport avec leur
importance, quelques pages nous suffiront pour indiquer le carac-
tère et le résultat de ses menées souterraines. Heureusement on
peut, sans se hasarder beaucoup, juger de ce qu'il a fait par ce
qu'il avait à faire, et il n'est pas téméraire d'affirmer qu'il a
rempli et au delà les instructions qu'il avait rédigées pour l'am-
bassadeur et pour lui.
Ces instructions, — qu'on nous pardonne d'y revenir, — leur
prescrivaient de combattre les efforts de Ferdinand pour associer
les électeurs à sa lutte contre la France et les Hollandais, d'enve-
nimer leurs griefs particuliers et de les mettre en garde contre les
promesses illusoires, de capter leur bienveillance en faisant valoir
les services rendus et en rassurant leurs ministres sur le paiement
de leurs pensions, de garder une grande réserve sur la question
du Palatinat, afin de ne s'aliéner ni le roi d'Angleterre ni le duc
de Bavière, tout en s'assurant auprès du premier le mérite du
rétablissement du Palatin, s'il venait à être rétabli;, de faire
échouer la candidature du roi de Hongrie en formant, par l'ini-
tiative de l'électeur de Trêves, une majorité hostile, d'offrir aux
électeurs l'intervention armée de la France pour faire respecter
la liberté de leurs suffrages, de les encourager à se rendre indé-
pendants de l'Empereur et à ne pas servir d'instruments aux
desseins ambitieux de l'Espagne.
Ces instructions auraient été superflues, et elles attesteraient
de la part du gouvernement français une ignorance singulière de
LA MISSION 1M l'. IOSBPB l RATISBONNE. 29H
la situation de 1" Allemagne, si, comme on l'a dit, nos envoyés
avaient eu cause gagnée avant d'arriver à Ratisbonne, si les
électeurs avaient déjà été résolus à faire ce qu'on venait leur
demander. C'est la conclusion à laquelle 0. Heyne s'est laissé
entraîner1 par son ardeur à réfuter Gfrœrer qui, sur la foi de
l'abbé Richard, attribue au P. Joseph l'initiative de toutes les
résolutions des électeurs et en fait de véritables marionnettes dont
notre capucin aurait tenu les fils. Le livre de l'abbé Richard -
porte des signes si évidents de précipitation et de défaut de cons-
cience3, qu'on s'étonne qu'il ait jamais pu égarer quelqu'un,
niais il ne suffit pas de prendre le contre-pied de ses assertions
pour être dans le vrai. 11 est trop évident que le P. Joseph n'a
pas eu besoin d'éclairer les électeurs sur leurs intérêts, mais
n'est-ce pas en partie grâce à lui qu'ils ont su et osé les défendre,
et Heyne n'en convient-il pas lui-même quand il dit qu'ils n'au-
raient jamais obtenu les résultats qu'ils obtinrent, sans l'attitude
de la France ?
Si l'on ne peut attribuer à notre héros aucune part dans la
révocation de Wallenstein, il n'en est pas de même pour l'accueil
fait à la candidature du roi de Hongrie. A la veille de la réunion
du collège , le cabinet français croyait pouvoir compter sur le
vote négatif des électeurs protestants , mais il n'était pas aussi
fixé sur les intentions des électeurs catholiques. Il était sûr de
l'évèque de Trêves , qui était comme le gérant d'affaires de la
France en Allemagne, mais les dispositions des électeurs de
Mayence, de Cologne et de Bavière ne lui inspiraient pas une
sécurité aussi absolue. Nos relations avec le premier n'étaienl
pas empreintes d'une grande confiance 4. L'archevêque de Cologne
avait, à la vérité, déclaré à Marcheville l'année précédente que
1. Op. laud., p. 131-137. Voy. aussi Aretin, Baierns auswaertige Verhaelt-
nisse, I, p. 295. Ranke au contraire exagère l'influence du P. Joseph, Rœmische
Paepste, II, 366.
2. Histoire de la vie du R. P. Joseph Le Clerc du Tremblay, etc., 2 vol. in-12.
Paris, 1702. Le Véritable P. Joseph, Saint-Jean-de-Maurienne, 170-1, in-12, el
1750, 2 vol. in-12. Ce dernier ouvrage n'est que la reproduction du premier
avec de légères modifications qui sullisent cependant à en faire une satire.
3. Cela ne l'empêche pas d'ailleurs de contenir beaucoup «le vrai. L'auteur
• •a est redevable à la biographie de D. Damien Lerminier, qui n'est elle-même
qu'un abrégé de celle de Lepré-Balain.
4. Lettre du cardinal Bagni à Jocher, conseiller 9ecre1 de l'élecleur de
Bavière1. Grenoble, 17 mai 1030. Archives secrètes d'État de Bavière, à Munich,
série Bavaroise 488/2.
292 G. FAGNrEZ.
ni lui ni ses collègues ne se prêteraient à l'élection et qu'ils
accepteraient, si on voulait la leur arracher par l'intimidation,
l'appui de nos armes ', mais sa résolution définitive dépendait de
celle de son frère, Maximilien. Or tout ce que Charnacé avait pu
obtenir de ce dernier, c'était l'assurance que le collège n'enten-
drait à aucune élection avant que l'Empereur eût désarmé (com-
mencement de 1629). Richelieu insista, il fit demander à Maxi-
milien de promettre formellement qu'il ne concourrait pas à
l'élection, du vivant de l'Empereur ou au moins tant que celui-ci
tiendrait des armées sur pied en Allemagne, en Italie et dans les
pays voisins. Il lui faisait savoir que l'électeur de Brandebourg
s'était engagé, sous le plus grand secret, à ne pas voter pour un
membre de la maison d'Autriche, et avait promis de pousser
l'électeur de Saxe à faire comme lui. La détermination de celui-ci
était encore inconnue 2. Maximilien se contenta de reproduire sa
déclaration précédente et, pour s'excuser de ne pas aller plus loin
et prévenir de nouvelles instances, il invoquait les lois de l'Em-
pire, les engagements mutuels des électeurs qui leur interdisaient
d'entrer, à l'insu les uns des autres, dans des négociations posi-
tives au sujet de l'élection3. Richelieu restait inquiet, il craignait
que les électeurs, agissant individuellement, sans concert préa-
lable, n'eussent pas le courage de voter d'une façon indépen-
dante, il revint donc à la charge pour demander au chef de la
ligue catholique de faire ajourner l'élection. Il l'informait sous le
sceau du secret que l'électeur de Trêves, auquel il appartenait
d'opiner le premier, avait promis de proposer cet ajournement et
d'obtenir l'adhésion de ses collègues, on était sur de celle du
margrave de Brandebourg et on espérait celle du duc de Saxe. Il
ajoutait que Gustave-Adolphe venait d'accorder au roi la neutra-
lité des Etats de la ligue et de son chef. L'évêque de Scythie,
envoyé en mission auprès de l'Empereur et du collège, avait
aussi pour instruction de faire remettre l'élection et de veiller, si
elle avait lieu, à sa régularité4.
Les déclarations réitérées de Maximilien semblaient bien faites
1. Heyne, p. 56.
2. Lettre de Bagni à Jocher. Fontainebleau, 5 oct. 1029. Copie de leur cor-
respondance. Arch. des ait", étrang. Bavière, I, pièce 25.
3. Lettre de Jocher à Bagni. Munich, 13 novembre 1629. Ibid.
4. Lettre du P. Joseph à Bagni. Suse, 9 mars 1630. Ibid. Lettre de Bagni à
Jocher. Grenoble, 17 mai 1630. Arch. de Bavière, série Bavaroise 188/2.
la MISSIQPi DU P. MHSBBB i &ATISBONNE. B93
pour tranquilliser Richelieu, catr elles lui garantissaient i'inten-
tion unanime des électeurs de se refuser à toute élection avant la
pacification de l'Empire. Or, comment prévoir que Ferdinand
révoquerait son général, licencierait ses troupes, obéirait aux
injonctions de la ligue, se mettrait, pour ainsi dire, dans ses
mains? Et cependant les inquiétudes persistantes du cardinal
étaient justifiées. Pour en être exempt, il aurait fallu ignorer
tout ce qui pouvait ébranler la résolution des électeurs, l'influence
de la peur, des défiances réciproques, de la corruption 1 , ne pas
se rendre compte des satisfactions et des compromis qui pouvaient
les désarmer, ne pas songer en un mot à l'imprévu que comporte
toute assemblée, même aussi peu nombreuse. Ce qui prouve que
ces inquiétudes n'étaient pas sans fondement , c'est la confiance
de l'Empereur2. Les représentants de Jean-Georges de Saxe et
de Georges-Guillaume de Brandebourg arrivaient à Ratisbonne
avec l'ordre de décliner, en prétextant le défaut d'instructions,
toute tentative pour obtenir leur suffrage ; l'électeur de Trêves
était plein de zèle pour nos intérêts, mais ceux de Mayence, de
Bavière et de Cologne, tout en étant fort irrités de la politique
agressive et sans ménagement dans laquelle l'Empereur s'était
engagé depuis la fin de 1628 3, tout en étant parfaitement décidés
à exiger, même par les armes , la révocation de Wallenstein et
l'allégement des charges militaires et à ne pas seconder Ferdinand
dans ses entreprises belliqueuses, tout en se montrant par consé-
quent peu disposés à lui complaire dans ce qu'il avait le plus à
1. « ... Il est bon... qu'il nous soit permis de promettre quelques pensions à
quelques ministres des princes jusqu'à dix mil escus en tout... L'on voit com-
bien par l'exemple du Roy d'Espagne ces petites aides empeschent de grands
maux et font de grands eïl'ccts. sans cela il n'y a pas moyen d'agir. » Dépêche
du P. Joseph à Richelieu, 15 septembre 1630. Ubi supra. « Doria, ambassa-
deur d'Espagne, a receu depuis peu quatre cent mil escus. Le banquier qui [lesj
luy a donnés l'a dict au P. Joseph. Par ce moyen, il donne de grandes tenta-
tions à plusieurs. L'eslecteur de Trêves a dit au P. Joseph qu'on luy avoit
offert cinquante mile pistolles contant, ce qu'il avoit rejette avec horreur, à
ce qu'il luy a dit. Toutefois il est vray que depuis cela il agist plus foiblement,
jusqu'à ce point que les autres eslecteurs ont soupçon de luy et s'en sont des-
couverts au P. Joseph qui sur cela parle souvent à l'électeur de Trêves, luy
disant ce qu'il faut, et jusqu'à présent le P. Joseph a sujet de croire qu'il
fera bien. » Dép. du P. J. à Richelieu, 13 septembre. Allemagne, Vil. I. 140.
2. On comptait si bien sur l'élection autour de l'empereur qu'on laissa publier
un poème de félicitations à son adresse composé par un médecin de la cour.
Relation de Christophe von Forstner. Mercure français, XVI, 396.
3. lleyne, II, 14.
'2'»'i T.. FAGNIEZ.
cœur et h fortifier son autorité en assurant à son fils la couronne
impériale, ces électeurs, disons-nous, voulaient conserver leur
liberté d'action et se servir de cette espérance et au besoin de
cette concession pour lui arracher ce qu'ils désiraient. Dans un
long mémoire où ils donnent à Maximilien leur avis sur la façon
de traiter avec le P. Joseph, les conseillers de ce prince lui font
remarquer que, le traité d'alliance défensive avec la France une
fois conclu, le capucin, encouragé par ce succès, redoublera
d'efforts pour empêcher l'élection1; la candidature du roi de
Hongrie avait donc encore des chances , et Maximilien n'avait
pas encore pris à cet égard un parti définitif, puisque les instances
du P. Joseph étaient de nature à l'embarrasser.
On sait que Ferdinand capitula devant les exigences des élec-
teurs, qu'il sacrifia Wallenstein, licencia une partie de son
armée, réduisit les contributions, s'obligea à ne plus en lever
arbitrairement. Il dut renoncer à dissoudre la ligue catholique et,
au lieu de fondre l'armée de la ligue dans l'armée impériale,
comme il l'avait tenté, il plaça celle-ci sous le commandement
de Tilly, ce qui revenait à la placer sous celui de Maximilien.
Enfin il reconnut l'impossibilité d'entraîner les électeurs dans une
guerre contre la France et les Provinces-Unies et se vit forcé
d'abandonner l'Espagne à elle-même dans sa lutte contre ces
deux puissances. Ces concessions inattendues n'obtinrent pas le
prix qu'il s'en était promis : le roi de Hongrie ne fut pas élu. Les
électeurs pensèrent sans doute qu'en déférant à la demande du
chef de l'Empire, ils se priveraient du seul moyen d'assurer le
maintien de ses concessions ou d'en obtenir de nouvelles. Il ne
les avait pas faites, en effet, sans avoir la pensée de les reprendre,
et l'assemblée n'était pas encore dissoute qu'il songeait à rendre
a Wallenstein son commandement2. Ce fut à nos agents que les
électeurs durent la hardiesse et l'entente3, qui ne leur étaient pas
1. Post conclusionem articulorum wirdt P. Josef baldt weitter gehen uwl die
Electionem Régis Romanorum, desto stercker verhindern wœllen. Append.,
pièce II.
2. Dépêche de Brulart et du P. Joseph à Richelieu, 26 aoùl 1630. Arch. des
ail', étrang. Allemagne, VII, fol. 115. Nouvelles envoyées par le P. Joseph avec
sa dépêche du 13 octobre 1630. Jbid., toi. 440.
3. « L'assurance que les électeurs prennent du secours du Roy au besoin les
fait parler el agir d'une autre sorte que l'Empereur ne s'attendoit. » Dépêche
du P. Joseph à Richelieu, 13 septembre 1630. Ubi supra. « Sur cela nous avons
pris sujet d'essayer à y joindre estroittement 1rs électeurs catholiques cl les
f.A MI-<H>N in r. JOSEPH \ BATISBONNE. 295
moins nécessaires que l'intelligence de leurs intérêts. Le P. Joseph
assura chacun d'eux qu'il ne serait pas isolé dans son opposition
contre la candidature «lu roi de Hongrie, il dissipa les malen-
tendus et les défiances semées entre eux par les agents de l'Em*-
pereurel de l'Espagne * , il pénétra assez a vaut dans leur confiance
pour recevoir les confidences des ans sur les autres'. En l'ab-
sence même de son témoignage, on pourrait affirmer que l'offre
de l'intervention armée de la France dut exercer une influence
décisive sur l'attitude générale des électeurs el en particulier sur
l'accueil qu'ils firent à la demande de Ferdinand. On peut juger
du prix qu'ils attachaient à noire protection par leurs instances
pour décider nos envoyés à déroger à. leurs instructions et à con-
clure la paix. Us annonçaient l'intention d'écrire au roi pour
prendre sur eux la responsabilité de leur consentement ou pour
se plaindre de leur refus, ils déclaraient qu'ils seraient réduits à
se remettre à la discrétion de l'Empereur, si la France, occupée
en Italie, les laissait sans assistance8. Ces instances étaient
inspirées par le vif désir de la voir consacrer toute son attention
et toutes ses forces à leurs intérêts4. Le roi était regardé en Alle-
magne comme le protecteur de ce qu'on appelait la « liberté
publique, » c'est-à-dire de la vieille constitution germanique, il
y était populaire, les Allemands considéraient leur indépendance
comme liée à la prospérité et à la grandeur de notre pays5.
électeurs protestant... Le P. Joseph est après pour le [l'électeur de Bavière]
bien unir avec l'électeur de Saxe... » Dép. du P. Joseph à Richelieu, 20 sepl.
1630. Ubi supra, a M. de Léon et Ezechicly continuent à faire tout ce qui se
peut pour mettre entr'eux. [les électeurs] une bonne intelligence. » Dép. du
P. Joseph et de Brulart à Richelieu, 22 octobre 1630. Ubi supra. Mémoire
pour les instructions des sieurs de Liste et de Gournay, 29 janv. 1631 , à
l'Appendice.
1. Dép. du P. Joseph à Richelieu du 22 août, des 13 et 20 septembre et du
10 octobre 1630. Ubi supra.
2. Dép. précitées du 15 et du 20 septembre, du 10 et du 13 octobre.
3. Dépêche du P. Joseph à M. Thomas, 10 octobre 1630. Ubi supra. « Et
io ardisco ben dire a V. E. che senza la vigorosa interpositione di S. A. [l'élec-
teur de Bavière] (essendo uate alcnne spinose difficolta sut fine délia negotia-
tione o pin tosto sul punto délia sottoscrittione) il trattato Baria andato a monte
o al manco la conclnsione e per conaeguenza la parc d Italia tanto bramata da
S. M. ritardata. » Dép. [du muni' de Bavière? au raid. Bagni, -I OCt. 1630.
Archives de Bavière à Munich, série Bavaroise 188/2.
4. Dépêches précitées du 20 septembre, du lu el 'lu 13 octobre Ubi supra.
Mémoire pour le sr de Gournay, 29 janvier 1631, a I Appendice.
... o Nous n'eussions jamais creu que cette cour où il > a plusieurs princes,
2!»; g. i\u;mez.
La part de celui-ci dans l'échec de la proposition impériale
fut en raison de son prestige, de l'appui que les électeurs en atten-
daient, de ses sacrifices pour sortir d'une guerre qui semblait
devoir l'empêcher de se vouer entièrement à son rôle de médiateur
en .Yllemagne. Nos envoyés surent certainement faire valoir leur
complaisance pour le vœu des électeurs et la sécurité que la paix
leur donnait, pour les déterminer à un refus dont ils sentaient
l'avantage, mais dont la hardiesse les faisait hésiter. La paix, qui
rassurait les catholiques, inquiétait au contraire et à juste titre
les protestants ; ils se rendaient compte qu'ils en feraient les frais
et que Ferdinand chercherait la compensation de ce que lui coû-
tait l'accord de la France et des électeurs ecclésiastiques, dans
l'exécution rigoureuse de redit de restitution, comme dans la
poursuite énergique des hostilités contre Gustave-Adolphe. Le
P. Joseph et l'ambassadeur réussirent cependant, ils s'en flattaient
du moins, à leur faire comprendre que si la paix donnait à l'Em-
pereur plus de facilité pour les opprimer, elle en donnait aussi
davantage au roi pour les défendre1.
Le P. Joseph ne visait pas seulement à rapprocher les électeurs
passagèrement et en vue d'une circonstance spéciale, il voulait éta-
blir une union permanente entre eux d'abord, entre eux et le roi
ensuite pour tenir l'Empereur en bride et faire contre-poids à la
maison d'Autriche. Il jeta à Ratisbonne les bases de cette union.
Il obtint des électeurs catholiques la promesse de ne pas conclure
ambassadeurs et députés eust témoigné une si grande ardeur pour cette paix,
hormis les partisants du Roy d'Espagne. Tous advouent que la liberté publique
despend du bon estât de la France. Plusieurs de grande qualité, catholiques
et protestants, nous sont venus trouver pour nous le témoigner, et semble que
l'ancienne affection de cette nation vers nos Roys qui a esté longtemps refroidie
durant nos troubles de religion, se rechaufe plus que jamais par l'estime que
tous universellement font du Roy à un si haut point qu'ils n'ont autre conten-
tement que d'en parler, tous ont son tableau et tous sont vestuz à la francoise,
mesme ceux de la maison de l'Empereur. » Dép. précitée du 10 oct\ « Je ne
vous puis représenter la passion que tous les princes qui sont en cette diette,
comme aussy les députés des villes qui sont de toutes les parties de l'Allemagne,
ont tesmoigné de veoir cette paix conclue et le contentement qu'ils en ont reçu,
estimants que leur bonheur est conjoint à celuy de France, etc. » Dép. du P.
Joseph à Boulhillier, 13 oct. « Je ne vous puis dire l'allégresse qu'en ont [de
la paix] tous les princes et les depulés des villes qui sont en cette diette, qui
prennent plus d'intérêt au repos de la Fiance que la plus part des François.
Durant nos disputes, cbascun estoit en tristesse et en peines (??). » Dép. du P.
Joseph à Richelieu, 13 oct. Vbi supra.
1. Dép. précitées des 10 cl 22 octobre et du 4 novembre 1630.
\A MISSION DU l'. losri'ii \ 1ATISBONNE. 207
avec Ferdinand, contrairement à leur serment de confraternité, des
conventions particulières intéressant la constitution germanique,
et de ne pas laisser violer contre leurs collègues protestants les
lois de l'Empire et l'édit de pacification. Ils promirent également
de fa i iv tout leur possible pour adoucir la rigueur de L'édit de
restitution. Seulement ils comptaient sur le roi pour empêcher
que ces dispositions conciliantes ne tournassent contre eux et que
les protestants n'abusassent du prétexte de l'intérêt public pour
acquérir la prépondérance '. Le dessein politique qu'il laissait en
bonne voie2, quand il quitta Ratisbonne, a été exposé par lui
dans un mémoire rédigé au moment où la réunion des protestants
à Leipzig et des catboliques à Francfort fournissait l'occasion de
le reprendre et de le faire avancer3. Il consistait à assurer défi-
nitivement l'indépendance politique des électeurs et l'influence
de la France, qui venaient de se manifester d'une façon si écla-
tante, à les encourager dans le maintien des résolutions et des
réformes adoptées et conquises à Ratisbonne, à faire disparaittv
par une médiation constante les divisions que la maison d'Autriche
mettait à profit, à établir l'équilibre entre les deux partis en for-
tifiant les protestants qui étaient les plus faibles, sans les laisser
devenir menaçants pour les catholiques. Si ce plan réussissait,
notre pays deviendrait l'arbitre de l'Allemagne, partagée entre
un Empereur impuissant pour l'offensive et deux partis unis
contre la maison d'Autriche, divisés par la religion et par
certains intérêts et dont chacun était trop faible pour se passer
de nous. Mais n'était-ce pas se donner bien de la peine pour
arriver par un savant équilibre à la pacification de l'Allemagne,
c'est-à-dire à un résultat qui n'était pas dans nos intérêts? Le
P. Joseph allait au-devant de cette objection. Après que la France
aura établi l'accord entre les électeurs catholiques et les électeurs
protestants, il restera en Allemagne, disait-il, assez de causes de
trouble pour empêcher l'Empereur d'inquiéter ses voisins et per-
mettre au roi de diriger les événements suivant ses intérêts et de
1. Mémoire pour le sr de Liste, à l'Appendice.
2. « Ce dessein^ est bien advancé, mais il a besoin d'être maintenu par bonne
conduite et praticcrue, de quoy Ezeciely parlera plus au long [à] M. le cardi-
nal. » Dép. du P. Joseph à Richelieu, 'i nov. 1630. Vbi supra.
3. Mémoire sur l'estat des affaires d'Allemagne. Janvier 1031, à l'Appendice.
Mémoire pour le s1 de Lisle allant en l'assemblée de Leipsic. Vbi supra.
Mémoire pour le sr de Gournay allant à l'assemblée de Francfort, à l'Appendice.
298 <;• FAGNIEZ.
saisir l'occasion favorable pour une paix avantageuse. L'essen-
tiel, c'était que la paix ne se fît pas toute seule, par la lassitude
des partis, parce qu'alors Ferdinand en aurait eu l'honneur et le
profit, mais que le cabinet français en choisît le moment et en
dictât les conditions. Il ne pourrait d'ailleurs recueillir le fruit de
cette politique que s'il se décidait à prendre au besoin une part
directe aux hostilités et s'il promettait, non en termes vagues,
mais d'une façon positive, l'appui de ses armes à celui des deux
partis qui serait attaqué par la maison d'Autriche ou par le parti
contraire. Ce n'est pas ici le lieu de montrer dans quelle mesure
notre diplomatie poursuivit l'exécution de ce programme, ni com-
ment il fut déjoué par les événements , faute d'avoir prévu les
succès foudroyants d'un conquérant qui allait remplir trop bien
le rôle que le plan de Richelieu et du P. Joseph lui avait assigné,
et jeter définitivement dans des camps opposés les protestants et
les catholiques en imposant aux premiers son alliance et en for-
çant les seconds à faire cause commune avec l'Empereur. Il était
seulement à propos de faire connaître la pensée générale à laquelle
se rattachaient les efforts de notre héros pour établir entre les
catholiques et les protestants les fondements d'un concert et d'une
action communes. Ce sont bien ses vues personnelles qu'il exprime
dans ce mémoire. Il ne l'a pas écrit pour fixer des idées échangées
entre Richelieu et lui et dans lesquelles il serait bien difficile de
ne pas attribuer au premier la meilleure part. Il n'a consulté
personne pour tracer ces principes généraux de la politique fran-
çaise en Allemagne, pour lui fixer son but et ses moyens ; c'est
Richelieu au contraire qui lui a demandé son avis sur un sujet
que personne ne connaissait mieux que lui. Cela ne veut pas dire
que tout soit nouveau dans ce document. L'idée de rendre les
électeurs indépendants de l'Empereur et de les unir avec la France
n'appartient pas en propre au P. Joseph , elle n'appartient même
pas à Richelieu, elle faisait partie des traditions de notre poli-
tique, elle date du jour où la France est entrée en lutte avec la
maison d'Autriche et où elle a reconnu dans la constitution fédé-
rative et les divisions religieuses de l'Allemagne des points vul-
nérables.
En même temps qu'il voulait amener les électeurs des deux
religions à faire passer le souci de leur commune indépendance
avant leurs passions religieuses et leurs intérêts particuliers, le
P. Joseph provoquait l'Empereur à assurer par l'abandon de
i\ mis-iiin i>i p. JOSEPH I RATISBONNE. 299
l'Espagne le repos de la chrétienté et les progrès de la réaction
catholique. Ferdinand manifestait souvent pour le roi des senti-
ments d'estime et de sympathie où il y avait une grande part de
sincérité. Ce n'était pas sans scrupule qu'il faisait la guerre au
roi très chrétien, au triomphateur de l'hérésie, au vainqueur de
la Rochelle, et cela malgré les objurgations du pape qui le conju-
rait d'y mettre tin pour se consacrer entièrement à l'œuvre de
réparation commencée au profit du catholicisme. Le P. Lamor-
maini avait fait confidence au P. Joseph de ces angoisses d'une
âme chrétienne et, partisan décidé de la paix avec la France, il
les entretenait chez son pénitent. On imagine facilement le parti
que notre capucin sut en tirer. Quand il exhortait son pieux inter-
locuteur à sacrifier des questions d'amour-propre et une solidarité
compromettante à la paix de la chrétienté et à l'intérêt de la reli-
gion, ses exhortations empruntaient une singulière autorité aux
services qu'il avait rendus et qu'il rendait tous les jours à l'Eglise,
au renom d'austérité et de zèle qui, en dépit de l'activité déployée
par lui au service d'une cause dont le triomphe ne paraissait pas
devoir profiter à l'orthodoxie, en dépit de la défiance inspirée par
son double caractère politique et religieux, s'attachait à sa per-
sonne. Il dut être d'autant plus persuasif qu'il était sincère, que
la passion avec laquelle il travaillait à l'abaissement de la maison
d'Autriche ne l'empêchait pas de rêver l'union de cette maison et
delà France dans une œuvre commune de propagande religieuse.
Ce rêve était aussi celui de l'Empereur, et ses représentants
exprimaient une idée qui lui était chère, quand ils parlaient des
services que son union avec le roi rendrait à la religion. Ces
sentiments eurent leur part dans ses résolutions, mais cette pari
ne fut que secondaire. Il est à peine besoin de dire que la piété
qui était commune aux deux souverains, la sympathie réciproque
qu'elle était de nature à leur inspirer, ne pouvait opérer entre
l'Empire et la France, contrairement aux intérêts politiques, un
rapprochement durable, et que la séparation des deux branches
de la maison d'Autriche ne pouvait être que passagère. Le
P. Joseph lui-même, tout en attribuant aux sentiments de l'Em-
pereur une portée et des conséquences exagérées, considérait
comme la plus sûre garantie de son attitude pacifique l'impossi-
bilité où il était d'en avoir une autre.
G. FAGNIBZ.
(Sera continué.)
MÉLANGES ET DOCUMENTS
LE BARON DE LISOLA
SA JEUNESSE ET SA PREMIERE AMBASSADE EN ANGLETERRE1
(1613-1645).
La plupart clos adversaires de Louis XIV jouissent d'une grande
renommée, et leur nom est étroitement lié, dans l'histoire, à celui
du grand Roi. Guillaume d'Orange, Heinsius, Marlborough, le prince
Eugène ont eu des biographes attentifs, complaisants, qui nous ont
raconté leurs exploits et même dévoilé leurs desseins les plus secrets.
Parmi les hommes qui ont à cette époque combattu la politique
française, il en est un cependant qui n'a pas une réputation égale à
son mérite,, c'est le Baron de Lisola, diplomate au service de la cour
impériale, et connu seulement comme l'auteur d'un livre qui a eu un
moment de célébrité : Le bouclier d 'estât et de justice.
Lisola s'est pourtant trouvé mêlé aux négociations les plus impor-
tantes de cette époque. Il a surtout combattu la politique de Louis XIV
pendant les premières années de ce grand règne. La guerre du droit
de Dévolution d'abord, puis la guerre de Hollande ont été pour lui
l'occasion de développer une incroyable activité. Mémoires, dépèches,
démarches personnelles, voyages en Espagne, en Angleterre, en
Hollande, promesses et instances poussées jusqu'à l'indiscrétion, il
ne néglige rien pour chercher des ennemis à Louis XIV et unir les
nulles princes de l'Europe dans une puissante coalition. Habile à
1. Cet article était entre les mains de l'imprimeur, lorsque M. Hermile Rey-
nald a été enlevé par une mort subite et prématurée. Il n'eut point le temps
d'ajouter à son travail quelques notes et l'indication précise de ses sources;
ces lacunes, il nous a été impossible d'y suppléer, à notre grand regret. Il est
bon de se rappeler d'ailleurs que la plupart des dépêches utilisées par M. Rey-
ii.ihl daicnt écrites en latin. On n'en trouvera donc ici qu'une Iraduction le
|ilu> souvent abrégée. {Note de la Rédaction.)
LE BARON DE LISOLA. 301
deviner les projets du grand roi, prompt à les dénoncer dans des
écrits pleins de Logique et d'éloquence, il ne lui a manqué pour
obtenir dans l'histoire une place considérable que d'avoir ele au ser-
vice d'un maître moins indécis nu d'avoir vécu plus longtemps, car
il est mort au milieu de i.-i guerre de Hollande, et, >"\\ n'a pas vu la
fortune de Louis XIV triompher par la paii de Nimègue, il u'a pis
eu la consolation de pressentir les désastres par Lesquels ce souverain
a expié ses première- prospérités.
Mais il n'avait pas attendu le règne de Louis XIV pour attaquer
la politique française, et les archives de Vienne nous le montrent
déjà sous Ferdinand occupé a combattre les projets de Richelieu-,
enfin des documents trouves dans le- archives de L'hôpital île Besan-
çon nous ont fourni sur sa famille et sur sa jeunesse quelques
détails complètement nouveaux. Nous avons donc pensé qu'il ne
serait pas sans intérêt, de remettre eu lumière quelques traits d'une
ligure trop effacée.
Nous allons exposer à l'aide de documents inédits les deux périodes
les moins connues de cette vie si agitée, la jeunes-e de Lisola et sa
première ambassade en Angleterre sous le règne de Charles 1" ' .
PREMIERES AXNEES DE LISOLA ; SON ItOLE A BESANÇON.
François- Paul de Lisola est né à Salins le 22 août 1643. Comme son
nom 1 indique, si famille était probablement d'origine italienne et
appartenait à cette colonie de banquiers lombards qui. dans le coiir^
du xviu siècle, se transporta de Milan a Lyon. C'est en effel dans cette
dernière ville qu'était né son père, Jérôme de Lisola. Mais eu 1592
celui-ci quitta Lyon pour venir s'établir à Besançon, où, nous dit
un extrait d'une délibération municipale, « il a été reçu citoyen
(23 juin 1592) moyennant le serment qu'il a preste aux saints corpo-
rellement touchés, accoustumé, en payant les douze escuts pour ce
dehuz à la cite. » Il avait probablement été décide a chercher une
nouvelle patrie par l'archevêque de Besançon, car des l'année suivante
1. Les documents qui concernent la jeunesse de Lisola nou> uni été com-
muniqués par le savant bibliothécaire de Besançon, M. Castan. Quant a
l'ambassade en Angleterre, nous avons trouvé les détails les plus précieux dans
les archives impériales de la cour de Vienne, que AI. d'Arneth dirige avec
autant de bienveillance que d'habileté. Nous ne saurions trop dire combien
nous lui sommes redevable.
302 MELANGES ET DOCUMENTS.
nous le voyons présenter un mandement d'institution « de Testât de
greffier des cours de justice de vicomte et mairie de la cité, obtenu
de l'archevêque, jusqu'à ce que autrement soit ordonné. » Il fut admis
au serment le 9 avril 1593.
Cette situation avait son importance. Les tribunaux de vicomte
et mairie de Besançon «étaient tenus en fief de l'archevêque par
la maison de Chalon, éteinte dans les Nassau, princes d'Orange.
Par le fait de la confiscation des biens de Nassau, dans les pays rele-
vant de la couronne d'Espagne, les tribunaux de vicomte et mairie
étaient régis par le suzerain, c'est-à-dire par l'archevêque. Ces deux
tribunaux étaient avec la régalie, que l'archevêque administrait
directement, les juridictions ordinaires de la ville de Besançon. Au
criminel, ces juridictions étaient alternatives. La commune qui avait
le droit de prévention renvoyait les accusés alternativement devant
chacune de ces juridictions. Le corps municipal instruisait le procès
et formulait la sentence. Celle-ci était prononcée et exécutée par le
juge de la juridiction saisie. En matière civile, on appelait de la
mairie à la vicomte et de celle-ci à la régalie ; mais le jugement
appartenait toujours à la municipalité.
Quelques mois après (3 juin 1598), Lisola devenait secrétaire du
suffragantde l'archevêque de Besançon, Jean Doroz, évèque de Nico-
polis in partibus infidelium. Il n'en restait pas moins attaché à
l'administration de la justice, car neuf ans plus tard (8 janvier -1607),
nous le trouvons procureur d'office en la cour de la Régalie. Cette
carrière ne suffisait pourtant pas à son ambition. Marié et désireux
d'augmenter sa fortune, il se lança bientôt après dans une entreprise
financière à laquelle s'intéressait d'ailleurs la ville même de Besan-
çon. Une délibération municipale du 26 avril 4614 nous le fait voir
agissant comme associé des sieurs de Lemuyd, Maubouhan, Duprel,
Yarin et Estienne, associés en l'amodiation des salines de Salins. La
ville de Besançon place elle-même dans cette affaire une somme de
douze mille francs.
Cette entreprise dut prospérer, car à sa mort Lisola laissait une
certaine fortune ; il avait en outre été anobli.
De son mariage, Jérôme Lisola eut deux fils auxquels ne man-
qua pas non plus la protection du clergé. L'ainé, celui dont nous
avons à nous occuper, fit son droit à Dole, et dès -1633 jouissait
dune certaine réputation, car à cette époque, âgé de vingt ans à
peine, il fut, malgré sa jeunesse, l'objet d'une distinction impor-
tante. L'infante Isabelle venait de mourir; la ville de Besançon
décida qu'on lui ferait des obsèques solennelles et pour prononcer
smi (liaison funèbre fit choix de Messire Francois-Paul de Lisola,
LE BARON DÉ LISOLA. 303
doclour ès droits. Celui-ci s'acquitta heureusement de sa tâche.
Quelques jours après (7 janvier 4034), MM. Belin el Ghassignel
furent commis par le conseil municipal pour aller trouver « messire
Prançpis-Paul de Lisola, docteur ès droits, el le remercier de la belle
et docte harangue funèbre qu'il a\aii faite mercredi dernier en l'église
des Gordeliers, aux obsèques de la Sérénissime Infante », et le conseil
décida en même temps que « présenl lui seroit Fait d'un goubelet
d'argent en valeur de dix escus, en recognoissance de sa peine. »
En 1034, un autre fils de Jérôme de Lisola est déjà chanoine au
chapitre métropolitain de Besançon; l'aîné lui-même est pourvu
d'un bénéfice ecclésiastique, mais qu'il ne garde pas. Nous voyons
en effet dans les archives de l'hôpital Saint-Jacques que, le 27 mars
\ 638, François-Paul de Lisola, docteur ès droits, citoyen de Besançon.
résigna, entre les mains du chapitre métropolitain de Besançon, un
canonicat et prébende de ce chapitre à lui conféré par Sa Sainteté
Urbain VIII. Cette résignation avait pour cause une permutation
de bénéfices conclue par Lisola (1 6 octobre \ (530) et en vertu de
laquelle Louis Oudot, dit Chandiot, fut pourvu du canonicat résigne.
après avoir cédé à Lisola le patronage d'une chapelle fondée par cet
Oudot en l'église de Saint-Maurice de Besançon. Ce bénéfice fut
immédiatement conféré par François-Paul de Lisola, en vertu de son
droit de patron, à son frère le chanoine Jérôme de Lisola. Une
difficulté survint pour ce motif que, lors de la provision faite du
canonicat à François-Paul de Lisola, celui-ci n'était pas clerc. Un
recours eut lieu sur ce chef en cour de Rome et Sa Sainteté, par de
nouvelles bulles confirmant les premières; valida l'acte de cession du
canonicat au chapitre.
Ce n'était pas en effet du côté de l'Église que devait se tourner le
jeune Lisola. Actif, ambitieux, plein d'ardeur et même d'emporte-
ment, il se sentait né pour les luttes de la politique et s'y jeta de
bonne heure. Ce fut à Besançon même, et pour une question muni-
cipale, qu'il signala d'abord son impétuosité.
La ville était menacée par les forces réunies des Suédois et des
Français qui mettaient à feu et à sang la Franche-Comté. Un conseil
composé des gouverneurs, des anciens gouverneurs, des vingt-huit
et autres notables avait décrété un impôt extraordinaire pour
réparer les défenses de la ville, en vue d'attaques qui n'étaient que
trop à craindre. Cette mesure n'en provoqua pas moins un grand
tumulte dans les journées du vendredi 21 et du samedi 22 mai 1638.
Lisola se trouva mêlé à ce mouvement, que les circonstances ren-
daient très dangereux. Le duc de Lorraine et les deux agents espa-
gnols, D. Diego de Saavedra et D. Gabriel de Toledo, furent d'avis
304 MÉLANGES ET DOCUMENTS.
qu'il fallait prendre garde d'aigrir le mal par un châtiment; le
peuple irrité est, dirent-ils, une bêle farouche difficile à gouverner.
On se contenta donc de condamner aux arrêts en leur logis, sous
peine de mille écus, les sieurs François-Paul de Lisola, docteur
es lois, et Jean-Claude Nardin, reconnus pour chefs et instigateurs
de la sédition. Mais ces mesures n'obtinrent pas le succès qu'on
espérait. Encouragé par la modération de ses adversaires, Lisola,
dès les premiers jours de juin, convoqua chez lui des assemblées
nombreuses et en profita pour fomenter le désordre.
Le 24 juin, une procession devait se faire en mémoire du refoule-
ment des Huguenots, qui avait eu lieu en 4 575; le chanoine Lisola
avail été choisi pour faire la prédication habituelle en l'église Saint-
Pierre. Les gouverneurs déclarèrent que, si Lisola montait en chaire,
ils se retireraient. « Connaissant le naturel dudit chanoine estre un
peu libertin et porté à contrarier les magistrats, » on appréhendait
qu'à cause des émotions passées dans lesquelles son frère avait
trempé, il ne lui échappât quelques paroles désobligeantes.
Le chanoine consentit à ne pas prêcher, mais les désordres se pro-
longèrent, par la faute même des gouverneurs. Le 24 juin devaient
avoir lieu les nouvelles élections des vingt-huit notables. Les gou-
verneurs ne pouvaient pas les supprimer; mais, avec les notables en
exercice, ils décidèrent pour le bien et repos de la cité que les sieurs
François-Paul de Lisola, Jean-Claude Nardin et Antoine Despoutot,
auteurs des émotions passées, seraient inhabiles à être élus soit
notables, soit gouverneurs.
Une mesure aussi arbitraire ne pouvait qu'assurer le succès de ces
candidats; tous trois en effet furent élus dans leurs quartiers ou
bannières. Les gouverneurs, sommés de justifier l'interdiction dont
ils les avaient frappés, expliquèrent que « le peuple s'est assemblé
à main armée sous la conduite de ces trois hommes le 22 mai,
demandant par une requête artificieuse la surséance de l'impôt, puis
son anéantissement, et que les gouverneurs eux-mêmes ont été
obligés de sortir par force de l'hôtel de ville. » Mais leur conduite ne
fut pas généralement approuvée. Dans la séance du 26 juin, l'assem-
blée des vingt-huit se divisa ; neuf d'entre eux se retirèrent, les
autres validèrent les trois exclus. Lisola fut même élu président
annuel des vingt-huit.
Le lendemain, les vingt-huit notables élurent les quatorze gouver-
neurs-, mais Lisola ne voulait pas d'une demi-victoire ni d'un succès
contesté. Il refusa de faire ouvrir le coffre et de dépouiller le scrutin,
tant que les neuf notables dissidents n'auraient pas reconnu la légiti-
mité de son élection. Pour assurer son triomphe, il ne craignit pas d'en
il BARON DE LISOLA. 30 i
appeler au peuple el de provoquer de nouveaux désordres. Il con-
voqua en effet le peuple pour Le ï juillet. Ce jour-là toute une multi-
tude armée d'épées el de pistolets vinl mettre le siège devanl l'hôtel
de ville. Les gouverneurs de l'année précédente trouvèrenl pourtant
le moyen d'j rentrer et en Brenl fer r les portes. Enfin l'arche-
vêque proposa sa médiation qui fut acceptée; les dissidents durent
3e pendre el le colTre fui ouvert.
Les nouveaux gouverneurs n'étaienl pas favorables à Lisolael à
ses amis ; à peine installés, ils décidèrenl que, quand on convoque-
rail Les vingt-huit, Lisola, Xanlin et Despoutol ne seraient point
appelés. La querelle se prolongea pendant tout le mois de juillet, les
gouverneurs persislant a ne pas < loi r audience aux vingt-huit,
tant que les (rois exclus resteraient parmi eux. La situation de la
ville devenait tous les jours plus fâcheuse : elle était .;i la fois menacée
par l'ennemi et décimée par la peste.
Au mois d'août a lieu une nouvelle scène de violence. Le 49 les
trois exclus forcent la porte du conseil : Lisola dépose sur le bureau
une protestation des plus véhémentes, et les vingt-huit se retirent.
La protestation dit en substance que la volonté du peuple esl
méconnue el que le peuple en appelle a la justice de L'Empereur.
Besançon en effet, quoique reconnaissant pour gardien le roi d'Es-
pagne, n'appartenait pas au cercle de Bourgogne el relevait de
l'Empire.
Un des gouverneurs, François d'Orival, fut aussitôt envoyé à
Vienne pour répondre aux accusations de Lisola. Mais celui-ci n'était
pas homme a se laisser juger sans se défendre. François d'Orival
quitta Besançon le \6 septembre; le 2 octobre Lisola partait lui-
même pour Vienne.
Ce voyage ne termina pas la lutte. Au mois de novembre, il fut
décidé que la contribution serait maintenue; elle devait seulement
être réduite de moitié, avec de grandes facilités pour le paiement.
Mais la majorité des notables refusa de venir délibérer, et l'année
finit sans que rien fût décidé.
Nous voyons en eflfet que, dans une séance du l!> janvier. Des-
poutol annonça aux gouverneurs une lettre écrite de Vienne par
Lisola. Il leur écrit que d'Orival, dans un mémoire présenté à L'Em-
pereur, accuse les vingt-huit et tous les citoyens d'avoir de L'inclina-
tion pour le parti français. Despoutol demande réparation de cette
calomnie.
Malheureusement les circonstances semblaient justifier les accu-
sations de d'Orival. La situation était en ellM des plus critiques.
Weimar s'était emparé des montagnes comtoise- pour y faire ses
Rev. Bistor. \\\ II. -^ FASC. 20
:]0(i MELANGES ET DOCUMENTS.
quartiers d'hiver. Quelques jours après (28 janvier), il entrait dans
Pontarlier. Besançon était sérieusement menacée. L'Empereur se
plaignait avec raison qu'en de pareils moments la ville fût troublée
par des désordres intérieurs , mais sa voix n'était pas écoutée. Un
secours de douze cents hommes' envoyé à Besançon fournit un pré-
texte à de nouvelles résistances. La mère de Paul de Lisola, Suzanne
Recy, refuse de loger un soldat, en déclarant qu'elle ne reconnaît
pas la légitimité des gouverneurs. Elle est condamnée à en loger
deux outre celui qu'elle a refusé. Le frère de Lisola, le chanoine,
déclare également qu'il ne reconnaît que les vingt-huit, mais non
les gouverneurs.
La lutte continua encore quelque temps et ne se termina qu'en
1 1; 40. Gomme toujours, c'est la ville qui en paya tous les frais. Dans
une grande assemblée plénière tenue le Vô février, on vota un impôt
de 25 à 30,000 francs, plus un impôt de 4 blancs par chaque mesure
de grain qui se moudra. Yoilà à quelles conditions le calme fut
rétabli. Mais Lisola ne prit aucune part à ces derniers événements ;
son voyage à Vienne avait eu pour lui un résultat plus important.
Il lui avait fourni l'occasion de voir le ministre de l'Empereur et
l'Empereur lui-même, qui furent frappés de ses brillantes qualités.
Ferdinand lui offrit d'entrer à son service. Lisola ne pouvait guère
hésiter. Détachée de l'Espagne, à qui elle était pourtant soumise de
fait, la Franche- Comté était alors menacée par les armes de la
France. On pouvait prévoir le moment où elle serait conquise par
son redoutable voisin ; en tout cas Besançon ne suffisait pas à l'acti-
vité ardente de Lisola. L'Espagne, dont il était si éloigné, ne l'attira
pas davantage ; il accepta les offres de l'Empereur, qui le plaça aus-
sitôt dans la diplomatie et l'envoya en Angleterre.
Lisola était encore fort jeune, mais il avait déjà donné la mesure
de ce qu'il serait un jour. Dévoué à l'Empire, du moment qu'il se
met à son service, ennemi implacable de la France, il poursuivra
pendant toute sa vie ce double but : défendre la maison d'Autriche,
provoquer contre les Français la coalition de toutes les puissances.
Intelligent, hardi, exempt de scrupules, il déploiera dans l'accom-
plissement de cette tâche toutes les qualités d'un esprit rare et d'un
caractère inflexible. Il y portera aussi ses défauts, c'est-à-dire une
ardeur et une passion qui fermeront quelquefois ses yeux aux vérités
les plus claires, et donneront des apparences solides aux visions les
plus chimériques. C'est un des diplomates les plus habiles de cette
époque, et cependant c'est un de ceux qui ont le moins réussi.
I.E BABOfl DE L1SOLA. 'W~
UIBASSADl BH Wi.l.u i llKK.
I. — 4640.
La mission conûéeà Lisola était des plus importantes. Ferdinand III.
qui venait de succéder ;i son père, désirai I vivement la paix. Pour
l'obtenir il voulut avoir l'appui de l'Angleterre, et celte tentative
avait quelques chances de succès. La différence de religion qui sépa-
rait autrefois les deux couronnes n'élevail plus entre «'Iles une
barrière insurmontable. La guerre allumée en -ici. s entre catho-
liques et protestants avait peu à peu perdu son caractère religieux
pour devenir exclusivement politique -, c'était un cardinal français,
Richelieu, qui ralliait autour de lui les adversaires de la maison
d'Autriche. Les Stuarts avaient plusieurs fois essayé de se rapprocher
de l'Espagne et les intérêts commerciaux des Anglais étaienl d'accord
avec les inclinations secrètes de leur souverain. Enûn Charles Ier
désirait par-dessus tout le rétablissement du Palatinat avec la dignité
électorale, pour son neveu Charles-Louis, le fils de Frédéric V,
vaincu à la Montagne-Blanche et mis au ban de l'Empire. \i les
Suédois, ni Richelieu, malgré leurs promesses, ne se hâtaient de lui
accorder celle satisfaction. Il se tournerait facilement vers l'Empe-
reur si celui-ci voulait servir la cause de Charles-Louis.
Négocier entre Ferdinand III et Charles Ier le rétablissement du
Palatin, avec l'intervention de l'Espagne, tel était le premier bu! que
Lisola devait poursuivre. Quant à la France, il allait essayer de
diriger contre elle une double attaque : exploiter l'hésitation de
Charles Ier et seconder dans leurs efforts contre le cardinal les exilés
qui préparaient à Londres une guerre civile avec la complicité de
l'étranger.
Malheureusement pour Lisola. il allait se trouver en présence de
difficultés qu'il n'avait pas prévues. Il arrivait en Angleterre au
moment même où le roi, forcé de convoquer un parlement, allait
commencer contre ses sujets une lutte où il devait perdre la couronne
et la vie. Ces circonstances ne permettaient pas à Charles Ier de
s'engager avec un peu de hardiesse dans la politique extérieure.
Elles allaient paralyser tous les efforts de Lisola. mais elles donnent
un double intérêt à ses dépêches, qui nous font étudier en même
temps la politique de l'Europe et les affaires intérieures de l'An-
gleterre.
Voici comment il dépeint la situation dans deux mémoires
adressés, dès les premiers jours de janvier -lOïO, au ministre, lecomlc
de Trautmansdurf, et à l'Empereur lui-même.
30S MELANGES ET DOCUMENTS.
Il signale au ministre le mécontentement provoqué en France par
l'accroissement des impôts et lui indique comment il serait facile
d'entretenir les révoltes encore mal étouffées ou même d'en provo-
quer de nouvelles.
Gassion vient d'être envoyé en Normandie avec quelques régiments
pour apaiser une sédition; mais le chef des rebelles, Nu-Pied, se
défend avec énergie. Il a tué six cents hommes à Gassion. Richelieu
a envoyé à Rouen le chancelier, avec des maîtres des requêtes pour
supprimer le Parlement. Celui-ci veut bien ouvrir les portes de la
ville au chancelier, mais sans les soldats de Gassion.
Lisola voudrait protiter de cette occasion ; il a précisément sous la
main, en Angleterre, deux ennemis acharnés du cardinal de Richelieu,
le comte de Soubise et le duc de La Valette qui n'ont plus d'espoir
que dans la guerre civile et brûlent de s'y précipiter. Or Nu-Pied
a écrit pour s'entendre avec le duc de La Valette qui lui a envoyé
un de ses agents, Monsigot. Quant à Soubise, un de ses amis
est allé trouver de sa part le chef de l'insurrection des Croquants
pour l'exciter à réveiller la révolte endormie. Lisola est tout dis-
posé à se rendre lui-même en France, pour favoriser le dévelop-
pement de ces désordres, s'il en obtient la permission du comte de
Trautmansdorf et de l'Empereur; en attendant, il ne peut que voir
les mécontents, les exciter et leur promettre l'appui de son maître.
Les dernières nouvelles sont moins bonnes. Un gentilhomme qui
a traversé Rouen vient d'arriver en Angleterre. Il lui a appris que
cette ville avait été obligée (2 janvier) d'admettre Gassion, qui s'aban-
donne aux plus grandes insolences ; le Parlement a été supprimé par
le cardinal Richelieu. Il reste pourtant encore quelque espoir :
Avranches s'est révoltée et a massacré la garnison ; Gassion a été
obligé de s'y transporter. Nu-Pied s'est dirigé du côté du Mont-Saint-
Michel ; la guerre n'est donc pas finie.
Le même gentilhomme lui a dit qu'en France on était peu affec-
tionné au gouvernement et prêt à se révolter, seulement chacun
attend que l'autre commence ; il faut donc se hâter d'agir,
Cette dépêche est intéressante ; elle nous montre Lisola prêt à se
jeter dans toutes les intrigues, habile à manier les hommes et à pro-
liter des événements, mais trop porté à s'exagérer les faits ou les
indices qui lui paraissent favorables. Il en sera toujours ainsi par
exemple, même sous Louis XIV, en ce qui concerne la France, qu'il
verra toujours prête à se révolter. Mais c'est justement ce mélange
d'informations exactes, de conjectures ingénieuses et d'entraînements
passionnés qui donnent à cet homme d'État une physionomie si
curieuse et si originale.
I.l' \\\\\a\ DE LISOLA, 300
Le Mémoire adressé à l'Empereur esi bien plus important. C'est
un exposé très détaillé et très complet non seulement delà situation,
mais des combinaisons qui peuvenl être tentées en loul sens pour
créer à la France de nouvelles difficultés.
Il n'y a point de paix à espérer tant que le cardinal Richelieu pourra
continuer la lutte: et le meilleur moyen de combattre ce ministre, c'est
d'exciter la guerre civile, en France même ; la victoire des Impériaux
à Thionville (7 juin 1639) n'a pas empêché les Français de prendre
Besdin (29 juin); c'est chez eux qu'il faut les attaquer.
Le roi est tenu en captivité par le cardinal de Richelieu, mais le
déteste ; il l'accuse d'avoir entretenu dans son intérêt une guerre qu'il
esl seul capable de soutenir. Mais le roi craint de trouver en lui, s'il le
renversait, un ennemi dangereux ; en attendant, Richelieu l'empêche
de s'occuper des affaires ; il recourt même, pour lui interdire tout
travail, à la complicité des médecins, c'est ce qu'il a l'ait, par exemple,
après la bataille de Thionville.
Le cardinal est également détesté de la Cour et du peuple, mais tout
tremble sous son autorité. Le comte de Soissons est relégué à Sedan
et réduit à l'impuissance. Le cardinal le berce de l'espoir de le marier
avec sa nièce, Mme de Combalet. La mère du comte de Soissons désire
cette alliance ; mais le cardinal n'y consentira pas ; c'est un appât qu'il
garde pour s'en servir dans toutes les occasions.
La retraite du comte de Soissons à Sedan l'a fait accuser de s'en-
tendre contre le cardinal avec le duc d'Orléans, mais celui-ci est à Rlois,
sans rien faire, ses principaux officiers sont aux gages du cardinal. Il a
promis que, s'il arrivait quelque chose, il s'y associerait volontiers,
mais on ne peut pas avoir en lui une grande confiance. 11 est adonné aux
plaisirs et méprisé. On pourrait pourtant le décider sans trop de peine
à sortir de France, surtout si le roi d'Angleterre voulait lui offrir un
asile, mais ce n'est pas nécessaire, au moins pour le moment.
Le prince de Gondé a été représenté au roi par le cardinal comme
dangereux. Il est surtout timide, quoique ambitieux. Lisola l'a fait
sonder par un ami, qui n'a pas encore reçu de réponse. Seulement ce
prince a dit, il y a peu de temps , qu'il voyait le danger et ne voulait
pas se fermer la porte de l'Espagne. Pour le moment, le cardinal Riche-
lieu vient de le mander à la Cour; et, s'il y va, ce sera au péril de sa
vie ou de sa liberté.
La Reine est dans les mains du cardinal, qui lui a promis le gouver-
nement pendant la minorité de son fils. Il la trompe aussi, comme il
trompe les Espagnols, par l'intermédiaire de la duchesse de Chevreuse.
Celle-ci, qui vient de passer quelque temps à Londres, feint d'être
dévouée aux Espagnols, mais des hommes pénétrants la soupçonnent
d'avoir des intelligences secrètes avec le cardinal pour obtenir i
grâce.
Dans le pays, la haine contre le Richelieu est universelle : particu-
310 MÉLANGES ET DOCUMENTS.
liers, communautés, parlements, corps constitués, tous le détestent. Il
.1 naguère dépose, vingt membres du Parlement de Paris; le peuple
est desespéré par l'accroissement continuel des charges publiques. Aux
contributions déjà établies depuis les guerres civiles, il en a ajouté
encore de plus pesantes : la nouvelle taille du sel, le taillon, l'emprunt,
la subsistance, la levée, le nouvel emprunt, la taxe des aisés, la taxe
îles étrangers, la taxe sur le traitement des fonctionnaires, sans excep-
ter les charges achetées, la taxe sur les chefs de famille. On s'attend
encore à d'autres impôts dont deux pour lesquels des fermiers ont
déjà offert l'un "24, l'autre 18 millions.
Ces impôts sont exigés avec la dernière rigueur. Un négociant ayant
refusé de payer 60,000 francs pour la taxe des aisés, a dû en payer dix
mille de plus; il est mort de chagrin. Les collecteurs sont des hommes
mal famés, impitoyables, qui exigent le double de l'argent demandé par
le cardinal.
Le peuple a surtout été exaspéré par une mesure prise contre les
pièces de monnaie un peu légères. De là, plusieurs révoltes qu'on n'a
pu réduire que par les plus cruels supplices.
En Normandie , toute la noblesse est irritée ; un chef , nommé Nu-
Pied, s'est soulevé; il occupe le pays avec plus de sept mille hommes.
Les Poitevins sont tellement disposés à se révolter qu'ils ont envoyé un
émissaire à Soubise , pour le prier de se mettre à leur tète. Les pro-
vinces les plus portées à la sédition sont la Normandie, le Poitou, la
Bretagne et la Saintonge. Il suffirait pour les entraîner d'un chef ayant
avec lui quelques troupes.
Il faut donc que l'Empereur intervienne. Il serait très utile de favo-
riser, d'encourager et. de soutenir ceux qui sauveraient ainsi la chré-
tienté tout entière d'une ruine imminente et lui rendraient son repos.
Enlever le pouvoir au cardinal, secourir les opprimés et leur fournir le
moyen de secouer la cruelle tyrannie sous laquelle ils sont près de
succomber, ce serait accomplir une œuvre très charitable. Si l'on ne
s'y décide pas promptement, le cardinal triomphera de tous ses ennemis.
Après avoir ainsi marqué le but à poursuivre, Lisola indique les
moyens qu'il faudrait employer.
D'abord engager des généraux français avec des soldats de leur
propre pays ; car des étrangers seraient suspects , et leur présence
réconcilierait les deux partis, comme les enfants d'une même mère qui
se battent dans ses bras, mais se réunissent pour repousser ceux qui
veulent l'attaquer.
Ces chefs et ces soldats devraient 'être soutenus par une puissance
étrangère capable de les entretenir et les faire vivre; il faudrait réunir
dans ce but une armée au moins de dix mille hommes.
Il faudrait en outre avoir une honn° somme d'argent, pour attirer à
nous les soldats au service du roi de France, et corrompre les officiers
ijui ont sur eux une grande autorité.
LE BARON l>K 1.ISOI.A. .'{| I
En ce nient même, il j a en Angleterre, à Londres, deux chefs
qui se proposent et qui paraissent envoyés par le ciel môme pour rendre
les services les plus utiles. Le premier est le comte de Boubise, Frère
du due de Rohan, que les nobles du Poitou onl naguère prié di
mettre à leur tôt». 11 est très irrité contre le cardinal à qui il attribue
la mort de son frère; il l'accuse del'avoir empoisonné; le second > ■
duc de La Valette, qui, lui aussi, s'esl réfugié en Angleterre, il a vu
ses biens confisqués et a été lui-même pendu en effigie; son père, le
duc d'Épernon, a été destitué de tous se? emplois, mais il a encore un
grand crédit.
Nous nous sommes, ajoute Lisola, entretenu longtemps avec eux et
de divers sujets. Ils sont tous deux prêts à sacrifier leur vie, mais ils
veulent avoir des garanties de la cour de Vienne. Voici les mesures
qu'ils proposent : Former en Angleterre une armée de dix mille
hommes, et préparer des navires qui la transporteraient dans l'île
de Ré, où l'on s'emparerait de Saint-Martin ; de là se diriger sur la
Rochelle, où ils entretiennent depuis longtemps une correspondance
très active ; la ville est sans garnison et sans munitions ; il faudrait
aussi s'emparer du Bec-d'Ambès, dont le château a été démoli par
Richelieu, et qui commande la Guyenne et l'embouchure de la Garonne.
Aucune résistance ne serait plus possible jusqu'à Toulouse. Boubise et
d'Épernon, qui connaissent le pays, y feront la guerre avec succès. Dix
mille fantassins et mille chevaux seraient nécessaires, mais ce chiffre
suffirait. Ce serait le noyau d'une armée où viendraient s'engager les
proscrits, les affligés et les désespérés. En même temps les Nu-Pieds
reprendraient les armes et d'Epernon livrerait Marsal. D'un autre côté,
l'armée impériale ferait son entrée en Bourgogne, et le roi catholique
en ferait autant du coté de l'Artois; on assurerait le succès de cette
entreprise, si l'on pouvait conclure aussi un traité avec les Hollandais.
Si l'on adopte ces mesures énergiques, le peuple français sera exas-
péré et le cardinal abandonnera la position qu'il occupe ou perdra
beaucoup de son autorité. L'armée impériale entrera en France, y
exercera beaucoup de ravages et s'y nourrira; et dans le cas même
elle ne remporterait fias de victoire décisive, les Français, épuisés par
une triple défense, ne pourront plus secourir ni les Weimariens ni les
Suédois. En tout cas, l'Autriche n'aurait plus d'invasion à redouter,
car le but que se proposent les chefs et leurs complices serait d'organi-
ser les cinq provinces désignées plus haut, en former une république
permanente, à l'exemple des Hollandais; ce qui aftaibiirail les forces
de la France et l'empêcherait de rien tenter désormais en dehors de
propres limites. Le cardinal aurait là de la besogne pour le reste de
sa vie.
Pour atteindre heureusement notre but, aucun pays ne nous convient
mieux que l'Angleterre, nul ne peut être moins suspect, nous avons
d'ailleurs, avant de rien proposer à V. S. M. Impériale, eu recours à
toutes les précautions: ainsi, le comte de Boubise et le duc île La Valette
:;|-_! MELANGES ET DOCUMENTS.
oui l'ait part de leurs projets au roi d'Angleterre, comme ne parlant
qu'en leur propre nom. Celui-ci a donné sa parole que non seulement
il n'y ferait pas opposition, mais qu'il permettrait secrètement de faire
(mis les préparatifs dans l'intérieur de son royaume; il donnera même
son appui, sans se déclarer publiquement. Il s'y est engagé sur sa
parole royale sacrée. Le roi et la reine, pour des raisons différentes, ne
désirenl rien tant que la chute du cardinal. On pourrait s'entendre avec
les princes du Nord do l'Allemagne pour faire attaquer les Suédois dans
la Baltique. Un envoyé des Hollandais vient d'arriver en Angleterre,
chargé d'une mission importante. Les Provinces-Unies s'excusent
d'avoir attaqué la flotte espagnole dans les eaux anglaises. Elles pro-
mettent en même temps d'obtenir la délivrance du comte palatin, et
ces utiles ont été écoutées par le roi d'Angleterre d'une oreille bien
complaisante. Il faudrait empêcher cette négociation d'aboutir. Dans ce
1ml, l'empereur pourrait envoyer à Londres un agent spécial, ou bien
eu designer un à Londres même.
Pour les dix mille hommes qui sont nécessaires, le roi d'Angleterre
les laisserait lever chez lui ou emprunter à l'Ecosse; il se débarrasserait
ainsi d'hommes turbulents qui sont pour lui un danger. Dans le corps
d'armée, il serait très avantageux d'avoir deux ou trois régiments de
vieilles troupes bien éprouvées qu'on pourrait tirer de Belgique. Quant
aux navires, Soubise et La Valette y ont pourvu ; les Hollandais les
fourniront.
La question d'argent, qui est la plus difficile, regarde l'empereur;
sans argent tout serait inutile. Si l'empereur n'en a pas, il pourrait en
demander à S. M. catholique, et lui représenter la nécessité absolue de
cette dépense, qui montera environ de six à sept cent mille florins ainsi
décomposés : pour les navires loués aux Hollandais, 200,000 florins;
pour les hommes levés en Ecosse, 140,000 ; pour mille chevaux, 180,000 ;
pour les soldats levés en France, 60,000 ; pour frais divers, 40,000. Si
le roi d'Espagne voulait fournir quatre régiments, il réduirait de beau-
coup la dépense qui serait, dans tous les cas, soumise au contrôle de
commissaires espagnols.
S. M. G. n'aura pas de peine à donner cet argent. Son ambassadeur
à Londres, Cardenas, nous a dit que les consuls espagnols avaient ici en
lettres de change des sommes considérables réservées pour les grandes
occasions.
Dans le cas où le roi d'Espagne ne voudrait pas contribuer lui-même
de son propre argent, l'empereur devrait le lui emprunter; il aurait
ainsi toute la gloire de l'expédition.
Le succès lui paraît assuré ; les exilés français ne demandent rien
que la mort du cardinal ; ils en attendent la fin de leur exil et de tous
leurs maux; ils désirent seulement qu'une retraite leur soit assurée en
cas d'insuccès.
!.'• seul obstacle sérieux pourrait venir des Hollandais qui sont maîtres
de la mer; il leur serait facile d'arrêter l'expédition. Pour éviter ces
LE BARON DE LISOLA. 343
inconvénients, il se présente plusieurs moyens: 1° agir en secret;
2° traiter avec le prince d'Orange à l'insu des provinces el des villes.
Ce prince ue déteste rien tanl que le cardinal de Richelieu, depuis la
mission du président Coigneus : 3° obtenir un accord secret entre le
prince d'Orange et le cardinal infant qui commande en Belgique.
L'expédition une fois commencée, il faudra fortifier les places occu-
pées, permettre aux chefs déjà désignés (Soubise et La Valette) de
n'employer que des soldats français, enfin obtenir une diversion du roi
catholique et du cardinal Enfant.
Apres cela, il ue reste plus qu'à se confier à l'habileté des chefs et à
la Providence; en tout cas, les Français perdront mille lois plus que
nous. \. s Majesté n'aura point à diviser ses troupes, Richelieu, au
contraire, sera forcé de faire i - dépensesen argenl et en soldats.
Si cette entreprise déplaît à l'empereur, Tasselt el Lisola, en restant
en Angleterre, pourront néanmoins lui rendre de grands . Ils
étudieront les affaires et les hommes importants dont ils s'attacheront
à pénétrer les plus intimes secrets : il.- entretiendront en même temps
en France des intelligences clandes! in spérer pourtanl d'arriver
à tout savoir, car le cardinal trompe même ses meilleurs serviteurs. Il
y a pourtant à la cour dos hommes qui pourront donner de bons avis.
Celui qu'on pourrait consulter avec le plus de fruit, c'est le marquis de
Rambouillet, très lie avec Me de Combalet. Il a déclaré qu'il était tout
entier à V. S. M. Impériale. Il sera nécessaire qu'il reçoive des
de votre bienveillance impériale, quand il nous aura donné quelque
preuve des services qu'il saura nous rendre. Nous lui demandons <\>'>
nouvelles des préparatifs faits en Franco pour le printemps prochain,
et nous attendons une réponse dont nous sommes assurés
Tel est cet important mémoire où Lisola se peinl foui entier avec
-"ii activité extraordinaire, ses prévisions qui descendent jusqu'au
moindre détail, son habileté à nouer des intrigues, mais aus-i avec
cette imagination qui dédaigne les obstacles et les considère d'avance
commevaincus.il avait, dans l'ardeur de son zèle, projeté de se
rendre lui-même a Bruxelles pour négocier avec les Espagnols, mais
il crut bientôt devoir renoncer à ce projet. Il trouva plus avantageux
de traiter avec les envoyés do L'Espagne à Londres mémo. D'ailleurs
les événements prenaient en Angleterre une gravité qui ne lui per-
mettait pas de s'éloigner. Le roi venait de convoquer le Parlement
(avril 1640), et aussitôt allait commencer celte lutte que Lisola devait
suivre pendant plusieurs années d'un œil très attentif, unis avec le
sentiment égoïste d'un homme uniquement préoccupé do- intérêts
de son maître. Cette situation nouvelle est clairement indiquée dans
une dépêche des mois de mars-avril el qui porto les doux signatures
de Tasselt et de Lisola.
Nous avons différé notre voyage à Bruxelles, le roi d ayant
3 I \ MELANGES ET DOCUMENTS.
envoyé à Londres deux agents extraordinaires, outre son ambassadeur.
Les Espagnols ont ici beaucoup d'argent, et il n'est pas nécessaire
d'aller traiter l'affaire chez eux, ce qui serait une grosse perte de temps.
Qs approuvent l'expédition projetée et se mettront en relation avec les
chefs dont j'ai déjà parlé. Ils feront aussi savoir au cardinal Infant avec
quel soin le comte de Trautmansdorf et V. S. M. Impériale veillent
aux intérêts de l'empire.
Il passe ensuite aux nouvelles de France. Le roi averti du siège de
Casai a envoyé deux courriers aux Vénitiens. Il les prie, ainsi que le
saint-père, de joindre leurs troupes à celles du comte d'Harcourt. Les
Espagnols croient que les Vénitiens ne feront rien. Le chef de l'artillerie
La Meilleraie annonce que les troupes de Picardie étaient insuffisantes.
Le roi a ordonné à tous les chefs d'avoir leurs régiments complets,
sous peine de mort. On s'attend au siège de Thionville, mais je crois
plutôt à une attaque du côté de Saint-Omer ou d'Arras. Le cardinal
a autorisé le duc de Chevreuse à faire revenir sa femme de Londres à
Paris; mais celle-ci avertie à temps s'est sauvée à Bruxelles. C'est
peut-être une ruse du cardinal pour maintenir à la duchesse la con-
fiance de l'Espagne.
Lisola nous donne aussi des nouvelles de la politique intérieure et
des luttes déjà engagées entre le roi et les Écossais.
Le Parlement s'est réuni, le roi a montré une lettre écrite par les
Écossais au roi de France :
« Votre Majesté étant l'asile et le sanctuaire des princes et estats affli-
gés, nous avons trouvé nécessaire d'envoyer ce gentilhomme, le sieur
de Colvil, pour représenter à V. Majesté la candeur et naïfveté tant de
nos action? et procédures que de nos intentions, lesquelles nous dési-
rons estre gravées et escrites à tout l'univers avec un rayon de soleil
aussi bien qu'à Votre Majesté. Nous vous supplions donc très hum-
blement, sire, de luy adjouster foy et créance à tout ce qu'il dira de
notre part, touchant nous et nos affaires, très assurés, sire, d'une assis-
tance égale à Votre Clémence cy-devant et si souvent monstrée à cette
nation, la quelle ne cédera la gloire à nulle quelconque d'estre éternel-
lement de Votre Majesté
Les très humbles et très obéissants serviteurs \ etc. »
Après cette lecture, le chancelier a prononcé un discours dont la con-
clusion était de demander de l'argent pour fortifier l'armée royale et
réduire les rebelles à l'obéissance. L'assemblée du clergé a offert au roi
400,000 écus ; la noblesse et le peuple ne se sont pas encore prononcés.
Il revient ensuite à la politique étrangère ; un envoyé de l'Espagne,
le marquis de Velada, était venu demander au roi d'Angleterre
I. Voyez au sujet de cette lettre, interceptée par le roi d'Angleterre, Gardi-
ner : Ilistory of England, IX, p. 98.
LE BAR03 DE LISOLA. Wt
d'armer une Qotte contre 1rs Hollandais, mais. dit Lisola, Le roi oe
se décide à rien, parce qu'il craint les Écossais et qu'on ne lui a pas
(ail les offres qu'il attendait.
La dépêche suivante, adressée à l'Empereur, indique netlemenl
les difficultés auxquelles se heurte cette entreprise.
Tasselt, qui était allé à Vienne pour s'entretenir de vive voix avec
l'empereur, est revenu à Londres le 6 avril. Il esl passe par Bruxelles,
mais sans rien obtenir; en Angleterre, les envoyés de l'empereur n'ont
pas été plus heureux. Lisola donne de ces lenteurs des raisons excel-
lentes.
Les Bruxellois sont tellement occupés de leur propre sûreté qu'ils
sont à peine capables d'écouter nos propositions. Nous sommes suspects
et peu agréables. Nous ne savons d'ailleurs à qui adresser nos proposi-
tions, parce qu'à la cour de Bruxelles la plupart des ministres ne sonl
pas d'accord; s'ouvrira l'un d'eux, c'est se brouiller avec les autres.
D'un autre côté les chefs qui se sont engagés à porter en France la
guerre civile ne veulent pas être nommés; tout ce qu'ils onl permis,
c'est qu'il soit parlé du projet en termes généraux et sans rien préciser.
Nous devons traiter surtout avec le président de Rose, ce qui est
fâcheux, parce qu'il est irrésolu, et il faudrait agir promptement, pour
profiter du moment où le roi de France va entrer en campa
Tout ce qui concerne la France est facile à exécuter; le reste dé
des Espagnols ; il y a pour le projet de Lisola trois causes de succès :
il est d'une grande utilité. Les Espagnols sont absolument forcés de ten-
ter une diversion, car les Hollandais qui méditent d'attaquer les Flandres
se sont unis encore plus intimement avec les Français et avec le land-
grave de Hesse. Enfin le marquis de Velada est venu prier le roi d'An-
gleterre d'armer une flotte contre la France ; et le roi catholique lui a
permis d'offrir l'argent nécessaire. Hier même est arrive d'Espagne un
nouvel envoyé, un Italien nommé Matuezzi, ami intime d'Olivarès ; il
est chargé de renforcer les offres du marquis de Velada. Malheureuse-
ment le roi d'Angleterre n'agira pas. Il est trop occupé chez lui, et puis
le cardinal Richelieu vient de le gagner en lui offrant de mettre en
liberté le comte Palatin.
Dans tous les cas, les Espagnols auront besoin d'avoir des intelli-
gences en France, nous allons faire des ouvertures à Velada et Matuezzi.
Il noue en effet des négociations avec les envoyés espagnols, et
les dépêches du mois de mai nous donnent sur ce sujet de curieux
détails ; elles montrent en même temps combien l'exécution sera
difficile.
Le -18 mai Lisola écrit au comte de Trautmansdorf :
Il a eu une longue discussion avec les envoyés de l'Espagne. Ceux-ci
ont reconnu l'avantage de la proposition qui leur était faite. Qs ont
averti le cardinal Infant et envoyé un courrier en Espagne pour rece-
3K> MÉLANGES ET DOCUMENTS.
voir les pouvoirs nécessaires et qu'ils n'ont pas encore. Ils sont sans
commission spéciale et n'ont même pas le pouvoir de distribuer de l'ar-
gent. Ils se sont pourtant engagés si fortement qu'il leur serait à peu
pris impossible de retirer leur parole. Un scrupule singulier les a d'ail-
leurs empêchés d'avoir aucune relation avec le protestant Soubise ; ils
ne veulent traiter qu'avec La Valette.
L'accord est fait ; reste à chercher les moyens d'agir, et ici se pré-
sentent de grosses difficultés : il est absolument impossible de deman-
der des soldats à la Belgique menacée par deux puissantes armées. Il
faudrait en demander au roi d'Angleterre, mais les députés espagnols
ne l'oseront pas à cause de la reine, qui tout en détestant Bouthilier
n'en garde pas moins une certaine affection pour la France. Ils ont
décidé qu'on devait s'adresser à l'empereur et même aux puissances
protestantes. Nous avons répondu que l'état de l'Allemagne l'empêchait
absolument de fournir des soldats, mais que l'empereur ferait, pour les
soutenir tout ce qui serait possible. Tous désirent l'expédition et
comptent sur le succès ; il faut cependant attendre des nouvelles de
Belgique.
Les troubles qui menacent le roi d'Angleterre serviront peut-être
notre projet. Une querelle vient d'éclater entre le Parlement et le roi
qui veut réformer certains abus, les Espagnols essaient d'en profiter; ils
offrent à Charles de l'argent en ne lui demandant que des soldats. Le
roi accepterait volontiers, mais les Français ont ici un parti puissant
qui l'en détournera.
En terminant, Lisola louche à un sujet pénible et sur lequel il
reviendra souvent, c'est l'extrême détresse où il est réduit par la
pénurie de l'Empereur et les retards de la Chambre aulique. Ses
appointements sont insuffisants et inexactement payés-, Tasselt et lui
sont dans le plus grand embarras. Dans ces conditions, dit-il tris-
tement, il nous serait absolument impossible de vivre, « impossibile
nobis esset diutius vivere. »
Une dépêche du même, mais adressée à l'Empereur, confirme les
détails donnés au comte de Trautmansdorf.
Il n'y a rien de nouveau. Les Espagnols persistent dans leurs inten-
tions, mais n'agissent pas. Nous faisons tous nos efforts pour les
amener à conclure' cette année une trêve avec les Hollandais; le mar-
quis de Velada entre dans ce projet. lie prince d'Orange serait facile-
ment gagné ; il se défie des Français et nous avons jeté de l'huile sur ces
soupçons pour les enflammer. D'un autre côté, les Français pressent
vivement les Hollandais d'envahir la Belgique et d'attaquer Bruges.
M;iis ceux-ci ne veulent rien faire tant que les Français n'entreront pas
en campagne.
L'Angleterre est. profondément troublée et l'on prévoit de grandes
séditions. Les Puritains tiennent tous les jours des conciliabules et
LE BARON DE I. ISOLA. ."HT
arrivent ù une insolence excessive. L'archevêque de Ganterbury a été
obligé de se sauver dans une barque; la foule a délivré les prisonniers
que la police avail fait arrêter. < les événements de\ raient décider • lharles
à accepter les s. '■•mus des Espagnols.
L'empereur esl sans troupes et sans argent. Les Espagnols manquent
de décision. Quant à Charles Ier, les embarras de la politique intérieure
l'alisorbent tout entier. Les Écossais sont entrés en Angleterre e1 s'y
maintiennent en vertu d'un traité. Le Parlement refuse d'accorder
aucun subside avant d'avoir obtenu la réparation <le ses griefs. Le roi
est obligé de le dissoudre; mais il demande en vain de l'argent à toutes
les puissances. Dans sa détresse, il sollicite le secours de la France, et
lui demande quatre millions aux conditions qu'elle voudra fixer. Riche-
lieu a d'ailleurs mis en liberté le jeune prince Palatin et Charles en a
été sensiblement touché. Pour le moment, les ennemis de la France
n'ont rien à espérer de ce côté.
II. — 1641.
Les archives impériales ne possèdent aucune dépêche de Lisola
pendant la fin de l'année 1640 et les premiers mois de 1644. Cette
lacune est vraiment regrettable, car cette période est remplie d'événe-
ments importants et auxquels il ne pouvait manquer de s'intéresser.
En Angleterre, Charles Ier avait réuni à Londres, le 3 nov., le Long
Parlement, qui avait débuté par les mesures les plus violentes; Harnp-
den et Pym présentèrent une longue liste de griefs dont il- réclamaient
le redressement ; les impôts levés par le roi furent déclare- Illégaux,
et ses principaux ministres mis en accusation. Finch et Wmdebank
purent se réfugier en France (déc.)-, l'archevêque Laud emprisonne
à la Tour attendit longtemps que son sort fût décidé, mais Strafford,
arrêté en même temps, ne tarda pas à être condamné à mort et exécuté
(1 2 mai \ 64 1 ) . Le Parlement décida en outre que les Chambres se réu-
niraient au moins tous les trois ans ; il ne laissa au roi le pouvoir ni
de les convoquer, ni de les dissoudre ; si au mois de septembre de la
troisième année elles n'étaient pas convoquées par le roi, c'était à la
Chambre des lords que ce soin était confié ; ils devaient lancer les
lettres de convocation au nom du roi. En cas de retard, les shérif I s
et les maires des villes auraient le droit d'ordonner les élections ; à
leur défaut, les bourgeois et les francs-tenanciers (Frec-holders)
iraient voter sans avoir été convoqués. Le Parlement ne pouvait être
dissous par le roi, ni prorogé tant que la session n'aurait pas dure
quinze jours. Le roi voulait résister aces mesures, mais elles furent
adoptées par la Chambre des lords (20 janvier 4 641) et il fut obligé
de les approuver.
318 MÉLANGES ET DOCUMENTS.
L'Épiscopat s'était (ail l'allié de la royauté, il ne fut pas plus
ménagé-, au mois de mars, la Chambre des communes décida
que l'exercice de l'autorité judiciaire ou législative, soit dans la
Chambre des lords, soit dans les tribunaux civils, empêchait les
évoques de remplir leurs devoirs spirituels et était en général nui-
sible à l'État, que par conséquent les pouvoirs devaient leur être
enlevés par une loi. Aussitôt après commença le procès de Strafford.
En même temps la multitude réclamait à grands cris que les lois
contre les catholiques fussent exécutées sans aucune exception.
Indignée de ces attaques spécialement dirigées contre elle, la reine
voulut quitter l'Angleterre et rentrer en France. Richelieu, qui avait
déjà des intelligences dans le Parlement, refusa de la recevoir.
Obligée de rester en Angleterre, la reine essaya de provoquer un
mouvement de réaction en faveur du roi ; elle comptait dans l'armée
du Nord des officiers dévoués -, quelques seigneurs écossais, Napier
et Montrose, promettent leur concours, si Charles Ier voulait recon-
naître les mesures adoptées par les Écossais, et venir à Edimbourg
présider lui-même le Parlement -, en Irlande, l'armée formée par
Strafford était prête à tout entreprendre en faveur de la royauté ; elle
offrait de venir à Londres délivrer le ministre emprisonné et rétablir
Charles dans toute l'étendue de son pouvoir ; ces tentatives mal
conçues, privées de l'appui de la France, ne servirent qu'à exaspérer
le Parlement averti par les dénonciations de Pym ; il exige la mort
de Strafford, demande l'abolition de la chambre étoilée et de la
haute commission qui jugeait les affaires ecclésiastiques; puis il
réforme l'administration intérieure, la maison du roi, celle de la
reine, chasse du palais les prêtres catholiques et même détruit
l'Église anglicane. Mais la Chambre des lords repoussa ces projets
et Charles Ier reprit un peu de courage. Il se persuada qu'il viendrait
à bout de ses adversaires, s'il pouvait séparer les intérêts de l'Angle-
terre de ceux de l'Ecosse, et trouver dans ce pays des secours contre
les ennemis qu'il laissait à Londres. Il partit donc pour Edimbourg
vers le milieu du mois d'août.
Il y trouva la révolution déchaînée. Le Parlement, convoqué
l'année précédente à Edimbourg, n'avait siégé qu'une semaine, mais
ce peu de temps lui avait suffi pour accomplir des réformes radi-
cales. Réuni sans la présence du roi où d'un de ses représentants, il
avait d'abord adopté de nouveau les propositions votées par l'As-
semblée que le roi avait prorogée. Il décide en outre que le clergé ne
ferait plus partie du parlement et serait remplacé par la petite
noblesse (gentry), qui occuperait un rang intermédiaire entre les
grands seigneurs et les bourgeois. Le Parlement ainsi renouvelé se
LK IUKON D8 LIS0LA. 349
réunirait tous les trois ans; toute proclamation contraire aux lois
et aux privilèges du Parlement serait poursuivie comme mi acte de
haute trahison. Les Écossais, et seulement les Écossais décidés à
maintenir la religion réformée, telle qu'elle était établie dans le pays,
devraient avoir le commandement du château fort d'Edimbourg, de
Stirling et de Dumbarton. Les grands commandements militaires
seraient distribués selon le vœu du Parlement. Le clergé, qui s'était
toujours montré plein de complaisance pour la Couronne, serait
exclu des cours de justice: la monarchie était conservée, mais
entourée de pouvoirs indépendants . dont relèverait son autorité.
Provisoirement le gouvernement était confié au comile des États,
composé de membres qui tous étaient les instruments d'Argyle.
Ces mesures n'avaient pas trouvé, en Ecosse même, une approba-
tion complète. Mais le parti qui les appuyait était le plus audacieux.
Il se sentait d'ailleurs appuyé par la complicité du Parlement anglais.
L'armée écossaise déjà entrée en Angleterre continua sa marche et
s'avança jusqu'à Newcastle dont elle s'empara i30 août 1640 .
Le roi, qui, par un traité conclu à Ripon le 26 octobre 1 640, avail
autorisé Tannée écossaise à séjourner en Angleterre, ne parul l'année
suivante à Edimbourg que pour approuver les actes du Parlement.
Encouragée par cette concession, cette Assemblée en demanda une
nouvelle ; au mois de septembre, elle vota que désormais les postes
les plus importants dans l'administration et la magistrature ne
seraient donnés qu'avec son approbation. Le roi céda encore. Il vou-
lait à tout prix gagner les Écossais, afin d'en tirer les moyens de
dompter la révolution en Angleterre.
Le continent avait aussi à cette époque été le théâtre d'événements
considérables. La campagne de 4 640 avait été particulièrement
funeste pour l'Espagne. Elle laissa les français s'emparer de Turin
et d'Arras ; sa flotte fut battue devant Cadix par le jeune et intrépide
Brézé ; la Catalogne révoltée traita avec la France, et le Portugal, déta-
ché de l'Espagne par une révolution, implora lui aussi le secours des
Français et des Hollandais. Les succès de Richelieu s'étaient conti-
nués Tannée suivante. Le comte de Soissons réfugié depuis quatre
ans à Sedan, mais sommé par le roi de quitter cette ville, privé de
pensions et menacé par un corps d'armée, se laisse entraîner à la
révolte sur les instances du duc de Bouillon et malgré les avis de
Paul de Gondi, qui ne devait pas toujours être aussi prudent. L'Em-
pereur et le cardinal Infant, qui commandaient a Bruxelles, pro-
mirent de fournir aux rebelles de l'argent et quatorze mille soldats.
Mais Soissons fut tué à la rencontre delà Marfée 6 juillel 1644 et sa
mort mit fin à la révolte. Le complol préparé à Paris par Gondi pour
320 MÉLANGES ET DOCUMENTS.
soulever les Halles cl prendre la Bastille n'eut pas le temps d'éclater.
La mort du cardinal Infant (0 nov.) pendant le siège d'Aire, que les
Espagnols réussirent pourtant à prendre (7 dec), leur enleva le seul
hommecapable de retarder leur rapide décadence. En Piémont, Harcourt
s'empara deGôme, el le prince de Monaco, après avoir chassé de sa capi-
tale la garnison espagnole, se mettait sous la protection de la France.
Pendant toute cette période, à notre grand regret, nous ne possé-
dons de Lisola aucune dépêche importante. Nous trouvons seulement
dans une pièce, à la date du mois de juin 1644, une lettre écrite de
France, sans adresse, sans signature, indiquant quelque complot qui
se rattachait sans doute à l'entreprise du comte de Soissons. Nous
la donnons en entier.
.Monsieur de La Valette et Soubise attendent de vos nouvelles et ne
veulent traitter de l'affaire que vous sçavez qu'avec Sa Majesté Impé-
riale et le comte de Trauttmansdorff. Ceux de Flandre ne songent pas
plus avant que de faire un effort pour le comte de Soissons pour mettre
la Flandre à couvert, et ne considèrent que la Flandre, n'aiant égard
qu'à cela seul. Ce n'est pas l'advantage de S. M. Impériale qui peut
tirer de grands proufficts de cette négociation et autres qui se peuvent
faire, si Elle veut y apporter l'attention nécessaire. Groiez-moi qu'il est
totalement nécessaire que M. de Soubise joue son personnage pendant
que les dispositions y sont belles de toute part; autrement, si le cardi-
nal n'a affaire que d'un côté, il en viendra aisément à bout.
Je vous mandais par une précédente qu'il serait bon que Sa Majesté
leur procurât des passeports et vous le confirme encore.
Le roy de France est malade en Picardie; j'ai disposé une puissante
batterie pour porter un grand coup au cardinal de Richelieu auprès du
roy, il pourrait arriver que S. M. Impériale y pourrait beaucoup con-
tribuer.
Nous avons vu que ces prévisions n'avaient point pu se réaliser.
Richelieu triomphait de ses ennemis au dedans comme au dehors et
voyait son pouvoir grandissant avec la fortune de la France. Lisola
cependant ne désespérait pas de le renverser, et dès le mois d'octobre
il commence une nouvelle campagne. Il avait quitté l'Angleterre
[tendant quelque temps et s'était transporté en Belgique pour orga-
niser une nouvelle prise d'armes.
Il revient enfin à Londres avec une double pensée : se servir des
réfugiés français pour allumer en France la guerre civile ; profiter
pour gagner Charles Ier de l'intérêt qu'il porte au prince palatin. Il
s'empresse donc de négocier avec eux un traité qu'il veut faire
accepter par FEmpereur et par les Espagnols. C'est de Londres qu'il
■ ni nonce ses projets à la cour de Vienne dans les dépêches sui-
vi nies :
l.E BABOfl DB L1SOLA. 32-1
Dès qu'il a voeu les ordres del'empereur, il B'esl rendu à Courtrai. Il
n'a pas pu voirie cardinal [nfanl qui était niala.li-. mais s'esl entretenu
avec ses ministres, Antonio de Sarmiento, le présidenl Rose el le mar-
quis de Mathuzielli, il esl alors reparti pour l'Angleterre où il esl arrivé
le i octobre. Le roi d'Angleterre esl en Ecosse; il s'esl mis a sa dispo-
sition, mais doit l'attendre à Londres; il oe recevra de réponse que
dans douze jours. En attendant il est allé trouver l'ambassadeur d'Es-
pagne Antonio Gardenas. Il tâchera de s'entendre avec lui, pour n'être
pas renvoyé par lui à la cour de Belgique et par la cour de Belgiqueen
Espagne.
L'ambassadeur d'Espagne paraîl approuver le traité conclu avec 1rs
princes palatins. On gagnerait ainsi le roi d Angleterre et on s'assure-
rail son concours. Los avantages que l'empereur pourrait tirer de la
Bavière sont très éloignés, Les dangers au contraire très pressants. G'esl
le seul prince qui puisse rivaliser avec la maison d'Autriche et lui dis-
puter l'empire. Quanta lui, il n'a d ailleurs prisaucun lent, el a,
tant qu'il a pu, évité de s'expliquer. Il son esl tenu à des termes géné-
raux, assurant que l'empereur veut seulement le repus de la chrétienté.
En Angleterre se sont accomplis de grands changements. Les amis
que l'Autriche avait dans les conseils du roi ont été renvoyés; parmi
les puritains plusieurs sont favorables à la France. Le roi ne peut rien
sans le Parlement, mais le Parlement s'intéressera-t-il aux princes
palatins ? Pour le moment il l'ignore.
Lisola se trompe évidemment quand il accuse le cardinal Richelieu
d'avoir poussé Charles Ier à réclamer le pouvoir absolu, pour le jeter
dans les embarras d'une guerre civile. Mais il juge avec heaucoupde
perspicacité l'état de l'Angleterre. Les adversaires du roi sonl déjà
divisés. La lutte a commencé entre les Anglicans et les Puritains qui
ont déjà pris l'avantage.
Il examine ensuite avec soin quelles sont les dispositions des divers
partis, en ce qui concerne la guerre.
Le roi d'Angleterre la voudrait, parce qu'il s'intéresse aux princes
palatins et puis parce qu'il aurait là une occasion de lover une armée
et de ressaisir son autorité. Seulement il faut compter avec le Parlement
où. se croisent des volontés très diverses et discutent des intérêts très
opposés. Parmi les puritains beaucoup seraient favorables aune guerre
contre la maison d'Autriche. Les plus influents sont le comte de War-
wick et lord Mandeville. La plupart ont des monopoles e1 le roi leur a
accordé des concessions dans les Indes, ce qui les rend très hostiles aux
Espagnols; la cause du prince palatin leur servirait de p . L am-
bassadeur de France, La Perte, les appuie; il promet, au nom de son
roi, de jeter dix mille hommes sur le Rhin, pourvu que l'Angleterre
envoie une Hotte dans les Indes ou sur les côtes de Belgique. Les lords
sont gagnés à ce projet.
Rev HiSTon. XXVII. .'■ fasc. 21
322 MELAMES ET DOCUMENTS.
I /ambassadeur d'Espagne a été prévenu de ce danger; pour le préve-
nir, il faudrait ménager les intérêts des Anglais; il a promis au roi de
lui fournir des soldats pour soutenir le prince palatin, mais là encore
se présentent bien des difficultés. Le roi avait autorisé des levées de
troupes en Irlande; le Parlement a défendu aux Irlandais de sortir du
royaume, il leur a ensuite interdit de s'armer; peut-être cette mesure
est-elle dirigée contre les Écossais, dans le cas ou ils voudraient soute-
nir Charles Ier.
Ce qu'il y a de plus sérieux, c'est qu'en ce moment les forces de l'An-
gleterre ne sont pas grandes; l'argent lui manque ; on l'a bien vu dans
les affaires de l'Ecosse. Pourtant, si la France voulait en fournir, l'An-
gleterre pourrait lui donner des soldats et des vaisseaux. Quant à la
France, elle ne tient pas au rétablissement du palatin; mais elle se
servira de ce prétexte; elle tient d'ailleurs ce jeune homme dans sa
main. Le prince palatin, qui habite ce pays, est d'un esprit très
médiocre ; il se laisse gouverner par sa sœur ainee qui passe pour très
habile. Celle-ci, à son tour, est dirigée par son conseiller, le Rhingrave,
qui est tout à fait au cardinal, aussi par ce fil lointain le prince palatin
est-il absolument attaché à la France. J'espère pourtant m'intéresser
auprès de lui par Soubise. Mais , pour le détacher de la France , le
meilleur moyen serait de le marier avec une femme dévouée à la poli-
tique impériale.
Dans une seconde dépêche à la même date, Lisola explique que les
ministres espagnols à Bruxelles sont très divisés ; ils ne s'entendent
que pour combattre don Francisco de Mellos. Quant à lui, sa situation
n'est pas très bonne ; il se défie de la poste et a dû faire avertir
l'Empereur par le colonel Trauns ; il craint d'être obligé de se rendre
à Edimbourg, et ce voyage dévorerait tout son argent. Il termine en
disant que, si l'Empereur voulait céder sur la question du Palatinat,
il pourrait en même temps demander qu'on cessât en Angleterre de
persécuter les catholiques ; ce serait le moyen d'acquérir de nom-
breux partisans, entre autres la reine.
Quelques jours après (25 octobre), une dépèche au comte deTraut-
mansdorf confirme ces détails et en ajoute d'autres qui sont assez
importants.
Lisola ne croit pas pouvoir écrire sans danger ; ses lettres sont
interceptées par l'ordre du Parlement, il a donc pris le chiffre du
colonel Trauns.
Le roi prétend qu'il ne restera pas longtemps en Ecosse. 11 prie
donc Lisola de l'attendre en Angleterre.
Je ne sais qu'en penser, ajoute Lisola, car on dit ici qu'il restera long-
temps en Ecosse. Dès son arrivée, je me hâterai de le voir, car ses con-
seillers l'engagent à la guerre, contrairement aux intérêts de l'Empire.
l.K l'.UÎON IU LIS01 \. 32."{
11 n'y a d'ailleurs à la cour personne à qui je puisse mo confier; lé roi
ne veut pas la guerre, mais Les Puritains l'y poussent- Je suis tous les
jours plus persuadé du mauvais étal des finances; aon pas que l'argent
manque mais Les Puritains oe veulent pas permettre au roi de lever
des impôts. Tous suni 9es ennemis; cependant, en haine des Puritains,
LeS Anglicans commencent à se rapprocher de lui. Mais ce qu'il faut
craindre surtout ce sont Les menées de la France. Ils pourront fournir
de L'argent et par ce moyen ils obtiendront des soldats. Je vois déjà la
faction française se fortifier, surtout parmi les Puritains, dont les prin-
cipaux ont de fréquents rapports avec L'ambassadeur de France. Le car-
dinal Richelieu s'y emploie avec ardeur, ce que ne font pas Les Espagnols.
L'Angleterre est destinée à des troubles encore plus considérables.
Le roi s'appuie sur les Écossais, et les Puritains sentent que toute récon-
ciliation avec lui est impossible. Le roi désirerait régler l'affaire du Pala-
tinat par un traité; les Puritains, au contraire, poussent à la guerre;
la France en fait autant. Le Palatin n'est satisfait ni du roi d'Angle-
terre, ni de la France ; on pourrait le gagner par un mariage. Il n'y a
pas beaucoup à compter sur L'Espagne. L'ambassadeur me renvoie tou-
jours aux ministres de la cour de Belgique. Quant à la France, elle ae
négligera rien pour empêcher la paix et s'en tiendra aux conditions les
plus extravagantes.
C'est donc la France qu'il faut attaquer et dès le mois d'octobre, il
prépare contre elle de nouvelles manœuvres. Il annonce d'abord à
l'empereur qu'il a exécuté ses ordres en ce qui concernait les chefs de
la rébellion. 11 a vu La Valette qui lui a déclaré être toujours disposé
à la guerre civile, et lui a fait les mêmes protestations au nom de Sou-
bise, alors absent. Il lui a exprimé le désir qu'avait l'empereur de réta-
blir la paix, tandis que Richelieu veut s'y opposer.
Lisola rappelle rapidemenl le passé, ses entrevues avec La Valette
et Soubise, puis avec les envoyés de l'Espagne, qui sont munis de
pouvoirs absolus ; aussi ont-ils pris des engagements délinilifs ; puis
il ajoute :
Quant à moi, comme il ne m'était pas permis de faire intervenir Le
nom de Sa Majesté, ni de conclure un traité, puisque mes instructions
ne m'y autorisaient pas, je me suis tenu sur la réserve. Les Espagnols
n'ont rien l'ait, se trouvant empêchés par les troubles de la Catalogne.
La Valette et Soubise n'en sont pas moins tenus par les pensions qu'il*
reçoivent de l'Espagne; La Valette a douze mille écus, pour Soubise
j'ignore le chiffre exact; mais tous deux ont les mains liées. La Valette
qui est oisif voudrait bien faire quelque chose. En ai tendant qu'on
puisse exciter en France une guerre civile pour envahir la Guyenne, il
médite une entreprise contre Metz. Il connaît la forteresse, il y a des
intelligences et sait qu'elle n'est gardée que par 200 soldats. 11 demande
500 chevaux et 3,000 fantassins. Le plus grand secret est nécessaire, il
ne peut employer que des soldats bien disciplinés pour qu'ils ne corn-
\V1\ MÉLANGES KT OOCCMENTS.
mettent aucun excès. 11 demande pour lui le gouvernement de la ville,
quand il s'en sera emparé. Il faut en outre trouver un prétexte, afin de
ne pas alarmer l'Espagne qui voudrait prendre la ville pour elle; afin
de dissimuler ses desseins, La Valette se rendrait à Luxembourg, c'est
son pays, il ferait peu à peu venir les soldats destinés au coup de
main qui serait tenté pendant la nuit ; tout milite en faveur de cette
expédition. L'Espagne ne peut pas agir et n'agira pas avant long-
temps, et cette ville ne peut être prise que par stratagème, sa pos-
session offrirait les plus grands avantages. C'est un ancien fief de l'em-
pire qui lui reviendrait, et par là serait enlevée aux Français toute
communication entre l'Alsace et la Lorraine. Une fois prise, la ville
sérail facile à défendre; ce serait une situation très avantageuse pour
les quartiers d'hiver et de là il serait facile de diriger des excursions
contre la France. On s'assurerait d'ailleurs par là le concours de la
Valette qui serait compromis à tout jamais.
Le même projet est exposé dans une dépêche à Trautmansdorf,
du 20 novembre ; on voit même qu'il a été fait quelques préparatifs
pour l'exécuter.
La Valette a reçu une lettre d'un parent lui annonçant qu'il lui
ouvrira une porte de Metz. Il en a exprimé une joie extraordinaire,
affirmant qu'après cela il mourrait content. 11 compte s'emparer faci-
lement de la citadelle. L'aide de l'empereur et de l'Espagne lui per-
mettra de lever sans peine une armée; ce sera pour Richelieu un
coup mortel. La possession de Metz est bien plus avantageuse que celle
de Sedan ; c'est une place avantageuse pour les quartiers d'hiver. Elle
permettra de nourrir en France une faction favorable à l'empire ; enfin
on enlèvera à la France toute relation avec Brisach, puisqu'il n'y a pour
y arriver que Toul, Metz et Pont-à-Mousson. La Valette n'a qu'une
crainte, c'est que la cour impériale ne s'oppose à l'entreprise, à cause
des rivalités qui divisent les ministres, ou ne la laisse connaître, ce qui
permettrait à l'Espagne d'en réclamer l'investiture. Il faut donc que
l'empereur dérobe aux Espagnols la connaissance de ce projet; à cet
effet il demandera seulement au roi d'Espagne d'employer La Valette
provisoirement, puis l'expédition s'accomplira comme si elle était
imprévue. Dans le cas où l'empereur ne voudrait rien faire sans le roi
d'Espagne, il ne. devrait révéler ce projet qu'à ceux qui lui sont parti-
culièrement dévoués, et surtout n'en parler à personne avant que le
traité avec La Valette fût signé, de façon que celui-ci n'ait rien à
craindre. 11 faudra réunir des troupes auprès de Metz sous prétexte de
leur faire prendre leurs quartiers d'hiver dans le Luxembourg.
Lisola prévoit que la réponse de l'Empereur ne peut pas arriver
avant un mois ; il insiste donc pour avoir des instructions précises
et un mandat spécial, qui l'autorise à traiter avec l'Espagne. Afin de
n'avoir rien à révéler au roi d'Angleterre, il pourrait au besoin aller
LE BiBOH DE LISOLA. 325
achever la négociation à Bruxelles ; il feindrait d'être appelé en Bel-
gique par ses intérêts particuliers. D'ailleurs l'absence de Charles I",
toujours retenu en Ecosse, lui laisse le lempsde faire ce voyage.
Lisola revient ensuite à la question du Palatinat, qui esl l'objet de
ses plus grandes préoccupations. Le prince Charles-Louis élail en
effet dans ce moment attiré du côté de la France el (U>> Puritains.
Ceux-ci le favorisaient, parce que sa cause se liait avec celle des pro-
testants en Allemagne. Us considéraienl au contraire les conseillers
du roi, le roi lui-même comme unis aux catholiques, et la Grande
remontrance (nov. 164-1) dénonçait l'existence à la cour d'une faction
espagnole dont elle exigeail impérieusement le renvoi. L'ambassadeur
de France La Ferté marchail d accord avec les Puritains. Arrivé en
Angleterre au mois île juin, il avail d'abord assuré la reine de l'amitié
de Louis XIII et du Cardinal. Mais il n'en suivit pas moins la politique
deBellièvre; il se lia aussitôt avec le chef de la (action française,
lord Holland, « très puissant au Parlement et très mal à la Cour. »
Par lui il entra facilement en relation avec les Puritains. « Il avait,
dit la reine, commerce particulier avec les parlementaires, même
avec les personnes de la plus basse condition qu'il visitait 1res soi-
gneusement. » 11 regardait les conseillers de la reine, surtout les
catholiques, comme des partisans de l'Espagne, et ne voulul rien
faire pour eux.
Les Puritains partageaient ces préventions ; plusieurs d'entre eux
avaient intérêt à faire la guerre à l'Espagne dans les Indes ; ils s'in-
quiétaient des démarches de Lisola, qui voulait précisément former
entre l'Espagne et l'Angleterre une alliance dans laquelle entrerail la
Hollande; ils promirent à La Ferté d'engager le roi à rompre avec
l'Espagne pour s'allier avec la France.
Lisola est très au courant de cette situation.
Les Puritains sont de plus en plus liés avec la France. Leurs princi-
paux chefs ont dîné chez l'ambassadeur français, qui leur a proposé,
s'ils voulaient envoyer des soldats dans le Palatinat, de leur donner le
libre passage à travers la France avec Metz pour quartier principal.
L'ambassadeur d'Espagne en est très ému; quanta moi, je n'y vois qu'une
ruse du cardinal, qui préférerait voir les Anglais at laque' ll0is
dans les Indes.
Pour déjouer ces plans il voudrait voir l'empereur s'entendre avec les
Espagnols, ou même se charger seul des intérêts du jeune comte Pala-
tin. Celui-ci traite avec Richelieu, mais par des intermédiaires, et le
cardinal ne veut pas non plus s'adresser à lui directement pour ne pa
mécontenter le duc de Bavière. Dans ces circonstances, il sérail aisé à
l'empereur de réussir; il pourrait même agir sans attendre le roi d'An-
gleterre. Dans l'état où ce prince est réduit, l'empereur ne doit pasespé-
326 MELANGES ET DOCUMENTS.
ror ou tirer un grand service. Le rétablissement du Palatin, s'il s'en
chargeait, lui concilierait les protestants et surtout la veuve de Frédé-
ric V. Quant à l'Espagne, elle a tout intérêt à entrer dans cette négo-
ciation. Elle pourrait, si elle s'alliait à l'Angleterre, tirer des soldats de
l'Irlande et s'opposer aux entreprises commerciales que quelques Anglais
veulent créer dans les Indes. « Je l'ai insinué agréablement (saaviter)
à l'ambassadeur du roi d'Espagne pour lui montrer que son maître était
plus intéressé à cette affaire que l'empereur lui-même, car, si la négo-
ciation échoue, toutes les forces de l'Angleterre se tourneront contre
l'Espagne. »
Il indique enfin quelques mesures à prendre. Il faut persuader au roi
d'Angleterre qu'il a besoin des souverains étrangers et qu'il ne doit pas
compter sur la France qui s'allie avec le Parlement ; on pourrait se servir
du prince d'Orange, qui est en ce moment très irrité contre Richelieu.
Il a écrit à Lisola qu'il désirerait le voir pour des affairés qui intéressent
l'empereur. Lisola lui a répondu qu'il ne pouvait pas aller en Hollande,
mais qu'il recevrait ses lettres avec plaisir. De son côté, le roi d'Espagne
a beaucoup de crédit auprès des Suédois et de la veuve du landgrave de
Hesse ; ce sont des relations qui pourraient servir.
De nouveaux désordres viennent d'éclater en Ecosse ; le Parlement a
ordonné une prise d'armes générale, sans doute pour rendre le roi sus-
pect, et comme s'il préparait quelque mouvement de complicité avec
les Écossais. Lisola n'en est pas fâché. « Les troubles de l'Angleterre
ont cela de bon, qu'ils nuisent aux intrigues de la France. »
Une dépêche du 27 octobre au comte de Trautmansdorf revient sur
les mêmes questions.
Le roi a écrit au Parlement qu'il prolongera son séjour en Ecosse.
Après avoir consulté l'ambassadeur d'Espagne, Lisola a écrit à Charles
pour lui proposer de se rendre en Ecosse; il n'a pas encore reçu de
réponse. Les événements prennent une mauvaise tournure. Le Parle-
ment est très animé contre lui et surtout contre la reine. La guerre
civile ne peut pas tarder. Les Français y poussent les Puritains, sans
rompre avec le roi toujours entouré de nouveaux pièges. La reine déteste
Richelieu, mais elle est menée par une créature du cardinal, un nommé
Germain. Le roi est en Ecosse, mais sans autorité. Il cherche à lever
dans ce pays une armée contre le Parlement en séduisant quelques
généraux; il n'y réussira pas. Il s'est confié à Hamilton qui a dévoile
ses projets; celui-ci le trahissait depuis longtemps, et recevait de la
France une pension de vingt mille florins. Les -Écossais ne sont pas sûrs.
Ils ont donné une garde au roi sous prétexte dej'honorer, mais en réalité
pour le surveiller.
On a publié à Londres un écrit annonçant que des protestants d'Alle-
magne, entre autres le duc de Luxembourg, avaient traité avec l'empe-
reur, ce qui rendrait impossible le rétablissement du comte palatin:
c'est simplement une insulte adressée au roi, mais il n'y a là rien de
LE r,ARn\ DE us»>i.\. 327
vrai. Si l'empereur voulait détacher le Palatin du parti Français, il
faudrait gagner d'abord le Rhingrave (comitem Rheni) qui habite en
ce moment la Hollande, et gouverne la princesse palatine (la reine de
Bohême) ainsi que toute la maison. Soubise a eu une autre idée; il a
songé à marier le prince Charles-Louis avec une tille de son propre
frère le duc de Rohan. Si ce projet déplaît à l'empereur, Lisola trouvera
facilement le moyen de l'empêcher.
Les généraux suédois ont réclamé une année de solde à Richelieu;
autrement ils seraient forces de passer au service de, L'empereur. (Je serait
pour L'Espagne Le moment de prouver sa générosité. Elle devrait acheter
ces troupes, sans laisser au cardinal le temps de trouver de l'argent. On
écrit aussi de France que les affaires vont mal pour elle en Allemagne.
Les princes de Lunebourg, de Hesse, de Saarbruck et des Deux-Ponts
voudraient accepter l'amnistie et traiter avec l'empereur : on annonce
aussi, mais très en secret, que le roi est à toute extrémité; il faudrait
se préparer à en profiter. Ce serait la perte de Richelieu et le duc d'Or-
léans est bien disposé envers S. M. Impériale.
Nous avons réservé pour la fin un passage très important, parce
qu'il indique nettement quelle sera désormais la politique de Lisola.
Catholique sincère et partisan très dévoué de la monarchie absolue,
il désire naturellement le triomphe de Charles 1er. Mais ce qu'il
poursuit avant tout, c'est le triomphe de la politique impériale. Si
les Puritains viennent à triompher, il ne faut pas les avoir pour
ennemis ; il y a donc avantage à entretenir avec eux de bonnes rela-
tions. Il ne le fait pas encore lui-môme, mais il pousse dans ce sens
l'ambassadeur d'Espagne. « Il est pour le roi, dit-il, mais il devrait
s'entendre avec le Parlement, ce qui ne serait pas difficile s'il con-
sentait à faire quelques dépenses. »
Deux autres dépêches du mois de novembre témoignent de la
même activité.
Lisola voulait aller trouver le roi en Ecosse, mais Charles a annoncé
son prompt retour, il se résigna donc à restera Londres. En attendant,
il s'est lié avec le maître des cérémonies Gerbier qui a longtemps résidé
à Bruxelles. Gerbier veut lui être utile, et se dit très dévoué à l'empe-
reur; il se plaint d'avoir été desservi près de V. Majesté par un certain
Teller. Je l'ai rassuré, mais n'ai pas voulu m'avancer davantage, ni
m'ouvrir à lui, dans la crainte qu'il ne serve la faction française.
Le Parlement redouble de violence. Il a cité le confesseur de la reine
et l'a fait conduire à la cour. C'était un homme très dévot et plus favo-
rable aux Espagnols qu'aux Français; aussi est-ce l'ambassadeur de
France qui l'a rendu suspect au Parlement. C'est regrettable, car il
aurait été un instrument excellent de la politique impériale. La France
se sert du Parlement pour chasser ceux qui pourraient favoriser I I -
328 MÉLANGES ET DOCUMENTS.
pagne. Il serait pourtant bien facile à l'ambassadeur de ce pays de se
faire des partisans avec un peu d'argent. Le représentant de la reine
mère, Monsigot, a aussi été cité devant le Parlement, sans doute sur le
conseil de l'ambassadeur de France; il a refusé de comparaître; on le
cherche partout pour le mettre en prison ; il n'y a plus de sécurité pour
personne.
On dit que le cardinal Richelieu a promis de conclure la paix ; il
s'est fait apporter les traités passés autrefois avec l'Espagne pour les
étudier pendant huit jours sans interruption. Ce n'est qu'une ruse :
tous les ans, pendant l'hiver, il promet la paix pour surprendre
ses ennemis à l'improviste et empêcher les Français de se soulever.
Il fait répandre ce bruit par les capucins qui lui sont très dévoués.
L'ambassadeur d'Espagne croit à ces nouvelles, et je crains qu'il ne les
fasse accepter en Belgique ; Richelieu veut surtout empêcher les pro-
testants de s'entendre et les Hollandais de conclure une trêve.
On dit les troubles apaisés en Ecosse, je ne les crois qu'endormis.
L'Irlande reste fidèle à Charles ; elle ne veut pas reconnaître le Parle-
ment, mais dépendre uniquement du roi. Le Parlement ne l'a pas moins
imposée d'une somme de six cent mille florins, et il lève une armée
pour la soumettre. Aussi a-t-on à craindre des persécutions contre les
catholiques.
Si Votre Excellence pouvait conclure l'affaire du Palatinat, Elle ren-
drait un grand service à la reine et au roi d'Angleterre, surtout si Elle
obtenait la liberté pour les catholiques.
L'ambassadeur vénitien qui réside à Londres va se rendre à Vienne ;
il fait ici des offres continuelles au prince Palatin, il faudra l'écouter,
mais avec défiance, il passe pour favorable aux Français. Quant aux
menaces des Anglais, elles ne méritent pas d'être prises en considéra-
tion ; ils sont pour le moment hors d'état d'agir. S'ils font la guerre,
ce sera dans les Indes.
Le duc de La Valette est toujours dans les mêmes intentions ; il croi-
rait plus facile d'agir pendant l'hiver, parce que les nuits sont plus
longues.
Quelques jours après il donna au comte de Trautmansdorff de
nouveaux détails.
Le roi arrivera la semaine prochaine ; Lisola est très impatient de le
voir, car il ne manque pas de personnes pour persuader au roi et au
prince Rupert que les propositions de l'empereur ne sont qu'une véri-
table tromperie. Ici les factions continuent. L'Irlande s'échauffe, l'Ecosse
promet cinq mille soldats, mais il lui sera difficile, de les fournir. Le
Parlement veut armer dix mille soldats, mais personne ne se soucie
d'aller faire la guerre en Irlande et le Parlement ne sait à qui se fier.
Dix mille hommes d'ailleurs seraient insuffisants, si l'on considère les
avantages remportés par les Irlandais auxquels il ne manque absolument
que de l'argent.
LE BARON M LISOLÀ. 329
On a ouvert Les Lettres de L'ambassadeur de Venise; Le Parlement
croyait trouver dans ses papiers des Lettres pour La reine. On > a vu
que Venise voulait s'allier avec les autres princes de L'Italie contre le
Pape. J'ai t'ait savoir au Parlement que j'étais à Londres pour L'Empe-
reur, mais qu'avant d'avoir vu le roi, je n'avais osé Faire aucune visite.
On m'a donne toutes les garanties de sécurité et assuré La remise de
mes Lettres, en même temps qu'il a été défendu aux soldats de pénétrer
dans mon domicile.
L'intendant de la duchesse de Ghevreuse vienl d'être nus en priï
ainsi qu'un certain Krafft. La duchesse de Ghevreuse avait préparé en
Belgique un asile pour la reine d'Angleterre. C'est Le Parlement qui
l'a découvert; peut-être avait-il été averti par quelque personne di
cour, car il y en a bien peu de fidèles.
Le Parlement a feint de vouloir s'entendre avec la reine et a pris
pour intermédiaire le duc de Vendôme qui devait lui chercher un asile
à Venise ; les négociations ont ensuite été rompues. * i était qu'une
ruse pour rendre la reine odieuse au peuple. L'ambassadeur français
s'est également opposé à ce départ. Le duc de Vendôme a donné alors
à la reine un conseil très délicat, celui de convoquer les chefs du Par-
lement et de leur déclarer qu'elle étail prête à faire ce qu'ils voudraient.
Elle ne s'est pourtant pas encore décidée à cette démarche;
a-t-elle changé d'idée.
On dit le roi de France très malade; s'il mourait, il faudrait s'en-
tendre avec les Français réfugiés en Angleterre, dont I" due de Ven-
dôme; mais la plus grande précaution sera nécessaire. Vendôme
encore en France une grosse fortune et craindrait de lavoir confisquer.
Richelieu a offert à l'évêque de Metz une abbaye de cent mille écus
en échange de son épiscopat. Le duc de La Valette demande qu'on ne
perde pas un moment, car, si la négociation réussit, Richelieu chang i
la garnison. J'attends tous les jours une réponse sur cette affaire. La
Valette prie aussi l'ambassadeur d'Espagne d'écrire à son souverain
pour qu'il favorise cette expédition. L'Empereur devrait y employer le
procureur général du cercle de Bourgogne; c'est un véritable trésor, qui
rendra les plus grands services si on lui en donne l'occasion, et surtout
dans le cas où l'archiduc Léopold se rendrait en Belgique. Le conseiller
du prince palatin, leRhingrave, se fera aussi Le serviteur de l'Empereur
el ira à la cour de Vienne, s'il y est appelé, .le n'ai pas ose m'avai
plus loin, tant que je ne serai pas mieux instruit des volontés de Notre
Excellence.
L'arrivée du roi à Londres ramène L'attention de Lisola sur l'état
de l'Angleterre; il est témoin de l'accueil fait au souverain et s'en
exagère la portée. 11 reconnaît pourtant le peu d'espérance que l'on
peut fonder sur le roi et s'occupe plus que jamais d'employer à ses
desseins les réfugiés français. 11 cherche aussi à - insinuer auprès
des conseillers du Palatin, pour le détacher du Cardinal.
330 MKLAXGES El DOCUMENTS.
Voici d'abord ce qu'il dit dans une dépèche du mois de novembre :
Le roi d'Angleterre est arrivé hier et a été très bien reçu. De grands
changements vont s'accomplir en sa faveur. On a élu lord-maire un
anglican dévoué au roi, malgré le Parlement. Le roi est opposé à la
plupart des mesures adoptées par la Chambre des communes, il sera
soutenu par le peuple, qui attendait du Parlement des améliorations
matérielles, tandis que les impôts ont augmenté et que le commerce a
diminue. Des querelles ont éclaté entre les Anglicans et les Puritains.
Ceux-ci tiennent de nombreux conciliabules auxquels assiste l'ambas-
sadeur français. Les luttes qui mettent les Anglicans et les Puritains
aux prises permettront au roi de rétablir son autorité, tout au moins
de maintenir l'équilibre entre eux ; malheureusement, il n'est pas bien
conseillé. Hamilton est un traître ; Lennox a trop de faiblesse. Ce qu'il
y a de plus évident, c'est qu'au milieu de ces divisions l'Angleterre ne
peut inspirer aucun danger. Les Puritains, s'ils arrivaient au pouvoir,
attaqueraient l'Allemagne. Ils viennent de faire, à la Chambre haute,
des propositions pour exclure les évêques du Parlement et s'emparer de
l'administration '.
Lisola les considère comme 1res hardis, mais pas dangereux dans
ce moment; les chances ont tourné en faveur du roi, mais peut-il
compter sur le roi lui-même ? Sa dépêche trahit de ce côté une cer-
taine défiance.
J'ai abordé le roi et traité avec lui la question du prince Palatin,
mais non sans précautions, car il a donné sa confiance à des membres
du Parlement qui sont pensionnaires du roi de France. Il est d'ailleurs
occupé d'autres affaires. Il croit avoir le peuple pour lui et veut sup-
planter le Parlement. Il traite avec l'Ecosse et dissimule jusqu'à ce
qu'il trouve une occasion favorable. Les troupes manquent pour envoyer
une expédition en Irlande. L'Ecosse a bien offert des troupes à Charles Ier
pour rétablir le comte Palatin, mais une pareille entreprise n'est guère
possible de longtemps.
Aussi Lisola préfère-t-il recourir à d'autres moyens. Il compte d'abord
sur les réfugiés français. Soubise et La Valette veulent s'allier avec le
comte Palatin; il faudrait aussi gagner le Rhingrave. Il est vaniteux et
avare ; on peut se l'attacher par un titre et de l'argent. Il est sujet de
l'empire, et une fortune modeste mais assurée dans sa patrie lui plairait
mieux que la fortune en France. Le duc de Vendôme , lui aussi , après
sa disgrâce, était allé se réfugier en Angleterre.
Lisola est allé le voir et s'est efforcé de l'attirer à lui. Il est très bien
disposé, si le roi meurt, mais il veut attendre que les nouvelles se con-
firment.
1. En conséquence de la pétition pour l'abolition de l'épiscopal présentée à la
Chambre des Lords le 11 déc. 1640. Voyez Gardner : History of England from
the accession of James /, t. IX, 247, et X, 60 (nov. 1641).
LE BÀBOH BB LIS0LA. 331
Une dépèche du mois de décembre revient sur celte tentative, mais
avec plus de détails. 11 informe l'Empereur qu'il a voulu traiter avec
le duc de Vendôme.
Celui-ci a en France une position excellente; il a parmi les mé-
contents remplacé le comte de Soissons, il est soutenu par deux
fils capables, des amis et des clients. C'est en outre un ennemi irré-
conciliable du duc de Richelieu; mais la crainte l'empêche de beau-
coup avancer. Il est d'ailleurs tout à l'ait brouillé avec le prince de
Gondé, qu'il n'a jamais voulu reconnaître comme prince du sang. 11
mène à Londres une vie très modeste. Je l'ai mis en rapport avec le
duc de La Valette, qu'il voit maintenant tous les jours. Je l'ai vu moi-
même chez La Valette. Il a déclare naïvement que, s'il pouvait agir
contre le cardinal, il le ferait, mais qu'il ne voulait pas s'exposer.
Je lui ai dit qu'il ne pourrait rentrer en France que par la force,
qu'il devait donc rechercher l'appui d'un prince étranger et lui ai promis
celui de Votre Majesté, l'assurant qu'elle veut seulement la paix de la
Chrétienté et ne prétend rien faire contre la France. Je lui ai dit que je
ne pouvais point écrire à Votre -Majesté si je n'avais pas sa parole qu'il
ne se réconcilierait jamais avec le cardinal. Il m'a prié d'écrireà Votre
Majesté, mais a refusé de s'engager définitivement. Il faudrait lui ména-
ger l'appui de l'Espagne.
Son projet serait d'envahir la Franco par le duché de Bourgogne et le
Lyonnais. Il faudrait que les Espagnols lui donnassent la ville de Gray
sur la Saône, et que l'Empereur lui fournit dix mille soldats. 11 serait
en outre nécessaire de réunir une armée à Besançon, avec de l'argent.
Cette place est plus sûre que Sedan et la province de Bourgogne mieux
disposée à une révolte. Les paysans bourguignons, belliqueux et ruinés,
iraient au-devant de Vendôme, et ses fils soulèveraient la noblesse.
Seulement c'est un projet indique dans une conversation beaucoup
plus qu'une proposition formelle. Vendôme n'agira que s'il est assuré
d'obtenir, comme Guise, le titre de général et une pension en cas d'in-
succès.
Voici quel serait mon avis : attaquer le duché de Bourgogne; celte
province n'a pas de grands fleuves, elle est éloignée, des armées fran-
çaises, et ce pays se prête aux invasions. Il suffirait en ce cas d'envoyer
quelques navires sur les côtes de la Guienne; cette diversion assu-
rerait la conquête de la Bourgogne. Quant à Vendôme, on peut se
fier à lui ; cette attaque combinée avec celle de Metz produira le meil-
leur effet. La France, ainsi attaquée de toutes parts, serait forcée de
faire la paix.
Il faut commencer par Metz et lui envoyer l'autorisation de traiter
avec Vendôme.
Cette politique, ces nombreuses négociations. Douées de tous les
côtés à la fois, se trouvent très clairement résumées dans un mémoire
fî32 MÉLANGES ET DOCUMENTS.
adressé à l'Empereur par Lisola vers les derniers jours de décembre
164-1 , et nous ne pouvons mieux faire que d'en donner une analyse
très complète.
Après avoir annoncé à l'Empereur qu'il lui a envoyé Tasselt, chargé
de lui donner des explications de vive voix, il trace lui-même un
tableau do la situation, et montre comment il a décidé le Palatin à une
démarche des plus sérieuses.
Le Prince a peu de secours à attendre de ceux qui lui en promettent.
Richelieu veut s'en servir pour continuer la guerre qui divise "l'Alle-
magne. Dans ce but, le cardinal s'est rendu nécessaire au roi d'Angle-
terre et au Parlement par ses promesses à l'égard du prince palatin. Il
a proposé un traité entre le prince Palatin, le roi d'Angleterre, les
Écossais, le Parlement, la France, la Suède, les protestants d'Alle-
magne et le roi de Danemark. Peut-être le roi d'Angleterre et le roi de
Danemark veulent-ils en effet rétablir le Palatin, mais Richelieu, la
Suède et le Parlement en sont très éloignés. Ils ne songent qu'à ruiner
la maison d'Autriche et ne redouteraient rien tant qu'un traité définitif.
Ils ne signalent les tentatives de l'Empereur que comme mensongères.
La France promet de l'argent et des soldats, mais ne se soucie pas d'en
donner. La guerre civile met l'Angleterre dans l'impossibilité d'agir.
Les Écossais promettent des soldats, qu'il leur sera impossible de sou-
tenir sans l'argent de l'Angleterre. Le roi de Danemark seul a une
armée. La France pousse l'Angleterre à la guerre pour se rendre néces-
saire aux deux partis, les protestants et le Danemark pour empêcher la
paix générale.
Afin de remédier à ces maux, j'ai cru devoir les couper à la racine en
détachant le Palatin de l'alliance française. Il fallait prouver à ce prince
qu'il n'avait rien à espérer de Richelieu et qu'il avait tout à attendre de
l'Empereur. Gerbier m'avait engagé à voir le Palatin; je lui ai déclaré
ne pouvoir le faire que si le Palatin était réconcilié avec l'Empereur. Je
me défiais de Gerbier que je savais attaché à la France, et j'avais pour
arriver au Palatin des hommes plus sûrs et plus dévoués à Votre
Majesté. La Valette m'a offert son appui et m'a fourni un meilleur
intermédiaire. C'est un ami du comte de Soissons, compromis dans
l'affaire de Sedan," Variceville, qui a vécu en Hollande, où il a connu la
famille du Palatin. Il travaillait depuis deux ans à le détacher de la
France. Je l'ai chargé des affaires suivantes : amener le Prince à s'en-
tendre avec l'Empereur ; poursuivre avec Soubise et La Valette la ruine
du cardinal, suspendre tout traité avec la maison d'Autriche, savoir
du Palatin ce qu'il accorderait à l'Empereur dans le cas où il serait
rétabli. Variceville devait faire entendre au prince palatin qu'il n'avait
que deux moyens de reconquérir ses États, les armes ou les négocia-
lions. Par les armes il ne peut rien. Il n'a de secours à attendre que de
l'Angleterre, «lu Parlement, de la France, de la Suède et. du roi île
Danemark. Le roi d'Angleterre esl réduit à l'impuissance par la guerre
LE liAKON HK LISOLA.
333
civile; le Parlement se trouve dans la même situation: il est occupé
dans sa lutte contre le roi. La France ne songe pas à le servir pour bien
des raisons. Le cardinal sait que, terminer cette question, ce serait
ramener la paix en Allemagne, ce qu'il ne veut pas. Il désire au con-
traire retenir dans son parti le roi de Danemark contre l'Empereur. Le
prétexte du Palatinat lui est nécessaire pour continuer à oulever les
protestants d'Allemagne. 11 ne veut pas se brouiller avec le duc de
Bavière. 11 n'a jamais songé à restituer le Palatinat, puisqu'il n'a
pas même rendu au Prince les pays occupés par les Français. Il a
retenu le Prince en France contre la foi des traités, poui l'empêcher de
prendre les Weimariens à son service. Les Suédois perdent de leurs
forces et ne songent qu'à leur- intérêts. Le roi de Danemark n'est pas
capable de soutenir la lutte sans le secours de la France, qui le destine
seulement à troubler l'Allemagne.
Le Palatin n'a donc d'espoir que dans l'Empereur, mais celui-ci ne
peut traiter que s'il est d'abord assure de la soumission du Prince. Il
se prêtera d'ailleurs sans peine à un accommodement. Mais le Palatin
doit d'abord enlever tout prétexte au soupçon en se séparant des inté-
rêts français; il faut aussi qu'il détourne le roi de Danemark de s'allier
avec la France avant qu'un traité n'ait été conclu à Vienne. L'Empe-
reur est seul en état de rétablir le Palatin, puisque le roi d'Espagne et
le duc de Bavière ont été investis par ses ordres des terres et des dignités
enlevées à ce prince. D'un autre côté, il n'est pas absolument le maître,
puisqu'il y a des intéressés. Il n'accepte donc la réconciliation que si le
Prince lui assure quelques avantages.
Variceville a donc suggéré au Palatin quelques propositions, mais
comme venant de lui : s'associer à ceux qui doivent attaquer le cardi-
nal; obtenir pour ce but quelques soldats fournis par le roi d'An
terre; unir le roi d'Angleterre à l'Empereur; détourner le Danemark
de l'alliance française; décider la veuve du landgrave de liesse et le
duc de Luxembourg à traiter avec l'Empereur.
J'ai chargé La Valette et Variceville d'interroger le Palatin sur ces
derniers points. Dans leur première entrevue, ils se sont contentés
d'exciter les soupçons du Palatin, d'écouter ses plaintes et d'exciter
ses défiances contre le Cardinal. Six jours plus tard, Variceville
s'est rendu seul chez le Prince. Celui-ci l'a bien accueilli, mais lui
a déclaré ne pouvoir rien faire sans se rendre suspect à ses amis,
dont il ne voulait pas se séparer avant d'être assuré de son rétabl
ment. Il voudrait au moins avoir un mot de l'Empereur. Variceville
n'a pas cru ce jour-là devoir aller plus loin.
J'ai dit moi-même à Variceville que Votre Majesté ne pouvail pas
engager sa parole, parce que l'affaire ne dépendait pas de lui seul, que
c'était d'ailleurs au Palatin à se montrer digne de la grâce qu'il sollicite.
Ce prince pourrait ne s'engager que conditionnellemcnt, et en ai ten-
dant suspendre toute négociation avec la France. La Valette et Varice-
ville l'y ont poussé, dans un nouvel entretien, mais toujours comme
334 MÉLANGES ET DOCUMENTS.
parlant en leur nom. Enfin, le 19 décembre, le Palatin s'est transporté
chez Soubise et a signé l'engagement suivant :
Son Altesse Électorale donne sa parole et engage sa foi, dans le cas
où S. M. Impériale le. rétablirait pleinement dans la possession de ses
honneurs et de ses dignités, d'embrasser entièrement les intérêts de
S. M. Impériale, de, ne faire aucun traité ni alliance avec les ennemis
de l'Empereur, ni directement ni indirectement, et de ne rien entre-
prendre sans la connaissance et le consentement de l'Empereur. Pour
reconnaître dignement un si grand bienfait et prouver le dévouement
avec lequel il s'est consacré au service de S. M. Impériale, Son Altesse
Électorale promet de se joindre à* tous ceux qui s'efforceront d'assurer
le bonheur et la paix de la Chrétienté, l'autorité de la maison impé-
riale et la ruine de l'ennemi commun de ces deux projets, qui est le
cardinal de Richelieu.
Son Altesse Électorale promet aussi que, pendant deux mois (en
comptant du 20 décembre selon le nouveau calendrier, du 10 selon
l'ancien), elle s'abstiendra de conclure aucun traité avec les ennemis de
l'Empereur ou contraire à ses intérêts, sous prétexte d'obtenir son réta-
blissement ou de toute autre manière. Si pendant cette période la réso-
lution définitive de l'Empereur ne procure pas à Son Altesse électorale
une pleine satisfaction, en ce cas, Son Altesse Électorale reprendra la
liberté entière d'agir comme elle croira le plus utile à ses intérêts.
Tout est ici à l'avantage de Votre Majesté. Si la négociation réussit,
le Prince dépendra absolument d'elle. Il sera désormais un ennemi de
la France et surtout du Cardinal. Le roi d'Angleterre et le roi de Dane-
mark n'auront plus de prétexte pour combattre l'Empereur; ils devront,
au contraire, accepter son alliance à la suite du prince palatin.
Dans le cas où le traité ne serait pas conclu, le Palatin n'en sera pas
moins obligé par les promesses qu'il aura faites, et nous aurons le
temps de commencer des négociations plus avantageuses. D'ailleurs le
nom de Votre Majesté n'est pas engagé dans l'affaire.
Quant au roi de Danemark, j'ai fait voir au Palatin qu'il avait inté-
rêt à le détourner de l'alliance française, car le moindre mouvement de
l'armée danoise le rendrait suspect et rapprocherait le duc de Bavière
de Votre Majesté.
Le prince palatin a répondu qu'il était absolument de cet avis, mais
qu'il n'était pas en son pouvoir d'empêcher le roi de Danemark d'agir ;
il ne pourrait même pas lui écrire sans se rendre suspect à ses amis. Il
peut seulement s'engager à faire traîner en longueur toutes les négo-
ciations.
Il a déclaré qu'il avait beaucoup d'influence sur les Suédois et les
Weimariens, et que, s'il avait une promesse de Votre Majesté, il s'em-
ploierait aussitôt pour ramener à l'Empereur la veuve du landgrave de
Hesse et le roi de Danemark.
Je suis d'avis qu'en rétablissant le Palatin, Votre Majesté gagnerait
il i;\ii(i\ m: UBOLA. ;!:! '
les protestante d'Allemagne et détruirait tous Les plane préparés par Les
Français.
Le cardinal Richelieu essaiera sans doute de soutenir le duc de
Bavière et do s'unir aux catholiques, mais il n'aura guère de crédit
Dans le cas contraire e1 si Le prince n'était pas rétabli, une paix
durable ne pourrait pas s'établir en Allemagne, et La France n'aurai!
aucune peine à continuer la guerre avec Le secours des protestants.
Nous sommes placés entre deux écueils qu'il Tant éviter avec la même
prudence. Les prétendus protecteurs du Palatin neveulenl que conti-
nuer la guerre; il faut leur enlever ce prétexte el éclairer Là-dessus
l'esprit du Palatin.
Il est également nécessaire quêtes ambassadeurs du roi à Angleterre
ou du roi de Danemark ne soient pas d'abord gagnés par la Fi
(praeoccupati sint a Gallia).
Votre Majesté devrait intervenir sans perdre de temps; elle gagnerail
ainsi la confiance du prince palatin, qui demande lui-même que cette
affaire soit promptement soumise à L'Empereur; en attendant, il a
mains libres. Il faudra aussi autoriser La Valette et Soubise à se pré-
senter comme intermédiaires de la part de L'Empereur el témoigner au
Prince que cette négociation est vue d'un bien bon œil à Vienne. On
pourrait encore obtenir l'appui du roi d'Angleterre et traiter avec ce
prince, qui fournirait au Palatin des soldats pour attaquer la France.
Il serait bon, pour s'assurer le prince et toute sa famille, de lui
ménager un mariage avantageux, et de faire épouser aussi quelque
prince allemand à sa sœur aînée qui le gouverne, un Neubourg, par
exemple, ou tout autre.
Dans le cas où l'Empereur croirait la restitution du Palatinat impos-
sible, il n'en faudrait pas moins amuser le prince des mêmes espé-
rances, et lui fournir des prétextes plausibles (speciosa admodum èl
probabilia allegare) pour que ses amis ne lui inspirent pas quelques
soupçons et ne l'entraînent pas du côté de la France.
Il ne serait pas moins utile d'entretenir les troubles en Angleterre
pour que le Palatin ne puisse en tirer aucun secours. Il conviendrait
également d'entretenir le roi d'Angleterre des mêmes espérances que Le
prince Palatin, d'autant plus que L'ambassadeur de France essaie d'unir
le Parlement et le Roi dans la même entreprise.
Pour empêcher cette entente, il faudrait que L'Espagne, si elle le pou-
vait, accordât quelque secours au Koi, car, tant qu'il se croira puissant,
il ne voudra pas céder, surtout aux communes, avec la disposition de
la Reine, qui se conduit d'après ses passions plus que d'après la poli-
tique, et déteste le Parlement.
Il faudra fournir quelques subsides aux Irlandais près de succomber,
mais qui, s'ils étaient soutenus, créeraient aux Anglais de sérieux
embarras. C'est l'affaire principale du Pape, et le cardinal Barberini y
contribuerait volontiers, le Pape devrait donner un bref et déclarer une
336 MÉLANGES ET DOCUMENTS.
guerre qui aurait un caractère purement religieux (bellum instituere
pùrae religionis). Les Irlandais y courraient alors jusqu'au martyre, ils
sont prêts à se révolter, et, si l'on pouvait amener le Pape à donner de
l'argent, ils agiraient avec ardeur.
Le roi d'Angleterre a été sollicité de déclarer rebelles les Irlandais;
il n'a pas voulu consentir, ce qui indigne le Parlement, qui le soupçonne
de s'entendre avec eux.
Il faudrait créer des embarras à la France et la faire attaquer chez
elle par les moyens déjà indiqués, donner quelques espérances au roi
de Danemark ou bien décider les Hollandais à le combattre.
Dans tous les cas, il est indispensable d'annoncer le traité, et le mieux
serait de le conclure tout de suite. La principale difficulté consiste en
ce que le Palatin réclame le titre d'Électeur; on pourrait modifier la
Constitution de l'Empire et créer deux électeurs nouveaux, dont l'un
appartiendrait à la maison d'Autriche. Cette maison serait ainsi assurée
d'avoir deux suffrages de plus, car le Palatin, par reconnaissance, ne
pourrait pas lui refuser le sien.
III. — \ 644-4 645.
La dernière partie de cette correspondance nous transporte au
milieu de la guerre civile. De grands événements se sont accomplis
en Angleterre et en Europe. Charles Ier est en lutte ouverte avec le
Parlement, et c'est par les armes que le dénouement de la crise sera
décidé. A mesure qu'il se précipite, le roi et ses ennemis sont moins
préoccupés des affaires extérieures, le roi surtout, car les Puritains
rattachent volontiers leurs intérêts à ceux des protestants d'Alle-
magne. Aussi le Prince palatin essaie-t-il de se rapprocher d'eux et
de la France.
Dans ce dernier pays se sont aussi accomplis de grands change-
ments. Richelieu est mort et Louis XIII l'a suivi de près. Heureu-
sement, après une indécision de courte durée, la politique du grand
Cardinal a été reprise par un successeur digne de lui, Mazarin, qui,
mêlant les négociations aux batailles, prépare la paix de Westphalie.
Le rétablissement du Prince palatin est un des buts qu'il poursuit,
afin d'affaiblir l'Empereur et de se ménager l'appui des Protestants.
C'est encore un trait d'union avee les Puritains et le Parlement.
Cependant Mazarin n'oublie pas les liens de parenté qui existent
entre les Sluarts et les Bourbons. Il essaie donc de rétablir la paix
entre le roi d'Angleterre et son parlement. Le comte d'Harcourt est
chargé de celle mission délicate, d'autant plus difficile à remplir que
le Cardinal ne veut pas s'engager dans cette affaire jusqu'à compro-
LE BARON DE LISOLA. 'i.'iT
mettre les intérêts de la France, el qu'au roi vaincu le futur allié de
CromweU préférera les Puritains triomphants.
C'est au milieu de ces embarras que Lisola |nmr-uil ecs négocia-
tions. On prévoil aisémenl leur insuccès : l'Kmpereur n';i pas h
décision nécessaire; les Espagnols battus partout ne songent qu'à
eux-mêmes; le Palatin se donne aux Puritains et aux Français victo-
rieux. Le roi d'Angleterre en est réduit à défendre sa couronne el sa
vie; la révolution, tous les jours plus animée contre le roi cl ses
partisans, étend le cercle de ses soupçons et de ses violences ; les
agents étrangers sont soumis à la surveillance du Parlement, exposés
aux colères de la foule. Lisola brave ces dangers aussi longtemps
qu'il est possible, mais, quand il voit ses courriers interceptés, sa
maison pillée, il demande son rappel, et quitte l'Angleterre sans
assister aux derniers événements de la révolution, mais bien con-
vaincu que l'Empereur ne peut rien attendre de ce pays.
Sa première dépêche est datée du 1er janvier <644. Le comLe
d'Harcourt est venu de France pour négocier un accord entre
Charles Ier el le Parlement. Lisola essaie de le brouiller en même
temps avec les deux partis. 11 voit d'ailleurs bien des obstacles à
cette négociation. La discorde est plus forte que jamais en Ecosse,
et le prince Maurice fait le siège de Plymouth.
Cependant quelques jours après il écrit pour annoncer que d'Har-
court se rend à Oxford. Il aurait lui-même besoin de lettres de
créance pour le suivre. Harcourt a d'ailleurs imaginé un strata-
gème assez ingénieux pour rétablir la paix, tout en permettant au roi
de ne pas traiter directement avec ses adversaires. 11 pourrait for-
muler un certain nombre de propositions, et. si les deux partis les
agréaient, l'accord suivrait naturellement. II est difficile, ajoute
Lisola. que l'accord se fasse dans ces conditions. Le Parlement
d'ailleurs poursuit ses violences; il vient de chasser un Français
établi dans un ancien couvent de capucins. Il accable à dessein
d'affronts les Français et leur ambassadeur.
La guerre continue, avec quelques succès pour le roi; le prince
Rupert a battu Waller, el Hamilton vient d'être arrêté coin
traître.
Cependant la situation s'aggrave, il se rend à Oxford pour voir le
roi ; il veut l'empêcher de conclure avec la France une alliance offen-
sive et défensive. Mais il est nécessaire que l'Empereur prenne vite
un parti, car le Parlement pourrait élire un nouveau roi. En atten-
dant, Lisola excite la défiance contre les Français, seulement il esl
bien isolé et sans secours. Don Francisco de Mellos a déclaré qu'il
n'avait pas d'argent à donner •. il n'y a rien à attendre de l'Espagne.
Rev. Histor. XXVII. •.'•' pasc.
3,'ÎS MELANGES ET DOCUMENTS.
A la fin du même mois, Lisola expose la situation à l'Empereur
dans un long mémoire dont nous allons donner l'analyse.
Il s'est rendu auprès du roi pour empêcher Harcourt de le récon-
cilier avec les Puritains. Afin d'éviter tout soupçon, il a pris pour
prétexte les souhaits de la nouvelle année.
Le roi m'a bien reçu et m'a interrogé sur les attaques dirigées par les
Suédois contre le roi de Danemark, qui lui causent beaucoup d'impa-
tience. Je lui ai dit ce que j'en avais appris et j'ai essayé de lui faire
voir combien notre cause était la sienne, combien au contraire les
Français étaient nos ennemis. Le Parlement se félicite de la guerre
faite au roi de Danemark; il est lié avec les Suédois et les Puritains de
Hollande : les Français sont dans le même camp. Le roi a été frappé de
mes paroles, et, depuis, il est souvent revenu à ce sujet. Il m'a exprimé
l'espérance que Votre Majesté n'abandonnerait pas le roi de Danemark.
Je lui ai répondu que je n'avais encore rien reçu sur cette question,
mais que je ne doutais pas que l'Empereur ne fit tout ce qui dépendrait
de lui. Je lui ai montré les Puritains prêts à s'allier avec les Suédois,
les Écossais, les Hollandais et les Puritains d'Allemagne pour détruire
toutes les monarchies, et la France les secondant pour combattre la
maison d'Autriche.
Dans ce premier entretien, il n'a pas été question du prince Palatin,
mais j'ai su que le roi avait, il y a peu de temps, écrit en France à ce
sujet; il a demandé que cette puissance soutînt à Munich la cause du
Palatin et réclamât pour lui une indemnité en argent avec le rétablis-
sement de la dignité électorale. C'est donc sur la France que reposent
aujourd'hui toutes les espérances du Palatin. Je n'ai pas voulu aborder ce
sujet. Il a paru en Angleterre sur la même matière, en français, un libelle
qui doit être l'œuvre de quelque Anglais, car il est plein de fautes contre
la langue, mais je n'ai pas non plus voulu faire de réponse, parce que
j'ignorais les volontés de Votre Majesté et que je ne suis pas au courant
de certaines questions, par exemple des protestations de l'Électeur de
Saxe et de Brandebourg contre la pensée de donner l'Électorat à la
famille de Bavière.
Harcourt, que je surveille avec le plus grand soin, n a encore rien
obtenu ni du roi ni des ministres, mais la reine fait tous ses efforts
pour marier son bis aine avec la fille du duc d'Orléans. Seulement le
prince Thomas a les mêmes vues pour le prince de Savoie, son neveu.
Harcourt a d'ailleurs beaucoup perdu de son crédit auprès du roi et
même auprès de la reine, pour avoir voulu persuader au Parlement
qu'il prétendait rester neutre ; la cour a en outre appris qu'il avait
souvent des conférences avec les Puritains.
On m'a dit à Oxford que l'envoyé de la France avait obtenu du roi la
permission de lever trois mille hommes en Irlande. J'en ai parlé à
quelques chefs irlandais actuellement à Oxford pour savoir la vérité.
VÊ B'ABOM DE l.l-oi A. 339
Je leur ai insinué combien il leur serait dangereux d'obéir aux ordres
du roi avant que la paix soit conclu''. Je leur ai l'ait voir qui* ces sol-
dats combattraient contre des catholiques en laveur des protestants;
ils ont été stupéfaits de ces nouvelles dont ils n'avaient aucune con-
naissance. Ils m'ont promis de s'y opposer, mais n'ont pn obtenir
aucun éclaircissement du roi ni clos ministres, tant la chose est tenue
secrète. Je me suis donc adressé au secrétaire d'Étal Derby, en lui
déclarant que je n'en croyais rien ; en ce moment, lui ai-je dit, l'An-
gleterre ne pouvait pas se déclarer contre 1 Espagne en laveur de la
France. Derby a fini par m'avouer qu'à l'heure présente le roi d'An-
gleterre avait besoin du secours de la France. J'ai répliqué que l'Angle-
terre avait bien pou à espérer de la France, qu'elle devrait plutôt pousser
à une paix générale qui permettrait aux catholiques de le secourir; il se
nuit à lui-même en fournissant des soldats à la France. Il y a trois ans
le roi d'Angleterre avait procuré aux Espagnols de lever six mille
hommes en Irlande. Les troubles n'ont pas permis d'exécuter ce projet,
mais ce sont là des promesses que le roi doit tenir d'abord. Elles sont
antérieures à celles qui ont été faites aux Français. Derby m'a répondu
que, si les Espagnols voulaient exécuter leur projet, ils étaient libres de
le faire. Je n'ai rien répliqué, n'ayant point à parler au nom de l'Es-
pagne. Les Irlandais m'ont promis de s'opposer aux tentatives de la
France; ils porteront l'affaire devant le Parlement d'Irlande; ils deman-
deront au moins que tout roi ami de l'Angleterre ait le droit de lever
des troupes. Los Français pourront obtenir cette autorisation, mais
nous en profiterons aussi, les Irlandais étant d'ailleurs beaucoup mieux
disposés en faveur de l'Espagne qu'envers la France. J'en avertirai Don
Francisco de Mellos.
L'ambassadeur de France presse de plus en plus le roi do traiter avec
le Parlement et de le reconnaître comme légitime. Il a même paru
pencher en faveur du Parlement, ce qui l'a rendu suspect. Il n'a rien
obtenu et partira sans doute dans quelques jours; cependant le roi
essaie de traiter avec la cité de Londres.
Le Parlement de Westminster est de plus en plus irrité contre les
princes Palatins, surtout contre Rupert, que le roi vient de nommer duc
de Sussex.
Le Parlement d'Oxford va se réunir. On attend dans cette ville un
grand nombre de royalistes et des membres de la Chambre basse expul-
sés par force du Parlement de Londres.
Mais ceux qui connaissent bien les affaires pensent que cette mesure
sera funeste au roi et lui créera de nouveaux ennemis. S'il ne peut
s'entendre avec cette assemblée, il sera forcé de la dissoudre. Dans le
cas contraire, il sera obligé de subir la domination d'un Parlement que
l'on croit hostile aux catholiques. L'armée d'Oxford est assez belle,
mais celle de Maurice parait épuisée.
L'armée d'Irlande commandée par Biron est forte et nombreuse; elle
a soumis au roi la province de Ghester, mais les dissentiments sont
3 ÎO MELANGES ET DOCUMENTS.
nombreux dans l'armée royale; il y a de la jalousie entre les chefs et
surtout contre les favoris de la cour.
Sa Majesté verra combien les changements ont été rapides depuis
quelque temps el combien le roi a perdu pour n'avoir pas fait marcher
ses troupes sur Londres, ce qui a permis à ses ennemis de reprendre
des forces. Quant à nous, nous ne devons en rien craindre ni en rien
espérer. Il ne nous reste qu'à veiller à une seule chose, c'est que le
Parlement ne prenne pas le dessus et ne s'unisse pas avec le roi.
Je n'ai eu aucun rapport avec le prince Rupert, ni de vive voix, ni
par un tiers. J'attends les instructions de Votre Majesté.
Il y a dans la dernière partie de cette dépêche un passage très
remarquable ; c'est celui où Lisola parle des relations du roi et du
Parlement. Il faut absolument empêcher qu'elles se réalisent dans
l'intérêt de la politique impériale ; il ne se fera aucun scrupule d'en-
tretenir les troubles et de favoriser la discorde.
Au reste, il sent que le roi se perd tous les jours davantage ; les
affaires vont de plus en plus mal. On sent à Oxford que le roi est
trahi. On le croit d'accord avec les Écossais, quoique l'arrestation
d'Hamilton prouve le contraire ; seulement on pense que cette mesure
est moins l'œuvre du roi que de ses conseillers, qui ont menacé de
se retirer si le marquis n'était pas arrêté. Les Écossais marchent sur
York. Le prince Rupert va les combattre, mais il pourrait être arrêté
par l'armée de Fairfax.
Les dépèches du mois de juin ne sont pas plus rassurantes.
On vient de prendre de nouvelles mesures contre les catholiques, et
les Irlandais ont rompu leur traité avec le roi. Ceux-ci, cependant, ne
se réuniront pas avec les Puritains; ils aimeraient mieux avoir affaire
aux Turcs. Mais les Français pourraient en profiter. Les Hollandais,
eux aussi, essaieront peut-être de s'entendre avec les Puritains pour en
obtenir quelques ports en Irlande. Comme les Irlandais sont très hos-
tiles aux Protestants, Lisola cherche à en tirer parti. Ils cherchent,
dit-il, un prince étranger. Ce serait pour les Espagnols une occasion
excellente, mais ils y portent trop de mollesse. Ne pourrait-on pas
essayer de les attirer dans l'alliance de l'Empereur? Si cette négociation
déplait à Votre Majesté, il faut décider les Espagnols à traiter cette
affaire avec plus d'ardeur. Les Irlandais ont une armée de dix mille
hommes. Mais ce n'est pas la seule perte faite par le roi. Son édil
contre les catholiques, qui est vraiment honteux (deformis), car les
catholiques l'ont toujours soutenu, lui a tout de suite aliéné un certain
nombre de Puritains. Beaucoup l'ont abandonné, par exemple lord
Herbert, qui avait levé deux corps d'armée à ses frais et prêté au roi
trois cent mille écus.
Les opérations militaires ne marchent pas mieux. Le comte de New-
castle s'est retiré dans York; les Écossais veulent se joindre au comte
LE i;.4R0\ DE LISOLA. •'! I I
de Manchester qui commande à Lincoln; s'ils réussissent, ils envelop-
peront Newcastle. On parle bien de négociations avec le Parlement,
mais, quoi qu'un puisse dire, tout accord est impossible entre le roi et
Les Puritains, parce que les Puritains en veulent non seulement au roi,
mais à la monarchie.
D'ailleurs, à Londres même, le Parlemenl el ses partisans redoublent
de violences; sur un ordre du Parlement, on a envahi la maison du
résident île Lorraine, détruit la chapelle et mis les scellés. On le soup-
çonnait d'avoir recueilli l'argent des catholiques. •< Dans ma maison,
ajoute Lisola, je n'ai rien qui puisse tenter le Parlement, je suis seule-
ment obligé d'avoir un prêtre qui me rend des services purement reli-
gieux, depuis que les capucins ont été expulsés, .le me suis toujours
luit de façon à ne pas donner d'inquiétude aux Anglais. Si cepen-
dant ils voulaient tenter quelque chose contre moi, je suis prél à souf-
frir mille morts plutôt que de. subir un pareil outrage on une semblable
infamie. »
Après cette fière déclaration, il fail un retour sur lui-même el sur
la situation misérable que lui fait son gouvernement.
Ce qui m'afflige le pins, c'est que la Chambre aulique, selon son habi-
tude, me laisse dans un tel abandon, que je ne sais pas absolument ce que
je pourrais faire désormais. Il m'est impossible d'obtenir soil lesdépi
extraordinaires qui m'ont déjà été accordées, soit les frais de mes
voyages, ni mémo l'argent qui m'a été assigné pour mon nain ordi-
naire. Il y a trois ans que je vis ainsi, au risque de perdre toute consi-
dération. J'ai été obligé de doubler mes dépenses pour ma sûreté, et je
suis absolument sans ressources.
Dans une autre dépêche, il peint sa détresse avec non moins de
vivacité, a. Je suis toujours dans l'abattement, en attendant la miséri-
corde de la chambre aulique, sans qu'aucune de mes prières puisse
la fléchir. »
Son activité n'est pourtant pas ralentie-, elle ne se borne pas à
l'Angleterre, et il surveille avec attention ce qui se passe sur le con-
tinent. II félicite l'Empereur des succès qu'il vienl de remporter en
Hongrie, les Français se décideront peut-être à faire la paix: leur
unique espoir est dans le siège de Gravelines1, mais c'est une entre-
prise bien difficile pour un général aussi novice que le duc d'Orléans.
« Pour déranger les Français dan- leurs projets, dil-il, j'ai fourni à
l'ambassadeur d'Espagne les moyens de traiter avec le Parlement
ou au moins avec Warwick. » En même temps, il s'adresse au
comte de Mellos et encourage le duc de La Valette qui va se rendre à
Londres.
1. Le siège de Cravelincs commença vers la lin de mai 1644; la ville capitula
le 28 juillet.
X'rl MELANGES ET DOCUMENTS.
Les négociations de Munster, auxquelles il aurait vivement sou-
haité de prendre part, le préoccupent également. Il loue l'Empereur
d'avoir repoussé les propositions des Français. Les ambassadeurs de
cette nation multiplient les retards et en rejettent la responsabilité
sur le roi d'Espagne ou l'Empereur ; il serait bon d'avertir la nation
française, à qui par ces moyens on extorque de l'argent. Quant aux
propositions des plénipotentiaires, elles ne servent qu'à montrer leur
insolence. « J 'avais suggéré à l'ambassadeur d'Espagne de s'entendre
avec le Parlement pour envoyer des secours à Gravelines, il a parfai-
tement approuvé cette idée. Nous suivons cette affaire, malheureu-
sement cet ambassadeur est valétudinaire ; nous marchons pourtant
assez bien, mais nous avons affaire à tant de monde qu'il est bien
difficile de prévoir le résultat. Francisco de Mellos demande au Par-
lement vingt vaisseaux, auxquels il en joindrait vingt autres, qu^l
tirerait d'Ostende et de Dunkerque pour attaquer la flotte hollan-
daise qui, selon moi, ne s'exposera pas pour les Français. Si je ne
puis obtenir le -secours, j'essaierai d'amener le Parlementa traiter
avec les Hollandais, pour que ceux-ci troublent les opérations des
Français devant Gravelines. »
Il était alors dans de très bons termes avec le Parlement, grâce à
une circonstance assez singulière. Quelques agents du Parlement
avaient, peu de jours auparavant, voulu piller sa maison. Lisola se
plaignit et ses réclamations furent bien accueillies. Les auteurs de
ces violences furent jetés en prison. Mis en rapport avec les membres
du Parlement, Lisola leur montre une lettre de l'ambassadeur de
France qu'il avait interceptée, se félicite d'avoir excité leur défiance
et espère les décider à secourir Gravelines. Il se flatte même que la
question va être décidée tout de suite -, beaucoup de Puritains sont
de cet avis, surtout dans la Chambre basse et parmi les membres de
l'Amirauté. Il annonce même, dans une de ses dépêches, que la
mesure sera adoptée dans la séance. Il reconnaît pourtant bientôt que
les Anglais apporteront quelques retards. « Ils voudraient d'abord,
écrit-il enfin, sonder les Hollandais, mais je crois que ceux-ci ne
feront rien. »
Les Espagnols pourraient lui être plus utiles. Ils viennent de
remporter sur les Portugais une victoire importante, ce qui n'a pas
empêché l'envoyé portugais d'allumer des feux de joie en grande
pompe. Il n'y a gagné que de se couvrir de ridicule 5 des lettres
reçues par des marchands ont rétabli la vérité, et le pauvre Portu-
gais, après tant de fanfaronnades, est obligé de chanter la palinodie.
Quelques jours plus tard, il exprime l'espoir que l'Empereur
pourra conclure la paix avec la Hongrie. Quant au roi d'Angleterre,
LK BARON l'i L1SOLA. 3 13
il n'y a pas à compter sur lui. Ses affaires paraissent aller mieux
pour le moment, mais il est difficile de savoir la vérité exacte. Voici
ce qu'on raconte : les Écossais auraient été battu- par le prince
Rupert, ainsi que Fairfai et Waller ; ce seraient trois armées
détruites'. Le Parlement nie ces défaites, mais ne s'abandonne a
aucune de ces manifestations qui suivenl ses succès. lia même donné
une audience solennelle aux ambassadeurs hollandais, venus pour
essayer de réconcilier le roi avec le Parlement et que celui-ci avail
d'abord refusé de recevoir.
Pourtant les Hollandais ue devaient pas réussir. Lisola, tout en
constatant les succès du roi, remarque qu'ils sont plus apparents
que sérieux, et. dans le mois de juillet même, la bataille de Marston-
Moor (2 juillet) vint justifier ses appréhensions.
Les Puritains font des avances au prince Ruperl ei essaient de le
séduire par des offres magnifiques. Peut-être veulent-ils simplement
exciter ainsi la défiance du roi d'Angleterre, et lui Faire craindre que
le prince Palatin soit élu roi. Au fond les Puritains ne se soucient
pas du roi et veulent continuer la guerre. Il- savent que le prince
Rupert est très occupé de la question du PalaLinat. ils connaissent
l'ambition de sa mère, ils désireraient les gagner à leur parti. C'est
dans ce but qu'ils veulent lui offrir la couronne, ou tout au moins le
bercer de cette espérance. Ils ont d'ailleurs plusieurs raisons d'agir
en ce sens. S'ils étaient forcés de rétablir un roi, ils préféreraient
celui-là, par suite de la haine qu'ils portent à la famille royale. Ces!
un protestant hostile aux catholiques. Il n'est ni riche ni puissant.
Il restera donc soumis au Parlement; sa mère est très aimée des
Écossais et des Puritains. Ce sera un moyen de se concilier tous les
Protestants et particulièrement les Suédois.
Deux documents du même mois nous font encore plus clairement
connaître quelle était, sur la politique de l'Europe et sur celle de
l'Angleterre, l'opinion de Lisola, pour que l'on puisse avoir une
idée exacte du style parfois si étrange de notre diplomate.
Le premier est une note adressée à lord Digby pour engager l'An-
gleterre à prendre le parti de l'Empereur contre la France. Il est
curieux de voir avec quelle habileté il groupe tous les faits qui
peuvent servir sa passion.
Votre Seigneurie se rappellera sans doute 'le toul ce que je lin ai
exposé, soit de vive voix, soit dans nie- lettres : mon opinion a loup-
été que nos ennemis n'ont point des intentions sincères et ne sont pas
1. Les troupes de vn aller avaient été battnes en eiïoi par Charte- i le
29 juin à Cropredy, sur les bords du Charwill, près d'Oxford.
',] ; 5 MELANGES ET DOCUMENTS.
décidés à la paix. Je vous envoie les nouvelles de tout ce qui s'est fait
à Munster en Westphalie, elles vous montreront clairement que mes
conjectures avaient un fondement solide. Votre Excellence verra aussi
que l'instruction du plénipotentiaire français, défectueuse sur tous les
points essentiels, est pleine d'injures contre la maison d'Autriche; elle
contient en outre des conditions dont l'exécution est moralement impos-
sible. J'ai indiqué les principales raisons qui ont décidé sa Sacrée
Majesté Impériale à ne point reconnaître des pleins pouvoirs de cette
nature ; elle n'aurait pu le faire sans porter atteinte à son propre hon-
neur, à l'heureuse mémoire de son père, et sans causer un préjudice à
tout l'Empire. Votre Excellence sait aussi que les envoyés français,
après la conclusion des premiers préliminaires à Hambourg et l'échange
des sauf-conduits, se sont arrêtés quatre ou cinq mois à La Haye ; ce
temps aurait été mieux employé à préparer les traités de paix, qu'à
réunir de nouveaux matériaux pour propager la guerre et qu'à former
des plans pour le siège de Gravelines. Enfin, après divers ajournements
et un long retard, au grand ennui des députés présents et réduits à les
attendre, ils sont arrivés à Munster ; mais ils y étaient à peine rendus
que les Suédois alliés des Français ont, contre tout droit, envahi à main
armée le Danemark pour y exercer de cruelles déprédations1. Au même
moment, le prince de Transylvanie, conformément aux traités conclus
entre la France et la Suède, traités dont nous avons la copie auto-
graphe2, a envahi la Hongrie ; il était, grâce à l'intervention de la France,
appuyé par des secours des Turcs et des Tartares. Mais il est arrivé que
les Tartares ont été massacrés et mis en fuite. Quant aux Turcs, par
une singulière faveur de la Providence, ils n'ont pas servi, malgré les
pressantes sollicitations de nos ennemis, le dessein qu'ils avaient de
nous nuire; mais ces projets montrent bien à quel point ils sont éloi-
gnés de toute paix, puisque, par leur invasion armée dans le Dane-
mark, ils ont mis un obstacle essentiel aux traités pour lesquels le
sérénissime roi de Danemark avait été choisi comme arbitre par ces
mêmes Français et Suédois. Ils prévoyaient en effet que sa Sacrée
Majesté Impériale, mon maître très clément, était trop magnanime
pour consentir à aucun traité sans le roi de Danemark.
Par ce moyen, toutes les propositions de paix seraient suspendues
pour un temps infini, et ils auraient le temps de poursuivre leurs des-
seins hostiles. Mais, avant tout, ils trahissent ouvertement leur inten-
tion par les lettres que les envoyés français ont écrites aux princes pro-
testants de l'Empire. J'en envoie la copie à Votre Excellence. Ils y
laissent voir tout leur zèle à les soulever contre leur prince légitime et
à impliquer l'Allemagne dans des guerres et des révoltes plus cruelles
1. En décembre 1G43.
2. Toute la correspondance échangée en 1642 entre la Suède, la Transylvanie
et la Porte était tombée aux mains des Impériaux. Voy. Charvériat, Histoire
de la guerre de Trente ans, II, p. 482.
LE BARON PK I.1SOI.A. •» <•»
que jamais. Votre Excellence examinera ces lettre? avec son jugement
si perspicace et verra si elles onl été dictées par un esprit disposé à la
paix et jusqu'où l'on peut avoir confiance dans des envoyés de cette
sorte, abusant si monstrueusement de la foi publique et qui, à la laveur
de sauf-conduits, viennent dans les provinces impériales sous prétexte
de conclure la paix, mais en réalité pour semer les divisions. Sa Sacrée
Majesté Impériale a eu raison de s'irriter contre cette injustice pleine
de perfidie et je ne doute pas qu'elle n'inspire de l'horreur à tous les
honnêtes gens. Je prie instamment Votre Seigneurie de peser avec
maturité tous ces faits et de daigner en informer Sa Majesté le roi de
la Grande-Bretagne, pour qu'elle adopte les résolutions qui lui paraî-
tront les plus utiles à ses affaires, également intéressée dans cette paix,
ei qu'elle sache quelles dispositions y porte chacun. Nonobstant mut,
cela, j'assure Votre Seigneurie que mon maître très clément ne négli-
gera rien pour assurer la tranquillité publique, et qu'il sera toujours
prêt à accepter la paix, toutes les fois que l'on voudra la conclure clai-
rement et sincèrement. Cependant, puisque nos ennemis sont si opposés
à la paix, nous trouverons, je l'espère, les moyens de faire qu'ils si'
repentent bientôt de combattre. Car, si Sa Sacrée Majesté Impériale ne
peut l'obtenir par des négociations honorables, nous les réduirons par la
force à demander humblement ce qu'ils repoussent aujourd'hui avec
arrogance. Le Transylvanien se voyant exposé à de fréquentes défaites,
privé de tous secours, avec les soldats impériaux sur son dos, les Polo-
nais le menaçant tous les jours de l'attaquer, abandonné par ses ani
alliés, sans armes et sans argent, demande et sollicite instamment la
paix. L'Empereur devrait la lui refuser à cause de son excessive in
titude, il ne l'a pourtant pas voulu, de sorte que le traité est déjà ou
bonne voie, et j'attends toujours la nouvelle qu'il a été définitivement
conclu. Gallas est déjà en marche avec vingt-cinq mille soldats; une
partie est destinée, conformément aux traités, à secourir le roi de
Danemark, l'autre à défendre l'Allemagne contre ce qui reste d'enne-
mis et à s'emparer des villes où ils ont laissé une garnison. Vainqueur
sur terre et sur mer, le roi de Danemark a infligé à ses ennemis tant
de désastres dans son pays, que ses injustes agresseurs sont maintenant
forcés de penser à leur propre défense. L'armée impériale qui est
postée sur le Rhin poursuit le cours de ses victoires, reconquiert les
forteresses les plus solides; le vicomte de Turenne n'a pas ose paraître
et s'opposer à ses progrès. Votre Seigneurie a certainement été infor-
mée de la grande victoire remportée par les Espagnols en Catalogne;
depuis ce succès, nous attendons ici tous les jours la capitulation de
Lérida L Elle verra en outre par la relation ci-jointe la victoire remportée
par les Espagnols sur les Portugais, victoire, à mon avis, aussi impor-
tante que l'autre; de sorte que Dieu, dans sa prudence, parait en ce
1. Le maréchal de la Motte-Houdancourt, enveloppé près de Lérida, tut battu
le 15 mai 1644. Lérida capitula le 31 juillet.
3'<f> MÉLA\GES ET DOCUMENTS.
moment tout disposer pour la paix, et y contraindra par la force tous
ceux que la raison n'a pas pu persuader. Nous n'avons plus rien à
craindre que la prise de Gravelines ; les Français y emploient toutes
leurs ressources, mais j'espère qu'ils ne pourront pas s'en emparer aussi
facilement. Cette place n'intéresse pas moins l'Angleterre que l'Espagne.
Ils ont bien fait de saisir l'occasion que leur fournissaient ses guerres
civiles, car, si Le royaume d'Angleterre n'avait pas été tellement para-
lysé par ses propres affaires, il n'aurait pas permis l'occupation de cette
ville; s'ils y réussissent, ils réduiront votre puissance, troubleront votre
commerce, vous disputeront perpétuellement l'empire de la mer, et élè-
veront dans votre voisinage un prince qui a contre vous tant de que-
relles invétérées et tant de sujets d'en exciter de nouvelles dans son
intérêt privé.
Malgré ce pressant et éloquent appel, Lisola ne fonde pas de
grandes espérances sur le concours de l'Angleterre. Il suffit, pour
en être persuadé, de lire le Mémoire que. dans le courant du même
mois, il adressait de Londres à l'Empereur :
Les affaires du roi d'Angleterre vont plus mal depuis qu'il a publié
Tédit contre les catholiques ; cette ingratitude a déplu même aux pro-
testants.
Voici quelle est la situation actuelle des partis. Le roi d'Angleterre
est à Bristol avec douze ou treize mille hommes; le prince Maurice
vient de le rejoindre et lui a amené trois ou quatre mille soldats mal
armés. Essex, qui est du même côté avec huit mille hommes, soumet au
Parlement les petites places voisines. Waller, avec six mille hommes,
occupe toutes les places voisines d'Oxford et lève des contributions.
Les troupes du Parlement et les Écossais ont été battus près d'York ;
mais le prince Rupert a perdu toute son infanterie1 et le comte de New-
castle s'est retiré à Hambourg par crainte ou par indignation. La pro-
vince est abandonnée aux caprices de Fairfax et de Manchester.
Le Parlement veut pendant l'été s'emparer de toutes les places où le
roi prenait ses quartiers d'hiver. Celui-ci n'a plus d'espoir que dans une
bataille; en attendant, ses troupes se débandent, faute d'être payées; on
le croit trahi par son conseil.
Charles Ier est perdu s'il ne reçoit des secours qu'il ne peut attendre
que des Français, ou des Irlandais ; mais ces derniers, menacés par les
Anglais et les Hollandais, ne voudront pas se dégarnir de leurs troupes,
d'autant plus qu'ils n'ont pas obtenu pour leur religion les sûretés
qu'ils réclamaient. Les Français parlent beaucoup de secourir le roi, et
le Parlement s'en inquiète, surtout depuis que la reine s'est rendue en
France; mais je ne sais rien de précis à ce sujet; le Parlement a inter-
cepté des lettres écrites dans ce sens. La France a été très irritée de
voir que quelques membres du Parlement avaient songé à secourir Gra-
). A la bataille de Marston-Moor, 2 juillet 1644.
\.f. RARON' DE LÏSOLA. 317
vélines; elle penche d'ailleurs du côté des Puritains opposés à l'Espagne
i't est occupée par d'autres guerres. Je crois donc qu'elle ue pourra pas
intervenir.
Tout dépendra dos menées de la cour de France. Ma/.arin se senl
très attaqué : il voudra peut-être agir contre l'Angleterre pour conserver
son crédit auprès de la reine.
Si |;i France déclarait la guerre au Parlement, il serait à propos de
voir ce que nous aurions à taire; la question est tout à t'ait probléma-
tique, car il y aurait en ce cas beaucoup à craindre et beaucoup à
espérer.
Voici d'abord ce que nous aurions à craindre .- l,j en prenant le parti
du roi, la France pourrait le gagner et l'amener à nous déclarer la
guerre; 2° sous prétexte de secourir le roi, elle pourrait occuper les
ports et les principales villes de l'Angleterre; ce sérail pour la maison
d'Autriche un malheur irréparable; 3° la France ne secourra le roi
d'Angleterre que si un traité assure le rétablissement du prince Palatin ;
4° dans le cas d'un secours donné par la France, nous aurions toujours
l'Angleterre pour ennemie, le roi vainqueur nous déclarerait la guerre;
le roi vaincu, le Parlement nous ferait la guerre pour des motifs tirés
de la religion; enfin, ce traité pourrait aussi réconcilier avec La France
le roi de Danemark.
Si la France armait contre le Parlement, voici quels avantages nous
en tirerions. La guerre durerait longtemps; les Puritains nous seraienl
moins hostiles , ils pousseraient à la révolte les protestants français.
Une lois engagée dans cette lutte, la France serait obligée de divise]
ses forces, tandis que les Puritains écossais se sépareraient d'elle et ue
laisseraient plus lever de soldats dans leur pays.
J'ai dû examiner cette situation, parce que la reine d'Angleterre fera
à la France les meilleures conditions pour eu obtenir des secours, et
sans doute la reine de France y donnera les mains.
Le roi de France pourrait ainsi prendre pied en Angleterre et devenir
le maître de l'Océan. Il n'y a d'autre remède que de surveille] attenti-
vement les menées des Français et les propositions de la reine. Celle-ci
jettera la France dans de grands embarras et sa présence est très desa-
gréable à Mazarin; il faudra en effet la secourir ou tout au moins on
ne pourra pas l'empêcher de ramasser de l'argent et de lever des sol-
dats, ce qui épuisera la France. Seulement les médecins déclarent
qu'elle est très malade.
Ce qui nous est le plus avantageux dans ce pays-ci, c'est que les partis
continuent à lut ter avec des forces à peu près égales; aussi m'opposé-je
de tout mon pouvoir à une réconciliation entre le roi et le Parlement.
Dans le .cas où la lutte finirait par la ruine de l'un îles deux partis,
nous devrions désirer le_succès du roi, car les Puritains nous seront
toujours hostiles.
La chute du roi entraînerait la ruine dos catholiques; l'Angleterre
deviendrait une république, ce qui serait un exemple funeste pour
,V|S MELANGES ET DOCUMENTS.
toutes les monarchies. Le Parlement ferait avec les Suédois et les Hol-
landais un traité auquel accéderait la France; il reprendrait aussitôt
l'all'aire du Palatinat, car le fils aîné du prince Palatin a quitté le parti
du roi, tandis que ses deux frères lui sont restés fidèles. Ces princes se
sont ainsi divisés d'après le conseil de leur mère pour avoir toujours
quelqu'un dans le parti victorieux. L'Irlande serait opprimée et les
catholiques réduits à une condition encore plus malheureuse; enfin, le
Parlement deviendrait le maître de l'océan et porterait la guerre dans
les Indes occidentales.
Il est vrai que, si le Parlement triomphait, il se diviserait en partis
très nombreux, surtout à cause des dissidences religieuses. Les Ecossais
sont les ennemis naturels des Anglais; ils sont d'une race adonnée au
gain et à la richesse, menteuse, versatile, et très supérieure aux Anglais
en intelligence. Déjà maîtres du comté d'York, ils essaieraient d'étendre
encore leurs conquêtes; les Irlandais seraient forcés de se jeter dans les
bras de l'Espagne. Le Parlement ne pourrait pas s'entendre avec les
Hollandais; il serait difficile que deux républiques voisines, préten-
dant toutes deux à l'empire des mers, parvinssent à s'accorder; on voit
déjà que dans les Indes des rivalités de commerce les mettent sans cesse
aux prises. Peut-être les États généraux s'entendraient-ils avec l'Angle-
terre, mais ils trouveraient un obstacle dans le prince d'Orange.
Les luttes intestines de ce pays nous sont très avantageuses. Si Votre
Majesté ne désire pas la ruine absolue du roi, il faut lui porter secours
tout de suite, autrement il sera perdu ou forcé de se jeter dans les bras
de la France. En lui accordant quelques secours, nous nous l'attacherions
à jamais.
Ce Mémoire est accompagné d'une lettre d'envoi dans laquelle
Lisola revient à un sujet qu'il est souvent obligé de traiter ; il parle
encore de ses embarras d'argent. Il a reçu un ordre de paiement
pour la Chambre aulique, mais il est toujours gêné et n'a pas même
obtenu de quoi subvenir à son train ordinaire.
A partir de cette époque, les lettres de Lisola sont plus rares et
perdent beaucoup de leur intérêt. Nous devons pourtant signaler
encore quelques fragments précieux, par exemple, au mois d'octobre,
la traduction d'un écrit présenté au Parlement par le Prince palatin.
Ce prince déclare qu'il n'est pas venu en Angleterre par ambition,
ni pour se mêler des affaires publiques. Il déplore la guerre civile et
le spectacle donné par des membres de. sa famille. Il n'est d'ailleurs
pour rien dans les troubles de l'Angleterre. Il proteste devant le
monde entier que c'est l'œuvre du Papisme et des Jésuites, ministres
de l'Antéchrist. Il espère que le Parlement le protégera contre les
manœuvres et les attaques de l'Espagne, contre Rome et les portes
de l'Enfer. Il avait quitté l'Angleterre pour ne pas se mêler aux
LE lîARON DE L1SOLA. 349
luttes de.s partis, il revient pour repousser les calomnies donl il a été
couvert pendant son absence.
En envoyant ce document, Lisola ajoute que le Palatin est réduit à
la dernière misère, et qu'il n'y a rien à redouter de lui. Cette procla-
mation pourrait, au contraire, être heuréusemenl exploitée à cause
du zèle que ce prince affiche pour la religion réfor e.
Au mois de novembre, Lisola constate le nouveau succès du Par-
lement1. La reine d'Angleterre esta Pari-, où on lui a fait un bon
accueil, mais seulemenl pour la forme. D'ailleurs elle ne respirera
pas longtemps l'air de la France; à Londres, l'ambassadeur français
s'agite beaucoup, il demande de grands avantages commerciaux el
proteste contre certains actes du Parlement, mais il ne fera rien de
sérieux. Le roi a répondu au Palatin, qui se déshonore de pins en
plus par sa soumission au Parlement. Ce prince vient de demander
à être admis dans le nouveau synode formé a Londres, assemblée
composée en majorité d'ouvriers, de maçons, de tailleurs el d'hommes
de même farine, qui se croient tous de grands docteurs, grâce à
l'inspiration du Saint-Esprit, dont ils disposent à leur gré. Sa
demande a été accueillie par le Parlement et il esl venu \ siéger.
Lisola se félicite en même temps d'avoir intercepté une lettre de
Servien à l'ambassadeur français; il l'a couverte à la marge de notes
qui fermeront la bouche à l'ambassadeur, s'il veul la montrer.
Il insiste en finissant sur le mauvais vouloir de la Chambre
aulique ; elle refuse toujours de lui envoyer de l'argent.
Lisola devait rester encore près d'une année ambassadeur en
Angleterre, mais de nom plutôt que de fait. La guerre en était
arrivée à un tel degré de violence, qu'il n'y avait plus de place dans
les deux camps pour des négociations étrangères. Aussi Lisola ne
tente rien de ce côté ; c'est en Espagne et surtout dans les Pays-Bas
qu'il voudrait trouver un appui sérieux pour l'Empereur. 11 se trans-
porte donc souvent à Bruxelles , et y réside beaucoup plus qu'à
Londres; mais là encore il s'aperçoit bien qu'il n'aura rien à faire.
« Depuis mon arrivée, écrit-il au mois de janvier 1645, nous nous
sommes bornés à chercher les moyens d'agir ; mais, pour avouer la
vérité, les meilleurs esprits de cette cour me paraissent écrasés par
le fardeau des affaires ou consternés par les défaites. L'hiver s'avance,
rien n'est prêt et l'on doit s'attendre à des désastres encore plus ter-
ribles. Gastel Rodrigo est le seul dans lequel je trouve une exquise
honnêteté avec des intentions 1res droites; mais ce qu'il y a de plus
1. Allusion à la seconde bataille .le NVwlmn pi-nee par I»' <■ le île Man-
chester, le "i7 octobre 1644.
350 MELANGES ET DOCUMENTS.
malheureux, il nous manque lame delà guerre et des négociations :
l'argent. »
Cette détresse de l'Espagne lui fait sans doute faire un retour sur
lui-même, car, dans cette dépêche encore, il se plaint de la Chambre
aulique, qui le laisse dans la misère.
Le temps s'écoule, sans apporter aucun changement à sa situa-
tion. 11 reste à Bruxelles, mais sent qu'il y est inutile, puisque n'a
pas de lettres de créance. Un dernier incident l'oblige à demander
qu'on le relève de ses fonctions.
Pendant qu'il est en Belgique, sa maison à Londres a été envahie
et pillée sur les instructions d'un capitaine français, sous prétexte
qu'il avait chez lui 80,000 livres sterling appartenant aux Catho-
liques. Castel Rodrigo a énergiquement protesté auprès de l'envoyé
du Parlement à Bruxelles. Quant à lui, il déclare être peu sensible
aux pertes qu'il a faites, quoique très considérables, mais très étonné
de l'affront fait à Sa Majesté Impériale. Il eut au moins sur ce point
une véritable satisfaction, car le Parlement lui fit faire des excuses.
Mais il n'avait plus aucune autorité; il supplia l'Empereur de le
rappeler. Il pourrait être plus utilement employé ailleurs, et sa posi-
tion est des plus cruelles. Il adresse la même demande au comte de
Trautmansdorf : « Voilà sept ans que je me suis humblement consacré
tout entier au service de Sa Majesté Impériale-, cinq ans que j'ai quitté
la cour de l'Empereur, ma maison, ma femme, mes amis, pour vivre
au milieu de nations étrangères, ne songeant qu'à se massacrer mu-
tuellement, ennemies des catholiques, toujours dans l'incertitude et
ballotté au hasard, souvent dans la misère, toujours avec des dettes.
J'ai appris la langue allemande, et je pourrais être utile ailleurs;
tout ce que décidera votre bonté, je l'accepterai comme une marque
certaine de la bonté de Dieu envers moi. Ma situation à Londres est
impossible, je n'ai obtenu aucune réparation, et l'Empereur n'a
rien fait pour moi. »
Il est enfin rappelé au mois de septembre \ 645 et en exprime sa
reconnaissance, d'abord au comte de Trautmansdorf, puis à l'Em-
pereur. « C'est vous, écrit-il au ministre, qui, après Dieu et l'Empe-
reur, m'avez servi de votre puissante autorité ; je désire revenir en
votre présence, si pleine de douceur, et prosterné à vos pieds embrasser
vos mains bienfaisantes. Avec la protection de Dieu, j'espère le faire
bientôt, dès que j'aurai pu emprunter à mes amis, d'un côté ou de
l'autre, l'argent qui m'est nécessaire, car jusqu'à présent on ne m'a
rien envoyé. »
Son départ fut en effet relardé, plus qu'il ne pensait, d'abord par
la maladie, puis par le manque d'argent. La Chambre aulique se
OBSEUVAII'iN- -ut DEUX 80URCBS Dl Kii.M DE LOUIS vil. ."{'il
borna a lui envoyer trois cents florins. Il put enfin quitter l'Angle-
terre avant que L'année 1643 lût terminée.
Telle fut. d'après les dépêehes de Lisola lui-même, cette ambas-
sade, qui n'aboutit à aucun résultai sérieux, qui nous a pourtanl
paru digne d'être étudiée avec quelques détails, pour les lumières
qu'elle jette sur certains événements encore peu connus et sur Lisola
lui-même.
11. Retnald.
( OBSERVATIONS SUR DEUX SOURCES DU RÈGNE
DE LOUIS VII.
.M. Waitz a publié en 1880 un intéressant article' sur deux sources
du règne de Louis VU, « Hisloria Ludovici septimi » et « Gesta
Ludovici septimi2. » Les recberches suivantes, faites presque simul-
tanément:! à laide de manuscrits que M. Waitz n'a pu avoir entre
les mains, confirment la plupart de ses conclusions.
L'intérêt de ces recherches est double: à défaut d'histoires plus détail'
lées, VHistoria et les Gesta Ludovici septimi nous donnent de pré-
cieuses informations pour le règne dont elles racontenl les principaux
événements. D'autre part, il y a là un assez curieux problème de cri-
tique de sources : ces deux fragments sont presque identiques, et en
même temps ils se rattachent étroitement, l'un aux continuations
des Gesta Franeorum d'Aimoin, l'autre à Guillaume de Tyr et à sa
version française, tous deux aux grandes Chroniques de Saint-Denis.
Les manuscrits de Yllisloria et des Gesta Ludovici septimi ne sont
pas très nombreux.
I. — Manuscrits de l'Historia. — Le manuscrit 127 M du fonds
latin de la Bibliothèque nationale est le plus important. Il y a deux
parties distinctes : la première s'étend jusqu'au fol. Hi'i v°; elle est
fort ancienne. M. Luce, qui l'a examinée ,-ivec soin, l'attribue au
règne de Philippe Ier4. C'est une compilation de textes historiques
1. Neues Archiv, tome VI, 1880, p. 119.
2. Ilisfor. de France, t. XII, p. 124, 196.
3. Pour la conférence d'histoire du moyen âge de l'École des liauti is études,
dirigée par M. Monod.
4. Notices et documents publics à l'occasion du Cinquantenaire de la Soch U
de l'Histoire de France.
IVyl MÉLANGES ET DOCUMENTS.
dont l'œuvre d'Aimoin forme le fond; on y remarque des passages
significatifs sur l'histoire intérieure de Saint-Germain-des-Prés. — -
La seconde partie commence au fol. -166 avec l'année 4 031 ; l'écriture
en est différente, d'apparence beaucoup plus récente. Après de courts
fragments empruntés à Hugues de Fleuri et à la vie de Louis le Gros
de Suger, vient (fol. -174) VHistoria Ludovici septimi qui s'étend
jusqu'au fol. 4 74; le fol. -173 a été arraché et remplacé au xvie siècle
par une copie sur papier. Il faut remarquer surtout que dans le ms.
VHistoria renferme trois passages concernant Saint-Germain-des-
Prés que ne contient pas le, texte publié dans les Historiens de France '
(fol. 171, 171 v°, -172 en marge).
VHistoria nous est encore parvenue dans le ms. -15046 du fonds
latin de la Bibliothèque nationale, datant sans doute du milieu du
xinc siècle ; — dans le n° 6265 du même fonds. Ce dernier manus-
crit nous donne un texte isolé (fol. 54) où les passages sur Saint-
Germain-des-Prés ne se trouvent pas; il a appartenu à Claude
Fauchet; l'écriture est du xvie siècle. — Signalons enfin la présence
de quelques fragments de VHistoria dans les nos 42740 (fin du
xne siècle)2 et 5949a (xive siècle)3. Il n'y a pas lieu de citer les ms.
de Londres, d'Oxford et de Rome qui n'ont pas été examinés, mais
qui ne sauraient donner de renseignements nouveaux.
II. — Manuscrit des Gesta. — Il n'existe qu'un exemplaire, n° 5925
du fonds latin de la Bibliothèque nationale. D'après M. Delislequi l'a
étudié ', le ms. « offre la réunion de beaucoup de textes dont s'est
inspiré le rédacteur des Grandes Chroniques de Saitit-Denis. » Son
exécution date pour la plus grande partie du milieu du xiif siècle.
Mais les feuillets des Gesta ne sont point contemporains de l'ensemble,
c'est une intercalation faite dans les premières années du xive siècle,
entre la Vie de Louis le Gros et les Gesta Philippi Augusti de Rigord.
« Quand on a voulu compléter ce recueil par une Vie de Louis VII,
dil M. Delisle, on intercala entre les feuillets 3 et 4 du chapitre xx
deux cahiers nouveaux -, » si bien que les Gesta ne seraient qu'une
addition très postérieure.
Les manuscrits étant connus, examinons successivement les deux
textes. — A diverses reprises on a tenté d'attribuer VHistoria ou les
1. Ces passages se trouvent dans ledit. d'Aimoin par du Breul, 1603, p. 372,
373, 374 ; et aussi dans Hisl. de France, tome XII, p. 123, ex continuations
historiae Aimonii.
2. Voir Bibl. de l'Ecole des chartes, t. XXXIV, 1873, p. 583.
3. Voir Bibl. de l'École des chartes, t. XXXIV, 1873, p. 248.
ï. Mémoires de la Soc. de l'Hist. de Paris, tome IV, p. 202 seq.
ORSERVATIOVS SUB DBDX SOURCES Dl RBGWE DE LOUIS VIT. .'{"l.'î
Gesta à Suger4 qui, au dire de son biographe, avait commencé une
histoire de Louis VIT-. De sérieux arguments présentés par les auteurs
de ['Histoire littéraire el par dom Brial3, surtoul la découverte de
quelques fragments île l'œu\re de Sngcr\ ne permettent [tins de
soutenir nue telle opinion.
Ce premier l'ail acquis, prenons isolémenl d'abord ['Hisloria Lado-
vici septimi qui semble plus ancienne, pins précise, plus vivante
que les Gesta. Quelle en esl la date ? le lieu de composition ?
Gomme l'a remarqué Jaffé5, l'auteur esl contemporain : les expres-
sions « meminimus, » « factum noslris temporibus inauditum, » puis
certains récils (mariage d'Adèle île Blois avec Louis VII, naissance
de Philippe-Auguste)6 le prouvenl suffisamment. On peul même avec
M. Waitz préciser davantage. Le dernier fail rappelé est le cournn-
nement de Henri, fds aine du roi d'Angleterre Henri II, en H7o;
d'autre part, Guillaume de Blois est dit archevêque de Sens, or il
devint archevêque de Reims en I i T<î : cnlîn saint Bernard canonisé
en M74 est appelé simplement « Bernardus abbas Clarevallensis ; »
VHistoria a donc été écrite entre -H 70 et I I7ï ' .
Le lieu où elle a été composée est très probablement Saint-Ger-
main-des-Prés. même si l'on considère comme des interpolations les
passages sur l'abbaye que nous trouvons dans le texte du ms. \ 27 1 1 .
On peut l'induire des détails donnés sur la mission de l'abbé Thi-
baut près du pape8 et sur l'annonce au monastère de la naissance de
Philippe- Auguste; il est encore curieux de rapproeber le- renseigne-
ments très précis donnés sur Vézelay9 de ce fait que les deux abbés
contemporains de Saint-Germain-des-Prés , Thibaut et Hugues de
Monceaux, avaient commencé leur vie monastique a l'abbaye de
Vézelay ,0.
Une troisième question, qu'il est bien difficile de résoudre, esl celle
de la forme primitive de ['Historié. Est-ce une simple continuation
d'Aimoin on plutôt de la compilation historique contenue dans le,
plus ancien ms. n° 1271 1 ? — Est-ce au contraire.une œuvre isolée,
1. P. Paris, Grandes Chroniques de Saint-Denis, t. III, p. .r>7, il'J.
2. Œuvres de Suger, édit. Lecoy de La Marche, |>. 382.
3. Hist. littéraire, tome XII, p. 'i03. — Ilist. de France, tome XII. p. \ij
4. Bibl. de l'École des chartes, tome XXXIV, 1873, p. 583.
5. Schmidts Zeitschrift, etc., tome II, 1844.
6. Hist. de France, tome XII, p. 125, 129, 131, 133.
7. Hist. de France, tome XII, p. 126, 128, 129.
8. Id., id., p. 130.
9. Id., id., p. 120, 130, 132.
10. D. Bouillarl, Ilist. de Saint-Germain-dcs-I'ir.-,, p. 90, 91.
Rev. Histor. XXVII. -2» fa se.
X,', MELANGES ET DOCUMENTS.
insérée plus tard dans cette compilation? — M. Waitz a adopté la
première hypothèse; la seconde peut être également soutenue. L'His-
toria dans le texte des Historiens de France nous apparaît comme
une œuvre de circonstance, tout à fait indépendante, dont le but est
de célébrer la naissance de Philippe-Auguste, héritier tant désiré du
trône. Au début, en effet, l'auteur expose la situation des maisons
souveraines dans les pays voisins; il compare la France heureuse
d'une succession assurée avec l'Empire et l'Angleterre livrés aux
compétitions et aux rivalités1; il montre comment pareil malheur
faillit arriver à la France; il énumère les femmes et les filles de
Louis Vil ; il rappelle les tristesses de ce roi 2. Mais tous les événe-
ments racontés sont autant de titres à la bienveillance et à la misé-
ricorde divines; aussi en H 65 les prières sont-elles exaucées, les
bonnes œuvres récompensées 3. Le récit se termine alors par la nais-
sance et le baptême du fils du roi.
Deux objections ont été faites. C'est d'abord la variété des événe-
ments racontés; mais cette variété s'explique facilement par ce qui
vient d'être dit, D'autre part, M. Waitz cite une indication chronolo-
gique : « Eodem anno quoddam grave infortunium...4, » inintelli-
gible dans le texte isolé et épuré des Historiens de France; au con-
traire, cette indication se comprend aisément dans le ms. \Ti\\
(fol. \1{) ou dans les éditions d'Aimoin5 à l'aide d'un des passages
déjà cités sur Saint- Germain -des -Prés : « Anno ab incarnatione
Domini nostri M. GXL, felicis memorie Hugo, abbas Sancti Germani...
Eodem anno, etc. » Ces passages nécessaires au sens ne sont donc
point des interpolations-, le texte qui les contient est bien l'original,
c'est précisément YHistoria présentée comme continuation d'Aimoin.
— Mais, s'inspirant d'autres passages du manuscrit 6, ne peut-on
modifier le texte des Historiens des Gaules et faire ainsi la part de
1 interpolateur : « Anno ab incarnatione Domini nostri M CXL [feli-
cis memorie Hugo, abbas Sancti Germani Huic successit Gilo
ejusdem ecclesiae monachus. Eodem anno] quoddam grave infortu-
1. Ilist. de France, tome XII, p. 125.
2. Id., id., p. 129.
3. Id., id.. p. 133 : « Propter haec et alia multa opéra quae piissimus rex
Ludovicus praedictae ecclesiae et pluribus aliis, intuitu divinae majestatis
exhibuit... divina bonitas tôt bonorum opérum renunierationeni condignam ci
contulit. »
i. ilist. de France, tome XII, p. 126, lrc ligne.
5. Edit. Du Breul 1003, p. 372.
G. Voir ce que M. Luce dit dans sa notice sur le ms. 12711 des interpolations
du la lrc partie, p. 63, 64.
OBSERVATIONS SÏÏB DE03 SOURCES Dl RÈGNE DE LOUIS Vil. 3o"i
nium...? s Ce serait là un début de paragraphe dont VHistoria four-
nit d'autres exemples4. — Nous devons noter encore que, au fol. -172
du m s. 1:2711. la mile relative à un nouveau changement d'abbé esl
mise en marge, comme si le compilateur avail oublié de faire l'inter-
polation. Enfin il serait peut-être plus prudent d'attribuer l'écriture
du ms. 1271 1 aux dernières années du sue siècle, au lieu d'en faire
avec .M. W'ait/. un original rédigé de Il7n-f 17'. -. Il esl bon de rap-
peler que, dans son catalogue des ms. latins de Saint-Germain-des-
Prés, M. Delisle date le même ms. du \ir siècle, « sauf les continua-
tions3. » — En somme, sans rien affirmer, car les preuves décisives
manquent, il est permis de se Ggurer VHistoria Ludovici septimi
comme une œuvre de circonstance inspirée par la naissance de Phi-
lippe-Auguste, écrite isolément d'abord à Saint-Germain-des-Prés,
puis insérée peu de temps après dans le ms. 1271 1 \
Les Gesta Ludovici septimi se rattachent à VHistoria qu'ils repro-
duisent assez fidèlement, aux Grandes Chroniques de Saint- Denis, et,
pour le récit de la seconde croisade, à la Version française de Guil-
laume de Tyr, VEstoire d'Eracles.
A Saint-Denis, dans ce que Guillaume le Breton appelle : « In
archivis ecclesiae beati Dyonysii5, » se trouvaient réunis de nom-
breux ouvrages historiques dont on chercha à faire de vastes compi-
lations françaises et latines. Les Gesta sont sortis de là. En effet,
l'unique exemplaire est un ms. de Saint-Denis, écrit au commence-
ment du xive siècle. De plus, deux passages sur l'oriflamme6 qui
manquent dans VHistoria, mais qu'on peut rapprocher d'un diplôme
de Louis VI (-H24)7, ne laissent aucun doute sur le lieu de compo-
sition.
Les Gesta sont très postérieurs a VHistoria et même à la version
française de VHistoria qui forme le règne de Louis Vil dans les Grandes
1. Hist. de France, tome XII, p. 12(i, 133.
2. Ou peut comparer, du reste, la lin 'lu ms. 12711 avec les fragmenta de
VHistoria du n* 12710 (fol. M v°) qne M. Lair attribue avec raison aux dernières
années du xnc siècle. (Bibl. de l'École des chartes, 1873, p. 583.)
3. L. Delisle, Catalogue des ms. latins de Saint-Germain-des-Prés.
4. Telle semble avoir été l'opinion de Cl. Faucliet, qui, dans l<- ms. 62G5,
fol. 51, a mis en marge : « Hoc ad linem asque Inseruil historié Bue Umonius, i
— et de dom Brial. qui, dans le tome XII des Hist. de France, .i publié à part
les passages sur Saint-Germain-des-Prés, p. 123. C'est aussi l'opinion <|ui a été
présentée, à l'École des Hautes Études, par M. Monod.
5. Voir aussi Bibl. nat., fonds lat. 12710. fol. 69 v° : t In arcbivo Regali. »
— Ph. Mouskes, Clirou. rimee, tome I, v. (j, Fierabras, p. 1.
6. Hist. de France, tome XII, p. 200.
7. Œuvres de Suger, édit. Lecoy de La Marche, p. il 7.
356
MÉLANGES ET DOCUMENTS.
Chroniques. L'antériorité de Yllistoria est incontestable. Les Gesta
appellent saint Bernard « Sanctus* ; » bien des détails précis, qui à
distance perdent leur importance, ont disparu ; des noms propres ont
été négligés ; enfin il est parlé de la sépulture de Louis VII, mort en
IIS12. — Quant aux Grandes Chroniques, M. P. Paris avait déjà
remarqué qu'elles avaient dû précéder les Gesta. L'unique ms.
n° 5ï)2j suffirait à le démontrer : les Gesta y apparaissent insérés au
commencement du xrve siècle au milieu de textes écrits vers 1 250 -,
or, c'est précisément entre ces deux dates, en 4274, que les Grandes
Chroniques ont été terminées pour la première partie. On peut encore
apporter comme preuves les additions propres aux Gesta, ignorées
de VHistoria et des Chroniques, sur la prise de Montjai, le mariage
de Louis VII avec Constance, l'oriflamme 3.
Bien plus, les Gesta semblent non sans raison une version latine
des Chroniques françaises. Les procédés de style font penser à une
sorte de thème avec tous les défauts inséparables de ce genre de tra-
vail, manque de précision, de simplicité, de propriété dans les expres-
sions. Voici deux exemples curieux :
l.
Hisloria.
Proinde HugoSenonen-
sis archiepiscopus couvo-
cavit utrumque, videli-
cet regem Ludovicum et
reginam Alienordem ante
praesentiam suam apud
Baugenciacum, qui con-
venerunt ibidem prae-
cepto istius die Veneris
ante dominicain de ramis
palmarum. Ubi etiam
interfuerunt Samson lle-
mensis , Hugo Rotoma-
geusis et cujus uomen
non teneo Burdigalensis
arebiepiscopus , quidam
quoque sull'raganei ipso-
rum nec non optimatum
et baronum regni Fran-
ciae non minima pars.
Grandes Chroniques.
Et pour ceste chose
enquerre, fit li rois as-
sembler au chastel de
Baugenci, le mardi devant
Pasques Flories, Huom
l'arcevesque de Seanz, et
fu en celé assemblée
Sanses li arcevesque de
Rains, Hues cil de Rouam,
et cil de Bordiaus et plu-
sor de lor évesques et
des barons de France
grant partie.
Gesta.
Et ut istius rei veritas
posset veracius indagari,
die Martis ante festum
Paschatis Floridi in Cas-
tro Beaugenciaci Hugo-
nem arebiepiscopum Ro-
tomagensem et quartum
Gaufredum Burdegalen-
sem cum pluribus suis
coepiscopis et baronibus
Franciae fecit solemui-
ter convenire.
1. Hist. de France, tome XII, p. 199.
;. Hist. de France, tome XII, p. 196.
3. Id., id., p. 199, 203.
OBSERVATION? SIR DECX SQ DECES Dl KM. M Dl LOUIS Ml '■> 57
II.
Historia.
Henricus ante iloininiiin
suuin regem Ludovicum
defecit a justitia.
Grandes Chroniques.
... como orgelotu et
rebelles refusa a faire et
prendre droit en sa tort.
Gesta.
... qui < ilalus ad cu-
ri.uii, venire induit ad
ju^ l'aciendiini vrl capien-
ilmn in regni praesentia,
Palatii jadicimn omnino
raspoil ef eontempsil
Ainsi les Gesta ne sont qu'une version latine tics Gra/>drs Chro-
iii<jucs presque traduites elles-mêmes de V Historia, et ces Gesta mil
dû être rédigés sous Philippe le Bel, dans les premières années du
xivp siècle, afin de compléter un ensemble de chroniques latines donl
le ms. 5923 offre le plus remarquable exemple.
Quant aux rapports îles Gesta avec Guillaume de Tyr, il est aisé
de constater que le récif de la croisade esi traduit de i'Estoire d1 Evades,
version française de l'historien du royaume de Jérusalem ; mais toutes
les remarques que l'on pourrait faire à ce sujet seraient sans grande
importance, car les Gesta ne font que suivre les Grandes Chroniques
qui avaient déjà reproduit le récit français de YEstoire d'Evadés.
A. GOVILLE.
BULLETIN HISTORIQUE
FRANCE.
Enseignement supériedr. — On sait quelle large part revient à
M. Lavisse dans l'œuvre delà réforme de notre haut enseignement. Il
a été l'âme de la Société d'enseignement supérieur, qui, par ses dis-
cussions et ses publications, a fait peu à peu pénétrer dans le monde
universitaire et dans l'administration de l'instruction publique des
idées qui restaient jusque-là renfermées dans le petit cercle des rédac-
teurs de la Bévue critique et des professeurs de l'École des hautes
études ; ses articles de la Revue des Deux-Mondes ont donné ensuite à
ces mêmes idées l'audience et la faveur du grand public ; enfin à la
Faculté des lettres, associé avec M. Groiset à l'œuvre de réforme
dirigée par le doyen, M. Himly, il a travaillé avec autant de talent
que d'autorité à transformer la vieille Sorbonne en une véritable
École d'instruction supérieure. Lorsque M. Lavisse est ainsi devenu
le plus brillant et le plus écouté des avocats et des ouvriers de la
réforme de l'enseignement supérieur, il y avait déjà quelques années
que le petit groupe d'hommes dont nous parlions tout à l'heure
soutenait les mêmes idées dans la Revue critique et les mettait en
pratique à l'École des hautes études. Mais ces apôtres de la première
heure étaient inconnus du grand public et assez mal vus dans le
monde universitaire; ils n'avaient guère pour appui que M. Du
Mesnil, le directeur de l'enseignement supérieur, et M. Waddington,
qui n'étaient pas des universitaires. On leur reprochait, bien à tort
du reste, d'être des ennemis de l'Université, de n'attacher de prix
qu'à l'érudition pure, de mépriser l'enseignement secondaire, et
surlout d'être imbus d'esprit germanique. Ce fut un bonheur pour la
réforme d'avoir trouvé alors pour la défendre trois hommes, M. Boutmy,
M. Dumont et M. Lavisse, à qui on ne. pouvait pas, sans absurdité,
faire les mômes reproches-, aussi ont-ils pu faire mettre en pratique
très rapidement une réforme qui jusque-là faisait assez lentement son
chemin dans les esprits. Le volume que M. Lavisse vient de publier et
(lui contient l'admirable notice sur Charles Graux publiée en tête des
Mélanges Graux, des articles de revue sur l'enseignement supérieur
FRANI i • 359
et des allocutions aux étudiants de la Faculté des lcllrcs1 , donne une
idée très complète de ce qu'il a voulu el de ce qu'il a fait pour le
progrès des éludes. Son but principal a été de former un public
de. véritables étudiants; par an véritable étudianl il faut entendre
Qon seulement un élève assidu et docile, mais celui qui, non contenl
de préparer consciencieusement les examens qui lui sont imposés, se
préoccupe à la fois des progrès de la science et, s'il se destine au
professoral, de ses devoirs pédagogiques, celui enfin qui se seul,
solidaire de la Faculté où il travaille el des condisciples à côté de qui
il se trouve. Ce public de véritables étudiants existe aujourd'hui, et
pour ces étudianl- laSorbonne esl une pairie intellectuelle et morale.
En second lieu, M. Lavisse esl très préoeccupé Mes liens qui doivent
exister entre renseignement sec laire el l'enseignement supérieur.
de l'influence que celui-ci doit exercer sur celui-là. Bien loin de croire
les aptitudes de l'érudit opposées à celles du professeur, il pense qu'il
faut savoir ce qu'est la science pour la bien enseigner. Il ne veul pas
séparer l'instruction générale 'les élude-, spéciales; joignant les
exemples aux préceptes, il donne à ses élèves des modèles excellents
de ce que doit être renseignement au lycée et même à l'école pri-
maire. Enfin M. Lavisse désire que L'enseignement supérieur
acquière tout le développemenl el toute l'inlluence dont il est sus-
ceptible, par la création d'Universités jouissant d'une certaine autono-
mie, el où les diverses Facultés se fortifieront les unes les autres par
les liens qui les uniront; mais il est très éloigné de vouloir des créa-
tions hâtives, calquées sur l'étranger. Les critiques qu'il adresse aux
institutions étrangères sont de nature à rassurer ceux qui craignent
qu'on sacrifie nos qualités nationales à une manie d'importations
étrangères; ce qu'il veut, c'est favoriser le développemenl normal et
spontané des institutions françaises, en s'éclairant des expérience-
étrangères. La biographie de Charles Graux couronne dignement ce
volume, car. comme le dit M. Lavisse, il a été un parfait modèle de
ce que doit être l'étudiant d'enseignement supérieur el le professeur
d'enseignement supérieur. 11. Rïonod.
Publications de textes. — Les lecteurs de la Revue ne s'étonneront
pas de voir le nom de son directeur cité à côté de celui de M. Lavisse. De
la conférence d'histoire dirigée depuis l'origine par M. Gabriel Monod à
l'École des hautes études, sont sortis de nombreux élèves dont plusieurs
sontà leur tour devenus fies maîtres. Là aussi ont été préparés des tra-
I. Questions d'enseignement national. Colin. — M Lavisse rient aussi de
publier <hez le même éditeur un petit rolume de Sommaire» d'histoire uni-
verselle, qui serviront d'utile mémento aux élèves des écoles normales et même
a ceux de nos lycées.
3<i0 BULLETIN niSTORIQDE.
vaux justement remarqués. Pour ne parler que des plus récents, on
peut rappeler V Étude sur la vie latine de sainte Geneviève, par M. Gh.
Kohler, et tout dernièrement le Mémoire de M. Prou sur le De Ordine
Palatii (Vieweg). On sait quelle est l'importance de cette œuvre
d'Adalhart, reprise par le célèbre archevêque de Reims, Hincmar, pour
l'étude des institutions carolingiennes au rxe siècle ; mais on sait aussi
que les éditions qu'on en possède sont ou incomplètes, ou défectueuses,
et que l'intelligence est loin d'en être toujours facile. Il y avait donc
lieu de l'étudier de près. C'est ce qu'a fait avec un plein succès
M. Prou. Quant au texte lui-même, comme on n'en connaît aujour-
d'hui aucun manuscrit, il a bien fallu reproduire l'édition princeps
donnée en \ 602 par le jésuite Jean Buys (Busœus) ; cependant d'utiles
corrections ont pu y être apportées * . M. Prou a de plus rendu un
double service, en donnant de la lettre d'Hincmar une traduction
très fidèle, et en l'éclairant de notes nombreuses. Ces dernières, qui
sont le résumé des travaux dirigés pendant deux ans par M. Monod
à sa conférence, méritent d'attirer l'attention de tous les érudits.
Distinction des lois et des capitulaires, intervention du peuple et des
grands dans leur rédaction, origine et compétence des officiers de la
maison impériale, assemblées générales des Francs, élection cano-
nique des évêques, tels sont les principaux points étudiés dans
ces notes, dont quelques-unes, malgré leur forme concise, sont
de véritables traités sur la matière. La préface, très instructive,
expose les idées d'Hincmar, en particulier, et du clergé français, en
général, sur les rapports du roi et de l'église. On y voit très nette-
ment formulée, dès le ixe s., la théorie du droit divin. On comprend
mieux alors le rôle politique si considérable joué par les évêques
dans les luttes où s'épuisèrent les derniers carolingiens, et le carac-
tère clérical de la révolution de 987. CetLe étude sur le De ordine
Palatii forme l'introduction naturelle au beau livre de M. Luchaire
sur les Institutions monarchiques de la France.
M. Luchaire vient justement de donner un précieux complément a
1. J'en signalerai une particulièrement importante : à la fin du chapitre xxix,
Hincmar expose ce que venaient faire aux Champs de mai les clercs et les
laïques: « Seniorcs, propter concilium ordinandum ; minores, propter idem
consilium suscipiendum el interdum pariter tractandnm ; caeterum autèm
propter doua generaliter danda. » Les précédents éditeurs rejetaient ces der-
niers mots, imprimés en italiques, au début du chapitre xxx : « Caeterum
autem, propter doua generaliter danda, aliud placitum habebafur; » on en
devait conclure que les dons étaient offerts au roi au plait général tenu en
automne, ce qui est contraire à la vérité historique. La correction est très
juste et très heureuse.
l'i.wc.K. 361
cet ouvrage dans ses Études sur les actes de Louis I // (Picard). Ces
études comprennent d'abord I»' catalogue des acles du roi, ensuite le
texte d'un grand nombre de pièces inédites, enfin une élude diplo-
matique sur les chartes qui composent la série dite des lettres
patentes. Cette dernière est le morceau capital de l'ouvrage, auquel
je ne saurais reprocher que son formai si incommode (un grand iu-ï°).
Pour cet ordre de recherches, nouveau pour un professeur qui ne
sort pas de l'École des chartes, M. Luchaire avait un modèle excel-
lent dans l'introduction qui précède le Catalogue des actes de Phi-
lippe-Auguste par M. L. Delisle; il l'a suivi exactement, et il ne
pouvait mieux faire. Les sources où il a puisé n'étaient pas d'ailleurs
tout à fait les mêmes; il n'avait pas à sa disposition la série précieuse
des registres de la chancellerie de France, qui commence seulement
au milieu du règne de Philippe-Auguste. L'auteur y a suppléé en
fouillant les bibliothèques cl archives de Paris et de la province, en
dépouillant un grand nombre d'ouvrages imprimés. La moisson a été
1res fructueuse ; le catalogue n'énumère pas moins de 798 actes. Ces
actes ont été examinés au point de vue de leur forme extérieure avec
une grande précision; ce qu'on appréciera surtout, c'est le chapitre iv
relatif à la succession des grands officiers de la couronne pendant le
règne de Louis VII , et le tableau chronologique des séjours de
Louis VII, d'après les chroniques et les chartes, qui remplit tout le
chapitre v. Le texte des documents inédits est correctement établi;
une bonne table des noms de lieu et de personnes termine le volume
qu'enrichissent encore plusieurs fac-similés ayant pour but de mon-
trer les divers types d'écriture employés par les scribes royaux pen-
dant une moitié du xne s. Quant aux pièces elles-mêmes, on éprou-
vera peut-être à première vue quelque déception; nombre d'entre
elles n'ont qu'un intérêt restreint, particulier à tel évêché ou à telle
abbaye, plus rarement à des laïques; fort peu présentent une véri-
table importance politique, quelques-unes seulement se rapportent à
la seconde croisade, à Thomas Becket, aux relations de la France et
de l'Angleterre. C'est encore un caractère qui distingue ces Êtudi s
Au Catalogue des Actes de Philippe- Auguste. Mais cette comparaison
même entre les deux recueils comporte avec soi son enseignement;
elle permet de mesurer les progrès de la monarchie capétienne, de
Louis VII a son Sis. Sous le premier de ces princes, le royaume de
France n'était presque encore qu'un grand Fief; sous le second, il
devinl une grande puissance européenne.
A la même époque à peu près se rapporte le Cartulaire de Van-
cienne abbaye de Saint-Nicolas-des-Prés sous Bibemont (dioc. de
Laon), très exactement publié par M. Henri Steih d'après lems. ori-
M2 BULLETIN HISTORIQUE.
ginal des Archives nationales (extrait du t. V, Ae série des Mémoires
de la Société académique de Saint-Quentin). L'abbaye a été fondée
en 1083 par Anselme, comte de Ribemont; le cartulaire, écrit au
milieu du xme s. , comprend \ \ 2 pièces, qui se placent entre les années
4 083 et 1227; M. Stein l'a complété au moyen d'autres documents
inédits dont le dernier est de 4 404. Il a eu aussi le soin, que les édi-
teurs de registres ou de cartulaires ne prennent pas toujours, d'in-
diquer celles de ces pièces qui avaient été déjà publiées; de même il
a pris beaucoup de peine pour identifier les noms de lieu et pour
confectionner de bonnes tables. C'est l'œuvre d'un travailleur exercé.
M. Stein sort de l'École des chartes. Un des maîtres les plus res-
pectés de l'École, M. Ad. Tardif, a entrepris, on le sait, un recueil de
lextes pour servir à l'enseignement de l'histoire du droit (Picard).
Au Coutumier d'Artois, texte en français du xive s., il vient d'ajou-
ter les Coutumes de Toulouse, publiées d'après deux rédactions offi-
cielles, dont l'une pour l'usage des consuls, l'autre pour celui du
sénéchal. Je n'ai pas besoin de dire que le texte est reproduit avec le
soin le plus scrupuleux et le plus intelligent, ni de rappeler que le
plan du recueil ne comporte aucune note. L'éditeur a suivi le texte
du registre de la sénéchaussée, plus correct, et surtout plus com-
plet ; plusieurs articles ont été en effet rejetés, parordrede Philippe III,
de la rédaction faite pour la commune ; on notera que ces suppres-
sions n'ont qu'une importance juridique. Quant aux démêlés très
graves de la commune avec Philippe III, il faut en chercher le récit
dans la Bibliothèque de l'École des chartes (t. XLIII, 1882). L'article
est de M. k. Mobilier, l'homme de France qui connaît le mieux l'his-
toire du Languedoc.
Voici un document tout à fait de premier ordre pour l'histoire de
Charles le Mauvais en particulier, et en général pour l'histoire poli-
tique, financière, économique de la France au milieu du xive s. C'est
le Compte des recettes et dépenses du roi de Navarre en France et
en Normandie, de 1367 à 1370, publié par M. Izarn, avec une intro-
duction, nourrie de faits nouveaux, par M. Gustave-A. Pre'vost
(Picard). C'est un travail considérable. Le compte a pris presque
500 pages de texte très serré. La préface très détaillée devra être
consultée par tous ceux qu'intéresse l'histoire des institutions de
l'ancienne France-, elle montre ce qu'était au xive siècle un grand
apanage, quels étaient les rapports de l'apanagisle avec la royauté,
quels dangers il pouvait lui faire courir. Les revenus que Charles
le Mauvais tirait de ses fiefs normands s'élevaient, tout compté,
à une somme de plus de o millions, en valeur métallique ;
1 presque un budget d'État. Encore l'auteur de l'introduction
i i;\\< B.
3(i.S
s'excuse-l-il de n'avoir pas nais en lumière tous les résultais qu'on
pourrait tirer de l'étude minutieuse du texte. Il est certain, en effet,
qu'il n'a pas tout dit; on voudrail même que Le texte fût accom-
pagné de notes et d'un commentaire suivi ; mais il ne faut pas deman-
der l'impossible, et il convient de s'estimer heureux quand on possède
un document de cette importance et présenté avec autant d'érudition.
Pour le xve siècle, je n'ai à signaler que ['Étude sur une négociation
diplomatique de Louis W, par M. S. Modfflbi [Marseille, Blancel
Bernard), où l'on trouvera le texte latin des harangues de Guillaume
Pichet, docteur en théologie, prononcées au nom du roi de France
devant le duc de Milan et autres princes d'Italie pour les décider a
appuyer la demande d'un concile général eu janvier I <r>'.>. plus cinq
lettres de Galéas Marie sur le même sujet de janvier 4470. (11 faul
sans doute, quoi qu'en dise l'auteur, rapporter tous ce- documents
à la même année.)
Le t. 111 des Comptes de ï Hôtel-Dieu de Paris . publiés par
M. Brikle, est terminé avec le second fascicule qui vient de paraître
(Picard). Je n'ai plus à faire l'éloge ni de cette précieuse publication,
ni du zèle de l'archiviste à la persévérance de qui nous la devons.
Un fait m'a frappé dans ce fascicule, qui s'étend de 1536 à 1584 ; on
y trouverait vainement, je crois, une mention de protestant, la
moindre trace de la Saint-Barthélémy. En retour, il abonde en ren-
seignements précieux, non seulement sur la situation financière
de lTIùtel-Dieu, ce qui va sans dire, mais encore sur une foule de
personnages, nobles ou bourgeois, sur le vieux Paris, sur les villages
de la banlieue, sur le prix des choses, le chiffre des gages et traite-
ments des médecins et internes attachés à l'hôpital, des religieuses
employées en ville à soigner les malades, etc. D'excellente- tables
rendent ce gros volume, bourré de noms et de chiffres, très com-
mode à consulter. Je me contenterai de renvoyer les Parisiens à la
longue et curieuse liste ^U'> maisons à enseigne [table des matières).
Le t. II des Documents historiques concernant la Marche et le
Limousin, publiés par nos collaborateurs, \M. Lerodx, E. Molinieb
et Anl. Thomas, est aussi intéressant que le premier (Limoges,
Ducourtieux). Il contient deux cartulaires de l'aumonerie de Saint-
Martial, des xie et xue siècles, un curieuv compte de V « Assiette
d'impôt sur le pays de Gombraille » en 1357, des extraits de la chro-
nique de Pierre Foucher, théologien limousin, qui vivait dans la
première moitié du \\f s.-, des extraits du premier registre consis-
torial de Rochechouart, 4596-4635, qu'il convient de signaler aux
historiens du protestantisme français; un long mémoire sur la g -
ralité de Limoges, dressé en 1698 par l'intendant L. de Bernage | r
3&| BULLETIN niSTORIQOE.
l'instruction du dauphin ; divers documents pour servir à l'histoire
des collèges classiques de la Marche et du Limousin, surtout à la fin
du siècle dernier. On ne peut que remercier les diligents éditeurs de
celte nouvelle contrihution à l'histoire de notre pays.
Les personnes qui lisent la Revue de la Révolution, publiée chez
Santon, sous la direction de M. Gh. d'Hericault et de M. G. Bord,
connaissent déjà les Documents que ces habiles chercheurs viennent
de réunir en volume (Sauton). Us n'ont même pas pris soin de réunir
les diverses parties d'un même article, ni, à plus forte raison, de
ranger les pièces dans un ordre quelconque. Ce désordre est fâcheux
dans un volume d'ailleurs intéressant et orné de curieuses gravures
du temps reproduites par la photogravure. Analyser un pareil livre
serait impossible; on ne pourrait que copier la table des matières.
Tout au plus peut-on signaler une série de lettres sur la chouannerie
en l'an IV; la correspondance d'un député de la noblesse de la séné-
chaussée de Marseille avec la marquise de Gréquy, de mai à août 1 789;
des lettres inédites de Restif de la Bretone au citoyen Fontaine et à
sa femme à Grenoble, en l'an V et en l'an VI; enfin et surtout une
longue série d'articles sur les prisonniers enfermés à la Bastille sous
Louis XVI, qui me paraissent la partie la plus importante du volume.
Le dossier de la Révolution grossit chaque jour, et il n'est pas près
d'être clos, s'il l'est jamais1.
Ouvrages divers. Moyen âge. — M. Edmond Stapfer vient de com-
bler très heureusement une lacune dans notre littérature historique.
11 a consacré son volume intitulé : La Palestine au temps de Jésus-
Christ (Fischbacher), à décrire le milieu géographique, politique,
intellectuel et social où le Christ est né, s'est développé et a vécu.
Bien qu'attaché par ses croyances au christianisme traditionnel, c'est
en véritable historien que M. Stapfer a étudié et traité son sujet.
J'ajouterai qu'il s'est montré à la fois érudit consciencieux et atta-
chant écrivain. Il a su faire revivre avec une précision pittoresque
la population de la Judée, d'où sortirent Jésus et ses disciples, et le
clergé qui le persécuta; il a su, ce qui était plus difficile, nous faire
comprendre les idées religieuses et philosophiques au sein desquelles
le christianisme a pris naissance, et il nous permet ainsi de mieux
saisir ce qu'il a emprunté et ce qu'il a ajouté à ce qui existait
avant lui et autour de lui. C'est donc tout le cadre de la Vie de Jésus
el même quelque chose de plus que nous donne M. Stapfer.
1. Je ne puis qu'annoncer le t. III des Chartes de Cluny, publié par M. Bruel
(doc. inédits), et le t. I des Mémoires de Villars, publiés par M. de Vogué. Je
ne les ai pas eus entre les mains.
FRANCE. 363
M. Renan avait consacré au même sujet, dans sa I ie </>■ Jésus, des
pages admirables ; mais, dans un livre où il s'agissait de recréera
force di.' psychologie, d'imagination, de divination et d'arl une Qgure
de héros difficile à discerner à travers les brumes dorées de la légende,
il s'esi gardé de donner au cadre une importance et une précision qui
eussent Oté Loul relie! et toute réalité à la Qgure centrale. Aussi le
livre de M. Stapfer est-il une utile préparation ou un utile complé-
ment à la lecture de la vie de Jésus ou à celle des Évangiles. 11 nous
permet d'ailleurs d'apprécier L'influence considérable exercée sur les
esprits par l'œuvre de M. Renan sur les origines du christianisme.
Nous disions dans notre dernier article qu'il avait l'ait passer le
christianisme du domaine de la religion, de la théologie ou de la
légende, dans celui de l'histoire. Voici un livre composé par un homme
de foi et qui pourtant n'aurait été ni conçu ni écrit dans cet espril
sévèrement historique sans M. Renan.
Ce n'est pas sans un sentiment de regret que j'annonce aujour-
d'hui le Ier volume des Mélanges d'archéologie et d'histoire de uotre
maitre vénéré J. Quicueiut. Quicherat est mort le 8 avril 1882, à
l'âge de soixante-huit ans, frappé en pleine activité intellectuelle, sans
avoir terminé les importants travaux qui devaient être le résumé
d'une longue carrière consacrée sans partage à la science. Quelques
fragments seulement de son cours d'archéologie uni été rédiges, ainsi
qu'une partie de son Histoire de l'industrie et du commerce de la
laine. C'est que Quicherat donnait à l'enseignement le plus clair de
son temps, et aucun de ses élèves n'oubliera ses leçons si solides. • i
méthodiques, exposées eu une langue si nerveuse et si précise; c'est
aussi que, comme son maitre et son ami, J. Michelet, il avait au plus
haut point le souci de la forme; il avait horreur de l'à-peu-près dans
l'expression comme dan-, l'idée, et donnait autant de soin a un
simple article critique qu'à un gros livre. Outre les ouvrages com-
plets que tout le monde connaît, comme le Procès il»' Jeanne d'Arc,
l'Histoire du costume, Rodrigue de Villandrando, etc., il a produit
un grand nombre d'articles dispersés dans les revues d'érudition,
surtout de rapports à la Société des Antiquaires de France ou au
Comité des Sociétés savantes des départements. Ses amis et ses dis-
ciples ont eu la pieuse pensée de réunir la pluparl de ces articles
presque perdus dans ces nombreux recueils. MM. A. Castan, deLastey-
rie, J. Roy, A. Giry, etc., se sont partagé le travail. Le t. I de ces
Mélanges, préparé en grande partie par M. Giar, est consacré aux
antiquités celtiques, romaines et gallo-romaines de oolre pays. On y
retrouvera ces mémoires, dont la publication a suscité autrefois tant
de controverses, sur le Pilum, sur la longueur de la lieue gauloise,
3li<; BULLETIN HISTORIQUE.
sur l'endroit voisin de Lutèce où Labiénus a vaincu les Gaulois, sur-
tout sur la question d'Alésia. C'est M. Castan qui a été chargé de
réunir les principaux articles de Quicherat sur cette discussion mémo-
rable. On est généralement d'accord aujourd'hui pour conclure contre
Quicherat en faveur d'Alise-Sainte-Reine en Bourgogne, et non pour
Alaise en Franche-Comté; mais, quelque opinion qu'on professe, on
ne saurait méconnaître, avec la parfaite bonne foi du maître, son
érudition profonde et son remarquable talent d'exposition. M. R. de
Lasteyrie, qui remplace si dignement Quicherat à l'École des chartes,
a publié à nouveau, en manière d'introduction au volume, l'excel-
lente notice sur sa vie et sur ses travaux, qui avait déjà paru dans le
Bulletin du Comité des travaux historiques H .
La Revue a déjà (voyez plus haut, p. 219) annoncé la première
livraison de Y Atlas historique de la France, par M. A. Longnon
(Hachette) . Il ne sera pas hasardé de dire que cette publication est
destinée à faire époque. M. Longnon est, sans contredit, au premier
rang de nos géographes. Dans ses travaux sur les Pagi de la Gaule,
sur la Géographie de Grégoire de Tours, sur la France à l'époque
de Charlemagne, de saint Louis 2, de Jeanne d'Arc, il a montré qu'il
possédait une connaissance approfondie des textes épigraphiques,
historiques, littéraires et autres, des livres, mémoires ou articles
qui ont paru dans ce domaine infini de la science, enfin des lois
phonétiques qui ont présidé à la formation des noms de lieu. Il était
indispensable, en effet, d'être aussi bien philologue et historien que
géographe. M. Longnon réunit à un degré éminent ces qualités
diverses ; habile metteur en œuvre du reste, il a autant de savoir-
faire que de savoir. Ajoutons qu'il a organisé l'enseignement
scientifique de la Géographie historique de la France; le cours
qu'il professe à l'École des hautes études, où il a été autrefois
élève, peut être considéré comme une création. Membre enfin très
assidu de l'ancienne commission de topographie des Gaules, il
1. Le second volume comprendra l'archéologie du moyen âge; le troisième,
des écrits divers relatifs à l'histoire de cette même époque; le quatrième enfin,
les chapitres achevés de l'Histoire de la laine. Il est juste d'ajouter que, si ces
Mélanges paraissent, on le doit en partie au dévouement de l'éditeur, Alphonse
Picard. Sur Quicherat, voyez encore la notice que lui a consacrée ici même
M. Giry, XIX, 241.
2. La 13e planche de l'Atlas est réservée à « la France après le traité d'Ab-
beville, 1259. » M. Longnon n'admet-il donc pas comme fondées les raisons que
j'ai données autrefois pour prouver que cette désignation est de tout point
inexacte î J'ose encore espérer que, quand il en sera là, M. Longnon adoptera
le nom de « Traité de Paris. »
FRANCE. .'MIT
s'est trouvé pendant de longues années au centre des informa-
tions les plus sûres. Toutes ces raisons réunies faisaienl bien
augurer de la publication considérable à Laquelle on savail qu'il
travaillait depuis longtemps. L'attente n'a pas été déçue. Obligés de
nùus contenter jusqu'ici de Spruner, notoirement insuffisant pour la
France, nous allons être enfin largemenl dédommagés. Si l'on a pu
faire aux admirables cartes déjà parues quelques critiques de détail,
elles n'en constituent pas moins un guide des plus certains pour
l'étude de l'ancienne France. Autre avantage très précieux : chaque
livraison est accompagnée d'\u\ texte explicatif, auquel je souhaite-
rais pour ma part qu'il fût ajouté une bonne bibliographie. A chacun
le sien. La plus importante peut-être des cartes contenue- dans cette
première livraison est celle de la Gaule vers l'an 'i00 de notre ère :
elle donne, surtout d'après la plus ancienne rédaction de la Natitia
dignitatum imperii, la division romaine en civitates. De là sont sor-
ties la division ecclésiastique, maintenue dans ses lignes essentielles
jusqu'en 1789, la division en pagi de L'époque franque, les pagi
étant des divisions ethniques identiques pour la plupart aux civilates
romaines, enfin la division féodale. Quant à la carte de la Gaule à
l'époque du partage de 80(>, il importe peu au fond de savoir si le
partage a réellement eu lieu. M. Longnon le pense, et il donne ses
raisons dans le texte explicatif; l'important ici, c'est la carte, qui es1
excellente et d'une fort belle exécution '.
li Histoire du commerce de la France, par M. Henri Pigeonneau
(L. Cerf), est le fruit de lectures étendues et d'un long enseignement.
Il y a deux ans, l'auteur avait publié, dans la petite collection à
un franc qui parait à la même librairie, un tableau 1res bref, mais
hien fait, de cette histoire; c'est un gros livre qu'il nous apporte
aujourd'hui. Ce n'est d'ailleurs qu'un premier volume, qui s'arrête à
la fin du xve siècle. M. Pigeonneau a beaucoup lu; mais il ne se con-
tente pas de résumer les livres des autres : il a vu de près les textes
et en donne même d'inédits. Son œuvre lui est bien personnelle. Ce
qu'on appréciera surtout en elle, c'est la clarté de l'exposition, (in-
telligence des grands faits historiques dont le commerce a subi le
contre-coup malheureux ou bienfaisant. L'auteur est historien et
géographe avant d'être économiste. 11 montre bien le puissant essor
que les croisades imprimèrent au commerce ; peut-être aurait-il dû
aussi insister sur leurs fâcheux résultats : tant de capitaux, tant de
1. M. Longnon a eu l'heureuse idée de marquer dans toutes ses grandes
caries, par un pointillé spécial, les divisions actuelles de la France en dépar-
tements.
368 BULLETIN HISTORIQUE.
forces intellectuelles et sociales stérilement prodiguées; le commerce
de L'Orient presque fermé aux chrétiens par le fanatisme religieux.
Si le premier élan des croisades avait été héroïque, il était grand
temps qu'elles prissent fin. Quant aux guerres anglaises, M. Pigeon-
neau en a exposé d'une façon remarquable les conséquences désas-
treuses. Le xive et le xve siècle sont supérieurement traités. Il s'arrête
au moment où la découverte du Nouveau-Monde, en jetant dans la
circulation une masse de métaux précieux, va renouveler entièrement
la face du monde économique. Un autre volume se terminera avec le
xvne siècle ; un troisième sera consacré à ce xvme siècle, si prodi-
gieux en révolutions de toutes sortes, dans le monde des faits comme
dans le monde des idées. J'ajouterai en terminant que ce livre ne
s'adresse pas seulement aux gens du métier ; il est assez nourri de
choses et présenté avec assez d'agrément pour plaire aux érudits et
instruire le grand public '.
Toirs modernes. — Voici deux figures princières du xvie siècle, à
demi effacées, qu'on a tenté de faire revivre : Claude de France,
duchesse de Lorraine, par M. Iî. de Magnienville (E. Perrin), et
Elisabeth d'Autriche, femme de Charles IX, par M. Louis de Beau-
riez (J. Gervais) ; de cette dernière biographie, il n'y a pas à tenir
autrement compte, car c'est une œuvre avant tout d'édification.
L'autre est loin d'être un travail sans valeur. Bien que Ton perde
trop souvent le personnage de vue au milieu des faits de l'histoire
générale , malgré un style trop fleuri et aux allures trop dégagées,
il a du moins le mérite de contenir bon nombre de documents inédits
relatifs à cette fille de Catherine de Médicis, épouse de Claude III de
Lorraine. Une moitié du volume est occupée par des pièces justifica-
tives dont les historiens du xvic siècle sauront faire leur profit.
Ce sont aussi les nombreux documents publiés en appendice qui
font l'importance du livre consacré par le docteur Le Paulmier à
Ambroise Paré ; mais il y a plus : sans prétendre retracer dans tous
ses détails et avec l'ampleur nécessaire l'histoire du célèbre chirur-
gien huguenot 2; l'auteur a cependant rectifié ou précisé beaucoup de
1. Les gravures intercalées dans le texte sont bien choisies d'ordinaire, mais
d'une exécution médiocre. L'inscription des Nautae parisiaci, par exemple,
reproduit aussi peu que possible l'original. .
2. M. Le Paulmier prouve que Paré, huguenot avant la Saint-Barthélémy,
n'abjura pas après. Un mémoire rédigé par Paré en 1575, lors d'un procès avec
la Faculté, contient une phrase qui lève sur ce point tous les doutes. Voyez
p. 80. L'auteur a de même établi définitivement la date de la mort de Paré,
survenue le 20 décembre 1590 à Paris, pendant le siège. Il avait quatre-vingts
ans ; il fut enterré le 22 décembre dans l'église de Saint-André des Arts.
niwi i . 369
menus faits de sa longue vie; il a fait mieui connaître sa famille,
ses amis, ses œuvres, donl il a complété la liste. Parmi les con-
temporains d'Ambroise Paré, il accorde avec raison une mention
particulière au médecin Julien Le Paulmier, avec qui Paré eut
d'assez vives controverses ; sa biographie, qu'on trouvera à l'appen-
dice, est un curieux chapitre de l'histoire de la médecine en France
a la lin du XVIe siècle. Le volume, édité avec beaucoup de soin et de
goùl par les frères Charavay, est orné d'un beau portrait inédit daté
de i">7.'i.
Je n'aurais aussi i|ue il»1- éloges a Paire au sujel de la 1 ie de
Roiruu tnuu.v connue, par M. Henri Ghaedojn Paris, Picard; Le
Mans, Pellechat •. là encore abondent les documents uouveaux habi-
lement mis en œuvre ; mais, outre que l'ouvragea déjà été plusieurs
toi- mentionné ici, j mesure qu'il paraissait dans la Revue /ii*/<>-
rique e( archéologique du Maine, il intéresse surtout l'histoire
littéraire, la querelle du Gid el la peinture de la société polie au
temps de Rolrou et des débuts de Corneille. Ce serait donc sortir «lu
cadre de la Revue que d'y insister plus longtemps.
Les lecteurs de la Revue des Deux- fondes connaissent aussi déjà
les brillantes études de M. le due de Broglii; sur Frédéric II et
Louis XV (4742-4744). Les deux volumes récemmenl parus font
suite aux deux précédents sur Frédéric el Marie-Thérèse, 4740-4742
G. Lévy) ; ils racontent la retraite de Prague, qui est uiu> admirable
page d'histoire, la bataille de Dettingen, l'offensive reprise de tous
côtés par Marie-Thérèse alliée a l'Angleterre et à la Sardaigne, la
révolution causée en France par la mort de Fleury; l'avènement de
.M de Châteauroux, le départ de Louis XV pour l'armée, l'invasion
de l'Alsace et la maladie du roi à Metz. Bien que, pendant ces deux
années, I T ; :î et 1744, Frédéric II ait été en paix avec tout le monde,
il est toujours en scène, el au premier plan, l'oreille au guet, lesprit
tendu a tous les bruits qui lui viennent de Paris, de Londres nu de
Vienne, se réjouissant avec cynisme des revers essuyés par les Fran-
çais, ses alliés, dans la campagne de 4 743, où ils perdenl la Bohême
el la Bavière; puis flairant par avance le danger que l'inimitié de
Marie-Thérèse peut lui faire courir après qu'elle a formé la ligue de
Worms, revenant alors à l'alliance française et pressant Louis XV
d'envoyer une -rosse armée au delà du Rhin, au cœur de celle Aile-
magne qui nous haïssait, que nous délestions, donl Frédéric se
déclarait tout haut le patriotique champion, et qu'il sacrili.iii -an-
scrupule aux intérêts du Brandebourg, tin des chapitres le- plu-
piquants du livre esi consacré a cette singulière équipée de Voltaire,
qui, a la veille d'être, mis a la Bastille, est cependant chargé d'aller à
Bev. Histor. WYII. 2« : 24
370 BULLETIN HISTORIQUE.
Berlin sonder les projets de l'impénétrable Frédéric. Certes Voltaire
avait assez d'esprit pour jouer ce rôle d'ambassadeur extraordinaire
pour lequel il semblait si peu fait, mais il avait aussi trop d'imagi-
nation pour y réussir. On le combla de prévenances et de compli-
ments, mais il n'apprit rien de ce que nos ministres désiraient
savoir. Sa vanité seule fut satisfaite. Malgré la riche variété des
tableaux que contiennent ces nouveaux volumes, ils n'atteignent pas
à l'intérêt dramatique des deux premiers. Là c'était le contraste si
fortement accusé entre Frédéric II et Marie-Thérèse, dont le génie,
ignoré la veille, se révèle soudainement au milieu de la grande crise
de 4740; c'était la grandeur des intérêts européens engagés, le
réveil de la politique d'aventures en France avec le maréchal de
Bclle-lslc. Mais, après l'abandon de Prague, Belle-lsle est écarté des
affaires ; Fleury meurt -, il n'y aura plus de premier ministre ; c'est
le règne des maîtresses qui commence par un triple inceste de la
main gauche. Marie-Thérèse, victorieuse et avide de représailles,
n'est plus touchante. Voltaire a prouvé qu'il n'y avait pas en lui
l'étoffe d'un homme d'État -, Maurice de Saxe ne s'est pas encore
révélé comme un grand capitaine. Nous sommes dans un moment
de transition et d'attente. Espérons que M. de Broglie ne tardera pas
à nous dédommager, en nous racontant les prodiges de cette année
-1745, marquée par la victoire de Fontenoy, l'élection à l'empire de
François Ier, l'époux chéri de Marie-Thérèse, les triomphes de Fré-
déric II et sa nouvelle défection.
Qui eût osé penser, au moment où le roi tombe malade à Metz en
courant au secours de l'Alsace envahie par les Autrichiens, et où il
éloigne Mme de Ghâteauroux par crainte de l'enfer, que, dix ans plus
tard, l'Autriche se rapprocherait de la France, et que Mme de Pompa-
dour, conseillée par l'abbé de Bernis, serait l'agent le plus actif de
cette révolution diplomatique? Grâce à M. Fr. Masson, qui nous a
fait connaître les mémoires de Bernis, l'histoire de ce prodigieux
revirement a été mise en pleine lumière. On en sait les tristes résul-
tats. Que devint Bernis après sa disgrâce (13 décembre 4 758) et son
exil? C'est encore M. Masson, ce chercheur si habile et si heureux,
qui nous le raconte dans un livre plein de faits nouveaux, puisés
aux meilleures sources : Le cardinal de Bernis depuis son ministère
(Pion et Nourrit). Après un exil de six années obscurément passées
a Vic-sur-Aisne (1758-64), Bernis rentra en grâce et fut nommé
archevêque d'Albi; puis il dut aller à Rome en 4769 pour prendre
part au conclave qui s'ouvrit après la mort de Clément XIII ; c'est
en grande partie par son influence que fut élu Clément XIV Gan-
ganelli. Son succès fut même si grand que Choiseul lui proposa peu
FRANl B. ;5"l
après 'de représetater là France à Rome. Bernis accepta. Nommé en
1789, il resta dans ses fonctions pendanl vingt-deùï ans ; destitué
en mars 1794, il n'en demeura pas moins à Rome, Où il mourul le
:: novembre 1794, à l'âge de quatre-vingts ans, laissant La réputation
d'un prélat fastueux; d'un grand seigneur aimable el aimé, «l'un
homme il»1 goût et d'un homme de bien.
A-l-il mieux réussi à Rome qu'il n'avait fait à Versailles? La
grosse affaire qu'il eut à négocier pendant la plus grande partie d
longue ambassade est celle des Jésuites. Chargé d'appuyer la demande
île L'Espagne, qui réclamait avec une insistance de plus en plus âpre
la suppression decel ordre, etquiavail fait du concours de la France
en cette circonstance la condition essentielle du maintien du Pacte
de famille, il sut obtenir de Ganganelli. avant son élection, des nn.i-
gements formels; il sut forcer Clément XIV à les tenir: il sut enfin,
après la mort de ce pape 'mort naturelle, comme le pensej avec
raison, M. Masson, qui ne croit pas au poison ' . exercer assez d'in-
fluence sur le nouveau pontife, Pie VI, pour couper court aux
intrigues du parti jésuitique à Home, pendanl que le duc d'Aiguillon
en triomphait a Paris. Bernis n'aimait pas les Jésuites. Non qu'il
fût un esprit fort : sans être théologien, et bien qu'il fut, lui aussi,
entré dans les ordres bien après avoir reçu des abbayes et même le
chapeau rouge, il était bon prêtre cl croyant sincère. Mais il ne
voyait pas sans dégoût la grossière superstition que les Jésuites pro-
pageaient sous prétexte d'adorer le Sacré-Cœur. Plus lard il prit soin
d'édifier son gouvernement sur les prétendus mérites d'un étrange
personnage qu'ils voulurent faire canoniser : Benoît-Joseph Labre,
mis enfin, après un siècle d'efforts et d'attente, au rang des saints.
Surtout, il était gallican. Il était de ceux, comme il le «lit Lui-même,
« qui croient qu'on naît sujet el citoyen avant que d'être prêt]
évêque, » et, comme dit M. .Masson, « s'il était disposé à ton- les
sacrifices pour maintenir avec Rome l'unité de doctrine, il était prêt
à demander à la papauté toutes le concessions, lorsqu'il 3'agissait
1. Bon nombre Je gens, et Bernis lui-mé ont cru qae Clément XIV étail
mort empoisonné. On peut résumer les raisons contraires <!•• M. Masson en
citant, d'après lui, ce passage d'u lépêche du baron de Gleichen, ministre
de Danemark, p. 29'J : « On croit presque généralement que Clément XIV a été
empoisonne par les Jésuites. Pour moi, je n'en crois rien. Ils n'étaienl pas gens
à commettre des crimes inutiles. Ce poison aurait été utarde après dîner.
Le marquis de Pombal, Charles Ut et leduc de Choiseul son) morts fort natu-
rellement. Voilà les preuves de mon opinion. Clément XIV est mort de la peur
de mourir: son idée live était le poison, et la putréfaction subite de ion
cadavre n'a été que l'effet de l'angoisse terrible qui l'a lue. »
;)-± BULLETIN HISTORIQUE.
de la police de L'Étal » (p. ->-J6). L'institution de la Société de Jésus
n'était point fondamentale de l'Église; or les circonstances avaient
fait que les Jésuites s'étaient rendus odieux aux gouvernements
absolus. Ne reconnaissant d'autre chef que leur général toujours
résidant à Rome au pied du trône de saint Pierre, ils semblaient s'être
mis au-dessus des lois. C'est pour un crime semblable que Louis XIV
avait persécuté les Jansénistes; c'est pour sauver le principe même
du pouvoir monarchique que Charles III chassa les Jésuites d'Es-
pagne, et qu'il intéressa tous les princes régnants de la maison de
Bourbon à poursuivre leur destruction. Dans ce nouveau conllit entre
l'Église et l'État, Remis agit avec habileté; il appuya de toute son
intluence l'action des ministres espagnols pour empêcher un schisme
inévitable, si le pape avait maintenu les Jésuites contre tous les
Bourbons; mais il y apporta toute l'aménité de son caractère, tout
son art d'habile temporisation. Il réussit, à force de souplesse, où la
hauteur eût sans doute échoué. Ce n'est pas pour cela un grand
diplomate ; mais dans une situation de second ordre, où il n'avait
qu'à faire exécuter les résolutions prises par d'autres, il était tout à
fait à sa place. A Versailles, il avait été à la fois trop courtisan, trop
clairvoyant et trop timide ; à Rome, il établit et maintint sur un pied
excellent les relations entre le roi et l'Église jusqu'au jour où la
Révolution vint rendre inutiles tant d'efforts poursuivis depuis un
millier d'années pour faire vivre le spirituel et le temporel en bonne
intelligence.
Ainsi l'ouvrage de M. Masson dépasse les limites d'une simple
biographie, et importe à l'histoire générale des idées, des institutions
et de la politique. Celui de M. Desnoiresterres, sur la Comédie sati-
rique au XVIIIe siècle (E. Perrin), est plutôt curieux. Le biographe
si érudit et si consciencieux de Voltaire a été chercher dans les œuvres
comiques du temps les éléments d'une histoire de la société française ;
mais il n'a réussi à en donner que la caricature. La satire est mau-
vaise langue, et le théâtre, lorsqu'on met sur sa scène les hommes et
les choses du moment, ne vit que de médisance ou de calomnie. Ce ne
sont pas des témoins fidèles. Il est bon néanmoins de les entendre, et
l'on ne peut fermer l'oreille aux bruits de coulisse dans une époque qui
a tant aimé le théâtre. Sous Louis XV et sous Louis XVI, le théâtre
était la seule réunion publique autorisée ; à défaut de tribune poli-
tique, on parlait au peuple par la bouche des comédiens. A défaut
d'une presse libre, on écrivait des comédies. Voltaire et Beaumarchais
ont été les maîtres du genre. La censure était d'ailleurs plus tracas-
sière que redoutable ; elle le devint sous la Révolution ; c'est vrai-
iiîvn.i 373
menl alors qu'on oe pul avoir de l'esprit, ou du cœur, impunément.
Il était plus dangereux d'attaquer les jacobins, devenus les maîtres,
qu'il rie l'avail été autrefois de fronder le gouvernemenl ou le clergé,
et la guillotine était un châtiment plus sévère que la Bastille.
On avait tenté en effet de discipliner le théâtre même et d'en
faire un instrument d'éducation politique. Dansla même série d'idées,
mais bien autrement graves ont été les efforts tentés par les philo-
sophes au svnr siècle el par leurs disciples pendant la Révolution
pour former, dès l'enfance, l'homme el le citoyen. V Éducation
morale et civique tirant et pendant la Révolution a été étudiée par
.M. l'abbé \ug. Sicard dans un livre tort intéressant Poussielgue).
On devinera sans peine qu'aux yeux île l'auteur, tout système d'édu-
cation doit reposer sur l'enseignement chrétien. Rollin en a tracé les
règles. Hors rie la, rien de bon ne peut être lente. Les philosophes
ont prétendu remplacer dans l'éducation la religion par la morale;
leurs doctrines ont été mises en pratique âpre- 1 7s«> ; mais le- écoles
de la Convention sont tombées sous le ridicule avec le culte de l'Être
suprême imaginé pour donner une base religieuse à la nouvelle
morale civique, avec les fêles républicaines décrétées en l'hoi ur
delà Nature divinisée. Le jour où'Honaparle a fait rentrer lesaumô-
niers dans les collèges et lycées de la. République, la société a été
sauvée. Telle est l'idée mère de ce livre, écrit d'ailleurs en excellents
termes et avec une connaissance étendue du sujet. Cette idée, on
peut la combattre; il est naturel que, du jour où la foi chrétienne a
cessé de régner sans partage sur les cœurs, l'éducation ne soit plus
exclusivement chrétienne, et que, chez un peuple de citoyens, elle
doive se proposer pour objet essentiel de préparer l'enfanl à devenir
un hon citoyen. Il convient donc de séparer la religion de l'éducation
nationale, ce qui ne veut pas dire qu'il faille la proscrire. La liberté
sagement pratiquée est encore, en ce point comme dans les autre-.
le meilleur des systèmes.
Ce changement profond dans les principes de l'éducation natio-
nale s'accomplit en même temps «pie se modifie tout le système
politique et administratif de l'ancien régime. C'est sous Louis XVI
que commence à s'opérer celle réforme prodigieuse qui. si elle eût
été poursuivie avec vigueur par le gouvernement lui-même, eûl sans
doute fait a h France l'économie de la grande Révolution. Le chef
de ces hardis réformateurs a été Turgot. C'esl toujours à lui qu'il
faut revenir quand on veut se \-i'\u\vr un c pte exact de ce que
devait faire l'ancien régime. .M. Alfred Neymark, déjà connu par nue
étude sur Colberl el -on temps, vient d'aborder à nouveau ce grand
:{7 \ BULLETIN HISTORIQUE.
sujet. Malgré un plan défectueux •, et bien qu'en somme il soit
très inférieur à V Essai de M. Foncin, c'est un livre estimable; il
pourra être utilement consulté par ceux qu'effraierait le livre si com-
pact de son devancier. A part quelques extraits de la correspon-
dance de Turgot avec l'intendant de Champagne, les faits sont connus ;
mais ils sont clairement exposés et les appréciations sont judicieuses.
L'économiste, l'intendant, le ministre sont assez bien mis en lumière;
mais on n'est pas fixé sur un point important, celui de savoir
quelle fut au juste la valeur de Turgot comme homme d'État. On
lui a reproché d'avoir compromis le succès de ses propres réformes
par la hâte maladive avec laquelle il les appliqua coup sur coup,
fatiguant et ameutant ainsi contre lui tout le monde. On sait le mot que
lui dit Malesherbes : « Vous n'avez pas l'amour du bien public, vous
en avez la rage! » Ce reproche est-il fondé, et jusqu'à quel point?
M. Neymark ne le dit pas nettement. Il fait quelque part une compa-
raison toute naturelle entre Turgot et Golbert. Pourquoi Colbert,
réformateur impatient lui aussi, a-t-il pu rester plus de vingt ans au
ministère et accomplir son œuvre sans se briser aux obstacles mul-
tipliés sur le chemin, tandis que Turgot y succomba ? N'est-ce pas
surtout que Turgot était le ministre d'un roi borné et indécis, à une
époque où la royauté avait déjà perdu son prestige? Il eût fallu
maintenir Turgot, en le modérant au besoin ; il avait montré dans
le Limousin qu'il savait le prix du temps et des ménagements.
A défaut de Turgot, il fallait soutenir Necker. C'est l'avis de
M. René Stourm, dans son savant livre sur les Finances de /'ancien
régime et de la Révolution (2 vol., Guillaumin). M. Stourm s'est
proposé de rechercher les origines de notre système financier actuel.
Il l'a fait avec l'expérience d'un homme du métier et la compétence
d'un érudit ; il résume lui-même tout son ouvrage en ces lignes :
« Ces origines remontent à l'ancien régime. Nombre de règlements
encore en vigueur trouvent leur modèle dans le code des fermes
générales-, mais c'est à dater de l'avènement de Louis XVI que sont
jetées les plus importantes fondations de l'édifice moderne. L'ancien
régime transformé en fournit les matériaux. Dans les mains de Tur-
got, de Necker, des assemblées provinciales, de la dernière assem-
blée des notables, et enfin dans celles de l'assemblée nationale de
1. L'ouvrage est en deux volumes (Guillaumin). Il est intitulé : Turgot et
ses doctrines. En voici le plan général : l'e partie, jeunesse de Turgot; l'inten-
dance de Limoges; Turgot ministre; 2e partie, doctrines économiques et
sociales; doctrines philosophiques et politiques; 3e partie, vie privée de Tur-
gol : ses amis, ses ennemis, sa retraite et sa mort.
FRANCE.
:57:i
1789, la nouvelle organisation fiscale naît et se développe. Elle tend
vers la perfection jusqu'à ce que la Révolution [Fauteur faii commen-
cer la Révolution en 1792, avec la République] interrompe le cours
de ses progrès. Puis les gouvernements réguliers se remettent à
l'œuvre-, ils partagenl avec les réformateurs du règne de Louis XVI
et l'Assemblée constituante l'honneur d'avoir créé le système financier
nui nous régit aujourd'hui H. 501 . Gomme on le voit, (tins Ihis-
toire delà Révolution l'auteur distingue soigneusement deux chi
très différentes en effet : l'œuvre féconde de la Constituante el
l'œuvre dévastatrice du gouvernement révolutionnaire. Les Ooasti-
tuants étaienl des gens de l'ancien régime, formés par la libre dis-
cussion des affaires publiques dans les deux assemblées des notables
de 17x7 et 17ns. dans les assemblées provinciales instituées par
toute la France, dans les réunions où l'on rédigea les cahiers de
17N0. Les reformes décrétées par l'Assemblée nationale étaient accep-
tées d'avance ou même déjà commencées: égalité de tous les citoyens
devant l'impôt, répartition équitable entre les contribuables, les cor-
vées en nature supprimées et transformées en prestations en argent,
suppression des douanes intérieures, tarif uniforme de douanes à la
frontière, abandon du système protecteur depuis le traité de com-
merce avec l'Angleterre, etc. Mais lorsque les hommes nouveaux de
1792 et de 1793 voulurent rompre avec les traditions nationales, ils
ne surent rien fonder; M. Stourm a fait le compte de ce que six ans
de gouvernement révolutionnaire ont coûté à la France -, les chiffres
sont effrayants. Les plus détestables pratiques de la monarchie
déchue furent reprises par les Jacobins, et ils conduisirent l'Étatà la
banqueroute, comme lavait fait l'ancien régime; et la banqueroute
financière fut aussi, dans les deux cas, une banqueroute politique.
Le livre, un peu dur à lire, mais très suggestif, de M. Stourm
apporte une nouvelle confirmation a la thèse présentée, avec un sens
historique si profond, par Tocqueville dans Y Ancien régime ri ht
Révolution. lien est de même pour ['Histoire de l'administration
provinciale, départementale et commerciale en France, par M. Emile
Mowet (A. Rousseau). Gc n'est pas que ce dernier ouvrage ait la
même valeur que celui de M. Stourm. il >'m fautde beaucoup. L'au-
teur est peu au courant des institutions de l'ancienne France; ses
sources d'informations ne sont ni abondantes, ni bien choisies: ses
appréciations sont timides et parfois contradictoires; néanmoins
c'est une étude estimable sur le- origines de noire organisation
locale. L'œuvre des réformateurs sous le règne de Louis XVI est
assez bien résumée ; comme pour les finances, on voit qu'en matière
;57r> BULLETIN HISTORIQUE.
d'administration1 Turgot, Necker, les assemblées des notables et les
assemblées provinciales ont préparé les travaux de la Constituante.
Ici encore la réforme a réussi, non parce qu'elle a été l'œuvre de la
Révolution, mais parce qu'elle était accomplie d'avance dans l'esprit
du public. Huant aux vicissitudes éprouvées par notre organisation
départementale et communale, elles sont exposées avec d'assez grands
détails. Parfois on demanderait plus de clarté ; ainsi la différence
entre les districts établis par la Constituante et les arrondissements
de l'an VIII est à peine esquissée. Sur le régime communal, il y aurait
eu beaucoup plus à dire, sans parler des erreurs qu'il y aurait à rec-
tifier pour la partie ancienne.
Ainsi voilà trois auteurs qui. à des points de vue différents, abou-
tissent directement ou indirectement à la même conclusion, à savoir
que, sous Louis XVI, on travailla très activement à réformer un
régime ébranlé de toutes parts, qu'à la veille de la Révolution ce tra-
vail était déjà fort avancé. Ce n'est pas une découverte- il y a même
longtemps qu'on a tiré argument de ce fait indéniable pour en faire
le procès à la Révolution de \ 7S9 -, on pourrait, avec autant de raison
au moins, en tirer la condamnation d'un régime politique , dont les
fautes, et plus encore peut-être la maladroite faiblesse l'ont rendue
inévitable. L'erreur la plus dangereuse que puisse commettre un sou-
verain absolu, c'est de ne pas gouverner.
Celte période de transition a été trop négligée par M. Victor Moli-
nier dans son Cours élémentaire de droit constitutionnel (A. Rous-
seau) , \ re partie d'un ouvrage d'ailleurs rempli de faits judicieusement
coordonnés. La Revue aura sans doute plus d'une fois l'occasion de
revenir sur cet ouvrage du savant professeur de droit à la Faculté de
Toulouse. Qu'il suffise aujourd'hui d'appeler l'attention sur le cha-
pitre relatif à l'égalité devant la loi, où l'on trouvera des détails inté-
ressants sur la condition des personnes avant et depuis 89 '.
Histoire locale. — L'Histoire du bienheureux Charles le Bon,
comte de Flandre, par M. Edward Le Glav (Lille, Desclée, De
Brouwer et Cie), est une légende pieuse destinée à l'édification du lec-
teur. Quelques pages sur l'état de la Flandre au xne s., la traduction
abrégée de la chronique de Galbert de Bruges, sont à peu près tout
ce qui pourrait intéresser l'historien-, .quant au mouvement commu-
nal si curieux qui se produisit à Bruges après l'assassinat du comte,
1. Je signalerai seulement, p. 124, la note sur le Droit du seigneur; en s'ap-
puyant exclusivement sur des textes du Midi, M. Molinier soutient (pue ce droit
a réellement existé, ailleurs que dans le Midi. 11 aurait fallu étudier de plus
près le Jus primae noctis de Schmidt, qui a renouvelé entièrement la question.
FBANCE. 577
il faul aller l'étudier ailleurs, et, par exemple, dans VHistoire de Saint-
Orner, par M. Girj .
Les érudits n'auront pas à tenir compte davantage de ['Histoire de
la ville d' Orléans, yax .M. Eugène Bimbenet, ou du moins du premier
volume qui Nient de paraître (Orléans, Herluisou . et qui s'arrête à
Louis Le Pieux. Il es! clair que L'auteur, travailleur consciencieux,
ignore entièrement La méthode historique. Il cite ses auteurs de
toutes mains-, il se lance dans La recherche 'les étymologies avec la
témérité d'un homme qui n'en connaîl pas les lois; il s'étend indéfi-
niment sur La période du moyeu âge primitif, sans se douter du point
où en est arrivée l'étude des Mérovingiens el des Carolingiens. Espé-
rons qu'il prendra sa revanche, Lorsqu'il arrivera à une époque où les
Archives Locales pourront lui fournir des docu ats.
.l'arrivé bien lard pour parler de L'intéressante étude publiée par
le comte A. de Boubmoni sur la Fondation de II niversité de Caen
et son organisation au XVe s. (Caen, Le Bianc-Hardel . L'Académie
des inscriptions l'a distinguéeau concours des Antiquités nationales,
comme un livre « bien fait, très net, très précis, s'appuyant sur de
bons documents dont personne jusqu'ici n'avait encore pu faire
usage. » Le plus important de ces document- est Le « Matrologe » ou
recueil des chartes de l'Université, rédigé, au commencemenl du
mT s., par Pierre de Lesnauderie, qui lut deux fois recteur à Ca
en 1503 et en 1520. L'Université a été fondée en i vil. sans doute
sous l'inspiration de Bedford; Charles Vil la confirma quand il eut
repris la ville: depuis, elle ne fit que végéter jusqu'à la fin du
xvm' s. Son organisation fui calquée en partie sur celle de Paris et
sur celle d'Oxford. Il ne faut donc pas s'attendre a trouver ici beau-
coup de nouveau ; mais c'est un utile complément a la thèse de Thurot
sur I organisation de L'Université de Paris au moyen âge4.
C'est a un ordre de faits analogues qu'appartient la nouvelle étude
de M. Francisque Mège sur 1 icadèmie des sciences, belles-lettres <■/
arts de Clermont-Ferrand (Glermont, Thibaud . Fumier en 17 '.7, la
« Société littéraire » de Clermont fui autorisée en l7so a prendre le
litre longtemps sollicité d' « Académie royale. «Supprimée en 1794,
elle fut reconstituée en 1824, etdepuis lors elle a fourni une honorable
carrière. M. Mège raconte avec un légitime orgueil Les efforts pei -
vexants accomplis .-ous les auspices de la Société pour dégager Les
ruines romaines découvertes au somme! du Puy-de-Dôme; en 1874,
1. M. de Bourmonl a aussi publié dans le PolybibUon, et a part, nue courte
brochure sur la bibliothèque de l'université de Caen an w siècle, n L'inven-
taire qui en fui dressé en 1 167.
378 r.ULLETIN niSTORIQDE.
on acquit la certitude qu'où se trouvait en présence d'un grand
temple consacré à « Mercurius Dumias, » la principale divinité des
Arvernes. La liste analytique des Mémoires publiés dans le recueil
de l'Académie est dressée par M. Mège avec le soin qu'il apporte à
tous ses travaux; c'est aussi la partie qui rendra le plus de services.
Il y a cinq ans, M. A. Janvier publiait (chez Hecquet, à Amiens) une
Petite histoire de Picardie; ce sont de « simples récits, » comme
l'auteur le dit lui-môme, et sans prétention scientifique; et en effet la
prétention serait mal justifiée. Il a voulu du moins utiliser de nom-
breux matériaux laissés sans emploi, et présenter au public les notes
el éclaircissements volontairement omis tout d'abord ; c'est sous forme
d'un Dictionnaire historique et archéologique qu'il les donne aujour-
d'hui (Amiens, Douillet). Ce nouveau volume sera plus utile que le
premier, mais ce n'est encore qu'une compilation hâtive et sans ori-
ginalité propre, où il serait aussi facile de relever des erreurs que de
signaler des lacunes. On regrette surtout de ne pas trouver une
bibliographie plus abondante. Aux articles Senlis et Saint-Quentin,
on chercherait vainement les excellentes monographies de M. J.
Flammermont et de M. Charles Normand ; comme au mot Abbeville,
on parle indûment du « traité de 4258, » conclu en réalité à Paris en
I2"i(.), tandis qu'on ne dit rien du traité d'Amiens de 4 802. Ce sont là
des exemples pris au hasard, et qu'il serait trop facile de multiplier.
A propos de Saint-Quentin, voici un petit livre très curieux de
M. E. Lemaire : les Fêles publiques à Saint-Quentin pendant la Révo-
lution et sous le premier empire (tiré à part du Journal de Saint-
Quentin) ; ici, tout est puisé aux Archives municipales ', que l'auteur
connaît bien, et qu'il exploite depuis longtemps avec succès. Le
caractère général de ces fêtes est connu, et M. l'abbé Sicard, dans
l'ouvrage mentionné plus haut, a fort bien montré quelle part les
Jacobins leur attribuaient dans l'éducation morale et civique du
peuple ; mais tout ce qui touche à la Révolution est intéressant, et
maintenant plus que jamais les bonnes publications sur la Révolution
en province seront les bienvenues.
Ch. Be'mont.
1. L'auteur dit en note, à la page 4 : « Les archives départementales (de
Laon) nous onl été complètement fermées, en vertu d'une circulaire de M. Wal-
deck-Rousseau, ministre de l'intérieur, qui a interdit aux archivistes de Paris
ri îles départements toute communication de documents relatifs à la Révolu-
tion. » Serait-il possible ! Nous réclamons un démenti formel du Ministère de
l'Intérieur.
Mil MGXK i l \i Uili m .S7'»
ALLEMAGNE ET AUTRICHE.
TRAVAUX RELATIFS A l'iIISTOIRK ROMAINE'
\i s 1883 el 1883 .
auteurs lnciehs. Leurs sources et leub Miouui:. — Le désir
de voir réunis en un recueil critique les restes de lotis les ouvrages
fragmentaires concernanl l'historiographie romaine a été enfin rem-
pli et d'une façon toul à fail satisfaisante par Hermann Peter2. Les
Fragmenta historicorum Romanorum édités par lui se divîsenl en
trois groupes : Le premier comprend les historiens romains jusqu'à
la lin de la période républicaine ; Peler en avait déjà réuni les
fragments dans le premier volume de ses Relliquix historicorum
Romanorum. Celle nouvelle édition a subi des remaniements 1res
considérables; l'auteur a fait de nombreuses additions et a corrigé
le texte en maint endroit; en outre, il a laissé de côté loule la
partie qui n'était pas rigoureusement historique (p. ex. le Jicspon-
tificium de Fabius Piclor) et' surtout les prolégomènes étendus el le
commentaire qui accompagnaient les Relliquiae; l'appareil critique
a été réduit à son minimum. Les deux groupes qui suiveni le pre-
mier sont traités de la même manière. Le second comprend les
siècles d'or et d'argent de la latinité, le troisième les historiens
du commencement du me au commencement du \ siècle. Il
est naturel que ce recueil, principalement pour ce qui concerne
les deux dernières parties traitées ici pour la première fois, soit
encore incomplet sur plus d'un point, mais on n'en doil pas
moins reconnaître que, relativement aux matériaux considérables
que Peter avail à mettre en œuvre, bien peu lui ont échappé. L'auteur
compte sur l'appui des hommes de la partie, sur leurs indications
au sujet des omissions possibles, et ne regarde les deux dernières
parties de l'ouvrage que comme un travail préparatoire. Il le repro-
duira, avec des prolégomènes et des commentaires, comme second
volume de ses Relliquiae; nous souhaitons que celui-ci ne se fasse
pas trop attendre.
Dans ses recherches sur Timée de Tauromenium, Gh. Glaseh3 a
1. Ce Bulletin a été arrêté à la lin (\o juin L884. Voir la première partie plus
haut. p. 1 I
2. Historicorum Romanorum fragmenta. Leip/i^. Teubner, 1883.
3. Historisca-hrttischeUniersuçhungen ùberTimaiosvon Tauromenium. Kiel,
380 BULLETIN HISTORIQUE.
discute, mais d'une façon Irop peu précise, les emprunts que les écri-
vains postérieurs onl faits aux 'ItoXtxidè Timée, le plus ancien, avec
Jérôme de Gardie, des historiens grecs qui aient traité tout au long de
l'histoire de Rome. 11 conclut, à rencontre d'hypothèses antérieures.
que l'on ne saurait trouver dès traces de Timée chez les écrivains posté-
rieurs ; on n'a fait d'emprunt ni à son histoire italique ni à sa biogra-
phie de Pyrrhus. R. PoEBSTER4â résolu négativement et d'une façon très
évidente cette question : les poèmes de Naevius et d'Ennius existaient-
ils encore dans les bibliothèques du moyen âge, comme on l'a sou-
vent admis? L'importance littéraire d'Ennius a été discutée dans un
ouvrage étendu de Lucien Muller2-, l'auteur nous semble avoir
encore plus exagéré les mérites du poète latin que ceux-ci n'avaient
été rabaissés par quelques critiques tels que Mommsen et Vahlen.
On trouvera de précieux renseignements historiques dans les cha-
1 litres que l'auteur consacre soit au développement intellectuel du
peuple à Rome, au temps d'Ennius, soit à la vie du poète et à l'in-
fluence, étudiée ici pour la première fois d'une façon sérieuse, qu'il
a exercée sur la littérature postérieure. On lira aussi avec fruit la
reconstitution des Annales du poète, tentée par Muller ; il faut consi-
dérer ce travail comme une introduction à l'édition des fragments
d'Ennius, qui vient de paraître. Tout en accordant que la publication
des annales a été successive, nous ne pouvons admettre avec Muller
qu'Ennius ait donné quatre éditions de son propre ouvrage.
M. G. P. Schmidt3 a réfuté d'une façon péremptoire l'opinion
d'après laquelle Polybe aurait composé, outre ses histoires, trois
traités géographiques et astronomiques intitulés, l'un, De zonis
el polis mundi, l'autre, Periplus orae Libycae, et le troisième :
Ilepi rrçç rcept tbv fev)jj.epivbv ùocfjffewç. Schmidt montre que tout
ce que Polybe a écrit sur l'astronomie et sur la géographie se
trouve, soit dans des fragments des Histoires, soit, sous une
forme condensée, dans le 34e livre de ce même ouvrage. Les
fragments, relativement nombreux, qui nous ont été conservés, de
l'histoire de la guerre des Marses, composée par L. Cornélius
Lipsius el Tischer, 1883. — Voir aussi les recherches de H. Kothe sur le clas-
sement des fragments de Timée dans : Neue Jahrb. f. Philologie u. Paedu-
gogik. B. 127, 1883, p. 809-813.
!. '/.uv Handschriftenkunde u. Geschichte der Philologie. Rhein. Muséum f.
Philologie. Vol. XXXVII, 1882, p. 485-491.
2. Quintus Ennius. lune Einleitung in das Studium der rœmischen Poésie.
Pétersbourg, Ricker, 1884. — Voir L. Muller : Zu der Ennius Annalen. Philol.
XL1I, fasc. 3, 1883, p. 544-547.
3. Ueberdie geograpfiischen Werke des Polgbios. Neue Jahrb. f. Philologie
undPaedagogik. Vol. CXXV, 1882, p. 113-122.
\l i .km LGNI il u raicHE. 384
Sisenna, ont été publiés par A. Schheum :b ' avec un c aentaire
historique où se trouvenl des combinaisons ingénieuses, mais dans
lequel l'auteur a faii trop de place à l'hypothèse, en assignant des
dates historiques précises aux fragments isole- du contexte. L'écrit
de Th. Grève -, sur Les sources de la biographie de Tib. Gracchus el
sur sa vie politique, témoigne de recherches consciencieuses et éten-
dues; l'auteur a résistée la tentation de ramènera des sources pré-
cises les récits de Plutarque el d'Appicn, que l'on a\ ul tout d'abord
à examiner; il réussit à caractériser avec précision ces deux récits
et leur valeur intrinsèque; il montre très bien que, si Appien esl
un témoin impartial et contemporain des événements, Plutarque,
par contre, semble bien n'avoir l'ail rien autre chose que de fondre,
au hasard de son goûl personnel, plusieurs ouvrages d'âge el de
valeur très divers et souvenl contradictoires. 11 en résulte qu'on
doit s'en tenir aux indications précises d'Appien pour ce qui regarde
la vie publique de Tib. Gracchus et pour tous les cas où il \ a diver-
gence entre lui et Plutarque; on devra élever des doutes au îujel de
l'exactitude de tout ce qui est affirmé par d'autres que par Appien,
par exemple au sujet des lois financières de l'aîné des Gracques. 1)
aurait été désirable que l'auteur relevât, dans son étude, tous les
renseignements fragmentaires de Tite-Live : ilsconfirmenl en partie
les résultats auxquels il est arrivé.
La collection impatiemment attendue des fragments des Anti-
quitates rerum humanarum de'M. Terent. Varrona étéentreprise par
P. Miasca3; celui-ci ne s'est malheureusement pas suffisamment
rendu compte des difficultés de la tâche et n'a par, apporte à son
travail une connaissance assez générale de la littérature antique et
notamment des grammairiens etdes commentateurs romains. Aussi,
cette collection des fragments ne peut nullement avoir la prétention
d'être complète, bien que l'auteur ait fait voir, il est vrai, de nou-
velles traces d'emprunts faits à Varron par des auteur airs;
les hypothèses qu'il présente, dans des prolégomènes étendus,
relativement à la composition, à la division et au contenu des
Antiq. rer. hum., pourraient donner lieu à maintes objections.
G. F. Arnold' cherche a résoudre le problème difficile des sou
1. De L. Cornelii Sisennae historiarum reliquiis. lenae, Bossfeld,
2. Kritikder Quellen zum Leben des aelteren Gracchus. Aix-la-Chapelle,
1883. (Programme des cours
3. De M. Terenti Varronis antiguitatum humanarum libris XXV. Lipsiae,
Typis J. B. Hirscnfelder. — Voyez aussi : Lelpziger Studien zur class. Philo-
logie. Vol. V, 1882, i>. 1-144.
4. Untersuchungen aberTheophanesvonMytUeneund Poiidoniiu von Apa-
382 BULLETIN IlISTORIOUK.
,iii\-(|iiclles on a puisé les divers récits des guerres de Mithridate.
II raisonne avec perspicacité, mais ses arguments sont parfois un
peu subtils. D'après lui, Appien raconte les campagnes de Pompée
et de Lucullus en Asie en s'appuvanl sur Théoplianes de Mytilène,
le favori de Pompée. C'est lui aussi qu'ont suivi Titc-Live et Plu-
tarque. Par contre, pour la première et la seconde guerre de Mithri-
date, c'est l'ouvrage historique de Posidonius qui est à la base du
récit d'Appien : Tite-Live, Plutarque, Diodore de Sicile, enfin Strahon
dans ses iàvoptiKÀ b-ypr^x-x, ont aussi amplement mis à profit Posi-
donius. Arnold suppose que l'ouvrage de Strabon a été utilisé par
Appien, soit comme complément à Posidonius pour les chap. i-lxvi,
soit comme source pour les renseignements tirés des annales de
Claudius Quadrigarius et des commentaires de Sylla. La manière
dont Arnold caractérise les divers passages d'Appien et de Plutarque,
qu'il a étudiés, est fort juste en général, et il a fait faire un pas à
la question de savoir quel degré de confiance méritent les récits de
ces deux auteurs. Il a raison de constater la teinte grecque ou « pon-
tique » des récits mis en œuvre par Appien- mais, quand il recherche
les auteurs sur lesquels s'est appuyé Théoplianes et qu'il indique
comme tels, expressément, des écrivains qui ne sont guère connus
que de nom : Tyrannio d'Amisus, Castor de Phanagorie et Teucer
de Cyzique, il est impossible de le suivre dans une voie si peu sûre.
On ne pourra probablement jamais déterminer d'une façon absolue
jusqu'à quel point Plutarque, dans sa vie de Lucullus, a utilisé (les
sources grecques mises de côté) Tite-Live, d'une part, et Salluste, de
l'autre. Néanmoins, Schacut ' indique, avec la plus entière certitude,
Tite-Live comme la « source principale », et de cette biographie, et
des parties d'Appien qui s'y rapportent. En revanche, A. Gleitsmann -
ramène à Salluste la plus grande partie des renseignements de Plu-
tarque au sujet de Lucullus.
Nous devons une étude intéressante sur les Commentaires de
César, et sur les ouvrages qui s'y rapportent, au major Max J.-ehns 3
qui s'était fait connaître déjà par son Handbuch der Geschichte
mea. (Tirage à part du 13e vol. Suppléai, des Jahrb. f. classische Philol.
Leipzig, Teubner, 1882.) Une partie de cet ouvrage est la dissertation inau-
gurale de L'auteur : Quaestioaum de fo/ilibus Appiani spécimen. Kœnigsberg,
Hartung, 1881.
1. Die IlauptqueUc Plutarchs in der vita Luculli. Lemgo, 1883. (Programme
des cours.)
2. Dr Plutarchi in Luculli vila fontibus et fide. Rosenheim, 1883. (Pro-
gramme des cours.)
3. Caesars h'ommentarien und ihre literarische und hriegswissenschaftliche
Folgewirkung. Beiheft zurh Militaer-Wochenblatt , 1883. Berlin, Miltler et
k\.u m\l.m i r \i ruons. 3n:{
des kiiegstcesens. Cette étude renferme d'abord un chapitre d'intro-
duction sur .1. César, puis de courtes remarques sur Le style, sur
la véracité et sur La date de la composition des Commentaires, enfin,
une table générale, dressée avec beaucoup de soin, de tous les
ouvrages militaires et philologiques qui ont paru sur Qésar depuis le
i\c siècle jusqu'à nos jour-. Cette table contient non seulement la
liste complète des éditions et des traductions <les œuvres de César,
mais encore celle des travaux relatifs a la critique du texte, des dis-
sertations stratégiques et historiques, et même des principaux articles
de revues. La bibliographie de César a encore été augmentée par les
recherches de Basim.r ' sur le De bello cu-ili; après avoir essayé
d'établir que le texte de ces commentaires ne qous esl parvenu qu'a
l'état fragmentaire, il examine, en Les comparant avec les passages
correspondants de Plutarque, de Dion et d'Àppien, toutes les indi-
cations fournies par César, à partir du débul de la guerre civile
jusqu'à son passage en Grèce; il aboutit a cette conclusion «pie le
véritable état des atl'aires a été défiguré par César dans toute une
série de circonstances, si bien qu'on ne saurait nullement ajouter
une foi absolue à son récit.
On n'en finit pas avec Cornélius Nepos! L'hypothèse émise récem-
ment par Unger, que l'ouvrage attribué a Cornélius : De excellente
bus ducibus exterarum gentium, avait été compose par Julius ll,\ui-
nus, l'affranchi d'Auguste, avait d'abord rencontré une approbation
presque unanime-, bientôt, cependant, de divers cotes des doutes
s'élevèrent-, on contesta entr'autres la différence que Unger avait cru
reconnaître entre la langue des biographies des généraux et celle de-
biographies de Gaton et d'Âtticus, œuvres authentiques de Cornélius.
A. Maïu - ne s'appuie, pour réfuter Unger, que sur des raisons
tirées de la langue des deux groupes de biographies. B. la ps3 et
11. Rosenhauee4, après avoir montré que la langue et Le style des
deux groupes sont identiques, apportent encore d'importants argu-
ais; — Voir aussi R. Menge. Quaestiones Caesarianae. Eisenach, 1883. (Pro-
gramme des cours.)
1. De bello civili Caesariano, Quaestiones Caesarianae. Pars 1, Dorpal, 1883.
(Dissert, inaugurale.)
2. Stimmt der Cato und Atticus des Cornélius Nepos in Sprache und Stil
mit den demselbea Schriftsteller zugeschricbenen \ Hue ûberein oder nicht?
Cilli, 1883. (Programme des cours.)
3. Cornélius .\epos oder Julius Hyginus? New Jahrbucher fur Philologie
und Paedagogik. Vol. CX.W, 1882, \>. 379-401.
4. Phdolog. Anzeiger. Vol. XIII, 1883, p. 733-73'j. Voir • '.. Gem88 dans le
Jahresber. d.philolog. Ver. zu Berlin. An. 1883, p. 384-397.
38$ BULLETIN HISTORIQUE.
menls cpntre l'attribution de ccl ouvrage à Ilyginus. H. Rosevhauer1
a soumis à une étude très consciencieuse le De viris ilhtst'ribus urbis
Romae, attribue à Aurelius Victor et que j'avais considéré moi-même,
autrefois, comme un extrait du grand ouvrage de Cornélius Nepos :
De viris illustribus. Rosenhauer regarde bien l'ouvrage biogra-
phique de Cornélius comme une des sources du Pseudo- Victor, mais
il admet que la base de ce livre est un ouvrage historique non bio-
graphique, dont il place la composition en l'an \~t avant J.-C. -, une
troisième source du Pseudo-Victor serait enfin un Liber exémplorum,
soit d'Hygin, soit de Cornélius Nepos. L'auteur nous semble avoir
tout à fait tort de nier que Tite-Live ait été utilisé-, il cherche d'ail-
leurs à retrouver les traces de ce qu'il appelle les sources primitives
de son texte, à savoir : Calpurnius Pison, Valérius Antias et Clau-
dius Quadrigarius. L'étude de A. Enmann 2, qui a paru en même
temps que la précédente, fait apparaître sous un tout autre jour la
composition du De viris illustribus ; d'après lui, ce livre n'est qu'un
faible extrait d'un ouvrage biographique dont l'original a servi à
Eutrope et à Ampelius; cet ouvrage aurait été composé à l'époque de
Dioclétien et serait une compilation où seraient entrées une histoire
des rois albains, contenue, sous forme abrégée, dans la Origo gentis
Romanae, et une histoire perdue des empereurs romains jusqu'à
Dioclétien. Cette compilation aurait été arrangée sous forme d'un
« corpus » biographique de toute l'histoire romaine. L'auteur du
De viris illustribus aurait utilisé simultanément un grand nombre
de sources, qu'on ne peut plus reconnaître exactement maintenant,
et parmi celles-ci les Elogia du forum Augusti occupaient sans doute
une place prépondérante.
La correspondance de Cicéron, si importante pour l'histoire de la
dernière période de la république, a été l'objet d'un grand nombre
de recherches. Moll 3 et Schiche 4 se sont spécialement proposé de
fixer le but. le lieu, la date et la suite chronologique des lettres
écrites par Cicéron ou à lui adressées. Moll s'est borné à étudier les
lettres des années 51 et 50 avant J.-C, lettres particulièrement inté-
1. Symbolae ad quaestiones de fontibus libri qui inscribitur de viris illus-
tribus urbis Bomae. Kemplen, 1882. (Programme des cours.)
2. Eine ver/orenc Geschichte der Bœmischen Kaiser. Philol. Suppl. Bd. IV,
p. 335.
3. De iemporibus epistularum Tullianarum quaestiones selectae. Berolini,
11. S. Hermann, 1883.
ï. Festschrift des Fricdrich-Werderschen Gymnasiums. Berlin, 1881, p. 225
■ |i|. — Idem. Zu Cicero's Briefen au Atticus, II. Berlin, 1883. (Programme des
cours.) — Idem. Zu Cicero's Briefen an Atticus. Hermès. Vol. XVIII, 1883,
p. 588-G15.
M.l BMAGNI i i M llili.lll . 883
ressantes pour l'histoire de l'administration de la Cflicie par Cicéron.
Nous relèverons, parmi les résultats historiques auxquels aboutit
cette étude consciencieuse, ce fait que, lors des élections consulaires
de l'an 50 avant J.-C, outre Servius Sulpicius, ce fui M. Calidius
qui échoua et non G. Lucilius Hirrus, a le on l'admettail jusqu'à
ce jour. Schiche ;i étudié, dans diverses dissertations, un certain
nombre de lettres du livre XV des lettres à Allions, ainsi que les
livres XII el XIII de la même collection. D'après ces dernièies,
il a tracé l'itinéraire de Cicéron d'avril 16 avant J.-C. à la lin de
décembre 15 avanl J.-C.
La question extrêmement compliquée relative à l'authenticité de
la correspondance entre Cicéron el Brutus a été soulevée de nouveau,
en iss). par P. Meyer, qui, avei beaucoup de perspicacité, a cher-
ché à prouver que toute cette correspondance n'est qu'une falsifica-
tion de Tépoque d'Auguste ou de Tibère. Au point de vue de la
langue, la démonstration de l\ Meycr ;i été complétée par II. I'>i:<:ui it ';
d'après ce dernier, le faussaire a imité, à la vérité, le style de Cicé-
ron, mais il s'en faut de beaucoup qu'il ait atteint son modèle el il
esl facile de distinguer sa langue maniérée et affectée de celle de
Cicéron. E. Rueti:2 est au contraire un défenseur convaincu de
l'authenticité de cette correspondance; son opinion est partagée et
défendue entr'autres par L. Gurlitt3 et par O.-E. Schmidt ;. Ruete
a traité dans son ensemble toute la correspondance de Cicéron dans
les années \\ et V3 avant J.-C; il a consigné, en rectifiant plusieurs
opinions courantes, les résultats de ses consciencieuses recherches
dans un tableau chronologique de tous les événements importants
de la vie de Cicéron, depuis la mort de César jusqu'en août 43; la
seconde partie de son ouvrage s'occupe en détail des lettres à l>rutn>.
Ruete les revendique toutes comme la propriété de Cicéron. Ce juge-
ment parait exagéré. Gurlitt, qui semble tenir ici le juste milieu,
estime que la plus grande partie des lettres esl authentique, car on
n'y trouve rien de choquant au point de vue historique et chronolo-
1. Ueber die Sprache der Briefe ad Brutum. Rheinisches Muséum fur l'ht-
loi. N. F. Vol. XXX VII, 1882, i>. 576-597.
1. Die Korrespondenz Ciceros in dcn Jahren il i*. 13. Karbourg, Blwert,
1883. (Dissertation inaugurale de Strasbourg.)
3. Die Briefe Ciceros an Brutus. Philolog. Supplemenlbd. IV, fase. 5, 1883.
p. 551-630.
i. Zu Cicero's Briefa ccksel mit M. Brutus. Neue Jahrb. f. l'hilol. U. Paeda-
yoyik. Vol. CXXVII, 1883, p. 559-567 L'auteur cherche à prouver que le pas-
sage ad Brulum, I, 3, g 4, est un fragment détaché d'une lettre authentique
de Cicéron.
Rbv. Histor. XX Vil.
386 BULLETIN HISTORIQUE.
gique; presque loules sont motivées par l'histoire journalière et con-
cordent exactement avec les lettres reconnues authentiques; mais
il regarde comme interpolé le passage I, 3, et comme supposés
les passages i, 15, §§ 3- M, I, -16, et I, 17. Quant à l'argument
tiré de la langue, Gurlitt pense qu'il n'est guère possible de relever
des fautes incontestables chez un connaisseur de l'époque et du
style épistolaire de Cicéron aussi fin que l'aurait été le faussaire.
P. -JE. Sonxenberg ' a réfuté, par des arguments décisifs, l'identité
admise depuis Muret entre le Volusius, auteur d'annales poétiques,
attaqué par Catulle dans ses poésies (Gat., c. 30, annales Volusi,
cacata carta, etc.) , avec l'historien Tanusius Geminius cité par Sué-
tone, Plutarque et Sénèque. E. ScHELLE2a publié, comme prélimi-
naires à une étude sur la position occupée par le triumvir Antoine
dans l'histoire de l'éloquence, un commentaire étendu des cinq lettres
d'Antoine qui nous sont parvenues (Gic, Ep. ad. Ait., X, 8-, X, 10,
2; XIV, 43; Gic, Phil., VIII, 25; XIII, 22-48); ce travail fournit,
à côté de plusieurs corrections du texte, des renseignements dignes
d'attention sur diverses périodes de la vie de Gicéron.
Un grand nombre d'ouvrages ont été consacrés à Tite-Live et à
l'étude des sources de cet historien.
E. Hetdevreich 3 a caractérisé d'une façon remarquable, dans un
opuscule dédié au grand public, la méthode de Tite-Live et son
manque absolu de critique personnelle : l'auteur fait ressortir entre
autres l'erreur commise par Tite-Live dans son tableau de la lutte
entre les patriciens et les plébéiens, et il l'explique par ce fait que
Tite-Live n'a pas su reconnaître la différence importante entre la
-plèbe des premiers siècles de la république et la populace de la capi-
tale a l'époque d1 Auguste. Baerwinkel4 pense que Tite-Live a uti-
lisé les annales d'Ennius pour ce qui concerne l'histoire la plus
reculée de Rome. Cependant la question réclamerait encore, d'après
lui, des investigations approfondies et notamment sur les arguments
présentés par Niebuhr. Le travail de 0. Gortzitza :i sur les sources
de l'histoire de la première guerre panique est tout à fait insuffisant ;
1. Der Jlistoriker Tanusius Geminus und die annales Volusi. Historische
L'alersuchuiigeii Arnold Schaefer gewidmet. Bonn, Strauss, 1882, p. 158-165.
2. De M. Antonii triumviri quae supersunt epistolis. Particula I, Franken-
berg, 1883. (Programme des cours.)
3. Livius und die rœmische Plebs. Berlin, Habel, 1882.
4. UeOer Ennius und Livius. Sondershausen, 1883. (Programme des cours.)
5. Kritische Sichtung der Quellen zum ersten punischen Kriege. Strasburg,
in Westpreussen, 1883. (Programme des cours.)
w.i.kmm.m: ci kl i riche. 3S7
Hauteur réparti! d'une façon tout arbitraire, cl sans tenir aucun
compte des nombreuses études antérieures sur le, même sujet, les
récits de Polybe et de Diodore entre les diverses sources romaines et
puniques admises par lui. cl ne consacre que quelques lignes lianales
à Tite-Live, à Dion, à Kulrope et à Appien.
II. Hesselbaktii ' prépare un grand ouvrage sur les sources de
la troisième décade de Tite-Live; les cinq chapitres qu'il vienl
de publier en guise d'échantillon montrent qu'il sait prendre vis-
a-vis des opinions antérieures de la critique une position indé-
pendante et qu'il possède un talent spécial pour traiter les pro-
blèmes dont il s'agit ici. Les parties étudiées sont relatives : \° au
traite entre les Romains et Hasclrubal, traité dont l'histoire et la
teneur, d'après Hesselbarlh , ont été altérées par Valérius Antias
et adoptées, sous cette nouvelle forme, par Appien et par Tite-Live
(XXI, 2; XXXIV, 43); 2° au début de l'expédition de l'an 217 axant
J.-G. ; 3° aux négociations engagées pour le rachat des prisonnier-
après la bataille de Cannes -, 4° à l'échec des Scipions en Espagne, et
•')° aux négociations pour la paix en 203 avant J.-G. Nous admettons
volontiers avec l'auteur : 1° que la narration de Tite-Live, dans la
troisième décade, se compose d'une partie puisée aux annales et
d'une autre partie tirée de Polybe, et 2° qu'on ne peut nullement se
fier à la tradition romaine, relative à la seconde guerre punique, telle
qu'elle se trouve soit dans les fragments de Valérius Antias, de Cœ-
lius Antipater, d'Acilius, etc., soit dans les récits, reposant aussi
sur des annales romaines, d' Appien, de Dion Gassius et de Diodore-,
mais nous doutons qu'il soit possible à l'auteur d'établir que Valé-
rius Antias est la source d'Appien et de Diodore et de donner, sur
celte base, comme il le fait entrevoir, de nouvelles solutions au sujet
du développement des annales romaines2. Il y aurait un grand profit
pour lui à consulter les ouvrages récents et notamment le livre si
bien fait (4880) de Ziélinski sur les dernières années de la guerre
d'Annibal. F ru:iilisch 3 a combattu l'opinion, adoptée par plusieurs
savants depuis Bcettcher [Kritisehe Untersuchungen Uber (lie Qurtlen
des Liviiis im XXI u. XXII Bûche, 1800), d'après laquelle les con-
1. Historisch-kritische Untersuchungen im Bereiche der dritten Dekade des
Livius. Lippstadi, 1882. (Programme des cours.)
1. Conf. mon étude sur « la marche d'Annibal contre Rome, en 211 »,
Mélanges Graux, ]>. 23-3'j, dans laquelle j'ai fente d'établir qu'Appien avait
utilisé Codius Antipater.
3. Ueber die Benulzung des Polybius im XXI and XXII Bûche des Livius.
Pforzheim, 1883. (Programme des cours.)
!SS BULLETIN HISTORIQUE.
cordanccs nombreuses de faits et d'expression entre Polybe et les
livres XXI et XXII de Tite-Live s'expliqueraient par l'emploi d'une
source commune, à savoir l'annaliste Cœlius Antipater ; il a insisté
sur les traces, évidentes pour tout esprit non prévenu, de l'imitation
directe de Polybe par Tite-Live. La dissertation de J.-B. Sturm* est
encore plus hardie ; l'auteur cherche à établir que Cœlius Antipater,
qui a passé jusqu'à ce jour pour la source principale de la troisième
décade de Tite-Live, a été à peine suivi par l'historien latin : bien plus,
Tite-Live n'aurait connu l'ouvrage de Cœlius Antipater qu'après avoir
achevé la composition de l'histoire de la guerre d'Annibal et n'aurait
fait qu'incorporer quelques données de celui-ci, comme variantes à
son propre récit. L'auteur suit la vraie méthode : il compare les
restes de Cœlius, fragment par fragment, avec le récit de Tite-Live;
il arrive ainsi à ce résultat que, des fragments de Cœlius, onze sont
en contradiction avec Tite-Live et six seulement d'accord avec lui;
pour la plupart des autres fragments, on ne trouve aucun passage
correspondant chez Tite-Live. De ce fait, l'auteur conclut, à tort selon
nous, que Cœlius n'a pas été utilisé par Tite-Live pour la troisième
décade; pour cela, il faudrait admettre que Tite-Live n'a puisé son
récit de la seconde guerre punique qu'à une seule source; or, on
admet généralement, au contraire, et de plus en plus, que l'histoire
de la guerre d'Annibal a été puisée à plusieurs sources. Le fait que,
parmi ces sources, l'ouvrage de Cœlius occupe un rang important,
est prouvé non seulement par les nombreux points de contact qui
existent évidemment entre Tite-Live et Cœlius Antipater, mais aussi,
et surtout, par l'accord de Tite-Live avec Dion et Appien, dont Zié-
linski a montré d'une façon si vraisemblable la dépendance vis-à-
vis de Cœlius. Toutes ces raisons nous empêchent de considérer
comme résolue, par les recherches de Sturm, la question des rap-
ports de Cœlius avec Tite-Live. A. Mùller 2 n'a embrassé dans ses
recherches qu'un domaine très restreint : l'étude des sources d'après
lesquelles les auteurs anciens ont raconté les campagnes de Marcellus
en Sicile. Dans l'état actuel de la science, Fauteur ne pouvait appor-
ter rien de bien nouveau. Il croit à juste titre , avec Soltau , que
Polybe a été utilisé par Plutarque et Tite-Live, mais il rapporte d'une
façon trop absolue un certain nombre de passages des deux auteurs
à Cœlius, dont il ne semble pas avoir très clairement compris le
1. Quae ratio inter tertiam T. Livi décadent et L. Cœli Antipatri historias
intercédât. Wiïrzburg, Becker, 1883.
2. De auctortbus reruni a M. Claudio Marcello in Sicilia gestarum. Halle,
Waisenhaus, 188'2.
ALLEMAGNE KT AITHH III . 389
caractère littéraire. Noos devons à W. Sïeglih ' une étude très i >«i >•■-
brante de La méthode suivie par Tite-Lite dans sa troisième décade;
il preuve, d'une façon évidente, que les récita des deux ambassades
romaines niviij Vnnibal, au rommeneemenl du XXI8 livre, ne
sont que la répétition du même événement raconté par Tite-Live
d'après deux sources différentes. Le récîl de Tlte-Iiive d*un double
passage des Apennins par Annibal repose, ainsi que les deux com-
bats do laTrebie, sur la combinaison, faiÊe sans esprit critique, de
deux sources, dont l'une est assez probablement le rapporl menson-
ger du combat, envoyé à Home par le consul Sempronius. L. Batji b -'
a publié, sous une forme plus développée, Bes recherches déjà men-
tionnées par nous dans noire dernier compte-rendu) sur les rapports
qui existent entre les Pwnicade Silius ftaheuset la troisième décade
de Tite-Live. A. Reker3 a consacré au même sujet une étude conscien-
cieuse. Tous deux s'accordent sur ce point que les rencontres fré-
quentes «les deux écrivains ne proviennent pas, comme l'avait admis
lleynacher, de l'emploi des mêmes annales; mais plutôt du fait que
Silius s'est servi de Tite-Live. Son autorité est donc très faible.
J. Schinkei -'• étudie la tendance des Punira, les opinions philoso-
phiques, politiques et religieuses du ier siècle après J.-G. qui s'j
révèlent, et enfin la langue du poète. On savait depuis Ion-temps déjà
qu'il existe entre Lucain et Tite-Live un rapport analogue à celui
qui existe entre Silius et Tite-Live. et que la plus grande partie des
renseignements historiques de la Pharsale sont puisés chez l'historien
romain: la dissertation que J. Plathreb5 consacre à ce sujet ne fait
que reproduire ce que Ton avait déjà dit. G. ZaNgemeisteb ,; donne
d'importants éclaircissements au sujel de la composition des Perio-
chae de Tite-Live. L'auteur, dans sa nouvelle édition d'Orose, a sou-
mis d'abord à un examen consciencieux les sources de cet écrivain;
il a eu surtout égard aux divers passages empruntés a Tite-Live et a
réussi, en comparant Orose au texte des Periochae, définitivement
établi parla collation minutieuse du codex Nazarianus, à donner une
juste solution au problème de l'origine des Periochae. Selon Zange-
1. Zwei Doubletten bei Livius. Fiheinisches Muséum f. Philologie. Neue
Folge, vol. XXXVIII, 1883, p. 348-369.
î. Dus Verhaeltniss der Puni, a des C. Silius Jtalicus zur drilten Dekadc
des Livius. Erlangen, Jange et lits, 1883.
3. Ueber die Abhaengigkeit des C. silius Italiens von Livius. Rozen, 1881.
(Programme des cours.)
4. Quaesliones Silianae. Leipzig, 1883 (Inaug. diss. de l'Univers le BaUe .
5. Zur Quellenkrilili der Geschiehte des Wrgerkriegei zwtiehen Caesar u.
Pompejus. Bernburg, 1882. (Program les min..
6. Die Periochae des Livius. Fribourg en B. ei Tubingen, Mohr, 1882.
3!)0 BULLETIN HISTORIQUE.
meister, la source des Periochae et d'Orose lui-même n'est pas direc-
tement l'histoire de Tite-Live, mais, semble-t-il, un épitomé 1res
étendu de Tite-Live-, cet extrait aurait servi également à Obsequens,
à Cassiodore, à Vopiscus, à Eutrope, à Sex. Rufus, à ldace et peut-
être aussi à Silïus Italicus. Ce résumé était fait avec une certaine
intelligence de la matière, mais le texte de Tite-Live y était parfois
rendu avec une grande liberté et même, probablement, développé, à
l'occasion, par des intercalations puisées à d'autres sources. L'auteur
de cet épitomé devait vivre au 11e siècle après J.-G. S. Schweder ' a
continué ses recherches sur les sources des données statistiques et
géographiques de Pline, relativement aux provinces de l'empire romain
et sur les passages correspondants de Pomponius Mêla. D'après
lui, les deux écrivains ont utilisé le même document; Strabon l'aurait
connu également et cité assez dédaigneusement sous le nom de
rt -/(opYpaçîa ou de b yupT(pi%o<;. L'auteur fait voir, dans une
démonstration qui manque parfois de clarté, que cet ouvrage n'était
probablement rien autre que la statistique provinciale officielle de
l'empire romain : la chorographia , que l'empereur Auguste fit
publier à l'occasion de la carte du monde romain. F. Philippi 2 a
donné de nouvelles indications au sujet de la carte d'Àgrippa,
publiée sous les auspices d'Auguste. Partant de celte idée que les
matériaux nécessaires à la reconstitution de cette carte ne doivent
pas tant être cherchés dans les notices mesquines des anciens géogra-
phes que dans les cartes du moyen âge, il essaie, en s'appuyant avant
tout sur la carte dite de Priscien, de déterminer la forme, les bases
mathématiques et les contours généraux de la carte du monde; il
résulte de son travail qu'Agrippa s'est contenté, pour établir cette
œuvre monumentale, des résultats auxquels étaient arrivés les géo-
graphes grecs.
G. Nick3 a écrit un article digne d'attention sur la critique
et l'exégèse des Fastes d'Ovide et notamment sur les dates chro-
nologiques qu'on y rencontre. 0. Hennig a a traité des poètes
de l'époque d'Auguste liés avec Ovide. A. de Gutschmid5 a émis,
au sujet de l'ouvrage historique de Trogue Pompée, l'hypothèse
1. Jieitraege zut Kritik der Chronographie des Augustus. Tlicil III, Kiel.
Schwers, 1883.
2. Zur Reconstruction der Weltkarte des Agrippa; dans les Historische
sludien Arnold Schaefer geuidmet. Bonn, Strauss, 18S2, p. 239-2 i5.
3. Philologus.Xol. XLI, fasc. 3, 1882, |». 445-464.
■i. J)e P. Ovidi Nasonis poelae sodalibus. Dreslau, 1883.
5. Trogus und Timagenes. Bhein. Muséum f. Philologie. Vol. XXXVII,
1882, p. 548-555.
LLLEMAGNE ri Al iiilciii . .T.)l
que cel historien n'a pas réuni lui-même les riches matériaux dont
il dispose dan-, son histoire, mais qu'il les a tirés d'une histoire
universelle grecque qu'il a prise pour base de son travail et où il
trouvait la matière déjà toute rédigée; des rencontres frappantes
entre Trogue et quelques fragments de l'historien grec Timagène
font voir en celui-ci la source ou Trogue aurait puisé. If. Grobh ' a
entrepris la lâche méritoire de relever les emprunts laits à Trogue
Pompée, — en dehors de Justin, — par les écrivains postérieurs.
I'.. Xir.sE - a l'ail des recherches sur la vie de Strahon et sur La
valeur et les sources des renseignements que nous lui devons au sujet
soit de L'histoire primitive de la Campanie, soii de l'organisation de
la province du l'uni par Pompée, soi! de l'histoire et de la constitu-
tion de la Galatie, soif enfin de l'histoire de Sertorius. Zimmermaiw3
traite des sources où puise Strahon pour sa description de la pres-
qu'île ibérique. A. Vogel ' a discuté, avec une bonne méthode cri-
tique et avec connaissance de la question, les nouveaux ouvrages qui
ont paru sur les divers r\enements de la vie de Strabon, sur son acti-
vité littéraire et sur les sources de ses geographica. La question rela-
tive à la manière de travailler de Diodore a été étudiée par E. Evees ';
par rémunération de tous les écrivains que Diodore a suivis,
notamment dans le premier livre de la Bibliothèque historique, L'au-
teur pense que Diodore n'a pas copié machinalement, comme on
l'admet en général, une seule source, mais qu'il a fait une œuvre
personnelle en comhinanl les divers documents qu'il avait sous les
yeux. L. 0ooe approuve l'hypothèse émise par Klimke sur Les
sources de l'histoire primitive de Rome, par Diodore; lui aussi voil
dans les annales de Calpurnius Pison la source de Diodore. el il con-
teste hahilemcnt l'opinion soutenue par Niebuhr el par Mommsen,
que Diodore nous a conservé des extraits des Annales de Fabius
Pictor. Gohn admet qu'à côté de Pison, Diodore utilisa une liste des
fastes, d'après laquelle il nota jour pour jour les noms des éponymes
1. De Trogi Pompei apud anliquos aucloritate. Strasbourg, 1882. (Inaug
Dissert.)
2. Siraboniana. Rheinisc lies Muséum f. Philologie. Neue Folge, vol. XXXVIII,
1883, p. 567-602. — Voir Beloch, Le fonti di Strabone nella descrizione délia
Campania. Roma, Salviucci, 1882.
3. Quitus auctoribus Strabo in libro terlio geogra/i/ticorum conscribcndo
USUS sit. Pars 1, Halle, Karras, 1883.
4. JahresOericfil liber Strabon. l'/iilologus. Vol. XLI, fasc 3, 1882, p. 508-...;!
5. Ein Beilrag zur Untersuchung der Quellenbenutzung bei Diodor. Berlin,
Weidmann, 1882.
6. Diodor und seine rœmische Quelle. Phttologus. Vol. XLII, fasc. 1,1-
p. 1-22.
392 BULLETIN HISTORIQUE.
romains, de mémo qu'il copia, d'après une liste des éponymes grecs,
les noms des archontes athéniens. D'après Ed. Mkyer*, au contraire,
cluv. Diodore, les fastes et le récit sont étroitement liés et Pison ne
peut être la source de Diodore, car Pison n'a pas indiqué les consuls
des années ; 57 et 448, tandis que Diodore les indique (liv. IX. 44).
Bien que, d'après Meyer, on ne puisse indiquer un annaliste authen-
tique comme étant l'auteur suivi par Diodore. cependant il est cer-
tain que Diodore a utilisé une chronique écrite en latin, très ancienne
et sûrement antérieure à Pison : cette chronique était encore
exempte de toutes les altérations introduites systématiquement par
les annalistes romains postérieurs. Ainsi, au lieu d'admettre chez
Diodore des erreurs causées par son ignorance ou par sa légèreté
dans l'emploi des documents, chaque fois qu'il s'écarte des autres
historiens (comme par ex. dans l'histoire du décemvirat), il faudrait
bien plutôt essayer de reconstituer, à l'aide du récit de Diodore, les
données des anciennes annales romaines; alors il serait possible de
connaître comment les anciens annalistes envisageaient les luttes de
classe, au point de vue social et politique. J. de Destinox2, qui a
publié, il y a quelques années, une étude sur le système chronolo-
gique qui sert de base aux ouvrages historiques de FI. Josèphe,
cherche à déterminer, dans un nouveau travail, les sources des
livres XII à XVII des «Antiquités judaïques » de cet écrivain ; l'auteur
regarde Nicolas de Damas comme une source principale pour la partie
qui commence en 69 avant J.-O., c'est-à-dire depuis le moment où
l'histoire juive touche plus intimement à l'histoire romaine. G. F.
Uxger3 fixe avec raison entre 70 et 90 après J.-G. l'époque où aurait
vécu, à la cour impériale, à Rome, le géographe Denys Périégète,
Les consciencieuses recherches d'ALY '' sur les sources du huitième
livre de YHistoria naturalis de Pline fournissent d'utiles renseigne-
ments sur la manière de procéder de Pline, sans donner à cet égard
une solution définitive. On doit à l'auteur l'indication de nombreux
passages des auteurs anciens parallèles aux récits de Pline; mais
nous ne le suivrons pas lorsqu'il revendique, en faveur des sources
qu'il désigne, ces récits de Pline, et surtout quand il prétend que
1. Untersuchuagen ihber Diodofs rœmische Geschichte. Rheinisches Muséum
filr Philologie. Neue Folge, vol. XXXVII, 1882, p. 610-G27.
2. Die Quelleu des Flavius Josepkus. Vol. I. KieJ, Lipsius et Tischer, 1882.
3. Dionysios Peviegetes. Neue Jahrbiicher fiir P/iilologie und Paedagogik.
Vol. CXXV, 1882, p. 449-464.
i. Die Quellen des Plinius im Sten Buch der Naturgeschichte. Marbourg,
Elwert, 1882.
ALLEMAGNE ET AUTRICHE. .'ï'1 ■'.
Pline a composé les diverses parties de son histoire d'après un
nombre très restreint de sources.
\. l'.iinM I s?es1 chargé d'un utile travail en faisant l'ana-
lyse des Libri strategematon de .lui. Frontin. La liste des auteurs
(Tite-Live, Salluste, Trogue Pompée, César. Cœlius, Valérius Anii.-is,
Oaton), qu'il donne comme ayant servi de sources, est sans doute
incomplète-, cependant son étude est une base solide pour tous les
travaux futurs sur la composition de l'ouvrage de Frontin. Gcnmk-
liNN - ci Zechmeisteb3 ont fait faire un pas à la critique du texte de
cet écrivain, assez négligée jusqu'à ce jour. Voici comment J. Hou r.1
explique le passage bien connu de' Tacite \<jr.. cap. 15) sur son
absence de Rome pendant les années 89-96 après J.-C. Il rapproche
ce passage de celui de Quintilien : Institut, oratoria, X, 1. loi
(Holub propose la leçon : habet amatores nec immerito remoti liber-
tas) et dit que Tacite vécut pendant ces années dans un exil volon-
taire par crainte de la colère de Domitien. irrité de la franchise de
son langage. L'énumération, entreprise par .M. Manitids8, des nom-
breux passages empruntés par Tacite, dans sa Germania, à la Ghoro-
<j raphia de Pomponius Mêla, jette un jour des plus intéressants sur
la composition de la Germania de Tacite. Les rencontre- frappantes
de style et de faits qu'on constate chez les deux auteurs ne permet Ici il
pas de croire simplement à une source commune à tous deux, mais
prouvent jusqu'à l'évidence, — surtout si l'on songe aussi aux rémi-
niscences de Salluste et de César dans la Germania, — que la Ger-
mania est une compilation tirée des ouvrages les plus divers, sans
travail critique particulier; il n'y a aucune raison pour admettre que
Tacite ait vu par lui-même ce qu'il raconte, ni qu'il ail pris des
information- personnelles. Au sujet de Pomponius Mêla, Mauitius a
prouvé qu'il a emprunté à César presque tous les renseignements
spéciaux relatifs à la Gaule et à !;i Germanie. On a affirmé à diverses
reprises, dans le courant de ces dernière- années, que Plutarque,
dans ses portraits historiques, s'appuie de préférence, et presque
exclusivement, sur des autorités grecques-, il est doublement inté-
1. De fontibus Frontini. Braunsberg, 1883. (Inaug. Diss. von Ko'nigsberg.)
2. De Julii Frontini strategematon libro qui feriur quarto. Lipsiae, 1881.
(Inaug. Dissert. v. Leipzig.)
3. De Juta Frontini slratagematon libris. Wiener Studien, vol. V, 1883,
1». 224-251.
i. Warum hielt sich Tacitus von 89-06 naefi Chr. nicht in Rom auf? w <i
denau in Scblesien, 1883. (Prograrn. des cours.)
5. Zur Quellenkritik der Germania des Tac/lus wnd der Chorographia des
Mêla, ror.se/iungen zur deutschen Geschichte. Vol. XXII, 1882, p. 117-422.
394 BULLETIN HISTORIQUE.
cessant, à celle occasion, de rechercher, avec A. Sicki.nger1, dans la
langue de Plutarque, les traces de sources écrites en latin : dans ce
travail, composé avec soin et perspicacité, on notera surtout le cha-
pitre final, dans lequel l'auteur étudie les erreurs commises par Plu-
tarque dans ses traductions.
.1. E. KrvTzE 2 ne partage pas la haute opinion que l'on a en
général des Institutions de Gaïus pour l'histoire du droit romain. Il
estime que ses connaissances historiques étaient faibles et ses
vues dogmatiques peu solides. Ce n'était pas un juriste romain,
mais un juriste de la province, qui se trouvait à côté du courant et
non dans le courant de la jurisprudence romaine. Seb. Deoer3
a recueilli les fragments des œuvres littéraires de l'empereur
Hadrien, il commence par une restitution et un commentaire
très savant de l*allocution d'Hadrien, qui nous a été conservée
sous forme d'inscription et que l'empereur avait prononcée en
Afrique, en I2S ou 129, à la legio IIIa Augusta et aux troupes auxi-
liaires (C. 1. L., VIII, 2532); dans un excursus étendu, Dehner
a traité des équités legionarii et a rassemblé, pour la première
fois, d'une façon complète, tous les témoignages épigraphiques et
littéraires ayant trait à cette question. La dissertation de 0. Kxott4
traite de la confiance que l'on peut accorder aux Strategica de
Polyen; il cherche à réfuter, sans y trop réussir, l'hypothèse de
Wœlfflin. qui croit que Frontinaété utilisé par Polyen. Ruske5 étu-
die les sources des Nuits attiques, d'Aulu-Gelle, mais sans arriver
à des résultats bien nouveaux. BitEiTUXG6a fait des recherches au
sujet des sources littéraires des biographies de Vespasien, de Titus,
de Domitien, de Néron, de Trajan et d'Hadrien, par Dion Cassius
(L. lxvi-lxix) ; il pense que, pour cette partie de son ouvrage, Dion
a surtout suivi Appien; nous ne pouvons partager son avis, car les
renseignements historiques fournis par Appien, — comme il ressort
du témoignage de Photius, — s'arrêtent à la fin du règne de Trajan
et n'empiètent qu'accidentellement, dans la 'JouSaw/j peut-être, sur
1 . De linrjuae latinae apud Pluiarchum et reliquiis et vestigiis. Fribourg-
en B., 1883. (Inaug. Dissert. v. Heidelberg.)
2. Ber Ptovinzialjurist Gaius wissenschaftlich abgeschxtzt. Leipzig, 1883.
(Universitœts program.)
3. Hadriani reliquiae; particula I. Bonn,'Georg, 1883.
4. De /ide et fontibus Polyaeni. Leipzig, Teubner, 1883. (Inaug. Disserl.
de Iena.)
5. De A. Gellïi Noctium Atticarum fontibus quaestiones selectae. Breslau,
1883. (Inaug. Dissert.)
6. Bemerkungen iiber die Quelle» des Dio Cassius LXVI-LXIX. Markirch.
1882. (Programme des cours.)
M.I.KM v.. M I I U TRICHE. 395
l'époque d'Hadrien. J. Krectzeb ' a soumis a un examen comparatif
les récils de Dion Cassius ei d'Hérodien sur l'histoire du règne de
Septime Sévère; il conclut qu'on n'esl pas fondé à donner ahsolu-
ment la préférence au récit de Dion sur celui d'Hérodien. Nous
reviendrons, ailleurs, sur les défauts de la démonstration de Kreutzer,
qui déprécie a tort la valeur de l'histoire contemporaine de Dion.
J'ai moi-même9 essayé d'établir que les ouvrages suivants, attribués
par Suidas à Dion Gassius : Uipzw.i. Ta v.x-.x Tpaïxviv et Wv.v.i,
sont la propriété de Dion f.hrvsoslome , parent de Dion Cassius et
plus âgé que lui; ;i cette necasion, j'ai tenté de déterminer la teneur
probable et L'étendue des FeTixi, qui forment un pendant important
a la Germania de Tacite. Walter IVehme3 a entrepris la tâche très
difficile de reunir les fragments de Hérennius Dexippc. qui sont dis-
persés chez les Scriptores historiae Augustae. chez le continuateur
de Dion, chez Zozime, etc. Par l'exactitude de sa méthode, l'au-
teur est arrivé à des résultats très remarquables au point de vue de
la critique des sources, notamment au sujel de Julius Gapitolinus.
Franz Gcéwe ' a poursuivi ses recherches sur la valeur des témoi-
gnages littéraires relatifs aux persécutions des empereurs romains
contre les premiers chrétiens. 11. Peter ;i a résumé tous les travaux
relatifs aux Scriptores historiae Augustae parus dans les années
I 865-4882 ; il y a joint des observations originales importantes.
S. Brandt 6 a fait faire un pas à la connaissance de l'histoire de
la langue romaine et de la littérature en Gaule, par son élude sur
Eumène d'Autun; il y montre que, des quatre discours du Corpus
panegyricorumlatinorum attribués à Eumène, un seul, le quatrième,
lui appartient, tandis que les trois autres (V, VII, Vlll) sont L'œuvre
d'autres écrivains. La poésie latine de Rufus Festus Avienus : Ora
maritima, dont on ne connaît que le début (la description des cotes
et des iles d'Albion jusqu'à Massiliai et qui est pour nous la source
t. Zu dea Quellen der Geschichte des Kaisers Seplimius Severus, «lui-- les
Ilistorische Untersuchungen Arnold sch.i fer geicidmet. Bonn, Strauss, 1882,
p. 218-238.
2. Dio Chrysostomus al.s Historiker. l'hilologus. Vol. XLIll, fasc. 3, 1884,
p. 385- 10 i.
3. Dexippi fragmenta ex Julio Capitolino, Trebellio, Pollione, Georgio Syn-
cello collecta. Lipsiae, 1882. (Inauy. Dissert, de Iena.)
i. Zur Kritik einiger Quellenschriftsteller der rœmischcn Kaiscrzett , lit-
IV. J'hilologus. Vol. XL1I. pp. 134-140, 615-624.
5. Die Scriptores historiae Augustae in den Johren 1865-1882, Philologus.
Vol. XUII, 1882, p. 137-194.
6. Voyez Rev. fus'., XXVI, 147.
39fi BULLETIN HISTORIQUE.
historique la plus ancienne sur l'ouest de l'Europe, a été soumise par
(i. F. Unger1 à un examen des plus approfondis. Contre Mûllenhoff
[Deutsche Altcrthiimskunde, p. 73, sqq.) qui indique un Périple,
composé par un Carthaginois au vie siècle av. J.-C, comme la source
priôcipale d 'Avienus, Unger soutient que le tableau des possessions
politiques de la côte méditerranéenne, tel qu'il se trouve chez Avie-
nus, et que les géographes cités par cet auteur font clairement
reconnaître une source grecque, datant de 390-370 av. J.-C. Les
passages les plus importants de la description des côtes sont com-
mentés brillamment par Unger-, il s'écarte souvent des opinions
courantes et discute d'une façon minutieuse les conditions histori-
ques et ethnologiques primitives de la Gaule et de l'Espagne. Les
nombreux ouvrages relatifs à la critique du texte et des sources
d'Eutrope, qui ont paru dans ces dernières années, ont été discutés
par C. Wagener2.
La dissertation mentionnée plus haut, de A. Enmann3, sur le
De viris, est un travail important; il y traite des biographies
des empereurs qui existent sous le nom d'Aurelius Victor, et
des passages correspondants d'Eutrope et des Scriptores historiae
Augustae. Le principal résultat de cette dissertation, — et l'on
n'y atteint, il est vrai, que grâce à des hypothèses assez hasardées,
— est qu'il fut composé, sous le règne de Dioclétien, une histoire très
étendue des empereurs, d'Auguste à Dioclétien. Dans une première
rédaction, cette histoire sert de base aux Caesares d'Aurelius Victor;
dans une seconde rédaction, à l'histoire d'Eutrope; enfin, de nom-
breux fragments en auraient passé dans les biographies des Scripto-
res historiae Augustae. C'étaient des biographies de l'époque des
rois de Rome et de la République, contenues sous forme d'extraits
dans le De viris illustribus Romae et chez Ampelius, qui formaient
la première partie de cet ouvrage historique; il fut continué jusqu'au
règne de Julien et cette partie fut utilisée aussi par Eutrope et par
Victor. On ne connaissait jusqu'à ce jour que les treize premiers
livres et le début du quatorzième livre de l'ouvrage de Fulgence :
De aetatibus mundi et hominis. A. Reifferscheid '' a publié la fin du
quatorzième livre, qui se trouve en entier dans un manuscrit du
Vatican. C'est un résumé, sans grande valeur historique malheu-
1. Dcr Periplus des Avienus. Pkilvl. Supplém. IV, fasc.3, 1882, p. 190-280.
2. Philologus. Vol. XLII, 1883, pp. 379-402, 511-533.
3. Eine verlorene Geschichte (1er rœmischen Kaiser. Ibid. Supplem. Bd. IV,
fasc. 3, 1883, p. 335-501. Voyez supra, p. 384.
i. Aaecdotum Fulgentianum. Breslau, 1883. (Programme de l'université de
Breslau/
M i I MU.-SK ET AUTRICHE. 597
reusemenl, de l'histoire des empereurs* de César à Valent iiiieu III.
Le large emploi que Jean Malalas a fait d'Ëustathe el celui qu'Eus-
tatlie a fait de Priscus ont été exposés d'une façon très cette el très
évidente par L. Jeep ' : cependant nous n'accorderons qu'une valeur
tout hypothétique à la date de 425 après J.-C, Bxée par lui comme
celle de la mort de Zozime.
B. Hasenstab3 a consacré aux Variae de Gassiodore une étude
approfondie j il a réussi à donner plusieurs solutions nouvelles,
notamment sur la constitution de l'empire ostrogoth en Italie.
Citons immédiatement, à ce propos, les deux nouvelles éditions de
Y Histoire des Goths et de la Chronique universelle de Jordanis, l'uni
par Solder3, l'autre par Mommseu ;; celte dernière Lire une impor-
tance toute particulière de la richesse de l'appareil critique et des
prolégomènes étendus et lumineux sur des questions littéraires
historiques; c'est une édition qui fait époque.
L'édition critique de la chronographie de Théophanes, entreprise
par Cari de Boor5, sous les généreux auspices de l'Académie de
Prusse, a fourni enfin une hase solide à la critique des sources de
l'historiographie byzantine, si difficile jusqu'à aujourd'hui à cause
du mauvais état des textes imprimés. Au premier volume, qui con-
tient le texte grec, viendra bientôt s'ajouter un second volume conte-
nant : une dissertation étendue sur les manuscrits de Théophanes,
la biographie des çhronographes, la traduction latine d'Anastase
et, enfin, une élude sur les source-; de Théophanes et sur les çhro-
nographes postérieurs qui dépendent de lui. Les éludes de Boor6
sur l'historiographie byzantine sont très variées ; ainsi nous indi-
querons ses recherches sur les sources de la Chronique univer-
1. Die Lebenszeit des Zosimos. liheinisdi.es Muséum /. Philologie. Neue
Folge. Vol. XXXVII, 1882, p. 425-433.
2. studieii zur Variensammiung des Cassiodorius Senator. I. Munich,
Straub, 1883. (Programme des cours.)
3. Jordanis de origine adilnisque Getarum. Edidit AJtfr. llolder. Fribourg
i/B. et Tubingen, Mohr, 1882.
4. Jordanis Romanaet Getica. Rec. Tb. Mommsen. Berlin, Weidmann, 1882.
(Monumenta Germuniae historica. Auctores antiquissimi, lom. V, pars 1.)
ô. Tkeophanis chrouographia. Kecensuit C. de Boor. Vol. I. Leipzig, Teub-
ner, 1883.
6. Zur Kenntniss der Weltchronili des Georgios Monachos. daus les Hislo-
riscke L'ntersuchungcn Arn. schaefer geuidmet. Bonn, Strauss, 1682, p. 276-
295. — Zur Kenatnis der Itaudsckriften der griechischen hLirchenhistoriker.
Zeitschrifl fiir Kirdiengeschidite. Vol. VI, fasc. 3, 1883, p. 478-494. — Der
Historiker Traianus. tiennes. Vol. XVII, 1882, p. 489-492. — Zu den Excerpt-
sammlungen des Konstantinos l'orphyrogennetos. tiennes. Vol. XIX, fasc. 1,
1884, p. 123-148 ; vol. XVIII, 1883, p. 628-1
398 BULLETIN niSTORIQDK.
selle de Georgios Monachos, qui existe dans des rédactions si diverses;
d'après Hoor, deux « codices Goisliniani » (434 et 3-10) représentent le
mieux l'original de la chronique dont Georgios est l'auteur; en outre,
des notes sur le codex Baroccianus 442, si important pour établir le
texte des historiens de l'Église grecque, et pour juger leurs rapports
de dépendance réciproque; la rectification d'une notice de Suidas sur
Trajan. rhistorien et le général de l'empereur Valens; enfin, des
recherches sur la division de la grande encyclopédie historique de
l'empereur Constantin Porphyrogénète et sur la succession des frag-
ments qui s'y trouvent, de Polybe, de Uenys d'Halicarnasse, de Jean
d'Antioche, etc. H. W^schke ' s'est occupé également de cette der-
nière question. A. Freuw)2 a examiné l'hypothèse émise par Hol-
der-Egger (Neues Archiv, I, p. 214 et II, p. 47), d'après laquelle
Jean Malalas aurait emprunté ses indications, relatives aux affaires
de Gonstantinople et d'Antioche, à des notices officielles, composées
en ces deux endroits et qu'il nommait : « Annales des fastes consu-
laires. » Il réfute victorieusement cette opinion au sujet des affaires
d'Antioche et en amoindrit considérablement la valeur pour les
affaires de Constantinople. L'auteur admet comme source primitive
de Malalas : une chronique urbaine de Gonstantinople et une chro-
nique semblable d'Antioche-, cette dernière aurait été connue de
Malalas par l'intermédiaire de Théophile, dont les renseignements
remontent d'autre part à Pausanias et à Domninos; à cette occasion,
Freund a fourni des indications précieuses au point de vue de la cri-
tique des sources de Théophanes, de Gédrénus, de Nicéphore, deGeor-
gios Monachos, etc., et du Chronicon paschale. G. Kaufmao3 combat,
en principe, l'hypothèse, déjà indiquée, de Holder-Egger, relative aux
annales de fastes consulaires qui auraient été rédigées d'office dans
les capitales de l'orient et de l'occident de l'empire romain. Grâce à
des recherches consciencieuses sur l'origine des renseignements
fournis par V Anonymus Cuspinianus , l'auteur aboutit à cette con-
clusion, que l'existence présumée de « fastes de Ravenne, » officiels
et munis de notices, ne repose sur aucun fondement; en revanche,
il faut admettre l'existence de tables chronologiques tenues par des
particuliers et dans lesquelles ils prenaient note des événements qui
les intéressaient particulièrement : ces tables auraient servi de base à
t. Veber die Reihenfolge der Excerpten Konstantins. Philolog. Vol. XLI,
1882, p. 270-283.
2. Beitraege zur Antiochenischen und zur Konstantinopolitanischen Stadt-
çhronik. (Inaug. Dissert. v. lena, 1882.)
3. Die Fasten von Constantinopel und die Fasten von Ravenna. Philolog.
Vol. XLII, fasc. 3, 1883, p. 471-510.
\i.UM\<.\i: ET U TRICHE. 399
^AnonymusGu8pinianus,ainsi qu'aux i?flàtt/rfoWarf<.6uidoHBKrescH4
a essayé d'établir quelques point- d'appui pour l'histoire de [Vmpe-
reur Tibère Constantin; dans ce but, il étudie L'autorité, les sources
et la dépendance réciproque des récits des historiens syriens el grecs :
Bar-Hebraeus, Michel, Jean d'Epbese, Theopln lacté, Euagrius, Jean
Epiphanes, Gédrénus, etc. K. Mum.kk- a enrichi la bibliothèque
militaire ancienne d'un traité sur La guerre maritime, qu'il a décou-
verl dans un manuscrit de l'Ambrosienne. Ce traité, dont l'auteur
est anonyme, était inconnu : il date très probablement du ve ou vr s.
ap. J.-G. Le même savant a eu le bonheur de trouver un important
manuscrit3 des« machines de siège » et de la « Géodésie » de l'écri-
vain militaire byzantin Héron -, ce manuscrit date du xie siècle et tous
les autres manuscrits connus jusqu'à ce jour des xve et xvi° siècles
en sont dérivés : il renferme plusieurs leçons supérieures à celle du
texte imprimé et est plus complet.
Les études sur la littérature des Pères de l'Église, par laquelle nous
terminons, seront considérablement facilitées par les éditions cri-
tiques de Salvien, d'Ennodius, de Victor Vitensis, d'Orose, publiées
coup sur coup par l'académie de Vienne dans son Corpus scriplurum
ecclesiasficorum. Jos. Nirschl4 a publié, en se mettant au point de
vue théologique, un tableau général de la patrologie et de la patris-
tique; ce livre se recommande autant par sa disposition pratique et
claire que par la façon consciencieuse et intelligente dont sont trai-
tées les questions littéraires. Parmi les études plus spéciale, nous
nommerons : la défense habile de l'authenticité (h^ lettres d'Ignace,
présentée par F.-X. Funk 3, et la peinture magistrale des Pères du
second siècle, par Hausiuth6; ce dernier ouvrage jette une vive lumière
sur l'état souvent très peu édifiant du christianisme, pendant la période
primitive. Nous citerons encore l'élude de R. Kûhne7 sur l'Octave
de Minutius Félix; selon Kuhne, Octave est une conception à la fois
philosophique el païenne du christianisme. V. lioni s a fait imprimer
1. De scriptoribus rerum imperatoris Tiberii Consianlhii. Lipsiae, Teubner,
1882. (Inaug. Disscrl. v. lena.)
2. Eine griechische Schrift uber Seekrieg. Wùrzburg, Stuber, 1882.
3. llandschriflliches zur den Poliorketiku und zu der Geodaesie des sog
Hero. Ilhein. Muséum f. Philologie. Neue Folge. Vol. XXXV111, p. 454-463.
4. Lehrbuch der Patrologie. u. Patristik. 2 vol. Mayence, Kirchheim, 1881-
1883. Un 3e vol. vient de paraître (1885).
5. Die Echtheit der Igaatianischen Briefe. Tubingen, Laupp, 1883.
6. Kleine Schriften retigionsgeschichUiches Inha-lts. Leipzig, Ilirzel , 1883,
p. 1-13G.
7. Der Octavius des Minucius Félix. Leipzig, Rossberg, 1882.
8. Des christlichen Dichlers Prudeatius Schrift gegen Symmachus. Raslall,
1882. (Programme des cours.)
',00 BULLETIN HISTORIQUE.
une conférence populaire sur le poète chrétien Prudence et sa polé-
mique contre Symmaque. G. Roos* a cherché à établir les sources
littéraires auxquelles Théodoret a puisé dans son ouvrage intitulé :
Curatio affectionum Graecarum; ce sont notamment, d'après lui,
Clément d'Alexandrie et Eusèbe qu'il a compilés. A. Auler2 a étudié
d'une façon approfondie les principales circonstances de la vie de
l'évêque Victor de Vita, la date de la composition de son Historia
prrsecutionis Àfricanae provinciae et l'autorité qu'il faut accorder à
cet ouvrage. Ses recherches ont montré que Victor n'était pas à la
hauteur de sa tâche d'historien et que, en maintes reprises, il cède
aux passions départi et à sa tendance à l'exagération : les faits qu'il
raconte sont dénaturés de la façon la plus grossière et l'on ne peut
pas se fier à son histoire de la persécution des catholiques africains
par les Vandales ariens.
Ouvrages divers. — Nous avons tenu jusqu'ici les lecteurs de
la Revue au courant de la publication de l'Histoire universelle de
Raxke. Elle s'étend dès maintenant jusqu'à Tépoque byzantine3 : c'est
l'ouvrage d'ensemble de beaucoup le plus important qui ait paru ces
dernières années. Il faut y joindre, pour l'histoire de l'époque impériale,
l'ouvrage d'Hermann Schiller4, dont les deux premières parties, les
seules qui aient encore paru, embrassent la période qui va de la mort
de César à l'élévation au trône de Dioclétien. L'auteur a réussi, en
somme, nous le reconnaissons volontiers, à atteindre, malgré la dif-
ficulté de l'entreprise, le double but qu'il se proposait : d'une part,
faire connaître au grand public les résultats de la science ; de l'autre,
donner une base à ceux qui cherchent à approfondir l'histoire romaine
et notamment, en les renseignant sur les sources, à ceux qui se
vouent à l'étude de l'histoire. Certes, ce n'est ni un ouvrage
d'une lecture facile ni un livre attrayant; l'exposition des faits est
presque toujours très froide et impersonnelle. Mais nous avons trop
de ces travaux qui se contentent de paraphraser les historiens rhé-
teurs de l'époque impériale, ou qui tentent de reconstruire les
faits en interprétant à leur guise la tradition, ou en s'appesantissant
sur les motifs politiques et psychologiques. Cette méthode n'a pas
fait faire un pas à la vérité historique, et elle a été incapable de don-
1. De Theodoreto démentis et Eusebii compilatore. Halle, 1883. (Inaug.
Dissert. d. Univ. Halle.)
2. Historische Untersuchungen Am. Schaefer gewidmet. Bonn, Strauss, 1882,
p. 253-275.
3. Weltgeschichte, 3e et 4e parties. Leipzig, Duncker et Humblot, 1883.
4. Geschichte der rœmischen Kaiserzeit. Bd. I, Abth. 1, 2. Gotha, Perthes,
1883.
ALLEMAGNE ET AUTRICHE. -'«01
ner une conception plus nette sur la vie et les idées des peuples
soumis au sceptre romain. Schiller a entrepris, avec une extrême
application, d'utiliser, pour la première fois, dans une histoire
générale des empereurs, les monuments, les inscriptions et les
monnaies de l'empire, afin de compléter et de rectifier les don-
nées des historiens pour tracer une image fidèle du développe-
ment politique et intellectuel du monde romain. Il s'agissait ici de
donner, pour la première fois, un fondement solide a l'histoire impé-
riale, dont une conception philologique et théologique étroite avait
fait les peintures les plus discordantes; voila pourquoi, pensons-
nous, Schiller a retenu son jugement personnel et a cru devoir se
contenter de montrer le développement exact des événements : il
laisse parler les faits eux-mêmes et il en a réuni une grande ahon-
dance. Cependant, en maintes occasions, nous aurions souhaité une
appréciation plus développée des personnages principaux : l'empe-
reur Titus, p. ex., nous semble avoir été traité d'une façon bien
sévère^ en revanche, nous considérons comme peine perdue les efforts
de l'auteur pour déterminer, avec une très grande précision de détails
et en contradiction presque absolue avec la tradition, les traits carac-
téristiques des empereurs de la maison de César; il aurait mieux fait
de renoncer simplement à une certitude à laquelle on ne peut arri-
ver. L'énumération consciencieuse des ouvrages modernes les plus
importants, de toutes les sources littéraires et épigraphiques utilisées
pour chaque détail, augmente encore la valeur de cet ouvrage surtout
pour les hommes d'étude, el lui assure, à coté de ses autres mérites,
une place à part parmi les ouvrages historiques. G. -F. Hertzberg ' a
continué jusqu a l'époque byzantine son tableau de l'histoire romaine
qui fait partie de la collection de Oncken. Cet ouvrage témoigne, lui
aussi, d'une critique indépendante des sources et d'un emploi intel-
ligent des travaux antérieurs.
L'Histoire romaine illustrée de Roth2, qui est une lecture excel-
lente pour les collégiens et qui a trouvé aussi accès dans le grand
public, a été revue avec beaucoup de soin par Adolf Westermayer,
qui y a ajouté un tableau de l'état géographique el ethnogra-
phique de l'Italie et un aperçu 1res instructif de la littérature et de
l'art romains jusqu'à la fin de la république; l'auteur, toul en con-
servant la tendance morale de la conception historique de Roth, a su
t. Geschichte der Byzantiaer und des Osmanischen Reiches. Berlin, Croie,
1882-1883.
2. Rœmische Geschichte nach den Quellen erzoehlt. Seconde édition, rema-
niée par Westermayer. Tlieil I. Nœrdlingen, Bei k, 1884.
P.ev. Hi?tor. XXVII. -Ie fapc 26
502 BULLETIN HISTORIQUE.
mettre à profit les résultats de la critique moderne dans plusieurs
chapitres de cet ouvrage, composé, comme on le sait, à un point de
vue très conservateur. Il a paru une nouvelle édition du quatrième
volume de l'Histoire universelle de G. Weber1. Ce volume, qui
témoigne d'une connaissance approfondie de la matière, traite de
l'empire romain et des migrations des peuples. On a réédité aussi et
amélioré sensiblement les précieuses tables chronologiques de l'his-
toire romaine de G. Peter 2.
L'histoire et la topographie de la ville de Rome dans l'antiquité
par Otto Giliœrt 3, dont nous avons le premier volume sous les yeux,
est un mélange singulier de recherches archéologiques, topographiques
et historiques. L'auteur part des recherches de Helbig sur les popu-
lations italiques de la plaine du Pu; le résultat de ces recherches,
évident aux yeux de Gilbert, est que l'organisation la plus ancienne
de ces populations est le village renfermé dans une étroite enceinte,
et non le pagus : l'auteur rattache ce résultat à l'histoire primitive
de la ville de Rome en essayant de démontrer l'existence d'une série
de villages indépendants, qui auraient été situés sur l'emplacement
de la ville. D'après lui, le mont Palatin portait trois villages absolu-
ment indépendants les uns des autres à l'origine : le Velia, sur le
versant oriental, le Palatium et le Cermalus, sur le versant occi-
dental; ce n'est que dans le cours du temps que les habitants se
réunirent, qu'ils créèrent des institutions sacrées communes et qu'ils
s'accordèrent pour la construction d'une citadelle commune sur le
sommet du Palatin. Le même phénomène eut lieu sur le mont Esqui-
lin; les trois communes séparées primitives qui s'élevaient sur ses
mamelons : le Fagutalis, l'Oppius et le Gispius, formèrent également
une alliance et élevèrent une citadelle, renversée plus tard par un
tremblement de terre, sur le mamelon qui forme la partie qui s'avance
le plus dans la plaine de la ville postérieure. La commune Subura,
située dans la plaine (enlre l'Esquilin, le Yiminal et le Quhïnal),
entra plus tard comme quatrième membre dans l'alliance du mont
Palatin ; et bientôt fut conclue une nouvelle union entre ceux du mont
Palatin et ceux de l'Esquilin : c'est là le « septimonium » dont on a
autrefois complètement méconnu le sens. Dans la suite, les communes
1. Allg. Weltgeschichte. 2e éd. Vol. IV : Geschichte des rœmischen Kaiser-
reicfis, der Vœlkerwanderung und der neuen Staatenbildungen. Leipzig,
Engelmann, 1883.
2. Zeittafeln der rœmischen Geschichte. 6e édition améliorée. Halle a. S.
lîuchhandlung des Waisenhauses, 1882.
3. Geschichte und Topographie der Stadt liom ton Alterthum. Abtheilung I.
Leipzig, Teubner, 1883.
M I I M\i.\F I I W HUCHE. 103
du Capitule, du Ouiiinal, du Gœlius ei de L\A.ventin tarent admises
dans l'alliance- L'adhésion du Quirinal est d'une importance toute
particulière; celui-ci, situé uon loin de la colline du Capitale, était en
la possession des Sabins, qui portaient, comme commune indépen-
dante, le nom de Tities; trop faillies pour résister à la supériorité
des Ramnes latins du Palatin, les Sabins Tities durent subir fortement
l'influence de leurs puissants voisins, qui établirent sur le Quirinal
le culte et les noms des Ramnes; l'influence des éléments non latins
de la population primitive de Rome, c'est -a-dire des éléments étrusque,
sabin, etc., n'a été, selon Gilbert, que très minime, soit au point de
vue politique, soit au point il»1 me religieux, La ville palatine des
Latins n'a pas été seulemenl le point de départ et la hase de tout le
développement de la cité, elle est restée aussi la maîtresse et la direc-
trice dans toutes les questions. Le second volume de l'ouvrage pour-
suivra l'histoire et la topographie de la ville depuis la réunion des
communes du Gœlius et de l'Aventin jusqu'à l'époque impériale. On
pourrait supposer que cette conception de l'histoire primitive de
Rome, originale à tous les égards et en contradiction presque abso-
lue avec les récits des auteurs anciens aussi bien qu'avec les opinions
reçues par la critique moderne, s'appuie sur des documents restés
inconnus jusqu'ici. C'est le cas jusqu'à un certain point; Gilbert
revendique à bon droit le mérite d'avoir le premier tenu compte îles
ordonnances sacrées, du culte et des fêtes religieuses; il insiste sur
la valeur historique éminente du droit sacré qui pénétrait, en les
consacrant et en les sanctifiant, tous les détails de la vie, ceux notam-
ment de la vie politique. Aussi toute nouvelle phase du développe-
ment de la cité et de l'État awiit-elle donne lien a des créations sacrées
parallèles, desquelles on peut remonter aux institutions politiques
correspondantes. La légende romaine forme, d'après Gilbert, un
second facteur important pour l'intelligence de la formation de la
ville. Cette légende a reporté les faits et les aventures des diverses
communes romaines sur un héros, un éponyme idéalisé ; de telle sorte
que les rois romains ne seraient rien autre que les communes per-
sonnifiées qui, réunies, formèrent la Ville de Rome; Romus, la forme
primitive de Romulus. serait donc la personnification de la souche.
des Ramnes, Tatius la personnification de la souche sabine ou des
Tities; Tullus Hostilius et Lucumon doivent être considères comme
les représentants des Luceres de la ville de l'Esquilin. Ainsi, selon
Gilbert, la tradition de l'époque royale se révèle comme vraie et his-
torique dans son noyau primitif: il en est de même, soit des relations
réciproques des rois de la légende entre eux, soit des relations
entre les rois et certains endroits, cultes, institutions et événe-
',0i BULLETIN HISTORIQUE.
ments. En somme, nous trouvons dans ces récits un tableau exact
el complet des périodes primitives de l'histoire de la ville de
Rome. Vous ne pouvons entrer ici dans une critique approfondie de
l'ouvrage de Gilbert, mais, tout en reconnaissant volontiers la science
solide de l'auteur, il nous est impossible de ne pas éprouver des
doutes très graves au sujet de la méthode qu'il a employée. Les
recherches mêmes , au sujet de l'existence prétendue des com-
munes indépendantes du Palatin et de l'Esquilin , sur lesquelles se
fonde l'auteur, font connaître quels faibles points d'appui offrait
à Gilbert la tradition relative aux antiquités sacrées, qu'il cite pour-
tant avec tant d'insistance. Même en admettant que les mamelons des
deux collines aient porté, en réalité, les noms que leur donne Gilbert
et aient, encore à l'époque historique, été topographiquement indé-
pendants l'un de l'autre, en admettant en outre que quelques-uns
d'entre eux aient possédé des sanctuaires d'une haute antiquité, il
n'en résulte pas, et il s'en faut de beaucoup, que les établissements
fondés sur ces hauteurs si rapprochées, par des races prétendues dif-
férentes , aient eu une existence politique indépendante. Le terrain
n'est pas plus solide, quand Gilbert veut appuyer son hypothèse sur la
tradition romaine. Si l'on croit pouvoir fixer la valeur historique des
mythes par une explication subjective, on ne voit pas pourquoi Romu-
lus ne serait pas tout aussi bien un héros sabin, comme l'a supposé
dernièrement Zœller [Latium und Rom, Leipzig, 1878), qu'un repré-
sentant des Ramnes latins. Des raisons très importantes nous semblent
d'autre part militer en faveur de l'existence réelle de ServiusTullius,
que Gilbert considère comme un personnage allégorique. Avons-nous
enfin le droit de nous appuyer, comme le fait l'auteur, sur les
données de la tradition romaine? Le procédé est surtout violent
lorsque l'auteur s'efforce de démontrer la situation inférieure du
culte sabin et l'influence qu'ont exercée sur lui les institutions des
Ramnes latins. De l'existence simultanée de cultes latins et sabins
sur le Quirinal, — pour autant d'ailleurs qu'on peut la démontrer,
— on pouvait à meilleur droit, ce semble, parce que c'aurait été plus
conforme à la tradition romaine, conclure à l'écrasement par l'élé-
ment sabin de l'élément latin, qui dominait primitivement. L'auteur
accorde, du reste, au Latium toute une série d'institutions et de pra-
tiques sabines (comme, p. ex., le culte du dieu Quirinus prétendu
latin), sans se baser sur autre chose que sur de Vagues spéculations
mythologiques. Nous devons donc considérer comme manqué, malgré
toute la perspicacité de l'auteur, ce nouvel essai d'une reconstitution
de l'histoire romaine primitive : nous voyons là une grande preuve
de ce fait qu'avec les documents imparfaits dont nous pouvons dis-
ALLEMAGNE ET IUTRII in . 505
poser, il ne nous sera jamais possible de lever le voile qui couvre
cette période.
On s'est adonné avec un zèle toul particulier, pendant ces deux
dernières années, à l'élude de [a chronologie el <h\ calendrier romains.
A côté de travaux relatifs à beaucoup de points sur lesquels, jusqu'à
ce jour, on n'était pas d'accord, il a paru un ouvrage d'ensemble sur
la chronologie romaine ; c'est a II. Matzàt ' que nous devons ce sys-
tème, qui repose sur des bases toutes nouvelles el esl d'une grande
importance au point de vue surtout de l'histoire primitive de la répu-
blique; il part, pour constituer son calendrier vieux-romain, de cette
idée que, jusqu'à la lex Acilia de l'an 503 de la ville, l'année romaine
a toujours été d'un jour trop longue, et que, malgré cela, tous les
vingt ans on ajoutait encore trois jours intercalaires pour empêcher
que le 1er de l'an (primae calendae) ne tombât sur le premier joui' de
la semaine (nundinae). Comme Matzat n'admei pas que ces jours
intercalaires aient jamais été négligés avant la lex Acilia, il arrive à
ce résultat que le jour de l'an reculait d'année en année el qu'en un
peu moins de 300 ans il parcourait tous les jours de l'année Julienne.
Le second volume nous fait voir combien est radicale la réforme
que subit l'histoire traditionnelle de Rome, par suite de ces calculs;
il renferme un tableau des données chronologiques reconnues exactes
pour la période qui s'étend de 505 à 249 av. J.-C; l 'auteur cherche
a les faire concorder avec son système, mais comment? Dès le com-
mencement de l'histoire de la république, il introduit quatre nouvelles
paires de consuls-, la date des décemvirs est fixée en \ Î5-4 13 av. .1.-0.;
toute la guerre des Samnites est effacée comme n'étant qu'une inven-
tion de Valérius Anlias; la loi « de faenore » de Licinius est repré-
sentée comme un doublet de la même lui, de l'an 343 av. J.-C, etc.,
etc. Dans toutes ces modifications. Matzal procède avec la même
assurance que si ses calculs théoriques et astronomiques, combattus
pourtant avec vivacité par les chronologistes les plus distingués,
n'étaient pas, en grande partie, de pures hypothèses. L'histoire du
calendrier romain, tirée des papiers du juriste A. Krnsl Ihu-
mahn2 de Gœttingue par L. Lange, est conçue dans un esprit tout
autrement conservateur. Cet ouvrage malheureusement inachevé
se distingue par un style de la plus grande clarté, même pour
le lecteur qui n'est pas familier avec les recherches chronolo-
giques, et par des jugements aussi modérés que perspicaces ;
1. Rcrmische Chronologie. Bd. I. Grundlegauh I ntersuchungen. Bd. 11.
Rœmische Zeittafeln oçn 50V219 v. Çkr. Berlin, Weidmann, 1883-188'j.
2. Der rcrmische h'ulender. Leipzig, Teubner, 1882.
406 BULLETIN HISTORIQUE.
rautcur s'en tient à l'année de dix mois de Romulus jusqu'à la
réforme de César, et combat les hypothèses, contraires à la tra-
dition, de Mommsen, de Huschke et d'autres. Sur un autre
point encore, l'auteur est en contradiction avec Mommsen, et il
faut reconnaître que ses arguments sont très plausibles : il sou-
tient, dans tout le cours de son étude, que le calendrier romain
de l'époque républicaine, dans l'ensemble comme dans les détails,
était admirablement ordonné; si souvent il n'a pas rendu ser-
vice, ou s'il y a eu des erreurs, il ne faut pas en rendre respon-
sables l'ignorance ou le manque d'intelligence des pontifes, mais
bien plutôt la manière dont ceux-ci ont fait usage de leur calen-
drier sous des préoccupations politiques. L'écrit de L. Lange ', rela-
tif à l'influence de ["interrègne sur le commencement de l'année con-
sulaire, question du plus haut intérêt pour l'intelligence de la
chronologie romaine, sert de complément au chapitre final, resté
inachevé, de l'ouvrage de Hartmann. Lange s'attache à réfuter
l'opinion exprimée par Unger (Die rœmische Stadtaera. Abhand-
iungen der philos, philol. Klasse der Mûnchener Akademie der Wis-
senschaften. Vol. XV, 1879. Abth. I, p. 87-180), d'après laquelle,
à toutes les époques, l'interrègne fut. considéré et fut compté comme
le commencement de l'année officielle suivante, de sorte que la durée
du pouvoir des consuls, qui entraient en charge en retard, était d'au-
tant plus courte que l'interrègne avait duré davantage. Lange cherche
à prouver que les interrègnes les plus courts, lorsque l'année offi-
cielle s'était écoulée tout entière, étaient pris, il est vrai, sur l'année
du consulat suivant; les autres interrègnes, en revanche, et notam-
ment les plus longs, formaient, d'après lui, une période à part, com-
prise entre deux années consulaires entières; les commencements de
l'année officielle étaient reculés d'autant. La démonstration rien moins
que persuasive de Lange a été victorieusement réfutée par G. -F.
Unger2 : celui-ci, sous forme d'additions et de corrections à sa dis-
sertation précédente sur l'ère de la ville de Rome, a soumis à un
examen très approfondi les dates de l'entrée en charge des consuls
romains, dans la période qui va de l'an 245 à (iOO de Rome. G. Hin-
richs a tiré des papiers posthumes de Th. Bergk» des études chrono-
1. De diebus ineundo consulaiui sollemriibus interregnorum causa mutatis
commentât™. Leipzig, Engelinann, 1882. (UniversiUets-progranim der Univer-
sitœt Leipzig.)
2. lnierregnum u. Amtsjahr. Philologus. Supplem. Bd. IV, fasc. 3, 1882,
p. 281-333.
3. Beitraege zur rœmischen Chronologie. Jahrbùcher f. class. Philologie.
Suppl. XIII, 1884, p. r.?'.!-662.
w i «MAGNE ET WTItn in:. .',07
logiques forl importantes sur La prétendue année primitive de
•10 mois, sur Ja place du dies intercalaris, sur la chronologie des
années (i'.is-TOO et 700-707 de la Ville, sur la réforme du calen-
drier accomplie par César, sur l'extension et la division des saisons
daus la chronologie grecque et romaine. Par contre, on n'accordera
Que peu d'importanceaux chapitres consacrés à la chronologie romaine
dans l'ouvrage, écrit sous forme populaire, de F.-li. Beockmanh '.
La science historique n\a jamais pu faire qu'un usage très cir-
conspect, relativement a l'ethnologie primitive de l'Italie, des hypo-
thèses des philologues, hasées sur la comparaison des langues : les
travaux relatifs à la langue étrusque en ont apporté une nouvelle el
éclatante preuve. \V. Deecke et ('-. Pauli, qui comptent tous deux parmi
les meilleurs connaisseurs des langues italiques primitives, avaient,
on s'en souvient, repoussé très énergiquemenl l'hypothèse de Gorssen
d'après laquelle les Étrusques étaient un rameau indo-européen,
appartenant au groupe italique. On fut donc forl étonné Lorsque
Deecke2, en 188-1, exprima l'opinion, défendue avec vivacité dans
plusieurs études subséquentes, que, néanmoins, l'élément indo-
européen et italique était si considérable dans la langue étrusque
qu'on ne pouvait le considérer comme un simple emprunt, ainsi que
Pauli et lui l'avaient cru d'abord; c'était là au contraire le fonds
véritable de la langue étrusque, auquel s'étaient ajoutés de nombreux
éléments d'origine étrangère et inconnue. Simultanément, Bdgge3
exprimait une opinion identique en reconnaissant dans la langue
étrusque un rameau spécial de la langue indo-européenne, appan
aux autres langues italiques, mais plus rapproché du grec que ne le
sonL celles-ci ; la langue étrusque présenter,! il en outre des rapports
particuliers avec d'autres membres de la famille indo-européenne.
G. I'uli'' avait hautement protesté d'abord contre la défection de
son collaborateur Deecke, il avait continué à combattre non seule-
ment tout rapprochement avec le rameau italique, mais même toute
incorporation de la langue étrusque à la famille indo-européenne;
subitement, lui aussi a fait une étonnante conversion. Il admet main-
1. System der Chronologie. Stuttgart, Enke, 1883.
2. Jahresbericht liber die Forlschritte der classischen Alterthumswissen-
schaft. Vol. XWII1, 1881. p. 254 sqq. Etruskische Studien, hergg. v. w.
Deecke u. C. Pauli, fasc. 2-5. Stullgart, Ileilz, 1882-1883.
3. Beitraege zur Erforschung der elruskischcn Sprache. 1. Etrn&kische
Forschungen u. Studien, fasc. i, 1883.
'i. Litterarisches Centralblatt, 1882, col. 745-746. — Die etruskisehen Zahl-
wœrier. Etrnsk. Forschnngen and soutien, fasc. ■'■, 1882. — AltUalùche Stu-
dien, bergg. v. C. Pauli, fasc. 1, 2. Hannover, Baba, 1883.
| OS BULLETIN HISTORIQUE.
tenant que les Étrusques sont des Indo-Européens, mais qui ne se
nt tachent point au rameau italique; ils se rapprochent plutôt des
Lithuaniens, tout en offrant certains phénomènes linguistiques qui
les relient plus intimement aux Slaves que ce n'est le cas pour les
Prussiens, les Lithuaniens et les Lettes. Gela ne durera guère, sans
doute, et Paul? lui-même écartera cette dernière hypothèse, qu'il inti-
tule sérieusement : « Solution de la question étrusque. »
M. ftiHG ' a consacré aux plus anciens monuments de la langue latine,
aux chants des Arvales et aux fragments des Saliens, une série d'études
qui témoignent autant de sa profonde érudition et de sa sagacité
que de son manque absolu de méthode scientifique. Ses recherches
font conduit non seulement à modifier du tout au tout les opinions
reçues et à proposer de nouvelles lois pour la science de la sémasiologie
et de la métrique latines primitives, mais aussi à représenter la reli-
gion latine comme une doctrine mystique et physique des éléments,
et à dresser une série de tables généalogiques des dieux du pays. Au
point de vue des études scientifiques sérieuses, les allégations de l'au-
teur ne peuvent être d'aucune utilité. Citons encore, parmi les ouvrages
relatifs à la langue et aux inscriptions italiques primitives, les études
de W. Deecke2 sur le déchiffrement des inscriptions messapiques et
les explications de C. Pauli3, soit au sujet de l'inscription en latin
archaïque du vase du Quirinal (publiée d'abord par Dressel dans les
Annali delV Islituto, vol. LU, p. -158-195), soit au sujet de l'inscrip-
tion osque du censeur de Bovianum (Zwetajeff, Inscript, ose, tab. IV,
n° 1) ; ces deux derniers travaux font paraître sous un jour très peu
favorable tous les essais de déchiffrement, ceux de l'auteur y com-
pris , qu'on a tentés jusqu'à ce jour. Sur uu terrain autrement
solide reposent les Umbrica de Bucheler '*; fauteur y a réuni, après
les avoir remaniés, ses judicieux commentaires sur les inscriptions
ombriennes, si précieuses pour l'histoire de la civilisation et de la
religion des populations italiques que l'on connaît sous le nom de
Tabulae iguvinae ; il y a joint une étude attentive des monuments de
la langue ombrienne de moindre importance ainsi qu'un court précis
de la grammaire ombrienne, accompagné d'un glossaire. Nous devons
au même savant une liste alphabétique très intéressante de tous les
radicaux communs aux habitants établis sur le Pô et au pied des
1. Alllateinische Studien. Presbourg et Leipzig, Steiner, 1882.
2. Rheinisches Muséum fur Philolog. Neue Folge. Vol. XXXVII, 1882,
].. 373-396.
3. AlUtalischc Studien, fasc. 1, p. 1-57; fasc. 2, p. 74-124.
!. l-.onii. Cohen et fils, 1883. — Lexicon Italicum. Bonn, Georg, 1881. (Pro-
gramm tler Université! Bonn.)
ALLKMAUNK BT AVÎUOBE. W9
A|>(Minins, avant leur migration vers L'Italie centrale et l'Italie méri-
dionale. Nous renonçons d'autant plus volontiers à juger l'hypothèse
émise avec la plus incroyable présomption par Klkiikk1 sur l'ethno-
logie italique, que Tomaschbok8 n'a pas ménagé à celle-ci Lasévèce
critique qu'elle mérite; les habitante primitifs, lllyrieiis el Pélagiques
de l'Italie, y jouent de nouveau le principal rôle. J.-Gr. Gwfoa a poursuivi
ses recherches sur l'expansion primitive des Étrusques, qui, d'après
lui, se répandirent dans toute la presqu'île italique; sur la fondation
de Rome par Évandrc, il pense que les historiens grecs se sont inépris
au sujet de ce héros, et qu'il faut voir en lui un dieu italique : Effau-
dus, dont la patrie n'est pas l'Arcadic, mais bien Argessa, pays iden-
tique à Tltalie, d'après Dion Gassius (fr. 4) ; ce travail est suivi
d'éclaircissements sur le culte de Janus et de Saturne chez les Ita-
liens, sur les premiers éléments de la population de la Sicile, sur les
Pélasges italiques, sur la parenté des Étrusques et des Italiens, etc.;
malheureusement, les hypothèses et notamment les explications éty-
mologiques hasardées y occupent une place trop importante. Dans
une consciencieuse dissertation, E. Wœrneb ' analyse et critique la
légende des pérégrinations d'Énée, d'après Denys d'Halicarnasse et
d'après Virgile. On peut admettre, en somme, les opinions de l'au-
teur sur l'extension géographique primitive de la légende d'Énée,
notamment en Crète, en Gampanie et en Étrurie; on admettra aussi
l'influence exercée sur Virgile par ces divers cycles légendaires, mais
il faut accorder, semble-t-il, plus d'importance à l'imagination créa-
trice du poète que ne l'a fait l'auteur.
Jean-Émile Kuntzi: 5, le professeur de droit bien connu de Leipzig,
a fait paraître un ouvrage tout à fait étonnant sous le titre de Prolé-
gomènes à l'histoire de Rome. Le but principal de l'ouvrage est d'étu-
dier les bases premières de la vie politique, religieuse et privée de
l'ancienne Rome, que l'auteur voit dans les institutions de VOracu-
ium, de YAuspicium, du Templum et du Retjnum. Mais L'auteur
dépasse considérablement ces limites, et il a fait de son ouvrage,
grâce à toute une suite d'excursus étendus, un tableau général du
développement intellectuel du peuple romain depuis la construction
1. Mittheilungen der anthropologischen Gesellsckaft in Wien. Vol. XII,
1882, p. 136-143.
2. Ibidem, vol. XIII, 1883, p. 70 et suiv.
3. Etruskische Studien. Neue Jahrb. fur Philol. und Paedagogil,. Vol. CXXV,
1882, p. 553-592.
4. Die Sage von den Wanderungen des Aeneas bei Dionysio.s v. Halikar-
nassos und Vergilius. Leipzig, Hinrichs, 1882. (Programme des cours.)
5. l'rolegomena zur Geschichte Roms. Leipzig, Hinrichs, 1882
/, i 0 BULLETIN HISTORIQUE.
de Babel, — c'est là en effet son point de départ, — jusqu'à l'époque
des rois. D'après lui, tous les peuples de l'antiquité étaient dominés,
dans leur conception de la vie et dans leur manière de vivre, par cer-
tains nombres cardinaux; c'était surtout le cas chez les Romains.
Pour eux, toute chose durable devait être carrée, et l'idée de la Rome
quadrata est intimement unie à celle de la Rome acterna. Non seu-
lement la maison et le temple, le camp et la ville des Romains étaient
de forme carrée, mais aussi l'établissement des Latins, dans le ter-
ritoire compris entre Lavinium, Tivoli, Préneste et Ostie, a été déter-
miné nécessairement par le besoin « de reconnaître dans cette por-
tion carrée de la Campagna une fidèle table de résonnance
Resonanz-Bodesm) du monde intérieur, qu'ils portaient dans leur poi-
trine. » Plus tard, les Romains ajoutèrent de nouveaux carrés au
carré du Latium. Les hauts faits de Rome prennent fin où finissent
les carrés ! A l'idée du carré s'ajoute celle du dualisme, que l'auteur
retrouve dans la dualité des consuls, dans la séparation de l'empire
d'orient et de l'empire d'occidenL, dans la formation de l'État romain
issu des tribus réunies des Latins et des Sabins. L'opposition entre
Yoraculum et Yauspicium repose sur ce même principe : Yoraculum
a un caractère actif et viril, Yauspicium un caractère passif et fémi-
nin. Dans son chapitre sur le « Regnum, » Kuntze se déclare nette-
ment en faveur de la tradition relativement aux rois de Rome • il
estime « qu'il nous faudrait inventer un Numa Pompilius à la tête
de Rome, s'il ne nous était fourni par la tradition. » Il ne nous
parait pas nécessaire d'ajouter une critique à ce résumé de la méthode
de Kuntze ; il n'est pas à craindre, en effet, qu'elle fasse autorité.
F. Bernhoeft * est arrivé à des conclusions dignes d'attention
dans le domaine du droit privé romain (notamment au sujet de
la famille et du mariage), en le comparant aux divers droits étran-
gers, entre autres aux lois indiennes. Pour l'histoire du droit civil à
Rome sous les rois, l'auteur n'avait plus les mêmes éléments de com-
paraison, aussi ses recherches n'ont-elles pas autant de valeur. V.
Gardthausen 2 a consacré une étude du plus grand intérêt au roi Ser-
vius Tullius, qu'on regardait généralement comme un personnage
légendaire; après l'argumentation serrée de l'auteur, il est impossible
de douter de l 'existence de Servius. Après avoir montré que les Étrusques
en Italie, à l'époque où ils étaient le plus florissants, c'est-à-dire au
vif siècle av. J.-C, ont étendu leur empire des Alpes à la Gampanie,
1. Staat u. Redit der rœmischen Kœnigszeit im Verhaeltniss sw venvand-
tr„ Rechten. Stuttgart, Enkc, 1882.
2. Masiarna oder Servius Tullius. Leipzig, Voit et C,c, 1882.
àLLBMÀGHE ET AITKIf.IIl
;ii
hauteur fait valoir les raisons quimilitenl en faveur soil de ta réalité
historique des troiB derniers rois romains, soil de leur rattachemenl
à une dynastie étrusque. Gardthausen identifie Servius Tullius, donl
le nom étrusque, selon le témoignage de l'empereur Claude, étail
Mastarna, avec le Marce Gamitlnas ou Marce Gamitrnas qui tue le
Gneve Tarchunies Humach dans la peinture murale de la grotte funé-
raire de Vulci, découverte en 1857. Mastarna ou Marces Tarnes (en
latin Marcus Tarquinius était, d'après lui, le fils illégitime de Tar-
quin l'Ancien; il occupa le mont Gœlius avec la troupe mercenaire
de Gaelius Vibenna, dont la sortie de prison est représentée dans un
second tableau de la grotte de Vulci, et prit ensuite possession du
trône, grâce au meurtre de son demi-frère Gn. Tarquinius. Pour se
rendre populaire et pour s'acquérir les sympathies de l'elémenl natio-
nal latin, opprimé jusqu'alors par la noblesse étrusque, Servius
Mastarnacrea la constitution qui porte son nom; ce qui, du reste,
ne l'empêcha pas d'être expulsé et assassiné par le tils de Gn. Tar-
quinius, Tarquin le Superbe. Cette hypothèse sur l'origine royale de
Servius Maslarna et sur le meurtre qu'il aurait commis sur Gn. Tar-
quinius est ingénieuse et séduisante; mais elle dépend uniquement,
.qu'es tout, de l'interprétation des inscriptions de Vulci; elle tombe
ou se maintient suivant la façon de les expliquer. Or, les principaux
spécialistes sont loin d'être d'accord sur ce point. L. de Hanke, dans
son histoire universelle (Part. II. chap. r, p. 30), a présenté, en même
temps que liardthauscn , des opinions tout à fait semblables aux
siennes sur l'usurpation de Servius Mastarna et sur le caractère poli-
tique de son gouvernement : il termine cependant par celle remarque,
que « des suppositions de cette nature dépassent les bornes de la
science historique. »
G. I'.ardt1 a apporté un appoint modeste, mais cependant digne
d'attention, à l'histoire de l'origine et du développement de la
légende romaine, avec sa dissertation sur l'augure Atlus Navius.
L'auteur analyse avec clarté la naissance, le développement el
l'altération progressive de cette légende par les annalistes romains.
0. Richter2, dans son étude sur la destruction des 300 Fabius près
delaCrémère, part de celte idée qu'à la vérité les récits des plus
anciennes guerres de Rome avec ses voisin>. notamment avec Fidènes
et Véies, sont absolument inexacts dans leurs détails, mais que. dans
leur ensemble, ils fournissent une donnée importante, soit pour leur
t. Die Légende von dem Augur Atlus Xavius. Elberfeld, L883 Programme
dos cours.)
2. DieFabieram Cremero. Hermès. Vol. XVII, 1882, i>. &25-440.
',12 BULLETIN HISTORIQUE.
intelligence, soit pour leur critique : la donnée topographique. En
utilisant habilement les renseignements topographiques, l'auteur
établit d'une façon assez plausible que la célèbre expédition des Fabius
n'était rien autre qu'une tentative, entreprise par Rome avec des
forces insuffisantes et dont le but était, en établissant un fort dans
le cours inférieur de la petite rivière de Crémère, de couper les com-
munications, si pleines de dangers pour elle, entre Fidènes et Véies;
le même jour, probablement, l'armée du consul Mencnius fut battue
par les habitants de Véies, supérieurs encore aux Romains, et le fort
romain fut détruit. 0. Seeck l n'a pas davantage confiance dans la
tradition relative à l'époque des rois et à l'histoire primitive de la
république; elle lui parait offrir une base des moins fermes, et il
regarde les fragments d'actes officiels fournis par les annales et les
antiquaires anciens, comme les seuls points sur lesquels on puisse
édifier. Il étudie les listes de villes dans Pline, Hist. nat., III, 68,
69, et dans Denys d'Halicarnasse, V, 61. La liste des localités du
Latium disparues, que donne Pline, se répartit, suivant lui, en deux
groupes rigoureusement distincts : la première partie se compose
d'extraits d'ouvrages de toutes natures, et surtout d'annales, compi-
lés d'une façon tout arbitraire; la seconde partie, en revanche, est
tirée des Antiquitates humanae de Varron; celui-ci la devait à un
document où se trouvaient inscrits les membres de l'alliance des
« populi carnem in monte Albano accipere soliti . » Cette ligue n'était
point identique à celle qui célébrait ses fêtes sous le patronage
de Rome, mais appartenait à une époque antérieure à la destruction
d'Albe la Longue. La circonstance que Lavinium et toute une série
de villes importantes du Latium manquent dans cette liste fait sup-
poser à l'auteur qu'à côté de cette ligue albaine, il y avait une ligue
de Lavinium et peut-être plusieurs autres confédérations latines.
Chaque ligue avait probablement ses 30 cités qui, comme les villes
albaines confédérées, disparurent en grande partie, sans laisser de
traces, dès que les ligues furent dissoutes. La liste, citée par Denys,
des villes latines dont les troupes prirent part au combat du lac
Régille remonterait également à un document utilisé par Varron;
l'auteur pense pouvoir en fixer exactement la date de composition en
382 av. J.-C; il place, en revanche, en 381 un document qui offre
la plus grande analogie avec la liste de Denys et qui fut utilisé dans
les Origines de Caton (fr. 58, éd. Peter). C'est à cette époque qu'éclata,
d'après Seeck , une lutte très vive entre Rome et la ligue latine
I. Irhundenstudien zur aelteren rœmischen Geschichte. Rfiein. Muséum f.
Philologie. Neoe Folge. Vol. XXXVIT, 1882, pp. 1-25, 598-609.
ILLEM LGHE il u HUCHE. 443
dont les membres nous sont indiqués dans la liste de Denys ; a La
tête de la ligue se trouvait Tusculum; cette ville fut prise par les
Romains et perdit son indépendance, tandis que les autres villescon-
fédérées contractèrenl avec Rome un « foedus aequum, » sur la base
du « statu quo » et des dispositions du traité Ide Cassius de 193 av.
J.-C. Th. Mommsen1 n'a pas tardé à protester vivement contre ces
affirmations de Seeck. Voici les principaux résultats de la réfutation
habile et péremptoire de Mommsen : la liste de Pline est une table
de toutes les communes latines qui perdirent avant ou par S\lla leur
indépendance; elle esl donc d'une époque postérieure à Sylla et
appartient probablement tout entière à Varron. La première partie a
été compilée d'après les annalistes, mais possède une importance
bien plus considérable que ne l'admet Seeck . la seconde partie, clas-
sée dans Tordre alphabétique, n'est, au contraire, qu'un extrait de
la liste des confédérés romains, qui, jusqu'à l'empire, prirent part
à la fête latine, sous le patronage de Rome; les end roi I s situés en
dehors du Latium proprement dit, ainsi que les communes latines
qui existaient encore après Sylla, étaient en principe exclus de cette
liste. Ainsi, l'hypothèse de Seeck d'une confédération latine indépen-
dante, ayant Albe à sa tète et opposée à la ligue de Lavinium, tombe
d'elle-même; en outre, la date qu'il fixe au document utilise par
Denys, V, 64, devient illusoire, ainsi que les conclusions qu'il en
tire, si nous adoptons l'opinion fortement étayée de Mommsen,
d'après laquelle Denys aurait utilisé, lui aussi, la liste résumée par
Pline des confédérés latins réunis sous la protection de Rome et y
aurait puisé les noms des trente localités de la confédération qui
avaient droit de vote.
Tandis que Seeck maintenait, dans une réplique à Mommsen, sa
première opinion au sujet des deux documents, il étaitattaqué, d'autre
part, par J. Beloch - à propos de la date qu'il assigne aux inscrip-
tions sur lesquelles reposent la liste des villes donnée par Denys,
et les fragments cités des Origines de Gaton; Beloch n'accorde [tas
même à la source où a puisé Denys le nom de document ; en revanche,
il apporte de nouvelles preuves à l'appui de l'opinion qu'il a déjà
émise au sujet de l'inscription sacrée du bosquet de Diane à Aricie :
il estime qu'elle date du vie ou du commencement du v siècle, avant
J.-C, et qu'elle est complète et non a l'état fragmentaire. Jusqu'ici,
1. Die uatergegangeuen Ortschaften im ei'jentlichen LatiUtn. Hermès,
vol. XVII, 1882, p. 42-58.
2. Die Weihinschrift des Diaaahaines von Aricia. Nette Jahrbûcher filr
Philologie und Paedagogih. Vol. 127, 1883, p. 169-175.
',|', BULLETIN HISTORIQUE.
l'on pensai! que tous les documents au sujet des guerres samnites
étaienl si altérés qu'on ne pouvait s'en servir pour tracer même une
esquisse de cette période; Klimke1 cherche à prouver, en faisant
un récit suivi de la deuxième guerre samnite, que cette opinion est
au moins très exagérée. On accordera à l'auteur le mérite d'avoir,
par de justes rapprochements, aplani certaines inégalités entre les
différents récits qui nous sont parvenus, et d'avoir, en somme,
constitué une narration intelligible des événements ; néanmoins, on
regrettera vivement l'absence d'une critique des sources plus consé-
quente et plus sévère, notamment à l'égard de Tite-Live, que l'au-
tour suit de préférence. La dissertation de J. Kaerst2, relative éga-
lement à la deuxième guerre samnite, nous fait voir tout le profit
qu'il y avait à retirer d'un emploi critique judicieux de l'ouvrage de
Tite-Live. L'auteur part avec raison de ce fait généralement admis
que l'histoire de cette guerre, telle qu'elle se trouve chez Diodore,
est bien supérieure à la narration de Tite-Live et que, quoique Dio-
dore se soit placé au point de vue romain, il a beaucoup moins déna-
turé la vérité par vanité nationale que ne l'a fait Tite-Live. Contrai-
rement à l'éclectisme usuel, Kaerst prend le récit de l'historien grec,
dans toute son extension, pour base de l'histoire de la deuxième
guerre samnite et il arrive, dans toute une suite de cas, à prouver
que le récit de Tite-Live, accepté sans défiance par Klimke, repose
sur les fictions les plus grossières d'annalistes romains. D'après notre
auteur, les causes de cette altération de la vérité sont principalement,
— le chauvinisme romain mis à part, — l'incapacité des annalistes
romains à comprendre le développement historique de la puissance
romaine, puis leur habitude de juger les événements des premiers
temps de la République d'après les conditions de la vie politique
à Rome à leur époque, et d'après l'importance de Rome aux ier et
11e siècles av. J.-C.
La détermination chronologique et l'interprétation des traites
conclus entre Rome et Garthage jusqu'en 27N avant J.-C, par G.-F.
Qnger3, a éclairci plus d'un point resté encore obscur dans l'histoire
des relations primitives entre ces deux États. Contrairement à l'opi-
nion de Polybe, dont l'autorité a été défendue récemment par Nissen
et Meltzer, Unger place en 340 av. J.-C. la conclusion du premier
traité et le fait suivre de trois traités dans les années 335, 303 et 278.
1. Ver ziieite Samniterkrieg. Kœnigshûtte, 1882. (Programme des coins.)
:. Ktitische Utitersuchungen sur Geschichte des zweiten Samniterkrieges .
Jahrbûcher fiir class. l'hilol. Suppl. Bd. XIII, 1884, p. 723-769.
3. Rœmisch-Pumsche Vertaege. Itheiaisches Muséum fiir Philologie. Neue
Folge. Vol. XXXVII, 1882, p. 153-205.
\l 1.1 ma<;nk kt utrichi:. HO
De grande importance pour L'histoire primitive des Carthaginois est
l'affirmation produite par Unger, que l'acquisition de la Sardaigne
par les Carthaginois ne tombe qu'en 380 av. J.-C.; les Carthaginois
ne se sont en m ue u ne façon mêlés aux événements qui se sont pas-
sés en Sicile, de 180-440 av. J.-C., el il est impossible de montrer
des traces de la domination carthaginoise en Sicile avanl 192 cl
après 486. G. Faltin a donné, d'après les papiers de G. Nn-
\uw l, un tableau général des guerres entre les Romains et les Car-
thaginois. Jusqu'en 208 av. J.-C. ce n'est, en substance, que la
reproduction des cours faits par feu G. Neumann à l'université
de Breslau-, à partir de cette date, l'ouvrage a été complété par
l'a II in. qui pour le fond se rattache à la conception de Neu-
mann. Écrit dans un style facile et attrayant, il présente, dans
chaque partie, des conceptions originales; il mérite d'être compté
parmi les meilleurs travaux sur L'histoire romaine qu'aient produits
ces dernières années, quand on considère combien L'auteur possédail
admirablement toutes ses sources, combien prudents et perspicaces
sont ses jugements et ses combinaisons, enfin, et surtout, avec quelle
habileté et quelle intelligence il a su faire valoir les conditions géogra-
phiques el topographiques. Parmi les ouvrages spéciaux aux guerres
puniques, nous nommerons eneore ici l'histoire de la ville sicilienne
d'Akragas, jusqu'à sa destruction par les Romains, de Bindseii. -;
l'auteur possède bien son sujet. Nous renverrons également à ce que
nous avons dit des différentes études sur les sources de la 3e décade
de Tite-Live, dans la première partie de notre Bullelin. 11. Sturj \-
bdrg 3 a fait faire un pas à la question topographique si controversée
des batailles de Trasimène et de Garnies : il a tiré profit, pour 90n
travail, de son expérience militaire cl des observation^ qu'il a Baites
sur les lieux mêmes. Les résultats principaux auxquels il est arrivé,
à savoir que Polybe s'est fait une idée absolument erronée des eni i-
rons du lac de Trasimène et que la bataille de Cannes a eu lieu sur
la rive gauche de l'Aufidus, rencontreront probablemcni. -race a La
rigoureuse démonstration de l'auteur, une approbation générale.
G. Faltin '' va plus loin; il pense que les deux récits de Polybe et de
1. Das Zeitalter der puaischen Kriege. Breslau, Koebner, 1883.
2. Geschichte der Stadt Akragas bis su ihrer Zerstoerung durch die llœnur.
Neustettin, 1882. (Programme des cours.)
3. De Romanorum cladibus Trasimena et Cannensi. Leipzig, 1883. (Pro-
gramme des cours.)
i. Zu den Berichten des Polybius und Livius iiber die Schlachi am Trasi-
menisehen See. Rhein. Muséum /'. Philol. Neue Folge, Vol. XXXIX, 1884,
\>. 200-273.
/(|<; BULLETIN IIISTORIQUE.
Tite-Live au sujet du combat de Trasimène, récits que Stiirenburg
s'était efforcé de mettre d'accord, sont absolument différents l'un de
1 autre dans leurs traits essentiels, tellement que l'indication des
lieux, la disposition des troupes et la marche du combat n'ont
entre eux aucun rapport; si l'on tient compte de ce fait que chez
Polybe tout le récit du combat a été influencé par sa fausse concep-
tion des lieux, il ne reste rien autre à faire que s'en tenir exclusive-
ment à la narration, en somme concordante, de Tite-Live. J. Frantz1
a publié une étude consciencieuse sur les guerres des Scipions en
Espagne; dans le chapitre d'introduction, Fauteur se prononce avec
raison pour l'emploi direct de Polybe par Tite-Live et il soumet en
conséquence à une critique générale, surtout au point de vue chro-
nologique, les événements des années 536-548; il relève chez
Tite-Live toute une série d'erreurs évidentes, mais d'autre part il
va trop loin en prétendant montrer chez tous les historiens de la
guerre d'Espagne, Polybe y compris, une évidente partialité en faveur
des Scipions. F. Labarre2 a composé une histoire de Carthage, colo-
nie romaine, qui témoigne d'une soigneuse collation des sources lit-
téraires, mais d'une négligence presque absolue du riche matériel
épigraphique. Th. Mommsen3, en interprétant l'inscription de Larissa
publiée par Lolling [Mittheilungen des deutsch. archaeolog. Insti-
tuts in Athen. Vol. VII, p. 6^ etsuiv.), a indiqué les renseignements
qu'elle peut fournir sur les rapports du roi Philippe V avec la répu-
blique romaine, et sur les différences entre la condition des esclaves
libérés et la politique coloniale chez les Romains et chez les Grecs. L'his-
toire de la ligue achéenne et de ses relations avec Rome dans les années
4 68 à J 46 av. J.-G. a été résumée par Hill 4. L'organisation de cette
même ligue et à la même époque forme le sujet de la dissertation de
M. Klatt 3 ; il a étudié la date de l'entrée en charge des stratèges, le
nombre et l'époque des synodes réguliers, dont le plus important au
point de vue de l'histoire romaine est celui de \ 46. G. Fisch 6 a exposé
pour le grand public, et sans prétendre à donner des résultats nouveaux,
1. Die Kriege der Scipionen in Spanien, 536-548 a. u. c. Munich, Acker-
mann, 1883. (Inaug. Dissert.)
2. Die rœmische Kolonie Karlhago. Potsdam, 1882. (Programme des cours.)
3. Kœniy Philipp. V und die Larissaer. Hermès. Vol. XVII, 1882, p. 467-488.
4. Der achaeische Bund seit 168 ». /. Chr. Elberfeld, 1883. (Programme
des cours.)
5. Chronologische Beitraege zur Geschichte des achaeischen Bundes. Berlin,
1883. (Programme des cours.)
6. Die soziale Frage im alten Rom bis zum Uniergang der Republik.
Aarau, Sauerlaender, 1882.
\u.i:macne et AiTiticni:. ît7
la question sociale à Rome dans -es rapports avec la décadence de
la constitution républicaine- L'incertitude de la chronologie de la
guerre de Jugurtha, telle qu'elle ressort de l'œuvre de Sallusle, a
poussé (i. .Mi im:i. ' à examiner à aouveau 1rs renseignements de Sal-
luste sur les expéditions des années 1 09—1 05 av. J.-G. Les résultats
auxquels il aboulil sont : que la première campagne de Métellus jus-
qu'au combat sur le .Muihul (Sali., ch. xliv-lv) doit être placée en
lu;»-, que la deuxième campagne de Métellus, jusqu'aux combats
Zama (en, lvi-lxi), tombe en t os cl qu'enfin La troisième campagne
du même consul est de l'année -107 av. J.-G. ; .Marins pénétra en
Numidie à la mi-été de l'an 107 et c'est en cetle année aussi qu'ont
eu lieu les expéditions terminées par la prise de Capsa; la seconde
campagne de Marius (Sâll.,ch. xen, 5-c jusqu'à l'entrée en quartiers
d'hiver, que Sallusle a omis de mentionner, tombe en l'an 106;
Jugurtha fut pris au printemps de \ 05. Sbpp3 a traité d'une façon très
approfondie les questions qui se rattachent aux migrations des Gimbres
et des Teutons. L'opinion d'après laquelle les deux peuples auraient
marché réunis vers le sud, est, d'après lui, erronée : les Teutons sont
venus de l'ouest, tandis que les (ambres n'ont probablement jamais
traversé le Rhin, mais se sont dirigés droit vers l'Italie, en pas-
sanL par le milieu de l'Allemagne; les hordes qui battirent les con-
suls J. Silanus et Papirius Carbon n'étaient que les avant-coureurs
de ces deux grandes migrations. L'auteur cherche les demeures pri-
mitives des Gimbres dans la presqu'île jutique et celles des Teutons
sur la cote allemande de la mer du Nord, entre le Rhin et L'Elbe;
néanmoins, il considère les deux peuples comme Celtes. Y. Endee-
u:i\ :i a écrit une biographie très soignée, et neuve en bien des points,
du grand-père du triumvir Antoine, l'orateur M. Antonius il 13-87
av. J.-G.). E. Bardeï'' cherche a faire voir sous son vrai jour la situa-
tion à Rome pendant le sixième consulat de Marius 5 il veut établir
que l'histoire a jusqu'ici été très injuste pour le tribun Saturni-
nus, dont le caractère était, au point de vue mural, .-ans tache;
quant à sa constitution, elle tendait, comme celle des Gracques,
au bien général. L'opposition démocratique n'est donc pas tombée,
après avoir atteint le faite en l'an 100, par la faute des chefs du
peuple, mais par un coup d'État des « Optimales. » comme cela avait
1. Znr Chronologie des Jugurthinischen Krieges. Angftbourg 1883. Pro
gramme des cours.)
■.!. Die \\ anderangen der Cimier a und Teutonen. Ackermann, Munich. 1882.
3. De M. Antonio oratore. Leipzig, 1882. maug. dissert. der Univerottœl
Leipzig.)
i. Das sechste Consulat des Marius. Esseu. 1833. (Programme dea coure.)
Rbv. Histor. XXVII. 2" fasc.
.^|S BULLETIN HISTORIQUE.
été le cas lors de la révolution des Gracques. L'auteur ne manque pas
d'adresse dans sa démonstration, mais l'imperfection et les contra-
dictions des documents ne lui permettent point d'atteindre pour sa
thèse à un très haut degré de vraisemhlance. H. Fiutzsclie 1 expose
les résultats des recherches dont la constitution de Sylla a été l'objet.
Son travail est très soigné; il témoigne de vues originales sur les
points controversés les plus importants et il est d'un véritable secours
pour s'orienter sur l'état actuel de la question. Les idées capitales de
l'histoire de Rome, par Neumann, pendant la période de transition
entre la monarchie et la république, ont été développées d'une façon
très nette par E. Gotheix2. L'histoire de la conjuration de Catilina
a été étudiée par L. Schilling3 et par E. de Stern 4. Le premier
s'appuie en général sur le récit de Salluste dont la fidélité a été con-
testée très vivement depuis quelques années-, l'auteur s'efforce de
démontrer que César n'a pas pris une part directe ou morale à la conju-
ration de Catilina non plus qu'au complot de Pan 66 av. J.-C. Le parti
démocratique avait choisi à cette époque Catilina comme son chef,
sans tenir compte des antécédents politiques de cet aventurier sans
scrupule, et avait permis par ce fait à l'ancien chef de bandits de
songer à un renversement total de la constitution, renversement qui
ne devait cependant point aboutir à l'anarchie. C'est donc à tort que
Cicéron a revendiqué l'honneur d'avoir sauvé Rome ; son unique mérite
est d'avoir débarrassé le parti démocratique de plusieurs membres au
passé infâme, et d'avoir ainsi préparé et facilité la victoire définitive de
César. Les recherches consciencieuses et judicieuses de Stern s'écartent
beaucoup, quant à leurs résultats, de la dissertation précédente.
D'après lui, Catilina n'entreprit la révolution violente que parce qu'on
loi refusait systématiquement la dignité consulaire, à laquelle il esti-
mait avoir droit, et cela grâce à de fausses dénonciations et à des
manœuvres peu honorables de Cicéron. Son premier échec jeta Cati-
lina dans les bras des chefs du parti démocratique, César et Cras-
sus, lesquels pensaient obtenir par la nomination de Catilina et
d'Antoine les réformes législatives qu'ils projetaient ; puis lorsqu'il
eut succombé de nouveau contre Cicéron, l'union de Catilina avec
César et ses partisans cessa aussitôt. C'est alors, et seulement
1. Die Sullanische Gesetzgebung. Essen, 1882. (Programme des cours.)
2. Der Uebergang Roms von der Republik zur Monarchie : Preussische Jahr-
bilcher. Vol. LI, 1883, p. 31-47.
3. Catilina und Julius Caesar. Erdelyi Muzeum. Siebenburgisches Muséum.
1882. Fasc. 5 et 6, p. 130-172.
4. Catilina und die Partei-Kaempfe in Rom der Jahre GG-63. Dorpat, 1883.
(Inau-. Dissert, de l'Unir, de Dorpat.)
Mil \i\l\i: i i \i im< m . 5 19
dans Le désir d'atteindre Le but suprême de Bon ambition, la
dignité de consul, que Catilina rassembla autour de lui Les élé-
ments vraiment anarchistes de Rome. Ainsi Catilina n'était point,
comme Salluste le dépeint, un criminel invétéré, le crime n'était
pas sou but comme le pense Niebuhr et il a'étail pas non plus,
comme le croit Ibne, un successeur des Gracques ou un pré-
curseur de César: il lui manquait, à ce dernier point de vue,
et des vues politiques assez élevées et des capacités militaires
ou politiques un peu saillantes. — Sous forme d'un commentaire au
discours de Gicéron : de lege agraria, Il i mcke * traite dn projel de
loi agraire présenté par I*. Serv. Rullusen <;« av. .i.-C. et insiste sur le
rôle prépondérant joué en cette occasion par César, le véritable insti-
gateur de celte manoeuvre politique. La brochure de .J. Hoche2
fournit d'utiles renseignements biographiques sur L Cornélius
Balbus, le confident bien connu de César et l'ami de Gicéron, notam-
ment au sujet du procès qu'on lui lit en 56 pour s'être arrogé illé-
galement le droit de cité. G. Rùck3 a entrepris encore une fois de
défendre l'authenticité, généralement admise aujourd'hui, du traité
de Gicéron : de domo sua.
L'étude de H. Raïïchensteiw '• sur l'expédition de César contre les
Helvètes est intéressante pour apprécier la tactique de César ou
ses Commentaires. L'auteur présente les Commentaires comme
un ouvrage à tendances, de la pire espèce, où les vrais mol ils
des actes de César sont passés sous silence et couverts par des
motifs fictifs, où les événements factieux, sont dénatures et altérés,
où enfin on trouve même des faits véritablement inventés. Ainsi
les Helvètes émigrés étaient au nombre de 100,000 et non de
368,000 comme le prétend César; les Tigurins furent battus non par
César, mais par Labiénus; la préfendue brillante victoire de César
près de Bibracle fut plutôt une défaite cl, au cas le plus favorable,
une rencontre indécise qui ne se termina point par la prise du camp
de chariots des Helvètes; mais par l'assaut, qui fut repoussé il est \ rai,
du camp romain parles Helvètes: ceux-ci se retirèrent ensuite en
bon ordre et reprirent, sans être troublés par les Romains, le chemin
de leur pays. En l'absence de fous documents qui permettent decon-
1. Zu Ciceros Reden de lege agruriu. Stettin, 1883. (Programme des cours. j
2. De L. Cornelio Balbo. Pars I. Halle, 1882. (Programme « 1 1 1 gymnase de
Rossleben.)
3. De M. Tutti Cicercmis oratione de domo sua ad pontifices. Munich, 1881.
(Inauji. Dissertai.)
4. Der Feldzug Caesara grgen die Belvetier. Zurich, 1882. (Inaug. Dissert.
der Universit. lena.)
J[20 BULLETIN HISTORIQUE.
trôler le récit de César, les idées de Rauchenslein sont de pures hypo-
thèses, d'autant moins admissibles que Fauteur se montre. animé,
dans tout le cours de son étude, des sentiments les plus hostiles à
l'égard de César, il ne tient même pas compte de ses talents mili-
taires qui sont pourtant incontestables. Les articles de Th. Bergk *
suc les campagnes de César contre les Tenctères, les Usipètes et les
Éburons se distinguent par une étude consciencieuse des questions
topographiques, mais l'auteur l'ait trop souvent subir au texte tradi-
tionnel de violentes modifications. Bergk cherche le théâtre de la
défaite des Tenctères et des Usipètes entre Heinsberg et Ruremonde ;
il place le premier passage du Rhin par César en dessous du con-
lluent de la Sieg, à mi-chemin entre Bonn et Cologne, le second pas-
sage près de Bonn, immédiatement au-dessus du confluent de la Sieg.
Bergk regarde les Commentaires comme suspects, parce que César
les aurait rédigés d'après les rapports officiels qu'il devait annuelle-
ment envoyer au sénat. Toute une série de dissertations 2 s'occupent
spécialement du pont jeté par César sur le Rhin [Bel. gai., IV,
47); nous n'entrerons pas ici dans la discussion des résultats
très divers de ces travaux; la question ne paraît pas d'un grand
intérêt au point de vue historique. Blaas 3 a composé un résumé
succinct des institutions politiques, sociales et religieuses des Gaulois,
telles que les a décrites César dans ses Commentaires. La question
de la résidence des Suèves a été reprise par B. Lehmann*, qui cherche
à établir que les Suèves de César n'ont rien de commun avec ceux
de Tacite : ceux-là étaient un peuple germain qu'il faut identifier
avec les Cattes de Tacite ; les peuples nombreux que Tacite désigne
sous le nom de Suèves n'auraient adopté qu'après César ce nom
devenu célèbre, et qui ne s'appliquait originairement qu'à la
levée annuelle des Cattes. G. Braumam :i a cherché à fixer le sens
que César et Tacite attachaient à l'expression de « principes, »
1. Zur Geschichte und Topographie der Rheinlande. Leipzig, Teubner, 1882.
2. Miiurer : Cruces philologicae. Mayence, Diemer, 1882. Idem : Noch einmal
Caesar's Bruche ûber d. Rhein. Ibid., 1883. Rheinhard. G. J. Cxsar's Rhein-
briïcke. Stuttgart ,. Neff, 1883. R. Schneider : Caesar's Rheinbrucke. Berlin.
Philologische Wochenschrift. An. IV, 1884. N° 6, p. 161-166. — Schleussinger,
Studie zu Caesar's Rheinbrucke. Munich, Lindauer, 1884. (Tirage à part des
« Blaelter fur bagrisches Gymnasialwesen. » Vol. XX, p. 157 sq.)
3. Veber die politise he, religioese und sociïile Stellung der Gallier nach Cae-
sar's Aufzeichnungen. Stockerait, 1883. (Progr. des cours.)
4. Das Volk der Sueben von Caesar bis Tacitus. Deulschkrone, 1883. (Progr.
des cours.)
5. Die principes der Gallier und Germanen bei Caesar und Tacitus. Berlin,
1883. (Programme des cours.)
ALLEMAGNE r.l Al TRICHE. 't2l
appliquer aux Gaulois el aux Cet-mains ; ce mot signifle-t-il une
position princiers, une charge républicaine ou une considération
fondée sur «les qualités personnelles? C'esl ce doute qui l'ait L'intérêt
de la question. Les auteurs anciens nommaienl n principes chez les
Germains et les Celtes ceux qui exerçaient, dans les événements poli-
tiques <le l,i tribu, l'influence la plus considérable; chez les Gaulois,
en particulier, cet avantage reposail sur la noblesse de la naissance
sur l'importance de la fortune, sur la force militaire el sur la faveur
personnelle. La partie linguistique de cet ouvrage est soignée el
erudile; en revanche, l'étude des constitutions gauloises et germa-
niques n'est point satisfaisante.
Mommsen et de Gœler diffèrent complètement d'opinion au sujet
du champ de bataille de Pharsale; celui-là place le combat sur la rive
droite de l'Enipée, celui-ci le place sur la rive gauche. C. Seldneb ' a
apporté récemment, en faveur de cette dernière opinion, des arguments
dignes d'attention; d'après lui, l'aile droite de Pompée s'appuyail
sur un petit ruisseau qui se jetait dans l'Enipée et non sur l'Enipée
même; d'ailleurs Seldner estime avec raison qu'on ne pourra arriver
à une solution définitive que par l'étude attentive des lieux mômes.
K. \Vi:\delmuth2 a publié une biographie de T. Labiénus, le lieute-
nant de César, qui devint plus lard un de ses plus violenls ennemis.
C'est un travail fait avec pleine connaissance du sujet, qui témoigne
d'un jugement sain et qui résout plusieurs questions controversées,
comme celle de la prétendue Lex Atia : « De sacerdoliis, » et celle de
l'époque où furent composés les Commentaires de César. Ém. Hir/i;
a entrepris une réhabilitation de Sextus Pompée; à son axis, la tra-
dition a dépeint d'une façon beaucoup trop sévère les capacités et le
caractère du fils du grand Pompée; la science moderne n'était pas
plus juste à son égard, parce qu'elle ne tenait pas compte de son
jeune âge; Sextus naquit en effet en 67 av. J.-C. et non eu 7."> comme
on l'admet en général. C. Risse '' a, de son côté et simultanément
réuni les renseignements épars chez le- auteurs anciens relatifs à
Sextus Pompée et en a fait une bonne biographie.
La période qui s'étend entre la conjuration contre César et le
second triumvirat n'a pas encore trouvé son historien définitif; on
peut considérer les recherches de O.-L. Scbmidt '■'' comme les pré-
1. Das Schlachtfeldvoa Phanalns. Mannhcim, 1883. (Programme des cours.
2. T. Labiénus. Maibourg, 1883. (Inaug. Dissert.)
3. De Sexto Pompejo. Brcslau, 1883. (Inaug Dissert.)
4. Degestis Scxti Pompei. Munster, Coppenrath, 1882.
... Die letzten Kaempfc der rœmischen Repiiblik. Theil I. Jahrbilchei fUr
classische Philologie Snppl., Bd. Mil, 1884, p. 663. Le môme. t»r Zeit dei
',11 BULLETIN HISTORIQUE.
liminaires à une histoire de celte époque. Dans la première partie de
son travail que nous avons sous les yeux, l'auteur discute la fidélité
et la valeur historique des renseignements fournis sur celte période
par Appien, Plularque et Dion Cassius-, il cherche à prouver que lous
ces documents se caractérisent par le vague du récit, par de faux
jugements cl de véritables inexactitudes et que lous ils révèlent au
plus haut degré une tradition des plus altérées. L'historien doit avant
tout compléter le tableau imparfait que nous retracent les lettres de
Gicéron et ses discours, soit par les fragments de Nicolas Damascène,
que l'auteur lient en haute estime, soit aussi par les récils de Sué-
tone, qui. d'après Schmidt, reproduisent souvent ceux de Nicolas.
L'auteur détermine ensuite, avec beaucoup d'habileté et contraire-
ment à L. Lange, les diverses phases de la législation relative aux
Acfa Caesaris, tels que nous les rencontrons entre le M mars et le
l\ avril 44 av. J.-C-, enfin, il discute les modifications qui eurent
lieu dans la répartition des provinces et des légions après la mort de
César. L'ouvrage de W. A. Detto1, sur Horace et son temps, dans
lequel toute la vie publique et privée des Romains à l 'époque d'Auguste
se trouve décrite d'après les travaux de Marquardt, de Friedlsender
et d'autres, n'a pas de prétentions scientifiques, mais il est bien
approprié, par la clarté et l'attrait de l'exposition, à son but, qui est
d'animer et de compléter les études classiques dans les établissements
d'instruction secondaire. Les recherches de deux théologiens : FI.
Riess 2 et Pierre Schegg 3, sur la date de la naissance du Christ, inté-
ressent la chronologie du règne d'Auguste. Riess estime que notre
ère usuelle, c'est-à-dire l'ère de Denys le Petit, concorde parfaitement
avec la vérité historique; d'après lui, la mort d'Hérode tombe le
10 mars 753 a. u. c, la naissance du Christ le 25 décembre 752 et
sa mort le 3 avril 786, c'est-à-dire en Tan 33 de notre ère. Schegg
appuie, au contraire, par de nouveaux arguments l'opinion généra-
lement admise depuis les célèbres recherches de Sanclemente [De
vulgaris aerae emendatione. Rome, 4 793), à savoir que la mort d'Hé-
rode eut lieu au printemps de 750 et que, par conséquept, Jésus-
Christ naquit en 741». Schegg cherche, en outre, à démontrer, en se
Lex Antonia Cornelia de permutatione provinciarum. Neue Jahrb. f. Philol..
vol. CXXVII, p. 863.
1. Iloraz und seine Zeit. Berlin, Geertner.
2. Das Geburtsjahr Jesu Christi. Ergœngimgsheftc zu den Stimmen aus
\laria-Laach. Fasc. 11 et 12. Fribourg, Herder, 1880. — Idem, i\ochmalsdas
Geburtsjahr Jesu Christi. Ibidem, 1883.
3. Das Todesjahr des Kœnigs Hcrodes und das Todesjahr Jesu Christ/.
Munich, Stahl. 1882. Conf. Sattfer : Das Jahr 74S nach Erbauung Roms das
wahre Geburtsjahr Christi. Mûnchner allgemeine Zeitung, 1883, n° 72.
ALLEMAGNE ET AUTRICHE. 423
basant sur des calculs astronomiques, que la morl de Jésus-Christ
arriva en l'an 783 de Home.
E. Mkïek' a réfuté oomnlètemenl l'hypothèse de Dederich [Monat-
schriftf. die Geschichte 11 estdeutschlands, IV, 1878, p. 720), qu'une
partie de l'armée de Quinctilius Varus avail été sauvée par le légat
L. Asprcnas. après le combat de Teutobourg. Les adieux d'Auguste
à ses amis sur son lil de mort (Suétone, Auy., c. 99 ; Dion., 56, 30),
interprétés de bien des Tarons, ont été expliqués par <». Hirschfbld3
d'une manière très satisfaisante. Dans sa biographie de L. A. Séjan,
J. Ji'u.i; :t a épuisé toutes les sources qui se rapportaient à ce sujet :
pour juger Séjan, l'auteur se place entièrement au point de vue des
sources anciennes, dont il ne discute la fidélité qu'à propos de <jues-
tions tout à fait secondaires. JiiL rend responsable de la persécution
exercée contre la famille de Germanicus non Tibère, mais Séjan,
dont tous les efforts visaient à la possession de la couronne impé-
riale. — Nous devons à G. Wolffgeamm4 quelques remarques pré-
cieuses au sujet de la carrière militaire de Gorbulon el de son éléva-
tion au commandement suprême de toutes les forces militaires de
Rome en Orient, en 63 après J.-G. Pfttzner5 a découvert, avec trop
d'ingéniosité peut-être, que Néron avait conçu le projet de renver-
ser ce grand général, et de commencer, au même moment, une
guerre contre les Parthes. Toute une suite de points obscurs dans
les récits de Plutarqueet de Tacite relatifs à la guerre entre Olhon el
Vitellius, en on apr. J.-C, ont été éclaircis avec beaucoup de soin et
d'habileté par J. Gbrsteneckeb 6, et ont fourni ainsi plusieurs indi-
cations précieuses au sujet de la marche véritable de cette guerre :
l'auteur croit que les concordances frappantes, même dans l'expres-
sion, entre Tacite et Plutarque, proviennent, non, comme le veulent
Mommsen el Nissen, d'une source commune aux deux écrivains,
mais plutôt de l'utilisation de Tacite par IMularquc. M. IN m.7 a
1. Reitung eines Theiles des rcemischen Eeeres nach der Schlacht un Teu-
toburger Walde. Zeitschrift /. d. Gymnasialuesen. Volume XXX VI, 1882,
]). 218-219.
2. Augustus und sein Mimus vitae. Wiener Studien. An. V, 1883, p. I16-11!J.
3. Vita L. Aeli Seiani. Oeniponti, Wagner, 1882.
4. Des Avidius Cassius stel/ung im Oriente. Philologus. Vol. XLII, 1883,
p. 186-188.
5. Quae causae fuerint cur Nero princeps, omissa in praesetu Achaiu, a
Benevento in urbem subito régressas sit. Parchim, 1883.
6. Der Krieg des Otho und Vitellius in Italien im J. 69. Munie li, 1882.
(Programme des cours.)
7. De Othone et Vilellio imperatoribus quaesliones. Halle, 1882. Inaag.
Dissert, der aniversitaM Halle.)
',2', BULLETIN HISTORIQUE.
soulcnu. au contraire, mais par d'assez faibles arguments, l'opinion
de Ylommsenetde Nissen-, en même temps, il a fourni quelques ren-
seignements sur les points où ces deux auteurs sont en désaccord, et
sur la chronologie des règnes d'Othon et de Vitellius. Deux dissertations
se rapportent au règne de Titus : ce sont celles d'O.-A. Hoffmann * et
de F.-J. Hoffmann2; la première s'occupe de déterminer chronologi-
quement les principaux événements de la vie et du règne de l'em-
pereur, dont la naissance est fixée en 39 après J.-G. Flavius Josèphe
comptait, d'après l'auteur, non, comme on l'admet en général, par
mois hébraïques, mais par mois syro-macédoniens. F.-J. Hoffmann
étudie la question, encore obscure dans les détails, de la date à
laquelle Titus fut associé par son père Vespasien à l'empire, et des
circonstances qui accompagnèrent cet événement. La piété de Titus
envers son père, célébrée par les écrivains anciens, apparaît, à la
suite des habiles recherches de l'auteur, sous un jour très douteux ;
à son avis, la proclamation de Titus comme empereur, en présence
de Jérusalem renversée (en août 70 après J.-G.), était un acte de
rébellion des troupes de Vespasien, placées sous les ordres de Titus:
celui-ci avait été probablement l'instigateur de celte démonstration ;
depuis ce moment, en effet, il agit en empereur, notamment lors-
qu'il conduit, de son propre mouvement, deux légions en Egypte;
c'est de cette façon qu'il obtint de Vespasien la corégence : celui-ci
désigna, en 70, son fils comme empereur, et l'éleva en réalité l'année
suivante à la dignité de corégent. L'élimination systématique de
Domitien par son père serait due aussi à l'influence de l'ambitieux
Titus. G. Paxzer3 expose, d'une façon qui s'écarte souvent beaucoup
des hypothèses de E. Hùbner, les progrès faits par les Romains dans
la soumission de la Grande-Bretagne, de l'an 43 après J.-G. jusqu'au
gouvernement d'Àgricola. Il s'efforce de déterminer, à cette occasion,
la situation et la date où furent fondés les castra stativa et les éta-
blissements romains, ainsi que l'extension graduelle de la frontière
du nord : les résultats de cet excellent travail devront être complétés
en certains endroits par les documents épigraphiques.
L. d'Ublichs ■'• a remanié son essai [De vita et honoribus Agri-
colae, I8(i<s), sur les troupes romaines qu'Agricola opposa, en 84,
1. De imperatoris Titi temporibus recte defiaiendis. Marbourg, Elwcrt, 1883.
(Inaug. Dissert.)
2. Quomodo, quando Titus impcrator factussit. Bonn, 1883. (Inaug. Dissert.)
3. Die Eroberung Britanniens durch die Iioemer bis auf die Statthalter-
schaftdes Agricola. Historische Untersuchungen Arn. Schœfer gewidmet. Bonn,
Strauss, 1882, p. 166-177.
4. Die Schlacht ara Berge Graupius. Wùrzburg, Stabel, 1882.
ALLEMAGNE ET AUTRICHE. 125
aux Calédoniens, dans les Grampians; il s'appuie sur les docu-
ments épigraphiques, dont Le aombre s'esl aotablemenl accru ;
à ce proi)os, il critique d'une façon très serrée, et avec succès,
la dissertation de E. Hubner [Hermès, XVI, 1884, p. •l'i sqq. .
qui, en plusieurs points, était en contradiction avec les hypo-
thèses émises par lui-même antérieurement. Pour ce qui con-
cerne la fidélité de Tacite el l'histoire de l'armée romaine, nous
regardons comme très importante et absolument certaine celte
démonstration de railleur, que les renforts envoyés par Néron en
Hretagne venaient de la Germanie et de la (laide et qu'il ne se trou-
vait à celte époque, en Grande-Bretagne, sons les ordres d'Agricola,
ni troupes espagnoles, ai auxiliaires de la Pannonie, si ce n'est en
très petit aombre. Le tableau des guerres qui eurent lien sur le Rhin
entre 83-98 après J.-G., par .1. A.sbacb ', est un travail soigné, qui
enrichit sur plus d'un point capital nos connaissances relatives à la
(lermanie romaine. .Malgré la part faite a l'hypothèse, il est vraisem-
blable que le succès de Domi lien, dans ses guerres contre les Germain-,
fut beaucoup plus important que la partialité des auteurs anciens hos-
tiles à Domi tien, et notamment de Tacite, ne l'a l'ail supposer. L'auteur
1 >lace dans les aimées 83-85 après J.-G. toute une série de notoires
de l'empereur sur les Gattes et leurs alliés, et lui l'ail annexer, à la
suite de ces combats, toute la partie antérieure de la province de la
liante Germanie, à savoir le pays situé entre le Rhin, la Kinzig el
le Danube. Ce territoire aurait été protégé par la construction du
Limes imperii. (/est à cette époque que la haute et la b
Germanie furent élevées au rang de provinces proprement dites,
avec une organisation indépendante et municipale; elles n'étaient
jusqu'alors que de simples commandements militaires el appar-
tenaient à la Gaule belgique. La politique de Trajan ne fui pas
agressive; l'empereur se maintint dans les limites désignées
par Domilien, tout en assurant la paix par des alliances avec
diverses tribus germaniques el par l'achèvement du Limes Rhae-
ticus. La réunion d'un territoire entre le Mein el La Lippe, men-
tionnée dans la liste de Vérone, n'eul pas lieu son- le règne de Tra-
jan, mais très probablement seulement au milieu du tu6 siècle, sous
le règne de l'empereur Posthumus. La « Germanie » de Tacite avail
pour but, d'après Asbach, de justifier la politique de Trajan vis-à-vis
du parti qui poussait a une guerre offensive contre les Germains ;
Trajan préférait fortifier systématiquement les frontières, afin
1. Die Kaiser Domitian und Trajan am flhein. Wesfdeutsche Zeltschrift
fur Geschichte undKunst. An. III, fasc. 1, 1884, p. 1-26.
126 BULLETIN niSTORIQDE.
d'exciter et de mettre à profit les luttes intérieures des Germains, à
une guerre offensive qui ne pouvait rapporter que de stériles tro-
phées. — Asbach l a fait un autre travail très important, en dres-
sanl une liste des consulats depuis la mort de Domitien (96 après
J.-G.) jusqu'au troisième consulat d'Hadrien (H 9 après J.-C.)- L'ap-
pareil critique qu'il y a joint montre combien il a su mettre à profit,
à côté des renseignements des écrivains et des Fastes, les sources
épigraphiques et numismatiques. Il étudie, dans un commentaire
étendu, les consulats dont la détermination est nouvelle ou discu-
table, et dresse deux listes spéciales, souvent accompagnées de
digressions biographiques, soit des consulaires de l'époque en ques-
tion, soit des « viri praetorii » de l'époque de Trajan. Dans une bro-
cbure destinée au grand public, F, Eyssenhardt 2 trace un parallèle
entre l'empereur Hadrien et son contemporain, le poète Florus-, il
relève à ce propos, comme traits communs à tous deux, leur concep-
tion cosmopolite de la vie, le goût inquiet des voyages qui en résulte
et leur vif sentiment de la nature, qui se rapproche presque de la
sentimentalité moderne ; l'auteur a parsemé son récit, sans suivre
un ordre bien rigoureux, de remarques sur les goûts militaires
d'Hadrien et sur son active sollicitude pour le bien public ; les inscrip-
tions qu'il y a jointes en les traduisant sont choisies avec tact. Ferd.
Grix.orovius 3 a tenté de résoudre les questions relatives, d'une part à
l'état dans lequel Hadrien trouva Jérusalem, d'autre part à l'époque
et aux circonstances de la fondation de la colonie romaine d'Aelia
Gapitolina. D'accord avec M. de Saulcy et avec d'autres savants, il
admet que Jérusalem subsista encore en partie après sa destruction
par Titus-, avec M. Renan, il conteste une seconde destruction de la
ville par Hadrien ; il combat aussi avec de bonnes raisons l'hypo-
thèse qu'Hadrien visita Jérusalem en m et autorisa alors les Juifs
à reconstruire le temple. L'an -130 après J.-G., qu'il propose (Renan
avait admis l'an \ 22) comme date de la fondation de la colonie d'Aelia
Gapitolina, est vraisemblable. D'ailleurs, l'état défectueux de la
tradition empêche d'arriver sur ce point à des résultats essentielle-
ment neufs et positifs.
Les renseignements biographiques fournis sur Gommode et sur
1. Juhrbûcher des Vereins von Aller Ihums'freunden im Rheinlande. Fasc.
LXXII, 1882, p. 1-54.
2. Hadrian und Florus. Berlin, Habel, 1882.
3. Die Grundung der rœmischen Colonie Aelia Capitolina. Sitzungsberichle
der philosophisch-philol. u. histor. Classe der Bayer. Akad. d. Wissensch. zu
Mûnchen. 1883, fasc. 3, p. 477-508. Voyez l'article de M. Renan dans la lierve
historique, II, ! 12.
M I I M U.NI I I \l TRICH1 127
Perlinax, par les auteurs anciens, ont été soigneusement coordonnés
parti. Krarauér*. En môme temps, J. lit sdertmàrh - a publié une
étude consciencieuse sur la vie de l'empereur Pertinax. \. Muller3
a fait connaître deux fragments (conservés dans des ouvrages litté-
raires arabes) du livre irept ■fjôûv de Galien: il en résulte qu'il y eul
toute une série de procès d'État contre les amis de Perennis, le
[irét'et des gardes de Commode, à la suite de la chute de celui-ci,
en 183 après J.-C. La question relative au rùle joué par le sénal
romain dans l'élévation au trône des empereurs, de Commode jusqu'à
Aurélien, a été traitée par Ferwei '* ; il a fait remarquer que le sénat,
qui semblait déjà depuis longtemps s être survécu a lui-même, attei-
gnit parfois, dans celte période qu'on nomme si volontiers l'époque
des empereurs-soldats, le plus haut degré de puissance, et exerça
dans la succession au trône l'influence la plus décisive. La biogra-
phie de l'empereur Maximin. par .1. Lœhber5, el celle de l'empe-
reur Gordien III, par J. Muller6, se recommandent toutes deux
par la connaissance complète et la critique judicieuse de la tradition
littéraire. Les deux auteurs accordent une attention particulière aux
questions chronologiques , mais n'ont malheureusement pas tenu
compte des inscriptions relatives à l'administration de l'empire sous
le règne des deux empereurs. P. Meyee7 a jugé d'une façon très
défavorable, dans un écrit beaucoup trop concis, la biographie de
l'empereur Constantin, par Eusèbe ; non seulement, dans cette bio-
graphie, les événements les plus importants du règne de Constantin
auraient été passés sous silence, mais, en outre, toutes les accusa-
tions légitimes portées contre l'empereur par d'autres historiens
seraient écartées à tout prix. Les concordances entre Eusèbe, d'une
part, les panégyristes et les fragments de la biographie de Cons-
tantin par Praxagoras de l'autre, font supposer que l'Apologie d'Eu-
sèbe n'est pas due à la propre initiative de cet écrivain, mais que
Constantin lui-même forma une vraie corporation d'historiens de cour,
pour que l'histoire de son règne fût présentée sous un jour favorable,
1. Commodus und Pertinax. Breslau, 1883. (Pro^r. des cours.
2. De imperatore Periinace. Munster, Coppenrath, 1883. (Inau^. I » î — • - r i
3. Zur Geschichie des Commodus. liâmes, vol. XVIII, 1883, [>. 623-626.
4; Der Sénat und die Thronfolge in Rom von Commodus bis Aurelian.
Grossglogau, 1883. (Programme des cours.)
5. De C. Julio Vero Majimiao liomanorum imperatore. Munstei
(Inaug. Dissert.)
6. De M. Antonio Gordiano III Romanorum imperatore. Munster, 1883.
(Inaug. Dissert.)
7. De vita Constantini Eusebiana. Bonn, Georgi, 1882.
12S BULLETIN HISTORIQUE.
cl pour que les reproches légitimes des historiens indépendants
fussent réduits au silence. — Une interprétation judicieuse des frag-
ments de l'inscription : C. I. £., III, 6130 (perdue malheureusement
presque aussitôt après sa découverte), relative à la construction d'un
castellum romain par les officiers Marcianus et Ursicinus, près de
Dojan, dans la Dobroudcha, a conduit V. Gardth.ujsen 1 à des
observations ingénieuses sur les guerres de Constantin le Grand et
de son fils Constantin II contre les Goths ; l'auteur cherche à établir
que Constantin II était déjà maître de la Dobroudcha en 338 après
J.-C; en outre, en réunissant les documents épigraphiques et litté-
raires sur Ursicinus, le protecteur d'Ammien Marcellin. il a composé
• l'une façon habile un tableau de la carrière militaire de ce général
influent, qui se fit même craindre pendant un certain temps comme
prétendant à la couronne impériale. Une seconde découverte, par
Tocilescu, de la pierre contenant cette inscription, a mis fin aux dis-
cussions relatives à la date de celle-ci (voir Archseol. epig. Mitheil.
<i us Oesterreich, An. VI, p. 47 et suiv.). Ainsi que le démontre Th.
Mommsen 2, l'inscription n'a été placée ni par Constantin Ier. ni par
Constantin II, mais par Valens; ce qui enlève sans doute leur fonde-
ment à bien des assertions de Gardthausen. La nouvelle interpréta-
tion donnée par Mommsen l'amène à des remarques importantes sur
la situation de l'empire, après la division en empire d'Orient et en
empire d'Occident ; on tenait encore alors à l'idée d'une unité durable,
e1 tout acte de gouvernement de l'un des deux empereurs était con-
sidéré et désigné légalement comme un acte des deux empereurs,
égaux en droit. 0. Seeck3 démontre que la liste des « praefecti urbi »
romains, donnée par Ammien Marcellin, est complète à une seule
exception près, et qu'on peut en conséquence l'utiliser sans scrupules
pour compléter celle du chronographe de l'an 334 après J.-C, qui
-arrête cette année même. A l'aide des inscriptions, Seeck cherche
à remédier à l'absence de dates exactes, pour ce qui concerne la ges-
tion des différents préfets de Rome; il reconstitue dans ce but le
registre d'Ammien et joint, pour chaque préfet, l'indication des dates
de son apparition en charge et de sa disparition, ainsi que les ren-
seignements ayant trait à son activité administrative.
La bibliographie relative à l'histoire des migrations des peuples et
à la formation des royaumes romano-germains s'est enrichie d'un
1. Ursicinus und die Inschrift von Dojan. Hermès, vol. XVII, p. 251-267.
2. Die Inschrift von Hissarlik und die rœmische Sammtherrschafl in ihrem
titularen Ausdruck. Ibidem, vol. XVII, 1882, p. 523-544.
3. Die Iieihe der stadlpraefeklen bei Ammianùs Marcellinus. Bennes,
vol. XVIII, 1883, p. 289-303.
ALLEMAGNE Kl kUTRICHl . V2l.)
grand nombre d'ouvrages généraux el d'études spéciales très réussis.
Nous avons déjà signalé dans notre dernier bulletin l'histoire primi-
tive des peuples germains el romains par F. h \n\ '. et nous en avons
relevé les qualités supérieures. Pendant que le 3e volume, consacré
spécialement à l'histoire primitive îles Francs, achevail cette his-
toire, Daim- a entrepris déjà un second remaniement de ce même
sujet, pour la collection des histoires des États européens, par fïee-
ren, Ukert et Griesebrecht ; il est vrai qu'il doit se borner ici à l'étude
des tribus allemandes, réunies plus lard dans le royaume franc, el ne
doit s'arrêter qu'en passant aux groupes gothiques qui s'en -nui
détaches, les Vandales, les Scandinaves et les Anglo-Saxons. L'ou-
vrage, rédigé sous une forme assez concise, embrasse, en un tort
volume, toute l'histoire allemande depuis l'arrivée des Germain.-.
en Europe, jusqu'à la tin de l'empire d'Occident. L'auteur s'étend
beaucoup plus, dans ce nouvel ouvrage, sur les questions contro-
versées, notamment sur l'organisation primitive des tribus alle-
mandes-, il donne aussi d'une façon presque complète tous les ren-
seignements relatifs aux sources ou à la bibliographie. On a bien
fait de publier 1' « Histoire du peuple allemand, » d'après les papiers
laissés par C. Wilhelm Nitzsgh3; dans le premier volume, en effet,
l'auteur a traité les migrations des Germains jusqu'à la fondation
de l'empire franc sous Glovis, non pas d'une façon complète, mais
avec une remarquable originalité de méthode et de conception el
une vue profonde de l'immense enchaînement et de la connexité
historique des événements de l'histoire universelle. An point de
vue du jugement a porter sur l'organisation primitive des l ri-
bus germaniques, il est intéressant de constater que l'auteur se
sépare ici nettement et a plusieurs reprises des opinions d'antre-
savants, et notamment de celles de Waitz et de Dahn. La plebs
germaine est, selon Nitzsch, divisée encore a l'époque de Tacite en
familles, ainsi que l'était le peuple d'Israël lorsqu'il s'empara de
Canaan; les familles combattent en rangs serrés, possèdent un
droit d'héritage particulier, contrôlent les mariages de leurs
membres et ont le droit et le devoir de vengeance sanglante; dans
cette constitution patriarcale, le « comilalus » occupe une posi-
tion toute particulière; Nitzsch y voit un produit du développe-
ment germanique intime pendant les guerres avec les Romains; le
1. Urgeschichte der germanischen und romanischen Voelker. Vol. III. Berlin,
Grote, 1883. (Collection Uncken.)
2. Deutsche Geschichte, vol. 1, part. 1. Gollia, Perthes, 1883.
3. Geschichte des deutschen Volkes bis zum Auysburger Rettgionsfrieden,
vol. I. Leipzig, Duacker et llumblot, 1883.
Î30 BULLETIN HISTORIQUE.'
germe en aurait existé déjà à l'époque de César. Le comitatus n'était
d'abord (pie temporaire, mais il devint plus tard permanent et fixe;
son importance dépendait moins de la richesse que de la capacité
politique de chaque « princeps-, » c'est de lui que sortit la noblesse,
et c'est son existence qui explique la coutume de confier uniquement
aux membres des maisons prépondérantes des fonctions qui, jus-
qu'alors, étaient purement républicaines. La puissance des familles
royales, qui dans les tribus occidentales des Germains a quelque chose
d'indécis et d'obscur, provient de ce qu'elles eurent la direction du
peuple pendant les migrations; l'arrêt du mouvement en Occident
contraignit la royauté soit à perdre sa puissance, soit à la maintenir
par des mesures extraordinaires. La lutte entre Arminius et Marbod
apparaît, considérée de cette façon, comme le résultat de l'antago-
nisme entre la royauté et le principal, entre la monarchie et l'aris-
tocratie.
Euler1 s'est proposé, moins de présenter des résultats scientifiques
nouveaux, que de pousser à l'étude des sources et d'animer l'enseigne-
ment historique. Ce début a été parfaitement atteint : l'auteur laisse
presque exclusivement la parole aux auteurs originaux ; il cite les
passages relatifs aux événements les plus importants de l'histoire des
peuples allemands (le premier volume va jusqu'au commencement
du moyen âge) -, il les coordonne au point de vue chronologique et les
explique par de petites notes ; il intercale, lorsque l'enchaînement
l'exige, sa propre rédaction. — L'hypothèse, émise plusieurs fois
ces années dernières, que l'invasion des masses germaniques et slaves
dans l'Europe centrale eut lieu bien longtemps avant leur rencontre
avec les Romains, a été développée de nouveau par Loeher2, non pas
peut-être d'une façon rigoureusement scientifique, mais cependant
avec des rapprochements judicieux et dignes d'attention. Ce n'est ni
l'Asie centrale, ni l'Asie mineure, mais le pays compris entre la Loire,
la Vistule, la mer du Nord, la mer Baltique et les Alpes qui, d'après
Lœher, est la patrie du peuple indo-germain, de sorte que les Ger-
mains ont vécu en Allemagne des milliers d'années avant d'entrer en
contact avec les Romains. La fréquente apparition de noms- de lieu
slaves ou celtiques en Allemagne s'explique, d'après l'auteur, par
la longue cohabitation sur le sol allemand des Celtes et des Slaves
avec leurs proches parents les Germains ; en outre, tout le pays com-
1. Deutsche Geschichte von der Urzeit bis zum Ausgang des Mittelallers.
Vol. I. Leipzig, Diirr, 1882.
2. VeberAlter, nerkunftund Verwandtschaft der Germaaen. Sitzungsberichte
der philos, pliilolog. histor. Classe der k. bayer. Akademie der Wissenschaf -
ten. 1883. fuse. 4, p. 593-G33.
ALLEMAGNE KT il TRICHJ . ' •'* I
pris entre le chenal de la Luire et les Alpes doit être considéré comme
Le siège des populations germaines primitives. Une preuve très dis-
cutable, et qui rentre à peine dans le cadre d'un ouvrage sérieux, esl
celle où l'auteur rapproche le dragon, qui joue un rôle important
dans la légende germanique, des sauriens antédiluviens; et, du l'ail
qu'il n'y avait pour ces monstres aucune place dans les montagnes
et dans les plateaux «'levés de l'Asie, il conclut que la plus ancienne
demeure des Germains a été les « haies et les forêt- vierges maréca-
geuses et enchevêtrées » de la basse plaine de l'Allemagne du nord.
F. Dummlbb { a fait une petite récolte des témoignages, auxquels on
n'avait pas encore pris garde, relatifs à la structure du corps, à la
civilisation et à la manière de vivre des anciens Germains, contenus
dans les écrits de Galien, deSénèque et de Sextus Empiricus. Dans la
2e réunion des anthropologisles et des archéologue- autrichiens, à Salz-
bourg, Zillner2 a traité de la nationalité des habitants du Norique . :
il est arrivé aux résultats suivants : les habitants du Norique
appartenaient à la nation.i li Le celtique, le recul des habitants rouia-
nisés coïncida avec la marche en avant des Alamanni au vc siècle; la
véritable germanisation de leur pays n'arriva que lors de l'invasion
des Bavarois au vie siècle. Mien3 soutient l'hypothèse émise par Ad.
Hollzmann, d'après laquelle lés Germains se rattachent aux Celtes,
dont il faut exclure, en revanche, les Bretons et les Irlandais. G. de
Becker4 estime par contre qu'il faut distinguer les Celtes des Gau-
lois ; les Gaulois auraient appartenu au tronc germanique, et les
primitifs habitants celtes de la Gaule auraient été soumis par eux.
G. Mehlis5 a essayé dernièrement, dîme façon aussi habile qu'érudite,
d'établir l'identité des Bavarois et des Marcomans; il a donné à ce
propos un tableau des migrations des Marcomans très précis, mais
qu'il n'a pu dresser qu'en s'appuyant sur de très hardies hypotht
Dans la première période de leur apparition dans l'histoire, les Mar-
comans, qui venaient de l'Elbe moyenne, ont, d'après Mehlis, enlevé
aux Boji la Bohême septentrionale et occidentale et les ont refou-
lés ainsi dans les contrées du Meîn supérieur et du Danube. Sous
1. Zerstreute Zeugnisse alter Schriftsteller ûberdie Germanen. Forschungen
zur deutschen Geschichte. Vol. XX11I, 1883, p. 632-635.
2. Mittheilungen d. anthrop. Geselhchuft in Wien. Vol. XII, 1883, p. 8-16.
3. Ibidem, p. 16-20. Sur la question celtique, voir encore les assertions de
Virchow, de Schafl'hausen , d'Ohlenscblager el de Mehlis. ïbid., p. 16-26.
L'écrit intéressant de F. Kinkelin : Die Vrbewohner Deutschlands, Lindau el
Leipzig, Lndwig, 1882, se borne à l'époque préhistorique.
4. Versuch einer Lœsung der Celienfrage durch Unterscheidung der ceften
und Gallier. Karlsruhe, Bielefeld, 1883.
5. Markomannen imd Bajuwaren. Munich, Wolfet fils. 1882.
432 BULLETIN HISTORIQUE.
l'influence, de l'invasion des Gimbres, les Marcomans poussèrent une
pointe, à travers le territoire du Mein, dans la plaine du Rhin, et de
l,i jusqu'à la Saône, où, sous la conduite de leur chef Arioviste, ils
rencontrèrent César. La stratégie tenace de Drusus donna lieu, d'après
Mehlis, à la deuxième période, qui comprend la retraite de Marbod sur
Boiohemum et la complète colonisation de la Bohême. La 3e période
de l'histoire des Marcomans-Bajuwares commence à la fin du ve siècle,
à partir du moment où ceux-ci occupèrent les pays situés au sud-
ouest du Danube; ce n'est que plus tard qu'on les rencontre dans la
vallée supérieure de lTnn et en Tirol. Prinzinger ■ se place à un tout
autre point de vue ; d'après lui, la souche germanique des Bavarois
est née dans les contrées mêmes qu'elle habite aujourd'hui et que les
Celtes n'ont jamais occupées; elle passa quelque temps sous la domi-
nai ion romaine et, en partie, sous la domination slave; elle fut déli-
vrée de cette dernière par l'approche des tribus germaniques qui lui
étaient apparentées et par la puissance des rois francs. Les ingénieux
développements deC. Lamprecht2 sont importants pour l'histoire des
établissements primitifs et des excursions des Francs dans le pays du
Rhin; important aussi est le second volume de l'histoire allemande
de W. Arnold 3, pour l'histoire postérieure de l'empire franc, jus-
qu'aux Carolingiens. Les thèses émises par A. Werneburg\ d'après
lesquelles, d'une part, les Chérusques habitaient dans la Thuringe
actuelle, entre la Werra, le Hartz et les monts de la Thuringe,
et d'après lesquelles, d'autre part, le peuple des Thuringiens ne des-
cend pas des Hermundures, mais a passé, seulement à une époque
relativement postérieure, de la Suisse dans la Thuringe, ont été con-
testées par Alf. Kirchhoff 5 qui étend le territoire occupé par les
Hermundures, au nord jusqu'au confluent de la Saale et de l'Elbe et
jusqu'à la Vieille Marche, au sud jusqu'au Mein. Citons encore ici
1. Die Keltenfrage deulsch beantworlet. Salzbourg, Dieter, 1881. Conf.
Mittheil. der anthrop. Gesellsch. in Wien. Vol. XII, 1882, p. 7-8.
2. Westdeutsche Zeitschrift /. Gesch. u. Kunst. An. I, 1882, p. 123-144.
C. Lamprechl expose les fondements des résultats donnés ici dans Zeitschrift
des Aachener Gesch. Ver. Vol. IV, fasc. 3 et 4, 1882, p. 189-250. Cilons encore
le remarquable article de M. Scbroeder, sur l'origine des Francs, Hist. Zeitsch.,
vol. XLIII (Neue Folge 7), 1880, p. 1-65, et la dissertation du même sur les
Francs et leurs lois, dans Zeitschr. der Savigny. Stift. f. Rechtsgesch. Vol. II.
Germanist Abtheil., 1881, p. 1-82.
3. Deutsche Geschichte, vol. II. Fraenkische Zeit. Gotha, Pertbes, 1881-1883.
i. Die Wohnsitze der Cheruskenund die Herkunfi der Thùringer. Jabrbù-
cher der kgl. A.kad. gemeinnutziger Wissensch. z. Erfurl. N. Folg., fasc. 10,
1880, p. 1-122.
5. Thilringen doch Hermundurenland. Leipzig, Duncker u. Huinblot, 1882.
ALLEMAGNE El AUTRICHE. 533
I'. HuRFALvi ', qui cherche à modérer le désir nourri par certains
érudits orientaux, de constituer un grand empire roumain, embras-
sant aussi les parties de La Hongrie el de la Turquie occupées par une
population roumaine; pour cela il s'attache à montrer que le Fond de la
population de ces pays frontières se compose de bergers nomades,
d'origine slave, et qui n'ont été roiunanises que pn-terieiireinent.
Revenons aux ouvrages relatifs à l'histoire de l'empire d'( Iccidenl :
nous mentionnerons d'abord l'étude de B. Volz a sur la date du com-
bat de Pollentia; dans une polémique très vi\e contre Pallmann [de-
schichte der l œlkerwanderung , roi. II, p. 198), il cherche à établir
que cette bataille eut lieu le 29 mars '«03. 0. Seeck3 s'est occupé aussi
de la chronologie de la première invasion d'Alaric en Italie; il en
fixe le début au 18 nov. 40 1 : d'après lui, toute la guerre, depuis la
première apparition des Goths sur le sol italien jusqu'à leur départ,
n'a pas duré plus de 10 mois-, le combat de Pollentia lombe néces-
sairement le <> avril 402 et celui de Vérone dans l'été de la même
année. Dans une addition, Seeck a défendu contre Pallmann la fidé-
lité du récit que l'ail Glaudien de la guerre de Stilicon contre Grildon
en Afrique. La dissertation de A. Jmis > présente, sous une forme
condensée et claire, les résultats de la science historique au sujet de
la personne et du règne d'Odoacre; l'auteur critique avec habileté
certains points des travaux de Pallmann, de Wietersheim et de
Dahn. On partagera son avis lorsque, contrairement à Daim, il recon-
naît en Odoacre non un simple aventurier, mais un homme d'État,
doué d'une véritable capacité politique, qui seule lui permit de se
maintenir au pouvoir pendant dix-sept ans, dans des circonstances
particulièrement difficiles et sans user de mesures trop violentes.
L. Schmidt5 a démontré que Bède s'est servi, pour l'histoire des
années 410, :>25 et ~ïH\. des Annales dites de Ravenne, dont is
avons parlé dans la première partie de notre bulletin à l'occasion d'une
élude de Raufmann. Un récit du règne et de la chute du roi des Ostro-
1. Die Rumaenen und ilire Ansprûche. Teschen, Prochaska, 1883.
2. Zum Jahre der Schlacht von Pollentia. Ilistor. Untersuchungen. Arn.
Schœfer gewidraet. Bonn, Strauss, 1882, p. 246-252.
3. Die Zeit der Schtachlen bei Pollentia und Verona. Forschungen sur
deutseken Geschichte. Vol. XXIV, 1883, p. 173-188.
4. L'eber dus Reich des Odovakar. Kreuznach, 1883. (Programme des cours.)
L'ouvrage de C. Kleissl : odovakar in seinen Beziehungen zum byzantinischen
Kaiser Zeno and zu dem oslgolischen Kœnig Theodorich , Gœrz, 1883, ne
Dons est pas parvenu.
5. Ravennatische Annalen bei Beda. Neues Archiv. Vol. IX, Lise. I. 1883,
p. 197-200.
Rev. Histor. XXVII. 2e fasg. 28
V.)\ BULLETIN niSTOUIQUE.
goUis Tûtila, par Kampfneb '., ne donne aucun nouveau résultat. Th.
MoMMSBiN - ajustement conclu de rinscription d'un bassin en argent
lr.)ii\c avee d'autres ustensiles de même métal non loin de Feltre,
près de l'on/.aso, en Italie, que c'est là une pièce du trésor royal des
Vandales, qui, selon l'rocope, tomba dans les mains de Bélisaire à
1 1 i I tporegius (Bone). — Dans une sorte de roman historique publié
par F. Ghix.orovius 3, l'auteur a mis en scène Athénaïs, la fille du phi-
losophe athénien Leontius; élevée dans des croyances païennes, elle
gagna la faveur de l'impératrice d'Orient, Pulchérie, en se présentant à
elle comme une orpheline, et en implorant sa protection ; plus tard, elle
devint l'épouse de l'empereur Théodose II et monta sur le trône sous
le nom d'Eudoxie; enfin, par un rapide changement de forlune, elle
donna a l'empire d'Occident une impératrice, dans la personne de sa
fille Eudoxie, et, comme celle-ci, se retira fugitive et chrétienne
ardente à Jérusalem pour y mourir. Athénaïs réunit en elle à un si
haut degré tous les courants divers et contradictoires de son époque
que sa biographie a fini par devenir un tableau complet de la vie
intellectuelle de la période byzantine primitive. Mais l'auteur ne s'est
pas borné au récit des aventures d'Athénaïs-Eudoxie; ses descriptions
des palais, au luxe magnifique et extravagant, de la capitale d'Orient,
des contrastes criards chez une population singulièrement mêlée et
toujours agitée, des rivalités passionnées du cirque et des luttes des
sectes religieuses, en outre la continuelle mention des dangers qui
menaçaient l'empire d'Orient de la part des Perses, des Goths, des
Huns et des Vandales, tout cela forme un tableau capable de
faire comprendre mieux que tout autre au public instruit les con-
ditions politiques, sociales et ecclésiastiques de la Rome orientale.
Cependant, on peut élever quelque doute au sujet de la figure idéale
d'Athénaïs-Eudoxie, que Gregorovius appelle « la plus aimable
des impératrices, » malgré les accusations très précises de Mar-
cellin et de Priscus au sujet du meurtre de Saturninus. L'auteur
était exposé ici au danger de surfaire le mérite et la véracité des
panégyriques contemporains, qui sont la base de la plupart des
sources où nous pouvons puiser. A. Rose k a publié la première
partie d'une biographie détaillée de l'empereur Anastase Ier (491-
51 S) ; cette première partie est consacrée au récit de la politique
extérieure, jusqu'en 515. L'auteur possède complètement tous les
1. Totila Kœnig der Oslgoten. Inowrazlaw, 1882. (Programme des cours.)
I. Neues Archiv. Vol. VIII, 1883, p. 353.
3. Athénaïs. Geschichte einer bi/zcuitlaischen Kaiserin. Leipzig, Brockhaus,
1882.
'i. Kaiser Anastasius I. Erster Tlieil. Halle, 1882. (Inaug. Dissert.)
U i ni \i.\k i:i m mu ni . V.V\
documents originaux, qu'on n'avait pas encore réunis d'une façon
systématique, et c'est là une base solide pour juger la personne de
l'empereur et l'importance de son règne. Il serait à désirer qu'il se
prononçât, dans la <nite de son livre, sur les rapports réciproques
et l'authenticité des récits originaux, qui sonl la base de son expo-
sition; il n'a exprimé encore sur cette question fondamentale que
des hypothèse-. W. Fischer1 a exploré un domaine encore entière-
ment inconnu, dans ses remarquables « Éludes sur L'histoire byzan-
tine pendant le xie siècle. » La partie la plus importante de cet ouvra-''
est consacrée à la biographie de Jean Xiphilin, patriarche de Cons-
laniinople; les sources de l'auteur sont principalement les vol. IV et
V de la « Mîsauov.y.r, t3'.cA'.o0r,y.Y;, » édilée par Sathas, où se trouvent
les œuvres, publiées pour la première fois, de Michel Psellos. L'au-
teur nous donne des renseignements nouveaux et très précieux sur
l'état du droit et de la science juridique à cette époque, et sur la
réforme des études juridiques introduite par Xiphilin en sa qualité
de professeur a l'école de droit de Gonstantinople. Le récit du séjour
de Xiphilin dans le cloître du mont Olympe et de son action comme
patriarche fournit à l'auteur l'occasion de s'étendre longuement sur
les rapports entre l'Église et l'État dans l'empire d'Orient, sur la dis-
cipline ecclésiastique énergiquement rétablie par Xiphilin, sur son
activité dans le domaine de la charité publique et de la législation
matrimoniale, sur ses tendances philosophiques et théologiques, et
enfin sur son hostilité vis-à-vis des essais d'union entre l'église
d'Orient et celle d'Occident. Les recherches de l'auteur éclairent éga-
lement d'un jour nouveau l'histoire des règnes des empereurs Cons-
tantin Monomaque, Constantin Doucas, Romanus Diogène, Michel
Doucas et de l'impératrice Eudoxie. Nous attendons avec impatience
la prochaine publication, promise par l'auteur, de ses recherches cri-
tiques sur les sources relatives à l'histoire byzantine pendant le
xie siècle.
Ilerman IlAurr.
(Sera continue.)
1. Sludien zur byzantinhehen Geschichte des elften Jahrhunderts. Berlin,
Calvary et Cie, 1883. (Programme des cours du gymnase de Plauen.) Sur Michel
Psellos, voyez l'article de M. Rambaud dans la Revue historique, III. 241.
J36 COMPTKS-REXDUS CRITIQUES.
COMPTES-RENDUS CRITIQUES.
Hincmar, Erzbischof von Reims. Sein Leben und seine Schrif-
ten, von l)r Heinrich Schroers. Freiburg i. B. Herder, -1884. 388 p.
in-8°. Prix : 12 m. 50.
Depuis cinquante années, Hincmar a été l'objet d'études nombreuses
en Angleterre, en Allemagne, en France. Sans parler des renseignements
qu'on peut trouver sur lui dans les travaux généraux de Gfrœrer, de
"Wenck et de Dummler, dans les études carolingiennes de M. MonnieH,
dans les recherches sur le droit canon de Weiszœcker2, quatre livres
de valeur et de caractère très différents lui ont été spécialement consa-
crés : l'étude de Prichard3, les thèses de M. Diez4 et de M. Vidieu, enfin
le travail plus étendu et plus complet de M. de Noorden ;;. M. Schrœrs
n'en a pas moins pensé que les écrits et la vie de l'archevêque de Reims
pourraient encore lui fournir la matière d'un livre de 600 pages, utile
et neuf sur certains points. Il ne s'est pas trompé : grâce à une
méthode sévère de recherche et de composition, il a fait une œuvre
intéressante, et fourni à l'histoire des renseignements et des résultats
nouveaux.
Quiconque s'est servi du livre de M. de Noorden a eu à se plaindre
du désordre extérieur et des défauts de composition de cet ouvrage.
Point de tables des matières, point de répertoire : aucun ordre dans le
récit qui est sans cesse interrompu par de longues dissertations, très
savantes d'ailleurs, et très solides. Le travail de M. Schrœrs à ce point
de vue déjà marque un très grand progrès sur celui de son prédécesseur :
on le consultera plus volontiers, ne serait-ce que pour sa table, ou poul-
ies regestes de la vie d'Hincmar qui se trouvent placés à la fin.
La table du livre indique trois grandes divisions qui répondent natu-
rellement aux trois grandes époques de la vie d'Hincmar : depuis sa
jeunesse jusqu'en 860, — de 860 à 877, .— de 877 jusqu'à sa mort. Les
principaux événements de la vie d'Hincmar se partagent si aisément
1. Monnier (Fr.), Histoire des luttes politiques et religieuses dans les temps
carolingiens. In-12, 1852. Charpentier.
2. Nicdner, Zeiisch. f. histor. Théologie. 1858. 337-342. Hincmar und Pseudo-
Isidor.
3. Prichard, The life and Urnes of Hincmar. Littlemore, 1849.
4. Diez, De Vita et ingenio Hincmari. Agendici. 1859. — Vidieu, Hincmar
de Reims, étude sur le IX0 siècle. Paris, 1875.
5. V. Noorden, //. Erzbischof v. Reims, ein Beitrag zur Staats und Kir-
chengeschichte des iiestfraenli. Reichs in der zweiten Haelfle des IXten
Jahrhunderts. Bonn, 1863.
sc.nRŒiis : nrvniAR. 137
entre ce? trois époques, que ce serait déjà presque une erreur de ne
pas Les distinguer tout d'abord d'une façon suffisante.
Du jour où il parait à la cour de Louis le Débonnaire, à la suite
d'Hilduin, Hincmar poursuit dans toutes les occasions La politique qui
lui assurera l'archevêché de Reims et qui Lui donnera une influence
prépondérante dans toutes les affaires religieuses el politiques de La
ice «h1 L'ouest (Schrœrs, chapitre t, p. 1-175). G'esl le désir d'ac-
quérir ou de conserver l'archevêché de Reims qui explique La fidélité
constante d'IIincmar à Louis le Débonnaire puis à Charles le Chauve
haine contre Ebbon et contre Lothaire, jusqu'à ce que celui-ci cessai de
protéger son prédécesseur (Schrœrs, cb. n et m). Les disputes religieuses
sur la prédestination, la transsubstantiation, la naissance du Christ,
sont ensuite pour l'archevêque de Reims un moyen d'établir, avec l'aide
du roi, son autorité en matière théologique, parmi le clergé de l'ouest.
Ce n'est pas La passion de la vérité qui L'entraîne dans ces discussii
la théologie n'est pour lui qu'un moyen, non uni1 fin : Rein wissenschafl-
lichen Tnteressen zu dienen lagnicht in der Geistrichtung des Metropok
dit avec beaucoup de raison M. Schrœrs (p. 161), et, partant de ce poinl
de vue, il consacre quatre chapitres à une étude fort bien faite sur la
question de la prédestination et les débats qu'elle souleva, ainsi qu'aux
opinions théologiques d'IIincmar (cb. v, vi, vu. vm). — Dans un cha-
pitre intermédiaire, l'auteur montre de quelle manière Hincmar
fait auprès du roi en même temps une situation politique exception-
nelle, particulièrement en l'assistant, contre Les grands pendant la révolte
des Aquitains, et en prenant parti énergiquement contre son frère Louis
le Germanique, en 858. L'influence politique du clergé et d'Hincmar,
depuis 853 (concile de Soissons), est tout aussi bien marquée que dans
le livre de Noorden et plus sobrement.
A partir de 8G0. l'archevêque travaille à tirer toul Le parti possible
de la situation qu'il a ainsi acquise. Il profitera de son alliance avec
Charles le Chauve pour étendre vers le N.-E. les domaines de son
diocèse réduits au traité de Verdun (Cambrai attribué à Lothaire , I.
couronnement de Charles à Metz, en 870, est son œuvre et
le succès de cette politique à laquelle M. Schrœrs a consacré deux
chapitres |ch. xu et xv). — L'autorité d'IIincmar en matière théologique
lui a servi à établir également son inlluence en Lorraine, aux dépens
de Lothaire II et surtout des évêques de Trêves ei de Cologne qui le
soutenaient. Les discussions canoniques sur le divorce de Teotberge lui
fournirent une occasion semblable à celle qu'il avait trouvée dans Les
disputes relatives à la question de la grâce. Il put ainsi proclamer t re-
liant contre les prélats lorrains, qui prétendaient que cette affaire ne
regardait qu'eux, l'unité de l'Église, de l'Empire, el L'autorité de toul
évoque capable de lutter dans l'Église et dans l'Empire pour La vérité el
pour le droit (quxst. sept. Sirmond, I, p. 683. Schrœrs, ch. i\, \, xi,
xn|. La politique d'Hincmar en Lorraine acheva de Lui assurer L'alliance
du roi; son attitude dans L'affaire du divorce de Lothaire 11 lui valut
438 COMPTES-IVENDIS CRITIQUES.
L'alliance delà papauté qui approuva hautement sa doctrine et ses livres.
Mais cotte double alliance n'était point sans danger, et ne fut point
.suis traverse. M. Schrœrs expose dans le chapitre xiii les difficultés
soulevées entre Hincmar et le pape par l'affaire de Rothade, les diffé-
rends de Charles le Chauve et du métropolitain de Reims, à propos de
l'élection de Wulfade, et, dans le chapitre xvi, l'histoire d'Hincmar de
Laon qui, par son alliance avec Carloman et le pape, fit un moment
échec à toute la politique de son oncle, et faillit ruiner son autorité
dans le N.-E. du royaume et dans toute l'église, en général.
Dans la dernière partie de sa vie, Hincmar retiré dans son diocèse,
éloigné de la cour, n'y reparaît que dans certaines situations spéciales,
pour défendre ses droits de métropolitain, ou pour donner son avis
sur les crises politiques que l'État carolingien traversa après la mort
de Charles le Chauve. D'ordinaire, il se consacre aux intérêts de son
diocèse et aux devoirs de sa charge. M. Schrœrs, dans la troisième
partie de son travail, a eu le mérite de ne point négliger cette partie
intéressante de la vie et de l'œuvre d'Hincmar, dont on n'avait point
tenu avant lui assez de compte (ch. xxn). Enfin, il a profité de la liberté
que la retraite de l'archevêque, pendant ces cinq dernières années,
laisse à ses biographes, pour étudier ses opinions politiques, ses con-
naissances théologiques, ses procédés littéraires et historiques (ch. xvm,
xix, xxi). C'est la partie la plus neuve et la plus solide de tout le livre.
La plupart des faits que M. Schrœrs expose surtout dans les deux
premières parties étaient connus, et il ne modifie pas d'une façon géné-
rale l'opinion qu'on s'en faisait après les travaux de Dummler et de
Noorden. Mais jamais ils n'avaient été classés avec cette rigueur. Nous
avons été particulièrement très frappés de l'habileté avec laquelle sont
groupés en deux chapitres distincts tous les faits relatifs aux affaires de
Lorraine (ch. xn-xv). Le rapprochement de faits et de textes connus,
tels que le Liber revelationum attribué à Audrade de Sens, éclaire sin-
gulièrement cette partie essentielle de la politique d'Hincmar. Nous
nous permettrons à notre tour de rappeler à l'auteur et de lui signaler
les rapports personnels et fréquents d'Hincmar et de Theotberge, après
que celle-ci eut quitté la cour de Lothaire IL C'est dans le diocèse de
Reims qu'elle s'est retirée, au cloître d'Avenay qui dépendait directe-
ment de l'église métropolitaine (Ann. B., éd. Deh., p. 200). La reine
Richilde, sa nièce, comme on sait, la mère de Roson, avait ses propriétés
en Champagne : Charles le Chauve lui confie en même temps qu'à
Hincmar la défense des frontières de l'Est [Ann. B., éd. Deh., p. 240-241).
C'est auprès d'elle, en Champagne, à .Avenay, qu'il se réfugie après le
combat d'Andernach [Ib., p. 252 •). Ces rapports sont.de nature à éclairer
de plus près encore le rôle d'Hincmar dans l'affaire du divorce. Ses
desseins sur la Lorraine expliquent bien des choses dans sa vie : il
1. Enfin, c'esl encore à A.venay que Richilde réunit, après La mort de Charles
le Chauve, les grands du royaume hostiles à Louis le Bègue (Ann. B., p. 260).
SCKBOULS : hincmar. (39
faut savoir le plus grand gré à M. Schxœrs de l'avoir d'ailleurs si net-
temenl montré.
Les mérites du livre de M. Schrœrs tiennenl au fond à La sévérité, à
L'impartialité qu'il apporte d cherches. Il n'a point d'idée toute
faite, d'opinion préconçue sur La politique el sur la conduite d'Hincmar.
M. de Noorden avait eu le tort de chercher surtout à réfuter le jugement,
faux assurément, de Weiszaecker sur l'archevêque. L'étude déWeisza •
elle-même n'était point directement consacrée à Hincmar : L'auteur se
proposait surtout de démontrer comment il avait pris part à la compo-
sition de la collection pseudo Isidorienne, tout en combattant au point
de vue theologique les opinions qu'elle contient. Pour expliquer cette
contradiction, il s'était efforcé de prouver que L'archevêque de Reims
avait pendant toute sa vie sacrifié ses opinions théologiques, el sa fidélité
même envers le roi, au désir obstiné dedevenir primat des Gaules1. Il
concluait qu'on devait voir en lui le champion de L'Église nationale
contre le roi, contre le pape; M. Schrœrs a mieux pris Les choses : il a
commencé par faire des œuvres d'Hincmar une étude critique appro-
fondie.
Nous devons d'abord à cette méthode des renseignements qui nous
manquaient jusqu'ici sur les connaissances théologiques et littéraires,
sur les procédés de composition d'Hincmar. Le relevé complet que
M. Schrœrs a fait des passages des Pères, îles textes de droil canon nu
même de droit civil cités par Hincmar, nous permet de constater que,
comme tous ses contemporains, il emprunte surtout à saint Augustin,
qu'il cite la plupart du temps de mémoire, probablement d'après des
recueils de sentences analogues à relui de Prosper d'Aquitaine iSch.,
p. 389, note), enfin que ces citations accumulées, souvent sans aucune
modification, constituent presque toute -a science m ologique. Sa con-
naissance de l'antiquité classique est aussi imparfaite, ires inférieure à
celle que pouvait avoir Loup de Forrières. Il cite souvent les anciens,
mais de manière à prouver qu'il est resté généralement étranger à leur
esprit; M. Schrœrs l'a fort bien établi (p. 466 sq., nota
D'autre part , cette étude attentive, critique, des textes d'Hincmar a
permis à l'auteur de rectifier un certain nombre d'erreurs d'appréciation,
d'inexactitudes de détail commises par ses prédécesseurs. Il n'a pas «le
peine, par exemple, à montrer que la deuxième adresse du métropolitain
de lieimsà Louis le Germanique, en 875 (Sirmond, II, 157-179. Migne,
Pal. lai., t. GXXVI, p. 961-984), est beaucoup moins favorable à
Charles le Chauve que la première, celle de 858. Il faut avoir la volonté
arrêtée de prouver qu'Hincmar désirait la première expédition de
Charles le Chauve en Italie, ce qui est le contraire de [a vérité, pour
tirer de cette pièce la conclusion qu'en a tirée Weiszaïcker2. En étudia m
attentivement les chapitres xxxui-xxxy du De jure metropolitanoi
1. \iti< le cité p. 3<si sq.).
•î. Ibïd., p. 124. — Schrœrs, p. 355-35?
/,.50 COtUM'ES-RENDCS CRITIQUES.
l'autour a (out à l'ait mis en lainière les véritables raisons qui ont déter-
miné le pape Jean VIII à rétablir, en faveur d'Anségise, le vicariat des
Gaules '. Ce sont les raisons qui avaient été pressenties par Dùmmler :
l'intérêt du saint-siège n'était point directement en cause, mais celui
de l'empereur. Il ne s'agissait pas de défendre les droits de Rome contre
les empiétements des Eglises nationales, mais d'assurer à Charles le
Chauve, pendant sa deuxième expédition d'Italie, l'appui du clergé
allemand contre son frère2. Relativement au même ouvrage d'Hincmar,
M. Schrœrs a fait une correction de détail qui ne manque point d'im-
portance : suivant M. de Noorden, au moment du concile de Ponthyon
(876), Hincmar, jaloux des privilèges accordés par Jean VIII à l'arche-
vêque de Sens, aurait composé deux pamphlets successifs sur la question
du vicariat, l'un, le De jure metropolitanorum, l'autre, une Responsio
domni Ilincinaride capitulis qux ad episcopos regni Francorum trqnsmisit
papa Johannes et de privilegiis sedum per capitula VII3. Ces deux titres
d'ouvrages ne sont que deux titres différents d'un même ouvrage, le
second est le titre plus ancien ; le premier a été donné par Sirmond et
est devenu courant'*.
Nous regrettons, à ce propos, que M. Schrœrs n'ait pas appliqué cette
méthode à la dernière année du règne de Charles le Chauve. Il a eu
tort de considérer comme indiscutable l'opinion qui fait durer jusqu'à
la mort de Charles le désaccord de l'empereur et de l'archevêque pro-
voqué en 876 par la faveur d'Anségise. Faut-il croire, comme on le
répète généralement, qu'Hincmar a désapprouvé la deuxième expédition
d'Italie, qu'il n'assistait point à Kiersy, qu'il n'était plus écouté de
l'empereur, qui ne lui marque à l'assemblée de Kiersy aucune confiance ;
que son patriotisme enfin était irrité et blessé par les entreprises de
Charles hors du royaume3? La lettre adressée par le métropolitain de
Reims à Louis le Règue, quelques mois après la mort de son père, prouve
absolument le contraire0 : la mention qu'il fait de l'assemblée de
Kiersy, l'importance qu'il attribue aux décisions qui y ont été prises,
sont des arguments de nature à rectifier cette erreur historique. Il faut
encore songer qu'en 877 Louis le Germanique était mort, Anségise fort
mal avec l'empereur et le pape. Hincmar n'avait plus à redouter de l'un
une nouvelle campagne en Lorraine et en Champagne, de l'autre de
nouveaux empiétements sur les droits de sa métropole. L'expédition de
Charles le Chauve en Italie ne l'exposait à aucun danger.
M. Schrœrs n'a-t-il pas eu connaissance, d'autre part, du travail que
M. Langen a publié récemment dans la Hislorische Zeitschrift sur la
1. Sirmond, Op. II, 739 sq. — Schrœrs, p. 35!), note 16.
2. Diimmler, I. 838. — Noorden, p. 305.
3. Noorden, p. 324. — Schrœrs, p. 305, note 43.
4. Sirm., 11, p. 719-740. — Migne, t. CXXVI, p. 189-210.
5. Dùmmler, 11, p. 4U-47. — Noorden, p. 338.
6. Migne, l. CXXV, p. 987-988. Ad Lud. B. rcg., eh. vin.
SCHBflBBS : IHM'.MAR. ! I I
question dos Fausses Décrétâtes? M. de Noorden avait déjà démontré
qu'Hincmar n'a point participé à La confection du recueil ; il l'attribuait
à son prédécesseur, Ebbon. M. Langen pense qu'Hincmar o'a rien à voir
en toute cette affaire, et que la métropole do Reims elle-même n'y
était nullement intéressée4. Le recueil aurait été composé pour main-
tenir les droits du métropolitain de Tours sur Les évêchés de Bretagne,
menacés par la politique de Nomenoé. Cette nouvelle hypothèse, qui
parait appuyco d'arguments solides, esl de nature à confirmer définiti-
vement les opinions de MM. de Noorden et Schrœrs. Il e table
que ce dernier ne l'ait pas connue.
Si nous nous permettons de signaler à l'auteur ces erreurs et ces
omissions de détail, c'est qu'il nous y autorise par la sévérité mêmi
sa critique et par le nombre dos erreurs qu'il a lui-même rectifiées. On
trouvera dans les Regestes qu'il a eu l'heureuse idée de joindre à sou
livre la meilleure preuve de la valeur de sa méthode, ainsi que les résul-
tat- auxquels elle lui a permis d'arriver.
En étudiant ainsi scrupuleusement les œuvres d'Hincmar, qui sont
toujours des œuvres de circonstance, M. Schrœrs a reconstitue la vie et
retrouvé les sentiments du métropolitain de Reims beaucoup plus sûre-
ment qu'en cherchant à faire prévaloir une opinion toute faite à L'avant e
comme Weiszaecker, ou qu'en se perdant comme M. de Noorden dans
Le détail des événements contemporains. Le jugement qu'il a pu ainsi
en deux ou trois endroits formuler sur l'archevêque nous parait en con-
séquence beaucoup plus certain et plus équitable. Hincmar n'est point
de ces hommes politiques qui se forment par les événements mêmes : il
apporte dans la conduite de sa vie un certain nombre de principes tout
faits qu'il a puisés dans son éducation2. Il estavec cela un homme d'ac-
tion, qui n'a recours au raisonnement que pour hâter le succès de ses des-
seins. Il ne prend jamais la plume que dans un but pratique. Il travaille
ainsi, en homme du ixe siècle élevé par l'Église à la cour de Louis Le
Débonnaire, à réaliser l'idée carolingienne par excellence, l'alliance de
l'Église avec l'État, à la condition que l'alliance profite en dernière
analyse à l'Église3. Mais il retarderait plutôt qu'il ne hâterait le mou-
vement qui se produit à la fin du ixe siècle en faveur de l'Église, aux
dépens de la royauté. Il est, comme tous les ecclésiastiques de son
temps, entièrement dévoué aux intérêts de son diocèse, très pénétré du
rôle et de la mission de l'Église, mais non pas jusqu'au point de trou
bler l'ordre et la paix du royaume. C'est en cela qu'il se distingue de
prélats turbulents et ambitieux, comme Ebbon et Wenilou, auxquels il
ressemble d'ailleurs sur d'autres points. Il n'a eu ni ce zèle puremenl
désintéressé pour un idéal supérieur, que les uns lui attribuent », ni cet
1. Langea, Nochtnals : wer isl Pseudo Isidor, élans Hist. Zeitsch. Jahrg
Neue F. Bd. XII, p. 473 sq.
2. Schrœrs, p. 381.
3. Schrœrs., p. 3 et ï.
4. Cf. Longueval, Hist. de l'Église gallicane. Paris, L733. V. 512. — Ceilliei
Ï52 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.
espril violent, emporté, cette dureté de cœur que les autres lui
reprochent4 ; il n'a pas plus songé à défendre les droits de la nation
française qu'il n'a songé à les trahir2. L'étude de ses œuvres n'autorise
ni ces critiques, ni ces éloges excessifs. M. Schroers, en s'imposant cette
étude, a jugé Hincmar plus impartialement qu'on ne l'avait fait jusqu'ici.
Emile Bourgeois.
Les Correspondants de la marquise de Balleroy, d'après les
originaux inédits de la Bibliothèque Mazarine, par le comte Edouard
de Barthélémy. Paris, Hachette, 1883, 2 vol. in-8° de lxxxvii-403
et 596 pages.
Ce n'est point ici un livre comme celui où M. de Raynal nous a
montré, dans une composition originale, et groupés autour de Joubert,
quelques représentants de la société polie sous le premier Empire. M. de
Barthélémy a simplement publié, en faisant un choix, les lettres écrites
de 1706 à 1725 à la marquise de Balleroy, en Normandie, par ses
parents et amis demeurés à Paris. Ces lettres, conservées en huit
volumes in-folio à la Bibliothèque Mazarine, avaient déjà été signalées
et mises à profit par M. Charles Aubertin (Revue des Deux-Mondes du
1er janvier 1872). En voici maintenant les parties essentielles livrées au
public, qui pourra y recueillir un certain nombre de renseignements
nouveaux et piquants sur la cour et la ville au temps de la Régence.
Bien qu'émanant de gens du monde, cette œuvre collective à l'usage
d'un lecteur unique n'a rien de littéraire ; nous sommes loin ici de
Mme de Sévigné traduisant à l'usage de la gouvernante de Provence,
dans son style inimitable, la gazette de Paris et de Versailles. La desti-
nataire de ces lettres est bien encore une grande dame exilée d'un monde
qu'elle regrette et tient à ne pas oublier ; elle a pour correspondants ses
frères les Caumartin, ses neveux les d'Argenson, les futurs ministres de
Louis XV, ses cousins le baron de Breteuil, l'abbé de Guitaut, M. de
la Cour de Maltot, et à l'occasion son mari ; mais ceux-ci sont bien
moins empressés à vérifier ce qu'ils ont appris qu'à intéresser leur
parente recluse malgré elle à la campagne, et ils jettent rapidement sur
le papier les faits-divers, les bruits plus ou moins hasardés tombés
dans leurs oreilles. « Voilà ce que j'ai appris de Mme Grognet dans les
rues, écrit l'un (I, 59). — L'histoire vous paraîtra un peu outrée, écrit
l'autre (II, 23), mais vous avez trois neveux qui tous trois me l'ont
Hist. des auteurs sacrés et ecclésiastiques. Paris, 1754. T. XIX, 34. — Darras,
Ilist. générale de l'Église. Paris, 1854. II, 467.
1. Hauréau, Nouvelle biographie générale. Paris, 1858. T. XXIV, p. 711. —
Banage, Ilist. de l'Église, livre XII, ch. vin. — Ampère, Hist. lit t. de la
F m ace sous Charlemagne. Paris, 1808. P. 176. ■
,'. Noorden et Wcisflree.ker, Op. cit., et la critique qui fui adressée à l'un
el a l'autre dans la Uistorische Zeitsch. de Sybcl. 1864, p. 226.
DE BARTHÉLEM! : LES COERESPONDiNTg DE l.\ HUe DE BALLEBOT. 143
contée. » Leur plume court même trop vite au gré de leor correspon-
dante : « Voilà bien du griffonnage; mais il aurait fallu trois heures
pour mieux écrire » (H, 25). Quelquefois ils cèdent la parole à un de-
ces nouvellistes à la main dont la race iinira par pulluler autour du
monde élégant de cette époque. Tout au plus chacun traliii-il un tour
particulier de pensée qui le porte à explorer tel ou tel coin de la soci
à suivre tel ou tel ordre d'idées : c'est ainsi que le chevalier d' Vrgenson
et Caumartin de Boissy racontent volontiers les anecdotes gaillardes
M»* de Balleroy, lectrice de Grécourt il. 200. — Cf. le curieux por-
trait de ce conteur, II, 55), devait s'en réjouir sans scrupule. Ceci est la
marque caractéristique du temps sur ce recueil de correspondances
improvisée-.
Les premières lettres, émanées d'un sieur Morin, sonl antérieures
à 1715; ce sont de courts fragments qui expriment assez, bien, par
quelques traits expressifs, les misères de la lin du grand règne : Villeroy
honni pour sa défaite de Ramillies, Vauban craignant d'être obligé de
quitter la France, l'escorte funèbre du roi réduite aux seuls officiel
service; puis le monde de la Régence se montre dans toute sa confusion
étourdie, les scandales princiers à côte des nouveautés financier!
des querelles ecclésiastiques. Il est souvent question dans cette chro-
nique épistolaire de lûtes, de mariages, souvent aussi île morts ou
d'assassinats : Cartouche y tient presque autant de place que Law. Les
nouvelles littéraires sont en bonne place, qu'il s'agisse d'une tragédie
ou d'une publication bénédictine, et Voltaire et Saint-Simon figurenl
en un coin du tableau. Çà et là le narrateur joint à ses faits-divers la
mention de quelque événement lointain, des détails sur la peste de
Marseille, une copie de lettres venues de Hongrie, même l'annonce de
la mort de l'empereur du Mogol. L'ensemble de ces informations cons-
titue une sorte de gazette mondaine qui est pour la Régence, avec plus
de sécheresse, mais avec une variété égale, ce que les recueils de Bachau-
mont et de Métra sont pour le règne de Louis XVI. On peut la définir
également une suite à Dangeau, un complément à Buvat, une intro-
duction à Mathieu Marais et à Barbier.
M. de Barthélémy a cru devoir laisser aux érudits qui trouveront à
prendre dans ces feuilles légères le soin de relever les erreurs com-
mises ; son annotation est plutôt biographique et explicative que critique,
et l'auteur des Filles du Urgent y a de nouveau fait preuve d'une
naissance approfondie de l'époque; seulement quelques-uns des éclair-
cissements donnés eussent gagné soit à être abrégés de façon à éviter
les répétitions (v. les notes sur l'archevêque de Rouen, I. 16 el 19, et
sur l'évêque de Beauvais, 1,85 et 338), soit à être places ailleurs; ainsi
la note sur la bulle Unigenitus n'apparaii qu'à la date 'le mars 1717.
lorsqu'il a déjà été plusieurs fois question des querelles auxquelles i
bulle donna lieu '. Eulin il faut regretter l'absence, à la fin de ces deux
1. Je signalerai aussi quelques menues erreurs dans le texte < omrae )ltii>iil<n<
pour MasiiUon il, 3U7 .. Artémise pour Artémire (II, 1*24).
i ; \ coMrTEs-RE\nrs critiques.
volumes, déjà sans doute trop compacts an gré de l'éditeur, d'un index
qui eût évité aux chercheurs beaucoup de temps perdu et de peine
inutile.
C'est en quelque fanon une compensation à ces lacunes que la subs-
tantielle introduction placée en tête de l'ouvrage. M. de Barthélémy y
a raconté, avec une grande abondance et sûreté de détails, l'histoire des
deux familles qui ont fourni presque tous ses auteurs à cette correspon-
dance, les Caumartin et les Balleroy. La biographie des trois Caumar-
tin, le premier garde des sceaux de Louis XIII, le second ami du car-
dinal de Retz et président effectif des fameux Grands Jours d'Auvergne,
le troisième élève de Fléchier et protecteur de Voltaire, est particuliè-
rement intéressante, et les grands auteurs de Mémoires du temps, de
Bassompierre à Saint-Simon, ont contribué à l'enrichir. Les Caumartin,
qui étaient de vieille race parlementaire, ont commencé la fortune de
leurs neveux d'Àrgenson, et ont tenu jusqu'à la fin un rang élevé dans
l'ancienne monarchie ; un d'eux était intendant de Franche-Comté
en 1789. Leur biographie ainsi mise en lumière nous prouve une fois
de plus que l'histoire des familles sert, aussi bien que celle des institu-
tions, à reconstituer pour nous une image fidèle de l'ancienne France.
L. PlNGAUD.
Leabar Gabala. Livre des invasions, traduit de l'irlandais, pour
la première fois, par Henri Lizerat et William O'Dwyer. Paris,
Maisonneuve, -(884. xxn-255 p. in-8°.
Le nouvel ouvrage de M. Henri Lizeray ne pourra qu'ajouter à la
réputation d'excentricité qu'il s'est faite auprès d'un public fort restreint
par des œuvres aussi nombreuses que variées : Bacchns ou le dernier
dieu; Théorie d'une nouvelle société; Éléments de tactique; Code du nihi-
liste; Dialogue d'amour, etc., etc. M. Lizeray a une façon d'entendre les
traductions qui n'appartient qu'à lui. Le Leabar Gabala lui a paru curieux,
à juste titre, c'est la base de la mythologie irlandaise, l'histoire des
races divines et humaines qui ont paru les premières en Irlande, d'après
les traditions des Gaëls. M. d'Arbois de Jubainville en a tiré le plus
grand parti dans son Essai sur la mythologie irlandaise. Par malheur,
M. Lizeray, au moment où il allait se mettre à l'œuvre, ne savait pas
un mot d'irlandais, pas un mot d'anglais. Cela ne l'a pas arrêté un
instant : au bout de cinq mois, le Leabar Gabala était traduit. Donnons
la parole à M. Lizeray pour nous expliquer ce prodige, cela ne saurait
se résumer : a Un mot maintenant sur les circonstances de la présente
traduction. L'un des auteurs (M. Lizeray), se trouvant de passage à
Dublin, fut frappé par ce qu'on disait du Leabar Gabala et résolut de
traduire l'ouvrage, sans savoir d'ailleurs un mot d'anglais, ni d'irlan-
dais : il se réservait d'apprendre ces langues au cours de la traduction.
Il s'associa donc un collaborateur actif, très au courant de l'irlandais
LIZERAY El ODWÏEB : LEABAB GABALA. 545
moderne, et tous deux se mirent au travail, l'un s'aidanl de son érudi-
tion, l'autre arme du dictionnaire incomplet d'O'Reilly. lis terminèrent
en cinq mois cette entreprise dont les difficultés sans nombre avaienl
fait reculer les savants O'Donovan et O'Curry.
Depuis, un des collaborateurs est mort, l'autre hululant l'an- u";i
pas sous les yeux le texte irlandais4. La traduction de M. Lizeraj a été
faite sur la traduction anglaise d'O'Dwyer, son intrépide collaborateur.
.Mais M. Lizeray n'aurait-il pas été plus loin ? N'aurait-il pas l'ait t in-
duire l'anglais d'O'Dwyer par un Anglais sachant" pi us ou moins bien
le français? On serait fondé à le supposer; la traduction es! pleine
d'anglicismes et de termes à moitié anglais.
Le texte irlandais dont s'esl servi O'Dwyer est du xvne siècle; c'est
le remaniement du Livr des Invasions terminé en 1631 par .Michel
O'Clery. M. Lizeray ne semble pas se douter qu'il a choisi le plus mau-
vais texte du Leabar Gabala et qu'on en trouve une version dans un
manuscrit du xne siècle, le livre de Leinster, sans parler de plusieurs
manuscrits du même siècle et de quelques autres du xrveetdu xv siècle.
La traduction est précédée d'une préface-manifeste au lecteur français.
M. Ljzeray éprouve le he-Min d'établir l'identité des deux races irlan-
daise et celtique (p. x\ |.
Le volume se termine par des notes non moins extraordinaires que
le reste. M. Lizeray est revenu d'Irlande fénian déterminé. Aucun
peuple ne trouve grâce à ses yeux, à l'exception des Celtes et particu-
lièrement des Irlandais. Il nous apprend, en quelques lignes, une foule
de choses intéressantes, par exemple, que les Anglais sont inférieurs
aux Celtes clans toutes les manifestations intellectuelle, politique,
lettres, sciences, guerre, marine; il ne leur reconnaît qu'un talent : ce
sont de bons palefreniers (p. 254). Il leur rappelle, ce qu'ils avaient, à
son avis, oublié, qu'ils ne sont pas chez eux même en Grande-Bretagne.
L'anthropologie devient sous la plume de M. Lizeray une science amu-
sante. En une page (p. 249), il a caractérisé en traits ineffaçables les
différents types européens. Nous apprenons que l'Irlandais est large de
poitrine, trapu, d'une dégaine dégagée ; que l'Anglais a la poitrine étroite ;
que le siège ethnique des Allemands est à Dresde, et qu'ils ont souvent le
ventre gros et les jambes grêles, etc.
On le voit, on s'est trop hâté de déplorer, au nom de la gaieté fran-
çaise, la disparition de l'espèce curieuse des Celtomanes.
M. Henri Lizeray en est un type bien accentué, et il ne parait pas
avoir dit encore son dernier mot.
J. Lom.
1. Préface, xx.
',4b RECUEILS PERIODIQUES.
RECUEILS PERIODIQUES ET SOCIETES SAVANTES.
1. — Revue des questions historiques. 19e année, 1885, 1er jan-
vier. — Abbé Martin. Origène et la critique textuelle du Nouveau Tes-
tament. — Noël Valois. Le gouvernement représentatif en France au
xive s. : otude sur le conseil du roi pendant la captivité de Jean le Bon
(étude très curieuse et en partie très neuve. Montre que les états géné-
raux, assemblés en octobre 1356, n'ont pas organisé un gouvernement
nouveau; qu'il n'y eut pas de conseil élu. C'est l'ancien Grand Conseil
du roi Jean, conseil composé en majorité de gens de petit état, de bour-
geois, qui continua de subsister avec des modifications plus ou moins
considérables ; il subsiste même pendant la période révolutionnaire de
1358 ; aussitôt le régent vainqueur, on revient à l'ancien mode de gou-
vernement. Rien surtout ne permet de croire que personne ait songé à
changer de régime, à substituer la république à la monarchie). — H. de
La Ferrière. La seconde guerre civile ; la paix de Lonjumeau. — R. P.
Pierling. Un arbitrage pontifical au xvie s. ; mission diplomatique de
Possevino à Moscou (nouveaux renseignements, puisés aux archives du
Vatican, sur la trêve conclue le 15 janvier 1582, à Iam Zapolski entre
Etienne Bathory , roi de Pologne , et Jean IV le Terrible , tsar de Mos-
cou). — A. Du Boys. Le cardinal Fisher, évêque de Rochester (bio-
graphie de ce personnage, mort pour sa foi en 1535, et dont on poursuit
actuellement la canonisation auprès de la cour de Rome). = Bulletin
bibliographique. Jungmann. Dissertationes selectae in historiam eccle-
>ia-ticam (22 dissertations excellentes sur Parianisme, les iconoclastes,
le schisme de Photius, les papes des xie, xiret xnie s.). — Daguin. Les
évèques deLangres; étude épigraphique, sigillographique et héraldique
(excellent). — A. de Lantenay. Les prieurs-claustraux de Sainte-Croix
de Bordeaux et Saint-Pierre de La Réole, depuis l'introduction de la
réforme de Saint-Maur (travail très consciencieux). — Bombai. La châ-
tellenie de Merle (bon). — Abbé Morel. Houdencourt; seigneurie et
paroisse (intéressant ; a mis à profit les archives du château de Fayel,
relatives aux La Mothe Houdancourt). — Dzieduszycki. Der Patriotis-
mus in Polen (connaissance médiocre des faits; jugements très contes-
tables). — Pawinski. Zrodla Dziejowa (recueil de documents très variés
relatifs au règne d'Ét. Bathory, de 1576 à 1586). — R. P. de La Yays-
e. Histoire de Madagascar (instructif). — Gloquet. Monographie de
l'église paroissiale de Saint-Jacques de Tournai (bon).
2. — Bibliothèque de l'École des chartes. T. XLV; année 1884,
,;■ Hvr. — 11. Fr. Delaborde. Notice sur les ouvrages et sur la vie de
RECUEILS PERIODIQUES. ! \~
Rigord, moine de Saint-Denis des « Gesta Philippi Augusti » onl eu
au moins trois rédactions : l'une, composée entre 1 186 et 1 196, était pré-
cédée du prologue; la seconde a été écrite après le divorce du roi avec
Ingeburge, l'ait que blâme Rigord et qui est cause qu'après avoir exalté
le roi. il le traite sévèrement ; continuée jusque vers les premiers mois de
1200, cette rédaction était accompagnée de la lettre au prince Louis.
Cesdeux rédactions primitives ne nous sont pas parvenues. Nous n'avons
que la troisième, continuée jusqu'à la fin de 1206. Pour sa chronologie,
Rigord suit le style du 25 mars. Outre les « Gesta, » on vient de retrou-
ver quelques feuillets d'une courte chronique des rois de France, que
Rigord composa vers l'an 1196 et avant le mois de mai de cette ann
— Morel-F.vtio. Rapport sur une mission philologique à Valence. —
Brdel. Charte de pariage de Jean, sire de Joinville, avec l'abbé de
Saint-Mansuy deToul; décembre 1264. = Ribliographie. Franklin. Les
corporations ouvrières de Paris, du xue au xvin0 s. (œuvre de vulgari-
sation, mais très soignée et intéressante; elle vaut surtout par les des-
sins des armoiries des divers métiers). — Lecoy de La Marche. Les
manuscrits et la miniature (résumé intelligent des principaux résultats
auxquels on est arrivé en France sur la paléographie, la miniature et
l'histoire des livres au moyen âge. Illustrations bien choisies et conve-
nablement exécutées). — 0. von Heinemann. Die Handschriften der
herzoglichen Bibliothek zu Wolfenbùttel ; Bd. 1 (décrit 540 mss. du
fonds Helmstedt ; un certain nombre concernent la France, et en pari i-
culier l'histoire de l'Inquisition).
3. — Revue critique d'histoire et de littérature. 1884. N° 54.
= Rajna. Le origini dell' epopea francese (livre très remarquable qui
intéresse autant les historiens que les philologues). — Welschinger. Les
almanachs de la Révolution (curieux). = N° 52. Weil. Les plaidoyers
politiques de Démosthènes. lre série ; 2e édit. (c'est la préface surtout
qui a reçu d'importantes modifications ; d'heureuses corrections ont été
apportées au texte). — Jervis. The gallican church and the révolution
(estimable sans rien apprendre de nouveau). = 1885. N° 1. Ferr\
Paganisme des Hébreux jusqu'à la captivité de Babylone (livre inutile
et faux). = Nu 3. Ortolan. Histoire de la législation romaine. 12e édit.,
augmentée d'appendices par M. Labbé (les excellents appendices de
M. Bonnier et de M. Labbé rajeunissent le célèbre ouvrage d'Ortolan,
un des premiers en France où l'on ait tente sérieusement d'expli-
quer le droit romain par son développement historique). — Comte de
Cosnac. Les richesses du palais de Mazarin (ouvrage intéressant,
mais écrit sans méthode ni précision). — Correspondance : lettre
de M. S. Reinach à M. Rouire sur l'emplacement de l'ancien lac
Triton. — N° 4. Meijer. Albanesische Studien (il est maintenant hors
de doute que l'Albanais appartient à la branche européenne de la
famille indo-germanique; mais il a reçu un très grand nombre d
ments étrangers). =N° 5. Tainc. Le gouvernement révolutionnaire (son
livre est un terrible réquisitoire contre le jacobinisme; mais on n'y
', 58 RECUEILS PERIODIQUES.
trouve rien qui fasse regretter ni la chute de l'ancien régime, ni le suc-
cès iinal des principes de 89. Dans son quatrième vol., M. Taine paraît
avoir oublié qu'il a écrit le premier). — Variété. ClerxMOnt-Ganneau.
Notes d'archéologie orientale. 19e art. : l'inscription nabatéenne de
D'meîr, et l'ère des Séleucides, dite ère des Romains (les Nabatéens
appelaient romaines les populations syriennes hellénisantes qui se ral-
lieront de bonne heure aux Romains, et qui employaient couramment
l'ère des Séleucides. De là le nom d'ère des Romains employée dans
l'inscr. ci-dessus).
4. — Bulletin critique. 1885. N" 1. — Abbé Sauvage. Actes de
saint Mellon, premier évêque de Rouen (travail fort consciencieux, mais
peu original ; au texte des Bollandistes, l'auteur ajoute aussi leurs dis-
sertations, mais traduites et accompagnées de notes originales. Quant
à la personnalité même de saint Mellon, il est presque impossible de
conclure rien de certain de sa légende). — Abbé Péchenard. Histoire de
l'abbaye dlgny au diocèse de Reims (bonne monographie). — Saint
François d'Assise (quelques détails nouveaux sur la vie du saint; mais
surtout beau livre artistique élevé à sa gloire et à celle de son ordre).
= N° 2. A. de La Borderie. La révolte du papier timbré advenue en Bre-
tagne, en 1675 (nombreux détails inédits sur cette révolte et sur la ter-
rible répression qui la suivit). —Dom Plaine. Vie inédite de saint Malo,
écrite au ixe s. par Bili (texte publié d'après deux mss., l'un d'Oxford,
l'autre du musée britannique ; il aurait pu l'être avec un soin plus minu-
tieux). — A. de la Borderie. Vie de saint Malo, écrite au ixe s. par un
anonyme (celle-ci fut rédigée à Saintes ; c'est d'elle que sont sorties les
légendes postérieures de saint Malo; appendice fort curieux sur la trans-
lation du corps entier du saint à Alet). — Horoy. Prolégomènes d'un
cours sur le droit canonique et ses relations avec le droit civil (empha-
tique et médiocre). —Buelens. Atlas des villes delà Belgique au xvie s.
(lie livr. d'un ouvrage de haut luxe, qui est aussi un recueil d'utiles
monographies historiques : ainsi Malines, Valenciennes , Dixmude,
Bidbourg et Saint-Nicolas ont dans cette livraison leur histoire).
5. — Le Curieux. lre année, 1884. Nos 13 et 14. — Relation de l'ar-
restation, à Nantes, de Mme la duchesse de Berry, par M. Joly, commis-
saire de police (relation très longue et très circonstanciée). — La ques-
tion de Louis XVII (publie plusieurs documents inédits de 1816 et de
1817). — Les Pairs de France; suite (notice biographique sur chacun
des pairs de la Restauration).
6. — Bulletin du Comité des travaux historiques et scienti-
fiques. Section d'histoire et de philologie." Année 1884. N° 2. — Joli-
bois. Utilité et importance des registres des notaires; mesures prises ou
à prendre pour en assurer la conservation et en faciliter l'usage (rapide
hist, du notariat en France; réflexions très justes sur les services que les
archives des notaires pourraient rendre à l'histoire, si elles étaient conser-
vées, au moins pour la partie antérieure à 1789, dans des dépôts publics).
RECUEILS PÉRI0DIQ1 BS. Î49
— Miredr. Conventions et contrats d obligation contenant l'interdiction
de jouer (un certain Vétéris, joueur et débauché, emprunte de L'argent,
contre promesse qu'il ne jouera plus; s'il manque à son serment, il
déclare se soumettre d'avance à 6 mois d'emprisonnement au pain et à
l'eau. Draguignan, 1576). — Benêt. Le grand hiver de 1709 à Mâcon
(extraits des unies du lieutenant Bernard, témoin oculaire). — Pelicier.
Charte d'Ay; Paris, déc. 1312 (Louis, roi de Navarre, fils de Philippe
le Bel, accorde aux yens d'Ay, moyennant 400 1. t., le droit d'élire
chaque année un maire et deux échevins, qui connaîtront de toutes les
causes, sauf les cas de vol et de haute justice, avec le droit de percevoir
7 s. 0 d. t. sur chaque amende). — Moulenq. (t)uel jour commençait
l'année dans les différentes provinces ? (Le 25 mars en Rouerguc, dans
l'Agenais, à Cahors, dans la plupart des localités du département actuel
de Tarn-et-Garonne. Gf. les remarques de M. Deloche dans la même
livr., paye 115; il en résulte que l'année commençait le 25 mars au
diocèse de Rodez ; que cette date fut adoptée, au lieu de celle de Pâques,
pour le diocèse de Limoges en 1301, et par suite dans celui de Tulle,
distrait du précédent en 1317.)
7. — Revue archéologique. 3e série, t. IV, oct. 1884. — Deloche.
Études sur quelques cachets et anneaux de l'époque mérovingienne;
suite. — Tourret. Les lampes chrétiennes du cabinet de France. —
Homolle. Inscription de Délos portant la signature de l'artiste Thoinias.
— Saurel. Une nouvelle inscription gauloise (cette inscr. en grec n'est
pas encore déchiffrée d'une façon suffisante pour qu'on puisse l'inter-
préter). = Novembre-décembre. Clermont-Ganmoai . Inscript, grecques
inédites du Ilaurâu et des régions adjacentes. — Battiffol. Fragmenta
Sangallensia ; contribution à l'histoire de la Vêtus Itala (publie 15 frag-
ments inédits d'une ancienne version delà Bible). — identification des
dieux d'Hérodote avec les dieux égyptiens; lettre inédite de Mariette-
Bev à M. E. Desjardins, 28 déc. 1873. — Caidoz. Trois inscr. nouvelles
d'Aix-les-Bains (ces inscr. portent le nom de trois sœurs Titia, et l'on
peut supposer, par leurs surnoms, qu'elles appartenaient au monde tapa-
geur des villes d'eaux).
8. — Gazette des beaux-arts. 2e Période, t. XXX, 1884. 1er oct.
— BoNNAFFi':. Le mausolée de Claude de Lorraine, premier duc de Guis.'
et d'Aumale (histoire de sa destruction en 179?.; ce qu'il eu reste; les
artistes qui y furent employés). — Yriarte. Les portraits de Lucrèce
Borgia. = 1er nov. A. de Montaiolon. Jean Goujon et la vérité sur la
date et le lieu de sa mort; finie 1er janvier 1885 (voici les faits certain-
de sa vie : il travaille pour Saint-Maclou et à la cathédrale de Rouen,
en 1541 et 1542, ce qui permet de lui supposer une origine normande.
11 fait les sculptures du jubé de Saint-Germain-l'Auxerrois, en 1544,
celles de la fontaine des Innocents, en 1548 et 1549, celles du Louvre,
de 1550 à 1562. Il quitte alors la France, et meurt sans doute à Bologne,
entre 1564 et 1568, bien avant donc avant la Saint-Barthélémy). =
Rev. Bistor. XXVII. 2e fasc 29
;:iO RECUEILS PERIODIQUES.
T. XXXI, 1885. Ier février. P. Mantz. Rubens. 12e art. (son ambassade
à Londres, en 1629-1630 ; son retour à Anvers, après le succès de cette
mission diplomatique. Philippe IV songea un moment, tant ses services
avaient été appréciés, à l'accréditer auprès de Charles Ier comme rési-
dent définitif et permanent).
9. — La Révolution française. 1884, 14 déc. — Colfavru. L'As-
samblée législative; son œuvre, son action. — Décret sur la constitu-
tion civile du clergé. — A. Dubost. Danton et les massacres de sep-
tembre; fin (non seulement Danton n'est pas responsable des massacres,
mais il a tout fait pour les empêcher; c'est même pourquoi les vrais
auteurs du crime, Marat, Billaud-Varenne, Henriot, après avoir suivi
Danton au 10 août, se sont détachés de lui, l'accusant, comme le rapporte
Courtois, de l'Aube, d'être un homme « sans caractère révolutionnaire »).
— Charavay. Passe-port délivré à huit membres de la législature char-
gés, le 12 août, de choisir l'emplacement pour le camp de 20,000 h.
sous Paris (fac-similé). — Villain. Étude sur le calendrier républicain ;
suite (des almanachs publiés soit avant, soit pendant la Révolution,
donnèrent l'idée du calendrier révolutionnaire ; celui-ci n'était pas une
trouvaille originale). = 1885. 14 janv. Aulard. Un orateur athée : le
conventionnel Jacob Dupont. — Les évèques constitutionnels ; suite :
Et. Nogaret, évêque de la Lozère ; D. La Combe, évêque de la Gironde.
— La bibliothèque révolutionnaire du comte de Nadaillac.
10. — Le Correspondant. 1884, 25 déc. — Mayol de Lupé. Un
pape prisonnier; Rome, Savone, 2e art. ; 3e le 10 janvier (beaucoup de
détails curieux sur l'état des esprits à Rome pendant les derniers temps
du séjour du pape, et sur son enlèvement en 1809). — Babeau. L'ou-
vrier sous l'ancien régime (l'ouvrier, en 89, n'était ni aussi malheureux,
ni aussi asservi qu'on le pourrait croire; sauf ses droits politiques, il a
peu gagné à la Révolution). = 1885, 25 janv. Chantelauze. M. le duc
de Broglie, historien.
11. — Revue des Deux-Mondes. 1885, 1er janv. — Rousset. Les
commencements d'une conquête. 1er art. : le général Clauzel en Algérie,
1830-31. 2e art. (Ier février) ; le général Berthezène (récit très minutieux;
l'auteur montre très bien les tâtonnements des deux premiers généraux
en chef et les hésitations du gouvernement qui ne savait que faire de
cette conquête, ni même s'il fallait la conserver). — Perrens. Un poète
franc-maçon devant le Saint-Office au xvme s. (curieuse biographie de
Tommaso Crudeli ; arrêté comme franc-maçon, il fut relâché un peu
ss, cl put mourir quatre ans plus tard de sa belle mort. L'Inquisi-
tion elle-même était en décadence). — "Valbert. Le Grand Frédéric,
d'après le journal et les mémoires de Henri Catt. = 15 févr. V. Du
Bled. Une ancienne colonie française. 1er art. : le régime parlementaire
au Canada, 1791-1840. 2e article le 15 février (raconte les luttes que les
Franco-Canadiens eurent à soutenir contre les gouverneurs anglais,
jusqu'au moment où ils obtinrent l'autonomie administrative i.
RECUEILS PKRFOMQCES. V>\
12. — La Controverse et le Contemporain. 1884, I5déc. — Axlain.
Les métiers de Paris au xme s. (bon résumé des travaux récents sur La
matière). = 15 janvier. Ai. lard. Les chrétiens après Septime Sévère.
2e art. : le premier empereur chrétien (biographie de Philippe L'Arabe,
qui était chrétien, mais qui ne le montra guère. Des jeux sécnlaires célé-
brés, en 248, à l'occasion du millième anniversaire de la fondation de
Rome; il semble que les chrétiens fervents se soient abstenus d'y
prendre part). — Autefaoe. Les Coptes (rapide histoire de l'église chré-
tienne d'Egypte, et surtout de la secte des Jacohites).
13. — Revue celtique. Vol. VI, n° 2, oct. 1884. — David Fitzge-
rald. Histoire et mythologie anciennes de l'Irlande (analyse el apprécie
les travaux récents sur le sujet : ceux de M. d'Arhois de Jubainville,
de MM. Elton, Rhys, Skene, Nicholson, de M. Paul Sébillot ; en réalité,
L'article ne s'occupe que de questions mythologiques). — J. de Gessac
Note sur le nom de la ville d'Évaux (la forme primitive du mot, jus-
qu'au xme s., était Évaunum ; depuis cette époque jusqu'au xvir siècle,
un y substitua celle d'Evaonum, Evaon ; en 1671, on est revenu au nom
antique Evau, seul connu d'ailleurs des gens du pays).
14. — Nouvelle Revue historique de droit français et étran-
ger. 8e année, nov.-déc. 1884. — Laroulaye. Essai sur L'histoire du
droit français au moyen âge par M. Gh. Giraud (compte-rendu écrit
après la publication de cet ouvrage, en 1846 ; cet article a encore aujour-
d'hui une réelle valeur). — Bûche. Essai sur l'ancienne coutume de
Paris, aux xnie et xive siècles ; suite.
15. — Le Spectateur militaire. 4e série, t. XX \ III; 1885,
1er janvier. — Wolf. Souvenirs d'un lieutenant du génie; suite: prise
de Constantine en 1837; suite le 15 janv. (fin du siège). = 15 janvier.
Souvenirs militaires du général baron Hulot; suite (tableau fort triste
de la guerre d'Espagne); suite le Ier février.
16. — Revue de l'Agenais. 1884, 11' et 12e livr. — Thoi.in. Les
cahiers du pays d'Agenais aux états généraux; suite : convocation des
Etats de 1789 (rédaction des cahiers et élections des députés). — Am>
Un châtiment singulier; notes sur les mœurs agenaises d'autrefois lil
s'agit de la « baignade » dans une cage de fer, usitée dans nombre de
villes au moyen âge; l'auteur en cite plusieurs exemples du xvue siècle ;
il aurait pu en trouver de très anciens mentionnés par M. Giry dan
Elablissements de Rouen). — Lauzun. Documents inédits relatifs à l'entrée
du duc d'Aiguillon à Agen et à Gondom, en 17.".! ; lin. — Fauqère-
Dubourg. Nos pères sous Louis XIV; extraits des mémoires sur la
généralité de Bordeaux ; suite.
17. — Revue de Gascogne. T. XXV ; 1884, déc. — Gaubin. Notice
sur Saint- Pierre-Castets de La Devôze ; On. — Lavergne. Notes épigra-
phiques: Aire. Auch (publie qq. rares fragm. d'inscript.).= T. XXVI,
|ss."), janvier. P. Durhied. Les Gascons en Italie. 'M partie : Bernardon
de la Salle et Bernardon de Serres; suite en février (origine du chef de
132 RECUEILS PERIODIQUES.
bande, B. de La Salle. Son arrivée opportune ù Anagni, en 1378, décida
une partie des cardinaux à élire Clément VU contre Urbain VI, et eut
pour conséquence le grand schisme). — T. de L. Lettre dedom Martianay
au présidenl de Larnoignon, 9 août 1706 (au sujet de ce qu'il avait écrit
sur la Vie de saint Jérôme, par Baillet, hôte et commensal de Larnoi-
gnon). — Gommunav. Requête du sieur de Gassion contre le sieur de
Mongelos, chanoine, 1637 (ce Gassion est le frère aîné du célèbre maré-
chal). — Février. Abbé Dubord. Différends des archevêques d'Auch et
de l'abbaye de f.imont au sujet de l'église de Gahusac, 1645.
18. — Revue historique et archéologique du Maine. T. XVI,
3e livr. 1884, 2e sem. — Chardon. La vie de Tahureau ; documents iné-
dits sur sa famille, son mariage et l'Admirée (le gentil Tahureau, poète
manceau du xvie s., ami de Baïf, épousa Marie Grené en 1555; il mou-
rut quelques mois après ; quant à la femme qu'il chante sous le nom de
l'Admirée, on ne sait encore qui elle est). — S. de La Bouillerie. La
répression du blasphème dans l'ancienne législation (publie sur ce sujet
quelques documents curieux du xvie au xvme siècle). — Abbé Ledru.
Damiens dans le Maine (renseignements fournis par le comte de Mari-
dort chez qui Damiens avait été domestique peu avant l'attentat).
19. — Revue africaine. 28e année. N° 167. Sept.-oct. 1884. —
Gh. Féraud. Notes historiques sur la province de Gonstantine; 21° art.
— H.-D. de Grammont. Relations entre la France et la régence d'Alger
au xvne s. 4e partie : les consuls lazaristes et le chevalier d'Arvieux,
1646-88; 3e art. — Delpech. Résumé du Bostane (le jardin), ou diction-
naire biographique des saints et des savants de Tilimsane ; fin. — A. de
G. Motvlinski. Notes historiques sur le Mzab. Guerrara depuis sa fon-
dation. 1er art.
20. — Académie des inscriptions et belles-lettres. Comptes-
rendus des séances de l'année 1884. 4e série, t. XII; bulletin de juillet-
sept. — Héron de Villefosse. Découverte d'une nouvelle ville de Zama,
en Afrique (à Djammâa, dans le massif du djebel Massouge, on a trouvé
un fragment d'inscr. où on lit les mots AUG • ZAM ; mais on ne sait
si ce Zama est le même que le Zama Regia de la table de Peutinger et
que la colonia Aelia Hadriana Augusta Zama Regia de l'inscription de
Home). — Id. Sur une inscription romaine trouvée à Marquise, Pas-
de-Calais (consacrée aux Sitlevae Junones, fées bienfaisantes qui veillent
sur l'humanité). — Ponton d'Amécourt. Notes sur qq. ateliers moné-
taires mérovingiens de Brie et de Champagne : Binson, Château-Thierry,
Jouarre, Mouroux et Provins : cf. Rev. hist., XXVI, 436. — Mowat. Dédi-
cace à la Fortune prénestine, inscrite sur une tablette de bronze. —
Héron de Villefosse. Rapports sur les fouilles du lieutenant Marius
Boyé à Sbeïtla, anc. Sufetula, Tunisie (publie plusieurs inscr. intéres-
santes). — Ph. Berger. Nouvelles inscr. nabatéennes de Medaïn Salih
(publie et traduit dix des inscr. recueillies par M. Huber). = Séances.
1884, 26 dée. — Note de M. Miller sur quatorze inscr. grecques recueil-
RECUEILS PÉKFODIOI l's. | ..?
lies en Egypte par M. Maspero. La plus intéressante esl un décrel de
la corporation des artistes dionysiaques de Ptolémaïs en L'honneur de
Lysimaque, lils de Ptolémée; elle montre comment le culte des Ptolé-
mées a été rattaché à celui du dieu Bacchus, de <|ui les Lagides se pré-
tendaient issus. Elle est du milieu du m» siècle avant Jésus-Christ.
21. — Académie des sciences morales et politiques. Compte-
rendu des séances et travaux. Nouvelle série, t. Wll. 1884, ;' sem.
12e livr. — G. Humbebt. Les finances et la comptabilité publique de
l'empire romain; IOT art. — J. Simon. Éloge de .Monsieur Thiers. =
1885, janvier. Ghekuel. La ligue ou alliance, du Rhin (résume l'histoire
de cette ligue à l'aide de documents provenant des archives des affaires
étrangères; marque trois phases dans cette histoire: 1" de 1658 à [i
elle est organisée pour protéger l'indépendance de l'empire contre la
maison d'Autriche; 2° en 1664, dans la guerre de Hongrie, Louis \|\
agit en son nom et alarme par son intervention armée une partie des
princes protestants; 3° en 1667 et 1668, la dissolution de cette ligui
le résultat, non seulement de la défection des Suédois, des duo de
Brunswick et de l'électeur de Mayence, mais surtout de l'ambition de
Louis XIV, qui voulut imposer sa domination à l'Allemagne .
22. — Société nationale des Antiquaires de France. Séance
du 10 décembre. On se rappelle que le P. G. de La Croix; a cru
trouver à Poitiers un sanctuaire du vr siècle érigé en l'honneur de
soixante- douze martyrs poitevins inconnus jusqu'ici. Aujourd'hui.
M. Ramé vient dissiper ces illusions : le souterrain est du vur siècle,
et a servi de tombeau à un abbé Mellobaude de qui l'on ne sait rien
que le nom. = 17 décembre. M. Héron de Villefosse communique
de la part de M. Guigue une inscr. découverte dans le Rhône, qui
mentionne pour la première fois la corporation des négociants tran-
salpins et cisalpins. Le personnage auquel l'inscription se rapporte, el
qui fut préfet de cette corporation, est originaire de Trêves. = 2i >[■•<■.
M. iie Villefosse annonce que le P. de La Croix vient de commencer
à Antigny (Vienne), dans un ancien cimetière mérovingien, (]c< fouilles
qui promettent d'être fructueuses.
23. — Société de l'histoire du protestantisme français. Bulle-
tin. 3e série. 3e année, 15déc. 1884. — Cuenot. Jean L'Archer, ministre
à Héricourt, 1563-88 ; fin. — R. Reuss. Trois lettres de Strasbourg (une
missive de Henri IV, 1576, et deux lettres de la princesse de Condé,
octobre 1577 ; elles proviennent des archives de Strasbourg). — T
d'Aulas. Dossier d'un proposant martyr, François Bénézet, 1752. —
Corbikre. Des consistoires et de la confiscation de leurs biens, en 1685.
= 1885. N" 1. Leliévhe. La réforme dans les lies de laManche; l,M art.
— Weiss. La Sorbonne, le parlement de Paris et les livres hérétiques
de 1542 à 1546 (publie plusieurs arrêts curieux du temps). — Pi
Kphemérides de l'année de la révocation de l'édil de Nantes, I'-
;:>', RECUEILS rEIUODIQUES.
24. — Revue de Belgique. 16a année, 12e livr. 15 déc. ISS-'i. —
Goblet u'Alviella. Des préjugés qui s'opposent à l'étude scientifique
des religions. — Rahlenbeck. Une jacquerie sous Marie - Thérèse
(quelques mots sur les Bokkenrijdor de Rolduc et sur les persécutions
dont ils furent victimes vers 1755-60).
25. — Historische Zeitschrift. Nouvelle série. Bd. XVII, Heft 2.
— Lanqen. Le plus ancien livre de l'église chrétienne (la Aiôayji xwv
ôwôîxa à-offt6).cov récemment découverte par l'archevêque de Nicomédie
Philotheos Bryennios. Ce livre a été composé sans doute dans une com-
munauté judéo-chrétienne d'un judaïsme très accentué, peut-être même
à Jérusalem, et vers la fin du ier siècle; il a pour hut d'enseigner aux
gentils la doctrine apostolique et l'organisation des communautés chré-
tiennes). — Stieda. Sur l'histoire sociale de l'Angleterre (de la législa-
tion anglaise sur les ouvriers à la fin du siècle dernier). — Hirsch.
L'armée du grand électeur et son entretien pendant les années 1660-66.
— Lehmann. La lutte de Scharnhorst pour les armées permanentes
(montre quelle violente opposition cet homme d'État eut à vaincre pour
faire triompher l'idée d'une armée permanente et du service obligatoire).
= Bibliographie. Geiger. Ostiranische Kultur im Alterthum (impor-
tante étude sur l'Avestà). — Ad. Bauer. Die Kyros-Sage und Yerwandtes
(travail curieux et bien fait; il faut cependant regarder les mythes
anciens de plus près, et ne pas se hâter de leur attribuer une origine
indo-européenne. La civilisation de l'Asie antérieure est plus ancienne
qu'on ne l'a cru longtemps et c'est d'une époque relativement récente
que les Indo-Européens sont entrés dans l'histoire générale). — Zippel.
Die Losung der consularischen Prokonsuln in der fruheren Kaiserzeit
(travail soigné; on y trouvera entre autres la liste aussi complète que
possible des consulaires et des proconsuls de l'an 32 avant Jésus-Christ
à l'an 68 après). — Gawalewicz. Theodorich's des Grossen Beziehungen
zu Byzanz und zu Odovacar (brochure insignifiante). — Hertel. Die
aeltesten Lehnbucher der magdeburgischen Erzbischœfe (bonne publica-
tion de textes importants pour l'histoire du diocèse de Magdebourg au
xv° siècle). — Kirchner. Das Reichsland Lothringen am 1 feb. 1766;
historische Karte (excellent). — Frederiks. Oorspronkelyke Verhalen en
gelyktydige berichten van den moord gepleegd aan prins Willem van
Oranje (cette brochure est un des meilleurs livres qui aient paru l'an
dernier en Hollande, à l'occasion du troisième centenaire de l'assassinat
du Taciturne). — Tozer. The Franks in the Péloponnèse (intéressant;
la peinture que fait l'auteur des lieux autrefois occupés par les Latins,
en Morée, montre que beaucoup de ruines, décrites autrefois par Leake,
Buchon, Gurtius et autres, disparaissent rapidement; il n'en restera
bientôt plus rien). — Mac Mas ter. A history of the people of the United
States (ce livre a été accueilli aux Etats-Unis avec une faveur extraor-
dinaire ; l'auteur est un admirateur fervent de Maeaulay, dont il a imité
la manière à s'y méprendre ; l'ouvrage, d'ailleurs, est très superficiel,
RECUEILS l'KlUODlQl BS. 155
Les erreurs de fait et d'appréciatioD n'y manquent pas). — llalke. Ein-
leitung in dus Studium der Numismatik (bon).
26. — Forschungen zur deutschen Geschichte. Bd. XXV,
IXot't 1. — Heidb. L'élection dé Léopold If h l'empire (récil très détaillé
composé à l'aide d'un grand nombre de documents inédits; complétée!
parfois corrige celui de M. Chéruel; aboutit d'ailleurs aux mêmes con-
clusions, à savoir que les capitulations imposées à Léopold !•■' et la
ligue du Rhin ont été le triomphe do la politique française sur la mai-
son d'Autriche). — G. Schmidt. Sur L'histoire de la ligue de Smalcalde
(la diète de Francfort, déc. 154f» à févr. 1546, d'après les arc
Brunswick et de Gœttingue). — WïSS. Sur les trois poèmes relatifs
aux troubles civils de Mayence, 1428-30. — Wmsr.NER. La justification
de Herbord, le biographe d'Ottonde Bamberg (estime, avec Klempin el
contre Jaffé, que Herbord est un chroniqueur bien informé, intelligent,
enfin un témoin des plu- précieux). — Pflugk-Hartti m;. L'évéché de
vlersebourg sous les empereurs saxons. — Dummler. Encore une fois
l'épitaphe de l'archevêque Lui (publie un nouveau texte d'après un
ms. de Marbourg). — May. Le sens du mot « justitia » pour Grégoire Y 1 1
(commente ces dernières paroles du pape : « Dilexi justitiam, odi ini-
quitatem, propterea morior in exilio; » en cherche l'origine dans la bible
ou dans les écrits du pape). — Lindner. Sur la bulle d'or.
27. — Gœttingische gelehrte Anzeigen. 1884. N° 26. Wa
Ottonis et Rahewini Gesta Frederici Ier (analyse, par M. Waitz lui-
même). = 1885. Mùllenhof. Deutsche Alterthumskunde. Bd. V (( -
cute les questions si controversées relatives au poème intitule, « Voluspa »
et à l'Edda primitive; depuis Snorri Sturleson, c'est le livre le plus
approfondi qu'il y ait sur la mythologie primitive de la Germanie ; c'est
un point tournant dans l'histoire de la philologie Scandinave .
28. — Zeitschrift fur allgemeine Geschichte, Cultur, Littera-
tur und Kunstgeschichte. Stuttgart. 1884, Heft 1. — Holm. L'an-
cienne Syracuse (rapport de l'auteur sur sa collaboration aux l'on i lies
entreprises à Syracuse par Gavallari; les résultats concornVi m essentiel-
lement avec les données de Thucydide; le stade qu'il emploie est de
150 m.). — Horavsitz. La vie journalière au moi le Klosterneu-
burg au xv° s. — Brosch. Un assassinat d'ambassadeur au xvu" siècle
(il s'agit de l'ambassadeur anglais Asham, assassin/? à Madrid par Les
émissaires de Charles II; les négociations engagées en vue d'obtenir
satisfaction montrent l'impuissance politique de l'Espagne au xvue s.).
— Brùckner. La peste en Russie, en 1654. — Schœhbach. Les hommes
d'État américains au siècle dernier. = Ilcl't 2. L. von Ebenorei m. Prépa-
ratifs de guerre dans une ville d'AUemagneau m.â.(d< prisespar
Nuremberg pour protéger la ville contre Albert-Achille de Brandebourg).
— ll\u.wi< .h. La première nomination île Wallenstein comme général
en chel des troupes impériales dans l'empire et aux Pays-Bas (cette
nomination l'ut une réponse à l'alliance de Saint-Germain. Wallenstein
156 RECUEILS PERIODIQUES.
ne promit pas de mettre sur pied, en déc. 1624, 20,000 ni 50,000 h.,
mais un bien plus grand nombre, par petits détachements, de façon à
effrayer le moins possible). = Ileft 4. Dùmmler. Louis le Pieux (ses
luttes contre ses fils, d'après les travaux récents). — Prirram. Le mariage
de la princesse Louise-Charïotte de Radzivill, en 1688 (raconte les
intrigues engagées par les ambassadeurs de France, de Pologne et d'Au-
triche). = Heft 5. Loewenfeld. Les reliques de saint Benoit (l'histoire
du débat engagé entre le monastère du Mont-Gassin et celui de Fleury-
sur-Loire, au sujet de la possession des ossements du saint, est un
curieux exemple de l'habileté avec laquelle on fabriquait des actes faux
au moyen âge). — Von Krones. Catherine de Brandebourg-Prusse,
princesse de Transylvanie, de 1626 à 1631 (histoire de son mariage avec
Gabriel Bethlen et de son séjour en Transylvanie, jusqu'à son abdica-
tion en faveur de Rakoczy). = Heft 6. Von Pflugk-Harttung. Périclès
et la guerre de Samos (dans cette campagne, Périclès resta fort au-des-
sous de son rival Melissos comme prévoyance et talents militaires ; c'est
seulement la supériorité de ses forces qui lui assura un succès peu
glorieux). — Manitius. Le mouvement littéraire sous Charlemagne (les
efforts de Charlemagne sont remarquables, surtout si l'on considère
l'époque qui le précéda et celle qui le suivit). — Loserth. Sur l'histoire
dos Anabaptistes en Moravie (ils ne peuvent être comparés à ceux de
Munster ; ils appartenaient à la partie de la population morave dont les
mœurs étaient le plus dépravées). — Guglia. Friedrich von Gentz et
ses variations dans la question d'Orient (l'année 1810, où Gentz entra
au service du gouvernement autrichien, est un point tournant dans sa
vie ; c'est seulement alors qu'il fut complètement attiré dans le cercle
des idées de Metternich). = Heft 7. Gindely. Un mariage empêché
(raconte les propositions de l'Angleterre et de l'Autriche pour le mariage
de l'infante d'Espagne, Marie, soit avec le prince de Galles, soit avec
l'archiduc Ferdinand, 1612-1631). — Von Zwiedineck-Sùdenhorst. Le
début de la campagne d'automne de 1813 (le plan de Napoléon n'était
pas à la hauteur de ses précédentes conceptions). — Karpeles. Une lit-
térature inconnue (histoire de l'activité intellectuelle du peuple juif
depuis sa dispersion). = Heft 8. Jung. Les dernières années de Tibère
(Tibère se retira à Capri par ennui pour le milieu où il vivait et par
dégoût des hommes ; mais il ne se livra pas aux secrètes débauches que
lui reproche Tacite). — Wbngk. L'Église et l'État à la fin du moyen
âge (on avait déjà commencé activement, avant la réforme, à construire
des églises de campagne; Luther n'eut qu'à continuer le mouvement).
= Heft 9. Meyer. Sur l'histoire primitive des Albanais (les Albanais
sont un rameau indépendant de la race aryenne ; par la langue, ils appar-
tiennent au rameau de l'Europe septentrionale ; mais il s'y est introduit
tant de constructions et de mois latins, à l'époque de l'empire, que
l'albanais semble être presque devenu un dialecte roman). — Egelhaaf.
Charles-Quint et la cause luthérienne à la diète de Worms (l'empereur
ae songea pas, comme (iront ses conseillers, à exciter Luther contre le
RECUEILS PÉRIODIQUES. 157
pape pour détacher ce dernier de la France, il avait pour cela d'autres
moyens à sa disposition. S'il appela Luther devant ladiète, c'était seu-
lement pour ne pas exaspérer les Allemands et pour obtenir d'eux des
troupes). — Gumplowicz. Un aventurier politique du wrs. (biographie
du feld-maréchal polonais Laski). = Eeft 10. Gregorovius. Les ruines
de Sardes, en 1882 (gardenl «les traces certaines de l'art lydien Bl
étrusque, ce qui confirmerait le témoignage d'Hérodote). — Arnold.
L'organisation du « gau » germanique àl'époque carolingienne (établis-
sement des « gaue » hessois, et surtout du « Hessengau » de Pranconie).
— Brosch. Elisabeth, Sixte-Quint e1 Mourad II (Sixte-Quinl admirait
beaucoup Elisabeth, ce qu'on lui reprochait vivement à la cour d'Es-
pagne. Entre Elisabeth et la Porte aucune, alliance ne l'ut conclut1, mal-
gré les dispositions favorables du sultan). = Compte-rendu. Vlmann.
Kaiser Maximilian Ier (très Non). = Heft 11. Manithis. L'empire alle-
mand jusqu'à sa plus grande extension sous Otton Ier (importance de la
maison de Saxe dans l'histoire d'Allemagne, surtout pour le dévelop-
pement du sentiment national. La médiocrité des productions histo-
riques de cette époque s'explique par la rapidité des changements appor-
tés à la situation politique, qui ne permit pas de composer des travaux
aux contours nettement arrêtés). — HLebler. La lutte d'Alfonse d'Ara-
gon avec le pape Eugène IV au sujet de la couronne de Naples). —
Schneider. Le duc Ferdinand-Guillaume île Wurtemberg, 1 050-1 TOI
(biographie de ce prince qui combattit avec distinction en Irlande, aux
Pays-Bas, en Hongrie et en Danemark).
29. — Aus allen Zeiten und Landen. Jahrg. II. Jlelt 2. Berlin,
1884. — Von Stein-Kochuerg. La mort du prince Louis-Ferdinand au
combat de Saalfeld, 1806 (sur cette mort les contemporains donnent les
renseignements les plus discordants, si bien qu'il est impossible de
savoir exactement la vérité). — Delgjer. Jeanne Grey (sa vie et son rôle
historique). — Prutz. La destruction de l'Ordre du Temple (les accu-
sations portées contre cet Ordre au sujet de son orthodoxie sont loin
d'être sans fondement; les membres nombreux qui étaient originaires
du sud de la France apportèrent avec eux les croyances albigeoises que
l'Ordre s'appropria ensuite complètement. C'est son orgueil qui causa
sa chute; c'est aussi sa puissance immodérée qui devait amener la dis-
solution de toute organisation politique en France. Laglorilication dont
la tradition entoure la chute del'Ordre est tout à l'ait injustifiée et fausse).
— Con.N. Les Arabes pendant le califat; fin. — Klein. Jeanne de Naples
(sa vie et son règne, 1339-82. Il n'est pas douteux qu'elle n'ait été
complice du meurtre de son mari, André de Hongrie; mais comment
elle fut mise à mort à son tour, on ne le sait pas ; les témoigna-
contredisent). — Von Reden-Esbeck. Extraits des journaux de Km
1776-96 (contiennent d'intéressants détails sur ses relations avec les
Illuminés avec lesquels il eut d'abord un grand succès, el se brouilla
plus tard). — La Sorbonne (fondation, histoire, organisation). — Osmin.
Le Fiesque historique (précise les faits historiques relatifs à la conjura-
(58 RECUEILS l'KRIODIQOES.
timi de Fiesque dirigée contre le doge André Doria; on n'y retrouve
rien de ces aspirations idéales que Schiller prête au personnage dans
son drame). — Lindner. Christine de Suède (son caractère, d'après ses
lettres el les sources suédoises; il est difficile de comprendre les raisons
qui la poussèrent à se convertir au catholicisme, ni ses relations avec
Monaldeschi, dont elle punit la trahison en le faisant tuer). — Brùckner.
Une ambassade russe en Italie, 1656-1657 (racontée en partie d'après le
Journal de voyage des ambassadeurs russes, en partie d'après les
Archives de Florence. Ce furent les premières relations diplomatiques
entre la Russie, Florence et Venise). — Hoffmann. La dernière favorite
de Louis XV. — Corvin. Charles Ier et Gromwell (insiste sur le rôle
de Cromwell et les services qu'il a rendus à l'Angleterre).
30. — Gœrres-Gesellschaft. Historisches Jahrbuch. Bd. V,
Heft 4. — Pflugk-Harttung. Bulles originales des papes (inventaire
chronologique de toutes les bulles que l'auteur a vues lui-même ou dont
il a eu d'exacts fac-similés, et qui se trouvent dans les Bibliothèques et
Archives d'Allemagne, d'Italie et de la France orientale; ces bulles
vont de Pascal Ier, 819, à Anastase IV, 1153 ; elles sont au nombre de
963. L'auteur indique : l°le nom du pape; 2° le nom du récipiendaire;
3° la date; 4" la condition matérielle de l'acte; 5° le lieu où il est con-
servé. Il a systématiquement écarté toute indication sur le contenu
même de l'acte). — G. Hùffer. Études sur la vie de saint Bernard de
Clairvaux, d'après les mss. 1er art. (sur les Vitae S. Bernardi : 1° la
plainte d'Odon de Morimond ; 2° les fragmenta Gaufridi). — A. von Reu-
mont. Les analectes de l'Histoire de la papauté par Ranke (analyse ces
analectes, dont Ranke a notablement modifié la composition dans la
6e édit. de son livre; donne la bibliographie de chacun de ces extraits).
= Compte-rendu : Bellesheim. Geschichte der katolischen Kirche in
Schottland. Bd. I-II (comble une lacune importante et la comble de la
manière la plus satisfaisante).
31. — AufderHœhe. Jahrg. IV. Bd. XIII, Heft 38. — Pujol. La vie
scientifique dans l'Espagne gothique ; suite (décadence des Écoles de
l'État ; mais la méthode des gymnases romains forme encore la base des
études chez les Visigoths, ainsi que le montrent les Étymologies de
saint Isidore. Influence exercée par les Académies hébraïques). —
Glaser. Les fouilles en Assyrie et à Babylone (montrent que la civili-
sation sémitique tout entière : religion, sciences et arts, sont d'origine
accadienne et sumérienne).
32. — Deutsche Revue. 1884, oct. — . Irmer. Rapports diploma-
tiques inédits envoyés de Paris sur l'avènement de Napoléon Ier comme
empereur des Français (extraits des rapports de l'ambassadeur de la
Eesse électorale Von der Malsburg; ils montrent qu'à cette époque la
politique de l'Électeur était très ambiguë ; il donnait à la Prusse les
plus Fermes assurances d'amitié, tout en préparant un traité d'alliance
offensive e1 défensive contre la Prusse). — Nov. Von Spiegel. L'Hindou-
RECUEILS rEKIOMQCES. 159
koukct ses habitants (rien ne nous permet de croire que l'Hindou kouk
ait été la patrie primitive des [ndo-Européens ; les peuples qui L'habi-
tent, indiens et Iraniens, ne nous permettent pas de rien savoir de
précis sur l'origine et le type primitif des Indo-Européens). = Dec. Von
Tschudi. Les États de La Plata sous la domination espagnole jusqu'en
1810 (influence fâcheuse du mélange des races à La Plata ; histoire de
ces Etats et du soulèvement «le 1810). — Deghbnd. La France après le
désastre de Rosbach (publie des Lettres de deux grands personnages du
temps; la situation politique, les finances, le bien-être de la nation en
France ont été bouleversés par l'adhésion du gouvernement à la coali-
tion contre Frédéric II).
33. — Alemannia. IS84, Jahrg. XII, Heft 1. — Steiu.k. Mœurs
et usages du pays de Hohenzollern. — Birlinger. Histoire des mœurs
en Alémannie (1° la légende de la fondation du monastère de Val-
dun; 2° mœurs, usages, superstitions, livres populan . . de
diverses époques). — Grecelils. Jakob Wimpheling et les Souabes (cet
humaniste se créa beaucoup d'inimitiés par ses attaques contre les
usages de la liturgie souabe ; publie les écrits relatifs à cette petite
guerre littéraire). = Heft 3. Buck. Noms de lieu rhétiques (en ïirol
et dans les Grisons, ces noms de lieu sont d'origine romaine ou romani':
au contraire, les noms de fleuves appartiennent en grande partie a
l'époque préromaine, et montrent que les Rhètes appartenaient à la
famille aryenne).
34. — Nord und Sud. Berlin, 1884, nov. — Charles-Antoine, prince
de Hohenzollern-Sigmaringen (sa biographie, son rôle comme chef du
Cabinet en 1861). = Compte-rendu : Schrammen. Charakterbilder aus
der Sage und Geschichte der preussichen Herrscherhauses (bon). =
Dec. Bracuvogel. Charles Schurz (sa biographie; sa place au milieu
des partis en Amérique). — Boetticher. Les fouilles des Français à
Délos (elles sont d'autant plus importantes que le culte d'Apollon a été
plus répandu en Grèce). — Kreyssig. Thiers et son temps (est le repré-
sentant le plus éminent de la bourgeoisie de son temps; son patrio-
tisme explique ses variations).
35. — Unsere Zeit. Leipzig, 1884, Heft 11. — Loeffler. La fin de
la guerre entre le Chili et le Pérou en 1881; 1er art. — G. Vos deb
('.arelentz. La langue et l'écriture des Chinois (développement du -
tème d'écriture chinois; son importance pour la civilisation et pour la
vie intellectuelle en Chine; l'écriture actuelle, que l'auteur estime une
des plus parfaites en son genre, a exercé une réelle influence sur la
situation politique de l'empire en se propageant pendant des siècles
dans toutes les classes de la population;. — Dœhn. Comment les Indiens
de l'Amérique du Nord ensevelissent les morts; suite.
36. — Stimmen aus Maria Laach. 1884, Heft 10. — Dreves. Pour
le 3e centenaire de Charles Borromée Isa biographie;- — Bkissbi.. L'ar-
chevêque Egbert de Trêves et la question byzantine; fin (explique le.-
ïtiO RECUEILS PERIODIQUES.
services rendus par cet évêque en introduisant l'art byzantin en Alle-
magne et à Trêves en particulier). = 1885. Heft 1. Lehmkuhl. Les
prescriptions de l'Église sur l'intérêt et sur l'usure (l'église n'a jamais
défendu de tirer profit de son argent ; elle n'a jamais condamné ce qu'on
appelle « le bénéfice sans travail, » d'une façon péremptoire, et comme
une dépravation de la loi morale). = Compte-rendu : Weiss. Lehrbuch
der Weltgeschichte (très bon).
37. — Theologische Quartalschrift. Jahrg. LXVII. Quartal-
heft I. — Schanz. La cosmologie scolastique. = Kûnstle. Les inscrip-
tions chrétiennes de l'Afrique, étudiées comme source pour l'archéo-
logie chrétienne et l'bist. de l'Église (dresse la liste de ces inscript,
contenues au t. VIII du G. I. L.; fixe leur chronologie, montre leur
importance pour l'archéologie chrétienne). = Comptes-rendus : Von
Gebhard et Harneck. Texte und Untersuchungen zur Geschichte der alt-
christlichen Literatur. Bd. II (estimable). — LUzinger. Entstehungund
Zwockbeziehung des Lukas-evangeliums und der Apostelgeschichte
(bon). — Mueller. De nonnullis doctrinae gnosticae vestigiis (bien
étudié).
38. — Zeitschrift fûraegyptische Sprache und Altertumskunde.
Leipzig, 1884, Heft 1. — Lepsius. A propos de la mesure trouvée sur
le tombeau en pierre de Ramsès IV (il n'est pas possible, comme l'a
cru Dœrpfeld, d'en tirer des conclusions pour le système métrique des
Egyptiens). — Id. Sur la grande coudée de 6 palmes (Eisenlohr a eu
tort de conclure, du papyrus mathématique du British Muséum, que la
grande coudée ou coudée royale était divisée en 7 parties). — Brugsch.
Le démotique (au moment où disparaît le paganisme, il est à peine dis-
tinct du copte). — Piehl. Stèle de l'époque de Ramsès IV conservée au
Musée de Boulaq. = Heft 2. Stern. La statue de Philae à Berlin
(valeur linguistique et historique de l'inscr. gravée sur ce monument).
— Maspero. Notes sur quelques points de grammaire et d'histoire
(Wiedemann a supposé que l'Egypte avait été conquise par Nabucho-
donosor; c'est inexact. L'inscr. à laquelle se réfère Wiedemann ne
parle que d'un soulèvement des mercenaires cariens et ioniens au ser-
vice de l'Egypte). = Heft 4. Wilcken. Noms propres égyptiens dans
des textes grecs (viennent d'Arsinoé dans le Fayoum, et sont du nie s.
après J.-C).
39. — Hermès. Berlin, 1884, Bd. IX, Heft 4. — Robert. Alcyoneus
(la légende d'Alcyonée est un ancien mythe achéen de l'isthme que les
Dorions ont introduit dans le mythe d'Héraclès. Importante pour l'his-
toire est cette donnée fournie par le mythe que Corinthe, après bien
des malheurs, fut enlevée par les Doriens dans une attaque de nuit).
— Dessau. Le tarif douanier de Palmyre (texte et commentaire. Malgré
sa population foncièrement sémitique, Palmyre y parait comme une
commune grecque; elle est passée sous la domination romaine après
s'être réservé certains avantages comme en matière de douanes; tel
KECl BILS 11 MODIQUES. 564
paraît avoir été aussi le cas pourTyra6 sur le Ponl e< Mylasaen Carie).
— Si ftwwmî.. Deux passages difficiles de la politique d'Aristote (correc-
tion et traduction). — Mommsek. Une inscr. de Pline V Ancien (trouvée
à Arados; elle complète Le cursus honorum île Pline, en le montrant .1
l'armée en Espagne, en Germanie, et enfin comme préfet de La 22' légion
en Egypte).
40. — Rheinisches Muséum fur Philologie. Francfort-sur-le-
Mein, 1885. Bd. XL, Heft 1. — Schwabe. La date de la naissance de
Juvénal (Friedlaender s'est trompé en la plaçant en 67 après J.-C; il esl
impossible de la déterminer). — Nissen. Sur Les plans des temples
(tous les plans de temples égyptiens sont orientés, soit d'après le
soleil, soit d'après une étoile fixe, selon l'importance de la divinité cor-
respondante. 11 en fut de même pour Alexandrie, qui fut orientée dans
la direction de Canope, l'astre des Ptolémées). — Rohde. Apulée (né
sans doute en 124 après J.-C; les métamorphoses sont une œuvre de
début). — Kcepp. Les guerres des Attalides contre les G-alates (outre
la victoire remportée près de Pergame en 239, Attale en remporta une
l'année précédente sur les Tolistoboies, victoire qui l'engagea à prendre
le titre de roi. L'érection du grand autel et du Nicephorion à Pergame
eut lieu dans le temps qui suivit le soulèvement d'Ortiagon, dont les
défaites furent célébrées par ce moyen). — Deecke. Sur le déchiffrement
des inscr. messapiennes (traduction et commentaire de la grande inscr.
de Basta. C'est un acte de vente par lequel Thotoria, tille de Martapi-
dox, de la ville de Basta, vend un champi. — Bdsolt. La bataille
d'Himère (Diodore, Hérode et Polyen racontent que Théron, dans une
sortie, emporta le camp des vaisseaux carthaginois, et arrêta les Ibères
accourus au secours, en mettant le feu au camp; à cette vue le gros de
l'armée, qui combattait contre G-élon, se débanda).
41. - Neue Jahrbûcher fur Philologie und Paedagogik. Leip-
zig, 1885, Heft8-9. — La géographie d'Homère dans Pausanias (beau-
coup de ce que Pausanias décrit, comme s'il l'avait vu, est emprunté à
des sources antérieures, comme à Artémidore d'Ephèse; c'est en parti-
culier le cas pour ses données sur la géographie homérique). — Gon-
radt. Sur Thucydide (importantes corrections au texte; commentaire
des parties de son ouvrage relatives à l'expédition de Sicile). — G.-F.
Unger. Le calendrier romain de 218 à 215 et de G3 à 45 avant J.-C.
(l'étude minutieuse des données du calendrier romain pour Les années
218-215 montre qu'il n'y avait pas encore eu de déplacement considérable
dans le calendrier romain, comparé au calendrier julien 1 ; suite dans Befl
10-11 (il faut considérer les années 233 et 85 comme années initiales du
cycle intercalaire de 24 ans. Recherches sur la coïncidence des nun-
dines avec le 1er janv., co qui, pour des raisons religieuses, fut main-
tenu depuis l'an 41). — Sieroka. Sur la seconde philippique de Gicéron
(correction au texte de ce discours, qui justifie L'opinion de Gicéron
montrant que la conduite d'Antoine était digne d'un despote oriental).
,',62 RECUEILS PERIODIQUES.
— O.-E. Schmidt. Critique et commentaire des lettres de Gicéron à
M. Brutus (excepté les lettres 1, 16 et 17, il n'y a aucune raison de sus-
pecter l'authenticité de ce recueil; les trois exceptées sont des fabrica-
tions manifestes composées en vue de calomnier Octave). = Heft 10-11.
Ad. Schmidt. Le double calendrier attique (les mots xa-cà Se6v ajoutés aux
données fournies par les inscr. attiqucs désignant le calendrier lunaire
après la réforme de Méton ; les mots xai' àpxovxa le calendrier solaire
dont l'emploi officiel date de l'an 322 av. J.-C). — xWeiser. Une glose
dans Tacite, Hist. II, 28. — Wensky. Sur Valère-Maxime (nombreuses
corrections au texte de tous les livres de son histoire).
42. — Ephemeris epigraphica. Vol. V; fasc. 3 et 4. — J.
Schmidt et Th. Mommsen. Additions au Corpus inscr. lat., vol. III. —
Mommsen. Observations épigraphiques (note 40. Comment étaient réglées
la salutation et la sportule sous l'empereur Julien dans la province de
Numidie. Addition à la note 35 sur les Protectores Augusti). — Id.
Privilège militaire trouvé à Mayence et restitué.
43. — Zeitschrift fur deutsches Altertum. Berlin, 1885. Bd.
XVII, Heft 1. — Mayer. Un jeu de Noël à Kreutzberg (dissertation sur
cette sorte de production littéraire; mode décomposition; comparaison
avec les écrits analogues en Angleterre, en France et en Espagne). ==
Compte-rendu : Vigfusson. Corpus poeticum boréale (excellent).
44. — Beiheft zum Militaer-Wochenblatt. 1884, Heft 7. —
Von Lùtzow. La 5e division d'infanterie dans la campagne de 1866 (de
la part qu'elle prit au combat de Gitschin et à la bataille de Kœnigs-
grsetz).
45 _ jahrbûcher fur die deutsche Armée und Marine. Ber-
lin, 1884. Bd. LU, sept. — Crousaz. L'Électeur Albert- Achille de Bran-
debourg considéré comme politique et comme chef militaire (le plus
grand génie militaire de son temps, au dire de l'auteur; malgré ses
sympathies pour la classe féodale des chevaliers, il savait se plier aux
nécessités des temps nouveaux). — Histoire du régiment prussien d'An-
halt-Bernbourg, de 1767. = Compte-rendu : Blumenthal. Zur Geschichte
des erstern und zweiten Leib-Husaren Begimentes, 1741-1812 (très bon).
= Bd. LUI, Heft 1, oct. L'État et l'armée d'autrefois en Bavière; fin
en nov. (les auxiliaires bavarois dans la campagne de Zurich et au siège
de Philippsbourg en 1797; débuts du général Wrede). — Souvenirs sur
la dernière campagne de Frédéric II (publie les notes d'un officier prus-
sien en 1778; important pour les détails donnés sur les grosses pertes
en hommes et en argent éprouvées par l'armée prussienne). — Emploi
de la cavalerie par Napoléon dans les Campagnes de 1805-1807, com-
paré à l'usage qu'en tira Frédéric pendant la guerre de Sept ans. Suite
en nov.
46. — Neue militserische Blîetter. Berlin, 1884. Bd. XXV, Heft 3.
— Hans Adam von Schœning (biographie de cet éminent général
brandebourgeois du xvne s., dont l'histoire est caractéristique de l'Ai-
RECITILS PKKlOMol B8, î 63
lemagne d'alors). — Les marches les plus longues el les pins rapides
de tous les temps, suite (esquisse plusieurs épisodes des campagnes de
1S0G et 1807). — Le combat de Baynau; fin. = Compte-rendu : Pau~
lixky et Vu/t Wondke. Geschichte des 'i rhemischen Infanterieregiments,
n°30, von 1815-84 (bon).
47. — Deutsches Archiv fur Geschichte der Medicin. Bd. VU,
Eefl "2. — Tollin. Michel Servet, l'homme de l'expérience (Servel avait
nettement compris l'importance de l'çxpérimentation scientifique). —
Wbrtnbb. Sur L'histoire des idées médicales (parle de certaines œuvres
du siècle passé qui, écrites dans le sens de la philanthropie du temps,
étaient destinées à améliorer l'hygiène du peuple par des prescriptions
exposées sous une forme populaire). = Heft 3. Sghenkeu. La peste dan-
la principauté épiscopale de Haie (parle surtout des mesures prises contre
la grande peste de 1720).
48. — Archiv fur Anthropologie. Bd. XV. Brunswick, 1884. —
Ikow. Nouvelles contributions à l'anthropologie des Juifs (au point de
vue ethnologique, ils se divisent en deux groupes nettement séparés :
les Juifs du sud de l'Europe, de pure race sémitique, qui émigrèrent
dans les contrées méditerranéennes au ier et au ne s. après J.-G. ; et les
Juifs de Russie, qui ne sont pas de race juive et qui descendent de
peuples de l'Asie antérieure convertis et émigrés au nord du Caucase,
plusieurs siècles avant J.-C). — Kopernicki. Les Aïnos du Japon (se
rapprochent étroitement des Esquimaux par leurs caractères anthropo-
logiques). — Prosdocimi. Rapport sur les fouilles d'Esté (les objets trou-
vés se rapportent au peuple des Euganéens qui occupa le pays d'une
façon ininterrompue jusqu'à la conquête romaine). = Bd. XV. Gorres-
pondenzblatt, 1884, nos 4-8. — Mehlis. Une enceinte fortifiée gallo-
romaine du Rhin moyen (à Waldfisbach dans le Palatinat. Ces fortili-
cations ont été utilisées à l'époque préromaine par des Trévires, et plus
tard par les Romains contre les attaques des Germains. Nombreuses
inscr. tumul. concernant des Gaulois pour la plupart).— Von Cohàusen.
Les retranchements en scories de Mouréal près Saint-Médard (onl
certainement occupés par un petit roi alaman ou franc). — Lu ni. Sur
la chronologie de l'ancienne Egypte (1° le règne de Ramsès Méiamoun
doit se placer entre 1577 et 1511 avant J.-C.; 2° explique deux inscr.
d'Hvergète II et de Sethos Ie1' le Busiris ou Epaphos des Grec-,
années 125 et 1585; elles sont séparées par une période sothiaque). —
Hommel. Les Suméro-Acadiens (les Sumériens appartiennent certaine-
ment, comme leur langue le montre, à la famille des peuples de l'Ahai).
49. — Baltische Studien. Jahrg. XXXIV, Heft 1. — Pittboobn.
Contribution à l'histoire du syncrétisme en Poméranie, de lo.'.J à 1GG5
(met en lumière le violent antagonisme entre, les Luthériens et les
Réformés, ce qui conduisit à la formation d'un tiers-parti, celui des
syncrétistes; luttes de ce parti contre les Luthériens qui avaient la préé-
minence en Poméranie; les édits de tolérance des Electeurs favorisèrent
1(54 UECUE1LS PERIODIQUES.
le progrès de nombreuses communes réformées, ainsi que le rapproche-
ii). -ut des deux partis religieux). — Von Bùlow. Histoire de l'émigra-
tion des tsiganes en Poméranie (documents inédits, de 1512 à 1739). —
QEbgel. Sur la parenté de la Camille de prédicateurs poméraniens Kul-
ling avec Martin Luther. = Heft 2-4, 1884. — O. Knoop. Saint Georges
dans la tradition populaire de la Poméranie. — Blùmke. Les corpora-
tions ouvrières à Stettin au moyen âge (tableau détaillé de la prospérité
du commerce dans cette ville au xme et au xive s. ; débuts des corpo-
rations; les institutions municipales et place qu'y occupent les corpo-
rations ; organisation de ces dernières et leurs étroites relations avec
l'église). — Brenneke. Contribution à l'histoire de Dramburg (histoire
de la ville et du couvent jusqu'au début du xvme s.).
50. — K. Sœchsische Akademie der Wissenschaften. Philol.-
histor. Classe. Abhandlungen. Leipzig. 1884, Bd. IX. — Ribbeck. La
flatterie dans l'antiquité (réunit les témoignages de l'antiquité sur les
llatteurset les parasites, les classes de la société auxquelles ils apparte-
naient, leur rôle dans la vie journalière, leur responsabilité dans la fal-
sification de l'histoire. Peinture approfondie de la KoXaxet'a d'après les
historiens, les moralistes et les poètes de l'antiquité). — Ebers. Le sar-
cophage en bois sculpté de Hatbastrou au Cabinet égyptologique de
l'université de Leipzig (ce sarcophage vient de Memphis ; il appartient
au début de la période ptolémaïquc. Traduction de l'inscr. religieuse
qui s'y trouve). = Berichte ùber die Verhandlungen, 1884, 1-2. Pùckert.
Les Annales Laurissenses minores et les Annales Einharti (recherches
approfondies sur les sources des petites annales de Lorsch et des chro-
niques antérieures apparentées avec elles ; complète et rectifie sur cer-
tains points les conclusions de Waitz. La source, aujourd'hui perdue,
d'où sont sorties les Annales de Lorsch, a été composée avant 814 ; elle
a été utilisée aussi par les Annales Einharti et les Annales Mettenses ;
elle a été composée à un point de vue clérical; c'est dans ce sentiment
qu'elle défigure fréquemment les faits, afin d'exalter les puissances spi-
rituelles, d'abaisser ou d'écarter les puissances temporelles).
51. — Preussische Jahrbucher. Bd. LIV, Heft 4. Lang. Cavour
et la paix de Villafranca (cette paix fut d'abord très mal vue de Cavour
et de l'Italie, néanmoins Cavour lui-même avoua plus tard qu'elle
avait été très utile pour ses projets ultérieurs).
52. — K. Preussische Akademie der Wissenschaften. Sitzungs-
berichte. Berlin, 18 déc. 1884. — Conze. La bibliothèque de Pergame
(les emplacements situés derrière la salle septentrionale du sanctuaire
d'Athéné, et en particulier l'oïxo; situé au nord-est, ont été affectés à
l'établissement d'une bibliothèque; de pareils plans de bibliothèques à
l'époque gréco-romaine étaient typiques, ainsi que l'attestent les témoi-
gnages de l'antiquité. Si ces conclusions sont vraies, elles fournissent
un renseignement inappréciable pour reconstituer l'ensemble de la rési-
dence des Attalides).
RECUEILS l'ElilOIMol K.s. 165
53. — Zeitschrift fur die Geschichte des Oberrheins. Bd.
\\ XVIII. Beft 8. — Babbk. Liste des étudiants badoie à l'université
ilf Strasbourg, de 1G16 a 171)1; fin. — Barsti Les Luttes constitution-
nelles ;i Spire pendanl le moyen âge (récit composé le plus Bouvenl
d'après les documents contemporains; il montre que presque en mô
temps éclatèrent dans toutes les villes rhénanes des luttes entre le
patriciat municipal et les corporations; celles-ci finirenl par l'emporter.
Spire, devançant en cela toutes les autres villes, obtint un gouverne-
ment basé sur les corporations après 45 ans d'efforts). — Von Schrbc-
kenstkin. Extraits des archives féodales et nobiliaires (sur l'histoire de
la topographie el des familles nobles du Rhin supérieur).
54. — K. Bayerische Akademie der Wissenschaften. Bisto-
rische Classe. Sitzungsberichte. .Munich, 1884, Heft 3. — Stieve. L'intro-
duction de la Réforme dans la ville impériale de Donauwœrth (on a
jusqu'ici tenu trop de compte de la chronique du prieur Becfc : essaie
de refaire l'histoire de l'introduction de la Réforme à Donauwa-rth, en
1517-53, à l'aide de la chronique manuscrite de la ville, composée par
le moine Knebel, et d'un grand nombre de protocoles du conseil muni-
cipal). — Scheffer-Boichorst. Sur l'histoire de l'Électoral bavarois et
palatin (1° les sources de l'auteur sont des annales et des mss. du temps,
en particulier un diplôme du roi Rodolphe de Habsbourg en 1275; de
celui-ci il résulte qu'en 1257,. lors de l'élection de Richard de Cor-
nouailles à l'empire, le duc de Bavière et le Palatin ont, également pris
part au vote. La voix électorale que la Bavière et le Palatinat possé-
dèrent à l'origine à l'état indivis fut ensuite illégalement usurpée par
le Palatin ; 2° sur la question de savoir si le comte palatin était fondé
dans le dernier quart du xme s. à envoyer les lettres de convocation pour
les jours de l'élection, droit qui appartenait auparavant à l'archevêque
de Mayence, l'auteur mentionne deux lettres d'invitation lancées aus-
sitôt après la mort de Rodolphe Ier et envoyées en même temps par
l'archevêque et par le comte, chacun prétendant que le droit lui appar-
tenait à lui seul. Plus tard, il n'est plus question de cette prétention du
comte palatin). — Brinz. Les fragments de droit pré-justinien qui se
trouvent dans un ms. de Berlin (recherches critiques sur ces documents
récemment découverts). — Bezold. La question des empereurs alle-
mands (notice intéressante sur la légende de l'empereur Frédéric, dont,
le type véritable n'est pas Frédéric Barberousse, mais bien son petit-
fils Frédéric II; elle a sa source dans la prophétie italienne; c'esl seu-
lement dans les siècles postérieurs que s'accomplit peu a peu le chan-
gement dans l'interprétation de la légende. L'idée de Frédéric II
considéré comme PAntéchristse retrouve dans divers mss. remarquables).
55. — Mitteilungen des Vereins fur Geschichte der Stadt
Nûrnberg. 1884, Hef't 4. — Bach. Les murs de Nuremberg (leurs
accroissements successifs, à raison de l'extension progressive de la
ville). — - Kress. Grundlach et ses possesseurs: suite. — MommenhOP.
Rev. Histou. XX Vil. 2e fasc. 30
166 RECUBIIS l'KKIOiHQUES.
Études sur la topographie et sur l'histoire de l'hôtel de ville de
Nuremberg. = Comptes-rendus : Leitschuh. Albrechi. Dùrers Tage-
buch der Reise in die Niederlande (publication très soignée). — Von
Kraus. Das Nûrnberger Heichs-Regiment, 1500-1502 (excellent). =
Heft 5. A. Von Scheurl. Ghristoph Scbeurl (autobiographie de ce per-
sonnage, né en 1457 à Breslau ; il résida plus souvent à Venise, puis
vint s'établir marchand à Nuremberg; ses rapports avec les princes
allemands et l'empereur Maximilien, auquel il prêta de grosses sommes,
-es luttes ardentes avec l'aristocratie nurembergeoise). — Kamann. Le
journal de voyage de Hans OElhafen (sur son séjour à Wittenberg,
1555). — Id. Lettres de Chr. Kress, capitaine et diplomate nurember-
geois, écrites de la diète de Spire, en 1529, à Chr. Fùrer.
56. — Germania. Vienne, 1885, Heft 1. — Tobler. Le mot
« Kuniowidi » dans le dialecte de Mersebourg (désignait à l'origine les
chaînes avec lesquelles autrefois les Germains s'attachaient dans le
combat, comme les Gimbres à Verceil). — Blaas. Extraits des sermons
de Georges von Giengen, professeur à l'université de Vienne au xve s.
(intéressant pour l'histoire des mœurs, du costume, de l'ameublement,
des superstitions de l'époque). — Jeitteles. Fragment de la chronique
universelle de Rudolf (publie ce fragment peu considérable). = Compte-
rendu : Wigstrœm. Sagor ock Afventyr upptecknade i Skâne (très bon).
57. — Mittheilungen des Instituts fur Œsterreichische Ges-
chichtsforschung. Bd. VI, Heft 1. — Bernheim. Le caractère d'Otton
de Freising et de ses œuvres (Otton est un esprit moyen, à égale dis-
tance du réalisme et du nominalisme, de l'idée ecclésiastique de la
hiérarchie et de l'idée laïque; il représente bien ainsi l'esprit moyen du
clergé de son temps après le concordat de Worms). — Scheffer-Boi-
chorst. Courtes notices sur l'histoire du moyen âge, 1-3 (1° l'itinéraire
de Henri II en 1024 et la situation des Saxons dans les questions de la
succession au trône; 2° le privilège de Conrad III pour Farfa considéré
comme un exemple étonnant d'une fausse date de lieu marquée dans
un diplôme vrai ; 3° comment et à quelle époque fut rédigée la bulle de
Jean XXT1 «Quia in futurorum eventibus »). — Kaltenbrunner. Études
faites à Rome (2° les fragments des plus anciens Registra brevium aux
Archives du Vatican). — Fanta. Un rapport sur les prétentions du roi
Alfonse de Castille au trône d'Allemagne (sont particulièrement inté-
ressants certains articles qui montrent les rapports du roi Alfonse avec
le pape Alexandre IV. Texte de ce document). — Bresslau. L'expédi-
tion impériale du concordat de Worms (B„ a enfin pu voir aux Archives
du Vatican l'une des deux expéditions de ce traité célèbre, celle qui
émane de la chancellerie impériale ; il en a obtenu une photographie et
en publie ici un beau fac-similé. Dès lors tombent les doutes et les
incertitudes qui s'étaient élevés autour de ce document. Description
minutieuse de ce document par Bresslau, avec une introduction par
RECl III S PERIODIQI I S. i'1"
Sickel). — Werunskv. Remarques sur les registre! de Clément VI el
do Clémenl \ II qui se trouvent dans les Archives du Vatican. — Faksch.
Nouveaux fragments inédits de la chronique riméede Btyrie. = Biblm-
graphie : Leist. Die Urkunde; ihre Behandlnng and Bearbeitung fur
Edition und Interprétation (ouvrage rempli d'erreurs el de henni'-). —
fJrkundehbuch des Landes oh der Enns. Bd. \'lll (contienl 768 piè
comprises entre I3G1 et 1375; collection importante et bien publiée). —
Ulmann. Kaiser Maximilian Ier (excellent). — Hallwich. 11. M. Thurn
als Zeuge im Process Wallenstein (publie un mémoire justificatif du
comte Thurn écrit en 1636, il déclare devant Dieu qu'il ne sait rien
d'une conspiration de Wallenstein e1 de Kinsky contre l'empen ur). —
Wapler. Wallensteins letzte Tage (il est encore prématuré d'essayer de
dire sur W. le dernier mot; il faut attendre qu'on ait publié tous les
documents importants qui se rapportent à sa personne et à son rôle). —
Werthi irru r. < reschichte < Esterreichs und Ungarns im ersten Jahrzehnl
des xix Jahrh. Bd. 1 (malgré des recherches prolongées dans les Archives
de Vienne et de Paris, l'auteur n'apporte rien de bien nouveau sur une
question récemmenl traitée à fond par Béer, Fournier et autres ; tout
au plus a-t-il donné de nouvelles preuves de. la médiocrité des honn
d'État autrichiens. Livre d'ailleurs médiocrement écrit et composé). =
Rapport sur l'Istituto austriaco di studii storici, qui vient d'être fondé
à Home.
58. — Archiv fur œsterreichische Geschichte. Bd. LVI, pre-
mière partie. — Huber. Louis Ier de Hongrie et les pays vassaux de la
Hongrie (étude approfondie faite d'après les nombreux documents (\i'<
années 1345-77, qui se trouvent dans la chronique composée par Jean
de Kikellew, secrétaire du roi; expose les efforts tentés par Louis Ier
pour ramener sous sa dépendance les états vassaux, à quoi il réussit
en partie; nie que Louis I«r ait marché contre les Turcs et prétend que
son rôle dans la formation de la puissance hongroise a été exagéré). —
Boefler. Dépêches de Vincenzo Quirino, ambassadeur vénitien auprès
de l'archiduc Philippe, duc de Bourgogne, roi de Castille, de Léon el
de Grenade, 1505-1506 (publie 126 dépêches expédiées des Pays-Bas et
d'Espagne; intéressantes pour la question de l'incapacité politique el
du dérangement d'esprit de la femme de Philippe, Jeanne la Polie;
publie aussi les étonnants articles de l'écrit où Maximilien d'Autriche
se plaint de la violation par la France de la paix de Haguenau, conclue
en 1505). — Zwcsdineck-Sûdenhorst. Le comte Benri-Matthias Thurn
au service de la République de Venise, i 62 'i - J 7 (d'après les documents
vénitiens; les puissances catholiques surent très mauvais gré < Venise
d'avoir pris à son service cet ancien chef des rebelles bohémiens). —
WERTHErMER. L'archiduc Charles, président du conseil impérial de la
_ ire en 1801-1805 (cherche, à l'aide de documents inédits, à faire
mieux connaître un côté peu connu et mal apprécié de l'activité du
prince, entre autres les réformes qu'il lit introduire dans I armée impé-
riale : sa disgrâce eut pour cause l'hostilité du parti de la guerre, qui,
_',G{> RECUEILS PERIODIQUES.
sous Mack, en mars 1805, combattait le système pacifique soutenu par
l'archiduc Charles).
59. — Mitteilungen der anthropologischen Gesellschaft in
Wien. Bdi KTV, Heft 1. — Prinzinger. Sur l'identité des Marcomans
et des Bavarois (refuse d'admettre que les Bavarois descendent des
Marcomans; croit plutôt qu'ils sont un rameau du peuple souabe,
identique avec les Taurisques et les Boiens). — Krauss. Légendes de
sorcières chez les Slaves méridionaux (reposent entièrement sur des
idées mythologiques ; le christianisme n'y exerça presque aucune
influence, aussi ne rencontre-t-on pas de procès de sorcellerie dans
l'histoire de ces peuples, d'autant quïl n'y a jamais eu chez les Slaves
une classe de prêtresses). — Deschmann. Fouilles en Garinthie en 1882
(les urnes qu'on y a trouvées montrent la plus grande ressemblance
avec les urnes euganéennes trouvées à Este). — Krauss. Réminiscences
slaves dans des légendes brandebourgeoises (les noms de divinités
slaves qui se sont conservés confirment cette donnée que les Wendes
du Brandebourg étaient un peuple pacifique adonné à l'agriculture). —
Wiesser. Rapport sur des objets de la période préhistorique et romaine
trouvés en Tyrol. — Moser. Rapport sur des objets romains trouvés
en Istrie et sur la côte. — Dzieduszycki. Objets préhistoriques trouvés
dans la Galicie orientale. = Comptes-rendus. Sachau. Reise in Syrien
und Mesopotamien (très bon). — Penka. Origines ariacae (beaucoup
d'erreurs). = Bd. XV, Heft 1-2. Radic. Anciens tombeaux en Bosnie
et en Herzégovine (défend les anciens Herzégoviniens contre Hœrnes,
qui les avait dépeints comme appartenant à un très bas degré de civi-
lisation). = Comptes-rendus. Marchesetti. La necropoli di Vermo presso
Pisino nell' Istria (bon). — Von Lenhossek. Die Ausgrabungen von Sze-
ged-OEthalom in Ungarn (bon).
60. — Streffleur"s œsterreichische militœrische Zeitschrift.
Vienne, 1884. Heft 2. — Von B. Le combat de Wissembourg (fautes
graves commises des deux parts). = Heft 7. Les plans des généraux
Ducrot et Wimpfen pendant la bataille de Sedan (voyez sur cette ques-
tion les articles récemment publiés par la Revue historique, XXVI,
303, et XXVII, 100). = Compte-rendu. Nenadovic. Das Leben und
Wirken des Georg Petrovic Kara Gjorgje, Befreier Serbiens (bon).
61. — K. Akademie der Wissenschaften. Philos. -histor. Classe.
Sitzungsberichte. Vienne, 1884. Bd. CV, 2e partie. — Tomaschek. Sur
une « Summa legum incerti auctoris » composée au xive s. (composée
à Wiener-Neustadt, cette Somme est importante à un double point de
vue, d'abord pour l'admission du droit romain dans le droit commun
de l'Allemagne, puis en ce qui concerne le recueil de droit hongrois
d'Etienne de Werbœczi, si répandu en Hongrie et en Pologne. Le
« Lripartitum » de Werbœczi découle de la « Summa »). — Krall.
Études sur l'histoire ancienne de l'Egypte (lecture, traduction et com-
mentaire de deux actes de vente en démotique, du temps des rois
RECUEILS PÉRIODIQUES. 169
Amasis et Ptolémée Philadelphie : ils foumissenl de nouveaux détails
sur les années du règne de ce dernier roi et de Ptolémée Évergôte,
ainsi que sur l'insurrection populaire dans la Thébaïde SOU6 Ptoli
Kpiphane. Recherches sur Manéthon, considéré comme source de
Josèphe pour l'époque des Hyksos). = Bd. CA'I, 1-2. Neuwirth. Cons-
tructions élevées par les monastères alamans de Saint-Gall, de Reiche-
nau et de Petershausen. — Steffenuaiien. Les gloses du Sachsenspiegel
(publie le commentaire d'un certain Brand de Tzerstede, du xv" s.). —
Schrutka. Sur la Lex Rubria de Gallia Gisalpina (explique le pa-
tinai de cette loi». — Schcenrerg. Histoire de la civilisation indienne
au xie s. (les œuvres de Kshemendra de Cachmir). = Denksckriften.
Bd. XXXIV, 1884. Pfizmaier. Récits de l'histoire des Thsi septentrio-
naux (tirés du o Livre des Thsi septentrionaux, » composé au commen-
cement de la dynastie des Thang par Li-pe-yo, 550-577 ap. J.-C; c'est
l'histoire des empereurs et une peinture des mœurs corrompues de la
cour). — Id. Les hommes de Dieu et les Skopzi en Russie (cette -
s'est constituée vers le milieu du xvne s. Publie des poésies relatix
leurs idées sociales et religieuses). — Miklosigh. Les éléments turcs
dans les langues du sud-est et de l'est européen : grec, albanais,
romain, bulgare, serbe, petit russe et grand russe, polonais. — Gilt-
haler. Traces de la tachygraphie grecque dans le God. Vat. graec,
1809 (transcriptions du texte des œuvres du Pseudo-Denys, écrit en
caractères tachygraphiques).
62. — Zeitschrift des Ferdinandeums fur Tirol und Vorarl-
berg. 3e série; Heft 3, 1884. — Redlicii. Histoire des évoques de
Brixen, du xe au xnc s. (la plus ancienne tradition sur le diocèse de
Brixen date de l'époque de Reginbert, 907-925 ; avec Hugues se ter-
mine l'époque de la querelle des Investitures, dans laquelle Brixen
tint pour le parti de l'empereur, vers 1125. Avec Reginbert, son suc-
cesseur, l'esprit de la réforme ecclésiastique pénètre à Brixen. En
appendice est publiée la liste des évéques de ce diocèse au xie et au
xiie s.). — Patigler. Les plaintes des Allemands de Trente et des com-
munes de la banlieue contre les consuls italiens (détails intéressants
sur l'histoire de la population allemande dans le Tyrol italien: publie
quatre pièces en latin, tirées des archives du gouvernemenl à Enns-
bruck, qui sont très probablement des années 1477-1 i90; importantes,
non seulement en ce qui concerne l'administration de la ville de Trente,
mais surtout en ce qu'elles font connaître les rapports réciproques des
deux populations. Les Allemands se plaignent que, malgré leur grand
nombre, ils soient presque entièrement exclus du conseil municipal).
— Pischnaler. Contributions à l'histoire de la paroisse de Sterzing
sur la construction de l'église (rapports de l'Ordre teu tonique avec la
paroisse). — Lihdner. La suppression des monastères dans le Tyrol
allemand en 1782-87 (d'après les actes mêmes de suppression el les
inventaires qui turent dresses alors).
Ï70 RECUEILS PERIODIQUES.
63. — Steiermaerkische Geschichtsblaetter. Jahrg. Y, Ilef't o.
1884, juillet-septembre. — Chronique du monastère de Gœss ; suite,
1727-1765. — Bindek. Précis des transactions du cabinet de Yienne de
1809 à 1810 et en 1818 (suite de cet important mémoire). — Privilèges
de villes et de marchés en Styrie ; suite (Bruck-sur-la-Mur, Stainz,
Leoben). = Bibliographie. Slavonien vom X bis zum XIII Jahrh., par
Kloir: traduit du croate par Bojnicic (s'efforce de démontrer, contre
Pesty, qu'aux xn° et xme siècles la Croatie, telle qu'on l'entend aujour-
d'hui dans un sens étroit, faisait partie de la Croatie, au sens large, et
non de la Hongrie ; thèse peut-être excessive, au moins pour l'étendue
que l'auteur prétend donner au « Regnum Salavoniae »). — Flcichs-
liaucr. Kalender-Compendium der christl. Zeitrechnungsweise auf die
Jahrc 1-2000 vor und nach Christi Geburt (manuel de chronologie très
commode). — Lampel. Die Einleitung zu Jans Enenkel's Fùrstenbuch
(bonne contribution à l'historiographie autrichienne).
64. — The Academy. 1884, 13 déc. — Jessopp. Diocesan historiés :
Norwich (boni. = 20 déc. Dosabhai Framji Karaka. History of the Par-
sis, 2 vol. (histoire fort intéressante, présentée avec beaucoup de
science et de modestie par un écrivain très distingué du pays). —
27 déc. Markham. The sea fathers (contient neuf biographies de marins
célèbres ; elles sont très intéressantes). = 1885, 10 janv. Mullinger. The
University of Cambridge, vol. II : 1535-1625 (excellent). = 17 janvier.
Webb Probyn. Italy, 1815-78 (bon livre, par un apologiste de l'unité
italienne). — Chesler Waters. Gundrada de YVarrenne, wife of W. de
Warrenne of Dornesday, the first earl of Surrey (prouve qu'elle ne fut
pas une fille de Guillaume le Conquérant ; mais ne réussit pas aussi
bien à établir quelle fut son originel. = 24 janv. Benham. Winchester
i intéressante et instructive histoire de ce diocèse). = 31 janv. Tel fer.
The chevalier d'Éon de Beaumont (étudie surtout son rôle diploma-
tique en Angleterre en 1763, estime que d'Éon vaut mieux que sa répu-
tation, mieux surtout que ne le dit le duc de Broglie).
65. —The Athenaeum. 1884, 20 déc. — Maitland. Pleas of the
crown for the county of Gloucester before the abbot of Reading and
lus l'ollows justices itinérant 1221 (excellente publication, qui intéresse
d'une façon toute particulière l'histoire de la législation anglaise dans
l'intervalle qui sépare Glanville de Bracton). = 27 déc. Publications
parues sur le continent en 1884. = 1^85. 3 janv. Fcrgusson. Letters
and journals of Mrs Calderwood of Polton, 1756 (curieux détails sur la
vie en Angleterre et en Hollande au milieu du xvuie s.). = 10 janv.
Leslie Stephen. Dictionary of national biography, t. I : Abbadie-Atmo
(ce premier volume l'ait bien augurer de l'ouvrage entier, qui sera com-
plet en 50 vol. environ; il en paraîtra un tous les trois mois). —
Doughty. Documents épigraphiques recueillis dans le nord de l'Arabie
(important). — Little. Madagascar; its history and people (ouvrage sans
ni ci i -|l> PÉRI00IQ1 BS. iTJ
valeur): = 1T janv. Friedmann. Anne Boleyn, 1527-36 (excellente étude;
L'auteur est fort sévère pour Henri YII1 et pour Anne; tire grand parti
des dépêches des ambassad. étrangers). = 24 janv. Parkman. Montcalm
and Wolfe (très important). = 31 janv. Poole. Illustrations of the his-
tory of mediaeval thought (livre toulVn, composé à la hâte, plus utile
pour l'homme d'étude qu'agréable pour l'homme du momie. Beaucoup
de renseignements nouveaux sur les philosophes irlandais du moyen
âge). — Gochran-Patrich. Catalogue of the medals of Scotland (fort
beau livre, orne de planches magnifiques ; les descriptions des médailles
sonl trop souvent incomplètes ou fautives, et l'on voudrail un plus
grand nombre de notes explicatives).
66. — The Contemporary Review. 1885, janv. — Sir A. Hob-
hoose. lies compagnies de la cité de Londres (de l'étal présenl de ce
compagnies, d'après le rapport au Parlement annoncé dans notre der-
nier numéro. Ce rapport esl aujourd'hui complet en trois fascicules). =
Février. Mac Garthy. Le château de Dublin.
67. — The "Westminster Review. 1885, janvier. — Documents
sur l'histoire primitive de la Russie (t'ait l'histoire du texte di S
d'après la traduction de M. Léger; analyse la collection des chroniques
russes publiées à Pétersbourg en 1816, et le premier volume de l'His-
toire de Russie par M. Bestouchev-Rioumine, publié en 1872).
68. — The Nation. 1884, 4 déc. — Broume. Maryland; the history
of a Palatinate (curieuse monographie, du moins pour l'histoire primi-
tive du Maryland ; cet État appartint d'abord, en effet, à un seigneur
féodal, ayant pleine juridiction; c'était un « palatinat; » il a conserve
pendant tout le xvme s. une justice manoriale avec la court-baron. De
là l'originalité de cette colonie, de création plus ancienne que la Pen-
sylvanie, créée vingt ans après que le régime féodal eut été supprimé
en Angleterre). — S/iaw. Icaria ; a chapter of the history of commti-
nism (très intéressant exposé de l'aventure d'Et. Cabet). = 1 1 déc.
Parkman. Montcalm and Wolfe (excellent; chef-d'œuvre d'histoire
militaire). = 1er janvier. Mac Garthy. A history of the four Georges.
Vol. I (l'auteur pense que l'histoire, doit être une résurrection ; il
cherche avant tout à faire une peinture intéressante des temps et des
personnages; son livre est, en effet, d'une lecture intéressante, mais
écrit avec une trop grande facilité.) = 8 janv. Morse. John Adams (bon).
= 15 janv. Maine. 20 years of Congress, from Lincoln to Garfield;
vol. I (cet ouvrage « n'a pas été écrit par un historien ni dans l'o-
de l'histoire, et c'est seulement par politesse qu'on peut, l'appeler une
œuvre littéraire »).
',12 CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.
CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.
France. — M. Abdolonyme limerai, décédé en déc. dernier à l'âge
de soixante-six ans, avait pris une part active au mouvement national
de Roumanie de 1846 à 1849. Rentré ensuite dans la vie privée, il
n'avait cessé de traiter dans des écrits divers plusieurs des points les
plus enineux de la question d'Orient : Mémoire justificatif de la Révolu-
tion roumaine (1849); Etudes historiques sur les populations chrétiennes
de la Turquie d'Europe (1867), etc. Il laisse inachevée une Histoire de
la Roumanie. Il avait aussi étudié la question vaudoise et publié sur ce
sujet dans la Revue des Deux-Mondes plusieurs études où il s'était four-
voyé, en attribuant aux livres vaudois et en particulier à la Nobla
Leyczon une antiquité qu'ils sont loin de posséder.
— Le 30 déc. dernier est mort, à l'âge de trente-cinq ans, M. Frédéric
Nolte, dont la Revue historique a mentionné les deux ouvrages : une
Histoire des États-Unis d'Amérique, et tout dernièrement : L'Europe mili-
taire et diplomatique au XIIe s. — Le même jour est décédé, à l'âge de
cinquante-cinq ans, M. Jules Poudra, auteur d'un Traité de droit parle-
mentaire qui fait autorité sur la matière.
— Le 1er janvier est mort, à l'âge de quatre-vingt-sept ans, M. J.
Lacabane, ancien directeur de l'École des chartes. Il était entré à
l'École lors de sa fondation en 1821 ; c'est M. Quicherat qui lui succéda
en 1871. Il a publié divers écrits estimés sur l'histoire du moyen âge;
ainsi que sur la poudre à canon, sur la géographie du Limousin et du
Quercy (dans la Bibl. de l'Éc. des chartes).
— M. Vatel, l'infatigable chercheur qui a tant trouvé et publié de
documents inédits sur Charlotte Corday, les Girondins, Mme du Barry,
est mort subitement à Versailles le 30 janvier, à l'âge de soixante-neuf
ans. C'est lui qui créa le musée de la Révolution organisé dans la salle
du Jeu de Paume, dont il était le conservateur. — Le même jour est
mort aussi M. Aimé Chérest, l'auteur de VArchiprêtre, et de deux inté-
ressants volumes sur la Chute de l'ancien régime.
— Les dernières nominations dans les bibliothèques secondaires de
Paris ont eu le don d'exciter bien des colères. En effet, rompant avec une
vieille tradition, on a choisi, non pas des littérateurs ou des journa-
listes, mais des bibliothécaires. On ne peut qu'approuver cette innova-
tion. C'est à l'absence de spécialistes dans les bibliothèques qu'on doit
attribuer en grande partie le désordre qui y a régné trop longtemps.
Avoir écrit de bons romans ou composé de beaux vers ne prouve pas
i .iiiîiiMi.n l II BIBLIOGRAPHIE. 173
qu'on se connaisse en livres. Il esl infiniment plus sage de confier le
soin de conserver les collections nationales à des spécialistes plus
modestes, qui ne croiront pus déroger en inventoriant et en faisanl i
naître au public les richesses qu'elles renferment. Aussi, ne peut-on
qu'approuver certaines nominations récentes, comme celle de M. Auguste
Molinier à la bibliothèque du palais de Fontainebleau, et celle de
M. Henri Lavoix, fils, à celle de Sainte-Geneviève.
— La 2e partie du Manuel d'archéologie deGùHLel Koni i . induit par
M. Trawinsky avec des notes de M. Etiemann, a paru à la librairie .1.
Rothschild. Elle est consacrée à la Vie des Romains (architecture
publique et privée, mobilier, armes, costumes, mœurs, usages, etc.).
— Le t. VII et dernier de ['Histoire des Romains, par M. Victor
Durut, vient de paraître dans l'édition in-8° (Hachette. L'ouvrage
donc complet sous ce format; il est d'ailleurs le même, pour le texte et
pour les notes, que celui de la grande édition illustrée
— La même librairie a publié en même temps un texte critique de
la Guerre de Jugurtha par Salluste (collection d'éditions savantes) ; ce
travail est l'œuvre de notre regretté collaborateur M. Roger Lallœr,
mort l'an dernier, jeune encore, et dans toute la force du talent.
— La librairie "Vieweg a mis en vente le tome II des Établissements
de Rouen, par M. Arthur Giry; il contient les pièces justificatives et
une table des matières très détaillée.
— La Nouvelle collection à l'usage des classes, publiée par la librairie
Klincksieck, vient de s'enrichir de la traduction de l'excellent petit
manuel de Kraner sur Y Armée romaine au temps de César. MM. Benoist,
Baldy et Larroumet ne se sont pas contentés du rôle de traducteurs. Ils
onl ajouté au texte de l'auteur allemand des notes et appendices qui en
augmentent considérablement la valeur. Nous recommandons ce livre
à tous les professeurs. Il sera des plus précieux pour l'explication des
auteurs latins.
— La librairie Leroux publie une traduction des Rœmische Alter-
thumer de L. Lange sous le titre : Histoire intérieure de Home jusqu'à
la bataille d'Actium,par M. A. Berthelot et M. Didier. L'ouvrage com-
plet formera 2 vol. Deux fasc. ont déjà paru.
— Les tomes XXII et XXIII des Archives historiques du département
de la Gironde contiennent, outre de nombreuses pièces détael s com-
prises entre les années 1137 à 1805, les comptes de l'archevêché de
Bordeaux du xme au xiv s. et l'inventaire des titres du trésor de l'ar-
chevêché, 1137-1604, où se trouve le journal des visites de B. de Goth
dans la province ecclésiastique de Bordeaux, en 1304 el 1305.
— Le 1er numéro qui vient de paraître d'une série de Documents pour
îr à Vhistoire de Bordeaux (chez Gounouilhoui contient La relation
des cérémonies faites en présence de Louis XIII aux épousailles de sa
sœur; reproduction de l'édition de 1615.
7,74 CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.
— Sous la présidence de M. Gaston de Carné vient de se fondera
Nantes (Forest et Grimaud) une Revue historique de l'Ouest avec la col-
laboration de MM. A. de La Borderie, A. Dupuy, R. Kerviler, Léon
Maître, dom Plaine, Robiou, etc. La Revue annonce déjà la publication
prochaine des études et documents suivants : Procès - verbaux des
séances delà Chambre de l'Union de Morlaix, du 27 septembre 1589 au
31 juillet 1590, publiés par M. A. de Barthélémy; une étude sur la
géographie féodale de la Bretagne, par M. A. de La Borderie ; les Pages
il os écuries du Roy dans les provinces de l'ouest, par M. G. de Carné;
le cartulaire de l'abbaye de Prières au diocèse de Vannes, publié par
l'abbé Chauflier; le cartulaire de l'abbaye de Sainte-Croix de Quimperlé,
par M. L. Maître (revue trimestrielle. 12 fr. par an).
— Le t. II des Archives de Bretagne, publié à Nantes (Forest et Gri-
maud) pour la Société des bibliophiles bretons, contient des documents
inédits sur le Complot breton de 1492. Nous en parlerons prochaine-
ment.
— M. A. Bruel vient de publier le t. III du Recueil des chartes de
l'abbaye de Clwiy pour la collection des Documents inédits.
— M. Paul Fournier a publié dans le Bulletin de V Académie delphi-
nale (29 nov. 1883), et à part, un excellent mémoire sur le Royaume
d'Arles et de Vienne sous les premiers empereurs de la maison de Souabe.
C'est un sujet assez mal connu d'ordinaire, et où l'auteur, érudit très
bien informé et très clairvoyant, a su porter la lumière. Nous sommes
heureux d'apprendre par les dernières lignes de la brochure que l'au-
teur se propose de suivre l'histoire du royaume d'Arles jusqu'à la déca-
dence définitive de l'autorité impériale.
— M. Henri Bordier a fait tirer à part l'intéressant article consacré
à la Famille et au chevalier d'Assas dans la France protestante (2e édit.,
t. V; Fischbacher). Il y soutient, avec son érudition et sa vivacité de
style ordinaires, que le dévouement du chevalier est un fait indéniable
et qu'il a eu pour résultat d'épargner à une partie de l'armée française
une dangereuse surprise.
— Les tomes XIV et XV des Discours parlementaires de M. Thiers
comprennent les années 1872 à 1877 et complètent cette belle publica-
tion (C. Lévy).
— M. le comte d'iDEviLLE a eu l'heureuse idée de donner en un seul
volume in-12 la biographie du Maréchal Bugeaud qu'il a fait paraître
une première fois en 3 gros volumes remplis de documents et de
copieux extraits de la correspondance du maréchal (Didot). Sous ce
nouveau format, cette intéressante biographie ne peut manquer de
trouver de nouveaux et de nombreux lecteurs. M. d'Ideville laisse le
plus souvent possible la parole à son héros, et il fait bien, car les
lettres de ce grand homme de guerre sont des plus attachantes. Peut-
être même eùt-il pu, dans ce livre de vulgarisation, s'effacer davantage
CHHOfffQlŒ KT BIBLIOGRAPHE. «"•>
encore derrière Bugeaud; té ton de L'apologie se Fait trop sentir, ^prè
tout cependant, ue serait-ce pus peine perdued'essayer de rendre Bugeaud
populaire? C'est un homme admirable d'intelligence el d'énergie; co
n'est pus un personnage sympathique.
— M. le lieutenant-colonel Dalia a donné dans les publications de
la Réunion des Officiers un intéressant résumé sur les Armées étran-
gères en campagne, leur formation, leur organisation, leurs effectifs el
leurs uniformes.
Livres nouveaux. — Documents. — Guillemot. Documents inédits pour
servir à l'histoire de la ville de Thiers. Clermont, Thibaud. (Mém. de l'Acad.
de Clermont.) — Bouquet. Documents concernant l'histoire de Neufchâtel-en-
lirav cl des environs (Soc. «le l'hiSt. de Normandie). Rouen. Métérie. — - Du
Bois de Janàgny. 1" Sentence arbitrale rendue par Jean 11 au sujet d'une con-
testation entre Jacques, connétable de Bourbon, Blanche de l'oiithieu el Cathe-
rine d'Artois; 2 Épisode «l'un procès intenté par Blanche de Ponthieu à
Jean IV d'i l.ircourt , son fils Mém. de la Soc. des Anliq. de Picardie). Amiens,
iinpr. Douillet. — Poujol de Fréchencourt. La prise d'Amiens par les Espa-
gnols en 1597; extraits dn registre ms. de la famille Cornet: ibid. — L. de
Testa. Recueil des traités de la Porte ottomane avec les puissances étrangères
depuis 1536. T. VI: France. Muzard. — Tieullier. Le coustumier de La vicomte
de Dieppe, p. p. E. Coppinger. Dieppe, impr. Leprétre.— Sënemaud. Inven-
taire sommaire des archives communales de la ville de Mézières, antérieures
a 1790. Mézières, impr. Lelaurier. — Guh/ue. Petit cartulaire de l'abbaye de
Saint-Sulpice-en-Bugey. Lyon. Mougin-Rusand.
Histoire locale. — Abbé Hënault, Origines chrétiennes de la Gaule cel
tique; recherches historiques sur la fondation de l'église de Chartres et «lis
églises de Sens, de Troves et d'Orléans. Paris, Bray et Retaux; Chartres,
Petrot-Garnier. — Baudouin. Histoire du protestantisme et de la ligue en
Bourgogne, t. II. Auxerre, impr. Chambon. — Benoist et Adrien. .Notice histo-
rique cl statistique sur Jaignes, canton de Lyzy-sur-Ourcq (Bullet. de la Soc.
d'Arch. de Seine-et-Marne). Meaux, impr. Destouclies. — Isambard. Histoire
de la Révolution à Pacy-sur-Eure, t. 1. Pacy, Grateau. — Pocquet. Les ori-
giiies de La Révolution en Bretagne, 2 vol. Paris, Perrin. — Bretknn. Notes
historiques sur Saint-Georges-sur-Cher. Tours, impr. Arrault. — Dechristé.
Préludes de la Révolution à Douai, 1789-90 (Mém. de la Soc. d'agriculture de
Douai, t. III). Douai, impr. Dechristé. — Bouvier. Les Vosges pendant la Révo-
lution. Berger-Levrault. — Devet. Saint-Étienne sous la Terreur (Doc, noies
el extraits pour servir à l'hist. du Forez pendant la Rév.). Saint-Étienne,
Chevalier. — Petit. Description des villes et campagnes du département de
l'Yonne; 2e vol., arrond. d'Avallon. Auxerre, Galiot. — Metzger et Vaesen.
Lyon en 1793. Le siège. Notes et documents. Lyon, Georg.
Riographies. — Abbé Feraud. Vie de Saint-Bevons de Noyers, gentill me
provençal, mort à Voghera, le 22 mai 98G. Aix, impr. Nicot. — J.-E. de Smyt-
1ère. Robert de Cassel el Jehanne de Bretagne, sa femme, uv1 s. Hazebrouk,
impr. David. — Billault de'Gérainville. Histoire de Louis-Philippe, t. III. roi-
mer. - Bonnejoy. Vie de saint Yves, tirée d'un ms. sur vélin du xiV s. S.iiul
Brieuc, Prudhomme. —Généalogie de la maison de Cornulier autrefois de
Cornillé, en Bretagne. Orléans, Herluison. — Prudhomme. simples notes sur
Pierre de Sébiville, premier prédicateur de la réforme à Grenoble, 1514-44.
176 CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.
Picard. —Arnaud. Recherches et documents sur la famille Arnaud, de Forcal-
çuier, depuis le milieu du xive s., jusqu'en 1883; t. I. Marseille, Camoin. —
Abbé Douais. Le P, Marciac, capucin; notice historique. Picard.
Allemagne. — Le 8 janv. est mort à Liegnitz, à l'âge de soixante-
huit ans, le Dr. Ewald Stechow, directeur de la Ritter-Akademie,
auteur de 'divers mémoires sur l'histoire ancienne. — Le 3 oct. dernier
est mort le Dr. H. Mùller, bibliothécaire de l'Université de Marbourg,
auteur de plusieurs monographies sur l'histoire du moyen âge. Il était
né en 1838.
— M. Hirschfeld, professeur ordinaire à l'Université de Vienne, a été
nommé au même titre à celle de Berlin. — M. Dietrich Schvefer, pro-
fesseur d'histoire à l'Université d'Iéna, a été nommé professeur ordi-
naire d'histoire à celle de Breslau. — M. Ed. Meyer, privat-docent
pour l'histoire ancienne à l'Université de Leipzig, a été nommé profes-
seur extraordinaire.
— M. Th. Heioel, professeur à la Tecknische Hochschule de Munich,
et le Dr. Grauert, privat-docent à l'Université, ont été nommés pro-
fesseurs ordinaires d'histoire. La nomination de M. Grauert est due à
l'influence de la majorité ultramontaine de la Chambre bavaroise; on
doit au nouvel élu des études sur le duché de Westphalie et sur la
donation dite de Constantin.
— Dans un puits, qui se trouve dans le castellum romain de Saalburg
près de Homburg dans le Taunus, on a trouvé récemment des débris
bien conservés de chaussures romaines : une sandale (crepida) pour le
pied gauche et une paire de souliers (carbatinae) dont l'un est encore
intact.
— La librairie Teubner, de Leipzig, annonce une Rœmische Chronolo-
gie par M. Holzapfel et Eusebii canonum epitome ex Dionysii Telma-
harensis chronico petita, publiée par C. Siegfried et H. Gelzer.
— Le tome XI des publications des archives de Prusse contient la
seconde partie des études intitulées : Preussen Kœnige in ihrer Thsetig-
keit fur die Landescullur. Ce volume, consacré au règne de Frédéric,
traite de l'économie rurale. L'auteur, très compétent, M. le Dr R.
Stradelmann, a fait des recherches approfondies. Son savant exposé
du sujet (p. 1 à 240) est suivi d'un recueil considérable de documents
(p. 243 à 656). C'est un livre qui sera précieux, même en dehors de
l'Allemagne, aux historiens économistes (Leipzig, Hirzel).
— M. Alfred Dove a publié, chez Perthes, à Gotha, le premier fas-
cicule du tome VI de sa Deutsche Geschichte. Le volume est intitulé :
Bas Zeitalter Friedrichs des Grossen und Josephs H. La première partie
commence à l'année 1740 et s'arrête à l'année 1745. L'auteur, tout en
s'attachant particulièrement à l'histoire intérieure, est forcé, dans cette
période, de donner une place prépondérante à la guerre et aux négocia-
tions. L'intérêt principal de son ouvrage n'en est pas moins toujours
dans l'histoire intérieure et dans les recherches des origines, quelque-
CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE. 177
fois bien problématiques, de l'Allemagne moderne, prussienne, unitaire
et nationale, dans l'Allemagne si particulariste et cosmopolite «lu
xvmc' siècle.
— M. E. Hermann a réuni, en les faisant, précéder d'une notice sur
la vie et les travaux de l'auteur, une série d'essais consacrés par
M. Edouard Gauer à Frédéric II et en particulier à ses vue- sur le gou-
vernement intérieur, il vol. Breslau, Trewendt.)
— M. Hermann Huffek, dont les savants et lumineux travaux sur
l'histoire de la période révolutionnaire sont estimés en France, comme
ils méritent de l'être, a publié dans le Historiettes Taschenbuch de
Brockhaus, à Leipzig (6e Folge, III), une très intéressante étude sur la
république napolitaine (ou parthénopéenne) en 1799.
— M. le baron Langwerth de Simmern a l'ait paraître, chez Brandes
à Hanovre, une série de considérations sur la Révolution française et
ses guerres en Europe, de 1790 à 1797 : Revolutionskrieg im Lichte u
rer Zcit. Ces considérations ne sont qu'un résumé de l'ouvrage plus
développé et plus étudié de l'auteur : OEslerreich und das Reich im
Kamp/'e mit der franzœsischen Révolution. (2 vol. Berlin, Bidder, 1880.)
M. de Simmern n'apporte point de faits nouveaux, mais ses études ne
sont pas sans intérêt pour la connaissance des opinions en Allemagne.
— La publication de la Politische Correspondes de Frédéric II se
poursuit avec la plus louable activité. En 1881 ont paru les tomes VI
et VII, du l«*janv. 17 i8 au 30 juin 1750; en 1882, les tomes VIII et IX,
2 juillet 1750 au 30 juin 1753; en 1883, les tomes X et XI, 1er juil-
let 1753 au 30 décembre 1755. Il suffit de signaler les dates pour indi-
quer l'intérêt croissant de cette publication pour l'histoire générale et
en particulier pour l'histoire de la politique française. M. le duc de Bro-
glie a montré déjà tout le parti qu'on en pouvait retirer.
Livres nouveaux. — Histoire générale. — Weinhold. Germanistische
Abbandlungen. Bd. IV. Breslau, Kœlnier. — Blasius. Kœnig Enzio; ciu
Beitrag zur Geschichte Kaiser Friedrichs II; ibid. — Karloua. Rœmisehe
Rechtsgesckichte. Bd. I. Leipzig, Veit. — Lœher. Beilrajge zur Geschichte und
Yulkerkunde. Bd. 1. Franci'ort-s.-l.-Meiu. Liter-Anstalt. — SijbcL el Siekel.
Kaiseruukuuileii in Abbildungen. 7e livr. Berlin, Weidinann. — L. Scluuidt. Zur
Geschicbte der Langobarden. Leipzig, Fock.
Histoire ancienne. — Fischer. De patriarcharum Constantinopolitanorum
catalogis, et de cbronologia octo primorum patriarcharum. Jéna, Deistung —
E. von Stern. Geschichte der spartaniseben und thebaniseben Hégémonie \<>iu
Ku-nigsfrieden bis zur Schlacbt bei Mantinea. Dorpat. Karow. — Ohlenschlager.
Die rœmischen Grenzlager zu Passau, Kùnzig, Wiscbelburg u. Straubing.
Munich, Franz.
Histoire locale. — Sax. Die Bischœfe und Reichsfùrleii von Bichstaedt,
745-1806. Bd. I. Landshut, Kriill. — Rabe et Burger. Die brandenburgisch-
preussische Armée in historischer Darstellung. Berlin, Meidinger. — F. von
Weech. Codex diplomaticus Salemitanus, 7; livr., 1281-90. Karlsrahe, Bratm.
— Meklenburgisckes Urkundenbuch. Bd. XIII, 1351-55. Schweiin, Sliller. —
',7N CHRONIQUE ET lilBLIOGRAPHIE.
Basse. Srlih-.wiu-lnil-lt'in -l.uu'ii!»uriiisc!ie Regesten und Urkunden. Bd. I:
Hambourg, Voss. — Roth. Die Einfuhrung der Reformation in Nurnherg, 1517-
28. Wurzbourg, Stuber. — W. von Bippen. Aufsœtze zur Gescliichte der Stadl
Bremen. Brème, Sehiïneniann. — Zeller. Handbuch der Verfassung u. Verwal-
tung im Grossb.erzogtb.um Hessen. Bd. I. Darmsladt, Bergstrœsser.
Autriche-Hongrie. — Notre correspondant, M. Ad. Bauer, privat-
docent à l'Université de Graz, vient d'être nommé professeur d'histoire
ancienne.
— L'Académie des sciences de Vienne fait continuer la précieuse
publication entreprise par le regretté M. de Vivenot, sous le titre de :
Quellcn zur Geschichlc der deutschen Kaiserpolitik OEsterreichs. M. le
Dr. de Zeissberg s'est chargé de ce travail, et le tome IV de l'ouvrage
a paru chez Braumùller. Il contient les documents relatifs à l'évacua-
tion de la Belgique et au partage de la Pologne, du 1" janvier au
30 septembre 1794. C'est une collection d'un intérêt capital, et l'on ne
saurait trop savoir gré à l'Académie de Vienne et au soigneux et savant
éditeur du service qu'ils rendent ainsi en ouvrant les archives autri-
chiennes aux investigations des historiens étrangers. Par l'importance
des affaires dont il y est traité, ce volume est peut-être le plus utile de
la collection.
— L'éditeur des Quellcn exprime le regret (p. xv) de n'avoir pas connu,
avant l'impression de son volume, la collection de lettres de Mercy
au comte Starhemberg qu'a publiée M. le comte Thùrheim : Briefe
des Grafen Mercy -Argenteau an den Grafen Louis Starhemberg. Inns-
bruck, Wagner, 1884. Ces lettres (il y en a cent dix-huit) sont, en
majeure partie, consacrées aux négociations de 1793 à 1794 relatives à
la Belgique. Elles forment le complément naturel et nécessaire des
Quellen. (Voir d'ailleurs, dans la Revue critique du 3 novembre 1884, la
notice de M. Chuquet.)
— Un autre ouvrage relatif à la politique autrichienne et qui mérite
toute l'attention des historiens, c'est celui de M. A. Béer : Die orienta-
lische Politik OEsterreichs seit 1774. Leipzig, Freytag, 1883. C'est une
série d'études dont la plus grande partie porte sur la politique moderne
de l'Autriche en Orient. Cette politique est exposée dans son dévelop-
pement depuis la Un du xvme siècle jusqu'au congrès de Berlin. Les
annexes contiennent de curieux Mémoires sur les affaires d'Orient et les
intérêts autrichiens. On peut rapprocher du travail de M. Béer le
tome VIII et dernier des mémoires de Metternich publié à Paris chez
MM. Pion et Cie. Il comprend des extraits du journal de la princesse,
de 1848 à 1858, et nombre de notes du prince sur les affaires du temps;
plusieurs sont très piquantes et fort intéressantes, en particulier, pour
l'histoire de la politique française.
Livres nouveaux. — Béer. Gescliichte des Welthandels im xix Jahrh. Bd. II.
Vienne, Braumùller. — Benks von Boinik. Gescliichte der k. k. Kriegsmarine.
Bd. I, 3 partie. L84&49. Vienne, Gerold. — Klopp. Der Fall desHauses Stuart
anddie Succession des Hauses Haanêver. Bd. XI. Vienne, Braumùller. - Baron
CHROMQCi; El BIBLIOGRAPHIE. 'il\)
de Neumann et A. de Plason. Recueil des traités et conventions conclus par
l'Autriche avec les puissances étrangères, depnis 1763 jusqu'à nos jours.
T. XXI. Vienne, Sle\ni nuilil.
Grande-Bretagne. — A la fin do l'année dernière (déc. 1884) est
paru le 1er volume du Dictiùnary of national biography qu'annonce
depuis longtemps M. Leslie Stephen. Il contient les mots de Abbadù
à Anne; chaque volume coûtera 12 s. 6 d.; il en paraîtra un tous les
trois mois; on a tout lieu de croire que l'ouvrage sera complet en
50 volumes. (Londres, Smith et Elder.)
— Mmc Everett Green vient de terminer un nouveau volume de son
Galendar of Commonwealth papers ; les documents analysés vont de
juin 1G57 à la mort de Cromwoll.
— La Ayr and Wigton ardixological association fait imprimer les
chartes de l'abbaye de Crosraguel en un volume sépare
— Les chartes municipales de Bath, de Richard Ier à Elisabeth, vonl
prochainement paraître chez Elliot Stock à Bath, par les soins de
M. J. Austin King et de M. B. Watts.
— MM. Sidney J. Low et F. -S. Ptjlling ont publié chez Cassell un
Dictionary of english history, relativement bref, mais utile; comme
notre « Lalanne, » ce dictionnaire admet un certain nombre d'articles
consacrés à l'histoire des institutions anglaises, et plusieurs de ses
articles sont signés de noms très autorisés; ainsi, l'art. Agriculture, par
M. Th. Rogers; l'art. Authorities (sources de l'histoire anglaise), par
M. J. Bass Mullinger, etc. Un index renvoie aux articles du diction-
naire pour les mots ou les noms qui n'ont pas leur place à part. C'est
un livre à avoir.
— Viennent de paraître chez Parker, à Oxford, les Chronicles ofthe
abbey of Elstow, par le Rév. Wigram, de Balliol collège, avec des notes
sur l'architecture de l'Église, par M. J.-C. Bucklej .
— La Société d'histoire d'Oxford (Oxford Eistorical Society), fondée
l'année dernière pour l'étude de l'histoire de l'Université et de la ville,
compte déjà plus de cinq cents adhérents. Elle va mettre en distribu-
tion pour 1884 : 1° le Journal de Thomas Hearne, publié par M. Doble,
t. I; 2° l'Histoire de la ville d'Oxford jusqu'à 1100, par M. James
Parker; 3° le Registre des diplômes conférés par l'Université, de
1 148-1463 et de 1505-1564, publié par M. Boase.
— On annonce que M. Maxyvell-Lyti: va publier une histoire de
l'Université d'Oxford.
— Le tome II de celle de Cambridge, par M. J. Bass Mi oliwqer, a
récemment paru. {The University of Cambridge from the Royal Intima-
tions of 1535 to the accession of Charles I. (Cambridge, University Press.)
— M. L. Poole a publié, chez Williams el Norgate, une étude sur
les idées politiques et ecclésiastiques au moyen âge [Illustrations of
480 CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.
the History of Médiéval thought). Dans un appendice (n° X), il donne des
extraits d'un commentaire de Giérembaud d'Arras que VHistoire litté-
raire de la France dit « non imprimé et peut-être perdu, » t. XII, p. 445 :
Expositio Magister Clarenbaldi super librum Boelhii de Trinitate contra
Abaelardum. Le manuscrit se trouve dans la bibliothèque du Collège
de Balliol à Oxford.
— M. Oscar Browning, senior fellow au King's Collège de Cambridge,
a réuni les notes laissées par le Duc de Leeds et relatives aux affaires
politiques auxquelles il a été mêlé. Le livre, intitulé : The political
memoranda of Fr. Duke of Leeds, publié par la Camden Society, contient,
avec une introduction de l'éditeur, des notes et fragments dont les plus
anciens s'étendent du mois de mars 1774 au mois de janvier 1781, et
les plus récents portent sur l'année 1796. Les affaires de France y
occupent une très grande place. On trouvera aussi de curieux détails sur
la politique intérieure de l'Angleterre au xvme s. dans le 9e Rapport de
la H. Commission of historical mss. La 3e partie contient l'analyse de la
correspondance de lord George Sackeville (d'après les mss. en posses-
sion de Mad. Stafford Sackeville, de Drayton House, Northamptonshire).
— M. Samuel R. Gardixer vient de publier dans la série d' « english
history reading books » (Longmans) un intéressant petit volume de
biographies historiques : Simon de Montfort, le prince Noir, Thomas
More, Francis Drake, 01. Cromwèl et Guillaume III. Ces noms ne sont
pas pris au hasard ; « les biographies, dit l'auteur, ont été choisies dans
ce qu'on peut appeler la période moyenne de l'histoire anglaise, celle
où fut établie la constitution anglaise. » Le style en est très simple, le
récit attachant. C'est une bonne lecture pour les commençants.
Belgique. — M. le comte Goblet d'Alviella, à qui nous devons un
livre d'un haut intérêt sur VÉvolution religieuse contemporaine chez les
Anglais, les Américains et les Hindous, a ouvert le 9 déc. 1884 le cours
d'histoire des religions nouvellement créé à l'Université de Bruxelles.
Dans sa leçon d'ouverture, il a traité : Des préjugés qui entravent l'étude
des religions (Bruxelles, Muquardt, 34 p. in-8°), préjugés religieux, anti-
religieux, et même préjugés scientifiques. Il a donné un excellent pro-
gramme de ce que doit être une étude comparée des religions, au point
de vue vraiment historique et scientifique..
— M. Frans de Potter vient de publier le troisième fascicule de son
histoire des places, des monuments et des institutions de la ville de
Gand, Gent van den vroegsten tijd tôt heden (Gand, Ad. Hoste).
— A l'occasion du 50e anniversaire de l'université libre de Bruxelles,
M. le professeur L. Vanderkindere a fait paraître une importante
Notice historique (216 p. gr. in -8° et 230 p. d'annexés. Bruxelles,
P. Weissenbruch).
— Le chanoine Remdry a publié en volume les curieux articles qu'il
avait insérés dans les Précis historiques sur un moine célèbre du
CHRONIQUE BT l'.lKl.lOi.UAl'HiK. ïXl
xvii" siècle : /.'• Père Marc d'Aviano. La délivrance de Vienne en 1683 Bl
Voyage dans les Pays-Bas en 1681 (Bruxelles, A. Vromant).
— M. Théodore Juste poursuit la seconde édition, entièrement
refondue, de son grand ouvrage : Les Pays-Bas sous Philippe IL Le
deuxième volume embrasse les années 1565-1567, c'est-à-dire h' compro-
mis des nobles, Les prêches publics des calvinistes, les excès des icono-
clastes et la réaction qui les suivit (Bruxelles, Lebègue, Office de
publicité).
— M. Jules Lameere, procureur général à la Cour d'appel de Gand,
vienl ilf publier son dernier discours de rentrée, De l'histoire du droit et
lude actuelle dans les Pays-Bas (Bruxelles, Alliance typogra-
phique). M. Lameere passe en revue les principaux travaux les plus
us consacrés en Hollande à l'étude historique du droit et retrace
les résultats les plus remarquables auxquels les spécialistes sonl arri-
notamment quant à la réception du droit romain dans les anciens
Pays-Bas.
Italie. — M. l'abbé Rinaldo Fulin est décédé le 24 nov. dernier à
l'âge de soixante ans. Nos lecteurs rencontraient sans cesse son nom
dans l'analyse de VArchivio veneto qu'il avait fondé en 1*71 avec Ad.
Bartoli ; la vaste publication des Diarii de Marino Sanuto est en grande
partie son œuvre. Le plus estimé de ses ouvrages est relatif aux Inqui-
siteurs d'Etat. Il a publié aussi un Compendio di storia mneta, les Diarii
e diaristi veneziani, des études sur l'aruta, Casanova et Daniel Manin.
C'était un grand travailleur et un érudit très exercé.
— Dans le t. XXIII des Atti de la R. Accademia Lucchese di sct\ i
lctlcrcedarttya.ru en 1884 (Lucques, Giusti), nous signalons un mémoire
de M. G. Sforza sur la patrie, la famille et les parents du pape Nico-
las V. et un essai de .M. Salvatore Bongi sur le commerce des Lucquois
aux xme et xive siècles.
— La Société des bibliophiles de Turin se propose de publier des écrits
inédits ou introuvables à 250 ex. de choix. Le lpr contient un poème
du xvie s. intitulé : « Successo de l'Armata de Solimano Ottomano nell'
impresa di Malta. »
— Nous devons à M. Carlo Cametta une 1res utile table des dix pre-
mières années de VArchivio storico lombardo, 1874-83 (Milan, Dumolard,
il. Elle se divise en trois parties : 1« les sommaires, par ordre chrono-
logique, des 40 fasc. qui composent cette première série de l'Archivio;
2° la table alphabétique des noms d'auteurs avec l'indication exacte de
tous les articles, mémoires, documents, qu'ils ont publies dans l'Archi-
vio; 3° une table des noms de lieu, de personnes el de matières, rangée
sous onze chapitres différents. Eu appendice est donné'le Catalogue du
Bulletin de la Consulta du Museo storico-artistico de Milan [1874-77)
et de la Bivista archeologica de Corne (1879-83).
— La/?. Deputazione di storia patria de Turin vient d'entreprendre
Rev. Histor. XXVIi. !■■ pasc. 31
582 CHRONIQUE ET l'.IRLIOGKAPHIE.
une troisième série de publications historiques avec les trois premiers
volumes d'une Biblioteca storica italiana qui font grand honneur à cette
Société si laborieuse (Turin, Bocca). Le t. I, par M. Manno, est
F « Œuvre du Cinquantenaire » de la Société, c'est-à-dire un recueil
de notices sur l'histoire de la Société , la biographie de ses membres
avec la liste de leurs publications, enfin la bibliographie des œuvres
qu'elle a patronnées : Historiée patriae monumenta; Miscellanea di storia
patria; Biblioteca storica italiana. Cette dernière partie sera consultée
avec fruit hors de l'Italie. — Le t. Il contient le Catalogue des manus-
crits de la Trivulziana, rédigé par M. Giulio Porro; ce catalogue ne
contient pas moins de 2,276 numéros. — Le t. III est une bibliographie
bistorique des États composant la monarchie de Savoie, t. I, rédigée
par M. Antonio Manno et M. Yincenzo Promis. Cette dernière est trop
compliquée, elle contient trop de subdivisions, de lettres, de chiffres et
de sous-chiffres. Mais il n'est personne au courant d'un travail de ce
genre qui ne sache combien est difficile le classement méthodique d'une
bibliothèque générale. Or, on ne trouve pas seulement ici l'histoire
générale et particulière, mais jusqu'aux sciences naturelles. Ajoutons
encore que ce premier volume ne renferme déjà pas moins de 80 pages
d'additions et de rectifications. Quoi qu'il en soit, c'est une œuvre fort
méritoire et qui est appelée, comme celle des volumes précédent-, a
rendre de perpétuels services.
— Le t. I du remarquable ouvrage de M. G. Tomassetti, Délia campa-
gne, romana nel mcclio evo, est paru; il fait l'histoire des voies Appia,
Ardeatina, Aurélia, Cassia, Claudia et Flaminia. On annonce égale-
ment le t. III du Regesto di Farfa, publié par MM. Bal/.ani et Giorgi;
le Regesto Sublacense, publié par les soins de MM. Allodi et Levi ; le
t. III des Diarii di Mgr A. Sala.
— La R. Deputazione di storia patria pour la Toscane a publie le
t. YIII des Documents d'histoire italienne contenant le Codicc diploma-
tico délia città d'Orvieto ; ce sont des documents et analyses de documents
du xie au xve s., la Garta del popolo, l'histoire communale d'Orvieto
avec des notes de M. L. Fumi.
— M. Ermanno Ferrero a publié, chez Lœscher (Turin) une Storia
del medio evo, qui forme le 4e vol. d'un cours d'histoire écrit pour les
écoles d'enseignement secondaire. C'est un précis estimable, où les faits
sont exposés avec une certaine abondance, mais où la place faite -aux
institutions est fort mesurée. On s'aperçoit aussi que l'auteur n'est pas
toujours au courant des travaux récents. Les mêmes erreurs qui traînent
dans la plupart de nos manuels ne sont pas absentes de celui-ci. Il va
de soi i|ue M. Ferrero a dû donner une attention particulière aux affaires
italiennes.
Livres nouveaux. — Bertocchi. Ragguagli storici di Montignoso di Luni-
gianadal 1707 al. 1784. Lucques, tip. del Serchio. — Brandileone. 11 diritto
romano uelle leggi normanne e sueve del reguo di Sicilia. Turin, Lœscher. —
CHBONIQUE BT BIBLIOGRAPHIE. 183
Filangieri. Document] per la storia, le artî e le industrie délie ProTincienapo-
letane, roi. n. flapies, Furchheim. — Donayer. il cardinale Mazarino. Saggio
storico. Gènes, tip. Pellas. — Peragallo. L'autenticita délie historié di
i Colombo, e le entiche de) sig. E. Barrisse, con ampli frammenti del teste
spagnuolo cli don Fernando. Gènes, tip. de! Instituto Sordo-Muti. — Sansi.
Storia di Spoleto dal sec. m al xvn; part. 11. Foligno, tip. Sgariglia [Accad.
Spoletina . — Cronaca dal 1227 al 1524 <li Aatore ricentino ignoto (per le nozze
Malvezzi-Chielin). Vicence, ii|». Pavoni. — Guglielmotti. Storia délia marina
pontificia; vol. IV 1780-1807. Rome, Voghera. —Mencacci. Memorie documen-
tate per la storia délia rivolnzione italiana, vol. il. Rome, tip. Armand. —
Pressutti. I regesti del Pontefice Onorio III. 1216-1227, roi. t. Rome, Befani.
— Bifli. Salle antiche carceri -li Milano. Milan, Rebeschlni. — Crespelkmi.
Lazeccadi Ifodena nei periodi comonaleed estense.— Drusco, Anarchia popo-
lare di Napoli, 17 13-99: Naples, Furchheim.— Gianandrea. Carte diplomatiche
e; 1 i Collez, 'li doc. stor. antichi délie città e terre marchigiane, t. V).
\ n. »ne, Mengarelli. — Bertagnoni. Notedi cronaca Vicentina, 1702-1816. Vicem -
. 1 1 i _ — Padula. Marie de Lusignan »-t la maison royale de Chypre, <le Jéru-
salem .'t d'Arménie. Gênes, élabl. des Artistes lyp.
États-Unis. — Le second volume imprimé des Archives de l'Etat
de Maryland, qui doit bientôl paraître, embrasse la période 1666 à
1676.
_ Le > vol de la ffistory of tht I s ites, aouvelle édition, par
M. Bancroft (Appleton), comprend toute la guerre de l'Indépendance.
— M. Salomon Reinach a publié dans le n" du LM janv. 1885 de The
Nation une longue lettre sur les fouilles opérées à Garthage sous sa
direction et sous celle de M. Babblon.
— En septembre dernier a été fondée à Saratoga une American histo-
■' association sous la présidence de M. Andrew 1). White. MM. Put-
nam e! fils, éditeurs à New-York, se sont chargés d'en publier les
travaux. Ils annoncent une première série de monographies historiques
précédées d'un rapport sur l'organisation de la Société. Le n" 2 con-
tiendra an discours du présidenl sur les études d'histoire générale el
d'histoire de la civilisation ; le u° 3, un mémoire de M. Geo. V\ . Knighl
sur les concessions de terres Fédérale* pour l'enseignement public dans
le territoire du Nord-Ouest.
— Un Americal Journal of Archsology doit paraître tous les trois
mois à Baltimore; il sera l'organe de V Archzological Instituts of America
ira consacré au domaine entierde l'archéologie ancienne, chrétienne,
du moyen âge et américaine. Le directeui est M. Frotingham, de John
Eopkins University.
— M. Francis Parkman a l'ait don à la bibliothèque de la Bistorical
Society de Massachusetts d'une partie de ses matériaux mss. pour l'his-
toire des Français dans I Amérique <\u Nord ; ce sonl ■■'< gros volumes
formés d'extraits copiés dans les archives de France et d'Angleterre
trois volumes sont composés de la .-impie correspondance de Mont-
cal m.
184 r.HUOMorE i:t «iFRUooiurniE.
— Le numéro de The Nàtiè'fi flû 22 jahv. dernier contient une lettre
intéressante de M. Parkman en réponse à M. Philip H. Smith, au
sujet de la transplantation des Franco-Acadiens par les Anglais eu
1755. Les Anglais avaient-ils au moins quelques raisons avouables?
Non, disait M. Smith, et la preuve, c'est qu'ils ont fait soigneusement dis-
paraître des Archives de la Nouvelle-Ecosse tous les documents relatifs à
cette triste affaire. M. Parkman répond qu'aucun document n'a disparu,
qu'ils n'ont pas cessé d'exister aux archives de la province, qu'enfin
ils ont été publiés par l'archiviste même du gouvernement, M. Thomas
B. Atkins, sous le titre : Sélections from the Archives of Nova Scotia.
Quant au fait même de la transplantation, M. Atkins pense que c'était
une mesure « aussi inévitable qu'elle fut cruelle. » M. Parkman se con-
tente de dire que les Franco-Acadiens étaient poussés par leurs prêtres
à la révolte, et que les Anglais avaient tout à craindre d'eux; mais
qu'on eût pu arrêter les principaux meneurs, sans commettre ce crime
de lèse-nation digne des pires époques de barbarie.
Espagne. — Prescott, dans son Histoire de la conquête du Pérou,
fait un grand usage d'un récit qu'il attribue à don J. Sarmiento. Gè
récit n'est pas autre chose que la seconde partie de la chronique de
Cieza de Léon. C'est ce qu'ont reconnu en même temps M. Manuel
Gonzalez de la Rosa et don J. de la Espada. Ce dernier a donné en
1880 une édition annotée de l'ouvrage sous le titre : Seconda parte de la
Crônica del Pcrù, que trata del senorio de los Incas, dans la Bibliotheca
Hispano-Ultramarina. En 1883, la Hakluyt Society en a donné une
traduction, accompagnée de notes et de commentaires, par M. R.
Markham. La lre partie de la chronique a été imprimée en 1554, et
une traduction donnée par la Hakluyt Society en 1864. La 3e partie est
encore inédite, de même que les livres I et II de la 4e (guerre entre
Pizarre et Almagro); le livre III (histoire de la guerre civile à Quito)
a été publié à Madrid, par M. J. de la Espafia en 1877; les livres IV
et V paraissent n'avoir jamais été rédigés {The Nation, 11 déc. 1884).
Livres nouveaux. — Duro. La Armada invencible. T. I. Madrid, Rivade-
neyra. — Villa. Historia de la campana de 1647 en Flandes. Madrid, Hernan-
dez. — V. de la Fuente. Historia de las universidades, colegios y dernas esta-
blecimientos de enserianza en Espaîïa. T. I. Madrid, Aguado. — P. F/ta.
Estudios iiistoricos. Madrid, Fortanet.
Suisse. — La Société d'histoire de Saint-Gall a célébré, le 20 décembre,
dernier, le 25e anniversaire de sa fondation par une fête tout à fait
réussie, à laquelle ont pris part, avec un égal- empressement, les autori-
tés saint-galloises, les Sociétés scientifiques et les corporations indus-
trielles de la ville.
A cette occasion, nous avons eu le plaisir d'apprendre que la Société
a conféré à notre collaborateur M. P. Vaucher, ainsi qu'à MM. L. Bau-
mann, directeur des archives à Donaueschingeh, et J. Strickleb, à
Berne, le. diplôme de membre honoraire.
CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE. 185
— M. le I)r K. DjEndliker vient d'achever le 1. 1 de son Histoir
Suisse (depuis les temps les plus anciens jusqu'à la lin du \iv siècle;
Zurich, Schulthess, un vol. in-8° de 688 p.). C'est un travail très bien
fait, quoique forcément inégal, où l'on peut trouver à redire, en
quelques endroits, pour le manque de fermeté de la critique el le tour
un peu trop « patriotique » de l'exposition, mais auquel personne ne
contestera le mérite d'avoir résumé de la façon la plus attrayante les
recherches de tout genre dont l'histoire du peuple suisse est aujourd'hui
l'objet.
— La librairie Iluber, de Frauenfeld, a mis en vente, il y a quelques
mois, le t. II du recueil de Chants populaires de la Suisse, édité par
M. le professeur L. Touler (Bibliotek selterer Schriftwerke der deuts-
chen Schweiz, Bd. V). On y trouve, comme dans le volume précédent,
un certain nombre de chants historiques, consacres pour la plupart aux
exploits militaires des confédérés, et dont les plus anciens remontent
jusqu'à la fin du xive siècle, tandis que les plus récents se rapportent à
la guerre du Sonderbund. Une notice préliminaire sur les chants his-
toriques suisses et leurs auteurs complète, à divers égards, l'introduc-
tion du t. I.
— La même librairie a commencé une 2e édition de l'Histoire de la
Thurgovie, par M. le Dr J.-A. Pltikofer (f 1882); excellente monogra-
phie, qui méritait d'autant plus d'être remise en lumière que l'auteur
n'a cessé, durant un demi-siècle, de l'enrichir et de la remanier. On
sait, du reste, que l'ancien comté de Thurgovie s'étendait bien au delà
des limites du canton actuel, en sorte qu'il est impossible d'en retracer
l'histoire sans faire en même temps celle de la Suisse orientale tout
entière. L'ouvrage, sous sa nouvelle forme, sera divisé en deux parties ou
volumes de 8 à 900 pages. Peut-être y aura-t-il lieu, pour les premières
livraisons du t. I, de rectifier çà et là quelques petits détails, en profi-
tant des textes contenus dans le Thurgauischcs Urkundenbuch que publie
M. le Dr .1. Meyer; mais cette remarque, sur laquelle il serait injuste
d'insister, ne diminue en rien pour nous la valeur du travail de
M. Pupikofer.
— M. J.-J. Keller vient de publier, d'après les pièces originales, une
étude très soignée sur le procès de Kilian Kesselring (1633-1635), un
des épisodes les plus fâcheux de l'histoire de la Suisse au temps de la
guerre de Trente ans [Der Kriegsgeriehllichc Prozess gegen Kilian Kessel-
ring; Frauenfeld, Huber, un vol. in-X' de vin et 204 p.).
— M. le Dr J. B.echtold vient de nous faire connaître à la fois une
singulière histoire et un écrivain do mérite en publiant à Berlin l'ou-
vrage déjà ancien (1822) où David Hess a raconté les aventures d'un
Zurichois entreprenant, mais exalté, présomptueux, magnifique el cré-
dule, — le millionnaire Gaspard Schweizer, — qui vint par spéculation
s'établir à Paris en 1786, donna par philanthropie dans les idées nou-
Rev. Histor. XXVII. 2« fasc. 31*
586 CimONIQDE ET BIBLIOGRAPHIE.
velles, entra en relations avec Mirabeau, Lafayette, Barnave, Dumou-
riez, Fabre d'Églantine, Anacharsis Clootz, etc., puis, la Révolution
poursuivant son cours, traversa tant Lien que mal les journées san-
glantes qui lui faisaient horreur, passa d'Europe en Amérique pour y
remplir une mission du Directoire, et finit, comme de raison, par perdre
les derniers restes d'une fortune qu'il avait depuis longtemps compromise
(Caspar Schweizer, ein Charakterbild aus dem Zeitalter der franzœsi-
schen Révolution. Berlin, W. Hertz, un vol. in-8° de evi et 286 p.). L'in-
troduction que M. B. a mise en tète de l'œuvre posthume de David
Hess renferme, en outre, de curieux détails sur la campagne de 1799
en Suisse et la bataille de Zurich.
— M. le professeur J. Dierauer vient de publier un grand et beau
travail sur le landammann Gh. Mùller-De Friedberg (1755-1836), le
magistrat éminent entre tous auquel le canton de Saint-Gall doit en
grande partie son organisation (Mùller-Friedberg. Lebensbild eines Schwei-
zerischen Staatsmannes ; Saint-Gall, Fehr, un vol. in-8° dexx et 484 p.).
L'auteur, qui a eu à sa disposition d'inépuisables matériaux , a su les
employer avec un rare discernement, et cette biographie si bien com-
posée, où tout converge sans effort sur le sujet qu'il s'agit de mettre en
saillie, assignera sans aucun doute à M. D. la place que ses amis parti-
culiers lui décernaient depuis longtemps parmi les historiens les plus
distingués de la Suisse.
L'ouvrage, comme nous l'indiquions tout à l'heure, est consacré sur-
tout à l'histoire du canton de Saint-Gall, depuis sa création en 1803
jusqu'à la Révolution pacifique qui mit fin en 1831 à la vie publique de
Mùller-Friedberg. Nous ne saurions songer à en faire ici l'analyse;
mais nous signalerons, entre autres, aux lecteurs de la Revue les deux
premières parties où l'on peut voir ce qu'il advint, à la fin du xvme s.,
de la vieille principauté ecclésiastique de Saint-Gall, et, dans la qua-
trième, les chapitres où il est parlé des affaires suisses de 1802, de la
Consulte helvétique et de l'Acte de médiation.
— La librairie G. Bridel, à Lausanne, vient de mettre en vente la
3e édition, revue et augmentée, du Tableau du canlon de Vaud, par
M. Louis VuLLIEMIN.
— MM. L. Dufour-Vernes et E. Ritter ont fait réimprimer, avec
une courte préface et quelques documents nouveaux , les pages de
Y Histoire universelle d'Agrippa d'Aubigné qui traitent de l'Escalade de
1602 (Genève, H. Georg, brochure in-8° de 30 p.).
— M. J.-B. Galiffe vient, avec l'aide' de quelques collaborateurs
(MM. F. Reverdin, L. Dufour-Vernes, E. Ritter, etc.), de publier le
tome V des Notices généalogiques sur les familles genevoises depuis les
temps les plus anciens jusqu'à nos jours.
Danemark. — M. Vedel, savant publicisto et diplomate danois, a
réuni la Correspondance ministérielle du comte de Bcrnstor/f, de 1751 à
CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE. 187
1770, 2 vol., à Copenhague. Ces pièces, choisies avec soin, et dont La
plupart sont en français, présentent un intérêt très réel, non seulement
pour l'histoire du Danemark, mais pour l'histoire de toute la politique
européenne à laquelle cet État se trouvait mêlé. M. Vedel a l'ait pré -
der les lettres d'une notice excellente, égalemenl en français, et il y a
joint un volume complémentaire, en danois : Den aeldn Gri
torffs ministerium.
Livres NOTjvsAUx. — Njala. Utgivet efter garnie bandskrifler afdeskon-
gelige aordiske Oldskrift-Selskab. Bd. 11. Copenhague, Gyldendal.
Pays-Bas. — La mort de M. J. Fri in. professeur de droit à l'univer-
sité d'Utrecht, a été une grande perte pour l'étude de l'histoire du droit
dans les Pays-Bas. On a de M. Fruin plusieurs études sur cette science,
qui a pris un grand essor dans les dernières années: M. Fruin étail
de ceux qui ont heaucoup contrihué à ce succès. C'esl surtout à son
initiative qu'on doit l'érection d'une Société pour la publication des
sources du droit néerlandais dans le moyen âge; sou dernier ouvrage
était : De oudste rechten der Stad Dordr
— M. G. Buskeh Hubt, de Paris, a achevé son livre : Hei Land van
Rembrand, étude intéressante sur La civilisation néerlandaise au
xvne siècle au point de vue de la civilisation européenne.
— M. J. ter Gouw a publié un nouveau volume de son œuvre monu-
mentale : « Geschiedenis van Amsterdam; » les quatre vidâmes qui onl
paru jusqu'ici traitent de l'histoire de la capitale depuis ses premières
origines jusqu'au temps de Philippe II (1300-1555).
— M. II. Ivoli.igs, de Bonn, a consacré une brochure à la première
période de la vie politique de Guillaume le Taciturne; cette brochure,
intitulée : Wilhelm von Oranien und die Anfxnge des Aufstandes der
Niederlande, s'occupe surtout du mariage du prince avec Anne de S
et donne des documents nouveaux tirés des archives de Marbourg.
— M. Van Langervad a écrit une dissertation de doctorat : Guido de
Bray, enrichie de plusieurs documents intéressants sur les commence-
ments du calvinisme et des troubles dans les Pays-Bas au w si
— M. Van Deyenter, le continuateur du bel ouvrage de M. deJonge :
De Ophomsi van he\ d-Indie, tiré de sources inédi
a publié le 12e volume, contenant l'histoire des Indes Néerlandaises de
1781 à 1799, période pendant laquelle les relations de la République
avec la France étaient très étroites, aussi dans les lnd
— La Société des arts et sciences de Batavia a publié le premier volume
d'un remarquable ouvrage intitulé : Realia. Registre des résolutions
raies issues de la cil J-1805), collection intéressi
de documents sur l'histoire des Indes Néerlandaises.
— Les études de M. Vbbgbns sur l'histoire des Pays-Bas, particuliè-
rement au xvir siècle, sont réunies sous Le titre •. Historische Schriften
488 CIJR0V1QUE ET lîIBLIOGRAPHlE.
(2B vol.); Jean de Witt et son temps ont été le sujet de plusieurs de ces
études.
— M . Campbell a donné un deuxième supplément à ses Annales de la
typographie Néerlandaise au XVe siècle, ouvrage classique sur cette
matière.
— Un registre des inventaires des archives de l'État dans les Pays-
1 tas a paru dernièrement ; ce registre peut être utile à tous les étrangers
qui s'occupent de l'histoire de la Hollande.
— M. Tellegen, professeur à l'université de Groningen, a réuni
quelques beaux articles sur les premières années du royaume des Pays-
Bas dans un livre : De Wcdergeboorte van Nederland ; la Constitution de
1814 est le sujet principal de ces études.
— Dans un périodique, intitulé : Archief voor Nederlandsche Kerkge-
schiedenis, M. Agquoy, professeur à l'université de Leiden, a écrit un
article sur les psaumes de Marnix; M. Kleyn, sur les Bibles en langue
hollandaise au British Muséum ; M. Meyboom, sur l'influence des idées
du mystique allemand Heinrich von Suso dans les Pays-Bas; M. Wy-
brakds a publié un sermon de Brugman, orateur du xve siècle, dont le
nom a passé en proverbe.
— Le périodique Oud-Holland continue à dépouiller les archives des
Pays-Bas pour y chercher des notices sur les peintures et les poètes de
la Hollande.
— Les périodiques catholiques, Archief van het bisdom Haarlem en
et Archief van het bisdom Utrecht, s'occupent de l'histoire de l'église
catholique dans les Pays-Bas, surtout sous la Bépublique.
Ebratum.
Tome XXVI, p. 447, ligne 30 : au lieu de Pirenne, cartulaire de Dinant, lisez
Stan. Bormans.
Tome XXVII, p. 108, à la note : au lieu d'Archéologie étrangère et romaine,
lisez étrusque et romaine.
I \i:i.l. DES MATli U - 489
TABLE DES MATIERES.
AliTICLES DE FOND.
11. de Gbammont. Études algériëïines. 3° parti' : la rédemption l
Ci. K\i,MK/. La mission du I*. Joseph à Ratàsbonne en 1630 . :-.-.! il
MÉLANGER ET DOCUMENTS.
\. CovillÉ. Observations sur deux sources du règne de
Loui> Vil -i"»1
II. HrvNM.n. Le baron de Lisolà. Sa jeunesse el sa première
ambassade en Angleterre (1613-1645) 300
F. I*i ai \. La dernière requête adressée par !«•.- protestants de
France à Louis XIV en-jainvier 1685 68
A. 1). Le dernier moi sur la charge de Sedan : te rapport du
iaéraj de GaUiflûsl t00
lit LLETIN BISTORIQUE.
Allemagne et Autriche (publications relatives à l'histoire
rbmamê, I s^-j-is-:; .. par II. Ëaûpt 12
France, par G. Monod el Gh. Bémont lOl
COMPTES-RENDUS CRITIQUÉS
De Barthélémy. Les correspondants «le la marquise île BaJ-
.iv 142
Krslev. Dronning Margrethe 160
Lebrun (Général). Bazeilles-iSedan 154
Lizeray et O'Dwyer. Leabar Gabala. Livre des invasions . . 144
Schroers. flinemar, Erzbischof von Reims 136
Steensi ri p. I >anelag 123
— Danke og oorske ri_r si paa de brittiske oeer i
Danevaeld ilder
. (Ph. n'). La démocratie inditioiïs morales . , l'";
(;o[il;i;>l'()M)\Nc.i;.
Lettres de M. Falletti-Fossati et de M. P. à propos du tumulte
des Ciompi. — Lettre de M. Sai toréai à propos du
général de Wimpffen 149,153
LISTE ALPHABÉTIQUE DÉS RECUEILS PÉRIODIQ1
ET DES BO AYANTES.
11! W
1. Académie des inscriptions el belles-] . . . 174
2. Académie des sciences morales el politiques . 174
: Annuaire de la faculté des lettres de Bordeaux
/4*)0 TABLE DES MATIERES.
Pages
'i. Bibliothèque de l'École des chartes Hiii,'i46
5. Bulletin critique 168,448
6. Bulletin des bibliothèques et des archives 169
T. Bulletin d'archéologie chrétienne 169
S. Bulletin d'histoire ecclésiastique 17;'
9. Comité des Travaux historiques et scientifiques . . . 448
10. La Controverse religieuse et le Contemporain . . . 171,451
11. Le Correspondant 171,450
12. Le Curieux 448
13. La Gazette des Beaux- Arts 449
14. Le Journal des Savants 168
15. La Nouvelle Revue 171
16. Nouvelle Revue historique de droit 170,451
17. La Révolution française 166,450
18. Revue africaine 17 2, 452
19. Revue archéologique 169
"20. Revue bourbonnaise 172
21. Revue celtique 451
•22. Revue critique d'histoire et de littérature 167,447
23. Revue de Gascogne 173,451
24. Revue de PAgenais 172,451
25. Revue de l'Art français 172
•20. Revue de l'Histoire des Religions . 170
27. Revue des Deux-Mondes 170,450
28. Revue des Études juives 170
29. Revue des Questions historiques 165,446
30. Revue historique et archéologique du Maine . . . . 173,452
31. Revue politique et littéraire 171
32. Société archéologique de Tarn-et-Garonne 176
33. Société d'émulation de l'Ain 176
34. Société de l'Histoire de Normandie 175
35. Société de l'Histoire de Paris 175
36. Société de l'Histoire du protestantisme français . . . 1 7 i , 453
37. Société des Antiquaires de l'Ouest 175
38. Société historique et archéologique du Gâtinais . . . 176
39. Société nationale des Antiquaires de France .... 174,453
40. Le Spectateur militaire '. 172,451
BELGIQUE.
1. Messager des sciences historiques de Belgique ... 176
2. Revue de Belgique 454
ALSACE-LORRAINE.
1. Revue d'Alsace 177
ALLEMAGNE.
1. Alemannia 179,459
2. Altmaerkischer Verein f. vaterl. Geschichte .... 186
3. Annalen des histor. Vereins f. Niederrhein, .... 189
i. Archiv fur Anthropologie 163
5. Auf der Bœhe . . . 180,458
i LBLE DES MATIÈRES. 491
6. Ans allen Zeiten und Landen 157
T. Baltische Studien ',,i:;
s. Bayerische Akademie der Wissenschaften 190, 165
9. Beiheft zum Militœrwochenblatl 182,462
lu. Beitraege zur Anthropologie und Urgeschichte Baieras. 190
1 1. Deutsche Revue 458
12. Deutsche Rundschau 179
13. Deutsches Archiv f. Geschichte d. Medicin .... 163
1 1. Ephemeris epigraphica 462
15. Forschungen zur deutschen Geschichte 178,455
16. Germania 466
17. Gœrres-Gesellschafl ':,s
L8. Gœttingische gelehrte Anzeigen 179,455
19. lhuisische Geschichtsblaetter 's^
20. Hermès 460
21. Historisch-politiscke Blaetter f. d. kathol. Deutschland 183
22. Historische Zeitschrift 177,454
23. Historischer Verem fur Niederbaiera 191
24. Jahrbùcher fur classische Philologie 182
25. Jahrbùcher f. die deutsche Armée und Marine . . . 162
26. Mittheilungen d. Vereins f. Geschichte in Hohenzollern 191
27. Mittheilungen d. Vereins f. Gesch. der Stadt Nùruberg 465
28. Neue Jahrbùcher f. Philologie u. Paedagogik. . . . 182,461
29. Neue Militaerische Blaettèr . . 182,462
30. N'eues Archiv fur Saechsische Geschichte 187
31. Nord und Sud 180,459
32. l'etermann's Mittheilungen 180
33. Philologus 181
34. Preussische Akademie der Wissenschaften .... 185,464
35. Preussische Jahrbùcher 186,464
36. Rheinisches Muséum fur Philologie 181,461
Saechsische Akademie der Wissenschaften 464
38. Schlesische Gesellschaft l'. vaterlaendische Geschichte. 186
39. Stimmen aus Maria Laach 180,459
40. TheologiscU.' Studien und Kritikeu 184
41. Theologische Quartalschrift 184,460
42. Unsere Zeit 180
43. Westdeutsche Zeitschrift f. Geschichte u. Kunst . . 189
44. Wûrttembergische Viertelsjalu sch. .
45. Zeitschrift der deutschen morgenlaend. Gesellschaft. I i
tirift der Savigny Stiftung f. Rechtsgeschichte .
47. Zeitschrift des Aachener Geschichtsvereins ....
48. Zeitschrift des d. Palaestina-Vereins
49. Zeitschrift des histor. Vereins f. Marions werder . . . 186
50. Zeitschrift fur aegyptische Alterthumskunde .... 460
51. Zeitschrift fur allgemeine Geschichte 155
52. Zeitschrift fur deutsches Alterthum 162
53. Zeitschrift fur d. Geschichte des Oberrheins .... 165
492 TABLE DES MATIÈRES.
Pages
54. Zeitschrift fur Geschichte il. Westfalens 188
55. Zeitschrift fur Kircheugeschichte . . .' 183
AUTRICHE-HONGRIE.
I. Akademie der "Wïssenschaften 469
!. Archseologisch-epigraphische Mitteil. aus Œsterreich . 192
3. Archiv. fur resterreichische Geschichte 467
i. .Mittheilungen der anthropol. Gesellschaft 468
5. Mittheilungen des Instituts f. œster. Geschichtsforsch. 191,466
6. Mittheilungen d. Ver. f. d. Gesch. d. D. in Bœhmen . 193
7. Steiermaerkische Geschichtsbhetter 470
8. Streffleur's œsterreichische, militaer. Zeitschrift . . . 469
9. Zeitschrift des Ferdinandeums fur Tirol u. Vorarlberg. 195,470
10. Zeitschrift f. d. œsterreïchischen Gymnasien .... 195
ILES BRITANNIQUES.
1. The Academy 196,470
2. The Athenaeum 197,470
3. The Gontemporary Review 471
i . The Nineteenth century 197
5. The Westminster Review 171
ÉTATS-UNIS.
1. The Nation " 197,471
ITALIE.
1. Archeografo triestino 201
2. Archivio storico italiano . 198
3. Archivio storico lombardo 198
4. Archivio storico per le prov. napoletane 201
■ >. Archivio storico per Trieste, lTstria e se Trentino . . 201
6. Archivio storico siciliano 200
T. Archivio veneto 199
8. R. Deputazione di storia patria (Romagne) 202
9. La Rassegna nazionale 202
SUISSE.
1. Indicateur d'histoire suisse 203
2. Jahrbuch fur schweizerische Geschichte 203
3. Quellen zur Schweizergeschichte 203
DANEMARK.
1 . Aarbœger for nordisk oldkyndighed 204
2. Blandinger udgiwne af Universitœts-Jubihieets d. Sam-
frund 204
. Bistorisk Tidskrift ' 204
4. Oversigt over d. d. Videnskabernes Selskabs forhand-
linger 204
Chronique et Bibliographie ... : 205, 472
Liste des Livres déposés au bureau de la Revue .... "239
Erratum 240,488
L'un des propriétaires-gérants, G. Monod.
-l'iit-Ie-Rotrou , imprimerie Daupeley-Gouverneur.
'^mmw^-
>k
>^
\
k
D
ir-^ •
Revue historique
R6
t. 27
.V-
^fe
^':'<
PLEASE DO NOT REMOVE
CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET
UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY
^■4
te
r.V
■ r
► .
j
y
*-'
V - ~
tv
S ■ ■£?-
-Y
4-r
y s.
KcLVw